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BIB . DOM.
LAVAL. S. J.
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BIBLIOTHÈQUE
" Les beww sites "
S J
60 - CHANTILLY
MERCURE
GALANT.
JUILLET , 1712,
NIN
A PARIS ,
M. DCCXIT
Avet Privilege du Roys
MERCURE
GALANT.
Par le Sieur Du F **
Mois
de fuillet ,
1712.
Le prix eft 30.fols relié en veau , &
25. fols , brochez
A PARIS ,
Chez DANIEL JOLLET , au Livre
Royal, au bout du Pont S. Michel
du côté du Palais .
PIERRE RIBOU , à l'Image S. Louis,
fur le Quay des Auguftins .
.
GILLES LAMESLE, à l'entrée de la ruë
du Foin , du côté de la ruë
Saint Jacques.
AvecApprobation, & Privilege duRei.
MERCURE
GALAN T.
JUILLET 17.12 .
ttttttttttttt
RESPONSE
à la premiere Queſtion
du Mercure dernier.
S'il eft plus dangereux £5.
plus blamable de parler
trop à table, que d'y
parler trop peu.
Juillet 1712 .
A ij
MERCURE
Contre le filentieux,
LA converfation fait
tout l'agrément & l'uti
lité de la table. Souper
du ventre non, de l'ame
& de l'efprit , felon l'expreffion
de Plutarque ,
c'eſt ſouper en beſte. La
table femble n'avoir efté
inftituée que pour la converfation
; s'affemble-t'on
pour ſe voir repaiſtre les
uns les autres ? le groffier
fpectacle ! Ciceron en
1
GALANT.
fon traité de la Vieilleffe ,
parle de ſes converfations
& de fes foupers avec les
gens de fon âge , & avec
les jeunes gens , comme
de la chofe du monde
qui luy faifoit le plus de
plaifir , & qui luy eftoit
le plus utile. Le filentieux
femble fe fouftraire
à l'utile & à l'agreable
que la focieté procure ,
femble mefprifer les au
tres , parce qu'il croit fe
fuffire à luy mefme. S'il
it
A iij
MERCURE
les écoute il femble leur
declarer par fon filence
qu'il les croit faits pour
le réjouir comme muſiciens
à gages , qu'on fait
chanter aux repas d.s
grands .
Peut - on trop recommander
l'uſage des converfations
de table , c'eſt
ce qui met en mouve
ment & en évidence tout
ce qu'il y a de joye , de
fincérité & d'amitié dans
l'ame , qui en fait forti
GALANT ,
tous les fentimens que la
politique , la bienfeance ,
& l'hypocrifie , fouvent
neceffaire , contraignent
& refferrent le reste du
temps ; c'eſt la converfation
de table , qui amoliffant
& attendriffant les
coeurs , les rend fufceptibles
d'une amitié reciproque
, & fait par là le plus
doux lien de la focieté.
La table eftant donc le
lieu affigné à la franchife
, le taciturne qui n'y
A iiij
营MERCURE
dit mot , & n'y découvre
fon coeur en aucune façon
, y eft regardé com
me un efpion ou comme
un fot & un ſtupide. Socrate
dans Xenophon interroge
un femblable taciturne
, & luy demande
ce que c'eft que fe mat
gouverner dans un repas;
c'eft faire quelque chofe
de defagreable à la com
pagnie , refpond le taciturne
forcé dans fon retranchement.
Voilà juſ
GALANT .
tement , dit Socrate , ce
que vous faites en nous
choquant tous par voſtre
filence.
Contre le babillard.
: Le babillard n'ennuie
& ne peſe pas moins à la
compagnie que le filentieux
. S'il n'a point d'ef
prit c'eft une fonnette de
plomb infupportable aux
oreilles. Il met de l'eau .
chaude dans du vin de
Champagne , & empoi
10 MERCURE
fonne
tout un
repas.
Comme
un
crocheteur
n'eft qu'un dos , un parleur
fans efprit , n'eft qu
une memoire , fi le babillard
a de l'efprit , il ennuie
à force d'affluence :
Il change toute une table
en auditoire de fermon.
Quel deluge de paroles
fort de fa bouche , ce ne
font que pluyes à ſeaux ,
qui n'arrofent point , de
forte qu'on diroit qu'il
en eft hydropique. Ne
GALANT.
croyez pas , parce qu'il
dogmatiſe & parle tousjours
, qu'il en fçache
plus qu'un autre. Le vafe
le plus vuide eft celuy
qui rend le plus de fon ;
& on peut luy attribuer
ce que Demofthene difoit
à un de fes femblables
: fi tu fçavois beaucoup
tu parlerois moins.
Attaquez le par un raifonnement
en forme , il
ne fçait plus où il en eft
les periodes font en de-
.A
MERCURE
route , & les fuperficies
dont il eft composé dif
paroiffent. Ne croyez pas
qu'il ait plus de morale
& de vertu qu'un autre ,
parce qu'il en debite par
tirades fans reprendre ha
leine . C'eſt pluſtoſt maladie
que fanté , & pour
ainfi dire , un flux de morale
qui fait craindre pour
les parties nobles , &
pour les principes . Il a
une forte d'éloquence il
eft vray , & fçait mettre
GALANT.
les
en phraſes allongées , &
en periodes graves ,
chofes les plus commu
nes qu'il vient d'entendre
dire par un autre en
quatre paroles ; mais
qu'est- ce qu'une éloquence
qui ennuie fon auditeur
fans l'inftruire , &
qui fait mefme penſer
mal de fon Orateur ; car
l'homme qui a un bon
fond d'ame , & qui eft
vrai , parle naturellement
& fans fard. Ses fenti84
MERCURE
mens échapent bruſque
ment à fon coeur & à fon
efprit. La verité ſe prefente
fans déguiſement ;
& la reprefente telle , &
telle elle luy fuffit. C'eſt
le faux qui a befoin de
paroles & d'ornement.
On foupçonne tousjours
ces beaux & grands parleurs
de ne point ſentir
ce qu'ils difent , & tout
au moins de ne le point
mettre en uſage.
GALANT 15
NOUVEL AVIS ,
Suites acoustiches.
Monfieur Duguet a
trouvé depuis peu de dernier
degré de perfection ,
pour des lunettes d'Opera ,
& des acouſtiches d'Opera
jointes enſemble .
Il a trouvé que l'acouſti
che & la lunette pouvoient
ne faire qu'un feul
corps , & qu'en portant
l'oeil à l'objectif de la lunerte
la jonction de l'acouſtiche
s'ajuftera de lui- mê*
MERCURE
me à l'oreille , en forte que
par la réunion de ces deux
machines qui n'en compoferont
qu'une , on doublera
de force les objets à l'oeil ,
& les fons à l'oreille .
Aux femmes nous don
nons avis ,
De
craindre a
l'Opera ces
oreilles
poftiches ,
Et de parler plus bas de
peur que leurs maris
N'ayentrecours aux acou
ftickes.
Ilferoit à fouhaiter qu'on
trouvaft
GALANT. **
trouvaft quelque machine ,
qui en augmentant les fons
des voix de l'Opera , puft
en même temps diminuer
celles de Meffieurs du parterre
, dont les uns racontent
trop haut les parties
de plaifir qu'ils ont faites ,
& les autres faiſant en faux
bourdon l'office de la ritournelle
annoncent à
leurs voisins tout ce que
vont chanter les Acteurs
& continuant à chanter
avec eux , & fouvent plus
haut qu'eux , empêchent
d'entendre ce quals vous
Juillet. 1712 .
B
18 MERCURE
ont annoncé comme excellent.
ADDRESSE
de remerciment des Aldermans
, & du commun Con
feil de la Ville de Londres
à la Reine de la Grande
Bretagne.
MADAME,
C'eft avec la reconnoift
fance & l'obeïffance la plus
fincere , que nous ofons ap
procher Voſtre Majefté ,
pour la remercier tres
&
1
GALANT. 19
humblement & de tout noftre
coeur de la grande
confiance que vous avez
eu la bonté de prendre en
vos fujets , en leur communiquant
les conditions fur
lefquelles on peut faire la
paix .
Le fentiment plein de
reconnoiffance qu'ils ont
pour les tendres foins de
Voftre Majefté , en ſe propofant
principalement &
pourſuivant fans relaſche
le veritable intereſt de Vos
Royaumes , imprimera encore
plus fortement dans
Bij
20 MERCURE
leurs coeurs , le zele qu'ils
ont tousjours fait paroiftre
pour la Perfonne & pour le
Gouvernement de Voftre
Majeſté , & les portera à
rechercher toutes les occa
fions de luy donner des
marques de leur fidelité &
de leur obeiffance.
Comme il n'y a rien que
Voftre Majefté prenne plus
à coeur , que d'affeurer la
Religion Proteftante , ainfi
qu'elle eſt eſtablie par les
Loix ,dans la Maifon d'Hanover
, auffi rien ne peut
eftre plus agreable à vos
GALANT .
fujets , que de voir qu'on
prend un foin tout particu
hier de la faire reconnoiſtre
dans les termes les plus
forts.
Pour nous , les habitants
de Londres , nous ferions
entierement fans égards
pour noftre intereft , & ne.
gligerions de faire noftre
devoir , fi nous ne marquions
d'une maniere para
ticuliere noftre reconnoif
fance , pour l'avantage ine
ftimable que nous & noftre
Pofterité pouvons efperer
de tirer du ſoin diftingué
22 MERCURE
que
Voftre
Majesté
a pris
du commerce
de la Grande
Bretagne
, en affeurant
noftre
négoce
dans
les lieux
où il a cfté
troublé
, en le
reftabliffant
où
il a efté
perdu
, & en l'eſtendant
jufques à des climats où il
n'eftoit pas encore par
venu .
Puiffe Voſtre Majelté a
chever promptement ce
bon ouvrage , que Voftre
grande fageffe a fi fort
avancé,nonobftant les machinations
artificieufes &
les efforts envieux d'un
GALANT . 23
Parti factieux & malicieux ,
& puiffiez vous vivre longtemps
, pour recueillir les
fruits heureux d'une Paix
feure & honorable.
Refponfe de Sa Majesté.
Cette Addreffe m'eft
tres agreable , & je vous en
remercie.
Mon but a efté d'affeuver
noftre Religion , la Succeffion
Proteftante & vos
libertez , de pourvoir à la
feureté de mes Alliez , de
foulager mes propres ſujets
du pelant fardeau qu'ils
2$4 MERCURE
noftre
fupportent , & d'augmen
ter & eftendre
Commerce , & j'efpere que
Dous obtiendrons tous ces
avantages
, avec la benediction
de Dieu fur les prefentes
Negociations de
Paix.
GALANT. 25
O D E.
A M. le Duc d'Aumont.
Exaucez ma reconnoiffance
,
Muſes , pour l'illuftre d'Au-
Vimont
Dans mon fein verfez l'abondance
Des richefles du facréMont.
Mon zele ne peut plus attendre
;
Venez, c'eft trop long- tems
fufpendre
Juillet 17.12 .
C
·26 MERCURE
Les hommages que je lui
dois :
Mon ami , qu'accufoit le
crime ,
Sentit fon fecours magnanime
,
Et j'ai pris le bienfait fur
moy.
Souveraines de l'harmonie ,
J'implore moins vôtre fayeur
Pour faire briller mon getronie
, pi
Que pour faire parler mon
coeur .
Quand ma gloire vous follicite
GALANT .
27
Taifez vous ; quand mon
coeur s'acquitte ,
Prodiguez - moy les plus
beaux traits .
Meurent tous les fruits de
ma lyre ,
N'en fauvez que ce que
m'inſpire
Le reffentiment des bienfaits.
Il eſt un ſejour où preſide
L'infatiable vanité ,
D'où la policeffe perfide
A banni la fincerité ;
Où , par la crainte mercenaire
,
Cij
28 MERCURE
La justice eft comme.étrangere
Immolée aux moindres égards
;
Où le grand art de ſe ſeduire
,
L'art de fe flater pour ſe
nuire ,
Tient lieu lui feul de tous
les arts.
Eloge plus vrai que croyable!
C'eft dans ce fejour dangereux
Que d'Aumont eft fimple ,
équitable ,
GALANT. 29
Sincere , tendre & genereux
; ว
C'est là qu'au devoir attentive
,
Sa bouche prudemment
naïve
Ne fçait ni nuire , ni flater :
Du moins à fa candeur dif
crete
Applaudit l'eſtime ſecrete
De qui n'ofe pas l'imiter.
Ambitieux , d'ame heroïque
Dépouillez le nom faftueux
;
De mon autorité ftoïque
Je le decerne au vertueux ;
C iij
30
MERCURE
A l'homme qui libre & fans
crainte ,
Au fejour même de la feinte
Ofe fe montrer ce qu'il eft ;
Qui n'a , modele prefque
unique ,
Que le devoir pour politique
,
Et que l'honneur pour interêt.
Je rappelle ce jour funeſte ,
Où d'étonnement abbatu ,
Nouveau Pilade, pour Ore
fte ,
D'Aumont , j'implorai ta
vertu !
GALANT .
31
Contre Finnocence attaqué
,
La haine en juſtice maf
quée
Avoit répandu fon poifon
;
Et je tremblois que fur
même
toy-
Son hipocrite ftratagême
N'eût pris les droits de la
raiſon.
Mais quelle ardeur , quelle
éloquence
Me prêtoit alors l'amitié !
Soudain je gagne à l'innocence
C iiij
32
MERCURE
Ton zele enſemble & ta pi .
tié . 1
Je te vois conjurer l'orage ;
Tu parles , déja ton fuffrage
Nous rend une foule d'amis
;
Déja ton infaillible zele
A la prevention rebele
Predit l'oracle de Themis. 1
Elle a
prononcé , le men-
" oup #fonge,," airp
Artifan de fon
propre affront,
Dans le Tartare fe replonge
,
GALANT.
33
La rage au fein , la honte
Mais
au front.
ne
peut
que
ouvrage
*
du noir
Dont il avoit armé fa rage
S'aneantir le fouvenir !
Ainfi que le nom d'Erof
: trate
Ce libelle profcrit fe flate
De percer encor l'avenir.
Vers impofteurs , qu'à la
vengeance
Dicta l'imprudence fa foeur,
* Vers diffamatoires faußement
imputez à M. Saurin.
34
MERCURE
Que forgerent
d'intelli
gence
L'effronterie & la noirceur
;
Qui pour fel & pour harmonie
Ne prêtez à la calomnie
Qu'un choix brutal de mots
pervers :
F'apprens que la preſſe Batave
,
Au mépris des moeurs qu'
elle brave ,
Va vous montrer à l'univers
.
L'Auteu : qui de l'eau duCocyte
GALANT.
35.
Vous écrivit dans fa fureur ,
Rit fans doute , & fe felicite
D'en voir multiplier l'horreur.
Il croit qu'ainfi dans tous
les âges
Vont fe répandre les outrages
Dont il a voulu nous flé
trir ;
Que de ſes menfonges ciniques
Vont naître ces foupçons
iniques
Que la malice'aime à nourrir.
36
MERCURE
Oui , ce perfide eſpoir le
Aate ,
Mais il le flate vainement ;
En vous trop d'impudence
éclate ,
Vôtre propre excés vous
dément.
Dés qu'à l'innocence la rime
Veut que vous imputiez un
crime ,
Le crime eft d'abord imputé
,
Et vôtre imprudente impofture
Ne donne
pas
même à l'in-
Jure
•
GALANT.
Un faux air de la verité.
37
D'autres
fiecles
pourront
nous croire...
Non , non , pour les en garantir
Mes vers plus fûrs de la memoire
,
Iront par- tout vous démentir.
Mais qui vous lira ? quel
courage
Pourra d'une fi noire ima-
.ge .
Suivre le tiffu rebutant ?
Ce n'eft
que gibet , rouë &
flâme
,
38 MERCURE
Objets qu'à vôtre pere infâme
Peint fon remords impenitent.
Vôtre pere... non , je m'abüſe
,
Et vous n'êtes qu'un avorton
Né de la lyre d'une Muſe ,
Surpriſe un jour par Ale-
Єton .
La Mufe s'étoit endormie
;
Alecton des enfers vomie
Profite du moment fatal:
Elle ofe manier la lire ;
GALANT.
39
C'est vous , fons menteurs ,
qu'elle en tire ,
Digne eflay du monftre infernal.
Soudain le ferpent , la couleuvre
,
De fa tête affreux ornemens
,
Applaudiffent à ce chef-
21 22 d'oeuvre d
Par leurs horribles fifflemens
:
Mais l'Echo n'oſa rien re-
Soolony dire ;ryl whil
Le Faune fuit , & le Satyre
40 MERCURE
Saifi d'horreur l'interrompit.
A ce bruit la Muſe éveil
lée
Ne reprit fa lyre foüillée
Que pour le brifer de dépit.
Tu le vois , d'Aumont , je
m'égare ,
Et c'eft de l'aveu des neuf
Soeurs
Que j'imite Horace & Pindare
,
Mes Lyriques predeceffeurs.
Si fur la foy de leur uſage
L'écart
GALANT .
41
L'écart même fermoit l'ouvrage
,
Il n'en feroit que plus goûté
: Lia
Mais pardonne, Muſe Thebaine
,
Mon zele à d'Aumont me
ramene ;
J'aime mieux perdre une
beauté.
Que Mnemofine immortalife
Et tes bienfaits & mon encens
;
Qu'à jamais l'univers me
life ,
Fuillet
17120 D
42 MERCURE
Penetré de ce que je fens.
Si mes vers n'ont pas la
puiffance
D'infpirer tout ce que je
penfe,
Ils n'ont
pas
fait
affez
pour
toy ;
Et , malgré l'orgueil du Parnaffe
,
Charmé , j'y cederai ma
place
A qui te louëra mieux
moy.
que
I
GALANT.
43
Du Camp de Noyelle ce 7 .
Fuiller.
Je fuis venu ici , Monfieur
, pour rendre compte
à Monfieur le Maréchal
que fur l'avis qu'a cu Monfieur
le Comte de Broglio
ce matin , que les ennemis
avoient détaché de leur
armée huit cent chevaux ,
pour attaquer un fourrage
qu'ils croyoient qu'il devoit
faire avec la reſerve
entre Douay & Vitry , il eſt
forti ce matin avec mille
Dij
44
MERCURE
chevaux , aufquels il a fait
prendre des faulx , afin de
les mieux faire donner dans
le panneau , & a envoyé
trois cent chevaux pour
maſquer Douay , fans faire
femblant d'avoir aucune
troupe à fon flanc gauche ,
& a toûjours tenu le refte
de ſes troupes en gros comme
des fourrageurs. Les
ennemis qui étoient embufquez
fur les derrieres ont
debufqué marchans en bataille
leur ſeize troupes
front. Il les a laiffé venir juf- ›
ques à la portée d'une ca
de
1
GALANT.
45
rabine ; aprés quoy il s'eft
formé , & a marché à eux
l'épée à la main , a effuyé
leur feu de fort prés , & y
eft entré à grands coups d'épée
, les a culbutez , fans
leur donner le temps de fe
rallier , les a fuivis , & fait
couper par des troupes qu'il
a envoyées s'emparer du
paffage de Crechin ; ce qui
les a rejettez du côté de
Couriere & de la Deule ,
où il s'en eft noyé plufieurs.
Comme j'avois perdu de
vûë Monfieur le Comte de
Broglio , je pouffai vers Cre46
MERCURE
chin avec cinquante maîtres.
Je puis vous affurer
qu'il n'eft pas rentré dans
Doüay plus de cinquante
cavaliers , le reste ayant été
pris ou noyé. Quand je fuis
parti pour en venir rendre
compte à Monfieur le Maréchal
, toutes nos troupes
`n'étoient pas encore arrivées
: il y avoit déja prés :
de quatre cent prifonniers,
& autant de chevaux , du
nombre defquels étoit M.
de Saint Amour , Colonel
des Cuiraffier's,qui , je crois,
commandoit
ce détacheGALANT.
47
ment , & quatorze Officiers,
Monfieur
Speligny
, Colonel
Houffard
, doit y avoir
été tué , fon cheval
cent
s'étant rendu , à ce qu'a dit
Monfieur de Saint Amour ,
bien avant qu'il ait été
pris . Ce détachement étoit
compofé de quatre
Cuiraffiers de l'Empereur ,
de deux cent Drrgons ,
& deux cent Houflards ;
le tout de troupes choifies
, leſquelles avoient ordre
d'entreprendre quelque
chofe avant de revenir.
Mon frere le Comte
48
MERCURE
& moy fommes en bonne
fanté. Monfieur le Maréchal
rend compte à la Cour
de cette affaire .
On attend des memoires
d'Espagne , qui retardent
jufqu'au mois
prochain l'article qu'on
a promis de Monfieur
de Vendôme,
GALANT.
49
Nouvelles
de Londres.
Adreffe de la Chambre des
Communes à la Reine.
Trés gracieule Reine ,
Nous les trés- humbles
& obeïffans fujets de Vôtre
Majefté , les Communes de
la Grande Bretagne aſſemblées
en Parlement , demandons
permiſſion de reconnoître
trés - humblement
la grande condefcendance
de V. M. à nous communiquer
les conditions
Fuillet 1712.
•
E
50 MERCURE
fur lefquelles une paix generale
peut être faite.
Nos coeurs font pleins de
gratitude pour ce que V. M.
a déja fait , & les paroles
nous manquent pour exprimer
la fatisfaction avec laquelle
nous avons reçû tout
ce dont il a plû à V. M. de
faire part à vos Communes,
Nous avons une entiere
confiance en V. M. qu'Elle
pourſuivra constamment le
veritable interêt de vos propres
Royaumes , & qu'Elle
tâchera de procurer à tous
les alliez ce qui leur eſt dû
GALANT.
par les traitez , & qui eft nepour
leur fûreté:
aire
Ces affurances font le
moindre retour de vos fidelles
Communes
, pour
tant de condeſcendance &
de bonté ; & Elles fupplient
trés - humblement V. M.
qu'il lui plaiſe de proceder
dans la prefente negocia
tion , pour obtenir une
prompte paix .
XX
E ij
52 MERCURE
Réponse de la Reine à l'Adreſſe
ci- deffus.
03.
Meffieurs ,
J'ai fi fort à coeur la fûreté
& les interêts de mon
peuple , que je ne puis qu'-
avoir beaucoup de plaifir
de vôtre refpectueuſe Adreffe
, dont je vous remercie.
J'ai confulté vôtre bien ,
& vous allez voir le bon ef
fet de la confiance que vous
avez en moy , laquelle doit
toûjours continuer entre
GALANT.
ر ر ق
ane Princeffe fi affectionnée
& des fujets fi fideles .
Réponse de la Reine à l' Adreſſe
des Seigneurs
.
$0-54
;
Mylords ,
Je vous remercie de tout
mon coeur de vôtre Adreffe
de la
fatisfaction que
vous témoignez de ce que
je vous ai communiqué ; ce
qui contribuera beaucoup
à éloigner des difficultez
furvenues dans le cours de
cette negociation ; & de la
E iij
$4
MERCURE
confiance que vous mettez
en moy pour mieux finir
ce grand ouvrage , à l'avantage
de mon peuple, & pour
la fûreté & les interêts de
mes alliez,
LE DIABLE
Mafqué.
but not Garni ob
Nouvelle de Venife .
CECarnaval dernier une
des jolies femmes de Ve
nife , Provençale de naiſ
fance , & établie dans Ve
GALANT.
·
pece
nife depuis plufieurs années
, fit chez elle une af
femblée , qui devint une efde
bal. Elle ne manquoit
pas d'amans , qui tous
attendoient , pour lui faire
leur declaration en forme,
qu'on eût des nouvelles affurées
de la mort de fon
mari . Il s'étoit embarqué il
y avoit déja plufieurs années
, & le filence qu'il avoit
gardé depuis fon départ
faifoit préfumer qu'il
avoit peri Cependant la
Dame obſervoit beaucoup
de regularité dans fa con-
E iiij
56 MERCURE
duite , & il ne lui faloit pas
moins que les privileges du
Carnaval ,
, pour l'autorifer
à faire chez elle une affem.
blée pareille à celle dont je
vous parle. On venoit de
deffervir une grande colation
qu'elle avoir donnée
aprés trois heures de jeu ,
quand on vit entrer un Mafque,
qui lui preſenta un momon.
Il avoit trouvé la por-
+
'
te ouverte & ne s'étoit
point mis en peine de faire
demander fi on le voudroit
recevoir. Sa brufque entrée
n'étonna perfonne ; la faifon
GALANT .
57
permettoit
ces fortes de li
bertez , & dans cette vil
le on left bien venu par
tout avec le maſque . La Da
me reçut le momon , & le
gagna. Le Mafque la pria
den jouer un autre , qu'il
perdit encore. La même
chofe lui étant arrivée cinq
ou fix fois , parce qu'il
brouilloit
les dez avec tant
promptitude
, que quand de
ils tournoient favorable
ment pour lui , il fembloit
ne s'en pas appercevoir ;
d'autres voulurent jouer à
leur tour : mais ils n'y trou
58 MERCURE
verent pas leur compte , le
Mafque gagna , & ne perdit
que contre la Dame ,
qu'il engagea de nouveau
au jeu. La gayeté avec laquelle
il foûtint la perte
qu'il continua de faire con
tr'elle , ne laiffa aucun dou
te qu'elle ne fût volontai
re . On s'en expliqua tout
haut : il l'entendit ; & prenant
un ton different de
celui dont il s'étoit fervi juf
qu'alors , il declara qu'il étoit
le maître des richeſſes,
qu'il ne les aimoit que pour
en faire part à la Dame , &
GALANT.
19
qu'il ne difoit rien qu'il ne
soffrit à juftifier par les ef,
fets. En même temps il découvrit
plufieurs bourſes
toutes pleines de pieces
d'or , qu'il demanda à jouer
en un feul momon , contre
tout ce que la maîtreſſe du
logis voudroit hazarder. La
Dame embaraffée de cette
declaration
, renonça au
jeu. On examina le Maſque
avec plus d'attention , &
une femme de la compagnie
, que l'âge & la foi
bleffe de l'efprit rendoient
fujette à fe faire des realitez
60 MERCURE
de fes vifions , l'ayant regardé
depuis la tête juſqu'aux
pieds , devint pâle , tremblante
, & tellement éperdue
, qu'elle demeura quel
que temps lans pouvoir parler.
La parole lui étant revenue
, elle dit tout bas à
fa voifine , qu'il n'y avoit
point à douter que le Mafque
ne fût le Diable ; qu'il
l'avoit marqué en declarant
qu'il étoit le maître des richefſes
; & que fi elle y
vouloit prendre garde , elle
lui verroit des cornes fous
fon bonnet. Le Diable
GALANT . 61
7
mafqué avoit pris une
çoëfure bizarre , qui convenoit
en quelque maniere
avec ce que les Peintres
ont accoûtumé de nous reprefenter
du Demon : &
c'étoit là- deffus que la credule
vifionnaire avoit appuyé
fon jugement. Ce qu
elle dit paffa en un moment
d'oreille en oreille.
Apparemment elle trouva
des efprits foibles comme
le fien , & l'on propoſa
d'abord l'exorcifme.
Ce mot fit connoître
au Mafque ce qu'on
62 MERCURE
s'étoit figuré de lui. Il commença
tout de bon à faire
le Diable , parla plufieurs
Langues , dont quelques
unes étoient inconnues : &
aprés quelques raiſons expliquées
fur ce qui l'avoit
obligé de quitter l'enfer , il
ajoûta qu'il venoit particul
lierement demander une
perfonné de la compagnie,
qui s'étoit donnée à lui ,
protefta qu'elle lui appartenoit
, & qu'il ne defampareroit
point qu'il ne l'eût,
quelques obftacles qu'on y
apportât. Chacun regarda
GALANT . 63
la Dame : ces menaces fembloient
s'adreffer à elle , &
le Mafque les avoit pronon .
cées d'une voix creufe qui
embaraffoit les moins fufceptibles
de frayeur. Les
uns fe taifoient , les autres
fe parloient bas , & celle qui
avoit donné ouverture à la
diablerie , crioit continuellement
à l'exorcifme. L'hif
toire porte que fans confulter
perfonne , elle fit venir
des gens d'un caractere à
faire fuir les Demons ; que
le Diable pretendu leur répondit
fort pertinemment
64 MERCURE
:
& qu'aprés s'être diverti
quelque temps de leurs zelées
conjurations , il leva
le mafque ce qui finit l'avanture
par un fort grand
cri que fit la Dame. C'étoit
fon mari , qui avoit paſſé
d'Eſpagne au Perou . Il s'y
étoit enrichi , & revenoit
chargé de tréſors . En arri
vant il avoit appris que fa
femme regaloit fes plus particulieres
amies . C'étoit un
des derniers jours du Carnaval.
Cette faifon favorable
aux déguiſemens , lui
fit naître l'envie de voir la
fête
GALANT . 65
fête fans être connu , & il
avoit pris pour cela le plus
grotesque habit qu'il eût
pû trouver. Toute l'affemblée
lui fic compliment ; &
comme il n'étoit pas fi diable
qu'on l'avoit crû , on lui
abandonna la Dame qu'il
venoit chercher , & qu'il
avoit dit fi hautement qui
s'étoit donnée à lui .
MORT
Achille du Harlay , Com
te de Beaumont , Seigneur
de Grofbois , ancien Pre-
Faillet 1712.
F
66 MERCURE
"
mier Prefident du Parle
ment de Paris , mourut le
23. Juillet.
Il fut reçû Premier Prefident
le 18. Novembre
1689. il s'eft démis de fa
Charge au mois d'Avril
1707. Il avoit épousé le 12.
Septembre 1667. Anne Madelaine
de la Moignon ,
morte au château de Stain
le 8. Octobre 1701. Elle étoit
fille de Guillaume de la
Moignon , Marquis de Bafville
, Premier Prefident du
Parlement , & de Madelai
ne Potier de Blancmeſnil.
GALANT . 67
&
De cette alliance font ve
nus Achilles du Harlay ,
Comte de Beaumont ,
Marie-Madelaine du Har !
lay , Religieufe aux Filles de
fainte Elifabeth à Paris ;
morte le 28. Novembre
1700. Achilles du Harlay
Confeiller d'Eftat , a épousé
le z . Fevrier 1693. Anne- Renée-
Loüife du Loüet , fille
unique de Robert du Loüet,
Marquis de Coyetenval ,
Doyen du Parlement de
Bretagne , & de Renée le
Borgne de Lefquifiou , dont
il a Marie - Louiſe du Har
Fij
68 MERCURE
1
lay , née en 1694. qui a é
poufé en Decembre 1711 .
Chriftian - Louis de Montmorenci
de Luxembourg ,
Prince de Tingry , Lieutenant
general des armées du
Roy , Gouverneur de Valenciennes
, connu avant
fon mariage ſous le nom
du Chevalier de Luxembourg.
La famille du Harlay ,
feconde en grands Hommes
, eft une des plus illuf
tres & des plus anciennes
du Royaume . On parle diverſement
de fon origine.
GALANT. 69
Plufieurs difent qu'elle eft
venuë d'Angleterre ; d'au
tres affurent qu'elle tire fon
nom de la ville d'Arlay
dans la Franche- Comté de
Bourgogne . Ces derniers
pretendent en avoir des
preuves , & ajoûtent que la
ville d'Arlay , premiere Baronnie
de ce pays , étoit
dans leur maiſon , & qu'elle
paffa enfuite dans celle de
Châlons & de Naffau . François
de Harlay , fils de Philbert,
eft le premier qui vint
s'établir en France fous les
Regnes de Charles V I. &
70 MERCURE
Charles VII. Il fut Confeil.
ler & Chambellan du Roy.
Il laiffa de Loüife Berbizy
fon époufe , Nicolas Gobinet
de Harlay , Sieur de
Grandvilliers & de Nogent
; & François,Religieux
de faint Benigne de Dijon.
Cette famille eft divifée
en deux branches : de Harlay
- Sancy , & de Ćefi-
Chamvalon.
La branche de Harlay-
Sancy commença en Robert
de Harlay , Sieur de
Sancy , Confeiller au Parle
ment de Paris. Il étoit troiGALANT
. 7!
fiéme fils de Louis de Har
lay , & de Germaine Coeur.
Il époufa le 8. Decembre de
l'an 1544- Jacqueline de Marainvilliers,
dont il eut cinq
fils . L'aîné eft le celebre
Nicolas de Harlay de San
cy , Confeiller du Roy en
fes Confeils , Surintendant
des Finances , premier Maî
tre d'Hôtel de Sa Majesté ,
Colonel general des Suiffes
, Gouverneur de Châlons
fur Saone , & Lieutenant
general en Bourgogne ,
Ambaffadeur en Allemagne
& enAngleterre, nom72
MERCURE
mé à l'Ordre du S. Efprit.
Il a rendu des fervices importans
aux Rois Henry III .
& Henry IV . dans les differens
emplois dont il a été
chargé.
La branche de Cefi & dé
Chamvalon en Loüis , de
Harlay , quatriéme fils de
Loüis , Sieur de Monglat
& de Germaine Coeur. Il
époufa Loüife de Carte,fille
de Gratien , Sieur de faint
Quentin le Verger , dont il
eut pluſieurs enfans.
GALANT
.
73
U U UWUS
DeDeDe DRORORORO!
DISCO U R S
préliminaire fur la
lumiere.
QUoyque ce difcours ne
foit pas une piece com-.
plette , ny abfolument nouvelle
, on n'a pas cru cependant
devoir la laiffer
dans l'oubli non feulement
parce qu'on y expli
que un fyfteme de la lumiere
qui commence à avoir
de la vogue , mais encore
parce que la fuite va pa-
Fuillet 17120 G
74 MERCURE
roiftre inceffamment dans
un troifiéme volume des
effais & recherches de Mathematique
& de Phyſique.
Premierement pour ce qui
regarde la nature de la lumiere
, il n'eft rien aujour
d'huy de plus univerfellement
reconnu que l'erreur
des anciens Philofophes
. Car fi on dit avec
quelques- uns que c'est une
qualité fenfible , fans expliquer
quelle eft la nature
& l'origine de cette qualité
, il est évident que par
cette reſponſe , on ne nous
1
GALANT. 75
rend pas plus fçavans de
rien ; puifqu'il faudroit eftre
aveugle pour ne fçavoir
pas que la lumiere eft fenfible
& ennemi de la
ſe
contenter
clarté ,
, pour
des
termes
de
qualitez
occultes
. Si on prétend
avec
quelques autres que la lumiere
n'eft autre chofe qu'-
une émanation d'efprits
animaux , qui fortant de
nos yeux , vont parcourir ,
& pour ainsi dire , vifiter
tous les objets qui font au
devant de nous pour en faire
enfuite un fidelle rap-
Gij
78 MERCURE
port à l'ame. Dans quelle
obfcurité ne tombe - t - on
pas , de prétendre qu'il puft
fortir d'un reſervoir aufli
borné , que l'eft celuy du
cerveau d'un animal , affez
de particules de matiere
pour s'eftendre non feulement
à tous les corps qui
font autour de nous , dans
une diſtance de huit ou dix
lieuës à la ronde , mais
mefme jufques à la Lune ,
au Soleil , & juſques au Firmament
, & de vouloir que
la viteffe de ces efprits ſoit
affez grande , pour parcou
1
GALANT. - 77
rir de tels efpaces deux fois
dans un clin d'oeil , c'eſt àdire
, dans un inftant fenfible
? Mais quand mefme
on leur accorderoit ces
deux paradoxes , quelle eft
la connoiffance
de ces particules
de matiere , pour
examiner les figures des
objets ; & quelle eft leur memoire
, pour retrouver les
yeux d'où elles font forties,
& pour en faire un fidelle
rapport à l'ame ? Pourquoy
ces meffageres ne nous
rendent
- elles compte que
de la partie des corps qui
G
iij
78 MERCURE
nous regarde , & non pas
auffi de celle qui eft derriere
ces mefmes corps ?
Pourquoy ces efprits lumineux
ne peuvent ils pas
faire leur effet , auffi bien
tandis que le Soleil & la
Lune font fous l'horizon ,
que lorsqu'ils font deffous ?
Eft - ce qu'ils ont quelque
fecrette fympathie avec ces
deux aftres , pluftoft qu'avec
une infinité d'autres ,
dont le Ciel paroiſt parſemé
pendant la nuit ? Ontils
quelque antipathie pour
les ombres des corps, pour
GALANT . 79
ne s'y porter jamais qu'en
petite quantité, & avec peu
de force , quoyque d'ail .
leurs nos yeux foient expofez
à la lumiere."
