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1682, 07, t. 19 (Extraordinaire)
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Vibris Joannis pola
fon
pos de Falckenso.com
C
LXXVI...
Dr. C. Zz. 2 .
MENTEM ALIT ET EXCOLIT
0
:
K.K. HOFBIBLIOTHEK
ÖSTERR . NATIONALBIBLIOTHEK
BE.6.Zz.2
EXTRAORDINAIRE
DU MERCURE
GALANT.
QUARTIER DE JUILLET 1682
TOME XIX.
A PARIS,
AV PALAIS.
Ο
Ndonnera toûjours unVolume
nouveau du Mercure Galant le
premier jour de chaque Mois, & on
le vendra , auſſi -bien que l'Extraordinaire
, Trente ſols relié en Veau,
&Vingt-cinq fols en Parchemin.
A PARIS ,
Chez G. DE LUYNE, au Palais , dans la
Salledes Merciers, à la Juſtice.
Chez C. BLAGEART , Ruë S. Jacques,
àl'entréede la Ruë du Plâtre,
EtenlaBoutique Court-Neuve du Palais,
AU DAUPHIN.
Et T. GIRARD, au Palais, dans la Grande
Salle, à l'Envie .
M. DC. LXXXII .
AVEC PRIVILEGE DV ROL.
EXTRAORDINAIRE
DV MERCURE
GALANT.
QUARTIER DE JUILLET 1682.
TOME XIX.
Doy quevous ayez déja
vû plusieurs Trainezſur
2
' Origine, & l'usage de
La Pourpre,je croy, Madame,
que vous ne ferez pas fâchée,
queje vous faſſe encor part de celuy
Q.deJuillet1682. A
2 Extraordinaire
que j'ayreceu de M. la Selve, de Nifmes.
Il feroit injuste de le priver
de la gloire qu'il doit esperer de fon
travail ; & d'ailleurs ,si divers Autheurs
traitent la mesme matiere, c'est
toûjours d'une manierefi diférente,
qu'on pourrait dire que tous leurs On
vrages ramaſſez n'en formentqu'un
Seul. L'un rapporte ce que l'autre a
oublié , &pour estre instruit à fond
d'une chose , il faut lire tout cequi en
aefté écrit. Ceux qui veulent bien
Se donner la peine de travailler sur
les Sujets proposez dans mes Lettres
Extraordinaires , peuvent s'aſſurer
que je tiendray ce que j'ay promis,
lors que j'ay dit que chacun auroit
Son tour. Ily a déja plus de quatre
mois que l'Ouvrage que vous allez
voir m'a esté rendu . Fen avois d'autres
qui m'ayant estédonnez auparaduMercure
Galant.
3
vant, devoient paffer les premiers,
& je rends aujourd'huy la mesme
justiceà celuy que je viens de vous
nommer , en commençant ce dixneufiéme
ExtraordinaireparleTraité
queje réserve de luy depuis si longtemps.
552525-2525222-252
DE L'ORIGINE DE LA
Pourpre , de l'usage qu'en ont
fait les Anciens , &defa diférence
avec l'Ecarlate.
L
EsPhéniciens,, au raportde
Julius Pollux , attribuent
l'invention de faire la Pourpre
à Hercule , qui vint chez eux accompagné
d'une Fille nommée
Tyro , laquelle ſe promenant ſur
A ij
4
Extraordinaire
し
1
1
le bord de la Mer , vit un Chien
qui dévoroit un Pourpre avec fu
reur. Le fang de ce Poiffon donna
une couleur ſi vive , & fi écla.
tante aux lévres du Chien , que
cet te Fille réſolut d'abord de demander
à ſon Amant une Robe
de cette meſme teinture. Hercule
en ayant eſté prié, ne man.
qua pas de faire peſcher dans
tous les lieux voiſins un grand
nombre de ces Poiſſons , pour
faire préſent à ſa Maiſtreſſe d'une
belle Robe teinte du ſang de ces
pauvres Animaux , qui commencerent
alors de perdre la vie pour
fatisfaire à la vanité des Hommes.
On ſe ſervoit autrefois de
trois fortes de Poiffons pour faire
cette teinture ſi riche & fi eftimée
, des Murex , des Conchidu
Mercure Galant.
S
lions , &des Pourpres. Les Poif.
fons que les Latins appellent Murex,
ſervoient non ſeulement pour
faire la Pourpre , mais auſſi on les
ſervoit à Table dans les Feſtins
les plus magnifiques , & les plus
ſomptueux ; & le Prince des Fai.
ſeurs d'Epigrammes 1. 13. les fait
parler en ces termés .
Sanguine de noſtro tinctas ingrate
lacernas
Induis , & non eft hocfatis , esca
fumus.
Les Conchilions efſtoient des
petits Poiffons à écailles , qui
avoient le bec long , & fortdifé.
rent de celuy des Pourpres , qui
eſtoit de figure ronde.
Horumego nonfugiam Conchylia.
Fuven.Sat. 3.
Ariftote Hift. Anim. l. s . c. 15.
1
t
A iij
6
(
Extraordinaire
i
dit que les Pourpres vivoient
d'ordinaire fix ou fept ans , &
qu'ils demeuroient cachez durant
trente jours au temps de la
Canicule. Nous liſons dans Pline
1. 9. c.36 . qu'ils s'aſſembloient au
commencement du Printemps,
&que ſe frotant les uns contre
les autres , ils rendoient une certaine
humeur viqueuſe , &gluan.
te comme de la cire. Ils avoient
au milieu du col une petite veine
blache, d'où ſortoit cette liqueur
ſi eſtimée pour la teinture des
Draps ; mais il falloit les prendre
en vie , car ils perdoient en mou.
rant cette admirable vertu. Les
Habitans de Tyr , fort habiles
en ce meſtier , tiroient les plus
gros Pourpres , pour les faigner
hors de leurs écailles , mais ils
*
duMercureGalant.
7
preſſoient les plus petits avec des
meules à huile pour leur faire ren.
dre cette prétieuſe humeur. Leur
langue qui estoit de la longueur
d'un doigt,eſtoit ſi dure, qu'ils en
perçoient les écailles des autres
Poiffons , qui leur fervoient de
nourriture. Ariftote Hift. Anim.
1. 8. c. 19. affure que de fon temps
on les faifoit mourir en eau
douce, ou dans quelque Riviere,
parce qu'ils auroient bien vé.
cu encor cinquante jours de leur
feule ſalive . Il eſtoit de deux for .
tes de Pourpres. Les uns qui avoient
le bec rond & un peu_ouvert
à coſté , eſtoient preſque
ſemblables à un Cornet , d'où
vient qu'on les appelloit Cornets
de Mer. Ceux- la eſtoient toûjours
attachez aux Rochers , où
7
A inj
8 Extraordinaire
ils eſtoient pris pas les Peſcheurs.
Les autres qui avoient le bec
comme un tuyau creuſé , eftoient
entourez de ſept petites
pointes que les Cornets de Mer
n'avoient pas. Au reſte la Pefche
de ces Poiffons ſe faisoit durant
les jours Caniculaires , mais
l'on y réüſſiſſoit mieux lors qu'on
la diferoit juſqu'au commencement
du Printemps. Les deux
plus grands Génies de la Nature,
Ariftote & Pline , nous apprennent
comment on s'y prenoit.
On ſe ſervoitde petits Filets tresclairs
, où l'on mettoit des Poiffons
appellez Moules , qui eſtant
à demy morts ouvroient leurs
écailles dans la Mer , où les Pourpres
les alloient inſulter par leurs
piqûres importunes. Ceux-là ſe
duMercure Galant.
9
ſentant attaquez, fermoient leurs
écailles, & oſtoient par cemoyen
à leurs Ennemis la liberté de s'é .
chaper. Apres qu'on avoit pefché
de cette maniere un affez
grand nombre de ces Poiffons,
on travailloit à la teinture de la
Pourpre de la façon que Pline
1. 9. c. 38. l'a écrit. On piloit les
écailles des petits Pourpres , car
on ne prenoit la chair que des
gros. On lavoit bien cela avec
une eau tres-claire. On faifoit
enfuite tremper le tout avec du
Sel durant trois jours , mettant
ſur chaque quintal de Teinture
une livre huit onces de
Sel . On avoit de grandes Chaudieres
de Plomb , dans chacune
deſquelles on metroit un quintal
&demy de Teinture préparée,
10 Extraordinaire
qu'on faifoit cuire lentement par
le moyen d'un petit Tuyau , qui
répondoit à la Chaudiere , laquelle
estoit fort éloignée du feu ,
de peur que la Teinture ne couruſt
riſque de ſe brûler. Il falloit
cependant écumer & nettoyer la
chair , qui reſtoit aux veines des
Pourpres, Enfin apres avoir laiſſe
pendant dix jours la Chaudiere
encet état , on y mettoit la Laine
bien préparéejuſques à ce qu'elle
euſt la couleur qu'on demandoit
, d'où l'ayant tirée encor,
on la cardoit , puis on la remettoit
pour luy faire boire entiererement
la Teinture. Les Cornets
de Mer ſeuls ne tenoient pas affez
leur couleur , mais les Pourpres
de haute Mer appellé Pelagia efcant
de couleur noire, dõnoient le
duMercureGalant.
.
luſtre à la teinture,&cette couleur
triſte qui estoit neceſſaire pour
faire une tres-belle Pourpre. Les
Tyriens ne ſe ſervoient que de ces
Pourpres, & avant que leurTein.
ture tiraſt ſur le vert , ils jettoient
la laine dedans , pour la mettre
enſuite dans une Chaudiere où
eſtoit la Teinture des Cornets de
Mer. Cette Pourpre neantmoins
a remporté le prix , & a eſté de
tout temps plus eſtimée qu'aucune
des autres ; d'où vient que
Tyr fut autrefois appellé Sarra,
comme le dit Aulugelle 1. 14.c.
16. du nom du Poiſſon que les
Latins appellent Murex ou Sar,
& la Pourpre meſmeeſtoit appellée
Sarranum Oftrum.
Ut gemmå bibat & Sarrano dormiat
Oftro. Virg. 2. Georg.
12 Extraordinaire
1.
Sive erit in Tyriis , Tyrios laudabis
amictus. Ovid. 2. deArte.
C'eſtoit autrefois un Employ
ſi conſidérable à Tyr , d'avoir
ſoin de faire faire la Pourpre , que
l'Empereur voulant récompenfer
d'une maniere particuliere un
Preſtre d'un tres-grand mérite
nommé Dorothée , il luy donpa
cette Commiffion , au raport de
Nicéphore Callixte au Chapitre
35. du Livre 6. de ſon Hiſtoire
Eccleſiaſtique. Il y avoit de la
Pourpre qui gardoit ſa couleur
juſques à deux cens ans. Plutarque
meſmeditdans la Vie d'Aléxandre
le Grand , que ce Conquérant
ayant pris la Ville de
Jules , trouva dans la Maiſon
des Roys pour cinq mille Talens
de Pourpre Hermionique,
du MercureGalant.
13
dont la couleur eſtoit auſſi vive,
&auſſi éclatante que le dernier
jour de ſa teinture , ce qui estoit
ordinaire lors que la rouge eſtoit
teinte du miel, & la blanche avec
de l'huile de cette couleur. Vitruve
l. 7. c. 13 dit que les Pourpres
étoientde couleur diférente,
ſelon la diverſe ſituation des Païs
où ils eſtoient pris. Ceux qu'on
peſchoit dans la Mer de Phénicie,
eſtoient rouges , au lieu que
ceuxqu'on trouvoit fur les Coſtes
d'Afrique , ſervoientà teindre la
Pourpre violete , que Cornelius
Népos qui mourut du temps de
l'Empereur Auguſte , dit avoir
eſté en voguedurant ſa jeuneſſe.
La Pourpre deTyrappellée Dibapha,
àcauſede ſa double teinture,
ſevendoit deux cens cinquante
14 Extraordinaire
Ecus la livre ; & fept cens ans
apres la Fondation de Rome, Publius
Lentulus Spinter fut blâme
de ce qu'il en portoit une longue .
Robelors qu'il eſtoitjeune. Pline
1.9 . c. 39. nousaſſure que la Pourpre
a eſtéde tout temps en uſage
parmy les Romains. En effet, il
eſt vray que leur premier Roy
s'en fervitd'abord dans ſon ManteauRoyal.
Pulcher&humano major habeâque
decorus,
Romulus. Ovid. 2. Faft.
Tullus Hoftilius fut le premier
quien porta une longe Robe
brochéd'écarlate , apres avoir
remporté une ſignalée Victoire
fur les Peuples d'Etrurie. Florus
au Chapitre s. du Livre premier
de l'Hiſtoire Romaine , dit que
duMercureGalant.
IS
Tarquinius Prifcus ordonna que
les Enfans des plus illuftres Familles
portaffent une longueRobe
bordée de Pourpre , qui estoit
auſſi l'Habit ordinaire des Perſonnes
de grande qualité,car tout
lemonde ſçait que le Philoſophe
Porphyre fut ainſi appellé , à
cauſe de la Robe de Pourpre qu'il
portoit , comme eſtant forty
d'une noble& puiſſante Famille.
Malchuseſtoit ſon premier nom.
Il étudia fous Photinus à Rome,
avec Origéne & Amélius ſes
Condiſciples , du temps de l'Em.
pereur Aurélien. Socrate 1. 7. c.
2. ditde luy qu'ayant eſté battu à
Céſarée par quelques Chrêtiens,
il compoſa par dépit quinze Li.
vres contre noſtre Religion , aufquels
Méthodius , Eufebe , &
6 Extraordinaire
Apollinaire , répondirent par
trente Livres Apologetiques. Le
Mauvais-riche eſtoit habillé de
Pourpre & de fin Lin , Erat homo
dives qui induebatur Purpura
&byſſo. Luc. c. 16. Je ſçay bien
que Nicéphore Callixte Hiſtoire
Eccleſiaſtique l . 1. c. 26. met
cette Hiftoire au rang des Paraboles
de Noftre Seigneur , & que
Saint Grégoire le Grand Hom.
in Evang. croit que l'abondance
du Mauvais- riche nous doit faire
entendre le bonheur du Peuple
Juif, & que la pauvreté du Lazare
nous marque la mifere des
Gentils ; mais je ſçay bien auſſi
qu'on peut inférer de là , qu'alors
les Gens riches & de haute
naiſſance avoient coûtume de
porter des Habits de cette couduMercure
Galant.
17
leur. La Robe de Pourpre eſtoit
autrefois la marque des Sénateurs
Romains , témoin ce Vers
de Martial .
Diviſitnoftras Purpura veftra togas.
Ils s'en ſervoient dans les Sacrifices
publics& folemnels, parce
qu'ils s'imaginoient qu'elle ne
contribuoit pas peu à appaiſer la
colere des Dieux. On chantoit
des Vers à Rome, dont le ſens
eſtoit , Jules César mene les Gaulois
en triomphe. Ils ont quitté leurs
Sayes pour prendre les Robesde Pour.
predes Sénateurs. Suétone raporte
que l'Empereur Auguſte prenant
la Robe virile , celle qu'il avoit
s'ouvrit de deux coſtez , & luy
tomba à ſes pieds , & alors les
Devins prirent cela pour augure
que l'Ordre des Sénateurs , donc
Q.deJuillet 1682 . B
18 Extraordinaire
la Robe de Pourpre eſtoit la
marque , luy ſeroit un jour ſoûmis.
Tibere voulant dégrader un
Sénateur , luy oſta la Robe de
Pourpre , parce qu'il eſtoit allé
demeurer en desJardins aux Calendes
deJuillet , afin que cejour
-de terme eſtant paſſe il loüaſt
une Maiſon à meilleur marché.
L'Empereur Domitien préſidoit
ſouvent aux Jeux en Robe de
Pourpre. Il ajoûta meſme au raport
de Suétone' , deux bandes
aux quatre anciennes des Jeux
du Cirque , dont l'une avoit pour
Livrée le Drap doré , & l'autre
celuy de Pourpre. Le Roy Ptolomée
eſtant venu au Theatre
pour y voir repréſenter les Jeux
que Caligula donnoitau Peuple,
ilattira d'abord les yeux de tout
duMercureGalant. 19
le monde , à cauſe de ſon Manteau
Royal , dont la Pourpre
jettoit un fi grand éclat , que ce
⚫ cruel Empereur le fit mourir
aufli toft pour cette ſeule raiſon.
Les Empereurs, &les Capitaines
qui devoient avoir l'honneur du
Triomphe , entre- laçoient la
Pourpre parmy l'or dans leurs
Habits; & Plutarque écrit dans
la Vie de Marcus- Craffus , que
ce Capitaine ayant pris un Manteau
noir pour baranguer ſes
Soldats , au lieu de prendre la
Robe de Pourpre ſelon la coûtume
des Romains , ille quita d'abord
à la perfuafion deſes Amis.
Sext. Pompée Fils du grand
Pompée , ayant remporté une
glorieuſe Victoire ſur Mer , prit
dans un Triomphe un Manteau
Bij
20 Extraordinaire
bleu , parce qu'il eſtoitdela couleur
de la Mer, au lieu d'en prendre
un de Pourpre à la maniere
des Romains . Comme dit Fulgofius
1. 3. c. 6. les Robes de
Pourpre couſtoient ſi cher , que
les Empereurs par politique ou
par avarice, endéfendoient quel.
quefois l'uſage ; & Jules Céfar
ne le permit qu'aux Perſonnes de
certain âge , de certaine qualité,
&meſme encor à certains jours;
& Néron , quoy qu'il euſt des
filets dorez dont les cordes eftoient
teintes en Ecarlate , défendit
pourtant l'uſage de la
Pourpre , &mefme il reprit avec
aigreur un Homme qui en vendit
quelques onces en un jourde
Foire , & fit mettre en priſon
tous les Marchands qui en a
duMercureGalant. 21
voient acheté. Il alla encor plus
avant , car un jour ayant remarqué
au Spéctacle une Dame vé-
⚫ tuë de Pourpre , auſſi- toſt il la fit
prendre , & ne la dépoüilla pas
ſeulementde ſa Robe,mais encor
de tous fes Biens.
Au reſte les Romains ſeuls ne
ſe ſervirent pas des Robes de
Pourpre , mais elles furent auffi
en uſage chez les autres Nations.
Les Athéniens meſme en por
toient , comme l'aſſure Elian 1. 4.
de Var. Hift. & Sabinus 1. 8. c. 7 .
dit que les Toſcans en uſoient
aufſi . Les Empereurs de la nouvelle
Rome , faisoient un ſi grand
cas de la Pourpre , qu'ils ne ſe
contentoient pas d'avoir les Habits
Impériaux de cette couleur,
mais ils s'en ſervoient auffi pour
22 Extraordinaire
écrire , & les Impératrices faifoient
leurs couches dans l'Apartement
de Porphire, qui ſe rencontroit
le premier en entrant
par la Porte de la Marine du
grand Palais du coſté de la Propontide
, d'où leurs Enfans eftoient
appellez Porphirogenites
ou Porphirogennetes. Les Cardinaux
commencerent de porter
la Pourpre du temps du Pape Innocent
IV. qui la leur fit prendre
dans le Concile de Lion l'an 1205.
pour marque de leur dignité , &
de l'obligation qu'ils avoient de
perdre meſme la vie pour la cauſe
de Dieu & de fon Egliſe , principalement
dans la perſécutionde
l'Empereur Frideric , qui fut excommunić
dans ce Concile pour
la quatrićme fois.
duMercure Galant.
23
Les Grecs appellent Coccos la
graine d'Ecarlate ; d'où vient que
Ardenti Cocco radiare , ſe dit d'un
Homme qui eſt magnifique , &
propre dans ſes Habits.
Et contra ardenti radiabat Scipio
Cocco. Silius l. s.
Pline 1. 16. c. 8. dit qu'elle s'appelle
auffi Cufculium , & qu'elle
vient au bout des queuës où ſe
tiennent les feuilles du Chefne
vert. On l'apelle Vermillon en
Languedoc. Il y en a meſme
beaucoup dans pluſieurs endroits
decette Province, où les pauvres
Gens la cueïllent avec grand
foin . Elle ſe dit en Arabe Kermes,
d'où eſt venu le mot deCramoify.
Elle naiſt en Galatie , en
Afrique , en Pifidie , en Cilicie,
&fur tout enEſpagne dans l'E-
ハ
24
Extraordinaire
ſtramadure aupres de Mérida,
Celle qu'on trouve dans l'Iſle de
Sardaigne n'eſt pas fort eſtimée.
Au reſteon ne la doit cueillir ny
trop toſt , ny trop tard ; car fi elle
n'eſt que d'une année , la couleur
en eſt trop foible ; ſi elle a paſſé .
quatre ans , elle a perdu ſa force
&ſa vertu . Son écorce s'appelle
proprementgraine d'Ecarlate , &
ſa moüelle eſt le fin Paſtel d'Ecarlate.
L'écorce fournit plus de
teinture , mais la moüelle fait la
véritable Ecarlate. Quand on
veut ſe ſervir de cette graine , on
lave premierement les Draps
dans l'eau ſeûre faite d'eau de
Riviere bien nette , d'Agaric &
de Son ; puis on y jette l'Arſenic
avec l'Allun pour les dégraiffer
afin qu'ils boivent bien la Teinture
duMercureGalant.
25
ture qu'on leur donne apres cela
avec le pur Paſtel. On vuide
enfuite la Chaudiere de cette premiere
eau , & on la remplit d'eau
claire, y mettant du Paſtel & de
l'Agaric . La Gomme d'Arabie
la rend plus rouge. La Couperofe
& le Brefil font un faux
Cramoify. Les Cramoiſys rouges
qu'on fait ſur les Laines eny
meſlant de la Cochenille qui
vient desIndes , ſe font à peu
présde la meſme façon. Au reſte
il eſt certain qu'il y a des Eaux
les unes meilleures que les autres.
Il y en a qui enyvrent tellement
les Laines, qu'elles reçoivent fort
bien les Teintures , & les retiennent
tres - longtemps fans ſe dé.
charger. Les autres dégraiffent
les Draps d'une maniere toute
Q.deJuillet 1682. C
26 Extraordinaire
particuliere , & d'ordinaire les
Teintures ſont eſtimées à proportion
des Eaux qu'on employe à les
faire . La Riviere des Gobelins ,
outre qu'elle donne la comodité
de faire de grands Réſervoirs &
les plus beaux Canaux du monde,
remplis d'une eau vive & tres -
claire, a cette admirable vertu de
teindre en Ecarlate, ce qui donne
à la France dequoy dédommager
toute la Terre de la perte qu'on
a faite de l'invention de faire la
Pourpre. Cette Riviere eſt au
Fauxbourg de Paris aupres de
Gentilly , où l'on tint autrefois
un Concile ſous le Regne de Pepin
, avec le conſentement du
Pape Paul I. pour y examiner le
diférent qu'il y avoit alors entre
les deux Eglifes , fur le ſujet des
duMercureGalant.
27
Images , & de la Proceffion du
Saint Eſprit. Enfin il n'est pas
fort difficile de voir la diférence
qu'il y a entre la Pourpre & l'Ecarlate
, puis qu'on ſe ſervoitpour
faire celle-là de Poiffons qu'on
ne trouve plus , & qu'on employe
pour celle- cy des Graines
qu'on trouve dans pluſieurs endroits
du Monde ; mais voicy се
qui leur eftcommun. On ſe ſert
aujourd'huy de l'Ecarlate prefque
de la meſme maniere qu'on
ſe ſervoit autrefois de la Pourpre;
car, comme le Grand Pontife, les
Preſtres , & tous ceux qui facri
fioient aux faux Dieux, portoient
des Robes de Pourpre , ainſi les
Princes de l'Eglife & les Chanoines
de pluſieurs Chapitres de
France en portent d'Ecarlate ,
Cij
28 Extraordinaire
lors qu'ils fervent à l'Autel du
vray Dieu. Comme les Empereurs
eftoient autrefois veſtus de
Pourpre , de mefme aujourd'huy
les Roys & les Souverains ont
des Habits de cette couleur, pour
briller avec plus d'éclat aux yeux
de leurs Sujets ; &comme les Sé.
nateurs portoient autrefois la
Robe de Pourpre , tout de mefme
à preſent les Préfidens , &
les Conſeillers des Cours Souveraines,
portent une Robe d'Ecarlate
qui les diftingue des Officiers
des Cours fubalternes , jufques-
là meſme que la Meſſe qui
ſe dit la Feſte de Saint Martin à
l'ouverture du premier Parlement
du Royaume , s'appelle la
Meffe rouge , parce que les prinçipaux
Membres de cet auguſte
duMercure Galant. 29
Corps font habillez de cette couleur
; & cela eſt ſi honorable,
que plufieurs Cours ne pouvant
eſtre Souveraines, font tous leurs
efforts pour avoir le Privilege de
porter la Robe rouge , qui en eft
la marque , &le caractere.
52522-5525522-2555
TRADUCTION
DE BUCANAN.
Ay déja venfixfois dans ces tristes
Climats,
L'Hyververſerſur moysa neige &ſes
frimats.
F'ay veufix fois l'Etéfaire fleurir nos
Plaines,
Donner aux Laboureurs le douxfruit
de leurs peines;
Mais,helas, ny l' Hyver par toutes ses
froideurs,
Cij
30 Extraordinaire
Ny ia belle Saisonparses grandes chaleurs,
N'ont pas eu le pouvoir de chaffer de
mon ame
L'aimable Amarillis, ſeul objet de ma
flame.
Si-toft que jem'éveille , ou bien qu'au
bord de l'eau
Jonant du Flageolet je conduis mon
Troupean,
Jefongeàses attraits , je rappelleſes
charmes,
Denouveau je reffens naître en moy des
allarmes.
Si messens afſoupis vont chercher du
repos,
Ilsemble que la nuit n'a d'humides
Pavots,
Quepourmeprésenter d'unefaçon plus
vive
La charmante Beauté dont mon malheur
me prive;
Car n'estant diſſipé par aucun autre
Objet
2
duMercure Galant. 31
Plein de l'Amarillis que le Sommeil a
fait,
Jemejette à genoux, je languis, jeſoûpire,
Je luy jure centfois d'eſtre ſousſon empire,
Sans craindreſon couroux, je luy donne
un baifer,
Enfin je n'ômets rien qui puiſſe l'appaifer.
Quandla nuit diſparoift , & retire ſes
voiles,
Que Phébus àson tour vient chaſſer les
Etoiles,
Jemeplains aux Rochers, j'interroge les
Bois,
Mais les Bois,les Rochers, tout est fourd
àmavoix.
Laſeule Nymphe Echo , la Nymphe
malheureuſe,
Qui du Berger Narciffe est encore amoureuse,
Accufe commomoy la rigueur de mon
fort,
C iiij
32
Extraordinaire
Demante comme moy duſecours à la
Mort .
Elleparle,&fe taiſt comme un autre
moy-mesme,
AppelleAmarillis, &luy dit, je vous
aime .
Combien defois auſſi dans l'excés de mes
MAUX,
Regardant les Zéphirs badinerfur les
flots,
Etrepouffer laMer auſejour de ma
Belle,
Héquoy, leur ay-je dit, un Amant ſi
fidelle
Nepeut- il mériter quelque grace de
vous?
Venez,Zéphirs, venez rendre mon fort
plus doux;
Venez n'apprendre enfin ſi celle que
j'adore
Sçait que je ſuis le meſime, & que je
l'aime encore,
Si demeurant conſtante elle megarde
un coeur
duMercureGalant .
333
Dont j'eſtois autrefois demeuré le
vainqueur;
Ou plutoſt contentez ma juſte impatience,
Je ſuis las de ſouffrir une ſi longue
abſence,
Vous ſeuls, Zéphirs, vous ſeuls pouvez
en un moment
Me tranſporter d'icy, me rendre heureux
Amant;
Unifiez-vous donc tous, uniſſez tous
vos aîles ,
Et j'iraydans ces lieux porter de mes
nouvelles .
Mais loin deles toucherpar mes tristes
Soûpirs,
Ils neveulent pas mesme écouter mes
defirs.
Je les vois auſſitoſt qui grondent de
colere ,
Et traitent mon amour d'un amour teméraire.
Alors unfroid mortel s'empare de mes
Sens,
34
Extraordinaire
Mon coeur estfans chaleur, mes jeux
font languiſſans,
F'arrose de mes pleurs les ſables du
Rivage,
Mon deſeſpoirparoiſt dépeint fur mon
visage.
En vain autour de moy le Dieu Pan,
Ses Bergers,
De leurs aimables voixfont retentirles
airs;
En vain la jeune Iris, Amarante, &
Climene,
Lycoris, Lycifca, les Nymphes de la
Seine,
Me croyant un Amant changeant &
maltraité,
Viennent m'offrir un coeur plein defide
lité,
Fontparoiſtre à mon ame au deuil abandonnée,
Lesplaisirs , les douceurs , les ris de
Hymenée;
Leurs beautez , leurs appas, ne peuvent
me guérir,
•du Mercure Galant.
35
Ny m'ofter le deſſein que j'ay priside
mourir.
25525-52255-525222
S'il eſt plus honteux à une Femme
, d'accorder des faveurs à
un Homme qu'elle a aimé ,mais
qu'elle n'aime plus , & dont
elle n'eſt plus aimée , qu'à un
autre qu'elle n'a jamais aimé,
& qui l'aime fortement .
Quoyqu'il ſemble presqueim-
Qu'une ame à l'amour inſenſible
Entre dans le deſſein d'accorder desfaveurs,
De deux Galans pourtant que le Sort
me préſente,
Lors que je dois à l'un destiner mes douceurs,
Ledernier, à monsens, est plus digne
d'attente.
36 Extraordinaire
F'aimay le premierfans retour,
Je ne l'aime plus àmon tour,
Nous nouspayons tous deux de meſme
indiférence;
Mais que pourroit enfin cet Ingrat efpérer,
Que les justes effets d'uneprompte vengeance,
Dansla confusion qu'il voudroit m'attirer?
3
Leſecondn'enfaitpas de meſme,
L'amourqu'il me porte eſt extréme,
Il trouve des appas juſques dans mes
defauts,
Mes froideurs n'ont jamais ébranléSa
constance;
Si l'amour ne peut pas m'attendriràſes
maux,
Lapitié le doitfaire, & la reconnoisfance.
duMercureGalant.
37
:
ne
f-
552525-2525222-252
Si l'on peut dire , je vous eſtime,
à une Perſonne d'un rang plus
élevé que l'on n'eft.
Nmelefait sentirque j'ay fait un
D'avoir dit bonnement, Monfieur, je
vous eftime.
C'est un Hommeplus grandque moy,
Et qui peut me donner la loy.
Vous demandez , Galant Mercure,
S'ilse peut dire, est-ce une injure?
Ah!qu'il s'en estchoqué! je m'ensuis
repenty.
Helas! j'en ayfait penitence,
Que j'aurois priſe en patience,
Si j'avois peu d'eſtime , ou si j'avois
menty.
Quoy!veut-ilſeulement du reſpect, de
la crainte,
Et de l' obeiffance? On les doit àfon
rang;
38
Extraordinaire
Jedisſouventmesmeſansfeinte,
Quepour luy j'épandrois monfang:
Mais pour l'Estime, il la mépriſe,
Auſortirde ma bouche, il la prendpour
beſtiſe;
C'est la marque pourtant d'un veritable
amour.
Pourquoy donc s'offenſer, quand je la
mets au jour?
Peut- on l'avoir,ſans lafaire paroiſtre ,
Etfans l'oferdire àfon Maiſtre?
Quandon l'aſans raison, l'on peut-estre
battu,
Lors qu'on eſtime trop ce qui n'eſt eftimable:
Carqui donne au Vice est coupable,
Ce qui n'estdeub qu'àla Vertu .
Mercure, ilvaut donc mieuxſe taire,
Pouréviter ceméchant pas .
Craignons, obeiſſons, &respectonspour
plaire,
Puis quede noſtre estime onfaitsipeu
decas.
GYGES, duHavre
du Mercure Galant.
39
2252 5552 22 552 525
Quelle est la marque la plus
eſſentielle d'une veritableAmitié.
N peut dire qu'il en eſt de
Pamitié chez les Philofophes,
comme de l'amour chez les
Poëtes. Ce font d'agreab les chimeres
, qui n'ont de realité que
dans l'imagination échaufée des
jeunes Gens . Si quelques Vieillards
, & quelques Sages, en ont
- laiſſé de belles idées dans leurs
Livres , c'eſt qu'ils ont voulu
tromper les autres , comme ils
avoient eſté trompez eux-mefmes.
A joindre que ceux qui ſe
-piquent d'amour &d'amitié , refExtraordinaire
40
1
1
ſemblent aux Chimiſtes qui foulent
toute leur vie , ſans trouver
la Pierre Philofophale. Rien ne
les peut détromper , & ils efperent
toûjours qu'il viendra quelque
heureux moment , qui les récompenfera
de leurs peines , & de
leurs dépenſes. La facilité qu'on
ade faire l'amour , & cette fauffe
fincerité dont on ſe fert pour s'attirer
l'amitié de tout le monde,
font qu'on ſe trompe tous les
jours , dans l'un-& dans l'autre.
J'entens dire à mille Gens , Une
telle m'aime éperdûment , elle est
folcde moy. Un tel est de mes Amis,
il fait ce que je veux. Enfin on
donneà tout le monde la qualité
d'Amy, parce que ce nom plaiſt,
& qu'il eſt devenu à la mode;
mais que l'on connoiſt peu ce
1
duMercure Galant.
41
que c'eſt que l'amour & l'amitie!
Nous sommes les Dupes de cette
Coquette,& de ceFourbe, dans le
moinent que nous les croyons les
plus fideles .Avons-nous le don de
penetrer les cooeurs ,&de fixer les
volontez , pour nous aſſurer ain.
ſi de l'amitié des Hommes ? La
Sageſſe incarnée qui s'eſt réſervé
ce ſecret à elle ſeule , ſemble
avoir douté de l'excellence de fes
lumieres fur ce ſujet, lors qu'elle
demanda par trois fois au plus
ardent , & au plus zelé de fes
Diſciples , Pierre, m'aime - tu ? Le
Sauveur du Monde pouvoit-il l'i
gnorer , apres ce que cet Apôtre
avoit fait au Cenacle , & dans le
Jardin ? Mais il connoiſſoit la foibleſſe
des Hommes , &il ſe ſouvenoit
de ce qui s'eſtoit paſſé
Q.deJuillet 1682. D
42
Extraordinaire
1
dans le Prétoire. Dieu qui connoift
nos coeurs ne les fixe pas,
parce qu'il veut qu'ils foient libres
. Il nous les demande , &
par là noſtre amour , comme le
fruit le plus prétieux de cette
liberté . N'allons donc pas ſi viſte,
ſoyons moins préoccupez , & que
les mouvemens de noftre cooeur,
ne préviennent jamais les ſentimens
de noftre eſprit. Ce n'eſt
pas choquer l'amour , de douter
fi l'on eſt aimé , ce doute le rend
plus fort, plus ſolide & plus raiſon.
ble. Onne peut jamais s'aſſurer
d'eſtre aimé, fi la Perſonne aimée
ne fait pour nous , ce que l'amour
ſeul l'oblige de faire . Tout
le reſte n'eſt que le dehors de l'a
mour où l'on peut eſtre trompé.
L'intereſt , la laterie , & la com-
1
duMercure Galant.
43
1
i
plaisance , font faire aux Gens
du monde , dans le commerce de
la vie , mille choſes que nous attribuons
à l'amour , & à la tendreſſe
. C'eſt folie de dire, aimez,
& vous fere,z aimé. La maxime
n'eſt pas infaillible , comme l'a
crû Seneque. Celle- cy pourroit
eſtre plus veritable , Plaiſez , &
vous ferez aimé ; & elle eſt d'autant
meilleure , qu'on n'a pas
la peine d'aimer , ce qui n'eſt
pasunmédiocre tourment. C'eſt
auſſi le ſecret des Belles. Elles
fongent à plaire ſeulement , & on
les aime toutes inſenſibles &
cruelles qu'elles font.
১
Auffi- toſt qu'un Objet commence
de nous plaire , auffi- toſt
noſtre coeur commence de l'ai
mer. La diférence de l'amour &
Dij
44.
Extraordinaire
3
de l'amitié , vient de la diférence
des deux Sexes où ils ſe rencontrent.
L'inclination mutuelle ens
tre deux Sexes , s'appelle amour;
& l'inclination reciproque dans
un meſme Sexe , s'appelle amitié;
mais tout cela doit juſtement
s'appeller amour , puis que la
paffion qui luy eſt opposée , en
quelque Sexe qu'elle ſe trouve,
n'a point d'autre nom que celuy
de haine. Quand l'amitié eſt
agiſſante & empreſſée pour fon
Objet , c'eſt amour ; quand l'amour
aupres de luy eſt tranquille,
conftant , & attaché à le confiderer
, c'eſt amitié. Malgré toutes
les disjonctions de la Philofophie
, c'eſt un Frere , c'eſt une
Soeur , mais un Frere &une Soeur
qui ne peuvent vivre ſans eftre
duMercureGalant.
45
- enſemble , & qui ſont ſouvent
pris l'un pour l'autre. Ce qui a
fait dire à un galant Homme,
qu'ils maſquent fouvent enfemble.
T
e
R
دش
1
1.
:
Comme un Enfantfort gay l'amitiéſe
fait voir,
Et l'Amour y paroiſt une Fille mo .
defte.
i
Il ne faut pas s'en étonner,
puis qu'au ſentiment des Peres,
une forte inclination pour la
vertu , a meſme quelque choſe
du déreglement de l'amour. Une
veritable amitié n'eſt donc qu'un
amour raiſonnable , & où la Na.
ture a peude part, qu'on exprime
diverſement chez les Grands , &
chez le Peuple. La ſimpathie
n'eſt pas moins forte dans l'ami.
tié que dans l'amour , & c'eſt
46
Extraordinaire
auſſi ſurquoy est fondé cet amour
héroïque , que nous voyons dans
les Livres. Un bel Eſprit nous a
dit en faiſant ſon Portrait , que
dans toutes ces amitiez , il y entroit
un peu d'amour. En effet,
luy ſeul lie les ames , & unit les
coeurs. C'eſt le cimentdes belles,
&des grandes amitiez . Celles
d'inclination, ſe prennent comme
l'amour. Comme elles font le
plus excellent , & le plus folide
effer de la fimpathie , elles font
violentes & durables. Unje-neſçay.
quoy les fait naiſtre , & ce
charme naturel dure autant que
la vie,dans celuy qui en eſt préve
nu. Si - toft que David parut devant
Saül , il gagna le coeur de
Jonathas , & d'une maniere fi
forte , que l'Ecriture Sainte dit
du Mercure Galant.
47
لان
que l'ame de ce Prince fut collée
à celle de David , pour ainſi dire,
& qu'il aima comme luy- mefine.
Ces paroles ſont extrémement
-touchantes , & expriment bien
cette tendre amitié . Et factum
est cum cumpleſſet loqui ; ad Saül
anima Jonathe conglutinata eft anime
David , & dilexit eum Jonathas
quasi animam fuam . Ce que
Virgile a dit à peu présde Niſus,
&de Euriale, his amoremus erat. Ils
s'aimoient uniquement ,& comme
a traduit un de nos vieux Poë
tes , cen'eſtoit qu'un coeur d'eux.
- Cette inclination de Jonathas
pour David fut conſtante , &ce
Prince l'aima toûjours beaucoup.
Lors queSaül voulut le faire mou
rir, il l'en avertit, & il n'y a point
debons ſervices qu'il ne luy ren,
:
48 Extraordinaire
diſt aupres de ce Roy furieux . Il
luy fait mille fermens de fidelité,
dans toutes les rencontres où
David avoit lieu de craindre ſa
colere ,& il aſſure qu'il n'y auroit
qu'un moment entre ſa mort &
la fienne , & qu'il fera tout ce
qu'il luy dira. Il fait enſuite alliance
avec luy , & il luy renouvelle
ſes ſermens , parce qu'il l'aimoit
, ajoûte encor l'Ecriture,
&qu'il l'aimoit comme ſa vie;
car c'eſt icy proprement commé
il faut entendre le mot d'ame, &
non pas de l'ame fpirituelle , &
divine ; mais apres tout , je confidere
David , comme le Favory
d'un Prince qui n'a d'attachement
pour Jonatahas qu'autant
que ſa Fortune l'y oblige. Quand
il devient fon Beau-Frere, &Gen
dre
duMercureGalant.
49
drede fon Roy, c'eſt unAmy d'alliance
&d'intereſt,que l'honneur,
&la reconnoiffance engage ; car
à toutes les choſes obligeantes
que luy dit ce Prince , il ne répond
rien. Il ſe contente d'eſtre
aimé , comme si c'eſtoit affez , &
qu'il fuſt preſque impoſſible d'aimer&
d'eftre aimé en meſme
temps. Il ſe fait honneur de cette
amitié , & en profite dans toutes
les occaſions , tant- il eſt vray que
- les Princes n'aiment leurs Favoris
qu'à leur confufion , comme reproche
Saül à Jonathas , & à la
- confufion de leur Mere , ajoûte
-t-il , ce qu'on peut expliquer de
leur Royaume , &de leurs Sujets.
Les Roys qui s'y ſont abandonnez
nous en fourniſſent de fu-
- neſtes exemples. Ces Amis d'in-
Q.deJuillet1682 . E
Extraordinaire
so
clination , ces Favoris qui fai
foient leurs délices , ont épuiſé
leurs tréſors , ou terny leur réputation
, & les ont ſouvent trahis
dans leur diſgrace. Enfin l'amour
du Prince pour le Favory,
a toûjours fait l'horreur & la
haine des Sujets , pour le Prince.
Jamais Roy a- t- il eſté plus
malheureux en Favoris qu'Henry
III . Il n'en peut aimer unſeul,
ſans s'attirer auffi- toft l'indigna .
tion de toute la Cour & du Peuple
, & fans en eſtre la dupe & la
victime ; car l'Hiſtoire remarque
qu'il ne fuſt aimé de perſon.
ne , que de ceux dont il acheta
l'affection par ſes bien- faits im.
modérez . Si on en excepte quel.
ques -uns , qui furent dignes de
ſes faveurs , tous les autres l'aduMercureGalant.
51
t
bandonnerent lâchement , & il
eſt ſurprenant , qu'apres ſamort
qui fut ſi tragique , aucun ne fiſt
pour luy , ce qu'entrepriſt un
ſimple Serviteur qui avoit encor
plus de part dans ſes affaires , que
dans ſes bonnes graces. Je ne
confidere pas icy Benoiſe , com-
⚫me un fidelle Sujet qui rend les
- derniers devoirs à ſon Prince,
mais plûtoſt comme un veritable
Amy , quiramaſſe ſes cendres , &
qui conſerve ſa mémoire ; car à
mon avis , le ſouvenir des Morts
eſt la marque la plus eſſentielle
d'une veritable amitié. Qui aime
encor apres la mort , eſtoit digne
d'eſtre aimé pendant la vie. Je
trouve qu'Auguſte ſeul fut heureux
en Amis , ſoit dans le choix
qu'il en fiſt , ſoitdans les ſervices
E ij
52
Extraordinaire
qu'il en reçeut ;mais s'il faut eſtre
un Auguſte pour trouver des
Virgiles , il faut encor eſtre un
Auguſte pour trouver des Mefſenes
; de ces Favoris qui déferent
toute la gloire au Prince , &
qui ſemblent n'agir que pour luy
ſeul. Alexandre ne fut pas moins
heureux en Amis qu'Auguſte;
mais tous deux eurent le déplai.
fir d'en eſtre privez pendant leur
vie. Alexandre eut le malheur
de tuer Clitus , & de ſurvivre à
Epheſtion. Auguſte perdit Agrippa
, &Meſſenas preſque de ſuite,
&dans un temps où il en avoit le
plus de beſoin . On luy peut mefme
reprocher quelque choſe
d'auſſi honteux qu'à Alexandre;
car fi la colere de ce Prince envers
Clitus eft blamable , les a
du Mercure Galant.
53
moursd'Auguſte pour la Femme
de Meſſenas , ne luy font pas
*trop d'honneur. De plus ſon amitie
fut intereſſée , & s'il fut plus
ſage en cela qu'Alexandre , if
fut bien moins fenfible. Auſfi
n'eut - il que des Amis , & non
pas des Mignons. Les Roys ont
beſoin de Favoris qui les délaffent
, qui participent à leurs plaifirs
, & à leurs fecrets , & qui
foient les Collegues du Roy auffibien
que de la Royauté ; mais il
font rarement heureux dans le
choix qu'ils en font. Le Maré.
chal de Biron eſtoit aupres
d'Henry le Grand , ce que Clitus
eſtoit aupres d'Alexandre.
C'eſtoient deux vaillans Capitaines
, mais préſomptueux &
- infolens , qui dans leurs bravou-
E iij
54
Extraordinaire
res , ne croyoient pas qu'il y eut
rien de comparable à leurs belles
actions , & qui fut digne de les
récompenfer. Le Duc deJoyeuſe
eftoit encor aupres d'Henry III .
ce qu'Epheſtion eſtoit aupres
d'Alexandre. Tous deux Beaux-
Freres de leur Roys , & verita
blement Amis plútoſt que Favoris.
Si les Nôces d'Epheſtion fu .
rent fi magnifiques , qu'il s'y trouva
juſqu'à neuf milles Conviez,
auſquels Alexandre donna à chacun
une Coupe d'or , pour offrir
leurs Sacrifices aux Dieux ; Henry
III . dépenſa douze cens mille
Ecus à celles du Duc de Joyeuſe,
fans parler des Préſens qu'il fit
aux Mariez . Comme Alexandre
s'eſtoit reglé fur Achille en fait
d'amitié , comme en fait d'armes;
du Mercure Galant.
55
• Henry III . ſe regloit fur Aléxan.
dre , dont il portoit le nom avant
fon avenement à la Couronne.
Ainfi,fi Achille fiſt des choſes indignes
apres la mort de fon Amy
Patrocle , ils n'en firent pas moins
4 apres celle d'Epheſtion, de Quélus,
& de Maugiron. Achille fond
ar en larmes , s'arrache les cheveux,
pouſſe des cris effroyables fur le
Corps de Patrocle. Il touche ſon
it coeur & fes playes , manus homici-
- das imponens pectoribus focij crebro
admodum fufpirans. Il ſe vange
cruellement ſur Hector de la
mort de fon Amy. On ne peutarracher
Alexandre d'aupres de fon
cher Epheſtion , il fait pendre le
- Medecin qui l'avoit traité pendant
ſa maladie. Et Henry III .
n'en fait pas moins pour Quélus
E iiij
م Extraordinaire
& Maugiron , dont il arroſe le
viſage & les playes de ſes larmes,
& qui ne promet pas moins de
cent mille francs au Medecin qui
penſoit leurs bleffures. Que de
foibleffe dont l'amitié eft coupabl
! Et jamais l'amour a- t- il
fait faire de plus grandes folies?
Mais que David me paroiſt ſage
apres la mort deJonathas ! Son
deüil fuft grand, & c'eſt- là qu'on
voit tout ce qu'une tendre amitié
eft capabled'inſpirer, lors qu'elle
a pour Objet une aimable Perfonne.
L'amour des Femmes,
l'amour des Meres , n'a rien qui
luy foit comparable. Doleo fuper
te, s'écrie ce Princeaffligé , Frater
mi fonatha decore nimis & amabilis
Super amorem mulierum , ficut mater
unicum amat filiumfuum , ita ego te
diligebant.
duMercure Galant, 57
Roy,si tu veux aimer, abaiſſe ta Couronne,
L'amitié veritable égaleles Amis,
Le pouvoirle plus grandse plaist
d'eſtreſoumis,
Lors qu'on donnefon coeur à celuy
quiledonne.
Mais hélas , que ces tendres
amitiez font ruineuſes &frivoles,
& qu'on cherche en vain cette
moitié d'Etoile dont l'union
nous ſemble ſi neceſſaire pour
paſſer agreablement la vie , &
fans laquelle nous ne croyons pas
vivre ! On ne la trouve preſque
jamais ; on ſe trompe à la reffemblance
; & comme a dit un bel
Eſprit,
Delàviennent les inconstances,
Les ruptures &les mépriss
On voit évanoüir toutesses espérances,
18 Extraordinaire
Et chacun fur des apparences
Enrigede s'estremépris .
La malice des Hommes rompt
bien- toſt des noeuds ſi doux , & il
faut avoüer que fi les Amis d'inclination
font les plus agreables,
ils font auſſi les plus inutiles. On
craint de les importuner , & de
leur eftre à charge ; on les prévient
en toutes chofes , & bien,
loin d'attendre des preuves eſſentielles
de leur amitié , on leur cache
le beſoin qu'on en peut avoir.
On ſe flate qu'ils n'y manque,
roient pas , &on fait confcience
de les ſoupçonner de la moindre
infidelité . Cependant ce font
des Compagnons de plaifir plûtoſt
que de fortune. Ils nous fuivent
autantque leJeu leur plaift ,
& nous quitent auſſi - toft que
duMercure Galant.
59
l'âge ou les affaires nous rendent
plus chagrins , ou plus ſages . Les
jeunes Gens qui aiment le plaifir,
& quile cherchent parmy leurs
ſemblables , fuivent aveuglement
leur paffion en cette rencontre,
parce que rien ne leur couſte , &
qu'ils ſe mettent peu en peine de
l'avenir. Saint Auguſtin meſme
ſe laiſſa aller à cette doucepante
de la Nature. Rien , dit- il , ne
charmoit mon ame , comme l'amitié
, toute ma joye eſtoit d'aimer
& d'eſtre aimé. Quoy que la
vraye amitié ne s'attache qu'aux
eſprits , les beaux corps , dit ce
Pere , ont comme l'or & l'argent,
je- ne- ſçay- quoy qui nous attire;
&il ſe trouve dans l'action des
ſens un raport ſi conforme à leurs
organes , que l'union de l'Objet
60 Extraordinaire
avec eux , ne ſe faitpas fans un
extréme plaifir . Mais hélas, continuë-
t-il , que c'eſt une grande
folie de ne pas aimer les Hommes
en Hommes ! O cruelle amitié,
fubtile & délicate , tromperie de
l'efprit , s'écrie encor ce grand
Docteur , que c'eſt un profond
abîme que l'Homme ! Il eft plus
aifé de tenir compre de ſes cheveux
, que de ſes affections & des
divers mouvemens de ſon coeur .
Ecoûtons donc attentivement
cette Voix celeſte, qui nous crie
tous les jours auſſi - bien qu'à
Saint Auguſtin , que l'amitié
de ce monde est une fornication.
Helas que faiſons - nous de
nous attacher tant à des Creatures
qui ne veulent pas de
nous,& de nous éloigner deDieu ,
du Mercure Galant. 61
qui nous demande ſans ceſſe un
coeur qui luy appartient par tant
de titres , & avec tant de juſtice!
Cette réflexion ne convient pas
moins à l'amitié qu'à l'amour.
Elle a ſes liaiſons , ſes engagemens,
ſes embarras, auſſi -bien que
luy. Ce ſont des amuſemens laborieux
, & éclatans, qui laiſſent
peu de fruit , & qui font beaucoup
de peines , & qui ſous prétexte
de rendre ce qu'on doit au
Prochain , nous font oublier ce
• qu'on doit à Dieu ; charité , &
amitié, qui pour eſtre preſque toû
jours mal reglée , n'eſt propre.
ment que fornication .
Il eſt certain que l'Homme
eſt né pour aimer , il eſt certain
qu'il eſt capable d'aimer , mais il
n'eſt pas certain pour cela qu'il
62 Extraordinaire
aime fidelement , conftamment,
&veritablement. La Nature &
la Grace luy avoient donnez des
qualitez neceffaires , & conformes
à ſes inclinations . Eſtant fait
pour la ſocieté , & cette focieté
n'eſtant autre choſe , que la figure
de l'amitié qui doit eſtre
entre les Hommes , il ne faut pas
s'étonner s'il tend à l'union , &
ſi ſon coeurne refpire autre choſe
que l'amour & l'amitié . C'eſt
pourquoy les proteſtations, & les
offres de ſervices luy ſont ſi ordinaires
; mais fon coeur dément ſes
paroles , ou plûtoſt il ſe dément
luy-meſme , parce que le peché
l'a corrompu , & qu'il ne luy eft
reſté que l'amour propre quilattache
en luy-mefme , & qui le
rend incapable d'une veritable &
du Mercure Galant.
63
fincere amitié . Quelqu'un a dit
qu'il y avoit de trois fortes d'ames
, des ames pures , des ames
ademy corrompuës , & des ames
entierement perduës ; & l'Ecriture
Sainte appelle ces dernieres ,
des ames vaſtes &giganteſques,
par des termes qui luy ſont propres.
Nous pouvons dire auffi
qu'il y a des coeurs purs , qui
n'ont encor rien aimé , ou qui ne
ſont pas propres à aimer , & on
peut les appeller des ames vier.
ges. Il y a des coeurs qui aiment,
& qui ont aimé , mais qui ne
s'en acquitent pas comme il faut,
quoy qu'elles fuſſent nées pour
l'amitie. Il y a enfin des coeurs
qui ſont des goufres , & des abîmes
d'amour. Ils aiment tout le
monde , & courent à pas de
64 Extraordinaire
Geant d'Objet en Objet. Rien
n'eſt capable de les arreſter , &
de les remplir ; car il y a une co.
queterie d'amitié parmy les
Hommes , comme parmy les
Femmes. L'Amy nouveau atoujours
plus de charmes pour eux
que l'ancien ; contre l'avis de
l'Eccleſiaſtique , qui dit que ce
dernier n'eſt pas ſemblable à l'autre.
Il plaiſt davantage , mais
comme le Vin nouveau , qui en
flatant le gouft , fait perdre plus
aiſement la raifon . Les nouveaux
Amis ſont encor comme les jeunes
Chevaux , qui donnent du
plaiſir pour la courſe', & qui ne
Tont pas propres pour le ſervice.
Qu'on ne ſe ſcandaliſe pas de
cette comparaiſon. J'en ay pour
garant le Sage , qui s'en fert ſur le
1
duMercure Galant. 65
mefme ſujet. Equis emiffariusfic
& amicus fubfannator , sub omni
Supra sedente binnit. Qu'il y a
- encor de ces Amis railleurs,
qu'on aime parce qu'ils plaiſent
, mais qui ſe moquent de
- ceux qui leur font du bien , &
quien plaiſantant des autres,ſedi.
vertiſſent d'eux- meſmes en leur
préſence ! Ce font dejeunes Che
vaux qu'on nourrit à l'Ecurie
pour le plaifir , & qui jettent
fouvent leur Maiſtre par terre.
L'envie de faire des Amis , eſt
une paſſion comme les autres ,
&je ne mets guére de diférence
it entre ceux qui font foux de tous
les Hommes qu'ils voyent , &
ceux qui font enteſtez de Chevaux,
de Chiens, de Fleurs, d'Oi
feaux , & de Peintures. C'eſt à
Q.deJuillet1682 . E
66 Extraordinaire
qui en aura un plus grand nombre
, & à qui s'applaudira de fon
choix ; mais tout cela ne dure
qu'un temps , on change , on s'en
repent à la fin de ſes jours , &
on reconnoiſt que ce n'eſt que
chagrin , que folie , & que vani.
té. Faut- il que l'Homme ſe trom.
pes en Homme comme en autre
choſe , & qu'il n'en connoiſſejamais
bien la juſte valeur ? La rai .
fon qu'en donne Monfieur de la
Rochefoucaut eſt belle . C'eft,
dit-il , qu'il eſt aifé de connoiſtre
les qualitez de l'eſprit , & difficile
de connoiſtre celles de l'ame.
Mais bien plus, nous ſommes toujours
trompez de ceux que nous
croyons connoiſtre à fonds , puis
que c'eſt de nos Amis meſmes.
Heureux donc qui a des Amis,
du Mercure Galant. 67
mais encor plus heureux qui s'en
peut paſſer. Cela n'eſt pas ſi difficile
qu'on s'imagine , puis qu'il
nous ſervet d'ordinaire moins que
les autres. Jeſçay qu'on ne peut
vivre ſans le ſecours des Hommes
, & que chacun a beſoin de
ſon ſemblable ; mais il n'eſt pas
neceſſaire d'en faire un Amy
pour cela. Ne def- obligeons
perſonne , reconnoiffons le bien
qu'on nous fait ; mais ne faiſons
pas par nos bien- faits déreglez ,
desmonſtres d'ingratitude. N'acablons
-pas de nos largeſſes , des
Gens qui n'ont ny le pouvoir, ny
lavolontédenous ſervir , qui ne
nous aiment qu'autant que nous
leurs faiſons du bien , qui nous
mépriſent quand nous ne pouvons
plus leur en faire , & qui
Eij
68 Extraordinaire
nous haïffent quand ils ſont con
vaincus de l'obligation qu'ils
nous doivent. Voicy ce qui perd
tous ceux qui ont l'inclination
genereuſe & libérale , & qui ont
du panchant à l'amitié. Ils donnent
à leurs Amis ſans relâche &
fans meſure ,& jugent de leur reconnoiffance
par leur honeſteté.
