Le jeune Dorilas plussage
& plus arangé à vingt-cinq
ans,qu'un autre ne l'est à cinquante
,
perdit ily a un anson
pere &sa mere ,
dont lasuccession
,
jointe à celle d'uneparente
,
l'a rendu riche à peu
prés de douze mille livres de
rente;iln'apas pourcela hausséson
train, au contraire il a
vêcu encore plus modestement,
cm cet oeconomie publiée dans
Paris, lui a bientôt procuré
unmariageconsiderable;la veuve
d'unriche Gentilhomme
,
mort depuis quelques années.
avoit deuxfort aimablesfilles,
élevées dans une pieté exemplaire.
La modestie, la pieté&
l'oeconomie du jeune Dorilas
parvinrentjusqu'àsesoreilles,
elle crut ne pouvoir faire un
meilleur choixpoursa fille aînée
; elle conduit les choses
avec tant de prudence que le
jeune Dorilas fut bientôt accordé
avec la Damoiselle
, au
gran d contentement de la mere
qui ne consulta safamille&
les amis que pour leur dire
qu'elle vouloit absolument ce
mariage; la Damoiselle en fille
obeissante
,
modeste
9 & qui
n'ajamais regardé un homme
en face, trouve Dorilas fort
aimable ,parce quesamere l'assure
qu'ils'est,ellel'épouse &
passe dix jours avec lui dans
une union admirable;mais ce
qui est encore plus étonnant, u"au bout de ce temps,&
sans qu'onenpuissepenetrer les
raisons, il a tout d'uncoup disparu;
safemme en sur fortin.
quiette dés le premierjour, le
lendemainson inquietude redoubla
, & le troisiéme jour
elle estoit dans la demiere affliction
, lorsqu'un inconnu lui
rendit un pacquet ,
dont le
dessus estoit de la main de son
mary ; elle en futsi troublée
qu'elle nes'aperceut pas que le
Porteur de cette Lettre disparutdanslemomentsans
qu'elle
put luifaire aucune quetion
, elle ouvre précipitament l'enveloppe
; mais au lieu d'une
lettre qu'elley croit trouver, il
ne s'y rencontre qu'une Procuration
generalefousseing privé
, pour recevoir tous leurs
biens,les transporter, cedder,échanget,
vendre,en un motpour
en faire toutce qu'ellejugera
à propos, &ce ,
pendant l'espace
de 10ansseulement. Voilà
une femme bien étourdie
elle envoye au plus visse chercher
sa mere, à qui jusqu'alors
elle avoit caché son malheur
,
£7* qui en veritable devote ne
s'effraya point de cette nouvelle.
Mafille,lui dit-elle,avec dOU4
ceur ,
c'est une afflictionque
le Ciel vous envoye, & que
vous devez recevoit avecsoumission
; ce qui doit vous consoler,
c'est que vous estesjustifiée
dans le Public
,
&qu'il
paroist que vostre mary nes'est
point éloigné par aucun mécontentement
qu'il ait receu de
vous, puisqu'ilvous addresse
cette procuration comme une
marque de confiance qu'il a en
vostre sagesse ;il est honneste
homme , il faut sans doute
qu'ilait eû des raisons qui vous
funt inconnues, &lorsqu'elles
serontetcessées ,vous trouverez
en lui un mary tendre & fidele;
cesraisons tant bonnesque
mauvaises raffermirent un peu
l'esprit de la jeune mariée; ily
a déja unmois qu'ellevit dans
cette cruelle esperance,fort retirée
du monde, que comme une
autre Penelope
,
elle attend que
ces longuesannéessoient expirees.,