Résultats : 2 texte(s)
Accéder à la liste des mots clefs.
Détail
Liste
1
p. 270-299
Eloge de feu Mr de Corneille. [titre d'après la table]
Début :
Je vous tiens parole, & je m'acquitte de ce que je vous ay promis [...]
Mots clefs :
Éloge, Corneille, Académie française, Public, Comédies, Tragédies, Opéra, Troupe, Comédien, Éditions
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Eloge de feu Mr de Corneille. [titre d'après la table]
Je vous tiens parole , &je
m'acquitte de ce que je vous
ay promis en vous envoyant
l'Eloge de feu Mr de Corneille, Ecuyer, mort à l'âge de 84.
ans. Il a porté le nom de
Jeune , dans un âge fort avancé , à caufe qu'il avoit un frere
plus âgé que luy , connu fous
le nom du grand Corneille , &
qui s'eftoit acquis ce furnom
a jufte titre. On avoit encore
donné au cadet le furnom
d'honneste homme , à caufe de la
GALANT 271-
droiture de fon cœur generalement connue. Il eftoit univerfellement aimé , & il n'a
pas paru qu'il ait jamais eu
aucun ennemy ni qu'il fe foit
brouillé avec perfonne. Il étoit
obligeant, d'une humeur douce, & fe faifoit un plaifir d'en
faire à tous ceux qui en fouhaitoient de luy.
Comme l'efprit eftoit hereditaire dans fa famille , il ne
faut pas s'eftonner s'il prit le
party des Lettres. Il eftoit univerfel , & la Poëſie n'a pas fait
fon unique occupation. Il a
donné cinq gros Volumes in
Z iiij
272 MERCURE
F
Folio au Public , dont je vous
parleray dans la fuite , ainfi
que d'autres ouvrages de Profe. Ses premiers ont efté des
preuves du talent qu'il avoit
pour la Poësie , & c'eft ordinairement par où les jeunes
gens commencent à exercet
leur efprit. Iltraduifit les Methamorphofes d'Ovide, &p'ufieurs autres Ouvrages de ce
galant Auteur en Vers François , dont on a fait un grand
nombre d'Editions. Ses Ouvrages de Theatre ont diverty
la Cour pendant tout le temps
de la Regence , & long- temps.
ป
GALANI 273
aptés , &parmy fes Comedies
& fes Tragedies , dont je ne
vous nommeray que quelquesunes , puifque le Recueil de
fes Pieces eft imprimé , il y en
a eu dont les fuccés ont furpaffe ceux des Pieces des plus
fameux Auteurs ; & entre fes
Comedies , Dom Bertrand de
Sigaralle , a cfté fi eftimé & fi
fuivy, que l'on a remarqué que
pendant un certain nombre
d'années , il a efté joué plus de
vingt fois à la Cour , fans les
reprefentations qui en ont efté
données au Public. Mr de
Corneille n'eftoit encore que
274 MERCURE
dans un âge tres-peu avancé,
lors qu'ilfit jouer fur le Theatre du Marais , le Tymocrate.
Nous n'avons point yû d'Ouvrage de nos jours qui ait efté
reprefenté fi long- temps de
fuite , puifque les reprefentations en furent continuées pendant un hyver entier ; & cette
Piece fit tant de bruit , que le
Roy l'alla voir fur le Theatre
du Marais. Le fujet de cette
Piece fut fi heureux , & cette
Tragedie fut fi intereſſante,
qu'on vit paroiftre auffi toſt
plufieurs Pieces, dont les Heros eftoient haïs fous un nom
GALANT 275
& aimez fous un autre. Comme la Troupe des Comediens
du Marais ne paffoit pas pour
eftre la meilleure de Paris , &
que celle de l'Hoſtel de Bourgogne la furpaffoit infiniment,
& qu'elle avoit toutes les voix,
cetteTroupe entreprit de jouer
cette Piece , à caufe de la reputation extraordinaire qu'el
le avoit euë ; mais comme
tout Paris la fçavoit par cœur,
cette Troupe n'eût pas tous
les applaudiffemens qu'elle at.
tendoit , & le grand nombre
de Reprefentations qu'en avoient donné les Comediens
+
276 MERCURE
du Marais , avoient fait qu'ils
poffedoient fi bien cette Piece , qu'il fut impoffible aux
Copies d'atteindre jufqu'à la
perfection des Originaux ; de
maniere que lors qu'il eftoit
queftion de la voir reprefenter on preferoit les Comediens du Marais à ceux del'Hôtel de Bourgogne.
Mr de Corneille fit jouer
quelque temps aprés la mort
de l'Empereur Comode fur le
mefine Theatre des Coinediens du Marais , où le Roy
& toute la Cour , fur le bruit
qui fe répandit des grands ap
GALANT 277
plaudiffemens que cette Piece
recevoit , allerent en voir la
reprefentation & quelque
temps aprés elle fut jouée fur
le Theatre du Louvre , où l'on
en donna encore enſuite plufieurs reprefentations.
Les Comediens de l'Hoftel
de Bourgogne , chagrins des
avantages que recevoient les
Comediens du Marais , mirent
tout en ufage pour s'acquerir
M'de Corneille , & il fe trouva obligé de travailler pour
eux , parce qu'ils avoient fait
entrer dans leur Troupe quelques Comediens du Marais ,
278 MERCURE
fans lefquels fes Pieces auroient
eſté mal jouées. Il fit donc reprefenter le Stilicon fur le
Theatre de l'Hoftel de Bourgogne. Je ne vous dis rien de
cette Piece. Perfonne n'ignore
qu'elle fut le charme de tout
Paris. M' de Corneille donna
enfuite Camma , Reine de Galatie , & la Cour & la Ville ſc
trouverent en fi grand nombre aux Repreſentions de cette Piece , que les Comediens
ne trouvoient pas de place fur
le Theatre pour pouvoir jouer
avec tranquilité , & il arriva
une chofe en ce temps- là qui
GALANT 279
n'avoit point encore eſté faite
par aucune Troupe. Les Comediensjufqu'à cette Piece n'avoient joué la Comedie que
les Dimanches , les Mardis , &
les Vendredis ; mais ils commencerent à caufe de la foule ,
à jouer les Jeudis , ce qui leur
arriva dans la fuite , lors que
les Pieces eftoient fort fuivies ,
ce qu'ils ont toûjours fait depuis, & ce qui leur a vallu beaucoup d'argent.
Parmi fes Tragedies on en
trouve une qui a paffé pour un
Chef-d'œuvre. Jamais Piece.
n'a efté plus touchante & plus
-
280 MERCURE
fuivie. C'eft de l'Ariane dont
je veux parler , & ce qui doit
furprendre tout le monde , eft
que M' de Corneille eftant retiré à la Campagne avoit fait
cette Piece en quarante jours.
Il n'avoit pas moins de facilité
à travailler à fes ouvrages de
Theatre, que de memoire pour
les retenir , & tous ceux qui
l'ont connu particulierement.
ont efté témoins que lors qu'il
eftoit prié delire fes Pieces dans
quelques Compagnies , ce qui
cftoit autrefois fort en ufage ,
il les recitoit mieux qu'aucun
Comedien n'auroit pû faire ,
GALANT 281
fans rien lire ; il eftoit fi fûr de
fa memoire , quefouvent il ne
portoit point fes Pieces avec
luy.
Les Comediens m'ayant
preffé avec de fortes inftances ,
de mettre aprés la mort de M
Voifin tout ce qui s'eftoit paf
fé chez elle pendant fa vie à
l'occafion du mêtier dont elle
s'eitoit mêlée , je fis un grand
nombre de Scenes qui auroient
pû fournir de la matiere pour
trois ou quatre Pieces ; mais
qui ne pouvoient former un
fujet parce qu'il eftoit trop uniforme, & qu'il nes'agiffoit que
Fanvier 1710. Aa
282 MERCURE
de gens qui alloient demander
leur bonne - avanture , & faire
des propofitions qui la regardoient ; mais toutes ces Scenes.
ne pouvant former le neud
d'une Comedie , parce que
toutes ces perfonnes ſe fuyant
& évitant de fe parler , il eftoit
impoffible de faire une liaifon
de Scenes , & que la Piece puſt
avoir unnœud ; je luy donnay
mes Scenes , & il en choifit un
nombre avec lefquelles il compofa un fujet dont le noud
parut des plus agreable , &qui
a efté regardé comme un Chefd'œuvre. Le fuccés de cette
GALANT 283
Piece qui a efté un des plus prodigieux du fiecle , en fait foy.