Ils penſent cultiver un champ
fertile, qui leur rendra leurs bienfaits
au centuple ; mais helas , ils
fement dans une terre ingrate &
ſtérile , qui ne produit pour eux
que des ronces , & des chardons.
Mais ils reconnoiffent trop tard
qu'ils ont perdu leur bien , leur
temps , & leurs peines. Qu'ils
pratiquent donc cette maxime,
que ſi pour avoir des Amis il faut
toûjours donner , qu'ils doivent
du Mercure Galant. 69
donner peu , rarement , & avec
difcretion , afin de donner plus
longtemps , & d'eſtre toûjours
en état d'entretenir ces Sanſuës,
qui les abandonnent- lors qu'elles
font pleines ,& qu'elles ne trouvent
plus de ſang.
Mais à quelles facheuſes é-
- preuves faut - il connoiſtre un
Amy, puis qu'il faut eſtre malheureux
pour en eſtre aſſuré?
Non agnoscetur in bonis Amicus ;&
tout au contraire , c'eſt dans l'adverſité
que l'Ennemy ſe fait connoiſtre
, Non abscondetur in malis
Inimicus. Preſque aucun n'obſer-
-ve le conſeil du Sage , d'eſtre fidelle
à fon Amy dans ſa miſere,
afin de ſe réjoüir dans ſa proſpérité
, & de participer à fon mal.
heur, pour participer à fon he
70
Extraordinairc
ritage ; car il y en a peu qui aiment
, ou du moins qui paroiſſent
aimer leurs Amis , lors qu'ils font
malheureux.
Tantum infelicem nimium dilexit
amicum,
S'écrioit autrefois Niſus chez le
Poëte. Tous ſont des Amis à la
journée , eft enim amicus fecundum
tempusfuum , ou plûtoſt des Amis
du temps , comme on les appelle
aujourd'huy , parce que c'eſt le
temps de changer , & d'eſtre in.
fidelle; mais voicy un conſeil qui
m'a autrefois effrayé , & qui eſt
un argument invincible pour détourner
de l'amitié , les eſprits
foibles & crédules qui ſe perdent
par trop de confiance , &
d'indifcrétion . Ab inimicis ſepara
te , & ab amicis attende. Undenos
du Mercure Galant.
71
ez
Poëtes qui reçeut un châtiment
auffi rude que ſa vie avoit eſté désir
reglée , ne trouva rien de plus
infuportable dans ſa diſgrace,
a que l'ingratitude de fon cherTircis
; mais que l'Homme eft foible
! il s'en plaint moins pour
l'oublier & pour condamner
cette honteufe amitié , que pour
obliger cet Ingrat à l'aimer & à
leſervir , contre ſon gré. Il veut
qu'il s'excuſe d'un crime dont il
ne ſe croyoit pas coupable , ou
du moins qu'il mépriſoit , &dont
peut-eftre il faiſoit gloire.
Pourle moins fait ſemblant d'avoir
un peu de peine,
A
لا
Voyant le précipice où le deſtin m'entraine.
Afin qu'un bruit fâcheux ne me
vienneàblâmer,
72
Extraordinaire
D'avoirfi mal connu qui je devois
aimer.
Il avoit un autre Amy , qui en
uſoit auſſi genéreuſement que celuy-
cy avec lâcheté . Il tâche de
l'émouvoir par cet exemple.
Damon qui nuit &jour , pour éviter
ceblâme,
S'obſtine à travailler & du corps &
de l'ame,
M'aſſure pour le moins , enfon petit
Secours,
Que fa fidelité me durera tou
jours.
Il ſe juſtifie luy -meſme à l'égard
de cet Infidelle , & l'affure
qu'il eſt non ſeulement innocent
envers les autres des crime
dont on l'accuſe , mais encor
qu'il eſt plus digne que jamaisde
fon amitié , & de ſon aſſiſtance .
Depuis
duMercure Galant.
73
Depuisje n'ay rien fait, &j'en jure
lesDieux,
Qued'aimer mon Tircis, tous lejours
un peu mieux .
Mais ce Poëte devoit eſtre
perfuadé , que c'eſt afſez d'eſtre
ſoupçonné d'un crime , & d'eftre
en peine, quoy qu'innocent, pour
eſtre abandonné de ces fortes
d'Amis. Il devoit donc luy dire
avec autant de verité, que de paffion,
Depuis mon accident tu m'as
funeste,
trouvé
Tucroy que mon abord te doit donner
lapeste.
Enfin ce Poëte conclut cette
tendre& longue Elégie , avec la
ridicule proteſtation d'aimer toû.
jours ce perfide Amy.
Q.deJuillet 1682. G
74
Extraordinaire
Parmy tous mes travaux , ſcache que
malgré toy,
Jegarderay toûjours & mon coeur, &
mafoy,
Mais telle eſt noſtre foibleffe,
que rien ne nous conſole de la
perte de ce que nous aimons , &
qu'il n'y a que le ſervice de ceuxlà
, qui nous ſoit agreable. Damon
eft fidelle .
Il ne tient pas à luy que l'injuste
licence,
De mes Persécuteurs ne cede à l'ignorance;
Ilfait tout ce qu'ilpeut pour écarter
de moy,
Les périls qui me font examiner ta
foy.
Tircis eſt ingrat & traître,
mais on aimeTircis , c'eſt de luy
ſeulement dont on veut eſtre aidu
Mercure Galant.
75
r
G
mé , & recevoir du ſecours . Ce
qui me fait dire que les Poëtes ne
ſont pas moins foux en amitié
qu'en amour , & qu'ils font auffi
malheureux en Amis, qu'en Maîtreſſes.
Mais je ne m'en étonne
pas ; car il faut demeurer d'accord
avec M' Godeau , qu'il y a
une étrange antipathie entre eux.
Et comme ils ne ſeroit pas hon.
neſte de ſuppoſer qu'ils puſſent
contracter amitié avec des Gens
d'un autre caractere , puis que la
reſſemblance doit faire le principal
noeud de cette agreable ſocieté;
il eſt veritable de dire qu'il
eſt preſque impoſſible de trouver
entre eux , une amitié folide &
durable. Je ſçay que Socrate a
eu fon Alcibiade , mais le peu de
conformité qu'il y avoit pour
$
Gij
76
Extraordinaire
l'âge, la condition, & les moeurs,
afait douter avec raiſon, que leur
amitié fût pure & nette. Senéque
a eu fon Lucilius , mais il le traite
plus en Diſciple qu'en Amy ; &
je ne voudrois pas d'autre preuve
que celle- cy , pour montrer que
les grands Autheurs font peu
propres à l'amitié , & qu'ils en、
ſeignent une choſe qu'ils ne ſcauroient
pratiquer. Cicéron a eu
fon Aticus mais c'eſtoir un
Homme dont il avoit beſoin , &
qu'il ménageoit autant par intéreſt
, que par inclination. Il ne
faudroit pas connoiſtre cet Aticus
pour le prendre pour un veritable
Amy. On ne pouvoit deviner
avec lequelde Hortentius,
ou de Cicéron, il eſtoit le mieux,
dit ſon Hiſtoire. Cependant ces
د
du Mercure Galant. 77
Orateurs eftoient extrémement
jaloux l'un de l'autre , & Rivaux
pour l'Eloquence. Il ſuivoit le
party de Cefar,& favoriſoit celuy
de Pompée. Il conſeilloit Brutus
, &protegeoit Antoine , lors
mefme qu'il marioit ſa Soeur avec
le Frere de Cicéron , & qu'il entretenoit
commerce de Lettres,
avec Auguste. Apres cela, qu'on
diſe ce qu'on voudra de ſa genérofité
, de ſa libéralité , & de fa
conſtance. Aticus eſtoit un Amy
commun , &plus digne de noſtre
Siecle , que du temps de la République
Romaine. Ce qui me
le confirme , c'eſt que Valere-
Maxime, quia ramaſſe ſur le ſujet
de l'amitié , tous les exemples que
Rome luy a pû fournir , n'en
- fait aucune mention. C'eſtoit
Giij
78.
Extraordinaire
donc un de ſes Amis utiles , qui
font leurs affaires en faiſant celles
des autres ; mais du moins on le
doit loüer de n'avoir pas eſté de
ces Amis faineans & pareſſeux,
ou plûtoſt ſi délicats , qu'ils croi.
roient qu'il iroit de leur honneur
s'ils prenoient le foin des affaires
de leurs Amis. Celuy- cy ſervoit
à la fois , les deux Cicérons,
Caton , Hortentius , Torquatus,
& pluſieurs Chevaliers Romains,
dans leurs affaires . On trouve.
roit aujourd'huy peu de ces Amis
procureurs , ou fi on en trouvoit
quelques- uns , ils ne s'en acqui.
teroient peut-eſtre pas avec la
meſme intégrité que le bon
Homme Aticus. Je me ſuis un
peu étendu fur cetendroit , parce
que dans le portrait de cet Ati
duMercure Galant.
79
cus ,j'ay prétendu faire voir un
Amy du Siecle , tel qu'on le peut
ſouhaiter dans la focieté civile,
& fur lequel il feroit à propos
que tous ceux qui aiment , & qui
ont des Amis , ſe reglaffent pour
s'acquiter heureuſement des devoirs
de l'amitié . Montagne dit
que, qui les ſçait & les exerce,
a atteint le fommet de la ſageſſe
humaine , & de noftre bonheur
en cette vie. Cependant la difficulté
de remplir ces devoirs, n'eſt
pas felon moy , ce qui fait la rare.
té des Amis . Cette regle du
Chriftianiſme , de ne faire à autruy
que ce qu'on voudroit qu'on
fift à nous- mefmes ,'pouvoit ſeule
y ſuffire ; & comme il eſt facile
de faire ſon devoir , lors qu'on le
fait par inclination , il n'y a rien
Giiij
80 Extraordinaire
de plus aifé que de fervir un Amy
qu'on aime par raiſon , & par reconnoiffance
; mais on fe contente
de ne point faire de mal à
fon prochain , & l'on fe diſpenſe
de faire du bien à fon Amy. Mais
s'il eſt rare de trouver de veritables
Amis d'inclination , il eſt
encor auſſi rare d'en trouver dans
l'amitié intereſſée & politique.
Qu'on ne s'étonne pas fi j'ap.
pelle Amis intereſſez , ces Amis
que la Raifon , la Fortune , & les
Affaires, nous font choiſir dans la
vie. L'amitié la plus def- intéreffée
, dit l'Autheur des Réfléxions
, n'eſt qu'un trafic , où
noſtre amour propre ſe propoſe
toûjours quelque choſe à gagner.
L'amitié veut eſtre réciproque,
& elle ne le peut eſtre , fans quel•
duMercure Galant. 81
que forte d'intereſt. C'eſt luy
qui joint , & qui unit les Hommes.
Sans luy , point de ſocieté.
L'Homme , felon le Proverbe
: Italien , vit de l'Homme. C'eſt
pourquoy il cherche ſon ſembla-
-ble , & s'attache à luy pourjoüir
du bien qui luy eſt propre , ou de
celuy qui eſt cominun à tous les
deux. Il n'y a que les Sauvages
qui vivent ſeuls , & fans commerce.
Auffi ne sçavent - ils ce
que c'eſt que l'amitié. Un juſte &
raiſonnable intereſt, en peut donc
eſtre le fondement , autant que
les Hommes en ſont capables
dans la corruption du temps , &
des moeurs ; mais comme il eſt facile
de s'égarer dans cette route,
& que par cet intereſt , qui eſt
naturel à toutes les Creatures,
82 Extraordinaire
nous nous aimons plus que les
autres , il arrive que nous n'aimons
que par raport à nous mefmes
, & que nous ne nous attachons
qu'autant que nous y trouvons
noſtre compte. De là vient
cette amitié intereſſee , qu'on appelle
amitié du fiecle , que tout
le monde décrie , & pourtant
que tout le monde cherche. Si
unAmy nous oblige , & qu'il ne
foit pas récompenſe ſur le champ,
on ne luy reprend pas un autrefois
il en demeure là s'il ne fait pis,
& s'il ne ſe plaint pas qu'il a tout
fait , & qu'il a tout perdu. C'eſt
dans cette amitié qu'il faut toujours
dire des choles plaiſantes,
& en faire d'utiles , ſi l'on veut
eſtre aimé & fuivy ; mais le ſecret
qu'il y a , eſt de faire beau -
du Mercure Galant.
83
coup d'Amis , afin que l'un nous
récompenſe de l'autre ; ar on
二、
cherche icy le profit , & non pas
la verité . Ces Amis doivent aller
en troupe , & non pas de compagnie
, comme parle Montagne.
Seneque a dit, que le Sage, ſe
conſole aifément de la perte d'un
Amy, parce qu'il en peut faire
un autre auffi- toſt ; mais aujour-
- d'huy il n'y a perſonne qui n'ait
cet avantage. Jamais il n'a eſté
plus facile de ſe faire aimer. Si
Epicure eftoit encor de ce fiecle,
il ne diroit pas que c'eſt une vie de
Lion ou de Loup , que de manger
fans un Amy. Chacun a fon Amy
de table , & à moins que d'eſtre
une Befte féroce qu'on ne puiffe
hanter , on ne mange point autrement;
mais , comme dit encor
84 Extraordinaire
-
Senéque qui eſt un grand Maître
fur cette matiere , les plaiſirs ne
fõt pas feuls lesamitiez , & ce n'eſt
pas à la table qu'on doit éprouver
ſes Amis . Mais faut-il que la
pauvreté & la mifere nous en dé
trompe , & qu'une fâcheuſe expérience
nous rende fage ? Fautil
que nos Amis foient les premiers
, qui nous faſſent repentir
de nos bien- faits , & que ceux
que nous croyons qui nous faifoient
honneur , foient les premiers
qui nous faſſent honte ? Il
vaudroit bien mieux n'avoir jamais
fait d'Amy , que d'éprouver
qu'on n'en a jamais eu ; mais c'eſt
un erreur , l'amour & l'amitié
font toûjours du mal , & rarement
du bien. Pauvre étude que
celle d'apprendre à aimer , puis
duMercure Galant.
que les plus ſçavans en cet Art,
deviennent les plus miférables!
Sice n'eſt , dit le Philoſophe, que
je ſuis toûjours à la trace , que
pour aimer on n'eſt pas Amis ;
comme ſi toute l'obligation de
l'amitié tomboit fur celuy qui eſt
aimé. Du moins je croirois que
tout le bien-fait doit eſtre du
coſté de l'Amant , & toute la reconnoiſſance
du coſté de l'Objet
aime ; & c'eſt ainſi que je comprens
le miſtere , ou plutoſt le
commerce de l'amour & de l'amitié.
Ce trafic doit eſtre des
choſes honneſtes & vertueuſes ,
mais encor des choſes agreables
& utiles ; & pour entrer dans ce
commerce, il faut eſtre riche &
ſage ,& la ſeule volonte ne ſuffit
pas ; on veut des effets , & de la
86 Extraordinaire
:
réalité. Senéque avouë mesme,
que la préſence & la converſation
, l'emportent de beaucoup
• fur l'idée & le ſouvenir de la Perſonne
aimée, & donnent un plai-
•fir bien plus ſenſible. Diſons pareillement
que les Préſens & les
Bien- faits , plaiſent & attachent
bien davantage , que les careſſes,
& les belles paroles .
Cette amitié , dira - t- on , eſt
commune , mais n'importe , elle
eſt profitable , & l'on n'en veut
pointd'autre aujourd'huy.Quand
je vois Charon qui fait tant de
distinctions ſur l'amitié , il me
femble voir faire l'anatomie &
la diſſection d'une Chimere. Eſtil
poſſible qu'un Moderne ait eu
la foibleſſe des Anciens , & que
pour paroiſtre plus docte , il ait
duMercure Galant.
87
eſté moins fage , lors meſme qu'il
avoit à traiter de la ſageſſe ? Mais
un autre eſt bien plus badin , il
- dédie à cet Idole unTemple , des
Autels , & des Sacrifices ; mais à
la fin il reconnoiſt ſon erreur , &
voyant que le peu d'exemples de
l'Antiquité , n'eſt pas ſuffiſant
- de perfuader ſes Devots, il avouë
ingénuëmnnt qu'une amitié parfaite
vient de la grace de Dieu.
Il devoit encor ajouter qu'elle
ne ſe rencontre , & ne ſe peut
contracter qu'avec les Bienheu .
reux , qui font exempts des défauts
dela Nature humaine ; mais
il a encor meilleure raiſon quand
il dit , que les amitiez malheureuſes
& criminelles , font des effets
de laJuſtice de Dieu . Le Sage,
qui releve infiniment le mérite
88 Extraordinaire
& l'excellence de l'amitié , dit
que rien n'eſt comparable à un
Amy fidelle .
C'est l'esprit qui te mcut, c'eſt un autre
toy-mesme,
C'eſt l'ame de ton ame, & le coeur de
ton coeur. &c .
En trouvant cet Amy vertueux &
fidelle,
Croit de la main de Dieu recevoir
un Trésor.
Mais ce Tréſor eſt ſemblable à
ceux qui font en la poffeffion
des mauvais Démons . On les découvre
, on les voit , on les touche
; mais quand ce vient pour les
lever , tout ſe diffipe , & s'évanoüit.
Il y a des Gens qui recherchent
, comme nous avons
dit , l'amitié de tout le monde. Ils
ont cent Amis à leur ſuite , & à
du Mercure Galant. 89
leurtable ; mais ont- ils une affai
re, ou ſe préſente-t- il quelque
occaſion de les employer , fugie-
* runt & receffi funt. Cependant
cette amitié devroit eſtre puif-
- ſante dans l'Homme , puis que fi
l'amour est plus forte que la
mort , elle eſt plus forte que le
fang, & la Nature. On manque
#tous lesjours à ſes Parens , ſans
crainte, & fans honte ; mais on
ne manque jamais à ſes Amis,
fans lâcheté & fans infamie. Il
ya de l'injustice d'abandonner
un Parent ; mais le droit défend
d'abandonner un Amy. Qui ai-
- me une fois , doit toujours aimer
, & rien ne le doit ſeparer
de cequ'il aime ; ce ne peuteſtre
ny ſon humeur , ny les qualitez
$ de ſa Perſonne , parce qu'on a
Q.deJuillet 1682. H
وه
Extraordinairc
dû les connoiſtre avant que de
s'engager à l'aimer ; ce ne peut
eſtre ſes malheurs & les traverſes
de la Fortune , parce que c'eſt
pour cela meſme que l'amitié eſt
établie , & que nous jurons à
nos Amis de les fervir , & de ne
les abandonner jamais . Cela eſt
fi vray , que nous cachons toújours
l'eſpérance que nous pouvons
avoir fur leur proſpérité.
On eft inutile aux Amis heureux,
& toute la tendreſſe ne va qu'a
les aſſurer , que ſi cette profperité
change , rien n'eſt capable de
nous faire changer.
Quoy que l'amitié ſoit donc
auſſi rare que le Phenix , on peut
dire neantmoins qu'il n'y a point
de Siecle qui n'en ait fourny
quelques exemples , pour la conduMercure
Galant. 91
damnation des Fourbes & des
Infidelles , & pour la confolation
des Sages&des Vertueux . Il n'y
a pas longtemps qu'un Gentil.
homme de Normandie , Province
un peu décriée pour ce ſujer,
avoit fait amitié dans ſa jeuneſſe
avec un Provençal , & tous deux
s'eſtoient jurez une fidelité inviolable
; mais la Fortune les
ayant ſéparez , l'éloignement des
lieux rompit leur commerce , &
ils furent prés de vingt ans ſans
avoir nouvelle l'un de l'autre .
Pendant ce temps. là le Provençal
eut une affaire , pour laquelle
il fut arreſté prifonnier , & où il
yalloit de la vie. Il ſe ſouvintdans
ſadiſgrace de fon AmyNormand,
*&trouva moyen de luy faire
ſçavoir l'état où il eſtoit réduit,
Hij
ديد
92
Extraordinaire
&le beſoin qu'il avoit de luy. Le
Normand , ſurpris & touché da
malheur de fon Amy, ne balança
point fur ce qu'il avoit à faire,
&fans s'arreſter à confiderer qu'il
pouvoit honneſtement ſe défendre
de ſecourir un Homme éloigné
de deux cens lieuës , &pref.
que effacé de fa mémoire , qu'il
eſtoit avancé en âge , & chargé
d'une grande Famille qu'il ne
pouvoit abandonner ſans injuftice
, enfin qu'il s'expoſoit à la
colere du Prince & à la rigueur
des Loix ; ſans s'arreſter, dis-je, à
toutes ces conſidérations qui ef.
toiet capables de refroidir le zele
de tout autre que d'un Normand,
il part fans en rien dire à perſonne,
&arrive en pofte, au lieu où ſon
Amy eſtoit arreſté. Ilapprit qu'il
(
93
duMercureGalant.
eſtoit condamné ,&qu'on le gardoit
fi exactement, qu'on ne pou-
- voit ny luy parler, ny luy écrire ;
* cependant apres avoir reconnu
- la Place , & examiné curieuſement
tous les dehors de ſa Prifon
, il ſe rendiſt la nuit prochaine
ſous la Fenestre de la
Chambre de fon Amy du coſté
qui regardoit la Mer , qu'il avoit
pafféà la nage. On ne peut dire
✓ quel fut l'étonnement ,&l'admiration
du Provençal , lors qu'à
quelque petit ſignal qu'il luy
donna , il vit le cher Amy qui
- venoit le délivrer, ou mourir avec
luy , s'il ne pouvoit y réüffir. Helas
, luy dit-il , vous expoſez bien
genéreusement voſtre vie pour
moy, mais inutilement, mon cher
Amy ; car vous ſçavez que je ne
94
Extraordinaire
nage point , & il n'y a point d'autre
moyen de me tirer d'icy que
par ce Trajet , qui eſt ſi large &
fi rapide , que je crains bien que
vous n'ayez pas aſſez de forces
pour le pouvoir repaſſer ſans péril
. Ne craignez rien , luy répondit
le fidelle Normand , defcendez
-vous par cette feneftre qui
eſt facile , & ne vous mettez pas
en peine. Je vous paſſeray fur
mon dos , &j'eſpere que nous en
viendrons à bout. Le Provençal
charme de fon courage, ſe defcendit
, & comme une autre Arion
paſſa la Mer ſur le dos de cet officieux
Dauphin , qui luy ayant
fait tenir un Cheval & des Habits
de l'autre coſté du Rivage,
le fiſt paſſer en Angleterre , d'où
enfuire il ménagea ſa grace , &
duMercure Galant.
95
fon retour en France.
Jeſuis donc obligé de conclure
apres cet exemple , qu'il eſt des
Amis en tous temps , & en tout
Païs ; mais encor que la marque
la plus eſſentielle pour les reconnoiſtre,
eſt lors qu'ils s'intéreſſent
plus dans nos affaires que nouss
meſmes , & que dans l'occaſion
ils expoſent leur vie pour nous.
Ce n'eft donc pas icy une invective
contre l'amitié ; j'ay
prétendu faire voir ſeulement
dans ce Diſcours , que les veritables
Amis font rares , qu'il faut
de grandes précautions pour les
faire , &de grands ménagemens
pour les conſerver ; enfin qu'on
y doit faire peu de fonds , & qu'il
ne faut pas trop s'y attacher ; &
de la forte , ce Difcours pourra
96 Extraordinaire
ſervir à conſoler ceux qui n'ont
jamais trouvé d' Amis , qui les négligent
, ou qui les perdent.
1
DE LA FEVRERIE.
Voicy ce qui m'a eſté envoyéfur
les deux Enigmes du Mois defuin,
dont les Mots estoient le Vent
la Glace.
1
I.
Edoute, aimable Iris, que ton coeur
Jedoute, dima
Pour toy j'ay beauſouffrir un éternel
martire,
Te le dire le jour, & la nuit te l'écrire,
Fevoy que mesfoûpirs nesont rien que
du Vent.
11netiendroit qu'à
mante&fiere,
toy,
Beauté char-
Demefaire parler tout d'une autre maniere.
LE M. G.
4
duMercure Galant. 97
:
J
II.
Ene m'étonnepas, adorable Camille,
QueVous ayez trouvé l'Enigmefi
facile,
Etqu'aucunejamais ne l'ait parusi pen.
Le raport aux Objets est de
efficace.
degrande
Fugez donc la-deſſus : moy jesuis tout
defen,
Etvous eſtes toutedeGlace.
Q
DROUART DE ROCONVAL,
de la Porte S.Antoine.
III.
Velques maux que la Peste faſſe,
Ils peuvent s'en aller auVent.
Qui vent les éviter, n'a qu'à changer de
place;
Mais aimer un Objet dont le coeur est
deGlace,
Ilfant la demeurer, & mourir bienfouvent.
Q.deJuillet 1682.
DAUBAINE.
I
98 Extraordinaire
IE ne
IV .
E nesçay ce que je dois dire
Sur cequedans ce mois met Mercure en
avant.
N'importe, dans l'ardeur d'écrire
On s'éleve, & l'on vaſouvent
Contreſon espérance auſſi loin qu'on
defire.
Jevay donc en tout cas mettre laplume
au Vent.
L'Infante à l'Anagramme,
Ange de coeur haut,
de Roüen.
V.
Vec ton efprit profond,
AMercure, rien ne te paffe,
Dansun temps où tout ſe fond,
D'enterrer si bien ta Glace .
L
Mad. JAMART, & fon aimable
Frere, du Pré S. Gervais ,
V I.
Ifette s'appliquant
Mois,
aux Enigmes du
Reſvoit, &se mordoit les doigts.
duMercure Galant. 99
F
Je n'en viendray jamais à bout, quoy que
jefaffe,
Me dit-elle. Tyxſis, expliquez les de
grace.
Helas! luy dis-je alors, par mesſoûpirs
Souvent
La premiere est marquée, ils neſont que
duVent;
Vostre coeur est remply de l'autre, & c'eff
laGlace.
2 I. B. GIRAULT.
V
VII.
Ous craignez,Vignerons,&vous
avez raiſon,
Que la Vigne aujourd'huy we change
cetteface,
Quiſemble vous promettre une belle
moiſſon,
Puis qu'en cette ſaiſon il est un Vent
deGlace.
R. DE S. MARTIAL.
I ij
100 Extraordinaire
Q
VIII.
Velpeut donc estre, Mercure,
Lacause de vostre chagrin,
Qu'enun temps où rit la Nature,
Vousvenez nous donner un Vent ſipeu
Serein?
A
La Blonde à l'Anagramme,
L'Offencée àfervir, de
Magny.
ΙΧ .
Mis, ça, būvons àlongs traits
Dece Vin délicat,& petillant, &frais,
C'est le doux plaisir de la vie.
Quoy, n'est-cepas avec raiſon
Quedans cette ardenteſaiſon
Mercure àboire nous convie?
Iladéja rincé, par unſoinſans égal,
Flacons, Hanaps, &Brocs, Pots,Verres,
Coupe, &Taffe,
Puis qu'ilale deſſein dans ce charmant
Régal
Denousfaire boire à la Glace.
RAULT, deRoüen,
duMercure Galant. ΙΟΙ
Χ.
Our chaffer messoupçons, Iris me
ditſouvent,
Queſartous mes Rivaux j'ay la premiere
place;
Mercure, quellefoy prendray -jeſurdu
Vent,
Etfurun coeurpourmoy toûjours remply
deGlace?
ROQUILLE,Chanoine de l'Eglifo
Cathédrale de S. Gervais
de Soiffons .
X I.
LLemble ſemble, cher Damon,dans cettecon-
Quetout changedans laNature.
De ce dernierHyver, plaisant pourſa
douceur,
LePrintemps a tenu la places
On en a reffenty la nuisible rigueur,
Et toutelaTerre estoit laſſe
D'y voir au lieude la chaleur,
I iij
102 Extraordinaire
Regner aveclapluye unVentfroidcomme
Glace.
AVICE, de Caën, Ruë de
laHarpe .
XII .
E croy Mercure un Dieu d'une grande
TECO Me
Etchezqui lefecret eft caché bien avant;
Detout ce qu'ildit, &qu'il penſo,
Onn'en a pas le moindreVent.
La Nymphe à l'Anagramme,
Je touche dans l'ame , de
Tilliers pres Verneüil.
X 111 .
AGlace, il est bienvray, ne reçoit
Qu'au milieu de l'Hyver qui lafait tou
jours naître;
Mais que luyſerviroit d'eſtre produite
an jour
Par ce triste Vieillard, dont la froide
puiſſance
Luy donne en tremblant la naiſſance,
Si l'Eté ne venoit laferviràson tour?
du Mercure Galant. 103
Fts C'est parson seul moyen qu'elle plaiſt à
la Cour,
R. Que d'un lieufort obscur on laporte à
la Ville;
Etquoy que cet honneur luy ſoit vendu
fort cher,
Ellenepeut luy reprocher,
Sçachant quefans chaleur elle n'estpas
miles
C'est doncpeu que l'Hyver la produise
an Berceau,
Puis qu'en rienil ne peut la rendre neceflaire.
L'Etéfait beaucoup plus , quoy qu'ilſoit
fon contraire,
En luydonnant le Vin, pour glorieux
Tombeau.
Fatigue des
Marquise,
ALCIDOR, duHavre.
XIV.
douçurs que certeine
Dont j'aysansypenſer catibe la franchife,
I iiij
104
Extraordinaire
Me contet l'autre jour, jefeinis d'estre
mal,
Et laleſſe ſûletteàl' Arsenal .
Delaje binsà lapointe de l'Isles
CertainNorman,se piquant d'estre
havile,
Adebiner tes Enimes du Mois,
M'avorde, & doſa niéfe boix
Lifez-bous, me dit-il, quelquefois le
Mercure?
( LeFat meféſet une injure.)
Velledemande! Ony, je le lis,
Etdebine toûjours,luy dis-je,les Enimes.
Etmoy, répondit-il, je les eſplique en
rimes.
PlûtàDiûqu'on donna de Prix,
Jeles gagnerez tous . Quelle rodomontade!
Sans-doute qu'au cerbau cet Homme
étet malade.
DePrix ?Ab cadedis ! que j'en aurez
Soubent!
Jetrouve sous les Mots plus bite que
leBent,
duMercure Galant. 105
1
C
1
Etje créberoisfur laplace,
Plutôt que n'aboir pas toûjours fendu
laGlace.
LEVARON D'AUVAINE,
XV.
A gloire d'Agrippa vient deſon
LAPantéon,
Alcide a fait du bruit comme vainqueur
d'Anthée; ..
Bacchusse fit honneur d'avoir puny
Panthée,
Les Muses ont rendu celebre Anacréon.
La Chaſſe fait encor ſouvenir d'ACtéon,
LOUIS brille enpoussant l'Herétique
l'Athée.
S'eſtre pû transformer, ſert d'éloge à
Prothée,
LeMartyre est un lustre à Saint Pantaleon.
**
Alexandre est fameux d'avoir conquis
l'Afie,
106 Extraordinaire
Plaute doit son renom au Comique
Sofie,
Homere au bel Oblet qu'il chante éclos
d'unOeuf.
3
La gloire de Daphnis, ce pourquoySon
coeur boufe,
C'est d'estre en fait d'Enigme un peu
moinssot qu'un Boeuf,
Que s'il manquoit de Vent, de rage il
feroit pouf.
J
DAPHNIS, D.L.R.N.S.A.
XV I.
E brûle pour une Belle,
Et ne
Plusj'ay
comprenspaspourquoy;
de chaleurpour elle,
Plus elle est froide pour moy.
Amour, toy quifais maflame,
Pouffe juſque dansſon ame
Les rayonsde ton Flambeau.
Si tu veux les y conduire,
Bientoſt ilssçauront réduire
Cequ'elle a deGlace en eau.
VARLET,
duMercure Galant.
107
XVII .
Ris, que j'aimetendrement,
Neveut point écouter mes ſoûpirs &
mes plaintes,
Autant en emporte le Vent;
Plusjeluy contemon tourment,
Plus l'Ingrateſe rit de mes vives atreintes.
Mais elle a beau me maltraiter,
Rien ne sçauroit me rebuter,
Sesmépris, ſon indiférence,
Ne peuvent rien sur ma conſtance;
Jem'accoûtume àles rigueurs,
Etquelquemal qu'elle me faſſe,
Quandjedevrois enfin mourir dans mes
malheurs,
Je ne puis pas pour elle avoir un coeur
deGlace
LE BERGER ALCIDON , du
Fauxbourg S. Victor.
XVIII .
M'Enquérant l'autre jour d'un cergrand
Sçavant,
Si l'Enigme du Mois se pouvoit bien
comprendre,
108 Extraordinaire
Ilme répondit en reſvant,
Avez-vous donc perdu lafaculté d'entendre
Que vous n'entendezpas leVent?
La Blonde à l'Anagramme,
D'un aimableGénie.
ΧΙΧ.
L
Autre jourrun Vieillard reprochoit
àPhilis,
Qu'elle n'avoit pour luy que froideurs,
quemépris.
Helas, que voulez- vous,dit-elle, que j'y
faffe?
L'Hyver ne peut cauſer quefrimas,&
queGlace.
I
E
L'ABBE' DE CAPDEVILLE, de
la Rue des Bons Enfans,
X X.
promets tout, maisfortſouvent
Mespromeſſes s'eennvvoonntt au Vent;
Etfi, pourpeuqu'un Bergerfaffe,
Faypour luy le coeur tout enfeu,
Ilfaut pourtantqu'ilfaſſe peu
Pourme le rendre tout de Glace.
0
du Mercure Galant. 109
17
Ouy, Mercure, voila comment
L'onfait naître & mourirlaflâme
De la Bergere alAnagramme,
Aime à changer d'Amant.
XXI .
Vos préfensfont de conséquence,
Maisfort à contre- temps, & tels qu'auparavant;
Onvousfait envain remontrance,
Autant en emporteleVent.
F. FOURMY, de Baugé en Anjou.
XXII .
Mil on eft icy jaloux
Devoir un Berger commevous";
Vous vous tenez caché, mais vostre Enigme
obfcure
Ne laisse pas d'orner beaucoup noftre
Mercure.
AParis on enfait grand cas,
Entre les Oedipus chacun eut prendre
place.
Mais qui n'arien plus chaud,nese brûlera
pas,
Caràmon avis c'eſtla Glace .
LABBE' ,Medecinde la Fleche,
2
110 Extraordinaire
ر
XXIII .
ebquoy, mesme en Ete
Lefroid paroistſur tonvisage? Berg
Dis-moy de quel mauvais préſage
Me menace ta cruauté?
Dis-moy quel Vent éteint laflame
Quipourmoy de tout temps échauffoit ta
belle ame.
Est-ce que tu veux me chaffer?
Now, non, ne pense pas qu'aucun prenne
maplace,
Je tiendray bon toûjours, dûffes-tu m'offencer;
Feboiray tes rigueurs, comme on boit à
laGlace.
LE BERGER D. L.
XXIV .
Pour l'Enigme, aimableArtenice,
Vous avezl'esprit tropsçavant;
Dans ce qui dépend du caprice,
Iln'est qu'une teste à l'évent.
La Poitevine à l'Anagramme,
Atraits de Nymphe , de
Fontenay le Comte.
duMercure Galant. III
Ett
Dre
F
XXV.
Aut-il vous mener par lamain
Jusqu'au terme, Cloris , vers où voſtre
efprit chaffe?
Seule nesçauriez-vous faire quelque
chemin,
Quand on vous a rompu la Glace?
A
La Mignonne à l'Anagramme,
Génie nay du Ciel, de Troyes.
XXVI .
Mour, voudrois- tu bien m'
prendre,
ap-
Toy qui connois Iris, quel chemin ilfaut
prendre,
Afin d'aller droit àſon coeur?
Je l'ay cherché toute ma vie,
Etpar la gloire, &par l'honneur;
Enseigne lemoy je teprie,
LeVent de messoupirs m'y conduit tou
les jours,
Ces fidelles Courriers des plus tendres
amours,
Lefen deſes beauxyeux m'éclaire dans
latrace,
112 Extraordinaire
Mais, belas! tout my nuit, jusqu'à l'eau
demespleurs;
Au lieu de l'amollir, elle enfait de la
Glace,
Tant ce quivient de moy luy caufedes
froideurs;
Ce coeur n'a point d'entrée, il est inacceffible;
Ah!fi lemien eftpris pour avoir eu des
yeux,
Ouréchauffe lefien, Cupidon, tu le peux,
Ou qu'elle ait ton Bandeau pour estre
moins visible.
Jeſuis au desespoir, implorant sonſecours,
Etje crains bienqu'enfin il mefoit inutile,
Car celuy qui veut ſuivre, en chemin
difficile,
UnAveugle, un Enfant, s'égareratoû
jours.
GYGES, du Havre.
duMercureGalant.
V
Ous
XXVII.
s m'accablez de Questions
frivoles
Deſſus iEnigme, & me dites fouvent
Que je répondeà toutes vos paroles ;
Ab! Souffrezdoncque jeprenne mon
:
Vent.
VO
L'Amant à l'Anagramme,
Sous lafustice eft ma Baniere,
XXVIII.
Ous me demandez fiſouvent
Pourquoyfaire choix d'un
Vent,
Con-
Quand onpeut demeurer au monde
avecquegrace?
C'est que je ne veux point d'un état
décevant,
Auſfi peu stable que leVent,
Auſſifragile que laGlace.
LaPoſtulante à l'Anagramme,
Tend ferme, al'Habit élu
deHoudan.
Q.deJuillet1682. K
114
Extraordinaire
C
XXIX .
Ette Enigme reſſemble
d'unAmant,
aux discours
Qui vient vous preſcherſa conſtance;
Donnez-vousſeulement un peu de patience,
Autant en emporte le Vent...
La Belle Inſenſiblede la
Rue de l'Arbre- fec .
XXX.
N'Espereplus, Galant Mercure,
Que je me donne la torture
Adeviner tes Enigmes duMois.
F'ensuis trop las dés lapremierefois.
Croyant trouverquelquePiece nouvelle,
Ceque tu donnesfortſouvent,
Fay bienvoulu me rompre la cervelle,
Etjen'ay trouvé que du Vent.
Encorsi c'estoit làtout, paſſe.
Mais ce que je ne puissouffrir
Tu nous as donné de la Glace,
Et le grandfroid mefait mourir.
Le Pere des quatre Filles du
Fauxbourg S.Victor.
du Mercure Galant. 115
V
XXXI.
Ous craignez d'estre terraſſée
Parla difficulté de l Enigme paſſée.
-Vous sentez-vous l'espritfifoible & fi
mouvant?
Allez, belle Philis , quittez cettepensée,
Mettez-vous au deffus du Vent.
L'Habitant en eſprit,
du Pré S.Gervais .
52
52
Kij
116 Extraordinaire
52522-5525522-2555.
TRAITE
DES LUNETES.
DEDIE A MONSIEUR,
DUC DE BOURGOGNE,
ParM Comiers d'Ambrun, Prevoſt
de Ternant , Profeſſeur
desMathématiques àParis.
Contenant la Science de laVcue,l' An
ciennetédes Lunetes , leurs diférences,
leur construction , leurs effets;
Lesdécouvertes qu'on afait dans le
Cielpar leTélescope, &fur la Terre
parles Microscopes,&enfin les noms
de leurs veritables Inventeurs.
0
N ne ſçauroit parler des
Lunetes fans faire leur éloge
, fi on juge du merite des choduMercure
Galant. 117
fes par les innocens plaiſirs , & par
les grandes utilitez qu'on en reçoit.
Cet Inſtrument diafane,
eſtunnouveau miracle de la Nature
& de l'Art , par lequel les
Mathématiciens ménagent fi
adroitement fuivant les loix de
réfraction , les rayons qui d'un
chacun des points d'un corps lumineux
ou illuminė , tombent divergens
ſur un Verre , qui a du
moins une de ces deux fuperficies
ſphérique , qu'ils réſuſcitent la
( veuë aux Vieillards par le moyen
#des Bezicles à Verres convexes,
f groffiflent &rendent viſibles les
#plus petits atomes , par le moyen
- du Microſcope ; & approchent
par les Télescopes les objets que
leur trop grand éloignement
dans le vaſte abîme dela profon
118 Extraordinaire
deur des Cieux , avoit dérobé à
noſtre veuë depuis la naiſſance du
Monde.
L'oeil de l'ame , qui au dire des
Platoniciens , s'aveugle & s'enſevelit
dans l'étude des Sciences
ordinaires , reverdit & rajeunit
par l'étude des divines Mathématiques
, oculus anime qui ab aliis
• Scientiis obcecatur defoditurque , à
folis mathematicis recreatur ac revirefcit
, & principalement dans la
Dioptrique , qui démontre ſi vifiblement
dans les tenebres d'une
Chambre noire, tous les mifteres
de la veuë , & des rayons de la
lumiere , qui ſe rompent en entrant
& en ſortant des Verres
ſpheriques. C'eſt la Dioptrique
qui enſeigne de quelle ſphericité
doivent eſtre taillez les Verres,
du MercureGalant. 119
Frob ſuivant les veuës diférentes , &
nce. ſuivant les diférentes eſpeces de
s'em
120
aje.
Lunetes ; & comment , & en
ire: quel nombre , & à quelle diſtance
ils doivent eſtre aſſemblez
dans les Microſcopes , & dans
les Télescopes , afin que les
rayons émanez divergens de chaque
point de l'objet , rendus convergens
ou parallels , ou moins
divergens , l'objet paroiffe ſous
un plus grand angle ; c'eſt à dire,
forment leurs eſpeces ou images
plus grandes fur la Retine , d'où
viennent les admirables effets
des Lunetes , qui font les plus
agreables plaiſirs des ſens .
18
1
८
Comme pour acquerir une
parfaite connoiffance de la Nazure,
ondoit commencer par l'o
pération des ſens , puis que l'ame
120 Extraordinaire
ne connoiſt rien de Phiſique que
par l'entremiſe des organes du
corps , les Mathématiciens qui
ont toûjours eſté les veritables
Sçavans , auffi-bien que dans ce
docte fiecle , que l'Autheur du
Livrede la Contiguitédes Corpsde
l'année 1679. dans la 2. p. accuſe
d'avoir tres-peu de vray discernemet,
ont perfectionné ſi avantageuſe.
ment l'opération de l'organe de
la veuë , qui eſt le plus nobledes
Sens , & ont découvert en fort
peu d'années, plus de chofes ,&
fait plus de progrés dans la Scien.
cenaturelle , que toutes les Ecoles
d'Ariftote avec tous leurs raifonnemens
Métaphiſiques n'avoient
pû faire pendant le cours
depluſieurs fiecles. C'eſt ce qui
a obligé le R. P. DeſchallesJe.
fuite,
duMercure Galant .
121
ſuite , de s'écrier dans le ſecond
Volume de fon Mundus Mathema
ticus en la page 609. Nefcio quo
facto jam ab aliquibus faculis peripateticorum
Schola, Metaphificis commentationibus
animum intendit , ut
res Phyſicas omnino negligere videatur.
LesOuvrages du Createur qui
font les plus admirables , dans
leur grandeur , dans leur élevation
, & dans leurs mouvemens,
comme l'Anneau & les deux Lunes
qui roulent autour de Saturne,
ne, les quatre Lunes ou Satellites
deJupiter , &c. eſtoient du temps
de David ,, par le manque de
grandes Lunetes , du nombre de
ceux que l'Ecclefiaftique Cha.
pitre 11. & 43. diſoit eſtre cachez
aux yeux des Hommes , Mirabi
Q.deJuillet 1682. L
122 Extraordinaire
1
liafunt opera Altiſſimi , &gloriofa,
&abfcondita , & inviſa opera illius.
Il euſt raiſon d'aſſurer que Dieu
avoit creé dans les Cieux tant
d'Aſtres, qu'on n'en voyoit qu'un
petit nombre. Multa absconditu
effe majora bis &pauca cos vidiffe
operum ejus.
Les Lunetes de longue veuč
font par conféquent de grands &
perfuafifs prédicateurs muets,
qui en faiſant voir dans les vaſtes
étenduës du Ciel la grandeur, la
beauté, l'arrangement , &les révolutions
de ces Planetes autrefois
inviſibles , font connoiſtre
viſiblement leur Createur , puis
quedans leChap. 13. de la Sageffe,
il eſt dit , à magnitudine specici ,&
creature , cognofcibiliter poteftcorum
sreater videri.
duMercureGalant. 123
En effet , l'Aſtronomie dans
ſon enfance meſme , & lors qu'-
elle avoit encor la veuë trescourte
, ſuffit , ſion croitJoſephe
dans le premier Livre Chap . 8 .
des Antiquitez Judaiques , àporter
Abraham de reconnoiſtre & prefcher
, qu'il n'y avoit qu'un Createur
& Recteur de l'Univers , &
qu'à luy ſeul tous les Hommes
doivent rendre leurs hommages.
Et auſujet de la Comete , qu'on
a obſervé depuis le 23. de ce mois
d'Aouſt audeſſus de la teſte des
Gémeaux, la fienne eſtant ronde,
bien terminée , &de la cou.
leur de Jupiter , & du diametre
des Etoiles de la premiere, grandeur,
laquelle pourſuit avec vitef.
ſe& ſuivant l'ordre des Signes , ſa
route particuliere entre lagrande
Lij
124-
Extraordinaire
Ourſe & le Lion , pour paſſer
dans les parties méridionales du
Ciel ; j'adjoûte avec le Prophete
Iſaye Chapitre 7. Ne craignez
point, &que ton coeurne s'épouvante
par les Queues de ces Tiſons ardens.
Puis que les Cieux par la gran.
deur de ces Aftres , par leur fituation
&mouvemens réguliers,
preſchent , comme dit David, la
gloire de Dieu , mais à preſent
d'une nouvelle maniere , ſi ſen.
fible aux eſprits meſme les plus
groſſiers ; il ſuffit de preſenter
une grande Lunete aux Infidelles
,& leur dire avec le Prophete
Iſaye Chapitre 20. Levate in excelfum
oculos veftros , &videte quis
creavit hac ? Regardez les grands
& merveilleux Ouvrages qui
roulent fi librement , & avec
duMercure Galant.
125
tant de régularité dans la vaſte
étenduë des Cieux ,&jugez par là
-de la grandeur & de la puiſſance
deceluy qui les a créez , & qui les
meut par un ſeul acte de ſa volonté.
Ces Infidelles voyant tant
de merveilles inconnues à leurs
Peres , ne manqueront pas de s'écrier,
comme fit autrefois le Prophere
Baruch au Chapitre 3. 0 Ifraël
quam magnaest Domus Dei, &
ingens locus poſſeſſionis ejus,magnus
est & non habet firem ? O Chrêtiens
, que la Maiſon de voſtre
Dieu eft grande ! Luy ſeul eſt le
Dieu des Dieux , tres infiniment
puiffant.
Voir, n'eſt que ſentir le pouffement
que les rayons de la lumiere
pure ou modifiée , qu'on ap .
pelle couleur , font ſur la Retine
Liij
126 Extraordinairc
au fond de l'oeil ; c'eſt pourquoy
nous connoiſſons mieux la
lumiere , & les couleurs par le
ſentiment de la veuë qui en eſt le
*ſeul juge , que par aucune définition
. Il n'y a de meſme rien fi
difficile que la definition de la
veuë ; & d'autant que nous n'a
vons point de penſées plus vives,
&plus expreſſes que celles-là,
toute définition ſera toûjours
beaucoup moins claire. Je laiffe
donc au Péripatéticiens toutes
ces diſputes inutiles , me ſervant
des beaux termes de M' l'Evel
que de Glandeve , dans le 4. Livre
N. 17. de Delphini feu prima
Principis inftitutione.
Talia Clamofi veffiget turba Licai,
Splendidaque infanas pascant deli
riamentes .
duMercure Galant. 127
Id quod inexaufte testantur jurgia
litis.
Et parce que ce docte Prélat
ajoûte,
-Indecoris foret , at Princeps quem
nulla,
- Mathesis imbuit, &c.
& que je revere le dire de Var .
ron Lib. 8. de Lingua Latina. Omnis
oratio cum debeat dirigi ad utilitatem ,
fit aperta ,&brevis ; aperta ut intelligatur
, brevis ut cito intelligatur,
Je veux déduire Mathématique.
ment , & àmonaccoûtumée d'un
ſtile Laconique , tout ce qui concerne
la Veuë & les Lunetes .
Parce mot , Lunete , nous en ..
tendons un Tuyau droit & Cylindrique
, dont chaque bouche
ou ouverture paroift garnie d'un
Verre , qui a du moins l'une de
Liij
128 Extraordinaire
fes deux fuperficies ſphériquement
convexée. Le Verre qui
eſt au bout de la Lunete qu'on
préſente à l'objet , eft appellé
Verre Objectif , & par ſemblable
raiſon , celuy qui eſt à l'autre
bout eft nommé Verre Oculaire,
parce qu'on l'aproche de l'oeil
pour regarder les objets .
Pour comprendre l'effet des
Lunetes , il faut premierement
connoiſtre l'uſage particulier de
chacune des parties de l'oeil , qui
eſt l'organe de la veuë que Galien
appelle un Membre divin,
Voyez- en le Profil ou Section
faite du long de l'Axe , dans la
premiere Figure de la feconde
Planche.
C'eſt une verité démontrée
meſme par l'expérience , que la
4
duMercureGalant.
129
[
viſion qui eſt l'opération de l'a-
-me, ſe fait enſuite des eſpeces
ou images des objets peintes en
mignature ſur la Retine au fonds
de l'oeil , par les radiations de lu
miere pure ou modifiée, qu'on appelle
couleur ; car les eſpeces des
objets ne font autre choſe que la
terminaiſon de la lumiere modifiée
, par le diférent arrangement
des parties de l'objet , lefquelles
refléchiffent les rayons
de lumiere apres les avoir diverſement
rompu , diſperſe , & affoi.
bly par le mélange des points ombrageux
, quicaufent les diférentes
impreffions fur la Retine;
c'eſt pourquoy Albert le Grand a
eu raiſon de dire, que les couleurs
de la Queue duPaon,& duCol du
Pigeon , mille averſo radiantefole
1
130
Extraordinaire
colores , n'ont point d'autre cauſes
que la lumiere ; qu'elles n'en diferent
point , & qu'enfin la cou
leur & la lumiere eſt la meſme
choſe , toutes les couleurs eftant
réelles , & provenant de diférentes
refractions & reflexions , qui
cauſent fur la Retine de diférens
aſſemblages , teintes , ou conjugaiſons
de points d'ombre , &de
lumiere,dans la peinture de l'objet.
Comme chaque point de l'objet
rayonne ſphériquement de
toutes parts Figure I. tous ces
rayons de lumiere partent divergens
, & s'écartent toûjours davantage
; c'eſt pourquoy à meſure
que l'oeil s'éloigne , il reçoit
moindre quantité de rayons de
chaque point de l'objet , & s'il
duMercure Galant. 131
eſt trop éloigné , il en reçoit fi
peu , que leur impreſſion ſur la
Retine , n'eſt pas allez forte pour
en eſtre formé la viſion .
Ces rayons divergens d'un cha-
-cun des points de l'objet,ſe reſſerrent
en penetrant la tunique
cornée , & eſtant entrez dans
l'oeil par la prunelle , tombent
comme paralleles ou peu divergens
ſur l'humeur criſtalin , qui
fertde baſe à autant de cones de
radiations , qu'il y a de points
fur la furface viſible de l'objet,
qui font les pointes ou ſommets
de ces radiations ; c'eſt pourquoy
toute la furface de l'humeur crif.
talin , Figure IV. eſt par tout couverte
des rayons de la radiation
de tous les points de l'objet, d'où
ils'enfuit que les rayons y eſtant
1
132
Extraordinaire
dans un parfait meflange & confuſion
, l'humeur criſtalin ne peut
eftre l'organe formel de la Veuë .
Tous ces cones de radiations,
Figure IV. ſe renverſent dans
l'oeil par la réfraction que chacun
des rayons fouffrent en penetrant
l'humeur criftalin , qui eſt convexe
des deux coſtez ; & les
rayons divergens de chaque cone
deviennent convergens , & forment
en ſe refſferrantun cone op.
poſé au premier , dont la baſe eft
la meſme ſur l'humeur cristalin ,
mais le ſommet ou la pointe aboutit
à la rétine , ſur laquelle ils
impriment l'image renverſée de
l'objet. Le R. P. Zucchius Jéfuite
, l'a expérimenté dans l'oeil
d'un Homme , Figure IV. Planche
I. qu'on venoit de tuer. Le
duMercureGalant.
133
Chevalier Pompilio Tagliafer,
tres- expert Anatomiſte, en ayant
adroitement ofté au derriere de
l'oeil les muſcles, & les tuniques
opaques , juſqu'à la retine qui eſt
l'organe formel de la Veuë , bien
que M' Mariote , fi connu parmy
les Sçavans , ait donné cette
qualité à la choroïde , comme
on peutvoir dans le docte Journal
des Scavans de M² l'Abbé
Galloys du 17. Septembre 1668 ..
&dans celuy du S' de la Rocque
du31. du mois d'Aouſt 1682 .
Comme toute la Dioptrique
dépendde la réfraction , que les
rayons fouffrent en entrant de
l'air dans le Verre , qui le fait
rompre en le ferrant contre la
perpendiculaire d'un tiers de l'an .
gled'inclinaiſon , qu'ils faifoient
134
Extraordinaire
avec la meſme perpendiculaire,
&en fortant du verre dans l'air,
ſe briſent en s'éloignant de la
perpendiculaire de la moitié de
leur angle d'inclinaiſon ; il faut
d'abord ſçavoir que ſi les angles
d'inclinaiſon ſont moindres que
de 15. degrez , leurs angles de réfaction
garderont la meſme raifon
que leurs arcs , car juſques à
15. degrez le Sinum ſont preſque
entre eux comme leurs arcs , ce
qui fait que ſi l'objet viſible n'eftoit
qu'un point auſſi éloigné que
le Soleil , les rayons de ce point
tõbant Phyſiquement paralleles
fur un Verre convexe , découvert
de 30. degrez , & oppofé
directement à l'objet , ſe réüniroient
Phyſiquement à un meſme
point; car les rayons plus late
duMercureGalant.
135
raux n'auroient que 15. degrez
d'inclinaiſon ; mais il n'en ſeroit
pas de meſme des rayons des
points latéraux de l'objet , qui
auroient une plus grade inclinaifon
avec la perpendiculaire tirée
fur la ſurface du Verre , ſoit plane
ou convexe.
Il eſt eſt à propos de remarquer
icy la regle generale , pour
avoir tous les angles de réfraction
des angles d'inclinaiſon au deſſus
de 15. degrez. En voicy l'Analogie.
Comme leſinus d'un angle d'inclinaison,
au deſſous de is degrez,
comme par exemple 6,
Eft au finus deson angle de réfraction,
de 4 degrez .
Ainsi leſinus de tout angle d'incli
136
Extraordinaire
naiſon, au deſſus de 15 degrez,
Eft aufinus de son angle de réfraction.
Revenons à ces cones de radiations
, leſquels ayant penetré
l'humeur cristalin , forment par
les loix de la refraction ces cones
renverſez , qui ſont comme autant
de pinceaux , formez par les
rayons de lumiere , qui par leur
pointe impriment&peignent fur
la retine chacune fon point de
l'objet.
Plus l'ouverture de la prunelle
eſt grande , plus il entre dans
l'oeil des rayons de chaque point
de l'objet qui forment ce pinceau
optique , & par conséquent la
peinture de l'objet eſt plus forte;
c'eſt pourquoy nous voyons
duMercure Galant. 137
beaucoup mieux les objets éloi.
gnez , lors que l'oeil eſt à l'ombre
, ou que nous regardons à
travers le poing à demy fermé,
car à l'ombre la prunelle s'ouvre
davantage , & de plus les rayons
des objets , que nous ne voulons
pas confiderer attentivemet, n'en
trant point dans l'ocil , la ſenſa ,
tion d'un ſeul objet , eſt beaucoup
plas forte.
La prunelle eſtant trop ouverte,
la viſion de l'objet eſt confuſe
, parce que ſa peinture n'eft
pas diſtincte fur la retine , d'autant
que l'humeur criftalin ne
peut rétünir à un meſme point, les
rayons qui tombent ſur luy trop
obliquement , les efpeces ſe confondent
avec les autres ſur la retine.
De plus les objets proches
Q. deJuillet1632.
M
138
Extraordinaire
& fortement éclairez , comme
auſſi les couleurs vives & éclatantes
, bleſſent la retine par leur
trop de chaleur ; car la lumiere
n'eſt jamais ſans chaleur , comme
ſçavent les Philoſophes, c'eſt
pourquoy on perd la veuë en regardant
fixement le Soleil, car ſes
rayons ſe réüniſſant , forment
leur foyer ſur la retine , & bralent
cet organe formel de la veuë.
Ceux qui voyagent l'Hyver, foufrent
beaucoup par la blancheur
de la neige , qui eſt la lumiere
qu'elle refléchit dans l'oeil.
Le P. ZucchiusJéſuite de Parme
, en la page 37. du 2. Tome
d'Optica Philosophica , que j'eus
foin de faire correctement impri
mer à Lyon en l'anné 1665. dit
qu'à un Pere de leur Compa
duMercureGalant.
