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1692, 07 (Lyon)
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Texte
807156
MERCURE
GALANT
EDE
LA VILEN
DEDIE A MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN
JUILLET 169201
ج ا ت ن ل ا
A LYON ,
Chez THOMAS AMAULRY,
ruë Merciere au Mercure Galant.
M. DC. XCII.
Avee Privilege du Roy.
NEFCOVE
V TRO
ГЕ РУЛЬНІЙ
DIDE V KORDIСИЕВ
ТИЛЈА
LIVRESONOUVEAUX
-idu Moisde juillet 1692.13
Hiftoire
TIſtoire du Siege du Châ
teau de Namur avec une
Carte en taille - douce , ind.
20. f. celuy de la Ville ſe vend
auſſi pour le meme prix.
: Le Denxiéme tome des
Oeuvres de S. Evremont , inquarto
6. liv. le premier tome
fe trouve auffi pour 6. liv.
Prônes de Monfieur Joli
Eveſque d'Agen pour tous les
Dimanches de Dannée en 2. v.
indi abi
Reflexions ſur les Jugemens
-des Scavans envoyées à l'Auteur
par un Academicien, ind.
Voyage d'Europe &d'Afic
a 2
entrepris pour découvrir un
nouveau chemin à la Chine ,
avec une deſcription de la
grande Tartarie & des differens
peuples qui l'habitent, par
le pere Aubis Jeſuite ,avec des..
figures ,inq. 5. live me
Theatre Philoſophique où
on repreſente par des Dialogues
dans les Champs Elifées,
Les philoſophes Anciens &
Modernes , leurs opinions ,
leurs reparties ,leurs Sentences
& les plus remarquables actions
de leurs vies par M. Bordelot ,
Reflexions Chrêtiennes pour
la profperité des Armées du
Roy dans les mouvemens de
l'Europe 8. fols en papier broché
. Ano 1903
Lettre à M. Arnaud fur les
plaintes addreſſées à Monſei
gneur l'Evêque d'Arras & aux
R. peres Jeſuites touchant l'affaire
de Doüay avec l'avis ,
la réponſe du pere payen Jefuite
avec une remarque ſur la
4. plainte en quatre petits livres
brochez en papier 32. f.
les quatre.
Le Dictionnaire des Rimes
Nouveau par M.Richelet, ind.
45 fols.
Les Sermons de Monfieur
la Volpilliere Docteur de Sorbonne
nouvelle Edition , en 40
vol. in-octavo , 10.liv.
Les nouvelles Hiſtoriques ,
contenant Gaſton Phebus ,
Comte de Foix , la Prediction
accomplie , les deux fortunes
Imprevuës ,Zingis , Hift.Tartare
en 2. vol. ind. 2. liv .
2
TABLE
PR
elude.
Dialogue de la Sambre&laMeuse,
2
Nouvelles differentes&curieusesde
Perfe. 12
Lettre d'un Officier principal de
l'Armée du Roy , à un Gentilhom-
-me de qualité François , refugié
on Hollande
65
Divers Ouvragesen Profe& en Vers
fur la prisede Namur.
Tranſport du corps de Madame la
Princeffede Carignan à la Charneufe
de Gaillon, avec le Difcours
- prononce on le prefentani. 90
100
Agrément donnéàM. le Marquis
de la Sare pour une des Charges
TABLE.
de Lieutenant de Roy de Lan
guedoo 107
Lettre écrite de la Haye à M. te
Comte de Tourville.
Histoire.
110
117
Lettre du Prieurdu Defert des Carmes
de Namur , au Provincialdes
Carmes de Malines , 137
Festes publiques,faites à Paris pour
- la prise de Namur. 141
Letire du Baron de Mazy à un
Chanoine de Liege.17
Lettre d'un Bourgeois de Louvain và
un deses Amis àBruges.
Autres ouvrages fur la prise de
Namur.
160
164
Réjouiffances publiques , faites en
plufieurs Villesſur la prise de cette
mesme place.
Lettre de M. l'Evêque de Noyon au
Roy. 193
Lettre du Roy àM. de Noyon . 196.
Autre Article de Morts.
203
TABLE
Lowrnalde ce qui s'est passéà l'Armée
de M. de Luxembourg. 208
Nouvelles de Vienne. ,219
Retourde laſanté de Monfieur.222
Sujet du démelé de l'Electeur de
Baviere & du Princede Vaude
mont. 222
LettredAmſterdam. 224
Nouvelles d'Italie. 226
Nouvelles de Bâle. 234
Nouvelles de Mer2321
Nouvelles d' Allemagne. 233
Plansde Namur. 4 234
Articledes Enigmes. 239
L
Fin de la Table .
La Figure doit regarder la page
197
L'Airdoitregarder lapage 241
4
MERC.
MERCURE
GALANT DE
= LYON E
JUILLET 16913 *
UE vous diray-je ,
Madame ? Je ſuis
contraint de me taire
pour avoir trop à parler.
Avoir pris Namur , la plus
forte Place des Pays bas , & l'avoir
pris en un mois , c'eſt ce
qui nous paroiſtroit entierementincroyable
, fi le Roy ne
nous avoit pas accoutumez a
Juillet 1692 . A
2 MERCVRE
voir dés prodiges. Cette conquête
eſt un nouveau ſujetd'admiration
pour toute l'Europe ;
mais quoy qu'on s'en explique
par tout en des termes qui font
voir que le Heros qui l'a faite
eſt au deſſus des loüanges les
plus fortes , il ne ſuffit pas qu'un
ſi glorieux triomphe ſerved'entretien
aux hommes , il fait
auſſi l'étonnement des Divinitez
, & vous en ferez perfuadée
fi vous voulez écouter celles
qui prefident à la Meuſe & à la
Sambre.
DIALOGUE
De la Sambre & de la Meuſe,
fur la priſe de Namur.
LASAMBRE.
C'en est donc fait, ma seoeur .
GALANT.
3
LA MEUSE .
Ouy, voilà Namur pris.
Qui pouvoit empêcher qu'il nefust
laconqueste
D'un Heros parquirienn'est jamais
entrepris ,
Où la Victoire ne foit prefte
Amettre des Laurierssurson augu-
Ste teste?
LASAMBRE .
Mons , ileft vray , peut affez nous
prouver
Qu'où LOVIS se trouve en
Personne ,
Il a pour luy Mars & Bellonne.
: Deſes coups qui peurſeſauver ?
Mais on croyoit Namur une Place
imprenable.
Par combien de travaux.
Avoit- on prétendu la rendreredontable
,
Et la mettre à couvert des plusrudes
affauts ?
A2
4
MERCURE
LA MEVSE.
D'accord , mais de Loüis la valeur
invincible
Fait tout ceder àson grand coeur
Etrienne se trouve impossible
Pour luy donner par tout le titre
de Vainqueur.
LASAMBRE.
Il lefaut avouer, il n'est combat
ny Siege ,
Ou de vaincre il nefoit certain.
Le Ciel àson heureux deſtin
Semble avoir attaché ce rarepriviige.
:
LA MEVSE ,
Ses Foudres tonnent fur un ton
Qui predit toujours la victoire.
LASAMBRE
Il ne faut qu'onirſon Canon .
Aussi- cost qu'on l'entend onaſujet
de croire
Qu'on vavoiraugmenterSagloire
LAMEVSE.
Jusqu'on nevapasson grand Nom
GALANT.
5
Envain les Elemenssont quelquefois
contraires
Al'execution deſes juſtes projets.
On lesvoit à lafindevenirſes Surets
Leurs obstacles ſouvent ne fonique
desmiſteres
Pourdonnerdu reliefàses illuftres
Faits ,
Dont le bruit se répand dans les
deuxHemispheres.
LASAMBRE .
Luy-mesme, ceHeros , veut les difficultez.
Sagloire en brille davantage.
Il ſçait queses pareils y font par là
montez,
Et vien neflate tant son genereux
courage.
De son éclat ilseroit moins épris ,
S'il l'acqueroit d'autre maniere.
Deses premiers efforts , quoy que
hautaine&fiere.
N'a.t'on pas veu toujours la Gloire
eftre le prix ?
A 3
6 MERCVRE
4
LA MEVSE
Qu'il répand d'honneur fur nos
rives.
Parfes merveilleux exploits!
Helas ! qu'elles estoient chetives ,
Sans ce fameux Vainqueur,fans ce
plusgrand des Rois !
LASAMBRE .
He! quels autres Heros nous don
noient quelque gloire?
Est-ce Baviere ? Est- ce Orange ,
ou Valdec?
O Dicux ! que leur courage estsec
A leur fuite jamais a-t- on vûla
Victoire?
LA MEVSE.
Ils nefont tout au plus que de fam
meux Témoins
Des Conquestes dugrand Monarque
C'est à quoyse bornent leurs foins
Et c'est de leur valeur tout ce que
remarque.
GALANT. 7
LASAMBRE,
Mais n'admirez vous pas le lâche
L
Usurpateur ,
Plus digne Roy d'une honteuse
Ligue ,
Dont il est le Fabricateur ,
Quedes Etats qu'il doitàſa coupable
intrigue ?
LA MEVSE .
Et de quoyl'admirer , ma Soeur ?
LASAMBRE.
D'estre l'Homme le plus habille ,
Et du plus intrepide coeur ,
Lors qu'ils'agit de voir prendre une
Ville.
LA MEVSE.
Fe l'avoûray , c'estson grand Art.
Luy peut on da Lion imputer le courage
?
Un'aque l'esprit du Renard ,
Dontil ne fait qu'un criminelusage.
LA SAMBRE .
Mais , dites moy , les Alliez .
A 4
8 MERCVRE
Que dans ses interests il afi bien
liez
Sont ils contens defon manége?
Aura.t- il doncle privilege
De les tenir toujours abaitus àfes
pieds?
LA MEVSE.
Qu'enluy pensagement ils sefont
confiez!
LASAMBRE.
Voilà,fur tout,le Batave& l'Ibere
Bien étonnerà cette fois.
Vainement chacun d'eux s'agile &
delibere,
La Flandre va paſſer enfin ſous
d'autresloix.
LA MEVSE.
Ah ! qu'au plûtost celafefaſſe.
Quand nous aurons pour Maistre
ceHeros ,
Qui tous les autres efface ,
Perſonne n'aura l'audace
De troubler noftre repos.
GALANT. 9.
LASAMBRE .
Nous jouirons du bonheur de la
Seine.
Les Ieux , lesRisy regnent pleinement.
Aucun facheux évenement
N'en rend la fortune incertaine.
LA MEVSE .
Les Peuples qu'elle arroſe ont fans
ceſſe un doux fort ,
Les Ennemisn'y portent point la
querre ,
Et Louis toujours le plus fort,
Vient la foudre àlamain la porter
Sur laTerre
Des injustes laloux deſaprofperité,
Et lespunit de leur temerité.
LA SAMВКЕ.
QueSagrandeur meparoift legitime!
LA MEVSE.
Qu'il a l'air de Heros & degrand
Potental!
As
10 MERCVRE
X
LASAMBRE.
Quede majesté que d'eclat !
LA MEVSE .
Par combien de verius gagne- t-il
nostre estime !
LASAMBRE.
Que de crainte& d'amour dans less
coeurs il imprime !
LA MEVSE.
Quel Prince estfait comme Louis-
LASAMBRE.
Il estdoué d'un meritesuprême...
LA MEVSE..
Tousfes Faitsfont Faits inouis.
LASAMBRE .
Ildoit de l'Univers porter le Diadême
,
Et voir partour les Lis épanouis.
LA MEVSE.
Iefuisde vostre avis , ma Saur ; &
jeSouhaite
Que promptement chez nous ilfoise
partout le Roy..
GALANT. 11
LASAMBRE.
Nostre felicitéferoit alors parfaite
LA MEVSE.
Qu'heureux font ceux qui vivent.
Sousfatoy !
LASAMBRE.
sus ,que nos ondes fugitives..
S'allant mêler auxmaritimesflors
Faffent retentir leurs rives
Durecit des exploits de cecharmant
Heros..
LA MEVSE..
Sus, qu'en leur course elles se pré
cipitent..
On ne peut se preſſer affez dans ce
benuſoin.
Combien de Fleuves s'en acquittent
Avecplaisir& de prés &de loin!
Ce Dialogue eſt de M. Robynet
, dont le zele pour le
Roy ne manque pointd'éclater
12 MERCURE
dans toutes les occafions où il
peut donner ſes ſoins à travailler
pour ſa gloire.
cu-
Je vous ay déja fait part dans
quelques unes de mes Lettres
de pluſieurs Nouvelles
rieuſes de Perſe ; & le plaifir
que vous en avez receu
m'oblge àcontinuër ; ce que je
vais faire en vousapprenant ce
qui s'y eſt paffé depuis un an de
plus remarquable . J'ay fur tout
àvous faire le détail de la difgrace
du Kand'Hamadan , l'un
des principaux Seigneurs de
cette Cour , & les circonstances
dont elle a eſté accompagnée ,
vous feront connoiſtre combien
il eſt dangereux d'abufer
de la bonté de ſon Souverain .
Ce Kan eſtoit parvenu à un fi
haut degré de faveur , que le
Royl'avoit fait le Conneſtable
GALANT.
13
du Royaume , Sur- Intendant de
la Monnoye , & Gouverneur
de trois Provinces
د
ſçavoir
d'Hamadan , de Kembran &
de Kazeran. La grande fortune
l'ayant éblouy , il s'attira
beaucoup d'Ennemis par fes
injustices , & enfin le ſecond
Fils du défunt Atamadaulet ou
Grand Viſir , appellé Chak
Kouli , Gouverneur des Provincesde
Kermoncha , & de
Kourmaoüa , aprés avoir diffimulé
fort long temps ce qu'il
avoit à ſouffrir de ſa tyrannie ,,
vint ſe plaindre au Roy , que le
Lieutenant d'Hamadan fa
crifioit à la haine que le Connétable
ſon Maître portoit à la
memoire du Grand Vifir fon
Pere , tous ceux de fa race qui
eſtoientà Hamadan , & juftifia
l'accufation qu'il intentoit ,en
14. MERCURE
luy faiſant voir des Procés Ver.
baux , par leſquels ildemeuroit
pour conftant qu'il enavoit fait
deja maffacrer quarante des
principaux, Le Roy fit appeller
le Kan d'Hamadan , qui trop
éblouy de l'éclat du rang où il
eſtoit élevé crut qu'il ſeroit
indigne de luy de ſe juſti .
fier autrement qu'en miant le
fait.. Le Roy ne laiſſa pas d'ordonner
à fon. Vifir & au grand
Maistre de ſa Maifon , d'exa---
miner les Procés Verbaux , &
luydit en le quitant qu'il prift
bien garde à n'eſtre pas con
vaincu , parce que fa tefte &
celle de fon Lieutenant au +
roient peine à fatisfaire à tant
de ſang répandu injuſtement...
Cette menace donna lieu de
craindre pour luy à toute la
Cour , les Procés. Verbaux
GALANT. I
و
paroiffant trop autetinques
pour n'eſtre pas vrais.. Tandis,
qu'ontravailloit à cet examen ,,
leRoy reçut de nouvelles plaintes
contre luy touchant la
monnoye dont il eſtoit Sur
Intendant . Le Roy les fit encore
examiner par fon grand Vifir le
Davanbegni , & le Sur Inten--
dant de ſes Eſclaves ,& fur le:
rapport qu'ils luy firent de l'ir--
reguliere conduite du Kan
d'Hamadan le Roy l'en réprimenda
avec chaleur , mais il
ménagea fi mal lacolere de fon.
Prince , qu'au lieu de chercher
à l'adoucir il eut l'infolen
ce de luy dire ,qu'il ne sçavoit
pas quelle ſorte deRoy il eſtoit
& illa pouffa juſques à luy reprocher
la facilité qu'il avoit à
croiredes faufſfetez Cette or
gueilleuſe réponſe luy auroirs
16 MERCVRE
:

couſté la tête , ſi l'Atamadaulet
n'euſt appaiſe la colere de ce
Prince en ſe jettant à ſes
pieds pour luy demander la
grace du Kan ;mais enfin pour
achever de le perdre , Abdulla
Sultan , revint à la Cour du
Pays des Yuzbegues , où il
eſtoit priſonnier depuis deux
ans . Ce Sultan , qui eſt univerfellement
reconnu pour le plus
vaillant Seigneur de Perſe
ayant efté commandé pour
aller deffendre le Chaſteau de
Mourgab , pendantque le Kan
de Marou fon Pere , deffendroit
la Ville de Merve, contre
les incurſions des Tartares
Yuzbegues , il partit de Spahan
Capitale de Perfe , avec trois
cens chevaux , portantun ordre
du Roy à Sephi Kouli Kan ,
Beguelerbegui d'Herat , de luy
GALANT. 17
fournir autant de Troupes qu'il
luy en demanderoit. A peine
fut il arrivé à Mourgab , que
douze mille Yuzbegues parurent
ce qui l'obligea de dépeſcher
des Couriers au Beguelerbegui
!, mais celuycy
qui estoit ſon Ennemy ,
eſtant bien aiſe de le voir perir
dans uneoccaſion ſi dangereuſe
reçut ſept de fes Couriers , ſans
luy donner ny réponſe ny ſecours.
Il écrivit au Commandant
des Yuzbegues , qu'il pouvoit
avancer en aſſurance , le
priant de ne faire aucun quartier
à Abdulla , & pour mieux
aſſurer les Yuzbegues de la ré-
- ſolution où il eſtoit de leur livrer
ſa Province , il écrivit à
Span Kouli - Kan , leur Prince
pour l'exhorter à profiter de ce
temps. Illuy manda que le Roy
18 MERCVRE
de Perſe qu'il traitoit de Moulla
eſtoit en Létargie , &que
jamais il ne trouveroit une occafion
plus favorable pour reprendre
la Province de Koraſon
fur les Perſans ; à quoy il ajuta ,
qu'il pouvoit ſe tenir ſeur que
le Conneſtable & luy , empefcheroient
que l'on n'envoyaſt
des Troupes pour luy refifter.
Abdulla Sultan , voyant que le
Beguelerbegui d'Herat negligeoit
de luy fournir du ſecours
dépeſcha des Couriers au Roy ,
maisle Beguelerbegui s'en défiant
,& fcachant que les Couriersd'Abdulla
devoientrendre
ſes Lettres au Conneſtable ,
luy en dépeſcha de fon coſté ,
pour le prier de vouloir ſupprimer
toutes celles qui feroit
écrites par Abdulla. Le Conneſtable
qui eſtoit d'intel.
GALANT. 19
- ligence avec luy , retint juſques
- àvingt- ſept Couriers , ſans que
- le Roy en puſt rien ſçavoir , &
د luy
enmeſime temps il écrivit à fon
Fils , Gouverneur de Sambran
qu'il euſt àſuivre lesconſeils du
Beguelerbegui d'Herat
deffendant de faire avancer les
Troupes de fa Province pour
fecourir Abdulla , & luy envoyantune
Lettre pour le Prince
des Yuzbegues , conçue dans
les meſimes termes que celle du
Beguelerbegui. Cependant les
Tartares s'eſtant avancez vers
Mourgab , formerent le fieg.e.
Abdulla ayant perdu l'eſpérance
de recevoir du ſecours ,fortit
du Chaſtean avec trois cens
hommes , & chargeant les Yuzbgues
huit jours durant , il en
fit un grand carnage ; mais les
20 MERCURE
les Yuzbegues ayant receu un
renfort de huit mille hommes ,
l'obligerent de rentrer dans fon
Château. A peine y fut -il , que
les Habitans de Mourgab , gagnez
par le Beguelerbegui
d'Herat , en ouvrirent les portes
, & y introduiſirent les Yuzbegues.
Abdulla au deſeſpoir ,
de voir ſa Femme , ſa Sætur &
fon Fils , à la mercy des Tartares
, alla dans le lieu où étoit
ſa Femme , qu'il trouva bien
diſpoſée à le guerir de la peur
que les Yuzbegues ne luy fifſent
violence. Elle prit un poignard
de la main de fon Mary,&
en ſe le plongeant dans le
ſein , elle donna l'exemple à ſa
Soeur qui en fit autant. Abdulla
par une fureur barbare qui l'emporta
, arracha ce poignard du
GALANT . 21
-
1 corps de ſa Soeur , & en perça
le coeur de fon Fils. Alors délivré
par tous ces meurtres ,
e des malheurs qu'il avoit apprehendez
, il deſcendit du Chafteau
tout plein de rage,& fefit
- jour au travers des Yuzbegues,
- mais ne pouvant foutenir luy
. ſeul les efforts d'un ſi grand
nombre d'Ennemis , il tomba
enfin entre leurs mains , & on
le mena à Balk- Span Koulikan,
qui estoit bien informé de
ſabravoure , il le receut avec
toute forte de marques d'eſtime
, & luy offrit de luy rendre
ſa liberté , à condition qu'il
le ſeconderoit contre les Tartares
Kalmouks ; avec qui ce
Prince eſtoit en guerre. Celuycy
accepta avec plaifir une offre
qui luy estoit ſi avantageuſe
, & qui flatoit fon courage.
22 MERCVRE
Il marcha à la teſte des Yusbegues
, défit les kalmouks ,
leur enleva tous les Eſclaves
qu'ils avoient faits fur les Terresdu
Prince de Balk , & les
ramena à Span koulikan , avec
un Butin tres confiderable . Ce
Prince charmé de la valeur
d'Abdulla , luy propoſa tontes
fortes d'avantages pour le retenir
à ſon ſervice , mais le Sultant
refuſa ſes offres pour
demeurer fidelle à fon Roy, &
ſe ſervit du credit qu'il croyoit
avoir auprés de luy pour ménager
la Paix entre la Perſe &
Span Koulikan. Il y réuffit fi
bien , que non ſeulement il dépêcha
un Ambaſſadeur avec
luy versſon Maiſtre , mais qu'il
luy donna les Lettres du Conneftable
& du Beguelerbegui
d'Herat, quile convainquoient
GALANT.
23
de trahifon. Elle eſtoit d'autant
plus noire , qu'ils s'eſtoient fervisde
la conjoncture , pour décrier
Abdulla auprés du Roy ,
aprés que les Yusbegues eurent
furpris le Chaſteau de Mourgab.
Le tour odieux qu'ils ſceurent
donner l'un & l'autre à fon
malheur , attira l'indignation
de ce Monarque ſur le reſte de
ſa Famille. Ildiſgraciaſon Pere
&luy oſta les Gouvernemens
de Merve & de Marou , mais
eſtant arrivé à la Cour le 4.
Aouſt de l'année derniere, lors
qu'on l'attendoit le moins , il
n'eut pas de peine à effacer les
impreffions deſavantageuſes
que ſes Ennemis avoient fait
prendre de luy. Le Roy qui
avoit toujours conſervé beaucoup
d'eftime pour ſa valeur ,
renonça avec plaifir au repos
24 MERCVRE
4
accoutumé du midy , pour luy
accorder une audience qui dura
juſques au foir. Les Lettres
qu'il produifit ne laiſſerent
pointdouter des injuſtices qu'-
on luy avoit faites. Le Roy dépêcha
ſur l'heure trois Couriers
à Herat pour luy apporter la
teſte du Beguelerbegui , trois à
• Sembran , pour amener le Fils
du Conneſtable ; deux à Kaferan
, pour en amener auſſi le
Sous - gouverneur , & un autre
Courrier de faveur fut envoyé
pour en appeller le Kan à la
Cour , afin de le reveſtir de la
Charge de Conneſtable à la
place du Kan d'Hamadan fon
Ennemy , qui ne ſçavoit pas
que l'on commençoit déja à le
dépoüiller , pour luy impofer
un prompt fupplice. Tous ces
Courriers furent dépêchez un
peu
GALANT.
2.5
peu avant minuit , ſans la participation
du Grand Vifir , &
des autres Seigneurs de la Cour
A peine le Roy eut- il repoſé
trois heures qu'il fit dreſſer une
de ſes Salles d'audience , &
ayant fait renforcer ſa Garde
par deux cens Chatrez , qui ſe
mirent ſous les armes , il manda
le Grand Viſir , le Divan...
begui , le Surintendant des Efclaves
, & le Conneſtable . Cet
ordre précipité les étonna. Il
fallut pourtant paroiſtre. Les
trois premiers Seigneurs ayant
fait la reverence au Roy , en
furent receus d'un air riant ,
mais il jetta des regards de colere
&de dédain ſur le Conneſtable
, qui commença à preffentir
ſon malheur. Il prit cependant
ſa place ordinaire
aprésle Viſir , & dés qu'ils fu-
Inillet 1692 .
B
26 MERCURE
rent affis , le Roy fit preſenter
la grande Taffe , qui tient au
moins une grande pinte de Paris
, & que l'on appelle Hazar
Pecha. Ces mots veulent dire ,
Mille métiers , & ceux de Perſe
l'ont nommée ainsi , parce qu'ils
diſent qu'un homme qui la vuide
tout d'untrait , peut raiſonner
à l'avanture de mille fortes
de métiers. On preſenta d'abord
cette Taſſe d'abondance
au Grand Viſir , puis aux deux
autres Seigneurs , ſans la pr -
ſenter au Conneſtable , ce qui
commença à luy abattre le
coeur. La meſme choſe ayant
eſté faite encore une fois , le
Surintendant des Eſclaves ne
put s'empêcher d'en faire pa.
roiſtre beaucoup de ſurpriſe.
LeRoyqui s'en appercent , luy
dit,te tevogfurprisde ce quejen'ay
GALANT.
17
२.
د
pasfait donner du vin à ceTraiftre
; leve-toy , & va luy couper
la tefte. Le Surintendant , au
lieu d'executer l'ordre , ſe jetta
aux pieds du Roy , pour luy demander
la grace du Cornfa de
qui estoit ſon Amy particulier ;
mais le Roy , ſans l'écouter
ordonna au Divanbegui , de
leurcouper la teſte à tous deux.
