Fichier
Nom du fichier
1691, 09 (Lyon)
Taille
8.30 Mo
Format
Nombre de pages
293
Source
Lien vers la source
Année de téléchargement
Texte
Ex dono
RP Cland Franciscus Mener bier
Sor Jesu
807156
156
MERCURE
GALANT.
QUE
DESA
SEPTEMBRE 1691OAT
AVEC LA RELATION
Colles, Lugdun. St. Trinit
Socich. Tape Cat. Infc.
COMBAT DONNE
EN FLANDRES
PAR L'ARMEE DU ROY
le 19. Aouſt 1691. ſous les Ordres de
M.le Maréchal Duc de Luxembourg .
Avec la Liſte des Morts & des Bleſſez;
Et tout ce qui s'eſt paſſé
Piedmont de plus confiderable par
M. de Catinat , &c .
en
DE
LYON
AVILLE
A LYON ,
*1893 *
Chez THOMAS AMAULRY
ruë Merciere au Mercure Galant.
M. DC. XCI.
Avec Privilege du Roy.
*************
• LE LIBRAIRE
au Lecteur.
V
7
un Catalogue Ous me demandez
des Livres nouveaих de cette
année , vous le recevrez avec celuy du
mois d'Aoust.
LIVRES NOUVEAUX.
Les Loix Civiles dans leur ordre naturel,
endeux volumes inquarto, 12. liv. Le deuxiéme
Tome ſe vend ſepare pour 6.liv.
Le ſeptiéme Tome de la Bibliotequedes
Auteurs de Mr. Dupin , avec la réponſe à la
Critique , inoctavo ,qui comprend le ſept&
huitiéme Siecle. Les fix premiers Volumes
ſe trouvent dans la même Boutique pour
24- liv. & avec le ſeptiéme pour 28. liv.
LaCritique de la Biblioteque des Auteurs,
deMr. Dupin , inoctavo 2.liv.10.f.
Pharmacopee Royale , Galenique & Chimique
de Mr. Charas, augmentée d'un tiers,
avec pluſieurs figures en taille-douce , 7.liv .
La Chimie de Lemeri , ſeptième édition,
beaucoup augmentée , avec le Portrait de
l'Auteur , inoctavo 3.liv .
Foannis Dolai encyclopedia chirurgica ra
tionalu , inquarto , deux vol .9.liv.
*
- Idem Encyclopedia Medicina theoretico
practice , inquarto s . liv.
Ettmulleri operum omnium Medico-physicorum,
Editio noviſſima , cateris omnibus, tum
correctior , tum verò facilior , en deux vol.
infolio 18.liv .
Pratique generale de Medecine de tout le
corps humain , de Michel Ettmuller , en deux
vol. inoctavo s.liv.
Pratique ſpeciale du même Auteur, ſur les
maladies propres des hommes , des femmes
&des petits enfans , avec la Differtation du
même Auteur ſur l'Epilepfie , l'Ivreſſe, le
mal Hypocondriaque , la douleur Hypocondriaque
, la Corpulance & la morſure de la
vipere , inoctavo 2.liv. 10.f.
Nouvelle Chirurgie Medicale & raifonnée
deMichel Ettmuller , avec une Differtation
fur l'infuſion des liqueurs dans les vaiffeaux,
du même Auteur , indouze, 1.liv . 10.f.
La Vie de Mr. Deſcartes avec ſon Portrait,
en 2. vol. inquarto , 10.liv .
Hiſtoire de la Conqueſte de la Mexique
oudelaNouvelleEſpagne, avec pluſieurs figures
en taille- douce , inquarto, 6.liv .
Eſtabliſſement de la Foy dans la nouvelle
France, contenant la Publication de l'Evangile
, l'hiſtoire des Colonies Françoiles ,
*les fameuſes découvertes depuis le Fleuve
S.Laurens , la Louïfianne , le Fleuve Colbert
jusqu'auGolphe Mexique, ind . 2.vol. 3 liv ...
Nouvelle Relation de la Gaſpeſie , qui conent
les moeurs & la Religion des Sauvages
Gafpefiens Porte croix , adorateurs du Soleil,
& d'autres Peuples de l'Amerique Septentrionale
dite le Canada , indouze 2. liv .
Harangues de Demofthene avec des Remarques
, inoctavo , zaliv .
Traité de l'autorité Royale, dedié au Roy,
indouze , 2. liv.
Maniere de fortifier ſelon la methode de
Mr. Vauban , avec un Traité préliminaire des
principes de Geometrie , avec pluſieurs figures
en taille-douce, ind. 1.liv.ro.f.
Paralelles des Anciens & des Modernes en
qui regarde l'Eloquence , par Mr. Perraut
de l'Academie , ind. 2
ce
vol. 3.liv.
Divers Traitez de Metaphyfique,d'Histoire
&de Politique, par Mr.Cordenjoy, ind.30.f.
L'Art de vivre heureux, formé ſur les idées
les plus claires de la raiſon & du bon fens, &
fur de tres belles maximes de Mr.Deſcartes,
ind. 30.f.
Imitation de IESUS.CHRIST , de
Mr. Dubois , inoctavo , z.liv.
La même ind. 30 .
La meſme in 24. 20.f
Confeffions S. Augustin de Mr. Dubois,
inoctavo 4. liv . 10.f.
La meſme , ind. 40.f,
Abregé de Vitruve, ind. 3.liv.
Principe d'Architecture par Mr. Felibien,
inquarto , avec pluſieurs figures, 12.liv.
Queſtions Notable de Droit ,decidées par
pluſieurs Arrêts de la Cour de Parlement,
par Mr. le Prefire , augmentées en cette der.
niere Edition par Mr. Gueret, infolio 15.liv .
Dictionnaire Italien & François , mis en
lumiere par Mr. Oudin , & augmenté par le
Sr.Veneroni Interprete & Maître des Langues
Italienne& Françoiſe , inquarto 10.liv .
La Geographie Ancienne , Moderne &
Hiſtorique , qui contient les principes de la
Geographie , l'Angleterre, l'Ecofle, l'Irlande,
leDanenemmaarrkk la Suede, laNorvvegue, laPo-
Jogne , la Moſcovie , la France , les Païs-Bas,
les Provinces Unies , la Suiffe & la Savoye,
avec plufieurs figures en taille douce, 12. liv..
Deſcription du Cerveau , des principales
diſtributions de ſes dix parties, des nerfs&
des organes des ſens , avec plufieurs figures,
parMr. Drouin , Maître Chirurgien del'Hôpital
General ,ind . 30.f..
Dictionaire Hiſtorique & Geographique
de Mr.Moreri , trois volumes infolio45. liv.
nouvelle edition.
Effais de Sermons pour tous les joursde
l'année , en 4.vol, inoctavo 14. liv.
LesTravaux de Mars, en 3. vol . inoctavo
15.liv.
Sermons de S. Bafile le Grand , avec les
Sermons de S. Aftere , inoctavo 4.liv .
Les Opufcules de S.Jean Chriſoſtome,Archevêque
de Conſtantinople moctavo 4.liv.
Semaine- Sainte de Port- Royal de toutes
grandeurs.
Dialogue de Saint Gregoire , indouze
2.livres.
Efcriteaux pour les Apoticaires , rouge &
noir, Paris , 2. liv.
Eſcriteaux pour les Eſpiciers & Droguies
, 2.liv .
Heures fans renvoys , dediées à Madame
laDauphine , 30.1.
L'Architecture , Pratique qui comprendle
détail du toiſe & du devis des ouvrages de
Maffonnerie , Charpenterie , Menuiferie, Serrurerie,
Plomberie,Vitrerie, Ardoiſe, Tuille,
Pavé de grais & impreffion , par Mr. Bullet,
Architecte du Roy, avec pluſieurs figures en
taille- douce , inoctavo 3.liv .
Vie du Cardinal Comendon , par Mr. Flechier
, ind..liv .
Vie de Theodoſe le Grand , par Mr. Fle--
chier , ind , 3 liv.
Hiſtoire du Grand Tamerlan , tres-propre
à former un grand Capitaine , par Mr.de
Saint Yon , ind. jo..
Les Sermons de Mr. l'Abbé Fromentier, en
6.vol. inoctavo 18.liv.
Les Meditations du Pere Haineufve , e,n
4. vol. ind. 8, liv .
La connoiffance du Fils de Dieu du Père
Saint Jure , nouvelle Edition , infolio 12. liv..
Legrand chemin qui perd le monde , ind.
1.liv. 10.f.
L'Histoire d'Olivier Cromvvel , avec fon
Portrait par raport au Prince d'Orange,
inquarto 6.liv.
L'Art de plaire dans les converſations , aug.
menté d'un quart, ind. 30.f.
I ettres de Mr.Vaumoriere, ind.2.vol.4: liv..
Les Devoirs de la vie civile, ind . 2.vol.3.liv..
Inſtruction à la Pratique, de Ferriere,
ind. 30.f.
La Jurisprudence du Code de Ferriere,,
4.vol . 12. liv .
Idem les Nouvelles de Ferricke
yol, 12.liv.
<
LaJurisprudence du Digeſte de Ferrière,
inquarno 2.vol . 12.liv.
- Les Oeuvres de Mr. Bacquet , pare
Mr.la Fertiere , infolio 15.liv.
Maniere de bien penfer , ind . 2.liv.
Penſées ingenieuſes, ind liv.
Les Meditations de Dupont , inquarto,
3.vol. 18.liv .
Nouvelle Grammaire Italienne, ind . 30.f.
Traité de ce qui eſt dû aux Puiffances,& de
la maniere de s'acquiter de ce devoir , ind.
1. liv . 10,1.
Journée Chrétienne , ou Maximes Chretiennes
pour tous lesjours du mois , par le
Pere Craffet , ind. 1.liv. 10.f.
Le mois Chrétien , ou maximes Chrétien.
nes pourtous les jours du mois . par le Pere
Craffer , ind : 1.liv. 10.f.
Les Philoſophes à l'encan , Dialogue,
ind. 1.liv .
Lagloitede Louis le Grand dans les Miffions.
étrangeres, ind 1.liv.
Arithmetique en ſa perfection , par Mr. le
Gendre ,ind. 2. liv. 5.٢.
Traité des fiftules , ind , r.liv.
NouveauTraité de la maladie venerienne,.
ind. :liv.
Hiſtoire 'du Monde de Mr. Chevreau,
inquarto deux volumes , 12. livres.
Le même, indouze s . vol. 9.liv.
Dictionnaire Civil & Canonique, inquarto,
6.liv.
Dictionnaire Pharmaceutique , augmenté
d'un tiers, inquarto 6.Liv
Ortographe Françoiſe par de Blegny , ind.
1.fols.
Année Benedictine, inquarto 7.vol.40.11v .
Hiſtoire de Jesus.CHRIST , avec des figures
en taille-douce, inquarto 6.liv .
Tableau des Provinces de France , qui ſe
•vendra chaque mois 7.fols .
Les Affaires du Temps ſe vendra chaque
mois 7.fols .
Inſtruction des Filles , dedié à Madame de
Maintenon , ind . 1.liv . 10.Γ.
Traité des SaintsAnges & de l'honneur
qui leur eſt dû, par le R. P. Craffet ind.r.liv..
Les Edits & Ordonnances de Neron , nouvelle
edition , infolio Saliv .
Science parfaite des Notaires , par Mr. de
Ferriere , inquarto 4.liv .
Guide des Negocians , ind.30.f.
Converſations morales de Mademoiselle
de Scudery , iod . 2. vol. 4.liv .
Inſtruction des Prêtres , de Molina , Traduction
nouvelle , inoctavo 4.liv.
Geometrie de le Clerc , avec beaucoup de
figures , ind. 3.liv.
Coûtume de Paris nouvelle Edition , ind.
2.vol . 3.liv.
Efpion Turc, par Mr.Mariana ind.4.vol.5.liv.
Evenemens les plus co fiderables du Roy
ind . I liv. to.f.
Reflexions ſur la vie de Marc-Antonin ,.
ind. 2.vol. 4. liv. 10.f.
Lettres deCiceronà Atticus , par Mr. de
S.Reale , ind . 2.vol . 4.liv.
Traité du Patronage , par Mr. de Ferriere,
inquesto 6Jiv.
* uij
Hiftoire de l'Eglife d'Arles , par Ms. du
Port, ind. 1.liv.ro.f.
Secrets de conferver la beauté , de Bligny ,
2.vol . inoctavo 6.liv .
Les plus beaux endroits de l'Histoire , ind .
r.liv. 1o.f.
Entretiens fur l'Histoire de l'Univers , ind .
3.vol . 4.liv.
Intrigue du Conclave de Rome , avecla
Viede tous les Cardinaux , ind . 1 liv .
Grammaire Françoiſe de Chiflet, ind. 1.liv .
Inſtruction ſur l'Histoire de France & Romaine
, par demande & par réponſe , ind .
1.liv. 10.f.
Voyage du Monde de Descartes , ind.
2.liv. 10.f.
Deſcription de la Ville de Rome, en faveur
des Étrangers , ind . 4.vol.3.liv . 10.f.
Dictionnaire François-Latin du Pere Tachard
inquarto 6.liv. 1o.f.
Dictionnaire Latin & François , du même,
inquarto 7. liv .
Elemens de Matematique du P. Preſterde
l'Oratoire , inquarto 2.vol. 16.liv .
Lepremier Concile General de Nice , traduit
en François , inoctavo 3.liv .
Atthalie , Tragedie de Mr de Racine,
inquarto 3.liv .
Hiſtoire des Albigeois, des Vaudois &des
Barbets avec une Carte Geographique des
Vallées , ind . 2 vol. 4. liv .
Hiſtoire des Conclaves ,dépuis ClementV.
juſques à preſent , ind. 2.vol. 3 liv.
Conferences morales ſur les Myſteres de
notre seigneur , par le Pere Lyon de l'Oras
toire , 2 vol, inoctavo 4.liv. 10.f.
L'Avent Catolique , ou Pratique ſolide &&
devote , ind. 1. liv. 10.f.
Effais de Panegyriques des Saints , inocta-
3.liv. 10.f.
Lettres familieres, galantes & autres, fur
toutes fortes de ſujets , avec leur réponſe,
ind. 1. liv. 10.f.
La Maiſon de campagne, Comedie, ind.1.1 .
LesBourgeoiſes de qualité , ind . 1.liv .
Dictionnaire des termes de la Marine, avec
pluſieurs figures en taille-douce , inoctave
3. liv.
Remarques , ou reflexions critiques , morales
& hiſtoriques, ſur les plus belles & les
plus agreables pensées qui ſe trouvent dans
les Ouvrages des Auteurs Anciens &Modernes
, ind, 1.liv. 10.f.
La Relation du Siege de Mons , ind. 2.vol.
2. liv.
Nouvelles Oeuvres mêlées de Madame de
Villedieu , ind. 1.liv.
Relation du voyage d'Eſpagne, parMadame
Bernard, ind. 3.vol. 4.liv. 10.1.
Le Comte d'Amboiſe, par Madame Bernard
, indouze 2. volumes 3. livres.
Les deſordres du Jeu , reduits en forme
d'Histoire , ind . 1.liv ...
Hiſtoire de l'admirable Dom Quichotte
de laManche, avecpluſieurs figures en tailledouce,
ind. 4vol.6.liv .
Diſgraces des Amans , dedié à Mr.dela
Feüillade , ind. 1.liv . 10.f.
Relation univerſelle de l'Afrique ,
avec
beaucoup de figures en taille douce , ind .
4. vol. 8.liv.
Caracteres de Theophrafte , avec les
moeurs de ce Siecle , nouvelle Edition , ind.
1. liv. το ..
Conferences Eccleſiaſtiques duDiocese de
Luçon , ind . s . vol . 6. liv . 5.f.
Anatomie de l'homme ſuivant la circulation
du fang , & les dernieres découvertes
démontrées au Jardin Royal, par Mr.Dionis,
inoctavo 3 liv, 6.f.
Dom Alvare , Nouvelle Allegorique , ind.
10. fols .
Traité des Operations de Chirurgie , ind.
1.liv. 10.f.
Réponſe à la Differtation de la Goute,
ind. 1.liv. 5.f.
Recueil des Arrêts du Parlement de Grenoble
, inquarto 4.10, f.
Hiſtoire des Revolutions d'Angleterre,
ind. 2.liv .
Officier de Bouche , ind. 30.f.
Le nouveau & parfait Confiturier , ind.
1.liv...
LaVie duTaſſenouvelleTraduct.ind.30.f.
Ouvres de Capiſtran , ind. 4.liv.
Juvenal. du Pere Tarteron Jeſuite,jind.2.1.1cf.
Nouvelle Anatomie raiſonnée avec plu-
Geurs figures en taille.douce, ind.2.liv.sf,
Nouvelle Osteologie, avecpluſieurs figures
en taille-douce , ind.2.liv .
Affaires du Temps , contenant tout ce qui
s'eſt paffé entre le Roy de France , Rome,
PEſpagne , l'Allemagne , la Hollande , Pologne,
Suiffe & Cologne , avec l'entrepriſe
du Princed'Orange fur l'Angleterre, Irlande
&Ecoffe , ind, 10.vol. 10.liv..
Apocalypſe de Mr. de Meaux , inoctavo,
4. liv.
Sermons ſur les veritez de l'Evangile , par
Mr. de la Volpilliere , inoctavo 4.vol.11.liv .
Le Napolitain , ou le Défenſeur de ſa Maîtreſſe
, ind . 1. liv .
Hiſtoire du Japon , avec pluſieurs figures,
inquarto 2.vol.12.liv .
Nouvelle methode du Blazon du Pere Meneſtrier,
ind . 2.liv.
Le Treſor de la Pratique de Medecine,
traduit de Thomas Burnet, inoctavo.z.vol.6 .
Oeuvres de Varillas , contenant l'Histoire
de Charles IX. inquarto 2,vol.12.liv.
Le meſme , ind. 3.vol . 3.liv . 10.f.
12. liv.
Idem , François I. en 2.vol.inquarto
Le même en 4.vol . ind, 6.liv .
Hiſtoire des Hereſie en 6. vol. inquarto
36.liv .
Le meſme , ind . 12. vol : 21 .liv.
Hiſtoire de Loüis XII. en 3.vol. inquarto
18.liv
Le meſmeen 6.vol ind. 10.liv . 10.f.
Hiſtoire de Louis XI. en 2.vol. inquarto
12.liv .
Le meſme , ind. 4. vol . 7.liv .
Hiſtoire de Charles VIII.inquarto.6, liv.
Le meſme ind. 3.vol. 4.liv.10.f.
Politique de la Maiſon d' Auſtriche ; ind .
1.liv. 10. f.
Réponse à Mr. Burnet fur les Herefies,
inoctavo 3 ,liv .
Ordonnance des Eaux & Forests , avec le
Recueil des Edits &Arreſts, ind.2.liv.10.f.
"
Nouveaux Eſſais de Morale fur le luxe &
les modes, &c . ind . 2.liv .
Geometrie , Pratique du Sieur Boulanger,
augmenté de pluſieurs Notes & d'un Traité
del'Arithmetique parGeometric d'Ozanam ,
ind. 2.liv.
Recueil des Oeuvres de Madame de la
Suze , ind. 4.vol.4.liv .
Memoire de Mr. de Chaſtenet , Seigneur
dePuyſegur , ind . 2.vol. 3.liv .
Jugemens des Sçavans par M. Baillet , ind.
13.v.26.liv.
Viede la mere Anne de Xaintonge , par le
R.P.Groſez, 8 , 2.liv .
Nouvelles Reflexions où Sentences & maximes
morales & de politiques , dediées à
Madame de Maintenon , ind. 15. Γ.
Fortifications Nouvelles de Gautier , ind .
12. liv. 5.f.
Art de Laver ou Peindre ſur le coloris, par
le meſme , ind. 15. fols .
Reflexions ſur les Défauts d'autruy , ind.
1. 13. fols.
Voyagefait à la Mer du Sud, par le Sr. Ra .
vonau , ind , 2 liv.
Traité d'Artillerie avec la maniere dejetter'les
Bombes, par M. Gautier 12. 1. liv.
Juvenal traduitnouvellementpar M.le Preſident
Silvecanne, ind. 2.1.4.1.10.1,
L'on trouvera auſſi chez le ſieur Amaulry
des Heures de toutes les Grandeurs de Paris .
TABLE.
Prelude, contend
Relude , contenant tout ce qui
à I'Accademie
Françoiſe le jourde la Feſte defaint
Loüis .
Lettre, contenant des nouvelles de
pluſieurs endroits des Indes 13
Jeux Floraux. 32
Idille.
41
Feste celebrée à Bordeaux. 45
Discours prononcé à Brest.
Détaildela Campagne de M. le
Comte d'Estrées. 59
Lettred'un Milord, conſeiller d'E
tat en Angleterre,àM.le Comte
de Porteland. 74
Lettre d'un Bourguemestre de Nuremberg,
à un députéde la Diette
de Ratisbonne. 83
Ceremonie& réjoüiſſances faites à
a
3
TABLE:
Saint Germain en Laye le jour
de lanaiſſance du Roy .
Fable du Soleil& de l'Aurore .
91
Charges. 94
Operation faite à M. le Duc de
Vendosme. 111
Morts. 112
Convents visitezpar le Roy d'Angleterre.
114
Beau discours de la vraye & dela
fauffe humilite 116
Introduction àla Fortification.140.
M. Alot est nommé premier Medecin
deMadame. 144
LePrintemps,Dialogue. 149
Eloge de Saint Louis prononcé à
Bordeaux.
163
Autre article de Morts. 169
Charges &Pensions données parle
Roy 175
Histoire. 176
Extrait des Registres de l'Academie
Royale des Sciences. 193
TABLE.
Nouvelle Carte de Hongrie. 196
Levée du siege de Pratz de Molle.
199
Nouvelles d'Allemagne: 207
Lettres touchant le Combat donné
entre les Imperiaux & les
Turcs. 211
Article des Enigmes 222
Granddétail du Combat donné en
Flandre, avec la Liſte generale
des Morts & des Bleffez . 224
Nouvelles de l'Armée commandée
parMrde Bouflers . 261
Nouvelles de Piedmont, 262
Nouvelles d'Espagne. 263
Nouvelles de la FloteAngloise.264
Retourde Mrle Duc de Chartres.
265
Coursefaitepar M. de Guiſcar ,
dans lePays ennemy , 266
Avis. 267
Fin de laTable.
Avis pour placer les Figures.
L
'Air qui commence par ,
l'aime tendrement Lifette
doit regarder la page 40
La Medaille doit regarder la
page
109
L'Air qui commence par ,
La Feste d'une riche Cour , doit
>
regarder la page 224
MERCURE
GALANT
*
DEL
E
LYONE
SEPTEMBRE I 1883*
UE de choſes , Ma-
Q dame , j'aurois à vous
dire de noſtre Auguſte
Monarque, ſi j'en
treprenois de vous rapporter
tout ce qui fut dit à ſa gloire
le jour de la Feſte de S. Loüis :
Toutes les Chaires retentirent
de ſon Eloge , & la conformité
qui ſe trouve entre les mer-
Sept. 1691. A
2 MERCVRE
veilles de ſa vie ,& celles de
ce Saint Roy ayant donné lieu
à tous les Predicateurs d'étaler
leur Eloquence , il n'y en
eut point qui ne fiſt connoiſtre
que faire le Panegyrique
de l'un c'eſtoit travailler à
celuy de l'autre. Mr l'Abbé
de Montelet , qui preſcha ce
jour-là dans la Chappelle du
Louvre , où Mrs de l'Academie
Françoiſc celebrerent cette
grande Feſte ſelon leur
coutume , nelaifſa pas échaper
une ſi favorable occaſion de
faire ce glorieux paralelle. Il
morta en Chaireaprés que M.
l'Abbé de Lavau, l'un des quarante
de cette celebre Compagnie
, eut dit la Meſſe , pendant
laquelle M. Oudot fit
entendre àſon ordinaire , une
GALANT.
3
excellente Muſique de ſa
compoſition. Mr l'Abbé de
Montelet prit pour ſon texte
ces paroles du ſeptiéme Chapitre
d'Efdras , Benedictus Do-
-minus Deus Patrum noftrorum, qui
dedit hoc in corde Regis , ut glorificaret
nomen Domini,& fit voir
que S. Loüis n'avoit particulierement
eſtimé le titre de
-Roy , que pour glorifier dans
fon coeurce Dieu dont iltenoit
ſa puiſſance ,& pour luy faire
rendre dans tout ſon Royaume
le culte ſoumis qui luy eſt dû.
L'aprésdînée de ce mefme jour,
Mrs de l'Academie Françoiſe
-tinrent une Aſſemblée publi-
-que pour la diſtribution des
Prix . Elle fut ouverte par Mr
•le Marquis de Dangeau , qui
en eſt preſentement le Directeur,&
qui déclara qu'on avoit
A 2
4 MERCVRE
>
appris que la piece que la
Compagnie, avoit jugée digne
de remporter celuy de l'Eloquence
, avoiteſté faite parMr
de Clairville jeune Gentilhommede
Roüen;& que l'Ouvrage
qui avoit merité celuy
de la Proſe , eſtoit de Mademoiſelle
Bernard , auſſi de
Rouën , ce qui n'eſtoit pas defavantageux
, à la Normandie.
Ces deux Pieces furent
leuës par Mr l'Abbé Tallemand
le jeune , avec l'applaudiſſement
d'une nombreuſe
Aſſemblée , dont les loüanges
confirmerent le jugement
qu'avoit fait l'Academie. Mademoisellle
Bernard vous eftoit
déja connuë par Eleonor
d'Yvrée,& par le Comte d'Amboiſe
, qui ſont deux Ouvrages
en Proſe ,où vous n'avez
GALANT.
pas moins admiré la fineſſe des
penſées , que la delicateſſe de
l'expreſſion. La Tragedie de
Laodamie ,& celle de Brutus
de l'hyver dernier , l'ont fait
paroiſtre une Rivale tres dangereuſe
pour tous ceux qui
s'attachentau Theatre. Le ſuict
que l'Academic avoit donné
pour le Prix de Vers qu'elle
vient de remporter , eſtoit que
de tous les souverains de l'Europe'
Le Roy est le feul qui ſoutient le
droit des Rois . Elle avoit donné
pour ſujet deProſe , le zele de
la Religion , par rapport à ces
paroles,Zelus domus tua comedie
me. Mr de Clairville a traité
cette matiere d'une maniere
...vive& tres éloquente , en faifant
voir que le zele d'uneReligion
établie pour la gloire de
Dieu,& pour le ſalut des home
A3
6 MERCURE
mes , eſt ce qu'il ya de plus
glorieux & de plus neceſſaire
au Chreſtien. Après avoir
prouvé ces deux veritez , il
conclut avec beaucoup de raiſon
, que ſi c'eſt une neceffité
à tous les Chreſtiens d'eſtre
zelez pour la Religion , nous
y ſommes particulierement
obligez , comme Sujets d'un
Royaume conſacré à la défenſe
de l'Eglife , par la pieté du
grand Monarque qui le gouverne.
Quel Prince , dit- il ,a.
mitux merité que luy le glorieux
titre de Tres. Chrestien?Nous avons
enson Auguste Perſonne unmodelle
parfait du zele de la Religion , &
une preuve ſenſible de lagrandeur
& de la felicité qui en sont infeparables
. Ce grand Prince allum
me luy seul lezele de tous les Onuriers
Evangeliques de fon Royau
GALANT. 7
me. Par luy nousvoyons les faintes
Loix en vigueur , l'Eglise floriſſan.
ze , l'impieté reduite àfeindre on
àse cacher, l'Hereſie détruite ,la
Foy duuray Dien triomphante aux
extrémitez du Monde. Pour faire
voir toute l'étenduë de fon Zele , il
faudroitparcourir toutesses actions.
En luy les Vertus Chrestiennes ſont
honorées par les Royales , & les
Vertus Royales sont consacrées par
bes,Chreftiennes . Ses Armes fon
celles de la justice,ſes Victoires cel
les de Dieu . Combien de fois l'a-ton
vûfacrifier ſes reffentimens àla
paix de l'Eglife ? Que de vigilance
àconſerver la pieté defa difcipli
ne ? Que d'ardeur à réunir à la
veritable créance ceuxdefes sujets
que l'erreur & la prévention era
avoient feparez ! Mais s'il fus
toujours l'appuy le plusferme de la
Religion, aujourd'huy que les prom
A 4
8 MERCURE
pres Enfans de l'Eglise la perfecutent
,& qu'ilsse liguent avecla
Rebellion & l'impieté pour l'opprimeron
le voit feul fidelle foudroyexces
amasmonstrueux de Puiſſan .
ees, vanger les interests du vray
Dieu trabis ,&le dédommager ,
pour ainsi dire , par un redoublement
de Zele & de pieté de l'infilelivede
toute l'Europe. NeSoyons
passurpris après celasi un grand
Royperfecutépour la Religion , ne
trouve un azile& un vangeurque
dansleſeul Prince qui la protege.
Honorons dans le plus Chrestien des
Rois l'Esprit Saint dont il est viſiblement
remply ,&ne nous étonnons
plus ny du merveilleux defes
actions quiſereſſententde la ma.
jesté du Dieu qui le fait agir, nyde
l'immensitédeſagloire, qui est l'ouvrage
du Ciel, parce qu'elle est une
recompensede fon zele. Maisfila
GALANT.
9
pictéde Loüis élèvesa grandeur
au deſſus de cellede tous les hom.
mes , elle luy donne encore cette
moderation Chreftienne , qu'il est
luy-mesme au deſſus defagrandeurs
car il est lefeul que sa gloire n'é
blouitpoint. Comme il necherche
qu'à établir le regne deDien, illa
luy rapporte toute entiere, & voilà
cequila conſomme, parce queDieu
Se plaiſtàfaire rejallir avec plus
d'éclat furce Prince fidelle & reconnoissant
lagloire qu'il luy renvoye.
Quelle foule , quel enchais
nement , quel redoublement con.
tinuel de prodiges & de prosperi
tez quefa vie !On voit les vertus,
la grandeur, lamajesté, la gloire
de tous les Heros reunies avec un
nouveau lustre en luy seul , &dans
Son Royaume , la splendeur& la
felicité de tous les fiecles . En vain
unepalouse fureur arme les Nations
AS
IO
MERCVRE
博
contre luy , Ila cette glorieuse con
formité avec la Religion qu'il dé
fend, que sa gloire devient plus.
brillante par les efforts que ses En..
nemis font pour l'obscurcer. Sa fem
licité redouble par celle dont il
fait jouirses Sujets. Comme l'infidelté
des Princes a ſouvent attiré
des calamitezfur les Peuples ,la
iuſtice & la fidelité de nostre pieux
Monarque se répandent fur nous.
Sapuiſſance qui punit,qui defefpere
nos Ennemis , nous protege , nous
comble de gloire. Les guerres font
un fleau pour eux seulement , &
pournousseuls unesource de benedictions
& de triomphes. Sous lug
enfin tous les deſordres font abolis.
Les Loix ſont aussi faintes que Sa
fageſſe inspirée de Dieu. On voit
regner en tout temps & en tous lieux
la vertu , l'ordre , la tranquillité,
L'abondance , & Son Zele eft le fors
GALANT... IT
dement de la felicitépublique.Quel
avantage , quelbonheur pour nous
de vivre ſous un telRoy ! Nos Au
tels retentiſſent de nos actions de
graces continuelles ,&de nos voeux
toujours redoublezpour sa confervation.
Mais en mesme temps ne
devons nous pas redoubler noftre
oftimepour le Zele de la Religion ,
feul principe dela grandeur de ce
Royaume & de nostre félicité ?
Quelle obligation pour nous de profiter
d'un exemple ſi vare & si
puiſſant,& de nous rendre dignes
parla d'un Prince qui nous est fi
cher & (ineceſſaire !
Aprés la lecture des ces deux .
Ouvrages : Mr de Boiſquillon,
l'undes Academiciens de Soilfons
, leutun Panegyrique du
Roy , qu'il avoit apporté comme
un tribut que doit cette
Academie à l'Academie Fran
A G
12 MERCVRE
çoiſe , qui a fait aſſociation
avec elle.Cela fait,Mr le Clerc
qui adonné au Public ily a
déja longtemps la traduction
des cinq- premiers Chants de
la Jerufalem du Taſſe , leut
environ vingt Strophes d'un
de ceux qu'il n'a point encore
fait imprimer ,& l'on y trouva
ce feu agreablequ'on voit répandu
dans tout cequi eſt de
luy. MrPerrault regala enfuite
la Compagnied'une lecture
de ſon Poëme de la Patience
deGriſelidis , qui fut faite par-
Mrl'Abbé de Lavan . Les vives:
deſcriptionsdont ce Poëme eſt
plein luy attirerent beaucoup.
d'applaudiſſemens , & tout le
monde ſortit extremement
fatisfaitde cette Aſſemblée .
le vous envoye une Lettre
fort curieuse , qui vous ap
GALANT.
છા
prendra pluſieurs nouvelles
des Indes. Elle eſt d'un Pere
leſuite , qui ſe retira àPonticheri
aprés la révolution arrivée
au Royaume de Siam. Je
vous ay appris ſon avanture
dans quelqu'une de mes Lettres
, & de quelle maniere il y
arriva..
A Ponticheri le 19. Septembre 1690..
Depuis noſtre retraite de Siam
nous nous sommes etablis en
cette Coste, en attendant que les
chofes changent de face , ou que
nous ayons paſſage ùla Chine. Les
Hollandois nous ontfait souvent de
grandes menaces , & ont employé
tous leurs efforts pour obtenir de
Ram-raja , Fils du fameux Sevagi
,la permiſſion de nous afſfie
ger. Si elle leur avoit esté accor
dée,jedoute qu'ilsnous cuffent pu
14
MERCVRE
faireautant de malqu'ils nous en
veulent ; car je ne croy pas qu'ils
ayent buit cens hommes, &nous en
avons bien deux cens renfermez.
dans la Fortereffe. C'est affezpourse
mettre à couvert d'un coup de
main ; mais pour ſoûtenir un siege
de longue haleine &le Canon ,j'ay
peine à m'imaginer que cela se
puiffe. Je n'ay pas toûjours demeuré
àPontichery . Iefis un petitvoyage
l'Esté dernier à S.Thome & à Madras
. L'estois dans cette premiere
Place lors que nostre Escadrey ar
riva , m'étant retire dixjoursau
paravant de Madras , où l'on pu
blia la Guerre entre l'Angleterre
& la France . Mr le Gouverneur
m'avoitfait avertirſous main qu'il
luy estoit venu desordres de la déclarer.
Ainsi je m'en allay à Saint
Thome. Nostre Escadre arriva ala
Coste peu de temps aprés , ce que
GALANT.
15
nous appriſmes plûtoſt qu'on ne te
frent à Pontichery. Ily avoit quelques
jours que. Laurent Pit , Gou
verneur de Paliacatte estoitpasse
pardevant Madras avec cing.
Kaiſſeaux, lors que nous les viſmes
rebroußer chemin , & venir mouillerſous
la Forteresse de Madras.
On ſcent bien- toſt la cause de leur
retourfubit. Il leur vint un avis de
Ceylan de l'arrivée de nos Vaif-
Seaux. Sans cet avis , il eust esté
pris avecses Vaiſſeaux qui estoient
richement chargez. Il quittoit la
Fortereffe de Paliacatte dont ilem.
portoitle Canon & toutes les richeſſes
, avec toutes les Familles
qui avoient eu ordre de Batavia
de s'aller établir à Negpatam, dons
ce Laurent Pit estoit nommé Gouverneur.
Si taſt qu'ils furent sous
la Forteresse de Madras , ils pene
ferent à débarquer ce qu'ils an
16 MERCVRE
voient de plus precieux & toutes
les Femmes , & à mettre leurs
Navires en diffence. Les Anglois
firent le mesme. Nos gens demeu.
verent buit ou dix jours à Pontichery
où ils avoient amené une
grofſſe Flute Hollandoiſe richement
chargée qu'ils avoient priſeà Ceylan.
Ils avoient pris depuisun petit
Baſtiment Hollandois qu'ils habila
lerent vifte en Brulot pour venir à
Madras.Moydesesperant que nos
gensyvinſſent, jepris le chemin de
Pontichery le 23. Aoust poury
arriver le jour de Saint Louis..
L'appris en chemin qu'ils avoient
levé l'ancre pour aller à Madras..
cequi me mortifia. le rencontray
quarante ou cinquante Soldats
Anglois qui allorent en diligence
àMadras. Ils quittoient une Longimar
, Facturie nouvelle à quatre
Licuës de Pontichery , pour porters
GALANT. 17
du renfortà Madras qui en avoit
grand besoin,n'ayat pas alors trois
cens hommesdans une auffigrande
place que Madras l'est à present.
L'arrivay à Pontichery à dix heures
du matin , affez toft pour dire la
Messe. On avoitexposé le S.Sacrement
ce jour- là, qui devoit estre
celuydu Combat. Nous ne fuſmes
pas long- temps sans en ſçavoir le
fuccés , qui quay qu'il ne fût pas
aussi avantageux qu'on lesouhait
toit,se trouva confiderable. Le
Brulot fut attaché à l'Amiral
Hollandois; mais comme les Grapinsn'étoientfaits
que de cercles de
barriques , la Mer estant groſſe &
le ventvenantde terre,tout cela
fit qu'il n'eut pas l'effer qu'on en
esperois. Oncanonna rudement les
onze Vaisseaux qui estoient en ligne,
& qui ne voulurent iamais dénader.
Nous n'en avions quefix
18 MERCVRE
contre un si grand nombre , Sou
venus du feu de la Fortereffe , qas
avoit plus de cent Canons qui battent
la Rade. On fit un furieux few
fans que nous ayons perdu que
Jept ou buit hommes dans ce Combat.
Le Brulot fut attaché avce
une intrepidite merveilleuse par
M. Dauberville , Lieutenant de
M.du Quesne , au travers d'une
grefle de coups de Canon , &Sans
perdre aucun homme. Le Dragon
qui estoit presque entre les Vaif-
Seaux Ennemis &la Fortereffe ,
n'eut aucunhomme bleſſény tue. L
tira pourſapart plus de quatre cens
cinquante coups de Canon. Le lendemain
nosgens parurent encore, &
défierent les Ennemis qui n'oferent
jamais fortir pour combattre , &
comme le vent estoit de terre ,ce
qui les empefchoit d'approcher à
Leurfantaisie ,&que d'ailleurs ils
GALANT. 19
estoient endanger d'estre démapez
fans avoir de lieu pour se remaster,
oniugea plus à propos de continuer
Saroutevers Bengale. On prit à la
veuë de Madras un Vaisseau qui
apportoit des rafraiſchiffemens à
cette Ville ,&ils en firent échouër
un Anglois vers Bengale. Nous
Sceusmes que les Ennemis avoient
perdu beaucoup demonde ,&qu'ils
avoient eu plusieurs mats brif,ez&
leurs Navires criblez de boulets.
Cette action afait un grand éclat
dans les Indes . C'estoit aussi un projes
affez hardy que fix Vaisseaux
euffent osé en aller attaquer onze
grands fous une Fortereffe, Il y avoit
alors vers Madras un des Generaux
dew Mogol qui fut témoin de cette
action intrepide , & qui s'en re
tournapeu aprés à l'Armée de ce
Prince , qui affiege Gingi , principale
Ville de Sevagi.Vous nesçau20
MERCVRE
riezcroire avec quelle estime on
parle icy des François, Vous l'apprendrez
mieux que je ne pourrois
vous le dire , des temoins oculaires,
ainſi que tout ce qui s'est passé dans
La fuite de laNavigation de noftre
Escadre. Nos Vaisseaux qui
partent inceſſamment ne me pers
mettentpasdevousenfaire la Rea
lation. Ievayſeulementvous informerdes
choses que je croy que vous
neferez pas faché de sçavoir de
pluſieurs endroits des Indes. Comme
j'écris avecgrande precipitation
vous ysuppleerez , & mettrez le
tout en ordre.
Nous avons receu des Lettres
par terre , parlesquelles on apprend
que la Peste est encore à Surate.
L'action de Madras a étéfceue en
ces quatiers, & afait honneur à la
Nation. Pluſieurs de la Loge Hollandoiſeſont
en prison pour avoir
GALAN T. 21
voulu se revolter contre le Fifcal
qui avoit envoyé le Commis-
SaireVan-reyde, Leurs affaires vont
mal en Perfe. Ily a eu de leurs Vais.
feaux arrestez, mais on n'en ſçait
pas encore le détail.
Les Anglois souffrent beaucoup
à Bombain, à cause qu'ils n'ont
point cu de Vaisseaux d'Angleterre.
Le Vaisseau quiaeftébrûlé àAnjonan
par noftre Escadre , leur a
causé une grande perte. Cette Ville
fut affiegée l'an passé pendantplu
fieurs mois par le Mogol. Ils tinrent
bon , & ont depuis fait leur paix
avecce Princeaux conditions qu'il
avoulu.
LeGouverneurD. Rodrigue est
mortàGoa , &Dom Miguel, Meſtrede
Camp,a esté misenfa place.
On a arresté en ceste Ville-là un
Vaisseau Marchand Anglois venant
de la Chine ,pour reprefailles
12 MERCVRE
de ce que les Anglois de Bombain
Sefont emparezdes biens & maifonsdequelques
Portugais habitans
de Bombain , pour s'en estre retirez
•du temps de la guerre , contre la
défense des Anglois , qui menacent
d'arreſter tous les Vaisseaux Portugais
qu'ils rencontreront. Ce Vaiffeau
est celuyfur lequel estoient les
Peres quifurent pris à la Meque.
Nous venons d'apprendre qu'il est
arrivé deux Galions d'Europe à
Gox , & treize cens hommes avec
plusieurs Missionnaires ; & qu'un
Iesuite est nommé a l'Eſveſché de
SaintThome;& pour rétablir un
peu cette ancienne Ville , ily a ordre
àtous les Portugais répandus en
differens endroits de la Coste, d'aller
yfaire leur demeure.
Un Vaiſſeau Danois qui est revenuces
jours- cyd' Achem, a rapporté
que les Prifonniers François de
GALANT.
23
Siam avoient esté élargis . Il y est
alle tant de Marchands cette an .
née , qu'ils n'y ont pas trouvé leur
compte. Quelques - uns voyant cela
font allez , partie à Merguy ,&
Partie au Pegu.
Estans à Madrasjeparlay à un
François qui estoitvenu depuis pen
deBatavia.Il m'entretint de quelque
brouillerie arrivée en ce canton.
Un Déterminé naturel du Pays qui
estoitauſervicedes Hollandois , s'eſt
mis à la teste de deux ou trois cens
Déterminezcomme luy , qui ont
fait beaucoup de peine aux Hollandois
, avant qu'illeur ait esté poffible
de les réduire . Ils venoient leur
enlever des Corps degarde avancez
autour de Batavia. Les Hollandois
ont envoyé deux ou trois fois cing à
fixmillehommes , parmy lesquels il
y avoit cing cens Européens , pour
forcer les Rebelles dans leurs Forts.
*
MERCVRE
24
Ces Déterminez les ont fait tous fuir
juſques à deux fois , & en ont tue
blessé plusieurs. Enfin on les a
défaits avec bien de la peine, &
apres avoir perdu du monde.
L'épouvante fut grande l'an
passéà Malaca, lors que l' Oriflame
avec les trois autres Bastimens ,
des Troupes du débris de Siam , allevent
vers lunzalam . Les Hollandois
craignirent pour Malaca , par laquelle
nous avions paßé quelques
mois auparavant , & dont on avoit
veu lefort &le foible, fur tout le
peu de monde qu'il y avoit. Dans
cette crainte ils firent venir dix
Vaisseaux pour figure ; car on m'a
aſſuréqu'iln'y avoitpas cinquante
hommes dans chacun. Ils n'oferent
nonplus envoyer leurs Vaisseaux à
Bengale , & cela seulement à cause
de l'Oriflame , ce qui est une grande
marque de leur foibleſſe.
Vous
GALANT.
25
Vous aurezſcen de quelle maniere
nosgensàlafortiede Merguy tom.
berent au Pegu ; qu'ilsy voulurent
fairedes vivres , &qu'on les arrêta
prisonniers avec un de nos Peres ,
nomméle Pere Despanhac. On les
conduisit à Ava , dulieu où on les
avoitpris.Cechemindeplusde deux
cens lieuës , est terrible. C'est un
miracle comment ils ont på reſiſter
tous à ce penible voyage à travers
les bois & les montagnes affreuſes,
les torrens & les ruiſſeaux qu'il
leur falloit paſſer dans un temps
froid. Ce Pere m'écrit qu'ils en ont
paſſéquelquefoisjuſques à quaranse
en unseuljour. Aprés les avoir
menacez de la mort , on les a jugez
& condamnezà demeurer prisonniers
dans quelques Villages qu'on
leur a affignez. Le Pere à trois Villages
pour prison. Ilpeut les parcourir
, & pas davantage. Par
Sept. 1691 . B
26 MERCVRE
11
bonheur il y a là des Chrestiens
qu'il afſiſte; ainſi il s'occupe à les
instruirependantſon exil. Ila esté
fort incommodé des fatigues de ce
voyage , & il en a une jambe eftropiée.
Un de nos Peres , nommé le
Peredu Chats , allal'an passé d'icy
à Pegu , & jusques à Ava , pour
voir ce qu'ily avoit à faire pour le
delivrer. Il ne pût avoirla permisfion
deluy parler ,&les Portugais
noirs de ce pays- là luyfirent donner
un ordre de la part du Roy , de se
retirer.
Les Anglois avoient une belle
Factureà la Coste de Girgeti , c'est
àdire entre Mafulipatan & Ben.
gale. Ellefut pillée l'an passé par
lesMores, ce qui leur causa une
grande perte. On tua beaucoup des
leurs,&leurs marchandisesfurent
enlevées.
Gingy estla Capitale&laprin
GALANT.
27
cipale Ville de Ram Raja , Fils de
Sevagy.Elle est situéedansdesmontagnes
, & l'on m'a dit qu'elle est
disposée de cetteforte. Trois monta.
gnes qui font un trianglesejoignent
par des murailles tres -fortes , reve-
Stuës degroßes tours , &fur chaque
montagne ily a un Fort , & une
Fortereſſe encore dans le millieu de
L'enceinte , qu'on dit estre de plus
de deux licuës. Il y a de fi groffes
pieces de Canon , que lors qu'on les
tire nous les entendons distinctemens
d'icy , quoy qu'ily ait quinze
lienës. Cette Place est affiegé depuis
cinq mois par un des Generaux du
Mogol. On diſoit ces jours - cy qu'il
manquoit defourage , &qu'il pourroit
bien leverle Siege. Il apeu de
monde , & encore moins d'argent.
Ila vendu depuis peu aux Anglois
une Fortcreffefurle bord dela Mer,
àtrois ou quatre lieues d'icy. Com-
B 2
28 MERCVRE
me ils y ont tres - peu de monde pour
la garder , on dit qu'ils ont grande
peur denous ; carfi on vouloit met.
tre deux cens hommes à terre , on
s'en rendroit maistre à peu de
frais.
Voilà ce que je vous puis mander
cette année de ces Paiys- cy.
Nous attendons dans fort peu de
temps des Vaiſſeaux de la chine ,
dont neanmoins nous n'avons point
encore de nouvelles.
Voicy l'Extrait d'une autre
Lettre qui parle auſſi de
l'action de Madras. Vous ne
ſerez pas fachée d'apprendre
les autres nouvelles qu'elle
contient.
Le 2.de luillet 1690.paſſant par
l'Isle d' Ajouan , nous trouvaſmes à
larade un Navire Anglois de cinquante
quatre pieces de Canon . Il
effuya pendant plus de fix heures
GALANT.
29
a
lefeu de noftre Efcadre , apres quoy
ilſe brûla , un François quiſeſauvaà
la nâge , nous rapporta que ce
Vaiſſeau avoit trois cens hommes
qui ont presque tous pery ; qu'il s'appelloit
le grand Albert ; qu'il appartenoit
à la Compagnie Angloiſe,
&qu'ilestoit leſeul qu'elle envoyoit
aux Indes. Apparemmentfa charge
estoit riche.
Le 29.dumefme mois en paffant
par l'ifle Ceilen , nous y trouvaſmes
une FlûteHollandoiſemouilléefort
prochede terre , quiferendit
aux Chaloupes que Mr diu
Quesne , nostre Commandaut , y
envoya . Ellepeut valoir cinquante
mille écus. Ensuite nousfiſmes route
pour Pontichery , &y arrivasmes
le 12. Aouft. Un peu de temps après
noſtre arrivée, nous apprêmes qu'il
y avoit plusieurs Navires , tant
Anglois que Hollandois , monillez
B 4
30
MERCVRE
L
1
Sous la Fortereffe de la Ville de Ma
dras , qui nous attendoient quand
nous paſſerions pour aller à Bengale,
ce qui nousfit prendre la refolution
de les allerattaquer.
Nous partiſmes pour cet effet de
Ponticheri le 24. & arrivaſmes à
Madrasle 25. jour Saint Louis.
Nousy trouvaſmes quatorze Vaif-
Seaux , dont iln'ien eut qu'onze qui
tirerent pendant le combat que nous
donnaſmes . Il dura plus de trois
heures ,& ily eut un fort grosfew
de part & d'autre , aussi bien que
de la Fortereffe. Nous nous retirafmes
ensuite , & allasmes mouiller
bors de la portée du Canon pour
nous racommoder. C'est une action
aussi belle& auſſibardieque digne
de Mr du Quesne. Nous priſmesle
lendemain un Vaſſeau de peu de
confequenceàleur veuë,sans qu'ils
ofaſſent ſe presenter pourle fecon
rir.
GALANT.
31
Les Anglois , aprés avoir pris
Marigalande , affiegerent au mois
d'Avril Gardeloupe ,avecune Flote
de quarantefix voiles , dont il y
avoitdix Vaisseaux de guerre depuis
quarante jusqu'à cinquante
quatre pieces de Canon. Le refte
estoit des Barques & Brigantins
fur lesquels ily avoit trois mille cinq
cens hommes qui y firent descente
avecperte d'unepartie de leur mon
de. Le Siege dura prés d'un mois,
&Mr d'Eragny , General des ifles.
I alla en personne au mois de May
avec huit Vaiſſeaux , dont ily en
avoit quatre de guerre de quarante
pieces de Canon , & quatre Mar
chands , armeZdepuis dix jusqu'à
vingt fix, & quelques Barques,fur
lesquelles on avoit mis cinquante
hommes d'élite. Il descendità lear
teste au vent de l'iſſe , &fit lever
leSiege,à la grande honte des En
B4
32
MERCVRE
nemis , qui estoientbeaucoup fuperieurs
en Vaisseaux & en Troupes .
Je vous ay deja parlé plu
fleurs fois des Jeux Floraux ,
qui font ſi celebres à Touloufe
, & vous ay entretenuë de
leur Inſtitution . Mr de Cironis
Baufort,Fils de Mr de Cironis,
Sr de la Baſtide , Preſident au
Parlement de Languedoc , un
des plus beaux genies de fon
temps , aprés avoir eu le Prix
du Soucy dans l'une des dernieres
années , vient encorede
l'emporter ; ce qui l'a fait recevoir
luge Mainteneurde cette
Illuſtre Academie, Voicy le
Chant Royal qu'il a fait , &
qui a eſté trouvé digne de ce
Prix. Ne foyez pas ſurpriſe
de voir rimer Univers avec
Lauriers ,& Guerriers. La prononciation
ordinaire de cette
GALANT.
33
Province , fait recevoir . ces
rimes pour bonnes.
ROMULUS .
CHANTROYAL.
AMOVR fait tout ceder àfa
douce puiſſance,
Iln'est point deſageſſe, iln'estpoint
deprudence.
Qui puiſſe reſiſter à ce charmant
Vainqueur.
Rome doit à l'Amour sa naißance
éclatante ,
Et de ces traits brulans laforcefurprenante
Soûmit le coeur d'un Dieu qui bra
voitles dangers;
C'estpeu que Mars luy cede au mi
lieu des Lauriers
B
34 MERCVRE
Ilfaut qu'à ses deſirs Rhée à l'ena
vy réponde ,
Et qu'elle metteau jour , pour regir
l'Univers.
LeHeros fondateur de l'Em
pireduMonde.
泰
L'injuste Amulius , de qui lavio
lence.
Du Trône des Albains l'avoitfait
raviffeur..
Du jeune Romulus perfecutoit l'en
fance.
Pours'aſſurer leprix defalâchefu
reur.
Envain il veut le perdre, & less
efforts qu'il tense ,
Secondent malfes voeux , & trom
pentfon attente ,
ses deffeinsfont en butte à de trif
tes revers ,
Le Tibrefe refuse àses defirs pers
vers
GALANT..
355
Quand unfrêleBerceau , qui flore
au gré de l'Onde ;
Conferve fur le bord des abimes
ouverts ..
Le Heros fondateurde l'Em
pire du Monde..
Voy du Ciel irritélajuſte provin
dence
ود
Pourton lâcheforfait les Dieux ont
de l'horreur,
Toûjours des innocens ils prennent
ladéfense,
Cruel Amulius,tremble,&fremisde
peur..
Contre les coups certains de leur
main foudroyante
De tes vaillans Soldats l'ardeur ef
impuissantes
Après avoirforce mille obstacles di
vers ,
Romulus foumettra les peuples les
plus fiers ,
* B6
36 MERCVRE
Et renverſant l'espoir où saragese
fonde ,
Donnerapour modele aux plus fameux
Guerriers
Le Heros fondateur de l'Empiredu
Monde.
C'étoitpeuqu'exerçantunejuste
vangeance ,
Romulus triomphât defon perfecuteur
,
Pour élever encorfa gloire , &fa
vaillance ,
Il faloit que de Rome ilfût le fondateur.
Aprés avoir bâti cetteVille impor
Lante
Contre luy vainement le Sabin , le
Veiente.
Soulevent , & Voisins , & Peuples
étrangers,
Comme un Fleuve groſſi du tribut
des Hivers
GALANT .
37
Ne trouve point de champs quefon
torrent n'inonde,
Tels parot enfonçant leurs Escadrons
entiers.
Le Heros fondateur de l'Em
pire duMonde..
Iln'est rien qui neplie , &dont
la réſiſtance ,
Retarde un seul moment l'effetde
Sa valeur,
Acronparſon trèpas enfait l'experience,
Et loin de l'abaiſſer , rehauſſe ſa
Splendeur.
Enfin des Immortels la Troupe ima
Patiente
Veutêter aux humains cette vertu
brillante,
L'arbitre de la Terre, & la serreur
des Mers.
Tandis que l'on entend par de di
uins concerts5
38 MERCURE
Celebrerfes exploits,ſaſageſſe pro
fonde,
On voit au rang des Dieux , élevé
dans les airs.
Le Heros fondateurde l'EmpireduMonde.
ALLEGORIE ,
au Prince de Galles .
N Prince infortuné , qu'une
UNLigue infolente
Fit expoſer aux flors d'une Merécumante
,
Parlamainde LOVIS verrabien
18t aux fers
Ses Ennemis vaincus , & de konte
couveris,
Et nous verronssavie en prodiges
feconde
Surpaſſer par sa gloire , aprés cens
mauxsoufferts,
Le Heros Fondateur de l'Em
pire du Monde
1
1
GALANT.. 39
Ce Chant Royal eſt accom
pagné de pluſieurs autres Ouvrages
, que Mr de Cironis a
fait imprimer ſous le titre du
Triomphe du Soucy , & qu'il a
dédiez à Mademoiselle de
Castelnau , Fille de feu Mr le
Marquis de Castelnau . Meſtre:
de Camp d'un Regiment , &
Gouverneur de Brest , Fils de
Mr le Maréchal de Caſtelnau
Capitaine general des Armées.
du Roy , & du coſté de Madame
ſa Mere , Petite fille de
Mrle Maréchal Foucaut , ViceAmiralde
France.
Les paroles que vous allez
lire onteſté miſes en chant, par
Mr Hurel , qui eſt dans une
haute réputation pour bien
montrer à jouer du Thuorbe ,
àbien chanter..
20
40
MERCVRE
AIR NOUVEAU.
Aime tendrement Lifette ,
Et j'avoisfieu l'engager.
Cependant cette Follette
Depuis peume veut changer.
Maisjesçauray m'envanger,
Carfi dans nostreVillage
Ellevient encorm'appeller
Pour danser au boccage
Ien'y voudray plus aller.
La piece de Vers qui ſuit
m'a eſté envoyée de Rouën ,
& a efté faite fur ce qu'un
homme qui a beaucoup de
commerce avec les Muſes a
fait venir une fontaine dans
fon Jardin. Vous en trouverez
le tour aife & fpirituel.
GALANT. 41
********
D
IDILLE .
Amon prés d'une Fontaine ,
Sous des arbres toûjoursverts,
Las deraconterfa peine ,
ên badinant dit ces Vers ,
Habitante de cette Onde ,
Belle Naïade , croy moy ,
Tufais du bruit dans le monde ,
Mais l'onsçait affezpourquoy .
UneNymphe jeune &fage
Nedoit point tant voyager ;
Il est peu feur à ton age
De ferire du danger.
Noussçavons ce qu'on raconte
D'unjeune &galant Ruisseau ;
Iln'est pas leſeul qui t'en conte ,
1
MERCVRE 42
Maint autreàpart augâteau.
Lesieux , les Ris , le Zephire
Et les Fleurs tefont la cour.
Eft - ilmal- aifé de dire
S'ils'y gliffe de l'amour ?
Tu crois paffer pourfevere
En coulant dans ce lardin ?
Chansons, L'air le plus austere
Souvent cache uncoeur badin...
Letien n'est que tropſenſible
Ilſoupire à tous momens.
Belle Nymphe, est il possible
Qu'ilsoupirefans Amans ?
Damonfetût, La Naiade
Bien que ſage s'emporta ,
Etfon Onde babillarde
Pour l'entendre s'arresta.
Ab c'esttrop mefaire outrage
GALAN T.
43
Impitoyable Berger.
Sçache que j'ay du courage,
Et que jepuisme vanger.
Tu dis que mon coeurfoûpire
Mille & mille fois le jour ;
Que les Ris, & le Zephire ,
Etles leux mefontl'amour.
Lors que tufers de victime
Acent coupable defirs ,
Voudrois tumefaire un crime
De ces innocens plaifirs?
Nechantedoncpas Victoire ..
Lors que l'on peut t'accabler
Mais écoutemonHistoire ,
Etpuis tu pourras parler.
Connois-tu cette Fontaine
Qui coulefur l'FHelicon ,
Et qu'on appelleHippocrene
Au Royaumed' Appollon
44
MERCVRE
C'estmoy mesme. Mon voyage
Seroit long à raconter.
Surs - je encor cettevolage ,
1
Qui s'en fait par tout conter ?
L'Hippocrene plaiſt aux Muſes z
Aux Muſes déplaiſt l'amour.
Cherche , cherche quelques rufes
Pourl'excuser àtontour.
Si tu doutes de la chose ,
Bois de cette cau Seulement .
Etfur ce gazonrepose,
TuSeras Poète àl'instant.
Enfin puis qu'ilfaut tout dire ,
Le Maistre de ce Vallon ,
DAPHNIS , quela France admire,
Apprens que c'estApollon.
Pour te punir, Temeraire ,
Sans ceffeinsouffrirasi
GALANT.
45
Cartoûjours tu voudras plaire ,
Etjamais tune plairas.
L'Arrestparut bien fevere
Aux Bocages d'alentour.
Damon aimeſa Bergere ,
Sans luy donner de l'amour.
Bergers ,ſi vos Celimenes
Vous cauſent desfoins jaloux ,
N'allezpasfur les Fontaines
Decharger vostre couroux.
Le Dimanche 22. de Iuillet,
les Peres Auguſtins de Bordeauxcommencerent
la folemnité
de la Canoniſation de S.
Iean de Sahagun , dit de Saint
Facond , Religieux de leur
Ordre, & Patronde Salamanque.
Ce Saint nâquit à Sahagun,
Ville du Diocese de Leon
en Eſpagne , & fut accordé
46 MERCURE
i
aux prieres de ſon Pere & de
da Mere, également diftinguez
par leur vertu & par leur naiffance.
Il fut Camerier de l'Eveſque
de Burgos , qui te fit
Preſtre & Chanoine de fon
Chapitre ; mais ce Saint ayant
renoncé à ce Benefice , alla
prendre l'habit de S. Auguſtin
à Salamanque , où d'abord il
ſe rendit auſſi illuſtre par ſes
Predications que par ſes miracles.
Il finit ſa vie par un poiſon
lent que luy donna une
Dame deſeſperée de ce que le
Saint avoit converty fon Amant,&
l'avoit retiré du commerce
criminel qu'il avoit
avec elle depuis quelques années
. Les Cardinaux Antonjan
&Baronius marquent ſa mort
l'onziéme de luin 1479. ſous
le Pontificat de Xifte IV. Le
GALANT.
47
PapeClement VIII . le beatifia
l'an 1601.& le Pape Alexandre
VIII . le canoniſa le 28. Novembre
de l'année derniere .
L'ouverture de cette ſolemnité
qui a duré huit jours , ſe
fit par une grande proceſſion
qui partit de l'Eglife Cathedrale
Saint André,pour ſe rendre
dans celle des Auguſtins.
Les Religieux portoient dans
cette proceffion deux Bannieres
qui repreſentoient le Saint,
&quelques- unes de ſes principales
action . Toutes les parouffes
marchoient enſuite ,
puisle Chapitre de S. André ,
le Parlement & la Cour des
Aides en robes rouges , & les
autres Corps de luſtice. Ils ſe
rendirent tous proceffionnellement
dans l'Egliſe des Auguſtins
,qui eſt une des plus
48 MERCVRE
belles de la Ville , & qui estoit
magnifiquement ornée. Mr
l'Abbé d'Arche : Doyen du-
Chapitre de S. André , у се
lebra la Meſſe , qui fut chantée
parla Muſique. Chaque jour
de la ſemaine , un Ordre Religieux
y a eſté en Proceſſion ,
chanter la Meſſe , & preſcher
à ſon rang l'apréſdînée. Le
Mercredy , jourde S. Jacques,
Mr l'Archeveſque de Bordeaux
l'y celebra,& y donna la
Communion aux Freres du
Convent , & à un tres - grand
nombre de perſonnes. Le jour
de l'Octave , Mr l'abbé de
Conſtans , Doyen du Chapitre
de S. Severin , y dit la
grand'Meſſe , qui fut chantée
par la Muſique de ſon Eglife,
& il y officia de meſme à
Veſpres , accompagné de tous
les
GALANT. 49
les Chanoines de fon Corps .
Ils y firent enſuite la Proceffion
du S. Sacrement , dont le
meſme Doyen donna la benediction
, qui fut fuivie immediatement
aprés de l'élevation
d'une Ranniere du Saint , au
milieu du Choeur de l'Eglife ,
la meſme Muſique chantant
des Motets , à l'honneur du
Saint , le Te Deum & l'Exaudiat
avec d'autres Prieres pour le
Roy , ce qui avoit eſté fait tous
les jours de la ſemaine , à chaque
benediction du S. Sacrement.
