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MENTEM ALIT ET EXCOLIT
o no dono
K. K. HOFBIBLIOTHEK
ÖSTERR . NATIONALBIBLIOTHEK
BE.6 . Zz 2
——— ક
4. . . .
ن ا م ج ر ت
MERCURE
GALANT.
De 1 ' An 1679
5
Jouxte la Copie
Au Palais 1679 .
Quatre Lettres , dont la premiere eft de l'excel.
lence de la Peinture ; la ſeconde , du peu d'eſtime
qu'on a eu pour les Peintres dans les premiers Sie
cles ; la troiſiéme, de la maniere dont la Peinture
a eſté trouvée ; & la quatriéme , des Amours de
Demarate & de Philonome, dont la Peinture tire
fon origine .
1
AVIS TOUCH A NT LES
qu'ils
roit impoflible de les faire entrer dans l'eſpace
d'une Piece de quatre fols. C'eſt à peu pres de cette
grandeur qu'on prétend les faire graver . Ceux qui
en feront de bons , ne les envoyeront point inu
tilement . On les aſſure qu'on fera tout graver. Il
faut uu peu plus de diligence pour ces Deffeins ,
que pour les Ouvrages qu'on envoye , car on eſt
plus longtemps à graver qu'à imprimer , & l'on ne
peur commencer qu'on n'ait tout ce qui doit en
trer dans la Planche ; Autrement on n'en pour
roit fixer la grandeur.
1
4
Pag.
MERCURE
AVRIL 1679 .
E vous tiens parole , Ma
dame ; & pourmériter toll
Avril 1679.
M E R CU RE
Ouvrages que je vous en ay fait voir.
Elle eſt de Madamede Saliez , Veu
ve de feu M ' le Viguier d'Alby , &
je la tiëns de M ' l'Abbé de la Ro
des don qui le Public eft fi obligé
des doctes & curieuſes Remarques
qu'il nous donne dans ſon Journal
des Sçavans.
RB L A T I ON
D E M O N SI EUR
L'ARCHEVESQUE D'ALBY ,
A MADAME DE MARIOTTE ,
平F
Vila
G A LA N T. 3
Ville ? Vous voulez meſme 'qu'il y ait
dans ce Tableau des endroits en minida
ture.Cependant vous fçavez que je ne
Suis pas
4 M E R C V R E
1
fois perſuadée que bien d'autres travail
Leront id -deſſus mieux que moy , je prens
ke pincean , ou pour parler plus claires:
ment , je prens la plume, Madame,
pour vous obeir , da je vais commencer
dans les formes Baine grande. Relation ,
comme fi elle de voit pafferi celex qui
viendront apres nous, fervir un jour
à l'Hiſtoire de mon Pais .
GA L ' A N T. 5
Monſieur l'Archeveſque d'Alby , ſe le
verent fort matin . Tous les Habitans
A 3
res
6 M ER.CURE
2
rės Harangues, à toutes celles qu'il
A entenduës . Son air de bonté animoiz
ceux qui luy parlaient. Il répondoitfi jufte
à toutes les choſcs eſſentielles qu'on luy
diføit , qu'il fembloit qu'il avoir déja une
parfaite connoiſſance de fon Dioceſe..
GALANT . ,
Lors qu'il découvrit la Ville dAlby ,
il s'arrefta pour conſiderer sa ſituation.
8 MERC U R E
may garde d'attribuer au hazard , nut
accident ne déconcerta l'ordre des choſes ,
do que Monſieur d'Alby arriva préci
Jement à l'heure qu'il failloit. Il fit le
tour de la moitié de la Ville , on je puis
avancer 'bardiment qu'en aucune autre
Ville de France il n'auroit på voir ce
qu'il vit alors.
ils
GALANT .
9
ils avoient fait fort riches du fort. écho
tans . Il leur fut défendu de tirer qu'a
pres que Monſieur l'Archeveſque auroit
pafé, parce que cela met tout en con
fuſion. La fumée de la poudre ne Dema.
peſcha point de conſidérer une Route fi
particuliere. La beauté de la ſoirée aug
mentoit celle de tous les abjets. Cela se
paſſoit durant ces agreables momens qui
précedent le coucher du Soleil apres un
beau jour , du lors que cet Atre nous
voulant quitter ,
10
MERC.URE
Chambres. Nous allions dans les Ruës
& dans les places publiques, toutes
atroupées , murrourant plus que de coú
tame contre les Loix qui nous rendent
inutiles en de parielles ceremonies , de ne
pouvant rien faire de mieux , nous par
Lions du moins toutes à la fois de noſtre
Illuftre Archeveſque. Le bruit des Clo
ches du Canon nous ayant fait con
noiſtre qu'il approchoit, nous fortimes de
La Ville , dallimes nous placer aux fe
neſtres des belles Maiſons qui font an coſte
de noſtre Lice, oppoſé feu,de Mail,
G A L AN T. II
On ne jugeroit pas à nous voirſi doux
niers
12 M E R CU RE
nier's Prélats , de vous trouverez ſans
donte qu'il eſtoit juſte qu'il fut rétably
par le Premier Archeveſque d'Alby , au
quel cette pieufe aétion attira d'abord les
acclamations publiques .
· Enfin , Madame, le Dimanche 26
de Fevrier fut destiné pour ÞEntrée de
Monſieur d'Alby. L'on ſe prépara pour
paroiſtre dans le meſme équipage de dans
de meſme ordre que le jour deſon arri
vée. L'on pofa dés le matin lesornemens
aux Arcs de triomphe. Les Chiffres do
les Armes de Monfieur d'Alby parurent
en mille endroits. He ne ſçaurois bien ,
Madame , vous rendre compte des Em
blémes & de leurs Deviſes, ny vous écri
re de vous expliquer du Grec done du La
tin ; mais j'en ay fait faire un petit Re
cueil ſeparé de cette Relation , que vous
pourrez voir , s'il vous en prend quel
que envie, on le donner à vos Amis.
On ne me conſulta point là - deſſus , quoy
que vous en ayez crů. J'en eus un fém
cret dépit; commeje voulois avoir
quelque parte cette Peſte , je fils promp
.
th
G A L A N T. 13
tement des Emblémes en monparticulier .
Agréez que je vous en dife quelque choſe.
Je peignis ſans beaucoup de peine
Miſle beautez de noſtre Plaine ,
Le Tar , & fon fuperbe cours ,
D'Alby les Rampars & les Tours
Les Clochers , & l'augufte Temple ,
Dont la ſtructure eſt ſans exemple ,
A7
14 MERCURE
*
Fe .couvris tout cela de nuages aſſez
épais, & mettant enſuite (comme vous
croirez bien ) le Ciel au deſsus de la Ter
re , je peignis deux Soleils dontla lumie
re égale paroit le grande do fi brillante ,
quel'on eſt d'abord convaincu qu'ils vont
difſiper toute l'obſcurité de ma peinture,
A# haut de laquelle on lit ces mots,
Non baſta unico Sol per Ciel fi foſco .
G A L À N T.
15,
1
phéties touchant Monſieur d'Alby, qu
luy promettent les plus grandes élevations
auſquelles un grand mérite dou un heureux
deftin peuventconduire un Prélat Illuſtre.
une
16 MERCURE
ne
une Chaiſe ouverte , ayant à ſes côtez
tous les Officiers de fa Maiſon. Mi le
Vicomte de Paulo , parfaitement bien
monté , accompagné d'une perite Eſca
dre choiſie, le précedoit de quelques pas .
Les Conſuls le ſuivoienten Carroſe, do
nos Artiſans bordoient les Ruës de lamel
me maniere qu'ils avoient bordé la Lice.
C'eſt ainſi , Madame, qu'il futconduit
juſques à la grande Eglife , apres avoir
traverſé pluſieurs - Arcs de triomphe. Je
dois
do le
G - ALAN T. 17
genoux de
bu le bonheur qu'elle en attendoit. Mon
fieur l'Archeveſque répondie d'une ma
niere qui donna de l'admiration à tous
ceux qui furent aſſez heureux pour pou
voir Lentendre, a l'Epoux ou PEpost
Je parurentfort contens bun de Pautre.
Apres qu'il ent preſté le ſerment avec les
ceremonies accoutumées , qu'on leut
reveſtude fes Habits Pontificaux , il en
tra dans l'Egliſe ,. Je mit à
vant le Maiſtre - Autel, le baila , sepla
ça dans ſon Siege , & le Te Deum
eſtant chanté, il voulutaller à piedjuj
ques d l'Archevefcbé, ſuivy de ſon Cha
pitre. Nos Cavaliers devenus alors Pié
tons, l'accompagnerent, ou il arriva
enfin heureuſementjuſques dans
dont
1,8 MER CVRE
86
11
rable ,
2
dont il ne meſouvientplus. Iln'en eſt reſté
dans ma memoire que ces Versque jepro
nonçay en preſence deplufieurs Perſonnes.
-Enfin nous le voyons ce Prélat admi
Elevé dans un rang digne des plusgrands
doux & tendre ,
Pour ſoulager nos maux , tout voir, &
Si
G A LA N T.
19
-
Si vous : eftes laffe de lire , Madaine
ne vous en plaignez qu'à vous -meſme;
& bien loin de me faire des réproches ,
Syachez-mog quelque-gré d'avoir - tanie
écrit. Je ne vous ay jamais donné une
plus longue marque de l'attachement avec
lequel je ſuis toute à vous.
20 MERCURE
& ſuivie d'un Hollandois , d'un Er
pagnol, & d’un Allemand , qui en
dançant autour d'elles donnoient
des marques de l'extreme envie qu'ils
avoient de revoir cetteaimable Déer
ſe dans leurs Païs. Un Héraut d'At
mes les precédoit , & chacun d'eux
expliquoit ſes ſentimens par les Vers
qui ſuivent. Ils ſont de M l'Abbé
de la Chapelle. Son nom : ne vous
doit pas eſtre inconnu . Je me ſou
viens de yous avoir déja parlé de luy. J
1
PE
MASCARA DE N
DE LA PA I X.
POUR LE HERAUT D'ARMES.
!
1
Ovous, qui vivez fous l'Empire
D'un Roy que l'Univers admire ,
GALANT. 21
POUR LE FRANCOIS.
VEnez, Peuples tremblane , venez , Roys
voftre abſence
Cauſe depuis ſix ans dans nos Champs defolez ,
Aux pieds de vos Autels nos Etats afſemblez
D'unſeul regard propice implorent l'affiftance.
Si dans noftre'Senat , fiers d'un peu de puiffance ,
22 M E R CU ARE
!!
TE
D'un indifcret orgueil nous nous ſommes enflex ;
Les maux qui font gémir nos Peuples accablez ,
N'ont que trop expié cette legere offence. 1
L'intereſt de LOUIS , soijours chery des Dieux ,
Dans les vaſtes deſſeins toujours victorieux ,
Ne doit point arreſter votre bonté ſuprémpe.
Rien ne peut deformais ſoutenir lesgrands coups ;
Il n'eſt plus d'Ennémy digne de ſon couroux ;
Vainqueur de l'Univers, il ſe vaincra luy -meſme.
h
La triſte Renommée
Aux Peuples effrayez annoncer cent malheurs ;
Las de voir que LOUIS plus crainsque
Vila
G A L'ANT. 239
Villes', 1.1
Ses travaux toutes fois neſeroient point ſteriles,
Et c'eſt toujours beaucoup que de voir à ſes pieds
leurs ,
Vous ne vous hâtez point pour finir nos mal
heurs ,
O Paix , venez du moins pour couronner la
Ném
24 MERCURE
n
N'élevez point aux Cieux vos timides regards ,
En dépit desfureurs d'une f longue Guerre
G A L AN T. 25
Va jetter dans les coeurs d'amoureuſes alarmes ,
Et que je crains enfin une Paix comme vous !
con
26 M E R C URE
contractées. Elle eſtoit Veuve de
Meſfire Louis de la Trémoüille ,
Duc & Pair de France , Lieutenant
General des Armées du Roy , & con
nu ſous le nom de Duc de Noir.
moutier. Vous ſçavez combien le
nom de la Trémoüille eft illuſtre. Il
eft porté par les. Aînez de cetteMai
fon diviſée aujourd'huy en trois bran
ches . M' le Duc de la Trémouille
eſt de la premiere. La ſeconde eſt
des Marquis de Royan . Elle a com
mencé à Georges Baron de Royan , If
& Seneſchal de Poitou . La troiſiéme
eft des Marquis & Ducs de Noir
moutier. Ils ſont deſcendus de Clau
de Baron de Noirmoutier & de Mor
nac . Il y a peu de grandes Maiſons
en Europe auſquelles celle de la Tré
moüille ne ſoit alliée . Feu Madame
la Ducheſſe de Noirmoutier a laillé
deux Garçons & trois Filles. L'Aî.
né qui eſt aujourd'huy Duc de Noir
moutier , n'auroit cedé ny en méri
te ny en valeur à aucun de ſes An
ce
G A LA N T. 27
ceftres , ſi un malheureux accident ne
Pavoit pas privé de la veuë. M'l’Ab
bê de Noirmoutier eſt fon Cadet .
2
s
yeux à
B 2
28 MERCUR E
peut eſtre
juſtice qui luy eſt deuë. Mais pour
ce qui regarde ſon ame, quelque
peinture qu'on puiſſe vous en avoir
faite , je doute qu'on vous en ait al
ſez marqué l'élevation . On ne voit
rien de plus grand , & s'il y a quel
que choſe qui luy ſoit égal, ce ne
mou .
G A L A N I. 29
1
it
1
mourut à Veniſe où elle l'avoit ac
compagné. Cette mort luy fit pren
dre le party de ſe retirer à Rome.
Elle s'y renferma dans un Convent ,
& y demeura trois ans . Pendant ce
temps-là , M ' le Duc de Bracciano
devint veuf , & l'épouſa.
1
1
en
ſo
bir
es
Les
ne
ve
La
11
30
M E R CU RE
d'Anhalt. Elle a donné au [G l'ori
gine aux Comtes de Lippe en Weſt
phalie, & à ceux de Roſenberg
en Bohëme. Les Urſins poſſedoient
de grands Etats en Grece du temps
de l'Empereur Eſtienne , & Jean
Zapha des Urſins eſtoit Grand Con
neſtable de cet Empire ſous l’Em
pereur Simeon . Les Comtes de Bla
gay qui ont leurs Etats ſur les fron
tieres de Dalmatie , font deſcendus
de cette branche. Celle des Mar
quis de Trinel - Urfins eſt éteinte ,
apres avoir fleury pendant pluſieurs
Siecles en Frances, où elle a occupé
les premieres Charges du Royaume.
L'an 1227. le Roy Jacques d'Arra
gon donna à Oddefredus des Urſins,
des Etats conſidérables au Royaume
de Valence , pour reconnoiſſance du
Secours qu'il luy avoit amené de
Rome contre ſes Ennemis. C'eſt de
luy que
qui
G A L A N T. 31
3
qui ont fait plus de douze rejettons.
Je n’entreray point dans le détail des
Hommes illuſtres qu'elle a produits.
Les divers Etats qu'ils ont poſſedez
en Italie pourroient former une des
grandes Souverainetez de l'Europe.
Si vous vous attachez à ſes Alliances,
vous trouverez qu'elle a donné des
Reynes à pluſieurs Royaumes , & que
beaucoup de ceux qui en ſont ſortis
ont eu l'honneur d'épouſer des Prin
ceſſes Royales. Outre neuf Maria
ges qui ont uny les Urlos avec les
branches Royales de Montfort, de
Brenne , de Clairmont, & de Beaux,
ils ſont alliez par la Maiſon de Mé
dicis à celles de Valois & de Bourbon .
Paul Jordan des Urfins premier de
ce nom , Duc de Bracciano , Biſa
yeul de celuy da preſent, épouſa
Iſabelle de Médicis Fille de Coſme
de Médicis , premier Grand. Duc de
Toſcane . Elle eſtoit Tante de Marie
de Médicis Reyne de France, Fem
me de Henry IV : & Mere de Louis
2
1
2
B 4 .
32 MERCURE
XIII. Laurens I de Médicis, ap
pellé le grand Prince de Florence ,
épouſa Clarice des Urſins Biſayeule
de Carherine de Medicis , Regne de
France , Femme de Henry II . Et
Pierre de Médicis deuxiéme , Prin
ce de Florence , fur marié avec Al
fonline des Urſins Ayeule de la meſ
me Catherine de Médicis. On peut
dire ſans ſe rendre ſuſpect d’éxagerer ,
que la Maiſon des Médicis a bafty
les premiers fondemens de la gran
deur ſur l'appuy & ſur l'alliance des
Urſins , aufli bien
G A L A N T. 33
d'huy vit ſous la protection de Sa
Majeſté, & imite le zele que ſes
Prédeceſſeurs ont toûjours eu pour
le ſervice des Roys de France. Quoy
qu'il ait vendu pour huit millionsde
livres d'Etats, dont il a payé les deb
tes de ſes Anceſtrés , il poſſede en
cor les Duchez de Bracciano & de S.
Gemini , la Principauté de Vicouar ,
les Comtez d'Anguilara & de Galera ,
les Marquiſats de Treviniano , Roc
cantiqua, & de la Penne , la Sei
gneurie de Torri, & la Fortereſſe
de Palo. Il a le droit de faire batre
Monnoye , & jouit dans les Etats
de toutes les prérogatives dontles
Souverains ont accoûtume de joüir.
Le rang de Prince du Solio le diftin
gue luy , & le Conneſtable Colon
na , de tous les autres Princes Ro
mains.
5
e
B 5
34 MERCURE
qui leur donne le privilege de créer
des Comtes , des Barons, & des Che
valiers , d'annoblir des Roturiers ,
& de légitimer des Bâtards .
G A L ANTO
35
1
e
t
S
forte , & un Port conſidérable de la
Coſte de Provence. Les ſervices qu'il
a rendus pendant plus de vingt an
nées en qualité de Capitaine d'Infan
terie & de Cavalerie , luy ont attiré
cette récompenſe. Il a auſſi com
mandé le Regiment du Gua en Al
te
on
36
MERCURE
S EN TI MENS
I.
Souvent, par un bouheur extréme,
Un Barbare a vaincu de puiſſans Ennemis ;
Mais s'il euſt entrepris de ſevaincre luy -meſme,
La raiſon , le devoir , ne l'auroient pasfoúmis.
COWY ,
.
Le rend plus éclatant de gloire,
Que celle qu'il ne doit qu'à la ſeule valear.
LA
GALANT . 37
III.
LA condition d'une Femme
A quelque choſe de charmant ;
Et ponr vous découvrir le ſecret de mon ame ,
La voftre, cher Tirſis, a bien de l'agrément.
De vous dire ſi l'une est plus noble quel'autre ,
38 MERCURE
De l'Indiference à l'Amour.
1
A
Se voir trahy d'une Maitresſe
Que l'on aimoit uniquemant,
Etle voir fans reſſentiment ,
C'eſt manquer de courage des de délicateſſe.
O
de ce
La quatrieme de ces Queſtions a
eſté traitée à fond d'une maniere fort i
agreable par M de Ravend . Ses raj
fonnemens vousplairont, & je croi.
rois dérober beaucoup à vos plaiſirs ,
fi je diférois à vous faire part
qu'il a écrit ſur cette matiere.
SI ON PE UT HAIR
elles
G A L AN T. 39
elles durent peu , du ne
40
MERCURE
0
par la transformation de l'Amante de
la Perſonne aimée , on peut dire qu'il eſt
impoſſible de hair ce qu'on a une fois bien
aimé.
7
A
GALANT. 41
Je me frapay le ſein , j'arrachay mes
4.2 M ER ÇU R E
Elle s'opoſe d tous les bons ſentimens que
nous en pourrions avoir , e nous rend
meſme inſuportable le bien qu'il nous peut
faire. Il en eſt de meſme de ce que nous
aimons. Nous en gardons une image fo
vive da ſi charmante, qu'elle efface tous
les defauts de la Perſonne aimée, tous
kes mépris des toutes les rigueurs qu'elle
pourroit avoir pour nous,
ce
GAL A N T. 43
7
A
X
2
*
ce ſont ces reſtes de l'amour qu'on appelle
un feu caché sous la cendre .
mens ,
-
44 M E R CU RE
mens , et c'eſt ce qui faiſoit dire d Hip
ſipile écrivant à Jaſon qui l'abandonnoit pour Medée.
9
2
C
1
Contre toy ma colere a ſes bornes pre
Il
GAL A N T. 45
ES
A
Il y a eu des Amans cruels du barba
res , dont l'amour s'eſt changé en fureur ;
mais c'eſtoit moins des Aman's
%
46 MERCURE
it
02
Je croy , Madame, que vous
vous faifferez perſuader par ces rai
fons. Il eſt de certains outrages qui
font prendre des réſolutions de hair ;
mais on ne les exécute jamais , fi ce
n'eſt qu'on devienne auſſi jaloux
qu'on eſt amoureux, car il n'y a rien
qui ſoit plus à craindre que la jalouſie .
Elle aveugle ceux qu'elle poffede ,
& quand ils fe font une fois misquel- !
ques chimeres en teſte, la raiſon eſt
incapable de les diſſiper. Vous en
trouverez la preuve dans ce que j'ay
à vous dire. Quoy que la choſe ſoit
arrivée il y a déja un an , comme elle
n'a eſté juſqu'icy connuë de perſon
ne , elle n'en aura pas moins les gra
ces de la nouveauté.
}
G A L A N T. 47
e fut épargné de ce qu'il pouvoit at
qui.
48 MERC
U R E
quitoit jamais un moment. - L'OF
ficier qui eſtoit fort éloigné des ſen
cimens qu'on luy imputoit , ne ſe
faiſoit point une peine d'avoir toû
jours l'Avocat en telte. Il luy trou
voit de l'eſprit , & n'ayant rien de
particulier à dire à ſa Femme , il ne
s'embaraffoit point du ſoin extraordi.
naire qu'il prenoit de la garder . Cette
forte d'indiférence pour elle , ne re
médioit point à ce que le Mary ſoufroit
de ſa défiance . Il croyoit lire
dans les yeux de l'Officier l'amour
que luy avoit donné ſa Femme , &
il s'eſtoit meſme apperçeu avec beau
coup de chagrin qu'il avoit quelque
fois foûpiré en la regardant. Cette
remarque acheva de confirmer ſes
foupçons. La verité eſt qu'un fou
venir amoureux avoit de temps en
temps couſté des ſoûpirs à l'Officier,
ſur quelque raport qu'avoit la Fem
me de PAyocat avec une fort belle
Perſonne qu'il aimoitpaſſionnément,
& qu'il avoit laiſſée à Paris. Ce n'eſt
GALANT. 49
tie
pas qu'il y euft entr'elles aucune rer
ſemblance de traits . Le viſage de
l'une eſtoit fort diférent de celuy de
l'autre , mais elles eſtoient toutes
deux de la meſme, taille , avoient
l'une & l'autre les cheveux blons ;
& ce qui frapoit davantage l'Officier,
TE
es
a
Is
50 M ER CV RE
vocat le mit dans la Chambre à ſon
ordinaire ; & afin de luy faire croire
que les ſoins qu'il luy rendoit e
ſtoient pour luy.meſme indépendam
ment de ſa jalouſie , le lendemain il
voulut aller s'infornier dés le matin
comment il avoit paſſé la nuit . Il
ouvrir la Porte ſans l'éveiller , & s'ef
tant approché fort doucement , il
apperçeut une Boëte de Portrait que
l'Officier avoit laiſſée ſur un Fau
teüil aupres de ſon Lit. C'eſtoit le
Portrait de fa Maîtreſſe. Il le pora
toit par tout avec luy , & il l'avoit
regardé le ſoir pour le conſoler de la
perte de ſon argent. L'Avocat ne
pût regiſter à la tentation de prendre
la Boëte. Il s'en faiſit , & ne l'eụt
pas plutoſt ouverte , qu’un grand cry
qu'il fit éveilla le Cavalier. Il fut
ſurpris de voir ſon. Portrait dans les
mains de l'Avocat , & il le fut en
cor plus quand le voulant retirer , il
luy entendit dire qu'il auroit ſa vie
auparavant. Il fauta du Lit en pal
GA L AN T ..
е
fant fa Robe de chambre , & alla
vers l'Avocat qui s'eſtoit faiſy de ſes
Piſtolets qu'il avoit trouvez ſur la
Table. L'Officier s'en mit peu en
peine. Ces Piſtolets eſtoient fans as
morce. Il lavoit oſtée à cauſe de
quelques
fait
LE
52 MERC.U
R R
fait entendre au Cavalier en termes
graves de Magiſtrature, qu'il eſtoit
Officier de Juſtice, il luy comman
da de par le Roy de ceſſer ſes empor
temens contre con Hofte . Le Cava
lier s'arreſta , & il n'eut pas plutoft
conté au Magiſtrat la cauſe de leur
démellé, que l'Avocat reprit bruſ
quement qu'il avoit raiſon de ne you
loir pas rendre le Portrait , puisque
c'eſtoit celuy de la Femme Le Ma
giſtrat qui la connoiſſoit , voulutju
ger par ſes yeux , & examiné
le Portrait en queſtion , il ſe mit du
party de l'Officier qui traitoit l'Avo
cat d'extravagant. L'Avocat au de
ſeſpoir de ce que le Magiſtrat fedé .
claroit contre luy, demanda tout en
colere s'il eſtoitaveugle , & s'ilpou
voit ne pas reconnoiſtre fa Femme à
ſes cheveux blons , & à ſon Der
habillé bleu . On eut beau luy dire
que le Portrait n'ayant aucun de ſes
traits , & ne luy reſſemblant que par
du blond & du bleu , cette circon
& ayant
Itan
G A L AN T .. 53
F
ſtance eſtoit trop foible pour s'y ar
refter. Il foûtint toujours que c'eſtoit
le Portrait de ſa Femme, & qu'il y
avoit intelligence entr'elle & le Ca.
-valier . La conteſtation s'échaufa .
Les deux prétendus Rivaux ſe dirent
chacun des choſesfacheuſes. L'Avon
cat qui n'eſtoit plus maiſtre de ſa rai
fon , donna un démenty au Cavalier.