Enfiu posé que nos of
prits animaux fuffent en
affez grande quantité , qu'-
ils euffent toute la viteffe
neceffaire , & toutes les
connoiffances , & la memoire
requifes , pour une
vifion parfaire , ce feroit
encore une preuve tres- infuffifante
pour nous convaincre
qu'ils font ce qu'on
doit entendre par la lumie-
G iiij
80 MERCURE
re naturelle . Car l'experience
journaliere nous oblige
toujours d'avouer qu'il
fort des corps lumineux
quelque chofe qui eft ca
pable de produire des effets
qu'on ne peut attribuer
qu'à des corpufcules , tels
que font ceux d'echauffer
de brufler , de fondre , &
de vitrifier toutes fortes de
corps , mefme l'or & les
diamants ; & d'où il n'eft
pas impoffible au contraire
de deduire tous ceux que
ces anciens Philofophes
attribuoient aux efprits luGALANT.
81*
mineux des animaux , ou à
des qualitez encore plus .
occultes , comme vous allez
le voir maintenant .
Bien loin donc , de tirer
de nos foibles yeux la lumiere
mefme qui doit les
éclairer , & de nous rendre
avec les Anciens par ce
procedé fufpects en quel
que façon d'arrogance
nous irons chercher fon origine
dans les corps mefmes.
qu'on appelle lumineux, tels.
que le Soleil , la Lune , lés
Etoilles , une chandelle &
autres de mefme nature..
1 MERCURE 82
,. que
Et nous fommes portez à
prendre ce parti avec d'autant
plus de raiſon
nous avons par l'experience
journaliere, que plus
il y a de corps lumineux.
dans un mefme lieu , &
plus ils font vifs ou ardents ;
plus nos yeux en font éclairez
; & tout au contraire à
mefure qu'on diminuë le
nombre & la force des
corps lumineux , la vifion
s'affoiblit. On a une preuve
inconteſtable
de cette
émanation de lumiere des
corps lumineux dans les
1
>:
GALANT
. 83
miroirs ardents , qui eſtant
expofez directement à des
corps lumineux
, raffemblent
leur lumiere
, & la
répandent
en abondance
fur les objets
qu'on
veut
éclairer
fortement
. Mais
ce qui me femble
détruire
entre autres chofes, le ſyſtefme
des efprits lumineux
des
Anciens
, c'eft qu'on ne laiffe
pas quelquefois
de voir fort
clair , quoyque
le corps lumineux
foit abfent, comme
il arrive pendant
le temps.
de l'aurore
& du crepufcule
, c'est- à- dire, par l'efpace
84 MERCURE
de près de deux heures le
matin , & le foir dans les
longs jours d'Efté de ces
contrées; à moins qu'on ne
vouluſt dire que ces efprits
lumineux n'ont pas befoin .
alors abfolument du Soleil
pour nous faire voir
clair ; mais la refponfe eft
aisée , car pourquoy cette
prétendue dépendance des
efprits animaux à l'égard
des corps lumineux n'auroit
- elle lieu que pendant
le jour , & cefferoit - elle au
lever de l'aurore , ou au cou--
cher. du Soleil.
GALANT. 85
On ne
ne peut cependant
, fe difpenfer
ablolument
d'avouër
icy en faveur
des anciens
partiſans
des efprits lumineux
, qu'il
y a des yeux de certains
animaux
d'où il femble fortir
quelque
chofe de fort
femblable
à de la lumiere.
car outre que nous en fommes
témoins
en quelque
façon par nous - mefmes
,
quand nous regardons
la
Ruit les yeux de quelque
animal
nocturne
comme
ceux des lapins , des hiboux,
& autres , principalement
86 MERCURE
fi ces animaux font carnaciers
, tels les loups , les
renads , les tigres. Il paroift
d'abord fort difficile .
d'expliquer fans le ſecours
de ces efprits , comment.
ces animaux pourroient
courir pendant la plus fombre
nuit , avec autant de
rapidité qu'ils font , ſoit
pour le fauver
chaffer leur proye au travers
des bleds , des vignes ,
des bois , & des broufailles ,
ou pour s'affembler , &
tant d'autres comment
ou pour
pourroient paſſer la moitié
GALAN . 87
de leur vie , enfermez dans
des terriers , ou tanieres , ou
dans des caves tres obfcures
. D'un autre cofté il
femble qu'on peut tresbien
douter auffi qu'il forte
aucune telle lumiere des
yeux de ces animaux lorfque
tout corps lumineux
eft abſent , comme chacun
peut s'en convaincre par
experience , & comme je
l'ay experimenté plufieurs
fois fur les chats , quoyqu'on
foit affez communement
perfuadé du contraire.
88. MERGURE
Mais après tout cette
prétenduë lumiere , quand
mefme elle viendroit de
ces animaux , eft tres - rare ;
& on ne peut pas meſme
dire qu'elle leur ſerve de
quelque chofe pendant le
jour , puifqu'elle difparoift
alors à nos yeux . A combien
plus forte raifon donc
doit- on conclure que la lumiere
qui nous éclaire
dant le jour ou la nuit , ne
vient pas de nos yeux , puifque
dans quelque occafion
que ce foit , on n'en
voit rien fortir de pareil.
pen-
De
GALANT. 89
De plus , il eft certain
que la lumiere qu'on raf
femble avec les miroirs ardents
expofez directement
aux corps lumineux , agit
fur les corps
, comme on
l'a dit cy- deffus , & comme
on le peut voir au mo
yen du grand miroir de
métal qui eft à l'Obfervatoire
, & d'un autre de verre
qui eft au Palais Royal ,
avec lesquels on fond , on
vitrifie , & on calcine en
tres peu de temps toutes
fortes de corps , fans qu'il
foit neceffaire de recourir
H
Fuillet 17120
90 MERCURE
aux hiftoires fabuleuſes ,
qui pour relever l'excellen
ce des inventions d'Archimede
nous racontent qu'il
brufloit du haut des murs.
de Siracufe , les vaiffeaux
des Romains qui la tenoient
affiegée ; il faut
donc eftablir pour principe
, que la lumiere eſt un
corps materiel comme les
corps mefmes , fur lesquels
elle agit , avec cette difference
cependant , que fa
fubtilité , fa viteffe , & fa
fluidité , font prefque inconcevables
, & qu'elle
émane du corps lumineux ,
GALANT. 91
& non pas de nos yeux.
Quant à la fubtilité de
la lumiere , il faut qu'elle
foit extrême pour penetrer
en auffi peu de temps les
corps les plus durs & les
plus ferrez , comme les cryftaux,
les diamants , & pref
que toutes les autres pierres
précieuſes , fans parler
des noeuds des bois réfineux
qu'elle penetre quelquefois
juſqu'à l'épaiſſeur
de plus d'un pouce . Les
corps fluides ne font pas
plus à l'épreuve de ſa ſubtilité
, que ceux dont on
Hij
94´ MERCURE
vient de parler ; & on peut
dire mefme que que les yeux de
la plufpart des poiffons leur
feroient prefque inutiles ,
s'ils ne pouvoient
s'en ſervir
que vers la fuperficie ·
de l'eau , & non pas au fond
des abysmes de la mer , où :
ils trouvent leur nourritu
re. Car il eft prefque inoui ,
qu'on ait apperceu aucune
lumiere fortir des yeux des
poiffons , ou des monstres
marins , quoyque pendant
la nuit les écailles de plufieurs
en répandent en
abondance.
A l'égard de la viteffe
GALANT.
93 .
de la lumiere elle n'eft pas
moins
prodigieufe que fa
fubtilité ,
puifqu'elle parcourt
dans un temps fort
petit comme de deux heures
environ des efpaces immenfes
, tels que celuy qui
eft entre Saturne , c'est- àdire
, entre la plus haute
Planette & la terre ; deforte
qu'il n'y a aucune viteſſe
fenfible fur la terre , foit
d'une fleche ou d'un boulet
de canon , qui ne foit à
l'égard de celle de la lu
miere moindre , que celled'une
tortue ou d'un lima,
*
94 MERCURE
çon à l'égard de celles là.
On peut s'en convaincre
en confiderant
de combien
la lumiere de la flamme
d'un canon précede
le coup
fon boulet donné à une demie
lieuë du canon . Enfin
que la lumiere foit un corps
tres fluide , perfonne n'en
doit douter , puifqu'elle
n'empefche
aucunement
les divers mouvemens
des
corps qui fe trouvent entre
l'oeil & le corps lumineux.
La nature de la lumiere
eſtant donc ainſi eſtablie ,
GALANT .
95
fçavoir qu'elle eft un corps
fluide , tres- rapide , & tresfubril
, & eftant certain
aufli qu'elle dérive des
corps qu'on appelle lumineux
, comme on l'a prouvé
cy - devant , il nous refte
d'expliquer de quelle maniere
elle eft contenue
dans le corps lumineux
,
comment elle en découle
dans nos yeux , & enfin
comment
nous appercevons
par fon moyen tout ce
qui compofe ce qu'on appelle
le monde. vifible.
Pour vous faire connoif
96 MERCURE
tre de quelle maniere
elle eft contenue dans le
>
corps lumineux-
, j'eſtabli
ray pour principe
que le
corps lumineux
, ou du
moins fa fuperficie
, n'eſt
autre chofe qu'un amas de
matiere fort fubtile , forts
agitée , & tres fluide , lequel
eft environné d'air ,
ou de quelque autre matiere
fluide plus groffiere ,
qui le preffant de tous coftez
lui fait prendre la figure
ronde fous laquelle il nous
paroift.Je fuppoferay encore
que l'air que nous refpirons
,
GALANT. 97
rons , auffi bien que la
region
aërée qui s'étend tout
autour de la terre à l'infini ,
font remplis de la matiere
que j'ay dit eftre la lumiere
, laquelle lumiere doit
eftre differente de celle qui
compofe le corps lumineux
, puiſqu'il a des bornes
, & que celle - cy n'en
a point. Cecy eſtant ſupposé
, voicy comme j'explique
de quelle maniere
elle eft contenue dans le
corps lumineux.
Ce difcours s'eft trouvé
Juillet 1712 .
I
98 MERCURE
trop long , pour le mettre
dans un feul Mercure , on
la partagé en deux , & l'on
donnera le refte le mois
prochain.
SUR L'AMOUR.
IL eft paffé cet âge heureux
De la primitive tendreffe ,
Où le refpect , la fageffe
Gouvernoient les coeurs
amoureux .
La Maiſtreffe tousjours fevere
,
Tenoit l'Amant tousjours
foumis :
GALANT. 99
Que le pauvre efclave euſt
commis
Une offenſe la plus legere ,
Auffi -toft penitence auftere
,
Exil en deſert tenebreux ,
Jeûne exact , long & rigoureux
.
Brefc'eftoit ferveur de Novices
,
Pour le fexe quelles delices
?
Il eft paffé cet âge heureux
,
Un air plus froid qu'à l'ordinaire
,
Un rien defefpereroit l'AI
ij
100 MERCURE
mant ,
Aujourd'huy c'est tout autrement
,
Sur un rien le galand efpere.
MADRIGAL
fur un ruban d'or d'épée
donné à l'Autheur de
ces vers.
B Eau lien , tiffu precieux ,
Digne que Jupiter luymeſme
En faffe fur fon front un
brillant diadême ,
•
Lorfque devant fon trofne
il affemble les Dieux ,
GALANT. 101
Si tu me cauſe tant de joye ,
Si tu m'es un fi cher threfor
,
Ce n'eft point pour l'éclat
de l'or ,
Que l'art induftrieux fit
briller fur la foye :
Ton merite à mes yeux eft
la main qui t'envoye ,
Fait feule tout ton prix ,
peut-eſtre que
d'abord
On plaindra ton malheureux
fort ,
Tu perds une maiftreffe
aimable ,
Digne des hommages d'un
Roy
;
I
iij
102 MERCURE
Et tu la perds pour eftre
à moy.
Quel revers, dira -t'on quelle
cheute effroyable:
Laiffons parler les envieux ,
Et mocquons - nous de leur
murmure ;.
Ton employ le plus glorieux
Fut d'avoir part à fa parure:
Mais auprés de fon teint
auprés de fes beaux yeux ,
Pareils à ceux qu'on peint
la Reine des Dieux .
Auprés de fa taille divine ,
De fon air dont la majeſté
Marquefon illuftre origine.
GALANT . 103
De fon efprit charmant
dont la facilité ,
Les graces , la folidité ,
Luy font fur tous les coeurs
un fouverain empire ,
Helas qui prenoit garde
à toy !
Tu n'as point à fubir cette
honte avec moy ,
Tes attraits brillent feuls ,
c'eft toy feul qu'on
admire ,
Et
pour
comble d'honneur
dans ton nouvel employ ,
Tu feras deformais le tef
moin & le gage
Des bienfaits , des bontez
I
iiij
104 MERCURE
d'un coeur fi
genereux
,
Tu feras le lien de l'efclavage
heureux ,
Où mon refpect profond ,
où mon zele m'engage ,
Que te dirai - je enfin , tu feras
aux neuf Soeurs ,
Une des marques immortelles
,
Et de l'eftime & des faveurs
Qu'elle fit éclater pour
elles
;
Et moy certain de leurs
Lecours
Je feray de la gloire une
telle peinture ,
GALANT . 105
Que la Déeffe des Amours
Changeroit pour toy fa
ceinture .
LA FRANCHISE
picarde , traduite d'un
Manufcrit en vieux
françois.
UN Picard des plus
francs , & affez riche fe
ruina , & devint Poëte ;
poëfie & pauvreté
derogent
à franchife. Un autre
Picard , pauvre de naiffance
, devint le riche Intendant
d'un grand ſeigneur
106 MERCURE
ruiné , & par fes richeffes
derogea encore plus à franchife
que le Poëte par fa
pauvreté , voicy ce qui leur
arriva .
Ce Poëte ayant un jour
befoin d'argent , refolut
d'aller trouver l'Intendant
,
fon compatriote : J'ay fait
une belle anagramme fur
fon nom
en luy- mefme , il m'a entendu
plufieurs fois reciter
des vers , ainfi il eſt obligé
de me prefter de l'argent.
Aprés ces reflexions il
compofa une Ode fur la
difoit le Poëte
GALANT. 107
liberalité , & partit de ſon
pied pour aller trouver l'In-
En l'abordant tendant .
humbles reverences de fa
part , & de l'autre un petit
figne de tefte , car on ſa 、
luoit dés ce temps - là à proportion
des richeſſes , bonjour
, Monfieur *** . dit
l'Intendant , comment va
fa
:
la poëfie , m'apportez- vous
quelque petite production
nouvelle à ces mots le
Poëte pour toute reſponſe
tira de fa poche un rouleau
de papier Voyons ,
Mr , voyons , dit l'Inten108
MERCURE
dant , d'un ton de Juge folicité
, j'aime la poësie , mais
je veux du Malherbe ou du
Theophile .
Je les égale dans mes poëfies
ordinaires , repliqua le
Poëte , mais dans celle - cy
je me fuis furpaffé moymefme
, & cela n'eft pas
eftonnant , le genie s'éleve
& fe vivifie quand il s'agit
de louer un homme tel que
vous , & je vous puis dire
que la dignité du ſujet ma
emporté au delà de ma
fphere naturelle. L'Intendant
fut fi fenfible à ces
GALANT. 109
louanges , qu'oubliant fa
fierté naturelle , il embraf
fa le Poëte , & voulut fouper
tefte à tefte avec luy .
Pendant le fouper la converfation
de part & d'au .
tre ne fut qu'un eloge entrecoupé
de verres de vin ,
le Poëte mettoit l'Intendant
au deffus de Mecenas
, & l'Intendant adoptoit
le Poëte pour fon Vir.
gile .
Le vin eftoit excellent ,
à force d'en avaller nos
deux Picards fentoient renaiſtre
dans leur coeur leur
110 MERCURE
fincerité naturelle ; à me-
:
fure qu'ils beuvoient les
louanges devenoient plus
foibles enfin ils beurent ,
tant qu'ils ne s'entre louerent
plus du tout ; un profond
filence regna quelque
temps entre eux , &
quelques bouteilles qu'ils
beurent fans dire mot
poufferent leur fincerité
jufqu'à l'indifcretion .
Morbleu , dit d'abord
tout bas le Poëte à demy
yvre , il faut que je fois
poffedé du demon de la
poëlie pour avoir pû proGALANT
.
duire une Ode heroïque
fur un Intendant .
Il faut que je fois bien
affamé de louanges , difoit
entre fes dents l'Intendant
plein de vin , pour acheter
un éloge d'un fi mauvais
Poëte .
Je vous prends à témoin
d'une chofe , dit le Poëte
en hauffant la voix , ne
vaudroit - il pas
mieux que
je portaffe encore ce vieil
habit d'Efté pendant
quatre
hivers , que de forcer
ma Mufe à chanter vos
louanges.
112 MERCURE
Avoüez une chofe , dit
l'intendant au Poëte , que
tous vos vers ne valent
pas
l'excellent vin que vous
m'avez bû.
Un Grec a dit , reprit le
Poëte , que tout vin eſt vin
de Brie , quand on le boit
avec un ignorant.
J'en fçay affez , reprit
l'autre , pour voir que les
plus beaux de vos vers ne
font pas à vous.
Ils font plus à moy , dit le
Poëte , que votre bien n'eſt
à vous .
J'ay leu tous les reçuëils
de
GALANT . 113
de poëſie , continua l'Intendant
, vous avez pillé
celui
cy ,
vous avez pillé
celuy-la.
Hé , morbleu vous avez
plus pillé que moy , reprit
brufquement le Poëte ne
nous reprochons point nos
larcins en difant cela le
Poëte eut affez de raifon
pour gagner la porte , &
l'Intendant eut à peine la
force de gagner fon lit.
Le lendemain ils fe rencontrerent
dans un endroit
, l'Intendant alloit
d'abord invectiver , mais
Juillet 1712 .
K
114 MERCURE
le Poëte s'approcha de luy:
chut , dit - il , Mr l'Intendant
, perfonne ne fçait
une partie des veritez que
nous nous reprochaẩmes
hier tefte à tefte , Je fçay
qu'un homme riche peut
décrier un Poëte , vous pouvez
parler , mais je puis
eſcrire , taifons - nous tous
deux , & nous ferons bien ;
mais faiſons mieux , nous
pouvons nous illuftrer l'un
l'autre. Ecoutez - moy , le
monde eft rempli de gens
qui ne jugent des ouvrages
que par le nom , & par
GALANT. 115
l'opulence de leurs autheurs
, vous pouvez me
rendre riche fans vous appauvrir
; d'accord , reprit
l'intendant , mais que m'en
reviendra-t-il à
moy , tout
ce qui vous manque en ce
monde , repliqua le Poëte ,
probité bien averée qui eft
un threfor pour pouvoir en
manquer utilement dans
une grande occafion . Or
les fots jugeant de mes vers
par mon équipage , jugeront
de voſtre probité par
mes vers ; en un mot vous
ferez mon proneur , & je
Kij
116 MERCURE
feray voftre panegyrifte ,
nous voilà revenus , dit l'Intendant
, à ce Mecenas &
à ce Virgile , dont vous me
parliez hier , fort bien , dit
le Poëte , & comme Virgile
a eſté plus utile à Mecenas
que Mecenas à Virgile
, vous voyez bien que
vous gagnerez à me pref
ter de l'argent.
Je ne fçay fi l'Intendant
fe rendit à cette raiſon ,
mais il devoit s'y rendre ,
car il avoit encore plus beſoin
de reputation , que le
pauvre Poëte n'avoit befoin
d'argent
.
GALANT . 117
NOUVELLES
des Cantons Suiffes.
IL s'eft élevé des troubles
en Suiffe il
y a environ
cinq ans pour le Com .
té de Tockembourg , dont
les habitans font partie Catholiques
, & partie Proteftans.
On prétend que
l'Abbé de faint Gal qui en
eſt ſeigneur , troubloit les
Proteftants dans l'exercice
de leur Religion . Les Cantons
de Zurich & de Berne ,
dont les peuples de cette
118 MERCURE
Comté font alliez , voulurent
s'y oppoſer , & quelques
Cantons Catholiques
entreprirent de fouftenir
les droits de l'Abbé de faint
Gal. Il s'eft tenu plufieurs
conferences à la follicitation
des Cantons neutres
de Bafle & de Schafhouſe ,
& de l'Ambaffadeur de
France , pour terminer ces
differents à l'amiable , mais
tres - inutilement , depuis
quelque temps on eſt venu
à une rupture ouverte.
Les Cantons de Zurich &
de Berne ont affemblé de
GALANT . 119
groffes armées avec lef
quelles ils ont forcé les paffages
qui les feparent , ont
donné un combat près de
Bremgarten , où ils perdirent
trois ou quatre cens
hommes , & les Catholiques
cinq cens & deux picces
de canon , & enfuite
ils s'emparerent de Brem
garten & du Comté de
Bade.
Depuis ce temps - la le
Comte du Luc Ambaffadeur
de France & les
Cantons neutres ont obtenu
unefufpenfion d'armes,
120 MERCURE
ils font convenus que les
Députez des deux parties.
s'affembleroient à Arran ,
où l'on efpere trouver des
moyens pour reftablir la
tranquillité dans tout le
corps Helvetique.
Nouvelles de Flandres.
Un parti de Huffarts de
l'armée du Roy enleva la
grande garde de la droite
des Ennemis près d'Avelne
le fec , un Capitaine &
plufieurs autres furent tuez ,
il fit trente deux prifonniers
, & enleva trense
deux
1
GALANT. 121
deux chevaux fans d'autre
perte qu'un Huffart.
Noftre armée eſt toujours
campée à Noyelles ;
on attend pour decamper ,
la décifion de la propofition
qui a efté faite pour
une fufpenfion d'armes de
deux mois , & la retraite
des troupes que commande
le Duc Dormond.
pour
fai-
Le détachement que le
Prince Eugene fit
re une courſe en Picardie
& en Champagne , eſtoit
de deux mille huit cens
chevaux , Cavaliers , Dra-
Juillet 1712 .
L
122 MERCURE
gons , Huffarts & Grenadiers
à cheval , ils partirent
de leur armée , divifez
en plufieurs petits corps
pour cacher leur marche ,
ils ne fe raffemblerent
qu'à
vingt inq lieuës de leur
camp , ils firent une fi
grande diligence que les
détachemens
que le Marechal
de Villars fit partir
vingt heures après , fous
les ordres du Marquis de
faint Fremont, & des Comtes
de Coignie & de faint
Maurice
ne purent les
joindre.
GALANT. 123
Les ennemis marchoient
nuit & jour , envoyant des
partis à droite & à gauche
de leur route ; ils mirent le
feu à deux ou à trois villages
, enleverent du butin ,
& prirent des oftages dont
la plufpart fe font fauvez
dans la precipitation de
leur marche . Ils n'ont ofé
attaquer aucun lieu fermé ,
ils arriverent le 7 Juin à
la Meule qu'ils pafferent
près de faint Michel & la
Moſelle vers le Pont à
Mouffon ; de là ils entre-
34
rent dans le pays Meffin
Lij
124 MERCURE
où ils bruflerent dix fept
ou dix huit villages , contre
les droits de la guerre ,
d'autant que ces lieux payoient
contribution à Landau.
que
On écrit de Traerbach
le détachement commandé
par le General Groveftein,
eftoit arrivé au voifinage
de cette place , que
fes troupes eftoient tres fatiguées
par la précipitation
de leur courfe , & qu'elles
eftoient reduites à quinze
cens hommes , de forte
qu'ils en ont perdu unę
GALANT. 125
bonne partie , ils attendoient
environ deux cens
hommes qui eftoient reftez
derriere , comme ils étoient
à pied , & qu'on n'en avoit
point de nouvelles , on ne
doutoit prefque plus qu'ils
n'euffent efté défaits par
les habitans du pays Mef
fin , irritez des pillages &
des incendies qu'on y avoit
faits.
On apprend du pays
Meffin que les peuples font
refolus de ne point payer
les contributions jufqu'à ce
qu'on ait donné fatisfac-
Liij
126 MERCURE
tion de cette contraven
tion : de maniere que tout
l'avantage de cette courſe
confifte en quelque argent
qu'on a pillé & exigé des
villages , & aux effets que
les foldats ont emportez .
Les ennemis ouvrirent
la tranchée devant le Quef .
noy en deux endroits la
nuit du 19. au 20 de Juin ;
à l'attaque droite ils ne firent
aucune perte à cauſe
qu'on travailloit dans un
chemin creux , & qu'ils ne
furent pas découverts à
l'attaque de la gauche , ils
GALANT. 127
perdirent huit ou dix hommes
, & eurent un grand
nombre
de bleffez
, parmy
lefquels eft le Major General
Seckendorf. Les Affiegez
faifoient un feu extraordinaire
de moufqueterie
& de canon , & le 17 .
une de leurs bombes brufla
la ferme de Bear , où les
Alliez s'étoient logez ; on
a eu avis de l'armée qu'elle
s'eftoit renduë le 4. & que
la Garnifon avoit efté faite
prifonniere de guerre .
Liiij
128 MERCURE
NOUVELLES
de Hollande.
On ne parle icy que de
fa harangue que la Reine
de la Grande Bretagne a
faite à fon Parlement , ce
qui a mis en ce pays les Plenipotentiaires
des Alliez
dans de continuels mouvements.
Plufieurs perfonnes
en paroiffent peu ſatisfaites
, mais le public en tefmoigne
une joye extrême ,
& efpere que la refolution
de cette Princeffe procurera
la paix à toute l'Europe .
GALANT . 129
Les Eftats Generaux receurent
le 27. Juin un courier
de l'armée , & le Comte de
Zinzendorf un autre du
Prince Eugene , par lefquels
on a appris que le Duc Dormond
avoit fait fçavoir à
ce Prince & aux Deputez
des Eftats , qu'il avoit ordre
de la Reine de faire
blier une fufpenfion d'armes
avec la France pour
deux mois , & de faire un
détachement de fes troupes
pour entrer dans Dun-
Kerque pour la feureté des
articles dont on eftoit conpu130
MERCURE
venu , qu'il avoit enfuite
proposé de publier une pareille
fufpenfion dans l'armée
des Alliez
, que le
Prince Eugene & les Députez
luy avoient demandé
du temps pour en informer
leurs Maiftres ; ces nouvelles
donnerent
ici une grande
inquietude
.
Le Comte de Strafford
arriva de Londres à la Haye
le 6. Juillet , il en a donné
avis aux Etats Generaux.
Le lendemain matin huit
Députez avec le fieur Fagel
Greffier , furent le vifiGALANT
. 131
ter , ils ont eu avec luy une
longue conference .
L'Evefque de Briſtol premier
Plenipotentiaire de
fa Majefté Britannique eſt
arrivé à la Haye pour con .
ferer avec le Comte de
Strafford . Ils doivent dans
peu retourner à Utrecht
pour y declarer les intentions
de la Reine leur Maiftreffe
, & fçavoir les fentiments
des Miniftres des.
Alliez touchant la fufpenfion
d'armes qui a efté proposée
par l'Evefque de Briftol,
& par le Duc Dormond .
132 MERCURE
NOUVELLES
de Londres.
Il y a eu de grandes dif
putes ddaannss la Chambre
haute au ſujet de l'addreſſe
qu'on devoit prefenter à la
Reine pour la remercier de
fa harangue. Le Comte de
Milord
Nottingham
Wharton , & Milord Cowper
fuivis de quelques autres
du parti des Whigs
propoſerent de lire & d'examiner
auparavant les
Lettres écrites à la Reine
par les Eftats Generaux des
GALANT . 133
Provinces - Unies , & par le
Prince Eugene , de fe fervir
de certaines expreffions
dans l'addreſſe , & de prier
fa Majesté de ne faire la
paix que de concert avec
les Alliez mais ces trois
propofitions furent rejettées
à la pluralité de quatre
vingt une voix contre
trente fix , il fut refolu de
prefenter une addreſſe à
peu près conforme à celle
des Communes . Deux jours
aprés les Communes préfenterent
leur addreffe à la
Reine , qui leur tefmoigna
134 MERCURE
qu'elle en eftoit tres fatisfaite
, & que la confiance
qu'ils avoient en elle produiroit
de tres bons effets
pour le bien de fes fujets .
Quelques uns des Whigs
voulant faire une proteftation
contre l'addreffe de
remerciment preſentée à la
Reine , leur conduite obligea
le Duc de Grafton , le
Comte de Torrington , le
Lord Herbert de Sherbury ,
& quelques autres à ſe ſeparer
d'eux .
Milord Maire a proposé
dans le commun Confeil ,
GALANT . 135
de prefenter une addreffe
à la Reine , pour la prier
de conclure au pluſtoft.la
paix . Le précedent Maire
& deux autres s'y oppoſerent
: mais tous les autres
furent d'avis de la prefenter
, on croit qu'ils feront
imitez par les autres Villes.
Le 28. Juin on propoſa
à la Chambre de preſenter
une addreffe à la Reine ,
pour la prier d'ordonner à
Plenipotentiaires de fai- fes
re inferer dans le Traité
de paix , que les Alliez ſeront
garands de la fuccef136
MERCURE
fion de la Ligne Proteftante
dans la Maifon de Hanover
: cette propofition
fut rejettée à la pluralité
de cent trenre voix contre
trente huit . Au contraire
la Chambre declara par
une reſolution expreſſe ,
qu'elle avoit une fi entiere
confiance à fa Majeſté ,
qu'elle nedoutoit pas qu'el
le ne prit toutes les mefures
neceffaires pour affurer
cette fucceffion
>› que
la Chambre
la
fouftiendra
contre ceux qui excitent
des factions au dedans , &
contre
GALANT . 137
contre fes Ennemis au dehors.
Le parti des Toris a entierement
pris le deffus , &
celuy des Whigs diminuë
tous les jours , dix ou douze
feigneurs l'ont abandonné
auffi bien que plufieurs
des plus confiderables
Membres de la Chambre
des Communes .
Milord Maire , les Aldermans
, & le commun Confeil
de cette ville , prefenterent
le 25 Juin leur addreffe
à la Reine , qui les receut
, & leur refpondit tres
Fuillet 1712.
M
138 MERCURE
favorablement. Sa Majesté
fit Chevaliers les fieurs
Caff, Stuvart & Clark.
eftoit com-
Leur
cortege
posé
de cent
trente
carroffes
, dans
la plufpart
def
quels
il y avoit
quatre
perfonnes
. Milord
Maire
invita
à difner
les Membres
du
Confeil
de la Reine
,
qui ſe rendirent
la pluſpart
dans
fa maiſon
, où ils furent
traitez
magnifiquement.
GALANT . 139
NOUVELLES
d'Espagne.
Le Roy a donné par interim
le commandement de
l'armée de Catalogne au
Prince Tferclas de Tilly ,
& le commandement de
Sarragoffe & des armes du
Royaume d'Arragon qu'il
exerçoit , a efté donné au
Marquis de Valdecanas
Capitaine General , & la
charge de Lieutenant Colonel
du Regiment de Salamanque
qui eft en Sicile ,
à Don Miguel Carreno
Mij
140 MERCURE
Capitaine de Grenadiers.
On mande de Sarragoffe
que les Ennemis avoient
tenté pour la troifiéme fois
de furprendre Cervera avec
deux mille hommes de
troupes reglées , & deux
mille Micquelers ou Soumettant.
Le Gouverneur
en ayant efté informé fit
venir de Balaguer fix cents
Grenadiers , il fit faire un
fi grand feu de mouſqueterie
& de canon
, que
Ennemis furent contraints
de fe retirer en defordre, &
avec perte ; ils ont abanles
GALANT. 14Ï
donné leurs outils à remuer
la terre , & deux pieces de
canon qu'ils enclouerent
en fe retirant .
Les Lettres de Balaguer
& de Cervera portent qu'-
un Regiment Neapolitain
s'eftant pofté aux environs
de Gironne , le Gouverneur
› en ayant efté informé , fortit
avec une partie de fa
garniſon , le défit entiere
ment.
Le Marquis de Valdecanas
ayant appris que
quelques Volontaires avoient
paffé l'Ebro , & s'a
142 MERCURE
vançoient vers Daroca ,
commanda , pour les couper
, plufieurs partis , l'un
defquels conduit par Don
Manuel de faint Martin
Capitaine de Cavalerie , les
rencontra , & les défit ; il
fit plufieurs prifonniers, du
nombre defquels ca efté
leur chef Don Antonio
Biella.
On écrit des frontieres
d'Eftremadure que le Marquis
de Bay avoit fait attaquer
deux atalayas ou tours
fortifiez , par quelques
compagnies deGrenadiers,
GALANT . 143
& qu'elles s'eftoient renduës
fans faire aucune refiftance
, que le Gouverneur
de Campo Mayor y
ayant renvoyé de plus fortes
garnifons , le Marquis
de Bay fit un détachement
fous les ordres de Don Melchior
Cano Marefchal de
Camp qui les obligea à ſe
rendre prifonniers de guerre
, & fit rafer les tours.
On mande d'Arragon
que Don Patricio Laules
Marefchal de Camp &
Commandant de Benavar
ri ayant efté informé que
144 MERCURE
14
les Volontaires & les Miquelets
s'eftoient affemblez
au nombre de huit
cens à deffein de le furprendre
, fut à leur rencontre
, les furprit , & les obligea
de prendre la fuite avec
tant de précipitation que la
plufpart abandonnerent
leurs chevaux , dont on en
prit un grand nombre , il y
en eut plufieurs tuez & faits.
prifonniers.
GALANT. 145
មន
LA RUNE.
A Madame la Marquife
de M.
QUand d'une ardeur´ fi
peu commune
On vous entend pouffer
tout bas
Et des foûpirs & des helas
,
Qui croiroit
que c'eſt pour
la Rune ?
Quelques gens trop promts
à la main
Fuillet 1712 .
N
146 MERCURE
A juger mal de leur prochain
,
Pourront
s'imaginer peutêtre
,
S'ils n'ont l'honneur de vous
connoître
,
Que la Rune eft un cava
lier
,
Non de tels qu'on en voit
paroître
A Paris au moins un millier
,
Dont le merite fingulier
Ne paffe point le Petit - Maître
:
Mais un de ceux au grand
colier ,
GALANT. 147
Qui par fon air diſcret, honnête
,
Vous auroit donné dans la
tête .
Mais j'en avertis promptement
,
Point de jugement temeraire
,
La Rune pour qui feulement
Vous foûpirez fi tendrement
Et fans en faire de myſtere ;
La Rune qui feul fçut toucher
Un coeur toûjours fage &
fevere ;
Nij
148 MERCURE
La Rune qui feul peut vous
plaire ,
Helas n'eft qu'un pauvre
rocher.
Sur la cime des Pirenées .
Où bravant depuis fix mille
ans
Et la foudre & les deftinées ,
Il compte les fiecles courans
,
Comme nous comptons les
années ;
Ce rocher orgueilleux &
fier
Etend au large fon empire ,
Et paroiffant feul & fans
pair,
GALANT. 149
Par pitié pour ce qui refpire
Sans tomber refte prefque
en l'air.
Devant fon énorme figure
Les autres rochers fes fujets ,
Vils avortons de la nature ,
Ne femblent que des marmoufers
,
Dont les plus hauts & les
mieux faits
Ne lui vont pas à la ceinture.
De là comme d'un Belveder
,
Allongeant fon col vers la
mer ,
Il voit fous lui la terre &
l'onde ,
N iij
150
MERCURE
Ét dominant également
Sur l'un & fur l'autre ele.
ment *
Semble , faifant
par tout la
ronde ,
Contempler
curieufement
Ce qui le fait dans tout le
monde
.
Contre fon chefaudacieux
Qui touche preſque jufqu'
aux cieux ,
Paroît cloüé comme une
cage
Un pauvre petit hermitage,
Deux cellules pour loge.
nient ,
GALANT.
ISL
Avec un peu de jardinage ,
Qui cultivé legerement
Fournit affez abondamment
Herbes & fruits pour le ménage.
Joignez encore aubâtiment
Sur l'un des bouts une Chapelle
,
Et de l'hermitage charmant
Vous aurez un portrait fi.
delle .
Cependant du rocher voiſin
Le paffant qui va fon chemin
,
S'il tourne vers là la prunelle
,
Niiij
152 MERCURE
Au lieu d'un logement hu
main ,
De maiſon , Chapelle & jardin
,
Croit ne voir qu'un nid d’hirondelle
.
Or ,foit nid d'hirondelle où
non ,
C'eſt où vous pretendez ,
dit
on ,
Aller fixer vôtre demeure.
Ce deffein eft loüable &
bon ,
Vous le voulez , à la bonne
heure :
Mais tandis qu'au gré de
VOS Voeux
GALANT.
153
Votre
équipage fe prepare,
Que vous prenez vôtre fimarre
Et que l'on treffe vos cheveux
;
Que de papier & de clincaille
Vous ornez le chapeau de
paille ,
Qui dans cette aimable prifon
Doit vous tenir lieu de coiffure
;
Avant d'entrer dans la voiture
,
Et de quitter nôtre horizon,
Souffrez que,comme de raifon
,
154
MERCURE
Je prêche ici vôtre vêture.