Le ſoir , les lurats reveſtus
de leurs robes de ceremonie
, & précedez par les
trois Compagnies de leurs
Hallebardiers ,de leurs Trompettes
, Hautbois &Enſeignes,
allerent mettre le feu au bucher
que les Peres Auguſtins
Sept. 1691. C
so
MERCVRE
avoient fait dreſſer dans la Pla
ce devant leur Convent, où les
cinq Compagnies du Quartier
, au nombre de huit cens
hommes ſous les armes , s'e
ſtoient rangées en Bataille.
Aprés pluſieurs décharges de
la Mouſqueterie , des Boites,
& de quelques pieces de Canon
, l'on fit jouër un Feu d'artifice
qui réuſſit parfaitement ,
pendant qu'on entendoit les
Trompettes , les Hautbois , les
Violons , les Tambours , les
les Muſettes , & les Fifres .
Quelques jours avant cette
Solemnité , Mr l'Archevêque
de Bordeaux avoit inſtitué
dans ſon Dioceſe , l'adoration
perpetuelle du S. Sacrement ,
pour la ſanté du Roy , & pour
la profperité de ſes armes.
le vous envoye un Diſcours
GALANT.
SI
qui a eſté fait à la priere de Mr
leMarquis d'O , par Mr l'Abbé
Deſlandes , Grand Archidiacre&
Chanoine de Treguier,
pour l'inſtruction des jeunes
Gentilshommes de Bertagne.
Il y a quelque temps qu'il fut
prononcé à Breſt aux Cadets
de Marine .
MESSIEURS,
La Noblesseest un avantage de
la naiſſance , qui a esté de tout
temps confideré, parce qu'ellefemble
transmettre aveclefang debel.
les inclinations & des sentimens
genereux. L'éducation que LOVIS
LEGRAND prendſoin de faire
donner aux Gentilshommes , contri.
buë beaucoup à élever leur esprit
an deffus de ceux du commun . La
vertu de leurs Ancestres , leurs belles
C 2
152
MERCURE
,
actions le rang qu'ils tiennewe
dans le monde , la repution , ledefir
de la gloire , le chemin qui leur est
ouvert auxgrandes choses ,font autant
d'éloquens Orateurs qui les
avertiſſent de ne rien faire qui les
rende indignes de l'honneur qu'ils
ont recen enfortant d'unfangſi di
ſtingué dans le monde. Valere Maxime
nous apprend que parmy les
Anciens , l'aisné de la Famille
chantoitfurle Luth des airs à la
loüange de ses Incestres , pour
s'animer les uns & les autres aux
actions heroiques. Ces invincibles
Machabées, dont l'Ecriture Sainte
fait l'éloge , ne laiſſa àſes Enfans
pour tout teftament que la gloire de
fes Ayeux , Mementote operum
Patrum. Le Comte Baltazar , en
nousfaisant le Portrait d'un parfait
homme de Cour , veut qu'ilfoit de
qualité. Voglio adunque che
GALANT.
53
queſto noftro Cortegiano , fia
nato nobile , e di generofa familia
, & voicy laraiſon qu'il en
donne. Perche la nobilita è quaſi
una chiara lampa che manifeſta
, e faveder l'opere buone e
le male , eaccende e ſprona alla
virtu . La Noblesse est comme un
flambeau quifait remarquer les actions
bonnes ou mauvaises ; & un
Gentilhommeſeſent preffé de fuivre
la vertu & de fuir le vice qui
est toûjours accompagné de l'infamie.
Quele Cielſoit a jamais beny
l'Antiquité ne peut reprocher
aucune infamie à nos Chevaliers
Bretons. C'estun éloge fingulierpour
la Bretagne qui a toûjours estéfidel
le àfesPrinces. Vous sçavez, Meffieurs
, que la qualité de Chevalier
n'estoit pas hereditaire , & n'accompagnoit
pas les charges; ilfalloit
C3
54
MERCVRE
la meriter&l'acquerir par les ara
mes. Tous les Nobles qui y prétendoient
s'appelloient Bacheliers , &
un Banneretquiy aspiroit , s'appelloit
Damoiseau . Si le Fils d'un Che
valier estoit juſques àl'âge de trente
ans , fans aller à la guerre , il ne
Pouvoit jamais jouir du privilege
des Chevaliers . Olivier de la Marche
, qui écrivoit en l'an 1440 .
parlant des Gentilshommes de Bretagne,
dit que cesont les Chevaliers
les plus fages , les plus vaillans, &
les plus courtois qu'on pust rencontrer
, & nous lisons dans les Memoires
de Gilbert de la Fayette ,
Maréchalde France , Chambellan
de Charles VII. qu'il ne connoiſſoit
point au monde de Nation plus
belliqueuse&plusfidelle àfon Dieu
&àson Prince , que la Nation Bretonne.
Ces deux illustres Historiens
remarquent que le Bachelier quife
GALAN T.
57
preparoit pour estre receu Chevalier
paſſoit toute lanuit en prieres dans
l'Eglise , & qu'au lever du Soleil
il entroit dans le Bain , pour lug
apprendre qu'a l'avenir il devoit
avoir la pureté de l'ame &du corps.
Aprésoela , on l'habilloit en homme
de guerrezilſe mettoit àgenoux
devant le Prince , & prestoit sur
les faints Evangiles leferment de
fidelité , puis le Prince luy ceignoit
l'épée , en disant , Je vous fais
Chevalier , au nom du Pere ,&
du Fils & du Saint Eſprit. Lors
qu'à la veille d'une Bataille les
Bacheliers demandoient par grace
d'eftre faits Chevaliers , afin que
s'ils mouroient , on les enterrast comme
tels , le Prince , ou le General
d'Armée , leur donnoit trois coups
de son épée , & aprés le Combat ,
les Bacheliers qui s'étoientsignalez
estoient receus Chevaliers .
C 4
56
MERCVRE
:
Jem'apperçois , Messieurs , que
ce recit hiſtorique anime le fang
genereux qui a coulé dans vos veines.
Vous brûlezdu deſir de le voir
verſer , pour marquervostre reconnoiffance
au plus grand Roy de la
Terre. F'entens quevous dites qu'il
eft glorieux de mourirpoursa Reli
gion , pour sa Patrie & pour fon
Roy. Les bleſſures qu'on reçoit dans
leſervice font de vrais titres de Nableffe.
Plagæ pro Rege interdimicandum
excepια , τοιHiſtoriarum
volumina faciunt , quot
funt cicatrices . Continuez ,Mefficurs,
dans dessentimensſi dignes
de vous. Continuezde prier pour la
conservation de LOUIS LE
GRAND qui ayant eu l'avantage
de réünir toutle Troupeauſous
un mesme Pasteur dans toute l'éten
due defon Royaume , me donne lieu
de rapporter icy ces belles paroles .
1
GALANT.
57
du Sauveur. Dico enim vobis
quod multi Prophetæ & Reges
voluerunt videre quæ vos videtis
, & non viderunt. Cependant
ge demanderay as Ciel qu'il
vous comble deses benedictions.
Comme je ne vous fais
part d'aucunes Nouvelles que
quand elles ſont tres- feures,&
qu'il faut du temps pour en
apprendre le détail, je ne vous
ay point parlé de la Campagne
de Mr le Comte d'Eſtrées &
du Bombardement de Barcelone.
Nos Ennemis n'eſtant pas
eneſtat de nous rendre la pareille
, ſe récrient fur cette
maniere de faire la guerre.Cependant
il n'y a rien qui ne
ſoitdans l'uſage . Elle eſt mes
me beaucoup plus douce que
celle de donner une Bataille
CS
58 MERCVRE
و
des Ennemis qui ne veulent
point entrer en lice , parce que
ces derniers font obligez de
combattre
& ne peuvent
épargner leur fang , au lieu
qu'il eſt au pouvoir des Peuples
qu'on bombarde , de ſe garantir
, en ſe rachetantde tous.
les maux qui ſuivent un bombardement.
Ainſiil eſt ridicule:
de ſe plaindre d'une choſe
qu'on peut éviter & c'eſt
accuſer ſon Ennemy de ce qu'il
eſt le plus fort .. Ceux qui ſe
déchaînent contre les BOMbardemens
, les blâmeroient
moins , s'ils eſtoient en eſtat de:
ſe diſtinguer avec autant de
fuperiorité . Rien n'eſt plus
dans les regles de la guerre ,
& puis qu'il y eſt permis de
ſurprendre ſes Ennemis , & de
les battre à fon avantage , on
GALANT.
597
ne peut avoir droit de blâmer
ce qui ſe fait ouvertement:
contre eux. S'il y a quelque
choſe que l'on doive condamner
, c'eſt la maniere dont les
Ennemis ont mis le feu à quelques
Magazins de Strasbourg ,
comme je l'ay juſtifié dans ma
derniere Lettre , par le Procés:
verbal de ce qui s'eſt paſſé à
ladécouverte du crime ,& à la
punition du Criminel .
Le 26. de Iuin , Mr le Com
te d'Estrées , Vice- Amiral de:
France , eſtant party de la rade:
des Ifles d'Hieres , moüilla .
le 8.Juillet devant Barcelone ,.
fans qu'il faſt poffible de laiſſer
tomber l'ancre à l'endroit qui
avoit eſté marqué , tant le vent
ſe trouva frais. Le lendemain,,
Mr de Pointis ayant eſté reconnoiſtre
de fort prés la Place
C6
60 MERCVRE
les poſtes les plus avantageux pour le
deſſein qu'il avoit , y mit les Galiotes
àBombes ſans aucun obſtacle du côté
des Ennemis , & le 10. les Chaloupes
, qui avoient porté leurs ancres
fort tranquillement de tres-grand matin
, commencerent à tirer ſur les huit
heures. Cinq ou fix Batteries de la
Ville firent grand feu, & le vent ayant
augmenté ſa violence vers le foir , la
groſſe mer empeſcha les Galiotes de
continuer à tirer. La nuit , il parut un
fort grand feu cauſé par les Bombés.
en differens endroits de la Ville , fur
tout auprés du Palais du Viceroy ,,
& la grande Eglife. Le 11. les Galiotes
recommencerent à tirer , & ayant
achevé d'envoyer ce jour-là le nombre
des Bombes que l'on avoit réſolu
d'employer au bombardement de
Barcelone , on mit à la voile
le 12. pour aller à Alicante ,
fans aucundommage des coups
de Canon que l'on eſſuya en ſe
retirant , que d'un qui donna
dans la Galiote de Mr de
د
GALAN T. σι
Grandpré , où il tua un Mate
lot ,& emporta la jambe d'un
Garde marine.
Il fut impoſſible à cauſe du
calme & des vents contraires ,
de mouïller devant Alicante ,
plûtoſt que le 22. du meſme
mois; mais l'Armée s'approcha
beaucoup plus prés de la Ville
qu'elle n'avoit fait de Barcelone.
De fix Vaiſſeaux qui
eſtoient à la rade , quatre mirent
Pavillon Genois , & un
autre mit Pavillon Venitien.
Pour le fixiéme il n'en mit aucun.
Il eſtoit defarmé , & l'on
ſceut par les Capitaines des
cing autresqui vinrent àbord,
qu'il eſtoit Genois , & que les
Eſpagnols l'avoient arreſté depuis
plus de dix- huit mois ,
commeayant eſtétrouvé chargé
de quelques Marchandiſes
62 MERCVRE
de contre-bande . Ils confirme
rent ce qu'on avoit déja ſceu ,
que Papachin eſtoit à Malaga
avec cinq Vaiſſeaux & deux
Brulots . L'on n'eut pas plutoſt
mouillé que M. de Pointis receut
ordre de Mr le Comte
d'Eſtrées , d'aller reconnoiſtre
la Place ;il y fit jetter les ancres
des Galiotes à la portée du
Mouſquet des remparts de la
Ville. Les Ennemis firent fort
grand feu , & pluſieurs coups
porterent dans les Chaloupes
&dans les Galiotes . Un éclat
bleſſa Mr de Grandpré ſur la
fienne. Deux Matelotsy furent
auſſi bleſſez , ainſi que pluſieurs
autresdans celle de Mr Boiflier,
par les éclats d'un Canon qui
creva. Le foir , les Galiotes
ayant eſté ajuſtées , & miſes à
un peu de diſtance , afin de ne:
GALANT. 63
pas perdre un ſeul coup , les
Bombes commencerent à tirer,
& fur le minuit , quoy qu'on
n'en euſt encore tiré qu'environ
trois cens , on vit le feu
en tant d'endroits de la Ville ;
que l'embraſement parut pref.
que general .Le 23 pendantque
l'on continuoit à bombarder-
Alicante, Mr le Bailly de Noailles
, ſuivant les ordres gu'il
avoit receus de Mr le Comte:
d'Eſtrées , envoya quatre Gar
leres pour remorquer le VaifſeauGenois
au large. Non feulement
il eſtoit deſarmé com
me jel'ay dit , mais il avoit fes
Mars de hune bas Mr de Pointis
fut chargé en mesme temps
de faire brûler neuf Barques
qui eſtoient toutes à terre à
demy portée du canon d'une
des portes de la Ville. Des ca *
64 MERCURE
nots remplis de feux d'artifice,,
les aborderent , & ces canots
étoient foûtenus par fix Cha
loupes à Carcaſſes , & dans
leſquelles eſtoient des Moufquetaires,
&dontily en avoit
troisqui portoient chacun un
canon. On diſpoſa lesChalonpes
entre les Barques , & un
grand retrachement des Ennemis
, mais ny leur grand nombre
ny leur feu continueln'empêcherent
point qu'on ne miſt
le feu aux Barques . Iln'y en eur
neantmoins que cinq confumées
entierement , ce qu'on
imputa à la mauvaiſe qualité
d'une partie des feux d'artifice
qu'onavoit eſté obligé de faire
trop à la haſte. Il n'yeut en tout
celaque deux hommes de blef
ſez . Un vaiſſeau Livournois
arriva ce meſme jour à la rade
:
GALANT .
65
d'Alicante , aſſeura qu'il avoit
rencontré le Comte d'Aguilar ,
General de la Flote d'Eſpagne ,
avec douze Vaiſſeaux Eſpagnols
qui croifoient ſur le Cap
de Saint Vincent , attendant
la Flotte des Indes , & qu'il n'y
avoit que ſept jours qu'il lesy
avoit laiſſez . Le 25. fix Baftimens
ayant paru fort au large ,
Mr Gabaret fut détaché avec
quatre Fregates pour leur donner
la chaffe , & il revint le 27 .
ſansavoir pû meſme lesdécou
vrir . C'eſtoient deux Hollan
dois & quatre Anglois Marchands
qui venoientde Genes
& de Livourne , & qui ſur les
ſignaux que l'on avoit fait de
terre avoient promptement
changé de route lors qu'ils
avoient apperceu l'Armée du
RoyC'eſt ce qu'on apprit par
66 MERCVRE
des Baſtimens chargez d'eau
pour les Galeres . M. le Comte
d'Eſtrées ayant refolu de faire
attaquer un Mole qui eſt à Alicante
, & qui s'avance tout
droit environ une toiſe dans
la Mer, jugea à propos ; pour
favorifer cette entrepriſe , de
faire approcher les Vaiſſeaux
&les Galeres , afin que l'on canonnaſt
en meſme temps que
les Galiotes jetteroient des
bombes . Mr de Pointis devoit
cependant mettre pied à terre
furle Mole à la teſte des BOMbardiers
, & y faire ce qu'il
croiroit devoir entreprédre ſui.
vant l'eſtat où il trouveroit les
choſes.C'eſt cequ'il executa le
ſoir du 28. Il fut ſuivy par deux
Chaloupes à canon , qu'il fit
tirer fur pluſieurs gens qui
eſtoient ſur le Mole , lors qu'il
GALANT . 67
ſe vità la portéedu mouſquet.
Ces gens- là prirent la fuite , &
l'on reconnut que les canons
de ce Mole qui ne tiroient
plus depuis quelques jours,en
avoient eſté oſtez , & qu'il n'y
avoit plus que les embraſures.
Pendant ce tems , les Eſpagnols
redoubleret le feu qu'ils avoiét
fait juſque là de toutes les
batteries deleurs remparts.Une
des deux Chaloupes qui en fue
percée ſe vit en peril de couler
bas ,& dans l'autre il y eut un
Lieutenant & trois Matelots.
bleſſez . On ſe contenta d'avoir
ainſi canonné le Mole ,& aprés
cela on fit raprocher les Galiotesqui
tirerent encore prés
de trois cens bombes dans la
Ville . On y en avoit déja tiré
deux mille , & deux cens carcaffesice
qui la détruiſit entice
68 MERCVRE
ment Le 29. à huit heures du
matin , les Galiotes ayant eſté
déja ramenées prés des Vaiffeaux
, la Fregate qui estoit en
Garde du coſté de l'Oueſt , fic
fignal qu'elle en voyoit paroiſtre
un grand nombre , ce qui
obligea Mr le Comte d'Eſtrées ,
de faire mettre auſſi - toſt toute
la Flote à la Voile. Peu de temps
aprés , ceux qu'on avoit fait
monter au haut des Maſts ,
découvrirent l'Armée d'Eſpagne.
Elle estoit compoſée de
dix ſept Vaiſſeaux , de trois
Brulots , & de deux Galeres
qui venoient vent arriere fur
cellede France. On n'avoit pû
l'appercevoir de plus loin à
cauſed'un grand broüillard qui
s'eſtoit lévé le matin. La mer
eſtoit groſſe , il y avoit peu de
vent , & à moins de louvoyer
GALANT .
69
ileſtoit impoſſible de ſe dégager
del'enfoncement dans les terres
où l'on eſtoit à cette rade .
On prit les Galeres, les Galiotes
& les Baſtimens de charge à la
remorque pour les meture au
vent , & pendant qu'on faiſoit
cette manoeuvre , Mr le Comte
d'Eſtréesen courant des bords,
faiſoit ranger les Vaiſſeaux en
bataille. Lors qu'on eut paré
les Caps , les Ennemis qu'on
approchoit par le bord que les
noſtres ne pouvoient ſe diſpenfer
de courir , ne douterent
point que nous n'cuſſions def
ſeinde combattre , & les divers
mouvemens qu'ils firent , contraires
à ceux qu'ils auroient
dû faire , firent connoître l'embaras
où ils eſtoient .L'inegalité
de forces ne permettant point
de hazarder le combat , puis
70
MERCVRE
que nous n'avions que quatre
Vaiſſeaux & cinq Fregates contre
dix ſept gros Vaiſſeaux , on
ſe ſervir du vent pour ſe faire
route vers l'Eſt , afin de s'éloigner
des Ennemis. Les petits
Baſtimens furent aidez par les
Galeres, qui de temps en temps
donnoient la remorque aux
Vaiſſeaux , autant que la mer ,
qui eſtoit fort groſſe , le pouvoit
permettre . Les Vaiſſeaux
Eſpagnols ſuivirent de loin les
noſtres & aprés avoir tiré
quelques coups de Canon pour
des ſignaux , leurs feux diſparurent
pendant la nuit , & le
jour eſtantvenu , on ne les apperceut
plus Le 30.Mrle Comte
d'Eſtrées tint confeil , & pendant
qu'on déliberoit fur la reſolution
que l'on devoit prendre
, les Ennemis parurent en-
,
GALANT.
7
core, mais affez éloignez . Ils
avoient eſté juſque - là couverts
de la terre le long de laquelle
ils eſtoient. Une bouraſque qui
s'eſtoit élevée la nuit ayant
contraint les Galeres a ſe ſeparer
des Baſtimens qu'elles remorquoient
, cela leur pouvoit
donner moyen de rejoindre
noſtre Flotte , à cauſe qu'il en
eſtoit demeuré quelques-unes
derriere , qu'on vouloit attendre
, & particulierement une
Galiote qui ſe trouvoit fort
prés d'eux . Ce fut Mr de Pointis
que l'on commanda pour
aller la remorquer avec fon
Vaiſſeau , qui étant plus leger
que les autres , pouvoit plus
facilement fournir à cette action.
Son ordre eſtoit de ne la
pointlaiffer tomberau pouvoir
des Eſpagnols ,,& de la coûler
72 MERCVRE
plûtoſt à fond , ou d'y mettre le
feu , ſelon qu'il ſe trouveroit
preſſé. On détacha deux Galeres
pour le ſuivre , afin de le
remorquer luy - meſme , s'il
arrivoit qu'il fuſt pris du calme.
Deux Galeres des Ennemis ,
fuivies de trois Vaiſſeaux venoient
vent arriere , & eſtoient
déja fort prés de la Galiote ,
quand Mr de Pointis revira
deſſus ,& ayant forcé de voiles
pour s'en approcher plus promptement,
il la prit à la remorque,
& la ramena en peu de
temps vers l'Armée. Cependantilladonna
à l'une des deux
Galeres qui l'avoient faivy ,
afin d'attendre encore une Tartane
qui venoit aprés , & une
Chaloupe chargée de l'Equipage
d'un Vaiſſeau Marchand.
Ce Vaiſſeau l'avoit abandonnée
,
GALANT.
73
née, n'eſperant pas eſtre ſecouru
, & fe trouvant au meſme
danger où s'eſtoit trouvée la
Galiote. Le ſoir du 30. le vent
eſtant devenu plus frais , on
s'éloigna davantage des Ennemis
, qui ceſſerent entierement
de paroiſtre le 31. au
matin. On continua de faire
route vers l'Eſt , le long des
Iſles de Majorque du coſté de
la Barbarie. On peut dire que
la fiere contenance de l'Armée
du Roy , empeſcha ſeule que
les Ennemis n'engageaſſent le
Combat, puis que leurAvant-
■ garde qui alloittres bien, l'auroit
pû faire , ſi elle euſt fait
force de voiles ; mais quoy que
ſuperieurs de beauconp en
nombre , ils craignirent que le
ſuccés ne leur en fuſt pas avantageux.
Sept. 1691 . D
74
MERCVRE
Les mouvemens de l'Europe
font fi grands , & elle eſt dans
une ſituation ſi extraordinaire ,
qu'il ne faut pas s'étonner s'il
ſe trouve une infinité de perſonnes
qui mettet la main à la
plume pour en parler . Ie vous
envoyeune Lettre ſur ce ſujer,
dont je ne doute point que
vous ne ſoyez ſatisfaite.
DE MYLORD *****
Conſeiller d'Etat en Angleterre.
A Mr LE COMTE
DE PORT LAN D.
E
NFIN , Mylord, noussommes
àla veille de voir celuy que
nous avonsélevé àla Royauté, auſſi
bien Maiſtre absolu de l'Irlande ,
qu'il l'est devenu de l'Angleterre &
GALANT .
75
de l'Ecoffe , par les bons conſeils que
nous luy avons donnez , & quoy
que la Ville de Limerick luy ait déja
fait lever le Siege , il n'y a pas
d'apparence que cereſtede Papistes
qui s'y est retiré , puiſſe longtemps
resister à une Armée , à laquelle
rien ne manque pour les attaquer.
Ainsile voilàbien toft libre de tous
ces égards & ménagemens qu'il
estoit obligé d'avoir d'un coſté pour
les Loix d' Angleterre , & del'autre
pour ce vain nom de Republique &
de Liberté , dont quelques- uns de
vos Bourguemestres font encore fi
jaloux. Vous sçavez quelle contrainte
elle luy a dōné jusqu'àpre
Sent, &qu'encore que nous autres,
qui ſommes dans sa confidence ,
n'ayonspas manquéde bonnevolon
té pour luy établirdés le commence
ment un Pouvoir deſpotique &arbitraire
, mesme pour punir de
a
D 2
76 MERCVRE
haute trabifon ceux qui s'y opposeroient
, & nous en approprier les
biens : neanmoins j'ay toûjours dit
avec beaucoup de raison , quetant
queles Papistes&les Serviteurs du
Roy Jacques ,poffederoient , ou toute
l'Irlande , ou une partie, il falloit
biense garder de faire connoistre
aux Anglois & mêmeaux Hollan.
dois, quel est nostre veritable but,
&vousvoyezaujourd'huy de quelle
utilitéa esté le conſeil que j'ay don
né, de témoigner autant d'aver.
fionpourleGouvernement arbitrai.
re que pour la Religion Papiſte;
carles Peuples quiſe repaiſſent de
ces démonstrations , & qui veulent
croire ce qui leurplaist , ont ioujours
ajoûte plus de creance à ces faux
témoignages du prétendu éloigne .
ment de ce Prince , à ce qu'il fouhaite
le plus ardemment , qu'aux
preuves effectives que le Roy lac
/
77 GALANT.
ques, & ceux qui l'ont précedé, leur
ont toûjours données de la droiture
de leurs intentions, C'est en effet cet
aveuglement qui les a empéchez de
voir que ce paffage en Angleterre ,
d'un si grand nombre de Troupes
Etrangeres , ne pouvoit avoir pour
objet que l'aneantiſſement de
leur liberté , & l'établiſſement
d'une authorité directement contraire
aux Loix & aux Confti
tutions du Royaume , & qu'ils a
voient toujours traitée de tiranique
C'est cettepréoccupation qui les a
faitsouffrirles passages , logemens
&quartiers d'hiversde ces Troupes
detoutesfortes de Nations , qu'au
cun Roy d'Angleterre n'avoit ose
introduire , quand mesme il les auroit
payées àses propres dépens , &
qu'elles n'auroient pas estéàcharge
au Pays. Vous avez veu qu'une en
xepriſe ſi odieuse à la Nation , re
L'apas empefchée de s'épuiser en
D 3
78 MERCVRE
dons immenfes , d'accorder au Roy
Guillaume en une seule Aßemblée
de Parlement plus du double de ce
qu'elle avoitdonné au Roy Charles
II. à fon Couronnement , & au Roy
Iacques à fon Avenement . Vous
Sçavez que nostre Prince n'a pas
plûtoſt tiré d'un Parlement tout ce
qu'il defiroit , qu'il en a assemblé
un autre , qui l'amis en état par
la continuation de ses liberalitez,
ou plûtoſt par une profusion énorme
des biens du peuple ; de répandre
l'argent d'Angleterre , non seulement
en Irlande , mais aussien Flana
dre & en Hollande , en Sayoye , en
Baviere , à Vienne , & jusqu'à
Constantinople. C'est cet argent
qui a offusqué les yeux de la plus
grande partie des Puiſſances de
l'Europe , & qui afait reconnoistre
I'vfurpateur pour Roy legitime.Ce
font les biens des Anglois qui luy
GALANT . 79
donnent les moyens , nonseulement
de maintenirson ufurpation , mais
auſſide ferendre Maistre des Etats
Generaux des Provinces Unies , de
tous les pais - Bas catholiques , &
enfin de toute l'Irlande , que nos
anciens Royalistes Anglois confideroient
comme un caveçon capable
de l'empeſsher de courir à bride
abatue à une domination fans bornes.
C'est donc aujourd'huy qu'on
peut dire qu'ilestle Maistre absolu
de lavie& des biens de tous ceux
qui habitent la Grande Bretagne,
la Hollande & les Pais Bas Catho
liques , qu'ilvajouirfans contrain_
te de la liberté de changer les Loix
& la diſpoſition du Gouvernement,
aussi bien dans le ſpirituelque dans
le temporel ; qu'il pourra fans aucune
apprehension déposer les Prélats,
en fubftituer d'autres à leur place .
mesme Supprimer l'Episcopat pour
C4
80 MERCVRE
relever les prefbyteriens , ou abaif
fer ceux- cy pour s'attirer l'Eglife .
Anglicane , & enfin assujettir
entierement à la Puissance , & les
Eccleſiaſtiques & les Laiques. Il
neferaplus obligé dorénavant d'avoir
égard aux Deliberations des
Parlemens , qu'autant qu'elles con
viendront àses deſſeins ; &fi quelques-
uns des Membres de ce Corps
mesme l'une ou l'autre des deux
Chambres , estoit affezosée pour
luy refuser ce qu'il leur propoſera ,
il leur fera bien voir que le foin
qu'il prend d'entretenir chez eux.
vingt mille hommes de Troupes
Etrangeres , demande une obeiffan
ce aveugle àses volontez , & que
dans le partage qu'il a fait pour
l'avenirdu Gouvernement , il s'eft
réſervé pour luy ſeul le pouvoir de
commander despotiquement , & à
enx lagloire d'obeir Sansreplique..
1
GALAN T. 8
Cependant les Troupes Angloises
auront la fatifaction d'aller cher
cherau delà des Mers les occafions
d'employer leurs biens & leurs vies
pour leſervicedu Prince , & comme
les Troupes de voſtre Nationont
beaucoup contribué chez nous à
L'établiſſement defa Puissance ab
Soluë , les nostres auront aussile
plaisir de reduire tous vos Bourgue--
mestres à lafervitude,& dese con
Solerde la perte de nostre Liberté
&denos Loix,par l'aneantiſſement
de la voſtre , & par la ruine entie
re de vostre Commerce& de vostre
République. Pour nous", Milord ,
nous devons d'autant plus nous ri
jouir de ces deux grands évenemens
que cesont les effets de nos confeils,
& que nous devons en attendre de
grandes marques de la reconnoif-
Jancedu Prince. Je vous prie de me
mander ce que vous en penfez
cllee me croire ,&c.
1
D
82 MERCVRE
و
Si la Lettre que vous venez
de lire a fatisfait voſtre curiofité
, j'eſpere que celle qui fuit
ne la remplira pas moins. Ces
Lettres devroient faire ouvrir
les yeux à bien des gens , &les
faire rentrer en eux meſmes ;
mais l'obſtination à ſuivre un
méchant Party , pour n'avoir
pas la honte de ſe dementir
eſt quelquefois pire quel'aveu
glement .
GALANT. 83
LETTRE DE Mr ....
Bourguemeſtre de Nuremberg,
A Mr ........
Député à la Diette de Ratisbonne,
PAR LES PRINCES DE .......
M
ONSIEUR ,
Vous m'avez fait beaucoup de
plaisir de me donner part du bon
acheminement que vous voyez à
une prompte conclusionde la Paix
entre l'Empereur & les Turcs. Ie
vous affure que je n'en aurois pas
moins de joye que vous , lije croyois
quela fin de la Guerre de Hongrie
fift ceffer celle que nous avonsfur la
Rhin , & que nous puiſſions bien-
D6
84 MERCVRE
toftjouir de la libertédu Commerce,
&de tous les avantages que l'en
tier rétabliſſement de la tranquillitépublique
apporte avecſoy, mais
je vous avoue , Monsieur , qu'il
me paroist que cette Paix nous
éloigne beaucoup plus de celle qui
nous doit donner le repos , que nous
nel'êtions au commencement de la
Guerre , & je crains bien qu'elle
ne devienne beaucoup plus perillenſe
pour les Princes , Etats & Villes
Libres de l'Empire , qu'aucune autre
que nostre Patrie commune ait
jamaisfoûtenuë : car s'il n'estoit
question que de deffendre nos Frontieres
contre la France , je croivois
que toutes les forces de l'Empereur
& de l'Empire jointes ensemble
feroient d'autant plus suffisantes
que celles d'Espagne , d'Angleterre
deHollande donneront d'ailleurs
affez d'occupation aux François.
GALANT. 85
pour les empefcher defaire de nouvelles
conquestes en déça du Rhin ..
Mais qu'est ce qui nous affurera
que la Cour de Vienne bornera fes
deffeins à une Paix raisonnable,&
qu'elle preferera le repos de tout
l'Empire àfon ambition ?
Nous apprenons déja quele Comte
Caraffa faitle Maistre non seu
lement dans le Milanois mais aussi
dans toute l'Italie ; qu'il va établir
san Confeil Aulique à Milan , par
lequel il fera citer tous les pretendus
Feudataires de l'Empire , foit
Simples Gentilshommes ou Princes
Souverains : & qu'enfintous les
Etats d'Italie ,fur lesquels depuis
pluſieursfiecles l'Empereur ne conforvoitqu'uneautorité
imaginaire,
vont bien toſt devenirfes imbutaires
, pour ne s'estrepas oppofcZdans.
le temps qu'ils le pouvoient , au
paſſagede ses Troupes dans leurs
86 MERCVRE
Païs, &aux violences qu'elles ont
commencéd'exercercontre ceux qui
nefont pas assezfort pour leur refifter.
Cet exemplenenousfait-ilpas
voirclairement le peril qui nous
menace , & ferons - nous affezfimples
pour croire que l'Empereurvou.
dra la Paix dans l'Empire , quand
ilse verra délivré de la Guerre
contre lesTures ? llaura une Armée
de foixante ou quatre vingt
mille hommes toute composéedeſes
propresTroupes , au milien de l'Al
lemagne ; & tout ce qu'ily a d'Electeurs&
de Princes qui ont quel
que Corpsde Troupesà leurfolde
Setrouveront trop heureux d'obtenirde
bons quartiers d'Hiver pour les
pouvoir entrenir ,sans qu'il leur
en coûte rien . Que si quelqu'un
d'entre- eux plus éclairé que les
autres , & moins disposé àsouffrir
Daneantifſſement des droits&liberGALANT.
87
tez des Princes& Etats de l'Em.
pire,Songeàprocurer la Paix, commeleſeul
moyen d'éviter l'esclavas
gede la Maison d'Austriche , ne
fera- t -ellepas en estat de l'accabler
, dele traiter de traître à la
Patrie, de lefaire mettre au Ban
de l'Empire, & d'exercer contre luy
toutes les rigueurs , que les artifi
cieuses cabalesdes Ministres Imperiaux
ontfait prononceràla Diette
de Ratisbonne , contre ceux qui
auront le moindre commerce avec
nos Ennemis ? Ne noussommes nous
pas engagez par là àune Guerre
perpetuelle , ou au moinsà la faire
durer , jusqu'à ceque la Courde
Vienne aitopprimé nos libertez ,&
qu'elle ait mis l'Allemagne dans
un plus facheux estat qu'elle n'a
estéſous Ferdinand 11. au commen,
cement de l'année 1628. lors qu'il
n'y avoit plus que la Ville de Strat
88 MERCVRE
Zund, qui par lesecours de la Suede
fit quelque resistance aux forces
de ce Prince ? Sera t- il temps
quand nous ferons aſſujettis , d'avoir
recours à la France&à la Suede
pour nous tirer d'oppreffion ? La
premiere preferera peut- estre les
avantages prefens d'une Paix par--
ticuliere avec l'Empereur ,àla con
fideration du préjudice que luy
pourroit caufer à l'avenir lapuis
fanceabfoluë de la Maifon d'Au
ftrichefur toute l'Allemagne , &
il faut encore moins esperer que le
Roy de Suede , qui a des engage
meus avec la Cour de Vienne,&
qui n'oſeſeulement la preffer d'ac
copterfa Mediation , faffe le moindre
mouvement pourſuivrel'exemple
di fes Prediceffeurs , & nous.
Secourir dans nos beſoins.
Ilestoray queficette bonne inligence
qui pareilt chre aujoux
GALANT. 89
d'huy entre luy & la Couronne de
Danemarcſe pouvoit affermir , ces
deux Puiſſances bien unies ensemble
auroient d'autant moins depeineà
procurerle rétabliſſement de la
Paix dans l'Empire , qu'ilne s'y eft
Pointfait de conqueste affez confiderable
de part ny d'autrepoury
apporter de grands obstacles , &
que lessoins de ces deux Couronnes
• étantsecondezen méme tems par les
Princes de l'Empire , qui prévoyent
lesfuites dāgereuses de cetteGuerre
on trouveroit bien- tost les moyens
de la faire finir , ou au moins on :
penetreroit affez quelles font les
vevës des Amis & Ennemis de
L'Empire , pour prendre les mesures
Lesplus convenables àla confervation
des Princes & Etats qui la
composent. Mais que ce beau projet
mefemble éloigné de ſon execution,
zant par la défiance & la jalousie
१०
MERCVRE
2
qu'ily a toûjours en entre les deux
Couronnes du Nord , que par les
foins queprennent les Miniftres de
l'Empereur, du Prince d'Orange ,
&de tous leurs Adherans , de les
augmenter & de promettre toute
Satisfaction àl'une pourveu qu'elle
Sefeparede l'autre ! C'est ce quime
fait craindre avec beaucoup de rai-
Son que ces deux Roisne se laiſſent
endormir qu'ils ne prennent la
résolution d'agir conjointement que
lors que toute l'Allemagnefera au
pouvoir de l'Empereur , & qu'il n'y
aura pas un Etat de l'Empire qui
ofe seulement demanderSecours pour
la conferuation de ſes droits &
libertez . Enfin , Monsieur , dans
l'estat où ſont aujourd'huy les affai
res de noštre. Pays , nous ne devons
pas moins apprehender nos amis
que nos ennemis , & fi vostre Af
Lemblée qui afermé toutes les por
GALANT.
91
tes auretour de la Paix , ne trouve
quelque expedient pour les ouvrir,
elle pourra bien estre la derniere
d'Allemagne , & ensevelir avec
elletout ce qui nous reste defranchifes
, de prerogatives & de droits.
Iefuis , &c .
Les. de ce mois , jour de
la Naiſſance du Roy , il ſe fit
à Saint Germain en Layeune
Ceremonie , où les Habitans
firent paroiſtre pour Sa Majeſté
tout le zele qu'on peut
fouhaiter dans de fidelles Sujets.
Les Peres Recolets ,& les
Peres Auguſtins Déchauſſez
des Loges , pour donner plus
d'éclat à cette Ceremonie ſe
rendirent àdix heures du ma
tin à la Parouffe pour accom
pagner le Clergé. On fit enfaite
une Proceſſion generale
92
MERCVRE
qui fut ſuivie d'une Meſſe ſolemnelle
, que l'on celebra ,
&à laquelle Leurs Majeſtez
Britanniques aſſiſterent , ainſi
qu'au Salut qui fut chanté par-
JaMuſique du Roy. La Meſſe
achevée , on commença le Te
Deum. pendant lequel on ſe
rendit au lieu où le Feu dejoye
eſtoit préparé . Ce fut le Roy
d'Angleterrequil'alluma. Il en
parut enſuite devant toutes les
maifons , avec des Illuminations
aux feneſtres qui durerent
bien avant dansla nuit.
Rien ne manqua à cette Feſte,
L'Egliſe eſtoit ſuperbement
décorée , & tenduë de tresriches
Tapiſſeries . On remarque
que Louis le Grand eſt le
quatorziéme Roy de France
qui a pris naiſſance àSaint Germain.
Ce pieux Monarquen'a
9
GALANT.
93
pas ſeulement fait rebaſtir l'Egliſe
de ce lieu qui tomboit en
ruine , mais ila meſme fait une
donation perpetuelle pour l'entretenir;
en reconnoiſſance de
quoy l'Egliſe a fondé une Mefſe
à perpetuité , le cinquiéme
jour de chaque mois.Il y eut
l'apréſdînée un divertiſſement
composé par Mrle Maire , Profeffeur
des Humanitez à S.
Germain , & repreſenté furle
Theatre de l'Hoſtel de la Rochefoucault.
Il eſtoit d'une mas
niere nouvelle , & avoit pour
fujet , La Coutume & l'opinion
détruites par des Discours enforme
de Paradoxes. On prononça fix
Difcours , dans le premier &
dans le dernier deſquels on fic
entrerdes Eloges du Roy , qui
receurentdegrands applaudiſ.
ſemen's. Tous ceux qui travail
94 MERCVRE
lent fur une fi belle & fi abon
dante matiere , ne manquent
jamais de réuſſir. Auſſi leur
ſeroit- il difficile de ne pas dire
de belles chofes , quand ils
n'auroient pas le ſecours de
l'Art & de l'Eloquence.
La Fable qui ſuit vous apprendra
pourquoy l'Aurore eſt
Amie de l'Amour. Le Berger
de Flore en eſt l'Auteur , &
vou's connoiſſez le prix de ſes
Ouvrages par beaucoup d'autres
que vous avez veus de ſa
façon.
FABLE DU SOLEIL
&de l'Aurore.
LEDien du jour ,
Dont la grande ame ,
Toute de lumiere & deflame ,
Adeforispanchanspour l'Armour.
GALANT.
95
S'estoit laissé coucher aux appas
d'une Belle ,
Dont le teintfrais & delicat
Brilloit d'un blanc de lait & d'un
doux incarnat ,
Et qui bien que mortelle
Avoit d'une Pallas , l'air , le port,&
l'éclat.
Ilſe plaifoit à soupirer pour elle
Malgré le fort infortuné
Qu'il avoit éprouvé dans l'amour
de Daphne.-
秀
Aminte ( c'est le nom de l'aimable
Pucelle
Qu'ileſſayoit de s'acquerir )
Ne demandoit rien qu'à courir,
Aimoit la Chaſſe , habitoit la cabane
,
Avoit de la douceur, un grandfond
de bontés
Tout autant d'innocence enfin que
de beauté ,
96 MERCVRE
Mais elle avoit auffifur l'Autelde
Diane ,
Fait ainsi queDaphné, vaudevir-
(ginité.
Ce Dien n'ignoroit pas cet incommode
obstacle
Aufuccés desapaſſion.
C'étoit en éclairant ce celebreSpectacle
,
Qu'il s'estoit apperceu de fon affeition
.
Il avoit pourtant esperance
Que sa galanterie &sa perseverance
Pourroient d' Aminte allumer les
م
defirs
Et luy faireau devoir préferer les
plaisirs.
Ilsçavoit bien auſſi quelle estoit l'injustice
Du deffein qu'il vouloit tenter;
Maisy formantles yeux , ilprenoit
pourfupplice
La
GALAN T.
97
La gloire deſe ſurmonter ,
Et s'ilprevit le precipice ,
Il le trouvafi beau , qu'il s'y voulut
jetter.
Rien donc ne le touchant , comme
Ses amourettes,
Aux pieds d'Aminte il mettoit
Sesgrandeurs . [ toit fleurettes ,
Tantoft , comme Phæbus, illuy con-
Et luy diſoit mille douceurs .
Tantoft, comme Appollon , il cher
choitſesfaveurs
Parle fon de ſa lire , & par ses
chanſonnetes ;
Et pour la divertir employoit les
neuf Soeurs ,
Avec Pegaze& ses courbettes ;
Ou laſuivoit aux bois parmy d'autres
Chaſſeurs.
Puis , comme Aftre du jour , fon
Soin dansſa carriere
Eſtoit de l'éclairer de toute la lumiere
,
Sept. 1691 . E
98 MERCVRE
Afin de luy montrer fes brillantes
ardeurs ,
Et de tâcherpar cette belleflame
Abannir le froid de ſon ame.
Ce Dieu joua , tout unprintemps ,
Ces officieux personnages;
Maisvoyant qu'ilperdoitson teps
Ilse laffa de rendre tant d'hommages,
Et Sa chaleur augmentam par
l'Este ,
Ilrefolut de paſſerſansremiſe
De l'amourSouple & doux, à l'amouremporté.
La resolution n'enfut pas plutoft
priſe ,
Que Cupidon qu'épioiteetAmant
Ne differa d'un moment
Suivant l'ordre receu , d'en avertir
Sa Mere,
Alors la Reine de Cithere
Habaitoit rien tant quede pou-
LYON voir vanger
1893*
GALAN T.
L'affront dont le Soleil avo
loutrager,
THEQUE DEL
10
LYDN
Affront leplussanglant qu'on puiſſe
jamais faire ,
Lors que jaloux d'elle & de
Mars
Il avoit en plein jour à cent fâ.
cheux regards
Exposé leurfecret miſtere.
Elle ouit donc l'avis que fon Fils
apportoit.
Avec tout leplaisir que tire la colere
De l'espoir desefatisfaire ,
Etditàfon Ami ce qu'elleprojettoit
Pourpunirleurgrand Adversaire.
Mars approuva le deſſeinde Venus
La Déeffe part là- deſſus .
Se rend auprès d' Aminte, &luy dit,
belle Fille ,
O Dienx , qu'on voit en vous de
graces , de vertus ?
Quede meritey brille?
E 2
100 MERCVRE
L'en suis charmée , il faut les
conferver.
Et pour cela, voicy ce qu'ilfaut ob
Server.
Iesçay que le Soleil vous aime ,
Etqu'en vain en aimant il tâche à
s'adoucir .
Leseffets trop certains de fon ardeurextrême
Sont de brûler, de hâler , denoircir.
Vostre beauté vers luy n'est pas en
afſurance ,
Et quipis, est, voſtre honneur encor
moins.
Indigne de la longue &sage réfis.
tance
Qui vous fait dédaignerſes ſoins,
Ilrenonce à la patience ;
Et veut pours'en vangervous faire
violence. ( d'smi .
C'eſt Aminte,un avis & d' Amie &
Redoutezfon approche ,
GALANT. ION
Ayez, pour luy le coeur deroche,
Vous n'avez point de plus grand
ennemy,
Fuyez- le,maisfuyant gardez-vous
devous rendre
Aux pieds de la Déeſſe oûferendis
Daphné ,
Elle ne pourroit vous deffendre
Contre cet Amant déchaîné
Sans vous cauſer quelque facheux
efclandre
Dontvoſtre eſpritferoit long- temps
gêné.
Donc au lieu de courir au Temple de
Diane.
Retirez- vous dans celay de Junon
Cette Regne des Cieux n'entend
point qu'onprofane
Les endroits quiportentfon nom.
Iusqu'au grand Iupiter tout crains
de luy déplaire,
d'affaire
Son pouvoir n'a point de pareil
Il vous tirera mieux d'affaire
Aminte écouta ce Confeils
E3
102
MERCVRE
S'en tint bien obligée à la bell
Déesse ,
Et leſuivit commepleindeſageſſe..
Si-toft qu'elle voit le Soleil
Eclater à fesyeux , & venir auprés
d'elle ,
Lafrayeur qu'ellea du danger ,
Luyfait tournerle dos , &luy prétantfon
aifle
-Rend àfuirson pas plus lege.r..
Le Soleil vainement l'appelle,
Elle court devant luy ,rien ne pew
l'arrefter.
LeDieu craignant qu'ellen'échape
A l'ardeur qui le preſſe , & qu'il
veut contenter ;
Ilfaut, dit- ilqu'au plutost je l'ata
trape ,
CarDianepourroit , pour me mortifier
,
CommeDaphne,la changer en
laurier.
Ces motsſontſuivis deſa courſez
GALANT.
103
Mais avant qu'il l'atteigne , elle
gagneun Autel
Où lunonrecevoit un Cultefolennel,
Et lanommantfon unique resource
Ellese mit avec devotion
Sousfaprotection.
Le Soleil transportépar l'amour qui
l'anime
Neprendpasgarde au changement
de lieux.
Il oublie en courant que les plus
grandsdes Dieux
Ne choquent point Iunonfans
crime,
Et ce clairvoyantn'a desyeux
Quepour l'innocentevictime
Qu'il pretend immoler
Au feu dont ilſeſent brûler.
Enpeu de temps l'ayant atteinte
Toute éperduë & tremblante de
crainte
E 4+
104 MERCVRE
Ill'oseprendre par lebras ,
La tire de l'Autel, l'éloigne de trois
pas ,
Et malgrétoutefa colere ,
Ilne luy cache point qu'il pretend
Satisfaire
Sansrespect duSaint lieu ,fans delay
d'unmoment ,
Son amoureux emportement.
Aminteſe met en défense.
Ilen vient à la violence.
Elle demande à Iunon du ſecours
Ils'en rit , & s'efforce à pousserfes
AMOUTS
Auſfi loin queson esperance.
LaDèeſſeſurvient. Arrestefieremes
Ce redoutable Amant ,
Luy reprocheſon inſolence ,
Ses mépris ,son inconstance,
Et pour l'en punir hautement,
Faisant deſon ſupplice honneur
Lafagefle
GALANT.
rog
Elle tranſporte Aminte an celeste
Sejour
Luy donne le nom de Déesse .
La place à la porte du jour ,
Accroiſt ſa force &Sa Vitesse ,
Etluy prescritfa marche àson retour.
Puis redoublant encore
Lafraiſcheur l'éclat desrofes &
des lys,
Qui la rendoientsemblable à Flore
Et dont le Dieu brillant estoit le
plus épris,
Ellela change enfin en la bruillante:
Aurore.
Après cela , regardant le Soleil ) ,
Elleluy dit raillant desasouffran
се,
CerteBelle a causé quelquefois cons
réveil,
Et deformais fa vigilance
Staura tous les matins tetirer dise
Sommeil.
E
106 MERCVRE
Ienet'ôtepassaprefence ,
Ioüis en librement , conte lux toma
amour,
Ilt'eſt permis de lux faire la cour
Voisde combien d'attraits brillefons
beau visage ,
Envis- tu jamaisdavantage?
Mais , infolent , n'espere pas
•De joindrejamais tant d'appas ..
Jeveux tevoir courir d'une course
éternelle ,
Tout brillant d'amour aprés elle..
Maisfois feur en courant que tiss
perdras tes pas,
Lamais au grandjamais , tu ne l'at--
traperas..
Cequi fut dit,se fait, le Soleil court
Sans ceffe
Après l' Auroresa Maiſtreſſe;
Maisfon travail est vain , elle fe
ritde luy ,
Sa courseprécede lafienne..
GALANT.
107
-Et pour luy causer plus d'ennuy,
Un'est point de matin qu'elle ne ſe
Jouvienne
Dufalutaireavis
Que luy donna ladivine Cipris..
Etqu'en reconnoiſſance ellene contribuë
Par unevertu qu'elle influë ,
Arendre heureux les Favoris
Et d'elle& defon Fils..
Le Soleil quileſçait enest plus mi
Serable ,
Et lefera tant qu'ilfera Soleil.
L'exemple est grand , & Sans
pareil.
Amis , foit Histoire , foit Fable
Nous en tirons cette moralité,
Quel'on doit s'abstenir d'un amour
condamnable ,
Et ne pas offenser une Divinité
Dont la puiſſance est redoutable,
Et qui nous peut punir , toute une
eternité ..
E6
108 MERCVR'E
Il n'y a perſonne qui n'aie
entendu parler du Combat de
Saint Godart , & de la gloire
que les Armes de France y ont
acquiſe. La Victoire quelles.
remporterent ne fut pointdou
teuſe , elle fut pleine & entiere
, & jamais avantageremporporté
n'a produit ſi promp--
ment la paix que fit la défaite
des Turcs , qui apprehendants
les fuitesde la valeur Françoi
ſe , la conclurent preſque auſſi--
toſt qu'ils eurent perdu la Bataille.
La bonté , la pieté , & la
generofité du Roy ayant paru
en cette occafion , puiſque Sa
Majesté , pour l'intereſt de la
Religion , non ſeulement vou
lut bien envoyer, des Troupes
filoin , mais qu'Elle confentio
meſmeque la jeune Nobleſſe:
la plus diſtinguée de la Cour.
GALANT. 109
filt ce voyage , cette action dois
eſtre marquée dans l'Hiſtoire
comme une de celles qui doi
vent faire le plus d'honneurà
la vie de ce Monarque ,& c'eſt
pour la rendre immortelle
qu'on a fait fraper la Medaille,
dontje vous envoye le revers.
le vous ay ſouvent parlé de
Mr de Saintot , Maiſtre des
Ceremonies , & qui s'eſt toujours
acquitté de tout ce qui
a regardé cette Charge avec:
une ſi grande distinction . Il
vient d'acheter avec l'agrément
du Roy , la moitié de celled'Introducteur
des Ambaſſa - .
deurs , que Mr de Bonneuil
avoitentiere , & l'on eft perfuadé
qu'il en remplira les
fonctions , de la mesme maniere
qu'il a fait celle deMaiſtre
des Ceremonics, dont Mr.
IL
110 MERCVRE
des Granges , qui a ſervy le
Roy ſous Mr Colbert , & fous
Mr de Seignelay , a eu l'agrément.
La Charge de Premier Pre
fident au Parlement de Nor--
mandie , eſtant vacante depuis
la mort de Mr de Faucon de
Ris , dont je vous ay parlé ,
Mr Hennequin , Procurenr
General au Grand- Confeil , en
a eſté pourveu . Le ſçavoir , la
ſageſſe , la naiſſance ,& la pieté
ſetrouventdans ce Magiſtrat...
Il y a des titres de nobleſſe dans
ſa Famille de plus de trois cens
ans . Elle eſt originaire de
Troyes en Champagne , & a
donné des Officiers à toutes
les Compagnies Superieurest
de Paris . Il y a eu de cene Fa
mille des Preſidens au Mortier ,
ainſi qu'auxEnquestes , & aux
GALANT.
Requeſtes du Palais , des Mai
ſtres des Requeſtes,& des Maiſtres
des Comptes , & elle eſt
alliée à un grand nombre des
meilleurs Maiſons du Royaume.
Pour répondre à ce que vous
medemandez touchant l'operation
que Mr Tribouleau a
faite a Mrle Ducde Vendofme
, je vous diray , Madame ,
qu'elle a eſté tres heureuſe
&que la conſtance dece Prince
a paru digne d'admiration ,
puis qu'il a ſouffert toutesles.
douleurs qui font inévitables .
dans les operations de cette
nature , ſans proferer une ſeule
parole , & fans faire le moindre
cry. Mais ce qu'il y a de remarquable
, & qui fait voir fon
courage & fon zele pour le
ſervice du Roy ,, c'eſt qu'on
Fre MERCVRE
vit couler ſes larmes , lors
qu'on lay eut dit qu'il ne pourroit
aller àl'Armée de plus de
fix ſemaines ..
Le vous manday dans ma
Lettre d'Aouſt de l'année derniere
avec combien d'applau
diffement M.l'Abbé de Pezano
avoit fait le Panegyrique de
Saint Louïs dans la Chapelle
du Louvre , devant Mrs de
l'Accademie Françoiſe . Chacun
demeura d'accord que
l'éloquence luy étoit naturelle,
& que les heureux talens qu'il
avoit pour la Chaire le meneroient
loin ſi ſa ſanté luy permettoit
de les exercer.Ill'avoit
foible , & tous les foins qu'on
l'a obligé d'en prendre n'ayant
pû la rétablir , il eſt mort au
commencement de ce Mois
dans une fort grande jeuneſſe,
A
GALANT.
113
laiſſant un exemple fort edi.
fiant de reſignation à la volonté
du ſouverain Maiſtre.
La douceur de ſon eſprit , la
pureté de ſes moeurs , & fon
exacte application à remplir
tous ſes devoirs , le faifoient
aimer de tous le monde. IL
eſtoit Fils de Mr le Marquis de
Pezane , qui n'ayant putrefufer
toute ſa tendreſſe à la
connoiſſance qu'il avoit de ſes
bonnes qualitez , reffent cette
perte avec toute la douleur
imaginable.
Mr le Bel , premier Medecin
deMadame & de Monfieur
le Duc de Chartres , eſt mort
auſſi depuis peu aprés une longue
maladie. Il a veritablement
paru Medecin , puis qu'il
s'eſt connu luy- mefme , ayane
declaré que ſa maladie eſtoir
114
MERCURE
mortelle dans un temps où il
n'y avoit qu'un homme éclairé
enMedecine qui en puſt juger..
La certitude qu'il avoit de fa
mort prochaine a eſté cauſe
qu'il s'y eſt preparé , & l'on a
peu vû de Medecins mourir
plus chreſtiennement.
Le Dimanche 9. decemois ,
le Roy d'Angleterre alla au
Convent des Religieuſes de
Chailloit , où il entendit Vefpres&
la Predication du Pere
Philbert de la Doctrine Chreſtienne
. Enſuite Sa Majesté
accompagné de Mr l'Eveſque
Dax, de Mr de Lauzun , & de
pluſieurs Perſonnes de qualité,
fit l'honneur aux Peres de cette
Congregation de venir à Paris
viſiter leur Maiſon de Saint
Charles, où Elle receutleCompliment
du Pere Milliot ,leur
1
L
GALANT.
General , à la teſte de ſa Com
munauté, & aprés avoir conſideré
la ſituation de cette Maifon
, & fa belle veuë & s'eſtre
promené dans le jardin , elle
voulut encore y fouper & y
coucher. C'eſt la premiere
Communauté qui ait cu ceuc
avantage.
Comme il n'y a riende plus
mépriſable que la fauſſe humilité
, rien auſſi ne touche plus
que la vraye , & il eſt avantageux
de la bien connoiſtre
pour ne ſe pas laiſſer éblouïr de
ce qui n'en a que l'apparence.
Vous trouverez les carateres
de l'une & de l'autre vi.
vement dépeins dans le Difcours
que vous allez lire . Il eſt
de Mr Taiſand , Treſorier de
France à Dijon , dont vous
avez tant eſtimé la Lettre que
116 MERCVRE
je vous ay envoyée ſur l'Eternité.
DE LA VRAYE
&de la fauſſe Humilité .
L
'Hommen'a'a aucun sujet d'a
voir de l'orgueil , & toute fa
presomptionn'est que folie ; carfi
on le confidere dans ſon origine , il
n'y a rien de plus vil ny de plus
abjet. Si on le regarde dans fa
naissance , il n'y a rien de plus
foible , ny qui ait plus besoin de
Secours. Si on l'envisage dans son
enfance , y a- t - il rien de plus fujer
à l'ignorance &a l'erreur? Sidans
fa jeunesse , qu'y a-t -il demoins
raisonnable , de plus agité par la
violence des paſſions , & de plus
préoccupéd'un vain enteſtement?
i
GALANT.
117
Si dans l'âgevirilmesme , qu'y at.
il quiſente moins l'homme que
la pluspart de ses actions ! Si on
l'observe enfin dans sa vieilleſſe ,
n'y voit- on pas ordinairement des
infirmitez & des foibleſſes d'efprit
& de corps , qui font pitié ?
Ioignons à celafa mort qui est remplie
d'horreur , & qui fait connoistre
la misere &le neant de la
nature humaine.
Cependant le croiroit- on ! Cet
homme tout plein , tout environne
de miseres , ne laiſſe pas de
nourrir dans son coeur une tres
grande vanité , en quoy ilſe trompe
extremement , puis que plus il
eſt vain , moins on l'estime , &
qu'au contraire pour arriver à la
veritable grandeur ilfaut neceſſai.
rement s'humillier parce que l'humilitéporte
avec elle cet avantage
, qu'elle fert à élever ceux qui
118 MERCVRE
la pratiquent fincerement.
Mais où trouverons nous des
perſonnes veritablement humbles?
Ily a fans doute des gens qui en
ont l'air ,& l'apparence ; l'on diroit
à les voir qu'ils font une exacte
profeffion d'humilité. Ils font
vestus simplement ,ils marchent
avec modestie , leur langage n'a
rien que de foûmis & de reſpectueuximais
quelle certitude avonsnous
qu'iln'yaaucun fard mêlé dās
cesbeaux dehors, queces habits, ces
paroles , & ces gestes ne sont pas
concertez, & qu'il n'y a point
d'affectation ny de déguisement
dansces marques exterieures d'humilité
; Ne reconnoissons nous pas
à tout moment , que le coeur de
l'homme estimpenetrable , qu'on ne
peut s'affeurer de la fincerité de fes
fentimens , & qu'iln'ya que Dieu
feul qui les connoiffe ?
GALANT. 119
Il semble que vous prétendiez,
me dira quelqu'un , que l'humilité
n'est qu'en idée , & que nul ne la
met en pratique ? quoy donci n'y
aura- t- ilpoint de vraye humilité .
Sur la terre ?
Ce n'est pas ce que je veux dire,
carje ne doute point qu'il n'y ait
des perſonnes de toute condition,&
de tout sexe , qui la pratiquent de
tres. bonne foy ; mais je dis que ces
ames choisies ; & qui ſe distinguent
par une veritable humilité , font
fort rares , & que dans un nombre
presque infiny, à peine trouve - t - on
une perſonne de ce caractere. En
effet , parlons sans déguisement.
Voyons nous beancoup de gens s'acquitter
exactement de tous les de
voirs d'une parfaite humilité?Paroiſſez
qui que vous soyez ,qui prétendeZavoir
atteint à cette vertu
fublime,on vousferajustice,on lexa120
MERCVRE
minera en comparaison avec celle
du vray humble.
Demesme que lors qu'on veut
élever un Bastiment magnifique,
on commence par faire des fondemensprofonds
, &pour le mettre en
Seureté,pourempêcher quefon éle
vation ne cause sa ruine ; ainsi
quand on veut élever dans ſon ame
- l'édificespirituel des vertus (nceres
&Solides , il faut necessairement
commencerparfaire desfondations
profondes d'humilité. C'est pour
cela que celuy qui aspire à devenir
veritablement vertueux , faitfa
principale étude d'acquerir une
vraye humilité . Il ne la fait pas
confifter dans les paroles ny dans les
oeuvres exterieures ; mais il l'imprimeprofondement
dansson coeur.
Il ne luy échape jamais rien qui
tende à sefaire honneur ; & bien
qu'il soit préferable aux autres
hommes,
GALANT. 211
hommes,& qu'il ait de tres gran.
des lumieres,neanmoins comme elles
luy font connoistre laforbliſſe natu
velle , & lerendent convaincu qu'il
nepeut rien de lay. mesme , il rend
un continuelhommage à Dieu des
graces qu'il en reçoit , il en attribuë
fidellement toute la gloire à ce
veritable diſpenſateur de tous les
biens& de toutes les perfections ,
&ſe tenantferme dans l'humilité,
qu'il confidere commeson centre , il
ne s'estime point , il croit n'avoir
aucun merite , ilfe persuade mê.
me qu'il est sujet à beaucoup de
defauts ; & pendant que sa vertu
brille aux yeux du monde, il est
presque lefeul qui ne la voit pas.
Tout éclairé qu'il est , il ne présume
rien de ses commencemens , & ses
lumieres , au lieu de l'éblouir , ne
Servent qu'à luy faire mieux voir
Sonneant. Ilse trouve petit, quand
Sept. 1691 .
F
122
MERCVRE
il paroist grond aux yeux des autres
, & il s'imagine quelquefois
estre digne de mépris , quandon le
comble de louanges & d'applaudis-
Semens. Sa modestie eſtſi delicate,
qu'il a de la confusion defe voir
honoré par les hommes , & rien ne
luy fait plus de peine dans la con .
versation que de s'entendre louër .
Ilse cache,maisfa vertu le decouwre;
il marche SansSuite , & Sans
équipage , mais c'est ainsi qu'il
triomphe de la vanité , & on l'en
estima encore plus. Il s'éleve aux
chofes du Ciel, dans le même temps
qu'il tâche de s'aneantir , autant
qu'il peut , fur la terre ; & Sçachant
qu'iln'y a rien de plus propre
àle contenir dans l'humilité, que
l'image de ſa propre mifere , il ſe
lavemet fans cefle devant les yeux
& il confitere ce qui luy manque
dans la vertu , évitant de voir ce
1
GALANT. 123
qui pourroit luy inspirer un fecret
contentement desa conduite. Bien
loin de rechercher les Emplois publics
, il les fuit , & fi lors qu'on
lesluy offre , l'am- illes accepte ,
bition n'y a jamais de part ; mais
c'est toujours parun pur effet de sa
complaisance ou de ſa ſoûmiſſion.
Plus il est élevé , plus il s'humi-
Lie; lagloire humaine ne le touche
pas , &levain éclat du monde ne
l'éblouit point. Accablez- le ,ſivous
voulez , de mépris & d'injures ,
il les fouffriva fans murmurer &
Sansſe plaindre,ilen reffent mesme
de lajoye , & il se croit redevable
à ceux qui l'offensent , parce qu'ils
luy donnent occaſion de fouffrirpour
Dieu. S'il fait quelque fauteil
l'avoüe de bonne foy , & cet aven
d'avoirfailly qui coute tantànoftre
orgueil , ne luy fait point depeine,
Parce que la connoissance qu'il a
1
F 2
124
MERCVRE
de la fragilité humaine , fait que
rien ne luy paroist plus extravagant
, que de vouloir la diffimuler .