Le fuccés de la Comedie de
'Inconnu a efté auffi des plus
grands. Il y avoit des raifons
pour donner promptement
cette Piece au Public ; de maniere que pour avancer , je fis
toute la Piece en Profe , &
pendant que je faifois la Profe
du fecond Acte , il mettoit
celle du premier Acte en Vers ;
& comme la Profe eft plus facile que les Vers , j'eus le temps
de faire ceux des Divertiffemens , & fur tout du Dialogue
Aa ij
284 MERCURE
de l'Amour & de l'Amitié qui
n'a pas déplu au Public. Nous
avons fait encore enfemble la
fuperbe Piece de Machines de
Circé , de laquelle je n'ay fait
que les Divertiffemens. Les
Comediens avoient traité du
Theatre des Opera de feu M
le Marquis de Sourdeac ; &
comme tous les mouvemens
des Opera y eftoient reftez ,
je crus qu'en fe fervantedes
mefines mouvemens qui a
voient fervi aux Machines de
ces Opera , on pourroit faire
une Piece qui feroit recitées
GALANT 285
& non chantée , & nous
cherchâmes un fujet favora
ble à mettre ces Machines
dans leur jour. De maniere
que lorsque la Piece parut elle
ne reffembloit en rien aux Opera qui avoient eſté chantez
fur le même Theatre. Le fuccés de cette Piece fut fi prodigieux qu'elle fut jouée fans
interruption depuis le commencement du Carefme jufqu'au mois de Septembre ,
& les Reprefentations en auroient encore duré plus longtemps fi les intereſts d'un Par
ticulier n'en euffent point fait
286 MERCURE
retrancher les voix. Il eft à remarquer que pendant les fix
premieres femaines , la Salle de
la Comedie fe trouva toute
remplie dés midi ; & que com
me l'on n'y pouvoit trouver
de place on donnoit un demi
Louis d'or à la porte , feulement pour y avoir entrée , &
que l'on eftoit content quand
pour la même fomme que l'on
donnoit aux premieres Loges ,
on eftoit placé au troisième
rang. Je n'avance rien dontles
Regitres des Comediens ne
faffent foy.
Comme feu Mr de Cor-
GALANT 287
neille , avoit le bonheur de
réüffir dans tout ce qu'il entreprenoit & que l'Opera cût
efté étably au Palais Royal ,
il fut follicité d'y travailler ,
& il fit l'Opera de Bellerophon,
quifut auffi joué pendant prés
d'une année entiere. Outre
la beauté des Vers & de la
Mufique on remarqua dans
cette Piece ce qui ne s'eftoit
pas encore vu dans aucun Opera ; c'eft à- dire , un fujet auffi
plein & auffi intrigué qui fi la
Piece avoit eu quinze cens
Vers , quoyqu'à caufe de l'étenduëque donne la Mufique,
288 MERCURE
les Opera n'en contiennent
ordinairement que quatre 3
cinq cens. Son genie parut
encore dans l'Opera de Pfiché ;
ce fujet avoit efté mis en Comedie pour le Roy , avec des
Intermedes fi remplis & fi
fuperbes pour tout ce qui en
regardoit les ornemens , que
la France n'a rien vû de plus
beau que ce Spectacle qui avoit
eſté donné dans la fuperbe
Salle des Machines qui fe voit
dans le Palais des Thuileries.
-
Les Comediens voulurent
donner cette Piece au Public ,
en y laiffant les Intermedes , &
fans
GALANT 289
fans que le Corps de la Piece
fuft mife en Opera ; mais la
dificulté parut grande à tous
les Auteurs , car la Piece qui
avoit cité recitée avoit autant
de Vers que les Tragedies ordinaires , & il n'en falloit pas
le quart pour eftre chantée ,
& que cependant tout le fujet
yentraft ; c'eft de quoy Mr de
Corneille vint à bout , & il
fçut la reduire en Opera fans
rien changer du fujer de la'
Piece ; demaniere qu'en n'employant que quatre cens Vers ,
le Public vit les mêmes incidens qu'il avoit trouvez dans
Fanvier 1710.
Bb
290 MERCURE
la Piece de dix huit cens , ce
qui furprit tous les Auditeurs ,
& luy attira beaucoup de
loüanges.
Je nefinirois point cet Elogefi je voulois faire l'Hiftoire
de tous les Ouvrages de Theatre de Mr de Corneille , &
j'aurois quelque chofe de fingulier à vous dire fur chacune
de fes Pieces. La Poëfie cftoit
le moindre de les talens , &
on enjugera par Les Ouvrages
de Profe que je vais vous
raporter. Il fçavoit parfaitement la Langue. Rien ne luy
eftoit caché dans les Arts , &
GALANT 291
toute la terre luy eftoit connuë. Voicy des preuves ' parlantes & inconteftables de ces
trois chofes.
Les remarques que cet
homme univerfel a fait fur
Vaugelas font une preuve
fans replique qu'il connoiffoit
la Langue dans toutela pureté,
&l'on peut en lifant ce Livre
s'éclaircir des doutes que l'on
peut avoir lorfque l'on veut
écrire & parler jufte. Auffi
ce Livre eft il fort recherché
& confulté de ceux qui yeulent acquerirle nom de Puriftes,
.que feu Mr de Corneille , a
Bb ij
292 MERCURE
mieux merité que beaucoup
d'autres , & j'ay fouvent oui
dire à Mr l'Abbé de Dangcau ,
qui comme vous fçavez eft de
l'Academie Françoiſe , & qui
fe plaifoit à luy rendre juſtice ,
qu'il eftoit leur Maître.
Les deux Volumes in fulio
qu'il a donnez au Public fous .
le nom de Dictionnaire des
Arts, doivent faire connoiſtre,
fans qu'il foit befoin d'en dire
davantage, que tout ce qui les
regarde , luy eftoit parfaitementconnu. Il me faudroit faireun Volume, fi je voulois par-,
de tout ce qu'ils contien- jer
GALANT 293
nent ,& de tous les Intrumens
qui regardent les Arts. J'ajouteray feulement que que ces deux .
Volumes ont efté trouvez fi
beaux & fi utiles , que l'impreffion en a efté entierement
enlevée prefque dans le temps
qu'elle a paru , quoy qu'elle
fe foit vendue dans le temps
que l'Academic Françoiſe a
donné fon Dictionnaire au
Public. Il avoit beaucoup travaillé avant la mort, pour en
donner une feconde, Edition ;
& il eftoit ſi laborieux , qu'il
travailloit en mefme temps aux
trois gros Volumes in folio
Bb jij
294 MERCURE
qu'il a donnez au Public un
peu avant fa mort, & qui font
• connoiftre qu'il eftoit univerfel, & qu'il connoiffoit la Terre entiere. 曹 Ces Volumes ont
pour titre , Dictionnaire univerfel , Geographique & Hiftorique , contenant la Defcription
des Royaumes, Empires , Eftats,
Provinces , Pays, Contrées, Dea
ferts , Villes , Bourgs , Abbayes;
Chafteaux , Fortereffes , Mers,
Rivieres , Lacs , Bayes ; Golphes , Détroits , Caps , Ifles,
Prefqu'Ifles, Montagnes , Vallées ; lafituation , l'étendue , les
limites , les diftances de chaque
GALANT 295
Pays ; la Religion , les Mœurs,
les Coûtumes , le Commerce , lesCeremonies particulieres des Peuples , ce que l'Hiftoire fournit
de plus curieux touchant les chofes qui s'y font passées. Le tout
recueilly des meilleures Livres de
Voyages , autres qui agent
paru jusqu'à prefent , par
Corneille de l'Academie Frangoife , & de celle des Infcriptions
des Medailles. موع
Mr
Le Public eftoit tellement
perfuadé de la bonté de fes
Ouvrages , quedés qu'il apprenoit qu'il en avoit quelqu'un
fous la Preffe , il en retenoit &
Bb iiij
296 MERCURE
en payoit d'avance des Exemplaires , chacun témoignant
par cet empreffement le defir
qu'il avoit d'en avoir des premicrs ; de maniere que l'Edition de ce Dictionnaire s'eft
trouvée vendue prefque auffitoft qu'elle a efté achevée , &
Mr de Corneille, dans le temps
qu'il eft mort , avoit déja fait
beaucoup de remarques fur
fonOuvrage, & ramaffe beaucoup de chofes curieuſes pour
en compoſer une feconde Edition .