Le démenty fut payé d'un ſouflet ,
le ſouflet d'une gourmade , & le com
bat ' recommença tour de nouveau .
Le Magiſtrait fe mit entr'eux pour
les ſéparer , & reçeut les coups qui
ne pûrent aller juſqu'aux Comba
tans. Cependant une Servante ac
couruë à ce ſecond bruit , alla dire
en hafte à la Maîtreſſe que POfficier
alfalinoit fon Mary . La belle cou
choit dans un Apartement de derriere;
où elle n'avoit rien entendu de tout
ce vacarme. La nouvelle luy fit crain
dre tout . Elle ſe jetta hors du Lit
toute effrayée, & courut à demy nuë
à la Chambre de l'Officier. L'accueil
C 3
54
M E R C U R E
fut mal gracieux pour elle. Le Mary
qui ne ſçavoit à qui fe prendre de
l'éclat qu'il avoitcommencé de faire ,
la régala de quelques ſouflets , dont
le Magiftrat empeſcha la ſuite . Ces
fortes de carrelles quin'eſtoient ny or
dinaires
fit
G A LA N T. 55
e
fit les mefmes plaintes qu'ilavoit dé
ja faites de l'infidelité de fa Femme,
& les finit par le prétendu don de ſon
Portrait au Cavalier. La Belle qui
eſtoit revenue de ſon évanouiſie
ment , demanda raiſon de la calom
nie. Il fut queſtion de voir le Por
trait. L'habillement bleu , & les
cheveux blons, eſtoient la ſeule ref
ſemblance qu'il euſt avec elle. Le
Pere & la Mere qui avoient eu la pa
tience de laiffer dire à leur Gendre
les choſes les plus cruelles contre leur
Fille , ne pûrent la voir condamnée
ſur un ſoupçon qui avoit ſi peu d'ap
parences de verité , ſans entrer dans
un reſſentiment proportionné à l'af
front qu'on leur faiſoit. La Merefe
jetta la premiere ſur l'Avocar, le pric
aux cheveux ; & tandis qu'elle les
tiroit d'une main , & l'égrátignoit
de l'autre , le Pere luy faiſoit con
noiſtre qu'on nel'offençoit pas im
punément. La Femme toute inter
dite de voir aux mains les trois Per
2
5
e
e
-
C4
fon .
56 MERCURE
1
ſonnes à qui elle devoit le plus, crioit
au ſecours fans prendre party . Ses
cris attirerent quelques Voiſins de
l'un & de l'autre Sexe , qui eſtant ar
rivez au champ de bataille , firent
cefler ce dernier combat. Il falut de
nouveau éclaircir le fait. Les circon.
ſtances qui avoient donné lieu au
ſoupçon , furent trouvées ridicules.
Tout le monde blâ ma le Mary. Le
Mary voulut avoir raiſon contre tout
le monde , & traitant ceux qui le
condamnoient, d'ignorans , il en
voya chercher le plus fameux Pein
tre dela Ville , comme un Juge com
pétent ſur cette matiere: Le Peintre
arriva. Le Mary lay mit luy -meſme
le Portrait entre les mains , & le pria
de leur dire à laquelle de toutes ces
Femmes il trouvoit qu'il reſſemblaſt.
Le Peintre les regarda toutes , exa
mina le Portrait , & dit qu'il ne reſ
ſembloit à aucune. L'Avocat plus en
colere qu'il n'avoit eſté juſque là ,
demanda au Peintre s'il pouvoit nier
G A L A N T. 57
5
2
!
f
7
.
€
1
que ce Portrait ne fuít celuy de fil
Femme, & le Peintre n'eut pas plu
toft répondu qu'il luy reſſembloit en
cor moins qu'aux autres , que deux
ſouflets & quelques gourmades , le
payerent de fa réponce. A ce quatrié
me conabat on ſaiſit le Mary com
me un furieux ; mais ſi on arreſta fes
mains , on n'arreſta pas ſa langue. Il
dit que le Peintre eſtoit de l'intrigue,
que c'eſtoit luy qui avoit fait le Por
trạit , & que les préſensde l'Officier
l'ayant corrompu , il avoit intereſt
d'empeſcher que la verité ne fuſt con
nuë . Le Peintre demanda reparation
d'honneur & pour l'impoſture, &
pour les coups qu'il avoit reçeus. Il
y avoit tant de témoins de la choſe ,
que rien n'eſtoit plus à craindre pour
l'Avocat que le Procés criminel qu'il
luy vouloit faire . Toute l'Aſſemblée
s'employa aupres du Magiftrat, pour
le ſuplier de l'aſſoupir ; & l'Avocat
qui commençoit à connoiſtre qu'il
avait tort , ayant confenty à l'en faire
9
s
C 5 .
58
MERCURE
Juge , il le condamna à quelque fom
me d'argent , qui obligea le Peintre
à ſe taire. Cependant comme il ne
falloit pas que l'affaire reſtaft indéci
ſe , parce qu'elle regardoit la réputa
tion & le repos de la Belle , on ap
porta de li bonnes raiſons au Mary
ſur ce que
il ſe laiſſa ébranler; & ce
qui acheva de le convaincre , ce fut
qu'il eſtoit impoſible quele Portrait
quiavoit cauſé tout ce defordre, fuſt
le Portrait de la Femme que l'Offi
cier euft fait faire , puis qu’on pou
voit aiſément connoiſtre qu'il eſtoit
fait il y avoit déja plus d'un an , &
que l'Officier n'eſtoit dans la Ville
que depuis dix jours. Cette dernie
re raiſon l'emporta. L'optiniâtre Ja
loux ſe rendit', & joüa le perſonnage
du Georges Dandin de feu Moliere ,
en faiſant des excuſes à fon Beaupere,
à la Bellemere , à la femme, & à
G'AL ANT 59
.
e
?
l'Officier , qui demeura poffeſſeur de
ſon cher Portrait. Vous jugez bien ;
Madame , que toutes choſes ſe troua
verent par là fort diſpoſées à la paix,.
Il ne s'y rencontra qu'un ſeul ob
ſtacle. L'Avocat fe connoiffoit . La
moindre apparence le rendoit jaloux.
Havoit outragé ſa Femme. Elle pou
voit eſtre d'humeur à ſe vanger , &
l'Officier eftoit en état de luy en four
nir les occafions. AinG pour le repos
du ménage , il falloit
t
7
1
€
60 M e RC U R E
>
du Carnaval. C'eſt une ſaiſon favo
rable
pour
que
ces.
G A LANT. 61
ces grandes Aſſemblées. Comme les
Palais ſont fort ſpatieụx , la Salle
du Bal eſt au milieu de huit ou dix
Chambres , toutes ornées de riches
Tentures , de Tableaux , & de Meu
bles d'un fort grand prix. Il y a de
tres-agreables Concerts d’Inſtrumens
dans chacune. Les Maſques les vont
entendre , & ony donne de toute for
te de Liqueurs à ceux qui en veu
lent. Les Dames priées ſont affiffes
dans la Salle du Bal , où la Nobleſſe
les vient prendre pour dancer . Leur
dance n'eſt qu'une maniere de pro
menade , continuée quelquefois de
Chambreen Chambre, où ceux quiy
< font peuvent avoir le plaiſir de voir
-pafler tout la Bal. Un Gentilhomme
rencontrera un de ſes Amis , & luy
donnera la Dame qu'iltient afin qu'il
pourſuive la dance avec elle, & quand
-la Dame veut ſe repoſer, elle fait la
Feverence , & prend un Gege. Gran
de liberté en tout cela ,. & jamais de
confuſion .
62 MERC UR E
TE
(
1
af Pendant tout le Carnaval il y a
pluſieurs Académies de Jeu , les unes
pour la Nobleffe , & les autres pour
les Bourgeois. Les Maſques ont le
privilege d'entrer par tout. Leur Jeu
le plus
ya
GA'L A N T. 63
$
2)
reglé , fans compter pluſieurs autres
Compagnies de fimphonie quis'y ren
contrent. Ony voit auſſi quantité de
Feſtes de Taureaux qui combatent
contre des Ours & des Chiens , mais
ce ne font pas des plaiſirs tranquil
les , & ily arrive quelquefois beau
coup de déſordre.
2
1
64
M E R CURE
C
des Inſtrumens , & de la Muſique
Elle avoit eſté faite par le Sieur Jean
Dominique Freſchi, Maiſtre de Cha,
pelle à Vicenze. Deux autres Opéra
ont paru avec quantité de change
mens de Théatre, fur celuy de S. Lu
'co, apartenant à M ' Vendramin . La
Muſique du premier intitulé Sexte
Tarquin , eſtoit du Maiſtre de Cha
pelle de S. A , S. le Duc de Mantouë ;
& celle du ſecond , ayant pour titre
Le doe Tiranni , marquoit d'excellent
génie du Sieur Antonio Sertorio qui
Pavoit faite. C'eſt un des plus ex
perimentez Maîcres de Chapelle qu'il
y ait en Italie. Il y avoit pluſieurs
Machines y & entr'autres, un Fir
mament qui venoit des Cieux , tout
remply d'Etoiles , en maniere d'un
Palais des Dieux. Quantité deGens
fe voyoient rangez tout autour des
Baluſtrades , & tout eſtoit ſolltenu en
Vair . On n'avoit pas eſté quite de cet
te Machine pour deux mille Ecus.
Joignez à cela les mejlleurs Muſiciens .
1
GALANT 65
21
1
qu'on euſt pû trouver. Le fameux
Cortonne en eſtoit. On luy donnoit
quatre cens Piſtoles d'or pour deux
mois de Repréſentation que dure le
Carnaval ; autant à Marguerite Pia ,
deux cens cinquante à la Signora
Giuglia Romana , & aux autres ſelon
leur merité.
3
I
at
1
es
que
66 M.ERCURE
CE
j
que
ment
T
G A L A N T. 67
ment ce qui convient à chacnn de
ceux qui ſervent d'Acteurs dans un
Opéra . Il faut, Madame, vous faire
juger par vous meſme de la beauté
des Airs qu'il compoſe, en vous en
yoyant un de ceux quia eſté chanté
dans celuy-cy. En voicy les Paroles
avec la Note.
AIR.CHANTÉ DANS
UN DES DERNIERS
ܪ
&
21
.
1 Per non vivere goloſo ,
$
3 Quarante Inſtrumens des meilleurs
qu'on euft pû trouver , fervoient à
la Simphonie. - L'ouverture du Thé
atre ſe faiſoit par une grande Place
dans
68 MERCURE
dans Rome , avec des Arcs de triom
phe , & un Globe qui en s'ouvrant
laiffoit voir plus de cent Perſonnes
en armes . Néron paroiſſoit dans une
autre Scene. Son Char- eſtoit traine
par deux Elephans. Apres luy , le
Roy Tiridare venoit à cheval avec les
principaux de fa ſuite. La Reyne ſa
Femme eſtoit portée par des Hom
mes dans une Chaiſe fort magnifi
que , & l'un & l'autre alloient ſe pro
fterner aux pieds de Néron , quior
donnoit un Bal pour les divertir .
Une fort grande quantité de lumie
res faiſoit briller la Décoration qui
fut particuliere à ce Bal. Néron , &
coute fa Cour tant de l'un que de
l'autre Sexe, y dançoit à l'Italienne,
au fon de pluſieurs Inſtrumens ex
traordinaires qui eſtoient ſur le Thé
atre. On voyoit enſuite une Acadé
mie de Muſique dans laquelle Néron
chantoit , ainli que les principaux de
ceux qui l'accompagnoient, auſquels
il diſtribuoit des Roles pour repré
G A - L A N T. 69
].
ſenter une Comédie. Cet Empereur
y joüoit luy meſme, & c'eſtoit quel
que choſe d'allez particulier que cet
te Scene. Il y avoit des, Loges des
deux coſtez du Théatre . Des Dames
& des Cavaliers entroient dans ces
Loges , comme Auditeurs de la Co ,
médie , & , une toile ſe levant laiſſoit
paroiſtre un autre Théatre. On y
voyoit la Lune & fept Etoiles en
Machines , toutes ſi brillantes , que
lour éclar n'éblouiſſoit pas moins
qu'il ſurprenoit. La Comédie eſtant
faite ; Néron donnoit l'ordre pour
un fuperbe Feſtin . Il avoit eſté pre
paré dans une Grote toute remplie de
nüages, qui formoit une Décoration
d'une beauté merveilleuſe.On croyoit
voir un lieu enchanté: Il y avoit de
la Simphonie dans tous les coins de
la Grote . Les Tables eſtoient éle
vées en manieres de Machines , &
on n'y pouvoit aller qu'en montant
vingt degrez de chaque coſté. Au
milieu de ce Feſtin on venoit avertir
I.
Hel
n
Né
70
MERCURE
0
Néron
rou .
G A LANT. 71
6
es
. roulante , qui ſortant de la Porte de
72 M E R CURE
pluſieurs Baſſins remplis des meil
leurs mets de la ſaiſon , & de toute
forte de liqueurs. Plus de cent Flam
beaux de cire blanche qu'on alluma
ſur des Bras d'or attachez aux dehors
des Loges, répandoient un nouveau
jour ſur le Parterre. Quantité de Da
mes des plus belles & de plus jeunes s'y
placerent apres le Repas, ſur des ſie
ges qu'on avoit préparez tout autour.
Elles eſtoient. habillées à la derniere
mode de France, mais dans un ajuſte
ment fi ſuperbe , qu'on ne voyoit
qu’or ,argent, broderie, points, & pier
reries. Plus de deux cens Gentilshom
mes ſe trouverent dans le meſme lieu .
La magnificence de leurs Habits ne
ce doit en rien à celle des Dames ,
& on ne leur voyoit comme à elles
que Broderie , Pierreries , & Points
des plus fins. Il ne s'eſtoit fait de
longtemps aucune aſſemblée où la
Noblefle Venitienne ſe fuſt renduë ,
ny en ſu grand nombre , ny dans une
La riche parure. Toute la Simphonic
GA LAN TO
73
de l'Opéra eſtoit en cercle ſur le Thé ,
atre . Vous jugez bien qu'unefi char
mante harmonie ne fut pas un des
moindres plaiſirs que cauſa le Bal. Il
n'y avoit que les Perſonns qui en
eſtoient, dans le Parterre . Tout le
E
3
74 MI'ERC U R E
drilles, de quatre Cavaliers chacune.
Il y en avoit rune de Mores', une
d'Indiens , & deux autres de Turcs
& de Tartares. Ils combatirent aux
Teftes avec le Dard , le Piſtolet , &
l'Epée , & firent en fuite un Balet
à cheval, de trois façons. Trois Rê .
cits y furent chantez par le Fameux
Mulicien Cartonne , veſtu en Diane.
L'équipage de ces Mores , Indiens ,
Turcs & Tartares , eſtoit magnifi
que, & jamais on ne vit des Ru
bans , des Plumes , & des Pierreries
en Li grande confuſion . Ils avoient
huit Trompetes , & trente Perſon
nes de Livrées , tous fort leftes, &
montez ſur les plus beaux Chevaux
d'Italie. Les Dames & les Cavaliers
qui ſe trouvèrent à ce merveilleux
Spectacle , eſtoient dans des Loges
faites expres. Il y avoit de grands
Echafauts pour les Etrangers , le tout
dans le lieu meſme de l'Académie ,
qui peut contenir juſqu'à quatre
mille Perfonnes. Les feize qui for
.
me
9 GALAN + .
75
]
.
merent ces quatre Quadrilles, eſtoient
M le Duc deMantoúe ; M. Moulin,
-M " Gornaro , deux Freres ; M"Va
nieri, deux Fretes' & Couſin ; M
Dolfin M " Morofini , deux Cou .
fins ; & M " Foſcarini; Loredan ,
Zanobie , Tiepolo , Capello , & Ca
vabli, tous de la meilleure Nobleſſe
Venitienne, des plusriches , ,& des
plus adroits.
pen ,
7
76 MERCURE
penſées , car pour la fi & tion elle elf
traitée diferemment. Cela n'empef
che pas qu'il n'avoue qu'on doit uni
quement à M ' de Santeüil cette in
génieuſe maniere de ļoüer M de
Chancelier ,
L A N Y M P H E
D'ECH A VILL E.
Lors que le cboix du Roy dans le Grand
>
!
3
G A L'ANT. 77
admire ,
se perſuade enfin que tant de modeftie
Avec un fo ' haut Rang ſeroit mal aſſortie.
Déja pour enbellir ſes Jardins i les Eaux ,
Elle forme en ſecret mille projets nouveaux ,
Elle ne fe croit plats une Nymphe ordinaire,
Ses jeux accoûtumez ne ſçauroient plus lusy
-
2
larmes.
L'une a peur que le bruit d'une nombreuſe Cour -
Vienne ſouvent troubler leur tranquile ſejour ;
L'autre , qui cherche en
D 3
78 MERCURE
-Demande en foúpirant ce qu'elle eſt devenuë z.
Et toutes , pour cacher leur crainte , ou leurs
>
vance ,
G A LA N T.1 79
Le plus petit Zéphir n'ofereit reſpirer ,
LesChanſons desOiſeaux font à l'inſtant ceffées,
Tout craint de le diſtraire en ſès hautes penſées ;
Mais non , chantez , oiſeaux , folátrez , doust
!
d'appas,
,
Une ſimple Naïade , au bruit quefont les pas
A travers le criſtal de fa demeure humide ,
Ofe le parcourir d'un oil prompt og timide ,
Mais n'appercevant rien de ce qu'a dit Æglé,
Elle rend un doux calme à ſon eſprit troublé,
Il ſemble que de joye au ſortir de la ſource ,
Pour l'aller publier, elle hafte fa courſe ;
Tous les Bois d'alentour font bientoft avertis ,
Et les diſcours d'Æglé font bientoft démentis.
Vous verriez à sa voix revenir les Naïades ,
Et de leurs troncs ouverts accourir les Driades ,
Comme apres un orage ox peut voir des Pigeons
Que le Soleil raſſemble à ſes premieres rayons..
3
tes parts ,
Ont peine à contenter leurs avides regards.
Alors , comme à l'envy, ſur leurs pipeaux rua
ſtiques,
D 5
80 M ER C U R E
Ils ofent celébrer les vertus héroiques ,
Les oiſeaux réjouiss y meflent leurs concers ,
Et la voix des Echos les répand dans les airs.
Mais vous y demeurez interdite do confuſe ,
Æglé, reconnoiſſez que l'orgeuil vous abuſe,
Que pour les vrais Héros le faſte eſt ſansappas ,
Et qu'ils foufrent la pompe, doo ne la cher
chent pas.
2
Ces Vers partent d'une veine ſi
aiſée , que quoy que la matiere ſoit
des plus illuîtres , on peutdire qu'ils
n'en ravalent point la dignité. On
m'en avoit promis de fort galans
qu'on ne m'a point encor envoyez.
Ils ont eſté faits ſur le Mariage de
M de Chamilly . Je me contentay de
vous mander la derniere fois qu'il
avoit épouſé Mademoiſelle du Bou
cher de Villy. Il faut vous dire au
jourd’huy que cette Demoiſelle eſt
riche de pres de huit cens mille li
vres , qu'elle eſt dans une grande
devotion auſſi bien que Madame fa
Mere , & d'un mérite qui ne la rend
pas moins conſidérable fa vertu .
de
GALANT. 81
i
I
S
1
$
de Chamilly dans la plûpart de mes
Lettres , qu'il ſemble qu'il ſoit inu
tile d'y rien adjoûter. Il eſt Frere de
ce fameux M ' de Chamilly Lieute
nant General, à qui ' fa valeur, fa
prudence , ſon eſprit, & fa galante
rie avoient acquis une li haute répu
tation. Celuy dont je vous parle eft
fort connu par luy meſme. Ses Em
plois & les Gouvernemens qu'il a
eus , ſont de glorieuſes preuves de
ſes ſervices. On luy a confié ceux de
Zwol, de Nuis , de Grave , d'Ou
denarde , & il a preſentement celuy
de Fribourg. La longue & preſque
incroyable reſiſtance de Grave a fait
tant de bruit , que tout ce que je
pourrois dire là- deſſus à ſon avanta
ge ,
2
82 M E R CURE
que ce n'eſt que pour vous appren
dre ſa mort . C'eſtoit un tres - bon &
ancien Officier. Il avoit ſervý en
Catalogne depuis quelques années,
& toûjours avec ſuccés. Le Roy qui
ne donne les Gouvernemens, & fur
tout ceux qui font d'une auſſi haute
importance que l'eſt celuy de Do
üay , qu'à des Perſonnes d'une pru
dence & d'une valeur éprouvée , a
nommé M des Bonnets , Commif
faire General de l'Infanterie , pour
eſtre Gouverneur de cette Place."
G Å LAN T. 83
qu’un Village en France , & meſme
des plus petits. Il eſt à trois lieyès
de Tulle , en allant vers les Mon
tagnes d'Auvergne , extrémement
froid , & inacceſſible en de certains
temps. C'eſt là que M' de la Roche
Karian s'eſtoit retiré , menant une
vie fort cachée. Quoy qu'il préten
diſt eſtre Roy de Colconda , ou Cole
kinde en Aấe , il faiſoit profeſſion
ouverte d'inſtruire des Enfans gra
tuitement , & il leur avoit dicté en
langage du Païs une eſpece de Caté.
chifme mellé de l'Hiſtoire Sainte &
de la Prophane. Il eſtoit âgé envi
ron de cinquante ans , fort petit de
taille , tres-gros, & quoy qu'il por
tait une Perruque , on jugeoit qu'il
avoit eſté extrémement blond. On
le voyoit rarement ſans Bagues &
fans Bijoux , rien ne luy plaiſent da
Vantage que ces ornemens. Il ne beu
voit preſque jamais de Vin ; & com
me il eſtoit ſans barbe , & que d'ail
leurs il ufoit fort de Lait , de Sucre ,
& de
84 MERCURE
& de Confitures , toutes ces choſes ,
quoy que naturelles aux Anglois &
à pluſieurs autres Nations , ont fait
que la plûpart de ceux qui l'ont veu ,
fe font imaginez qu'il eſtoit d'un
Sexe diférent du noſtre. En effet,
il n'eſt point de Femme quin'aye le
ton de voix plus maſle qu'il ne l'a
voit , & qui ne fuſt mieux à cheval
que luy . Mais enfin il a fait connoi
ſtre qu'il eſtoit Homme. Son langa
ge ordinaire eſtoit le François. Ille
parloit paſſablement pour un Etran
ger. Le caractere de ſon Ecriture te
noit beaucoup de celuy des Femmes.
Il affectoit de paroiſtre Philoſophe,
avoit de la curioſité pour toutes les
belles Connoiſſances, parloit en Sca
vant , & raiſonnoit fort ſouvent ſur
les Cours & les Intrigues des Prin
ces . Sa Religion eſtoit apparemment
la Catholique. Il fréquentoit les Sa
cremens , & les a reçeus avant ſa
mort ; & ce qui confirme ce qu'il a
fait croire de luy fur cet article , c'eſt
qu’ens
GALANT . 85
qu'entr’autres choſes on a trouvé une
Lettre qu'il avoit écrite à un de ſes
Amis ſur le Conclave, & ſur l'exal
tation au Pontificat. Il n'y a rien
de plus Chreſtien que cette Lettre.
Il s'y explique avec de fort grandes
moralitez ; & d'une maniere tres
agreable , en faveur du Sacré Colle
ge & de la Perſonne éleuë . Il foll
tient ſur tout que le S. Eſprit préli
de à cette Affemblée; qu'il donne
des lumieres aux Cardinaux , auſſi
bien que des graces au nouveau Pape ,
pour foûtenir la ſainteté de ſon Mi
niſtere , quand meſme il auroit paru
avant la promotion n'avoir pas tou
tes les qualitez requiſes , & qu'ainſi
c'eſtoit à nous à benir les ordres de
la Providence , & à ne rien appro
fondir dans cette matiere. Cela dé
ment ce que quelques - uns prétendent
luy avoir entendu dire , que la ve
ritable Religion eſtoit celle du Sou.
verain dans les Etats duquel on avoit
à vivre . On ne l'a jamais yeu s'éloi.
gner D7
86 M E R CURE
10
u
ta
a
gner
s'eſt
G À LAN T. 87
5
1
s'eſt aſſez bien porté pour n'avoir be
ſoin d'aucun fecours. Il paſſoit pour
un Homme tres -pécunieux , & un
de ſes Amis a dépoſé qu'il luy avoit
un jour aidé à compter quatre mille
Pieces de quatre Piſtoles, & qu'il
pouvoit faire encor la meſme ſomme
en Pierreries , en Bijoux , & en au
tre argent. il a fort ſouvent fait voir
aux Gens qui le viſitoient , un Ecran
garny .
ce
88 MERCURE
ceſtueuſes pourſuites de ſon Frere,
qu'elle ne pût s'empeſcher de décou
vrir ſon embarras à fa Mere ; Que
cette Mere connoiſſant ſon Fils pour
un Prince emporté & violent , ré .
folut de ſe retirer de les Etats, d'em
mener la Princefíe la Fille , & de la
mettre ſous la protection du Roy de
Perfe ; Que l'ayant mariée à un Prin .
ce Perfan , ſon Fils ne ſongea plus à
fa Sæur , mais que quelque temps
apres ayant veu une Perſonne qui
luy reſſembloit, il'épouſa ; Que c'e
ftoit de ce Mariage que luy , la Ro
che Karlan , eſtoit forty ; Que ſon
Pere eftant mort quelque temps
apres ,
fi fa
G A LA NI . 89
à
5
ſi fa qualité eſtoit connuë ; qu'on
auroit pourtant de la peine à décou
vrir fon Tréſor; que tous les Bo
hémiens du Royaume ne viendroient
pas à bout de deviner où il l'avoit
mis , & que fa mort rendroit Cham
pagnac un lieu celebre. Le Curé du
Bourg que je vous nomme , a remis
quelques Effets de fa Succeſſion en
tre les mains des Officiers du Prél
dial de Tulle. Son Corps a eſté ex
poſé pendant huit jours dans ſon
Egliſe, apres quoy il l'a fait mettre
dans une Foffe d'une profondeur qui
n'eut jamais d'égale en ce Pais la. On
ne m'en a point mandé la raiſon .