Son humilité est égale dans l'une
&dans l'autre fortune , parce
qu'ilse croit indigne des auantages
qui luy arrivent , & qu'au contraire
il croit meriter toutes fortes
de disgraces. Quand il rend quelque
bon office , il n'y mesle aucun
motifhumain ; cen'estjamaisdans
la veue d'en recevoir des remer.
ciemens ny des récompenfes , & il
n'a d'autre but que de faire du
bien. Mettezà l'épreuve sa foû.
mission , vous connoistrez qu'elle
est naturelle& fansart, vous verrezqu'il
obeitsans peine , non feulement
à quiconque a droit de luy
commander ; mais aussi qu'il se
Soumet volontairementàses égaux,
&mesme à ses inferieurs. Il est
dans une continuelle defiance de
GALANT.
125
luy mesme jil redoute mesme,pour
ainſiparler,fes meilleures actions,
&se representant toujours fan
néant, dans la crainte qu'il a de
manquer a'humilité, il parvient
enfin àcette éminente verte.
Sondez maintenant, & examinczvostre
coeur ; faites en vousmesme
l'anatomie ; penetrez dans
Sesreplistes plusfecrets &vayez si
vous vous reconnorßez dans cette
peinture, & fi elle a bien de vostre
air. Ne diffimulons rien . Avoucz
qu'elle represente beaucoup de
traits que vous n'avezpas. Ie dis
plus peut- estre que quand vous
aurez veu le portrait ébauché du
faux humble,vous trouverez entre
vous & luy plus de reffemblance..
Comme ileft des Pierreries, faites
par les mains des hommes
dont lefaux brillant surprend d'abord,
parce qu'ilimiteen quelque
F 3
126 MERCVRE
maniere celuy des Pierres pretieuſes
faites par les mains de la
Nature ; de mesme il est une espece
d'humilité , qui n'étant que l'ouvrage
de l'artifice humain ,
n'ayant que la figure exterieure de
la veritable humilité , n'a qu'une
fausse apparence. L'orgueil est un
poison Subtil & penetrant qui s'infinue
dans l'ame par toutes fortes
d'endroits. Ne balançons pas à le
dire encore . Pluſieurs recherchent
l'image de l'humilité , mais ily en
afort peu qui recherchent l'humilitemesme.
Evitons d'y estre trompez
, fi nous pouvons ; ileſt des Impofteurs
, il est des Usurpateurs de
reste vertu , je veux dire , des orgueilleux
, qui ofent prendre l'air
degens veritablement humbles pour
Soûmettre les autres , & pour mieux
cacher leur esprit altier & dominant
, quiſous le voile ſpecieux de
GALANT .
127
4
la cause de Dieu , couvrent leurs
interests propres , & exercentfecrerement
leurs paſſions; qui font confifter
une partie de leur vertu dans
un visage austere , & qui si tost
qu'ils croyentSentir le moindre mou.
vement de dévotion , ſont pleins
d'estimepour eux mesmes , se préferent
aux autres , se perfuadent
qu'ils lesſurpaſſent infiniment dans
lavertu , & s'imaginent estre des
hommes parfaits. Ce n'est donc pas
affezd'avoir l'image & l'ombre de
l'humilité , ilfaut poffeder ce qu'elle
a de plus réel & de plus fotide , il
faut quele motifen soit pur. En
effet , si on n'est humble , que parce
qu'onse croit miserable , ou parce
qu'on se propose d'eſtre loué de ſon
humilité, ces especes d'humilitez
ſont ſans merite , & même laſeconde
est criminelle , estant certain que
le defir des louanges détruit ce que
F 4
128 MERCVRE
L
l'on fait de plus louable, Ainţithu .
milité doit estre parement volontaire
, ne dépendre en aucune maniere
ny de la contrainte, ny de l'amour
propre , & pour conclure ce raiſon -
nement il n'est pas toujours vray de
dire , que celuy qui est humilié fera
exalie , mais bien celuy qui s'humilie
volontairement , par un ve
ritable amour qu'il a pour l'humili
té, cetteexaltationeftant larécom
penſe du merite de la volonté. On
ne peut affez élever l'excellence de
'humilité , elle est non seulement
unegrande vertu , maiselle est le
Sceau de toutes les autres , carfans
elle ce nefont que des ombres & des
figures devertus. Neanmoins cette
éminentevertuà cela de perilleux
enfoy , aussi bien que toutes les autres
, que par le mauvais usage
qu'on enfait, elle engendre l'orgueil.
On veut en apparence paffer pour
i GALANT. 129
zien ,& l'on croy estre quelque chose,
quoy que l'on nesoit rien. O
feglorifie quelquefois du méprisde
Lavaine gloire , Gily a beaucoup
de vanité dans ce mépris affecté..
On s'applaudit en secret de n'etre
pas vain comme la pluspart
des autres , &ily a peur - efstre
plus à redire dans cette satisfa.
Etion interieure , que dans une
vanité déclarée , parce qu'on revient
plutoſt de ce qui se paſſe
auxyeux du Public , quede ce qui
est caché dans le coeur; & comme
l'experience fait connoistre , que
L'orgueil groſſier qui ne garde point
de mesures , & quileve le maſque,
déplaiſt entierement , on s'étudie,
on se concerte, on prend des biais
differens pour se rendre moins infuportable.
Sur ce fondement nous
nous blâmons quelquefois nousmêmes
par une feinte humilité , pour
E
130
MERCVRE
diminuer la honte & l'opprobre qui
Suivent neceffairement la mauvai.
Se conduite. Nous nous accufons
mesme de pluſieurs defaurs que nous
ne croyons pas avoir , afin de nous
élever en effet , en nous abaiffant
en apparence . L'orgueil qui regne
dans nostre coeur , & qui fe cache
Sous le mafque de l'humilité , nous
engage quelquefois à dire , que nous
Sommes des méchans , dans la pensée
que cet aveu nous fera paffer
pour des gens d'ane vertu extraordinaire.
Nous recherchons an dehors
Phamilité , & nous la détruifons
au dedans ; & une marque évi
dente que l'orgueil eft nostre premier
mobile, c'est que les actions.
que nous faisons ſur le champ , &
Sans reflexion , démentent presque
toujours celles que nousfaisons avec
application & à loisir. Souvent
par unehumilité pleine de faste,&
GALANT. 131
qui aſon principe dans l'amourpropre
, on fait honneur aux autres
pour en recevoir ; on leur rend des
civilitezparce qu'ils en font ou afin
de ne point paſſer poursauvages, ou
pour orgueilleux ;&bien que l'orgueil
ait coutume de jouer toutes
fortesde personnages ,de ſe transformer
en mille manieres pour paroiſtre
tout autre qu'il n'eft, &pour
arriver à les fins , il n'est jamais
plus infolent nyplus en estat de pou
voir tromper , que quand ilojepren
dre l'air & la figure de l'humilité.
Ily a de faux humbles qui voyant
que le mepris qu'ils ſemblent faire
d'eux meſmes ne leur réüſſu pas ,se
relevent tout d'un coup ,&se font
rendre rigoureusement les honneurs
qu'ils s'imaginent leur eftre dûs.
D'autres ont un orgueil babile , car
ilſontſouples &humbles avec ceux
dont ils ont besoin , & fiers à l'é-
E
レ
132
MERCVRE
gard des autres. Quelquis uns par
une vanité fine , & par une pure
bypocrifie , ne prennent quelquefois
les dernieres places , queparce que
les premieres leur appartiennent
Sans contestation. Ils sont feurs
qu'ils ne hazardent rien à laiſſer
entrevoir cette apparence de modeſtie
, puis que dans un moment la
multitude va s'ouvrirpour leur laif
fer le paffage libre , qu'elle s'emprefferade
les åter du mechant poste
où ilssefont mis,&qu'elle les por
tera, s'ileft neceffaire , juſque dans
le rangqui est deu à leur devotion.
Ainsi cen'est qu'une grimace ,à ces
gens là de ne pas prendre d'abord
lerang que tous leur cede. Plusieurs
fontbumiliez , &non pas humbles ,
car pendant qu'ils gemiſſent ſous le
jougfacheux de la pauvreté , &
des autres incommoditez de lavie,
ils ne laiſſent pas de conferver an
GALAN T.
133
dedans d'eux mesmes une febrete
vanité dont rienn'est capablede les
guerir. Nousne meritons rien pour
nous voir humiliezvar quelque correction
, que nostre orgueilou noftre
imprudence nous attire; & comme
c'est une fausse humilité que dese
vanter d'eſtre humble, c'en est aussi
une quandonrefuse par unprinci.
ped'orgueil , les Eloges&les bonnears
,afin defaire croire qu'on en est
digne par le peud'estime qu'ilfemble
qu'on en fait . De mesme l'hu
milité exceſſive qui nous fait perdre
le courage , & qui nous jette
dans le desespoir à la veuë de nos
iniquitez , est fausse , parce que
Dieu qui permet que les perſonnes
les plus vertueuses tombent dans le
peché , pour les bumilier
pourtant qu'elles esperent toujours
en sa mifericorde. On s'humilie
follement lors qu'on se propoſe
veut
134
MERCVRE
d'acquerir du bien , ou un honneur
temporel, &que dans cette pensée
on rend aux hommes • par une.
espece d'Idolatrie , des foumiſſions.
quinefont deuës qu'à Dieu . L'humilité
qui n'est que l'effet d'une
ignorance stupide , de la baſſeße du
coeur, & de la lácheté, est pareillementfaufle
, parce que la vraye
humilité suppose une connoissance
Suffisante pour ne pas ignorer que
l'humilité eſtant le fondement de
toutes lesvertus, comme l'orgueileft
le principe de tous les vices,on
doit par confequent apporter tous
fesfoins à la pratiquer. C'est pour
cela qu'elle est d'autant plus estima.
ble dans les personnes élevées par
lear esprit &par leurs dignitez ,
n'y ayantrien qui gagneplus les afny
qui attire plus d'estime
&de veritable respect qu'une bumilisé
profonde,quand elle est join
fections
GALANT . 135
te à un grandmerite&àunegrande
autorité ; caril est certain que.
lesgrandsne fontjamais moins ers.
danger de déchoir de leur rang que
quand ils s'humilient : que plus
ils fuyent les honneurs & les ap
plandiſſemens, plus les honneurs&
les applaudiſſemens les ſuivent;&
que la veritable gloire accompagne
toujours l'humilité ; au lieu que
l'orgueil , quoy que fondé sur un
merite extraordinaire ,& fur les
plus hautes dignitez , produitfouvent
le mépris , & toujours la hai.
ne . Enfin l'humilité doit estre pleine&
sincere , &n'avoir pour buc
quede plaire à Dieu; autrement ce
n'est qu'une oftentation , & une
hypocrisie indigne non seulement
d'un Chreftien , mais d'une perfonne
qui a quelque teinture&quelques
fentimens d'honneur. Ily a
mesme de la folie àne se proposer
d'autrefruit defon humilité, que
し
136
MERCVRE
la louange & l'approbation des
hommes à donner à fi vilprix ane
choſe d'unesi grande valeur , àſe
repaistre & à se contenter d'une
fuméedevanitépour tant deſoins,
&tant de contraintes ..
O que vous eſtes heureuses , Ames
faintes, veritables modeles de la
parfaite humilité , & qui estes particulierement
cheries de leſus-
Chriſt qui en est le Pere ! Vous qui
femblables à des arbres p'antezdans
les vallons, & chargezdes meilleurs
fruits , faites de merveilleux progres
dans le champde la vertu, vous
qui par uneſaintefierté ,vous mettezinfiniment
au deſſus de lafauſſe
gloire en la foulant aux pieds. Vous
enfin qui en vous comptant parmy
lespersonnesfans merite & dignes
de reprobation , acquerezle vray..
caractere des Elus . Purffions- nous
acquerità vostre imitation , cette
GALANT. 137
admirable versu , qui seule donne
Le prix à toutes les autres ! Puiſſionsnous
devenir veritablement, grands
parnostre bumilité !
Faiſons donc nos efforts pour nous
rendre agreables à Dieu , par le
mépris de nous- mesmes. Soyons du
moins auffi humbles àla veuë de nos
déreglemens , que les Saints le font
dans leurs vertus . Evitons la con.
duitede cejuſte orgueilleux de l'Evangile
, qui perdit tout le fruit de
Ses bonnes oeuvres , pour en avoir
estétrop content , pour en avoir re.
mercié Dieu avec une trop grande
Satisfaction de luy-mesme par une
vanite indiscrete & témeraire.
Imitons ce Pecheur humblequi par
unaveu fincere de ses fautes , &
par une veritable humiliation , les
effaça toutes &fortit du Temple
pleinementfatisfait.
Aureste , cette belle vertu, qui
138
MERCVRE
enfuyant l'éclat & le grand jour ,
ferend encore plus aimable , cette
vertu admirable , qui paroissant
avoir la baſſeſſe en partage , est
tres -fublime & releve toutes les
autres ; cette vertu qui brille com .
me les Astres au milieu de lanuit ;
& que l'obscurité rend plus éclatante;
cette illustre versu Sous le
manteau de laquelle l'orgueil tâche
dese cacher , de peur dese rendre
mepriſable& odieux enſe faisant
voirouvertement; cette vertu dont
les effetsfontfimerveilleux , qu'elle
change leshommes en Anges , au
lieu que l'orgueila autrefois changé
lesAnges en Demons ; cette vertu
desgrandes Ames, cette vertu enfin
dont la ſageſſe est inseparable , &
qui est legage infaillible d'unevie
bienheureuse , est proprement la
vertu des Chreftiens , &perſonne
ne l'ajamais portéefi loin qu'ils ont
GALANT .
139
mwae
fait.A la veritéon a vû des Payens
quidans lanaiſſance&lespremiers
fiecles de l'Eglife , ont eſſayé de
contrefaire encele , auſſi- bien qu'en
beaucoup d'autres choses , acs bommes
divins , mais ils n'ont jamais
eſtè que defaux copiſtes& de mé.
chans imitateurs . Leur humilité
n'estoit qu'une vanité déguisée ,
dans la veuë de s'attirer de la gloire
, ilsont mêlé l'orgueil du coeur
avec l'humilité des lévres ; & de
ces deux contraires ils ont fait un
-assemblage monstrueux .
Seigneur , qui avez prononcé
vous - mesme , que celuy qui s'éleve.
rafera humilié, & que celuy qui
shumiliera , ſera exalté ; qui nous
avezdonné de continuelles leçons
d'humilité , par voſtre Naissance ,
par voſtre , Vie , &parvoſtre Mort,
ne permettez pas quenous nous perdions
dans une folle vanité ,mais
140 MERCVRE
i
neant
faites quejettant les yeuxfur nostre
, nous nous proposions pour
modelle vostre humilitéſainte , afin
que nous estant abaiffez (ur la terre.
nous jouiſſions dans leCiel avec vous
de la' vraye exaltation que vous
avez promise à ceux qui vivent
dans unesprit veritablement humilié.
Je vous parlay l'année derniere
, de la premiere partie
d'an Livre , intitulé , Introda-
Etion à la Fortification , que le Sr
de Fer avoit donné au Public.
Il vient de mettre au jour la
ſeconde partie de cegrandOuvrage.
On y trouve , comme
dans la premiere , vingt- cinq
Plans , dont les FortificationS
& les Situations ſont differentes
. Voicy les noms de tous ces
Plans , qui font tres-riches en
ةيدعوم
GALANT. 141
travaux , & tres proprement
gravez , & generalement de
tout ce que contient cet Ouvrage.
PLANS.
De Pignerol.
De Veruë .
VEUE.
De Veruë .
PLANS.
De Verceil
De la Fortereſſe de Montmelian.
VEUE .
De Montmelian , du coſté de
dela Perouſe,
PLAN.
De Coni.
VEUE.
Du Chasteau de Miolans , en
Savoye,
PLANS.
Dela Ville de Nice ,
li
142
MERCVRE
De la Ville de Geneve .
De la Ville , Chasteau & Citadelle
de Cazal.
De la Fortereſſe de Huningue.
De la Vile de Landau .
De la Ville de Coblentz , &
& du Chasteau d'Armonſtin
.
De la Fortereffe de Mont-
Royal .
Dela Ville de Calais .
De la Ville de Berg Saint-
Vinox.
De la Ville de Dinant.
De la Ville & Citadelle de
Juliers.
De la Ville de Stetein .
De la Ville de Viſmar.
*
De la Ville de Kaminiez ,
vieille Fortereffe ; & Cha-
Geau neuf.
GALANT.
143
1
Jamais perſonne avant le Sr
de Fer n'avoit faittant de dépenſe
pour enrichir le Public
d'un auſſi grand nombre de
Plans: Le Cartouche qui renferme
le Titre de cet Ouvrage
eſt tres -curieux , & marque
l'eſprit & l'invention de l'Auteur
, puis que tous ceux qui
ont rendu leurs noms recommandables
pour avoir fait fortifier
des Places , y tiennent
des Plans qui reprefentent les
manieres de fortifier dont chacun
d'eux s'eſt ſervy . On voit
auſſi dans ce Livre la Plaine de
Vveill , avec le Campement
queMonseigneur le Dauphin
y fit l'année derniere . On ſçait
que ce Prince y demeura huit
jours pour attendre les Ennemis
, qui n'oferent paroiſtre
devant luy.
144
MERCURE
Le Sr de Fer donnera au
premier jour une Carte tres--
belle & tres particuliere des
Pays bas & du Bas - Rhin :
Mr Arlot , Medecin de la
Faculté de Montpelier , qui
depuis l'ongtemps exerce la
Medecine à Paris avec Beaucoup
de distinction , & de capacité,&
qui s'eſt acquis l'eſtime
de la Cour , & du Public,
vient d'eſtre nommé Premier
Medecin de Madame , à la placede
Mr le Bel , dont je vous
ay appris la mort. Leurs Alteſſes
Royales Monfieur &
Madame eſtoient perfuadez de
la Profonde érudition de Mr
Arlot dans l'Art qu'il profeſſe,
puis qu'avant ce choix ils luy
avoient confié le ſoin de la fanté
de Monfieur le Duc de
Chartres . l'ayant nommé pour
demeurer
GALANT. 145
demeurer à l'Armée avec ce
Prince. Il y a quelques années
que ce famenx Medecin avoit
eſté honoré d'un Brevet de
Premier Medecin de Son Alteſſe
Royale Mademoiselle , &
Monfieur l'avoit retenu depuis
pour ſon Medecin ordinaire
. Feu Mr le Bel , qui
connoiſſoit à fond ſa capacité ,
avoit ſouvent parlé avantageuſement
deluy à Leurs Alteſſes
Royales , & avoit dit à
Madame qu'il ne connoiſſoit
pointde Sujet plus capable de
remplir ſa place , en cas qu'il
vinſt à deceder. Cette Prin.
ceffe s'en est reſſouvenue , &
ayant nommé Mr Arlot pour
fon premier Medecin, pendant
fon abſence , on peutaisément
juger que ſon ſeul merite a
brigué pour luy . Toute la
Sept. 1691 . G
146 MERCVRE
Cour de Madame a témoigné
beaucoup de joye de le voir
élevé dans un ſi beau poſte.
Un des plus fameux Peintres
d'Italie , &dont le Pinceau ne
faiſoit voir que des Chefsd'oevres
, lors qu'il s'agiſſoit de
peindre des fruits , fut prié
parun Seigneur Italien,diftin
gué par une naiſſance fort illuſtre
, & par de fort grands
emplois , de luy faire un Tableau
qui répondiſt pleinementàla
réputation qu'ilavoit
d'eſtre le premier homme du
monde pour ces fortes d'Ouvrages.
Jamaisle Peintre n'eut
plus d'envie de bien faire , &
nereuſſit plus heureuſement;
& pour mieux remplir fon
Tableau , & n'y rien laiſſer à
defirer, ily mêla de pluſieurs
fortes le fruits , de maniere
1
GALANT .
147
qu'on y vit ceux que produiſent
les premieres chaleurs de
l'Eſté , avec ceux qui n'achevent
demeurir que ſur la fin
del'Automne. La beauté de
ce Tableau fit du bruit , les
Curieux allerentle voir avec
empreſſement , & il receut les
applaudiſſemens qu'il meritoit.
Enfin il fut porté chez le
Seigneur Italien qui avoit ordonné
dele faire . Il s'écria dés
qu'il l'eut conſideré un moment
, que le Peintre estoit un
ignorant , qu'il ne vouloit pointde
Son Tableau , qu'il choquoit le bon
fens ,& qu'il estoit entierement
contre la vray-semblance. Il dit
enfin , que le Peintre avoit uny
ceque la Nature avoit separé , &
qu'il eſtoit ridicule de voir avec
desfruits d'Esté , de ceux qui ne se
mangent qu'en Hiver. Les Con
G 2
148 MERCVRE
noiffeurs n'ayant pas eſté de
ſon ſentiment , & le Tableau
ayant eſte cherement vendu ,
le Peintre ſe conſola du mauvais
gouft du Seigneur Romain
, je croy que vous l'avez
meilleur, & que vous voudrez
bien lire en Automne , des
Vers qui ont eſté- faits parMr.
de Vin , dont les Ouvrages one
toujours eſté generalement
applaudis .
GALANT. 149
LE PRINTEMPS
DIALOGUE .
De la Nature &de Damon , pour
tous les hommes .
Sur ce que le Printemps eſt
plus ſujet aux Auxions , &
autres maladies , que les aut
tres Saiſons de l'année.
DAMON.
Pourquoy faut.il que la Na
ture
Empoisonne tousses prefens;
Emporjonne
Que lors que ses ruiffeaux roulent
une eau fi pure ;
Que lors qu'elle rend à nos
champs
Ses leux ,fes Ris ;fes Fleurs ,fes
Oiseaux ,fa verdure ;
G3
150
MERCVRE
1
Que lors que l'aimable Printemps-
Fait briller le Soleil d'une clarté
nouvelle ,
Et,plus doux que jamais aux plaifirs
nous appelle ;
Pourquoy , dis - je , faut- il que fa
bellefaison
Quisemble raicunirle Monde ,
En tant de maux diversſoit enfin fi
feconde?
Parle,nous diras. tu , qu'avec pen
de raiſon
Chacun paroiſtſurpris de ces effets
Bizarres ,
Et de ce qu'on ne peut en gouster
les douceurs
Sans dans le meſme temps essuyer
lesrigueurs
Des fluxions & des catharres
Siparlà tunous mets hors d'état
d'enjouir.
Aquoy nous fervent donc tes apa
pas & tescharmes ?
GALANT. IS
Oferoit- on s'en réjouir ,
Et les voit on , belas fans chagrin
, fans alarmes ?
LA NATVRE. N
Fay souvent écouté les plaintes
quetufais ,
Et jesuis moy- mefme étonnée
Que leplus beau temps de l'année
N'attire contre moy que murmures
fecrets.
Cependant quelle ingratitude ,
Quel caprice , quelle habitude
Prend- on de tousfes maux d'accufer
mes préfens;
Si vous autres Mortels,plus mode
vez , plusfages ,
En faifiez de meilleurs ufages,
Vous feriez plus reconnoiſſans ,
Et vous verriez bien- toft que ce
n'est pas leurfaute.
Vostre defordre feul vous ofte
Legouftde ces plaiſirs ou tendent
tous vos veux ,
G4
152 MERCVRE
Et vous auriez toûjoursdes Prin
temps plus heureux
Si vous en jouiſfiez avec la temperance
Que nous ordonne la prudence :
Mais àpeine ay.je enfin fatisfait
vos foubrits
4
Que vous en faites des excès,
Qui des douces humeurs alterant.
l'harmonie ,
De la Bile auffitoft excitent la
furie,
Combien peu d'entre-vous menagent
comme il faut
Le temperé, l'humide , ou le froid ,
oule chaud ?
Car tous les temps que je vous
( donne
Sont & charmans ,& bons. Dans
celuy de l'Autonne
Sans de mes fruits nouveaux crain
dre la crudité
Vous en mangezen abondance ,
GALANT .
153
Et de là vient la deffaillance
De celuy que déja l'Esté
Parfes grandes chaleurs avec debi
lité.
Pandant cettefaiſon brulante
Loin de vous rafraichir , vous ben
vez à longs traits
Duvin pur , pourveu qu'ilsoit
frais ,
Et voſtreſoif impatiente
Ne peu fe donnerle loiſir
D'attendre au moins qu'une Ser--
vante
Ait apporté de l'eau ,seule refraif--
chiffante ,
Et qui ſeulepeut l'adoucir.
Maisbien toft , malgrévous , une
ardeur de poitrine ,
Aceite eau qu'on fuyoit vous force
de courer,
Etfouvent à la Medecin.
2
Lors que l'Hyver , le temps dess
Jeux ود
154 MERCVRE
De Bals, &de la bonne chere
Couvre tout l'Univers deſesfrimats
affreux ,
Et chez vous prés du feu vous
retiens , vous refferre ,
Dites , n'enfortez- vous jamais ?
LeBala pour vous trop d'attraits;.
Latable, & le jeu trop de charmes
Pour du mal qui lesfuit vous cauſer
des allarmes.
Vousy paffeztoutes lesnuits,
Et ce mal , pire que mes fruits ,
Que la Rofe nouvelle , & que las
Canicule;
Ce mal , dis -je , que fait la perte
durepos ,
Et ce friand morceau qu'on ronge
jusqu'aux os ,
Vous échauffe lesang, vous confume
&vous brûle.
De là cette abondance d'eau
Qui s'amaſſe dans le cerveau
Qui par le rude froid trop longtemps
retenue
GALANT.
155
Et qui par confequent aigrie& corrompuë
,
Des que ce froid ceſſe au Printemps
Distille en fluxions comme une é
paiſſe nuë
Que le Soleil diſſout parses rayons
ardens.
Faut -il donc s'étonner ,fi cette caw
vient à fondre
Quand il darde ses premiers
traits ?
Quoy, d'un moinsfuneſte ſuccés,
Vous menageant si peu , pouviez
vous vous répondre ,
Et vos prodigieux & differens ex
cés,
Neſuffifent ils pas enfin pour vous
confondre?
DAMON.
Mais si l'on veut t'en croire
adieu tous les plaiſirs
Il faudra deformais s'en priver
s'en défaire ,
G
1
4
156 MERCVRE
Et qu'en Stoique trop severe
Chacun ferme Soncoeur àl'instincti
aux defirs,
Qui des noftre plus tendre enfance
Nous font en leur faveur Sentir
leur violence..
Nous naiſſons avec ces penchans ;
Vers tout ce qui flatte les sens
On se laisse entraiſner en dépit de
Soy-mesme.
On croit mesme quand on les aime
Qu'on ne fuit que ses propres
loix ;
Ainſi quand on les voit , on leur
ouvre la porte ,
Et dans l'ardeur qui nous y porte
On n'est embarrasséqu'au choixs
Comment pouvoir combattre une
pentefiforte?
Cependant quelquené que l'on soit
avec eux ;
Comme des Ennemis tu veus qu'on
les regarde ..
GALANT. 15文
Et qu'en cela plus malheureux
Que les Bestes , contre.eux on ſoit
toûjours en garde.
LANATVRE.
Ah! si vous en ufiezcomme les
Animaux ,
Me verroit- on reduite à répondreà
vos plaintes, :
Etferiez vous ſujets àtant de divers
maux
Dont , plus indifcrets qu'eux , vous
Sentezles atteintes ?
Des plaiſirs queje donneils ufent .
comme il faut ,
Ils ne vont point pendant le
chaud
Affronter,comme vous , l'ardente Canicule
, ٦
Etse cachant pour lors du Soleil qui
vous brûle ,
Attendent pourfortir qu'ilsoitſous
l'horizon ..
Mais l'homme qui se croitſiſage.
1
198
MERCVRE
L'est- il au fond , &quel usage
Le voit-on tous les joursfaire defa
raiſon ?
La tient- il moins demoy que cette
douce pente
Qu'il dit avoir pour les plaisirs ?
Que ne s'en fert- il donc, s'ilsefert
des defirs
Que la Nature bienfaisante
Luydonne, & donne mesme à l'in-
Senſibleplante?
Ainsi , Sans deformais murmurer
contre moy,
Qu'on ne s'en prenne plus qu'à
Soy.
Vous-mefmes,au retour des Zephirs
&de Flore ,
Corrompez cesplaiſirs qu'il donnoit
autrefois ,
Et qu'ilvous donneroit encore,
Si , moins fous , vous vouliezſuivre
Et quitter cetteintemperance.
Quene connut jamais le Monde en
Lon enfance...
GALANT. 159
Contens de lafimplicité ,
Du lait, dufruit,& de l'eau pure,
Que gratuitement leur donnoit la
Nature;
Les hommes par lavolupté
Qui n'oſoit pas encor leur montrer
Ses amorces,
N'affoiblifſoient point lors leur vigueur
, & leurs forces ,
Et jouiſſoient toujoursd'une pleine
Santé.
Mais lors que leur cupidité
Tiral'or du ſein de la terre ,
Cemétailàson tour leur declarala
guerre ,
Et pourſevangerd'eux leur inſpira
Soudain
La haine de la fobre table,
Et cet amour fatal qu'ils ont pour
le festin.
Du neceffaire au delectable,
qu'un pas
Seduits parſes attraits , ils ne firent:
160 MERCVRE
Et bien - rost dégoûtez de l'utilé
lailage ,
Composerent à leur dommage ,
De ragouts differens leurs splendi
des repas.
De la cette humeur indigefte
Qui caufe leurs vapeurs , qui ſeule
leur en reste ,
Et qui détruisant leur chaleur ,
Les réduit àtelle langueur ,
Qu'après une débauche faite
Il faut en dépit d'eux , venir à la
diette.
Koilà ce qu'à produit l'avidefoifde
l'or.
Trop heureux, trop heureux encor
Quandàfibonmarché le gourmand
en eft quitte ,
Car comme de ſes biens ilveut
Tirer tout leplaisir qu'il peut..
Cette humeur àla longue & s'ensflamme,
& s'ivrite ,
Et , trompé par cet appetins
GALANT. 161
Que lui donneſouvent cette ardeur
étrangère ,
De nouveau l'imprudent , à peine
horsdu lit
Où l'arrestoit fon mal , cherche la
bonne chere.
Qu'enpeut- ilarriver ? Larechute,
&la mort.
Aprés cela , Damon ,vois , dis-moy
Sij'ay tort ,
Et fil'onpeut ſans injustice
M'imputer aujourd'huy sa gourmande
avarice.
Jene te parle point de cessoins den
vorans
Quese donnent petits &grands
Four, plus haut qu'elle n'est, élever
leur fortune.
Ie ferois & trop longue , & peutestre
importune ,
Si de vos paſſions j'allois
En vain m'étendre icyfur la cathe
gorie.
16.1
MERCVRE .
Chacun ſçait quels font ceux de la
tendrefurie ,
Et toutes tour à tour , & Souvent
à lafois
En vous affoibliffant abregent
voſtre vie.
Ofez mieux ,
en un mot , de mes
dons differens ,
Soyez fobres , reglez comme dans
les vieux temps ,
La maturité de mes fruits ,
Et joignez le repos des nuits
Ala discrete vigilance
Que de tous les Mortels exige enfin
lejour ;
Alorsje promets à mon tour
De les guerir de la foibleffe
Dont fimal à proposilsfepleignent
Sans ceffe,
Et , devenusparlàplusſains,plus
vigoureux ,
L'espere , &mesme jeſuisfeure
Que des maux qui d'ailleurs pour
roient tombersur eux
GALAN T.
163
lsn'accuferont plus l'innocenteNa-
1
ture.
Le 25. du mois paſſé, jour de
la Feſte de S. Louis, MrCipierredont
le nom vous eſt connu
par labelle Lettre que je vous
ay envoyée de luy ſur l'Opinion
fit le Panegyrique de ce ſaint
Roy , dans l'Egliſe de S. Louis
des CarmesDéchauſſez deBordeaux
. Ces paroles du Pſeaume
130. qui luy ſervirentde texte,
Domine non est exaltatum cor
meum , neque elatifunt oculi mei ,
luy donnerent lieu de montrer
dans ſonDiſcours, que S. Loüis
avoit eſté parfaitement humble
dans les grandeurs de la terre ,
& merveilleuſement grand
dans les diſgraces du monde.
Après avoir fait voir dans ſon
premier point , dans quelle
>
164 MERCVRE
élevation ceMonarque ſe trouvoit
, il continua en diſant :
Ainsi aimé deſes Sujets , craintde
fes Ennemis , grand aux yeux de
toute la terre , ce Prince ne se
glorifia point de tant de grandeur,
& tout remply qu'ilestoit de gloire,
il ne regarda perſonne avec plusde
fierté. Il confideroit sa Couronne
comme un poids dont la divine
Providence avoit voulu le charger..
L'éclat dont ilſe voyoit environné
donnoit àson coeur des sentimens
d'une humilité toute admirable
ilfuyoit unegloire qui augmentoit
en luy tous les jours. Il fuyoit les
grandeurs qui l'accompagnoient
par tout , & avec toute la puissance
de la Royauté , il en évitoit les
embarras. Que s'il estoit obligé de
fortirdefa retraite pour paroiſtre
furfon Trône,il ne recherchoit
dans cette pompe & dans cette
GALAN Τ. 165
majesté les abaiſſemens&leshumiliations
de la Croix , les charmes
qui ſuivent la Souveraineté n'eurent
jamais le pouvoir de toucher
Son coeur , &par un goust merveil
د
&
leux , il ne trouva de veritables
plaisirs que parmy les auſteritez
, & les oeuvres de pieté
& de mifericorde. Enfuite- il
fit la peinture des faux attraits
qui fuivent l'ambition
ayant montré qu'il eſtoit comme
impoſſible que ceux qui
en font remplis , ne fiſſent
reflexion au moins une fois
pendant leur vie , fur la vanité
des choſes du monde;
Cependant , ajoûta-t-il , on ne
laiſſe pas de voir encore de nos
jours des hommes quireckerchene la
grandeur comme leur felicité. Ils
nesefoucientpoint d'eſtre criminels ,
pourven qu'ils paroiſſent élevez .
166 MERCURE
Ils montent fur le Trone par l'usurpation
, ils gouvernent par l'inju.
ſtice ,ils commandent par laforce
Ils regnent en violant toutes fortes
de droit ,Sans épargner ny leſang
ny la Religion, ny la charité. Aprés
que cet ambitieux , cet vfurpateur
aura acquis une Couronne ,& qu'il
Se Sera rendu Maistre absolu de
pluſieurs Royaumes , qu'est- ce qu'il
fera ? Songe- t- il qu'il laiffera a
des Etrangers ces richeſſes qu'il
amaſſe avec tant de peine , & que
le Sepulchre doit estre ſa demeure
pendant tous les âges ? Songe - t- il
que de toutesa gloire il ne reſtera
tout au plus qu'un nom odieuxà la
posterité, par les maux qu'ila faiz
Souffrir injustement ? Lors que l'hom
me à eſtéélevé dans les honneurs , il
ne l'a point compris. Ils'est conduit
comme les Brutes qui fontfans intelligence
&fans raison, &illeur
GALANT. 167
est devenu semblable . Et homo
cùm in honore effet, &c. Dans
le ſecond Point il Parla des
diſgraces de S. Loüis d'une
maniere fort pathetique , &
ayant fait voir comment ce
Prince , d'ungrand Capitaine
& d'un grand Roy , eſtoit devenu
un grand Saint,en faiſant
ſervir les meſmes qualitez qui
font le Heros , pour former le
Saint , il fit en ces termes un
paralelle de la pieté de Loüis
le Grand avec celle de Saint
Loüis . Que me reste.til , Mesfieurs
, sinon à vousfaire voir que
leTrône de cefaint Roy est remply
par le plus digne Succeſſeur qu'il
pouvoit avoir , par un Succeffeur
tel que ledemanderoit Saint Loüis
luy mesme ; enfin par Louis le
Grand, qui neregne quepour pren
dreſoin de faire regner le Sauveur
1.
168 MERCVRE
du monde ? Animé du mesme Zele
Four lagloire de Dien , de lamefme
charitépour le prochain il envoye
aux extrémitezdu Monde des
Miſſionnaires , pour convertir des
Rois & des Peuples presque incon
nus. Il obtient par son credit la
reſtitution des Saints Lieux entre
les mains des Religieux Latins ; il
bannit l'Herefie deſon Royaume ;
il redreſſe les Eglifes démolies ; en
baſtit de nouvelles ; il arreſte les
Duels , il punit l'injustice , protege
les opprimez , foûtient ceux qui font
dansson alliance , reçoit les Rois
exilez , & combat poureux contre
l'ufurpation & la tirannie. Enfin
ily a tant de conformité dans le
regne de cet Auguste Monarque
avecleregne de Saint Louis , que
j'ofe dire que Dieu , qui a donnéà
l'un& à l'autre,le mesme coeur&
le même Trône , leur a destiné auffi
la
GALANT. 169
la mesme Couronne & la mesme
Madame la preſidente de la
Barroire mourut ſur la fin du
mois dernier . Mr le preſident
fon Mary eſtant fort connu,
je ne vous parleray que de la
Défunte. Elle n'en a point eu
d'Enfans , & laiſſe de grands
biens , auſquels il a beaucoup
de partà cauſe des avantages
confiderables qu'elleluy a faits
par leur Contrat de mariage.
Ses Heritiers font Mr de Mardilli,
Madame ſa Scoeur, Femme
de Mr le Marquisdela Terrie-
-re , du nom de Chareton , cydevant
Veuve de Mr de Creil ,
Maistre des Requeſtes , &Mc
-Chevalier , Veuve d'un Confeiller
au Grand Confeil , connuë
par les grandes charitez
BenverslesPauvres des Provin-
Sept. 1691. H
170 MERCVRE
ces , dont elle eſt la Treſoriere,
recevant toutes les aumônes
qui ſe donnent à Paris pour les
Pauvres de la campagne. Ils
fontCousins,& Coufines Germaines
de cetteDame dont je
vousapprentla mort. Elle étoit
Veuve d'un Conſeiller de Pa
ris avant qu'elle ſe remariaſt
avec Mr le Preſident de da
Baroire.
b. Sei-
Madame de Sourdis, Abbefſe
de Beaulieu , de Compicgne,
eſt morteauſſi . Elle estoit
d'une Maiſon fort ancienne , &
Jacques Deſcoubleau
gneur de Sourdis, étoitChambelan
de François I. Il y a eu
desChevaliers des Ordres du
Royde cette Maiſon, desGouverneurs
d'Orleans , de Chartres
de Blois & d'Amboiſe ,
des Lieutenans Generaux des
GALANT.
171
Armées du Roy , des Eveſques
&des Cardinaux
Mr de Montſaulnin , Marquis
de Montal , Capitaine de
Cavalerie , mourut à Landau
en Allemagne , le 21. du mois
dernier , avec des ſentimens
tres - Chreftiens. Il avoit d'abord
embraſſé le party de l'Eglife
, & joüiffoit de plus de
vingt- cing millelivres de ren.
te , que la crainte qu'il avoit
de ne pas faire ſon ſalut avec
ces revenus queluy donnoient
ſes Benefices , luy fit facrifier.
Il réſolut de ſervir le Roy dans
fes Armées , & de marcher fur
les traces de Mr le comte de
Montal fon Pere , Chevalier
des Ordres de Sa Majesté ,
Lieutenant General de ſes
Camps & Armées, & Gouverneur
deMont- Royal , dont les
H 2
172 MERCVRE
A
actions intrepides & pleines
de valeur ſont connues de
toute l'Europe , & particuliecrement
celle de ſon entrée
dansCharle-Roy , au mois de
Decembre 1672. Il eſtoit alors
Gouverneur de cette Place, &
en eſtoit forty par ordre du
Roy ,pour aller ſecourir Tongres
que le Prince d'Orange
avoit inveſty , avec les Armées
d'Eſpagne & de Hollande.
Mr de Montal entra dans
la Place , &en firlever le Siege.
Le Prince d'Orange tourna
autfi toſt ſes armes contre
Charleroy , croyant que l'ab
fencenda Gouverneur feroit
réufür ſon entrepriſe; mais fon
étonnement ne fut pas petit
de voir le meſme Mrde Montal
ſe faire jour au travers de fon
Camp avec cinquante Mai
GALANT. 173
Ares foulement , & rentrer
dansCharleroymalgré sesblef.
fures , & les Troupes qui s'oppoferent
à fon paſſage. Il défendit
cette Place avec tant de
vigueur & de courage, qu'il en
fit encore lever le Siege.
La Famille de Mrs de Mont
faulnin de Montal tire fon origine
d'un MilordAnglois ,qui
ayant eſté diſgracié du Roy
fon Maiſtre,fe retira en France
il y a pluſieurs fiecles . Il y fut
bien receu, & s'établit dans le
Dauphiné avec pluſieurs de
ſes Enfans qui prirent tous le
party de la guerre. Mr deMon
tal porte degueules aux trois Leo
pards d'or couronnez , posez l'un
fur l'autre. Le Fils de Mr de
Montal , dont je vous apprens
la mort , eſt le troiſième de fes
Enfans tuez dans le ſervice..
H 3
174 MERCVRE
Il y en avoit un Capitaine dans
fon regiment , qui fut tué en
Flandre , par un party des Ennemis.
Mr le Marquis deMontal
qui vientde déceder a laifſe
trois Garçons en bas âge, &
un Neveu qui porte fon nom,
ce qui donne lieu d'eſperer
qu'un nomfi fameux ſe conſervera
longtemps dans ſon
éclat. Le courage eſt ſi naturel
dans cette Famille , qu'on remarquequ'un
de leurs Anceſtres
maternel , nommé Seba
ſtien de Rabatin , Chevalier
de l'Ordre de S. Michel , fic
une action fi remarquable ,
que l'acte en eſt demeuré dans
l'Hiſtoire. Il attaqualuy ſeul ,
&tua dans la Foreſt de Fontaine-
bleau , ſous le regnede
Charles IX. une Beſte monſtrueuſe
qui devoroit les hom
GALANT.
175
mes , & dont leTableau ſe voit
encore aujourd'huy dans une
des Galeries de ce Chasteau.
Mr de la Haye , Docteur de
la Maiſonde Sorbonne , Chas
noine & Doyen de l'Eglife
Cathedrale de Noyon , mourut
Dimanche dernier. Mr l'Eveſque
de Noyon a nommé
à fon Canonicat Mr l'Abbé
d'Eſtourmelles du Fretoy. Le
Doyenné eſt à l'élection du
Chapitre..
LeRoy a donné une place
de Conſeiller d'honneur au
Parlement à Mrde Maupcou,
Preſident de la Premiere des
Enquestes,qui a remislaCharge
de Preſident à ſon Fils,
Conſeiller de laQuatrième des
Enquestes , receu déja à la
furvivance de la Charge de
Preſident. Sa Majefté a auſſi
1
H4
176 MERCVRE
donné unel penſion de cinq
mille livres à Mr de Harlay ,
Conſeiller d'Etat , Gendre de
Mr. le Chancelier.
Si l'amour & l'intereſt n'a
veugloient point la pluſpart
de ceux qu'on voit tous les
jours donner fi facilement dans
le mariage , il en eſt peu que
eet engagement n'étonnaſt ,&
qui en confultant leur raiſon
n'en regardaſſent les fuites
avec la meſme frayeur qu'elles
ont causée à un Cavalier dont
je vais vous apprendre l'avantare.
Il étoit né avec tous les
avantages qui font réufſirau .
prés des Femmes .Tout plaifoit
dans ſa perſonne , & il avoit
un eſprit infinuant , qui luy
donnoit l'art de faire croire
tout ce qu'il vouloit perfuader.
Il ne diſoit rien qui ne
GALANT. 177
fuſt accompagné d'un enjoüement
merveilleux , & cet enjouëment
eſtant fin &delicat
il euſt eſté difficile de s'en-!
nuyer avec luy.Joignez à celaune
grande complatſance qui
le rendoit toujours preſt à fai
re toutes fortes de parties.Ainfi
on le ſouhaitoit par tout ,& il
eſtoit peu de jolies Dames qui
ne letrouvaffent d'un agreable
commerce . Comme il en eſtoit
receu affez favorablement , il
paffoit pour homme à bonne
fortune ,& à juger de luy par
les apparences , ce n'eſtoitpas
toûjoursinutilement qu'il foupuroit.
Parmy tant de bonnes
qualitez , il ne laiſfoit pas d'avoir
un fort grand defaut . Son
coeur eſtoit naturellement ſen.
fible aux charmes de la beauté,,
mais ſa conſtance ne ſe trou :
Η
178 MERCVRE
voit point à l'épreuve des faveurs,
& il étoit extremement
dangereux de s'écarter avec
luy du chemin étroit de la fageffe.
Si le relâchement luy
plaifoit d'abord , il eſtoit bientoſt
ſuivy du dégouſt , & ce dégoust
ne manquoit jamais de
produire la rupture.Cependant
la galanterie eſtant ſa paffion
dominante , il s'abandonnoit
àſon panchart avec ſi peu de
reſerve,que quoy qu'il ſe ſentit
incapable d'un attachement
d'un peu de durée , il ne pouvoits'empeſcher
d'entrer dans
des commencemeus de paſſion
avec tout ce qu'il voyoit de
belles perfonnes ; & comme
felon le plus ou le moins d'obf
tacle qu'il trouvoit à effre és
couté d'une manierequi le ſa
tisfift, l'engagement qu'il pres
GALANT.
noit eſton plus fort ou plus
foible,il ſe mettait quelquefois
dans des embarras fi grads
par les déclarations que fon
amour l'obligeoit à faire ,que
ce n'eſton pas fans peine qu'il
obtenon des intereffez qu'on
luyvouluſt bien rendre ſa parole.
Tant qu'il voyoit celledõt
ilſe ſentoit touché, il luy eſtoit
impoſſible de s'en détacher,
pourven qu'elle affectaſt d'être
indifferente ,& dans l'en--
vie de lay faire dire qu'ellele
croyoit digne d'eſtre aimé ,
fi les affeurancesdu plus tendreamour
nela pouvoient ob--
liger à luy laiſſer voir que ſon
coeur avoit receu les impreffionsqu'ilavoittâché
d'y faire,
il ne faiſoit point difficulté de
parler demariage.C'eſtoir là las
fin de fa paffion. Il demeurois:
H6
180 MERCVRE
alorsdeux jours ſans la voir,&
faraiſon dont il reprenoit l'uſage
,luy repreſentant les fuites
fâcheuſes d'une liaiſon qui
ne finiſſoit que par la mort , il
eneſtoit tellement épouvanté ,
qu'il n'y avoit point d'amour
qui tinſt contre les chagrins.
qu'il s'en figuroit inſeparables.
Ce genre de vie qu'il menoit
depuis dix ou douze années ,
ayant fait cõnoiſtre tout ſon ca.
ractere,on ne le regardoit plus
que comme un homme ſimplemet
galat,& dontles plus fortes
proteſtations ne devoiét avoir
rien de ſolide. On ne laiſſoic
pas de le recevoir avec plaifir
dans tous les lieux où il
les faifoit , quoy! qu'on fuſt
perfuadé qu'il les oublioit
fitoſt qu'il les avoit fai
tes ; & aprés pluſieurs intri
GALANT. 181
gues , dont il s'eſtoit toujours
tivé à fon avantage , il s'embarqua
enfin ſi avant qu'il perdit
la tramontane,& fut ſur le point
de faire nauf age. Un Amy
qu'ileftotallé vorrà lacampa
gne , luy propoſa d'aller paſſer
quelquesjours chez une Dame
d'un fortgrandmerite, qui n'é
toit éloigrée de luv que de
quatre lieuës , & qu'il vouloit
duy faire connoiſtre. CetteDame
meritoit bien par fon efprit
&par ſes manieres qu'on l'allaſt
chercher encore plus loin. Son
honneſteté gagnoit le coeur
detous ceux qui la voyoient ,
& ce qui fut un grand charme
pour le Cavalier , elle avoit
uneFille toute aimable, & dont
la beauté eſtoit aufſi vive que
touchante . La partie fe fir . Ils
allerent chez la Dame , & ils
182 MERCVRE
en furent receus de la maniere:
du monde la plus obligeante.-
Le Cavalier ne manqua pas à
eſtre frappé d'abord des agrémens
del Fille. Il luy conta
des douceurs, & ille fit dés le
lendemain avec de fi grandes
marques d'une veritable paf.
fſion , que la Dame qui s'en appercent
demanda à fon Amy
quel homme s'eſtoit , & s'il
n'avoit point d'engagement
qui deuſt empeſcher qu'on ne
l'écoutaſt. Cet Amyluy répondit
qu'il avoir beaucoup de
bien ,& que du coſté de la fortune
, ſa Fille auroit peine à
rencontrer mieux ; mais que
s'il eſtoit facile à une jolie perſonne
de luy donner de l'as
mour , les reflexions l'en gueriffoient
des qu'on luy laiſſoit
letemps de ſe reconnoistre ,&
GALANT. 183
1
que ſi elle vouloit l'engager
d'une maniere à le mettre hors
d'eſtatde s'en dédire , il falloit
qu'en ſe montrant preſque
toûjours à ſes yeux , elle fift
agir tout ce qu'elle avoit de
charmes, come ſans aucuneen.
viede lui en faire ſentir le pouvoir,
que rien ne le piquoit tant
qu'une indifference qui n'cuſt
ny rudeſſe ny mépris ,& que
fur tout on devoit preffer l'effetdes
affeurances qu'il pourroit
donner , fans fouffrir qu'il
s'éloignaſt , eſtant certain que
s'il ceſſoit une fois de voir , il
netiendroit rien de ce qu'il
auroit promis. La Belle ayant
receu ces intrections par la
bouche de ſa Mere , trouva
beaucoup de facilité à s'en ſervir.
Elle estoit naturellemét indifferente
& fa raiſonluy avoit
:
184 MERCVRE
-
appris , auſſi bien qu'au Cavalier,
que le Mariage eſtoitun
engagement terrible . Ainfi elle
ne's'y refolvoit que parce qu
elle n'avoit point affez de bien
pour vivre toûjours dans l'in
dependance . Les Amours fembloient
répandus for fon viſage
, & fon application à n'oublier
rien de ce qui pouvoit
en augmenter le brillant , donna
tant d'amour ad Cavalier ,
que tout fon coeur ſe montroik
dans ſes regards ; mais plus il
s'abandonnent à ſa paffion, plus
la belle éton reſervée dans ſes
manieres . Une fierté digne
d'elle rehauſſoit l'éclat de fa
beauté ,l'adreſſe qu'elle avoic
àdétourner le diſcours , lors
qu'il le faifoit tomber ſur les
fentimens qu'elle estoit capable
d'inſpirer aux plus inſenſi
4 185 GALANT.
bles ,luy faifoit chercher avec
plus d'ardeur les occaſions de
l'affurer qu'il n'avoit jamais
rien vû deſi charmant qu'elle.
Elle écoutoit tout cela comme
n'y faiſant nulattention . Au
contraire , elle fembloit plû
toſt rejetter les choſes flateuſes
qu'il luy contoit , que prendre
plaiſir à les entendre . Cependant
à force de la'voir,& de la
trouver peu fufceptible des
impreffions qu'il avoit fait
prendre à quantité d'autres, il
en devint amoureux fi éperduement
, que les declarations
qu'il luy faifoit ne l'ayant pu
obliger à laiſſer voir un coeur
ſenſible , il ne fut plus maiſtre
de ſa paffion . Ainfi entraîné
parfa violence ,& ne pouvant
réſiſter à l'impetuofité de ſes
defirs ,il luy demanda fi elle
186 MERCURE
pourroit ſe réfoudre à l'époufer
. La Belle engagée à luy donner
une réponſe précise , lay.
dit d'un grand ferieux , mais
accompagné d'un airhonnête,
que quand ſa Mere auroit fait
un choix pour elle , elle ſça
voit que rien nela pouvoitdifpenſer
de ſe conformer à ſes
volontez. Il eut beau preffer
pour apprendre d'elle ſi ſon
coeur ne fouffriroit point de
l'obeïſſance où il la voyoin ſi
prête; il ne pût rien obtenirde
plus,& fut contraint de s'adreſſfer
à la Mere , qui pour
l'enflamer encore davantages
luy demanda quelques jours
pour aviſer aux moyens de retirer
la parole qu'elle ſuppoſa
avoir donnée en quelque fa
çon à un Gentilhomme , qui
s'eſtoit declaré depuis long
GALANT. 187
temps. La menace d'un Rival
fut un motif fort preſſant pour
porter leCavalier à ne garder
plus aucun pouvoir fur luymeſme
. Non ſeulement il pria
la Dame de luy épargner le
deſeſpoir où il tomberoit fi fon
bonheur eſtoit incertain , mais
il força ſon Amy d'agir auprés
d'elle pour l'engager à entrer
dansſon party , préferablement
à ce qu'il pouvoit avoir de Ri .
vaux LaDame qui arrivoit par
là à ſes fins , feignoit de ſe laiſ
ſer arracher comme par force
le conſentementqu'on luy demandoit
, à condition qu'on
feroit le mariage ſans aucun
retardement , afin que quand
le Gentilhomme viendroit ,
il n'euſt à faire que des plaintes
inutiles fur lesquelles elle
trouveroit moyen de le fatis
88 MERCURE
faire. Le Cavalier ſe montra
charmé de ce triomphe , & ce
fucalors qu'o prit ſoio plus que
jamais de le bien garder à vûë,
de peur qu'il ne fiſt ſes refle
xions accoutumées , fionTas!
bandonnoit à luy- mefme . La
Mere & la Fille nele quittoient
preſque point pendant tout le
jour , & fon Amy qu'on faifoit
coucher dansla meſme chambre
, paſſoit une partie de la
nuit à l'entretenir des beautez
de la Maiſtreſſe.On envoya
à Paris pour la difpenſe des
Bancs , & le Contrat fut ſigné
des Parties intereſſées . Les
choſesſetrouvantencereſtar ,
le Cavalier ſe flata d'avoir le
plaisir de faire dire à la Belle
que ſon amour la touchoit;mais
elle affecta toujoursla meſme
referve , & tout ce qu'il en
GALANT. 189
obtint , ce fut que l'obeiſſance
qu'il luy voyoit rendre aux
volontez de ſa Mere , fuffiſoit
pour luy répondre del'attachement
qu'elle auroit à ſon devoir
, quand elle feroit ſaFemme.
Le jour fut choisi pour le
mariage,& la nuitqui préceda
ce.grand jour , le Cavalier ne
pût s'empêcher de: pouffer
quelques foupirs , dont fon
Amy ne luy voulut point demander
la cauſe. Malgré tout
l'empireque ſon amour avoit
pris fur luy,il ne put bannir de
ſa penſée le dur eſclavage où
il eſtoit preſt de s'aſſujettir.Cependant
ilavoiteſté trop loin
pour eſtre en eſtat de reculer.
Le nouveau brillant qu'il remarqua
dansla Belle qui s'étoit
parée à ſon avantage, le fit aller
àl'Egliſeavecune fermetéqu'il
190
MERCVRE
ne croyoitpas pouvoir démen
tir. Il ne put pourtant la ſoutenirjuſqu'au
bout.Tout ce qu'il
y a de facheux & d'incommodedans
le mariage s'offrir à ſes
yeux tout à la fois . Il en fremit,
changea de couleur , & ſe laiffant
aller far un ſiege , il eut
une veritable défaillance. Il
ouvroit les yeux de temps en
temps , & les refermoit prefque
auſſi toſt ; de forte qu'-
ayant eſté plus d'une heure
ſans revenir tout- à- fait à luy,
on fat obligé de le porter chez
la Dame , où le friſſon l'ayant
pris, il eut une fiévre violente.
Ilſe mit au lit ,&quelques remedes
que l'on employaſt , il
ydemeura plus de trois ſemaines.
Lors qu'il ſe vit aſſez bien
pour n'avoir plus quedes forces
à reprendre , il pria la
TGALANT. S
f
Dame de luy vouloir accorder
une audience particuliere en
-preſence de fon Amy. Ce fut
pour luy avoüer que fon mal
n'eſtoit venu que des frayeurs
que le mariage luy avoit cauafées
, & que connoiffant évidemment
par mille ſerieuſes
reflexiós qu'il avoit faites qu'il
n'y pouvoit eſtreheureux , ny
rendre ſa Fille heureuſe , il luy
offroit tous les avantages qu'-
elle pourroit ſouhaiter pour le
laiſſer à duy meſme; que quoy
qu'il ſe défendiſt d'accepter
l'honneur qu'on luy vouloit
faire en la Juy donnant pour
Femme , il l'aimeroittoujours
avec tant de force , que ce luy
ſeroit un veritable ſupplice s'il
* la voyoit entre les bras d'un
Rival ,& que ſi elle fe ſentoit
capable de renoncer comme
J
1
792
MERCVRE
1
luy à ſe marier jamais, il eſtoit
preſt de luy donner une Terre
de dix mille écus , ſe contentant
du ſeul plaisir d'eſtre ſon
plus veritable Amy. L'offre
-parut fort avantageuſe à la
Demoiselle , qui n'ayant point
de tentation pour un Mary ,
n'eut aucune repugnance à accepter
la condition.On rendit
nul le Contrat de mariage , &
l'on en fit un de donation dans
toutes les formes. Le Cavalier
eſt ravi d'avoir dans la Belle
une Amie pleine d'eſprit &
dont la ſageffe eſt connuëlde
tout le monde; & la Belle ſi
reſervée pourl'amour , ne fait
point difficuté de s'expliquer
avec luy fur l'amitié .
Nous voyons tous les jours
des Chef d'oeuvres de l'invention
des hommes ;il en vient
de
GALANT. 193
de paroiſtre un nouveau.Voicy
de quelle maniere en parlent
les veritables Juges de ces for
tes d'Ouvrages .
EXTRAIT DES REGISTRES
de l'Academie Royale
des Sciences.
TEpremier de ce mois, l'Academie
ayant esté invitée àaller
voirune Mathine inventée par les
Sieurs Duquet &le Geret , a trow.
véque c'estoit une Chaire roulante
àquatre rouës , montéesur un Brancart.
Elle prenoit for mouvement
par le poids d'unhomme debout ,
placefur le derriere de ladite Chaireala
place d'un Laquais , lequel
Se balançant tantost sur un pied ,
&tantoſtſur l'autre , faisoit aller
cette Chaire avec dix hommes-dedans
, d'une telle viteffe , dans les
Sept. 1691.
[
it
1
1
194 MERCVRE
allées d'un jardin , qu'on avoit pei
ne à laſuivre. Elle tournoit fort
court en tous sens , selon que ceux
qui estoient dedansvouloient ladétourner
, par le moyen d'un petit
timon on gouvernail ,fort leger &
aiséà manier. Cette Machine&
eſté trouvéefort ingenieuse,facile
dans son usage , & (imple dans
Sa composition ; &encette confide
ration,la Compagnieleur adonné
la preſente attestation , ce quatre
Aouft mil fix cens quatre-vingtonze.
Il faut remarquer que cette
Chaiſe fait toutes les fonctions
dont il eſt parlé dans cette atteſtation
, ſans aucuns reſſorts
que ceux qu'ony met pour la
ſuſpendre. Ceux qui voudrone
avoir de ces Chaiſes, s'adreſſeront
dans l'ifle , chez le Sr le
GALANT. 195
Geret , ou chez le Sr Duquer ,
ruë de la Vieille Draperie , à
l'Image S. Joſeph . On ne les
vendra que deux cens livres .
Outre qu'elles peuvent ſervir
àſe promener dans un Parc ,
elles font encore propres à
rouler ſur le pavé , & leur
uſage eſt auſſi pour les lieux
élevez , puiſque ſans aucune
difficulté elles montent même
d'un pied par toiſe avec
la même charge ; ce qui ſe vit
à Versailles , ſur la fin du mois
d'Aouſt , où une deces Chaiſes
montadepuis la premiere grille
du Chasteau juſques à la Cha
pelle , & fit enſuite cinquante
tours dans la court. Comme il
ſe trouve des incredules qui
n'ajoûtent foy qu'à ce qu'ils
ont vû , on a mis une de ces
Chaiſes dans un grand terrain,
I 2
196 MERCVRE
où on la peut voir courir , &
faire tout ce que je viens de
marquer . C'eſt dans l'Iſle Nôtre
Dame vis-à vis de Saint
Loüis.On donnera une entiere
liberté de ſe promener dedans
à ceux qui le ſouhaiteront.
Je vous dis il y a deux mois
que le Pere Placide Geographe
du Roy, devoit donner au mois
d'Aouſt une nouvelle Carte de
Hongrie , il a tenu parole,puis
que cette Carte paroiſt depuis
quelque temps ; ſon étenduë
fait voir qu'elle eſt d'une gran .
de utilité. Elle comprend les
ſept principales Provinces du
Royaume de Hongrie , qui
font , la Hongrie , la Tranfilvanie,
l'Esclavonie, la Croatie,
la Dalmatie , la Boſnie , & la
Servie , avec une partie de la
Valaquie ; ainſi on y peut voir
GALANT .
197
H
les marches des Armées Impe
riales , Turques , & Venitiennes.
Les Confins du coſté d'Allemagne
, & d'Italie , n'y font
pas oubliez , puis que l'on y
trouve preſque toute la haute
Allemagne,& la moitié du Golfe
de Veniſe . L'exactitude avec
laquelle l'Auteur a leu les Relations
, & les Hiſtoires de
Hongrie , luy ont fourny plaſieurs
remarques Geographiques
qui ſe connoiſſent par
la ſituation de pluſieurs lieux ,
& par la diſpoſition des Rivieres
, & de quelques Iſles du
Danube . Cette Carte eſt difpoſée
de maniere , que bien
qu'elle foit tres- ample , elle
renferme ſeule , ce que l'on
ne sçauroit trouver que dans
pluſieurs. Elle eſt neanmoins
fott agreable , parce que l'on
L3
198 MERCVRE
y découvre d'un ſeul coup
d'oeil , non ſeulement toutes
les differentes parties des Provinces;
mais encoreparceque
la beauté de la graveure fait
que les plus petits noms's'y li--
fent ,& s'y trouventfanspeine.
La netteté & l'exactitude de
cetteCarte ne doivent pas fura
prendre , puis que le Pere Placide
eſt Beaufrere de feu Mr
du Val ,Geographe ordinaire
du Roy , qui avoit pris un
foin particulier d'en faire fon
Eleve. L'eſpritde reconoiſſance
a fait travailler ce Pere à
mettre les oeuvres de feu Mr
du Val dans l'ordre qu'on a pû
les voir en 1688. Ila employé
depuis ce temps-là ſes heures
de loiſir aux Cartes qu'il a
données au Public , je dis ſes.
heures de loifir , puis qu'il
GALANT.
اوو
remplit avec distinction tous
les emplois de ſon Miniſtere ,
& tous les devoirs de ſa profefſion.
La Carte de Hongrie,
dont je vous viens de parler ,
fe vend chez la Veuve du Se
du Val , fur le Quay de l'Hor
loge du Palais au Grand Loüis,
où l'on trouve les Cartes de
Flandre, de Savoye, & de Piemont
, du Pere Placide.