La folitude eft belle en vers,
On eft charmé de fa pein
ture :
Mais elle a de fâcheux re ,
vers ,
Et malgré ce qu'on s'en
figure ,
Donne bien de la tablature.
J'en fçai mille exemples divers
,
Quelque bien qu'on foit le
temps dure ,
Et je vois dans cet univers
Qu'on aime à changer de
poſture.
GALANT.
159
Quand vous aurez fait le
plongeon ,
Et que vous vous ferez perchée
Sur le haut de vôtre donjon,
Vous y ferez bien empê.
chée.
De là vous verrez, je le veux ,
La mer en orages feconde ,
Rouler fes flots impetueux ,
Et blanchir les rocs de fon
onde :
Encor le fait eft - il douteux ;
Car du fommet de cette
roche ,
Avec l'oeil le plus délié ,
Pour voir la mer qui bat fon
pié
156 MERCURE
Il faut des lunettes d'approche.
Mais voyez- la , je le veux
bien ;
Voyez , fi vous voulez , encore
Depuis le rivage Chrétien
Jufques au rivage du More ;
Confiderez de toutes parts
Vingt & vingt Royaumes
épars ;
Voyez encore , s'il fe peut
faire
,
Tout ce que le Soleil éclaire;
Et , fi jamais rien vous a
plû ,
Ayoüez , fainte folitaire ,
GALANT .
157
Que cette vûë a de quoy
plaire :
Mais d'un coup d'oeil on a
tout vû.
Durant cela le jour s'allonge
,
Le Soleil marche avec lenreur
:
Il eſt encor dans fa hauteur ,
Qu'on attend l'inſtant qu'il
ſe plonge ,
Et qu'enfin le fommeil vainqueur
Du cruel chagrin qui vous
ronge ,
Etourdiffe vôtre langueur ,
158
MERCURE
Et par l'image d'un beau
fonge
Charme l'ennui de vôtre
cecur .
Lorfque cet ennui vous poffede
,
La priere eft un bon remede
;
Tout hermite en doit faire
cas ,
S'il veut que Dieu lui foit
en aide.
Vous prierez , je n'en doute
pas :
Mais l'ame eft quelquefois
bien
tiede ,
Et quand deprier on eft las,
GALANT.
159
Il faut trouver quelque intermede
.
Je veux que dans vôtre oraifon
Dieu vous anime & vous
confole ,
Qu'il éclaire vôtre raiſon ,
Et vous porte au coeur fa
role :
pa-
Mais aprés toutes ces faveurs
,
Vous
trouverez comme
tant d'autres ,
Bientôt la fin de vos ferveurs
Et le bout de vos patenôtres
,
160 MERCURE
Et gare auffi quelques vapeurs.
Ce n'eft pas que de vôtre
Dune ,
Comme du haut d'une Tribune
,
Vous pourrez prêcher les
poiffons ,
Qui réveillez par vos doux
fons
,
Et curieux de vous connoître
,
Pour mieux entendre vos
leçons ,
Mettront la tête à la fenêtre.
Je
GALANT. 161
Je vois déja les eftourgeons
Sur la mer faire un promontoire
,
Avec un peuple de goujons
Qui courent à votre auditoire
:
Les dauphins en gens du
grand air ,
Pardeffus l'eau levant la tête
,
Et ruminant quelque conquête
,
Viennent d'un pas de Duc
& Pair.
Comme Dames de haut parage
Les baleines plus lentement
Juillet 1712.
162 MERCURE
S'avancent en grand équi
page ,
Traînant aprés elles maint
page
Qui fend les eaux gaillar
dement .
Prêchez mais au fortir de
chaire
N'attendez point de com .
pliment ,
Les poiffons n'en fçavent
point faire ;
Non , ni baleine ni faumon
N'aura jamais Fefprit de
direr:
Le grand talent ! le beau
fermom! J
GALANT.
163
Cependant il n'en faut pas
¡ire ,
Un
compliment un peu
teur
fla-
Soulage le Predicateur ;
Il ne prêche que pour inftruire
:
Mais après tout je croirois
bien
Qu'un compliment ne gâte
rien.
C'eft chofe enfin bien ennuyeuſe
,
Fut- on même grande caufeufe
,
D'entretenir un peuple for ,
Quifait fortir de les paupieres
O ij
164 MERCURE
Des yeux grands comme
des falieres ,
Et jamais ne vous répond
mot.
Un long filence nous at
triſte
;
Encor faut-il dans le befoin
Avoir quelqu'un qui prenne
foin
De vous dire, Dieu vous affifte
.
Ce monde a de fort grands
défauts ,
Ne craignez pas que je l'excufe
;
Il eſt méchant,leger &faux,
GALANT. 165
Il trompe , il feduit , il abuſe,
Il eft auteur de mille maux :
Mais tel qu'il eft il nous
amufe
,
Sans ceffe il fournit à nos
yeux
Mille fpectacles curieux.
Sa ſcene mobile & chan-
Plaît même
geante
par fon changement
;
Toûjours nouvel évenement
Que fon efprit fecond enfante
Nous réveille agreablement.
166 MERCURE
L'un rit , & l'autre fe lamente
,
Tous deux trompez égale.
ment ,
L'un arrive au port fûrement
L'autre eft encor dans la
tourmente ;
L'un perd fon bien , l'autre
l'augmente ;
L'un pourfuit inutilement
La fortune toûjours fuyante
,
L'autre l'attend tranquile
ment ,
Ou parvient fans fçavoir
comment
GALANT. 167
Et prefque contre ſon at
tente.
L'un reüffit heureuſement ,
L'autre, aprés bien du mou .
vement ,
Trouve un rival qui le fupplante.
L'un en pefte , l'autre en
plaifante ,
L'un vous brufque groffierement
,
L'autre d'une main caref
fante
Vous poignarde civile
ment.
L'unaime Dieu trés- ardem ,
ment ,
168 MERCURE
Ou fait femblant , que je ne
mente ;
Pour fon prochain , il s'en
exempte.
L'autre s'aime trés tendrement
,
Et d'autrui fort peu fe tourmente.
L'un fe venge devotement ,
L'autre avec éclat , & s'en
vante.
L'un parle des Saints doctement
,
L'autre les revere humblement
Et de les fuivre fe conten-
ر ش
te. :
L'un
GALANT. 169
L'un a de l'air , de l'agrément
,
L'autre par fa mine é
pouvante ;
L'un fait un bon contrat
de
rente
,
Et l'autre fait un teſtament
,
L'un à quinze ans , l'ame
dolente
,
1
Va prendre gifte au monument
,
Et l'autre prend femme
à foixante
L'un fe fait tuer trifte-
Fuillet 1712.
P
170 MERCURE
ment ,
L'autre naift au mefme
moment
Pour remplir la place
vacante ;
On rencontre indifferemment
Un Bapteſme , un Enterrement
;
Enfin c'eft une Comedie
De voir ce qu'on voit
tous les jours :
Vous diriez en voyant
ces tours ,
Que la fortune s'eftudie
GALANT. 171
Sans ceffe à varier fon
cours ;
Tousjours quelque metamorphofe
Donne matiere à l'entretien
,
Mais fur la Rune on ne
voit rien ,
f
Ou c'eſt
tousjours la
meſme choſe ;
En un mot dans ce pau-
30 vre nid
On ne fçait qui meurt ,
ny qui vit.
Il est bien vray qu'à vo-
Pij
172 MERCURE
ftre Rune
Vous ferez proche de la
Lune ,
Et que mefme en faiſant
chemin
,
Elle peut vous toucher
la main.
Mais en ferez - vous plus
chanceuſe ,
Et pouvez - vous faire
grand castr
D'une voiſine fi fafcheufe
?
Si l'on en croit les Almanachs
,
GALANT . 173
La Dame eft fort capricieuſe
,
Donnant dans des hauts
& des bas.
Elle fera la
précieuſe
Voilant
quelquefois fes
appas ,
Quelquefois ne les voilant
pas ;
Tantoft ſe montrant toute
entiere ,
Tantoft feulement à moi-
Castié
,
Sans que par foupir ny
priere ,
P iij
174 MERCURE
Ny par les droits de l'amitié
,
Vous puifficz durant fa
45
carrière.
En obtenir pour un moments
Comme une grace finguliere
,
De changer fon ajuſte-
20hing ment.
D'ailleurs il ne faut nullement
Qu'elle vous foit ſi familiere
;
Croyez- moy , c'eſt ſans
GALANT. 175
paffion ,
Avec une telle ouvriere
Point trop de frequentation
;
Car outre fa complexion
Que l'on dit eſtre fort
mauvaiſe ,
N'eftant jamais , ne vous
deplaife ,
Sans quelque bonne fluxion
,
Outre fes rhumes , fes catharres
,
Qu'on gagne par contagion
,
P iiij
176 MERCURE
Ainfi que fes humeurs
bifarres
Dans cette trifte region ;
Sa conduite n'eft pas bien
nette ,
Je vous le dis
auparavant,
Bien qu'elle foit vieille
planette ,
Elle met en jeune coquette
,
Du rouge & des mouches
fouvent ,
Et fe farde fous fa cornette
Je le fçay de plus d'un
GALANT. 177
fçavant
Qu'elle reçoit à fa toillette
:
De plus , ſi ce n'eſt un
faux bruit ,
Au lieu de vivre en femme
fage ,
Elle abandonne fon mefnage
,
Et court le bal toute la
nuit.
De là vient , je croy , certain
conte
D'un certain jeune Endimion
178 MERCURE
Que le monde a mis fur
fon compte
;
Et cette indigne affection
A dans tous lieux fur fon
paffage
Taché fa reputation ,
Autant ou plus que fon
vifage.
Peut - eftre eft - ce une
fiction ,
Mais enfin cela la diffame
;
Et pourquoy fortant de
fon
trou ,
Va- t- elle auffi la bonne
GALANT. 179
Dame
Courir la nuit le guilledou
,
Le beau meftier pour une
femme ;
Et puis après l'a plaindra
t'on
Quand on luy vient
chanter fa
gamme ,
Ou luy donner quelque
dicton ;
Helas la pauvre malheureufe
land on
Le bel honneur où la
voila
180 MERCURE
De paffer pour une coureufe
!
La verrez - vous après
cela ?
Vous n'aurez point cette
manie ,
Et c'eft für quoy l'on veut
compter ;
Voila pourtant la compagnie
,
Dont il faudra vous contenter
.
Il ne faut point que l'on
vous berce
De cet efpoir
trompeur
GALANT. 181
I
& vain ,
Que vous puiffiez avoir
commerce
Avec aucun viſage humain
;
Si ce n'eft quelque pauvre
haire ,
Qui dans les rochers égaré
,
Vint à vous d'un air é-
- ploré ,
Cherchant remede à fa
mifere .
Il fera d'un ton doulouov
kreux ,
182 MERCURE
S'il vous trouve prompt
à le
croire ,
Du defaftre le plus affreux
,
La trifte & lamentable
hiſtoire ,
Mais tout cela fent le
grimoire ,
Prenez bien garde à l'hameçon
:
Et crainte de tout malefice
,
Fermez la porte fans façon
,
Et luy dites , Dieu yous
GALANT. 183
beniffe.
Mais la charité .... mais
enfin
On dit que le diable eſt
bien fin ,
Le drofle eft fait au badinage
,
C'eſt un franc archipatelin
,
Sombre , fournois , fourbe
& malin ,
Qui fçait jouer fon perfonnage
,
Et qui pour fonder le
terrain
,
184 MERCURE
Va ſouvent en pelerinage
,
Defiez- vous du pelerin ;
Mais fans que le diable
s'en mefle ,
Il s'en fait aſſez aujourd
huy .
Et quoy qu'on jette tout
fur luy ,
Ce n'eft pas toujours luy
qui gretle :
Nous avons au dedans
de
nous
Un ennemy bien plus
à craindre ,
GALANT. 184
Il porte les plus rudes
coups ,
Et perfonne n'ofe s'en
plaindre ,
Chacun l'excufe & le
cherit
,
Et s'il arrive quelque
hiſtoire
,
On s'en prend au malin
eſprit ,
A qui l'on en fait bien
accroire.
Il a tout fait , il a tout dit,
On compte fort fur fon
credit ;
Fuillet 1712. Q
186 MERCURE
C'eft luy qui fait qu'on
fuit la peine ,
Et que l'on cherche le
plaifir ,
C'eft luy qui par la main
nous meine
Où nous porte noftre
defir ;
C'eft luy qui fait la medifance
,
C'eft luy qui dicte la
vengeance ,
C'eft luy dont l'afcendant
certain
Rend le foldat dur &
GALANT . 187
barbare ,
Rend le noble fier &
hautain
,
Rend le jeune homme
libertin
,
Et le fexagenaire avare.
Le fourbe dans fes trahifons
,
Et le faint dans fes oraifons
,
Imputent tout à fa malice.
De tous les maux que
nous faifons
Il eſt l'autheur & le com-
Qij
188 MERCURE
plice ;
He
laiffons - le pour ce
qu'il eft :
Pourquoy
faut il qu'on
s'imagine
Qu'il fait jouer comme
il luy plaiſt ,
Les refforts de noftre
machine ,
On l'accufe de maint forfait
,
Mais à bien juger de
l'affaire
Souvent ce n'eft
qui fait ,
pas
luy
GALANT . 189
Il ne fait que nous laiſſer
faire.
On fe livre à la
volupté ,
Parce qu'elle flatte &
qu'on l'aime ,
Et fi du diable on eft
tenté ,
Il faut dire la verité ,
Chacun eft un diable à
foy -mefme.
190 MERCURE
LIVRE NOUVEAU.
EXTRAIT
d'une Refponfe de Mr D ...
à la Lettre d'un defes amis ,
aufujet du Livre intitulé ,
Tableau des maladies...
traduit de Lommius avec
des Remarques ,&c, vol in
12. à Paris , chez L. Seveftre
, rue des Amandiers ,
vis - à - vis le College des
Craffins.
Mr , le Livre dont vous
me parlez fait affez de
bruit. Un fage & fçavant
GALANT. 191
critique ( le R. P. Tournemine
) avoit mis cette traduction
en credit avant
qu'elle paruft ( mem . de Tr.
m . de Jan. 1712. ) Lommius
Med. de Bruxelles , avoit
effayé de donner un abbregé
de Hippocrate , en raffemblant
fur chaque maladie
tout ce qu'il avoit peu
rencontrer dans fes oeuvres
, d'obſervations effentielles
pour bien connoif
tre les maladies , & en faire
un pronoftic affuré de leur .
évenement. Comme Hippocrate
n'a merité le nom
192 MERCURE
de divin que pour avoir excellé
dans cette partie de
l'art qui apprend à prévoir
les accidens qui doivent arriver
dans les
maladies , &
comment elles doivent fe
terminer , Lommius s'eft
particulierement
attaché
aux obfervations fur lefquelles
cette fcience eft
cftablie ; & il en a fait un
heureux choix , qui fait
honneur à la fource d'où
il eft puisé. Cela joint à la
pureté du ftile de l'Autheur
, a fait goufter ce Livre
à tous les habiles Medecins
.
GALANT. 193
ADDRESSE
de la Lieutenance de la Ville
de Londres à la Reine de la
Grande Bretagne
.
MADAME ,
Nous demandons treshumblement
la permiffion
d'approcher Voftre Majefté
, pleins d'une jufte
reconnoiffance de la tresfavorable
condefcendance
de Voftre Majefté , en faifant
fçavoir à voftre peuple
, qu'enfin la France a
efté amenée au point d'of
Fuillet 1712 .
R
194 MERCURE
frir fous quelles conditions.
on peut faire une paix generale
.
Les paroles nous manquent
pour exprimer noftre
reconnoiffance à Voſtre
Majefté , pour le foin
que Vous avez pris de la
Succeffion Proteftante
comme elle eſt eſtablie par
les Loix , dans la Maiſon
de Hanover , & de pourfuivre
avec fermeté le veritable
intereft de vos propres
Royaumes , & la fatisfaction
de vos Alliez , malgré
tous les obſtacles in-
Σ
GALANT. 195
venteż artificieufement
pour les traverfer.
Madame : Comme nous
fommes entierement affeu
rez , que rien ne manquera
de la part de Voftre
Majefté dans le progrez
de cette Negociation , nous
nous repofons tres humblement
fur voftre grande
fageffe , pour achever un fi
grand & ſi bon ouvrage.
Reſponſe de Sa Majesté.
Je vous remercie de bon
coeur de cette Addreffe : Je
fuis contente
des marques
,
Rij
196 MERCURE
de voftre devoir & de vo
ftre fidelité , & vous pouvez
compter fur mes fermes
efforts , pour affeurer
la Succeffion Proteftante.
& le Gouvernement , tel
qu'il cft eſtabli par la Loi ,
dans l'Eglife & dans l'Eſtat ,
& pour avancer le veritable
Intereft de tous mes
fujets .
EXTRAIT
de la Gazette de Hollande.
: Les Lettres de Londres
du 22 , viennent d'arriver :
voici ce qu'elles ont de
GALANT . 197
plus confiderable
.
On continue à imprimer
en cette Ville des libelles
tres injurieux & fcanda
leux , qui fe vendent publi
queinent fans aucune oppofition
, ils ne tendent
qu'à exciter la divifion qui
n'eft desja que trop grande
, & qu'on voudroit encore
augmenter , s'il eftoit
poffible , entre la Cour &
les Alliez . Mercredy der
nier il fortit de la preffe
une nouvelle brocheure au
fujet de Dunkerque. Cet
eferit parle fort au defa-
R. iij
198 MERCURE
vantage du miniftere prefent
, & fait l'éloge du précedent
. Il a pour titre : La
Correfpondance
avec la Francè
claire comme le Soleil.
Cependant
les Toris rigides
dilent hautement
que
files Alliez n'acceptent
pas le projet qui leur a efté
prefenté par les Miniftres.
de la Reine
, Sa Majesté
fera obligée
de faire la paix
avec les deux Couronnes
,
& de prendre avec elles
des mefures
pour obliger
les Alliez à la faire enfuite
generale
; mais que s'ils
GALANT . 199
continuent à cabaler contre
l'Eftat , le Miniftere &
le Parlement ne manqueront
pas de moyens pour
les en faire repentir , & que
s'il faut enfin entrer en alliance
avec la France , les
Alliez en feront caufe , &
qu'alors les Anglois pourront
agir vivement avec les
deux Couronnes pour obtenir
la paix de l'Europe ,
& qu'ils ofteront tout com
merce aux Hollandois ,
tant dans la Mediterranée
que dans l'Ocean . Mais les
Moderez ne parlent pas de
R iiij
200 MERCURE
cette maniere , ils efperent
au contraire qu'on trouvera
enfin un moyen pour
donner une plus ample fatisfaction,
fur tout aux Hollandois
avec lefquels il faut
roujours eftre unis pour le
maintien des deux Eftats ,
& de la Religion Protef
tante . Hier au matin on
apprit par un Exprés du
General Hill qu'il avoit
pris poffeffion de Dunkerque
, ce qui a causé icy une
grande joye , on tira le Canon
, & il y eut le foir des
feux de joye & des illumiGALANT.
201
nations par toute la Ville .
Le même jour il arriva auffi
un Exprés du Duc d'Ormond
, avec avis qu'il avoit
fait publier dans fon armée
la fufpenfion d'armes , &
qu'enfuite il l'a feparée des
Alliés . La Reine a efté complimentée
par toute laCour
fur la poffeffion de Dunkerque.
On affure que Sa
Majefté ira de Mardi en
huit jours à Windfor pour
y paffer la belle ſaiſon.
Le Roy a donné au Marquis
de Meufe un ancien
Regiment vaquant par la
102 MERCURE
mort du Comte de Tourville
.
On a pris fur la Scarpe
40 Belande qui venoient
de Marchienne .
Le Duc d'Ormond s'eft
rendu maistre des fept por
tes de la Ville de Gand.
Le Duc de Hamilton
vient icy de la part de la
Reine d'Angleterre. Le
Duc d'Argile va en Eſpagne
& en Portugal pour ramener
les troupes d'Angleterre.
GALANT . 203
MORT S.
Meffire Charles Bruflard
du Ranchet , Maref
chal des Camps & Armées
du Roy , grand Bailly &
Gouverneur des Ville
Chafteau & Prevofté du
Quefnoy , mourut fans pofterité
le premier Juillet :
âgé de 87. ans.
Meffire Charles de Bruflard
Gouverneur & grand
Bailly de la Ville , Cicadelle
& Chaftellenie du Quefnoy
, eftoit fils de N. Bruflard
, ſeigneur du Brouffin
204 MERCURE
& du Rranchet, Confeiller
d'Eftat d'Epée , & de Marie
Colbert : il avoit pour
frere feu Mr le Marquis de
Brouffin , qui de feu Marie
Bouin a laiffé Louife Magdelaine
de Bruflard Marquife
de Treffan, ci devant
veuve de Jules du Bouffay
Marquis de Roqueépine.
La Maiſon de Bruflard
eft une des plus anciennes
du Royaume , & a poſſedé
les plus grandes dignitez
des armes , & de la robbe.
Elle tire fon origine de la
Province d'Artois . Adam
GALANT. 205
Bruflard qui vivoit en 1087 .
Baron de Hées vint s'eftablir
en France en 1087. fous
Philippes I. & fut Chambellan
de ce Roy . Plufieurs
feigneurs de cette Maiſon
ont poffe dé la mefme chargé
fous Louis VIII . Jacqués
de Bruflard eftoit premier
Maiſtre de la Chambre
ambulante , composée
des plus grands feigneurs ,
qui feuls rendoient la Jultice
par tout le Royaume ,
n'y ayant point encore de
Parlements establis . Cette
mefme Chambre ambu206
MERCURE
ques
lante fut renduë fedentaire
à Paris , on l'appelle le
Parlement . Ce melme Jacde
Bruflard prononça
ce celebre Arrest l'an 1320 .
en prefence de Philippes V.
dit le Long , qui adjugea
la Comté d'Artois à Mahaud
d'Artois contre Robert
d'Artois . On voit un
Bruflard grand Maiftre des
Angins , qui eftoit comme
grand Maiftre de l'Artillerie
d apreſent. La branche
de Bruflard Brouffin eft cadette
des feigneurs de Genlis.
GALANT . 207
Meffire Auguftin de .
Archevefque Maupeou
d'Auch , mourut le 12. Juin
dans fon Dioceſe âgé de
foixante cinq ans .
La Maifon de Maupeou
eft une des plus anciennes
du Parlement de Paris , où
elle a poffedé plufieurs
Charges confiderables
Madame laChanceliere
de
Pontchartrain
eft de cette
Maiſon ; feu . Mr l'Archevefque
d'Auch avoit pour
frere Mr de Maupeou
Préfident aux Enquestes ,
qui a laiffé un fils N. de
208 MERCURE
Maupeou Maistre des Requettes
, qui a épousé l'hiver
dernier N. de Lamoignon
de Bafville , fille de
Mr de Lamoignon de Curfon
Intendant de Bourdeaux
, & de N. Melian ,
& petite fille de Mr. de
Lamoignon de Baſville
Confeiller d'Eftat ordinaire
, & Intendant de la Province
de Languedoc . Mr
le Marquis de Maupeou
Capitaine aux Gardes
Marefchal de Camp des
Armées du Roy , Infpecteur
de l'Infanterie , & Mr
>
de
GALANT . 209
de Maupeou
Dalbeche
Maistre des Requeſtes
, Directeur
des Commerces
,
font auffi de la meſme
Maifon.
MARIAGES.
Mrle Bret premier premier
Préfident d'Aix a épousé
Mademoiſelle
de la
Briffe fille de feu Mr de
la Briffe Procureur General
au Parlement de Paris.
Mr Larcher d'Olify Confeiller
au Parlement , fils de
Mr le Préfident Larcher ,
dont la naiffance ancien-
Fuillet 1712. S
2To
MERCURE
ne &
diftinguée n'eft igno
rée de
perfonne , a
épousé
Mademoiſelle de
Jaucen ,
fille de Mr de
Jaucen Fermier
general du Roy , &
d'une des
anciennes
familles
de la
Province du bas-
Limofin .
On a parlé de la Famille
de
Meffieurs Larcher
dans le
Mercure de May ,
à
l'occafion du
mariage de
Mademoiſelle Larcher .
GALANT. 20
NOUVELLES
d'Espagne
.
Les Lettres d'Eftremadu
27. de Juin ,
portent re du
que les Portugais ayant eu
avis que le Marquis de Bay
avoit fait un détachement
de Cavalerie & de Dragons
fous les ordres de Don
Gonçalo de Carvajal Brigadier
, pour enlever leur
Convoy qu'ils conduifoient
d'Elvas a Campo Mayor ,
rentrerent dans Elvas avec
tant de diligence qu'on ne
put prendre que quelques
Sij
12 MERCURE
Cavaliers ou Dragons avec
leurs Chevaux . On parle
de mettre l'armée en quartier
de rafraichiffement .
On mande de Catalogne
que les Ennemis ne font
aucun mouvement , que le
Prince Tferclas avoit donné
ordre aux troupes de
fortir de leurs quartiers
pour former l'armée.
Le 7. Juin jour de la
naiffance de l'Infant , il
fut baptifé felon la couftume
, par le Patriarche des
Indes & nommé Philippe .
Le même jour la Cour
GALANT. 213
quitta le deuil , que l'on
porte pour Monſeigneur
le Dauphin & pour Madame
la Dauphine , le foir
& les deux nuits fuivantes.
il y eut de grandes illumina
tions par toute la Ville .
On mande de Saragoffe
du 6. Juillet , que divers
Officiers Generaux des
troupes Françoifes qui ſervent
en Catalogne s'y eftoient
rendus pour tenir
confeil fur les projets de la
Campagne avec le Prince
Tferclas de Tilly , qu'il
avoit renforcé les poftes du
•
26 MERCURE
demandoit une réfolution
de cette importance il s'étoit
d'abord déterminé à
préferer la Monarchie d'Ef
pagne aux droits qu'il avoit
à la fucceffion de la Couronne
de France .
Ce Decret eftoit fait en
termes qui exprimoient fi
bien l'amour de fa Majefté
pour les fujets qu'auffitoft
le Confeil d'Eftat réfolut
de luy demander la permif
fion d'aller lui baifer la
main pour luy faire leurs
tres humbles remercimens
& luy témoigner leur re
connoiffance.
GALANT. 217
ENIGM E.
IL eft de mon espece un
mâle , une femelle ,
Qui fe feparent
rarement
,
Et penfent peu differemment
,
Tant l'un eft
pour
fidele.
l'autre
Selon le terroir où je fuis ,
Feproduis de trés-bons , ou
de trés-mauvais fruits:
Juillet 1712 .
T
218 MERCURE
Tantôt tendre & galant ,
& quelquefois barbare ,
Je chemine d'unpas inégal
& bizarre
Tantôt trifte & chagrin .
tantôtjoyeux, plaifant ,
Tantôt faifant éloge, &
tantôt médifant.
Quand je fuis ferieux ,
quand j'ai de la trif
teße ,
Τ
Alors mon corps plus é-
Stenda ..
Sur plus de pieds eft répanda
:
GALANT . 219
Mais loin
d'augmenter
ma viteße ,
Je n'en vais que plus gravement.
Quandje fuis gat , quand
j'ai de l'enjoument ,
Alors mon corps & ma
figure
Sont d'une inégale ftructure
,
Et ne marche qu'à perit
train .
Je fers dans l'amoureuse
peine
Lesfoins du tendre amour,
Tij
220 MERCURE
le depit & la haine ;
Fe mords , je pique , & répands
du venin ,
Dont le poifon a tant de
violence
,
Qu'il revient vivement
fur celui qui le lance .
Le bûveur transporté des
douceurs de Baccus ,
Vient chanter avec moy
la douceur de fon jus .
C'est moy qui fous la loy
de cette rime obfcure
Te viens cacher ici cette
fombre peinture.
GALANT. 221
C'est chercher trop longtemps
, lecteur trop
curieux ,
Quoy tu ne me vois pas ?
je fuisdevant tes yeux.
A Fontainebleau le 26 ,
Fuillet.
Le 23. Juillet l'armée du
Roy étant campée , la droite
à Maringhemfur la Sambre
, & la gauche au Cateau
Cambrefis, M. le Maréchal
de Villars fit jetter plufieurs
ponts fur la Sambre , & declara
qu'il vouloit attaquer
T iij
222 MERCURE
les quartiers des ennemis
devant Landrecy , de l'autre
côté de la Sambre. Ef
fectivement l'armée ſe mit
en marche par la droite à
l'entrée de la nuit , & M. le
Comte de Coigny paſſa lá
Sambre avec fa referve dans
le même tems . Monfieur de
Villars, dont le deffein étoit
d'attaquer le camp retran
ché que les ennemis avoient
à Denain de l'autre côté de
L'Efcaut , fit marcher par fa
gauche M. le Comte de
ran-
Broglio avec fa referve de
cavalerie , & M. de VieuxGALANT.
223
pont avec trente bataillons,
qui paffa la Selle , c'eſt à
dire qu'il fe pofta entre la
Selle & l'Efcaut , parce que
l'armée étoit campée audelà
de Landrecy . M. d'Albergotty
vint avec vingt
bataillons &
quarante efcadrons
de la gauche . Peu
de temps aprés le reſte de
l'armée fit demi tour à gauche
, & tout marcha fur
une ligne vers l'Eſcaut , où
elle arriva avec le canon le
24. à huit heures du matin .
Les pontons furent faits en
trois quarts- d'heure . M. de
A
Tiiij
224
MERCURE
Broglio fe trouvant natu
rellement à la tête de tout ,
s'avança le premier avec fa
referve , & fut fuivi par les
Brigades de Navarre ,
Champagne , le Maine
Royal , Lionnois, Tourville ,
les Vaiffeaux , & Brande
lais , commandées par M.
d'Albergotty , Vieuxpont ,
Dreux & Brandelais , Lieutenans
generaux ; & pour
Maréchaux de Camp Meffieurs
de Nangis , le Prince
d'Iffanguien ,le Duc deMortemart
& Mouchi . Il étoit
une heure aprés midi lorfGALANT.
225
que M. de Broglio avec fa
referve de cavalerie força
la ligne des ennemis qui alloit
de Denain à Marchienne
, paffant par
Efcordain :
il paffa les retranchemens à
cheval , & défit la cavalerie
qui les défendoit . L'infanterie
ennemie , au nombre
de feize ou dix -huit bataillons
, avec du canon , étoit
dans des
fort élevez , que les ennemis
avoient eu le temps de
perfectionner , qui envelopoient
le village de Denain
& celui de Prouvy , où ils
retranchemens
226 MERCURE
avoient leurs ponts fur l'E
caut , pour communiquer
-avec l'armée du Prince Eugene
, qui étoit derriere
I'Efcaillon , foûtenant par
fa gauche le camp devant
il
Landrecy & le camp de
Denain par fa droite. Aprés
que M. de Broglio cut forcé
les retranchemens ,
tomba fur un convoy de
cinq cent chariots chargez
de pain pour l'armée ennemie
, efcorté par cinq ou fix
-cent hommes , qu'il défit ,
& fe rendit maître du con
voy entier.
-GALANT. 227
ན་
Pendant ce temps - là l'infanterie
de l'armée du Roy
paffa la ligne que l'on venoit
de forcer , & fe mit en
bataille , la droite à cette
même ligne , & la gauche à
l'autre ligne des ennemis
qui prenoit de l'Eſcaut à S.
Amant , pour attaquer le
retranchement de Denain
où étoit l'infanterie . Ce retranchement
fut forcé,malgré
une trés - grande refiftance
& un grand feu de la
part des ennemis , les troupes
du Roy s'y étant portées
avec toute la valeur poſſible.
228 MERCURE
Meffieurs d'Albergotty
& de Nangis marcherent
au pont de Prouvy , pour
couper la retraite des ennemis
, & les empêcher d'être
foûtenus par l'armée du
Prince Eugene , dont on
voyoit les colonnes de l'autre
côté de l'Efcaut. Ils fe
rendirent maîtres de ce
pont , que les ennemis reprirent
enfuite ; & c'eſt là
où s'eft donné le plus grand
combat , qui a duré juſqu'à
fix heures du foir , ce pont
ayant été pris & repris par
trois fois , les troupes du
A
GALANT. 229
Roy en étant enfin demeurées
en poffeffion . Et l'on
peut compter que toutes
les troupes des ennemis qui
compofoient ce camp , au
nombre de feize à dix - huit
bataillons , & un corps de
a
cavalerie , dont on ne fçait
pas encore le nombre , rien
ne s'eft fauvé , & que tout
f le reste a été pris ou tué.
7
M. le Prince de Tingry
étant enfuite forti de Valenciennes
avec fa garnifon
, & étant venu à la Sence
de Hurtebize , il a forcé un
camp des ennemis dans un
230 MERCURE
village , fans que l'on fçache
encore le détail. Mef.
freurs de Villars & Montef
quiou étoient tous deux à
l'action ; & outre les Officiers
generaux ci - deffus
nommez , M. le Comte de
faint Maurice , Lieutenant
general des troupes de Cologne
, M. du Rofel , le Prince
Charles , M. de la Valliere,
& M. de Silli y étoient
auffi. not caldr
Les principaux Officiers
que nous avons faits prifonniers
, font Milord d'Albemarle
, le Prince d'An--
GALANT. 231
halt & Bline , Lieutenans
generaux , le Prince d'Holftein
& M. de Saulme, Maréchal
de Camp , Homel ,
Colonel du Grand -Maître
de l'Ordre Teutonique ; le
Major des troupes Impe
riales , & plufieurs autres
Colonels & Officiers . Nous
y avons perdu M. de Tour
ville tué ,M. de Meuſe bleffé
à mort , M. de Chevalier de
Teffé , Colonel de Chame
pagne , bleffé , le Marquis
de Jonfac le poignet caffé.
On a trouvé dans le camp
des ennemis une grande
232 MERCURE
quantité de proviſions de
guerre, parce que c'étoit là
leur dépôt.
Au départ de M. de Nangis
, qui a apporté la nouvelle
de cette action au
Roy' , M. de Broglio avoit
marché pour attaquer Marchiennes
, où les ennemis
ont deux ou trois cent batteaux
chargez de toutes fortes
de munitions de guerre.
& de bouche. Il n'y a pas
lieu de douter qu'il ne s'en
foit emparé , les ennemis ne
pouvant le fecourir. and
Monfieur le Prince Eu
gene
GALANT.
233
gene étoit dans le camp de
Denain à neuf heures du
matin ; & aprés avoir fait
les difpofitions pour foûtenir
l'attaque , il alla à ſon
armée , pour la faire avancer
au fecours du camp .
MORTS.
Dame Thereſe de Faverolles
, veuve de Meffire
Claude Heron , Conſeiller
honoraire de la Cour des
Aydes , mourut le 2. Juillet
1712. laiffant , entre autres
enfans , Monfieur Heron ,
·Juillet 1712.
Y
234 MERCURE
Confeiller au Parlement.
Meffire Euftache Thi
beuf , Seigneur de S. Germain
, du vieil Corbeil ,
Bouville , le Val , Cocatris ,
&c. qui avoit été reçû Confeiller
au Parlement en Janvier
1661. mourut étant de
la Grand Chambre le 12 .
Juillet 1712. âgé de 77. ans ,
fans laiffer de pofterité.
Il avoit époufe Dame
Marie Jolly , veuve de Meffire
Louis Saveau , Confeil
ler de la Cour des Aydes ,
morte le 12. Octobre 1698 .
GALANT.
235
Meffire Nicolas Fra
guier , Doyen de la pre
miere des Enquêtes , eft
monté à la Grand' Chami
bre.
Dame
Catherine Roger,
veuve de Meffire Charles-
Renouard de la Touanne ,
Confeiller du Roy Trefo-
Fier general de l'Extraordinaire
des guerres , mourut
le 14. Juillet.
Pierre Delpech , Confeiller
- Secretaire du Roy , Receveur
general des Finan-
V ij
236 MERCURE
ces d'Auvergne , & l'un des
Fermiers Generaux de Sa
Majefté , mourut le 14. Juillet
1712.
Dame Françoife - Eliſabeth
de Sauvion , veuve de
Meflire Pierre Vincent Bertin
, Treforier general des
Revenus Cafuels de Sa Majefté
, mourut le 20. Juillet
1712.
XX
GALANT. 237
08*8100XXX
HARANGUE.
Monfeigneur ,
La Faculté de 'Theologie
venant vous marquer com+
bien elle eſt ſenſible à vôtre
élevation à la dignité de
Cardinal , fe fait honneur à
elle - même. Elle regarde
avec plaifir l'éclat de votre
pourpre rejaillir fur tous les
membres qui la compoſent.