Alors leGrandViſir qui abeaucoup
d'éloquence , baifa les
pieds de Sa Majesté , & luy dit
d'un tonfoumis & refpectueux,
que le Surintédant des Eſclaves
n'avoit rien faitcontre ſon devoir
en le priant pour le Conneſtable
, puis que tous les Rois
ſes Predeceffeurs ; reconnoifſant
de quelle importance il
eſtoit d'oppoſer l'interceffion
aux premiers mouvemens de la
colere , avoient toujours défèn-
B 2
28 MERCVRE
du qu'on executaſt des ordres
de cette nature , qu'aprés qu'ils
les auroient reiterez juſques à
trois fois , afin de donner le
temps aux Seigneurs de leur
Cour de faire connoiſtre l'innocence
de ceux qui avoient
eu le malheur de leur déplaire .
Hébien , dit le Roy , je pardonne
àmon Alcelam ( c'eſt le nom du
Surintendant , Et toy , Divanbegui
, je te le réitere par trois foisz
va couper lateſtede ce Traiſtre.Le
Divanbegui n'ofant repliqu
à cet ordre , prit le Conneſtab'e
par le bras , & ayant jetté ſa
mandille à terre , il le traina au
basde la falle , où illay fit ofter
ſa ceinture , & luy commanda
de ſe mettre à genoux. Le
Conneſtable recent ce commandement
en ſouhaitant une
longue vie au Roy. Il baifa en
GALANT. 29
faite le bout de la robe du Divanbegui
, & le pria de vouloir
bien fupplier Sa Majesté de faire
païer les dettes aprés ſa mort.
Aprés cela,il demāda l'Alcoran
qu'il ouvrit pour ſçavoir ſi ſa
derniere heure étoit arrivée.
Il en auroit peut- être douté
longtemps , fans un ordre
nouveau qu'envoya le Roy
d'executerle premier fans aucunretardément.
Le Divanbegui
luy déchargea auſſi toſt un
coup d'épée ; mais l'amitié
qu'il avoit pour loy,luy faiſant
trembler le bras , il luy coupa
ſeulement la peau du col . Le
Conneſtable l'ayant prié qu'on
nele fiſt point languis , l'Ecu
yer du Divanbegui , s'avança,
&redoubla ſi ſouvent les coups
qu'il luy abattit la teſte. Le
Divanbegui la porta au Roy,
B
3
30 MERCURE
qui dit en la voyant que ce
n'eſtoit que la premiere de
quatre qu'il vouloit faire
couper. On ne douta point
que celle du Beguelerbegui
d'Herat ne fuſt une de ces quatre
, mais lesGrands ne ſçachant
point quelles devoient eſtre les
deux autres , chacun craignit
pour la fienne. Pendant que
cette triſte execution ſe fit , le
Nazir & le Viſir de Schiras
eurent ordre d'aller ſe ſaiſir des
biens du Conneſtable . Ils dépouillerent
d'abord fes Femimes
qu'ils mirentdansuneMofquée
voifine , & ayant viſité
tous les Efclaves fort exactement
, ils ſcellerent la Maifon ,
& y laifferent des Gardes. Le
Roy donna le Gouvernement
d'Hamadan à Abbal Kaffum
Kan , qui en avoir eſté déposé
GALANT . 31
depuis huit ans par les artifices
du Conneftable. Quoy qu'il
euſt demeuré dans la pouſſiere
pendant tout ce temps , on peut
dire neanmoins que jamais Fils
de Rebelle ne fut plus heurenx
que luy. Son Pere nommé
Dgami Kan , qui étoit les delices
de la Perſe , en ſceut fi
bien menager les Grands Siegneurs
pendant la minorité du
Roy à preſent regnant , que
quinze Kans conſpirerent contre
ce jeune Prince pour mettre
l'autre en ſa place . La confpiration
ayant eſté découverte
par un certain Harout Agra
Chatré qui estoit pour lors
Atamadaulet,lateſte de Dguam
Kan & celles des quinze
Kans ſauterent. On les expofa
avec leurs Cadavres dans la
place publique pendant trois
jours,&l'on fit la meſme choſe
B 4
32
MERCURE :
du Corps du Conneſtable qui
eſtoit le plus gros homme de
Perfe. Abdal Kaffim ayant eu
l'adreſſe de ſurmonter les obftacles
que la trahifon de fon
Pere apportoit à ſa fortune , fut
d'abordDivanbegui , puisDerogra
de Kalbin , & enfuite Kan
d'Hamadan , que le Roy luy a
rendu aprés la mort de fon Ennemy.
Outre ce Gouvernementil
luy a donné celuy de
Kormoïa pour le conſoler de
huit années de diſgrace .
Il faut vous apprendre la réponſe
que fit l'Atamadaulet défuntauxArmeniens
, qui aprés
la prife de Belgrade oferentluy
dire que l'Empereur avoit pris
Conſtantinople
Miſſionnaire Apoftolique aux
Indes , eſtoit auprés de l'Atamadaulet
quand ils luy don-
, Mr Sanlon
GALANT.
31
nerent avis , Konal , luy dit- il ,
(ce mot veutdire ,noſtre Hofte )
Les Armeniens m'aſſeurent que
l'Empereur a pris Constantinople.
En avez vous la nouvelle ; М.
Sanlon luy répondit , que l'em.
pereur n'ayant pris Belgrade que
de cette mesme année , il ne voyoit
pasà moins queson armée ne fust
composée d'oiseaux , qu'elle cust pu
aller (i promptément de B grade
à Conftantinople. Cette réponſe
fit rire l'Atamadaulet , qui dit
en ſuite , qu'il n'y avon que le
Chaincha ( ce mot veut dire ,
Empereur de France ) qui fuſt
capable de prendre Conſtantinople
en fi peu de temps . L'Atamadaulet
qui a fuccedé à ce
dernier n'eſt pas moins perfuadé
de la grandeur de noftre
Auguſte Monarque . Un Seigneur
Armenien qu'apparem-
BS
1
34
MERCURE
iment les Armeniens avoient
inftruit, luy dit que l'Empereur
avec deux grands Rois & vingt
cing Krals , ce qui veut dire
Petits Souverains , avoient deciaré
la guerre à la France , & il
repondit endeux Vers Perfans
J'ay vu un grand Chariot trainé
purun Lion & renversé parvingtcing
mouches . Toute la Cour receut
cette raillerie avec applaudiffement
.
:
Le 4. de Septembre , Mr
Sanlon , Miffionnaire , fut invitéau
Banquet d'Affuerus , qui
fue fait à l'occaſion de l'anniverſaire
du maffacre d'un Chameau
, que les Perfans reconnoiffentavoir
eſté la monture
ordinaire de leur Prophete
Mahomet ; de forte qu'ils tuent
tous les ans ce pauvre Animal ,
qui nekompen
1
GALANT.
35
fédes ſervices qu'il a rendus à
Mahomet puis qu'ils le facrifient
d'une maniere fi cruelle .
Aprés luy avoir fait l'honneur
de le choiſir parmy tous les
Chameaux du Roy ils l'ornent
de fleurs & de guirlandes , &le
promenent par toute la Ville au
fon des Tambours & des Hautbois.
Les Kans & les Grands de
Perſe luy donnent un privilege
qu'ils n accordent à perſonne.
C'eſt celuy de l'introduire
dans leurs Harants pour voir
leurs Femmes. Chacun luy tire
quelques poils , qui font
gardez comme des Reliques ,
& quand ils l'ont bien pele ,
promene& honore , ils le mettent
entre les mains du Lieu
tenant Criminal. Ce Lieute
nantaccompagné d'uneтова
L6
36 MERCURE
le conduit aujour aſſigné hors
de la Ville , où quelque pleux
Moulla luy prononce fon Arreſt
, ſelon les Loix de la Religion
du Prophete Mortos Alis
&cela fait , on le couche
fur une grande pierre qui a eſté
apportée du tombeaude ce Prophete.
Le Lieutenant Crimi .
nel luy lance une fleche dans
le flanc , & tous les Hoiffiers
ayant des haches preſtes , en
fonten moinsde rien un grand
hachis , dont chacun prend un
morceau , aprés que le Lieutenant
Criminel en a pris le
coeur , qu'il porte au Roy au
boutd'unelance.

Cette pieuſe execution étant
achevée , le Roy prit ſeance
dans la grande Salle , où il a
accoutumé de donner audience
aux Ambaſſadeurs . Il avoic
GALANT.
37
د
à son côté droit le Prince
Chah Hecber , Fils du Grand
Mogor & au bas de ſon Trône
du mesme coſte fut placé le
vieux prince Abdel Rahim ,
Frere du Roy des Tartares
Yuſbagues , & aprés les Kans
& les Envoyez des Teſtes couronnées.
De l'autre coſté eftoient
le Grand Vifir , le Surintendant
des Eſclaves le
Grand Maistre de la Maiſon
du Roy , le Secretaire d'Etat ,
le Garde des Sceaux , les Contrôleurs
des Finances , & aprés
eux les Hoſtes qui font Sujets
du Roy ,les Princes d'Aviza
les Princes de Lozeguis , ceux
de Georgie , & enfuite le St
Vanleinen , Envoyé de Batavie
, à qui on donna place par
my ces Princes Sujets , n'eſtant
regardé que comme un
46
38 MERCVRE
Marchand de Hollande , le
Roy de Perſe n'ayant pas voufu
reconnoifſtre les Lettres du
Prince d'Orange , en vertu
deſquelles il pretendoit eſtre
mis au rang des Envoyez des
Teſtes couronnées . Aprés que
chacun ſe fut placé dans cet
ordre , on fit paffer devant le
Roy la teſte du Conneftable
dans un grand baffin . Ce Prince
dità ces Kans en la regardant
: Demandez à cet ingrat s'ily
aun Roy en Perse. Il dit ces paroles
à cauſes que la diſgrace de ce
Conneſtable provenoit de ce
qu'il avoit écrit au Roy des
Yuzbegues qu'il devoit profiter
de l'occaſion pour reprendre
la Province de Koraſon fur
tes Perfans , parce qu'ils n'avoient
plus de Roy , or que
Fils chavoient ar , Hefonen
4
GALANT. 39
letargie. Après qu'il eut imprimé
de la terreur dans l'ame
des Kans , en leur faiſant voir
lateſte du Conneſtable , il fir
appeller Abdel Kaffem Kan ,
qu'il a reveſtu du Gouvernement
d'Hamadan aprés la mort
de ſon Ennemy , qui l'en avoit
dépoffedé huit années auparavant
, & luy ordonna de partir
inceſſamment pour Kourmaoüa
, Capitale de l'Oreſtan ,
dontilluy a donne le Viſirat ,
avec ordre de reprimer les
courſes des Laures &des Bak->
rietis , qui deſoloient toute la
Perſe depuis xermoucha juf.
ques à Schiras . Ce Kan en
- prenant congé du Roy luy prefenta
huit de ſes Enfans qu'il
recent à fon ſervice. Pendant
quele kan luyen rendoitgracek
masPener vi dans
40 MERCURE
}
per avis à Sa Majefte , qu'un
Ambaſſadeur des Yuzbegues
eſtoit venu en poſte depuis
deux journées pour arriver à
l'audience du Megellés. Le
Roy le fitappeller,& aprés qu'il
l'eut fait placer , & qu'on eut
lû ſes dépêches , il confera
fort longtemps ſur ce qu'elles
contenoient , avec ſon Grand-
Vifir , & avec le Sultan de
Mourgab , qui avoit éventé
depuis peu la trahison du Conneſtable
, & qui ayant eſté relâché
par le Roy des Yusbegues
avoit receu ordre de ménager
la paix avec la Perfe. Le Roy
aprés cette conference donna
à ce Sultan le Gouvernement
deMervé , qui confine avec les
Yuzbegues.
On introduifit enfuite un
Courrier du kan de Teflis , qui
GALANT. 4
donnoit avis au Roy que les
Princes Chahunzar kan , &
Gourguin Kan , Fils du grand
Chanavas kan , avoient obtenu
du Grand Seigneur , les Gouvernemens
de Rache Ateheuſe
de Gouri , & de la Mingrelic ,
quel'ancien kan de la premiere
Province s'eſtoit refugié auprés
de luy , & qu'il attendoit
les ordres de Sa Majesté
pour l'envoyer aupres d'Elle.
Cette nouvelle chagrina le
Roy , parce qu'ayant déposé
ces deux Princes du Gouvernement
de Teflis pourle donnerau
prince Heraclius , Fils
de Tameral kan , ily avoit lieu
de craindre qu'ils n'y vouluffent
rentrer par force , ce qui
auroit obligé le Roy de Perſe
d'entretenir une puiſſante Armée
dans la Province d'Erivan
.
42 MERCVRE
Ces audiences n'eſtoient
pas encore finies que les Grands
de la Cour defiloient les uns
chancelant & , les autres renverſant
ceux qu'ils touuvoient
pour aller ſe décharger du trop
de vin qu'ils avoient bû. Le
Grand Maistre d'Hoſtel fit fervir
juſques à cinquante plats
de Trachine , & plus. de cent
cinquante d'or maſſif fur des
nappesde Brocard fort riches ,
& à peine eut-on le temps de
prendre quatre ou cinqpoignés
de Pilau , qu'on leva les nap.
pes. Chacun fit la reverence au
Roy en s'eſluyant les mouſtaches
,&fortit. La mortdu Gou
verneur d'Amadan eut des fuites-
bien tragiques. Le Roy
ayant confiſque ſes biens , le
Grand - Maiſtre de la Maifon
de ce Prince ſe ren-
J
GALANT.
43
dit chez luy pour s'en emparer.
UnFils qu'il avoit âgé de ſept
ans , & une Fille âgée environ
de douze , moururent de crainte
;& fa Femme prit du poiſon
pour ne pas ſurvire à fon malheur.
T
Le 12 du meſme mois de
Septembre , le Royde Perſe ſit
un banquet folemnel à l'oc.
caſion d'une Feſte qu'on celebre
tous les ans en memoire de
l'inſtallation de Mortus --Ali
dans la place de Mahomet , &
parce que cette Feſte concerne
le point principal de la diviſion
desPersas d'avec les Sectateurs
d'Omar, ils lafolemniſentd'une
maniere plus particuliere que
toutes leurs autres Feſtes . On
tâcha meſme d'en redoubler la
magnificence à cauſe des Princes
des Arabes ,de ceux des Le
44 MERCVRE
xeguis , & des Ambaſſadeurs ,
des Yuzbegues د
& des Kalmouks
, qui profeſſent les fuperftitions
d'Homar, Ceux
qui furent invitez à ce ſuperbebanquet
trouverent les chevaux
de parade du Roy attachez
ſur une meſme ligne devant
la falle d'Audience . Il
y en avoit dix-huit ,dont la richefſe
avoit dequoy attirer les
regards des Conviez . Le premier
cheval eſtoit orné d'une
bride toute couverte de diamas .
Il y en avoit 25. tant à la bride
qu'au poitrail ; le devant & le
derrierede la ſelle étoient d'orémaillé
dia-
2. & quatre gros
mans en ornoient le pommeau .
Les étriers étoient d'or maſſif.
Le deſſus de cette felle eſtoit
d'un velours rouge richement
brodé ,& la houffe , outre une
GALANT. 45
tres- belle broderie , étoit gar-
- nie d'une infinité de groſſes
-perles , auſſi bien que toutes les
- houſſes des autres chevaux ,
- avec cette ſeule difference que
. le fond eſtoit de la couleur des
pierres qui ornoient chaque
cheval. L'ornement du ſecond
eſtoitde rubis dans le meſme
ordre que je vous ay marqué
celuy du premier. Le troiſiéme
eſtoit ornéd'emeraudes , & il
yavoit plus de trois cens perles
d'une groſſeur extraordinaire
fur chaque bride des autres chevaux.
Outre ces dix-huit on en
vit quatre pour le Prince Chah
Hecber , dont les brides & les
harnois étoient revêtus par tout
de turquoiſes toutes entourées ,
les unes de diamans les autres
de Perles & les autres de rubis
46
MERCVRE
Chaque cheval eſtoit attaché
avec des chaînes & des clouds
d'or , & ils mangeoient de la
paille dans autant de baffins de
la meſme matiere .
Quand chacun eut fait la
reverence au Roy , on introduiſit
un Courier qui venoit
d'arriver de Georgie , & fa
Majesté fit lire ſes dépeſches
qui n'eſtoient qu'une confirmation
de l'Inſtallation des
Princes Fils de Chanavas Kan ,
dans les Gouvernemens de Bachataheuk
, de Couri , & de la
Mingrelie . Elles donnoient
meſme avis au Roy que ces
Princesavançoient vers Teflis ,
&que le Prince Heraclius , Fils
de Tameral Kan qui en eſtGouverneur
avoit beſoin d'un
prompt ſecours pour leur faire
reſte , parce que ces Princes
1
GALANT .
47
avoient engagétous les principaux
Seigneurs de Georgie
dans leur party . Le Roy ne dit
rien des meſures qu'il croyoit
devoir prendre là deſſus , mais
Con eſt perfuadé qu'il ne voudra
pasdeclarer laguerre au Grand
* Seigneur pour avoir donné le
Gourvernement de Georgied
des Princes qui luy ſont rebelles
; parce qu'il n'a pas plus de
troupes qu'il luy en faut pour
deffendre les coſtes de Derband
des incurſions continuelles
de certains Coſaques qui ſe
ſont ſouſtraits il y a quelques
années de l'obeiſſance du Duc
de Mofcovie , parce que ce
Prince les vouloit contraindre
àfaire le ſigne de la Croix à la
maniere des Grecs. Il a de plus
beſoin d'une armée puiſſante
dans le korafon , pour deffen-
=
48
MERCURE
A
dre cette Province contre les
Yuzbegues avec qui il n'a pas
voulu faire la paix . Il a auffi
beſoin de Troupes dans le Kandahar
où les Agevanes & les
Boulodgas font toûjours en
mouvement contre la Perſe , &
il a eſté obligé d'en envoyerdepuis
peu un grand nombre ſous
la conduite du nouveau Kan
d'Hamadan pour reprimer les
Laures & les Baktiaris qui veudent
obliger le Roy à leur
donner un Prince de leur Nation
pour Gouverneur , & qui
ne ceſſent de piller la Perſe ,
depuis que ſa Majesté a fait
couper la teſte à Chahkerdi
Kan leur dernier Prince , à cauſe
qu'il eſton Beau- frere des
PrincesGeorgiens Fils deChanavas
kans I. paroiſt d'ailleurs
peu neceſſaire d'envoyer une
armée ,
GALANT.
49
armée en Georgie , puiſque
le Roy de Perſen'a qu'à ſe ſervir
de la politique de ſon der-
- nier grand Viſir pourles deſunir
, & les foulever les uns
contre les autres . Cette Politique
eſt de donner des Charges
aux Chefs de party , & elle a
efté ſi bien obſervée juſques à
preſent , que tous les grands
Seigneurs dont laCour eſt compoſée
ſontGeorgiens. On ſçait
d'ailleurs que tous les Eunuques
qui font les uniques Admiſtrateurs
du Royaume,& les
ſeuls Conſeillers d'Estat , ne
veulent point voir la puiſſance
Ottomane opprimée , ce qu'ils
ont bien fait connoiſtre ent
procurant de grands prefens
à l'Envoyé de la porte en la
Cour de Perſe , qu'ils ont renvoyé
avec un Ambaſſadeo
Juillet 1692 . C
50
MERCVRE
Sa Hauteſſe pour luy offrir
du ſecours felon l'eſtat de ſes
affaires , dont cet Ambaſſadeur
a ordre de ſebien inſtruire.
Aprés que le Roy eut leu les
dépeſches du Courier de Geor .
gie , le Nazir ou grand Maistre
de ſa Maiſon vint luy baiſerles
pieds pour recevoir le Gouvernement
de Muſeiad , & fon
Fils en fit autant pour la Charge
de ſon Pere , dont il a eſté
pourveu. Enfuite l'Envoyé des
Yuzbegues d'Orgunga , reveſtud'uneriche
Kalate , ou veſte
d'honneur vint recevoir la
2
,
réponſe du Roy à fon Prince.
Aprés luy vint l'Envoyé des
Kalmouks avec deux SeigneatsGeorgiens
à qui ſa Majeſté
à donné de l'Employ aprés
leur avoir enlevéleurReligion
qui eft la choſe du monde dont
GALANT.
51
ils ſe ſoucient le moins , &
enfin on introduiſit le ſieur
Vanleinen , Deputé de Batavie
, qui vint luy ſeul avec la
Kalate , ce qui marque aſſez le
peu d'eſtime que l'on fait des
Hollandois en cette Cour là ,
puiſque M. Piquets dernier
Eveſque de Babilone , qui n'avoit
qu'une lettre de recommandation
de Sa Majefté Tres-
Chreſtienne ſans aucun caractere
, recent cing Kalates , &
avant luy Mr de Jonchere en
avoit receu davantage à ſon
Audience de congé. Toutes
ces ceremonies eſtant achevées
, les nappes furentgarnies
leRoy fit enyvrer tous les Seigneurs
de la Cour ,& congedia
ſes Hoftes. Ce Prince avoit en-
-voyé cing cens hommes au
devant de Chah Kouli Kan ,
C 2
52
MERCURE
Gouverneur de Germoucha ,
Fils duGrand Viſirdefunt: Les
uns croyoient que ce Prince
l'avoit appellé pour le reveſtir
de la Chargede Conneſtable ,
& les autres pour le faire ſon
Viſir, celuy qu'il avoit fait depuis
fix mois eſtant trop vieux
pour ſouſtenir tout le fais des ,
affaires du Royaume. Le 13 .
de Septembre le Prince Chah
Hecber envoya prier le Roy de
Perſede luy envoyer ſa Muſi .
que & ſes plats d'or pour ſe réjouir
dela nouvelle qu'il venoit
de recevoir des Indes
que
fon Frere Chah Alam s'eftoit
emparé du Trône , aprés
avoir fait mettre en priſon Aus
sreng Zebe fon pere.
,
Il faut revenir à Namur.
Cette conqueſte eſt trop importante
pour ne vous en parler
GALANT .
53
pas en pluſieurs repriſes , &
vous ne ſeriez pas fatisfaitede
mesſoins , ſi je negligeois de
vous faire part d'une Lettre
qui court avec ce titre ſur la
priſe de cette Place,
LETTRE
D'un Officier principal del'Ar
mée du Roy , à un Gentilhomme
de qualité François ,
Refugié en Hollande. 1

Enfin , Monsieur , l'Ouvrage
'duquel vous & moy penſions st
differemment , vient d'estre confommé.
Namur est pris , & cette
conqueste incomprehenfible aux Alliez
, met les affaires de la France,
& la gloire du Roy , au plus haut
C 3
$4
MERCVRE
point où on l'aitvenë jusques-ic.y..
Prendre Namur avec une Gar .
nifon de dix mille hommes ; lepren.
dre à la venë de toutes les Puiſſan
ces Ennemies, & enpresonce de cette
Armée formidable , qui ne par
loit que d'invasions &de victoires,
le prendre en dépit presque de tous
les Elemens , font des circonstances,
qui nonseulement vous étonneront
dans un pays où l'on ne croit quere
de prodiges en nostre faveur ; mais
qui impoferontfans doute durespect
&de l'admiration à nos plus deſoobligeans
Ennemis , & contre lefquels
les Apologistes ordinaires de
vos Protecteurs , n'auront pour retranchement
qué les débordemens
de la Mehaigne, ou quelquefecrete
intelligence dans la Place , qui au
xaxompus toutes lesmefures de leurs
grands deſſeins , & ne leur a laißé
qu'un mois de temps pourse déter-

GALANT.
55
miner à lafecourir. Quelle intellisgence
! Quatre ou cing afſfauts donnez
, trois ou quatre mille des affiegeztuez
dans les attaques , des Ouvrages
innombrables emportez l'epée
à la main , & l'activiteinfati
gabledu Roy , present à tout , qui
ne connoist non plus le peril qu'on le
connoist pour luy , trois semainesde
prefence de quatre vingt mille En.
nemis , que ce nouveau Persée a
rendus comme immobiles , en leur
presentant une teste plus redoutable
que celle de Meduſe , ſont les refforts
que la France afait jouerpour
réüffir dans une entreprise , quise
lon vostre sentiment mesme , n'as
voit pas seulement estéjugée poſſible
des Ennemis , & par la grandeur
du projet , & par lavaine opinion
de leur puiſſance.
Il doit , ce mesemble , m'estre
encore permis , en cette occafion , de
C
4
56 MERCURE
1
vous redire ce qui a deja esté rebaotu
tant de fois. Les Ennemis de la
France feront toujours les duppes
de leur credulité. Lors que toutes
les Nations de l'Europe laſſsées de
leur repos , &jalouſes de la grandeur
du Roy , & des prosperitezde
la France, sefacrifiant aux interefts
de quelques particuliers , conjarsrent
ensemble la ruine de cette
Couronne , elles n'auroient pas voulu
fans doute compofer avec elle
pour la ceffion de trois Provinces ,
&l'onfçait que leur préventionfur
fon abaissement estoitsi aveugle&
Siinvincible, qu'ils ne comptoient
pas moins que de ſe payer de leurs
interests en retirant le principals
c'est à dire , d'ajouter au recouvrement
de leurs anciennes dépouilles ,
les débris d'une partie decet Etat.
Le Royne defiroit alors que la paix,
&de jouir tranquillement d'un bien
GALANT.
37
qu'il avoit rendu commun à tous
Jes Voiſins, par la Trévequ'ilvenoit
de leur accorder en faveur de la
Religion. Le Prince d'Orange , le
plus ambitieux de tous les hommes ,
habilefur fespropres interests , mais
incapable de parvernir par luymesme
aux deſſeins qu'il meditoit ,
réveille la jalousie de toutes les
Puiſſances Voisines contre luy , &
leur fait envisager ce defir de la
paixenla Perſonne de Louis XIV.
comme une marque certaine de foi.
bleffe , & d'unevertu usée , &fur
Leretour maisles Lionsne dorment
pas profondement. Le Royfut bien
toſt éveillé au bruit de la Ligue
d'Ausbourg , & comme il n'a pas
accoutumé de se laiſſer prévenir ,
il leur fit fentir les maux qu'ils luy
avoient préparez .