Mr le Due de Medina Sidonia
ayat reſolu d'aſſieger Pratz
de Mollo,qui est laPlace la plus
avancée du Rouſſillon, fic marcher
fon Armée , aprés avoir
marqué par des diſcours remplis
de vanité, qu'il eſtoit ſeur
de l'emporter en peu d'heures,
&prit des quartiers aux envi .
rons de la Place. Mrle Duc de
Noailles ayant appris le deſſein
de ce General , reſolutde mar
Is
14
MERCV20R0E
cher aux Ennemis & de les
combattre, mais en ayant eſté
avertis , ils ne jugerent pas à
propos de l'attendre , & leve--
rent le Siege avec beaucoup
de precipitation . Leurs Quartiers
eſtant fort éloignez les
uns des autres , ils craignoient
qu'on ne leur en enlevaſt quelqu'un,&
apprehenderent même
pour leur Canon.Ils décampetent
fort a propos, puis que
Mr de Noailles n'entreprend
rien qu'il n'ait pris de juſtes
meſures.
Jay peu de choſes à vous
mander d'Allemagne , les cha .
leurs exceſſives ayant caufé
tant de maladies dans les deux
Armées , qu'elles ne ſe ſont pas
trouvées en eſtat de rien entreprendre
cependant la nôtre.
a eu l'avantage de vivre pen
GALANT. 201
dant toute la Campagne aux
dépensdes Ennemis , tanten
deça qu'en delà du Rhin ; de
prendre de bons Châteaux c
de petites Villes , & de tirer
quelques contributions. Les
Allemans ont eu beaucoup
plus de Malades que nous ,
parce qu'ils font moins ac
coûtumez aux grandes chaleurs
, & il leur en eſt beaucoup
plus mort , parce qu'ils
n'ont pas d'Hôpitaux comme
nous , & que l'on a peu de ſoin
de leurs Malades .
•Noſtre Armée décampa de
VVeyer le jour de Saint Loüis
à la pointe du jour. On y cuft.
demeuré plus long-temps f
l'air y euſt eſté meilleur. On
vint camper à Eberſtein . La
tuation du Camp eſtoit affez
belle , la droite regardoit la
1. 5.
202 MERCVRE
Montagne du coſté de Kup
penheim . On eſtoit campé ſur
deux lignes. Les quartiers.
eſtant moins ferrez en ce
camp là , & les eaux eſtant .
meilleures , il y eut beaucoup .
moins de Malades. Il y avoit
une petite Ville à deux lieuës
du Camp nommée Gernſpach ,.
dont la Garniſon a toûjours .
incommodé les partis du Fort--
Loüis ,& Mr le Maréchal de:
Lorge apprehendant qu'elle :
n'inquietaſt nos Fourageurs ,,
commanda : Mr le Prince de:
Conty pourl'aller inveſtiravec
mille Chevaux , & environ
deux mille Fantaſins .Ce Prince
eſtant party la nuit , ſetrouva
au petit jour à une Redouze
qui estoit à demy lieuë de
la Ville . On l'attaqua d'abord..
&l'on y fit prifonnier dix Sol
GALANT. 203
dats , & un Sergent. On alla
en ſuite ſe poſter proche de la
Ville , où l'on attendit les or
dres de Mr le Maréchal. La
Ville eſtoit revêtue d'un Foffé
avec une forte paliſſade ,de
maniere qu'il falloitdu Canon
pour la prendre. Mr deDourlac
eſtoit ſur la hauteur avec:
quatre mille hommes , ce qui
fut cauſe que l'on commanda
Mr de la Freſilliere avec du
Canon; & de l'Infanterie pour
fervirdans cette expedition ,
quoy que LieutenantGeneral,,
fous les ordres de Mr le Prince
de Conty.A peine fat - il arrivé
qu'on envoya un Tambour
pour ſommer la Place , mais ila
ne s'y trouva que quelques
Habitans , la Garnifon qui
eſtoit de neuf cens hommes ,
on eſtant fortie un jour avanse
1162
204
MERCVRE
qu'on arrivaſt devant la Place
Ainſi on ſe rendit Maiſtre du
Château & de la Ville ſans tirer
un ſeul coup . La Ville eſtoit ,
pleine de fourages , de grains,,
& de vin . Le feu y prit quelque,
temps aprés , & ſe répandit.
avec tant de violence que l'on,
ne put fauver une ſeule maifon.
Rien n'eſt plus honteux;
pour les Allemans que d'avoir ;
abandonné cette Place ſans ti ..
rer un ſeul coup , ayant la
gorge de la Montagne pour re-.
traite , & quatre mille hom..
mes ſur la hauteur pour les ,
foûtenir.
Le premier Septembre l'Ar
mée quitta ſon Camp pour .
aller à Bhil qui eſt un gros ,
Bourg. La Cavalerie fut cam-.
pée du coſté de Bade fur deux ;
lignes diſtantes de deux pors,
GALANT
2.05
tées de Mouſquet l'une del'autre.
L'Infanterie fut campée à
un quart de lieuë audeſſusde
Bhil . Les Carabiniers couvri
rent le Campdu coſté d'Oberkirch
, & les Dragons furent
poſtez au bas de la Montagne .
Les Saxons ont ſouvent man
qué de vivres pendant cette,
Campagne , & les Imperiaux,
n'ayant pas voulu leur donner,
de fourages dans des temps.
qu'ils en avoient un extrême
beſoin , Mr de Saxe fit piller.
une petite Ville qui luy en .
refuſoit, & fes Troupes la brû-.
Jerent enſuite. Cette action a,
beaucoup augmenté les diffe ..
rends qui estoient entre M. de
Saxe, & Mr deCaprara, & qui ,
opt tant fait de bruit ..
-Noſtre Infanterie partit le:
7, au matin du Camp de Bhil ,,
206 MERCVRE
&vint camper à Kiren , où elle
ſéjourna le huitiéme. LaCavalerie
ſe rendit en un jour à
Veloffe , où l'Infanterie lajoignit
leDimanche , marin . On
ne croyoit pas y ſejourner longtemps
alcauſe de l'eau qui y
manquoit , les payſans ayant
détournée la Riviere au pied
des Montagnes. On y remedia
promptement ; mais ce ne fut
pas ſans peines , carils avoient
fairquantité de trous & d'élevations
qu'il fallut remplir, &
applanir. Le fourage fut tres--
raredurant ce temps là ; cependant
on trouva quelques
meulles de foin dans les Bois
qui firet ſubſiſter l'Armée jufques
au Ieudy troiſième . Elle
décampa cejour-là , & vinta
une licuëpar delà Offembourg:
daun petit Village qui eſt au
GALANT. 207
piedde la montagne. On y apperceut
en arrivant un Camp
des Ennemis qui eſtoit ſur la
Montagne , environ à une
lieuë du noſtre.
ود
Le 14. l'Armée vint cam
per à Lohr . C'eſt une petite
Ville fort jolie , où les équipages
font tres- bien logez . ,
&meſmes fort au large. C'eſt
ainſi que l'on ſe promene dans
le Pays Ennemy , & que les
Troupes du Roy y vivent
n'ayant pendant toute la Campagne
trouvé aucuns Corps
qui leur ayent diſputé les poſtes
où elles ont voulu camper.
Je vous envoye dequoy fatisfaire
voſtre curiofité touchant
le Combat donné entre
l'Armée Imperiale , & les
TroupesduGrand- Seigneur.
208 MERCVRE
COPIE D'UNE LETTRE
Ecrite par le Prince Louis
de Baden à Sa Majesté Imperiale,
dattée à Salenkemen
le 24. Aouſt 1691 ..
Envoye à Vostre Majeste Imperiale
par le Comte de Durkeimb,.
quatorze Etendars , qui ont esté
pris aux.Ennemis . L'ay déja fait
Sçavoir à voſtre Majesté , par le
Prince de Vaudemont, comme après
un long & sanglant combat; le Ciel
s'est declaré pour vos armes. Iepuis
dire que jamais on n'a cobatu aves
plus devaleny ny de bravoure qu'ot
fait tous les Officiers generaux &
Subalternes de cette Armée.Iln'ya
pascu un Bataillon , ny un Efcas
dron , qui n'ait estéplusieurs fois às
GULANT. 209
la charge. Le Maréchal general
de Dunevald, le Comte de Souches
le Comtede Stirulm,eLieutenan
general de Barfus , s'y sont distin
guezdune maniere à ne rien laiſſe
à dire au deſſus d'eux. Il meferois
difficile de faire un détail particulier
detout ce qui s'est passé dans
cette grande Iournée , je laiſſe au
Porteur d'en rendre compte de bouche
à V. M. 1. Il s'est luy-mesme
beaucoup distingué , & comme il
a esté presque toujours près de moy
il aura mieux remarquéles choses...
le ne sçay pas encore au vray la
pertedes Ennemis. Les Prisonniers
m' afſfeuvent que de dix mille Ianif..
faires de tres - bonnes Troupes ,
peu enfont échapez, que beaucoup
de leurs Officiers y ont esté tuez
Tout leur Camp estoit remply de
chevaux & de corps morts. Tous
les Rafciens qui ſeſont ſauvez de
210% MERCVRE
de Belgrade viennent de m'affeurer
que l'Aga des Ianiſſaires & le
Seraskier doivent estre demeurez
fur laplace, &mesme que lebruit
est parmy leurs Troupes , que le
Grand Visir y a esté tué.
Voicy la Lifte que j'envoye à
V. M.I. des Morts & Bleffez de
deſes troupes, queje n'ecris qu'avec
beaucoup de douleur ; mais le feu a
estéfi extraordinaire , & les Infidelles
ſe ſont défendus avec tant
de vigueur, que tout le monde avouë
que ce n'est que par un miracle que
les armes de V. M. ont remporté
unesi grande victoire. le ſouhaite
qu'avant la fin de la Campagne
Dien me donne la grace de batre
encore vos Ennemis , & remporter
Sur eux victoire , pour l'augmenta -
tion de la gloire des armes de vostre
Maison , &pour tacher d'acquerir
ta bienveillance & l'approbation
de Vostre Majesté Imperiale , &c
GALAN T.. 21
LISTE DES MORTS
& Bleſſez de l'Armée Imperiale
, dans la Bataille
données au deſſus de Salenkement
, le 19. Aouſt 1691 .
MORTS
Le Duc de Holstein,le Comte
de Kauniz , le Comte de Buquoy .
le Comte de Peting Officiers
generaux..
Dans l'Infanterie.
2
Le Comte Richard de Starema
berg ,le Major Fingerman , le
Major Groner,le Maior Hisck
leMaior Meyr ; quinze Capitaines
,fix Lieutenans , buit Enfei
gnes , & 34.4.2 . Officiers fubalternes&
Soldats de divers Regimens...
LES BLESSEZ .
Le Comte de Souches , Generat
del'Artillerie ;le Comte Guidoder
212 MERCVRE
Staremberg , Major general ; le
Princed' Aremberg. Ces trois Generaux
font morts de leurs bleſſures,
bier & aujourd buy 24. Aoust.
Le Comte Corbelly , General
major le Prince Charles de Vaudemont
, legerement ; le Comte
Zacco , Colonel Bavaroisile Comte
Henry de Staremberg ; leBaron
d'Elmpt ,le Marquis de Maffler,
le Comte d'Herberstein , le Baron
VVinckelbosfen , le Major VVilprat,
le Baron Lohen : trente trois Capitaines
, trente- cing Lieutenans,
dix - huit Enseignes , & 2552. bas
Officiers & Soldatss
Morts dans la Cavalerie.
Le Comte Zerint ; le Comte
Maulium ;le Baron lean de Vert;
Le Major Permeidingen : buit Ca
pitaines , douze Lieutenans , trois
Cornettes , & 866. Maréchaux
des logisou Cavaliers..
GALANT.
213
bleſſez dansla Cavalerie.
Le Baron Reitler , le Comte de
Hoenems ,le Comtede Marcin , te
Baron d'Oharife ,le Major Por
tenavu , le Major Fifcher : feize
Capitaines , vingt Lieutenans
vingt& un Cornettes , un Aumo-
Snier , & 650. bas Officiers ou Ca.
valiers.
Morts des Troupes de Brandebourg.
Le Colonel Belou ,le Lieutenant
Colonel de Kalchſtein , trois Capizaines
, trois Lieutenans ,fept Cornettes
, trois Enseignes,deux Ad
judans , & 524. Soldats ou Cavaliers.
Bleſſez des Brandebourg.
Le Lieutenant Colonel Sidou ,
Le Lieutenant Colonel Blambenfent
,le Major Ruchat ; dix Capitaines
, quatorze Lieutenans,
dix Cornettes ou Enseignes , 505
Soldats ou Cavaliers.
214 MERCVRE
1
Morts de l'Artillerie Imp,
L'Ingenieur lung; douze Officiers
ou Canonniers , Seize Valets &
trente chevaux .
Bleſſez de l'Artilerie.
LeMajor de l'ArtillerieVerner:
un Capitaine , un Lieutenant , un
Commiſſaire , & un adjudant,
quinze Canoniers , quarante che-
Vaux.
Artillerie de Brandebourg.
Dix Commiſſaires , Canonniers,
ou autres, tuez ou bleſſez.
La pluſparts des Bleffezfont
morts depuis la Bataille.
Dénombrement fait par un
Priſonnier Turc , des Officiers
qu'ila reconnus morts.
Le Grand Chambellan du premierVifir
; le Baſſa de Caramanie;
dix Sept Aga ou Officiers des laniſſaires,
outre pluſieurs morts qui
paroiffoient estre gens de qualité,
GALANIT. 215
que ce Prisonnier a dit ne pas connoiſtre.
La perte des Ennemis peut
eftre de douze à quinze millehom.
mes,&le bruit s'est répandu dans
l'Armée qu'elle estoit de plus de
vingt-cing mille ; ceque je n'ay
pas voulu empécher de publier,
parce que cela anime les soldats,
L'attens les renfortsdeTroupes que
i'ay demandez à Vostre Maiesté
Imperiale , &c .
LOUIS DE BADEN:
Cette Lettre fait voirque les
Imperiaux ont perdu prés de
dix mille hommes dans ce
Combat ; & comme dans touteslesoccafions,
où ils ont eu
dudeſavantage , le tempsa fait
connoiſtre qu'ils ont toûjours
caché unepartiede leurs peries
il ya lieu de croire qu'ils dé.
guiſent la verité , de crainte
que leurs Alliczne les preſſent
1
216 MERCURE
de s'accommoder en diminuant
le nombre de leurs morts , dans
le dernier Combat , il eſtoit
impoſſible qu'ils puſſent alors
ſçavoirla verité Le Prince de
Bade n'aſſure pointdans la Lettre
que vous venez de lire ,
que le Grand Viſir ſoit mort ,
mais il rapporte ſeulement ce
qu'ont dit fur cet article des
Prifonniers échappez de Balgrade
; ce qui ne prouve rien ,
ces fortes de gens ; ne diſant
erdinairement que ce qui fait
plaifir , parce qu'ils font mieux
reçus , & ſouvent regalez . Les
Lettres & la Gazette de Veniſe
marquentque ce premier Miniſtre
s'eſt ſauve dans un Bois,
& d'autres Lettres pottent que
l'Armée qui a combattu contre
le Prince de Bade n'eſtoit qu'un
détachement où ce Miniſtre
n'eftoic
GALANT U
n'eſtoitpas. Quant aux nombre
des Turcs qu'on veut avoir
eſté tuez dans ce Combat,il eſt
ridicule de dire qu'on l'a remarquéſur
le champ deBataille
puiſque les Corps du grand
nombre des Imperiaux qui ont
pery dans ce Combat eſtoient
meſlez avec ceux des Turcs
qui y ont perdu la vie. Ce
n'eſt point en voyant leurs
morts dans leChampde Bataillequeles
Imperiaux en ont reconnu
le nombre ; mais par les
Etats qui en ont eſté faits aprés
les Reveuës , ce qui fait que
l'on ne peut parler ſi- toſt avec
certitudede la perte des Turcs
& que l'on ne peut douter que
les Imperiaux n'ayent au
moins perdu ce qui eſt marqué
dans la Lettte du Prince de
Bade. Ce qu'il y a de conſtant,
c'eſt que le Champ de Bataille
Sept. 1691 . K
218
MERCVRE
eſt demeuré aux Morts , que
les Turcs font retournez dans
leurs premiers retranchemens,
& que les Imperiaux , contre
l'uſage des Vainqueurs ont
reculé au lieu d'avancer . J'ay
beaucoup de choſes à vous
dire touchant ce Combat, que
jefuis obligé de remettre au
mois prochain .
L'Enigme du mois paffé eftoit
furla Grenoüille.le vousenvoye
une partie des noms de
ceux qui l'ont devinée , je dis
une partie , parce que les autres.
l'ont expliquée ſous des
noms qui ne meritent pas d'avoir
place dans ma Lettre.
Mrs Arnaudet , Avocat en
Parlement , & l'un des Echevins
de Niort , Birault , Abbé
de Nouzieres , Chanury Enrrepreneur
des Fortifications
GALANT. 219
de la Rochelle ; de la Prairie
d'Orleans ; C Hutuge de la
méme Ville ; Bonnard de l'Hoſtel
du Queſnoy, Place Royale;
Castelnau de Bayonne ; joly
Curé de S.Lubin;le trop fidelle
Amanti vangé de ſa perfide
Maiſtreſſe de la Cité ; le Gentilhomme
Courtiſan du Cardi.
nal le Moine ; Belier de S.
Maurice de Senlis , le grand
Chaffeurde Colange ; Gervais
l'honeſte homme ; le Chevalier
Portalet , Commiſſaire des
Troupes ; l'Inconſtant rendu
captif , ou l'Amant de la belle
Vranie du Pont au Change ;
Baudouin , du meſme lieu ,Perret
de Seigurers ; le Chevalier
Santic de Morlaiz , le Pere de
la leuneſſe deChaſteaudun, de
Iumeaux dela meſme Ville , le
Comte de Querment,&Coche.
K2
220 MERCVRE
pin . Mlles Marie Rance, Louifon
, ruë Vieille Drapperie ,
Antoinetre , & Marie Belier;
Anne Charles ; Mariane le
Geay, de la ruë du Sepulcre ; la
belle Iardiniere du Fauxbourg
faint Antoine , les trois Bergeres
ſans Bergers , du Quayde
la Tournelle ; la ſainte Famille
dumeſme Quay , belle Bergere
de Pannecau ; l'aimable Soeur
de Mr leCuré de Droifſſy pro.
che Soiffons, l'aimable Blonde,
la belle Vernon de Luxembourg,
& la Reffuſcitéeduméme
lleu ; les neuf Muſes de
Lauruel ; la Belle , de la ruë
Querjean ; la Dame au tréſor
caché , & fon fidelle Epoux ; le
parfait Modele de l'amour conjugal
, de la rue neuve faint
Eustache , & l'Indolente àl'Anagrame
. Reyne du Hazard ,de
la meſme ruë.
GALANT. 221
Je vous ay autrefois envoyé
un Volume entier , par lequel
vous avez pů apprendre le cas
qu'on failoitdes Enigmes chez
les Anciens , & que les Rois
quittoient leurs Etats pour en
aller expliquer chez les Roys
leurs Voiſins ; c'eſt delà qu'eſt
venu l'uſage d'expoſer tous
les ans au Colege de Louis le
Grand desTableaux qui en repreſentent.
Chacun eſt bien
reçû pour apliquer , &
ceux qui en trouvent le vray
fens gagnent leTableau celuy
de la Rhetorique reprefentoit
cette année la Benediction d'Ifaac
que furprit Jacob par la
pieuſe adreſſe de ſa Mere , au
lieu d'Eſaü l'aisné , qui avoit
droitde ſe la promettre.On ex
pliqua cette Enigme fur la Mode
, & fur le Masque . Le verita-
K 3
222 MERCVRE
ble ſens eſtoit le Qui pro quo..
Le Fils de M.de Raymond,Fermier
General des Fermes du
Roy, qui la donnoit , parla fur
ce ſujet avec beaucoupd'agrément
& de preſence d'eſprit.
Voicy dequoy exercer le vôtre
&celuy de vos Amis..
ENIGM E ..
Noor que je nefois qu'une fimi
plefemella
T'ay de la force aux bras auffi-bien
qu'enmon corps
On dit que je suis bonne& belle..
Mais il faut craindre mes efforts.
"
T'ay beaucoup d'ennemisfurla terre&
fur l'onde ,
Qui parlent toujoursmalde moy,
Et cependant je fais plaisir à tous
le monde
GALANT. 213
Sans mesme en excepter le Roy.
Quand on Sçait par experience
L'effet de ma vertu , mes bonnes
qualitez ,
Onvient avectoute afſurance
Me confier mille beautez
Ie cours fans pieds , ie dors fans
yeux
lefers en Medecine , &j'embellis
laRofe ,
Ie descens dans l'abisme, & monte
vers les Cieux ;
Enfin ieſers ou nuis selon que l'on
m'expose.
Les paroles que je vous end
voye ſont de M. Buquet d'Abbeville.
Elles ont eſté miſes en
chant par M.Normandeau,Organiſte
du College Royal de
Navarre.
224 MERCVRE
AIR NOUVEAU.
IA Feste d'une riche Cour
N'a point de charmes qui me
touchent ,
Parmy l'éclat &le grand iour
Nos tendres amours s'effarouchent
C'estdans les ombres qu'unAmant
Trouve la fin defon tourment.
Je viens à l'Article du Com
bat dont je ſuis perfuadé que
vous attendez les particularitez
avec impatience. le croy
que voſtre curioſité trouvera
dequoy ſe ſatisfaire , puis que
la Relation que je vous envoye
a eſté faite par une perſonne
qui joint à la plus haute naiſ
fance une intrepidité digne de
fon fang , & une parfaite connoiſſance
dumétier de laguer
GALANT. 225
re. Voicy les propres termes
dont ce Prince s'eſt ſervy.
ATournay, ce 20. Septembre 1691
IE vous diray que le 17. versles
bait heures du matin , Mr de
Luxembourg fut certain que les
Ennemis avoient non seulementde
campé,mais qu'ils estoient allezà
Leuze. Sur cela nous commençâmes
à marcher. Comme Mr le Maréchal
avoit cu la précaution defaire
accommoder tous les chemins , nous
arrivâmes ce jour là à Renay. Le
Lendemain 18.la difficulté des chemins
& du Pays nous obligea de
rejetter presque toutes nos colonnes
du costé de l'Escaut , c'est à dire
que noftre aisle gauche alla paffer à
Pontarone; ainſi tout ce qu'onpus
faire fut de camper la gauche à
Poste,&la droite àHerines,
KS
ala
226 MERCVRE
referve de l'aisle droite de Cavale
rie , premiere &Seconde ligne , de
neuf Escadrons que commandoit
Mr de Villars , &de la Reserve ,
avec quoy Mr de Luxembourg alla
paffer la Ronc à Bergnau , en in
zention d'aller chercher , je croy
Plus en avant , unposte qui luy convinst
, & qui tinſt les Ennemis en :
bridefur les courses qu'ils auroient
pû faire du coſté de l'Escaut vers
Mortaigne. Nous allâmes d'abord
examiner un poste dont on avoit
parlé , qui estoit de mettre lagau.
che vers annuin , &paſſantparle
Moulin de Ferest , s'étendre jusqu'à
Velaine. Le poste neparut point bom
àMr de Luxembourg, ainſi il tourna
du côté du Mont de la Trinité,
&alla camper quaſiſous Tournaya
fur trois ou quatre lignes..
Les Ennemis estoient campeza
LeuzeDecette maniere ils avoients
GALANT. 227
leur gaucheſur Leuze,& leur droite
à Lecatoire ,le ruisseau de Leuze
fur leur gauche, &celuy deBlegny
derriere eux, lesquels ſe vont joindre
à Ligne ; & quoy qu'ils soient
fort petits , ne laissent pas d'estre
tres,malaiſez à paffer par les marais
qui regnentfur leurs bords;ainſi
vous voyez bien qu'ils estoient de
maniere que pour découcher de leur
Camp il falloit repaſſer ces ruis-
Seaux, ce qui est toutours une affaire
delicate pour degroſſes Armées qui
ne font pas fort éloignées les unes
des autres .
Le 19. Mr de Luxembourg , qui
par tous les avis qu'il recevoit ,&
par ce qu'il sçavoit par lay méme,,
Le doutoit bien que les Ennemis devoient
marcher cejour- là avec leur
Corps qu'ils avoient icy , faisant
en tout foixante & dix Escadrons
efperant quesi les Ennemis avoienst
K6
228 MERCURE
marché du côté d'Ath oudecelup
de Cambron , il trouveroit qu'ils
auroient à demypaſſséles ruiſſeaux
dont ie viens de parter , & qu'il
battroit à coup feur tout ce qu'it
trouveroit en deçà ,& que si les
Ennemis n'avoient point marcké
ilferoit demeuré du costé d'Antnin,
dans des postes qu'il connoiſſoir
& dans lesquels il auroit fait venir
le refte de fon Armée lefoir
ainſi cette entrepriſe ne couroit
d'autre hazard que celuy de battre
lesEnnemis , comme il est arrivé.
Dès le foir du 18. en arrivant:
icy ildétacha Mrde Marfilly avec
quatre cens Chevaux, moitiéde la
Maison du Roy , l'autredeCa
valerie- legere , auquel il ordonna
de s'approcher le plus prés qu'il
pourroit du Camp des Ennemis ,
ن م
de luy en mander àtous momensdess
nouvelles.
GALANT.
229
Le 19. Mr de Luxembourgcommença
à marcher,ayant fait passer
devant luy le Corps deMr de Vil
lars , tenant le cheminde Leufe,&
taiſſant Antnin ſur nostre droite.
Quand nous fusmes environ à
moitié chemin , Mrle Maréchal
eutdesavis certains par Marcilly
&partous les gensdu Pays , qui luy
confirmerent que les Ennemis avoientdécampé
deux heuresavant
te iour , & alloient du costé de
Cambron. Eela determinaMr le
Maréchal à preſser sa marche,
craignant qu'ils ne fuſſent touspasa
fez le ruiſſeau de Blequi , ou qu'il
n'enrestast si peu en deçà,que cela
ne valust pas la peine d'y avoir
efté.
En approchant de la hauteurde
Leuſe, ayant Leuse à nôtre gauche,
Mr deVillars qui avoit rézoint Mr.
de Marcilly , manda qu'il voyoit.
230 MERCVRE
pluſieurs troupes des Ennemis en
Bataille prés de luy , Mr leMaréchal
luy envoya dire en toute dili
gence qu'il n'engageast rien qu'il
ne fust arrivé , &y pouſſa dans le
mesme temps luy mesme. Des qu'il
yfut , il vit effectivement une ligne
des Ennemis de quatorze ou quinze
Escadrons qui estoit leur arrieregarde
; cela estant un peu trop fort'
pourle Corps de Mr de Villars , il
jugea à propos d'attendre que less
Gardes du Roy fuſſent arrivez , &
envoya àtoutejambe leur dire qu'ils
marchaſſent le plus diligemment
qu'ils pourroient . Ils arriverentbien-
tost , n'estant pas éloignez de
plusde deux mille pas. Des qu'ils
furent venus , Mrde Luxembourg
lesmit en bataille dans un terrain
qui nous estoit fort favorable ; par--
ce que nous le rempliſſions avec un
asombre pareilà celuy des Ennemis..
GALANT. 231
Mr de Luxembourg mit fur la
droite dans des hayes qui le fermoient
, les deux Regimens du Roy
& de Teßé , &mit à lagauche de
la Maison du Roy , les trois Escadronsde
Merinville. Il attendit un
peu la Gendarmerie qu'ilfit mettre
enſeconde ligne , dés qu'ellefut arrivée
avec la Brigade de Choad.
On afceu que les Ennemis crurent
en voyantles Troupes de Mrde
Villars , que c'estoit Mr de Befons
avec le Corps qu'il commandeſous
Mons , comme ils virent former
nostre ligne , & qu'ils reconnurent
les Gardes du Corps, ils virent bien
qu'ils s'étoient trompez . Cependant
Sçachant le tour que nous avions
fait ,& que nous estions partis le
17. àdix heures du matin de Lef..
fines , ils n'imaginerent pas que
nous puſſions estre là le 19. à midy ..
avec un Corps aufficonfiderable que
232
MERCVRE
celuy que nous avions , ce qui fur
cauſe qu'ils firent repaſſer le plus
diligemment qu'i's purens toute leur
wifle gauche , premiere &feconde
ligne, qui nefaisoit que d'achever
de paſfer de l'autre costé du Ruiffeau
de Blequi. A mesure qu'ils
arrivoient ils formoient des lignes
derriere cette Arriere-garde , &
firent avancer les cinq Bataillons
qu'ilsavoient laiſſezfur le Ruiffeau
de Blequi pour leur Arriere-garde,
dans des hayes & des marais qui
estoient sur leur gauche , qui se
trouverent opposeZaux deux Regimens
de Dragons que nous avions
fur nostre droite , bien que notre
aisle gauche de deux lignes que
menoit Monfieur Rose fust encore
un peu loin en colomne , Mr le
Maréchalvoyant quecelagroſſiſſoit
& qu'illeur donnoit le tems defor--
mer des lignes à leur aise , crus que
le temps estoit venu de charger..
GALANT .
233
Ilfit ébranler la ligne des Gardes
du Corps qui s'approcha fort
pres des Ennemis , lesquels ayant
une petite Ravine devant eux
les attendirent fort fierement
& leur firent la décharge à bout
pointant. Les Gardes du Corps la
receurent avecleur fiertè ordinaire,&
voyant qu'ils ne s'en altoient
point , ils pafferent ce petit
Ravin ,&se meſlerent avec les
Ennemis, qui,ie croy ne les auroient
pas attendus , filepaffage du petit
Ravinn'avoit un peu dérangé les
Escadrons des Gardes du Corps.
Cettecharge-là de l'aveu de tous
ceux quiy estoient für une desplus
belles qu'on ait iamais veuë , &
digne de la Maison du Roy. Les
Ennemis plierent , & les Gardes
du Roy les pouffant , trouverent
d'autres Escadrons Ennemis qui
s'estoient formez derriere leursli
234
4 MERCVRE
gnes qu'ils chargerent , &culbute
rentàmesure qu'ils les trouvoients
mais comme en poussant toujours
vers le Ruiſſeau de Lecatoire , M.
de Luxembourg vit que les Enne.
mis avoient encore beaucoup de
Troupes en ordre , il fit faire alte
à la Maiſon du Roy , & la fit remettre
en ligne , aprés quoy pour
finir l'affaire, il fit paſſer laseconde
ligne,c'est à dire, la Gendarmerie,
&la Brigade de Choad , dans les
intervales de la Maiſon du Roy.
Dés qu'elle fut paßée il leur ordonna
la charge des Troupes qu'elle
avoit devant elle. On ne peut s'y
presenter plus fierement ; mais les
Ennemis n'en aferent pas commeà
la premiere charge, er après avoir
fait leur decharge s'enfuirent. La
Gendarmerie les pouſſa iusqu'àlape
tite portée du Mousquet de la ligne.
M. de Luxembourg qui voyoit leur
GALANT.
235
Infanteriefur la hauteur de l'autre
coſté , qui arrivoit& qu'ils com .
mençoient àenfaire defcendre dans
le fonds , leur ordonna de ne pas
s'engager plus loin, ne voulant pas
que ce jour- là les Ennemis euffent
le plaisir de dire qu'aucune de nos
Troupesse fust retirée en defordre.
Aprés cela Mrle Maréchalvo.
yant queleur Armée commençoità
paroiſtreſur la hauteur de l'autre
coſté , &que du nostre il ne restoit
plus que quatre ou cing Troupesdes
Ennemis defoixante & dix Esca.
drons qu'ils avoient fait paſſer ,&
qui avoient le cu dans les hayes , où
s'estoient retirez les cing Batail.
lonsd'Arriere-garde , commença à
prendre le party de se retirer au
petitpas , ce qui fut executéfans
quepas un des Ennemis ofât repafferle
Ruisseau. Les cing Troupes
mesme dont ie viens de parler
536 MERCVRE
1
ayantpaßéledéfiléavantque nous
cuffions commencé à nous retirer
nous demearâmesfurle Champ de
Bataille une heure &plus, pour re
tirer les Morts & les Bleſſez .
f'avois oublié de vous dire que
nos deux Regimens de Dragons efcarmoucherent
toûjours avec ces
cing Bataillons , & les amuferent
pendant toute l'action , ce qui fit
du bien à nostre aisle droite , qus
auroit un peu pâty fans cela.
Mille , & mille circonſtances rendent
ce Combat glorieux , tant pour
les troupes en general , que pour les
particuliers , qui ont fait des actions
de valeur , & d'intrepidité dont on a
peu veu d'exemples. Quand au General
il a fait paroiſtre tout ce qu'on
peut ſouhaiter d'un grandCapitaine
&ily a dans l'action qu'il a entrepriſe
de l'intrepidité , de la prudece , de
l'activité , &un certain ſçavoit faire,
accompagné d'un manege qu'il fait
naturellement , & qui pourroit em
GALANT .
237
barraſſer les plus grands Capitaines.
Les Ennemis avoient toûjours pris de
fi grandes meſures pour éviter le
Combat, lors qu'ils eſtoient prés de
luy , qu'il reſolut de les ſurprendre &
de les y engager , lors que leur Camp
en eſtoit à cinq lieuës. Il en eſt venu
àbout, ce qui ne ſe pouvoit faire ſans
eſtre actif & ſçavant dans le meſtier
de la Guerre. Il fit courir le bruit ef.
tant à Tournay, qu'il avoit fait avancer
laCavalerie qui l'accompagnoit ,
dans la penſée qu'il avoit que les Ennemis
vouloient paſſer l'Eſcaut entre
Tournay & Condé , & l'on avoit retenu
les eaux de ces deux Places
comme ſi on en euſt eſté perfuadé. 11
fit publier en meſme temps que toute
l'Armée devoit fuivre. La nuit du 18 .
au 19. il fit faire des Ponts , & fit enſuite
de fauſſes marches . Cette belle
manoeuvre engagea les Ennemis au
Combat ,& fut cauſe que meſmes en
voyant ce General & ſes Troupes , ils
ne crurent point en eſtre ſi proches.
Leurs Bagages eſtoient à convert ,&
il ne leur reſtoit que quatorzee Efca
1
238 MERCVRE
drons , qu'ils pouvoient retirer , & ils
auroient rendu par là toute la diligence
de M. de Luxembourg inutile ;
mais eſtant perfuadez qu'ils ne pouvoient
avoir à faire à ce General ny à
laMaiſon du Roy , ils crurent qu'ils
auroient bon marché des Troupes qui
ofoient reſter devant eux ; ils en firent
mefme repaſſer de nouvelles ,
croyant les accabler par le nombre.
Pendant ce temps il en arrivoit à M.
de Luxembourg qui les mettoit en
Bataille à mesure qu'elles arrivoient.
Les Ennemis ne pouvant plus s'en dedire,
firent venir tout ce qu'ils avoient
de Cavalerie à portée de s'avancer , &
ils avoient formé prés de quatre lignes
, avant que M. de Luxembourg
euſt aſſez de Troupes pour une ſecon-
Ligne.Ce General fit engager le combat
, fans attendre celles qui le fuivoient
, parce que s'il euſt tardé plus
longtemps , toute l'Armée ennemie ,
dont il paroiffoit déja quelque Infanterie
, nauroit pas manqué d'avancer.
Monfieur le Duc de Chartres s'eſtoir
mis d'abord à la teſte des Gardes du
1
GALANT. 239
Corps , & prétendoit y combatre , &
M. de Luxembourg fut obligé de fe
ſervir de ſon autorité de General pour
faire retirer ce Prince : cependant il
ne laiſſa pas de donner ſur la fin du
combat avec Monfieur le Duc du
Mayne , & d'aller à la charge avec
des Eſcadrons qui vinrent ſe ralier ,
pour enfoncer la derniere Ligne des
Ennemis ; ainſi ce Prince eut part à
la Victoire, & quoy qu'il ne ſe fuſt encore
jamais trouvé dans le peril , il le
regarda de fang froid , mais il fit paroiſtre
beaucoup de chaleur à la pourſuite
des Ennemis.Jamais il ne s'eſt
vû une intrepidité pareille à celle de
nosTroupes qui ont combatu.Vingtdeux
Eſcadrons en avoient ſoixante
& douze à combattre : je dis vingt
deux , parce qu'il y en avoit fix qui
eſtoient occupez cótre 5.Bataillós qui
eſtoient dans les hayes. Ainfil'on peut
dire que les Ennemis eſtoient plus de
trois contre un. Ils avoient outre cela
de l'Infanterie ſur leurs aiſles , & dans
un bois derriere eux , & de plus , ils
240 MERCVRE
2
eftoient couverts d'un ruiſſeau , qui
leur donnoit le temps de tirer fans
eſtre inquietez pendant que nos gens
eſtoient occupez à le paſſer, ce qui les
dérangeoit un peu. Cegrand nombre
d'avantagesque les Ennemis avoient
fur eux ne les étonna point ,& le ſabre
à la main ils allerent au pas aux
Ennemis , au lieu de reprendre halaine
, parce qu'ils eſtoient venus fort
vilte.
On peut dire que la Maiſon du
Roya non ſeulement combattu avec
valeur dans cette occaſion , mais mefmes
avec dignité , ayant trop mepriſél'intereſt
pour mettre piedà terre ,
pour dépoüiller les Morts : elle laiſſa
leChamp de Bataille aux Troupes ,
qui nepurent arriver affez toſt pour
avoir part à la gloire , quoy qu'elles
fuſſent venuës avec une extrême vireffe.
Ceux qui feront reflexion fur
ce qui s'eſt paffé dans cette grande
Journée , remarqueront que la Maiſon
du Roy eſt venuë de cinq lieuës
battre l'aifle gauche des ennemis de
cinquanteGALANT.
241
cinquante - fix Eſcadrons , preſque
tous Allemans , & de leur meilleure
Cavalerie , toutes leurs vieilles Gardes,&
quatre Maiſtre choiſis par chaque
Compagnie de leur aifle droire ,
& qu'aprés avoir fait cette action ,
elle s'eſt retirée en ordre de Bataille ,
& est allée coucher au meſme lieu
d'où elle estoit partie ; de ſorte qu'on
euſt dit qu'elle revenoit de quelque
Reveuë. Il ne s'eſt jamais fait une fi
grande action avec un ſi grand ſang
froid , & jamais Troupes n'ont combatu
avec tant d'ordre , n'ont ſi bien
conſervé leurs rangs , & ne ſe ſont
tenuës ſi ſerrées ; & fi elles ont eſté
obligées à quelques raliemens pour
avoir ſouffert en allant trop ſouvent
à la charge contre les meſmes Corps ,
elles les ont faits ſans perdre du terrain
, & à la portée du piſtolet des
Ennemis. L'exercice que le Roy a de
tous temps fait faire à ſes troupes , eft
cauſe qu'elles font tous les mouvemens
de Guerre avec une viteſſe , &
une adreſſe inconcevables, & qu'elles
ſe rallient de meſme. Il fut plus aiſé
Sept. 1691 . L
242 MERCVRE
aux Ennemis de ſe rallier ſans courir
de riſques , parce qu'ayant pluſieurs
lignes ,ils ſe rallioient derriere avec
plus de ſeureté& de loiſir. Un de nos
Eſcadrons dans la chaleur du Combat,
ayant penetré au milieu des leurs,
il fit face de tous coſtez , & ſe retira
glorieuſement ; mais un Eſcadron des
Ennemis eſtant rentré parmy les nof
tres , diſparut auſſi- toſt ſans s'eſtre retiré
, & fut entierement défait .
M. le Comte de la Mothe eſtant à
la teſte d'un Escadron , & faiſant face
aux Ennemis , un autre le vint attaquer
en flanc ; il fit faire la converfion
, chargea en teſte cet Eſcadron
& l'enfonça. On rapporte qu'ayant
veu que l'Eſcadron qui le venoit
prendre en flanc eſtoit encore loin ,
ildit qu'il falloit toûjours expedier celuy
qu'il avoit en face , & qu'il auroit
affez de temps pour aller au devant de
celuy qui le venoit attaquer. Il n'y a
point eu d'Eſcadron de la Maiſon du
Roy qui n'ait au moins eu affaire à
deuxdes Ennemis , & les Gendarmes,
&Chevaux Legers de la Garde ſe
GALANT. 243
font vûs attaquez en face , en queue
& en flanc. M. de Trainel , avec quarante
Maiſtres , alla charger un Eſcadron
des Grenadiers de Naflau , & il
eut ſon habit tout percé de coups ,
M. le Comte de Somery qui l'accompagnoit,
fit voir qu'il eſtoit auſſi brave
qu'intelligent dans ſon meſtier . Un
Officier Ennemy vint à M. le Prince
deBournonville qui estoit à la teſte
des Gendarmes pour luy caſſer la teſte
d'un coup de piſtolet , mais fon coup
ayant manqué , ce Prince le tua de
deux coups d'épée. Un Gendarme fit
le Comte de Lippe priſonnier , c'eſt le
ſeul qu'on ait voulu faire dans ce
Corps ; on auroit eſté trop embarraffé
ſi on avoit écouté tous ceux
qui ſe vouloient rendre. Les Grenadiers
à Cheval qui n'eſtoient que
foixante & ſept , ont défait quatreEf
cadrons l'un aprés l'autre , & pris
quatre Etendards , & le Regiment de
Merinville une paire de Timbales.Un
Garde du Roy s'étant ſeul fait jour au
milieu des Ennemis , alla reprendre
unEtendard qu'ils avoient emporté,
L 2
244 MERCVRE
}
G
& s'en reſaiſit , aprés avoi tué celuy
qui le portoit. Un autre eſtant entré
dans un Efcadron Ennemy , & ayant
pris un Etandard , l'apporta à un Of
ficier qui luy dit de le garder ; mais
il répondit qu'il avoit autre chose àfaire
,& qu'il falloit qu'il retournaſt au
Combat. Vous avez oüy parler d'une
action qui meriteroit des louanges du
coſté de l'intrepidité , ſi le motif
qui l'a fait entreprendre n'en oſtoit
point tout le merite. Dans le temps de
Ia premiere décharge , un Garde du
Duc d'Ormond,& par conſequent du
Prince d'Orange , puis que ce Duc
les commande , bien monté , & avec
un air fort reſolu , vint à toutes jambes
le piſtolet à la main , & l'épée
penduë à ſon bras ſe jetter dans la
troupe de M. de Luxembourg , qui
eſtoit de dix ou douze perſonnes , & il
approcha affez prés de ce Duc pour
recevoir quelques coup de canne qui
iuy firent manquer ſon entrepriſe. Il
fut auſſi toſt percé de coups. Je ne
vous ay point parlé des Officiers Generaux
qui ſervoient dans cette action.
GALANT.
245
M. le Duc de Choiseuil eſtoit à l'aifle
droite , & M. Dauger à la gauche. Il
yavoit ſoixante &dix Escadrons en
marche pour cette expedition. Il eſt à
croire que fi toutes nosTroupes fufſent
arrivées , & que leur nombre eût
égalé celuy des Ennemis , ils auroient
eſté accablez , ſans que nous euſſions
fait la perte que nous avons ſoufferte .
Les Ennemis auroient tort de publier
encore que M. de Luxembourg a
toûjours évité le Combat , il n'auroit
pas pris tant de précautions , & faic
tantde contre- marches pour les y en
gager , & on ne luy auroit rien re
proché , quand il ne feroit pas venu
de fi loin pour les attaquer , & qu'aprés
eſtre arrivé il auroit évité le combat
, ſes forces eſtant ſi inégales. Je
finis par Mr de Marcilly, Enſeigne des
Gardes du Corps , dont je vous ay déja
parlé en commençant. La manoeu
vre qu'il fit toute la matinée a beaucoup
contribué au fuccés de l'entrepriſe
de Mr de Luxembourg , qui a fi
glorieuſement réuffi. M. de Marcilly
approcha allez prés des Ennemis pour
L3
246 MERCURE
entendre battre la generale dans leur
Camp , & il n'en eſtoit qu'à une por
tée de Carabine quand Mr le Maréchal
avança avec les Corps de Cavalerie
qui avoient pû le ſuivre. On
peut dire que Mr de Marcilly a donné
de bons avis , ſur leſquels on a pris
de juſtes meſures , & qu'ainſi il a contribué
à la gloire de cette Journée ,
par ſes avis , par ſon bras , & par ſon
fang , puis qu'il a eſté dangereuſement
bleffé, aprés avoir renverſé cinq
Eſcadrons des Ennemis avec cent cinquante
Gardes du Roy. Enfin il a lié
l'action avec intelligence,& la ſoutenuë
avec valeur à la teſte de ſon Détachement.
Vous devez eſtre ſatisfaite
de moy puis que je vous envoye
une belle Relation , à laquelle j'ay:
joint toutes les circonstances remarquables
qui font dans la plus grande,
partie de celles qui on eſté envoyées...
Ce n'eſt pas encore tout ce que vous ,
ſouhaitez , & je ſuis perfuadé que
vous attendez ce qui fuit.
GALANT . 247
ETAT DES OFFICIERS
Gardes, Gendarmes, Chevaux-legers
&Grenadiers du Roy , morts , blef
fez&perdus le 19. Septembre 1691 .
prés deLeuze,en chargeant l'Arrieregarde
des Ennemis.
COMPAGNIE DE NOAILLE
M.de Vignau , Lieutenant , bleſſé au
genoüil
Mr de S. Viance , Lieutenant , bleſfe
d'une contuſion dans l'aine.
Mr de Lanſon , Exempt , bleſfé de
deux coups.
Mr de Vacquevil,Exempt,mort.
Mr de Víncé , Brigadier , bleſſé à
& mort , deux autres Brigadiers
bleffez:
Dix-neufGardes morts & quarantehuit
bleffez , dont il y en a dix à
mort.
COMPAGNIE DE DURAS:
Mr de Marcilly , Enſeigne , bleſſe à
lajambe.
Mr de Chaſeron , Enſeigne , bleffe
legerement au cou-de-pied .
L4
248 MERCVRE
RI
D'Avignon, Enſeigné bleſſé à la gora
ge & à l'épaule , le pied demis ,&
ſon cheval tué.
Mr le Chev. de la Chaiſe , Exempt:
&Aide-Major , mort de ſa bleffure.
Mr le Chev. de Clermont , Exempt..
fort bleſſé.
De la Fiſt, Exempt , mort .
De Pruines, Exempt, mort.
Du Condras , Exempt, bleffé.
Tracy, Exempt , bleffé.
De Roquebrune, Brigadier, à mort ..
Du Bout- du -bois Brigadier , bleſfé ..
Charancy, Brig. une contufion.
Defcoray , Sous -Brig. legerement.
Mr de Clermont & de Grillon , leurs
chevaux tuez .
Vingt Gardes morts , ſoixante bleſſez
& 4. perdus, & 22.chevaux .
Compagnie de Luxembourg.
Mr de Neuchelle , Lieut , mort.
Mr de Vilaine , Enſeigne , bleſſé ..
Mr de Lambre, Fx mpr bleſſé.
Mr de Brifac , Exempt, fortbleſſé..
Mr de la Tomele , Exempt , tuée .
Mrde Guery , Exempt,bleſfé
GALANT.. 49
Mr de Parifontaine , Exempt ,blefle
legerement.
Mr de la Oppe , Brigadier , mort.
Mr de Ronval, perdu ..
Mrs Fallis ,
Guigniar , > Sous-Brigadiers ,
Vernaux , bleffez , dont deux à
Darmandry , mort.
Vingt- neufGardes morts, ſoixante &
trois bleſſez , dont il y en a ſeize à
mort ; les autres legerement,& neuf
perdus . 23. chevaux...
Compagniede Lorge.
Mr de la Troche , Lieutenant , mort,
Mr de Renonville , Lieut. Bleſſe.
Mr de Monpipau , prifon. ou mort.
Mr de Laval , Enſeigne ,bleſſé d'une
coutaſion à la jambe..
Mr de Laffurance , Exempt & Aide
Major, fort bleffé..
Mr de Baſca, Exempt, prifonnier.
Mr de Broflé , Exempt, mort.
Mr de Manné , Exempt bleſſé dedeuxx
coups..
De la Cafille ,
イ
Le Bouvier ,
De Conniet ,
Sous-Brigadiers ,
dont le dernier eft
Roüar.. fort bleffé.
L
250 MERCVRE
1
Vingt- deuxGardes morts, ſoixante &
trois bleffez , dont il y en a ſeize à
mort,& le reſte legerement..
UnTrompette mort.
Mr Dauger, Lieutenant general , tué..
Mr de la Valette, Maréchal de Camp,,
bleſté .
Le Chevalier de la Valiere, Beaufrere
de Mr de Choiſeul , à mort de trois
coups..
Mr de Toiras , Brigadier, tué.
Mr de Choiſeul , un cheval tué ſous
luy , & foulé aux pieds des che--
vaux.
Mr de Villeyrar , Cap. des Gardes de
Mr de Luxembourg, bleffé.
Mr de Cheneville , Enſeigne, bleſſé.
Mr de Gaudran , Exempt , bleſſé.
Gendarmerie.
Mr de Rothelin , Enſeigne , mort de
quatre coups..
Mr de la Berange, Maréchal des Logis,
legerement bleſſé.
Blandin & Rochemont ,Brigadiers.
perdus.
LaChataigneraye, Brig. fort bleſfé...
Du Pleſſis , Brigadier , tué
GALANT.
251
Fermanel & d'Hautault , Sous Bri--
gadiers, fort bleſſez .
Le Tellier Porte-Etendard, tué,
MORTS .
Saint Aubin.
Catenville.
Ginrondelle .
Aber.
Boiſconteau .
Dampierre.
Defpernailles.
Baillevel .
Monfabré..
Du Lache..
Quinſaque..
La More ..
La Baſtine . La Baine.
Cauſonnier . Maiſonnée .
Royan , Trompette .
BLESSEZ A MORT
Chateneroy , Brigadier.
Dardeville , Sous-Brigadier .
Du pleſſis Charité , Sous Brigadier..
Roncheray.
Peſzeſoire ..
Dexfort.
Broflardiere.
Beauvais, fils.
Du Bofel.:
Villambert..
Canet.
Du Bled..
Pomerer.
Jonvalle.
Vaudarme.
Du Coudray..
Tredavid,
Boifrondet.
Perroſt de Salis..
Pleffis-Conftant .
Ponier.
Mareniat.
Gronniere.
L65
258 MERCVRE
Chaffenay.
Bacerolle.
Doucer.
Du Forches...
Theuville...
Bongars.
Bois- Vignaux.
Condonniers.
La Jollaye. Lichy de Vignaux..
La Grange..
Franchon.
Rinabardiere ..
Frodilles.
Chevaux- Legers.
M. de la Mothe, Sous Lieutenant ,
bleſſé legerement .
M. Varin , Maréchal des Logis , &
Ayde Major , mort..
Mrs Dargent , Fontenay , de Neufville
& Montrival , Mareſchaux
des Logis , bleſſez le premier à
mort.
QustreBrigadiers bleſſez , dont trois
dangereuſement..
Trois Sous -Brigadiers, bleſſez.
Premiere Brigade.
Mrs de Sainte Marie - Long - pré
bleſſez.
La Vaguerie.
De Marmont.
Dela Foffe Montreüil .
De la Coche
De Lignery..
De Coeur,
De Chaſſeville
Saint Victor.
De Pontaer.
GALANT..
2537
SecondeBrigade..
De Hautefeuille. De Fourcier.
Troifiéme Brigade..
De Donteuil , Fils de M. de Bremoy ,
Sous-Brigadier.
De Saineville. De Vaſalle...
De Surdon . De S. Victor
Des Landes ..
Quatrième Brigade.
De Jechars. DuBelleſtre..
De Rignegot.
Bleffez.
Le Comte de la Mothe , Comman
dant , d'un coup de piſtolet à la
cuiffe.
PREMIERE BRIGADE.
Bleffez
De Charmant, Brigadier , à mort..
Du Hamel , à mort.
Du Tillet , le bras caflé.
De Cartautre , fort bleſfé...
SecondeBrigade
De Many , Sous Brigadier , à more..
De Nexion , Sous-Brigadier ,
contufion.?
De Leſſart , Sous-Aide-Major..
DeLaumeny..
une
254. MERCVRE
De Fenoüillac .
Baſthonville , à mort .
Du Mafrant , fort bleſſé.
Troisième Brigade .
f
De la Pomerel , Brigadier , à mort.
De Vaugicour , Sous- Brigadier >>
fortbleſfé..
De Fulmont.
Dacquer , à mort.
De Gennets , la main caffée...
Le Comte de Louvigny .
De la Thuilerie , fort bleflé...
Dela Houffaye.
De Rouvray , l'épaule caffée..
Dampierre , une coutuſion .
La Fage , fort bleſſé.
De Monchal , Sous-Aide- major , à
lamain.
QuatrièmeBrigadier.
DuMarais , Brigadier , un coup de :
fabre.
De Logné , Brigadier , àmort.
Des Loges , à mort.
De Lauleon , à mort ..
Boileau , le bras caffé , &à mort.
Dalancourt , le bras caffé..
De la Bellautiere...
GALANT .
255
)
Bailly , de pluſieurs coups.
Fontain & Damiette , de contufions
Cinquante-ſept chevaux morts ..
Grenadiers à cheval
Mr de Riotor
nant , à mort .
, Capitaine- Lieute
Mr de Mondefir , Lieutenant , bleſſé..
Mr le Chevalier de Riotor , Sous
Lieutenant , fort bleſfé..
Un Sergent , & vingt ou vingt-cinq
Grenadiers tuez ou bleſſez .
Regiment de Merinvill ..
Caſtilli , Major , mort...
Le Marquis de Brene , Capitaine ,
mort.
Fongreſolles , Capitaine , mort.
Dix Lieutenans & Cornettes , morts
ou bleſſez.
Cinquante Cavaliers morts , oυ
bleffez.
Dragons du Roy.
Le Chevalierde Jans , Capitaine.
Cinquante Dragons morts on bleſſez...
Dragons de Teffé.
Plainedal, Capitaine, mort.
Deux Lieutenans bleſſez..
2
256 MERCVRE
i
Soixante Dragons morts , on blef
lez.
Il eſt impoſſible que parmy un fi
grand nombre de noms , il ne s'en
trouve beaucoup de defigurez pour
avoireſté mal écrits ; qu'il n'y en ait
d'oubliez , & d'autres marquez dans ;
des Corps qui doivent eſtre dans d'autres.
Il n'y a rien de ſurprenant à cela
&lamefme choſe arrive toujours en
de pareilles occafions. Aprés un fi
grand nombre de morts &de bleſſez
dans un combat où nous avons gagné
une pleine Victoire , vous ne doutez::
pas que la perte des Ennemis ne foit
beaucoup plus confiderable que la
noſtre. On apprend de jour en jour
qu'elle eſt plus grande que l'on n'avoit
cru d'abord , & l'on a fcen que
nos Morts& nos Beſſez ayant eſté
retirez du Champ de Bataille ,il y eſt
reſté plus de quinze cens morts. Le
nombre des Bleſſez eſt encore plus >
grand ; & j'ay lû dans une Lettre d'u- -
ne perſonne digne de foy , que cinq
GALANT.
257
cens Cavaliers , tous bleſſez par derriere
, s'eſtoient retirez à Ath ,& que
le Gouverneur les avoit traitez de laches
qui s'eſtoient laiſſez bleſſer en
fuyant ; d'autres Lettres affurent que
toute la Cavalerie ennemie , chagrine
au dernier point d'avoir eſté batuë,
&n'ofant ſe montrer , s'eſt entieres
ment debandée , & que la plupart des
Allemans font retournez en leur Pays.
Il n'y a que trois à quatre cens Prifonniers
, parce que l'on n'a point fait
de quartier. On a pris quarante Eten.
dards , & quelques paires de Timbales.
Plus on lit de Relations de cetre
action , plus on d'écouvre qu'elle eft
glorieuſe aux Armes du Roy ,& à la
Maiſon de Sa Majeſté. Le terrain qui
eſtoit entre les Ennemis, & nos Troupes
eſtoit tout remply de foſſez , qu'il
falloit paſſer , & dans lesquels il
tomboit quelques. Cavaliers en les
fautant. Ce danger eſſuyé , ils ſe trouvoient
expoſez à un autre , puis qu'ils
eſtoient d'abord portez dans les premiers
rangs des Ennemis , qui ne leur
258 MERCVRE
laiffoient pas le temps de ſe reconnoiſtre.
La plaſpart avoient déja
effuyé des décharges des Ennemis
qu'ils faifoient de la longneur du
Foflé ,& l'on peut dire qu'ils tiroient
nos Troupes au blanc. A meſure
qu'on défaifoit leurs Efcairons , il
en renaiſſoit d'autres . On a eſté fort
long- temps meflé ſans qu'aucun de
nos Efcadrons ait reculé d'un ſeul
pas ; & celuy qui a dit que la Maiſon
du Roy est une Citadelle ambulante...
aparlé fort juſte.
Quand les Ennemis voulurent quit
ter leur Camp pour marcher vers
Leuze , parce que nous eſtions trop
proche d'eux , & qu'ils apprehendoient
le Combat , qu'ils nous accufoient
de fuir , ils laifferent pluſieurs
Tambours dans leur Camp pour battre
la Generale long temps aprés leur
départ ; mais M. de Luxembourg
beaucoup plus habile que tous leurs
Generaux , n'a pas laiſſe de les couper
Ils ſe conſolerent d'abord par l'avantage
du tertain ,& par celuy d'eſtre:
GALANT .
259
trois contre un , ſans compter cinq
Bataillons d'Infanterie. Ces avanta
ges les engagerent d'abord à faire
bonne contenance , ils ſe mirent dans
le meilleur ordre qu'ils purent , &
pour ſe ſervir à la fois de toutes leurs
armes , leurs Cavaliers dans pluſieurs
de leurs rangs , avoient alternative .
ment le fabre & le piſtolet àla main .
Le 20. Mr l'Abbé Riqueti dit une
Meſſe ſolemnelle dans le Camp , pour
remercier Dieu de l'avantage remporté
ſur les ennemis de ſon Eglife. Tous
les Officiers generaux y aſſiſtérent ,
avec autant de pieté qu'ils avoient
fait paroître de valeur le jour préce
dent.
On vient d'aprendre que le Prince
de Naſlau qui commandoit l'Arrieregarde
des Ennemis , a eſté tué au premier
choc.
Le Combat s'appellera le Combat
de la Cattoire , quoy qu'il ſe ſoit donné
dans la Plaine de Leuze. Il a efté
ainſi decidé , parce qu'on a poufféles
Ennemisjuſques au ruiſſeau de la Catstoire.
a
260 MERCVRE
Pendant qu'on battoit less
Ennemis en Flandre , Mr de
Bouflers les pouſſoitd'un autre
coſté, & a mené battant le General
Flemming depuis Rochefort
juſques à Marche en
Famine. Ila toujours fuy, bien
qu'il faſt ſuperieur en Troupes
. La perte des Ennemis a
eſtéd'environ trois cens hommes
: mais cette Lettre eſt déja
chargée de tant de détails,que
je me trouve obligé de remettre
celuy - cy à un autre
temps .
L'Armée de Piedmont eſt
campée auprés de Saluces ,
qu'elle couvre. Les vivres abõ .
dent dans ſon Camp , pendant
que l'Armée du Duc de Savoye
manque de toutes choſes dans
fon propre Pays , où elle s'eſt
GALANT. 261
trouvée deux ou trois fois fans
pain . L'armée de M.deCatinat
eſt campée de maniere, que les
Ennemis n'ofent l'attaquer ,
voyantle riſque qu'ils courent
d'être batus . Ils avoient envoyé
un Corps confiderable
dans la Vallée d'Aoſt qui s'y
eſtoit retranché ; mais M. de
Monbriffon ayant eſté avec
cent hommes ſeulement pour
de débuſquer , fit battre ſes
Tambours à la Françoiſe , à la
Dragonne , & à la suiffe ; ce
qui éponvanta tellement les
Ennemis , que croyant avoir
une Armée à combattre , ils
abandonnerent leurs retranchemens
. On y entra , on prit
tout ce qui s'y trouva ,& l'on
y mit le feu : ce qui a rompu
pourcetteCampagne le deſſein
262 MERCVRE
que les Ennemis avoient formé
de ce côté -là .
On affure qu'il y a du defordre
enEſpagne, il s'eſt même
répandu un bruit que le
Roy eſt mort , mais ce bruit a
couru ſi ſouvent, qu'on ne doit
pas facilement y ajoûter foy.
Cependant on écritque le Duc
de Medina Sidonia eſt allé vers
Madrid avec l'Armée de Catalogne.
Si cette nouvelle ſe
trouve veritable , il faut que
les remuemens ſoient confiderables
à Madrid .
La Flote Angloiſe eſſuya une
grande tempeſte le 16. de ce
mois , quatre de ſes plus gros
Vaiſſeaux ont fait naufrage :
ſçavoir un de quatre - vingtdix
pieces de Canon , & les
trois autres depuis ſoixante
GALANT. 263
juſqu'à quatre- vingt. Il nes'eſt
ſauvé que dix-huit perſonnes
de ces quatre Vaiſſeaux , & les
Anglois ont perdu plus de
quinze cens Matelots. On n'a
pointde nouvelles de ſeizc au.
tres Vailleaux , & tout le reſte
de la Flote eſt fort delabré ,
ayant beaucoup fouffert .
Il y a des nouvelles qui portent
que les Turcs ont pris un
grand Convoy aux Imperiaux.
Monfieur le Duc de Chartres
eſt de retour de ſa premiere
Campagne , qu'il a tinie glorieuſement.
Ce Princea viſité
quelques Places frontieres , &
il a receu par toutles honneurs
dus à ſa naiſſance . On luy a
donné à Dunkerque le diver-
:
264 MERCVRE
1
tiſſement d'un combat naval .
• Mr de Guiſcar eſt de retour
à Dinant avec un fort
grandButin, d'une couiſe qu'il
a faite , pour ſoumettre aux
Contributions des lieux qui
n'en avoient point encore
payé, & dont ila amené quantité
d'Otages.ll paſſa la Sambre
& la Meuſe pour cette expedition
, en prefence de dix mille
des Alliez . Il a brulé vingt fix
Villages , juſques à trois lieuës
de Maſtric & de Liege,n'ayant
avec luy que cinq cens Dragons
. Il a envoyé dire aux Habitans
des environs de Namur,
qu'il les traiteroit de meſme ,
s'ils differoient à contribuer.
Je ſuis, Madame, voſtre , &c..
A Paris ce 30. Septembre 1691.
GALANT.
263
AVIS.
On donnera le 15. Octobre
le VI . Entretien en forme de-
Paſquinades ſur les Affaires du
Temps. On ne le trouvera pas
tout à- fait felon le plan qu'on
a marqué dans la fin du V.
parce qu'il y auroit des actions
de la vie du Prince d'Orange
tranſpoſées , & qu'on a jugé à
propos de la donner de ſuite.
On y verra l'hiſtoire des premieres
années de ce Prince ,
dont aucun Ecrivain n'a parlé ,
ce qui joint à quantité de faits
conſtans qui regardent ce
temps - là, rendra cet Entretien
auſſi curieux qu'agreable.
M
266 MERCVRE
On trouvera beaucoup de
fautes dans la Relation du
Combat, cauſées par les Copiftes.