Cette fçavante Compagnie
238 MERCURE
n'oubliera jamais les riches
talens que vous avez fait
briller dans fon Ecole. Les
diſtinctions qu'elle vous a
données ne font pas tant
des marques de fon eftime ,
que des preuves évidentes
de vos merites fingulièrs ;
de cet efprit vif & perçant ,
de cette fcience vafte &
profonde, de cette éloquen .
ce folide , accompagnée de
toute la politeffe des anciens.
Qualitez excellentes
qui vous ont fait admirer
de tout le monde , & qui
vous ont attiré les applau
GALANT.
239
diffemens de la Cour. Le
Souverain Pontife qui vous
a fait éminent en dignité ,
vous a trouvé éminent en
vertu , en fageffe , en modeftie
, en douceur , en verité
, en pieté : vertus rares
dans les jeunes Princes , élevez
fouvent dans la mol
leffe & dans le fein des plaifirs
Mais ce qui eft plus glorieux
à Vôtre Alteffe Emninentiffime
eſt Monfei
gneur , que le plus grand
Roy du monde , aprés vous
avoir choifi dans votre flo .
riffante jeuneffe pour rem240
MERCURE
plir le Siege d'une ville importante
à l'Etat & à la Re.
ligion , vous a jugé digne
de la Pourpre , Prince dont
la penetration
ne permet
pas qu'il ſe trompe dans ſes
jugemens. Cette nouvelle
dignité que vous avez fait
entrer dans l'illuftre Maifon
de Rohan , donne un nouveau
luftre à vos ancêtres ,
Ces Princes fouverains
que l'hiſtoire nous apprend
avoir regné avec valeur ,
& avoir gouverné leur peuple
avec équité & religion .
Il ne nous refte plus
MonfeiGALANT.
241
Monfeigneur, qu'un devoir
à remplir , qui eſt de prier
Dieu de vous laiffer longtemps
dans cette éminente
place , pour la gloire de ſon
nom & pour
le bien de fon
Eglife.
Cette Harangue a été
faite par M. de la Roque
, Doyen de la Faculté
de Theologie de
Paris , accompagné de
plufieurs des principaux
de cette Faculté .
Juillet 1712
X
242 MERCURE
Parodie de l'Enigme dont
le mot eft le Corps,
Que maudit fait mon
mariage ;
Caron a milie fois, je crois,
Ainfi nommé ce qui joint
l'ame à moy.
Souvent l'ame & le corps
font très mauvais
ménage.
Du mariage encor c'est la
proprieté :
En gardant fa maifon avec
exactitude ,
X
GALANT . 243
Mon époofe fe perd par
contrarieté.
Je portefur mon front parfois
fa turpitude,
Autre appanage de mari
.
De ma femme
pourtant
je fuis le favori.
Quand je fuis bien usé
ma femme est encor
neuve :
Entre époux bien unis il
en arrive autant ;
Je puis mourir , & cepen-
Sohdant
X ij
244 MERCURE
Mafemme ne fera point
veure .
Nouvelles de Londres .
Adreffe de l'Univerfité de
Cambridge à la Reine.
Madame ,
Bien que nous avions eu
fouvent l'honneur d'approcher
du Trône avec nos
Adreffes de joye , pour des
victoires remportées en
guerre , nous avons preſentement
une occafion plus
convenable & plus conforGALANT
.
245
de
me à nôtre profeſſion , de
congratuler Vôtre Majeſté
& vos Royaumes fur la vûë
prochaine d'une paix honorable
& avantageuſe.
C'eft vôtre prerogative
inconteftable , de conclure
la paix , auffi - bien que
la commencer , & nous avons
crû que nos interêts
dans la paix refidoient juftement
en vôtre pouvoir ,
& étoient fûrement confiez
à vôtre ſageſle , même pendant
que les negociations
étoient tenuës fecretes . Les
artifices même employez à
X iij
246
MERCURE
d'illa
traverfer n'ont produit
aucun autre effet , que
luftrer la bonté de V. M.
& de hâter la joye de vos
fujets , lorfque pour arrêter
les fauffes clameur de l'envie
& des factions , vous
avez la condeſcendance
de
faire part à vos peuples des
conditions glorieuſes fur
lefquelles vous negocież
pour eux .
Vos predeceffeursRoïaux
ont fouvent pouffé des guer
res avec fuccés , & la valeur
Angloife a été long - temps
fameuſe par toutes les naGALANT.
247
tions du monde : mais alors
les avantages qu'on en pouvoit
tirer échapoient ordinairement
en perdant le
temps propre de traiter , &
laiffant marcher d'autres
gens devant nous , pour tirer
leurs
propres avantages
de nôtre fang & de nôtre
argent. Mais à cette heure
nôtre nation tirera un grand
honneur fous la conduite
vigilante de V. M. & la prudence
fera une partie de
nôtre caractere , auffi - bien
que le courage & la magnanimité
.
X iiij
248 MERCURE
le
C'étoit une chofe digne
du jugement & de la fageffe
de V. M. de fçavoir quand
il faudroit arrefter
cours de vos victoires , de
peur de renverser l'équili
bre de vôtre pouvoir , dans
les pays étrangers que vous
avez travaillé à établir , ou
d'épuifer entierement la
fource de la puiffance dans
le Royaume , en la dépenfant
trop prodigalement &
trop inégalement , pour faire
gagner de vaſtes acquifitions
à d'autres gens , &
en tirer peu de profit pour
nous.
GALANT . 249
L'établiſſement que vous
avez fait de la fucceffion à
ces Royaumes dans vos illuftres
affinitez de la Maifon
d'Hanover , & vôtre
pieux interêt pour les Proteftans
d'Allemagne , qui
avoit été negligé dans un
traité fait ci - devant , exigent
que vôtre Clergé
Vous
en remercie avec une particuliere
reconnoiffance.
L'affermiffement & l'étenduë
de nôtre commerce national
dans toutes fes parties
, que vous avez pouſſez
plus loin que la Grande Bre250
MERCURE
tagne n'en a jamais joüi ,
ni à quoy elle n'avoit jamais
auparavant aſpiré , excitent
une reconnoiffance univerfelle
dans les coeurs de vôtre
peuple , & le foin genereux
que vous prenez de
vos alliez , en époufant vigoureuſement
leurs juftes
interêts , & en leur procurant
une barriere fuffifante ,
rendra cette paix prochaifans
doute Dieu
vous mettra en état de finir,
auffi generale & d'autant
d'étenduë que les limites
de l'Europe , & auſſi durane
, que
GALANT 25¹
ble que les affaires humaines
le peuvent permettre ;
de maniere qu'elle fera deformais
la gloire la plus brillante
du regne heureux de
V. M. au-deffus des autres
lauriers que vous avez
cüeillis pendant une longue
guerre , accompagnée de
profperitez .
Réponse
de la Reine.
Je reçois avec affection
cette Adreſſe de ma bonne
Univerfité
de Cambridge
.
La joye que j'ai euë de
252
MERCURE
tant de victoires que Dieu
a données à nos forces , a
été afin qu'elles puffent procurer
une bonne paix , &
j'eſpere qu'avec l'aide de
Dieu ce que je fais répondra
à vôtre attente , puifque
ce fera une chofe avantageuſe
à monpeuple , aſſurée
à nos alliez , & une force à
l'interêt Proteftant de toutes
parts .
20**
GALANT.
253
Adreße de la ville d'Oxfort
à la Reine.
Madame ,
Nous le Maire , les Baillifs
& la Communauté de
la ville d'Oxford , de Vôtre
Majefté , au Comté d'Oxford
, avons lû avec beaucoup
de fatisfaction la trésfavorable
harangue deV.M.
aux deux Chambres du Parlement.
Nous reconnoiffons
trés humblement le
droit inconteſtable que V.
254 MERCURE
M. a de faire la paix & la
guerre ; & nous ne sçaurions
trop admirer la grande condefcendance
, les tendres
égards & le foin que V.M.
prend de vôtre peuple , en
communiquant à vôtre Parlement
les conditions fur
lefquelles on peut fi heu_
reulement conclure la paix
generale.
Nous fçavons trés - bien
•quels obftacles ont été artificieufement
inventez pour
ôter à V. M. l'honneur de
ce grand & glorieux ouvrage.
GALANT. 255
Nous fouhaitons qu'on
n'ait encouragé perfonne
hors du pays à traverſer ces
heureufes negociations ,
quand il paroît que des efprits
factieux fe font efforcez
d'exciter des jaloufies
dans le Royaume , & de
femer , s'il eſt poſſible , la
mefintelligence entre V.M.
& vos alliez . Mais Dieufoit
beni , que tous ces efforts
ayent été vains , & resteront
un monument durable de
reproche à ceux qui fouhaiteroient
de voir la Grande
Bretagne abîmée fous le
256 MERCURE
trés- inégal poids de la
guerre.
Nous fommes perfuadez
que la fucceffion dans l'illuftre
Maiſon d'Hanover
vous a été toûjours trés-particulierement
à coeur &
que c'a été le principal ſoin
de V. M. de faire obtenir à
vos alliez des conditions de
paix fûres & honorables.
,
Nous venons maintenant
reïterer à V. M. les affurances
de nôtre entiere confiance
en la ſageſſe de V.
M. & dans le foin que vous
avez de vôtre peuple : &
comGALANT.
257
comme la portion dont la
Grande Bretagne a été
chargée dans la guerre a été
trés-inégale , auffi nous ne
doutons pas qu'on ne faſſe
une telle diftinction en fa
faveur dans les conditions
de paix , qu'elles ne feront
pas feulement un reproche
aux precedentes negociations
, mais qu'elles y refteront
auffi un témoignage
à la pofterité du choix
dent que V. M. a fait d'un
Miniſtere qui a eu le courage
& la refolution de confulter
premierement l'hon-
Juillet 1712 .
Y
pru258
MERCURE
neur de V. M. la fûreté de
la fucceffion , le commerce
& l'interêt de vos fujets &
celui de vos alliez . Nous ef
perons que les confederez
n'envieront jamais à la
Grande Bretagne ſa part de
la gloire & des avantages
d'une paix honorable , puis
qu'elle a tant contribué à
les foûtenir .
afin
Puiffe le grand Dieu be
nir V. M. & vos Confeils ,
que cette paix foit ame
née àune heureufe & prompre
conclufion , & puiffe
V. M. vivre long - temps.
GALANT.
259
afin de jouir des fes avantages
, & de regner fur les
coeurs de tous vos fujets .
Etat des Officiers des ennemis
faits Prifonniers de guerre
à l'affaire de Denain le 24.
Fuilles 1712.
Lieutenans Generaux.
Milord Albermale , General
de la cavalerie.
Seguin.
Maréchaux de Camp.
Le Prince d'Holftein.
De Sauble.
Baron d'Albert.
Y ij
260 MERCURE
Colonels. Regimens.
Spaën. Spaën.
Baron deGrech d'Anſpach.
Cavanac . Cavanac.
Lieutenans Colonels .
Onelly , grand Maître de
l'Ordre Teutonique
.
Herpshaufen.
Lalippe.
Heusker .
Vanbraachell
. Velderen .
Munich.
Ketler .
Majors.
Vincel , des troupes Imperiales.
Fabry , Spaën.
Buton , Prince Ch . Danois.
Till Velderen .
GALANT. 261
Moors ,
Capitaines ,
Kefter.
Lieutenans ,
Enſeignes ,
Aides de Camp ,
38
.
45
.
SI.
4.
I. Officiers d'Artillerie ,
Volontaires ,
Total. 144. tant Capitai-
5.
nes , que Lieutenans , Enfeignes
, & Aides de Camp .
Soldats ,
dont
400 . bleffez.
3000.
M. le Comte d'Hona, Lieutenant
General , & Gouverneur
de Mons , noyé,
dont on a retiré le corps.
262 MERCURE
Copie de la Lettre de Monfieur
le Maréchal
de Villars .
Au Camp de Denain ce 31 .
Fuiller.
Marchienne ſe rendit
hier dans le temps que M.
le Maréchal de Villars , qui
étoit à la tranchée , donnoit
les ordres pour l'emporter ;
il étoit défendu par fix bataillons
, dont il y en a
deux de 800 hommes cha
cun , & tous les autres au
GALANT . 263
moins de 5. à 600. hommes
détachez de l'armée , & trois
Efcadrons de Carabiniers
de Sechella Palatin : il y a
plus de cent dix Belandres ,
outre les
quarante, qui ont
été menées à Condé, toutes
chargées de gros canons ,
poudres & munitions de
guerre & de bouche , plus
de mille matelats ,
l'Hôpital de l'Armée des
ennemis & les Commiffaires
de
tout
guerre & de vivres ,
ils font tous prifonniers de
guerre ; on compte que M.
le Maréchal de Villars a fait
264 MERCURE
plus de 8000. Prifonniers ,
qu'il a envoyez en France
en deux fois , & plus de 400 .
Officiers.
GALANT. 265
REJOUISSANCES,
ET CEREMONIES ,
FAITES
A L'INAUGURATION
13
CORDES, A. S. E..
་་
DE BAVIERE.
Prince Souverain les
For pr
7 Pays
- Bas,
L
༢
2
¡Avenement de S. A
S. E. à la fouveraineté
des Païs Bas avoit comblé
de joye tous les Peuples du
Ꮓ
Juillet 1712 .
266 MERCURE
Comté de Namur . Heureux
d'obéir à un fi grand
Prince , & devenir fes Sujets,
ils attendoient avec impatience
le jour qu'Elle voudroit
bien marquer , pour
avoir l'honneur de luy preter
le Serment de fidelité
& dans cette eſperance ils
préparoient à rendre ce
jour un des plus magnifiques
& des plus pompeux.
En effet , S. A. S. E. ayant
fixé cette Augufte Ceremonic
au 17. de May les Peuples
n'ont rien oublié pour
la rendre folemnelle &
Le
GALANT. 267
témoigner leur zele & leur
ardeur.
Meffieurs les Etats qui
avoient été convoquez à ce
fujet s'affemblerent la veille ,
& le concours des Ecclefiaf
tiques & des Nobles fut tresnombreux
. Le lendemain
ils fe rendirent en Corps au
Palais de S. A. S. E. & fur
les dix heures du matin la
Marche commença .
ORDRE DE LA MARCHE.
Meffieurs les Magiftrats.
Mr le Mayeur , M" les
Zij
268 MERCURE
15
1
Efchevins , M les Jurez
& autres du même Corps.
2
*
Meffieurs les Etats Nobles,
Mr le Baron de Spontin
de Freyr , &c. & Mr le
Comte de Groefbeck
&c. Députez. Accompa
gnez d'un grand nombre de
Gentilhommes de la Pro .
vince qui à l'envi s'étoient
proprement & richement
habillez.
Meffieurs les Etats
Ecclefiaftiques.
Mr l'Abbé de Moulin ,
GALANT. 269
& Mr l'Abbé de Geronfart
Députez . Accompagnez de
fix autres Abbez de la
Province & Comté , de
Namur.
Les deux Herauts d'Armes
Reveftus de la Cote d'Armes
avec la Couronne ,
Toque , Panaches , Aigrettes
, émaillez fur la poitrine
aux , Armes de S. A. S. E. &
celles du Comté de Namur,
& le Caducée à la main .
Ziij
270 MERCURE
Son Alteße Sereniffime.
Sous un Dais magnifique ,
de velours bleu , orné de
crépines , franges & galons
d'argent avec les Armes
entieres de S. A. S. E. proprement
brodées dans le
le fonds , & les Armes de la
Province aux quatre coins ;
preparé & prefenté par M
les Etats Nobles , & porté
par fix Gentils hommes des
plus qualifiez de la Province.
Sçavoir , Mr le Comte de
Frezin , Mr le Comte de
GALANT. 271
Corfuarem
Lontchamps ,
Colonel , Mr de Glimes
Marquis de Courcelles
, Mr
de Liede Kerke Baron
d'Arc , Mr le Comte de
Berlo de Sainte
Gertrude ,
& Mr Claude de Namur
Vicomte
Delzée.
Aux deux coftez du Dais.
M. le Capitaine des Archers
Nobles gardes du Corps de
S. A. S. E. avec les Officiers.
Immediatement aprés
S. A. S. E. marchoient S. E.
Mr le Comte de Terring
Ziiij
272 MERCURE
& Seefelde grand Marêchal
de la Cour , Lieutenant Ge
neral, Chevalier de la Toifon
d'or faifant la fonction de
grand Maiftre de la Maifon
de S. A. SE, & Mrle Baron
de Dobelſtein & d'Eynem
bourg Gentilhomme de la
Chambre de S. A. S. E. de
Cologne , Marefchal de
Camp & Colonel d'un Rement
de Cavalerie , Envoyé
Extraordinaire de S. A. S. E.
વે
de Cologne pour affifter
de la part à cette Auguſte
Ceremonie. ar 7 2 A2 72A2
Enfuite marchoient tous
GALANT. 273
les Seigneurs , Miniftres ,
Gentilhommes
& autres
Officiers en grand nombre
de S A.S. E. felon le rang
qui leur cft dû
20
Les Archers Nobles Gardes
du Corps marchoient
fur les coftez de cette Augufte
Affemblée On continua
ainfi la marche depuis
le Palais de S A.S. E. juf
qu'à l'Eglife Cathedrale de
S. Aubain. Plus de douze
ou quinze cent Bourgeois le
flambeau de cire blanche à
la main s'étoient rangez
pour former le paffage de
274 MERGURE
cette Noble Affemblée ; La
Garniſon étoit fous les Armes
, & le Regiment des
Gardes à pied de S. A. S. E.
étoit pofté depuis le Palais
jufqu'aux environs de l'Eglife
de S. Aubain . Mr de
Mercy Brigadier & Commandant
de ce Regiment
étoit à la tefte avec tous les
Officiers nouvellement &
proprement habillez uniforme
, de drap bleu galonné
d'argent .
Lorfque l'Electeur arriva
devant l'Evefché , un Bourgeois
s'avança devant S A.
GALANT. 275
S. E. étendit fon manteau
par terre,le couvrit de fleurs,
& s'écria dans la joye de fon
coeear , Benedictus qui venit
in nomine Domini , &c .
Mr le Comte de Berlo
tres - Illuftre & tres - Digne
Evefque de Namur avoit
affemblé tout fon Clergé.
Le Chapitre de S. Aubain ,
le Chapitre de Nôtre Dame,
tous les Curez & les Prêtres
des Paroiffes , & tous les Ordres
Religieux de la Ville . Il
attendoit S. A. S. E avec
tout ce Clergé devant fa
Cathedrale. On avoit placé
276 MERGURE
*
rs
ún priédicu où S. A. S. E. fe
mit à genoux , & adora la
vraye Croix que Mr l'Eve .
que luy prefenta. On entra
enfuite dans Eglife , où
toutes les places étoient
marquées. On y trouva déja
placez dans le Chour , M
du Confeil des Finances de
S. A. S. E. M's du Confeil
Provincial , & M du Souverain
Baillage
.
L'Eglife Cathedrale de S.
Aubain étoit proprement
ornée de verdure naiffante
& de riches Tapifleries
.
rs
IS
On avoit élevé un Dais
magnifique de velours rouge
GALANT. 277
galonné d'or du cofté de
' Evangile où S. A. S. E. fe
plaça . SE Mr le grand
Maiêchal , faifant la fonction
du grand Maiftre , étoit
placé à coté de S. A. S. E,
avec le Capitaine des Gardes
du Corps Archers Nobles ,
& les autres Seigneurs , Miniftres
, & Gentilhommes
étoient placez felon l'ordre
que l'on avoit marqué.
Mr Marefchal Fourier de
de la Chambre de S. A. S. E
avoit fait conftruire une ef
pece de Galerie au- deſſus des
formes de M les Chanoi278
MERCURE
nes , fort pacieuſe pour
gagner de la place & y
mettre les Dames de la premiere
qualité , & autres
caractere , & avoit poſté
un certain nombre d'Officiers
qui avoient l'honneur
de placer les Dames felon
leur qualité & leur rang.
M's les Muficiens de la
Chambre de S. A. S. E.
étoient placez dans la Tribune
proche de l'Orgue
avec les Trompettes & les
Timbales de S.A.S. E. &
plufieurs autres Muficiens.
Toute cette Augufte AfGALANT.
279
femblée étant ainfi placée ,
Mr l'Eveſque aſſiſté d'un
grand nombre de Preftres
officians , celebra pontificalement
la Meffe. Aprés la
Meffe on chanta le Pfalme
Exaudiat en mufique. Auffitoſt
qu'il fut fini”, M" les
Députez des Etats s'avancerent
devant le Trône de
S.A. S. E.
L'Acte qui les authoriſoit
曩
pour recevoir & prefter le
ferment les nomme ainfi.
Les Reverends Abbez ,
Dom Maximilien Abbé de
Moulin , & Frere Auguftin
180 MERCURE
Illuftre
Abbé de Geronfart , de la part
du Clergé ; Noble
Seigneur Meffire Facques Baron
de Spontin de Freyr , Vicomte
d'Efclaye & d 'Audembourg;
Noble & Illuftre Seis
gneur MeffireJacques François
Comte de Groesbeck , Wemelin
& du S. Empire , Vicomte
d'Aublin, Confeiller d'Etat
de S. A.S. E. de la part de la
Nobleß ; Noble & Illuſtre
Seigneur Adrien Charles de
Glimes de Brabant Seigneur dè
S.Martin , Noble Homme ,
Albert Ignace de K ffel de lå
part du Tiers Etat,
GALANT. 281
En préfence de ces M
Députez & de toute l'Af
femblée S. A. S. E. tenant
majestueufement les mains
fur les faints Evangiles , &
devant les faintes Reliques ,
prononça le ferment en ces
termes :
Je MAXIMILIEN
EMANUEL -par la grace
de Dieu , Duc de la Haute &
Baße Baviere , du Haut Pa
latinat , de Brabant , de Limbourg,
de Luxembourg, &
de Gueldres , Comte Palatin
du Rhin , Archi- Dapifer
Electeur Vicaire du S
Juillet 1712 Aa
282 MERCURE
"Empire Romain , Landigrave
de Leichtenberg, Comte de
Flandres , de Hainaut & de
Namur, Marquis du S.
Empire , Seigneur de Malines,
& c.
Fure devant les faintes Reliques,
&par les faints Evangiles
de Dieu,quejegarderay les
Eglifes & Suppors d'icelles , les
Nobles, Feodeaux, Oppidains,
Communautez , Veuves &
Orphelins , des Villes , Pays
Comté de Namur, en leurs
Droits , Ufages , Loix , &
Coûtumes loüables & anciennes;
AINSI M'AIDE DIEU
GALANT. 283
ET TOUS SES SAINTS.
Cette formule de ferment
avoit été préſentée par
le fieur Marefchal en qualité
de Greffier du fouverain
Baillage , à Mr le grand
Marefchal qui la pofa devant
S. A. S. E. & qui luy rendit
aprés que S. A. S. E. cut fini.
Le Nom du Seigneur & celuy
de S. A. S. E. étoient
écrits en lettres d'or.
Mr Lardenois Confeiller
Penfionnaire lût enfuite la
Procuration qui authoriſoit
les Députez à prefter le fer.
ment. Et Mr l'Abbé de
Aaij
284 MERCURE
Moulin le lûc au nom de
tous en ces termes :
* Nous Furons à vous treshaut
& tres puiffant Prince
Seigneur MAXIMILIEN
EMANUEL par la grace
de Dieu Duc de la Haute &
Baffe Baviere , du Haut Palatinar
, Comte Palatin du
Rhin , Archi- Dapifer , Elec
teur Vicaire du S. Empire
Romain , Landtgrave de Leichrenberg,
Comte dudit Namur
, que les Prélats , Nobles ,
Feodeaux, Oppidains & Com ·
munautez d'iceluy Comie &
Pays de Namur, vousferont
GALANT . 283
Lons , vrais & loyaux Sujets
ferviteurs , comme its
doivent , font tenus d'estre
leur Prince & Seigneur.
M's les Députez levant
les doigt , prononcerent la
force du ferment felon
l'ordre fuivant.
Les deux Députez de
Etat
Ecclefiaftique.
Ainfi nous aide Dieu &
rous fés Saints .
Les deux Députez de
l'Etat Noble.
Ainfi nous aide Dieu &
tous fes Saints.
Les deux Députez du
Tiers Etat.
286 MERCURE
Ainfi nous aide Dicu &
tous fes Saints,
Alors un bruit éclatant
ſe fit entendre dans l'Eglife ,
toute l'Affemblée s'écria ,
Vive l'Electeur , Vive le
Comte de Namur Noftre
Souverain.
On chanta enfuite le
TE DEUM , & aprés la
Benediction du Tres- Saint
Sacrement on recommença
la marche dans le mefme
ordre qu'on étoit venu .
GALANT. 287
VOTUM VATIS
pro Sereniffimo Principe .
A
Strorum Rector, Calique
immenfa poteftas,
Imperio fcimus cuncta fubeße
tuo.
Sub te Sceptra jacent , fub te
Diademata Regum,
Sub te quidquid habet gemmifer
indus opum.
Te Duce depinxit quidquid
bene pinxit Apelles ,
Tu quoque Caftalia dirigis artis
opus.
288 MERCURE
J
Si quid habet docti , fi quid
folertis Homerus ,
Noviffimus eße tuæ munera
larga manus .
Ecce novus per te Namurci
franat habenas.
Princeps , aufpiciis fac regat
Bastille tuis.
Aufpice te fofpes longevi
Neftoris annos
Impleat , Pili fæcula
Patris
agat.
GALANT. 288
Du Camp de Denain le 24.
Fuiller
2 Mr le Maréchal de Vilfars
fie travailler toute la
journée du 23. à faire des
Ponts fur la Sambre , & ou
vrir les trouées de Feney
fur les fept heures du for il
fit avancer Mr de Coignies
avec 30. Efcadrons de Dra
gons jufqu'à une demi lieuë
du Retranchement des Ennemis
, avec ordre de faire
toutes les démonftrations
qui pourroient perfuader
Fuillet 1712. Bb
282 MERCURE
3
une attaque des Lignes pendant
cette même nuit . A
cinq heures du foir il fit partir
le Marquis de Vieuxpont
avec trente Bataillons les
Pontons &hunc Brigade
d'Artillerie , il envoya dés
midy tous les Huffars pour
battre les Plaines qui font
entre Cambray , Bouchain ,
& les Ennemis , & le Comte
de Broglio cut ordre avec fa
Referve de couvsir la mars
che de l'Infanterie , & d'envoyer
des Partis à tous les
pallages de la Selle pour cacher
la marche aux Enhe
GALANT. 283.
mis . Mr. d'Albergotti fur
commandé avec vingt Bataillons
& quarante Eſcadrons
pour foûtenir les pre
miers , & toute l'Armée fe
mit en marche à l'entrée de
la nuic.
Il n'eft point facile qu'u
Armée
nombreuſe ne trouve
quelques obftacles dans
une marche de nuit , ils furent
furmontez par la vigilance
de Mr de Puyfegur ;
nos Pontons ne purent arriver
qu'en treize heures fur
l'Efcaut ; on jetta les Ponts
fur le champ , les Troupes
Bb ij
284 MERCURE
pafferent . Les Ennemis
rent voir quelque Cavalerie
que l'on rechalla dans leurs
doubles Lignes defquelles
on s'empara fur le champ ,
& en y entrant le Comte de
Broglio bretit un Convoy
des Ennemis efcorté par
5oo. chevaux & 5oo . hom
mes de pied.
Le Camp retranché des
Ennemis à Denain étoit deffendu
pardix- huit Bataillons
commandez
par Mylord
d'Albemarle , avec quatre
Lieutenans generaux , plufiours
Maréchaux de Camp
GALANT. 285
& Brigadiers fous luy , avec
beaucoup de canon.
La difpofition de l'atta
que fut promptement or
donnée & executée. M' le
Maréchal de Villars & M
de Montefquioue matchel
rent à la tefte de la droite de
l'Infanterie , Mr le Marquis
d'Albergotti à la gauche ,
Mrole Marquis de Vieux
pont , de Dreux , de Brandelay
, Lieutenans generaux j
Mr le Prince d'Ifenguien
Mrs de Mouchy, de Nangis
, Mr le Duc de Mortemart
fe mirent à la tefte de
Bb iij
286 MERCURE
toutes ces Troupes. )
Mr le Comte de Villars
cftoit en qualité de Volonraire
auprés de Mr le Maré.
chal fon frere.
L'Attaque fe fit par 36.
Bataillons fur huit colonnes.
Jamais Troupes n'ont
marché avec tant de fierté ,
aprés avoir effuyé un affez
long feu de canonnade avec
les décharges de l'Infanterie
fans qu'aucun de nos Soldats
s'ébranlât. Ils monterent
fur des retranchemens
de plus de vingt pieds de
haut , forcerent les Ennemis
GALANT. 287
& pafferent prefque tout au
fil de l'épée.
L.cmQ
Mr de Contade Majorgeneral
de l'Infanterie , s'eft
fort diſtingué, vomit () log i
Mr le Prince Eugene étoit
arrivé à Denain deux heures
avant Fartaque } il fie la dif
pofition de la deffenſe ; &
fut au- devant de fon Infan
terie pour en preffer la mar
the dans le deffein de les
fecourir.ca ed bur
Mylord d'Albemarle
Commandant des Troupes
Hollandoifes , deux Lieute
nans generaux , Mr de Se-
Bb iiij
188 MERGURE
guin , quatre Maréchaux de
Camp , le Prince d'Anhalt .
le Prince de Holftein pluficurs
Colonels , & plus de
150. Officiers , ont efté fairs
puifonniersä saung cÍ ¿ M
251On leur a pris tous) kurs
Drapeaux , Etendarts & Ca
non , & quantité de muni
tions de guerre & de bout
chee
Le Comte de Dhona a efté
tué. Les Ennemis n'ayant
qu'un Pont pour ſe retiter ,
on affure qu'il ne s'en eftpas
fauvé deux cenr. decClHi
Mr le Maréchal de Vil
GALANT: 289
fars le loue infiniment de
toutes les Troupes. Mr
de Tourville Colonel de
Champagne , a eſté tué , lè
Comte de Meufe fort bleffe
& quelques Capitaines & au
tres Officiers, Montoig 11-5
- Melle Maréchal envoya
aprés l'action le Comte de
Broglio avec de l'Infanterie
pour inveftir Marchiennes ,
où font tous les vivres , &
toute l'Artillerie des Ennemisteront
30 Me d'Albergotti a efté
auffi détaché pour inveftir
S. Amand
290 MERCURE
Nous n'avons pas perdu
autant d'Officiers ny de Soldats
qu'une action fidange,
reufe en devoit coûter la
valeur des Troupes en a di
minué le peril par l'ardeur
& la promptitude avec lar
quelle ils ont forcé les Ennemis.
Lifte des Prifonniers.
et ( 1
Mylord d'Albermarle
General des Hollandois, pirat
en Mr deSeguin,Lieutenant
general. mon biball Des
Le Prince de Holſtein.
GALANT . 293
Le Prince d'Anhalt.
Mr de Suaube .
Le Comte de Naffau.
Le Baron d'Albert , Maréchaux
de Camp.
4. Colonels,
6. Lieutenans Colonels,
38. Capitaines.
36. Lieutenans,
53. Enfeignes.
19. Officiers d'Artillerie
& Aides de Camp . Tout le
refte à la reſerve de deux ou
trois cent hommes qui ſe
font fauvez , ont efté pris ,
tucz , ou noyez dans l'Ef
caut.
192 MERCURE
NOUVELLES
1
Les Lettres de Piemont ,
portent que le Duc de Sa
voye met des Garnifons de
Les propres Troupes dans
fes principales Forrerefes ,
ce qui donne matiere aux
fpeculatifs
of Quatre Vaiffeaux de
Guerre de Malthe ayant
rencontré fix Vaiffeaux Algeriens
qui vendient de por
rer le tribut annuel au Grand
Seigneur , en ont pris trois
aprés un fanglant combat.
GALANT . 29€
Il y avoit fur ces Vaiſſeaux
润
quatre cens bales de Soye
& d'autres Marchandifes
Deux autres fon rentrez à
Tunis fort endommagez
,
& l'on avoit aucun avis du
fixiéme.
On mande de Madrid,
que depuis la mort du Duci
de Vendofme on a tenu
plufieurs Confeils fur lesi
projets que ce Prince avoit
formé pour l'ouverture del
la Campagne que fe doir
*faire inceffamment. La
Comte de Fiennes n'atten .
doir que le renfort qu'on
294 MERCURE
luy envoye de Languedoc
pour le mettre en campagne.
& agir offenfivement .
On mande de Londres
qu'on a embarqué quantité
de, munitions de Guerre à
la Tour fur deux Vaiffeaux
qu'on ditestre destinées pour
les Magafins de Dunkerque .
On a augmenté de 1/500
hommes , le nombre des
Marins deftinez pour Dunkérque
de forte qu'avec les
bataillons Efcoffois & autres
Troupes qu'on y a fait paffer
avec la Flotte , la Garnifon
Angloiſe de cette Ville
GALANT. 195
là fera tres nombreufe , &
l'on affure qu'auffitoft que
les Anglois en auront pris
poffeffion le Chevalier Lea
kely reſtera avec quinze
Vaiffeaux de Guerre.
On a fait aucune rejoüif
fance à Londres de la priſe
du Quefnoy , on n'a pas
mefme tiré le canon de la
Tour .
Le 9. Juillet le Comte de
Strafford fut fait premied
Commiffaire de l'Amirauté ,
à la place du Chevalier
George Bing & do fieur
AiſlefbylnaDauſfické
296 MERCURE
nomme Chevalier de la Jarretiere.
Le Chevalier Guillaume
Windham , gendre du Duc
de Sommerfer a efté fait
Secretaire des Guerres à la
place de Mylord Lanſdown
à qui on a donné la charge
de Receveur de l'Efchiquier
le fieur Eversfield at cu la
charge de Treforier &
paycur du Bureau de l'Artillerie
& le Chevalier Stuart,
celle de Chambellan de
J'Eſchiquier.
Le Major General Hill
a efté fait Commandant des
GALANT. 227.
Troupes qu'on doit envoyer
Dunkerque , Mylord
Conway , a cfté fait Baron
de Conway & de Kilnltagh
en Irlande , & Confeiller du
Confeil Privé .
Les Lettres de Dukerque
du 20. Juillet affurent que
le 18. quinze Vaiffeaux de
Guerre Anglois cftoient
arrivez à la Rade avec un
grand nombre de Baftimens
de tranfport chargez de
Troupes , qui débarquerent
le19 . On leur configna les
fortifications de la Ville
la Citadelle & les Forts .
Cc
Fuillet 17125
298 MERCURE
Le Comte de Lomont ,
Commandant, fe retira avce
la garnifon à Berg - Saint-
Vinox , la Marine du Roy
les Vaiffeaux & les Galeres
reftent à
Dunkerque .
Les Magiftras continuront
à y faire leurs fonctions à
l'ordinaire , & l'Intendant
aura toûjours foin de la
Police.
C
TABLE.
Réponse à la premiere queftion
a
du Mercure dernier.
Contre le Silence.
Contre le Babllard.
Nouvel Avis.
9
Adreffe de
dermans
remerciment des Al.
du Commun
Confeil de la Ville de Londres,
la Reine de la Gran de
Bretagne.
.97STIMML1
SONY
18
23
Réponse
de
le
Duc
d'Au-
Sa
Majefte
Ode a M.
mont,
TABLE.
Du Camp de Noyelle de 7:
Fuiller 435
Nouvelles de Londres , adreße
de la Chambre des Communes
àla
la Reine.
499
Réponse de la Reine , à l'Adréſ-
Réponse de la Reine , àl'Adref
・Se cy- deffus.
fe des Seigneurs.
52:
SB
Le Diable mafqué nouvelle
de
Venife .
Morts
Difcours preliminaires , fur
$4
65.
la
Sur l'Amour..
73
Lumiere.
12 b shrou
Madrigal ,fur un Ruban d'or
d'épée , donné à l'Auteur de ces
TABLE
Versoana chamar 1 100*
La franchife Picarde , traduite
d'un manufcrit en vieux
françois.
Nouvelles des Cantons Swif
ε fes-
Nouvelles de Flandres. 120
Nouvelles de Hollandre . 128
Nouvelles de Londres. 132
Nouvelles d'Espagne) h 139
LaRune à Madame la Marquiſe
de Mom al ob ruh 459
Livre mouveau , extrait d'une
réponse de M D.... à la
11xtrait
d
Lettre d'un de fes amis , au³
Sujet du Livre intitulé
Tableau de maladies, traduir
TABLE.
de Lomnius , avec des Re-
Vidoman go
217
JAWAINT
221
Mortsmouth
all 233-
marges."
Enigme.
Relation.
Harangue.
& passé.be
237
Parodie de l'Enigne du mois
242
244 Nouvelles de Londres bough
Lifte des Officiers faits priſonniers
à Denain. a
Relation de la prise de Mar-
ON chienne, *I , BAJUNGE sel
262
LAVAL. S. J.