Je dois avoüer icy que je
tiens de luy tour ce que je
GALANT 297
fçay de la Langue Françoife,
& que pendant un affez grand
nombre d'années, j'ay foûmis
mes Ouvrages à fa correction;
ce qui a fait croire davantage,
& ce qui eftoit ceffé depuis
douze années , ce grand homme eftant affez occupé d'ail .
leurs , & beaucoup détourné
par des incommoditez que
années & un travail immenſe
& continuel luy avoienr attirées.ople
र
fes
Il avoit un grand fond de
probité , de droitute , de fageffe , de bonté , de modeftie,
de charité , & de vertu. Enne-
298 MERCURE
mi de la médifance , il ne pouvoitfouffrir les perfonnes dont
l'unique converfation eft de
faire inventaire des actions
d'autruy. Jamais homme n'a
eu plus de Religion , & n'eft
mort avec plus de refignation
aux volontez de Dieu , & il
voyoit tous les jours approcher la mort avec une fermeté
incroyable , fans ceffer neanmoins fon travail qui luy cftoit
neceffaire , parce que les gens
de Lettres ne font pas ordinairement les plus favorifez de
la fortune , & que l'Ecriture
dit , QUI LABORAT ORAT,
qui travaille prie.
THEQUE
GALANT
20
BIBLIO
ge VILLE
Ce grand homme efton res
commandable par tant d'endroits differens, que je ne doute point que celuy qui aura
le bonheur de remplir la place
qu'il occupoit dans l'Academie Françoife , ne trouve encore de nouveaux fujets d'en
faire un bel Eloge. Perfonne
n'ignore qu'il eftoit auffi de
l'Academie Royale des Medailles & Infcriptions.
Je crois pouvoir placer une
Chanfon aprés l'Eloge d'un
homme qui en a fait de fi belles ; elle eft du Solitaire du
Bois du Val- Dieu.
m'acquitte de ce que je vous
ay promis en vous envoyant
l'Eloge de feu Mr de Corneille, Ecuyer, mort à l'âge de 84.
ans. Il a porté le nom de
Jeune , dans un âge fort avancé , à caufe qu'il avoit un frere
plus âgé que luy , connu fous
le nom du grand Corneille , &
qui s'eftoit acquis ce furnom
a jufte titre. On avoit encore
donné au cadet le furnom
d'honneste homme , à caufe de la
GALANT 271-
droiture de fon cœur generalement connue. Il eftoit univerfellement aimé , & il n'a
pas paru qu'il ait jamais eu
aucun ennemy ni qu'il fe foit
brouillé avec perfonne. Il étoit
obligeant, d'une humeur douce, & fe faifoit un plaifir d'en
faire à tous ceux qui en fouhaitoient de luy.
Comme l'efprit eftoit hereditaire dans fa famille , il ne
faut pas s'eftonner s'il prit le
party des Lettres. Il eftoit univerfel , & la Poëſie n'a pas fait
fon unique occupation. Il a
donné cinq gros Volumes in
Z iiij
272 MERCURE
F
Folio au Public , dont je vous
parleray dans la fuite , ainfi
que d'autres ouvrages de Profe. Ses premiers ont efté des
preuves du talent qu'il avoit
pour la Poësie , & c'eft ordinairement par où les jeunes
gens commencent à exercet
leur efprit. Iltraduifit les Methamorphofes d'Ovide, &p'ufieurs autres Ouvrages de ce
galant Auteur en Vers François , dont on a fait un grand
nombre d'Editions. Ses Ouvrages de Theatre ont diverty
la Cour pendant tout le temps
de la Regence , & long- temps.
ป
GALANI 273
aptés , &parmy fes Comedies
& fes Tragedies , dont je ne
vous nommeray que quelquesunes , puifque le Recueil de
fes Pieces eft imprimé , il y en
a eu dont les fuccés ont furpaffe ceux des Pieces des plus
fameux Auteurs ; & entre fes
Comedies , Dom Bertrand de
Sigaralle , a cfté fi eftimé & fi
fuivy, que l'on a remarqué que
pendant un certain nombre
d'années , il a efté joué plus de
vingt fois à la Cour , fans les
reprefentations qui en ont efté
données au Public. Mr de
Corneille n'eftoit encore que
274 MERCURE
dans un âge tres-peu avancé,
lors qu'ilfit jouer fur le Theatre du Marais , le Tymocrate.
Nous n'avons point yû d'Ouvrage de nos jours qui ait efté
reprefenté fi long- temps de
fuite , puifque les reprefentations en furent continuées pendant un hyver entier ; & cette
Piece fit tant de bruit , que le
Roy l'alla voir fur le Theatre
du Marais. Le fujet de cette
Piece fut fi heureux , & cette
Tragedie fut fi intereſſante,
qu'on vit paroiftre auffi toſt
plufieurs Pieces, dont les Heros eftoient haïs fous un nom
GALANT 275
& aimez fous un autre. Comme la Troupe des Comediens
du Marais ne paffoit pas pour
eftre la meilleure de Paris , &
que celle de l'Hoſtel de Bourgogne la furpaffoit infiniment,
& qu'elle avoit toutes les voix,
cetteTroupe entreprit de jouer
cette Piece , à caufe de la reputation extraordinaire qu'el
le avoit euë ; mais comme
tout Paris la fçavoit par cœur,
cette Troupe n'eût pas tous
les applaudiffemens qu'elle at.
tendoit , & le grand nombre
de Reprefentations qu'en avoient donné les Comediens
+
276 MERCURE
du Marais , avoient fait qu'ils
poffedoient fi bien cette Piece , qu'il fut impoffible aux
Copies d'atteindre jufqu'à la
perfection des Originaux ; de
maniere que lors qu'il eftoit
queftion de la voir reprefenter on preferoit les Comediens du Marais à ceux del'Hôtel de Bourgogne.
Mr de Corneille fit jouer
quelque temps aprés la mort
de l'Empereur Comode fur le
mefine Theatre des Coinediens du Marais , où le Roy
& toute la Cour , fur le bruit
qui fe répandit des grands ap
GALANT 277
plaudiffemens que cette Piece
recevoit , allerent en voir la
reprefentation & quelque
temps aprés elle fut jouée fur
le Theatre du Louvre , où l'on
en donna encore enſuite plufieurs reprefentations.
Les Comediens de l'Hoftel
de Bourgogne , chagrins des
avantages que recevoient les
Comediens du Marais , mirent
tout en ufage pour s'acquerir
M'de Corneille , & il fe trouva obligé de travailler pour
eux , parce qu'ils avoient fait
entrer dans leur Troupe quelques Comediens du Marais ,
278 MERCURE
fans lefquels fes Pieces auroient
eſté mal jouées. Il fit donc reprefenter le Stilicon fur le
Theatre de l'Hoftel de Bourgogne. Je ne vous dis rien de
cette Piece. Perfonne n'ignore
qu'elle fut le charme de tout
Paris. M' de Corneille donna
enfuite Camma , Reine de Galatie , & la Cour & la Ville ſc
trouverent en fi grand nombre aux Repreſentions de cette Piece , que les Comediens
ne trouvoient pas de place fur
le Theatre pour pouvoir jouer
avec tranquilité , & il arriva
une chofe en ce temps- là qui
GALANT 279
n'avoit point encore eſté faite
par aucune Troupe. Les Comediensjufqu'à cette Piece n'avoient joué la Comedie que
les Dimanches , les Mardis , &
les Vendredis ; mais ils commencerent à caufe de la foule ,
à jouer les Jeudis , ce qui leur
arriva dans la fuite , lors que
les Pieces eftoient fort fuivies ,
ce qu'ils ont toûjours fait depuis, & ce qui leur a vallu beaucoup d'argent.
Parmi fes Tragedies on en
trouve une qui a paffé pour un
Chef-d'œuvre. Jamais Piece.
n'a efté plus touchante & plus
-
280 MERCURE
fuivie. C'eft de l'Ariane dont
je veux parler , & ce qui doit
furprendre tout le monde , eft
que M' de Corneille eftant retiré à la Campagne avoit fait
cette Piece en quarante jours.
Il n'avoit pas moins de facilité
à travailler à fes ouvrages de
Theatre, que de memoire pour
les retenir , & tous ceux qui
l'ont connu particulierement.
ont efté témoins que lors qu'il
eftoit prié delire fes Pieces dans
quelques Compagnies , ce qui
cftoit autrefois fort en ufage ,
il les recitoit mieux qu'aucun
Comedien n'auroit pû faire ,
GALANT 281
fans rien lire ; il eftoit fi fûr de
fa memoire , quefouvent il ne
portoit point fes Pieces avec
luy.