THEQUE DELAVILL
*
1893
RP Cland Franciscus Mener bier
Sor Jesu
807156
156
MERCURE
GALANT.
QUE
DESA
SEPTEMBRE 1691OAT
AVEC LA RELATION
Colles, Lugdun. St. Trinit
Socich. Tape Cat. Infc.
COMBAT DONNE
EN FLANDRES
PAR L'ARMEE DU ROY
le 19. Aouſt 1691. ſous les Ordres de
M.le Maréchal Duc de Luxembourg .
Avec la Liſte des Morts & des Bleſſez;
Et tout ce qui s'eſt paſſé
Piedmont de plus confiderable par
M. de Catinat , &c .
en
DE
LYON
AVILLE
A LYON ,
*1893 *
Chez THOMAS AMAULRY
ruë Merciere au Mercure Galant.
M. DC. XCI.
Avec Privilege du Roy.
*************
• LE LIBRAIRE
au Lecteur.
V
7
un Catalogue Ous me demandez
des Livres nouveaих de cette
année , vous le recevrez avec celuy du
mois d'Aoust.
LIVRES NOUVEAUX.
Les Loix Civiles dans leur ordre naturel,
endeux volumes inquarto, 12. liv. Le deuxiéme
Tome ſe vend ſepare pour 6.liv.
Le ſeptiéme Tome de la Bibliotequedes
Auteurs de Mr. Dupin , avec la réponſe à la
Critique , inoctavo ,qui comprend le ſept&
huitiéme Siecle. Les fix premiers Volumes
ſe trouvent dans la même Boutique pour
24- liv. & avec le ſeptiéme pour 28. liv.
LaCritique de la Biblioteque des Auteurs,
deMr. Dupin , inoctavo 2.liv.10.f.
Pharmacopee Royale , Galenique & Chimique
de Mr. Charas, augmentée d'un tiers,
avec pluſieurs figures en taille-douce , 7.liv .
La Chimie de Lemeri , ſeptième édition,
beaucoup augmentée , avec le Portrait de
l'Auteur , inoctavo 3.liv .
Foannis Dolai encyclopedia chirurgica ra
tionalu , inquarto , deux vol .9.liv.
*
- Idem Encyclopedia Medicina theoretico
practice , inquarto s . liv.
Ettmulleri operum omnium Medico-physicorum,
Editio noviſſima , cateris omnibus, tum
correctior , tum verò facilior , en deux vol.
infolio 18.liv .
Pratique generale de Medecine de tout le
corps humain , de Michel Ettmuller , en deux
vol. inoctavo s.liv.
Pratique ſpeciale du même Auteur, ſur les
maladies propres des hommes , des femmes
&des petits enfans , avec la Differtation du
même Auteur ſur l'Epilepfie , l'Ivreſſe, le
mal Hypocondriaque , la douleur Hypocondriaque
, la Corpulance & la morſure de la
vipere , inoctavo 2.liv. 10.f.
Nouvelle Chirurgie Medicale & raifonnée
deMichel Ettmuller , avec une Differtation
fur l'infuſion des liqueurs dans les vaiffeaux,
du même Auteur , indouze, 1.liv . 10.f.
La Vie de Mr. Deſcartes avec ſon Portrait,
en 2. vol. inquarto , 10.liv .
Hiſtoire de la Conqueſte de la Mexique
oudelaNouvelleEſpagne, avec pluſieurs figures
en taille- douce , inquarto, 6.liv .
Eſtabliſſement de la Foy dans la nouvelle
France, contenant la Publication de l'Evangile
, l'hiſtoire des Colonies Françoiles ,
*les fameuſes découvertes depuis le Fleuve
S.Laurens , la Louïfianne , le Fleuve Colbert
jusqu'auGolphe Mexique, ind . 2.vol. 3 liv ...
Nouvelle Relation de la Gaſpeſie , qui conent
les moeurs & la Religion des Sauvages
Gafpefiens Porte croix , adorateurs du Soleil,
& d'autres Peuples de l'Amerique Septentrionale
dite le Canada , indouze 2. liv .
Harangues de Demofthene avec des Remarques
, inoctavo , zaliv .
Traité de l'autorité Royale, dedié au Roy,
indouze , 2. liv.
Maniere de fortifier ſelon la methode de
Mr. Vauban , avec un Traité préliminaire des
principes de Geometrie , avec pluſieurs figures
en taille-douce, ind. 1.liv.ro.f.
Paralelles des Anciens & des Modernes en
qui regarde l'Eloquence , par Mr. Perraut
de l'Academie , ind. 2
ce
vol. 3.liv.
Divers Traitez de Metaphyfique,d'Histoire
&de Politique, par Mr.Cordenjoy, ind.30.f.
L'Art de vivre heureux, formé ſur les idées
les plus claires de la raiſon & du bon fens, &
fur de tres belles maximes de Mr.Deſcartes,
ind. 30.f.
Imitation de IESUS.CHRIST , de
Mr. Dubois , inoctavo , z.liv.
La même ind. 30 .
La meſme in 24. 20.f
Confeffions S. Augustin de Mr. Dubois,
inoctavo 4. liv . 10.f.
La meſme , ind. 40.f,
Abregé de Vitruve, ind. 3.liv.
Principe d'Architecture par Mr. Felibien,
inquarto , avec pluſieurs figures, 12.liv.
Queſtions Notable de Droit ,decidées par
pluſieurs Arrêts de la Cour de Parlement,
par Mr. le Prefire , augmentées en cette der.
niere Edition par Mr. Gueret, infolio 15.liv .
Dictionnaire Italien & François , mis en
lumiere par Mr. Oudin , & augmenté par le
Sr.Veneroni Interprete & Maître des Langues
Italienne& Françoiſe , inquarto 10.liv .
La Geographie Ancienne , Moderne &
Hiſtorique , qui contient les principes de la
Geographie , l'Angleterre, l'Ecofle, l'Irlande,
leDanenemmaarrkk la Suede, laNorvvegue, laPo-
Jogne , la Moſcovie , la France , les Païs-Bas,
les Provinces Unies , la Suiffe & la Savoye,
avec plufieurs figures en taille douce, 12. liv..
Deſcription du Cerveau , des principales
diſtributions de ſes dix parties, des nerfs&
des organes des ſens , avec plufieurs figures,
parMr. Drouin , Maître Chirurgien del'Hôpital
General ,ind . 30.f..
Dictionaire Hiſtorique & Geographique
de Mr.Moreri , trois volumes infolio45. liv.
nouvelle edition.
Effais de Sermons pour tous les joursde
l'année , en 4.vol, inoctavo 14. liv.
LesTravaux de Mars, en 3. vol . inoctavo
15.liv.
Sermons de S. Bafile le Grand , avec les
Sermons de S. Aftere , inoctavo 4.liv .
Les Opufcules de S.Jean Chriſoſtome,Archevêque
de Conſtantinople moctavo 4.liv.
Semaine- Sainte de Port- Royal de toutes
grandeurs.
Dialogue de Saint Gregoire , indouze
2.livres.
Efcriteaux pour les Apoticaires , rouge &
noir, Paris , 2. liv.
Eſcriteaux pour les Eſpiciers & Droguies
, 2.liv .
Heures fans renvoys , dediées à Madame
laDauphine , 30.1.
L'Architecture , Pratique qui comprendle
détail du toiſe & du devis des ouvrages de
Maffonnerie , Charpenterie , Menuiferie, Serrurerie,
Plomberie,Vitrerie, Ardoiſe, Tuille,
Pavé de grais & impreffion , par Mr. Bullet,
Architecte du Roy, avec pluſieurs figures en
taille- douce , inoctavo 3.liv .
Vie du Cardinal Comendon , par Mr. Flechier
, ind..liv .
Vie de Theodoſe le Grand , par Mr. Fle--
chier , ind , 3 liv.
Hiſtoire du Grand Tamerlan , tres-propre
à former un grand Capitaine , par Mr.de
Saint Yon , ind. jo..
Les Sermons de Mr. l'Abbé Fromentier, en
6.vol. inoctavo 18.liv.
Les Meditations du Pere Haineufve , e,n
4. vol. ind. 8, liv .
La connoiffance du Fils de Dieu du Père
Saint Jure , nouvelle Edition , infolio 12. liv..
Legrand chemin qui perd le monde , ind.
1.liv. 10.f.
L'Histoire d'Olivier Cromvvel , avec fon
Portrait par raport au Prince d'Orange,
inquarto 6.liv.
L'Art de plaire dans les converſations , aug.
menté d'un quart, ind. 30.f.
I ettres de Mr.Vaumoriere, ind.2.vol.4: liv..
Les Devoirs de la vie civile, ind . 2.vol.3.liv..
Inſtruction à la Pratique, de Ferriere,
ind. 30.f.
La Jurisprudence du Code de Ferriere,,
4.vol . 12. liv .
Idem les Nouvelles de Ferricke
yol, 12.liv.
<
LaJurisprudence du Digeſte de Ferrière,
inquarno 2.vol . 12.liv.
- Les Oeuvres de Mr. Bacquet , pare
Mr.la Fertiere , infolio 15.liv.
Maniere de bien penfer , ind . 2.liv.
Penſées ingenieuſes, ind liv.
Les Meditations de Dupont , inquarto,
3.vol. 18.liv .
Nouvelle Grammaire Italienne, ind . 30.f.
Traité de ce qui eſt dû aux Puiffances,& de
la maniere de s'acquiter de ce devoir , ind.
1. liv . 10,1.
Journée Chrétienne , ou Maximes Chretiennes
pour tous lesjours du mois , par le
Pere Craffet , ind. 1.liv. 10.f.
Le mois Chrétien , ou maximes Chrétien.
nes pourtous les jours du mois . par le Pere
Craffer , ind : 1.liv. 10.f.
Les Philoſophes à l'encan , Dialogue,
ind. 1.liv .
Lagloitede Louis le Grand dans les Miffions.
étrangeres, ind 1.liv.
Arithmetique en ſa perfection , par Mr. le
Gendre ,ind. 2. liv. 5.٢.
Traité des fiftules , ind , r.liv.
NouveauTraité de la maladie venerienne,.
ind. :liv.
Hiſtoire 'du Monde de Mr. Chevreau,
inquarto deux volumes , 12. livres.
Le même, indouze s . vol. 9.liv.
Dictionnaire Civil & Canonique, inquarto,
6.liv.
Dictionnaire Pharmaceutique , augmenté
d'un tiers, inquarto 6.Liv
Ortographe Françoiſe par de Blegny , ind.
1.fols.
Année Benedictine, inquarto 7.vol.40.11v .
Hiſtoire de Jesus.CHRIST , avec des figures
en taille-douce, inquarto 6.liv .
Tableau des Provinces de France , qui ſe
•vendra chaque mois 7.fols .
Les Affaires du Temps ſe vendra chaque
mois 7.fols .
Inſtruction des Filles , dedié à Madame de
Maintenon , ind . 1.liv . 10.Γ.
Traité des SaintsAnges & de l'honneur
qui leur eſt dû, par le R. P. Craffet ind.r.liv..
Les Edits & Ordonnances de Neron , nouvelle
edition , infolio Saliv .
Science parfaite des Notaires , par Mr. de
Ferriere , inquarto 4.liv .
Guide des Negocians , ind.30.f.
Converſations morales de Mademoiselle
de Scudery , iod . 2. vol. 4.liv .
Inſtruction des Prêtres , de Molina , Traduction
nouvelle , inoctavo 4.liv.
Geometrie de le Clerc , avec beaucoup de
figures , ind. 3.liv.
Coûtume de Paris nouvelle Edition , ind.
2.vol . 3.liv.
Efpion Turc, par Mr.Mariana ind.4.vol.5.liv.
Evenemens les plus co fiderables du Roy
ind . I liv. to.f.
Reflexions ſur la vie de Marc-Antonin ,.
ind. 2.vol. 4. liv. 10.f.
Lettres deCiceronà Atticus , par Mr. de
S.Reale , ind . 2.vol . 4.liv.
Traité du Patronage , par Mr. de Ferriere,
inquesto 6Jiv.
* uij
Hiftoire de l'Eglife d'Arles , par Ms. du
Port, ind. 1.liv.ro.f.
Secrets de conferver la beauté , de Bligny ,
2.vol . inoctavo 6.liv .
Les plus beaux endroits de l'Histoire , ind .
r.liv. 1o.f.
Entretiens fur l'Histoire de l'Univers , ind .
3.vol . 4.liv.
Intrigue du Conclave de Rome , avecla
Viede tous les Cardinaux , ind . 1 liv .
Grammaire Françoiſe de Chiflet, ind. 1.liv .
Inſtruction ſur l'Histoire de France & Romaine
, par demande & par réponſe , ind .
1.liv. 10.f.
Voyage du Monde de Descartes , ind.
2.liv. 10.f.
Deſcription de la Ville de Rome, en faveur
des Étrangers , ind . 4.vol.3.liv . 10.f.
Dictionnaire François-Latin du Pere Tachard
inquarto 6.liv. 1o.f.
Dictionnaire Latin & François , du même,
inquarto 7. liv .
Elemens de Matematique du P. Preſterde
l'Oratoire , inquarto 2.vol. 16.liv .
Lepremier Concile General de Nice , traduit
en François , inoctavo 3.liv .
Atthalie , Tragedie de Mr de Racine,
inquarto 3.liv .
Hiſtoire des Albigeois, des Vaudois &des
Barbets avec une Carte Geographique des
Vallées , ind . 2 vol. 4. liv .
Hiſtoire des Conclaves ,dépuis ClementV.
juſques à preſent , ind. 2.vol. 3 liv.
Conferences morales ſur les Myſteres de
notre seigneur , par le Pere Lyon de l'Oras
toire , 2 vol, inoctavo 4.liv. 10.f.
L'Avent Catolique , ou Pratique ſolide &&
devote , ind. 1. liv. 10.f.
Effais de Panegyriques des Saints , inocta-
3.liv. 10.f.
Lettres familieres, galantes & autres, fur
toutes fortes de ſujets , avec leur réponſe,
ind. 1. liv. 10.f.
La Maiſon de campagne, Comedie, ind.1.1 .
LesBourgeoiſes de qualité , ind . 1.liv .
Dictionnaire des termes de la Marine, avec
pluſieurs figures en taille-douce , inoctave
3. liv.
Remarques , ou reflexions critiques , morales
& hiſtoriques, ſur les plus belles & les
plus agreables pensées qui ſe trouvent dans
les Ouvrages des Auteurs Anciens &Modernes
, ind, 1.liv. 10.f.
La Relation du Siege de Mons , ind. 2.vol.
2. liv.
Nouvelles Oeuvres mêlées de Madame de
Villedieu , ind. 1.liv.
Relation du voyage d'Eſpagne, parMadame
Bernard, ind. 3.vol. 4.liv. 10.1.
Le Comte d'Amboiſe, par Madame Bernard
, indouze 2. volumes 3. livres.
Les deſordres du Jeu , reduits en forme
d'Histoire , ind . 1.liv ...
Hiſtoire de l'admirable Dom Quichotte
de laManche, avecpluſieurs figures en tailledouce,
ind. 4vol.6.liv .
Diſgraces des Amans , dedié à Mr.dela
Feüillade , ind. 1.liv . 10.f.
Relation univerſelle de l'Afrique ,
avec
beaucoup de figures en taille douce , ind .
4. vol. 8.liv.
Caracteres de Theophrafte , avec les
moeurs de ce Siecle , nouvelle Edition , ind.
1. liv. το ..
Conferences Eccleſiaſtiques duDiocese de
Luçon , ind . s . vol . 6. liv . 5.f.
Anatomie de l'homme ſuivant la circulation
du fang , & les dernieres découvertes
démontrées au Jardin Royal, par Mr.Dionis,
inoctavo 3 liv, 6.f.
Dom Alvare , Nouvelle Allegorique , ind.
10. fols .
Traité des Operations de Chirurgie , ind.
1.liv. 10.f.
Réponſe à la Differtation de la Goute,
ind. 1.liv. 5.f.
Recueil des Arrêts du Parlement de Grenoble
, inquarto 4.10, f.
Hiſtoire des Revolutions d'Angleterre,
ind. 2.liv .
Officier de Bouche , ind. 30.f.
Le nouveau & parfait Confiturier , ind.
1.liv...
LaVie duTaſſenouvelleTraduct.ind.30.f.
Ouvres de Capiſtran , ind. 4.liv.
Juvenal. du Pere Tarteron Jeſuite,jind.2.1.1cf.
Nouvelle Anatomie raiſonnée avec plu-
Geurs figures en taille.douce, ind.2.liv.sf,
Nouvelle Osteologie, avecpluſieurs figures
en taille-douce , ind.2.liv .
Affaires du Temps , contenant tout ce qui
s'eſt paffé entre le Roy de France , Rome,
PEſpagne , l'Allemagne , la Hollande , Pologne,
Suiffe & Cologne , avec l'entrepriſe
du Princed'Orange fur l'Angleterre, Irlande
&Ecoffe , ind, 10.vol. 10.liv..
Apocalypſe de Mr. de Meaux , inoctavo,
4. liv.
Sermons ſur les veritez de l'Evangile , par
Mr. de la Volpilliere , inoctavo 4.vol.11.liv .
Le Napolitain , ou le Défenſeur de ſa Maîtreſſe
, ind . 1. liv .
Hiſtoire du Japon , avec pluſieurs figures,
inquarto 2.vol.12.liv .
Nouvelle methode du Blazon du Pere Meneſtrier,
ind . 2.liv.
Le Treſor de la Pratique de Medecine,
traduit de Thomas Burnet, inoctavo.z.vol.6 .
Oeuvres de Varillas , contenant l'Histoire
de Charles IX. inquarto 2,vol.12.liv.
Le meſme , ind. 3.vol . 3.liv . 10.f.
12. liv.
Idem , François I. en 2.vol.inquarto
Le même en 4.vol . ind, 6.liv .
Hiſtoire des Hereſie en 6. vol. inquarto
36.liv .
Le meſme , ind . 12. vol : 21 .liv.
Hiſtoire de Loüis XII. en 3.vol. inquarto
18.liv
Le meſmeen 6.vol ind. 10.liv . 10.f.
Hiſtoire de Louis XI. en 2.vol. inquarto
12.liv .
Le meſme , ind. 4. vol . 7.liv .
Hiſtoire de Charles VIII.inquarto.6, liv.
Le meſme ind. 3.vol. 4.liv.10.f.
Politique de la Maiſon d' Auſtriche ; ind .
1.liv. 10. f.
Réponse à Mr. Burnet fur les Herefies,
inoctavo 3 ,liv .
Ordonnance des Eaux & Forests , avec le
Recueil des Edits &Arreſts, ind.2.liv.10.f.
"
Nouveaux Eſſais de Morale fur le luxe &
les modes, &c . ind . 2.liv .
Geometrie , Pratique du Sieur Boulanger,
augmenté de pluſieurs Notes & d'un Traité
del'Arithmetique parGeometric d'Ozanam ,
ind. 2.liv.
Recueil des Oeuvres de Madame de la
Suze , ind. 4.vol.4.liv .
Memoire de Mr. de Chaſtenet , Seigneur
dePuyſegur , ind . 2.vol. 3.liv .
Jugemens des Sçavans par M. Baillet , ind.
13.v.26.liv.
Viede la mere Anne de Xaintonge , par le
R.P.Groſez, 8 , 2.liv .
Nouvelles Reflexions où Sentences & maximes
morales & de politiques , dediées à
Madame de Maintenon , ind. 15. Γ.
Fortifications Nouvelles de Gautier , ind .
12. liv. 5.f.
Art de Laver ou Peindre ſur le coloris, par
le meſme , ind. 15. fols .
Reflexions ſur les Défauts d'autruy , ind.
1. 13. fols.
Voyagefait à la Mer du Sud, par le Sr. Ra .
vonau , ind , 2 liv.
Traité d'Artillerie avec la maniere dejetter'les
Bombes, par M. Gautier 12. 1. liv.
Juvenal traduitnouvellementpar M.le Preſident
Silvecanne, ind. 2.1.4.1.10.1,
L'on trouvera auſſi chez le ſieur Amaulry
des Heures de toutes les Grandeurs de Paris .
TABLE.
Prelude, contend
Relude , contenant tout ce qui
à I'Accademie
Françoiſe le jourde la Feſte defaint
Loüis .
Lettre, contenant des nouvelles de
pluſieurs endroits des Indes 13
Jeux Floraux. 32
Idille.
41
Feste celebrée à Bordeaux. 45
Discours prononcé à Brest.
Détaildela Campagne de M. le
Comte d'Estrées. 59
Lettred'un Milord, conſeiller d'E
tat en Angleterre,àM.le Comte
de Porteland. 74
Lettre d'un Bourguemestre de Nuremberg,
à un députéde la Diette
de Ratisbonne. 83
Ceremonie& réjoüiſſances faites à
a
3
TABLE:
Saint Germain en Laye le jour
de lanaiſſance du Roy .
Fable du Soleil& de l'Aurore .
91
Charges. 94
Operation faite à M. le Duc de
Vendosme. 111
Morts. 112
Convents visitezpar le Roy d'Angleterre.
114
Beau discours de la vraye & dela
fauffe humilite 116
Introduction àla Fortification.140.
M. Alot est nommé premier Medecin
deMadame. 144
LePrintemps,Dialogue. 149
Eloge de Saint Louis prononcé à
Bordeaux.
163
Autre article de Morts. 169
Charges &Pensions données parle
Roy 175
Histoire. 176
Extrait des Registres de l'Academie
Royale des Sciences. 193
TABLE.
Nouvelle Carte de Hongrie. 196
Levée du siege de Pratz de Molle.
199
Nouvelles d'Allemagne: 207
Lettres touchant le Combat donné
entre les Imperiaux & les
Turcs. 211
Article des Enigmes 222
Granddétail du Combat donné en
Flandre, avec la Liſte generale
des Morts & des Bleffez . 224
Nouvelles de l'Armée commandée
parMrde Bouflers . 261
Nouvelles de Piedmont, 262
Nouvelles d'Espagne. 263
Nouvelles de la FloteAngloise.264
Retourde Mrle Duc de Chartres.
265
Coursefaitepar M. de Guiſcar ,
dans lePays ennemy , 266
Avis. 267
Fin de laTable.
Avis pour placer les Figures.
L
'Air qui commence par ,
l'aime tendrement Lifette
doit regarder la page 40
La Medaille doit regarder la
page
109
L'Air qui commence par ,
La Feste d'une riche Cour , doit
>
regarder la page 224
MERCURE
GALANT
*
DEL
E
LYONE
SEPTEMBRE I 1883*
UE de choſes , Ma-
Q dame , j'aurois à vous
dire de noſtre Auguſte
Monarque, ſi j'en
treprenois de vous rapporter
tout ce qui fut dit à ſa gloire
le jour de la Feſte de S. Loüis :
Toutes les Chaires retentirent
de ſon Eloge , & la conformité
qui ſe trouve entre les mer-
Sept. 1691. A
2 MERCVRE
veilles de ſa vie ,& celles de
ce Saint Roy ayant donné lieu
à tous les Predicateurs d'étaler
leur Eloquence , il n'y en
eut point qui ne fiſt connoiſtre
que faire le Panegyrique
de l'un c'eſtoit travailler à
celuy de l'autre. Mr l'Abbé
de Montelet , qui preſcha ce
jour-là dans la Chappelle du
Louvre , où Mrs de l'Academie
Françoiſc celebrerent cette
grande Feſte ſelon leur
coutume , nelaifſa pas échaper
une ſi favorable occaſion de
faire ce glorieux paralelle. Il
morta en Chaireaprés que M.
l'Abbé de Lavau, l'un des quarante
de cette celebre Compagnie
, eut dit la Meſſe , pendant
laquelle M. Oudot fit
entendre àſon ordinaire , une
GALANT.
3
excellente Muſique de ſa
compoſition. Mr l'Abbé de
Montelet prit pour ſon texte
ces paroles du ſeptiéme Chapitre
d'Efdras , Benedictus Do-
-minus Deus Patrum noftrorum, qui
dedit hoc in corde Regis , ut glorificaret
nomen Domini,& fit voir
que S. Loüis n'avoit particulierement
eſtimé le titre de
-Roy , que pour glorifier dans
fon coeurce Dieu dont iltenoit
ſa puiſſance ,& pour luy faire
rendre dans tout ſon Royaume
le culte ſoumis qui luy eſt dû.
L'aprésdînée de ce mefme jour,
Mrs de l'Academie Françoiſe
-tinrent une Aſſemblée publi-
-que pour la diſtribution des
Prix . Elle fut ouverte par Mr
•le Marquis de Dangeau , qui
en eſt preſentement le Directeur,&
qui déclara qu'on avoit
A 2
4 MERCVRE
>
appris que la piece que la
Compagnie, avoit jugée digne
de remporter celuy de l'Eloquence
, avoiteſté faite parMr
de Clairville jeune Gentilhommede
Roüen;& que l'Ouvrage
qui avoit merité celuy
de la Proſe , eſtoit de Mademoiſelle
Bernard , auſſi de
Rouën , ce qui n'eſtoit pas defavantageux
, à la Normandie.
Ces deux Pieces furent
leuës par Mr l'Abbé Tallemand
le jeune , avec l'applaudiſſement
d'une nombreuſe
Aſſemblée , dont les loüanges
confirmerent le jugement
qu'avoit fait l'Academie. Mademoisellle
Bernard vous eftoit
déja connuë par Eleonor
d'Yvrée,& par le Comte d'Amboiſe
, qui ſont deux Ouvrages
en Proſe ,où vous n'avez
GALANT.
pas moins admiré la fineſſe des
penſées , que la delicateſſe de
l'expreſſion. La Tragedie de
Laodamie ,& celle de Brutus
de l'hyver dernier , l'ont fait
paroiſtre une Rivale tres dangereuſe
pour tous ceux qui
s'attachentau Theatre. Le ſuict
que l'Academic avoit donné
pour le Prix de Vers qu'elle
vient de remporter , eſtoit que
de tous les souverains de l'Europe'
Le Roy est le feul qui ſoutient le
droit des Rois . Elle avoit donné
pour ſujet deProſe , le zele de
la Religion , par rapport à ces
paroles,Zelus domus tua comedie
me. Mr de Clairville a traité
cette matiere d'une maniere
...vive& tres éloquente , en faifant
voir que le zele d'uneReligion
établie pour la gloire de
Dieu,& pour le ſalut des home
A3
6 MERCURE
mes , eſt ce qu'il ya de plus
glorieux & de plus neceſſaire
au Chreſtien. Après avoir
prouvé ces deux veritez , il
conclut avec beaucoup de raiſon
, que ſi c'eſt une neceffité
à tous les Chreſtiens d'eſtre
zelez pour la Religion , nous
y ſommes particulierement
obligez , comme Sujets d'un
Royaume conſacré à la défenſe
de l'Eglife , par la pieté du
grand Monarque qui le gouverne.
Quel Prince , dit- il ,a.
mitux merité que luy le glorieux
titre de Tres. Chrestien?Nous avons
enson Auguste Perſonne unmodelle
parfait du zele de la Religion , &
une preuve ſenſible de lagrandeur
& de la felicité qui en sont infeparables
. Ce grand Prince allum
me luy seul lezele de tous les Onuriers
Evangeliques de fon Royau
GALANT. 7
me. Par luy nousvoyons les faintes
Loix en vigueur , l'Eglise floriſſan.
ze , l'impieté reduite àfeindre on
àse cacher, l'Hereſie détruite ,la
Foy duuray Dien triomphante aux
extrémitez du Monde. Pour faire
voir toute l'étenduë de fon Zele , il
faudroitparcourir toutesses actions.
En luy les Vertus Chrestiennes ſont
honorées par les Royales , & les
Vertus Royales sont consacrées par
bes,Chreftiennes . Ses Armes fon
celles de la justice,ſes Victoires cel
les de Dieu . Combien de fois l'a-ton
vûfacrifier ſes reffentimens àla
paix de l'Eglife ? Que de vigilance
àconſerver la pieté defa difcipli
ne ? Que d'ardeur à réunir à la
veritable créance ceuxdefes sujets
que l'erreur & la prévention era
avoient feparez ! Mais s'il fus
toujours l'appuy le plusferme de la
Religion, aujourd'huy que les prom
A 4
8 MERCURE
pres Enfans de l'Eglise la perfecutent
,& qu'ilsse liguent avecla
Rebellion & l'impieté pour l'opprimeron
le voit feul fidelle foudroyexces
amasmonstrueux de Puiſſan .
ees, vanger les interests du vray
Dieu trabis ,&le dédommager ,
pour ainsi dire , par un redoublement
de Zele & de pieté de l'infilelivede
toute l'Europe. NeSoyons
passurpris après celasi un grand
Royperfecutépour la Religion , ne
trouve un azile& un vangeurque
dansleſeul Prince qui la protege.
Honorons dans le plus Chrestien des
Rois l'Esprit Saint dont il est viſiblement
remply ,&ne nous étonnons
plus ny du merveilleux defes
actions quiſereſſententde la ma.
jesté du Dieu qui le fait agir, nyde
l'immensitédeſagloire, qui est l'ouvrage
du Ciel, parce qu'elle est une
recompensede fon zele. Maisfila
GALANT.
9
pictéde Loüis élèvesa grandeur
au deſſus de cellede tous les hom.
mes , elle luy donne encore cette
moderation Chreftienne , qu'il est
luy-mesme au deſſus defagrandeurs
car il est lefeul que sa gloire n'é
blouitpoint. Comme il necherche
qu'à établir le regne deDien, illa
luy rapporte toute entiere, & voilà
cequila conſomme, parce queDieu
Se plaiſtàfaire rejallir avec plus
d'éclat furce Prince fidelle & reconnoissant
lagloire qu'il luy renvoye.
Quelle foule , quel enchais
nement , quel redoublement con.
tinuel de prodiges & de prosperi
tez quefa vie !On voit les vertus,
la grandeur, lamajesté, la gloire
de tous les Heros reunies avec un
nouveau lustre en luy seul , &dans
Son Royaume , la splendeur& la
felicité de tous les fiecles . En vain
unepalouse fureur arme les Nations
AS
IO
MERCVRE
博
contre luy , Ila cette glorieuse con
formité avec la Religion qu'il dé
fend, que sa gloire devient plus.
brillante par les efforts que ses En..
nemis font pour l'obscurcer. Sa fem
licité redouble par celle dont il
fait jouirses Sujets. Comme l'infidelté
des Princes a ſouvent attiré
des calamitezfur les Peuples ,la
iuſtice & la fidelité de nostre pieux
Monarque se répandent fur nous.
Sapuiſſance qui punit,qui defefpere
nos Ennemis , nous protege , nous
comble de gloire. Les guerres font
un fleau pour eux seulement , &
pournousseuls unesource de benedictions
& de triomphes. Sous lug
enfin tous les deſordres font abolis.
Les Loix ſont aussi faintes que Sa
fageſſe inspirée de Dieu. On voit
regner en tout temps & en tous lieux
la vertu , l'ordre , la tranquillité,
L'abondance , & Son Zele eft le fors
GALANT... IT
dement de la felicitépublique.Quel
avantage , quelbonheur pour nous
de vivre ſous un telRoy ! Nos Au
tels retentiſſent de nos actions de
graces continuelles ,&de nos voeux
toujours redoublezpour sa confervation.
Mais en mesme temps ne
devons nous pas redoubler noftre
oftimepour le Zele de la Religion ,
feul principe dela grandeur de ce
Royaume & de nostre félicité ?
Quelle obligation pour nous de profiter
d'un exemple ſi vare & si
puiſſant,& de nous rendre dignes
parla d'un Prince qui nous est fi
cher & (ineceſſaire !
Aprés la lecture des ces deux .
Ouvrages : Mr de Boiſquillon,
l'undes Academiciens de Soilfons
, leutun Panegyrique du
Roy , qu'il avoit apporté comme
un tribut que doit cette
Academie à l'Academie Fran
A G
12 MERCVRE
çoiſe , qui a fait aſſociation
avec elle.Cela fait,Mr le Clerc
qui adonné au Public ily a
déja longtemps la traduction
des cinq- premiers Chants de
la Jerufalem du Taſſe , leut
environ vingt Strophes d'un
de ceux qu'il n'a point encore
fait imprimer ,& l'on y trouva
ce feu agreablequ'on voit répandu
dans tout cequi eſt de
luy. MrPerrault regala enfuite
la Compagnied'une lecture
de ſon Poëme de la Patience
deGriſelidis , qui fut faite par-
Mrl'Abbé de Lavan . Les vives:
deſcriptionsdont ce Poëme eſt
plein luy attirerent beaucoup.
d'applaudiſſemens , & tout le
monde ſortit extremement
fatisfaitde cette Aſſemblée .
le vous envoye une Lettre
fort curieuse , qui vous ap
GALANT.
છા
prendra pluſieurs nouvelles
des Indes. Elle eſt d'un Pere
leſuite , qui ſe retira àPonticheri
aprés la révolution arrivée
au Royaume de Siam. Je
vous ay appris ſon avanture
dans quelqu'une de mes Lettres
, & de quelle maniere il y
arriva..
A Ponticheri le 19. Septembre 1690..
Depuis noſtre retraite de Siam
nous nous sommes etablis en
cette Coste, en attendant que les
chofes changent de face , ou que
nous ayons paſſage ùla Chine. Les
Hollandois nous ontfait souvent de
grandes menaces , & ont employé
tous leurs efforts pour obtenir de
Ram-raja , Fils du fameux Sevagi
,la permiſſion de nous afſfie
ger. Si elle leur avoit esté accor
dée,jedoute qu'ilsnous cuffent pu
14
MERCVRE
faireautant de malqu'ils nous en
veulent ; car je ne croy pas qu'ils
ayent buit cens hommes, &nous en
avons bien deux cens renfermez.
dans la Fortereffe. C'est affezpourse
mettre à couvert d'un coup de
main ; mais pour ſoûtenir un siege
de longue haleine &le Canon ,j'ay
peine à m'imaginer que cela se
puiffe. Je n'ay pas toûjours demeuré
àPontichery . Iefis un petitvoyage
l'Esté dernier à S.Thome & à Madras
. L'estois dans cette premiere
Place lors que nostre Escadrey ar
riva , m'étant retire dixjoursau
paravant de Madras , où l'on pu
blia la Guerre entre l'Angleterre
& la France . Mr le Gouverneur
m'avoitfait avertirſous main qu'il
luy estoit venu desordres de la déclarer.
Ainsi je m'en allay à Saint
Thome. Nostre Escadre arriva ala
Coste peu de temps aprés , ce que
GALANT.
15
nous appriſmes plûtoſt qu'on ne te
frent à Pontichery. Ily avoit quelques
jours que. Laurent Pit , Gou
verneur de Paliacatte estoitpasse
pardevant Madras avec cing.
Kaiſſeaux, lors que nous les viſmes
rebroußer chemin , & venir mouillerſous
la Forteresse de Madras.
On ſcent bien- toſt la cause de leur
retourfubit. Il leur vint un avis de
Ceylan de l'arrivée de nos Vaif-
Seaux. Sans cet avis , il eust esté
pris avecses Vaiſſeaux qui estoient
richement chargez. Il quittoit la
Fortereffe de Paliacatte dont ilem.
portoitle Canon & toutes les richeſſes
, avec toutes les Familles
qui avoient eu ordre de Batavia
de s'aller établir à Negpatam, dons
ce Laurent Pit estoit nommé Gouverneur.
Si taſt qu'ils furent sous
la Forteresse de Madras , ils pene
ferent à débarquer ce qu'ils an
16 MERCVRE
voient de plus precieux & toutes
les Femmes , & à mettre leurs
Navires en diffence. Les Anglois
firent le mesme. Nos gens demeu.
verent buit ou dix jours à Pontichery
où ils avoient amené une
grofſſe Flute Hollandoiſe richement
chargée qu'ils avoient priſeà Ceylan.
Ils avoient pris depuisun petit
Baſtiment Hollandois qu'ils habila
lerent vifte en Brulot pour venir à
Madras.Moydesesperant que nos
gensyvinſſent, jepris le chemin de
Pontichery le 23. Aoust poury
arriver le jour de Saint Louis..
L'appris en chemin qu'ils avoient
levé l'ancre pour aller à Madras..
cequi me mortifia. le rencontray
quarante ou cinquante Soldats
Anglois qui allorent en diligence
àMadras. Ils quittoient une Longimar
, Facturie nouvelle à quatre
Licuës de Pontichery , pour porters
GALANT. 17
du renfortà Madras qui en avoit
grand besoin,n'ayat pas alors trois
cens hommesdans une auffigrande
place que Madras l'est à present.
L'arrivay à Pontichery à dix heures
du matin , affez toft pour dire la
Messe. On avoitexposé le S.Sacrement
ce jour- là, qui devoit estre
celuydu Combat. Nous ne fuſmes
pas long- temps sans en ſçavoir le
fuccés , qui quay qu'il ne fût pas
aussi avantageux qu'on lesouhait
toit,se trouva confiderable. Le
Brulot fut attaché à l'Amiral
Hollandois; mais comme les Grapinsn'étoientfaits
que de cercles de
barriques , la Mer estant groſſe &
le ventvenantde terre,tout cela
fit qu'il n'eut pas l'effer qu'on en
esperois. Oncanonna rudement les
onze Vaisseaux qui estoient en ligne,
& qui ne voulurent iamais dénader.
Nous n'en avions quefix
18 MERCVRE
contre un si grand nombre , Sou
venus du feu de la Fortereffe , qas
avoit plus de cent Canons qui battent
la Rade. On fit un furieux few
fans que nous ayons perdu que
Jept ou buit hommes dans ce Combat.
Le Brulot fut attaché avce
une intrepidite merveilleuse par
M. Dauberville , Lieutenant de
M.du Quesne , au travers d'une
grefle de coups de Canon , &Sans
perdre aucun homme. Le Dragon
qui estoit presque entre les Vaif-
Seaux Ennemis &la Fortereffe ,
n'eut aucunhomme bleſſény tue. L
tira pourſapart plus de quatre cens
cinquante coups de Canon. Le lendemain
nosgens parurent encore, &
défierent les Ennemis qui n'oferent
jamais fortir pour combattre , &
comme le vent estoit de terre ,ce
qui les empefchoit d'approcher à
Leurfantaisie ,&que d'ailleurs ils
GALANT. 19
estoient endanger d'estre démapez
fans avoir de lieu pour se remaster,
oniugea plus à propos de continuer
Saroutevers Bengale. On prit à la
veuë de Madras un Vaisseau qui
apportoit des rafraiſchiffemens à
cette Ville ,&ils en firent échouër
un Anglois vers Bengale. Nous
Sceusmes que les Ennemis avoient
perdu beaucoup demonde ,&qu'ils
avoient eu plusieurs mats brif,ez&
leurs Navires criblez de boulets.
Cette action afait un grand éclat
dans les Indes . C'estoit aussi un projes
affez hardy que fix Vaisseaux
euffent osé en aller attaquer onze
grands fous une Fortereffe, Il y avoit
alors vers Madras un des Generaux
dew Mogol qui fut témoin de cette
action intrepide , & qui s'en re
tournapeu aprés à l'Armée de ce
Prince , qui affiege Gingi , principale
Ville de Sevagi.Vous nesçau20
MERCVRE
riezcroire avec quelle estime on
parle icy des François, Vous l'apprendrez
mieux que je ne pourrois
vous le dire , des temoins oculaires,
ainſi que tout ce qui s'est passé dans
La fuite de laNavigation de noftre
Escadre. Nos Vaisseaux qui
partent inceſſamment ne me pers
mettentpasdevousenfaire la Rea
lation. Ievayſeulementvous informerdes
choses que je croy que vous
neferez pas faché de sçavoir de
pluſieurs endroits des Indes. Comme
j'écris avecgrande precipitation
vous ysuppleerez , & mettrez le
tout en ordre.
Nous avons receu des Lettres
par terre , parlesquelles on apprend
que la Peste est encore à Surate.
L'action de Madras a étéfceue en
ces quatiers, & afait honneur à la
Nation. Pluſieurs de la Loge Hollandoiſeſont
en prison pour avoir
GALAN T. 21
voulu se revolter contre le Fifcal
qui avoit envoyé le Commis-
SaireVan-reyde, Leurs affaires vont
mal en Perfe. Ily a eu de leurs Vais.
feaux arrestez, mais on n'en ſçait
pas encore le détail.
Les Anglois souffrent beaucoup
à Bombain, à cause qu'ils n'ont
point cu de Vaisseaux d'Angleterre.
Le Vaisseau quiaeftébrûlé àAnjonan
par noftre Escadre , leur a
causé une grande perte. Cette Ville
fut affiegée l'an passé pendantplu
fieurs mois par le Mogol. Ils tinrent
bon , & ont depuis fait leur paix
avecce Princeaux conditions qu'il
avoulu.
LeGouverneurD. Rodrigue est
mortàGoa , &Dom Miguel, Meſtrede
Camp,a esté misenfa place.
On a arresté en ceste Ville-là un
Vaisseau Marchand Anglois venant
de la Chine ,pour reprefailles
12 MERCVRE
de ce que les Anglois de Bombain
Sefont emparezdes biens & maifonsdequelques
Portugais habitans
de Bombain , pour s'en estre retirez
•du temps de la guerre , contre la
défense des Anglois , qui menacent
d'arreſter tous les Vaisseaux Portugais
qu'ils rencontreront. Ce Vaiffeau
est celuyfur lequel estoient les
Peres quifurent pris à la Meque.
Nous venons d'apprendre qu'il est
arrivé deux Galions d'Europe à
Gox , & treize cens hommes avec
plusieurs Missionnaires ; & qu'un
Iesuite est nommé a l'Eſveſché de
SaintThome;& pour rétablir un
peu cette ancienne Ville , ily a ordre
àtous les Portugais répandus en
differens endroits de la Coste, d'aller
yfaire leur demeure.
Un Vaiſſeau Danois qui est revenuces
jours- cyd' Achem, a rapporté
que les Prifonniers François de
GALANT.
23
Siam avoient esté élargis . Il y est
alle tant de Marchands cette an .
née , qu'ils n'y ont pas trouvé leur
compte. Quelques - uns voyant cela
font allez , partie à Merguy ,&
Partie au Pegu.
Estans à Madrasjeparlay à un
François qui estoitvenu depuis pen
deBatavia.Il m'entretint de quelque
brouillerie arrivée en ce canton.
Un Déterminé naturel du Pays qui
estoitauſervicedes Hollandois , s'eſt
mis à la teste de deux ou trois cens
Déterminezcomme luy , qui ont
fait beaucoup de peine aux Hollandois
, avant qu'illeur ait esté poffible
de les réduire . Ils venoient leur
enlever des Corps degarde avancez
autour de Batavia. Les Hollandois
ont envoyé deux ou trois fois cing à
fixmillehommes , parmy lesquels il
y avoit cing cens Européens , pour
forcer les Rebelles dans leurs Forts.
*
MERCVRE
24
Ces Déterminez les ont fait tous fuir
juſques à deux fois , & en ont tue
blessé plusieurs. Enfin on les a
défaits avec bien de la peine, &
apres avoir perdu du monde.
L'épouvante fut grande l'an
passéà Malaca, lors que l' Oriflame
avec les trois autres Bastimens ,
des Troupes du débris de Siam , allevent
vers lunzalam . Les Hollandois
craignirent pour Malaca , par laquelle
nous avions paßé quelques
mois auparavant , & dont on avoit
veu lefort &le foible, fur tout le
peu de monde qu'il y avoit. Dans
cette crainte ils firent venir dix
Vaisseaux pour figure ; car on m'a
aſſuréqu'iln'y avoitpas cinquante
hommes dans chacun. Ils n'oferent
nonplus envoyer leurs Vaisseaux à
Bengale , & cela seulement à cause
de l'Oriflame , ce qui est une grande
marque de leur foibleſſe.
Vous
GALANT.
25
Vous aurezſcen de quelle maniere
nosgensàlafortiede Merguy tom.
berent au Pegu ; qu'ilsy voulurent
fairedes vivres , &qu'on les arrêta
prisonniers avec un de nos Peres ,
nomméle Pere Despanhac. On les
conduisit à Ava , dulieu où on les
avoitpris.Cechemindeplusde deux
cens lieuës , est terrible. C'est un
miracle comment ils ont på reſiſter
tous à ce penible voyage à travers
les bois & les montagnes affreuſes,
les torrens & les ruiſſeaux qu'il
leur falloit paſſer dans un temps
froid. Ce Pere m'écrit qu'ils en ont
paſſéquelquefoisjuſques à quaranse
en unseuljour. Aprés les avoir
menacez de la mort , on les a jugez
& condamnezà demeurer prisonniers
dans quelques Villages qu'on
leur a affignez. Le Pere à trois Villages
pour prison. Ilpeut les parcourir
, & pas davantage. Par
Sept. 1691 . B
26 MERCVRE
11
bonheur il y a là des Chrestiens
qu'il afſiſte; ainſi il s'occupe à les
instruirependantſon exil. Ila esté
fort incommodé des fatigues de ce
voyage , & il en a une jambe eftropiée.
Un de nos Peres , nommé le
Peredu Chats , allal'an passé d'icy
à Pegu , & jusques à Ava , pour
voir ce qu'ily avoit à faire pour le
delivrer. Il ne pût avoirla permisfion
deluy parler ,&les Portugais
noirs de ce pays- là luyfirent donner
un ordre de la part du Roy , de se
retirer.
Les Anglois avoient une belle
Factureà la Coste de Girgeti , c'est
àdire entre Mafulipatan & Ben.
gale. Ellefut pillée l'an passé par
lesMores, ce qui leur causa une
grande perte. On tua beaucoup des
leurs,&leurs marchandisesfurent
enlevées.
Gingy estla Capitale&laprin
GALANT.
27
cipale Ville de Ram Raja , Fils de
Sevagy.Elle est situéedansdesmontagnes
, & l'on m'a dit qu'elle est
disposée de cetteforte. Trois monta.
gnes qui font un trianglesejoignent
par des murailles tres -fortes , reve-
Stuës degroßes tours , &fur chaque
montagne ily a un Fort , & une
Fortereſſe encore dans le millieu de
L'enceinte , qu'on dit estre de plus
de deux licuës. Il y a de fi groffes
pieces de Canon , que lors qu'on les
tire nous les entendons distinctemens
d'icy , quoy qu'ily ait quinze
lienës. Cette Place est affiegé depuis
cinq mois par un des Generaux du
Mogol. On diſoit ces jours - cy qu'il
manquoit defourage , &qu'il pourroit
bien leverle Siege. Il apeu de
monde , & encore moins d'argent.
Ila vendu depuis peu aux Anglois
une Fortcreffefurle bord dela Mer,
àtrois ou quatre lieues d'icy. Com-
B 2
28 MERCVRE
me ils y ont tres - peu de monde pour
la garder , on dit qu'ils ont grande
peur denous ; carfi on vouloit met.
tre deux cens hommes à terre , on
s'en rendroit maistre à peu de
frais.
Voilà ce que je vous puis mander
cette année de ces Paiys- cy.
Nous attendons dans fort peu de
temps des Vaiſſeaux de la chine ,
dont neanmoins nous n'avons point
encore de nouvelles.
Voicy l'Extrait d'une autre
Lettre qui parle auſſi de
l'action de Madras. Vous ne
ſerez pas fachée d'apprendre
les autres nouvelles qu'elle
contient.
Le 2.de luillet 1690.paſſant par
l'Isle d' Ajouan , nous trouvaſmes à
larade un Navire Anglois de cinquante
quatre pieces de Canon . Il
effuya pendant plus de fix heures
GALANT.
29
a
lefeu de noftre Efcadre , apres quoy
ilſe brûla , un François quiſeſauvaà
la nâge , nous rapporta que ce
Vaiſſeau avoit trois cens hommes
qui ont presque tous pery ; qu'il s'appelloit
le grand Albert ; qu'il appartenoit
à la Compagnie Angloiſe,
&qu'ilestoit leſeul qu'elle envoyoit
aux Indes. Apparemmentfa charge
estoit riche.
Le 29.dumefme mois en paffant
par l'ifle Ceilen , nous y trouvaſmes
une FlûteHollandoiſemouilléefort
prochede terre , quiferendit
aux Chaloupes que Mr diu
Quesne , nostre Commandaut , y
envoya . Ellepeut valoir cinquante
mille écus. Ensuite nousfiſmes route
pour Pontichery , &y arrivasmes
le 12. Aouft. Un peu de temps après
noſtre arrivée, nous apprêmes qu'il
y avoit plusieurs Navires , tant
Anglois que Hollandois , monillez
B 4
30
MERCVRE
L
1
Sous la Fortereffe de la Ville de Ma
dras , qui nous attendoient quand
nous paſſerions pour aller à Bengale,
ce qui nousfit prendre la refolution
de les allerattaquer.
Nous partiſmes pour cet effet de
Ponticheri le 24. & arrivaſmes à
Madrasle 25. jour Saint Louis.
Nousy trouvaſmes quatorze Vaif-
Seaux , dont iln'ien eut qu'onze qui
tirerent pendant le combat que nous
donnaſmes . Il dura plus de trois
heures ,& ily eut un fort grosfew
de part & d'autre , aussi bien que
de la Fortereffe. Nous nous retirafmes
ensuite , & allasmes mouiller
bors de la portée du Canon pour
nous racommoder. C'est une action
aussi belle& auſſibardieque digne
de Mr du Quesne. Nous priſmesle
lendemain un Vaſſeau de peu de
confequenceàleur veuë,sans qu'ils
ofaſſent ſe presenter pourle fecon
rir.
GALANT.
31
Les Anglois , aprés avoir pris
Marigalande , affiegerent au mois
d'Avril Gardeloupe ,avecune Flote
de quarantefix voiles , dont il y
avoitdix Vaisseaux de guerre depuis
quarante jusqu'à cinquante
quatre pieces de Canon. Le refte
estoit des Barques & Brigantins
fur lesquels ily avoit trois mille cinq
cens hommes qui y firent descente
avecperte d'unepartie de leur mon
de. Le Siege dura prés d'un mois,
&Mr d'Eragny , General des ifles.
I alla en personne au mois de May
avec huit Vaiſſeaux , dont ily en
avoit quatre de guerre de quarante
pieces de Canon , & quatre Mar
chands , armeZdepuis dix jusqu'à
vingt fix, & quelques Barques,fur
lesquelles on avoit mis cinquante
hommes d'élite. Il descendità lear
teste au vent de l'iſſe , &fit lever
leSiege,à la grande honte des En
B4
32
MERCVRE
nemis , qui estoientbeaucoup fuperieurs
en Vaisseaux & en Troupes .
Je vous ay deja parlé plu
fleurs fois des Jeux Floraux ,
qui font ſi celebres à Touloufe
, & vous ay entretenuë de
leur Inſtitution . Mr de Cironis
Baufort,Fils de Mr de Cironis,
Sr de la Baſtide , Preſident au
Parlement de Languedoc , un
des plus beaux genies de fon
temps , aprés avoir eu le Prix
du Soucy dans l'une des dernieres
années , vient encorede
l'emporter ; ce qui l'a fait recevoir
luge Mainteneurde cette
Illuſtre Academie, Voicy le
Chant Royal qu'il a fait , &
qui a eſté trouvé digne de ce
Prix. Ne foyez pas ſurpriſe
de voir rimer Univers avec
Lauriers ,& Guerriers. La prononciation
ordinaire de cette
GALANT.
33
Province , fait recevoir . ces
rimes pour bonnes.
ROMULUS .
CHANTROYAL.
AMOVR fait tout ceder àfa
douce puiſſance,
Iln'est point deſageſſe, iln'estpoint
deprudence.
Qui puiſſe reſiſter à ce charmant
Vainqueur.
Rome doit à l'Amour sa naißance
éclatante ,
Et de ces traits brulans laforcefurprenante
Soûmit le coeur d'un Dieu qui bra
voitles dangers;
C'estpeu que Mars luy cede au mi
lieu des Lauriers
B
34 MERCVRE
Ilfaut qu'à ses deſirs Rhée à l'ena
vy réponde ,
Et qu'elle metteau jour , pour regir
l'Univers.
LeHeros fondateur de l'Em
pireduMonde.
泰
L'injuste Amulius , de qui lavio
lence.
Du Trône des Albains l'avoitfait
raviffeur..
Du jeune Romulus perfecutoit l'en
fance.
Pours'aſſurer leprix defalâchefu
reur.
Envain il veut le perdre, & less
efforts qu'il tense ,
Secondent malfes voeux , & trom
pentfon attente ,
ses deffeinsfont en butte à de trif
tes revers ,
Le Tibrefe refuse àses defirs pers
vers
GALANT..
355
Quand unfrêleBerceau , qui flore
au gré de l'Onde ;
Conferve fur le bord des abimes
ouverts ..
Le Heros fondateurde l'Em
pire du Monde..
Voy du Ciel irritélajuſte provin
dence
ود
Pourton lâcheforfait les Dieux ont
de l'horreur,
Toûjours des innocens ils prennent
ladéfense,
Cruel Amulius,tremble,&fremisde
peur..
Contre les coups certains de leur
main foudroyante
De tes vaillans Soldats l'ardeur ef
impuissantes
Après avoirforce mille obstacles di
vers ,
Romulus foumettra les peuples les
plus fiers ,
* B6
36 MERCVRE
Et renverſant l'espoir où saragese
fonde ,
Donnerapour modele aux plus fameux
Guerriers
Le Heros fondateur de l'Empiredu
Monde.
C'étoitpeuqu'exerçantunejuste
vangeance ,
Romulus triomphât defon perfecuteur
,
Pour élever encorfa gloire , &fa
vaillance ,
Il faloit que de Rome ilfût le fondateur.
Aprés avoir bâti cetteVille impor
Lante
Contre luy vainement le Sabin , le
Veiente.
Soulevent , & Voisins , & Peuples
étrangers,
Comme un Fleuve groſſi du tribut
des Hivers
GALANT .
37
Ne trouve point de champs quefon
torrent n'inonde,
Tels parot enfonçant leurs Escadrons
entiers.
Le Heros fondateur de l'Em
pire duMonde..
Iln'est rien qui neplie , &dont
la réſiſtance ,
Retarde un seul moment l'effetde
Sa valeur,
Acronparſon trèpas enfait l'experience,
Et loin de l'abaiſſer , rehauſſe ſa
Splendeur.
Enfin des Immortels la Troupe ima
Patiente
Veutêter aux humains cette vertu
brillante,
L'arbitre de la Terre, & la serreur
des Mers.
Tandis que l'on entend par de di
uins concerts5
38 MERCURE
Celebrerfes exploits,ſaſageſſe pro
fonde,
On voit au rang des Dieux , élevé
dans les airs.
Le Heros fondateurde l'EmpireduMonde.
ALLEGORIE ,
au Prince de Galles .
N Prince infortuné , qu'une
UNLigue infolente
Fit expoſer aux flors d'une Merécumante
,
Parlamainde LOVIS verrabien
18t aux fers
Ses Ennemis vaincus , & de konte
couveris,
Et nous verronssavie en prodiges
feconde
Surpaſſer par sa gloire , aprés cens
mauxsoufferts,
Le Heros Fondateur de l'Em
pire du Monde
1
1
GALANT.. 39
Ce Chant Royal eſt accom
pagné de pluſieurs autres Ouvrages
, que Mr de Cironis a
fait imprimer ſous le titre du
Triomphe du Soucy , & qu'il a
dédiez à Mademoiselle de
Castelnau , Fille de feu Mr le
Marquis de Castelnau . Meſtre:
de Camp d'un Regiment , &
Gouverneur de Brest , Fils de
Mr le Maréchal de Caſtelnau
Capitaine general des Armées.
du Roy , & du coſté de Madame
ſa Mere , Petite fille de
Mrle Maréchal Foucaut , ViceAmiralde
France.
Les paroles que vous allez
lire onteſté miſes en chant, par
Mr Hurel , qui eſt dans une
haute réputation pour bien
montrer à jouer du Thuorbe ,
àbien chanter..
20
40
MERCVRE
AIR NOUVEAU.
Aime tendrement Lifette ,
Et j'avoisfieu l'engager.
Cependant cette Follette
Depuis peume veut changer.
Maisjesçauray m'envanger,
Carfi dans nostreVillage
Ellevient encorm'appeller
Pour danser au boccage
Ien'y voudray plus aller.
La piece de Vers qui ſuit
m'a eſté envoyée de Rouën ,
& a efté faite fur ce qu'un
homme qui a beaucoup de
commerce avec les Muſes a
fait venir une fontaine dans
fon Jardin. Vous en trouverez
le tour aife & fpirituel.
GALANT. 41
********
D
IDILLE .
Amon prés d'une Fontaine ,
Sous des arbres toûjoursverts,
Las deraconterfa peine ,
ên badinant dit ces Vers ,
Habitante de cette Onde ,
Belle Naïade , croy moy ,
Tufais du bruit dans le monde ,
Mais l'onsçait affezpourquoy .
UneNymphe jeune &fage
Nedoit point tant voyager ;
Il est peu feur à ton age
De ferire du danger.
Noussçavons ce qu'on raconte
D'unjeune &galant Ruisseau ;
Iln'est pas leſeul qui t'en conte ,
1
MERCVRE 42
Maint autreàpart augâteau.
Lesieux , les Ris , le Zephire
Et les Fleurs tefont la cour.
Eft - ilmal- aifé de dire
S'ils'y gliffe de l'amour ?
Tu crois paffer pourfevere
En coulant dans ce lardin ?
Chansons, L'air le plus austere
Souvent cache uncoeur badin...
Letien n'est que tropſenſible
Ilſoupire à tous momens.
Belle Nymphe, est il possible
Qu'ilsoupirefans Amans ?
Damonfetût, La Naiade
Bien que ſage s'emporta ,
Etfon Onde babillarde
Pour l'entendre s'arresta.
Ab c'esttrop mefaire outrage
GALAN T.
43
Impitoyable Berger.
Sçache que j'ay du courage,
Et que jepuisme vanger.
Tu dis que mon coeurfoûpire
Mille & mille fois le jour ;
Que les Ris, & le Zephire ,
Etles leux mefontl'amour.
Lors que tufers de victime
Acent coupable defirs ,
Voudrois tumefaire un crime
De ces innocens plaifirs?
Nechantedoncpas Victoire ..
Lors que l'on peut t'accabler
Mais écoutemonHistoire ,
Etpuis tu pourras parler.
Connois-tu cette Fontaine
Qui coulefur l'FHelicon ,
Et qu'on appelleHippocrene
Au Royaumed' Appollon
44
MERCVRE
C'estmoy mesme. Mon voyage
Seroit long à raconter.
Surs - je encor cettevolage ,
1
Qui s'en fait par tout conter ?
L'Hippocrene plaiſt aux Muſes z
Aux Muſes déplaiſt l'amour.
Cherche , cherche quelques rufes
Pourl'excuser àtontour.
Si tu doutes de la chose ,
Bois de cette cau Seulement .
Etfur ce gazonrepose,
TuSeras Poète àl'instant.
Enfin puis qu'ilfaut tout dire ,
Le Maistre de ce Vallon ,
DAPHNIS , quela France admire,
Apprens que c'estApollon.
Pour te punir, Temeraire ,
Sans ceffeinsouffrirasi
GALANT.
45
Cartoûjours tu voudras plaire ,
Etjamais tune plairas.
L'Arrestparut bien fevere
Aux Bocages d'alentour.
Damon aimeſa Bergere ,
Sans luy donner de l'amour.
Bergers ,ſi vos Celimenes
Vous cauſent desfoins jaloux ,
N'allezpasfur les Fontaines
Decharger vostre couroux.
Le Dimanche 22. de Iuillet,
les Peres Auguſtins de Bordeauxcommencerent
la folemnité
de la Canoniſation de S.
Iean de Sahagun , dit de Saint
Facond , Religieux de leur
Ordre, & Patronde Salamanque.
Ce Saint nâquit à Sahagun,
Ville du Diocese de Leon
en Eſpagne , & fut accordé
46 MERCURE
i
aux prieres de ſon Pere & de
da Mere, également diftinguez
par leur vertu & par leur naiffance.
Il fut Camerier de l'Eveſque
de Burgos , qui te fit
Preſtre & Chanoine de fon
Chapitre ; mais ce Saint ayant
renoncé à ce Benefice , alla
prendre l'habit de S. Auguſtin
à Salamanque , où d'abord il
ſe rendit auſſi illuſtre par ſes
Predications que par ſes miracles.
Il finit ſa vie par un poiſon
lent que luy donna une
Dame deſeſperée de ce que le
Saint avoit converty fon Amant,&
l'avoit retiré du commerce
criminel qu'il avoit
avec elle depuis quelques années
. Les Cardinaux Antonjan
&Baronius marquent ſa mort
l'onziéme de luin 1479. ſous
le Pontificat de Xifte IV. Le
GALANT.
47
PapeClement VIII . le beatifia
l'an 1601.& le Pape Alexandre
VIII . le canoniſa le 28. Novembre
de l'année derniere .
L'ouverture de cette ſolemnité
qui a duré huit jours , ſe
fit par une grande proceſſion
qui partit de l'Eglife Cathedrale
Saint André,pour ſe rendre
dans celle des Auguſtins.
Les Religieux portoient dans
cette proceffion deux Bannieres
qui repreſentoient le Saint,
&quelques- unes de ſes principales
action . Toutes les parouffes
marchoient enſuite ,
puisle Chapitre de S. André ,
le Parlement & la Cour des
Aides en robes rouges , & les
autres Corps de luſtice. Ils ſe
rendirent tous proceffionnellement
dans l'Egliſe des Auguſtins
,qui eſt une des plus
48 MERCVRE
belles de la Ville , & qui estoit
magnifiquement ornée. Mr
l'Abbé d'Arche : Doyen du-
Chapitre de S. André , у се
lebra la Meſſe , qui fut chantée
parla Muſique. Chaque jour
de la ſemaine , un Ordre Religieux
y a eſté en Proceſſion ,
chanter la Meſſe , & preſcher
à ſon rang l'apréſdînée. Le
Mercredy , jourde S. Jacques,
Mr l'Archeveſque de Bordeaux
l'y celebra,& y donna la
Communion aux Freres du
Convent , & à un tres - grand
nombre de perſonnes. Le jour
de l'Octave , Mr l'abbé de
Conſtans , Doyen du Chapitre
de S. Severin , y dit la
grand'Meſſe , qui fut chantée
par la Muſique de ſon Eglife,
& il y officia de meſme à
Veſpres , accompagné de tous
les
GALANT. 49
les Chanoines de fon Corps .
Ils y firent enſuite la Proceffion
du S. Sacrement , dont le
meſme Doyen donna la benediction
, qui fut fuivie immediatement
aprés de l'élevation
d'une Ranniere du Saint , au
milieu du Choeur de l'Eglife ,
la meſme Muſique chantant
des Motets , à l'honneur du
Saint , le Te Deum & l'Exaudiat
avec d'autres Prieres pour le
Roy , ce qui avoit eſté fait tous
les jours de la ſemaine , à chaque
benediction du S. Sacrement.
Le ſoir , les lurats reveſtus
de leurs robes de ceremonie
, & précedez par les
trois Compagnies de leurs
Hallebardiers ,de leurs Trompettes
, Hautbois &Enſeignes,
allerent mettre le feu au bucher
que les Peres Auguſtins
Sept. 1691. C
so
MERCVRE
avoient fait dreſſer dans la Pla
ce devant leur Convent, où les
cinq Compagnies du Quartier
, au nombre de huit cens
hommes ſous les armes , s'e
ſtoient rangées en Bataille.