1 Zugua
BIBLIOTHÈQUE
" Les beww sites "
S J
60 - CHANTILLY
MERCURE
GALANT.
JUILLET , 1712,
NIN
A PARIS ,
M. DCCXIT
Avet Privilege du Roys
MERCURE
GALANT.
Par le Sieur Du F **
Mois
de fuillet ,
1712.
Le prix eft 30.fols relié en veau , &
25. fols , brochez
A PARIS ,
Chez DANIEL JOLLET , au Livre
Royal, au bout du Pont S. Michel
du côté du Palais .
PIERRE RIBOU , à l'Image S. Louis,
fur le Quay des Auguftins .
.
GILLES LAMESLE, à l'entrée de la ruë
du Foin , du côté de la ruë
Saint Jacques.
AvecApprobation, & Privilege duRei.
MERCURE
GALAN T.
JUILLET 17.12 .
ttttttttttttt
RESPONSE
à la premiere Queſtion
du Mercure dernier.
S'il eft plus dangereux £5.
plus blamable de parler
trop à table, que d'y
parler trop peu.
Juillet 1712 .
A ij
MERCURE
Contre le filentieux,
LA converfation fait
tout l'agrément & l'uti
lité de la table. Souper
du ventre non, de l'ame
& de l'efprit , felon l'expreffion
de Plutarque ,
c'eſt ſouper en beſte. La
table femble n'avoir efté
inftituée que pour la converfation
; s'affemble-t'on
pour ſe voir repaiſtre les
uns les autres ? le groffier
fpectacle ! Ciceron en
1
GALANT.
fon traité de la Vieilleffe ,
parle de ſes converfations
& de fes foupers avec les
gens de fon âge , & avec
les jeunes gens , comme
de la chofe du monde
qui luy faifoit le plus de
plaifir , & qui luy eftoit
le plus utile. Le filentieux
femble fe fouftraire
à l'utile & à l'agreable
que la focieté procure ,
femble mefprifer les au
tres , parce qu'il croit fe
fuffire à luy mefme. S'il
it
A iij
MERCURE
les écoute il femble leur
declarer par fon filence
qu'il les croit faits pour
le réjouir comme muſiciens
à gages , qu'on fait
chanter aux repas d.s
grands .
Peut - on trop recommander
l'uſage des converfations
de table , c'eſt
ce qui met en mouve
ment & en évidence tout
ce qu'il y a de joye , de
fincérité & d'amitié dans
l'ame , qui en fait forti
GALANT ,
tous les fentimens que la
politique , la bienfeance ,
& l'hypocrifie , fouvent
neceffaire , contraignent
& refferrent le reste du
temps ; c'eſt la converfation
de table , qui amoliffant
& attendriffant les
coeurs , les rend fufceptibles
d'une amitié reciproque
, & fait par là le plus
doux lien de la focieté.
La table eftant donc le
lieu affigné à la franchife
, le taciturne qui n'y
A iiij
营MERCURE
dit mot , & n'y découvre
fon coeur en aucune façon
, y eft regardé com
me un efpion ou comme
un fot & un ſtupide. Socrate
dans Xenophon interroge
un femblable taciturne
, & luy demande
ce que c'eft que fe mat
gouverner dans un repas;
c'eft faire quelque chofe
de defagreable à la com
pagnie , refpond le taciturne
forcé dans fon retranchement.
Voilà juſ
GALANT .
tement , dit Socrate , ce
que vous faites en nous
choquant tous par voſtre
filence.
Contre le babillard.
: Le babillard n'ennuie
& ne peſe pas moins à la
compagnie que le filentieux
. S'il n'a point d'ef
prit c'eft une fonnette de
plomb infupportable aux
oreilles. Il met de l'eau .
chaude dans du vin de
Champagne , & empoi
10 MERCURE
fonne
tout un
repas.
Comme
un
crocheteur
n'eft qu'un dos , un parleur
fans efprit , n'eft qu
une memoire , fi le babillard
a de l'efprit , il ennuie
à force d'affluence :
Il change toute une table
en auditoire de fermon.
Quel deluge de paroles
fort de fa bouche , ce ne
font que pluyes à ſeaux ,
qui n'arrofent point , de
forte qu'on diroit qu'il
en eft hydropique. Ne
GALANT.
croyez pas , parce qu'il
dogmatiſe & parle tousjours
, qu'il en fçache
plus qu'un autre. Le vafe
le plus vuide eft celuy
qui rend le plus de fon ;
& on peut luy attribuer
ce que Demofthene difoit
à un de fes femblables
: fi tu fçavois beaucoup
tu parlerois moins.
Attaquez le par un raifonnement
en forme , il
ne fçait plus où il en eft
les periodes font en de-
.A
MERCURE
route , & les fuperficies
dont il eft composé dif
paroiffent. Ne croyez pas
qu'il ait plus de morale
& de vertu qu'un autre ,
parce qu'il en debite par
tirades fans reprendre ha
leine . C'eſt pluſtoſt maladie
que fanté , & pour
ainfi dire , un flux de morale
qui fait craindre pour
les parties nobles , &
pour les principes . Il a
une forte d'éloquence il
eft vray , & fçait mettre
GALANT.
les
en phraſes allongées , &
en periodes graves ,
chofes les plus commu
nes qu'il vient d'entendre
dire par un autre en
quatre paroles ; mais
qu'est- ce qu'une éloquence
qui ennuie fon auditeur
fans l'inftruire , &
qui fait mefme penſer
mal de fon Orateur ; car
l'homme qui a un bon
fond d'ame , & qui eft
vrai , parle naturellement
& fans fard. Ses fenti84
MERCURE
mens échapent bruſque
ment à fon coeur & à fon
efprit. La verité ſe prefente
fans déguiſement ;
& la reprefente telle , &
telle elle luy fuffit. C'eſt
le faux qui a befoin de
paroles & d'ornement.
On foupçonne tousjours
ces beaux & grands parleurs
de ne point ſentir
ce qu'ils difent , & tout
au moins de ne le point
mettre en uſage.
GALANT 15
NOUVEL AVIS ,
Suites acoustiches.
Monfieur Duguet a
trouvé depuis peu de dernier
degré de perfection ,
pour des lunettes d'Opera ,
& des acouſtiches d'Opera
jointes enſemble .
Il a trouvé que l'acouſti
che & la lunette pouvoient
ne faire qu'un feul
corps , & qu'en portant
l'oeil à l'objectif de la lunerte
la jonction de l'acouſtiche
s'ajuftera de lui- mê*
MERCURE
me à l'oreille , en forte que
par la réunion de ces deux
machines qui n'en compoferont
qu'une , on doublera
de force les objets à l'oeil ,
& les fons à l'oreille .
Aux femmes nous don
nons avis ,
De
craindre a
l'Opera ces
oreilles
poftiches ,
Et de parler plus bas de
peur que leurs maris
N'ayentrecours aux acou
ftickes.
Ilferoit à fouhaiter qu'on
trouvaft
GALANT. **
trouvaft quelque machine ,
qui en augmentant les fons
des voix de l'Opera , puft
en même temps diminuer
celles de Meffieurs du parterre
, dont les uns racontent
trop haut les parties
de plaifir qu'ils ont faites ,
& les autres faiſant en faux
bourdon l'office de la ritournelle
annoncent à
leurs voisins tout ce que
vont chanter les Acteurs
& continuant à chanter
avec eux , & fouvent plus
haut qu'eux , empêchent
d'entendre ce quals vous
Juillet. 1712 .
B
18 MERCURE
ont annoncé comme excellent.
ADDRESSE
de remerciment des Aldermans
, & du commun Con
feil de la Ville de Londres
à la Reine de la Grande
Bretagne.
MADAME,
C'eft avec la reconnoift
fance & l'obeïffance la plus
fincere , que nous ofons ap
procher Voſtre Majefté ,
pour la remercier tres
&
1
GALANT. 19
humblement & de tout noftre
coeur de la grande
confiance que vous avez
eu la bonté de prendre en
vos fujets , en leur communiquant
les conditions fur
lefquelles on peut faire la
paix .
Le fentiment plein de
reconnoiffance qu'ils ont
pour les tendres foins de
Voftre Majefté , en ſe propofant
principalement &
pourſuivant fans relaſche
le veritable intereſt de Vos
Royaumes , imprimera encore
plus fortement dans
Bij
20 MERCURE
leurs coeurs , le zele qu'ils
ont tousjours fait paroiftre
pour la Perfonne & pour le
Gouvernement de Voftre
Majeſté , & les portera à
rechercher toutes les occa
fions de luy donner des
marques de leur fidelité &
de leur obeiffance.
Comme il n'y a rien que
Voftre Majefté prenne plus
à coeur , que d'affeurer la
Religion Proteftante , ainfi
qu'elle eſt eſtablie par les
Loix ,dans la Maifon d'Hanover
, auffi rien ne peut
eftre plus agreable à vos
GALANT .
fujets , que de voir qu'on
prend un foin tout particu
hier de la faire reconnoiſtre
dans les termes les plus
forts.
Pour nous , les habitants
de Londres , nous ferions
entierement fans égards
pour noftre intereft , & ne.
gligerions de faire noftre
devoir , fi nous ne marquions
d'une maniere para
ticuliere noftre reconnoif
fance , pour l'avantage ine
ftimable que nous & noftre
Pofterité pouvons efperer
de tirer du ſoin diftingué
22 MERCURE
que
Voftre
Majesté
a pris
du commerce
de la Grande
Bretagne
, en affeurant
noftre
négoce
dans
les lieux
où il a cfté
troublé
, en le
reftabliffant
où
il a efté
perdu
, & en l'eſtendant
jufques à des climats où il
n'eftoit pas encore par
venu .
Puiffe Voſtre Majelté a
chever promptement ce
bon ouvrage , que Voftre
grande fageffe a fi fort
avancé,nonobftant les machinations
artificieufes &
les efforts envieux d'un
GALANT . 23
Parti factieux & malicieux ,
& puiffiez vous vivre longtemps
, pour recueillir les
fruits heureux d'une Paix
feure & honorable.
Refponfe de Sa Majesté.
Cette Addreffe m'eft
tres agreable , & je vous en
remercie.
Mon but a efté d'affeuver
noftre Religion , la Succeffion
Proteftante & vos
libertez , de pourvoir à la
feureté de mes Alliez , de
foulager mes propres ſujets
du pelant fardeau qu'ils
2$4 MERCURE
noftre
fupportent , & d'augmen
ter & eftendre
Commerce , & j'efpere que
Dous obtiendrons tous ces
avantages
, avec la benediction
de Dieu fur les prefentes
Negociations de
Paix.
GALANT. 25
O D E.
A M. le Duc d'Aumont.
Exaucez ma reconnoiffance
,
Muſes , pour l'illuftre d'Au-
Vimont
Dans mon fein verfez l'abondance
Des richefles du facréMont.
Mon zele ne peut plus attendre
;
Venez, c'eft trop long- tems
fufpendre
Juillet 17.12 .
C
·26 MERCURE
Les hommages que je lui
dois :
Mon ami , qu'accufoit le
crime ,
Sentit fon fecours magnanime
,
Et j'ai pris le bienfait fur
moy.
Souveraines de l'harmonie ,
J'implore moins vôtre fayeur
Pour faire briller mon getronie
, pi
Que pour faire parler mon
coeur .
Quand ma gloire vous follicite
GALANT .
27
Taifez vous ; quand mon
coeur s'acquitte ,
Prodiguez - moy les plus
beaux traits .
Meurent tous les fruits de
ma lyre ,
N'en fauvez que ce que
m'inſpire
Le reffentiment des bienfaits.
Il eſt un ſejour où preſide
L'infatiable vanité ,
D'où la policeffe perfide
A banni la fincerité ;
Où , par la crainte mercenaire
,
Cij
28 MERCURE
La justice eft comme.étrangere
Immolée aux moindres égards
;
Où le grand art de ſe ſeduire
,
L'art de fe flater pour ſe
nuire ,
Tient lieu lui feul de tous
les arts.
Eloge plus vrai que croyable!
C'eft dans ce fejour dangereux
Que d'Aumont eft fimple ,
équitable ,
GALANT. 29
Sincere , tendre & genereux
; ว
C'est là qu'au devoir attentive
,
Sa bouche prudemment
naïve
Ne fçait ni nuire , ni flater :
Du moins à fa candeur dif
crete
Applaudit l'eſtime ſecrete
De qui n'ofe pas l'imiter.
Ambitieux , d'ame heroïque
Dépouillez le nom faftueux
;
De mon autorité ftoïque
Je le decerne au vertueux ;
C iij
30
MERCURE
A l'homme qui libre & fans
crainte ,
Au fejour même de la feinte
Ofe fe montrer ce qu'il eft ;
Qui n'a , modele prefque
unique ,
Que le devoir pour politique
,
Et que l'honneur pour interêt.
Je rappelle ce jour funeſte ,
Où d'étonnement abbatu ,
Nouveau Pilade, pour Ore
fte ,
D'Aumont , j'implorai ta
vertu !
GALANT .
31
Contre Finnocence attaqué
,
La haine en juſtice maf
quée
Avoit répandu fon poifon
;
Et je tremblois que fur
même
toy-
Son hipocrite ftratagême
N'eût pris les droits de la
raiſon.
Mais quelle ardeur , quelle
éloquence
Me prêtoit alors l'amitié !
Soudain je gagne à l'innocence
C iiij
32
MERCURE
Ton zele enſemble & ta pi .
tié . 1
Je te vois conjurer l'orage ;
Tu parles , déja ton fuffrage
Nous rend une foule d'amis
;
Déja ton infaillible zele
A la prevention rebele
Predit l'oracle de Themis. 1
Elle a
prononcé , le men-
" oup #fonge,," airp
Artifan de fon
propre affront,
Dans le Tartare fe replonge
,
GALANT.
33
La rage au fein , la honte
Mais
au front.
ne
peut
que
ouvrage
*
du noir
Dont il avoit armé fa rage
S'aneantir le fouvenir !
Ainfi que le nom d'Erof
: trate
Ce libelle profcrit fe flate
De percer encor l'avenir.
Vers impofteurs , qu'à la
vengeance
Dicta l'imprudence fa foeur,
* Vers diffamatoires faußement
imputez à M. Saurin.
34
MERCURE
Que forgerent
d'intelli
gence
L'effronterie & la noirceur
;
Qui pour fel & pour harmonie
Ne prêtez à la calomnie
Qu'un choix brutal de mots
pervers :
F'apprens que la preſſe Batave
,
Au mépris des moeurs qu'
elle brave ,
Va vous montrer à l'univers
.
L'Auteu : qui de l'eau duCocyte
GALANT.
35.
Vous écrivit dans fa fureur ,
Rit fans doute , & fe felicite
D'en voir multiplier l'horreur.
Il croit qu'ainfi dans tous
les âges
Vont fe répandre les outrages
Dont il a voulu nous flé
trir ;
Que de ſes menfonges ciniques
Vont naître ces foupçons
iniques
Que la malice'aime à nourrir.
36
MERCURE
Oui , ce perfide eſpoir le
Aate ,
Mais il le flate vainement ;
En vous trop d'impudence
éclate ,
Vôtre propre excés vous
dément.
Dés qu'à l'innocence la rime
Veut que vous imputiez un
crime ,
Le crime eft d'abord imputé
,
Et vôtre imprudente impofture
Ne donne
pas
même à l'in-
Jure
•
GALANT.
Un faux air de la verité.
37
D'autres
fiecles
pourront
nous croire...
Non , non , pour les en garantir
Mes vers plus fûrs de la memoire
,
Iront par- tout vous démentir.
Mais qui vous lira ? quel
courage
Pourra d'une fi noire ima-
.ge .
Suivre le tiffu rebutant ?
Ce n'eft
que gibet , rouë &
flâme
,
38 MERCURE
Objets qu'à vôtre pere infâme
Peint fon remords impenitent.
Vôtre pere... non , je m'abüſe
,
Et vous n'êtes qu'un avorton
Né de la lyre d'une Muſe ,
Surpriſe un jour par Ale-
Єton .
La Mufe s'étoit endormie
;
Alecton des enfers vomie
Profite du moment fatal:
Elle ofe manier la lire ;
GALANT.
39
C'est vous , fons menteurs ,
qu'elle en tire ,
Digne eflay du monftre infernal.
Soudain le ferpent , la couleuvre
,
De fa tête affreux ornemens
,
Applaudiffent à ce chef-
21 22 d'oeuvre d
Par leurs horribles fifflemens
:
Mais l'Echo n'oſa rien re-
Soolony dire ;ryl whil
Le Faune fuit , & le Satyre
40 MERCURE
Saifi d'horreur l'interrompit.
A ce bruit la Muſe éveil
lée
Ne reprit fa lyre foüillée
Que pour le brifer de dépit.
Tu le vois , d'Aumont , je
m'égare ,
Et c'eft de l'aveu des neuf
Soeurs
Que j'imite Horace & Pindare
,
Mes Lyriques predeceffeurs.
Si fur la foy de leur uſage
L'écart
GALANT .
41
L'écart même fermoit l'ouvrage
,
Il n'en feroit que plus goûté
: Lia
Mais pardonne, Muſe Thebaine
,
Mon zele à d'Aumont me
ramene ;
J'aime mieux perdre une
beauté.
Que Mnemofine immortalife
Et tes bienfaits & mon encens
;
Qu'à jamais l'univers me
life ,
Fuillet
17120 D
42 MERCURE
Penetré de ce que je fens.
Si mes vers n'ont pas la
puiffance
D'infpirer tout ce que je
penfe,
Ils n'ont
pas
fait
affez
pour
toy ;
Et , malgré l'orgueil du Parnaffe
,
Charmé , j'y cederai ma
place
A qui te louëra mieux
moy.
que
I
GALANT.
43
Du Camp de Noyelle ce 7 .
Fuiller.
Je fuis venu ici , Monfieur
, pour rendre compte
à Monfieur le Maréchal
que fur l'avis qu'a cu Monfieur
le Comte de Broglio
ce matin , que les ennemis
avoient détaché de leur
armée huit cent chevaux ,
pour attaquer un fourrage
qu'ils croyoient qu'il devoit
faire avec la reſerve
entre Douay & Vitry , il eſt
forti ce matin avec mille
Dij
44
MERCURE
chevaux , aufquels il a fait
prendre des faulx , afin de
les mieux faire donner dans
le panneau , & a envoyé
trois cent chevaux pour
maſquer Douay , fans faire
femblant d'avoir aucune
troupe à fon flanc gauche ,
& a toûjours tenu le refte
de ſes troupes en gros comme
des fourrageurs. Les
ennemis qui étoient embufquez
fur les derrieres ont
debufqué marchans en bataille
leur ſeize troupes
front. Il les a laiffé venir juf- ›
ques à la portée d'une ca
de
1
GALANT.
45
rabine ; aprés quoy il s'eft
formé , & a marché à eux
l'épée à la main , a effuyé
leur feu de fort prés , & y
eft entré à grands coups d'épée
, les a culbutez , fans
leur donner le temps de fe
rallier , les a fuivis , & fait
couper par des troupes qu'il
a envoyées s'emparer du
paffage de Crechin ; ce qui
les a rejettez du côté de
Couriere & de la Deule ,
où il s'en eft noyé plufieurs.
Comme j'avois perdu de
vûë Monfieur le Comte de
Broglio , je pouffai vers Cre46
MERCURE
chin avec cinquante maîtres.
Je puis vous affurer
qu'il n'eft pas rentré dans
Doüay plus de cinquante
cavaliers , le reste ayant été
pris ou noyé. Quand je fuis
parti pour en venir rendre
compte à Monfieur le Maréchal
, toutes nos troupes
`n'étoient pas encore arrivées
: il y avoit déja prés :
de quatre cent prifonniers,
& autant de chevaux , du
nombre defquels étoit M.
de Saint Amour , Colonel
des Cuiraffier's,qui , je crois,
commandoit
ce détacheGALANT.
47
ment , & quatorze Officiers,
Monfieur
Speligny
, Colonel
Houffard
, doit y avoir
été tué , fon cheval
cent
s'étant rendu , à ce qu'a dit
Monfieur de Saint Amour ,
bien avant qu'il ait été
pris . Ce détachement étoit
compofé de quatre
Cuiraffiers de l'Empereur ,
de deux cent Drrgons ,
& deux cent Houflards ;
le tout de troupes choifies
, leſquelles avoient ordre
d'entreprendre quelque
chofe avant de revenir.
Mon frere le Comte
48
MERCURE
& moy fommes en bonne
fanté. Monfieur le Maréchal
rend compte à la Cour
de cette affaire .
On attend des memoires
d'Espagne , qui retardent
jufqu'au mois
prochain l'article qu'on
a promis de Monfieur
de Vendôme,
GALANT.
49
Nouvelles
de Londres.
Adreffe de la Chambre des
Communes à la Reine.
Trés gracieule Reine ,
Nous les trés- humbles
& obeïffans fujets de Vôtre
Majefté , les Communes de
la Grande Bretagne aſſemblées
en Parlement , demandons
permiſſion de reconnoître
trés - humblement
la grande condefcendance
de V. M. à nous communiquer
les conditions
Fuillet 1712.
•
E
50 MERCURE
fur lefquelles une paix generale
peut être faite.
Nos coeurs font pleins de
gratitude pour ce que V. M.
a déja fait , & les paroles
nous manquent pour exprimer
la fatisfaction avec laquelle
nous avons reçû tout
ce dont il a plû à V. M. de
faire part à vos Communes,
Nous avons une entiere
confiance en V. M. qu'Elle
pourſuivra constamment le
veritable interêt de vos propres
Royaumes , & qu'Elle
tâchera de procurer à tous
les alliez ce qui leur eſt dû
GALANT.
par les traitez , & qui eft nepour
leur fûreté:
aire
Ces affurances font le
moindre retour de vos fidelles
Communes
, pour
tant de condeſcendance &
de bonté ; & Elles fupplient
trés - humblement V. M.
qu'il lui plaiſe de proceder
dans la prefente negocia
tion , pour obtenir une
prompte paix .
XX
E ij
52 MERCURE
Réponse de la Reine à l'Adreſſe
ci- deffus.
03.
Meffieurs ,
J'ai fi fort à coeur la fûreté
& les interêts de mon
peuple , que je ne puis qu'-
avoir beaucoup de plaifir
de vôtre refpectueuſe Adreffe
, dont je vous remercie.
J'ai confulté vôtre bien ,
& vous allez voir le bon ef
fet de la confiance que vous
avez en moy , laquelle doit
toûjours continuer entre
GALANT.
ر ر ق
ane Princeffe fi affectionnée
& des fujets fi fideles .
Réponse de la Reine à l' Adreſſe
des Seigneurs
.
$0-54
;
Mylords ,
Je vous remercie de tout
mon coeur de vôtre Adreffe
de la
fatisfaction que
vous témoignez de ce que
je vous ai communiqué ; ce
qui contribuera beaucoup
à éloigner des difficultez
furvenues dans le cours de
cette negociation ; & de la
E iij
$4
MERCURE
confiance que vous mettez
en moy pour mieux finir
ce grand ouvrage , à l'avantage
de mon peuple, & pour
la fûreté & les interêts de
mes alliez,
LE DIABLE
Mafqué.
but not Garni ob
Nouvelle de Venife .
CECarnaval dernier une
des jolies femmes de Ve
nife , Provençale de naiſ
fance , & établie dans Ve
GALANT.
·
pece
nife depuis plufieurs années
, fit chez elle une af
femblée , qui devint une efde
bal. Elle ne manquoit
pas d'amans , qui tous
attendoient , pour lui faire
leur declaration en forme,
qu'on eût des nouvelles affurées
de la mort de fon
mari . Il s'étoit embarqué il
y avoit déja plufieurs années
, & le filence qu'il avoit
gardé depuis fon départ
faifoit préfumer qu'il
avoit peri Cependant la
Dame obſervoit beaucoup
de regularité dans fa con-
E iiij
56 MERCURE
duite , & il ne lui faloit pas
moins que les privileges du
Carnaval ,
, pour l'autorifer
à faire chez elle une affem.
blée pareille à celle dont je
vous parle. On venoit de
deffervir une grande colation
qu'elle avoir donnée
aprés trois heures de jeu ,
quand on vit entrer un Mafque,
qui lui preſenta un momon.
Il avoit trouvé la por-
+
'
te ouverte & ne s'étoit
point mis en peine de faire
demander fi on le voudroit
recevoir. Sa brufque entrée
n'étonna perfonne ; la faifon
GALANT .
57
permettoit
ces fortes de li
bertez , & dans cette vil
le on left bien venu par
tout avec le maſque . La Da
me reçut le momon , & le
gagna. Le Mafque la pria
den jouer un autre , qu'il
perdit encore. La même
chofe lui étant arrivée cinq
ou fix fois , parce qu'il
brouilloit
les dez avec tant
promptitude
, que quand de
ils tournoient favorable
ment pour lui , il fembloit
ne s'en pas appercevoir ;
d'autres voulurent jouer à
leur tour : mais ils n'y trou
58 MERCURE
verent pas leur compte , le
Mafque gagna , & ne perdit
que contre la Dame ,
qu'il engagea de nouveau
au jeu. La gayeté avec laquelle
il foûtint la perte
qu'il continua de faire con
tr'elle , ne laiffa aucun dou
te qu'elle ne fût volontai
re . On s'en expliqua tout
haut : il l'entendit ; & prenant
un ton different de
celui dont il s'étoit fervi juf
qu'alors , il declara qu'il étoit
le maître des richeſſes,
qu'il ne les aimoit que pour
en faire part à la Dame , &
GALANT.
19
qu'il ne difoit rien qu'il ne
soffrit à juftifier par les ef,
fets. En même temps il découvrit
plufieurs bourſes
toutes pleines de pieces
d'or , qu'il demanda à jouer
en un feul momon , contre
tout ce que la maîtreſſe du
logis voudroit hazarder. La
Dame embaraffée de cette
declaration
, renonça au
jeu. On examina le Maſque
avec plus d'attention , &
une femme de la compagnie
, que l'âge & la foi
bleffe de l'efprit rendoient
fujette à fe faire des realitez
60 MERCURE
de fes vifions , l'ayant regardé
depuis la tête juſqu'aux
pieds , devint pâle , tremblante
, & tellement éperdue
, qu'elle demeura quel
que temps lans pouvoir parler.
La parole lui étant revenue
, elle dit tout bas à
fa voifine , qu'il n'y avoit
point à douter que le Mafque
ne fût le Diable ; qu'il
l'avoit marqué en declarant
qu'il étoit le maître des richefſes
; & que fi elle y
vouloit prendre garde , elle
lui verroit des cornes fous
fon bonnet. Le Diable
GALANT . 61
7
mafqué avoit pris une
çoëfure bizarre , qui convenoit
en quelque maniere
avec ce que les Peintres
ont accoûtumé de nous reprefenter
du Demon : &
c'étoit là- deffus que la credule
vifionnaire avoit appuyé
fon jugement. Ce qu
elle dit paffa en un moment
d'oreille en oreille.
Apparemment elle trouva
des efprits foibles comme
le fien , & l'on propoſa
d'abord l'exorcifme.
Ce mot fit connoître
au Mafque ce qu'on
62 MERCURE
s'étoit figuré de lui. Il commença
tout de bon à faire
le Diable , parla plufieurs
Langues , dont quelques
unes étoient inconnues : &
aprés quelques raiſons expliquées
fur ce qui l'avoit
obligé de quitter l'enfer , il
ajoûta qu'il venoit particul
lierement demander une
perfonné de la compagnie,
qui s'étoit donnée à lui ,
protefta qu'elle lui appartenoit
, & qu'il ne defampareroit
point qu'il ne l'eût,
quelques obftacles qu'on y
apportât. Chacun regarda
GALANT . 63
la Dame : ces menaces fembloient
s'adreffer à elle , &
le Mafque les avoit pronon .
cées d'une voix creufe qui
embaraffoit les moins fufceptibles
de frayeur. Les
uns fe taifoient , les autres
fe parloient bas , & celle qui
avoit donné ouverture à la
diablerie , crioit continuellement
à l'exorcifme. L'hif
toire porte que fans confulter
perfonne , elle fit venir
des gens d'un caractere à
faire fuir les Demons ; que
le Diable pretendu leur répondit
fort pertinemment
64 MERCURE
:
& qu'aprés s'être diverti
quelque temps de leurs zelées
conjurations , il leva
le mafque ce qui finit l'avanture
par un fort grand
cri que fit la Dame. C'étoit
fon mari , qui avoit paſſé
d'Eſpagne au Perou . Il s'y
étoit enrichi , & revenoit
chargé de tréſors . En arri
vant il avoit appris que fa
femme regaloit fes plus particulieres
amies . C'étoit un
des derniers jours du Carnaval.
Cette faifon favorable
aux déguiſemens , lui
fit naître l'envie de voir la
fête
GALANT . 65
fête fans être connu , & il
avoit pris pour cela le plus
grotesque habit qu'il eût
pû trouver. Toute l'affemblée
lui fic compliment ; &
comme il n'étoit pas fi diable
qu'on l'avoit crû , on lui
abandonna la Dame qu'il
venoit chercher , & qu'il
avoit dit fi hautement qui
s'étoit donnée à lui .
MORT
Achille du Harlay , Com
te de Beaumont , Seigneur
de Grofbois , ancien Pre-
Faillet 1712.
F
66 MERCURE
"
mier Prefident du Parle
ment de Paris , mourut le
23. Juillet.
Il fut reçû Premier Prefident
le 18. Novembre
1689. il s'eft démis de fa
Charge au mois d'Avril
1707. Il avoit épousé le 12.
Septembre 1667. Anne Madelaine
de la Moignon ,
morte au château de Stain
le 8. Octobre 1701. Elle étoit
fille de Guillaume de la
Moignon , Marquis de Bafville
, Premier Prefident du
Parlement , & de Madelai
ne Potier de Blancmeſnil.
GALANT . 67
&
De cette alliance font ve
nus Achilles du Harlay ,
Comte de Beaumont ,
Marie-Madelaine du Har !
lay , Religieufe aux Filles de
fainte Elifabeth à Paris ;
morte le 28. Novembre
1700. Achilles du Harlay
Confeiller d'Eftat , a épousé
le z . Fevrier 1693. Anne- Renée-
Loüife du Loüet , fille
unique de Robert du Loüet,
Marquis de Coyetenval ,
Doyen du Parlement de
Bretagne , & de Renée le
Borgne de Lefquifiou , dont
il a Marie - Louiſe du Har
Fij
68 MERCURE
1
lay , née en 1694. qui a é
poufé en Decembre 1711 .
Chriftian - Louis de Montmorenci
de Luxembourg ,
Prince de Tingry , Lieutenant
general des armées du
Roy , Gouverneur de Valenciennes
, connu avant
fon mariage ſous le nom
du Chevalier de Luxembourg.
La famille du Harlay ,
feconde en grands Hommes
, eft une des plus illuf
tres & des plus anciennes
du Royaume . On parle diverſement
de fon origine.
GALANT. 69
Plufieurs difent qu'elle eft
venuë d'Angleterre ; d'au
tres affurent qu'elle tire fon
nom de la ville d'Arlay
dans la Franche- Comté de
Bourgogne . Ces derniers
pretendent en avoir des
preuves , & ajoûtent que la
ville d'Arlay , premiere Baronnie
de ce pays , étoit
dans leur maiſon , & qu'elle
paffa enfuite dans celle de
Châlons & de Naffau . François
de Harlay , fils de Philbert,
eft le premier qui vint
s'établir en France fous les
Regnes de Charles V I. &
70 MERCURE
Charles VII. Il fut Confeil.
ler & Chambellan du Roy.
Il laiffa de Loüife Berbizy
fon époufe , Nicolas Gobinet
de Harlay , Sieur de
Grandvilliers & de Nogent
; & François,Religieux
de faint Benigne de Dijon.
Cette famille eft divifée
en deux branches : de Harlay
- Sancy , & de Ćefi-
Chamvalon.
La branche de Harlay-
Sancy commença en Robert
de Harlay , Sieur de
Sancy , Confeiller au Parle
ment de Paris. Il étoit troiGALANT
. 7!
fiéme fils de Louis de Har
lay , & de Germaine Coeur.
Il époufa le 8. Decembre de
l'an 1544- Jacqueline de Marainvilliers,
dont il eut cinq
fils . L'aîné eft le celebre
Nicolas de Harlay de San
cy , Confeiller du Roy en
fes Confeils , Surintendant
des Finances , premier Maî
tre d'Hôtel de Sa Majesté ,
Colonel general des Suiffes
, Gouverneur de Châlons
fur Saone , & Lieutenant
general en Bourgogne ,
Ambaffadeur en Allemagne
& enAngleterre, nom72
MERCURE
mé à l'Ordre du S. Efprit.
Il a rendu des fervices importans
aux Rois Henry III .
& Henry IV . dans les differens
emplois dont il a été
chargé.
La branche de Cefi & dé
Chamvalon en Loüis , de
Harlay , quatriéme fils de
Loüis , Sieur de Monglat
& de Germaine Coeur. Il
époufa Loüife de Carte,fille
de Gratien , Sieur de faint
Quentin le Verger , dont il
eut pluſieurs enfans.
GALANT
.
73
U U UWUS
DeDeDe DRORORORO!
DISCO U R S
préliminaire fur la
lumiere.
QUoyque ce difcours ne
foit pas une piece com-.
plette , ny abfolument nouvelle
, on n'a pas cru cependant
devoir la laiffer
dans l'oubli non feulement
parce qu'on y expli
que un fyfteme de la lumiere
qui commence à avoir
de la vogue , mais encore
parce que la fuite va pa-
Fuillet 17120 G
74 MERCURE
roiftre inceffamment dans
un troifiéme volume des
effais & recherches de Mathematique
& de Phyſique.
Premierement pour ce qui
regarde la nature de la lumiere
, il n'eft rien aujour
d'huy de plus univerfellement
reconnu que l'erreur
des anciens Philofophes
. Car fi on dit avec
quelques- uns que c'est une
qualité fenfible , fans expliquer
quelle eft la nature
& l'origine de cette qualité
, il est évident que par
cette reſponſe , on ne nous
1
GALANT. 75
rend pas plus fçavans de
rien ; puifqu'il faudroit eftre
aveugle pour ne fçavoir
pas que la lumiere eft fenfible
& ennemi de la
ſe
contenter
clarté ,
, pour
des
termes
de
qualitez
occultes
. Si on prétend
avec
quelques autres que la lumiere
n'eft autre chofe qu'-
une émanation d'efprits
animaux , qui fortant de
nos yeux , vont parcourir ,
& pour ainsi dire , vifiter
tous les objets qui font au
devant de nous pour en faire
enfuite un fidelle rap-
Gij
78 MERCURE
port à l'ame. Dans quelle
obfcurité ne tombe - t - on
pas , de prétendre qu'il puft
fortir d'un reſervoir aufli
borné , que l'eft celuy du
cerveau d'un animal , affez
de particules de matiere
pour s'eftendre non feulement
à tous les corps qui
font autour de nous , dans
une diſtance de huit ou dix
lieuës à la ronde , mais
mefme jufques à la Lune ,
au Soleil , & juſques au Firmament
, & de vouloir que
la viteffe de ces efprits ſoit
affez grande , pour parcou
1
GALANT. - 77
rir de tels efpaces deux fois
dans un clin d'oeil , c'eſt àdire
, dans un inftant fenfible
? Mais quand mefme
on leur accorderoit ces
deux paradoxes , quelle eft
la connoiffance
de ces particules
de matiere , pour
examiner les figures des
objets ; & quelle eft leur memoire
, pour retrouver les
yeux d'où elles font forties,
& pour en faire un fidelle
rapport à l'ame ? Pourquoy
ces meffageres ne nous
rendent
- elles compte que
de la partie des corps qui
G
iij
78 MERCURE
nous regarde , & non pas
auffi de celle qui eft derriere
ces mefmes corps ?
Pourquoy ces efprits lumineux
ne peuvent ils pas
faire leur effet , auffi bien
tandis que le Soleil & la
Lune font fous l'horizon ,
que lorsqu'ils font deffous ?
Eft - ce qu'ils ont quelque
fecrette fympathie avec ces
deux aftres , pluftoft qu'avec
une infinité d'autres ,
dont le Ciel paroiſt parſemé
pendant la nuit ? Ontils
quelque antipathie pour
les ombres des corps, pour
GALANT . 79
ne s'y porter jamais qu'en
petite quantité, & avec peu
de force , quoyque d'ail .
leurs nos yeux foient expofez
à la lumiere."
