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1682, 03 (Lyon)
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289
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Eur.
511
m
1682.3
Eur. 511-1682,3
Mercure
< 36623710700011
S
< 36623710700011
Bayer . Staatsbibliothek
Bayerische
Staatsbibliothek
München
MERCURE
GALANT
DEDIE' A MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN.
MARS 1682 .
;
A LYON ,
Chez THOMAS AMAULRY,
Ruë Merciere .
M.DC.LXXXII.
AVEC PRIVILEGE DU ROY.
87980710 263 : 079-6563-697263 697986903973 1974
EXTRAIT DV PRIVILEGE
du Roy.
P
Ar Grace & Privilege du Roy , donné à
Saint Germain en Laye le 31. Decembre
1677. Signé Par le Roy en ſon Conſeil , JUNQUIERES.
Il eſt permis à J. D. Ecuyer , Sieur de
Vizé , de faire imprimer par Mois un Livre intitulé
MERCURE GALANT , preſenté à
Monſeigneur LE DAUPHIN , & tout ce qui
concerne ledit Mercure , pendant le temps &
eſpacede fix années , à compter du jour que
chacun deſd. Volumes ſera achevé d'imprimer
pour la premiere fois : Comme auſſi defenfes
font faites à tous Libraires , Imprimeurs , Graveurs&
autres , d'imprimer , graver & debiter
ledit Livre ſans le conſentementde l'Expoſant,
ny d'en extraire aucune Piece , ny Planches
ſervantà l'ornement dudit livre , meſme d'en
vendre ſeparément , & de donner à lire ledit
Livre , le tout à peine de fix mille livres d'amende
, & confiſcation des Exemplaires contrefaits
, ainſi que plus au long il eſt porté auditPrivilege.
Regiſtre ſur le Livre de la Communauté le
5.Janvier 1678 .
Signé E. CouTEROT , Syndic
Et ledit Sieur D. Ecuyer , Sieur de Vizé a
cedé & tranſporté for droit de Privilege à
Thomas Amaulry Libraire de Lyon , pour
enjouir ſuivant l'accord fait entr'eux .
Achivé d'imprimer pour la premierefou le
24. Mars 1682.
Bayerische
Staatsbibliothek
München
LE LIBRAIRE
AU LECTEUR .
Ous recevrez dans huit
jours , la Vie de S. François
Xavier par le Pere
Bouhours, avec pluſieurs
autres Nouveautés , que
A
je vous envoyeray.
Les Mercures ſe diſtribueront toûjours
pour 20 fols chaque volume, tant
Vieux que Nouveaux , & les Extraordinaire
30 fols.
L'Extraordinaire du Quartier de Janvier
1682. ſe diſtribuera le 25. de ce
mois d'Avril.
LIVRES NOUVEAUX
du Mois de Mars 1682 .
-Hiſtoire deMahomet Second, Empereur
des Turcs , par Monfieur Guiller,
indouze, deux volumes, 4. livr. 10 fols.
a ij
Le Libraire au Lecteur .
La Philofophie des Images, compofée
d'un Ample Recueil de Deviſes , &
du jugement de tous les Ouvrages qui
ont esté faits fur cette matiere , par
le Reverend Pere Meneftrier , de la
Compagnie de Jefus , in octavo , trois
livres.
Nouvelle Méthode Grecq , nouvelle
Edition , in octavo, 4. livres.
La Connoiffance certaine
د
, & la
prompte & facile guériſon des Fiévres,
avec des Particularitez , & utile for le
Remede Anglois par Monfieur de
Blegny , indouze , 30 fols .
Afterographie ou Deſcription des
Eſtoiles fixes , Et de toutes les Conftellations
Celeftes tant Anciennes que
Nouvelles avec leur Ethymologie ,
feurs Noms , tant Profanes que Sacrez,
la Figure qu'elles reprefentent dans le
Ciel ,le nombre des étoiles qui les compoſent
, & pluſieurs Methodes pour
apprendre à les connoſtre en peu de
temps , avec autant de facilité qued'infaillibilité.
Par Pierre Crochat de Torchefelon
en Dauphiné.
,
L'on continue toûjours à diſtribuër.
l'Hi
' Le Libraire au Lecteur.
L'Hiſtoire du Calviniſme, de Monfieur
Mainbour , de beau papier.
Les Satyres de Juvenal par Monfieur
la Valtrie , pour so fols.
Le Remede Anglois , par Monfieur
de Blegny , pour 20 fols .
Le D. Guichot de la Manche , pour
slivres.
Vous aurez un Catalogue dans l'Extraordinaire
de Janvier , de tous les
Livres Nouveaux de cette années .
TABLE DES MATIERES
contenuës dans ce Volume .
Avant-propos,
L
4
Reception de M. l'Evesque de Meaux
dans la Ville de ce nom , avec toutes
les Harangues & les Réponſes, 6
Sermon preſché sur le champ , fur trois
Textes diferens, appliquez à un mesme
Sujet,
Lettre en Vers,
Sonnet ,
Quatrains à Iris ,
43
46
152
54
Honneurs rendus à Monfieur le Duc&
à Madame la Ducbeſſe de Hanover,
dans les Etats de Monfieur l'Electeur
de Brandebourg , & à la Cour de ce
Prince,
L'Aigle & la Corneille , Fable ,
60
79
Songe, 85
Epreuve merveilleuse, 87
Sement éteint , 88
Description du Feu du Monde , 91
Imagination galante, 98
Tout
Feu de la Chambre des Comptes heureuTABLE.
Tout ce qui s'estpassé àl'Académie Françoiſe
le jour de la Reception de Monfieur
l'Abbé de Dangean, 102
Monfieur le Vayer de Boutigny est nommé
à l'Intendance de Soiffons , 118
Lettre en Profe & en Vers , à Madame
: la Viguiere d'Alby ,
Mortde Monfieur de la Salle,
122
126
Mort de Madamede Balfac- d'Entragues,
Mort de Monfieur Berthier,
Inondations ,
129
130
131
Lettre de Monfieur Comiers touchant fon
t Probléme, &fon diférent avec les plus
• illustres Mathematiciens ,
Histoire ,
L'Hirondelle , Fable ,
141
148
180
Prix proposé par Meſſieurs de l'Académied'
Arles , 183
Hiſtoire defix Sonnets, dont les Bouts-rimexont
esté remplis par M. le Duc de
S. Aignan ; avec lesfix Sonnets, 202
Quatre Sonnets fur les Bouts - rimez du
Flageolet, 206
Sonnet fur le bonheur de la Vie champestre
, 211
Monfieur de Raye , Fils de Monsieur le
1
Prési
TABLE.
Président Larcher,reçen Grand Rapor
teurà la Chancelerie ,
Mort de Monfieur de Tracy ,
212
213
Gouvernement de Tournay do néà M. le
Comte de Maulevrier- Colbert, 214
Mort de M.le Marquis de Bréval, 218
Mort deM. l'Evesque de Sécz,
Mort de Monfieur de Geniers , Confeillerde
la Grand' Chambre ,
223
223
228
Madrigal à Monseigneur le Dauphin&
àMadame la Dauphine ,
Madrigal pour Mad. d'Estrées,
Versfur le retour d'un Amant ,
229
230
These foûtenue par Monsieur le Marquis
de Villequier , 231
Entrée de M. le Comte de Pertengue ,
Ambaff. Extraord. à Londres, 133
Mort de Madame la Marquise de Dangean,
235
Nouveaux Bouts-rimez à la loüange du
Roy 236
Enigme , 238
Autre Enigme , 240
LaDucheffe d'Estramene. 242
Fin de la Table.
MER
1
MERCURE
GALANT.
MARS 1682 .
L m'eſt fort aisé ,
Madame
, d'entrer
dans vos ſentimens
. Vous raiſonnez
juſte , & j'aurois
l'eſprit bien peu éclairé, fi je
ne convenois pas que le mérite
de nos actions dépend plus du
temps que nous prenons pour les
faires que de la maniere dont
elles font faites. Il eſt des occaſions
où le courage ſeroit moins
Mars 1682 . A
2 MERCURE
bravoure que temérite;& fi nous
voulons choiſir un exemple dans
les choſes ſaintes , des marques
de pieté donnéesindifcretement,
font plûtoſt l'effet d'une criminelle
hipocrifie , que d'une ſolide
& veritable vertu . Veut- on voir
des actions , faites toûjours fans
défaut , parce que le temps qui
leur eſt propre y eſt toûjours obſervé
? Regardons celles du Roy.
Il n'en fait aucune qui ne ſoit
reglée par la prudence , & dont
la ſaiſon qui luy convient n'augmente
beaucoup le prix. Celle
où nous ſommes luy en demandoit
de pieté. Ce n'eſt pas affez
pour luy d'en faire.ll croit que fon
devoir eſt d'en faire faire à ceux
de fa Cour , ou pour le moins
d'empefcher qu'ils n'en faſſent
d'opposées à ce qu'ordonne l'Eglife.
C'eſt dans cette veuë d'un
devoir
GALAN T.
3
devoir indiſpenſable auquel il eſt
fans ceſſe appliqué , qu'il a défendu
tous les Repas , où les Tables
eſtoient publiquement couvertes
de mets, dont l'uſage nous
eſt préfentement défendu. Ce
ſage Monarque n'en eſt pas demeuré
là D'illuftres Malheureux
del'un & de l'autre Sexe, eſtoient
tombez dans ſon indignation', &
illeur a fait connoiſtre , en leur
permettant l'honneur de le voir,
qu'il a trouvé l'art de ſe vaincre
également fur toutes les chofes
qui le touchent , & qu'il ne ſçait
pas moins eſtre maiſtre de ſes
paffions , quelques juſtes qu'elles
foient , qu'il l'a eſté de luy- mefme
, lors qu'il a jugé contre fes
intereſts dans l'affaire des Remparts.
Il n'y a pas ſeulement de la
grandeur & de la justice dans
tout ce que le Roy fait; il y entre
A ij
4
MERCURE
encorbeaucoup de galanterie ſelon
les occafions , & c'eſt ce qui
a paru depuis peu dans les liberalitez
qu'il a faites à pluſieurs
Dames, d'une maniere toute ſpirituelle
, & qui les ſurprit agreablement
, quoy qu'il n'y ait rien
qui doive ſurprendre d'une part
dont on peut attendre tout.Jugez,
Madame , ſi ce n'eſt pas avec
beaucoup de raiſon qu'on dit de
ce grand Monarque ,ce que vous
lirez dans les Bouts-Rimez que
je vous envoye. Ils ont eſté pris
d'un Sonnet de feu Voiture , &
propoſez à remplir ſur Aléxandre.
BOUTS - RIMEZ.
A
Léxandre aux Combat voloit
furBu-céphale.
Il
GALANT.
5
Il portoit dansſesyeux lafoudre &
fes écl- airs.
Du Granique il brava les abimes
ouverts,
Et conquit les Trésors que l'Orient
étale.
:
Son ardeur pour la gloire au monde
fi fatale ,
Emporta ce Héros en cent périls
divers ;
Sa rapide valeur effraya l'Univers.
Et traina la Victoire en l'Inde
Orientale .
Rien ne pouvoit remplir ce coeur
ambi- cieux ,
Il vouloit qu'on le crût forty du
fang des D- yeux.
Ce Fils de Jupiter demande qu'on
l'a- dore.
Il arrachoit l'encens aux Peuples
d' - alentour, A ij
6 MERCURE
:
Mais LOUIS réveré du Couchant
àl'Aurore ,
Sans avoirſes défauts, met ſes vertus
au jour.
Je vous ay marqué le temps où
Meffire Jacques - Benigne Boffuet
ancien Eveſque de Condom,cydevant
Précepteur de Monfeigneur
le Dauphin , & préſentement
Premier Aumônier de Madame
la Dauphine , a eſté nommé
à l'Eveſché de Meaux , vacant
par la mort de Meſſire Dominique
de Ligny. Les grands
Emplois qu'a eus ce Prélat dans
le Clergé, qui l'avoit choiſy pour
faire l'ouverture de l'Aſſemblée ,
& pour traiter le Point le plus
important de ceux qui en faifoient
le ſujet , ayant privé quelque
temps ſes Dioceſains de l'avantage
dele poffeder , onapprit
à
GALAN T. 7
à Meaux avec une joye extraordinaire
, qu'il y devoit arriver le
Samedy 7. du dernier mois. Tous
les Bourgeois prirent auſſitoſt les
armes , & ſe mirent dans le plus
lefte équipage qu'il leur fut pofſible.
Ils estoient diviſez en cinq
Compagnies , qui ayant chacune
fon Capitaine en teſte , furent
posées ſur les avenuës du grand
Chemin par Monfieur le Lieutenant
General , comme Maire
perpétuel de la Ville . C'eſt un
Magiſtrat qui a de fort grandes
qualitez , & qui s'appelle Nicolas
Payen , Seigneur d'Autonne,Sericour
, & Manſigny. Il eſt Frere
de Monfieur de Montmaur,Maître
d'Hôtel ordinaire chez le
Roy , Parent de Meſſieurs de
Lyonne & de Madame la
Marquiſe de Coeuvres , de Mefſieurs
Martineau , la. Grange ,
,
A iiij
8 MERCURE
& Brigallier , & allié de plufieurs
Familles conſidérables . Il
a toûjours fait ſon plus grand
plaifir du devoir de ſes Charges
, dans les fonctions deſquelles
il ſe montre infatigable, comme
dans celle de la Subdélegation
de Meſſieurs les Intendans
dela Province , qu'il exerce depuis
pluſieurs années avec beaucoup
d'honneur & de réputation
. Il parle en public avec une
facilité merveilleuſe , & peu de
perſonnes joignent tant d'habilité
à une probité auſſi ſcrupuleuſe
, & auffi exacte que la fienne
. Madame ſa Femme , Soeur
de Monfieur le Féron Maiſtre
des Comptes , eſt Fille de Monſieur
le Féron , Grand Maiſtre
des Eaux & Foreſts de Flandre,
&Commiflaire depuis vingt ans
pour la reformation des Foreſts
de
2
GALAN T. 9
de France Elle eſt alliée de Monfieur
le Duc de Chaunès, & Parente
de Meſſieurs le Féron,dont
il y a eu deux Préſidens aux Enqueſtes
, & Prevoſt des Marchands
, pluſieurs Conſeillers au
Parlement , & en la Cour des
Aydes , & Monfieur le Lieutenant
Criminel de Paris .
Si toſt qu'on eut ſçeu que
Monfieur l'Eveſque de Meaux
approchoit , la Campagne fut
couverte d'une infinité de Gens
de la Ville de l'un & de l'autre
Sexe , que l'impatience de luy
rendre leurs reſpects fit aller à
fa rencontre. Ce Prélat parut
fur les cinq heures du foir , accompagné
de Monfieur l'Evefque
de Tournay , de Monfieur
l'Abbé de Quincé , & de Monfieur
Boſſuet Maiſtre des Requeſtes
ſon Frere,avec ſa Famille ,&
A
10 MERCURE
qui
entr'autres Monfieur l'Abbé Bofſuet
, qui fait connoiſtre par de
glorieux commencemens , qu'il
marchera fur les veſtiges de Mr
fon Oncle. Cette Compagnie
eſtoit dans pluſieurs Carroffes à
fix & à huit Chevaux , ayant
pour eſcorte la Maréchauffée
avoit eſté au devantd'elle juſques
à Claye, premier lieu du Dioceſe.
Elle estoit en tres bon ordre , les
Officiers magnifiquement vétus,
les Archers couverts de Caſaques
neuves des couleurs du Roy , &
tous bien montez .LesTrompetes
qui les precedoient , meflerent
agreablement les fanfares au
bruit des Tambours & des Fifres
des Compagnies , & aux cris de
jeye de tout le Peuples
A l'entrée de Meaux , on tira
leCanon &les Boëtes,qui annon.
cerent avec le fon & le carillon
des
GALANT. IF
des Cloches de toutes les Eglifes
de la Ville au nombre de 22. que
Monfieur l'Eveſque arrivoit . II
trouva ſur ſa marche un Arc de
triomphe à l'entrée de la grande
Place, orné ainſi que la Porte de
l'Eveſché, des Armes du Roy , de
la Reyne , de Monſeigneur le
Dauphin, & de Madame la Dauphine.
Au defſous des Armes de
ce Prélat qui ſont trois Roües,
& qu'on y avoit meſlées avec
celles de la Ville , les Echevins
avoient fait mettre pour Deviſe
ces paroles tirées d'Ezechiel , Spiritus
vite erat in rotis .Vous voyez ,
Madame,que le raport en eſt admirable
avec le zele dont ſon
coeur eſt animé , & les lumieres
qui font éclater l'étenduë de fon
génie. Il fut à peine arrivé dans la
grande Salle du Palais Epiſcopal,
qui eſt un des plus beau du
Royaume , que s'y montrant en
1
12 MERCURE
Camail &en Rochet , il fut ſalüé
par le Chapitre de la Cathedrale.
Ce Chapitre eſt d'autant plus
eſtimé , qu'il eſt remply de Perfonnes
d'une vertu conſommée,
& d'une profonde érudition .
Monfieur de la Croix qui en eſt
Doyen , portoit la parole. Son
Compliment fut fort juſte , & entr'autres
choſes il marqua à cet
Eveſque , Que la joye qu'ils
avoient de le poffeder , estoitseule
capable de leur faire oublier les
peines que l'impatience leur avoit
causées , de mesme que les grandes
qualitez de la belle Rachel , & la
violence de l'amour de Jacob , luy
avoient fait estimer que les quatorze
années deſervice qu'il rendit
à fon Pere , pour devenir digne
delle , n'avoient pas esté un temps
trop long pour luy faire meriter la
Poſſeſſion d'un si grand bien. Lama
niere
GALANT .
13
niere libre dont il prononça ce
Compliment, avoit cet air agreable
qui eſt naturel aux Perſonnes
de naiſſance . Auſſi deſcend- il
d'une Maiſon tres- noble , & tresancienne
des environs de Melun.
Il eſt Frere de Monfieur de Crépy
, Major & Premier Capitaine
dans le Regiment du Roy , qui
s'eſt diſtingué en pluſieurs Campagnes
, & qui par ſes belles
actions a merité une Commanderie
de S. Lazare. Madame ſa
Mere eſtoit de l'illuſtre Famille
des Seguiers , par laquel
le il eſt Parent de Meſſieurs les
Ducs de Luynes , de Chevreuſe,
• de Sully , & de Coiflin , de Meffieurs
les Evefque d'Orleans , &
de Niſme , & de Mesdames les
Ducheſſes de Verneüil, du Lude,
Princeſſe de Furſtemberg , Marquiſe
de Laval , Maréchale de
Roche
14
MERCRUE
Rochefort , & Marquife de Nangis
. Il a fuccedé en ce Doyenné
à Monfieur l'Abbé de Ligny de
Rentilly , qui l'avoit eu de feu
Monfieur l'Eveſque de Meaux ,
& a eſté Grand Vicaire du Chapitre
le Siege vacant , & fort fouvent
Député pour le Dioceſe
aux Affemblées Provinciales du
Clergé.
Apres qu'il eut finy ſa Harangue,
le Corps de Ville rendit ſes
reſpects à Monfieur l'Evefque, &
luy offrit les Préſens accoûtumez.
Monfieur le Lieutenant
General parla pour ce Corps en
qualité de Maire perpétuel , &
dit à cet illustre Prelat , Qu'il
avoit imité l'obeïſſance de Moise,
qui n'avoit conſenty à gouverner le
Peuple de Dieu , qu'apres que Dieu
lui en eut fait le commandement ;
Qu'ilferoit reveré par les Peuples
de
:
i
GALAN T.
15 :
}
de ſon Diocese , qui eſpéroient estre
benis en luy ; Qu'il luy seroit aisé
d'obtenirde la Cour les graces néceffaires
à ces Peuples ; Qu'iln'avoit
qu'à monter sur la Montagne&
lever les mains vers le Prince, pour
faire ceffer leurs maux ,
regner chez eux l'abondance ;
Qu'ils demanderoient au Ciel qu'il
luy donnaſt des forces pour foûtenir
fes mains , qui devoient estre pour
eux la fource de tous les biens .
voir
On vit en ſuite paroiſtre l'Eleetion
, à la teſte de laquelle Monfieur
Macé ſe trouva. Il avoit
déja falüé Monfieur l'Eveſque
dans la Campagne comme Capitaine
de Quartier , & luy voulant
doublement ſignaler ſon zele
, il eſtoit venu à toute bride au
travers du feu des ſalves de la
Bourgeoifie , pour luy faire les
complimens de la Compagnie
dont
16 MERCURE
dont il eſt Premier Preſident . Il
dit , Que le choix que Sa Majesté
avoit fait de ce Prélat , estoit une
glorieuse preuve deſahaute capacité
, & de son mérite ; Que l'un &
l'autre estant si parfaitement connus
au Roy , on avoit lieu d'esperer
queſes importans ſervices l'éleveroient
un jour à la Pourpre, &qu'on
ne pouvoit douter que la part qu'il.
avoit euë dans les affaires du Clergé
l'ayantfait contribuer à procu
rer la Paix à l'Eglise , il nesefist
un plaisir de travailler pour le bonheur
deSon Peuple.
Les Officiers du Grenier à Sel
luy firent auſſi leurs complimens
par la bouche de Monfieur Loret
leur Préſident. Cet Officier fit
connoiſtre en luy parlant , que
la Solidité de l'eſprit n'eſtoit pas
incompatible avec beaucoup de
jeuneffe. Son compliment fut,
Que
GALANT. 17
Que quoy qu'ils euffent une extréme
joye de ſe voir ſous la conduite
d'un Pasteursi éclairé , ils ne laiffoient
pas de lasentir alterèe ; par
la juſte crainte qu'ils avoient que
ſes grandes qualitez , & ſon extraordinaire
mérite l'élevant à des
dignitez encor plus confiderables
dans l'Eglise que n'estoit l'Episcopat
, ils n'euſſent le déplaisir de le
perdre presque auſſitoſt qu'ils auroient
eu la joye de le poſſeder.
Apres ce Corps entra celuy du
Préſidial , à la teſte duquel eſtoit
le Lieutenant General , qui eſt
auffi Premier Préſident de la
mefme Compagnie . H ſurprit
ceux qui l'ayant entendu la premiere
fois , croyoient que l'on ne
pouvoit rien adjoûter à ce qu'il
avoit déja dit . Cependant il s'attira
de nouveau l'admiration de
tout le monde , en diſant à ce
Prélat,
18 MERCURE
!
Prélat , Que tout ce que la ſageſſe
avoit pû faire en un tres - digne
Sujet, elle l'avoit en luy, puis qu'elle
l'avoit fait choisirpar leplus grand
Roy du Monde , pour apprendre à
Monseigneur le Dauphin د que
c'estoit en elle que consistoit la gloire
des Princes , &qu'elle estoit le
plus ferme appuy des Trônes ; Que
le fuccés admirable avec lequel il
venoit de concilier les droits de la
France, &les intéreſts de Rome, نم
entretenir cette union fi neceſſaire
entre le Chef & le Fils Aîné de
l'Eglise , estoit encor un ouvrage de
cette mesme ſageſſe ; Qu'on ne venoit
pas avec moins d'empreſſement
pour le falüer , que fit autrefois
une grande Reyne pour le plus
Sages des Roys de la Terre ; Que fi
ces Officiers n'avoient point d'or
à luy présenter comme elle , ils
luy faisoient un Préfent encor
plus
{
GALAN Τ. 19
plus pretieux , en luy offrant leurs
coeurs avec toute l'affection , نب
toute la venération dont ilsſetrouvoient
capables.
Ces Complimens eſtant achevez
, Monfieur Terrier, Aſſeſſeur
du Préfidial , & Capitaine de la
Premiere Compagnie de la Ville,
luy parla au nom de toute la
Milice Bourgeoiſe , & luy marqua
d'une maniere touchante ,
les affections de tout ce Peuple , les
afſſurances qu'il concevoit deſa protection
& deſon crédit , & qu'il le
confideroit comme un Aftre favorable
dont il recevroit d'heureuse&
benignes influences. Il ſe fit en
ſuite une Salve generale de toute
cette Milice dans la Court de
l'Eveſché , apres laquelle les Supérieurs
de toutes les Communautez
de la Ville vinrent auſſi
s'acquiter de leurs devoirs . La
manie
20 MERCURE
maniere dont ils luy parlerent,
fit affez connoiſtre qu'il n'y
avoir perſonne dans tout le Dioceſe
de Meaux , qui ne ſentiſt
vivement la joye de ſon ar
rivée.
Mais ce qui fut admiré plus
qu'aucune choſe , c'eſt que ce
Prélat répondit à tous ces Complimens,
non ſeulement avec une
fi grande juſteſſe , qu'il paroiſſoit
eſtre parfaitement informé de
tout ce qui luy devoit eſtre dit ,
mais auſſi avec une grace qui
charmoit tous ceux qui l'écoutoient;
& un caractere ſi ſingulier
, que ce qu'il diſoit à une
Compagnie , ne pouvoit s'appliquer
à une autre.
Il marqua en general à tous
les Corps qui l'avoient félicité
fur l'obligation qu'ils avoient au
Roy de leur avoir donné un ſi
grand
GALAN T. 21
grand Prelat pour leur Paſteur,
dont ils auroient une éternelle
reconnoiſſance , Que la fienne
ne seroit pas moindre pour toutes
les graces que Sa Majesté avoit
répanduës fur luy avec abondance,
l'ayant approché si avantageufement
de fa Famille Royale ; mais
qu'il n'eſtimoit pas une des moindres
la derniere qu'Elle luy avoit
faite , en le nommant Evesque
de Meaux puis qu'elle luy
donnoit occaſion de leur faire connoiſtre
l'attachement qu'il auroit
à eftre utile au genéral& au particulier.
د
Outre ces ſentimens generaux,
il dit au Chapitre , Que sa joye
estoit égale , comme ſon impatience
avoit esté ſemblable à la
leur ; Qu'il se faisoit un plai.
fir tres - grand de vivre avec des
Perſonnes que la Providence luy
donnait
22 MERCURE
donnoit pour Freres , & qu'il chercheroit
toûjours l'union & la paix
qui devoit estre entr'eux &luy .
Au Préfidial , Qu'il devoit y
avoir une liaiſon particuliere entre
l'Autorité Eccleſiaſtique &celle de
la Justice ; Qu'elles estoient également
traitées dans l'Ecriture , où
Dieu avoit dit que les Iuges estoient
des Dieux , & dans laquelle les
Ministres de l'Eglise estoient appellez
des Dieux ſemblables aux
Hommes , & qu'il contribueroit de
Sapart avec beaucoup de plaisir à
cette union.
Au Corps de l'Election , Que
les Officiers des Finances veilloient
aux droits du Roy , qui estoient le
Soûtient de l'Etat,& qu'ils estoient
par ce moyen l'appuy de ſon Autorité
dans les Provinces ; Que comme
il eftoit engagé par toutes fortes de
raiſons à ſoûtenir cette mesme Autorité,
GALANT.
23
torité , il s'en acquiteroit de concert
avec eux dans les occaſions qui s'en
offriroient .
Au Corps de Ville,& à la Bourgeoiſies
en armes Qu'il feroit
gloire d'employer tout ce qu'il pouvoit
avoir de conſidération en Cour ,
pour leurprocurer dusoulagement,
& leur donner des marques ſolides
desa tendreſſe ; Qu'il veilleroit inceſſamment
à leurs besoins Spirituels,
& fur tout , qu'il nese laſſeroit
point de lever les mains au Ciel
pour en attirer fur eux toutes les
graces.
Aux Officiers du Grenier à
Sel , Qu'il auroit toûjours beaucoup
de conſidération pourune Compagnie
pour laquelle Sa Majesté
venoit de marquer par sa bonté
qu'il luy en restoitbeaucoup.
Aux Supérieurs des Communautez
, Qu'il conſerveroit toute
Sa
24
MERCURE
>
Savie le ſouvenir des honnestetez
qu'ils luy faisoient , & l'union qui
Se devoit maintenir entr'eux , à
cauſe de la relation que chacun de
leurs Ordres avoit avec les Prélats.
Le ſoir de ce jour ſi ſouhaité,
on fit connoiſtre par des Feux
de joye allumez dans chaque
Ruë, quelle estoit celle de toute
la Ville,& la nuit ſe paſſa entiere
en divertiſſemens. Il y eut grand
Bal ce meſme foir, & les trois fuivans
, chez Monfieur le Lieutenant
General , & en pluſieurs autres
lieux . Meſſieurs Chazot &
Boſſuet , deux des Neveux de
Monfieur l'Evefque , s'y firent
admirer par leur bon air & leur
bonne grace en toutes choſes .
L'Aſſemblée qui ſe fit chezMonſieur
Marquelet , Seigneur de la
Nouë , Procureur du Roy au
Préſi
GALANT .
,
25
qui
Préſidial & en l'Election
avoit l'avantage de les loger , fut
tres- éclatante . Madame ſa Femme
en fit les honneurs de la maniere
du monde la plus engageante
& la plus honneſte.
Le lendemain huitième du
mois, le Chapitre, dont les Dignitez
eſtoient reveſtus de Chapes ,
précedé de tout le Clergé Séculier
& Régulier , alla prendre ce
Prélat dans la grande Salle de
l'Eveſché . Il avoit ſes Habits
Pontificaux , & eſtoit aſſis dans
un Fauteüil qu'on avoit placé ſur
une Eſtrade , accompagné de
deux anciens Chanoines députez
du Chapitre , auſſi en Chapes.
