AVERTISSEMENT
du Livre qui a pour titre
La nouvelleAstrée.
Une Dame que la naissance & les biens de la fortune rendent moins recommandable que les qualitez personnelles, m'a donné sans y
penser, la premiere idée de ce petit ouvrage. Elle avoit oiiy dire qLi"-
une jeune personne,qui
veut avoir de l'esprit doit
lire & relire le Roman d'Aftrée ;,& cependant, malgré
sa préventionellen'avok
jamais pu aller jusqu'à la
findu premier volume. Les
Episodes continuels, l'affectation d'une vaine science dont elle ne s'imaginoit
pas avoir grand besoin,
l'estalage de la doctrine
profonde des anciens Druides, les Poësies frequen es1
ôc froides,tout cela l'avoit
assez rebutée pour ne pas
continuer une lecture qu'-
elle trouvoit ennuyeuse;
mais en mesme temps la
deffiance de coy-mesme qui'
accompagne d'ordinaire les
bons esprits,.luy faisoit croi-
reque l'approbation du public devoit prévaloir à son
sentiment particu lier, &
que l'ouvrage ne laissoit pas
d'être fort bon quoyqu'il ne
seust pas divertie. Elle me
fit l'honneur de m'en parler en ce fens- là,&je ne
fus pas de l'avis de sa modestie, persuadée que tout
ce qui lui avoir déplû dans
Astrée, devoit luy déplaire.
Je luy propose d'en oster
tous les deffauts qu'elle
avoic sentis par un bon
goust naturel
,
d'en faire un
petit Ouvrage de galante-1
rie champestre, d'en adoucir certains endroits un peu
libres, que la pudeur scrupuleuse de nostre siecle ne
sçauroit souffrir dans les Livres, de le purger de Theologie,dePolitique, de Mcdecine
,
de Poësie
;
d'en
esloigner rous les personnages inutiles
,
de n'y jamais perdre de veuë Astrée
& Celadon, & d'éviterpar
là l'écuëil de tous leslongs
Romans, où le Heros &
l'Heroïne ne passent sur la
scene que rarement;ce qui
empesche qu'onne s'affec-
tionneàla suite derleurs
avantures ;
leurs amis
,
&
leurs amies
,
qu'on n'aime
pas tant qu'eux;tenant ordinairement lestrois quarts
du Livre. Il a
fallu de plus
changer de stile,quoyqu'il
eust beaucoupde forcedans
l'original. Cent ans dans
une langue vivante, mettent tout hors de mode.J'ay
pourtant conservé certains
traits qu'on remarquera al:
fez aux mots antiques, &
encore mieux à la beauté
des sentimens. Un homme
de la condition de Monsieur
d'Ursé, ne pouvoir en avoir
que de fort nobles & de
forteslevez.
Voila, mon cher Lecteur, ce qui a
fait naistre la
petite histoire d'Astrée ôc
de Celadon. L'accuëil favorable que vous avez fait
à quelques bagatelles qui
me sont échappez, m'a enhardie à vousfairecepetit
present
;
il ne tiendra qu'à
vous devousenattirerbientost un autre