90MERCUR. E
:: LES
ROSSI G N O L S.
F A BL E.
Un jeune Roſſignol depuis peu déniché ,
.
OPVS
않
%
N
FERVET
PACE
DATA
DAYON
90
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S
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I
1
S
.
Le
G ALAN T.. 91
habile ,
que
Pour la ſaiſon , dit -il, yous en fçavez affez ,
que
92 MERCURE
1 que je vous envoye. L'un vous fait
voir quantité d'Abeilles en Pair qui
ſe batent, tandis que les autres :s’oc
cupent à bâtir leurs petites maiſons
dans une Ruche , avec ces mots ,
Fervet opus , nec bella morantur ; &
dans le fecond Revers, vous voyez
un Alcion qui fait ſon nid ſur les
Flots pendant le calme, avec ces pa
roles , Pace data ædificat. On auroit
peine à faire connoiſtre d'une manie
re plus ingénieuſe que le Roy a fait
bâtir en tout temps , & que les dé
penſes de la guerre n'ont pû faire
diſcontinuer ce qu'on acheve pen
dant la Paix .
Je vous appris la derniere fois
qui
GALÁNT . 93
2.
ii
qui fe font fouvertes. Ce dețnier
eſtoit tres -brave, & foſt eſtimé dans
Son Corpsr M'le Marquis de Boiſle.
leau qui a la Charges a eſte gratis
fié - preſque en meſme temps & de
l'agrément de Sa Majeſté, & de
deux mille Piſtoles. Ses fervices par
lent avantageuſement pour luy. Je
ne vous repete point les actions ſur
prenantes qu'il fit au Siege de Cam
bray. Je vous en ay plainement in
ftruite par ma troiſiéme Lettre de
l'année 1677. Il eſt le huitiéme
Capitaine aux Gardes de ce nom
M de Boifreleau fon Pere la eſté ,
auſſi-bien que feu M ' de Droüé ſon
grand Pere , à qui on avoit donné
le Gouvernement de Royan . Ils ont
tous fervy avec une grande fidelité,
& ſe ſont toûjours fait diſtinguer
par leur bravoure. La Maiſon de
Droüé eſt une des plus anciennes du
Royaume , alliée de Ducs & Pairs ,
& de Maréchaux de France. Celle
de Boiſſeleau eſt bâtie dans le Blai
fois ,
--
1
94 ME R C ÚR
с
fois , & paſſe pour une desplus bel
les , & des plus régulières qu'il de
ait dans la Province. Outre le Mara
quis & l'Abbé dont je vous parles
il y avoit un troiſiéme Frère qüipor
toit le nom de Chevalier de Boiffe
leau . Il commandoit une Compagnie
de Dragons dans le Regiment de la
Reyne, & fut tué en donnant des
marques de Soh -courage , danssa
meſme occaſion qui couſta la vie à
M " le Marquis d'Hoquincourt. 11
eſtoit très bien fait de la perſonne. 1
C'eſt un avantage commun à tous
ceux de cette Maiſon , qu'on peut
appeller la belle Famille. Il y a peu de
Perſonnes auſli bien faires
1
Vir
G À LÀNT. 95
Virginité dans le Vendômois. Ma
dame l'Abbeſie, qui eſt Sæeurs de
M ' l'Archeveſque de Paris , en fait un
cas tres -particulier. C'eſt une Dame
d'un fort grand mérite , & dont la
conduite eft admirable. jubac
dans
1
é
2.
I
96 MERCURE
dans la Province ' , que M'Marcelat
Directeur General des Affaires de cet
Ordre, par une juſte reconnoiſſance
des obligations qu'il avoit à ce Pré
Ident , luy. fit faire un fort beau
Service dans la Chapelle de Noftre
Dame du Mont- Carmel de Toulou
ſe. Quantité de Perſonnes de mar
que y afſifterent.
!
ne
>
} 1 16年
I toleo
G A L AN T. 97
heceſſité . Elle Paimoit avec une tres
ardente pallion. Il n'en avoit pas
moins pour elle , & il s'eſtoit ren
du digne de fa tendreſſe par toute la
ſienne, mais ils eurent beau ſe plain
dre de leur malheur. Il falut faire
ceder l'amour à la gloire ; & comme
il auroit eſté honteux au Marquis
de ſe laiſſer arreſter par uneFemme ,
quand les occaſions de ſervir ſon Prin
ce l'appelloient , où toutes les Per
ſonnes de ſa naiſſance ne ſe pouvoient
diſpenſer d'aller , il continua les Cam
pagnes qu'il avoit déja commencé
de faire , & paſſa deux ans ſans re
venir. Il ſignala ſón courage en plu
-fieur rencontres . La Belle entendoit
parler tous les jours de luy avec gran
de eſtime ; mais comme ce n'eſtoit
point le voir , cette joye ne luy te
noit lieu que d'une fort legere con
98 M ER CURE
quiter l'Armée. La Belle l’apprit avec
des tranſports de joye qưon ne ſe
peut figurer; & comme le Marquis
prenoit des meſures ſi juſtes pour ſon
voyage , qu'il l'avertiſſoit préciſe
ment du jour de ſon arrivée , elle
réſolut de le ſurprendre , & obligea
quelques Gentils-hommes de ſes Pa
rens , d'aller au devant de luy dans
un Bois éloigné d'une demy -lieuë
de la Ville , où elle faifoit ſon or
dinaire ſejour. Elle les avoit priez
GALANT : 99
de la nuit. Ils alloient tous monter
à cheyal, quand tout à coup ,ils en
tendirent un bruit de Tambours,
de Fifres , & de Mouſquetades , qui
les étonna. Le Marquis croyoit eſtre
2011
te
E 2
100 M É R CU RE
S
fous ces Tentes ambulantes , rea
doient aſſez de clarté , pour faire
paroiſtre pluſieurs Dames dans un
équipage tout à fait galant. Le Mar
quis ne ſçavoit que juger de cette
à fa rencontre , & ils raiſonnoient
enſemble ſur cette galanterie , dans
laquelle il eſtoit fort éloigné de croire
qu'it pût avoir pare. Cependant les
Dames deſdendirent de leurs Bateaux , i
& s'eſtant arreſtées apres avoir fait
deux cens pas vers les Cavaliers, une
d'elles qui avoit la voix admirable ,
chanta le Quadrain fuivant. 70
Mes
G A L'ANTI 1011
Mes yeux , vous l'avez véu , ce magnanime
Prince ,
U.
En
Subjuguer en huit jours une grande Province.
L'Eſpagnol eſt ſoumis plus qu'il ne fut jamais ,
D
1
E 3
con
102 MERCURE
connuë, & elle ne ſe fut pas plûtoft
montrée , que voyant fi pres de luy
ce qu'il avoit de plus cher au monde,
il fit un grand cry, courut l'embraſ
ſer, & demeura quelque temps fans
s'apercevoir qu'il manquoit de civi.
lité pour les autres Dames. Il les fa
lüa, entra avec elles dans un des Ba
teaux qui les attendoit , & fic pa
roiſtre à la Femme toute la recon
noiſſance poſſible de la galante re
ception qu'elle luy faiſoit . Le Con
cert recommença. On arriva dans la
Ville. Toutes les Dames accompa
gnerent le Marquis chez luy , & y
trouverent un magnifique Repas. Le
Bal füivit , & rien ne manqua се
GALANT . 103
les ne prendroient peut-eſtre pas tant
de plaiſir qu'elles font à écouter ceux
qui leur en content , ſi les Hommes
ne ceffoierit
E.
La
T
Ĉ
A MADEMOISELLE D ***
e
e
$ Puis que l'éloignement des lieux mepri
ve de Phonneur de vous voir , il faut
belle Iris, que je me conſole en vous écri
vant, o que jevous entretienne de loin ;
mais comme il eſt aſſez difficile de vous
faire tenir les Lettres qu'on vous écrit
104
MERCURE
où vous eftes, je me fers dun Meſsager
qui paſſe par tout , à qui les Cabinets
des plus grands Seigneurs ſont ouverts,
& dont le miniſtere eſt auſſi honneſte 2
préſent, qu'il eſtoit autrefois ſcandaleux.
Vous voyez bien que c'eſt du Mlercure
que je vous parle. Ne ſoyez pas ſurpriſe
de la peine qu'il prend pour moy. Il n'yle vu
A rien de plus obligeant que luy , & peut
eftre un peu de reconnoiſſance L'engage- t
elle à me fervir au beſoin. Il fait tous
les mois un voyage en ce Païs -cy. Mon
lors
aufi
Nous ne verroi
c ver - rons nous 耳
T
身上
thafſer tous nos ennuis ; Mais vde
tous nos ennuis ; Mais vous ne e
群
Ny beaux jours , ny belles nuits. ni
Ny beaux jours , ny belles nuits. nu
OM
GALANT 105
que nous
auſſi bien faites que fpirituelles, -VOUS
n'aurez pas de peine à croire
nous préparions à bien paſſer le reſte du
Carnaval. ChaqueBelle avoit déja fait
plus d'une conqueſte. Plus d'un Brave
s'eſtoit deja rendu , do l'on ne parloit que
de Divertiſſemens dos de Feſtes, quand
un malbeureux Contr'ordre nous enleva
tous nos Officiers. On n'en eſt pas encor
bien revenu. Les Dragons ſont allez en
Provence & leur départ avec le froid
ſemble avoir reſſerré tous lesplaiſirs. Le
voiſinage des Montagnes le rend icy be
aucoup plusinſuportable qu'il n'eſt ailleurs ,
Cependant peu à peu .
E
5 plus
106 MERCURE
1 plus-toft que plus tard, Il n'eſt point
neceßaire d'attendre que le Roſſignol vous
en parle. L'Amour n'a point de meilleur
que jour .
Je ſuis fort trompé cependant fi mon
exemple vous perſuade; bo pour vous
attacher ſerieuſement, vous eſtes trop
prévenuë du Proverbe Italien , Cogli
la Roſa , e laſcia ſtar la ſpina . Ap
prenez celuy - cy , belle Iris , È ſaviezza
talhora mutar conſiglio . Vous croyez
que cette Roſe ſansépine ,eſt d'avoir be
сисаир d'Amans fans que vous en aimiez
aucun ; mais l'un n'arrive guere fans
Pautre. Une cruelle infenfibilité guerit
GALANT 107
ey
!
plus malades, e l'on eſt bientoft las de
Soûpirer à crédit.
Qu'il ne ſoit point de coeur inſenſible
ZI
3
3
108 M ER CURE
ܕܢ
dans un lieu où l’Amour ſeul eft témoin
de noſtre tendreſſe. Un peu de jalouſie re
double nos ſoins. On en prend quelque
fois pour avoir le plaiſir d'en témoigner;
da on ſe fait ſouvent une agreableoccu
pation d'un malheur imaginaire.
è dolce .
Si vous voulez que l'on vous aime ,
Il faut aimer à voſtre tour ;
Car le meilleurphiltre d'Amour
Aimable Iris , c'eſt l'Amour meſme
Si vous examinez mes conſeils, vous
GAL ANT. 109
S
trouverez que je vous les donne en Amy.
C'eſt votre intereft ſeul que je regarde;
B comme je Içay qu’on va de Loreille
an ceur , & que vous chantez parfai
tement, j'ay fait mettre en Air les pre
miers Vers de ma Lettre. Faites -y refle
xion , du me croyez voſtres doc.
6
Set
IIO MERCUR
E
plus loin , & voicy ce qu'on luy écrit
d'aupres d'Argentan. La Lettre eft
au nom du Matou Brunaut , à qui
Mi d'Abloville a prêté ces Vers.
BRU NA
Attendant l'autre jour une tendre avanture ,
}
GALANT.. III
Voudriez -vous luy marquer du mépris !
fe fuis de qualité; je ne ſens point le Drille,
On peut fans vanité compter dans ma Famille
doux ;
Mais des Chats baſtis comme nous ,
Demandent de l'eſprit', de la délicateſe,
>
112 M ER CURE
1
s'ils veulent avec moy venir à la gourmade.
DE O SIL V A
NO PROSA LV
TE RATIARIO Rú
SUPERIOR . A
MICOR . SUOR .
P .... T SANCT .
MA .... S .. CIVIS HEL
V. S. L. M
Quel
G A L AN T. 113
.
5
Quelques Bourgeois de Geneve al
lant à la Peſche , apperçeurent cette
Antiquité dans le fond du Rhône à
ſa fortie du Léman . L'eau eſtoit alors
fi baffe & ſi claire, qu'il leur fut ai
ſé de voir que la pierre eſtoit écrite.
Ils eurent ſoin de la faire tirer ſur le
bord , un peu au deſſous de la Tour
qu'on appelle de Céſar. Elle y de
meura expoſée deux ou trois jours ,
en ſuite dequoy elle fut portée dans
la Court de l'Hoftel de Portugal. Mi
Minutoli , Profeſſeur aux belles Let
tres , à qui appartient préſentement
cet Hôtel , fit un peu apres deux
Diſſertations Académiques ſur cette
nouvelle découverte , & les recita
publiquement. Il parla du Dieu Sil.
vain , mais ſans s'y étendre beau
coup , parce qu'il s'en voit quantité
d'autres Inſcriptions & dans le Tré
for de Gruter , & dans les Pieces que
le ſçavant & curieux M ' Spon con
tinuë de nous donner. Il s'arrefta
principalement ſur la navigation du
114 MERCURE
Lac Léman , laquelle du temps des
Romains , & meſme longtemps apres,
ne s'eſt faite qu'avec des Radeaux.
Le mot de Ratiarii qui eſt connu des
Juriſconſultes , comme celuy qui
ſignifie des Conducteurs de Rade
aux , & qui n'avoit point encor pa
rudansaucune Inſcription , luy four
nit la matiere de quantité de doctes
Recherches , dont je ne doute point
qu'il ne faſſe un jour part au public.
mort
G A L A N. T. 115
mort aufli. M : de Lavardin eſt fon
Heritier.
I
la Grange.
1
6
0
11
M'Tronçon Conſeiller au Parle
mentin eſt monté à la place de Pallu . .
au Conſeiller en la Grand'Chambre ,
mort ſur la fin du meſme mois. On
connoît le mérite de l'un & de
l'autre
1
116 M E R C UK E
ſouvenir que j'oubliay à vous dire
le Mois paſſés que la Reyne eſtant
venue à Paris, apres une viſite qu'il
luy plât de rendre dans le Luxem
bourg, à Mademoiſelle d'Orleans,
qui avoit eſté faignée , fit l'honneur
à Madame la Duchefle de l'aller
voir , ſur la perte qu'elle avoit faite
de Madame la. Princeffe de Salms fa
Soeur. Cette illuſtre Morte avoit
l'eſprit infiniment éclairé. On ne
doit pas en eſtre ſurpris , puis qu'elle
eftoit Fille de Madame la Princeffe
Palatine. M'le Prince de Salms fon
Mary , dont elle eſtoit parfaitement
aimée , eſt un des Hommes du mon
de le mieux fait .
n'en
GALANT: 117
1
1
n'en attendiez de -moy , une deſcri
ption particuliere. Je ne manqueray
pas
1
1
118 M E R C V R E
3
Ouvrages d'eſprit. On en voit peu
. )
G A LA N T. iT9
Je vous diray ſeulement que Mle
Procureur General parla dans la der
niere Mercuriale avec beaucoup d'é
loquence. Il fit un Panegyrique du
Roy , dans lequel il comprit toutes
ſes Campagnes depuis le commence.
ment de la guerre , & remarqua meſ
me qu'il y avoit eu des années pen
dant leſquelles ce Grand Prince en
avoit fait deux . Apres ce dénombre
ment des travaux du Roy , il ex
horta Meſſieurs de la Robe de tra :
vailler à ſon exemple , & dit, quºd
préſent que Sa Mujeftén'avoit pløs toute
l'Europe à combatre , Elle alloit de nou
veau appliquer..ses ſoins à faire fleurir
la Fuffice , & qu'ily avoit déja pour
cela des. Declarations fous la Preffe.
Monſieur le Premier Préſident prit
la parole apręs luy , & ayant adreſſé
le commencement de ſon Diſcours
à M " les Gens du Roy , il le conti
nüa en parlant aux Juges. Voicy les
termes dont il fe fervit.
1
3
1
5
GENS
120
MERCURE
Gens du Roy,
tra
G A L AN T. I 21
travail qui ne firit point ; ſemblables de
ces claires Fontaines , que pon ne peut ny
Avril 1679 .
122
MERCURE
la perfuafion des Amis , plus capable que
tout de penétrer une belle ame.
pour
G A L A N T. 123
%
pour le donner tout au dehors.
du
F 2
124
M E R CURE
du plus auguſte Parlement de France .
1
1
G A L A NT . 125
ſentement cette premiere Charge de
la Maiſon de la plus grande Reyne
du Monde , peut avec beaucoup de
juſtice s’attribuer l'avantage des plus
illuſtres Naiſſances. Elle eſt de la
Maiſon de Mortemar , & tire ſon
origine des Souverains de Limoges ;
mais quoy qu'elle ne laiſſe voir que
le Sang Royal au deſſus d'elle , com
me je vous l'ay dit en d'autres oc
caſións, ce n'eſt pas cette ſeule gloi
re qui la rend conſidérable. Elle l'eſt
bien plus par la force de ſon eſprit ,
& par la grandeur de ſon ame. Vous
le croirez quand je vons aurez dit
qu'au ſentiment des Perſonnes les
plus éclairées, la beauté à laquelle
rien ne ſçauroit eſtre comparable ,
eft infiniment au deſſous de ce que
l'un & l'autre a d'éclatant. Cette nou
velle Sur -Intendante apres avoir
té le ferment ordinaire , a commen
cé les fonctions de fa Charge, & les
a commencées de li bonne grace , que
tous ceux qui furent témoins des ma
F 3
u
nie .
126 MERCURE
nieres aiſées, naturelles, & engagean
tes dont elle en remplit les devoirs la
premiere fois qu'elle entra en exercice,
ne purent ſe défendre de l'admirer .
avoit
pas moins
3
1
GALANT 127
avoit reçeu ſes ſoins ſans attache
ment , & s'eſtoit tenuë toûjours aſſez
maîtreſſe de ſes ſentimens , pours'ac
commoder du choix qu'on feroit
pour elle. Le Cavalier la perdit avec
une douleur inconcevable , mais il
ne put ceſſer de l'aimer. Il luy ren
doit mille agréable fervices , faiſoit
tout ſon plaiſir dela voir, quand il
en pouvoit trouyer las occaſions; &
luy ayant proteſte en pluſieurs mnen ,
contres que malgré- fan engagement
il ne vivroit jamais que pour elles il
refuſa, tous les Partys qui fe preſen
terent, quelques avantageux qu'ils
faſſent pour luy. La Belle Marquiſe
devint Veuve. Il s'attacha aupres d'elo
le plus que jamais ,& comme elle avoit
beaucoup de mérite , il eut bien - coſt
beaucoup de Riyaux . Tant de Pro
teſtans l'inquiéterent. Il ne put voir
leurs aſſiduitez fans quelquechagring
mais il eut beau le faire paroiſtre.
C'eſtoit l'humeur de la Dame. Elle
aimoit le monde , & eftant devenuë
&
4
2
5
F.4
128 MERCURE
maiſtreſſe d'elle -meſme, elle crut de
voir profiter de cet avantage . Sa cour
grofliffoit de jour en jour. Chacun
luy difoit qu'elle eſtoit aimable , &
rien ne luy plaiſoit tant que de ſe
Pentendre dire par pluſieurs bouches .
Le Cavalier luy en faiſoit quelque
fois de galans reproches , & l'ayant
trouvéeun jour avec cinq ou fix de
de ſes Amies ſans aucun de ſes Ri
vaux , il dit les choſes dų monde les
plus agreables für un abandonnement
fi
peu
2 Mara
G A LA N T. 129
」I
3
Marquiſe n'en fut point fachée. Une
Belle ne left jamais d'avoir des Ado
rateurs , quand meſme elle n'en ai.
meroit aucun , puis que le nombre
eſt une preuve de ſon mérite. Une
Dame des plus enjouées de la Com
pagnie pouſſa la matiere , & dit que
ce qui l'empeſcheroit de recevoir tous
les voeux qu'on s'empreſſeroit de luy
offrir, eſtoit qu'elle croyoit impoſ
ſible d'avoir des Amans en ſi grand
nombre, fans qu'il y en euſt de bien
fatigans. Elle adjoûta qu'il y avoit
apparence que le Cavalier connoiſ
foit parfaitement les defauts de tous
ceux qui s'eſtoient déclarez pour la
Marquiſe, n'y ayant perſonne qui
euft des yeux plus penétrans qu'un
Rival , quand il s'agiſſoit d'exami
ner ſes Rivaux. Le Cavalier fe con
tenta de répondre qu'il n'y avoit au
cun d'eux qui ne méritalt d'eſtre eſti
mé, puis qu'on ne pouvoit aimer
la Marquiſe ſans ſe montrer de bon
gouft. On ſe récria ſur cette dou
1
1
.
5
F5
ceurs
130 MERCURE
ceur , & la Marquiſe qui accuſa le
Cavalier d'eſtre peu ſincere, ne luy
pardonna ce qu'il avoit dit de trop
obligeant pour elle , qu'à condition
qu'il feroit la peinture de tous ſes
Āmans . Les Dames condamnerent
le Cavalier à luy obeïr ; & comme
ce qui approche un peu de la ſatyre
divertit beaucoup, elles luy firent
unë eſpece de neceſſité de parler con
tre fes Rivaux , adjoûtant pour l’y
engager plus aiſément, qu'on ſça
voit bien qu'ilne feroit que des pein
tures de leurs manieres d'aimer plus
plaiſantes que fatyriques , & qui ne
diminuëroient rien de leur réputa
tion . La chore valoit bien qu'on y
penſaft. Le Cavalier demanda du
temps , & voicy ce qu'ilenvoya quel.
ques jours apres à la Marquiſe
2
.
E
3GIAULI ASIN TIMI
*
1
132 ME RAC UA RE
puis que je vous vay écriré tout ce
que vous y auriez leû , fi je l'avois
fait graver avec la Figure. Les Chi
fres vous marqueront les Amours
auſquels chaque Articleidoit fe rap
porter. Cette agreable Galanterie
eftoit accompagnée d'une Lettre du
Cavalier conçcuë en ces termes ,
2:11
+
01"
1 DEmander à un Ennemy ce qu'il pen
fe de fon Enemy, c'eſt le croire bien ge .
néreux , on n'avoir pas deſſein d'adjoû
ter for à ce qu'il en dira. Il en eſt de
meſme d'un Amant , qui ne regardant
ſes Rivaux que d'un æil de jalouſie, ne
Sçauroit en dire du bien . Il a de la peine
à leur trouver du mérite , parce qu'il
ne leser en fouhaite point. Il ne les exa
mine que de leur mauvais coſté , & con
plus grand defir feroit qu'on ne leur vijf
rien que de haiflable
rois
GAL AN T. 133
rois que je ne ſuis point de ce nombre ,
je ne ſçay fi en faiſant trop Phonneſte
Homme, on ne me prendroit point pour
un Amant peu touché. Comme la raiſon
n'eſt pas toûjours la marque d'un grand
amour , il eſt dangereux d'eſtre trop rai
Jonnable en aimant. La plüpart des Fema
mes.Sont délicates , ſur tout quand elles
ont de Desprit. Elles. tirent des conſequen .
ces de la moindre chofe , & il vaut fou
vent mieux leur montrer qu'on les aime
éperduëment, mériter par là leur ten
drelle, que de s'acquérir leur eftime par
des
F7
134
M EAR CJURE
dire vray , charmante Béliſé , je vous
aime trop pour ne les pas haïr beaucoup,
Vous me difpenférez pourtant de vous en
nommer aucun . Vous avez trop # eſprit
pour ne les pas connoiſtre par la peinture
que je vous en vay faire , to je ne ſçay
s'il n'y en aura pas beaucoup qui ne se
connoiſtront pas ſi bien eux -mefmes que
vous les connoiſtrez. Ge qui me le fait
croire ; c'eſt que pluſieurs attribuent aus
autres les defauts quifont en eux. Ils en
font fans -doutemoins condamnables, puis
que s'ils croyoient les avoir, ils cherche
roient à s'en corriger. Fe dois pourtant.
demeurer d'accord qu'ily
LOW
' Fol.135.
25
23
21
Xurs
GALANT . 135
toute nature , il n'y a point un plus
grand triomphe pour une Belle ; car en
fin , ' quoy qu’un Brutal ne doivepaseſtre
aimé , il eſt plus glorieux d'alajetir ce
Brutal, qu’un Amant naturellement ten
dre. Je dis la meſme choſe des autres
cæurs peu diſpoſez d l'amour. Vous avez
tout aſujety; c'eſt ce qui rend voſtre tri
omphe parfait. Vous en avez rebuté plu .
fieurs ; c'est ce qui donne le dernier éclat
à voſtregloiré. Vous enſoufrez parpitié ;
c'eſt ce qui faitconnoiſtre voſtre bonté
ne doit
VOUS.
136 M E R CURE
vous. Il n'a jamais de reſpect ; &
comme il falloit
Les indignes Amans qu'il vous avoit ſoumis ,
Cet Amour aufli maltraité de vous
que de ſes Freres , dont peu le veu
lent reconnoiſtre , a mis au nombre
de vos Amans de pauvres Eſclaves
qui ſont à plaindre, mais qui ſont
en meſme temps ſi peu dignes que
vous les con dériez , que vous ne
luy avez point fait d'injuſtice en le
banniſſant ;
Car enfin on a beau me dire ,
Que qui pour de beaux yeux roupire ,
G A AN T. 137
Quoy qu'il ſoit ſans eſprit , perit aimer fortea
1
>
74
:
Il n'eſt point , dit- on , de laides
amours . Je le veux croire ; mais cela
n'empeſche pas qu'il n'y ait de forts
laids Amans. Cet Amour vous en
a foûmis quelques- uns qui font de
ce nombre . L'eur laideur vous a dé
goûtée , & il s'eſt retiré de dépit.
fe Içay que la beauté n'eſt pas dans un Amant
16
8
ET VAIN .