Monfieur de la Croix , Doyen,
luy fit une Harangue Latine , qui
luy attira de grands applaudiſſemens
. Il luy dit , Que tout ce qu'il
y avoit d'excellentes qualitez divi-
Mars 1682 . B
26 MERCURE
fées dans les autres , se trouvoit
heureusement réüny en luy ; Que
comme jamais perfomme n'avoit
convaincu fi fortement les Herêtiques
de leur opiniâtreté, ny penétré
fi avant dans la connoiſſance de
noſtre Religion, on pouvoit dire que
jamais perfonne n'avoit auſſi employé
les talens reçeus de Dieu, avec
tant de gloire & d'utilité qu'il
avoit fait Que Monseigneur le
Dauphin seroit toûjours estimé le
plus illustre témoignage deson mérite
, ayant appris de luy à prati.
quer toutes les vertus, dans le meſme
temps qu'il en recevoit ane parfaite
connoissance de toutes les
Sciences. Il finit par des actions
de grace , de ce qu'apres avoir
eſté élevé à un fi grand employ,
ilavoit bien voulu agréer la conduite
de l'Egliſe de Meaux , l'af
furant qu'ils en conſerveroient
. : une
GALANT.
27
:
une reconnoiſſance éternelle, par
les prieres qu'ils ne ceſſeroient
jamais d'adreſſer au Ciel pour ſa
profperité. Monfieur l'Eveſque
de Meaux luy répondit en la
meſme Langue avec une facilité
&une éloquence qui charma
cette ſçavante Aſſemblée. Il dit,
Qu'il attendoit du Cielles dons &
les qualitez dont il connoiſſoit avoir
besoin pour s'acquiter dignement
de fon ministere ; Qu'il se trouvoit
avantageusement récompensé par
le Roy , de pouvoir , apres avoir
donné une partie de fes années au
Service de la Famille Royale , em.
ploger le reste pour la conduite du
Diocese de Meaux Quele Chapitre
faifant anciennement partie
du Presbytere , fa Maifon feroit
Da leur ,& qu'il contribueroit de
Sapart à entretenir une parfaite
Bij
28 MERCURE
Cela eſtant fait on le conduifitla
Mitre en teſte , & fa Croffe
eſtant portée devant luy , entre
deux Hayes de Bourgeois , que
Monfieur Tenier , Capitaine de
la Colonelle , avoit placez aux
avenuës de la Court de l'Evefché,&
fur le Parvis delaCathdrale
, pour empeſcher le deſordre.
Les décharges de cetteMilice
, jointes au bruit des Tambours,
des Fifres , des Trompetes,
&desCloches, ſe firent entendre
juſqu'à ce qu'on fut arrivé au
grand Portail de l'Eglife. On y
avoit preparé un Prie- Dieu & un
Fauteüil pour Monfieur l'Evefque,
& ce fut là qu'il fitle Sermét
accoûtumé pour la conſervation
des droits , immunitez , & franchiſes
du Chapitre . Monfieur le
Doyen ayant encenſe la Croix ,
&enſuite ce Prélat , luy préſenta
la
GALANT. 29
la Vraye-Croix pour la baifer , &
luy fit en meſme temps une autre
Harangue en François , dans laquelle
il luy marqua, Que ce Peuple
qu'il voyoit fi empreſsépour le
voir ne doutoit point qu'il ne luy
inspirast la vertu parfon exemple,
ayant toûjours conſervé une pieté
folide au milieu des dangereux
écueils de la Cour ; Qu'il luyeſtoit
tres - glorieux de ſe voir Soûmis
àceluy auquel l'Heritier dela Coaronne
avoit bien voulu obeïr ; &
qu'enfin ilſeroit le Pere des Orphelins
, l'azile des Veuves, & le refuge
des Affligez . Ce Difcours fut
prononcé d'une maniere ſi pathétique
, & ſuivy d'une Réponſe
ſi affectueuſe , qu'on peut
dire que ce fut un épanchement
de coeur réciproque.Monſieur
de Meaux la finit par les
aſſurances qu'il donna
د
Que
Bij
30 MERCURE
comme ilfe reconnoiſſoit estre dans...
le coeur de fon Peuple , fon Peuple
Seroit auſſi dans le sien , &qu'il ſe
feroit tout à tous , poursatisfaire
aux voeux de tous ceux quiseroient
Sous ſa conduite.
Apres cette Cerémonie , il entra
proceſſionnellement dans l'Egliſe
au bruit des Tambours &
des Fifres , au fon des Orgues,&
au chant de la Mufique. On le
conduiſit auGrand Autel , qu'on
luy fit baiſer llalla de la à fa
Chaiſe , où il s'affir, & en ſuite à
ſon Trône , d'où il revint au
pied de l'Autel. En meſme temps
on chanta le Te Deum , dont la
Muſique futadmirée .Apres cela
on fitles Prieres ordinaires, pendant
leſquelles il demeura à genoux
.Ces Prieres faites , il fut remené
à ſon Trône , & Monfieur
le Doyen commença la Meffe , à
la
GALAN Τ. 31
la fin de laquelle ce Prélat donna
ſa benédiction. Les meſmes cerémonies
que l'on avoit faites en
l'allant prendre au Palais Epifcopal
, furent obſervées en l'y re
menant. Il traita avec autant
de magnificence que de propreté
, les Dignitez & les Officians
du Chapitre, comme aufſile Lieutenant
General & le Procureur
du Roy ; & le ſoir , apres avoir
donné de nouveau à Veſpres la
benédiction à ſon Peuple , que le
plaiſir de le voir attiroit toûjours
en foule , il régala de la meſime
forte la Compagnie du Préfidial.
Monfieur l'Eveſque de Verdun ,
qui alloit auſſi prendre poffeffion
de ſon Eveſche , ſe trouva à ce
Regale. Les jours ſuivans , il fit
le mefme honneur aux Officiers
del'Election , du Corps de Ville,
& du Grenier à Sel .
Biij
32 MERCURE
Le Lundy 9. ce Prélat fut reçeu
dans le Chapitre en qualité
de Premier Chanoine . Monfieur
le Doyen luy fit fur cette cerémonie
un Difcours des plus touchans.
Il dit, Que l'union des Prélats
avec leur Eglise , exprimoit
celle du Sauveur du monde avec
l'Eglise Univerſelle , Que si lasui
te des temps avoitfeparé les Chapitres
des Eveſques, cette diviſion de
Temporel & de furisdiction , ne les
devoit pas def- unir ; Qu'ilsferoient
toûjours gloire de le reconnoître pour
Chef,& quoy qu'il ne préſidâtpoint
au Chapitre , qu'ilpréſideroit toûjours
dans leurs coeurs , parce qu'ils
tenoient à un honneur fingulier
l'alliance qu'ils venoient de contra-
Eteravec luy. Il répondit à cela
d'une maniere toute cordiale &
paternelle, Qu'il auroit toûjours un
tres-grand attachement pourcon-
Server
1
GALANT...
33
Server cette union, &faire connoitre
àtout le monde que leurs intérests
feroient lesfiens.
Il reçeut au ſortir du Chapitre
les Complimens des Curez
de Meaux , par la bouche du
Pere Gaſté , Prieur des Chanoines
Réguliers de l'Abbaye de
Noſtre- Dame de Chaage. Il eſt
Premier Curé de ce Dioceſe , &
n'a pas moins d'érudition que
de vertu . Il dit à Monfieur de
Meaux , Que c'estoit un bonheur
fingulierpour leDiocese,que la Pro
vidence ne l'euſt point fixé dans une
Province éloignée; Qu'ilyseroit regarde
come un Soleil, dont lefavorable
aspect feroit la felicitédefon
Peuple , Qu'il estoit un Prélat de
nom &d'action , tel que defiroit.
S. Ambroise ; Queſes ordresferoiet
leurs regles , fes Sentimens leurs.
maximes , & qu'ils auroient une
Bv
34 MERCURE
entiere foûmiſſion pour toutes ses
volontez. Sa réponſe fut , Qu'il
auroit beaucoup de confideration
pour des Perſonnes,quiſepropoſcient
pourſeul objet de leurs foins la gloire
de Dieu , & l'intereſt de l'Eglise ,
Qu'il tâcheroit de toutson pouvoir
d'y concourir avec eux , & les appuyeroit
en toutes occafions de l'Autorité
Epifcopale.
Le Corps de la Prevoſté le
complimenta enſuite par la bouchede
Monfieur Léber qui en eft
Prévoſt , & Frere & Oncle des...
deux derniers Lieutenans Generaux.
Il eſt Officier depuis ſoixante
& dix ans ; & apparemment le
plus ancien de tout le Royaume.
C'eſt un prodige d'eſprit & de
mémoire. Il a donné de tres- beaux
Ouvrages au Public , & quoy
qu'il ait quatre - vingts - dix ans ,
I compoſe encor tous les jours
des
GAGAN T.
35
des Vers auf forts que délicats,
fur pluſieurs ſujets d'hiſtoire &
de pieté . Il dit à Monfieur l'Evefque
, Que la Providence ſembloit
ne luy avoir prolongé la vie prés
d'un fiecle , que pour avoir le bonheur
d'estre & de mourir ſous ſa
conduite , & qu'ayant rendu ſes
Services à cinq de ſes Prédeceſſeurs,
il luy dévoñoit les restes d'une vie
ſi avancée avec autant de Zele
& d'ardeur , que s'ilse trouvoit
encor dans sa premiere jeunesse.
Ce Prelat qui reçeut ſon compliment
de la maniere du monde la
plus obligeante , porta fon honneſteré
juſqu'à luy rendre viſite,
apres avoir eſte ſalüer Madame
de la Vieuville , Fille du Duc
de ce nom , Abbeſſe de l'Abbaye
de Noſtre Dame , dont la pieté
& l'humilité ſont telles , qu'il a
eſté beſoin > apres la mort de
: Mada
36 MERCURE
Madame ſa Tante , de toutes
les tendreſſes de Monfieur fon
Pere , & des ordres de feu Monſieur
l'Eveſque de Meaux , pour
obtenir d'elle qu'elle acceptaſt la
conduite de cette Abbaye, qu'el-
Je gouverne avec une ſageſſe &
une prudence conſommée. Il
continua ſes viſites par celles
des Dignitez de la Cathédrale,
& des principaux Officiers de la
Ville.
Le Mardy 10. apres avoir donné
ſes ordres pour une Aumône
genérale , où tous les Pauvres le
nommoient hautement leur Pere,
il réſolut d'éviter la foule de
ceux qui luy venoient faire
compliment de tous les endroits
de fon Diocese , en ſe retirane
en ſa belle Maiſon d'Hermigny
, à deux lieues de Meaux
Les beautez & la ſituation en.
font
GALANT.
37
font fi peu communes , qu'apres
les Maiſons des Princes,elle peut
eſtre eſtimée une des plus belles,
& des plus agreables du Royaume.
Il y médita pendant quelques
heures,le Sermon qu'il précha
le lendemain jour des Cendres
dans ſa Cathédrale, en préſence
de Monfieur l'Archevefque
Duc de Rheims , de Mefſieurs
les Eveſques de Tournay,
de la Rochelle , & de Châlons,
venus exprés pour l'entendre , &
d'une foule prodigieuſe d'Auditeurs
de toutes fortes . Ce Dif
cours fut remply de tant d'érudition
ſur les cerémonies du Careſme,&
d'une fi grande tendreſſe
pour ce Peuple qu'il traitoit de
Freres & d'Enfans , qu'il n'y eut
perſonnequi ne donnaſt des marques
extérieures de la ſatisfaction
qu'il en recevoit. Il dit , qu'il
eſtoit
38
MERCURE
eftoit fâché d'annoncer des nouvelles
de triſteſſe & de pénitence
, à ceux qui venoient de luy
marquer une ſi entiere joye; mais
il leur donna de ſenſibles conſolations
lors qu'il ſe dévoüa publiquement
pour tout fon Peuple
, & promit d'éclairer de ſes
lumieres tous ceux qui ſe préſen.
teroient à luy. Il fit enſuite la ceremonie
de l'Abſoute qu'il avoit
expliquée en préchant , & il la
fit avec une vigueur infatigable.
Lors qu'il eut beny les Cendres,
il alla avec ces Prélats en fon
Séminaire , où il inſtruiſit & exhorta
les jeunes Eccléſiaſtiques
qui eſtoient preſts d'entrer dans
le Sacerdoce , à ſe rendre dignes
de tous les Emplois où ils pouvoient
aſpirer , & à acquérir les
qualitez néceſſaires pour remplir
un Ministere ſi relevé..
Le
GALAN T.
39
Le Jeudy 12. il entendit le Sermon
d'un Chanoine Régulier,
qui preſche le Careſme dans la
Cathédrale. C'eſt un Homme
qui a occupé les premieres Chaires
de Paris avec beaucoup de
fuccés . Apres l'expofition de ſon
deſſein , qui estoit de faire voir
qu'il n'y avoit plus de Foy dans
le Chriſtianiſme , fur ces paroles
de l'Evangile , le n'aypoint trouvé
tant de foy dans Ifraël que dans
le Centenier, il adjoûta. Mais confolezvous
, mes Freres. Vous verrez
bien - toft cette Foy Serallumer
parmy vous, puis que la Providence
vient de nous donner un Pasteur
qui y travaillera avec tant de Zele,
&qui est si capable d'y travailler.
Quel avantage , Monseigneur ,
pour cette Ville & pour tout ce
Diocese , deſe voirſous la conduite
d'un tel Pasteur , d'un Prélat que
Le
40
MERCURE
le plus éclairé de tous les Roys a
jugé digne de l'employ le plus im.
Portant de fon Etat , d'un Prélat
qui a fiſouvent enlevé tout Paris
par les charmes de ſon éloquence,&
qui aſceu tout nouvellementpar la
force de cette mesme éloquence ani.
mée de l'onction de la Grace , inspi
rer à l'Eglise de France l'esprit de
concorde & de paix , & étoufer ces
commencemens de diviſion, qui nous
faisoient apprehender des ſuites fi
fâcheuſes. Cefut ainsi qu'autrefois
le grand Augustin , voyant l'Eglise
d'Afrique déchirée par le Schisme
des Donatistes , parla avec tant de
force des avantages de la paix dans
une nombreuſe aſſemblée d'Evesques
, qu'ils se réſolurent tous de
préferer l'union à toutes chofes ,
jusqu'à vouloir bien quitter leurs
Sieges , & se separer de leur propre
Epouse si celaestoit neceſſaire
Pour
GALANT.
41
pou le bien de la paix. Heureuse
Eglise de France , d'avoir trouvé
dans nos jours un autre Augustin,
qui a parlé si divinement de l'union
du Chef avec les Membres,
qu'on a vû finir tout d'un coup ces
Semences de diſcorde , que nous ne
croyions pas felon toutes les apparences
devoir finir en ſi peu de
temps ! mais plus heureuse encor
Eglise de Meaux , qui le poſſede
ce grand Evesque , que toute la
France regarde comme l'Oracule de
fon Siecle, &que toutes les Eglifes
particulieres choiſiroient pour leur
Eveſque,fi ce choix dépendoit d'elles
! Pour nous , Monseigneur , nous
avons eu cet avantage , que nos
voeux ont esté écoutez , & que
Dieu nous a donné un Pasteur ſelon
son coeur & selon le nostre.
Nous avions tous prévenu voſtre
élection par nos defirs ; & laſeule
chofe
42. MERCURE
د
chose qui nous conſoloit dans la
perte que nous avons faite , estoit
l'efperance de vous voir remplir la
place de celuy que nous perdions , &
que nous aurions pleuré longtemps ,fi
voſtre nomination n'avoit bien toft
eſſuyé nos larmes. Si j'ofois m'abandonner
à mon inclination , j'aurois
beaucoup à m'étendre ſur un si
riche ſujet ; mais je dois appréhender
de vous déplaire car je fçay
que vous ne me faites monter en
cette Chaire que pour instruire vos
Peuples , & non pas pourfaire vo
ſtre éloge. La fonction que voſtre
Grandeur m'impoſe est bienrelevée ,
&pour m'en acquiter dignement,
je dois dive icy , ce qu'Elisée diſoit
à Elie fon Maistre , quand il le
chargea de porter la parole de Dieu
au Peuple d'Ifraël, Fiat in me ſpiritus
tuus . Puis que vous m'ordonnez
de porter cette divine parole
en
GALANT. 43 .
en vostre présence dans la premiere
Eglife, & dans la principale Ville
de vostre Diocese , Fiat in me ſpiritus
tuus, que l'Esprit de Dieu qui
eſt en vous se répande ſur moy.
Le meſme jour Monfieur l'Eveſque
de Meaux , que rappeloient
les affaires du Clergé, partit
pour Paris , en la compagnie
des,meſmes Eveſques que je
viens de vous nommer , eſcorté
par la Maréchauffée , & au milieu
d'une double haye de Bourgeois,
apres avoir reçeu les complimens
de tous les Officiers de
la Ville.
Puis que nous ſommes tombez
furle ſujetdes Sermons , vous ne
ferez pas fâchée d'aprendre une
choſe que vous trouverez tres
furprenante, & qui demande autant
de vivacité que de préſence
d'eſprit. Quelques Gens du pre
mier
44 MERCURE
mier rang inſtruits des talens extraordinaires
de Monfieur Efguifier
, Docteur en Theologie ,
& Sous- principal au College de
Harcourt, l'avoient prié de prefcher
fur telle matiere que trois
diverſes perſonnes luy choiſiroiét
fur le champ.Il monta en Chaire,
& lors qu'il eut fait le ſigne de la
Croix : Monfieur l'Abbé de Luſignan
luy donna pour texte ce
verſet du Pſeaume 67. Mons coagulatus
, mons pinguis , ut quid fufpicamini
montes coagulatos ? Un
AvocatduConſeil choiſit cet autre
verſet du meſme Pſeaume ,
Si dormiatis inter medios cleros ,
penna columba deargentata , & poſteriora
dorſi ejus in pallore auri ;
&Monfieur l'Abbé de Cabane
luy propoſa ces paroles , Redemptionem
mifit populo fuo. Ces trois
textes luy ayant eſté donnez , la
Com
GALANT.
45
Compagnie le pria de les appliquer
à la justice de Dieu , chaque
texte devant faire une partie
de ſon Diſcours, à quoy il réüſſit
admirablement,en preſence d'un
grand nombrede Prélats, deDoteurs,
& d'autres Perſonnes tres
confiderables.
On ne s'eſt pas contenté de
cette premiere épreuve. Madame
la Maréchale d'Eſtrées luy envoya
quelques joursapres par un
fort habile Licentié de Sorbonne
, Gouverneur de Mr. l'Abbé
d'Eſtrées, ce Paſſage qu'elle trouva
en ouvrant la Bible au 20.
Chapitre des Proverbes , Suavis
esthomini panis mendacij . Un ſçavant
Abbé luy donna pour textς,
Vita nequamhofpitandi de domo in
domum , &un autre Abbé , Qui
volunt divitesfieri,incident in tentationem,&
in laqueum diaboli , le
: tout
46 MERCURE
tout applicable à l'humilité . Mr
Efguifier parla fur ces nouveaux
textes avec le meſme ſuccés qu'il
avoit eu la premiere fois , & laiſſa
ſes Auditeurs charmez du bel
ordre qu'il ſuivit dans la liaiſon
qu'il leur donna.
Je vous envoyay il y a deux
mois une Lettre en Vers du Berger
de Flore , à une Parente Religieuſe.
En voicy une ſeconde,
dont je croy que vous ne ferez
-pasmoins contente que vous m'avez
marqué l'étre de la premiere.
+ X } X63763895678976039163 : 963 : 2906388
ono
A MADAME D. C.
Religieuſe de la Vifit.
B
à Tr.
bodamcV
Ien que jefois mauvais Poëte,
fuis pas mauvais Pro-
Lay bienpréveu la verité ; Et
GALAN T.
47
Etj'aurois bien jurépar un bec d'Aloüete,
Et mesme par celuy de l'aimable
Fauvete,
Qui centfois defon chant m'aravy
cet Eté,
Et qui jadis estant Fillete,
Ainsi que vous , chantoit des Laudate
,
Que vous chicaneriez dés ma premiere
Lettre,
Et qu'à monreglement , ſur vostre
qualité ,
Au lieu de vous ſoûmettre
En toute humilité,
Vous fourmeriez de la difficulté.
Ilme femble pourtant que le joly
nom d' Ange,
Dontje couvrois avec honneſteté
Voftre devote humanité ,
Comme un bel Enfant , d'un beau
Lange,
Rouvoit
48 MERCURE
Pouvoit de vous estre accepté
Dés cejour pour l'éternité.
Je vous l'attribuois avec grande
justice.
Vous en avezl'esprit , la voix , la
pureté,
Etvous en faites l'exercice,
En loüant la Divinité ;
Cependant vous l'avez tout d'abord
rejetté,
Un tel refus m'est un petitfuplice
Ie crains que vostre volonté ,
Fuyant le nom, n'ait arrefté
De n'en plus faire , à mon grand
préjudice ,
Pourmoy, pauvrepécheur, lefalutaire
office.
Mais non , àtort'de vous j'ay cette
opinion ,
Ce n'est qu'un pur effet de vostre
modestic. Vous
GALAN T.
49
Vous aimez mon falut autant que
voſtre vie ,
Et je leveux devoir à voſtre affe-
Etion ,
Puis qu'en toute devotion
Vous estes, dites vous , ma plus intime
amie.
Souffrez pourtant queje partage
Cette infigne obligation
Entre vous & cet Esprit Sage
Qui fait dans le Carmel , depuis
Son plus bel âge,
Desvoeux au Ciel à mon intention
,
Puis que vous voulez bien luy céder
la loüange
Qu'attire apres ſoy le nom d'Ange.
A voštre égard donc deformais,
Celuy quejobmis de vous dire
Le nom d'Amie , aura le début des
i
Billets
Mars 1682 . C

MERCURE
1
Quej'aurayſoin de vous écrire.
Vous le voulez, je m'y Soûmets;
Avos ordres toûjours vous me verrez
foufcrire.
Mais ne me dites plus que vous
avezpitié
De mon grand embarras à vous
choisir un titre ,
Veu que tous noms ſont doux à l'amitié.
Il en est de plus doux que d'autres
demoitié.
F'en prens vostre coeur pour arbitre
,
Et fçachez que je suis d'humeur
Avous conter toûjours la plus grandedouceur.
Le tout ſous l'agrément de vostre
Souveraine ,
Quele Seigneur garde & maintienne
,
Non
GALANT.
SI
Non ſeulement en parfaite Santé,
Mais encore en fa dignité ,
Iusqu'au temps que vostre tour
vienne,
Deprendre en patience uneſembla .
ble peine,
Adieu donc, chere Amie , à vous de
tout mon coeur,
Pensez à vostre Serviteur.
L'Eſprit du Carmel dont le
Berger de Flore parle en cette
Lettre , estoit une Dame Carmelite
, auſſi ſa proche Parente , Soeur
de Meſſieurs les Marq. de R. &
d'H. Religieuſe dans le meſme
Fauxbourg de Tr . que Madame
de C. avec laquelle ayant lié une
amitié fort étroite, ils convinrent
d'une aſſignation ſpirituelle, lors
que fix heures fonneroient le
foir , pendant quoy le Berger devoit
penſer à elle , & elle à luy, en
Cij
52
MERCURE
diſant l'un pour l'autre , la Priere
ordinaire qu'on ſonne à cette
heure -là dans les Convents , &
en beaucoup d'autres lieux . En
quoy la Dame Carmelite fut fi
fidelle , que le Berger luy en témoigna
ſa reconnoiſſance par ce
Sonnet .
Voy , durant quatorze ans
l'amitié vous inspire
De prier le Seigneur pour ma felicité
Chaque jourfans manquer , au moment
arresté,
Souvent malgré desmaux pires que
le martyre?
Cette perfeverance est digne qu'on
l'admire.
F'en ay l'esprit confus , Surpris , tout
enchanté;
Et je dois ; mon cher Ange , à ta
rare bonté ,
Mille
GALANT .
53
Mille & mille fois plus que je ne
Sçaurois dire .
Princes, Roys, Empereurs, non, vous
ne pouvezpas
Avec tous vos trésors , avec tous
leurs amas ,
M'acquiter d'une telle grace.
Vos donsſont prétieux , ils ont de
grands appas ,
On les voit quelquefois durer jusqu'au
trépas ;
Mais ce qu'a fait pourmoy Théreſe,
lesfurpaffe.
On dit que le talent de faire
des Vers vient de la Nature.
Cela n'eſt pas toûjours vray , fi
nous croyons ce qu'en a écrit
un fort galant Homme. Une
Belle l'ayant prié de luy dire
ce qu'il falloit faire pour deve
Ciij
54.
MERCURE
nir Poëte , il luy envoya le lendemain
ces huit Quatrains.
V
A IRIS.
Oulez - vous réüſſir ſans une
peine extréme ?
Charmante Iris , laißéz - vous enflamer.
On fait des Vers de's que l'on aime,
Et l'on ne peut en fairefans aimer.
L'esprit ne ſuffit point zest- ce làfon
partage?
Nefaut - ilpas encore une douce langueur?
Le coeur est fait pour cet ouvrage,
Et cet ouvrage pour le coeur.
Ce n'est qu'à luy quema Mufe s'adreſſe
,
Vous le ſçavez ,je vous l'ay déja dit.
L'on
GALAN Τ .
55
L'on ne parle pas à l'esprit
Le langage de la tendreſſe.
L'esprit ne l'entend point , c'est à luy
d'estre meûr,
D'estreſage, éclairé, paisible;
Mais qu'on le parle au coeur, s'il est
jeune, il eſtſeûr
Qu'il y fera bientoft fenfible .
C'est pour luy ſeul qu'on peut s'aſſujettir
A peindre dans des Vers tout ce
qu'on a de tendre .
Ils ne le font pas mieux comprendre
,
Mais ils le font bien mieux fentir.
Detous les sentimens dont l'esprit
est capable ,
Ses pas ;
La raiſon eft maîtreffe , elle guide
C iiij
56
MERCURE
Quelques charmes qu'on ait qui
puiſſent rendre aimable,
Ilpeut bien estimer , mais il n'aimera
pas.
On ne fait point de Vers pour dire
qu'on eſtime ,
La raiſon à l'esprit n'inspire point
ce tour,
On ne peut guére unir la raison &
la rime ,
Mais toûjours la rime & l'amour.
Allez , mes Vers , allezparoiſtre
Devant l'aimable Iris qui cauſemon
Soucy.
Un tendre amour vous a fait
naître,
En ferez - vous naître un auſſy ?
Je vous envoye une nouvelle
Médaille faite depuis peu en
Allemagne, pour la Paix concluë
à
fone
celuya
l'Empire.
font àdroit
mes de France ,
de Dannemarc; & les ting
font à gauche , celles d'Eſpagne,
de Suede , & de Hollande. Ce
Cv
56 MERCURERE
Quelques charmes qu'on ait qmain
puiffent rendre aimable,
Ilpeut bien estimer , mais il n'aimera
pas .
On ne fait point de Vers pour dire
qu'on eſtime ,
La raison à l'esprit n'inspire point
ce tour,
On ne peut guére unir la raison &
la rime ,
Mais toûjours la rime & l'amour.
Allez , mes Vers , allezparoistr
Devant l'aimable Iris qui causem
Soucy.
Un tendre amour vou
naître,

anre
la
e& toude
cenom,
mere de Dan-
En ferez - vous
gala cette Princeſſe .
pruit de ces magnifiques Feſtes
s'eſt répandu dans toute
l'Europe ;& puis qu'elles ont ofté
こeſtimées
GALAN T.
59
eſtimées en France , elles ont dû
eſtre du gouſt de toutes les Nations.
Cette meſme Cour de Hanover
a voulu voir à ſon tour
quels honneurs on rend aux Souverains,
qui vont viſiter les autres
Princes dans leurs Etats. Monſieur
l'Electeur de Brandebourg
eſt celuy qui a reçeu ces illuſtres
Hoſtes .Quoy que lamagnificence
ſoit naturelle à cet Electeur , il
ſemble qu'il ait encor recherché
à la faire doublement paroiſtre,
ſcachant qu'il avoit à recevoir
un Prince qui avoit mérité ſi juſtement
le ſurnom de Magnifique.
Voicy ce qui en a eſté écrit
icy d'Allemagne , par une Perfonne
intereſſée à la gloire de
Leurs Alteſſes de Hanover ,&
qui leur est toute dévoüée.
A
56
MERCURERE
Quelques charmes qu'on ait qmain
puiffent rendre aimable,
Ilpeut bien estimer , mais il n'aimera
pas.
On ne fait point de Vers pour dire
qu'on estime ,
La raiſon à l'esprit n'inſpire point
ce tour,
Onne peut guére unir la raison &
la rime,
Mais toûjours la rime & l'amour.
Allez , mes Vers , allezparoiſtr
Devant l'aimable Iris qui cauſem-anre
la
Soucy.
Un tendre amour vou
e& toude
ce nom,
mere de Dannaître,
gala cette Princeſſe.
En ferez - vous n
pruit de ces magnifiques Feſtes
s'eſt répandu dans toute
l'Europe ;& puis qu'elles ont ofté
eſtimées
GALAN T.
59
eſtimées en France , elles ont dû
eſtre du gouſt de toutes les Nations.
Cette meſme Cour de Hanover
a voulu voir à ſon tour
quels honneurs on rend aux Souverains,
qui vont viſiter les autres
Princes dans leurs Etats . Monſieur
l'Electeur de Brandebourg
eſt celuy qui a reçeu ces illuſtres
Hoſtes .Quoy que lamagnificence
ſoit naturelle à cet Electeur , il
ſemble qu'il ait encor recherché
à la faire doublement paroiſtre,
ſcachant qu'il avoit à recevoir
un Prince qui avoit mérité ſi juſtement
le ſurnom de Magnifique.
Voicy ce qui en a eſté écrit
icy d'Allemagne , par une Perfonne
intereſſée à la gloire de
Leurs Alteſſes de Hanover ,&
qui leur est toute dévoüée.
A
56 MERCURERE
Quelques charmes qu'on ait qmain
puiffent rendre aimable,
Ilpeut bien estimer , mais il n'aimera
pas .