Les Comediens m'ayant
preffé avec de fortes inftances ,
de mettre aprés la mort de M
Voifin tout ce qui s'eftoit paf
fé chez elle pendant fa vie à
l'occafion du mêtier dont elle
s'eitoit mêlée , je fis un grand
nombre de Scenes qui auroient
pû fournir de la matiere pour
trois ou quatre Pieces ; mais
qui ne pouvoient former un
fujet parce qu'il eftoit trop uniforme, & qu'il nes'agiffoit que
Fanvier 1710. Aa
282 MERCURE
de gens qui alloient demander
leur bonne - avanture , & faire
des propofitions qui la regardoient ; mais toutes ces Scenes.
ne pouvant former le neud
d'une Comedie , parce que
toutes ces perfonnes ſe fuyant
& évitant de fe parler , il eftoit
impoffible de faire une liaifon
de Scenes , & que la Piece puſt
avoir unnœud ; je luy donnay
mes Scenes , & il en choifit un
nombre avec lefquelles il compofa un fujet dont le noud
parut des plus agreable , &qui
a efté regardé comme un Chefd'œuvre. Le fuccés de cette
GALANT 283
Piece qui a efté un des plus prodigieux du fiecle , en fait foy.
Le fuccés de la Comedie de
'Inconnu a efté auffi des plus
grands. Il y avoit des raifons
pour donner promptement
cette Piece au Public ; de maniere que pour avancer , je fis
toute la Piece en Profe , &
pendant que je faifois la Profe
du fecond Acte , il mettoit
celle du premier Acte en Vers ;
& comme la Profe eft plus facile que les Vers , j'eus le temps
de faire ceux des Divertiffemens , & fur tout du Dialogue
Aa ij
284 MERCURE
de l'Amour & de l'Amitié qui
n'a pas déplu au Public. Nous
avons fait encore enfemble la
fuperbe Piece de Machines de
Circé , de laquelle je n'ay fait
que les Divertiffemens. Les
Comediens avoient traité du
Theatre des Opera de feu M
le Marquis de Sourdeac ; &
comme tous les mouvemens
des Opera y eftoient reftez ,
je crus qu'en fe fervantedes
mefines mouvemens qui a
voient fervi aux Machines de
ces Opera , on pourroit faire
une Piece qui feroit recitées
GALANT 285
& non chantée , & nous
cherchâmes un fujet favora
ble à mettre ces Machines
dans leur jour. De maniere
que lorsque la Piece parut elle
ne reffembloit en rien aux Opera qui avoient eſté chantez
fur le même Theatre. Le fuccés de cette Piece fut fi prodigieux qu'elle fut jouée fans
interruption depuis le commencement du Carefme jufqu'au mois de Septembre ,
& les Reprefentations en auroient encore duré plus longtemps fi les intereſts d'un Par
ticulier n'en euffent point fait
286 MERCURE
retrancher les voix. Il eft à remarquer que pendant les fix
premieres femaines , la Salle de
la Comedie fe trouva toute
remplie dés midi ; & que com
me l'on n'y pouvoit trouver
de place on donnoit un demi
Louis d'or à la porte , feulement pour y avoir entrée , &
que l'on eftoit content quand
pour la même fomme que l'on
donnoit aux premieres Loges ,
on eftoit placé au troisième
rang. Je n'avance rien dontles
Regitres des Comediens ne
faffent foy.
Comme feu Mr de Cor-
GALANT 287
neille , avoit le bonheur de
réüffir dans tout ce qu'il entreprenoit & que l'Opera cût
efté étably au Palais Royal ,
il fut follicité d'y travailler ,
& il fit l'Opera de Bellerophon,
quifut auffi joué pendant prés
d'une année entiere. Outre
la beauté des Vers & de la
Mufique on remarqua dans
cette Piece ce qui ne s'eftoit
pas encore vu dans aucun Opera ; c'eft à- dire , un fujet auffi
plein & auffi intrigué qui fi la
Piece avoit eu quinze cens
Vers , quoyqu'à caufe de l'étenduëque donne la Mufique,
288 MERCURE
les Opera n'en contiennent
ordinairement que quatre 3
cinq cens. Son genie parut
encore dans l'Opera de Pfiché ;
ce fujet avoit efté mis en Comedie pour le Roy , avec des
Intermedes fi remplis & fi
fuperbes pour tout ce qui en
regardoit les ornemens , que
la France n'a rien vû de plus
beau que ce Spectacle qui avoit
eſté donné dans la fuperbe
Salle des Machines qui fe voit
dans le Palais des Thuileries.
-
Les Comediens voulurent
donner cette Piece au Public ,
en y laiffant les Intermedes , &
fans
GALANT 289
fans que le Corps de la Piece
fuft mife en Opera ; mais la
dificulté parut grande à tous
les Auteurs , car la Piece qui
avoit cité recitée avoit autant
de Vers que les Tragedies ordinaires , & il n'en falloit pas
le quart pour eftre chantée ,
& que cependant tout le fujet
yentraft ; c'eft de quoy Mr de
Corneille vint à bout , & il
fçut la reduire en Opera fans
rien changer du fujer de la'
Piece ; demaniere qu'en n'employant que quatre cens Vers ,
le Public vit les mêmes incidens qu'il avoit trouvez dans
Fanvier 1710.
Bb
290 MERCURE
la Piece de dix huit cens , ce
qui furprit tous les Auditeurs ,
& luy attira beaucoup de
loüanges.
Je nefinirois point cet Elogefi je voulois faire l'Hiftoire
de tous les Ouvrages de Theatre de Mr de Corneille , &
j'aurois quelque chofe de fingulier à vous dire fur chacune
de fes Pieces. La Poëfie cftoit
le moindre de les talens , &
on enjugera par Les Ouvrages
de Profe que je vais vous
raporter. Il fçavoit parfaitement la Langue. Rien ne luy
eftoit caché dans les Arts , &
GALANT 291
toute la terre luy eftoit connuë. Voicy des preuves ' parlantes & inconteftables de ces
trois chofes.
Les remarques que cet
homme univerfel a fait fur
Vaugelas font une preuve
fans replique qu'il connoiffoit
la Langue dans toutela pureté,
&l'on peut en lifant ce Livre
s'éclaircir des doutes que l'on
peut avoir lorfque l'on veut
écrire & parler jufte. Auffi
ce Livre eft il fort recherché
& confulté de ceux qui yeulent acquerirle nom de Puriftes,
.que feu Mr de Corneille , a
Bb ij
292 MERCURE
mieux merité que beaucoup
d'autres , & j'ay fouvent oui
dire à Mr l'Abbé de Dangcau ,
qui comme vous fçavez eft de
l'Academie Françoiſe , & qui
fe plaifoit à luy rendre juſtice ,
qu'il eftoit leur Maître.
Les deux Volumes in fulio
qu'il a donnez au Public fous .
le nom de Dictionnaire des
Arts, doivent faire connoiſtre,
fans qu'il foit befoin d'en dire
davantage, que tout ce qui les
regarde , luy eftoit parfaitementconnu. Il me faudroit faireun Volume, fi je voulois par-,
de tout ce qu'ils contien- jer
GALANT 293
nent ,& de tous les Intrumens
qui regardent les Arts. J'ajouteray feulement que que ces deux .
Volumes ont efté trouvez fi
beaux & fi utiles , que l'impreffion en a efté entierement
enlevée prefque dans le temps
qu'elle a paru , quoy qu'elle
fe foit vendue dans le temps
que l'Academic Françoiſe a
donné fon Dictionnaire au
Public. Il avoit beaucoup travaillé avant la mort, pour en
donner une feconde, Edition ;
& il eftoit ſi laborieux , qu'il
travailloit en mefme temps aux
trois gros Volumes in folio
Bb jij
294 MERCURE
qu'il a donnez au Public un
peu avant fa mort, & qui font
• connoiftre qu'il eftoit univerfel, & qu'il connoiffoit la Terre entiere. 曹 Ces Volumes ont
pour titre , Dictionnaire univerfel , Geographique & Hiftorique , contenant la Defcription
des Royaumes, Empires , Eftats,
Provinces , Pays, Contrées, Dea
ferts , Villes , Bourgs , Abbayes;
Chafteaux , Fortereffes , Mers,
Rivieres , Lacs , Bayes ; Golphes , Détroits , Caps , Ifles,
Prefqu'Ifles, Montagnes , Vallées ; lafituation , l'étendue , les
limites , les diftances de chaque
GALANT 295
Pays ; la Religion , les Mœurs,
les Coûtumes , le Commerce , lesCeremonies particulieres des Peuples , ce que l'Hiftoire fournit
de plus curieux touchant les chofes qui s'y font passées. Le tout
recueilly des meilleures Livres de
Voyages , autres qui agent
paru jusqu'à prefent , par
Corneille de l'Academie Frangoife , & de celle des Infcriptions
des Medailles. موع
Mr
Le Public eftoit tellement
perfuadé de la bonté de fes
Ouvrages , quedés qu'il apprenoit qu'il en avoit quelqu'un
fous la Preffe , il en retenoit &
Bb iiij
296 MERCURE
en payoit d'avance des Exemplaires , chacun témoignant
par cet empreffement le defir
qu'il avoit d'en avoir des premicrs ; de maniere que l'Edition de ce Dictionnaire s'eft
trouvée vendue prefque auffitoft qu'elle a efté achevée , &
Mr de Corneille, dans le temps
qu'il eft mort , avoit déja fait
beaucoup de remarques fur
fonOuvrage, & ramaffe beaucoup de chofes curieuſes pour
en compoſer une feconde Edition .