Derous les crimes qu'ils luy imputent,&
dont ils tâchent à des
C
58 MERCURE
honorer mesmejuſques à ses vertus ,..
il faut avouer qu'aucun ne leur as
paru fi odieux que celuy cy. Quel
Sacrilege ! Quelle perfidie Laz
France a ofe porter la premiere les
coups, qu'on luy préparoit , elle at
entré hoftilement sur leurs terres,
pendant qu'ils deliberosent, encore
fur les moyens de l'accabler. Elle
lesa, d'Aggreffeurs , reduits à la
necesfué de se diffendre ,&de se
deffendre mal. Elle afaitfuccomber
fes Ennemis de tous les costez où
elle a portéses armes . Philisbourg,
Nice , Mons , Suze , Montmelians .
luy ont ouvert les portes de l' Alle
magne , de la Savoye , de Pié
mont , de la Flandre , & Namur
quils regardoient comme un mar
d'airain , luy ouvre les portes du
Brabant , du pays de Liege, de la
Baff Allemagne,& failurevoir à
celles de Hollande , un Ennemi que
GALANT .
leſouvenir dois luy rendre siformi.
dable. Voilà , Monsieur ,le point
où nous en ſommes . Je m'étonne
que de telles experiences ne desfil..
lent pas les yeux aux membres les
plus fenfezde la Ligue , qui n'a.
-giſſant point la pluspart pour eux
msmes , souffrent pourtant des
maux réels , ou s'exposent d'en reced
voir . Peut être se les dejſilleront -ils
tropiard..
le ne croy pas que le coeur du Roy
tout enflé qu'il doit estre de ses progrès
continuels , s'éloigne jamais du
defir de la paix dost il connoit le
prix , &comme Roy pourses sujets
&comme Chretien pour ceux mesmes
qui de gayaté de coeur ont attiré
fes armes ; mais je ne sçay ſi les
avantages qu'il trouve de jour en
jour , & qui paroisent bien plus
grands & plus affurez dans la
Suisse ne le refroidiront point furs
60 MERCVRE
des sentimens qu'il a montré qu'il
n'avoit pas par foibleffe, & qu'on
l'obligera peut - estre de perdre. Que
ceux qui l'ont provoqué à la guerre
, envisagent ( Suivant les plus:
raisonnables prejugez ) quels enſeront
les évenemens , & fi leurs ef..
perances y peuvent estre proportion--
nées à leurs craintes , car leurs re
voltes dansle Royaume, lears def
centes , leurs épuiſemens de finan ..
ces , & autres resources decettena.
ture , font des amusemens qui ne
font bons qu'à ceux qui les promet
tent pour endormir les credules ,
quine ferontpas grand mal à ceuxcontre
lesquels ils fe machinent...
LesElemens plus que les Ennemis
ont contribué à la diffipation d'une
partiede la Flote , mais croyezvous
queles gens fenfez redoutent
moins les forces maritimes de la
France aprés cette action & ne
GALANT. 61.
voyentpas bien ce que peut cette
fiere Nation aussi biensur mer que
fur terre , & qu'estre battu par les
vents-en attaquant avec la moitié
defa Flotte , celles de deux Nations
qui se croient fi redoutables , n'est
pas uneperte qu'elle ne puiße bien
tostreparer, & dont les pretendus
vainqueurs puiſſent ſe promettrede
grands avantages .. Cependantles
affaires de la France s'avancentà
pas de Geant , Exurgit ut gigas .
LeRoyne trouverien quipuiffes'opposeràſesconquestes&
arréterses
progrez, les menaces deſes Ennemis
ont faitplace à la crainte , ou
à l'impuissance. Je vous ay déja
preditplusieurs fois ce qui arriveroit.
Lorsque le Royde France affiege
Mons , le Prince d'Orange cou
ure Bruxelles ; lors qu'on afſiegera
Anvers, il comurira Boleduc ,&
ce Prince beureux pour lüpfeulaux
1
622 MERCVRE
1
91
dépens de la cauſe commune , aches.
sera autant qu'il pourra du bien:
d'autruy ses établiſſemens . Nous
voions qu'en moins de quatre ans less
Provinces Unies qui aidoient àſouf...
fter lefex qui s'allumoit loind Elless
& quinese regardoient que comme
des auxiliaires , & hors de toute
atteinte , deviendront bien tost
ou ſont déja devenuës vorfines, lam
proximus ardetUsalegon : Quee
la Savoye est conquise & le Prémont:
ruine ; Que l'Allemagne est également
le theatre des Amis & des Ennemis
; Que l'Espagne est frapée
d'un mal qui la meneàla defolation
de toutes ses parties ; Que l'Italie
n'est pas exempte des violences de lar
Ligue, & des invasions de la Mai-
Son d'Austriche Qus l'Angleterre
sepuiſe ſans avoir rien àgagner;
Qu'en un mot presque toute l'Euro
geest lavictime &le prix de l'af
GALANT. 63
3
fermiſſementdu Prince d'Orange,&
quepour de petits maux que laFran
ce fouffre, quoy qu'elle joüiffe d'une
Parfaite tranquillité au dedans, les ,
auores, Puissances endurent: tous ,
ceux qu'entraisne une guerre defavantaguse,
& dans laquelle on eft
inferieur à Son.Ennemy ;; Qu'enfin
cette Couronne a des ressources incon- -
nuës fur les Finances , & que pourr
-enjuger, démonstrativement , il ne
faut que voir que toutes les depen..
Ses extraordinaires qu'elle peut faia
re,ne sçauroient consommer en dix
ans, au delà deſes revenus ,lefond
de ce qu'elle a conquis furſes En.
nemis. Auffi ne doutay- je pas que
les Alliezne cherchent, enfin par
raison &parneceſſué ,ce qu'ils onts
enfreint par, complaisance ou par
interest. Pour moi ,je ne foubaite
plas, qu'une visite às Messieurs de
Hollande,pour les remercierdu ſoine
:
64 MER CURE
qu'ils ont pris de la gloire du Roy,
&pour avoiren particulier leplaifir
de vous embrasser , puis qu'il
n'est plus permis de l'efperer auirement
,&qu'ensuite le Roy,touché
de leurs remontrances , & de son
inclination naturelle , veuille bien
redonner le calme à l'Europe , dont
elle a tant de besoin ,& qu'elle a
volontairement perdu, pourſeconder
des intereſts particuliers , ou favori
ferdes paffionsfecretes..
Fais au Camp ſous le Château
de Namurle 2. Juillet 1692 ..
Mr deVin , dont vous avez
veu pluſieurs Ouvrages, n'a pu
fe taire fur la prise de Namur.
Voicy de quelle maniere il par
le au Prince d'Orange.
GALANT. 65
E' bien , Nassau , que diras-
HE tu?
Namur est pris, tu l'a veu
De LOUIS à tes yeux tomberſous
la puiſſance.
Ta-t-il à cette foissurpris,
Ainsi que tu diſois , & que tu t'en
plaignis ,
Quand du froid Aquilon malgré la
violence
Il alla forcer Mons d'implorerSa
clemence?
Il t'a donné tout le loisir qu'ilfalloitpour
le ſecourir ,
Et ce Heros toujours honneſte ,
Quoy que toujour funeste à tes
vastes projets ,
Ne voulut , pour se plaire , en faire
la conqueſte:
Que quandle Rosignolmenaçoit nos
forests

66 MERCURE
De terminer bien- toſtſes chants &
Sesregrets.
Tanombreuse Armée estoit preſte;
Tout fier , tout glorienx de te voirà
Saveste,
Tu crus que deux cens mille bras
Ne fuffifoient que trop pour arrefter
Sespas.
Tu viens
dule ;
tu le vois & cre-
Déja tu t'endormoisfurfa trompeu
Sefoy
D'un triomphe auſſi vain qu'il est
nouveau pour toy.
Mais l'ambition qui te brûle
Recent prés de Caffel un tel coup
de ferule,
Que la peur d'un pareil te trouble
&glace ton coeur.
Tusouffres, toy present , que Namur
Capitule,
4
Et trop peu feur de ta valeur ,
GALANT. 67
Tu n'oses jusqu'au bout reſſembler
au grand fule. L
Content deces deux premiers traits
-Au troisième , Naſſau, tu ne vois
point d'accés,
Et vaincre enfin LOUIS , c'est ce
-- qu'en homme babile.
Tu tiens un peu trop difficile.
ここ
En cela si chacun parle avec liberté.
Des violens friffons de ta timidité,
C'est peut - estre une mediſance
Net'en allarme pas , car d'un autre
costé
On trouvera bien l'art de louër ta
prudence.
:
Cen'estpas ,entrenous ce qu'on s'é
toit promis
De cette fougue infidieuſe
quera fis voir à Saint Denis..
Le Dieu Mars n'avoit plus l'ame
fi bilieuse.
68 MERCVRE
Fatigué, las dusang qu'il avoit répendu
,
Ala fin il s'estoit rendu
Aux voeux redoublez de la Terre,
Et laiſſant malgré toy repoſer ſon
tonnerre ,
Conſentoit de la paix auretour attendu.
1
C'est ce que tu sçavois, perfide;
Cependant ta main parricide
Au mépris d'un Traité conclu
Infulte Luxembourg que tu pen-
Soissurprendre;
Mais qui ne ſcent que trop te
rendre
Les coups d'un desespoir qui loin
d'eſtre préven ,
Peut-estre jusque là ne s'étoitja
mais veu.
A ce Traité si salutaire
Iltefalut portant&souscrire , &
te taire ;
Mais comme cette aimable Paix,
GALANT. 69
Tant demandée au Ciel, bleſſoit tes
interests ,
Tel qu'un hardy Pescheur , quiſans
peur du naufrage
N'aime, pour mieux peſcher , que
l'eau trouble , &l'orage ,
Dela guerre bien- tôt tu ralumes
les feux ,
Et pour nostre malheur , toûjours
ambitieux ,
Apeine du repos at on gouftè les
charmes
Que tu forces LOUIS à reprendre
les Armes.
Mais dis-moy , quel en est le
fruit ?
Toûjours à tes dépensla Victoire le
fuit.
Tout cede à ſa Valeur; Philisbourg,
Mons,&Nice
Devoient t'avoir appris qu'il n'est
point d'artifice,
70
MERCURE
Point de teimps , point d'effort qui
Suspendent ſes pas ,
EtNamur vient de voir ce que pese
Son bras.
C'est ce quetes amis ont encor peine
à croire;
Trop charmez de ta fauſſe gloire,
Et flatez que pourson fecours
Tu ne manquerois pasd'ingenieux
détours ,
Ilsjuroient qu'au deffaut d'audace
Ton adreſſe pourroit leur fauver
cette Place.
Ainfi de leur erreur ils se prennent
à toy
C'a, parle icy de bonnefoy.
Qu'auras tu lors à leur répondre?
Leur diras tu qu'à te confondre
Accoutumé depuis long- temps ,
Ce Heros à fon ordinaire
T'afait resouvenir du malheur des
Titans,
Et redouter les coups de sa jufte
Colere?
GALAN T.
7
t
De queloeil verront -ils Naſſau tremblant
de peur
N'amener contre luy qu'un secours
inutile ,
Et, quand il prend Namur, demeurer
immobile ?
-Teflates -tu qu'ilssoient d'humeur
Ase payer toujours de tes vaines
promeffes,
Et que tant de témoins de ton peu
de valeur
Puiſſent encor long-temps compter
fur tes adreſſes ?
Non , ne te trompe pas , quoy que
iusques.icy
Pour un Tione ufurpė ta fourbe ait
réussy ,
Crains que ceux qu'elle a pu Seduire
Nese vangent sur toi de leur funeste
erreur ,
Et que , deſabuſſez , ou las de ton
malbeur ,
72
MERCVRE
Ils ne s'uniffent tous enfin pour te
détruire.
De tes Auteurs ingenieux
En vain la plume trop venale
Déguiserata honte ; ils ouvrirest
lesyeux,
Et ces mesmes Amis que retient la
cabale,
Verront que tunefais pas mieux
Dansle Camp de Peruys que dans
celuy de Halle.
Voudroient - ils s'obſtiner contre leurs
interests
ASoutenir encor tes injustes projets
?
Non , non , ils ont trop de prudence
,
Et dupez tant defois , bien- toſt à
tes dépens
Ilsserepentiront des efforts impuis-
Sans
Qu'ils ont en ta faveur tentezcontre
la France.
Déja
GALANT.
73
a
i
Déja mesme tout bas ils ſe plaignent
de toy ;
Irritezde tes impostures
Ils comptentpourautantd'injures
Tes divers manquemens de foy.
Ilsrougiffent contreun grand Roy
D'avoir , en t'apuyant ,outrage la
Nature,
Etpeut-estre sçais- tu de quoy
Temenacent , Nassau , leur bonte
&leur murmure.
Ils commencent àvoir que tu ne se
fers d'eux ,
1 Que commefait du Chat le Singe
cauteleux;
Que tu profiles seul de toute leur
intrigue;
Quesur eux ton orgucilfe plaiſt à
dominer.
Et que s'ils font entrez dans uneiniufte
Ligue.
Cen'eſt, ſans fruit pour eux , que
pour te couronner .
Iuillet 1692 . D
74
MERCVRE
Ainsi tes Alliez instruits de tin
adreſſe ,
Ne voudront plus marcherſous le
honteux Drapeau
D'un Fourbe qui se rit des pieges
qu'il leur dreſſe ,
Et d'unAgamemnon nouveau ,
Mais plus Superbe encor que celuy
de laGrece.
Il falloit , pour ler adoucir,
AuSecoursdeNamur unpeut mieux
réussir.
Mais Louis l'attaqueenpersonne
Etsaprefence qui t'étonne
Tefait croire defa valeur
Que c'est affez pour toy d'eftre le
Spectateur.
EtTémoin commode&tranquille;
Tu le vois defi présfoumettre cette
Ville ,
Quemesme tu s'en fais honneur
On doute cependant qu'augoustde
l'Empereur
GALANT.
75
La gloire de tes ayeux puiſſeſervir
d'excuse
Aux froids accés de tafrayeur.
Mais qu'importe,apréstout ? Quelque
nouvelle rufe [ter
Tetirera d'affaire,&sçaurale pora
Toft ou tard à s'en contenter.
Tes Agens luy diront qu'en bonne
politique
Tu devois en ufer ainfi ;
Que c'est avoir bien réussi
QuefauverCharleroy de la terreur
panique
Donttoy- mesme en ton Camp tu te
Sentois ſaiſi ,
Et qu'enfinsiNamur n'a pûmieux
Sedéfendre,
Il valoit mieux le laiſſerprendre,
Que par une Bataille exposerle
Brabant,
Auxcoups impetueux du Francois
triomphant.
Peut- il refufer dese rendre
D 2
76
MERCVRE
A la folidité de ces fortes raiſons .
Luy qui ſur la perte de Mons
En docile Allié voulut bien les entendre?
Non , credule comme autrefois ,
Iln'est point de sa part de raiſons
qu'iln'écoute , [route
Et quiput de Fleurus excufer ladé-
Peut bien croire encor les exploits
Dont en vain tafubtile ruſe
Depuisplus de quatre ans &leberee
l'amuse.
Promets luy donc , Nassau , tout ce
que tu voudras ;
Cependant à ton ordinaire ,
* Fuy pour peu queLOVIS te tombe
fur lesbras ,
Qui répondra de toy ? Tremble ,
Namur en poudre ,
Oùpourrois- tu te mettre àcouvert
de lafoudre ? 20
J'ajoute un Sonnet & un
Madrigal ſur la priſe de lamefGALANT.
77
1
me Place . Le premier m'a eſté
envoyé ſous le nom du Solitaire
d'Aujou.
SONNET.
Uses ; allez cueillir les pal.
mes les plus belles ,
Devos plus riches fleurs faites un
justes choix;
Accordezfur vos Laths vos diffe
rentes voix ,
Et venez celebrer nos conquestes
nouvelles.
Un affemblage affreux de Nations
cruelles ,
Qui se font un devoir de violer
lesLoisرو
Sous l'injuste Tyran qui détrône les
Rois,
Déployoient contre nous leurs forces
criminelles,
LOVIS part ,foutenu de lafaveur
des Cieux ,
D 3
78 MERCURE
Bravetant d'Ennemis , prendNa
mur à leurs yeux ,
2
Et donneun nouveau lustre àSa
grandeurfuprême.
Lefortmit quelque borne auxautres
Conquerans ;
Maisfans ceffe il s'éleve au deſſus
deluy-mesme.
Etfes derniers exploitsfont toujours
A
les plus grands.
MADRIGAL.
Nvers
Ster.
rens-toy sans resi
L'an dernier Mons fut mis en
poudre
Parles terribles coups defoudre
Denostre tonnant Jupiter.
N'attens pas l'an prochain àpon-
( voir t'y refoudre .
Que cet an cy,lefort pareil
Du triſte Namur te confonde ,
Namur, qui n'a mur qui nefonde
GALANT.
79
Auxrayons de nostre Soleil.
Ce Madrigal eſt de Mr Defmay
, quia fait auſſi le Sonnet
fuivant.
Sur le depart du Roy
pour l'Armée.
Trran, defcens du Trône, il est
temps , il chancelle.
Previens le coupfatal qui valeren.
verfer,
La Ligueſans progrés commence à
Selaffer ,
Et l'Anglois épuisése laffera com
me elle.
Sur les cent Bataillons que tu viens
d'amaffer ,
LeCielva te confondre , en vana
geant fa querelle ;
Nouveau Sennacherib , Chef d'un
Peupleïnfidelle ,
L'Ange Exterminateur en ton Camp
va paßer.
D 4
80 MERCVRE
LOVIS te va chercher. Crains, l'o
rages'appreſste.
Tuva le voir creverfurta coupable
reste.
Louis qui le Conduit ſcait letemps
&l'endroit.
Un moment luy suffit ; il reffemble
àla foudre ,
:
Quifurle Roc qu'il met en poudre
Le lance , frape , & disparoist.
Vous ne ferez pas fachée
de voir ces autres Vers ſur le
voyage du Roy. On peut dire
que tous les François ont parlé
parla bouche de celuy qui en
eſt l'Auteur .
MADRIGAL.
Grand Roy , nous fremiffons de
te voir attaquer
Tant d'Ennemis liguezſur la terre
&sur l'onde.
GALANT. 81
2
1
1
Helas ! tout l'Empire du monde
Vaut il ce que tu vas risquer ?
Songe que du Dieu Marslesterribles
tempestes.
N'épargnent pas toujours les plus
augustes testes.
Aucaprice dufortne va point t'immoler..
Prens foin de tes beauxjours autant
quedeta gloire.
Et ne d'expose point àgagner de
victoire..
Dont il nous falluft conſoler..
Voicy encore quelques Vers
qui meritent bien d'avoir plas
ceicy. Ils font de Mr du Foue
duHavre.
D
32 MER CURE
AU ROY ,
SUR LA PRISE DE MONS
&de Namur , à la veuë
du Prince d'Orange .
P
en Rendre Mons , grandHeros
moins de quinze jours. [cours,
Laiffer venir Guillaumeàfonfe-
Pour augmenter l'éclat d'une telle
victoire ...
C'est ce que nos Neveux
Apeinepourront croire.
En liſanı dans nos vers cet Exploit
2: glorieux.
Mais affieger Namur , Namur l'inaccessible
:
Demeurer dans ton Camppaisible
Voirle mesmeGuillaume avec cens
Bataillons ,
Et plus de trois cens Escadrons
Veniravec audace
Pourtenter leſecours de cette forte
Place,
GALANT. 83
Qui loin d'avoir le front
D'ofer rien entreprendre ,
Neremporte avec luy que le mortel
affront
De voir Namurſe rendre ,
C'est cela que jamais on ne pourra
comprendre.
Fameux Guerrier , invincible Louis
Neforceplus de Places imprenables;
Fais deformais , grand Roy , des
faits moins inouis ,
Autrement tes exploits paſſeront
pour des Fables.
Vous ne ferez pas ſurpriſe
de voir un Diſcours de Madame
de Pringy fur cette même
conqueſte , puis qu'elle en a
fat fur chaque action glorieuſe
de Sa Majesté.
84
MERCVRE
LA VICTOIRE
Parlant au Roy fur la priſe de
Namur.
I
Ay quelquefois servy les Heros
de l'antiquité; mais vous ,
ce , que lavaleur &lajustice accompagnent
, puis-je m'empefcher
de vous ſuivre toujours ? Vous mavezveüe
dans la Paix couronner
vosvertus de Lauriers immortels,
vous me voyez dans la guerre voler
au gré de vostre ardeur. Fene sçay
plus me partager , vous m'avez af-
Suvettie ,& vostre bras invincible
qui trouve ſon repos dans son mouvement
, me fait trouvermafelicité
dansvos triomphes . Ne me donnez
point de loiſir, Namur estheureuse ,
elle vous obeit; que
luy reſſemble. Portez la terreur
Printout
l'Univers
GALANT.. 85
chezles impies , & sans vous ar
reſter ,ſuivezvostre justice ,je suid
vray vos projets. Ces rebelles
qui s'oppoſent àvos justes deſſeins .
n'auront plus bien toſt d'autre vefiſtance
que l'injuste volonté de ne
vous pas obeir. Plus leur injustice
augmente plus leur force diminuë ,
&l'imparfait affemblage qu'ils ont
formé ne les rendra pas plus puiffans.
Ils verront que le Ciel vous
fortific, comme ilvous éclaire ,&
que leur nombre , loin de vous donnerde
la crainte redouble voſtre
courage.Ouy , Prince ,allez , tout
clement que vous estes , n'épargnez.
rien. Exterminez les ufurpateurs
des Couronnes, Afforbliffez les fowtiens
fur lesquels ils se reposent ,
& affeurez- vous de ma fidelité.
Tou ours égale à vous servir
vous m'avez venë braver les demons
& les hommes. At il fallu
و
$6 MERCURE
pour la gloire de vostre zele defcersdre
aux Enfers , & combattre la
mort j'ay couru ſans me laſſer , &
toujours plus ardente à vous fuivre,
je ne veux que vous couronner.
Poursuivezces ingrats que l'envie
afeduits , & qui jaloux de vostre
gloire l'augmentent en la voulant
détruire. Namur eft reduit . Vous
avezveu ces heureux vaincus se
partager desentiment , & les uns
defirant estre l'objet de vostre mi-
Sericorde , s'opposer à ceux qui ir.
ritoient voſtre justice. Que ce premiertrait
vous anime. Vostre puisfance
devroit tout soumettre fans
resistance , mais vostre gloire ne le
weut pas permettre,& la force de
voſtre bras feroit inconnuë , si elle
n'estoit pas éprouvée. Tous ces coeurs
qui vousferventpar amour autant
que par devoir , fignaleroient. ils
leur zele & leur tendreſſe , ſi vos
GALANT. 87
Ennemis ne leur ouvroient par leur
resistance un champ de lauriers où
lavaleur lesfait courir , afin que
je vous couronne fans ceſſe en vous
Suivant part outfans interruption?
Laissez-moy continuer avec vous
d'estre la Déesse des combats.N'arreftez
pas mon ardeur guerriere ;
attaquez vainquez, triomphez .
Nepouvant suffire qu'à vous , la
Renomméeauſſi ne pourra publier
que vous. Employeztous mes lauriers&
occupeZroutes ses voix ,&
l'Univers ne retentira que de vostre
-gloire , & nebrillera que de vos
vertus. Vous estes le. Prince defiré
des Nations , que les autres
Rois n'attaquent que par envie.
Renverſez tous leurs projets , م
s'ils ne vous redoutent , qu'ils vous
éprouvent. Faites leur fentir ce
qu'ils ne veulent pas croire , &par
unefuneste experience qu'ils confef88
MERCVRE
Si vous
ود
Sent que rien ne peut resister àvo
ſtre bras victorieux. Si j'aysuivy
quelque Heros au milieu des Com
bats , j'étois feule à ses costez
mais avecvous la Gloire & la Juſtice
ont toujours esté mes Compagnes.
l'ay rejony tout l'Univers quad
j'ay couronné Alexandre , maispour
vousle Ciel & la Terre triomphent
quand je vous couronne
m'employez toujours ; jeferayreverée
juſque chez les vaincus. Continuezà
vousfaire craindre. L'amour
est un tribut que pas un coeur
ne vous refuse. Impofezde mesme
L'obeiffance. Vous n'avez qu'à le
vouloir , la puiſſance &le merite
font des droits naturels en vous
Ne laissez rien usurper ; vous en
usezen Pere , ufez en Roy de cer
dons que le Ciet n'a répandusfur
vous avec abondance
que pour
rendre heureux tous les Peuples du
GALANT. 89
- monde , & ne vous laffez pas de
vaincre ; tout ce qui vous attaque
ne peut vous refifter . La Victoire
vous suit pas à pas , vos moindres
mouvemens m'animent, & jetriom
phe quand vous agiſſez. Mais pourquoy
vous inſpirerlefang&le carnage
? Latemerité de vos Ennemis
excite affez vostre valeur. Temperez
l'ardeur des mouvemens qu'ils
font naistre. Suis- je moins la Victoire
en vous couronnant d'olive ,
qu'en vous couronnant de lauriers ?
Estes- vous moins redoutable dans
la Paix , qu'aimable dans la Guer
re , &n'avezvous pasfceu joindre
le mouvement devaincre au repos
le plus achevé ? Ne laissezdonc
plus languir la Paix dans les fers
rigoureux que vos Ennemis lay im.
pofent. Ellefoupire , écoutezsesgemiſſemens
, & ne laiſſez de cours à
Lapuiſſance de vos armes qu'autant
१०
MERCURE
qu'ilen faut pour affeurerà l'Univers
un repos que la Victoire n'aura
jamais avec Vous .
,
J'ajouteray à ce que je vous
disla derniere fois , en vous
apprenant la mort de Madame
laPrinceſſe de Carignan , arrivéele
Mardy 3. de Juin, à trois
heures & demie du matin
que M. le Curé de Saint Eustache
qui luy avoit adminiſtré
tous les Sacremens envoya
douze de ſes Ecclefiaſtiques
qui pſalmodierent ſans diſcontinuation
auprés du Corps ,
tant dans la chambre où elle
fut expoſée en ſon lit deparade
juſqu'au Jeudy 5. que dans ſa
Chapelleruë de Grenelle , oùй
pendant neuf jours quantité
de perſonnes du plus haut rang
&un concours de peuple incroyable
vinrent luy jetter de
GALANT. 91
5 l'Eau-Beniſte & affifterent
aux Meſſes qu'on y celebra
chaque jour depuis quatre
heures du matin juſques à midy.