On ne fait point de Vers pour dire
qu'on estime ,
La raison à l'esprit n'inspire point
ce tour,
Onne peut guére unir la raison &
la rime ,
Mais toûjours la rime & l'amour.
Allez , mes Vers , allezparoistr
Devant l'aimable Iris qui causem
Гонсу.
Un tendre amour vou
مسجل
naître,
En ferez - vous
manre
la
e& toude
cenom,
mere de Dangala
cette Princeſſe .
pruit de ces magnifiques Feſtes
s'eſt répandu dans toute
l'Europe ;& puis qu'elles ont ofté
eſtimées
GALAN T.
59
eſtimées en France , elles ont dû
eſtre du gouft de toutes les Nations.
Cette meſme Cour de Hanover
a voulu voir à ſon tour
quels honneurs on rend aux Souverains,
qui vont viſiter les autres
Princes dans leurs Etats . Monſieur
l'Electeur de Brandebourg
eſt celuy qui a reçeu ces illuſtres
Hoftes.Quoy que la magnificence
ſoit naturelle à cet Electeur , il
ſemble qu'il ait encor recherché
à la faire doublement paroiſtre,
ſcachant qu'il avoit à recevoir
un Prince qui avoit mérité ſi juſtement
le ſurnom de Magnifique.
Voicy ce qui en a eſté écrit
icy d'Allemagne , par une Perſonne
intereſſée à la gloire de
Leurs Alteſſes de Hanover ,&
qui leur est toute dévoüée.
A
56
MERCURE
Quelques charmes qu'on ait qui
puiſſent rendre aimable ,
Ilpeut bien estimer , mais il n'aimera
pas .
On ne fait point de Vers pour dire
qu'on eſtime ,
La raison à l'esprit n'inspire point
ce tour,
On ne peut guére unir la raison &
la rime ,
Mais toûjours la rime & l'amour.
Allez , mes Vers , allexparoiſtre
Devant l'aimable Iris qui cauſe mon
Soucy.
Un tendre amour vous a fait
naître,
1
En ferez - vous naître un auſſy ?
Je vous envoye une nouvelle
Médaille faite depuis peu en
Allemagne, pour la Paix concluë
à
1
m
fonow
celuyun.
l'Empire.
font àdroit
mes de France , レアチー
de Dannemarc; & les
font à gauche , celles d'Eſpagne ,
de Suede , & de Hollande. Ce
Cv
سب
de
la
& toude
cenom,
mere de Dan-
Legala cette Princeſſe .
pruit de ces magnifiques Feſtes
s'eſt répandu dans toute
l'Europe ;& puis qu'elles ont ofté
eſtimées
GALAN T.
59
eſtimées en France , elles ont dû
eſtre du gouſt de toutes les Nations.
Cette meſme Cour de Hanover
a voulu voir à ſon tour
quels honneurs on rend aux Souverains,
qui vont viſiter les autres
Princes dans leurs Etats. Monſieur
l'Electeur de Brandebourg
eſt celuy qui a reçeu ces illuſtres
Hoftes.Quoy que la magnificence
ſoit naturelle à cet Electeur , il
ſemble qu'il ait encor recherché
à la faire doublement paroiſtre,
ſcachant qu'il avoit à recevoir
un Prince qui avoit mérité ſi juſtement
le ſurnom de Magnifique.
Voicy ce qui en a eſté écrit
icy d'Allemagne , par une Perfonne
intereſſée à la gloire de
Leurs Alteſſes de Hanover , &
qui leur est toute dévoüée.
A
60 MERCURE
A MONSIEUR DE ***
J
A Hanover le 15. Fevrier 1682.
1
се
E continue , comme vous le foubaitez,
à vous faire part de
qui arrive de plus remarquable
dans cette Cour.Monfieur le Duc
& Madamela Ducheffe de Hanover
ayant fait deſſein de rendrevi-
Siteà Monfieur l'Electeur de Brandebourg
, arriverent le 22. de Ianvier
à Garleben, premiere Ville par
où ils devoint entrer dans ses
Etats . Ce fut là que par l'ordre du
Colonel Marvits , à la tešte d'un
Regiment d'Infanterie qui formoit
deux gros Bataillons , Leurs Alteſſes
furent falüées en arrivant
de trois décharges de toute la Moufqueteric..
Mon
GALANT. 61
، Monfieur Kromkau , un des premiers
de la Cour de Monfieur l'Electeur
, accompagné de plusieurs
Gentils- hommes de fa Chambre
rendit de fa part à Monsieur &. à
Madame la Ducheſſe de Hanover
Les premiers complimens de civilité.
Il fut fecondé par Monsieur de
Schulembourg , qui les complimenta
au nom de tous les Etats du Païs,
dont il eſt un des Chefs. Il estoit
Suivy d'un grand nombre de Noblaffe
, qui se faifoit un honneur
d'estre de cette Compagnie. On traita
ſplendidement Leurs Alteſſes à
diner, & I on accompagna leurfortie
de trois ſalves de Mousquet,
comme on avoit fait à leur entrée..
De là on alla coucher à Tangermunden.
Le lendemain 23. on arriva à
Rathnau , lieu rendu celebre par la
gloire dont la defaite de toute une
Armée
62 MERCURE
Armée ennemiey a couvert Son Alteſſe
Electorale. Ce furent par tout
des traitemens magnifiques , aus.
quels il eust esté difficile de rien
adjoûter. Un Régiment de Cavalerie
commandé par le Colonels Devits
, ſe joignit à la Suite de leurs
Alteſſes pouren augmenter l'escorte,
& les accompagner jusqu'à Spandau,
Fortereſſe conſidérable à deux
lieuës de Berlin . Elles furent regeuësparMonsieurle
GeneralMajor
Schoening , Gouverneur de la
Place au bruit de trois décharges
de tout le Canon , & on les logea
dans le Château , où Ellesse repoferent
le reste dujour. Ce Gouver
neur rendit à Monsieur le Duc de
Hanover tous les refpects qui luy
estoient dûs , & luy fit voir pour le
divertir le bon état de la Fortereffe.
Ce Prince partit tresfatisfait
de ses soins , & fit paroiſtre une
eftime
A
GALAN Τ. 63
estime finguliere pourſa Perſonne.
Pendant ce temps de repos,Monfieur
l'Electeur envoya le Comte
de Donau , & Madame l'Electrice
Son Ecuyer pour complimenter leurs
Alteſſes, &leur témoigner la joje
qu'ils avoient de leur heureuse arrivée
à Spandau .
Le matin du jour ſuivant qui
estoit le 24. de Janvier, Monfieur
le Duc de Hanover envoya Monfieur
de Klenke , premier Gentilhomme
deſa Chambre ; & Mada
me la Duchefſe , Monsieur Sante
Son Chevalier d'honneur, pourfaire
leurs complimens à Monfieur
l'Electeur , & luy témoigner avec
quel empreſſement ils ſouhaitoient
l'honneur de le voir. Ily avoit une
fi grande quantité d'Hommes ſous
-les armes à Berlin , que ces deux
Envoyez n'euffent pû arriver
de tout le jour jusques au Palais
Electo
64 MERCURE
Electoral , ſi on n'eust choisy des
Rues détournées pour les y conduire.
L'un & l'autre s'acquita tres- bien
du devoir de ſon envoy ; & un peu
apres que l'on eut reçeu ces complimens,
les ordres furent donnez pour
aller au devant de Leurs Alteſſes
de Hanover. Monfieur l'Electeur
ayant fait mettre le Regiment de
fes Gardes àpied en bataille, fur la
Place devant fon Palais , au nombre
de trois mille Cuiraſfiers , fit
marcher devant luy le Regiment
defes Gardes à cheval.
Il n'y avoit qu'une heure que
Son Alteffe Electorale avoit donné
une Compagnie de ce Regiment
au jeune Prince Philippes l'un de
fes Fils , âgé de douze ans. Ce ne
futpasSans unfecret plaisir, qu Elle
vit ce jeune Officier faire la premiere
fonction de sa Charge en
cette ceremonie , &marcher à la
teste
GALAN T. 65
teste de sa Compagnie, avec cet air
de Heros qui promet de reſſembler
à celuy qui luy a donné l'estre.
Aune heure apres midy , Monfieur
l'Electeur fortit accompagné
de toute sa Cour, une bonne lieuë de
France hors de la Ville , pour aller
àla rencontre de Monsieur le Duc
de Hanover.Ily avoit environ trois
quarts d'heure que l'on attendoit
ce Prince , lors qu'il arriva avec
toutefa Suite. Apres les complimens
faits de part &d'autre , ces deux
Souverains avec Madame la Dacheffe
de Hanover ,
Madame
l'Electrice , monterent dans le Carroſſe
destiné à leur triomphe, & la
marche pour l'Entreé commença
dans l'ordre qui fuit .
Le Regiment des Gardes à cheval
au nombre de fix cens Hommes
tous en Livrée bleuë , galonnée
d'or & d'argent à double rangs,
marcha
66 MERCURE
marcha avec grande pompe ayant
à sa teste Monsieur le Lieutenant
General d'Espanſe , précedé
de ſes Trompetes & de ſes Timbales.
Trois autres Regimens , deux
de Cavalerie & un de Dragons,
estoient rangez en Escadrons de
costé &d'autre de cette marche.
On peut remarquer icy en paſſant,
que ces quatre Regimens font partie
desplus belles Troupes , & de la
plus belle Cavalerie d'Allemagne.
Quatre- vingts Carroſſes à fix
Chevaux ſuivoient à la file , &
quarante Chevaux de mainſuperbement
parez de leurs Houſſes de
Velours bleu en Broderie d'or &
d'argent , la plus riche & la plus
relevée qu'on puiſſe voir , ne fai-
•foient pas un des moindres ornemens
de cette pompeuse Cavalcade.
Quarante Pages en Livrée bleuë
d'une richeffe admirable , parois-
Soient
GALAN Τ. 67
e
Soient en fuite allant quatre à quatre.
Ils estoient conduits par leur
Gouverneur , &foûtenoient affezbien
l'éclat de la marche.
Monsieur le Baron de Kanits,
Grand Maréchal de la Cour, estoit
à la teste de cent Gentilshommes,
tous fi magnifiquement couverts de
Galons d'or , de Broderie , & de
riches garnitures , qu'il feroit fort
mal- aise de rien voirde plus ſuperbe.
Quantité de Seigneurs, Barons,
& Comtes, táchoient à l'envy defe
faire remarquer , par la beauté &
par la richeffe de leur parure.
Enfin plusieurs Princes marchoient
dans leur rang , pour honorer
davantage cette Pompe Solemnelle
; entr'autres un Prince de Curlande
, un Prince d'Holſtein , un jeune
Prince d' Anhalt- Zerbst, unjeune
Prince de Saxe - Hall , le Prince
d' Anhalt - d'Eſſau Gouverneur
2
gene
68 MERCURE
generalde tout le Païs de Monfieur
l'Electeur ; & fur tous les autres
Princes , Monsieurle Prince Ele-
Etoral , qui se faisoit reconnoistre
de tout le monde parson port majestueux
, & par son magnifique
ajustement. Il precedoit immediatement
um pompeux Carroſſe à fond
de velours bleu , relevé en broderie
d'or & d'argent , l'Imperiale toute
entourée de Campanes de mef.
me
د
& le Corps tallié en relief
de quantité de Figures & de chi
fres dorez , chargé sur le derriere
& fur le devant des Armes
de Brandebourg. Dans cefuperbe
Carroſſe estoient Madame la
Duchesse & Monsieur le Duc de
Hanover
, Madame l'Electrice.
& Monsieur l'Electeur. Il eftoit
tiré par fix chevaux ifabelles
les plus beaux du monde .
Vne Compagnie de trois cens
Trébans
GALAN T. 69
Trébans en Livrée bleuë, toute couverte
d'or & d'argent , environnoit
ce Carroffe . Ils marchoient armez
de leurs grandes Pertuisanes à la .
Macédonienne. Quarante Valetde
pied de mesme parure,faisoient une
Somptueuse & tres - agreable confufion
, mêlezavec ces Hallebardiers
autour de cette triomphante Machine
, qui estoit précedée de vingt
Trompetes , & de deux Timbaliers
, dans la plus éclatante Livrée
& dans le plus brillant équipage
qu'on puiſſe employer en de
pareilles folemnitez
Apres ce grand Carroſſeſuivoit
celuy de Madame la Princeſſe Ele-
Etorale , où estoit auſſi Madame la
Marquise de Brandebourg , Fille
unique du feu Prince Radzevil,
Heritiere de quatre Principautez
, & mariée depuis peu au
Prince Louis , Second Fils de Monfieur
70
MERCURE
fieur l'Elècteur د
Sans que le
mariage ait esté encor consommé.
Elle donnoit la place d'honneur à
Madame la Princeſſe de Hanover.
Madame la Ducheſſe d'Holstein ,
la feule qui reste de la Maiſon des
Princes de Brick , estoit avec elles
dans ce Carroffe. Il eſtoit ſuivy de
pluſieurs autres de Princes & de
Princeſſes ; & enfin un Regiment
de Cavalerie ayant à la teſte ſes
Timbales & fes Trompetes , fermoit
cette marche. Quoy que tout
cela fist une prodigieuse quantité
d'Hommes & de Chevaux , il n'y
eut pourtant aucune confusion.
Al'entrée de la Porte de la Ville
, cent Canons qui bordoient le
Rempart , firent trois fois leur decharge.
Ainsi leurs Alteſſes furent
Salüées de trois cens volées de Canon
. A méſure qu'on avançoit dans
la Ville , dont les Ruës estoient
bordées
GALANT.
71
bordées de la Bourgeoisie en haye
&Sous les armes , ilſe faisoit une
Salve continuelle de tous ces Bourgeois
qui s'estoient parez à l'avantage
; & auſſitoft qu'on entra dans
la porte du chasteau , les Gardes
à pied firent une triple Salve de
neuf mille coups de Mousquet.
On defcendit de Carroſſe au bruit
de cette mousqueterie , & des
fanfares des Trompetes & Timbales.
Monsieur l'Electeur donna la
main à Madame la Ducheſſe de
Hanover.Monsieur le Duc deHanover
la donna à Madame l'Electrice,
Monsieur le Prince Electoral à
Madame la Princeſſe Electoraleſa
Femme , & Monsieur le Prince
Philippe à Madame la Princeſſe
de Hanover. Les autres Princes
prirent chacun leur Princeſſe , &
toute cette belle Troupe fut conduite
72
MERCURE
duite par Leurs Alteſſes Eleitorales
dans les magnifiques Apartemens
de Monsieur l'Electeur. On y
laiſſa Leurs Alteſſes de Hanover,
qui enfortirent quelque temps apres
pour aller à l'Apartement de Madame
l'Electrice . Elles y furent reçeuës
en grande cerémonie par cette
Princesse , qui leur fit tout le bon
accueil qui se peut faire en de
Semblables viſites. Elles y virent
avec admiration les Enfans de leurs
Alteſſes Electorales , Madame la
Princesse Marie Madame Sa
Soeur , & Messieurs les Princes Albert
, Charles , & Chriſtian- Loüis,
qui font tres- bien faits , & d'une
grande beauté. De là , on alla ſe
mettre à table. Tout y fut fervy
dans la derniere magnificence ;
& ce qui est fort digne de remarque
, c'est que pendant dix
jours de Sejour que leurs Alteſſes
,
de
GALANT.
73
{
de Hanover ont fait à Berlin , la
même magnificence a continué, mais
Soir&matin toûjours diferente , en
forte que dans tous les Repas il ne
s'est trouvé aucune choſe ſemblable
à ce qu'on avoit déja veu , ny dans
les Services , ny dans la quantité
des Mets , ny dans le Deſſert.Toute
la Vaiſſelle estoit de vermeil doré,
&chargée d'une fi grande diverſité,
qu'ily avoit dequoy contenter
enfemble la veuë&le goust. Monfieur
le General Major Schoening
fervoit S. A. de Hanover à table ;
Monsieur le General Major du Hamel
, Madame la Duchesse ; &
Monfieur le Colonel de Perbant ,
Chambellan de Son Alteffe Electorale
,fervoit Madame la Princeffe
deHanover.
On peut dire que Monfieur l'Ele-
Eteur n'a rien oublié ny pour sa
Grandeur , ny pour le divertiſſe-
Mars 1682 . D
74
MERCURE
ment des illuftres Hoftes , dont la
préfence lay donnoit une ſi entiere
joye. On ajoint au plaisir de la Bonne
- chere, celuy du Spéctacle, par un
beau Feu d'artifice. On y voyoit les
Armoiries de L. A. de Hanover d'un
costé , & celles de Leurs Alteſſes
Electorales de l'autre. Elles eftoient
accompagnées d'un mélange
de Lettres lumineuses qui formoient
leurs Devifes & leurs Chifres. Mais
ce qui parut fur l'eau fut quelque
choſe deſiſurprenant, qu'on n'avoit
peut estre encor rien veu deſemblable
en matiere d'artifice. Neptune
&ſes Chevaux marins , avec une
Troupe de Dauphins & de Tritons,
fortoient de l'eau, &faisoient
cent mouvemens admirables. Mille
Globes , tout éclatans de lumieres ,
& qui brûloient au milieu des
ondes , donnoient à la veuë un
plaisir charmant car ilſembloit
que
GALANT .
75
L
que le feu estoit d'accord avec
l'eau , & que chacun de ces Elémens
faisoit à l'envy tousses efforts
pour contribuer à un firare diver.
tiſſement .
Je n'ensçaurois oublier un militaire
, dont Monsieur l'Electeur
prit leſoin de régaler Monfieur le
| Duc de Hanover & toute sa Suite.
Ce fut de la veuë de ses effroyables
Mortiers , deſes grands canons
, & de ſon Artillerie , qui
est une des plus belles de l'Europe.
Pendant qu'on ne fongeoit à la
Cour qu'à inventer de nouveaux
plaiſirs pourLeurs Alteſſes de Hano.
ver les Miniſtres Etrangers , & ceux
du Païs, n'oublierent rien pour traiterSuperbement
les principaux Seigneurs
de leur Suite.Ainsi Monsieur
le Lieutenant General de Podvis,
Monsieur le Grand Maréchal de
Dij
76 MERCURE
Platen , & Meſſieurs les Generaux
Majors Oefner & Flemming ,
estoient tous les jours de quelque
nouveau Régale..
Monfieur le Comte de Reibenac
entr'autres a fait remarquer Sa
-magnificence par un grand Repas
fuivy d'un Bal , où Madame la
Princeſſe Electorale , Madame la
Princeffe de Hanover , Madame
la Marquise de Brandebourg , &
Madame la Duchesse d'Holstein ,
dancerent avec tous les Princes &
les Seigneurs de la Cour ; si - bien
qu'on peut dire que le Ministre de
France trouva le moyen de rendre
chez luy la nuit auffi agreable que
lejour l'avoit esté chez tous les autres
Ministres.
Apres que l'on eut paſſsé dix
jours dans tous les plaiſirs que l'on
pût imaginer , Monsieur l'Electeur
qui ne sçait jamais borner Sa
magni
GALANT . 77
magnificence , voulut faire voir à
Leurs Alteffes de Hanoverfa belle
Maison de Postdam. il y fit mener
douze Pieces de Canon , qu'on posta
dans le Iardin ſous les fenestres
d'une grande Salle , pourſervir à
la réjoüiſſance qu'ils'estoit propo-
Sé de faire en ce Lieu avant le
depart de Monsieur le Duc de
Hanover .
On fortit de la Ville dans le
mesme ordre que l'ony estoit entré
quelques jours auparavant , pour
aller à cette belle Maison de campagne.
Ce fut là que dans un magnifique
Repas, où tous les Ambaſſadeurs
& Envoyez Etrangers estoiet
invitez, on ſe divertit à faire grand
chere , & à boire à l' Allemande . A
chaque Santé que l'on beuvoit , on
faisoit la décharge de tout le Canon
, & ce fut au milieu de cette
joye publique que deux des plus
Ciij
78 MERCURE
grands Princes d'Allemagneſe ju
rerent une eternelle amitié.
Monsieur le Duc de Hanoverqui
Se plaiſt à faire du bien par tout
où il se rencontre , fit des préſens
magnifiques aux Generaux , Confeillers
d'Etat , Premiers Seigneurs &
Gentilshommes, à toutes les Dames,
& aux principaux Officiers de la
Cour de Son Alteſſe Electorale. Mr
l'Electeur regala auſſi de fon costé
tous les Gens de la Suite de Son Alteſſe
de Hanover , jusqu'aux moindres
Officiers. Enfin ces deux Princes
se séparerent à Postdam , &
Monfieur le Duc de Hanover reprit
le chemin de fes Etats. Ilfut traite
àfon retoursur les Terres de Monfieur
l'Electeur dans tous les endroits
de fon paſſage , de la mesme
Sorte qu'il avoit esté à fon arrivée,
c'est à dire avec la mesme splendeur
; & les mesmes Gens de Son
Alteffe
GALAN T. 79
Alteſſe Electorale l'accompagnerent
juſques aux Frontieres des Païs de
Brunſvic & de Lunebourg.
Je vous envoye une nouvelle
Fable de Monfieur Daubaine,
Autheur de celle du Verluiſant
qui vous a tant plû la derniere
fois. Son ſtile aisé eſt toûjours le
mefine.
L'AIGLE ,
ET LA CORNEILLE .
FABLE.
L'oyfeau qui porte Iupiter,
L'Aigle , pour parler net , fur les
bords de la Mer
Se promenant un jour , apperceut
des Coquilles.
Il faut , dit - il , parmy les plus
gentilles. Diiij
80 MERCURE
En choiſir deux ou trois pour
mes petits Aiglons ;
Ils en feront leurs amuſetes.
Ces Coquilles n'estoient pas netes,
Et toutes renfermoient encore leurs
- Poiffons.
Or ces Poiffons méchant affaire,
Fettoient une certaine odeur
Qui frapa l Aigle jusqu'au coeur.
L'aigle flaire , & cent fois reflaire
,
Mais jamais ilne peut avoir
Le morceau qui rendoit cet odeur fi
charmante ,
Et ne se repút que d'eſpoir.
L'Aigle en maigres morceaux eft
Beste peu sçavante,
Comme les autres Roys il mange
toûjours gras.
Levoila donc dans l'embarras ,
Et ne sçachant que dire , ny que
faire.
Que s'il tentoit des griffes & du
bec, D'en
GALANT. 8
D'entrouvrir la Coquille ,ilyfaisoit
échec,
Et meſme plus qu'à l'ordinaire
La Coquilleſe reſſferroit .
Pour sçavoir donc comment il
agiroit ,
Et quelle devoit estre en tel casSa
conduite ,
Il jette les yeux furſa Suite.
- Le Conseiller dont il fit choix ,
Fut Corneille Bonbec, grande Iurifconfulte
,
Qui plus d'un million de fois ,
Eloquente au Barreau , docte dans
la Confulte,
Avoit donné la Loy
APajot & Fourcroy.
Sire, dit elle au Roy,
Prenez cette Coquille avecque
vôtre ferre ,
Et lors que d'un vol élevé
Vous ferez bien haut arrivé,
Laiſſez- la choir à terre ,
Dv
82 MERCURE
Je mettray deſſous une pierre
Qui la fracaffera....
L'expedient eſt ſeûr autant qu'il
1 eſt facile;
Le Poiffon qu'elle cache auſſitoſt
paroîtra ,
Et comme à fendre l'air vous eſtes
tres- habile ,
Voſtre Majefté Volatile
Dans le meſme inſtant defcendra
,
Et s'il luy plaiſt , le gobera.
L'avisfut trouvébon ; SaMajesté
commence
De le vouloir exécuter ,
C'est à dire qu'elle s'élance
Iuſqu'où l'aile pût la porter.
L'Aigle élevé laiſfe tomber Sa
proye
La Coquilleſe rompt en cent petits
morceaux.
Quant au Poiſſon , malgréplusieurs
autres Oyfe aux
La
GALAN Τ . 83
La Corneille le prend, & s'en donne
àcoeurjoye.
Ainſi quand l' Aigle defcendit,
Il reconnut qu'il n'estoit qu'une
Beste.
Voila ce qu'Eſope en a dit ,
Et ce quifuit vient de ma teste.
Avocats Procureurs en chicane.
,
Sçavans,
Parmy vous n'est- il point de Gens
Qui ressemblent à la Corneille?
Comme elle vous avez affez bon:.
appétit;
Le moins adroit de vous rarement
nous conseille,
Que ce nesoit àsonprofit..
Quoy qu'il n'y ait point de
meilleur remede que la fuite cõtre
les attaques de l'amour , on n'eſt
pas toûjours aſſuré d'en guérir
par là , quand il a fait une pro
fonde
1
84 MERCURE
fonde bleſſure . Les Vers qui ſuivent
vous le feront voir. Un
Homme d'eſprit qui a toûjours
eu grande paſſion pour les belles
Lettres , s'eſt retiré depuis quelque
temps dans un Lieu fort ſolitaire
, pour s'appliquer à l'étude
plus paiſiblement ; mais quelque
effort qu'il ait fait il n'a pû bannir
de ſon eſprit l'idée d'une fort
aimable Perfonne , qu'il a tendrement
aimée.Cette Belle ayant
apris qu'il ſongeoit toujours à
elle , luy a fait par Lettre des
reproches agreables , le traitant
de foible , de ne pouvoir
oublier ſes premiers engagemens.
Voicy ce qu'il luy a répondun
Pup TO
1
GALAN Τ. 85
A L'AIMABLE M ***
U
SONGE .
N jour qu'au bord d'une
Fontaine
Ie dormois fort profondement ,
Ie m'imaginay voir le Dieu d'Amour
en peine,
Et prest àſe noyer dans les pleurs
d'un Amant.
Le ſentors de la joye au dedans de
moy-mesme ,
Croyant que ce Tyran des coeurs
Donneroit parsamort quelque tréve
auxmalheurs
Que je reffens depuis que je vous
aime.
Non, difois-je, Philis n'aura plus
Quim'ont donné ſi ſouvent des
:
ces attraits
allarmes ; 1
Mon
86 MERCURE
Mon coeur ne craignant plus
ſes charmes ,
En tout temps jouïra des douceursde
la Paix ,
Mais que je meflatois d'une vaine
espérance!
Cet Enfant de Cypris , helas !
Pour se tirer d'un fi dangereux
Pas,
Avoit encor trop de puiſſance.
Ce petit Dieu changea ſon Carcois
enBateau,
Son Arc en Gouvernail , ſes deux.
Fleches en Rames ,
PourMast attachafon Flambeau,
Dont ilavoit éteint les malheureu
fesflâmes,
Et prit pour Voiles ſon Bandeau
Alors loin de faire naufrage ,
Estant pouſſé par de fréquens
Soûpirs ,
"Tele vis auffitoft arriver au rivage
Pour me punir de mes defirs.
Non
GALAN T. 87
Non, me dit- il tout en colere ,
Tu ne peux t'exempter de vivre
ſousma Loy..
Philis plus que jamais aura dequoy
te plaire,
Et tu luy garderas tafoy..
Il rebande fon Arc,du premier coup
me bleffe;
Ie fens renaître en moy l'Amour.
Laiffez- vous donc , Philis toucher
àla tendreſſe ;
Puis qu'il nous faut aimer , aimez
àvostre tour.
Sur la fin du dernier mois , on
fit à Saint Germain proche du
l'Orangerie du vieux Chaſteau,
l'épreuve d'un Secret tout admirable
pour la conſervation des
Vaiſſeaux .C'eſt un Godron composé,
qui empéche le bois de brû .
ler & de pourrir. Monfieur de
Tatterback , Originaire du Brabang
88 MERCRUE
bant Hollandois ,& né en Eſpagne
en eſt l'Inventeur. Il avoit
préparé avec ſon Godron un Bateau
qui fut levé ſur deux Chantiers
de la hauteur de trois pieds.
On mit deffous quantité de Fagots
, de Buches & de Cotrets ,
en préſence de Monfieur le Marquisde
Seignelay,& de pluſieurs
autres Perſonnes du premier
rang. Tout le bois fut conſommé,
&le Bateau n'en receut aucun
dommage. A ce merveilleux Secret
Monfieur de Tatterback en
ajoûte un autre , qui eſt de conſerver
l'eau - douce ſur la Mer,
ſans que jamais elle ſe corrompe.
On empeſcheroit de fort grands
déſordres , fi on trouvoit un Se
cret qui miſt les Maiſons à couvert
du feu auffi bien que les
Vaiſſeaux. Il prit à la Chambre
des Comptes par la Cheminée
: du
GALANT. 89
du ſecond Bureau , le Mardy
troiſième de ce mois , & cauſa
beaucoup d'alarmes . Une ouverture
de cette Cheminée trop
pleine de ſuif, le communiqua à
une poutre voiſine , avec tant de
violence , que la Chambte euſt
eſtédans le hazard d'être entierement
brûlée , ſans le prompt ſecours
qu'on y apporta. Le feu
parut à ſept heures du matin .