Je dois avoüer icy que je
tiens de luy tour ce que je
GALANT 297
fçay de la Langue Françoife,
& que pendant un affez grand
nombre d'années, j'ay foûmis
mes Ouvrages à fa correction;
ce qui a fait croire davantage,
& ce qui eftoit ceffé depuis
douze années , ce grand homme eftant affez occupé d'ail .
leurs , & beaucoup détourné
par des incommoditez que
années & un travail immenſe
& continuel luy avoienr attirées.ople
र
fes
Il avoit un grand fond de
probité , de droitute , de fageffe , de bonté , de modeftie,
de charité , & de vertu. Enne-
298 MERCURE
mi de la médifance , il ne pouvoitfouffrir les perfonnes dont
l'unique converfation eft de
faire inventaire des actions
d'autruy. Jamais homme n'a
eu plus de Religion , & n'eft
mort avec plus de refignation
aux volontez de Dieu , & il
voyoit tous les jours approcher la mort avec une fermeté
incroyable , fans ceffer neanmoins fon travail qui luy cftoit
neceffaire , parce que les gens
de Lettres ne font pas ordinairement les plus favorifez de
la fortune , & que l'Ecriture
dit , QUI LABORAT ORAT,
qui travaille prie.
THEQUE
GALANT
20
BIBLIO
ge VILLE
Ce grand homme efton res
commandable par tant d'endroits differens, que je ne doute point que celuy qui aura
le bonheur de remplir la place
qu'il occupoit dans l'Academie Françoife , ne trouve encore de nouveaux fujets d'en
faire un bel Eloge. Perfonne
n'ignore qu'il eftoit auffi de
l'Academie Royale des Medailles & Infcriptions.
Je crois pouvoir placer une
Chanfon aprés l'Eloge d'un
homme qui en a fait de fi belles ; elle eft du Solitaire du
Bois du Val- Dieu.
Fermer
Résumé : Eloge de feu Mr de Corneille. [titre d'après la table]
Le texte rend hommage à Thomas Corneille, frère cadet de Pierre Corneille, décédé à l'âge de 84 ans. Connu sous le surnom de 'Jeune' en raison de son frère aîné, Thomas Corneille était également surnommé 'honnête homme' pour sa droiture. Universellement aimé, il était obligeant et doux, toujours prêt à aider autrui. Héritier de l'esprit familial, il s'est distingué dans les lettres en publiant cinq volumes in-folio et plusieurs ouvrages de prose. Ses premières œuvres étaient des traductions, notamment les 'Métamorphoses' d'Ovide, qui ont connu de nombreuses éditions. Thomas Corneille a également écrit des pièces de théâtre qui ont diverti la cour pendant la Régence et longtemps après. Sa comédie 'Dom Bertrand de Sigaralle' a été particulièrement estimée et jouée plus de vingt fois à la cour. Ses tragédies, comme 'Le Tyrannicide', 'La Mort de l'Empereur Commode' et 'Stilicien', ont également connu un grand succès. Il a collaboré avec les comédiens de l'Hôtel de Bourgogne et du Marais, et ses œuvres ont souvent surpassé celles des auteurs les plus célèbres. En plus de ses œuvres théâtrales, Thomas Corneille a écrit des remarques sur Vaugelas, prouvant sa maîtrise de la langue. Il a également publié un 'Dictionnaire des Arts' et un 'Dictionnaire universel, géographique et historique', démontrant ses connaissances étendues et sa laboriosité. Ces ouvrages ont été très appréciés et rapidement épuisés. Le texte mentionne également que Corneille était membre de l'Académie Française et de l'Académie des Inscriptions et Médailles. Son dictionnaire, compilé à partir des meilleures sources de voyages, a été très attendu par le public. Corneille était décrit comme un homme de grande probité, droiture, sagesse, bonté, modestie, charité et vertu. Il était intolérant à la médisance et ne supportait pas les personnes qui critiquaient les actions des autres. Sa foi religieuse était profonde, et il a accepté la mort avec résignation, continuant son travail malgré sa santé déclinante. L'auteur exprime l'espoir que celui qui prendra sa place à l'Académie Française trouvera encore des sujets pour louer ses mérites.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
2
p. 950-959
Bibliotheque choisie de Colomiés, [titre d'après la table]
Début :
LA BIBLIOTHEQUE CHOISIE de M. Colomiés. Nouvelle Edition, augmentée des [...]
Mots clefs :
Bibliothèque choisie, Colomiés, Éditions, Livres, Belles-lettres, Vie de l'auteur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Bibliotheque choisie de Colomiés, [titre d'après la table]
LA BIBLIOTHEQUE CHOISIE de M. Co
lomiés. Nouvelle Edition , augmentée des
Notes de M M. Bourdelot et de la Monnoye et autres , avec quelques Opuscules
du même Colomiés , qui n'avoient point
été recueillis. Vol. in 12. de 376. pages
sans la Préface et les Tables. A Paris
chez Gabriel Martin , ruë S. Jacques
P'Etoile , 1731.
On peut juger du mérite de cet Ouvrage par les Editions qui en ont été faites. La premiere fut publiée à la Rochelle
en 1682. in 8. La deuxieme à Amsterdam en 1750. in 8. Dans cette Edition
M. Colomiés retrancha quelques traits
qui se trouvoient dans la premiere , et
y insera quelques Additions , comme il
nous l'apprend lui-même dans l'Avertissement
MAY. 17328 958
sement qu'il met à la tête. La troisiéme
fut publiée à Hambourg, réunie avec les
autres Ouvrages du même Auteur , dont
M. Fabricius donna la collection en 1709.
Dans celle- cy on a suivi la seconde Edition donnée par l'Auteur , comme avoit
fait M. Fabricius ; on y a même ajoûté
aubas des pages plusieurs traits queM.Colomiés avoir retranchez de la premiere
Edition : Elle est encore enrichie des Notes que Pierre Bonet Bourdelot , avoit faites sur cette Biblio.heque et de celles que
M. de la Monnoye y ajoûta depuis.
Cette Bibliotheque ne renferme pas le
détail de toute sorte de Livres; M. Colomiés n'a eu en vûë dans cet Ouvrage
que quelques- uns de ceux qui regardent
les Belles Lettres ou qui ont fait et font
encore les délices des Sçavans ; c'est ce
qu'il dit lui-même dans l'Avertissement
dont nous avons parlé plus haut. Il ne
rend compte qued'une centaine de Livres.
Son but principal , est de nous en faire connoître les vrais Auteurs , lorsqu'ils se
sont déguisez sous des noms étrangers ,
ou que faute d'avoir mis leur nom à la
tête de leurs Ouvrages , on est en peine
de sçavoir à qui les attribuer, Il à soin de marquer les meilleures Editions qui
ca ont été faites de son temps ; il y mêle
des
952 MERCURE DE FRANCE
des Anecdotes qui servent à faire connoî
tre le caractere de chaque Auteur , et
l'occasion qui a fait naître son Ouvrage.
Il s'attache à recueillir tous les Eloges que
lesSçavans ont donnés à celui dont il parle.