Le Jeudy 12. MrleCuré de
Saint Eustache , précedé de fon
Clergé , vinty chanter les Vefprés
des Morts avec les ceremonies&
encenſemens accouſtumez
, nomma Mr de Cornoaille
fon Vicaire pour accompagner
le corps de cette
Princeſſe juſqu'à la Chartreuſe
de Bourbon les Gaillon , où
elle avoit ſouhaité d'eſtre enterrée.
Le tranſport s'en fit le
13. avec un cortege digne de la
grandeur de Sa Maiſon . Il y
avoit fix Eccleſiaſtiques de la
Parroiſſe , ſes deux Aumoniers
pluſieurs de ſes Gentilhommes
&premiers Officiers , au nombre
de cinquante perſonnes ,
fans y comprendre les Gens
92 MERCVRE
de Livrée. Le corps repoſa à
Poiſſy dans l'Eglife des Capu
cins & il fut porté le même
jour dans l'Eglife Collegiale
de Mante , où il demeura pen .
dantla nuit. On le mit en depoſtle
lendemain dans l'Egliſe
de noftre-Dame de Vernon ,
&ilarriva fur les fix heures du
foir à la Chartreuſe de Bourbon-
Les Doyens & Curez de
tous les lieux par où le Convoypaſſa
, firentdes Prieres far
le corps , l'on diſtribua des aumoſnes
à tous les Pauvres des
Paroiſſes de la route. H fut prefenté
le Samedy 14. au P.
Prieur étant à la teſte de fa
Communauté , par Mr de Cornoaille
& Mr l'Abbé de la
Borde , Premier Aumonier de
20
la Princeſſe ,luy fitle Difcours
qui fuit.
Nousvenons en ce lieu ,mon Re-
1
GALANT .
93
verend Pere , pour mesler nos larmes
àcelles des Saints Solitaires qui y
habitent. Le present qui leur est
fait, estdignede lapieré de ceMonastere
, & de la Princeffe qui le
donne. C'est le corps de tres-haute ,
tres puissante &fereniffime Princeffe,
Madame Marie de Bourbon,
Princeſſe du Sang , Veuve de tresbaut
,tres puissant &fereniffime
Prince , Monseigneur François.
Thomas de Savoye , Prince de Carignant
, que nous apportons à ces
faints Solitaires , pour leur donner
des marques ſenſibles aprés la mort
denostre illustre Princesſſe , de l'estime&
de l'amitie qu'elle a euëpour
eux pendantſa vie.
Elleacru que ce n'estoit pas assez
pour cette fainte Communauté de
poffeder Meſſeigneurs les Cardinaux
de Bourbon ,ſes illuftres Fondateurs
, Oncles & Freresde Mes94
MERCURE
Seigneurs Charles de Bourbon
Comte de Soiffons , & Madame
Anne de Montaſfier ,son épouse ,
Pere & Mere de Monseigneur
Loüis de Bourbon , Comte de Soif-
Sons, Frere de nôtre illustre Princeffe,
deux deses plus tendres Ens
fans,MonseigneurlePrinceEugenede
Savoye, Comte de Soiffons,&
la Princeſſe Louise de Savoye , Veuve
de tres. haut , tres.puißant &
Sereniffime Prince& Souverain de
Baden. Tous ces précieux déposts
ne rempliſſoient pas affezle zelede
nostre piense Princeſſe pour le bien
&l'honneur de cette Maison , elle
avouluy estre déposée elle mesme
pour luy donner des marques Senfibles
d'un éternelſouvenir.
Il est difficile, mon R. P. de parler
dignement d'une auſſi grande
Princeſſe que la nostre, en qui
Dien avoit renfermé tant de per.
GALANT.
95
1
fections & de vertus , pour enfaire
un miracle dans l'ordre de la grace,
elle l'estoitparfaglorieuse naissance
dans l'ordre de la nature .
Dansune fi haute élevation
qui ajamais vû paroiſtre en elle ,
ou le moindresentiment d'orgueil,
oule moindre air de mépris , ſuia
vant le paroles du Prophete Royal ,
Neque ambulavi in magnis,neque
in mirabilibus ſuper me ,
quoy qu'il fût naturela nostre illuftre
Princeſſe de fairesentiràtout
Le monde une grandeur qui luy estoit
naturelle .
Si vous aviezvû , commenous,
le zele avec lequel elle a inspiré ,
dans sa maladie , aux Princes
Princeſſes defon Sang , qu'elle aimoit
avec tendreſſe , les sentimens de
Religion & de crainte de Dieu , an
attachement inviolable , & un pro-
• fond respect pour le plus grand des
وک
MERCURE
Rois , vous les auriezvûs tous fon
dant en larmes foumis à de ſiſainte
instructions , & toute sa Maison de.
folée. Elle se trouva toute vive &
toute entiere entre les bras de la
mort , fans presque l'avoir envi.
Sagée. A ce fatal avertiſſement,
nostre Princeſſepleine defoy ramas.
fetoutes les forces qu'un long exer.
cice de pieté luy avoit acquises , &
regarde fans fe troubler , humiliée
sous la main de Dieu toutes
les approches de la mort ; de
forteque nous pouvons dire avec le
Prophete Isaye , que sa mort est
glorieuse devant Dieu , & édifiante
fur la terre : Et erit ſupulchrum
ejusgloriofum
Confiderez cette picuſe Princeſſe
devant les Autels. Voyez qu'elle est
faiſie de la presence de Dieu , regardez
cette refpectueuse attention.
& la profonde humilité avec laquelle
GALANT .
quelle elle a recen le. Saint Vian.
que . Ce faze Ministre de Jesus-
Chriſt vous certifiera que la foy du
Centurion admirée par le Sauveur
du Monde , nefut pasplus vive que
Lafienne.
こAinsipreparéeducoflé de Dien .
- il nefaut pas s'étonner fi elle a fait
paroiſtre en mourant, toute la grandeur
de son ame , &fi elle est
morte en Heroine Chretienne ; car
on peut bien dire d'elle ce que dis
l'Ecriture d'un faint Roy dont ellea
canonizé la pieté , Spiritu magno
vidit ultima , qu'elle a envisagé
Safin avec un esprit Sublime &
predestiné.
Quels détours ne faut-il pas
prendre&à la hontede la Religion
? Quels ménagemens ne faut.
alpas apporter pour déterm ner les
Grands damonde dans leurs violenzes
maladies àſemunir des divins
1. Mr de Cornoüaille.
Juillet 1692 .
E
28 MERCVRE
Secours.N'y ménagemens, ny detours
ne font neceffaires pour y résoudre
notre verincase Princeffe. Elle les
defireelle mesme avec ardeur, elle
Ies demande avec empreſſement, elle
n'attend pas que son esprit. affo bly
nefoitplus eenn estat d'en pprofiter;
elle veut pour reffentir toute la versa
des divins Sacremens , eftre dans
unparfair usage desa naison ,&
poffederfon ametoure entiere por
s'en appliquer tourtofruit.
Pleurez , Fauvres de leſus - Christ
pleurez disje, Religieux , Vierges
facrées , ames pures dont le monde
n'estoit pas dignez vous qu'elle affiloit
avec tant de joge &de bonté,
qu'elle vifioit aveedefisaintsim .
proffmans, enfe dépouillant d'une
grandeur quitupeston sonaturelle.
Quel Panegyrique prononceriezvous
à ſa gloire par ves gem ffemens
THEQUR
DELI
LYON
1893
*
efton permis de vous imro
1
A
1
THAQUE DE LAVILLE
99
GALANT.
duire dans ce lieu de penitence !
Aidez- nous monR. P. 80
vos illustres Solitaires , à remplir
dans toutefon eſtenduë un commun
devoir. Sainte Solitude que nostre
grande Princeſſe a choisi , & dif.
tinguée par préférence , donnezlay
une sepulture Chrétienne , &
digne de fa naiſſance. Aidez- nous
à luy rendre devant Dieu le tribut
Solide de nostre veritable reconnois.
Sance , &par les Sacrificesfans iache
que vous allezimmoler chaque
jour , achevezde purifier cette ame
que toute la grandeur du monden'a
paremplir, parce qu'elle estoit créée
pour la gloire éternelle & incorruptible
, que Dicu prépare à fes
Elus. A
Le Pere Prieur luy ayant
répondu d'une maniere fort
édifiante ,on fit les Prieres ecoutumées
, & le lendemain
E 2
100 MERCURE
aprés qu'il eut celebré uneMefſe
haute , le Corps fut mis avec
les ceremonies ordinaires dans
le Caveau du Mauſolée des
Bourbon- Soiffons , l'un des plus
ſuperbes qu'il y ait en Fran-
се..
Vous avez déja appris la mort
deMr le Ducd'Uſez ,puis qu'elle
eſt arrivée le premierjour de
ce mois. Il n'eſtoit encore que
dansſa cinquantiéme année ,&
le nom de Comte de Cruffol
qu'il a porté fort longtemps
avant qu'il fuſt Duc d'Uzez ,
vous l'a fait affez connoiſtre .
Vous ſçavez que la Maiſon de
Cruffol eft tres-ancienne. Elle
prend ſon nom de la Terre de
Cruffol , ſituée dans le Vivarets
proche du Rofne
titrede Comté . Geraud Baftet
I. du nom , Sire de Crufſol , viavec
GALANT. 101
د
voit en 1302. & c'eſt de luy
qu'eſtoit deſcendu Jacques ,
Sire de Cruflol , Grand Panetier
de France ',qui époufa Si
monne , Vicomteſſe d'Uzez
Fille unique & Heritiere de
Jean & Jeanne de Brancas ,
dont il eutCharles de Crufſol ,
Vicomte d'Uzez , Chambellan
du Roy , & Grand Pannetier
de France en 1533. Celuy-
cy épouſa Jeanne de Genouillac
,Dame d'Acier , Fille
de Jacques , Grand-Maiſtre de
d'Artillerie & Grand Ecuyer
de France , & de ce Mariage
fortit entre autres Enfans
د
Antoine de Cruſſol , qui eut
beaucoup de part aux affaires
de fon temps , & qui commanda
en Languedoc , Provence &
Dauphiné. Le Roy Charles IX.
voulant recompenfer ſes fer
D3
102
MERCURE
vices , érigea en ſa faveur Uzez
en Duché & Pairie vers l'an
1577. Comme il mourut fans
pofterité , Jacques de Cruffol
Ion Frere luy fucceda. Il fut
Confeiller d'Etat , Capitaine
decent hommes d'armes des
Ordonnances , & à la premiere
creation des Chevaliers de l'Ordre
du Saint Efprit ,le Roy
Henry HL.lefitde ce nombre .
11. prit alliance avec Françoiſe
de Clermont , Fille d'Antoine ,
Vicomte de Tallardo, dont il
eut Emanuel de Cruffol I. du
nom , Duc d'Uzez , Pair de
France , qui fut Chevalier
d'honneur de la Reinen Anne
d'Auftriche , &bhonové du
Collier des Ordres du Roy en
1619. Il épousa Claude Ebrard
Dame de Saint Sulpicer, Fille
de Jacques dit Bertrand , LieuGALANT.
1013
e
21
1
tenant de Roy en Quercy , &
de Françoife-Loüife Balagnier
Dame de Montfalez , & ilen
cut François de Cruffol , Duc
d'Uzez Pairde France , Chevalier
des Ordres du Roy en
11661. François de Cruffol
ayant époufé Louife-Henriette
de laChaſtre , en furſeparé ,
aprés quoy il ſe remaria avec
Marguerite d'Apcher , Fille
unique de Jean II. Baron d'Apcher,&
il en eut Emanuel IL.
Ducd'Uzez ,dont je vous ap.
prens la mort & Louis Marquis
de Florenfac. Monfieur
le Duc d'Uzez avoit épousé
Julie-Marie de Sainte Maure ,
Fille unique & Heritiere de
Charles , Duc de Montaufier ,
Pair de France , Chevalier des
Ordres du Roy , mort depuis
fort peu d'années ,& de Julie-
Lucine d'Angennes, Marquife
E 4
194 MERCVRE
de Ramboüillet & de Piſany ,
dont il a eû Mrle Comte de
Cruffol
د
:
preſentement Duc
d'Jzez , à qui Sa Majesté a donné
le Gouvernement de Saintonge
,&d'Angoumois , que la
mortde Mr le Duc d'Uzez fon
Perealaiffé vacant. Madame la
Marquise d'Antin , & Madame
la Marquiſe de Barbeſieux ſont
auffi forties de ce maraige.
On appritdans le meſme
temps par les Lettres venuës
de la Haye que Mr le Duc de
Meckelbourg y eſtoit mort le
22. du mois paffé. La Maiſon
des Princes qui portentce nom
eſt unedes plus anciennes d'Allemagne
. On ne peut rien diftingner
de vray dans ce qu'en
rapportent ceux qui preten
dent que fon origine vient de
Godefil ou de Genſeric , Rois
GALANT.
105
d
1
1
1
des Vandales , l'un en Espagne,
& l'autre en Afrique , D'autres
la font venir de Radagaiſe ,
Roydes Herules , mais ce qu'il
y a de certain , c'eſt que Henry
, Prince des Vandales , &
Ducde Meckelbourg , qui défendit
fi bien ſes Terres contre
le Marquis de Brandebourg
qu'on l'appella Henry le Lyon,
fut Fils de Henry le jeune ,
Prince des Vandales , qui fuivit
le Roy Saint Loüis en Egypre
, & Pere d'Albert I. Duc
de Meckelbourg. C'eſt de ces
Princes qu'eſtoitdeſcendu Jean
Albert ,Duc de Meckelbourg
qui introduifit la Religion
Proteftante dans ſes Eſtats , &
cut pour Fils , Jean Duc de
Meckelbourg , qui mourut en
1592. laiſſant de Sophie , Fille
d'Adolphe , Duc d'Holſace ,
Es
106 MERCVRE
Adolphe Frideric , & Jean Albert.
Ces deux princes ont fait
les deux branches de Mechel+
bourg Svverin , &de Meckelbourg
Guſtrovv. Adolphe Frideric
qui estoit l'ainé des deux ,
époufales . Septembre 1,622 .
Anne-Marie , Filled'Ennon II.
Comte d' Oftfriſe , dont il eut
Chreftien-Louis , Duc de Meckelbourg
, Prince des Vandalés
,& c'eſt celuy qui vientde
mourir . Ce Prince eſtoit né le
premier jour de Decembre
1623.& avoitépousé Chriſtine
Marguerite de Meckelbourg
Guftrou, fal confine , Fille de
Jean Albert ,& veuve de François
Albert , Ducde Saxe Lauvembourg.
Il la repudia , & eftant
venu en France où il abjura
la Religion Proteſtante en
1663. entre les mains du Car-
1
GALANT. 107
dinal Antoine Barberin , il receutl'Ordre
du Saint Eſprit , &
épouſa Elizabeth Angelique
de Montmorency , veuve de
Gaspard de Coligny IV . du
nom , Duc de Chaſtillon , &
Soeur de François Henry de
Montmorency,Duc de Luxembourg-
Piney Marechal de
France.
,
Vous ſçavez fans doute ,Madame
, que Sa Majesté a crée
cent Charges hereditaires de
Lieutenans de Roy dans ſon
Royaume , auſquelles il a atra
ché beaucoupde prérogatives.
L'Edit porte qu'elles ſont crées
pourdes Gentilshommes d'une
qualité,diſtinguée par leurs
fervices , & par ceux de leurs
Predeceffeurs. Ily ena 9. pour
le Languedoc , & M.de Mar
quis de laFare eſt le premier
E6
108 MERCURE
qui ait eû l'agrément de Sa
Majefté pour une de celles de
cetteProvince. Il eſt à preſent
le chefde la Maiſon de la Fare ,
dontje vous ay marqué les avantages
dans quelqu'une de
mes Lettres. Il commença fort
jeune à fervir le Roy de mefme
que tous ceux de certe famille
, ayant eu ſept deſes Frcres
dans le ſervice , dont il en
est mort plufieurs. Il y ena eu
de Colonels de Cavalerie , &
d'Infanterie , de Gouverneurs
de Places , de Maréchaux de
Camp &de Lieutenans Gene.
raux des Armées du Roy. Mr
leMarquis de la Fare dontje
vous parle , a receu pluſieurs
bleffures , & entre autres un
coupde Mouſquet qui luy a fait
perdre un oeil, auffi a-t- il paffé
par tous les degrez , ayant eſté
GALANT. 109
Capitaine , Meſtre de Camp
d'Infanterie , & de Cavalerie ,
Gouverneur de laVille de Balaguier
en Catalogne & puis de la
Citadelle & Chaſteau de Roze
auffi en Catalogne , le Gouvernement
ayant vaqué par la
mort de M. le Marquis de la
Fare fon Frere ainé , Pere de
Mr le Marquisde la Fare , Capitaine
des Gardes du Corps
de Monfieur. Il eſt prefentementGouverneur
du Fort de
Brefcon , Ville & Port d'Agde
for la coſte du Languedoc ,
Subdelegué de Meſſieurs les
Maréchaux de France , pour
connoiſtre des differens de la

Nobleſſe fur le point d'honneur
& fort ancien Maréchal
des Camps &Armées du
Roy. Il n'a que deux Fils Capitaines
de Cavalerie , & eft
110 MERCURE
marié avec Dame Marie d'Allemagne
de Mirabel. Il porte
pourArmes d'azur à trois Flambeaux
d'or allumezde gueules , mis
en pal. Je vous parleray avec le
temps des autres Lieutenans
deRoy , qui ont eſté agréez .
Vay creu devoir commencer
par Mr le Marquis de la Fare ,
parce qu'il eſt le premier qui
ait eu cet avantage .
Je vous envoye une Lettre .
venue de Hollande que vous
ne ferez pas faſchée de lire.:
Elle est écrite à Mr le Comte
de Tourville , & le hazard me
l'a fait tomber entre les mains .
Ala Haye ce 12.Juin 1692 .
MONSIEUR,
?
Le n'ay jamais eu l'honneur de
vous écrire ,&jeprens aujourd'huy
:
:
GALANT.
cette liberté , ce n'est point dans le
deffein de vous confoler du malheur
qui vous est arrive. Iamais
malheur n'eut moins beſoinde con-
Solation que le vôtre , & il n'y en
Lutjamais deplus glorieux. Bien des
Generaux enremportant la victoire
n'ont pas acquis tant deréputation
que vous aviz fait en la perdant .
fi cettefois l'avantagea esté pour
les Vainqueurs , la gloire a estè
route entiere pour les Vaincus. Ce
n'est pas moy , Monsieur , qui le
dis. le pourrois étreſeduit par l'ancienne
profeffion que je fais de vous
honorer , & d'estre de vos fervi.
teurs. Ie ne parle quefur le rapport
devos Ennemis témoms ; fur la for
delquels on peut bienserepofer,&
qui tout remplis des belles actions
quevous avezfaites dans cetteBa.
taille , ont parlé de vous d'une mas
nieresi avarageuse,que leursMai
112 MERCURE
ſtres en les faisant imprimer,n'ont
pas jugé à propos selon leur politique
, de publier ainſi les éloges d'un
General ennemy , qui pourra paroiſtre
encore furla Scene, le ſuis
en lieu pour en sçavoir des nouvelles
&cn'estpas seulement Ailemonde.
Calambourg , Vemberg , Goës ,
Skey ; & les autres principaux of.
ficiersdela Floitee Hollando se qui
vous rendent cette justice,les bonnes
gens qui ne sçavent dire que ce
qu'ilspenfent , mais cefont Misles
Anglois , Nation fiere , qui jusqu'à
vous n'avoient jamais sceu ce que
c'estoit que d'admirer même fes
Vainqueurs , à plus forte raiſon un
Vaincu. C'est un Ruffel qui a avoué
qu'il ne s'estjamais vú en pareille
feste, ny en plus grand danger.
C'est Delval qui vous a vû finir
comme vous avez commencé ,
mefortir du Combat qu'au milien
GALANT. 113
des feux & des flames , & lors
qu'il n'y avoit plus lieu de combattre.
C'est enfin Schoirel, qui témoin
de tout, a écrit que vous avez tout
Seul eſſuyétoutes les forces des Alliez
, & qu'on ne pouvoit pas foutenir
lapartie avec plus de conduite,
de valeur& d'intrepiditéque vous
avezfait jusqu'au bout. Icneparle
point ainsi , Monsieur , pour dire
de belles choses . Du moinssi j'en dis
c'est parce que vous les avez faites
Jen'aypas besoin d'éloquence , talent
quejen'ay pas acquis envingtquatre
ou vingt - cinq ans qu'il
y a que je fuis hors de France ; je
n'ay qu'à estre un Historien fidelle ;
&pour preuve que je nesuis pas de
ce caractere-là , c'est que je vais
vous raconter auſſi ce que l'on dis
contre vous , qui est que cette action
estoit bien hardie , d'estre venu
chercher &attaquer avec quaran.
1
114 MERCURE
10 ... te. cinq Vaiffeaux de guerre , toutes
les forces des deux plus puissantes
Nations, ce qui estoit les affronter,
& témoigner beaucoup de mépris
-pour elles. On ne comprend pas
aprés cela comment elles ont pu
vous donner tantde loüanges . Votre
deffein estou d'en meriter bien d'autres
à leurs dépens ,& elles avouent
que vous ne vous y estes pas mal
pris ,& que vos premiers falutsfurent
terribles , jusqu'à les déconcer
ter ; mais le vent qui s'est déclaré
toute cette année contre les François,
vous trahit malheureusement ,
C'estoit trop d'avantages à la fois
pour des Ennemis , de plus de la
moitiéplus forts quevous , mais qui
curent besoin de tout ce secours
pourvous arracher lavictoire, qu'ils
n'ont remportée qu'à lafaveur des
tenebres que la famée du Canon
caufoit. Ce fut pourtant ( à leur
GALANT. 115
dire ) dans cette occasion que vous
fiftes des actions qui meritoient un
grandjour.Ie nesçaypas, Monsieur,
ſi je fais mal de vous en faire encore
fouvenir ; mais de tout ce que
vous avez fait de plus éclatant en
voſtre vie où vous avez esté toujours
heureux , je ne crois pas ,
quoy que mal- heureux icy , qu'il
y ait jamais rien eu de plus beau
pourvous que cette journée , ou
vous fustes plus de quatre heures
fur la fin du Combat à essuyer
tout ce que vos Ennemis avoient
de plus terrible ,ſans leur donner
jamais le moindre avantage fur
vous. C'est dans ces occafions- là ,
Monsieur , que l'on connoist ceux
qui meritentd'estremis au nombre
des Heros. le vous supplie treshumblement
de me pardonner, si
apréscela je prens la libertéde vous
dire que vous avez lieu d'estre con116
MER CURE
sent devous ,& que vous n'avez
aucun ſuiet de vous plaindre de
la fortune. Elle ne pouvoit faire
guere davantage pour vous, lors que
tout étoit contrevous. Les Miracles
de lafaçonfont rares ; c'en est un
affez grand que de vous avoir tire,
non seulement d'entre les mains de
vos Ennemis où tout le monde icy
vous croyoit , mais d'entre celles de
la mort que vous avezbravée durant
quatreiours. Jeſuis bon Françoisfiiamais
hommele fut ;mais
quelque grande que paroiſſe la perte
que la France a fairedans cetteoc.
cafion,je trouve qu'ily a lieu deſe
consoler qu'un homme comme vous
aitestéfauvéde tout danger aprés
en avoir tant couru , & ie ne
doute pas que vous ne faffioz bien
toſt ſentir aux Ennemis de la Fran.
ce comme vous le fiftes fi bienta
Campagne passée , qu'à armes
GALANT .
117
égales son deſtin est toujours de
triompher . L'espere , Monsieur, que
-vous voudrez bien mefaire lagrace
- de croire qu'il est peu de personnes
aumonde qui le souhaittient tant
que moy pour le bonheur dema Pa
tries & pourvostregloire, n'y ayant
point d'homme au monde qui foiz
avec plus de respect & de paffion
que jefuis , Monsieur , Vostre tres ,
Le hazard ſe meſle de beaucoup
de choſes , & on luy doit
quelquefois ce qu'on s'eſt flatté
inutilement d'obtenir de la prudence
. Vn Cavalierné pour les
plaifirs,& fait pour les procurer
menoit une vie fort agreable, en
voyant tout ce qu'il y avoit de
jolies perſonnes qui luy paroiffoient
dignes de fes foins . Ses
manieres pleines de galanterie
étoientun charmepour les plus
118 MERCVRE
د
difficiles à veſtre touchées
&celles qui n'aimoientque la
dépenſe trouvoient leur compte
avecluy , par les avantages
qu'il avoit reçus de la Fortune
&qui le rendant d'une humeur
fort liberale , luy faifoient cher.
cherdejour enjourde nouvaux
moïens de divertir &de plaire .
Joignez à cela un eſprit aifé &
delicat,qui faiſoit toujours impreffion
quand il vouloit s'appliquer
à dire de jolies choſes .
Ainſi ſon coeur qu'il ſembloit
offrir à toutes celles pour qui il
avoitun peu d'affiduite, fut une
conqueſte à faire , qui excita
bien des jaloufies ; mais enfin
aprés l'avoir promene, longtemps
par tout , il ne put s'empeſcher
de le fixer auprés d'une
jeune Demoiſelle d'un fort
grand merite , qui luy témoiGALANT.