139
gnie, la prunelle s'ouvrit ſi étrangement
dans ſa vieilleſſe , qu'il
ne voyoit aucun objet , à quoy il
remédia , le faiſant regarder par
un trou d'un quart de ligne de
diametre , fait fur une Lame de
Métal , Figure III. On fait ces
pinnules mobiles , pour ajuſter
plus facilement leurs ouvertures
vis-à-vis les centres de la prunelle
des yeux. Lorsque lesplatines
de ces pinnules mouvantes ,
portent une petite boiſte de cuivre
d'environ trois lignes de profondeur
, fon fond qu'on met du
coſté de l'oeil , aura un trou d'un
tiers de ligne ou environ , & la
platine aura un trou d'une ligne
&demie de diametre, ou un peu
plus , pour recevoir ſuffiſante
quantitéde rayons de l'objet, au-
Mij
3
140
Extraordinaire
L
quel ce trou eſt directement op.
poſé. D'où je conclus que ces
Bezicles ſimples , & faciles qui
confervent la Veuë & groſſiſſent
les objets , font de Microscopes,
de l'invention du P. Zucchius .
Voyez la page 304. du Livre De
Homine du R. P. Fabry de la mefme
Compagnie, & le 34.Journal
des Sçavans du Lundy 23. Aouſt
1666. de Ml'Abbé Galloys .
Amefure que l'objet eſt plus
éclairé, la tunique ragoïde qui eſt
retrouffée en dedans eſtant rarefiée
par la chaleur , s'étend &
retreffit fon ouverture que nous
appellons prunelle , dont le diamettre
de celle des Hommes,
n'eſt ordinairement au plus que
de trois lignes , & la diſtance de
leurs centres d'environdeuxpou-
३
T
३
duMercure Galant. 141
in
ces&demy. Les Animaux nocturnes
, ont l'organe de la veuë
fort délicate , & leur faut par
conféquent tres-peu de lumiere
pour ébranler ſuffiſamment les
parties de la retine , &y faire une
impreſſion ſenſible. C'eſt pourquoy
les Hiboux ne peuvent fouf.
frir lejour , & voyant de nuit fuffifamment
les objets , parce qu'ils
ont l'ouverture de la prunelle
tres-grande , ce qui fait qu'ils reçoivent
de chaque point de l'ob .
jetun grand cone de rayons ; car
iln'y a point de nuit ſans lumiere.
d'où il arrive que l'impreffion fur
la retine eſt ſenſible , cet organe
de la Viſion eſtant plus délicate
aux Hiboux , aux Chats , & aux
Souris , qu'au reſte des Animaux .
Onpeut en tout temps obſerver
142
Extraordinaire
que l'ouverture de la prunelle
des Chats , eſt une longue fente,
qu'à une lumiere un peu forte ils
retreffiffent l'ouverture de leur
prunelle , qu'ils ferment enfin totalement
.
Les Curieux obſervent avec
plaifir , que la prunelle des yeux
des Hommes s'agrandit lors
qu'on a paſſé dans un lieu moins
éclairé ; & au contraire qu'elle
diminuë tres - ſenſiblement lors
que d'un lieu ſombre on a paffé
au grandjour. C'eſt de là qu'on
explique , pourquoy d'un lieu éclairé,
entrant dans un lieu fom.
bre, on n'y voit rien d'abord dif.
tinctement ; car il faut attendre
que les fortes impreſſions que les
objets fortement éclairez avoient
fait fur la retine ayent ceſſé , &
dis MercureGalant. 143
que la tunique ragoïde ceſſant
d'eſtre rarefiée, en ſe retirant a-
-grandiffe par ce moyen le diamettre
de l'ouverture de la prunelle,
afin que de chacun point
de l'objet peu éclairé , il entre
dans l'oeil une ſuffiſante quantité
de rayons , leſquels quoy que
foibles de lumiere , puiſſent par
leur grande quantité faire une
impreſſion ſenſible ſur la retine.
Nous expérimentons la mesme
choſe pendant la nuit dans les
Ruës , car tout à coup la lumiere
d'un Flambeau venant à manquer
, de meſme qu'il arrive en
entrant du grandjour dans un
lieu fombre,nous ne voyons plus
rien, lors que ceux qui n'avoient
pas eſté éclairez du Flambeau y
voyent ſuffifamment. Cela arrive,
144
Extraordinaire
parce que l'impreſſion forte de la
lumiere du lambeau dure fur la
retine ,& qu'il faut attendre que
la prunelle ſoit élargie , pour re
cevoir plus grande quantité de
rayons de chaque point des objets
peu éclairez, & que l'humeur
criftalin ſoit dégonflé , afin que
ſon foyer qui eſtoit moins éloi.
gné que pour aucun objet, quoy
que tres-proche , ſe faſſe mainte
nant plûroſt ; au contraire , en
fortant d'un lieu fombre dans un
grandjour , on n'y peut rien voir
distinctement , & nous fentons
que la retine ſouffre par le trop
de lumiere qui entre par la gran.
de ouverture de la prunelle , ce
qui durejuſqu'à tant que la chaleur
des rayons de lumiere ayant
rarefie la tunique ragoïde , elle
aye
duMercure Galant.
145
*
aye en s'étendant diminué l'ouverture
de la prunelle , afin qu'il
n'entre pas fi grande quantité de
rayons dans l'oeil , & qu'il ſe faffe
par conféquent une impreffion
moderée ſur la retine. On expérimente
de nuit la meſme.choſe
, lors que dans les Ruës la lumiere
d'un Flambeau vient tout à
- coup donner dans la veuë.
C'eſt uné agreable & curieuſe
expérience , de voir en meſime
temps, enun mesme Homme , la
diférence de l'ouverture de la
prunelle de l'un de ſes yeux à
celle de l'autre , ce qui arrive en
le fituant en forte que d'un oeil
il voye la lumiere , ou un objet
fort éclairé , pendant que l'autre
cil eſt comme à l'ombre par l'interpofition
de ſon nez. Paulus ve
Q.deJuillet1682 . N
146 Extraordinaire
netus , eſt le premier qui a pris
garde que la prunelle des Hom.
mes avoit un mouvement involontaire,
par lequel elle s'ouvre
ou ſe retreffit davantage ; ceque
Galien n'avoit point connu, ſinon
lors qu'en faiſant fermer un
oeil , il conſidéroit que la prunelle
de l'autre s'agrandiffoit , meſme
dans le grand jour , comme il
l'aſſuredans ſon 10. LivreDe Offic.
Part. Cap. s. ce qui eſt confirmé
par l'expérience de tous les Sçavans.
Voicy les termes du R. P.
Zucchius Jeſuite , en la page 99 .
du 2. Tome de ſa Philofophie
Optique. Ex majori dilatatione foraminis
pupille in uno oculo apparente
, dum alter clauditur. Il n'y aque
l'Autheur de la Vision parfaite
de l'année 1677. qui faiſant la
du MercureGalant. 147
1
guerre au bon fens , pour ne convenir
en rienavec les Sçavans de
ce temps , ny des Siecles paſſez ,
adit dans la page 46. ligne 2.
que lors que l'objet n'est vû que
d'unseul oeil, l'autre estant fermé,
ülestvu par une moindre ouverture
de pupile. Il avoit dit la meſme
choſe en la page precedente ligne
30. aſſurant , qu'en fermantun
wil, on fait un effort qui étrecitfenfiblement
lapupilede celuy duquelon
regarde. Mais , ajoûte - t - il , cet
étreciſſement de la pupile fait lavifion
plus forte. A quoy pourtant
la raifon&l'expérience font contraires
, car quand mefine parim.
poſible , ce rétreciſſement arri.
veroit, la viſion ſeroit moins forte,
mais plus diſtincte.
La juſte ouverture de la pru
Nij
148
Extraordinaire
nelle, eft donc une des choſes abfolument
neceſſaires pour bien
voir ; car fi cette ouverture eſt
trop petite , lors qu'on regarde
les objets éloignez ou peu éclairez
, les pinceaux optiques de cha.
que point de l'objet n'eſtant pas
compoſez d'une quantité ſuffiſante
de rayons , ne peuvent faire
une impreſſion , pouſſement , ou
raréfaction ſenſible ſur la retine,
ee qui ſe rencontre auſſi veritable
dans les Lunetes d'aproche,
dont la conſtruction a dans toutes
ſes parties un parfait raport à
celles de l'oeil , d'autant que la
partie du Verre objectif que l'on
tient découvert , & qui y tient
lieu de prunelle , doit eſtre d'une
juſte ouverture , pour faire voir
diftinctement les objets éloidu
Mercure Galant. 149
2
gnez ; car fi elle eſt trop petite,
la peinture de l'objet fur la retine
n'eſt pas aſſez claire , ny forte
; & fi elle est trop grande , la
peinture en eſt bien plus claire,
& plus forte , mais en échange
elle en eft tres - confufe. Mais
comme le diamettre de la partie
qu'on laiſſe à découvert fur le
milieu de l'objectif, eſt ſans préjudice
àla diftinction de la Veuë
d'autant plus grand que le Verre
eſt d'un foyer de plus grande
longueur , ainſi l'humeur criſta-
• lin eſtant moins conve convexe , laprunelle
peut eſtré plus ouverte , &
par conséquent la Veuë en ſera
tres - forte , & tres - diſtincte.
De tout ce que nous avons dit,
on conclud,
1º Que la Veuë ſe fait par des
Niij
ISO
Extraordinaire
rayons qui tombent de chaque
point de l'objet , toûjours divergens
fur l'humeur criſtalin , Figure
IV.
2º que les rayons de chacune
des radiations s'eftant rompus
& renverſez , apres avoir pé.
netré l'humeur criſtalin , vont
s'unir précisément ſur la retine,
pour y faire , par une impreſſion
de la lumiere , la peinture& les
couleurs de l'objet, Figare IV.
3° Que ces rayons ſont plus
divergens , à meſure que l'objet
eſt plus proche de l'oeil, Fig.IV.
4° Que l'oeil eſtant éloigné
de quelques pas géométriques,les
rayons du meſme point de l'objet
, qui entrent par la prunelle
fur le cristalin eſtant déja rompus
en penetrant la tunique cora
T
duMercure
Galant. ISI
née, ſont ſi peu divergens, qu'ils
font cenfez eſtre phyſiquement
paralleles , notament parce que
le diametre de l'ouverture de la
prunelle eſtant fi petit ,& le fommet
ou pointe du cone de radiation
eftant fi éloigné , les deux
rayons plus latéraux forment ſur
la prunelle , quieft une baze trespetite
, un triangle iſoftele dont
Pangle foûtenu qui eſt à un point
del'objet éloigné eſt comme infipiment
petir.
s° On conclud que de la ra.
diation de chacun point de l'objet
, quand mefme les rayons
froient geométriquement paralleles
, ce qui eft impoſſible , il
n'y aqu'un feul rayon qui eft l'axe
du cone de la radiation, qui tombe
perpendiculairement fur la
N iiij
152
Extraordinaire
i
furface ſphérique d'un Verre,
qui le penetre ſans ſe brifer. C'eſt
pourquoy l'Autheur de la Dioptrique
Oculaire , imprimée en 1671 .
n'avoit jamais vû la Figure de la
Propoſition 8. du 3. Livre des
Elémens d' Euclide , puis que dans
la 57. page , il a fait une Propofition
qui contient dans ſon Texte
deux fauſſetez , diſant que les
rayons paralleles d'un point d'un objet
visible,tombent perpendiculairement
fur lafurface d'un Verre convexe.
A
Pour bien comprendre par expérience
ces deux cones de radiation
renverfez , que forment les
rayons d'un point de l'objet, dont
labaze commune eſt en l'humeur
cristalin , & leurs deux pointes
oppoſées font l'une au point de
duMercureGalant.
153
21
)
= l'objet , & l'autre , fur la Retine
; préſentez directement au
Soleil un Verre Omphaloptre ou
* Loupe, Figure VII. c'eſt à dire,
centiculaire ſphériquement convexe
des deux coſtez , comme
font les Bezicles des Vieillards,
mais qui n'ait au plus qu'une portion
de 30. degrez découverte ;
ou bien préſentez au Soleil un
Verre , plan d'un coſté , & convexe
de l'autre , Figures V. &VI.
mais qu'il n'ait tout au plus
qu'un ſegment , ou portion de30.
degrez de découvert. Mettez
- auſſi directement au derriere de
$ ce Verre un papier ou carton, qui
pour le mieux doit eſtre noircy ,
: éloignez- le directement & peu à
peu du Verre , vous remarque.
rez d'abord que les rayons du So
114
Extraordinaire
leid eftant devenus convergens,
par la fraction qu'ils ont fouffert
en entrant & en fortant du Verre,
ſe ferrent peu à peu , & la radiation
de chaque point du Soleil
faifant fon cone renverſé , ou pin.
ceau optique, formeront tous en.
ſemble fur le papier un petit rond
éclatant d'une lumiere fort vive,
laquelle brûlera le papier s'il eſt
noir , parce qu'il imbibe & con.
çoit les rayons , & ne les rejette
pas , en les refléchiffant comme
fait le papier blanc .
Cepetit rond de brillante clar.
té , eſt appellé par analogie,
Foyer Solaire. Il eſt la vive Image
du Soleil ; c'eſt pourquoy il eſt
d'une grandeur déterminée , qui
aura toûjours pour diametre , du
moins la corde d'un demy degré
duMercureGalant.
de la Sphere ou Globe , dont le
Verre plan convexe eſt ſegment,
■ parce que le diametre apparent
du Soleil , eft de demy degré,
mefme le 28. de Juin dans le 7.
degré 6. 21. minute de l'Ecreviſſe,
qu'il eſt dans ſon Apogée,
ou plus grand éloignement du
centre de la Terre .
La grandeur du diametre du
Foyer ou Image Solaire, ſadiſtance
au Verre , & le diametre
de fon ouverture , font les trois
fondemens par leſquels on démontre
tout ce qui concerne la
Veuë,& le moyen de remedier
ces défauts par des Bezicles ou
ſimples Lunetes à verre convexes,
pour les Vieillards , & à Ver.
res concaves pour les miopes , ou
- veues courtes ; & enfin tout ce
à
156
Extraordinaire
qui appartient à la conſtruction,
& fituation des Verres, pour faire
toute forte de Lunetes tant Microscopes
que Télescopes. Ce font
aufli les fondemens de la Dioptrique
que l'Autheur du Livre
de la Dioptrique Oculaire imprimé
en l'année 1671. a ignoré , puis
qu'au commencement de la 173 .
page , il dit contre la démonſtra .
tion & contre l'expérience , que
fi un Verre est bon aux Lunetes de
- longue weuë , on en doit recueillirfur
un plan directement opposé , les
rayons du Soleil, meſmedans unpoint;
car , ajoûte- t- il , fi cela arrivoit
heureusement , ce seroit le vray indice
de l'excellence de ce Verre objectif,
&qu'il feroit dans sa veritable &
précise largeur,sans qu'il fut besoin
de rien couvrir de la circonférenas
duMercure Galant. 157
finon , ajoute- t- il , l'on couvrira
peu àpeu les bords de la circonférence
de ce Verre , avec des cercles de
carton, de diverſes grandeurs , d'ouverture,
tant que les rayons du Soleilſe
reüniſſent en un point. Ce
que meſme les Ecoliers en Dioptrique
démontrent eſtre impoſſible,
quand mefme le Verre feroit
travaille de la main d'un Ange,
& que l'ouverture du Verre ne
feroit que d'une ligne , parce que
le Soleil eſtun corps , & ce Foyer
eſt ſon Image . Ce Foyer ne diminë
pas en grandeur en diminuantl'ouverture
du Verre , com .
me auſſi les objets vûs par les Lunetes
d'aproche ne diminuënt
pas en leur grandeur aparente ,
mais bien en leur clarté , lors
mefme qu'on couvrira la moitić
158
Extraordinaire .
T
du Verre objectif, ou que l'on la
couvrira en croix.
Si vous éloignez voſtre papier
au dela du Foyer Solaire , les
rayons pourſuivant leur route en
ligne droite s'eſtant entrecroiſez
au Foyer , formeront un autre
cone tronqué & renverſé , dont
la baze d'illumination ſera toujours
plus grande , mais moins
claire , ou moins forte en lumiere
, à mesure que vous éloignerez
davantage le papier , par.
ce que la meſme quantité de lumiere
eſt employée pour peindre
le Soleil dans un plus grand
cercle.
La diſtance du Foyer Solaire
auVerre convexe d'un coſté, &
plan de l'autre , quel coſté que
vous préſentiez directement au
duMercureGalant. 159
Soleil , Figure V. & VI. eſt toûjours
égale à la longueur de l'axe
de la Sphère ouGlobe , dont le
Verre eſt un ſegment.
Si le Verre eſt lenticulaire,
deſt à dire , également convexe
des deux coſtez , Figure VII. la
longueur de fon Foyer ne fera
quelamoitié de la longueur de
l'axe de la Sphere, dont les fuperficies
ſont ſegmens , pourvû
que l'on n'ait pas égard à l'épaiffeur
duVerre, ce qu'on doit fuppoſer
toûjours à l'avenir.
Que fi leVerre a ſes convexi.
tez inégales , comme la fome des
diametres des deux convexitez , eft
à l'un des diametres.
Ainsi l'autre diametre, est à la di-
Stance du Foyer Solaire.
160 Extraordinaire
Si le Verre eft convexe d'un
coſté , & concave de l'autre , Fi.
gure XII. en forte que trois femidiametres
de la convexité , ayent
toûjours plus de longueur que le
demy- diametre de la concavité,
mais que ces trois ſemi. diametres
n'excedent jamais trois femi- diametres
de la concavité, ces Verres
font appellez Méniſques ou taillez
en Croiſſant de Lune , & la
diſtance de leur Foyer Solaire , fe
trouve par cette regle , comme la
diférence des diametres des deuxſphéricites
du mesme Verre , est au diametre
de la convexité qu'on préfenie
au Soleil. Ainsi le diametre de
la concavité , est à la distance du
Foyer Solaire. Ainſi mon Verre
Ménisque dont la convexité
avoit 13. pouces 4. lignes de dia-
,
duMercureGalant. 161
xed mettre , & la concavité 3. pieds;
fon Foyer Solaire eſtoit à trois
pieds 10. pouces 9. lignes &
QUE
ademy.
12
Cette diſtance de Foyer Solaire
eſt appellée la portée ou la
puiſſance du Verre. Entre plufieurs
Verres de meſme portée
&également découverts , lemcil
leur aura le diametre du Foyer
Solaire plus petir.
Comme la diſtance du Soleil
eft toûjours ſenſiblement lam
me que les rayons de chaque
point du Soleil, à cauſe du grand
éloignement auVerre , font auffi
toujours Phyſiquement paral
leles, la diſtance du Verre à fon
Foyer Solaire eſt toujours la
meſme , quoy qu'en ait écrit le
R. P. Zucchius. Il n'en eſt pas
Q.deFuillet 1682 . 0
162 Extraordinaire
ainſi des autres objets moins éloi.
gnez , parce que leurs rayons
font Phyfiquement plus divergens
à mesure que l'objet eft
moins éloigné du Verre ; c'eſt
pourquoy les rayons de ces objets
fontdes plus grands angles d'in.
clinaiſon avec leur perpendicu .
laire , d'où il s'enfuit que leur
concours eft retardé , & qu'il fe
fait plus loin , & le Foyer ou
image de l'objet s'éloigne davantage
au derriere du Verre ; ce
qu'on voit par expérience dans
une Chambre cloſe, car à mefure
que l'objet s'aprochera du devant
duVerre convexe, ce Foyer
s'éloignera toûjours juſqu'à tant
que l'objet foit arrivé au devant
du Verre , à la diftance de ſon
Foyer Solaire ; carpour lors les
du MercureGalant. 163
rayons de l'objet ne font plus de
Foyer , parce que fortant paral.
leles du Verre ne peuvent ſe réü
nir, & fi l'objet éſtoit encorplus
procheduVerre, les rayons en fortiroient
divergens. Je donneray
en fon lieu la regle , pour connoiſtre
à quelle diſtance ſe fait
le Foyer des objets , ſuivant leur
éloignement , qui doit toûjours
eftre plus grand que n'eſt la lon.
gueur du Foyer Solaire dumeſme
Verre.
Parce que les Veres Plansconcaves
Fig.VIII. IX.& X. rendent
divergens ou paralleles les
rayons qui tombent ſur eux paralleles
ou convergens,& les faiſant
tomber ſur le cristalin , tels
-que ſi l'objet eſtoit moins éloigné,
forment les Bezicles ou
O ij
164
Extraordinaire
fimples Lunetes , de ceux qui ont
la veuë courte , & qu'ils fervent
de Verre oculaire dans les an
ciennes Lunetes d'aproche. Nous
dirons icy quelque choſe de leur
Foyer , qu'on appelle Virtuel, ou
Imaginaire , parce que les rayons
qui de chaque point du Soleil
tombent phyſiquement paralleles
, en fortent divergens , &
comme ſi ſans ſe rompre dans le
Verre ils venoient d'un point
qui fut au devant duVerre précifément
éloignéde la longueur de
l'axe du Globe ſur lequel on a
formé la concavité du Verre ;
ainſi parce que ſi ces rayons divergens
eſtoient produits en ligne
droite du coſté du Soleil , ils ſe
réüniroient à la longueur de l'axe
de la concavité du Verre . Ce
du Mercure Galant. 165
point imaginaire eſt appelle Foyer
Virtuel Solaire , d'où il eſt évident
queplus les objets font proches
du Verre plan - concave, plus
les rayons de chaque point de
l'objet tombent plus divergens,
& plus le Foyer objectif virtuel
ſera proche au devant duVerre.
Pour vous convaincre de tout
ce que j'ay dit , de la maniere
que les rayons de lumiere directe
ou reflechie , pure , ou modifiée,
peignent les objets ſur la
retine , faites - en l'expérience
dans un oeil artificiel repréſenté
dans la ſeconde Planche Fig. II.
Cette Machine a environ un
pied de diametre , ces parties &
leurs fonctions , font les meſmes
que celles de leur naturel .
Les radiations de chaque point
166 Extraordinaire
de l'objet , comme icy d'une fleche
, eftant entrez parla prunelle
PPP, tombent fur le Verre lenticulaire
CCCC , qui tient lieu de
P'humeur criſtalin, & par les loix
de la réfraction chaque radiation
réüniſſant les rayons de ſon cone,
ou pinceau optique renverſé ,en
un point fur la retine artificielle
RRRR , qui eſt faite d'une Glace
mince de Miroir , dépollie d'un
coſté , ou d'un papier huilé , &
qu'on met à la juſte diſtance du
Foyer des objets , en enfonçant
ou retirant peu à peu le Tuyau
RN, RN, qui repréſente le Nerf
optique , & porte la Retine artificielle
RRRR , y forment la baze
de distinction , Foyer ou vive
Image de l'objet qu'on admire,
peinte de ces vives couleurs , &
du Mercure Galant. 167
animée des meſmes mouvemens
des objets ; mais cette peinture
eft renverſée. Vous pourrez auſſi
e remarquer que le diametre ou
grandeur de cette peinture , a
preſque la meſme raiſon au dia.
metre ou grandeur des objets,
que la diſtance des eſpeces au
Verre à la diſtance des objetsau
Verre.
CUM
J
Il ſe paſſe la meſme chofe
dans nos yeux , & bien que la
es peinture des objets foit renverſée
fur noſtre Retine, Fig. II. &IV.
nous les appercevons dans leur
ſituation naturelle , parce que
Pame ou la puiſſance viſible dans
l'appréhenſion de ſon ſujet , ſuit
le progrés du rayon qui arrive
fur la Retine , apres l'inflexion
qu'il a foufert par la réfraction,
168 Extraordinaire
& raporte l'objet au lieu où l'axe
de chaque radiation iroit aboutir
, s'il eſtoit directement produit
hors de l'oeil vers l'objet.
On peut tres facilement faire
cette expérience en grand , fuivant
la troifiéme Figure , qui repréſente
une Chambre noire , en
laquelle on a foignenſement bouché
toutes les avenuës au jour, à
la réſerve d'un trou rond évasé
endehors en entonoir , qu'on a
fait dansun Volet ou Panneau de
Fenestre . Ce trou doit avoir en
ſa moindre ouverture , environ
un pouce de diametre , fur laquelle
en dedans la Chambre
on appliquera un Verre objectif
de Lunete d'aproche de ſept ou
huit pieds de longueur , ou
du moinsun des Verres d'un Be.
zicle
14
duMercureGalant. 169
que
zicle de Vieillard , car deslors
que le Soleil , ſans donner ſur la
Feneſtre, éclairera les objets d'une
Place publique , d'un Jardin,
d'une Ruë , ou d'une Campagne
oppoſée à voſtre Feneſtre , vous
en verrez les vivantes peintures
ſur un papier , ou ſur un linge fin
tendu perpendiculairement ,
vous approcherez ou éloigne.
rez directement peu à peu du
Verrejuſqu'à ce que ce linge ſoit
à la diſtance du Foyer , ou baze
de diſtinction des radiations de
chaque point des objets que
vous voudrez voir tres -distinctement
, & qui vous paroiſtront
peints renverſez , mais avec toute
leurs couleurs naturelles, Pour
rendre ces peintures permanentes
, vousn'avez qu'ày appliquer
Q.deJuillet1682. P
170
Extraordinaire
les couleurs ; & ainſi fans eftre
Peintre , & fans avoir fait aucune
étude de Perſpective , vous
aurez les plus beaux Tableaux,
&les plus agreables Païſages .
Vous obſerverez qu'on ne peut
avoir tres - distinctement , & à
mefme temps , les Images des
objets beaucoup éloignez , & de
ceux qui ne font éloignez que de
peu de toiſes de voſtre Feneſtre;
car pour les objets qui font tresproches
, il faut éloigner davantage
le linge qui ſert de Retine,
parce que les rayons des objets
qui font plus proches , tombant
fort divergens ſur le Verre qui
icy tient lieu d'humeur criftalin,
leur concours réünion , ou foyer,
eft retardé , & le foyer de ces objets
ſe forme plus loin au derriere
du Mercure Galant. 171
duVerre. On peut aufli avoir
une petite Chambre roulante,
pour porter à la Campagne;
voyez- en la conſtruction dansla
Figure IV. Elle aura 8. pieds de
longueur , 7. pieds de hauteur, &
6. de largeur. Un Homme eſtant
au Soleilà 15. pas du Verre , vous
en verrez ſon Image dans la
Chambre noire juſqu'au moindre
cheveu.
Nous devons cette admirable
découverte , auffi - bien que le vi
truve rendu intelligible , à Daniel
Barbaro , Noble Vénitien , Patriarche
d'Aquillée , qui la publiadans
ſa Scenographie , ou OptiquePratique
, Partie 9. Chapitres .
Voicy ces termes.
Con mirabile diletto la Natura ne
insegna la proportionata digradatio
Pij
172
Extraordinaire
ne delle cose, &fi aiuta in ogniàformare
i precepti dell'arte , Perilche dovemo
eſſere diligenti obfervatori di
quella in ogni occafione. Ma per hora
io tocchero una belliffima experienza
intorna alla perſpettiva. Se voui videre
come la natura pone le ceſe digradate
, ne ſalamente quanto ài contorni
del tatto & delle parti , ma
quanto à i colori , & le ombre ,&le
fifimiglianze, farai un Buco nello
Sourodellafinestra della Stanza di do
ve voui vedere , tanto grande quan.
to è ilvetro d'un Occhiale. Et piglia
un Occhiale davecchio , cioc che bab
bia alquanto di corpo nel mezo , &
xonconcavo comegli Occhiali daGiovani
, ohe anno la vista curta , & incafſſa
questo vetro nel buco,ferra poi
tuttelefinestre ,&le portedellaftanza,
ſi che non vi fa luce alcuna,se
duMercure Galant.
173
non quella che vienne dal vetro , Piglia
poi un foglio di carta , & ponilo
in contra ilvetro tanto diſcoſto, che to
veda minutamente sopra il foglio
quello che è fuori di casa , il chesi fa
in una determinata distanza più diftintamente
, il che troverai accostando
, over diſcoſtando il foglio dal
vetro ,fin che ritrovi ilfito convemente.
Quivi vederai leforme nella carta
comefono , &le digradationi , & i
colori , &le ombre , & i movimenti,
il tremola dell'aque, il volar de gli ucel.
li , & tuto quello che si puo vedere,
Aqueſta eſpcricnsa chiede che fi fiail
fole chiaro & belle, la luce del fole hà
grandeforza in cavarle ſpecie viſibili
; come con tuo piacere ne farai
la iſperienza , nella quale faraiſcielta
di quelli vetri chefanno meglio , &
Piij
174
Extraordinaire
fe vorrai cuoprire il vetro tanto , che
Si laſci un poco di circonferenza nel
mezzo , che fia chiara èſcoperta , ne
vederai ancora piu effetto.
Vedendo adunque , nella carta i
lincamenti delle cose , tu puoi con
unpenelloſegnar ſopra la carta tutta
la perſpettiva, che apparira in quella,
& ombregiarla , & coloriria tenera
mente,secondo che la natura ti moftrera.
C'eſt ce que nous appellons
donner la diminution des teintes
convenables . Tenendoferma la carta
fin che haverai fornito il diſſegno .
Cardan en parla en l'année
1553. dans le 4. Livre De Subtilitate.
Voicy ſes termes. Quodfi
lubeatſpectare , ea que in via fiunt,
foleSplendente. In fenestra orbem è
vitro collocabis , videbis imagines
perforamen tranſlatas in oppofitopladu
Mercure Galant. 175
no ,fed cum obfcuris coloribus ; subjicies
igitur candidiffimam cartam co
locoquo imagines vides , & intentam
rem mira ratione affequeris .
Baptifte Porta enſeigna enfuite
la meſme choſe , comme fi elle
fut encor inconnue , dans le 8..
Livre Magia Naturalis Chapitre
7: & dans le Chapitre 6. il donne
cet avis tres - important.. Lumen
fenestraforamen neferiat quia impedit
operationem , lux enim fecunda
eft, quæ objectorum fimulachra fert.
J'ajoûte que ſi vous faites plu.
fieurs trous , mais un, peu éloignez
l'un de l'autre , & que chacun
foit garny d'un Verre de
mefme puiſſance, ou longueur de
Foyer , les objets ſe peindront
autant de fois multipliez. Il en
arrive de meſme fur la Retine de
Piiij
176
Extraordinaire
l'oeil , lors qu'ayant fait plufieurs
trous dans une Lame deliće de
Cuivre , nous regardons à travers
ces trous , pourvû que tous enſemble
foient dans un moindre
eſpace que l'ouverture de la prunelle.
On verra meſme de nuit
juſqu'à neuf chandelles , ſi ayant
appliqué une Toile d'Hollande
fur l'oeil , on regarde la flâme
d'une chandelle un peu éloignée,
parce que ces eſpeces paſſent par
neuf petits trous de laToile, qui
pris enſemble n'excedent pas
l'ouverture de la prunelle de
l'oeil . Vous verrez auſſi facilement
cette multiplication d'efpeces
, la nuit dans voſtre Chambre,
dépeintes ſur un linge blanc,
fi vous mettez une chandelle allumée
au devant d'un grand
du Mercure Galant. 177
Verre convexe , que vous aurez
couvert d'un carton percé de
pluſieurs trous ronds. Je ne dis
rien icy duVerre Poliedre, ou taillé
à faceres , par lequel on voit en
tout temps les objets pluſieurs
fois multiplicz .
Ces eſpeces des objets ou
Images renverſées , paroiſtront
encor plus grandes &plus diſtin-
Ctement Figure XIII. fi à travers
une Boule de bois engagée dans
le trou de la Feneſtre , qui roule
& fe contourne de tous coſtez
- comme l'oeil dans la concavitéde
la teſte , vous paſſez le bout de
la Lunete garny d'un Verre objectif
plan- convexe , dont l'autre
bout ſoit muny d'un Verre oculaire
concave des deux coſtez ,
mais d'une plus petite Sphere
ই
178
Extraordinaire
que celuy qu'on y mettoit pour
fervir de Lunete d'aproche ; ce
Verre ſe place auffi plus pres du
Verre objectif , & racourcit par
conféquent notablement plus la
Lunete. C'eſt pourquoy, comme
nous avons déja dit , il rendra
les rayons, divergens , & par ce
moyen retardant leur concours,
éloignera la baze de diftinction
des eſpeces plus loin que fi le
Verre objectif eſtoit ſeul , & par
conféquent ſes eſpeces feront
plus grandes & plus diſtinctes,
mais moins claires. C'eſt le cr.
Probleme de la Dioptrique de
Keppler, imprimée l'an 1611.C'eſt
avec cette lunete que nous recevons
, confidérons ,& obfervons
les Eclipſes du Soleil , & festa
ches ou macules , dans ſon Foyer
duMercure Galant. 179
ou Image. Cette Machine eftde
l'invention de M. Hevélius de
Dantzic, fi celebre par tant
d'Ouvrages & d'Obfervations
Aſtronomiques ; elle eſt dans ſa
Selénographie de 1637. & dans les
pages 372 & 374. de fon premier
Tome intitulé Machina Caleftis.
,
J'ay dit ailleurs bien au long,
&tres fuffiſament, toutes les manieres
de redreſſer ces eſpeces ou
Images des objets , c'eſt pourquoy
je me contente de dire icy
qu'il fuffit d'avoir deux bons
Verres objectifs de trois ou quatre
pieds de Foyer, mais celuy qui
fera au bout de la Lunete dans la
Chambre , doit eſtre d'une por..
tion deux ou trois fois plus large ,
& éloigné du Verre objectif qui
180 Extraordinaire
eft à l'autre bout de la Lunete
dans le trou de la Feneſtre , de
deux fois la longueur de fon
Foyer Solaire ; & le drap blane,
papier ou carton , qui comme
une table d'attente doit recevoir
les eſpeces des objets , ſera éloigné
de la Feneſtre de deux fois
la longueur. de la Lunete ; mais
àmon avis le meilleur eſt de regarder
ces eſpeces renverſées
d'une autre Chambre , avec une
Lunete ordinaire à deux Verres
convexes , placée dans un trou
fait à travers le mur de réfent,
car par ce moyen , ces eſpeces
ou peintures des objers paroî
tront plus grandes, & redreſſées.
On peut fur le meſme principe,
faire paroiſtre au milieu d'une
Chambre , Figure V. dans les
duMercureGalant. 181
.
tenébres d'une nuit la plus obfcure
, les Images & repréſentations
de tout ce qu'on voudra fur
une Toile blanche RRRR , qu'on
y aura tendu à la diſtance requile
du Foyer du Verre objectif de
quelques pieds de diametre , qui
garnit le trou PP fait dans la Porte
, & évasé en Entonnoir du
coſté de la Chambre. Au devant
de ce Verre & à quelque
diſtance de la Porte de la Chambre
, eſt une blinde ou chande.
lier portant un Chaffis , garny en
haut de même qu'une Portierede
Carrofſſe d'une grande Glace, ou
Papier fin&huile, ſur lequel avec
des couleurs diafanes & tranſparentes
, comme aux illuminations,
on aura peint à la renverſe, les Figures
qu'on voudra faire pa
182 Extraordinaire
roiſtre droites dans les tenébres
de la Chambre. Ces Peintures
doivent eſtre fortement éclai
rées , en forte que le Chafſfis foit
toûjours entre le Flambeau &
la Porte de la Chambre , comme
on le void dans la Figure V. car
fi les Flambeaux éclairoient la
Porte de la Chambre , on y dé.
truiroit toute forte de repréſentation,
&on n'y verroit que de la
lumiere pure ſur la toile y tenduë.
C'eſt d'icy qu'on a trouvé l'invention
de porter de nuit , à plus
de quatre mille pas , dans une
Chambre obfcure , les écritures
& telles repréſentations qu'on
aura peintes avec encre commune
ou couleurs vives &tranſpa.
rentes , fur un Verre convexe qui
ait demy pied de diametre en fa
du Mercure Galant. 183
furface , & de tres - long Foyer;
car mettant au derriere du Verre
une flame tres -vive & tres - grande
, fi le milieu de la flâme, le
centre du Verre , & fon axe, font
dirigez en meſme ligne droiteau
milieu de la Feneftre obfcure,
ces figures y paroiſtront reveſtuës
de mille couleurs , fur un papier
ou ſur un drap blanc ; & ceux qui
feront dans cette Chambre obfcure
, verront comme un bril.
lant Soleil en ce Verre , qui doit
eſtre enchaffé dans l'ouverture
d'une Planche.
Vous apprendrez par expé.
rience que la jufte diſtance de la
flame au Verre , eſt lors que les
figures feront plus diftinctement
repréſentées avec toute forte de
couleurs.
184
Extraordinaire
On fait la mefme choſe dejour
&de nuit , ayant avec encre ou
autres couleurs tranſparentes ,
peint à la renverſe & en profil,
les figures ſur un Miroir concave
de fonte , car fi on fait entrer la
reflexion du Miroir par une petite
Feneſtre dans une Chambre
obfcure , les figures paroiſtront
ſurun drap blanc peintes de cou-.
leurs admirables ,&d'autantplus
grande que le Miroir fera cloigné
de la Feneſtre de la Chambre
obfcure.
On peut encor faire la meſme
choſe avec un Miroir plan de
fonte , fur lequel on aura écrit
ou peint les figures avec encre
ou couleurs tranſparentes , car
ce Miroir eſtant expoſé au Soleil,
& la lumiere dirigée dans l'ou
du Mercure Galant . 185
verture d'un Volet de la Feneftre
oppoſée d'une Chambre noire ,
& éloignée d'environ 200. pas ,
fi vous recevez parallelement à
quelque diſtance du Miroir la réflexion
par un grand Verre convexe
de 4 ou 5. pouces de diametre
en ſa ſurface , toutes les
figures paroiſtront diverſement
colorées ſur un drap blanc dans
la Chambre noire. Que fi vous
travaillez la nuit , mettez au derriere
du grand Verre convexe B,
encaffé dans le trou rond d'une
Planche, un grand Flambeau ou
Lampeallumé Figure VI. dirigez
la projection pour la faire entrer
par une petite Feneſtre dans la
Chambre noire oppoſée. Si la
flame de la Lampe eſt au Foyer
du Verre , fon illumination forti-
Q.deJuillet 16820
186 Extraordinaire
*
ra en Cilindre ; fi elle en eſt plus
éloignée , ſes rayons ſe réüniront
& feront leur Foyer ; enfin éloignez
- les , juſques à tant que fon
Foyer ſe fafle en deça de la Feneſtre
de la Chambre obfcure
, car les rayons y entrant apres
leur décuſſation , ils y peindront
les Images renverſées . On peut
adjoûter un autre Verre marqué
V. & afin d'augmenter la lumiere&
fa force , mettez au derriere
de la flâme de la Lampe,
un Miroir de Métal concave ſegment
de 18. degrez , car le furplus
feroit intile. Il faut qu'il foit
placé parallelement au Verre
peint , & que la flâme ſoit à fon
Foyer , & les axes & les centres
du Miroir , celuy de flâme , &
du Verre convexe peint , foient
duMercureGalant. 187
enmeſme ligne droite , FigureVI.
à quoy a manqué Keſtlerus dans
ſa Figure page 25. de ſon Physiologia
Kircheriana , imprimée à Amſterdam
en l'année 1680 .
Enfin vous ferez encor la mef
mechoſe de nuit plus facilement,
fi vous peignez avec encre ou
couleurs transparentes , fur 60.
degrez au plus de ſurface d'une
grande Bouteille de Verre fin,
fouflée mince & bien ſphérique.
ment , remplie d'eau , & enchaf.
ſée dans le trou d'une Plauche.
Allumez une Lampe au derriere
de cette Bouteille , au devant de
laquelle mettez le grand Verre
B convexe de deux coſtez , éloigné
de la diſtance de fon Foyer,
ou à telle autre diſtance que l'expérience
vous fera connoiſtre la
188 Extraordinaire
plus propre , pour porter diftintement
par une petite Feneſtre
fur le drap blanc tendu dans la
Chambre noire , oppoſée les figures
& ombres reveſtuës de
toute forte de couleur.
Que fi ayant enchaſſé cette
Bouteille dans un trou , fait à la
Porte ou à un Volet de Feneftre
de la Chambre noire , vous l'éclairiez
fortement de nuit par un
Flambeau, & de jour y refléchifſant
deſſus les rayons du Soleil
par quatre ou cinq Miroirs plans,
les rayons de lumiere penetreront
la Bouteille, avec les ombres
&images y peintes. Si vous les
recevez en dedans la Chambre
fur pluſieurs grandsVerres taillez
à facettes , ces Images paroîtront
prodigieuſement multi
dùMercure Galant. 189
pliées ſur le drap blanc tendu à
l'oppoſite.
Mettez une Bouteille de Ver.
re ſphériquement ſouflée , &
puis remplie d'eau claire , un peu
au dehors de voſtre Feneſtre lors
que les rayons du Soleil ne don.
nent pas deſſus , reculez quatre
ou cinq pieds dans la chambre,
&vous verrez ſur la ſurface de la
Bouteille les eſpeces renverſées
des objets de la Ruë, avec leurs
vives couleurs. Elles changeront
de place fur la furface de la Bouteille
à mesure que vous irez un
peu àdroite , ou à gauche. Elles
paroiſtront d'autant mieux , que
le Soleil éclairera fortement les
objets,& paroiſtront plus grands
àproportion que les objets feront
plus proches , & que la Bous
190
Extraordinaire
teille fera plus grande.
Que fi vous engagez à moitié
cette Bouteille , Figure XIV.
dans un trou fait à un coſté d'une
Caffete cubique bien fermée
de toutes parts , dont la largeur
foit double du diametre de la
Fiole ou Bouteille , mettez un
objet renverſé contre le fonds de
la Caffette oppoſé à la Bouteille
, expoſez - là enfuite au
grand jour , elle donnera paſſage ,
à la lumiere juſques ſur cet objet,
dont la radiation ſe refléchiffant
renversée avant qu'entrer dans
la Bouteille, peindront fur la furface
extérieure les eſepeces redreſſées
de l'objet , qu'on verra
avec plaifir eſtant un peu éloigné,
& l'objet ſemblera ſe mouvoir fi
voſtre coeil ſe meut plus à droite,
du Mercure Galant. 191
ou plus à gauche.
Voicy qui eft encor plus facile&
plus agreable ; vous verrez
les eſpèces des objets en meſme
tempsmultipliées , renverſées , &
redreffées dans un coffre , Figure
XV. d'environ trois ou qua.
tre pieds de longueur , d'un pied
& demy de hauteur , & d'autant
de largeur'; faites un trou à un
fonds vertical de ce coffre, dans
lequelvous emboiterez uneBoule
de bois percée à jour , & garnie
d'un bon Verre convexe de deux
coſtez , qui ſoit d'un pied & demy
de Foyer , ou plus ſuivant la longueur
de la Caiffe. Cette Boule
doitcontourner facilement dans
cetrou commel'oeil dans la reſte;
ayez un Chaſſis de papier huilé,
ou fait d'une lame de Miroir dé
192
Extraordinaire
polie d'un coſté , coulez ce Chaf
fis dans ce Coffre ou Quaiſſe juf
ques à tant que vous y voyez
tres - diftinctement les efpeces des
objets ; garniffez en ſuite avec
trois Miroirs le fond horizontal ,
&les deux coſtez du Coffre qui
reſtent au deça de ce Chaſſis ou
Retine artificielle , puis fermez
cette Quaiffe , & regardez par
un trou fait au milieu du fonds
oppoſé au chaſſis , & à celuy qui
eſt garny du Verre objectif , vous
verrez les Images des objets renverſées
ſur le Chaſſis , & multipliées
dans les deux Miroirs qui
font aux deux coſtez , & en mefmetemps
vous les verrez redref.
ſées dans le Miroir horizontal.
Vous pourrez garnir d'un Verre
oculaire convexe ce trou , par le
quel
4
duMercureGalant.
193
lequel on regarde les eſpeces, car
elles paroiſtront plus grandes &
redreſſées ſur le Chaſſis , &c.
Que fi vous regardez par un Verre
Polyedre , ou à facettes , ces
multiplications vous paroiſtront
prodigieuſes, &c.
La Catotrique a ſes manieres de
multiplier par reflexions les eſpeces
ou images des objets , qui
font entre deux Miroirs-plans
parallement oppoſez , & perpendiculairement
élevez , car le plan
& ſa marqueterie , paroiſtra
d'une longueur indéfinie , & les
objets paroiſtront auffi multipliez
ſans fin , lors qu'ayant l'oeil
à une fente horizontale faite à
quelques lignes par deſſus le
bord Supérieur de l'un des Miroirs
, l'on regarde dans l'au-
Q.deJuillet 1682. R
J
194 Extraordinaire
tre Miroir oppoſé.
On voit auffi par réfléxions l'Image
d'un meſme objet mille
fois multipliée , renverſée , &re.
dreffée dans un Cabinet cubique
, dont les cinq coſtez inté.
rieurs font garnis d'un Miroir.
plan.
AP
On peut encor conftruire une
Machine admirable pour les efpeces.
Elle est compoſée de huit
Miroirs , fix deſquels feront fort
grands. Voyez - en la ſituation
dans la Figure XIV. ABCD, eft le
plan d'une Quaiſſe rectangle
oblonque. EF, FG, GH, HI, font
quatre grands Miroirs plans , leurs
angles rentrans F, & H, font chacun
d'environ 164. degrez. KL,
MM, font deux Miroirs égaux aux
autres , & à la diſtanced'un pied
du Mercure Galant . 195
& demy. Les deux coſtez des
deux fondsverticaux , feront garnis
des Miroirs EK, IN, parallelement
oppofez . On met les objets
fur ce fonds , ABCD , & on
regarde dans ce Coffre par une
fente horizontale de quatre pouces
de longueur , & d'un demy
pouce de hauteur , faite au deſſus
du bordſupérieur du Miroir EK.
Iln'y a rien de plus agreable,
ny de plus ſurprenant que les répréſentations
que font voir deux
Miroirs-plans , leſquels ſe mouvane
perpendiculairement ſur une
table,font diférens angles au centre
d'un cercle gradué . 1º On
admirera que quelque anglè que
faffent enſemble les deux faces
des Miroirs , le cercle paroiſtra
toûjours entier ; d'où je conclus
Rij
196 Extraordinaire
que leurs reflexions repréſentent
les objets lautant de fois , moins
une , que l'angle de leur ouver.
ture eft contenu de fois dans les
360, C'eſt pourquoy lorsque la
corde de leur ouverture ou an.
gle , eſt le coſté d'un Poligone
régulier infcrit dans le cercle,
dont les largeurs des deux Miroirs
ſont les ſemy- diametres , on
verra par réfléxion dans les Miroirs
tous les autres coſtez du Po.
ligone régulier. Ainſi les Poli.
gonesparoiffent toûjours entiers,
c'eſt pourquoy l'ouverture des
deux Miroirs faiſant au centre
du cercle l'angle de 120 degrez
qui eſt le tiers de tout le cercle,
un Ruban façõné tendu d'un Mi
roir à l'autre , paroiſtra un trian
gle équilateral , chacun des Mi
duMercureGalant. 197
troirs en réfléchiſſant un coſté . Si
les Miroirs font ouverts à angle
droit , le Ruban enceindra un
terrain quarré dont il fera la bordure
, car chaque Miroir en ré.
fléchira un des coſtez , & la moi.
tié du fond ou coſté plus éloigné,
quieft veu comme enfoncé dans
lesMiroirs. Sil'ouverture desMiroirs
comprend 72. degrez , qui
eft la cinquième partie du cercle,
ce Ruban formera une bordure
en Pentagone , duquel chaque
Miroir en refléchira deux coſtez
l'oeil , & le fera paroiſtre en
foncé & au derriere de la glace .
Enfin ſi l'angle de leur ouverture
eftde 60. degrez , qui eſt la fixieme
partie du cercle , ce Ruban
repréſentera le contour d'un
Exagone régulier , car chaque
R. iij
198 Extraordinaire
Miroir réfléchira deux fois&de.
my le Ruban , qui eſt le réel coſté
du poligone , &c. Voicy encor de
tous leurs effets à mon avis, le plus
admirable. Une Courtine , deux
Flancs , & les deux Faces oppo.
ſées des deux Baftions , le tout
peint , ou en relief , avec leurs
Foffez , & leurs Dehors, parof
trontune Citadelle à quatre, puis
àcinq Baſtions , puis une Ville à
fix Baſtions , &c . avec tous leurs
Ouvrages & Dehors , ſuivant
que vous ouvrirez les Miroirs aux
angles de 120. de 90. de 72. de
60. de 45. degrez , &c . Je ne dis
rien de l'admirable multiplica.
tion qu'ils font des objets qui
leur font au devant , & dans le
cercle , principalement de la lumiere
des Bougies qu'ils multi.
du Mercure Galant. 199
plient & réfléchiffent , &c.
Les Sçavans meſme feront furpris
de ce qu'un Miroir de poche,
plan & quarré , ayant ces quatre
bords taillez en bizeau , réfléchit
fur le plancher ſupérieur
d'une Chambre l'Image du Soleil
en un rond , du centre duquel
fortent quatre Echarpes rayonnantes
, qui forment à angles
droits une grande croix de lumiere.
Enfin la Dioptrique n'a riende
plus ſurprenant , que les effets
d'une Lanterne Catoptro-Dioptrique,
Figure VII. de la ſeconde
Planche, Sturmius a raiſon de
la nommer Mégalo-graphique.C'eſt
wne eſpece de Lunete Mic rofcope
, par laquelle dans la nuit la
plus noire ,nous faiſons pa roiſtre
it
R iiij
200 Extraordinaire
ſucceſſivement ſur un linge tendudans
une Chambre, ou fur une
muraille de l'autre coſté de la
Ruë , mille fortes de repréſentations
& figures giganteſques, avec
les couleurs éclatantes des originaux
ou prototipes,peints d'encre
ou avec couleurs tranſparentes,
qui n'ont qu'environ deux pouces
de diametre. C'eſt pour cela que
le P. KeſtlerusJéſuite luy a donné
lenomde Lanterne Magique , dans
la 125.pagede fon Physiologia Kirkeriana
imprimée à Amſterdam
l'an 1680.
Cette invention a bien fait du
bruit depuis quelques années;
mais elle n'eſt pas nouvelle , puis
qu'on peut croire que le Roy Salomon
, ou du moins Roger BaconMoine
Anglois , en eſt l'In-
2
du Mercure Galant. 201
eventeur ; puis que fi nous en
croyons les Rabins , le premier
ſe repréſentoit auffi où il vouloit...
Le ſçavant & curieux B. Svventérus
, eſt le premier qui a enfeigné
la conſtruction de cette Lanterne
dans ſon LivreDelic. Mathemat.
Parte 6. Prop. 31.
Le Coffre de cette Lanterne
* doit avoir 15. pouces en longueur,
& un pied en fa hauteur , &autant
en largeur , car elle s'échan
fe trop , & fume eſtant trop petite.
Sa cheminée au deſſus ſera
de demypiedde diametre , &de
la maniere du comble des Lanternes
fourdes ; ſon fond aura
- par deſſous des trous ou ſoûpiraux
marquez ss , afin que l'air
froid externe entrant de bas en
haut , pouffe dans la cheminée la
A
202 Extraordinaire
fumée du feu de la Lampe garnie
d'huile d'olive , dont la flame
doitavoir du moins deux pouces
de diametre , afin d'égaler le diametre
de l'Image prototipe , &
celuy du Verre A , qui eſt encor
d'une ligne ou deux plus grand,
&qui eſtant ſeul aura trois pouces
de foyer , &deux pouces de día .
metre en ſa ſurface..
Le Miroir M , eſt formé d'un
cercle de cinq pouces de diametre
; celuy de ſa ſurface eſt de
deux pouces&demy , fa profondeur
eſt d'environ quatre lignes,
& fon foyer eſt précisément à
quinze lignes au devant du Mi.
roir. On peut employer un Mi.
roir formé d'un cercle de ſept
pouces de diametre,dont le Foyer
fera par conséquent à vingtduMercureGalant.
203
une ligne au devant du fonds du
Miroir. Le Foyer ne doit jamais
exceder la longueur de 3. pouces,
parce que la réflexion en ſeroit
moins forte , & quand elle eſt
trop petite , la fumée du feu de
la Lampe qui doit toûjours eſtre
aſon Foyer , ou tant ſoit peu plus
⚫ proche du fond du Miroir, eftant
fi proche, le ternit d'abord .
Si la flame de la Lampe eſt preciſement
au Foyer du Miroir concave
, les rayons feront réfléchis
- paralleles , & ayant dans leur paralleliſme
penetré le prototype ,&
puis ſe ſerrant dans le Verre Ails
en forment l'efpece ou Image aëriene
à la diſtance de ſon Fover
Solaire, qui eſt entre le Verre A,&
le Verre B, Que fi la flâme eſt en .
tre le Foyer & le centre du Mi-
!
204
Extraordinaire
roir , les rayons de lumiere en ſeront
refléchis convergens fur lea
Verre A , & leur concours eftant
accelerer ſe fera plûtoſt & plus :
pres du Verre A. C'eſt pourquoy
les angles des rayons eſtant plus
obtus , ils deviendront plus di
vergens qu'auparavant apres leur
décuſſation au Foyer du VerreA,
où ils ont formé l'Image aëriene
du prototipe P , & par conféquent
fi le Verre A eſt ſeul , la
repréſentation de l'objet P, ſera
plusgrande fur la toile tenduë à
meſme diſtance qu'auparavant,
c'eſt pourquoy la flâme doit eſtre
entre le Foyer , & le centre du
Miroir , mais toûjours plus prés
du foyer que du centre , & jamais
au centre. Que fi la flame
eſt entre le Miroir & fon Foyer
duMercure Galant. 205
5
les rayons de lumiere ſeront ré-
- fléchis divergens , & il faut faire
tomber toute la réflexion fur le
Verre A. Ce que la pratique enſeignera.
La fleche peſt une de ces Images
, peintes avec encre commune
, ou en grofaille , ou avec de
vives couleurs tranſparentes &
peu chargées , fur des ronds de
Talc ou de Verre blanc , & fort
mince. Ces Figures feront toujours
un peu inoindres que la
furface du Verre objectif A;
-elles feront enchaſſées dans les
trous ronds de la Planche zz,
on la fera couler ſucceſſivement
dans la fente faite au devant de la
Lanterne.
Le Verre A convexe de deux
coſtez , ſera plus éloigné de la
flame que n'eſt la longueur de
1
206 Extraordinaire
fon Foyer. Le prototipe P, fera
entre la flame & le Verre A, mais
un peu plus proche de la flâme,
& toûjours entre le Verre & le
Foyer Solaire.
Si à un trou de trois pouces
fait à la porte antérieure de la
Lanterne , eſt ſoudé un Tuyau
de trois ou quatre pouces de longueur
, & d'autant de diametre,
faites-y entrer un bout de la Lunete
AB , compoſée de deux
Tuyaux , qui peuvent s'allonger
pour faire une Lunete d'environ
un pied de longueur, elle ſeragarnie
de deuxVerres lenticulaires A
& B, dont l'objectif A foit de
cinq pouces de Foyer , & celuy
du Verre B, foit de dix pouces,
& enfoncé de deux pouces dans
le Tuyau ; l'effet en fera beau
duMercure Galant. 207
coup meilleur ; car le Verre objectif
A eſtant d'un plus grand
Foyerque celuy qu'on y mettoit
ſeul, ſa ſurface ſera auffi plus
grande , & pouvant eſtre placé
plus prés du prototipe P, il en
recevra une plus grande radia
tion , & les rayons de chaque
= point de cet objet tombant moins
obliquement que ſur un Verre
plus convexe , ſe réüpiſſent plus
précisément en un mesme point,
c'eſt pourquoy la peinture aëriene
en fera plus diſtincte par
cette raiſon , & plus claire par
- la premiere. De plus le ſecond
Verre B, qui ne ſera jamais éloigné
de la longueur de fon Foyer
du devant du Verre objectif 4,
rend les rayons de la radiation de
cette Image aëriene plus conver
208 Extraordinaire
gens , & les faifant plutoſt con.
courir,ils formeront unangle plus
obtus , c'eſt pourquoy apres leur
décufſation eftant devenus plus
divergens , iront peindre ſur la
Toileblanche dans un plus grand
cercle lumineux , les eſpeces redreſſées
du prototipe P , qu'on
aura renversé dans la fente de la
Lanterne , entre la flâme & le
Verre objectif A., Il faut pour
bien réüffir , que l'axe du Miroir
concave , & des deux Verres , ne
faffent qu'une meſime ligne droi.
te avec le centre du milieu dela
lâme de la Lampe. C'eſt à quoy
le R. P. Keſtlerus Jéſuite , a
manque dans ſa Figure de la 125.
pagedeſon Phyfiologia Kirkeriana.