Quelquefois il assaisonne ses Remarques
Historiques de quelques traits de Criti
que , par lesquels il releve des fautes
mais il le fait toujours avec une moderation qui lui fait honneur et dont personne
ne peut lui sçavoir mauvais gré. Et ce qui
n'est pas peu rare , et qui devroit servir
de modele aux Ecrivains de Religion differente , M. Colomiés , quoique né et
mort Protestant , en donnant aux Sçavans
de son parti les louanges qu'ils méritent
n'a pas frustré les Catholiques de celles qui
leur étoient dûës. Les Auteurs de la Bibliotheque Raisonnée , imprimée à Amsterdam , et ceux de la Bibliotheque Germanique , pourront-ils rendre compte de
celle- cy au Public sans y reconnoître la
condamnation de leur partialité ? M. Colomiés a fait plus , car il a composé la vie
de l'illustre P. Sirmond , Jesuite ; il a
même poussé son impartialité jusqu'à
donner des éloges à ceux d'entre les Protestans qui s'étoient de son temps soumis
à l'Eglise Romaine, il en donne une es
pece de Catalogue dans un des articles de
sa
M A Y. 17320 953
sa Bibliotheque choisie , pag. 191. et 192.
Entre tant d'articles , tous plus interessans les uns que les autres , dont cette
Bibliotheque est composée ; nous n'en
cho sirons que deux. Le premier peut faire connoître que M. Colomiés étoit en
état de hazarder des conjectures aussi justes que celles des Turnebes , des Lipses ,
des Scaliger , &c. C'est à la page 124.
l'Auteur y parte d'un Ouvrage intitulé :
Ezech. Spanhemii Dissertationes de prastantia et usu numismatum. Amstel. 1671.
in 4. deux volumes.
Il n'est jamais sorti de la Presse des Imprimeurs , dit M. Colamiés , un si docte Livre que celui - cy touchant les Médailles. Feu M. Seguin en avoit loüé l'ébauche dès l'an 1665. dans ses Médailles
choisies ; aujourd'hui tous les Antiquaires font , comme à l'envi , l'éloge de cette
seconde Edition , qui est beaucoup plus
ample que celle de Rome. Il y a un seul
endroit qui me fait de la peine ; c'est à la
page 385. où ce sçavant homme prétend
que Scaliger s'est trompé , assurant sur
la foi d'une Médaille de Cléopatre , que
cette Reine fut surnommée en Egyptien
Daravow Tespa. Que dira M. Spanheim de
la Médaille de Cléopatre , dont parle Antoine le Pois , qui avoit pour Inscription
BA-
954 MERCURE DE FRANCE
ΒΑΣΙΛΙΣΣΗΣ ΚΛΗΟΠΑΤΡΑΣ ΩΣΣΑΝ
ENTHPAZ , que ce même Le Pois interprete , Regina Cleopatra omnium (sive uni
versi ) Servatricis Soutiendra - t'il aussi
que Le Pois s'est trompé ? Pour moi , j'in.
clinerois volontiers à croire qu'OZEAN
seroit un mot Egyptien , signifiant Tout
ou l'Univers , me souvenant d'avoir lû
dans le Traité de Plutarque d'Isis et d'Osiris, qu'o en Egyptien , vouloit dire
plusieurs d'où j'infere qu'OZZAN pourroit
biendans la même LanguesignifierTout.Je
m'en rapporte pourtant à M" Spanheim,
Carcavi , Patin , Spon , dont les décisions
me seront toûjours des Loix. Depuis la
premiere Edition de cet Ouvrage sur une
Médaille de Marc- Antoine et de Cléopatre, rapportée par M. Spanheim , dans
son Commentaire sur les Cesars de l'Empereur Julien, je conjecture qu'il faut lire,
dans celle de Le Poix , ΒΑΣΙΛΙΣΣΗΣ
ΚΑΜΟΠΑΤΡΑΣ ΘΗΑΣ ΝΕΩΤΕΡΑΣ.
Le reste de cet Article est une énumération des Ouvrages de M. Spanheim ; le
même Auteur le croit Auteur d'une Lettre anonime écrite à un ami , sur l'Histoire Critique du vieux Testament du
P. Simon.
Lesecond article est à la page 196. il
sontient des Anecdotes curieuses. Le voicy.
MAY.
•
&
1732.
cy.
Desiderii Erasmi Colloquia , cum notis 955
Arnoldi Montani,
Amstelodami , 1658. in
12.
Bien que l'on ait fait à diverses fois des Notes sur les Entretiens d'Erasme
c'est encore M. Colomiés qui parle , il
reste pourtant des endroits que l'on n'a
pas encore éclaircis. Par exemple , quand
Erasme parle sur la fin de l'Entretien qui
a pour titre Abbatis et Erudita , de quelques femmes sçavantes de l'Angleterre
et de l'Allemagne , qu'il nomme Moricas ,
Bilibaldicas et Blaurericas , personne ne nous a dit bien distinctement qui
elles étoient. Il faut donc sçavoir que
Morica sont les filles de Thomas Morus,
Chancelier d'Angleterre ,
Marguerite ,
Elizabeth et Cecile.
Marguerite entre les
autres étoit fort heureuse à corriger les
Auteurs. Jean Costerius dans ses Notes
sur Vincent de Lerins , rapporte d'elle
une correction d'un passage de S.Cyprien
qui ne cede point , à mon avis , à celles
des Scaligers , des Tunerbes et des Saumaises. B.libal lica sont les sœurs de Bilibaldus Pirck. ymerus , Conseiller de l'Empereur, dont l'une se nommoit Charité
et l'autre Claire , toutes deux Religieuses.
Ce Pirckeymerus , de qui le sçavant et
pieux Rittershusius a écrit la Vie , dédie
956 MERCURE DE FRANCE
sa sœur Charité la Traduction d'un
Traité de Plutarque , et ses œuvres de
S. Fulgence ; et à Claire son autre sœur
la Traduction des Sentences de Nilus Evêque et Martyr. Voici comme il parle de
ses deux sœurs dans une Lettre à Erasme
écrite de Nuremberg le 20. Mars 1516.
Salutant te gemina mea sorores , Abbatissa
S. Clare una ( c'est Charité qui étoit l'aînée ) altera ejusd. Regula Sectatrix , qua
assiduè tua scripta manibus retinent; maximè veròjam novo ablectanturTestamento :
quo mirè afficiuntur mulieres , multis viris
qui sibi scioli videntur , doctiores. Scribe-.
rent ad te latinè nisi indignas suas existimarent Litteras. Il y a plusieurs Lettres
de Charité dans les Oeuvres de Pirckeymerus, recueillies et publiées par Goldart.
Pour Blaurerice, je crois qu'Erasme entend
par là Marguerite Blaurer , dont Bullinger
fait l'éloge à la page 339. de son Commentaire sur les Epitres. Rodolphe Gualter
Théologien de Zurich, a fait des Vers Lagins sur sa mort , qu'il adresse à Ambroise
et à Thomas Blaurer ses freres. On ne nous
a point dit non-plus qui étoit ce Cephalus,
wir trium linguarum gnarus , dont Erasme
parle dans l'Entretien de Piscium esu. Ce
Cephalus est Wolphgang Fabrice Lapito,
Théologien de Strasbourg , qui mourut
Pan
MAY. 1732. 957
l'an 1541. et qui a fait plusieurs Livres.
Les Entretiens d'Erasme ont été fort bien
traduits en Italien par Pietro Lauro de
Modéne , qui a aussi traduit Joseph; mais
ils ont été mal tournez en notre Langue
par un nommé Chapuzeau. Touchant ces
Entretiens voici ce qu'écrit Clenard à un
Evêque nommé Jean Petit de Fez le 4.
Decembre 1540. Scripsit modo ad me Bominus Marchio Granatensis Colloquia Erasmi ignibus destinata esse ; periclitari etiam
vivum. Quid mefuturum censes ubi nomen
Aiccrani audiverint. Finissons par ce joli
distique de Louis Mosius sur la mort d'Erasme.
Fatalis series nobis invidit Erasmum ;
Sed Desiderium tollere non potuit.
Nous finirons le compte que nous rendons au Public de cet Ouvrage , par donner une idée de la vie de notre Auteur.
Paul Colomiés naquit à la Rochelle en
1638. de parens élevez dans la Religion
Protestante. Il étoit fils d'un Docteur en
Medecine , et petit-fils d'un Ministre.
Jean Colomies son pere , qui étoit sçavant , lui fit faire ses prémieres études
sous ses yeux , et l'envoya ensuite à Saumur, âgé de 16. ans , où le jeune homme
Fij fit
MERCURE
DE FRANCE
fit son cours de Philosophie et de Théologie et apprit l'Hebreu sous Louis Cappel. En 1664. il vint à Paris , âgé alors
de 26. ans. Il y lia avec Isaac Vossius une
amitié très-étroite qui dura toute sa vie.