119
gnant moins d'empreſſement
que toutes les autres , de s'en
rendre la Maiſtreſſe , le piqua
plus fortement.Le peu d'efforts
qu'elle ſembloit faire pour s'attirer
ſes viſites , fut ce qui le fit
eſtre plus affidu à la voir , &
quand en ſe plaignant de fon
apparente indifference , illuy
difoit qu'il eſtoit bien mal récompenfé
des reproches qu'on
luy faiſoiten tout lieu , qu'ilne
gligeoit toutes ſes Amies pour
ne s'attacher qu'à elle , les confeils
qu'elle luy donnoit d'an
ton un peu froid , quoy que
toujours fort honneſte , de ne
point quitter mal à propos ce
qui avoit pourduy plus de charmes
que fa conversation , redoubloient
fa paffion avec tant
de force que ne pouvant plus
trouver de plaifir ailleurs ; elle
120 MERCURE
fut enfin l'unique objet de ſa
complaiſance.Un amour ſi violent
produifit bien toſt l'effet
qu'elle en avoit attendu. Il parla
d'articles, ils furent dreſſez ,&
le mariage ſe fit en fort peu de
temps. Latendreſſe eſtant réciproque
entr'eux, l'union futlauſſi
doucequ'étroite,maisquoi qu'il
aimaſt veritablement ſaFemme
l'aſſurance d'eſtre aimé , & le
privilege d'en recevoirtoujours
les plus fortes marques , luy en
rendirent inſenſiblement les
douceurs plus infipides , & le
panchant qu'il avoit à eſtre galant,
luy faiſant fermer les yeux
fur les obligations où il s'étoit
mis , il recommença à voir les
Belles , fans vouloir fonger aux
riſques où il s'expoſoit. C'étoit
manquer en quelque façon à ce
qu'il devoit à une Femme qui
n'avoit
GALAN T. 121
n'avoit des yeux que pour luy
ſeul , mais comme il luy conſervoit
une tres- fincere eſtime
il crutqu'il yavoit du ſcrupu-
Is a vouloir porter les chofes
plus loin , & qu'il rempliroit
aſſez ſes devoirs , s'il tenoit
avec elle une conduite remplie
d'égards &d'honneſtetez , fans
s'aſſujettir à mener une vie
languiſſante& triſte, en ſe privant
de ce qui avoit toujours
fait ſes plus doux plaiſirs . Ce
changement chagrina la Dame.
Quoy qu'il vécuſt toujours
avec elle de la maniere du
monde la plus obligeante pour
tout ce qui regardoit& fes divertiſſemens
,& la dépense qu'-
elle vouloit faire , illuy futaiſé
de remarquer que ſes ſentimens
étoient moins vifs , &
qu'il entroit un peu de con-
Juillet 1692 . F
122 MER CURE
trainte& de froideur dans les
careſſes qu'il affectoit de luy
faire. Elle luy en fitde legeres
plaintes,& en luy diſant agréablement
qu'il ne pouvoit s'empêcher
d'eſtre coquet , elle le
pria de prendre garde , qu'à
force de voir les belles , quelque
Rivale ne luy enlevaſt ſon
coeur. Il répondit à cela qu'elledevoit
juger affez bien de
luy , pour eſtre perfuadée que
luy ayant connu un merite qu'il
n'avoittrouvé dans aucune autre
, cette connoiſſance le foutiendroit
contre toutes les furpriſes
qu'elle ſembloit craindre
, mais qu'il luy faloit un
amusement , & qu'ayant toujours
eſtédu monde, il donneroit
lieu à des contes mal plaifans
, dont le ridicule pourroit
retomber fur elle , fi le mariage
i
1
GALANT.
123
Pobligeoit à la retraite ; que
d'ailleurs il faiſoit voir le peu
de part que ſon coeur avoit dans
les commerces galans qui luy
eſtoient reprochez , puis qu'il
contoit des douceurs par tout
fans aucunes préferences , &
qu'il n'y avoit que l'attache.
ment particulier qui peuteſtre
dangereux .Cequ'il diſoit êtant
affez vray ſemblable, il fut conclu
, que tant qu'il n'y auroit
point d'aſſiduité reglée ,la Dame
n'auroit aucun droit de
cenfurer ſa conduite. Cepen
dant il cutbeau ſe déguiſer , &
chercher à luy cacher dans la
foule le vray chemin qu'il
tenoit ; elle démeſla qu'une
aimable Veuve avoit ſes ſoins
les plus empreſſez , & que les
viſites qu'il rendoit aux autres
n'eſtoient qu'une adreſſe pour
F 2
124 MERCURE
empêcher qu'on ne découvriſt
ce qu'il avoit dans le coeur. La
Dame aprés s'éſtre entierement
éclaircie dans ſes ſoupçons, luy
demanda un jour en riant ſes
feuretez contre cette Veuve,&
l'embarras qu'il fit paroiſtre à
fon nom , la convainquit qu'il
en eſtoit veritablement touché.
Il tâcha de ſe remettre , & luy
répondit d'un ton un peu froid
que ſes reproches eſtoient fort
injuſtes , puis que la Veuve
eſtoit celle de toutes les Dames
chez qui il alloit , qui luy convenoit
le moins , & pour fon
eſprit ; & pour l'inégalité de
fon bumeur , & que s'il pou .
voithonneſtement ceſſer de la
voir , ſans donner lieu , de penfer
qu'elle en cuſt eſté jalouſe ,
il luy en feroit le facrifice ſans
peine. La Dame ne pouſſa pas
GALANT.
1
125
la choſe plus loin , & le Cavaliers
obſerva un peu plus qu'il
n'avoit fait, lors qu'il eut connu
que l'on penetroit dans ſes
veritables ſentimens , mais la
contrainte qu'il ſe fit par là ,
ne ſervit qu'à augmenter l'envie
qu'il avoit de voir la Veuve
, & à luy en rendre le plaiſir
plus doux . On renouvella les
plaintes, & comme il les receut
d'une maniere un peu aigre, ſa
Femme qui estoit fage & habile
, comprit qu'il y avoit du
danger à le trop pouſſer ſur une
intrigue que la réſiſtance pouvoit
affermir , & qu'un peu de
temps devoit détruire. Elle feignit
de ne pas s'appercevoir
qu'il prenoit ſon ſerieux , &
tourna la choſe en plaifanterie.
Il y eut ſeulement de fon coſté
un redoublement de complai-
F3
126 MERCURE
fance , & il en fut tellement
charmé , que joüiſſant de l'entiere
liberté de vivre à ſa fantaiſie
, il luyen marquoit ſa reconnoiffance
par tous les plaifirs
qu'il pouvoitluy procurer.
Il ne laiſſoit pas de voirtoujours
fort ſouvent la Veuve , &
ſi quelqu'un l'accuſoit d'eſtre
trop galant , fa Femme prenoit
fon party d'une maniere agreable
, & témoignoit que rien ne
luy pouvoit plaire tant que de
voir les Belles trouver du merite
en ſon Mary. Il y avoit
déja plus d'un an qu'on luy
laiſſoit ſuivre ſon panchant
ſans aucun obſtacle , lors que
* ſa Femme luy propoſa d'aller
paſſer quelques jours à une
maiſon de campagne , où ils alloient
quelquefois aux environs
de Paris . Comme il ne fit
GALANT.
127
pas d'abord réponſe ſur lapropofition
, une Amie commune
quidevoit eſtre de cette partie,
luydit en riant qu'elle ne faifoit
pas reflexion qu'il n'yavoit
que deux jours juſqu'à celui
de la fête Cavalior , & qu'il
perdroit trop s'il s'éloignoit
dans un temps où les Bouquets
devoient l'accabler. Le Cavalierrépondit
qu'il ne vouloit
pas rompre la partie , & que
peut- eſtre il n'y auroit rien de
perdu pour luy , puisqu'il croyoit
avoir affez de merite pour
s'attirer le voyage d'unGrifon.
Le mot de Grifon fit rire , on
en paria quelque temps ,
l'on partit. Le jour de la feſte
eſtant venu , l'Amie de la Dame
; auſſi ſpirituelle qu'elle
eſtoit aimable , & par l'agrément
de ſon humeur , & parce
&
F 4
128 MERCVRE
je ne ſçay quoy qui eſt ſitouchant
, & que l'on rencontre
en fort peu de Femmes , ſe mit
en teſte de tromper leCavalier .
Sa Femme avec elle concertane
la tromperie , ſe fit apporter ce
qu'il y avoit de plus belles
fleurs. Elles en firent un bouquet
fort propre , qu'elles en .
fermerent avec un billet d'un
caractere inconnu dans une
aſſez belle boëte , qu'on environna
d'un ruban bleu . On
choiſit enſuite un Payſan , en
qui l'on pouvoit prendre confiance,
& qu'on inſtruifit du
rôle qu'il devoit jouër. Le Cavalier
avoit commencé une
partie de Billard quand le Payſan
demanda à luy parler. Il le
tira un peu à l'écart , & luy dit
qu'une maniere de Valet de
chambre luy avoit donné un
GALANT .
119
1
,
écu blanc pour luy apporter la
boëte qu'il luy remettoit entre
les mains, & qu'il avoit repris
autfi- toft le chemin de Paris en
grande hâte , ſans avoir voulu
luy dire autre chose. Le Cavaliet
receut le preſent avec une
joye inconcevable & ayant
perdu ſa partie fort promptement
pour eſtre en estat d'ouvrir
la boëte , il alla dans un
jardin . où il ne pouvoit ſe laffer
de lire & relire le billet qu'il
trouva avec les fleurs. Il mic
le ruban à fon juſte au corps ,
&vint où eſtoientles Dames ,
d'un air fi content , qu'on ne
manqua pas d'en vouloirſçavoir
la cauſe . Il dit qu'il n'en
pouvoit avoir un plus grand
fujer , & que ſi on le pouvoit
deviner , foit par hazard , ou
de quelqu'autre maniere , il
FS
130 MERCURE
demeureroit d'accord de laverité
. L'Amie de la Dame , entr'-
autres talens qu'elle poffedoit
ſçavoittracer des Figures . On
la priad'employer ſon art , elle
fit quelques façons pour y confentir
, & enfin elle tirade certaines
lignes par leſquelles elle
prétendit avoir connu , qu'il y
avoit du Grifon dans le ruban
bleu , & qu'aſſurément il étoit
venu , accompagné de quelqu'autre
choſe . Le Cavalier
tout remply de ſon triomphe ,
lay répondit en s'applaudiffant
, qu'il avoit eu tort de ſe
vanter qu'on luy envoyeroit
quelque Grifon , & aprés avoir
continué quelque temps fur ce
ton- là , il conta l'avanture du
Païfan , & montra la boëte qu'il
lay venoit d'apporter , avec le
billet qui étoit dedans. Voicy
ce qu'il contenoit.
GALANT.
131
Il m'est impossible , Monsieur ,
de paffer le jour d'une aussi belle
Feſte,Sansvousdonner des marques
de mon ſouvenir. Cela chargeroit
tropma confcience ,&je ne me le
pardonnerois de ma vie . Ne jugez
pas du panchant qui m'occupe par
la petiteſſe du bouquet . Cela Seroit
trop injuste , & ce que je fins pour
vous ne peutfouffrirde comparaison
I'avois fait le projet de vous faire
un present magnifique , mais la firuation
où vous estes , & la com .
pagnie qui est avec vous , ne me
permettent pas de faire la chofe
avec tant d'éclat , ce qui est bien
triste pour unepersonne qui est avec
toute l'ardeur &la paſſion poſſible ,
Vostre ,&c. Il y avoit par apoftille.
l'ay donné ordre au Porteur
de charger un Paysan du Village de
vous rendre cette boëte. Le croy que
vous approuverezma politique.
F6
132 MERCURE
La lecture du billet fut fuivie
d'une Scene fort plaiſante ,
fur ce que l'Amie de la Dame
dit au Cavalier , qu'il n'y avoit
point pour luy dans l'avanture
dequoy faire tant le vain , puifque
non ſeulement le ſtile de
ce billet , mais la maniere mefme
dont les caracteres en
estoient rfomez , faifoit connoiſtre
que celle qui l'avoit
écrit eſtoit une de ces femmes
du commun , qui ne meritant
aucune eſtime , neſe font point
une affaire de prodiguer des
avances pour s'attirer des Amans
. La Dame dit au contraire
, qu'elle ne pouvoit douter
qu'ilne vinſt de fort bon lieu ,
qu'elle y trouvoit un tour delicat
qui marquoit je ne ſçay
quoy d'élevé , & que fon Mary
eſtant reçu agreablement chez
GALANT.
133
1
1
toutes les Femmes du plus.
grandair , il n'y avoit aucune
apparence , qu'une perfonne
de rien ſe fuſt aviſée de luy
écrire. La conteſtation dura
fort long temps.Chacune foûtint
ſon party avec eſprit , &la
conclufion fut que l'impatience
qu'eut le Cavalier de s'éclaircir
dela choſe les obligea de retourner
à Paris dés ce jour mefme.
Comme il eſtoit fort perfuadé
que le preſent venoit de
la Veuve , parce que le mot
de charger ma confcience , que
l'on avoit affecté d'employer
dans le billet , eftoit ſon mot
Favory , ilallad'abord chez elle
paréde fon rubanbleu. La Veuve
qui l'apperçut luy demanda
auffi toſt pourquoy cette nouveauté
, & il répondit qu'il ne
croyoit pas qu'elle en dust eftre
134
MERCVRE
ſurpriſe , puis qu'elle ſçavoit
mieux que perſonne ce qui
l'engageoit à le porter. Elle
voulut avoir l'explication de
cette réponſe , & il ne la put
donner qu'en luy parlant du
Grifon qui luy avoit apporté
un bouquetàla Campagne. La
Veuve , qui estoit extrémement
fiere , trouva fort mauvais
qu'il fuft affez bien avec
quelque femme que ce fuſt ,
pour l'engager àun ſoin qui
ne ſe prenoit que par un
excés d'amour , & comme il
luy avoit déja parlé d'un billet
, il ne put ſe diſpenſer de
le faire voir . Sa fierté fut blefſée
juſqu'au plus haut point.
Elleluy dit , qu'elle voyoitbien
qu'ill'avoit trompée , en luy
jurant tantde fois que les viſites
trop affiduës qu'il rendoit à
GALAN Τ.
135
d'autres Femmes n'eſtoientque
pour mieux cacher l'attachement
qu'il avoit pour elle , &
qu'il étoit impoffible de ſe réfoudre
à écrire de cette force ,
fans avoir des aſſurances du plus
violent amour. Il eut beau luy
dire , qu'elle pouvoit voir fon
innocence dans l'empreſſement
qu'il avoit eu de la voir , ne
pouvant jetter les yeux que fur
elle pour te billet qu'il avoit
reçu . La Veuve prit pour offenſe
la penſée ou il étoit qu'elle
euſt voulu luy écrire ſi obligeamment
, & ce qu'il luy dit
pour l'appaiſer , n'ayant rien
d'affez foumis pour la fatisfaire,
elle le pria de ne la plus voir.
Il n'obéit point , & revint le
lendemain , mais il fut fi mal
reçu , non ſeulement ce jourla
,mais encore en pluſieurs
136 MERCURE
autres viſites , qu'il ceſſa d'y
retourner. Il ſe mit devant les
yeux la fage conduite de ſa
Femme , qui avoit fouffert fon
égarement fans s'emporter , au
lieu que la Veuve gardoit une
fierté tyrannique dont il avoit
fouvent à fouffrir. Ainfileurintrigue
fut rompuë par cet incident
, & la Dame qui n'avoit
voulu jouïr que d'une innocente
tromperie , ſe vit défaite
de ſa Rivale , lors qu'elle
y penſoit le moins.
La Lettre que vous allez lire
eſtant fur les affaires du
temps , je vous fais part de la
copie qu'on m'ena donnée. Elle
eft fans date , mais il eſt aiſé de
voir qu'elle à eſté écrite peu.
de jours avant que le Roy ait:
pris le Chaſteau de Namur..
GALANT. 137
LETTRE INTERCEPΤΕΕ
Du Prieur des Carmes du Desert
de Namur , au Provincial des
Carmes Déchauffez à Malines.
MOPerTres
- Reverend
Pay receu la Lettre de vostre
Reverence , & je n'ay pas manqué
Suivantſes ordres de recommander
fortementànos Religieux de redoubler
leurs prieres pour l'Auguste
Maison , & pour tous ses Alliezs
mais j'ay trouvé des difficultez que
je n'avois pas prevenuës , & jay
besoin de toute la ſageſſe de V. R.
poury remédier. Nos Religieux qui
avoient esté plusieurs fois témoins
des impietez des Soldats Hollandois
, Allemans & Anglois , & qui
s'estoient imaginé que les François
estoient encore pires , ont eſteſi èdi
138. MERCVRE
fiez de voir l'affluence prodigieuse
de soldats , & mesme d'Officiers
qui font journellement leurs devo .
tions dans noftre Chapelle , qu'ils
ont aujourd'huy quelque scrupule
de prier Dieu pour les Heretiques
contre des Chretiens qui menent
une vie fi exemplaire. Il est vray,
mon Reverend Pere , qu'on a trouvé
des Officiers François qui ont esté
tuez dans les attaques , qui portoient
fur leur corps des cilices &
d'autres instrumens de pénitence ;
&jeſuis témoin que des plus grands
Seigneurs de la Courpaſſentla meil.
leure partie de la journée en orai.
Son dans noftre Chapelle , ou en retraite
dans nos Cellules ; mais ce
qu'ily a de plus ſurprenant ,le Roy
de France luy mesme leur en donne
l'exemple. Nous luy avons veu
faireſes devotions avec une pietéfi
veritable, que tousnos Religieux
GALANT . 139
en ont esté vivement touchez , en
forteque Frere Benoist eut la temerité
de me dire hier au foir , lors
queje voulus commencer nos prieres
ordinaires pour la prosperité des ar
mesdes Alliez que c'estoitse mocquer
de Dieu de le prier en faveur
des Ennemis declarez defonEglife,
contre un Prince pieux , qui en est
aujourd'huy l'unique Défenseur ,
quien foûtientsi dignement la qualité
, &par son exemple & par
fes actions. Il s'éleva àmesme temps
un murmure parmyles autres Religieux
qui applaudiſſoient à ce traistre.
L'eus beaucoup de peine à leur
impoſer ſilence , &à l'empescher
de continuer l'éloge du Roy de France;
je fus mesme obligé de mefervir
de l'autorité de la fainte Obedience.
Je fis ensuite une rade reprimande
à F. Benoist , &je repre
Sentay àma Communautéla gran
140
MERCURE
de pieté de l'Empereur , &lesobligations
infinies que nous avions
à l'Auguste Maison. Je leur défendis
de raiſonner jamais fur de
pareilles matieres ,& leur fis connoistre
qu'ily avoit trop d'orgueil &
de presomption a vouloir penetrer
les fecrets de la divine Providence ,
quiſeſert quelquefois des méchans
des impies pour punir les pechez
des Fidelles . Je supplie V. R. de me
preſcrirece que je doisfaire en cette
occaſion ; car à moins que le Roy
d'Angleterre nefafſſse lever le Siege
comme un Religieux de Namur me
l'assura hier , je n'oferois châtier
F. Benoist. le ne sçaurois compren.
dre ce que ce Prince attend , puifque
l'affaire preffe , &que le Chastean
eft à l'extremité. A quoyfervent
donc les nombreuses Armées
des Alliez , s'ils laiſſent enlever à
leur voue laseule Fortereſſe impreGALANT.
141
nable que nous euſſions & qui fervoit
de boulevard à la Hollande ,
aux Pays- Bas & à Liege ? l'attens
les ordres de V. R. & fuis ,
&c.
Je ne doute point que la priſe
de Namur ne donne lieu à
beaucoup de Feſtes . Il s'en fit
une le 8. de ce mois dans l'Academie
de M. de Vandeüil ,
de Rochefort , & Dauricour.
Ces Ecuyers , dont tout le monde
connoiſt la capacité & le
merite , voulurent donner par
une maniere de Carrousel des
marques de lajoye qu'ils reſſentoient
de la priſe de cette Place
. La beauté de leur Manege ,
l'adreſſe & la magnificence des
M
Gentils-hommes , & le bon ordre
qu'ils y firent obſerver ,
remplirent d'admiration une
tres -grande quantité de Dames
}
142 MERCVRE
d'un rang diftingué , qu'on
avoit placées dans des fauteüils
ſous le grand Manege
couvert.Oncommença la Feſte
par une Courſe de Bague . Les
Gentilshommes , après avoir
paſſé en reveuë devant les Daimes
, &iles avoir ſaluées de la
Lance , coururent en leur honneur
la premiere fois ſelon la
coutume. On fut bien étonné
de voir paroiſtre parmy cette
Nobleſſe , deuxjeunes Princes
Maures , qui firent connoiftre
à tout le monde par leur bon
airque les foins de Mrs de Vandeüil
& Dauricour n'avoient
pas peu contribué à les rendre
François , au viſage prés . Vous
ſçavez que l'un de ces Princes
Maures eſt Fils du Roy d'Eſſini
en Guinée , & l'autre fon proche
Parent, qu'ils font tous deux
GALANT. 143
entretenus par le Roy , & que
Mr de Pontchartrain a qui Sa
Majesté en a donné le ſoin , a
choiſy ces Ecuyers pour leur
- apprendre les exercices , &
donner par là à toute la Terre
des marques de la magnificence,
&de la grandeur de la France.
Cette premiere Courſe ne
fit pas moins éclater l'adreſſe
des Gentils-hommes que les
autres dont M. le Marquis
d'Eſcar remporta tout l'honneur
, aprés l'avoir long-temps
diſputé contre M. le Comte du
Vaudray. Le prix eſtoit une
Epée enrichie de Figures tresdélicates
& fortbientravaillées
Dés que ces courſes furent
achevées, les plus habiles Gentilshommes
allerent changer
de Chevaux , & on les vit paroiſtre
un moment aprés plus
144
MERCURE
magnifiques & mieux montez .
On fit une marche autour du
Manege découvert , qui eſt
bordé de chaque coſté de trois
rangées d'arbres qui forment
une Perſpective fort agréable .
Ils avoient à leur teſte un Timbalier
& quatre Trompettes ,
fuivis par M. Dauricour qui
montoit un tres beau Cheval ,
qu'il ne retenoit qu'avec un
fimple ruban. Les Gentilshommes
estoient enſuite fur
des Chevaux d'Ecole dont les
crins eſtoient ornez de rubans
de toutes fortes de couleurs .
Mr de Vandeüil finiſſoit la
Marche. Ils entrerent dans le
Manége découvert en gardant
toujours le meſme ordre , &
Mr de Vandeüil commença
parune Galopade dont les
airs fatisfirent les Connoiffeurs.
Mr
GALANT. 145
Mr Dauricour parut aprés.
Lorſque l'on vit qu'il faifoit
manier ſon Cheval de ſi bonne
grace avec un ſimple ruban , on
tomba d'accord qu'il eſtoit en
meſme temps bel & bon homme
de cheval. Ce Manege fit
connoiſtre aux Spectateurs que
les Gentils- hommes qui apprennent
ſous d'auſſy ſçavans
Maiſtres ne pouvoient manquer
de ſe ſignaler. En effet
douze des plus Anciens firent
des merveilles dans les Galopades
, dont les caprioles & les
changemens de main furent
tres -bien executez . Celuy qui
avoit remporté le prix monta
quelque temps un Sauteur par
le droit en liberté , pendant
que deux autres Gentils hommes
faifoient paroiſtre leur fermeté
ſur deux autres Sauteurs
Iuillet 1692 . G
146 MERCURE
entre - piliers. Leurs fauts
eftoient fi prodigieux , que les
Dames ne ſe pouvoient empeſcher
de plaindre ceux qui
eſtoient deſſus. Cette diverſité
de Manege donna le temps aux
autres de changer encore une
fois de Chevaux , & de fortir
des Ecuries avec plus d'éclat
que les deux premieres. Ils
eſtoient au nombre de neuf ,
montez ſur des Chevaux garnis
d'Aigrettes de Plumes , & de
Houſſes caparaçonnées tresriches
& fort bien ajustées .
Trois ſe placerent au milieu ,
deux dans les côtez , & les
quatre autres dans les coins. Ils
commencerent au bruit des
Timbales & des Trompettes ,
& un moment aprés Mrs de
Vandeüil & Dauricour les
firent partir tous en meſme
GALANT. 147
2
les trois du temps ; ſçavoir
milieu fur les voltes , & les
fix autres ſur les demy.voltes ,
avec tant d'ordre , & fi peu de
confufion , que tout le monde
ſouhaitoit que la derniere
des trois repriſes qu'ils firent
de cette maniere duraft
éternellement ; mais cela
ne ſe pouvoit. Les jeunes
Gentils- hommes avoient trop
d'empreſſement de faire voir
leur adreſſe dans d'autres
exercices. En effet , la grande
confufion de monde qui estoit
accouru de toutes-parts pour
voir ce Carouzel , ne fut pas
pluſtoſt diſſipeé , que les Dames
entrerent dans une Salle
magnifique , ornée d'une grande
quantité de Luſtres , où
celuy quiavoitremportéle prix
B2
148 MERCVRE
commençaunBal , qui fut interrompu
cinqou fix fois par des
collations compoſées de liqueurs
, & d'autres rafraiſchiffemens
qu'on fervitauxDames.
Les Gentils hommes danſerent
-chacun à leur rang ; les divertiſſemens
finirent à onze heures
du foir , & chacun s'en retourna
tres - fatisfait de la Feſte.
Le 12. de ce mois , le Te
Deum fut chanté icy dans l'Egliſe
Cathedrale , ſuivant les
ordres portez dans la Lettre du
Roy à l'Archeveſque de Paris,
dont voicy les termes.
M
NCousin. Mes Ennemis
S'estoient persuadé, qu'ayant
aßemblé toutes leurs forces dans les
Pays-Bas ils arreſteroient le
cours demes Conquestes ; cependant
GALANT.