Aprés pluſieurs décharges de
la Mouſqueterie , des Boites,
& de quelques pieces de Canon
, l'on fit jouër un Feu d'artifice
qui réuſſit parfaitement ,
pendant qu'on entendoit les
Trompettes , les Hautbois , les
Violons , les Tambours , les
les Muſettes , & les Fifres .
Quelques jours avant cette
Solemnité , Mr l'Archevêque
de Bordeaux avoit inſtitué
dans ſon Dioceſe , l'adoration
perpetuelle du S. Sacrement ,
pour la ſanté du Roy , & pour
la profperité de ſes armes.
le vous envoye un Diſcours
GALANT.
SI
qui a eſté fait à la priere de Mr
leMarquis d'O , par Mr l'Abbé
Deſlandes , Grand Archidiacre&
Chanoine de Treguier,
pour l'inſtruction des jeunes
Gentilshommes de Bertagne.
Il y a quelque temps qu'il fut
prononcé à Breſt aux Cadets
de Marine .
MESSIEURS,
La Noblesseest un avantage de
la naiſſance , qui a esté de tout
temps confideré, parce qu'ellefemble
transmettre aveclefang debel.
les inclinations & des sentimens
genereux. L'éducation que LOVIS
LEGRAND prendſoin de faire
donner aux Gentilshommes , contri.
buë beaucoup à élever leur esprit
an deffus de ceux du commun . La
vertu de leurs Ancestres , leurs belles
C 2
152
MERCURE
,
actions le rang qu'ils tiennewe
dans le monde , la repution , ledefir
de la gloire , le chemin qui leur est
ouvert auxgrandes choses ,font autant
d'éloquens Orateurs qui les
avertiſſent de ne rien faire qui les
rende indignes de l'honneur qu'ils
ont recen enfortant d'unfangſi di
ſtingué dans le monde. Valere Maxime
nous apprend que parmy les
Anciens , l'aisné de la Famille
chantoitfurle Luth des airs à la
loüange de ses Incestres , pour
s'animer les uns & les autres aux
actions heroiques. Ces invincibles
Machabées, dont l'Ecriture Sainte
fait l'éloge , ne laiſſa àſes Enfans
pour tout teftament que la gloire de
fes Ayeux , Mementote operum
Patrum. Le Comte Baltazar , en
nousfaisant le Portrait d'un parfait
homme de Cour , veut qu'ilfoit de
qualité. Voglio adunque che
GALANT.
53
queſto noftro Cortegiano , fia
nato nobile , e di generofa familia
, & voicy laraiſon qu'il en
donne. Perche la nobilita è quaſi
una chiara lampa che manifeſta
, e faveder l'opere buone e
le male , eaccende e ſprona alla
virtu . La Noblesse est comme un
flambeau quifait remarquer les actions
bonnes ou mauvaises ; & un
Gentilhommeſeſent preffé de fuivre
la vertu & de fuir le vice qui
est toûjours accompagné de l'infamie.
Quele Cielſoit a jamais beny
l'Antiquité ne peut reprocher
aucune infamie à nos Chevaliers
Bretons. C'estun éloge fingulierpour
la Bretagne qui a toûjours estéfidel
le àfesPrinces. Vous sçavez, Meffieurs
, que la qualité de Chevalier
n'estoit pas hereditaire , & n'accompagnoit
pas les charges; ilfalloit
C3
54
MERCVRE
la meriter&l'acquerir par les ara
mes. Tous les Nobles qui y prétendoient
s'appelloient Bacheliers , &
un Banneretquiy aspiroit , s'appelloit
Damoiseau . Si le Fils d'un Che
valier estoit juſques àl'âge de trente
ans , fans aller à la guerre , il ne
Pouvoit jamais jouir du privilege
des Chevaliers . Olivier de la Marche
, qui écrivoit en l'an 1440 .
parlant des Gentilshommes de Bretagne,
dit que cesont les Chevaliers
les plus fages , les plus vaillans, &
les plus courtois qu'on pust rencontrer
, & nous lisons dans les Memoires
de Gilbert de la Fayette ,
Maréchalde France , Chambellan
de Charles VII. qu'il ne connoiſſoit
point au monde de Nation plus
belliqueuse&plusfidelle àfon Dieu
&àson Prince , que la Nation Bretonne.
Ces deux illustres Historiens
remarquent que le Bachelier quife
GALAN T.
57
preparoit pour estre receu Chevalier
paſſoit toute lanuit en prieres dans
l'Eglise , & qu'au lever du Soleil
il entroit dans le Bain , pour lug
apprendre qu'a l'avenir il devoit
avoir la pureté de l'ame &du corps.
Aprésoela , on l'habilloit en homme
de guerrezilſe mettoit àgenoux
devant le Prince , & prestoit sur
les faints Evangiles leferment de
fidelité , puis le Prince luy ceignoit
l'épée , en disant , Je vous fais
Chevalier , au nom du Pere ,&
du Fils & du Saint Eſprit. Lors
qu'à la veille d'une Bataille les
Bacheliers demandoient par grace
d'eftre faits Chevaliers , afin que
s'ils mouroient , on les enterrast comme
tels , le Prince , ou le General
d'Armée , leur donnoit trois coups
de son épée , & aprés le Combat ,
les Bacheliers qui s'étoientsignalez
estoient receus Chevaliers .
C 4
56
MERCVRE
:
Jem'apperçois , Messieurs , que
ce recit hiſtorique anime le fang
genereux qui a coulé dans vos veines.
Vous brûlezdu deſir de le voir
verſer , pour marquervostre reconnoiffance
au plus grand Roy de la
Terre. F'entens quevous dites qu'il
eft glorieux de mourirpoursa Reli
gion , pour sa Patrie & pour fon
Roy. Les bleſſures qu'on reçoit dans
leſervice font de vrais titres de Nableffe.
Plagæ pro Rege interdimicandum
excepια , τοιHiſtoriarum
volumina faciunt , quot
funt cicatrices . Continuez ,Mefficurs,
dans dessentimensſi dignes
de vous. Continuezde prier pour la
conservation de LOUIS LE
GRAND qui ayant eu l'avantage
de réünir toutle Troupeauſous
un mesme Pasteur dans toute l'éten
due defon Royaume , me donne lieu
de rapporter icy ces belles paroles .
1
GALANT.
57
du Sauveur. Dico enim vobis
quod multi Prophetæ & Reges
voluerunt videre quæ vos videtis
, & non viderunt. Cependant
ge demanderay as Ciel qu'il
vous comble deses benedictions.
Comme je ne vous fais
part d'aucunes Nouvelles que
quand elles ſont tres- feures,&
qu'il faut du temps pour en
apprendre le détail, je ne vous
ay point parlé de la Campagne
de Mr le Comte d'Eſtrées &
du Bombardement de Barcelone.
Nos Ennemis n'eſtant pas
eneſtat de nous rendre la pareille
, ſe récrient fur cette
maniere de faire la guerre.Cependant
il n'y a rien qui ne
ſoitdans l'uſage . Elle eſt mes
me beaucoup plus douce que
celle de donner une Bataille
CS
58 MERCVRE
و
des Ennemis qui ne veulent
point entrer en lice , parce que
ces derniers font obligez de
combattre
& ne peuvent
épargner leur fang , au lieu
qu'il eſt au pouvoir des Peuples
qu'on bombarde , de ſe garantir
, en ſe rachetantde tous.
les maux qui ſuivent un bombardement.
Ainſiil eſt ridicule:
de ſe plaindre d'une choſe
qu'on peut éviter & c'eſt
accuſer ſon Ennemy de ce qu'il
eſt le plus fort .. Ceux qui ſe
déchaînent contre les BOMbardemens
, les blâmeroient
moins , s'ils eſtoient en eſtat de:
ſe diſtinguer avec autant de
fuperiorité . Rien n'eſt plus
dans les regles de la guerre ,
& puis qu'il y eſt permis de
ſurprendre ſes Ennemis , & de
les battre à fon avantage , on
GALANT.
597
ne peut avoir droit de blâmer
ce qui ſe fait ouvertement:
contre eux. S'il y a quelque
choſe que l'on doive condamner
, c'eſt la maniere dont les
Ennemis ont mis le feu à quelques
Magazins de Strasbourg ,
comme je l'ay juſtifié dans ma
derniere Lettre , par le Procés:
verbal de ce qui s'eſt paſſé à
ladécouverte du crime ,& à la
punition du Criminel .
Le 26. de Iuin , Mr le Com
te d'Estrées , Vice- Amiral de:
France , eſtant party de la rade:
des Ifles d'Hieres , moüilla .
le 8.Juillet devant Barcelone ,.
fans qu'il faſt poffible de laiſſer
tomber l'ancre à l'endroit qui
avoit eſté marqué , tant le vent
ſe trouva frais. Le lendemain,,
Mr de Pointis ayant eſté reconnoiſtre
de fort prés la Place
C6
60 MERCVRE
les poſtes les plus avantageux pour le
deſſein qu'il avoit , y mit les Galiotes
àBombes ſans aucun obſtacle du côté
des Ennemis , & le 10. les Chaloupes
, qui avoient porté leurs ancres
fort tranquillement de tres-grand matin
, commencerent à tirer ſur les huit
heures. Cinq ou fix Batteries de la
Ville firent grand feu, & le vent ayant
augmenté ſa violence vers le foir , la
groſſe mer empeſcha les Galiotes de
continuer à tirer. La nuit , il parut un
fort grand feu cauſé par les Bombés.
en differens endroits de la Ville , fur
tout auprés du Palais du Viceroy ,,
& la grande Eglife. Le 11. les Galiotes
recommencerent à tirer , & ayant
achevé d'envoyer ce jour-là le nombre
des Bombes que l'on avoit réſolu
d'employer au bombardement de
Barcelone , on mit à la voile
le 12. pour aller à Alicante ,
fans aucundommage des coups
de Canon que l'on eſſuya en ſe
retirant , que d'un qui donna
dans la Galiote de Mr de
د
GALAN T. σι
Grandpré , où il tua un Mate
lot ,& emporta la jambe d'un
Garde marine.
Il fut impoſſible à cauſe du
calme & des vents contraires ,
de mouïller devant Alicante ,
plûtoſt que le 22. du meſme
mois; mais l'Armée s'approcha
beaucoup plus prés de la Ville
qu'elle n'avoit fait de Barcelone.
De fix Vaiſſeaux qui
eſtoient à la rade , quatre mirent
Pavillon Genois , & un
autre mit Pavillon Venitien.
Pour le fixiéme il n'en mit aucun.
Il eſtoit defarmé , & l'on
ſceut par les Capitaines des
cing autresqui vinrent àbord,
qu'il eſtoit Genois , & que les
Eſpagnols l'avoient arreſté depuis
plus de dix- huit mois ,
commeayant eſtétrouvé chargé
de quelques Marchandiſes
62 MERCVRE
de contre-bande . Ils confirme
rent ce qu'on avoit déja ſceu ,
que Papachin eſtoit à Malaga
avec cinq Vaiſſeaux & deux
Brulots . L'on n'eut pas plutoſt
mouillé que M. de Pointis receut
ordre de Mr le Comte
d'Eſtrées , d'aller reconnoiſtre
la Place ;il y fit jetter les ancres
des Galiotes à la portée du
Mouſquet des remparts de la
Ville. Les Ennemis firent fort
grand feu , & pluſieurs coups
porterent dans les Chaloupes
&dans les Galiotes . Un éclat
bleſſa Mr de Grandpré ſur la
fienne. Deux Matelotsy furent
auſſi bleſſez , ainſi que pluſieurs
autresdans celle de Mr Boiflier,
par les éclats d'un Canon qui
creva. Le foir , les Galiotes
ayant eſté ajuſtées , & miſes à
un peu de diſtance , afin de ne:
GALANT. 63
pas perdre un ſeul coup , les
Bombes commencerent à tirer,
& fur le minuit , quoy qu'on
n'en euſt encore tiré qu'environ
trois cens , on vit le feu
en tant d'endroits de la Ville ;
que l'embraſement parut pref.
que general .Le 23 pendantque
l'on continuoit à bombarder-
Alicante, Mr le Bailly de Noailles
, ſuivant les ordres gu'il
avoit receus de Mr le Comte:
d'Eſtrées , envoya quatre Gar
leres pour remorquer le VaifſeauGenois
au large. Non feulement
il eſtoit deſarmé com
me jel'ay dit , mais il avoit fes
Mars de hune bas Mr de Pointis
fut chargé en mesme temps
de faire brûler neuf Barques
qui eſtoient toutes à terre à
demy portée du canon d'une
des portes de la Ville. Des ca *
64 MERCURE
nots remplis de feux d'artifice,,
les aborderent , & ces canots
étoient foûtenus par fix Cha
loupes à Carcaſſes , & dans
leſquelles eſtoient des Moufquetaires,
&dontily en avoit
troisqui portoient chacun un
canon. On diſpoſa lesChalonpes
entre les Barques , & un
grand retrachement des Ennemis
, mais ny leur grand nombre
ny leur feu continueln'empêcherent
point qu'on ne miſt
le feu aux Barques . Iln'y en eur
neantmoins que cinq confumées
entierement , ce qu'on
imputa à la mauvaiſe qualité
d'une partie des feux d'artifice
qu'onavoit eſté obligé de faire
trop à la haſte. Il n'yeut en tout
celaque deux hommes de blef
ſez . Un vaiſſeau Livournois
arriva ce meſme jour à la rade
:
GALANT .
65
d'Alicante , aſſeura qu'il avoit
rencontré le Comte d'Aguilar ,
General de la Flote d'Eſpagne ,
avec douze Vaiſſeaux Eſpagnols
qui croifoient ſur le Cap
de Saint Vincent , attendant
la Flotte des Indes , & qu'il n'y
avoit que ſept jours qu'il lesy
avoit laiſſez . Le 25. fix Baftimens
ayant paru fort au large ,
Mr Gabaret fut détaché avec
quatre Fregates pour leur donner
la chaffe , & il revint le 27 .
ſansavoir pû meſme lesdécou
vrir . C'eſtoient deux Hollan
dois & quatre Anglois Marchands
qui venoientde Genes
& de Livourne , & qui ſur les
ſignaux que l'on avoit fait de
terre avoient promptement
changé de route lors qu'ils
avoient apperceu l'Armée du
RoyC'eſt ce qu'on apprit par
66 MERCVRE
des Baſtimens chargez d'eau
pour les Galeres . M. le Comte
d'Eſtrées ayant refolu de faire
attaquer un Mole qui eſt à Alicante
, & qui s'avance tout
droit environ une toiſe dans
la Mer, jugea à propos ; pour
favorifer cette entrepriſe , de
faire approcher les Vaiſſeaux
&les Galeres , afin que l'on canonnaſt
en meſme temps que
les Galiotes jetteroient des
bombes . Mr de Pointis devoit
cependant mettre pied à terre
furle Mole à la teſte des BOMbardiers
, & y faire ce qu'il
croiroit devoir entreprédre ſui.
vant l'eſtat où il trouveroit les
choſes.C'eſt cequ'il executa le
ſoir du 28. Il fut ſuivy par deux
Chaloupes à canon , qu'il fit
tirer fur pluſieurs gens qui
eſtoient ſur le Mole , lors qu'il
GALANT . 67
ſe vità la portéedu mouſquet.
Ces gens- là prirent la fuite , &
l'on reconnut que les canons
de ce Mole qui ne tiroient
plus depuis quelques jours,en
avoient eſté oſtez , & qu'il n'y
avoit plus que les embraſures.
Pendant ce tems , les Eſpagnols
redoubleret le feu qu'ils avoiét
fait juſque là de toutes les
batteries deleurs remparts.Une
des deux Chaloupes qui en fue
percée ſe vit en peril de couler
bas ,& dans l'autre il y eut un
Lieutenant & trois Matelots.
bleſſez . On ſe contenta d'avoir
ainſi canonné le Mole ,& aprés
cela on fit raprocher les Galiotesqui
tirerent encore prés
de trois cens bombes dans la
Ville . On y en avoit déja tiré
deux mille , & deux cens carcaffesice
qui la détruiſit entice
68 MERCVRE
ment Le 29. à huit heures du
matin , les Galiotes ayant eſté
déja ramenées prés des Vaiffeaux
, la Fregate qui estoit en
Garde du coſté de l'Oueſt , fic
fignal qu'elle en voyoit paroiſtre
un grand nombre , ce qui
obligea Mr le Comte d'Eſtrées ,
de faire mettre auſſi - toſt toute
la Flote à la Voile. Peu de temps
aprés , ceux qu'on avoit fait
monter au haut des Maſts ,
découvrirent l'Armée d'Eſpagne.
Elle estoit compoſée de
dix ſept Vaiſſeaux , de trois
Brulots , & de deux Galeres
qui venoient vent arriere fur
cellede France. On n'avoit pû
l'appercevoir de plus loin à
cauſed'un grand broüillard qui
s'eſtoit lévé le matin. La mer
eſtoit groſſe , il y avoit peu de
vent , & à moins de louvoyer
GALANT .
69
ileſtoit impoſſible de ſe dégager
del'enfoncement dans les terres
où l'on eſtoit à cette rade .
On prit les Galeres, les Galiotes
& les Baſtimens de charge à la
remorque pour les meture au
vent , & pendant qu'on faiſoit
cette manoeuvre , Mr le Comte
d'Eſtréesen courant des bords,
faiſoit ranger les Vaiſſeaux en
bataille. Lors qu'on eut paré
les Caps , les Ennemis qu'on
approchoit par le bord que les
noſtres ne pouvoient ſe diſpenfer
de courir , ne douterent
point que nous n'cuſſions def
ſeinde combattre , & les divers
mouvemens qu'ils firent , contraires
à ceux qu'ils auroient
dû faire , firent connoître l'embaras
où ils eſtoient .L'inegalité
de forces ne permettant point
de hazarder le combat , puis
70
MERCVRE
que nous n'avions que quatre
Vaiſſeaux & cinq Fregates contre
dix ſept gros Vaiſſeaux , on
ſe ſervir du vent pour ſe faire
route vers l'Eſt , afin de s'éloigner
des Ennemis. Les petits
Baſtimens furent aidez par les
Galeres, qui de temps en temps
donnoient la remorque aux
Vaiſſeaux , autant que la mer ,
qui eſtoit fort groſſe , le pouvoit
permettre . Les Vaiſſeaux
Eſpagnols ſuivirent de loin les
noſtres & aprés avoir tiré
quelques coups de Canon pour
des ſignaux , leurs feux diſparurent
pendant la nuit , & le
jour eſtantvenu , on ne les apperceut
plus Le 30.Mrle Comte
d'Eſtrées tint confeil , & pendant
qu'on déliberoit fur la reſolution
que l'on devoit prendre
, les Ennemis parurent en-
,
GALANT.
7
core, mais affez éloignez . Ils
avoient eſté juſque - là couverts
de la terre le long de laquelle
ils eſtoient. Une bouraſque qui
s'eſtoit élevée la nuit ayant
contraint les Galeres a ſe ſeparer
des Baſtimens qu'elles remorquoient
, cela leur pouvoit
donner moyen de rejoindre
noſtre Flotte , à cauſe qu'il en
eſtoit demeuré quelques-unes
derriere , qu'on vouloit attendre
, & particulierement une
Galiote qui ſe trouvoit fort
prés d'eux . Ce fut Mr de Pointis
que l'on commanda pour
aller la remorquer avec fon
Vaiſſeau , qui étant plus leger
que les autres , pouvoit plus
facilement fournir à cette action.
Son ordre eſtoit de ne la
pointlaiffer tomberau pouvoir
des Eſpagnols ,,& de la coûler
72 MERCVRE
plûtoſt à fond , ou d'y mettre le
feu , ſelon qu'il ſe trouveroit
preſſé. On détacha deux Galeres
pour le ſuivre , afin de le
remorquer luy - meſme , s'il
arrivoit qu'il fuſt pris du calme.
Deux Galeres des Ennemis ,
fuivies de trois Vaiſſeaux venoient
vent arriere , & eſtoient
déja fort prés de la Galiote ,
quand Mr de Pointis revira
deſſus ,& ayant forcé de voiles
pour s'en approcher plus promptement,
il la prit à la remorque,
& la ramena en peu de
temps vers l'Armée. Cependantilladonna
à l'une des deux
Galeres qui l'avoient faivy ,
afin d'attendre encore une Tartane
qui venoit aprés , & une
Chaloupe chargée de l'Equipage
d'un Vaiſſeau Marchand.
Ce Vaiſſeau l'avoit abandonnée
,
GALANT.
73
née, n'eſperant pas eſtre ſecouru
, & fe trouvant au meſme
danger où s'eſtoit trouvée la
Galiote. Le ſoir du 30. le vent
eſtant devenu plus frais , on
s'éloigna davantage des Ennemis
, qui ceſſerent entierement
de paroiſtre le 31. au
matin. On continua de faire
route vers l'Eſt , le long des
Iſles de Majorque du coſté de
la Barbarie. On peut dire que
la fiere contenance de l'Armée
du Roy , empeſcha ſeule que
les Ennemis n'engageaſſent le
Combat, puis que leurAvant-
■ garde qui alloittres bien, l'auroit
pû faire , ſi elle euſt fait
force de voiles ; mais quoy que
ſuperieurs de beauconp en
nombre , ils craignirent que le
ſuccés ne leur en fuſt pas avantageux.
Sept. 1691 . D
74
MERCVRE
Les mouvemens de l'Europe
font fi grands , & elle eſt dans
une ſituation ſi extraordinaire ,
qu'il ne faut pas s'étonner s'il
ſe trouve une infinité de perſonnes
qui mettet la main à la
plume pour en parler . Ie vous
envoyeune Lettre ſur ce ſujer,
dont je ne doute point que
vous ne ſoyez ſatisfaite.
DE MYLORD *****
Conſeiller d'Etat en Angleterre.
A Mr LE COMTE
DE PORT LAN D.
E
NFIN , Mylord, noussommes
àla veille de voir celuy que
nous avonsélevé àla Royauté, auſſi
bien Maiſtre absolu de l'Irlande ,
qu'il l'est devenu de l'Angleterre &
GALANT .
75
de l'Ecoffe , par les bons conſeils que
nous luy avons donnez , & quoy
que la Ville de Limerick luy ait déja
fait lever le Siege , il n'y a pas
d'apparence que cereſtede Papistes
qui s'y est retiré , puiſſe longtemps
resister à une Armée , à laquelle
rien ne manque pour les attaquer.
Ainsile voilàbien toft libre de tous
ces égards & ménagemens qu'il
estoit obligé d'avoir d'un coſté pour
les Loix d' Angleterre , & del'autre
pour ce vain nom de Republique &
de Liberté , dont quelques- uns de
vos Bourguemestres font encore fi
jaloux. Vous sçavez quelle contrainte
elle luy a dōné jusqu'àpre
Sent, &qu'encore que nous autres,
qui ſommes dans sa confidence ,
n'ayonspas manquéde bonnevolon
té pour luy établirdés le commence
ment un Pouvoir deſpotique &arbitraire
, mesme pour punir de
a
D 2
76 MERCVRE
haute trabifon ceux qui s'y opposeroient
, & nous en approprier les
biens : neanmoins j'ay toûjours dit
avec beaucoup de raison , quetant
queles Papistes&les Serviteurs du
Roy Jacques ,poffederoient , ou toute
l'Irlande , ou une partie, il falloit
biense garder de faire connoistre
aux Anglois & mêmeaux Hollan.
dois, quel est nostre veritable but,
&vousvoyezaujourd'huy de quelle
utilitéa esté le conſeil que j'ay don
né, de témoigner autant d'aver.
fionpourleGouvernement arbitrai.
re que pour la Religion Papiſte;
carles Peuples quiſe repaiſſent de
ces démonstrations , & qui veulent
croire ce qui leurplaist , ont ioujours
ajoûte plus de creance à ces faux
témoignages du prétendu éloigne .
ment de ce Prince , à ce qu'il fouhaite
le plus ardemment , qu'aux
preuves effectives que le Roy lac
/
77 GALANT.
ques, & ceux qui l'ont précedé, leur
ont toûjours données de la droiture
de leurs intentions, C'est en effet cet
aveuglement qui les a empéchez de
voir que ce paffage en Angleterre ,
d'un si grand nombre de Troupes
Etrangeres , ne pouvoit avoir pour
objet que l'aneantiſſement de
leur liberté , & l'établiſſement
d'une authorité directement contraire
aux Loix & aux Confti
tutions du Royaume , & qu'ils a
voient toujours traitée de tiranique
C'est cettepréoccupation qui les a
faitsouffrirles passages , logemens
&quartiers d'hiversde ces Troupes
detoutesfortes de Nations , qu'au
cun Roy d'Angleterre n'avoit ose
introduire , quand mesme il les auroit
payées àses propres dépens , &
qu'elles n'auroient pas estéàcharge
au Pays. Vous avez veu qu'une en
xepriſe ſi odieuse à la Nation , re
L'apas empefchée de s'épuiser en
D 3
78 MERCVRE
dons immenfes , d'accorder au Roy
Guillaume en une seule Aßemblée
de Parlement plus du double de ce
qu'elle avoitdonné au Roy Charles
II. à fon Couronnement , & au Roy
Iacques à fon Avenement . Vous
Sçavez que nostre Prince n'a pas
plûtoſt tiré d'un Parlement tout ce
qu'il defiroit , qu'il en a assemblé
un autre , qui l'amis en état par
la continuation de ses liberalitez,
ou plûtoſt par une profusion énorme
des biens du peuple ; de répandre
l'argent d'Angleterre , non seulement
en Irlande , mais aussien Flana
dre & en Hollande , en Sayoye , en
Baviere , à Vienne , & jusqu'à
Constantinople. C'est cet argent
qui a offusqué les yeux de la plus
grande partie des Puiſſances de
l'Europe , & qui afait reconnoistre
I'vfurpateur pour Roy legitime.Ce
font les biens des Anglois qui luy
GALANT . 79
donnent les moyens , nonseulement
de maintenirson ufurpation , mais
auſſide ferendre Maistre des Etats
Generaux des Provinces Unies , de
tous les pais - Bas catholiques , &
enfin de toute l'Irlande , que nos
anciens Royalistes Anglois confideroient
comme un caveçon capable
de l'empeſsher de courir à bride
abatue à une domination fans bornes.
C'est donc aujourd'huy qu'on
peut dire qu'ilestle Maistre absolu
de lavie& des biens de tous ceux
qui habitent la Grande Bretagne,
la Hollande & les Pais Bas Catho
liques , qu'ilvajouirfans contrain_
te de la liberté de changer les Loix
& la diſpoſition du Gouvernement,
aussi bien dans le ſpirituelque dans
le temporel ; qu'il pourra fans aucune
apprehension déposer les Prélats,
en fubftituer d'autres à leur place .
mesme Supprimer l'Episcopat pour
C4
80 MERCVRE
relever les prefbyteriens , ou abaif
fer ceux- cy pour s'attirer l'Eglife .
Anglicane , & enfin assujettir
entierement à la Puissance , & les
Eccleſiaſtiques & les Laiques. Il
neferaplus obligé dorénavant d'avoir
égard aux Deliberations des
Parlemens , qu'autant qu'elles con
viendront àses deſſeins ; &fi quelques-
uns des Membres de ce Corps
mesme l'une ou l'autre des deux
Chambres , estoit affezosée pour
luy refuser ce qu'il leur propoſera ,
il leur fera bien voir que le foin
qu'il prend d'entretenir chez eux.
vingt mille hommes de Troupes
Etrangeres , demande une obeiffan
ce aveugle àses volontez , & que
dans le partage qu'il a fait pour
l'avenirdu Gouvernement , il s'eft
réſervé pour luy ſeul le pouvoir de
commander despotiquement , & à
enx lagloire d'obeir Sansreplique..
1
GALAN T. 8
Cependant les Troupes Angloises
auront la fatifaction d'aller cher
cherau delà des Mers les occafions
d'employer leurs biens & leurs vies
pour leſervicedu Prince , & comme
les Troupes de voſtre Nationont
beaucoup contribué chez nous à
L'établiſſement defa Puissance ab
Soluë , les nostres auront aussile
plaisir de reduire tous vos Bourgue--
mestres à lafervitude,& dese con
Solerde la perte de nostre Liberté
&denos Loix,par l'aneantiſſement
de la voſtre , & par la ruine entie
re de vostre Commerce& de vostre
République. Pour nous", Milord ,
nous devons d'autant plus nous ri
jouir de ces deux grands évenemens
que cesont les effets de nos confeils,
& que nous devons en attendre de
grandes marques de la reconnoif-
Jancedu Prince. Je vous prie de me
mander ce que vous en penfez
cllee me croire ,&c.
1
D
82 MERCVRE
و
Si la Lettre que vous venez
de lire a fatisfait voſtre curiofité
, j'eſpere que celle qui fuit
ne la remplira pas moins. Ces
Lettres devroient faire ouvrir
les yeux à bien des gens , &les
faire rentrer en eux meſmes ;
mais l'obſtination à ſuivre un
méchant Party , pour n'avoir
pas la honte de ſe dementir
eſt quelquefois pire quel'aveu
glement .
GALANT. 83
LETTRE DE Mr ....
Bourguemeſtre de Nuremberg,
A Mr ........
Député à la Diette de Ratisbonne,
PAR LES PRINCES DE .......
M
ONSIEUR ,
Vous m'avez fait beaucoup de
plaisir de me donner part du bon
acheminement que vous voyez à
une prompte conclusionde la Paix
entre l'Empereur & les Turcs. Ie
vous affure que je n'en aurois pas
moins de joye que vous , lije croyois
quela fin de la Guerre de Hongrie
fift ceffer celle que nous avonsfur la
Rhin , & que nous puiſſions bien-
D6
84 MERCVRE
toftjouir de la libertédu Commerce,
&de tous les avantages que l'en
tier rétabliſſement de la tranquillitépublique
apporte avecſoy, mais
je vous avoue , Monsieur , qu'il
me paroist que cette Paix nous
éloigne beaucoup plus de celle qui
nous doit donner le repos , que nous
nel'êtions au commencement de la
Guerre , & je crains bien qu'elle
ne devienne beaucoup plus perillenſe
pour les Princes , Etats & Villes
Libres de l'Empire , qu'aucune autre
que nostre Patrie commune ait
jamaisfoûtenuë : car s'il n'estoit
question que de deffendre nos Frontieres
contre la France , je croivois
que toutes les forces de l'Empereur
& de l'Empire jointes ensemble
feroient d'autant plus suffisantes
que celles d'Espagne , d'Angleterre
deHollande donneront d'ailleurs
affez d'occupation aux François.
GALANT. 85
pour les empefcher defaire de nouvelles
conquestes en déça du Rhin ..
Mais qu'est ce qui nous affurera
que la Cour de Vienne bornera fes
deffeins à une Paix raisonnable,&
qu'elle preferera le repos de tout
l'Empire àfon ambition ?
Nous apprenons déja quele Comte
Caraffa faitle Maistre non seu
lement dans le Milanois mais aussi
dans toute l'Italie ; qu'il va établir
san Confeil Aulique à Milan , par
lequel il fera citer tous les pretendus
Feudataires de l'Empire , foit
Simples Gentilshommes ou Princes
Souverains : & qu'enfintous les
Etats d'Italie ,fur lesquels depuis
pluſieursfiecles l'Empereur ne conforvoitqu'uneautorité
imaginaire,
vont bien toſt devenirfes imbutaires
, pour ne s'estrepas oppofcZdans.
le temps qu'ils le pouvoient , au
paſſagede ses Troupes dans leurs
86 MERCVRE
Païs, &aux violences qu'elles ont
commencéd'exercercontre ceux qui
nefont pas assezfort pour leur refifter.
Cet exemplenenousfait-ilpas
voirclairement le peril qui nous
menace , & ferons - nous affezfimples
pour croire que l'Empereurvou.
dra la Paix dans l'Empire , quand
ilse verra délivré de la Guerre
contre lesTures ? llaura une Armée
de foixante ou quatre vingt
mille hommes toute composéedeſes
propresTroupes , au milien de l'Al
lemagne ; & tout ce qu'ily a d'Electeurs&
de Princes qui ont quel
que Corpsde Troupesà leurfolde
Setrouveront trop heureux d'obtenirde
bons quartiers d'Hiver pour les
pouvoir entrenir ,sans qu'il leur
en coûte rien . Que si quelqu'un
d'entre- eux plus éclairé que les
autres , & moins disposé àsouffrir
Daneantifſſement des droits&liberGALANT.
87
tez des Princes& Etats de l'Em.
pire,Songeàprocurer la Paix, commeleſeul
moyen d'éviter l'esclavas
gede la Maison d'Austriche , ne
fera- t -ellepas en estat de l'accabler
, dele traiter de traître à la
Patrie, de lefaire mettre au Ban
de l'Empire, & d'exercer contre luy
toutes les rigueurs , que les artifi
cieuses cabalesdes Ministres Imperiaux
ontfait prononceràla Diette
de Ratisbonne , contre ceux qui
auront le moindre commerce avec
nos Ennemis ? Ne noussommes nous
pas engagez par là àune Guerre
perpetuelle , ou au moinsà la faire
durer , jusqu'à ceque la Courde
Vienne aitopprimé nos libertez ,&
qu'elle ait mis l'Allemagne dans
un plus facheux estat qu'elle n'a
estéſous Ferdinand 11. au commen,
cement de l'année 1628. lors qu'il
n'y avoit plus que la Ville de Strat
88 MERCVRE
Zund, qui par lesecours de la Suede
fit quelque resistance aux forces
de ce Prince ? Sera t- il temps
quand nous ferons aſſujettis , d'avoir
recours à la France&à la Suede
pour nous tirer d'oppreffion ? La
premiere preferera peut- estre les
avantages prefens d'une Paix par--
ticuliere avec l'Empereur ,àla con
fideration du préjudice que luy
pourroit caufer à l'avenir lapuis
fanceabfoluë de la Maifon d'Au
ftrichefur toute l'Allemagne , &
il faut encore moins esperer que le
Roy de Suede , qui a des engage
meus avec la Cour de Vienne,&
qui n'oſeſeulement la preffer d'ac
copterfa Mediation , faffe le moindre
mouvement pourſuivrel'exemple
di fes Prediceffeurs , & nous.
Secourir dans nos beſoins.
Ilestoray queficette bonne inligence
qui pareilt chre aujoux
GALANT. 89
d'huy entre luy & la Couronne de
Danemarcſe pouvoit affermir , ces
deux Puiſſances bien unies ensemble
auroient d'autant moins depeineà
procurerle rétabliſſement de la
Paix dans l'Empire , qu'ilne s'y eft
Pointfait de conqueste affez confiderable
de part ny d'autrepoury
apporter de grands obstacles , &
que lessoins de ces deux Couronnes
• étantsecondezen méme tems par les
Princes de l'Empire , qui prévoyent
lesfuites dāgereuses de cetteGuerre
on trouveroit bien- tost les moyens
de la faire finir , ou au moins on :
penetreroit affez quelles font les
vevës des Amis & Ennemis de
L'Empire , pour prendre les mesures
Lesplus convenables àla confervation
des Princes & Etats qui la
composent. Mais que ce beau projet
mefemble éloigné de ſon execution,
zant par la défiance & la jalousie
१०
MERCVRE
2
qu'ily a toûjours en entre les deux
Couronnes du Nord , que par les
foins queprennent les Miniftres de
l'Empereur, du Prince d'Orange ,
&de tous leurs Adherans , de les
augmenter & de promettre toute
Satisfaction àl'une pourveu qu'elle
Sefeparede l'autre ! C'est ce quime
fait craindre avec beaucoup de rai-
Son que ces deux Roisne se laiſſent
endormir qu'ils ne prennent la
résolution d'agir conjointement que
lors que toute l'Allemagnefera au
pouvoir de l'Empereur , & qu'il n'y
aura pas un Etat de l'Empire qui
ofe seulement demanderSecours pour
la conferuation de ſes droits &
libertez . Enfin , Monsieur , dans
l'estat où ſont aujourd'huy les affai
res de noštre. Pays , nous ne devons
pas moins apprehender nos amis
que nos ennemis , & fi vostre Af
Lemblée qui afermé toutes les por
GALANT.
91
tes auretour de la Paix , ne trouve
quelque expedient pour les ouvrir,
elle pourra bien estre la derniere
d'Allemagne , & ensevelir avec
elletout ce qui nous reste defranchifes
, de prerogatives & de droits.
Iefuis , &c .
Les. de ce mois , jour de
la Naiſſance du Roy , il ſe fit
à Saint Germain en Layeune
Ceremonie , où les Habitans
firent paroiſtre pour Sa Majeſté
tout le zele qu'on peut
fouhaiter dans de fidelles Sujets.
Les Peres Recolets ,& les
Peres Auguſtins Déchauſſez
des Loges , pour donner plus
d'éclat à cette Ceremonie ſe
rendirent àdix heures du ma
tin à la Parouffe pour accom
pagner le Clergé. On fit enfaite
une Proceſſion generale
92
MERCVRE
qui fut ſuivie d'une Meſſe ſolemnelle
, que l'on celebra ,
&à laquelle Leurs Majeſtez
Britanniques aſſiſterent , ainſi
qu'au Salut qui fut chanté par-
JaMuſique du Roy. La Meſſe
achevée , on commença le Te
Deum. pendant lequel on ſe
rendit au lieu où le Feu dejoye
eſtoit préparé . Ce fut le Roy
d'Angleterrequil'alluma. Il en
parut enſuite devant toutes les
maifons , avec des Illuminations
aux feneſtres qui durerent
bien avant dansla nuit.
Rien ne manqua à cette Feſte,
L'Egliſe eſtoit ſuperbement
décorée , & tenduë de tresriches
Tapiſſeries . On remarque
que Louis le Grand eſt le
quatorziéme Roy de France
qui a pris naiſſance àSaint Germain.
Ce pieux Monarquen'a
9
GALANT.
93
pas ſeulement fait rebaſtir l'Egliſe
de ce lieu qui tomboit en
ruine , mais ila meſme fait une
donation perpetuelle pour l'entretenir;
en reconnoiſſance de
quoy l'Egliſe a fondé une Mefſe
à perpetuité , le cinquiéme
jour de chaque mois.Il y eut
l'apréſdînée un divertiſſement
composé par Mrle Maire , Profeffeur
des Humanitez à S.
Germain , & repreſenté furle
Theatre de l'Hoſtel de la Rochefoucault.
Il eſtoit d'une mas
niere nouvelle , & avoit pour
fujet , La Coutume & l'opinion
détruites par des Discours enforme
de Paradoxes. On prononça fix
Difcours , dans le premier &
dans le dernier deſquels on fic
entrerdes Eloges du Roy , qui
receurentdegrands applaudiſ.
ſemen's. Tous ceux qui travail
94 MERCVRE
lent fur une fi belle & fi abon
dante matiere , ne manquent
jamais de réuſſir. Auſſi leur
ſeroit- il difficile de ne pas dire
de belles chofes , quand ils
n'auroient pas le ſecours de
l'Art & de l'Eloquence.
La Fable qui ſuit vous apprendra
pourquoy l'Aurore eſt
Amie de l'Amour. Le Berger
de Flore en eſt l'Auteur , &
vou's connoiſſez le prix de ſes
Ouvrages par beaucoup d'autres
que vous avez veus de ſa
façon.
FABLE DU SOLEIL
&de l'Aurore.
LEDien du jour ,
Dont la grande ame ,
Toute de lumiere & deflame ,
Adeforispanchanspour l'Armour.
GALANT.
95
S'estoit laissé coucher aux appas
d'une Belle ,
Dont le teintfrais & delicat
Brilloit d'un blanc de lait & d'un
doux incarnat ,
Et qui bien que mortelle
Avoit d'une Pallas , l'air , le port,&
l'éclat.
Ilſe plaifoit à soupirer pour elle
Malgré le fort infortuné
Qu'il avoit éprouvé dans l'amour
de Daphne.-
秀
Aminte ( c'est le nom de l'aimable
Pucelle
Qu'ileſſayoit de s'acquerir )
Ne demandoit rien qu'à courir,
Aimoit la Chaſſe , habitoit la cabane
,
Avoit de la douceur, un grandfond
de bontés
Tout autant d'innocence enfin que
de beauté ,
96 MERCVRE
Mais elle avoit auffifur l'Autelde
Diane ,
Fait ainsi queDaphné, vaudevir-
(ginité.
Ce Dien n'ignoroit pas cet incommode
obstacle
Aufuccés desapaſſion.
C'étoit en éclairant ce celebreSpectacle
,
Qu'il s'estoit apperceu de fon affeition
.
Il avoit pourtant esperance
Que sa galanterie &sa perseverance
Pourroient d' Aminte allumer les
م
defirs
Et luy faireau devoir préferer les
plaisirs.
Ilsçavoit bien auſſi quelle estoit l'injustice
Du deffein qu'il vouloit tenter;
Maisy formantles yeux , ilprenoit
pourfupplice
La
GALAN T.
97
La gloire deſe ſurmonter ,
Et s'ilprevit le precipice ,
Il le trouvafi beau , qu'il s'y voulut
jetter.
Rien donc ne le touchant , comme
Ses amourettes,
Aux pieds d'Aminte il mettoit
Sesgrandeurs . [ toit fleurettes ,
Tantoft , comme Phæbus, illuy con-
Et luy diſoit mille douceurs .
Tantoft, comme Appollon , il cher
choitſesfaveurs
Parle fon de ſa lire , & par ses
chanſonnetes ;
Et pour la divertir employoit les
neuf Soeurs ,
Avec Pegaze& ses courbettes ;
Ou laſuivoit aux bois parmy d'autres
Chaſſeurs.
Puis , comme Aftre du jour , fon
Soin dansſa carriere
Eſtoit de l'éclairer de toute la lumiere
,
Sept. 1691 . E
98 MERCVRE
Afin de luy montrer fes brillantes
ardeurs ,
Et de tâcherpar cette belleflame
Abannir le froid de ſon ame.
Ce Dieu joua , tout unprintemps ,
Ces officieux personnages;
Maisvoyant qu'ilperdoitson teps
Ilse laffa de rendre tant d'hommages,
Et Sa chaleur augmentam par
l'Este ,
Ilrefolut de paſſerſansremiſe
De l'amourSouple & doux, à l'amouremporté.
La resolution n'enfut pas plutoft
priſe ,
Que Cupidon qu'épioiteetAmant
Ne differa d'un moment
Suivant l'ordre receu , d'en avertir
Sa Mere,
Alors la Reine de Cithere
Habaitoit rien tant quede pou-
LYON voir vanger
1893*
GALAN T.
L'affront dont le Soleil avo
loutrager,
THEQUE DEL
10
LYDN
Affront leplussanglant qu'on puiſſe
jamais faire ,
Lors que jaloux d'elle & de
Mars
Il avoit en plein jour à cent fâ.
cheux regards
Exposé leurfecret miſtere.
Elle ouit donc l'avis que fon Fils
apportoit.
Avec tout leplaisir que tire la colere
De l'espoir desefatisfaire ,
Etditàfon Ami ce qu'elleprojettoit
Pourpunirleurgrand Adversaire.
Mars approuva le deſſeinde Venus
La Déeffe part là- deſſus .
Se rend auprès d' Aminte, &luy dit,
belle Fille ,
O Dienx , qu'on voit en vous de
graces , de vertus ?
Quede meritey brille?
E 2
100 MERCVRE
L'en suis charmée , il faut les
conferver.
Et pour cela, voicy ce qu'ilfaut ob
Server.
Iesçay que le Soleil vous aime ,
Etqu'en vain en aimant il tâche à
s'adoucir .
Leseffets trop certains de fon ardeurextrême
Sont de brûler, de hâler , denoircir.
Vostre beauté vers luy n'est pas en
afſurance ,
Et quipis, est, voſtre honneur encor
moins.
Indigne de la longue &sage réfis.
tance
Qui vous fait dédaignerſes ſoins,
Ilrenonce à la patience ;
Et veut pours'en vangervous faire
violence. ( d'smi .
C'eſt Aminte,un avis & d' Amie &
Redoutezfon approche ,
GALANT. ION
Ayez, pour luy le coeur deroche,
Vous n'avez point de plus grand
ennemy,
Fuyez- le,maisfuyant gardez-vous
devous rendre
Aux pieds de la Déeſſe oûferendis
Daphné ,
Elle ne pourroit vous deffendre
Contre cet Amant déchaîné
Sans vous cauſer quelque facheux
efclandre
Dontvoſtre eſpritferoit long- temps
gêné.
Donc au lieu de courir au Temple de
Diane.
Retirez- vous dans celay de Junon
Cette Regne des Cieux n'entend
point qu'onprofane
Les endroits quiportentfon nom.
Iusqu'au grand Iupiter tout crains
de luy déplaire,
d'affaire
Son pouvoir n'a point de pareil
Il vous tirera mieux d'affaire
Aminte écouta ce Confeils
E3
102
MERCVRE
S'en tint bien obligée à la bell
Déesse ,
Et leſuivit commepleindeſageſſe..
Si-toft qu'elle voit le Soleil
Eclater à fesyeux , & venir auprés
d'elle ,
Lafrayeur qu'ellea du danger ,
Luyfait tournerle dos , &luy prétantfon
aifle
-Rend àfuirson pas plus lege.r..
Le Soleil vainement l'appelle,
Elle court devant luy ,rien ne pew
l'arrefter.
LeDieu craignant qu'ellen'échape
A l'ardeur qui le preſſe , & qu'il
veut contenter ;
Ilfaut, dit- ilqu'au plutost je l'ata
trape ,
CarDianepourroit , pour me mortifier
,
CommeDaphne,la changer en
laurier.
Ces motsſontſuivis deſa courſez
GALANT.
103
Mais avant qu'il l'atteigne , elle
gagneun Autel
Où lunonrecevoit un Cultefolennel,
Et lanommantfon unique resource
Ellese mit avec devotion
Sousfaprotection.
Le Soleil transportépar l'amour qui
l'anime
Neprendpasgarde au changement
de lieux.
Il oublie en courant que les plus
grandsdes Dieux
Ne choquent point Iunonfans
crime,
Et ce clairvoyantn'a desyeux
Quepour l'innocentevictime
Qu'il pretend immoler
Au feu dont ilſeſent brûler.
Enpeu de temps l'ayant atteinte
Toute éperduë & tremblante de
crainte
E 4+
104 MERCVRE
Ill'oseprendre par lebras ,
La tire de l'Autel, l'éloigne de trois
pas ,
Et malgrétoutefa colere ,
Ilne luy cache point qu'il pretend
Satisfaire
Sansrespect duSaint lieu ,fans delay
d'unmoment ,
Son amoureux emportement.
Aminteſe met en défense.
Ilen vient à la violence.
Elle demande à Iunon du ſecours
Ils'en rit , & s'efforce à pousserfes
AMOUTS
Auſfi loin queson esperance.
LaDèeſſeſurvient. Arrestefieremes
Ce redoutable Amant ,
Luy reprocheſon inſolence ,
Ses mépris ,son inconstance,
Et pour l'en punir hautement,
Faisant deſon ſupplice honneur
Lafagefle
GALANT.
rog
Elle tranſporte Aminte an celeste
Sejour
Luy donne le nom de Déesse .
La place à la porte du jour ,
Accroiſt ſa force &Sa Vitesse ,
Etluy prescritfa marche àson retour.
Puis redoublant encore
Lafraiſcheur l'éclat desrofes &
des lys,
Qui la rendoientsemblable à Flore
Et dont le Dieu brillant estoit le
plus épris,
Ellela change enfin en la bruillante:
Aurore.
Après cela , regardant le Soleil ) ,
Elleluy dit raillant desasouffran
се,
CerteBelle a causé quelquefois cons
réveil,
Et deformais fa vigilance
Staura tous les matins tetirer dise
Sommeil.
E
106 MERCVRE
Ienet'ôtepassaprefence ,
Ioüis en librement , conte lux toma
amour,
Ilt'eſt permis de lux faire la cour
Voisde combien d'attraits brillefons
beau visage ,
Envis- tu jamaisdavantage?
Mais , infolent , n'espere pas
•De joindrejamais tant d'appas ..
Jeveux tevoir courir d'une course
éternelle ,
Tout brillant d'amour aprés elle..
Maisfois feur en courant que tiss
perdras tes pas,
Lamais au grandjamais , tu ne l'at--
traperas..
Cequi fut dit,se fait, le Soleil court
Sans ceffe
Après l' Auroresa Maiſtreſſe;
Maisfon travail est vain , elle fe
ritde luy ,
Sa courseprécede lafienne..
GALANT.
107
-Et pour luy causer plus d'ennuy,
Un'est point de matin qu'elle ne ſe
Jouvienne
Dufalutaireavis
Que luy donna ladivine Cipris..
Etqu'en reconnoiſſance ellene contribuë
Par unevertu qu'elle influë ,
Arendre heureux les Favoris
Et d'elle& defon Fils..
Le Soleil quileſçait enest plus mi
Serable ,
Et lefera tant qu'ilfera Soleil.
L'exemple est grand , & Sans
pareil.
Amis , foit Histoire , foit Fable
Nous en tirons cette moralité,
Quel'on doit s'abstenir d'un amour
condamnable ,
Et ne pas offenser une Divinité
Dont la puiſſance est redoutable,
Et qui nous peut punir , toute une
eternité ..
E6
108 MERCVR'E
Il n'y a perſonne qui n'aie
entendu parler du Combat de
Saint Godart , & de la gloire
que les Armes de France y ont
acquiſe. La Victoire quelles.
remporterent ne fut pointdou
teuſe , elle fut pleine & entiere
, & jamais avantageremporporté
n'a produit ſi promp--
ment la paix que fit la défaite
des Turcs , qui apprehendants
les fuitesde la valeur Françoi
ſe , la conclurent preſque auſſi--
toſt qu'ils eurent perdu la Bataille.
La bonté , la pieté , & la
generofité du Roy ayant paru
en cette occafion , puiſque Sa
Majesté , pour l'intereſt de la
Religion , non ſeulement vou
lut bien envoyer, des Troupes
filoin , mais qu'Elle confentio
meſmeque la jeune Nobleſſe:
la plus diſtinguée de la Cour.
GALANT. 109
filt ce voyage , cette action dois
eſtre marquée dans l'Hiſtoire
comme une de celles qui doi
vent faire le plus d'honneurà
la vie de ce Monarque ,& c'eſt
pour la rendre immortelle
qu'on a fait fraper la Medaille,
dontje vous envoye le revers.
le vous ay ſouvent parlé de
Mr de Saintot , Maiſtre des
Ceremonies , & qui s'eſt toujours
acquitté de tout ce qui
a regardé cette Charge avec:
une ſi grande distinction . Il
vient d'acheter avec l'agrément
du Roy , la moitié de celled'Introducteur
des Ambaſſa - .
deurs , que Mr de Bonneuil
avoitentiere , & l'on eft perfuadé
qu'il en remplira les
fonctions , de la mesme maniere
qu'il a fait celle deMaiſtre
des Ceremonics, dont Mr.
IL
110 MERCVRE
des Granges , qui a ſervy le
Roy ſous Mr Colbert , & fous
Mr de Seignelay , a eu l'agrément.
La Charge de Premier Pre
fident au Parlement de Nor--
mandie , eſtant vacante depuis
la mort de Mr de Faucon de
Ris , dont je vous ay parlé ,
Mr Hennequin , Procurenr
General au Grand- Confeil , en
a eſté pourveu . Le ſçavoir , la
ſageſſe , la naiſſance ,& la pieté
ſetrouventdans ce Magiſtrat...
Il y a des titres de nobleſſe dans
ſa Famille de plus de trois cens
ans . Elle eſt originaire de
Troyes en Champagne , & a
donné des Officiers à toutes
les Compagnies Superieurest
de Paris . Il y a eu de cene Fa
mille des Preſidens au Mortier ,
ainſi qu'auxEnquestes , & aux
GALANT.
Requeſtes du Palais , des Mai
ſtres des Requeſtes,& des Maiſtres
des Comptes , & elle eſt
alliée à un grand nombre des
meilleurs Maiſons du Royaume.
Pour répondre à ce que vous
medemandez touchant l'operation
que Mr Tribouleau a
faite a Mrle Ducde Vendofme
, je vous diray , Madame ,
qu'elle a eſté tres heureuſe
&que la conſtance dece Prince
a paru digne d'admiration ,
puis qu'il a ſouffert toutesles.
douleurs qui font inévitables .
dans les operations de cette
nature , ſans proferer une ſeule
parole , & fans faire le moindre
cry. Mais ce qu'il y a de remarquable
, & qui fait voir fon
courage & fon zele pour le
ſervice du Roy ,, c'eſt qu'on
Fre MERCVRE
vit couler ſes larmes , lors
qu'on lay eut dit qu'il ne pourroit
aller àl'Armée de plus de
fix ſemaines ..
Le vous manday dans ma
Lettre d'Aouſt de l'année derniere
avec combien d'applau
diffement M.l'Abbé de Pezano
avoit fait le Panegyrique de
Saint Louïs dans la Chapelle
du Louvre , devant Mrs de
l'Accademie Françoiſe . Chacun
demeura d'accord que
l'éloquence luy étoit naturelle,
& que les heureux talens qu'il
avoit pour la Chaire le meneroient
loin ſi ſa ſanté luy permettoit
de les exercer.Ill'avoit
foible , & tous les foins qu'on
l'a obligé d'en prendre n'ayant
pû la rétablir , il eſt mort au
commencement de ce Mois
dans une fort grande jeuneſſe,
A
GALANT.
113
laiſſant un exemple fort edi.
fiant de reſignation à la volonté
du ſouverain Maiſtre.
La douceur de ſon eſprit , la
pureté de ſes moeurs , & fon
exacte application à remplir
tous ſes devoirs , le faifoient
aimer de tous le monde. IL
eſtoit Fils de Mr le Marquis de
Pezane , qui n'ayant putrefufer
toute ſa tendreſſe à la
connoiſſance qu'il avoit de ſes
bonnes qualitez , reffent cette
perte avec toute la douleur
imaginable.
Mr le Bel , premier Medecin
deMadame & de Monfieur
le Duc de Chartres , eſt mort
auſſi depuis peu aprés une longue
maladie. Il a veritablement
paru Medecin , puis qu'il
s'eſt connu luy- mefme , ayane
declaré que ſa maladie eſtoir
114
MERCURE
mortelle dans un temps où il
n'y avoit qu'un homme éclairé
enMedecine qui en puſt juger..
La certitude qu'il avoit de fa
mort prochaine a eſté cauſe
qu'il s'y eſt preparé , & l'on a
peu vû de Medecins mourir
plus chreſtiennement.
Le Dimanche 9. decemois ,
le Roy d'Angleterre alla au
Convent des Religieuſes de
Chailloit , où il entendit Vefpres&
la Predication du Pere
Philbert de la Doctrine Chreſtienne
. Enſuite Sa Majesté
accompagné de Mr l'Eveſque
Dax, de Mr de Lauzun , & de
pluſieurs Perſonnes de qualité,
fit l'honneur aux Peres de cette
Congregation de venir à Paris
viſiter leur Maiſon de Saint
Charles, où Elle receutleCompliment
du Pere Milliot ,leur
1
L
GALANT.
General , à la teſte de ſa Com
munauté, & aprés avoir conſideré
la ſituation de cette Maifon
, & fa belle veuë & s'eſtre
promené dans le jardin , elle
voulut encore y fouper & y
coucher. C'eſt la premiere
Communauté qui ait cu ceuc
avantage.
Comme il n'y a riende plus
mépriſable que la fauſſe humilité
, rien auſſi ne touche plus
que la vraye , & il eſt avantageux
de la bien connoiſtre
pour ne ſe pas laiſſer éblouïr de
ce qui n'en a que l'apparence.
Vous trouverez les carateres
de l'une & de l'autre vi.
vement dépeins dans le Difcours
que vous allez lire . Il eſt
de Mr Taiſand , Treſorier de
France à Dijon , dont vous
avez tant eſtimé la Lettre que
116 MERCVRE
je vous ay envoyée ſur l'Eternité.
DE LA VRAYE
&de la fauſſe Humilité .
L
'Hommen'a'a aucun sujet d'a
voir de l'orgueil , & toute fa
presomptionn'est que folie ; carfi
on le confidere dans ſon origine , il
n'y a rien de plus vil ny de plus
abjet. Si on le regarde dans fa
naissance , il n'y a rien de plus
foible , ny qui ait plus besoin de
Secours. Si on l'envisage dans son
enfance , y a- t - il rien de plus fujer
à l'ignorance &a l'erreur? Sidans
fa jeunesse , qu'y a-t -il demoins
raisonnable , de plus agité par la
violence des paſſions , & de plus
préoccupéd'un vain enteſtement?
i
GALANT.
117
Si dans l'âgevirilmesme , qu'y at.
il quiſente moins l'homme que
la pluspart de ses actions ! Si on
l'observe enfin dans sa vieilleſſe ,
n'y voit- on pas ordinairement des
infirmitez & des foibleſſes d'efprit
& de corps , qui font pitié ?
Ioignons à celafa mort qui est remplie
d'horreur , & qui fait connoistre
la misere &le neant de la
nature humaine.
Cependant le croiroit- on ! Cet
homme tout plein , tout environne
de miseres , ne laiſſe pas de
nourrir dans son coeur une tres
grande vanité , en quoy ilſe trompe
extremement , puis que plus il
eſt vain , moins on l'estime , &
qu'au contraire pour arriver à la
veritable grandeur ilfaut neceſſai.
rement s'humillier parce que l'humilitéporte
avec elle cet avantage
, qu'elle fert à élever ceux qui
118 MERCVRE
la pratiquent fincerement.
Mais où trouverons nous des
perſonnes veritablement humbles?
Ily a fans doute des gens qui en
ont l'air ,& l'apparence ; l'on diroit
à les voir qu'ils font une exacte
profeffion d'humilité. Ils font
vestus simplement ,ils marchent
avec modestie , leur langage n'a
rien que de foûmis & de reſpectueuximais
quelle certitude avonsnous
qu'iln'yaaucun fard mêlé dās
cesbeaux dehors, queces habits, ces
paroles , & ces gestes ne sont pas
concertez, & qu'il n'y a point
d'affectation ny de déguisement
dansces marques exterieures d'humilité
; Ne reconnoissons nous pas
à tout moment , que le coeur de
l'homme estimpenetrable , qu'on ne
peut s'affeurer de la fincerité de fes
fentimens , & qu'iln'ya que Dieu
feul qui les connoiffe ?
GALANT. 119
Il semble que vous prétendiez,
me dira quelqu'un , que l'humilité
n'est qu'en idée , & que nul ne la
met en pratique ? quoy donci n'y
aura- t- ilpoint de vraye humilité .
Sur la terre ?
Ce n'est pas ce que je veux dire,
carje ne doute point qu'il n'y ait
des perſonnes de toute condition,&
de tout sexe , qui la pratiquent de
tres. bonne foy ; mais je dis que ces
ames choisies ; & qui ſe distinguent
par une veritable humilité , font
fort rares , & que dans un nombre
presque infiny, à peine trouve - t - on
une perſonne de ce caractere. En
effet , parlons sans déguisement.
Voyons nous beancoup de gens s'acquitter
exactement de tous les de
voirs d'une parfaite humilité?Paroiſſez
qui que vous soyez ,qui prétendeZavoir
atteint à cette vertu
fublime,on vousferajustice,on lexa120
MERCVRE
minera en comparaison avec celle
du vray humble.
Demesme que lors qu'on veut
élever un Bastiment magnifique,
on commence par faire des fondemensprofonds
, &pour le mettre en
Seureté,pourempêcher quefon éle
vation ne cause sa ruine ; ainsi
quand on veut élever dans ſon ame
- l'édificespirituel des vertus (nceres
&Solides , il faut necessairement
commencerparfaire desfondations
profondes d'humilité. C'est pour
cela que celuy qui aspire à devenir
veritablement vertueux , faitfa
principale étude d'acquerir une
vraye humilité . Il ne la fait pas
confifter dans les paroles ny dans les
oeuvres exterieures ; mais il l'imprimeprofondement
dansson coeur.
Il ne luy échape jamais rien qui
tende à sefaire honneur ; & bien
qu'il soit préferable aux autres
hommes,
GALANT. 211
hommes,& qu'il ait de tres gran.
des lumieres,neanmoins comme elles
luy font connoistre laforbliſſe natu
velle , & lerendent convaincu qu'il
nepeut rien de lay. mesme , il rend
un continuelhommage à Dieu des
graces qu'il en reçoit , il en attribuë
fidellement toute la gloire à ce
veritable diſpenſateur de tous les
biens& de toutes les perfections ,
&ſe tenantferme dans l'humilité,
qu'il confidere commeson centre , il
ne s'estime point , il croit n'avoir
aucun merite , ilfe persuade mê.
me qu'il est sujet à beaucoup de
defauts ; & pendant que sa vertu
brille aux yeux du monde, il est
presque lefeul qui ne la voit pas.
Tout éclairé qu'il est , il ne présume
rien de ses commencemens , & ses
lumieres , au lieu de l'éblouir , ne
Servent qu'à luy faire mieux voir
Sonneant. Ilse trouve petit, quand
Sept. 1691 .
F
122
MERCVRE
il paroist grond aux yeux des autres
, & il s'imagine quelquefois
estre digne de mépris , quandon le
comble de louanges & d'applaudis-
Semens. Sa modestie eſtſi delicate,
qu'il a de la confusion defe voir
honoré par les hommes , & rien ne
luy fait plus de peine dans la con .
versation que de s'entendre louër .
Ilse cache,maisfa vertu le decouwre;
il marche SansSuite , & Sans
équipage , mais c'est ainsi qu'il
triomphe de la vanité , & on l'en
estima encore plus. Il s'éleve aux
chofes du Ciel, dans le même temps
qu'il tâche de s'aneantir , autant
qu'il peut , fur la terre ; & Sçachant
qu'iln'y a rien de plus propre
àle contenir dans l'humilité, que
l'image de ſa propre mifere , il ſe
lavemet fans cefle devant les yeux
& il confitere ce qui luy manque
dans la vertu , évitant de voir ce
1
GALANT. 123
qui pourroit luy inspirer un fecret
contentement desa conduite. Bien
loin de rechercher les Emplois publics
, il les fuit , & fi lors qu'on
lesluy offre , l'am- illes accepte ,
bition n'y a jamais de part ; mais
c'est toujours parun pur effet de sa
complaisance ou de ſa ſoûmiſſion.
Plus il est élevé , plus il s'humi-
Lie; lagloire humaine ne le touche
pas , &levain éclat du monde ne
l'éblouit point. Accablez- le ,ſivous
voulez , de mépris & d'injures ,
il les fouffriva fans murmurer &
Sansſe plaindre,ilen reffent mesme
de lajoye , & il se croit redevable
à ceux qui l'offensent , parce qu'ils
luy donnent occaſion de fouffrirpour
Dieu. S'il fait quelque fauteil
l'avoüe de bonne foy , & cet aven
d'avoirfailly qui coute tantànoftre
orgueil , ne luy fait point depeine,
Parce que la connoissance qu'il a
1
F 2
124
MERCVRE
de la fragilité humaine , fait que
rien ne luy paroist plus extravagant
, que de vouloir la diffimuler .