Enfiu posé que nos of
prits animaux fuffent en
affez grande quantité , qu'-
ils euffent toute la viteffe
neceffaire , & toutes les
connoiffances , & la memoire
requifes , pour une
vifion parfaire , ce feroit
encore une preuve tres- infuffifante
pour nous convaincre
qu'ils font ce qu'on
doit entendre par la lumie-
G iiij
80 MERCURE
re naturelle . Car l'experience
journaliere nous oblige
toujours d'avouer qu'il
fort des corps lumineux
quelque chofe qui eft ca
pable de produire des effets
qu'on ne peut attribuer
qu'à des corpufcules , tels
que font ceux d'echauffer
de brufler , de fondre , &
de vitrifier toutes fortes de
corps , mefme l'or & les
diamants ; & d'où il n'eft
pas impoffible au contraire
de deduire tous ceux que
ces anciens Philofophes
attribuoient aux efprits luGALANT.
81*
mineux des animaux , ou à
des qualitez encore plus .
occultes , comme vous allez
le voir maintenant .
Bien loin donc , de tirer
de nos foibles yeux la lumiere
mefme qui doit les
éclairer , & de nous rendre
avec les Anciens par ce
procedé fufpects en quel
que façon d'arrogance
nous irons chercher fon origine
dans les corps mefmes.
qu'on appelle lumineux, tels.
que le Soleil , la Lune , lés
Etoilles , une chandelle &
autres de mefme nature..
1 MERCURE 82
,. que
Et nous fommes portez à
prendre ce parti avec d'autant
plus de raiſon
nous avons par l'experience
journaliere, que plus
il y a de corps lumineux.
dans un mefme lieu , &
plus ils font vifs ou ardents ;
plus nos yeux en font éclairez
; & tout au contraire à
mefure qu'on diminuë le
nombre & la force des
corps lumineux , la vifion
s'affoiblit. On a une preuve
inconteſtable
de cette
émanation de lumiere des
corps lumineux dans les
1
>:
GALANT
. 83
miroirs ardents , qui eſtant
expofez directement à des
corps lumineux
, raffemblent
leur lumiere
, & la
répandent
en abondance
fur les objets
qu'on
veut
éclairer
fortement
. Mais
ce qui me femble
détruire
entre autres chofes, le ſyſtefme
des efprits lumineux
des
Anciens
, c'eft qu'on ne laiffe
pas quelquefois
de voir fort
clair , quoyque
le corps lumineux
foit abfent, comme
il arrive pendant
le temps.
de l'aurore
& du crepufcule
, c'est- à- dire, par l'efpace
84 MERCURE
de près de deux heures le
matin , & le foir dans les
longs jours d'Efté de ces
contrées; à moins qu'on ne
vouluſt dire que ces efprits
lumineux n'ont pas befoin .
alors abfolument du Soleil
pour nous faire voir
clair ; mais la refponfe eft
aisée , car pourquoy cette
prétendue dépendance des
efprits animaux à l'égard
des corps lumineux n'auroit
- elle lieu que pendant
le jour , & cefferoit - elle au
lever de l'aurore , ou au cou--
cher. du Soleil.
GALANT. 85
On ne
ne peut cependant
, fe difpenfer
ablolument
d'avouër
icy en faveur
des anciens
partiſans
des efprits lumineux
, qu'il
y a des yeux de certains
animaux
d'où il femble fortir
quelque
chofe de fort
femblable
à de la lumiere.
car outre que nous en fommes
témoins
en quelque
façon par nous - mefmes
,
quand nous regardons
la
Ruit les yeux de quelque
animal
nocturne
comme
ceux des lapins , des hiboux,
& autres , principalement
86 MERCURE
fi ces animaux font carnaciers
, tels les loups , les
renads , les tigres. Il paroift
d'abord fort difficile .
d'expliquer fans le ſecours
de ces efprits , comment.
ces animaux pourroient
courir pendant la plus fombre
nuit , avec autant de
rapidité qu'ils font , ſoit
pour le fauver
chaffer leur proye au travers
des bleds , des vignes ,
des bois , & des broufailles ,
ou pour s'affembler , &
tant d'autres comment
ou pour
pourroient paſſer la moitié
GALAN . 87
de leur vie , enfermez dans
des terriers , ou tanieres , ou
dans des caves tres obfcures
. D'un autre cofté il
femble qu'on peut tresbien
douter auffi qu'il forte
aucune telle lumiere des
yeux de ces animaux lorfque
tout corps lumineux
eft abſent , comme chacun
peut s'en convaincre par
experience , & comme je
l'ay experimenté plufieurs
fois fur les chats , quoyqu'on
foit affez communement
perfuadé du contraire.
88. MERGURE
Mais après tout cette
prétenduë lumiere , quand
mefme elle viendroit de
ces animaux , eft tres - rare ;
& on ne peut pas meſme
dire qu'elle leur ſerve de
quelque chofe pendant le
jour , puifqu'elle difparoift
alors à nos yeux . A combien
plus forte raifon donc
doit- on conclure que la lumiere
qui nous éclaire
dant le jour ou la nuit , ne
vient pas de nos yeux , puifque
dans quelque occafion
que ce foit , on n'en
voit rien fortir de pareil.
pen-
De
GALANT. 89
De plus , il eft certain
que la lumiere qu'on raf
femble avec les miroirs ardents
expofez directement
aux corps lumineux , agit
fur les corps
, comme on
l'a dit cy- deffus , & comme
on le peut voir au mo
yen du grand miroir de
métal qui eft à l'Obfervatoire
, & d'un autre de verre
qui eft au Palais Royal ,
avec lesquels on fond , on
vitrifie , & on calcine en
tres peu de temps toutes
fortes de corps , fans qu'il
foit neceffaire de recourir
H
Fuillet 17120
90 MERCURE
aux hiftoires fabuleuſes ,
qui pour relever l'excellen
ce des inventions d'Archimede
nous racontent qu'il
brufloit du haut des murs.
de Siracufe , les vaiffeaux
des Romains qui la tenoient
affiegée ; il faut
donc eftablir pour principe
, que la lumiere eſt un
corps materiel comme les
corps mefmes , fur lesquels
elle agit , avec cette difference
cependant , que fa
fubtilité , fa viteffe , & fa
fluidité , font prefque inconcevables
, & qu'elle
émane du corps lumineux ,
GALANT. 91
& non pas de nos yeux.
Quant à la fubtilité de
la lumiere , il faut qu'elle
foit extrême pour penetrer
en auffi peu de temps les
corps les plus durs & les
plus ferrez , comme les cryftaux,
les diamants , & pref
que toutes les autres pierres
précieuſes , fans parler
des noeuds des bois réfineux
qu'elle penetre quelquefois
juſqu'à l'épaiſſeur
de plus d'un pouce . Les
corps fluides ne font pas
plus à l'épreuve de ſa ſubtilité
, que ceux dont on
Hij
94´ MERCURE
vient de parler ; & on peut
dire mefme que que les yeux de
la plufpart des poiffons leur
feroient prefque inutiles ,
s'ils ne pouvoient
s'en ſervir
que vers la fuperficie ·
de l'eau , & non pas au fond
des abysmes de la mer , où :
ils trouvent leur nourritu
re. Car il eft prefque inoui ,
qu'on ait apperceu aucune
lumiere fortir des yeux des
poiffons , ou des monstres
marins , quoyque pendant
la nuit les écailles de plufieurs
en répandent en
abondance.
A l'égard de la viteffe
GALANT.
93 .
de la lumiere elle n'eft pas
moins
prodigieufe que fa
fubtilité ,
puifqu'elle parcourt
dans un temps fort
petit comme de deux heures
environ des efpaces immenfes
, tels que celuy qui
eft entre Saturne , c'est- àdire
, entre la plus haute
Planette & la terre ; deforte
qu'il n'y a aucune viteſſe
fenfible fur la terre , foit
d'une fleche ou d'un boulet
de canon , qui ne foit à
l'égard de celle de la lu
miere moindre , que celled'une
tortue ou d'un lima,
*
94 MERCURE
çon à l'égard de celles là.
On peut s'en convaincre
en confiderant
de combien
la lumiere de la flamme
d'un canon précede
le coup
fon boulet donné à une demie
lieuë du canon . Enfin
que la lumiere foit un corps
tres fluide , perfonne n'en
doit douter , puifqu'elle
n'empefche
aucunement
les divers mouvemens
des
corps qui fe trouvent entre
l'oeil & le corps lumineux.
La nature de la lumiere
eſtant donc ainſi eſtablie ,
GALANT .
95
fçavoir qu'elle eft un corps
fluide , tres- rapide , & tresfubril
, & eftant certain
aufli qu'elle dérive des
corps qu'on appelle lumineux
, comme on l'a prouvé
cy - devant , il nous refte
d'expliquer de quelle maniere
elle eft contenue
dans le corps lumineux
,
comment elle en découle
dans nos yeux , & enfin
comment
nous appercevons
par fon moyen tout ce
qui compofe ce qu'on appelle
le monde. vifible.
Pour vous faire connoif
96 MERCURE
tre de quelle maniere
elle eft contenue dans le
>
corps lumineux-
, j'eſtabli
ray pour principe
que le
corps lumineux
, ou du
moins fa fuperficie
, n'eſt
autre chofe qu'un amas de
matiere fort fubtile , forts
agitée , & tres fluide , lequel
eft environné d'air ,
ou de quelque autre matiere
fluide plus groffiere ,
qui le preffant de tous coftez
lui fait prendre la figure
ronde fous laquelle il nous
paroift.Je fuppoferay encore
que l'air que nous refpirons
,
GALANT. 97
rons , auffi bien que la
region
aërée qui s'étend tout
autour de la terre à l'infini ,
font remplis de la matiere
que j'ay dit eftre la lumiere
, laquelle lumiere doit
eftre differente de celle qui
compofe le corps lumineux
, puiſqu'il a des bornes
, & que celle - cy n'en
a point. Cecy eſtant ſupposé
, voicy comme j'explique
de quelle maniere
elle eft contenue dans le
corps lumineux.
Ce difcours s'eft trouvé
Juillet 1712 .
I
98 MERCURE
trop long , pour le mettre
dans un feul Mercure , on
la partagé en deux , & l'on
donnera le refte le mois
prochain.
SUR L'AMOUR.
IL eft paffé cet âge heureux
De la primitive tendreffe ,
Où le refpect , la fageffe
Gouvernoient les coeurs
amoureux .
La Maiſtreffe tousjours fevere
,
Tenoit l'Amant tousjours
foumis :
GALANT. 99
Que le pauvre efclave euſt
commis
Une offenſe la plus legere ,
Auffi -toft penitence auftere
,
Exil en deſert tenebreux ,
Jeûne exact , long & rigoureux
.
Brefc'eftoit ferveur de Novices
,
Pour le fexe quelles delices
?
Il eft paffé cet âge heureux
,
Un air plus froid qu'à l'ordinaire
,
Un rien defefpereroit l'AI
ij
100 MERCURE
mant ,
Aujourd'huy c'est tout autrement
,
Sur un rien le galand efpere.
MADRIGAL
fur un ruban d'or d'épée
donné à l'Autheur de
ces vers.
B Eau lien , tiffu precieux ,
Digne que Jupiter luymeſme
En faffe fur fon front un
brillant diadême ,
•
Lorfque devant fon trofne
il affemble les Dieux ,
GALANT. 101
Si tu me cauſe tant de joye ,
Si tu m'es un fi cher threfor
,
Ce n'eft point pour l'éclat
de l'or ,
Que l'art induftrieux fit
briller fur la foye :
Ton merite à mes yeux eft
la main qui t'envoye ,
Fait feule tout ton prix ,
peut-eſtre que
d'abord
On plaindra ton malheureux
fort ,
Tu perds une maiftreffe
aimable ,
Digne des hommages d'un
Roy
;
I
iij
102 MERCURE
Et tu la perds pour eftre
à moy.
Quel revers, dira -t'on quelle
cheute effroyable:
Laiffons parler les envieux ,
Et mocquons - nous de leur
murmure ;.
Ton employ le plus glorieux
Fut d'avoir part à fa parure:
Mais auprés de fon teint
auprés de fes beaux yeux ,
Pareils à ceux qu'on peint
la Reine des Dieux .
Auprés de fa taille divine ,
De fon air dont la majeſté
Marquefon illuftre origine.
GALANT . 103
De fon efprit charmant
dont la facilité ,
Les graces , la folidité ,
Luy font fur tous les coeurs
un fouverain empire ,
Helas qui prenoit garde
à toy !
Tu n'as point à fubir cette
honte avec moy ,
Tes attraits brillent feuls ,
c'eft toy feul qu'on
admire ,
Et
pour
comble d'honneur
dans ton nouvel employ ,
Tu feras deformais le tef
moin & le gage
Des bienfaits , des bontez
I
iiij
104 MERCURE
d'un coeur fi
genereux
,
Tu feras le lien de l'efclavage
heureux ,
Où mon refpect profond ,
où mon zele m'engage ,
Que te dirai - je enfin , tu feras
aux neuf Soeurs ,
Une des marques immortelles
,
Et de l'eftime & des faveurs
Qu'elle fit éclater pour
elles
;
Et moy certain de leurs
Lecours
Je feray de la gloire une
telle peinture ,
GALANT . 105
Que la Déeffe des Amours
Changeroit pour toy fa
ceinture .
LA FRANCHISE
picarde , traduite d'un
Manufcrit en vieux
françois.
UN Picard des plus
francs , & affez riche fe
ruina , & devint Poëte ;
poëfie & pauvreté
derogent
à franchife. Un autre
Picard , pauvre de naiffance
, devint le riche Intendant
d'un grand ſeigneur
106 MERCURE
ruiné , & par fes richeffes
derogea encore plus à franchife
que le Poëte par fa
pauvreté , voicy ce qui leur
arriva .
Ce Poëte ayant un jour
befoin d'argent , refolut
d'aller trouver l'Intendant
,
fon compatriote : J'ay fait
une belle anagramme fur
fon nom
en luy- mefme , il m'a entendu
plufieurs fois reciter
des vers , ainfi il eſt obligé
de me prefter de l'argent.
Aprés ces reflexions il
compofa une Ode fur la
difoit le Poëte
GALANT. 107
liberalité , & partit de ſon
pied pour aller trouver l'In-
En l'abordant tendant .
humbles reverences de fa
part , & de l'autre un petit
figne de tefte , car on ſa 、
luoit dés ce temps - là à proportion
des richeſſes , bonjour
, Monfieur *** . dit
l'Intendant , comment va
fa
:
la poëfie , m'apportez- vous
quelque petite production
nouvelle à ces mots le
Poëte pour toute reſponſe
tira de fa poche un rouleau
de papier Voyons ,
Mr , voyons , dit l'Inten108
MERCURE
dant , d'un ton de Juge folicité
, j'aime la poësie , mais
je veux du Malherbe ou du
Theophile .
Je les égale dans mes poëfies
ordinaires , repliqua le
Poëte , mais dans celle - cy
je me fuis furpaffé moymefme
, & cela n'eft pas
eftonnant , le genie s'éleve
& fe vivifie quand il s'agit
de louer un homme tel que
vous , & je vous puis dire
que la dignité du ſujet ma
emporté au delà de ma
fphere naturelle. L'Intendant
fut fi fenfible à ces
GALANT. 109
louanges , qu'oubliant fa
fierté naturelle , il embraf
fa le Poëte , & voulut fouper
tefte à tefte avec luy .
Pendant le fouper la converfation
de part & d'au .
tre ne fut qu'un eloge entrecoupé
de verres de vin ,
le Poëte mettoit l'Intendant
au deffus de Mecenas
, & l'Intendant adoptoit
le Poëte pour fon Vir.
gile .
Le vin eftoit excellent ,
à force d'en avaller nos
deux Picards fentoient renaiſtre
dans leur coeur leur
110 MERCURE
fincerité naturelle ; à me-
:
fure qu'ils beuvoient les
louanges devenoient plus
foibles enfin ils beurent ,
tant qu'ils ne s'entre louerent
plus du tout ; un profond
filence regna quelque
temps entre eux , &
quelques bouteilles qu'ils
beurent fans dire mot
poufferent leur fincerité
jufqu'à l'indifcretion .
Morbleu , dit d'abord
tout bas le Poëte à demy
yvre , il faut que je fois
poffedé du demon de la
poëlie pour avoir pû proGALANT
.
duire une Ode heroïque
fur un Intendant .
Il faut que je fois bien
affamé de louanges , difoit
entre fes dents l'Intendant
plein de vin , pour acheter
un éloge d'un fi mauvais
Poëte .
Je vous prends à témoin
d'une chofe , dit le Poëte
en hauffant la voix , ne
vaudroit - il pas
mieux que
je portaffe encore ce vieil
habit d'Efté pendant
quatre
hivers , que de forcer
ma Mufe à chanter vos
louanges.
112 MERCURE
Avoüez une chofe , dit
l'intendant au Poëte , que
tous vos vers ne valent
pas
l'excellent vin que vous
m'avez bû.
Un Grec a dit , reprit le
Poëte , que tout vin eſt vin
de Brie , quand on le boit
avec un ignorant.
J'en fçay affez , reprit
l'autre , pour voir que les
plus beaux de vos vers ne
font pas à vous.
Ils font plus à moy , dit le
Poëte , que votre bien n'eſt
à vous .
J'ay leu tous les reçuëils
de
GALANT . 113
de poëſie , continua l'Intendant
, vous avez pillé
celui
cy ,
vous avez pillé
celuy-la.
Hé , morbleu vous avez
plus pillé que moy , reprit
brufquement le Poëte ne
nous reprochons point nos
larcins en difant cela le
Poëte eut affez de raifon
pour gagner la porte , &
l'Intendant eut à peine la
force de gagner fon lit.
Le lendemain ils fe rencontrerent
dans un endroit
, l'Intendant alloit
d'abord invectiver , mais
Juillet 1712 .
K
114 MERCURE
le Poëte s'approcha de luy:
chut , dit - il , Mr l'Intendant
, perfonne ne fçait
une partie des veritez que
nous nous reprochaẩmes
hier tefte à tefte , Je fçay
qu'un homme riche peut
décrier un Poëte , vous pouvez
parler , mais je puis
eſcrire , taifons - nous tous
deux , & nous ferons bien ;
mais faiſons mieux , nous
pouvons nous illuftrer l'un
l'autre. Ecoutez - moy , le
monde eft rempli de gens
qui ne jugent des ouvrages
que par le nom , & par
GALANT. 115
l'opulence de leurs autheurs
, vous pouvez me
rendre riche fans vous appauvrir
; d'accord , reprit
l'intendant , mais que m'en
reviendra-t-il à
moy , tout
ce qui vous manque en ce
monde , repliqua le Poëte ,
probité bien averée qui eft
un threfor pour pouvoir en
manquer utilement dans
une grande occafion . Or
les fots jugeant de mes vers
par mon équipage , jugeront
de voſtre probité par
mes vers ; en un mot vous
ferez mon proneur , & je
Kij
116 MERCURE
feray voftre panegyrifte ,
nous voilà revenus , dit l'Intendant
, à ce Mecenas &
à ce Virgile , dont vous me
parliez hier , fort bien , dit
le Poëte , & comme Virgile
a eſté plus utile à Mecenas
que Mecenas à Virgile
, vous voyez bien que
vous gagnerez à me pref
ter de l'argent.
Je ne fçay fi l'Intendant
fe rendit à cette raiſon ,
mais il devoit s'y rendre ,
car il avoit encore plus beſoin
de reputation , que le
pauvre Poëte n'avoit befoin
d'argent
.
GALANT . 117
NOUVELLES
des Cantons Suiffes.
IL s'eft élevé des troubles
en Suiffe il
y a environ
cinq ans pour le Com .
té de Tockembourg , dont
les habitans font partie Catholiques
, & partie Proteftans.
On prétend que
l'Abbé de faint Gal qui en
eſt ſeigneur , troubloit les
Proteftants dans l'exercice
de leur Religion . Les Cantons
de Zurich & de Berne ,
dont les peuples de cette
118 MERCURE
Comté font alliez , voulurent
s'y oppoſer , & quelques
Cantons Catholiques
entreprirent de fouftenir
les droits de l'Abbé de faint
Gal. Il s'eft tenu plufieurs
conferences à la follicitation
des Cantons neutres
de Bafle & de Schafhouſe ,
& de l'Ambaffadeur de
France , pour terminer ces
differents à l'amiable , mais
tres - inutilement , depuis
quelque temps on eſt venu
à une rupture ouverte.
Les Cantons de Zurich &
de Berne ont affemblé de
GALANT . 119
groffes armées avec lef
quelles ils ont forcé les paffages
qui les feparent , ont
donné un combat près de
Bremgarten , où ils perdirent
trois ou quatre cens
hommes , & les Catholiques
cinq cens & deux picces
de canon , & enfuite
ils s'emparerent de Brem
garten & du Comté de
Bade.
Depuis ce temps - la le
Comte du Luc Ambaffadeur
de France & les
Cantons neutres ont obtenu
unefufpenfion d'armes,
120 MERCURE
ils font convenus que les
Députez des deux parties.
s'affembleroient à Arran ,
où l'on efpere trouver des
moyens pour reftablir la
tranquillité dans tout le
corps Helvetique.
Nouvelles de Flandres.
Un parti de Huffarts de
l'armée du Roy enleva la
grande garde de la droite
des Ennemis près d'Avelne
le fec , un Capitaine &
plufieurs autres furent tuez ,
il fit trente deux prifonniers
, & enleva trense
deux
1
GALANT. 121
deux chevaux fans d'autre
perte qu'un Huffart.
Noftre armée eſt toujours
campée à Noyelles ;
on attend pour decamper ,
la décifion de la propofition
qui a efté faite pour
une fufpenfion d'armes de
deux mois , & la retraite
des troupes que commande
le Duc Dormond.
pour
fai-
Le détachement que le
Prince Eugene fit
re une courſe en Picardie
& en Champagne , eſtoit
de deux mille huit cens
chevaux , Cavaliers , Dra-
Juillet 1712 .
L
122 MERCURE
gons , Huffarts & Grenadiers
à cheval , ils partirent
de leur armée , divifez
en plufieurs petits corps
pour cacher leur marche ,
ils ne fe raffemblerent
qu'à
vingt inq lieuës de leur
camp , ils firent une fi
grande diligence que les
détachemens
que le Marechal
de Villars fit partir
vingt heures après , fous
les ordres du Marquis de
faint Fremont, & des Comtes
de Coignie & de faint
Maurice
ne purent les
joindre.
GALANT. 123
Les ennemis marchoient
nuit & jour , envoyant des
partis à droite & à gauche
de leur route ; ils mirent le
feu à deux ou à trois villages
, enleverent du butin ,
& prirent des oftages dont
la plufpart fe font fauvez
dans la precipitation de
leur marche . Ils n'ont ofé
attaquer aucun lieu fermé ,
ils arriverent le 7 Juin à
la Meule qu'ils pafferent
près de faint Michel & la
Moſelle vers le Pont à
Mouffon ; de là ils entre-
34
rent dans le pays Meffin
Lij
124 MERCURE
où ils bruflerent dix fept
ou dix huit villages , contre
les droits de la guerre ,
d'autant que ces lieux payoient
contribution à Landau.
que
On écrit de Traerbach
le détachement commandé
par le General Groveftein,
eftoit arrivé au voifinage
de cette place , que
fes troupes eftoient tres fatiguées
par la précipitation
de leur courfe , & qu'elles
eftoient reduites à quinze
cens hommes , de forte
qu'ils en ont perdu unę
GALANT. 125
bonne partie , ils attendoient
environ deux cens
hommes qui eftoient reftez
derriere , comme ils étoient
à pied , & qu'on n'en avoit
point de nouvelles , on ne
doutoit prefque plus qu'ils
n'euffent efté défaits par
les habitans du pays Mef
fin , irritez des pillages &
des incendies qu'on y avoit
faits.
On apprend du pays
Meffin que les peuples font
refolus de ne point payer
les contributions jufqu'à ce
qu'on ait donné fatisfac-
Liij
126 MERCURE
tion de cette contraven
tion : de maniere que tout
l'avantage de cette courſe
confifte en quelque argent
qu'on a pillé & exigé des
villages , & aux effets que
les foldats ont emportez .
Les ennemis ouvrirent
la tranchée devant le Quef .
noy en deux endroits la
nuit du 19. au 20 de Juin ;
à l'attaque droite ils ne firent
aucune perte à cauſe
qu'on travailloit dans un
chemin creux , & qu'ils ne
furent pas découverts à
l'attaque de la gauche , ils
GALANT. 127
perdirent huit ou dix hommes
, & eurent un grand
nombre
de bleffez
, parmy
lefquels eft le Major General
Seckendorf. Les Affiegez
faifoient un feu extraordinaire
de moufqueterie
& de canon , & le 17 .
une de leurs bombes brufla
la ferme de Bear , où les
Alliez s'étoient logez ; on
a eu avis de l'armée qu'elle
s'eftoit renduë le 4. & que
la Garnifon avoit efté faite
prifonniere de guerre .
Liiij
128 MERCURE
NOUVELLES
de Hollande.
On ne parle icy que de
fa harangue que la Reine
de la Grande Bretagne a
faite à fon Parlement , ce
qui a mis en ce pays les Plenipotentiaires
des Alliez
dans de continuels mouvements.
Plufieurs perfonnes
en paroiffent peu ſatisfaites
, mais le public en tefmoigne
une joye extrême ,
& efpere que la refolution
de cette Princeffe procurera
la paix à toute l'Europe .
GALANT . 129
Les Eftats Generaux receurent
le 27. Juin un courier
de l'armée , & le Comte de
Zinzendorf un autre du
Prince Eugene , par lefquels
on a appris que le Duc Dormond
avoit fait fçavoir à
ce Prince & aux Deputez
des Eftats , qu'il avoit ordre
de la Reine de faire
blier une fufpenfion d'armes
avec la France pour
deux mois , & de faire un
détachement de fes troupes
pour entrer dans Dun-
Kerque pour la feureté des
articles dont on eftoit conpu130
MERCURE
venu , qu'il avoit enfuite
proposé de publier une pareille
fufpenfion dans l'armée
des Alliez
, que le
Prince Eugene & les Députez
luy avoient demandé
du temps pour en informer
leurs Maiftres ; ces nouvelles
donnerent
ici une grande
inquietude
.
Le Comte de Strafford
arriva de Londres à la Haye
le 6. Juillet , il en a donné
avis aux Etats Generaux.
Le lendemain matin huit
Députez avec le fieur Fagel
Greffier , furent le vifiGALANT
. 131
ter , ils ont eu avec luy une
longue conference .
L'Evefque de Briſtol premier
Plenipotentiaire de
fa Majefté Britannique eſt
arrivé à la Haye pour con .
ferer avec le Comte de
Strafford . Ils doivent dans
peu retourner à Utrecht
pour y declarer les intentions
de la Reine leur Maiftreffe
, & fçavoir les fentiments
des Miniftres des.
Alliez touchant la fufpenfion
d'armes qui a efté proposée
par l'Evefque de Briftol,
& par le Duc Dormond .
132 MERCURE
NOUVELLES
de Londres.
Il y a eu de grandes dif
putes ddaannss la Chambre
haute au ſujet de l'addreſſe
qu'on devoit prefenter à la
Reine pour la remercier de
fa harangue. Le Comte de
Milord
Nottingham
Wharton , & Milord Cowper
fuivis de quelques autres
du parti des Whigs
propoſerent de lire & d'examiner
auparavant les
Lettres écrites à la Reine
par les Eftats Generaux des
GALANT . 133
Provinces - Unies , & par le
Prince Eugene , de fe fervir
de certaines expreffions
dans l'addreſſe , & de prier
fa Majesté de ne faire la
paix que de concert avec
les Alliez mais ces trois
propofitions furent rejettées
à la pluralité de quatre
vingt une voix contre
trente fix , il fut refolu de
prefenter une addreſſe à
peu près conforme à celle
des Communes . Deux jours
aprés les Communes préfenterent
leur addreffe à la
Reine , qui leur tefmoigna
134 MERCURE
qu'elle en eftoit tres fatisfaite
, & que la confiance
qu'ils avoient en elle produiroit
de tres bons effets
pour le bien de fes fujets .
Quelques uns des Whigs
voulant faire une proteftation
contre l'addreffe de
remerciment preſentée à la
Reine , leur conduite obligea
le Duc de Grafton , le
Comte de Torrington , le
Lord Herbert de Sherbury ,
& quelques autres à ſe ſeparer
d'eux .
Milord Maire a proposé
dans le commun Confeil ,
GALANT . 135
de prefenter une addreffe
à la Reine , pour la prier
de conclure au pluſtoft.la
paix . Le précedent Maire
& deux autres s'y oppoſerent
: mais tous les autres
furent d'avis de la prefenter
, on croit qu'ils feront
imitez par les autres Villes.
Le 28. Juin on propoſa
à la Chambre de preſenter
une addreffe à la Reine ,
pour la prier d'ordonner à
Plenipotentiaires de fai- fes
re inferer dans le Traité
de paix , que les Alliez ſeront
garands de la fuccef136
MERCURE
fion de la Ligne Proteftante
dans la Maifon de Hanover
: cette propofition
fut rejettée à la pluralité
de cent trenre voix contre
trente huit . Au contraire
la Chambre declara par
une reſolution expreſſe ,
qu'elle avoit une fi entiere
confiance à fa Majeſté ,
qu'elle nedoutoit pas qu'el
le ne prit toutes les mefures
neceffaires pour affurer
cette fucceffion
>› que
la Chambre
la
fouftiendra
contre ceux qui excitent
des factions au dedans , &
contre
GALANT . 137
contre fes Ennemis au dehors.
Le parti des Toris a entierement
pris le deffus , &
celuy des Whigs diminuë
tous les jours , dix ou douze
feigneurs l'ont abandonné
auffi bien que plufieurs
des plus confiderables
Membres de la Chambre
des Communes .
Milord Maire , les Aldermans
, & le commun Confeil
de cette ville , prefenterent
le 25 Juin leur addreffe
à la Reine , qui les receut
, & leur refpondit tres
Fuillet 1712.
M
138 MERCURE
favorablement. Sa Majesté
fit Chevaliers les fieurs
Caff, Stuvart & Clark.
eftoit com-
Leur
cortege
posé
de cent
trente
carroffes
, dans
la plufpart
def
quels
il y avoit
quatre
perfonnes
. Milord
Maire
invita
à difner
les Membres
du
Confeil
de la Reine
,
qui ſe rendirent
la pluſpart
dans
fa maiſon
, où ils furent
traitez
magnifiquement.
GALANT . 139
NOUVELLES
d'Espagne.
Le Roy a donné par interim
le commandement de
l'armée de Catalogne au
Prince Tferclas de Tilly ,
& le commandement de
Sarragoffe & des armes du
Royaume d'Arragon qu'il
exerçoit , a efté donné au
Marquis de Valdecanas
Capitaine General , & la
charge de Lieutenant Colonel
du Regiment de Salamanque
qui eft en Sicile ,
à Don Miguel Carreno
Mij
140 MERCURE
Capitaine de Grenadiers.
On mande de Sarragoffe
que les Ennemis avoient
tenté pour la troifiéme fois
de furprendre Cervera avec
deux mille hommes de
troupes reglées , & deux
mille Micquelers ou Soumettant.
Le Gouverneur
en ayant efté informé fit
venir de Balaguer fix cents
Grenadiers , il fit faire un
fi grand feu de mouſqueterie
& de canon
, que
Ennemis furent contraints
de fe retirer en defordre, &
avec perte ; ils ont abanles
GALANT. 14Ï
donné leurs outils à remuer
la terre , & deux pieces de
canon qu'ils enclouerent
en fe retirant .
Les Lettres de Balaguer
& de Cervera portent qu'-
un Regiment Neapolitain
s'eftant pofté aux environs
de Gironne , le Gouverneur
› en ayant efté informé , fortit
avec une partie de fa
garniſon , le défit entiere
ment.
Le Marquis de Valdecanas
ayant appris que
quelques Volontaires avoient
paffé l'Ebro , & s'a
142 MERCURE
vançoient vers Daroca ,
commanda , pour les couper
, plufieurs partis , l'un
defquels conduit par Don
Manuel de faint Martin
Capitaine de Cavalerie , les
rencontra , & les défit ; il
fit plufieurs prifonniers, du
nombre defquels ca efté
leur chef Don Antonio
Biella.
On écrit des frontieres
d'Eftremadure que le Marquis
de Bay avoit fait attaquer
deux atalayas ou tours
fortifiez , par quelques
compagnies deGrenadiers,
GALANT . 143
& qu'elles s'eftoient renduës
fans faire aucune refiftance
, que le Gouverneur
de Campo Mayor y
ayant renvoyé de plus fortes
garnifons , le Marquis
de Bay fit un détachement
fous les ordres de Don Melchior
Cano Marefchal de
Camp qui les obligea à ſe
rendre prifonniers de guerre
, & fit rafer les tours.
On mande d'Arragon
que Don Patricio Laules
Marefchal de Camp &
Commandant de Benavar
ri ayant efté informé que
144 MERCURE
14
les Volontaires & les Miquelets
s'eftoient affemblez
au nombre de huit
cens à deffein de le furprendre
, fut à leur rencontre
, les furprit , & les obligea
de prendre la fuite avec
tant de précipitation que la
plufpart abandonnerent
leurs chevaux , dont on en
prit un grand nombre , il y
en eut plufieurs tuez & faits.
prifonniers.
GALANT. 145
មន
LA RUNE.
A Madame la Marquife
de M.
QUand d'une ardeur´ fi
peu commune
On vous entend pouffer
tout bas
Et des foûpirs & des helas
,
Qui croiroit
que c'eſt pour
la Rune ?
Quelques gens trop promts
à la main
Fuillet 1712 .
N
146 MERCURE
A juger mal de leur prochain
,
Pourront
s'imaginer peutêtre
,
S'ils n'ont l'honneur de vous
connoître
,
Que la Rune eft un cava
lier
,
Non de tels qu'on en voit
paroître
A Paris au moins un millier
,
Dont le merite fingulier
Ne paffe point le Petit - Maître
:
Mais un de ceux au grand
colier ,
GALANT. 147
Qui par fon air diſcret, honnête
,
Vous auroit donné dans la
tête .
Mais j'en avertis promptement
,
Point de jugement temeraire
,
La Rune pour qui feulement
Vous foûpirez fi tendrement
Et fans en faire de myſtere ;
La Rune qui feul fçut toucher
Un coeur toûjours fage &
fevere ;
Nij
148 MERCURE
La Rune qui feul peut vous
plaire ,
Helas n'eft qu'un pauvre
rocher.
Sur la cime des Pirenées .
Où bravant depuis fix mille
ans
Et la foudre & les deftinées ,
Il compte les fiecles courans
,
Comme nous comptons les
années ;
Ce rocher orgueilleux &
fier
Etend au large fon empire ,
Et paroiffant feul & fans
pair,
GALANT. 149
Par pitié pour ce qui refpire
Sans tomber refte prefque
en l'air.
Devant fon énorme figure
Les autres rochers fes fujets ,
Vils avortons de la nature ,
Ne femblent que des marmoufers
,
Dont les plus hauts & les
mieux faits
Ne lui vont pas à la ceinture.
De là comme d'un Belveder
,
Allongeant fon col vers la
mer ,
Il voit fous lui la terre &
l'onde ,
N iij
150
MERCURE
Ét dominant également
Sur l'un & fur l'autre ele.
ment *
Semble , faifant
par tout la
ronde ,
Contempler
curieufement
Ce qui le fait dans tout le
monde
.
Contre fon chefaudacieux
Qui touche preſque jufqu'
aux cieux ,
Paroît cloüé comme une
cage
Un pauvre petit hermitage,
Deux cellules pour loge.
nient ,
GALANT.
ISL
Avec un peu de jardinage ,
Qui cultivé legerement
Fournit affez abondamment
Herbes & fruits pour le ménage.
Joignez encore aubâtiment
Sur l'un des bouts une Chapelle
,
Et de l'hermitage charmant
Vous aurez un portrait fi.
delle .
Cependant du rocher voiſin
Le paffant qui va fon chemin
,
S'il tourne vers là la prunelle
,
Niiij
152 MERCURE
Au lieu d'un logement hu
main ,
De maiſon , Chapelle & jardin
,
Croit ne voir qu'un nid d’hirondelle
.
Or ,foit nid d'hirondelle où
non ,
C'eſt où vous pretendez ,
dit
on ,
Aller fixer vôtre demeure.
Ce deffein eft loüable &
bon ,
Vous le voulez , à la bonne
heure :
Mais tandis qu'au gré de
VOS Voeux
GALANT.
153
Votre
équipage fe prepare,
Que vous prenez vôtre fimarre
Et que l'on treffe vos cheveux
;
Que de papier & de clincaille
Vous ornez le chapeau de
paille ,
Qui dans cette aimable prifon
Doit vous tenir lieu de coiffure
;
Avant d'entrer dans la voiture
,
Et de quitter nôtre horizon,
Souffrez que,comme de raifon
,
154
MERCURE
Je prêche ici vôtre vêture.