149
je n'ay pas laissé d'entreprendre en
Perſonne le Siege de la Ville & du
Chasteau de Namur , dont ils croyoient
la prise impoſſible. Ilsfont
ccourus au nombre de plus de cent
mille hommes , pour m'obliger d'en
leverle Siege , mais ilsſeſont cons
tentez d'en estre les spectateurs
pendant troisſemaines , &d'aſſiſter
à la reduction de la Place que j'ay
entierement soumise le 30. du
mois dernier , après trente jours de
tranchée ouverte . Si quelque chose
me flare dans une Conqueste aussi
importante , c'est bien moins lagloire
qui lafuit , ou l'agrandiffement
-de mes Etats , que l'esperance qu'-
elleme donne que mes Ennemis laf-
Sezde leurs pertes ,souscriront enfin
aux offres que je leur fais depuis
longtemps de finir la Guerre. C'est
aussi cette esperance qui m'oblige
particulierement de redoubler en
G3
150
MERCVRE
vers le Ciel mes actions de graces,
&de protester en mesme temps de
vant celuy qui connoist lesſentimens
de mon coeur, que jen'ay point
dedefir plus ardent que de mettre
tous mes Peuples en estat de le glorifieren
paix. le vous écris à cet
effet pour vous direque mon inten
tionest , que vous fassiezchanter le
Te Deum dans l'Eglise Cathe
draledema bonne Ville de Paris
au jour& à l'heure que le Grand
Maistre , oule Maistre de mes Ceremonies
vous dira de mapart ,&
je donne ordre à mes Cours d'y affi
ſter en la maniereaccoutumée. Sur
ce , je prie Dieu qu'il vous ait ,
mon Cousin , enfa fainte& digne
garde. Ecrit à Mariembourgle
fixiéme Iuillet 1692. LOUIS.
Etplus bas , PHELY PEAUx .
Toutes les Cours Superieures
affifterent à ce Te Deum ,
GALANT.
151
avec leurs habits de ceremonie ,
& le ſoir il y eut un fort beau
Feu d'artifice devant l'Hoſtel
de Ville . On y vit la France veftuë
& armée comme une Pallas
avec un manteau Royal fur
fes armes . Elle tenoit une
pique d'une main , & de l'autre
elle s'appuyoit fur fon Bouclier
fur le contour duquel on liſoir
ces mots , Nec bella gero nisi pacis
Amore. La Ville de Namur y
paroiſſoit dans un Tableau ſous
la figure d'une Femme quiavoit
un genoüil en terre ; & à laquelle
le Roy donnoit lamain
pour la relever. Ces paroles
eſtoient au haut du Tableau ,
Uni fuccumbere gaudet . Chaque
facede lamachine du Feu eſtoit
ornée de Deviſes . La premiere
eſtoitun bras fortant d'une nuë,
qui avec l'Epée Royale cou
G4
152
MERCVRE
poit le noeudGordien. Ces paroles
luy ſervoient d'ame. Sic
vana ligamina ſolvo. La ſeconde
eſtoit le Soleil au centre du
monde , d'où il fait mouvoir
autour de foy les Planetes & les
Cieux , & ces paroles , Te cun-
Eta movente moventur. Dans là
troiſieme , on voyoit auſſi le
Soleil dans ſon Char ſans que
ſa courſe fuſt arreſtée par les
Monſtres du Zodiaque , avec
cesdeux mots , Frustra obſtant.
Un autre Soleil en plein midy
eſtoit repreſenté dans la derniere
Deviſe , & une troupe
d'Oiseaux nocturnes éblouïs
de ſes rayons dont ils ne pouvoit
fouffrir la lumiere , alloit
ſe cacher dans l'obſcurité des
Foreſts voiſines , ce qui estoit
marqué par ces mots ,
impares. Ily eut un fort grand
Obnisi
GALANT.
153
&&&
Regal à l'Hôtel de Ville ; &
aprés que l'on eut tiréle Feu ,
la Feſte fut generale. Ce ne furent
que des feux par tout ,
ily en eutplus de cent confiderables
en divers quartiers. Les
uns marquerent leur zele par
des Illuminations , des fufees
volantes , des Repas , des Concerts
& des Bals , & d'autres
s'unirent enſemble pour faire
de grandes Feſtes . Ce qu'il y a
de certain , c'eſt que l'on peut
dire que ce jour-là les yeux ,
l'ouie& le gouft , tout fut content.
M. le Cardinal de Furſtemberg
fit l'Office dés le
matin dans l'Egliſe de S. Germain
des Prez. L'apréſdînée
il chante le Te Deum , pendant
lequel il y eut des Canons tirez .
H fit une fort grande dépenſe
en feux d'artifice , & à regaler
G
154
MERCVRE
tous ceux qui voulurent eſtre
témoins de la Feſte.
comme
Le Dimanche 13. Juillet ,
M. de Villacerf voulut témoigner
par une Feſte particuliere
la part qu'il prend aux avantages
du Roy & de l'Etat. Cette
Feſte fut d'autant plus agréable
qu'elle commença dans un
temps où perſonne ne s'y attendoit.
Il avoit attiré chez luy une
Compagnie choifie
fans deffein. Tous les preparatifs
furent cachez avec ſoin , &
ſe trouverent placez ſi à propos
qu'on ne pût rien découvrir
d'avance. On fervit un magni--
fique Soupé , & en fortant de
table on fut attiré aux feneftres .
par un bruit de Fuſées , dont on
fut furpris d'autant plus agréa--
blement qu'elles eſtoient jettées
ſans intervalle. L'une ſuiGALANT.
ISS
voit l'autre de ſi prés qu'en un
moment le Ciel parut tout en
feu , & toute la Place Royale
fut comme couverte d'une illumination
extraordinaire . Elle
dura fort long - temps par la
grande quantité qu'on jetta de
ces Fuſées. La ſurpriſe qu'on en
eut, fut fuiviede celle que donna
un trés-beau Feu d'Artifice..
Il fit fon effet fans un moment
d'intervalle, tant les meſures en
eſtoient bien priſes , & il ne
cauſa pas moins de plaifir dans
la Place Royale , que dans la
ruë d'où il partoit . C'eſtoit de
celle , où eſt l'Hostel de M. de
Vilacerf, qui estoit luy-mefme
fur ſa porte à inviter d'entrer
tout ce qu'il pût remarquer
d'honneſtes gens dans la ruë.
Ce Feu ayant duré un temps
confiderable , tout le monde fe
G6
156 MERCVRE
retiroit ,& on croyoit tout finy,
lors qu'on vit partir de nouveau
un nombre prodigieux de Fuſées
qui ſembloient ſe ſucceder
les unes aux autres , & qui recommencerent
une nouvelle illumination
, ce qui attira dans
la Place Royale tout le Peuple
des environs , afin de joüir de
ce ſpectacle .
Le Jeudy 17. les Auguſtins
Déchauffez de la Place des Victoires
, d'autant plus ardens à
ſe diftinguer lors qu'il s'agit de
la gloire de Sa Majesté,que leur
Maifon eſt de FondationRoyale,&
que leur Eglife , dédiée à
Noftre -Dame des Victoires
femble deſtinée pour rendre
inceſſamment graces à Dieu de
celles du Roy , firent chanter
le Te Deum en Muſique au bruit
de deux décharges de Boëtes..H
1
GALANT. 157
s'y trouva un concours extraordinaire
de perſonnes de qualité
&de Peuple .
M.de Catinat a fait faire auffi
de grandes réjoüiſſances pour
la priſe de Namur. Ontira, tant
de Pignerol que des Montagnes
voiſines où il y a des Troupes
Françoiſes, trois cens volées de
Canon , en même temps que
l'on fit trois fois les falves.
Jamais on n'a rien oüy de pareil,
à cauſe du retentiſſement des
Echos , ce qui faiſoit entendre
des millions de coups de Canon.
Il m'eſttombé deux Lettres
entre les mains , qui meritent
bien que vous les voyez. L'une
eft du Baron de Mazy à un
Chanoine de Liege. En voicy
lestermes.
Levous avoue ,Monsieur , que
158 MERCURE
r'estois depuis longtemps dans une
erreur bien groffiere. N'entendant
-parler dans le Pays que de l'Etoile
du Roy de France ,je m'imaginois
quece Prince n'avoit aucune partà
àtant de grands évenemens qui
furprennent tout le monde , & que
c'estoit cette heureuse Etoile qui
prenoit nos Villes , & gagnoit les
Batailles ; mais à tout ce que je
viens de voir de ce Monarque , م&
dans ma maison , où il a logé , &
dans le Siege de Namur ,il me paroiſt
que fon Etoile n'a pas grand'-
choſe à faire. Il donne luy.mesme
tous les ordres avec une facilité
merveilleuse , & lors qu'il s'agit
d'une action de vigueur , il ne se
contente pas de faire les détachemens
de diſpoſer les attaques ; ils'y
trouve en personne , & anime toutes
chofes , & par sa presence , &par
Son exemple. Il n'est point rebuté
GALANT.
159
par les grandes difficultez,&je l'ay
vû dans des temps facheux , fans
qu'il en parust ébranlé le moins du
monde. L'approche d'une Armée
de cent mille hommes qui marche
pour s'opposer àses deſſeins , nel'em.
baraſſe point. Il reconnoist tous les
postes qui auroient pu donner quelque
avantage aux Ennemis ,&
s'en faifit. Il partage ensuite ses
Troupes ; il en oppose une partie à
l'Armée des Alliez ; ilfortifie les
quartiers qui pourroient estre in-
Jultez ,&continueſon Siege avec
une fermetéſurprenante. Le mauvais
temps , & la vigoureuſe reſi-
Stance des Affirgeznefervent qu'à
luy faire redoubler ses efforts,fans
qu'ily ait rien quipuiſſe arreſter ſon
courage. Enfin ilprend cetteformi
dable Place à la veuë du secours
&malgré tous les Elemens. Voilà ,
Monsieur,cequej'ay vû.Après cela,
160 MERCVRE
parledel'Etoile qui voudra ,jefou
tiendray toujours quela valeur&
labonne conduite d'un Prince forcentfon
Etoile à luy estre favorable
Quoyque jen'aime pas les François
j'ay esté bien- aise de vous rendre
compte de tout cecy , afin que vous
remarquiez combien les raisonnemens
que Mrle Prieur de Sainte
Aldezonde nousfaisoit sur cette
Etoile fontfaux. Ne montrezpourtant
ma lettre qu'à nos Amis
particuliers , carje ne voudrois pas
qu'on mefist paſſer dans Liege pour
le Panegyriste du Roy de France.
Iefuis , Monsieur, voſtre&c.
Le ſtile de l'autre Lettre eft
different . Elle est d'un Bourgeois
de Louvain , qui écrit
ainſi à un de ſes Amis à Bruges.
GALANT. 161
Le Payseft vendu pere ,
,mon Comiln'en
faut plus douter,
Le Roy d'Angleterre ,& ce brave
Gouverneur qui devoit faire tant
de merveilles ne sont , ma foy ,
que des Traiſtres, qui sefont laissé
gagner par l'argent du Roy de
France , carfans cela , quelle ap.
parencey a-t- ilqu'ils euſſent este un
mois entier aux environs de Namur,
aveccent millehommes pour voir
prendre une Placefiforte , &fi bien
pourveuë de toutes choses fans
fairela moindre tentative pour la
Secourir: La pluye toute seule , &
le mauvais temps continuelen auroient
chaffé les François , fi nos
gens n'eussent esté d'intelligence
avec eux . Dien mercy , nous n'awons
plus de Forteſſe qui puiſſe reſiſter
aux Ennemis , & je crains
bien qu'au premier jour , ils ne se
162 MERCURE
faßent rembourfer par les groſſes
Villes du Pays , de ce que Namur
leur acousté. Les Liegeois enpourroient
bien payer leur pars , & tout
le mieux qui puiſſe nous arriver
aux uns & aux autres , est que les
Allieznous pillent eux mesmessous
pretexte de nous défendre. le vous
avonë que je ne sçaurois jamais
m'accoutumer à penser que Namur
Soit pris , & iefuis persuadé qu'on
nel'auroit iamais creu dans les Pays
Etrangers , ſi le Roy d'Angleterre
n'eust cu laprerogance defaire af-
Semblercent mille hommes de tant
de Nations differentes pour en estre
Spectateurs , & pour en pouvoir
rendre témoignage par toute l'Europe.
On difoit , lors que nous avions
perdu Mons , quec'estoit la faute
de Gastanaga. Il a esté chaße pour
mettre à ſaplace ce Duc de Baviere
qui promettois de restablir toutes
GALANT.
163
choſes . Nous en avions mesme bien
augurépar le bon ordre qu'il apporta
àſon arrivée aux entrées de
Sa chambre , &defon Anti- chambre
, qu'il regla à l'instar des Ar.
chiducs.Il estensuiteforty en Cam.
pagne,menaçant d'exterminer vous
les François du monde ,&pour ſon
coup d'effay il a laißé prendrela
Seule Placede reputation qui reſte
dans le Pays. Cen'estoit pas lapeine
de renvoyer Gastanaga pour ne
faire que cela. L'ay toujours esté bon
Espagnol , vous le ſcavez bien
mais puisque tout le monde nous
trahit , encore vaut.il mieuxvivre
avec les François , que mourir de
faim avec les Allicz qui nous pillent
les uns après les autres ; car
vous voyezbien que tous les ans on
nous promet les mesmes choses. Sur
ce beau pretexte , on nous prend
tout ce que nous avons ,& cepen
164 MERCVRE
dant les François enlevent nosPla
ces. Ma foy , Compere , il faut
prendre une bonne resolution , &
n'estre pas toujours les dupes de ces
gens cy . C'est voſtre , &c .
Combien les Muſes vont
eſtre occupées à celebrer la
conqueſte de Namur ! Entre
un grand nombre d'ouvrages
qui paroiſſent ſur cette matiere
le Sonnet qui ſuit s'eſt fait remarquer
,& a receu de grands
applaudiſſemens.
AUX OFFICIERS
François , engagez au ſervice
du Prince d'Orange .
DE vos premiers honneurs perdez-
vous la memoire ?
Ne vous souvient- il plus que vous
estes François ?
Infidelles Guerriers , qu'on vayoit
autrefois
GALAN T. 165
En tous lieux respectez , heureux ,
comblez de gloire ?
L'incredule avenir refuſera de croire,
Qu'après avoir fervi ſous le plus
grand des Rois ;
Vous ayez lâchement abandonnéses
Lois,
Pourfuivre des Drapeaux qu'abhorre
lavictoire.
Quoy vous avez prêté vos redoutablesmains
Aux cruels attentats , aux barbares
deffeins
D'un Tyran , qui d'un Roy n'est que
levainfantôme.

Ah ! desfillez vos yeux trop longtemps
ébloüis .
Songez qu'il est honteux de fuir
avec Guillaume ,
166 MERCVRE
Aprés avoir toujours sceu vaincre
avec LOVIS.
Cet autre Sonnet eſt de Mr
l'Abbé Flanc.
AU ROY
,
CRandRoy , qui confondez la
Ligue&Sapuiſſance ,
Qui triomphez par tout où vontvos
Etendars ;
Quand je jette Sur vous mes timide
regards ,
Votre éclat m'éblouit , & m'impo-
Sefilence.
Namur,detantd'Etats laplusfermeafſurance,
Terrible par ses Tours &par ses
Boulevars ;
CettePlace imprenable aux armes
des Cefars ,
Malgré les Elemens cede àvostre
vaillance .
GALANT: 167
Cent Peuples animezpar leurs fiers
Generaux ,
Confus de vos exploits , T. moins de
vos travaux ,
Ont formé contre vous des projets
inutiles .
Que ne ferezvous points après ce
grandsfuccés?
Si leurs Forts les plus feursfont de
foibles afiles ,
Vous les reduirez tous à demander
lapaix.
Voicy un troiſième Sonnet
qui a eſté fait au Camp d'Erpenne
, devant Namur , par M.
Denis , Procureur du Roy de la
Prevoſté Generale de l'Armée
de Sa Majesté ſur la Moſelle ,
que commande M. le Marquis
de Bouflers.
168 MERCURE
DE l'honneur detes murs n'enfle
plusta memoire ;
Namur,fur leurs debris tu vois nos
Etendarts
Et cet écueil, l'effroy des plus fan
-meux Cefars,
Eſt enfin devenu le tombeau de ta
gloire.
Malgré tes Garnisons , bravant ,
qui l'eustpû croire !
Devingt Princes liguez les infolens
regards ,
LOVIS tout intrepide au milieu
des hazards ,
Surdes monceaux de Morts cimenterſa
victoire.
Quand la Pluye & les Vents contre
luy déchaînez,
Rompent longtempsles coups qui te
Sont destinez,
Naffau
GALANT. 169
Nafſſau croitvoir envainſon entre.
priſevaine.
Si le Cielirritétout preſt à le punir,
Semble pour un moment-le vouloir
Soutenir.
C'est pour rendre plus rude & fa
honte,&Sapeine.
Les vers que vous allez lire
. ſont de M. Diereville , dont
vous avez veu pluſieurs Ouvrages.
:
SUR LA PRISE
de Namur.
[Nfin nos ennuis font pasfezi
LOVIS devant Namur n'affronte
plus la foudre ,
Sesjours n'yfont plus menacez,
Ila réduit ſes murs en poudre.
Juillet 1692 . H
170 MERCURE
C'estàson invincible bras
Quenous devons cetteVictoire.
Jamais Heros n'eutplus de gloire,
Son exemple animoit le coeur defes
Soldats.
Par la noble ardeur qu'ilinspire,
Des plus vaſtes deſſeins ilsçait venirà
bout.
Pour le bonheur defon Empire ,
Que ne peut- ilestrepartout!
Apeineparoit- ildans le champde
Bellonne,
Qu'aux plus fiers ennemis il cause
la terreur !
Namur defon courage éprouve la
grandeur,
Il en forme le siège , il agit , il
ordonne ,
Et s'enrend bientoft le vainqueur.
Tout ce que guerre à d'horreur.
N'a rien dont ſon grand coeur s'étonne
,
En vain de tous costez la foudre
gronde , tonne ,
GALANT.
171
Et fait tomber ſousſa fureur
Lefier Soldat qui l'environne ;
Tout nefait qu'augmenterson intrepideardeur,
Il s'expose avecplus de coeur
Où l'ennemy combat , & donne
Plusde marques defa valeur.
LaVille cedeàsa puiſſance ,
Ilpouffe plus loinſes travaux ,
Es chaque Fort paroist ne faire resistance
,
Que pour s'attirer plusde maux ,
Et rendre du Vainqueur les triomphesplus
beaux.
Quede témoins,GrandDieu d'une
tellevaillance !
C'est vostre cauſe qu'il deffend ;
Aussi voit- on affez que vostre bras
s'étend
SurleTyran quivous offense.
On le voit violer les droits les plus
facrez,
Sedeclarer le Chefdecont Confede-
Ha
172 MERCURE
1
Etn'estant pas content de troubler
tout le monde,
Soulever contre vous l'Enfer la
Terre , & l'Onde.
Quel desespoir pour luy , lors qu'avec
tant de bras,
Il nepeut fecourir une Place impor
tante,
Entre mille projets qu'il n'execute
pas,
Son ame demeureflotante.
Il avance , il s'arreste , & revient
fursespas
Il faudroit donner des Batailles ,
Mais fuyant les malheurs qu'il a
dans les combats ;
Il laiſſe renverſer bastions & murailles.
Sa gloire & l'interest de tous ses
Alliez ,
Demandent des exploits qui ne le
touchent guère ,
Sur les bords argentez d'une étroite
riviere
GALANT .
173
Tous fes devoirs font oubliez .
Onnefçait quel motif en si beau
champ l'arreste,
Et le fait demeurer dans un honteux
repos ,
Lors qu'il voit à ses yeux leplus
granddes Heros
Acheverde Namurlafameuse Conqueste.
Grand Dieu, c'est par vôtre secours
Quele Constantin denos jours
Contre un Tiran s'immortalife,
Pour la gloire de vôtre Eglife ,
Et le bonheurdefesSujets;
Que tous ses Ennemis luy demandent
la Paix.
Le Quadrain qui fuita eſte
extrémement approuvé. Il eſt
adreſſé à un homme que la ſeule
curioſité a mené au Siege ,
& quia veu faire la conqueſte
de la Place ſans courir aucun
peril.
H 3
174 MERCURE
Commodement , & toûjours en
lieufür ,
Vous avezveu la prise de Namur
C'est un Exploit bien digne de
loüange.
Plusn'enafait legrand Prince d'Orange.
Le Chaſteau de Namur eſt
tellement fort ,& le ſecours paroiſſoit
ſi infaillible , que s'eftant
trouvé un Incredule fur
cette conqueſte à faire , M.
Roubin du Saint Eſprit luy a
répondu par ce Madrigal .
Vous doutez que Namur metteles
armes bas
Pourſeſoumettre ànostre Hercule
Dés qu'il aurafenty les effortsde
Son bras!
Vous en doutez? C'est être ridicule.
GALANT. 179
Louis l'aſſiege,&ne leprendrapas?
La conqueſte eſt d'autant
plus glorieuſe qu'elle estoit
difficile , & que tout autre que
le Roy n'auroit jamais pû en
venir à bout.C'eſt ce qui a donné
lieu à cet autre Madrigal .
Pour voir prendre Namur , cette
Placeimprenable,
Guillaumevientſuivy de cent mil.
LeTémoins.
:
Pourrendre la chose croyable .
Il n'enfalloit pasmoins.
Si les Ennemis ſe vantent
qu'ils ont triomphe furMer ,
on peut leur répondre par ces
autres Vers .
L'ESPAGNOL
A fes Alliez .
Bien qu'à nostre commun dommage
H4
176 MERCVRE
1
Vous avezeu de l'avantage
Sur quelques Vaiſſeaux des François
Avouez que depuis la Guerre
Iln'ontperdu qu'un peu de bois ,
Et quejeperds beaucoup de terre..
LesFrançois ne font pas les
feuls qui leur donnent tant de
marques de leur zele pour le
Roy , ceux qui ne font que
d'entrer ſous ſa domination ,
ne peuvent prevoir la nouvelle
gloire qu'il va s'acquerir
fans en témoigner leur joye ,
& c'eſt ce qui a paru dans les
Magiſtrats deMons , qui ſçachant
que ce Monarque devoit
venir dans leur Ville à
l'ouverture de cette Campagne
, pour laquelle ils ne doutoient
point qu'il n'euſt medité
quelque importante Conqueſte
, ont tâché de luy faire
GALANT. 177
une reception proportionnée
à l'admiration qu'ils ont pour
fes merveilleuſes qualitez . Ils
avoient fait dreſſer un Feu d'artifice
, où le Roy eſtoit repreſenté
ſous la Figure du Dieu
Mars , élevé ſur un Trophée
d'Armes , precedé de la Ter
reur , ſuivy de la Victoire , &
accompagné de la Gloire &de
la Renommée . Sur les Frontifpices
des quatre faces du Feu,
on liſoit cette Inſcription, Mar..
ti Gallico , & au deſſous , Quos
vicit , victos protegit ille manu ,
pour marquer le ſoin que ce
Prince prend pour la conſervation
de ſes nouveaux Sujets.
La Machine étoit ſouſtenuë
de douze pilaſtres qui en chaque
face formoient deux Arcades
, & fur quatre deſquels
on voyoit les Statuës des qua
HS
178 MERCVRE
tre Conquerans , Fondateurs
des quatre plus grandes Monarchies
; Ninus , des Afſyriens
; Alexandre , des Grecs;
Jule Cefar , des Romains , &
Charlemagne de l'Empire des
François . Sur les huit autres
Pilaſtres , paroiſfoient les Vertus
Militaires , qui font particulierement
affectées à ces
quatre Conquerans , & que le
Ciel a raſſemblées dans la Perfonne
Auguſte de LOUISle
Grand pour en former un Prince
parfait. Ainſi on voyoit la
Force & la Prudence de Ninus
dans l'établiſſement de la premiere
Monarchie , avec deux
Deviſes , dont l'une eſtoit un
Soleil , qui par la force de ſes
rayons penetre par tout,&diffipe
les nuages , & ces mots.
pour ame , Nilremoratur cuntem,
GALAN T. 179
&l'autre un Solerlqui dans fa
courſe ſagement irreguliere ,
diſtribuë à la Terre ſa chaleur,
fes influences& les pluyes en
fon temps avec ces paroles ,
Tempore & menfura. La liberalité
& la valeur d'Alexandre
dans la Guerre & dans laConqueſte
de l'Empire de Perſe ,
eſtoient figurées au deſſus de
fa Statuë , par ces deux autres
Deviſes , l'une d'un Soleil qui
après avoir attiré les vapeurs
de la terre ,répand liberalement
partout lesdouces pluyes
qui font la fecondité delaNature,
Colligit ut sparget ,&l'autre
auffi d'un Soleil qui à fon
premier aſpect fait fondre la
neige , la glace & les frimats .
Satis eft vidiffe. Il en eſtoit de
même des deux Deviſes qui
repreſentoient la Vigilance ,&
H6
180 MERCVRE
la diligence de Jule Cefar,pre
mier Fondateur de l'Empire des
Romains , l'une par un Soleil
qui court & parcourt le Zodiaque
, regardant inceffam.
ment la terre pour faire agir
toute la Nature , & decouvrant
tout ce qui ſe paſſe dans le
Monde , Refpicit , & profpicit, &
l'autre par un Soleil roulant
inceſſamment autour de la terre,
& ne s'arreſtantjamais dans
fa carriere. Le Soleil faiſoit auſſi
le corps des deux Deviſes qui
marquoient le Secret & la magnanimité
de Charlemagne
dans l'établiſſement de l'Empire
François. Dans l'une on
le voyoit ſe couvrir de nuages
&de tenebres , preparant une
tempeſte , Tegitur dum fulmina
parat; & dans l'autre parcourir
tout le Zodiaque fans s'arrêter
GALANT. 181
dla rencontre d'aucun des Signes.
Nilterret.Cesapprêts faits
avec tant d'ardeur dans une
Ville conquiſe depuis un an ,
font une preuve que file Roy
eſt admiré, meſme de ſes Enne .
mis , il eſt impoſſible d'avoir la
gloite de devenir ſon Sujet, ſans
partager les ſemimens de zele ,
d'attachement & d'amour qu'
ont pour luy tous les François.
Tous les Mandemens que
M.l'Evêque de Noyon faitpublier
dans fon Diocese , en ordonnantdes
Prieres pourl'heu
reux ſuccésdes entrepriſes du
Roy , font toujours accompagnez
d'un ſi juſte Eloge de ce
Monarque , que je croy devoir
vous faire part de celuy qui
vient de paroître pour faire
chanter leTe Deumde la priſe
de Namur. Il a receu de grands
1
1
182 MERCVRE
applaudiſſemens , & vousle lirez
ſans doute avec beaucoup
de plaifir. Aprés les premieres
lignes adreſſées ſelon la coûtume
à tous Doyens , Chanoines ,
Chapitres & autres , voicyen
quels termes parle ce Prelat.