J'ay dit que cette Lunete eſt
une eſpece de Microſcope. En
duMercureGalant. 209
effet , ſi ayant mis fur le Verre
objectif A, une Mouche ou quel.
que autre petit objet , vous en.
gagez le bout objectif de cette
Lunette dans un trou fait au milieu
d'un Carton d'un pied de
diametre , ou ſi vous l'avez pafſe
à travers le Globe mobile de
la Figure XII. de la premiere
Planche , tournez cette Lunete
directement au Soleil , vous verrez
une giganteſque image ou
ombre de ce petit objet , dans
un grand cercle lumineux fur un
papier oppoſe directement au
- derriere de la Lunete , car les
rayons du Soleil feront la meſme
choſe ,que la lumiere de la Lampe
fait pendant la nuit , & dans
- une Chambre tres obfcure.
On peut faire une Lanterne
Q.deJuillet1682. S
210 Extraordinaire
avec un ſeul Verred, convexe
de deux coſtez , de trois pouces
de Foyer Solaire , enchaffé à la
porte antérieure de la Lanterne, de
la figure du prototipe fera à quatre
pouces au derriere du Verre,
plus ou moins , mais toûjours
entre fon Foyer , quieſt le rayon
du cercle d'une des convexitez ,
& l'extrémité du diametre du
mefme cercle , la flâme de la
Lampe fera un peu plus éloi.
guée , &c . en approchant peu à
peu le prototipe du Verre lenti
culaire A, vous trouverez par ex
périence ſa ſituation propre , lors
que ſon Image ſe peindra fort
grande &diftincte ſur une Toile
blanche directement oppoſée.
Faiſons icyune
ration des autres effets des Ve
brieve énumé
duMercure Galant. 211
9.
res ſphériquement convexes, que
nous appellons Lenticulaires. Om.
phaloptres, Loupes , &c.
: Une Louppe de Verre comme
ſont les Bezicles convexes des
Vieillards, eſtant oppoſée directe.
-ment au Soleil , en réinit les
rayons au Foyer où ils brûlent
promptement toutes les matie-
-res noires & combustibles , car
les blanches réfléchiſſent les
rayons ,&c .
On peut lire la nuit , faiſant
tomber ſucceſſivement fur chaque
mot le Foyer de la radiation
de quelqu'une des plus brillantes
Etoiles de la premiere grandeur ,
ou d'un feu fort éloigné.
La flâme d'une Bougie eftant
miſe an derriere de l'omphaloptre
a la diſtance de ſon Foyer So.
Sij
212 Extraordinaire
laire , les rayons en fortiront pa
ralleles , iront en colomne de lumiere
éclairer bien loin .
Un petit objet mis pres de la
diſtance du Foyer du Verre , eftant
vû à travers paroiſtra tresgrand.
L'ocil eſtant entre le Verre&
fon foyer des objets , qui eſt tant
plus éloigné, que l'objet eſt plus
plus proche au devant du Verre,
l'objet paroiſt en ſa ſituation naturelle
, & lors que l'oeil eſt au
deçade ce Foyer objectif ou baze
de diftinction de l'Image aëriene
de l'objet , il paroiſt renverſé
apres la décuſſation que
les rayons fouffrent au Foyer.
Les Presbites , & les Vieillards
qui ne voyent que confufément
les objets proches , parce que le
duMercure Galant. 213
Foyer de leur criſtalin trop plat
fe fait au delà de la Retine,
voyent diſtinctement à travers
des Louppes les meſmes objets
plus proches .
Les Myopes & Courtes - veuës,
ontl'humeur criftalin trop rond,
c'eſt pourquoy ſon Foyer eftant
plus court, fe fait plus prés dans
l'humeur vitré au devant de la
Retine , voyent distinctement ,
mais à la renverſe , à travers une
Loupe ou Verre convexe de deux
coftez , les objets proches , &
aufſi les éloignez , lors que le
Foyer du Verre eſt entre le Ver
• re & l'oeil , qui par conséquent
- reçoit les rayons de l'objet renverſez
apres leur décuſſation au
Foyer
Ceux dont la Retine eſt au214
Extraordinaire
lant , ou mesme plus proche de
'humeur criſtalin , que fon Foyer
Sclaire , ils ne verront jamais.dif,
tinctement à la renverſe un objet
au travers d'un Verre convexe,
parce qu'il faudroit que le Verre
fut autant éloigné de l'oeil que
les objets, afin que les rayons des
objets tombant paralleles fur
l'humeur criſtalin il les peut
réünir fur la Retine.
Pour connoiſtre comment les
Bezicles ou Lunetes Binoclesſimples,
qu'on porte fur le nez remédient
aux defauts de la Veuë , & font
voir distinctement aux Presbites
& aux Vieillards les objets qui
font proches ; & ceux qui font
éloignez aux Miopes , qui ont la
Veuë courte & baffe , gente à cui
fifanotteinanzi ſera ; il faut faire
du Mercure Galant. 215
les dix remarques ſuivantes de ce
quiſe paſſe dans l'oeil artificiel,
Figure II. Planche ſeconde dans
lequel le Verre Omphaloptre CCCC,
c'eſt à dire , convexe de deux
coftez y fait l'office de l'humeur
cristalin dans noſtre coeil . Eſtant
a remarquer que fi ce Verre eftoit
un Globe ou boule de Verre , le
: Foyer Solaire n'en feroit éloigné
que de la longueur de la quatriéme
partie de l'axe , de meſme
qu'aux Miroirs concaves. Que fi
c'eſtoit une Bouteille pleine
d'eau , le Foyer en ſera éloigné
de la longueur du ſemi diametre,
àcause de la diférente réfraction
de l'eau à celle du Verre .
1º Lors que l'objet eſt au de
vant de cet oeil artificiel , entre
leVerre & fon Foyer Solaire an216
Extraordinaire
4
1
térieur , les rayons de chaque
point de l'objet tombant diver
gens fur le Verre , en fortiront
auffi divergens dans l'oeil , &
d'autant qu'il ne ſe peuvent réünir
, concourir ou faire Foyer, ils
n'en formeront jamais une Image
diſtincte ſur la Retine artifi.
cielle RRRR , à quelle diſtance
que vous la mettiez . On peut
agreablement en faire l'expérience
de nuit , oa dans une
Chambre noire , avec une Bougie
allumée. Ce que vous connoiſtrez
en regardant cette Retine
par l'ouverture NN , quirepréfente
le Nerf optic.
2. Si vous éloignez davantage
&peu à peu la flâme de la Bougie,
dudevantdu Verre, lors qu'-
elle en ſera éloignée à la diſtance
de
بع
duMercure Galant. 217
B:
de fon Foyer Solaire , les rayons
l'ayant penétré en fortiront paralleles
dans l'oeil , & ne formeront
par conféquent aucune Image
de la flâme fur la Retine artificielle
, mais ſeulement un Cercle
de lumiere égal à la furface
du Verre Omphaloptre.
3. Si vous éloignez davantage
la flâme de la Bougie , les rayons
de lumiere tombant divergens
fur la furface duVerre Omphaloptre
ſe réüniront & porteront bien
loin ſur la Retine leur Foyer ou
image renverſée de la flame &
de la Bougie.
4. Vous remarquerez qu'à me.
fure que vous éloignerez davantage
la flâme de la Bougie , ſes
rayons tombant moins divergens
fur le Verre ſe réüniront
Q.deJuillet 1682,
T
(
{
218 Extraordinaire
plûtoſt,&par leur concours for.
meront leur Foyer ou Image
renverſée de la flâme de la Bougie
plus prés du derriere du Verre
CC. ce qui vous obligera d'en
approcher plus qu'auparavant la
Retine artificielle RR. pour en
recevoir l'image bien distincte.
s. Vous remarquerez que la
Bougie allumée eſtant éloignée
de plus de vingt- cinq pieds , les
rayons tombant tres- peu divergens
fur le Verre Omphaloptre
CCCC. fixeront leur Foyer ou
Image de la flâme , tres- peu plus
loin que le Foyer Solaire ; & qu'enfin
la Bougie eſtant encore plus
éloignée , la diférence entre le
Foyer Solaire & le Foyer objectif
ne fera pas ſenſible , bien quele
Foyer des objets ſoit toûjours
duMercure Galant. 219
plus éloigné du Verre que le
Foyer Solaire , ce qu'on expérimente
dans les grandes Lunetes,
qu'il faut allonger pour voir diftinctement
la furface de la Lune,
parce qu'elle eſt plus proche
que le Soleil, & qu'il la faut racourir
pour voir les Zones &
taches du Diſque de Jupiter ,
parce qu'il eſt plus éloigné que
le Soleil.
6. Vous remarquerez principalement,
que les objets eſtant
fort proches du Verre,s'il en faut
beaucoup éloigner la Retine
pour en recevoir l'Image diſtinte;
& qu'eſtant notablement
plus éloignez , il en faut approcher
ſenſiblement la Retine
pour en recevoir leur Foyer ou
Image diſtincte .
Tij
220 Extraordinaire
7. Il faut enfin tres-foigneu
ſement remarquer que tant plus
le Verre Omphaloptre , qui fert
d'humeur criftalin dans l'oeilartificiel
ſera convexé , c'eſt à dire,
plus rond, ayant ſes convexitez
fegmens d'une moindre Sphere,
le Foyer ou Image diſtincte des
objets ſe fera plus prés au der.
riere du Verre; c'eſt pourquoy
il faudra y avancer la Retine artificielle
RR , pour recevoir comme
ſur une table d'attente cette
petite peinture des objets , laquelle
ſera d'autant plus claire
qu'elle eft petite . Que fi les objets
demeurant dans leur meſme
éloignement , vous oftez cette
Omphaloptre de petit Foyer , &
mettez en ſa place une autre
Omphaloptre de plus long Foyer,
duMercure Galant. 221
laquelle par conféquent aura fes
fuperficies moins convexées ,
eſtant fegmens d'une plus grande
Sphere ; le Foyer ou Image
diſtincte des objets fe fera beaucoup
plus loin au derriere du
Verre, c'eſt pourquoy il en faudra
éloigner d'autant la Retine
artificielle pour en recevoir la
peinture, laquelle fera plus grande
& plus diſtincte ; parce que
les rayons d'un chacun point de
l'objet tombent moins inclinez
fur la convexité d'un Verre de
plus grand Diametre, & fe réüniſſent
par conféquent tous, plus
preciſément en un meſme point,
pour former ſur la Retine la
pointe du pinceau optique de
leurradiation .
8. Vous connoiſtrez par ex-
Tij
222 Extraordinaire
1
perience , qu'enmettant quelque
autre Omphaloptre fort prés ou
pardeſſus la prunelle PP, de l'oeil
artificiel , comme pour luy fervir
de Bezicle , il arrivera que cette
Omphaloptre referrant les rayons
du Soleil ou de tout autre objer
éclairé, & de nuit ceux de la fla.
me d'une Bougie , les fera tomber
convergens fur l'Ompha.
loptre CCCC, quiy tient lieu de
T'humeur criftalin , lequel le réü.
nira bien plûtoft , parce qu'ils
tendent déja au Foyer du Bezicle:
c'eſt pourquoy le Foyer ou
Image du Soleil de la flâme de
la Bougie , & de tous les autres
objets à cauſe de ce Bezicle, le
fera bien plus prés au derriere de
l'humeur criftalin CCCC. ce qui
vous obligera d'enfoncer da
du Mercure Galant. 223
vantage le tuyeau R. N. qui repréſente
le nerf optic , afin de
-porter à ce Foyer la Retine , qui
en ce ſeul endroit recevra tresdiftinctement
l'Image des objets.
A
9. Vous remarquerez que tant
plus l'Omphaloptre que vous mettrez
au devant de la prunelle
PP fera de petit Foyer , tant
plus elle rendra les rayons convergens,
& le cristalin CCCC.
en fera tant plûtoſt le Foyer ;
c'eſt pourquoy eſtant plus racourcy
il vous faudra enfoncer
davantage la Retine pour le recevoir
, afin que les Images des
objets y paroiffent peintes diftinctement
, en l'y regardant par
l'ouverture NN du nerf optic.
10. Vous remarquerez qu'en
T iiij
224
Extraordinaire
mettant deſſus ou fort prés de
la prunelle PP de l'oeil artificiel ,
quelque Verre concave , comme
pour luy ſervir de Bezicle ,
parce qu'il fera tomber plus di.
vergens les rayons des objets ou
de la flame de la Bougie fur l'humeur
criftalin CCCC, il en retar
dera le concours ; c'eſt pour.
quoy le Foyer en ſera d'autant
plus éloigné que la concavité du
Verre fera d'un cercle de plus
petit Diametre , ce qu'il faut
bien noter ;, Ainfi il faudra éloigner
beaucoup plus la Retine
artificielle PP juſques à ce Foyer
ou Image diſtincte des objets .
Appliquons maintenant à
noſtre veuë , tout ce que nous
avons obſervé arriver diféremment
à l'oeil artificiel , à raiſon
du Mercure Galant. 225
des diferentes diſtances des objets,
des diférentes convexitez
des Omphaloptres CCCC. & de la
diférence des Verres convexes
ou concaves des Bezicles , qu'on
a mis au devant de la prunelle
PP. & dautant que le Verre
Omphaloptre CCCC y a operé de
meſme que l'humeur cristalin
dans nos yeux , Figure IV. planche
premiere , & Figure I. plancheseconde
; Je dis,
1. Que du trop ou du manque
de gonflement de l'humeur criftalin
des animaux,procede le trop
grand éloignement de la Retine,
ou ſa trop grande proximité à
Phumeur criftalin , qui font les
cauſes des deux diférens défauts
qui ſe rencontrent dans la veuë
de diférentes perſonnes , les uns
226 Extraordinaire
eftant Miopes & les autres Presbites
, & fouvent dans les yeux d'un
mefine Homme. Je connois plufieurs
perſonnes de qualité comme
M² de Comps , M² d'Eſtimanuile
, &c. qui ont les yeux
ainſi diféremment conformez .
Le R. P. DefchalesJefuite, dans
la 382 page du ſecond Tome de !
fon Mundus Mathematicus l'a af..
furéde ſoy -meſme & d'un Frere
Portier da College de Lion, qui
ne pouvoit lire que d'un oeil , &
voir les objets éloignez qu'avec
l'autre. Je crois que Daniel Chorez
, que tous les veritables Sçavans
reconnoiſſent eſtre le premier
Inventeur des Binocles qu'il
préſenta au Roy en l'année
1625. Le R. P. Rheita Capucin
Alleman , qui l'a encore depuis
227
Oculus
1645.
gsicy
X par
l'Eutrois
es és
I. auaiſtre
ns, a
Luloin
,
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quafaire
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neur
ond,
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226
eftar
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me
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Lel
la 3
fon
furé
Por
ne 1
VO11
l'au
rez
van
mie
pré
Y
duMercure Galant. 227
enſeigné en fon Livre Oculus
Enoch & Flie, imprimé en 1645 .
& qui en fit voir de tres - longsicy
à Paris en l'année 1654. & par
toutes les bonnes Villes de l'Europe,
&depuis l'Autheur de trois
Tomes de viſions, imprimées és
années 1677. 1678. & 1681. auquel
le Sieur Querreau Maiſtre
Lunetier aux deux Croiſſans , a
fait les premiers Binocles & Lunetes
pour diffigner de loin ,
pour M'le Nonce Bergellini en
l'année 1675. feroient tous quatre
bien embaraſſez de leur faire
avoir une veuë diſtincte par le
moyen des Binocles .
2°. Les Miøpes ont l'humeur
criftalin trop enflé & trop rond,
& par conféquent ſon Foyer
eſtant fort court , la Retines'en
228 Extraordinaire
,
trouve trop éloignée, & ne reçoit
les radiations des objets éloignez
qu'apres leur décuſſation& confufion
au derriere du Foyer, c'eſt
pourquoy ils ne les voyent que
fort confuſement , & voyent
diftinctement les objets qui font
fort proches parce que les
rayons tombant ſenſiblement divergens
fur l'humeur criſtalin,
leur Foyer eft retardé, allongé
& porté juſques fur la Retine.
3°. Les Presbites ont l'humeur
criſtalin trop plat, & par conféquent,
fon Foyer eſtant fort long
la Retine ſe trouve trop proche
du cristalin , & coupe les pinceaux
optiques des radiations
des objets proches avant leur
Foyer , c'eſt ponrquoy ils ne
voyent que tres -confufément
du Mercure Galant. 229
les objets fort proches &diftinctement
les objets éloignez ,
parce que les rayons des objets
éloignez tombant preſque paralleles
ſur l'humeur criſtalin ,
- leur Foyer n'eſt pas fi long, & fe
- termine & aboutit ſur la Retine .
Pour remedier à la veuë des
Miopes,& leur faire voir diſtinctement
les objets éloignez , i faut
mettre au devant des prunelles ,
des Bezicles ou ſimples Lunetes
Binocles à Verres concaves , car
les rayons des objets éloignez
qui tomberont phyſiquement
paralleles ſur lesVerres concaves,
en fortiront plus divergens , &
tomberont par ce moyen autant
ſenſiblement divergens ſur l'humeur
criſtalin , comme fi l'objet
eſtoit au Foyer Virtuel de ce Verre
230
Extraordinaire
L
concave , c'eſt pourquoy leur
Foyer ou Image de l'objet fera
retardé & porté plus loin , &
juſques ſur la Retine auffi diftin
ctement que ſi l'objet eſtoit forr
proche, car les Bezicles à Verres
concaves corrigent par leur de
gré de concavité le degré de
trop de convexité de l'humeur
cristalin , mais ces Verres concaves
font ſur la Retine par les
rayons divergens une plus petite
Image, & l'objet eſtant veu ſous
un plus petit angle , paroiſt toû
jours plus petit lors qu'on ſe
fert d'un Verre concave.
Pour voir par expérience
qu'un Verre concave , allonge
le Foyer d'un Verre omphaloptre,
c'eſt à dire convexe de deux
coftez comme eſt l'humeur
,
du Mercure Galant. 231
criſtalin,préſentez unVerre Omphaloptre
directement au Soleil,
& recevez au derriere de luy fur
un Papier ou Carton ſon Image
ou Foyer de ces rayons , & marquez
la diſtance de l'Omphaloptre
au Foyer Solaire ; mettez
au devant de ce Verre Omphaloptre
un Verre concave , vous
verrez que le Foyer Solaire en
ſera bien allongé & porté beau-
-coup plus loin.
Lors que les Miopes veulent
lire , écrire , ou bien conſiderer
un petit objet , ils l'approchent
de l'oeil juſques à tant que ſes
- rayons tombent ſi divergens , que
leur concours ou Foyer ſoit pro .
longé juſques ſur la Retine. Par
la meſme raiſon pour voir dif.
tinctement les objets éloignez
232
Extraordinaire
avec une Lunete d'approche , ils
la racourciffent , en approchant
du Verre objectif le Verre concave
, pour faire tomber les
rayons des objets fort divergens
ſur le cristalin , afin qu'en retardant
leur concours leur Foyer ou
Image ſe faſſe plus loin juſques
fur la Retine qui eſt l'organe formel
de la veuë , & non pas la tunique
Choroide , comme le prétend
l'illuſtre M Mariote de l'Académie
Royale des Sciences ,
Je la confiderecomme la feüille
d'Eſtain, ou le morceau de Veloux
noir , que l'on met au der.
riere des Miroirs , & au deſſous
des Criſtaux taillez pour arreſter
la lumiere & les eſpeces des objets
; en effet à caufe defa noir.
ceur ellen'eftpoint propre à être
du Mercure Galant.
233
la table d'attente pour les couleurs
qui n'ont rien de réel hors
de l'oeil ; de plus comme les choſes
noires s'échaufent & brûlent
facilement au Foyer d'un Verre
convexe , elle feroit bientoſt alterée
& renduë inutile ; c'eſt
pourquoy l'oeil eftant au grand
jour, elle ſe reffent de la chaleur
de la Retine, ſe rarefie, & en s'étendant
s'éloigne davantage de
l'humeur criſtalin , & allonge la
configuration de l'oeil , quoy que
les Phiſiciens ordinaires attri
buent aux Avances ciliaires cette
diférente configuration de
l'oeil, qui procede auſſi de ce que
la prunelle ſe reſſerrant au grand
jour , & lors que nous regardons
attentivement les objets proches
& petits , elle comprime l'hu-
V Q.deJuillet 1682 Y
Ad
234
Extraordinaire
meur criſtalin , enfle & convexe
davantage ſa partie anterieure,
&pouffe mefme un peu la partie
pofterieure au fonds de l'oeil.
J'ajoûte que s'il ne ſe fait aucune
viſion des eſpeces qui tombent
fur la Retine à l'endroit où le
nerfoptique commence à s'épa .
nouir, ce n'eſt pas par le manque
de Choroïde ; mais parceque
les fibres de la Retine qui ailleurs
font couchez le long de la
concavité de l'oeil , font en cet
endroit la dreſſées contre les ob .
jers, &c.
Les Miopes & ceux qui ont la
veuë tendre, ſe ſervant de Lunettes
fans verre , à un trou d'environ
un quart de ligne de diametre
, conſerveront leur venë, ne
la fatiguerontpas, liront de plus
duMercure Galant.
235
loin , & verront les caracteres
plus gros & plus diſtincts ; les
anciens les appelloient Dioptres.
Les Miopes apprendront icy
un ſecret fort confidérable; c'eſt
que pour bien voir les objets éloi .
gnez avec une grande Lunette
d'approche , ils en doivent ofter
tous les verres oculaires , car en
mettant l'oeil aprés le Foyer du
verre objectif , ils découvriront
beaucoup plusde champ ou étenduë
de Païs , & verront tout à la
fois plus grand nombre d'objets
quileur paroiftront plus grands
&mieux terminez .
1
Quelques Mioptes deviennent
Presbites,&voyent diſtinctement
-les objets éloignez , parce qu'avec
l'âge l'humeur criftalin en ſe
defeichant ſe déconvexe & ap-
Vij
236
Extraordinaire
1
platit peu à peu ; c'eſt pourquoy
les Miopes vieillards lifent fans
Beſicles , & voyent distincte.
ment les objets éloignez avec un
Verre concave.
Les Miopes avec un Verre len.
ticulaire , voyent les objets éloignez
diſtinctement peu agrandis,
mais renverſez .
Les Miopes liſent plus commodement
à un jour médiocre
qu'au grand jour , & meſme à la
brune , lors que ceux qui ſe piquent
d'avoir la veuë excellente
ne peuvent difcerner fi le papier
eſt écrit. En voicy deux raiſons.
1 °. Comme ils ont beſoin des
rayons ſenſiblement divergens ,
ils approchent l'écriture fort
prés de l'oeil. 2º. Leur prunelle
eft ordinairement plus grande;
duMercure Galant . 237
c'eſt pourquoy par l'une & par
l'autre de ces deux raiſons , leur
oeil reçoit bien plus grande
quantité de rayons. Figure I. de
chaque point de l'objet, que l'oeil
des Presbites, leſquels pour voir
distinctement ont beſoin de
rayons paralleles , ou du moins
tres-peu divergens , &pour cela
éloignent davantage l'écriture,
& d'ailleurs leur prunelle eftant
plus petite ne reçoivent pas une
ſuffifante quantité de rayons qui
font tres- foibles pendant labru.
ne, pour faire une ſenſible impreſſion
ſur la Retine.
Les Presbites, vieillards, & tous
autres qui voyent diftinctement
les objets éloignez , & confufément
les objets qui font fort pro.
ches , ont l'humeur criſtalin trop
238
Extraordinaire
peu convexé , ſa ſuperficie anterieure
du coſté de la prunelle,
eſtant ſegment d'une grande
Sphere ou Globe , & par conſéquent
de longue portée ou
Foyer.
Les Presbites voyent diſtinctement
les objets éloignez , parce
que les rayons de chaque
point de l'objet tombant phyſiquement
paralleles ſur l'humeur
criftalin, leur concours,Foyer ou
peinture,eſt portéejuſques ſur la
Retine , qui en eſt plus éloignée
que ſi l'humeur criſtalin l'eſtoit
• plus gonfle ou arondie .
Les Presbites nepeuvent voir
diſtinctement les objets qui font
fort proches , parce que les
rayons de chaque point de l'ob.
jer tombent fort diuergens fur
duMercure Galant. 239
l'humeur criſtalin , les refrations
qu'ils fouffrent en le pe
netrant, en retardent le concours,
réünion ou foyer , & le portent
plus loin que n'eſt la concavité
dufonds de la Retine, laquelle
nefetrouvant pas aſſez éloignée
de l'humeur criftalin , tronque
les radiations ou pinceaux optiques
de chaque point de l'objet,
qui font encore dans la confu,
ſion & tous pele-mêles ; c'eſt
pourquoy ils ne peignent fur la
Retine aucune peinture diſtincte
de l'objet ſi proche de l'oeil.
Voila en meſme temps la raiſon
pour laquelle ils éloignent l'écri.
ture qu'ils veulent lire , afin d'en
recevoir les rayons paralleles ,
dans le meſme temps qu'un
Miope l'approche fort de l'oil
240
1950
Extraordinaire .
pour en recevoir les rayons di-
COD
001
Pour remedier à ce défaut de
la veuë des Presbites , & leur
faire voir diftinctement les ob .
jets qui ſont fort proches , il faut
mettre au devant de leurs pru
nelles des yeux , des Bezicles ou
ſimples Lunettes Binocles à Verres
plan- convexes , ou convexes
de deux coſtez , qu'on appelle
Omphaloptres ; car les rayons
des objets qui font peu éloignez
de l'oeil tombant ſenſiblement
divergens fur ce Verre convexe,
en fortiront peu divergens &
auſſi phiſiquement paralleles que
ſi l'objet estoit bien éloigné ;
c'eſt pourquoy des rayons de
l'objet fort proche qui tombent
ſenſiblement divergens ſur l'hu
meur
duMercure Galant. 241
meur criſtalin, eſtant rendus paralleles
par la refraction qu'ils
fouffrent en penetrant ce verre
convexe, leur foyer eſt racourcy
juſques ſur le devant de la Rerine,
& y forment la peinture do
l'objet proche aufſſi diſtincte, que
Phumeur criſtalin eſtant feul y
forme celles des objets éloignez;
car le degré de convexité du
verre de Bezicle , corrige le degré
de convexité qui manque
àl'humeur cristalin , & arreſte
diſtinctement ſur la Retine le
foyer ou l'image des objets qui
font fort proches de l'oeil , &
dont les rayons de chaque point
font fort divergens & de long
foyer. Pour voir par expérience
qu'un Verre convexe racourcit
le foyer d'une omphaloptre ou
Q. deJuillet 1682. X
۱
142
Extraordinaira nh
verre convexe des deux coſtez
comme eſt le criſtalin , préſentez
Yomphatoptre au Soleil,& recevez
au derriere de luy fur un papier
ou carton fon image ou foyer
de ces rayons, Mettezeau de
vant decette Omphaloptre un au
tve verre convexe. Vous verrez
que le foyer folaire on fera bean
coup racourcy, ni neneve
Bien ſouvent les Presbites deviennent
Miopes dans une com.
plexion plus humide , l'humeur
cristalin ſe renflant & arrondif
fant; de meſme qu'avec les fues
de Chelidoine &d'Eufraife, onretablit
promptement les humeurs
épanchez des yeux crevezoch
Dautant qu'il y a des perfonnes
qui voyent également bien
les objetsproches, &puis les ob
duMercure Galent. 245
jets éloignez ; il faut neceſſaire.
ment qu'ils ayent l'humeur crif
talin mediocrement convexe, &c
toute la machine de l'oeil fort
fouple , pour eſtre facilement
comprimé , afin que la partic
antericure de l'humeur criſtalin
devienne plus convexe , ou que
l'ail en s'allongeant en éloigne
davantage la Retine juſques a la
longueur du foyer des rayons
ſenſiblement divergens de l'objer
qui eſt fort proche ; & su
contraire pour voir distincte
ment les objets éloignez , il faut
que la partie anterieure de l'geil,
s'applatiſſe par le relâchement
de compreſſion , ou que la Reti
nes'approche davantage del'humeur
criftalin , car pour voir diftinctement
les objets proches&
X ij
244
Extraordinaire
les objets éloignez , comme la
longueur du foyer de leurs
*rayons eft diférente , il faut ne
ceſſairement que ce foyer lou
peinture de l'objet aboutiffe toûjours
precifément fur la Retine.
Je remarque en paſſant que
fouvent ceux qui ont la veuë excellente
& longue, deviennent
Miopes , changeant avec la Barbe
en meſme temps de degré de
veuë &de ton de voix.
Si quelqu'un fe plaint quej'aye
mêlé de Theoremes Mathematiques
, je luy répondray avec
Galien, Lib. ro. cap . 12. de off.
part. Non lubens,fed folum ut Dei
jussufatifacere, Mathematicis Theorematibus
fum unik moe
Je finis cette premiere Partie
de monTraité des Lunetes, par
X
du Mercure Galant. 245
les Remarques fuivantes fur le
nom de leur Inventeur , & fur
leur anciennetéόλις εις τρόμος
L'Inventeur des Bozicles ou
fimples Binocles , n'a pas eu la
fatisfaction d'immortaliſer ſon
nom, il n'a pas auſſi eu le déplaifir
, comme Daniel Chorez , de
voir un Docte de l'autre fiecle,
qui pour avoir , à ce qu'il dir,
dans ſa Dioptrique Oculaire pag.
196. veu dans la Lune, par un
moyen tout particulier , juſques icy
inconnu , s'eſt transformé en efprit
de lumiere , dans les Vignetes
de ſes Viſions, pour prendre
le titre de premier Pere des Bi
T
Quant àl'ancienneté des Bezices,
qui font les Lunetes les
plus utiles& les plus neceſſaires ,
X iij
246
Extraordindite
comme auſſi le principe de tou
tes les autres, il eſt tres certain
que ny les anciens Hébreux, ny
lesArabes , ny les Grecs, ny les
Romains, n'ont eu aucune con.
hoiffance de ce ſimple & admi
rable Inſtrument. C'eſt pourquoy
je rapporte leur Invention
en l'année 1285. En voicy les
preuves. Frere Giordan da Ri
valto , Maistre General de l'Ordre
des R. F. Preſcheurs , qui
mourut à Pife en l'année 1311. &
duquel de Dictionnaire Della
Crafta , fait mention au motorchiale,
parla de l'invention des
•Lunetes àmettre ſur le nez, dans
une Prédication qu'il compoſa
en Kannée 1305. Voicy ſes termes.
Non è ancora, venti anni, che
fitrovo l'arte di fare li Occhiali, che
duMercure Galant. 247
funzo vedere bene , che è una delle
migliori arti , e delle più neceffaris ,
-the il mondo habbians zol yn anp
25 / Voicy Hiftoire du fait tirée
dela Chronique Latine du Conwent
des R. F. Preſcheurs de
Sainte Catherine à Piſe , écrite
en Parchemin par Frere Barthel.
Dafan Concordia, qui y mourut
ført âgé en l'année 1347. Cet
Ecrivain parlant dans la 16.
ifqüille de F. Alexandro Spina, qui
mourut en l'année 1313. dit que
Vir bonus & Modeßus, quacunque
vidit, audivit facta , fcivit &
facere; Ocularia ab aliquo primo
facta, & commanitare nolenti , ipfe
focit,& communicavit corde hi
tari ,& volenie. Ingeniofus in corporalibus
, in dumo Regis eternifecis
fuo ingenio in manfionem
C
X inj
248
Extraordinaire
1
Bernard de Gordon Dauphinois
, qui par fa grande connoif
fance & experience en Medeci
ne , fut appellé Fleur-de-Dys
compoſa en l'année 1305. un Livre
intitulé , Lilium Medesinag
dans lequel en la page 147. d'aq
ne impreſſion faite à Paristenp
l'année 1542. il parle d'un Colm
lyre en ces termes ; Eft tante vir
tutis , quod decrepitum faceret legere
litteras minutas abſque ocularibus .
Quide de Chauliac auffi Profeffeur
de Medecine à Montpellier
, compoſa en l'année 1363 ..
La Grande Chirurgie, dans laquelle
apres avoir donné pluſieurs remedes,
contre la foibleſſe de laVeuë,
ajoûte: Si ces remedes &autresfemblables
ne profitent de rien, il eft neceſſaire
d'avoir recours à l'usage des
Rezicles.
duMercureGalant. 249
Enfin M Menage dans fon
Livre intitulé , Amenitates Furis
Civilis , rapporte un Acte du )
Parlement de Paris du 12. Non
vembre1416. qui porte que Nicolas
de Baye , Seigneur de Gie,
préſenta au Parlement une Re
queſte , en laquelle on trouve les
mots fuivans. Car auffi estois jeaucunement
débilité de ma veuë , & ne
pouvois-je pas bien enregistrer fans
avoir Lunetes , &
434
On trouvera dans les autres Mercures
Extraordinaires lasuite de ce
docte Traité , dans lequel M² Comiers
, fi connu dans l'Empire des
Lettres, fatisfera pleinement les
Seavans&les Curieux ) 12:30
propres we bolige
250 Extraordinaire w
2
25525-52255-525222
SENTIMENS SUR LES
Questions proposées dans le
dernierExtraordinaire!
Quel choix doit faire un Homme,
qui ayant le coeur fenfible
à l'eſprit & à la beauté , n'eſt
point affez riche pour vivre
• fans chagrins avec une Pers
ſonne qui ne luy apporteroit
aucun bien. On luy propofe
trois Partys pour le Mariage,
une Fille tres - riche, mais tres
laide,& fans eſprit , une autre,
belle , douce , tres- fage , mais
ſans bien , enfin une troiſieme
, qui par ſon eſprit ſe fait
admirer de tout le mode , mais
qui n'a ny bien, nybeauté..
duMercure Galant. 251
d'esprit apour moy de Toute Fille d'efprit
AlaBelle,je rendsfort volontiers les
mes.2992
Mais fur peme d'avoir quelquefois du
chagrin,
Je ne dois épouser personne, le
Qui des Ecus àfoiſon ne me donne;
Ainsi le vent mon malheureux deftin.
Suposons cependant qu'Iris , Philis,
Silios yol an imp supol
Attendent aujourd'huy mon choix.
Si l' Hymen touche mon envie,
Jepuis me marier avec l'une destrois.
03
Iris a de grands Biens, mais elle est beste
Laide
Aces defauts point de remede.
Philis est belle, douce, & tres-fagesur
tout,
Maisfans argem.Ah, quel rakoust!
252
Extraordinaire, w
1.
Silvie a de l'eſprit , de l'esprit comme un
Ange,
Mais queuse,& laide en contr'échange.
Alaquelle des trois donneray-je mon
coeur ?
DequelqueAvare, Iris peut faire le
bonheur SAP
Un riche Partisan paſſera bienſa vie
AvecPhilis . Reste Silvie.
Ilfaut auſſi l'expédier,
L'e
envoyer
l'Académie,*
NON
galante,
Etpour vivre content, ne me point marier
RRRRRRR?R???
15
On a demandé , ſi le ſentiment
de Phinée dans l'Opéra de
Perſée , eſt d'un veritable
Amant , lors qu'il dit , qu'il
aime mieux voir Andromede
A devorée par un Monſtre , qu'-
entre les bras de fon Rival .
du Mercure Galant.
253
L
すい
'Amour meurt dans mon coeur, la
Rage luy fuccede;
J'aime mieux voir un Monſtre affreux
Devorer l'ingrate Andromede,
Que la voir dans les bras de mon Rival
heureux,
83
১
MAICH
Voilaceque Phinée a dit dansſa colere,
Et ce que tout autre auroit dit .
Qu'on ne s'y trompe pas ; un Amant
qu'on trahit,
Eft en droitde tout dire, est en droit de
tout faire,
Etfans craindre d'en user mal,
Peut voir avecplaifir périr une Infidelle,
Ce n'est pas que cela ſe doive à cause
d'elle,
Maisseulement pourfaire enrager un
Rival.
Un Cavalier foûtient , que l'amourieſtant
un tribut qui
eſt deu à la Beauté , celuy
254
Extraordinaire
qu'on a pour unejolie Femme
nedoit point empeſcherqu'on
n'enprenne encor pour toutes
les Belles que l'on rencontre.
Un autre prétend que quand
on aime une Femme, l'amour
que l'on a pour elle doit enlaidir
tout le reſte du beau
Sexe à l'égard de celuy qui
aime. On demande quelle
opinion eſt á préferer
L
Amour est un tribut qu'on doit à
LaBeauté,
Iln'est riende plus veritable;
Mais du moment que l'on est enteſte
D'uneDame qu'on trouve aimable,
Ou quileft effectivement,
'Doit-on s'en tenirlà , voir indiferem-
?
Etjamais ne rendre les armes
Acelles qui n'ont pas moins d'attraits,
moinsde charmes? waste&
du Mercure Galant. 255
Efciljufte en unmot devouloir onlaidir,
Enfaveurd'un Objet, tout le reste du
Ade
Sexe?
telsſentimens jeenepuis aplaudir.
S'ilfaut les condamner,je demeure perhits
plexe.up
Enfin d'un& d'autre coffesi
Je trouve dupour&du contre,
Quitour-a-tour me tiennent arrefté.
Quefaire donc en ce rencontr
Jeréponspar undiftinguo.
rencontres
Se cetObjetquevous aimez vous aime,
.د
Aimez-le uniquement ,i i'en uſerois de
is name bodies ma??????
parnego.
Sil'onon ne m aimoit
On a demandé le Portrait d'un
Homme qui vit parfaitement
heureux.
L
'Unmet tout son bonheuràconduire
uneArméessen Limati
L'autrefait tout le ſien de fleurir an
Barreau, ada shanive
256
Extraordinaire
2
Et de ces deux endroits la grande Re.
nommée
Debite ( j'en conviens) ce qu'elle a de
plus beau.
Cependant quand jeſuis couchéfur la
zida Fougerases s
راوج
Entre les bras de ma belle Bergere,
César,& Cicéron, quoy qu'on diſe des
cos ,deux
N'ont jamais esté plus heureux .
On a demandé quelle eſt l'Origine
du Droit.
Si la fort I laforce, comme onlecroit,
Eft chezbeaucoup de Gens ce qui regle
leDroit,
LeDroit a prisfon origine
Dés le jourqueCain, d'humeur un pen
mutine,
Et s'eſtant trouvé le plusfort,
Mit l'innocent Abelà mort .
du Mercure Galant. 257
On a demandé quelles font les
qualitez neceſſaires pour la
Converfation.
TEfte-à-teste avec vous, mon aimable
Les affaires d'Etat, & de l' Académie,
Nous entretiennent peu ; mafeule paſſion
Fait, lors que j'ensuis crû, la conver-
Sation.
Ainsi, pour nous tirer avec plaifir d'affaire,
Cequi nous est leplus à tous deux neceffaire,
Est, àmonsens, un grand& réciproque
amour. ه
Quandd'une & d'autre part latendreſſe
eft extréme,
Sans s'ennuyer on paſſe tout le jour
Ase redire tour-a-tour,
Aimez-moy, je vous aime; aimez moy,
je vous aime.
Q.deJuillet 16825
1 DAUBAINE,
Y
258 Extraordinaire
Des Dames ayant fait une Partie
de Campagne pour aller à Beaulieu,
Ifurent menées par un Cocher maladruit
, qui les verfa. C'est ce qui a
donné lieu à ces Vers.
RONDEAU.
Nbeau Lieu, l'aimable ſejour,
Prayment vous tener vostre Cour,
Ainsi que des Reynes Gilletes.
Vousfaites vers & Chansonnetes,
Etpeut-estre parlez d'amour.
83
Mais est-it vray qu'en un détour
Voftre Cocherprit malfon tour,
Qu'il verſa Femmes & Filletes
En bean Lien ?
Dre n'estois-je à ce Carrefour! Mid
Faurois veu genoux enplein jour,
Et.... tout-bean,Rimeur defornetes,
duMercureGalant. 239
Point de paroles indifcretes
Respect, tu m'arreftes tout courth
En beau Lien.
LI BLOY, S'des Granges, Avocat
* smp 30 au Préfidial de la Fleche
552525-2525222-252
LE ROSSIGNOL,
TA ET L'HIRONDELLE.
FABLE
U
Njour, cheminfaisant, uue jeune
Hirondelle
S'arresta pour ouir les accens langoureux
D'un jeune Roffignol, mais des plus
amoureux, S
Quiſe plaignoit ainſi des froideurs de
faBelle.
Philomele, pourquoy dédaignez-vous
mes voeux?
Pour vous ſeule mon coeur foûpire,
4
Yij
260. Extraordinaire
Cruelle, voulez -vous que je fois malheureux
Au dela de ce qu'on peut dire ? cid
Ah, vous ne ſçavez pas à quel point
un Amant, vemos mus vio
Lors qu'il aime parfaitement, AL
Souffre d'un dédaigneux filence.c
Ayez d'autres rigueurs , inſultez ma
langueur,
Vous ne ſçauriez autant me déchirer
lecoeur,
Que le fait votre indiference.
83
L'Hirondelle pour lors apprit comme
aux abois.
Letendre Roffignolsous unſombrefeuil-
Lage,
Aſes cruels soucis ajustoitſon langage,
Rienn'estoit, horssa Belle, inſenſible à
favoix.
Les feuilles, l'air , & l'eau, n'estoient que
dans la craintes Supers৮৯১ ১৯
De troublerpar leur bruitſon amoureuse
plainte
du Mercure Galant. 261
Enfin, pour luy livrer les plus rudes com-
2 bats,
Philomele s'envole, &ne luy répond pas.
Ny mesme ne prendpas la peine
De voir d'un regardde pitié
Satrop fincere, trop tendre amitié.
Barbare, cruelle, inhumaine,
S'écrioit -il, de momens en momens ;
Mais comme elle estoitſourde àses gé
miſſemens,
Illalaiſſe & s'abat aupres de l'Hirondelle
(Maisfans s'appercevoirqu'il est à coſte
d'elle)
Sur les aimables bordss
D'uneOnde clairaGopurenatu
Pour mieux s'abandonner àſes cruels
transports,
Et déplorerſon avanture.
Ases gémiſſemens l' Hirondelleſent bien
Qu'elleseroit d'humeur àfaire
Avec un tel Amant un voyage à Cy
there
Leplumage , la voix , la taille , & le
maintien,
262 Extraordinaire
Toutdans ceMalheureux luy paroift
admirable
Ah! diſoit- elle, iln'eſt pas raisonnable
Que cette Bellevainement a)ali
Falle foûpirer cet Amant
Ah! fans-doute elle est infenfible,
Puis qu'il n'eſt pas poffible
De réſiſter aux merveilleux amas
De ſes charmans appas.
Pour moy, qui me rens attentive
Juſques à la moindre action
Que fait le Roffignol icy fur cette
Rive, r
JeJe ſens beaucoup d'émotion,
Et par là je vois queje l'aime.
Dis-moyde grace, Amour,l'aurois-tn
Que je luy parlerois enfaveurde moymemes
aten
Quandpour un autre Objet ſon ardeur
eft extréme
Fais -luy connoiſtre au moins qu'ainfi
efan Pasvoulu и тра
twob wiq
duMercure Galant. 263
horne wal and
Dans ce doux entretien quesefait l'Hi-
Ellese voit dans l'Onde, &se trouve
affez belle 49
Pour plaire au Roffignol. Elle avance
fes pas,
Etalant defon mieux te pou qu'elle a
dappas,
Et luy dit J'écoutois cette plainte
amoureule nom
Qued'une voix melodietfe
Oyfeau trop malheureux , vous expofez
icy quondanist
Jefçay quel eft voſtre ſoucy;
Amourpar toutdans ton Empire,
Depuis que l'on y vit , & que l'ony
foupire, da naralay
ony FODL
N'ajamaisveud' Amans plus àplaindre
que vous.
Philomele, il eſt vray, chante bien, eft
bien faite,
Et pourroit vous caufer le deftin le
plus doux;
264 Extraordinaire
Meſme elle eſt digne qu'on la traite
Dela Vénus des Oyſeaux.
J'en puis parler ainſi ; depuis peuje l'ay
veuë
Qui ſe deſaltéroit au courant de ces
eaux.
Un ſi charmant Objet me donnant
dans la veuë,
Je faifois mon plaifir de la bien con
templer.
A nevous rien celer,
J'en fus toute ſurpriſe;
кого?
Si mon Sexe changeoit , j'en aurois
l'ame épriſe.
Mais, que dis-je! elle auroit mille fois
plus d'appas,
८
Jenepourrois l'aimer, elle ne m'aimant
Pas.
Ah! gentil Roffignol, ce ſeroit grand
dommage
De conſumer le printemps de voſtre
âge
Parmy les ſanglots & les pleurs ,
Lors
dis MercureGalant. 265
Lors qu'ailleurs voſtre amour peut
trouverdes douceurs .
Il vaut mieux les gouſter , l'âge vous
yconvie.
Voyez-vous, on n'a dans lavie
Qu'autant de plaifir qu'on s'en fait.
Cherchez donc quelque bel Objet
Qui ſoit d'une humeur moins ſevere
Que la Beauté qui ſçait en vain vous
plaire.
Portez ailleurs vos ſoûpirs & vos
voeux,
Briſez vos fers,& fortez de ces lieux;
En amour on tient que l'abſence
Eft de ſes maux le ſeul foulagement .
On dit qu'elle amoindrit l'exceſſive
fouffrance
Que cauſe uneBeauté qu'on aime ten
drement.
La raiſon eft qu'Amourdans les yeux
d'uneBelle
Place les traitsdont il perce le coeur;
CeDien ne fera plus voftre cruel vain.
queur,
Q.deJuillet 1682. Z
266 Extraordinaire
Quand vous ne verrez plus les yeux de
Philomele.
Ne balancez donc point à ſuivre mon
in bou
15
2011 зир Safiueaanning
Je ſuis jeune, il eſt vray, mais j'ayveu
du Païs,
Et je ſerois encore au ſein de l'ignosurance,
Si je n'avois rien veu , ſi je n'avois
jamais
DECOOLLS Jasmeg
Quitté le lieu de ma nnaaillance.
Nous voicy dans l'Automne , en ce
temps oùje fais
Ordinairement un vo
25] OD AG
unvoyage,
Venez avecque moy; je gage
Quevous ne sçauriez choifir
Une Compagne plus joyeuſe,
Et qui putmieux que moy
déplaifir.
bannir
Amour, Amour, que je feroisheureuſe,
M
Sijepouvois divertir quelquefois
L'Oyſeau le plus parfait qui vive fous
vos Loix!
duMercure Galant. 267
Ah!dit le Roffignol, n'accablez poi
notreawe
point
Qui ne ſouffreque trop du poids de
waves douleurs hali nasi aint el
Vouloir mettre fin à mes pleurs ,
C'eſt faire une injure àama flame
Parlez -moy d'aimer conſtamment,
De courir à la mort plutoſt qu'au chan- a
gement,
1912
C'eſt là le moyen de me plaire,
Et l'obligeant difcours que vous me
deviez faire, stm A to zqmas
Selonvous, ce n'eſt point un crime de
changer, youtoupозив хола
Mais, qui voudroit jamais avec yous
s'engager?
Non, non, je ne veux pas qu'u undépit
teméraire
Me vienne ſecourir au milieu
maux;
eft Bienloin de f
de fuir
demes
Objet qui croйы
monrepositus auld la
Jemeſens undefir extreme or
Z ij
268 Extraordinaire
Et de l'aimer, & de le voir,
Juſqu'au temps que le Nocher blême
Mepalle fur le Fleuvenir
Si ma chere Maîtrellega
Ceſſoit de mépriſer mes feux,
Quelle feroit mon allégreffe!
Les Dieux dedans les Cieux
Avec leur doux Nectar, & leur chere
Ambrofie,
Ont un moindre bonheur que celuy
quej'aurois.
Ah, dans la grande ardeur dont mon
ame eſt ſaiſie,
J'aimerois à ſouffrir , & joyeux je dirois;
Jebrûle pour l'objet le plus parfaitdu
monde.
Tu le peux affurer, Aftre Pere du jour.
Lors que tu fais le tour
De la terre &de l'onde,
Vois-tu dans quelque endroit de ce
vaſte Univers
Rien qui ſoit comparable
APhilomele que je fers ?......
duMercureGalant. 269
Tu ſçais qu'elle a la voix beaucoup
plus admirable
Que cellequ'on remarque au Cygne
agonifantisM
Et que le charme ravillant
Desplus redoutables Syrenes ;
Qu'elle a l'eſptit délicat& fleury,
Autant que s'ileſtoit des trois Graces
nourry.
Tuvois tous les jours que fans peines
Elle ſçait varier ſon chant,
Mêler le doux au grave, & l'agreable
au grand;
Qu'elle eſt adroite, & fçait tout tres.
bien faire;
Qu'elle poſlede mille appas
70
Qui n'ont rien de vulgaire,
Etqu'elle a le ſecret de pouvoir toujours
plaire.
Mais enfin fondefaut , c'eſt de ne m'ai-
Ainsi le Roffignol, pourplaire à Philomeless
up alamo
Zij
270 Extraordinaire
Déplairoit, s'il pouvoit, àla jeune He
oldmondelldov Novsplantov
Etparoîtroitun
10
laidOyfeat.M
Qui nefçaitpasfon monde, &n'est par
Damoiseau,
Parla raison, que c'est choſefacheuse
Pourune Femelle amoureuse,
De voir qu'on rebuteſon coeur,
Sur tout quand la premiere d la premiere elle afair
Sur
3
quelquese avance .
cefait Hirondelle en ſoy
ment penſe,
meure
Quese defefperer, &se mettre en fureur,
N'estpas un bon moyeenn ddee le rendre
volage.
12
Ainsi sans se décourager00 20
Elleluyparleencor de voyager.
Et luydit; Mais enfin, Roflignol,
dommage,
c'eſt cel
AGILSTE
Que vous ,qui chantez fi bien,
Sçachiez fi peu que rien .
Voyagez avecmoy; vous ſçaurez quelque
choſe,
Ce qui ſans doute ſera cauſe
Que vous pourrez toûjours
du Mercure Galant. 271
Atoutpropos embellir vos difcours,
Etpour voſtre ſçavoir, voſtre aimable
Maitrelle bial Nu sioishorng 13
Aurafans-doure égard à l'ardeur qui)
vousprefle.
છછછછછછછછછછછછછRAFAR
એમ4469IP ,
Le Roſſignol en ce momen
Luy répondfièrement,
Jeune Hirondelle, Mamie,
Qui faites tant la jolie,
En vain vous vous flatez de m'avoir
autre que moy qui ja
pour Amant;
S'il n'eſt d'a jamais
vous adore,
eitre éter.
۹۶
Vous pourrez, je vous jure, eſtre
nellement
Veſtale en tout Pais, ſi vous l'eſtes
encore .
Rengaînez VOS ſoupirs , vos regards ,
vos ardeurs ,
Ou plutoft coquetez ailleurs
Cherchez-vous un Amant qui ſoit
mieux voſtre affaire,
r
Zin
272 Extraordinaire
Qui veüille en tout Pais voyager avec
Qui réponde à vos feux, qui ſoit traitable
& doux
A l'objet que je ſers eft-ce un moyen
de plaire,
QuDuee de courir le Monde àdeffeinde
routvoir a
Puis qu'ave tout voſtre ſçavoir
Vous déplaiſez ſi fort, qu'on ne peut
vous entendre?
Vous eſtes trop ruftique, &vous faites
pitić.
Il vaut bien mieux moins entreprendre,
Ou ſçavoir moins de la moitié,
১৮0
Et le peu que l'on ſçait le faire bien
paroître
Que ſert detant ſçavoir, ſans un heureuxdebit?
Onn'eſt connu qu'autant que l'on ſe
faitconnoître. Celadit,
LeRoffignol laiſſe-là lHirondelle,
Etva chercherſa chere Philomele.
DE LA SALLE, St de l'Eſtang.
du Mercure Galant. 273
Je vous envoye la suite de ba
Lingue Univerſelle que vous espériez
trouver dans le dernier Extraordinaire.
Elle en eust fait un des
principaux Articles , fi le Paquet de
M² de Vienne -Plancy m'cus,t esté
vendu affez toft pour l'y employer.
-Fe bay reçen Seulement depuis fix
femaines, & ne vous puis dire par
-quel accident ilestdemeurédeux mois
-en chemin.
274 Extraordinaire
8
52522-5525822-2555
eboburbiobaliliebnos
DE CONTINUATION
-uld'ouverture de l'Ecriture,&
de la Langue Univerſelle.
Dodo AlFan-Clerantom4 לוכ
2
J
2
E ne feay pas, Monfieur, fe
me trompe , mais je fuisper
Tuadé que dansl'Ecriture des premiers
Hommes , les cara teres ne
dépendoient point des paroles,
& exprimoient immédiatement
les penſées . La ſource de cette
opinion , vient de ce qu'il eſt plus
aiſe de figniffier par une ſeule figure
, ce qu'on penſe , que par
les lettres & les fillabes qui compoſent
les mots. La premiere exprefion
ne demande que l'in
du Mercure Galant. 275
vention d'un caractere tel quel ,
au heu que pour parvenir à la ſeconde
, il a fallu de l'étude , de
Pobſervation , &de la difcuffion,
& enfuite de l'aplication de plu-
6
C
On voit des reſtes de cette pre,
miere Ecriture dans les Obélif
ques des Egyptiens , & dans les
anciens Livres de la Chine. Un
Dragon , un Lion , un Coq, s'y
expriment par les figures qui repréſentent
ces Animauxau naturel
; une Montagne , par par une
grande boffe entre deux moindres
, à cauſe que les Montagnes
ont d'ordinaire pluſieurs érages;
un Rov , par un ocil ouvert au
bout d'un Sceptre , parce qu'nn
Roy doit veiller au bien de, ſon
Erat ; le Soleil , par un Cercle
י פ ת
276 Extraordinaire
un
avec un point au milieu , à la fa
çondenosAftrologues ; la Lune,
d'une maniere approchante ,
Coeur, ſelon ſa figure naturelle,
une Porte , felon ſon artificiel
le, & ωση τμος απισερ
On ne ſçait pas qui fut l'In
venteur de ces Caracteres en
Egypte ; mais on convient que
Fohi , Royde la Chine , en don.
na l'uſage à ſes Peuples , un peu
plus de deux mille ans avant la
Naiſſance de noſtre Sauveur , au
raport du Pere Semedo , & pres
de trois mille ans , ſuivant le Pere
MartiniusJéſuites , qui ont longtemps
demeuré à la Chine , &
peu accordans ſur le régne de ce
Ces Caracteres naturels ef
toient beaux , & aifez à entendre,
du Mercure Galant. 277
- mais ils estoient difficiles à figu-
-rer; & cette difficulté a fans.
doute caufé leur changement.
Les Chinois ne s'en fervent plus.
-. Ils employent préſentement un
quarré pour figurer le Soleil , au
lieu du rond; une efpece de trident
fans queuë , pour marquer
une Montagne ; une croix avec
deux ligne droites,l'une au deſſus,
l'autre au deflous , pour ſignifier
un Roy; & d'autres figures bizares
& inconnuës pour repréſenter
les Animaux. Ils ont à la
verité , gardé le caractere du
Coeur , celuy de la Porte , &
quelques autres encor, mais en
bien petit nombre ; & on peut
dire qu'ils ont perdu l'avantage
qu'ils tiroient de la reſſemblance
des choſes , pour la facile inter-
M
t
278 Extraordinaire
200
etation de leurEcriture. Neant.
moins ils ont toujours'retenu l'uſage
des Pinceaux pour lamar
ןופ 5
quer , & comme nous compofons
toutes fortes de nombre avec
neuf chifres & le zéro ils for
ment tous leurs caracteres avec
neuf fortes de traits ,& quelques
points ou petites figures, au ra.
port de Semedo.
Xib
expriment
un par une ligne droite couchée
; dix, par deux lignesdroites
en croix ; Terre, par une croix
avec une ligne aauu deflous ;
banoil
; Roy,
par l'addition d'une ligne au
deſſus de la figure qui fignifie
Terre ; & les Perles , les Pierreries,
& les Diamans , parde diférentes
poſitions de points au deſſus , au
deſſous, on a coſte. Des lignes
qui forment le caractere deRoy,
duMercure Galant. 279
1000
& les raiſons qu'on peut donner
de la liaiſonde ces choses , font à
mon avis que la Pierre prétieuſe
eft entre les autres Pierres , com .
me un Roy entre les autres Hom .
mes ; que le Roy commande à la
Terre ou le forme de Terre ;
que la Terre
399
Terre eſt dans le pointde
perfection comme le nombre
dix , que ce nombre vient de l'unité
, comme de fon principe, &
que comme il n'y a qu'une ſeule
ligne droite , & cent mille mil.
lions de courbes , il n'y a auſſi
qu'une unité & cent mille millions
de nombres.l
Semedo ajoûte que les Chinois
raportent chaque choſe particuliere
à de certains chefs , &
Parce rce qu'ils en ont en cinq princi
paux , qu'ils nomment Elemens,
280 Extraordinaire
1
ſçavoir, le Métal ,le Bois , l' Eau , la
Terre &le Feu , ſelon Martinius,
je juge que les Minéraux font
contenus fous le nom de Métal;
les Vegétaux , ſous celuy de Bai ;
les Animaux , & les noms Geo.
graphiques & Hydrographi.
ques , fous ceux d' Ean &deTerres
& les Cieux , les Aftres , & les
Eſprits , ſous celuy de Fen; &
qu'ainſi ils reduifent fous cinq
Chefs , ce que j'ay diſtribué en
dix dans le projet du Dictionnaire
Univerſel ; & que de la
vient l'ordre qui eſt garde par
leurs Caracteres dans leur grand
Dictionnaire appellé Haipien,
dont Martinius ny Semedo, ny
aucun autre que je ſcachemine
touche point le détail .