La folitude eft belle en vers,
On eft charmé de fa pein
ture :
Mais elle a de fâcheux re ,
vers ,
Et malgré ce qu'on s'en
figure ,
Donne bien de la tablature.
J'en fçai mille exemples divers
,
Quelque bien qu'on foit le
temps dure ,
Et je vois dans cet univers
Qu'on aime à changer de
poſture.
GALANT.
159
Quand vous aurez fait le
plongeon ,
Et que vous vous ferez perchée
Sur le haut de vôtre donjon,
Vous y ferez bien empê.
chée.
De là vous verrez, je le veux ,
La mer en orages feconde ,
Rouler fes flots impetueux ,
Et blanchir les rocs de fon
onde :
Encor le fait eft - il douteux ;
Car du fommet de cette
roche ,
Avec l'oeil le plus délié ,
Pour voir la mer qui bat fon
pié
156 MERCURE
Il faut des lunettes d'approche.
Mais voyez- la , je le veux
bien ;
Voyez , fi vous voulez , encore
Depuis le rivage Chrétien
Jufques au rivage du More ;
Confiderez de toutes parts
Vingt & vingt Royaumes
épars ;
Voyez encore , s'il fe peut
faire
,
Tout ce que le Soleil éclaire;
Et , fi jamais rien vous a
plû ,
Ayoüez , fainte folitaire ,
GALANT .
157
Que cette vûë a de quoy
plaire :
Mais d'un coup d'oeil on a
tout vû.
Durant cela le jour s'allonge
,
Le Soleil marche avec lenreur
:
Il eſt encor dans fa hauteur ,
Qu'on attend l'inſtant qu'il
ſe plonge ,
Et qu'enfin le fommeil vainqueur
Du cruel chagrin qui vous
ronge ,
Etourdiffe vôtre langueur ,
158
MERCURE
Et par l'image d'un beau
fonge
Charme l'ennui de vôtre
cecur .
Lorfque cet ennui vous poffede
,
La priere eft un bon remede
;
Tout hermite en doit faire
cas ,
S'il veut que Dieu lui foit
en aide.
Vous prierez , je n'en doute
pas :
Mais l'ame eft quelquefois
bien
tiede ,
Et quand deprier on eft las,
GALANT.
159
Il faut trouver quelque intermede
.
Je veux que dans vôtre oraifon
Dieu vous anime & vous
confole ,
Qu'il éclaire vôtre raiſon ,
Et vous porte au coeur fa
role :
pa-
Mais aprés toutes ces faveurs
,
Vous
trouverez comme
tant d'autres ,
Bientôt la fin de vos ferveurs
Et le bout de vos patenôtres
,
160 MERCURE
Et gare auffi quelques vapeurs.
Ce n'eft pas que de vôtre
Dune ,
Comme du haut d'une Tribune
,
Vous pourrez prêcher les
poiffons ,
Qui réveillez par vos doux
fons
,
Et curieux de vous connoître
,
Pour mieux entendre vos
leçons ,
Mettront la tête à la fenêtre.
Je
GALANT. 161
Je vois déja les eftourgeons
Sur la mer faire un promontoire
,
Avec un peuple de goujons
Qui courent à votre auditoire
:
Les dauphins en gens du
grand air ,
Pardeffus l'eau levant la tête
,
Et ruminant quelque conquête
,
Viennent d'un pas de Duc
& Pair.
Comme Dames de haut parage
Les baleines plus lentement
Juillet 1712.
162 MERCURE
S'avancent en grand équi
page ,
Traînant aprés elles maint
page
Qui fend les eaux gaillar
dement .
Prêchez mais au fortir de
chaire
N'attendez point de com .
pliment ,
Les poiffons n'en fçavent
point faire ;
Non , ni baleine ni faumon
N'aura jamais Fefprit de
direr:
Le grand talent ! le beau
fermom! J
GALANT.
163
Cependant il n'en faut pas
¡ire ,
Un
compliment un peu
teur
fla-
Soulage le Predicateur ;
Il ne prêche que pour inftruire
:
Mais après tout je croirois
bien
Qu'un compliment ne gâte
rien.
C'eft chofe enfin bien ennuyeuſe
,
Fut- on même grande caufeufe
,
D'entretenir un peuple for ,
Quifait fortir de les paupieres
O ij
164 MERCURE
Des yeux grands comme
des falieres ,
Et jamais ne vous répond
mot.
Un long filence nous at
triſte
;
Encor faut-il dans le befoin
Avoir quelqu'un qui prenne
foin
De vous dire, Dieu vous affifte
.
Ce monde a de fort grands
défauts ,
Ne craignez pas que je l'excufe
;
Il eſt méchant,leger &faux,
GALANT. 165
Il trompe , il feduit , il abuſe,
Il eft auteur de mille maux :
Mais tel qu'il eft il nous
amufe
,
Sans ceffe il fournit à nos
yeux
Mille fpectacles curieux.
Sa ſcene mobile & chan-
Plaît même
geante
par fon changement
;
Toûjours nouvel évenement
Que fon efprit fecond enfante
Nous réveille agreablement.
166 MERCURE
L'un rit , & l'autre fe lamente
,
Tous deux trompez égale.
ment ,
L'un arrive au port fûrement
L'autre eft encor dans la
tourmente ;
L'un perd fon bien , l'autre
l'augmente ;
L'un pourfuit inutilement
La fortune toûjours fuyante
,
L'autre l'attend tranquile
ment ,
Ou parvient fans fçavoir
comment
GALANT. 167
Et prefque contre ſon at
tente.
L'un reüffit heureuſement ,
L'autre, aprés bien du mou .
vement ,
Trouve un rival qui le fupplante.
L'un en pefte , l'autre en
plaifante ,
L'un vous brufque groffierement
,
L'autre d'une main caref
fante
Vous poignarde civile
ment.
L'unaime Dieu trés- ardem ,
ment ,
168 MERCURE
Ou fait femblant , que je ne
mente ;
Pour fon prochain , il s'en
exempte.
L'autre s'aime trés tendrement
,
Et d'autrui fort peu fe tourmente.
L'un fe venge devotement ,
L'autre avec éclat , & s'en
vante.
L'un parle des Saints doctement
,
L'autre les revere humblement
Et de les fuivre fe conten-
ر ش
te. :
L'un
GALANT. 169
L'un a de l'air , de l'agrément
,
L'autre par fa mine é
pouvante ;
L'un fait un bon contrat
de
rente
,
Et l'autre fait un teſtament
,
L'un à quinze ans , l'ame
dolente
,
1
Va prendre gifte au monument
,
Et l'autre prend femme
à foixante
L'un fe fait tuer trifte-
Fuillet 1712.
P
170 MERCURE
ment ,
L'autre naift au mefme
moment
Pour remplir la place
vacante ;
On rencontre indifferemment
Un Bapteſme , un Enterrement
;
Enfin c'eft une Comedie
De voir ce qu'on voit
tous les jours :
Vous diriez en voyant
ces tours ,
Que la fortune s'eftudie
GALANT. 171
Sans ceffe à varier fon
cours ;
Tousjours quelque metamorphofe
Donne matiere à l'entretien
,
Mais fur la Rune on ne
voit rien ,
f
Ou c'eſt
tousjours la
meſme choſe ;
En un mot dans ce pau-
30 vre nid
On ne fçait qui meurt ,
ny qui vit.
Il est bien vray qu'à vo-
Pij
172 MERCURE
ftre Rune
Vous ferez proche de la
Lune ,
Et que mefme en faiſant
chemin
,
Elle peut vous toucher
la main.
Mais en ferez - vous plus
chanceuſe ,
Et pouvez - vous faire
grand castr
D'une voiſine fi fafcheufe
?
Si l'on en croit les Almanachs
,
GALANT . 173
La Dame eft fort capricieuſe
,
Donnant dans des hauts
& des bas.
Elle fera la
précieuſe
Voilant
quelquefois fes
appas ,
Quelquefois ne les voilant
pas ;
Tantoft ſe montrant toute
entiere ,
Tantoft feulement à moi-
Castié
,
Sans que par foupir ny
priere ,
P iij
174 MERCURE
Ny par les droits de l'amitié
,
Vous puifficz durant fa
45
carrière.
En obtenir pour un moments
Comme une grace finguliere
,
De changer fon ajuſte-
20hing ment.
D'ailleurs il ne faut nullement
Qu'elle vous foit ſi familiere
;
Croyez- moy , c'eſt ſans
GALANT. 175
paffion ,
Avec une telle ouvriere
Point trop de frequentation
;
Car outre fa complexion
Que l'on dit eſtre fort
mauvaiſe ,
N'eftant jamais , ne vous
deplaife ,
Sans quelque bonne fluxion
,
Outre fes rhumes , fes catharres
,
Qu'on gagne par contagion
,
P iiij
176 MERCURE
Ainfi que fes humeurs
bifarres
Dans cette trifte region ;
Sa conduite n'eft pas bien
nette ,
Je vous le dis
auparavant,
Bien qu'elle foit vieille
planette ,
Elle met en jeune coquette
,
Du rouge & des mouches
fouvent ,
Et fe farde fous fa cornette
Je le fçay de plus d'un
GALANT. 177
fçavant
Qu'elle reçoit à fa toillette
:
De plus , ſi ce n'eſt un
faux bruit ,
Au lieu de vivre en femme
fage ,
Elle abandonne fon mefnage
,
Et court le bal toute la
nuit.
De là vient , je croy , certain
conte
D'un certain jeune Endimion
178 MERCURE
Que le monde a mis fur
fon compte
;
Et cette indigne affection
A dans tous lieux fur fon
paffage
Taché fa reputation ,
Autant ou plus que fon
vifage.
Peut - eftre eft - ce une
fiction ,
Mais enfin cela la diffame
;
Et pourquoy fortant de
fon
trou ,
Va- t- elle auffi la bonne
GALANT. 179
Dame
Courir la nuit le guilledou
,
Le beau meftier pour une
femme ;
Et puis après l'a plaindra
t'on
Quand on luy vient
chanter fa
gamme ,
Ou luy donner quelque
dicton ;
Helas la pauvre malheureufe
land on
Le bel honneur où la
voila
180 MERCURE
De paffer pour une coureufe
!
La verrez - vous après
cela ?
Vous n'aurez point cette
manie ,
Et c'eft für quoy l'on veut
compter ;
Voila pourtant la compagnie
,
Dont il faudra vous contenter
.
Il ne faut point que l'on
vous berce
De cet efpoir
trompeur
GALANT. 181
I
& vain ,
Que vous puiffiez avoir
commerce
Avec aucun viſage humain
;
Si ce n'eft quelque pauvre
haire ,
Qui dans les rochers égaré
,
Vint à vous d'un air é-
- ploré ,
Cherchant remede à fa
mifere .
Il fera d'un ton doulouov
kreux ,
182 MERCURE
S'il vous trouve prompt
à le
croire ,
Du defaftre le plus affreux
,
La trifte & lamentable
hiſtoire ,
Mais tout cela fent le
grimoire ,
Prenez bien garde à l'hameçon
:
Et crainte de tout malefice
,
Fermez la porte fans façon
,
Et luy dites , Dieu yous
GALANT. 183
beniffe.
Mais la charité .... mais
enfin
On dit que le diable eſt
bien fin ,
Le drofle eft fait au badinage
,
C'eſt un franc archipatelin
,
Sombre , fournois , fourbe
& malin ,
Qui fçait jouer fon perfonnage
,
Et qui pour fonder le
terrain
,
184 MERCURE
Va ſouvent en pelerinage
,
Defiez- vous du pelerin ;
Mais fans que le diable
s'en mefle ,
Il s'en fait aſſez aujourd
huy .
Et quoy qu'on jette tout
fur luy ,
Ce n'eft pas toujours luy
qui gretle :
Nous avons au dedans
de
nous
Un ennemy bien plus
à craindre ,
GALANT. 184
Il porte les plus rudes
coups ,
Et perfonne n'ofe s'en
plaindre ,
Chacun l'excufe & le
cherit
,
Et s'il arrive quelque
hiſtoire
,
On s'en prend au malin
eſprit ,
A qui l'on en fait bien
accroire.
Il a tout fait , il a tout dit,
On compte fort fur fon
credit ;
Fuillet 1712. Q
186 MERCURE
C'eft luy qui fait qu'on
fuit la peine ,
Et que l'on cherche le
plaifir ,
C'eft luy qui par la main
nous meine
Où nous porte noftre
defir ;
C'eft luy qui fait la medifance
,
C'eft luy qui dicte la
vengeance ,
C'eft luy dont l'afcendant
certain
Rend le foldat dur &
GALANT . 187
barbare ,
Rend le noble fier &
hautain
,
Rend le jeune homme
libertin
,
Et le fexagenaire avare.
Le fourbe dans fes trahifons
,
Et le faint dans fes oraifons
,
Imputent tout à fa malice.
De tous les maux que
nous faifons
Il eſt l'autheur & le com-
Qij
188 MERCURE
plice ;
He
laiffons - le pour ce
qu'il eft :
Pourquoy
faut il qu'on
s'imagine
Qu'il fait jouer comme
il luy plaiſt ,
Les refforts de noftre
machine ,
On l'accufe de maint forfait
,
Mais à bien juger de
l'affaire
Souvent ce n'eft
qui fait ,
pas
luy
GALANT . 189
Il ne fait que nous laiſſer
faire.
On fe livre à la
volupté ,
Parce qu'elle flatte &
qu'on l'aime ,
Et fi du diable on eft
tenté ,
Il faut dire la verité ,
Chacun eft un diable à
foy -mefme.
190 MERCURE
LIVRE NOUVEAU.
EXTRAIT
d'une Refponfe de Mr D ...
à la Lettre d'un defes amis ,
aufujet du Livre intitulé ,
Tableau des maladies...
traduit de Lommius avec
des Remarques ,&c, vol in
12. à Paris , chez L. Seveftre
, rue des Amandiers ,
vis - à - vis le College des
Craffins.
Mr , le Livre dont vous
me parlez fait affez de
bruit. Un fage & fçavant
GALANT. 191
critique ( le R. P. Tournemine
) avoit mis cette traduction
en credit avant
qu'elle paruft ( mem . de Tr.
m . de Jan. 1712. ) Lommius
Med. de Bruxelles , avoit
effayé de donner un abbregé
de Hippocrate , en raffemblant
fur chaque maladie
tout ce qu'il avoit peu
rencontrer dans fes oeuvres
, d'obſervations effentielles
pour bien connoif
tre les maladies , & en faire
un pronoftic affuré de leur .
évenement. Comme Hippocrate
n'a merité le nom
192 MERCURE
de divin que pour avoir excellé
dans cette partie de
l'art qui apprend à prévoir
les accidens qui doivent arriver
dans les
maladies , &
comment elles doivent fe
terminer , Lommius s'eft
particulierement
attaché
aux obfervations fur lefquelles
cette fcience eft
cftablie ; & il en a fait un
heureux choix , qui fait
honneur à la fource d'où
il eft puisé. Cela joint à la
pureté du ftile de l'Autheur
, a fait goufter ce Livre
à tous les habiles Medecins
.
GALANT. 193
ADDRESSE
de la Lieutenance de la Ville
de Londres à la Reine de la
Grande Bretagne
.
MADAME ,
Nous demandons treshumblement
la permiffion
d'approcher Voftre Majefté
, pleins d'une jufte
reconnoiffance de la tresfavorable
condefcendance
de Voftre Majefté , en faifant
fçavoir à voftre peuple
, qu'enfin la France a
efté amenée au point d'of
Fuillet 1712 .
R
194 MERCURE
frir fous quelles conditions.
on peut faire une paix generale
.
Les paroles nous manquent
pour exprimer noftre
reconnoiffance à Voſtre
Majefté , pour le foin
que Vous avez pris de la
Succeffion Proteftante
comme elle eſt eſtablie par
les Loix , dans la Maiſon
de Hanover , & de pourfuivre
avec fermeté le veritable
intereft de vos propres
Royaumes , & la fatisfaction
de vos Alliez , malgré
tous les obſtacles in-
Σ
GALANT. 195
venteż artificieufement
pour les traverfer.
Madame : Comme nous
fommes entierement affeu
rez , que rien ne manquera
de la part de Voftre
Majefté dans le progrez
de cette Negociation , nous
nous repofons tres humblement
fur voftre grande
fageffe , pour achever un fi
grand & ſi bon ouvrage.
Reſponſe de Sa Majesté.
Je vous remercie de bon
coeur de cette Addreffe : Je
fuis contente
des marques
,
Rij
196 MERCURE
de voftre devoir & de vo
ftre fidelité , & vous pouvez
compter fur mes fermes
efforts , pour affeurer
la Succeffion Proteftante.
& le Gouvernement , tel
qu'il cft eſtabli par la Loi ,
dans l'Eglife & dans l'Eſtat ,
& pour avancer le veritable
Intereft de tous mes
fujets .
EXTRAIT
de la Gazette de Hollande.
: Les Lettres de Londres
du 22 , viennent d'arriver :
voici ce qu'elles ont de
GALANT . 197
plus confiderable
.
On continue à imprimer
en cette Ville des libelles
tres injurieux & fcanda
leux , qui fe vendent publi
queinent fans aucune oppofition
, ils ne tendent
qu'à exciter la divifion qui
n'eft desja que trop grande
, & qu'on voudroit encore
augmenter , s'il eftoit
poffible , entre la Cour &
les Alliez . Mercredy der
nier il fortit de la preffe
une nouvelle brocheure au
fujet de Dunkerque. Cet
eferit parle fort au defa-
R. iij
198 MERCURE
vantage du miniftere prefent
, & fait l'éloge du précedent
. Il a pour titre : La
Correfpondance
avec la Francè
claire comme le Soleil.
Cependant
les Toris rigides
dilent hautement
que
files Alliez n'acceptent
pas le projet qui leur a efté
prefenté par les Miniftres.
de la Reine
, Sa Majesté
fera obligée
de faire la paix
avec les deux Couronnes
,
& de prendre avec elles
des mefures
pour obliger
les Alliez à la faire enfuite
generale
; mais que s'ils
GALANT . 199
continuent à cabaler contre
l'Eftat , le Miniftere &
le Parlement ne manqueront
pas de moyens pour
les en faire repentir , & que
s'il faut enfin entrer en alliance
avec la France , les
Alliez en feront caufe , &
qu'alors les Anglois pourront
agir vivement avec les
deux Couronnes pour obtenir
la paix de l'Europe ,
& qu'ils ofteront tout com
merce aux Hollandois ,
tant dans la Mediterranée
que dans l'Ocean . Mais les
Moderez ne parlent pas de
R iiij
200 MERCURE
cette maniere , ils efperent
au contraire qu'on trouvera
enfin un moyen pour
donner une plus ample fatisfaction,
fur tout aux Hollandois
avec lefquels il faut
roujours eftre unis pour le
maintien des deux Eftats ,
& de la Religion Protef
tante . Hier au matin on
apprit par un Exprés du
General Hill qu'il avoit
pris poffeffion de Dunkerque
, ce qui a causé icy une
grande joye , on tira le Canon
, & il y eut le foir des
feux de joye & des illumiGALANT.
201
nations par toute la Ville .
Le même jour il arriva auffi
un Exprés du Duc d'Ormond
, avec avis qu'il avoit
fait publier dans fon armée
la fufpenfion d'armes , &
qu'enfuite il l'a feparée des
Alliés . La Reine a efté complimentée
par toute laCour
fur la poffeffion de Dunkerque.
On affure que Sa
Majefté ira de Mardi en
huit jours à Windfor pour
y paffer la belle ſaiſon.
Le Roy a donné au Marquis
de Meufe un ancien
Regiment vaquant par la
102 MERCURE
mort du Comte de Tourville
.
On a pris fur la Scarpe
40 Belande qui venoient
de Marchienne .
Le Duc d'Ormond s'eft
rendu maistre des fept por
tes de la Ville de Gand.
Le Duc de Hamilton
vient icy de la part de la
Reine d'Angleterre. Le
Duc d'Argile va en Eſpagne
& en Portugal pour ramener
les troupes d'Angleterre.
GALANT . 203
MORT S.
Meffire Charles Bruflard
du Ranchet , Maref
chal des Camps & Armées
du Roy , grand Bailly &
Gouverneur des Ville
Chafteau & Prevofté du
Quefnoy , mourut fans pofterité
le premier Juillet :
âgé de 87. ans.
Meffire Charles de Bruflard
Gouverneur & grand
Bailly de la Ville , Cicadelle
& Chaftellenie du Quefnoy
, eftoit fils de N. Bruflard
, ſeigneur du Brouffin
204 MERCURE
& du Rranchet, Confeiller
d'Eftat d'Epée , & de Marie
Colbert : il avoit pour
frere feu Mr le Marquis de
Brouffin , qui de feu Marie
Bouin a laiffé Louife Magdelaine
de Bruflard Marquife
de Treffan, ci devant
veuve de Jules du Bouffay
Marquis de Roqueépine.
La Maiſon de Bruflard
eft une des plus anciennes
du Royaume , & a poſſedé
les plus grandes dignitez
des armes , & de la robbe.
Elle tire fon origine de la
Province d'Artois . Adam
GALANT. 205
Bruflard qui vivoit en 1087 .
Baron de Hées vint s'eftablir
en France en 1087. fous
Philippes I. & fut Chambellan
de ce Roy . Plufieurs
feigneurs de cette Maiſon
ont poffe dé la mefme chargé
fous Louis VIII . Jacqués
de Bruflard eftoit premier
Maiſtre de la Chambre
ambulante , composée
des plus grands feigneurs ,
qui feuls rendoient la Jultice
par tout le Royaume ,
n'y ayant point encore de
Parlements establis . Cette
mefme Chambre ambu206
MERCURE
ques
lante fut renduë fedentaire
à Paris , on l'appelle le
Parlement . Ce melme Jacde
Bruflard prononça
ce celebre Arrest l'an 1320 .
en prefence de Philippes V.
dit le Long , qui adjugea
la Comté d'Artois à Mahaud
d'Artois contre Robert
d'Artois . On voit un
Bruflard grand Maiftre des
Angins , qui eftoit comme
grand Maiftre de l'Artillerie
d apreſent. La branche
de Bruflard Brouffin eft cadette
des feigneurs de Genlis.
GALANT . 207
Meffire Auguftin de .
Archevefque Maupeou
d'Auch , mourut le 12. Juin
dans fon Dioceſe âgé de
foixante cinq ans .
La Maifon de Maupeou
eft une des plus anciennes
du Parlement de Paris , où
elle a poffedé plufieurs
Charges confiderables
Madame laChanceliere
de
Pontchartrain
eft de cette
Maiſon ; feu . Mr l'Archevefque
d'Auch avoit pour
frere Mr de Maupeou
Préfident aux Enquestes ,
qui a laiffé un fils N. de
208 MERCURE
Maupeou Maistre des Requettes
, qui a épousé l'hiver
dernier N. de Lamoignon
de Bafville , fille de
Mr de Lamoignon de Curfon
Intendant de Bourdeaux
, & de N. Melian ,
& petite fille de Mr. de
Lamoignon de Baſville
Confeiller d'Eftat ordinaire
, & Intendant de la Province
de Languedoc . Mr
le Marquis de Maupeou
Capitaine aux Gardes
Marefchal de Camp des
Armées du Roy , Infpecteur
de l'Infanterie , & Mr
>
de
GALANT . 209
de Maupeou
Dalbeche
Maistre des Requeſtes
, Directeur
des Commerces
,
font auffi de la meſme
Maifon.
MARIAGES.
Mrle Bret premier premier
Préfident d'Aix a épousé
Mademoiſelle
de la
Briffe fille de feu Mr de
la Briffe Procureur General
au Parlement de Paris.
Mr Larcher d'Olify Confeiller
au Parlement , fils de
Mr le Préfident Larcher ,
dont la naiffance ancien-
Fuillet 1712. S
2To
MERCURE
ne &
diftinguée n'eft igno
rée de
perfonne , a
épousé
Mademoiſelle de
Jaucen ,
fille de Mr de
Jaucen Fermier
general du Roy , &
d'une des
anciennes
familles
de la
Province du bas-
Limofin .
On a parlé de la Famille
de
Meffieurs Larcher
dans le
Mercure de May ,
à
l'occafion du
mariage de
Mademoiſelle Larcher .
GALANT. 20
NOUVELLES
d'Espagne
.
Les Lettres d'Eftremadu
27. de Juin ,
portent re du
que les Portugais ayant eu
avis que le Marquis de Bay
avoit fait un détachement
de Cavalerie & de Dragons
fous les ordres de Don
Gonçalo de Carvajal Brigadier
, pour enlever leur
Convoy qu'ils conduifoient
d'Elvas a Campo Mayor ,
rentrerent dans Elvas avec
tant de diligence qu'on ne
put prendre que quelques
Sij
12 MERCURE
Cavaliers ou Dragons avec
leurs Chevaux . On parle
de mettre l'armée en quartier
de rafraichiffement .
On mande de Catalogne
que les Ennemis ne font
aucun mouvement , que le
Prince Tferclas avoit donné
ordre aux troupes de
fortir de leurs quartiers
pour former l'armée.
Le 7. Juin jour de la
naiffance de l'Infant , il
fut baptifé felon la couftume
, par le Patriarche des
Indes & nommé Philippe .
Le même jour la Cour
GALANT. 213
quitta le deuil , que l'on
porte pour Monſeigneur
le Dauphin & pour Madame
la Dauphine , le foir
& les deux nuits fuivantes.
il y eut de grandes illumina
tions par toute la Ville .
On mande de Saragoffe
du 6. Juillet , que divers
Officiers Generaux des
troupes Françoifes qui ſervent
en Catalogne s'y eftoient
rendus pour tenir
confeil fur les projets de la
Campagne avec le Prince
Tferclas de Tilly , qu'il
avoit renforcé les poftes du
•
26 MERCURE
demandoit une réfolution
de cette importance il s'étoit
d'abord déterminé à
préferer la Monarchie d'Ef
pagne aux droits qu'il avoit
à la fucceffion de la Couronne
de France .
Ce Decret eftoit fait en
termes qui exprimoient fi
bien l'amour de fa Majefté
pour les fujets qu'auffitoft
le Confeil d'Eftat réfolut
de luy demander la permif
fion d'aller lui baifer la
main pour luy faire leurs
tres humbles remercimens
& luy témoigner leur re
connoiffance.
GALANT. 217
ENIGM E.
IL eft de mon espece un
mâle , une femelle ,
Qui fe feparent
rarement
,
Et penfent peu differemment
,
Tant l'un eft
pour
fidele.
l'autre
Selon le terroir où je fuis ,
Feproduis de trés-bons , ou
de trés-mauvais fruits:
Juillet 1712 .
T
218 MERCURE
Tantôt tendre & galant ,
& quelquefois barbare ,
Je chemine d'unpas inégal
& bizarre
Tantôt trifte & chagrin .
tantôtjoyeux, plaifant ,
Tantôt faifant éloge, &
tantôt médifant.
Quand je fuis ferieux ,
quand j'ai de la trif
teße ,
Τ
Alors mon corps plus é-
Stenda ..
Sur plus de pieds eft répanda
:
GALANT . 219
Mais loin
d'augmenter
ma viteße ,
Je n'en vais que plus gravement.
Quandje fuis gat , quand
j'ai de l'enjoument ,
Alors mon corps & ma
figure
Sont d'une inégale ftructure
,
Et ne marche qu'à perit
train .
Je fers dans l'amoureuse
peine
Lesfoins du tendre amour,
Tij
220 MERCURE
le depit & la haine ;
Fe mords , je pique , & répands
du venin ,
Dont le poifon a tant de
violence
,
Qu'il revient vivement
fur celui qui le lance .
Le bûveur transporté des
douceurs de Baccus ,
Vient chanter avec moy
la douceur de fon jus .
C'est moy qui fous la loy
de cette rime obfcure
Te viens cacher ici cette
fombre peinture.
GALANT. 221
C'est chercher trop longtemps
, lecteur trop
curieux ,
Quoy tu ne me vois pas ?
je fuisdevant tes yeux.
A Fontainebleau le 26 ,
Fuillet.
Le 23. Juillet l'armée du
Roy étant campée , la droite
à Maringhemfur la Sambre
, & la gauche au Cateau
Cambrefis, M. le Maréchal
de Villars fit jetter plufieurs
ponts fur la Sambre , & declara
qu'il vouloit attaquer
T iij
222 MERCURE
les quartiers des ennemis
devant Landrecy , de l'autre
côté de la Sambre. Ef
fectivement l'armée ſe mit
en marche par la droite à
l'entrée de la nuit , & M. le
Comte de Coigny paſſa lá
Sambre avec fa referve dans
le même tems . Monfieur de
Villars, dont le deffein étoit
d'attaquer le camp retran
ché que les ennemis avoient
à Denain de l'autre côté de
L'Efcaut , fit marcher par fa
gauche M. le Comte de
ran-
Broglio avec fa referve de
cavalerie , & M. de VieuxGALANT.
223
pont avec trente bataillons,
qui paffa la Selle , c'eſt à
dire qu'il fe pofta entre la
Selle & l'Efcaut , parce que
l'armée étoit campée audelà
de Landrecy . M. d'Albergotty
vint avec vingt
bataillons &
quarante efcadrons
de la gauche . Peu
de temps aprés le reſte de
l'armée fit demi tour à gauche
, & tout marcha fur
une ligne vers l'Eſcaut , où
elle arriva avec le canon le
24. à huit heures du matin .
Les pontons furent faits en
trois quarts- d'heure . M. de
A
Tiiij
224
MERCURE
Broglio fe trouvant natu
rellement à la tête de tout ,
s'avança le premier avec fa
referve , & fut fuivi par les
Brigades de Navarre ,
Champagne , le Maine
Royal , Lionnois, Tourville ,
les Vaiffeaux , & Brande
lais , commandées par M.
d'Albergotty , Vieuxpont ,
Dreux & Brandelais , Lieutenans
generaux ; & pour
Maréchaux de Camp Meffieurs
de Nangis , le Prince
d'Iffanguien ,le Duc deMortemart
& Mouchi . Il étoit
une heure aprés midi lorfGALANT.
225
que M. de Broglio avec fa
referve de cavalerie força
la ligne des ennemis qui alloit
de Denain à Marchienne
, paffant par
Efcordain :
il paffa les retranchemens à
cheval , & défit la cavalerie
qui les défendoit . L'infanterie
ennemie , au nombre
de feize ou dix -huit bataillons
, avec du canon , étoit
dans des
fort élevez , que les ennemis
avoient eu le temps de
perfectionner , qui envelopoient
le village de Denain
& celui de Prouvy , où ils
retranchemens
226 MERCURE
avoient leurs ponts fur l'E
caut , pour communiquer
-avec l'armée du Prince Eugene
, qui étoit derriere
I'Efcaillon , foûtenant par
fa gauche le camp devant
il
Landrecy & le camp de
Denain par fa droite. Aprés
que M. de Broglio cut forcé
les retranchemens ,
tomba fur un convoy de
cinq cent chariots chargez
de pain pour l'armée ennemie
, efcorté par cinq ou fix
-cent hommes , qu'il défit ,
& fe rendit maître du con
voy entier.
-GALANT. 227
ན་
Pendant ce temps - là l'infanterie
de l'armée du Roy
paffa la ligne que l'on venoit
de forcer , & fe mit en
bataille , la droite à cette
même ligne , & la gauche à
l'autre ligne des ennemis
qui prenoit de l'Eſcaut à S.
Amant , pour attaquer le
retranchement de Denain
où étoit l'infanterie . Ce retranchement
fut forcé,malgré
une trés - grande refiftance
& un grand feu de la
part des ennemis , les troupes
du Roy s'y étant portées
avec toute la valeur poſſible.
228 MERCURE
Meffieurs d'Albergotty
& de Nangis marcherent
au pont de Prouvy , pour
couper la retraite des ennemis
, & les empêcher d'être
foûtenus par l'armée du
Prince Eugene , dont on
voyoit les colonnes de l'autre
côté de l'Efcaut. Ils fe
rendirent maîtres de ce
pont , que les ennemis reprirent
enfuite ; & c'eſt là
où s'eft donné le plus grand
combat , qui a duré juſqu'à
fix heures du foir , ce pont
ayant été pris & repris par
trois fois , les troupes du
A
GALANT. 229
Roy en étant enfin demeurées
en poffeffion . Et l'on
peut compter que toutes
les troupes des ennemis qui
compofoient ce camp , au
nombre de feize à dix - huit
bataillons , & un corps de
a
cavalerie , dont on ne fçait
pas encore le nombre , rien
ne s'eft fauvé , & que tout
f le reste a été pris ou tué.
7
M. le Prince de Tingry
étant enfuite forti de Valenciennes
avec fa garnifon
, & étant venu à la Sence
de Hurtebize , il a forcé un
camp des ennemis dans un
230 MERCURE
village , fans que l'on fçache
encore le détail. Mef.
freurs de Villars & Montef
quiou étoient tous deux à
l'action ; & outre les Officiers
generaux ci - deffus
nommez , M. le Comte de
faint Maurice , Lieutenant
general des troupes de Cologne
, M. du Rofel , le Prince
Charles , M. de la Valliere,
& M. de Silli y étoient
auffi. not caldr
Les principaux Officiers
que nous avons faits prifonniers
, font Milord d'Albemarle
, le Prince d'An--
GALANT. 231
halt & Bline , Lieutenans
generaux , le Prince d'Holftein
& M. de Saulme, Maréchal
de Camp , Homel ,
Colonel du Grand -Maître
de l'Ordre Teutonique ; le
Major des troupes Impe
riales , & plufieurs autres
Colonels & Officiers . Nous
y avons perdu M. de Tour
ville tué ,M. de Meuſe bleffé
à mort , M. de Chevalier de
Teffé , Colonel de Chame
pagne , bleffé , le Marquis
de Jonfac le poignet caffé.
On a trouvé dans le camp
des ennemis une grande
232 MERCURE
quantité de proviſions de
guerre, parce que c'étoit là
leur dépôt.
Au départ de M. de Nangis
, qui a apporté la nouvelle
de cette action au
Roy' , M. de Broglio avoit
marché pour attaquer Marchiennes
, où les ennemis
ont deux ou trois cent batteaux
chargez de toutes fortes
de munitions de guerre.
& de bouche. Il n'y a pas
lieu de douter qu'il ne s'en
foit emparé , les ennemis ne
pouvant le fecourir. and
Monfieur le Prince Eu
gene
GALANT.
233
gene étoit dans le camp de
Denain à neuf heures du
matin ; & aprés avoir fait
les difpofitions pour foûtenir
l'attaque , il alla à ſon
armée , pour la faire avancer
au fecours du camp .
MORTS.
Dame Thereſe de Faverolles
, veuve de Meffire
Claude Heron , Conſeiller
honoraire de la Cour des
Aydes , mourut le 2. Juillet
1712. laiffant , entre autres
enfans , Monfieur Heron ,
·Juillet 1712.
Y
234 MERCURE
Confeiller au Parlement.
Meffire Euftache Thi
beuf , Seigneur de S. Germain
, du vieil Corbeil ,
Bouville , le Val , Cocatris ,
&c. qui avoit été reçû Confeiller
au Parlement en Janvier
1661. mourut étant de
la Grand Chambre le 12 .
Juillet 1712. âgé de 77. ans ,
fans laiffer de pofterité.
Il avoit époufe Dame
Marie Jolly , veuve de Meffire
Louis Saveau , Confeil
ler de la Cour des Aydes ,
morte le 12. Octobre 1698 .
GALANT.
235
Meffire Nicolas Fra
guier , Doyen de la pre
miere des Enquêtes , eft
monté à la Grand' Chami
bre.
Dame
Catherine Roger,
veuve de Meffire Charles-
Renouard de la Touanne ,
Confeiller du Roy Trefo-
Fier general de l'Extraordinaire
des guerres , mourut
le 14. Juillet.
Pierre Delpech , Confeiller
- Secretaire du Roy , Receveur
general des Finan-
V ij
236 MERCURE
ces d'Auvergne , & l'un des
Fermiers Generaux de Sa
Majefté , mourut le 14. Juillet
1712.
Dame Françoife - Eliſabeth
de Sauvion , veuve de
Meflire Pierre Vincent Bertin
, Treforier general des
Revenus Cafuels de Sa Majefté
, mourut le 20. Juillet
1712.
XX
GALANT. 237
08*8100XXX
HARANGUE.
Monfeigneur ,
La Faculté de 'Theologie
venant vous marquer com+
bien elle eſt ſenſible à vôtre
élevation à la dignité de
Cardinal , fe fait honneur à
elle - même. Elle regarde
avec plaifir l'éclat de votre
pourpre rejaillir fur tous les
membres qui la compoſent.