Doy quenous ayons fait sou-
"ent l'Eloge du Roy en pluſieurs
ocasions également importantis
àl'Eglise&à l'Estat nous sommestoutefoisforcez
avouerque bie
loin d'en avoir épuisé la matiere ,à
peine l'avons nous ébauchée ; quel
champ fertile a produit tant de
fruits , que nous n'avons pû les
cueillir tous ; & qu'il nous reste
encore plus de chofes à dire pre-
Sentement que parle paffe.Nous ne
craignons pas mesme de tomber
dans le reproche ordinaire d'une
GALANT. 183
is
,
ennuyeuse & insatiable repeti.
tion , commeparle Saint Gregoire
de Nazianze en faveur du grand
Saint Bazile Son cher amy ,
puisque nostre aimable & charmant
sujet,semblable à la Manne
delicieuse qui renfermoit toutes
fortesdegoûts ,doit estre de celuy
detout le monde aussi bien que du
noftre , que nous n'osons comparer
au raviſſement de Saint Paul ,
dont la langue manquoit au coeur.
Cependant nous chercherons par
tout des couleurs affez vives pour
peindre &vous presenter un nouveau
Portraitde SA MAJESTE'
,& nous les trouverons fainsement
preparées , fans rien emprunter
deprofane, danslesprincipales
& communes vertus d'ABRAHAM
, le Heros de la Log
deNature;de JUDA MACHABEE,
le Heros de la Loy écrite
184 MERCVRE
1
de LOUIS , le Heros dela Loyde
Grace, pouren former le juste paralelle.
En effet ,si la Pieté d' Abraham
levelevepar le titrede Peredes Fidelles,
celle de Loüis en partagela
gloirepar l'affermiſſementde la Foy
dansfon Empire fur les ruines de
'Herefic abbatinëfous ses pieds. Si
la Sagesse d'abrabam a paru
dans le choix de ses meilleures
Troupes pour vanger l'injurefaite
à Loth , que l'Ecriture appelle fon
Frere, la Sageffe de Louisfait tout
&n'épargne rien pour procurer le
rétabliſſement du Royd'Angleterrefonproche
Parent ,& même son
Frere en qualité de Roy , felon le
langagedu Saint Esprit. Si la Force
d'Abraham s'est rendue victorieuse
de cing Rois; que de Batail
les gagnées , de Places fortes réduites,
de Conquestessurprenantes
GALANT. 185
d'Exploits fameux prouvent
hautement la Force indomptable de
noſtre Invincible Monarque à la
hontede tant de Rois & de Princes
conjurez , deconcertez& vaincus.
Si la Vigilance active& laboricu-
Se d'Abraham s'est signaleé dans
pluſieurs longs & peniblesvoyages ,
celle de Louis , infatigable en tout ,
ne cedera pas , & nous l'avons veu
affronter la rigueur des plus rudes
faiſons de l'Esté & de l'Hyver, tout
brûlant de chaud pendantle jour
& gelé de froid durant la nuit ,
comme un autre Jacob. Si la Scien.
ce d'Abraham a prevea tous les
évenemens favorables & funestes
à sa Famille , quelle n'a
pas esté la prevoyance de Louis
dont le fuccés a toûjours répondu à
jes deſſeins , plûtoft executez que
connus ? Sila Prudence d' Abraham
a garde toutes les regles de l' Art
1
186 MERCURE
Militaire, en comptantſesTroupes
les diviſant ,&venansfondre tout
d'un coupſur ſes Ennemis que de
reveuës, d'intelligences & de mouvemens
cachez ont esté les refforts
de la prudence d'un Roy , qui
réunit enſa ſeule Perfonne toutes
les differentes fonctions de Chefde
Ses Confeils ,&de General de fes
Armées ! Si la lustice d'Abrabam
a tant éclatédans les fecours ac
cordez aux Princes opprimez , dans
la conſervation des droitsdeſes Allicz,
&dans la reserve des dépenses
de la guerre ajagées à ceux
qui en avoient fait les frais , ô
merveilleuse Iustice de LOUIS
LEGRAND , dans les
trois mêmes especes de forces employées
, de trefors ouverts , & de
biens rendus ! Enfin, fi Abraham
aportésa charitési loin , que d'ofGALANT
.
وا
187
frir, tout puissant qu'il eſtoit ,la
Paix à Loth ; qui la devoit demander
, nepeut - on pas dire que
la Charitéde Louis , le plus grand
de tous les Potentats , estextrême,
puisqu'il a laiſſe l'Empereur jouir
long- temps d'une profonde Paix
avecla France durant la Guerre
contre les Tures,fans vouloirfaire
aucune diviſion que la politique aurois
pûdemander ?
Il ne nous resteplus , après avoir
faitle premier paralelle de noftre
Heros de la Loy de Grace avec le
Heros dela Loy de Nature , qu'à
paſſer au fécond paralelle avec le
Heros de la Loy Ecrite , en obfervant
toutefois , pourgarder de juftesproportions
,que LOVI Ségale
en quelque façon Abraham , &
qu'ilfurpaſſe de beaucoup IndaMachabée.
:
1
188 MERCURE
Quece Chefde Peuple d'Ifraët
rende fa Piéte recommandable , en
declarant que la Guerre qu'il entreprend
n'a pointd'autre objet que
celay de la commune defense de la
Patrie& des Loix , l'infigne Piete
de Louis n'a- t- ellepas plusfaintement
consacré son glaive en faveur
de la Religion , de l'Eglise
de l'Estat , dont les interests font
inseparables , & ne font qu'une
mefme cause ? Que Iude Macabée
prouvefa Sageffe lors qu'il separe
le commandement de fes Armées
entre des Chefs , des Tribuns , &
des Decurions considerables ,vaillans
,& dignes des Emplois , la
Sageffe , de Louis ne paroit-elle pas
d'autant plus admirable , qu'il
établitſous luy MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN & MONSIEUR ,
Generaliſſiones de son Armée , les
Princes defon SangGeneraux , &
GALANT. 189
,
des Grands Seigneurs; Gentilshommes
& Braves, Officiers principaux
ou subalternes , pour les former
tousfurfon parfait modelle , &
Sacrifierſuivant fon exemple toute
l'Elite de fa Maiſon , deſa Cour
& de fon Royaume à la ſeureté
publique ? Que l'Histoire des Macabées
faſſe l'Eloge de fon Iude
en disant qu'il protege ſes Camps
- parſon Glaive redoutable , & qu'il
étendpartout la gloire de ſon Peu-
-ple lorſqu'il endoſſe la cuiraffe ; tout
le Monde étonné n'est- il pas con
traint d'avoüer que la seule Perfonnede
Louis exposée àtoutesforzes
de perils , fans aucunes autres
Armes que celles de fa Valeur , fait
-toute la force de fes Arméestriom-
- phantes ? Que la Vigilance de
Lude, tout occupé du Salut de fa
Patrie, pourvoye àses besoins, tant
par les viſites des Places & des
190
MERCVRE
Troupes , que par la convocation
des Perſonnes propres à la Guerre ,
la Surveillance de Louis n'a point
de bornes , elleentre dans tous les
moindres détails des Marches ,
des Garnisons , des Arrierebans,
des fonds & des ſecours neceffaires.
Que ludaseflate de la Science de
l'avenirque lay promettent les évenemens
avantageux & certains de
ladefaite entieredeſes Ennemis,&
de lafuneste chûte d'Antiochus decritſous
lenom de l'hommepecheur
qui est aujourd'huy élevé fur le
Trône ,& qui tombera demain ,
ne voyons- nous pas clairement les
glorieuxeffets des projets impenetrablesde
Louis, par la Conquesteimportante
des Ville & Chasteau de
Namur, par la defolation des Confederez,
&par la retraite honteuſe
de celuy quien estoit leChef, le
lien &le principal appuy?NefautGALANT.
191
ilpas auffi que la Prudence fuifve
de la Discipline militaire fi exacte
dans le Camp de Iuda, qui animoit
d'une part le zele , qui retenoit de
l'autre la fureur deſes Soldats emportez
par l'espoir du butin, cede à
la Disciplinede l'Arméede Louis ,
comme estant toute Chrestienne ,
marquée&obſervéeparJesordres,
Selon les regles que Saint lean-Bapriſte
le Predicateur de toutes les
conditions a preſcrites aux Soldats
jaloux de leur falut ? Qu'on vante
par tout la Iustice de Iuda, qui ne
pouvoit souffrir l'ufurpation,&la
tyrannie d'Antiochus,que la revolte
d'un Peuple infidelleà Dieu avoit
- fait reconnoistre & declarer Roy
d'Egypte, au préjudice&mépris de
- tous les droits facrez de la Majesté
Royale , violez en la Perſonne de
Prolomée le legitimePrince;y a-t'il
xien de comparableàla Justice de
1
192
MERCURE
Louis, qui aprés avoir receu le Roy
d'Angleterre , & l'avoir comblé
d'honneurs & de prefens, adétaché
deux fois une puffante Armée de
toutes les fiennes ; pour rétablir ce
Prince Catholique dans ſes Estats.
&en chaffer le perfide Antiochus
de ce fiecle ? Enfin , que la charité
de tude gemiſſe d'avoirveu de fon
temps les Enfans d'Israël s'allier
avec les Gentils , profaner impunément
les plussaints Mysteres
& ſe ſoûmettre lâchement à l'efclavage
de la tyrannie , il n'y a
point de douleur qui égale celle de
la Charité outragée du plus relia
gieux de tous les Rois, qui devient
le témoin du mesmefort de tant de
Princes,puisqu'ilsfont d'intelligen.
ce& de concert avecles Heretiques,
&qu'ils se reuniffent aux Enfans
Separez de l'Eglise, pour fubır honteusement
le joug de son Ennemy
capital.
Mais
GALANT.
193
Mais d'autant que SA MAJESTE'
, plus jalouſe de la gloire du
Ciel, que de celle de laTerre ,pre.
fere les prieres auxloüanges , Nous,
en consequence de ses ordres ,&
aprés avoir comblé Dieu &leRoy
des mesmes Benedictions que le
Tres-Haut comme Protecteur , &
Abraham comme Victorieux , reccurent
du grand prestre Melchifedec
, Vous ORDONNONS , Óc,
६ M. l'Eveſque de Noyon ,
qui envoya ce Mandement à
Sa Majesté , l'accompagna
d'une Lettre , dont voicy les
termes.
AUROΥ ,
SIRE ,
Les Peuples d'Ifraël demandoient
autrefois à Dieudes Rois pourmarcher,
à leur teste, mais vos Peuples
Juillet 1692. I
194
MERCURE
changent aujourd'huy de langage,
&ne font des prieres au Ciel que
pour retenir Vostre Majesté dans
SonEmpire.
Vostre grand & bon Air est le
feul qu'ils veulent respirer ; accousumezaux
douces & benignes influences
de lear Soleil , ils n'en peuwent
fouffrir d'autres , & les plus
beaux jours deviennent des nuits
obscures en voſtre absence.
En effet , SIRE , la douleur du
départ de Vostre Majesté l'emporte
fur le plaisir deson retour , & nos
Larmesſaffiroient encore pour éteindre
lesfeux dejoye allumez de touses
parts.
LaConqueste importante des Ville
& Chasteau de Namur ne vous
coute pas tant qu'ànous ; la balan.
ce de nos craintes & de nos esperances
ne doit jamais estre égale ,
&nous aurons toujours plus àperdre
qu'àgagner.
GALANT. 195
Enfin , Sire , ayez pitiédenous,
&en vous oubliant au milieu des
perils , ſouvenez- vous du moins
quela Religion dont vous estes l'appuy
, l'Eglise , dont vous estes le
Protecteur , & l'Estat dont vous
estes l'Auguste Chef , fondent
tout leur bonheurfurla chere con-
Servationde Vostre précieuse&Sacrée
Personne.
Voila , SIRE , quels font mes
Sentimens répandus par tout en
general ,&marquezen particulier
dansceMandement denos Actions
degraces que je continue d'envoyer
àVostre Majesté avec autant de
respect , que de reconnoiſſance des
bontezdont Ellehonore& comble ,
SIRE ,
Devostre Majesté.
A Noyon , ce 15 .
de Iuillet 1692.
6
Le tres- humble , tresobeiſſant
, & tres - fidelle
Serviteur & Sujet FR .
DE CLERMONT ,
E. C. DE NOYON.
12
196 MERCURE
Le Roy fit l'honneur à ce
Prelat de luy répondre en ces
termes.
M
On Cousin , Fay receu la
Lettre quevousm'avez écri
zefur mon retour de Namur , & le
Mandement que vous avez fait
pour rendre graces àDieu de cette
importante Conqueste , &bien que
jene meritepas les Paralelles dont
vous m'honorez, je ne vous enſpay
pas moinsdegré, connoissant l'affection
qui vous inspire ces sentimens
trop avantageux pour moy.
Ceque je puis dire , eft , que quelque
éclat que l'heureux fucces
d'une entrepriſe traversée de tant
d'obstacles,puiſſe avoiraux yeux du
monde, toute la gloire en està Dieu
&furce, je le prie de vous avoir
mon Cousin , enſa ſainte& digne
garde. A Versailles , le 18. Iuillet
1692.
LOUIS.
THEQUE DEL
3LYON
VILLE
NONN
RVS
OTAEVROP
Seuin im. Fertingerse
GALANT . 197
Vous trouverez dans la Plan
che que je vous envoye la repréſentation
d'un feu d'artifice
qui a ſervy depuis peu d'un agreable
ſpectacle aux Habitans
de Lyon.La Machineavoit plus
dequarante pieds de hauteur ,
&futdreffée au milieu du Pont
de Pierre fur la Saone , par l'ordre
de M. Dulicu , Prevoſt
des Marchands , & par les
foins des Echevins de la Ville .
Tout y estoit peint , comme
fi oneuſt travaillé pour un ouvrage
qui euſt dûeſtre vû pendant
un fiecle , & l'or & l'argentqui
en rehauffoient toutes!
les parties , luy donnoient un
éclatextraordinaire . Ledeſſeint
de ce feu estoit tiré de ce
que le Roy , par la ſageſſe
de ſa conduite a ſçû rendre
vains tous les efforts de l'Euro-
13
198 MERCURE
pe liguée contre luy. Il eſtoit
figuré par Jupiter , qui dédaignant
d'employer les foudres
contre les Dieux qui luy déclaroient
la guerre par la jaloufie
qu'ils avoient de ſa puiſſance
ſe contentoit de les tenir tous
attachez à une chaîne fur un
Rocher. Au deſſus de la Machine
eſtoit un Soleil dont le
Symbole convenant parfaitement
au Roy , donnoit par ces
mots Latins , Virtus nonnumeras,
une grande idée de ce qu'on
avoit entrepris de repreſenter.
Tous ces Dieux enchaînez fur
le Rocher , estoient connus par
les attributs qui leur font propres
, & cela faiſoit un juſte
rapport aux Princes des Nations
conjurées contre la France
, dont les étendards chargez
de leurs armes , ſe voyoient
FREQUE DELA
GALANT.
Roch
des deux coſtez, du
Ily avoit trois Genies , portant
les trois Fleurs de Lis de France
dans des Globes lumineux ,
pour ſignifier que les actions
eclatantes qu'elle a faites , ſont
ſquës de toute la terre. Dedeux
de ces Globes , ſortoient des
foudres pour marquer , que tout
ce qui oſe luy reſiſter , doit
craindre l'embraſement , & s'il
n'en ſortoit point du troiſiéme ,
c'étoit pour faire connoiſtre
qu'elle n'a que des influences
benignes pour tout ce qui luy
eſt ſoumis , ce que faiſoit voir
la figure d'un Lion , ſous l'une
de ces Fleurs de Lis , avec ces
paroles , fub liliis quiefco. Une
inſcription Latine appliquée
fur tout le corps de l'ouvrage ,
en faifoit comprendre le defſein,
Envoicy-les termes. Tota
14
200 MERCVRE
Europacontra Galliam frustra conjurata.
Tout cela eſtoitde l'invention
de M. Sevin , Peintre .
Il a demeuré long-temps à Paris
, & la place de Peintre de
la Ville de Lyon eſtant venuë
à vaquer , il fut prié de vouloir
bien la remplir , parce que fon
mérite eſtoit connu ,& fur tout.
la force de ſon imagination
pour toutes fortes de deſſeins .
Aufſi peut- ondire , que c'eſt un
des hommes du monde qui en
a le plus.
Madame la Marquiſe de la
Frezeliere , Femme de Mr de
la Frezeliere , Lieutenant General
des Armées du Roy ,
Gouverneurde Salins; & Lieu !
tenant General de l'Artillerie,
n'eut pas pluſtoſt appris dans
fa Terre de Monts en Poitou ,
la conqueſte de Namur , que
GALANT.. 201
pour en marquer ſa joye , elle
convia le Commandant de la
Nobleſſe de Bourgogne avec
la plus grande partie de ceux
dont l'Arriereban eſt compoſé,
&tous les Gentils-hommes &
toutes les Dames de ſes terres
&de fon voisinage d'affifter au
Te Deum en muſique , qu'elle
fit chanter . Elle les traita tous
magnifiquement , & plufieurs
décharges de quelques pieces
de Canon qu'elle a dans fon
Chaſteau , annoncerent cette
Feſte à tous ceux des environs
qui ne purent s'y trouver. Elle
fit auſſi diſtribuer du vin à tous
les Habitans qui en voulurent ,
pour boire à laſanté de SaMajeſté
, & il y eut entr'eux de
grandes réjouiſſances .
Quoy que la Ville de Châtillon
fur Seine ne ſoit pas com
ر
Is
201 MERCVRE
T
د
د
leur donptée
au nombre des grandes
Villes , elle peut eſtre miſe au
premier rang parmy les plus
zelées , puis qu'elle s'épuiſe
lors qu'il s'agit de réjouïſſances
pour les Conquêtes du Roy.
Mr le Chapt , Prevoſt Royal &
Maire perpetuel
ne la-deſſus de grands exemples
en faiſant faire des
prieres pour Sa Majesté à ſes
dépens ,& diftribuer des aumônes
generales. Les Ecclefiaftiques
de la meſme Ville ont fait
depuis peu une choſe qu'on ne
peut affez loüer. Cet Officier
leur ayantfait fairebeaucoup de
prieres, ils donnerent aux Pauvres
la rétribution qui leur en
devoit revenir , & firent fur le
champprierDieu pour Sa Majeſté
par ces meſmes Pauvres .
Quantaux témoignages de joye
GALANT. 203
pour la priſe de Namur , on
peutdire que ſi cette Ville-là
n'a pas furpaffé les autres , ellea
du moins égalé les plus grandes
Villes à proportion de ce qu'elle
eft. Le peu de place qui me
reſte m'oblige à remettre au
mois prochain, ce que j'ai à vous
dire des feux de joye qui ont
eſté faits par tout le Royaume.
Mr l'Abbé de Beuvron , Aumônier
du Roy , mourut au
Camp un peu avant la reduction
de Namur. Il eſtoit Fils
de Monfieur le Marquis de
Beuvron . Lieutenant de Roy
en Normandie , & Chevalier
des Ordres de Sa Majeſté. Cet
Abbé eſtoit aimé , & eſtimé
de tous ceux qui le connoiffoient
, & agreable à toute la
Cour. Le Roy à qui ſon merite
eftcit connu , luy avoit fait
16
204 MERCURE
I'honneur de le choiſir depuis
que les Charges d'Aumônier
ne ſe vendent plus. La Maiſon
de Beuvron eſt une branche
de celle d'Harcourt par Philipped'Harcourt
,troifiéme Fils
de lean V. Comte d'Harcourt,
qui fut bleſſe à la Bataille de
Crecy en 1346. & de Blanche
de Ponthieu,Comteſſe de Mongommery.
Quelques jours auparavant ,
Mrl'Abbé de Janſon,Chanoine
&Archidiacre en l'Egilſe deParis
mourut icy dans un âge fort
peu avancé. Il eſtoit ſcavant&
ſon merite luy avoit fait avoir
cette place que M.l'Abé Bertier
avoit quittée par devotion. Sa
conduite eſtoit tres -édifiante ,
&quoy qu'il obſervaſt une fort
grande régularité , il vivoit
d'une maniere à ne fatiguer
GALANT. 205
perſonne. Je ne vous dis rien de
fanaiſſance , ſon nom vous la
fait connoître. Il eſtoit Neveu
de Mr le Cardinal de lan .
fon.
>
Nous avons auſſi perdu deux
Hommes Illuftres pendant ce
mois. L'un eſt Mrde Valois
Hiftoriographe de France fameux
par pluſieurs Ouvrages ,
& fur tout par ſon Hiſtoire
Latine de la premiere Race
de nos Rois. L'autre eſt Mr
Menage , dont le genie s'eſt
fait admirer par l'étenduëde ſes
connoiſſances. Il poffedoit parfaitement
la Langue Grecque ,
la Langue Latine , & l'Italienne
, & les deux volumes d'Obſervations
qu'il nous a donnez
ſur la Françoiſe
noiſtre qu'il n'ignoroit rien de
ce qu'elle a de plus delicat&de
font con206
MERCURE
plus pur . Ses autres Ouvrages
font des Poëſfies en differentes
Langues , ſes Notes fur Diogene
Laërce , les Etymologies
Italiennes , les Miscellanea , ou
oeuvres mêlées ; les Antiquitez
de la Ville de Sablé en Anjou,
les Vies des Femmes Philo.
ſophes , &c. Il donnoit ſes ſoins
à une nouvelle Edition in folio
de ſes Etymologies de la Langue
Françoiſe , fort augmen.
tées , & corrigées , & on en
eſtoit à la lettre S. quand il eſt
mort. Son grand merite luy
avoit attiré en divers temps
quelques envieux , qui avoient
mefme écrit contre luy , mais
toutcequ'ils ontpublié n'adonné
aucune atteinte à ſa réputation.
Il s'eſtoit fait un plaiſir
dans lesdernieres années de fa
vie ,de recevoir chez luy plu
GALAN T.
207
ſieurs perſonnes de Lettres les
apréſdinées ,& l'on s'y entretenoitde
nouvelle de litterature
& d'autres . Il avoit une me
moire prodigieufe , &toujours
preſente pour citer les Auteurs
anciens & modernes qui ve
noient à propos dans le diſ.
cours familier , & l'on pouvoit
direde luy , que c'eſtoit le Varron
denoſtre ſiecle .Mr Menage
eſtoit Fils d'unAvocat du Roy
d'Angers , & allié à la pluſpart
des meilleures Maiſons de ce
Pays-lá. Son eſprit& ſa profon
de érudition luy avoient acquis
l'eſtime de pluſieurs Perſonnes
dupremier rang, tant en France
que dans les Pays Etrangers , &
particulierement de la Reine
Chriſtine de Suede , de Mr
Servien , Miniſtre d'Etat , &
Surintendant des Finances, de
1
208 MERCVRE
Mrde Bellievre, Premier Prefident
au Parlement de Paris . II
eſt mort le 23. de ce mois , âgé
de 79. ansdansune réſignation
tout à fait Chrétienne , affiſté
du Pere Errant , Recteur
duCollege des Jefuites,homme
tres - docte , & qui a eſté Confeffeur
de la feuë Reine d'Efpagne
. M. Menage fon parent
tres- proche , qui juſqu'au dernier
moment a conſervé une
prefence d'eſprit que l'approche
de la mort n'a point
troublée , luy dit , aprés l'avoir
remercié de ſes pieuſes exhortations
à bien mourir, qu'il eſtois
neceſſaire d'une Sage Femme pour
entrer au monde & d'un Homme
Sagepour enfortir.
Pour reprendre le Journal
desmouvemens de l'Armée de
M. le Maréchal Duc de Luج
GALANT.
209
xembourg , & de celle du Prince
d'Orange où je le quittay la
derniere fois ,je vousdiray que
■ les Ennemis eſtant venus.cam-
- per à Fleurus le 23. du mois
- paſſe , mirent leur droite à S.
= Brice & leur gauche à Eppinie
& que nous allâmes cam.
- per le meſmejour au Chaſteau
de Boſquet pour nous approcher
de la Sambre ,parce qu'ils.
ſembloient la vouloir paſſer à
- Chaſſelet , juſqu'où ils étendirent
leur gauche le lende
main , ce qui obligea Mr de
-Luxembourg d'aller camper à
Mouſtier fur le bord de la Sambre
. Moustier est un College
■ de-Chanoineſſes , comme celuy
de Mons , fondé par les
anciens Comtes de Namur.
L'Abbeffe qu'on appelle Madame
de Mouſtier ,eſt de l'II-4
Lustre Maiſon de Huy.
210 MERCURE
Le 25. Mrde Luxembourg fit
fairedes Ponts ſur la Sambre ,&
laMaiſon du Roy l'ayant pafſée
ſous le Chasteau de Froidmon
, campa dans la Plaine audeſſous
de Ham. Le lendemain
ce General alla reconnoiſtre
tous les poſtes où il mit des
Troupes ,& le 27. & le 28. fe
paſſerent à aligner le Camp
autant que l'on put , le terrain
eſtant fort irregulier , à cauſe
des hauteurs & des bois qui
bornent la Riviere de ce coſtélà.
Le 29. les Ennemis parurent
fur la hauteur avec trois mille
Chevaux . Ils venoient reconnoiſtre
noſtre Camp , & couvroient
en meſme-temps un
fourrage qu'ils faisoient en delàdudéfile
de Velaines . Mr de
Luxembourg alla à eux avecun
GALANT. 2/1
détachement du Roy des qu'il
eut avis qu'ils paroiſſoient ,
& ils ſe retirerent auſſitoft.
Le 30. l'Armée de Mr de
Luxembourg & celle de Mr de
Bouflers , alignées ſurda meſme
Ligne, quoy que la Sambre les
ſeparaft , firent trois décharges
de l'Artillerie & de la
-mouſqueterie, pour la réjoüiffance
de la réduction du Chaſteau
de Namur , qui avoit capitulé
cemeſmejour. Cette réjouiſſance
que le Roy avoit ordonnée
, ſe fit à dix heures du
foir .
Le Mardy , premier de ce
mois , Mrl'Abbé de Riqueti dit
la Meſſe dans l'Eglife des Chamoineſſes
de Mouſtier , où affifterent
tous les Princes & Of-
- ficiers Generaux , aprés quoy
212 MERCVRE
ce meſme Abbé entonna le Te
Deum. Ce jour-là , Sa Majesté
vint à l'Abbaye de Floref, Ordre
de Prémonſtré , où l'Abbé
la reçut en habits Pontificaux
à la porte de l'Egliſe avec
la Communauté . Mr de Luxembourg,
& les Officiers Generaux
qui n'étoient pas de
jour s'y trouverent , & on tint
Conſeil de Guerre . Il y fut déliberé
d'envoyer des Troupes
de l'Armée du Roy en Allemagne
, & on y détermina celles
que l'on devoit détacher , &
celles qui demeureroient dans
l'Armée de M. de Luxembourg
Le Roy alla coucher de là à
Dinant .
Le 2. noſtre Armée quitta
Mouftier , &campa à l'Abbaye
de faint Gerard juſqu'au 6.
pourcouvrir lamarche duRoy,
GALANT. 213
e
1
1
1
1
qui partit le s . de Dinant pour
retourner à Versailles .
Le 6. M. de Luxembourg
décampade S. Gerard , & vint
à Tulli . Les gros équipages
eſtoient partis à onze heures
du ſoir le jour précédent , pour
eſtre au bout de la ſeconde Ligne
à la pointe du jour , & les
Troupes partirent à deux heures
du matin , pour s'aſſembler
au neſme endroit que les gros
équipages. La marche fut une
des plus fortes qui ſe faſſent ,
& ce ne fut pas fans beaucoup
depeine qu'on arriva à Tulli ,
qui estoit le quartier du Roy.
On en partit le 7. une demyheure
aprés la pointe du jour
pour repaffer la Sambre à la
Buffiere , & venir camper à
Merbe Poterie , où l'on ſéjour-
' na le lendemain , parce que les
214 MERCVRE
gros équipages qui estoient reftez
le 6. à moitié chemin , n'a
voient pû joindre tous le 7. II
couroit alors un bruit dans
noſtre Armée , que M. de Baviere
avoit eu un grand démêlé
avec le Prince d'Orange , à
qui l'on prétendoit qu'il euſt
dit , qu'il euſt à ſe retirer dans
peu des terresd'Eſpagne ,& que
puis qu'il n'entreprenoit rien ,
il l'abandonneroit ,& feroit la
paix avec la France .
Le 8.les Ennemis eſtant partis
de Fleurus, vinrent camper
à Genape , & M. de Luxembourg
alla camper à Ville ſur
Haine,petite Riviere qui donne
le nom au Pays de Hainaut.
La marche fut affez belle. On
paſſa de grandes Plaines , &
P'Armée marchoit fur deux Colomnes
ainſi que les équipages.
GALANT .
215
}
1
La nuit , le temps ſe changea ,
&il fit un orage des plus terribles.
Il dura plus de vingt-quatre
heures , & n'empefcha pas
pourtant qu'on ne fiſt monter la
droite de la premiere Ligne à
cheval au point du jour , pour
aller s'emparer des poſtes &des
défilez qui ſont autour de Soi.
gnies,dans la crainte qu'on avoit
que le Prince d'Orange ne s'en
ſaiſiſt avant nous.Cependant il
n'y eut que la Cavalerie de cette
premiere Ligne & le quar
tier general qui puſſent arriver
le 10 ,à Soignies,la pluye n'ayat
point ceſſe de tout le jour. Le
reſte de l'Armée eut ordre de
demeurer à Ville ſur Haine ,
juſqu'à ce que les eaux fuſſent
écoulées , & qu'on euſt racommodé
les chemins..
Le les Ennemis étendi
4
216 MERCURE
rent leur droite juſqu'à Nivelle,
& firent un détachement de
plus de huit mille hommes ,
pour aller fous Bruxelles .
Le 12.le reſte de l'Armée de
M. de Luxembourg , ſçavoir
toute l'Infanterie ,& la Cavaleriede
la ſeconde Ligne , vint
joindre à Soignies , & l'on envoya
l'Artillerie ſous Mons Le
13. M. de Luxembourg alla vifiter
le Camp. Noſtre droite
étoit vers Courtaubois , & nôtre
gauche proche de Neuville.
Le 14.Ce General reconnut le
Campd'Anguien , pour l'occuper
aprés celuy de Soignies .
Lers . les Ennemis qui avoient
leur droite à Genap, &
leur gauche à Nivelle , firent
un grand fourage du coſté de
Charleroy. M.de Luxembourg
en fit faire un le 16. du coſté
de
GALANT. 217
de Brenne le Comte , & les
quatre jours ſuivans il ne ſe fit
aucun mouvement dans les deux
Armées , mais le 21. M. de Luxembourg
fit faire encore un
fort grand fourage juſques au
deſſus de Hall , & à la veuë de
Bruxelles. Il ſe paſſa cependant
une petite action digne d'eſtre
remarquée . Un Party ennemy
de vingtſept Soldats eſtant fortyd'unbois
, tomba fur deschevaux
qu'il trouva en paſture ,
&il en prit douze. Un Capitaine
de Cavalerie qui estoit pro-
= che de la avec ſept Maiſtres ,
alla à eux , & les Ennemis eftant
rentrez dans le bois s'y retrancherent.
Le Capitaine , âgé
d'environ vingt ans , les y fui-
-vit ſans s'étonner du retranchement
, & criant A moy , il les
enfonça, de forte qu'apprehen-
Juil. 1692 . K
0:3 MERCURE
و
dant qu'il n'y euſt quelques
Troupes cachées dans ce bois ,
ils demanderent quartier. Il les
obligea de mettre les armesbas,
&les emmena tous priſonniers.
Cequi estàremarquer dans cette
action , c'eſt que la Cavalerie
n'entre jamais dans un bois
quand ily a de l'Infanterie. Les
Ennemis font encore campez à
Genap, voulant manger tout ce
qui eſt autour de Charleroy ,
parce qu'ils craignent que le
Roy n'entreprenne encore de
foumettre cette Place. Au premier
mouvement qu'on leur
verra faire , l'Armée de Mr
Luxembourg ira occuper le
Camp d'Anguien , ſelon toutes
toutes les apparences , elle paſ.
ſera la plus grande partie du
mois prochain , à cauſe qu'il y
abeaucoup de fourages. Elle en
GALANT.
219
trouvé une abondance extraordinaire
à Soignies .
Selon les derniers avis qu'on
a receus de Vienne , le Grand
Seigneur a comblé d'honneurs
le Grand Viſir. Aprésluy avoir
donné une autorité ſouveraine
en luy remettant entre les
mains le Sceau de l'Empire tout
entirer , il luy a fortement
recommandé de n'oublier rien
pour rétablir la gloire du nom
Ottoman par une vigoureuſe
guerre , avec défenſe de prefter
l'oreil- à aucunes propofitions
de Paix
د
avant que
d'avoir repris toutes les Places
perduës , & en avoir encore
conquis d'autres. Le Grand
Vifir affura Sa Hauteſſe d'une
entiere exactitude à executer
ſes ordres , & il confera enfuite
longtemps avec le Mufti & le
K2
220 MERCVRE
Caimacan,ſur lesmoyens de venir
à bout de ce qu'on avoit réfolu
pour la Campagne. Aprés
cela ,il fit diſtribuer la paye de
deux mois d'avance aux Troupes
, leur promettant de ladonner
double à l'avenir , ce qui
fatisfit tellement le Peuple ,
que lors qu'on eut arboré l'Etendard
de Mahomet , il fit paroiſtre
par de grandes acclamations
la joye qu'il avoit de
ladiſpoſition où il voyoit ce
Miniſtrede continuer la guer -
re.On publie que les Turcs afſiegent
Segedin & Raizca.
Le Comte Veterani a fait
ſçavoir qu'il trouvoit de grandes
dificultez à garder le paffage
de la Portede fer enTranfilvanie,
& que le Comte Tekeli
avec les Tartares , les Turcs&
les Méçontens , faiſoit des efGALANT.
223
forts extraordinaires pour y
entrer.
Son Alteſſe Royale Monſieur
a eu quelques accés de
fiévre , dont il eſt guery entierement.
Le Roy le vint voir au
Palais Royal le 19. de ce mois
Le Roy d'Angelterre y vint le
lendemain , & Monfeigneur
le Dauphin le 21. Toute la
Cour luy a fait paroiſtre les
meſmest empreſſemens .
On a beaucoup parlé du
démeſlé de l'Electeur de Baviere
& du Prince de Vaudemont
, mais il a paru que la veritable
cauſe n'en eſtoit pas
bien connuë. Voicy une Lettre
reçuë de Flandre fur ce
fujet , que je vous envoye ,
fans y avoir rien changé. Vous
ferez là-deſſus tel jugement
que vous croirez àpropos .
K.3
222 MERCVRE
LEPrince de Vaudemont , cons
me Commandant la Cavale.
rie Espagnole , se plaignit à l'Electeurde
Baviere au nom de toute
la Cavalerie, de ce qu'elle n'estoit
point payée , à quoy cet Electeur
répondit affez honneſtement &dit
qu'ily donneroit ordre. En effet ,
quelques jours après il luy envoya
une permission de prendre chez le
Treforier ce qui estoit deu aux
Troupes ; mais comme le Prince de
Vaudemont n'est pas des plus pecunieux
, & qu'aſſez souvent ilse
trouve court d'argent, le besoin qu'il
en avoit pour lors , luy fit oublier
qu'iln'avoit reçu cet argent que
pour le diftribuer aux Officiers , &
ils'en fervit comme s'il eust esté à
luy. Les Officiers à qui il ennuyoit
de ne rien recevoir , refolurent de
s'en plaindre , & de dire qu'ils
quitteroient le servicefion ne les
GALAN T. 223
payoit pas, Deux des moins timides
allérent trouver l'Electeur de Baviere
, &luy apprirent laréſolution
dans laquelle estoient tous les Officiers
; ce qui furprit extremement
cet Electeur. Il envoya
chercher Mr le Prince de Vawdemont
, à qui il demanda ce
qu'il avoit fait de l'argent qu'il .
avoit reçû , & pourquoy iln'en
avoit pas payé les Troupes. Il
répondit , qu'il les avoit payées,
l'Electeur de Bavierefaisant
paroiſtre ces deux Officiers,ils lay
dirent qu'ils n'avoient rienreçu
ceque le Princede Vaudemour na
toûjours , aſſurant que les autres
estoient contens. L'Electeur
de Baviere voyant bien qu'ily
avoit du mal entendu, ne put s'empescher
de luy dire quelque chose
de piquant à quoy le Prince de
Vaudemont répondit si fièrement ,
K. 4
224 MERCURE
que le Duc de Baviere choqué,fanza
ſur ſes pistolets &l'eust tuési la
Compagnie qui estoit là ne l'euft
empefché.Les Gardes du DucdeBaviere
s'enfaifirent , & on dit qu'il
est à present à Aix la-Chapelle ,
attendant des nouvelles du Courier
que l'Electeur de Baviere dépêcha
à l'instant au Roy d Espagne.
Voicy une autre Lettre venuë
d'Amſterdam. Elle parle
de ce que je vous ay déja marqué
touchant le differend de
l'Electeur de Baviere avec le
Prince d'Orange.
AAmſterdam , ce 12. Juillet 1692.
Ous avez raiſon de dire que
face leſouvenir de vostre malheur
de mer, car en effet elle nous touche
Sensiblement,& met nos affaires en
GALANT.
225
confusion . M.de Baviure en est venu
aux groſſes paroles avec le Roy
Guillaume ; & il est seur qu'il a
expedié à Madridle Gouverneur
du Chasteau de Gand pour y porier
Ses plaintes , & àViennefongrand
Mareschal,fon confident , &son
plus affidé Conseiller, M.de Sauffroy;
les uns disent ,pourseplaindre
àl'Empereur de ce que les Allemans
n'ont point fait du costé du Rhin ce
qu'ils avoient promis, & les autres,
pour demander sa démiſſion,ne pou
vant plus long- tomps-demeurer das
les Pays - Bas avec honneur. Ce font
de grandes affaires que cela. Le
Prince de Liegeeftdans un labirin.
se d'où ilnese retirera pas facilement
. Nous attendons des nouvelles
de ce que nos Vaiſſeaux aurontfait ,
mais cela nenous tirera pas de l'em.
barras où la perte de Namur nous
met. Le7. de ce mois les Armées
KS
1
226 MERCVRE
en Allemagne estoient preftesd'entrer
en action proche de Vuerms,
L'on croyoit que le jourſuivant ily
auroit combat , quoy que M. de
Lorgecust beaucoup moins de Troupes
que les Alliez , Il venoit de
recevoir trois mille Chevaux, conduits
parM. de loyeuse , &il attendoit
inceſſamment un détache.
*ment d'Infanterie.
On affure , que M. le Marquis
de Joyeuſe n'a point joint
M. de Lorges , & qu'il raffemble
ſes Troupes pour recommencer
ſes courſes dans l'Electorat
de Cologne , qui en eſt
fort alarmé. Si cela eſt , cette
rufe de guerre a eſté bien conduite.
Il y a trois mois que les Allemans
, les Eſpagnols , & les
Savoyards , qui forment trois
Armées ſeparées , qui occu
GALANT.
227
و pent trois Camps differens
une chaque Nation , ce qui ne
marque pas une bonne intelligence
,menacent de bombarderPignerol
, & mefime de l'afſieger.
La difference qu'il y a
d'eux aux François , c'eſt que
lorsque les derniers ontrefolu
de faire quelque entrepriſe , il
eſt impoſſible de la deviner ,
&que le fecret les en fait venir
à bout ; au lieu que les autres
s'en vantent long-temps
&la manquent. Les Eſpagnols
ont pourtant commencé d'en.
trer en action , & ont attaqué
une Redoute où il y a quelques
Soldats & un Enſeigne , & on
dit meſme qu'ils y ont ouvert
une maniére de tranchée. Ils
prétendent enſuite emporter
une Abbaye qui eſt proche de
ce Pofte , pour empêcher la
K 6
228 MERCVRE
communication de Pignerol
avec la Vallée de Perouſe , mais
quand, ils s'en rendroient maîtres,
ils n'y pourroient demeurer
long- temps , parce que le
Canon de la Citadelle de Pignerol
les incommoderoit fi
fort , qu'ils feroient contraints
de l'abandonner. Le Duc de
Savoye voyant la campagne fi
avancée , & fon Pays remply
de tantde Troupes qui le mangent
, fans que ſes affaires prennent
un meilleur train , en eſt,
dit- on , malade de chagrin à
Turin , commençant à eſtre
perfuadé que l'execution de
fondeſſein fur Pignerol eſt abfolument
impoffible , & l'on
afſſure que M. de Louvignies
luy en a fait voir des difficultez
infurmontables. Le Comte de
Caprara eſt auſſi indiſpoſé , ou
GALANT. 229
du moins il feint de l'eſtre ,
ayant des ordres contraires aux
deſſeins du Duc de Savoye. La
Politique des Allemans eſt que
les choſes demeurent pendant
la Campagne , en l'eſtat où elles
font , afin quele Ducde Savoye
ait toûjours beſoin d'eux ,
& qu'ils foient aſſez forts pour
impofer la loy pendant l'hiver
aux Princes d'Italie , qui doivent
apprehender pour leurs Etats,
quand épuiſant leurs bourfes
, on lesaura mis hors d'eſtat
de ſe deffendre . Comme toutes
les réſolutions que les Ennemis
prenent de ce côté -là changent
avant qu'on vienne à l'execu
tion d'aucune , on affure que te
Duc de Savoye fait revenir les
quatre Regimens de Religionnaires
qui avoient eſté envoyez
àla Valdoſte , pour les meſler
avec les Barbets & quelques
220 MERCVRE
Troupes reglées , afin d'atta
quer quelques uns de nos Poſtes,
dans nos derrieres ; mais
quand la choſe leur réüſſfiroit
il lear ſeroit impoſſible d'y faire
aucun établiſſement.
X
Le Pape s'oppoſe avec vigueur
à l'élection du nouvel
Electorat , en faveur du Duc
de Hannover. Quelle differencede
ce que fait aujourd'huy le
Roy à ce que fait la Maiſons
d'Autriche La Maiſon d'Autriche
détrône unRoy Catholique,
& veut faireun Electeur
Proteftant , & pendant qu'elle
cherche par tout à détruire la
Religion Catholique , le Roy
ne cherche qu'à la faire triompher.
Jamais les Suiſſes n'ont paru
plusamis des François , qu'ils le
font preſentement. NoſtreAmGALANT.
231
baffadeur à Baſle a donné une
ſomme , pour un prix de l'Arquebuſe
qui doit eſtre diſputé
entre les Bourgeois de Bafle , &
ilafait pluſieurs autres libéralitez
, pour marquer ſa joye de
la priſe de Namur , dont il a
reçu de grands applaudiſſemens
de tout le Peuple.
Il y a deux mois que le Combatde
Mer fut donné ,& cependant
les Anglois & les Hollandois
font moins avancez
qu'ils n'eſtoient ence remps
là. Ils ſe ſont promenez autour
de nos Ports , ſans ofer rien
entreprendre , eſtant , bien.
perfuadez de la maniere que
l'on eſtoit préparé à les recevoir.
Ils s'en font enfin éloignez
, fans avoir tenté aucune
choſe , & onteſté accueillis
d'une tempefte , qui aprés
232 MERCURE
leuravoir fait perdre pluſieurs
Mats , les a rejettez ſur leurs
coftes. Ils font de grandes me
naces , qu'ils réiterent ſouvent
C'est ainſi que l'on a couſtume
d'en uſer , quand on n'a aucun
deſſein. On fait quelquefois
ſeparer par ce moyen les forces
des Ennemisqu'on apprehende
la bõne Politique,& le bon fens
mefme ne voulant pas qu'on
avertiſſe ſon Ennemy du coup
qu'on eſt preſtà luy porter.
Je n'ay rien de confidérable
à vous dire d'Allemagne.Tout
ce qui s'y eſt paffé juſqu'icy
ne regarde que des Partis , &
non des Armées . Nous avons à
l'ordinaire paru les premiers
en Campagne, & vécu aux dépens
des Ennemis.Ils nous ont
menacez long- temps d'affieger
Landau ou Philiſbourg. Ils ont
GALANT.
233
aſſemblé un Corps en deça du
Rhin , & à peine a- t-il eſté afſemblé
que la peur d'eſtre attaqué
l'ayant pris , il s'eſt retiré
avec tant de précipitation que
pluſieurs ont paſſe la Riviere à
la nage.On nous craint endeçà
& en delà du Rhin , & s'il s'y
fait quelque entrepriſe cette
Campagne , on est fort perſuadé
qu'elle ne ſera pas faite par
les Ennemis .
J'ay été trompé comme beaucoup
d'autres ,par le bruit qui a
couru de la mort du Prince de
-Valdek.Les Lettres meſine qui
- venoient du Camp Ennemy ,
publioient cette nouvelle , &
elle estoit croyable d'un homme
de quatre- vingt ans , &qui
s'étoit retiré malade de l'Armée
.
Jamais on n'a tant fait de
234 MERCURE
Plans que de la Ville & du Châ
teau de Namur. Il en a paruplufieurs
, même avant la priſe de
la place , ce qui n'eſt pas une
marque de leur juſteffe . M. de
Fer vient d'en donner un nouveau
. Je ne vous en diray rien,
à cauſe de celuy que je vous
envoye dans l'Hiſtotre du Siege
du Chaſteau de Namur, qui
eſt d'autant plus exact , qu'il a
eſté fait ſur les lieux aprés la
priſe du Château , par un des
plus habiles Ingenieurs qui
ayent fervy pendant le Siege .
Il eſt nettement gravé , rien
n'y embaraffe , & l'on y diſtingue
les travaux avec plaifir.
Quant à l'Hiſtoire du Siege du
Chasteau , fi la Relation de celuy
de la Ville vous a plû ,j'oferay
vous dire que celle du
Château vous fatisfera encore
GALANT. 235
davantage , puifque jamais Relation
n'a eſté plus curieuſe ,
plus exacte , & plus remplie
de faits&de circonſtances particulieres
, qui font connoiſtre
parfaitement ce que c'eſt qu'un
Siege. On luy a donné le nom
d'Hiſtoire à cauſe qu'elle renferme
pluſieurs morceaux hiſtoriques
. Enfin , non-feulement
il ne s'eſt rien fait pendant
le Siege , qui ne foit marqué
dans cette Relation , mais
il ne s'eſt meſime rien dit que
l'on n'y rapporte . On ne louëroit
pas un ouvrage d'invention
, mais on peut parler de
ceux qui dépendent de l'exactitude
des ſoins , & des recherches.
L'Enigme du mois paſſé a eſté
expliqué fur la Balance , qui en
eſtoit le vray mot par Mrs Iul236
MER CURE
liot ,Aſſeſſeur du Comté de
Benon, & fon amy de Surgeres
Le Marquis de Collogon :
Bénard de l'Hoſtel du Quefnoy
, Place Royale : le Chevalier
de Loibel de la place-
Maubert : A. Bénard de Clermont
en Auvergne : De Courcy
, devant la Fontaine de
Noyon : Bellon &fa charmante
Manon de Paſſy : Tamiriſte de
la ruë de la Cerifaye : le Complaiſant
mal recompensé de la
ruë deBiévre : le Bagny , & fa
petite couſine toute aimable:le
Solitaire de Goneſſe:le Solitaire
Caraunien : le Coeur penetré
d'amour de la ruë Vildot : le
Jeune indifferent de la place
des Victoires : le beau de Milly
de la ruë Montmartre , &fon
coufin : le Revenant bon de
Caën à Paris : le Solitaire de la
GALANT. 237
fontaine-Gemar du meſme lieu
le Paſſionné de la ruë S. Victor:
le gros Controlleur: le Conſtant
Grou , & fa fidelle de Soiffons
: le Conſtant du cloiſtre
faint Merry , & ſa voiſine : l'Adonis
de l'Iſfle-Enchantée du
Quay de Bourbon : la Troupe
d'Anguien : l'Amant infortuné
& ſon inconſtante de
Verſailles : l'Unique du
Cloiſtre Saint Mederic : Choſevert
du bout du pont au
change : la parfaite intelligence
& ſon incomparable
voiſine de la ruë des Lombards
: Meſdemoiselles de la
Cour & de Bellille , Soeurs ,
proche la porte Montmartre
Charon de Vitry le François ,
& l'Incomparable Saltance du
même lieu : l'agreable Penchante
d'Estampes : Pigeart
238 MERCVRE
l'aimable brune , & Tailli de
Roches ,& fa charmante ſoeur:
la toute charmante Bigoine la
joune de Besançon:le beau couple
de ſoeurs de la rue Formanterſſe
la belle Urhée du Marché
aubled: la belle Catherine
& fon intimede Vermandois :
Paimable brune de Dieppe à
l'anagrame ,facrifions nos coeurs:
laBelle Tontine de la rue Saint
Roch: lesdeux-Aimables foeurs
de la rue faint Denis:l'Aimable
Normande de Surenne , & fa
Petite Angloife : la belle commere
de chez Maiſtre Marcel :
la ſocieté naiſſante de la ruë,des
Rochers: la Blonde au nom qui
faitaïmer.
Vos Amis ne plaindront pas
le temps qu'elles donneront à
chercher le mot de l'Enigme
nouvelle que je vous envoye.
GALANT. 239
ENIGME.
I
Lest desgens que je fais en-
:
rager,
Et pour d'autres jeſuis utile &de...
lectable.
Onmebat,on me coupe, & l'on me
fertfur table;
Masje nevaux rien à manger.
I'aydes Troupes bien ordonnées ,
Dont pourtantle defordre est fonventfans
pareil.
Iemarche en fuperbe appareil.
Cardansmaſuite onvoit des teftes
couronnés.
Sous deux couleurs , en quelque
part que j'aille ,
Sans deffein toutefois de donner de
del'effroy ,
240
MERCURE
1 .
Ie menetoujours avec moy
Quatre Regimensen bataille.
Detous mes Courtisans j'entretiens
l'esperance,
Auſſi m'en fervent- ils avec beau
coup d'ardeur ;
Sansme vanter,j'ay bien ducoeur,
Et fais bien rouler lafinance.
Avec moy le beau Sexe a beaucoup
d'habitude ,
Ettrouve en mesfaveurs unplaisir
bien charmant ,
Mais jefers bien plus frequement
,
Ala Coquette qu'à la Prude..
L'eſtat d'une Amante , reduiteàdonner
des pleurs à la mort
de ſon Amant eſt un eſtat digne
de pitié. Vous en trouverez la
triſte peinture dans les paroles
que vous allez lire .
Air
tre
MEQUE
DE
- LYON
S
#
1893
me
ange
eno
ten이미
GALANT
. 241
AIR NOUVEAU.
Taiſez- vous , Roſſignols , voſtre
tendreramage
Rappelle toutes mes douleurs.
Tireis àfon départ,fous ce mesme
feuillage,
Tandis que de l' Amour vous chantiezles
douceurs
Meſloit en me parlantſes ſoupirs à
mespleurs.
Helas ! d'un ſi touchant langage,
Fene goufteray plus les plaiſirs enchantez
;
Tircis de l'Acherona veu l'affreux
rivage.
Taiſezvous ,Roſſignols,voſtre tendre
ramage
Rappelle toutes mes douleurs.
Je ſuis Madame , &c.
242
MERCVRE
AParis, ce31 fuillet 1692 .
On aveu des Lettresdu 23 ..
qui portent que les Ennemis ſe
font éloignez de devant Pignerol.
:
Figures dans ce Livre.
parvenir à tout , quand on a unvezitable
merite. Il y a beaucoup de
Lefieur Brunet, Libraireau Palais,
debire un Livre nouveau,qui a
pourTitreL'HiſtoireduMarquis.
de Courbon. Il est fort divertis-
Sant par lesavantures dont il eſt
remply ,&fait connoitre qu'onpeut
THEQUE
BLIOT
LYON
*
1893*
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le