Que vous avez fagement fait ,.
vous
138 MERCY E
vous garder des Amans dont cet
Amour vous avoit attiré l'homma
ge! Si vous ne les cuffiez chaſſez ;
leurs langues en auroient chaſſé bien
d'autres.
reux ,
vrijtve , aimant que ce a
Ces Cauſeurs éternels , dos d'eux ſeuls amou
Ne cherchent en aimant que ce qui peut pa
tiroiſtress
3 Et pourvey qu'on les croye: heureux ,
C :
des plaiſirs.
s'il faut que pour Mary cet Amour ſe hazarde
6. L'A
GALANT 139
6. L'AMOUR TRANQUILLE.
Cet Amour qui aime à ſe repoſer »
& qui ne s'inquiéte jamais de rien ,
vous a donné des Amans qui vous
feront
I
7. L'AMOUR BRILLANT.
Vous avez obligation à cet Amour.
Il vous donne des Amans qui vous
peuvent ofter le chagrin que vous
recevez de la veuë de quelques au
tres .
140 MERCURE
tres . Ils ont le bel air. Tout brille
dans leurs manieres & dans leur per
fonne. Ils fautent & dancent tou .
jours. Ils préſident dans les Ruelles
galantes , & il n'y a point de matie
res ſur leſquelles ils ne trouvent abon
damment à s'étendre.
C'eſt un torrent de mots qu'on ne peut arreſter.
ils partent ſans foufrir bien ſouvent qu’on ré
Tous ceux que cet Amour a blef
ſez pour vous luy reſſemblent ; mais
ne croyez pas que quand il faudra
vous aimer toûjours , ils demeurent
également obſtínez . Leur obſtina
tion
G A L AN T. 141
0
tion ne conſiſte qu'à vouloir forte
ment ce qu'ils veulent , & à l'em
porter meſmecontrece qu'ils aiment ,
ſoit qu'ils ayent raiſon ou non. Ceux
qui ſont de ce caractere , n'en for
tent jamais.
Tant qu'ils ne font qu'Amans, on trouve lieu
11
Ere
Gardez -vous des Amans dont la
promptitude ne ſçauroit fe modérer.
her
.
Cet Amour eſt bien trompeur , &
les Amans qui le reconnoiſſent ne
le ſont pas moins. Vous les voyez
foll
142 MERCURE
follmis , inſinüans, complaiſans, &
ils veulent tellement tout ce quevous
voulez , qu'il ſemble que les choſes
les plus fâcheuſes pour eux , leur
foient agreables. Uneli parfaite foll
million eſt à eſtimer ; mais comme
il eſt autant d'Hypocrites en amour
qu'en autre choſe , on doit fort ſe
défier de la paſſion d'un Amant qui
a trop l'art de ſe poſſeder. En effet,
Il eſt bien malaiſé qu'on foit toujours le maiſtre
D'un amour dont l'ardeur ne ſçauroit s'auge
G A LA N Ti 143
L'eſprit le moins timide en eſt déconcerté,
EX
Si
144 MERCURE
Si toſ qu'ils ont deſſein de plaire.
Ainfo l'on montre en vain l'ardeur des plus
Les Amans qui ſuivent les Loix
de cet Amour , ſont d'abord tout
de feu pour leurs Maîtreſſes. Gar
dez de vous aſſurer trop ſur ceux
qu'il vous a ſoûmis. Ils n'ont que
des tranſports violens , & leurs pre
miers ſoins ſont accompagnez d'un
emportement de pallion qui ne laiſſe
rien à ſouhaiter ; mais tout ce qui
eft violent n'eſt jamais durable & fi
vous y faites reflexion ,
De la force fouvent lafoibleffe a ſșeu naiſtre ;
Peut avoir trop agy , cette force s'abat;
C'eſt ainſi qu'un grand feu qui jette un viféclat,
s'éteint preſque aufi- tojt qu'il commence à
E
GALANT
. 145
e.
ANO
114
5. Ci
14. L'A -MOUR LANGU ISSAN T.
des Cet Amour eſt d'un caractere en
-
146 MERCURE
rend encor plus à mépriſer que les
Avares , qui peuvent au moins ai
mer fortement , pourveu qu'on " ne
leur demande rien de ce qu'ils ont déja
amaffé. Qu'une belle Perſonne plaife
à ces Avares , ils chercheront quel
quefois à ſe ſatisfaire , & n'examine
ront point s'ils pourroient trouver
ailleurs plus d'avantages. Mais
L'Amant intereffe ne regarde que foy ,
Dans l'hommage apparent qu'il rend à fa Mai
les
G A L A N T. 147
qu la gloire dans lemonde , vous feroit
Dins avantageufe, s'ils ne vouloient'en met
DI
fé
148 ME RÇ U R E
ſé pour vous quelques -uns de vos
Amans, n'ont pas fait de fort pro
fondes bleſſures. Ils ſont toûjours
preſts à rompre. Tout les choque.
Tout les chagrine. Des Bagatelles
leur paroiſſent des Monſtres , & ils
ne croyent jamais eſtre aimez. Peut
eftre n'agiſſent ils de cette forte que
par un excés de pallion. Ils le diſent ,
& je le veux croire ; mais enfin
Quand ces plaintifs do trop fâcheux Amans
Auroient autant d'amour que de délicateſſe ,
Et leur amour qui toujours gronde
Peut s'appeller avec raiſon
Le plus vilain amour du monde.
G A L A N T. 149
aſſez agreables. Ils vous diſent de
fort jolies choſes , & dés la premiere
fois qu'ils vous voyent , ils ne man
quent point à vous faire les prote
ſtations les plus tendres , & les plus
remplies de paflion ; mais gardez de
vous y tromper.
Tous leurs fermens d'amour font fermensd'ha
ī
e ;
touche ,
Ils vous peignent des maux qu'il nereſſententpas,
Et leur cæur nefjait rien de ce que dit leur bouche.
vent
150
MERC, U R E
vent rien tant fouhaiter que des A
mans fort paſſionnez , elles n'ont
guére ſujet de s'accommoder de
ceux - cy .
3
Et
G A LANT.
151
Et qui dans ſon attachement
AN'a pour regle que fon caprice ?
Aujourd'huy sont à vous , demain preſque
Dés
Femmes
G4
Sur
152
MERCURE
Sur tout ce qui leur a déplú ,
Et dont avant l'hymen ils n'ont oſé ſe plaindre,
G A L A NT . 153
cete langueur que produit le veritable
amour , ils diſent d'un ton lent quan
tité de douceurs , & les accompa
gnent de mefchantes pointes appel
lées Turlupinades , qui ne peuvent
ſatisfaire un Eſprit bien fait.
Leur entretien eſt fade, do n'a rien d'agreable,
Et pour vous , dont le gouſt eſt délicat do fin ,
VOUS
154 M E R CU RE
Vous devez moins craindre qu'une au
tre d'éprouver leur légereté.
Vous ſçavez foues vos Loix fortement engager
Ceux que
GALANT .
155
demeurer d'accord . Chacun ne re
garde que foy en aimant , & il y a
peu de Perfonnes qui aiment leurs
Maîtreffes pour elles-meſmes.
L'Amant ſeul qui jamais ne fe laffe d'aimer ,
Doit eſtre regardé comme Amant veritable.
Tout semply de l'objet qui le ſșeut enflámer ,
156 ME RC U RÉ
Belle de vanter ſes charmes , it fiea
bien à un Amant de dire qu'il aime,
de le dire mille fois le jour , de le
prouver , de peindre l'excés de ſa
pallion , & de faire voir que perſon
ne n'a jamais tant aimé, ny n'aime
ra jamais tant que luy. C'eſt ce que
je fais ; & comme je ſuis ce Con
ftant G rare å trouver , cet Amour
conſtant qui eſt le mien , ſe voit pla
cé au deſſus de tous les autres , &
tient mon coeur comme l'unique
qu'il ait pû connoiſtre parmy tant
de coeurs , capable d'aimer éternelle
ment . C'eſt une verité dont il ne
fe
GALANT 157
que moy , ont pris d'autres liaiſons ,
ſi toſt qu'ils vous ont veu faire un
heureux. Moy ſeul , j'ay continué
à vous aimer , & vous ne ſçauriez
douter que je ne vous aye aimée pu
rement pour vous , puis que j'ay
continué à vous aimer fans aucun ef
poir. Vous eſtes devenuë maîtreffe
de vous -meſne, & en meſme temps
de ma déftinée. Vous en pouvez dé
cider . Faiſons un Contract dont l'A
mour regle luy feul les Articles . Le
mien deférera tout au voſtre. Ma
vie , mes biens , ma fortune , tout
eſt à vous. Eprouvez fi je dis vray ;
& li la follmillion que j'auray à tou
tes vos volontez n'eſt point entiere ,
banniffez-moy pour jamais & de vos
yeux , & de voſtre coeur. Oüy , di
vine Bélife , je vous parle ſérieuſe
ment quand je vous aſſure que la
grandeur de ma paflion ne fçauroit
eſtre exprimée. Nous diſons tous que
nous aimoins, il eſt vray , mais c'eſt
nous - meſmes que nous aimoins.
G7
*1 $ 8 M E'R CURE
Je
M
le
&
moy , c'eſt
1
Tout a raport à nous ; & de mille
Amans , je ne ſçay s'il s'en peut
trouver un ſeul qui aime ſaMaitref
ſe ſeulement par elle. Jenepuis moy
meſme defavoüer qu'il n'y ait de
Pamour propre dans celuy que j'ay
pour vous , autrement il faudroit
C
11
GA LANT. 159
les jours ,
De nouveaux soupirans vous viennent tous
Mais sans qu'aucun Amant vous touche der
Ces Amours vous ſervent en fou
le. Mais quels Amours ! Demeſlez
le mien de cette foule , ou plutoſt
voyez qu'il s'en démeſle luy-meſme ,
&
que
160 MERCURE
deffein de faire un Mary , & qu’ainſi
on doit mettre ce que vous venez
de lire au nombre de ces Ouvrages
qui inftruiſent en divertiſſant.
tant
1
1
1
}
G A & A N T. 161
tant de honte à vous remettre moy -meſ
me fa peu de choſe pour Madame de Vil_
lars , que jay choiſy le parti de vous
Benvoyer apres - voftre départ. Je vous
prie de le luy faire agréer comme une
marque de mon amitié , o deftre bien
perſuadez l'un de Paútre, de l'eſtime
Ce que MadameRoyale veut bien
nommer peu de choſe , eſtoit fon
Portrait, enrichy de huit gros Dia
mans de plus de cent Loüis chacun .
Les Préfens de cette grande Prin
ceffe ne doivent pas eſtre ſeulement
confidérez par leur prix , mais encor
par la maniere dont elle les fait. C'eſt
toûjours fi obligeamment , qu'elle
charme ceux qu'elle honore de cette
gloirieuſe marque de ſon eftime. Ce
ſeroit icy le lieu de vous parler d'une
des deux Feftes ordinaires de Savo
ye , mais je n'en ſuis pas encor aſſez
informé ; & comme j'en fis graver
162 M & RC U R E
les Deffeins il y a un an , pour vous
les envoyer dans une de mes Lettres du
Extraordinaires , j'attens ceux des ay
Feſtes de cette année , afin de faire y
la meſme choſe. Cependant je croy
d'In
. 163 d'hfånterie
en France
, & Colonel
du Regiment
de Piémont
Ducal
,
ayant
remené
ce Regiment
en Savo
ye , luy a fait faire Pexercice
en pré
ſence
de Son Alteffe
Royale
, & de
toute
la Cour
de ce jeune
Prince
.
M ' l'Abbé
d'Eſtrades
Ambaſſadeur
de France
s'y trouva
. Le Marquis
que je vous
viens
de nommer
faiſoit
luy-meſme
la fonction
de Major
,
& chacun
s'acquita
de ſon devoir
avec
tant d'intelligence
, & d'un air
fi martial
que ceux qui en furent
té
moins
, dirent
que loin d'oublier
dans
les Armées
du Roy
les bonnes
diſ
poſitions
qu'on
pouvoit
avoir à bien
faire , on y en acquéroit
de nouvel
les ; & que c'eſtoit
la veritable
Eco
le , où l'on pouvoit
en peu
164 M E R CURE
a
dit) par M' le Marquis de Boiſſele
au , n'eſt pas le ſeul changement qu'il
y ait eu dans ce Corps. Le Roy a
donné quinze mille livres à M' Def
ragny Ayde Major , pour luy aider
à avoir une Compagnie, & il a ache
té celle de M'de la Tournelle. Sa
Majeſté ayant fait la meſme gratifi
cation à M de Roinville Lieute
nant , il a acheté la Compagnie de
M Voiſin . M " de Manevilete & du
Tremblé , tous deux Sous- Lieute
nans , ont eu des Lieutenances, aufli
bien que M' Pidoux Enſeigne. M *'
de Maupeou a eſté pourvû de l’En
ſeigne de ce dernier. Le Regiment
des Gardes ayant droit d'ouvrir le
premier la Tranchée dans tous les
Sieges , on peut juger par les grands
fuccés de cette derniere guerre com
bien il doit s'eſtre ſignalé ; & com
me les Officiers donnent lame aux
Corps dont ils ſont les Chefs, &
que leur exemple les excite , Gi l'on
regarde ce que ce Regiment a fait,
0
on
G A L AN T. 165.
on demeurera d'accord , qu'on ne
peut donner trop de louanges à ceux
qui l'ont commandé.
vir ,
166 M E R.CURE
1 vir , luy donna une Compagnie dans
le meſme Regiment . Il alla au Siege
de Valenciennes , où il eſtoit tous
les jours à la Tranchée , & de là ,
devant Cambray , où il demeura juf
qu'à la priſe de cette Place. Il ſe trou
va l'Hyver ſuivant au Siege de S. Gui
lain , & peu de temps apres à ceux de
Gand &d'Ypres. LeRoy qui ne laiſſe
point demérite fans récompenſe, luy
donna le Regiment d'Albret d'Infan- ?
terie. Il en reçeut le Brevet le jour
du Combat de S. Denis , où il con
tinua de donner des preuves de ſon
zele pour le fervice de Sa Majeſté,
& des marques de la valeur , & de
l'intrépidité de ſon courage.
ta
10
I
G A L AN TO 167
de Seminaire de S. Sulpice. Il a pris
les Ordres depuis ce temps- là, &
vient d'eſtre reçeu Docteur . Il ne
ſeroit pas aiſé de vous bien faire con :
noiſtre juſqu'où vont les progrés qu’a
faits cet Illuſtre Abbé dans un fort
petit nombre d'années. Il n'ignore
rien de tout ce qu'un grand Homme
doit ſçavoir; & il ya fi peu de Doc
teurs de fon âge, qu'on peut dire
que les Sciences luy ont eſté natu
relles. Le Bonnet qu'il vient de re.
cevoir en cette qualité , m'engage à
vous entretenir de ce qui fe paffe en
cette Ceremonie. Apres la Licence ;
on nomme par ordres , de quinze
jours en quinzejours , ceux qui doi
vent recevoir le Bonnet de Docteur.
Ils ſoutiennent le jourprecedent , ou
quelques jours auparavant , une Vef
perie, qui renferme les plus grandes
Queſtions de la Theologie , & les
endroits les plus difficiles de l'An
cien & du Nouveau Teftament. Le
lendemaiz ils foutiennent une autre
168 M E R CURE
Theſe , qu'on nomme Aulica , par
ce que ce doit eſtre chez Monſieur
l'Archeveſque de Paris ; en ſuite de
quoy le Chancelier de l'Univerſité
leur donne le Bonnet de Docteur au 1
nom du Pape , & les conduit dans
l'Egliſe Notre-Dame , à la Chapelle
S. Sebaſtien , où il reçoit le Serment
qu'ils font de défendre la Verité ,
meſme aux deſpens de leur ſang. Vous ?
remarquerez , s'il vous plaiſt, Ma- le
dame , que cette Ceremonie de donn
ner le Bonnet, ne ſe fait point ſans
que quelque Docteur d'éclat & d'un
mérite tres - reconnu , y reprefente le 1
Grand -Maiſtre de la Faculté . Le
choix en dépend de celuy qui eſt re
Çeu Docteur. Le Grand -Maiſtre louë
le Répondant, des veilles & des tra
vaux par leſquels il s'eſt mis en état
de mériter l'avantagequ'il reçoit. Le
Chancelier fait en ſuite un petit Dif
cours à la gloire du Grand -Maiſtre ,
& du nouveau Docteur; & le nou
veau Docteur les remercie , en fai- 1
fant
GA,LANT, . 169
1. nant ,
S !
fant l'éloge de l'un & de l'autre. Mon
ſieur l'Archeveſque ayanteſté prié de
faire la fonction de Grand -Maiſtre
dans la Ceremonie dont je vous par
le s'étendit fort ſur les mérites de
Monſieur Colbert , & de M ' l'Abbé
fon Fils . Comme il n'y eut jamais
d'Orateur plus éloquent que ce Grand
Prélat , & que la matiere eſtoit am
ple & belle , je ne vous feray rien
ſçavoir de nouveau , en vousappre
nant que toutcequ'il ait fut admiré
pour
E.
!!
1
170
MER -CU'R É
pour
coup
C
1
1
2
1
G AL, A N T. 171
coup plus avantageux d'y reſter , que
de reprendre ce qu'ils ont mis dans
ſes Cofres. Le Roy, qui eſt auſſi juſte
qu'il eſt grand , a conſenty à ce qu'ils
luy ontdemandé là - deſſus , & ils ont
eſté luy en faire leurs tres -humbles
remercîmens , au nombre de plus de
deux cens cinquante. N'admirez
vous pas , & la bonne
:
tage ?
1
172 MER cu R'E
P
€
N
de M ' le Marquis de la Hoguéte , &
Neveu de feu M. l'Archevelque de
Paris . La Cérémonie ,, futtres belle.
Les Religieuſes y chanterent divine
menr à leur ordinaire . La beauté de
ce Convent vous eſt connuë . Quan
tité de Filles de qualité & d'un grand
mérite, le rendent celebre Madame
leur Supérieureet 'Soeur de Midę
la Haye l'Ambaffadeur. Il ſe trouva
à cetre Ceremonie . L'Allembiée
eſtoit compoſée de pluſieurs Evel
ques, & d'un fort grand nombre de
Perſonnes tres conſidérables de l'un
&de l'autre Sexes (70 ) Spalva
3
1
>
G A Lo Ag N T. 173
& , on la peut demander dans voſtre
Province commeon fait icy, Cela
viept de ce1qu’on jugçoit autrefois
LesCriminels dont la naiſſance eſtoit
éleyee , dans une Chambre toute ten
duě de deuil , & qui n'eſtoit éclairée
que par des Flambeaux. C'eſt à cauſe
de çeşmeſmes Flambeaux quele nom
de Chapelle
.
H 3
au
174
MERCURVE
aura reçeus avec autant de vateur
.
gine
ĠA'LANTA
175
gine de Robert Comitéde Clermont,
cinquiéme Fils du Roy ,VS. Louis";
néMany 1256. Je ne dis rien de tous
tés grandsHommes quien ſont fortis,
& qui ont fleury depuis ce temps jul
quả Charles Bourbon , né l'an 1489.
Ce Charles eftoit Duc de Vendôme,
Pair de France's Coifite die Soiffons,
de Marlé, '& de Converſan ,Vicomte
de Meaux , Sieur d’Epernon , de
Montdoubleau , de Condé , de Ham ,
de Gravelines, de Dunkerque , de
la Roche, de Boháin , de Beaure .
voir , & de Heldin , Chaſtelain: de
Lille; Gouverneurde Paris & de l'Isle
de France . Ce Prince, apres s'eſtre
trouvé
H4
176 M E RC U R I
miers Loüis moururent Enfans. Ane
toine , Roy de Navarre , demeura
l'aîné. C'ekt de luy quę font defçen
dus nos trois dernjers Roys . Erant
çois Comte d’Anguin mourut fans
qu'il ſe fuſt marié. Charles fut Car.
dinal & Archeveſque de Rouen ; &
on appella le troiſiémeLoüis , Prin
ce de Condé. Il eut des Enfans
mâles de deux lits , fçavoir du pre-:
mier , Henry Prince de Condé,
François Prince de Canty , & Char .
les Cardinal & Archeveſque de Roll
en ; & du fecond , Charles Comte
deSoiſſons. C'eſt deceHeary Prince
de Condé qu'eſtoit ſortie Anne Ge
nevieve de Bourbon dont je vous
apprens la mort. Elle eſtoit Veuve
deHengy d'Orleans , ſecond du nom ,
Duc de Longueville , & Gouverneur
de Normandie , mort il a environ
ſeize ans . Il avoit épouſé en premie
res Noces Louiſe de
al
4
GA'LLAAN 177 TA
Grand- Maiſtre de France , & Sour
de Madame la Princeſſe de Carignan .
Il n'eſt reſté qu'une Fille de ce Ma
riage. C'eſt Madame la Ducheffe de
Nemours , Veuve de Henry de Sa
1
1
178
MERCURI
luy avoir rendu de grands ſervices ,
auſſi-bien qu'à Charles VII ſoûs l'o
bęïſſance duquel il remit toute
Guyenne & toute la Normandie.
Ne croyez point,
&
С
ic
fa
GA LA N'T 179
ſa Mére. Son coeur a eſté mis en dé
poft dans une des Chapelles de cette
Egliſe , d'où il doit eſtre porté à
Port-Royal. On fit le lendemain un
Service ſolemnel a S. Jacques du
Haut-pas , où ſes entrailles avoient
eſté miſes dans la Cave de la Cha .
pelle qu'elley a fait bâtir , & on en
doit faire un autre aux Carmelites
dans quelques jours ."
180 M ,ER CURE
Р
faire con
$ 2
leil , avec ces paroles , Ut luce fruatur,
in fonte, qui font voir quecette Prin...
ceffe eft allée jouir de la lumiere dans
la ſource meſme.
21
e
G A L A NT . 181
la Robe, n'a pas laiſſé de ſe ſignaler
encor par l'Epée. M ' de la Mote ſon
Pere eſtoit de la Branche de la Ter
riere. M de Bologniny ſon Mary ne
ſe peut
Avril 1679 .
182 ME R CURE
le Marquis de S. Prieſt eſtoit l'Au
theur, eſt dans ces Versde M'Gardien .
Quand on eft d'illuſtre naiſance,
Voicy les noms de ceux qui ont
deviné certe Enigme ſur ce meſme
G A L A N T 183
Mor. Meſſieurs Gauvin Curé de
Martenay ; Du Bus le jeune , de la
Ruë de Buffy ; L'Abbé d'Oyſeniont;
Pertar, de Montargis; L'Abbé de
Rouville; Heruy ; Gautier , Secre
taire de M ' de Richebourg ; Necoët
Coroller , Maire de la Ville de Mor
laix ; & Meſdames du Chaſtel, &
Marc , Fille de Campagne. Meſſieurs
le Chevalier de Lery, & le Chevalier
du Vaudeſtrembles , l'ont expliquée
en Vers. ' L'Eſtre, le Vent , Vir , le
Soleil , le Feu , l'Eau , la Morte
l'Eſprit , ſont les autres Mots qu'on
luy a donnez .
lieux ,
Il ſemble exprés pour nos delicés
Avoir abandonné les Cieux , f
Ce
184 M E R CU R E
Ce Dieu toujours ſenſible à la maligne joye
Qu'on dit qu'il ſe faifoit autrefois de fourber ,
s'il ne nous peut maintenant dérober ,
Il nous donne du moins de la fauſſe Mon
G A L AN T. 185
Beauvais. L'explication de la meſme
Enigme m'a eſté envoyée en Vers
par Meſſieurs le Chevalier Arnoul de
Thorigny , Officier dans Lile en
Flandre , Le Commandeur de Cou
fy ; Gardien ; De Bares , Profeſſeur
de Galanterie à Troyes ; Belſin ;
Lieutenant de Clameſſy en Niver
nois ; Maillet , Prieur de S. Lubin
des Vignes; L'Abbé Guerard; L'Ab
bé Meliat ; Madame Sarraſin , de
Lyon ; L'Amant fidelle & infortu
1. 3 .
186 M. E R CURE
nier ; & la Mote , (la derniere en
Vers ; ) L'Ariane de Sylvie ; La Da
nie des Quatre- Vents , d'Orleans ;
Les deux charmantes Sours Cham
penoiſes , du Quartier S. Sauveur ;
Le Secretaire fidelle , d'Amiens ; Le
Chinois de l'Etoile ; & le Mutin de
Liſette. Ceux dont les noms fuivent ,
les ont expliquées en Vers. Mel
ſieurs Feret , d'Amiens ; Germain ,
de Caën ; Les Réclus de S. Leu ,
d'Amiens ; Minutoli; Le P. la Tour
nelle , deLyon ; Potin , Avočat ; &
Fredin , dit le Solitaire de Pontoiſe.
G A LA N T. 187
Quand je ne le ſuis pas , on ſe plait à m'oiiir a
Et ma voix groffiere de farouche
l'on me voye,
Vant
188 M E R CU RE
Vaut moins que moy dans fon eſpece®
Pour ſçavoir qui je ſuis, quand je vous vois
UPUD
pagi
1801
RAMINE
NARCISSE ENIGME
1
!
G A L AN T. 189
la Frénefie ou les tranſports , la Fumée ,
la retour du Printemps, la Bruine , la
Nuë, le Vent, le Naufrage d'un Vaiſſeau ,
la Perruque, la Honte, dow la Pluye
fai ,
I 5
190 MERCURE
1
faire connoiſtre l'utilité , tous vos
Amis ne veüillent avoir chez eux
un Ouvrage dont ils ſeront aſſurez
de tirer un fres - grand profit.
main ,
G À LA N T
191
main ,
TABLE des MATIERES
Avant-propos,
2
20
38
contenuës dans ce Volume.
46
TABLE.
Charge de M. de Rochebrune donnée à M. de
Boiſſeleau ,
T A BL E.
117
Cramoiſy ,
bonne ,
TABLE .
