Le Mercure de France et l’institution littéraire

Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg / Marc-Olivier Schatz

Un projet de recherche sur la presse littéraire du long dix-huitième siècle

Composition et diffusion du Mercure galant et du Mercure de France (1672-1820)

Le projet en quelques mots

L’histoire du Mercure galant et du Mercure de France (1672-1820) traverse un siècle et demi de journalisme littéraire, artistique, scientifique et politique. Changeant plusieurs fois de titre, de périodicité et de formule éditoriale, le Mercure n’en conserve pas moins plusieurs caractéristiques marquées : la diversité des contenus, la publication de pièces fugitives composées par des lecteurs, un relai médiatique du gouvernement et une large diffusion en province. Aussi constitue-t-il une source de premier ordre pour de nombreux historiens de l’Ancien Régime, de la Révolution, du Consulat, du Premier Empire et de la Restauration. Toutefois, cette source reste difficile d’accès, parce que notre compréhension de l’entreprise éditoriale s’avère inégale, selon les époques considérées, et parce qu’il n’existe pas encore de dispositif informatique performant pour naviguer dans les quelque 3500 livraisons du périodique. Soutenu par le Fonds national suisse de la recherche et lancé en 2024, le projet collectif « Le Mercure de France et l’institution littéraire » suit trois axes : la constitution collective d’une base de données en ligne des contenus du périodique, une réflexion sur le principe de variété qui préside aux choix éditoriaux des journalistes et l’étude sociologique du lectorat.

Axes

Bureau du Mercure
Base de données « Bureau du Mercure »

Actuellement en développement, la base de données en ligne des textes, illustrations et auteurs du Mercure offre plusieurs options de recherche et de navigation. Elle documente chaque contenu journalistique et met les textes en relation pour restituer les échanges entre les contributeurs. Elle fournit des outils pour étudier la ligne éditoriale du Mercure. Elle rend compte de la réception des ouvrages commentés et permet la constitution de corpus d’écrits journalistiques en fonction de différents paramètres : mots clefs, genre littéraire, provenance géographique des textes, genre ou activité des auteurs, etc.

Journalisme et variété
Journalisme et variété

Dès les années 1670, la composition du Mercure galant suit un principe de variété, condition d’une lecture agréable et conforme aux attentes du public galant. Ce principe est réaffirmé avec force dans le Mercure de France qui, en 1755, emprunte à La Fontaine son épigraphe : « Diversité, c’est ma devise ». Diversité et variété restent toutefois des notions évolutives et complexes, souvent fuyantes, qui recèlent des enjeux esthétiques, économiques, épistémologiques et culturels. Appliquées à un recueil périodique comme le Mercure, elles se situent au cœur d’une poétique du support journalistique et enrichissent notre compréhension des relations entre journalisme et littérature.

Lectorat
Lectorat

Étant en partie composé par ses propres lecteurs, le Mercure de France regorge d’informations sur son public. De nombreux lecteurs-contributeurs laissent des informations sur leur genre, leur activité et leur lieu de résidence dans les titres ou les signatures des textes. À partir d’un tel corpus, il est possible d’étudier la diffusion du périodique en France et à l’étranger, dans la capitale et les provinces, et au sein de différentes catégories socioprofessionnelles. Hommes et femmes, nobles et bourgeois, militaires et ecclésiastiques s’intéressent-ils aux mêmes rubriques ? L’accès par abonnement, qui se développe dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, infléchit-il les pratiques de lecture ou les modalités d’intervention dans le périodique ?

Événements

Intervention : « Bienvenue au Bureau du Mercure »

7 mars 2025 – Séminaire en ligne « La critique dramatique dans la presse du XVIIIe siècle »

Présentation du projet par Ghazi Eljorf, Léa Kipfmüller et Timothée Léchot.

Colloque : « Dufresny 2024 »

22-23 novembre 2024 – Paris, Sorbonne Nouvelle et Institut d’études avancées, programme.

Communications « Les règles du désordre ou la composition du Mercure galant (1710-1714) selon Charles Dufresny » (Léa Kipfmüller, Timothée Léchot) et « Le lecteur à l’honneur : fonctions et représentations du public au sein du Mercure galant (1710-1714) de Dufresny » (Anouk Delpedro, Ghazi Eljorf).

Citation d'avril 2025

« Le bal ne fut interrompu que par un ambigu servi avec une profusion & une délicatesse qui ne laissoient rien à désirer. Nous y fûmes d’une folie…… Les Dames de Brest surtout étoient d’une gaieté charmante, & bien faites pour en inspirer, bien dignes aussi de la fête que nous célébrions. Elles n’aiment pas le Roi, elles en sont amoureuses. Nous y aurions passé la nuit, si les instrumens ne nous eussent rappellé dans la salle du bal, qui recommença avec encore plus de vivacité & de plaisir qu’auparavant. Je n’en suis sortie qu’au jour. »

« Lettre à Madame de ***, sur une Fête donnée à Brest », Mercure de France, novembre 1756, p. 215.
M. C.
PASTICHE DE PRESSE

Au mois de mai 1755, paraît au début de la section des pièces fugitives un article intitulé « Annonces, affiches et avis divers. Première feuille périodique. » Ce texte est un pastiche des Annonces, affiches et avis divers de Paris, bihebdomadaire puis quotidien publié entre 1751 et 1811. Le texte du Mercure reprend les principales rubriques de la feuille périodique (Bien seigneuriaux à vendre et à louer, Charges et offices à vendre, Avis divers, Demandes particulières, Spectacles, Mariages, Enterrements, Cours de changes, etc.), les vide complètement de leur substance informationnelle et référentielle et détourne leur contenu sur un ton comique. On lit par exemple dans la rubrique des « Biens en roture à vendre & à louer » : « Quelques petits particuliers proposent de troquer la fortune de leurs peres contre un grand chapeau à plumet, afin d’être des hommes de condition » (p. 11) ou encore dans les « Avis divers » : « On a découvert un mari & une femme qui s’aiment & s’estiment depuis huit ans ; on nous promet une dissertation sur ce prodige » (p. 14). L’article ne reproduit toutefois ni la mise en page ni la typographie du titre et des sous-titres des Annonces de Paris, à la différence des pastiches de presse qui se multiplieront au XIXe siècle.

L’article semble être pour la première fois publié dans le Mercure et connaît un véritable succès à en juger par ses nombreuses rééditions. Le même mois, il est en effet republié sous une forme légèrement réduite dans le numéro 10 du Nouveau cordial pour r’animer les esprits abbatus ainsi que dans la Gazette de Brunswic du 28 mai 1755. On le retrouve sous une forme davantage raccourcie dans le Journal général de France du 4 mars 1786. L’article donne également lieu à des augmentations ainsi qu’à des réécritures. Dans la Feuille hebdomadaire de la généralité de Limoges du 9 janvier 1788, l’article est augmenté d’une introduction et d’une rubrique « Nouveautés Littéraires » et dans l’Almanach des honnêtes gens de Pierre Salles publié en 1797, il est également augmenté d’une introduction et présente de nombreux passages réécrits. On connaît au moins un autre pastiche des Annonces, affiches et avis divers de Paris, au contenu bien plus licencieux, paru en 1780 dans le tome XIV de Mémoires secrets.

Mercure de France, mai 1755, p. 9-17
L. K.