Ces Peuples n'ont pas feule.i
du Mercure Galant. 281
ment des Caracteres ſimples , ils
en ont auffi de compofez ; &ils
joignent parexemple le caractere
qui fignifie le Soleil , à celuy qui
fignifie la Lune , pour exprimer
la Clarté , parce qu'elle eſt le ve
ritable effet de ces deux grandes
Lumieres. Ils enferment de mefme
le Caractere qui fignifie le
Cocur,dans celuy qui ſignifie la
Porte , pour exprimer la triſteſſe
& l'affliction , comme ſi le cocur
affligé ſe trouvoit preſſé à l'entrée
d'une porte; &d'autantque
la triſteſſe agit fortement fur le
cooeur& ſemble y avoir ſon ſiege,
le caractere du coeur ſe trouve
mellé à tout ce qui marque de
l'affliction . Sur quoy je croyrois
volontiers que la compofition
des Caracteres Chinois , falt la
Q.de Fuillet1682.
Aa
182 Extraordinaire
diférence qu'il y a entre Semedo
&Grueber), fur leur nombreple
premierendensmarquant que foikante
milten parce qu'ilesine
vcompte que de Caracteres fim.
plés au lieu que l'autre en marque
foixantequatorze mille parce
qu'il compte auffi les compofqzsb
zolqua4 293 6 alis zulq
2.7 Quelque difficulté qu'il y aita
tracer ces caracteres , à des démefter,
à les reconnoiftre & à les
retenir ils fie font pas seule
ment, enoufage à la Chine , ils
onthencors cours au Japon , au
Tunquim alla Cochinchine,
chezdes Techiens , à Sumatre, &
auxautres Païs voisins , & tous
cos Peoples communiquent par
écrit avec les Chinois , parole
moyen de leurs Caracteres, fans
du Mercure Galant. 283
entendre la Langue les uns,des
autres , auraportdeGonçales , de
Mendore, &des autres quej'ay
citez &je croy que laraison de
cet usage naîlt du plaifir qu'ily
ade ſe fervir d'une Ecriture , qui
peut eftre entenduë de toutes les
Nations , puis qu'il oferoit bien
plus aifé à ces Peuples d'apprendre
trois ou quatre cens mots,
en quoy confifte originairement
la Langue de la Chine que buit
oudix mille Caracteres diferens,
qu'il faut ſçavoir au moins , pour
écrire paflablement en Chinois.
Mais fi la peine de s'inftruire de
ces Caracteres embaralfans,rhe
rebute ny les quinze Royaumes
de lanChinenyoles Royaumes
Voiſins ,aquell progrés n'auroit
point fait une Ecriture qui an-
A a ij
284
Extraordinaire
roit eſtéfacile à former , &aà retenir
, comme celles des Chifres
Arabiques ? Il eſt à croire que fi
elle euſt entré dans l'eſprit des
premiers Hommes , elle auroit
paſſé de leur fiecle au noſtre ; ou
que fi les Chinois l'avoient inventée
, au lieu de la pénible dont
ils ſervent , l'uſagene s'en feroit
pasborné à leursVoiſins ,mais fe
ſeroit étendu par toute la Terre, T
principalement fi elle avoit eſté
accompagnée dans ſes expref.
fions , d'un enchaînement auſſi
naturel , & auffi propre à faire
impreffion fur l'eſpr , ue celuy
dont j'ay donné l'idée dans ma
derniere Lettre. C'eſt de cette
Ecriture qu'on peut dire ſans flaterie,
ce que Brebeuf diſoit de
l'Ecriture engeneral
du Mercure Galant. 281
Quelle est cerArt ingénieux
Qui feait parler aux yeux ,
Et par des traits divers , desfigures
est tracées , not f
ל
Donnerdela couleur , &du corps aux
pensers ?
Ces grandes facilitez paroîtront
dans les exemples que j'en
rapporteray , lors que je me feray
expliqué ſur les variations
des mots, dont ma derniere Lettre
a remis l'éclairciſſement à cel
le- cy ; & elles paroiſtront par
avance dans ma maniere d'exprimer
les quatre Parties du difcours
, qui ne ſe déclinent ny
ne ſe conjuguent , & qui par
conféquent ne ſont pas ſujettes à
variation.
Vous avez veu, Monfieur, que
le moyen que j'employe à con286
Extraordinaire
ferver aux chiffres leur fignification
naturelle , c'eſt demettre
fous eux la barre où le trait
que d'y de nous avons accoutumé
placer dans nos écrits ordinaires ,
&
no
c'eft de
L
200150
250
vous fçaurez que celuy dont je
meſers pour marquer les parties
invariables du difcours , c
mertre cette barre fur les chiffres
qui les e expriment. Ainfi
comme 7, 8, & 9 , ſignifient les
nombres de ſept, de huit & de
neuf ; ces meſimes chiffres ainfi
accompagnez 7. 8. 9, fignifient
un adverbe, ou une interjection,
une conjonction , ouune prépofition
, ſuivant les départemens
diférens que je donne à ces parties
invariables dans le Dictionnaire
Univerſel , deſquels il ſera
du Mercure Galant. 287
2
fort aiſe de faire la diſtinction ,
pour peu que l'on prenne garde
a l'ordre que j'y obſerveus zuol
Les parties du Diſcours qui ſe
declinent ou qui le conjuguent,
font marquées d'une autre façon
, Elles ont leur enſeigne apres
elles , au lieu de l'avoir deſſus ou
deflous ; & cette diference les
fait reconnoiſtre par l'Interprete
des la la premiere inſpection ;
mais la raiſon veut, Monfieur,
que j'explique leurs variations ,
avant quque
לס
de
C
m'ouvrir day
DIGI
davantage
fur les moyens de les exprimer,
&vo vous agrérez cette conduite.
πως κουλουρίου on que Siche
nobi olarak aldς τέναι το12
- છછેRR OF
288 Extraordinaire
201
TRAITE DES
Variationsdes Mots. 1
PREMIERE PARTIE
'Ay diftingué ces variations
en directes & en indirectes.
Les directes regardent les degrez
de diminution & d'augmen.
tation qui s'attribuent aux noms
ſubſtantifs ; ceux de comparaiſon
qu'on attache aux nonis adjectifs
, les genres diférens dont
ondiverſifie ces derniers ; & les
verbes paſſifs qu'on joint aux
actifs avec les verbes mêlez que
j'y ajoûte. Et les variations indirectes
ou obliques, comprennent
les déclinaiſons de tous ces
noms , & celles des pronoms &
des
2017
duMercure Galant. 289
des articles , avec les conjugaifons
de toutes fortes de verbes .
Voila en general quelles font
les variations des mots. Elles
font la ſeconde richeſſe des Langues
, & preſque aucune ne ſe
met dans les Dictionnaires ordi
naires , à cauſe qu'elles ne font
que des circonstances des expreſ
ſions qui les rempliffent. J'ay dit
preſque aucune , parce qu'on
voit en tous quelques diminutifs
& quelques augmentatifs ; &
principalement grand nombre
de ces premiersdans le Dictionnaire
Italien, qui en tire une par
tie de la fécondité de ſa langue,
les pouſſant juſqu'à fix & à ſept,
pour un ſeul primitif , comme il
fait à l'égard d'Huomo &de Casa ,
que noftre Langue borne àHom-
Q.deJuillet 1682. Bb
!
290 Extraordinaire
melet & à maisonnette . Mais comme
cette fécondité Italienne ne
ſe répand que furquelques mots,
&que cellede la LangueUniverfelle
ſe doit érendre fur tous, &
auffi bien en augmentant qu'en
diminuant, j'ay crû devoir exclu.
re du Dictionnaire Univerſel une
repetition qui ſeroit importune ,
&en devoir regler l'expreffion
par une methode generale , afin
de pourvoir à cet inconvient , &
auxautres de mefme nature, une
fois pour toutes consum
29 Ces diminutifs & ces augmencatifs
font fort rares en noftre
langue. Elle exprime , par exemple,
un gros Chien par le mot de
Dogue , & un petit Cheval par
celuyde Bidet; & elle n'a point
de mots ſimples pour fignifier un
du Mercure Galant. 291
gros Cheval , & un petit Chien.
Il eſt vray que pour exprimer un
petitHomme& un grand Hom.
me , un tres- petit Homme & un
tres-grandHomme,elle a quatre
paroles fimples qui font Nain &
Geant, Pigmée & Coloffe. Mais ces
fortes d'expreſſions ne s'y rencontrentgueres,&
celles- là peuvent
meſme paſſer pour des
noms primitifs ſuivant la nature,
& recevoir d'elles - meſmes les
degrez de diminution & d'augmentation
. Neanmoins fur cet
exemple & fur celuy des autres
Langues riches & délicates , je
donne aux noms ſubſtantifs dequoy
marquer les diférences de
Petit & deGrandou Gros ; de trespetit
&de tres-grandou tres-gros,
ens'incorporant ces expreffions,
B bij
292
Extraordinaire
enforte qu'iln'en reſulte que des
mots ſimples .
Quant aux adjectifs , unis
auxdegrez de comparaiſon , nô .
tre Langue y eſt encore plus ſterile
qu'en diminutifs & qu'en
augmentatifs. Elle n'en a veritablement
que deux qui font meilleur&
pire, dont elle employele
premier à exprimerplus bon, com.
paratif, ou leplus bon, fuperlatif.
Expreffions qui ne font pas de
fon uſage , & l'autre , à ſignifier
plusmauvais ou le plus mauvais;
plus méchant ou le plus méchant,
dont elle ſe ſert. La Langue Italienne
& l'Eſpagnole, ont peu
de comparatifs , & ne manquent
pourtant pas de ſuperlatifs ; mais
la Langue Hébraïque n'a aucun
desuns nydes autres, & employe
duMercure Galant. 293
- à leur défaut , des particules
qu'elle affocie avec ſes adjectifs .
Nous fuivons en cela l'Hébreu ;
&pour m'accommoder à noftre
- maniere , auffi bien qu'à celle
des Grecs, des Latins, des Allémans,
&c. qui ne ſe ſervent que
de la fimplicité des paroles adjectives
pour ces fortes d'expreffions,
je fais trouver dans la fecondité
de la Langue Univer
felle le moyen de s'expliquer de
l'une & de l'autre façon, comme
je l'ay promis dans la Gram
maire. Ces adjectifs de comparaifonme
font penſer à
velle inégalité qui s'étend, comme
je croy , par toutes les Langues,
qui reduiſent les comparatifs
& les fuperlatifs aux mots
fimples. C'eft qu'aucune , que
a une nou-
Bb iiij
294
Extraordinaire .....
je ſcache , ne reduit de mefme
les comparaiſons d'égalité , mais
les exprime , comme nous , par
les particules auffi, autant, ny plus
ny moins, &c. Ces Langues ne
font pourtant pas raisonnables
de laffer ce degré de comparaiſon
dans l'étendue des phrases ,
&d'abreger les autres ; il falloit
pour la regularité qu'elles les
traitaſſent tous de la meſme maniere.
D'ailleurs je m'apperçois
qu'elles ne réüniffent pas les particules
moins &le moins comme
elles font celles de plus &le plus,
quoy que d'une pareille utilité,
pour la formatiő des comparatifs
&des ſuperlatifs ; car de prétédre
que plus&te plus tiennent parmy
elles , la place de moins & le
moins,par le moyen des adjectifs,
du Mercure Galant. 295
auſquels on les joint , c'eſt ce que
j'ay de la peine à recevoir ; & il
meſemble que pour exprimer de
moins brave des Hommes , le moins
Sage, temoins riche, ondiroit mal,
leplus lâche, le plus fol , le pluspauvre.
Etquand cela feroit veritable
à l'égard des ſuperlatifs , il
n'en feroit pas de meſme à l'é
gard des comparatifs ; & moins
brave qu' Alexandre , moinsfage que
Salomon , moins riche que Créſus, ne
veulent pas dire, plus lâche qu' Aléxandre,
plus fol que Salomon , ny
plus pauvre que Crésus. Ce feroit
paffer d'une extrémité à l'autre
que de parler de la forte ; & il y
a trop loin de Brave à Lâche , de
Sage à Fol , & de Riche à Pauvre,
pour exprimer l'un par l'autre
, quelque particule qu'on y
Bb iiij
296
Extraordinaire
4
ajoûte. Ainfiles Langues qui reduiſent
aux mots fimples les
comparatifs & les fuperlatifs,
n'en ont point qui foient propres
à ces expreffions ; & il faut
qu'elles recourent aux phrafes,
en employant, comme nous, les
particules moins & le moins , fi
elles veulent expliquer exactement
ces fortes de comparaiſons.
Elles devroient donc avoir encore
pour la regularité, un com.
paratif & un fuperlatif d'abbaif.
ſement pourainſi dire , par l'union
de moins & le moins;; comme
ellesen ont d'élevation , par
celle de plus & le plus.Ces confidérations
me portet à en établir
de ces deux manieres , pour l'abreviation
& pour la perfection
de la Langue Univerſelle , outre
(
duMercureGalant. 297
le degré d'égalité , à moins que
le tropgrand nombre de varia
tions nes'y oppoſe; ce qui ſe de
cidera dans la foire הכו
1. Les Genres forment la troifiéme
forte de variations dire
ctes. La nature a marqué ceux
des noms ſubſtantifs, par la dif
tinction qu'elle a faite des deux
Sexes, &de ce qui n'en a point ;
& ilſemble inutile d'en attribuer
auxnoms adjectifs , puis que ne
pouvant eſtre employez qu'en
la compagnie des ſubſtantifs ; &
ſe devant accorder avec eux , ils
font toujours du genre mafcu.
lin avec les mâles , du feminin
avec les femelles , & du neutre
avec le reſte. Sage , brave , riche,
habile , honnefte , &c . font dans
noſtre Langue , des adjectifs de
298 Extraordinaire
cette façon . Ils n'ont point de
genres marquez ou diftmets; &
leur ſeule afſociation avec les
ſubſtantifs fait connoiſtre le
genre où ils font missNean
moins jejuge qu'il eſt plus à pro
pospour la fecondité de la Lan
gue Univerſelle , & pour la per
fection de fa concordance , de
donner des genres ſéparez à ſes
adjectifs , que de les laiſſer dans
la confufion; & fi nous confultons
les autres Langues , & meſ
me la noſtre , nous reconnoiftrions
que pour un adjectif de
cette maniere , elles en ont cent
dont les terminaiſons ſont diférentes
, & qui contribuent par
cette varieté à la bauté de leurs
ſtiles. Trouvant donc à propos
de les imiter , je diftingue les
duMercureGalant. 299
trois genres dans les adjectifs,
& j'étens meſme cette diverſité
juſqu'aux trois pronoms perfonnels,
afin que chaque Sexe em
ploye celuy qui luy eſt propre,
en parlant de ſoy , auffi bien
qu'en parlant aux autres , ou des
autres , ne voyant pas de raiſon
pourquoy la Langue Hébraïque
n'a pas diftingue les genres du
pronom de la premiere perſonne,
comme elle a diſtingué ceux de
la ſeconde &de la troifiéme, ny
pourquoy la Langue Greque, la
Latine, la noftre & fes voiſines
de toutes parts , n'ont diftingué
que ceux de la troiſieme.b
La maniere dont je traite ces
pronoms perſonels , m'a preſque
ofté la penſée que j'avois eu d'abord
de donner auffi des genres
300 Extraordinaire
19
aux verbes à l'exemple de l'He
breu, me femblant qu'il fuffifoit
de faire pour eux cette attribu.
tion à cespronoms , parce qu'en
les afſociant enſemble felon l'afage
de noftre Langue & de fes
Voiſines , les actions & les paffions
des deux Sexes paroiffent
aſſez bien diftinguées, pour n'avoir
pas besoin d'une plus forte
expreffion. Neantmoins confidérant
enſuite que cette affociation
des pronoms aux perfonnes
du verbe en faisoit des phrases,
dont on ſe pouvoit paffer , à l'imitation
des Latins qui expriment
ces perſonnes par des mots
fimples , j'ay perſeveré dans ma
premiere penſée ;&je donne des
genres aux verbes , qui ne font
qu'une feule expreffionavec eux,
du Mercure Galant. 301
& avec leurs pronoms. Du
moins c'eſt la maniere dont j'en
uſe dans la premiere & fimple
methode de l'Ecriture & de la
Langue Univerſelle ; parce que
dans la ſeconde , cette regularité
ſeroit commeſuperfluë ,n'yayant
aucun nom primitif, mafculin,
feminin ou neutre , qui n'ait un
verbe derivé de luy , à qui on
peut imputer le genre de ce
nom,& attribuer telle fignification
qu'on voudra , pourveu qu' -*
elle ſoit naturelle ; tant j'y fournis
à l'abondance. ۱۰
Le verbe paſſif eſt la variation
directe du verbe actif; noſtre Lã.
gue, l'Italienne , l'Eſpagnole, &
meſme l'Allemande, ne l'expriment
que par des phraſes, qu'elles
compoſent, ſçavoir les trois
1
302
Extraordinaire
premieres , par l'union du parti
cipedu tempspaffé de leur verbe
actif, avec leur verbe eftre ; & la
derniere , avec ſon verbe devenir,
Ce quia fait penſer à quelques .
uns qu'un uſage ſi condérable , fi
étendu & fi diférent de celuy des
Romains ou Latins , &de celuy
des Grecs ,nous eſt venu des Peuples
du Nort , lors qu'ils déſole.
rent &dominerent Rome & fes
Provinces ; & ce qui pourroit, ce
•me ſemble , faire penſer àd'au.
tres , que c'eſt un reſte d'usage
de noſtre Langue & de fes Voifines
, plus ancien que Rome &
que fa domination . Quoy qu'il
en ſoitj'imite encore les Langues
qui reduiſent aux mots fimples,
les phraſes du verbo pa ffif, & je
traitedemeſme le verbemêlé ou
duMercure Galant .
303
verbe libre, quoy que ſans exemple
, afin de fournir plus abondamment
que toute autre Langue,
à la ſimple expreſſion des
penſées. J'ay dit dans la Grammaire
Udiverſelle , que ce verbe
mêlé eſtoit celuy à qui on joignoit
librement le pronom perſonnel
, comme ſe regarde , s'eftimer,
s'élever. Neanmoins on peut
étendre ſa nature juſqu'à ceux à
qui noſtre Langue & les Voifines
joignent ce pronom par force ,
comme se mirer,ſe promener, s'égarer
, &c. verbes que les autres
Langues expriment fans pronom
, & nomment verbes neutres
.
Je ne fais point de mention
particuliere du verbe ſubſtantif
eftre , parce que j'ay chargé d'in.
+
1
L
304
Extraordinaire
:
tention ſur l'uſage où je le voulois
mettre. C'eſtoit d'en compo.
fer tous les verbes actifs , avec le
participe du teps préſent de l'a
aif; de la meſme maniere que
nous en compoſons, tous les ver.
bes paſſifs avec le participe du
temps paflé de ce meſme verbe
actif ; ou pour mieux dire , avec
celuy du temps préſent du verbe
paſſif, Participes que noſtreLangue
confond mal à propos , àl'exemple
de la Latine. Mais com.
me cet ufage auroit reduit le ver.
be actif en phrases , de meſme
qu'il y reduit le verbe paffif , &
que la richeſſe des Langues conſiſte
dans l'abondance des mots
ſimples, j'ay quitté ma premiere
penſée , & je range meſmes le
verbe ſubſtantif au nombre des
duMercure Galant. 305
autres paffifs , dontil eſt la ſource
parmy nous.
Quant aux verbes imperfon.
nels,& aux autres fortes de verbes
irreguliers , je n'en fais point
non plus de mention particuliere
, parce qu'ils ne font que des
effets du caprice des Langues, &
qu'ils ſe peuvent tous reduire à
l'actif ou au paſſif. Ainfi le verbe
impersõnel falloir, s'exprime fort
bien par le verbe paflifperſonnel
estre obligé; les verbes neutres
avoir & jouir , s'expriment de
meſme par le verbe actif poffeder,
&ces façons deparler imperfonnels
, on dit, on fait, &autres femblables,
que les origines de nôtre
Langue font venir d'Homme
dit, Hommefait, s'expriment auſſi
tres-bien par les actifs ils difent,
Q. deJuillet1682 . CC Cc
C
306 Extraordinaire
ils font ; ou par les paffifs , ilift
dit, il est fait, ou il s'estfait.Toute.
fois je fournis des caracteres &
des termes à l'expreffion de ces
derniers ; & fi l'on ne veut reduire
les autres , aux actifs , ou aux
paſſifs, on les peut mettre dans le
rang des verbes mêlez , queje
nomme encore pour cette raifon
verbes libresore Enratoir
Voila les éclairciſſemens que
j'avois àdonner ſur les variations
directes des mots. Ce qui me
refte ày ajoûter, c'eſt qu'elles ne
font pas abfolument neceffaires
pour s'exprimer, mais ſeulement
pour s'exprimer avec plus d'abreviation
& plus de perfection,
puis qu'on ſe peutfervir des phrafes.
Neanmoins mon avis eſt
qu'on ſuive la maniere la plus
A
du Mercure Galant. 307
parfaite plûtoſt que l'autre , le
tout pourtant à la volonté des
Nations à qui j'en donne le
choix, puis que j'exprime toutes
choſes, des deux façons dans l'Ecriture
& dans la Langue.
I
SECONDE PARTIE.
OST
Un'eneſt pas de meſme des variations
indirectes ou obliques,
comme des directes . Elles font
d'une neceffité indiſpenſable , à
cauſe de la conſtruction, à moins
d'imiter la langue Franque, cer .
taine Langue imparfaite , qui a
cours ſur la Mer Mediterrannée
&dans ſes Ports , principalement
dans ceux du Levant, entre les
Marchands de diverſes Nations,
les Armateurs , les Corfaires &
autres Gens de Mer , dont les
Ccij
308 i
L
Extraordinaire
noms n'ont point de cas, faute de
terminaiſons diférentes & d'arti.
cles ; dont tous les modes , & tous
les temps de toutes fortes de verbes
ſe reduiſent au ſeul préſent
de l'infinitif, & dont on peut veritablement
dire, comme de celle
de la Chine, que l'accent y fait
tout. Mais ne penſant pas qu'on
ſe veüille conformer à un ſi mau.
vais uſage,, où l'on n'a qu'à retrancher
du bon ſtile tout ce qu'il
ya de congru , je vais rapporter
en peu de mots , ce qui forme cet.
te congruité , puis que c'eſt le
fujet de cette ſeconde Partie.
Elle conſiſte dans le juſte employ
des cas , auffi bien que des
genres, à l'égard des noms; dans
celuy des modes , des temps , &
des perſonnes à l'égard des ver
du Mercure Galant. 309
bes,&dans celuy des nombres
fingulier ou pluriel , à l'égard
des uns & des autres.J'appelle
juſte l'employ qui a le plus de
rapport à la conſtruction naturelle;
la nature eſtant ma regle
dans l'Ecriture & dans la Lan
gue.Je n'ay que faire de venir au
détail de ces chofes , elles font
affez connuës à qui a la moindre
temture des Lettres , & ce que
j'en ay dit dans la Grammaire
Univerſelle, éclaircit ce que je
leur attribuë de particulier , à
l'exception de ce qui fuit . C'eſt
qu'en executant le projet que j'y
ay fait , de joindre le vocatif au
nominatif , &d'ajouter un nou
veau cas à la déclinaiſon , & luy
en donner la derniereplace, comme
au dernier venu ; il m'a ſem
310 Extraordinaire
blé que je devois plûtoft laiſſer
cette place à l'ablatif , puis que
c'eſtoit la fienne ; & ranger ce
nouveau cas dans celledu vocatif,
puis que la dépoſſeſſion la ren
doitvuide. Raiſons qui m'ont fait
prendre ce party. Vous ſçavez,
Monfieur,que cenouveau cas que
je nomme autrement, le cas libre ,
a eſté nouvellement inventé,
pour fervir de regime univerſelà
toutes les propoſitions , ce qui eſt
d'une grande commodité pour
l'Ecrivain, &pour l'Interprete.
De plus, je place dans la conjugaiſon
le temps futur , immédiatement
apres le temps préſent,
ce que fait auſſi l'Hébreu ; mais
par une autre raiſon que la mienne.
Celle que j'ay , eft que le fu
tur eſt unique , comme le pre
du Mercure Galant. 311
ſent , au lieu que le temps patlé
eft de trois ou quatre façons ,
d'où refulte une trop longue in.
terruption entre ces deux temps
ſemblables. Ce n'eſt pas qu'il
n'y ait des Langues, qui ont auffi
trois ou quatre futurs , & qui dif
tinguent le futur prochain du futur
éloigné, comme la Grecque;
ou qui les partagent en futur incertain
, en futur libre , en futur
de devoir , & en futur de neceſſité
, comme l'Allemande ; mais
parce que les expreſſions ne regardent
que les variations obliques
des mots où la fécondité
ne meſemble pas fi requiſe que
dans les directes , j'en laiſſe l'uſage,
pour ſuivre celuy de laLangue
Hébraïque , de la Latine , de la
noſtre & de ſes Voiſines de delà
312
Extraordinaire
les monts , qui n'ont toutes qu'un
feul futur , & qui expriment les
autres par le ſecours de leurs particules
ou petits adverbes. D'ailleurs
les quatre futurs Allemans
ne paroiſſent pas d'une invention
affez juſte, pour avoir place
parmy lesvariations de l'Ecriture
&de la LangueUniverſelle. Ce
n'eſt pas affez à un mot d'eſtre
une expreſſion ſimple pour contribuer
à leur richeſſe , il fauten
core eſtre faite à propos; & cel
les- làmáquent de cet avantage,
puis qu'elles n'ont aucun raport
à la qualité du temps, mais à des
circonſtances qui luy ſont étrangeres
. A la verité, il n'en eſt pas
de meſme des futurs du Grec;
toft ou tard , dontil compoſe ceux
qu'il a plus que nous ,font des
termes
du Mercure Galant.
313
termes qui appartiennent natu-
* rellement au temps , & principalement
à celuy à qui il les attri
buë ; & la réflexion , Monfieur,
que j'y fais en vous écrivant , me
perfuade en leur faveur ; & je les
reçois au nombre des variations
Edu verbe contre ma premiere intention
, du moins en l'une de mes
- deux Méthodes.
Le ſecond changement que
j'apporte à la conjugaiſon , c'eſt
de la commencer par les trois
temps de l'infinitif; mais comme
j'en mets le reſte en ſa place ordinaire
, ce début ne déplaira pas,
puis qu'il eſt fondé ſur la coûtume
qu'on a d'exprimer dans le
Dictionnaire le verbe par ce mo .
de. Je range auffi les participes,avant
les gérõdifs &les ſupins ,par.
Q.deJuillet1682 . Dd
314
Extraordinaire
ce que les participes continuent
à marquer diſtinctement les
temps , comme font les autres
variations du verbe , ce que les
gérondifs & les ſupins ne font
pas . Enfin je place le fubjonctif
avant l'optatif , pour deux rai.
fons ; l'une , que l'optatif n'eſt
qu'une maniere de fubjonctif ou
conjonctif , ce mode tirant fon
origine de la particule qu'on luy
joint ou conjoint , lors qu'on le
veut employer dans le diſcours,
ce qu'on fait auffi quand on y
veut mettre l'optatif ; & l'autre
raiſon eſt , que j'établis par ce
moyen un raport de chifres,
entre les temps du fubjonctif &
de l'indicatif , dont le nombre
eſt égal, &entre ceux de l'optatif,
& de l'impératif, ce qui aide
ve du Mercure Galant. 315
or sau démeflement de ces modes ,
& à la confervation de leur fouevenir
; toutes choſes qui me ſont
d'autant plus permiſes , que l'ordre
ordinaire qui s'obſerve dans
les déclinaiſons , & dans les condat
jugaiſons, ſemble moins fondé en
raifon qu'en fantaisie.
to Jen'ay rien à dire davantage
des variations obliques. Ce qui
me reſte à faire, c'eſt de donner
lesmoyens de les exprimer , afin
de pouvoir écrire avec une juſte
&parfaite conſtruction. Ce fera
auſſi le ſujet de la fin de cetre
Lettre, &de toute la ſuivante.
DERNIERE PARTIE.
Outes les variations des
n'ayant point de place dans le
Ddij
316 Extraordinaire
191
Dictionnaire Univerſel , le de
mandent parmy les expreſſions
particulieres ; & voicy la maniere
que j'employe pour les marquer.
J'ay dit précedemment que je
mettois une enſeigne apres les
chifres qui ſervent à exprimer
ce qui ſe décline , & ce qui fe
conjugue , pour les diftinguer de
ceux qui ſignifient les autres parties
du diſcours , & les nombres
nombrans ou en nature , auſquels
jedonne des enſeignes diferentes,
aux uns deſſus , & aux autres def.
ſous ; mais comme cette enfeigne
que je place apres les chifres
ne forme qu'une diftinction generale
, je joins immédiatement
apres elle dequoy former les diſtinctions
particulieres , & c'eſt
en quoy conſiſte l'un des grands
duMercure Galant. 317
fecrets de mon Ecriture.
Pour vous le découvrir , fçachez
, Monfieur , que j'employe
a cer uſage , les mefmes chifres
Arabiques dont je me fers à marquer
les mots du Dictionnaire.
Leur diverſité accompagnée de
leur bel ordre , fournit aifément
à toutes les expreffions qu'on leur
veut donner , & l'enſeigne que
je mets entre deux , empefche
leur mélange & leur confufion.
Et parce que je dois vous parler
pluſieurs fois des uns & des
autres , vous ferez averty que je
nomme ceux qui précedent l'enſeigne
, Chifres primitifs , à cauſe
qu'ils exprimetles mots dans leur
nature; & que j'apelle ceux qui la
ſuivent Chifres auxiliaires , d'autant
qu'ils aident à exprimer les
1
Dd iij
318 Extraordinaire
D
د
mots dans leurs circonstances
je veux dire , dans leurs variations
directes ou obliquesomom st zob.
LeDictionnaire Univerſelwa
aucune enſeigne qui accompa
gnnee fes chifres. On n'y voit que
les primitifs , & point d'auxiliaires.
9. par exemple y fignifira en
ou dans. Prepofition angiot
11. y fignifira Dieu , nom fub.
ftantifmafculislam
12. Déeffe , fubftantif feminin .
13. Divinité , Dieu ou Déeſſe,
ſubſtantif de genre libre, tomos
Et 100. y ſignifira aimer , verbe
actif.on
1
Je donne ces exemples fans tirer
à conféquence pour la difpofition
des mots dans le Dictionnaire
, &pourmontrer ſeulement
de quelle forte ils y font mar
ba
du Mercure Galant. 319
quez, C'eſt donc de cette fimple
maniere qu'ils le font tous ; mais
dés le moment qu'on en veut
employer quelqu'un dans le difcours
, il le faut reveſtir de ſes
formes. Si c'eſt une partie inva .
riable, il luy faut metre ſur le dos
le trait ou la barre qui eſt ſon enfeigne
, pour empeſcher que les
chiffres qui l'expriment , ne ſe
mêlent avec ceux qui la préce
dent ou qui la ſuivent ; & pour
en faciliter en meſme temps la
connoiſſance à l'Interprete . Si
c'eſt un nombre qui doive de.
meurer en nature, il faut pour les
meſmes raiſons luy mettre la barre
deſſous , qui eſt auſſi ſon enfeigne
; & fi c'eſt un nom ou un
verbe, il faut luy donner la conf.
truction qui luy eſt deuë , & par
Dd iiij
320
Extraordinaire
D
conféquent l'acccompagner des
chiffres auxiliaires , qui aident
à exprimer cette conſtruction,
& inférer fon enſeigne entre ces
chiffres & les primitifs , de peur
de mélange. वही
Cette enſeigne eſt diverſe, ſe.
lon la quantité de chiffres auxi
liaires qui la ſuivent. Si elle n'en
a qu'un 'un apres apre elle, c'eſt une fim
ple apostrophe ; & fi elle en a
pluſieurs , c'eſt une divifion , ou
une barre.
280,001
J'ay beſoin d'employer par
exemple , Divinité , Dieu , ou
Déeſſe, au nominatif, ou au génitif
, j'écris ſon chiffre primitif,
qui eſt 13 ; puis je mets l'apoſtrophe
apres ce chiffre, &j'adjoûte
enſuite le chiffre auxiliaire 1, qui
eſt la marque du nominatif; ou
duMercureGalant. 321
AP
'le chiffre auxiliaire 2 , qui eft
celle du génitif ; & il en refulte
- un caractere fait de la forte, 13'1 ,
qui fignifie cenom au nnoommiinnatif
inite; ou bien un autre
faitainfi , 13'2 , qui fignifie le mefme
nom au génitif, ou de la Divi-
חכJe veux employer aimer au
temps préſent de l'infinitif acif,
ou de l'indicatif. J'écris le chif
fre primitif de ce verbe, qui eft
100. puis je mets la diviſion apres
ce chiffre , & j'adjoûte en ſuite
le chiffre auxiliaire 10 , qui eſt la
marque de l'infinitif du verbe
actif au temps préſent'; ou le
chiffre auxilaire , qui eſt celle
de l'indicatif au meſme temps;
& il en refulte un caractere fait
de la forte 100-10 , qui ſignifie
322 Extraordinaire wh
aimer au préſent de l'infinitif
actif; ou bien un autre fait ainsi
100-11 , qui ſignifie le meſme
verbe au préſent de l'indicatif,
ou
Avouez , Monfieur , que
ſtructure de ces caracteres n'eft
pas defagreable,& qu'il n'eſt pas
aiſe d'en inventer de plus nets,
de plus clairs , & de plus propres
à une Ecriture Univerſelle. Je
n'en rapporteray pas icy davantage.
Ces exemples fuffiſent pour
donner àconnoiſtre que quelque
chiffre qu'on employe à l'expreffion
des dictions dans le Dictionnaire
Univerfel, il ne ſignifie qu'
imparfaitement celle qui eft placée
à coſté de luy, & qu'il a be.
ſoin de quelque enſeigne pour
du Mercure Galant. 323
remplir fon devoir , & achever
fa fignification, ne pouvant eftre
mis àaucun uſageſans ceſecours.
Je ne puis mieux comparer ces
enſeignes , & leur fuite, à l'égard
de cequi sedécline, & de ce qui
ſe conjugue, qu'à l'Homme mef
me. Le chiffre primitif en eſt le
corps , l'auxiliaire en eſt l'ame;
& l'apostrophe, ou la barre, en
eſt l'union; Et comme ſans le
corps, fans l'ame,& fans l'union ,
il n'y a point d'Homme; fans le
chiffre primitif , fans l'auxiliaire,
& ſans l'apostrophe ou la barre,
il n'y a point de caractere d'Ecriture
Univerſelle qui ſignifie
entierement ce qui ſe décline, ou
ce qui ſe conjugue.omiansqu
Toutes ces choſes ſont pref.
que communes aux deux Mé.
324
Extraordinaire
thodes, dont je vous ay marqué
fur la fin de ma derniere Lettre
qu'on pouvoit exprimer les mots
du Dictionnaire Univerſel ; mais
comme cette communauté va
ceſſer , il eſt à propos que je vous
éclairciſſe de leur diférence 2-
vant que de paſſer outre. Je vous
ay appris que l'une eſtoit ſimple,
commune , & propre à entrer
dans l'eſprit de tout le monde;
& l'autre, finguliere , ingénieuſe,
& beaucoup plus commode que
fa compagne ; & c'eſt tout ce que
je vous en ay découvert. Je dois
préſentement vous en donner
une explication plus ample. La
voicy.
La ſimple ou commune Méthode
eſt d'attribuer un chiffre
du Di diférent à chaque mot dy
du Mercure Galant.
3.25
D
00
ctionnaire , en forte que s'il y
avoit un million de mots , on employaft
un million de chiffres à
leur expreſſion . L'autre méthode
qui eſt plus fine ,& beaucoup plus
propre à faire impreſſion ſur l'efprit,
conſiſte dans le ſecret de
renfermer fans confufion & fans
équivoque pluſieurs paroles ſous
un meſme chiffre, ainſi que j'ay
fait par leur diviſion en Chapitres
& en Sections , dans le Projet
du Dictionnaire Univerſel ; abbréviation
qui borne preſque
toutes leurs expreſſions à un , à
deux, ou à trois chiffres . Je n'entens
parler icy que des chiffres
primitifs , parce qu'il ne s'agit
que des mots qui ont place dans
le Dictionnaire ; & j'entens que
de quelque maniere qu'on dreſſe
A
326 Extraordinaire
اگ
ce Dictionnaire , foit en l'étendant,
foit en l'abrégeant , on
garde toûjours l'ordre & l'enchaînement
dont j'ay donné le
Projet, à moins qu'on n'en in.
vente unmeilleur ຂອ
Je n'avois penſé qu'à la Mé.
thode abregée, lors que je vous
écrivis de la Grammaire Univerſelle;
ce qui me fit vous mander,
quej'imiterois la Langue dela Chine
dansla conduite de mon Ecriture, ou
je ne mefervirois que de peu de nombres;
& la Méthode étenduë ne
m'eſt venuë dans l'eſpritque depuis
ce temps- là ; mais quelque
quantité qu'elle ait de chiffres,
il ne faut pas s'imaginer qu'il en
réſulte de l'embarras dans ſes expreſſions,
ny de la langueur dans
leur recherche. L'ordre reglé
du Mercure Galant. 327
que ces caracteres gardent entre
eux, empeſche bien que ces effets
n'arrivent ; & puis , je ne
penſe pas qu'elle donne de l'employ
à plus de vingt mille chif
fres , comme je le jugė par mon
ébauche , & par les autres Didionnaires
.J'entens fans y com.
prendre les noms géographiques ,
& les noms propres d'Hommes
& de Femmes; noms qu'on peut
faire aller auffi loin qu'on veut.
Ce n'eſt pas qu'elle ne ſe ſerve
de toutes fortes de nombres,
mais c'eſt ſeulement pour la conſervation
de l'ordre que je m'y
preſcris ; &je laiſſedes vuides en
tant d'endroits, qu'il ne faut pas
prendre pied fur les nombres,
pour juger de la quantité des
mots. J'avouë bien que la Mé.
328 Extraordinaire
thode abregée eſt moins ſujette
à béveuë , & plus prompte dans
l'exécution ; & c'eſt fans doute
ce qui porta d'abord mon eſprit
vers elle. Toutefois ſa compagne
peut eſtre d'un bon uſage ; & fi
elle a grande quantitéde chiffres
primitifs, elle en a moins d'auxiliaires
, tout au contraire dema
premiere idée, qui eſt plus abondante
en ces derniers qu'aux autres
, d'où réſulte leur principale
diférence.Je commenceraymeſme
par le détail de cette ſimple
Méthode , à cauſe de ſa ſimplicité
; mais comme je me trouve
icy à la fin de ma carriere, je veux
dire de la longueur qu'il m'eſt
permis de donner à une Lettre
qui doit avoir place dans vos
Mercures, à qui tant d'autres en
du Mercure Galant. 329
demandent , je remets cette explication,
& celle qui la doit fui.
vre , à voſtre Extraordinaire du
15. Janvier 1683. Apres quoy je
viendray à l'expreſſion de la Langue
Univerſelle. Je ne puis pourtant
m'empefcher d'adjoûter par
avance , aux avantages de cette
Langue dont je vous entretins
l'année derniere, qu'on luy verra
exprimer par des ſeules paroles
d'unemédiocre étenduë, juſqu'à
dix & à quinze mots de la noſtre,
&meſme au dela, non pas obſcuremenr
, comme unmot Grec ou
Latin peut fignifier une phrafe
Françoiſe , mais en les renfermant
tous diſtinctement , comme
une fillabe enferme les lettres
qui la compoſent. Vous aurez
peut- eſtre de la peine à le croire ,
Q.deJuillet1682. Ec
330
Extraordinaire
vous aurez neantmoins le plaiſir
de le voir. Cette merveille eſtoit
refervée à la Langue Univerſelle,
& n'occuperoit pas indignement
le loiſir des fubtiles Explications
d'Enigmes. Vous pouvez, Monſieur,
les inviter à la penetration
de ce Myftere , & me croire
voſtre &c.
a) is DEVIENNE-PLANCY.
* Le Tableau & la Bouteille de
Savon, qui estoientles Mots des deux
Enigmes du Mois de Fuillet , ont
donné lieu aux,Madrigaux que je
vous envoye.
duMercure Galant . 331
310C5ependant
1.
Ependant que toute la France
Savoure les douceurs qu'apporte la Naif-
Diun Grand Prince iſſu de centRoys,
Ion Qui doit un jour porter Couronne,
Mon efprit en chagrin foisonne,
En voulant expliquer l'Enigme de ce
Mois.
Mais ce qui doit calmer ma peineſans
Seconde,
*
!
Eft que de cet Enfant que Dieu nous a
donné
Dont lefront de Lauriers ſe verra couronne,
Le Portrait doit bientot paroître dans
LeMonde.
L. Воиснат, ancien Curé
deNogent le Roy.
Ecij
334
Extraordinaire
II.
E pouvant deviner l'Enigme trop
Neonferent
Jepestois fortement contre Monfieur
Mercure;
Mais voyant un petit Garçon
いちょろ
Der des Bouteilles , DeSavonSouffler
Je luy dis, mon Mig
merveilles,
ignon, vous faites des
Et vous m'apprenez ma leçon..
CANITS DE TAUS.
Ercureparplaifir nous embarraſſe
Mercure P
C'est unDieufourré de malices
Etpour lierlesens de ces Enigmes- cy,
Ilnous faut un esprit quisedémonte à
Ace Portrait obscur dont il nous fait
un denonesty abaste MA
Il joint une aimable Bouteille.
Quida croiroit d'un Vin'de Rheims, on
deMascon,
du Mercure Galant. 333
Son erreurſeroit fans pareille,
La Bouteille est d'eaude Savon.
পুরুষই পেচুরারি ।-AVICE de Caen, Ruc
de laHarpe.
J
HOM SHOW MO
E vous ay toûjours crû le
Orateurs, b
Chefdes
Mercure l'intriguant , l'Enseigne des
Flateurs,
Le Prince des Marchands, l'Inventeur
des Fleuretes,
L'expert Entremetteur des affairesſecretes,
Adroit Joueur de Harpe, affez Muficien
Intendantdes Filoux, & d'autresGens
ade bienza i imp ins
Grand Voyer, Grand Courrier, Ambas-
Sadeur Celeste;
Puiſſant Médiateur & d'enhaut, &
d'enbar wad Adawin san mioril
Arbitre du Sommeil, de la Lutte, &
lereſte:
334
Extraordinaite
Mais pour Peintre en un mot , je ne le
4
Sçavois pas
F. H. DE VALLAUNAY, Sous-
Brigadier dans les Chevaux
Legers.
'EnigmequeMercure à lapremiere
annexe, 2006 רא
Me rend en verité plus muet qu'un
Turbot;
Tantoſtje m'imagine une chose con-
A vexeps
A
Tantoft une autre faite en forme de
Sabot.
Jedonneà cette chofe, &je refuse un
Sexe;
F'écris, &fur l'écrit je paſſe le Rabot,
Maudiffant millefois l'Enigme qui me
vexe,
Moy qui ne paſſfois pas là-deſſus pour
Nabot.
Mais je croy qu'à la fin le Mot fans
paralaxe,
duMercureGalant.
335
Vient luire à mon esprit , &quesans
quuonmentaxe,
Je diray que j'y vois auffi clair que
C'est donc aſſurément la Bouteille poftiche
Qu'avec eau de Savon fait un Efprit
en friche, সতি
Et qu'il croit envoyer de Paris à
Fréjus
L'Ennemy d'amour, àl'Anagramme,
L'Héroïne m'y
entraine.
Admire, Galant Mercure,
Ton Portrait en migniature,
Je ſuis charme de ce don;
Mais las ,je pers maſcience,
Car tes Globes de Savon
Mefont rentrer en enfance
L'ALBANISTE de Roüen.
???????and apvore ?
336 Extraordinaire
J
Tou
VII .
Out ce que fait Mercure,
Estfait avec tant d'art,
Qu'en cette conjoncture,
C'estun biengrandhazard,
S'il peint d'apres Nature.
TURBOT, Preftre du Ponteaude-
mer.
VIII.
Epenſe, Monsieurle Mercure,
Que vous voulez toûjours rire de ma
figure,
Jene le trouvepas trop bon.
Moy quidois àpréſent, ou jamais, estre
Sage,
Jen'aurois guèrede raison,
Sill'onme voyoit àmon âge
Mefaire encor un badinage
D'uneBouteille de Savon .
Jen'aimeplus que la Bouteille,
On je trouve d'excellent Vins
Etfi jeſuis encor badin,
C'est quandſa liqueur me réveille.
4 Le Pere des quatre Filles du
Fauxbourg S. Victor.
du Mercure Galant. 337
L
IX.
Autheurde la premiere Enigme,
La cache fi bien dans la rime,
Qu' envainpour la trouverje me romps
le cerveau;
- Etje veux t'avouer, Mercure,
Si leMot n'est pas un Tableau,
Que je renonce àla Peinture.
Mais pour le Berger Alcidon,
Son Enigme estsi naturelle,
Qu'onvoit trop qu'il enferme en elle
Une Bouteille de Savon .
Mademoiselle ROZON,
de la Rue au Maire.
ABſent de vos
X.
beaux
yeux,
coeur plein de douleur,
mon
Souffre, charmante Iris, un rigoureux
martires
Achaque moment ilsoupire
AuSouvenir de ce malheur.
Dureneceſſité du devoir qui m'engage
Am'éloignerde cesbeanx lieux!
Q.defuillet 1682.
Ff
338 Extraordinaire
Que n'avoir on plutost résolu dans les
Cieux
Ma mort au lieu de ce voyage!
Pour changer ce Decret, mes voeux font
Superflus,
Jupiter ne les entend phrung zin
Ila toûjours paru pour eux inexorable.
C'est devous , belle Iris, que j'attens du
Que vostre coeur pour moy devienne fa-
Sivous prenez encor interest à mes jours,
Envoicy le moyen qui vous ſerafacile.
Vostre charmant Portrait, cet excellent
Donné de vostre main, meſervira d'azile
Pour me garantir du tambeau
ALCIDOR, du Havre.
AQuelle épreuve, Iris, meitez-vous mon
Ilfaut tomber d'accord que vostre fan-
Tient un peu de lafrénefie,
duMercureGalant. $339
3
Pour mefaire passer pres das deux tiers
Afaire un exercice Edu jour
Qui ne plaiſt qu'àvostre caprice.
Pardonnez ces mots durs, & mon empertement,
નિ૪
Mais vous mettez à bout toute ma pa-
Pour moy, jeforois confcience
Deparlermoins ouvertement.
Ordonnez-moy d'alter combatre
DixHommes l'Epée à la main,
Alors, pour obeir, j'y courray tout son
daina
Duffent-ilsſous leurs coups m'abatre,
Plutost que de ſouffter ſuivant voſtre
Avec un Chalumeau dans de l'eau de
Savon A
Pourmoy, jesçay trop peu ce plaifant
badinage,
C'est unjeu qui m'est bien nouveau,
Que deformer l' Ampoule d'eauU
Pourrare&merveilleux ouvrage.
talok 39 Lemelime.
F fij
340
Extraordinaire
I tu n
XII.
n'as point, I Amy, d'autre Bou-
Steilles
Autantvaudroit une Chere enTableau.
Que ton Régalpour d'autres s'apareille,
Situ n'as point, l'Amy, d'autre Bouteille.
Quoy,pour lejus qu' on tire de laTreille,
Ne nous donner que du vent &de l'eau?
Si tu n'as point,I Amy,d'autre Bouteille,
Autant vaudroit une Chere enTableau.
DAPHNIS D.L.R.N.S.A.
CE
XIII.
un Original que ce Galant
Mercure
Avecſon Enigme obscure,
Me dit l'autre jourun Brutal.
Mieux que vous ne penſez, vous parlez,
répondis-je;
Carpourfaire un Portrait (ou bien c'est
unprodige)
Ilfaut bien un Original.
DE S. Martin l'aîné , du
Quartier de l'Univerſité .
du Mercure Galant. 341
D
XIV.
E Portraits, de Bouteilles d'eau,
Mercure, je nn'ay point affaire.
Mon Epoux est bienfait & bean,
C'est tout ce qui m'est neceffaire.
Ln
12
nest rien
L'Amante paſſionnée.
XV.
de plus beau, de plus fin ,
de mieuxfait,
Rien quibrille, Mercure, &plaiſe davantage,
Quedu précedent Mois l' Enigmatique
Ouvrage,
En un mot c'est voſtre Portrait.
Q
I.B BELLE TERBOCHER , al Anagramme,
Bel Aftre, cher Objet,
de la Rue S. Victor .
XVI.
Ve l'éclat est trompeur de tout ce
qui reluit!
Inconstante Faveur, malheureux qui te
Suit,
Et met en toy sa confiance!
Tuméconnois tes vrais Amis,
Ff iij
342
Extraordinaire b
1
Etlestraitefouvent comme tes Ennemis
Infidelle, on a trop pour toy de complai-
Que tu m'asfait verſer de pleurs,
Dés quejefus ta Creature!
L'on a fait son Poronaits ik af.t danados
Mercure,
Il renouvelle mes douleurs.J
Ah! qu'on a bien décrit ta nature lé
gere sleigiro's 9/9/2
Et qu'on admire ce Tableau
Aufſi touchant qu'il est nouveau,
Peint (en termes de l'Art) d'une grande
maniere ! V
CetreBouteillefaite avec l'eau de Savon,
Qui fuit envain tout ce qui luypour
Ad muirestarada novel to Norma
Qu'un moindre ſouffle au neant peut
réduire,
N'est-ce pas de ton fort la vrage expreffion?
Car ne t'es-tu pas exbalée New
Aumdindre effort d'un méchant vent?
Qu'on abien éprouvé, quand tu t'en es
allée, 17
du Mercure Galant. 3468
Qu'un Esprit est léger, quite vapoursui
BARICOT, du Havre.
Han't open 20
Epuis bien me vanter de ne direpas
mal
LeMot de l'Enigmepremiere.
Qui pourroit aller au contraires
Sije lesçay d'Original?!
Mademoiselle BONGARS,
- presudio
shangaruh (nh
XVIII.
A des Couleurs , viste un Pimm's
Saydearn 20 253300??????????????????????
Détrempez ce Savon, cherchez un Cha-
Etvous allez voir des merveilles ,
Car je veux vous ofrir un excellent
Tableau,
Etvousfaire cinq cens Boureilles.
BRABANT, de S.Quentin
Ffmj
344
Extraordinairen
Evous reconnois à ce trait,
Incomparable Dien de l'Art & du
Miiftere. alidad
Quel autre que Mercure iroit Songer à
faire got s
Le Portrait mesme du Portrait?
H La Bergere à l'Anagramme,
Un vif Génie m'éleve,
Aici dà als duPré S. Gervais, gu
I c'est quelque chose de beau
Si
faire un Tableau,
Mercure, ce n'estpas merveille,
Qu'avec du ſavon, &delicans a
Vous Sçachiezfaire une Bouteille,
On m'en amuſoit au Berceau.
M
M. Du LORY, à l'Anagramme,
Libre d'amour, de la Ruë
du Bac.
Ercure, dites-vous, vous plaiſt,
belleCamille,
Defairefi bien un Portrait
AlliomobsM
du Mercure Galant. 345
Helas! si c'est pour vous unſi puiſſant
attrait 400 ,
Mon coeur eft en cela mille fois plus
habile.
AYER DROUART DE ROCONVAL,
de la Porte S.Antoine .
Ondaines voluptez, dont le MO
réjouit;
goust
Fugitives grandeurs , dont l'éclat éblouit ;
Richefſſes, qui coustez tant deſoins inutilensé
shops
Si nous en voulons croire un Docteur
Esclavon,
Vous estes encor plus fragiles
L. BOUCHET , ancien Curé
Qu'une Bouteillede Savon.
deNogent le Roy.
ΧΧΙΙΙ .
Ercure estunGalantbienfait,
Mui voulam re
monde,
tour le
Et nous comblerde grace fansſeconde,
Nousfaitprésent defon Portrait.
Mademoiselle SERAIN.
346
Extraordinaire wb
- XXIVI
Ris, l'objeett de mesfoûpirs, alin
Le centre de messoins , l'ame de mest
defirs,
Que ton coeur inconstant a mon am N
abbatuë! INAMAb
Je crois qu'il est de Cire, & de Cire 13
fonduë,
Tant un nouvel Objet y fait d'impref
Vien voir ces petites Bouteilles of
Que l'onfait avec du Savon.
Celuy quicourt apres, croit faire des mer
C'est le parfait Tableau de ton coeur
inconstant Not sup thisg en wo
Unpetitfouffle lesefface, No 19 I
Onnevoitplus rien en leur place,
Et ce qui reluiſoit, a trompécet Enfant,
Amour, jesuis laſſe de ton cruel empires
Depuis le temps que jesoupire,
Me voicy réduit au tombeau .
mon mal, j'avois pris Pournevoirpoint mon n
tonBandeani
du Mercure Galant. 347
Reprens-le, jete prie, & donne-moy tes
alles, exiguo 23 do
Afin d'abandonner pour jamais ces
Cruelles.
ટ
Leur coeur eft un Lagis qui reçoit trop
d' Amans, PSNINGGA
Et l'on n'y gouste paint de veritable t
joye;
Comme unefacile manmayaHAN NAH INDI
Ilfe donne au moins digne, &changeà
tous momens, σεφ του νέου έτου
2 wh GYGIS, duHavre.
En'est pas un Peintre ordinaire ,
Cone nostre galant Secretinaire,
On ne peint que pourfaire voir
Leſujet où l'on veut atteindres
Et luy, quand ilsemet àpeindre,
Faitfi bien, qu'onnepeuty rien apper
L'aimable Fiere à l'Anagramme,
Ta rigueur mignarde, de la
air NounRuedela Pelleteries a
348
Extraordinaire .
DEquoy Et
XXVI.
le Vent est-ille Pere,
'est-ce que leVent détruit?
Quelle est cette choſe qui twit, 0
Qui brille autant que la lumiere?
Ilnefautpas tant de façon
Pourdécouvrir cette merveille.
Trempez un Chalumeau dans de l'eau
deSavon,
Soufflez tout doucement, vous verrez
laBouteille,
Avecque les proprietez,
Mercure, que vous raportez.
Le Malheureux volontaire.
XXVII.
UNBergerafait mon Portrait,
F'ysuis une Pallas , une Pallassçavante.
Pour moy, j'ay grande peur que je ne
l'endémente,
Elledevinoittout,je ne l'ay jamaisfait.
La Brunete à l'Anagramme,
HM. est à ſa Cour, dela
Ruë S. Denys .
duMercure Galant. 349
A
XXVIII.
Prens, Mercure, qu'un Tableau,
Ondefimples Bouteilles d'eau,
Nefontpas lefait d'une Belle,
Qui comme moy n'est point cruelle.
avival, L'Amante paſſionnée.
M
ΠΟΟΧΧΙΧ.
Ercure, ton Portrait est beau,
Ce Préfentfeul pouvoitfuffire.
Aquoy bon des Bouteilles d'eau?
C'est àl'enfance nous réduire.
XXX.
La meſme.
CHer Mercure, nous sommes
quatre
ர Suri' Enigme à nous offencer;
Mais toutes prestes a nous batre,
Aqui ſçait mieux la drviner
L'unede nous dit, c'est unArbres
L'autre dit, que c'est un Miroirs
L'autre, une Figure de marbre ,
Et chacune croit le sçavoir.
Moy, qui croy mieux deviner qu'elles,
Quoy qu'elle ne foit pas faite avec un
Pinceau,
350 Extraordinaire
Jepense que c'est un Tableau .
Mercure, au premier mois, pourfinir nos
querelles, logero
Tunous en diras des nouvelles.
Ted Les quatre Filles du Fauxbourg
MATTIC SaintVictor
το σύργιατη ΧΧΧΙ
Q
Vandde
३३.
vostre constance on
mandeunTableau,
de.
Je lefais en deux mots, cela n'est-ilpas
beau?
Ala prendre parfuduréejes THALERI
Convenez-en, belle Manon,
Elle est toujours justement comparée
la Bouteille de Savon . N
DAUBAINE.
per auffi subti-
Mercurefçait tromper lement
Que ce Peintre autrefois ſi vanté dans
'Histoire,
Qui voyant fon Emule enflé de ſa vi
Lefit dans lepanneau donnerpubliquo
ment;
du Mercure Galant. C351
usoldatwarpsins
Carau moment qu'on lit l' Enigme qu'il
propose,
On s'imagine à chaque trait
Kair lePortrait de quelque chose,
Et c'eſtſimplement le Portrait.
