ARTS AGRÉABLE S.
Co
DANS E.
Omme le Mercure eft fait pour être
le héraut des arts , & que notre devoir
eft furtout de marquer leurs progrès ,
à mesure qu'ils fe perfectionnent , nous
croirions y manquer , fi nous tardions plus
long tems à parler ici de la danfe. Elie eft
actuellement la premiere colonne de l'Opéra
. L'art acceffoire y eft devenu l'art principal.
Les balets de M. Lani contribuent à
lui mériter cette gloire. Qu'on juge de leur
pouvoir par leurs effets . Ils ont réchauffé
la froideur d'Ajax , & viennent d'égayer
la trifteffe du Carnaval. Il est vrai que les
talens de la foeur ont bien fecondé les travaux
du frere. Mlle Lani met dans fes pas
la précifion , l'aifance , la légereté , en un
mot le fini que Mlle Fel met dans le chant ,
c'est dire qu'elle vient de porter la haute
danfe à fon point de perfection . Mlle Camargo
avoit commencé le genre , Mlle Lani
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l'acheve. Mlle Puvigné de fon côté fou
tient avec fuccès la danfe terre à terre. Elle
a heureuſement remplacé Mlle Salé. Quel
éloge ! les graces nobles & détentes la diftinguent.
La gaieté vive & brillante caractérife
Mlle Lyonnois , & l'effor prompt &
facile d'un oifeau qui vole de branche en
branche peint l'agilité de Mlle Rey. On
peut dire pour le coup que la danfe eft
tombée en quenouille , les femmes en font
tout l'ornement , elles tiennent le premier
rang à l'Opéra , ainfi qu'à tous les autres
fpectacles. Rien ne manqueroit au tableau
varié qu'elles offrent aujourd'hui ſur la
fcene danfante , fi on y voyoit paroître
Mlle Veftris , cette aimable danſeuſe de la
volupté , dont l'expreffion paffionnée porte
le feu du plaifir dans les ames les plus froides.
Il feroit à fouhaiter pour l'honneur des
hommes , & pour le bien de ce théâtre ,
que M. Veftris fon frere y rentrât au plutôt
avec elle . Son abſence y fait un vuide ,
que rien ne peut remplir ; & qui laiffe la
danfe imparfaite.