Son humilité est égale dans l'une
&dans l'autre fortune , parce
qu'ilse croit indigne des auantages
qui luy arrivent , & qu'au contraire
il croit meriter toutes fortes
de disgraces. Quand il rend quelque
bon office , il n'y mesle aucun
motifhumain ; cen'estjamaisdans
la veue d'en recevoir des remer.
ciemens ny des récompenfes , & il
n'a d'autre but que de faire du
bien. Mettezà l'épreuve sa foû.
mission , vous connoistrez qu'elle
est naturelle& fansart, vous verrezqu'il
obeitsans peine , non feulement
à quiconque a droit de luy
commander ; mais aussi qu'il se
Soumet volontairementàses égaux,
&mesme à ses inferieurs. Il est
dans une continuelle defiance de
GALANT.
125
luy mesme jil redoute mesme,pour
ainſiparler,fes meilleures actions,
&se representant toujours fan
néant, dans la crainte qu'il a de
manquer a'humilité, il parvient
enfin àcette éminente verte.
Sondez maintenant, & examinczvostre
coeur ; faites en vousmesme
l'anatomie ; penetrez dans
Sesreplistes plusfecrets &vayez si
vous vous reconnorßez dans cette
peinture, & fi elle a bien de vostre
air. Ne diffimulons rien . Avoucz
qu'elle represente beaucoup de
traits que vous n'avezpas. Ie dis
plus peut- estre que quand vous
aurez veu le portrait ébauché du
faux humble,vous trouverez entre
vous & luy plus de reffemblance..
Comme ileft des Pierreries, faites
par les mains des hommes
dont lefaux brillant surprend d'abord,
parce qu'ilimiteen quelque
F 3
126 MERCVRE
maniere celuy des Pierres pretieuſes
faites par les mains de la
Nature ; de mesme il est une espece
d'humilité , qui n'étant que l'ouvrage
de l'artifice humain ,
n'ayant que la figure exterieure de
la veritable humilité , n'a qu'une
fausse apparence. L'orgueil est un
poison Subtil & penetrant qui s'infinue
dans l'ame par toutes fortes
d'endroits. Ne balançons pas à le
dire encore . Pluſieurs recherchent
l'image de l'humilité , mais ily en
afort peu qui recherchent l'humilitemesme.
Evitons d'y estre trompez
, fi nous pouvons ; ileſt des Impofteurs
, il est des Usurpateurs de
reste vertu , je veux dire , des orgueilleux
, qui ofent prendre l'air
degens veritablement humbles pour
Soûmettre les autres , & pour mieux
cacher leur esprit altier & dominant
, quiſous le voile ſpecieux de
GALANT .
127
4
la cause de Dieu , couvrent leurs
interests propres , & exercentfecrerement
leurs paſſions; qui font confifter
une partie de leur vertu dans
un visage austere , & qui si tost
qu'ils croyentSentir le moindre mou.
vement de dévotion , ſont pleins
d'estimepour eux mesmes , se préferent
aux autres , se perfuadent
qu'ils lesſurpaſſent infiniment dans
lavertu , & s'imaginent estre des
hommes parfaits. Ce n'est donc pas
affezd'avoir l'image & l'ombre de
l'humilité , ilfaut poffeder ce qu'elle
a de plus réel & de plus fotide , il
faut quele motifen soit pur. En
effet , si on n'est humble , que parce
qu'onse croit miserable , ou parce
qu'on se propose d'eſtre loué de ſon
humilité, ces especes d'humilitez
ſont ſans merite , & même laſeconde
est criminelle , estant certain que
le defir des louanges détruit ce que
F 4
128 MERCVRE
L
l'on fait de plus louable, Ainţithu .
milité doit estre parement volontaire
, ne dépendre en aucune maniere
ny de la contrainte, ny de l'amour
propre , & pour conclure ce raiſon -
nement il n'est pas toujours vray de
dire , que celuy qui est humilié fera
exalie , mais bien celuy qui s'humilie
volontairement , par un ve
ritable amour qu'il a pour l'humili
té, cetteexaltationeftant larécom
penſe du merite de la volonté. On
ne peut affez élever l'excellence de
'humilité , elle est non seulement
unegrande vertu , maiselle est le
Sceau de toutes les autres , carfans
elle ce nefont que des ombres & des
figures devertus. Neanmoins cette
éminentevertuà cela de perilleux
enfoy , aussi bien que toutes les autres
, que par le mauvais usage
qu'on enfait, elle engendre l'orgueil.
On veut en apparence paffer pour
i GALANT. 129
zien ,& l'on croy estre quelque chose,
quoy que l'on nesoit rien. O
feglorifie quelquefois du méprisde
Lavaine gloire , Gily a beaucoup
de vanité dans ce mépris affecté..
On s'applaudit en secret de n'etre
pas vain comme la pluspart
des autres , &ily a peur - efstre
plus à redire dans cette satisfa.
Etion interieure , que dans une
vanité déclarée , parce qu'on revient
plutoſt de ce qui se paſſe
auxyeux du Public , quede ce qui
est caché dans le coeur; & comme
l'experience fait connoistre , que
L'orgueil groſſier qui ne garde point
de mesures , & quileve le maſque,
déplaiſt entierement , on s'étudie,
on se concerte, on prend des biais
differens pour se rendre moins infuportable.
Sur ce fondement nous
nous blâmons quelquefois nousmêmes
par une feinte humilité , pour
E
130
MERCVRE
diminuer la honte & l'opprobre qui
Suivent neceffairement la mauvai.
Se conduite. Nous nous accufons
mesme de pluſieurs defaurs que nous
ne croyons pas avoir , afin de nous
élever en effet , en nous abaiffant
en apparence . L'orgueil qui regne
dans nostre coeur , & qui fe cache
Sous le mafque de l'humilité , nous
engage quelquefois à dire , que nous
Sommes des méchans , dans la pensée
que cet aveu nous fera paffer
pour des gens d'ane vertu extraordinaire.
Nous recherchons an dehors
Phamilité , & nous la détruifons
au dedans ; & une marque évi
dente que l'orgueil eft nostre premier
mobile, c'est que les actions.
que nous faisons ſur le champ , &
Sans reflexion , démentent presque
toujours celles que nousfaisons avec
application & à loisir. Souvent
par unehumilité pleine de faste,&
GALANT. 131
qui aſon principe dans l'amourpropre
, on fait honneur aux autres
pour en recevoir ; on leur rend des
civilitezparce qu'ils en font ou afin
de ne point paſſer poursauvages, ou
pour orgueilleux ;&bien que l'orgueil
ait coutume de jouer toutes
fortesde personnages ,de ſe transformer
en mille manieres pour paroiſtre
tout autre qu'il n'eft, &pour
arriver à les fins , il n'est jamais
plus infolent nyplus en estat de pou
voir tromper , que quand ilojepren
dre l'air & la figure de l'humilité.
Ily a de faux humbles qui voyant
que le mepris qu'ils ſemblent faire
d'eux meſmes ne leur réüſſu pas ,se
relevent tout d'un coup ,&se font
rendre rigoureusement les honneurs
qu'ils s'imaginent leur eftre dûs.
D'autres ont un orgueil babile , car
ilſontſouples &humbles avec ceux
dont ils ont besoin , & fiers à l'é-
E
レ
132
MERCVRE
gard des autres. Quelquis uns par
une vanité fine , & par une pure
bypocrifie , ne prennent quelquefois
les dernieres places , queparce que
les premieres leur appartiennent
Sans contestation. Ils sont feurs
qu'ils ne hazardent rien à laiſſer
entrevoir cette apparence de modeſtie
, puis que dans un moment la
multitude va s'ouvrirpour leur laif
fer le paffage libre , qu'elle s'emprefferade
les åter du mechant poste
où ilssefont mis,&qu'elle les por
tera, s'ileft neceffaire , juſque dans
le rangqui est deu à leur devotion.
Ainsi cen'est qu'une grimace ,à ces
gens là de ne pas prendre d'abord
lerang que tous leur cede. Plusieurs
fontbumiliez , &non pas humbles ,
car pendant qu'ils gemiſſent ſous le
jougfacheux de la pauvreté , &
des autres incommoditez de lavie,
ils ne laiſſent pas de conferver an
GALAN T.
133
dedans d'eux mesmes une febrete
vanité dont rienn'est capablede les
guerir. Nousne meritons rien pour
nous voir humiliezvar quelque correction
, que nostre orgueilou noftre
imprudence nous attire; & comme
c'est une fausse humilité que dese
vanter d'eſtre humble, c'en est aussi
une quandonrefuse par unprinci.
ped'orgueil , les Eloges&les bonnears
,afin defaire croire qu'on en est
digne par le peud'estime qu'ilfemble
qu'on en fait . De mesme l'hu
milité exceſſive qui nous fait perdre
le courage , & qui nous jette
dans le desespoir à la veuë de nos
iniquitez , est fausse , parce que
Dieu qui permet que les perſonnes
les plus vertueuses tombent dans le
peché , pour les bumilier
pourtant qu'elles esperent toujours
en sa mifericorde. On s'humilie
follement lors qu'on se propoſe
veut
134
MERCVRE
d'acquerir du bien , ou un honneur
temporel, &que dans cette pensée
on rend aux hommes • par une.
espece d'Idolatrie , des foumiſſions.
quinefont deuës qu'à Dieu . L'humilité
qui n'est que l'effet d'une
ignorance stupide , de la baſſeße du
coeur, & de la lácheté, est pareillementfaufle
, parce que la vraye
humilité suppose une connoissance
Suffisante pour ne pas ignorer que
l'humilité eſtant le fondement de
toutes lesvertus, comme l'orgueileft
le principe de tous les vices,on
doit par confequent apporter tous
fesfoins à la pratiquer. C'est pour
cela qu'elle est d'autant plus estima.
ble dans les personnes élevées par
lear esprit &par leurs dignitez ,
n'y ayantrien qui gagneplus les afny
qui attire plus d'estime
&de veritable respect qu'une bumilisé
profonde,quand elle est join
fections
GALANT . 135
te à un grandmerite&àunegrande
autorité ; caril est certain que.
lesgrandsne fontjamais moins ers.
danger de déchoir de leur rang que
quand ils s'humilient : que plus
ils fuyent les honneurs & les ap
plandiſſemens, plus les honneurs&
les applaudiſſemens les ſuivent;&
que la veritable gloire accompagne
toujours l'humilité ; au lieu que
l'orgueil , quoy que fondé sur un
merite extraordinaire ,& fur les
plus hautes dignitez , produitfouvent
le mépris , & toujours la hai.
ne . Enfin l'humilité doit estre pleine&
sincere , &n'avoir pour buc
quede plaire à Dieu; autrement ce
n'est qu'une oftentation , & une
hypocrisie indigne non seulement
d'un Chreftien , mais d'une perfonne
qui a quelque teinture&quelques
fentimens d'honneur. Ily a
mesme de la folie àne se proposer
d'autrefruit defon humilité, que
し
136
MERCVRE
la louange & l'approbation des
hommes à donner à fi vilprix ane
choſe d'unesi grande valeur , àſe
repaistre & à se contenter d'une
fuméedevanitépour tant deſoins,
&tant de contraintes ..
O que vous eſtes heureuses , Ames
faintes, veritables modeles de la
parfaite humilité , & qui estes particulierement
cheries de leſus-
Chriſt qui en est le Pere ! Vous qui
femblables à des arbres p'antezdans
les vallons, & chargezdes meilleurs
fruits , faites de merveilleux progres
dans le champde la vertu, vous
qui par uneſaintefierté ,vous mettezinfiniment
au deſſus de lafauſſe
gloire en la foulant aux pieds. Vous
enfin qui en vous comptant parmy
lespersonnesfans merite & dignes
de reprobation , acquerezle vray..
caractere des Elus . Purffions- nous
acquerità vostre imitation , cette
GALANT. 137
admirable versu , qui seule donne
Le prix à toutes les autres ! Puiſſionsnous
devenir veritablement, grands
parnostre bumilité !
Faiſons donc nos efforts pour nous
rendre agreables à Dieu , par le
mépris de nous- mesmes. Soyons du
moins auffi humbles àla veuë de nos
déreglemens , que les Saints le font
dans leurs vertus . Evitons la con.
duitede cejuſte orgueilleux de l'Evangile
, qui perdit tout le fruit de
Ses bonnes oeuvres , pour en avoir
estétrop content , pour en avoir re.
mercié Dieu avec une trop grande
Satisfaction de luy-mesme par une
vanite indiscrete & témeraire.
Imitons ce Pecheur humblequi par
unaveu fincere de ses fautes , &
par une veritable humiliation , les
effaça toutes &fortit du Temple
pleinementfatisfait.
Aureste , cette belle vertu, qui
138
MERCVRE
enfuyant l'éclat & le grand jour ,
ferend encore plus aimable , cette
vertu admirable , qui paroissant
avoir la baſſeſſe en partage , est
tres -fublime & releve toutes les
autres ; cette vertu qui brille com .
me les Astres au milieu de lanuit ;
& que l'obscurité rend plus éclatante;
cette illustre versu Sous le
manteau de laquelle l'orgueil tâche
dese cacher , de peur dese rendre
mepriſable& odieux enſe faisant
voirouvertement; cette vertu dont
les effetsfontfimerveilleux , qu'elle
change leshommes en Anges , au
lieu que l'orgueila autrefois changé
lesAnges en Demons ; cette vertu
desgrandes Ames, cette vertu enfin
dont la ſageſſe est inseparable , &
qui est legage infaillible d'unevie
bienheureuse , est proprement la
vertu des Chreftiens , &perſonne
ne l'ajamais portéefi loin qu'ils ont
GALANT .
139
mwae
fait.A la veritéon a vû des Payens
quidans lanaiſſance&lespremiers
fiecles de l'Eglife , ont eſſayé de
contrefaire encele , auſſi- bien qu'en
beaucoup d'autres choses , acs bommes
divins , mais ils n'ont jamais
eſtè que defaux copiſtes& de mé.
chans imitateurs . Leur humilité
n'estoit qu'une vanité déguisée ,
dans la veuë de s'attirer de la gloire
, ilsont mêlé l'orgueil du coeur
avec l'humilité des lévres ; & de
ces deux contraires ils ont fait un
-assemblage monstrueux .
Seigneur , qui avez prononcé
vous - mesme , que celuy qui s'éleve.
rafera humilié, & que celuy qui
shumiliera , ſera exalté ; qui nous
avezdonné de continuelles leçons
d'humilité , par voſtre Naissance ,
par voſtre , Vie , &parvoſtre Mort,
ne permettez pas quenous nous perdions
dans une folle vanité ,mais
140 MERCVRE
i
neant
faites quejettant les yeuxfur nostre
, nous nous proposions pour
modelle vostre humilitéſainte , afin
que nous estant abaiffez (ur la terre.
nous jouiſſions dans leCiel avec vous
de la' vraye exaltation que vous
avez promise à ceux qui vivent
dans unesprit veritablement humilié.
Je vous parlay l'année derniere
, de la premiere partie
d'an Livre , intitulé , Introda-
Etion à la Fortification , que le Sr
de Fer avoit donné au Public.
Il vient de mettre au jour la
ſeconde partie de cegrandOuvrage.
On y trouve , comme
dans la premiere , vingt- cinq
Plans , dont les FortificationS
& les Situations ſont differentes
. Voicy les noms de tous ces
Plans , qui font tres-riches en
ةيدعوم
GALANT. 141
travaux , & tres proprement
gravez , & generalement de
tout ce que contient cet Ouvrage.
PLANS.
De Pignerol.
De Veruë .
VEUE.
De Veruë .
PLANS.
De Verceil
De la Fortereſſe de Montmelian.
VEUE .
De Montmelian , du coſté de
dela Perouſe,
PLAN.
De Coni.
VEUE.
Du Chasteau de Miolans , en
Savoye,
PLANS.
Dela Ville de Nice ,
li
142
MERCVRE
De la Ville de Geneve .
De la Ville , Chasteau & Citadelle
de Cazal.
De la Fortereſſe de Huningue.
De la Vile de Landau .
De la Ville de Coblentz , &
& du Chasteau d'Armonſtin
.
De la Fortereffe de Mont-
Royal .
Dela Ville de Calais .
De la Ville de Berg Saint-
Vinox.
De la Ville de Dinant.
De la Ville & Citadelle de
Juliers.
De la Ville de Stetein .
De la Ville de Viſmar.
*
De la Ville de Kaminiez ,
vieille Fortereffe ; & Cha-
Geau neuf.
GALANT.
143
1
Jamais perſonne avant le Sr
de Fer n'avoit faittant de dépenſe
pour enrichir le Public
d'un auſſi grand nombre de
Plans: Le Cartouche qui renferme
le Titre de cet Ouvrage
eſt tres -curieux , & marque
l'eſprit & l'invention de l'Auteur
, puis que tous ceux qui
ont rendu leurs noms recommandables
pour avoir fait fortifier
des Places , y tiennent
des Plans qui reprefentent les
manieres de fortifier dont chacun
d'eux s'eſt ſervy . On voit
auſſi dans ce Livre la Plaine de
Vveill , avec le Campement
queMonseigneur le Dauphin
y fit l'année derniere . On ſçait
que ce Prince y demeura huit
jours pour attendre les Ennemis
, qui n'oferent paroiſtre
devant luy.
144
MERCURE
Le Sr de Fer donnera au
premier jour une Carte tres--
belle & tres particuliere des
Pays bas & du Bas - Rhin :
Mr Arlot , Medecin de la
Faculté de Montpelier , qui
depuis l'ongtemps exerce la
Medecine à Paris avec Beaucoup
de distinction , & de capacité,&
qui s'eſt acquis l'eſtime
de la Cour , & du Public,
vient d'eſtre nommé Premier
Medecin de Madame , à la placede
Mr le Bel , dont je vous
ay appris la mort. Leurs Alteſſes
Royales Monfieur &
Madame eſtoient perfuadez de
la Profonde érudition de Mr
Arlot dans l'Art qu'il profeſſe,
puis qu'avant ce choix ils luy
avoient confié le ſoin de la fanté
de Monfieur le Duc de
Chartres . l'ayant nommé pour
demeurer
GALANT. 145
demeurer à l'Armée avec ce
Prince. Il y a quelques années
que ce famenx Medecin avoit
eſté honoré d'un Brevet de
Premier Medecin de Son Alteſſe
Royale Mademoiselle , &
Monfieur l'avoit retenu depuis
pour ſon Medecin ordinaire
. Feu Mr le Bel , qui
connoiſſoit à fond ſa capacité ,
avoit ſouvent parlé avantageuſement
deluy à Leurs Alteſſes
Royales , & avoit dit à
Madame qu'il ne connoiſſoit
pointde Sujet plus capable de
remplir ſa place , en cas qu'il
vinſt à deceder. Cette Prin.
ceffe s'en est reſſouvenue , &
ayant nommé Mr Arlot pour
fon premier Medecin, pendant
fon abſence , on peutaisément
juger que ſon ſeul merite a
brigué pour luy . Toute la
Sept. 1691 . G
146 MERCVRE
Cour de Madame a témoigné
beaucoup de joye de le voir
élevé dans un ſi beau poſte.
Un des plus fameux Peintres
d'Italie , &dont le Pinceau ne
faiſoit voir que des Chefsd'oevres
, lors qu'il s'agiſſoit de
peindre des fruits , fut prié
parun Seigneur Italien,diftin
gué par une naiſſance fort illuſtre
, & par de fort grands
emplois , de luy faire un Tableau
qui répondiſt pleinementàla
réputation qu'ilavoit
d'eſtre le premier homme du
monde pour ces fortes d'Ouvrages.
Jamaisle Peintre n'eut
plus d'envie de bien faire , &
nereuſſit plus heureuſement;
& pour mieux remplir fon
Tableau , & n'y rien laiſſer à
defirer, ily mêla de pluſieurs
fortes le fruits , de maniere
1
GALANT .
147
qu'on y vit ceux que produiſent
les premieres chaleurs de
l'Eſté , avec ceux qui n'achevent
demeurir que ſur la fin
del'Automne. La beauté de
ce Tableau fit du bruit , les
Curieux allerentle voir avec
empreſſement , & il receut les
applaudiſſemens qu'il meritoit.
Enfin il fut porté chez le
Seigneur Italien qui avoit ordonné
dele faire . Il s'écria dés
qu'il l'eut conſideré un moment
, que le Peintre estoit un
ignorant , qu'il ne vouloit pointde
Son Tableau , qu'il choquoit le bon
fens ,& qu'il estoit entierement
contre la vray-semblance. Il dit
enfin , que le Peintre avoit uny
ceque la Nature avoit separé , &
qu'il eſtoit ridicule de voir avec
desfruits d'Esté , de ceux qui ne se
mangent qu'en Hiver. Les Con
G 2
148 MERCVRE
noiffeurs n'ayant pas eſté de
ſon ſentiment , & le Tableau
ayant eſte cherement vendu ,
le Peintre ſe conſola du mauvais
gouft du Seigneur Romain
, je croy que vous l'avez
meilleur, & que vous voudrez
bien lire en Automne , des
Vers qui ont eſté- faits parMr.
de Vin , dont les Ouvrages one
toujours eſté generalement
applaudis .
GALANT. 149
LE PRINTEMPS
DIALOGUE .
De la Nature &de Damon , pour
tous les hommes .
Sur ce que le Printemps eſt
plus ſujet aux Auxions , &
autres maladies , que les aut
tres Saiſons de l'année.
DAMON.
Pourquoy faut.il que la Na
ture
Empoisonne tousses prefens;
Emporjonne
Que lors que ses ruiffeaux roulent
une eau fi pure ;
Que lors qu'elle rend à nos
champs
Ses leux ,fes Ris ;fes Fleurs ,fes
Oiseaux ,fa verdure ;
G3
150
MERCVRE
1
Que lors que l'aimable Printemps-
Fait briller le Soleil d'une clarté
nouvelle ,
Et,plus doux que jamais aux plaifirs
nous appelle ;
Pourquoy , dis - je , faut- il que fa
bellefaison
Quisemble raicunirle Monde ,
En tant de maux diversſoit enfin fi
feconde?
Parle,nous diras. tu , qu'avec pen
de raiſon
Chacun paroiſtſurpris de ces effets
Bizarres ,
Et de ce qu'on ne peut en gouster
les douceurs
Sans dans le meſme temps essuyer
lesrigueurs
Des fluxions & des catharres
Siparlà tunous mets hors d'état
d'enjouir.
Aquoy nous fervent donc tes apa
pas & tescharmes ?
GALANT. IS
Oferoit- on s'en réjouir ,
Et les voit on , belas fans chagrin
, fans alarmes ?
LA NATVRE. N
Fay souvent écouté les plaintes
quetufais ,
Et jesuis moy- mefme étonnée
Que leplus beau temps de l'année
N'attire contre moy que murmures
fecrets.
Cependant quelle ingratitude ,
Quel caprice , quelle habitude
Prend- on de tousfes maux d'accufer
mes préfens;
Si vous autres Mortels,plus mode
vez , plusfages ,
En faifiez de meilleurs ufages,
Vous feriez plus reconnoiſſans ,
Et vous verriez bien- toft que ce
n'est pas leurfaute.
Vostre defordre feul vous ofte
Legouftde ces plaiſirs ou tendent
tous vos veux ,
G4
152 MERCVRE
Et vous auriez toûjoursdes Prin
temps plus heureux
Si vous en jouiſfiez avec la temperance
Que nous ordonne la prudence :
Mais àpeine ay.je enfin fatisfait
vos foubrits
4
Que vous en faites des excès,
Qui des douces humeurs alterant.
l'harmonie ,
De la Bile auffitoft excitent la
furie,
Combien peu d'entre-vous menagent
comme il faut
Le temperé, l'humide , ou le froid ,
oule chaud ?
Car tous les temps que je vous
( donne
Sont & charmans ,& bons. Dans
celuy de l'Autonne
Sans de mes fruits nouveaux crain
dre la crudité
Vous en mangezen abondance ,
GALANT .
153
Et de là vient la deffaillance
De celuy que déja l'Esté
Parfes grandes chaleurs avec debi
lité.
Pandant cettefaiſon brulante
Loin de vous rafraichir , vous ben
vez à longs traits
Duvin pur , pourveu qu'ilsoit
frais ,
Et voſtreſoif impatiente
Ne peu fe donnerle loiſir
D'attendre au moins qu'une Ser--
vante
Ait apporté de l'eau ,seule refraif--
chiffante ,
Et qui ſeulepeut l'adoucir.
Maisbien toft , malgrévous , une
ardeur de poitrine ,
Aceite eau qu'on fuyoit vous force
de courer,
Etfouvent à la Medecin.
2
Lors que l'Hyver , le temps dess
Jeux ود
154 MERCVRE
De Bals, &de la bonne chere
Couvre tout l'Univers deſesfrimats
affreux ,
Et chez vous prés du feu vous
retiens , vous refferre ,
Dites , n'enfortez- vous jamais ?
LeBala pour vous trop d'attraits;.
Latable, & le jeu trop de charmes
Pour du mal qui lesfuit vous cauſer
des allarmes.
Vousy paffeztoutes lesnuits,
Et ce mal , pire que mes fruits ,
Que la Rofe nouvelle , & que las
Canicule;
Ce mal , dis -je , que fait la perte
durepos ,
Et ce friand morceau qu'on ronge
jusqu'aux os ,
Vous échauffe lesang, vous confume
&vous brûle.
De là cette abondance d'eau
Qui s'amaſſe dans le cerveau
Qui par le rude froid trop longtemps
retenue
GALANT.
155
Et qui par confequent aigrie& corrompuë
,
Des que ce froid ceſſe au Printemps
Distille en fluxions comme une é
paiſſe nuë
Que le Soleil diſſout parses rayons
ardens.
Faut -il donc s'étonner ,fi cette caw
vient à fondre
Quand il darde ses premiers
traits ?
Quoy, d'un moinsfuneſte ſuccés,
Vous menageant si peu , pouviez
vous vous répondre ,
Et vos prodigieux & differens ex
cés,
Neſuffifent ils pas enfin pour vous
confondre?
DAMON.
Mais si l'on veut t'en croire
adieu tous les plaiſirs
Il faudra deformais s'en priver
s'en défaire ,
G
1
4
156 MERCVRE
Et qu'en Stoique trop severe
Chacun ferme Soncoeur àl'instincti
aux defirs,
Qui des noftre plus tendre enfance
Nous font en leur faveur Sentir
leur violence..
Nous naiſſons avec ces penchans ;
Vers tout ce qui flatte les sens
On se laisse entraiſner en dépit de
Soy-mesme.
On croit mesme quand on les aime
Qu'on ne fuit que ses propres
loix ;
Ainſi quand on les voit , on leur
ouvre la porte ,
Et dans l'ardeur qui nous y porte
On n'est embarrasséqu'au choixs
Comment pouvoir combattre une
pentefiforte?
Cependant quelquené que l'on soit
avec eux ;
Comme des Ennemis tu veus qu'on
les regarde ..
GALANT. 15文
Et qu'en cela plus malheureux
Que les Bestes , contre.eux on ſoit
toûjours en garde.
LANATVRE.
Ah! si vous en ufiezcomme les
Animaux ,
Me verroit- on reduite à répondreà
vos plaintes, :
Etferiez vous ſujets àtant de divers
maux
Dont , plus indifcrets qu'eux , vous
Sentezles atteintes ?
Des plaiſirs queje donneils ufent .
comme il faut ,
Ils ne vont point pendant le
chaud
Affronter,comme vous , l'ardente Canicule
, ٦
Etse cachant pour lors du Soleil qui
vous brûle ,
Attendent pourfortir qu'ilsoitſous
l'horizon ..
Mais l'homme qui se croitſiſage.
1
198
MERCVRE
L'est- il au fond , &quel usage
Le voit-on tous les joursfaire defa
raiſon ?
La tient- il moins demoy que cette
douce pente
Qu'il dit avoir pour les plaisirs ?
Que ne s'en fert- il donc, s'ilsefert
des defirs
Que la Nature bienfaisante
Luydonne, & donne mesme à l'in-
Senſibleplante?
Ainsi , Sans deformais murmurer
contre moy,
Qu'on ne s'en prenne plus qu'à
Soy.
Vous-mefmes,au retour des Zephirs
&de Flore ,
Corrompez cesplaiſirs qu'il donnoit
autrefois ,
Et qu'ilvous donneroit encore,
Si , moins fous , vous vouliezſuivre
Et quitter cetteintemperance.
Quene connut jamais le Monde en
Lon enfance...
GALANT. 159
Contens de lafimplicité ,
Du lait, dufruit,& de l'eau pure,
Que gratuitement leur donnoit la
Nature;
Les hommes par lavolupté
Qui n'oſoit pas encor leur montrer
Ses amorces,
N'affoiblifſoient point lors leur vigueur
, & leurs forces ,
Et jouiſſoient toujoursd'une pleine
Santé.
Mais lors que leur cupidité
Tiral'or du ſein de la terre ,
Cemétailàson tour leur declarala
guerre ,
Et pourſevangerd'eux leur inſpira
Soudain
La haine de la fobre table,
Et cet amour fatal qu'ils ont pour
le festin.
Du neceffaire au delectable,
qu'un pas
Seduits parſes attraits , ils ne firent:
160 MERCVRE
Et bien - rost dégoûtez de l'utilé
lailage ,
Composerent à leur dommage ,
De ragouts differens leurs splendi
des repas.
De la cette humeur indigefte
Qui caufe leurs vapeurs , qui ſeule
leur en reste ,
Et qui détruisant leur chaleur ,
Les réduit àtelle langueur ,
Qu'après une débauche faite
Il faut en dépit d'eux , venir à la
diette.
Koilà ce qu'à produit l'avidefoifde
l'or.
Trop heureux, trop heureux encor
Quandàfibonmarché le gourmand
en eft quitte ,
Car comme de ſes biens ilveut
Tirer tout leplaisir qu'il peut..
Cette humeur àla longue & s'ensflamme,
& s'ivrite ,
Et , trompé par cet appetins
GALANT. 161
Que lui donneſouvent cette ardeur
étrangère ,
De nouveau l'imprudent , à peine
horsdu lit
Où l'arrestoit fon mal , cherche la
bonne chere.
Qu'enpeut- ilarriver ? Larechute,
&la mort.
Aprés cela , Damon ,vois , dis-moy
Sij'ay tort ,
Et fil'onpeut ſans injustice
M'imputer aujourd'huy sa gourmande
avarice.
Jene te parle point de cessoins den
vorans
Quese donnent petits &grands
Four, plus haut qu'elle n'est, élever
leur fortune.
Ie ferois & trop longue , & peutestre
importune ,
Si de vos paſſions j'allois
En vain m'étendre icyfur la cathe
gorie.
16.1
MERCVRE .
Chacun ſçait quels font ceux de la
tendrefurie ,
Et toutes tour à tour , & Souvent
à lafois
En vous affoibliffant abregent
voſtre vie.
Ofez mieux ,
en un mot , de mes
dons differens ,
Soyez fobres , reglez comme dans
les vieux temps ,
La maturité de mes fruits ,
Et joignez le repos des nuits
Ala discrete vigilance
Que de tous les Mortels exige enfin
lejour ;
Alorsje promets à mon tour
De les guerir de la foibleffe
Dont fimal à proposilsfepleignent
Sans ceffe,
Et , devenusparlàplusſains,plus
vigoureux ,
L'espere , &mesme jeſuisfeure
Que des maux qui d'ailleurs pour
roient tombersur eux
GALAN T.
163
lsn'accuferont plus l'innocenteNa-
1
ture.
Le 25. du mois paſſé, jour de
la Feſte de S. Louis, MrCipierredont
le nom vous eſt connu
par labelle Lettre que je vous
ay envoyée de luy ſur l'Opinion
fit le Panegyrique de ce ſaint
Roy , dans l'Egliſe de S. Louis
des CarmesDéchauſſez deBordeaux
. Ces paroles du Pſeaume
130. qui luy ſervirentde texte,
Domine non est exaltatum cor
meum , neque elatifunt oculi mei ,
luy donnerent lieu de montrer
dans ſonDiſcours, que S. Loüis
avoit eſté parfaitement humble
dans les grandeurs de la terre ,
& merveilleuſement grand
dans les diſgraces du monde.
Après avoir fait voir dans ſon
premier point , dans quelle
>
164 MERCVRE
élevation ceMonarque ſe trouvoit
, il continua en diſant :
Ainsi aimé deſes Sujets , craintde
fes Ennemis , grand aux yeux de
toute la terre , ce Prince ne se
glorifia point de tant de grandeur,
& tout remply qu'ilestoit de gloire,
il ne regarda perſonne avec plusde
fierté. Il confideroit sa Couronne
comme un poids dont la divine
Providence avoit voulu le charger..
L'éclat dont ilſe voyoit environné
donnoit àson coeur des sentimens
d'une humilité toute admirable
ilfuyoit unegloire qui augmentoit
en luy tous les jours. Il fuyoit les
grandeurs qui l'accompagnoient
par tout , & avec toute la puissance
de la Royauté , il en évitoit les
embarras. Que s'il estoit obligé de
fortirdefa retraite pour paroiſtre
furfon Trône,il ne recherchoit
dans cette pompe & dans cette
GALAN Τ. 165
majesté les abaiſſemens&leshumiliations
de la Croix , les charmes
qui ſuivent la Souveraineté n'eurent
jamais le pouvoir de toucher
Son coeur , &par un goust merveil
د
&
leux , il ne trouva de veritables
plaisirs que parmy les auſteritez
, & les oeuvres de pieté
& de mifericorde. Enfuite- il
fit la peinture des faux attraits
qui fuivent l'ambition
ayant montré qu'il eſtoit comme
impoſſible que ceux qui
en font remplis , ne fiſſent
reflexion au moins une fois
pendant leur vie , fur la vanité
des choſes du monde;
Cependant , ajoûta-t-il , on ne
laiſſe pas de voir encore de nos
jours des hommes quireckerchene la
grandeur comme leur felicité. Ils
nesefoucientpoint d'eſtre criminels ,
pourven qu'ils paroiſſent élevez .
166 MERCURE
Ils montent fur le Trone par l'usurpation
, ils gouvernent par l'inju.
ſtice ,ils commandent par laforce
Ils regnent en violant toutes fortes
de droit ,Sans épargner ny leſang
ny la Religion, ny la charité. Aprés
que cet ambitieux , cet vfurpateur
aura acquis une Couronne ,& qu'il
Se Sera rendu Maistre absolu de
pluſieurs Royaumes , qu'est- ce qu'il
fera ? Songe- t- il qu'il laiffera a
des Etrangers ces richeſſes qu'il
amaſſe avec tant de peine , & que
le Sepulchre doit estre ſa demeure
pendant tous les âges ? Songe - t- il
que de toutesa gloire il ne reſtera
tout au plus qu'un nom odieuxà la
posterité, par les maux qu'ila faiz
Souffrir injustement ? Lors que l'hom
me à eſtéélevé dans les honneurs , il
ne l'a point compris. Ils'est conduit
comme les Brutes qui fontfans intelligence
&fans raison, &illeur
GALANT. 167
est devenu semblable . Et homo
cùm in honore effet, &c. Dans
le ſecond Point il Parla des
diſgraces de S. Loüis d'une
maniere fort pathetique , &
ayant fait voir comment ce
Prince , d'ungrand Capitaine
& d'un grand Roy , eſtoit devenu
un grand Saint,en faiſant
ſervir les meſmes qualitez qui
font le Heros , pour former le
Saint , il fit en ces termes un
paralelle de la pieté de Loüis
le Grand avec celle de Saint
Loüis . Que me reste.til , Mesfieurs
, sinon à vousfaire voir que
leTrône de cefaint Roy est remply
par le plus digne Succeſſeur qu'il
pouvoit avoir , par un Succeffeur
tel que ledemanderoit Saint Loüis
luy mesme ; enfin par Louis le
Grand, qui neregne quepour pren
dreſoin de faire regner le Sauveur
1.
168 MERCVRE
du monde ? Animé du mesme Zele
Four lagloire de Dien , de lamefme
charitépour le prochain il envoye
aux extrémitezdu Monde des
Miſſionnaires , pour convertir des
Rois & des Peuples presque incon
nus. Il obtient par son credit la
reſtitution des Saints Lieux entre
les mains des Religieux Latins ; il
bannit l'Herefie deſon Royaume ;
il redreſſe les Eglifes démolies ; en
baſtit de nouvelles ; il arreſte les
Duels , il punit l'injustice , protege
les opprimez , foûtient ceux qui font
dansson alliance , reçoit les Rois
exilez , & combat poureux contre
l'ufurpation & la tirannie. Enfin
ily a tant de conformité dans le
regne de cet Auguste Monarque
avecleregne de Saint Louis , que
j'ofe dire que Dieu , qui a donnéà
l'un& à l'autre,le mesme coeur&
le même Trône , leur a destiné auffi
la
GALANT. 169
la mesme Couronne & la mesme
Madame la preſidente de la
Barroire mourut ſur la fin du
mois dernier . Mr le preſident
fon Mary eſtant fort connu,
je ne vous parleray que de la
Défunte. Elle n'en a point eu
d'Enfans , & laiſſe de grands
biens , auſquels il a beaucoup
de partà cauſe des avantages
confiderables qu'elleluy a faits
par leur Contrat de mariage.
Ses Heritiers font Mr de Mardilli,
Madame ſa Scoeur, Femme
de Mr le Marquisdela Terrie-
-re , du nom de Chareton , cydevant
Veuve de Mr de Creil ,
Maistre des Requeſtes , &Mc
-Chevalier , Veuve d'un Confeiller
au Grand Confeil , connuë
par les grandes charitez
BenverslesPauvres des Provin-
Sept. 1691. H
170 MERCVRE
ces , dont elle eſt la Treſoriere,
recevant toutes les aumônes
qui ſe donnent à Paris pour les
Pauvres de la campagne. Ils
fontCousins,& Coufines Germaines
de cetteDame dont je
vousapprentla mort. Elle étoit
Veuve d'un Conſeiller de Pa
ris avant qu'elle ſe remariaſt
avec Mr le Preſident de da
Baroire.
b. Sei-
Madame de Sourdis, Abbefſe
de Beaulieu , de Compicgne,
eſt morteauſſi . Elle estoit
d'une Maiſon fort ancienne , &
Jacques Deſcoubleau
gneur de Sourdis, étoitChambelan
de François I. Il y a eu
desChevaliers des Ordres du
Royde cette Maiſon, desGouverneurs
d'Orleans , de Chartres
de Blois & d'Amboiſe ,
des Lieutenans Generaux des
GALANT.
171
Armées du Roy , des Eveſques
&des Cardinaux
Mr de Montſaulnin , Marquis
de Montal , Capitaine de
Cavalerie , mourut à Landau
en Allemagne , le 21. du mois
dernier , avec des ſentimens
tres - Chreftiens. Il avoit d'abord
embraſſé le party de l'Eglife
, & joüiffoit de plus de
vingt- cing millelivres de ren.
te , que la crainte qu'il avoit
de ne pas faire ſon ſalut avec
ces revenus queluy donnoient
ſes Benefices , luy fit facrifier.
Il réſolut de ſervir le Roy dans
fes Armées , & de marcher fur
les traces de Mr le comte de
Montal fon Pere , Chevalier
des Ordres de Sa Majesté ,
Lieutenant General de ſes
Camps & Armées, & Gouverneur
deMont- Royal , dont les
H 2
172 MERCVRE
A
actions intrepides & pleines
de valeur ſont connues de
toute l'Europe , & particuliecrement
celle de ſon entrée
dansCharle-Roy , au mois de
Decembre 1672. Il eſtoit alors
Gouverneur de cette Place, &
en eſtoit forty par ordre du
Roy ,pour aller ſecourir Tongres
que le Prince d'Orange
avoit inveſty , avec les Armées
d'Eſpagne & de Hollande.
Mr de Montal entra dans
la Place , &en firlever le Siege.
Le Prince d'Orange tourna
autfi toſt ſes armes contre
Charleroy , croyant que l'ab
fencenda Gouverneur feroit
réufür ſon entrepriſe; mais fon
étonnement ne fut pas petit
de voir le meſme Mrde Montal
ſe faire jour au travers de fon
Camp avec cinquante Mai
GALANT. 173
Ares foulement , & rentrer
dansCharleroymalgré sesblef.
fures , & les Troupes qui s'oppoferent
à fon paſſage. Il défendit
cette Place avec tant de
vigueur & de courage, qu'il en
fit encore lever le Siege.
La Famille de Mrs de Mont
faulnin de Montal tire fon origine
d'un MilordAnglois ,qui
ayant eſté diſgracié du Roy
fon Maiſtre,fe retira en France
il y a pluſieurs fiecles . Il y fut
bien receu, & s'établit dans le
Dauphiné avec pluſieurs de
ſes Enfans qui prirent tous le
party de la guerre. Mr deMon
tal porte degueules aux trois Leo
pards d'or couronnez , posez l'un
fur l'autre. Le Fils de Mr de
Montal , dont je vous apprens
la mort , eſt le troiſième de fes
Enfans tuez dans le ſervice..
H 3
174 MERCVRE
Il y en avoit un Capitaine dans
fon regiment , qui fut tué en
Flandre , par un party des Ennemis.
Mr le Marquis deMontal
qui vientde déceder a laifſe
trois Garçons en bas âge, &
un Neveu qui porte fon nom,
ce qui donne lieu d'eſperer
qu'un nomfi fameux ſe conſervera
longtemps dans ſon
éclat. Le courage eſt ſi naturel
dans cette Famille , qu'on remarquequ'un
de leurs Anceſtres
maternel , nommé Seba
ſtien de Rabatin , Chevalier
de l'Ordre de S. Michel , fic
une action fi remarquable ,
que l'acte en eſt demeuré dans
l'Hiſtoire. Il attaqualuy ſeul ,
&tua dans la Foreſt de Fontaine-
bleau , ſous le regnede
Charles IX. une Beſte monſtrueuſe
qui devoroit les hom
GALANT.
175
mes , & dont leTableau ſe voit
encore aujourd'huy dans une
des Galeries de ce Chasteau.
Mr de la Haye , Docteur de
la Maiſonde Sorbonne , Chas
noine & Doyen de l'Eglife
Cathedrale de Noyon , mourut
Dimanche dernier. Mr l'Eveſque
de Noyon a nommé
à fon Canonicat Mr l'Abbé
d'Eſtourmelles du Fretoy. Le
Doyenné eſt à l'élection du
Chapitre..
LeRoy a donné une place
de Conſeiller d'honneur au
Parlement à Mrde Maupcou,
Preſident de la Premiere des
Enquestes,qui a remislaCharge
de Preſident à ſon Fils,
Conſeiller de laQuatrième des
Enquestes , receu déja à la
furvivance de la Charge de
Preſident. Sa Majefté a auſſi
1
H4
176 MERCVRE
donné unel penſion de cinq
mille livres à Mr de Harlay ,
Conſeiller d'Etat , Gendre de
Mr. le Chancelier.
Si l'amour & l'intereſt n'a
veugloient point la pluſpart
de ceux qu'on voit tous les
jours donner fi facilement dans
le mariage , il en eſt peu que
eet engagement n'étonnaſt ,&
qui en confultant leur raiſon
n'en regardaſſent les fuites
avec la meſme frayeur qu'elles
ont causée à un Cavalier dont
je vais vous apprendre l'avantare.
Il étoit né avec tous les
avantages qui font réufſirau .
prés des Femmes .Tout plaifoit
dans ſa perſonne , & il avoit
un eſprit infinuant , qui luy
donnoit l'art de faire croire
tout ce qu'il vouloit perfuader.
Il ne diſoit rien qui ne
GALANT. 177
fuſt accompagné d'un enjoüement
merveilleux , & cet enjouëment
eſtant fin &delicat
il euſt eſté difficile de s'en-!
nuyer avec luy.Joignez à celaune
grande complatſance qui
le rendoit toujours preſt à fai
re toutes fortes de parties.Ainfi
on le ſouhaitoit par tout ,& il
eſtoit peu de jolies Dames qui
ne letrouvaffent d'un agreable
commerce . Comme il en eſtoit
receu affez favorablement , il
paffoit pour homme à bonne
fortune ,& à juger de luy par
les apparences , ce n'eſtoitpas
toûjoursinutilement qu'il foupuroit.
Parmy tant de bonnes
qualitez , il ne laiſfoit pas d'avoir
un fort grand defaut . Son
coeur eſtoit naturellement ſen.
fible aux charmes de la beauté,,
mais ſa conſtance ne ſe trou :
Η
178 MERCVRE
voit point à l'épreuve des faveurs,
& il étoit extremement
dangereux de s'écarter avec
luy du chemin étroit de la fageffe.
Si le relâchement luy
plaifoit d'abord , il eſtoit bientoſt
ſuivy du dégouſt , & ce dégoust
ne manquoit jamais de
produire la rupture.Cependant
la galanterie eſtant ſa paffion
dominante , il s'abandonnoit
àſon panchart avec ſi peu de
reſerve,que quoy qu'il ſe ſentit
incapable d'un attachement
d'un peu de durée , il ne pouvoits'empeſcher
d'entrer dans
des commencemeus de paſſion
avec tout ce qu'il voyoit de
belles perfonnes ; & comme
felon le plus ou le moins d'obf
tacle qu'il trouvoit à effre és
couté d'une manierequi le ſa
tisfift, l'engagement qu'il pres
GALANT.
noit eſton plus fort ou plus
foible,il ſe mettait quelquefois
dans des embarras fi grads
par les déclarations que fon
amour l'obligeoit à faire ,que
ce n'eſton pas fans peine qu'il
obtenon des intereffez qu'on
luyvouluſt bien rendre ſa parole.
Tant qu'il voyoit celledõt
ilſe ſentoit touché, il luy eſtoit
impoſſible de s'en détacher,
pourven qu'elle affectaſt d'être
indifferente ,& dans l'en--
vie de lay faire dire qu'ellele
croyoit digne d'eſtre aimé ,
fi les affeurancesdu plus tendreamour
nela pouvoient ob--
liger à luy laiſſer voir que ſon
coeur avoit receu les impreffionsqu'ilavoittâché
d'y faire,
il ne faiſoit point difficulté de
parler demariage.C'eſtoir là las
fin de fa paffion. Il demeurois:
H6
180 MERCVRE
alorsdeux jours ſans la voir,&
faraiſon dont il reprenoit l'uſage
,luy repreſentant les fuites
fâcheuſes d'une liaiſon qui
ne finiſſoit que par la mort , il
eneſtoit tellement épouvanté ,
qu'il n'y avoit point d'amour
qui tinſt contre les chagrins.
qu'il s'en figuroit inſeparables.
Ce genre de vie qu'il menoit
depuis dix ou douze années ,
ayant fait cõnoiſtre tout ſon ca.
ractere,on ne le regardoit plus
que comme un homme ſimplemet
galat,& dontles plus fortes
proteſtations ne devoiét avoir
rien de ſolide. On ne laiſſoic
pas de le recevoir avec plaifir
dans tous les lieux où il
les faifoit , quoy! qu'on fuſt
perfuadé qu'il les oublioit
fitoſt qu'il les avoit fai
tes ; & aprés pluſieurs intri
GALANT. 181
gues , dont il s'eſtoit toujours
tivé à fon avantage , il s'embarqua
enfin ſi avant qu'il perdit
la tramontane,& fut ſur le point
de faire nauf age. Un Amy
qu'ileftotallé vorrà lacampa
gne , luy propoſa d'aller paſſer
quelquesjours chez une Dame
d'un fortgrandmerite, qui n'é
toit éloigrée de luv que de
quatre lieuës , & qu'il vouloit
duy faire connoiſtre. CetteDame
meritoit bien par fon efprit
&par ſes manieres qu'on l'allaſt
chercher encore plus loin. Son
honneſteté gagnoit le coeur
detous ceux qui la voyoient ,
& ce qui fut un grand charme
pour le Cavalier , elle avoit
uneFille toute aimable, & dont
la beauté eſtoit aufſi vive que
touchante . La partie fe fir . Ils
allerent chez la Dame , & ils
182 MERCVRE
en furent receus de la maniere:
du monde la plus obligeante.-
Le Cavalier ne manqua pas à
eſtre frappé d'abord des agrémens
del Fille. Il luy conta
des douceurs, & ille fit dés le
lendemain avec de fi grandes
marques d'une veritable paf.
fſion , que la Dame qui s'en appercent
demanda à fon Amy
quel homme s'eſtoit , & s'il
n'avoit point d'engagement
qui deuſt empeſcher qu'on ne
l'écoutaſt. Cet Amyluy répondit
qu'il avoir beaucoup de
bien ,& que du coſté de la fortune
, ſa Fille auroit peine à
rencontrer mieux ; mais que
s'il eſtoit facile à une jolie perſonne
de luy donner de l'as
mour , les reflexions l'en gueriffoient
des qu'on luy laiſſoit
letemps de ſe reconnoistre ,&
GALANT. 183
1
que ſi elle vouloit l'engager
d'une maniere à le mettre hors
d'eſtatde s'en dédire , il falloit
qu'en ſe montrant preſque
toûjours à ſes yeux , elle fift
agir tout ce qu'elle avoit de
charmes, come ſans aucuneen.
viede lui en faire ſentir le pouvoir,
que rien ne le piquoit tant
qu'une indifference qui n'cuſt
ny rudeſſe ny mépris ,& que
fur tout on devoit preffer l'effetdes
affeurances qu'il pourroit
donner , fans fouffrir qu'il
s'éloignaſt , eſtant certain que
s'il ceſſoit une fois de voir , il
netiendroit rien de ce qu'il
auroit promis. La Belle ayant
receu ces intrections par la
bouche de ſa Mere , trouva
beaucoup de facilité à s'en ſervir.
Elle estoit naturellemét indifferente
& fa raiſonluy avoit
:
184 MERCVRE
-
appris , auſſi bien qu'au Cavalier,
que le Mariage eſtoitun
engagement terrible . Ainfi elle
ne's'y refolvoit que parce qu
elle n'avoit point affez de bien
pour vivre toûjours dans l'in
dependance . Les Amours fembloient
répandus for fon viſage
, & fon application à n'oublier
rien de ce qui pouvoit
en augmenter le brillant , donna
tant d'amour ad Cavalier ,
que tout fon coeur ſe montroik
dans ſes regards ; mais plus il
s'abandonnent à ſa paffion, plus
la belle éton reſervée dans ſes
manieres . Une fierté digne
d'elle rehauſſoit l'éclat de fa
beauté ,l'adreſſe qu'elle avoic
àdétourner le diſcours , lors
qu'il le faifoit tomber ſur les
fentimens qu'elle estoit capable
d'inſpirer aux plus inſenſi
4 185 GALANT.
bles ,luy faifoit chercher avec
plus d'ardeur les occaſions de
l'affurer qu'il n'avoit jamais
rien vû deſi charmant qu'elle.
Elle écoutoit tout cela comme
n'y faiſant nulattention . Au
contraire , elle fembloit plû
toſt rejetter les choſes flateuſes
qu'il luy contoit , que prendre
plaiſir à les entendre . Cependant
à force de la'voir,& de la
trouver peu fufceptible des
impreffions qu'il avoit fait
prendre à quantité d'autres, il
en devint amoureux fi éperduement
, que les declarations
qu'il luy faifoit ne l'ayant pu
obliger à laiſſer voir un coeur
ſenſible , il ne fut plus maiſtre
de ſa paffion . Ainfi entraîné
parfa violence ,& ne pouvant
réſiſter à l'impetuofité de ſes
defirs ,il luy demanda fi elle
186 MERCURE
pourroit ſe réfoudre à l'époufer
. La Belle engagée à luy donner
une réponſe précise , lay.
dit d'un grand ferieux , mais
accompagné d'un airhonnête,
que quand ſa Mere auroit fait
un choix pour elle , elle ſça
voit que rien nela pouvoitdifpenſer
de ſe conformer à ſes
volontez. Il eut beau preffer
pour apprendre d'elle ſi ſon
coeur ne fouffriroit point de
l'obeïſſance où il la voyoin ſi
prête; il ne pût rien obtenirde
plus,& fut contraint de s'adreſſfer
à la Mere , qui pour
l'enflamer encore davantages
luy demanda quelques jours
pour aviſer aux moyens de retirer
la parole qu'elle ſuppoſa
avoir donnée en quelque fa
çon à un Gentilhomme , qui
s'eſtoit declaré depuis long
GALANT. 187
temps. La menace d'un Rival
fut un motif fort preſſant pour
porter leCavalier à ne garder
plus aucun pouvoir fur luymeſme
. Non ſeulement il pria
la Dame de luy épargner le
deſeſpoir où il tomberoit fi fon
bonheur eſtoit incertain , mais
il força ſon Amy d'agir auprés
d'elle pour l'engager à entrer
dansſon party , préferablement
à ce qu'il pouvoit avoir de Ri .
vaux LaDame qui arrivoit par
là à ſes fins , feignoit de ſe laiſ
ſer arracher comme par force
le conſentementqu'on luy demandoit
, à condition qu'on
feroit le mariage ſans aucun
retardement , afin que quand
le Gentilhomme viendroit ,
il n'euſt à faire que des plaintes
inutiles fur lesquelles elle
trouveroit moyen de le fatis
88 MERCURE
faire. Le Cavalier ſe montra
charmé de ce triomphe , & ce
fucalors qu'o prit ſoio plus que
jamais de le bien garder à vûë,
de peur qu'il ne fiſt ſes refle
xions accoutumées , fionTas!
bandonnoit à luy- mefme . La
Mere & la Fille nele quittoient
preſque point pendant tout le
jour , & fon Amy qu'on faifoit
coucher dansla meſme chambre
, paſſoit une partie de la
nuit à l'entretenir des beautez
de la Maiſtreſſe.On envoya
à Paris pour la difpenſe des
Bancs , & le Contrat fut ſigné
des Parties intereſſées . Les
choſesſetrouvantencereſtar ,
le Cavalier ſe flata d'avoir le
plaisir de faire dire à la Belle
que ſon amour la touchoit;mais
elle affecta toujoursla meſme
referve , & tout ce qu'il en
GALANT. 189
obtint , ce fut que l'obeiſſance
qu'il luy voyoit rendre aux
volontez de ſa Mere , fuffiſoit
pour luy répondre del'attachement
qu'elle auroit à ſon devoir
, quand elle feroit ſaFemme.
Le jour fut choisi pour le
mariage,& la nuitqui préceda
ce.grand jour , le Cavalier ne
pût s'empêcher de: pouffer
quelques foupirs , dont fon
Amy ne luy voulut point demander
la cauſe. Malgré tout
l'empireque ſon amour avoit
pris fur luy,il ne put bannir de
ſa penſée le dur eſclavage où
il eſtoit preſt de s'aſſujettir.Cependant
ilavoiteſté trop loin
pour eſtre en eſtat de reculer.
Le nouveau brillant qu'il remarqua
dansla Belle qui s'étoit
parée à ſon avantage, le fit aller
àl'Egliſeavecune fermetéqu'il
190
MERCVRE
ne croyoitpas pouvoir démen
tir. Il ne put pourtant la ſoutenirjuſqu'au
bout.Tout ce qu'il
y a de facheux & d'incommodedans
le mariage s'offrir à ſes
yeux tout à la fois . Il en fremit,
changea de couleur , & ſe laiffant
aller far un ſiege , il eut
une veritable défaillance. Il
ouvroit les yeux de temps en
temps , & les refermoit prefque
auſſi toſt ; de forte qu'-
ayant eſté plus d'une heure
ſans revenir tout- à- fait à luy,
on fat obligé de le porter chez
la Dame , où le friſſon l'ayant
pris, il eut une fiévre violente.
Ilſe mit au lit ,&quelques remedes
que l'on employaſt , il
ydemeura plus de trois ſemaines.
Lors qu'il ſe vit aſſez bien
pour n'avoir plus quedes forces
à reprendre , il pria la
TGALANT. S
f
Dame de luy vouloir accorder
une audience particuliere en
-preſence de fon Amy. Ce fut
pour luy avoüer que fon mal
n'eſtoit venu que des frayeurs
que le mariage luy avoit cauafées
, & que connoiffant évidemment
par mille ſerieuſes
reflexiós qu'il avoit faites qu'il
n'y pouvoit eſtreheureux , ny
rendre ſa Fille heureuſe , il luy
offroit tous les avantages qu'-
elle pourroit ſouhaiter pour le
laiſſer à duy meſme; que quoy
qu'il ſe défendiſt d'accepter
l'honneur qu'on luy vouloit
faire en la Juy donnant pour
Femme , il l'aimeroittoujours
avec tant de force , que ce luy
ſeroit un veritable ſupplice s'il
* la voyoit entre les bras d'un
Rival ,& que ſi elle fe ſentoit
capable de renoncer comme
J
1
792
MERCVRE
1
luy à ſe marier jamais, il eſtoit
preſt de luy donner une Terre
de dix mille écus , ſe contentant
du ſeul plaisir d'eſtre ſon
plus veritable Amy. L'offre
-parut fort avantageuſe à la
Demoiselle , qui n'ayant point
de tentation pour un Mary ,
n'eut aucune repugnance à accepter
la condition.On rendit
nul le Contrat de mariage , &
l'on en fit un de donation dans
toutes les formes. Le Cavalier
eſt ravi d'avoir dans la Belle
une Amie pleine d'eſprit &
dont la ſageffe eſt connuëlde
tout le monde; & la Belle ſi
reſervée pourl'amour , ne fait
point difficuté de s'expliquer
avec luy fur l'amitié .
Nous voyons tous les jours
des Chef d'oeuvres de l'invention
des hommes ;il en vient
de
GALANT. 193
de paroiſtre un nouveau.Voicy
de quelle maniere en parlent
les veritables Juges de ces for
tes d'Ouvrages .
EXTRAIT DES REGISTRES
de l'Academie Royale
des Sciences.
TEpremier de ce mois, l'Academie
ayant esté invitée àaller
voirune Mathine inventée par les
Sieurs Duquet &le Geret , a trow.
véque c'estoit une Chaire roulante
àquatre rouës , montéesur un Brancart.
Elle prenoit for mouvement
par le poids d'unhomme debout ,
placefur le derriere de ladite Chaireala
place d'un Laquais , lequel
Se balançant tantost sur un pied ,
&tantoſtſur l'autre , faisoit aller
cette Chaire avec dix hommes-dedans
, d'une telle viteffe , dans les
Sept. 1691.
[
it
1
1
194 MERCVRE
allées d'un jardin , qu'on avoit pei
ne à laſuivre. Elle tournoit fort
court en tous sens , selon que ceux
qui estoient dedansvouloient ladétourner
, par le moyen d'un petit
timon on gouvernail ,fort leger &
aiséà manier. Cette Machine&
eſté trouvéefort ingenieuse,facile
dans son usage , & (imple dans
Sa composition ; &encette confide
ration,la Compagnieleur adonné
la preſente attestation , ce quatre
Aouft mil fix cens quatre-vingtonze.
Il faut remarquer que cette
Chaiſe fait toutes les fonctions
dont il eſt parlé dans cette atteſtation
, ſans aucuns reſſorts
que ceux qu'ony met pour la
ſuſpendre. Ceux qui voudrone
avoir de ces Chaiſes, s'adreſſeront
dans l'ifle , chez le Sr le
GALANT. 195
Geret , ou chez le Sr Duquer ,
ruë de la Vieille Draperie , à
l'Image S. Joſeph . On ne les
vendra que deux cens livres .
Outre qu'elles peuvent ſervir
àſe promener dans un Parc ,
elles font encore propres à
rouler ſur le pavé , & leur
uſage eſt auſſi pour les lieux
élevez , puiſque ſans aucune
difficulté elles montent même
d'un pied par toiſe avec
la même charge ; ce qui ſe vit
à Versailles , ſur la fin du mois
d'Aouſt , où une deces Chaiſes
montadepuis la premiere grille
du Chasteau juſques à la Cha
pelle , & fit enſuite cinquante
tours dans la court. Comme il
ſe trouve des incredules qui
n'ajoûtent foy qu'à ce qu'ils
ont vû , on a mis une de ces
Chaiſes dans un grand terrain,
I 2
196 MERCVRE
où on la peut voir courir , &
faire tout ce que je viens de
marquer . C'eſt dans l'Iſle Nôtre
Dame vis-à vis de Saint
Loüis.On donnera une entiere
liberté de ſe promener dedans
à ceux qui le ſouhaiteront.
Je vous dis il y a deux mois
que le Pere Placide Geographe
du Roy, devoit donner au mois
d'Aouſt une nouvelle Carte de
Hongrie , il a tenu parole,puis
que cette Carte paroiſt depuis
quelque temps ; ſon étenduë
fait voir qu'elle eſt d'une gran .
de utilité. Elle comprend les
ſept principales Provinces du
Royaume de Hongrie , qui
font , la Hongrie , la Tranfilvanie,
l'Esclavonie, la Croatie,
la Dalmatie , la Boſnie , & la
Servie , avec une partie de la
Valaquie ; ainſi on y peut voir
GALANT .
197
H
les marches des Armées Impe
riales , Turques , & Venitiennes.
Les Confins du coſté d'Allemagne
, & d'Italie , n'y font
pas oubliez , puis que l'on y
trouve preſque toute la haute
Allemagne,& la moitié du Golfe
de Veniſe . L'exactitude avec
laquelle l'Auteur a leu les Relations
, & les Hiſtoires de
Hongrie , luy ont fourny plaſieurs
remarques Geographiques
qui ſe connoiſſent par
la ſituation de pluſieurs lieux ,
& par la diſpoſition des Rivieres
, & de quelques Iſles du
Danube . Cette Carte eſt difpoſée
de maniere , que bien
qu'elle foit tres- ample , elle
renferme ſeule , ce que l'on
ne sçauroit trouver que dans
pluſieurs. Elle eſt neanmoins
fott agreable , parce que l'on
L3
198 MERCVRE
y découvre d'un ſeul coup
d'oeil , non ſeulement toutes
les differentes parties des Provinces;
mais encoreparceque
la beauté de la graveure fait
que les plus petits noms's'y li--
fent ,& s'y trouventfanspeine.
La netteté & l'exactitude de
cetteCarte ne doivent pas fura
prendre , puis que le Pere Placide
eſt Beaufrere de feu Mr
du Val ,Geographe ordinaire
du Roy , qui avoit pris un
foin particulier d'en faire fon
Eleve. L'eſpritde reconoiſſance
a fait travailler ce Pere à
mettre les oeuvres de feu Mr
du Val dans l'ordre qu'on a pû
les voir en 1688. Ila employé
depuis ce temps-là ſes heures
de loiſir aux Cartes qu'il a
données au Public , je dis ſes.
heures de loifir , puis qu'il
GALANT.
اوو
remplit avec distinction tous
les emplois de ſon Miniſtere ,
& tous les devoirs de ſa profefſion.
La Carte de Hongrie,
dont je vous viens de parler ,
fe vend chez la Veuve du Se
du Val , fur le Quay de l'Hor
loge du Palais au Grand Loüis,
où l'on trouve les Cartes de
Flandre, de Savoye, & de Piemont
, du Pere Placide.
Mr le Due de Medina Sidonia
ayat reſolu d'aſſieger Pratz
de Mollo,qui est laPlace la plus
avancée du Rouſſillon, fic marcher
fon Armée , aprés avoir
marqué par des diſcours remplis
de vanité, qu'il eſtoit ſeur
de l'emporter en peu d'heures,
&prit des quartiers aux envi .
rons de la Place. Mrle Duc de
Noailles ayant appris le deſſein
de ce General , reſolutde mar
Is
14
MERCV20R0E
cher aux Ennemis & de les
combattre, mais en ayant eſté
avertis , ils ne jugerent pas à
propos de l'attendre , & leve--
rent le Siege avec beaucoup
de precipitation . Leurs Quartiers
eſtant fort éloignez les
uns des autres , ils craignoient
qu'on ne leur en enlevaſt quelqu'un,&
apprehenderent même
pour leur Canon.Ils décampetent
fort a propos, puis que
Mr de Noailles n'entreprend
rien qu'il n'ait pris de juſtes
meſures.
Jay peu de choſes à vous
mander d'Allemagne , les cha .
leurs exceſſives ayant caufé
tant de maladies dans les deux
Armées , qu'elles ne ſe ſont pas
trouvées en eſtat de rien entreprendre
cependant la nôtre.
a eu l'avantage de vivre pen
GALANT. 201
dant toute la Campagne aux
dépensdes Ennemis , tanten
deça qu'en delà du Rhin ; de
prendre de bons Châteaux c
de petites Villes , & de tirer
quelques contributions. Les
Allemans ont eu beaucoup
plus de Malades que nous ,
parce qu'ils font moins ac
coûtumez aux grandes chaleurs
, & il leur en eſt beaucoup
plus mort , parce qu'ils
n'ont pas d'Hôpitaux comme
nous , & que l'on a peu de ſoin
de leurs Malades .
•Noſtre Armée décampa de
VVeyer le jour de Saint Loüis
à la pointe du jour. On y cuft.
demeuré plus long-temps f
l'air y euſt eſté meilleur. On
vint camper à Eberſtein . La
tuation du Camp eſtoit affez
belle , la droite regardoit la
1. 5.
202 MERCVRE
Montagne du coſté de Kup
penheim . On eſtoit campé ſur
deux lignes. Les quartiers.
eſtant moins ferrez en ce
camp là , & les eaux eſtant .
meilleures , il y eut beaucoup .
moins de Malades. Il y avoit
une petite Ville à deux lieuës
du Camp nommée Gernſpach ,.
dont la Garniſon a toûjours .
incommodé les partis du Fort--
Loüis ,& Mr le Maréchal de:
Lorge apprehendant qu'elle :
n'inquietaſt nos Fourageurs ,,
commanda : Mr le Prince de:
Conty pourl'aller inveſtiravec
mille Chevaux , & environ
deux mille Fantaſins .Ce Prince
eſtant party la nuit , ſetrouva
au petit jour à une Redouze
qui estoit à demy lieuë de
la Ville . On l'attaqua d'abord..
&l'on y fit prifonnier dix Sol
GALANT. 203
dats , & un Sergent. On alla
en ſuite ſe poſter proche de la
Ville , où l'on attendit les or
dres de Mr le Maréchal. La
Ville eſtoit revêtue d'un Foffé
avec une forte paliſſade ,de
maniere qu'il falloitdu Canon
pour la prendre. Mr deDourlac
eſtoit ſur la hauteur avec:
quatre mille hommes , ce qui
fut cauſe que l'on commanda
Mr de la Freſilliere avec du
Canon; & de l'Infanterie pour
fervirdans cette expedition ,
quoy que LieutenantGeneral,,
fous les ordres de Mr le Prince
de Conty.A peine fat - il arrivé
qu'on envoya un Tambour
pour ſommer la Place , mais ila
ne s'y trouva que quelques
Habitans , la Garnifon qui
eſtoit de neuf cens hommes ,
on eſtant fortie un jour avanse
1162
204
MERCVRE
qu'on arrivaſt devant la Place
Ainſi on ſe rendit Maiſtre du
Château & de la Ville ſans tirer
un ſeul coup . La Ville eſtoit ,
pleine de fourages , de grains,,
& de vin . Le feu y prit quelque,
temps aprés , & ſe répandit.
avec tant de violence que l'on,
ne put fauver une ſeule maifon.
Rien n'eſt plus honteux;
pour les Allemans que d'avoir ;
abandonné cette Place ſans ti ..
rer un ſeul coup , ayant la
gorge de la Montagne pour re-.
traite , & quatre mille hom..
mes ſur la hauteur pour les ,
foûtenir.
Le premier Septembre l'Ar
mée quitta ſon Camp pour .
aller à Bhil qui eſt un gros ,
Bourg. La Cavalerie fut cam-.
pée du coſté de Bade fur deux ;
lignes diſtantes de deux pors,
GALANT
2.05
tées de Mouſquet l'une del'autre.
L'Infanterie fut campée à
un quart de lieuë audeſſusde
Bhil . Les Carabiniers couvri
rent le Campdu coſté d'Oberkirch
, & les Dragons furent
poſtez au bas de la Montagne .
Les Saxons ont ſouvent man
qué de vivres pendant cette,
Campagne , & les Imperiaux,
n'ayant pas voulu leur donner,
de fourages dans des temps.
qu'ils en avoient un extrême
beſoin , Mr de Saxe fit piller.
une petite Ville qui luy en .
refuſoit, & fes Troupes la brû-.
Jerent enſuite. Cette action a,
beaucoup augmenté les diffe ..
rends qui estoient entre M. de
Saxe, & Mr deCaprara, & qui ,
opt tant fait de bruit ..
-Noſtre Infanterie partit le:
7, au matin du Camp de Bhil ,,
206 MERCVRE
&vint camper à Kiren , où elle
ſéjourna le huitiéme. LaCavalerie
ſe rendit en un jour à
Veloffe , où l'Infanterie lajoignit
leDimanche , marin . On
ne croyoit pas y ſejourner longtemps
alcauſe de l'eau qui y
manquoit , les payſans ayant
détournée la Riviere au pied
des Montagnes. On y remedia
promptement ; mais ce ne fut
pas ſans peines , carils avoient
fairquantité de trous & d'élevations
qu'il fallut remplir, &
applanir. Le fourage fut tres--
raredurant ce temps là ; cependant
on trouva quelques
meulles de foin dans les Bois
qui firet ſubſiſter l'Armée jufques
au Ieudy troiſième . Elle
décampa cejour-là , & vinta
une licuëpar delà Offembourg:
daun petit Village qui eſt au
GALANT. 207
piedde la montagne. On y apperceut
en arrivant un Camp
des Ennemis qui eſtoit ſur la
Montagne , environ à une
lieuë du noſtre.
ود
Le 14. l'Armée vint cam
per à Lohr . C'eſt une petite
Ville fort jolie , où les équipages
font tres- bien logez . ,
&meſmes fort au large. C'eſt
ainſi que l'on ſe promene dans
le Pays Ennemy , & que les
Troupes du Roy y vivent
n'ayant pendant toute la Campagne
trouvé aucuns Corps
qui leur ayent diſputé les poſtes
où elles ont voulu camper.
Je vous envoye dequoy fatisfaire
voſtre curiofité touchant
le Combat donné entre
l'Armée Imperiale , & les
TroupesduGrand- Seigneur.
208 MERCVRE
COPIE D'UNE LETTRE
Ecrite par le Prince Louis
de Baden à Sa Majesté Imperiale,
dattée à Salenkemen
le 24. Aouſt 1691 ..
Envoye à Vostre Majeste Imperiale
par le Comte de Durkeimb,.
quatorze Etendars , qui ont esté
pris aux.Ennemis . L'ay déja fait
Sçavoir à voſtre Majesté , par le
Prince de Vaudemont, comme après
un long & sanglant combat; le Ciel
s'est declaré pour vos armes. Iepuis
dire que jamais on n'a cobatu aves
plus devaleny ny de bravoure qu'ot
fait tous les Officiers generaux &
Subalternes de cette Armée.Iln'ya
pascu un Bataillon , ny un Efcas
dron , qui n'ait estéplusieurs fois às
GULANT. 209
la charge. Le Maréchal general
de Dunevald, le Comte de Souches
le Comtede Stirulm,eLieutenan
general de Barfus , s'y sont distin
guezdune maniere à ne rien laiſſe
à dire au deſſus d'eux. Il meferois
difficile de faire un détail particulier
detout ce qui s'est passé dans
cette grande Iournée , je laiſſe au
Porteur d'en rendre compte de bouche
à V. M. 1. Il s'est luy-mesme
beaucoup distingué , & comme il
a esté presque toujours près de moy
il aura mieux remarquéles choses...
le ne sçay pas encore au vray la
pertedes Ennemis. Les Prisonniers
m' afſfeuvent que de dix mille Ianif..
faires de tres - bonnes Troupes ,
peu enfont échapez, que beaucoup
de leurs Officiers y ont esté tuez
Tout leur Camp estoit remply de
chevaux & de corps morts. Tous
les Rafciens qui ſeſont ſauvez de
210% MERCVRE
de Belgrade viennent de m'affeurer
que l'Aga des Ianiſſaires & le
Seraskier doivent estre demeurez
fur laplace, &mesme que lebruit
est parmy leurs Troupes , que le
Grand Visir y a esté tué.
Voicy la Lifte que j'envoye à
V. M.I. des Morts & Bleffez de
deſes troupes, queje n'ecris qu'avec
beaucoup de douleur ; mais le feu a
estéfi extraordinaire , & les Infidelles
ſe ſont défendus avec tant
de vigueur, que tout le monde avouë
que ce n'est que par un miracle que
les armes de V. M. ont remporté
unesi grande victoire. le ſouhaite
qu'avant la fin de la Campagne
Dien me donne la grace de batre
encore vos Ennemis , & remporter
Sur eux victoire , pour l'augmenta -
tion de la gloire des armes de vostre
Maison , &pour tacher d'acquerir
ta bienveillance & l'approbation
de Vostre Majesté Imperiale , &c
GALAN T.. 21
LISTE DES MORTS
& Bleſſez de l'Armée Imperiale
, dans la Bataille
données au deſſus de Salenkement
, le 19. Aouſt 1691 .
MORTS
Le Duc de Holstein,le Comte
de Kauniz , le Comte de Buquoy .
le Comte de Peting Officiers
generaux..
Dans l'Infanterie.
2
Le Comte Richard de Starema
berg ,le Major Fingerman , le
Major Groner,le Maior Hisck
leMaior Meyr ; quinze Capitaines
,fix Lieutenans , buit Enfei
gnes , & 34.4.2 . Officiers fubalternes&
Soldats de divers Regimens...
LES BLESSEZ .
Le Comte de Souches , Generat
del'Artillerie ;le Comte Guidoder
212 MERCVRE
Staremberg , Major general ; le
Princed' Aremberg. Ces trois Generaux
font morts de leurs bleſſures,
bier & aujourd buy 24. Aoust.
Le Comte Corbelly , General
major le Prince Charles de Vaudemont
, legerement ; le Comte
Zacco , Colonel Bavaroisile Comte
Henry de Staremberg ; leBaron
d'Elmpt ,le Marquis de Maffler,
le Comte d'Herberstein , le Baron
VVinckelbosfen , le Major VVilprat,
le Baron Lohen : trente trois Capitaines
, trente- cing Lieutenans,
dix - huit Enseignes , & 2552. bas
Officiers & Soldatss
Morts dans la Cavalerie.
Le Comte Zerint ; le Comte
Maulium ;le Baron lean de Vert;
Le Major Permeidingen : buit Ca
pitaines , douze Lieutenans , trois
Cornettes , & 866. Maréchaux
des logisou Cavaliers..
GALANT.
213
bleſſez dansla Cavalerie.
Le Baron Reitler , le Comte de
Hoenems ,le Comtede Marcin , te
Baron d'Oharife ,le Major Por
tenavu , le Major Fifcher : feize
Capitaines , vingt Lieutenans
vingt& un Cornettes , un Aumo-
Snier , & 650. bas Officiers ou Ca.
valiers.
Morts des Troupes de Brandebourg.
Le Colonel Belou ,le Lieutenant
Colonel de Kalchſtein , trois Capizaines
, trois Lieutenans ,fept Cornettes
, trois Enseignes,deux Ad
judans , & 524. Soldats ou Cavaliers.
Bleſſez des Brandebourg.
Le Lieutenant Colonel Sidou ,
Le Lieutenant Colonel Blambenfent
,le Major Ruchat ; dix Capitaines
, quatorze Lieutenans,
dix Cornettes ou Enseignes , 505
Soldats ou Cavaliers.
214 MERCVRE
1
Morts de l'Artillerie Imp,
L'Ingenieur lung; douze Officiers
ou Canonniers , Seize Valets &
trente chevaux .
Bleſſez de l'Artilerie.
LeMajor de l'ArtillerieVerner:
un Capitaine , un Lieutenant , un
Commiſſaire , & un adjudant,
quinze Canoniers , quarante che-
Vaux.
Artillerie de Brandebourg.
Dix Commiſſaires , Canonniers,
ou autres, tuez ou bleſſez.
La pluſparts des Bleffezfont
morts depuis la Bataille.
Dénombrement fait par un
Priſonnier Turc , des Officiers
qu'ila reconnus morts.
Le Grand Chambellan du premierVifir
; le Baſſa de Caramanie;
dix Sept Aga ou Officiers des laniſſaires,
outre pluſieurs morts qui
paroiffoient estre gens de qualité,
GALANIT. 215
que ce Prisonnier a dit ne pas connoiſtre.
La perte des Ennemis peut
eftre de douze à quinze millehom.
mes,&le bruit s'est répandu dans
l'Armée qu'elle estoit de plus de
vingt-cing mille ; ceque je n'ay
pas voulu empécher de publier,
parce que cela anime les soldats,
L'attens les renfortsdeTroupes que
i'ay demandez à Vostre Maiesté
Imperiale , &c .
LOUIS DE BADEN:
Cette Lettre fait voirque les
Imperiaux ont perdu prés de
dix mille hommes dans ce
Combat ; & comme dans touteslesoccafions,
où ils ont eu
dudeſavantage , le tempsa fait
connoiſtre qu'ils ont toûjours
caché unepartiede leurs peries
il ya lieu de croire qu'ils dé.
guiſent la verité , de crainte
que leurs Alliczne les preſſent
1
216 MERCURE
de s'accommoder en diminuant
le nombre de leurs morts , dans
le dernier Combat , il eſtoit
impoſſible qu'ils puſſent alors
ſçavoirla verité Le Prince de
Bade n'aſſure pointdans la Lettre
que vous venez de lire ,
que le Grand Viſir ſoit mort ,
mais il rapporte ſeulement ce
qu'ont dit fur cet article des
Prifonniers échappez de Balgrade
; ce qui ne prouve rien ,
ces fortes de gens ; ne diſant
erdinairement que ce qui fait
plaifir , parce qu'ils font mieux
reçus , & ſouvent regalez . Les
Lettres & la Gazette de Veniſe
marquentque ce premier Miniſtre
s'eſt ſauve dans un Bois,
& d'autres Lettres pottent que
l'Armée qui a combattu contre
le Prince de Bade n'eſtoit qu'un
détachement où ce Miniſtre
n'eftoic
GALANT U
n'eſtoitpas. Quant aux nombre
des Turcs qu'on veut avoir
eſté tuez dans ce Combat,il eſt
ridicule de dire qu'on l'a remarquéſur
le champ deBataille
puiſque les Corps du grand
nombre des Imperiaux qui ont
pery dans ce Combat eſtoient
meſlez avec ceux des Turcs
qui y ont perdu la vie. Ce
n'eſt point en voyant leurs
morts dans leChampde Bataillequeles
Imperiaux en ont reconnu
le nombre ; mais par les
Etats qui en ont eſté faits aprés
les Reveuës , ce qui fait que
l'on ne peut parler ſi- toſt avec
certitudede la perte des Turcs
& que l'on ne peut douter que
les Imperiaux n'ayent au
moins perdu ce qui eſt marqué
dans la Lettte du Prince de
Bade. Ce qu'il y a de conſtant,
c'eſt que le Champ de Bataille
Sept. 1691 . K
218
MERCVRE
eſt demeuré aux Morts , que
les Turcs font retournez dans
leurs premiers retranchemens,
& que les Imperiaux , contre
l'uſage des Vainqueurs ont
reculé au lieu d'avancer . J'ay
beaucoup de choſes à vous
dire touchant ce Combat, que
jefuis obligé de remettre au
mois prochain .
L'Enigme du mois paffé eftoit
furla Grenoüille.le vousenvoye
une partie des noms de
ceux qui l'ont devinée , je dis
une partie , parce que les autres.
l'ont expliquée ſous des
noms qui ne meritent pas d'avoir
place dans ma Lettre.
Mrs Arnaudet , Avocat en
Parlement , & l'un des Echevins
de Niort , Birault , Abbé
de Nouzieres , Chanury Enrrepreneur
des Fortifications
GALANT. 219
de la Rochelle ; de la Prairie
d'Orleans ; C Hutuge de la
méme Ville ; Bonnard de l'Hoſtel
du Queſnoy, Place Royale;
Castelnau de Bayonne ; joly
Curé de S.Lubin;le trop fidelle
Amanti vangé de ſa perfide
Maiſtreſſe de la Cité ; le Gentilhomme
Courtiſan du Cardi.
nal le Moine ; Belier de S.
Maurice de Senlis , le grand
Chaffeurde Colange ; Gervais
l'honeſte homme ; le Chevalier
Portalet , Commiſſaire des
Troupes ; l'Inconſtant rendu
captif , ou l'Amant de la belle
Vranie du Pont au Change ;
Baudouin , du meſme lieu ,Perret
de Seigurers ; le Chevalier
Santic de Morlaiz , le Pere de
la leuneſſe deChaſteaudun, de
Iumeaux dela meſme Ville , le
Comte de Querment,&Coche.
K2
220 MERCVRE
pin . Mlles Marie Rance, Louifon
, ruë Vieille Drapperie ,
Antoinetre , & Marie Belier;
Anne Charles ; Mariane le
Geay, de la ruë du Sepulcre ; la
belle Iardiniere du Fauxbourg
faint Antoine , les trois Bergeres
ſans Bergers , du Quayde
la Tournelle ; la ſainte Famille
dumeſme Quay , belle Bergere
de Pannecau ; l'aimable Soeur
de Mr leCuré de Droifſſy pro.
che Soiffons, l'aimable Blonde,
la belle Vernon de Luxembourg,
& la Reffuſcitéeduméme
lleu ; les neuf Muſes de
Lauruel ; la Belle , de la ruë
Querjean ; la Dame au tréſor
caché , & fon fidelle Epoux ; le
parfait Modele de l'amour conjugal
, de la rue neuve faint
Eustache , & l'Indolente àl'Anagrame
. Reyne du Hazard ,de
la meſme ruë.
GALANT. 221
Je vous ay autrefois envoyé
un Volume entier , par lequel
vous avez pů apprendre le cas
qu'on failoitdes Enigmes chez
les Anciens , & que les Rois
quittoient leurs Etats pour en
aller expliquer chez les Roys
leurs Voiſins ; c'eſt delà qu'eſt
venu l'uſage d'expoſer tous
les ans au Colege de Louis le
Grand desTableaux qui en repreſentent.
Chacun eſt bien
reçû pour apliquer , &
ceux qui en trouvent le vray
fens gagnent leTableau celuy
de la Rhetorique reprefentoit
cette année la Benediction d'Ifaac
que furprit Jacob par la
pieuſe adreſſe de ſa Mere , au
lieu d'Eſaü l'aisné , qui avoit
droitde ſe la promettre.On ex
pliqua cette Enigme fur la Mode
, & fur le Masque . Le verita-
K 3
222 MERCVRE
ble ſens eſtoit le Qui pro quo..
Le Fils de M.de Raymond,Fermier
General des Fermes du
Roy, qui la donnoit , parla fur
ce ſujet avec beaucoupd'agrément
& de preſence d'eſprit.
Voicy dequoy exercer le vôtre
&celuy de vos Amis..
ENIGM E ..
Noor que je nefois qu'une fimi
plefemella
T'ay de la force aux bras auffi-bien
qu'enmon corps
On dit que je suis bonne& belle..
Mais il faut craindre mes efforts.
"
T'ay beaucoup d'ennemisfurla terre&
fur l'onde ,
Qui parlent toujoursmalde moy,
Et cependant je fais plaisir à tous
le monde
GALANT. 213
Sans mesme en excepter le Roy.
Quand on Sçait par experience
L'effet de ma vertu , mes bonnes
qualitez ,
Onvient avectoute afſurance
Me confier mille beautez
Ie cours fans pieds , ie dors fans
yeux
lefers en Medecine , &j'embellis
laRofe ,
Ie descens dans l'abisme, & monte
vers les Cieux ;
Enfin ieſers ou nuis selon que l'on
m'expose.
Les paroles que je vous end
voye ſont de M. Buquet d'Abbeville.
Elles ont eſté miſes en
chant par M.Normandeau,Organiſte
du College Royal de
Navarre.
224 MERCVRE
AIR NOUVEAU.
IA Feste d'une riche Cour
N'a point de charmes qui me
touchent ,
Parmy l'éclat &le grand iour
Nos tendres amours s'effarouchent
C'estdans les ombres qu'unAmant
Trouve la fin defon tourment.
Je viens à l'Article du Com
bat dont je ſuis perfuadé que
vous attendez les particularitez
avec impatience. le croy
que voſtre curioſité trouvera
dequoy ſe ſatisfaire , puis que
la Relation que je vous envoye
a eſté faite par une perſonne
qui joint à la plus haute naiſ
fance une intrepidité digne de
fon fang , & une parfaite connoiſſance
dumétier de laguer
GALANT. 225
re. Voicy les propres termes
dont ce Prince s'eſt ſervy.
ATournay, ce 20. Septembre 1691
IE vous diray que le 17. versles
bait heures du matin , Mr de
Luxembourg fut certain que les
Ennemis avoient non seulementde
campé,mais qu'ils estoient allezà
Leuze. Sur cela nous commençâmes
à marcher. Comme Mr le Maréchal
avoit cu la précaution defaire
accommoder tous les chemins , nous
arrivâmes ce jour là à Renay. Le
Lendemain 18.la difficulté des chemins
& du Pays nous obligea de
rejetter presque toutes nos colonnes
du costé de l'Escaut , c'est à dire
que noftre aisle gauche alla paffer à
Pontarone; ainſi tout ce qu'onpus
faire fut de camper la gauche à
Poste,&la droite àHerines,
KS
ala
226 MERCVRE
referve de l'aisle droite de Cavale
rie , premiere &Seconde ligne , de
neuf Escadrons que commandoit
Mr de Villars , &de la Reserve ,
avec quoy Mr de Luxembourg alla
paffer la Ronc à Bergnau , en in
zention d'aller chercher , je croy
Plus en avant , unposte qui luy convinst
, & qui tinſt les Ennemis en :
bridefur les courses qu'ils auroient
pû faire du coſté de l'Escaut vers
Mortaigne. Nous allâmes d'abord
examiner un poste dont on avoit
parlé , qui estoit de mettre lagau.
che vers annuin , &paſſantparle
Moulin de Ferest , s'étendre jusqu'à
Velaine. Le poste neparut point bom
àMr de Luxembourg, ainſi il tourna
du côté du Mont de la Trinité,
&alla camper quaſiſous Tournaya
fur trois ou quatre lignes..
Les Ennemis estoient campeza
LeuzeDecette maniere ils avoients
GALANT. 227
leur gaucheſur Leuze,& leur droite
à Lecatoire ,le ruisseau de Leuze
fur leur gauche, &celuy deBlegny
derriere eux, lesquels ſe vont joindre
à Ligne ; & quoy qu'ils soient
fort petits , ne laissent pas d'estre
tres,malaiſez à paffer par les marais
qui regnentfur leurs bords;ainſi
vous voyez bien qu'ils estoient de
maniere que pour découcher de leur
Camp il falloit repaſſer ces ruis-
Seaux, ce qui est toutours une affaire
delicate pour degroſſes Armées qui
ne font pas fort éloignées les unes
des autres .
Le 19. Mr de Luxembourg , qui
par tous les avis qu'il recevoit ,&
par ce qu'il sçavoit par lay méme,,
Le doutoit bien que les Ennemis devoient
marcher cejour- là avec leur
Corps qu'ils avoient icy , faisant
en tout foixante & dix Escadrons
efperant quesi les Ennemis avoienst
K6
228 MERCURE
marché du côté d'Ath oudecelup
de Cambron , il trouveroit qu'ils
auroient à demypaſſséles ruiſſeaux
dont ie viens de parter , & qu'il
battroit à coup feur tout ce qu'it
trouveroit en deçà ,& que si les
Ennemis n'avoient point marcké
ilferoit demeuré du costé d'Antnin,
dans des postes qu'il connoiſſoir
& dans lesquels il auroit fait venir
le refte de fon Armée lefoir
ainſi cette entrepriſe ne couroit
d'autre hazard que celuy de battre
lesEnnemis , comme il est arrivé.
Dès le foir du 18. en arrivant:
icy ildétacha Mrde Marfilly avec
quatre cens Chevaux, moitiéde la
Maison du Roy , l'autredeCa
valerie- legere , auquel il ordonna
de s'approcher le plus prés qu'il
pourroit du Camp des Ennemis ,
ن م
de luy en mander àtous momensdess
nouvelles.
GALANT.
229
Le 19. Mr de Luxembourgcommença
à marcher,ayant fait passer
devant luy le Corps deMr de Vil
lars , tenant le cheminde Leufe,&
taiſſant Antnin ſur nostre droite.
Quand nous fusmes environ à
moitié chemin , Mrle Maréchal
eutdesavis certains par Marcilly
&partous les gensdu Pays , qui luy
confirmerent que les Ennemis avoientdécampé
deux heuresavant
te iour , & alloient du costé de
Cambron. Eela determinaMr le
Maréchal à preſser sa marche,
craignant qu'ils ne fuſſent touspasa
fez le ruiſſeau de Blequi , ou qu'il
n'enrestast si peu en deçà,que cela
ne valust pas la peine d'y avoir
efté.
En approchant de la hauteurde
Leuſe, ayant Leuse à nôtre gauche,
Mr deVillars qui avoit rézoint Mr.
de Marcilly , manda qu'il voyoit.
230 MERCVRE
pluſieurs troupes des Ennemis en
Bataille prés de luy , Mr leMaréchal
luy envoya dire en toute dili
gence qu'il n'engageast rien qu'il
ne fust arrivé , &y pouſſa dans le
mesme temps luy mesme. Des qu'il
yfut , il vit effectivement une ligne
des Ennemis de quatorze ou quinze
Escadrons qui estoit leur arrieregarde
; cela estant un peu trop fort'
pourle Corps de Mr de Villars , il
jugea à propos d'attendre que less
Gardes du Roy fuſſent arrivez , &
envoya àtoutejambe leur dire qu'ils
marchaſſent le plus diligemment
qu'ils pourroient . Ils arriverentbien-
tost , n'estant pas éloignez de
plusde deux mille pas. Des qu'ils
furent venus , Mrde Luxembourg
lesmit en bataille dans un terrain
qui nous estoit fort favorable ; par--
ce que nous le rempliſſions avec un
asombre pareilà celuy des Ennemis..
GALANT. 231
Mr de Luxembourg mit fur la
droite dans des hayes qui le fermoient
, les deux Regimens du Roy
& de Teßé , &mit à lagauche de
la Maison du Roy , les trois Escadronsde
Merinville. Il attendit un
peu la Gendarmerie qu'ilfit mettre
enſeconde ligne , dés qu'ellefut arrivée
avec la Brigade de Choad.
On afceu que les Ennemis crurent
en voyantles Troupes de Mrde
Villars , que c'estoit Mr de Befons
avec le Corps qu'il commandeſous
Mons , comme ils virent former
nostre ligne , & qu'ils reconnurent
les Gardes du Corps, ils virent bien
qu'ils s'étoient trompez . Cependant
Sçachant le tour que nous avions
fait ,& que nous estions partis le
17. àdix heures du matin de Lef..
fines , ils n'imaginerent pas que
nous puſſions estre là le 19. à midy ..
avec un Corps aufficonfiderable que
232
MERCVRE
celuy que nous avions , ce qui fur
cauſe qu'ils firent repaſſer le plus
diligemment qu'i's purens toute leur
wifle gauche , premiere &feconde
ligne, qui nefaisoit que d'achever
de paſfer de l'autre costé du Ruiffeau
de Blequi. A mesure qu'ils
arrivoient ils formoient des lignes
derriere cette Arriere-garde , &
firent avancer les cinq Bataillons
qu'ilsavoient laiſſezfur le Ruiffeau
de Blequi pour leur Arriere-garde,
dans des hayes & des marais qui
estoient sur leur gauche , qui se
trouverent opposeZaux deux Regimens
de Dragons que nous avions
fur nostre droite , bien que notre
aisle gauche de deux lignes que
menoit Monfieur Rose fust encore
un peu loin en colomne , Mr le
Maréchalvoyant quecelagroſſiſſoit
& qu'illeur donnoit le tems defor--
mer des lignes à leur aise , crus que
le temps estoit venu de charger..
GALANT .
233
Ilfit ébranler la ligne des Gardes
du Corps qui s'approcha fort
pres des Ennemis , lesquels ayant
une petite Ravine devant eux
les attendirent fort fierement
& leur firent la décharge à bout
pointant. Les Gardes du Corps la
receurent avecleur fiertè ordinaire,&
voyant qu'ils ne s'en altoient
point , ils pafferent ce petit
Ravin ,&se meſlerent avec les
Ennemis, qui,ie croy ne les auroient
pas attendus , filepaffage du petit
Ravinn'avoit un peu dérangé les
Escadrons des Gardes du Corps.
Cettecharge-là de l'aveu de tous
ceux quiy estoient für une desplus
belles qu'on ait iamais veuë , &
digne de la Maison du Roy. Les
Ennemis plierent , & les Gardes
du Roy les pouffant , trouverent
d'autres Escadrons Ennemis qui
s'estoient formez derriere leursli
234
4 MERCVRE
gnes qu'ils chargerent , &culbute
rentàmesure qu'ils les trouvoients
mais comme en poussant toujours
vers le Ruiſſeau de Lecatoire , M.
de Luxembourg vit que les Enne.
mis avoient encore beaucoup de
Troupes en ordre , il fit faire alte
à la Maiſon du Roy , & la fit remettre
en ligne , aprés quoy pour
finir l'affaire, il fit paſſer laseconde
ligne,c'est à dire, la Gendarmerie,
&la Brigade de Choad , dans les
intervales de la Maiſon du Roy.
Dés qu'elle fut paßée il leur ordonna
la charge des Troupes qu'elle
avoit devant elle. On ne peut s'y
presenter plus fierement ; mais les
Ennemis n'en aferent pas commeà
la premiere charge, er après avoir
fait leur decharge s'enfuirent. La
Gendarmerie les pouſſa iusqu'àlape
tite portée du Mousquet de la ligne.
M. de Luxembourg qui voyoit leur
GALANT.
235
Infanteriefur la hauteur de l'autre
coſté , qui arrivoit& qu'ils com .
mençoient àenfaire defcendre dans
le fonds , leur ordonna de ne pas
s'engager plus loin, ne voulant pas
que ce jour- là les Ennemis euffent
le plaisir de dire qu'aucune de nos
Troupesse fust retirée en defordre.
Aprés cela Mrle Maréchalvo.
yant queleur Armée commençoità
paroiſtreſur la hauteur de l'autre
coſté , &que du nostre il ne restoit
plus que quatre ou cing Troupesdes
Ennemis defoixante & dix Esca.
drons qu'ils avoient fait paſſer ,&
qui avoient le cu dans les hayes , où
s'estoient retirez les cing Batail.
lonsd'Arriere-garde , commença à
prendre le party de se retirer au
petitpas , ce qui fut executéfans
quepas un des Ennemis ofât repafferle
Ruisseau. Les cing Troupes
mesme dont ie viens de parler
536 MERCVRE
1
ayantpaßéledéfiléavantque nous
cuffions commencé à nous retirer
nous demearâmesfurle Champ de
Bataille une heure &plus, pour re
tirer les Morts & les Bleſſez .
f'avois oublié de vous dire que
nos deux Regimens de Dragons efcarmoucherent
toûjours avec ces
cing Bataillons , & les amuferent
pendant toute l'action , ce qui fit
du bien à nostre aisle droite , qus
auroit un peu pâty fans cela.
Mille , & mille circonſtances rendent
ce Combat glorieux , tant pour
les troupes en general , que pour les
particuliers , qui ont fait des actions
de valeur , & d'intrepidité dont on a
peu veu d'exemples. Quand au General
il a fait paroiſtre tout ce qu'on
peut ſouhaiter d'un grandCapitaine
&ily a dans l'action qu'il a entrepriſe
de l'intrepidité , de la prudece , de
l'activité , &un certain ſçavoit faire,
accompagné d'un manege qu'il fait
naturellement , & qui pourroit em
GALANT .
237
barraſſer les plus grands Capitaines.
Les Ennemis avoient toûjours pris de
fi grandes meſures pour éviter le
Combat, lors qu'ils eſtoient prés de
luy , qu'il reſolut de les ſurprendre &
de les y engager , lors que leur Camp
en eſtoit à cinq lieuës. Il en eſt venu
àbout, ce qui ne ſe pouvoit faire ſans
eſtre actif & ſçavant dans le meſtier
de la Guerre. Il fit courir le bruit ef.
tant à Tournay, qu'il avoit fait avancer
laCavalerie qui l'accompagnoit ,
dans la penſée qu'il avoit que les Ennemis
vouloient paſſer l'Eſcaut entre
Tournay & Condé , & l'on avoit retenu
les eaux de ces deux Places
comme ſi on en euſt eſté perfuadé. 11
fit publier en meſme temps que toute
l'Armée devoit fuivre. La nuit du 18 .
au 19. il fit faire des Ponts , & fit enſuite
de fauſſes marches . Cette belle
manoeuvre engagea les Ennemis au
Combat ,& fut cauſe que meſmes en
voyant ce General & ſes Troupes , ils
ne crurent point en eſtre ſi proches.
Leurs Bagages eſtoient à convert ,&
il ne leur reſtoit que quatorzee Efca
1
238 MERCVRE
drons , qu'ils pouvoient retirer , & ils
auroient rendu par là toute la diligence
de M. de Luxembourg inutile ;
mais eſtant perfuadez qu'ils ne pouvoient
avoir à faire à ce General ny à
laMaiſon du Roy , ils crurent qu'ils
auroient bon marché des Troupes qui
ofoient reſter devant eux ; ils en firent
mefme repaſſer de nouvelles ,
croyant les accabler par le nombre.
Pendant ce temps il en arrivoit à M.
de Luxembourg qui les mettoit en
Bataille à mesure qu'elles arrivoient.
Les Ennemis ne pouvant plus s'en dedire,
firent venir tout ce qu'ils avoient
de Cavalerie à portée de s'avancer , &
ils avoient formé prés de quatre lignes
, avant que M. de Luxembourg
euſt aſſez de Troupes pour une ſecon-
Ligne.Ce General fit engager le combat
, fans attendre celles qui le fuivoient
, parce que s'il euſt tardé plus
longtemps , toute l'Armée ennemie ,
dont il paroiffoit déja quelque Infanterie
, nauroit pas manqué d'avancer.
Monfieur le Duc de Chartres s'eſtoir
mis d'abord à la teſte des Gardes du
1
GALANT. 239
Corps , & prétendoit y combatre , &
M. de Luxembourg fut obligé de fe
ſervir de ſon autorité de General pour
faire retirer ce Prince : cependant il
ne laiſſa pas de donner ſur la fin du
combat avec Monfieur le Duc du
Mayne , & d'aller à la charge avec
des Eſcadrons qui vinrent ſe ralier ,
pour enfoncer la derniere Ligne des
Ennemis ; ainſi ce Prince eut part à
la Victoire, & quoy qu'il ne ſe fuſt encore
jamais trouvé dans le peril , il le
regarda de fang froid , mais il fit paroiſtre
beaucoup de chaleur à la pourſuite
des Ennemis.Jamais il ne s'eſt
vû une intrepidité pareille à celle de
nosTroupes qui ont combatu.Vingtdeux
Eſcadrons en avoient ſoixante
& douze à combattre : je dis vingt
deux , parce qu'il y en avoit fix qui
eſtoient occupez cótre 5.Bataillós qui
eſtoient dans les hayes. Ainfil'on peut
dire que les Ennemis eſtoient plus de
trois contre un. Ils avoient outre cela
de l'Infanterie ſur leurs aiſles , & dans
un bois derriere eux , & de plus , ils
240 MERCVRE
2
eftoient couverts d'un ruiſſeau , qui
leur donnoit le temps de tirer fans
eſtre inquietez pendant que nos gens
eſtoient occupez à le paſſer, ce qui les
dérangeoit un peu. Cegrand nombre
d'avantagesque les Ennemis avoient
fur eux ne les étonna point ,& le ſabre
à la main ils allerent au pas aux
Ennemis , au lieu de reprendre halaine
, parce qu'ils eſtoient venus fort
vilte.
On peut dire que la Maiſon du
Roya non ſeulement combattu avec
valeur dans cette occaſion , mais mefmes
avec dignité , ayant trop mepriſél'intereſt
pour mettre piedà terre ,
pour dépoüiller les Morts : elle laiſſa
leChamp de Bataille aux Troupes ,
qui nepurent arriver affez toſt pour
avoir part à la gloire , quoy qu'elles
fuſſent venuës avec une extrême vireffe.
Ceux qui feront reflexion fur
ce qui s'eſt paffé dans cette grande
Journée , remarqueront que la Maiſon
du Roy eſt venuë de cinq lieuës
battre l'aifle gauche des ennemis de
cinquanteGALANT.
241
cinquante - fix Eſcadrons , preſque
tous Allemans , & de leur meilleure
Cavalerie , toutes leurs vieilles Gardes,&
quatre Maiſtre choiſis par chaque
Compagnie de leur aifle droire ,
& qu'aprés avoir fait cette action ,
elle s'eſt retirée en ordre de Bataille ,
& est allée coucher au meſme lieu
d'où elle estoit partie ; de ſorte qu'on
euſt dit qu'elle revenoit de quelque
Reveuë. Il ne s'eſt jamais fait une fi
grande action avec un ſi grand ſang
froid , & jamais Troupes n'ont combatu
avec tant d'ordre , n'ont ſi bien
conſervé leurs rangs , & ne ſe ſont
tenuës ſi ſerrées ; & fi elles ont eſté
obligées à quelques raliemens pour
avoir ſouffert en allant trop ſouvent
à la charge contre les meſmes Corps ,
elles les ont faits ſans perdre du terrain
, & à la portée du piſtolet des
Ennemis. L'exercice que le Roy a de
tous temps fait faire à ſes troupes , eft
cauſe qu'elles font tous les mouvemens
de Guerre avec une viteſſe , &
une adreſſe inconcevables, & qu'elles
ſe rallient de meſme. Il fut plus aiſé
Sept. 1691 . L
242 MERCVRE
aux Ennemis de ſe rallier ſans courir
de riſques , parce qu'ayant pluſieurs
lignes ,ils ſe rallioient derriere avec
plus de ſeureté& de loiſir. Un de nos
Eſcadrons dans la chaleur du Combat,
ayant penetré au milieu des leurs,
il fit face de tous coſtez , & ſe retira
glorieuſement ; mais un Eſcadron des
Ennemis eſtant rentré parmy les nof
tres , diſparut auſſi- toſt ſans s'eſtre retiré
, & fut entierement défait .
M. le Comte de la Mothe eſtant à
la teſte d'un Escadron , & faiſant face
aux Ennemis , un autre le vint attaquer
en flanc ; il fit faire la converfion
, chargea en teſte cet Eſcadron
& l'enfonça. On rapporte qu'ayant
veu que l'Eſcadron qui le venoit
prendre en flanc eſtoit encore loin ,
ildit qu'il falloit toûjours expedier celuy
qu'il avoit en face , & qu'il auroit
affez de temps pour aller au devant de
celuy qui le venoit attaquer. Il n'y a
point eu d'Eſcadron de la Maiſon du
Roy qui n'ait au moins eu affaire à
deuxdes Ennemis , & les Gendarmes,
&Chevaux Legers de la Garde ſe
GALANT. 243
font vûs attaquez en face , en queue
& en flanc. M. de Trainel , avec quarante
Maiſtres , alla charger un Eſcadron
des Grenadiers de Naflau , & il
eut ſon habit tout percé de coups ,
M. le Comte de Somery qui l'accompagnoit,
fit voir qu'il eſtoit auſſi brave
qu'intelligent dans ſon meſtier . Un
Officier Ennemy vint à M. le Prince
deBournonville qui estoit à la teſte
des Gendarmes pour luy caſſer la teſte
d'un coup de piſtolet , mais fon coup
ayant manqué , ce Prince le tua de
deux coups d'épée. Un Gendarme fit
le Comte de Lippe priſonnier , c'eſt le
ſeul qu'on ait voulu faire dans ce
Corps ; on auroit eſté trop embarraffé
ſi on avoit écouté tous ceux
qui ſe vouloient rendre. Les Grenadiers
à Cheval qui n'eſtoient que
foixante & ſept , ont défait quatreEf
cadrons l'un aprés l'autre , & pris
quatre Etendards , & le Regiment de
Merinville une paire de Timbales.Un
Garde du Roy s'étant ſeul fait jour au
milieu des Ennemis , alla reprendre
unEtendard qu'ils avoient emporté,
L 2
244 MERCVRE
}
G
& s'en reſaiſit , aprés avoi tué celuy
qui le portoit. Un autre eſtant entré
dans un Efcadron Ennemy , & ayant
pris un Etandard , l'apporta à un Of
ficier qui luy dit de le garder ; mais
il répondit qu'il avoit autre chose àfaire
,& qu'il falloit qu'il retournaſt au
Combat. Vous avez oüy parler d'une
action qui meriteroit des louanges du
coſté de l'intrepidité , ſi le motif
qui l'a fait entreprendre n'en oſtoit
point tout le merite. Dans le temps de
Ia premiere décharge , un Garde du
Duc d'Ormond,& par conſequent du
Prince d'Orange , puis que ce Duc
les commande , bien monté , & avec
un air fort reſolu , vint à toutes jambes
le piſtolet à la main , & l'épée
penduë à ſon bras ſe jetter dans la
troupe de M. de Luxembourg , qui
eſtoit de dix ou douze perſonnes , & il
approcha affez prés de ce Duc pour
recevoir quelques coup de canne qui
iuy firent manquer ſon entrepriſe. Il
fut auſſi toſt percé de coups. Je ne
vous ay point parlé des Officiers Generaux
qui ſervoient dans cette action.
GALANT.
245
M. le Duc de Choiseuil eſtoit à l'aifle
droite , & M. Dauger à la gauche. Il
yavoit ſoixante &dix Escadrons en
marche pour cette expedition. Il eſt à
croire que fi toutes nosTroupes fufſent
arrivées , & que leur nombre eût
égalé celuy des Ennemis , ils auroient
eſté accablez , ſans que nous euſſions
fait la perte que nous avons ſoufferte .
Les Ennemis auroient tort de publier
encore que M. de Luxembourg a
toûjours évité le Combat , il n'auroit
pas pris tant de précautions , & faic
tantde contre- marches pour les y en
gager , & on ne luy auroit rien re
proché , quand il ne feroit pas venu
de fi loin pour les attaquer , & qu'aprés
eſtre arrivé il auroit évité le combat
, ſes forces eſtant ſi inégales. Je
finis par Mr de Marcilly, Enſeigne des
Gardes du Corps , dont je vous ay déja
parlé en commençant. La manoeu
vre qu'il fit toute la matinée a beaucoup
contribué au fuccés de l'entrepriſe
de Mr de Luxembourg , qui a fi
glorieuſement réuffi. M. de Marcilly
approcha allez prés des Ennemis pour
L3
246 MERCURE
entendre battre la generale dans leur
Camp , & il n'en eſtoit qu'à une por
tée de Carabine quand Mr le Maréchal
avança avec les Corps de Cavalerie
qui avoient pû le ſuivre. On
peut dire que Mr de Marcilly a donné
de bons avis , ſur leſquels on a pris
de juſtes meſures , & qu'ainſi il a contribué
à la gloire de cette Journée ,
par ſes avis , par ſon bras , & par ſon
fang , puis qu'il a eſté dangereuſement
bleffé, aprés avoir renverſé cinq
Eſcadrons des Ennemis avec cent cinquante
Gardes du Roy. Enfin il a lié
l'action avec intelligence,& la ſoutenuë
avec valeur à la teſte de ſon Détachement.
Vous devez eſtre ſatisfaite
de moy puis que je vous envoye
une belle Relation , à laquelle j'ay:
joint toutes les circonstances remarquables
qui font dans la plus grande,
partie de celles qui on eſté envoyées...
Ce n'eſt pas encore tout ce que vous ,
ſouhaitez , & je ſuis perfuadé que
vous attendez ce qui fuit.
GALANT . 247
ETAT DES OFFICIERS
Gardes, Gendarmes, Chevaux-legers
&Grenadiers du Roy , morts , blef
fez&perdus le 19. Septembre 1691 .
prés deLeuze,en chargeant l'Arrieregarde
des Ennemis.
COMPAGNIE DE NOAILLE
M.de Vignau , Lieutenant , bleſſé au
genoüil
Mr de S. Viance , Lieutenant , bleſfe
d'une contuſion dans l'aine.
Mr de Lanſon , Exempt , bleſfé de
deux coups.
Mr de Vacquevil,Exempt,mort.
Mr de Víncé , Brigadier , bleſſé à
& mort , deux autres Brigadiers
bleffez:
Dix-neufGardes morts & quarantehuit
bleffez , dont il y en a dix à
mort.
COMPAGNIE DE DURAS:
Mr de Marcilly , Enſeigne , bleſſe à
lajambe.
Mr de Chaſeron , Enſeigne , bleffe
legerement au cou-de-pied .
L4
248 MERCVRE
RI
D'Avignon, Enſeigné bleſſé à la gora
ge & à l'épaule , le pied demis ,&
ſon cheval tué.
Mr le Chev. de la Chaiſe , Exempt:
&Aide-Major , mort de ſa bleffure.
Mr le Chev. de Clermont , Exempt..
fort bleſſé.
De la Fiſt, Exempt , mort .
De Pruines, Exempt, mort.
Du Condras , Exempt, bleffé.
Tracy, Exempt , bleffé.
De Roquebrune, Brigadier, à mort ..
Du Bout- du -bois Brigadier , bleſfé ..
Charancy, Brig. une contufion.
Defcoray , Sous -Brig. legerement.
Mr de Clermont & de Grillon , leurs
chevaux tuez .
Vingt Gardes morts , ſoixante bleſſez
& 4. perdus, & 22.chevaux .
Compagnie de Luxembourg.
Mr de Neuchelle , Lieut , mort.
Mr de Vilaine , Enſeigne , bleſſé ..
Mr de Lambre, Fx mpr bleſſé.
Mr de Brifac , Exempt, fortbleſſé..
Mr de la Tomele , Exempt , tuée .
Mrde Guery , Exempt,bleſfé
GALANT.. 49
Mr de Parifontaine , Exempt ,blefle
legerement.
Mr de la Oppe , Brigadier , mort.
Mr de Ronval, perdu ..
Mrs Fallis ,
Guigniar , > Sous-Brigadiers ,
Vernaux , bleffez , dont deux à
Darmandry , mort.
Vingt- neufGardes morts, ſoixante &
trois bleſſez , dont il y en a ſeize à
mort ; les autres legerement,& neuf
perdus . 23. chevaux...
Compagniede Lorge.
Mr de la Troche , Lieutenant , mort,
Mr de Renonville , Lieut. Bleſſe.
Mr de Monpipau , prifon. ou mort.
Mr de Laval , Enſeigne ,bleſſé d'une
coutaſion à la jambe..
Mr de Laffurance , Exempt & Aide
Major, fort bleffé..
Mr de Baſca, Exempt, prifonnier.
Mr de Broflé , Exempt, mort.
Mr de Manné , Exempt bleſſé dedeuxx
coups..
De la Cafille ,
イ
Le Bouvier ,
De Conniet ,
Sous-Brigadiers ,
dont le dernier eft
Roüar.. fort bleffé.
L
250 MERCVRE
1
Vingt- deuxGardes morts, ſoixante &
trois bleffez , dont il y en a ſeize à
mort,& le reſte legerement..
UnTrompette mort.
Mr Dauger, Lieutenant general , tué..
Mr de la Valette, Maréchal de Camp,,
bleſté .
Le Chevalier de la Valiere, Beaufrere
de Mr de Choiſeul , à mort de trois
coups..
Mr de Toiras , Brigadier, tué.
Mr de Choiſeul , un cheval tué ſous
luy , & foulé aux pieds des che--
vaux.
Mr de Villeyrar , Cap. des Gardes de
Mr de Luxembourg, bleffé.
Mr de Cheneville , Enſeigne, bleſſé.
Mr de Gaudran , Exempt , bleſſé.
Gendarmerie.
Mr de Rothelin , Enſeigne , mort de
quatre coups..
Mr de la Berange, Maréchal des Logis,
legerement bleſſé.
Blandin & Rochemont ,Brigadiers.
perdus.
LaChataigneraye, Brig. fort bleſfé...
Du Pleſſis , Brigadier , tué
GALANT.
251
Fermanel & d'Hautault , Sous Bri--
gadiers, fort bleſſez .
Le Tellier Porte-Etendard, tué,
MORTS .
Saint Aubin.
Catenville.
Ginrondelle .
Aber.
Boiſconteau .
Dampierre.
Defpernailles.
Baillevel .
Monfabré..
Du Lache..
Quinſaque..
La More ..
La Baſtine . La Baine.
Cauſonnier . Maiſonnée .
Royan , Trompette .
BLESSEZ A MORT
Chateneroy , Brigadier.
Dardeville , Sous-Brigadier .
Du pleſſis Charité , Sous Brigadier..
Roncheray.
Peſzeſoire ..
Dexfort.
Broflardiere.
Beauvais, fils.
Du Bofel.:
Villambert..
Canet.
Du Bled..
Pomerer.
Jonvalle.
Vaudarme.
Du Coudray..
Tredavid,
Boifrondet.
Perroſt de Salis..
Pleffis-Conftant .
Ponier.
Mareniat.
Gronniere.
L65
258 MERCVRE
Chaffenay.
Bacerolle.
Doucer.
Du Forches...
Theuville...
Bongars.
Bois- Vignaux.
Condonniers.
La Jollaye. Lichy de Vignaux..
La Grange..
Franchon.
Rinabardiere ..
Frodilles.
Chevaux- Legers.
M. de la Mothe, Sous Lieutenant ,
bleſſé legerement .
M. Varin , Maréchal des Logis , &
Ayde Major , mort..
Mrs Dargent , Fontenay , de Neufville
& Montrival , Mareſchaux
des Logis , bleſſez le premier à
mort.
QustreBrigadiers bleſſez , dont trois
dangereuſement..
Trois Sous -Brigadiers, bleſſez.
Premiere Brigade.
Mrs de Sainte Marie - Long - pré
bleſſez.
La Vaguerie.
De Marmont.
Dela Foffe Montreüil .
De la Coche
De Lignery..
De Coeur,
De Chaſſeville
Saint Victor.
De Pontaer.
GALANT..
2537
SecondeBrigade..
De Hautefeuille. De Fourcier.
Troifiéme Brigade..
De Donteuil , Fils de M. de Bremoy ,
Sous-Brigadier.
De Saineville. De Vaſalle...
De Surdon . De S. Victor
Des Landes ..
Quatrième Brigade.
De Jechars. DuBelleſtre..
De Rignegot.
Bleffez.
Le Comte de la Mothe , Comman
dant , d'un coup de piſtolet à la
cuiffe.
PREMIERE BRIGADE.
Bleffez
De Charmant, Brigadier , à mort..
Du Hamel , à mort.
Du Tillet , le bras caflé.
De Cartautre , fort bleſfé...
SecondeBrigade
De Many , Sous Brigadier , à more..
De Nexion , Sous-Brigadier ,
contufion.?
De Leſſart , Sous-Aide-Major..
DeLaumeny..
une
254. MERCVRE
De Fenoüillac .
Baſthonville , à mort .
Du Mafrant , fort bleſſé.
Troisième Brigade .
f
De la Pomerel , Brigadier , à mort.
De Vaugicour , Sous- Brigadier >>
fortbleſfé..
De Fulmont.
Dacquer , à mort.
De Gennets , la main caffée...
Le Comte de Louvigny .
De la Thuilerie , fort bleflé...
Dela Houffaye.
De Rouvray , l'épaule caffée..
Dampierre , une coutuſion .
La Fage , fort bleſſé.
De Monchal , Sous-Aide- major , à
lamain.
QuatrièmeBrigadier.
DuMarais , Brigadier , un coup de :
fabre.
De Logné , Brigadier , àmort.
Des Loges , à mort.
De Lauleon , à mort ..
Boileau , le bras caffé , &à mort.
Dalancourt , le bras caffé..
De la Bellautiere...
GALANT .
255
)
Bailly , de pluſieurs coups.
Fontain & Damiette , de contufions
Cinquante-ſept chevaux morts ..
Grenadiers à cheval
Mr de Riotor
nant , à mort .
, Capitaine- Lieute
Mr de Mondefir , Lieutenant , bleſſé..
Mr le Chevalier de Riotor , Sous
Lieutenant , fort bleſfé..
Un Sergent , & vingt ou vingt-cinq
Grenadiers tuez ou bleſſez .
Regiment de Merinvill ..
Caſtilli , Major , mort...
Le Marquis de Brene , Capitaine ,
mort.
Fongreſolles , Capitaine , mort.
Dix Lieutenans & Cornettes , morts
ou bleſſez.
Cinquante Cavaliers morts , oυ
bleffez.
Dragons du Roy.
Le Chevalierde Jans , Capitaine.
Cinquante Dragons morts on bleſſez...
Dragons de Teffé.
Plainedal, Capitaine, mort.
Deux Lieutenans bleſſez..
2
256 MERCVRE
i
Soixante Dragons morts , on blef
lez.
Il eſt impoſſible que parmy un fi
grand nombre de noms , il ne s'en
trouve beaucoup de defigurez pour
avoireſté mal écrits ; qu'il n'y en ait
d'oubliez , & d'autres marquez dans ;
des Corps qui doivent eſtre dans d'autres.
Il n'y a rien de ſurprenant à cela
&lamefme choſe arrive toujours en
de pareilles occafions. Aprés un fi
grand nombre de morts &de bleſſez
dans un combat où nous avons gagné
une pleine Victoire , vous ne doutez::
pas que la perte des Ennemis ne foit
beaucoup plus confiderable que la
noſtre. On apprend de jour en jour
qu'elle eſt plus grande que l'on n'avoit
cru d'abord , & l'on a fcen que
nos Morts& nos Beſſez ayant eſté
retirez du Champ de Bataille ,il y eſt
reſté plus de quinze cens morts. Le
nombre des Bleſſez eſt encore plus >
grand ; & j'ay lû dans une Lettre d'u- -
ne perſonne digne de foy , que cinq
GALANT.
257
cens Cavaliers , tous bleſſez par derriere
, s'eſtoient retirez à Ath ,& que
le Gouverneur les avoit traitez de laches
qui s'eſtoient laiſſez bleſſer en
fuyant ; d'autres Lettres affurent que
toute la Cavalerie ennemie , chagrine
au dernier point d'avoir eſté batuë,
&n'ofant ſe montrer , s'eſt entieres
ment debandée , & que la plupart des
Allemans font retournez en leur Pays.
Il n'y a que trois à quatre cens Prifonniers
, parce que l'on n'a point fait
de quartier. On a pris quarante Eten.
dards , & quelques paires de Timbales.
Plus on lit de Relations de cetre
action , plus on d'écouvre qu'elle eft
glorieuſe aux Armes du Roy ,& à la
Maiſon de Sa Majeſté. Le terrain qui
eſtoit entre les Ennemis, & nos Troupes
eſtoit tout remply de foſſez , qu'il
falloit paſſer , & dans lesquels il
tomboit quelques. Cavaliers en les
fautant. Ce danger eſſuyé , ils ſe trouvoient
expoſez à un autre , puis qu'ils
eſtoient d'abord portez dans les premiers
rangs des Ennemis , qui ne leur
258 MERCVRE
laiffoient pas le temps de ſe reconnoiſtre.
La plaſpart avoient déja
effuyé des décharges des Ennemis
qu'ils faifoient de la longneur du
Foflé ,& l'on peut dire qu'ils tiroient
nos Troupes au blanc. A meſure
qu'on défaifoit leurs Efcairons , il
en renaiſſoit d'autres . On a eſté fort
long- temps meflé ſans qu'aucun de
nos Efcadrons ait reculé d'un ſeul
pas ; & celuy qui a dit que la Maiſon
du Roy est une Citadelle ambulante...
aparlé fort juſte.
Quand les Ennemis voulurent quit
ter leur Camp pour marcher vers
Leuze , parce que nous eſtions trop
proche d'eux , & qu'ils apprehendoient
le Combat , qu'ils nous accufoient
de fuir , ils laifferent pluſieurs
Tambours dans leur Camp pour battre
la Generale long temps aprés leur
départ ; mais M. de Luxembourg
beaucoup plus habile que tous leurs
Generaux , n'a pas laiſſe de les couper
Ils ſe conſolerent d'abord par l'avantage
du tertain ,& par celuy d'eſtre:
GALANT .
259
trois contre un , ſans compter cinq
Bataillons d'Infanterie. Ces avanta
ges les engagerent d'abord à faire
bonne contenance , ils ſe mirent dans
le meilleur ordre qu'ils purent , &
pour ſe ſervir à la fois de toutes leurs
armes , leurs Cavaliers dans pluſieurs
de leurs rangs , avoient alternative .
ment le fabre & le piſtolet àla main .
Le 20. Mr l'Abbé Riqueti dit une
Meſſe ſolemnelle dans le Camp , pour
remercier Dieu de l'avantage remporté
ſur les ennemis de ſon Eglife. Tous
les Officiers generaux y aſſiſtérent ,
avec autant de pieté qu'ils avoient
fait paroître de valeur le jour préce
dent.
On vient d'aprendre que le Prince
de Naſlau qui commandoit l'Arrieregarde
des Ennemis , a eſté tué au premier
choc.
Le Combat s'appellera le Combat
de la Cattoire , quoy qu'il ſe ſoit donné
dans la Plaine de Leuze. Il a efté
ainſi decidé , parce qu'on a poufféles
Ennemisjuſques au ruiſſeau de la Catstoire.
a
260 MERCVRE
Pendant qu'on battoit less
Ennemis en Flandre , Mr de
Bouflers les pouſſoitd'un autre
coſté, & a mené battant le General
Flemming depuis Rochefort
juſques à Marche en
Famine. Ila toujours fuy, bien
qu'il faſt ſuperieur en Troupes
. La perte des Ennemis a
eſtéd'environ trois cens hommes
: mais cette Lettre eſt déja
chargée de tant de détails,que
je me trouve obligé de remettre
celuy - cy à un autre
temps .
L'Armée de Piedmont eſt
campée auprés de Saluces ,
qu'elle couvre. Les vivres abõ .
dent dans ſon Camp , pendant
que l'Armée du Duc de Savoye
manque de toutes choſes dans
fon propre Pays , où elle s'eſt
GALANT. 261
trouvée deux ou trois fois fans
pain . L'armée de M.deCatinat
eſt campée de maniere, que les
Ennemis n'ofent l'attaquer ,
voyantle riſque qu'ils courent
d'être batus . Ils avoient envoyé
un Corps confiderable
dans la Vallée d'Aoſt qui s'y
eſtoit retranché ; mais M. de
Monbriffon ayant eſté avec
cent hommes ſeulement pour
de débuſquer , fit battre ſes
Tambours à la Françoiſe , à la
Dragonne , & à la suiffe ; ce
qui éponvanta tellement les
Ennemis , que croyant avoir
une Armée à combattre , ils
abandonnerent leurs retranchemens
. On y entra , on prit
tout ce qui s'y trouva ,& l'on
y mit le feu : ce qui a rompu
pourcetteCampagne le deſſein
262 MERCVRE
que les Ennemis avoient formé
de ce côté -là .
On affure qu'il y a du defordre
enEſpagne, il s'eſt même
répandu un bruit que le
Roy eſt mort , mais ce bruit a
couru ſi ſouvent, qu'on ne doit
pas facilement y ajoûter foy.
Cependant on écritque le Duc
de Medina Sidonia eſt allé vers
Madrid avec l'Armée de Catalogne.
Si cette nouvelle ſe
trouve veritable , il faut que
les remuemens ſoient confiderables
à Madrid .
La Flote Angloiſe eſſuya une
grande tempeſte le 16. de ce
mois , quatre de ſes plus gros
Vaiſſeaux ont fait naufrage :
ſçavoir un de quatre - vingtdix
pieces de Canon , & les
trois autres depuis ſoixante
GALANT. 263
juſqu'à quatre- vingt. Il nes'eſt
ſauvé que dix-huit perſonnes
de ces quatre Vaiſſeaux , & les
Anglois ont perdu plus de
quinze cens Matelots. On n'a
pointde nouvelles de ſeizc au.
tres Vailleaux , & tout le reſte
de la Flote eſt fort delabré ,
ayant beaucoup fouffert .
Il y a des nouvelles qui portent
que les Turcs ont pris un
grand Convoy aux Imperiaux.
Monfieur le Duc de Chartres
eſt de retour de ſa premiere
Campagne , qu'il a tinie glorieuſement.
Ce Princea viſité
quelques Places frontieres , &
il a receu par toutles honneurs
dus à ſa naiſſance . On luy a
donné à Dunkerque le diver-
:
264 MERCVRE
1
tiſſement d'un combat naval .
• Mr de Guiſcar eſt de retour
à Dinant avec un fort
grandButin, d'une couiſe qu'il
a faite , pour ſoumettre aux
Contributions des lieux qui
n'en avoient point encore
payé, & dont ila amené quantité
d'Otages.ll paſſa la Sambre
& la Meuſe pour cette expedition
, en prefence de dix mille
des Alliez . Il a brulé vingt fix
Villages , juſques à trois lieuës
de Maſtric & de Liege,n'ayant
avec luy que cinq cens Dragons
. Il a envoyé dire aux Habitans
des environs de Namur,
qu'il les traiteroit de meſme ,
s'ils differoient à contribuer.
Je ſuis, Madame, voſtre , &c..
A Paris ce 30. Septembre 1691.
GALANT.
263
AVIS.
On donnera le 15. Octobre
le VI . Entretien en forme de-
Paſquinades ſur les Affaires du
Temps. On ne le trouvera pas
tout à- fait felon le plan qu'on
a marqué dans la fin du V.
parce qu'il y auroit des actions
de la vie du Prince d'Orange
tranſpoſées , & qu'on a jugé à
propos de la donner de ſuite.
On y verra l'hiſtoire des premieres
années de ce Prince ,
dont aucun Ecrivain n'a parlé ,
ce qui joint à quantité de faits
conſtans qui regardent ce
temps - là, rendra cet Entretien
auſſi curieux qu'agreable.
M
266 MERCVRE
On trouvera beaucoup de
fautes dans la Relation du
Combat, cauſées par les Copiftes.
THEQUE DELAVILL
*
1893
Qualité de la reconnaissance optique de caractères