Cette fçavante Compagnie
238 MERCURE
n'oubliera jamais les riches
talens que vous avez fait
briller dans fon Ecole. Les
diſtinctions qu'elle vous a
données ne font pas tant
des marques de fon eftime ,
que des preuves évidentes
de vos merites fingulièrs ;
de cet efprit vif & perçant ,
de cette fcience vafte &
profonde, de cette éloquen .
ce folide , accompagnée de
toute la politeffe des anciens.
Qualitez excellentes
qui vous ont fait admirer
de tout le monde , & qui
vous ont attiré les applau
GALANT.
239
diffemens de la Cour. Le
Souverain Pontife qui vous
a fait éminent en dignité ,
vous a trouvé éminent en
vertu , en fageffe , en modeftie
, en douceur , en verité
, en pieté : vertus rares
dans les jeunes Princes , élevez
fouvent dans la mol
leffe & dans le fein des plaifirs
Mais ce qui eft plus glorieux
à Vôtre Alteffe Emninentiffime
eſt Monfei
gneur , que le plus grand
Roy du monde , aprés vous
avoir choifi dans votre flo .
riffante jeuneffe pour rem240
MERCURE
plir le Siege d'une ville importante
à l'Etat & à la Re.
ligion , vous a jugé digne
de la Pourpre , Prince dont
la penetration
ne permet
pas qu'il ſe trompe dans ſes
jugemens. Cette nouvelle
dignité que vous avez fait
entrer dans l'illuftre Maifon
de Rohan , donne un nouveau
luftre à vos ancêtres ,
Ces Princes fouverains
que l'hiſtoire nous apprend
avoir regné avec valeur ,
& avoir gouverné leur peuple
avec équité & religion .
Il ne nous refte plus
MonfeiGALANT.
241
Monfeigneur, qu'un devoir
à remplir , qui eſt de prier
Dieu de vous laiffer longtemps
dans cette éminente
place , pour la gloire de ſon
nom & pour
le bien de fon
Eglife.
Cette Harangue a été
faite par M. de la Roque
, Doyen de la Faculté
de Theologie de
Paris , accompagné de
plufieurs des principaux
de cette Faculté .
Juillet 1712
X
242 MERCURE
Parodie de l'Enigme dont
le mot eft le Corps,
Que maudit fait mon
mariage ;
Caron a milie fois, je crois,
Ainfi nommé ce qui joint
l'ame à moy.
Souvent l'ame & le corps
font très mauvais
ménage.
Du mariage encor c'est la
proprieté :
En gardant fa maifon avec
exactitude ,
X
GALANT . 243
Mon époofe fe perd par
contrarieté.
Je portefur mon front parfois
fa turpitude,
Autre appanage de mari
.
De ma femme
pourtant
je fuis le favori.
Quand je fuis bien usé
ma femme est encor
neuve :
Entre époux bien unis il
en arrive autant ;
Je puis mourir , & cepen-
Sohdant
X ij
244 MERCURE
Mafemme ne fera point
veure .
Nouvelles de Londres .
Adreffe de l'Univerfité de
Cambridge à la Reine.
Madame ,
Bien que nous avions eu
fouvent l'honneur d'approcher
du Trône avec nos
Adreffes de joye , pour des
victoires remportées en
guerre , nous avons preſentement
une occafion plus
convenable & plus conforGALANT
.
245
de
me à nôtre profeſſion , de
congratuler Vôtre Majeſté
& vos Royaumes fur la vûë
prochaine d'une paix honorable
& avantageuſe.
C'eft vôtre prerogative
inconteftable , de conclure
la paix , auffi - bien que
la commencer , & nous avons
crû que nos interêts
dans la paix refidoient juftement
en vôtre pouvoir ,
& étoient fûrement confiez
à vôtre ſageſle , même pendant
que les negociations
étoient tenuës fecretes . Les
artifices même employez à
X iij
246
MERCURE
d'illa
traverfer n'ont produit
aucun autre effet , que
luftrer la bonté de V. M.
& de hâter la joye de vos
fujets , lorfque pour arrêter
les fauffes clameur de l'envie
& des factions , vous
avez la condeſcendance
de
faire part à vos peuples des
conditions glorieuſes fur
lefquelles vous negocież
pour eux .
Vos predeceffeursRoïaux
ont fouvent pouffé des guer
res avec fuccés , & la valeur
Angloife a été long - temps
fameuſe par toutes les naGALANT.
247
tions du monde : mais alors
les avantages qu'on en pouvoit
tirer échapoient ordinairement
en perdant le
temps propre de traiter , &
laiffant marcher d'autres
gens devant nous , pour tirer
leurs
propres avantages
de nôtre fang & de nôtre
argent. Mais à cette heure
nôtre nation tirera un grand
honneur fous la conduite
vigilante de V. M. & la prudence
fera une partie de
nôtre caractere , auffi - bien
que le courage & la magnanimité
.
X iiij
248 MERCURE
le
C'étoit une chofe digne
du jugement & de la fageffe
de V. M. de fçavoir quand
il faudroit arrefter
cours de vos victoires , de
peur de renverser l'équili
bre de vôtre pouvoir , dans
les pays étrangers que vous
avez travaillé à établir , ou
d'épuifer entierement la
fource de la puiffance dans
le Royaume , en la dépenfant
trop prodigalement &
trop inégalement , pour faire
gagner de vaſtes acquifitions
à d'autres gens , &
en tirer peu de profit pour
nous.
GALANT . 249
L'établiſſement que vous
avez fait de la fucceffion à
ces Royaumes dans vos illuftres
affinitez de la Maifon
d'Hanover , & vôtre
pieux interêt pour les Proteftans
d'Allemagne , qui
avoit été negligé dans un
traité fait ci - devant , exigent
que vôtre Clergé
Vous
en remercie avec une particuliere
reconnoiffance.
L'affermiffement & l'étenduë
de nôtre commerce national
dans toutes fes parties
, que vous avez pouſſez
plus loin que la Grande Bre250
MERCURE
tagne n'en a jamais joüi ,
ni à quoy elle n'avoit jamais
auparavant aſpiré , excitent
une reconnoiffance univerfelle
dans les coeurs de vôtre
peuple , & le foin genereux
que vous prenez de
vos alliez , en époufant vigoureuſement
leurs juftes
interêts , & en leur procurant
une barriere fuffifante ,
rendra cette paix prochaifans
doute Dieu
vous mettra en état de finir,
auffi generale & d'autant
d'étenduë que les limites
de l'Europe , & auſſi durane
, que
GALANT 25¹
ble que les affaires humaines
le peuvent permettre ;
de maniere qu'elle fera deformais
la gloire la plus brillante
du regne heureux de
V. M. au-deffus des autres
lauriers que vous avez
cüeillis pendant une longue
guerre , accompagnée de
profperitez .
Réponse
de la Reine.
Je reçois avec affection
cette Adreſſe de ma bonne
Univerfité
de Cambridge
.
La joye que j'ai euë de
252
MERCURE
tant de victoires que Dieu
a données à nos forces , a
été afin qu'elles puffent procurer
une bonne paix , &
j'eſpere qu'avec l'aide de
Dieu ce que je fais répondra
à vôtre attente , puifque
ce fera une chofe avantageuſe
à monpeuple , aſſurée
à nos alliez , & une force à
l'interêt Proteftant de toutes
parts .
20**
GALANT.
253
Adreße de la ville d'Oxfort
à la Reine.
Madame ,
Nous le Maire , les Baillifs
& la Communauté de
la ville d'Oxford , de Vôtre
Majefté , au Comté d'Oxford
, avons lû avec beaucoup
de fatisfaction la trésfavorable
harangue deV.M.
aux deux Chambres du Parlement.
Nous reconnoiffons
trés humblement le
droit inconteſtable que V.
254 MERCURE
M. a de faire la paix & la
guerre ; & nous ne sçaurions
trop admirer la grande condefcendance
, les tendres
égards & le foin que V.M.
prend de vôtre peuple , en
communiquant à vôtre Parlement
les conditions fur
lefquelles on peut fi heu_
reulement conclure la paix
generale.
Nous fçavons trés - bien
•quels obftacles ont été artificieufement
inventez pour
ôter à V. M. l'honneur de
ce grand & glorieux ouvrage.
GALANT. 255
Nous fouhaitons qu'on
n'ait encouragé perfonne
hors du pays à traverſer ces
heureufes negociations ,
quand il paroît que des efprits
factieux fe font efforcez
d'exciter des jaloufies
dans le Royaume , & de
femer , s'il eſt poſſible , la
mefintelligence entre V.M.
& vos alliez . Mais Dieufoit
beni , que tous ces efforts
ayent été vains , & resteront
un monument durable de
reproche à ceux qui fouhaiteroient
de voir la Grande
Bretagne abîmée fous le
256 MERCURE
trés- inégal poids de la
guerre.
Nous fommes perfuadez
que la fucceffion dans l'illuftre
Maiſon d'Hanover
vous a été toûjours trés-particulierement
à coeur &
que c'a été le principal ſoin
de V. M. de faire obtenir à
vos alliez des conditions de
paix fûres & honorables.
,
Nous venons maintenant
reïterer à V. M. les affurances
de nôtre entiere confiance
en la ſageſſe de V.
M. & dans le foin que vous
avez de vôtre peuple : &
comGALANT.
257
comme la portion dont la
Grande Bretagne a été
chargée dans la guerre a été
trés-inégale , auffi nous ne
doutons pas qu'on ne faſſe
une telle diftinction en fa
faveur dans les conditions
de paix , qu'elles ne feront
pas feulement un reproche
aux precedentes negociations
, mais qu'elles y refteront
auffi un témoignage
à la pofterité du choix
dent que V. M. a fait d'un
Miniſtere qui a eu le courage
& la refolution de confulter
premierement l'hon-
Juillet 1712 .
Y
pru258
MERCURE
neur de V. M. la fûreté de
la fucceffion , le commerce
& l'interêt de vos fujets &
celui de vos alliez . Nous ef
perons que les confederez
n'envieront jamais à la
Grande Bretagne ſa part de
la gloire & des avantages
d'une paix honorable , puis
qu'elle a tant contribué à
les foûtenir .
afin
Puiffe le grand Dieu be
nir V. M. & vos Confeils ,
que cette paix foit ame
née àune heureufe & prompre
conclufion , & puiffe
V. M. vivre long - temps.
GALANT.
259
afin de jouir des fes avantages
, & de regner fur les
coeurs de tous vos fujets .
Etat des Officiers des ennemis
faits Prifonniers de guerre
à l'affaire de Denain le 24.
Fuilles 1712.
Lieutenans Generaux.
Milord Albermale , General
de la cavalerie.
Seguin.
Maréchaux de Camp.
Le Prince d'Holftein.
De Sauble.
Baron d'Albert.
Y ij
260 MERCURE
Colonels. Regimens.
Spaën. Spaën.
Baron deGrech d'Anſpach.
Cavanac . Cavanac.
Lieutenans Colonels .
Onelly , grand Maître de
l'Ordre Teutonique
.
Herpshaufen.
Lalippe.
Heusker .
Vanbraachell
. Velderen .
Munich.
Ketler .
Majors.
Vincel , des troupes Imperiales.
Fabry , Spaën.
Buton , Prince Ch . Danois.
Till Velderen .
GALANT. 261
Moors ,
Capitaines ,
Kefter.
Lieutenans ,
Enſeignes ,
Aides de Camp ,
38
.
45
.
SI.
4.
I. Officiers d'Artillerie ,
Volontaires ,
Total. 144. tant Capitai-
5.
nes , que Lieutenans , Enfeignes
, & Aides de Camp .
Soldats ,
dont
400 . bleffez.
3000.
M. le Comte d'Hona, Lieutenant
General , & Gouverneur
de Mons , noyé,
dont on a retiré le corps.
262 MERCURE
Copie de la Lettre de Monfieur
le Maréchal
de Villars .
Au Camp de Denain ce 31 .
Fuiller.
Marchienne ſe rendit
hier dans le temps que M.
le Maréchal de Villars , qui
étoit à la tranchée , donnoit
les ordres pour l'emporter ;
il étoit défendu par fix bataillons
, dont il y en a
deux de 800 hommes cha
cun , & tous les autres au
GALANT . 263
moins de 5. à 600. hommes
détachez de l'armée , & trois
Efcadrons de Carabiniers
de Sechella Palatin : il y a
plus de cent dix Belandres ,
outre les
quarante, qui ont
été menées à Condé, toutes
chargées de gros canons ,
poudres & munitions de
guerre & de bouche , plus
de mille matelats ,
l'Hôpital de l'Armée des
ennemis & les Commiffaires
de
tout
guerre & de vivres ,
ils font tous prifonniers de
guerre ; on compte que M.
le Maréchal de Villars a fait
264 MERCURE
plus de 8000. Prifonniers ,
qu'il a envoyez en France
en deux fois , & plus de 400 .
Officiers.
GALANT. 265
REJOUISSANCES,
ET CEREMONIES ,
FAITES
A L'INAUGURATION
13
CORDES, A. S. E..
་་
DE BAVIERE.
Prince Souverain les
For pr
7 Pays
- Bas,
L
༢
2
¡Avenement de S. A
S. E. à la fouveraineté
des Païs Bas avoit comblé
de joye tous les Peuples du
Ꮓ
Juillet 1712 .
266 MERCURE
Comté de Namur . Heureux
d'obéir à un fi grand
Prince , & devenir fes Sujets,
ils attendoient avec impatience
le jour qu'Elle voudroit
bien marquer , pour
avoir l'honneur de luy preter
le Serment de fidelité
& dans cette eſperance ils
préparoient à rendre ce
jour un des plus magnifiques
& des plus pompeux.
En effet , S. A. S. E. ayant
fixé cette Augufte Ceremonic
au 17. de May les Peuples
n'ont rien oublié pour
la rendre folemnelle &
Le
GALANT. 267
témoigner leur zele & leur
ardeur.
Meffieurs les Etats qui
avoient été convoquez à ce
fujet s'affemblerent la veille ,
& le concours des Ecclefiaf
tiques & des Nobles fut tresnombreux
. Le lendemain
ils fe rendirent en Corps au
Palais de S. A. S. E. & fur
les dix heures du matin la
Marche commença .
ORDRE DE LA MARCHE.
Meffieurs les Magiftrats.
Mr le Mayeur , M" les
Zij
268 MERCURE
15
1
Efchevins , M les Jurez
& autres du même Corps.
2
*
Meffieurs les Etats Nobles,
Mr le Baron de Spontin
de Freyr , &c. & Mr le
Comte de Groefbeck
&c. Députez. Accompa
gnez d'un grand nombre de
Gentilhommes de la Pro .
vince qui à l'envi s'étoient
proprement & richement
habillez.
Meffieurs les Etats
Ecclefiaftiques.
Mr l'Abbé de Moulin ,
GALANT. 269
& Mr l'Abbé de Geronfart
Députez . Accompagnez de
fix autres Abbez de la
Province & Comté , de
Namur.
Les deux Herauts d'Armes
Reveftus de la Cote d'Armes
avec la Couronne ,
Toque , Panaches , Aigrettes
, émaillez fur la poitrine
aux , Armes de S. A. S. E. &
celles du Comté de Namur,
& le Caducée à la main .
Ziij
270 MERCURE
Son Alteße Sereniffime.
Sous un Dais magnifique ,
de velours bleu , orné de
crépines , franges & galons
d'argent avec les Armes
entieres de S. A. S. E. proprement
brodées dans le
le fonds , & les Armes de la
Province aux quatre coins ;
preparé & prefenté par M
les Etats Nobles , & porté
par fix Gentils hommes des
plus qualifiez de la Province.
Sçavoir , Mr le Comte de
Frezin , Mr le Comte de
GALANT. 271
Corfuarem
Lontchamps ,
Colonel , Mr de Glimes
Marquis de Courcelles
, Mr
de Liede Kerke Baron
d'Arc , Mr le Comte de
Berlo de Sainte
Gertrude ,
& Mr Claude de Namur
Vicomte
Delzée.
Aux deux coftez du Dais.
M. le Capitaine des Archers
Nobles gardes du Corps de
S. A. S. E. avec les Officiers.
Immediatement aprés
S. A. S. E. marchoient S. E.
Mr le Comte de Terring
Ziiij
272 MERCURE
& Seefelde grand Marêchal
de la Cour , Lieutenant Ge
neral, Chevalier de la Toifon
d'or faifant la fonction de
grand Maiftre de la Maifon
de S. A. SE, & Mrle Baron
de Dobelſtein & d'Eynem
bourg Gentilhomme de la
Chambre de S. A. S. E. de
Cologne , Marefchal de
Camp & Colonel d'un Rement
de Cavalerie , Envoyé
Extraordinaire de S. A. S. E.
વે
de Cologne pour affifter
de la part à cette Auguſte
Ceremonie. ar 7 2 A2 72A2
Enfuite marchoient tous
GALANT. 273
les Seigneurs , Miniftres ,
Gentilhommes
& autres
Officiers en grand nombre
de S A.S. E. felon le rang
qui leur cft dû
20
Les Archers Nobles Gardes
du Corps marchoient
fur les coftez de cette Augufte
Affemblée On continua
ainfi la marche depuis
le Palais de S A.S. E. juf
qu'à l'Eglife Cathedrale de
S. Aubain. Plus de douze
ou quinze cent Bourgeois le
flambeau de cire blanche à
la main s'étoient rangez
pour former le paffage de
274 MERGURE
cette Noble Affemblée ; La
Garniſon étoit fous les Armes
, & le Regiment des
Gardes à pied de S. A. S. E.
étoit pofté depuis le Palais
jufqu'aux environs de l'Eglife
de S. Aubain . Mr de
Mercy Brigadier & Commandant
de ce Regiment
étoit à la tefte avec tous les
Officiers nouvellement &
proprement habillez uniforme
, de drap bleu galonné
d'argent .
Lorfque l'Electeur arriva
devant l'Evefché , un Bourgeois
s'avança devant S A.
GALANT. 275
S. E. étendit fon manteau
par terre,le couvrit de fleurs,
& s'écria dans la joye de fon
coeear , Benedictus qui venit
in nomine Domini , &c .
Mr le Comte de Berlo
tres - Illuftre & tres - Digne
Evefque de Namur avoit
affemblé tout fon Clergé.
Le Chapitre de S. Aubain ,
le Chapitre de Nôtre Dame,
tous les Curez & les Prêtres
des Paroiffes , & tous les Ordres
Religieux de la Ville . Il
attendoit S. A. S. E avec
tout ce Clergé devant fa
Cathedrale. On avoit placé
276 MERGURE
*
rs
ún priédicu où S. A. S. E. fe
mit à genoux , & adora la
vraye Croix que Mr l'Eve .
que luy prefenta. On entra
enfuite dans Eglife , où
toutes les places étoient
marquées. On y trouva déja
placez dans le Chour , M
du Confeil des Finances de
S. A. S. E. M's du Confeil
Provincial , & M du Souverain
Baillage
.
L'Eglife Cathedrale de S.
Aubain étoit proprement
ornée de verdure naiffante
& de riches Tapifleries
.
rs
IS
On avoit élevé un Dais
magnifique de velours rouge
GALANT. 277
galonné d'or du cofté de
' Evangile où S. A. S. E. fe
plaça . SE Mr le grand
Maiêchal , faifant la fonction
du grand Maiftre , étoit
placé à coté de S. A. S. E,
avec le Capitaine des Gardes
du Corps Archers Nobles ,
& les autres Seigneurs , Miniftres
, & Gentilhommes
étoient placez felon l'ordre
que l'on avoit marqué.
Mr Marefchal Fourier de
de la Chambre de S. A. S. E
avoit fait conftruire une ef
pece de Galerie au- deſſus des
formes de M les Chanoi278
MERCURE
nes , fort pacieuſe pour
gagner de la place & y
mettre les Dames de la premiere
qualité , & autres
caractere , & avoit poſté
un certain nombre d'Officiers
qui avoient l'honneur
de placer les Dames felon
leur qualité & leur rang.
M's les Muficiens de la
Chambre de S. A. S. E.
étoient placez dans la Tribune
proche de l'Orgue
avec les Trompettes & les
Timbales de S.A.S. E. &
plufieurs autres Muficiens.
Toute cette Augufte AfGALANT.
279
femblée étant ainfi placée ,
Mr l'Eveſque aſſiſté d'un
grand nombre de Preftres
officians , celebra pontificalement
la Meffe. Aprés la
Meffe on chanta le Pfalme
Exaudiat en mufique. Auffitoſt
qu'il fut fini”, M" les
Députez des Etats s'avancerent
devant le Trône de
S.A. S. E.
L'Acte qui les authoriſoit
曩
pour recevoir & prefter le
ferment les nomme ainfi.
Les Reverends Abbez ,
Dom Maximilien Abbé de
Moulin , & Frere Auguftin
180 MERCURE
Illuftre
Abbé de Geronfart , de la part
du Clergé ; Noble
Seigneur Meffire Facques Baron
de Spontin de Freyr , Vicomte
d'Efclaye & d 'Audembourg;
Noble & Illuftre Seis
gneur MeffireJacques François
Comte de Groesbeck , Wemelin
& du S. Empire , Vicomte
d'Aublin, Confeiller d'Etat
de S. A.S. E. de la part de la
Nobleß ; Noble & Illuſtre
Seigneur Adrien Charles de
Glimes de Brabant Seigneur dè
S.Martin , Noble Homme ,
Albert Ignace de K ffel de lå
part du Tiers Etat,
GALANT. 281
En préfence de ces M
Députez & de toute l'Af
femblée S. A. S. E. tenant
majestueufement les mains
fur les faints Evangiles , &
devant les faintes Reliques ,
prononça le ferment en ces
termes :
Je MAXIMILIEN
EMANUEL -par la grace
de Dieu , Duc de la Haute &
Baße Baviere , du Haut Pa
latinat , de Brabant , de Limbourg,
de Luxembourg, &
de Gueldres , Comte Palatin
du Rhin , Archi- Dapifer
Electeur Vicaire du S
Juillet 1712 Aa
282 MERCURE
"Empire Romain , Landigrave
de Leichtenberg, Comte de
Flandres , de Hainaut & de
Namur, Marquis du S.
Empire , Seigneur de Malines,
& c.
Fure devant les faintes Reliques,
&par les faints Evangiles
de Dieu,quejegarderay les
Eglifes & Suppors d'icelles , les
Nobles, Feodeaux, Oppidains,
Communautez , Veuves &
Orphelins , des Villes , Pays
Comté de Namur, en leurs
Droits , Ufages , Loix , &
Coûtumes loüables & anciennes;
AINSI M'AIDE DIEU
GALANT. 283
ET TOUS SES SAINTS.
Cette formule de ferment
avoit été préſentée par
le fieur Marefchal en qualité
de Greffier du fouverain
Baillage , à Mr le grand
Marefchal qui la pofa devant
S. A. S. E. & qui luy rendit
aprés que S. A. S. E. cut fini.
Le Nom du Seigneur & celuy
de S. A. S. E. étoient
écrits en lettres d'or.
Mr Lardenois Confeiller
Penfionnaire lût enfuite la
Procuration qui authoriſoit
les Députez à prefter le fer.
ment. Et Mr l'Abbé de
Aaij
284 MERCURE
Moulin le lûc au nom de
tous en ces termes :
* Nous Furons à vous treshaut
& tres puiffant Prince
Seigneur MAXIMILIEN
EMANUEL par la grace
de Dieu Duc de la Haute &
Baffe Baviere , du Haut Palatinar
, Comte Palatin du
Rhin , Archi- Dapifer , Elec
teur Vicaire du S. Empire
Romain , Landtgrave de Leichrenberg,
Comte dudit Namur
, que les Prélats , Nobles ,
Feodeaux, Oppidains & Com ·
munautez d'iceluy Comie &
Pays de Namur, vousferont
GALANT . 283
Lons , vrais & loyaux Sujets
ferviteurs , comme its
doivent , font tenus d'estre
leur Prince & Seigneur.
M's les Députez levant
les doigt , prononcerent la
force du ferment felon
l'ordre fuivant.
Les deux Députez de
Etat
Ecclefiaftique.
Ainfi nous aide Dieu &
rous fés Saints .
Les deux Députez de
l'Etat Noble.
Ainfi nous aide Dieu &
tous fes Saints.
Les deux Députez du
Tiers Etat.
286 MERCURE
Ainfi nous aide Dicu &
tous fes Saints,
Alors un bruit éclatant
ſe fit entendre dans l'Eglife ,
toute l'Affemblée s'écria ,
Vive l'Electeur , Vive le
Comte de Namur Noftre
Souverain.
On chanta enfuite le
TE DEUM , & aprés la
Benediction du Tres- Saint
Sacrement on recommença
la marche dans le mefme
ordre qu'on étoit venu .
GALANT. 287
VOTUM VATIS
pro Sereniffimo Principe .
A
Strorum Rector, Calique
immenfa poteftas,
Imperio fcimus cuncta fubeße
tuo.
Sub te Sceptra jacent , fub te
Diademata Regum,
Sub te quidquid habet gemmifer
indus opum.
Te Duce depinxit quidquid
bene pinxit Apelles ,
Tu quoque Caftalia dirigis artis
opus.
288 MERCURE
J
Si quid habet docti , fi quid
folertis Homerus ,
Noviffimus eße tuæ munera
larga manus .
Ecce novus per te Namurci
franat habenas.
Princeps , aufpiciis fac regat
Bastille tuis.
Aufpice te fofpes longevi
Neftoris annos
Impleat , Pili fæcula
Patris
agat.
GALANT. 288
Du Camp de Denain le 24.
Fuiller
2 Mr le Maréchal de Vilfars
fie travailler toute la
journée du 23. à faire des
Ponts fur la Sambre , & ou
vrir les trouées de Feney
fur les fept heures du for il
fit avancer Mr de Coignies
avec 30. Efcadrons de Dra
gons jufqu'à une demi lieuë
du Retranchement des Ennemis
, avec ordre de faire
toutes les démonftrations
qui pourroient perfuader
Fuillet 1712. Bb
282 MERCURE
3
une attaque des Lignes pendant
cette même nuit . A
cinq heures du foir il fit partir
le Marquis de Vieuxpont
avec trente Bataillons les
Pontons &hunc Brigade
d'Artillerie , il envoya dés
midy tous les Huffars pour
battre les Plaines qui font
entre Cambray , Bouchain ,
& les Ennemis , & le Comte
de Broglio cut ordre avec fa
Referve de couvsir la mars
che de l'Infanterie , & d'envoyer
des Partis à tous les
pallages de la Selle pour cacher
la marche aux Enhe
GALANT. 283.
mis . Mr. d'Albergotti fur
commandé avec vingt Bataillons
& quarante Eſcadrons
pour foûtenir les pre
miers , & toute l'Armée fe
mit en marche à l'entrée de
la nuic.
Il n'eft point facile qu'u
Armée
nombreuſe ne trouve
quelques obftacles dans
une marche de nuit , ils furent
furmontez par la vigilance
de Mr de Puyfegur ;
nos Pontons ne purent arriver
qu'en treize heures fur
l'Efcaut ; on jetta les Ponts
fur le champ , les Troupes
Bb ij
284 MERCURE
pafferent . Les Ennemis
rent voir quelque Cavalerie
que l'on rechalla dans leurs
doubles Lignes defquelles
on s'empara fur le champ ,
& en y entrant le Comte de
Broglio bretit un Convoy
des Ennemis efcorté par
5oo. chevaux & 5oo . hom
mes de pied.
Le Camp retranché des
Ennemis à Denain étoit deffendu
pardix- huit Bataillons
commandez
par Mylord
d'Albemarle , avec quatre
Lieutenans generaux , plufiours
Maréchaux de Camp
GALANT. 285
& Brigadiers fous luy , avec
beaucoup de canon.
La difpofition de l'atta
que fut promptement or
donnée & executée. M' le
Maréchal de Villars & M
de Montefquioue matchel
rent à la tefte de la droite de
l'Infanterie , Mr le Marquis
d'Albergotti à la gauche ,
Mrole Marquis de Vieux
pont , de Dreux , de Brandelay
, Lieutenans generaux j
Mr le Prince d'Ifenguien
Mrs de Mouchy, de Nangis
, Mr le Duc de Mortemart
fe mirent à la tefte de
Bb iij
286 MERCURE
toutes ces Troupes. )
Mr le Comte de Villars
cftoit en qualité de Volonraire
auprés de Mr le Maré.
chal fon frere.
L'Attaque fe fit par 36.
Bataillons fur huit colonnes.
Jamais Troupes n'ont
marché avec tant de fierté ,
aprés avoir effuyé un affez
long feu de canonnade avec
les décharges de l'Infanterie
fans qu'aucun de nos Soldats
s'ébranlât. Ils monterent
fur des retranchemens
de plus de vingt pieds de
haut , forcerent les Ennemis
GALANT. 287
& pafferent prefque tout au
fil de l'épée.
L.cmQ
Mr de Contade Majorgeneral
de l'Infanterie , s'eft
fort diſtingué, vomit () log i
Mr le Prince Eugene étoit
arrivé à Denain deux heures
avant Fartaque } il fie la dif
pofition de la deffenſe ; &
fut au- devant de fon Infan
terie pour en preffer la mar
the dans le deffein de les
fecourir.ca ed bur
Mylord d'Albemarle
Commandant des Troupes
Hollandoifes , deux Lieute
nans generaux , Mr de Se-
Bb iiij
188 MERGURE
guin , quatre Maréchaux de
Camp , le Prince d'Anhalt .
le Prince de Holftein pluficurs
Colonels , & plus de
150. Officiers , ont efté fairs
puifonniersä saung cÍ ¿ M
251On leur a pris tous) kurs
Drapeaux , Etendarts & Ca
non , & quantité de muni
tions de guerre & de bout
chee
Le Comte de Dhona a efté
tué. Les Ennemis n'ayant
qu'un Pont pour ſe retiter ,
on affure qu'il ne s'en eftpas
fauvé deux cenr. decClHi
Mr le Maréchal de Vil
GALANT: 289
fars le loue infiniment de
toutes les Troupes. Mr
de Tourville Colonel de
Champagne , a eſté tué , lè
Comte de Meufe fort bleffe
& quelques Capitaines & au
tres Officiers, Montoig 11-5
- Melle Maréchal envoya
aprés l'action le Comte de
Broglio avec de l'Infanterie
pour inveftir Marchiennes ,
où font tous les vivres , &
toute l'Artillerie des Ennemisteront
30 Me d'Albergotti a efté
auffi détaché pour inveftir
S. Amand
290 MERCURE
Nous n'avons pas perdu
autant d'Officiers ny de Soldats
qu'une action fidange,
reufe en devoit coûter la
valeur des Troupes en a di
minué le peril par l'ardeur
& la promptitude avec lar
quelle ils ont forcé les Ennemis.
Lifte des Prifonniers.
et ( 1
Mylord d'Albermarle
General des Hollandois, pirat
en Mr deSeguin,Lieutenant
general. mon biball Des
Le Prince de Holſtein.
GALANT . 293
Le Prince d'Anhalt.
Mr de Suaube .
Le Comte de Naffau.
Le Baron d'Albert , Maréchaux
de Camp.
4. Colonels,
6. Lieutenans Colonels,
38. Capitaines.
36. Lieutenans,
53. Enfeignes.
19. Officiers d'Artillerie
& Aides de Camp . Tout le
refte à la reſerve de deux ou
trois cent hommes qui ſe
font fauvez , ont efté pris ,
tucz , ou noyez dans l'Ef
caut.
192 MERCURE
NOUVELLES
1
Les Lettres de Piemont ,
portent que le Duc de Sa
voye met des Garnifons de
Les propres Troupes dans
fes principales Forrerefes ,
ce qui donne matiere aux
fpeculatifs
of Quatre Vaiffeaux de
Guerre de Malthe ayant
rencontré fix Vaiffeaux Algeriens
qui vendient de por
rer le tribut annuel au Grand
Seigneur , en ont pris trois
aprés un fanglant combat.
GALANT . 29€
Il y avoit fur ces Vaiſſeaux
润
quatre cens bales de Soye
& d'autres Marchandifes
Deux autres fon rentrez à
Tunis fort endommagez
,
& l'on avoit aucun avis du
fixiéme.
On mande de Madrid,
que depuis la mort du Duci
de Vendofme on a tenu
plufieurs Confeils fur lesi
projets que ce Prince avoit
formé pour l'ouverture del
la Campagne que fe doir
*faire inceffamment. La
Comte de Fiennes n'atten .
doir que le renfort qu'on
294 MERCURE
luy envoye de Languedoc
pour le mettre en campagne.
& agir offenfivement .
On mande de Londres
qu'on a embarqué quantité
de, munitions de Guerre à
la Tour fur deux Vaiffeaux
qu'on ditestre destinées pour
les Magafins de Dunkerque .
On a augmenté de 1/500
hommes , le nombre des
Marins deftinez pour Dunkérque
de forte qu'avec les
bataillons Efcoffois & autres
Troupes qu'on y a fait paffer
avec la Flotte , la Garnifon
Angloiſe de cette Ville
GALANT. 195
là fera tres nombreufe , &
l'on affure qu'auffitoft que
les Anglois en auront pris
poffeffion le Chevalier Lea
kely reſtera avec quinze
Vaiffeaux de Guerre.
On a fait aucune rejoüif
fance à Londres de la priſe
du Quefnoy , on n'a pas
mefme tiré le canon de la
Tour .
Le 9. Juillet le Comte de
Strafford fut fait premied
Commiffaire de l'Amirauté ,
à la place du Chevalier
George Bing & do fieur
AiſlefbylnaDauſfické
296 MERCURE
nomme Chevalier de la Jarretiere.
Le Chevalier Guillaume
Windham , gendre du Duc
de Sommerfer a efté fait
Secretaire des Guerres à la
place de Mylord Lanſdown
à qui on a donné la charge
de Receveur de l'Efchiquier
le fieur Eversfield at cu la
charge de Treforier &
paycur du Bureau de l'Artillerie
& le Chevalier Stuart,
celle de Chambellan de
J'Eſchiquier.
Le Major General Hill
a efté fait Commandant des
GALANT. 227.
Troupes qu'on doit envoyer
Dunkerque , Mylord
Conway , a cfté fait Baron
de Conway & de Kilnltagh
en Irlande , & Confeiller du
Confeil Privé .
Les Lettres de Dukerque
du 20. Juillet affurent que
le 18. quinze Vaiffeaux de
Guerre Anglois cftoient
arrivez à la Rade avec un
grand nombre de Baftimens
de tranfport chargez de
Troupes , qui débarquerent
le19 . On leur configna les
fortifications de la Ville
la Citadelle & les Forts .
Cc
Fuillet 17125
298 MERCURE
Le Comte de Lomont ,
Commandant, fe retira avce
la garnifon à Berg - Saint-
Vinox , la Marine du Roy
les Vaiffeaux & les Galeres
reftent à
Dunkerque .
Les Magiftras continuront
à y faire leurs fonctions à
l'ordinaire , & l'Intendant
aura toûjours foin de la
Police.
C
TABLE.
Réponse à la premiere queftion
a
du Mercure dernier.
Contre le Silence.
Contre le Babllard.
Nouvel Avis.
9
Adreffe de
dermans
remerciment des Al.
du Commun
Confeil de la Ville de Londres,
la Reine de la Gran de
Bretagne.
.97STIMML1
SONY
18
23
Réponse
de
le
Duc
d'Au-
Sa
Majefte
Ode a M.
mont,
TABLE.
Du Camp de Noyelle de 7:
Fuiller 435
Nouvelles de Londres , adreße
de la Chambre des Communes
àla
la Reine.
499
Réponse de la Reine , à l'Adréſ-
Réponse de la Reine , àl'Adref
・Se cy- deffus.
fe des Seigneurs.
52:
SB
Le Diable mafqué nouvelle
de
Venife .
Morts
Difcours preliminaires , fur
$4
65.
la
Sur l'Amour..
73
Lumiere.
12 b shrou
Madrigal ,fur un Ruban d'or
d'épée , donné à l'Auteur de ces
TABLE
Versoana chamar 1 100*
La franchife Picarde , traduite
d'un manufcrit en vieux
françois.
Nouvelles des Cantons Swif
ε fes-
Nouvelles de Flandres. 120
Nouvelles de Hollandre . 128
Nouvelles de Londres. 132
Nouvelles d'Espagne) h 139
LaRune à Madame la Marquiſe
de Mom al ob ruh 459
Livre mouveau , extrait d'une
réponse de M D.... à la
11xtrait
d
Lettre d'un de fes amis , au³
Sujet du Livre intitulé
Tableau de maladies, traduir
TABLE.
de Lomnius , avec des Re-
Vidoman go
217
JAWAINT
221
Mortsmouth
all 233-
marges."
Enigme.
Relation.
Harangue.
& passé.be
237
Parodie de l'Enigne du mois
242
244 Nouvelles de Londres bough
Lifte des Officiers faits priſonniers
à Denain. a
Relation de la prise de Mar-
ON chienne, *I , BAJUNGE sel
262
Qualité de la reconnaissance optique de caractères