24
54
deux ,
>
Mort de Madame de Bologniny de Lyon
o no dono
K. K. HOFBIBLIOTHEK
ÖSTERR . NATIONALBIBLIOTHEK
BE.6 . Zz 2
——— ક
4. . . .
ن ا م ج ر ت
MERCURE
GALANT.
De 1 ' An 1679
5
Jouxte la Copie
Au Palais 1679 .
Quatre Lettres , dont la premiere eft de l'excel.
lence de la Peinture ; la ſeconde , du peu d'eſtime
qu'on a eu pour les Peintres dans les premiers Sie
cles ; la troiſiéme, de la maniere dont la Peinture
a eſté trouvée ; & la quatriéme , des Amours de
Demarate & de Philonome, dont la Peinture tire
fon origine .
1
AVIS TOUCH A NT LES
qu'ils
roit impoflible de les faire entrer dans l'eſpace
d'une Piece de quatre fols. C'eſt à peu pres de cette
grandeur qu'on prétend les faire graver . Ceux qui
en feront de bons , ne les envoyeront point inu
tilement . On les aſſure qu'on fera tout graver. Il
faut uu peu plus de diligence pour ces Deffeins ,
que pour les Ouvrages qu'on envoye , car on eſt
plus longtemps à graver qu'à imprimer , & l'on ne
peur commencer qu'on n'ait tout ce qui doit en
trer dans la Planche ; Autrement on n'en pour
roit fixer la grandeur.
1
4
Pag.
MERCURE
AVRIL 1679 .
E vous tiens parole , Ma
dame ; & pourmériter toll
Avril 1679.
M E R CU RE
Ouvrages que je vous en ay fait voir.
Elle eſt de Madamede Saliez , Veu
ve de feu M ' le Viguier d'Alby , &
je la tiëns de M ' l'Abbé de la Ro
des don qui le Public eft fi obligé
des doctes & curieuſes Remarques
qu'il nous donne dans ſon Journal
des Sçavans.
RB L A T I ON
D E M O N SI EUR
L'ARCHEVESQUE D'ALBY ,
A MADAME DE MARIOTTE ,
平F
Vila
G A LA N T. 3
Ville ? Vous voulez meſme 'qu'il y ait
dans ce Tableau des endroits en minida
ture.Cependant vous fçavez que je ne
Suis pas
4 M E R C V R E
1
fois perſuadée que bien d'autres travail
Leront id -deſſus mieux que moy , je prens
ke pincean , ou pour parler plus claires:
ment , je prens la plume, Madame,
pour vous obeir , da je vais commencer
dans les formes Baine grande. Relation ,
comme fi elle de voit pafferi celex qui
viendront apres nous, fervir un jour
à l'Hiſtoire de mon Pais .
GA L ' A N T. 5
Monſieur l'Archeveſque d'Alby , ſe le
verent fort matin . Tous les Habitans
A 3
res
6 M ER.CURE
2
rės Harangues, à toutes celles qu'il
A entenduës . Son air de bonté animoiz
ceux qui luy parlaient. Il répondoitfi jufte
à toutes les choſcs eſſentielles qu'on luy
diføit , qu'il fembloit qu'il avoir déja une
parfaite connoiſſance de fon Dioceſe..
GALANT . ,
Lors qu'il découvrit la Ville dAlby ,
il s'arrefta pour conſiderer sa ſituation.
8 MERC U R E
may garde d'attribuer au hazard , nut
accident ne déconcerta l'ordre des choſes ,
do que Monſieur d'Alby arriva préci
Jement à l'heure qu'il failloit. Il fit le
tour de la moitié de la Ville , on je puis
avancer 'bardiment qu'en aucune autre
Ville de France il n'auroit på voir ce
qu'il vit alors.
ils
GALANT .
9
ils avoient fait fort riches du fort. écho
tans . Il leur fut défendu de tirer qu'a
pres que Monſieur l'Archeveſque auroit
pafé, parce que cela met tout en con
fuſion. La fumée de la poudre ne Dema.
peſcha point de conſidérer une Route fi
particuliere. La beauté de la ſoirée aug
mentoit celle de tous les abjets. Cela se
paſſoit durant ces agreables momens qui
précedent le coucher du Soleil apres un
beau jour , du lors que cet Atre nous
voulant quitter ,
10
MERC.URE
Chambres. Nous allions dans les Ruës
& dans les places publiques, toutes
atroupées , murrourant plus que de coú
tame contre les Loix qui nous rendent
inutiles en de parielles ceremonies , de ne
pouvant rien faire de mieux , nous par
Lions du moins toutes à la fois de noſtre
Illuftre Archeveſque. Le bruit des Clo
ches du Canon nous ayant fait con
noiſtre qu'il approchoit, nous fortimes de
La Ville , dallimes nous placer aux fe
neſtres des belles Maiſons qui font an coſte
de noſtre Lice, oppoſé feu,de Mail,
G A L AN T. II
On ne jugeroit pas à nous voirſi doux
niers
12 M E R CU RE
nier's Prélats , de vous trouverez ſans
donte qu'il eſtoit juſte qu'il fut rétably
par le Premier Archeveſque d'Alby , au
quel cette pieufe aétion attira d'abord les
acclamations publiques .
· Enfin , Madame, le Dimanche 26
de Fevrier fut destiné pour ÞEntrée de
Monſieur d'Alby. L'on ſe prépara pour
paroiſtre dans le meſme équipage de dans
de meſme ordre que le jour deſon arri
vée. L'on pofa dés le matin lesornemens
aux Arcs de triomphe. Les Chiffres do
les Armes de Monfieur d'Alby parurent
en mille endroits. He ne ſçaurois bien ,
Madame , vous rendre compte des Em
blémes & de leurs Deviſes, ny vous écri
re de vous expliquer du Grec done du La
tin ; mais j'en ay fait faire un petit Re
cueil ſeparé de cette Relation , que vous
pourrez voir , s'il vous en prend quel
que envie, on le donner à vos Amis.
On ne me conſulta point là - deſſus , quoy
que vous en ayez crů. J'en eus un fém
cret dépit; commeje voulois avoir
quelque parte cette Peſte , je fils promp
.
th
G A L A N T. 13
tement des Emblémes en monparticulier .
Agréez que je vous en dife quelque choſe.
Je peignis ſans beaucoup de peine
Miſle beautez de noſtre Plaine ,
Le Tar , & fon fuperbe cours ,
D'Alby les Rampars & les Tours
Les Clochers , & l'augufte Temple ,
Dont la ſtructure eſt ſans exemple ,
A7
14 MERCURE
*
Fe .couvris tout cela de nuages aſſez
épais, & mettant enſuite (comme vous
croirez bien ) le Ciel au deſsus de la Ter
re , je peignis deux Soleils dontla lumie
re égale paroit le grande do fi brillante ,
quel'on eſt d'abord convaincu qu'ils vont
difſiper toute l'obſcurité de ma peinture,
A# haut de laquelle on lit ces mots,
Non baſta unico Sol per Ciel fi foſco .
G A L À N T.
15,
1
phéties touchant Monſieur d'Alby, qu
luy promettent les plus grandes élevations
auſquelles un grand mérite dou un heureux
deftin peuventconduire un Prélat Illuſtre.
une
16 MERCURE
ne
une Chaiſe ouverte , ayant à ſes côtez
tous les Officiers de fa Maiſon. Mi le
Vicomte de Paulo , parfaitement bien
monté , accompagné d'une perite Eſca
dre choiſie, le précedoit de quelques pas .
Les Conſuls le ſuivoienten Carroſe, do
nos Artiſans bordoient les Ruës de lamel
me maniere qu'ils avoient bordé la Lice.
C'eſt ainſi , Madame, qu'il futconduit
juſques à la grande Eglife , apres avoir
traverſé pluſieurs - Arcs de triomphe. Je
dois
do le
G - ALAN T. 17
genoux de
bu le bonheur qu'elle en attendoit. Mon
fieur l'Archeveſque répondie d'une ma
niere qui donna de l'admiration à tous
ceux qui furent aſſez heureux pour pou
voir Lentendre, a l'Epoux ou PEpost
Je parurentfort contens bun de Pautre.
Apres qu'il ent preſté le ſerment avec les
ceremonies accoutumées , qu'on leut
reveſtude fes Habits Pontificaux , il en
tra dans l'Egliſe ,. Je mit à
vant le Maiſtre - Autel, le baila , sepla
ça dans ſon Siege , & le Te Deum
eſtant chanté, il voulutaller à piedjuj
ques d l'Archevefcbé, ſuivy de ſon Cha
pitre. Nos Cavaliers devenus alors Pié
tons, l'accompagnerent, ou il arriva
enfin heureuſementjuſques dans
dont
1,8 MER CVRE
86
11
rable ,
2
dont il ne meſouvientplus. Iln'en eſt reſté
dans ma memoire que ces Versque jepro
nonçay en preſence deplufieurs Perſonnes.
-Enfin nous le voyons ce Prélat admi
Elevé dans un rang digne des plusgrands
doux & tendre ,
Pour ſoulager nos maux , tout voir, &
Si
G A LA N T.
19
-
Si vous : eftes laffe de lire , Madaine
ne vous en plaignez qu'à vous -meſme;
& bien loin de me faire des réproches ,
Syachez-mog quelque-gré d'avoir - tanie
écrit. Je ne vous ay jamais donné une
plus longue marque de l'attachement avec
lequel je ſuis toute à vous.
20 MERCURE
& ſuivie d'un Hollandois , d'un Er
pagnol, & d’un Allemand , qui en
dançant autour d'elles donnoient
des marques de l'extreme envie qu'ils
avoient de revoir cetteaimable Déer
ſe dans leurs Païs. Un Héraut d'At
mes les precédoit , & chacun d'eux
expliquoit ſes ſentimens par les Vers
qui ſuivent. Ils ſont de M l'Abbé
de la Chapelle. Son nom : ne vous
doit pas eſtre inconnu . Je me ſou
viens de yous avoir déja parlé de luy. J
1
PE
MASCARA DE N
DE LA PA I X.
POUR LE HERAUT D'ARMES.
!
1
Ovous, qui vivez fous l'Empire
D'un Roy que l'Univers admire ,
GALANT. 21
POUR LE FRANCOIS.
VEnez, Peuples tremblane , venez , Roys
voftre abſence
Cauſe depuis ſix ans dans nos Champs defolez ,
Aux pieds de vos Autels nos Etats afſemblez
D'unſeul regard propice implorent l'affiftance.
Si dans noftre'Senat , fiers d'un peu de puiffance ,
22 M E R CU ARE
!!
TE
D'un indifcret orgueil nous nous ſommes enflex ;
Les maux qui font gémir nos Peuples accablez ,
N'ont que trop expié cette legere offence. 1
L'intereſt de LOUIS , soijours chery des Dieux ,
Dans les vaſtes deſſeins toujours victorieux ,
Ne doit point arreſter votre bonté ſuprémpe.
Rien ne peut deformais ſoutenir lesgrands coups ;
Il n'eſt plus d'Ennémy digne de ſon couroux ;
Vainqueur de l'Univers, il ſe vaincra luy -meſme.
h
La triſte Renommée
Aux Peuples effrayez annoncer cent malheurs ;
Las de voir que LOUIS plus crainsque
Vila
G A L'ANT. 239
Villes', 1.1
Ses travaux toutes fois neſeroient point ſteriles,
Et c'eſt toujours beaucoup que de voir à ſes pieds
leurs ,
Vous ne vous hâtez point pour finir nos mal
heurs ,
O Paix , venez du moins pour couronner la
Ném
24 MERCURE
n
N'élevez point aux Cieux vos timides regards ,
En dépit desfureurs d'une f longue Guerre
G A L AN T. 25
Va jetter dans les coeurs d'amoureuſes alarmes ,
Et que je crains enfin une Paix comme vous !
con
26 M E R C URE
contractées. Elle eſtoit Veuve de
Meſfire Louis de la Trémoüille ,
Duc & Pair de France , Lieutenant
General des Armées du Roy , & con
nu ſous le nom de Duc de Noir.
moutier. Vous ſçavez combien le
nom de la Trémoüille eft illuſtre. Il
eft porté par les. Aînez de cetteMai
fon diviſée aujourd'huy en trois bran
ches . M' le Duc de la Trémouille
eſt de la premiere. La ſeconde eſt
des Marquis de Royan . Elle a com
mencé à Georges Baron de Royan , If
& Seneſchal de Poitou . La troiſiéme
eft des Marquis & Ducs de Noir
moutier. Ils ſont deſcendus de Clau
de Baron de Noirmoutier & de Mor
nac . Il y a peu de grandes Maiſons
en Europe auſquelles celle de la Tré
moüille ne ſoit alliée . Feu Madame
la Ducheſſe de Noirmoutier a laillé
deux Garçons & trois Filles. L'Aî.
né qui eſt aujourd'huy Duc de Noir
moutier , n'auroit cedé ny en méri
te ny en valeur à aucun de ſes An
ce
G A LA N T. 27
ceftres , ſi un malheureux accident ne
Pavoit pas privé de la veuë. M'l’Ab
bê de Noirmoutier eſt fon Cadet .
2
s
yeux à
B 2
28 MERCUR E
peut eſtre
juſtice qui luy eſt deuë. Mais pour
ce qui regarde ſon ame, quelque
peinture qu'on puiſſe vous en avoir
faite , je doute qu'on vous en ait al
ſez marqué l'élevation . On ne voit
rien de plus grand , & s'il y a quel
que choſe qui luy ſoit égal, ce ne
mou .
G A L A N I. 29
1
it
1
mourut à Veniſe où elle l'avoit ac
compagné. Cette mort luy fit pren
dre le party de ſe retirer à Rome.
Elle s'y renferma dans un Convent ,
& y demeura trois ans . Pendant ce
temps-là , M ' le Duc de Bracciano
devint veuf , & l'épouſa.
1
1
en
ſo
bir
es
Les
ne
ve
La
11
30
M E R CU RE
d'Anhalt. Elle a donné au [G l'ori
gine aux Comtes de Lippe en Weſt
phalie, & à ceux de Roſenberg
en Bohëme. Les Urſins poſſedoient
de grands Etats en Grece du temps
de l'Empereur Eſtienne , & Jean
Zapha des Urſins eſtoit Grand Con
neſtable de cet Empire ſous l’Em
pereur Simeon . Les Comtes de Bla
gay qui ont leurs Etats ſur les fron
tieres de Dalmatie , font deſcendus
de cette branche. Celle des Mar
quis de Trinel - Urfins eſt éteinte ,
apres avoir fleury pendant pluſieurs
Siecles en Frances, où elle a occupé
les premieres Charges du Royaume.
L'an 1227. le Roy Jacques d'Arra
gon donna à Oddefredus des Urſins,
des Etats conſidérables au Royaume
de Valence , pour reconnoiſſance du
Secours qu'il luy avoit amené de
Rome contre ſes Ennemis. C'eſt de
luy que
qui
G A L A N T. 31
3
qui ont fait plus de douze rejettons.
Je n’entreray point dans le détail des
Hommes illuſtres qu'elle a produits.
Les divers Etats qu'ils ont poſſedez
en Italie pourroient former une des
grandes Souverainetez de l'Europe.
Si vous vous attachez à ſes Alliances,
vous trouverez qu'elle a donné des
Reynes à pluſieurs Royaumes , & que
beaucoup de ceux qui en ſont ſortis
ont eu l'honneur d'épouſer des Prin
ceſſes Royales. Outre neuf Maria
ges qui ont uny les Urlos avec les
branches Royales de Montfort, de
Brenne , de Clairmont, & de Beaux,
ils ſont alliez par la Maiſon de Mé
dicis à celles de Valois & de Bourbon .
Paul Jordan des Urfins premier de
ce nom , Duc de Bracciano , Biſa
yeul de celuy da preſent, épouſa
Iſabelle de Médicis Fille de Coſme
de Médicis , premier Grand. Duc de
Toſcane . Elle eſtoit Tante de Marie
de Médicis Reyne de France, Fem
me de Henry IV : & Mere de Louis
2
1
2
B 4 .
32 MERCURE
XIII. Laurens I de Médicis, ap
pellé le grand Prince de Florence ,
épouſa Clarice des Urſins Biſayeule
de Carherine de Medicis , Regne de
France , Femme de Henry II . Et
Pierre de Médicis deuxiéme , Prin
ce de Florence , fur marié avec Al
fonline des Urſins Ayeule de la meſ
me Catherine de Médicis. On peut
dire ſans ſe rendre ſuſpect d’éxagerer ,
que la Maiſon des Médicis a bafty
les premiers fondemens de la gran
deur ſur l'appuy & ſur l'alliance des
Urſins , aufli bien
G A L A N T. 33
d'huy vit ſous la protection de Sa
Majeſté, & imite le zele que ſes
Prédeceſſeurs ont toûjours eu pour
le ſervice des Roys de France. Quoy
qu'il ait vendu pour huit millionsde
livres d'Etats, dont il a payé les deb
tes de ſes Anceſtrés , il poſſede en
cor les Duchez de Bracciano & de S.
Gemini , la Principauté de Vicouar ,
les Comtez d'Anguilara & de Galera ,
les Marquiſats de Treviniano , Roc
cantiqua, & de la Penne , la Sei
gneurie de Torri, & la Fortereſſe
de Palo. Il a le droit de faire batre
Monnoye , & jouit dans les Etats
de toutes les prérogatives dontles
Souverains ont accoûtume de joüir.
Le rang de Prince du Solio le diftin
gue luy , & le Conneſtable Colon
na , de tous les autres Princes Ro
mains.
5
e
B 5
34 MERCURE
qui leur donne le privilege de créer
des Comtes , des Barons, & des Che
valiers , d'annoblir des Roturiers ,
& de légitimer des Bâtards .
G A L ANTO
35
1
e
t
S
forte , & un Port conſidérable de la
Coſte de Provence. Les ſervices qu'il
a rendus pendant plus de vingt an
nées en qualité de Capitaine d'Infan
terie & de Cavalerie , luy ont attiré
cette récompenſe. Il a auſſi com
mandé le Regiment du Gua en Al
te
on
36
MERCURE
S EN TI MENS
I.
Souvent, par un bouheur extréme,
Un Barbare a vaincu de puiſſans Ennemis ;
Mais s'il euſt entrepris de ſevaincre luy -meſme,
La raiſon , le devoir , ne l'auroient pasfoúmis.
COWY ,
.
Le rend plus éclatant de gloire,
Que celle qu'il ne doit qu'à la ſeule valear.
LA
GALANT . 37
III.
LA condition d'une Femme
A quelque choſe de charmant ;
Et ponr vous découvrir le ſecret de mon ame ,
La voftre, cher Tirſis, a bien de l'agrément.
De vous dire ſi l'une est plus noble quel'autre ,
38 MERCURE
De l'Indiference à l'Amour.
1
A
Se voir trahy d'une Maitresſe
Que l'on aimoit uniquemant,
Etle voir fans reſſentiment ,
C'eſt manquer de courage des de délicateſſe.
O
de ce
La quatrieme de ces Queſtions a
eſté traitée à fond d'une maniere fort i
agreable par M de Ravend . Ses raj
fonnemens vousplairont, & je croi.
rois dérober beaucoup à vos plaiſirs ,
fi je diférois à vous faire part
qu'il a écrit ſur cette matiere.
SI ON PE UT HAIR
elles
G A L AN T. 39
elles durent peu , du ne
40
MERCURE
0
par la transformation de l'Amante de
la Perſonne aimée , on peut dire qu'il eſt
impoſſible de hair ce qu'on a une fois bien
aimé.
7
A
GALANT. 41
Je me frapay le ſein , j'arrachay mes
4.2 M ER ÇU R E
Elle s'opoſe d tous les bons ſentimens que
nous en pourrions avoir , e nous rend
meſme inſuportable le bien qu'il nous peut
faire. Il en eſt de meſme de ce que nous
aimons. Nous en gardons une image fo
vive da ſi charmante, qu'elle efface tous
les defauts de la Perſonne aimée, tous
kes mépris des toutes les rigueurs qu'elle
pourroit avoir pour nous,
ce
GAL A N T. 43
7
A
X
2
*
ce ſont ces reſtes de l'amour qu'on appelle
un feu caché sous la cendre .
mens ,
-
44 M E R CU RE
mens , et c'eſt ce qui faiſoit dire d Hip
ſipile écrivant à Jaſon qui l'abandonnoit pour Medée.
9
2
C
1
Contre toy ma colere a ſes bornes pre
Il
GAL A N T. 45
ES
A
Il y a eu des Amans cruels du barba
res , dont l'amour s'eſt changé en fureur ;
mais c'eſtoit moins des Aman's
%
46 MERCURE
it
02
Je croy , Madame, que vous
vous faifferez perſuader par ces rai
fons. Il eſt de certains outrages qui
font prendre des réſolutions de hair ;
mais on ne les exécute jamais , fi ce
n'eſt qu'on devienne auſſi jaloux
qu'on eſt amoureux, car il n'y a rien
qui ſoit plus à craindre que la jalouſie .
Elle aveugle ceux qu'elle poffede ,
& quand ils fe font une fois misquel- !
ques chimeres en teſte, la raiſon eſt
incapable de les diſſiper. Vous en
trouverez la preuve dans ce que j'ay
à vous dire. Quoy que la choſe ſoit
arrivée il y a déja un an , comme elle
n'a eſté juſqu'icy connuë de perſon
ne , elle n'en aura pas moins les gra
ces de la nouveauté.
}
G A L A N T. 47
e fut épargné de ce qu'il pouvoit at
qui.
48 MERC
U R E
quitoit jamais un moment. - L'OF
ficier qui eſtoit fort éloigné des ſen
cimens qu'on luy imputoit , ne ſe
faiſoit point une peine d'avoir toû
jours l'Avocat en telte. Il luy trou
voit de l'eſprit , & n'ayant rien de
particulier à dire à ſa Femme , il ne
s'embaraffoit point du ſoin extraordi.
naire qu'il prenoit de la garder . Cette
forte d'indiférence pour elle , ne re
médioit point à ce que le Mary ſoufroit
de ſa défiance . Il croyoit lire
dans les yeux de l'Officier l'amour
que luy avoit donné ſa Femme , &
il s'eſtoit meſme apperçeu avec beau
coup de chagrin qu'il avoit quelque
fois foûpiré en la regardant. Cette
remarque acheva de confirmer ſes
foupçons. La verité eſt qu'un fou
venir amoureux avoit de temps en
temps couſté des ſoûpirs à l'Officier,
ſur quelque raport qu'avoit la Fem
me de PAyocat avec une fort belle
Perſonne qu'il aimoitpaſſionnément,
& qu'il avoit laiſſée à Paris. Ce n'eſt
GALANT. 49
tie
pas qu'il y euft entr'elles aucune rer
ſemblance de traits . Le viſage de
l'une eſtoit fort diférent de celuy de
l'autre , mais elles eſtoient toutes
deux de la meſme, taille , avoient
l'une & l'autre les cheveux blons ;
& ce qui frapoit davantage l'Officier,
TE
es
a
Is
50 M ER CV RE
vocat le mit dans la Chambre à ſon
ordinaire ; & afin de luy faire croire
que les ſoins qu'il luy rendoit e
ſtoient pour luy.meſme indépendam
ment de ſa jalouſie , le lendemain il
voulut aller s'infornier dés le matin
comment il avoit paſſé la nuit . Il
ouvrir la Porte ſans l'éveiller , & s'ef
tant approché fort doucement , il
apperçeut une Boëte de Portrait que
l'Officier avoit laiſſée ſur un Fau
teüil aupres de ſon Lit. C'eſtoit le
Portrait de fa Maîtreſſe. Il le pora
toit par tout avec luy , & il l'avoit
regardé le ſoir pour le conſoler de la
perte de ſon argent. L'Avocat ne
pût regiſter à la tentation de prendre
la Boëte. Il s'en faiſit , & ne l'eụt
pas plutoſt ouverte , qu’un grand cry
qu'il fit éveilla le Cavalier. Il fut
ſurpris de voir ſon. Portrait dans les
mains de l'Avocat , & il le fut en
cor plus quand le voulant retirer , il
luy entendit dire qu'il auroit ſa vie
auparavant. Il fauta du Lit en pal
GA L AN T ..
е
fant fa Robe de chambre , & alla
vers l'Avocat qui s'eſtoit faiſy de ſes
Piſtolets qu'il avoit trouvez ſur la
Table. L'Officier s'en mit peu en
peine. Ces Piſtolets eſtoient fans as
morce. Il lavoit oſtée à cauſe de
quelques
fait
LE
52 MERC.U
R R
fait entendre au Cavalier en termes
graves de Magiſtrature, qu'il eſtoit
Officier de Juſtice, il luy comman
da de par le Roy de ceſſer ſes empor
temens contre con Hofte . Le Cava
lier s'arreſta , & il n'eut pas plutoft
conté au Magiſtrat la cauſe de leur
démellé, que l'Avocat reprit bruſ
quement qu'il avoit raiſon de ne you
loir pas rendre le Portrait , puisque
c'eſtoit celuy de la Femme Le Ma
giſtrat qui la connoiſſoit , voulutju
ger par ſes yeux , & examiné
le Portrait en queſtion , il ſe mit du
party de l'Officier qui traitoit l'Avo
cat d'extravagant. L'Avocat au de
ſeſpoir de ce que le Magiſtrat fedé .
claroit contre luy, demanda tout en
colere s'il eſtoitaveugle , & s'ilpou
voit ne pas reconnoiſtre fa Femme à
ſes cheveux blons , & à ſon Der
habillé bleu . On eut beau luy dire
que le Portrait n'ayant aucun de ſes
traits , & ne luy reſſemblant que par
du blond & du bleu , cette circon
& ayant
Itan
G A L AN T .. 53
F
ſtance eſtoit trop foible pour s'y ar
refter. Il foûtint toujours que c'eſtoit
le Portrait de ſa Femme, & qu'il y
avoit intelligence entr'elle & le Ca.
-valier . La conteſtation s'échaufa .
Les deux prétendus Rivaux ſe dirent
chacun des choſesfacheuſes. L'Avon
cat qui n'eſtoit plus maiſtre de ſa rai
fon , donna un démenty au Cavalier.