L'Habitant en eſprit, du
oh no sortale Pré S. Gervais.
XXXIII
DHilis qui tient apeine
lePinceau,
aujourdhuy
Faisant un Marmouzet, croitfaire un
bon Tableau.
Iris, qui tout lejour habille une Poupée,
Afongréfait encore un Ouvrage tres-
Climene bien moins occupée,
Fait des Bouteilles de Savon,
Etprétend triompher de la bellefaçon.
Pourmoy quifuis un peu moins jeune
qu'elles,
Jepaffefur ces bagatelles,
Et je confefſefranchement ,
1
Que cequi peut le plus toucher mon ame,
*
352
Extraordinaire
C'estd'engager quelque Berger charmat;
Mais simon coeurfacilement s'enflame,
Ilse refroidit aisément .
Enfin jeſuis la Belle à l' Anagramme,
J'aime à changer d' Amant .
XXXIV.
EPortrait en amourn
Lirlo'onnpeute
est pas ce que
Le plaisirde le voir dans une dure abfence,
Loin de finir la peine, augmente la dou-
Leurs
Ony trouve des traits, mais il n'a point
de coeur.
Le Refſuſcité de la Ruë
neuve S.Mederic.
XXXV.
qu'auſens d'une Enigme on ne
Isaurais atteindre.
On s'écrie auffitoft, c'est qu'elle nevaut
rien.
Decelle-cy,Philis, ne dites quedu bien,
C'est uneEnigmefaite à peindre.
T
La Solitaire à l'Anagramme,
Belle retirée, amour du Ciel.
duMercure Galant.
353
XXXVI .
Peintre& Capricieux volontiers von
ensemble,
Dit certain Proverbe affez beau;
Debonne-foy, Mercure, allons, que vous
enſemble,
Est-cepour lecacher que l'on fait un
Tableau?
THERESEBEINSSE, de la Ruë
desPoſtes.
XXXVII .
Lepaterait que Mercure
EPortrait que Mercure donne,
Un point y manqueseulement,
C'est qu'ilne ressemble à personne.
LA BELLE GORET , de
S Germain en Laye.
XXXVIII.
I'Ouvrage qu'en ce mois vous metter
en lumiere,
A beaucoup, Dieu Galant, de vostre caractere,
Ilvous reffemble trait pour trait,
Q.de Juillet 1682. Gg
35:4
Extraordinaire
Ilsefait admirer , & ne peut se coman i
prendre, 94105
DuCiel mesme ilsemble defcendre,
En un mot c'est vostre Portrait.
L'aimableNeuve àl'Anagramme,
Ravy on m'admire,de laRuë
de laMonnoye.
I Mercure estoit mon Amant,
Sensiune dedeur fansfeconda
Ilme demanderoit mon Portrait vaine-
J'aurois peurde courir leMonde.
L'Amazone àl'Anagramme,
3900858 Alarmine de I Amourſage,
de la Ruë groſſe Horloge
✓de Roüen.
XL X
E cherchois par quelle raifont
UneBouteille de Savon
Peut volerfi longtemps, &fans que rien
l'arreſtenovadeb alliano
Ou (diſois-je, étonné ) prendeelle tant
devent ProvinU
I
a
355E
duMercureGalant.
all
Mais cela part, dit- on, Seigneur, de
voſtre teste,
Je ne cherche pas plus avant, 15
e
Amanta Anagramme,
L. Je m'abas court à vespieds.
lebbam no you
Malab
Commedu Chalumeaufort enfigure
Lefragile brillant dont l'Enfant est
Ainsipaſſeà nos yeux la gloire de ce
monde olie of No No E 1
C'est un trompeur éclat dont ileftanimé.
LeReffufcité de la Ruë neuve
oncic Labesa Medericoh
nadoA ob
POUY
XLIIK
Our un Dieu de vostre importance,
L'admirable occupation!
Defaire courirparla France e
Une Bouteille de Savonal
LaBelle Guenon,du Quartier
de l'Univerſités
Ggij
356 Extraordinaire
1
L'n'appartient qu'àvous, Dien des
Galanteries,
Vous qui des champs de l'airfaites vas
Galeries,
Et devant qui les Vents pleins defo
mifſſion,
Retiennent quand il faut leur baleine
bruyante,
Defaire pourdurer, toûjours belle &
brillante,
Une Bouteille de Savon .
FOLICHON , de la Ruë
de la Barillerie.
XLIV
UNe Bonteille eft, dis-tu, cher,Da
Cedont Mircure en cemois nous fait don,
Est-ilpoſſible?Ah, crions doncvictoire,
Vive celuy qui nous vafaire boire
Alaſantédu Royal Nouriſſon.
Cà, dépeſchons, décoëffons ſans façon,
Voyons quelfus fi divin & fi bon,
duMercure Galant.
337
Offre, venant de ceDieu plein de gloire,
Bouteille.
Ab, jesuis mort! l'infame trahison!
Le Scélerat! Amy, c'est du poison,
Ouy, c'est de l'eau, celaſepeut-il croire?
Fut-il jamais méchanceté plus noire?
Ades Buveurs préſenterde Savon
Une Bouteille.
XLV.
1. B.LESCUYER.
V'il n'oſe nous parler qu'avec
Q
D'uneBouteille de Savon,
Cepoly, ce galant Mercure;
Jetrouve comme vous cela d'un Dieu
difcret,
Mais je ne luy sçaurois pardonner, je
vous jure;
Qu'il en uſe de mesme à l'égard du
Portrait.
La bien Mariée de devant
Severin
358
Extraordinaire
M
Ercure, je vous remercie up
Du Préfent que vous m'avez 10
fait
F'estimefort
يف
09
vostre Portrait,
Je trouve l'Ampoule jolie;
Et pour tous deux
C
ຂາຍາວໃ
regards
songs deux également ,
Recevez mon remertiments Juego
LE MEDECIN BLAYOIS, B.D.T
52522-5525522-2555
०८००७
ENIGME EN PROSE
du Berger Fleuriste.
D
Ans les premiers temps, je
n'eſtois apparemment em.
ployée qu'à un ſeul ufage ; mais
depuis le partage des Nations,
chacun s'eſt ſervy de moy comme
il a plû à Dieu . Il faudroit
eſtre plus éclairé que je ne fuis
duMercure Galant.
359
pour vous en inftruire. Ce n'eſt
pas que depuis quelques années
on m'a jointe à d'autres de mes
Soeurs , pour enfeigner , & pour
abréger une certaine Science
agreable , mais penible , dont le
cours peut s'étendre par toute la
Terre; & fi cela eſtoit arrivé,
j'aurois alors un employ general
comme auparavant , outre mes
emplois particuliers.
J'ay l'honneur d'eftre à toutes
les Harangues qu'on fait au Roy,
aufli fuis-je Amie de la Verité,
j'empeſche qu'on ne mente.
Neantmoins je ſuppoſe ſouvent
les chofes les plus éloignées ,
quelquesfois meſme les impoffi
bles , mais ce que j'en fais ce
n'eſt pas par malice. Bien que
j'aye le corps tortu , j'ay l'ame
droite.
360 Extraordinaire
4
Je préſiderots aux Sciences, ſans
un petit embarras que je laiſſe à
deviner. Quelques Ignorans
me mettent en réputation , &
m'elevent juſqu'au Ciel , il ne
faut pas les imiter. D'autres s'i.
maginent , d'abord qu'on lit un
cygift , qu'ils ont trouvé monEpi
taphe , autre beveuë. On me
voit où il y a du plaifir , quoy
qu'ils ne le penſent pas; & il ne
ſe fait point meſmes de gageûres
que jen'en fois.
J'ay commerce dans les Païs
Etrangers, auffi -bien qu'en France;&
j'affiſte ſans manquer à tous
les Mariages qu'on celébre en Ef.
pagne , & en Italie. Il est vray
que les Eſpagnols me traittent
plus honneſtement que les Ita.
liens ; ceux. là me font toujours
préceder
du Mercure Galant. 361
préceder leurs Seigneurs, & leurs
Dames; & ceux- cy ne me ran .
gent jamais qu'à leur fuite.
,
&
Enfin pour achever de vous
éclaircir , ſçachez que dans la
deftruction de mon eſtre , mon
corps entre au Serilohre
mon ame en Purgatoire; & que
moname devançant mon corps,
nous nous trouvons à la fin unis
enParadis.
ক্ষেত
Q.deJuillet1682. Hh
362 Extraordinaire
552525-2525222-252
LETTRE DE LA BERgere
Califte , au Berger Fleuriſte
du Païs des Ambarriens,
furfon Enigme en Profe.
I
Ajoute voſtre Païs à voſtre
nom , Amy Berger , pour vous
diftinguer du Berger Fleuriste du
Païs de Côtentin , qui a deviné
voſtre Enigme du Lys & de la
Roze , & qui en devine beaucoup
d'autres , & fouvent avec
des Explications en petits Vers
bien tournez . Il me ſemble
pourtant que je ne devrois pas
vousdonner de marque dediftinction
, & que ce ſeroità luy à en
duMercureGalant. 363
prendre une par tour , puis que
vous eſtes le premier qui a paru
dans les Mercures ſousle nom de
Berger Fleuriste, & qu'il n'eſt pour
ainſi dire que voſtre Cader. Jene
ſcay meſmes comme vous louf-
-frez qu'il ſe nomme de la forte;
&fij'eſtois en voſtre place , j'aurois
un Düel ou un Procés pour
cela. Il eſt vray qu'il feroit dangereux
de plaider contre luy , veu
le Païs dont il eſt , & plus dange
reux encore de ſe batre , veu les
rigoureuſes défenſes du Roy. Je
leprîrois donc civilement de vouloir
bien prendre un autre nom,
ou au moins de reprendre celuy
de Berger Floriste , qui luy eſt donné
dans le Mercure de May de
l'année derniere , & je ne dirois
pas , comme vous , qu'il me fais
Hhij
364
Extraordinaire
honneur de porter mon nom, pais que
c'est une marqueque ce nom est bien
choisy , est agreable , est galant,
que ce Bergerseplaiſt , comme may , à
femer des Fleurettes , & à cultiver
des Fleurs. Si vous confultiez là.
deſſus la belle Cloris , la Nimphe
des Bruyeres , & la Fleur d'Orange
, je fuis feûre qu'elles ſeroient
demonſentiment plûtoſt que du
voſtre. Vous y penſerez donc;
c'eſt un avis d'Amie. Je viensau
ſujet qui m'oblige de vous écrire,
Voſtre Enigme m'a eſté renduë,
&je l'ay fait voir aux Perſonnes
qui vous font cheres dans noſtre
Contrée. O Dieux, quelle malice
, d'avoir aſſemblé pour la
compofer , tout ce qu'on ſe peut
imaginer de plus propre à em.
baraffer l'eſprit des Gens ! Mais
du Mercure Galant. 365
quel crevecoeur auffi à la nouvelle
, que tous vos efforts ont
efté inutiles , & que vous avez
vainement caché la lumiere ſous
le boiffeau ! Sphinx mourut d'un
pareil dépit , apres un trait de
cette nature , & vous mériteriez
d'en eftre un peu malade , pour
la punition de la peine que vous
nous avez faite. Je ne vous en
conteray pas le détail , vous feriez
encor affez malicieux pour en
rire. Sçachez ſeulement à voſtre
confufion , que nous avons delié
voſtre Nooeud gordien , malgré
tout fon embarras ; & pour vous
le faire connoiſtre , ſans que le
Porteur de ma Lettre en profite,
s'il a la curiofité de l'ouvrir , je
vais vous expliquer Enigme par
Enigme.
f
Hh iij
366 Extraordinaire
1
2
Vaceſmonde qui brave vos dif.
ficultez , vousmande qu'on n'a quà
vegarder Ifis dans un Miroir , pour
y voir au double la petite Doucete que
vous déguiſez avec tant d'artifice;
Califton la reconnoift ,poureftre de
taille dégagée , & de taille raiſonnable,
quoy que petite ; & dit , que
l'ingénieux Benoist , avec toutefon
adreſſe, ne lasçauroit mettre en cire,
qu'il ne luy ofte prés de lamoitié de
Sa reſſemblance. Tircis qui fait le
Compteur Pitagoricien , ajoûte
quefon Corpsest le quart deſept ; &
fon ame, lamesme partie de buit ; que
fon Ame &Son Corps , font un peu
moins que la moitié de trois ; &fon
Corps&fon Ame ,justement les deux
tiers de fix. Et moy je ſoûtiens,
quejamais Musique ne s'est pafféede
vostre Doucete , quoy que vous afſfu
duMercure Galant. 367
riez que ce n'est que depuis quelque
temps qu'on l'a jointe à ſes Soeurs ,
pour enfeigner &abreger cette agreable&
penible Science.
Oferiez- vous dire apres cela ,
que nous n'y entendons rien?
Vous n'eſtes pas affez hardy , il
nous feroit trop aifé de vous convaincre.
Rougiffez - donc que
troisBergeres de médiocre eſprit,
& un Berger qui ne ſe pique que
d'eſtre bon Amy , ayent découvertun
mot , ou plûtoſt undemy
mot , que vous croyez avoir rendu
impenetrable aux Oedippes
mefme. Mais à propos d'Oedippe,
ſçavez - vous qui eft celuy des
Hommes, qui a le plus gagné par
l'explication d'une Enigme ? C'eſt -
celuy - là , puis qu'il en eut un
Royaume pour récompenfe. Ja-
Hhiiij
368 Extraordinaire
mais perſonne que je ſcache,
Nefutfi bien payéd'avoir eu de
l'efprit,
comme dit Corneille. Quel prix
nous donnerez - vous , pour avoir
deviné la voſtre ? Ce feroit fansdoute
aufi des Couronnes fi vous
eſtiez aupres de nous ,&que vous
ne fuffiez pas fâché de voſtre défaite.
J'entens des Couronnes de
Fleurs, parcequenous n'avos pas
des teſtespropres àen porterd'autres
; ny un Berger & unFleuriſte,
d'autres àdonner. Il ne faut donc
pas que voſtre abſence & voſtre
dépit , nous privent d'un ornement
qui nous eſt ſi bien deub.
Nousirons chez vous l'un de ces
jours , cueillir dequoy le faire,
&nousajoûterons à noſtre triomphe
les plus belles dépoüilles de
du Mercure Galant. 369
voſtre Jardin. Voila comme on
en uſe, quand on connoiſt ſes
Amis à fonds ; on les raille, on
les pille , & quoy qu'on dife &
qu'on faſſe , on eſt toûjours ſeûr
qu'ils prendront tout en bonne
part . C'eſt l'opinion qu'on a icy
de vous , & qu'en veut avoir,
quand vous ne le voudriez pas,
voſtre bonne Amie ,
LA BERGERE CALISTE.
370
Extraordinaire
1
555255-522255-5522
SENTIMENS SUR LES
Questions du dernier Extraordinaire.
Quel choix doit faire un Homme,
&c .
SLj'avois àprendreparty,
Mercure, Soyez averty
Qu'une tres-vertueuse &belle,
Avecqueſon charme vainqueur,
Sans Biens, auroit gagné mon coeur,
Nerencontrant enmoy qu'uneflame
fidelle.
Le principalpoint de l' Hymen,
Outant deGens vont dire Amen,
Oùle grand Oüy résonne,
Sil'on ne veut point trop riſquer,
Eftde ne pas manquer
Au choix dela Personne.
duMercureGalant. 371
83
Mais, graces àDieu, cette affaire
Neme regarde point, eftant Célibataires
L'Estre des Estres fait mapart,
LeCiel m'estplus cher que la Terre,
Ettous lesfoirs jeprens un Verre
Debon Syropde Litapart.
Sur la Queſtion de l'Opéra
de Perſée.
DE E quel aveuglement voſtre ame est
doncſaiſie?
Aquel affreux transport vous laiſſezvous
gagner?
Ah, c'estporter trop loin l'esprit deja
loufie,
Jenepuisvous lepardonner.
83
Quoy, vous aimez mieux voir l'innocente
Andromede
Sans espérance de remede,
Entre les dents d'un Monstre affreux,
Qui devorantfa chair, nourira voſtre
envie,
372
Extraordinaire
Qu'entre les bras chéris d'un Rival bienheureux
*
Qui luy conſervera lavie?
Phinée, avouez en cejour
Qu'une autrepaſſion regne en vous que
l'amour.
Si l'amour qu'on a pour une jolie
Perfonne, doit empefcher qu'-
on n'en prenne encor pour
toutes les Belles que l'on rencontre.
P
4
Ar tout où brille laBeauté,
Cedoux charmedesſens, auſſi-bien que
des ames,
Onvoit unvif éclat de la Divinité,
Onlesrayonsfacre,zdeſes plusbelles
flames.
3
Là, regardant dans cet afpect,
Qui n'a rienqui nesoit favorable&
propice,
du Mercure Galant.
373
On ne sçauroit ſans injustice
Luy refuser l'amour, non plus que le
respect.
7
83
Ce tribut est indispensable,
Envers quiconque porte enſoy
DuMonarque Eternel, & du Souverain
Roy,
Le Caractere ineffaçables
C'est toûjours de ce beau cufte
Qu'ilfaut regarder la Beauté.
Ainfi cette inclination,
Qui pourune Perſonne engage le coeur
noftre,
Nedoitpas empeſcher lavenération
Que l'onpeut avoirpour une autre.
Efprits, qui tirez tout àvous,
F'improuvevos chagrinsjaloux.
374
Extraordinaire
On demande le Portrait d'un
Homme qui vit parfaitement
content.
Ene dispas qu'ilsoit poffible
D'estre detout point inſenſible
Aux accidens fâcheux qui traverſent
nos jours,
Etquifont le tiſſu de noſtre destinées
Maisqui vitfans Procés, ſans debtes ,
Sans amours,
Eftde condition heureuse &fortunée.
De l'Origine du Droit.
E qu'on révere en tout lieu,
Lestfondefurla Ley deDien
C'eft de cet aimable Principe,
Dequi tout Eftre participe,
Et deſesſaints Commandemens,
Queviennent tant de Reglemens,
Les Edits& les Ordonnances
Detant de mortelles Puiſſances,
du Mercure Galant. 375
7
CarDieu, la mesme Sainteté,
Eft lasource de l'Equité,
Et quandil fit le premierHomme
(Qui nous perdit par une Pomme
Dont tant de mal il arriva)
Surfon visage ilſe grava,
Luyfaisant connoistre en bon Pere
Cequ'ilfautfuir, ce qu'ilfautfaire,
Lepartageantde la raiſon,
Pour laſuivre en touteſaiſons
Heureux, fi dans toutesavie
Il l'euft fidellement ſuivie,
Et qu'il eust bornéſonſçavoir
Par les regles de ſon devoir.
Lepeché de nos premiers Peres,
Ces Parricides refractaires,
Ayant par malheur tout gaſté,
Ilplust parsabonté àDieu
Deſſus deux Tables bien liffees
Retracerſes Loix effacées,
Afin que la Pofterité
Sçeuſt l'ordre defavolonté,
Etnepustdanssa réſiſtance
Prétendre cause d'ignorance.
376
Extraordinaire
Moise, cesacré Docteur,
Enfurfaitle Legislateurs
C'est ainsi que le Décalogue
EstduDroit legrand Pédagogue.
LePeuple Romain autrefois
Vivoitfans Regles &fans Loix,
Se laiſſant allerfans police
Auxmouvemens deson caprice.
L'Histoire nous dit toutefois
Qu'ilobeiffoit àsesRoys.
Romule,lejalouxRomule,
Qui voulut régnerſans Emule,
Pourmieuxſes Citoyens dreffer,
DesOrdonnancesfit paſſer,
Eftimantdanssa Politique
Qu'une naiſſante République
Nepeutfans ce puiſſantSecours
Durer&subsister toûjours.
Ilavoit raiſon, le bon Sire,
CarlaLoy, dupeché retire,
Etveutvoir le Vice abbatu
Sous l'Empire de laVertn.
১
du Mercure Galant. 377
Les autresRoys qui leſuivirent,
De nouvelles Loix établirent,
Chacun tachant deson coſté
Defaire régner l'Equité.
Papyrius, un galant Homme,
Ralliant les Arrests de Rome,
Etramaffant toutes les Loix
Faites par l'ordre deſept Roys,
Compilla tout, & fit un Livre.
Pourtant on ceffa de teſuivre,
Et cet Ouvrage fi riant
Fut nommé Droit Papyrian;
Mais toutes les Loix précedentes,
Quoyquefages, quoy queprudentes,
Apres l'expulfion des Roys,
Furentſansvigueur &fans voix;
Et les Romains,Gens à balluſtres,
Dans l'espace dequatre Luftres,
Par un je- ne sçay queldeftin,
Neſuivoient qu'un Droit incertain,
Etqu'une Coustume groffiere,
Qui tenoit plus de la matiere,
Quede laforme&du bon ſens.
Noussommesde bons innocens,
Q.deJuillet 1682. li
378
Extraordinaire
Nos imprudences font extrémes,
Dirent-ils unjouren eux- meſmes;
Apres tous nos exploits divers,
Nousvoulons regler l'Univers,
Primer, &paffer pourdes Aigles,
Etnous n'avons ny Loix, ny Regles,
Nous laiſſant mener par le nez,
Commedes Ours infortunez.
Agiſſons mieux, puis que laGrece
Est i Oracle de la Sageffe,
LaMeredes Inventions,
Et l'Ecole des Nations;
Dans letemps &fiecle on noussommes,
Envoyons-y de braves Hommes,
Des Hommes d'élite &de choix,
Qus nous en rapportent les Loix,
Puisfur lesGreques Tablatures
Nouspouronsprendre nos mesures.
Auffitoft dit, auffitoftfait,
•On met ce projet en effet,
On députe, non point des Ruſtres,
Mais dix Hommes des plus illuftres,
Qui chargez d'un beau Compliment,
Fontvoile, &partentpromptement.
duMercure Galant. 379
On les reçoit, on les harangue,
Chacunfait merveille enſa Langue,
Et lesAmbassadeurs Romains
Fontsibien, qu'on met en leurs mains,
Comme endes mains conſidérables,
LesLoix qu'on nomme des dix Tables,
Loix pour laGuerre & pour la Paix,
Dont on doitparler à jamais.
Voila le beau préſent qu' Athenes,
La Ville du grand Démosthenes,
Fit à la Ville des Césars,
Avant que ces Enfans de Mars,
Dont lavaleurfutſansſeconde,
Fiffentfigure dans le monde.
Apres unfort legerSejour,
LesAmbassadeurs de retour,
Firent voir, tous brillans de gloire,
Les Loix écrites fur l'Yvoire,
Ce quise fit publiquement,
InRoftris, & pompeusement.
Un des dix, cefut Hermodore,
Eftimant qu'ilmanquoit encore
(Car chacun afa vifion
De reste &de provision)
১
Ii ij
380 Extraordinaire
Certaines choses fort notables .
Ala perfection des Tables,
Acesdix onadjoûta deux .
Leprojet estoit hazardeux,
Carilfalloit bien de l'adreſſe
Afin d'enchérirſur laGrece,
Dont chaqueLoy, dont chaque Edit
Pafſoit pour miracle d'efprit;
Mais comme il eſtoit habile Homme,
Ileut lesfuffrages de Rome,
EtcetEphéſien banny,
Detous les Romains fut beny .
Diſons, ce qu'on ne peut combatre,
Qu'un Esprit brillant en vaut quatre,
Etque luyſeulparson éclat
Peut entrainer tout un Senat.
Le Lecteur pourra voir le reste
Dans ce qu'on nomme vicil Digeste,
OuPandeîtes du Droit Civil,
Ouvragequi n'a rien devil,
Etdont les choses mémorables
Viennent des Loix des douze Tables.
:
du Mercure Galant. 381
1
A
Quesi l'on veut en cet endroit,
Pour l'intelligence du Droit,
Avoir la connoissance fine
DuDigeste, &de l'origine
Des Pandectes, voicy les noms
Conjointement, & lesſurnoms
Des Autheurs de ce digne Ouvrage
Où rien ne paroist que defages
Le grand SalviusJullian,
Æmilius Papinian,
Qu'on appelloit par excellence
Trésor de laJurisprudence;
Item, Mutius Scavola,
Souverain Pontife ; est-ce-là
Une baſſe Magistrature?
Sabinus,furnommé Mazure,
Qui lepremier publiquement
Soûtint du Droit pertinemment,
Preftant le collet&la nuque
Aqui s'enpritàſa perruque.
Alfenus Varrus Crémonnois,
Fut si bien inftruit dansles Loix,
382
Extraordinaire ۱
{
Qu'estantforty d'une Boutique,
Oud'Escarpins il fit fabrique,
De l'état d'un Homme privé,
Ildevint Conful achevé,
Et capablede grandes choses.
ODieu, quelles métamorphoses!
Nommons encor Antisthius,
Nerat, Sextus Pomponius,
Qui compoſaplusde Volumes
Quen'en écriroient mille plumes;
Celſe, Voluze Matian,
Et Domitius Ulpian,
CeTyrien mort en tumultes,
Le Prince desJurisconsultes;
Comme il eut l'esprit délicat,
Ilfut SecretairedEtat,
Heureux s'il n'eust pointfait la guerre
Au Roy du Ciel &de la Terre,
Enperfecutant les Chreftiens
Ducoſtédes corps & des biens;
Heureuxdanssa gloire mortelle,
S'il n'eustpoint brûlé d'un faux zele.
Adjoûtons le grand Zozius,
Et ledocte Oldendorpius.
du Mercure Galant. 383
Qui cherche de cette matiere
Une notion plus entiere,
LifeAccurse, Hermagenian,
Et le CodeJustinian.
Icy nous perdrons laparole,
Nommant Cujas, Balde, & Bartole,
Dont lenomfit bruit autrefois,
Etfait encore quelquefois .
Quelles font les qualitez neceffaires
pour la Converſation .
PArmy les Turcs & les Chroſtiens,
UnCritique qui veut toutfoûmettre àſa
mode,
Des Conversations est le grand Antipode,
Et leTyran public des plus beaux Entre
tiens.
Ades Gensfaits de cette forte,
On doit fermer la bouche aufſi-bienque
laporte.
Les Ennemisjurez de la Conclufion,
384
Extraordinaire
1
Aux plus bonneſtes Gens quifont confusion,
CesParleurs eternels qui ne sepeuvent
taire,
Qui perdent le respect & la discretion,
Dans une Conversation,
Ont encorle don dedéplaire.
D'ailleurs, ces Gens bornez, stupides,
taciturnes,
Dont lediscoursplus froidque la cendre
desUrnes
Eftfansfel &fans onction;
L'esprit estant àl'agonie,
Par leurpeu de parole, & leur peu de
génie,
Fontd'abord expirer la Conversation .
Ces Gens extravagans, ces Hommes à
lubie,
Plutoft que devenir au monde ſe montrer,
Feroient millefois mieux de s'aller retirer
4-
du Mercure Galant. 385
Dans les brûlans Deserts de l'affreuſe
Lybie,
Quede malfoûtenir la Converſation
Par leurhéteroclite & mauſſade action .
Mais, dira-t-on, quefaudroit-il donc
faire,
Afindese tirer heureusement d'affaire,
Etneſepas méprendre en cette occafion?
Quellesvertus paſſent pourſociables?
De quelles qualitez loüables
Faut- ilfaireproviſion?
Pourrendre un Entretien utile&déle-
Etable,
Ilfaut qu'on faſſe entrer dans ſonſujee
Qui n'ait rien de bas & d'abjet,
Unematiere profitable;
Qu'onyporte la bonne odeur,
Poury conserver l'innocence;
Qu'on évite ces mots qu'introduit la li
cence,
Etquifont rougir la pudeur.
Ilyfaut beaucoup de prudence,
Un esprit de docilité,
Q. deJuillet1682. KK
386
Extraordinaire
Une honneste affabilité ,
Une douce condescendance;
Jamais de termes offençans,
Famais d'inſulte, ou raillerie,
Jamais rien contre lebonsens,
Jamais traits de Pédanterie,
Banniſſant ce flux & reflux
Deparoles mal concertées,
Ces Epiſodes fuperflus
D'Hiſtorietes inventées,
Quifontfairemillefaux pas
Al'heure qu'on n'ypenſe pas.
Deplus, la charité qui noſtre bien ménage,
Ventqu'on épargne le Prochain,
Et l'honneurdeſon Souverain,
Quifut toûjours de Dieu laplusparfaite
Image.
Certe une Conversation,
De cette Sauce afſaiſonnée,
Doit avoir l'approbation
De toute Perſonne biennée.
du Mercure Galant. 387
On voudroit ſçavoir quel eſt
l'Autheur des Lunetes .
E
Ti Heureux &leMisérable,
N'ignorentpas ences bas lieux,
Quepour lafoibleſſe desyeux ,
La Lunete nouspreste unſecours favovorable;
Mais on nesçaitpas justement,
Quandpourfavoriser la venë,
Cette Machinefufpenduë
Fitſon premier effet dans le commencement.
Ce quesur ce sujet faut que ma Muse
en die,
Car autre chose n'enſçaispas,
Eftque le Poëte aux pieds plats,
Quiprit naiſſance à Sarfinnas,
En afaitmention dans une Comédie.
On tient mesme que Diogenes,
Kk ij
388
Extraordinaire
En cherchant enplein jour un Homme
dansAthenes,
Dans un empreffement des plus myſtérieux,
Pendant qu'il le cherchoit avecimpatience,
Pour s'avancerdans la Science,
Eut la Lanterne en main, &la Besicle
auxyeux.
Si lachose est ainsy , dès le temps des
Prophetes
On avoit mis au jour l'usage des Lu
netes;
Mais uſons de raisonnement,
Etprenons la chose autrement.
Si-toſt quedans le monde on voit des
yeuxmalades,
Tendres, ou affoiblispar la caducitě,
De ce Plastron brillant fut l'usage inventé,
Avant que l'on comptaſt par les Olym
piades,
Et cesecours officieux
du Mercure Galant. 389
N'avoit lien qu'à l'égard des Vieux .
Mais que dis-je aujourd'huy dans cette
Ville on Mars
Aveu naître & mourir tant defameux
Cefars,
Où l'on vous voit encor, Temple de la
Minerve?
LesGens à poilfolet, comme les vieux
Barbons,
Quoy que leurs yeux foient beaux &
bons,
Sefervent de Lunete , & l'appellent
Conferve.
Mais comme tout change icy-bas ,
De ces Lunetes dont l'optique
Se fait un jeu scientifique,
On en fait unſujet d'ébats,
Et tel penſevoir un miracle,
Qui nevoit qu'unſimpleſpéctacle.
L'une, d'un Nainfait un Géant ,
Et d'une Mouche un Eléphants
L'autre fait paroître un Anguille
Auſſi petite qu'une Aiguille,
Kk iij
390 Extraordinaire.
Une Citrouille comme un Poix,
Une Aloze comme un Anchois.
L'une approche l'Objet , & l'autre le
recules
L'autre, en multipliant l'Objet , trompe
Yles
sens ;
Tous ces plaiſirs font innocens,
Et tous ces paſſetempsſe prennentfans
Scrupule.
L. BOUCHET, ancien Curé
de Nogent le Roy.
Sur la queſtion de l'Opéra
de Perſée.
L
AcruautéSans-doute avecmoy
pointnée,
n'est
Cependant en amour jesuis tel que
Phinée.
Jeverrois ma Maîtreſſe expirerà mes
yeux,
Apres tous les tourmens que lafureur
inspires
du Mercure Galant. 391
Fe la verrois ſouffrir le plus rude martyre,
Plutoſt que de luy voir rendre un Rival
heureux.
1. B. GIRAULT .
1
Sur ce qu'on demande le Portrait
d'unHomme qui vit parfaitement
heureux .
V
MADRIGAL .
Ous souhaitez,Galant Mercure,
Que nousfaſſions d'un Homme la peinture,
Qui vitparfaitement heureux.
Pourmoy,je m'en excuse, &dis que je
nepeux.
Qui voudra préſumer trop de ſaſuffi-
Sance,
Pourra bien l'entreprendre, &lefera
tres-mal;
On a trop peu d'expérience,
Poury bien réussir, faute d'Original.
Kk iiij
392
Extraordinaire
AUTRE.
PoOuurrqquuiinousprenez-vous, Mercure?
Mafoy, contre vous l'on murmure.
Vous nous demandez des Portraits
Deceque l'on n'aveu jamais;
Ilfaut aller en l'autre Monde,
CeBienheureux n'estpointſur la terre,
&ſur l'onde,
Avant la mort, diſoit Solon.
Créſus l'éprouva bien dans son affli-
Etion.
GYGES,duHavre.
Les Cartes estoient le vray Mot
de la premiere Enigme du Mois
d'Aouft. Elles ont donné lieu auх
Explications que vous allez veir.
I.
ChereMuſe, refvons unpeu,
Ne fuyons pas commeles Parthes,
Battons le Fufil, faiſons feu;
du Mercure Galant. 393
Faute debien meſler les Cartes,
Le plus ſouvent on perd le jeu.
11.
POLYMENE.
Omme l'Enfant Royal que leCiel
Comme nous envoye,
Nous doit filer des jours de ſoye,
Dont l'aimable douceur ſe fera reffentir
Depuis ce beau climat juſqu'au Païs
des Parthes ;
Mercure, pour nous divertir,
Nous fait offre d'unJeu de Cartes.
L.Bouchet, ancien Curé
deNogent leRoy.
111.
Moy qui devine tous lesMois Les Enigmes fort à mon aiſe;
Sans pouvoir les trouver, j'endure cette
fois
Plus de mal qu'unPorteur deChaiſe,
Qui languit deflons ſon harnois .
En un mot je ſuis à la geſne;
Tu n'en croiras peut-eſtre rien,
394 Extraordinaire.
Mercure, & tu diras que jeles ſçaurois
bien,
Sij'en voulois prendre la peine;
Mais je fais tout mon entretien
Du ſoinde les trouver,&ma recherche
eſt vaine.
Non, je ne comprens pas ce que l'Autheur
entend;
Et s'il arrive d'avanture,
Quede ce que je fais tu ne fois pas
content,
Prens des Cartes, Monfieur Mercure.
DIEREVILLE, du Pont-Levesque.
cy- devant le Berger Alcidon,
du Fauxbourg S. Victor.
La mesme Enigme a esté expliquée
dans son vray sens par Meſſieurs
Corpel, de Champagne ; Pinchon,
de Rowen ; L' Albaniste, de la mesme
Ville ; Meſdemoiselles Hordeau , de
Courbeville, &de la Perriere, d'orleans.
du Mercure Galant. 395
On a encor expliqué cette Enigme
fur le Peigne , l'Arme à feu , la
Balle , le Claveſſin , le Chocola ,
& des Dez.
Le Mot de la seconde estoit la
Chaiſe. En voicy quelques Explications
en Vers .
1.
E cherchois par tout dans les
Cieux
Le Galant Meſſager des Dieux,
Où jele croyois à ſon aiſe;
Mais jettant lesyeux icy -bas,
Je le vis, en n'y penſantpas,
Aumilieu d'un beau Cercle, aſſis dans
C
une Chaiſe.
II .
RAULT, de Rouen.
Omme depuis fixmois à Mets je
fais ſejour,
Ville que vous ſçavez eſtre Ville fron
tiere,
Où l'on fait ſentinelle & la nuit, & le
{
jour,
396 Extraordinaire
MaMuſe adeviné voſtre Enigme premiere,
Endançant au ſon du Tambour.
Pour l'autre, ne vous en déplaiſe,
Laſſe enfin de dancer, quittant le Carrefour,
Pour ladeviner plus à l'aiſe,
Dans un lieu moins obſcur qu'un
Four,
Elle s'eſt miſedansſa Chaise.
L
111.
POLYMENE.
Enigmeme tourne ledos,
Me diſoit un Devin d'énigmatiques
Mots,
Que j'avois voulu mettre exprés ſur
cetteThefe.
Pointdu tout, répondis-je, & ne vous
plaignez pas ,
Voyez plutoſt , Mirtil, ( luy montrant
une Chaise)
Comment elle vous tendles bras .
La Blondine à l'Anagramme,
Sert à attacherleMonde choify,
de la Ruë Troufſfevache.
du Mercure Galant. 397
IV.
E ſuis une jeune Bergere,
Qui raifonne tout doucement ,
Et ne me fais point une affaire
De pouffer le raiſonnement .
Mille Gens ſe font des querelles,
Et s'échauffent mal- à-propos,
Pourmontrer que leurs Mots fidelles
Valent mieux que les autres Mots.
Pour moyquand je dis uneChaise.,..
Me contrediſe qui voudra ,
Je croiray, fans que je biaiſe,
Monfieur,tout ce qu'il vous plaira .
A... ROLIN, du Pré S. Gervais.
Ceux qui ont expliqué la mesme
Enigmefur la Chaise,fontMeſſfieurs
Leger de la Verbiſſonne ; F. Raguenet,
de Roüen ; Bourquelot ; De Corbgny,
dela Ruë de la Harpe ; De la
Ville aux Butes ; Hambly, de Caën;
Hordé, de Senlis; I. Buret, de Vitré
398 Extraordinaire -
en Bretagne ; Droüart de Roconval;
Le Chevalier Turpaut , de Niort en
Poitou; L'Inconnu , sur les Fofſſez
de l' Hostel de Condé ; Childebrand,
Gentilhomme deſon Païs ; Leſpirituel
Moret l'ainé, de la Ruë Pierre-
Sarrafin ; Daphnis D.L.R. N.S.A.
La belle Haymer.... du Petit Cloiſtre
Sainte Oportune ; & M. R. la Lyon.
noise , qui aime ſans l'ofer dire , du
mesme Cloiſtre ; L'aimable Acidalie
deTroyes ; La Brunete à l' Anagramme
, H. M. eſt à ſa Cour ; La Pa-
`risienne à l'Anagramme de Mine à
luire, de Bordeaux ; & la Beautéà
l'Anagramme, Ravit les Cooeurs .
On a encor expliqué cette Enigme
fur une Couche, de la Toille, &
un Bois de Lit.
Les Sonnets & les Madrigaux
que j'adjoûte , renferment les Mots
des deux Enigmes.
du Mercure Galant. 399
J
I.
E viens d'apprendre que Mercure
Vient de joüer aux Cartes dans ces
Lieux,
Et qu'il a tout perdu, juſques àſa voi-
で
ture.
De cela que diront les Dieux?
S'il eft contraint de retourner en
Chaife,
Je croy queJupiter n'en ſera pas ført
aife.
Mad. Du LORY, à l' Anagramme,
Libre d'amour, de la Ruë
duBac.
II.
Soyez le bien venu, Mercure,
Pour joüer un Piquetvous venez, j'en
fuisfeûre.
Qu'on apporte des Cartes, toſt;
Mercure, prenez une Chaiſe,
Point de cerémonie, & ne vous en
déplaiſe,
Que je vous capote bientoſt.
Mad.Rozon, de la Ruë auMaire
(
400
Extraordinaire
III.
On, pour me divertir, il n'eft pas
neceflaire
De Cartes,ny deDez, Monplaiſir le
plusdoux,
(Jeveux bienledire entrenous,
Mercure) eſt l'amoureuſe affaire.
Lors que tu voudras que chez toy
Jepallemon temps àmon aiſe,
Enmepréſentant une Chaife,
Il faudra faire aſſoir Climene aupres
demoy.
IV.
DAUBAINI,
AlifeenunegrandeChaife,
Pres avoir longtemps reſvé,
Joüant allez mal à monaife,
Le Motdes Cartes j'ay trouvé.
L'invention n'eſt pas commune,
Iris, l'honneur vous en eſt dû;
Jecroyqu'une telle fortune
Vautbien l'argent que j'ay perdu .
Mad. DE LANDELLEla Cadete.
du Mercure Galant. 401
V.
Ans. cetemps où toute la France
Detpleine derette
Que mille divertiſſemens
Tres-agreablement nous font paſſer
le temps,
UnJeu de Cartes n'eſt que tres-peu
neceflaire,
Et vous avez, cher Mercure Galant,
Demeilleurs préſens à nous faire.
De cetheureux Accouchement
La deſcription tant charmante
Eſt choſebien plus obligeante.
Pourmoy j'en ſuis ſi tranſporté
De joye, de plaifir, & d'aiſe,
Que fans Fauteüil, ny Chaife,
Jela lirois cent fois ſans en eſtre laſſe. -
DE MERVAL, de Morlaix.
Mon
VI.
On Iris me dit l'autrejour
Apres avoir un peu parlé de noftre
amour,
Tircis, devinez les Enigmes.
La Folete les ſçavoitbien.
Q.deJuillet1682. LI
402.
Extraordinaire
Pour luy plaire auſſitoſt j'en parcourus
lesrimes ,
Où je ne compris jamais rien.
Cela m'arrivepeu de meſime;
Mais je luy fis voir aiſément
Qu'on ne penſe qu'à fon tourment,
Lors qu'on eſt avec ce qu'on aime.
Elle connut mon embarras,
Et me voyant enfindans une peine
extréme,
Pour ne point t'empeſcher, dit-elle, je
m'en vas;
Et tandis que tu reſveras,
Pour joüer un Piquet, je chercheray
३
des Cartes.
Fort-bien, dis -je toutbas;
Mafoy, fi tu t'écartes,
Jene reſveraypas beaucoup.
Elle partit, je pris ſa Chaise,
Où me trouvant fort à mon aiſe,
Jeles devinay tout d'un coup .
DIEREVILLE,du Pont-Levesque,
cy-devant le Berger Alcidon,
du Fauxbourg S. Victor.
duMercure Galant. 403
Ceux dont les noms suivent, ont
expliqué les deux Enigmes dans leur
vray sens. Meffieurs Petit, de la
Rue Quinquempoix ; Dartigues,
Chap. de S. Eloy à Bordeaux ; Chrefrien
de la Maiſon, Maistre des Courviers
d'Auxerre ; Boifte Chevalier,
Rue aux Ours ; Avice, de Caën , Ruë
dela Harpe ; De Romainville ; Mef
demoiselles Magdelon Proüais ; Jeanneton
de Cligny, Fille de l'Intendant
des Poſtes de Troyes ; Ruau , de la
Paroiſſe de S. Sauveur ; Suzon Tabouret
; & Elizabeth Rabé ; Molina,
de la Ruë S. Denis ; Le Prophete Balaam
, de la Ville de Rennes ; Aston
Ogden ; Les deux Perfonnes de bien
unies de devant la Ruë deJérusalem
d'Arras ; Le Berger du Cotentin ; Le
conftant Solitaire, de Vitré en Bretagne
; Le Languedocien Brétonnisé,
Llij
404
Extraordinaire.
du mesme lieu ; Le Pere des quatre
Filles du Fauxbourg S. Victor ;Le
gaillard Boiteux ; De Sotteville, de
Châlons en Champagne; Nonon le
Baif, Ruëgroffe Horloge; L'aimable
Louiſon, proche la groffe Horloge de
Rouen ; & la Blondine trop fidelle
Amante.
:
QUESTIONS A DECIDER.
I.
LEquel eft le plus à
eftimer , de
l'Homme de Converſation, ou de
celuy de Cabinet .
11.
Si la Vengeance produit de plus
dangereux effets dans le coeur d'une
Femme irritée , que dans celuy d'un
Homme offence.
III.
S'il eſt mieux ſéant à un Chreftien
duMercure Galant .
405
de ſe marier, que de ſe retirer dans un
. Convent ; & fi un Homme eftant
marié , peut auſſi bien ſervir Dieu,
qu'un'.Homme qui eſt retiré dans un
Monastere.
IV.
Quel est le lieu qui unit le Corps
àl'Ame.
V.
Si l'ufage de la Perruque eſt plus
commode, & plus utile pour la ſanté,
que les Cheveux naturels.
It me reſte pluſieurs Réponses aux
Questions proposées dans le dernier Extraordinaire.
Ceux qui se donnent la
peine d'écrire , envoyent souvent leurs
Ouvrages trop tard , & c'est ce qui
oblige àles referver pour un autre temps.
Jesuis vostre&c.
AParis ce 15. Octobre 1682.
L
Avis pour placer les Figures.
Apremiere Planche doit regarder
lapage 151 .
La ſeconde Planche doit regarder
lapage226.
Österreichische Nationalbibliothek
305
fon
pos de Falckenso.com
C
LXXVI...
Dr. C. Zz. 2 .
MENTEM ALIT ET EXCOLIT
0
:
K.K. HOFBIBLIOTHEK
ÖSTERR . NATIONALBIBLIOTHEK
BE.6.Zz.2
EXTRAORDINAIRE
DU MERCURE
GALANT.
QUARTIER DE JUILLET 1682
TOME XIX.
A PARIS,
AV PALAIS.
Ο
Ndonnera toûjours unVolume
nouveau du Mercure Galant le
premier jour de chaque Mois, & on
le vendra , auſſi -bien que l'Extraordinaire
, Trente ſols relié en Veau,
&Vingt-cinq fols en Parchemin.
A PARIS ,
Chez G. DE LUYNE, au Palais , dans la
Salledes Merciers, à la Juſtice.
Chez C. BLAGEART , Ruë S. Jacques,
àl'entréede la Ruë du Plâtre,
EtenlaBoutique Court-Neuve du Palais,
AU DAUPHIN.
Et T. GIRARD, au Palais, dans la Grande
Salle, à l'Envie .
M. DC. LXXXII .
AVEC PRIVILEGE DV ROL.
EXTRAORDINAIRE
DV MERCURE
GALANT.
QUARTIER DE JUILLET 1682.
TOME XIX.
Doy quevous ayez déja
vû plusieurs Trainezſur
2
' Origine, & l'usage de
La Pourpre,je croy, Madame,
que vous ne ferez pas fâchée,
queje vous faſſe encor part de celuy
Q.deJuillet1682. A
2 Extraordinaire
que j'ayreceu de M. la Selve, de Nifmes.
Il feroit injuste de le priver
de la gloire qu'il doit esperer de fon
travail ; & d'ailleurs ,si divers Autheurs
traitent la mesme matiere, c'est
toûjours d'une manierefi diférente,
qu'on pourrait dire que tous leurs On
vrages ramaſſez n'en formentqu'un
Seul. L'un rapporte ce que l'autre a
oublié , &pour estre instruit à fond
d'une chose , il faut lire tout cequi en
aefté écrit. Ceux qui veulent bien
Se donner la peine de travailler sur
les Sujets proposez dans mes Lettres
Extraordinaires , peuvent s'aſſurer
que je tiendray ce que j'ay promis,
lors que j'ay dit que chacun auroit
Son tour. Ily a déja plus de quatre
mois que l'Ouvrage que vous allez
voir m'a esté rendu . Fen avois d'autres
qui m'ayant estédonnez auparaduMercure
Galant.
3
vant, devoient paffer les premiers,
& je rends aujourd'huy la mesme
justiceà celuy que je viens de vous
nommer , en commençant ce dixneufiéme
ExtraordinaireparleTraité
queje réserve de luy depuis si longtemps.
552525-2525222-252
DE L'ORIGINE DE LA
Pourpre , de l'usage qu'en ont
fait les Anciens , &defa diférence
avec l'Ecarlate.
L
EsPhéniciens,, au raportde
Julius Pollux , attribuent
l'invention de faire la Pourpre
à Hercule , qui vint chez eux accompagné
d'une Fille nommée
Tyro , laquelle ſe promenant ſur
A ij
4
Extraordinaire
し
1
1
le bord de la Mer , vit un Chien
qui dévoroit un Pourpre avec fu
reur. Le fang de ce Poiffon donna
une couleur ſi vive , & fi écla.
tante aux lévres du Chien , que
cet te Fille réſolut d'abord de demander
à ſon Amant une Robe
de cette meſme teinture. Hercule
en ayant eſté prié, ne man.
qua pas de faire peſcher dans
tous les lieux voiſins un grand
nombre de ces Poiſſons , pour
faire préſent à ſa Maiſtreſſe d'une
belle Robe teinte du ſang de ces
pauvres Animaux , qui commencerent
alors de perdre la vie pour
fatisfaire à la vanité des Hommes.
On ſe ſervoit autrefois de
trois fortes de Poiffons pour faire
cette teinture ſi riche & fi eftimée
, des Murex , des Conchidu
Mercure Galant.
S
lions , &des Pourpres. Les Poif.
fons que les Latins appellent Murex,
ſervoient non ſeulement pour
faire la Pourpre , mais auſſi on les
ſervoit à Table dans les Feſtins
les plus magnifiques , & les plus
ſomptueux ; & le Prince des Fai.
ſeurs d'Epigrammes 1. 13. les fait
parler en ces termés .
Sanguine de noſtro tinctas ingrate
lacernas
Induis , & non eft hocfatis , esca
fumus.
Les Conchilions efſtoient des
petits Poiffons à écailles , qui
avoient le bec long , & fortdifé.
rent de celuy des Pourpres , qui
eſtoit de figure ronde.
Horumego nonfugiam Conchylia.
Fuven.Sat. 3.
Ariftote Hift. Anim. l. s . c. 15.
1
t
A iij
6
(
Extraordinaire
i
dit que les Pourpres vivoient
d'ordinaire fix ou fept ans , &
qu'ils demeuroient cachez durant
trente jours au temps de la
Canicule. Nous liſons dans Pline
1. 9. c.36 . qu'ils s'aſſembloient au
commencement du Printemps,
&que ſe frotant les uns contre
les autres , ils rendoient une certaine
humeur viqueuſe , &gluan.
te comme de la cire. Ils avoient
au milieu du col une petite veine
blache, d'où ſortoit cette liqueur
ſi eſtimée pour la teinture des
Draps ; mais il falloit les prendre
en vie , car ils perdoient en mou.
rant cette admirable vertu. Les
Habitans de Tyr , fort habiles
en ce meſtier , tiroient les plus
gros Pourpres , pour les faigner
hors de leurs écailles , mais ils
*
duMercureGalant.
7
preſſoient les plus petits avec des
meules à huile pour leur faire ren.
dre cette prétieuſe humeur. Leur
langue qui estoit de la longueur
d'un doigt,eſtoit ſi dure, qu'ils en
perçoient les écailles des autres
Poiffons , qui leur fervoient de
nourriture. Ariftote Hift. Anim.
1. 8. c. 19. affure que de fon temps
on les faifoit mourir en eau
douce, ou dans quelque Riviere,
parce qu'ils auroient bien vé.
cu encor cinquante jours de leur
feule ſalive . Il eſtoit de deux for .
tes de Pourpres. Les uns qui avoient
le bec rond & un peu_ouvert
à coſté , eſtoient preſque
ſemblables à un Cornet , d'où
vient qu'on les appelloit Cornets
de Mer. Ceux- la eſtoient toûjours
attachez aux Rochers , où
7
A inj
8 Extraordinaire
ils eſtoient pris pas les Peſcheurs.
Les autres qui avoient le bec
comme un tuyau creuſé , eftoient
entourez de ſept petites
pointes que les Cornets de Mer
n'avoient pas. Au reſte la Pefche
de ces Poiffons ſe faisoit durant
les jours Caniculaires , mais
l'on y réüſſiſſoit mieux lors qu'on
la diferoit juſqu'au commencement
du Printemps. Les deux
plus grands Génies de la Nature,
Ariftote & Pline , nous apprennent
comment on s'y prenoit.
On ſe ſervoitde petits Filets tresclairs
, où l'on mettoit des Poiffons
appellez Moules , qui eſtant
à demy morts ouvroient leurs
écailles dans la Mer , où les Pourpres
les alloient inſulter par leurs
piqûres importunes. Ceux-là ſe
duMercure Galant.
9
ſentant attaquez, fermoient leurs
écailles, & oſtoient par cemoyen
à leurs Ennemis la liberté de s'é .
chaper. Apres qu'on avoit pefché
de cette maniere un affez
grand nombre de ces Poiffons,
on travailloit à la teinture de la
Pourpre de la façon que Pline
1. 9. c. 38. l'a écrit. On piloit les
écailles des petits Pourpres , car
on ne prenoit la chair que des
gros. On lavoit bien cela avec
une eau tres-claire. On faifoit
enfuite tremper le tout avec du
Sel durant trois jours , mettant
ſur chaque quintal de Teinture
une livre huit onces de
Sel . On avoit de grandes Chaudieres
de Plomb , dans chacune
deſquelles on metroit un quintal
&demy de Teinture préparée,
10 Extraordinaire
qu'on faifoit cuire lentement par
le moyen d'un petit Tuyau , qui
répondoit à la Chaudiere , laquelle
estoit fort éloignée du feu ,
de peur que la Teinture ne couruſt
riſque de ſe brûler. Il falloit
cependant écumer & nettoyer la
chair , qui reſtoit aux veines des
Pourpres, Enfin apres avoir laiſſe
pendant dix jours la Chaudiere
encet état , on y mettoit la Laine
bien préparéejuſques à ce qu'elle
euſt la couleur qu'on demandoit
, d'où l'ayant tirée encor,
on la cardoit , puis on la remettoit
pour luy faire boire entiererement
la Teinture. Les Cornets
de Mer ſeuls ne tenoient pas affez
leur couleur , mais les Pourpres
de haute Mer appellé Pelagia efcant
de couleur noire, dõnoient le
duMercureGalant.
.
luſtre à la teinture,&cette couleur
triſte qui estoit neceſſaire pour
faire une tres-belle Pourpre. Les
Tyriens ne ſe ſervoient que de ces
Pourpres, & avant que leurTein.
ture tiraſt ſur le vert , ils jettoient
la laine dedans , pour la mettre
enſuite dans une Chaudiere où
eſtoit la Teinture des Cornets de
Mer. Cette Pourpre neantmoins
a remporté le prix , & a eſté de
tout temps plus eſtimée qu'aucune
des autres ; d'où vient que
Tyr fut autrefois appellé Sarra,
comme le dit Aulugelle 1. 14.c.
16. du nom du Poiſſon que les
Latins appellent Murex ou Sar,
& la Pourpre meſmeeſtoit appellée
Sarranum Oftrum.
Ut gemmå bibat & Sarrano dormiat
Oftro. Virg. 2. Georg.
12 Extraordinaire
1.
Sive erit in Tyriis , Tyrios laudabis
amictus. Ovid. 2. deArte.
C'eſtoit autrefois un Employ
ſi conſidérable à Tyr , d'avoir
ſoin de faire faire la Pourpre , que
l'Empereur voulant récompenfer
d'une maniere particuliere un
Preſtre d'un tres-grand mérite
nommé Dorothée , il luy donpa
cette Commiffion , au raport de
Nicéphore Callixte au Chapitre
35. du Livre 6. de ſon Hiſtoire
Eccleſiaſtique. Il y avoit de la
Pourpre qui gardoit ſa couleur
juſques à deux cens ans. Plutarque
meſmeditdans la Vie d'Aléxandre
le Grand , que ce Conquérant
ayant pris la Ville de
Jules , trouva dans la Maiſon
des Roys pour cinq mille Talens
de Pourpre Hermionique,
du MercureGalant.
13
dont la couleur eſtoit auſſi vive,
&auſſi éclatante que le dernier
jour de ſa teinture , ce qui estoit
ordinaire lors que la rouge eſtoit
teinte du miel, & la blanche avec
de l'huile de cette couleur. Vitruve
l. 7. c. 13 dit que les Pourpres
étoientde couleur diférente,
ſelon la diverſe ſituation des Païs
où ils eſtoient pris. Ceux qu'on
peſchoit dans la Mer de Phénicie,
eſtoient rouges , au lieu que
ceuxqu'on trouvoit fur les Coſtes
d'Afrique , ſervoientà teindre la
Pourpre violete , que Cornelius
Népos qui mourut du temps de
l'Empereur Auguſte , dit avoir
eſté en voguedurant ſa jeuneſſe.
La Pourpre deTyrappellée Dibapha,
àcauſede ſa double teinture,
ſevendoit deux cens cinquante
14 Extraordinaire
Ecus la livre ; & fept cens ans
apres la Fondation de Rome, Publius
Lentulus Spinter fut blâme
de ce qu'il en portoit une longue .
Robelors qu'il eſtoitjeune. Pline
1.9 . c. 39. nousaſſure que la Pourpre
a eſtéde tout temps en uſage
parmy les Romains. En effet, il
eſt vray que leur premier Roy
s'en fervitd'abord dans ſon ManteauRoyal.
Pulcher&humano major habeâque
decorus,
Romulus. Ovid. 2. Faft.
Tullus Hoftilius fut le premier
quien porta une longe Robe
brochéd'écarlate , apres avoir
remporté une ſignalée Victoire
fur les Peuples d'Etrurie. Florus
au Chapitre s. du Livre premier
de l'Hiſtoire Romaine , dit que
duMercureGalant.
IS
Tarquinius Prifcus ordonna que
les Enfans des plus illuftres Familles
portaffent une longueRobe
bordée de Pourpre , qui estoit
auſſi l'Habit ordinaire des Perſonnes
de grande qualité,car tout
lemonde ſçait que le Philoſophe
Porphyre fut ainſi appellé , à
cauſe de la Robe de Pourpre qu'il
portoit , comme eſtant forty
d'une noble& puiſſante Famille.
Malchuseſtoit ſon premier nom.
Il étudia fous Photinus à Rome,
avec Origéne & Amélius ſes
Condiſciples , du temps de l'Em.
pereur Aurélien. Socrate 1. 7. c.