Auſſitoſt la Sainte Chapelle fit
entendre le Toxin quimit en rumeur
tout le Palais . On courut à
l'Hoſtel de Ville , pour faire envoyer
les Sceaux & les Crocs neceſſaires
dans une pareille occafion
. Monfieur de la Reynie ,dont
la diligence en tout ce qui regarde
le ſervice de l'Etat & l'utilité
publique , égale la penétration
d'eſprit dans les Affaires les plus
épineuſes, donna avec une vîteffe
१०
MERCURE
1
ſe incroyable tous les ordres qu'il
falloit, & vint luy- meſme au lieu
où eſtoit le feu.Il eut grande joye
de voir qu'on avoit déja trouvédu
ſecours. Monfieurle Gendre
, Dizenier de la Ville , eſtoit
par bonheur à la Place de Change,
où en qualité de Syndic de la
Communauté des Agens de
Change & Banque, il faifoit travailler
à cette Place , qui eſt dans
le Palais meſme. Si- toft qu'on
l'eut informé de l'Incendie qui
paroiſſoit à la Chambre, il fit porter
quantité de Sceaux qui ſe
trouverent ſous les voutes de cette
Place de Change , avec les
Crocs. Ainſi avant que ceux de
la Ville fuſſent apportez , le feu
de la Chambre eſtoit preſque
éteint , quoy qu'il euſt fait de ſi
grands progrés , qu'il paroiſſoit
juſques aux Armoires,où eſtoient
en
GALANT. 91
enfermez tous les anciens Regiſtres
qui concernent les Affaires
du Roy ,de la Chambre,& du
Public. Aufſi fut-on contraint
pour les conferver , de les jetter
par la feneſtre dans la grande
Court du Palais , d'où ils eſtoient
recueillis par des Gens prépoſez
pour s'en faiſir,& les remettre où
il ſeroit jugé à propos . En ſuite
Monfieur le Gendre fut préſenté
à Monfieur le Premier Préſident
des Comptes par pluſieurs Maîtres
de la Chambre , comme celay
qui en avoit empeſché l'embrazement
general par ſa diligence
& par ſes ſoins. Ce grand
Magiſtrat luy fit tout l'accueil
poffible , & l'affura qu'il ſe ſouviendroit
du ſervice qu'il venoit
de rendre à l'Etat .
Monſeigneur le Dauphin eſt
venu ſe divertir à la Foire , où il
alla
92 MERCURE
alla voir le feu du Monde. Il y
demeura une heure , pendant la
quelle il joüa aux Jeux des Voyages
& des Confultes , & marqua .y
prendre beaucoup de plaiſir. La
Cour qui l'accompagnoit eſtoit
fort nombreuſe. Ce Jeu du Monde
dont Monfieur Jaugeon eſt
l'Inventeur, eſt une grande Table
ſur laquelle àla faveurde trois
Jeux diférens & extrémement
ſimples, on aprend ce qu'il y a de
plus rare dans toute l'Europe.
Le premier de ces Jeux , qu'on
appelle le Jeu des Voyages , montre
les routes de terre de toutes
les Capitales par raport à Paris,
avec la diſtances des grandes
Villes ; les lieux des Batailles &
des Conciles , & ce qu'il y a de
plus remarquable dans chaque
endroit. Il montre de plus, par le
moyen de petits Globes, à qui on
donne
GALANT. 93
donne le nom de Vaiſſeau , les
Ports les plus conſidérables de
l'Europe & de l'Afrique du côté
de la Méditeranée ; les endroits
des écueils , & où ſe font les plus
importantes Peſches ; & ce qui
eſt de merveilleux dans ce premier
Jeu , c'eſt qu'il donne plus
de plaiſir que tous ceux qu'on a
encor imaginez , & aprend plus
de choſes en moins de dix parties
, qu'on ne pourroit faire en
deux mois d'étude de Cabiner .
Le ſecond Jeu s'appelle le leu
des Confultes . C'eſt un Mail qui
eſt aux extrémitez de la Table ,
qui fait connoître , par le moyen
de trois Eguilles qui ſe tournent,
les Deviſes de tous les Monarques
del Europe ; les Ordres de
Chevalerie les plus conſidérables;
les Dignitez à quoy le mérite
éleve tous les Hommes dans
la
94
MERCURE
la Religion , l'Epée & la Robe ;
les Monumens qu'on dreſſe à la
Vertu apres la mort , & les peines
dont on punit le Vice ; le commencement
des Monarchies , &
le premier Roy ; les richeſſes des
Etats par raport à ce que la terre
produit , aux Manufactures , &
aux eſpeces de Monnoye , avec
leur valeur ; les Inventions que
l'on attribuë à chaque Royaume
, & les inſtrumens de Mufique
, en quoy on y excelle ; les
inclinations de tous les Peuples,
& les plaiſirs à quoy ils font plus
enclins, comme de l'amour, de la
maniere que les Femmes font, &
comme elles s'y comportent ; de
la bonne- chere ; les viandes
qu'on y mange , & les boiffons
dont on uſe ; & des Jeux , ceux
qui font le plus en uſage , tant
pour les Gens de qualité que
pour
GALAN T.
95
pour le Peuple. Toutes ces choſes
ſont accompagnées de plus
de deux cens Figures, toutes fignificatives
, & d'une infinité de
diférens ornemens ; & ce qui eſt
le plus conſidérable , le tout d'une
facilité merveilleuſe à retenir
pour toute forte de Perſonnes.
Le troiſiéme Jeu, qu'on appelle
Astrologique , ou du Deſtin , eſt
au quatriéme angle de la Table.
Il eſt compoſé de fix Cercles,que
l'on confulte les uns apres les autres
par le moyen d'une Eguille.
Le premier marque les Heures
; le ſecond , les Planetes
dans leur figure naturelle &
hieroglifique ; le troiſieme , le
climat , la grandeur des jours
&l'élevation du Pôle de toutes
les Capitales de l'Europe ; le
quatrième , où tous les jours le
Soleil & la Lune ſe trouvent ; le
cinquième,
96 MERCURE
cinquième , le Zodiaque , avec
ſes figures, & les Planetes placées
dans leurs Maiſons ; & le fixiéme
, les Solſtices & les Equinoxes
, c'eſt à dire où commencent
& finiſſent les Saiſons .
L'on voit, outre toutes ces choſes,
fur le coſté oriental de la Table,
que l'on appelle de la Nature,
lesArmes blafonnées des Monarques
de l'Europe, & les Dignitez
que l'on apporte en naiſſant en
chaque lieu . Monfieur Jaugeon
ſe diſpoſe à donner un Livre aur
Public , où toutes les régles de ce
Jeu feront contenuës.
L'Air qui ſuit eſt du meſme
Autheur qui a fait celuy queje
vous envoyay il y a un mois , &
dont les Paroles commencent
par, Quand nous allons , &c. La
Baſſe manquoit à ce dernier
Air; & afin que vous l'ayez auſſi
entier
ir
,
a
Z
1-
S,
es
r
1-
r
.
(
1
GALAN T.
97
entier que les autres , on l'a miſe
aubasde celuy- cy .
AIR NOUVEAU.
, Royez-vous aimable Lyſete,
Payer par une Chanfonnete
Tous les ſoins queje prens de garder
vos Moutons ?
Lefçay que vostre voix eft charmante&
divine ;
Mais vous fçavezque l'on badine,
Quand l'Amour se paye en Chan-
Sons.
Je croy , Madame, qu'un Portrait
fait de la main des Dieux,
aura des beautez ſenſibles pour
vous. Voyez celuy dont on m'a
fait part , mais n'y cherchez
point ces deſcriptions de bouche,
d'yeux , de nez , & de mains ,
qui font dans tous les autres
Portraits . Toutes ces choſes ſont
Mars 1682 . E
98 MERCURE
fort inutiles à ceux à qui la Perſonne
que l'on peint eſt inconnuë;&
quand une Divinité prend
le Pinceau , elle a des traits plus
beaux à marquer.
03-6263-003-803-60303030
IMAGINATION
GALANTE.
Que j'ay estéſurpris ce matin,
en voyant le Portrait de Mademoiselle
de la Foreste entre les
mains d' Apollon !
Que de graces ,que de merveilles
Ont d'abord frapé mes yeux !
J'ay reconnu la main des Dieux.
Non , les Mignars n'ont point de
ces manieres. C'estoit un teint ,
des yeux, une taille, un air.... enfin,
Made 1
1
GALANT.
99
-
S
Mademoiselle , c'estoit vous -meſme;
mais ce qui est bien plusſurprenant,
la Peinture estoitfi finie, qu'onvous
y voyoit jusqu'au fond de l'ame.
On vous y voyoit inſenſible , cruelle.
Je m'arreste tout court , & ne
veux pas vous offencer. Une Muse
avoit écrit au bas da Portrait ces
quatre Vers.
Sa veüe aux Amans eſt funeſte,
On n'y voit que mépris , que dédain,
que rigueur ;
Ce n'eſt point l'aimable Foreſte ,
C'eſt Diane à ſa mine, auſſi bien
qu'à fon coeur .
F'estois ravy en admiration ; je
vous voyois ; je croyois vous parler;
Apollon mesme estoit attendry de
mon plaisir , quand les Heures
impatientes sont venues l'avertir
que l'Aurore estoit preſte,
E ij
100 MERCURE
&qu'on l'attendoit pour donner le
jour à l'univers. Alors les Muſes
s'eſtans retirées , il ajettéſa Couronne
de Laurier , en a pris une de
lumiere , & dans le momentje l'ay
veu Soleil.
Je vais faire le tour du Monde,
M'a t- il dit d'un air tout divin;
J'iray ſur la terre & ſur l'onde,
Ce fatal Portrait à la main...
Sa maniere eſt toute celeſte ,
Et les plus ſages des Mortels,
En voyant la belle Foreſte,
Nous vont élever des Autels.
En diſant ces paroles, il eſt party
comme un trait de lumiere. L'ay esté
ébloüy de l'éclat qu'il s'est donné,
mais je n'en ay pas moins fenty la
perte de ce beau Portrait , que je
n'avois fait qu'entrevoir. Triste
& confus , je m'en prenois aux
: Destins,
GALANT.
Destins , quandj'ay veu briller dans
les airs un jeune Enfant encor plus
beau que le jour. Son Arc , fes Fle
ches,&Son Bandeau , me l'ont bien_
toſtfait connoiſtre. Pour vous, Ma
demoiselle, vous ne l'auriezjamais
connu ; il seseroit peut - estrefait
connoistre à vous. Non, il n'est pas
poſſible de s'en défendre , si vous
l'aviez veu comme moy , fa
grace, ſes petites manieres,fon air
enfantin. Il m'a demandé ce que
j'avois . Il ne le sçavoit que trop,
pais que c'estoit luy - mesme qui m'avoit
bleffé ; mais voyant queje n'avois
pas laforce de luy répondre , le
pauvre Enfant s'est arraché deux
on trois plumes de ſes aîles , en a
fait un Pinceau , & a commencé à
vous peindre. O qu'il est meilleur
Peintre qu'Apollon ! mais auſſi qu'il
est dangereux, & qu'ilmefera verferde
larmes!
E iij
101 MERCURE
Cepetit Dieu m'a ſçeu prendre
En faiſant voſtre Portrait ;
Il en marquoit chaque trait,
Helas ! peut- on ſe défendre.

Monfieur l'Abbé Cotin eſtant
mort dans le mois de Janvier ,
Meſſieurs de l'Académie Françoiſe
jetterent les yeux fur Monſieur
l'Abbé de Dangeau pour
remplir ſa place. Ils ne pouvoient
faire un plus digne choix , cet
Abbé ayant un fort grand mérite
, & des qualitez qui le diſtinguent
de toutes manieres. Il eſt
de l'ancienne Maiſon de Courvillon
, qui a eu pluſieurs Gouverneurs
de Province, & Chevaliers
des Ordres du Roy . Il a porté
les armes dans le commencement
de ſa vie ; & parce qu'alors
la France eſtoit en paix , il alla
cher
GALANT.
103
chercher la guerre en Hongrie,
en Pologne , en Suede , en Pomeranie
; & quoy qu'il fuſt fort
jeune , Sa Majeſté ne laiſſa pas
de luy confier des Negotiations
importantes. Il alla Envoyé Extraordinaire
du Roy en Pologne ,
apprit dans ſes Voyages toutes les
Langues de l'Europe, & s'inftrui
fit parfaitement des intéreſts diférens
de tous les Princes. Il revint
enſuite en France, pour faire
fon abjuration de la ReligionPrétenduë
Reformée,& s'en alla peu
de temps apres à Rome, où le PapeClément
X. le fit ſon Camerier
d'Honneur , quoy qu'il y en euſt
déja un François,& que juſqu'alors
on n'en euſt jamais veudeux
de la meſme Nation. Au retourde
ce Voyage , le Roy le fit Lecteur
ordinaire de ſa Chambre;& depuisil
a toûjours travaillé avec
E iiij
104 MERCURE
beaucoup d'application , & une
méthode facile& nouvelle, àdes.
Ouvrages de Geographie, de Politique
, & d'Hiſtoire , que nous
eſpérons qu'il donnera un jour
au Public. Il eſt Frere de Monſieur
le Marquis de Dangeau ,
qui eſt auffi de l'Academie Françoiſe
, dans laquelle cet Abbé fut
reçeu le Jeudy 26. de Fevrier.
L'Aſſemblée qui fe trouva fort
nombreuſe , eſtoit illuſtre , non
ſeulement parce que les Perſonnes
les plus qualifiées de l'Académie
y estoient ; mais encor ,
parce que le bruit s'eſtant répandu
que c'eſtoir Monfieur l'Abbé
de Dangeau qu'on y recevoit, on
y eſtoit accouru en foule , par la
certitude qu'on avoit d'entendre.
de belles choſes. Il commença
fon compliment , en difant , Que
quoy qu'il eût toûjoursfouhaitéavec
paſſion
GALAN T.
ICS
passion l'honneur d'avoirplace dans
une Compagnie fi celebre , il n'avoit
point esté affligé du choix qui
l'en avoit empefché pendant quelque
temps, ( il entendoit parlerde
Monfieur le Premier Préſident )
parce que ce choix estoit tres - digne
de ceux qui l'avoient fait ; mais
qu'enfin le temps estoit arrivé , où
ilse voyoit aſſocié à ce qu'ily a de
plus grand dans l'Eglise , & dans
le Ministere , deplus élevé dans la
Nobleffe &dans la Robe , &de plus
illustre parmy les Orateurs ,
Poëtes , & les Historiens. Apres
avoir dit qu'il connoiſſoit tout le
prix de l'honneur qu'il recevoit,
ayant appris depuis fort longtemps
à honorer l'Aſſemblée de
tant de Perſonnes conſidérables ,
il adjoûta.
les
-L' Académieest une de cesgrandes
choses que Monsieurle Cardinal
Ew
:
106 MERCRUE
de Richelieu a imaginées pour le
bonheurde la France.Pendant qu'il
foudroyoit les Remparts de l'Héréfie
, & qu'il s'oppoſoit en tant de
manieres àla puiſſance de laMaifon
d' Autriche , il fongeoit àformer
vostre Compagnie , & mettoit
Sa gloire enſeûreté en s'enrepofant
fur vostre reconnoissance. Tout ce
que ce grand Miniſtre avoit commencé
, le Roy l'acheve glorieusement.
L'Hérésie presque abatuë
pardes moyens plus doux , &plus
feûrs ; la Maison d'Autriche , ſi
fiere des quatorze Empereurs qu'elle
a donnezà l'Allemagne , & du
grand nombre d'Etats qu'elle poffede
dans toutes les Parties du Monde
, obligée à declarer publiquement
qu'elle ne tuy difputera plus
la premiere Place parmy les Roys,
&forcéeà luy ceder par cing Traitezde
Paix,des Provinces plus con
fidéra
GALAN T. 107
ſidérables que laplupartdes Royaumes
dont elle porte les titres ; la
France Sous Son RegneSupérieure
aux autres Nations parles Sciences,
&par les beaux Arts,auſſibien que
parles Armes;les Sçavans de toutes
les Parties de l'Europe devenusſes
Penſionnaires ; l'Académie élevée
au plus haut point de gloire où elle
pouvoit parvenir ; tant degrandes
chofes font affez connoistre, queſeul
il pouvoit exécuter ce que les plus
habiles Politiques n'ont fait qu'imaginer.
Ilfait plus. Apres avoir
preſcrit des Loix àſes Ennemis,rétably
fes Alliez , donné la Paix à
toute l'Europe,il examine les Droits
de Sa Couronne. Il fait marcher
la Iustice toute seule ; & sans
Armée, dans une Paix profonde,
fait autant de Conquestes que pendant
la guerre. Les Provinces entieres
le reconnoiffent , & dans
un
1 MERCURE
un mefme jour ilſe rend maistre de
deuxdes plus grandes , &des plus
importantes Places del'Europe,dont
L'une nousfervira de Barriere éternelle
contre l'Allemagne , & l'autre
nous ouvrira en tout temps toutes:
les Portes de l'Italie. Ce Prince qui
agit avec tant de grandeur & de
gloire , parle avec tant de force &
de politeſſe, qu'en l'écoutant , vousmesmes
, Meſſicurs , vous appre...
nez à bien parler. Famais perſonne
ne dit si bien tout ce qu'il faut dire
, & ne le dit si noblement , foit
qu'il réponde aux Ambaſſadeurs,
Soit qu'il parleà ses sujets , foit :
qu'il s'entretienne avecses Courtisans
, foit que dans fon Camp,
ou dans ſon Conſeil , il donne less
ordres que ſes Generaux & Ses
Ministres doivent exécuter,dans les
affaires les plus importantes dans les
conversations les plus familieres.
toujours
GALANT. 109
toûjours également éloquent , toû
jours juſte dans ſes expreſſions , toûjours
digne d'estre Protecteur de
l'Académie.
Apres la mort de vostre Fondateur
, ce vous fut une grande conſolation
de vous voir reçeus chez ce
grand Personnage , qui a foûtenu
la dignité de Chancelier avec plus
de lumieres , & plus longtemps:
qu'aucun de ſes Prédeceſſeurs ; mais
quand le Roy en ſe déclarant voſtre
Protecteur, vous fit entrer dansſon:
Palais , quand il vous approcha de
Sa PerſonneSacrée , & vous mit au
nombre des premieres Compagnies
de l'Etat , quelle fut vostre jove,.
Meſſieurs , & quelle ſera voſtre
reconnoiſſance ! Par là , ce grand
Prince fit plus pour sa gloire , que
s'il eust fait de nouvelles Conquestes.
Il aſſura fon immortalité,
& vous avez parmy vous des
Hommes
10 MERCURE
Hommes illustres , quiferont pasfer
Ses grandes actions à la Pofterité la
plus éloignée. Oüy, Meſſieurs, l'Hiſtoire
de la Vie du Roy , rendra
noſtre Langue , la Langue de tous
les temps. Vos Ouvrages l'ont
déja renduë la Langue presque univerſelle
de l'Europe. La plupart
des Etrangers s'enfervent dans les
affaires sérieuses , auſſi- bien que
dans les affaires agreables ; dans
les Négotiations & dans les Traitez
, aussi bien que dans leurs Muſiques
& fur leurs Theatres ; &
nous avons ſujet de croire qu'ellefe
repandra bien - toſt par toute la
Terre , puis que les actions du Roy
& le bruit de fa gloire , ont déja
obligé les plus puiſſans Princes de
l'Asie ,&de l'Afrique , à luy envoyer
des Ambassadeurs , pour luy
demander ſon amitié & fon alliance.
Mon
GALANT.
Monfieur l'Abbé de Dangeau
finit en diſant , Que quoy qu'il
luy fuſt bien glorieux d'estre reçeu
parmy tant d'Illuſtres , il devoit
craindre de ne pouvoir remplir
la place d'un Homme que le
Sçavoir , l'esprit , & la vertu
avoient rendu ſi recommandable;
mais que leur choix le raſſuroit ,
que l'esprit de l'Academie commençoit
à l'animer , qu'il se sentoit
déja plus propre à faire aupres
de Sa Majesté , une charge dont
toutes les fonctions regardent les
Lettres;& que pour ſe rendre encor
plus capable de servir un fi
grand Maistre , & unſi digne Protecteur
, it alloit fonger à profiter
de leurs lumieres par ſon aſſiduité
à leurs Assemblées.
Monfieur l'Abbé Galloys Directeur
, le remercia au nom de
l'Académie , d'avoir ſouhaité
d'en
12 MERCURE
d'en eſtre , & dit qu'un Homme
d'une naiſſance auſſi diftinguée
, & d'un mérite auſſi
reconnu que luy , honoroit la
Compagnie. Il prouva en
fuite , Qu'il falloit Songer à polir
la Langue de fon Païs , &que
les Peuples qui s'y estoient appliquez
comme les Grecs & les Romains
, s'estoient rendus immortels
; au lieu que ceux qui avoient
négligé leur Langue , & qui s'eftoient
amusezà faire des Tombeaux
& des Obélisques , comme
les Egyptiens & les Affyriens ,
estoient morts tout entiers avec
leurs plus belles actions , en forte
que Seſoftris , ce grand Conquérant
Egyptien , n'estoit pas si connu
que le moindre Capitaine Grec. II
parla enſuite des Autheurs qui
avoient poly la Langue Fran
coife , & nomma Monfieur du
Pleffis
$
GALAN T.
113
Pleſſis - Mornay , Ayeul de Monfieur
l'Abbé de Dangeau , en
ſouhaitant qu'un ſi grand Homme
euſt employé ſes talens à
la defenſe d'une bonne Cauſe ..
Lors que Monfieur Galloys eut
finy, il pria Meſſieurs de l'Acadé
mie de lire quelques- uns de leurs
Ouvrages. Monfieur Quinautlût
le premier Chant d'un Poëme
intitule Sceaux,qu'on trouva plein
de beaux Vers & d'expreſſions.
nouvelles . Monfieur le Clerc
lût la ſuite d'un grand Poëme
fur la Pénitence , dont il avoit
lû le commencement dans.
d'autres Aſſemblées de l'Académie
; & Monfieur de Mézeray
fit voir une Paraphrafe
en vers François , qu'il avoit
faite fur le Vexilla dans ſa premiere
jeuneſſe ; ce qui marque
que cet Homme merveilleux
114 MERCURE
leux n'a rien ignoré , & qu'il
eſtoit capable de tout. La longueur
de ces trois Pieces , m'empeſche
de vous en rien envoyer
Monfieur le Duc de S.Aignan fit
part à cette illustre Aſſemblée
d'une Lettre tres - fpirituelle ,
qu'il venoit d'écrire ſur la Grofſeſſe
de Madame la Dauphine .
Je vous l'envoye. Elle fut leuë par
Monfieur l'Abbé Regnier , qui
avoit lû la Paraphrafe de Monſieur
de Mézeray.
LETTRE DE M
LE DUC DE S. AIGNAN,
A Mr le Marquis de Robias ,
Secretaire perpétuel de l'Académie
Royale d'Arles.
V
Ous me demandez des Nouvelles.
Ie n'en ayqu'une à vousfaire sçavoir
, mais elle vaut mieux que toutes
celles
GALANT.
celles que je pourrois vous apprendre.
Madame la Dauphine sentit byer fon
auguste Enfant. Vous jugez , bien Monſieur
, qu'au point où le Roy a mis fon
Autorité , c'estoit leſeul remuement qui
pust faire du bruit dansſa Cour. Le Ciel
adonc voulu que Loüis LE GRAND
fustGrand-Pere , & qu'ayant mieux aimé
eftre l'Arbitre que le Vainqueur de
l'Europe, il ne manquaſt rien àſafelicité
non plus qu'à ſa gloire. Ce Gage prétieux
de l'amour de Monseigneur le Dauphin
nous fait bien voir la fauſſeté de ce Proverbe
, Qu'il n'eſt pointde belle Priſon.
Auſſije ne pensepas qu'il en veüillefortir
de plus de Quatre mois. Lors qu'il fera
en liberté, ne croyezpas , Monsieur , que
les Canons du Havre, ny les VersduGouverneur,
ſe taiſent en une ſi belle occafion .
Si les premiers ont bien du feu , les autres
n'en manquent pas entierement; &comme
je lesfais avecplus de facilité que l'on ne
fond les autres,&qu'ils ne me coûtent pas
beaucoup , je prétens mettre en feu toute
nostre Academie. Cesera par vous mesme
queje feray commencer cet agreable embrazement.
Vous brillez déja en tout ce
que
116 MERCURE
que vous faite ; & c'est dans l'attente
d'un commencement ſi desirable , que
finira la Lettre Monfieur , de vostre
tres - humble & tres ,&c.
,
Cette Lettre fut écoutée avec
grand plaifir , & les applaudiffemens
qu'elle reçeut en furent la
marque. On en donna auſſi beaucoup
à ce Sonnet de Monfieur
Boyer.
SUR LA
VERITABLE GLOIRE .
SONNET..
Rinces , Vainqueurs , Héros, il
luftres Conquerans,
Vous estes appellez à la Gloire immortelle;
Maisfans vous ébloüir par des Titresfi
grands ,
Songez
GALANT.
117
Songez à difcerner la voix qui vous
appelle.
Quelquefois égarez , à l'avanture
errans ,
Vous fuivez follement une route in-
;
i fidelle ;
La Gloire vousparoîtſous des traits
diférens,
Gardez- vous d'embraſſer ſon Fantômepour
elle.
1
Souvent les hauts projets d'un Coeur
ambitieux ,
Les crimes éclatans ébloüiſſent nos.
yeux,
Etfont de leurs Autheurs honorer
lamémoire.
Trompezpar de fauxjours qui conduisent
non pas ,
Nouspenſons rencontrer la veritable
Gloire ;
:
Mais
118 MERCURE
Mais il n'est point de Gloire où la
Vertu n'est pas.
Le choix qu'on fait tous les jours
des Perſonnes les plus diſtinguées
par de grandes qualitez ,
pour leur confier les Affaires importantes
, nous fait voir depuis
longtemps qu'il fuffit d'avoir
dumérite pour eſtre parfaitement
connu de Sa Majesté , &
pour parvenir aux plus grands.
Emplois. C'eſt ce qui vient encor
de paroiſtre en la perſonne de
M le Vayer de Boutigny , Maiſtre
des Requeſtes,nommé à l'Intendace
de Soiſſons, ſans qu'il ait
donné aucune marque de la
ſouhaiter. On peut meſme dire
qu'il l'a acceptée avec peine. On
luy a donné quinze jours pour
en écrire à Madame ſa Femme
qui eſt au Maine ; apres quoy
on luy a marqué de la part du
Roy
GALAN Τ. 119
Roy , que s'agiſſant du ſervice
de l'Etat , il ne falloit pas qu'il
balançaſt davantage. Ce refus
marque mieux la justice du
choix de Sa Majesté , & le mérite
de ce nouvel Intendant, que
tout ce que j'en pourrois dire. 11
eſt Fils de Monfieur le Vayer ,
Lieutenant General du Mans ,
qui fut choiſy par Monfieur le
Cardinal de Richelieu pour l'Intendance
d'Artois. Le choix
de ce Miniſtre fait ſon éloge .
Il ſemble que le Ciel ait voulu
combler ſa Famille de benédictions.
Elle eſt des plus grandes
& tous ſes Enfans ont eu en partage
beaucoup de ſçavoir , de
mérite & d'honneſteté. Son
Fils aîné qui fucceda à ſa Charge
, mourut fort jeune , & laiſſa
un Fils unique , qui eſt Monfieur
le Vayer , Conſeiller au Grand
د
Con
1
120 MERCURE
Conſeil , qui nous eſt une preuve
vivante , que la vertu &le
mérite ſont heréditaires dans cete
Maiſon . Il a épousé la Fille de
Monfieur Boindre,Conſeiller en
la Grand Chambre , dont les rares
qualitez ſont connuës de tout
le monde.Son ſecond Fils eft encoraujourd'huy
Lieutenant General
du Mans ; & le troifiéme
eſt Monfieur le Vayer de Boutigny
, à qui l'on vient de donner
l'Intendance de Soiffons.
Tous les Peuples de ce Païs- là
en ont une extréme joye , car on
ſçait par tout qu'il joint une
exacte probité ,&une pieté tresexemplaire
, au profond ſçavoir ,
& au grand amourqu'il a pour la
Juſtice eſt le recours des Affligez
& des Opprimez , & rien ne
luy manque de tout ce qui peut
ΓΕ
former un digne & grand
Magi
GALANT . 121
Magiſtrat. Je ne vous dis rien de
Me l'Abbé le Vayer , Aumônier
de la Reyne Mere , & Grand
Doyen, du Mans. La maniere
dont je vous en ay entendu parler
, me fait juger que vous en
connoiſſez mieux que perſonne
le rare merite. Vous ſçavez que
l'illustre Monfieur de la Mottele
-Vayer étoit Coufin de ceuxcy
, auffi - bien que Monfieur le
Vayer , aujourd'huy Préſident à
Mortier à Merz .
L'eſtime particuliere que je
ſçay que vous avez pour Madame
la Viguiere d'Alby , vous faifant
prendre intereſt à ſa gloire,
vous verrez ſans doute avec plaifir
la Lettre que Mr de Mandajors
, Juge General du Comté
d'Alais , luy a écrite , pour luy
marquer combien tout le monde
eſt charmé de ſes Ouvrages.
Mars 1682 . F
122 MERCURE
La lecture de cette Lettre vous
apprendra que l'Anonime d'Alais,
dont vous avez veu des Vers
fort galans dans pluſieurs des
miennes , & Mº de Mandajors, ne
font qu'une meſme choſe.
A MADAME
DE SALIEZ ,
VIGUIERE D'ALBY .
Comme
Omme il y a long-temps, Madame
, que j'admire les productions
de vôtre esprit , il n'y en a
pas moins que j'ay pour vôtre illustre
Perſonne une estime particuliere.
C'est pourtant fans avoir jamais
eu l'honneur de vous voir }
mais il n'est pas incompatible que
l'on estime les Gens fans les avoir
veus . Si cela estoit ,
Sans
GALANT.
123
4.
Sans doute nôtre grad LOUIS,
Dont l'extréme valeur égale la
prudence ,
Et qui fait tout le bien & l'honneur
de la France ,
Malgré l'éclat de ſes Faits
inoüis ,
Malgré ſon merite fublime ,
De l'Univers entier n'auroit pas
eu l'eſtime .
En ce cas auſſi, Madame, la mémoire
de tous les grands Hommes
de l'Antiquité ( que bien nous prend
de n'avoir point veus) ne seroit pas
réverée encor aujourd'huy comme
elle l'eft,& lesera dans les Siecles
àvenir;
Si toutefois la Renommée ,
De nôtre grand Héros charmée
,
Pour publier ſans fin ſes merveilleux
Exploits,
W Fij
124 MERCURE
Pour ces autres Héros ne demeure
ſans voix.
Cependant , Madame,quoy que je
n'euſſe jamais eu cet honneur , ny
celuy d'estre connu de vous , j'ay mis
Souvent la main à la plume pour
vous donner des marques de mon
eſtime ; mais je n'ay jamais ofé
prendre la liberté de vous écrire,&
je me difois à moy - meſme , dans la
plus forte des tentations que j'en
ay euës , que si tous ceux qui vous
eſtiment avoient un tel droit , vous
auriez commerce avec toutes les
Perſonnes qui ont eu l'avantage de
vous voir , ou de lire vos Ouvrages,
& qu'ainsi vous vous trouveriez
accablée de Lettres . Voila, Madame
, ce qui m'a retenu jusqu'àpré-
Sent , & me retiendroit encor , fi
-ayant veu dans le Mercure dumois
d'Octobre dernier, en ſuite de vôtre
belle
GALANT. 125
belle Lettre à Madame de Piellat,
une Fable du Chabot & des Vérons
, qu'un de mes Amis y avoit
fait mettre avec mon nom,quoy que
je n'y euſſe rien eu jusqu'alors que
fous le titre de l'Anonime d'Alais,
je n'avois crû eſtre dans ce droit .
En effet,Madame , il me ſemble
Que depuis cet heureux moment
Qu'on nous mit ſous la Preſſe
enſemble,
Je puis agir plus librement.
Faites-moy la grace , Madame,
de regarder cette Lettre comme un
juste hommage que tous ceux quiſe
mêlent de Vers & de Proſe vous
doivent , mais que je n'aurois ofé
vous rendre ſans une si favorable
avature laquelle me fourniſſant un
Spécieux prétexte, m'engage à cette
Fiij
126 MERCURE
liberté; & Soyez en meſme temps
persuadée , que quelque grande que
puiſſe estre la gloire que se donne
cette Province d'avoir une Perſonne
de vôtre merite , elle cedera pourtant
dans mon eſprit à celle que je
recevray , fi je puis apprendre par
quelque moyen , que vous aurez eu
la bonté de ne pas dédaigner la
fincere protestation de celuy qui est
avec beaucoup de respect , Vostre
tres- humble & tres- obeïffant Serviteur
,
DE MANDAJORS.
Meffire Loüis de la Salle eſt
mort , âgé de foixante & quinze
ans , le premier jour de ce mois.
Il eſtoit Lieutenant General des
Armées du Roy , & avoit commandé
ſes Gens-d'armes durant
l'eſpace de 26. ans . Il fut nourry2
dans les Armes dés ſa plus tendre
jeuneſſe
GALAN T. 127
jeuneſſe ſous la conduite de Mr
fon Pere , que le feu Roy avoit
choiſi pour eſtre Capitaine aux
Gardes, dans la nouvelle inſtitution
de ce Regiment. Il a donné
dans pluſieurs grandes occaſions,
où il s'eſt fait toûjours diftinguer,
des marques de ſa valeur
ordinaire , & d'une experience
conſommée au fait de la guerre.
Jamais Sujet ne ſervit ſon Prince
avec tant d'application que luy,
& avec une plus veritable paffion,
ayant toûjours eſté attaché dans
tous les diférens degrez de fon
âge avec une fidelité inviolable
aux ſeuls intereſts , & à la ſeule
Perſonne de Sa Majeſté. Aprés
avoir perdu pluſieurs de Meffieurs
fes Fils dans les occafions
d'honneur , il a laiſſe trois Enfans
de Dame Marie - Magdelaine
Martel , Femme d'une vertu &
Fiij
128 MERCURE
d'un merite extraordinaire , &
digne de la gloire des illuſtres
Maiſons de Martel , & de Balfac ,
dont elle eſt deſcenduë . Le premier
eſt Monfieur le Marquis
de la Salle , Maître de la Garderobe
, & qui a eſté Sous - Lieutenant
des Chevaux Legers , &
Commandant du Regiment du
Roy. Il eut le bon-heur de ſe
trouver en qualité d'Aide de
Camp de Sa Majesté au fameux
Paſſage du Rhin , où il fit voir,
comme enfuite dans la Bataille
de Zintzin , & autres Combats
dans leſquels il fut bleſſé, ce que
peut l'honneur joint au devoir,
dans une Perſonne de qualité,
& d'un grand coeur. Monfieur
l'Abbé de la Salle eſt le ſecond,
beaucoup plus recommandable
par la ſageſſe de ſa conduite , &
par ſon affiduité aux choſes de
fa
GALANT. 129
ſa profeffion , que par d'autres
endroits qui font cependant plus
eſtimez du reſte des Hommes .
Pour Mademoiselle de la Salle ,
il ne faut que la voir & la connoître
,pour être perſuadé qu'elle
eft une Perſonne des plus ac
complies.
Madame de Balfac d'Entragues
eſt morte auſſi au commencement
de ce mois. Elle étoit
Veuve de Monfieur de Bretagne,
Baron d'Avaugour , Premier Baron
de Bretagne, Comte de Vertus
& de Goëlle , Seigneur de
Chillon,& autres Lieux . La Maifon
de Balfac eſt fort ancienne .
Elle a pris fon nom de Balſac ,
petite Ville à deux lieuës de
Brioude. Jean de Balzac , Sieur
d'Entragues , aida le Roy Charles
VII . de tous ſes Biens contre
les Anglois . Il n'y a point
Fv
130 MERCURE
d'honneurs & d'alliances du premier
Rang, qui n'ayent eſté dans
cette Maiſon. On y a veu des
Chambellans, des Admiraux, des
Maréchaux , & des Chanceliers
de France , des Chevaliers des
Ordres , des Eveſques , & enfin
toutes les Dignitez qui peuvent
eſtre données à la plus haute
naiſſance .
Le Parlement a fait pluſieurs
pertes dans le meſme temps . Mr
Berthier , Seigneur de Sauvigny,
Eſtaultehaut , & autres Lieux ,
Commiſſaire aux Requeſtes du
Palais , où il avoit eſté reçeu le
26.de May 1673. eſt mort le premier.
Sa mort a eſté ſuivie de celle
de Monfieur Billard , Seigneur
de Montaterre , réçeu Conſeiller
en 1678.emporté ſubitement par
un Coleramorbus. Il étoit Fils de
Monfieur Billard,fameux Avocat,
dont
F
GALANT.
dont la réputation eſt ſi generalement
connuë.
Depuis un fort grand nombre
d'années,on n'avoit point vû d'inondations
ſi fortes qu'il y en a
eu en beaucoup de Lieux , & fur
tout enAllemagne. Les tempêtes
ont commencé dés le mois de
Decembre , & toutes les Lettres
qu'on a reçeuës de Pomeranie &
de la Pruſſe Ducale , nous ont
appris que la plus grande partie
des Fortifications de Memmel ,&
de Pilau , en ont eſté emportées,
&qu'elles ont fait des defordres
furprenans ſur les Côtes . Elles en
ont auffi caufé de tres - grands
dans le Duché de Brémen. Tous
les Ponts en ont eſté entraînez
dans le Blockland par la violence
des eaux, & les Habitans ont eíté
contraints d'abandonner leur
Beftail pour ſauver leur vie ;
ce
132
MERCURE
ce qu'ils n'ont pû faire qu'avec
grande peine . Je ne vous dis rien
de quantité de Vaiſſeaux qui ont
fait naufrage , avec perte de la
plus grande partie de l'Equipage.
Il y en a eu deux Ang eis ,
qu'on a veu perir ſur l'Elbe, chargez
de diverſes Marchandiſes.
Cette Riviere s'étoit tellement
accruë en trois jours, que les Digues
ont eſté en danger d'eſtre
rompuës. La Garniſon de Tangermunde
en fut alarmée, & elle
ſe préparoit à ſortir quand les
eaux diminüerent. Le Danube
s'est débordé de la meſme forte
, & a inondé preſque entierement
Ratiſbonne. Ce qu'il y
aeu d'heureux dans ce malheur
, c'eſt que pluſieurs Maifons
de bois , ayant eſté entraînées
par les eaux , elles ont floté
pendant quelques jours, en ſorte
qu'on
GALANT.
133
qu'on a trouvé moyen de ſauver
une partie des Perſonnes
qui étoient dedans. La Ville de
Zell a eſté auſſi entierement
inondée d'un coſté , & l'on n'y
pouvoit aller qu'en Bateau. Les
Fortifications en ont eſté fort endommagées
, & le défordre n'a
pas eſté moindre dans tout le Païs
de Hanover. Les eaux y ont couvert
toutes les Campagnes , &
ont obligé la Garniſon de Brémerfort
à ſe retirer. Le Pont du
Vvéſer a été entraîné dans Hammelen
, & la Riviere qui paſſe
à Hanover a eſté d'une hauteur
extraordinaire. Pluſieurs endroits
de la Ville furent remplis d'eau ;
& pour l'empeſcher de ſe répandre
par tout , on tint les
Portes fermées un jour & une
nuit. On fait monter les dommages
que les Habitans de ce Duché
134
MERCURE
che ont ſoufferts , à plus de cent
mille Richedalles .
Au commencement de Fevrier
, le Mein s'étant enflé tout à
coup comme les autres Rivieres ,
inonda une partie de la Ville de
Francfort , où l'on fut contraint
d'aller en Bateau. Une Arcade du
Pont de Pierre en fut emportée.
Ce débordement renverſa plufieurs
Maiſons , une partie des
Ramparts , & un Boulevard , fur
lequel il y avoit du Canon. Le
Païs de Hanau , qui eſt tout le
long du Mein , demeura prefque
tout entier ſous l'eau. La
Riviere de Sal ſe déborda dans
le meſme temps, & les trois principaux
Ponts de Mersbourg furent
entraînez . Ces déſordres ,
quoy que grands , nous paroîtront
peu confiderables , fi on
les compare à ce qui arriva le
26.
GALANT.
135
26. de Janvier , dans la Flandre ,
le Brabant , la Hollande , & la
Zélande. Ce fut un débordement
qu'on n'avoit point vû depuis
plus d'un Siecle. Si vous en voulez
ſçavoir la cauſe , voicy ce
que porte une Lettre du Païs. La
principale raifon que l'on peut donner
de la ſurprenante inondation
arrivée depuis peu de jours dans la
Hollande , c'est que la Marée montant
&descendant defix heures en
fix heures , l'impetuoſité du vent l'a
chaßée contre terre,& l'empéchant
de descendre , a retenu l'eau trois
Marées defuite,fans luy permettre
de fe retirer de terre,en forte qu'une
autre Marée estant venuëSeconder
cette impetuofité du vent , a esté
cauſe que les Digues n'ont pû réfisterà
des forcesfi extraordinaires.
Ces Digues s'étant rompuës
le jour que je viens de vous mar
quer,
136 MERCURE
quer, vingt- cinq Villages,& tout
le Païs qui eſt entre l'Ecluſe ,
Bruges , & Oftende , furent fubmergez.
Le Fort qui garde le Canal
appellé le Sclick , fut prefque
détruit entierement. La hauteur
de l'eau y fut de ſept pieds,
& ce débordement renverſa les
Palliſſades , les Portes , les Pontlevis,
avec un des Baſtions . Toutes
les Ecluſes ,& tous les Ponts,
furent auſſi entraînez autour de
Nieuport. L'eau fit en meſme
temps de fort grands ravages à
Oſtende , eſtant entrée dans la
Ville par toutes les Portes , &
ayant monté juſques au ſecond
étage. L'ifle de Caſandt fut ſubmergée
dans ſa plus grande partie
, ainſi que tout le Païs qui
eſt autour de cette Iſle. La Digue
, appellée Traghel , s'eſtant
rompuë , la Fortereſſe du Sas de
4
Gand
GALANT. 137
Gand fut inondée , & le Fort
de Moerſpüys emporté , avec le
Canon & la Garniſon. Les eaux
couvrirent tout le Païs des environs
de Dendermonde, & entrerent
dans la Ville, où elles noyerent
un grand nombre d'Habitans.
Anvers n'en fut pas exempt.
Leur fureur ſe répandit juſques
dans l'Egliſe Cathedrale de Nôtre-
Dame. Elles tranſporterent
pluſieurs Cercueils , & y renverferent
la plupart des Tumbes,
Les Digues de l'Eſcaut en furent
percées au deſſus & au deſſous
de la Ville , & la Campagne n'y
paroiſſoit plus qu'une vaſte Mer.
On ne voyoit que Corps morts ,
Beſtiaux noyez , & il feroit difficile
de s'imaginer un plus lugubre
Spectacle . Pluſieurs Perſonnes
qui s'eſtoient ſauvées ſur le
haut des Tours , ou ſur les toits
des
138 MERCURE
des Maiſons , faifoient voltiger
des linges pour faire connoiftre
dans quel péril elles ſe trouvoient
, & il fallut attendre que
la tempeſte euſt ceſſe pour les
aller ſecourir avec des Bateaux .
La Province de Zélande ſouffrit
auffi de fort grands dommages .
L'eau couvrit le Quay de Midelbourg
qui en eſt la Capitale,& fe
répandit dans beaucoup de Magazins
Fleſſingue eut part à cette
diſgrace. La Mer y entra avec vio 、
lence, renverſa pluſieurs Maisõs,
&monta dans pluſieurs Ruës juſques
au premier étage. La Ville
de Ziriczée, Capitale de l'Iſle de
Schouven, fut fubmergée, avec la
plupart des terres de cette meſme
Ifle. Les vagues emporterent le
Bourg de Bommene , & tout ce
qui estoit dedans. La meſme
choſe de quantité d'autres Iſles
de
GALANT .
139
de la Zélande,qui furent preſque
enſevelies ſous les eaux. Dans
celle de Voorn , qui eſt la plus
grande de la Hollande , les eaux
rompirent le Koorendick , inonderent
le Territoire de Zuidpiershil
, le Vieux & le Nouveau
Beyerland , & preſque tout le Païs
de Stryen , qui fait plus de la
moitié de cette grande Ifle. La
Ville de Dort en fut remplie.
Tout le Païs que couvroient les
Digues de Moëtdick , de Crimper,&
de Dortſevert, fut inondé
dans le meſme temps , & l'eau
* s'étant répandue dans toutes les
Ruës de Roterdam ; entra dans
les Caves , & dans la plupart des
Magazins , où elle gaſta quantité
de Marchandiſes. La Digue
du Vahal fut auſſi rompuë à une
lieuë de Nimégue , & fa ruptu
re cauſa l'inondation de preſque
tout
140 MERCURE
tout le Bétavv. Le Bétavy fait la
quatrième partie de la Province
de Gueldre. On a dit d'abord que
le dommage montoit à plus de
cent trente millions ; mais on
commence à connoître qu'il n'eſt
pas ſi grand qu'on le croyoit. Il
eſt certain que Monfieur le Prince
d'Orange y fait une perte tresconfiderable.
Quelques- uns tiennent
qu'elle eſt de cinquante
mille Ecus de rente .
Le Probléme de Monfieur
Comiers, Prevoſt de Ternant,&
Profeſſeur des Mathématiques à
Paris, fi connu dans l'Empire des
Lettres, a depuis fix mois tant fait
de bruit parmy les Sçavans , que
vous ne ſerez pas fâchée d'en
apprendre le ſujet , & la fuite.
C'eſt ce que vous trouverez dans
la Lettre que je viens d'en recevoir.
LETTRE
:
GALANT.
141
::: soos of
LETTRE
DE MR COMIERS .
Comme il
Omme il ne s'est jamais fait
de plus notables progrés dans
les Scieces Mathématiques,que lors
que dans divers Siecles les Géometressefont
proposez l'un à l'autre
des Questions,& que par une espece
démulation honneſte , leur ame s'eſt
enflâmée de cette genéreuse ambition
qui nous a produit des Ouvrages
fi excellens, qui ſemblent, comme
a dit Monfieur Blondel,être plûtoſt
partis de l'intelligence des Anges,
que de la meditation laborieu-
Se de l'Esprit humain ; le deſir que
j'ay toûjours eu de voir la Géometrie
dans ſon entiere perfection, me
porta à coſigner le 16.Octobre 1681 .
dans
142
MERCURE
dans le Bureau du Iournal General
de France , mon obligation de cent
Loüis d'or , pour prix , à celuy qui
dans trois ans trouveroit la Réſolution
de mon Probléme,n' employant
que les Cercles , & les Lignes droites .
PROBLEME .
Eſtant donnez le Triangle
8
M
4
2 4
E R
Rectangle CIE, dont le côté IE,
2. & l'Hypothenuſe CE , 4. la
Ligne CO, 8. parallele à la Ligne
IS ; affigner géometriquement
par les Elemens d'Euclide , fur la
Ligne terminée EO le point M;
en forte que tirant du point C
par M , la ligne droite CR , ſa
partie
GALANT. 143
partie MR ſoit égale à la Ligne
CE., 4.
Pluſieurs Sçavans ont déja travaillé
pour refoudre cet important
Probléme , &j'ay publié leurs Paralogiſmes
& Supoſitions dans le
Iournal General de France du 8 .
Ianvier dernier.
Monfieur Brunet,Avocat en Provence
, Homme de merite & de
grande penetration d'eſprit,pretend
avoir rectifiéſa demonstration précedente
par une nouvelle conftru-
Etion . Il l'a publiée depuis Lundy
dernier dans ſon Livre intitulé,
LA DUPLICATION DU CUBE ,
par le Cercle & la Ligne droite , ou
Reſolution Géometrique du Probléme
proposépar Monfieur Comiers.
Tuis que ce Probléme de la Duplication
du Cube qui a travaillé
tous les Géometres depuis plus de
deux
144
MERCURE
deux mille ans , fut autrefois pro
posé par l'Oracle d'Apollon aux
Habitans de l'iſfle de Delos , pour
estre délivrez de la Peste .
Ie répons laconiquement à Monfieur
Brunet , & de la mesme ma.
niere de l'Oracle , en deux Vers,
que les Sçavans expliqueront par
l'inspection de la Figure qui est
dansſon Livre.
Delta tuum MEA claudicat : At
MEs non ſecat æquè ,
Error in effe eſt, per quod ducitur
altera CR.
Tous les Géometres de l'Europe
pourront examiner ſi cet important
Probléme est résolu par Monſieur
Brunet , en attendant le jugement
qui en fera rendu par les
Iuges dont noussommes convenus.
Ce font Messieurs de l'Académie
Royale
GALANT. 145
Royale des Sciences, qui ayant esté
choisis entre les plus sçavans de
l'Europe par Monfieur Colbert , qui
employe si avantageuſement une
partie de ſes ſoins à faire perfectionner
les Arts & les Sciences
dans la plus floriſſante Monarchie
du Monde , compoſent un illustre
Sénat de veritables Infaillibles
dans la belle Phyſique & dans les
Mathématiques , puis qu'ils découvrent
toûjours si parfaitement le
Vray & le Faux , qu'ils n'ont jamais
esté trompez par les fauſſes
apparences de l'un , ny de l'autre.
C'est cequi a donné lieu a un Amy
de Monfieur Brunet de faire les
Vers ſuivans , qui parlent en premier
lieu à ces doctes luges, &puis
aux Cenfeurs ignorans , & cela à
l'imitation de la premiere des Satires
dePerse.jppara ز
Mars 1682 . G
146 L MERCURE
Vous qui jugez de tout ſans erreur
, ſans parrage, 3
Illuſtres Maiſtres des beaux
Arts,
Vers qui l'on court de toutes
parts,
Efprits dont les clartez ne ſouffrent
point d'ombrage,
Avos ſeuls jugemens je ſoûmets
cet Ouvrage,
Trop heureux, s'il arreſte un moment
vos regardsber
Pour vous qui ne ſuivez que les
Loix du caprice,
Eſprits impérieux & vains ,
Dont l'ignorance , ou l'injustice,
da
Fait un joüet des moeurs des plus
ages Humains.
Pour vous à qui les ſens ſervent
toûjours de guide,
Groffiers,qui ne voyez les choſes
qu'au dehors ,
80M Et 1
GALAN Τ. 147
Et dont le jugement , s'il peut
eftre folide,
Ne l'eſt qu'à decider ſur les defauts
du Corps.
Pour vous,Hommes enflez d'une
apparente gloire,
Et qui vous en faites accroire,
Parce qu'on vous a ved des petits
Magiſtrats
Dans la Place d'une Bourgade,
Soit par raiſon,ou par boutade,
Briſer aunes & poids , & mettre
tout à bas.
Pour vous , qui vous moquez de
nosMathématiques,
6
* De nos Nõbres,Lignes,& Plas,
Injuſtes & lâches Critiques.
Qu'on ne peut rendre plus contens
,
Qu'en arrachant la barbe aux
plus doctes Critiques.
Allez , je vous renvoye à paſſer
tous les jours ,
4
Gij
148
MERCURE
Le matin au Palais pour ſçavoir
des nouvelles ,
Le ſoir au Logis de vos Belles,
Pour vous entretenir de vos vai-
(
nes amours.
On m'a conté une Avanture
du Carnaval , qui vous fera voir
que le veritable Amour n'eſt
point volontaire.Une Veuve tresbien
faite , n'ayant point d'Enfans
& étant encor dans ſes plus
belles années, joüiſſoit avec plaifir
de la liberté que luy donnoit
le Veuvage. Parmy ceux qui la
voyoient , un Cavalier d'un fort
grand merite , luy rendoit des
foins affez affidus . Il avoit beaucoup
d'eſprit , & fortoit d'une
Maiſon qu'une ancienne Nobleſſe
égaloit aux plus illuſtres.
La Dame , à qui ſon attachement
étoit glorieux , ſe fit un honneur
:
d'entre
GALANT. 149
d'entreprendre ſa conqueſte ; &
pour ne la manquer pas , elle eut
pour luy des manieres engageantes
, qui luy firent prendre un
commencement d'amour. Il luy
conta des douceurs , luy dit cent
fois qu'elle eſtoit aimable ; & le
plaiſir de la voir luy eſtant ſenfible
, il crût l'aimer tout de bon ,
&fans prendre ſoin de bien connoiſtre
ſon coeur , il l'abandonna
à un penchant indiſcret, qui l'obligea
enfin de ſe déclarer. Certe
déclaration fut reçeue avec
plaifir. On la ſouhaitoit depuis
long temps, & le Cavalier plaisat
à la Dame, l'affaire eût été prom.
ptement conclue , ſans l'obstacle
d'un vieil Oncle dont il héritoir,
& qui s'eſtoit mis en teſte de le
marier à ſa fantaisie. Cet Oncle
eſtoit un Gentilhomme d'Anjou ,
qui pour retenir le Cavalier dans
Giij
150
MERCURE
ſon voiſinage, tâchoit de luy ménager
un Party fort riche. La Demoiſelle
qu'il euſt bien voulu luy
faire épouſer , n'avoit pas encor
treize ans . Elle estoit laide , donnoit
peu de marques d'avoir un
jour de l'eſprit, & tout ſon merite
étant dans ſon Bien ce ſeul avantage
ne pouvoit fuffire au Cavalier
, pour qui la beauté étoit un
grand charme. Il dit à la Dame
qu'elle devoit peu s'inquiéter
d'une recherche que l'on faifoit
malgré luy ,& dans laquelle quantité
de Concurrens le traverſoiét.
Il fut reſolu , que pour empécher
qu'elle n'euſtdes ſuites, il ſe rendroit
auprés du vieil Oncle , &
que ſans luy découvrir qu'il euſt
de l'engagement , il le prieroit de
le laiſſer libre dans le choix d'u
ne Maiſtreſſe. Il fit ce voyage ,
& négocia fi bien , que les Parens
GALANT.
151
rens de la Demoiselle diferant
toûjours à s'expliquer , afin d'avoir
à choiſir entre plus de Prétendans,
le vieil oncle luy permit
de ſe marier ſelon ſon coeur. Il le
quitta fort ravy de ce ſuccés,ſans
luy avoir parlé de la Dame ; &
à fon retour, il alla coucher chez
un Gentilhomme de ſes Amis ,
qui faiſoit fon ordinaire ſejour
dans une fort belle Terre à dix
ou douze lieuës de Paris. Le
Gentilhomme le retint le lende
main ,& pour l'obliger à ne partir
pas, il le pria d'un Soupé qu'il
donnoit ce jour- là meſme à une
fort belle Compagnie , l'aſſurant
qu'il verroit des Dames d'un
affez bon air , & entr'autres une
tres - aimable Parifienne , en faveur
de qui il ne vouloit point
le prévenir. L'Aſſemblée eſtoit
de dix ou douze Perſonnes , de
Giiij
152
MERCURE
luy
l'un & de l'autre Sexe. La Bel
le , dont le Gentilhomme luy
avoit parlé , s'y trouva avec ſa
Mere. C'eſtoit une grande Brune
, dont tous les traits eſtoient
animez , & qui brilloit d'un éclat
que les plus indiférens ne ſoûtenoient
qu'avec peine. Son eſprit
répondoit à ſa beauté. Elle l'avoit
delicat & vif, & tant d'agrément
eſtoit joint à ſes manieres ,
qu'elle ne diſoit ny ne faiſoit rien
qui ne donnaſt lieu de l'admirer.
Le Cavalier , qui avoit beaucoup
d'uſage du monde, trouva moyen
d'entrer avec elle dans une maniere
de converſation galante ;
& ſi ſa perſonne luy avoit d'abord
paru toute aimable , il fut
charmé de ſon entretien. Elle
parloit finement , & fes réponfes
à ce qu'on luy diſoit d'obligeant,
eſtoient accompagnées de
certains
GALANT.
153
certains regards qui penetroient
juſqu'au coeur. Tant que dura
le Soupé, il eut les yeux attachez
fur elle ,& quand il fut ſeul avec
ſon Amy , il ne luy pût parler
d'autre choſe. Comme il avoit
ſçeu ſon nom , il luy demanda
dans quel Quartier elle logeoit
à Paris ; fi elle y ſeroit bien- toſt
de retour , & fi fa Famille eſtoit
fort confiderable. Son Amy , qui
remarqua ſon empreſſement à
s'informer d'elle, luy dit en riant ,
qu'il priſt garde à luy , que la
Demoiſelle eſtoit dangereuſe ,
& qu'il devoit bien ſe conſulter
avant que chercher à la mieux
connoître . Il ajoûta,qu'elle paſſoit
ordinairement tout l'Eté à la
Campagne , qu'elle eſtoit d'une
Maiſon plus Noble que Riche ;
que s'il l'alloit voir,on le recevroit
la premiere fois avec beaucoup
Gv
154
MERCURE
de civilité , mais qu'aſſurément
on l'obligeroit de s'expliquer dés
la ſeconde viſite , ſa Mere vivant
dans la plus exacte regularité , & .
s'alarmant auſſi toſt de la veuë
d'un Homme , qui rendoit des
ſoins ſans parler de Mariage. Le
Cavalier réva un moment , & ne
voulut plus ſçavoir où logeoit la
Belle. Il partit le jour ſuivant, &
quoy qu'il puſt faire pour bannir
l'image qu'il en conſervoit , il
n'en ſçeut venir à bout. Cette
charmante Perſonne luy eſtoit
toûjours preſente , & il rentra à
Paris l'eſprit remply d'elle. La
Dame pour qui il avoit fait ce
voyage, ſçavoit à peu prés le jour
de ſon arrivée , & comme en le
revoyant elle avoit lieu d'attendre
de luy de grandes marques de
joye, il ſe trouvoit fort embaraſſe
de ne pouvoir ſe montrer à elle
qu'avec
GALAN T. I
qu'avec un eſprit diſtrait. Il alla
la voir ſi-toſt qu'il fut de retour,
&fans trop ſçavoir pourquoy , il
luy cacha qu'il euſt gagné le vieil
Oncle , & ſe contenta de dire
qu'ayant commencé de l'ébranler
, il avoit laiſſé auprés de luy
des Gens qui feroient le reſte. II
gagnoit du temps par là , & fi
quelquefois il luy échapoit quelque
réverie , il s'en excuſoit fur
les nouvelles qu'il diſoit avoir reçeuës
moins favorables que ſa
paſſion ne ſe les eſtoit promiſes.
Cependant par la maniere dont
fon coeur étoit touché,pour avoir
veu une ſeule fois la belle Brune
, il ouvrit les yeux ſur le faux
amour qu'il avoit pris pour la Dame,&
ne fentant point pour elle
la force de ce panchant, qui l'entraînoit
malgré luy vers l'autre, if
commença de trembler de l'engagement
156 MERCURE
gagement où il s'étoit mis.La Dame
qui s'ennuyoit du retardement,
luy dit pluſieurs fois qu'elle
avoit du Bien pour luy , & pour
elle , & que l'intereſt n'ayant
point de part à fon amour , elle
eſtoit preſte à luy en donner des
preuves ſenſibles , en l'épouſant
ſans l'aveu de l'Oncle . Le Cavalier
oppoſoit toûjours que ce ſeroit
renoncer à une importante
Succeffion , & qu'il valoit mieux
ſe contraindre encor pendant
quelque temps , que de s'expoſer
àfaire une perte fi confiderable.
La belle Saiſon finit , & le Cavalier,
guéry enfin par le temps d'une
idée flateuſe qui l'avoit trop
occupé , ſe préparoit à dire à la
Dameque ſon amour n'avoit plus
d'obſtacle, lors qu'étant venu un
matin chez elle, il vit entrer tout
d'un coup une Perſonne afſſez
negli
GALAN T. 157
1
negligée, qui la courant embrafſer
, en fut embraſſée de meſme,
avec de fort tendres marques
d'une amitié reciproque. C'eſtoit
juſtement la belle Brune , qui
eſtant arrivée de la Campagne
le ſoir précedent , avoit voulu la
furprendre fans luy faire faire
aucun meſſage. Elle demeuroit
dans la meſme Ruë , & ce voiſinage
avoit donné lieu à leur amitié.
Jugez de l'étonnement du
Cavalier,qui frapé encor plus vivement
par cette ſeconde veuë ,
eut de la peine à cacher ſon
trouble. Il fit compliment à cette
belle Perſonne ; & de la maniere
qu'il le fit , la Dame connut
que ce n'eſtoit pas la premiere
fois qu'ils ſe voyoient. Elle
apprit la rencontre du Soupé ,
& dit au Cavalier en riant , que
comme il verroit ſouvent fon
Amie
158
MERCURE
Amie chez elle , c'eſtoit à luy à
ſe munir de fidelité pour ſe ſauver
de ſes charmes. On plaiſanta
là-deſſus , & la converſation devint
tres- fpirituelle. Le Cavalier
qui reprit ſoudain ſon premier
feu , réfolut plus que jamais de
faire valoir l'obstacle de l'Oncle .
Rompre avec la Dame , ſe faire
aimer de la Belle , & obtenir
l'une ſans ſe la voir diſputer par
l'autre , c'eſtoient des choſes qui
luy paroiſſoient comme impoffibles
; mais il aimoit, & quelques
difficultez qu'on ait à combattre
, il ſuffit qu'on aime pour ſe
mettre en teſte que l'on peut
furmonter tout. L'affiduité qu'il
avoit depuis long- temps auprés
de la Dame , luy donnoit occafion
de ſe rencontrer chez elle
dans les heures que la Belle choiſiſſoit
pour la venir voir. Il en
manqua
GALANT.
159
manqua peu , & s'obſerva avec
tant de ſoin , que s'il tâchoit de
luy paroître agreable, c'étoit feulement
par un enjoüement d'efprit
, auquel il ſembloit que le
coeur n'euſt point de part. Il faiſoit
des Vers . La Belle en faiſoit
auſſi d'aſſez naturels ; & comme il
luy en donnoit devant la Dame,
qui marquoient avec des expreſfions
tres - paſſionnées , combien
il tiroit de gloire du choix qu'il
avoit fait pour aimer , elle ne faifoit
aucune façon d'en apporter
d'autres quelques jours aprés ,
qui l'exhortoient à eſtre fidelle
à la Perſonne du monde qui meritoit
le mieux d'eſtre aimée.
Tous les Vers du Cavalier étant
faits d'une maniere qui les faifoit
appliquer à l'engagement
qu'il avoit avec la Dame , elle
n'eut aucun ſoupçon de ce jeu
d'eſprit
160 MERCURE
d'eſprit qui ſe pratiquoit ouver
tement , & qui paroiffoit tourner
à ſon avantage. Ce fut par
là cependant que le Cavalier
vint à bout de ſon deſſein. Un
jour que la Dame l'avoit laiſſé
ſeul avec la Belle , il luy dit , en
luy jettant des regards tout pleins
d'amour , qu'il faifoit parfaitement
, ce que ſes Vers luy faifoient
connoître qu'elle ſouhaitoit
qu'il fiſt ; c'eſt à dire qu'il aimoit
toûjours de plus en plus la
belle Perſonne pour qui les ſiens
eſtoient faits. La Belle luy répondit
que fon Amie eſtoit trop
aimable pour n'inſpirer pas la
plus forte paffion ; & fur ce qu'il
ajoûta qu'il ne ſe tiendroit heureux
, que quand ſes Vers luy
plairoient , faits pour un autre
que pour fon Amie , elle rougit,
demeura embaraſſée , & quelque
GALAN T. 161
que effort qu'elle fiſt pour cacher
ſon trouble en détournant
le diſcours , il s'aperçeut aifément
qu'elle estoit entrée dans
ce qu'il avoit voulu luy faire entendre
, & eut grande joye d'avoir
fait ce premier pas. La Dame
rentra , & le Cavalier demeura
fort enjoüé. Il fit d'autres Vers.
La Belle y répondit à ſon ordinaire
, & les conſeils qu'elle luy
donnoit d'augmenter toûjours ſa
paſſion , luy faiſant croire qu'elle
conſentoit à eſtre aimée , il
réſolut de ſe déclarer ſans aucun
détour , & profita pour cela des
moindres occaſions qu'il eut de
luy parler ſeul. La Belle le traita
d'extravagant ; mais quoy
qu'elle fiſt des plaiſanteries de
tout ce qu'il luy diſoitde paffionné,
elle l'écoutoit quoy qu'il vouluſt
dire ; ou fi quelquefois la
bien
162
MERCURE
bienſéance l'obligeoit à prendre
ſon ſérieux , en mefme temps
qu'elle luy peignoit la honte que
ſon infidelité luy attireroit , la
douceur de ſes regards l'invitoit
ſecretement à eſtre infidelle.
Comme jamais il n'avoit que des
momens à l'entretenir, il ne pou
voit s'expliquer aſſez pour luy
oſter ſes ſcrupules ; mais c'eſtoit
toûjours beaucoup pour luy ,
qu'elle connuſt les ſentimens de
fon coeur , & qu'elle en fiſt un
ſecret à fon Amie. Tandis que
ſa paffion prenoit d'agréables
eſperances , il arriva une choſe
qui luy fit croire que tout conſpiroit
à le rendre heureux . Un
Financier , Favory de la Fortu
ne , & qui fans aucun merite
étoit parvenu à de grands Biens,
ayant veu la Dame en quelque
lieu , ſe laiſſa piquer de fon agré
ment,
GALANT .
163
ment , & ne doutant point que
le brillant de ſon or n'euſt dequoy
charmer les plus délicates,
il la vint voir dés le lendemain ,
& débuta par le Mariage. Il n'aimoit
point à languir , & une ſi
prompte déclaration luy épargnoit
des cerémonies d'Amant ,
qui n'eſtoient point de ſon caractere
. Quoy que la Dame fuſt
fort incapable d'être ébloüie par
le Bien , elle crûc que ſes affaires
n'en iroient que mieux , ſi le
Cavalier craignoit de la perdre ;
& dans cette veuë elle répondit
avec beaucoup de reconnoiſſance
à la declaration du Financier
, & le pria ſeulement de luy
accorder un mois , pendant lequel
ils ſe connoiſtroient l'un
l'autre. Le terme étoit long pour
luy. Il vouloit conclurre ; & fi
la Dame l'euſt crû , deux jours
::
auroient
164 MERCURE
auroient terminé la choſe. Il falut
pourtant qu'il s'accommodaſt
du retardement. Elle conta
l'Avanture au Cavalier , & la
crainte qu'il devoit avoir d'un
Rival ſi redoutable , ne luy donna
point plus d'empreſſement
pour l'époufer. Il dit à la Dame,
que plus la fortune le favoriſoit,
plus il ſe croyoit indigne qu'elle
y renonçaſt pour luy, s'il ne s'affuroit
la Succeſſion de l'Oncle ;
que cet Oncle refuſoit toûjours
de s'expliquer , & qu'il falloit
attendre ſa mort , qui ne pouvoit
qu'eſtre proche,ou que ſes Amis
cuſſent obtenu le conſentement
qu'il luy faiſoit demander. Il
crût la rebuter par cette réponſe
, & elle de ſon coſté demeura
perfuadée qu'en voyant ſouvent
le Financier , elle le rendroit jaloux
, & que craignant qu'elle
ne
GALANT. 165
ne changeaſt , il ceſſeroit d'avoir
les égards qui l'empeſchoient de
conclure. Ainſi elle fit toûjours
bon viſage au Financier , quoy
que ſes manieres luy dépluſſent ;
& le Cavalier par politique ,
luy témoignoit quelquefois qu'il
en eſtoit alarmé. Elle répondoit
qu'il avoit ſujet de l'eſtre , que
les Femmes n'eſtoient pas toûjours
conſtantes , & qu'un Fi
nancier qui offioit toute forte
d'avantages , eſtoit un Rival à
craindre . Le Cavalier ne ſouhaitant
rien plus ardemment que
de le voir infidelle , luy diſoit
en ſoupirant , que s'il arrivoit
que ſon Rival fuſt heureux , il
ne ſe plaindroit que de ſon malheur.
Pendant ce temps , le Financier
vit la belle Brune. Comme
elle plaiſoit à tout le monde,
il ne faut pas s'étonner ſi elle
luy
166 MERCURE
luy plût. Il apprit qui elle étoit ,
&dit à la Dame fort naïvement,
qu'il étoit fâché de ne l'avoir
pas connuë avant elle ; qu'ayant
tres- peu de fortune , elle auroit
fur l'heure conſenty à l'épouſer,
& n'euſt pas mis ſon amour à
une fi longue épreuve. Cela luy
donnoit un nouveau pretexte de
preffer la Dame , qui aprés pluſieurs
remiſes étoit fort embaraffée
de ſe voir enfin dans les derniers
jours du Carnaval. Le Financier
prenoit pour affront qu'elle
prétendît le faire encor attendre
apres Paſques;& comme le temps
qu'il avoit eſté contraint de luy
accorder, étoit expiré depuis plus
de quinze jours , il vouloit abſolument
terminer ou rompre. Les
choſes étoient en cet état, quand
le Cavalier flatté des marques
d'eſtime qu'il recevoit de la belle
Brune,
GALANT.
167
Brune, crût qu'il y alloit de tout
ſon bonheur de s'expliquer avec
elle plus préciſement qu'il n'avoit
fait. Il l'attendit à l'Eglife,
d'où il revint pluſieurs fois ſans
luy parler , parce qu'elle accompagnoit
ſa Mere ;& enfin l'ayant
un jour trouvée ſeule , il l'atreta
dans le temps qu'elle en for
toit. La Belle, à qui les occafions
de l'écouter n'eſtoient pas toûjours
preſentes reçent affez
agreablement tout ce qu'il luy
dit de ſon amour ; & comme il
la preſſoit de ſedeclarer , elle rés
pondit que lors qu'il feroit fans
engagement , il n'auroit pas lieu
de ſe plaindre d'elle. L'inquié.
tude qu'elle fit paroiſtre d'eſtre
dans un lieu où elle pouvoit
eſtre obſervée , l'obligearde la
prierde luy en marquer un autre
, où il puſt en liberté luy faire
con
168 MERCURE
connoiſtre qu'elle n'avoit rien à
craindre d'un engagement qui
eſtoit preſt de finir. Elle ne luy
fit aucune réponſe , ſon Amie
ayant paru dans le même temps .
Elle venoit à l'Eglife , & les avoit
apperçeus de loin . L'action avec
laquelle ils parloient , luy ayant
eſté ſuſpecte , elle fut ſurpriſe,
quand elle aborda la Belle , de
la voir embaraſſée. Elle feignit
de ne le point remarquer , &
aprés quelques paroles des plus
obligeantes , elle la quitta , &
donna la main au Cavalier. Ils
entrerent à l'Eglife , & la Belle
alla chez elle. La Dame eut
dés- lors quelque ſoupçon de l'amour
du Cavalier, & l'impatience
de s'en éclaircir ne luy couta
pas de longues peines , puis
que le hazard la fatisfit dés le
lendemain. Elle regaloit le foir
une
GALANT. 169
une belle Compagnie ; & le Cavalier,
qui s'eſtoit rendu chez elle
avant tous les autres ,laiſſa tomber
un Billet. Elle mit le pied
deffus fans qu'il y prift garde, &
ſe baiſſant comme pour remedier
à un Soulier qui l'incommodoit,
elle s'en ſaiſit adroitement ,
&l'alla lire ſi toſt qu'il fut venu
d'autre monde. Elle reconnut
foudain l'écriture de la Belle.
Le billet portoit, que s'il vou--
loit continuer la converſation
dans laquelle ils avoient eſté interrompus
le jour précedent , il
pouvoit le rédre ſurles onze heuresdu
foir chez Madamela Marquiſe
de... àqui on donnoit le Bal,
que cette Maiſon eſtant tres- voifine,
elley viedroit en Egyptienne,&
qu'il pourroit luy faire connoiſtre
s'il eſtoit vray que ſa bonne
fortune dépendiſt d'elle . La
Mars 1682 .
H
170
MERCURE
lecture de ce Billet convainquit
laDame de l'intelligenceduCavalier
& de fon Amie. Pour
mieux ſçavoir juſqu'où elle alloit
, elle fongea auſſitoſt à prendre
ſa place , ne doutant point
que l'amour ne rendiſt le Cavalier
diligent,& qu'elle ne pût prévenir
la Belle, en venant au Lieu
marqué avant l'heure qu'elle
luy avoit donnée. Elles eſtoient
toutes deux de la meſme taille,
& fous un maſque , elle pouvoit
déguiſer ſa voix. Ce deſſein
eſtant formé , elle donna ordre à
ſa Suivante, de luy tenir preſt un
Habit d'Egyptienne ,& vint retrouver
la Compagnie dans un
enjoüement qui ne pouvoitmieux
cacher qu'elle euſt quelque choſe
en teſte. On ſoupa , & incontinent
apres , elle propoſa diverſes
tables de Jeu. Elle ſe mit
d'une
GALAN T. 171
d'une partied'Hombre ; & le Car
valier, qui avoit prié qu'on le dif
penſaſt d'en eſtre , ſe retira dans
lemeſme temps qu'il luy vit tenir
des Cartes. La Dame n'en
perdit point. Elle obligea une
AmiedeprendrefonJeu pendant
une heure,& eſtant montéedans I
fon Cabinet , elle s'habilla fort
promptement ,& courut au ren- 1
dez vous.Elle eut bien tôtlaper-p
çeuleCavalier, qui dans ſon impatience
obſervoit tous les Maf
ques qui entroient,&qui voyano
une Egyptienne , futaiſement
trompé par ſa taille. Elle luyidir !
enle tirant un peu àquartier,que
ſa põctualité luy devoit faire con-!
noître , combien elle avoit trouνά
de charmes dans la converſation
qu'elle venoit luy donnermoyen
de pourſuivre. Les remercîmens
du Cavalier furent meſlezado
RUOUE Hij
172 MERCURE
mille aſſurances du plus tendre
amour, & apres qu'il en eut exageré
toutela force,il luydit qu'elledevoit
avoir l'eſprit en repos
fur les reproches qui luy paroif.
foient àcraindredu coſté de fon
Amids qu'eſtant befolų de ne
l'épouſer jamais, il s'en défendoit
depuis plus de quatre mois , fur
le prétendu obſtacle d'un Oncle
qui ne luy caufoit aucun embar-b
ras que rebutée des longueurs
de cet obſtacle , elle avoit preſté
l'oreille àun Financier , dont le
grand Bien commençoit à l'é
bloüirsqu'il fe conduiroitde forte,
qu'il l'obligeroit enfin à ne pas
laiſſer échaper une ſi grande fortune;&
que quand le Financier
l'auroit épousée, rien ne s'oppofant
à leur amour , il leur feroit
fort aifé de le faire réüſſir , ſans
quel'un ny l'autre en reçeuſſent
H aucun
.
IGALANT.
+173
:
aucun blame. La Dame feignit
d'e ſtre fort contente , & dit que
pourveu qu'il fut conſtant , elle
voyoit tout à eſperer ; mais qu'il
priſt bien garde... Il ne fouffrit
point qu'elle achevaſt , & mille
fermens qui luy firent voir la
plus violente paffion , furent la
fin de cet entretien. La Dame
parlant toûjours au nom de la
Belle , témoigna craindreque ſa
Mere , qu'elle diſoit avoir laiſſée
endormie,ne la demandaſt ſi elle
venoit à s'éveiller,& elle ſe hafta
de fortir ſous ce prétexte. Le Cavalier
voulut la conduire , mais
elle uſa d'une autorité fi abſoluë
pour le faire demeurer , qqu'il
fut contraint de luy obeïr. Il
reſta peu dans cette Afſem
blée, & alla chez luy reſver en re
pos à fon bonheur. La Bely
le n'eſtant venue qu'à minuit,
Hiij
174 MERCURE
parce que ſa Mere s'eſtoit couchée
tard , l'attendit juſqu'à une
heure , & s'en retourna pleine
de dépit qu'il euſt fait ſi peu de
cas du ſeul rendez - vous qu'il
avoit eu d'elle. Ce que je viens
de vous dire arriva le Jeudy
gras. Le lendemain , le ſoin de
la Dame fut d'exécuter ce qu'elle
avoit médité toute la nuit.
Le Financier vint la voir , &
la preſſa , comme il avoit déja
fait plus d'une fois , de luy déclarer
déterminement ce qu'elle
avoit réſolu de faire . Quelque
Bien qu'il euſt , elle ne balançoit
point à demeurer toûjours Veuve
, plutoſt que de faire un choix
qui gefnaſt ſon coeur , mais le
Financier luy eſtoit utile pour
la vangeance qu'elle s'eſtoit
propofée. Elle connoiſſoit fon
foible & le voyant dans.
2
Pen
GALANT.
175
l'enteſtement de ſe marier avant
le Careſme, elle affecta une bonnefoy
dont il n'avoit aucun intereſt
àdeveloper la caufe. Apres
luy avoir marqué grande paſſion
de le voir toûjours de ſes Amis,
elle lay dit qu'elle avoit tâché
de rompre un engagement ſecret
que le Cavalier & elle
avoientpris enſemble,& que n'en
pouvant venir à bout , elle le
prioit ,puis qu'il eſtoit impoſſible
qu'elle le donnaſt à luy , de vouloir
bien épouſer une autre ellemeſime;
qu'il conoiſſoit ſon Amie;
qu'elle estoit tres -belle , avoit
mille bonnes qualitez , & qu'en
faifant la fortune d'une Fille de
naiſſance, il trouvoit moyen de ſe
rendre heureux. Le Financier,
dont les yeux régloient l'amour,
n'eut aucune peine à confentir
a
àl'échange. Il répondit que la
Hij
160 MERCURE
d'eſprit qui ſe pratiquoit ouver
tement , & qui paroiffoit tourner
à ſon avantage. Ce fut par
là cependant que le Cavalier
vint à bout de ſon deſſein . Un
jour que la Dame l'avoit laiſſe
ſeul avec la Belle , il luy dit , en
luy jettant des regards tout pleins
d'amour , qu'il faifoit parfaitement
, ce que ſes Vers luy faifoient
connoître qu'elle ſouhaitoit
qu'il fiſt ; c'eſt à dire qu'il aimoit
toûjours de plus en plus la
belle Perſonne pour qui les ſiens
eſtoient faits. La Belle luy répondit
que ſon Amie eſtoit trop
aimable pour n'inſpirer pas la
plus forte paſſion ; & fur ce qu'il
ajoûta qu'il ne ſe tiendroit heureux
, que quand ſes Vers luy
plairoient , faits pour un autre
que pour ſon Amie , elle rougit,
demeura embaraffée , & quelque
GALAN T. 161
que effort qu'elle fiſt pour cacher
ſon trouble en détournant
le diſcours , il s'aperçeut aiſément
qu'elle estoit entrée dans
ce qu'il avoit voulu luy faire entendre
, & eut grande joye d'avoir
fait ce premier pas. La Dame
rentra , & le Cavalier demeura
fort enjoüé. Il fit d'autres Vers.
La Belle y répondit à ſon ordinaire
, & les conſeils qu'elle luy
donnoit d'augmenter toûjours ſa
paſſion , luy faiſant croire qu'elle
conſentoit à eſtre aimée , il
réſolut de ſe déclarer ſans aucun
détour , & profita pour cela des
moindres occaſions qu'il eut de
luy parler ſeul. La Belle le traita
d'extravagant ; mais quoy
qu'elle fiſt des plaiſanteries de
tout ce qu'il luy diſoitde paffionné,
elle l'écoutoit quoy qu'il vouluſt
dire ; ou fi quelquefois la
bien
162 MERCURE
:
bienſéance l'obligeoit à prendre
ſon ſérieux , en meſme temps
qu'elle luy peignoit la honte que
ſon infidelité luy attireroit , la
douceur de ſes regards l'invitoit
ſecretement à eſtre infidelle.
Comme jamais il n'avoit que des
momens à l'entretenir, il ne pou
voit s'expliquer aſſez pour luy
oſter ſes ſcrupules ; mais c'eſtoit
toûjours beaucoup pour luy ,
qu'elle connuſt les ſentimens de
fon coeur , & qu'elle en fiſt un
ſecret à fon Amie . Tandis que
ſa paffion prenoit d'agréables
eſperances , il arriva une choſe
qui luy fit croire que tout conſpiroit
à le rendre heureux. Un
Financier , Favory de la Fortu
ne , & qui ſans aucun merite
étoit parvenu à de grands Biens,
ayant veu la Dame en quelque
lieu , ſe laiſſa piquer de fon agré
ment,
GALANT .
163
ment , & ne doutant point que
le brillant de ſon or n'euſt dequoy
charmer les plus délicates,
il la vint voir dés le lendemain ,
& débuta par le Mariage. Il n'aimoit
point à languir , & une ſi
prompte déclaration luy épargnoit
des cerémonies d'Amant ,
qui n'eſtoient point de ſon caractere
. Quoy que la Dame fuſt
fort incapable d'être ébloüie par
le Bien , elle crûc que ſes affaires
n'en iroient que mieux , ſi le
Cavalier craignoit de la perdre ;
& dans cette veuë elle répondit
avec beaucoup de reconnoiſſance
à la declaration du Financier
, & le pria ſeulement de luy
accorder un mois , pendant lequel
ils ſe connoiſtroient l'un
l'autre. Le terme étoit long pour
luy. Il vouloit conclurre ; & fi
la Dame l'euſt crû , deux jours
auroient
164 MERCURE
auroient terminé la choſe. Il falut
pourtant qu'il s'accommodaſt
du retardement. Elle conta
l'Avanture au Cavalier , & la
crainte qu'il devoit avoir d'un
Rival ſi redoutable , ne luy donna
point plus d'empreſſement
pour l'époufer. Il dit à la Dame,
que plus la fortune le favoriſoit,
plus il ſe croyoit indigne qu'elle
y renonçaſt pour luy, s'il ne s'affuroit
la Succeffion de l'Oncle ;
que cet Oncle refuſoit toûjours
de s'expliquer , & qu'il falloir
attendre ſa mort, qui ne pouvoit
qu'eſtre proche,ou que ſes Amis
cuſſent obtenu le conſentement
qu'il luy faiſoit demander. Il
crût la rebuter par cette réponſe
, & elle de ſon coſté demeura
perfuadée qu'en voyant ſouvent
le Financier , elle le rendroit jaloux
, & que craignant qu'elle
ne
GALANT. 165
1
ne changeaſt , il ceſſeroit d'avoir
les égards qui l'empeſchoient de
conclure. Ainſi elle fit toûjours
bon viſage au Financier , quoy
que ſes manieres luy dépluſſent ;
& le Cavalier par politique ,
luy témoignoit quelquefois qu'il
en eſtoit alarmé . Elle répondoit
qu'il avoit ſujet de l'eſtre , que
les Femmes n'eſtoient pas toûjours
conſtantes , & qu'un Fi
nancier qui offiroit toute forte
d'avantages , eſtoit un Rival à
craindre . Le Cavalier ne ſouhaitant
rien plus ardemment que
de le voir infidelle , luy diſoit
en ſoûpirant , que s'il arrivoit
que ſon Rival fuſt heureux , il
ne ſe plaindroit que de ſon malheur.
Pendant ce temps , le Financier
vit la belle Brune. Comme
elle plaiſoit à tout le monde,
il ne faut pas s'étonner ſi elle
luy
166 MERCURE
luy plût. Il apprit qui elle étoit,
&dit à la Dame fort naïvement,
qu'il étoit fâché de ne l'avoir
pas connuë avant elle ; qu'ayant
tres- peu de fortune , elle auroit
fur l'heure conſenty à l'épouſer,
& n'euſt pas mis ſon amour à
une fi longue épreuve. Cela luy
donnoit un nouveau pretexte de
preffer la Dame , qui aprés pluſieurs
remiſes étoit fort embaraffée
de ſe voir enfin dans les derniers
jours du Carnaval. Le Financier
prenoit pour affront qu'elle
prétendît le faire encor attendre
aprés Paſques;& comme le temps
qu'il avoit eſté contraint de luy
accorder, étoit expiré depuis plus
de quinze jours , il vouloit abſolument
terminer ou rompre. Les
choſes étoient en cet état, quand
le Cavalier flatté des marques
d'eſtime qu'il recevoit de la belle
!
Brune,
}
167
GALANT.
Brune, crût qu'il y alloit de tout
ſon bonheur de s'expliquer avec
elle plus préciſement qu'il n'avoit
fait. Il l'attendit à l'Eglife,
d'où il revint pluſieurs fois ſans
luy parler , parce qu'elle accompagnoit
ſa Mere ;& enfin l'ayant
un jour trouvée ſeule , il l'arrêta
dans le temps qu'elle en for
toit. La Belle, à qui les occafions
de l'écouter n'eſtoient pas toûjours
preſentes 1, recent affez
agreablement tout ce qu'il luy
dit de ſon amour ; & comme il
la preſſoit de ſedeclarer , elle rés
pondit que lors qu'il feroit fans
engagement , il n'auroit pas lieu
de ſe plaindre d'elle. L'inquiétude
qu'elle fit paroiſtre d'eſtre
dans un lieu où elle pouvoit
eſtre obſervée , l'obligea de la
prierde luy en marquer un autre
, où il puſt en liberté luy faire
con
168 MERCURE
connoiſtre qu'elle n'avoit rien à
craindre d'un engagement qui
eſtoit preſt de finir. Elle ne luy
fit aucune réponſe , ſon Amie
ayant paru dans le même temps.
Elle venoit à l'Eglife , & les avoit
apperçeus de loin. L'action avec
laquelle ils parloient , luy ayant
eſté ſuſpecte , elle fut ſurpriſe,
quand elle aborda la Belle , de
la voir embaraſſée. Elle feignit
de ne le point remarquer , &
aprés quelques paroles des plus
obligeantes , elle la quitta , &
donna la main au Cavalier. Ils
entrerent à l'Eglife , & la Belle
alla chez elle . La Dame eut
dés- lors quelque ſoupçon de l'amour
du Cavalier, & l'impatience
de s'en éclaircir ne luy couta
pas de longues peines , puis
que le hazard la fatisfit dés le
lendemain. Elle regaloit le foir
une
GALANT. 169
une belle Compagnie ; & le Cavalier,
qui s'eſtoit rendu chez elle
avant tous les autres,laiſſa tomber
un Billet. Elle mit le pied
deffus fans qu'il y prift garde, &
ſe baiffant comme pour remedier
à un Soulier qui l'incommodoit
, elle s'en ſaiſit adroitement ,
& l'alla lire ſi toſt qu'il fut venu
d'autre monde. Elle reconnut
foudain l'écriture de la Belle.
Le billet portoit, que s'il vou--
loit continuer la converſation
dans laquelle ils avoient eſté interrompus
le jour précedent , il
pouvoit le rédre ſurlesonze heures
du foir chez Madamela Marquiſe
de... à qui on donnoit le Bal,
que cette Maiſon eſtant tres- voifine,
elley viedroit en Egyptienne,&
qu'il pourroit luy faire connoiſtre
s'il eſtoit vray que ſa bonne
fortune dépendiſt d'elle. La
Mars 1682 . H
170 MERCURE
lecture de ce Billet convainquit
laDame de l'intelligenceduCavalier
& de fon Amie. Pour
mieux ſçavoir juſqu'où elle alloit
, elle fongea auffitoſt à prendre
ſa place , ne doutant point
que l'amour ne rendiſt le Cavalier
diligent,& qu'elle ne pût prévenir
la Belle, en venant au Lieu
marqué avant l'heure qu'elle
luy avoit donnée. Elles eſtoient
toutes deux de la meſme taille,
& ſous un maſque , elle pouvoit
déguiſer ſa voix. Ce deſſein
eſtant formé , elle donna ordre à
ſa Suivante, de luy tenir preſt un
Habit d'Egyptienne ,& vint retrouver
la Compagnie dans un
enjoüement qui ne pouvoitmieux
cacher qu'elle euſt quelque chofe
en teſte. On foupa , & incontinent
apres , elle propoſa diverſes
tables de Jeu. Elle ſe mit
d'une
1
GALANT. 171
A
d'une partied'Hombre; & le Car
valier, qui avoit prié qu'on le dif
penſaſt d'en eſtre , ſe retira dans
lemeſme temps qu'il luy vit tenir
des Cartes. La Dame n'en
perdit point. Elle obligea une
Amie de prendre fonJeupendant .
une heure,& eſtant montéedans !
fon Cabinet , elle s'habilla fort
promptement ,& courut au ren- 1
dez vous. Elle eut bientôtlaper-p
çeu leCavalier, qui dans ſon impatience
obſervoit tous les Maf
ques qui entroient,&qui voyant I
une Egyptienne , futaifément
trompé par ſa taille. Elle luyidir !
en le tirant un peu àquartier,que
ſa põctualité luy devoit faire con-l
noître , combien elle avoittrouνά
de charmes dans la converſation
qu'elle venoit luy donner moyen
de pourſuivre. Les remercîmens
du Cavalier furent meſlezado
Hij
172 MERCURE
A
1
mille aſſurances du plus tendre
amour,& apres qu'il en eut exageré
toutela force,il luydit qu'elledevoit
avoir l'eſprit en repos
fur les reproches qui luy paroif.
foient àcraindre du coſté de ſon
Amids qu'eſtant befolų de ned
l'épouſerjamais,il s'en défendoit
depuis plus de quatre mois , fur
le prétendu obſtacle d'un Oncle
quine luy caufoit aucun embar- b
ras que rebutée des longueurs
de cet obſtacle , elle avoit preſté
l'oreille à un Financier , dont le
grand Bien commençoit à l'éan
bloüirsqu'il ſe conduiroit de forte, 3
qu'il l'obligeroit enfin à ne pas
laiſſer échaper une ſi grande for
tune;& que quand le Financier
l'auroit épousée, rien ne s'oppofant
à leur amour, il leur feroit
fort aifé de le faire réüſſir , ſans.
quel'un ny l'autre en reçeuſſent
aucun
IGALANT. 73
aucun blame. La Dame feignit
d'e ſtre fort contente , & dit que
pourveu qu'il fut conſtant , elle
voyoit tout à eſperer ; mais qu'il
priſt bien garde... Il ne fouffrit
point qu'elle achevaſt , &mille
fermens qui luy firent voir la
plus violente paſſion , furent la
fin de cet entretien. La Dame
parlant toûjours au nom de la
Belle , témoigna craindreque ſa
Mere ,qu'elle diſoit avoir laiſſée
endormie,ne la demandaſt ſi elle
venoit à s'éveiller, & elle fe hafta
de fortir ſous ce prétexte. Le Cavalier
voulut la conduire , mais
elle uſa d'une autorité fi abſoluë
pour le faire demeurer , qu'il
fut contraint de luy obeïr. Il
reſta peu dans cette Afſem
blée , & alla chez luy reſver en re
pos à fon bonheur. La Bely
le n'eſtant venue qu'à minuit,
:
Hiij
174
MERCURE
parce que ſa Mere s'eſtoit couchée
tard , l'attendit juſqu'à une
heure , & s'en retourna pleine
de dépit qu'il euſt fait ſi peude
cas du ſeul rendez - vous qu'il
avoit eu d'elle. Ce que je viens
de vous dire arriva le Jeudy
gras. Le lendemain , le ſoin de
la Dame fut d'exécuter ce qu'elle
avoit médité toute la nuit.
Le Financier vint la voir , &
la preſſa , comme il avoit déja
fait plus d'une fois , de luy déclarer
déterminement ce qu'elle
avoit réſolu de faire . Quelque
Bien qu'il euſt , elle ne balançoit
point à demeurer toûjours Veuve
, plutoſt que de faire un choix
qui gefnaſt ſon coeur , mais le
Financier luy eſtoit utile pour
la vangeance qu'elle s'eſtoit
propoſée. Elle connoiffſoit fon
foible & le voyant dans.
2
fen
GALANT..
175
l'enteſtement de ſe marier avant
le Careſme, elle affecta une bonne
foy dont il n'avoit aucun intéreſt
à developer la caufe. Apres
luy avoir marqué grande paffion
de le voir toûjours de ſes Amis,
elle lay dit qu'elle avoit tâché
de rompre un engagement ſecret
que le Cavalier & elle
avoientpris enſemble,& que n'en
pouvant venir à bout , elle le
prioit , puis qu'il eſtoit impoſſible
qu'elle le donnaſt à luy , de vouloir
bien épouſer une autre ellemeſme,
qu'il conoiſſoit ſon Amie;
qu'elle estoit tres-belle , avoit
mille bonnes qualitez , & qu'en
faifant la fortune d'une Fille de
naiſſance, il trouvoit moyen de ſe
rendre heureux. Le Financier,
dont les yeux régloient l'amour,
n'eut aucune peine à confentir
àl'échange. Il répondit que la
Hij
176 MERCURE
Demoiſelle luy plaiſoit aſſez,mais
qu'il ne vouloit donner aucune
parole, àmoins qu'on ne l'aſſurât
queleMariage ſe feroit en vingtquatre
heures.La Dame qui ne
ſouhaitoit rien tant que la promptitude
, ſe chargea du ſoin de
cette affaire , & luy demanda le
reſte du jour pour la propoſer à
la Mere de la Belle.Jamais propofition
ne pouvoitdonner plus de
joye à cette Mere. Il fut arreſté
qu'on garderoit le ſecret,& que
la Fille elle-meſme n'apprendroit
rien de ce Mariage , que dans le
moment qu'il faudroit qu'elle fignaſt.
Le jour ſuivant , qui eftoit
le Samedy , la Dame amena
le Financier chez la Mere.
Il l'entretient en particulier.
Le Notaire vint , & l'on fit alors
ſçavoir à la Belle pourquoy on
l'avoit mandé . Le ton abſolu
:
dont
GALANT. 17
dontſa Mere luy parla , la haute
fortune que luy affuroit ce Mariage
, & le ſujet qu'elle croyoit
avoir de ſe plaindre des mépris
du Cavalier , tout cela luy
fit une impreſſion fi forte , qu'elle
figna comme on le voulur.
Le Financier plein de joye , alla
donner ordre aux Bans , & en fit
publier un le lendemain à la
grande Meſſe , apres laquelle on
les maria. La Cerémonie venoit
d'eſtre faite , quand le Cavalier
entra dans l'Eglife. Il connut
bientoſt par l'empreſſement des
Curieux , qu'il y avoit une Ma
riée ; & entendant dire qu'elle
eſtoitde qualité , il s'avança pour
la voir. Quel coup de foudre
quand il remarqua la Belle ! Η
fit un cry qui ſurprit tous ceux
qui l'entendirent. La Dame ,
qui estoit du Mariage , tourna
178 MERCURE
la teſte vers luy ,& ſe ſéparade
la Compagnie ,pour ſe donner le
plaifir d'aller infulter à ſa douleur.
Ah, Madame, qu'ay je veu,
luy dit- il tout conſterné ? Sa
réponſe fut qu'elle eſtoit contente
, puis que le chagrin où il eftoit
luy faiſoit connoiſtre que rien
ne manquoit à ſa vangeance.
Alors elle luyparla duBillet trouvé,
de ſon Perſonnage d'Egyptienne,
du bonheur qu'elle avoit
eude marier promptement la Belle
; & apres luy avoir dit qu'il
pouvoit donner ſon coeur fans
apréhender qu'elle y mit obſtacle
, elle le quita , en luy défendant
de la voir jamais. Il demeura
abîmé dans ſa douleur,
& le deſeſpoir d'avoir perdu par
fon imprudence la ſeule Perſonne
qu'il ſe ſentoit capable d'aimer
, le rendant inconfolable ,
il
GALANT. 179
il abandonna Paris , pour cacher
à ſes Amis l'accablement
où il ſe trouvoit. On ne m'a point
dit ſi la fierté de la Dame l'a
guérie de ſon amour. Je ſçay
ſeulement que le Financier adore
la Belle , & que l'abondance où
elle eſt de toutes chofes , ne luy
laiſſe aucun ſujet de regreter ce
qu'elle a perdu.
Il ſeroit pourtant à fouhaiter
pour le bonheur de beaucoupde
Filles , que les Meres imitaſſent
I'Hirondelle de la Fable , pour
empeſcherles engagemens que la
venëduBien fait prendre malgré
l'inégalité de l'âge. Les jeunes
Perſonnes les trouvent bienlongs
avec des Vieillards , qu'on les
contraint fouventd' époufer parce
qu'ils font riches , & il eſt rare
que les Mariages foient heureux
quand ils font mal aſſortis..
Ecoutez
180 MERCURE
Ecoutez comment on fait parler
un Oyſeau fur cette matiere.
1
6
L'HIRONDELLE
Ο
FABLE
Nm'a conté que l'autre jour
Une belle jeune Hirondelle
Sefentant épriſe d'amour,
Alla trouver sa Mere, & prendre
conseil d'elle.
Elle luy dit. Je ſens dedans mon
coeur يف
Une ſecrete & charmante langueur,
Et je- ne- ſçay quoy de ſi tedre ,
Qu'il eft obligé de ſe rendre
Aux doux appas de l'Amour ſon
Vainqueur.
J'aime je ne puis plus diſſimuler
ma flame
Pour
GALANT. 181
Pour un aimable Sanſonnet..
Si vous voulez c'eſt bien mon
fait,
Il ſera mon Epoux, & je ſeray fa
Femme.
Je le vis hyer ſur un Ormeau.
C'eſt à mes yeux des Oyſeaux
le plus beau.
Il me ravit par ſon plumage ;
Mais quand j'entendis ſon ramage2
I
Et les doux accens de ſa voix ,
Il me charma bien davantage
Qu'aucunde ceux qui chantent
dans les Bois .
9.107
Ma Mere , dites-moy qu'est- ce

qu'il vous en ſemble ?
Ne vivrons- nous pas bien enſemble
?
c
Ma chere Enfant , je ne conteſte
pas,
Repartit la Mere Hirondelle,
25
Que
182 MERCURE
Que voſtre Sanſonnet n'ait de
brillans appas
Qui peuvent toucher une belle 3
Mais quand il feroit plus parfait,
Amon avis , ce n'eſt point voſtre
fait.
Pour vivre dans le Mariage ,
Il faut l'egalité pour l'humeur &
pour l'âge .
Vous aimez le Printemps , le ſeul
Hyver luy plaiſt .
Il choiſit pour fifler la ſaiſon de
labiſe ;
Et vous , vous gazoüillez quand
la terre s'eſtmiſe
Dans ſes habit d'un verdoyant
appreſt.
Une humeur fi contraire étoufantla
tendreſſe ,
Entre vous deux mettra la difcorde
fans ceſſe..
Ma Fille , croyez - moy , je vous
le dit tout net ,
0
Vous
L
GALANT. 183
Vous ne devez jamais penſer au
Sanſonnet.
Souvenez - vous, Beautezvolages,
Lors que vous fongerez à donner
vostre coeur,
Que vous ne devez point fonder
vostre bonheur
Sur d'ébloüifſſans avantages .
On ne peut conſerver les Roses &
Les Lys,
Ny les graces de la Feuneſſe,
Parmy l'Hyver d'une froide Vieilleffe,
Et laneige des cheveux gris.
"
Meſſieurs de l'Academie Royale
d'Arles , qui n'ont d'aplication
que pour la gloire du Roy, ont refolude
donner un Prix toutes les
années que l'Academie Françoiſen'en
donnera point. Comme le
dernier Sujet de la Poësie à eſté
tiré
184 MER CURE
tiré de l'une des Deviſes gravées
fur leur fuperbe Obéliſque , fur
ce que le Roy paroiſt toûjours
tranquille , quoy que dans un
mouvement continuel , ils propoſent
cette année pour le Sujet
du Diſcours d'Eloquence Françoiſe,
une autre Deviſe à la gloire
de Sa Majesté, qui eſt , Nec erat,
nec ceffat. Leur deſſein eſt de faire
faire l'Hiſtoire de noſtre incomparable
Monarque en Panégyriques
; mais comme cette
illuſtre Compagnie eſt composée
de Perſonnes d'Epée,qui dans le
temps de la Paix s'appliquent
aux belles Lettres,& qui s'aſſemblent
principalement pour parlerd'une
maniere ſolide des merveilles
de ce Regne , pluſieurs
de ces éloquens Capitaines quitant
la plume , afin d'obeïr aux
ordres du Roy & le nombre
٢٠٠
de
GALAN T 185
de l'Académie Royale qui'eſt de
trete , eſtant diminué par la marche
des Troupes , ces Meſſieurs
ont jugé à propos pour cette anhée
ſeulement , de ne propoſer
le Prix d'Eloquence qu'en faveur
dela Ville d'Arles,ſi glorieuſe
par ce Corps célebre,& par fon
Obéliſque de crainte qu'en le
propoſant au Public , il n'y cuft
pas aſſez de temps pour en répãdre
l'avis dans les Provinces , ny
affez d'Académiciens pour examiner
les Pieces.Ce Prix ſera une
Médaille d'or du Roy , qu'on diftribuera
le jour de S. Loüis dans
cette Royale Académie. Vous
voyez , Madame,par ce beau def
ſein,que dans le temps que l'Académie
Françoiſe ſe repoſe , la Fille
aînée , pour ſe rendre digne
de l'amitié de la Mere , & de
la protection Royale dont elle
porte
186 MERCURE
porte le furnom , veut entretenir
lesEſprits dans l'eloquence,& les
Coeurs dans le reſpect pour Sa
Majesté?
Je fatifait avec grand plaifir , à
la curioſité que vous m'avez témoignée
, touchant les Veuës
du Palais qu'ont fait baftir les
Roys Afriquains dans l'Alham
bre de Grenade. En voicy
une nouvelle qui ne vous plaira
pas moins que celle que je vous
ay envoyée dans ma Lettre de
Janvier.Je continuëray à vous fai
re part de tout ce que j'en pourray
recouvrer,afin que vous puiffiez
prendre une idée . faite
des beautez de ce ſuperbe Palais
Outre les deux grands Sallons
dont je vous ay fait la deſcription
, il y en a un troiſieme, qui eft
appellé Sallon des Secrets, à cauſe
que la Voute en eſt faite de maniere,
GALANT.
187
niere,que deux perſonnes ſe peuvent
entendred'un bout àl'autre,
quoy qu'elles parlent tres - bas,
pourveu quelles s'approchent de
la muraille , & qu'elles pronocent
diſtinctement les paroles. On dit
qu'il y en a un ſemblable dans la
groffe Tour du Château d'Heidelberg.
J'ay découvert que les deux
Sonnets ſur les Rimes du Flageolet
, & du Décalogue , dont je
vous dis la derniere fois qu'une
Perſonne de fort grande qualité
eſtoit l'Autheur , ſont de Monfieur
le Duc de S. Aignan. L'un
qui eſt pour un Amant malheureux
, commence par ces mots ,
Non, je ne connois plus, &c. &l'autre
à un amy abſent, par ceux- cу,
L'heureux Berger qui dance , &c.
Toute la précaution que ce Duc
a priſe , pour empefcher que les
chofes
188 MERCURE
choſes galantesqu'ila faites pour
ſe divertir avec ſes Amis, ne fufſent
veuës du Public , luy a eſté
inutile. Les Bouts - rimez qui courent
de luy,luy ayant eſte donnez
par des Perſonnes des plus conſidérables
de la Cour , toute la
Maiſon Royalelesa vûs,& le plaifir
qu'elle à témoigné y prendre,a
eſté cauſe que de tous coſtez on
en a fait des Copies .Ainſi Madame,
je puis vous les envoyer. Le
peu de temps qu'il demande pour
Ies Sonnets les plus difficiles , eſt
une choſe qui vous paroîtra prefque
incroyable. Il n'y en employe
guére davatage qu'il en faut pour
les écrire,& cette facilité qui tiết
'du prodige, fait que l'on s'emprefſeàl'attaquer
, pour voir s'il fera
poſſible qu'il reuſſiſſe toûjours .
1
Pluſieurs Dames des plus ſpirituelles
de la Cour,luy ont donne
; diver's
,
GALANT.
1891
1
e
-
2
A
divers Bouts- rimez , qu'il a tou.
jours remplis avec grand fuccez .
Il a eu l'honneur d'en dire quelques-
uns àMadame la Dauphine
qui ne luy ont pas déplûs& ce fut
en ſa préſence que Madame la
Ducheſſe de Foix ayant raconté
l'avanture de ſon Perroquet , qui
s'eſtoit tué en tombant dans un
Roſier,Madame la Maréchale de
Rochefort dit à ce Duc , qu'elle
vouloit luy donner des Bouts
rimez , pour faire un Sonnet fur
cette mort.Ces Bouts-rimez ayac
un peu tardé à venir au grél deq
l'impatience, de Monfieur Iden
S.Aignan,il envoya cet Impromptu
à cette Dame , auffi pleine
d'eſprit que de vertu , pour la convier
à ſe preſſer davantage
Songez, illuftreMaréchale
Que pourde méchans Vers nalautre
nem'égale.
190
MERCURE
!
!
Lors que vous promettez , faut-il
vous avertir;
Viste, des Bout- rime , ou vousserez
blamable,
Puis qu'il s'agit de divertir
Noftre Dauphine incomparable.
Madame la Maréchale de Rochefort
luy envoya auffi toſt
les Rimes qui ſuivent. Divine ,
Perroquet, Traquet, Epine Bouline,
Coquet , Caquet , Machine , Port ,
Mort, Etrange,Crevé,Sauvé,Louange.
Il les lût deux ou trois fois ,
prit la plume,& écrivit ce Sonnet
qu'il eut l'honneur de lire à Sa
Majesté ,avant que de le donner
àMadame de Rochefort .
V
10
Ous croyez donc que j'ay une
vertu divine ,
Et qu'en parlant icy d'un défunt
-Perroquet
છે ?**??? Fe
GALAN T. 191
Je puiſſe accommoder la rime de
Traquet
Au destin d'un oyſeau qui meurt fur
une Epine ?
En cecy mon Vaiſſeau neva qu'ala
Bouline,
ار
Ie me tirerois mieux d'un ſujet plus
Coquet; I11
C'est là qu'avec plaisir j'affile mon
caquet
lepaſſe avec chagrinfurtouteautre
Machine.
F
Ienemettrayjamais ce Sonnetààbon

port;
Madame, en veritévous me donnez
lamort,
Etpourmoy vous avez une rigueur
étrange. Иог
Mafoy, c'est trop rimersur un Oy-
Sean creveτές
Et
192
T
MERCURE
Etfide tous ces Vers je me suis mal
ſauvé ,
Au moins ma diligence est digne de
loüange.
A peine avoit- il rendu en fi
peudetemps ce Sonnet à la fpiri..
tuelle Dame qui le luy avoit demandé,
qu'un Inconnu luy donna
ces autres Rimes . Luxembour ,
Doute, Route, Sejour, Amour, Goute,
Redoute, Tour , Palme , Calme , Ialoux
, Avantage , Nous , Partage.
Il les remplit avec la meſime vivacité,
& la meſme promptitude.
3700
SUR LA MARCHE DES
Troupes vers l'Allemagne.
SONNE
Nmarche,& l'ons'envapeutestre
à Luxembour;
L'un
GALANT .
193
L'un en voudroit jurer , l'autre le
met en doute ;
Mais toûjours chacun prend une
affeznoble route,
Qui vaut bien de Paris l'agreable
ſejour.
Préferons aujourd'huy le Dieu
Mars àl'Amour ; :
Lepremier a des yeux & l'autre ne
voit goute .
Comme on a pris nos coeurs, prenons
quelque Redoute ,
Le plaisir & l'honneur regneront
tour- à- tour.
► Le Mirthe est bien charmant , mais
je tiens pour la Palme ;
L'orage en cet endroit vaut bien
mieux que le calme ,
LOVIS deſagrandeur vaincra tous
les Jaloux .
Mars 1682 I
:
194 MERCURE
Allons aux Ennemis diſputer l'avantage
;
Lapeur Serapour eux , & la gloire
pour nous.
Qui pourroit defirer un plus heureux
partage ;
Le ſuccés étonnant de ces deux
Sonnets , obligea le lendemain
Monfieur le Maréchal Duc de
Vivonne , & Mr le Duc de Nevers
, de demander à ce Duc s'il
vouloit accepter des Bouts - rimez
Plus difficiles , & s'il en ſortiroit
avec la même facilité.Ces Boutsrimez
eſtoient, Panthéon, Antée ,
Pantée, Anacreon, Acteon, Athée,
Protée, Pantaleon Afie, Sofie, Oeuf,
Bouffe, Boeuf, Pouffe. Monfieur de
S. Aignan ayant répondu qu'il
en feroit affurement comme des
autres;Madame de Thiange qui
eſtoit
GALANT .
195
eſtoit préſente , & qui juge parfaitement
bien de toutes chofes ,
voulut luy donner juſqu'au l'en-
:: demain , mais il la ſurprit par la
diligence qu'il apporta à faire
le Sonnet qui fuit.
A DES GENS
1
لا
-
1
S
1
J
,
fort débauchez.
Aimerois mieux avoir détruit le
Panthéon .
Estre étouffé lutant ainsi qu'un autre
Anté,
Ou percé d'un Poignard comme le
fut Pantée ,
Ou blessé par l'Amour plus fort
qu'Anacreon ,
Ou devoré des Chiens comme fut
Actéon ,
Que de manger chez nous de la
chair en Athée ,
Lij
196 MERCURE
De cent Mets diférens changeant
en vray Protée ,
Pour recourir ensuite à Saint
Pantaleon .
Ie prens,dinant chezvous, l'Afrique
pour l'Afie ;
T'en fors plus étourdy qu'au Theatre
Sofie ,
Matefte est à l'envers , jesuis plein
comme un Oeuf.
**
Mon visage est enflé comme un
vent quand il bouffe ,
Iemange vos Perdrix comme chez
moy du Boeuf,
Ie me saoule en un mot, puis apresje
fais pouffe.
La difficulté de ces Rimes tenoit
encor chacun dans l'étonnement
de la promptitude avec
laquelle ce Duc les avoit replies ,
: lors
GALANT.
197
10
e

مان
lors qu'il apprit par le Mercure
de Fevrier , que Monfieur Mignon
Maiſtre de la Muſique de
N. Dame , promettoit une Médaille
du Roy à celuy qui rempliroit
le mieux d'autres Rimes qu'il
a propoſées à la gloire de Sa Majeſté
; ce qui l'obligea de dire à ce
grand& éclairé Monarque , que
la grandeur de la récompenſe
luy faiſant mépriſer le travail,
il alloittâcher àgagner ſon Portrait.
Peu de temps apres,il prit . /
la liberté de luy lire le Sonnet
qu'il venoit de faire fur ces
Rimes. Il eſt entre les mains de
Monfieur Mignon , qui l'a reçeu
cacheté , & je ne vous l'envoyeray
qu'apres que l'on aura veu
quel en aura eſté le ſuccés ; mais
ce qui n'eſt preſque pas croyable
c'eſt que l'ayant leu à ,
Monſeigneur , ce Prince voulut
I iij
198 MERCURE
qu'il en fiſt un ſecond ſur lesmefmes
Rimes, & luy vit faire en ſa
préſence , préſque ſans lever la
plume , & avec une ſurpriſe telle
quel'on ſe la peut imaginer. Il ne
s'eſt pas contenté de ces deux
Sonnets. Il en a fait un troiſiéme,
&les a envoyez tous trois à Monfieur
Mignon , qui avoit rendu afſez
de juſtice à ce Duc , pour
avoir defiré qu'il fuſt l'Arbitre de
tous les Sõnets qu'on luy donneroit,&
qui le voit maintenant entrer
en lice contre les autres avec
des armes , auſquelles il ne ſera
pas facile de reſiſter.Comme plufieur
perſonnes de la Cour ſe divertiſſent
à faire des Bout rimez ,
&que cela eft fort à la mode, il y
a peu de jours que ce Duc eſtant
au lever du Roy, on vint luy dire
qu'un Courrier fort empreſſe le
demadoit dans l'Antichambre ,&
en
GALANT.
199
il en reçeutun Paquet , dans lequel
il trouva imprimées les
Rimes, ſuivantes Cibelle , Papa ,
Agrippa, Donzelle, Cruelle, Frapa,
Allumelle , Spa , Musique , Atlantique,
Souvent, Epines , Machines ,
Paravant . Ces mots eſtoient au
deſſus de ce Paquet , imprimez
de meſime.
BOUTS - RIMEZ
Sur l'Opéra d' Atys.
On attaque Monfieurle Duc de
S. Aignan , & l'on luy donne feulement
une heure pour faire ce
Sonnet.
Viocy de quelle maniere il rem
plit ces Bouts- rimez,
SONNET.
L'Opéra nous apprend qu'Atis
fuyoit Cybelle ,
Et qu'il ne voulut point qu'elle lefist
Papa ;
I inj
200 MERCURE
Mais s'il avoit esté fage comme
Agrippa,
Il auroit bien mieux fait de quitterfa
Donzelle .
Il est vray qu'Alecton nous parut
trop cruelle ,
Quand de rage en voulant, la Vieille
le frapa ;
melle ?
Mais aussi devoit il tirerſon Alu-
S'il estoit trop enfeu, que n'alloit- il
à Spa ;
I'en aime cependant les Vers & la
Muſique;
Leur bruit vajusqu'aux bords de la
Mer Atlantique ;
Cet opéra ne peut estre veu trop
ſouvent.
La Rose m'en plait fort , mais j'en
crains les épines ;
Et
GALANT. 201
1
Etsi l'on le voyoitfans frais &fans
machines ,
- Ie l'aurois dans ma Salle avec un
Paravent.
Tant de choſes agreables font
voir en general la galanterie des
François , & celle de Monfieur le
Duc de S. Aignan en particulier,
dont l'eſprit brillant produit toûjours
quelque choſe de nouveau
pour divirtir & pour plaire . Aufli
dés qu'il eut rendu compte au
Roy du Paquet qui venoit de luy
eſtre apporté par ce Courrier inconnu
, Sa Majesté luy permit
d'aller remplir ces Rimes dans
ſon Cabinet , où il eut l'honneur
de luy lire ce Sonnet un quartd'heure
apres.
Un peu auparavant,Monfieur
le Marquis de Lionne
د
Maître
de la Garderobe du Roy ,
I V
202 MERCURE
avoit envoyé à ce Duc cet autre
Sonnet qu'il avoit fait ſur les mefmes
Rimes difficiles de Panthéon
&d'Anthée .
A MONSIEUR LE DUC
de S. Aignan.
Lfaudroit vous dreſſer pour Temple
un Panthéon .
Si nous eſtions au temps & d' Alcide
&d'Anthee.
Vostre entretien charmant eust con
Solé Pantée,
Et vous faites des Vers bien mieux
qu'Anacreon.
I'en ay cornes en teſte ainſi qu'autre
Acteon ;
Et dans ce feu divin le plus horrible
Athée
Voit un Dieu qui l'inspire, & varie
enProthée
Mieux
GALANT. 203
Mieux qu'aux Miracles faits par
Saint Pantaleon .
N'allons donc plus chercher l'éloquence
en Afie ,
Vous en traitez le Dieu comme il
faifoit Sofie ,
Lors qu'ilfefit à luy ſemblable comme
un Oeuf.
Vostre Vaisseau sur l'onde à pleines
voiles bouffe.
Helas ! qu'eſt diferent de vous un
pauvre Boeuf,
Quiſe traînant à peine , à chaque
pas fait pouffe!
Quelques momens apres , on
envoya d'autres Bouts - rimez à
ce Duc , qui fit encor ſur le
champ le Sonnet qui ſuit.
:
SUR
204 MERCURE
SUR LA GUERRE .
Aimerois mieux avoir pour fix
mois le hoquet,
Et n'aller point au Bal fans porter
la Gamache,
Que d'estre dans Paris joüant au
Tourniquet,
Quand il est question de prendre
la Rondache.
**
Laiffons- donc aux Chaffeurs laBraque
& le Triquet,
Prenons Cuiraffe&Caſque avec un
grand Panache ,
Et fur un bon Cheval non pas fur
un Criquet,
Courons tous au hazard de quelques
coups de Hache.
On chantera nos Faitsfur un aimable
ton ,
L'Enne
GALANT.
205
L'Ennemy me paroist plusfot qu'un
Hanneton ,
Etde peurde LOUIS, n'ofe montrer
fon mufle.
MonRoyparfavaleurfort d'exempleàſa
Cour;
Etmoy qui penſe avoir plus deras-
Son qu'un Bufle,
Je n'ay point esté contre, &je combatray
pour.
Enfin ce Duc laſſe de tantde .
diférentes attaques , & content
d'eſtre ſi heureuſement ſorty de
toutes , a fuplié le Roy de trouver
bon qu'apres avoir reüſſy dix
fois , il ceſſaſt de tenter la Fortune
; ce que Sa Majesté luy a accordé.
Le Sonnet que je vous envoyay
il y a un mois , qui commence
par Que de Gens vont
dancer
206 MERCURE
dancer aufon du Flageolet , n'eſt
point de Mr de Benferade, comme
je vous l'ay écrit. Ceux qui
l'en faiſoient l'Autheur ſe ſont
mépris. En voicy d'autres que la
fainteté des Jours où nous fommes
, m'engage à vous envoyer.
Les deux derniers ſont ſur la douceur
de la Retraite.
SUR LE JUBILE .
BAnniſſonsles Concerts,juſques au Flageolet ,
Obfervons aujourd'huy par tout le
Décalogue.
Le Roy du Ciel n'est pas un fimple
Roytelet,
Il demande nos coeurs , & non pas
uneEglogue.
Ilfaut le craindre auffi plus que le
Chaſtelet.
Foicy
GALANT.
207
Voicy le Jubilé ; prenons un Pédagogue.
Eſtant de nos pechez chargez com.
me un Mulet,
Qu'il nous enchaîne enfin comme
l'onfait unDogue,
Apres que nostre coeur fera tout
Ecuré,
Apres que nous ferons abſous par le
Curé ,
Auſfitoft devant Dieu nos ames feront
belles.

Faudroit- il donc pafſfer la Mer &
'Helleſpont,
Pour faire fonfalut ? L'Eglise nous
répond,
Gaignezces Grands Pardons,& ces
Graces nouvelles,
SUR
208 MERCURE
SUR L'AVANTAGE
de pouvoir gagner le Ciel.
Non, ce n'est point affez d'un
fimple Flageolet
Pour chanter dignement l'Autheur
du Décalogue,
Ce Grand Roy pres duquel tout autreeft
Roytelet,
Demande un ton plus haut que celuy
d'une Eglogue.
**
Royaumes, Villes , Cour, Parlement,
Chaſtelet,
Le Ciel , pour le lover , vous fert de
Pédagogue.
Qui ne l'adore pas,est plus fou qu'un
Mulet,
Plus brutal qu'un Cheval , plus en
ragé qu'un Dogue.
**
Heureux , fi jepouvois, le coeur bien
écuré ,
Touché
GALANT.
209
Touché de ſon amour , aux pieds de
mon Curé,
Soûmettre dés ce jour mes paſſions
re-belles-
Le Cielà conquérirvaut mieux que
'Helleſpont ;
De cetteveritéle Grand Saint Paul
répond.
Qui mieux que luy pourroit en dire
des nouvelles ?
AUX R. P. CHARTREUX
de Paris,fur leur folitude.
L
E Concert des Oyſeaux vous
vaut un Flageolet,
Quand vous avez remply les Loix
du Décalogue ;
Quelquefois une Fleur , un petit
Roytelet,
Vous donnent leſujet d'une picufe
Eglogue.
Vos
210 MERCURE
Vos petites Priſons n'ont rien du .
Chaſtelet,
Vous vivez librementfous un Saint
Pédagogue,
Vos Reservoirs font pleins à l'aide
d'un Mulet,
Les Fruits de vos Jardins fontgardez
par un Dogue.
Autour de vostre Autelluit un Cuivre
écuré,
Quifurpaſſe l'Argent; Iln'estpoint
deCuré
Qui pare fes Autels de Richeſſesſi
belles.
L'odeur de vos vertus va jusqu'à
l'Hellefpont,
A voſtre extérieur l'intérieur répond
,
L'on en voit tous les jours mille
preuves nouvelles .
SUR
GALANT. 211
SUR LE BONHEUR
H
de la Vie champeſtre .
Eureux , qui peut enpaix au
fon du Flageolet
Paſſerfes jours aux Champs ,fuivant
le Décalogue ,
Et qui dans ſon Jardin vivant en
Roytelet,
AuxFestes des Bergerspeut chanter
une Eglogue.
Il ne craint Parlement, Conſeil, ny
Chaſtelet,
La Natureſans Art luyfert de Pédagogue,
Ilpeut se promenerſans Cheval, ny
Mulet,
Et tout fon petit Bien eft gardépar
unDogue.
**
Content pour tout Buffet d'Etain
bien écuré,
Il
212 MERCURE
Ilfe conduit fans peine au gré de
Son Curé,
Etn'occupe fon coeur ny d'honneurs,
ny de Belles,
IlSçait peu les deſſeins qu'on afur
'Hellefpont,
La Fortune aisément à ſes defirs
répond,
Le temps & les moiſſonsfont toutes
fes nouvelles.
Monfieur de Raye,Fils de Mr
le Préſident Larcher,a eſté reçeu
dans la Charge de Grand Raporteur,
qu'avoit auparavant Mr
de la Grange. Il y a deux Charges
de Grand Raporteur,& Correcteur
des Lettres aux Chancelleries
de France , dont la fonction
eſt de Raporter au Grand
Sceau , conjoințement avec Mrs
les Maiſtres des Requeſtes qui 3
GALAN Τ.
213
yaſſiſtent , toutes les Lettres de
Juſtice . Ces deux Charges doivent
eſtre poffedées par deux
Conſeillers au Grand Confeil. Mr
Roüillé du Coudray en a une.
Elle avoit eſté longtemps exercée
par Mr ſon Pere , avant qu'il
ſe fiſt Maiſtre des Requeſtes.
Vous devez avoir appris la
mort de Meſſire Henry Bonneau,
Seigneur de Tracy ,Barbé, & autres
Lieux , Maréchal des Camps
& Armées du Roy , & Gouverneur
pour Sa Majeſté de la Ville
& Citadelle de Tournay.C'eftoit
un ancien Officier, qui avoit
dõné des marques de ſon courage
dés le premier Siege de Condé,
où il eut unejambe caffée. Les
coups dont il eſtoit tout couvert,
parloient hautemet de ſa bravoure
. Lors qu'on afſiegea Tournay ,
il en reçeut un dans la teſte qui
luy
214
MERCURE
luy avoit fracaflé la bouche. La
Bataille de Caffel luy fit acquerir
beaucoup de gloire. Il s'y eſtoit
diftingué,& avoit eſté MajorGeneral
de l'Armée , pendant cinq
ans ſous Monfieur le Prince en
Hollande , & ſous Monfieur de
Turenne en Allemagne. Il eſt
mort à Valenciennes chez Monſieur
Magalotti, & a eſté enterré
dans l'Egliſe de Noſtre- Dame de
Tournay , dont Sa Majesté luy
avoit donné depuis peu le Gouvernement
, dans une Cave des
anciens Ducs de ce Païs là , ce
que l'on a reconnu par quelques
Médailles qu'on y a trouvées.
Son-Gouvernement a eſté donné
à Monfieur le Comte de Maulevrier-
Colbert, Lieutenant General
des Armées du Roy. Il n'y a
perſonne à qui ſon merite ne foit
connu. L'ardeur qu'il a pour la
gloire
GALANT.
215
!
1
t
t
ل
a
gloire & pour le ſervice de Sa
Majeſté , luy a fait paſſer toute ſa
vie dans le meſtier de la guerre.
Il n'avoit pas encor dix - ſept ans,
lors qu'on le fiſt Capitaine dans
le Regiment de Navarre. Ilmonta
à la Breche d'une maniere intrépide
au Siege du Fort du Caſtelet
en Lorraine , donnant l'exemple
aux plus anciens. Il y reçeut
huit coups de Moufquet , &
on le crut mort , parce qu'il démeura
quelque temps couché fur
un tas de Morts. Quelque temps
apres il fut Lieutenant, & enſuite
Capitaine dans le Regiment des
Gardes. Il en fut tiré pour commander
la Seconde Compagnie
des Mouſquetaires;apres quoy Sa
Majeſté l'honora de la qualité de
Maréchal de Camp , & enfin de
celle de Lieutenant General de
ſes Armées dans laquelle il eſt le
plus ancien. Au
216 MERCRUE
Au Siege de Lile , le Roy qui
eſtoit préſent , luy fit l'honneur
de le choiſir pour l'attaque , preférablement
à tout autre ,& tout
bleſſé qu'il eſtoit d'une bleſſure
tres - conſidérable , qu'il avoit reçeuële
jour précedent en montant
la Garde , il ne laiſſa pas de
faire des choſes ſurprenantes
avecles Mouſquetaires qu'il com.
mandoit . Il batit ,& chaſſales Ennemis
de leur Poſte , pritla Demy-
lune, & obligea la Ville à capituler
& à ſe rendre. On ne voit
point d'actions conduites avec
plus de vigueur , & plus de prudence,
que ce qu'il fit en Candie ,
où il repouſſa les Troupes du
Turc, & les batit en pluſieurs forties.
Auſſi peut on dire , ſans
obſcurcir la gloire des autres ,
que ce fut luy ſeul qui pendant
un mois ſoûtint le Siege de cette
Ville,
GALANT .
217
e
S
-
Ville, quoy que désolée , & batuë
fans ceſſe duCanon des Ennemis.
Celuy qui commandoit
alors les troupes du Roy , eſtoit
demeuré malade , comme beaucoup
d'autres, qui n'eſtoient pas
d'un temperament affez robufte
pour réſiſter aux fatigues de la
guerre, ou à la diſpoſition de l'air
de ce Païs- là. Il y fut extrémement
bleſſe à la teſte. Le Grand
Doge de Vénife luy fit faire compliment
fur ſa bravoure , & fur
les ſervices qu'il avoit ren
dus à la République. Il eut la
- jambe caffée , & le talon emporté
d'un coup de Fauconneau en
Flandre , Monfieur de la Ferté,
commandant les Troupes.Ila tres
ſouvet batu les Allemads, fur tout
en Alface,où l'Arriere-Garde fut
taillée en pieces.Il s'eſt ſignalé à
Philisbourg, à laBataille de Zint-
Mars 1682 .
K
218 MERCURE
zin ,à celle de Mons , au Siege d'Ypreoù
il ouvrit la Tranchée , à
ceux de Gand ,de Fribourg, &c.
& à la derniere Bataille de Flandres.
Enfin il n'y a point eu d'occaſion
remarquable depuis la
guerre , où il n'ait acquis beaucoup
de gloire . Les cicatrices
dont tout fon Corps eſt couvert,
en ſont des preuves qu'on ne
ſçauroit conteſter. J'ay oublié de
vous dire que le Roy , avant la
premiere guerre de Hollande,
ayant envoyé du Secours aux
Hollandois ſes Alliez , contre l'Eveſque
de Munſter , Monfieur
de Maulevrier fut choiſy pour y
commander un Détachement de
Moufquetaires , & y fit des actions
de valeur qui vont juſques
au prodige,
:
La mort de Monfieur de Tracy
a eſté ſuivie de celle de Monfieur
le
GALANT .
219
:
le Marquis de Bréval , Lieutenant
General des Armées du
Roy , arrivée icy le 16. de ce
mois.Il eſtoit Frere de Monfieur
a l'Archevefque de Paris. Louis de
Harlay , Seigneur de Cefy & de
Chanvalon , cinquieme Fils de
Louis de Harlay , Seigneur de
Monglat, époufa Louiſe Stuart de
Carre, Fille de Gratien , Seigneur
E de S. Quentin le Verger . De ce
Mariage fortirent Jean de Harlay,
Seigneur de Cefy; & Jacques,
qui a fait la Branche des Sei-
Egneurs de Chanvalon. Jean de
Harlay fut marié par Diſpenſe
en 1986. avec Anne du Puy ſa
Coufine Dame de S. Valerien ,
& en eut Philippes de Harlay,
Comte de Ceſy , Ambaſſadeur à
Conſtantinople pendant vingtquatre
ans. C'eſtoit un Homme
admirablement bien fait ,
Kij
220 MERCURE
&qui avoit infiniment de l'eſprit
Il ſe maria en 1610 & épousa Mariede
Bethune, Fille de Floreſtan
deBéthune, Seigneur de Congis,
dont il eut Roger de Harlay ,
Comte de Ceſy , tué dans un
Combat en Italie l'an 1647. pour
leſervice du Duc de Savoye .Fraz
çois - Antoine de Harlay,pourveu
de l'Eveſché de Lodeve en 1657.
Charlote de Harlay , Abeſſe de
Sainte Perrine; & Lucrece Chret
ſtienne de Harlay , Femme de
Loüis de Courtenaysi
Jacques de Harlay, Seigneur de
Chanvalon , Fils puîné de Louis,
Seigneur de Ceſy , fut Premier
Ecuyer & Meſtre de Camp du
Regiment des Gardes de François
de France Duc d'Anjou &
d'Alençon , puis Chevalier des
Ordres du Roy , & Gouverneur
de la Ville de Sens . Il
épouſa
IGALANT 221
1
لا
21
F
-
epoufa 'Catherine de la Mark,
Dame de Bréval, Fille de Robert
IV. de la Mark , Duc de Boüillon,
Prince Souverain de Sedan,
Maréchal de France , & de Françoiſe
de Brezé,& mourut en 1630.
laiſſant deux Fils de fon Mariage,
fçavoir , Achilles de Harlay ,
Marquis de Breval , & Seigneur
de Chanvalon; & François de
Harlay , Archeveſque de Roüen ,
mort le 22. de mars 1653. Achilles
de Harlay Homme illuftre
dansles belles Lettres, époula en
premieres noces l'an 1609. Oudete
de Vaudetar-Perſan, Dame
de Nerville . Il en eut Fraçois- Bonaventure
de Harlay , Marquis
de Breval , dont je vous apprens
la mort ; François de Harlay aujourd'
huyArchevefque de Paris
Comandeur des Ordres du Roy,
4
م Duc
Elona
222 MERCURE
Duc & Pair de France , & cinq
Filles qui ont eſté toutes Religieuſes.
En ſecondes nôces , il ſe
maria fur la fin de l'an 1634 avec
Anne de la Barre,Veuve de François
de Fortia, Seigneur du Ploffis,
&Fille d'Adam de la Barre , Seigneurde
laBaufferaye , dont il
n'a point eu d'Enfans. Monfieur
le Marquis de Bréval eſt mort
d'une fiévre continuë , âgé ſeulement
de ſoixante ans . Il avoit
ſervy le Roy dans la guerre de
Flandre , & s'eſtoit trouvé aux
Sieges de Xaintes , de Taillebourg,
& d'Alexandrie en Italie ,
où il fut bleſſe dangereuſement.
Feu Madamela Marquiſe de Breval
ſa Femme , morte depuis peu
d'années, s'appelloit Geneviefve
de Fortia , & eſtoit Fille de François,
Seigneur du Pleſſis ,& d'AnnedelaBarre
, ſeconde Femme
d'Achil
GALANT
223
3
d'Achilles ſon Pere. Il n'eſt refté
d'Enfans de ce Mariage , que Ma-
I demoiselle de Bréval, fort confi ..
derée de Mademoiselle d'Orleans
, aupres de qui elle a l'honneur
d'eſtre . Monfieur le Marquis
de Chanvalon ſon Frere,
fut tué au commencement de la
guerre de Hollande.
1
Meffire Jean Forcoal , Evefque
de Séez , Prieur de Montier
au Perche , eſt mort dans
le meſme temps , fort regreté
de tous ceux qui estoient fous ſa
conduite. Il avoit eſté Aumônier
ordinaire du Roy , qui le nomma à
cet Eveſché le 31. Octobre 1670.
Ces morts ont eſte ſuivies
de celle de Meffire Jacques:
de Geniers , Baron du Coudray
, reçeu. Conſeiller au
Parlement en 1639. Il eſtoit
de la Grand Chambre !
K iiij 1
224
MERCURE
fortoit d'une ancienne , Famille
de Languedoc , également illuſtre
dans l'Epée & dans la Robe
, dont ont compte des Préfidens
à Mortier au Parlement
de Paris , dés l'autre Siecle.
Il a ſervy le Roy dans ſa Charge
pendant plus de quarante
ans , avec toute la capacité &
l'intégrité qu'on peut ſouhaiter
dans un bon luge. Jamais
Homme de fon rang n'a eu plus
de vrais amis, de toutes les qualitez,
depuis les Princes juſqu'au
Peuple , Charmant les uns par
les graces de fon eſprit & de ſa
perfonne ;&les autres par ſa politeſſe,
& par fes honneſtetez . Il
avoit épousé Dame Catherine
de Bourdeaux , Fille de Meſſire
Guillaume de Bourdeaux, Intendantdes
Finances , dont il a laiffé
pluſieursEnfas.Ily en a quelquesuns
GALANT. 22.5
ا
1
1
uns dans le Service . Monfieur de
Bullion, Doyen de la Cinquiéme
des Enquestes , eſt monté à la
Grand Chambre . Il eſt Fils d'un
Frere de feuMonfieur de Bullion
Sur Intendant des Finances .
On découvre tous les jours
combien feu Monfieur Tronçon
eſtoit ſenſibleau malheur de ceux
qui perdoient à ſon Raport. Les
Parties qu'il connoffoit n'avoir
point de Bien , & que la Juſtice
l'obligeoit de condamner,
trouvoient en luy un ſecours qui
empefchoit leur ruine. Il- leur
donnoit de ſa propre, bource une
partie de ce que leur mauvais
droit leur avoit coûté,& c'eſt ſans
doute cequi a fait naître, le bruit
d'une Piece ſouſtraite d'un Procesice
que ceux de ſa Maiſon af
furentne pouvoir eſtre arrivé, feu
Monfieur Tronçon n'ayant ja-
ЯГА
K V
226 MERCURE
mais eu que deux Secretaires,
tous deux tres- fidelles , dont l'un
eſt mort à fon fervice,& l'autre a
eſté àluy juſqu'à ſa mort , & n'ayant
d'ailleurs employé pour
Sous Secretaire que des Gens
que leur conduite a mis à couvert
detous reproches. Une liberalité
de neuf mille franc ( peut eſtre
a-t- elle eſté moindre ) ayant paru
extraordinaire , on luy a voulu
donner une caufe , & on n'a pû
rien trouver de plus vray-femblable
, que de dire qu'il s'y
eſtoit crû obligé par une Piece
ſouſtraite , qui avoit fait perdre
celuy qui devoit gagner.
La ſeconde Chanfon que je
vous envoye eſt d'un tres- habile
Maiſtre. Vous le connoiftrez en
la chantant.
1
AIR

1
AU.
127
i
zrlerde
je vay
ΓΕ
ent fois
1 a
quevous
1 Madriau
nom
rs, pe-
1
eMeivrages
Par-
Fité de
fourun
en que
le peu
Il ſeroit
n
tc
el
estje dites dabord
yai
Sot
que
dettentfois plus
mal=
deng
a-t- c
extraure en me ren=
donn
rient
blableeftoite
ſouſtra
Laf
vous en
Maiſtre
lachant
GALANT. 127
E
HAIR NOUVEAU.
Q
Vand je ſonge à parler de
l'excés de mes feux,
Vous me dites d'abord que je vay
AvoAus déplaire, J
Et que vous me rendrez cent fois
plus malheureux.
Vous m'avezfait les maux que vous
me pouviezfaire,
- En me rendant amoureux.
Jajoûte un fort joly Madrigal
, qui m'a eſté envoyé au nom
de Mademoiſellede Villiers, petite
Niéce du feu Pere le Moi-
Ene Jeſuite , dont les Ouvrages
font en veneration fur le Parnaffe.
Quoy que la vivacité de
fon eſprit la faſſe paffer pour un
Prodige , vous voulez bien que
je ne vous marque point le peu
d'âge qu'on luy donne. Il ſe- V
i
roit
4
228 MERCURE
roit impoffible apres cela que
vous cruffiez que ce Madrigal fût
A MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN,
ET A MADAME 7
LA DAUPHINE.
LOUIS le plus grands des Humains
,
-Grand Monarqueparsanaiſsace,
Grand Conquerat parsa vaillace,
Grand Politique en ſes deſſeins,
Grand dans la Paix, Grand dans
La Guerre , b
3 :
Grandfur la Mer , Grandfur la
Terro
Grandpar tout , manquoit enun
C'estoit C'estoit ddee n'estre pas Grandopp
points Low T

Pere. 4
3.1 On
GALANTA
229
On crût bien que ce Titre aux autres
feroit joint ,
Deslors que de vous deux dépendroit
cette affaire.
Une Perfonne d'eſprit ayant
fait l'Anagramme du nom de
Mademoiselle d'Eſtrée , Fille aînée
de Monfieur le Maréchal
d'Estrée, Vice- Admiral de France
, & trouvé dans Mariane-
Catherine d'Eſtré , Astre animé
, Reyne de charité , fit fur ce
fujet l'Epigramme que je vous
envoye.
Il de Dieu la Cele .
S'il est vray que de
ſte Puiſſance 1
Par les Aſtres ſouvent se commu
2
nique à noUS
Heureux celuy dont la naiſſance
Le doitfoûmettre à l'influence-
D'un tel Astre que vous.
Voicy
30
MERCURE
e Voicy d'autres Vers qui ont
eſté faits par une belle & jeune
Perſonne , pour le retour d'un
Amant , dont elle croyoit avoir
eſté oubliée.
J
Ecroyois que l'absence agiroitfur
mon coeur,
Que ne te voyant plus , je devien-
-drois maîtresse
- Demes ennuis, de ma douleur,
Des tranſports violens que cauſe la
tendresse.
Je croyois qu'un mépris que
pû cacher,
tunas
Auroit Sçeu de ton coeur tout mon
coeur arracher;
Maishelas ! ton retour , àmon impatience
Terendant tout entier , augmente
maSoufrance.
Ton langage , tes yeux , font plus
beaux que jamais,
Ie
GIADANT. 231
le trouve dans ton air mille nou-
Juili aveaux attaisnotaion
Et plus je m'apperçois que ta dou
ceurmmeettuueë , sop
Plus je cherche Daphnis , plus je
- in cherchefa vенёда 139.7 21
Amour, qui pour luy feul allumatesmes
feux,
Eteignez en moy cetteflame,
- Rendez plus tranquille mon ame,
On faites qu'il foûpire avec moy
dans ces lieux.
2
Monfieur le Marquis de Villequier,
Petit-Fils de Mr'le Chan
celier,& Fils de Mr le Duc d'Au
mont , Premier Gentilhomme de
la Chambre , a foûtenu depuis
peu au College de Harcourt des
Thefes fur toute la Philofo
phie , fous Monfieur de Chantelou,
tres- habile Profeffeur. L'Af
femblée à laquelle Monfieur
le
132
MERCURE
le Prince de Conty ſe trouva, ef
toit fort nombreuſe, & plus illuftre
encor que nombreuſe , puis
que tout ce que l'Eglise , l'Epée,
& la Robe , ont de plus confiderable,
fut témoin des vives lumierès
d'eſprit, quiattirerent unapplaudiſſement
general à ce jeune
Soûtenant. Mr l'Abbé Roquete
ouvrit la Difpute , & fit un Difcours
à la gloire de Mr le Chancelier.
La matiere eſtoit ample , &
fut traitée avec grand fuccez .
Mr du Four,Regent de Seconde,
preſenta une tres - belle Ode Latine
à ce digne Chef de la Juſtice.
Le nombre de ceux qui atta
querent Monfieur le Marquis de
Villequier , fut grand. Meffieurs
les Abbez de la Ferté, de Coiflin ,
de Miramion , & de Charreau,
firent paroiſtre leur eſprit dans
cette Difpute auſſi-bien que
Meffieurs
GALAN T.
233
Meſſieurs les Marquis d'Anthin
, & de Caumartin , &
Monfieur de Fremont , Frere
de Madame la Maréchale de
Lorge.
Le Lundy 9. de ce mois,Monſieur
le Comte de Pertengue,
Ambaſſadeur Extraordinaire de
Savoye à Londres,y fit ſon Entrée
publique. Je vous en parle, parce
que c'eſt la premiere fois qu'une
pareille cerémonie s'eſt faite en
Angleterre, où les Ambaſſadeurs
de Savoye n'avoient point encor
eſté reçeus comme Ambaffadeurs
de Teſtes couronnées . Ce
Comte avoit fait cette Negotiation
à Londres , pendant
qu'il y estoit Envoyé Extraordinaire
, quoy qu'il n'euſt alors (
que vingt - deux ans. Vous voyez
par là , Madame , combien ih
s'eſt fait de grandes choſes en Savoye,
234
MERCURE
voye , à la gloire & à l'avantage
du Païs , depuis que le mérite &
la naiſſance en ont rendu Madame
Royale Souveraine , ou que
cette Princeſſe y a Regné avec
Monfieur le Duc de Savoye fon
Fils. Le jour que je viens de
vous marquer,Monfieur le Comte
de Pertengue fut reçeu à
Gréenvvich , & amené à la Tour
dans les Berges de Sa Majesté
Britanique, par Meſſieursle Comte
de Berkley , & le Chevalier
Cotterel,Maître des Cerémonies.
Il y deſcendit au bruit du Canon,
&eftant monté dans le Carroffe
du Roy , il fut conduit prés de
VVeſtminster à la Maiſon qu'on
luy avoit preparée. Trois de ſes
Carroſſes , remplis de Gentilshommes
Savoyards, le ſuivoient,
avec pluſieurs autres de Perſonnes
de qualité. Mylord Landfdovvne,
1
GALANT .
235
-
dovvne, l'y complimenta au nom
du Roy, & Monfieur Savvyer, au
nom de la Reyne,
J'apprens tout preſentement
la mort de Dame Françoiſe Morin
, Femme de Meſſire Philippes
de Courcillon, Marquis de Dangeau
, Comte de Civray , Baron
de Mefle , Huffon , Berfuire &
Sainte Hermine , Seigneur de
Chaufferaye,& c. Gouverneur &
Lieutenant General pour le Roy
en ſa Province de Touraine, Ville
& Chaſteau de Tours. Elle eſt
morte icy le 21. de ce mois, apres
une longue maladie, pendant la
: quelle Monfieur l'Abbé de Dan.
geau l'a affifté avec grand attachement,
& d'une maniere tresexemplaire,
Elle n'a laiſſé que
deux Filles .
Les Rimes données par Mon
fieur Mignon , on déja produit
beau 11
236 MERCURE
beaucoup de Sonnets. Comme le
Prix ne ſera donné qu'apres les
Feſtes , je ne vous en envoyerois
aujourd'huy aucun , fiune Perfonnede
voſtre Sexe , qui a
celuy que vous allez voir, ne meritoit
quelque privilege.
NOUVEAUX
afait
BOUTS - RIMEZ,
YOA LA LOUANGE
опро
DUROY
fier qu'uunn Pan.
A
droit estre plus
P
Ilaportéfes Loix jusqu'où naist la
- Guéniche, b
Dans la Guerre ilsefaitplus craindre
que Satan,
Les plus fiers devant Luy font plus
doux que laPliche
:
Il
GALANT.
437
t
Il nous conſerve mieux que la Biche
(
Son Fan,
Plus doux à noſtre égard que le
Miel de la Ruche ;
Auſſidemandons nous pourluy mille
fois l'an
Les Siecles d'un Phénix , laſanté
sid'une Autruche.
Contre aucun des Césars nous n'en
ferions le troc .
Les quatre coins du Monde unjour
tuy seront hoc,
Au Temple de Mémoire il s'est fait
une Niche. ( 2 6
C'est de luy qu'il est dit ; Nec pluribus
im- para:::
Ennemis , il mettra tous vos Pais
en friche,
Gardez de l'irriter , & cedez - luy
3. tent, par............
' On
238 MERCURE
On a fait fur ces meſmes Boutsrimez
, les deux nouvelles Enigmes
que je vous envoye. La premiere
eſt de Gygés , du Havre;
&la feconde , du Berger Fidelle .
Vous n'aurez les noms de ceux
qui ont expliqué les deux dernieres
, que dans ma Lettre Extraordinaire
, qui paroiſtra le
quinziéme d'Avril .
I
ENIGME
Aymis au deſeſpoir la Nymphe
duDieuPan,
J'aydonné les moyens d'avoir Singe
on Guenuche;
Admirez mon pouvoir, j'en ay contreSatan,
Et n'épargne ny Roys,ny Clercs, ny
Froc, nyPluche.
Ie fais 'pur à beaucoup qui fuyent
comme un Fan ;
GALANT . 239
Et l'Abeille me craint juſque dedansfa
Ruche.
On me voudra pourtant avant lafin
de l'an ,
Quand on devroit bannir ce qui
vient d'une Autruche .
Quelquefois jeſurprens , &fais demeurer
hoc
Ceux qui veulent courir ; Ils voudroientfaire
un troc,
Et me changerſur l'heure ou m'oster
de ma Niche.
Quej'en ayfait parler,&plus fait
mourir par.....
Acheveray-je ? Non. Si mon nomfe
dé- friche ,
On verra qu'en grandeur il eſtſemblable
à car....
'AUTRE
240 MERCURE
AUTRE ENIGME.
Our défendre le Sexe- aiméja-
Poudis de Pan,
Contre un traître Ennemy plus mordant
que Guenuche ,
QuiSçait éguillonner la chaircomme
un Satan,
J'oppose mon corpsferme autrement
que la Pluche ...
Plus uny par dedans qu'un premier
Bois de Fan ,
Ieme montre en dehors cavé comme
une Ruche,
L'ay laforme àpeu pres d'un Baffinet
de G-lan,
La matiere des corps que digere
l'Autruche.
Avec moy (falut- il trouver un pareil
choc)
Que d' Amans de leur fort voudroient
bien faire un troc.
BATJA Et
GALANT.
241
1
Et preffer tendrement l'endroit où
je meniche !
L
P
30.
D
De* celle quim'employe ( ilfaloit
dire* par )
Au regard de l' Anneau qu'elle a
d'un relief riche,
Ieſuis mis au haut bout comme en
laphrase eft car.
Je finis ma Lettre par deux
nouvelles qui font l'entretien de
tout Paris.La premiere eft,que les
Turcs attaquent la Hongrie avec
une Armée de cinquante mille
Hommes ; & la ſeconde , que le
Roy pour donner en ce rencon
tre d'éclatantes marques de ſa
generoſité , a pris reſolution de
fecourir l'Empire , & n'a point
voulu profiter de fon defordre. Sa
Majesté a envoyé ſes ordres en
meſme temps pour faire lever le
Mars 1682 .
L
1
242 MERCURE

?
Blocus de Luxembourg. On ne
peut parler d'abord des actions
d'un fi grand mérite, parce qu'on
ne peut en dire affez. Il faut qu'un
filence plein d'admiration ,nous
donne le temps de faire réfléxion
fur cette grande nouvelle. Ainfi
je me tais juſqu'au mois prochain.
Je n'ay plus qu'à vous dire une
choſe qui aſſurément vous donnera
de la joye. La Ducheffe d'Eftramene,
dont vous m'avez écrit
pluſieurs fois qu'on vous a parlé
avec tant d'éloges ,eſt ſur le point
de paroiſtre. Le Sieur Blageart,
qui acheve de l'imprimer, la doit
donner au Public le 15. jour du
mois où nous ſommes preſts d'entrer
, & ainſi l'impatience que
vous avez de la voir ſera bientoſt
fatisfaite. On dit que l'Autheur
n'a jamais aimé. Cela eſt difficile
4१
५ L à
GALANT 243
à croire; ou ſelon ce qu'on publie
de ſon Ouvrage , il n'eſt pas
beſoin d'aimer pour entrer parfaitement
dans tous les replisdu
coeur. Ceux de ſes Amis qu'il a
confultez , l'appellent avare de
mots, tant fon langage eſt concis.
Il penſe beaucoup , & de la maniere
que l'on dit qu'il penſe ,je
ne doute point que vous ne ſoyez
fachée de ce qu'il n'ait pas encor
penſe davantage. On vante fur
tout un caractere d'honneſteté
qu'il a répandu dans les ſentimens
& les incidens , auffi-bien que
dans ſon ſtile. Adieu , Madame.
La rencotre de la Feſte m'oblige à
faire partir ma Lettre trois jours.
plûtoſt que je n'ay accoûtumé.
A Paris ce 28. Mars 1682 .
On employera volontiers le
Memoire qu'on a reçeu de
Lij
244 MERCURE
GALANT.
Rouen , mais il y manque une
choſe eſſentielle. On y nomme
pluſieurs Conſeillers du Parlement
, dont on ſouhaite l'Atteftation
, afin de donner du poids
à l'Article . L'Autheur
du Memoire
la peut envoyer ; & quand
les Intéreſſez ſeront contens, on
fongera à le fatisfaire.
Le XVII . Tome de l'Extraordinaire
ſe distribuëra le 25. jour d'Avril , avec
la Ducheffe d'Estramene.
Avis pour placer les Figures.
L
AMédaille doit regarder la page 56
L'Air qui commence par Croyezvous
, aimable Lifete , doit regarder la
page 97 La Planche qui repreſente le Chaſteau
de Grenade , doit regarder la page
186
L'Air qui commence par Quand je
fonge àparler,doit regarder la page 227
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le