Le démenty fut payé d'un ſouflet ,
le ſouflet d'une gourmade , & le com
bat ' recommença tour de nouveau .
Le Magiſtrait fe mit entr'eux pour
les ſéparer , & reçeut les coups qui
ne pûrent aller juſqu'aux Comba
tans. Cependant une Servante ac
couruë à ce ſecond bruit , alla dire
en hafte à la Maîtreſſe que POfficier
alfalinoit fon Mary . La belle cou
choit dans un Apartement de derriere;
où elle n'avoit rien entendu de tout
ce vacarme. La nouvelle luy fit crain
dre tout . Elle ſe jetta hors du Lit
toute effrayée, & courut à demy nuë
à la Chambre de l'Officier. L'accueil
C 3
54
M E R C U R E
fut mal gracieux pour elle. Le Mary
qui ne ſçavoit à qui fe prendre de
l'éclat qu'il avoitcommencé de faire ,
la régala de quelques ſouflets , dont
le Magiftrat empeſcha la ſuite . Ces
fortes de carrelles quin'eſtoient ny or
dinaires
fit
G A LA N T. 55
e
fit les mefmes plaintes qu'ilavoit dé
ja faites de l'infidelité de fa Femme,
& les finit par le prétendu don de ſon
Portrait au Cavalier. La Belle qui
eſtoit revenue de ſon évanouiſie
ment , demanda raiſon de la calom
nie. Il fut queſtion de voir le Por
trait. L'habillement bleu , & les
cheveux blons, eſtoient la ſeule ref
ſemblance qu'il euſt avec elle. Le
Pere & la Mere qui avoient eu la pa
tience de laiffer dire à leur Gendre
les choſes les plus cruelles contre leur
Fille , ne pûrent la voir condamnée
ſur un ſoupçon qui avoit ſi peu d'ap
parences de verité , ſans entrer dans
un reſſentiment proportionné à l'af
front qu'on leur faiſoit. La Merefe
jetta la premiere ſur l'Avocar, le pric
aux cheveux ; & tandis qu'elle les
tiroit d'une main , & l'égrátignoit
de l'autre , le Pere luy faiſoit con
noiſtre qu'on nel'offençoit pas im
punément. La Femme toute inter
dite de voir aux mains les trois Per
2
5
e
e
-
C4
fon .
56 MERCURE
1
ſonnes à qui elle devoit le plus, crioit
au ſecours fans prendre party . Ses
cris attirerent quelques Voiſins de
l'un & de l'autre Sexe , qui eſtant ar
rivez au champ de bataille , firent
cefler ce dernier combat. Il falut de
nouveau éclaircir le fait. Les circon.
ſtances qui avoient donné lieu au
ſoupçon , furent trouvées ridicules.
Tout le monde blâ ma le Mary. Le
Mary voulut avoir raiſon contre tout
le monde , & traitant ceux qui le
condamnoient, d'ignorans , il en
voya chercher le plus fameux Pein
tre dela Ville , comme un Juge com
pétent ſur cette matiere: Le Peintre
arriva. Le Mary lay mit luy -meſme
le Portrait entre les mains , & le pria
de leur dire à laquelle de toutes ces
Femmes il trouvoit qu'il reſſemblaſt.
Le Peintre les regarda toutes , exa
mina le Portrait , & dit qu'il ne reſ
ſembloit à aucune. L'Avocat plus en
colere qu'il n'avoit eſté juſque là ,
demanda au Peintre s'il pouvoit nier
G A L A N T. 57
5
2
!
f
7
.
€
1
que ce Portrait ne fuít celuy de fil
Femme, & le Peintre n'eut pas plu
toft répondu qu'il luy reſſembloit en
cor moins qu'aux autres , que deux
ſouflets & quelques gourmades , le
payerent de fa réponce. A ce quatrié
me conabat on ſaiſit le Mary com
me un furieux ; mais ſi on arreſta fes
mains , on n'arreſta pas ſa langue. Il
dit que le Peintre eſtoit de l'intrigue,
que c'eſtoit luy qui avoit fait le Por
trạit , & que les préſensde l'Officier
l'ayant corrompu , il avoit intereſt
d'empeſcher que la verité ne fuſt con
nuë . Le Peintre demanda reparation
d'honneur & pour l'impoſture, &
pour les coups qu'il avoit reçeus. Il
y avoit tant de témoins de la choſe ,
que rien n'eſtoit plus à craindre pour
l'Avocat que le Procés criminel qu'il
luy vouloit faire . Toute l'Aſſemblée
s'employa aupres du Magiftrat, pour
le ſuplier de l'aſſoupir ; & l'Avocat
qui commençoit à connoiſtre qu'il
avait tort , ayant confenty à l'en faire
9
s
C 5 .
58
MERCURE
Juge , il le condamna à quelque fom
me d'argent , qui obligea le Peintre
à ſe taire. Cependant comme il ne
falloit pas que l'affaire reſtaft indéci
ſe , parce qu'elle regardoit la réputa
tion & le repos de la Belle , on ap
porta de li bonnes raiſons au Mary
ſur ce que
il ſe laiſſa ébranler; & ce
qui acheva de le convaincre , ce fut
qu'il eſtoit impoſible quele Portrait
quiavoit cauſé tout ce defordre, fuſt
le Portrait de la Femme que l'Offi
cier euft fait faire , puis qu’on pou
voit aiſément connoiſtre qu'il eſtoit
fait il y avoit déja plus d'un an , &
que l'Officier n'eſtoit dans la Ville
que depuis dix jours. Cette dernie
re raiſon l'emporta. L'optiniâtre Ja
loux ſe rendit', & joüa le perſonnage
du Georges Dandin de feu Moliere ,
en faiſant des excuſes à fon Beaupere,
à la Bellemere , à la femme, & à
G'AL ANT 59
.
e
?
l'Officier , qui demeura poffeſſeur de
ſon cher Portrait. Vous jugez bien ;
Madame , que toutes choſes ſe troua
verent par là fort diſpoſées à la paix,.
Il ne s'y rencontra qu'un ſeul ob
ſtacle. L'Avocat fe connoiffoit . La
moindre apparence le rendoit jaloux.
Havoit outragé ſa Femme. Elle pou
voit eſtre d'humeur à ſe vanger , &
l'Officier eftoit en état de luy en four
nir les occafions. AinG pour le repos
du ménage , il falloit
t
7
1
€
60 M e RC U R E
>
du Carnaval. C'eſt une ſaiſon favo
rable
pour
que
ces.
G A LANT. 61
ces grandes Aſſemblées. Comme les
Palais ſont fort ſpatieụx , la Salle
du Bal eſt au milieu de huit ou dix
Chambres , toutes ornées de riches
Tentures , de Tableaux , & de Meu
bles d'un fort grand prix. Il y a de
tres-agreables Concerts d’Inſtrumens
dans chacune. Les Maſques les vont
entendre , & ony donne de toute for
te de Liqueurs à ceux qui en veu
lent. Les Dames priées ſont affiffes
dans la Salle du Bal , où la Nobleſſe
les vient prendre pour dancer . Leur
dance n'eſt qu'une maniere de pro
menade , continuée quelquefois de
Chambreen Chambre, où ceux quiy
< font peuvent avoir le plaiſir de voir
-pafler tout la Bal. Un Gentilhomme
rencontrera un de ſes Amis , & luy
donnera la Dame qu'iltient afin qu'il
pourſuive la dance avec elle, & quand
-la Dame veut ſe repoſer, elle fait la
Feverence , & prend un Gege. Gran
de liberté en tout cela ,. & jamais de
confuſion .
62 MERC UR E
TE
(
1
af Pendant tout le Carnaval il y a
pluſieurs Académies de Jeu , les unes
pour la Nobleffe , & les autres pour
les Bourgeois. Les Maſques ont le
privilege d'entrer par tout. Leur Jeu
le plus
ya
GA'L A N T. 63
$
2)
reglé , fans compter pluſieurs autres
Compagnies de fimphonie quis'y ren
contrent. Ony voit auſſi quantité de
Feſtes de Taureaux qui combatent
contre des Ours & des Chiens , mais
ce ne font pas des plaiſirs tranquil
les , & ily arrive quelquefois beau
coup de déſordre.
2
1
64
M E R CURE
C
des Inſtrumens , & de la Muſique
Elle avoit eſté faite par le Sieur Jean
Dominique Freſchi, Maiſtre de Cha,
pelle à Vicenze. Deux autres Opéra
ont paru avec quantité de change
mens de Théatre, fur celuy de S. Lu
'co, apartenant à M ' Vendramin . La
Muſique du premier intitulé Sexte
Tarquin , eſtoit du Maiſtre de Cha
pelle de S. A , S. le Duc de Mantouë ;
& celle du ſecond , ayant pour titre
Le doe Tiranni , marquoit d'excellent
génie du Sieur Antonio Sertorio qui
Pavoit faite. C'eſt un des plus ex
perimentez Maîcres de Chapelle qu'il
y ait en Italie. Il y avoit pluſieurs
Machines y & entr'autres, un Fir
mament qui venoit des Cieux , tout
remply d'Etoiles , en maniere d'un
Palais des Dieux. Quantité deGens
fe voyoient rangez tout autour des
Baluſtrades , & tout eſtoit ſolltenu en
Vair . On n'avoit pas eſté quite de cet
te Machine pour deux mille Ecus.
Joignez à cela les mejlleurs Muſiciens .
1
GALANT 65
21
1
qu'on euſt pû trouver. Le fameux
Cortonne en eſtoit. On luy donnoit
quatre cens Piſtoles d'or pour deux
mois de Repréſentation que dure le
Carnaval ; autant à Marguerite Pia ,
deux cens cinquante à la Signora
Giuglia Romana , & aux autres ſelon
leur merité.
3
I
at
1
es
que
66 M.ERCURE
CE
j
que
ment
T
G A L A N T. 67
ment ce qui convient à chacnn de
ceux qui ſervent d'Acteurs dans un
Opéra . Il faut, Madame, vous faire
juger par vous meſme de la beauté
des Airs qu'il compoſe, en vous en
yoyant un de ceux quia eſté chanté
dans celuy-cy. En voicy les Paroles
avec la Note.
AIR.CHANTÉ DANS
UN DES DERNIERS
ܪ
&
21
.
1 Per non vivere goloſo ,
$
3 Quarante Inſtrumens des meilleurs
qu'on euft pû trouver , fervoient à
la Simphonie. - L'ouverture du Thé
atre ſe faiſoit par une grande Place
dans
68 MERCURE
dans Rome , avec des Arcs de triom
phe , & un Globe qui en s'ouvrant
laiffoit voir plus de cent Perſonnes
en armes . Néron paroiſſoit dans une
autre Scene. Son Char- eſtoit traine
par deux Elephans. Apres luy , le
Roy Tiridare venoit à cheval avec les
principaux de fa ſuite. La Reyne ſa
Femme eſtoit portée par des Hom
mes dans une Chaiſe fort magnifi
que , & l'un & l'autre alloient ſe pro
fterner aux pieds de Néron , quior
donnoit un Bal pour les divertir .
Une fort grande quantité de lumie
res faiſoit briller la Décoration qui
fut particuliere à ce Bal. Néron , &
coute fa Cour tant de l'un que de
l'autre Sexe, y dançoit à l'Italienne,
au fon de pluſieurs Inſtrumens ex
traordinaires qui eſtoient ſur le Thé
atre. On voyoit enſuite une Acadé
mie de Muſique dans laquelle Néron
chantoit , ainli que les principaux de
ceux qui l'accompagnoient, auſquels
il diſtribuoit des Roles pour repré
G A - L A N T. 69
].
ſenter une Comédie. Cet Empereur
y joüoit luy meſme, & c'eſtoit quel
que choſe d'allez particulier que cet
te Scene. Il y avoit des, Loges des
deux coſtez du Théatre . Des Dames
& des Cavaliers entroient dans ces
Loges , comme Auditeurs de la Co ,
médie , & , une toile ſe levant laiſſoit
paroiſtre un autre Théatre. On y
voyoit la Lune & fept Etoiles en
Machines , toutes ſi brillantes , que
lour éclar n'éblouiſſoit pas moins
qu'il ſurprenoit. La Comédie eſtant
faite ; Néron donnoit l'ordre pour
un fuperbe Feſtin . Il avoit eſté pre
paré dans une Grote toute remplie de
nüages, qui formoit une Décoration
d'une beauté merveilleuſe.On croyoit
voir un lieu enchanté: Il y avoit de
la Simphonie dans tous les coins de
la Grote . Les Tables eſtoient éle
vées en manieres de Machines , &
on n'y pouvoit aller qu'en montant
vingt degrez de chaque coſté. Au
milieu de ce Feſtin on venoit avertir
I.
Hel
n
Né
70
MERCURE
0
Néron
rou .
G A LANT. 71
6
es
. roulante , qui ſortant de la Porte de
72 M E R CURE
pluſieurs Baſſins remplis des meil
leurs mets de la ſaiſon , & de toute
forte de liqueurs. Plus de cent Flam
beaux de cire blanche qu'on alluma
ſur des Bras d'or attachez aux dehors
des Loges, répandoient un nouveau
jour ſur le Parterre. Quantité de Da
mes des plus belles & de plus jeunes s'y
placerent apres le Repas, ſur des ſie
ges qu'on avoit préparez tout autour.
Elles eſtoient. habillées à la derniere
mode de France, mais dans un ajuſte
ment fi ſuperbe , qu'on ne voyoit
qu’or ,argent, broderie, points, & pier
reries. Plus de deux cens Gentilshom
mes ſe trouverent dans le meſme lieu .
La magnificence de leurs Habits ne
ce doit en rien à celle des Dames ,
& on ne leur voyoit comme à elles
que Broderie , Pierreries , & Points
des plus fins. Il ne s'eſtoit fait de
longtemps aucune aſſemblée où la
Noblefle Venitienne ſe fuſt renduë ,
ny en ſu grand nombre , ny dans une
La riche parure. Toute la Simphonic
GA LAN TO
73
de l'Opéra eſtoit en cercle ſur le Thé ,
atre . Vous jugez bien qu'unefi char
mante harmonie ne fut pas un des
moindres plaiſirs que cauſa le Bal. Il
n'y avoit que les Perſonns qui en
eſtoient, dans le Parterre . Tout le
E
3
74 MI'ERC U R E
drilles, de quatre Cavaliers chacune.
Il y en avoit rune de Mores', une
d'Indiens , & deux autres de Turcs
& de Tartares. Ils combatirent aux
Teftes avec le Dard , le Piſtolet , &
l'Epée , & firent en fuite un Balet
à cheval, de trois façons. Trois Rê .
cits y furent chantez par le Fameux
Mulicien Cartonne , veſtu en Diane.
L'équipage de ces Mores , Indiens ,
Turcs & Tartares , eſtoit magnifi
que, & jamais on ne vit des Ru
bans , des Plumes , & des Pierreries
en Li grande confuſion . Ils avoient
huit Trompetes , & trente Perſon
nes de Livrées , tous fort leftes, &
montez ſur les plus beaux Chevaux
d'Italie. Les Dames & les Cavaliers
qui ſe trouvèrent à ce merveilleux
Spectacle , eſtoient dans des Loges
faites expres. Il y avoit de grands
Echafauts pour les Etrangers , le tout
dans le lieu meſme de l'Académie ,
qui peut contenir juſqu'à quatre
mille Perfonnes. Les feize qui for
.
me
9 GALAN + .
75
]
.
merent ces quatre Quadrilles, eſtoient
M le Duc deMantoúe ; M. Moulin,
-M " Gornaro , deux Freres ; M"Va
nieri, deux Fretes' & Couſin ; M
Dolfin M " Morofini , deux Cou .
fins ; & M " Foſcarini; Loredan ,
Zanobie , Tiepolo , Capello , & Ca
vabli, tous de la meilleure Nobleſſe
Venitienne, des plusriches , ,& des
plus adroits.
pen ,
7
76 MERCURE
penſées , car pour la fi & tion elle elf
traitée diferemment. Cela n'empef
che pas qu'il n'avoue qu'on doit uni
quement à M ' de Santeüil cette in
génieuſe maniere de ļoüer M de
Chancelier ,
L A N Y M P H E
D'ECH A VILL E.
Lors que le cboix du Roy dans le Grand
>
!
3
G A L'ANT. 77
admire ,
se perſuade enfin que tant de modeftie
Avec un fo ' haut Rang ſeroit mal aſſortie.
Déja pour enbellir ſes Jardins i les Eaux ,
Elle forme en ſecret mille projets nouveaux ,
Elle ne fe croit plats une Nymphe ordinaire,
Ses jeux accoûtumez ne ſçauroient plus lusy
-
2
larmes.
L'une a peur que le bruit d'une nombreuſe Cour -
Vienne ſouvent troubler leur tranquile ſejour ;
L'autre , qui cherche en
D 3
78 MERCURE
-Demande en foúpirant ce qu'elle eſt devenuë z.
Et toutes , pour cacher leur crainte , ou leurs
>
vance ,
G A LA N T.1 79
Le plus petit Zéphir n'ofereit reſpirer ,
LesChanſons desOiſeaux font à l'inſtant ceffées,
Tout craint de le diſtraire en ſès hautes penſées ;
Mais non , chantez , oiſeaux , folátrez , doust
!
d'appas,
,
Une ſimple Naïade , au bruit quefont les pas
A travers le criſtal de fa demeure humide ,
Ofe le parcourir d'un oil prompt og timide ,
Mais n'appercevant rien de ce qu'a dit Æglé,
Elle rend un doux calme à ſon eſprit troublé,
Il ſemble que de joye au ſortir de la ſource ,
Pour l'aller publier, elle hafte fa courſe ;
Tous les Bois d'alentour font bientoft avertis ,
Et les diſcours d'Æglé font bientoft démentis.
Vous verriez à sa voix revenir les Naïades ,
Et de leurs troncs ouverts accourir les Driades ,
Comme apres un orage ox peut voir des Pigeons
Que le Soleil raſſemble à ſes premieres rayons..
3
tes parts ,
Ont peine à contenter leurs avides regards.
Alors , comme à l'envy, ſur leurs pipeaux rua
ſtiques,
D 5
80 M ER C U R E
Ils ofent celébrer les vertus héroiques ,
Les oiſeaux réjouiss y meflent leurs concers ,
Et la voix des Echos les répand dans les airs.
Mais vous y demeurez interdite do confuſe ,
Æglé, reconnoiſſez que l'orgeuil vous abuſe,
Que pour les vrais Héros le faſte eſt ſansappas ,
Et qu'ils foufrent la pompe, doo ne la cher
chent pas.
2
Ces Vers partent d'une veine ſi
aiſée , que quoy que la matiere ſoit
des plus illuîtres , on peutdire qu'ils
n'en ravalent point la dignité. On
m'en avoit promis de fort galans
qu'on ne m'a point encor envoyez.
Ils ont eſté faits ſur le Mariage de
M de Chamilly . Je me contentay de
vous mander la derniere fois qu'il
avoit épouſé Mademoiſelle du Bou
cher de Villy. Il faut vous dire au
jourd’huy que cette Demoiſelle eſt
riche de pres de huit cens mille li
vres , qu'elle eſt dans une grande
devotion auſſi bien que Madame fa
Mere , & d'un mérite qui ne la rend
pas moins conſidérable fa vertu .
de
GALANT. 81
i
I
S
1
$
de Chamilly dans la plûpart de mes
Lettres , qu'il ſemble qu'il ſoit inu
tile d'y rien adjoûter. Il eſt Frere de
ce fameux M ' de Chamilly Lieute
nant General, à qui ' fa valeur, fa
prudence , ſon eſprit, & fa galante
rie avoient acquis une li haute répu
tation. Celuy dont je vous parle eft
fort connu par luy meſme. Ses Em
plois & les Gouvernemens qu'il a
eus , ſont de glorieuſes preuves de
ſes ſervices. On luy a confié ceux de
Zwol, de Nuis , de Grave , d'Ou
denarde , & il a preſentement celuy
de Fribourg. La longue & preſque
incroyable reſiſtance de Grave a fait
tant de bruit , que tout ce que je
pourrois dire là- deſſus à ſon avanta
ge ,
2
82 M E R CURE
que ce n'eſt que pour vous appren
dre ſa mort . C'eſtoit un tres - bon &
ancien Officier. Il avoit ſervý en
Catalogne depuis quelques années,
& toûjours avec ſuccés. Le Roy qui
ne donne les Gouvernemens, & fur
tout ceux qui font d'une auſſi haute
importance que l'eſt celuy de Do
üay , qu'à des Perſonnes d'une pru
dence & d'une valeur éprouvée , a
nommé M des Bonnets , Commif
faire General de l'Infanterie , pour
eſtre Gouverneur de cette Place."
G Å LAN T. 83
qu’un Village en France , & meſme
des plus petits. Il eſt à trois lieyès
de Tulle , en allant vers les Mon
tagnes d'Auvergne , extrémement
froid , & inacceſſible en de certains
temps. C'eſt là que M' de la Roche
Karian s'eſtoit retiré , menant une
vie fort cachée. Quoy qu'il préten
diſt eſtre Roy de Colconda , ou Cole
kinde en Aấe , il faiſoit profeſſion
ouverte d'inſtruire des Enfans gra
tuitement , & il leur avoit dicté en
langage du Païs une eſpece de Caté.
chifme mellé de l'Hiſtoire Sainte &
de la Prophane. Il eſtoit âgé envi
ron de cinquante ans , fort petit de
taille , tres-gros, & quoy qu'il por
tait une Perruque , on jugeoit qu'il
avoit eſté extrémement blond. On
le voyoit rarement ſans Bagues &
fans Bijoux , rien ne luy plaiſent da
Vantage que ces ornemens. Il ne beu
voit preſque jamais de Vin ; & com
me il eſtoit ſans barbe , & que d'ail
leurs il ufoit fort de Lait , de Sucre ,
& de
84 MERCURE
& de Confitures , toutes ces choſes ,
quoy que naturelles aux Anglois &
à pluſieurs autres Nations , ont fait
que la plûpart de ceux qui l'ont veu ,
fe font imaginez qu'il eſtoit d'un
Sexe diférent du noſtre. En effet,
il n'eſt point de Femme quin'aye le
ton de voix plus maſle qu'il ne l'a
voit , & qui ne fuſt mieux à cheval
que luy . Mais enfin il a fait connoi
ſtre qu'il eſtoit Homme. Son langa
ge ordinaire eſtoit le François. Ille
parloit paſſablement pour un Etran
ger. Le caractere de ſon Ecriture te
noit beaucoup de celuy des Femmes.
Il affectoit de paroiſtre Philoſophe,
avoit de la curioſité pour toutes les
belles Connoiſſances, parloit en Sca
vant , & raiſonnoit fort ſouvent ſur
les Cours & les Intrigues des Prin
ces . Sa Religion eſtoit apparemment
la Catholique. Il fréquentoit les Sa
cremens , & les a reçeus avant ſa
mort ; & ce qui confirme ce qu'il a
fait croire de luy fur cet article , c'eſt
qu’ens
GALANT . 85
qu'entr’autres choſes on a trouvé une
Lettre qu'il avoit écrite à un de ſes
Amis ſur le Conclave, & ſur l'exal
tation au Pontificat. Il n'y a rien
de plus Chreſtien que cette Lettre.
Il s'y explique avec de fort grandes
moralitez ; & d'une maniere tres
agreable , en faveur du Sacré Colle
ge & de la Perſonne éleuë . Il foll
tient ſur tout que le S. Eſprit préli
de à cette Affemblée; qu'il donne
des lumieres aux Cardinaux , auſſi
bien que des graces au nouveau Pape ,
pour foûtenir la ſainteté de ſon Mi
niſtere , quand meſme il auroit paru
avant la promotion n'avoir pas tou
tes les qualitez requiſes , & qu'ainſi
c'eſtoit à nous à benir les ordres de
la Providence , & à ne rien appro
fondir dans cette matiere. Cela dé
ment ce que quelques - uns prétendent
luy avoir entendu dire , que la ve
ritable Religion eſtoit celle du Sou.
verain dans les Etats duquel on avoit
à vivre . On ne l'a jamais yeu s'éloi.
gner D7
86 M E R CURE
10
u
ta
a
gner
s'eſt
G À LAN T. 87
5
1
s'eſt aſſez bien porté pour n'avoir be
ſoin d'aucun fecours. Il paſſoit pour
un Homme tres -pécunieux , & un
de ſes Amis a dépoſé qu'il luy avoit
un jour aidé à compter quatre mille
Pieces de quatre Piſtoles, & qu'il
pouvoit faire encor la meſme ſomme
en Pierreries , en Bijoux , & en au
tre argent. il a fort ſouvent fait voir
aux Gens qui le viſitoient , un Ecran
garny .
ce
88 MERCURE
ceſtueuſes pourſuites de ſon Frere,
qu'elle ne pût s'empeſcher de décou
vrir ſon embarras à fa Mere ; Que
cette Mere connoiſſant ſon Fils pour
un Prince emporté & violent , ré .
folut de ſe retirer de les Etats, d'em
mener la Princefíe la Fille , & de la
mettre ſous la protection du Roy de
Perfe ; Que l'ayant mariée à un Prin .
ce Perfan , ſon Fils ne ſongea plus à
fa Sæur , mais que quelque temps
apres ayant veu une Perſonne qui
luy reſſembloit, il'épouſa ; Que c'e
ftoit de ce Mariage que luy , la Ro
che Karlan , eſtoit forty ; Que ſon
Pere eftant mort quelque temps
apres ,
fi fa
G A LA NI . 89
à
5
ſi fa qualité eſtoit connuë ; qu'on
auroit pourtant de la peine à décou
vrir fon Tréſor; que tous les Bo
hémiens du Royaume ne viendroient
pas à bout de deviner où il l'avoit
mis , & que fa mort rendroit Cham
pagnac un lieu celebre. Le Curé du
Bourg que je vous nomme , a remis
quelques Effets de fa Succeſſion en
tre les mains des Officiers du Prél
dial de Tulle. Son Corps a eſté ex
poſé pendant huit jours dans ſon
Egliſe, apres quoy il l'a fait mettre
dans une Foffe d'une profondeur qui
n'eut jamais d'égale en ce Pais la. On
ne m'en a point mandé la raiſon .
90MERCUR. E
:: LES
ROSSI G N O L S.
F A BL E.
Un jeune Roſſignol depuis peu déniché ,
.
OPVS
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%
N
FERVET
PACE
DATA
DAYON
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I
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S
.
Le
G ALAN T.. 91
habile ,
que
Pour la ſaiſon , dit -il, yous en fçavez affez ,
que
92 MERCURE
1 que je vous envoye. L'un vous fait
voir quantité d'Abeilles en Pair qui
ſe batent, tandis que les autres :s’oc
cupent à bâtir leurs petites maiſons
dans une Ruche , avec ces mots ,
Fervet opus , nec bella morantur ; &
dans le fecond Revers, vous voyez
un Alcion qui fait ſon nid ſur les
Flots pendant le calme, avec ces pa
roles , Pace data ædificat. On auroit
peine à faire connoiſtre d'une manie
re plus ingénieuſe que le Roy a fait
bâtir en tout temps , & que les dé
penſes de la guerre n'ont pû faire
diſcontinuer ce qu'on acheve pen
dant la Paix .
Je vous appris la derniere fois
qui
GALÁNT . 93
2.
ii
qui fe font fouvertes. Ce dețnier
eſtoit tres -brave, & foſt eſtimé dans
Son Corpsr M'le Marquis de Boiſle.
leau qui a la Charges a eſte gratis
fié - preſque en meſme temps & de
l'agrément de Sa Majeſté, & de
deux mille Piſtoles. Ses fervices par
lent avantageuſement pour luy. Je
ne vous repete point les actions ſur
prenantes qu'il fit au Siege de Cam
bray. Je vous en ay plainement in
ftruite par ma troiſiéme Lettre de
l'année 1677. Il eſt le huitiéme
Capitaine aux Gardes de ce nom
M de Boifreleau fon Pere la eſté ,
auſſi-bien que feu M ' de Droüé ſon
grand Pere , à qui on avoit donné
le Gouvernement de Royan . Ils ont
tous fervy avec une grande fidelité,
& ſe ſont toûjours fait diſtinguer
par leur bravoure. La Maiſon de
Droüé eſt une des plus anciennes du
Royaume , alliée de Ducs & Pairs ,
& de Maréchaux de France. Celle
de Boiſſeleau eſt bâtie dans le Blai
fois ,
--
1
94 ME R C ÚR
с
fois , & paſſe pour une desplus bel
les , & des plus régulières qu'il de
ait dans la Province. Outre le Mara
quis & l'Abbé dont je vous parles
il y avoit un troiſiéme Frère qüipor
toit le nom de Chevalier de Boiffe
leau . Il commandoit une Compagnie
de Dragons dans le Regiment de la
Reyne, & fut tué en donnant des
marques de Soh -courage , danssa
meſme occaſion qui couſta la vie à
M " le Marquis d'Hoquincourt. 11
eſtoit très bien fait de la perſonne. 1
C'eſt un avantage commun à tous
ceux de cette Maiſon , qu'on peut
appeller la belle Famille. Il y a peu de
Perſonnes auſli bien faires
1
Vir
G À LÀNT. 95
Virginité dans le Vendômois. Ma
dame l'Abbeſie, qui eſt Sæeurs de
M ' l'Archeveſque de Paris , en fait un
cas tres -particulier. C'eſt une Dame
d'un fort grand mérite , & dont la
conduite eft admirable. jubac
dans
1
é
2.
I
96 MERCURE
dans la Province ' , que M'Marcelat
Directeur General des Affaires de cet
Ordre, par une juſte reconnoiſſance
des obligations qu'il avoit à ce Pré
Ident , luy. fit faire un fort beau
Service dans la Chapelle de Noftre
Dame du Mont- Carmel de Toulou
ſe. Quantité de Perſonnes de mar
que y afſifterent.
!
ne
>
} 1 16年
I toleo
G A L AN T. 97
heceſſité . Elle Paimoit avec une tres
ardente pallion. Il n'en avoit pas
moins pour elle , & il s'eſtoit ren
du digne de fa tendreſſe par toute la
ſienne, mais ils eurent beau ſe plain
dre de leur malheur. Il falut faire
ceder l'amour à la gloire ; & comme
il auroit eſté honteux au Marquis
de ſe laiſſer arreſter par uneFemme ,
quand les occaſions de ſervir ſon Prin
ce l'appelloient , où toutes les Per
ſonnes de ſa naiſſance ne ſe pouvoient
diſpenſer d'aller , il continua les Cam
pagnes qu'il avoit déja commencé
de faire , & paſſa deux ans ſans re
venir. Il ſignala ſón courage en plu
-fieur rencontres . La Belle entendoit
parler tous les jours de luy avec gran
de eſtime ; mais comme ce n'eſtoit
point le voir , cette joye ne luy te
noit lieu que d'une fort legere con
98 M ER CURE
quiter l'Armée. La Belle l’apprit avec
des tranſports de joye qưon ne ſe
peut figurer; & comme le Marquis
prenoit des meſures ſi juſtes pour ſon
voyage , qu'il l'avertiſſoit préciſe
ment du jour de ſon arrivée , elle
réſolut de le ſurprendre , & obligea
quelques Gentils-hommes de ſes Pa
rens , d'aller au devant de luy dans
un Bois éloigné d'une demy -lieuë
de la Ville , où elle faifoit ſon or
dinaire ſejour. Elle les avoit priez
GALANT : 99
de la nuit. Ils alloient tous monter
à cheyal, quand tout à coup ,ils en
tendirent un bruit de Tambours,
de Fifres , & de Mouſquetades , qui
les étonna. Le Marquis croyoit eſtre
2011
te
E 2
100 M É R CU RE
S
fous ces Tentes ambulantes , rea
doient aſſez de clarté , pour faire
paroiſtre pluſieurs Dames dans un
équipage tout à fait galant. Le Mar
quis ne ſçavoit que juger de cette
à fa rencontre , & ils raiſonnoient
enſemble ſur cette galanterie , dans
laquelle il eſtoit fort éloigné de croire
qu'it pût avoir pare. Cependant les
Dames deſdendirent de leurs Bateaux , i
& s'eſtant arreſtées apres avoir fait
deux cens pas vers les Cavaliers, une
d'elles qui avoit la voix admirable ,
chanta le Quadrain fuivant. 70
Mes
G A L'ANTI 1011
Mes yeux , vous l'avez véu , ce magnanime
Prince ,
U.
En
Subjuguer en huit jours une grande Province.
L'Eſpagnol eſt ſoumis plus qu'il ne fut jamais ,
D
1
E 3
con
102 MERCURE
connuë, & elle ne ſe fut pas plûtoft
montrée , que voyant fi pres de luy
ce qu'il avoit de plus cher au monde,
il fit un grand cry, courut l'embraſ
ſer, & demeura quelque temps fans
s'apercevoir qu'il manquoit de civi.
lité pour les autres Dames. Il les fa
lüa, entra avec elles dans un des Ba
teaux qui les attendoit , & fic pa
roiſtre à la Femme toute la recon
noiſſance poſſible de la galante re
ception qu'elle luy faiſoit . Le Con
cert recommença. On arriva dans la
Ville. Toutes les Dames accompa
gnerent le Marquis chez luy , & y
trouverent un magnifique Repas. Le
Bal füivit , & rien ne manqua се
GALANT . 103
les ne prendroient peut-eſtre pas tant
de plaiſir qu'elles font à écouter ceux
qui leur en content , ſi les Hommes
ne ceffoierit
E.
La
T
Ĉ
A MADEMOISELLE D ***
e
e
$ Puis que l'éloignement des lieux mepri
ve de Phonneur de vous voir , il faut
belle Iris, que je me conſole en vous écri
vant, o que jevous entretienne de loin ;
mais comme il eſt aſſez difficile de vous
faire tenir les Lettres qu'on vous écrit
104
MERCURE
où vous eftes, je me fers dun Meſsager
qui paſſe par tout , à qui les Cabinets
des plus grands Seigneurs ſont ouverts,
& dont le miniſtere eſt auſſi honneſte 2
préſent, qu'il eſtoit autrefois ſcandaleux.
Vous voyez bien que c'eſt du Mlercure
que je vous parle. Ne ſoyez pas ſurpriſe
de la peine qu'il prend pour moy. Il n'yle vu
A rien de plus obligeant que luy , & peut
eftre un peu de reconnoiſſance L'engage- t
elle à me fervir au beſoin. Il fait tous
les mois un voyage en ce Païs -cy. Mon
lors
aufi
Nous ne verroi
c ver - rons nous 耳
T
身上
thafſer tous nos ennuis ; Mais vde
tous nos ennuis ; Mais vous ne e
群
Ny beaux jours , ny belles nuits. ni
Ny beaux jours , ny belles nuits. nu
OM
GALANT 105
que nous
auſſi bien faites que fpirituelles, -VOUS
n'aurez pas de peine à croire
nous préparions à bien paſſer le reſte du
Carnaval. ChaqueBelle avoit déja fait
plus d'une conqueſte. Plus d'un Brave
s'eſtoit deja rendu , do l'on ne parloit que
de Divertiſſemens dos de Feſtes, quand
un malbeureux Contr'ordre nous enleva
tous nos Officiers. On n'en eſt pas encor
bien revenu. Les Dragons ſont allez en
Provence & leur départ avec le froid
ſemble avoir reſſerré tous lesplaiſirs. Le
voiſinage des Montagnes le rend icy be
aucoup plusinſuportable qu'il n'eſt ailleurs ,
Cependant peu à peu .
E
5 plus
106 MERCURE
1 plus-toft que plus tard, Il n'eſt point
neceßaire d'attendre que le Roſſignol vous
en parle. L'Amour n'a point de meilleur
que jour .
Je ſuis fort trompé cependant fi mon
exemple vous perſuade; bo pour vous
attacher ſerieuſement, vous eſtes trop
prévenuë du Proverbe Italien , Cogli
la Roſa , e laſcia ſtar la ſpina . Ap
prenez celuy - cy , belle Iris , È ſaviezza
talhora mutar conſiglio . Vous croyez
que cette Roſe ſansépine ,eſt d'avoir be
сисаир d'Amans fans que vous en aimiez
aucun ; mais l'un n'arrive guere fans
Pautre. Une cruelle infenfibilité guerit
GALANT 107
ey
!
plus malades, e l'on eſt bientoft las de
Soûpirer à crédit.
Qu'il ne ſoit point de coeur inſenſible
ZI
3
3
108 M ER CURE
ܕܢ
dans un lieu où l’Amour ſeul eft témoin
de noſtre tendreſſe. Un peu de jalouſie re
double nos ſoins. On en prend quelque
fois pour avoir le plaiſir d'en témoigner;
da on ſe fait ſouvent une agreableoccu
pation d'un malheur imaginaire.
è dolce .
Si vous voulez que l'on vous aime ,
Il faut aimer à voſtre tour ;
Car le meilleurphiltre d'Amour
Aimable Iris , c'eſt l'Amour meſme
Si vous examinez mes conſeils, vous
GAL ANT. 109
S
trouverez que je vous les donne en Amy.
C'eſt votre intereft ſeul que je regarde;
B comme je Içay qu’on va de Loreille
an ceur , & que vous chantez parfai
tement, j'ay fait mettre en Air les pre
miers Vers de ma Lettre. Faites -y refle
xion , du me croyez voſtres doc.
6
Set
IIO MERCUR
E
plus loin , & voicy ce qu'on luy écrit
d'aupres d'Argentan. La Lettre eft
au nom du Matou Brunaut , à qui
Mi d'Abloville a prêté ces Vers.
BRU NA
Attendant l'autre jour une tendre avanture ,
}
GALANT.. III
Voudriez -vous luy marquer du mépris !
fe fuis de qualité; je ne ſens point le Drille,
On peut fans vanité compter dans ma Famille
doux ;
Mais des Chats baſtis comme nous ,
Demandent de l'eſprit', de la délicateſe,
>
112 M ER CURE
1
s'ils veulent avec moy venir à la gourmade.
DE O SIL V A
NO PROSA LV
TE RATIARIO Rú
SUPERIOR . A
MICOR . SUOR .
P .... T SANCT .
MA .... S .. CIVIS HEL
V. S. L. M
Quel
G A L AN T. 113
.
5
Quelques Bourgeois de Geneve al
lant à la Peſche , apperçeurent cette
Antiquité dans le fond du Rhône à
ſa fortie du Léman . L'eau eſtoit alors
fi baffe & ſi claire, qu'il leur fut ai
ſé de voir que la pierre eſtoit écrite.
Ils eurent ſoin de la faire tirer ſur le
bord , un peu au deſſous de la Tour
qu'on appelle de Céſar. Elle y de
meura expoſée deux ou trois jours ,
en ſuite dequoy elle fut portée dans
la Court de l'Hoftel de Portugal. Mi
Minutoli , Profeſſeur aux belles Let
tres , à qui appartient préſentement
cet Hôtel , fit un peu apres deux
Diſſertations Académiques ſur cette
nouvelle découverte , & les recita
publiquement. Il parla du Dieu Sil.
vain , mais ſans s'y étendre beau
coup , parce qu'il s'en voit quantité
d'autres Inſcriptions & dans le Tré
for de Gruter , & dans les Pieces que
le ſçavant & curieux M ' Spon con
tinuë de nous donner. Il s'arrefta
principalement ſur la navigation du
114 MERCURE
Lac Léman , laquelle du temps des
Romains , & meſme longtemps apres,
ne s'eſt faite qu'avec des Radeaux.
Le mot de Ratiarii qui eſt connu des
Juriſconſultes , comme celuy qui
ſignifie des Conducteurs de Rade
aux , & qui n'avoit point encor pa
rudansaucune Inſcription , luy four
nit la matiere de quantité de doctes
Recherches , dont je ne doute point
qu'il ne faſſe un jour part au public.
mort
G A L A N. T. 115
mort aufli. M : de Lavardin eſt fon
Heritier.
I
la Grange.
1
6
0
11
M'Tronçon Conſeiller au Parle
mentin eſt monté à la place de Pallu . .
au Conſeiller en la Grand'Chambre ,
mort ſur la fin du meſme mois. On
connoît le mérite de l'un & de
l'autre
1
116 M E R C UK E
ſouvenir que j'oubliay à vous dire
le Mois paſſés que la Reyne eſtant
venue à Paris, apres une viſite qu'il
luy plât de rendre dans le Luxem
bourg, à Mademoiſelle d'Orleans,
qui avoit eſté faignée , fit l'honneur
à Madame la Duchefle de l'aller
voir , ſur la perte qu'elle avoit faite
de Madame la. Princeffe de Salms fa
Soeur. Cette illuſtre Morte avoit
l'eſprit infiniment éclairé. On ne
doit pas en eſtre ſurpris , puis qu'elle
eftoit Fille de Madame la Princeffe
Palatine. M'le Prince de Salms fon
Mary , dont elle eſtoit parfaitement
aimée , eſt un des Hommes du mon
de le mieux fait .
n'en
GALANT: 117
1
1
n'en attendiez de -moy , une deſcri
ption particuliere. Je ne manqueray
pas
1
1
118 M E R C V R E
3
Ouvrages d'eſprit. On en voit peu
. )
G A LA N T. iT9
Je vous diray ſeulement que Mle
Procureur General parla dans la der
niere Mercuriale avec beaucoup d'é
loquence. Il fit un Panegyrique du
Roy , dans lequel il comprit toutes
ſes Campagnes depuis le commence.
ment de la guerre , & remarqua meſ
me qu'il y avoit eu des années pen
dant leſquelles ce Grand Prince en
avoit fait deux . Apres ce dénombre
ment des travaux du Roy , il ex
horta Meſſieurs de la Robe de tra :
vailler à ſon exemple , & dit, quºd
préſent que Sa Mujeftén'avoit pløs toute
l'Europe à combatre , Elle alloit de nou
veau appliquer..ses ſoins à faire fleurir
la Fuffice , & qu'ily avoit déja pour
cela des. Declarations fous la Preffe.
Monſieur le Premier Préſident prit
la parole apręs luy , & ayant adreſſé
le commencement de ſon Diſcours
à M " les Gens du Roy , il le conti
nüa en parlant aux Juges. Voicy les
termes dont il fe fervit.
1
3
1
5
GENS
120
MERCURE
Gens du Roy,
tra
G A L AN T. I 21
travail qui ne firit point ; ſemblables de
ces claires Fontaines , que pon ne peut ny
Avril 1679 .
122
MERCURE
la perfuafion des Amis , plus capable que
tout de penétrer une belle ame.
pour
G A L A N T. 123
%
pour le donner tout au dehors.
du
F 2
124
M E R CURE
du plus auguſte Parlement de France .
1
1
G A L A NT . 125
ſentement cette premiere Charge de
la Maiſon de la plus grande Reyne
du Monde , peut avec beaucoup de
juſtice s’attribuer l'avantage des plus
illuſtres Naiſſances. Elle eſt de la
Maiſon de Mortemar , & tire ſon
origine des Souverains de Limoges ;
mais quoy qu'elle ne laiſſe voir que
le Sang Royal au deſſus d'elle , com
me je vous l'ay dit en d'autres oc
caſións, ce n'eſt pas cette ſeule gloi
re qui la rend conſidérable. Elle l'eſt
bien plus par la force de ſon eſprit ,
& par la grandeur de ſon ame. Vous
le croirez quand je vons aurez dit
qu'au ſentiment des Perſonnes les
plus éclairées, la beauté à laquelle
rien ne ſçauroit eſtre comparable ,
eft infiniment au deſſous de ce que
l'un & l'autre a d'éclatant. Cette nou
velle Sur -Intendante apres avoir
té le ferment ordinaire , a commen
cé les fonctions de fa Charge, & les
a commencées de li bonne grace , que
tous ceux qui furent témoins des ma
F 3
u
nie .
126 MERCURE
nieres aiſées, naturelles, & engagean
tes dont elle en remplit les devoirs la
premiere fois qu'elle entra en exercice,
ne purent ſe défendre de l'admirer .
avoit
pas moins
3
1
GALANT 127
avoit reçeu ſes ſoins ſans attache
ment , & s'eſtoit tenuë toûjours aſſez
maîtreſſe de ſes ſentimens , pours'ac
commoder du choix qu'on feroit
pour elle. Le Cavalier la perdit avec
une douleur inconcevable , mais il
ne put ceſſer de l'aimer. Il luy ren
doit mille agréable fervices , faiſoit
tout ſon plaiſir dela voir, quand il
en pouvoit trouyer las occaſions; &
luy ayant proteſte en pluſieurs mnen ,
contres que malgré- fan engagement
il ne vivroit jamais que pour elles il
refuſa, tous les Partys qui fe preſen
terent, quelques avantageux qu'ils
faſſent pour luy. La Belle Marquiſe
devint Veuve. Il s'attacha aupres d'elo
le plus que jamais ,& comme elle avoit
beaucoup de mérite , il eut bien - coſt
beaucoup de Riyaux . Tant de Pro
teſtans l'inquiéterent. Il ne put voir
leurs aſſiduitez fans quelquechagring
mais il eut beau le faire paroiſtre.
C'eſtoit l'humeur de la Dame. Elle
aimoit le monde , & eftant devenuë
&
4
2
5
F.4
128 MERCURE
maiſtreſſe d'elle -meſme, elle crut de
voir profiter de cet avantage . Sa cour
grofliffoit de jour en jour. Chacun
luy difoit qu'elle eſtoit aimable , &
rien ne luy plaiſoit tant que de ſe
Pentendre dire par pluſieurs bouches .
Le Cavalier luy en faiſoit quelque
fois de galans reproches , & l'ayant
trouvéeun jour avec cinq ou fix de
de ſes Amies ſans aucun de ſes Ri
vaux , il dit les choſes dų monde les
plus agreables für un abandonnement
fi
peu
2 Mara
G A LA N T. 129
」I
3
Marquiſe n'en fut point fachée. Une
Belle ne left jamais d'avoir des Ado
rateurs , quand meſme elle n'en ai.
meroit aucun , puis que le nombre
eſt une preuve de ſon mérite. Une
Dame des plus enjouées de la Com
pagnie pouſſa la matiere , & dit que
ce qui l'empeſcheroit de recevoir tous
les voeux qu'on s'empreſſeroit de luy
offrir, eſtoit qu'elle croyoit impoſ
ſible d'avoir des Amans en ſi grand
nombre, fans qu'il y en euſt de bien
fatigans. Elle adjoûta qu'il y avoit
apparence que le Cavalier connoiſ
foit parfaitement les defauts de tous
ceux qui s'eſtoient déclarez pour la
Marquiſe, n'y ayant perſonne qui
euft des yeux plus penétrans qu'un
Rival , quand il s'agiſſoit d'exami
ner ſes Rivaux. Le Cavalier fe con
tenta de répondre qu'il n'y avoit au
cun d'eux qui ne méritalt d'eſtre eſti
mé, puis qu'on ne pouvoit aimer
la Marquiſe ſans ſe montrer de bon
gouft. On ſe récria ſur cette dou
1
1
.
5
F5
ceurs
130 MERCURE
ceur , & la Marquiſe qui accuſa le
Cavalier d'eſtre peu ſincere, ne luy
pardonna ce qu'il avoit dit de trop
obligeant pour elle , qu'à condition
qu'il feroit la peinture de tous ſes
Āmans . Les Dames condamnerent
le Cavalier à luy obeïr ; & comme
ce qui approche un peu de la ſatyre
divertit beaucoup, elles luy firent
unë eſpece de neceſſité de parler con
tre fes Rivaux , adjoûtant pour l’y
engager plus aiſément, qu'on ſça
voit bien qu'ilne feroit que des pein
tures de leurs manieres d'aimer plus
plaiſantes que fatyriques , & qui ne
diminuëroient rien de leur réputa
tion . La chore valoit bien qu'on y
penſaft. Le Cavalier demanda du
temps , & voicy ce qu'ilenvoya quel.
ques jours apres à la Marquiſe
2
.
E
3GIAULI ASIN TIMI
*
1
132 ME RAC UA RE
puis que je vous vay écriré tout ce
que vous y auriez leû , fi je l'avois
fait graver avec la Figure. Les Chi
fres vous marqueront les Amours
auſquels chaque Articleidoit fe rap
porter. Cette agreable Galanterie
eftoit accompagnée d'une Lettre du
Cavalier conçcuë en ces termes ,
2:11
+
01"
1 DEmander à un Ennemy ce qu'il pen
fe de fon Enemy, c'eſt le croire bien ge .
néreux , on n'avoir pas deſſein d'adjoû
ter for à ce qu'il en dira. Il en eſt de
meſme d'un Amant , qui ne regardant
ſes Rivaux que d'un æil de jalouſie, ne
Sçauroit en dire du bien . Il a de la peine
à leur trouver du mérite , parce qu'il
ne leser en fouhaite point. Il ne les exa
mine que de leur mauvais coſté , & con
plus grand defir feroit qu'on ne leur vijf
rien que de haiflable
rois
GAL AN T. 133
rois que je ne ſuis point de ce nombre ,
je ne ſçay fi en faiſant trop Phonneſte
Homme, on ne me prendroit point pour
un Amant peu touché. Comme la raiſon
n'eſt pas toûjours la marque d'un grand
amour , il eſt dangereux d'eſtre trop rai
Jonnable en aimant. La plüpart des Fema
mes.Sont délicates , ſur tout quand elles
ont de Desprit. Elles. tirent des conſequen .
ces de la moindre chofe , & il vaut fou
vent mieux leur montrer qu'on les aime
éperduëment, mériter par là leur ten
drelle, que de s'acquérir leur eftime par
des
F7
134
M EAR CJURE
dire vray , charmante Béliſé , je vous
aime trop pour ne les pas haïr beaucoup,
Vous me difpenférez pourtant de vous en
nommer aucun . Vous avez trop # eſprit
pour ne les pas connoiſtre par la peinture
que je vous en vay faire , to je ne ſçay
s'il n'y en aura pas beaucoup qui ne se
connoiſtront pas ſi bien eux -mefmes que
vous les connoiſtrez. Ge qui me le fait
croire ; c'eſt que pluſieurs attribuent aus
autres les defauts quifont en eux. Ils en
font fans -doutemoins condamnables, puis
que s'ils croyoient les avoir, ils cherche
roient à s'en corriger. Fe dois pourtant.
demeurer d'accord qu'ily
LOW
' Fol.135.
25
23
21
Xurs
GALANT . 135
toute nature , il n'y a point un plus
grand triomphe pour une Belle ; car en
fin , ' quoy qu’un Brutal ne doivepaseſtre
aimé , il eſt plus glorieux d'alajetir ce
Brutal, qu’un Amant naturellement ten
dre. Je dis la meſme choſe des autres
cæurs peu diſpoſez d l'amour. Vous avez
tout aſujety; c'eſt ce qui rend voſtre tri
omphe parfait. Vous en avez rebuté plu .
fieurs ; c'est ce qui donne le dernier éclat
à voſtregloiré. Vous enſoufrez parpitié ;
c'eſt ce qui faitconnoiſtre voſtre bonté
ne doit
VOUS.
136 M E R CURE
vous. Il n'a jamais de reſpect ; &
comme il falloit
Les indignes Amans qu'il vous avoit ſoumis ,
Cet Amour aufli maltraité de vous
que de ſes Freres , dont peu le veu
lent reconnoiſtre , a mis au nombre
de vos Amans de pauvres Eſclaves
qui ſont à plaindre, mais qui ſont
en meſme temps ſi peu dignes que
vous les con dériez , que vous ne
luy avez point fait d'injuſtice en le
banniſſant ;
Car enfin on a beau me dire ,
Que qui pour de beaux yeux roupire ,
G A AN T. 137
Quoy qu'il ſoit ſans eſprit , perit aimer fortea
1
>
74
:
Il n'eſt point , dit- on , de laides
amours . Je le veux croire ; mais cela
n'empeſche pas qu'il n'y ait de forts
laids Amans. Cet Amour vous en
a foûmis quelques- uns qui font de
ce nombre . L'eur laideur vous a dé
goûtée , & il s'eſt retiré de dépit.
fe Içay que la beauté n'eſt pas dans un Amant
16
8
ET VAIN .
Que vous avez fagement fait ,.
vous
138 MERCY E
vous garder des Amans dont cet
Amour vous avoit attiré l'homma
ge! Si vous ne les cuffiez chaſſez ;
leurs langues en auroient chaſſé bien
d'autres.
reux ,
vrijtve , aimant que ce a
Ces Cauſeurs éternels , dos d'eux ſeuls amou
Ne cherchent en aimant que ce qui peut pa
tiroiſtress
3 Et pourvey qu'on les croye: heureux ,
C :
des plaiſirs.
s'il faut que pour Mary cet Amour ſe hazarde
6. L'A
GALANT 139
6. L'AMOUR TRANQUILLE.
Cet Amour qui aime à ſe repoſer »
& qui ne s'inquiéte jamais de rien ,
vous a donné des Amans qui vous
feront
I
7. L'AMOUR BRILLANT.
Vous avez obligation à cet Amour.
Il vous donne des Amans qui vous
peuvent ofter le chagrin que vous
recevez de la veuë de quelques au
tres .
140 MERCURE
tres . Ils ont le bel air. Tout brille
dans leurs manieres & dans leur per
fonne. Ils fautent & dancent tou .
jours. Ils préſident dans les Ruelles
galantes , & il n'y a point de matie
res ſur leſquelles ils ne trouvent abon
damment à s'étendre.
C'eſt un torrent de mots qu'on ne peut arreſter.
ils partent ſans foufrir bien ſouvent qu’on ré
Tous ceux que cet Amour a blef
ſez pour vous luy reſſemblent ; mais
ne croyez pas que quand il faudra
vous aimer toûjours , ils demeurent
également obſtínez . Leur obſtina
tion
G A L AN T. 141
0
tion ne conſiſte qu'à vouloir forte
ment ce qu'ils veulent , & à l'em
porter meſmecontrece qu'ils aiment ,
ſoit qu'ils ayent raiſon ou non. Ceux
qui ſont de ce caractere , n'en for
tent jamais.
Tant qu'ils ne font qu'Amans, on trouve lieu
11
Ere
Gardez -vous des Amans dont la
promptitude ne ſçauroit fe modérer.
her
.
Cet Amour eſt bien trompeur , &
les Amans qui le reconnoiſſent ne
le ſont pas moins. Vous les voyez
foll
142 MERCURE
follmis , inſinüans, complaiſans, &
ils veulent tellement tout ce quevous
voulez , qu'il ſemble que les choſes
les plus fâcheuſes pour eux , leur
foient agreables. Uneli parfaite foll
million eſt à eſtimer ; mais comme
il eſt autant d'Hypocrites en amour
qu'en autre choſe , on doit fort ſe
défier de la paſſion d'un Amant qui
a trop l'art de ſe poſſeder. En effet,
Il eſt bien malaiſé qu'on foit toujours le maiſtre
D'un amour dont l'ardeur ne ſçauroit s'auge
G A LA N Ti 143
L'eſprit le moins timide en eſt déconcerté,
EX
Si
144 MERCURE
Si toſ qu'ils ont deſſein de plaire.
Ainfo l'on montre en vain l'ardeur des plus
Les Amans qui ſuivent les Loix
de cet Amour , ſont d'abord tout
de feu pour leurs Maîtreſſes. Gar
dez de vous aſſurer trop ſur ceux
qu'il vous a ſoûmis. Ils n'ont que
des tranſports violens , & leurs pre
miers ſoins ſont accompagnez d'un
emportement de pallion qui ne laiſſe
rien à ſouhaiter ; mais tout ce qui
eft violent n'eſt jamais durable & fi
vous y faites reflexion ,
De la force fouvent lafoibleffe a ſșeu naiſtre ;
Peut avoir trop agy , cette force s'abat;
C'eſt ainſi qu'un grand feu qui jette un viféclat,
s'éteint preſque aufi- tojt qu'il commence à
E
GALANT
. 145
e.
ANO
114
5. Ci
14. L'A -MOUR LANGU ISSAN T.
des Cet Amour eſt d'un caractere en
-
146 MERCURE
rend encor plus à mépriſer que les
Avares , qui peuvent au moins ai
mer fortement , pourveu qu'on " ne
leur demande rien de ce qu'ils ont déja
amaffé. Qu'une belle Perſonne plaife
à ces Avares , ils chercheront quel
quefois à ſe ſatisfaire , & n'examine
ront point s'ils pourroient trouver
ailleurs plus d'avantages. Mais
L'Amant intereffe ne regarde que foy ,
Dans l'hommage apparent qu'il rend à fa Mai
les
G A L A N T. 147
qu la gloire dans lemonde , vous feroit
Dins avantageufe, s'ils ne vouloient'en met
DI
fé
148 ME RÇ U R E
ſé pour vous quelques -uns de vos
Amans, n'ont pas fait de fort pro
fondes bleſſures. Ils ſont toûjours
preſts à rompre. Tout les choque.
Tout les chagrine. Des Bagatelles
leur paroiſſent des Monſtres , & ils
ne croyent jamais eſtre aimez. Peut
eftre n'agiſſent ils de cette forte que
par un excés de pallion. Ils le diſent ,
& je le veux croire ; mais enfin
Quand ces plaintifs do trop fâcheux Amans
Auroient autant d'amour que de délicateſſe ,
Et leur amour qui toujours gronde
Peut s'appeller avec raiſon
Le plus vilain amour du monde.
G A L A N T. 149
aſſez agreables. Ils vous diſent de
fort jolies choſes , & dés la premiere
fois qu'ils vous voyent , ils ne man
quent point à vous faire les prote
ſtations les plus tendres , & les plus
remplies de paflion ; mais gardez de
vous y tromper.
Tous leurs fermens d'amour font fermensd'ha
ī
e ;
touche ,
Ils vous peignent des maux qu'il nereſſententpas,
Et leur cæur nefjait rien de ce que dit leur bouche.
vent
150
MERC, U R E
vent rien tant fouhaiter que des A
mans fort paſſionnez , elles n'ont
guére ſujet de s'accommoder de
ceux - cy .
3
Et
G A LANT.
151
Et qui dans ſon attachement
AN'a pour regle que fon caprice ?
Aujourd'huy sont à vous , demain preſque
Dés
Femmes
G4
Sur
152
MERCURE
Sur tout ce qui leur a déplú ,
Et dont avant l'hymen ils n'ont oſé ſe plaindre,
G A L A NT . 153
cete langueur que produit le veritable
amour , ils diſent d'un ton lent quan
tité de douceurs , & les accompa
gnent de mefchantes pointes appel
lées Turlupinades , qui ne peuvent
ſatisfaire un Eſprit bien fait.
Leur entretien eſt fade, do n'a rien d'agreable,
Et pour vous , dont le gouſt eſt délicat do fin ,
VOUS
154 M E R CU RE
Vous devez moins craindre qu'une au
tre d'éprouver leur légereté.
Vous ſçavez foues vos Loix fortement engager
Ceux que
GALANT .
155
demeurer d'accord . Chacun ne re
garde que foy en aimant , & il y a
peu de Perfonnes qui aiment leurs
Maîtreffes pour elles-meſmes.
L'Amant ſeul qui jamais ne fe laffe d'aimer ,
Doit eſtre regardé comme Amant veritable.
Tout semply de l'objet qui le ſșeut enflámer ,
156 ME RC U RÉ
Belle de vanter ſes charmes , it fiea
bien à un Amant de dire qu'il aime,
de le dire mille fois le jour , de le
prouver , de peindre l'excés de ſa
pallion , & de faire voir que perſon
ne n'a jamais tant aimé, ny n'aime
ra jamais tant que luy. C'eſt ce que
je fais ; & comme je ſuis ce Con
ftant G rare å trouver , cet Amour
conſtant qui eſt le mien , ſe voit pla
cé au deſſus de tous les autres , &
tient mon coeur comme l'unique
qu'il ait pû connoiſtre parmy tant
de coeurs , capable d'aimer éternelle
ment . C'eſt une verité dont il ne
fe
GALANT 157
que moy , ont pris d'autres liaiſons ,
ſi toſt qu'ils vous ont veu faire un
heureux. Moy ſeul , j'ay continué
à vous aimer , & vous ne ſçauriez
douter que je ne vous aye aimée pu
rement pour vous , puis que j'ay
continué à vous aimer fans aucun ef
poir. Vous eſtes devenuë maîtreffe
de vous -meſne, & en meſme temps
de ma déftinée. Vous en pouvez dé
cider . Faiſons un Contract dont l'A
mour regle luy feul les Articles . Le
mien deférera tout au voſtre. Ma
vie , mes biens , ma fortune , tout
eſt à vous. Eprouvez fi je dis vray ;
& li la follmillion que j'auray à tou
tes vos volontez n'eſt point entiere ,
banniffez-moy pour jamais & de vos
yeux , & de voſtre coeur. Oüy , di
vine Bélife , je vous parle ſérieuſe
ment quand je vous aſſure que la
grandeur de ma paflion ne fçauroit
eſtre exprimée. Nous diſons tous que
nous aimoins, il eſt vray , mais c'eſt
nous - meſmes que nous aimoins.
G7
*1 $ 8 M E'R CURE
Je
M
le
&
moy , c'eſt
1
Tout a raport à nous ; & de mille
Amans , je ne ſçay s'il s'en peut
trouver un ſeul qui aime ſaMaitref
ſe ſeulement par elle. Jenepuis moy
meſme defavoüer qu'il n'y ait de
Pamour propre dans celuy que j'ay
pour vous , autrement il faudroit
C
11
GA LANT. 159
les jours ,
De nouveaux soupirans vous viennent tous
Mais sans qu'aucun Amant vous touche der
Ces Amours vous ſervent en fou
le. Mais quels Amours ! Demeſlez
le mien de cette foule , ou plutoſt
voyez qu'il s'en démeſle luy-meſme ,
&
que
160 MERCURE
deffein de faire un Mary , & qu’ainſi
on doit mettre ce que vous venez
de lire au nombre de ces Ouvrages
qui inftruiſent en divertiſſant.
tant
1
1
1
}
G A & A N T. 161
tant de honte à vous remettre moy -meſ
me fa peu de choſe pour Madame de Vil_
lars , que jay choiſy le parti de vous
Benvoyer apres - voftre départ. Je vous
prie de le luy faire agréer comme une
marque de mon amitié , o deftre bien
perſuadez l'un de Paútre, de l'eſtime
Ce que MadameRoyale veut bien
nommer peu de choſe , eſtoit fon
Portrait, enrichy de huit gros Dia
mans de plus de cent Loüis chacun .
Les Préfens de cette grande Prin
ceffe ne doivent pas eſtre ſeulement
confidérez par leur prix , mais encor
par la maniere dont elle les fait. C'eſt
toûjours fi obligeamment , qu'elle
charme ceux qu'elle honore de cette
gloirieuſe marque de ſon eftime. Ce
ſeroit icy le lieu de vous parler d'une
des deux Feftes ordinaires de Savo
ye , mais je n'en ſuis pas encor aſſez
informé ; & comme j'en fis graver
162 M & RC U R E
les Deffeins il y a un an , pour vous
les envoyer dans une de mes Lettres du
Extraordinaires , j'attens ceux des ay
Feſtes de cette année , afin de faire y
la meſme choſe. Cependant je croy
d'In
. 163 d'hfånterie
en France
, & Colonel
du Regiment
de Piémont
Ducal
,
ayant
remené
ce Regiment
en Savo
ye , luy a fait faire Pexercice
en pré
ſence
de Son Alteffe
Royale
, & de
toute
la Cour
de ce jeune
Prince
.
M ' l'Abbé
d'Eſtrades
Ambaſſadeur
de France
s'y trouva
. Le Marquis
que je vous
viens
de nommer
faiſoit
luy-meſme
la fonction
de Major
,
& chacun
s'acquita
de ſon devoir
avec
tant d'intelligence
, & d'un air
fi martial
que ceux qui en furent
té
moins
, dirent
que loin d'oublier
dans
les Armées
du Roy
les bonnes
diſ
poſitions
qu'on
pouvoit
avoir à bien
faire , on y en acquéroit
de nouvel
les ; & que c'eſtoit
la veritable
Eco
le , où l'on pouvoit
en peu
164 M E R CURE
a
dit) par M' le Marquis de Boiſſele
au , n'eſt pas le ſeul changement qu'il
y ait eu dans ce Corps. Le Roy a
donné quinze mille livres à M' Def
ragny Ayde Major , pour luy aider
à avoir une Compagnie, & il a ache
té celle de M'de la Tournelle. Sa
Majeſté ayant fait la meſme gratifi
cation à M de Roinville Lieute
nant , il a acheté la Compagnie de
M Voiſin . M " de Manevilete & du
Tremblé , tous deux Sous- Lieute
nans , ont eu des Lieutenances, aufli
bien que M' Pidoux Enſeigne. M *'
de Maupeou a eſté pourvû de l’En
ſeigne de ce dernier. Le Regiment
des Gardes ayant droit d'ouvrir le
premier la Tranchée dans tous les
Sieges , on peut juger par les grands
fuccés de cette derniere guerre com
bien il doit s'eſtre ſignalé ; & com
me les Officiers donnent lame aux
Corps dont ils ſont les Chefs, &
que leur exemple les excite , Gi l'on
regarde ce que ce Regiment a fait,
0
on
G A L AN T. 165.
on demeurera d'accord , qu'on ne
peut donner trop de louanges à ceux
qui l'ont commandé.
vir ,
166 M E R.CURE
1 vir , luy donna une Compagnie dans
le meſme Regiment . Il alla au Siege
de Valenciennes , où il eſtoit tous
les jours à la Tranchée , & de là ,
devant Cambray , où il demeura juf
qu'à la priſe de cette Place. Il ſe trou
va l'Hyver ſuivant au Siege de S. Gui
lain , & peu de temps apres à ceux de
Gand &d'Ypres. LeRoy qui ne laiſſe
point demérite fans récompenſe, luy
donna le Regiment d'Albret d'Infan- ?
terie. Il en reçeut le Brevet le jour
du Combat de S. Denis , où il con
tinua de donner des preuves de ſon
zele pour le fervice de Sa Majeſté,
& des marques de la valeur , & de
l'intrépidité de ſon courage.
ta
10
I
G A L AN TO 167
de Seminaire de S. Sulpice. Il a pris
les Ordres depuis ce temps- là, &
vient d'eſtre reçeu Docteur . Il ne
ſeroit pas aiſé de vous bien faire con :
noiſtre juſqu'où vont les progrés qu’a
faits cet Illuſtre Abbé dans un fort
petit nombre d'années. Il n'ignore
rien de tout ce qu'un grand Homme
doit ſçavoir; & il ya fi peu de Doc
teurs de fon âge, qu'on peut dire
que les Sciences luy ont eſté natu
relles. Le Bonnet qu'il vient de re.
cevoir en cette qualité , m'engage à
vous entretenir de ce qui fe paffe en
cette Ceremonie. Apres la Licence ;
on nomme par ordres , de quinze
jours en quinzejours , ceux qui doi
vent recevoir le Bonnet de Docteur.
Ils ſoutiennent le jourprecedent , ou
quelques jours auparavant , une Vef
perie, qui renferme les plus grandes
Queſtions de la Theologie , & les
endroits les plus difficiles de l'An
cien & du Nouveau Teftament. Le
lendemaiz ils foutiennent une autre
168 M E R CURE
Theſe , qu'on nomme Aulica , par
ce que ce doit eſtre chez Monſieur
l'Archeveſque de Paris ; en ſuite de
quoy le Chancelier de l'Univerſité
leur donne le Bonnet de Docteur au 1
nom du Pape , & les conduit dans
l'Egliſe Notre-Dame , à la Chapelle
S. Sebaſtien , où il reçoit le Serment
qu'ils font de défendre la Verité ,
meſme aux deſpens de leur ſang. Vous ?
remarquerez , s'il vous plaiſt, Ma- le
dame , que cette Ceremonie de donn
ner le Bonnet, ne ſe fait point ſans
que quelque Docteur d'éclat & d'un
mérite tres - reconnu , y reprefente le 1
Grand -Maiſtre de la Faculté . Le
choix en dépend de celuy qui eſt re
Çeu Docteur. Le Grand -Maiſtre louë
le Répondant, des veilles & des tra
vaux par leſquels il s'eſt mis en état
de mériter l'avantagequ'il reçoit. Le
Chancelier fait en ſuite un petit Dif
cours à la gloire du Grand -Maiſtre ,
& du nouveau Docteur; & le nou
veau Docteur les remercie , en fai- 1
fant
GA,LANT, . 169
1. nant ,
S !
fant l'éloge de l'un & de l'autre. Mon
ſieur l'Archeveſque ayanteſté prié de
faire la fonction de Grand -Maiſtre
dans la Ceremonie dont je vous par
le s'étendit fort ſur les mérites de
Monſieur Colbert , & de M ' l'Abbé
fon Fils . Comme il n'y eut jamais
d'Orateur plus éloquent que ce Grand
Prélat , & que la matiere eſtoit am
ple & belle , je ne vous feray rien
ſçavoir de nouveau , en vousappre
nant que toutcequ'il ait fut admiré
pour
E.
!!
1
170
MER -CU'R É
pour
coup
C
1
1
2
1
G AL, A N T. 171
coup plus avantageux d'y reſter , que
de reprendre ce qu'ils ont mis dans
ſes Cofres. Le Roy, qui eſt auſſi juſte
qu'il eſt grand , a conſenty à ce qu'ils
luy ontdemandé là - deſſus , & ils ont
eſté luy en faire leurs tres -humbles
remercîmens , au nombre de plus de
deux cens cinquante. N'admirez
vous pas , & la bonne
:
tage ?
1
172 MER cu R'E
P
€
N
de M ' le Marquis de la Hoguéte , &
Neveu de feu M. l'Archevelque de
Paris . La Cérémonie ,, futtres belle.
Les Religieuſes y chanterent divine
menr à leur ordinaire . La beauté de
ce Convent vous eſt connuë . Quan
tité de Filles de qualité & d'un grand
mérite, le rendent celebre Madame
leur Supérieureet 'Soeur de Midę
la Haye l'Ambaffadeur. Il ſe trouva
à cetre Ceremonie . L'Allembiée
eſtoit compoſée de pluſieurs Evel
ques, & d'un fort grand nombre de
Perſonnes tres conſidérables de l'un
&de l'autre Sexes (70 ) Spalva
3
1
>
G A Lo Ag N T. 173
& , on la peut demander dans voſtre
Province commeon fait icy, Cela
viept de ce1qu’on jugçoit autrefois
LesCriminels dont la naiſſance eſtoit
éleyee , dans une Chambre toute ten
duě de deuil , & qui n'eſtoit éclairée
que par des Flambeaux. C'eſt à cauſe
de çeşmeſmes Flambeaux quele nom
de Chapelle
.
H 3
au
174
MERCURVE
aura reçeus avec autant de vateur
.
gine
ĠA'LANTA
175
gine de Robert Comitéde Clermont,
cinquiéme Fils du Roy ,VS. Louis";
néMany 1256. Je ne dis rien de tous
tés grandsHommes quien ſont fortis,
& qui ont fleury depuis ce temps jul
quả Charles Bourbon , né l'an 1489.
Ce Charles eftoit Duc de Vendôme,
Pair de France's Coifite die Soiffons,
de Marlé, '& de Converſan ,Vicomte
de Meaux , Sieur d’Epernon , de
Montdoubleau , de Condé , de Ham ,
de Gravelines, de Dunkerque , de
la Roche, de Boháin , de Beaure .
voir , & de Heldin , Chaſtelain: de
Lille; Gouverneurde Paris & de l'Isle
de France . Ce Prince, apres s'eſtre
trouvé
H4
176 M E RC U R I
miers Loüis moururent Enfans. Ane
toine , Roy de Navarre , demeura
l'aîné. C'ekt de luy quę font defçen
dus nos trois dernjers Roys . Erant
çois Comte d’Anguin mourut fans
qu'il ſe fuſt marié. Charles fut Car.
dinal & Archeveſque de Rouen ; &
on appella le troiſiémeLoüis , Prin
ce de Condé. Il eut des Enfans
mâles de deux lits , fçavoir du pre-:
mier , Henry Prince de Condé,
François Prince de Canty , & Char .
les Cardinal & Archeveſque de Roll
en ; & du fecond , Charles Comte
deSoiſſons. C'eſt deceHeary Prince
de Condé qu'eſtoit ſortie Anne Ge
nevieve de Bourbon dont je vous
apprens la mort. Elle eſtoit Veuve
deHengy d'Orleans , ſecond du nom ,
Duc de Longueville , & Gouverneur
de Normandie , mort il a environ
ſeize ans . Il avoit épouſé en premie
res Noces Louiſe de
al
4
GA'LLAAN 177 TA
Grand- Maiſtre de France , & Sour
de Madame la Princeſſe de Carignan .
Il n'eſt reſté qu'une Fille de ce Ma
riage. C'eſt Madame la Ducheffe de
Nemours , Veuve de Henry de Sa
1
1
178
MERCURI
luy avoir rendu de grands ſervices ,
auſſi-bien qu'à Charles VII ſoûs l'o
bęïſſance duquel il remit toute
Guyenne & toute la Normandie.
Ne croyez point,
&
С
ic
fa
GA LA N'T 179
ſa Mére. Son coeur a eſté mis en dé
poft dans une des Chapelles de cette
Egliſe , d'où il doit eſtre porté à
Port-Royal. On fit le lendemain un
Service ſolemnel a S. Jacques du
Haut-pas , où ſes entrailles avoient
eſté miſes dans la Cave de la Cha .
pelle qu'elley a fait bâtir , & on en
doit faire un autre aux Carmelites
dans quelques jours ."
180 M ,ER CURE
Р
faire con
$ 2
leil , avec ces paroles , Ut luce fruatur,
in fonte, qui font voir quecette Prin...
ceffe eft allée jouir de la lumiere dans
la ſource meſme.
21
e
G A L A NT . 181
la Robe, n'a pas laiſſé de ſe ſignaler
encor par l'Epée. M ' de la Mote ſon
Pere eſtoit de la Branche de la Ter
riere. M de Bologniny ſon Mary ne
ſe peut
Avril 1679 .
182 ME R CURE
le Marquis de S. Prieſt eſtoit l'Au
theur, eſt dans ces Versde M'Gardien .
Quand on eft d'illuſtre naiſance,
Voicy les noms de ceux qui ont
deviné certe Enigme ſur ce meſme
G A L A N T 183
Mor. Meſſieurs Gauvin Curé de
Martenay ; Du Bus le jeune , de la
Ruë de Buffy ; L'Abbé d'Oyſeniont;
Pertar, de Montargis; L'Abbé de
Rouville; Heruy ; Gautier , Secre
taire de M ' de Richebourg ; Necoët
Coroller , Maire de la Ville de Mor
laix ; & Meſdames du Chaſtel, &
Marc , Fille de Campagne. Meſſieurs
le Chevalier de Lery, & le Chevalier
du Vaudeſtrembles , l'ont expliquée
en Vers. ' L'Eſtre, le Vent , Vir , le
Soleil , le Feu , l'Eau , la Morte
l'Eſprit , ſont les autres Mots qu'on
luy a donnez .
lieux ,
Il ſemble exprés pour nos delicés
Avoir abandonné les Cieux , f
Ce
184 M E R CU R E
Ce Dieu toujours ſenſible à la maligne joye
Qu'on dit qu'il ſe faifoit autrefois de fourber ,
s'il ne nous peut maintenant dérober ,
Il nous donne du moins de la fauſſe Mon
G A L AN T. 185
Beauvais. L'explication de la meſme
Enigme m'a eſté envoyée en Vers
par Meſſieurs le Chevalier Arnoul de
Thorigny , Officier dans Lile en
Flandre , Le Commandeur de Cou
fy ; Gardien ; De Bares , Profeſſeur
de Galanterie à Troyes ; Belſin ;
Lieutenant de Clameſſy en Niver
nois ; Maillet , Prieur de S. Lubin
des Vignes; L'Abbé Guerard; L'Ab
bé Meliat ; Madame Sarraſin , de
Lyon ; L'Amant fidelle & infortu
1. 3 .
186 M. E R CURE
nier ; & la Mote , (la derniere en
Vers ; ) L'Ariane de Sylvie ; La Da
nie des Quatre- Vents , d'Orleans ;
Les deux charmantes Sours Cham
penoiſes , du Quartier S. Sauveur ;
Le Secretaire fidelle , d'Amiens ; Le
Chinois de l'Etoile ; & le Mutin de
Liſette. Ceux dont les noms fuivent ,
les ont expliquées en Vers. Mel
ſieurs Feret , d'Amiens ; Germain ,
de Caën ; Les Réclus de S. Leu ,
d'Amiens ; Minutoli; Le P. la Tour
nelle , deLyon ; Potin , Avočat ; &
Fredin , dit le Solitaire de Pontoiſe.
G A LA N T. 187
Quand je ne le ſuis pas , on ſe plait à m'oiiir a
Et ma voix groffiere de farouche
l'on me voye,
Vant
188 M E R CU RE
Vaut moins que moy dans fon eſpece®
Pour ſçavoir qui je ſuis, quand je vous vois
UPUD
pagi
1801
RAMINE
NARCISSE ENIGME
1
!
G A L AN T. 189
la Frénefie ou les tranſports , la Fumée ,
la retour du Printemps, la Bruine , la
Nuë, le Vent, le Naufrage d'un Vaiſſeau ,
la Perruque, la Honte, dow la Pluye
fai ,
I 5
190 MERCURE
1
faire connoiſtre l'utilité , tous vos
Amis ne veüillent avoir chez eux
un Ouvrage dont ils ſeront aſſurez
de tirer un fres - grand profit.
main ,
G À LA N T
191
main ,
TABLE des MATIERES
Avant-propos,
2
20
38
contenuës dans ce Volume.
46
TABLE.
Charge de M. de Rochebrune donnée à M. de
Boiſſeleau ,
T A BL E.
117
Cramoiſy ,
bonne ,
TABLE .
24
54
deux ,
>
Mort de Madame de Bologniny de Lyon
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Remarque
Contrefaçon du Mercure de Paris.