2. ditde luy qu'ayant eſté battu à
Céſarée par quelques Chrêtiens,
il compoſa par dépit quinze Li.
vres contre noſtre Religion , aufquels
Méthodius , Eufebe , &
6 Extraordinaire
Apollinaire , répondirent par
trente Livres Apologetiques. Le
Mauvais-riche eſtoit habillé de
Pourpre & de fin Lin , Erat homo
dives qui induebatur Purpura
&byſſo. Luc. c. 16. Je ſçay bien
que Nicéphore Callixte Hiſtoire
Eccleſiaſtique l . 1. c. 26. met
cette Hiftoire au rang des Paraboles
de Noftre Seigneur , & que
Saint Grégoire le Grand Hom.
in Evang. croit que l'abondance
du Mauvais- riche nous doit faire
entendre le bonheur du Peuple
Juif, & que la pauvreté du Lazare
nous marque la mifere des
Gentils ; mais je ſçay bien auſſi
qu'on peut inférer de là , qu'alors
les Gens riches & de haute
naiſſance avoient coûtume de
porter des Habits de cette couduMercure
Galant.
17
leur. La Robe de Pourpre eſtoit
autrefois la marque des Sénateurs
Romains , témoin ce Vers
de Martial .
Diviſitnoftras Purpura veftra togas.
Ils s'en ſervoient dans les Sacrifices
publics& folemnels, parce
qu'ils s'imaginoient qu'elle ne
contribuoit pas peu à appaiſer la
colere des Dieux. On chantoit
des Vers à Rome, dont le ſens
eſtoit , Jules César mene les Gaulois
en triomphe. Ils ont quitté leurs
Sayes pour prendre les Robesde Pour.
predes Sénateurs. Suétone raporte
que l'Empereur Auguſte prenant
la Robe virile , celle qu'il avoit
s'ouvrit de deux coſtez , & luy
tomba à ſes pieds , & alors les
Devins prirent cela pour augure
que l'Ordre des Sénateurs , donc
Q.deJuillet 1682 . B
18 Extraordinaire
la Robe de Pourpre eſtoit la
marque , luy ſeroit un jour ſoûmis.
Tibere voulant dégrader un
Sénateur , luy oſta la Robe de
Pourpre , parce qu'il eſtoit allé
demeurer en desJardins aux Calendes
deJuillet , afin que cejour
-de terme eſtant paſſe il loüaſt
une Maiſon à meilleur marché.
L'Empereur Domitien préſidoit
ſouvent aux Jeux en Robe de
Pourpre. Il ajoûta meſme au raport
de Suétone' , deux bandes
aux quatre anciennes des Jeux
du Cirque , dont l'une avoit pour
Livrée le Drap doré , & l'autre
celuy de Pourpre. Le Roy Ptolomée
eſtant venu au Theatre
pour y voir repréſenter les Jeux
que Caligula donnoitau Peuple,
ilattira d'abord les yeux de tout
duMercureGalant. 19
le monde , à cauſe de ſon Manteau
Royal , dont la Pourpre
jettoit un fi grand éclat , que ce
⚫ cruel Empereur le fit mourir
aufli toft pour cette ſeule raiſon.
Les Empereurs, &les Capitaines
qui devoient avoir l'honneur du
Triomphe , entre- laçoient la
Pourpre parmy l'or dans leurs
Habits; & Plutarque écrit dans
la Vie de Marcus- Craffus , que
ce Capitaine ayant pris un Manteau
noir pour baranguer ſes
Soldats , au lieu de prendre la
Robe de Pourpre ſelon la coûtume
des Romains , ille quita d'abord
à la perfuafion deſes Amis.
Sext. Pompée Fils du grand
Pompée , ayant remporté une
glorieuſe Victoire ſur Mer , prit
dans un Triomphe un Manteau
Bij
20 Extraordinaire
bleu , parce qu'il eſtoitdela couleur
de la Mer, au lieu d'en prendre
un de Pourpre à la maniere
des Romains . Comme dit Fulgofius
1. 3. c. 6. les Robes de
Pourpre couſtoient ſi cher , que
les Empereurs par politique ou
par avarice, endéfendoient quel.
quefois l'uſage ; & Jules Céfar
ne le permit qu'aux Perſonnes de
certain âge , de certaine qualité,
&meſme encor à certains jours;
& Néron , quoy qu'il euſt des
filets dorez dont les cordes eftoient
teintes en Ecarlate , défendit
pourtant l'uſage de la
Pourpre , &mefme il reprit avec
aigreur un Homme qui en vendit
quelques onces en un jourde
Foire , & fit mettre en priſon
tous les Marchands qui en a
duMercureGalant. 21
voient acheté. Il alla encor plus
avant , car un jour ayant remarqué
au Spéctacle une Dame vé-
⚫ tuë de Pourpre , auſſi- toſt il la fit
prendre , & ne la dépoüilla pas
ſeulementde ſa Robe,mais encor
de tous fes Biens.
Au reſte les Romains ſeuls ne
ſe ſervirent pas des Robes de
Pourpre , mais elles furent auffi
en uſage chez les autres Nations.
Les Athéniens meſme en por
toient , comme l'aſſure Elian 1. 4.
de Var. Hift. & Sabinus 1. 8. c. 7 .
dit que les Toſcans en uſoient
aufſi . Les Empereurs de la nouvelle
Rome , faisoient un ſi grand
cas de la Pourpre , qu'ils ne ſe
contentoient pas d'avoir les Habits
Impériaux de cette couleur,
mais ils s'en ſervoient auffi pour
22 Extraordinaire
écrire , & les Impératrices faifoient
leurs couches dans l'Apartement
de Porphire, qui ſe rencontroit
le premier en entrant
par la Porte de la Marine du
grand Palais du coſté de la Propontide
, d'où leurs Enfans eftoient
appellez Porphirogenites
ou Porphirogennetes. Les Cardinaux
commencerent de porter
la Pourpre du temps du Pape Innocent
IV. qui la leur fit prendre
dans le Concile de Lion l'an 1205.
pour marque de leur dignité , &
de l'obligation qu'ils avoient de
perdre meſme la vie pour la cauſe
de Dieu & de fon Egliſe , principalement
dans la perſécutionde
l'Empereur Frideric , qui fut excommunić
dans ce Concile pour
la quatrićme fois.
duMercure Galant.
23
Les Grecs appellent Coccos la
graine d'Ecarlate ; d'où vient que
Ardenti Cocco radiare , ſe dit d'un
Homme qui eſt magnifique , &
propre dans ſes Habits.
Et contra ardenti radiabat Scipio
Cocco. Silius l. s.
Pline 1. 16. c. 8. dit qu'elle s'appelle
auffi Cufculium , & qu'elle
vient au bout des queuës où ſe
tiennent les feuilles du Chefne
vert. On l'apelle Vermillon en
Languedoc. Il y en a meſme
beaucoup dans pluſieurs endroits
decette Province, où les pauvres
Gens la cueïllent avec grand
foin . Elle ſe dit en Arabe Kermes,
d'où eſt venu le mot deCramoify.
Elle naiſt en Galatie , en
Afrique , en Pifidie , en Cilicie,
&fur tout enEſpagne dans l'E-
ハ
24
Extraordinaire
ſtramadure aupres de Mérida,
Celle qu'on trouve dans l'Iſle de
Sardaigne n'eſt pas fort eſtimée.
Au reſteon ne la doit cueillir ny
trop toſt , ny trop tard ; car fi elle
n'eſt que d'une année , la couleur
en eſt trop foible ; ſi elle a paſſé .
quatre ans , elle a perdu ſa force
&ſa vertu . Son écorce s'appelle
proprementgraine d'Ecarlate , &
ſa moüelle eſt le fin Paſtel d'Ecarlate.
L'écorce fournit plus de
teinture , mais la moüelle fait la
véritable Ecarlate. Quand on
veut ſe ſervir de cette graine , on
lave premierement les Draps
dans l'eau ſeûre faite d'eau de
Riviere bien nette , d'Agaric &
de Son ; puis on y jette l'Arſenic
avec l'Allun pour les dégraiffer
afin qu'ils boivent bien la Teinture
duMercureGalant.
25
ture qu'on leur donne apres cela
avec le pur Paſtel. On vuide
enfuite la Chaudiere de cette premiere
eau , & on la remplit d'eau
claire, y mettant du Paſtel & de
l'Agaric . La Gomme d'Arabie
la rend plus rouge. La Couperofe
& le Brefil font un faux
Cramoify. Les Cramoiſys rouges
qu'on fait ſur les Laines eny
meſlant de la Cochenille qui
vient desIndes , ſe font à peu
présde la meſme façon. Au reſte
il eſt certain qu'il y a des Eaux
les unes meilleures que les autres.
Il y en a qui enyvrent tellement
les Laines, qu'elles reçoivent fort
bien les Teintures , & les retiennent
tres - longtemps fans ſe dé.
charger. Les autres dégraiffent
les Draps d'une maniere toute
Q.deJuillet 1682. C
26 Extraordinaire
particuliere , & d'ordinaire les
Teintures ſont eſtimées à proportion
des Eaux qu'on employe à les
faire . La Riviere des Gobelins ,
outre qu'elle donne la comodité
de faire de grands Réſervoirs &
les plus beaux Canaux du monde,
remplis d'une eau vive & tres -
claire, a cette admirable vertu de
teindre en Ecarlate, ce qui donne
à la France dequoy dédommager
toute la Terre de la perte qu'on
a faite de l'invention de faire la
Pourpre. Cette Riviere eſt au
Fauxbourg de Paris aupres de
Gentilly , où l'on tint autrefois
un Concile ſous le Regne de Pepin
, avec le conſentement du
Pape Paul I. pour y examiner le
diférent qu'il y avoit alors entre
les deux Eglifes , fur le ſujet des
duMercureGalant.
27
Images , & de la Proceffion du
Saint Eſprit. Enfin il n'est pas
fort difficile de voir la diférence
qu'il y a entre la Pourpre & l'Ecarlate
, puis qu'on ſe ſervoitpour
faire celle-là de Poiffons qu'on
ne trouve plus , & qu'on employe
pour celle- cy des Graines
qu'on trouve dans pluſieurs endroits
du Monde ; mais voicy се
qui leur eftcommun. On ſe ſert
aujourd'huy de l'Ecarlate prefque
de la meſme maniere qu'on
ſe ſervoit autrefois de la Pourpre;
car, comme le Grand Pontife, les
Preſtres , & tous ceux qui facri
fioient aux faux Dieux, portoient
des Robes de Pourpre , ainſi les
Princes de l'Eglife & les Chanoines
de pluſieurs Chapitres de
France en portent d'Ecarlate ,
Cij
28 Extraordinaire
lors qu'ils fervent à l'Autel du
vray Dieu. Comme les Empereurs
eftoient autrefois veſtus de
Pourpre , de mefme aujourd'huy
les Roys & les Souverains ont
des Habits de cette couleur, pour
briller avec plus d'éclat aux yeux
de leurs Sujets ; &comme les Sé.
nateurs portoient autrefois la
Robe de Pourpre , tout de mefme
à preſent les Préfidens , &
les Conſeillers des Cours Souveraines,
portent une Robe d'Ecarlate
qui les diftingue des Officiers
des Cours fubalternes , jufques-
là meſme que la Meſſe qui
ſe dit la Feſte de Saint Martin à
l'ouverture du premier Parlement
du Royaume , s'appelle la
Meffe rouge , parce que les prinçipaux
Membres de cet auguſte
duMercure Galant. 29
Corps font habillez de cette couleur
; & cela eſt ſi honorable,
que plufieurs Cours ne pouvant
eſtre Souveraines, font tous leurs
efforts pour avoir le Privilege de
porter la Robe rouge , qui en eft
la marque , &le caractere.
52522-5525522-2555
TRADUCTION
DE BUCANAN.
Ay déja venfixfois dans ces tristes
Climats,
L'Hyververſerſur moysa neige &ſes
frimats.
F'ay veufix fois l'Etéfaire fleurir nos
Plaines,
Donner aux Laboureurs le douxfruit
de leurs peines;
Mais,helas, ny l' Hyver par toutes ses
froideurs,
Cij
30 Extraordinaire
Ny ia belle Saisonparses grandes chaleurs,
N'ont pas eu le pouvoir de chaffer de
mon ame
L'aimable Amarillis, ſeul objet de ma
flame.
Si-toft que jem'éveille , ou bien qu'au
bord de l'eau
Jonant du Flageolet je conduis mon
Troupean,
Jefongeàses attraits , je rappelleſes
charmes,
Denouveau je reffens naître en moy des
allarmes.
Si messens afſoupis vont chercher du
repos,
Ilsemble que la nuit n'a d'humides
Pavots,
Quepourmeprésenter d'unefaçon plus
vive
La charmante Beauté dont mon malheur
me prive;
Car n'estant diſſipé par aucun autre
Objet
2
duMercure Galant. 31
Plein de l'Amarillis que le Sommeil a
fait,
Jemejette à genoux, je languis, jeſoûpire,
Je luy jure centfois d'eſtre ſousſon empire,
Sans craindreſon couroux, je luy donne
un baifer,
Enfin je n'ômets rien qui puiſſe l'appaifer.
Quandla nuit diſparoift , & retire ſes
voiles,
Que Phébus àson tour vient chaſſer les
Etoiles,
Jemeplains aux Rochers, j'interroge les
Bois,
Mais les Bois,les Rochers, tout est fourd
àmavoix.
Laſeule Nymphe Echo , la Nymphe
malheureuſe,
Qui du Berger Narciffe est encore amoureuse,
Accufe commomoy la rigueur de mon
fort,
C iiij
32
Extraordinaire
Demante comme moy duſecours à la
Mort .
Elleparle,&fe taiſt comme un autre
moy-mesme,
AppelleAmarillis, &luy dit, je vous
aime .
Combien defois auſſi dans l'excés de mes
MAUX,
Regardant les Zéphirs badinerfur les
flots,
Etrepouffer laMer auſejour de ma
Belle,
Héquoy, leur ay-je dit, un Amant ſi
fidelle
Nepeut- il mériter quelque grace de
vous?
Venez,Zéphirs, venez rendre mon fort
plus doux;
Venez n'apprendre enfin ſi celle que
j'adore
Sçait que je ſuis le meſime, & que je
l'aime encore,
Si demeurant conſtante elle megarde
un coeur
duMercureGalant .
333
Dont j'eſtois autrefois demeuré le
vainqueur;
Ou plutoſt contentez ma juſte impatience,
Je ſuis las de ſouffrir une ſi longue
abſence,
Vous ſeuls, Zéphirs, vous ſeuls pouvez
en un moment
Me tranſporter d'icy, me rendre heureux
Amant;
Unifiez-vous donc tous, uniſſez tous
vos aîles ,
Et j'iraydans ces lieux porter de mes
nouvelles .
Mais loin deles toucherpar mes tristes
Soûpirs,
Ils neveulent pas mesme écouter mes
defirs.
Je les vois auſſitoſt qui grondent de
colere ,
Et traitent mon amour d'un amour teméraire.
Alors unfroid mortel s'empare de mes
Sens,
34
Extraordinaire
Mon coeur estfans chaleur, mes jeux
font languiſſans,
F'arrose de mes pleurs les ſables du
Rivage,
Mon deſeſpoirparoiſt dépeint fur mon
visage.
En vain autour de moy le Dieu Pan,
Ses Bergers,
De leurs aimables voixfont retentirles
airs;
En vain la jeune Iris, Amarante, &
Climene,
Lycoris, Lycifca, les Nymphes de la
Seine,
Me croyant un Amant changeant &
maltraité,
Viennent m'offrir un coeur plein defide
lité,
Fontparoiſtre à mon ame au deuil abandonnée,
Lesplaisirs , les douceurs , les ris de
Hymenée;
Leurs beautez , leurs appas, ne peuvent
me guérir,
•du Mercure Galant.
35
Ny m'ofter le deſſein que j'ay priside
mourir.
25525-52255-525222
S'il eſt plus honteux à une Femme
, d'accorder des faveurs à
un Homme qu'elle a aimé ,mais
qu'elle n'aime plus , & dont
elle n'eſt plus aimée , qu'à un
autre qu'elle n'a jamais aimé,
& qui l'aime fortement .
Quoyqu'il ſemble presqueim-
Qu'une ame à l'amour inſenſible
Entre dans le deſſein d'accorder desfaveurs,
De deux Galans pourtant que le Sort
me préſente,
Lors que je dois à l'un destiner mes douceurs,
Ledernier, à monsens, est plus digne
d'attente.
36 Extraordinaire
F'aimay le premierfans retour,
Je ne l'aime plus àmon tour,
Nous nouspayons tous deux de meſme
indiférence;
Mais que pourroit enfin cet Ingrat efpérer,
Que les justes effets d'uneprompte vengeance,
Dansla confusion qu'il voudroit m'attirer?
3
Leſecondn'enfaitpas de meſme,
L'amourqu'il me porte eſt extréme,
Il trouve des appas juſques dans mes
defauts,
Mes froideurs n'ont jamais ébranléSa
constance;
Si l'amour ne peut pas m'attendriràſes
maux,
Lapitié le doitfaire, & la reconnoisfance.
duMercureGalant.
37
:
ne
f-
552525-2525222-252
Si l'on peut dire , je vous eſtime,
à une Perſonne d'un rang plus
élevé que l'on n'eft.
Nmelefait sentirque j'ay fait un
D'avoir dit bonnement, Monfieur, je
vous eftime.
C'est un Hommeplus grandque moy,
Et qui peut me donner la loy.
Vous demandez , Galant Mercure,
S'ilse peut dire, est-ce une injure?
Ah!qu'il s'en estchoqué! je m'ensuis
repenty.
Helas! j'en ayfait penitence,
Que j'aurois priſe en patience,
Si j'avois peu d'eſtime , ou si j'avois
menty.
Quoy!veut-ilſeulement du reſpect, de
la crainte,
Et de l' obeiffance? On les doit àfon
rang;
38
Extraordinaire
Jedisſouventmesmeſansfeinte,
Quepour luy j'épandrois monfang:
Mais pour l'Estime, il la mépriſe,
Auſortirde ma bouche, il la prendpour
beſtiſe;
C'est la marque pourtant d'un veritable
amour.
Pourquoy donc s'offenſer, quand je la
mets au jour?
Peut- on l'avoir,ſans lafaire paroiſtre ,
Etfans l'oferdire àfon Maiſtre?
Quandon l'aſans raison, l'on peut-estre
battu,
Lors qu'on eſtime trop ce qui n'eſt eftimable:
Carqui donne au Vice est coupable,
Ce qui n'estdeub qu'àla Vertu .
Mercure, ilvaut donc mieuxſe taire,
Pouréviter ceméchant pas .
Craignons, obeiſſons, &respectonspour
plaire,
Puis quede noſtre estime onfaitsipeu
decas.
GYGES, duHavre
du Mercure Galant.
39
2252 5552 22 552 525
Quelle est la marque la plus
eſſentielle d'une veritableAmitié.
N peut dire qu'il en eſt de
Pamitié chez les Philofophes,
comme de l'amour chez les
Poëtes. Ce font d'agreab les chimeres
, qui n'ont de realité que
dans l'imagination échaufée des
jeunes Gens . Si quelques Vieillards
, & quelques Sages, en ont
- laiſſé de belles idées dans leurs
Livres , c'eſt qu'ils ont voulu
tromper les autres , comme ils
avoient eſté trompez eux-mefmes.
A joindre que ceux qui ſe
-piquent d'amour &d'amitié , refExtraordinaire
40
1
1
ſemblent aux Chimiſtes qui foulent
toute leur vie , ſans trouver
la Pierre Philofophale. Rien ne
les peut détromper , & ils efperent
toûjours qu'il viendra quelque
heureux moment , qui les récompenfera
de leurs peines , & de
leurs dépenſes. La facilité qu'on
ade faire l'amour , & cette fauffe
fincerité dont on ſe fert pour s'attirer
l'amitié de tout le monde,
font qu'on ſe trompe tous les
jours , dans l'un-& dans l'autre.
J'entens dire à mille Gens , Une
telle m'aime éperdûment , elle est
folcde moy. Un tel est de mes Amis,
il fait ce que je veux. Enfin on
donneà tout le monde la qualité
d'Amy, parce que ce nom plaiſt,
& qu'il eſt devenu à la mode;
mais que l'on connoiſt peu ce
1
duMercure Galant.
41
que c'eſt que l'amour & l'amitie!
Nous sommes les Dupes de cette
Coquette,& de ceFourbe, dans le
moinent que nous les croyons les
plus fideles .Avons-nous le don de
penetrer les cooeurs ,&de fixer les
volontez , pour nous aſſurer ain.
ſi de l'amitié des Hommes ? La
Sageſſe incarnée qui s'eſt réſervé
ce ſecret à elle ſeule , ſemble
avoir douté de l'excellence de fes
lumieres fur ce ſujet, lors qu'elle
demanda par trois fois au plus
ardent , & au plus zelé de fes
Diſciples , Pierre, m'aime - tu ? Le
Sauveur du Monde pouvoit-il l'i
gnorer , apres ce que cet Apôtre
avoit fait au Cenacle , & dans le
Jardin ? Mais il connoiſſoit la foibleſſe
des Hommes , &il ſe ſouvenoit
de ce qui s'eſtoit paſſé
Q.deJuillet 1682. D
42
Extraordinaire
1
dans le Prétoire. Dieu qui connoift
nos coeurs ne les fixe pas,
parce qu'il veut qu'ils foient libres
. Il nous les demande , &
par là noſtre amour , comme le
fruit le plus prétieux de cette
liberté . N'allons donc pas ſi viſte,
ſoyons moins préoccupez , & que
les mouvemens de noftre cooeur,
ne préviennent jamais les ſentimens
de noftre eſprit. Ce n'eſt
pas choquer l'amour , de douter
fi l'on eſt aimé , ce doute le rend
plus fort, plus ſolide & plus raiſon.
ble. Onne peut jamais s'aſſurer
d'eſtre aimé, fi la Perſonne aimée
ne fait pour nous , ce que l'amour
ſeul l'oblige de faire . Tout
le reſte n'eſt que le dehors de l'a
mour où l'on peut eſtre trompé.
L'intereſt , la laterie , & la com-
1
duMercure Galant.
43
1
i
plaisance , font faire aux Gens
du monde , dans le commerce de
la vie , mille choſes que nous attribuons
à l'amour , & à la tendreſſe
. C'eſt folie de dire, aimez,
& vous fere,z aimé. La maxime
n'eſt pas infaillible , comme l'a
crû Seneque. Celle- cy pourroit
eſtre plus veritable , Plaiſez , &
vous ferez aimé ; & elle eſt d'autant
meilleure , qu'on n'a pas
la peine d'aimer , ce qui n'eſt
pasunmédiocre tourment. C'eſt
auſſi le ſecret des Belles. Elles
fongent à plaire ſeulement , & on
les aime toutes inſenſibles &
cruelles qu'elles font.
১
Auffi- toſt qu'un Objet commence
de nous plaire , auffi- toſt
noſtre coeur commence de l'ai
mer. La diférence de l'amour &
Dij
44.
Extraordinaire
3
de l'amitié , vient de la diférence
des deux Sexes où ils ſe rencontrent.
L'inclination mutuelle ens
tre deux Sexes , s'appelle amour;
& l'inclination reciproque dans
un meſme Sexe , s'appelle amitié;
mais tout cela doit juſtement
s'appeller amour , puis que la
paffion qui luy eſt opposée , en
quelque Sexe qu'elle ſe trouve,
n'a point d'autre nom que celuy
de haine. Quand l'amitié eſt
agiſſante & empreſſée pour fon
Objet , c'eſt amour ; quand l'amour
aupres de luy eſt tranquille,
conftant , & attaché à le confiderer
, c'eſt amitié. Malgré toutes
les disjonctions de la Philofophie
, c'eſt un Frere , c'eſt une
Soeur , mais un Frere &une Soeur
qui ne peuvent vivre ſans eftre
duMercureGalant.
45
- enſemble , & qui ſont ſouvent
pris l'un pour l'autre. Ce qui a
fait dire à un galant Homme,
qu'ils maſquent fouvent enfemble.
T
e
R
دش
1
1.
:
Comme un Enfantfort gay l'amitiéſe
fait voir,
Et l'Amour y paroiſt une Fille mo .
defte.
i
Il ne faut pas s'en étonner,
puis qu'au ſentiment des Peres,
une forte inclination pour la
vertu , a meſme quelque choſe
du déreglement de l'amour. Une
veritable amitié n'eſt donc qu'un
amour raiſonnable , & où la Na.
ture a peude part, qu'on exprime
diverſement chez les Grands , &
chez le Peuple. La ſimpathie
n'eſt pas moins forte dans l'ami.
tié que dans l'amour , & c'eſt
46
Extraordinaire
auſſi ſurquoy est fondé cet amour
héroïque , que nous voyons dans
les Livres. Un bel Eſprit nous a
dit en faiſant ſon Portrait , que
dans toutes ces amitiez , il y entroit
un peu d'amour. En effet,
luy ſeul lie les ames , & unit les
coeurs. C'eſt le cimentdes belles,
&des grandes amitiez . Celles
d'inclination, ſe prennent comme
l'amour. Comme elles font le
plus excellent , & le plus folide
effer de la fimpathie , elles font
violentes & durables. Unje-neſçay.
quoy les fait naiſtre , & ce
charme naturel dure autant que
la vie,dans celuy qui en eſt préve
nu. Si - toft que David parut devant
Saül , il gagna le coeur de
Jonathas , & d'une maniere fi
forte , que l'Ecriture Sainte dit
du Mercure Galant.
47
لان
que l'ame de ce Prince fut collée
à celle de David , pour ainſi dire,
& qu'il aima comme luy- mefine.
Ces paroles ſont extrémement
-touchantes , & expriment bien
cette tendre amitié . Et factum
est cum cumpleſſet loqui ; ad Saül
anima Jonathe conglutinata eft anime
David , & dilexit eum Jonathas
quasi animam fuam . Ce que
Virgile a dit à peu présde Niſus,
&de Euriale, his amoremus erat. Ils
s'aimoient uniquement ,& comme
a traduit un de nos vieux Poë
tes , cen'eſtoit qu'un coeur d'eux.
- Cette inclination de Jonathas
pour David fut conſtante , &ce
Prince l'aima toûjours beaucoup.
Lors queSaül voulut le faire mou
rir, il l'en avertit, & il n'y a point
debons ſervices qu'il ne luy ren,
:
48 Extraordinaire
diſt aupres de ce Roy furieux . Il
luy fait mille fermens de fidelité,
dans toutes les rencontres où
David avoit lieu de craindre ſa
colere ,& il aſſure qu'il n'y auroit
qu'un moment entre ſa mort &
la fienne , & qu'il fera tout ce
qu'il luy dira. Il fait enſuite alliance
avec luy , & il luy renouvelle
ſes ſermens , parce qu'il l'aimoit
, ajoûte encor l'Ecriture,
&qu'il l'aimoit comme ſa vie;
car c'eſt icy proprement commé
il faut entendre le mot d'ame, &
non pas de l'ame fpirituelle , &
divine ; mais apres tout , je confidere
David , comme le Favory
d'un Prince qui n'a d'attachement
pour Jonatahas qu'autant
que ſa Fortune l'y oblige. Quand
il devient fon Beau-Frere, &Gen
dre
duMercureGalant.
49
drede fon Roy, c'eſt unAmy d'alliance
&d'intereſt,que l'honneur,
&la reconnoiffance engage ; car
à toutes les choſes obligeantes
que luy dit ce Prince , il ne répond
rien. Il ſe contente d'eſtre
aimé , comme si c'eſtoit affez , &
qu'il fuſt preſque impoſſible d'aimer&
d'eftre aimé en meſme
temps. Il ſe fait honneur de cette
amitié , & en profite dans toutes
les occaſions , tant- il eſt vray que
- les Princes n'aiment leurs Favoris
qu'à leur confufion , comme reproche
Saül à Jonathas , & à la
- confufion de leur Mere , ajoûte
-t-il , ce qu'on peut expliquer de
leur Royaume , &de leurs Sujets.
Les Roys qui s'y ſont abandonnez
nous en fourniſſent de fu-
- neſtes exemples. Ces Amis d'in-
Q.deJuillet1682 . E
Extraordinaire
so
clination , ces Favoris qui fai
foient leurs délices , ont épuiſé
leurs tréſors , ou terny leur réputation
, & les ont ſouvent trahis
dans leur diſgrace. Enfin l'amour
du Prince pour le Favory,
a toûjours fait l'horreur & la
haine des Sujets , pour le Prince.
Jamais Roy a- t- il eſté plus
malheureux en Favoris qu'Henry
III . Il n'en peut aimer unſeul,
ſans s'attirer auffi- toft l'indigna .
tion de toute la Cour & du Peuple
, & fans en eſtre la dupe & la
victime ; car l'Hiſtoire remarque
qu'il ne fuſt aimé de perſon.
ne , que de ceux dont il acheta
l'affection par ſes bien- faits im.
modérez . Si on en excepte quel.
ques -uns , qui furent dignes de
ſes faveurs , tous les autres l'aduMercureGalant.
51
t
bandonnerent lâchement , & il
eſt ſurprenant , qu'apres ſamort
qui fut ſi tragique , aucun ne fiſt
pour luy , ce qu'entrepriſt un
ſimple Serviteur qui avoit encor
plus de part dans ſes affaires , que
dans ſes bonnes graces. Je ne
confidere pas icy Benoiſe , com-
⚫me un fidelle Sujet qui rend les
- derniers devoirs à ſon Prince,
mais plûtoſt comme un veritable
Amy , quiramaſſe ſes cendres , &
qui conſerve ſa mémoire ; car à
mon avis , le ſouvenir des Morts
eſt la marque la plus eſſentielle
d'une veritable amitié. Qui aime
encor apres la mort , eſtoit digne
d'eſtre aimé pendant la vie. Je
trouve qu'Auguſte ſeul fut heureux
en Amis , ſoit dans le choix
qu'il en fiſt , ſoitdans les ſervices
E ij
52
Extraordinaire
qu'il en reçeut ;mais s'il faut eſtre
un Auguſte pour trouver des
Virgiles , il faut encor eſtre un
Auguſte pour trouver des Mefſenes
; de ces Favoris qui déferent
toute la gloire au Prince , &
qui ſemblent n'agir que pour luy
ſeul. Alexandre ne fut pas moins
heureux en Amis qu'Auguſte;
mais tous deux eurent le déplai.
fir d'en eſtre privez pendant leur
vie. Alexandre eut le malheur
de tuer Clitus , & de ſurvivre à
Epheſtion. Auguſte perdit Agrippa
, &Meſſenas preſque de ſuite,
&dans un temps où il en avoit le
plus de beſoin . On luy peut mefme
reprocher quelque choſe
d'auſſi honteux qu'à Alexandre;
car fi la colere de ce Prince envers
Clitus eft blamable , les a
du Mercure Galant.
53
moursd'Auguſte pour la Femme
de Meſſenas , ne luy font pas
*trop d'honneur. De plus ſon amitie
fut intereſſée , & s'il fut plus
ſage en cela qu'Alexandre , if
fut bien moins fenfible. Auſfi
n'eut - il que des Amis , & non
pas des Mignons. Les Roys ont
beſoin de Favoris qui les délaffent
, qui participent à leurs plaifirs
, & à leurs fecrets , & qui
foient les Collegues du Roy auffibien
que de la Royauté ; mais il
font rarement heureux dans le
choix qu'ils en font. Le Maré.
chal de Biron eſtoit aupres
d'Henry le Grand , ce que Clitus
eſtoit aupres d'Alexandre.
C'eſtoient deux vaillans Capitaines
, mais préſomptueux &
- infolens , qui dans leurs bravou-
E iij
54
Extraordinaire
res , ne croyoient pas qu'il y eut
rien de comparable à leurs belles
actions , & qui fut digne de les
récompenfer. Le Duc deJoyeuſe
eftoit encor aupres d'Henry III .
ce qu'Epheſtion eſtoit aupres
d'Alexandre. Tous deux Beaux-
Freres de leur Roys , & verita
blement Amis plútoſt que Favoris.
Si les Nôces d'Epheſtion fu .
rent fi magnifiques , qu'il s'y trouva
juſqu'à neuf milles Conviez,
auſquels Alexandre donna à chacun
une Coupe d'or , pour offrir
leurs Sacrifices aux Dieux ; Henry
III . dépenſa douze cens mille
Ecus à celles du Duc de Joyeuſe,
fans parler des Préſens qu'il fit
aux Mariez . Comme Alexandre
s'eſtoit reglé fur Achille en fait
d'amitié , comme en fait d'armes;
du Mercure Galant.
55
• Henry III . ſe regloit fur Aléxan.
dre , dont il portoit le nom avant
fon avenement à la Couronne.
Ainfi,fi Achille fiſt des choſes indignes
apres la mort de fon Amy
Patrocle , ils n'en firent pas moins
4 apres celle d'Epheſtion, de Quélus,
& de Maugiron. Achille fond
ar en larmes , s'arrache les cheveux,
pouſſe des cris effroyables fur le
Corps de Patrocle. Il touche ſon
it coeur & fes playes , manus homici-
- das imponens pectoribus focij crebro
admodum fufpirans. Il ſe vange
cruellement ſur Hector de la
mort de fon Amy. On ne peutarracher
Alexandre d'aupres de fon
cher Epheſtion , il fait pendre le
- Medecin qui l'avoit traité pendant
ſa maladie. Et Henry III .
n'en fait pas moins pour Quélus
E iiij
م Extraordinaire
& Maugiron , dont il arroſe le
viſage & les playes de ſes larmes,
& qui ne promet pas moins de
cent mille francs au Medecin qui
penſoit leurs bleffures. Que de
foibleffe dont l'amitié eft coupabl
! Et jamais l'amour a- t- il
fait faire de plus grandes folies?
Mais que David me paroiſt ſage
apres la mort deJonathas ! Son
deüil fuft grand, & c'eſt- là qu'on
voit tout ce qu'une tendre amitié
eft capabled'inſpirer, lors qu'elle
a pour Objet une aimable Perfonne.
L'amour des Femmes,
l'amour des Meres , n'a rien qui
luy foit comparable. Doleo fuper
te, s'écrie ce Princeaffligé , Frater
mi fonatha decore nimis & amabilis
Super amorem mulierum , ficut mater
unicum amat filiumfuum , ita ego te
diligebant.
duMercure Galant, 57
Roy,si tu veux aimer, abaiſſe ta Couronne,
L'amitié veritable égaleles Amis,
Le pouvoirle plus grandse plaist
d'eſtreſoumis,
Lors qu'on donnefon coeur à celuy
quiledonne.
Mais hélas , que ces tendres
amitiez font ruineuſes &frivoles,
& qu'on cherche en vain cette
moitié d'Etoile dont l'union
nous ſemble ſi neceſſaire pour
paſſer agreablement la vie , &
fans laquelle nous ne croyons pas
vivre ! On ne la trouve preſque
jamais ; on ſe trompe à la reffemblance
; & comme a dit un bel
Eſprit,
Delàviennent les inconstances,
Les ruptures &les mépriss
On voit évanoüir toutesses espérances,
18 Extraordinaire
Et chacun fur des apparences
Enrigede s'estremépris .
La malice des Hommes rompt
bien- toſt des noeuds ſi doux , & il
faut avoüer que fi les Amis d'inclination
font les plus agreables,
ils font auſſi les plus inutiles. On
craint de les importuner , & de
leur eftre à charge ; on les prévient
en toutes chofes , & bien,
loin d'attendre des preuves eſſentielles
de leur amitié , on leur cache
le beſoin qu'on en peut avoir.
On ſe flate qu'ils n'y manque,
roient pas , &on fait confcience
de les ſoupçonner de la moindre
infidelité . Cependant ce font
des Compagnons de plaifir plûtoſt
que de fortune. Ils nous fuivent
autantque leJeu leur plaift ,
& nous quitent auſſi - toft que
duMercure Galant.
59
l'âge ou les affaires nous rendent
plus chagrins , ou plus ſages . Les
jeunes Gens qui aiment le plaifir,
& quile cherchent parmy leurs
ſemblables , fuivent aveuglement
leur paffion en cette rencontre,
parce que rien ne leur couſte , &
qu'ils ſe mettent peu en peine de
l'avenir. Saint Auguſtin meſme
ſe laiſſa aller à cette doucepante
de la Nature. Rien , dit- il , ne
charmoit mon ame , comme l'amitié
, toute ma joye eſtoit d'aimer
& d'eſtre aimé. Quoy que la
vraye amitié ne s'attache qu'aux
eſprits , les beaux corps , dit ce
Pere , ont comme l'or & l'argent,
je- ne- ſçay- quoy qui nous attire;
&il ſe trouve dans l'action des
ſens un raport ſi conforme à leurs
organes , que l'union de l'Objet
60 Extraordinaire
avec eux , ne ſe faitpas fans un
extréme plaifir . Mais hélas, continuë-
t-il , que c'eſt une grande
folie de ne pas aimer les Hommes
en Hommes ! O cruelle amitié,
fubtile & délicate , tromperie de
l'efprit , s'écrie encor ce grand
Docteur , que c'eſt un profond
abîme que l'Homme ! Il eft plus
aifé de tenir compre de ſes cheveux
, que de ſes affections & des
divers mouvemens de ſon coeur .
Ecoûtons donc attentivement
cette Voix celeſte, qui nous crie
tous les jours auſſi - bien qu'à
Saint Auguſtin , que l'amitié
de ce monde est une fornication.
Helas que faiſons - nous de
nous attacher tant à des Creatures
qui ne veulent pas de
nous,& de nous éloigner deDieu ,
du Mercure Galant. 61
qui nous demande ſans ceſſe un
coeur qui luy appartient par tant
de titres , & avec tant de juſtice!
Cette réflexion ne convient pas
moins à l'amitié qu'à l'amour.
Elle a ſes liaiſons , ſes engagemens,
ſes embarras, auſſi -bien que
luy. Ce ſont des amuſemens laborieux
, & éclatans, qui laiſſent
peu de fruit , & qui font beaucoup
de peines , & qui ſous prétexte
de rendre ce qu'on doit au
Prochain , nous font oublier ce
• qu'on doit à Dieu ; charité , &
amitié, qui pour eſtre preſque toû
jours mal reglée , n'eſt propre.
ment que fornication .
Il eſt certain que l'Homme
eſt né pour aimer , il eſt certain
qu'il eſt capable d'aimer , mais il
n'eſt pas certain pour cela qu'il
62 Extraordinaire
aime fidelement , conftamment,
&veritablement. La Nature &
la Grace luy avoient donnez des
qualitez neceffaires , & conformes
à ſes inclinations . Eſtant fait
pour la ſocieté , & cette focieté
n'eſtant autre choſe , que la figure
de l'amitié qui doit eſtre
entre les Hommes , il ne faut pas
s'étonner s'il tend à l'union , &
ſi ſon coeurne refpire autre choſe
que l'amour & l'amitié . C'eſt
pourquoy les proteſtations, & les
offres de ſervices luy ſont ſi ordinaires
; mais fon coeur dément ſes
paroles , ou plûtoſt il ſe dément
luy-meſme , parce que le peché
l'a corrompu , & qu'il ne luy eft
reſté que l'amour propre quilattache
en luy-mefme , & qui le
rend incapable d'une veritable &
du Mercure Galant.
63
fincere amitié . Quelqu'un a dit
qu'il y avoit de trois fortes d'ames
, des ames pures , des ames
ademy corrompuës , & des ames
entierement perduës ; & l'Ecriture
Sainte appelle ces dernieres ,
des ames vaſtes &giganteſques,
par des termes qui luy ſont propres.
Nous pouvons dire auffi
qu'il y a des coeurs purs , qui
n'ont encor rien aimé , ou qui ne
ſont pas propres à aimer , & on
peut les appeller des ames vier.
ges. Il y a des coeurs qui aiment,
& qui ont aimé , mais qui ne
s'en acquitent pas comme il faut,
quoy qu'elles fuſſent nées pour
l'amitie. Il y a enfin des coeurs
qui ſont des goufres , & des abîmes
d'amour. Ils aiment tout le
monde , & courent à pas de
64 Extraordinaire
Geant d'Objet en Objet. Rien
n'eſt capable de les arreſter , &
de les remplir ; car il y a une co.
queterie d'amitié parmy les
Hommes , comme parmy les
Femmes. L'Amy nouveau atoujours
plus de charmes pour eux
que l'ancien ; contre l'avis de
l'Eccleſiaſtique , qui dit que ce
dernier n'eſt pas ſemblable à l'autre.
Il plaiſt davantage , mais
comme le Vin nouveau , qui en
flatant le gouft , fait perdre plus
aiſement la raifon . Les nouveaux
Amis ſont encor comme les jeunes
Chevaux , qui donnent du
plaiſir pour la courſe', & qui ne
Tont pas propres pour le ſervice.
Qu'on ne ſe ſcandaliſe pas de
cette comparaiſon. J'en ay pour
garant le Sage , qui s'en fert ſur le
1
duMercure Galant. 65
mefme ſujet. Equis emiffariusfic
& amicus fubfannator , sub omni
Supra sedente binnit. Qu'il y a
- encor de ces Amis railleurs,
qu'on aime parce qu'ils plaiſent
, mais qui ſe moquent de
- ceux qui leur font du bien , &
quien plaiſantant des autres,ſedi.
vertiſſent d'eux- meſmes en leur
préſence ! Ce font dejeunes Che
vaux qu'on nourrit à l'Ecurie
pour le plaifir , & qui jettent
fouvent leur Maiſtre par terre.
L'envie de faire des Amis , eſt
une paſſion comme les autres ,
&je ne mets guére de diférence
it entre ceux qui font foux de tous
les Hommes qu'ils voyent , &
ceux qui font enteſtez de Chevaux,
de Chiens, de Fleurs, d'Oi
feaux , & de Peintures. C'eſt à
Q.deJuillet1682 . E
66 Extraordinaire
qui en aura un plus grand nombre
, & à qui s'applaudira de fon
choix ; mais tout cela ne dure
qu'un temps , on change , on s'en
repent à la fin de ſes jours , &
on reconnoiſt que ce n'eſt que
chagrin , que folie , & que vani.
té. Faut- il que l'Homme ſe trom.
pes en Homme comme en autre
choſe , & qu'il n'en connoiſſejamais
bien la juſte valeur ? La rai .
fon qu'en donne Monfieur de la
Rochefoucaut eſt belle . C'eft,
dit-il , qu'il eſt aifé de connoiſtre
les qualitez de l'eſprit , & difficile
de connoiſtre celles de l'ame.
Mais bien plus, nous ſommes toujours
trompez de ceux que nous
croyons connoiſtre à fonds , puis
que c'eſt de nos Amis meſmes.
Heureux donc qui a des Amis,
du Mercure Galant. 67
mais encor plus heureux qui s'en
peut paſſer. Cela n'eſt pas ſi difficile
qu'on s'imagine , puis qu'il
nous ſervet d'ordinaire moins que
les autres. Jeſçay qu'on ne peut
vivre ſans le ſecours des Hommes
, & que chacun a beſoin de
ſon ſemblable ; mais il n'eſt pas
neceſſaire d'en faire un Amy
pour cela. Ne def- obligeons
perſonne , reconnoiffons le bien
qu'on nous fait ; mais ne faiſons
pas par nos bien- faits déreglez ,
desmonſtres d'ingratitude. N'acablons
-pas de nos largeſſes , des
Gens qui n'ont ny le pouvoir, ny
lavolontédenous ſervir , qui ne
nous aiment qu'autant que nous
leurs faiſons du bien , qui nous
mépriſent quand nous ne pouvons
plus leur en faire , & qui
Eij
68 Extraordinaire
nous haïffent quand ils ſont con
vaincus de l'obligation qu'ils
nous doivent. Voicy ce qui perd
tous ceux qui ont l'inclination
genereuſe & libérale , & qui ont
du panchant à l'amitié. Ils donnent
à leurs Amis ſans relâche &
fans meſure ,& jugent de leur reconnoiffance
par leur honeſteté.
Ils penſent cultiver un champ
fertile, qui leur rendra leurs bienfaits
au centuple ; mais helas , ils
fement dans une terre ingrate &
ſtérile , qui ne produit pour eux
que des ronces , & des chardons.
Mais ils reconnoiffent trop tard
qu'ils ont perdu leur bien , leur
temps , & leurs peines. Qu'ils
pratiquent donc cette maxime,
que ſi pour avoir des Amis il faut
toûjours donner , qu'ils doivent
du Mercure Galant. 69
donner peu , rarement , & avec
difcretion , afin de donner plus
longtemps , & d'eſtre toûjours
en état d'entretenir ces Sanſuës,
qui les abandonnent- lors qu'elles
font pleines ,& qu'elles ne trouvent
plus de ſang.
Mais à quelles facheuſes é-
- preuves faut - il connoiſtre un
Amy, puis qu'il faut eſtre malheureux
pour en eſtre aſſuré?
Non agnoscetur in bonis Amicus ;&
tout au contraire , c'eſt dans l'adverſité
que l'Ennemy ſe fait connoiſtre
, Non abscondetur in malis
Inimicus. Preſque aucun n'obſer-
-ve le conſeil du Sage , d'eſtre fidelle
à fon Amy dans ſa miſere,
afin de ſe réjoüir dans ſa proſpérité
, & de participer à fon mal.
heur, pour participer à fon he
70
Extraordinairc
ritage ; car il y en a peu qui aiment
, ou du moins qui paroiſſent
aimer leurs Amis , lors qu'ils font
malheureux.
Tantum infelicem nimium dilexit
amicum,
S'écrioit autrefois Niſus chez le
Poëte. Tous ſont des Amis à la
journée , eft enim amicus fecundum
tempusfuum , ou plûtoſt des Amis
du temps , comme on les appelle
aujourd'huy , parce que c'eſt le
temps de changer , & d'eſtre in.
fidelle; mais voicy un conſeil qui
m'a autrefois effrayé , & qui eſt
un argument invincible pour détourner
de l'amitié , les eſprits
foibles & crédules qui ſe perdent
par trop de confiance , &
d'indifcrétion . Ab inimicis ſepara
te , & ab amicis attende. Undenos
du Mercure Galant.
71
ez
Poëtes qui reçeut un châtiment
auffi rude que ſa vie avoit eſté désir
reglée , ne trouva rien de plus
infuportable dans ſa diſgrace,
a que l'ingratitude de fon cherTircis
; mais que l'Homme eft foible
! il s'en plaint moins pour
l'oublier & pour condamner
cette honteufe amitié , que pour
obliger cet Ingrat à l'aimer & à
leſervir , contre ſon gré. Il veut
qu'il s'excuſe d'un crime dont il
ne ſe croyoit pas coupable , ou
du moins qu'il mépriſoit , &dont
peut-eftre il faiſoit gloire.
Pourle moins fait ſemblant d'avoir
un peu de peine,
A
لا
Voyant le précipice où le deſtin m'entraine.
Afin qu'un bruit fâcheux ne me
vienneàblâmer,
72
Extraordinaire
D'avoirfi mal connu qui je devois
aimer.
Il avoit un autre Amy , qui en
uſoit auſſi genéreuſement que celuy-
cy avec lâcheté . Il tâche de
l'émouvoir par cet exemple.
Damon qui nuit &jour , pour éviter
ceblâme,
S'obſtine à travailler & du corps &
de l'ame,
M'aſſure pour le moins , enfon petit
Secours,
Que fa fidelité me durera tou
jours.
Il ſe juſtifie luy -meſme à l'égard
de cet Infidelle , & l'affure
qu'il eſt non ſeulement innocent
envers les autres des crime
dont on l'accuſe , mais encor
qu'il eſt plus digne que jamaisde
fon amitié , & de ſon aſſiſtance .
Depuis
duMercure Galant.
73
Depuisje n'ay rien fait, &j'en jure
lesDieux,
Qued'aimer mon Tircis, tous lejours
un peu mieux .
Mais ce Poëte devoit eſtre
perfuadé , que c'eſt afſez d'eſtre
ſoupçonné d'un crime , & d'eftre
en peine, quoy qu'innocent, pour
eſtre abandonné de ces fortes
d'Amis. Il devoit donc luy dire
avec autant de verité, que de paffion,
Depuis mon accident tu m'as
funeste,
trouvé
Tucroy que mon abord te doit donner
lapeste.
Enfin ce Poëte conclut cette
tendre& longue Elégie , avec la
ridicule proteſtation d'aimer toû.
jours ce perfide Amy.
Q.deJuillet 1682. G
74
Extraordinaire
Parmy tous mes travaux , ſcache que
malgré toy,
Jegarderay toûjours & mon coeur, &
mafoy,
Mais telle eſt noſtre foibleffe,
que rien ne nous conſole de la
perte de ce que nous aimons , &
qu'il n'y a que le ſervice de ceuxlà
, qui nous ſoit agreable. Damon
eft fidelle .
Il ne tient pas à luy que l'injuste
licence,
De mes Persécuteurs ne cede à l'ignorance;
Ilfait tout ce qu'ilpeut pour écarter
de moy,
Les périls qui me font examiner ta
foy.
Tircis eſt ingrat & traître,
mais on aimeTircis , c'eſt de luy
ſeulement dont on veut eſtre aidu
Mercure Galant.
75
r
G
mé , & recevoir du ſecours . Ce
qui me fait dire que les Poëtes ne
ſont pas moins foux en amitié
qu'en amour , & qu'ils font auffi
malheureux en Amis, qu'en Maîtreſſes.
Mais je ne m'en étonne
pas ; car il faut demeurer d'accord
avec M' Godeau , qu'il y a
une étrange antipathie entre eux.
Et comme ils ne ſeroit pas hon.
neſte de ſuppoſer qu'ils puſſent
contracter amitié avec des Gens
d'un autre caractere , puis que la
reſſemblance doit faire le principal
noeud de cette agreable ſocieté;
il eſt veritable de dire qu'il
eſt preſque impoſſible de trouver
entre eux , une amitié folide &
durable. Je ſçay que Socrate a
eu fon Alcibiade , mais le peu de
conformité qu'il y avoit pour
$
Gij
76
Extraordinaire
l'âge, la condition, & les moeurs,
afait douter avec raiſon, que leur
amitié fût pure & nette. Senéque
a eu fon Lucilius , mais il le traite
plus en Diſciple qu'en Amy ; &
je ne voudrois pas d'autre preuve
que celle- cy , pour montrer que
les grands Autheurs font peu
propres à l'amitié , & qu'ils en、
ſeignent une choſe qu'ils ne ſcauroient
pratiquer. Cicéron a eu
fon Aticus mais c'eſtoir un
Homme dont il avoit beſoin , &
qu'il ménageoit autant par intéreſt
, que par inclination. Il ne
faudroit pas connoiſtre cet Aticus
pour le prendre pour un veritable
Amy. On ne pouvoit deviner
avec lequelde Hortentius,
ou de Cicéron, il eſtoit le mieux,
dit ſon Hiſtoire. Cependant ces
د
du Mercure Galant. 77
Orateurs eftoient extrémement
jaloux l'un de l'autre , & Rivaux
pour l'Eloquence. Il ſuivoit le
party de Cefar,& favoriſoit celuy
de Pompée. Il conſeilloit Brutus
, &protegeoit Antoine , lors
mefme qu'il marioit ſa Soeur avec
le Frere de Cicéron , & qu'il entretenoit
commerce de Lettres,
avec Auguste. Apres cela, qu'on
diſe ce qu'on voudra de ſa genérofité
, de ſa libéralité , & de fa
conſtance. Aticus eſtoit un Amy
commun , &plus digne de noſtre
Siecle , que du temps de la République
Romaine. Ce qui me
le confirme , c'eſt que Valere-
Maxime, quia ramaſſe ſur le ſujet
de l'amitié , tous les exemples que
Rome luy a pû fournir , n'en
- fait aucune mention. C'eſtoit
Giij
78.
Extraordinaire
donc un de ſes Amis utiles , qui
font leurs affaires en faiſant celles
des autres ; mais du moins on le
doit loüer de n'avoir pas eſté de
ces Amis faineans & pareſſeux,
ou plûtoſt ſi délicats , qu'ils croi.
roient qu'il iroit de leur honneur
s'ils prenoient le foin des affaires
de leurs Amis. Celuy- cy ſervoit
à la fois , les deux Cicérons,
Caton , Hortentius , Torquatus,
& pluſieurs Chevaliers Romains,
dans leurs affaires . On trouve.
roit aujourd'huy peu de ces Amis
procureurs , ou fi on en trouvoit
quelques- uns , ils ne s'en acqui.
teroient peut-eſtre pas avec la
meſme intégrité que le bon
Homme Aticus. Je me ſuis un
peu étendu fur cetendroit , parce
que dans le portrait de cet Ati
duMercure Galant.
79
cus ,j'ay prétendu faire voir un
Amy du Siecle , tel qu'on le peut
ſouhaiter dans la focieté civile,
& fur lequel il feroit à propos
que tous ceux qui aiment , & qui
ont des Amis , ſe reglaffent pour
s'acquiter heureuſement des devoirs
de l'amitié . Montagne dit
que, qui les ſçait & les exerce,
a atteint le fommet de la ſageſſe
humaine , & de noftre bonheur
en cette vie. Cependant la difficulté
de remplir ces devoirs, n'eſt
pas felon moy , ce qui fait la rare.
té des Amis . Cette regle du
Chriftianiſme , de ne faire à autruy
que ce qu'on voudroit qu'on
fift à nous- mefmes ,'pouvoit ſeule
y ſuffire ; & comme il eſt facile
de faire ſon devoir , lors qu'on le
fait par inclination , il n'y a rien
Giiij
80 Extraordinaire
de plus aifé que de fervir un Amy
qu'on aime par raiſon , & par reconnoiffance
; mais on fe contente
de ne point faire de mal à
fon prochain , & l'on fe diſpenſe
de faire du bien à fon Amy. Mais
s'il eſt rare de trouver de veritables
Amis d'inclination , il eſt
encor auſſi rare d'en trouver dans
l'amitié intereſſée & politique.
Qu'on ne s'étonne pas fi j'ap.
pelle Amis intereſſez , ces Amis
que la Raifon , la Fortune , & les
Affaires, nous font choiſir dans la
vie. L'amitié la plus def- intéreffée
, dit l'Autheur des Réfléxions
, n'eſt qu'un trafic , où
noſtre amour propre ſe propoſe
toûjours quelque choſe à gagner.
L'amitié veut eſtre réciproque,
& elle ne le peut eſtre , fans quel•
duMercure Galant. 81
que forte d'intereſt. C'eſt luy
qui joint , & qui unit les Hommes.
Sans luy , point de ſocieté.
L'Homme , felon le Proverbe
: Italien , vit de l'Homme. C'eſt
pourquoy il cherche ſon ſembla-
-ble , & s'attache à luy pourjoüir
du bien qui luy eſt propre , ou de
celuy qui eſt cominun à tous les
deux. Il n'y a que les Sauvages
qui vivent ſeuls , & fans commerce.
Auffi ne sçavent - ils ce
que c'eſt que l'amitié. Un juſte &
raiſonnable intereſt, en peut donc
eſtre le fondement , autant que
les Hommes en ſont capables
dans la corruption du temps , &
des moeurs ; mais comme il eſt facile
de s'égarer dans cette route,
& que par cet intereſt , qui eſt
naturel à toutes les Creatures,
82 Extraordinaire
nous nous aimons plus que les
autres , il arrive que nous n'aimons
que par raport à nous mefmes
, & que nous ne nous attachons
qu'autant que nous y trouvons
noſtre compte. De là vient
cette amitié intereſſee , qu'on appelle
amitié du fiecle , que tout
le monde décrie , & pourtant
que tout le monde cherche. Si
unAmy nous oblige , & qu'il ne
foit pas récompenſe ſur le champ,
on ne luy reprend pas un autrefois
il en demeure là s'il ne fait pis,
& s'il ne ſe plaint pas qu'il a tout
fait , & qu'il a tout perdu. C'eſt
dans cette amitié qu'il faut toujours
dire des choles plaiſantes,
& en faire d'utiles , ſi l'on veut
eſtre aimé & fuivy ; mais le ſecret
qu'il y a , eſt de faire beau -
du Mercure Galant.
83
coup d'Amis , afin que l'un nous
récompenſe de l'autre ; ar on
二、
cherche icy le profit , & non pas
la verité . Ces Amis doivent aller
en troupe , & non pas de compagnie
, comme parle Montagne.