Vossius l'emmena avec lui en Hollande,
d'où Colomiés revint en France un an
après. Il y demeura jusqu'en 1681. qu'il
passa en Angleterre où Vossius le reçut encore chez lui. Là il fut fait Lecteur
d'une Eglise Françoise qu'on y érigea ,
selon le Rit des Episcopaux , pour le
parti desquels il inclinoit depuis quelque temps, comme il le fit assez entendre
dans un Ouvrage intitulé , Theologorum Presbyterianorum Icon , qui lui attira bien
des ennemis.
-Deux ans après Colomiés quitta Londres pour aller à Lambeth , en qualité
de Bibliothecaire de l'Archevêque de
Cantorbery Guillaume Sancrost. Ĉe Prélat ayant été disgracié de la Cour d'Angleterre et dépouillé de son Temporel,
Colomiés perdit son emploi et en conçut
un tel chagrin qu'il en tomba dabord
malade, et ensuite dans une langueur
qui le conduisit enfin à la mort , ce fur
à Londres , âgé seulement de 54. ans en
1692 , dans le temps même qu'on parloit
delui faire avoir la Direction de la belle
Bibliotheque
MAY. 1732 95%
Bibliotheque de Gottorp , qui est dans le
Palais d'Holstein ; ses Livres et ses Manuscrits passerent entre les mains de son
cousin germain et son heritier M. Ha
melot.
Les deux Pieces de Colòmiés , qui sont
ajoûtées dans cette derniere Edition de sa
Bibliotheque choisie, sont la Vie du P. Sitmond, Jesuite , imprimée à la Rochelle
en 1671. petit in 8. et l'Exhortation aux
Martyrs , traduite de Tertullien , imprimée à la Rochelle en 1673. petit in 8.
Ilya à la fin de cette Edition , des Notes de M. de là Monnoye , sur plusieurs
autres Ouvrages de Colomiés ; et enfin
une Table des Auteurs dont il est parlé
dans cette Bibliothèque choisie.
lomiés. Nouvelle Edition , augmentée des
Notes de M M. Bourdelot et de la Monnoye et autres , avec quelques Opuscules
du même Colomiés , qui n'avoient point
été recueillis. Vol. in 12. de 376. pages
sans la Préface et les Tables. A Paris
chez Gabriel Martin , ruë S. Jacques
P'Etoile , 1731.
On peut juger du mérite de cet Ouvrage par les Editions qui en ont été faites. La premiere fut publiée à la Rochelle
en 1682. in 8. La deuxieme à Amsterdam en 1750. in 8. Dans cette Edition
M. Colomiés retrancha quelques traits
qui se trouvoient dans la premiere , et
y insera quelques Additions , comme il
nous l'apprend lui-même dans l'Avertissement
MAY. 17328 958
sement qu'il met à la tête. La troisiéme
fut publiée à Hambourg, réunie avec les
autres Ouvrages du même Auteur , dont
M. Fabricius donna la collection en 1709.
Dans celle- cy on a suivi la seconde Edition donnée par l'Auteur , comme avoit
fait M. Fabricius ; on y a même ajoûté
aubas des pages plusieurs traits queM.Colomiés avoir retranchez de la premiere
Edition : Elle est encore enrichie des Notes que Pierre Bonet Bourdelot , avoit faites sur cette Biblio.heque et de celles que
M. de la Monnoye y ajoûta depuis.
Cette Bibliotheque ne renferme pas le
détail de toute sorte de Livres; M. Colomiés n'a eu en vûë dans cet Ouvrage
que quelques- uns de ceux qui regardent
les Belles Lettres ou qui ont fait et font
encore les délices des Sçavans ; c'est ce
qu'il dit lui-même dans l'Avertissement
dont nous avons parlé plus haut. Il ne
rend compte qued'une centaine de Livres.
Son but principal , est de nous en faire connoître les vrais Auteurs , lorsqu'ils se
sont déguisez sous des noms étrangers ,
ou que faute d'avoir mis leur nom à la
tête de leurs Ouvrages , on est en peine
de sçavoir à qui les attribuer, Il à soin de marquer les meilleures Editions qui
ca ont été faites de son temps ; il y mêle
des
952 MERCURE DE FRANCE
des Anecdotes qui servent à faire connoî
tre le caractere de chaque Auteur , et
l'occasion qui a fait naître son Ouvrage.
Il s'attache à recueillir tous les Eloges que
lesSçavans ont donnés à celui dont il parle.
Quelquefois il assaisonne ses Remarques
Historiques de quelques traits de Criti
que , par lesquels il releve des fautes
mais il le fait toujours avec une moderation qui lui fait honneur et dont personne
ne peut lui sçavoir mauvais gré. Et ce qui
n'est pas peu rare , et qui devroit servir
de modele aux Ecrivains de Religion differente , M. Colomiés , quoique né et
mort Protestant , en donnant aux Sçavans
de son parti les louanges qu'ils méritent
n'a pas frustré les Catholiques de celles qui
leur étoient dûës. Les Auteurs de la Bibliotheque Raisonnée , imprimée à Amsterdam , et ceux de la Bibliotheque Germanique , pourront-ils rendre compte de
celle- cy au Public sans y reconnoître la
condamnation de leur partialité ? M. Colomiés a fait plus , car il a composé la vie
de l'illustre P. Sirmond , Jesuite ; il a
même poussé son impartialité jusqu'à
donner des éloges à ceux d'entre les Protestans qui s'étoient de son temps soumis
à l'Eglise Romaine, il en donne une es
pece de Catalogue dans un des articles de
sa
M A Y. 17320 953
sa Bibliotheque choisie , pag. 191. et 192.
Entre tant d'articles , tous plus interessans les uns que les autres , dont cette
Bibliotheque est composée ; nous n'en
cho sirons que deux. Le premier peut faire connoître que M. Colomiés étoit en
état de hazarder des conjectures aussi justes que celles des Turnebes , des Lipses ,
des Scaliger , &c. C'est à la page 124.
l'Auteur y parte d'un Ouvrage intitulé :
Ezech. Spanhemii Dissertationes de prastantia et usu numismatum. Amstel. 1671.
in 4. deux volumes.
Il n'est jamais sorti de la Presse des Imprimeurs , dit M. Colamiés , un si docte Livre que celui - cy touchant les Médailles. Feu M. Seguin en avoit loüé l'ébauche dès l'an 1665. dans ses Médailles
choisies ; aujourd'hui tous les Antiquaires font , comme à l'envi , l'éloge de cette
seconde Edition , qui est beaucoup plus
ample que celle de Rome. Il y a un seul
endroit qui me fait de la peine ; c'est à la
page 385. où ce sçavant homme prétend
que Scaliger s'est trompé , assurant sur
la foi d'une Médaille de Cléopatre , que
cette Reine fut surnommée en Egyptien
Daravow Tespa. Que dira M. Spanheim de
la Médaille de Cléopatre , dont parle Antoine le Pois , qui avoit pour Inscription
BA-
954 MERCURE DE FRANCE
ΒΑΣΙΛΙΣΣΗΣ ΚΛΗΟΠΑΤΡΑΣ ΩΣΣΑΝ
ENTHPAZ , que ce même Le Pois interprete , Regina Cleopatra omnium (sive uni
versi ) Servatricis Soutiendra - t'il aussi
que Le Pois s'est trompé ? Pour moi , j'in.
clinerois volontiers à croire qu'OZEAN
seroit un mot Egyptien , signifiant Tout
ou l'Univers , me souvenant d'avoir lû
dans le Traité de Plutarque d'Isis et d'Osiris, qu'o en Egyptien , vouloit dire
plusieurs d'où j'infere qu'OZZAN pourroit
biendans la même LanguesignifierTout.Je
m'en rapporte pourtant à M" Spanheim,
Carcavi , Patin , Spon , dont les décisions
me seront toûjours des Loix. Depuis la
premiere Edition de cet Ouvrage sur une
Médaille de Marc- Antoine et de Cléopatre, rapportée par M. Spanheim , dans
son Commentaire sur les Cesars de l'Empereur Julien, je conjecture qu'il faut lire,
dans celle de Le Poix , ΒΑΣΙΛΙΣΣΗΣ
ΚΑΜΟΠΑΤΡΑΣ ΘΗΑΣ ΝΕΩΤΕΡΑΣ.
Le reste de cet Article est une énumération des Ouvrages de M. Spanheim ; le
même Auteur le croit Auteur d'une Lettre anonime écrite à un ami , sur l'Histoire Critique du vieux Testament du
P. Simon.
Lesecond article est à la page 196. il
sontient des Anecdotes curieuses. Le voicy.
MAY.
•
&
1732.
cy.
Desiderii Erasmi Colloquia , cum notis 955
Arnoldi Montani,
Amstelodami , 1658. in
12.
Bien que l'on ait fait à diverses fois des Notes sur les Entretiens d'Erasme
c'est encore M. Colomiés qui parle , il
reste pourtant des endroits que l'on n'a
pas encore éclaircis. Par exemple , quand
Erasme parle sur la fin de l'Entretien qui
a pour titre Abbatis et Erudita , de quelques femmes sçavantes de l'Angleterre
et de l'Allemagne , qu'il nomme Moricas ,
Bilibaldicas et Blaurericas , personne ne nous a dit bien distinctement qui
elles étoient. Il faut donc sçavoir que
Morica sont les filles de Thomas Morus,
Chancelier d'Angleterre ,
Marguerite ,
Elizabeth et Cecile.
Marguerite entre les
autres étoit fort heureuse à corriger les
Auteurs. Jean Costerius dans ses Notes
sur Vincent de Lerins , rapporte d'elle
une correction d'un passage de S.Cyprien
qui ne cede point , à mon avis , à celles
des Scaligers , des Tunerbes et des Saumaises. B.libal lica sont les sœurs de Bilibaldus Pirck. ymerus , Conseiller de l'Empereur, dont l'une se nommoit Charité
et l'autre Claire , toutes deux Religieuses.
Ce Pirckeymerus , de qui le sçavant et
pieux Rittershusius a écrit la Vie , dédie
956 MERCURE DE FRANCE
sa sœur Charité la Traduction d'un
Traité de Plutarque , et ses œuvres de
S. Fulgence ; et à Claire son autre sœur
la Traduction des Sentences de Nilus Evêque et Martyr. Voici comme il parle de
ses deux sœurs dans une Lettre à Erasme
écrite de Nuremberg le 20. Mars 1516.
Salutant te gemina mea sorores , Abbatissa
S. Clare una ( c'est Charité qui étoit l'aînée ) altera ejusd. Regula Sectatrix , qua
assiduè tua scripta manibus retinent; maximè veròjam novo ablectanturTestamento :
quo mirè afficiuntur mulieres , multis viris
qui sibi scioli videntur , doctiores. Scribe-.
rent ad te latinè nisi indignas suas existimarent Litteras. Il y a plusieurs Lettres
de Charité dans les Oeuvres de Pirckeymerus, recueillies et publiées par Goldart.
Pour Blaurerice, je crois qu'Erasme entend
par là Marguerite Blaurer , dont Bullinger
fait l'éloge à la page 339. de son Commentaire sur les Epitres. Rodolphe Gualter
Théologien de Zurich, a fait des Vers Lagins sur sa mort , qu'il adresse à Ambroise
et à Thomas Blaurer ses freres. On ne nous
a point dit non-plus qui étoit ce Cephalus,
wir trium linguarum gnarus , dont Erasme
parle dans l'Entretien de Piscium esu. Ce
Cephalus est Wolphgang Fabrice Lapito,
Théologien de Strasbourg , qui mourut
Pan
MAY. 1732. 957
l'an 1541. et qui a fait plusieurs Livres.
Les Entretiens d'Erasme ont été fort bien
traduits en Italien par Pietro Lauro de
Modéne , qui a aussi traduit Joseph; mais
ils ont été mal tournez en notre Langue
par un nommé Chapuzeau. Touchant ces
Entretiens voici ce qu'écrit Clenard à un
Evêque nommé Jean Petit de Fez le 4.
Decembre 1540. Scripsit modo ad me Bominus Marchio Granatensis Colloquia Erasmi ignibus destinata esse ; periclitari etiam
vivum. Quid mefuturum censes ubi nomen
Aiccrani audiverint. Finissons par ce joli
distique de Louis Mosius sur la mort d'Erasme.
Fatalis series nobis invidit Erasmum ;
Sed Desiderium tollere non potuit.
Nous finirons le compte que nous rendons au Public de cet Ouvrage , par donner une idée de la vie de notre Auteur.
Paul Colomiés naquit à la Rochelle en
1638. de parens élevez dans la Religion
Protestante. Il étoit fils d'un Docteur en
Medecine , et petit-fils d'un Ministre.
Jean Colomies son pere , qui étoit sçavant , lui fit faire ses prémieres études
sous ses yeux , et l'envoya ensuite à Saumur, âgé de 16. ans , où le jeune homme
Fij fit
MERCURE
DE FRANCE
fit son cours de Philosophie et de Théologie et apprit l'Hebreu sous Louis Cappel. En 1664. il vint à Paris , âgé alors
de 26. ans. Il y lia avec Isaac Vossius une
amitié très-étroite qui dura toute sa vie.
Vossius l'emmena avec lui en Hollande,
d'où Colomiés revint en France un an
après. Il y demeura jusqu'en 1681. qu'il
passa en Angleterre où Vossius le reçut encore chez lui. Là il fut fait Lecteur
d'une Eglise Françoise qu'on y érigea ,
selon le Rit des Episcopaux , pour le
parti desquels il inclinoit depuis quelque temps, comme il le fit assez entendre
dans un Ouvrage intitulé , Theologorum Presbyterianorum Icon , qui lui attira bien
des ennemis.
-Deux ans après Colomiés quitta Londres pour aller à Lambeth , en qualité
de Bibliothecaire de l'Archevêque de
Cantorbery Guillaume Sancrost. Ĉe Prélat ayant été disgracié de la Cour d'Angleterre et dépouillé de son Temporel,
Colomiés perdit son emploi et en conçut
un tel chagrin qu'il en tomba dabord
malade, et ensuite dans une langueur
qui le conduisit enfin à la mort , ce fur
à Londres , âgé seulement de 54. ans en
1692 , dans le temps même qu'on parloit
delui faire avoir la Direction de la belle
Bibliotheque
MAY. 1732 95%
Bibliotheque de Gottorp , qui est dans le
Palais d'Holstein ; ses Livres et ses Manuscrits passerent entre les mains de son
cousin germain et son heritier M. Ha
melot.
Les deux Pieces de Colòmiés , qui sont
ajoûtées dans cette derniere Edition de sa
Bibliotheque choisie, sont la Vie du P. Sitmond, Jesuite , imprimée à la Rochelle
en 1671. petit in 8. et l'Exhortation aux
Martyrs , traduite de Tertullien , imprimée à la Rochelle en 1673. petit in 8.
Ilya à la fin de cette Edition , des Notes de M. de là Monnoye , sur plusieurs
autres Ouvrages de Colomiés ; et enfin
une Table des Auteurs dont il est parlé
dans cette Bibliothèque choisie.
Fermer
Résumé : Bibliotheque choisie de Colomiés, [titre d'après la table]
Le texte présente la 'Bibliothèque choisie' de Paul Colomiés, une œuvre enrichie des notes de Bourdelot et de la Monnoye, ainsi que de quelques opuscules de Colomiés. Cette édition, publiée en 1731 à Paris chez Gabriel Martin, compte 376 pages sans la préface et les tables. L'ouvrage a connu plusieurs éditions : la première à La Rochelle en 1682, la deuxième à Amsterdam en 1750, et la troisième à Hambourg en 1709, réunie avec d'autres œuvres de Colomiés par Fabricius. La 'Bibliothèque choisie' ne couvre pas tous les livres, mais se concentre sur ceux relatifs aux Belles Lettres et aux délices des savants. Colomiés y identifie les vrais auteurs de certains ouvrages, marque les meilleures éditions de son temps, et inclut des anecdotes sur les auteurs et les circonstances de publication de leurs œuvres. Il rend également hommage aux savants, qu'ils soient protestants ou catholiques, et critique avec modération les erreurs qu'il relève. L'ouvrage contient des articles notables, comme celui sur les 'Dissertationes de præstantia et usu numismatum' d'Ezechiel Spanheim, et un autre sur les 'Colloquia' d'Érasme. Colomiés y partage des conjectures sur des médailles antiques et des anecdotes sur des femmes savantes. Paul Colomiés, né en 1638 à La Rochelle dans une famille protestante, a étudié à Saumur et à Paris. Il a entretenu une amitié avec Isaac Vossius et a travaillé comme lecteur et bibliothécaire en Angleterre. Il est décédé à Londres en 1692 à l'âge de 54 ans. Cette édition inclut également la vie du Père Sirmond et une traduction de Tertullien.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer