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1686, 12 (partie 1) (Lyon)
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807156
MERCURE
GALANT
DEDIE' A MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN
DECEMBRE 1686 .
*
4
TELA VILLE
A LYON ,
Chez THOMAS AMAULRY ,
ruë Merciere , au Mercure Galant.
M. DC. LXXXVI.
AVEC PRIVILEGE DU ROY
AV LECTEVR.
A troifiéme Partie du Voyage
France vient d'estre donné au Pu
blic avec ce Volume. Elle a pour
Titre , Troiſième Partie du Voyagedes
Ambaſſadeurs de Siam en
France , contenant la ſuitede la
Deſcription deVerſailles , celle
des Chevaux qui font dans les
deux Ecuries du Roy , ce qui
s'eſt paſſé dans les Viſites qui
auront eſté renduës , les experiences
de la peſanteur de l'Air
faite devant eux , la Deſcription
de la Galerie de Sceaux , & les
Receptions avec les Harangues
qu'on leur à faites dans pluſieurs
Villes de Flandres . Versailles
s'eſtant trouvé décrit avecbeaucoup
22
AU LECTEUR .
40
d'exactitude dans leVoulume qui a
précedé celuy- cy , &le Public ayant
Souhaiteque ce qui manquoit à cette
Description ,se trouvaſt dans cette
troisième Partie avec la mesme re
gularité , on à fatisfait àson empreſſement.
On a mesme fait plus
puis qu'en décrivant les Ecuries ,
qui font l'étonnement de tous ceux
qui les voyent , &particulierement
des Etrangers , on a fait voir ce
qu'elles contiennent de Chevaux, de
quels pays ils viennent , & à quels
usages ils font employez . Ily a
long- temps qu'on aspiroit aprés une
Relation entiere de Versailles , mais
le grand nombre de choses qu'ily
avoit àdécrire étonoit ; cependant
en veila une que ceux qui auront
les deux Volumes qui en parlent ,
pourrontſe vanter d'avoir entiere.
On peut dire que c'est aux Ambas-
Sadeurs de Siam à quile Public
AU LECTEUR .
doit cet ouvrage , puis que la ma
niere curieuse avec laquelle ils regardet,&
mesurent toutes chofes,&
tes éclaiciſſemens qu'ils demandent,
ont fait que l'on a appris ce qu'il
auroit esté dificile de sçavoir , à
cauſe du grand nombre de differentes
personnes qui peuvent donner
ces explications. On ne ditriendes
autres choses curieuses que cette
mesme Partie contient mais feule.
ment que les Ambassadeurs n'ont
jamais fait voir tant d'esprit que
dans le Voyage de Flandres , qu'on
y trouvera décrit. On Sçait déja
que les Motsqu'ils ont donnez , lors
que les Gouverneurs & les Majors
desplaces font venus prendre l'ordred'eux
, ont esté admirée detoute
la Cour , qui a voulu les fçavoir ,
mais s'ils ont esté trouvezfi beaux
Sans estre accompagnez des raisons
qui les ont obligezà les donner , G
ã 3
AU LECTEUR.
qu'on trouvera dans la Description
de leur Voyage , que ne doivent-ils
point paroiſtre alors à ceux qui exa.
mineront avec quelle justesse ,&م
qu'elle prudence ils les ont donnez !
Ont croit avoir esté assezbien infor
mé de ce qu'ils ont dit , pour n'a
voirvien oubliée de tout ce qui est
digne d'estre remarqué,& l'on a pris
ce foin , parce que la pluſpart de
ces choses tombent sur le Roy ,
que les loüanges de cettenaturefont
moins suspectes , que celles que le
Zele d'un Sujet fait donner. On
voit outre celadans cette Relation:
pluſieurs Harangues qui ont esté
faites aux Ambassadeurs , avec
leurs réponses ,&une Description
historique de toute les Villes où ils
ont paffe. On avertit que l'on trouve.
ra dans ce Volume une estampe qui..
represete le Troſne du Roy, de lama..
niere qu'il estoit le jour que lesAm
Sel
AU LECTEUR..
Bafſfadeurs curent leur premiereAus
dience de Sa Majesté. On en voit
beaucoup d'autres qui n'aprochent
en aucune chose de la verité ; au
lieu que celle-cy a esté deſſinée d'a--
prés le Troſnemesme. Ily a plus,
ony voit les rangs de tous les Prin-
.ces , & de tous les Grands Officiers;
qui estoient aux coſtez&derriere le
Roy , ainsi que ceux des Ambaſſadeurs
, & des personnes qui les accompagnoient
; & comme la confufion
empeſcheroit de les distinguer
s'ilyavoit tant de Figuresdans une
Planche , & mesme que l'explication
qui marque la raison de la plufpart
de ces rangs n'y pourroit entrer
, on s'estfervy d'un Alphabet ,
& deplusieurs chiffres, pourdonner
une parfaite intelligence de toutess
ces choses..
LE LIBRAIRE
AU LECTEUR .
Ous recevrez cher Le-
Eteur , à cette nouvelle
année pluſieurs Livres nouveaux
dont vous trouverez
cy- aprés la Liſte. Je vous envoyray
fans manquer le Mois prochain , la
ſuite de l'Histoire des Hereſies , du
Sçavant Monfieur Varillas, le Pontificar
deS. Leon, de feu Mr Mainbourg ,
lebon uſage du Thé , Caffé & Chocolat
de Mr de Blegny , avec treize
belles Figures en taille douce,le Voyage
du Chevalier Chardin par la Mer
Noire, avec pluſieurs Figures entailledouce.
L'on continue àdiſtribuer le
Journal des Sçavans pour fix ſols le
Cahier ,je n'endonneray aucuns cette
preſente Année 1687. que l'on affure
de la prendre toute entiere. Vous aures
auſſi lemois prochaiu le Livre de
Joſuéavecdes nottes de feuM.Deſacy..
A
1
LIVRES NOUVEAUX
du mois de Decembre 1686.
Voyage de Siam des Peres Jefuitesen- par le Roy aux Indes & la Chiy
ne avec leurs obſervations Aſtronomiques&
leurs Remarques de Phiſique , de Geogra
phie , d'Hydrographie & d'Histoire , in 4..
avec 20. grande Figure en taille-douce, 7.1.
La nouvelle Pratique Civile & Criminel
&Beneficiale. où le nouveau Praticien Fran...
çois reformé ſuivant les nouvelles Ordonnances
par feu M. Lange, troifiéme Edition
augmenté d'un Droit d'Indult& d'un traité
de la Iurifdiction Eccleſiaſtique , trouvé
dans les Manuscrits de l'Autheur & de Notes
endroits avec un nouveau ſtile des Lettres
de Chancellerie ſuivant l'uſage qui ſe
pratique à preſent, dedié à M. Talon AvocatGeneral
, imprimé en 1887. in 4. 7.liv.
Inſtitution du Droit Romain & du Droit
François , diviſées en quatre livres , avec
des Remarques pour l'intelligence de l'Ouvrage
, par M. François Delaunay , Avocat
enParlement, dedié à M.le Chancellier ,
in4, 6. liv.
Dictionnaire Civil & Canonique , contenant
les Etimologies , definitions , diviſions
& Principes du Droit François , conferé
avec le Droit Romain & de la pratique ac--
commodée aux nouvelles Ordannances
ouvrage également utile aux Avocats & aux
Praticiens , par l'explication des choſes difficiles
à ceux qui commencent , & par les
citations des Loix , des Coutumes & des
Arreſts pour les Sçavans qui auront des
matieres à traiter , in 4. 6. liv.
Paraphrafe&un Commentaire ſur l'Edit
des Mariages Clandestins & fur celuy des
ſecondes Nôces & les maximes qu'on obſerve
preſentement dans toutes les Cours &
Jurisdictions conformement aux Ordonnan
ces aux Arreſts & aux Coutumes , in 4.5.1.
Des Droits de Patronage de preſentation
aux Benefices dePreſeancedes Seigneurs,&
autres, des Droits Honorifiques,des Titres ,
Peintures Funebres , des Bancs &des Sepultures
dans les Eglifes par M. de la Ferrière
in4. 6. 1 .
Nouveaux Dialogues des Dieux pour le
divertiſſement de Monſeigneur le Duc de
Bourgogne avec pluſieurs Figures en taille... !
douce,12.45. Γ.
Traité du Choix & de la methode des
Etudes parM. Fleury, 12. 40. f.
Les Idylles de Bion & de Mofchus traduite
deGrec en Vers François,avec des Remarques,
12.45 ..
Les Poësies d'Anacreon &de Sapho , traduites
en Vers François , avec des Remarques,
12.45.f.
Relation Hiſtorique de la Pologne , consenant
le pouvoir de ſes Rois leur Election.
&leurCouronnement ; les Privileges de la
Nobleſſe , la Religion , la luſtice ,les
Mours & les Inclinations des Polonois avec
pluſieurs actions remarquables par le Sicur
de Hauteville , 12.40.1.
Deſcription nouvelle de CC qu'ilyade
plus remarquabledans la VilledeParis, fe
conde édition , augmentée de pluſieurs Recherches
tres- curieuſes par M.Brice,12.40.f..
Les Elemens de la perfection Chrétienne
ou les quatre Livres de l'Imitation de Iefus-
Chriſt , redigez en lieux communs , felon
l'ordreAlphabetique, 12.40.f.
Hiſtoire du Monde , par M. Chevreau ,
in4. 2.V. 12. 1.
Abregé des Devoirs de la vie Chrêtienne
par M. Cocquelin Chancelier de Paris ,
in 12.40. f.
Le nouveau Pantheon où lerapport des
Divinitez du Paganiſme, des Ileros de l'Antiquité&
des principes ſurnomme zGrands
aux vertus & aux actions de Loüis le Grand
parM. de Vertron de l'Academie avec des
Figures , 12. 40. f.
Hiſtoire de l'Animal par Duncau , 8.30.f.
Seconde& troiſieme partie de la Chimic
naturelle de D'uncan , 8. 2. 1 .
La veritable conduite de S. François de
Sales pour le frequent& faint aſage de la
Confeffion & de la Communion revûé &
corrigée dans cette nouvelle Edition , par
M. Cocquelin Chancelier de l'Egliſe de Paris,
inſeize 15. f.
Reflexions nouvelles ſur les cauſes des
maladies &de leurs Symptomes par M. de
S.André 12.30.f.
t
>
L'Art de Seigner accommodé aux Principes
de la Circulation du Sang par un Chirurgien
de Paris, 12.30.f.
De Antiqua Ecclefiæ Diſciplina Differtationes
Hiſtoricæ Autore Ludovico Ellies
Dupin Sacra facultatis Theologiæ Parifienfis
Doctore , in 4. 6. 1. c'eſt l'Autheur de la
Bibliotheque des Autheurs .
- Ioannis Harduinj Societatis Iefus Presbiterij
de Baptifmo quæstio Triplex de Baptifmo
pro mortuis, deBaptifmo in vino de
Babtifmofin nomine Chrifti , 4. 30. £.
Inſtruction ſur l'Histoire de France & Romaines
par demandes & par réponſes , avec
une Explicarion des Metamorphofes , d'Ovide&
un Recueil de belles ſentences tirées
de pluſieurs bons Auteurs par Monficur Ragies
Precepteur de Monſeigneur, le Duc du
Maine, ſeconde Edition, corrigé & augmenté
de plus d'untiers , 12. 30. 1.
Eſſais nouveaux deMorale de l'Ame de
l'Homme premier Effay , 12. 45. 1.
Le troifiéme tome des Relations de Siam,
contenant tout ce qu'ilsont vû des Places
conquiſes enFlandre avec les Harangues &
pluſieurs autres honneurs qu'on leur a rendus,
12.20 f.
Deſcription generale de toute l'Affrique,
avec leurs Maurs & Coûtumes , avec plus
de 60 belles figures en taille-douce , imprimé
en Hollande, infol. 18. 1.
Vic Reglé dans le monde par M. de la Volpillierede
l'Academic , 11.40.f.
MERCURE
MERCURE
GALANT
DECEMBRE 1686 .
Ous devez recevoir
ma Lettre au commencement
de 1687 .
& c'eſt juſtement le
temps où l'on cherche à donner
quelque choſe d'agreable à ce
qu'on eſtime ; ou du moins à ne
rien faire , & à ne rien dire qui
ne le ſoit , parce qu'on ſe per-
Tuade que le reſtede l'année ſera
Decembre 1686 . A
2 MERCURE
4
de meſme. C'eſt un usage qui eft
preſque de tous les Siecles. On
y a veu cette créance établie ,
& fi l'onne s'eſt point trompé ,
vous n'aurez aſſeurément receu
de voſtre vie d'Eſtrennes plus
agréables que ma Lettre , & je
ne penſe pas méme qu'il foit
poſſible d'en donner , puis que je
la commence en vous entretenant
de la parfaite & entiere
gueriſon du Roy. Ie ne doute
point quede deux cens que je
vous ay écrites remplie deNouvelles
, & que vous avez leuës
avec quelque forte de plaifir ,
celle- cy ne vous donne plús de
ſatisfaction que toutes les autres,
du moins s'il eſt vray qu'aprés la
crainte on goûte mieux la tranquillité
& le repos de l'eſprit . Je
vous ay parlé mille & mille fois.
de tout ce qui a fait meriter au
GALANT.
3
Roy le ſur nom de grand.l'ay fac
plus que d'entrer dans le détail
de toutes les Actions qui luy
attirent une admiration generale
, & qui appartiennent à la
grande Hiſtoire ; je ſuis deſcendu
dans celles qui àcauſe de la
foule ne paroiſſoient pas ſi éclatantes
,& j'ay trouvé que les
unes provenoient d'une Ame ſl
grande , & les autres d'un ſi
grand fond de bonté , que l'Antiquité
a mis ſes Heros au nombre
des Dieux pour des actions
moins glorieuſes.le vous ay parlé
fucceffivement de toutes ces
Merveilles , ſelon qu'elles m'ont
donné occaſion de le faire ; car
je ne vous ay jamais parlé de ce
Priace pour luy donner des
loanges vagues , & qui pouvoient
convenir à tous les Heros
. Quand je vous en ay entre
A 2
4
MERCURE
tenvë au commencement d'un
ſi grand nombre de Lettres , ç'a
eſté en vous marquant les actions
qu'il avoit faites chaque
mois ; ces actions tres - ſimplement
expliquées faifoient elles
ſeules fon éloge.Si je les ayquelquefois
accompagnées de reflexions
, le peu que je vous ay dit
pourvous en faire voir la grandeur,
eſtoit plûtoſt capable de
les affoiblir , que de les mettre
dans le jour qu'elles meritent ;
maison doit le pardonner à l'ardeur
d'un zele qui ne peut refiſterà
la connoiſſance de tant
d'éclatantes veritez . Nous pouvons
nous alleurer d'en voir une
glorieuſe fuite , par le bon eſtat
où ſe trouve la Santé de ce Moparque.
Elle eſt ſi parfaite,qu'on
en a rendu à Dieu des graces
publiques dans toutes les EgliGALANT.
5
ſes du Royaume. le vais vous
parler de ce qui s'eſt fait dans
quelques- unes, & remets à vous
parler de beaucoup d'autres à
la fin de cette Lettre ,& meſme
àvous confirmer l'eſtat où eſt
la Santé du Roy , parce que
mes Lettres ſont toûjours ſi longues
, que je ne les finis ordinairement
que trois ſemaines aprés
queje les ay commencées. l'ay
deux choſes fort extraordinaires
à vous apprendre touchant ces
Prieres ,& dont il n'y avoit point
encore eu d'exemple. L'une eſt,
que les Prieres publiques ne ſe
font jamais qu'après les Mandemens
de l'Archeveſque , ou de
l'Eveſque des lieux , & qu'en
cetteoccaſionquelquediligence
qu'ait eu le zele de ceux qui ſe
font haſtezde les ordonner , elle
ont encore devancé leurs Man-
1
A 3
6 MERCURE
demens. Ainſi l'on peut dire que
l'ardeur de prier a eſté fi grandedans
les coeurs des Peuples ,
que l'empreſſement d'agir ne
leur a pû permettre d'attendre
que les Mandemensfuſſent imprimez.
La ſeconde nouveauté
donton n'avoit encore ouy parler
que pour le Roy , eft que
la pluſpart des Curez & des Superieurs
des Maiſons Religieufes
, contre l'uſage , & fans avoir
rien prémedité , emportez d'un
feu toutplein d'amour pour ce
grand Monarque , ont fait des
éloges de Sa Majefté ,pour exciter
les Peuples à prier avec plus
deferveur , bien qu'ils y fuſſent
aſſezportez par eux-meſmes. Je
pourrois ajouſter à cela pour
troiſième marque d'un zele tout
extraordinaire& tout nouveau ,
que dans pluſicurs CommunauGALANT.
7
tez on a fait des Prieres qui n'a- ۱
voient point eſté ordonnées , ce
quia eſté juſqu'à des Neuvainesreïterées
. Mais pour revenir
à ceux qui ont fait des Exhortations
& des Eloges du Roy à
l'ouverture de ces Prieres , c'eſt
un zele dont Monfieurle Curé
de Sainte Opportune a commence
à donner l'exemple. Son
éloquence eſt connue , & vous
jugez ailément de l'impreffion
qu'il fit fur ſes Auditeurs. Il s'eſt
fait une Neuvaine fort ſolemnelle
au Seminaire de l'Union
Chreſtienne , étably à l'Hoſtel
de S. Chaumont. La cloſture
s'en fit le 28.du mois paffe .Monfieur
l'Evêque d'Authun yofficia
enHabits Pontificaux ,& le Pere
Loüis , Religieux Penitent du
Convent de Nazareth , fit un
Diſcours qui fut admiré de tous
Aiiij
8 MERCURE
ceux qui l'entendirent. Il prit
pour ſon Texte ce Paſſage de
la ſeconde Epiſtre de S.Paul aux
Corinthiens . Gratias Deo fuper
inenarrabilia dona cius , & adreffa
d'abord la parole à ce Prelat , en
ces termes .
Tour of faint, Monseigneurie
tout est juste , tout estloüable
dans la Ceremonie qui nous afſfem.
ble . Tout y eſt ſaint ; c'est à Dieu
que nous venons rendre des actions
de graces aprés luy avoir adreſſédes
Prieres. Tout y est juste; c'est pour
ane des plus rares faveurs que nous
en puiſſions jamais obtenir , & que
nous ne pourrons jamais affezmeri.
ter. Tout y estloüable ; on voit écla
ter dans voſtre Grandeurle Zele de
l'Etat & de la Religion ; dans les
illuftres Filles de cette Communaute,
une émulation noble & une deGALANT.
1
9
votion ſolide ; dans toute l' Aſſiſtan
ce, un contentement & une fatisfaction
inexplicable. Ce n'est point
aussi , Monseigneur , pour exciter
ces sentimens dans les coeurs queje
paroisun moment dans cette Ohaire;
c'est poury prendre part , pouryapplaudir,
c'est pour congratuler toute
la France du grand bien fait qu'elle
vient de recevoirdu Ciel par le rétabliſſement
de laſanté du Roy.
Mais que dis je . Meſſieurs , &
où voudrois-je icy m'engager ? La
grace que le Ciel nous accorde en
conſervant noſtre incomparableMonarque:
est une ſuite de celle qu'il
nous a fait quand il nous l'a donné ;
& quine sçait , Meſſieurs , qu'il est
autant impoſſible de s'en expliquer
que de la reconnoistre ? Lerendre à
nos voeux lors qu'il avoit peut- eftre
Sujetde l'enlever à son crimes , c'est
affermir plus que jamais la plus
AS
10 MERCURE
floriffante de toutes les Monarchies,
appuyer tout ce qu'il a meditéde
grandjusqu'icy, tout ce qu'il a refo
Lu, tout ce qu'ila executé; mais par
quels traits , quels mouvemens ,
quelles figures , quelles expreffions
pouvoit atteindre un fujetfi relevé,
& qui ne renferme rien que d'inoüy
& deprodigieux !
Un Ancien diſoit autrefois qu'il
estoit bien capable de faire la defcription
d'un Ruiſſeau, d'un Torrent-
& mesme d'une Riviere; mais lors
qu'il s'agiſſoit de representer l'Ocean
, le voyantſi vaſte , ſi'étendu ,
fiprofond, roulerſes flors contrefes
bords avec tant d'impetuofité, les
'élever tout d'un coup iusqu'auxnuës,
Leur creuser auffi toft des abismes,
Se ioüer des plus grands Vaiſſeaux;
tantoſt les brifer contre les rochers,
tantoſt les engloutir par ses tempeftes,
il venoit diſoit-il , àſe per
GALANT. rr
dre dans cette vaſte étenduë , dans
cette profondeur ; ces flots , ces naufrages,
ces tempestes&ces abismes..
Il nous arrive la mesme choſe lors
que nous voulons entreprendre quelque
Diſcours à la loüange de Loürs
LE GRAND. D'abord que nous
noub arrestons pour le contempler,
noſtre imagination se trouble , nos
idées ſe confondent & s'égarent, &
nos forces ne pouvantfoûtenir noſtre
zele , nous sommes contraints de
baiſſer la veüe , & d'avouer que
nous ne pouvons porter nos pensées,
oùil a portéſes Armes &sa réputation
..
Nous l'avons demandé longtomps
, & Dieu s'est plû longtemps
ànous écouter pour nousfaire entendre
, en nous le donnant, que c'estoit
plûtoſt un Enfant de la Grace qu'un
effet de la Nature ; mais dans la
ferveur de nos Oraiſons , & l'impa
A 6
12 MERCURE
tionce de nos defirs , le demandionsnous
tel qu'il est autourd'huy ? Si un
Prophète nous cuft dit alors. Le Prince
que Dieu vous deſtine doit obfcurcir
la gloire des Heros de l'Antiquité
, & devenir le modelle fur
qui se formeront les Heros à l'avenir.
Vous leverrezdésſes premieres
années suspendre , allarmer , Soumettre
toute l'Europe , la suspen
dre dans l'attente de ſes deſſeins ;
l'allarmer par le nombre & la ra .
pidité de ſes Victoires ; la foumettre
Sans reſiſtance à toutesses volontezs
s'ouvrir pour cela de nouveaux che.
mins parmy des lieux inacceſſibles ,
dompter la Nature & les Elemens,
braver les iniures du temps & des
Saiſons , aneantir les proiets de ceux
qui voudront ſe liguer contre luy ;
abatre l'orgueil des uns , punir la
temerité des autres , rendre parfon.
GALAN T. 13
fecoursfes Alliezinvincibles; donner
la loy à tout le monde , ne la recevoir
de perfonne.
Vous le verreztowiours à la teſte
de fon Confeit& de ſes Armées,
estre l'ame de celuy- la par la supes
riorité de son genie , donner le mouvement
à celles cy par l'ardeur &
par l'intrepidité defon courage ,&م
prendre en tout temps deſi juſtes
meſures , qu'elles aſſureront la réüf
fitede toutes ses entrepriſes.
Vous le verrez redoutable far
Mer autant quefur Terre , pouffer
leCommerce jusque chez les Nations
où le Soleilſe leve &se couche ; reformer
tous les abus , cultiver toutes
les Sciences , embellir tous les Arts ,
ne laiſſer aucun merite fans Eloge
&sans récompense.
Vous le verrez fupprimer le
Blaspheme , confondre l'Impieté ,
retrancher les Duels , étouffer les
14 MERCURE
nouveautez , extirper l'Hereſie , revoquer
ce fameux Edit quilafavo-
`riſoit , & que la neceſſité des temps
avoit extorqué.
Vous le verrez enfin si glorieux
par la prise de tant de Villes , par
la Conqueste de tant de Batailles,
parune conduitesi éclairée, pardes
exploitsſi ſurprenans , que des extremitez
de l'Univers on viendra
l'admirer , & confcſſer aux pieds de
fon Trône qu'il est encore plus grand
en luy- meſme que dans l'eſtime des
hommes.
Qui nous l'euft dit, Meffiars,
l'euſſions nous cru ? L'euſſions. nouS
mesme pensé ? Nous le voyons cependant.
Les Siécles paſſez les plus
memorables ſe retirent de honte de
n'avoir fait par les Heros les plus
magnanimes que des eſſays de celaycy
, & les Siecles futurs feroient en
defefpoir, s'il n'apercevoient dans
GALANT. B
fon Sangqui coule déia en plusieurs
veines , le principe fecond de toutes
les actions les plus extraordinaires
& les plus éclatantes. Nousle vo
yons , & nous en verrions encore da
vantageſiſa moderationne s'estoit
opposée mille fois àſa gloire , &fi
Sa pieté ne cedoit encore aujourd'huy
àtoutesses pretentions. Josué pourfuit
les Ennemis d'Iſraël, & acheve
de les défaire ; mais les poursuivroit
il avec tantde vigueur , & les dé
feroit. il avec tant de facilité, ſi le
Soleilpour luy en donner le loiſirne
vouloit bien s'arrêterquelquetemps.
Si le feul recit de tant de mer
veilles luy dévouë tous les esprits&
tous les coeurs , sa prefence charme
tous ceux qui font affez favorisit.
du Cielpour l'aprocher deprés , &
eftre toûjours devant luy, Cet air
meſle de Maiesté & de douceur qui
inspire tout ensemble le respect&
16 MERCURE
l'amour ; ces paroles , ou plûtôt ces
Oracles qui donnentfur le champ le
tort & le droit aux Parties; qui
instruiſent , qui démeflent , qui décident
, qui contentent , qui honorent
tous ceux auſquels ils s'adref-
Sent ; cette égalité d'ame , incapa
ble d'alteration ſous le poids de tant
d'importantes affaires ; cet empire
absolu de foy - mesme consacre tou
tes ses paſſions , & qui ne leur permet
de ſe ſoulever que pour lesfaire
fervir aux Vertus ; Que vous dirayje
,Messieurs ? toutes ces qualitez
éminentes qui leferoient Roy par les
Loix de la Nature &de la Raison,
quand il ne seroit pas par celles
de la Naiſſance& du Royaume tout
cela nous ravit,&nous fait connoî
tre affez combien est precieux le don
que Dicu nous fait , en le faisant
comme naistre uneſecondefois aprés
fa maladie , pour nos avantages &
nostre felicité.
GALANT.
17
Auſſi ne le recevons nous pas se
don precieux avec indifference , &
nous pouvons bien nous rendre cette
justice , puisque nous n'avonspas esté
inſenſibles à la triste nouvelle que
nous reccûmes il y a quelques jours
du peril où estoit Sa Sacrée Ma
iesté.
Mais encore en ceta le Roy nous
a-t-ilménagépar un amour tendre
&paternel envers fon Peuple. Il ne
nous a presque pas donné le temps
de prévoir & d'aprehender ce qui
auroit pû nous arriver de fa perte;
plus ſenſible à nos interests qu'aux
fiens , il a voulu nous épargner la
douleur & la crainte , &se refervant
tout le mul pour luy Seul , it
ne nous a fait avertir de lOperation
dangereuse à laquelle il s'est
exposé que lors qu'elle a esté faite
avec tout le fuccez poſſible , pour
nous donner ainſi tout d'un coup une
18 MERCURE
joye que nous ne devons point à une
triſteſſe precedente , mais àun bonheur
soudain & inesperé.
Au veste, Messieurs , quand Dieu
n'eust point exauce nos voeux , nos
voix & nosſoûpirs , pouvoit-il voir
Sansſe laiſſferfléchir la fainte difposition
d'un coeur qu'il a toûjours
entre fes mains ? S'il prolongea
autrefois la vie à Ezechias , touché
par les larmes & les gemiſſemens de
ce Prince , la pouvoit- il refuser , je
ne dis pas aux gemiſſemens & aux
Larmes, mais à la constance ,ở
la resignation du Roy ? Sans s'effrayer
, fans pålir , ſans murmurer,
remettant entre les mains defa divine
bonté , &fa ſanté&lefalut
deſes Peuples , il afouffert en Heros
, encore plus en Chrêtien, tout ce
qui luy a esté conſeillé de ſouffrir.
Vous l'avez veu , Anges tutelaires
de nos Lis , vous qui eſtiezalors à
GALAN T.
19
fes costez , & qui conduifiez so
adroitement l'heureuse main qui
operoitfaqueriſon .Vous l'avez veu ,
vous l'avez loüez devant le Sci.
gneur, vous l'avez priépour luy.
Continuons à le prier ainſiqu'eux,
& par la pratique des plus rares
vertus , dont ce grand Prince nous
donne defi beaux exemples,tâchons
de nous rendre dignes de le poffeder
long-temps : car commeDieu donne
quelquefois à Son Peuple des Rois
dansſa colere, il ofte auffi quelquefois
àfon Peuple les Rois qu'il luy
a donnez pour ſon bonheur &ses
avantages.
Continuez d'offrirpour le mesme
fujet vos pieux exercices , Vous
Mesdames, qui avez meritéd'être
loüées par la bouche de Sa Majesté,
Vous dont Elle protege les Maiſons
&l'Institut Vous à qui Elle a confié
ces jeunes Plantes nouvellement
20 MERCURE
arrachées d'une terre cirangere &
ſterile , afin qu'elles produisent par
vos travaux & par vos instructions
des fruits de vie dans la Vigne du
Seigneur. Mais vous-mêmes , mes
cheres Soeurs , feriez vous affez negligentes
pourmanquer à unſi juste
devoir ? Vous , dis-ie , qui luy estes
obligées de vostre Conversion , &
qui avez esté appelléesparsesfoins
des tenebres à la lumiere. Entrez
donc toutes dans l'esprit de l'Eglise,
dans les fentimens de la France.
Joignez vos voeux & vos prieres
aux prieres & aux vaux de cet Illustre
Prelat , qui va achever une
Ceremonie à laquelle par mon Difcours
i'ay ſouhaité aioûter quelque
choſe; mais que ie n'ay peut - estre
que trop long temps interrompuë.
Avant ce Difcours on avoit
chanté le Pange lingua, & fi - toſt
qu'il fut finy l'on commença le
Salut.
GA LANT. 21
- Monfieur le Cardinal Ranuzzi
vint dire la Meſſe dans ce Seminaire
un des jours de la Neuvaine.
Il fut receu par la Superieure
à la teſte de ſa Communauté
qu'il trouva compoſée de
cent ſoixante Perſonnes. Il loüa
la modeſtie des Penſionnaires,
& exhorta les nouvelles Catholiques
qui y font en fort grand
nombre , de prier pour la Santé
de Sa Majeſté . Leur ferveur a
eſté telle que la Neuvaine generale
eſtant achevée , elles ont
demandé avec inſtance qu'il
leur fuſt permis d'en faire une
autre , qu'elles puſſent dire eſtre
la leur. La pompe des Ceremonies
qu'elles avoient admirées
dans la premiere, les porta à faire
commencer la ſeconde , par une
Meſſe ſolemnelle , & afin de
mieux marquer l'eſtime qu'elles
1
22 MERCURE
fontde la Hierarchie Ecclefiaſtique,
elles ſouhaiterent toutes
de communier le dernier jour
par la maind'un Eveſque. Cette
Maiſon eſt une heureuſe retraite
pour celles qui ne veulent point
faire de voeux , où qui ſe trouvent
hors d'eſtat de s'engager ,
& l'on peut dire que leur Inſtitut
eſt un des plus Saints qui s'obſerventdans
un habit Seculier
& modeſte , qui meſme permet
les viſites & les ſorties pour les
fonctions de Charité.C'eſtoit ſur
ce pied que S. François de Sales
avoit commencé l'Ordre de la
Viſitation , mais la déference
qu'il eut pour le Cardinal de
Marquemont ſon Directeur,rompit
ſes premiers deſſeins. Quelques
Religieuſes vivant avec
beaucoup de deſordre , & ne
pouvant ſe reſoudre à la Cloſtu
GALANT.
23
re , on ſe ſervit des Filles de la
Viſitation qui estoient vêtuës en
Seculieres , pour taſcher de les
reduire par leur bon exemple ;
mais il fut impoſſible d'en venir
à bout , que toutes les Maiſons
de l'Ordre de la Viſitation ne
fuſſent cloiſtrées . Lyon commença
, quoy qu'Anneſi fuſt le
premier lieu , où elles avoient
eſté inſtituées . Voilà ce quidonna
cet Ordre à l'Eglife. La penſée
de S. François de Sales n'a
point cependant eſte perduë.
Quoy que l'Institut de l'Union
Chreſtienne ne ſoit point preciſément
pour viſiter les Malades,
ce qui obligeroit à de trop frequentes
forties c'eſt le meſme
eſprit qui s'obſerve en bien des
choſes. Monfieur Vincent , premier
Superieur General de la
Miffion , aſſembla quelques Da
24
MERCURE
mes àCharonne, regla leur Habit
, & commença là le Seminaire.
Une des premieres Filles
appellée Elurin , y eſt morte en
odeur de fainteté.On tient qu'elle
avoit predit la Naiſſance de
noſtre Auguſte Monarque.Monſieur
le Vacher , Preſtre d'une
infigne pieté , prit la place de
Monfieur Vincent , & mourut
il y a fix ans aux Religieuſes de
S. Gervais , avec la réputation
d'une vertu extraordinaire. Ce
Seminaire s'eſtant augmenté ,&
ayant remply divers Hoſpices ,
on a eſté obligé d'acheterun des
plus grands Hoſtels de Paris ,
pour contenir tantdebons ſujets
qui ſe preſentent. On enamefme
envoyé dans les Provinces
& il y en a des Maiſons establies
en pluſieurs Villes , à Caen , à
Sedan , à mets , &c .
>
Le
GALANT.
25
Le 25. du meſme mois Monſieur
l'Abbé Billet , Procureur
&Chefde la Nation de France,
fit celebrer une Meſſe ſolemnelle
dans le College de Navarre,pour
rendre graces à Dieu de l'entie-
-re gueriſon de Sa Majesté. L'Egliſe
eſtoit ornée de riches Tapiſſeries
, & l'Autel éclairé d'un
tres-grand nombre de Cierges
chargez des Armes de France.
Monfieur l'Abbé de Cologne
fut le Celebrant , & fit remarquer
dans toute cette action fa
pieté& fa modeſtie. On distribua
les Sportules ordinaires à plus
de fix cens Docteurs , Licentiez ,
Bacheliers , Abbez , Curez , Officiers
, & Regens de cette ſçavante
Compagnie. Monfieur le
Recteur , qui préſide dans les
plus confiderables Aſſemblées
de l'Univerſité , ceda la droite à
Desembre 1686 . B
26 MERCURE
Monfieur l'abbé Billet en cette
Ceremonie. le vous ay déja
parléde çet Abbé , & fait connoiſtre
la réputation qu'il s'eſt
acquiſe dans les Pays Etrangers
par ſa profonde érudition , &
par la ſageſſe de ſa conduite.
Le Pere Alexis du Buc , Superieur
des Theatins , a fait voir
dansla meſme occaſion , le zele
ardent dont il a donné des marques
en beau- coup d'autres rencontres
. Il fit chanter une Meffe
folemnelle , à laquelle toute fa
Communauté communia. L'Exaudiat
fut auſſi chanté àl'iſſue
de Veſpres , & les Litanies à la
finde la Priere du Soir. Ces Prieres
furent continuées pendant
neuf jours , & la Neuvaine ſe
termina par une Meſſe en Muſiquede
la compoſition de Monſieur
Lorenzani, à laquelle plu
GALANT.
27
fieurs Perſonnes de qualité afſfiſterent.
Ce fut encore le Pere
Alexis du Buc qui la celebra.
La precieuſe Relique de Saint
Hiacinthe a donné lieu aux Peres
Jacobins de la ruë SaintHonoré
, de ſe diſtinguer des autres
Communautez de Paris , qui ont
marqué tant de zele pour laconſervation
de la Santé de Sa Majeſté.
La feuë Reine Mere Anne
d'Auſtriche demanda une Relique
de ce Saint au PrinceCafimir
de Pologne , qui eſtoit alors
- en France ; & ce Prince eſtant
de retour à Cracovie , l'ayant
■ obtenue du Roy Ladiſlas ſon
- Frere, & des Estats du Royaume,
- l'envoya en 1641. à la Reine ,
quien fit preſent à ces Religieux,
comme du plus précieux gage
qu'elle pouvoit leurdonner de la
bien- veillancedont elle les hono
B2
28 MERCURE "
roit. Le Roy invoqua ce Saint
dans la grande Maladie qu'il eut
à Calais , & luy vint rendre des
graces publiquesde ſa gueriſon
dans leur Eglife. C'eſt ce qui a
obligé le Pere Seguin , Prieur
de ce Convent , de faire expoſer
cette Relique dans la Chapelle
de S. Hiacinte. On y a chanté
pendant neufjours une grand'-
Meſſe , & pluſieurs autresPrieres
. Pendant que les Preſtres ont
dit chaque jour l'Oraiſon de S.
Hiacinte ,& celle qui eſt pour
le Roy , en celebrant le ſaint
Sacrifice de la Meſſe , les Novices
ont offert à Dieu leurs Communions
,& faitdes Prieres extraordinaires.
Le Pere Seguin les
fait encore continuer par une
Proceſſion qui ſe termine à la
Chapelle du meſme Saint , où
Ton chante les Litanies de la
GALANT. 29
1
Vierge , & diverſes Oraiſons ,
avec une confiance & une ardeur
finguliere.
Monfieur l'Abbé Veſtier ,
Docteur de la Maiſon & Societé
de Navarre , & Doyen du
Chapitre de Peronne , a fait
auſſi faire en ce lieu là de grandes
Prieres pour le Roy dans
toutes les Egliſes de la Ville &
des Fauxbourgs. Sa fidelité &
-fon zele ſe ſont diftinguez toutes
les fois qu'il s'eſt offert quelque
occafion de faire voir ſon reſpect
& ſon amour pour ſon Prirce
,& il fait si bien toutes choſes
, qu'on peut dire que la Ville
& le Chapitre de Peronne
avoient beſoin d'un ſemblable
Chef.
Celuy de la Ville de Saint
Quentin en Vermandois , n'a
pas montré moins d'ardeur pour
A iij
30
MERCURE
la gueriſon du Roy . Il ordonna
des Prieres le 25. du mois paſſé ,
en action de graces dans toute
l'étenduë de ſa Jurisdiction , &
l'ouverture s'en fit le 27. par
une Meſſe du S. Eſprit , que
chanta une excellente Muſique
dans l'Egliſe principale. On ordonna
en meſme temps une Proceſſion
dans la meſme Egliſe tous
les Dimanches & toutes les
Feſtes , & tous les Mardis & les
Jeudis juſqu'à Noël , avec un
Salut .
Je vous ay trop parlé de Prie.
res , pour ne vous en pas faire
voir une qui a eſté faite par
✓ Monfieur l'Abbé de la Chaiſe.
GALANT. 31
PRIERE POUR LE ROΥ.
Oaviens- toy, Seigneur,que la
France,
Qui regarde fon Souverain
Comme unmiracle de tamain,
Tient de tes bontezfaNaiſſance.
Souviens-toy des voeux redoublez
,
Que tant de Peuples ſi zelez
Afin de l'obtenir t'offrirent ,
Et conſerve leur ce grand Roy !
Qui , par ce doux air qu'ils respirent
,
Lesfait joüir du don qu'ils ont reçû
de toy.
Tu l'as protegé dans la Guerre ,
Pour lebonheur de ſes Sujets ;
Protege-le pendant la Paix
B 4
32
MERCURE
Pour celuy de toute la Terre !
Quesa pietépuiſſe enfin
Du nom funeste de Calvin ,
Abolir par tout la memoires
Et qu'àtant de travaux divers
On ajoûte que pour ta gloive ,
Du Monstre de l'Erreur il purgea
t
l'Univers.
Qu'un bonheur constant toujours
marque
Qu'il eſtſous ta protection ;
Comble de benediction
LaMaison de ce grand Monarque.
Quele Dauphin &ſes Enfans ,
Surſes veſtiges triomphans ,
Soient conduits par ta main Sacrée;
5
Et que ſon Regne , avant le leur ,
Du Siecle d'or ait la durée ,
Comme il en a déja l'éclat & ta
douceur.
GALANT.
33
L'Operation que s'eſt fait faire
le Roy , a donné lieu àune nouvelle
Deviſe de Monfieur Magnin.
Elle a pour Corps le Soleil
éclipſé,& ces paroles pour Ame,
Terret, non deferit orbem.
Regnantfur la Terre & l'onde ,
Sa peine en vain icy.bas
Remplit de terreur le Monde
Ilne l'abandonne pas.
ور
Ie finis par un Madrigal de
Monfieur Vignier , ſur le meſme
fujer..
Q
Voy que LOUIS aitfait ,
ilfaut dire aujourd'huy,
Que ce qu'il vient de faire avec
tant d'affeurance ,
Est un vray coup d'Estat qui met
toute la France
B
34
MERCURE
(
Hors de crainte d'ennuy ;
Et l'on peut deformais avoüer fans
Scrupule,
Que l'Univers entierfoulevé contre
luy ,
Nous eustfait moins depeurqu'une
Simplefistule.
Ie vous envoyay la derniere
fois une Eſtampe où font gravées
les Armes des vingt-ſept
Cardinaux de la derniere promotion,
& je vous parlayde chacun
d'eux en particulier, Depuis
ce temps- laon m'a donné une
Lettre écrite par MonfieurChaf
febras de Cramailles à Monfieur
le Duc de Saint Aignan , ſur
ce qui s'eſt paffé à Rome à cette
Promotion avec un Difcours
fuccint , contenant l'origine des
Cardinaux , la grandeur de leur
Dignité , combien il y en doit
GALANT.
35
avoirdans le Sacré College , ce
que c'eſt que leur Titre ,& la
maniere dont ſe fait leur élection.
Toutes ces choſes ſont fort
curieuses , & pour n'en rien
retrancher , je vay me ſervir des
meſmes termes quej'ay trouvez
dans la Lettre de Monfieur
Chaſſebras. Voicy ce qu'il a écrit.
Es à l'imitation de
:
Saint Pierre & de ſes Premiers
Succeſſeurs , ont toûjours
retenu pour eux l'Eveſché de
Rome, comme le premier Evefché
du Monde ,& le lieu particulier
de leur réſidence , quoy
qu'ils fuſſent établis de Dieu les
Chefs de tout le Peuple Chreſtien
, de meſme que certains
Religieux , qui reſtent Prieurs.
ou Abbez particuliers du Monaſtere
où ils demeurent , bien
B6
36 MERCURE
qu'ils foient Generaux de tout
leur Ordre. Delà eſt venu que
ne pouvant entrer eux-meſmes
dans le détail du Gouvernementde
leur Dioceſe , pendant
qu'ils avoient à regler le Spirituel
de toute la Terre , ils firent
choixd'un certain nombre d'Eveſques
, de Preſtres & de Diacres
pour les foulager, comme
autant de Coadjuteurs & de
Vicaires.
Les premiers faiſoient la fon-
Aion d'Eveſques dans le détroit
de Rome à la place du Pape , &
avoient chacun leur Egliſe Epif
copale dans l'Enceinte du Diocefc...
Les Preſtres eſtoient titulaires
des Paroiffes de la Ville , &
prenoient la conduite des Ames,
comme les Curez font aujourd'huy
, & les Diacres avoient 1
GALANT.
37
le foin de quelques Egliſes ou
Chapelles de Devotion qu'ils
tenoient en Diaconies, devoient
aſſiſter le Pape quand il officioit
publiquement. Ces trois Ordres
eurent le nom de Cardinati ou
Cardinales , pour dire qu'ils
eſtoient les premiers & les
Chefs des autres , & que c'étoit
ſous leur conduite que rou-
Loient toutes les affaires du Diocefe;
& parce que les Preſtres
&les Diacres de quelques auares
Villes prirent auffi le meſme
nom de Cardinaux , afin de ſe
distinguer des autres Preſtres
& des autres Diacres qui leur
eſtoient inferieurs & foumis, les
Papes ordonnerent qu'il n'y auroit
que ceux qu'il avoit choiſis
qui ſe pourroient honorer du
titre de Cardinal , ce qui a eſté
inviolablement obſervé par la
fuite..
د
38
MERCURE
1
Avecle temps ces Dignitez
ſe ſont renduës fort recommandables
. Les Papes qui ne choififſſoient
pour Cardinaux que
des perſonnes d'un merite fingulier
, & d'une vertu accomplie
, commencerent à avoir une
entiere confiance en eux. Ils les
reveſtirét des principalesCharges
& Dignitez; ils leur donnerent
le premier Rang dans
tous les Tribunaux, dans toutes
les Congregations ; ils leur mirent
en mainles affaires les plus
importantes; ils les firent leurs
Conſeillers d'Estat pour leTemporel
& pour le Spirituel de
leur double Royaume , & ne
reglerent preſque plus rien que
par leurs avis & par leur Conſeil
, de forte que peu à peu ils
font montez au faſte de la gloire
où nous les voyons , & fe trouGALANT
.
39
vent aujourd'huy les premiers
du Clergé , faiſant la meſnie
figure dans l'Etat Eccleſiaſtique
que faifoient autrefois les Senateurs
Romains dans l'ancienne
Rome.
Mais ce qui releve infiniment
V'éclatde ce haut rang , & qui
leur donne le pas au deſſus des
Eveſques & des Patriarches
meſmes , c'eſt la puiſſance abſoluë
qu'ils ont dans l'Egliſe durant
le Siege vacant , le droit
d'élire le nouveau Pape , & l'avantage
d'eſtre les feuls ſur qui
tombe cette Election .
Ces grandes prerogatives leur
ont acquis le titre de Princes de
l'Egliſe Univerſelle , & en cette
qualité ils pretendent aller du
Pair avec les Teſtes couronnées,,
& trouvent peu de Princes dans
I'Italie qui leur veüillent diſputer
le pas.
40
MERCURE
Il eſtoit juſte que dans unpoſte
ſi relevé ils euſſent des marques
exterieures qui fiſſent connoiſtre
la grandeur d'une Dignité
ſi éminente. Pour ce ſujet
les Souverains Pontifes ont voulu
qu'ils fuſſent toûjours veſtus
de Pourpre , & principalement
quand ils paroiſſent en public.
Innocent IV. fut le premier
qui leur donna le Chapeau rouge
, l'on pretend que c'eſtoit la
couleur dont les Papes s'habilloient
alors Boniface VIII. permit
aprés aux Cardinaux Seculiers
de porter l'Habit rouge ,
quand les Papes commencerenc
à ſe veſtir de blanc. Paul III.leur
accorda le Bonnet rouge ; &
enfin Gregoire XIV.permit aux
Cardinaux Religieux de le porter
, voulant neantmoins qu'ils
continuaſſent toûjours à s'haGALAN
T.
4
biller de la couleur de leur Ordre.
Toutes ces differentes couleurs
ne font pas ſans raiſon , &
ſans quelque forte de Myſtere .
Le Papeeſt veſtude blanc, pour
donner à entendre que ſa vie
doit eſtre plus pure & plus nette
que celledetous les autresChrê
tiens ,&qu'il faut eſtre ſans tache
& ſans deffaut pour s'aſſeoir
dans la Chaire de S. Pierre.
e
La Pourpre eſt la couleur des
Rois & des Empereurs , mais
cette couleur a eſté donnée encore
aux Cardinaux pour les
faire reſſouvenir qu'ils doivent
eſtre toûjours prêts à répandre
leurſang quand il s'agitde ſoûtenir
l'intereſt de la Foy.
C'eſt pour cette raiſon qu'ils
portent l'Habit rouge dans les
jours ordinaires, qui eſt la Pour-
1
42
MERCURE
pre naturelle & la veritable couleur
du ſang; au lieu que dans
les jours de triſteſſeils prennent
le Violet qui eſt une couleur de
Pourpre plus lugubre & plus
obſcure , & qui imite affez le
ſang livide d'un homme accablé
de maladies , & de chagrins ; &
parce que durant deux joursde
l'année qui font le troiſième Dimanche
de l'Avent , & le quatriéme
Dimanche de Careſme ,
l'Egliſe meſle un peu de joye
dans ſa triſteſſe , comme ayant
paſſé la moitié du temps de penitence
, & ſe voyant approcher
des jours heureux de la Naiſſance
&de la Reſurrection du Sauveur
; alors les Cardinaux prennent
une étoffe de rofe-ſeiché ,
qui eſt beaucoup plus rouge que
le violet , & qui eft neantmoins
plus ſombre que le rouge méme.
3
:
GALANT.
43
Pour les Cardinaux Religieux
ils ont retenu juſqu'à preſent la
couleur de leur Ordre ſur leurs
habits , & les papes ont voulu
faire voir par là exterieurement
l'eſtime qu'ils ont toûjours faite
de la Hierarchie reguliere , vou
lant bien l'admettre avec la Se
culiere dans tous les honneurs
: duClergés ils leur ont ſeulement
accordé le Chapeau & le Bonnet
rouge pour les diftinguer des
autres prelats.
Al'égard du nombre desCardinaux
il n'a pastoûjours eſté le
meſme ; l'on pretend qu'ils n'étoient
que vingt- cinq dans les
premiers Siecles , & que Rome
eſtant diviſée en vingt- cinq raroiffes
, ils en eſtoient les Curez
&les paſteurs. Mais pour ne
point entrer ſi avant dans les
obſcuritez de l'Antiquité, ſi nous
3
MERCURE
44
7
voulons nous en tenir aux Siecles
plus recens , oùl'Hiſtoire paroiſt
plus claire& moins embarraffée,
nous trouverons qu'ils ont eſté
long-temps fixez à cinquante.
trois , dont il y en avoit ſeptEvêques,
vingt- huit Preſtres, & dixhuitDiacres.
1
Les Eveſques eſtoient les
Coadjuteurs du Pape dans le
Diocefe de Rome , préſidoient
fur le Clergé de l'Egliſe de S.
Jean de Latran , la principale
des cinq Patriarchales de la Ville,
& qui a eſté reconnuë par
diverſes Bulles pour la premiere
Egliſe & la plus ancienne de
tout le monde. Ils s'y trouvoient
tous ſept alternativement , &
chacun avoit un jour de la ſe
maine où il celebroit la Meſſe
fur le grand Autel , qui eſt celuy
fur lequel S. Pierre a offert plu
GALANT.
45
ſieurs fois en Sacrificele Corps
precieux du Redempteur du
Monde , & lors que Sa Sainteté
vouloit celebrer Elle - meſme
fur cet Autel , ou ailleurs , les
Cardinaux Eveſques le devoient
accompagner , & luy ſervir
d'Aſſiſtans , ils ne laiſſoient pas
outre cela d'avoir leurs Egliſes
Epifcopales aux environs de
Rome.
Les vingt - huit Preſtres eftoient
diſtribuez dans les quatre
- autres Eglifes Patriarchales , S.
-Pierre , Saint Paul,Sainte Marie
- Majeure , & S. Laurent. Ils eftoient
ſept dans chacune de
ces Egliſes , où ils exerçoient
l'Office de Vicaires du Pape l'un
aprés l'autre. Celuy quieſtoit de
jour difoit pareillement la Meſſe
fur le grand Autel.
Ce privilege eſtoit ſi conſide
1
46 MERCURE
rable , que les Souverains Pontifes
ſe le font reſervez depuis à
eux ſeuls , en forte que preſentement
il n'y a que le Pape qui
puiffe celebrer for le Maiſtre
Autel deces cinq Bafiliques ; &
quand il donne la permiſſion à
quelqu'un des Cardinaux d'y
dire la Meſſe à ſa place , il luy
en fait delivrer chaque fois une
Bulle particuliere ſcellée en
plomb , que le Cardinal eſt obligé
de faire attacher àl'un des
coins de l'Autel , durant tout
le temps de l'Office , afin que les
Aſſiſtans la puiſſentlire,& foient
témoins de ſa licence. Ces vingthuit
Prêtres avoient chacun une
Egliſe particuliere dans Rome ,
où ils exerçoient toutes les fon-
Ctions Parochiales.
Des dix huit Diacres ily en
avoit quatorze dans les quatorze
GALANT. 47
승
12
&
لا
quartiers de la Ville , & les quatre
autres devoient toûjours ſe
tenir auprés du pape. Leur
El Office eſtoitde chanter l'Evangile
& l'Epiſtre aux Meſſes papales,
d'avoir le ſoin des Aumoſnes,
& de faire les autres ſervices
Diaconaux . Ils avoient auſſi chacun
leur Diaconé particulier.
Depuis quelques Siecles ce
#nombre a eſté fort alteré. Il a
# commencé à diminuër quand
les Papes ont negligé de pourvoir
aux places vacantes des
Titres , ou qu'ils les ont donnez
en Commande ; & au contraire
il eſt de beaucoup augmenté
lors qu'ils en ont creé de nou-
لا
es
لا
veaux .
Quand Nicolas III . fut fait
Pape,il n'y avoit que huitCardinaux
parmy les Preſtres & les
Diacres ; & un peu avant la
4.
48 MERCURE
mortd'Alexandre IV. il ne s'en
trouva que quatre ; mais en re.
vanche l'on en a veu juſqu'à
ſoixante-quatorze fousle Pontificatde
Pie IV. & cette grande
diverſité donna occafion à
Sixte V. d'en fixer le nombre,
qu'il regla àſoixante-dix, en memoiredes
ſoixante- dix Vieillards
dont il eſt parlédans l'Ecriture.
Il ordonna qu'il y en auroit ſfix
Eveſques , cinquante preſtres ,
&quatorze Diacres, & ce nombre
eſt demeuré comme il eſt
étably. Les Eveſquesont chacun
leur Egliſe dans le détroit de
Rome; les preſtres ontleur Titre
dans la Ville,& les Diacres y ont
leurs Diaconez . :
La Iurisdiction que les Car--
dinaux Eveſques ont aujour
d'huy dans leurEgliſe & dans la
Ville où elle eſt ſituée , eſt une
veritable
4
GALAN Τ.
49
veritable Iurifdiction Epifcopale
& ordinaire. Il y a cependant
cette difference , que les ſept
Eveſques Cardinaux , dont il y
en a deux de réünis , ne requierent
point de reſidence , & font
compatibles avec d'autres Eveſchez.
Celle que les Cardinaux
preſtres & les Cardinaux Diacres
ont dans leurs Titres &
dans leurs Diaconez , ſe peut
dire une Jurisdiction preſque
Epifcopale. Elle ne s'étend que
dans l'enceinte de l'Eglife & de
la Sacriſtie. Ils y ont la Chaire
Epiſcopale ſous un pais comme
les Eveſques , ils y beniſſent ſolemnellement
le Peuple ; ils y
ont la nomination des Benefices,
quand ce ſont des Egliſes Collegiales
, & ils y vont le Rochet
découvert pour y faire voir leur
pouvoir. Parmy ces Titres & ces
Decembre 1686. C
So
MERCURE
Diaconez il s'y rencontre des
Egliſes Collegiales, des Paroiſſes,
des Convents d'homes, des Monaſteres
de Filles , des Hoſpitaux
& de ſimples Egliſes de devotion .
: Pour ce qui eſt de la maniere
dont s'éliſent les Cardinaux ,
il faut encore diftinguer. Dans
les vieux temps les Papes n'y
faiſoient pas tant de façons ; ils
envoyoient querir ceux qu'ils
vouloient faire Cardinaux , &
les mettoient en poſſeſſion de
leur Egliſe ſans aucune ceremonie
; mais dans les derniers Siecles
il n'ena pas eſté de meſme .
Quand le Pape avoit reſolu de
faire une nouvelle promotion , il
convoquoit un Conſiſtoire ſecret
, où il faisoit entendre ſon
deſſein à tous les Cardinaux qui
s'y trouvoient . Il examinoit avec
eux le nombre des places qu'il
GALANT. :
eſtoit à propos de remplir dans
le ſacré College ; il leur nome
moit les perſonnes fur qui il
avoit jetté les yeux , ceux qui
luy avoient eſté propoſez par
les Couronnes , & leur laiſſoit
huit ou dix jours pour y penſer,
Au bout de ce temps il faiſoit
aſſembler un autre Conſiſtoire
fecret , où il écoutoit l'avis & le
ſentiment de tous les Cardinaux
fur les Sujets propoſez . Chacun
avoit pleine & entiere liberté
dedonner ſa voix pour ou contre
: & il ne créoitde Cardinaux
que ceux qui paſſoient à la pluralité
des fuffrages , rejettant les
autres qui n'avoient pas eu au
moins la moitié des voix. Cer
ordre eſtoit gardé ſi ponctuellement
, que les Cardinaux infirmes
qui n'avoient pû aſſiſter au
Confiftoire , envoyoient leur
C 2
52
MERCURE
avis par écrit ou par Députez.
Depuis ce temps les papes
ont retranché la pluſpart de ces
Ceremonies , ayant peut- eſtre
fait reflexion qu'ils avoient en
euy la puiſſance abſoluë dans
ces Elections. Ils ont jugé que
toutes ces formalitez n'eſtoient
d'aucune utilité , &qu'au contraire
elles pouvoient apporter
un préjudice notable à l'Egliſe,
&beaucoup de ſcandale au public
au ſujet des intrigues & des
cabales qui ſe faifoient cuvertement
dans l'entretemps de ces
deux Conſiſtoires .
Quelques-uns ont pretendu
que Leon X. fut le premier qui
ſe rendit maiſtre abſolu des
Promotions. Il vintau commencement
du dernier Siecle , &
créa de ſon propre mouvement
trente & un Cardinaux tout à la
GALAN T.
53
১
)
fois , ce qui donna beaucoup à
penſer à tous ceux qui y prenoient
intereſt , comme il eſt
aiſe de ſe l'imaginer.
Les Papes qui l'ont ſuivy en
ont uſé preſquede meſme,quoy
qu'ils ayent eu d'autres veuës
que ce Souverain Pontife dans
les Promotions qu'ils ont faites;
de ſorte qu'aujourd'huy , quand
le Pape a déliberé de faire de
nouveaux Cardinaux, il ne communique
ſon deſſein à perſonne,
& le tient caché autant qu'il
peut. Il prend le jour d'un Conſiſtoire
ſecret après avoir donné
Audience aux Cardinaux , &
avoir expedié toutes les Affaires
pour lesquelles l'Aſſemblée confiſtoriale
s'eſtoir faite. Sa Sainteté
eſtant ſur le point de ſortir,
témoigne aux Cardinaux qu'Elle
eſt dans le deſſein de leur don-
C3
54
MERCURE
,
&
ner des Confreres , & leur demande
, ſuivant l'ancien uſage,
cequi leur en ſemble. Le Doyen
des Cardinaux parle ordinaire -
ment pour tout le Corps
chacun approuve ſeparement le
choix de Sa Sainteté par quelque
figne de teſte , ou autrement
; aprés quoy le Pape les
crée & les déclare Cardinaux ,
& puis s'en va , laiſſant fur un
fiege la lifte de leurs noms , qui
ſe publie à la ſortiedu Conſiſtoire.
S'il ſe trouve quelque Cardinal
qui veüille parler , ou faire
remontrance , il le peut avec
toute liberté ; mais pour l'ordinaire
Sa Sainteté ne laiſſe pas de
paſſer outre , n'y ayant égard
qu'autant qu'Elle le juge à propos.
Voilà ce que j'ay crû eſtre
obligé de dire pour donner une
GALANT.
ideé generale des Cardinaux. Je
reviens à ce qui s'eſt fait au Sujet
de la derniere Promotion du
deuxième de Septembre.
: Quoy que le Pape euſt nommé
vingt-ſept Cardinaux dans
cette Promotion , il ne s'en
trouva que dix de preſens dans
la Cour de Rome , les autres
eſtant la pluſpart Etrangers , ou
dans les Nonciatures.Lors qu'ils
furent aſſeurez de leur élection ,
ils firent diſtribuer des aumônes
aux Pauvres & aux Neceffiteux
de la Ville ; ils paſſerent la moitié
du jour à recevoir les complimens
& les congratulations
de leurs Amis & de toute leur
Parenté.
८ La premiere ſortie qu'ils fi
rent , ce fut pour aller faluër le
Pape , & recevoir de ſes mains
le Bonnet. Ils ſe rendirent l'a
C4
56
MERCURE
preſdinée au Palais de Montecavallo
veſtus d'une Soûtane violette
, avec le Rochet & la Manzelle
, ou petit Manteau violet
par deſſus ; c'eſt l'Habit que
portent les Prelats à Rome.
Ils furent introduits l'un aprés
l'autre auprés du Pape par un
Maiſtre des Ceremonies.Sa Sainteté
eſtoit au haut de la chambre
dans un Fauteüil ſur une
Eſtrade ſous un riche Baldaquin .
Il avoit une Soutane blanche ,
avec leRochet de toile fine , le
Camail rouge & le Camauro
rouge , qui eſt une eſpece de
grand Bonnet ou grande calotte,
qui luy couvre toute la teſte,
&deſcend un peu ſur les temples,&
au deſſous des oreilles .
Le plus ancien des Cardinaux
entra le premier , & fit trois genuflexions
; la premiere à la porGALANT.
57
e ,la ſeconde au milieu de la
chambre , & la troiſième en
abordant Sa Sainteté. Aprés il ſe
mit à genoux , & le Pape luy
mit ſur la teſte un Bonnet quarré
rouge , qu'un de ſes Cameriers
luy preſenta ſur une toilette
dans un grand Baffin d'argent ,
& dans le meſme temps le Maître
des Ceremonies qui l'accompagnoit
, luy mit le Camail
violet fur les épaules. Auſſi- toſt
le Cardinal ayant ofté ſon Bonnet
, baifa les pieds de Sa Sainteté;
il luy baiſa enfuite la main ,,
aprés quoy le Pape l'embraſſa
en le faiſant relever. Les autres
Cardinaux furent introduits de
la meſme maniere ; & quand ils
eurent tous receu le Bonnet , Sa
Sainteté leur fit donner de petits
fieges , & les receur à l'Audience
affis & couverts, L'Audience
C6
$8
MERCURE
*
finie, ils fortirent en faiſant deux
reverences , & allerent viſiter
le Cardinal Cibo , qui demeure
dans le Palais ,& qui fait la fonction
de Cardinal Miniſtre &
Patron ; pais ils s'en retournerent
chacun chez eux , où ils
demeurerentjuſqu'au Jeudy fuivant
, & receurent incognitò les
viſites qui leur furent faites de
la partdes Cardinaux , des Princes&
de la Nobleſſe, le ſoir on
alluma des feux dans toutes les
ruës , chacun mit des lanternes
&des flambeaux à ſes feneſtres ,
&à ſes Balcons , l'on donna du
vin aux paſſans dans quantité
de Palais & de Maiſons particulieres
, & les réjoüiſſances durerent
encore le lendemain toure
la ſoirée.
Le Jeudy 5. du meſme mois le
Pape leur donna le Chapeau le
GALANT.
59
matin dans un Conſiſtoire public
avec beaucoup de ſolemnité.
Les nouveaux Cardinaux
- avoient eu ordre de ſe rendre de
bonne heure dans la Chapelle
du Palais de Montecavallo , lls y
vinrent dans leurs Caroſſes de
ceremonie , accompagnez d'un
grand cortegede Prelats & de
Nobleſſe . Ils eſtoient en Soutane
rouge & en Rochet, avec la
Mantelette & le Camail rouge
par deſſus. Quand ils furent
arrivez au Palais , avant que
d'entrer dans la Chapelle , ils
quitterent le Camail & la Manselette
, & prirent laCappe violette
& le Bonnet rouge. Cette
Cappe eſt une eſpece de grande
Robbe de Docteur fort ample
qui couvre tout le corps& les
bras , & ne laiſſe qu'une petite
ouverture devant l'eſtomach
C 6
60 MERCURE
pour paſſer les mains. Les ave
nuës & la porte de la Chapelle
eſtoient gardées par les Suiſſes
du Pape , & par deux Maffiers.
de Sa Saintetéqui tenoient deux
groſſes Maffes dargent avec ſes
Armes ; Elle estoit tapiffée de
Damas rouge avec des franges
& des galons d'or. Le soglio ou
Trône eſtoit de Damas blanc
fous un Ciel de broderie aux
Armes de Sa Sainteté , & du
Pape Alexandre VII. & les
Bans des Cardinaux, eſtoient
couverts de Tapiſſerie de Haute-
lice. Deux Maiſtres de Ceremonies
demeurerent à l'entrée
pour recevoir les nouveaux
Cardinaux qu'ils firent placer
fur le banc à maindroite du Trấ
ne , & la Muſique de la Chapelle
leur fervit d'entretien pendant
tout le temps qu'ils y fu
rent..
GALANT. 6
Une heure aprés les anciens
Cardinaux ſe rendirent auffi
au Palais de Mentecavallo
dans la Salle du Conſiſtoire .
Ils étoient habillez comme les
nouveaux fans aucune diffe.
rence. La Salle eſtoit pareillementornée
de Damas; le Trông
eſtoit apuyé contre le mur , &
élevé ſur une Eſtrade de quatre
degrez; les Bancs des Cardinaux
faisoient un quarré autour du
Trône , & l'efpace vuide qui ſe
trouvoit entre les Bancs & les.
murs eſtoit deſtiné pour les pre-
Lats , pour les Gentilshommes
des Corteges , pour les Etrangers,&
generalement pour rous,
ceux que la curioſité avoit attirez
. Deux Maſſiers de Sa Sainteté
gardoiết la porte du Confiftoires,
& les Suiffes eſtoient ſur les
montées, dans les Antifalles ,&
62 MERCURE
autour des Bans de la Salle , &
prenoientle ſoin de faire ranger
le menu Peuple ,& de ne laiſſer
entrer que les Perſonnes d'apa--
rence & de miſe.
Quand la plus grande partie
des anciens Cardinaux furent
venus , un Maiſtre de Ceremonies
leur vint donner avis que
tous les nouveaux Cardinaux
eſtoient arrivez. Aufſi- toſt les
trois Cardinaux Chefs d'Ordre,
je veux dire , leplus ancien des
Eveſques , le plus ancien des
Preſtres ,& le plus ancien des
Diacres , ſe tranſporterent dans,
la Chapelle avec le Cardinal
Altieri,Camerlingue de la Sainte
Egliſe, & le CardnialCrefcentio ,
Carmerlingue du Conſiſtoire
precedez de deux maiſtres de
Ceremonies , &d'une partie de
la Garde Suiffe , & ils y firent
১
GALANT. 63
preſter leſerment auxnouveaux
Cardinaux furl'Autel. Cela eftant
fait , ils retournerent au
Conſiſtoire , laiſſant les nouveaux
Cardinaux dans la Chapelle
, où les muſiciens s'appliquerent
de nouveau àfaire paroiſtre
lajuſteſſe de leurs voix
&la delicateſſe de leurs compoſitions.
Sur les quinze heures d'Italie
qui pourroient eſtre environ dix
heuresdu matin ſuivant l'Horloge
de France , le pape ſerendit
au Conſiſtoire veſtu pontificalement
en Chape & en Mitre
d'etoffe d'or. Sa queuë eſtoir
portée par le prince Colonne ,
prince du Soglio , Chevalier de
laToiſon , &GrandConnetable ,
du Royaume de Naples. Le der
nier des Auditeurs du Tribunal
de la Rotte marchoient devant
64 MERCURE
luytenant ſa Croix Patriarchachale
, & deux Officiers portoient
deux Eventails de plumes
de Paon atachez à de grands
batons dorez. Le rape eſtoit
environné des patriarches , des
Archeveſques & des Eveſques
aſſiſtans ; des Officiers de ſa
Chambre , des trois Conſervas
teurs de la Ville ,& du prieur
de Capo Raconi ..
Il entra en donnant la Benediction
que les Cardinaux receurentdebout&
nuëteſte , &
tout le peuple à genoux & découvert.
Lors qu'il ſe fut placé
fur leTrône , les deux plus anciens
Cardinaux Diacres ſe mirent
à coſté de luy for deux
petits placets on tabourets. Le
Connetable Colonne ſe tint de.
bout & découvert à la droitede
Sa Sainteté auprés du premier
GALANT.
65
1
Cardinal Diacre. Les trois Confervateurs
de Rome qui ſont
comme nos Echevins ou Capitouls
, ſe rangerent fur le troifiéme
degré du Trône avec le
Prieur de Capo.Raconi , qui repreſente
le Chef& Colonel des
Capitaines des Quartiers de la
Ville. Ces quatre Officiers eftoient
vêtus d'une Robe de Satin
noir. Les Patriarches;les Archeveſques&
les Eveſques Affiſtans
ſe tinrent aux environs du Trône
, pour preſenter au Pape le
Cierge& le Livre quand il en
auroit beſoin. Les Officiers de
la Chambre ſe diſperſerent en
differens endroits de la Salle ,
& les Cardinaux demeurerent
fur leursBans affis& couverts .
Aprés que tout le monde ent
pris place, le Pape receut l'Obe-
Edience, les Cardinaux. Ils y alle
66 MERCURE
rent l'un aprés l'autre nû teſte ,
Jes bras & les mains renfermées
ſous leurs Cappes. Ils firent un
grand tour dans le Quarré, monterent
par le milieu du Trône ,
&s'en retournerent par la droite
, aprés avoir baiſéla main de
Sa Sainteté. L'Obedience finie ,
le Pape députa les deux Cardinaux
Diacres Aſſiſtans,les autres
Cardinaux Diacres & les derniers
Cardinaux Preſtres pour
aller querir les nouveaux qui at -
tendoient devant la Chapelle,
&cependant afin que le Conſiſtoire
ne demeuraſt pas inutile,
un Avocat conſiſtorial com.
mença debout & nuë teſte , un
Diſcours d'Eloquence en Latin,
au ſujetde la Canoniſation d'un
nouveau Serviteur de Dieu .
Les Cardinaux revinrent un
quart - d'heure aprés , conduits
GALAN T.
67
parquatre Maiſtre de Ceremonies.
Le Cardinal de Angelis qui
eſtoit le premier des Nouveaux,
eſtoit au milieu des deux Cardinaux
Diacres Affiſtans ,& les
neufautres avoient chacun un
Ancien à leur droite. En entrant
dans le Quarré , ils firent une
profonde reverence; ilsen firent
une autre devant le Trône , &
unctroifiéme aux pieds des degrez
où ils monterent & ſe mirent
à genoux , baiſerent les
pieds du Pape , & ſa main droite,
&enſuite ſe releverent aprés
avoir receu l'embraſſade de Sa
Sainteté. De là ils allerent embraffer
tous les autres Cardinaux,
&retournerent ſe metre à genoux
fur le Trône , où Sa Sainteté
leur mitun Chapeau rouge
fur la teſte en lifant quelques
Prieres&Oraiſons dans un Livre
1
68 MERCURE
:
que tenoit le ſeconddes Patriarches
Aſſiſtans , pendant que le
premier éclairoit Sa Sainteté
avec une Chandelle de cire Cela
fait , on leur oſta le Chapeau ,
ils ſe releverent , ils firent une
reverence , ils deſcendirent du
Trône & allerent prendre poffefſionde
leurs places parmy les
autres Cardinaux . Le Pape s'en
retourna dans le meſme ordre
qu'il eſtoit venu en donnant la
Benediction , & les Cardinaux
eſtantdemeurez dans le Conſiſtoire
, la Muſique de la Chapelle
entonna le Te Deum à la
porte ,& marcha en proceſſion ,
les Cardinaux ſuivant deux à
deux ,& les Anciens donnant
toûjours la droite aux Nouveaux
.
Quaud ils furent arrivez à la
Chapelle , les Anciens prirene
GALANT.
99
leurs places ordinaires ſur les
Bancs,& les Nouveaux ſe mirent
à genoux ſur le marche pied de
l'Autel , & ſe tinrent le viſage
proſterné contre terre ,& la teſte
couverte du capuce de leur Cappe
pendant que le Cardinal Cibo
qui repreſentoit le Doyen , diſoit
les Oraiſons mentionnées dans
le Rituel. Les prieres eſtant
finies , les nouveaux Cardinaux
fortirent les premiers , & demeurerent
à la porte de la Chapelle
pour remercier les anciens à
meſure qu'ils paſſoient , & enſuite
chacun s'en retourna chez
foy.
Les nouveaux Cardinaux
trouverent à leur retour leurs:
palais tous changez de face. Ils
- avoient donné ordre dés le matin
à des Feſtaroles , de les ajuſter
d'une maniere agreable & galan70
MERCURE
te. Ces Feſtaroles s'eſtoientaquitez
admirablement bien de leur
commiffion. Ils avoient mis fur la
porte de chaque Palais & au
plus bel endroit un Cartouche
desarmes du Pape , & un autre
au deſſousde cellesde la Famille
des Cardinaux. Ils avoientencore
orné la Façade de Damas , de
Satins , de Taffetas & d'autres
éroffes de ſoye enjolivées de
gazes d'argent , & de clinquans
découpez avec de grandes Figures
peintes qui repreſentoient la
Foy , l'Efperance , la Charité
, la Force , la Temperance
, la Prudence , la Juſtice , &
pluſieurs autres Vertus qui ſervent
à relever la pourpredu Cardinalat.
L'apreſdiſnée les nouveaux
Cardinaux s'aſſemblerent dans
l'Egliſe de Sainte Marie in Vali
GALANT.
71
cella , que l'on appele communément
l'Eglife neuve , d'où ils
partirent tous enſemble pour
rendre leur devoir au premier
Chef des Apoſtres. Ils avoient
chacun à leur fuite dix ou douze
Eſtafiers delivrées qui failoient
enſemble une agreable diverſité
de couleurs.
Les cing Cardinaux Prêtres
monterent dans un Caroſſe , les
cinq Cardinaux Diacres ſe mirent
dans un autre , & ces deux
Caroffes estoient ſuivis d'une
centaine d'autres Caroffes remplis
deleurs Officiers,& de quantité
de Gentilshommes qui eftoient
venus leur faire Cortege
comme le matin.Ils deſcendirent
à Saint Pierre du Vatican ,& allerent
adorer le Saint Sacrement
ſur un Prie Dieu qui leur avoit
preparéjaprés ils firent leur prie
72
MERCURE
Dieu devant la Confeſſion de
Saint Pierre, ils viſiterent enſuite
le Cardinal Ludoviſio Doyen du
Sacré Colege , aprés quoy ils allerent
falüer la Reyne de Suede,
puis s'en retournerent à leurs
Palais. Le lendemain & les deux
autres jours ſuivans ils viſiterent
les autres Cardinaux qui leur
rendirent la viſite quelquesjours
aprés.
Quand ils arriverent chez la
Reyne de Suede , le Marquis Del
Monte , Grand Chambellan de
cette princeſſe les vint recevoir
au haut de l'Escalier,& les introduiſit
auprés de Sa Majesté qui
vint au devant d'eux juſqu'à la
porte de ſa chambre ſans en fortir
. Aprés qu'ils luy eurent fait
leurs complimens , la Reynealla
ſe mettre fous un Dais dans un
Fauteuil de velours garny de galons
1
GALANT.
73
lons& de franges d'or , & les
Cardinaux ſe placerent dans des
Faureüils de velours à coſté , les
cing preſtres à la droite & les
cinq Diacres à la gauche. Ils
eurent un petit quart - d'heure
d'Audience où ils demeurerent
aſſis & couverts . En fortant la
Reyne les laiſſa au mesme endroitoù
elle les avoit receus , &
leMarquis Del Monte les reconduifit
de meſme juſqu'au haut
du degré de la Salle.
Le 16. Septembre le Pape fit
la Ceremonie de leur fermer la
bouche dans un Conſiſtoire ſecret
, & quinze jours aprés il fit
la ſeconde Ceremonie de la leur
ouvrir dans un autre Conſiſtoire.
Ces Ceremoies ſe firent à huit
clos, & ne font rien autre choſe
qu'un filence qu'il leur impoſe ,
qui les rend hors d'eſtat de pou-
Desembre 1686 . D
74 MERCURE
7
voit opiner dans les Conſiſtoires
&dans les Congregations;quand
il déclare enſuite qu'il leur ouvre
la bouche , il les releve de
ces empeſchemens. Il diſtribua
un Titre à chacun des Cardinaux
Preſtres ,& une Diaconie
à chacun des Diacres , & leur
mit en meſme temps une pierrerie
enchaſſée dans une Bague
d'or au quatriéme doigt de la
main droite pour marque du
Mariage Spirituel qu'ils avoient
contracté avec l'Eglife. Il y a
quelques-uns de ces Cardinaux
qui ont pris poſſeſſion de leur
Eglife. Voicy en general comme
letoutſe paſſe.
Le Cardinal ſe preſente en
Camail & en Rochet à la porte
de ſon Eglife. Les Chanoines,les
Preſtres , ou les Religieux ( felon
que l'Egliſe eſt deſſervie) le vienGALANT.
75
nent recevoir ,& luy prefentent
les clefs avec un Aſperſoir. Le
Cardinal poſe la main fur les
clefs, prend de l'Eau- benite pour
luy , & en donne àtout le Cler.
gé. Il entre aprés dans l'Eglife ,
s'affied ſous le Dais qu'on luy a
dreſſé , & un Notaire lit tους
haut en preſence du Clergé &
du Peuple,le contenu de la Bulle
qui luy donne le Titre,ou laDiaconie
. Les Chanoines , les Preftres
ou Religieux vont enſuite
luy baiſer la main ,& le conduiſentdans
la Sacriſtie où le Notaire
dreſſe ſon Procés Verbal .
Quand ils prennent la Poffeffion
en Ceremonie,les choſes ſe font
avec beaucoup plus de magnificence.
Les dix Cardinaux nouveaux
qui ſe ſont roncontrez à Rome ,
& à qui le Pape a diſtribué les
D 2
76 MERCURE
1
Titres & les Diaconies , font les
ſuivans .
•
I. Jacques de Angelis , natif de
Piſe , cy devant Archeveſque
d'Urbin & Vicegerent de Rome ,
Cardinal Preſtre du Titre de
Sainte Marie in Ara- cæli , Egliſe
Conventuelle de Mineurs Obfervantins
, dits Cordeliers , le
plus nombreux Convens qui
ſoit à Rome.
> II. Horace Mattei , Romain
Archeveſque de Damafcenes ,
cy-devant Auditeur de Rote , &
Majordome de Sa Sainteté, Cardinal
Preſtre du Titre de Saint
Laurent in Panifperna , Monaſtere
de Religieuſes de l'Obſervance
de S. François .
III. Marc Antoine Barbarigo ,
Noble Venitien , Archeveſque
de Corfou , Cardinal Preſtre du
Titre de Sainte Suzanne , Eglife
}
77
GALANT.
-
Parochiale , & Monastere de
Religieuſes Benedictines . Il y a eu
deux Doges de fa Famille , & il
ya encore un Cardinal vivant de
fonnom.
IV. Jean Caſimir , Polonois ,
Commandeur de l'Ordre des
Religieux Hoſpitaliers du S.
Eſprit à Rome , Cardinal Preſtre
du Titre de Saint lean à la Porte
Latine , Egliſe de devotion. Il eſt
de la Familledes Comtes de Denhoff,
Fils du grand Chambellan
de la Couronne, & Beaufrere du
Prince Lubormirſki,& duGeneral
Konski , le premier , Grand
Maréchal de la Couronne , & le
ſecond , palatin de Kiovie .
V. Leandre Coloredo , natif
du Frioul , Preſtre de la Congregation
de l'Oratoire de S.
Philippes de Neri , Cardinal
Preſtre du Titre de Saint Pierre
D3
78 MERCURE
in Montario , Egliſe Conventuelle
de Mineurs Reformez ,
appellez autrement Recolets. Il
reffemble de viſage & de moeurs
à Saint François de Sales, & eſt
proche Parent du Comte de
Vvalſa , Radolphe Coloredo ,
Chevalier de Malthe , Grand
Prieur de Boheme, & Maréchal
general des Armées des Empe->
reurs Ferdinand II.& Ferdinand
III . qui aprés avoir rendu des
ſervices importans dans laHongrie,
dans la Boheme &dans le
Dannemark, mourut a Prague,
chargé de gloire & d'années
en 1657.
VI. Dminique - Marie Corfi,
cy-devant Auditeur general de
la Chambre Apoftolique ,Cardinal
Diacre du Titre de S.
Eustache , Egliſe Collegiale &
Parochiale.
GALANT
79
VII . Jean-François Negroni,
Genois , cy- devant Treforier
general de la Chambre Apoſtolique
, Cardinal Diacre.
VIII. Fulvio Aſtalli , Romain ,
cy-devant Clerc de la Chambre
Apostolique , Cardinal Diacre
du Titre de S. Georges in
Velabro , Eglife Conventuelle
de Religieux Hermites de l'Ordre
de Saint Auguſtin.
IX. Gaspardde Cavallieri ,
Romain , cy devant Clerc de
la Chambre apoſtolique , Cardinal
Diacre du Titre de Sainte
Marie in Acquirio , Eglife Parochiale
& Hoſpitaliere de petits
Enfans orphelins.
X. Jean Gualtieri Slufio , Liegeois
, cy-devant Secretaire des
Brefs de Sa Sainteté , Cardinal
Diacre du Titre de Sainte магіє
della Scala ; Eglife Conventuel-
D 4
80
MERCURE
le de Religieux Carmes Déchauflez.
Voicy quelques particularitez
que j'ay creuës neceſſaires
pour la parfaite intelligence de
cette Relation. Quand j'ay dit
ledouble Royaume du Pape,j'ay
entendu ſon Royaume ſpirituel
qui embraſſe toute la Chrétienté
& ſon Royaume temporel
qui borne ſon étendue dans
l'Estat Eccleſiaſtique .
>
Les Princes du Soglio ſont ceux
qui ont droit d'eſtre ſur le Soglio ,
ou Trône du Pape , quand il
fait quelque fonction publique .
Monfieur l'Ambaſſadeur de
France eſt le premier prince du
Soglio , aprés l'Ambaſſadeur de
l'Empire. Il eſtoit incommodé
dans le temps du Conſiſtoire public;
s'il avoit eſté en estat d'y
aſſiſter, il auroit pris fon rang au
deſſusduConneſtable Colonne .
1
GALANT 3
La Confeffion de S. Pierre eſt
une petite Cave ou Chapelle
fouterraine ſous le Maiſtre Autel
de S. Pierre du Vatican , où l'on
conſerve précieuſement la moitié
des Corps de S. Pierre & de
Saint Paul ; les autres moitiez
ſont dans une autre Egliſe dédiée
à S. paul , à un mille hors de la
Ville. Autrefois les Empereurs
alloient faire leur confeffion de
Foydevant cette Chappelle , &
tous les Eveſques d'Italie ſont
encore obligez de la venir viſiter
tous les trois ans une fois.
L'on appelle les Caroffes des
Cardinaux , Caroffes de ceremonie
quandils font mettre des
houpesrouges àla teſte de leurs
chevaux,& alors tous les Carofſes
qu'ils rencontrent ſont obligez
de s'arreſter.
Les cinq Eglifes Baſiliques
D
82 MERCURE
Patriarchales de Rome reprefentent
une ſeule Eglife formelle &
intellectuelle,bien qu'elles foient
cinq materiellement ; de forte
qu'à les confiderer toutes enſemble
, ou chacune ſeparément,
elles font toûjours une ſeule Egliſe
Cathedrale ; l'Egliſe eſt l'Epouſe
de l'Eveſque, il ne peut en
avoir qu'une. On l'appelle Egliſe
Patriarchale , en confiderant le
rape comme patriarche de l'Oc
cident ; Bafilique veutdire,EglifeRoyale.
Les patriarches,Archeveſques
& Eveſques Affiftans font ceux
que le rape a choifis pour l'aſſiſter
dans les fonctions Ecclefiaftiques.
Les grandes Maiſons,que nous
appellons en France Hoſtels ,
s'appellent en Italiedes palais.
Les Feſtaroles ſont ceux qui
GALANT.
83
parent les Egliſes , les palais , &
les places publiques dans les
jours de Feſte & dans les temps
de réjoüiſſance. Souvenez - vous,
Madame , que dans toute cette
Relationje n'ay parlé que par la
bouche de Monfieur Chaffebras
, dont j'ay employé les termes.
Les trois Madrigaux , & les
Traductions de trois Epigrammes
de Catulle qui ſuivent , ſont
de Monfieur Moreau de Mautour
, Frere de Monfieur Moreau
, Avocat General de la
Chambredes Comptes deDijon.
Ils ont l'un & l'autre beaucoup
de talent pour la poësie galante ,
& pluſieurs Ouvrages qui ont
déja paru dans mes Lettres , ou
ſous leur nom , ou ſous des noms
ſuppoſez , vous l'ont fait connoiſtre.
D6
84
MERCURE
SUR DE BELLES DENTS.
Ove voftre
Ve voſtre air est doux &
riant !
Vos Dents feules ,Philis, plus blanches
& plus belles
Que Perles d'Orient ,
Cauſeroient dans un coeur des bleffures
mortelles ;
Si j'ofois les baifer , ah ! je ferois
perdu ,
Je ne puis y penser mesme Sans
vous déplaire ;
Je ſçais que ce plaisir eft pour moy
défendu ,
Et pour punir mon defir témeraire.
Je voudrois en estre mordu.
} 85
GALANT.
Q
Sur un Baiſer dérobé.
Vand j'ay pris malgré vous ,
charmante Celimene ,
Sur vostre belle bouche un baifer
tendre& doux ,
Pourquoy me menacer de toute vô
trehaine ?
Pourquoy montrer tant de cou_
roux ?
Vos appas , dont en vain je taſche
àme défendre ,
Vous ont vangée affez de ma témerité
, :
Puis qu'ils ont pris ma liberté
Pour celle que j'ay voulu prendre.
Par deux belles Amies infeparables,
dont l'une eſt Brune, l'autre
Blonde.
C
Harmer & plaire également
1
86 MERCURE
Entre Amies n'est pas chose quiſoit
commune,
Les beautez de la Blonde & celles
de la Brune
Partageroient également
Les voeux & lessoupirs du plus fidelleAmant
,
Et je ſens bien qu'un coeur delicat
en tendresse
Qui voudroit pour vous deux se
laiſſer enflamer ,
Auroit avec le doux plaisird'ai
mer
Leplaisirde changerSansceſſ.e.
Epigr. 71. de Catulle.
Nulli ſe dicit mulier , &c.
StiIje'enn crois ma Maistreffe , elle
n'aime que moy ,
De tout autrefon coeur mépriſe les
tendreffes ,
Et Seulje suis l'objet deses caxeffes
} GALANT. 87
Comme je leſuis defa foy;
Quand mefme Jupiter me voudroit
pour Epouse ,
Jeſuis de mon bonheur , dit- elle, fi
jalouse,
Que je ne voudroit pas un autre
Epoux que toy
Elle me parte ainfi ; mais tout ce
qu'une Femme
Dit à celuy qui l'aime tendre.
ment ,
Pourflater fon amour & Soulager
Saflame ,
Ie ne le crois que rarement.
Son esprit est leger , &Sonferment
moins stable ,
Ques'il étoit écritsur l'onde oufur
lefable.
1
Elle a des mots flateurs , mais les
plus doux ſouvent
Ne font que mots en l'air & que
discours frivoles ;
De toutes leurs douceurs , de toutes
Leurs paroles ,
88 MERCURE
Autanten emporte le vent.
Epig. 76 .
Huc eſt mens deducta , &c.
L
Esbieaſceutellement me c
mer ,
char-
Et rendre à la raiſon mon espritfi
contraire.
Que quelque bien ou mal qu'elle
veüille me faire,
Ie ne la puis hair , ny ne la puis
aimer.
Epigr. 110.
Jucundum mea vita , &c .
T
U me promets , Lesbie , en
cemoment ,
Qu'une amour tendre & mutuelle
Nous unira tous deux d'une chasſne
eternelle,
Grands Dieux,faites que ceferment
[delle.
Parte d'un coeur&fincere & fi-
Entre Lesbie & moy , vous connoitrez
toujours
GALANT.
89
!
Une amitiéfi belle ,
Que la mort n'en pourra mesme
rompre le cours.
Vous trouverez dans ces au
tres Vers une fiction , dont je ne
doute point que vous n'eſtimiez
la nouveauté.
BOUQUET SANS BOUQUET.
Hilis pour vous offrir des
Philip
I'allay chez la Déeſſe Flore
Si- toſt que i'apperçeus l'Aurore
Nous montrer les vives couleurs.
Ie fis le tour d'un grand Parterre
,
Où ie rencontray mille Amans ,
Qui pour l'obiet de leurs tourmës
Faifoient une petiteguerre.
Comme le vis que dans ces lieux
C'eſtoit à qui pilleroit mieux ,
Ie voulus entrer en partage
وه
MERCURE
;
De tout ce que ce iardinage
Avoſt produit de bean , d'oeillets &
de jasmins.
De roses & de lys j'avois remply
mes mains ,
Quand Florefans deffein deſemettre
en colere ,
Me demanda pourquoy j'avois
cueilly ces lys.
Moy qui defa demande ignorois le
mystere ,
Ie luy dis, pour Philis .Ab si c'est
pourPhilis ,
Rends-le-moy , Berger , me ditelle,
Philis n'est point une Mortelle,
Et ces fleurs nefont en ces lieux
Que pour celles dont les beaux
yeux
Aux Hommes feuls donnent atteinte
,
Comme une Iris , comme uneAmynte
;
GALANT.
91
{
Mais Philis, dont les traitspuif-
Sans
Forcent laraifon & les sens ,
Qui iusqu'aux Cieux met fon
Empire ,
Four qui tout l'Univers Soupire ,
Dont les Dieux mesme font jaloux
;
Ah ! ie reffentirois leurs coups ,
Si cesfleurs qui font mon partage,
Avoient l'honneur & l'avantage
D'approcher de Philis : ainfi, mon
cher Berger ,
Va- t- enfans me mettre en danger
De fouffrir du grand Dieu quelque
coup de tonnerre ,
Qui gâteroit mes fleurs ,& brûleroit
ma terre.
Ainsi iefortis duJardin
Sans lys,fans roses ,Sansiasmin.
Je vous envoye un air nou
92
MERCURE
veau , dont les Vers ne plaiſent
pas moins que la muſique. C'eſt
une peinture naturelle d'un
Amantqui n'eſt occupé que de
ſon amour.
AIR NOUVEAU.
Etits Moutons , qui dans la
plaine
Paiſſez fans crainte des Loups ,
Nevous repoſez point fur celuy qui
vous mene ,
Ilrefueàſon Inhumaine ,
Et ne fonge point à vous
Ie vous ay mandé dans ma
Lettre de Novembre que le Parlement
eſtoit rentré le 26. du
mesme mois ,& que Monfieur
de Lamoignon , Avocat General
, avoit fait un tres beau Difcours.
Quoy qu'il euſt à parler
GALANT. 93
aux Avocats , l'Eloge du Roy luy
en fournit le Sujet. Comme il
vouloit les porter à la plus exacte
obſervation de la luſtice , & à
n'épargner ny peines ny ſoins
pour faire paroiſtre aux luges
dans la plus droite équité les
droits legitimes des Parties , il fit
un recit de toutes les actions pleines
de luſtice que ce Grand
Monarque a faites , afin qu'en
le voyant dans un travail ſans
rélache , ils s'en fiſſent un modelle
pour s'appliquer comme
luy.En effet on trouve tout dans
la vie de Sa Majesté , & quoy
qu'il y ait de grandes vertus particulieres
aux Roys , & qu'on
n'en ait jamais veu de plus éclatantes
que les ſiennes , il eſt
certain que les Particuliers en
peuvent tirer de grands avantages
pour ſe former chacun
94
MERCURE
ſelon la conduite qu'il a à tenir.
Monfieur de Lamoignon , entre
pluſieurs choses qu'il dit touchant
labonté du Roy , fit remarque
qu'on luy eſtoit obligé
du ſecret qu'il avoit gardé fur
l'Operation qu'il s'eſtoit fait faire,
&que ce Monarque avoit bien
voulu ſe charger par là de toute
noſtre inquietude , qui nous auroit
fait beaucoup de peine.Monſieur
le Premier Preſident dit en
peu de mots aux Avocats , qu'aprés
ce qu'ils venoient d'entendre
d'un Orateur né , il n'avoit
rien à leur dire pour les exciter à
bien faire leur devoir.
Le Vendredy 29. Monfieur
du Harlay , ProcureurGeneral ,
fit la Mercuriale. Il meſla dans
fon Diſcours le Portrait d'un Juge
à qui l'on ne pouvoit imputer
aucun défaut , & dis que c'eſtoir
GALANT.
95
celuy de feu Monfieur d'Ormeſſon
, qui estoit mort depuis
peudejours;que ſa Maiſon eſtoit
le ſejour de la Iuftice , & que
meſme pendant qu'il avoit ceffé
de travailler , il l'avoit renduë
chaque jour aux particuliers
qu'il accommodoit. Monfieur le
Premier Preſident parla fort aux
Procureurs ,pour leur faire entendre
qu'ils ne devoient pas
tant faire valoir aux Parties ce
qui dépend de leur miniſtere.
Les Parlemens décident des
grandes Affaires , mais peuteſtre
n'en fut-il jamais aucune ,
ny plus importante , ny plusextraordinaire
, que celle qui vient
de faire intenter Procez , & dont
vous allez trouver le détail dans
unenouvelle Lettre que je vous
envoye deMonfieur Vignier. Il
l'aécrite à Madame la Marquiſe
1
96 MERCURE
d'Anguitard. C'eſt une Dame
d'un fort grand merite , de la
Maiſon de Saint Gelais de Lufignan,&
qui n'eſt pas moins conſiderable
par ſon eſprit que par
ſa naiſſance. Vous jugez bien
qu'il ne voudroit pas l'entretenir
d'une Avanture dont il croiroit
les circonstances douteuſes. Sa
Lettre eſt du 4. de ce mois.
*************
A MADAME
2
LA MARQUISE
D'ANGUITARD .
Aurois bien de
me ,
bien la joye , Madad'apprendre
ſouvent quelque
nouvelle extraordinaire pour
vous en faire part , puisqu'une de
VOS
GALAN Τ.
97
vos Lettres vaut mille fois mieux
que tout ce que l'on peutvous mander.
L'ay receucelle que vous m'avez
fait l'honneurdem'écrire com
me un bien qui me venoit de pure
grace , & que je ne meritois pas
pour une Historiette que vous n'avez
pû voir que huit mois aprés
que je vous l'eus adressée. F'espere
que celle cy ne fera pas si longtemps
par les Chemins , & qu'elle
vousfera connoistre le plaisir que
jay de parler à l'avantage d'urs
Sexe qui ne sçaurois estre affez
loüé. La Dame dont je vais vous
entretenir en fera foy , &fi quel
ques incredules prennent cette Re
lationpour une Fable , un des pre--
miers Parlemens du Royaumefera
voir par l'Arrest qu'il rendra que
c'est une verité. Il y a plus de
quinze ans qu'un jeune Gentilhomme
d'Auvergne , Fils unique d'un
Decembre 1686 . E
98 MERCURE
Perefort riche , qui tenoit un raug
confiderable dans sa Province ,
eftant Officier dans les Troupes du
Roy, eut fon quartier d'Hiverproche
d'une Maison de Chanoineſſes .
Voussçavez , Madame , qu'ily en
a peu qui ne soient d'une qualité
distinguée , & vous sçavez encore
l'honneste liberté qu'elles ont de
voir le monde , & mesme de se
marier quand elle y trouvent leur
avantage. Nostre Gentilhomme ne
fut pas long- temps dans un si
agreable Voisinage ,Sans y rendre
des viſites , &fans se rendre auſſi
des le second voyage au merite
d'une de ces Dames. Comme ilfe
faisoit distinguer parson nom , par
Sa bonne mine , & par mille qualitez
avantageuſes qu'il poſſedoit,
La belle Chanoineſſe nefut pasfafchée
des'apercevoir qu'elle avoit
Sseu le toucher; mais ellefut encore
GALANT. 11099
plus contente lorſqueſans perdre be
temps à soupirer , il la pria de le
recevoirpourfon Epoux , ce qu'elle
accepta volontiers , & il luy fit
promettre de tenir la choſe ſecrete
àcause de ſes Parens. Il en rece
voit fouvent des Lettres , & leur
tendreſſe le preffoit de les venir
voir, mais il ne pouvoitſe reſoudre
d'y aller feul , Sa nouvelle Epouse
pour lefatis-faire s'offrir defe dé
guifer & de le ſuivre. Sa Nourrice
qui ne l'avoit jamais quitéefut du
déguisement , & dans cet eftatils
Semirent en chemin. N'estant plus
qu'àfept ou huit lieuës de la Mai-
Son de fon Pere , il s'arresta chez
un deses Amis , &le pria de trou
ver bon que les deux Cavaliers qui
estoient avec luy demeuraſſent
quelques jours danssa Maison. It
lesylaiffa , & partit pourse rendre
auprés de ceux quil'attendoient
E 2
100 MERCURE
avec grande impatience. La joye
qu'ils eurent de le voir fi bien-fait
& avec autant d'esprit que de
bonne mine , ne leur laiſſa rien
oublier de ce qui pouvoit le divertir
, mais quelques carefſes qu'ils
luy fiffent,Sa Mere s'aperceut qu'il
avoit un fond de mélancolie extraordinaire
, & elle fit tout ce qu'elle
put pour en découvrir la caufe,qu'il
fçût attribuer tantoſt à une choſe ,
santoſt à un autre. Il arriva dans
ce temps là qu'une Demoiselle de
Sa Mere futmariée , & que l'on
parla de donner une Gouvernante
àunepetite Soeur qu'il avoit. Cette
occafion luy parut favorable pour
v'estre point separé de celle qu'il
aimoit plus que sa vie , & pour
ne la laiſſer pas échaper , il dit à
Sa Mere qu'en paffant chez un de
fes Amis il avoit veu deux De-
:
} GALANT.
moiſelles tres bien faites , &capables
de remplir avecfatisfaction les
deux Places de Gouvernante, & de
Suivante. La Mere qui ne cher
choit qu'à le fatisfaire , l'affura ent
l'embraſſant , qu'elle auroit plus.
d'inclination pour deux personnes
qui luy ſeroient données de ſa main,
que pour toutes celles dont on luy
avsit déja parlé ,& qu'il pouvoit
les faire venir quand il voudroit.
Il partit dès le lendemain , décou
writ le secret àfon Amy fit réprendre
les habits àſa Bien-aimée &
à ſa Nourrice , & les instruifit de
tout ce qu'elles avoient à faire.
Elles furent admirablement bien
receuës du Maistre &de la Maiftreffe
du Chasteau qui estoient char
mezde la bonne mine de l'une;&de
la beautéde l'autre. Ils furent dans
tafuitefiSatisfaits de leur conduite
E 3
102 MERCURE
qu'ils leur donnerent la difpofition
detoutes choses. La Dame mesme
diſoit ſouvent àſon Fils qu'elle se
fentoit une tendreffe de Mere pour
cette Demoiselle , & qu'elle luy
Souhaiteroit uneFemme qui eust autant
d'esprit& d'agrémens qu'elle
en avoit. Vous ne doutez pas , Madame
, du plaisir que cela faisoit
ànoſtre jeune Epoux , à qui l'enjoüement
revenoit de jour en tour ,
ce qui le rendoit auſſide plus en plus
agreable à tout le monde.
Tout commençoit à flater leurs
defirs .
Mais une funeſte tempeſte,
Dans le plus fort de leurs paiſirs.
S'en vint troubler toute la Feſte .
Cette illuftre Suivante s'aperçût
qu'elle estoit groſſe , & pour furcroist
d'affliction son cher Epoux
GALANT.
103
receut ordre de la Courpourse ren
dre en diligence àfon Regiment.
L'honneur & le devoir ne luy don.
nerent pourfaire ſes tristes Adieuxque
iusques au lendemain qu'il
partit en Pofte. Ilnefut pas plûtoſt
arrivé à ſa Garnison , qu'un nouvel
ordre du Roy l'obligea d'aller
joindre un Corps d'Armée que l'on
avoit fait avancerſur la Frontiere
pour s'oppoſer aux deſſeins des Ennemis.
Ayant esté choisy pour com
mander un Party de trois cens Chevaux
, il en rencontra un des Ennemis
plus fort ; mais il ne laiſſa
pas de le charger avec tant de vigueur&
de conduite , qu'il le défit
entierement. Ily fut blesséà mort ,
& comme il avoit fait fon Testament
& qu'il le portoït toûjours
furluy, il eut le temps avant que
d'expirer d'en charger un de ses
intimes Amis pourle mettre entre
E 4
104
MERCURE
les mains de fon Pere & de fa
Mere , avec une Lettre qu'il avoit
écriteàſa Femme. Cet Amy peu de
jours aprés tomba dans une Emba-
Scade des Ennemis , &fut fait pri
Jonnier. Cependant on ſceut dans
la Province la nouvelle de cette
mort , on la cacha tant que l'on pût
àceux qui ne pouvoient l'apprendre
Sans courir risque de mourir euxmesmes.
Il fallut pourtant qu'ils
la ſceuffent ,&chacun dans l'inte
rest qu'ily prenoit fit éclater tout
ce que l'on peut s'imaginer de plus
douloureux. L'aimable Suivante
estoit la plus àplaindre ayant à
garder des mesures , où les autres
n'en avoient point . Durant l'ab-
Sence du Défunt elle avoitſouvent
viſité un Hermite qui n'étoit qu'à
une lieuë du lieu où elle demeuroit,
&luy avoit fait confidence de fon
Mariage & de sa groffeffe. Sur
GALANT .
105
ces entrefaites un vieux Reclus
qui demeuroit proche de l'Hermite
vint à mourir , & àlaiſſerſa Place
Vacante .
Que ne fait point un noble
Coeur.
Quand il eſt penetré d'unejuſte
douleur !
La Veuveſouhaita cette affreuſe
demeure
Afin d'y faire ſon Séjour ,
Etd'y pleurer juſqu'à ſa derniere
heure
44
Le digne Objet de ſon Amour..
Elle en fit la propoſition à l'Hermite
qui luy fit voir tant d'impofſibilitez
du coſté de la Terre&du
coftédu Ciel , que tout autre qu'ell
le n'y auroit pas pensé davantage.
Elle neſe rebuta pourtant pas ,&
fon obstination prévalutfur tontess
E
106 MERCURE
les raiſons du Solitaire. Ils conclutent
donc qu'elle se renfermeroit
avecſa chere Nourrice qui ne vouloit
point l'abandonner. Comme il
estoit le Maistre du Lieu , il trouva
Les moyens de lesy faire entrer ,&
d'en murer la portefans que per-
Sonnes'en apperçût,&de leurfournir
toutes les choses neceſſaires pour
leur fubſiſtance. Le Gentilhomme
qui avoit estéfait prisonnier aprés
Lamort defon Amy ayant esté efchangé,
vint enProvince,&porta
au Pere& àla Mere leTestament
de leur Fils qui redoubla vivement
Leur douleur , quandilleur fit voir
qu'il estoit marié à la personne
dont ils avoient tant regreté l'abfence,
qu'elle estoit groſſe, &d'une
naiſſance qui nepouvoit leur faire
de deshonneur , & qu'illes conju
roit de la reconnoistrepour leur Fil
la &d'avoirpour l'Enfant qui en
GALANT.
107
viendroit la mesme tendreſſe qu'ils
avoient euë pour luy. Ils l'auroient
Souhaité,mais quelques recherches
qu'ils puſſent faire , ils n'en purent
avoir aucunes nouvelles. Cependant
noftre Recluse accoucha au bout de
fix mois d'une Fille dont ellefut elle
mesme la Nourrice, & qu'elle éleva
jusqu'àl'âge de quinze ans , avec
tout le ſoin dont une Mere auffi
noble & auffi vertueuse qu'elle ,
estoit capable. Lors qu'elle se vit
Sur le point de quitter la Terre&
d'y laiſſerſa FilleSans Pere &Sans
Mere , Elle la fit approcher d'elle
pour luy donner le Portrait de fon
Mary , & pour luy remettre entre
les mains leur ContratdeMariage
&quelques Papiers qui pouvoient
luy Servir dans la Suite. L'Hermi
te , qui par des raiſons particulie
res n'avoit ofé parlerde la qualité
de la Recluse ,fut obligé dans cette
E6
108 MERCURE
rencontre d'aller trouverle Pere &
la Mere du Gentilhomme , & de
leur dire tout ce qui s'estoit passé.
Ils luy firentbeaucoup de reproches,
mais ilfallut qu'ilsse contentaſſent
de la reſtitution qu'il leur faisoit
d'une Fille toute charmante. Ils reconnurent
le Portrait de leur Fils
qu'elle avoit à ſon cou , & ne pou
vantſe lafſſer de l'embraſſer , ils la
menerent chez- eux avec leurfidelle
Gouvernante. Quelque - temps aprés
, leur Fille dont la Nourrice
avoit auſſi eſté Gouvernante mourut
, & n'ayant plus que cellequ'ils
avoient recouvrée , ils la déclarerent
heritiere univerſelle de tous
leurs biens . Ils estoient âgez , & ne
pouvant s'exempter de payer le
Tribut à la Nature ,le Mary &la
Femme moururent à cinq ou fix
mois l'un de l'autre . Ils avoient des
Neveux qui pretendoient, à leur
GALANT. 1.09
Succeſſion, dont leur petite Fille s'est
mise en poffeffion , Surquoy ils ont.
intenté Procés contre elle. Onsçauxa
ce que le Parlement en ordonnera.
Jeſuis avec beaucoup de respect..
Madame , Vostre , &c .
Je ne ſçay , Madame , fi je
vous ay mandé , que les Dames
Chanoineffes de Bouxfier en
Lorraine ayant tenu Chapitre,,
y avoient élû pour leur Abbeſſe:
Madame Anne de Simiane de
Moncha , Chanoineſſe de Remiremont
, que ſon merite rend.
auffi confiderable que ſa naiffance.
Quoy qu'elle ſoit dans,
une grande jeuneſſe,elle s'eſt fait
toûjours diftinguer par fa conduite
& par ſa vertu , & le choix
qu'on a fait d'elle en eſt une
preuve bien certaine , puis qu'il
y a parmy les Dames de Bouxfier
110 MERCURE
quantité de Filles qui auroient
remply dignement ce poſte , &
qu'elles ſont ſorties de leur corps
pour avoir Madame de Simiane
à leur teſte. Elle partit de Paris
le 20. de Septembre , accompa
gnée de Madame de Mechatiu
du Boüis , Chanoineſſe de Remiremont
,& fe rendit à mets , où
elle devoit préter ſerment de fidelité
au Roy entre les mainsdu
Chefde ce Parlement,ce qu'elle
fit avec un aplaudiſſement general
. Lors qu'elle arriva à Mets,
elle y trouva deux Dames que
l'Abbaye de Bouxfier avoit députées
pour luy faire compliment;
elle y répondit , & avec
beaucoup d'eſprit , & avec fes
manieres qui ſont extrêmement
engageantes,& fe rendit àBouxfier
le 9. Octobre. Les premiers
Officiers de la Juſtice vinrent la
GALANT.
complimenter à deux lieuës de
là, & quand elle fut ſur un grand
Pont qu'il falloit paſſer pour ar
river à la Montagne , elle ytrouva
le Maire accompagné d'autres
Officiers , & ſuivy de toute
la Bourgeoiſie , qui fit trois décharges.
En meſme temps on
apperceut toute la Montagne en
feu. Il eſtoit cauſé par divers:
Feux d'artifice que l'on avoit
mis audelà de la Montagne , ce
qui faitoit une reverberation
admirable dans les eaux de la
Riviere qui paſſe au pied. Cette
illuſtre Abbeſſe ayant monté la
Montagne , entra dans l'agreable
Desert où eſt l'Abbaye de Bouxfier.
La ſituation n'en ſçauroit
eſtre plus belle ,& elle l'eſt d'autant
plus , que cette Maiſon eſt
tout proche de Nancy. Elle
trouva à la premiere grand
112 MERCURE
Porte tout fon Chapitre , à la
teſte duquel eſtoit la Dame ancienne,
qui aprés luy avoir marqué
la joye que toutes ces Dames
avoientde la voir arrivée heureuſement
la mena chez elle , où
elle la regala pendant quelques
jours , La priſe de Poſſeſſion ſe
fit avec les ceremonies accoutumées
, & les Dames n'oublierent
rien de tout ce qui ſe pratique
en une pareille occafion..
Elles envoyerent prier Monfieur
le Marquis des Rautours, qui eſt
un homme d'une qualité diſtinguée
, & quia eu l'honneur de:
conduireMadame la Dauphine ::
en France ; de venir atteſter
cette priſe de poſſeſſion ſelon la
forme ordinaire , ce qu'il fit dans
le Chapitre ; aprés quoy madamel'Abbeſſe
fut inſtalée. Tout
leCorps la conduiſit à la place
GALANT.
103
e!
0
2
qu'elle occupe dans l'Eglife . On
chanta le Te Deum , où une belle
Simphonie ſe fit entendre auffi
bien qu'à la Meſſe qui fut celebrée
enſuite. Au fortir de l'Egliſe,
toutes les Dames la menerent
dansſa Maiſon ,& elle leur donna
un repas tres- magnifique.
Il y a des choſes d'un certain
poids , qui peuvent ſe faire attendre.
Le detail de ce qui s'eſt
fait à l'Etabliſſement de l'Academie
Royale d'Angers eſt de
ce nombre. le vous le promers
depuis quelques mois , & enfin
jevous tiens paroles d'une maniere
qui vous recompenſera du
retardement. La Relation que
j'en ay receuë , non ſeulement
en contient jaſques aux moindres
circonstances mais elle enferme
les particularitez d'une
Feſte qui a eſté faite dans la Ville
114 MERCURE
pour une Statuë qu'on a élevée
au Roy. Cette Relation qui eſt
trés exacte , eſt d'ailleurs bien
mieux écrite qu'elle ne l'auroit
eſté , s'il m'euſt fallu la dreſſer
fur des Memoires envoyez ſans
ordre. Elle m'a eſté donnée en
ces termes .
La Province d'Anjou n'a pas
ſeulement eſté favoriſée par la
Nature de tout ce qui peut contribuer
à la rendre une des plus
agreables , & des plus fertiles du
Royaume , elle eſt encore plus
recommandable par un tresgrand
nombre d'hommes Sçavansqu'elle
a produits dans tous
les Siecles ; & la fubtilité de ſon
climat ſemble s'eſtre communiquée
juſqu'aux eſprits de ſes
Habitans. L'inclination naturelle
des Angevins pour les
Sciences , obligea l'un de leurs
GALANT.
119
Ducs d'établir dans la Ville
d'Angers une Vniverſité , quia
toûjours eſté comme une pepi-
- niere de grands Perſonnages , &
que les Rois de France ont de
puis honorez de grands Privile.
ges , en des termes ſi pleins d'eſtime
pour le Genie des Peuples
de cette Ville , que ſi dans la ſuic
te ils ont répondu à l'opinion
qu'on avoit conceuë de leur me
rite , on peut croire qu'ils y ont
eſté portez autant par le defir
de ſe rendre dignes des loüanges
de leurs Princes , que par
leur propre inclination . Ceux
qui habitent aujourd'huy cette
Province n'ont point dégeneré
de la vertu de leurs Anceſtres .
Ils ont conſervé la meſme ardeur,
&lesmeſmesdiſpoſitions pour les
plus hautes connoiſſances ; mais
comme ſous unRegneauſſi florif
16 MERCURE
ſant que celuy du Roy on ne
fçauroit rien ſouffrir qui ne foit
dans la derniere perfection , ils
n'ont pas crû pouvoir y parvenir,
s'ils ne joignoientàleurs Etudes
le ſecours des Conferences Academiques
, également propres à
former les eſprits par la communication
de leurs connoiſfances
& de leurs lumieres , & à
leur inſpirer cette noble émulation
, qui les entretient dans un
travail plus affidu . Sa majeſté qui
favoriſe avec une extrême bonté
tout ce qui peut rendre les Peuplesplus
heureux , accorda ſans
peine l'établiſſement d'une Academie
de belles Lettres dans la
Ville d'Angers , à la priere que
luy en firent Monfieurle Comre
d'Armagnac , GrandEcuyer de
France,& Gouverneur de la Pro
vince d'Anjou , & Monfieur
GALANT.
117
de Chaſteauneuf , Secretaire
d'Etat .
Les Officiers du Corps de
Ville , qui regardent cette nouvelle
Compagnie, comme un des
plus grands ornemens de leur
Patrie, reſolurent pour en témoi
gner leur reconnoiſſance au
Roy , de luy élever une Statuë
dans leur Hoſtel. Ils en demanderent
la permiffion à Sa Majeſté
qui la leur accorda pour leur
propre fatisfaction plutoſt que
pour ſa gloire , & afin que cette
Ceremonie ſe fiſt avec plus déclat
, on refolut de faire dans le
meſme jour l'ouverture de l'Academie.
Monfieur de Nointel , Maiſtre
ordinaire des Requeſtes de l'Hoſtel
, Intendant de la Generalité
de Tours , & l'un des trente
nommez par le Roy pour com
118 MERCURE
poſer cette Compagnie , ayant
receu l'ordre de Sa Majesté d'en
faire l'établiſſement , ſe rendit
dans la Ville& choiſit pourcette
Ceremonie le Lundy , premier
jour du mois de Juillet dernier.
La Feſte fut annoncée dés
le point du jour par une décharge
de tout le Canon , qui fut
auſſi- toſt ſuivie du bruit des
Tambours , &des Fanfares des
Trompetes, Monfieur l'Eveſque
d'Angers , perfuadé que l'Egliſe
qui participe aux bien- faits des
Rois , nedoit pas ſe contenterde
leur en marquer ſa recõnoiſſance
par des Prieres, & pardes voeux,
mais qu'il eſt meſme de ſon devoir
d'entrer dans les Réjoüilſances
publiquesque les Peuples
font à leur honneur , avoit ordonné
qu'on ſonnaſt les Cleches
de la Ville pendant une
GALANT. 119
heure ; l'Egliſe Cathedrale en
donna le ſignal , & fut fuivie de
toutes les autres. Il ne fut pas
neceſſaired'avertir les Habitans
deceſſer leur travail & de tenir
les Boutiques fermées ; la joye
déja répanduë dans le Peuple,
luy fit oublier le ſoin de ſes
propres affaires ,& le ſentiment
de ſes beſoins , pour ne penſer
qu'a contribuer à la magnificence
decette journée , & tous ſe
rendirent en Armes ſous 24.
Drapeaux , fuivant l'ordre qu'ils
en avoient receu de Monfieur
d'Autichamp , Lieutenant de
Roy , & Commandant dans la
Ville& dans le Chaſteau d'Angers.
Un tres - grand nombre de
Perſonnes remarquables , non
ſeulement de la Ville & de la
Provinces mais auſſi des Provinces
voiſines , que l'éclat de
cette Feſte avoit attirées, ſe trou
110 MERCURE
verent dans la grande Salle de
l'Hoſtel de Ville , qu'on avoit
parée de riches Tapiſſeries , de
divers Portraits de nos Rois &
desComtes d'Anjou,* Tiges illuftres
des deux Maiſons Royales
de France & d'Angleterre , & de
ceux des Hommes de Lettres
originaires de cette Province .
Bien- toſt aprés Monfieur l'Eveſqued'Angers
, Monfieur l'Intendant
, & Monfieur d'Autichamp
, accompagnez de la plus
confiderable partie de la No.
bleſſe ,& de quelques - uns des
Academiciens , partirent du
Chaſteau , où Monfieur d'Autichamp
leur avoit donné un magnifique
Repas , & ſe rendirent
à l'Hoſtel de Ville au travers
*Robert le Fort, Tige de la Maiſon Royale
de France.
Geoffroy Plantegens.Tige de la Maiſon
Royale d'Angleterre.
d'une
GALANT. 121
d'une double haye de Bourgeois.
ſous les Armes. Ils y furent receus
par les Officiers de Ville, &
prirent place dans trois Fauteüils
aubout d'un grand Bureau deſtiné
pour l'Academie les Academiciens
,& les Officiers de Ville
ſe placerent des deux coſtez.
Ce fut un agreable Spectaclede
voir en meſme temps les
Portraits des Souverains qui ont
commandé dans cette Province,
ceux des Hommes de Lettres
qu'elle a produits , & dans le
meſme lieu les peſcendans de
ceux-cy , qui formoient cette
nouvelle Academie , & que les
Images de leurs Anceſtres excitoient
encore à marcher ſur leurs
traces , & à imiter leurs vertus .
On voyoit en mefme temps un
tres grand nombre de Dames ,
dont la beauté ſembloit diſputer
Desembre 1686 .
F
122 MERCURE
)
à l'Academie l'honneurde cette
Feſte ; & à la teſte d'une aufli
belle Affemblée trois Perſonnes
qui ſe ſont renduës celebres ,
Monfieur l'Eveſque d'Angers,
dans l'Eglife . Monfieur de Nointel
, dans la Robe , & Monfieur
d'Autichamp , dans l'Epée , par
les longs ſervices qu'il a rendus
avec autant de valeur que de
prudence.
Ce Spectacle nouveau occupa
long temps les yeux & l'eſprit de
toute l'Aſſemblée, & fit un filence
d'admiration , qui ne fut
interrompu que par la lecture
des Lettres patentes , & des Statuts
de l'Academie , de la liſte..
des Academiciens ; de l'Arreſt
de verification au Parlement de
Paris , & de l'Enregiſtrement
fait au Prefidial d'Angers , où
Monfieur Martineau , premier
GALANT.
123
Avocat du Roy dans ce Siege ,
&l'un des Academiciens , avoit
porté la parole pour le requerir,
avec ſa grace & fon éloquence
ordinaire.
Après cette lecture Monfieur
l'Intendant prit la parole , & fit
un Difcours qu'on ne peut affez
loüer. Il commença par l'éloge
de la Province d'Anjou , & des
Hommes qui s'y font rendus
celebresdans les Lettres. Il parla
de l'utilité des Academies , des
eſperances qu'on doit concevoir
de celle d'Angers , de l'obligation
qu'elle a d'employer ſes
veilles à loüer le Roy , fon Auguſte
Fondateur ; & luy meſme
endonna l'exemple avec tant de
force & tant d'éloquence , qu'il
ſembla n'avoir rien laiſſé à faire
à cette nouvelle Compagnie , &
l'on peut dire qu'il n'établit pas
F 2
124
MERCURE
1
moins l'academie par la beauté
de cette action , quepar les Lettres
patentes.I
Monfieur Gourreau , Con
ſeiller honoraire au Prefidial
d'Angers , & Doyen des Conſeillers
de Ville , répondit au nom
de l'Academie par un autre
Diſcours , qui remplit tout ce
qu'on pouvoit attendre d'une
Perſonne qui a donné dans pluſieurs
Actions publiques des
preuves de ſon éloquence & de
fon ſçavoir. Il fit connoiſtre que
l'établiſſement de l'Acacemie,
quelque avantageux qu'il fuſt à
la Province par l'utilité qu'on
en pouvoit eſperer, luy devenoit
encore plus precieux de la main
duMonarque à qui elle en eſtoit
redevable . Il y meſla l'éloge de
l'Academie Françoiſe , & quoy
qu'il ſemble qu'on ait épuisé tout
;
GALANT. 125
:
t
ce qui ſe peut dire de la grandeur
de Sa Majesté , & de l'avantage
des Academies des belles
Lettres , ces deux Diſcours
firent connoiſtre que ces matieres
ſont inépuiſables , & fourniſſent
toûjours quelque choſe
de grand & de nouveau , quand
elles font maniées par des
Genies du premier ordre. Monfieur
Gourreau ayant ceſſé de
parler , toute la Compagnie ſe
répandit ſur les Terraffes , &
dans le lardin de l'Hoſtel de
Ville , où l'on avoit élevé la
Statue du Roy.
Le lieu ne pouvoit eſtre mieux
choiſi . Cet Hoſtel qui peut pafſer
pour un des plus beaux Edifices
du Royaume, fut baſty par
Pierre Poyet, Lieutenant General
, & Maire d'Angers , Frere
aîné du Chancelier Poyet , & il
قو
F3
126 MERCURE
La eſté depuis beaucoup embelly
par les ſoins de Monfieur Charlot,
dernier Maire de la Ville,
l'un des Academiciens , & celuy
qui forma les premiers projets
del'Academie pendant ſon adminiſtration
. Il eſt ſitué dans uu
lieu fort élevé , qui d'un coſté
commande à toute la Ville , &
de l'autre àune tres belle Campagne
,arrofée de trois grandes
Rivieres qui viennent ſejoindre
en ce lieu la pour paſſer au
travers de la Ville. En face de
ce ſuperbe Baſtiment eſt une
grande Court avec , des
Terraſſes en Balustrades , d'où
l'on deſcend par un double Eſcalier
d'une belle ordonnance ,
dans un Jardin , qui n'eſt ſeparé
de la principale Place publique
que par une Balustrade de fer,
qui le laiſſe voir tout entier.
:
127
GALANT.
-
C'eſtdans ce Jardin que la Ville
a fait ériger la Statue du Roy,
où elle est également en veuë
de l'Hoſtel de Ville , & de la
Place publique. Si toſt qu'on
l'eut découverte , elle fut ſalüée
par une décharge du Canon , &
par pluſieurs ſalves de toute la
Milice. On entendit divers Concerts
de Trompettes , de Hautbois
, & de Violons , qu'on avoit
diſperſez ſur les Terraſſes de
'Hoſtel de Ville , où l'on avoit
auſſi placé des Fontaines qui
ceulerent tout le reſtedu jour.
La joye du Peuple éclata d'une
maniere ſurprenante, & par des
tranſports qui ne ſont connus
que ſous le Regne des bons
Princes. Aprés que ces agreables
emportemens de plaiſir eurent
long-temps occupé tous les
Spectateurs , les perſonnes de
F4
128 MERCURE
qualité furent rapellées dans
-une des Salles de l'Hoſtel de Ville
, où elles trouverent plufieurs
Tables que Monfieur
Renou de la Feauté , Conſeiller
au Prefidial & Maire d'Angers
, avoit fait ſervir de tout
ce qui ſe peut ſouhaiter de
plus delicat , ſans qu'il euſt eſté
preſque beſoin de le chercher
ailleurs que dans la Province
meſme. Ce regale qui dura juſqu'à
la nuit , fut interrompu par
un grand éclat de lumiere qu'on
vit aux Feneſtres de la Salle.
C'eſtoit une Illumination qui
paruttoutd'un coup dans toutes
les Maiſons de la Ville & jufqu'aux
Clochers des Egliſes. La
Cathedrale ſe diſtingua non feulement
par un feu qu'elle fir
paroiſtre dans ce ſuperbe Clocher
, qui fait l'admiration des
1
GALANT.
129
Etrangers & des plus Sçavans
Architectes , mais encore par
un tres- beau Concert qu'elle y
fit entendre. Pluſieurs Villages
dela Campagne voiſine , ſituez
le long des bords de ces trois
Rivieres , fuivirent l'exemple de
la Ville , & firentde toutes parts
un ſi grand feu qu'il ſembloit
qu'on vouluſt prolonger le jour ,
qui paroiffoit trop court à la joye
publique. L'Hoſtel de Ville fut
auffi illuminé d'une maniere
aſſez ingenieuſe. Sur le Balcon
de l'Escalier qui deſcend dans le
Jardin& quifait face à la Place
Publique , on avoit élevé une
Figure d'Apollon ſur le Mont
Parnaſſe au milieu des neufMufes.
Les rampes de l'Eſcalier eftoient
illuminées d'autant de
bas reliefs de douze pieds de
long ſur quatre de haut , dans
Fs
?
130
MERCURE
leſquels on avoit repreſenté les
actions les plus éclatantes de
noſtre grandMonarque,& entre:
autres celles qui font le ſujet de
deux prix propoſez cette année
par la Ville d'Angers , ces Sujets
font le Triomphe du Royfur l'Herefie
, & le Canal de la Riviere
d'Eure. Pour exprimer le premierd'une
maniere qui fuſt plus
ſenſible aux Perſonnes de la province
; on avoit peint la démolition
de pluſieurs Temples que
'Hereſie s'eſtoit élevez dans,
l'Anjou , & preſque jusqu'aux
Portes de la Ville d'Angers , à
laquelle ils ont couſté tant de
fang ,& donné tant d'alarmes.
Dans un autre Tableau on avoit
'dépeint la Riviere d'Eure , à la
maniere des Fleuves antiques
ſous la Figure d'un Vieillard
dans des Roſeaux , appuyé fur
GALANT. 131
une Vrne,qui répandoit un gros
ruiſſeau dans une vaſte Campa +
gne,où toutes les Troupes qu'on
' employe à l'Aqueduc de Maintenon
eſtoient figurées dans
leurs travaux. On liſoit ces mots
furl'Vrne .
Lodoico monstranteviam.
1
Sur la rampe oppoſée on
avoit exprimé ce meſme Sujet
par le combat d'Hercule contre
leFleuve acheloüs ſous la forme
d'un Taureau renversé par ce
Heros , qui luy arrachoit une
de ſes Cornes , & dans le meſmt
Tableau l'on voyoit les Triomphesdes
Eaux de Verſailles , qui
ſembloient attendre l'iſſuë de
ce Combat , pour recevoir du
Vainqueur la Corne d'abondance.
Sur le frontiſpice du Pavillon
deſtiné pour les Conferences>
F6
132
MERCURE
Academiques ,& baſty dans le
meſme Jardin , on avoit placé
un Groupe qui repreſentoit
comme un Trophée de Sciences
& de beaux Arts , compoſé
de Livres , de Spheres , & d'autres
Inſtrumens de Mathematique
,& furmonté par une Renommée
la Trompette à la
main , avec ces mots d'Horace ,
Æreperrennius.
pour marquer que quelque du
rables que foient les Monumens
de bronze & de marbre qu'on
dreſſe aux bons Princes , ceux
que les hommes de Lettres leur
érigent , les affeurent encore
davantage de l'immortalité. Ce
Trophée eſtoit accompagné de
deux autres Pieces illuminées.
L'une eſtoit une Fontaine avec
ces mots ,
Maculas oftendit& auffert.
GALANT.
133
pour marquer quelles ſont les
-fonctions de l'Academie. On
avoit peint dans l'autre pluſieurs
Lauriers naiſſans ſous un grand
Laurier avec cet Hemiſtiche du
Poëte Latin 2
Parva Subingenti.
qui s'appliquant au Roy fait
connoiſtre que les Lauriers des
hommes Scavans naiſffent &s'élevent
à l'ombre des fiens ; &
faiſant l'application de cette
meſme Deviſe à toutes les Academies
qui ſe ſont formées ſur
le modelle de l'Academie Françoiſe
, elle marque que leurs
Lauriers ſont des rejettons de
ceux que cette celebre Compagnie
prend pour le corps de ſa
Deviſe. Audeſſous de ces trois
Figures on avoit écrit ces Vers
adreſſez aux Academiciens.
d'angers par un des premiers
134
MERCURE
Hommes de ce Siecle , qui luymeſme
eſt du nombre de ceux
qui compoſent cette Academie.
Hellados & Latii Doctisnon invidus
hortis,
Hortus hic aoniis poffit certare
viretis.
O ! qui illum incolitis lectiſſima
turba,Sodales
Terdeni Proceres Andinagloria
Gentis
MagnanimiHerois bellipacisque
Ministri ,
Andina hic per quem Parisina
Academia certat ,
Floribus augustam LODOICI
cingitefrontem.
Cingite: Sed nitidos brevis avi
linquite flores ,
Quos non aut eſtus , aut frigora
Ladere poffint,
Carpitefulgentes immortalesAmarantos..
GALANT.
439
- Au milieu de la Balustradede
fer qui ſepare le Iardin de la
Place publique , on avoit élevé
un Soleil en feu , au deſſous du-
- quel eſtoient écrits ces mots..
Unus & omnis..
2
Des deux coſtez ſur deux
Pilaſtres estoient deux Obelif
ques , qu'on ſçait eſtre les Figures
conſacrées au Soleil. Dans
l'un eſtoit peint un Ciel étoilé
de trente Etoiles , par rapport
aux trente Academiciens , avec
ces mots du 6. de l'Eneide ..
Solemquefuum fua fidera norunt..
L'autre repreſentoit une pepiniere
de jeunes arbres , pour
marquer l'Academie naiſſante
aux rayons de ce Soleil , avec
ces autres mots de Virgile..
Format qui dedit ortum.
Dans la meſme façade fur
quatre Pilaſtres rangez de front,,
136 MERCURE
desdeux coſtez , eſtoient quatre
Figures ; l'unede la Ville repreſentée
par une Femme,qui d'une
main tenoit le Cartouche de ſes
Armes , & de l'autre montroit
la Statuëdu Roy , avec ces paro-
Fes.
Hoc Sofpite Sofpes.
Une autrede ces Figures eftoit
l'Academie repreſentée par
une Muſe , au deſſous de laquelle
eſtoit écrit .
Nec Phoebo gratior ulla .
La troiſiéme eſtoit l'Hercule
Gaulois , que nos Peres ont reconnu
pour le Dieu de l'Eloquence
, & qu'ils avoient de
coûtume de repreſenter ſuivy
d'une foule de perſonnes qu'il
tenoit comme enchaiſnées par
les oreilles avec des filets d'or
qui luy fortoient de la bouche.
Au deſſous ſe liſoient ces mots
GALANT.
137
|
t
:
Aderit ille Deus.
La quatriéme Figure eſtoit la
Religion un Encenſoir à la main,
&une Couronne d'Etoiles dans
l'autre , qu'elle ſembloit preſenter
au Roy , avec ces mots emprontez
de la Deviſe d'un des
Ducsd'Anjou ,
Manet altera Cælo.
Sur la porte de la. Chambre
du Conseil de Ville on liſoit ce
Paſſage de Salomon ,
Salus populi ubi multa Concilia.
Tout le reſte de l'Hoſtel de
Ville eſtoit illuminé par des
Fleursde Lys , & des Dauphins ,
par les Armes de Madame la
Dauphine , par des Antiques ,
des Autels ardens ; des Sacrifices
, des Termes, des Trophées,
divers Obeliſques , des Phares ,
avecdes Deviſes ſur chacune de
ces Figures , au nombre de plus
decent.
138 MERCURE
Cette multitude de lumieres
jointe à la diſpoſition qu'on leur
avoit donnée , & à la ſituation
avantageuſe du lieu , compoſoit
un Spectacle ſi agreable qu'on
ne pouvoit ſe laſſer de le regarder;
lors que tout d'un coup il
fortit du Soleil for le milieu de
la Balustrade un tres grand
nombre de Fuſées , qui formerent
comme autant de rayons,
&qui porterent le feudans plufieurs
Figures de l'illumination ,
où l'on avoit renfermé des feux
d'artifice , & qui s'allumant
encore les unes & les autres par
des Fuſées de communication ,
s'éleverent toutes à diverſes repriſes
pour ſe conſumer en l'air,
& firent un Feu d'artifice qui
finit par une Girandole placée
ſur la Tour de l'Horloge
dans une Bombe , ſur laquelle
1
GALAN T. 139
6
eſtoient écrits ces mots en lettres
de feu ,
Dignos Phoebo concipit ignes .
C'eſt ainſi que la Ville & l'Academie
d'Angers ont eſſayé de
répondre aux bontez de noftre
AuguſteMonarque. La Ville luy
a erigé uneStatuëquiſera le plus
cher objet de tous ceux qui
paſſeront leurs jours dans une
Province , à laquelle il ne manque
que d'eſtre moins éloignée
du ſéjour ordinaire de ſes Princes;
& qui rendant la Majeſté
de ce Heros toûjours preſente
aux Academiciens , les animera
ſans doute à tracer dans leurs
écrits les traits de ſa gloire &
de ſa grandeur.
La premiere Aſſembleé de
l'Academie ſe paſſa dans les
témoignages de bien - veillance
que ſe peuvent donner trente
perſonnes choiſies , que la con
140
MERCURE
formité de leurs Etudes , & de
leurs inclinations , avoit déja
preſque tous liez d'une étroite
amitié , qui ont l'avantage de
voir leurs occupations honorées
de l'eſtime publique , & de
ſe trouver en eftat de gouſter
ſousla protection du plus grand
Roy de la Terre les douceurs
de cette agreable Societé qui
faitlecharme des eſprits. Dans
l'Aſſemblée ſuivante on éleut les
Officiers. Monfieur l'Eveſque
d'Angers fut éleu Directeur ,
Monfieur Gohin premier Prefidentdu
Preſidial , fur nommé
Chancelier ; Monfieur Goureau
dontje vous ay déja parlé , &
Monfieur Petrineau , cy- devant
Preſident de la Prèvoſté , Police
& conſervation des privileges
de l'Univerſité d'Angers,& premier
Echevin de la Ville, furent
GALANT.
141
faits Secretaires perpetuels. On
eut affez de quoy s'occuperdans
quelques autres Affemblées de
la Lecture de divers Ouvrages
en profe & en Vers , qu'avoient
compoſez pluſieurs beaux eſprit
de la province rechauffez par ce
nouvel établiſſement . L'Academie
receut auffi quelques Complimens
fur des Theſes qui luy
furentdediées.
Monfieur du Pleſſis de Geſté
Eveſque de Saintes , d'une des
plus anciennes Maiſons de la
Province d'Anjou s'eſtant trouvé
dans la Ville d'Angers , l'academie
creut ne ſe pouvoir difpenſer
de rendre ſes civilitez à
un Prelat qui fait tant d'honeur
à ſa Patrie, & dontle Frere aiſné,
l'un des plus ſages & des plus fçavans
Gentilhommes du Royaume,
eſt un des plus beaux orne.
142
MERCURE
mens de cette nouvelle Compagnie.
Monfieur l'Eveſque de
Saintes fit l'honneur à l'academie
de ſe trouver à la Conference
qui ſe fit ce même jour,
&Monfieurdu Tremblay Frain ,
connu par deux Traitez qu'il a
faits , le premier contre le Jea,
& le ſecond de la Vocation
Chreſtienne des Enfans , prit
une occaſion ſi favorable pour
prier Monfieur de Saintes & la
Compagnie , de luy dire fon
ſentiment ſur le deſſein d'un
Livre de Morale dont il lutle
projet.
Monfieur l'Abbé le Pelletier,
àqui noſtre Langue eſt redevablede
deux excellentes Traductions,
l'une de la Vie du Pape
Sixte V. de l'Italien deGregorio
Leti , & l'autre de l'Hiſtoire de
la Guerre de Chypre écrite en
GALANT .
143
00-
nt
00
لا
1
1
Latin par Antoine Mana Gratiani
, Eveſque d'Amelia , fut
auſſi prié de lire quelques endroits
d'une Traduction qu'il
doitbien-toſt donnerau Public
de l'Histoire de la Chine, compoſée
par le Pere Martin Jeſuite
Alleman.
La Conference finit par une
ſcavante Differtation de Monfieur
de la Vilete Breillet ,Gentilhomme
Angevin , & l'un des
trente Academiciens , ſur des
Vers Latins compoſez par Francius
Poëte Hollandois, en l'hon
neur de l'illustre Monfieur l'Abbé
Menage , qui eſt de la même
Academie.
On éleut dans la derniere
Aſſemblée en la place de Monſieur
de Primé Martineau , mort
depuis l'établiſſement Monfieur
Cupif Sieur de rerdras Conſeil144
MERCURE
ler au Prefidial & à l'Hoſtel de
Ville , cy - devant Maire d'angers.
Les Vacations qui ſurvinrent
peu de temps aprés, fi ent ceſſer
les Conferences Academiques ,
qui viennent de recommencer
par trois Diſcours publics. Le
premier a été un excellent Eloge
de Monfieurde primé Martineau,
vivant Secretaire du Roy , prononcé
par Monfieur de Livonniere
Poquet,Conſeiller au Prefidial
d'Angers. Le ſecond a eſté
l'Eloge de Monfieur de Roye ,
celebre Docteur en Droit
dans l'Univerſité d'Angers ,
auſſi l'un des Academiciens
morts depuis la naiſſance de
l'Academie . Cet Eloge a eſte
prononcé par Monfieur du
Tremblay Frain. La place de ce
dernier Academicien mort n'eſtant
GALANT.
145
ſtant pas encore remplie ,Monfieur
Goureau Secretaire de
l'Academie prepara la Compagnie
à faire une élection digne
d'elle par un troiſieme Diſcours,
dans lequel il fit connoiſtre
quelles doivent eſtre les qualitez
d'un Academicien ; & toutes
ces qualitez ſe trouvantdans
Monfieur Conſtantin , Grand
Prevoſt d'Anjou , que la profeſſion
des Armes n'a pas empeſché
de joindre à de tres
beaux talens naturels une connoiſſance
entiere des belles
Lettres, il fut éleu en la placede
Monfieur de Roye le 28. du
mois paffé.
Voilà quels font les premices
de cette Compagnie qui ſe prepare
à meriter par de plus grandes
choſes l'honneur qu'elle a
d'avoir pour Fondateur le plus
Desembre 1686 . G
146 MERCURE
grand de tous les Rois. J'auray
un grand Article à vous faire le
mois prochain for cette meſme
matiere. Il contiendra les noms
des Academiciens , leurs Lettres
Patentes , & plufieurs autres
choſes curieuſes .
Je vous envoye un revers
d'une nouvelle Medaille qui a
eſté frapée pour le Roy fur la
Suppreffion des Edits de Nantes,
& de Niſmes L'inſcription que
vous ylirez vous doit tenir lieu
d'un explication plus ample.
Pay finy la Relation que je
vous ay envoyée du Siege de
Bude au jourde la priſe de cette
fameuſe Ville , il faut preſentement
vous apprendre quelle
aeſté la ſuite de cette Campagne.
L'Empereur n'eut pas eſté
plûtoſt informé de l'heureux
fuccez des Armes Chreftiennes,
GALANT.
147
لا
quejugeant de la conſternation
où devoit eſtre le grand Viſir, il
envoya ſes ordres afinqu'on en
profitaſt , & qu'on taſchaft de
luy couper le paſſage. Ainfi
- aprés que les Troupes ſe furent
répoſées trois jours , on fit embarquer
dix mille homme d'infanterie
le 5. de Septembre avec
douze pieces de Canon , vingt
Mortiers , & quantité de vivres
&de munitions pour defcendre
vers le Pont d'Effeck où l'Armée
deCroatie avoit auſſi ordre
de ſe rendre , & le lendemain
l'Electeur de Baviere & le Prince
Charles de Lorraine les fui
virent par terre avec vingt quatre
mille Chevaux , fix mille
Hongrois, douze mille Fantaſfins
, & trois mille Heiduques.
Hs arriverent le 9. à Picheli , &
ce ne fut pas fans que la Cava-
G2
148 MERCURE
lerie ſouffriſt beaucoup dans les
campemens qu'elle fit , à cauſe
qu'elle manquoit entierement
de fourages. Le 14. l'Armée
Imperiale campa àPenski,&s'y
repoſa tout le jour ſuivant. On
y eut avis par des Transfuges,
que les Turcs avoient fait ſauter
les Fortifications d'Hatuvan, ne
ſe voyant pas en pouvoir de le
conſerver , & que les munitions
& les vivres en avoient eſté
tranſportées à Agria. L'Armée
eſtant arrivée le 16. prés de Pax,
unTransfuge Polonois raporta,
que le Grand Viſir eſtoit campé
avec avantage au deça du
Pont d'Effeck , fur la petite
Riviere de Saubits , ayant un
✓ Marais derriere luy , & que fon
deſſein eſtoit de demeurer dans
cePoſte pour obſerver les mouyemens
des Imperiaux. Le 19.
GALANT.
149
et
et
l'Armée arriva prés de Tolna,
# & comme les ennemis n'en
étoient éloignez que de trois
lieuës , le Prince Charles de
Lorraine fit conſtruire un Pont
fur la Riviere de Saubits , pour
engager s'il eſtoit poffible , le
Grand Viſir au Combat. Cependant
ce Prince ne pouvant
plus faire fubfiſter ces Troupes
le longde la Riviere de Saubits,
à cauſe de la grande difette
qu'elles avoient de fourrages &
de bois , ne jugea pas à propos
de la paſſer , ayant appris que
lesTurcs pour éviter le Combat
, s'eſtoient retirez en deça
de la Drave prés de Darda , où
il y a un Chaſteau tres - fort
qu'ils ont fait conſtruire pour
couvrir le Pont d'Eſſeck. Ainfi
ce Prince fit deux Corps de fon
Armée , dont l'un commandé
G3
1
350
MERCURE
1 par le Prince Loüis de Bade , eut
ordre de ſe joindre au Comte
de Scherffemberg , & d'aller
avec les Troupes de Croatie
que ce Comte commandoit
attaquer Cinq - Egliſe ou quelque
autre Place. Le Regimens
de Taff de Picolomini , de Serin
, de Hanover de Palfi , de
Trucks , de Kifel , de Staremberg
d'Aſpremont , de Tinghen
, & de Keri compofoient
ce Corps avec ſept autres. Ce
détachement ayant eſté fait , le
PrinceCharles paſſa le Danube
à Tolna fur un Pont de Bateaux.
avec le reſte des Troupes , &
revint vers Pelt. L'Electeur de
Baviere arriva le 29. à Vienne ,
& il fut receu de l'Empereur
avec tous les témoignages de
joye qu'il pouvoit attendre. Le
Prince Loüis de Bade qui s'a
GALANT.
vançoit du Coſté de Cinq Egli
fes , eſtant arrivé le 26. prés de
Simonthorra , fit inveſtir cette
*Place par la Cavalerie , & par
lesDragons, qui ayant mis pied
àterre , vinrent ſe poſter jufques
au bord du Foffé , à la faveurdesRoſeaux
qui y ſonttreshautsdans
les Marais. La Gar
niſon témoigna- eſtre fort refo
luë de ſe deffendre , & fit un
grand feu de Canon , de Moufquererie
, &de Grenades , mais
une Batterie de trois pieces de
Canon fut fi bien ſervie , qu'elle
démonta d'abord une partiede
selle des affiegez . Ils s'eſtoient
perfuadez qu'on les attaquoit
fans Infanterie , & fitoſt qu'ils
la virent paroiſtre ſur une hauteur
, ils demanderent à capituler.
Le Prince Loüis de Bade ne
les voulut recevoir qu'à difcre-
!
F
1
G4
152. MERCURE
tion , & ne leur donna qu'une
demie heure pour voir le party
qu'ils avoient à prendre. Pendant
ce temps , un détachement 1
de mille hommes d'Infanterie
qui s'avança vers les Marais ,
étonna fi fort les Turcs que
defefperant de ſe pouvoir défendre
, tout ce qu'ils demanderent
fut qu'on menaſt leurs
Femmes & leurs Enfans àCinq-
Egliſes , ce qu'on ne peut refuſer
aux fortes inſtances qu'ils en
firent. Les Dragons & l'Infanterie
étant entrez dans la Place ,
on ytrouva prés de trois cens
Turcs qu'on mit priſonniers dans
le Chaſteau .Simonthorra eſt une
Ville ſituée ſur la Riviere de
Saruvits .Elle a un Foſſé large de
trente pas .Les Marais qui l'environnent
en dehors ſont d'une
telle étenduë , qu'on eſt obligé
-GALANT.
153
SD
pour y entrer de paſſer un Pont
detrois cens pasdelongueur.Le
Chaſteau eſt auſſi environné
d'un bon foſſé , & baſtyde pierre
de taille , avec des Fortifications
àl'antique. Il y avoitdeux
cens hommesen Garniſon dans
la Place , & l'on y trouva ſeize
- pieces de Canon de fonte , une
de fer , trente cinq tonneaux de
poudre,& plus de mille Grena--
des. Le Prince Loüis de Bade s'avança
de là vers Kapoſvvar, qui
n'en eſt qu'à deux lieuës,& s'en
eſtant rendu maiſtre,ily fitmettre
le feu . Son deſſein eſtoit de
s'emparer auſſi du Château ,
mais n'ayant point de Canon
ny de mortiers , parce qu'ils
eſtoient demeurez derriere , il
quitta cette entrepriſe , & continuant
ſa Marche vers Dimiria,.
il arriva le 4. d'Octobre prés du
MERCURE
154
(
Pont de Turanouvits , où le
Comte de Scherffemberg ſe
vint joindre à luy. Les Troupes
qu'il amenoit paſſerent la
Drave dans pluſieurs Bateaux ,
le Pont ayant eſté rompu par
le débordement de cette Ri
viere. Le 16. le Prince Loüis
de Bade arriva devane Cinq-
Egliſes , avec l'AvantGarde qui
eſtoit compoſée en partie des
Dragons. Il ne fut pas plutoſt
devant cette Place , que les
Turcs mirent le feu en quatre
endroits de la ville, & ſe retirerét
dans le Chaſteau. Ce feu fuc
bien toſt éteintpar les Dragons,
qui ayant eſcaladé les murailles ,
fe jetterent dans la Place len
Sabre àla main , & ouvrirent lad
Porte aux autres Troupes. On
ſe retrancha dans les poſtes prin- .
cipaux juſqu'à la grande Mof
GALANT.
155
1
quée,& l'on s'avançala nuit à la
portédu mouſquet du Chateau.
On y fit dreſſer deux Batteries,
l'on apprit qu'outre la Garniso
qui étoit de deux caille hommes,
commandez par un Bacha &
- ſept Beys , il y avoit un pareill
nombre d'autres perſonnes ca-
-pables de porter les Armes , qui
s'y eſtoient refugiées de divers
endroits. On comptoit fix cens
Janiſſaires parmy les deuxmille
homme de la Garnison.CeChaf
teau eſt un quarré irregulier en--
vironnéde hauteurs dont l'accez
eſt difficile. Il eſt fortifié de
quatre Rondelles à l'antiques
avec quelques Ouvrages à las
moderne. La nuit du 17: les Afſiegez
firent un ſi grand feu
qu'il y eut quelquesOfficier- des-
Affiegeans tuez , aver environ
trente Sulams. La refolution
G
156
MERCURE
qu'ils prirent de mourir en ſe
deffendant plutoſt que de fonger
à ſe rendre , leur fit arborer
fur uneTour ſix Drapeaux rouges
, avecun noir au milieu. Le
manque de vivres & de fourrages
dont l'Armée ſoufroit une
fort grande diſette , puiſqu'elle
ne ſubſiſtoit que de ceux que
l'on y conduiſoit par la prave,
fut cauſe que le Siege alla d'abord
affez lentement. Il y eut
pourtant préche dés le 20.
Canon n'ayant point ceſſe juſque
là de tirer contre la Place..
On travailla auſſi-toſt aux Mines,
en trois endroits , & l'on donna
l'ordre pour monter à l'aſſaut
ſelonque l'effet en feroit heureux.
Le Prince Loüis de Bade
envoya auparavant ſommer les
Aſſiegez de ſe rendre. Ils ne
voulurent faire aucune réponle
GALANT.
17
ſe ce jour là ,& s'en excuferent
le lendemain par one Lettre
dans laquelle ils faifoient con-
Boiſtre la diſpoſition où ils eftoientde
capituler ſi on leur accordoie
des conditions honnê
res.On leurdemanda des Ostages.
Un Aga paflaau Campavec
un autre Officier , & les Affiegeansenvoyerent
deux Officiers
dans la Place. L'Aga n'avoit
aucun pouvoir de traiter ,& on.
l'avoit chargé ſeulement de ſçavoir
à quellesconditions la Capitulation
feroit reglée. Le Prince
Loüis de Bade déclara qu'il
ne vouloit recevoir les Afſiegez
qu'àdiſcretion,& ils furent obligezd'y
conſentir , à cauſe que
les munitions leur manquoient.
LeBacha & les Beys demeurerent
priſonniers de Guerre avec
toute la Garniſon &furent con
158
MERCURE
duits ainſi que les Habitansen
divers endroits de la Stirie. On
trouva dans Cinq - Eglifes dixhuitpiecesde
Canon,& quantité
de munitions & de vivres. Le
Prince Loüis de Badey fit entrer /
Garniſon, ſçavoir le Regimentde
Tinghen, la moitié du Regiment
de Leſlé , trois Compagnies de
celuy de Heuffer , avec trois
Bataillons des Regimens de
Montecuculi , de Pax , & de
Herbeville , & aprés avoir donné
ſes ordres pour les reparations
des Fortifications de la
Ville& du Chasteau , il partagea
ſon Armée en deux Corps,
&prisle chemin deDarda avec
une partie de ſes Troupes. L'autre
partie commandée par le
Comte de Scherffemberg, marcha
vers Zielos , & arrivale 25..
devant cette place...Ce.Comte
GALANT. 159
1
la fit ſommer , mais les Turcs
qui s'eſtoient retirez dans le
Chaſteau , ayant témoignéune:
entiere reſolutionde ſe deffendre,
on commença les Attaques,
qui furent continuées juſqu'au
31. Le fuccez en fut heureux,,
& lors que les Affiegez virent
les Mines preſtes à joüer, ils arborerent
un Etendard blanc...
On ne les recent qu'àd'iſcretion ,
&ils demeurerent priſonniersde
Guerre.. Les Affiegeans curent
prés de trois cens Soldats de
tuez à ce Siege avec quelques
Officiers. On trouva quantité
demunitions & de vivres dans
la Place , avec douze pieces de
Canon. Le Comte de Scherf
femberg partit de Ziclos pour
aller rejoindre le Prince Loüis
de Rade , qui s'eſtoit avançé
vers. Darda , qui couvre &
160 MERCURE
commande le Pont d'Effeck en
deça de la prave. Il y avoit deux
Bachas campez aux environs
avec deux ou trois mille Turcs
que ce prince avoit deſſein de
combatre; mais fi- toſt qu'ils eurent
appris qu'il s'avançoitde ce
coſté là , ils ſe retirerent par le
Pont d'Effeck .. Ainſi loin de les
trouver , lors qu'il arriva le 1.
d'Octobre à la veuë de cette
place, il ſçût que la Garniſon
l'avoit abandonnée avec le Canon
& les Magaſins , & que les
Turcs pour affeurer leur retraite
avoient brûlé derriere eux une
partie du pont d'Effeck. Il fit
auffi-toſt avancer ſa Cavalerie le
long de ce pont qu'il laiſſa ſur la
droite pour éviter un Marais.Les
Turcs avoiết un pont de Bateaux
fur la Drave , & il y eut là
une affez longue eſcarmouche,,
GALANT. 161
1 mais enfin ils'le retirerent de l'autre
coſté , après avoir détaché
quelques - uns de ces Bateaux
afin que les Troupes du Prince
Loüis de Bade ne puffent paffer.
Le feu de Moufqueterie & de
douze groſſes pieces de Canon
qu'ils firent toute la nuit , n'empeſcha
pas les Imperiaux de ruiner
un autre Pont de trente pas
de longueur. Il eſtoit conſtruit
de poutres , & attaché au Pont
de Bateaux. Aprés cela, ce Prince
fit mettre le feu au Pontd'Efſeck,
& on en détruifit une fort
grande partie , en forte que les
Infidellesauront de la peine àle
rétablir . Ce Pont a huit mille
pas de longueur,& vingt-quatre
de largeur. Cette importante expedition
eſtant achevée, le Prince
Louïs de Bade envoya une
partie de ſes Troupes vers.Tu
162 MERCURE
ranovvits afin d'y prendre des
quartiers d'Hyver , & marcha
le s.vers Kapóſvvaravecle reſte
de ſon Armée.Eſtant arrivé le 9.
devant cette Place , il diſtribua
les poſtes à ſes Troupes , & fit
fommer le Commandant de ſe
rendre.Ce Commandant répondit
par un grand feu du Canon,
dont il tomba un boulet ſous le
Cheval du erince Louis de Bade.
Un autre paſſa fort prés de
loy,& fur cette opiniatre refiſtance
, on reſolut de faire les
Attaques dans les formes. Le
Commandant voyant qu'on s'y
diſpoſoit , demanda à capituler...
Les conditions furent que la
Garniſon ſeroit conduite à Sighet,
& fortiroitde la place avec
ce que chaque Soldat pourroit
emporter. On y trouvaungrand
Magaſin de toutes fortes d'ArGALANT.
163
mes. Il y en avoit d'autres remplis
de munitions, de vivres & de
fourages fi abondamment,qu'u
ne Garniſon de quinze cens
hommes en auroit pu ſubſiſter
pendant plus d'un an .On trouva
auſſi vingt quatre pieces de Canon
enbatterie ſur les Rondelles..
Le Prince Loüis de Bade y ayane
laiſſé des Troupes en Garnifon ,
&le Colonel Hoffer pour les
commander , avoit reſolu d'aller
bombarder Albe-Royale,mais le
grand froid ſurvenu l'ayantobli
géde differer l'entrepriſe à cauſe
des glaces , il fit entrer en quartier
d'Hiver les troupes qu'il
avoit menées à Kapofvvar.
Pendant toutes ces expeditions
du Prince Loüis de Bade
is prince Charles de Lorraine
quiluy avoitdonnéle Commandement
de l'un des deux Corns
164 MERCURE
1
de ſon Armée , paſſa le Danube
àTolna fur un pont de Bateaux,
&revint à peſt avec le reſte des
Troupes , comme je l'ay déja dir.
Il fit auffi-toſt un détachement
de quelques Regimens qui marcherent
à petites journées vers
la haute Hongrie , & vers la
Teyfle , où le Comte Caraffa, &
le General Heufleren devoient
prendre le Commandement pour
attaquer Segedin. Le Lieutenant
General de la Vergne , eſtant ar
rivé devant cette place , & la
voulant reconnoiſtre , fut tué
dans une ſortie que fit la Garni
fon; il y eut auſſi quelques Of
ficiers & environ cent Soldars
tuez. LeComte de Souches prit
auſſi toſt leCommandement dew
Troupes , & fit inveſtir la place
par l'Infanterie. On forma le
Siege ſi-toſt que le Comte Ca
GALANT.
165
raffa fut arrivé. On conduific
pour cela du Canon & des Mortiers
de Zolnock . La Garnifon
de la Place quieſtoit de plus de
deux mille hommes fit une tresvigoureuſe
reſiſtance , mais elle
| n'empeſcha pas qu'on n'achevaſt
I quatre Bateries , & qu'en peu de
-temps il n'y euſt une aſſez gran .
de brêche. Cependant comme
les vivres & les fourrages manquoient,
le Comte Caraffa ſe vic
obligé d'aller à Zolnock afin
d'en faire venir. It laiſſa le ſoin
du Siege au Comte Vvallis,
Major General , qui ayant receй
avis que deux mille Turcs, &
un Corps de Tartares eſtoient
prés de Schinta fur la Teyſſe à
fix licuës de Segedin , & qu'ils
avoient reſolu d'y faire entrer
du ſecours s'ils ne pouvoient en
faire lever le Siege , détacha le
166 MERCURE
Comte Veterani pour aller au
devant d'eux. Il partit avec les
Regimens de Cavalerie de Saxe
Lavembourg , de Caraffa , de
Heufler , de Sainte Croix , de
Gondola , de Gors,des Croates ,
de Lodron , & des Dragons de
Caſtelli & de Magni , & aprés
avoir marché toute la nuit , il
arriva avant qu'il fuſt jour à une
lieuë&demie du Camp des Taг-
tares. Il ſceut que les Turcs
eſtoient campez dans un autre
poſte , & cet avis luy fit ranger
auffi-toſt ſes troupes en Bataille.
Les Regimens de Caſtelli& de
Gorz eurent ordre d'attaquer
l'aîle droite des Tartares,& celuy
de Sainte-Croix de charger leur
aifle gauche. En meſme temps il
ordonna au Colonel de Goiz
demarcher contre lesTurcs avec
les Regimens de Heufler &de
GALAN T.
167
Magni , en cas qu'ils vouluſſent
attaquer en flanc ceux de Caſtil
li , de Gotz & de Sainte-Croix
pour foûtenir les Tartares. On
marcha ainſi en ordre de Bataille
, mais les Eſcadrons s'eſtant
écartez de leur route , que l'obſcurité
les empêchoit de tenir un
Officier quiles vouloitraſſembler
fit imprudemment ſonner la
Trompetie. Ce ſon alarma les
Sentinelles & les Gardes avacées
des Ennemis,&découvrit le deſfein
que l'on avoit en de les ſurprendre
.On ne laiſſa pas de les
attaquer fi toſtque le jour parut .
La vigueuravec laquelle ils furent
chargez les obligea de plier,
& quoy qu'ils fuſſent au nombre
de ſept à huit mille hommes,
ils ne ſe crurent pas en eſtatde
reſiſter. Ainſi ayant pris la fuite
avec beaucoup de deſordre , ils
168 MERCURE
laiſſerent les Imperiaux Maiſtres
de leur Camp , où l'on trouva
quatre à cinq mille Chevaux .
Les Tarrares dont on tua un
grand nombre dans leurs Tentes
& dans leur Retraite , ſe raillierent,&
revinrent à la charge dans
la penſée que les Ennemiseſtant
occupez à piller leur Camp,rendroient
leur défaite plus facile,
mais ils furent foûtenus vigoureuſement
par les Regimens de
Caſtelli & de Sainte- Croix , qui
les obligerent de ſe retirer. Pendantcetemps
le Colonel du Regiment
de Gotz quieſtoit aller
attaquer les Turcs campez dans
un autre poſte , les fit charger
avec tant de force & fi à propos ,
qu'il les contraignit auſſi de fuir
aprés qu'on leur cut tuéprés de
trois cens Janiſſaires qui défendoient
une eſpecé de Redoute
qu'ils
GALANT. 169
qu'ils avoient devant eux.Il y en
eut un bon nombre qui furent
paſſez au fil de l'épée , eſtant
1 malheureuſement tombez entre
les mains du Comte Veterani.
Aprés la défaite des uns &des
autres, on découvrit quantité de
Troupes qui paffoient un Pont
conſtruit par les Turcs. Il parut
que leur deſſein eſtoit de venir
attaquer les Imperiaux , On eut
de la peine à les reconnoiſtre à
cauſe d'une groſſe fumée qu'elles
firent en mettant le feu à des
poudres à meſure qu'elles s'avançoient
, mais enfin on ſceut que
c'étoit l'Armée du Grand Viir ,
meſlée de Tartares . Auffi- toſt le
Comte Veterani fit marcher
contre les derniers les Eſcadrons
de Saxe- Lavembourg,de Caſtelli
, de Veterani & de Gondola ,
commandez par le Colonel Ca-
Decembre 1686. H
170 MERCURE
ſtelli, afin d'empeſcher qu'ils ne
priſſent les Imperiaux en flanc.
Le reſte de ſes Troupes marcha
contre les Tures , qui s'eſtant
avancez dans la Plaine , auffi
bien que les Tartares, commencerent
l'attaque avec beaucoup
de bravoure. Le Combat dura
deux heures , & fut fortopiniatré.
Les Infidelles perdirent plus
de mille hommes , & le deſordre
commençant à ſe mettre parmy
eux, ils ſe retirerent vers un lieu
où treize Pieces de Campagne
mettoient leur Infanterie àcouvert.
Le grand feu qu'ils firent
n'étonna point les Imperiaux. Ils
l'eſuyerentavec beaucoup d'intrepidité
, tuerent plus de trois
cens Janiſſaires , & contraignirent
les Tures & les Tartares de
prendre la fuite encore une fois.
Le Champ de Bataille leur ayant
GALANT. 171
a
eſté abandonné , ils y trouverent
la grande Timbale & pluſieurs
Drapeaux des Ennemis avec leur
Artillerie , cinq cens Chevaux ,
& une fort grande quantité de
proviſion & de bagage. Ils ne
perdirent dans l'une & l'autre
action que quatre Officiers , &
environ cent hommes de pied
& cinquante Cavaliers.On tient
que la perte des Infidelles fut de
prés de deux mille Janiſſaires,&
de plus de douze cens Tartares.
Cette Victoire remportée ſi heureuſement
par le Comte Veterani
fut fuivie de la reduction
de Segedin . Si- toſt qu'il fut de
retour au Camp devant cette
Place, il fit chanter le Te Deum
au bruit de la décharge de toute
l'Artillerie, aprés quoy il envoya
aux Affiegez un des Prifonniers
qu'on avoit faits , qui leur fic
H2
172
MERCURE
connoiſtre qu'ils ne devoient
eſperer aucun ſecours du Grand
Viſir , dont l'Armée venoit d'être
miſe en fuite. On leur montra
les Drapeaux gagnez , & ils ne
les eurent pas plûtoſt vûs qu'ils
demanderent à capituler. Les
Otages ayant eſté donnez de
chaque coſté , on regla les conditions
ſuivant leſquelles il fut
permis à chaque Soldat de la
Garniſon de fortir avec ce qu'il
pourroit emporter , & ils furent
eſcortez juſqu'à Temiſvvar. On
trouva dans Segedin grande proviſion
de munitions & de vivres.
Cette Place ſe rendit le 23.d'O .
tobre , qui fut le meſme jour
queCing Eglifes s'eſtoit renduë .
Le Comte de Vvallis , aprés y
avoir laiſſe Garniſon , paſſa la
Teyſſe pour aller joindre le
Comte Caraffa , & tacher de
GALANT.
173
t
= s'emparer encore de Giula & de
quelque autre Place avant que
-de terminer cette Campagne ,
mais il receut ordre en chemin
de revenir , le Comte Caraffa
ayant fait entrer en quartier
d'Hyver les troupes qu'il commandoit.
Je vous manday il y a deux
mois toutes les particularitez de
la priſe de Napoli de Romanie.
Aprés qu'on eut fait la Capitulation
, fuivant laquelle la Garnifon
, & les Habitans de cette
Place devoient eſtre conduits à
Tenedo , les plus riches d'entre
les Turcs demanderent ad Bacha
de Napoli de Romanie la
permiſſion de mettre leurs meilleurs
Effets fur le Vaiſſeau où il
devoit s'embarquer avec toute fa
Famille , croyant que la ſeureté
y ſeroit plus grande. Le Bacha
H3
174
MERCURE
confentit à ce qu'ils voulurent ,
mais fansleur permettre de s'embarquer
eux mêmes fur ceVaifſeau.
Lors qu'on eut mis à la
voile , il fit prendre la route de
Veniſe , accompagné de ſes Freres
, & du Commandant de
Chielafa , dans le deſſein de demander
la protection de la Republique.
Elle luy fut accordée,
&on leur prepara un logement
dans le Seminaire des Nobles
pendant qu'ils faiſoient la quarantaine
dans le Lazaret .On tient
que plus de ſoixante Villages ſe
rangerent ſous la dominationdes
Venitiens , ſi-toſt qu'ils ſe furent
rendus Maiſtres de Napoli de
Romanie ,& que les Turcs abandonnerent
Miſitra pour ſe retirer
à Corinthe. Miſitra eſt l'ancienne
Lacedemone.Athenes ſe
racheta du pillage en ſe ſoumerGALANT
.
175
L
tant à un tribut annuel , & en
offrant de payer comptant une
fomme confiderable. Le 19. de
Septembre le Provediteur Cornaro
marcha vers Sing avec le
Prince de Parme , General de
l'Infanterie,& le Comte de Saint
Paul. Ils menerent deux mille
hommes de pied qu'on avoit tirez
des Garniſons , fix cens Chevaux
de troupes reglées , & un
grand nombre de Morlaques à
pied& à cheval. On conduifit
avec eux quatre Mortiers &
trois Pieces de Campagne.Aprés
-trois jours de marche ils arriverent
devant cette Place , où les
poſtes furent diſtribuez. Les Bateries
eſtant preftes,on commença
à faire feu , & le General
Cornaro envoya ſommer les Affiegez
de ſe rendre. Ils répondirent
qu'on ſe devoit ſouvenir
1
H 4
176 MERCURE
qu'on les avoit attaquez inutilement
l'année précedente ; qu'on
avoit eſté contraint de lever le
Siege avec honte & avec perte ,
&que comme ils eſtoient fournis
abondamment de toutes les
choſes neceſſaires pour faire une
vigoureuſe réſiſtance , ils ſe tenoient
d'autant plus certains de
ſe défendre avec le meſme fuccés
, que le Bacha d'Ertzegovina
n'eſtant qu'à une journée de
Sing , c'eſtoit un ſecours affeuré
pour eux dés qu'ils en auroient
beſoin. La fierté de leur réponſe
fut accompagnée d'effets. Ils firent
tirer fur celny qu'on leur
avoit envoyé pour cette ſommation,&
fa mort fut la confirmatio
de leur ſentimens . Le General
Cornaro n'oublia rien de ce qui
pouvoit contribuer à avancer
les Travaux . On les pouſſa avec
GALANT.
177
:
toute la diligence poffible , &
on fit un feu continuel contre
la Place. La breche s'eſtant
trouvée affez grande le 28. on
monta ce meſme jour à l'aſſaut,
& quelque forte que fuſt la réſiſtance
des Affiegez , ils furent
mis en deſordre , & contraints
☐ d'abandonner la Ville pour ſe
retirer dans le Chaſteau. Les
Aſſiegeans les y attaquerent
avec une valeur incroyable , &
aprés un combat de plus d'une
heure , ils les forcerent , & taillerent
en pieces la Garniſon.
Elle estoit compoſée de trois
cens Turcs. On preſenta la pluſpart
des teſtes au General Cornaro
, qui fit donner deux Sequins
à chacun de ceux qui les
apporterent. Il y avoit un grand
Magaſin de Munitions dans cettePlace
, avec onze pieces de:
H
178 MERCURE
Canon. Les Affiegeans eurent
quarante hommes tuez,& cent
bleſſez à cette Expedition. La
conqueſtede Sing eſtoit importante
aux Venitiens, puis qu'elle
leur affeure la poffeffion d'un
Territoire tres - fertile de plus de
trente milles d'étenduës.
Voicyun Air de Monfieur de
Bacilly , que vous trouverez
d'autant plus beau , qu'il eft fur
des paroles preſque toutes monoſyllabes
ce qui fait bien voir
que Voffius n'a pas eu raiſon de
dire que nôtre Langue n'eſtoit
pas avantageuſe pour faire des
Chants agreables , à cauſequ'elle
abonde en monoſyllabes.
C'eſt ce que le Pere Menestrier
a fort bien remarqué dans la
page 107. de fon Livre des Repreſentations
en Muſique , où il
cite contre ce Hollandois le
20
1
179
Bacil-
Art de
U.
emon
is tous
او
appre
ir tant
sinte la
ede ne
je vous
meriobation
Cepen-
6
178
Canc
quar
bleff
cong
tant
leur
Terr
tren
V
BAC
d'at
des
nof
que
dire
pas
Ch
le
C
af
pa
pre
cit
GALANT. 17
ſentiment de Monfieur de Bacilly,
tiré de fon Livre de l'Art de
bien chanter.
AIR NOUVEAU.
A
H! jene sçay се
coeurdemande
que mon
Ie veux vous fuir ,& jesuis tous
vos pas.
Que je vous crains , que j'appre
hende
De vous voir de voir tant
d'apas !
Mais ce n'est point ma crainte la
plus grande,
Etjene crains rien tant que de ne
vous voir pas .
Les Madrigaux que je vous
envoyay le dernier mois , meritent
ſans doute l'approbation
que vous leur donnez. Cepen
H6
180 MERCURE
dant celuy qui a pourTitre,L'age
d'aimer , n'a pas efté également
bienreceu. On a prétendu
que l'on pouvoit eſtre Amant
tant qu'on n'avoit point l'hu-*
meur auſtere qui ſuit ordinaire .
ment la froide vieilleſſe ; & un
fpirituel Anonyme a répondu par
ces Vers à celuy qui a foûtenu ,
que quand un homme paſſe quarante
ans , il ne doit plus luy
eſtre permis d'avoir de l'amour..
MADRIGAL . We
Vand on n'est plus dans la
Quand
fleur de jeuneſſe ,
Et que l'on est pourtant agile , vi.
Et bien loin des froideurs de l'auste
goureux ,
re vieilleffe ,
Pourquoy ceffer d'estre amoureux?
Se rigle t'on toûjours par l'âge
GALANT . 18
Et s'accorde.t- on rien au bon tem
perament ?
Les plus indifferens blâmeront da_D
vantage ,
• S'ils ont le bon fens en partage ,
Le Cenſeur importun,que le difcret
Amant.
Le bruit de la mort de Mon->
fieur le Prince s'eſtant répandu
dans toute l'Europe,vous n'ignorez
pas , Madame, qu'elle eſt arrivée
à Fontainebleau l'onziéme
de ce mois fur les ſept heures du
foir. Quoy que l'honneur qu'il
avoit d'eſtre le premier Prince
du Sang , rende ſa naiſſancetresconnuë
, je croy que vous ne ſe
rez pas fachée que pour vous
parler de ſa Maiſon , je remonte
juſqu'àCharles de Bourbon,Duc
de Vendoſme , Pair de France
Comte de Soiffons , de Marle
182 MERCURE
&de Comarſan , Vicomte de
Meaux , Seigneur d'Epernon , de
Montdoubleau , de Condé , de
Ham , de Gravelines , de Dunkerque
, de la Roche, de Bohain,
de Beaurevoir & de Heſdin ,
Chaſtelain de Lifle,Gouverneur
de Paris & de l'iſle de France ,
qui nâquit à Vendoſme en 1489 .
& quimourut à Amiens en 1537.
Il eut ſept Fils & fix Filles de
Françoiſe d'Alençon ,
de François d'Orleans 1. du
nom , Duc de Longueville , &
Fille aiſnée de René , Duc d'A
lençon , & de Marguerite de
Lorraine. Les Fils furent , Loüis
de Bourbon , mort à l'âge de
deux ans , Antoine de Bourbon,
Roy de Navarre & Duc de
Vendoſme , François de Bourbon
, Comte d'Enguien , mort
âgé de vingt- ſix ans , de la chuveuve
GALANT. 183
*
ete d'un cofre , que quelques
Seigneurs ſe joüant au Chaſteau
de la Rocheguyon, luy laiſſerent
par malheur tomber ſur la teſte,
Charles Cardinal de Bourbon ,
Archeveſque de Roüen , que
le party de la Ligue ſalua Koy
fous le nomde Charles X. aprés
la mort de Henry III. Jean de
Bourbon , tué à la Bataille de
Saint Quentin en 1557. fans
avoir laiſſé d'Enfans de Mariede
Bourbon , Ducheſſe d'Eſtouteville
, & Loüis de Bourbon ,
Prince de Condé, De tous ces
Princes il n'y a eu qu'Antoine&
Loüis de Bourbon qui ayent
fait poſterite. Antoine , Roy de
Navarre , fut Pere de Henry IV.
Ayeul de Loürs LE GRAND
Loüis de Bourbon II. du nom,
Prince de Condé , ſeptième Fils
de Charles I. épouſa en 1551
-
184 MERCURE
Eleonor de Roye , Fille aifnée &
heritiere de Charles , Sire de
Roye & de Muret , Comte de
Roucy , & de Magdeleine de
Mailly , Dame de Comty , & il
en eut Henry de Bourbon , I. du
nom, Prince de Condé , Charles
, mort jeune , François ,Prince
de Conty , mort en 1614- ſans
avoir laiſſé d'Enfansde ſes deux
Mariages , Charles , Cardinal
de Bourbon , Archeveſque de
Roüen , & Loüis , Jumeau de
Charles, mort dans ſon enfance.
Loüis , Prince de Condé ayant
eſté ſoupçonné d'avoir eu part à
la conſpiration d'Amboiſe , fut
arreſté a Orleans , & il couroit
riſque de la vie fans la mort de
François 11. Charles IX. qui luy
ſucceda , le remit en liberté. Il ſe
jettadans le party des Religion
naires,dont il ſe fit Chef, fur
GALANT. 185
- pris & bleſſe à la Bataille de
Dreux en 1562. perdit celle de
-Saint Denys en 1567. & fut tue
deux ans aprés à celle de Jarnac .
Eleonor de Roye , fa premiere
Femme , eſtant morte en 1564.
il prit une ſeconde Alliance
en 1565. avec Françoiſe d'Orleans
, Fille de François Marquis
de Rotelin,&de lacqueline
de Rohan , dont il eut Charles '
Comte de Soiffons , qui ayant
épousé Anne ; Comteſſe de
Montafić ,Dame de Bonneftable
& de Lucé , Fille puiſnée &
heritiere de Loüis , Comte de
Montafié en Piemont , & de
Jeanne de Coëſme , Dame de
Bonneſtable & de Lucé , laiffa
d'elle Louïs de Bourbon, Comte
de Soiffons , qui s'eſtant joint à
une Armée d'Etrangers condui.
te par le General Lamboy , &
186 MERCURE
ayant donné la Bataille en 1641 .
au Maréchal de Chaſtillon ,
General de celle du Roy ; y fut
tué d'un coup de piſtolet en
pourſuivant la Victoire avec
trop de chaleur. Charles, Comte
de Soiffons eut auſſi deux Filles ,
ſçavoir Louïſede Bourbon , mariée
en 1603.à Henry d'Orleans ,
Duc de Longueville,Pere de Marie
d'Orleans , Veuve de Henry
de Savoye , II. du nom , Duc de
Nemours , & Marie de Rourbon,
Veuve de Thomas François de
Savoye , Prince de Carignan.
Henry de Bourbon, I.du nom,
Prince de Condé , Fils aiſné de
Louïs , ſe trouva au premier Siege
de la Rochelle en 1573. avec
le Duc d'Anjou , qui fut depuis
le Roy Henry 111. aprés quoy il
embraſſa le party des Réligionnaires
, & mourut de poiſon à
GALAN T. 187
&
S. Jean d'Angely en 1688. Ileut
de Marie de Cleves , ſa premiere
Femme , Marquiſe d'Iſles
Comteſſe de Beaufort en Champagne,
Fille puiſnée de François
deCleves , 1. du nom , Duc de
Nevers , & de Marguerite de
Bourbon-Vendoſme , Catherine
de Bourbon , morte fans alliance
âgéede vingt & un an , & en
ſuite il épouſa Charlote Catherine
de la Tremouille , Fille de
Loüis III. Ducde Thoüars, & de
Jeannede Montmorency, dont il
eut Henry II . du nom ,&Eleonor
de Bourbon , mariée avec
Philippes-Guillaume de Naſſau ,
Prince d'Orange.
Henry de Bourbon, II.du nom,
Prince de Condé,premier Prince
du Sang , né à S. Jean d'Angely
en 1588. fut retiré d'entre les
mains des Religionnaires par le
188 MERCURE
Roy Henry IV. qui le fit élever
dans la Religion Catholique. Il
repreſenta le Duc de Bourgogne
au Sacre de Loüis XIII .& accompagna
ce Prince lors qu'il fut declaré
Majeur en 1614. Il prit la
Ville de Sancerre ſur les Religionnaires
, ſuivit le Roy aux
Sieges de Royan , de Bergerac ,
de S. Antonin , de Clerac , de
Sainte Foy , de Lunel , commanda
l'Avant garde de l'Armée au
Combat de rié en 1622. ſe trouva
au Siege de Montpellier , & à
ſon retour d'un Voyage d'Italie,
où il s'eſtoit tetiré peu de temps
aprés qu'il eut épousé Charlotte-
Marguerite de Montmorency ,
fille puiſnée de Henry I. Duc de
Montmorency , Pair & Connê
table de France , & de Louiſe de
Budos , ſa ſeconde Femme,le Roy
luy donna le commandement de
1
GALANT. 189
or
-1
10
de
tt ſes Armées en Guyenne & en
Languedoc , & il s'empara de
Soyon, de S. Alban , de ramiers ,
de Realmont , de Caſtelnau ,
Braſfac , de Viane , & de la Cau-
- ne , que tenoient les Pretendus
Reformez.ll fot fait Gouverneur
de Nancy & de la Lorraine en
1635. & l'année ſuivante il commanda
l'Armée du Roy dans la
Franche-Comté , où il ne réuffit
pas au Siege de Dole. Il ſe ſignala
dans le Rouffillon par la priſe de
deux places ,& aprés la mort du
- Roy , il fut étably Chefdu Confeil
& Miniſtre d'Estat ſous la
feuë Reyne Mere Anne d'Auſtriche,
Regente. Il fervit tres-utilement
ſous la Minorité de Sa ма-
jeté ,& mourut dans ſon Hôtel
le 26. Decembre 1646. Il eut de
Charlotte-Marguerite de Montmorency
, ſa Femme , trois fils ,
190
MERCURE
morrs dans leur enfance , Loüis
deBourbon , Prince de Condé ,
qui vient de mourir , Armand ,
prince de Conty , mort à Pezenas
le 21. Février 1666. Pere de
Monfieur le Prince de Conty
d'aujourd'huy , & Anne Geneviefve
de Bourbon , mariée en
1642 -par diſpenſe du Pape, avec
Henryd'Orleans II.du nom,Duc
de Longueville, qui avoir épousé
en premieres Noces Loüiſe de
Bourbon, fille deCharles,Comte
de Soiffons.
Monfieur le prince n'acquit
à Paris le 8. de Septembre
1621. pour la gloire de ſon Siecle,&
quand il ne feroit pas forty
de la Royale Maiſon de Bourbon
, la plus Illuſtre qui ſoit
danstoute la Terre , il n'auroitpû
manquer de ſe faire une é
clatante fortune parla grandeur
GALANT. 191
de ſes Actions , qui l'auroient
ſans doute fait combler de biens,
d'honneurs , & de Charges. Il
ſe trouva en 1640. au Siege
d'Arras ſous le nom de Duc
d'Enguien qu'il rendit fameux
parune ſuite continuellede Victoires.
Il n'avoit alors que dix
neufans. Après avoir donné des
preuves de fon courage & de ſa
valeur en 1642. au Siege de Perpignan,
il fut fait General de
l'Armée du Roy , du Regne duquel
il fignala le commencement
par la celebre Victoire de Rocroy
qu'il gagnale 19. May 1643 .
Elle fut fuivie de la priſe de
Thionville le 10. Aouſt de la
meſme année, 1644 il força les
Troupes de Baviere dans leurs
retranchemens présde Fribourg,
&emporta Philifbourg en dix
jours au mois de Septembre. Il
192
MERCURE
rétablit l'Electeur de Tréves en
1645.& défit les Bavarois le 30.
Aouſt à Nortlingen , où le Ge.
neral Mercy fut tué , & Jean de
Vvert mis en fuite, L'année fuivante
il ſe rendit de plus en plus
redoutable aux Ennemis de l'EAat
, & remit Dunkerque ſous
l'obeïſſance de Sa Majeſté.Monfieur
le Prince ſon Pere eſtant
mort for la fin de la meſme année
, il luy fucceda à la Charge
deGrand Maiſtre de la Maiſon
du Roy , & aux Gouvernemens
de Bourgogne , de Breffe , & de
Berry. Il eut le commandement
de l'armée du Roy en Catalogne
en 1647. & affiegea Lerida.
Quoy que le fuccez decette entrepriſe
n'euſt pas eſté heureux
pour luy , il ne laiſſa pas de
prendre Arger fur les frontieres
d'Arragon , & de faire lever le
Siege
GALANT.
193
F
Siege de Conſtantin qu'atta
quoient les Eſpagnols.Il continua
ces grands Triõphes par la
Bataille de Lens en Flandre qu'il
gagna le 20. Aouſt 1648. & f
tant d'Actions heroiques: l'ont
couvert de gloire dans ſes pre
mieres années , les dernieresant:
foûtenu avec beaucoup d'as
vantage l'éclatante réputation
qu'ils s'eſtoit acquiſe. Il ſervic
tres utilement à la Conqueſte..
que le Roy fit de la Franche-
Comté au mois de Fevrier 1668 .
&à celle de Hollande , où il prit
Vveſel , & fut bleſſé prés du
Fort de Toluysle 12. Juin 1672 .
Il continua de rendre de tresimportans
ſervices les années
ſuivantes,& mittoutes nos Conqueſtesdans
une entiere ſeureté
, ens'oppoſant aux moindres
deſſeins des trois Armées des.
Desembre 1686 .
1
194
MERCURE
Imperiaux des Eſpagnols&des
Hollandois, qui s'eſtoient liguez
contre la France. Il défit entie
rement l'Arriere-garde des Ennemis
& pluſieurs Troupes du
Corps de Batalle le 10. Aouſt
1674. à la celebre journée de
Senef. Ily eut plus de trois mille
hommes des Ennemis tuez ſur la
place , & plus de quatre mille
qui furent faits Prifonniers de
Guerre. Peu de temps aprés il
fit lever le Siege d'Oudenarde,
&contribua en 1675. àla priſe
de Limbourg. Aprés la mort de
Monfieur de Turenne il commanda
l'Armée d'Allemagne
où il fi lever le Siegede Haguenau
qu'avoitentrepris le Comte
deMontecuculi. Il avoit enſembledans
un haut degré les deux
choſes qui font les plus grands
hommes de Guerre. Il eſtoic
GALANT.
195
Soldat & Capitaine , ſavoit auſſi
bien ſe batre que commander,&
jamais perſonne n'a mieux ſceu
- que luy les mouvemens qu'une
Armée doit faire , ny mieux
connu les fautes que faisoient
ceux qu'il avoit à combatre.
Aufſfi peut-on dire que ce grand
Prince a étudié juſqu'à la mort
tout ce quiregarde la Guerre. II
ne ſe paſſoit rien de cette nature
dans toute l'Europe dont il n'euſt
fans ceſſedes nouvelles avectous
les Plans des Places qu'on afficgeoit.
Il jugeoit de ce quieſtait
contraire ou avantageux à chaque
party ,& fi ceux qui étoient
en Guerre euſſent pû avoir au-
-prés de luy des Eſpions pour leur
rapporter affez toſt ce qui ſe paffoitdans
ſon Cabinet,ils auroient
pû en profiter tres- utilement.On
ne peut douter aprés cela que
1 2
196 MERCURE
les Princes de ſon ſang quiont
tous les joursrecen ſes leçons, ne
foient tres-ſcavansdans le métier
delaGuerre. Il n'eſtoit pas moins
recommandable par ſon ſcavor
extraordinaire & par la force de
fon eſprit, qui paroiſſoit dans ſes
vives reparties , & qui le faifoit
aller au fait fur toutes fortes d'affaires.
Auffi quoy que les Viſites
qu'on luy rendoit tous les jours
pendant ſon ſéjour à Chantilly ,
fuſſent deuës à ſa naiſſance , fa
Perſonne y avoit toûjours beaucoup
de part,& lesgrandes qualitez
qu'il donnoit lieu d'admirer
en luy, eſtoient regardées de tout
le monde avec une veneration
tres particuliere. Il eſtoit ſi penetré
des grandes choſes qu'il voyoit
faire tous les jours au Roy ,
que quand le devoir d'un zelé
Sujet ne l'auroit point porté à
GALANT.
197
02
e!
l'aimer ,& qu'il n'euſt pas eu
l'honneur d'eſtre de ſon Sang , il
auroit eu pour ce grand Monarque
les meſmes ſentimens de
reſpect , d'admiration &de ten
dreſſe qu'il a inſpirez aux Princes
de ſa Maiſon . Quelque peu de
fanté qu'il euſt depuis quelques
mois , il ne put apprendre le
danger où la petite verole avoit
mis Madame la Ducheſſe de
Bourbon , fans ſe faire porter à
Fontainebleau , & les accidens
qui avoient fait craindre pour la
viede cette jeune Princeſſe ayang.
ceſſé peu de jours aprés , il avoit
-donné ſes ordres pour partir le
lendemain , lors que tout d'un
coup il ſe ſentit affoibly d'une
maniere qui luy fit connoittre
qu'il ne devoit plus ſonger à la
vie. Il dit auſſi - toſt qu'il voyoit
bien qu'il falloit penſer à un voya
)
13
198 MERCURE
geplus important. Il eut le ſoin
d'ordonner qu'on recompenſaſt
tous ſes Domeſtiques ,& fa foibleffe
continuant d'heure en
beure à s'augmenter,il enviſaget
la mort avec toute la reſignation
d'un veritable Chreſtien , & en
meſme temps avec la fermeté
d'un Heros. Il mourut le Mecredy,
onzième de ce mois , âgé
de ſoixante- cinq ans , trois mois
&trois jours. Son Corps fut ou
vert. On luy trouva le poumon
Aetry nageant dans l'eaudont la
poitrine eſtoiten partie remplie;
dans le bas ventre l'eſtomach
&le foye en fort bon eftat , les
deux reins à demy pourris , &la
fate commençant à ſe corrompre;
la veſſie du fiel fort grande
&fort pleine ; la veffie dans ſon
eſtat naturel , dans la teſte , le
plus beau cerveaudu monde,ſoit
GALANT. 199
dans ſa conſiſtance , & le coeur
fort fain, fort gros, &d'une cou
leur naturelle. Il ne faut pas s'étonner
ſi ſon coeur a toûjours été
grand auffi bien que ſon eſprit .
Son Corps fut expofé à Fontainebleau
pendant pluſieurs jours
for un Lit de parade , ſuivant ce
qui ſe pratique pour les Princes
de fon rang. Sa mort touchatel-
-lement le Roy que la maniere
dont il regreta ſa perte , fut une
preuve de la haute eſtime , &
de la conſideration tres fingulierequ'il
avoit pour luy.Sa Majeſté
nomma Monfieur le Prince de
Conty pour aller jetter de l'Eau
beniſte en ſon nom ſur le Corps
de cet Illuſtre défunt. Ce Prince
s'eſtant rendu à Fontainebleau ,
en fit la Ceremonie le Samedy
21.de ce mois. Il avoit le Chaperon
en forme , & eſtoit veſtu
14
200 MERCURE
d'une Robe de deuil , dontMon
ſieur le Marquis de Matignon
portoit la queuë qui estoit traînantes
de cing aunes. Monfieur
le Duc de Chaune l'accompa
gnoit,&Monfieur le Marquis de
Blainville,Monfieur de Saintot &
Monfieur Martinet le conduifirent
, le premier Grand Maiſtre ,
P'autre Maiſtre,& ledernier,Aide
desCeremonies.Il eſtoit environné
des Gardes du Corps que l'on
avoit commandez', & de vingt
des Suiſſes de la Garde du Roy.
Le meſme jour , Monfieur l'Eveſqued'Autun
qui devoit lever
& conduire le Corps de Fontainebleau
à Valeri , porta leCoeur
à la Paroiſſe , & l'y laiſſa en dépoſt
. Le lendemain ce Prelat en
habits Pontificaux, leva le Corps
do la Chambre de deüil,& on le
mit dans un Chariot couvertde
GALANT. 201
Velours noir , croisé de Moire
d'argent aux Armes du Prince
en broderie d'or , avec un bord
de huit doigts d'hermine. Ce
Chariot eſtoit attelé de huitChevaux
caparaçonnez de la meſme
forte. Aprés que Monfieur l'Evêque
d'Autun , & Monfieur le
Curé de la Paroiſſe ſe furentmis
dans le Carroſſe du Corps , on
commença à marcher. Les Officiers
de la Maiſonde Monfieur
le Prince estoient à la ſuite du
Convoy.Lors que l'on fut arrivé
à Valery, Monfieurd'Autun preſenta
leCorps à Monfieur l'Evêquede
Poitiers nommé àl'Arche--
veſché de Sens . Ce Prelat vétu
pontificalement le receut à la
porte de l'Eglife ,& le jour ſuivant
on fit le Service avec beau--
coup de folemnité. Le Corps fucc
mis auprés de celuy de Monfieur
IS
202 MERCURE
le Prince pere du Défunt , mort
il y a quarante ans le 26. de ce
meſme mois. Le 24. veille de
Noël , Monfieur l'Evéque d'autun
, ayant levé le Coeur qui
eſtoit demeuré dans la paroiffe
de Fontainebleau, monta dans le
Caroffe du Corps & le mit fur
fes genoux fur un Carreau de
Velours noir. Monfieur le Prince
Fils de cet Illuftre Défunt ,
l'attendoit à l'Egliſe de S. Loüis.
des Jeſuites. Monfieur le prince
de Conty s'y eſtoit auſſi rendu
dans unCaroffe du Roy , envi
ronné de Gardes du Corps qui
avoient tous l'épée nuë , parce
que c'eſtoit de la part de SaMajeſté
que ce prince ſe trouvoit à
cette Ceremonie , ce qui eſt une:
marque del'eſtime dont elle l'ho
nore. Le pere provincial des Jefuites,
à la teſte de ſa CommuGALANT
.. 203
nauté, recent Monfieurd'Autun
à la porte de l'Eglife , & ce prelat
luy remit le Cooeur entre les
mains , aprés un Diſcours fort
touchant fur ce Sujet. Le perc
provincial ayant répondu à ce
Diſcours , remit le Coeur entre
les mains de Monfieur l'Eveſque
d'autun , qui le poſa ſur une
Credence qu'on avoit placée auprés
de la Chapelle où eſt celuy
de Henry de Bourbon , Pere de
feu Monfieur le Prince , aprés
quoy il fit les Encenfemens , &
les autres Ceremonies qu'on a
coûtume de faire en de pareilles
occafions. Je vous parleray le
mois prochain des autres honheurs
funebres qui doivent être
rendus à la memoire de ce grand
Prince. Les Muſes ne ſe ſont pas
teuës ſur ſa mort . Voicy deux
Sonnets qu'elle a fait faire. Le
16-
204 MERCURE
premier eſt de Monfieur de Benſerade
, & l'autre de Monfieur
Magnin.
SUR LA MORT
de Monfieur le Prince.
ONDE traita la mort d'un
CONairaudacieux ,
L'on eust dit qu'il gagnoit sa derniere
Victoire;
A peine l'Univers eſt aſſez spa
tieux
Fourſuffire à pouvoir contenir tant
degloire.
Nous auronsſes hauts Faits tod
joursdevant les yeux ,
Monumens éternels du Temple de
Memoire,
D'un ſi digne Heros les reftes pré
cieux
2
<
GALANT. 205
Que laposteritérefuferade croire..
Quelle teste , quel bras , quels ta
lens à choisir ?
Tout en fut merveilleux iusques à
fon loisir,
Tout le bruit a remply l'un & l'aur
tre hemisphere..
泰
Nul ne put mieux agir quand il
fut à propos ;
Etmême comme il ſceut noblement
ne rien faire , 1
Nul neſceut mieuxgoûterun triom-
Phant repos.
Sur le meſme ſujet....
CONDE wiem de
ONDE' vient de mourir , la
Ne l'a point distingué du restedes
Humains.
Vertus , merite , honneurs , que vos
efforts fontvains
206 MERCURE
Quand il faut appaiserfafureur
implacable!
1
C'en est fait , iln'est plus ceHeros
indomptable ,
Tant de Lauriersfi verts font tombez
deſes mains ;
Cegrand évenement fait gemir les
Destins ,
Mars a fremy d'horreur à ce coup
déplorable.
Lents, Nortlingue,Rocroy d'éton
nement surpris
Elevent dans les airs de pitoyables.
cris;
Mais d'un doüilgeneral cette perte
eftfuivie.
Apleurer ce Heros tout lemonde
eftd'accord.
be moyen desçavoir l'histoiredeſa
Vie
GALANT.
207
Es de nepas donnerdes larmes àfa
Mort?
Le 22. decemois Monfieur le
Comtede Lobkovvits , Envoyé
Extraordinaire de l'Empereur,
fit part à Sa Majeſté de l'avis.
qu'il avoit receu de la mort de
l'Imperatrice Douaïriere Eleonor,
arrivée à Vienne le 6. dece
meſme mois. Elle estoit âgée de
cinquante-neuf ans , & Fillede
Cahrles de Gonzagues.Cleves.
Duc de Rhetelois , & de Marie
de Gonzague , Princeſſe de
Mantoüe , qui estoit Fille de
François de Gonzague II. Duc
de Mantoüe & de Montferrat ,
& de Marguerite de Savoye.
L'Imperatrice Eleonor eſtoit
troiſième Femme de l'Empereur
Ferdinand III . qui l'épouſa le
30. Avril 1651. Cet Empereur
1.
208 MERCURE
avoit épouséen premieres Noces
Marie - Anne d'Auſtriche ,,
Fille de Philippes III. Roy d'Efpagne,
dontil a laiffé Leopold
aujourd'huy Empereur , &Marie
Anne d'Auſtriche , Mere de
Charles II. Roy d'Eſpagne ,
Aprésla mort de cette Princeſſe
il épouſa en 1648. Marie Leopoldine
, Fille de l'Archiduc
Leopold , morte dans l'année
ſuivante , aprés avoir mis au
monde Ferdinand Charles Joſeph
, Archiduc d'Auſtriche,
mort à Lints en 1664. Les Enfans
qu'il a laiſſez de ſon troifiéme
Mariage, avec Eleonor de
Gonzague , font Eleonor- Marie,
qui eſtant Veuve de Michel
Koribut Vvieſnouviski , Roy
de Pologne , épousa le Prince
Charles de Lorraine en 1678.c
Marie-Anne- Joſeph , mariée la
GALANT.
209
meſme année avec Philippe-
Guillaume de Neubourg , aujourd'huy
Prince Electoral Palatin.
د
Le Dimanche Is.de ce mois le
Pere Alexis du Buc , Superieur
des Theatins , qui continue ſes
Inſtructions pour les nouveaux
Convertis avec le zele qu'il a
toûjours fait paroiſtre dans ce
qui regarde les avantages de la
Religion Catholique , recent en
preſence de pluſieurs perſonnes
de qualité l'Abjuration de Meffire
Charles Bohleng, d'une des
Illustres Familles de Suede ,
Capitaine au Regiment d'Alface.
Vous ſuivez le ſentiment du
Public dans l'approbation que
vous donnez à l'Histoire des oracles.
On la trouve digne de fon
Autheur; & c'eſt beaucoup dire,,
210 MERCURE
puis qu'il a l'eſprit tres fin &
tres-delicat,qu'il penſe fort juſte,
&que ſes expreſſions naturelles
& aisées foûtiennent par tous
d'une maniere agreable la ſolidité
du raiſonnement. L'eſpere
que dans dix ou douze jours je
pourray vous envoyer le nouveau
Recueil des Lettres du
Chevalier d'Her*** que vous
demandez avec tant d'empreſſement
On a cru à cauſe du Titre
de Lettres diverſes , que porte la
premiere Partie , que c'eſtoient
Lettres ramaffées que l'on avoit
déja veuës , & qu'on avoit ſeulement
pris ſoin de faire imprimer
enſemble. Cependant il n'y ena
aucune qui ne ſoit originale , &
je ſuis fort ſeur que ceux qui aiment
les Lettres , y trouveront
tout l'eſprit qu'on peut ſouhaiter
dans ce qui doit eſtre ſimple
GALAN T. 218
mentgalant , & n'avoir rien de
trop recherché.
* le viens aux Enigmes. La premiere
a eſté expliquée ſur le
Fer , qui en eſtoit le vray mor
par Meſſieurs les Abbez de Brizay
& de maroles. La ſeconde
eſtoit le Baifer. Ceux qui en ont
trouvé le vray ſens,ſont meſſieurs
Vignier, Hutuge, H. de mets , de
la Croix R. Merier, Maître à chan
ser à Laon ; F. Lourdet L'Abbé
de la Mouſſe ; la Tronche de
Roüen , l'Exilé d'argentan , le
Chevalier de Charmes ; le P. de
grande Stature ; l'amant de la
belle Babet du Havre ; Alcidor
de Caën; le petit Sous-Doyen
du College de Navarre; le Doteur
mysterieux ; l'Amant Solitaire
payé d'ingratitude; l'Afſemblée
nocturne des Amans
noirs ; leChevalier ; Cleante de
212 MERCURE
Sarre-Louis , le prere aiſné des
aimables Soeurs ; l'Enfant ; Hiacinte
Rauchet Gillotin ; la jolie
Troupe fleurie ;la belle Captive
du plus beau Quartier de Pariss
la plus aimable des trois Soeurs
du Fauxbourg S. Germain ; les
Précieuſes ridicules de laruëdes
Lombards; les Confidens reciproques,
la jeune Conquérante
en amour;& le jeune Sans-foucy;
les deux Soeurs amoureuſes ; &
la fidelle Amiedu galantTimante
de la rue Sainte Anne; l'aimable
Solitaire de Lagny for Mar.
ne;& fon leclination ; la Dame
aux Flambeaux de la rue Saint
Honoré ; le jeune Tendron fans
amour , de la ruëde Bufly ; & la
jeune Irisdu Liond'or.....
Ces deux Enigmes ont eſté
expliquées dans leurs vray fens
parM. L. Bouchet, ancienCuté
:
}
GALANT . 213
de Nogent - le Roy , Tamiriſte
de la ruë dela Cerifaye , Colin
la Muſique; le Procureur prodigue
le lendemain des Nocess
le Chevalier Daigrefins ; le
meilleurEnfant de la ruë Bourlabé
; le plus fincere & le moins
intereſfé des Procureurs du
Chaſtelet ; le vieil Amant de la
ruë des Barres , la Fille fans Amans
la plus Amoureuſe & plus
Diffimulée de la Ruë Saint Honoré,
labelle Procureuſe Normande
; l'infidelle Brunette ; la
charmante Nanette & ſon inſeparable
; le Pere nourriffier
de ſa belle Pigeonne ; & le jeune
Orphée du Fauxbourg S.
Michel.
La premiere des deux Enig
mes nouvelles que je vous envoye
, eſt de Monfieur Lourder.
214 MERCURE
ENIGME.
Ans contredit les Enfersm'ont
Sfait naistre
Pour maltraiter du Ciel les Favoris.
Nul contre moy ne se peut rendre
maistre ,
Les plus vaillans par moyse sententpris.
Ausfi chacun me fuit comme une
peste,
Mais trop ſouvent i'attrape qui me
fuit.
où l'on mesçait ,Sans demander
-Jon refte
Avec grand hafte on s'éloigne,&
Sans bruit,
Le croiroit-on ? Par mes fâcheuses
armes,
GALANT.
255
I'aneantis la plus fiere Beauté;
Et l'on ne peutpar priere ny larmes,
En certains temps vaincre ma
cruauté ,
Pour toy , Lecteur , qui me tiens
enpeinture .
Voy si tu peu me connoistre à ces
traits
Si tu n'y peux penetrer ma nature
N'aspirepas àmevoir de plus prés.
AUTRE ENIGME .
Malgré monteint obfeur dont aoire est la couleur ,
le donne un ornement au plus charmant
Ouvrage,
On voit mefmefouvent laplus grandeblancheur
Rehaufferfon éclat en baifant mor
visage.
216 MERCURE
Ie parois en tous lieux , à la Ville ,
au Village ,
On m'y voit quelquefois d'une égale
froideur,
C'est pourquoy si Catin me veut
१ mettre en usage ,
Elle employera les mains pour me
2
mettre en chaleur.
Bienque iefois un corps pesant
&mal adroit ,
Le décide par tout des affaires du
Droit ,
Le ſuis en verité d'une éorange nature,
Moy qui peux embellir la blan
cheur du Satin
Par l'effet naturel de ma matiere
dure,
Quand mon Pere me fait , ie luy
noircis la main.
.
Pay
GALANT.
217
Tay à vous apprendre quelques
morts de perſonnes confiderables
arriveés pendant ce
mois,Envoicy les noms.
Dame Catherine Holdier ,
morte le 9. Elle estoit Femme ,de
Meſſire René de Ragaren , Seigneur
de Bellaſſize , Maître des
Requeſtes.
Meſſire Claude de Guenegaud
cy-devant Tréſorier de l'Epargne
, mort le 13. Il eſtoit Filsde
Meffire Gabriël deGuenegaud .
Tréſorier de l'Epargne , & de
Dame Marie de la Croix , de la
Famille des de la Croix Plancy ,
Fille de Claude de la Croix , Vicomte
de Semoine , & de Cathe
rine de Balaan,Dame du Pleffis-
Belleville , & petite Fille de Nicolas
de la Croix , Seigneur de
Roupetreux , & de Charlote de
Courtenay. Il avoit deux Freres
Decembre 1686. K
218 MERCURE
&trois Soeurs , ſçavoir Henry
de Guenegaud Baronde S. Ioft ,
Seigneur du Pleſſis - Belleville ,
Secretaire d'Eſtat ; François de
Guenegaud , Sieur de Lonzac ;
Marie de Guenegaud Femme
de Claude le Loup, SieurdeBellenave;
Renée de Guenegaud ,
Femme de lean de Save, Seigneur
dePlotard, Preſident en la Cour
des Aides,& Madelaine de Gue
negaud, Femme de Cefar Phoe
bus d'Albret,Comte de Miocens,
Maréchal de France, DeGuenegaud
porte écartelé au premier
& dernier de la Croix , qui eſt
d'Azur à la Croix d'or chargée en
coeur d'un Croiſſant de gueules ; au
deuxde Courtenay, au trois deHar
lay, far le tout de Guenegaud , qui
estdegueules , au Lion d'or.
Meſſire René- Françoisle Tellier
, Seigneur de poireu , recen
GALANT. 249
Conſeiller en la Courdes Aydes
en 1681. mort le 14. Il avoit
épousé la Fillede feu Monfieur
le Chevalier, Receveur General,
des Finances en Lorraine , &
eſtoit Fils de feu Meſſire René
le Tellier Conſeiller en la mefer
me Cour , & Cousin germain
de feu Monfieur le Chancellier
leTellier. Il laiſſe un prere,qui eſt,
Meffire Charles le Tellier, Sieur
deMorian , receu Conſeiller au
Parlement en 1687. & une
Soeur qui a épousé meſfireGer- >
main- Christophe de Thumery,
Seigneur de Boiſſiſe , Preſident
en la ſeconde Chambre des Enqueſtes.
Le Tellier porte d'Azur
àtrois Lezards d'argent posez en
pal, au chefcoufu de gueules, char
géde trois Etoiles d'or.
Dame Madelaine de Leſpinay,
morte le 19.Elle estoit Veuve de
১
K 2
220 MERCURE
Meſſire Eſtienne Foullé, Seigneur
de Prunevaux maiſtre des Re
queſtes. Monfieur de Martangis
qui a eſté Ambaſſadeur en Danemarck
, eſt ſon fils , & Monſieur
Deſmadrit , Intendant à
Dunkerque, eſt ſonGendre. Ily
a eu du nom de Foullé pluſieurs
Maiſtres des Requeſtes , Inten-.
dans de Juſtice , & Conſeillers
au Parlement , recommandables
par les ſervices qu'ils ont rendus
à nos Rois. Monfieur Foullé ,
Conſeiller au Parlement en 1563 .
fut fait Preſident aux Enqueſtes
du Parlement de Bretagne , en
confideration de ſes Services .
Foulé porte d'Hermine à uneface
de gueules,& trois Pals d'azur brochant
fur le tout.
Meffire Geoffroy Luillier , Prê
tre , cy devant Prieur de Sainte
Foy de Coulommiers en Brie ,
GALANT. 221
mort le 21. Il eſtoit de l'ancienne
Famille des Luillier ſi confiderable
dans la Robe ,& quiadon.
nédiverſes Perſonnes d'un fort
grand merite , particulierement
Jacques Lollier Eveſque de
Meaux , Philippes Luillier Avocat
General au Parlement en
1471. Jean Luillier , Lieutenant
Civil à Paris , puis Procureur
General au Parlement , Euſtache
Lullier , premier preſident
en la Cour des Aydes , & Guillaume
Lullier , Maiſtre des Requêtes
en 1523. Lullier porte
d'Azur à trois Coquilles d'or. i
Meſſire Loüis-Bertrand de la
Baziniere, Meſtre deCampd'un
Regimét de Cavalerie,mort le 22
Il eſtoitFrere de madame la Prefidente
de meſmes, & Fils de Meffire
Macé Bertrand, Seigneur de la
Baziniere,Eclichy,& laGaronne
K 3
222 MERCURE
Baron de Roubaut &du grand
Precigny, Prevoſt & maiſtre des
Ceremonies des Ordres du Roy,
& Tréſorier en ſon Epargne ,
& de Dame de Barbezieres
de Chemerault, qui eſt
une Maiſon recommandable par
fon ancienneté , & dont il y a
eu des Chevaliers des Ordres du
Roy. Il avoit pour Ayeul Meffire
Macé Bertrand , Seigneur de la
Baziniere , Tréſorier de l'Eſpargne.
Son Ayeule eſtoit de la Familledes
de Vertamon originaire
da Limousin ,dont ily a eu plufieurs
Conſeillers d'Estat , Matres
des Requeſtes , & Confeillers
au parlement Bertrand la Baziniere
, porte d'Azur au Che-
-vron d'argent , accompagnéde trois
roses d'or, deux en chef, & une en
pointe.
l'ay commencé ma Lettre par
GALANT.
223
les Prieres qui ont eſté faites
pour l'heureux ſuccés de l'Operation
, à laquelle la fermeté
du Roy l'avoit engagé à s'expoſer
,& je la finis en vous parlant
encore de Prieres ; mais il faut
vous expliquer que ces Prieres
ont eſté pourdeux ſujets.L'Egli-
•ſe ordonna que l'on en fiſt aprés
l'Operation , afin que les fuites
en fuſſent auſſi heureuſes que les
commencemens l'avoient eſté.
Enſuite tous les Corps desOfficiers
de Ville , ceux des Arts &
Métiers , & toutes les Communautez
commencerent den faire
pour le meſme ſujet ; mais
dans le cours de ces Prieres , &
avant que tant de Corps eufſſent
pû avoir leur tour , toutes les
Egliſes retentiſſant de celles qui
ſe faifoient avec grande ſolemnité
, on apprit la parfaite gue
K 4
2.24 MERCURE
rifon du Roy , & ces Prieres qui
n'eſtoient que pour demander à
Dieu le retour de ſa Santé , non
feulement furent chantées en
des Actions de graces , mais l'on
ymefla des Te Deum.Ce ſont celles
que l'on continuë encore tous
les jours , & l'empreſſement eſt
fi grand , que tout Paris ſemble
eſtre occupé à ces faintes réjouiſſances.
Quand on eſt hors
des Egliſes , on entend toutes les
Clochesde la Ville ſonner dans
le meſme temps , & quand on
entre dans quelqu'une , on n'entend
que de la muſique,& on les
trouve toutes remplies d'un peuple
priant aux pieds des Autels ,
& avec un zele qui tire des larmes
de joye de ceux qui ont autant
d'amour pour le Roy,qu'en
merite tout ce que ce grand MoGALANT.
22
narque a fait pour la France. Les
Egliſes où ces prieres ſe font,fone
éclairées d'un nombre infiny de
Cierges , & l'on n'y voitque riches
Tapiſſeries , Argenterie &
Tableaux. Je ne finirois pointma
Lettre ſi je vous envoyois la liſte
desCorps & Communautez qui
en ont fait faire ; cependant je
dois vous dire que les Do
teurs-Regens de la Faculté des
Droits firent celebrer le 21.de ce
mois une Meſſe ſolemnelledans
l'Egliſe de S. Iean de Latran ,
pour demander à Dieu l'entier
rétabliſſement d'une Santé f
précieuſe à l'Etat , & qu'ils y
affiſterent tous en Habits de Ceremonie.
Les Profeſſeurs duCollege
Royal en firent celebrer
une autre le 23. dans la meſme
Eglife , & avec la meſme ſolemnité.
K
226 MERCURE
و
Ceux qui font logez dans les
Galeries du Louvre & que
l'on peut dire chacun en fon genre
les premiers de leur Profef
fion , puis que ce n'eſt que par
là qu'ils ont merité ces logemens,
ſe ſont extrêmement diftinguez
dans la Meſſe qu'ils ont fait
chanter dans la Chapelle du
Louvre. Ce fut Monfieur leCure
de Saint Germain l'Auxerrois ,
Paroiſſe du Louvre , qui la celebra.
Elle fut accompagnée d'un
Te Deum , & l'on peut dire que
tout y eſtoit choifi . La Muſique
eſtoit du fameux Monfieur Lo
renzani, dont la réputation eſt ſi
établie; les Voix des plus belles,
de France & d'Italie ;laChapelle
magnifiquement décorée , & la
compagnie compofée d'un tresgrand
nombre de Perſonnes de
GALANT.
$27
qualité ,&de meſſieurs de l'Aeademie
Françoiſe , à qui le Roy,
qui en eſt le Protecteur,a donné
une Salle dans le Louvre pour
s'y aſſembler. Ce n'est pas d'aujourd'huy
que meffieurs de la
Galerie du Louvre ont faitcon+
noiſtre qu'ils ſçavent ſe diſtine
guer. On ſe ſouvient de l'Illumination
qu'ils firent à la Naiſſance
de Monſeigneur le Duc de
Bourgogne , & qui l'emporta fur
tout ce qu'on fit alors à Paris de
cette nature.
Les nouveaux Catholiques
qui doivent plus à Sa Majeſté
que les autres , puis qu'ils luy
font redevables de leur ſalut , en
ont marqué leur reconnoiſſance
parune meſſe ſolemnelle qu'ils
firent chanter à S. Sulpicele 12 .
de ce mois , & où la pluſparte
228 MERCURE
d'entre eux communierent. On
leur fait tous les Jeudis une Ins
ſtruction dans la Salle de Monfieur
l'Abbé des Prez , où Mond
ſieur Tiers qu'ils ont veu Propofant
àCharenton , & qui s'eſt
mis dans les Ordres , leur parle
des Veritez Catholiques d'une
maniere familiere & infinuante.
Cefut à l'iſſuë de l'Inſtructiona
que remplis de zele pour le Roy,
ils prierent cet Abbé le premier
Ieudyde ce mois , d'obtenir de
Monfieurle Curé de S. Sulpice,
la permiſſionde faire prier Dieu
publiquement pour la parfaite
gueriſon de Sa Majesté , ce qu'il
• vous eſt aité de juger qu'on leur
accorda ſans peine. Monfieur
l'Abbé des Prez eſt un homme ,,
•dont le merite eſt aſſez connu .
Il a paffé une partie de la jeu
GALANT..
229
nefſeſur la Mer en qualité de
Volontaire , & s'eſt diſtingue à
Malthe par quantité d'actions.
de valeur. Il a eſté depuis Capitainedans
le Regiment de Picardie
, où il a fort bien ſervy
mais l'âge l'ayant enfin rendu
incapable de ſoûtenir le fatigues
de la Guerre , il s'eſt tourné do
côſté de Dieu , & a donné tous
ſes ſoins à la Converfion des
Heretiques. C'eſt à quoy il a
employé ſon temps & fon bien
depuis cinq ans , & on luy doit le
premier établiſſement d'une
Maiſon deſtinée pour l'Inſtrution
des Gentilshommes nou
vellement convertis. Il eſt encore
actuellement occupé à faire
diſtribuer aux nouveaux Catholiques
qui font pauvres , l'ar
gent que SaMajesté fait mettre
430 MERCURE
toutes les ſemaines entre les
mains de Monfieur le Curé de
S, Sulpice. Cet argent ſe diſtribuë
après une Exhortation
qu'on fait tous les Jeudis dans
ſaSalle.
Ie ne parleray point encore
des Prieres qui ont eſté faitess
dansles autres Villes , je poufferois
ma Lettre trop loin's mais.
le Havre ayant fait une choſe
extraordinaire , merite d'eſtre:
excepté. Le Dimanche 8. de ce
mois, jour de la Conception de
la Vierge , on y fit une Proceffion
tres-folemnelle , qui commença
apres le Salut, & où le
Saint Sacrement fut porté ſous
le Dais comme le jour de la
Feſte- Dieu. Toutes les Ruës.
eſtoient tapiffées. Monfieur le
Duc& Madame la Ducheſſe de
GALANT.
2:317
Saint Aignan ſuivoient le Dais,,
avec un grand nombre d'Offi-.
ciers, de Dames;& de perſonnes
confiderables portant dess
Cierges. Les Confreres& tous,
les Preſtres du Seminaire en
portoient auffi , & plus de vingt
cinq mille perſonnes ſuivoient
la proceffion. Aprés qu'elle fut
rentrée, on commença les Prieres
par un Te Deum , en Action
deGracesde la meilleure ſanté
du Roy. Il fut ſuivy de l'Exau- .
diat , & d'autres pſeaumes pour
la conſervarion , pendant que
les deux autres Paroiſſes de S..
François & de S. Michel , les
Capucins , les Penitens & les
Ursulines , ne la demandoient
pas avec moins d'ardeur.
Je n'ay rien à ajoûter , finon
qu'il a pleu à Dieu d'exaucer tant
232
MERCURE
de prieres,& que la Santé du Roy
eſt parfaite , qu'il a remply tous
lesdevoirsd'unChreſtiens pendant
lerFeſtes eſtantdeſcendu à
la Chapelle , & que Dimanche
dernier 29. de ce mois , on
chanta le Te Deum dans toutes ,
les Paroiſſes , en action de
graces d'une gueriſon ſi ardemment
ſouhaitée.. le ſuis Madame,
voſtre, &c..
AParis ce31. Decembre 1686
DELAVILLE
*
LYO
Prelude
TABLE DES MATIERES
contenuës dans ce Volume.
Discoursprononcépar
I
parle Pere
Loüis de Nazareth . 8
M.le Cardinal Ranuzzi celebre la
Meſſe à l'Union Chrestienne pendant
la Neuvaine pour le Roy . 21
Institut de cette Communauté.
21
Prieres pour leRoy. 28
Prieresen Vers pour Sa Majesté.3
Deviſes. 33
>
Discours contenant l'origine des
Cardinaux , la grandeur de leur
Dignité,combien ily en doit avoir
dans leſacré College, ce que c'est
que leur Titre , & la maniere
dontsefait leur élection. 34
TABLE.
Madrigaux. 8;
Traductions de plusieurs Epigrammmes
de Catulle .... 86
Bouquet. 89
Discoursfait par M. l'AvocatGe.
du Parlement, 92
८
neral Lamoignon , à l'ouverture
Mercurialefaite parM. le ProcureurGeneral.
Hiftoires.
94
96
Madame Simiane de Moncha est
elevë Abbeſſede Bouxsier. 109
Etabliſſement de l'AcademieRoyale
d'Angers, avec les particularitez
d'une Feste quia estéfaite dans
la mesme Ville le jour qu'on y a
élevé un Buste àlagloire du Roy.
113
Tout ce qui s'est passé en Hongrie
depuis la prise de Bude. 146
Suite des Conquestes des Venitiens
depuis la prise de Napoli de RoTABLE.
manie.
Madrigal.
Mort de M. le Prince.
173
180
181
Ce qui s'estpasséàses obfeques 199
Sonnetsfur la mort de M.le Prin
ce. 204
Mort de l'Imperatrice Eleonor.207
Abjuration faite entre les mains du
Pere Alexis du Buc ,par Mesfire
Charles Bobleng , natif de
Suede. 209
Histoiredes Oracles , &Lettresdi
verses. 209
Noms deceux qui ont expliqué les
Enigmes. 224
Enigmes. 214
Autre Enigme. 215
Morts. 225
Continuation des Prieres pourle
Roy.
226
Zele des nouveaux Catholiques
qui fontfaire des Prieres publi
TABLE
ques pour Sa Majefté. 227
Prieres faites au Havre pour la
guerifondu Roy. 2.29
Te Deum chantéle29. Décembre
dans toutes les Paroiffes de Paris,
en action de gracede la parfaite
Gueriſon du Roy. 232
Finde la Table..
P
Extrait du Privilege du Roy.
Ar Grace & Privilege du Roy , donné ,
Chaville le 18. Juillet 1683. Signé , Par
le Roy enfon Conſeil, luNQUIERES. Il eft,
permis à I. D. Ecuyer , Sicur de Vizé de
faire imprimer tous les Mois un Livre intitulé
MERCURE GALANT , contenant
pluſieurs Pieces , Relation , Hiſtoires Avantures
& autres Ouvrages hiſtorique , curieux
& galans , pour la fatisfaction de
nôtre cher & tres-amé Fils LE DAUPHIN ;
pendantle temps & eſpace de dix années,
à compter du jour que chacun deſdits
Volumes ſera achevé d'imprimer pour la
premieres fois: Comme auſſi défenſes ſont
faites à tous Libraires , Imprimeurs Gra
vents & autres , d'imprimer graver & debiter
ledit Livre ſans le confentement de
l'Expoſant, ny d'en extraire aucunePiece,ny
Planches ſervant à l'ornement dudit Livres
meſme d'en vendre ſeparément, & de donner
à lire ledit Livre ; letout à peine de fix mille
mille livres d'amende contre chacun des
contrevenans , & confiſcation des Exemplaires
, contrefaits ; ainſi que plus au long
il eſt porté audit Privilege.
Registréſur le Livre de la Communauté le 14
Septembre 1683.
Signé ANGOT , Syndic.
Et ledit Sieur 1. D. Ecuyer , Sicur de
Vizé , a cedé & tranſporté ſon droitde
Privilege à Thomas Amaulry, Libraire à
Lyon , pour en joüir ſuivant l'accord fait
catr'eux.
Avis pour placer les Figures.
'Air qui commence par;
L
Petits Moutons qui dans la
plaines , doit regarder la page
92.
La Medaille doit regarder la
page 146.
L'air qui commence par , Ah!
jenesçay ce que monooeur deman
de,doit regarder la page 179.
MERCURE
GALANT
DEDIE' A MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN
DECEMBRE 1686 .
*
4
TELA VILLE
A LYON ,
Chez THOMAS AMAULRY ,
ruë Merciere , au Mercure Galant.
M. DC. LXXXVI.
AVEC PRIVILEGE DU ROY
AV LECTEVR.
A troifiéme Partie du Voyage
France vient d'estre donné au Pu
blic avec ce Volume. Elle a pour
Titre , Troiſième Partie du Voyagedes
Ambaſſadeurs de Siam en
France , contenant la ſuitede la
Deſcription deVerſailles , celle
des Chevaux qui font dans les
deux Ecuries du Roy , ce qui
s'eſt paſſé dans les Viſites qui
auront eſté renduës , les experiences
de la peſanteur de l'Air
faite devant eux , la Deſcription
de la Galerie de Sceaux , & les
Receptions avec les Harangues
qu'on leur à faites dans pluſieurs
Villes de Flandres . Versailles
s'eſtant trouvé décrit avecbeaucoup
22
AU LECTEUR .
40
d'exactitude dans leVoulume qui a
précedé celuy- cy , &le Public ayant
Souhaiteque ce qui manquoit à cette
Description ,se trouvaſt dans cette
troisième Partie avec la mesme re
gularité , on à fatisfait àson empreſſement.
On a mesme fait plus
puis qu'en décrivant les Ecuries ,
qui font l'étonnement de tous ceux
qui les voyent , &particulierement
des Etrangers , on a fait voir ce
qu'elles contiennent de Chevaux, de
quels pays ils viennent , & à quels
usages ils font employez . Ily a
long- temps qu'on aspiroit aprés une
Relation entiere de Versailles , mais
le grand nombre de choses qu'ily
avoit àdécrire étonoit ; cependant
en veila une que ceux qui auront
les deux Volumes qui en parlent ,
pourrontſe vanter d'avoir entiere.
On peut dire que c'est aux Ambas-
Sadeurs de Siam à quile Public
AU LECTEUR .
doit cet ouvrage , puis que la ma
niere curieuse avec laquelle ils regardet,&
mesurent toutes chofes,&
tes éclaiciſſemens qu'ils demandent,
ont fait que l'on a appris ce qu'il
auroit esté dificile de sçavoir , à
cauſe du grand nombre de differentes
personnes qui peuvent donner
ces explications. On ne ditriendes
autres choses curieuses que cette
mesme Partie contient mais feule.
ment que les Ambassadeurs n'ont
jamais fait voir tant d'esprit que
dans le Voyage de Flandres , qu'on
y trouvera décrit. On Sçait déja
que les Motsqu'ils ont donnez , lors
que les Gouverneurs & les Majors
desplaces font venus prendre l'ordred'eux
, ont esté admirée detoute
la Cour , qui a voulu les fçavoir ,
mais s'ils ont esté trouvezfi beaux
Sans estre accompagnez des raisons
qui les ont obligezà les donner , G
ã 3
AU LECTEUR.
qu'on trouvera dans la Description
de leur Voyage , que ne doivent-ils
point paroiſtre alors à ceux qui exa.
mineront avec quelle justesse ,&م
qu'elle prudence ils les ont donnez !
Ont croit avoir esté assezbien infor
mé de ce qu'ils ont dit , pour n'a
voirvien oubliée de tout ce qui est
digne d'estre remarqué,& l'on a pris
ce foin , parce que la pluſpart de
ces choses tombent sur le Roy ,
que les loüanges de cettenaturefont
moins suspectes , que celles que le
Zele d'un Sujet fait donner. On
voit outre celadans cette Relation:
pluſieurs Harangues qui ont esté
faites aux Ambassadeurs , avec
leurs réponses ,&une Description
historique de toute les Villes où ils
ont paffe. On avertit que l'on trouve.
ra dans ce Volume une estampe qui..
represete le Troſne du Roy, de lama..
niere qu'il estoit le jour que lesAm
Sel
AU LECTEUR..
Bafſfadeurs curent leur premiereAus
dience de Sa Majesté. On en voit
beaucoup d'autres qui n'aprochent
en aucune chose de la verité ; au
lieu que celle-cy a esté deſſinée d'a--
prés le Troſnemesme. Ily a plus,
ony voit les rangs de tous les Prin-
.ces , & de tous les Grands Officiers;
qui estoient aux coſtez&derriere le
Roy , ainsi que ceux des Ambaſſadeurs
, & des personnes qui les accompagnoient
; & comme la confufion
empeſcheroit de les distinguer
s'ilyavoit tant de Figuresdans une
Planche , & mesme que l'explication
qui marque la raison de la plufpart
de ces rangs n'y pourroit entrer
, on s'estfervy d'un Alphabet ,
& deplusieurs chiffres, pourdonner
une parfaite intelligence de toutess
ces choses..
LE LIBRAIRE
AU LECTEUR .
Ous recevrez cher Le-
Eteur , à cette nouvelle
année pluſieurs Livres nouveaux
dont vous trouverez
cy- aprés la Liſte. Je vous envoyray
fans manquer le Mois prochain , la
ſuite de l'Histoire des Hereſies , du
Sçavant Monfieur Varillas, le Pontificar
deS. Leon, de feu Mr Mainbourg ,
lebon uſage du Thé , Caffé & Chocolat
de Mr de Blegny , avec treize
belles Figures en taille douce,le Voyage
du Chevalier Chardin par la Mer
Noire, avec pluſieurs Figures entailledouce.
L'on continue àdiſtribuer le
Journal des Sçavans pour fix ſols le
Cahier ,je n'endonneray aucuns cette
preſente Année 1687. que l'on affure
de la prendre toute entiere. Vous aures
auſſi lemois prochaiu le Livre de
Joſuéavecdes nottes de feuM.Deſacy..
A
1
LIVRES NOUVEAUX
du mois de Decembre 1686.
Voyage de Siam des Peres Jefuitesen- par le Roy aux Indes & la Chiy
ne avec leurs obſervations Aſtronomiques&
leurs Remarques de Phiſique , de Geogra
phie , d'Hydrographie & d'Histoire , in 4..
avec 20. grande Figure en taille-douce, 7.1.
La nouvelle Pratique Civile & Criminel
&Beneficiale. où le nouveau Praticien Fran...
çois reformé ſuivant les nouvelles Ordonnances
par feu M. Lange, troifiéme Edition
augmenté d'un Droit d'Indult& d'un traité
de la Iurifdiction Eccleſiaſtique , trouvé
dans les Manuscrits de l'Autheur & de Notes
endroits avec un nouveau ſtile des Lettres
de Chancellerie ſuivant l'uſage qui ſe
pratique à preſent, dedié à M. Talon AvocatGeneral
, imprimé en 1887. in 4. 7.liv.
Inſtitution du Droit Romain & du Droit
François , diviſées en quatre livres , avec
des Remarques pour l'intelligence de l'Ouvrage
, par M. François Delaunay , Avocat
enParlement, dedié à M.le Chancellier ,
in4, 6. liv.
Dictionnaire Civil & Canonique , contenant
les Etimologies , definitions , diviſions
& Principes du Droit François , conferé
avec le Droit Romain & de la pratique ac--
commodée aux nouvelles Ordannances
ouvrage également utile aux Avocats & aux
Praticiens , par l'explication des choſes difficiles
à ceux qui commencent , & par les
citations des Loix , des Coutumes & des
Arreſts pour les Sçavans qui auront des
matieres à traiter , in 4. 6. liv.
Paraphrafe&un Commentaire ſur l'Edit
des Mariages Clandestins & fur celuy des
ſecondes Nôces & les maximes qu'on obſerve
preſentement dans toutes les Cours &
Jurisdictions conformement aux Ordonnan
ces aux Arreſts & aux Coutumes , in 4.5.1.
Des Droits de Patronage de preſentation
aux Benefices dePreſeancedes Seigneurs,&
autres, des Droits Honorifiques,des Titres ,
Peintures Funebres , des Bancs &des Sepultures
dans les Eglifes par M. de la Ferrière
in4. 6. 1 .
Nouveaux Dialogues des Dieux pour le
divertiſſement de Monſeigneur le Duc de
Bourgogne avec pluſieurs Figures en taille... !
douce,12.45. Γ.
Traité du Choix & de la methode des
Etudes parM. Fleury, 12. 40. f.
Les Idylles de Bion & de Mofchus traduite
deGrec en Vers François,avec des Remarques,
12.45 ..
Les Poësies d'Anacreon &de Sapho , traduites
en Vers François , avec des Remarques,
12.45.f.
Relation Hiſtorique de la Pologne , consenant
le pouvoir de ſes Rois leur Election.
&leurCouronnement ; les Privileges de la
Nobleſſe , la Religion , la luſtice ,les
Mours & les Inclinations des Polonois avec
pluſieurs actions remarquables par le Sicur
de Hauteville , 12.40.1.
Deſcription nouvelle de CC qu'ilyade
plus remarquabledans la VilledeParis, fe
conde édition , augmentée de pluſieurs Recherches
tres- curieuſes par M.Brice,12.40.f..
Les Elemens de la perfection Chrétienne
ou les quatre Livres de l'Imitation de Iefus-
Chriſt , redigez en lieux communs , felon
l'ordreAlphabetique, 12.40.f.
Hiſtoire du Monde , par M. Chevreau ,
in4. 2.V. 12. 1.
Abregé des Devoirs de la vie Chrêtienne
par M. Cocquelin Chancelier de Paris ,
in 12.40. f.
Le nouveau Pantheon où lerapport des
Divinitez du Paganiſme, des Ileros de l'Antiquité&
des principes ſurnomme zGrands
aux vertus & aux actions de Loüis le Grand
parM. de Vertron de l'Academie avec des
Figures , 12. 40. f.
Hiſtoire de l'Animal par Duncau , 8.30.f.
Seconde& troiſieme partie de la Chimic
naturelle de D'uncan , 8. 2. 1 .
La veritable conduite de S. François de
Sales pour le frequent& faint aſage de la
Confeffion & de la Communion revûé &
corrigée dans cette nouvelle Edition , par
M. Cocquelin Chancelier de l'Egliſe de Paris,
inſeize 15. f.
Reflexions nouvelles ſur les cauſes des
maladies &de leurs Symptomes par M. de
S.André 12.30.f.
t
>
L'Art de Seigner accommodé aux Principes
de la Circulation du Sang par un Chirurgien
de Paris, 12.30.f.
De Antiqua Ecclefiæ Diſciplina Differtationes
Hiſtoricæ Autore Ludovico Ellies
Dupin Sacra facultatis Theologiæ Parifienfis
Doctore , in 4. 6. 1. c'eſt l'Autheur de la
Bibliotheque des Autheurs .
- Ioannis Harduinj Societatis Iefus Presbiterij
de Baptifmo quæstio Triplex de Baptifmo
pro mortuis, deBaptifmo in vino de
Babtifmofin nomine Chrifti , 4. 30. £.
Inſtruction ſur l'Histoire de France & Romaines
par demandes & par réponſes , avec
une Explicarion des Metamorphofes , d'Ovide&
un Recueil de belles ſentences tirées
de pluſieurs bons Auteurs par Monficur Ragies
Precepteur de Monſeigneur, le Duc du
Maine, ſeconde Edition, corrigé & augmenté
de plus d'untiers , 12. 30. 1.
Eſſais nouveaux deMorale de l'Ame de
l'Homme premier Effay , 12. 45. 1.
Le troifiéme tome des Relations de Siam,
contenant tout ce qu'ilsont vû des Places
conquiſes enFlandre avec les Harangues &
pluſieurs autres honneurs qu'on leur a rendus,
12.20 f.
Deſcription generale de toute l'Affrique,
avec leurs Maurs & Coûtumes , avec plus
de 60 belles figures en taille-douce , imprimé
en Hollande, infol. 18. 1.
Vic Reglé dans le monde par M. de la Volpillierede
l'Academic , 11.40.f.
MERCURE
MERCURE
GALANT
DECEMBRE 1686 .
Ous devez recevoir
ma Lettre au commencement
de 1687 .
& c'eſt juſtement le
temps où l'on cherche à donner
quelque choſe d'agreable à ce
qu'on eſtime ; ou du moins à ne
rien faire , & à ne rien dire qui
ne le ſoit , parce qu'on ſe per-
Tuade que le reſtede l'année ſera
Decembre 1686 . A
2 MERCURE
4
de meſme. C'eſt un usage qui eft
preſque de tous les Siecles. On
y a veu cette créance établie ,
& fi l'onne s'eſt point trompé ,
vous n'aurez aſſeurément receu
de voſtre vie d'Eſtrennes plus
agréables que ma Lettre , & je
ne penſe pas méme qu'il foit
poſſible d'en donner , puis que je
la commence en vous entretenant
de la parfaite & entiere
gueriſon du Roy. Ie ne doute
point quede deux cens que je
vous ay écrites remplie deNouvelles
, & que vous avez leuës
avec quelque forte de plaifir ,
celle- cy ne vous donne plús de
ſatisfaction que toutes les autres,
du moins s'il eſt vray qu'aprés la
crainte on goûte mieux la tranquillité
& le repos de l'eſprit . Je
vous ay parlé mille & mille fois.
de tout ce qui a fait meriter au
GALANT.
3
Roy le ſur nom de grand.l'ay fac
plus que d'entrer dans le détail
de toutes les Actions qui luy
attirent une admiration generale
, & qui appartiennent à la
grande Hiſtoire ; je ſuis deſcendu
dans celles qui àcauſe de la
foule ne paroiſſoient pas ſi éclatantes
,& j'ay trouvé que les
unes provenoient d'une Ame ſl
grande , & les autres d'un ſi
grand fond de bonté , que l'Antiquité
a mis ſes Heros au nombre
des Dieux pour des actions
moins glorieuſes.le vous ay parlé
fucceffivement de toutes ces
Merveilles , ſelon qu'elles m'ont
donné occaſion de le faire ; car
je ne vous ay jamais parlé de ce
Priace pour luy donner des
loanges vagues , & qui pouvoient
convenir à tous les Heros
. Quand je vous en ay entre
A 2
4
MERCURE
tenvë au commencement d'un
ſi grand nombre de Lettres , ç'a
eſté en vous marquant les actions
qu'il avoit faites chaque
mois ; ces actions tres - ſimplement
expliquées faifoient elles
ſeules fon éloge.Si je les ayquelquefois
accompagnées de reflexions
, le peu que je vous ay dit
pourvous en faire voir la grandeur,
eſtoit plûtoſt capable de
les affoiblir , que de les mettre
dans le jour qu'elles meritent ;
maison doit le pardonner à l'ardeur
d'un zele qui ne peut refiſterà
la connoiſſance de tant
d'éclatantes veritez . Nous pouvons
nous alleurer d'en voir une
glorieuſe fuite , par le bon eſtat
où ſe trouve la Santé de ce Moparque.
Elle eſt ſi parfaite,qu'on
en a rendu à Dieu des graces
publiques dans toutes les EgliGALANT.
5
ſes du Royaume. le vais vous
parler de ce qui s'eſt fait dans
quelques- unes, & remets à vous
parler de beaucoup d'autres à
la fin de cette Lettre ,& meſme
àvous confirmer l'eſtat où eſt
la Santé du Roy , parce que
mes Lettres ſont toûjours ſi longues
, que je ne les finis ordinairement
que trois ſemaines aprés
queje les ay commencées. l'ay
deux choſes fort extraordinaires
à vous apprendre touchant ces
Prieres ,& dont il n'y avoit point
encore eu d'exemple. L'une eſt,
que les Prieres publiques ne ſe
font jamais qu'après les Mandemens
de l'Archeveſque , ou de
l'Eveſque des lieux , & qu'en
cetteoccaſionquelquediligence
qu'ait eu le zele de ceux qui ſe
font haſtezde les ordonner , elle
ont encore devancé leurs Man-
1
A 3
6 MERCURE
demens. Ainſi l'on peut dire que
l'ardeur de prier a eſté fi grandedans
les coeurs des Peuples ,
que l'empreſſement d'agir ne
leur a pû permettre d'attendre
que les Mandemensfuſſent imprimez.
La ſeconde nouveauté
donton n'avoit encore ouy parler
que pour le Roy , eft que
la pluſpart des Curez & des Superieurs
des Maiſons Religieufes
, contre l'uſage , & fans avoir
rien prémedité , emportez d'un
feu toutplein d'amour pour ce
grand Monarque , ont fait des
éloges de Sa Majefté ,pour exciter
les Peuples à prier avec plus
deferveur , bien qu'ils y fuſſent
aſſezportez par eux-meſmes. Je
pourrois ajouſter à cela pour
troiſième marque d'un zele tout
extraordinaire& tout nouveau ,
que dans pluſicurs CommunauGALANT.
7
tez on a fait des Prieres qui n'a- ۱
voient point eſté ordonnées , ce
quia eſté juſqu'à des Neuvainesreïterées
. Mais pour revenir
à ceux qui ont fait des Exhortations
& des Eloges du Roy à
l'ouverture de ces Prieres , c'eſt
un zele dont Monfieurle Curé
de Sainte Opportune a commence
à donner l'exemple. Son
éloquence eſt connue , & vous
jugez ailément de l'impreffion
qu'il fit fur ſes Auditeurs. Il s'eſt
fait une Neuvaine fort ſolemnelle
au Seminaire de l'Union
Chreſtienne , étably à l'Hoſtel
de S. Chaumont. La cloſture
s'en fit le 28.du mois paffe .Monfieur
l'Evêque d'Authun yofficia
enHabits Pontificaux ,& le Pere
Loüis , Religieux Penitent du
Convent de Nazareth , fit un
Diſcours qui fut admiré de tous
Aiiij
8 MERCURE
ceux qui l'entendirent. Il prit
pour ſon Texte ce Paſſage de
la ſeconde Epiſtre de S.Paul aux
Corinthiens . Gratias Deo fuper
inenarrabilia dona cius , & adreffa
d'abord la parole à ce Prelat , en
ces termes .
Tour of faint, Monseigneurie
tout est juste , tout estloüable
dans la Ceremonie qui nous afſfem.
ble . Tout y eſt ſaint ; c'est à Dieu
que nous venons rendre des actions
de graces aprés luy avoir adreſſédes
Prieres. Tout y est juste; c'est pour
ane des plus rares faveurs que nous
en puiſſions jamais obtenir , & que
nous ne pourrons jamais affezmeri.
ter. Tout y estloüable ; on voit écla
ter dans voſtre Grandeurle Zele de
l'Etat & de la Religion ; dans les
illuftres Filles de cette Communaute,
une émulation noble & une deGALANT.
1
9
votion ſolide ; dans toute l' Aſſiſtan
ce, un contentement & une fatisfaction
inexplicable. Ce n'est point
aussi , Monseigneur , pour exciter
ces sentimens dans les coeurs queje
paroisun moment dans cette Ohaire;
c'est poury prendre part , pouryapplaudir,
c'est pour congratuler toute
la France du grand bien fait qu'elle
vient de recevoirdu Ciel par le rétabliſſement
de laſanté du Roy.
Mais que dis je . Meſſieurs , &
où voudrois-je icy m'engager ? La
grace que le Ciel nous accorde en
conſervant noſtre incomparableMonarque:
est une ſuite de celle qu'il
nous a fait quand il nous l'a donné ;
& quine sçait , Meſſieurs , qu'il est
autant impoſſible de s'en expliquer
que de la reconnoistre ? Lerendre à
nos voeux lors qu'il avoit peut- eftre
Sujetde l'enlever à son crimes , c'est
affermir plus que jamais la plus
AS
10 MERCURE
floriffante de toutes les Monarchies,
appuyer tout ce qu'il a meditéde
grandjusqu'icy, tout ce qu'il a refo
Lu, tout ce qu'ila executé; mais par
quels traits , quels mouvemens ,
quelles figures , quelles expreffions
pouvoit atteindre un fujetfi relevé,
& qui ne renferme rien que d'inoüy
& deprodigieux !
Un Ancien diſoit autrefois qu'il
estoit bien capable de faire la defcription
d'un Ruiſſeau, d'un Torrent-
& mesme d'une Riviere; mais lors
qu'il s'agiſſoit de representer l'Ocean
, le voyantſi vaſte , ſi'étendu ,
fiprofond, roulerſes flors contrefes
bords avec tant d'impetuofité, les
'élever tout d'un coup iusqu'auxnuës,
Leur creuser auffi toft des abismes,
Se ioüer des plus grands Vaiſſeaux;
tantoſt les brifer contre les rochers,
tantoſt les engloutir par ses tempeftes,
il venoit diſoit-il , àſe per
GALANT. rr
dre dans cette vaſte étenduë , dans
cette profondeur ; ces flots , ces naufrages,
ces tempestes&ces abismes..
Il nous arrive la mesme choſe lors
que nous voulons entreprendre quelque
Diſcours à la loüange de Loürs
LE GRAND. D'abord que nous
noub arrestons pour le contempler,
noſtre imagination se trouble , nos
idées ſe confondent & s'égarent, &
nos forces ne pouvantfoûtenir noſtre
zele , nous sommes contraints de
baiſſer la veüe , & d'avouer que
nous ne pouvons porter nos pensées,
oùil a portéſes Armes &sa réputation
..
Nous l'avons demandé longtomps
, & Dieu s'est plû longtemps
ànous écouter pour nousfaire entendre
, en nous le donnant, que c'estoit
plûtoſt un Enfant de la Grace qu'un
effet de la Nature ; mais dans la
ferveur de nos Oraiſons , & l'impa
A 6
12 MERCURE
tionce de nos defirs , le demandionsnous
tel qu'il est autourd'huy ? Si un
Prophète nous cuft dit alors. Le Prince
que Dieu vous deſtine doit obfcurcir
la gloire des Heros de l'Antiquité
, & devenir le modelle fur
qui se formeront les Heros à l'avenir.
Vous leverrezdésſes premieres
années suspendre , allarmer , Soumettre
toute l'Europe , la suspen
dre dans l'attente de ſes deſſeins ;
l'allarmer par le nombre & la ra .
pidité de ſes Victoires ; la foumettre
Sans reſiſtance à toutesses volontezs
s'ouvrir pour cela de nouveaux che.
mins parmy des lieux inacceſſibles ,
dompter la Nature & les Elemens,
braver les iniures du temps & des
Saiſons , aneantir les proiets de ceux
qui voudront ſe liguer contre luy ;
abatre l'orgueil des uns , punir la
temerité des autres , rendre parfon.
GALAN T. 13
fecoursfes Alliezinvincibles; donner
la loy à tout le monde , ne la recevoir
de perfonne.
Vous le verreztowiours à la teſte
de fon Confeit& de ſes Armées,
estre l'ame de celuy- la par la supes
riorité de son genie , donner le mouvement
à celles cy par l'ardeur &
par l'intrepidité defon courage ,&م
prendre en tout temps deſi juſtes
meſures , qu'elles aſſureront la réüf
fitede toutes ses entrepriſes.
Vous le verrez redoutable far
Mer autant quefur Terre , pouffer
leCommerce jusque chez les Nations
où le Soleilſe leve &se couche ; reformer
tous les abus , cultiver toutes
les Sciences , embellir tous les Arts ,
ne laiſſer aucun merite fans Eloge
&sans récompense.
Vous le verrez fupprimer le
Blaspheme , confondre l'Impieté ,
retrancher les Duels , étouffer les
14 MERCURE
nouveautez , extirper l'Hereſie , revoquer
ce fameux Edit quilafavo-
`riſoit , & que la neceſſité des temps
avoit extorqué.
Vous le verrez enfin si glorieux
par la prise de tant de Villes , par
la Conqueste de tant de Batailles,
parune conduitesi éclairée, pardes
exploitsſi ſurprenans , que des extremitez
de l'Univers on viendra
l'admirer , & confcſſer aux pieds de
fon Trône qu'il est encore plus grand
en luy- meſme que dans l'eſtime des
hommes.
Qui nous l'euft dit, Meffiars,
l'euſſions nous cru ? L'euſſions. nouS
mesme pensé ? Nous le voyons cependant.
Les Siécles paſſez les plus
memorables ſe retirent de honte de
n'avoir fait par les Heros les plus
magnanimes que des eſſays de celaycy
, & les Siecles futurs feroient en
defefpoir, s'il n'apercevoient dans
GALANT. B
fon Sangqui coule déia en plusieurs
veines , le principe fecond de toutes
les actions les plus extraordinaires
& les plus éclatantes. Nousle vo
yons , & nous en verrions encore da
vantageſiſa moderationne s'estoit
opposée mille fois àſa gloire , &fi
Sa pieté ne cedoit encore aujourd'huy
àtoutesses pretentions. Josué pourfuit
les Ennemis d'Iſraël, & acheve
de les défaire ; mais les poursuivroit
il avec tantde vigueur , & les dé
feroit. il avec tant de facilité, ſi le
Soleilpour luy en donner le loiſirne
vouloit bien s'arrêterquelquetemps.
Si le feul recit de tant de mer
veilles luy dévouë tous les esprits&
tous les coeurs , sa prefence charme
tous ceux qui font affez favorisit.
du Cielpour l'aprocher deprés , &
eftre toûjours devant luy, Cet air
meſle de Maiesté & de douceur qui
inspire tout ensemble le respect&
16 MERCURE
l'amour ; ces paroles , ou plûtôt ces
Oracles qui donnentfur le champ le
tort & le droit aux Parties; qui
instruiſent , qui démeflent , qui décident
, qui contentent , qui honorent
tous ceux auſquels ils s'adref-
Sent ; cette égalité d'ame , incapa
ble d'alteration ſous le poids de tant
d'importantes affaires ; cet empire
absolu de foy - mesme consacre tou
tes ses paſſions , & qui ne leur permet
de ſe ſoulever que pour lesfaire
fervir aux Vertus ; Que vous dirayje
,Messieurs ? toutes ces qualitez
éminentes qui leferoient Roy par les
Loix de la Nature &de la Raison,
quand il ne seroit pas par celles
de la Naiſſance& du Royaume tout
cela nous ravit,&nous fait connoî
tre affez combien est precieux le don
que Dicu nous fait , en le faisant
comme naistre uneſecondefois aprés
fa maladie , pour nos avantages &
nostre felicité.
GALANT.
17
Auſſi ne le recevons nous pas se
don precieux avec indifference , &
nous pouvons bien nous rendre cette
justice , puisque nous n'avonspas esté
inſenſibles à la triste nouvelle que
nous reccûmes il y a quelques jours
du peril où estoit Sa Sacrée Ma
iesté.
Mais encore en ceta le Roy nous
a-t-ilménagépar un amour tendre
&paternel envers fon Peuple. Il ne
nous a presque pas donné le temps
de prévoir & d'aprehender ce qui
auroit pû nous arriver de fa perte;
plus ſenſible à nos interests qu'aux
fiens , il a voulu nous épargner la
douleur & la crainte , &se refervant
tout le mul pour luy Seul , it
ne nous a fait avertir de lOperation
dangereuse à laquelle il s'est
exposé que lors qu'elle a esté faite
avec tout le fuccez poſſible , pour
nous donner ainſi tout d'un coup une
18 MERCURE
joye que nous ne devons point à une
triſteſſe precedente , mais àun bonheur
soudain & inesperé.
Au veste, Messieurs , quand Dieu
n'eust point exauce nos voeux , nos
voix & nosſoûpirs , pouvoit-il voir
Sansſe laiſſferfléchir la fainte difposition
d'un coeur qu'il a toûjours
entre fes mains ? S'il prolongea
autrefois la vie à Ezechias , touché
par les larmes & les gemiſſemens de
ce Prince , la pouvoit- il refuser , je
ne dis pas aux gemiſſemens & aux
Larmes, mais à la constance ,ở
la resignation du Roy ? Sans s'effrayer
, fans pålir , ſans murmurer,
remettant entre les mains defa divine
bonté , &fa ſanté&lefalut
deſes Peuples , il afouffert en Heros
, encore plus en Chrêtien, tout ce
qui luy a esté conſeillé de ſouffrir.
Vous l'avez veu , Anges tutelaires
de nos Lis , vous qui eſtiezalors à
GALAN T.
19
fes costez , & qui conduifiez so
adroitement l'heureuse main qui
operoitfaqueriſon .Vous l'avez veu ,
vous l'avez loüez devant le Sci.
gneur, vous l'avez priépour luy.
Continuons à le prier ainſiqu'eux,
& par la pratique des plus rares
vertus , dont ce grand Prince nous
donne defi beaux exemples,tâchons
de nous rendre dignes de le poffeder
long-temps : car commeDieu donne
quelquefois à Son Peuple des Rois
dansſa colere, il ofte auffi quelquefois
àfon Peuple les Rois qu'il luy
a donnez pour ſon bonheur &ses
avantages.
Continuez d'offrirpour le mesme
fujet vos pieux exercices , Vous
Mesdames, qui avez meritéd'être
loüées par la bouche de Sa Majesté,
Vous dont Elle protege les Maiſons
&l'Institut Vous à qui Elle a confié
ces jeunes Plantes nouvellement
20 MERCURE
arrachées d'une terre cirangere &
ſterile , afin qu'elles produisent par
vos travaux & par vos instructions
des fruits de vie dans la Vigne du
Seigneur. Mais vous-mêmes , mes
cheres Soeurs , feriez vous affez negligentes
pourmanquer à unſi juste
devoir ? Vous , dis-ie , qui luy estes
obligées de vostre Conversion , &
qui avez esté appelléesparsesfoins
des tenebres à la lumiere. Entrez
donc toutes dans l'esprit de l'Eglise,
dans les fentimens de la France.
Joignez vos voeux & vos prieres
aux prieres & aux vaux de cet Illustre
Prelat , qui va achever une
Ceremonie à laquelle par mon Difcours
i'ay ſouhaité aioûter quelque
choſe; mais que ie n'ay peut - estre
que trop long temps interrompuë.
Avant ce Difcours on avoit
chanté le Pange lingua, & fi - toſt
qu'il fut finy l'on commença le
Salut.
GA LANT. 21
- Monfieur le Cardinal Ranuzzi
vint dire la Meſſe dans ce Seminaire
un des jours de la Neuvaine.
Il fut receu par la Superieure
à la teſte de ſa Communauté
qu'il trouva compoſée de
cent ſoixante Perſonnes. Il loüa
la modeſtie des Penſionnaires,
& exhorta les nouvelles Catholiques
qui y font en fort grand
nombre , de prier pour la Santé
de Sa Majeſté . Leur ferveur a
eſté telle que la Neuvaine generale
eſtant achevée , elles ont
demandé avec inſtance qu'il
leur fuſt permis d'en faire une
autre , qu'elles puſſent dire eſtre
la leur. La pompe des Ceremonies
qu'elles avoient admirées
dans la premiere, les porta à faire
commencer la ſeconde , par une
Meſſe ſolemnelle , & afin de
mieux marquer l'eſtime qu'elles
1
22 MERCURE
fontde la Hierarchie Ecclefiaſtique,
elles ſouhaiterent toutes
de communier le dernier jour
par la maind'un Eveſque. Cette
Maiſon eſt une heureuſe retraite
pour celles qui ne veulent point
faire de voeux , où qui ſe trouvent
hors d'eſtat de s'engager ,
& l'on peut dire que leur Inſtitut
eſt un des plus Saints qui s'obſerventdans
un habit Seculier
& modeſte , qui meſme permet
les viſites & les ſorties pour les
fonctions de Charité.C'eſtoit ſur
ce pied que S. François de Sales
avoit commencé l'Ordre de la
Viſitation , mais la déference
qu'il eut pour le Cardinal de
Marquemont ſon Directeur,rompit
ſes premiers deſſeins. Quelques
Religieuſes vivant avec
beaucoup de deſordre , & ne
pouvant ſe reſoudre à la Cloſtu
GALANT.
23
re , on ſe ſervit des Filles de la
Viſitation qui estoient vêtuës en
Seculieres , pour taſcher de les
reduire par leur bon exemple ;
mais il fut impoſſible d'en venir
à bout , que toutes les Maiſons
de l'Ordre de la Viſitation ne
fuſſent cloiſtrées . Lyon commença
, quoy qu'Anneſi fuſt le
premier lieu , où elles avoient
eſté inſtituées . Voilà ce quidonna
cet Ordre à l'Eglife. La penſée
de S. François de Sales n'a
point cependant eſte perduë.
Quoy que l'Institut de l'Union
Chreſtienne ne ſoit point preciſément
pour viſiter les Malades,
ce qui obligeroit à de trop frequentes
forties c'eſt le meſme
eſprit qui s'obſerve en bien des
choſes. Monfieur Vincent , premier
Superieur General de la
Miffion , aſſembla quelques Da
24
MERCURE
mes àCharonne, regla leur Habit
, & commença là le Seminaire.
Une des premieres Filles
appellée Elurin , y eſt morte en
odeur de fainteté.On tient qu'elle
avoit predit la Naiſſance de
noſtre Auguſte Monarque.Monſieur
le Vacher , Preſtre d'une
infigne pieté , prit la place de
Monfieur Vincent , & mourut
il y a fix ans aux Religieuſes de
S. Gervais , avec la réputation
d'une vertu extraordinaire. Ce
Seminaire s'eſtant augmenté ,&
ayant remply divers Hoſpices ,
on a eſté obligé d'acheterun des
plus grands Hoſtels de Paris ,
pour contenir tantdebons ſujets
qui ſe preſentent. On enamefme
envoyé dans les Provinces
& il y en a des Maiſons establies
en pluſieurs Villes , à Caen , à
Sedan , à mets , &c .
>
Le
GALANT.
25
Le 25. du meſme mois Monſieur
l'Abbé Billet , Procureur
&Chefde la Nation de France,
fit celebrer une Meſſe ſolemnelle
dans le College de Navarre,pour
rendre graces à Dieu de l'entie-
-re gueriſon de Sa Majesté. L'Egliſe
eſtoit ornée de riches Tapiſſeries
, & l'Autel éclairé d'un
tres-grand nombre de Cierges
chargez des Armes de France.
Monfieur l'Abbé de Cologne
fut le Celebrant , & fit remarquer
dans toute cette action fa
pieté& fa modeſtie. On distribua
les Sportules ordinaires à plus
de fix cens Docteurs , Licentiez ,
Bacheliers , Abbez , Curez , Officiers
, & Regens de cette ſçavante
Compagnie. Monfieur le
Recteur , qui préſide dans les
plus confiderables Aſſemblées
de l'Univerſité , ceda la droite à
Desembre 1686 . B
26 MERCURE
Monfieur l'abbé Billet en cette
Ceremonie. le vous ay déja
parléde çet Abbé , & fait connoiſtre
la réputation qu'il s'eſt
acquiſe dans les Pays Etrangers
par ſa profonde érudition , &
par la ſageſſe de ſa conduite.
Le Pere Alexis du Buc , Superieur
des Theatins , a fait voir
dansla meſme occaſion , le zele
ardent dont il a donné des marques
en beau- coup d'autres rencontres
. Il fit chanter une Meffe
folemnelle , à laquelle toute fa
Communauté communia. L'Exaudiat
fut auſſi chanté àl'iſſue
de Veſpres , & les Litanies à la
finde la Priere du Soir. Ces Prieres
furent continuées pendant
neuf jours , & la Neuvaine ſe
termina par une Meſſe en Muſiquede
la compoſition de Monſieur
Lorenzani, à laquelle plu
GALANT.
27
fieurs Perſonnes de qualité afſfiſterent.
Ce fut encore le Pere
Alexis du Buc qui la celebra.
La precieuſe Relique de Saint
Hiacinthe a donné lieu aux Peres
Jacobins de la ruë SaintHonoré
, de ſe diſtinguer des autres
Communautez de Paris , qui ont
marqué tant de zele pour laconſervation
de la Santé de Sa Majeſté.
La feuë Reine Mere Anne
d'Auſtriche demanda une Relique
de ce Saint au PrinceCafimir
de Pologne , qui eſtoit alors
- en France ; & ce Prince eſtant
de retour à Cracovie , l'ayant
■ obtenue du Roy Ladiſlas ſon
- Frere, & des Estats du Royaume,
- l'envoya en 1641. à la Reine ,
quien fit preſent à ces Religieux,
comme du plus précieux gage
qu'elle pouvoit leurdonner de la
bien- veillancedont elle les hono
B2
28 MERCURE "
roit. Le Roy invoqua ce Saint
dans la grande Maladie qu'il eut
à Calais , & luy vint rendre des
graces publiquesde ſa gueriſon
dans leur Eglife. C'eſt ce qui a
obligé le Pere Seguin , Prieur
de ce Convent , de faire expoſer
cette Relique dans la Chapelle
de S. Hiacinte. On y a chanté
pendant neufjours une grand'-
Meſſe , & pluſieurs autresPrieres
. Pendant que les Preſtres ont
dit chaque jour l'Oraiſon de S.
Hiacinte ,& celle qui eſt pour
le Roy , en celebrant le ſaint
Sacrifice de la Meſſe , les Novices
ont offert à Dieu leurs Communions
,& faitdes Prieres extraordinaires.
Le Pere Seguin les
fait encore continuer par une
Proceſſion qui ſe termine à la
Chapelle du meſme Saint , où
Ton chante les Litanies de la
GALANT. 29
1
Vierge , & diverſes Oraiſons ,
avec une confiance & une ardeur
finguliere.
Monfieur l'Abbé Veſtier ,
Docteur de la Maiſon & Societé
de Navarre , & Doyen du
Chapitre de Peronne , a fait
auſſi faire en ce lieu là de grandes
Prieres pour le Roy dans
toutes les Egliſes de la Ville &
des Fauxbourgs. Sa fidelité &
-fon zele ſe ſont diftinguez toutes
les fois qu'il s'eſt offert quelque
occafion de faire voir ſon reſpect
& ſon amour pour ſon Prirce
,& il fait si bien toutes choſes
, qu'on peut dire que la Ville
& le Chapitre de Peronne
avoient beſoin d'un ſemblable
Chef.
Celuy de la Ville de Saint
Quentin en Vermandois , n'a
pas montré moins d'ardeur pour
A iij
30
MERCURE
la gueriſon du Roy . Il ordonna
des Prieres le 25. du mois paſſé ,
en action de graces dans toute
l'étenduë de ſa Jurisdiction , &
l'ouverture s'en fit le 27. par
une Meſſe du S. Eſprit , que
chanta une excellente Muſique
dans l'Egliſe principale. On ordonna
en meſme temps une Proceſſion
dans la meſme Egliſe tous
les Dimanches & toutes les
Feſtes , & tous les Mardis & les
Jeudis juſqu'à Noël , avec un
Salut .
Je vous ay trop parlé de Prie.
res , pour ne vous en pas faire
voir une qui a eſté faite par
✓ Monfieur l'Abbé de la Chaiſe.
GALANT. 31
PRIERE POUR LE ROΥ.
Oaviens- toy, Seigneur,que la
France,
Qui regarde fon Souverain
Comme unmiracle de tamain,
Tient de tes bontezfaNaiſſance.
Souviens-toy des voeux redoublez
,
Que tant de Peuples ſi zelez
Afin de l'obtenir t'offrirent ,
Et conſerve leur ce grand Roy !
Qui , par ce doux air qu'ils respirent
,
Lesfait joüir du don qu'ils ont reçû
de toy.
Tu l'as protegé dans la Guerre ,
Pour lebonheur de ſes Sujets ;
Protege-le pendant la Paix
B 4
32
MERCURE
Pour celuy de toute la Terre !
Quesa pietépuiſſe enfin
Du nom funeste de Calvin ,
Abolir par tout la memoires
Et qu'àtant de travaux divers
On ajoûte que pour ta gloive ,
Du Monstre de l'Erreur il purgea
t
l'Univers.
Qu'un bonheur constant toujours
marque
Qu'il eſtſous ta protection ;
Comble de benediction
LaMaison de ce grand Monarque.
Quele Dauphin &ſes Enfans ,
Surſes veſtiges triomphans ,
Soient conduits par ta main Sacrée;
5
Et que ſon Regne , avant le leur ,
Du Siecle d'or ait la durée ,
Comme il en a déja l'éclat & ta
douceur.
GALANT.
33
L'Operation que s'eſt fait faire
le Roy , a donné lieu àune nouvelle
Deviſe de Monfieur Magnin.
Elle a pour Corps le Soleil
éclipſé,& ces paroles pour Ame,
Terret, non deferit orbem.
Regnantfur la Terre & l'onde ,
Sa peine en vain icy.bas
Remplit de terreur le Monde
Ilne l'abandonne pas.
ور
Ie finis par un Madrigal de
Monfieur Vignier , ſur le meſme
fujer..
Q
Voy que LOUIS aitfait ,
ilfaut dire aujourd'huy,
Que ce qu'il vient de faire avec
tant d'affeurance ,
Est un vray coup d'Estat qui met
toute la France
B
34
MERCURE
(
Hors de crainte d'ennuy ;
Et l'on peut deformais avoüer fans
Scrupule,
Que l'Univers entierfoulevé contre
luy ,
Nous eustfait moins depeurqu'une
Simplefistule.
Ie vous envoyay la derniere
fois une Eſtampe où font gravées
les Armes des vingt-ſept
Cardinaux de la derniere promotion,
& je vous parlayde chacun
d'eux en particulier, Depuis
ce temps- laon m'a donné une
Lettre écrite par MonfieurChaf
febras de Cramailles à Monfieur
le Duc de Saint Aignan , ſur
ce qui s'eſt paffé à Rome à cette
Promotion avec un Difcours
fuccint , contenant l'origine des
Cardinaux , la grandeur de leur
Dignité , combien il y en doit
GALANT.
35
avoirdans le Sacré College , ce
que c'eſt que leur Titre ,& la
maniere dont ſe fait leur élection.
Toutes ces choſes ſont fort
curieuses , & pour n'en rien
retrancher , je vay me ſervir des
meſmes termes quej'ay trouvez
dans la Lettre de Monfieur
Chaſſebras. Voicy ce qu'il a écrit.
Es à l'imitation de
:
Saint Pierre & de ſes Premiers
Succeſſeurs , ont toûjours
retenu pour eux l'Eveſché de
Rome, comme le premier Evefché
du Monde ,& le lieu particulier
de leur réſidence , quoy
qu'ils fuſſent établis de Dieu les
Chefs de tout le Peuple Chreſtien
, de meſme que certains
Religieux , qui reſtent Prieurs.
ou Abbez particuliers du Monaſtere
où ils demeurent , bien
B6
36 MERCURE
qu'ils foient Generaux de tout
leur Ordre. Delà eſt venu que
ne pouvant entrer eux-meſmes
dans le détail du Gouvernementde
leur Dioceſe , pendant
qu'ils avoient à regler le Spirituel
de toute la Terre , ils firent
choixd'un certain nombre d'Eveſques
, de Preſtres & de Diacres
pour les foulager, comme
autant de Coadjuteurs & de
Vicaires.
Les premiers faiſoient la fon-
Aion d'Eveſques dans le détroit
de Rome à la place du Pape , &
avoient chacun leur Egliſe Epif
copale dans l'Enceinte du Diocefc...
Les Preſtres eſtoient titulaires
des Paroiffes de la Ville , &
prenoient la conduite des Ames,
comme les Curez font aujourd'huy
, & les Diacres avoient 1
GALANT.
37
le foin de quelques Egliſes ou
Chapelles de Devotion qu'ils
tenoient en Diaconies, devoient
aſſiſter le Pape quand il officioit
publiquement. Ces trois Ordres
eurent le nom de Cardinati ou
Cardinales , pour dire qu'ils
eſtoient les premiers & les
Chefs des autres , & que c'étoit
ſous leur conduite que rou-
Loient toutes les affaires du Diocefe;
& parce que les Preſtres
&les Diacres de quelques auares
Villes prirent auffi le meſme
nom de Cardinaux , afin de ſe
distinguer des autres Preſtres
& des autres Diacres qui leur
eſtoient inferieurs & foumis, les
Papes ordonnerent qu'il n'y auroit
que ceux qu'il avoit choiſis
qui ſe pourroient honorer du
titre de Cardinal , ce qui a eſté
inviolablement obſervé par la
fuite..
د
38
MERCURE
1
Avecle temps ces Dignitez
ſe ſont renduës fort recommandables
. Les Papes qui ne choififſſoient
pour Cardinaux que
des perſonnes d'un merite fingulier
, & d'une vertu accomplie
, commencerent à avoir une
entiere confiance en eux. Ils les
reveſtirét des principalesCharges
& Dignitez; ils leur donnerent
le premier Rang dans
tous les Tribunaux, dans toutes
les Congregations ; ils leur mirent
en mainles affaires les plus
importantes; ils les firent leurs
Conſeillers d'Estat pour leTemporel
& pour le Spirituel de
leur double Royaume , & ne
reglerent preſque plus rien que
par leurs avis & par leur Conſeil
, de forte que peu à peu ils
font montez au faſte de la gloire
où nous les voyons , & fe trouGALANT
.
39
vent aujourd'huy les premiers
du Clergé , faiſant la meſnie
figure dans l'Etat Eccleſiaſtique
que faifoient autrefois les Senateurs
Romains dans l'ancienne
Rome.
Mais ce qui releve infiniment
V'éclatde ce haut rang , & qui
leur donne le pas au deſſus des
Eveſques & des Patriarches
meſmes , c'eſt la puiſſance abſoluë
qu'ils ont dans l'Egliſe durant
le Siege vacant , le droit
d'élire le nouveau Pape , & l'avantage
d'eſtre les feuls ſur qui
tombe cette Election .
Ces grandes prerogatives leur
ont acquis le titre de Princes de
l'Egliſe Univerſelle , & en cette
qualité ils pretendent aller du
Pair avec les Teſtes couronnées,,
& trouvent peu de Princes dans
I'Italie qui leur veüillent diſputer
le pas.
40
MERCURE
Il eſtoit juſte que dans unpoſte
ſi relevé ils euſſent des marques
exterieures qui fiſſent connoiſtre
la grandeur d'une Dignité
ſi éminente. Pour ce ſujet
les Souverains Pontifes ont voulu
qu'ils fuſſent toûjours veſtus
de Pourpre , & principalement
quand ils paroiſſent en public.
Innocent IV. fut le premier
qui leur donna le Chapeau rouge
, l'on pretend que c'eſtoit la
couleur dont les Papes s'habilloient
alors Boniface VIII. permit
aprés aux Cardinaux Seculiers
de porter l'Habit rouge ,
quand les Papes commencerenc
à ſe veſtir de blanc. Paul III.leur
accorda le Bonnet rouge ; &
enfin Gregoire XIV.permit aux
Cardinaux Religieux de le porter
, voulant neantmoins qu'ils
continuaſſent toûjours à s'haGALAN
T.
4
biller de la couleur de leur Ordre.
Toutes ces differentes couleurs
ne font pas ſans raiſon , &
ſans quelque forte de Myſtere .
Le Papeeſt veſtude blanc, pour
donner à entendre que ſa vie
doit eſtre plus pure & plus nette
que celledetous les autresChrê
tiens ,&qu'il faut eſtre ſans tache
& ſans deffaut pour s'aſſeoir
dans la Chaire de S. Pierre.
e
La Pourpre eſt la couleur des
Rois & des Empereurs , mais
cette couleur a eſté donnée encore
aux Cardinaux pour les
faire reſſouvenir qu'ils doivent
eſtre toûjours prêts à répandre
leurſang quand il s'agitde ſoûtenir
l'intereſt de la Foy.
C'eſt pour cette raiſon qu'ils
portent l'Habit rouge dans les
jours ordinaires, qui eſt la Pour-
1
42
MERCURE
pre naturelle & la veritable couleur
du ſang; au lieu que dans
les jours de triſteſſeils prennent
le Violet qui eſt une couleur de
Pourpre plus lugubre & plus
obſcure , & qui imite affez le
ſang livide d'un homme accablé
de maladies , & de chagrins ; &
parce que durant deux joursde
l'année qui font le troiſième Dimanche
de l'Avent , & le quatriéme
Dimanche de Careſme ,
l'Egliſe meſle un peu de joye
dans ſa triſteſſe , comme ayant
paſſé la moitié du temps de penitence
, & ſe voyant approcher
des jours heureux de la Naiſſance
&de la Reſurrection du Sauveur
; alors les Cardinaux prennent
une étoffe de rofe-ſeiché ,
qui eſt beaucoup plus rouge que
le violet , & qui eft neantmoins
plus ſombre que le rouge méme.
3
:
GALANT.
43
Pour les Cardinaux Religieux
ils ont retenu juſqu'à preſent la
couleur de leur Ordre ſur leurs
habits , & les papes ont voulu
faire voir par là exterieurement
l'eſtime qu'ils ont toûjours faite
de la Hierarchie reguliere , vou
lant bien l'admettre avec la Se
culiere dans tous les honneurs
: duClergés ils leur ont ſeulement
accordé le Chapeau & le Bonnet
rouge pour les diftinguer des
autres prelats.
Al'égard du nombre desCardinaux
il n'a pastoûjours eſté le
meſme ; l'on pretend qu'ils n'étoient
que vingt- cinq dans les
premiers Siecles , & que Rome
eſtant diviſée en vingt- cinq raroiffes
, ils en eſtoient les Curez
&les paſteurs. Mais pour ne
point entrer ſi avant dans les
obſcuritez de l'Antiquité, ſi nous
3
MERCURE
44
7
voulons nous en tenir aux Siecles
plus recens , oùl'Hiſtoire paroiſt
plus claire& moins embarraffée,
nous trouverons qu'ils ont eſté
long-temps fixez à cinquante.
trois , dont il y en avoit ſeptEvêques,
vingt- huit Preſtres, & dixhuitDiacres.
1
Les Eveſques eſtoient les
Coadjuteurs du Pape dans le
Diocefe de Rome , préſidoient
fur le Clergé de l'Egliſe de S.
Jean de Latran , la principale
des cinq Patriarchales de la Ville,
& qui a eſté reconnuë par
diverſes Bulles pour la premiere
Egliſe & la plus ancienne de
tout le monde. Ils s'y trouvoient
tous ſept alternativement , &
chacun avoit un jour de la ſe
maine où il celebroit la Meſſe
fur le grand Autel , qui eſt celuy
fur lequel S. Pierre a offert plu
GALANT.
45
ſieurs fois en Sacrificele Corps
precieux du Redempteur du
Monde , & lors que Sa Sainteté
vouloit celebrer Elle - meſme
fur cet Autel , ou ailleurs , les
Cardinaux Eveſques le devoient
accompagner , & luy ſervir
d'Aſſiſtans , ils ne laiſſoient pas
outre cela d'avoir leurs Egliſes
Epifcopales aux environs de
Rome.
Les vingt - huit Preſtres eftoient
diſtribuez dans les quatre
- autres Eglifes Patriarchales , S.
-Pierre , Saint Paul,Sainte Marie
- Majeure , & S. Laurent. Ils eftoient
ſept dans chacune de
ces Egliſes , où ils exerçoient
l'Office de Vicaires du Pape l'un
aprés l'autre. Celuy quieſtoit de
jour difoit pareillement la Meſſe
fur le grand Autel.
Ce privilege eſtoit ſi conſide
1
46 MERCURE
rable , que les Souverains Pontifes
ſe le font reſervez depuis à
eux ſeuls , en forte que preſentement
il n'y a que le Pape qui
puiffe celebrer for le Maiſtre
Autel deces cinq Bafiliques ; &
quand il donne la permiſſion à
quelqu'un des Cardinaux d'y
dire la Meſſe à ſa place , il luy
en fait delivrer chaque fois une
Bulle particuliere ſcellée en
plomb , que le Cardinal eſt obligé
de faire attacher àl'un des
coins de l'Autel , durant tout
le temps de l'Office , afin que les
Aſſiſtans la puiſſentlire,& foient
témoins de ſa licence. Ces vingthuit
Prêtres avoient chacun une
Egliſe particuliere dans Rome ,
où ils exerçoient toutes les fon-
Ctions Parochiales.
Des dix huit Diacres ily en
avoit quatorze dans les quatorze
GALANT. 47
승
12
&
لا
quartiers de la Ville , & les quatre
autres devoient toûjours ſe
tenir auprés du pape. Leur
El Office eſtoitde chanter l'Evangile
& l'Epiſtre aux Meſſes papales,
d'avoir le ſoin des Aumoſnes,
& de faire les autres ſervices
Diaconaux . Ils avoient auſſi chacun
leur Diaconé particulier.
Depuis quelques Siecles ce
#nombre a eſté fort alteré. Il a
# commencé à diminuër quand
les Papes ont negligé de pourvoir
aux places vacantes des
Titres , ou qu'ils les ont donnez
en Commande ; & au contraire
il eſt de beaucoup augmenté
lors qu'ils en ont creé de nou-
لا
es
لا
veaux .
Quand Nicolas III . fut fait
Pape,il n'y avoit que huitCardinaux
parmy les Preſtres & les
Diacres ; & un peu avant la
4.
48 MERCURE
mortd'Alexandre IV. il ne s'en
trouva que quatre ; mais en re.
vanche l'on en a veu juſqu'à
ſoixante-quatorze fousle Pontificatde
Pie IV. & cette grande
diverſité donna occafion à
Sixte V. d'en fixer le nombre,
qu'il regla àſoixante-dix, en memoiredes
ſoixante- dix Vieillards
dont il eſt parlédans l'Ecriture.
Il ordonna qu'il y en auroit ſfix
Eveſques , cinquante preſtres ,
&quatorze Diacres, & ce nombre
eſt demeuré comme il eſt
étably. Les Eveſquesont chacun
leur Egliſe dans le détroit de
Rome; les preſtres ontleur Titre
dans la Ville,& les Diacres y ont
leurs Diaconez . :
La Iurisdiction que les Car--
dinaux Eveſques ont aujour
d'huy dans leurEgliſe & dans la
Ville où elle eſt ſituée , eſt une
veritable
4
GALAN Τ.
49
veritable Iurifdiction Epifcopale
& ordinaire. Il y a cependant
cette difference , que les ſept
Eveſques Cardinaux , dont il y
en a deux de réünis , ne requierent
point de reſidence , & font
compatibles avec d'autres Eveſchez.
Celle que les Cardinaux
preſtres & les Cardinaux Diacres
ont dans leurs Titres &
dans leurs Diaconez , ſe peut
dire une Jurisdiction preſque
Epifcopale. Elle ne s'étend que
dans l'enceinte de l'Eglife & de
la Sacriſtie. Ils y ont la Chaire
Epiſcopale ſous un pais comme
les Eveſques , ils y beniſſent ſolemnellement
le Peuple ; ils y
ont la nomination des Benefices,
quand ce ſont des Egliſes Collegiales
, & ils y vont le Rochet
découvert pour y faire voir leur
pouvoir. Parmy ces Titres & ces
Decembre 1686. C
So
MERCURE
Diaconez il s'y rencontre des
Egliſes Collegiales, des Paroiſſes,
des Convents d'homes, des Monaſteres
de Filles , des Hoſpitaux
& de ſimples Egliſes de devotion .
: Pour ce qui eſt de la maniere
dont s'éliſent les Cardinaux ,
il faut encore diftinguer. Dans
les vieux temps les Papes n'y
faiſoient pas tant de façons ; ils
envoyoient querir ceux qu'ils
vouloient faire Cardinaux , &
les mettoient en poſſeſſion de
leur Egliſe ſans aucune ceremonie
; mais dans les derniers Siecles
il n'ena pas eſté de meſme .
Quand le Pape avoit reſolu de
faire une nouvelle promotion , il
convoquoit un Conſiſtoire ſecret
, où il faisoit entendre ſon
deſſein à tous les Cardinaux qui
s'y trouvoient . Il examinoit avec
eux le nombre des places qu'il
GALANT. :
eſtoit à propos de remplir dans
le ſacré College ; il leur nome
moit les perſonnes fur qui il
avoit jetté les yeux , ceux qui
luy avoient eſté propoſez par
les Couronnes , & leur laiſſoit
huit ou dix jours pour y penſer,
Au bout de ce temps il faiſoit
aſſembler un autre Conſiſtoire
fecret , où il écoutoit l'avis & le
ſentiment de tous les Cardinaux
fur les Sujets propoſez . Chacun
avoit pleine & entiere liberté
dedonner ſa voix pour ou contre
: & il ne créoitde Cardinaux
que ceux qui paſſoient à la pluralité
des fuffrages , rejettant les
autres qui n'avoient pas eu au
moins la moitié des voix. Cer
ordre eſtoit gardé ſi ponctuellement
, que les Cardinaux infirmes
qui n'avoient pû aſſiſter au
Confiftoire , envoyoient leur
C 2
52
MERCURE
avis par écrit ou par Députez.
Depuis ce temps les papes
ont retranché la pluſpart de ces
Ceremonies , ayant peut- eſtre
fait reflexion qu'ils avoient en
euy la puiſſance abſoluë dans
ces Elections. Ils ont jugé que
toutes ces formalitez n'eſtoient
d'aucune utilité , &qu'au contraire
elles pouvoient apporter
un préjudice notable à l'Egliſe,
&beaucoup de ſcandale au public
au ſujet des intrigues & des
cabales qui ſe faifoient cuvertement
dans l'entretemps de ces
deux Conſiſtoires .
Quelques-uns ont pretendu
que Leon X. fut le premier qui
ſe rendit maiſtre abſolu des
Promotions. Il vintau commencement
du dernier Siecle , &
créa de ſon propre mouvement
trente & un Cardinaux tout à la
GALAN T.
53
১
)
fois , ce qui donna beaucoup à
penſer à tous ceux qui y prenoient
intereſt , comme il eſt
aiſe de ſe l'imaginer.
Les Papes qui l'ont ſuivy en
ont uſé preſquede meſme,quoy
qu'ils ayent eu d'autres veuës
que ce Souverain Pontife dans
les Promotions qu'ils ont faites;
de ſorte qu'aujourd'huy , quand
le Pape a déliberé de faire de
nouveaux Cardinaux, il ne communique
ſon deſſein à perſonne,
& le tient caché autant qu'il
peut. Il prend le jour d'un Conſiſtoire
ſecret après avoir donné
Audience aux Cardinaux , &
avoir expedié toutes les Affaires
pour lesquelles l'Aſſemblée confiſtoriale
s'eſtoir faite. Sa Sainteté
eſtant ſur le point de ſortir,
témoigne aux Cardinaux qu'Elle
eſt dans le deſſein de leur don-
C3
54
MERCURE
,
&
ner des Confreres , & leur demande
, ſuivant l'ancien uſage,
cequi leur en ſemble. Le Doyen
des Cardinaux parle ordinaire -
ment pour tout le Corps
chacun approuve ſeparement le
choix de Sa Sainteté par quelque
figne de teſte , ou autrement
; aprés quoy le Pape les
crée & les déclare Cardinaux ,
& puis s'en va , laiſſant fur un
fiege la lifte de leurs noms , qui
ſe publie à la ſortiedu Conſiſtoire.
S'il ſe trouve quelque Cardinal
qui veüille parler , ou faire
remontrance , il le peut avec
toute liberté ; mais pour l'ordinaire
Sa Sainteté ne laiſſe pas de
paſſer outre , n'y ayant égard
qu'autant qu'Elle le juge à propos.
Voilà ce que j'ay crû eſtre
obligé de dire pour donner une
GALANT.
ideé generale des Cardinaux. Je
reviens à ce qui s'eſt fait au Sujet
de la derniere Promotion du
deuxième de Septembre.
: Quoy que le Pape euſt nommé
vingt-ſept Cardinaux dans
cette Promotion , il ne s'en
trouva que dix de preſens dans
la Cour de Rome , les autres
eſtant la pluſpart Etrangers , ou
dans les Nonciatures.Lors qu'ils
furent aſſeurez de leur élection ,
ils firent diſtribuer des aumônes
aux Pauvres & aux Neceffiteux
de la Ville ; ils paſſerent la moitié
du jour à recevoir les complimens
& les congratulations
de leurs Amis & de toute leur
Parenté.
८ La premiere ſortie qu'ils fi
rent , ce fut pour aller faluër le
Pape , & recevoir de ſes mains
le Bonnet. Ils ſe rendirent l'a
C4
56
MERCURE
preſdinée au Palais de Montecavallo
veſtus d'une Soûtane violette
, avec le Rochet & la Manzelle
, ou petit Manteau violet
par deſſus ; c'eſt l'Habit que
portent les Prelats à Rome.
Ils furent introduits l'un aprés
l'autre auprés du Pape par un
Maiſtre des Ceremonies.Sa Sainteté
eſtoit au haut de la chambre
dans un Fauteüil ſur une
Eſtrade ſous un riche Baldaquin .
Il avoit une Soutane blanche ,
avec leRochet de toile fine , le
Camail rouge & le Camauro
rouge , qui eſt une eſpece de
grand Bonnet ou grande calotte,
qui luy couvre toute la teſte,
&deſcend un peu ſur les temples,&
au deſſous des oreilles .
Le plus ancien des Cardinaux
entra le premier , & fit trois genuflexions
; la premiere à la porGALANT.
57
e ,la ſeconde au milieu de la
chambre , & la troiſième en
abordant Sa Sainteté. Aprés il ſe
mit à genoux , & le Pape luy
mit ſur la teſte un Bonnet quarré
rouge , qu'un de ſes Cameriers
luy preſenta ſur une toilette
dans un grand Baffin d'argent ,
& dans le meſme temps le Maître
des Ceremonies qui l'accompagnoit
, luy mit le Camail
violet fur les épaules. Auſſi- toſt
le Cardinal ayant ofté ſon Bonnet
, baifa les pieds de Sa Sainteté;
il luy baiſa enfuite la main ,,
aprés quoy le Pape l'embraſſa
en le faiſant relever. Les autres
Cardinaux furent introduits de
la meſme maniere ; & quand ils
eurent tous receu le Bonnet , Sa
Sainteté leur fit donner de petits
fieges , & les receur à l'Audience
affis & couverts, L'Audience
C6
$8
MERCURE
*
finie, ils fortirent en faiſant deux
reverences , & allerent viſiter
le Cardinal Cibo , qui demeure
dans le Palais ,& qui fait la fonction
de Cardinal Miniſtre &
Patron ; pais ils s'en retournerent
chacun chez eux , où ils
demeurerentjuſqu'au Jeudy fuivant
, & receurent incognitò les
viſites qui leur furent faites de
la partdes Cardinaux , des Princes&
de la Nobleſſe, le ſoir on
alluma des feux dans toutes les
ruës , chacun mit des lanternes
&des flambeaux à ſes feneſtres ,
&à ſes Balcons , l'on donna du
vin aux paſſans dans quantité
de Palais & de Maiſons particulieres
, & les réjoüiſſances durerent
encore le lendemain toure
la ſoirée.
Le Jeudy 5. du meſme mois le
Pape leur donna le Chapeau le
GALANT.
59
matin dans un Conſiſtoire public
avec beaucoup de ſolemnité.
Les nouveaux Cardinaux
- avoient eu ordre de ſe rendre de
bonne heure dans la Chapelle
du Palais de Montecavallo , lls y
vinrent dans leurs Caroſſes de
ceremonie , accompagnez d'un
grand cortegede Prelats & de
Nobleſſe . Ils eſtoient en Soutane
rouge & en Rochet, avec la
Mantelette & le Camail rouge
par deſſus. Quand ils furent
arrivez au Palais , avant que
d'entrer dans la Chapelle , ils
quitterent le Camail & la Manselette
, & prirent laCappe violette
& le Bonnet rouge. Cette
Cappe eſt une eſpece de grande
Robbe de Docteur fort ample
qui couvre tout le corps& les
bras , & ne laiſſe qu'une petite
ouverture devant l'eſtomach
C 6
60 MERCURE
pour paſſer les mains. Les ave
nuës & la porte de la Chapelle
eſtoient gardées par les Suiſſes
du Pape , & par deux Maffiers.
de Sa Saintetéqui tenoient deux
groſſes Maffes dargent avec ſes
Armes ; Elle estoit tapiffée de
Damas rouge avec des franges
& des galons d'or. Le soglio ou
Trône eſtoit de Damas blanc
fous un Ciel de broderie aux
Armes de Sa Sainteté , & du
Pape Alexandre VII. & les
Bans des Cardinaux, eſtoient
couverts de Tapiſſerie de Haute-
lice. Deux Maiſtres de Ceremonies
demeurerent à l'entrée
pour recevoir les nouveaux
Cardinaux qu'ils firent placer
fur le banc à maindroite du Trấ
ne , & la Muſique de la Chapelle
leur fervit d'entretien pendant
tout le temps qu'ils y fu
rent..
GALANT. 6
Une heure aprés les anciens
Cardinaux ſe rendirent auffi
au Palais de Mentecavallo
dans la Salle du Conſiſtoire .
Ils étoient habillez comme les
nouveaux fans aucune diffe.
rence. La Salle eſtoit pareillementornée
de Damas; le Trông
eſtoit apuyé contre le mur , &
élevé ſur une Eſtrade de quatre
degrez; les Bancs des Cardinaux
faisoient un quarré autour du
Trône , & l'efpace vuide qui ſe
trouvoit entre les Bancs & les.
murs eſtoit deſtiné pour les pre-
Lats , pour les Gentilshommes
des Corteges , pour les Etrangers,&
generalement pour rous,
ceux que la curioſité avoit attirez
. Deux Maſſiers de Sa Sainteté
gardoiết la porte du Confiftoires,
& les Suiffes eſtoient ſur les
montées, dans les Antifalles ,&
62 MERCURE
autour des Bans de la Salle , &
prenoientle ſoin de faire ranger
le menu Peuple ,& de ne laiſſer
entrer que les Perſonnes d'apa--
rence & de miſe.
Quand la plus grande partie
des anciens Cardinaux furent
venus , un Maiſtre de Ceremonies
leur vint donner avis que
tous les nouveaux Cardinaux
eſtoient arrivez. Aufſi- toſt les
trois Cardinaux Chefs d'Ordre,
je veux dire , leplus ancien des
Eveſques , le plus ancien des
Preſtres ,& le plus ancien des
Diacres , ſe tranſporterent dans,
la Chapelle avec le Cardinal
Altieri,Camerlingue de la Sainte
Egliſe, & le CardnialCrefcentio ,
Carmerlingue du Conſiſtoire
precedez de deux maiſtres de
Ceremonies , &d'une partie de
la Garde Suiffe , & ils y firent
১
GALANT. 63
preſter leſerment auxnouveaux
Cardinaux furl'Autel. Cela eftant
fait , ils retournerent au
Conſiſtoire , laiſſant les nouveaux
Cardinaux dans la Chapelle
, où les muſiciens s'appliquerent
de nouveau àfaire paroiſtre
lajuſteſſe de leurs voix
&la delicateſſe de leurs compoſitions.
Sur les quinze heures d'Italie
qui pourroient eſtre environ dix
heuresdu matin ſuivant l'Horloge
de France , le pape ſerendit
au Conſiſtoire veſtu pontificalement
en Chape & en Mitre
d'etoffe d'or. Sa queuë eſtoir
portée par le prince Colonne ,
prince du Soglio , Chevalier de
laToiſon , &GrandConnetable ,
du Royaume de Naples. Le der
nier des Auditeurs du Tribunal
de la Rotte marchoient devant
64 MERCURE
luytenant ſa Croix Patriarchachale
, & deux Officiers portoient
deux Eventails de plumes
de Paon atachez à de grands
batons dorez. Le rape eſtoit
environné des patriarches , des
Archeveſques & des Eveſques
aſſiſtans ; des Officiers de ſa
Chambre , des trois Conſervas
teurs de la Ville ,& du prieur
de Capo Raconi ..
Il entra en donnant la Benediction
que les Cardinaux receurentdebout&
nuëteſte , &
tout le peuple à genoux & découvert.
Lors qu'il ſe fut placé
fur leTrône , les deux plus anciens
Cardinaux Diacres ſe mirent
à coſté de luy for deux
petits placets on tabourets. Le
Connetable Colonne ſe tint de.
bout & découvert à la droitede
Sa Sainteté auprés du premier
GALANT.
65
1
Cardinal Diacre. Les trois Confervateurs
de Rome qui ſont
comme nos Echevins ou Capitouls
, ſe rangerent fur le troifiéme
degré du Trône avec le
Prieur de Capo.Raconi , qui repreſente
le Chef& Colonel des
Capitaines des Quartiers de la
Ville. Ces quatre Officiers eftoient
vêtus d'une Robe de Satin
noir. Les Patriarches;les Archeveſques&
les Eveſques Affiſtans
ſe tinrent aux environs du Trône
, pour preſenter au Pape le
Cierge& le Livre quand il en
auroit beſoin. Les Officiers de
la Chambre ſe diſperſerent en
differens endroits de la Salle ,
& les Cardinaux demeurerent
fur leursBans affis& couverts .
Aprés que tout le monde ent
pris place, le Pape receut l'Obe-
Edience, les Cardinaux. Ils y alle
66 MERCURE
rent l'un aprés l'autre nû teſte ,
Jes bras & les mains renfermées
ſous leurs Cappes. Ils firent un
grand tour dans le Quarré, monterent
par le milieu du Trône ,
&s'en retournerent par la droite
, aprés avoir baiſéla main de
Sa Sainteté. L'Obedience finie ,
le Pape députa les deux Cardinaux
Diacres Aſſiſtans,les autres
Cardinaux Diacres & les derniers
Cardinaux Preſtres pour
aller querir les nouveaux qui at -
tendoient devant la Chapelle,
&cependant afin que le Conſiſtoire
ne demeuraſt pas inutile,
un Avocat conſiſtorial com.
mença debout & nuë teſte , un
Diſcours d'Eloquence en Latin,
au ſujetde la Canoniſation d'un
nouveau Serviteur de Dieu .
Les Cardinaux revinrent un
quart - d'heure aprés , conduits
GALAN T.
67
parquatre Maiſtre de Ceremonies.
Le Cardinal de Angelis qui
eſtoit le premier des Nouveaux,
eſtoit au milieu des deux Cardinaux
Diacres Affiſtans ,& les
neufautres avoient chacun un
Ancien à leur droite. En entrant
dans le Quarré , ils firent une
profonde reverence; ilsen firent
une autre devant le Trône , &
unctroifiéme aux pieds des degrez
où ils monterent & ſe mirent
à genoux , baiſerent les
pieds du Pape , & ſa main droite,
&enſuite ſe releverent aprés
avoir receu l'embraſſade de Sa
Sainteté. De là ils allerent embraffer
tous les autres Cardinaux,
&retournerent ſe metre à genoux
fur le Trône , où Sa Sainteté
leur mitun Chapeau rouge
fur la teſte en lifant quelques
Prieres&Oraiſons dans un Livre
1
68 MERCURE
:
que tenoit le ſeconddes Patriarches
Aſſiſtans , pendant que le
premier éclairoit Sa Sainteté
avec une Chandelle de cire Cela
fait , on leur oſta le Chapeau ,
ils ſe releverent , ils firent une
reverence , ils deſcendirent du
Trône & allerent prendre poffefſionde
leurs places parmy les
autres Cardinaux . Le Pape s'en
retourna dans le meſme ordre
qu'il eſtoit venu en donnant la
Benediction , & les Cardinaux
eſtantdemeurez dans le Conſiſtoire
, la Muſique de la Chapelle
entonna le Te Deum à la
porte ,& marcha en proceſſion ,
les Cardinaux ſuivant deux à
deux ,& les Anciens donnant
toûjours la droite aux Nouveaux
.
Quaud ils furent arrivez à la
Chapelle , les Anciens prirene
GALANT.
99
leurs places ordinaires ſur les
Bancs,& les Nouveaux ſe mirent
à genoux ſur le marche pied de
l'Autel , & ſe tinrent le viſage
proſterné contre terre ,& la teſte
couverte du capuce de leur Cappe
pendant que le Cardinal Cibo
qui repreſentoit le Doyen , diſoit
les Oraiſons mentionnées dans
le Rituel. Les prieres eſtant
finies , les nouveaux Cardinaux
fortirent les premiers , & demeurerent
à la porte de la Chapelle
pour remercier les anciens à
meſure qu'ils paſſoient , & enſuite
chacun s'en retourna chez
foy.
Les nouveaux Cardinaux
trouverent à leur retour leurs:
palais tous changez de face. Ils
- avoient donné ordre dés le matin
à des Feſtaroles , de les ajuſter
d'une maniere agreable & galan70
MERCURE
te. Ces Feſtaroles s'eſtoientaquitez
admirablement bien de leur
commiffion. Ils avoient mis fur la
porte de chaque Palais & au
plus bel endroit un Cartouche
desarmes du Pape , & un autre
au deſſousde cellesde la Famille
des Cardinaux. Ils avoientencore
orné la Façade de Damas , de
Satins , de Taffetas & d'autres
éroffes de ſoye enjolivées de
gazes d'argent , & de clinquans
découpez avec de grandes Figures
peintes qui repreſentoient la
Foy , l'Efperance , la Charité
, la Force , la Temperance
, la Prudence , la Juſtice , &
pluſieurs autres Vertus qui ſervent
à relever la pourpredu Cardinalat.
L'apreſdiſnée les nouveaux
Cardinaux s'aſſemblerent dans
l'Egliſe de Sainte Marie in Vali
GALANT.
71
cella , que l'on appele communément
l'Eglife neuve , d'où ils
partirent tous enſemble pour
rendre leur devoir au premier
Chef des Apoſtres. Ils avoient
chacun à leur fuite dix ou douze
Eſtafiers delivrées qui failoient
enſemble une agreable diverſité
de couleurs.
Les cing Cardinaux Prêtres
monterent dans un Caroſſe , les
cinq Cardinaux Diacres ſe mirent
dans un autre , & ces deux
Caroffes estoient ſuivis d'une
centaine d'autres Caroffes remplis
deleurs Officiers,& de quantité
de Gentilshommes qui eftoient
venus leur faire Cortege
comme le matin.Ils deſcendirent
à Saint Pierre du Vatican ,& allerent
adorer le Saint Sacrement
ſur un Prie Dieu qui leur avoit
preparéjaprés ils firent leur prie
72
MERCURE
Dieu devant la Confeſſion de
Saint Pierre, ils viſiterent enſuite
le Cardinal Ludoviſio Doyen du
Sacré Colege , aprés quoy ils allerent
falüer la Reyne de Suede,
puis s'en retournerent à leurs
Palais. Le lendemain & les deux
autres jours ſuivans ils viſiterent
les autres Cardinaux qui leur
rendirent la viſite quelquesjours
aprés.
Quand ils arriverent chez la
Reyne de Suede , le Marquis Del
Monte , Grand Chambellan de
cette princeſſe les vint recevoir
au haut de l'Escalier,& les introduiſit
auprés de Sa Majesté qui
vint au devant d'eux juſqu'à la
porte de ſa chambre ſans en fortir
. Aprés qu'ils luy eurent fait
leurs complimens , la Reynealla
ſe mettre fous un Dais dans un
Fauteuil de velours garny de galons
1
GALANT.
73
lons& de franges d'or , & les
Cardinaux ſe placerent dans des
Faureüils de velours à coſté , les
cing preſtres à la droite & les
cinq Diacres à la gauche. Ils
eurent un petit quart - d'heure
d'Audience où ils demeurerent
aſſis & couverts . En fortant la
Reyne les laiſſa au mesme endroitoù
elle les avoit receus , &
leMarquis Del Monte les reconduifit
de meſme juſqu'au haut
du degré de la Salle.
Le 16. Septembre le Pape fit
la Ceremonie de leur fermer la
bouche dans un Conſiſtoire ſecret
, & quinze jours aprés il fit
la ſeconde Ceremonie de la leur
ouvrir dans un autre Conſiſtoire.
Ces Ceremoies ſe firent à huit
clos, & ne font rien autre choſe
qu'un filence qu'il leur impoſe ,
qui les rend hors d'eſtat de pou-
Desembre 1686 . D
74 MERCURE
7
voit opiner dans les Conſiſtoires
&dans les Congregations;quand
il déclare enſuite qu'il leur ouvre
la bouche , il les releve de
ces empeſchemens. Il diſtribua
un Titre à chacun des Cardinaux
Preſtres ,& une Diaconie
à chacun des Diacres , & leur
mit en meſme temps une pierrerie
enchaſſée dans une Bague
d'or au quatriéme doigt de la
main droite pour marque du
Mariage Spirituel qu'ils avoient
contracté avec l'Eglife. Il y a
quelques-uns de ces Cardinaux
qui ont pris poſſeſſion de leur
Eglife. Voicy en general comme
letoutſe paſſe.
Le Cardinal ſe preſente en
Camail & en Rochet à la porte
de ſon Eglife. Les Chanoines,les
Preſtres , ou les Religieux ( felon
que l'Egliſe eſt deſſervie) le vienGALANT.
75
nent recevoir ,& luy prefentent
les clefs avec un Aſperſoir. Le
Cardinal poſe la main fur les
clefs, prend de l'Eau- benite pour
luy , & en donne àtout le Cler.
gé. Il entre aprés dans l'Eglife ,
s'affied ſous le Dais qu'on luy a
dreſſé , & un Notaire lit tους
haut en preſence du Clergé &
du Peuple,le contenu de la Bulle
qui luy donne le Titre,ou laDiaconie
. Les Chanoines , les Preftres
ou Religieux vont enſuite
luy baiſer la main ,& le conduiſentdans
la Sacriſtie où le Notaire
dreſſe ſon Procés Verbal .
Quand ils prennent la Poffeffion
en Ceremonie,les choſes ſe font
avec beaucoup plus de magnificence.
Les dix Cardinaux nouveaux
qui ſe ſont roncontrez à Rome ,
& à qui le Pape a diſtribué les
D 2
76 MERCURE
1
Titres & les Diaconies , font les
ſuivans .
•
I. Jacques de Angelis , natif de
Piſe , cy devant Archeveſque
d'Urbin & Vicegerent de Rome ,
Cardinal Preſtre du Titre de
Sainte Marie in Ara- cæli , Egliſe
Conventuelle de Mineurs Obfervantins
, dits Cordeliers , le
plus nombreux Convens qui
ſoit à Rome.
> II. Horace Mattei , Romain
Archeveſque de Damafcenes ,
cy-devant Auditeur de Rote , &
Majordome de Sa Sainteté, Cardinal
Preſtre du Titre de Saint
Laurent in Panifperna , Monaſtere
de Religieuſes de l'Obſervance
de S. François .
III. Marc Antoine Barbarigo ,
Noble Venitien , Archeveſque
de Corfou , Cardinal Preſtre du
Titre de Sainte Suzanne , Eglife
}
77
GALANT.
-
Parochiale , & Monastere de
Religieuſes Benedictines . Il y a eu
deux Doges de fa Famille , & il
ya encore un Cardinal vivant de
fonnom.
IV. Jean Caſimir , Polonois ,
Commandeur de l'Ordre des
Religieux Hoſpitaliers du S.
Eſprit à Rome , Cardinal Preſtre
du Titre de Saint lean à la Porte
Latine , Egliſe de devotion. Il eſt
de la Familledes Comtes de Denhoff,
Fils du grand Chambellan
de la Couronne, & Beaufrere du
Prince Lubormirſki,& duGeneral
Konski , le premier , Grand
Maréchal de la Couronne , & le
ſecond , palatin de Kiovie .
V. Leandre Coloredo , natif
du Frioul , Preſtre de la Congregation
de l'Oratoire de S.
Philippes de Neri , Cardinal
Preſtre du Titre de Saint Pierre
D3
78 MERCURE
in Montario , Egliſe Conventuelle
de Mineurs Reformez ,
appellez autrement Recolets. Il
reffemble de viſage & de moeurs
à Saint François de Sales, & eſt
proche Parent du Comte de
Vvalſa , Radolphe Coloredo ,
Chevalier de Malthe , Grand
Prieur de Boheme, & Maréchal
general des Armées des Empe->
reurs Ferdinand II.& Ferdinand
III . qui aprés avoir rendu des
ſervices importans dans laHongrie,
dans la Boheme &dans le
Dannemark, mourut a Prague,
chargé de gloire & d'années
en 1657.
VI. Dminique - Marie Corfi,
cy-devant Auditeur general de
la Chambre Apoftolique ,Cardinal
Diacre du Titre de S.
Eustache , Egliſe Collegiale &
Parochiale.
GALANT
79
VII . Jean-François Negroni,
Genois , cy- devant Treforier
general de la Chambre Apoſtolique
, Cardinal Diacre.
VIII. Fulvio Aſtalli , Romain ,
cy-devant Clerc de la Chambre
Apostolique , Cardinal Diacre
du Titre de S. Georges in
Velabro , Eglife Conventuelle
de Religieux Hermites de l'Ordre
de Saint Auguſtin.
IX. Gaspardde Cavallieri ,
Romain , cy devant Clerc de
la Chambre apoſtolique , Cardinal
Diacre du Titre de Sainte
Marie in Acquirio , Eglife Parochiale
& Hoſpitaliere de petits
Enfans orphelins.
X. Jean Gualtieri Slufio , Liegeois
, cy-devant Secretaire des
Brefs de Sa Sainteté , Cardinal
Diacre du Titre de Sainte магіє
della Scala ; Eglife Conventuel-
D 4
80
MERCURE
le de Religieux Carmes Déchauflez.
Voicy quelques particularitez
que j'ay creuës neceſſaires
pour la parfaite intelligence de
cette Relation. Quand j'ay dit
ledouble Royaume du Pape,j'ay
entendu ſon Royaume ſpirituel
qui embraſſe toute la Chrétienté
& ſon Royaume temporel
qui borne ſon étendue dans
l'Estat Eccleſiaſtique .
>
Les Princes du Soglio ſont ceux
qui ont droit d'eſtre ſur le Soglio ,
ou Trône du Pape , quand il
fait quelque fonction publique .
Monfieur l'Ambaſſadeur de
France eſt le premier prince du
Soglio , aprés l'Ambaſſadeur de
l'Empire. Il eſtoit incommodé
dans le temps du Conſiſtoire public;
s'il avoit eſté en estat d'y
aſſiſter, il auroit pris fon rang au
deſſusduConneſtable Colonne .
1
GALANT 3
La Confeffion de S. Pierre eſt
une petite Cave ou Chapelle
fouterraine ſous le Maiſtre Autel
de S. Pierre du Vatican , où l'on
conſerve précieuſement la moitié
des Corps de S. Pierre & de
Saint Paul ; les autres moitiez
ſont dans une autre Egliſe dédiée
à S. paul , à un mille hors de la
Ville. Autrefois les Empereurs
alloient faire leur confeffion de
Foydevant cette Chappelle , &
tous les Eveſques d'Italie ſont
encore obligez de la venir viſiter
tous les trois ans une fois.
L'on appelle les Caroffes des
Cardinaux , Caroffes de ceremonie
quandils font mettre des
houpesrouges àla teſte de leurs
chevaux,& alors tous les Carofſes
qu'ils rencontrent ſont obligez
de s'arreſter.
Les cinq Eglifes Baſiliques
D
82 MERCURE
Patriarchales de Rome reprefentent
une ſeule Eglife formelle &
intellectuelle,bien qu'elles foient
cinq materiellement ; de forte
qu'à les confiderer toutes enſemble
, ou chacune ſeparément,
elles font toûjours une ſeule Egliſe
Cathedrale ; l'Egliſe eſt l'Epouſe
de l'Eveſque, il ne peut en
avoir qu'une. On l'appelle Egliſe
Patriarchale , en confiderant le
rape comme patriarche de l'Oc
cident ; Bafilique veutdire,EglifeRoyale.
Les patriarches,Archeveſques
& Eveſques Affiftans font ceux
que le rape a choifis pour l'aſſiſter
dans les fonctions Ecclefiaftiques.
Les grandes Maiſons,que nous
appellons en France Hoſtels ,
s'appellent en Italiedes palais.
Les Feſtaroles ſont ceux qui
GALANT.
83
parent les Egliſes , les palais , &
les places publiques dans les
jours de Feſte & dans les temps
de réjoüiſſance. Souvenez - vous,
Madame , que dans toute cette
Relationje n'ay parlé que par la
bouche de Monfieur Chaffebras
, dont j'ay employé les termes.
Les trois Madrigaux , & les
Traductions de trois Epigrammes
de Catulle qui ſuivent , ſont
de Monfieur Moreau de Mautour
, Frere de Monfieur Moreau
, Avocat General de la
Chambredes Comptes deDijon.
Ils ont l'un & l'autre beaucoup
de talent pour la poësie galante ,
& pluſieurs Ouvrages qui ont
déja paru dans mes Lettres , ou
ſous leur nom , ou ſous des noms
ſuppoſez , vous l'ont fait connoiſtre.
D6
84
MERCURE
SUR DE BELLES DENTS.
Ove voftre
Ve voſtre air est doux &
riant !
Vos Dents feules ,Philis, plus blanches
& plus belles
Que Perles d'Orient ,
Cauſeroient dans un coeur des bleffures
mortelles ;
Si j'ofois les baifer , ah ! je ferois
perdu ,
Je ne puis y penser mesme Sans
vous déplaire ;
Je ſçais que ce plaisir eft pour moy
défendu ,
Et pour punir mon defir témeraire.
Je voudrois en estre mordu.
} 85
GALANT.
Q
Sur un Baiſer dérobé.
Vand j'ay pris malgré vous ,
charmante Celimene ,
Sur vostre belle bouche un baifer
tendre& doux ,
Pourquoy me menacer de toute vô
trehaine ?
Pourquoy montrer tant de cou_
roux ?
Vos appas , dont en vain je taſche
àme défendre ,
Vous ont vangée affez de ma témerité
, :
Puis qu'ils ont pris ma liberté
Pour celle que j'ay voulu prendre.
Par deux belles Amies infeparables,
dont l'une eſt Brune, l'autre
Blonde.
C
Harmer & plaire également
1
86 MERCURE
Entre Amies n'est pas chose quiſoit
commune,
Les beautez de la Blonde & celles
de la Brune
Partageroient également
Les voeux & lessoupirs du plus fidelleAmant
,
Et je ſens bien qu'un coeur delicat
en tendresse
Qui voudroit pour vous deux se
laiſſer enflamer ,
Auroit avec le doux plaisird'ai
mer
Leplaisirde changerSansceſſ.e.
Epigr. 71. de Catulle.
Nulli ſe dicit mulier , &c.
StiIje'enn crois ma Maistreffe , elle
n'aime que moy ,
De tout autrefon coeur mépriſe les
tendreffes ,
Et Seulje suis l'objet deses caxeffes
} GALANT. 87
Comme je leſuis defa foy;
Quand mefme Jupiter me voudroit
pour Epouse ,
Jeſuis de mon bonheur , dit- elle, fi
jalouse,
Que je ne voudroit pas un autre
Epoux que toy
Elle me parte ainfi ; mais tout ce
qu'une Femme
Dit à celuy qui l'aime tendre.
ment ,
Pourflater fon amour & Soulager
Saflame ,
Ie ne le crois que rarement.
Son esprit est leger , &Sonferment
moins stable ,
Ques'il étoit écritsur l'onde oufur
lefable.
1
Elle a des mots flateurs , mais les
plus doux ſouvent
Ne font que mots en l'air & que
discours frivoles ;
De toutes leurs douceurs , de toutes
Leurs paroles ,
88 MERCURE
Autanten emporte le vent.
Epig. 76 .
Huc eſt mens deducta , &c.
L
Esbieaſceutellement me c
mer ,
char-
Et rendre à la raiſon mon espritfi
contraire.
Que quelque bien ou mal qu'elle
veüille me faire,
Ie ne la puis hair , ny ne la puis
aimer.
Epigr. 110.
Jucundum mea vita , &c .
T
U me promets , Lesbie , en
cemoment ,
Qu'une amour tendre & mutuelle
Nous unira tous deux d'une chasſne
eternelle,
Grands Dieux,faites que ceferment
[delle.
Parte d'un coeur&fincere & fi-
Entre Lesbie & moy , vous connoitrez
toujours
GALANT.
89
!
Une amitiéfi belle ,
Que la mort n'en pourra mesme
rompre le cours.
Vous trouverez dans ces au
tres Vers une fiction , dont je ne
doute point que vous n'eſtimiez
la nouveauté.
BOUQUET SANS BOUQUET.
Hilis pour vous offrir des
Philip
I'allay chez la Déeſſe Flore
Si- toſt que i'apperçeus l'Aurore
Nous montrer les vives couleurs.
Ie fis le tour d'un grand Parterre
,
Où ie rencontray mille Amans ,
Qui pour l'obiet de leurs tourmës
Faifoient une petiteguerre.
Comme le vis que dans ces lieux
C'eſtoit à qui pilleroit mieux ,
Ie voulus entrer en partage
وه
MERCURE
;
De tout ce que ce iardinage
Avoſt produit de bean , d'oeillets &
de jasmins.
De roses & de lys j'avois remply
mes mains ,
Quand Florefans deffein deſemettre
en colere ,
Me demanda pourquoy j'avois
cueilly ces lys.
Moy qui defa demande ignorois le
mystere ,
Ie luy dis, pour Philis .Ab si c'est
pourPhilis ,
Rends-le-moy , Berger , me ditelle,
Philis n'est point une Mortelle,
Et ces fleurs nefont en ces lieux
Que pour celles dont les beaux
yeux
Aux Hommes feuls donnent atteinte
,
Comme une Iris , comme uneAmynte
;
GALANT.
91
{
Mais Philis, dont les traitspuif-
Sans
Forcent laraifon & les sens ,
Qui iusqu'aux Cieux met fon
Empire ,
Four qui tout l'Univers Soupire ,
Dont les Dieux mesme font jaloux
;
Ah ! ie reffentirois leurs coups ,
Si cesfleurs qui font mon partage,
Avoient l'honneur & l'avantage
D'approcher de Philis : ainfi, mon
cher Berger ,
Va- t- enfans me mettre en danger
De fouffrir du grand Dieu quelque
coup de tonnerre ,
Qui gâteroit mes fleurs ,& brûleroit
ma terre.
Ainsi iefortis duJardin
Sans lys,fans roses ,Sansiasmin.
Je vous envoye un air nou
92
MERCURE
veau , dont les Vers ne plaiſent
pas moins que la muſique. C'eſt
une peinture naturelle d'un
Amantqui n'eſt occupé que de
ſon amour.
AIR NOUVEAU.
Etits Moutons , qui dans la
plaine
Paiſſez fans crainte des Loups ,
Nevous repoſez point fur celuy qui
vous mene ,
Ilrefueàſon Inhumaine ,
Et ne fonge point à vous
Ie vous ay mandé dans ma
Lettre de Novembre que le Parlement
eſtoit rentré le 26. du
mesme mois ,& que Monfieur
de Lamoignon , Avocat General
, avoit fait un tres beau Difcours.
Quoy qu'il euſt à parler
GALANT. 93
aux Avocats , l'Eloge du Roy luy
en fournit le Sujet. Comme il
vouloit les porter à la plus exacte
obſervation de la luſtice , & à
n'épargner ny peines ny ſoins
pour faire paroiſtre aux luges
dans la plus droite équité les
droits legitimes des Parties , il fit
un recit de toutes les actions pleines
de luſtice que ce Grand
Monarque a faites , afin qu'en
le voyant dans un travail ſans
rélache , ils s'en fiſſent un modelle
pour s'appliquer comme
luy.En effet on trouve tout dans
la vie de Sa Majesté , & quoy
qu'il y ait de grandes vertus particulieres
aux Roys , & qu'on
n'en ait jamais veu de plus éclatantes
que les ſiennes , il eſt
certain que les Particuliers en
peuvent tirer de grands avantages
pour ſe former chacun
94
MERCURE
ſelon la conduite qu'il a à tenir.
Monfieur de Lamoignon , entre
pluſieurs choses qu'il dit touchant
labonté du Roy , fit remarque
qu'on luy eſtoit obligé
du ſecret qu'il avoit gardé fur
l'Operation qu'il s'eſtoit fait faire,
&que ce Monarque avoit bien
voulu ſe charger par là de toute
noſtre inquietude , qui nous auroit
fait beaucoup de peine.Monſieur
le Premier Preſident dit en
peu de mots aux Avocats , qu'aprés
ce qu'ils venoient d'entendre
d'un Orateur né , il n'avoit
rien à leur dire pour les exciter à
bien faire leur devoir.
Le Vendredy 29. Monfieur
du Harlay , ProcureurGeneral ,
fit la Mercuriale. Il meſla dans
fon Diſcours le Portrait d'un Juge
à qui l'on ne pouvoit imputer
aucun défaut , & dis que c'eſtoir
GALANT.
95
celuy de feu Monfieur d'Ormeſſon
, qui estoit mort depuis
peudejours;que ſa Maiſon eſtoit
le ſejour de la Iuftice , & que
meſme pendant qu'il avoit ceffé
de travailler , il l'avoit renduë
chaque jour aux particuliers
qu'il accommodoit. Monfieur le
Premier Preſident parla fort aux
Procureurs ,pour leur faire entendre
qu'ils ne devoient pas
tant faire valoir aux Parties ce
qui dépend de leur miniſtere.
Les Parlemens décident des
grandes Affaires , mais peuteſtre
n'en fut-il jamais aucune ,
ny plus importante , ny plusextraordinaire
, que celle qui vient
de faire intenter Procez , & dont
vous allez trouver le détail dans
unenouvelle Lettre que je vous
envoye deMonfieur Vignier. Il
l'aécrite à Madame la Marquiſe
1
96 MERCURE
d'Anguitard. C'eſt une Dame
d'un fort grand merite , de la
Maiſon de Saint Gelais de Lufignan,&
qui n'eſt pas moins conſiderable
par ſon eſprit que par
ſa naiſſance. Vous jugez bien
qu'il ne voudroit pas l'entretenir
d'une Avanture dont il croiroit
les circonstances douteuſes. Sa
Lettre eſt du 4. de ce mois.
*************
A MADAME
2
LA MARQUISE
D'ANGUITARD .
Aurois bien de
me ,
bien la joye , Madad'apprendre
ſouvent quelque
nouvelle extraordinaire pour
vous en faire part , puisqu'une de
VOS
GALAN Τ.
97
vos Lettres vaut mille fois mieux
que tout ce que l'on peutvous mander.
L'ay receucelle que vous m'avez
fait l'honneurdem'écrire com
me un bien qui me venoit de pure
grace , & que je ne meritois pas
pour une Historiette que vous n'avez
pû voir que huit mois aprés
que je vous l'eus adressée. F'espere
que celle cy ne fera pas si longtemps
par les Chemins , & qu'elle
vousfera connoistre le plaisir que
jay de parler à l'avantage d'urs
Sexe qui ne sçaurois estre affez
loüé. La Dame dont je vais vous
entretenir en fera foy , &fi quel
ques incredules prennent cette Re
lationpour une Fable , un des pre--
miers Parlemens du Royaumefera
voir par l'Arrest qu'il rendra que
c'est une verité. Il y a plus de
quinze ans qu'un jeune Gentilhomme
d'Auvergne , Fils unique d'un
Decembre 1686 . E
98 MERCURE
Perefort riche , qui tenoit un raug
confiderable dans sa Province ,
eftant Officier dans les Troupes du
Roy, eut fon quartier d'Hiverproche
d'une Maison de Chanoineſſes .
Voussçavez , Madame , qu'ily en
a peu qui ne soient d'une qualité
distinguée , & vous sçavez encore
l'honneste liberté qu'elles ont de
voir le monde , & mesme de se
marier quand elle y trouvent leur
avantage. Nostre Gentilhomme ne
fut pas long- temps dans un si
agreable Voisinage ,Sans y rendre
des viſites , &fans se rendre auſſi
des le second voyage au merite
d'une de ces Dames. Comme ilfe
faisoit distinguer parson nom , par
Sa bonne mine , & par mille qualitez
avantageuſes qu'il poſſedoit,
La belle Chanoineſſe nefut pasfafchée
des'apercevoir qu'elle avoit
Sseu le toucher; mais ellefut encore
GALANT. 11099
plus contente lorſqueſans perdre be
temps à soupirer , il la pria de le
recevoirpourfon Epoux , ce qu'elle
accepta volontiers , & il luy fit
promettre de tenir la choſe ſecrete
àcause de ſes Parens. Il en rece
voit fouvent des Lettres , & leur
tendreſſe le preffoit de les venir
voir, mais il ne pouvoitſe reſoudre
d'y aller feul , Sa nouvelle Epouse
pour lefatis-faire s'offrir defe dé
guifer & de le ſuivre. Sa Nourrice
qui ne l'avoit jamais quitéefut du
déguisement , & dans cet eftatils
Semirent en chemin. N'estant plus
qu'àfept ou huit lieuës de la Mai-
Son de fon Pere , il s'arresta chez
un deses Amis , &le pria de trou
ver bon que les deux Cavaliers qui
estoient avec luy demeuraſſent
quelques jours danssa Maison. It
lesylaiffa , & partit pourse rendre
auprés de ceux quil'attendoient
E 2
100 MERCURE
avec grande impatience. La joye
qu'ils eurent de le voir fi bien-fait
& avec autant d'esprit que de
bonne mine , ne leur laiſſa rien
oublier de ce qui pouvoit le divertir
, mais quelques carefſes qu'ils
luy fiffent,Sa Mere s'aperceut qu'il
avoit un fond de mélancolie extraordinaire
, & elle fit tout ce qu'elle
put pour en découvrir la caufe,qu'il
fçût attribuer tantoſt à une choſe ,
santoſt à un autre. Il arriva dans
ce temps là qu'une Demoiselle de
Sa Mere futmariée , & que l'on
parla de donner une Gouvernante
àunepetite Soeur qu'il avoit. Cette
occafion luy parut favorable pour
v'estre point separé de celle qu'il
aimoit plus que sa vie , & pour
ne la laiſſer pas échaper , il dit à
Sa Mere qu'en paffant chez un de
fes Amis il avoit veu deux De-
:
} GALANT.
moiſelles tres bien faites , &capables
de remplir avecfatisfaction les
deux Places de Gouvernante, & de
Suivante. La Mere qui ne cher
choit qu'à le fatisfaire , l'affura ent
l'embraſſant , qu'elle auroit plus.
d'inclination pour deux personnes
qui luy ſeroient données de ſa main,
que pour toutes celles dont on luy
avsit déja parlé ,& qu'il pouvoit
les faire venir quand il voudroit.
Il partit dès le lendemain , décou
writ le secret àfon Amy fit réprendre
les habits àſa Bien-aimée &
à ſa Nourrice , & les instruifit de
tout ce qu'elles avoient à faire.
Elles furent admirablement bien
receuës du Maistre &de la Maiftreffe
du Chasteau qui estoient char
mezde la bonne mine de l'une;&de
la beautéde l'autre. Ils furent dans
tafuitefiSatisfaits de leur conduite
E 3
102 MERCURE
qu'ils leur donnerent la difpofition
detoutes choses. La Dame mesme
diſoit ſouvent àſon Fils qu'elle se
fentoit une tendreffe de Mere pour
cette Demoiselle , & qu'elle luy
Souhaiteroit uneFemme qui eust autant
d'esprit& d'agrémens qu'elle
en avoit. Vous ne doutez pas , Madame
, du plaisir que cela faisoit
ànoſtre jeune Epoux , à qui l'enjoüement
revenoit de jour en tour ,
ce qui le rendoit auſſide plus en plus
agreable à tout le monde.
Tout commençoit à flater leurs
defirs .
Mais une funeſte tempeſte,
Dans le plus fort de leurs paiſirs.
S'en vint troubler toute la Feſte .
Cette illuftre Suivante s'aperçût
qu'elle estoit groſſe , & pour furcroist
d'affliction son cher Epoux
GALANT.
103
receut ordre de la Courpourse ren
dre en diligence àfon Regiment.
L'honneur & le devoir ne luy don.
nerent pourfaire ſes tristes Adieuxque
iusques au lendemain qu'il
partit en Pofte. Ilnefut pas plûtoſt
arrivé à ſa Garnison , qu'un nouvel
ordre du Roy l'obligea d'aller
joindre un Corps d'Armée que l'on
avoit fait avancerſur la Frontiere
pour s'oppoſer aux deſſeins des Ennemis.
Ayant esté choisy pour com
mander un Party de trois cens Chevaux
, il en rencontra un des Ennemis
plus fort ; mais il ne laiſſa
pas de le charger avec tant de vigueur&
de conduite , qu'il le défit
entierement. Ily fut blesséà mort ,
& comme il avoit fait fon Testament
& qu'il le portoït toûjours
furluy, il eut le temps avant que
d'expirer d'en charger un de ses
intimes Amis pourle mettre entre
E 4
104
MERCURE
les mains de fon Pere & de fa
Mere , avec une Lettre qu'il avoit
écriteàſa Femme. Cet Amy peu de
jours aprés tomba dans une Emba-
Scade des Ennemis , &fut fait pri
Jonnier. Cependant on ſceut dans
la Province la nouvelle de cette
mort , on la cacha tant que l'on pût
àceux qui ne pouvoient l'apprendre
Sans courir risque de mourir euxmesmes.
Il fallut pourtant qu'ils
la ſceuffent ,&chacun dans l'inte
rest qu'ily prenoit fit éclater tout
ce que l'on peut s'imaginer de plus
douloureux. L'aimable Suivante
estoit la plus àplaindre ayant à
garder des mesures , où les autres
n'en avoient point . Durant l'ab-
Sence du Défunt elle avoitſouvent
viſité un Hermite qui n'étoit qu'à
une lieuë du lieu où elle demeuroit,
&luy avoit fait confidence de fon
Mariage & de sa groffeffe. Sur
GALANT .
105
ces entrefaites un vieux Reclus
qui demeuroit proche de l'Hermite
vint à mourir , & àlaiſſerſa Place
Vacante .
Que ne fait point un noble
Coeur.
Quand il eſt penetré d'unejuſte
douleur !
La Veuveſouhaita cette affreuſe
demeure
Afin d'y faire ſon Séjour ,
Etd'y pleurer juſqu'à ſa derniere
heure
44
Le digne Objet de ſon Amour..
Elle en fit la propoſition à l'Hermite
qui luy fit voir tant d'impofſibilitez
du coſté de la Terre&du
coftédu Ciel , que tout autre qu'ell
le n'y auroit pas pensé davantage.
Elle neſe rebuta pourtant pas ,&
fon obstination prévalutfur tontess
E
106 MERCURE
les raiſons du Solitaire. Ils conclutent
donc qu'elle se renfermeroit
avecſa chere Nourrice qui ne vouloit
point l'abandonner. Comme il
estoit le Maistre du Lieu , il trouva
Les moyens de lesy faire entrer ,&
d'en murer la portefans que per-
Sonnes'en apperçût,&de leurfournir
toutes les choses neceſſaires pour
leur fubſiſtance. Le Gentilhomme
qui avoit estéfait prisonnier aprés
Lamort defon Amy ayant esté efchangé,
vint enProvince,&porta
au Pere& àla Mere leTestament
de leur Fils qui redoubla vivement
Leur douleur , quandilleur fit voir
qu'il estoit marié à la personne
dont ils avoient tant regreté l'abfence,
qu'elle estoit groſſe, &d'une
naiſſance qui nepouvoit leur faire
de deshonneur , & qu'illes conju
roit de la reconnoistrepour leur Fil
la &d'avoirpour l'Enfant qui en
GALANT.
107
viendroit la mesme tendreſſe qu'ils
avoient euë pour luy. Ils l'auroient
Souhaité,mais quelques recherches
qu'ils puſſent faire , ils n'en purent
avoir aucunes nouvelles. Cependant
noftre Recluse accoucha au bout de
fix mois d'une Fille dont ellefut elle
mesme la Nourrice, & qu'elle éleva
jusqu'àl'âge de quinze ans , avec
tout le ſoin dont une Mere auffi
noble & auffi vertueuse qu'elle ,
estoit capable. Lors qu'elle se vit
Sur le point de quitter la Terre&
d'y laiſſerſa FilleSans Pere &Sans
Mere , Elle la fit approcher d'elle
pour luy donner le Portrait de fon
Mary , & pour luy remettre entre
les mains leur ContratdeMariage
&quelques Papiers qui pouvoient
luy Servir dans la Suite. L'Hermi
te , qui par des raiſons particulie
res n'avoit ofé parlerde la qualité
de la Recluse ,fut obligé dans cette
E6
108 MERCURE
rencontre d'aller trouverle Pere &
la Mere du Gentilhomme , & de
leur dire tout ce qui s'estoit passé.
Ils luy firentbeaucoup de reproches,
mais ilfallut qu'ilsse contentaſſent
de la reſtitution qu'il leur faisoit
d'une Fille toute charmante. Ils reconnurent
le Portrait de leur Fils
qu'elle avoit à ſon cou , & ne pou
vantſe lafſſer de l'embraſſer , ils la
menerent chez- eux avec leurfidelle
Gouvernante. Quelque - temps aprés
, leur Fille dont la Nourrice
avoit auſſi eſté Gouvernante mourut
, & n'ayant plus que cellequ'ils
avoient recouvrée , ils la déclarerent
heritiere univerſelle de tous
leurs biens . Ils estoient âgez , & ne
pouvant s'exempter de payer le
Tribut à la Nature ,le Mary &la
Femme moururent à cinq ou fix
mois l'un de l'autre . Ils avoient des
Neveux qui pretendoient, à leur
GALANT. 1.09
Succeſſion, dont leur petite Fille s'est
mise en poffeffion , Surquoy ils ont.
intenté Procés contre elle. Onsçauxa
ce que le Parlement en ordonnera.
Jeſuis avec beaucoup de respect..
Madame , Vostre , &c .
Je ne ſçay , Madame , fi je
vous ay mandé , que les Dames
Chanoineffes de Bouxfier en
Lorraine ayant tenu Chapitre,,
y avoient élû pour leur Abbeſſe:
Madame Anne de Simiane de
Moncha , Chanoineſſe de Remiremont
, que ſon merite rend.
auffi confiderable que ſa naiffance.
Quoy qu'elle ſoit dans,
une grande jeuneſſe,elle s'eſt fait
toûjours diftinguer par fa conduite
& par ſa vertu , & le choix
qu'on a fait d'elle en eſt une
preuve bien certaine , puis qu'il
y a parmy les Dames de Bouxfier
110 MERCURE
quantité de Filles qui auroient
remply dignement ce poſte , &
qu'elles ſont ſorties de leur corps
pour avoir Madame de Simiane
à leur teſte. Elle partit de Paris
le 20. de Septembre , accompa
gnée de Madame de Mechatiu
du Boüis , Chanoineſſe de Remiremont
,& fe rendit à mets , où
elle devoit préter ſerment de fidelité
au Roy entre les mainsdu
Chefde ce Parlement,ce qu'elle
fit avec un aplaudiſſement general
. Lors qu'elle arriva à Mets,
elle y trouva deux Dames que
l'Abbaye de Bouxfier avoit députées
pour luy faire compliment;
elle y répondit , & avec
beaucoup d'eſprit , & avec fes
manieres qui ſont extrêmement
engageantes,& fe rendit àBouxfier
le 9. Octobre. Les premiers
Officiers de la Juſtice vinrent la
GALANT.
complimenter à deux lieuës de
là, & quand elle fut ſur un grand
Pont qu'il falloit paſſer pour ar
river à la Montagne , elle ytrouva
le Maire accompagné d'autres
Officiers , & ſuivy de toute
la Bourgeoiſie , qui fit trois décharges.
En meſme temps on
apperceut toute la Montagne en
feu. Il eſtoit cauſé par divers:
Feux d'artifice que l'on avoit
mis audelà de la Montagne , ce
qui faitoit une reverberation
admirable dans les eaux de la
Riviere qui paſſe au pied. Cette
illuſtre Abbeſſe ayant monté la
Montagne , entra dans l'agreable
Desert où eſt l'Abbaye de Bouxfier.
La ſituation n'en ſçauroit
eſtre plus belle ,& elle l'eſt d'autant
plus , que cette Maiſon eſt
tout proche de Nancy. Elle
trouva à la premiere grand
112 MERCURE
Porte tout fon Chapitre , à la
teſte duquel eſtoit la Dame ancienne,
qui aprés luy avoir marqué
la joye que toutes ces Dames
avoientde la voir arrivée heureuſement
la mena chez elle , où
elle la regala pendant quelques
jours , La priſe de Poſſeſſion ſe
fit avec les ceremonies accoutumées
, & les Dames n'oublierent
rien de tout ce qui ſe pratique
en une pareille occafion..
Elles envoyerent prier Monfieur
le Marquis des Rautours, qui eſt
un homme d'une qualité diſtinguée
, & quia eu l'honneur de:
conduireMadame la Dauphine ::
en France ; de venir atteſter
cette priſe de poſſeſſion ſelon la
forme ordinaire , ce qu'il fit dans
le Chapitre ; aprés quoy madamel'Abbeſſe
fut inſtalée. Tout
leCorps la conduiſit à la place
GALANT.
103
e!
0
2
qu'elle occupe dans l'Eglife . On
chanta le Te Deum , où une belle
Simphonie ſe fit entendre auffi
bien qu'à la Meſſe qui fut celebrée
enſuite. Au fortir de l'Egliſe,
toutes les Dames la menerent
dansſa Maiſon ,& elle leur donna
un repas tres- magnifique.
Il y a des choſes d'un certain
poids , qui peuvent ſe faire attendre.
Le detail de ce qui s'eſt
fait à l'Etabliſſement de l'Academie
Royale d'Angers eſt de
ce nombre. le vous le promers
depuis quelques mois , & enfin
jevous tiens paroles d'une maniere
qui vous recompenſera du
retardement. La Relation que
j'en ay receuë , non ſeulement
en contient jaſques aux moindres
circonstances mais elle enferme
les particularitez d'une
Feſte qui a eſté faite dans la Ville
114 MERCURE
pour une Statuë qu'on a élevée
au Roy. Cette Relation qui eſt
trés exacte , eſt d'ailleurs bien
mieux écrite qu'elle ne l'auroit
eſté , s'il m'euſt fallu la dreſſer
fur des Memoires envoyez ſans
ordre. Elle m'a eſté donnée en
ces termes .
La Province d'Anjou n'a pas
ſeulement eſté favoriſée par la
Nature de tout ce qui peut contribuer
à la rendre une des plus
agreables , & des plus fertiles du
Royaume , elle eſt encore plus
recommandable par un tresgrand
nombre d'hommes Sçavansqu'elle
a produits dans tous
les Siecles ; & la fubtilité de ſon
climat ſemble s'eſtre communiquée
juſqu'aux eſprits de ſes
Habitans. L'inclination naturelle
des Angevins pour les
Sciences , obligea l'un de leurs
GALANT.
119
Ducs d'établir dans la Ville
d'Angers une Vniverſité , quia
toûjours eſté comme une pepi-
- niere de grands Perſonnages , &
que les Rois de France ont de
puis honorez de grands Privile.
ges , en des termes ſi pleins d'eſtime
pour le Genie des Peuples
de cette Ville , que ſi dans la ſuic
te ils ont répondu à l'opinion
qu'on avoit conceuë de leur me
rite , on peut croire qu'ils y ont
eſté portez autant par le defir
de ſe rendre dignes des loüanges
de leurs Princes , que par
leur propre inclination . Ceux
qui habitent aujourd'huy cette
Province n'ont point dégeneré
de la vertu de leurs Anceſtres .
Ils ont conſervé la meſme ardeur,
&lesmeſmesdiſpoſitions pour les
plus hautes connoiſſances ; mais
comme ſous unRegneauſſi florif
16 MERCURE
ſant que celuy du Roy on ne
fçauroit rien ſouffrir qui ne foit
dans la derniere perfection , ils
n'ont pas crû pouvoir y parvenir,
s'ils ne joignoientàleurs Etudes
le ſecours des Conferences Academiques
, également propres à
former les eſprits par la communication
de leurs connoiſfances
& de leurs lumieres , & à
leur inſpirer cette noble émulation
, qui les entretient dans un
travail plus affidu . Sa majeſté qui
favoriſe avec une extrême bonté
tout ce qui peut rendre les Peuplesplus
heureux , accorda ſans
peine l'établiſſement d'une Academie
de belles Lettres dans la
Ville d'Angers , à la priere que
luy en firent Monfieurle Comre
d'Armagnac , GrandEcuyer de
France,& Gouverneur de la Pro
vince d'Anjou , & Monfieur
GALANT.
117
de Chaſteauneuf , Secretaire
d'Etat .
Les Officiers du Corps de
Ville , qui regardent cette nouvelle
Compagnie, comme un des
plus grands ornemens de leur
Patrie, reſolurent pour en témoi
gner leur reconnoiſſance au
Roy , de luy élever une Statuë
dans leur Hoſtel. Ils en demanderent
la permiffion à Sa Majeſté
qui la leur accorda pour leur
propre fatisfaction plutoſt que
pour ſa gloire , & afin que cette
Ceremonie ſe fiſt avec plus déclat
, on refolut de faire dans le
meſme jour l'ouverture de l'Academie.
Monfieur de Nointel , Maiſtre
ordinaire des Requeſtes de l'Hoſtel
, Intendant de la Generalité
de Tours , & l'un des trente
nommez par le Roy pour com
118 MERCURE
poſer cette Compagnie , ayant
receu l'ordre de Sa Majesté d'en
faire l'établiſſement , ſe rendit
dans la Ville& choiſit pourcette
Ceremonie le Lundy , premier
jour du mois de Juillet dernier.
La Feſte fut annoncée dés
le point du jour par une décharge
de tout le Canon , qui fut
auſſi- toſt ſuivie du bruit des
Tambours , &des Fanfares des
Trompetes, Monfieur l'Eveſque
d'Angers , perfuadé que l'Egliſe
qui participe aux bien- faits des
Rois , nedoit pas ſe contenterde
leur en marquer ſa recõnoiſſance
par des Prieres, & pardes voeux,
mais qu'il eſt meſme de ſon devoir
d'entrer dans les Réjoüilſances
publiquesque les Peuples
font à leur honneur , avoit ordonné
qu'on ſonnaſt les Cleches
de la Ville pendant une
GALANT. 119
heure ; l'Egliſe Cathedrale en
donna le ſignal , & fut fuivie de
toutes les autres. Il ne fut pas
neceſſaired'avertir les Habitans
deceſſer leur travail & de tenir
les Boutiques fermées ; la joye
déja répanduë dans le Peuple,
luy fit oublier le ſoin de ſes
propres affaires ,& le ſentiment
de ſes beſoins , pour ne penſer
qu'a contribuer à la magnificence
decette journée , & tous ſe
rendirent en Armes ſous 24.
Drapeaux , fuivant l'ordre qu'ils
en avoient receu de Monfieur
d'Autichamp , Lieutenant de
Roy , & Commandant dans la
Ville& dans le Chaſteau d'Angers.
Un tres - grand nombre de
Perſonnes remarquables , non
ſeulement de la Ville & de la
Provinces mais auſſi des Provinces
voiſines , que l'éclat de
cette Feſte avoit attirées, ſe trou
110 MERCURE
verent dans la grande Salle de
l'Hoſtel de Ville , qu'on avoit
parée de riches Tapiſſeries , de
divers Portraits de nos Rois &
desComtes d'Anjou,* Tiges illuftres
des deux Maiſons Royales
de France & d'Angleterre , & de
ceux des Hommes de Lettres
originaires de cette Province .
Bien- toſt aprés Monfieur l'Eveſqued'Angers
, Monfieur l'Intendant
, & Monfieur d'Autichamp
, accompagnez de la plus
confiderable partie de la No.
bleſſe ,& de quelques - uns des
Academiciens , partirent du
Chaſteau , où Monfieur d'Autichamp
leur avoit donné un magnifique
Repas , & ſe rendirent
à l'Hoſtel de Ville au travers
*Robert le Fort, Tige de la Maiſon Royale
de France.
Geoffroy Plantegens.Tige de la Maiſon
Royale d'Angleterre.
d'une
GALANT. 121
d'une double haye de Bourgeois.
ſous les Armes. Ils y furent receus
par les Officiers de Ville, &
prirent place dans trois Fauteüils
aubout d'un grand Bureau deſtiné
pour l'Academie les Academiciens
,& les Officiers de Ville
ſe placerent des deux coſtez.
Ce fut un agreable Spectaclede
voir en meſme temps les
Portraits des Souverains qui ont
commandé dans cette Province,
ceux des Hommes de Lettres
qu'elle a produits , & dans le
meſme lieu les peſcendans de
ceux-cy , qui formoient cette
nouvelle Academie , & que les
Images de leurs Anceſtres excitoient
encore à marcher ſur leurs
traces , & à imiter leurs vertus .
On voyoit en mefme temps un
tres grand nombre de Dames ,
dont la beauté ſembloit diſputer
Desembre 1686 .
F
122 MERCURE
)
à l'Academie l'honneurde cette
Feſte ; & à la teſte d'une aufli
belle Affemblée trois Perſonnes
qui ſe ſont renduës celebres ,
Monfieur l'Eveſque d'Angers,
dans l'Eglife . Monfieur de Nointel
, dans la Robe , & Monfieur
d'Autichamp , dans l'Epée , par
les longs ſervices qu'il a rendus
avec autant de valeur que de
prudence.
Ce Spectacle nouveau occupa
long temps les yeux & l'eſprit de
toute l'Aſſemblée, & fit un filence
d'admiration , qui ne fut
interrompu que par la lecture
des Lettres patentes , & des Statuts
de l'Academie , de la liſte..
des Academiciens ; de l'Arreſt
de verification au Parlement de
Paris , & de l'Enregiſtrement
fait au Prefidial d'Angers , où
Monfieur Martineau , premier
GALANT.
123
Avocat du Roy dans ce Siege ,
&l'un des Academiciens , avoit
porté la parole pour le requerir,
avec ſa grace & fon éloquence
ordinaire.
Après cette lecture Monfieur
l'Intendant prit la parole , & fit
un Difcours qu'on ne peut affez
loüer. Il commença par l'éloge
de la Province d'Anjou , & des
Hommes qui s'y font rendus
celebresdans les Lettres. Il parla
de l'utilité des Academies , des
eſperances qu'on doit concevoir
de celle d'Angers , de l'obligation
qu'elle a d'employer ſes
veilles à loüer le Roy , fon Auguſte
Fondateur ; & luy meſme
endonna l'exemple avec tant de
force & tant d'éloquence , qu'il
ſembla n'avoir rien laiſſé à faire
à cette nouvelle Compagnie , &
l'on peut dire qu'il n'établit pas
F 2
124
MERCURE
1
moins l'academie par la beauté
de cette action , quepar les Lettres
patentes.I
Monfieur Gourreau , Con
ſeiller honoraire au Prefidial
d'Angers , & Doyen des Conſeillers
de Ville , répondit au nom
de l'Academie par un autre
Diſcours , qui remplit tout ce
qu'on pouvoit attendre d'une
Perſonne qui a donné dans pluſieurs
Actions publiques des
preuves de ſon éloquence & de
fon ſçavoir. Il fit connoiſtre que
l'établiſſement de l'Acacemie,
quelque avantageux qu'il fuſt à
la Province par l'utilité qu'on
en pouvoit eſperer, luy devenoit
encore plus precieux de la main
duMonarque à qui elle en eſtoit
redevable . Il y meſla l'éloge de
l'Academie Françoiſe , & quoy
qu'il ſemble qu'on ait épuisé tout
;
GALANT. 125
:
t
ce qui ſe peut dire de la grandeur
de Sa Majesté , & de l'avantage
des Academies des belles
Lettres , ces deux Diſcours
firent connoiſtre que ces matieres
ſont inépuiſables , & fourniſſent
toûjours quelque choſe
de grand & de nouveau , quand
elles font maniées par des
Genies du premier ordre. Monfieur
Gourreau ayant ceſſé de
parler , toute la Compagnie ſe
répandit ſur les Terraffes , &
dans le lardin de l'Hoſtel de
Ville , où l'on avoit élevé la
Statue du Roy.
Le lieu ne pouvoit eſtre mieux
choiſi . Cet Hoſtel qui peut pafſer
pour un des plus beaux Edifices
du Royaume, fut baſty par
Pierre Poyet, Lieutenant General
, & Maire d'Angers , Frere
aîné du Chancelier Poyet , & il
قو
F3
126 MERCURE
La eſté depuis beaucoup embelly
par les ſoins de Monfieur Charlot,
dernier Maire de la Ville,
l'un des Academiciens , & celuy
qui forma les premiers projets
del'Academie pendant ſon adminiſtration
. Il eſt ſitué dans uu
lieu fort élevé , qui d'un coſté
commande à toute la Ville , &
de l'autre àune tres belle Campagne
,arrofée de trois grandes
Rivieres qui viennent ſejoindre
en ce lieu la pour paſſer au
travers de la Ville. En face de
ce ſuperbe Baſtiment eſt une
grande Court avec , des
Terraſſes en Balustrades , d'où
l'on deſcend par un double Eſcalier
d'une belle ordonnance ,
dans un Jardin , qui n'eſt ſeparé
de la principale Place publique
que par une Balustrade de fer,
qui le laiſſe voir tout entier.
:
127
GALANT.
-
C'eſtdans ce Jardin que la Ville
a fait ériger la Statue du Roy,
où elle est également en veuë
de l'Hoſtel de Ville , & de la
Place publique. Si toſt qu'on
l'eut découverte , elle fut ſalüée
par une décharge du Canon , &
par pluſieurs ſalves de toute la
Milice. On entendit divers Concerts
de Trompettes , de Hautbois
, & de Violons , qu'on avoit
diſperſez ſur les Terraſſes de
'Hoſtel de Ville , où l'on avoit
auſſi placé des Fontaines qui
ceulerent tout le reſtedu jour.
La joye du Peuple éclata d'une
maniere ſurprenante, & par des
tranſports qui ne ſont connus
que ſous le Regne des bons
Princes. Aprés que ces agreables
emportemens de plaiſir eurent
long-temps occupé tous les
Spectateurs , les perſonnes de
F4
128 MERCURE
qualité furent rapellées dans
-une des Salles de l'Hoſtel de Ville
, où elles trouverent plufieurs
Tables que Monfieur
Renou de la Feauté , Conſeiller
au Prefidial & Maire d'Angers
, avoit fait ſervir de tout
ce qui ſe peut ſouhaiter de
plus delicat , ſans qu'il euſt eſté
preſque beſoin de le chercher
ailleurs que dans la Province
meſme. Ce regale qui dura juſqu'à
la nuit , fut interrompu par
un grand éclat de lumiere qu'on
vit aux Feneſtres de la Salle.
C'eſtoit une Illumination qui
paruttoutd'un coup dans toutes
les Maiſons de la Ville & jufqu'aux
Clochers des Egliſes. La
Cathedrale ſe diſtingua non feulement
par un feu qu'elle fir
paroiſtre dans ce ſuperbe Clocher
, qui fait l'admiration des
1
GALANT.
129
Etrangers & des plus Sçavans
Architectes , mais encore par
un tres- beau Concert qu'elle y
fit entendre. Pluſieurs Villages
dela Campagne voiſine , ſituez
le long des bords de ces trois
Rivieres , fuivirent l'exemple de
la Ville , & firentde toutes parts
un ſi grand feu qu'il ſembloit
qu'on vouluſt prolonger le jour ,
qui paroiffoit trop court à la joye
publique. L'Hoſtel de Ville fut
auffi illuminé d'une maniere
aſſez ingenieuſe. Sur le Balcon
de l'Escalier qui deſcend dans le
Jardin& quifait face à la Place
Publique , on avoit élevé une
Figure d'Apollon ſur le Mont
Parnaſſe au milieu des neufMufes.
Les rampes de l'Eſcalier eftoient
illuminées d'autant de
bas reliefs de douze pieds de
long ſur quatre de haut , dans
Fs
?
130
MERCURE
leſquels on avoit repreſenté les
actions les plus éclatantes de
noſtre grandMonarque,& entre:
autres celles qui font le ſujet de
deux prix propoſez cette année
par la Ville d'Angers , ces Sujets
font le Triomphe du Royfur l'Herefie
, & le Canal de la Riviere
d'Eure. Pour exprimer le premierd'une
maniere qui fuſt plus
ſenſible aux Perſonnes de la province
; on avoit peint la démolition
de pluſieurs Temples que
'Hereſie s'eſtoit élevez dans,
l'Anjou , & preſque jusqu'aux
Portes de la Ville d'Angers , à
laquelle ils ont couſté tant de
fang ,& donné tant d'alarmes.
Dans un autre Tableau on avoit
'dépeint la Riviere d'Eure , à la
maniere des Fleuves antiques
ſous la Figure d'un Vieillard
dans des Roſeaux , appuyé fur
GALANT. 131
une Vrne,qui répandoit un gros
ruiſſeau dans une vaſte Campa +
gne,où toutes les Troupes qu'on
' employe à l'Aqueduc de Maintenon
eſtoient figurées dans
leurs travaux. On liſoit ces mots
furl'Vrne .
Lodoico monstranteviam.
1
Sur la rampe oppoſée on
avoit exprimé ce meſme Sujet
par le combat d'Hercule contre
leFleuve acheloüs ſous la forme
d'un Taureau renversé par ce
Heros , qui luy arrachoit une
de ſes Cornes , & dans le meſmt
Tableau l'on voyoit les Triomphesdes
Eaux de Verſailles , qui
ſembloient attendre l'iſſuë de
ce Combat , pour recevoir du
Vainqueur la Corne d'abondance.
Sur le frontiſpice du Pavillon
deſtiné pour les Conferences>
F6
132
MERCURE
Academiques ,& baſty dans le
meſme Jardin , on avoit placé
un Groupe qui repreſentoit
comme un Trophée de Sciences
& de beaux Arts , compoſé
de Livres , de Spheres , & d'autres
Inſtrumens de Mathematique
,& furmonté par une Renommée
la Trompette à la
main , avec ces mots d'Horace ,
Æreperrennius.
pour marquer que quelque du
rables que foient les Monumens
de bronze & de marbre qu'on
dreſſe aux bons Princes , ceux
que les hommes de Lettres leur
érigent , les affeurent encore
davantage de l'immortalité. Ce
Trophée eſtoit accompagné de
deux autres Pieces illuminées.
L'une eſtoit une Fontaine avec
ces mots ,
Maculas oftendit& auffert.
GALANT.
133
pour marquer quelles ſont les
-fonctions de l'Academie. On
avoit peint dans l'autre pluſieurs
Lauriers naiſſans ſous un grand
Laurier avec cet Hemiſtiche du
Poëte Latin 2
Parva Subingenti.
qui s'appliquant au Roy fait
connoiſtre que les Lauriers des
hommes Scavans naiſffent &s'élevent
à l'ombre des fiens ; &
faiſant l'application de cette
meſme Deviſe à toutes les Academies
qui ſe ſont formées ſur
le modelle de l'Academie Françoiſe
, elle marque que leurs
Lauriers ſont des rejettons de
ceux que cette celebre Compagnie
prend pour le corps de ſa
Deviſe. Audeſſous de ces trois
Figures on avoit écrit ces Vers
adreſſez aux Academiciens.
d'angers par un des premiers
134
MERCURE
Hommes de ce Siecle , qui luymeſme
eſt du nombre de ceux
qui compoſent cette Academie.
Hellados & Latii Doctisnon invidus
hortis,
Hortus hic aoniis poffit certare
viretis.
O ! qui illum incolitis lectiſſima
turba,Sodales
Terdeni Proceres Andinagloria
Gentis
MagnanimiHerois bellipacisque
Ministri ,
Andina hic per quem Parisina
Academia certat ,
Floribus augustam LODOICI
cingitefrontem.
Cingite: Sed nitidos brevis avi
linquite flores ,
Quos non aut eſtus , aut frigora
Ladere poffint,
Carpitefulgentes immortalesAmarantos..
GALANT.
439
- Au milieu de la Balustradede
fer qui ſepare le Iardin de la
Place publique , on avoit élevé
un Soleil en feu , au deſſous du-
- quel eſtoient écrits ces mots..
Unus & omnis..
2
Des deux coſtez ſur deux
Pilaſtres estoient deux Obelif
ques , qu'on ſçait eſtre les Figures
conſacrées au Soleil. Dans
l'un eſtoit peint un Ciel étoilé
de trente Etoiles , par rapport
aux trente Academiciens , avec
ces mots du 6. de l'Eneide ..
Solemquefuum fua fidera norunt..
L'autre repreſentoit une pepiniere
de jeunes arbres , pour
marquer l'Academie naiſſante
aux rayons de ce Soleil , avec
ces autres mots de Virgile..
Format qui dedit ortum.
Dans la meſme façade fur
quatre Pilaſtres rangez de front,,
136 MERCURE
desdeux coſtez , eſtoient quatre
Figures ; l'unede la Ville repreſentée
par une Femme,qui d'une
main tenoit le Cartouche de ſes
Armes , & de l'autre montroit
la Statuëdu Roy , avec ces paro-
Fes.
Hoc Sofpite Sofpes.
Une autrede ces Figures eftoit
l'Academie repreſentée par
une Muſe , au deſſous de laquelle
eſtoit écrit .
Nec Phoebo gratior ulla .
La troiſiéme eſtoit l'Hercule
Gaulois , que nos Peres ont reconnu
pour le Dieu de l'Eloquence
, & qu'ils avoient de
coûtume de repreſenter ſuivy
d'une foule de perſonnes qu'il
tenoit comme enchaiſnées par
les oreilles avec des filets d'or
qui luy fortoient de la bouche.
Au deſſous ſe liſoient ces mots
GALANT.
137
|
t
:
Aderit ille Deus.
La quatriéme Figure eſtoit la
Religion un Encenſoir à la main,
&une Couronne d'Etoiles dans
l'autre , qu'elle ſembloit preſenter
au Roy , avec ces mots emprontez
de la Deviſe d'un des
Ducsd'Anjou ,
Manet altera Cælo.
Sur la porte de la. Chambre
du Conseil de Ville on liſoit ce
Paſſage de Salomon ,
Salus populi ubi multa Concilia.
Tout le reſte de l'Hoſtel de
Ville eſtoit illuminé par des
Fleursde Lys , & des Dauphins ,
par les Armes de Madame la
Dauphine , par des Antiques ,
des Autels ardens ; des Sacrifices
, des Termes, des Trophées,
divers Obeliſques , des Phares ,
avecdes Deviſes ſur chacune de
ces Figures , au nombre de plus
decent.
138 MERCURE
Cette multitude de lumieres
jointe à la diſpoſition qu'on leur
avoit donnée , & à la ſituation
avantageuſe du lieu , compoſoit
un Spectacle ſi agreable qu'on
ne pouvoit ſe laſſer de le regarder;
lors que tout d'un coup il
fortit du Soleil for le milieu de
la Balustrade un tres grand
nombre de Fuſées , qui formerent
comme autant de rayons,
&qui porterent le feudans plufieurs
Figures de l'illumination ,
où l'on avoit renfermé des feux
d'artifice , & qui s'allumant
encore les unes & les autres par
des Fuſées de communication ,
s'éleverent toutes à diverſes repriſes
pour ſe conſumer en l'air,
& firent un Feu d'artifice qui
finit par une Girandole placée
ſur la Tour de l'Horloge
dans une Bombe , ſur laquelle
1
GALAN T. 139
6
eſtoient écrits ces mots en lettres
de feu ,
Dignos Phoebo concipit ignes .
C'eſt ainſi que la Ville & l'Academie
d'Angers ont eſſayé de
répondre aux bontez de noftre
AuguſteMonarque. La Ville luy
a erigé uneStatuëquiſera le plus
cher objet de tous ceux qui
paſſeront leurs jours dans une
Province , à laquelle il ne manque
que d'eſtre moins éloignée
du ſéjour ordinaire de ſes Princes;
& qui rendant la Majeſté
de ce Heros toûjours preſente
aux Academiciens , les animera
ſans doute à tracer dans leurs
écrits les traits de ſa gloire &
de ſa grandeur.
La premiere Aſſembleé de
l'Academie ſe paſſa dans les
témoignages de bien - veillance
que ſe peuvent donner trente
perſonnes choiſies , que la con
140
MERCURE
formité de leurs Etudes , & de
leurs inclinations , avoit déja
preſque tous liez d'une étroite
amitié , qui ont l'avantage de
voir leurs occupations honorées
de l'eſtime publique , & de
ſe trouver en eftat de gouſter
ſousla protection du plus grand
Roy de la Terre les douceurs
de cette agreable Societé qui
faitlecharme des eſprits. Dans
l'Aſſemblée ſuivante on éleut les
Officiers. Monfieur l'Eveſque
d'Angers fut éleu Directeur ,
Monfieur Gohin premier Prefidentdu
Preſidial , fur nommé
Chancelier ; Monfieur Goureau
dontje vous ay déja parlé , &
Monfieur Petrineau , cy- devant
Preſident de la Prèvoſté , Police
& conſervation des privileges
de l'Univerſité d'Angers,& premier
Echevin de la Ville, furent
GALANT.
141
faits Secretaires perpetuels. On
eut affez de quoy s'occuperdans
quelques autres Affemblées de
la Lecture de divers Ouvrages
en profe & en Vers , qu'avoient
compoſez pluſieurs beaux eſprit
de la province rechauffez par ce
nouvel établiſſement . L'Academie
receut auffi quelques Complimens
fur des Theſes qui luy
furentdediées.
Monfieur du Pleſſis de Geſté
Eveſque de Saintes , d'une des
plus anciennes Maiſons de la
Province d'Anjou s'eſtant trouvé
dans la Ville d'Angers , l'academie
creut ne ſe pouvoir difpenſer
de rendre ſes civilitez à
un Prelat qui fait tant d'honeur
à ſa Patrie, & dontle Frere aiſné,
l'un des plus ſages & des plus fçavans
Gentilhommes du Royaume,
eſt un des plus beaux orne.
142
MERCURE
mens de cette nouvelle Compagnie.
Monfieur l'Eveſque de
Saintes fit l'honneur à l'academie
de ſe trouver à la Conference
qui ſe fit ce même jour,
&Monfieurdu Tremblay Frain ,
connu par deux Traitez qu'il a
faits , le premier contre le Jea,
& le ſecond de la Vocation
Chreſtienne des Enfans , prit
une occaſion ſi favorable pour
prier Monfieur de Saintes & la
Compagnie , de luy dire fon
ſentiment ſur le deſſein d'un
Livre de Morale dont il lutle
projet.
Monfieur l'Abbé le Pelletier,
àqui noſtre Langue eſt redevablede
deux excellentes Traductions,
l'une de la Vie du Pape
Sixte V. de l'Italien deGregorio
Leti , & l'autre de l'Hiſtoire de
la Guerre de Chypre écrite en
GALANT .
143
00-
nt
00
لا
1
1
Latin par Antoine Mana Gratiani
, Eveſque d'Amelia , fut
auſſi prié de lire quelques endroits
d'une Traduction qu'il
doitbien-toſt donnerau Public
de l'Histoire de la Chine, compoſée
par le Pere Martin Jeſuite
Alleman.
La Conference finit par une
ſcavante Differtation de Monfieur
de la Vilete Breillet ,Gentilhomme
Angevin , & l'un des
trente Academiciens , ſur des
Vers Latins compoſez par Francius
Poëte Hollandois, en l'hon
neur de l'illustre Monfieur l'Abbé
Menage , qui eſt de la même
Academie.
On éleut dans la derniere
Aſſemblée en la place de Monſieur
de Primé Martineau , mort
depuis l'établiſſement Monfieur
Cupif Sieur de rerdras Conſeil144
MERCURE
ler au Prefidial & à l'Hoſtel de
Ville , cy - devant Maire d'angers.
Les Vacations qui ſurvinrent
peu de temps aprés, fi ent ceſſer
les Conferences Academiques ,
qui viennent de recommencer
par trois Diſcours publics. Le
premier a été un excellent Eloge
de Monfieurde primé Martineau,
vivant Secretaire du Roy , prononcé
par Monfieur de Livonniere
Poquet,Conſeiller au Prefidial
d'Angers. Le ſecond a eſté
l'Eloge de Monfieur de Roye ,
celebre Docteur en Droit
dans l'Univerſité d'Angers ,
auſſi l'un des Academiciens
morts depuis la naiſſance de
l'Academie . Cet Eloge a eſte
prononcé par Monfieur du
Tremblay Frain. La place de ce
dernier Academicien mort n'eſtant
GALANT.
145
ſtant pas encore remplie ,Monfieur
Goureau Secretaire de
l'Academie prepara la Compagnie
à faire une élection digne
d'elle par un troiſieme Diſcours,
dans lequel il fit connoiſtre
quelles doivent eſtre les qualitez
d'un Academicien ; & toutes
ces qualitez ſe trouvantdans
Monfieur Conſtantin , Grand
Prevoſt d'Anjou , que la profeſſion
des Armes n'a pas empeſché
de joindre à de tres
beaux talens naturels une connoiſſance
entiere des belles
Lettres, il fut éleu en la placede
Monfieur de Roye le 28. du
mois paffé.
Voilà quels font les premices
de cette Compagnie qui ſe prepare
à meriter par de plus grandes
choſes l'honneur qu'elle a
d'avoir pour Fondateur le plus
Desembre 1686 . G
146 MERCURE
grand de tous les Rois. J'auray
un grand Article à vous faire le
mois prochain for cette meſme
matiere. Il contiendra les noms
des Academiciens , leurs Lettres
Patentes , & plufieurs autres
choſes curieuſes .
Je vous envoye un revers
d'une nouvelle Medaille qui a
eſté frapée pour le Roy fur la
Suppreffion des Edits de Nantes,
& de Niſmes L'inſcription que
vous ylirez vous doit tenir lieu
d'un explication plus ample.
Pay finy la Relation que je
vous ay envoyée du Siege de
Bude au jourde la priſe de cette
fameuſe Ville , il faut preſentement
vous apprendre quelle
aeſté la ſuite de cette Campagne.
L'Empereur n'eut pas eſté
plûtoſt informé de l'heureux
fuccez des Armes Chreftiennes,
GALANT.
147
لا
quejugeant de la conſternation
où devoit eſtre le grand Viſir, il
envoya ſes ordres afinqu'on en
profitaſt , & qu'on taſchaft de
luy couper le paſſage. Ainfi
- aprés que les Troupes ſe furent
répoſées trois jours , on fit embarquer
dix mille homme d'infanterie
le 5. de Septembre avec
douze pieces de Canon , vingt
Mortiers , & quantité de vivres
&de munitions pour defcendre
vers le Pont d'Effeck où l'Armée
deCroatie avoit auſſi ordre
de ſe rendre , & le lendemain
l'Electeur de Baviere & le Prince
Charles de Lorraine les fui
virent par terre avec vingt quatre
mille Chevaux , fix mille
Hongrois, douze mille Fantaſfins
, & trois mille Heiduques.
Hs arriverent le 9. à Picheli , &
ce ne fut pas fans que la Cava-
G2
148 MERCURE
lerie ſouffriſt beaucoup dans les
campemens qu'elle fit , à cauſe
qu'elle manquoit entierement
de fourages. Le 14. l'Armée
Imperiale campa àPenski,&s'y
repoſa tout le jour ſuivant. On
y eut avis par des Transfuges,
que les Turcs avoient fait ſauter
les Fortifications d'Hatuvan, ne
ſe voyant pas en pouvoir de le
conſerver , & que les munitions
& les vivres en avoient eſté
tranſportées à Agria. L'Armée
eſtant arrivée le 16. prés de Pax,
unTransfuge Polonois raporta,
que le Grand Viſir eſtoit campé
avec avantage au deça du
Pont d'Effeck , fur la petite
Riviere de Saubits , ayant un
✓ Marais derriere luy , & que fon
deſſein eſtoit de demeurer dans
cePoſte pour obſerver les mouyemens
des Imperiaux. Le 19.
GALANT.
149
et
et
l'Armée arriva prés de Tolna,
# & comme les ennemis n'en
étoient éloignez que de trois
lieuës , le Prince Charles de
Lorraine fit conſtruire un Pont
fur la Riviere de Saubits , pour
engager s'il eſtoit poffible , le
Grand Viſir au Combat. Cependant
ce Prince ne pouvant
plus faire fubfiſter ces Troupes
le longde la Riviere de Saubits,
à cauſe de la grande difette
qu'elles avoient de fourrages &
de bois , ne jugea pas à propos
de la paſſer , ayant appris que
lesTurcs pour éviter le Combat
, s'eſtoient retirez en deça
de la Drave prés de Darda , où
il y a un Chaſteau tres - fort
qu'ils ont fait conſtruire pour
couvrir le Pont d'Eſſeck. Ainfi
ce Prince fit deux Corps de fon
Armée , dont l'un commandé
G3
1
350
MERCURE
1 par le Prince Loüis de Bade , eut
ordre de ſe joindre au Comte
de Scherffemberg , & d'aller
avec les Troupes de Croatie
que ce Comte commandoit
attaquer Cinq - Egliſe ou quelque
autre Place. Le Regimens
de Taff de Picolomini , de Serin
, de Hanover de Palfi , de
Trucks , de Kifel , de Staremberg
d'Aſpremont , de Tinghen
, & de Keri compofoient
ce Corps avec ſept autres. Ce
détachement ayant eſté fait , le
PrinceCharles paſſa le Danube
à Tolna fur un Pont de Bateaux.
avec le reſte des Troupes , &
revint vers Pelt. L'Electeur de
Baviere arriva le 29. à Vienne ,
& il fut receu de l'Empereur
avec tous les témoignages de
joye qu'il pouvoit attendre. Le
Prince Loüis de Bade qui s'a
GALANT.
vançoit du Coſté de Cinq Egli
fes , eſtant arrivé le 26. prés de
Simonthorra , fit inveſtir cette
*Place par la Cavalerie , & par
lesDragons, qui ayant mis pied
àterre , vinrent ſe poſter jufques
au bord du Foffé , à la faveurdesRoſeaux
qui y ſonttreshautsdans
les Marais. La Gar
niſon témoigna- eſtre fort refo
luë de ſe deffendre , & fit un
grand feu de Canon , de Moufquererie
, &de Grenades , mais
une Batterie de trois pieces de
Canon fut fi bien ſervie , qu'elle
démonta d'abord une partiede
selle des affiegez . Ils s'eſtoient
perfuadez qu'on les attaquoit
fans Infanterie , & fitoſt qu'ils
la virent paroiſtre ſur une hauteur
, ils demanderent à capituler.
Le Prince Loüis de Bade ne
les voulut recevoir qu'à difcre-
!
F
1
G4
152. MERCURE
tion , & ne leur donna qu'une
demie heure pour voir le party
qu'ils avoient à prendre. Pendant
ce temps , un détachement 1
de mille hommes d'Infanterie
qui s'avança vers les Marais ,
étonna fi fort les Turcs que
defefperant de ſe pouvoir défendre
, tout ce qu'ils demanderent
fut qu'on menaſt leurs
Femmes & leurs Enfans àCinq-
Egliſes , ce qu'on ne peut refuſer
aux fortes inſtances qu'ils en
firent. Les Dragons & l'Infanterie
étant entrez dans la Place ,
on ytrouva prés de trois cens
Turcs qu'on mit priſonniers dans
le Chaſteau .Simonthorra eſt une
Ville ſituée ſur la Riviere de
Saruvits .Elle a un Foſſé large de
trente pas .Les Marais qui l'environnent
en dehors ſont d'une
telle étenduë , qu'on eſt obligé
-GALANT.
153
SD
pour y entrer de paſſer un Pont
detrois cens pasdelongueur.Le
Chaſteau eſt auſſi environné
d'un bon foſſé , & baſtyde pierre
de taille , avec des Fortifications
àl'antique. Il y avoitdeux
cens hommesen Garniſon dans
la Place , & l'on y trouva ſeize
- pieces de Canon de fonte , une
de fer , trente cinq tonneaux de
poudre,& plus de mille Grena--
des. Le Prince Loüis de Bade s'avança
de là vers Kapoſvvar, qui
n'en eſt qu'à deux lieuës,& s'en
eſtant rendu maiſtre,ily fitmettre
le feu . Son deſſein eſtoit de
s'emparer auſſi du Château ,
mais n'ayant point de Canon
ny de mortiers , parce qu'ils
eſtoient demeurez derriere , il
quitta cette entrepriſe , & continuant
ſa Marche vers Dimiria,.
il arriva le 4. d'Octobre prés du
MERCURE
154
(
Pont de Turanouvits , où le
Comte de Scherffemberg ſe
vint joindre à luy. Les Troupes
qu'il amenoit paſſerent la
Drave dans pluſieurs Bateaux ,
le Pont ayant eſté rompu par
le débordement de cette Ri
viere. Le 16. le Prince Loüis
de Bade arriva devane Cinq-
Egliſes , avec l'AvantGarde qui
eſtoit compoſée en partie des
Dragons. Il ne fut pas plutoſt
devant cette Place , que les
Turcs mirent le feu en quatre
endroits de la ville, & ſe retirerét
dans le Chaſteau. Ce feu fuc
bien toſt éteintpar les Dragons,
qui ayant eſcaladé les murailles ,
fe jetterent dans la Place len
Sabre àla main , & ouvrirent lad
Porte aux autres Troupes. On
ſe retrancha dans les poſtes prin- .
cipaux juſqu'à la grande Mof
GALANT.
155
1
quée,& l'on s'avançala nuit à la
portédu mouſquet du Chateau.
On y fit dreſſer deux Batteries,
l'on apprit qu'outre la Garniso
qui étoit de deux caille hommes,
commandez par un Bacha &
- ſept Beys , il y avoit un pareill
nombre d'autres perſonnes ca-
-pables de porter les Armes , qui
s'y eſtoient refugiées de divers
endroits. On comptoit fix cens
Janiſſaires parmy les deuxmille
homme de la Garnison.CeChaf
teau eſt un quarré irregulier en--
vironnéde hauteurs dont l'accez
eſt difficile. Il eſt fortifié de
quatre Rondelles à l'antiques
avec quelques Ouvrages à las
moderne. La nuit du 17: les Afſiegez
firent un ſi grand feu
qu'il y eut quelquesOfficier- des-
Affiegeans tuez , aver environ
trente Sulams. La refolution
G
156
MERCURE
qu'ils prirent de mourir en ſe
deffendant plutoſt que de fonger
à ſe rendre , leur fit arborer
fur uneTour ſix Drapeaux rouges
, avecun noir au milieu. Le
manque de vivres & de fourrages
dont l'Armée ſoufroit une
fort grande diſette , puiſqu'elle
ne ſubſiſtoit que de ceux que
l'on y conduiſoit par la prave,
fut cauſe que le Siege alla d'abord
affez lentement. Il y eut
pourtant préche dés le 20.
Canon n'ayant point ceſſe juſque
là de tirer contre la Place..
On travailla auſſi-toſt aux Mines,
en trois endroits , & l'on donna
l'ordre pour monter à l'aſſaut
ſelonque l'effet en feroit heureux.
Le Prince Loüis de Bade
envoya auparavant ſommer les
Aſſiegez de ſe rendre. Ils ne
voulurent faire aucune réponle
GALANT.
17
ſe ce jour là ,& s'en excuferent
le lendemain par one Lettre
dans laquelle ils faifoient con-
Boiſtre la diſpoſition où ils eftoientde
capituler ſi on leur accordoie
des conditions honnê
res.On leurdemanda des Ostages.
Un Aga paflaau Campavec
un autre Officier , & les Affiegeansenvoyerent
deux Officiers
dans la Place. L'Aga n'avoit
aucun pouvoir de traiter ,& on.
l'avoit chargé ſeulement de ſçavoir
à quellesconditions la Capitulation
feroit reglée. Le Prince
Loüis de Bade déclara qu'il
ne vouloit recevoir les Afſiegez
qu'àdiſcretion,& ils furent obligezd'y
conſentir , à cauſe que
les munitions leur manquoient.
LeBacha & les Beys demeurerent
priſonniers de Guerre avec
toute la Garniſon &furent con
158
MERCURE
duits ainſi que les Habitansen
divers endroits de la Stirie. On
trouva dans Cinq - Eglifes dixhuitpiecesde
Canon,& quantité
de munitions & de vivres. Le
Prince Loüis de Badey fit entrer /
Garniſon, ſçavoir le Regimentde
Tinghen, la moitié du Regiment
de Leſlé , trois Compagnies de
celuy de Heuffer , avec trois
Bataillons des Regimens de
Montecuculi , de Pax , & de
Herbeville , & aprés avoir donné
ſes ordres pour les reparations
des Fortifications de la
Ville& du Chasteau , il partagea
ſon Armée en deux Corps,
&prisle chemin deDarda avec
une partie de ſes Troupes. L'autre
partie commandée par le
Comte de Scherffemberg, marcha
vers Zielos , & arrivale 25..
devant cette place...Ce.Comte
GALANT. 159
1
la fit ſommer , mais les Turcs
qui s'eſtoient retirez dans le
Chaſteau , ayant témoignéune:
entiere reſolutionde ſe deffendre,
on commença les Attaques,
qui furent continuées juſqu'au
31. Le fuccez en fut heureux,,
& lors que les Affiegez virent
les Mines preſtes à joüer, ils arborerent
un Etendard blanc...
On ne les recent qu'àd'iſcretion ,
&ils demeurerent priſonniersde
Guerre.. Les Affiegeans curent
prés de trois cens Soldats de
tuez à ce Siege avec quelques
Officiers. On trouva quantité
demunitions & de vivres dans
la Place , avec douze pieces de
Canon. Le Comte de Scherf
femberg partit de Ziclos pour
aller rejoindre le Prince Loüis
de Rade , qui s'eſtoit avançé
vers. Darda , qui couvre &
160 MERCURE
commande le Pont d'Effeck en
deça de la prave. Il y avoit deux
Bachas campez aux environs
avec deux ou trois mille Turcs
que ce prince avoit deſſein de
combatre; mais fi- toſt qu'ils eurent
appris qu'il s'avançoitde ce
coſté là , ils ſe retirerent par le
Pont d'Effeck .. Ainſi loin de les
trouver , lors qu'il arriva le 1.
d'Octobre à la veuë de cette
place, il ſçût que la Garniſon
l'avoit abandonnée avec le Canon
& les Magaſins , & que les
Turcs pour affeurer leur retraite
avoient brûlé derriere eux une
partie du pont d'Effeck. Il fit
auffi-toſt avancer ſa Cavalerie le
long de ce pont qu'il laiſſa ſur la
droite pour éviter un Marais.Les
Turcs avoiết un pont de Bateaux
fur la Drave , & il y eut là
une affez longue eſcarmouche,,
GALANT. 161
1 mais enfin ils'le retirerent de l'autre
coſté , après avoir détaché
quelques - uns de ces Bateaux
afin que les Troupes du Prince
Loüis de Bade ne puffent paffer.
Le feu de Moufqueterie & de
douze groſſes pieces de Canon
qu'ils firent toute la nuit , n'empeſcha
pas les Imperiaux de ruiner
un autre Pont de trente pas
de longueur. Il eſtoit conſtruit
de poutres , & attaché au Pont
de Bateaux. Aprés cela, ce Prince
fit mettre le feu au Pontd'Efſeck,
& on en détruifit une fort
grande partie , en forte que les
Infidellesauront de la peine àle
rétablir . Ce Pont a huit mille
pas de longueur,& vingt-quatre
de largeur. Cette importante expedition
eſtant achevée, le Prince
Louïs de Bade envoya une
partie de ſes Troupes vers.Tu
162 MERCURE
ranovvits afin d'y prendre des
quartiers d'Hyver , & marcha
le s.vers Kapóſvvaravecle reſte
de ſon Armée.Eſtant arrivé le 9.
devant cette Place , il diſtribua
les poſtes à ſes Troupes , & fit
fommer le Commandant de ſe
rendre.Ce Commandant répondit
par un grand feu du Canon,
dont il tomba un boulet ſous le
Cheval du erince Louis de Bade.
Un autre paſſa fort prés de
loy,& fur cette opiniatre refiſtance
, on reſolut de faire les
Attaques dans les formes. Le
Commandant voyant qu'on s'y
diſpoſoit , demanda à capituler...
Les conditions furent que la
Garniſon ſeroit conduite à Sighet,
& fortiroitde la place avec
ce que chaque Soldat pourroit
emporter. On y trouvaungrand
Magaſin de toutes fortes d'ArGALANT.
163
mes. Il y en avoit d'autres remplis
de munitions, de vivres & de
fourages fi abondamment,qu'u
ne Garniſon de quinze cens
hommes en auroit pu ſubſiſter
pendant plus d'un an .On trouva
auſſi vingt quatre pieces de Canon
enbatterie ſur les Rondelles..
Le Prince Loüis de Bade y ayane
laiſſé des Troupes en Garnifon ,
&le Colonel Hoffer pour les
commander , avoit reſolu d'aller
bombarder Albe-Royale,mais le
grand froid ſurvenu l'ayantobli
géde differer l'entrepriſe à cauſe
des glaces , il fit entrer en quartier
d'Hiver les troupes qu'il
avoit menées à Kapofvvar.
Pendant toutes ces expeditions
du Prince Loüis de Bade
is prince Charles de Lorraine
quiluy avoitdonnéle Commandement
de l'un des deux Corns
164 MERCURE
1
de ſon Armée , paſſa le Danube
àTolna fur un pont de Bateaux,
&revint à peſt avec le reſte des
Troupes , comme je l'ay déja dir.
Il fit auffi-toſt un détachement
de quelques Regimens qui marcherent
à petites journées vers
la haute Hongrie , & vers la
Teyfle , où le Comte Caraffa, &
le General Heufleren devoient
prendre le Commandement pour
attaquer Segedin. Le Lieutenant
General de la Vergne , eſtant ar
rivé devant cette place , & la
voulant reconnoiſtre , fut tué
dans une ſortie que fit la Garni
fon; il y eut auſſi quelques Of
ficiers & environ cent Soldars
tuez. LeComte de Souches prit
auſſi toſt leCommandement dew
Troupes , & fit inveſtir la place
par l'Infanterie. On forma le
Siege ſi-toſt que le Comte Ca
GALANT.
165
raffa fut arrivé. On conduific
pour cela du Canon & des Mortiers
de Zolnock . La Garnifon
de la Place quieſtoit de plus de
deux mille hommes fit une tresvigoureuſe
reſiſtance , mais elle
| n'empeſcha pas qu'on n'achevaſt
I quatre Bateries , & qu'en peu de
-temps il n'y euſt une aſſez gran .
de brêche. Cependant comme
les vivres & les fourrages manquoient,
le Comte Caraffa ſe vic
obligé d'aller à Zolnock afin
d'en faire venir. It laiſſa le ſoin
du Siege au Comte Vvallis,
Major General , qui ayant receй
avis que deux mille Turcs, &
un Corps de Tartares eſtoient
prés de Schinta fur la Teyſſe à
fix licuës de Segedin , & qu'ils
avoient reſolu d'y faire entrer
du ſecours s'ils ne pouvoient en
faire lever le Siege , détacha le
166 MERCURE
Comte Veterani pour aller au
devant d'eux. Il partit avec les
Regimens de Cavalerie de Saxe
Lavembourg , de Caraffa , de
Heufler , de Sainte Croix , de
Gondola , de Gors,des Croates ,
de Lodron , & des Dragons de
Caſtelli & de Magni , & aprés
avoir marché toute la nuit , il
arriva avant qu'il fuſt jour à une
lieuë&demie du Camp des Taг-
tares. Il ſceut que les Turcs
eſtoient campez dans un autre
poſte , & cet avis luy fit ranger
auffi-toſt ſes troupes en Bataille.
Les Regimens de Caſtelli& de
Gorz eurent ordre d'attaquer
l'aîle droite des Tartares,& celuy
de Sainte-Croix de charger leur
aifle gauche. En meſme temps il
ordonna au Colonel de Goiz
demarcher contre lesTurcs avec
les Regimens de Heufler &de
GALAN T.
167
Magni , en cas qu'ils vouluſſent
attaquer en flanc ceux de Caſtil
li , de Gotz & de Sainte-Croix
pour foûtenir les Tartares. On
marcha ainſi en ordre de Bataille
, mais les Eſcadrons s'eſtant
écartez de leur route , que l'obſcurité
les empêchoit de tenir un
Officier quiles vouloitraſſembler
fit imprudemment ſonner la
Trompetie. Ce ſon alarma les
Sentinelles & les Gardes avacées
des Ennemis,&découvrit le deſfein
que l'on avoit en de les ſurprendre
.On ne laiſſa pas de les
attaquer fi toſtque le jour parut .
La vigueuravec laquelle ils furent
chargez les obligea de plier,
& quoy qu'ils fuſſent au nombre
de ſept à huit mille hommes,
ils ne ſe crurent pas en eſtatde
reſiſter. Ainſi ayant pris la fuite
avec beaucoup de deſordre , ils
168 MERCURE
laiſſerent les Imperiaux Maiſtres
de leur Camp , où l'on trouva
quatre à cinq mille Chevaux .
Les Tarrares dont on tua un
grand nombre dans leurs Tentes
& dans leur Retraite , ſe raillierent,&
revinrent à la charge dans
la penſée que les Ennemiseſtant
occupez à piller leur Camp,rendroient
leur défaite plus facile,
mais ils furent foûtenus vigoureuſement
par les Regimens de
Caſtelli & de Sainte- Croix , qui
les obligerent de ſe retirer. Pendantcetemps
le Colonel du Regiment
de Gotz quieſtoit aller
attaquer les Turcs campez dans
un autre poſte , les fit charger
avec tant de force & fi à propos ,
qu'il les contraignit auſſi de fuir
aprés qu'on leur cut tuéprés de
trois cens Janiſſaires qui défendoient
une eſpecé de Redoute
qu'ils
GALANT. 169
qu'ils avoient devant eux.Il y en
eut un bon nombre qui furent
paſſez au fil de l'épée , eſtant
1 malheureuſement tombez entre
les mains du Comte Veterani.
Aprés la défaite des uns &des
autres, on découvrit quantité de
Troupes qui paffoient un Pont
conſtruit par les Turcs. Il parut
que leur deſſein eſtoit de venir
attaquer les Imperiaux , On eut
de la peine à les reconnoiſtre à
cauſe d'une groſſe fumée qu'elles
firent en mettant le feu à des
poudres à meſure qu'elles s'avançoient
, mais enfin on ſceut que
c'étoit l'Armée du Grand Viir ,
meſlée de Tartares . Auffi- toſt le
Comte Veterani fit marcher
contre les derniers les Eſcadrons
de Saxe- Lavembourg,de Caſtelli
, de Veterani & de Gondola ,
commandez par le Colonel Ca-
Decembre 1686. H
170 MERCURE
ſtelli, afin d'empeſcher qu'ils ne
priſſent les Imperiaux en flanc.
Le reſte de ſes Troupes marcha
contre les Tures , qui s'eſtant
avancez dans la Plaine , auffi
bien que les Tartares, commencerent
l'attaque avec beaucoup
de bravoure. Le Combat dura
deux heures , & fut fortopiniatré.
Les Infidelles perdirent plus
de mille hommes , & le deſordre
commençant à ſe mettre parmy
eux, ils ſe retirerent vers un lieu
où treize Pieces de Campagne
mettoient leur Infanterie àcouvert.
Le grand feu qu'ils firent
n'étonna point les Imperiaux. Ils
l'eſuyerentavec beaucoup d'intrepidité
, tuerent plus de trois
cens Janiſſaires , & contraignirent
les Tures & les Tartares de
prendre la fuite encore une fois.
Le Champ de Bataille leur ayant
GALANT. 171
a
eſté abandonné , ils y trouverent
la grande Timbale & pluſieurs
Drapeaux des Ennemis avec leur
Artillerie , cinq cens Chevaux ,
& une fort grande quantité de
proviſion & de bagage. Ils ne
perdirent dans l'une & l'autre
action que quatre Officiers , &
environ cent hommes de pied
& cinquante Cavaliers.On tient
que la perte des Infidelles fut de
prés de deux mille Janiſſaires,&
de plus de douze cens Tartares.
Cette Victoire remportée ſi heureuſement
par le Comte Veterani
fut fuivie de la reduction
de Segedin . Si- toſt qu'il fut de
retour au Camp devant cette
Place, il fit chanter le Te Deum
au bruit de la décharge de toute
l'Artillerie, aprés quoy il envoya
aux Affiegez un des Prifonniers
qu'on avoit faits , qui leur fic
H2
172
MERCURE
connoiſtre qu'ils ne devoient
eſperer aucun ſecours du Grand
Viſir , dont l'Armée venoit d'être
miſe en fuite. On leur montra
les Drapeaux gagnez , & ils ne
les eurent pas plûtoſt vûs qu'ils
demanderent à capituler. Les
Otages ayant eſté donnez de
chaque coſté , on regla les conditions
ſuivant leſquelles il fut
permis à chaque Soldat de la
Garniſon de fortir avec ce qu'il
pourroit emporter , & ils furent
eſcortez juſqu'à Temiſvvar. On
trouva dans Segedin grande proviſion
de munitions & de vivres.
Cette Place ſe rendit le 23.d'O .
tobre , qui fut le meſme jour
queCing Eglifes s'eſtoit renduë .
Le Comte de Vvallis , aprés y
avoir laiſſe Garniſon , paſſa la
Teyſſe pour aller joindre le
Comte Caraffa , & tacher de
GALANT.
173
t
= s'emparer encore de Giula & de
quelque autre Place avant que
-de terminer cette Campagne ,
mais il receut ordre en chemin
de revenir , le Comte Caraffa
ayant fait entrer en quartier
d'Hyver les troupes qu'il commandoit.
Je vous manday il y a deux
mois toutes les particularitez de
la priſe de Napoli de Romanie.
Aprés qu'on eut fait la Capitulation
, fuivant laquelle la Garnifon
, & les Habitans de cette
Place devoient eſtre conduits à
Tenedo , les plus riches d'entre
les Turcs demanderent ad Bacha
de Napoli de Romanie la
permiſſion de mettre leurs meilleurs
Effets fur le Vaiſſeau où il
devoit s'embarquer avec toute fa
Famille , croyant que la ſeureté
y ſeroit plus grande. Le Bacha
H3
174
MERCURE
confentit à ce qu'ils voulurent ,
mais fansleur permettre de s'embarquer
eux mêmes fur ceVaifſeau.
Lors qu'on eut mis à la
voile , il fit prendre la route de
Veniſe , accompagné de ſes Freres
, & du Commandant de
Chielafa , dans le deſſein de demander
la protection de la Republique.
Elle luy fut accordée,
&on leur prepara un logement
dans le Seminaire des Nobles
pendant qu'ils faiſoient la quarantaine
dans le Lazaret .On tient
que plus de ſoixante Villages ſe
rangerent ſous la dominationdes
Venitiens , ſi-toſt qu'ils ſe furent
rendus Maiſtres de Napoli de
Romanie ,& que les Turcs abandonnerent
Miſitra pour ſe retirer
à Corinthe. Miſitra eſt l'ancienne
Lacedemone.Athenes ſe
racheta du pillage en ſe ſoumerGALANT
.
175
L
tant à un tribut annuel , & en
offrant de payer comptant une
fomme confiderable. Le 19. de
Septembre le Provediteur Cornaro
marcha vers Sing avec le
Prince de Parme , General de
l'Infanterie,& le Comte de Saint
Paul. Ils menerent deux mille
hommes de pied qu'on avoit tirez
des Garniſons , fix cens Chevaux
de troupes reglées , & un
grand nombre de Morlaques à
pied& à cheval. On conduifit
avec eux quatre Mortiers &
trois Pieces de Campagne.Aprés
-trois jours de marche ils arriverent
devant cette Place , où les
poſtes furent diſtribuez. Les Bateries
eſtant preftes,on commença
à faire feu , & le General
Cornaro envoya ſommer les Affiegez
de ſe rendre. Ils répondirent
qu'on ſe devoit ſouvenir
1
H 4
176 MERCURE
qu'on les avoit attaquez inutilement
l'année précedente ; qu'on
avoit eſté contraint de lever le
Siege avec honte & avec perte ,
&que comme ils eſtoient fournis
abondamment de toutes les
choſes neceſſaires pour faire une
vigoureuſe réſiſtance , ils ſe tenoient
d'autant plus certains de
ſe défendre avec le meſme fuccés
, que le Bacha d'Ertzegovina
n'eſtant qu'à une journée de
Sing , c'eſtoit un ſecours affeuré
pour eux dés qu'ils en auroient
beſoin. La fierté de leur réponſe
fut accompagnée d'effets. Ils firent
tirer fur celny qu'on leur
avoit envoyé pour cette ſommation,&
fa mort fut la confirmatio
de leur ſentimens . Le General
Cornaro n'oublia rien de ce qui
pouvoit contribuer à avancer
les Travaux . On les pouſſa avec
GALANT.
177
:
toute la diligence poffible , &
on fit un feu continuel contre
la Place. La breche s'eſtant
trouvée affez grande le 28. on
monta ce meſme jour à l'aſſaut,
& quelque forte que fuſt la réſiſtance
des Affiegez , ils furent
mis en deſordre , & contraints
☐ d'abandonner la Ville pour ſe
retirer dans le Chaſteau. Les
Aſſiegeans les y attaquerent
avec une valeur incroyable , &
aprés un combat de plus d'une
heure , ils les forcerent , & taillerent
en pieces la Garniſon.
Elle estoit compoſée de trois
cens Turcs. On preſenta la pluſpart
des teſtes au General Cornaro
, qui fit donner deux Sequins
à chacun de ceux qui les
apporterent. Il y avoit un grand
Magaſin de Munitions dans cettePlace
, avec onze pieces de:
H
178 MERCURE
Canon. Les Affiegeans eurent
quarante hommes tuez,& cent
bleſſez à cette Expedition. La
conqueſtede Sing eſtoit importante
aux Venitiens, puis qu'elle
leur affeure la poffeffion d'un
Territoire tres - fertile de plus de
trente milles d'étenduës.
Voicyun Air de Monfieur de
Bacilly , que vous trouverez
d'autant plus beau , qu'il eft fur
des paroles preſque toutes monoſyllabes
ce qui fait bien voir
que Voffius n'a pas eu raiſon de
dire que nôtre Langue n'eſtoit
pas avantageuſe pour faire des
Chants agreables , à cauſequ'elle
abonde en monoſyllabes.
C'eſt ce que le Pere Menestrier
a fort bien remarqué dans la
page 107. de fon Livre des Repreſentations
en Muſique , où il
cite contre ce Hollandois le
20
1
179
Bacil-
Art de
U.
emon
is tous
او
appre
ir tant
sinte la
ede ne
je vous
meriobation
Cepen-
6
178
Canc
quar
bleff
cong
tant
leur
Terr
tren
V
BAC
d'at
des
nof
que
dire
pas
Ch
le
C
af
pa
pre
cit
GALANT. 17
ſentiment de Monfieur de Bacilly,
tiré de fon Livre de l'Art de
bien chanter.
AIR NOUVEAU.
A
H! jene sçay се
coeurdemande
que mon
Ie veux vous fuir ,& jesuis tous
vos pas.
Que je vous crains , que j'appre
hende
De vous voir de voir tant
d'apas !
Mais ce n'est point ma crainte la
plus grande,
Etjene crains rien tant que de ne
vous voir pas .
Les Madrigaux que je vous
envoyay le dernier mois , meritent
ſans doute l'approbation
que vous leur donnez. Cepen
H6
180 MERCURE
dant celuy qui a pourTitre,L'age
d'aimer , n'a pas efté également
bienreceu. On a prétendu
que l'on pouvoit eſtre Amant
tant qu'on n'avoit point l'hu-*
meur auſtere qui ſuit ordinaire .
ment la froide vieilleſſe ; & un
fpirituel Anonyme a répondu par
ces Vers à celuy qui a foûtenu ,
que quand un homme paſſe quarante
ans , il ne doit plus luy
eſtre permis d'avoir de l'amour..
MADRIGAL . We
Vand on n'est plus dans la
Quand
fleur de jeuneſſe ,
Et que l'on est pourtant agile , vi.
Et bien loin des froideurs de l'auste
goureux ,
re vieilleffe ,
Pourquoy ceffer d'estre amoureux?
Se rigle t'on toûjours par l'âge
GALANT . 18
Et s'accorde.t- on rien au bon tem
perament ?
Les plus indifferens blâmeront da_D
vantage ,
• S'ils ont le bon fens en partage ,
Le Cenſeur importun,que le difcret
Amant.
Le bruit de la mort de Mon->
fieur le Prince s'eſtant répandu
dans toute l'Europe,vous n'ignorez
pas , Madame, qu'elle eſt arrivée
à Fontainebleau l'onziéme
de ce mois fur les ſept heures du
foir. Quoy que l'honneur qu'il
avoit d'eſtre le premier Prince
du Sang , rende ſa naiſſancetresconnuë
, je croy que vous ne ſe
rez pas fachée que pour vous
parler de ſa Maiſon , je remonte
juſqu'àCharles de Bourbon,Duc
de Vendoſme , Pair de France
Comte de Soiffons , de Marle
182 MERCURE
&de Comarſan , Vicomte de
Meaux , Seigneur d'Epernon , de
Montdoubleau , de Condé , de
Ham , de Gravelines , de Dunkerque
, de la Roche, de Bohain,
de Beaurevoir & de Heſdin ,
Chaſtelain de Lifle,Gouverneur
de Paris & de l'iſle de France ,
qui nâquit à Vendoſme en 1489 .
& quimourut à Amiens en 1537.
Il eut ſept Fils & fix Filles de
Françoiſe d'Alençon ,
de François d'Orleans 1. du
nom , Duc de Longueville , &
Fille aiſnée de René , Duc d'A
lençon , & de Marguerite de
Lorraine. Les Fils furent , Loüis
de Bourbon , mort à l'âge de
deux ans , Antoine de Bourbon,
Roy de Navarre & Duc de
Vendoſme , François de Bourbon
, Comte d'Enguien , mort
âgé de vingt- ſix ans , de la chuveuve
GALANT. 183
*
ete d'un cofre , que quelques
Seigneurs ſe joüant au Chaſteau
de la Rocheguyon, luy laiſſerent
par malheur tomber ſur la teſte,
Charles Cardinal de Bourbon ,
Archeveſque de Roüen , que
le party de la Ligue ſalua Koy
fous le nomde Charles X. aprés
la mort de Henry III. Jean de
Bourbon , tué à la Bataille de
Saint Quentin en 1557. fans
avoir laiſſé d'Enfans de Mariede
Bourbon , Ducheſſe d'Eſtouteville
, & Loüis de Bourbon ,
Prince de Condé, De tous ces
Princes il n'y a eu qu'Antoine&
Loüis de Bourbon qui ayent
fait poſterite. Antoine , Roy de
Navarre , fut Pere de Henry IV.
Ayeul de Loürs LE GRAND
Loüis de Bourbon II. du nom,
Prince de Condé , ſeptième Fils
de Charles I. épouſa en 1551
-
184 MERCURE
Eleonor de Roye , Fille aifnée &
heritiere de Charles , Sire de
Roye & de Muret , Comte de
Roucy , & de Magdeleine de
Mailly , Dame de Comty , & il
en eut Henry de Bourbon , I. du
nom, Prince de Condé , Charles
, mort jeune , François ,Prince
de Conty , mort en 1614- ſans
avoir laiſſé d'Enfansde ſes deux
Mariages , Charles , Cardinal
de Bourbon , Archeveſque de
Roüen , & Loüis , Jumeau de
Charles, mort dans ſon enfance.
Loüis , Prince de Condé ayant
eſté ſoupçonné d'avoir eu part à
la conſpiration d'Amboiſe , fut
arreſté a Orleans , & il couroit
riſque de la vie fans la mort de
François 11. Charles IX. qui luy
ſucceda , le remit en liberté. Il ſe
jettadans le party des Religion
naires,dont il ſe fit Chef, fur
GALANT. 185
- pris & bleſſe à la Bataille de
Dreux en 1562. perdit celle de
-Saint Denys en 1567. & fut tue
deux ans aprés à celle de Jarnac .
Eleonor de Roye , fa premiere
Femme , eſtant morte en 1564.
il prit une ſeconde Alliance
en 1565. avec Françoiſe d'Orleans
, Fille de François Marquis
de Rotelin,&de lacqueline
de Rohan , dont il eut Charles '
Comte de Soiffons , qui ayant
épousé Anne ; Comteſſe de
Montafić ,Dame de Bonneftable
& de Lucé , Fille puiſnée &
heritiere de Loüis , Comte de
Montafié en Piemont , & de
Jeanne de Coëſme , Dame de
Bonneſtable & de Lucé , laiffa
d'elle Louïs de Bourbon, Comte
de Soiffons , qui s'eſtant joint à
une Armée d'Etrangers condui.
te par le General Lamboy , &
186 MERCURE
ayant donné la Bataille en 1641 .
au Maréchal de Chaſtillon ,
General de celle du Roy ; y fut
tué d'un coup de piſtolet en
pourſuivant la Victoire avec
trop de chaleur. Charles, Comte
de Soiffons eut auſſi deux Filles ,
ſçavoir Louïſede Bourbon , mariée
en 1603.à Henry d'Orleans ,
Duc de Longueville,Pere de Marie
d'Orleans , Veuve de Henry
de Savoye , II. du nom , Duc de
Nemours , & Marie de Rourbon,
Veuve de Thomas François de
Savoye , Prince de Carignan.
Henry de Bourbon, I.du nom,
Prince de Condé , Fils aiſné de
Louïs , ſe trouva au premier Siege
de la Rochelle en 1573. avec
le Duc d'Anjou , qui fut depuis
le Roy Henry 111. aprés quoy il
embraſſa le party des Réligionnaires
, & mourut de poiſon à
GALAN T. 187
&
S. Jean d'Angely en 1688. Ileut
de Marie de Cleves , ſa premiere
Femme , Marquiſe d'Iſles
Comteſſe de Beaufort en Champagne,
Fille puiſnée de François
deCleves , 1. du nom , Duc de
Nevers , & de Marguerite de
Bourbon-Vendoſme , Catherine
de Bourbon , morte fans alliance
âgéede vingt & un an , & en
ſuite il épouſa Charlote Catherine
de la Tremouille , Fille de
Loüis III. Ducde Thoüars, & de
Jeannede Montmorency, dont il
eut Henry II . du nom ,&Eleonor
de Bourbon , mariée avec
Philippes-Guillaume de Naſſau ,
Prince d'Orange.
Henry de Bourbon, II.du nom,
Prince de Condé,premier Prince
du Sang , né à S. Jean d'Angely
en 1588. fut retiré d'entre les
mains des Religionnaires par le
188 MERCURE
Roy Henry IV. qui le fit élever
dans la Religion Catholique. Il
repreſenta le Duc de Bourgogne
au Sacre de Loüis XIII .& accompagna
ce Prince lors qu'il fut declaré
Majeur en 1614. Il prit la
Ville de Sancerre ſur les Religionnaires
, ſuivit le Roy aux
Sieges de Royan , de Bergerac ,
de S. Antonin , de Clerac , de
Sainte Foy , de Lunel , commanda
l'Avant garde de l'Armée au
Combat de rié en 1622. ſe trouva
au Siege de Montpellier , & à
ſon retour d'un Voyage d'Italie,
où il s'eſtoit tetiré peu de temps
aprés qu'il eut épousé Charlotte-
Marguerite de Montmorency ,
fille puiſnée de Henry I. Duc de
Montmorency , Pair & Connê
table de France , & de Louiſe de
Budos , ſa ſeconde Femme,le Roy
luy donna le commandement de
1
GALANT. 189
or
-1
10
de
tt ſes Armées en Guyenne & en
Languedoc , & il s'empara de
Soyon, de S. Alban , de ramiers ,
de Realmont , de Caſtelnau ,
Braſfac , de Viane , & de la Cau-
- ne , que tenoient les Pretendus
Reformez.ll fot fait Gouverneur
de Nancy & de la Lorraine en
1635. & l'année ſuivante il commanda
l'Armée du Roy dans la
Franche-Comté , où il ne réuffit
pas au Siege de Dole. Il ſe ſignala
dans le Rouffillon par la priſe de
deux places ,& aprés la mort du
- Roy , il fut étably Chefdu Confeil
& Miniſtre d'Estat ſous la
feuë Reyne Mere Anne d'Auſtriche,
Regente. Il fervit tres-utilement
ſous la Minorité de Sa ма-
jeté ,& mourut dans ſon Hôtel
le 26. Decembre 1646. Il eut de
Charlotte-Marguerite de Montmorency
, ſa Femme , trois fils ,
190
MERCURE
morrs dans leur enfance , Loüis
deBourbon , Prince de Condé ,
qui vient de mourir , Armand ,
prince de Conty , mort à Pezenas
le 21. Février 1666. Pere de
Monfieur le Prince de Conty
d'aujourd'huy , & Anne Geneviefve
de Bourbon , mariée en
1642 -par diſpenſe du Pape, avec
Henryd'Orleans II.du nom,Duc
de Longueville, qui avoir épousé
en premieres Noces Loüiſe de
Bourbon, fille deCharles,Comte
de Soiffons.
Monfieur le prince n'acquit
à Paris le 8. de Septembre
1621. pour la gloire de ſon Siecle,&
quand il ne feroit pas forty
de la Royale Maiſon de Bourbon
, la plus Illuſtre qui ſoit
danstoute la Terre , il n'auroitpû
manquer de ſe faire une é
clatante fortune parla grandeur
GALANT. 191
de ſes Actions , qui l'auroient
ſans doute fait combler de biens,
d'honneurs , & de Charges. Il
ſe trouva en 1640. au Siege
d'Arras ſous le nom de Duc
d'Enguien qu'il rendit fameux
parune ſuite continuellede Victoires.
Il n'avoit alors que dix
neufans. Après avoir donné des
preuves de fon courage & de ſa
valeur en 1642. au Siege de Perpignan,
il fut fait General de
l'Armée du Roy , du Regne duquel
il fignala le commencement
par la celebre Victoire de Rocroy
qu'il gagnale 19. May 1643 .
Elle fut fuivie de la priſe de
Thionville le 10. Aouſt de la
meſme année, 1644 il força les
Troupes de Baviere dans leurs
retranchemens présde Fribourg,
&emporta Philifbourg en dix
jours au mois de Septembre. Il
192
MERCURE
rétablit l'Electeur de Tréves en
1645.& défit les Bavarois le 30.
Aouſt à Nortlingen , où le Ge.
neral Mercy fut tué , & Jean de
Vvert mis en fuite, L'année fuivante
il ſe rendit de plus en plus
redoutable aux Ennemis de l'EAat
, & remit Dunkerque ſous
l'obeïſſance de Sa Majeſté.Monfieur
le Prince ſon Pere eſtant
mort for la fin de la meſme année
, il luy fucceda à la Charge
deGrand Maiſtre de la Maiſon
du Roy , & aux Gouvernemens
de Bourgogne , de Breffe , & de
Berry. Il eut le commandement
de l'armée du Roy en Catalogne
en 1647. & affiegea Lerida.
Quoy que le fuccez decette entrepriſe
n'euſt pas eſté heureux
pour luy , il ne laiſſa pas de
prendre Arger fur les frontieres
d'Arragon , & de faire lever le
Siege
GALANT.
193
F
Siege de Conſtantin qu'atta
quoient les Eſpagnols.Il continua
ces grands Triõphes par la
Bataille de Lens en Flandre qu'il
gagna le 20. Aouſt 1648. & f
tant d'Actions heroiques: l'ont
couvert de gloire dans ſes pre
mieres années , les dernieresant:
foûtenu avec beaucoup d'as
vantage l'éclatante réputation
qu'ils s'eſtoit acquiſe. Il ſervic
tres utilement à la Conqueſte..
que le Roy fit de la Franche-
Comté au mois de Fevrier 1668 .
&à celle de Hollande , où il prit
Vveſel , & fut bleſſé prés du
Fort de Toluysle 12. Juin 1672 .
Il continua de rendre de tresimportans
ſervices les années
ſuivantes,& mittoutes nos Conqueſtesdans
une entiere ſeureté
, ens'oppoſant aux moindres
deſſeins des trois Armées des.
Desembre 1686 .
1
194
MERCURE
Imperiaux des Eſpagnols&des
Hollandois, qui s'eſtoient liguez
contre la France. Il défit entie
rement l'Arriere-garde des Ennemis
& pluſieurs Troupes du
Corps de Batalle le 10. Aouſt
1674. à la celebre journée de
Senef. Ily eut plus de trois mille
hommes des Ennemis tuez ſur la
place , & plus de quatre mille
qui furent faits Prifonniers de
Guerre. Peu de temps aprés il
fit lever le Siege d'Oudenarde,
&contribua en 1675. àla priſe
de Limbourg. Aprés la mort de
Monfieur de Turenne il commanda
l'Armée d'Allemagne
où il fi lever le Siegede Haguenau
qu'avoitentrepris le Comte
deMontecuculi. Il avoit enſembledans
un haut degré les deux
choſes qui font les plus grands
hommes de Guerre. Il eſtoic
GALANT.
195
Soldat & Capitaine , ſavoit auſſi
bien ſe batre que commander,&
jamais perſonne n'a mieux ſceu
- que luy les mouvemens qu'une
Armée doit faire , ny mieux
connu les fautes que faisoient
ceux qu'il avoit à combatre.
Aufſfi peut-on dire que ce grand
Prince a étudié juſqu'à la mort
tout ce quiregarde la Guerre. II
ne ſe paſſoit rien de cette nature
dans toute l'Europe dont il n'euſt
fans ceſſedes nouvelles avectous
les Plans des Places qu'on afficgeoit.
Il jugeoit de ce quieſtait
contraire ou avantageux à chaque
party ,& fi ceux qui étoient
en Guerre euſſent pû avoir au-
-prés de luy des Eſpions pour leur
rapporter affez toſt ce qui ſe paffoitdans
ſon Cabinet,ils auroient
pû en profiter tres- utilement.On
ne peut douter aprés cela que
1 2
196 MERCURE
les Princes de ſon ſang quiont
tous les joursrecen ſes leçons, ne
foient tres-ſcavansdans le métier
delaGuerre. Il n'eſtoit pas moins
recommandable par ſon ſcavor
extraordinaire & par la force de
fon eſprit, qui paroiſſoit dans ſes
vives reparties , & qui le faifoit
aller au fait fur toutes fortes d'affaires.
Auffi quoy que les Viſites
qu'on luy rendoit tous les jours
pendant ſon ſéjour à Chantilly ,
fuſſent deuës à ſa naiſſance , fa
Perſonne y avoit toûjours beaucoup
de part,& lesgrandes qualitez
qu'il donnoit lieu d'admirer
en luy, eſtoient regardées de tout
le monde avec une veneration
tres particuliere. Il eſtoit ſi penetré
des grandes choſes qu'il voyoit
faire tous les jours au Roy ,
que quand le devoir d'un zelé
Sujet ne l'auroit point porté à
GALANT.
197
02
e!
l'aimer ,& qu'il n'euſt pas eu
l'honneur d'eſtre de ſon Sang , il
auroit eu pour ce grand Monarque
les meſmes ſentimens de
reſpect , d'admiration &de ten
dreſſe qu'il a inſpirez aux Princes
de ſa Maiſon . Quelque peu de
fanté qu'il euſt depuis quelques
mois , il ne put apprendre le
danger où la petite verole avoit
mis Madame la Ducheſſe de
Bourbon , fans ſe faire porter à
Fontainebleau , & les accidens
qui avoient fait craindre pour la
viede cette jeune Princeſſe ayang.
ceſſé peu de jours aprés , il avoit
-donné ſes ordres pour partir le
lendemain , lors que tout d'un
coup il ſe ſentit affoibly d'une
maniere qui luy fit connoittre
qu'il ne devoit plus ſonger à la
vie. Il dit auſſi - toſt qu'il voyoit
bien qu'il falloit penſer à un voya
)
13
198 MERCURE
geplus important. Il eut le ſoin
d'ordonner qu'on recompenſaſt
tous ſes Domeſtiques ,& fa foibleffe
continuant d'heure en
beure à s'augmenter,il enviſaget
la mort avec toute la reſignation
d'un veritable Chreſtien , & en
meſme temps avec la fermeté
d'un Heros. Il mourut le Mecredy,
onzième de ce mois , âgé
de ſoixante- cinq ans , trois mois
&trois jours. Son Corps fut ou
vert. On luy trouva le poumon
Aetry nageant dans l'eaudont la
poitrine eſtoiten partie remplie;
dans le bas ventre l'eſtomach
&le foye en fort bon eftat , les
deux reins à demy pourris , &la
fate commençant à ſe corrompre;
la veſſie du fiel fort grande
&fort pleine ; la veffie dans ſon
eſtat naturel , dans la teſte , le
plus beau cerveaudu monde,ſoit
GALANT. 199
dans ſa conſiſtance , & le coeur
fort fain, fort gros, &d'une cou
leur naturelle. Il ne faut pas s'étonner
ſi ſon coeur a toûjours été
grand auffi bien que ſon eſprit .
Son Corps fut expofé à Fontainebleau
pendant pluſieurs jours
for un Lit de parade , ſuivant ce
qui ſe pratique pour les Princes
de fon rang. Sa mort touchatel-
-lement le Roy que la maniere
dont il regreta ſa perte , fut une
preuve de la haute eſtime , &
de la conſideration tres fingulierequ'il
avoit pour luy.Sa Majeſté
nomma Monfieur le Prince de
Conty pour aller jetter de l'Eau
beniſte en ſon nom ſur le Corps
de cet Illuſtre défunt. Ce Prince
s'eſtant rendu à Fontainebleau ,
en fit la Ceremonie le Samedy
21.de ce mois. Il avoit le Chaperon
en forme , & eſtoit veſtu
14
200 MERCURE
d'une Robe de deuil , dontMon
ſieur le Marquis de Matignon
portoit la queuë qui estoit traînantes
de cing aunes. Monfieur
le Duc de Chaune l'accompa
gnoit,&Monfieur le Marquis de
Blainville,Monfieur de Saintot &
Monfieur Martinet le conduifirent
, le premier Grand Maiſtre ,
P'autre Maiſtre,& ledernier,Aide
desCeremonies.Il eſtoit environné
des Gardes du Corps que l'on
avoit commandez', & de vingt
des Suiſſes de la Garde du Roy.
Le meſme jour , Monfieur l'Eveſqued'Autun
qui devoit lever
& conduire le Corps de Fontainebleau
à Valeri , porta leCoeur
à la Paroiſſe , & l'y laiſſa en dépoſt
. Le lendemain ce Prelat en
habits Pontificaux, leva le Corps
do la Chambre de deüil,& on le
mit dans un Chariot couvertde
GALANT. 201
Velours noir , croisé de Moire
d'argent aux Armes du Prince
en broderie d'or , avec un bord
de huit doigts d'hermine. Ce
Chariot eſtoit attelé de huitChevaux
caparaçonnez de la meſme
forte. Aprés que Monfieur l'Evêque
d'Autun , & Monfieur le
Curé de la Paroiſſe ſe furentmis
dans le Carroſſe du Corps , on
commença à marcher. Les Officiers
de la Maiſonde Monfieur
le Prince estoient à la ſuite du
Convoy.Lors que l'on fut arrivé
à Valery, Monfieurd'Autun preſenta
leCorps à Monfieur l'Evêquede
Poitiers nommé àl'Arche--
veſché de Sens . Ce Prelat vétu
pontificalement le receut à la
porte de l'Eglife ,& le jour ſuivant
on fit le Service avec beau--
coup de folemnité. Le Corps fucc
mis auprés de celuy de Monfieur
IS
202 MERCURE
le Prince pere du Défunt , mort
il y a quarante ans le 26. de ce
meſme mois. Le 24. veille de
Noël , Monfieur l'Evéque d'autun
, ayant levé le Coeur qui
eſtoit demeuré dans la paroiffe
de Fontainebleau, monta dans le
Caroffe du Corps & le mit fur
fes genoux fur un Carreau de
Velours noir. Monfieur le Prince
Fils de cet Illuftre Défunt ,
l'attendoit à l'Egliſe de S. Loüis.
des Jeſuites. Monfieur le prince
de Conty s'y eſtoit auſſi rendu
dans unCaroffe du Roy , envi
ronné de Gardes du Corps qui
avoient tous l'épée nuë , parce
que c'eſtoit de la part de SaMajeſté
que ce prince ſe trouvoit à
cette Ceremonie , ce qui eſt une:
marque del'eſtime dont elle l'ho
nore. Le pere provincial des Jefuites,
à la teſte de ſa CommuGALANT
.. 203
nauté, recent Monfieurd'Autun
à la porte de l'Eglife , & ce prelat
luy remit le Cooeur entre les
mains , aprés un Diſcours fort
touchant fur ce Sujet. Le perc
provincial ayant répondu à ce
Diſcours , remit le Coeur entre
les mains de Monfieur l'Eveſque
d'autun , qui le poſa ſur une
Credence qu'on avoit placée auprés
de la Chapelle où eſt celuy
de Henry de Bourbon , Pere de
feu Monfieur le Prince , aprés
quoy il fit les Encenfemens , &
les autres Ceremonies qu'on a
coûtume de faire en de pareilles
occafions. Je vous parleray le
mois prochain des autres honheurs
funebres qui doivent être
rendus à la memoire de ce grand
Prince. Les Muſes ne ſe ſont pas
teuës ſur ſa mort . Voicy deux
Sonnets qu'elle a fait faire. Le
16-
204 MERCURE
premier eſt de Monfieur de Benſerade
, & l'autre de Monfieur
Magnin.
SUR LA MORT
de Monfieur le Prince.
ONDE traita la mort d'un
CONairaudacieux ,
L'on eust dit qu'il gagnoit sa derniere
Victoire;
A peine l'Univers eſt aſſez spa
tieux
Fourſuffire à pouvoir contenir tant
degloire.
Nous auronsſes hauts Faits tod
joursdevant les yeux ,
Monumens éternels du Temple de
Memoire,
D'un ſi digne Heros les reftes pré
cieux
2
<
GALANT. 205
Que laposteritérefuferade croire..
Quelle teste , quel bras , quels ta
lens à choisir ?
Tout en fut merveilleux iusques à
fon loisir,
Tout le bruit a remply l'un & l'aur
tre hemisphere..
泰
Nul ne put mieux agir quand il
fut à propos ;
Etmême comme il ſceut noblement
ne rien faire , 1
Nul neſceut mieuxgoûterun triom-
Phant repos.
Sur le meſme ſujet....
CONDE wiem de
ONDE' vient de mourir , la
Ne l'a point distingué du restedes
Humains.
Vertus , merite , honneurs , que vos
efforts fontvains
206 MERCURE
Quand il faut appaiserfafureur
implacable!
1
C'en est fait , iln'est plus ceHeros
indomptable ,
Tant de Lauriersfi verts font tombez
deſes mains ;
Cegrand évenement fait gemir les
Destins ,
Mars a fremy d'horreur à ce coup
déplorable.
Lents, Nortlingue,Rocroy d'éton
nement surpris
Elevent dans les airs de pitoyables.
cris;
Mais d'un doüilgeneral cette perte
eftfuivie.
Apleurer ce Heros tout lemonde
eftd'accord.
be moyen desçavoir l'histoiredeſa
Vie
GALANT.
207
Es de nepas donnerdes larmes àfa
Mort?
Le 22. decemois Monfieur le
Comtede Lobkovvits , Envoyé
Extraordinaire de l'Empereur,
fit part à Sa Majeſté de l'avis.
qu'il avoit receu de la mort de
l'Imperatrice Douaïriere Eleonor,
arrivée à Vienne le 6. dece
meſme mois. Elle estoit âgée de
cinquante-neuf ans , & Fillede
Cahrles de Gonzagues.Cleves.
Duc de Rhetelois , & de Marie
de Gonzague , Princeſſe de
Mantoüe , qui estoit Fille de
François de Gonzague II. Duc
de Mantoüe & de Montferrat ,
& de Marguerite de Savoye.
L'Imperatrice Eleonor eſtoit
troiſième Femme de l'Empereur
Ferdinand III . qui l'épouſa le
30. Avril 1651. Cet Empereur
1.
208 MERCURE
avoit épouséen premieres Noces
Marie - Anne d'Auſtriche ,,
Fille de Philippes III. Roy d'Efpagne,
dontil a laiffé Leopold
aujourd'huy Empereur , &Marie
Anne d'Auſtriche , Mere de
Charles II. Roy d'Eſpagne ,
Aprésla mort de cette Princeſſe
il épouſa en 1648. Marie Leopoldine
, Fille de l'Archiduc
Leopold , morte dans l'année
ſuivante , aprés avoir mis au
monde Ferdinand Charles Joſeph
, Archiduc d'Auſtriche,
mort à Lints en 1664. Les Enfans
qu'il a laiſſez de ſon troifiéme
Mariage, avec Eleonor de
Gonzague , font Eleonor- Marie,
qui eſtant Veuve de Michel
Koribut Vvieſnouviski , Roy
de Pologne , épousa le Prince
Charles de Lorraine en 1678.c
Marie-Anne- Joſeph , mariée la
GALANT.
209
meſme année avec Philippe-
Guillaume de Neubourg , aujourd'huy
Prince Electoral Palatin.
د
Le Dimanche Is.de ce mois le
Pere Alexis du Buc , Superieur
des Theatins , qui continue ſes
Inſtructions pour les nouveaux
Convertis avec le zele qu'il a
toûjours fait paroiſtre dans ce
qui regarde les avantages de la
Religion Catholique , recent en
preſence de pluſieurs perſonnes
de qualité l'Abjuration de Meffire
Charles Bohleng, d'une des
Illustres Familles de Suede ,
Capitaine au Regiment d'Alface.
Vous ſuivez le ſentiment du
Public dans l'approbation que
vous donnez à l'Histoire des oracles.
On la trouve digne de fon
Autheur; & c'eſt beaucoup dire,,
210 MERCURE
puis qu'il a l'eſprit tres fin &
tres-delicat,qu'il penſe fort juſte,
&que ſes expreſſions naturelles
& aisées foûtiennent par tous
d'une maniere agreable la ſolidité
du raiſonnement. L'eſpere
que dans dix ou douze jours je
pourray vous envoyer le nouveau
Recueil des Lettres du
Chevalier d'Her*** que vous
demandez avec tant d'empreſſement
On a cru à cauſe du Titre
de Lettres diverſes , que porte la
premiere Partie , que c'eſtoient
Lettres ramaffées que l'on avoit
déja veuës , & qu'on avoit ſeulement
pris ſoin de faire imprimer
enſemble. Cependant il n'y ena
aucune qui ne ſoit originale , &
je ſuis fort ſeur que ceux qui aiment
les Lettres , y trouveront
tout l'eſprit qu'on peut ſouhaiter
dans ce qui doit eſtre ſimple
GALAN T. 218
mentgalant , & n'avoir rien de
trop recherché.
* le viens aux Enigmes. La premiere
a eſté expliquée ſur le
Fer , qui en eſtoit le vray mor
par Meſſieurs les Abbez de Brizay
& de maroles. La ſeconde
eſtoit le Baifer. Ceux qui en ont
trouvé le vray ſens,ſont meſſieurs
Vignier, Hutuge, H. de mets , de
la Croix R. Merier, Maître à chan
ser à Laon ; F. Lourdet L'Abbé
de la Mouſſe ; la Tronche de
Roüen , l'Exilé d'argentan , le
Chevalier de Charmes ; le P. de
grande Stature ; l'amant de la
belle Babet du Havre ; Alcidor
de Caën; le petit Sous-Doyen
du College de Navarre; le Doteur
mysterieux ; l'Amant Solitaire
payé d'ingratitude; l'Afſemblée
nocturne des Amans
noirs ; leChevalier ; Cleante de
212 MERCURE
Sarre-Louis , le prere aiſné des
aimables Soeurs ; l'Enfant ; Hiacinte
Rauchet Gillotin ; la jolie
Troupe fleurie ;la belle Captive
du plus beau Quartier de Pariss
la plus aimable des trois Soeurs
du Fauxbourg S. Germain ; les
Précieuſes ridicules de laruëdes
Lombards; les Confidens reciproques,
la jeune Conquérante
en amour;& le jeune Sans-foucy;
les deux Soeurs amoureuſes ; &
la fidelle Amiedu galantTimante
de la rue Sainte Anne; l'aimable
Solitaire de Lagny for Mar.
ne;& fon leclination ; la Dame
aux Flambeaux de la rue Saint
Honoré ; le jeune Tendron fans
amour , de la ruëde Bufly ; & la
jeune Irisdu Liond'or.....
Ces deux Enigmes ont eſté
expliquées dans leurs vray fens
parM. L. Bouchet, ancienCuté
:
}
GALANT . 213
de Nogent - le Roy , Tamiriſte
de la ruë dela Cerifaye , Colin
la Muſique; le Procureur prodigue
le lendemain des Nocess
le Chevalier Daigrefins ; le
meilleurEnfant de la ruë Bourlabé
; le plus fincere & le moins
intereſfé des Procureurs du
Chaſtelet ; le vieil Amant de la
ruë des Barres , la Fille fans Amans
la plus Amoureuſe & plus
Diffimulée de la Ruë Saint Honoré,
labelle Procureuſe Normande
; l'infidelle Brunette ; la
charmante Nanette & ſon inſeparable
; le Pere nourriffier
de ſa belle Pigeonne ; & le jeune
Orphée du Fauxbourg S.
Michel.
La premiere des deux Enig
mes nouvelles que je vous envoye
, eſt de Monfieur Lourder.
214 MERCURE
ENIGME.
Ans contredit les Enfersm'ont
Sfait naistre
Pour maltraiter du Ciel les Favoris.
Nul contre moy ne se peut rendre
maistre ,
Les plus vaillans par moyse sententpris.
Ausfi chacun me fuit comme une
peste,
Mais trop ſouvent i'attrape qui me
fuit.
où l'on mesçait ,Sans demander
-Jon refte
Avec grand hafte on s'éloigne,&
Sans bruit,
Le croiroit-on ? Par mes fâcheuses
armes,
GALANT.
255
I'aneantis la plus fiere Beauté;
Et l'on ne peutpar priere ny larmes,
En certains temps vaincre ma
cruauté ,
Pour toy , Lecteur , qui me tiens
enpeinture .
Voy si tu peu me connoistre à ces
traits
Si tu n'y peux penetrer ma nature
N'aspirepas àmevoir de plus prés.
AUTRE ENIGME .
Malgré monteint obfeur dont aoire est la couleur ,
le donne un ornement au plus charmant
Ouvrage,
On voit mefmefouvent laplus grandeblancheur
Rehaufferfon éclat en baifant mor
visage.
216 MERCURE
Ie parois en tous lieux , à la Ville ,
au Village ,
On m'y voit quelquefois d'une égale
froideur,
C'est pourquoy si Catin me veut
१ mettre en usage ,
Elle employera les mains pour me
2
mettre en chaleur.
Bienque iefois un corps pesant
&mal adroit ,
Le décide par tout des affaires du
Droit ,
Le ſuis en verité d'une éorange nature,
Moy qui peux embellir la blan
cheur du Satin
Par l'effet naturel de ma matiere
dure,
Quand mon Pere me fait , ie luy
noircis la main.
.
Pay
GALANT.
217
Tay à vous apprendre quelques
morts de perſonnes confiderables
arriveés pendant ce
mois,Envoicy les noms.
Dame Catherine Holdier ,
morte le 9. Elle estoit Femme ,de
Meſſire René de Ragaren , Seigneur
de Bellaſſize , Maître des
Requeſtes.
Meſſire Claude de Guenegaud
cy-devant Tréſorier de l'Epargne
, mort le 13. Il eſtoit Filsde
Meffire Gabriël deGuenegaud .
Tréſorier de l'Epargne , & de
Dame Marie de la Croix , de la
Famille des de la Croix Plancy ,
Fille de Claude de la Croix , Vicomte
de Semoine , & de Cathe
rine de Balaan,Dame du Pleffis-
Belleville , & petite Fille de Nicolas
de la Croix , Seigneur de
Roupetreux , & de Charlote de
Courtenay. Il avoit deux Freres
Decembre 1686. K
218 MERCURE
&trois Soeurs , ſçavoir Henry
de Guenegaud Baronde S. Ioft ,
Seigneur du Pleſſis - Belleville ,
Secretaire d'Eſtat ; François de
Guenegaud , Sieur de Lonzac ;
Marie de Guenegaud Femme
de Claude le Loup, SieurdeBellenave;
Renée de Guenegaud ,
Femme de lean de Save, Seigneur
dePlotard, Preſident en la Cour
des Aides,& Madelaine de Gue
negaud, Femme de Cefar Phoe
bus d'Albret,Comte de Miocens,
Maréchal de France, DeGuenegaud
porte écartelé au premier
& dernier de la Croix , qui eſt
d'Azur à la Croix d'or chargée en
coeur d'un Croiſſant de gueules ; au
deuxde Courtenay, au trois deHar
lay, far le tout de Guenegaud , qui
estdegueules , au Lion d'or.
Meſſire René- Françoisle Tellier
, Seigneur de poireu , recen
GALANT. 249
Conſeiller en la Courdes Aydes
en 1681. mort le 14. Il avoit
épousé la Fillede feu Monfieur
le Chevalier, Receveur General,
des Finances en Lorraine , &
eſtoit Fils de feu Meſſire René
le Tellier Conſeiller en la mefer
me Cour , & Cousin germain
de feu Monfieur le Chancellier
leTellier. Il laiſſe un prere,qui eſt,
Meffire Charles le Tellier, Sieur
deMorian , receu Conſeiller au
Parlement en 1687. & une
Soeur qui a épousé meſfireGer- >
main- Christophe de Thumery,
Seigneur de Boiſſiſe , Preſident
en la ſeconde Chambre des Enqueſtes.
Le Tellier porte d'Azur
àtrois Lezards d'argent posez en
pal, au chefcoufu de gueules, char
géde trois Etoiles d'or.
Dame Madelaine de Leſpinay,
morte le 19.Elle estoit Veuve de
১
K 2
220 MERCURE
Meſſire Eſtienne Foullé, Seigneur
de Prunevaux maiſtre des Re
queſtes. Monfieur de Martangis
qui a eſté Ambaſſadeur en Danemarck
, eſt ſon fils , & Monſieur
Deſmadrit , Intendant à
Dunkerque, eſt ſonGendre. Ily
a eu du nom de Foullé pluſieurs
Maiſtres des Requeſtes , Inten-.
dans de Juſtice , & Conſeillers
au Parlement , recommandables
par les ſervices qu'ils ont rendus
à nos Rois. Monfieur Foullé ,
Conſeiller au Parlement en 1563 .
fut fait Preſident aux Enqueſtes
du Parlement de Bretagne , en
confideration de ſes Services .
Foulé porte d'Hermine à uneface
de gueules,& trois Pals d'azur brochant
fur le tout.
Meffire Geoffroy Luillier , Prê
tre , cy devant Prieur de Sainte
Foy de Coulommiers en Brie ,
GALANT. 221
mort le 21. Il eſtoit de l'ancienne
Famille des Luillier ſi confiderable
dans la Robe ,& quiadon.
nédiverſes Perſonnes d'un fort
grand merite , particulierement
Jacques Lollier Eveſque de
Meaux , Philippes Luillier Avocat
General au Parlement en
1471. Jean Luillier , Lieutenant
Civil à Paris , puis Procureur
General au Parlement , Euſtache
Lullier , premier preſident
en la Cour des Aydes , & Guillaume
Lullier , Maiſtre des Requêtes
en 1523. Lullier porte
d'Azur à trois Coquilles d'or. i
Meſſire Loüis-Bertrand de la
Baziniere, Meſtre deCampd'un
Regimét de Cavalerie,mort le 22
Il eſtoitFrere de madame la Prefidente
de meſmes, & Fils de Meffire
Macé Bertrand, Seigneur de la
Baziniere,Eclichy,& laGaronne
K 3
222 MERCURE
Baron de Roubaut &du grand
Precigny, Prevoſt & maiſtre des
Ceremonies des Ordres du Roy,
& Tréſorier en ſon Epargne ,
& de Dame de Barbezieres
de Chemerault, qui eſt
une Maiſon recommandable par
fon ancienneté , & dont il y a
eu des Chevaliers des Ordres du
Roy. Il avoit pour Ayeul Meffire
Macé Bertrand , Seigneur de la
Baziniere , Tréſorier de l'Eſpargne.
Son Ayeule eſtoit de la Familledes
de Vertamon originaire
da Limousin ,dont ily a eu plufieurs
Conſeillers d'Estat , Matres
des Requeſtes , & Confeillers
au parlement Bertrand la Baziniere
, porte d'Azur au Che-
-vron d'argent , accompagnéde trois
roses d'or, deux en chef, & une en
pointe.
l'ay commencé ma Lettre par
GALANT.
223
les Prieres qui ont eſté faites
pour l'heureux ſuccés de l'Operation
, à laquelle la fermeté
du Roy l'avoit engagé à s'expoſer
,& je la finis en vous parlant
encore de Prieres ; mais il faut
vous expliquer que ces Prieres
ont eſté pourdeux ſujets.L'Egli-
•ſe ordonna que l'on en fiſt aprés
l'Operation , afin que les fuites
en fuſſent auſſi heureuſes que les
commencemens l'avoient eſté.
Enſuite tous les Corps desOfficiers
de Ville , ceux des Arts &
Métiers , & toutes les Communautez
commencerent den faire
pour le meſme ſujet ; mais
dans le cours de ces Prieres , &
avant que tant de Corps eufſſent
pû avoir leur tour , toutes les
Egliſes retentiſſant de celles qui
ſe faifoient avec grande ſolemnité
, on apprit la parfaite gue
K 4
2.24 MERCURE
rifon du Roy , & ces Prieres qui
n'eſtoient que pour demander à
Dieu le retour de ſa Santé , non
feulement furent chantées en
des Actions de graces , mais l'on
ymefla des Te Deum.Ce ſont celles
que l'on continuë encore tous
les jours , & l'empreſſement eſt
fi grand , que tout Paris ſemble
eſtre occupé à ces faintes réjouiſſances.
Quand on eſt hors
des Egliſes , on entend toutes les
Clochesde la Ville ſonner dans
le meſme temps , & quand on
entre dans quelqu'une , on n'entend
que de la muſique,& on les
trouve toutes remplies d'un peuple
priant aux pieds des Autels ,
& avec un zele qui tire des larmes
de joye de ceux qui ont autant
d'amour pour le Roy,qu'en
merite tout ce que ce grand MoGALANT.
22
narque a fait pour la France. Les
Egliſes où ces prieres ſe font,fone
éclairées d'un nombre infiny de
Cierges , & l'on n'y voitque riches
Tapiſſeries , Argenterie &
Tableaux. Je ne finirois pointma
Lettre ſi je vous envoyois la liſte
desCorps & Communautez qui
en ont fait faire ; cependant je
dois vous dire que les Do
teurs-Regens de la Faculté des
Droits firent celebrer le 21.de ce
mois une Meſſe ſolemnelledans
l'Egliſe de S. Iean de Latran ,
pour demander à Dieu l'entier
rétabliſſement d'une Santé f
précieuſe à l'Etat , & qu'ils y
affiſterent tous en Habits de Ceremonie.
Les Profeſſeurs duCollege
Royal en firent celebrer
une autre le 23. dans la meſme
Eglife , & avec la meſme ſolemnité.
K
226 MERCURE
و
Ceux qui font logez dans les
Galeries du Louvre & que
l'on peut dire chacun en fon genre
les premiers de leur Profef
fion , puis que ce n'eſt que par
là qu'ils ont merité ces logemens,
ſe ſont extrêmement diftinguez
dans la Meſſe qu'ils ont fait
chanter dans la Chapelle du
Louvre. Ce fut Monfieur leCure
de Saint Germain l'Auxerrois ,
Paroiſſe du Louvre , qui la celebra.
Elle fut accompagnée d'un
Te Deum , & l'on peut dire que
tout y eſtoit choifi . La Muſique
eſtoit du fameux Monfieur Lo
renzani, dont la réputation eſt ſi
établie; les Voix des plus belles,
de France & d'Italie ;laChapelle
magnifiquement décorée , & la
compagnie compofée d'un tresgrand
nombre de Perſonnes de
GALANT.
$27
qualité ,&de meſſieurs de l'Aeademie
Françoiſe , à qui le Roy,
qui en eſt le Protecteur,a donné
une Salle dans le Louvre pour
s'y aſſembler. Ce n'est pas d'aujourd'huy
que meffieurs de la
Galerie du Louvre ont faitcon+
noiſtre qu'ils ſçavent ſe diſtine
guer. On ſe ſouvient de l'Illumination
qu'ils firent à la Naiſſance
de Monſeigneur le Duc de
Bourgogne , & qui l'emporta fur
tout ce qu'on fit alors à Paris de
cette nature.
Les nouveaux Catholiques
qui doivent plus à Sa Majeſté
que les autres , puis qu'ils luy
font redevables de leur ſalut , en
ont marqué leur reconnoiſſance
parune meſſe ſolemnelle qu'ils
firent chanter à S. Sulpicele 12 .
de ce mois , & où la pluſparte
228 MERCURE
d'entre eux communierent. On
leur fait tous les Jeudis une Ins
ſtruction dans la Salle de Monfieur
l'Abbé des Prez , où Mond
ſieur Tiers qu'ils ont veu Propofant
àCharenton , & qui s'eſt
mis dans les Ordres , leur parle
des Veritez Catholiques d'une
maniere familiere & infinuante.
Cefut à l'iſſuë de l'Inſtructiona
que remplis de zele pour le Roy,
ils prierent cet Abbé le premier
Ieudyde ce mois , d'obtenir de
Monfieurle Curé de S. Sulpice,
la permiſſionde faire prier Dieu
publiquement pour la parfaite
gueriſon de Sa Majesté , ce qu'il
• vous eſt aité de juger qu'on leur
accorda ſans peine. Monfieur
l'Abbé des Prez eſt un homme ,,
•dont le merite eſt aſſez connu .
Il a paffé une partie de la jeu
GALANT..
229
nefſeſur la Mer en qualité de
Volontaire , & s'eſt diſtingue à
Malthe par quantité d'actions.
de valeur. Il a eſté depuis Capitainedans
le Regiment de Picardie
, où il a fort bien ſervy
mais l'âge l'ayant enfin rendu
incapable de ſoûtenir le fatigues
de la Guerre , il s'eſt tourné do
côſté de Dieu , & a donné tous
ſes ſoins à la Converfion des
Heretiques. C'eſt à quoy il a
employé ſon temps & fon bien
depuis cinq ans , & on luy doit le
premier établiſſement d'une
Maiſon deſtinée pour l'Inſtrution
des Gentilshommes nou
vellement convertis. Il eſt encore
actuellement occupé à faire
diſtribuer aux nouveaux Catholiques
qui font pauvres , l'ar
gent que SaMajesté fait mettre
430 MERCURE
toutes les ſemaines entre les
mains de Monfieur le Curé de
S, Sulpice. Cet argent ſe diſtribuë
après une Exhortation
qu'on fait tous les Jeudis dans
ſaSalle.
Ie ne parleray point encore
des Prieres qui ont eſté faitess
dansles autres Villes , je poufferois
ma Lettre trop loin's mais.
le Havre ayant fait une choſe
extraordinaire , merite d'eſtre:
excepté. Le Dimanche 8. de ce
mois, jour de la Conception de
la Vierge , on y fit une Proceffion
tres-folemnelle , qui commença
apres le Salut, & où le
Saint Sacrement fut porté ſous
le Dais comme le jour de la
Feſte- Dieu. Toutes les Ruës.
eſtoient tapiffées. Monfieur le
Duc& Madame la Ducheſſe de
GALANT.
2:317
Saint Aignan ſuivoient le Dais,,
avec un grand nombre d'Offi-.
ciers, de Dames;& de perſonnes
confiderables portant dess
Cierges. Les Confreres& tous,
les Preſtres du Seminaire en
portoient auffi , & plus de vingt
cinq mille perſonnes ſuivoient
la proceffion. Aprés qu'elle fut
rentrée, on commença les Prieres
par un Te Deum , en Action
deGracesde la meilleure ſanté
du Roy. Il fut ſuivy de l'Exau- .
diat , & d'autres pſeaumes pour
la conſervarion , pendant que
les deux autres Paroiſſes de S..
François & de S. Michel , les
Capucins , les Penitens & les
Ursulines , ne la demandoient
pas avec moins d'ardeur.
Je n'ay rien à ajoûter , finon
qu'il a pleu à Dieu d'exaucer tant
232
MERCURE
de prieres,& que la Santé du Roy
eſt parfaite , qu'il a remply tous
lesdevoirsd'unChreſtiens pendant
lerFeſtes eſtantdeſcendu à
la Chapelle , & que Dimanche
dernier 29. de ce mois , on
chanta le Te Deum dans toutes ,
les Paroiſſes , en action de
graces d'une gueriſon ſi ardemment
ſouhaitée.. le ſuis Madame,
voſtre, &c..
AParis ce31. Decembre 1686
DELAVILLE
*
LYO
Prelude
TABLE DES MATIERES
contenuës dans ce Volume.
Discoursprononcépar
I
parle Pere
Loüis de Nazareth . 8
M.le Cardinal Ranuzzi celebre la
Meſſe à l'Union Chrestienne pendant
la Neuvaine pour le Roy . 21
Institut de cette Communauté.
21
Prieres pour leRoy. 28
Prieresen Vers pour Sa Majesté.3
Deviſes. 33
>
Discours contenant l'origine des
Cardinaux , la grandeur de leur
Dignité,combien ily en doit avoir
dans leſacré College, ce que c'est
que leur Titre , & la maniere
dontsefait leur élection. 34
TABLE.
Madrigaux. 8;
Traductions de plusieurs Epigrammmes
de Catulle .... 86
Bouquet. 89
Discoursfait par M. l'AvocatGe.
du Parlement, 92
८
neral Lamoignon , à l'ouverture
Mercurialefaite parM. le ProcureurGeneral.
Hiftoires.
94
96
Madame Simiane de Moncha est
elevë Abbeſſede Bouxsier. 109
Etabliſſement de l'AcademieRoyale
d'Angers, avec les particularitez
d'une Feste quia estéfaite dans
la mesme Ville le jour qu'on y a
élevé un Buste àlagloire du Roy.
113
Tout ce qui s'est passé en Hongrie
depuis la prise de Bude. 146
Suite des Conquestes des Venitiens
depuis la prise de Napoli de RoTABLE.
manie.
Madrigal.
Mort de M. le Prince.
173
180
181
Ce qui s'estpasséàses obfeques 199
Sonnetsfur la mort de M.le Prin
ce. 204
Mort de l'Imperatrice Eleonor.207
Abjuration faite entre les mains du
Pere Alexis du Buc ,par Mesfire
Charles Bobleng , natif de
Suede. 209
Histoiredes Oracles , &Lettresdi
verses. 209
Noms deceux qui ont expliqué les
Enigmes. 224
Enigmes. 214
Autre Enigme. 215
Morts. 225
Continuation des Prieres pourle
Roy.
226
Zele des nouveaux Catholiques
qui fontfaire des Prieres publi
TABLE
ques pour Sa Majefté. 227
Prieres faites au Havre pour la
guerifondu Roy. 2.29
Te Deum chantéle29. Décembre
dans toutes les Paroiffes de Paris,
en action de gracede la parfaite
Gueriſon du Roy. 232
Finde la Table..
P
Extrait du Privilege du Roy.
Ar Grace & Privilege du Roy , donné ,
Chaville le 18. Juillet 1683. Signé , Par
le Roy enfon Conſeil, luNQUIERES. Il eft,
permis à I. D. Ecuyer , Sicur de Vizé de
faire imprimer tous les Mois un Livre intitulé
MERCURE GALANT , contenant
pluſieurs Pieces , Relation , Hiſtoires Avantures
& autres Ouvrages hiſtorique , curieux
& galans , pour la fatisfaction de
nôtre cher & tres-amé Fils LE DAUPHIN ;
pendantle temps & eſpace de dix années,
à compter du jour que chacun deſdits
Volumes ſera achevé d'imprimer pour la
premieres fois: Comme auſſi défenſes ſont
faites à tous Libraires , Imprimeurs Gra
vents & autres , d'imprimer graver & debiter
ledit Livre ſans le confentement de
l'Expoſant, ny d'en extraire aucunePiece,ny
Planches ſervant à l'ornement dudit Livres
meſme d'en vendre ſeparément, & de donner
à lire ledit Livre ; letout à peine de fix mille
mille livres d'amende contre chacun des
contrevenans , & confiſcation des Exemplaires
, contrefaits ; ainſi que plus au long
il eſt porté audit Privilege.
Registréſur le Livre de la Communauté le 14
Septembre 1683.
Signé ANGOT , Syndic.
Et ledit Sieur 1. D. Ecuyer , Sicur de
Vizé , a cedé & tranſporté ſon droitde
Privilege à Thomas Amaulry, Libraire à
Lyon , pour en joüir ſuivant l'accord fait
catr'eux.
Avis pour placer les Figures.
'Air qui commence par;
L
Petits Moutons qui dans la
plaines , doit regarder la page
92.
La Medaille doit regarder la
page 146.
L'air qui commence par , Ah!
jenesçay ce que monooeur deman
de,doit regarder la page 179.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères