CANTIQUE d'Anne , Mere du
Prophete Samuel , Lib. 1. Chap. 2 .
des Rois , traduit de l'Hebreu en Prose
Poëtique Françoise , par M. l'Abbé le
Camus de Provence , suivant l'idée de
M.de la Motte, de l'Académie Françoise.
Fdans mon coeur, exhalez vous en sain-
Eu pur et sacré que l'amour allume
tes louanges.
C'est toi , Dieu tout puissant et bon ;
quis releves ma force abbattuë ;
C Mes
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Mes ennemis étonnez , m'entendent
élever la voix . Joye douce qui me vient
de tes bontez secourables !
Non , il n'est de Saint que notre Dieu ;
non , il n'est que toi de rampart assuré.
Que l'impieté se taise ; et vous , superbes
, écoutez-moi.
Connoissez le Dieu de Jacob. La sagesse
est son partage inaliénable ; point
de projet heureux qu'il ne l'ait formé.
C'est par lui que l'Arc du Fort est
brisé ;
Que les pieds incertains du foible sont
affermis.
C'est lui qui livre au travail ingrat
à la misere imprévûë , désespérante
le Riche amolli dans la volupté.
.
Mais , les jours du pauvre tristes et laborieux
, il les change en des jours de Fêtes.
Une troupe inesperée d'enfans badins
entourent une mere n'aguéres sterile. La
joye inonde son coeur ;
Tandis que cette autre , fiere d'une posterité
flatteuse, languit dans l'abbattement
et le désespoir,
Fehova conduit au tombeau , et ramené
des portes du trépas.
Dans tes mains toutes- puissantes sont
la mort et la vie , la richesse et la
vreté ,
pau-
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Il abbaisse , il éleve .
Et d'un tas de poudre et d'ordure sort
à sa voix l'affreuse indigence.
Lui même il la place sur un Trône , et
Les Grands s'empressent à l'entour , éblouis
de ce naissant éclat .
Mon Dieu tient d'une main les bases
profondes sur lesquelles il a posé la Terre.
Et de l'autre main il guide les pas du
Juste.
L'Impie le voit en frémissant , du fond
de l'obscurité , où il croupit.
Force humaine , tu n'es que foiblesse ;
jamais tu n'enfantas les succès .
Mais , ô Dieu fort , ne perds point de
vue ton Christ , ni ses envieux obstinez .
Verse sur eux la terreur et la ruine .
Que ton Tonnerre gronde , que les
Cieux s'ébranlent en sa faveur.
D'un bout de la Terre à l'autre , tu
juges les foibles Mortels.
Tu fortifies ton Christ , et la gloire brille
sur son front couronné .
M. l'Abbé le Camus , qui sçait bien
l'Hébreu , pourroit , s'il vouloit , donner
au Public une Traduction des Pseaumes
de la même maniere.