Seneque a dit, que le Sage, ſe
conſole aifément de la perte d'un
Amy, parce qu'il en peut faire
un autre auffi- toſt ; mais aujour-
- d'huy il n'y a perſonne qui n'ait
cet avantage. Jamais il n'a eſté
plus facile de ſe faire aimer. Si
Epicure eftoit encor de ce fiecle,
il ne diroit pas que c'eſt une vie de
Lion ou de Loup , que de manger
fans un Amy. Chacun a fon Amy
de table , & à moins que d'eſtre
une Befte féroce qu'on ne puiffe
hanter , on ne mange point autrement;
mais , comme dit encor
84 Extraordinaire
-
Senéque qui eſt un grand Maître
fur cette matiere , les plaiſirs ne
fõt pas feuls lesamitiez , & ce n'eſt
pas à la table qu'on doit éprouver
ſes Amis . Mais faut-il que la
pauvreté & la mifere nous en dé
trompe , & qu'une fâcheuſe expérience
nous rende fage ? Fautil
que nos Amis foient les premiers
, qui nous faſſent repentir
de nos bien- faits , & que ceux
que nous croyons qui nous faifoient
honneur , foient les premiers
qui nous faſſent honte ? Il
vaudroit bien mieux n'avoir jamais
fait d'Amy , que d'éprouver
qu'on n'en a jamais eu ; mais c'eſt
un erreur , l'amour & l'amitié
font toûjours du mal , & rarement
du bien. Pauvre étude que
celle d'apprendre à aimer , puis
duMercure Galant.
que les plus ſçavans en cet Art,
deviennent les plus miférables!
Sice n'eſt , dit le Philoſophe, que
je ſuis toûjours à la trace , que
pour aimer on n'eſt pas Amis ;
comme ſi toute l'obligation de
l'amitié tomboit fur celuy qui eſt
aimé. Du moins je croirois que
tout le bien-fait doit eſtre du
coſté de l'Amant , & toute la reconnoiſſance
du coſté de l'Objet
aime ; & c'eſt ainſi que je comprens
le miſtere , ou plutoſt le
commerce de l'amour & de l'amitié.
Ce trafic doit eſtre des
choſes honneſtes & vertueuſes ,
mais encor des choſes agreables
& utiles ; & pour entrer dans ce
commerce, il faut eſtre riche &
ſage ,& la ſeule volonte ne ſuffit
pas ; on veut des effets , & de la
86 Extraordinaire
:
réalité. Senéque avouë mesme,
que la préſence & la converſation
, l'emportent de beaucoup
• fur l'idée & le ſouvenir de la Perſonne
aimée, & donnent un plai-
•fir bien plus ſenſible. Diſons pareillement
que les Préſens & les
Bien- faits , plaiſent & attachent
bien davantage , que les careſſes,
& les belles paroles .
Cette amitié , dira - t- on , eſt
commune , mais n'importe , elle
eſt profitable , & l'on n'en veut
pointd'autre aujourd'huy.Quand
je vois Charon qui fait tant de
distinctions ſur l'amitié , il me
femble voir faire l'anatomie &
la diſſection d'une Chimere. Eſtil
poſſible qu'un Moderne ait eu
la foibleſſe des Anciens , & que
pour paroiſtre plus docte , il ait
duMercure Galant.
87
eſté moins fage , lors meſme qu'il
avoit à traiter de la ſageſſe ? Mais
un autre eſt bien plus badin , il
- dédie à cet Idole unTemple , des
Autels , & des Sacrifices ; mais à
la fin il reconnoiſt ſon erreur , &
voyant que le peu d'exemples de
l'Antiquité , n'eſt pas ſuffiſant
- de perfuader ſes Devots, il avouë
ingénuëmnnt qu'une amitié parfaite
vient de la grace de Dieu.
Il devoit encor ajouter qu'elle
ne ſe rencontre , & ne ſe peut
contracter qu'avec les Bienheu .
reux , qui font exempts des défauts
dela Nature humaine ; mais
il a encor meilleure raiſon quand
il dit , que les amitiez malheureuſes
& criminelles , font des effets
de laJuſtice de Dieu . Le Sage,
qui releve infiniment le mérite
88 Extraordinaire
& l'excellence de l'amitié , dit
que rien n'eſt comparable à un
Amy fidelle .
C'est l'esprit qui te mcut, c'eſt un autre
toy-mesme,
C'eſt l'ame de ton ame, & le coeur de
ton coeur. &c .
En trouvant cet Amy vertueux &
fidelle,
Croit de la main de Dieu recevoir
un Trésor.
Mais ce Tréſor eſt ſemblable à
ceux qui font en la poffeffion
des mauvais Démons . On les découvre
, on les voit , on les touche
; mais quand ce vient pour les
lever , tout ſe diffipe , & s'évanoüit.
Il y a des Gens qui recherchent
, comme nous avons
dit , l'amitié de tout le monde. Ils
ont cent Amis à leur ſuite , & à
du Mercure Galant. 89
leurtable ; mais ont- ils une affai
re, ou ſe préſente-t- il quelque
occaſion de les employer , fugie-
* runt & receffi funt. Cependant
cette amitié devroit eſtre puif-
- ſante dans l'Homme , puis que fi
l'amour est plus forte que la
mort , elle eſt plus forte que le
fang, & la Nature. On manque
#tous lesjours à ſes Parens , ſans
crainte, & fans honte ; mais on
ne manque jamais à ſes Amis,
fans lâcheté & fans infamie. Il
ya de l'injustice d'abandonner
un Parent ; mais le droit défend
d'abandonner un Amy. Qui ai-
- me une fois , doit toujours aimer
, & rien ne le doit ſeparer
de cequ'il aime ; ce ne peuteſtre
ny ſon humeur , ny les qualitez
$ de ſa Perſonne , parce qu'on a
Q.deJuillet 1682. H
وه
Extraordinairc
dû les connoiſtre avant que de
s'engager à l'aimer ; ce ne peut
eſtre ſes malheurs & les traverſes
de la Fortune , parce que c'eſt
pour cela meſme que l'amitié eſt
établie , & que nous jurons à
nos Amis de les fervir , & de ne
les abandonner jamais . Cela eſt
fi vray , que nous cachons toújours
l'eſpérance que nous pouvons
avoir fur leur proſpérité.
On eft inutile aux Amis heureux,
& toute la tendreſſe ne va qu'a
les aſſurer , que ſi cette profperité
change , rien n'eſt capable de
nous faire changer.
Quoy que l'amitié ſoit donc
auſſi rare que le Phenix , on peut
dire neantmoins qu'il n'y a point
de Siecle qui n'en ait fourny
quelques exemples , pour la conduMercure
Galant. 91
damnation des Fourbes & des
Infidelles , & pour la confolation
des Sages&des Vertueux . Il n'y
a pas longtemps qu'un Gentil.
homme de Normandie , Province
un peu décriée pour ce ſujer,
avoit fait amitié dans ſa jeuneſſe
avec un Provençal , & tous deux
s'eſtoient jurez une fidelité inviolable
; mais la Fortune les
ayant ſéparez , l'éloignement des
lieux rompit leur commerce , &
ils furent prés de vingt ans ſans
avoir nouvelle l'un de l'autre .
Pendant ce temps. là le Provençal
eut une affaire , pour laquelle
il fut arreſté prifonnier , & où il
yalloit de la vie. Il ſe ſouvintdans
ſadiſgrace de fon AmyNormand,
*&trouva moyen de luy faire
ſçavoir l'état où il eſtoit réduit,
Hij
ديد
92
Extraordinaire
&le beſoin qu'il avoit de luy. Le
Normand , ſurpris & touché da
malheur de fon Amy, ne balança
point fur ce qu'il avoit à faire,
&fans s'arreſter à confiderer qu'il
pouvoit honneſtement ſe défendre
de ſecourir un Homme éloigné
de deux cens lieuës , &pref.
que effacé de fa mémoire , qu'il
eſtoit avancé en âge , & chargé
d'une grande Famille qu'il ne
pouvoit abandonner ſans injuftice
, enfin qu'il s'expoſoit à la
colere du Prince & à la rigueur
des Loix ; ſans s'arreſter, dis-je, à
toutes ces conſidérations qui ef.
toiet capables de refroidir le zele
de tout autre que d'un Normand,
il part fans en rien dire à perſonne,
&arrive en pofte, au lieu où ſon
Amy eſtoit arreſté. Ilapprit qu'il
(
93
duMercureGalant.
eſtoit condamné ,&qu'on le gardoit
fi exactement, qu'on ne pou-
- voit ny luy parler, ny luy écrire ;
* cependant apres avoir reconnu
- la Place , & examiné curieuſement
tous les dehors de ſa Prifon
, il ſe rendiſt la nuit prochaine
ſous la Fenestre de la
Chambre de fon Amy du coſté
qui regardoit la Mer , qu'il avoit
pafféà la nage. On ne peut dire
✓ quel fut l'étonnement ,&l'admiration
du Provençal , lors qu'à
quelque petit ſignal qu'il luy
donna , il vit le cher Amy qui
- venoit le délivrer, ou mourir avec
luy , s'il ne pouvoit y réüffir. Helas
, luy dit-il , vous expoſez bien
genéreusement voſtre vie pour
moy, mais inutilement, mon cher
Amy ; car vous ſçavez que je ne
94
Extraordinaire
nage point , & il n'y a point d'autre
moyen de me tirer d'icy que
par ce Trajet , qui eſt ſi large &
fi rapide , que je crains bien que
vous n'ayez pas aſſez de forces
pour le pouvoir repaſſer ſans péril
. Ne craignez rien , luy répondit
le fidelle Normand , defcendez
-vous par cette feneftre qui
eſt facile , & ne vous mettez pas
en peine. Je vous paſſeray fur
mon dos , &j'eſpere que nous en
viendrons à bout. Le Provençal
charme de fon courage, ſe defcendit
, & comme une autre Arion
paſſa la Mer ſur le dos de cet officieux
Dauphin , qui luy ayant
fait tenir un Cheval & des Habits
de l'autre coſté du Rivage,
le fiſt paſſer en Angleterre , d'où
enfuire il ménagea ſa grace , &
duMercure Galant.
95
fon retour en France.
Jeſuis donc obligé de conclure
apres cet exemple , qu'il eſt des
Amis en tous temps , & en tout
Païs ; mais encor que la marque
la plus eſſentielle pour les reconnoiſtre,
eſt lors qu'ils s'intéreſſent
plus dans nos affaires que nouss
meſmes , & que dans l'occaſion
ils expoſent leur vie pour nous.
Ce n'eft donc pas icy une invective
contre l'amitié ; j'ay
prétendu faire voir ſeulement
dans ce Diſcours , que les veritables
Amis font rares , qu'il faut
de grandes précautions pour les
faire , &de grands ménagemens
pour les conſerver ; enfin qu'on
y doit faire peu de fonds , & qu'il
ne faut pas trop s'y attacher ; &
de la forte , ce Difcours pourra
96 Extraordinaire
ſervir à conſoler ceux qui n'ont
jamais trouvé d' Amis , qui les négligent
, ou qui les perdent.
1
DE LA FEVRERIE.
Voicy ce qui m'a eſté envoyéfur
les deux Enigmes du Mois defuin,
dont les Mots estoient le Vent
la Glace.
1
I.
Edoute, aimable Iris, que ton coeur
Jedoute, dima
Pour toy j'ay beauſouffrir un éternel
martire,
Te le dire le jour, & la nuit te l'écrire,
Fevoy que mesfoûpirs nesont rien que
du Vent.
11netiendroit qu'à
mante&fiere,
toy,
Beauté char-
Demefaire parler tout d'une autre maniere.
LE M. G.
4
duMercure Galant. 97
:
J
II.
Ene m'étonnepas, adorable Camille,
QueVous ayez trouvé l'Enigmefi
facile,
Etqu'aucunejamais ne l'ait parusi pen.
Le raport aux Objets est de
efficace.
degrande
Fugez donc la-deſſus : moy jesuis tout
defen,
Etvous eſtes toutedeGlace.
Q
DROUART DE ROCONVAL,
de la Porte S.Antoine.
III.
Velques maux que la Peste faſſe,
Ils peuvent s'en aller auVent.
Qui vent les éviter, n'a qu'à changer de
place;
Mais aimer un Objet dont le coeur est
deGlace,
Ilfant la demeurer, & mourir bienfouvent.
Q.deJuillet 1682.
DAUBAINE.
I
98 Extraordinaire
IE ne
IV .
E nesçay ce que je dois dire
Sur cequedans ce mois met Mercure en
avant.
N'importe, dans l'ardeur d'écrire
On s'éleve, & l'on vaſouvent
Contreſon espérance auſſi loin qu'on
defire.
Jevay donc en tout cas mettre laplume
au Vent.
L'Infante à l'Anagramme,
Ange de coeur haut,
de Roüen.
V.
Vec ton efprit profond,
AMercure, rien ne te paffe,
Dansun temps où tout ſe fond,
D'enterrer si bien ta Glace .
L
Mad. JAMART, & fon aimable
Frere, du Pré S. Gervais ,
V I.
Ifette s'appliquant
Mois,
aux Enigmes du
Reſvoit, &se mordoit les doigts.
duMercure Galant. 99
F
Je n'en viendray jamais à bout, quoy que
jefaffe,
Me dit-elle. Tyxſis, expliquez les de
grace.
Helas! luy dis-je alors, par mesſoûpirs
Souvent
La premiere est marquée, ils neſont que
duVent;
Vostre coeur est remply de l'autre, & c'eff
laGlace.
2 I. B. GIRAULT.
V
VII.
Ous craignez,Vignerons,&vous
avez raiſon,
Que la Vigne aujourd'huy we change
cetteface,
Quiſemble vous promettre une belle
moiſſon,
Puis qu'en cette ſaiſon il est un Vent
deGlace.
R. DE S. MARTIAL.
I ij
100 Extraordinaire
Q
VIII.
Velpeut donc estre, Mercure,
Lacause de vostre chagrin,
Qu'enun temps où rit la Nature,
Vousvenez nous donner un Vent ſipeu
Serein?
A
La Blonde à l'Anagramme,
L'Offencée àfervir, de
Magny.
ΙΧ .
Mis, ça, būvons àlongs traits
Dece Vin délicat,& petillant, &frais,
C'est le doux plaisir de la vie.
Quoy, n'est-cepas avec raiſon
Quedans cette ardenteſaiſon
Mercure àboire nous convie?
Iladéja rincé, par unſoinſans égal,
Flacons, Hanaps, &Brocs, Pots,Verres,
Coupe, &Taffe,
Puis qu'ilale deſſein dans ce charmant
Régal
Denousfaire boire à la Glace.
RAULT, deRoüen,
duMercure Galant. ΙΟΙ
Χ.
Our chaffer messoupçons, Iris me
ditſouvent,
Queſartous mes Rivaux j'ay la premiere
place;
Mercure, quellefoy prendray -jeſurdu
Vent,
Etfurun coeurpourmoy toûjours remply
deGlace?
ROQUILLE,Chanoine de l'Eglifo
Cathédrale de S. Gervais
de Soiffons .
X I.
LLemble ſemble, cher Damon,dans cettecon-
Quetout changedans laNature.
De ce dernierHyver, plaisant pourſa
douceur,
LePrintemps a tenu la places
On en a reffenty la nuisible rigueur,
Et toutelaTerre estoit laſſe
D'y voir au lieude la chaleur,
I iij
102 Extraordinaire
Regner aveclapluye unVentfroidcomme
Glace.
AVICE, de Caën, Ruë de
laHarpe .
XII .
E croy Mercure un Dieu d'une grande
TECO Me
Etchezqui lefecret eft caché bien avant;
Detout ce qu'ildit, &qu'il penſo,
Onn'en a pas le moindreVent.
La Nymphe à l'Anagramme,
Je touche dans l'ame , de
Tilliers pres Verneüil.
X 111 .
AGlace, il est bienvray, ne reçoit
Qu'au milieu de l'Hyver qui lafait tou
jours naître;
Mais que luyſerviroit d'eſtre produite
an jour
Par ce triste Vieillard, dont la froide
puiſſance
Luy donne en tremblant la naiſſance,
Si l'Eté ne venoit laferviràson tour?
du Mercure Galant. 103
Fts C'est parson seul moyen qu'elle plaiſt à
la Cour,
R. Que d'un lieufort obscur on laporte à
la Ville;
Etquoy que cet honneur luy ſoit vendu
fort cher,
Ellenepeut luy reprocher,
Sçachant quefans chaleur elle n'estpas
miles
C'est doncpeu que l'Hyver la produise
an Berceau,
Puis qu'en rienil ne peut la rendre neceflaire.
L'Etéfait beaucoup plus , quoy qu'ilſoit
fon contraire,
En luydonnant le Vin, pour glorieux
Tombeau.
Fatigue des
Marquise,
ALCIDOR, duHavre.
XIV.
douçurs que certeine
Dont j'aysansypenſer catibe la franchife,
I iiij
104
Extraordinaire
Me contet l'autre jour, jefeinis d'estre
mal,
Et laleſſe ſûletteàl' Arsenal .
Delaje binsà lapointe de l'Isles
CertainNorman,se piquant d'estre
havile,
Adebiner tes Enimes du Mois,
M'avorde, & doſa niéfe boix
Lifez-bous, me dit-il, quelquefois le
Mercure?
( LeFat meféſet une injure.)
Velledemande! Ony, je le lis,
Etdebine toûjours,luy dis-je,les Enimes.
Etmoy, répondit-il, je les eſplique en
rimes.
PlûtàDiûqu'on donna de Prix,
Jeles gagnerez tous . Quelle rodomontade!
Sans-doute qu'au cerbau cet Homme
étet malade.
DePrix ?Ab cadedis ! que j'en aurez
Soubent!
Jetrouve sous les Mots plus bite que
leBent,
duMercure Galant. 105
1
C
1
Etje créberoisfur laplace,
Plutôt que n'aboir pas toûjours fendu
laGlace.
LEVARON D'AUVAINE,
XV.
A gloire d'Agrippa vient deſon
LAPantéon,
Alcide a fait du bruit comme vainqueur
d'Anthée; ..
Bacchusse fit honneur d'avoir puny
Panthée,
Les Muses ont rendu celebre Anacréon.
La Chaſſe fait encor ſouvenir d'ACtéon,
LOUIS brille enpoussant l'Herétique
l'Athée.
S'eſtre pû transformer, ſert d'éloge à
Prothée,
LeMartyre est un lustre à Saint Pantaleon.
**
Alexandre est fameux d'avoir conquis
l'Afie,
106 Extraordinaire
Plaute doit son renom au Comique
Sofie,
Homere au bel Oblet qu'il chante éclos
d'unOeuf.
3
La gloire de Daphnis, ce pourquoySon
coeur boufe,
C'est d'estre en fait d'Enigme un peu
moinssot qu'un Boeuf,
Que s'il manquoit de Vent, de rage il
feroit pouf.
J
DAPHNIS, D.L.R.N.S.A.
XV I.
E brûle pour une Belle,
Et ne
Plusj'ay
comprenspaspourquoy;
de chaleurpour elle,
Plus elle est froide pour moy.
Amour, toy quifais maflame,
Pouffe juſque dansſon ame
Les rayonsde ton Flambeau.
Si tu veux les y conduire,
Bientoſt ilssçauront réduire
Cequ'elle a deGlace en eau.
VARLET,
duMercure Galant.
107
XVII .
Ris, que j'aimetendrement,
Neveut point écouter mes ſoûpirs &
mes plaintes,
Autant en emporte le Vent;
Plusjeluy contemon tourment,
Plus l'Ingrateſe rit de mes vives atreintes.
Mais elle a beau me maltraiter,
Rien ne sçauroit me rebuter,
Sesmépris, ſon indiférence,
Ne peuvent rien sur ma conſtance;
Jem'accoûtume àles rigueurs,
Etquelquemal qu'elle me faſſe,
Quandjedevrois enfin mourir dans mes
malheurs,
Je ne puis pas pour elle avoir un coeur
deGlace
LE BERGER ALCIDON , du
Fauxbourg S. Victor.
XVIII .
M'Enquérant l'autre jour d'un cergrand
Sçavant,
Si l'Enigme du Mois se pouvoit bien
comprendre,
108 Extraordinaire
Ilme répondit en reſvant,
Avez-vous donc perdu lafaculté d'entendre
Que vous n'entendezpas leVent?
La Blonde à l'Anagramme,
D'un aimableGénie.
ΧΙΧ.
L
Autre jourrun Vieillard reprochoit
àPhilis,
Qu'elle n'avoit pour luy que froideurs,
quemépris.
Helas, que voulez- vous,dit-elle, que j'y
faffe?
L'Hyver ne peut cauſer quefrimas,&
queGlace.
I
E
L'ABBE' DE CAPDEVILLE, de
la Rue des Bons Enfans,
X X.
promets tout, maisfortſouvent
Mespromeſſes s'eennvvoonntt au Vent;
Etfi, pourpeuqu'un Bergerfaffe,
Faypour luy le coeur tout enfeu,
Ilfaut pourtantqu'ilfaſſe peu
Pourme le rendre tout de Glace.
0
du Mercure Galant. 109
17
Ouy, Mercure, voila comment
L'onfait naître & mourirlaflâme
De la Bergere alAnagramme,
Aime à changer d'Amant.
XXI .
Vos préfensfont de conséquence,
Maisfort à contre- temps, & tels qu'auparavant;
Onvousfait envain remontrance,
Autant en emporteleVent.
F. FOURMY, de Baugé en Anjou.
XXII .
Mil on eft icy jaloux
Devoir un Berger commevous";
Vous vous tenez caché, mais vostre Enigme
obfcure
Ne laisse pas d'orner beaucoup noftre
Mercure.
AParis on enfait grand cas,
Entre les Oedipus chacun eut prendre
place.
Mais qui n'arien plus chaud,nese brûlera
pas,
Caràmon avis c'eſtla Glace .
LABBE' ,Medecinde la Fleche,
2
110 Extraordinaire
ر
XXIII .
ebquoy, mesme en Ete
Lefroid paroistſur tonvisage? Berg
Dis-moy de quel mauvais préſage
Me menace ta cruauté?
Dis-moy quel Vent éteint laflame
Quipourmoy de tout temps échauffoit ta
belle ame.
Est-ce que tu veux me chaffer?
Now, non, ne pense pas qu'aucun prenne
maplace,
Je tiendray bon toûjours, dûffes-tu m'offencer;
Feboiray tes rigueurs, comme on boit à
laGlace.
LE BERGER D. L.
XXIV .
Pour l'Enigme, aimableArtenice,
Vous avezl'esprit tropsçavant;
Dans ce qui dépend du caprice,
Iln'est qu'une teste à l'évent.
La Poitevine à l'Anagramme,
Atraits de Nymphe , de
Fontenay le Comte.
duMercure Galant. III
Ett
Dre
F
XXV.
Aut-il vous mener par lamain
Jusqu'au terme, Cloris , vers où voſtre
efprit chaffe?
Seule nesçauriez-vous faire quelque
chemin,
Quand on vous a rompu la Glace?
A
La Mignonne à l'Anagramme,
Génie nay du Ciel, de Troyes.
XXVI .
Mour, voudrois- tu bien m'
prendre,
ap-
Toy qui connois Iris, quel chemin ilfaut
prendre,
Afin d'aller droit àſon coeur?
Je l'ay cherché toute ma vie,
Etpar la gloire, &par l'honneur;
Enseigne lemoy je teprie,
LeVent de messoupirs m'y conduit tou
les jours,
Ces fidelles Courriers des plus tendres
amours,
Lefen deſes beauxyeux m'éclaire dans
latrace,
112 Extraordinaire
Mais, belas! tout my nuit, jusqu'à l'eau
demespleurs;
Au lieu de l'amollir, elle enfait de la
Glace,
Tant ce quivient de moy luy caufedes
froideurs;
Ce coeur n'a point d'entrée, il est inacceffible;
Ah!fi lemien eftpris pour avoir eu des
yeux,
Ouréchauffe lefien, Cupidon, tu le peux,
Ou qu'elle ait ton Bandeau pour estre
moins visible.
Jeſuis au desespoir, implorant sonſecours,
Etje crains bienqu'enfin il mefoit inutile,
Car celuy qui veut ſuivre, en chemin
difficile,
UnAveugle, un Enfant, s'égareratoû
jours.
GYGES, du Havre.
duMercureGalant.
V
Ous
XXVII.
s m'accablez de Questions
frivoles
Deſſus iEnigme, & me dites fouvent
Que je répondeà toutes vos paroles ;
Ab! Souffrezdoncque jeprenne mon
:
Vent.
VO
L'Amant à l'Anagramme,
Sous lafustice eft ma Baniere,
XXVIII.
Ous me demandez fiſouvent
Pourquoyfaire choix d'un
Vent,
Con-
Quand onpeut demeurer au monde
avecquegrace?
C'est que je ne veux point d'un état
décevant,
Auſfi peu stable que leVent,
Auſſifragile que laGlace.
LaPoſtulante à l'Anagramme,
Tend ferme, al'Habit élu
deHoudan.
Q.deJuillet1682. K
114
Extraordinaire
C
XXIX .
Ette Enigme reſſemble
d'unAmant,
aux discours
Qui vient vous preſcherſa conſtance;
Donnez-vousſeulement un peu de patience,
Autant en emporte le Vent...
La Belle Inſenſiblede la
Rue de l'Arbre- fec .
XXX.
N'Espereplus, Galant Mercure,
Que je me donne la torture
Adeviner tes Enigmes duMois.
F'ensuis trop las dés lapremierefois.
Croyant trouverquelquePiece nouvelle,
Ceque tu donnesfortſouvent,
Fay bienvoulu me rompre la cervelle,
Etjen'ay trouvé que du Vent.
Encorsi c'estoit làtout, paſſe.
Mais ce que je ne puissouffrir
Tu nous as donné de la Glace,
Et le grandfroid mefait mourir.
Le Pere des quatre Filles du
Fauxbourg S.Victor.
du Mercure Galant. 115
V
XXXI.
Ous craignez d'estre terraſſée
Parla difficulté de l Enigme paſſée.
-Vous sentez-vous l'espritfifoible & fi
mouvant?
Allez, belle Philis , quittez cettepensée,
Mettez-vous au deffus du Vent.
L'Habitant en eſprit,
du Pré S.Gervais .
52
52
Kij
116 Extraordinaire
52522-5525522-2555.
TRAITE
DES LUNETES.
DEDIE A MONSIEUR,
DUC DE BOURGOGNE,
ParM Comiers d'Ambrun, Prevoſt
de Ternant , Profeſſeur
desMathématiques àParis.
Contenant la Science de laVcue,l' An
ciennetédes Lunetes , leurs diférences,
leur construction , leurs effets;
Lesdécouvertes qu'on afait dans le
Cielpar leTélescope, &fur la Terre
parles Microscopes,&enfin les noms
de leurs veritables Inventeurs.
0
N ne ſçauroit parler des
Lunetes fans faire leur éloge
, fi on juge du merite des choduMercure
Galant. 117
fes par les innocens plaiſirs , & par
les grandes utilitez qu'on en reçoit.
Cet Inſtrument diafane,
eſtunnouveau miracle de la Nature
& de l'Art , par lequel les
Mathématiciens ménagent fi
adroitement fuivant les loix de
réfraction , les rayons qui d'un
chacun des points d'un corps lumineux
ou illuminė , tombent divergens
ſur un Verre , qui a du
moins une de ces deux fuperficies
ſphérique , qu'ils réſuſcitent la
( veuë aux Vieillards par le moyen
#des Bezicles à Verres convexes,
f groffiflent &rendent viſibles les
#plus petits atomes , par le moyen
- du Microſcope ; & approchent
par les Télescopes les objets que
leur trop grand éloignement
dans le vaſte abîme dela profon
118 Extraordinaire
deur des Cieux , avoit dérobé à
noſtre veuë depuis la naiſſance du
Monde.
L'oeil de l'ame , qui au dire des
Platoniciens , s'aveugle & s'enſevelit
dans l'étude des Sciences
ordinaires , reverdit & rajeunit
par l'étude des divines Mathématiques
, oculus anime qui ab aliis
• Scientiis obcecatur defoditurque , à
folis mathematicis recreatur ac revirefcit
, & principalement dans la
Dioptrique , qui démontre ſi vifiblement
dans les tenebres d'une
Chambre noire, tous les mifteres
de la veuë , & des rayons de la
lumiere , qui ſe rompent en entrant
& en ſortant des Verres
ſpheriques. C'eſt la Dioptrique
qui enſeigne de quelle ſphericité
doivent eſtre taillez les Verres,
du MercureGalant. 119
Frob ſuivant les veuës diférentes , &
nce. ſuivant les diférentes eſpeces de
s'em
120
aje.
Lunetes ; & comment , & en
ire: quel nombre , & à quelle diſtance
ils doivent eſtre aſſemblez
dans les Microſcopes , & dans
les Télescopes , afin que les
rayons émanez divergens de chaque
point de l'objet , rendus convergens
ou parallels , ou moins
divergens , l'objet paroiffe ſous
un plus grand angle ; c'eſt à dire,
forment leurs eſpeces ou images
plus grandes fur la Retine , d'où
viennent les admirables effets
des Lunetes , qui font les plus
agreables plaiſirs des ſens .
18
1
८
Comme pour acquerir une
parfaite connoiffance de la Nazure,
ondoit commencer par l'o
pération des ſens , puis que l'ame
120 Extraordinaire
ne connoiſt rien de Phiſique que
par l'entremiſe des organes du
corps , les Mathématiciens qui
ont toûjours eſté les veritables
Sçavans , auffi-bien que dans ce
docte fiecle , que l'Autheur du
Livrede la Contiguitédes Corpsde
l'année 1679. dans la 2. p. accuſe
d'avoir tres-peu de vray discernemet,
ont perfectionné ſi avantageuſe.
ment l'opération de l'organe de
la veuë , qui eſt le plus nobledes
Sens , & ont découvert en fort
peu d'années, plus de chofes ,&
fait plus de progrés dans la Scien.
cenaturelle , que toutes les Ecoles
d'Ariftote avec tous leurs raifonnemens
Métaphiſiques n'avoient
pû faire pendant le cours
depluſieurs fiecles. C'eſt ce qui
a obligé le R. P. DeſchallesJe.
fuite,
duMercure Galant .
121
ſuite , de s'écrier dans le ſecond
Volume de fon Mundus Mathema
ticus en la page 609. Nefcio quo
facto jam ab aliquibus faculis peripateticorum
Schola, Metaphificis commentationibus
animum intendit , ut
res Phyſicas omnino negligere videatur.
LesOuvrages du Createur qui
font les plus admirables , dans
leur grandeur , dans leur élevation
, & dans leurs mouvemens,
comme l'Anneau & les deux Lunes
qui roulent autour de Saturne,
ne, les quatre Lunes ou Satellites
deJupiter , &c. eſtoient du temps
de David ,, par le manque de
grandes Lunetes , du nombre de
ceux que l'Ecclefiaftique Cha.
pitre 11. & 43. diſoit eſtre cachez
aux yeux des Hommes , Mirabi
Q.deJuillet 1682. L
122 Extraordinaire
1
liafunt opera Altiſſimi , &gloriofa,
&abfcondita , & inviſa opera illius.
Il euſt raiſon d'aſſurer que Dieu
avoit creé dans les Cieux tant
d'Aſtres, qu'on n'en voyoit qu'un
petit nombre. Multa absconditu
effe majora bis &pauca cos vidiffe
operum ejus.
Les Lunetes de longue veuč
font par conféquent de grands &
perfuafifs prédicateurs muets,
qui en faiſant voir dans les vaſtes
étenduës du Ciel la grandeur, la
beauté, l'arrangement , &les révolutions
de ces Planetes autrefois
inviſibles , font connoiſtre
viſiblement leur Createur , puis
quedans leChap. 13. de la Sageffe,
il eſt dit , à magnitudine specici ,&
creature , cognofcibiliter poteftcorum
sreater videri.
duMercureGalant. 123
En effet , l'Aſtronomie dans
ſon enfance meſme , & lors qu'-
elle avoit encor la veuë trescourte
, ſuffit , ſion croitJoſephe
dans le premier Livre Chap . 8 .
des Antiquitez Judaiques , àporter
Abraham de reconnoiſtre & prefcher
, qu'il n'y avoit qu'un Createur
& Recteur de l'Univers , &
qu'à luy ſeul tous les Hommes
doivent rendre leurs hommages.
Et auſujet de la Comete , qu'on
a obſervé depuis le 23. de ce mois
d'Aouſt audeſſus de la teſte des
Gémeaux, la fienne eſtant ronde,
bien terminée , &de la cou.
leur de Jupiter , & du diametre
des Etoiles de la premiere, grandeur,
laquelle pourſuit avec vitef.
ſe& ſuivant l'ordre des Signes , ſa
route particuliere entre lagrande
Lij
124-
Extraordinaire
Ourſe & le Lion , pour paſſer
dans les parties méridionales du
Ciel ; j'adjoûte avec le Prophete
Iſaye Chapitre 7. Ne craignez
point, &que ton coeurne s'épouvante
par les Queues de ces Tiſons ardens.
Puis que les Cieux par la gran.
deur de ces Aftres , par leur fituation
&mouvemens réguliers,
preſchent , comme dit David, la
gloire de Dieu , mais à preſent
d'une nouvelle maniere , ſi ſen.
fible aux eſprits meſme les plus
groſſiers ; il ſuffit de preſenter
une grande Lunete aux Infidelles
,& leur dire avec le Prophete
Iſaye Chapitre 20. Levate in excelfum
oculos veftros , &videte quis
creavit hac ? Regardez les grands
& merveilleux Ouvrages qui
roulent fi librement , & avec
duMercure Galant.
125
tant de régularité dans la vaſte
étenduë des Cieux ,&jugez par là
-de la grandeur & de la puiſſance
deceluy qui les a créez , & qui les
meut par un ſeul acte de ſa volonté.
Ces Infidelles voyant tant
de merveilles inconnues à leurs
Peres , ne manqueront pas de s'écrier,
comme fit autrefois le Prophere
Baruch au Chapitre 3. 0 Ifraël
quam magnaest Domus Dei, &
ingens locus poſſeſſionis ejus,magnus
est & non habet firem ? O Chrêtiens
, que la Maiſon de voſtre
Dieu eft grande ! Luy ſeul eſt le
Dieu des Dieux , tres infiniment
puiffant.
Voir, n'eſt que ſentir le pouffement
que les rayons de la lumiere
pure ou modifiée , qu'on ap .
pelle couleur , font ſur la Retine
Liij
126 Extraordinairc
au fond de l'oeil ; c'eſt pourquoy
nous connoiſſons mieux la
lumiere , & les couleurs par le
ſentiment de la veuë qui en eſt le
*ſeul juge , que par aucune définition
. Il n'y a de meſme rien fi
difficile que la definition de la
veuë ; & d'autant que nous n'a
vons point de penſées plus vives,
&plus expreſſes que celles-là,
toute définition ſera toûjours
beaucoup moins claire. Je laiffe
donc au Péripatéticiens toutes
ces diſputes inutiles , me ſervant
des beaux termes de M' l'Evel
que de Glandeve , dans le 4. Livre
N. 17. de Delphini feu prima
Principis inftitutione.
Talia Clamofi veffiget turba Licai,
Splendidaque infanas pascant deli
riamentes .
duMercure Galant. 127
Id quod inexaufte testantur jurgia
litis.
Et parce que ce docte Prélat
ajoûte,
-Indecoris foret , at Princeps quem
nulla,
- Mathesis imbuit, &c.
& que je revere le dire de Var .
ron Lib. 8. de Lingua Latina. Omnis
oratio cum debeat dirigi ad utilitatem ,
fit aperta ,&brevis ; aperta ut intelligatur
, brevis ut cito intelligatur,
Je veux déduire Mathématique.
ment , & àmonaccoûtumée d'un
ſtile Laconique , tout ce qui concerne
la Veuë & les Lunetes .
Parce mot , Lunete , nous en ..
tendons un Tuyau droit & Cylindrique
, dont chaque bouche
ou ouverture paroift garnie d'un
Verre , qui a du moins l'une de
Liij
128 Extraordinaire
fes deux fuperficies ſphériquement
convexée. Le Verre qui
eſt au bout de la Lunete qu'on
préſente à l'objet , eft appellé
Verre Objectif , & par ſemblable
raiſon , celuy qui eſt à l'autre
bout eft nommé Verre Oculaire,
parce qu'on l'aproche de l'oeil
pour regarder les objets .
Pour comprendre l'effet des
Lunetes , il faut premierement
connoiſtre l'uſage particulier de
chacune des parties de l'oeil , qui
eſt l'organe de la veuë que Galien
appelle un Membre divin,
Voyez- en le Profil ou Section
faite du long de l'Axe , dans la
premiere Figure de la feconde
Planche.
C'eſt une verité démontrée
meſme par l'expérience , que la
4
duMercureGalant.
129
[
viſion qui eſt l'opération de l'a-
-me, ſe fait enſuite des eſpeces
ou images des objets peintes en
mignature ſur la Retine au fonds
de l'oeil , par les radiations de lu
miere pure ou modifiée, qu'on appelle
couleur ; car les eſpeces des
objets ne font autre choſe que la
terminaiſon de la lumiere modifiée
, par le diférent arrangement
des parties de l'objet , lefquelles
refléchiffent les rayons
de lumiere apres les avoir diverſement
rompu , diſperſe , & affoi.
bly par le mélange des points ombrageux
, quicaufent les diférentes
impreffions fur la Retine;
c'eſt pourquoy Albert le Grand a
eu raiſon de dire, que les couleurs
de la Queue duPaon,& duCol du
Pigeon , mille averſo radiantefole
1
130
Extraordinaire
colores , n'ont point d'autre cauſes
que la lumiere ; qu'elles n'en diferent
point , & qu'enfin la cou
leur & la lumiere eſt la meſme
choſe , toutes les couleurs eftant
réelles , & provenant de diférentes
refractions & reflexions , qui
cauſent fur la Retine de diférens
aſſemblages , teintes , ou conjugaiſons
de points d'ombre , &de
lumiere,dans la peinture de l'objet.
Comme chaque point de l'objet
rayonne ſphériquement de
toutes parts Figure I. tous ces
rayons de lumiere partent divergens
, & s'écartent toûjours davantage
; c'eſt pourquoy à meſure
que l'oeil s'éloigne , il reçoit
moindre quantité de rayons de
chaque point de l'objet , & s'il
duMercure Galant. 131
eſt trop éloigné , il en reçoit fi
peu , que leur impreſſion ſur la
Retine , n'eſt pas allez forte pour
en eſtre formé la viſion .
Ces rayons divergens d'un cha-
-cun des points de l'objet,ſe reſſerrent
en penetrant la tunique
cornée , & eſtant entrez dans
l'oeil par la prunelle , tombent
comme paralleles ou peu divergens
ſur l'humeur criſtalin , qui
fertde baſe à autant de cones de
radiations , qu'il y a de points
fur la furface viſible de l'objet,
qui font les pointes ou ſommets
de ces radiations ; c'eſt pourquoy
toute la furface de l'humeur crif.
talin , Figure IV. eſt par tout couverte
des rayons de la radiation
de tous les points de l'objet, d'où
ils'enfuit que les rayons y eſtant
1
132
Extraordinaire
dans un parfait meflange & confuſion
, l'humeur criſtalin ne peut
eftre l'organe formel de la Veuë .
Tous ces cones de radiations,
Figure IV. ſe renverſent dans
l'oeil par la réfraction que chacun
des rayons fouffrent en penetrant
l'humeur criftalin , qui eſt convexe
des deux coſtez ; & les
rayons divergens de chaque cone
deviennent convergens , & forment
en ſe refſferrantun cone op.
poſé au premier , dont la baſe eft
la meſme ſur l'humeur cristalin ,
mais le ſommet ou la pointe aboutit
à la rétine , ſur laquelle ils
impriment l'image renverſée de
l'objet. Le R. P. Zucchius Jéfuite
, l'a expérimenté dans l'oeil
d'un Homme , Figure IV. Planche
I. qu'on venoit de tuer. Le
duMercureGalant.
133
Chevalier Pompilio Tagliafer,
tres- expert Anatomiſte, en ayant
adroitement ofté au derriere de
l'oeil les muſcles, & les tuniques
opaques , juſqu'à la retine qui eſt
l'organe formel de la Veuë , bien
que M' Mariote , fi connu parmy
les Sçavans , ait donné cette
qualité à la choroïde , comme
on peutvoir dans le docte Journal
des Scavans de M² l'Abbé
Galloys du 17. Septembre 1668 ..
&dans celuy du S' de la Rocque
du31. du mois d'Aouſt 1682 .
Comme toute la Dioptrique
dépendde la réfraction , que les
rayons fouffrent en entrant de
l'air dans le Verre , qui le fait
rompre en le ferrant contre la
perpendiculaire d'un tiers de l'an .
gled'inclinaiſon , qu'ils faifoient
134
Extraordinaire
avec la meſme perpendiculaire,
&en fortant du verre dans l'air,
ſe briſent en s'éloignant de la
perpendiculaire de la moitié de
leur angle d'inclinaiſon ; il faut
d'abord ſçavoir que ſi les angles
d'inclinaiſon ſont moindres que
de 15. degrez , leurs angles de réfaction
garderont la meſme raifon
que leurs arcs , car juſques à
15. degrez le Sinum ſont preſque
entre eux comme leurs arcs , ce
qui fait que ſi l'objet viſible n'eftoit
qu'un point auſſi éloigné que
le Soleil , les rayons de ce point
tõbant Phyſiquement paralleles
fur un Verre convexe , découvert
de 30. degrez , & oppofé
directement à l'objet , ſe réüniroient
Phyſiquement à un meſme
point; car les rayons plus late
duMercureGalant.
135
raux n'auroient que 15. degrez
d'inclinaiſon ; mais il n'en ſeroit
pas de meſme des rayons des
points latéraux de l'objet , qui
auroient une plus grade inclinaifon
avec la perpendiculaire tirée
fur la ſurface du Verre , ſoit plane
ou convexe.
Il eſt eſt à propos de remarquer
icy la regle generale , pour
avoir tous les angles de réfraction
des angles d'inclinaiſon au deſſus
de 15. degrez. En voicy l'Analogie.
Comme leſinus d'un angle d'inclinaison,
au deſſous de is degrez,
comme par exemple 6,
Eft au finus deson angle de réfraction,
de 4 degrez .
Ainsi leſinus de tout angle d'incli
136
Extraordinaire
naiſon, au deſſus de 15 degrez,
Eft aufinus de son angle de réfraction.
Revenons à ces cones de radiations
, leſquels ayant penetré
l'humeur cristalin , forment par
les loix de la refraction ces cones
renverſez , qui ſont comme autant
de pinceaux , formez par les
rayons de lumiere , qui par leur
pointe impriment&peignent fur
la retine chacune fon point de
l'objet.
Plus l'ouverture de la prunelle
eſt grande , plus il entre dans
l'oeil des rayons de chaque point
de l'objet qui forment ce pinceau
optique , & par conséquent la
peinture de l'objet eſt plus forte;
c'eſt pourquoy nous voyons
duMercure Galant. 137
beaucoup mieux les objets éloi.
gnez , lors que l'oeil eſt à l'ombre
, ou que nous regardons à
travers le poing à demy fermé,
car à l'ombre la prunelle s'ouvre
davantage , & de plus les rayons
des objets , que nous ne voulons
pas confiderer attentivemet, n'en
trant point dans l'ocil , la ſenſa ,
tion d'un ſeul objet , eſt beaucoup
plas forte.
La prunelle eſtant trop ouverte,
la viſion de l'objet eſt confuſe
, parce que ſa peinture n'eft
pas diſtincte fur la retine , d'autant
que l'humeur criftalin ne
peut rétünir à un meſme point, les
rayons qui tombent ſur luy trop
obliquement , les efpeces ſe confondent
avec les autres ſur la retine.
De plus les objets proches
Q. deJuillet1632.
M
138
Extraordinaire
& fortement éclairez , comme
auſſi les couleurs vives & éclatantes
, bleſſent la retine par leur
trop de chaleur ; car la lumiere
n'eſt jamais ſans chaleur , comme
ſçavent les Philoſophes, c'eſt
pourquoy on perd la veuë en regardant
fixement le Soleil, car ſes
rayons ſe réüniſſant , forment
leur foyer ſur la retine , & bralent
cet organe formel de la veuë.
Ceux qui voyagent l'Hyver, foufrent
beaucoup par la blancheur
de la neige , qui eſt la lumiere
qu'elle refléchit dans l'oeil.
Le P. ZucchiusJéſuite de Parme
, en la page 37. du 2. Tome
d'Optica Philosophica , que j'eus
foin de faire correctement impri
mer à Lyon en l'anné 1665. dit
qu'à un Pere de leur Compa
duMercureGalant.
139
gnie, la prunelle s'ouvrit ſi étrangement
dans ſa vieilleſſe , qu'il
ne voyoit aucun objet , à quoy il
remédia , le faiſant regarder par
un trou d'un quart de ligne de
diametre , fait fur une Lame de
Métal , Figure III. On fait ces
pinnules mobiles , pour ajuſter
plus facilement leurs ouvertures
vis-à-vis les centres de la prunelle
des yeux. Lorsque lesplatines
de ces pinnules mouvantes ,
portent une petite boiſte de cuivre
d'environ trois lignes de profondeur
, fon fond qu'on met du
coſté de l'oeil , aura un trou d'un
tiers de ligne ou environ , & la
platine aura un trou d'une ligne
&demie de diametre, ou un peu
plus , pour recevoir ſuffiſante
quantitéde rayons de l'objet, au-
Mij
3
140
Extraordinaire
L
quel ce trou eſt directement op.
poſé. D'où je conclus que ces
Bezicles ſimples , & faciles qui
confervent la Veuë & groſſiſſent
les objets , font de Microscopes,
de l'invention du P. Zucchius .
Voyez la page 304. du Livre De
Homine du R. P. Fabry de la mefme
Compagnie, & le 34.Journal
des Sçavans du Lundy 23. Aouſt
1666. de Ml'Abbé Galloys .
Amefure que l'objet eſt plus
éclairé, la tunique ragoïde qui eſt
retrouffée en dedans eſtant rarefiée
par la chaleur , s'étend &
retreffit fon ouverture que nous
appellons prunelle , dont le diamettre
de celle des Hommes,
n'eſt ordinairement au plus que
de trois lignes , & la diſtance de
leurs centres d'environdeuxpou-
३
T
३
duMercure Galant. 141
in
ces&demy. Les Animaux nocturnes
, ont l'organe de la veuë
fort délicate , & leur faut par
conféquent tres-peu de lumiere
pour ébranler ſuffiſamment les
parties de la retine , &y faire une
impreſſion ſenſible. C'eſt pourquoy
les Hiboux ne peuvent fouf.
frir lejour , & voyant de nuit fuffifamment
les objets , parce qu'ils
ont l'ouverture de la prunelle
tres-grande , ce qui fait qu'ils reçoivent
de chaque point de l'ob .
jetun grand cone de rayons ; car
iln'y a point de nuit ſans lumiere.
d'où il arrive que l'impreffion fur
la retine eſt ſenſible , cet organe
de la Viſion eſtant plus délicate
aux Hiboux , aux Chats , & aux
Souris , qu'au reſte des Animaux .
Onpeut en tout temps obſerver
142
Extraordinaire
que l'ouverture de la prunelle
des Chats , eſt une longue fente,
qu'à une lumiere un peu forte ils
retreffiffent l'ouverture de leur
prunelle , qu'ils ferment enfin totalement
.
Les Curieux obſervent avec
plaifir , que la prunelle des yeux
des Hommes s'agrandit lors
qu'on a paſſé dans un lieu moins
éclairé ; & au contraire qu'elle
diminuë tres - ſenſiblement lors
que d'un lieu ſombre on a paffé
au grandjour. C'eſt de là qu'on
explique , pourquoy d'un lieu éclairé,
entrant dans un lieu fom.
bre, on n'y voit rien d'abord dif.
tinctement ; car il faut attendre
que les fortes impreſſions que les
objets fortement éclairez avoient
fait fur la retine ayent ceſſé , &
dis MercureGalant. 143
que la tunique ragoïde ceſſant
d'eſtre rarefiée, en ſe retirant a-
-grandiffe par ce moyen le diamettre
de l'ouverture de la prunelle,
afin que de chacun point
de l'objet peu éclairé , il entre
dans l'oeil une ſuffiſante quantité
de rayons , leſquels quoy que
foibles de lumiere , puiſſent par
leur grande quantité faire une
impreſſion ſenſible ſur la retine.
Nous expérimentons la mesme
choſe pendant la nuit dans les
Ruës , car tout à coup la lumiere
d'un Flambeau venant à manquer
, de meſme qu'il arrive en
entrant du grandjour dans un
lieu fombre,nous ne voyons plus
rien, lors que ceux qui n'avoient
pas eſté éclairez du Flambeau y
voyent ſuffifamment. Cela arrive,
144
Extraordinaire
parce que l'impreſſion forte de la
lumiere du lambeau dure fur la
retine ,& qu'il faut attendre que
la prunelle ſoit élargie , pour re
cevoir plus grande quantité de
rayons de chaque point des objets
peu éclairez, & que l'humeur
criftalin ſoit dégonflé , afin que
ſon foyer qui eſtoit moins éloi.
gné que pour aucun objet, quoy
que tres-proche , ſe faſſe mainte
nant plûroſt ; au contraire , en
fortant d'un lieu fombre dans un
grandjour , on n'y peut rien voir
distinctement , & nous fentons
que la retine ſouffre par le trop
de lumiere qui entre par la gran.
de ouverture de la prunelle , ce
qui durejuſqu'à tant que la chaleur
des rayons de lumiere ayant
rarefie la tunique ragoïde , elle
aye
duMercure Galant.
145
*
aye en s'étendant diminué l'ouverture
de la prunelle , afin qu'il
n'entre pas fi grande quantité de
rayons dans l'oeil , & qu'il ſe faffe
par conféquent une impreffion
moderée ſur la retine. On expérimente
de nuit la meſme.choſe
, lors que dans les Ruës la lumiere
d'un Flambeau vient tout à
- coup donner dans la veuë.
C'eſt uné agreable & curieuſe
expérience , de voir en meſime
temps, enun mesme Homme , la
diférence de l'ouverture de la
prunelle de l'un de ſes yeux à
celle de l'autre , ce qui arrive en
le fituant en forte que d'un oeil
il voye la lumiere , ou un objet
fort éclairé , pendant que l'autre
cil eſt comme à l'ombre par l'interpofition
de ſon nez. Paulus ve
Q.deJuillet1682 . N
146 Extraordinaire
netus , eſt le premier qui a pris
garde que la prunelle des Hom.
mes avoit un mouvement involontaire,
par lequel elle s'ouvre
ou ſe retreffit davantage ; ceque
Galien n'avoit point connu, ſinon
lors qu'en faiſant fermer un
oeil , il conſidéroit que la prunelle
de l'autre s'agrandiffoit , meſme
dans le grand jour , comme il
l'aſſuredans ſon 10. LivreDe Offic.
Part. Cap. s. ce qui eſt confirmé
par l'expérience de tous les Sçavans.
Voicy les termes du R. P.
Zucchius Jeſuite , en la page 99 .
du 2. Tome de ſa Philofophie
Optique. Ex majori dilatatione foraminis
pupille in uno oculo apparente
, dum alter clauditur. Il n'y aque
l'Autheur de la Vision parfaite
de l'année 1677. qui faiſant la
du MercureGalant. 147
1
guerre au bon fens , pour ne convenir
en rienavec les Sçavans de
ce temps , ny des Siecles paſſez ,
adit dans la page 46. ligne 2.
que lors que l'objet n'est vû que
d'unseul oeil, l'autre estant fermé,
ülestvu par une moindre ouverture
de pupile. Il avoit dit la meſme
choſe en la page precedente ligne
30. aſſurant , qu'en fermantun
wil, on fait un effort qui étrecitfenfiblement
lapupilede celuy duquelon
regarde. Mais , ajoûte - t - il , cet
étreciſſement de la pupile fait lavifion
plus forte. A quoy pourtant
la raifon&l'expérience font contraires
, car quand mefine parim.
poſible , ce rétreciſſement arri.
veroit, la viſion ſeroit moins forte,
mais plus diſtincte.
La juſte ouverture de la pru
Nij
148
Extraordinaire
nelle, eft donc une des choſes abfolument
neceſſaires pour bien
voir ; car fi cette ouverture eſt
trop petite , lors qu'on regarde
les objets éloignez ou peu éclairez
, les pinceaux optiques de cha.
que point de l'objet n'eſtant pas
compoſez d'une quantité ſuffiſante
de rayons , ne peuvent faire
une impreſſion , pouſſement , ou
raréfaction ſenſible ſur la retine,
ee qui ſe rencontre auſſi veritable
dans les Lunetes d'aproche,
dont la conſtruction a dans toutes
ſes parties un parfait raport à
celles de l'oeil , d'autant que la
partie du Verre objectif que l'on
tient découvert , & qui y tient
lieu de prunelle , doit eſtre d'une
juſte ouverture , pour faire voir
diftinctement les objets éloidu
Mercure Galant. 149
2
gnez ; car fi elle eſt trop petite,
la peinture de l'objet fur la retine
n'eſt pas aſſez claire , ny forte
; & fi elle est trop grande , la
peinture en eſt bien plus claire,
& plus forte , mais en échange
elle en eft tres - confufe. Mais
comme le diamettre de la partie
qu'on laiſſe à découvert fur le
milieu de l'objectif, eſt ſans préjudice
àla diftinction de la Veuë
d'autant plus grand que le Verre
eſt d'un foyer de plus grande
longueur , ainſi l'humeur criſta-
• lin eſtant moins conve convexe , laprunelle
peut eſtré plus ouverte , &
par conséquent la Veuë en ſera
tres - forte , & tres - diſtincte.
De tout ce que nous avons dit,
on conclud,
1º Que la Veuë ſe fait par des
Niij
ISO
Extraordinaire
rayons qui tombent de chaque
point de l'objet , toûjours divergens
fur l'humeur criſtalin , Figure
IV.
2º que les rayons de chacune
des radiations s'eftant rompus
& renverſez , apres avoir pé.
netré l'humeur criſtalin , vont
s'unir précisément ſur la retine,
pour y faire , par une impreſſion
de la lumiere , la peinture& les
couleurs de l'objet, Figare IV.
3° Que ces rayons ſont plus
divergens , à meſure que l'objet
eſt plus proche de l'oeil, Fig.IV.
4° Que l'oeil eſtant éloigné
de quelques pas géométriques,les
rayons du meſme point de l'objet
, qui entrent par la prunelle
fur le cristalin eſtant déja rompus
en penetrant la tunique cora
T
duMercure
Galant. ISI
née, ſont ſi peu divergens, qu'ils
font cenfez eſtre phyſiquement
paralleles , notament parce que
le diametre de l'ouverture de la
prunelle eſtant fi petit ,& le fommet
ou pointe du cone de radiation
eftant fi éloigné , les deux
rayons plus latéraux forment ſur
la prunelle , quieft une baze trespetite
, un triangle iſoftele dont
Pangle foûtenu qui eſt à un point
del'objet éloigné eſt comme infipiment
petir.
s° On conclud que de la ra.
diation de chacun point de l'objet
, quand mefme les rayons
froient geométriquement paralleles
, ce qui eft impoſſible , il
n'y aqu'un feul rayon qui eft l'axe
du cone de la radiation, qui tombe
perpendiculairement fur la
N iiij
152
Extraordinaire
i
furface ſphérique d'un Verre,
qui le penetre ſans ſe brifer. C'eſt
pourquoy l'Autheur de la Dioptrique
Oculaire , imprimée en 1671 .
n'avoit jamais vû la Figure de la
Propoſition 8. du 3. Livre des
Elémens d' Euclide , puis que dans
la 57. page , il a fait une Propofition
qui contient dans ſon Texte
deux fauſſetez , diſant que les
rayons paralleles d'un point d'un objet
visible,tombent perpendiculairement
fur lafurface d'un Verre convexe.
A
Pour bien comprendre par expérience
ces deux cones de radiation
renverfez , que forment les
rayons d'un point de l'objet, dont
labaze commune eſt en l'humeur
cristalin , & leurs deux pointes
oppoſées font l'une au point de
duMercureGalant.
153
21
)
= l'objet , & l'autre , fur la Retine
; préſentez directement au
Soleil un Verre Omphaloptre ou
* Loupe, Figure VII. c'eſt à dire,
centiculaire ſphériquement convexe
des deux coſtez , comme
font les Bezicles des Vieillards,
mais qui n'ait au plus qu'une portion
de 30. degrez découverte ;
ou bien préſentez au Soleil un
Verre , plan d'un coſté , & convexe
de l'autre , Figures V. &VI.
mais qu'il n'ait tout au plus
qu'un ſegment , ou portion de30.
degrez de découvert. Mettez
- auſſi directement au derriere de
$ ce Verre un papier ou carton, qui
pour le mieux doit eſtre noircy ,
: éloignez- le directement & peu à
peu du Verre , vous remarque.
rez d'abord que les rayons du So
114
Extraordinaire
leid eftant devenus convergens,
par la fraction qu'ils ont fouffert
en entrant & en fortant du Verre,
ſe ferrent peu à peu , & la radiation
de chaque point du Soleil
faifant fon cone renverſé , ou pin.
ceau optique, formeront tous en.
ſemble fur le papier un petit rond
éclatant d'une lumiere fort vive,
laquelle brûlera le papier s'il eſt
noir , parce qu'il imbibe & con.
çoit les rayons , & ne les rejette
pas , en les refléchiffant comme
fait le papier blanc .
Cepetit rond de brillante clar.
té , eſt appellé par analogie,
Foyer Solaire. Il eſt la vive Image
du Soleil ; c'eſt pourquoy il eſt
d'une grandeur déterminée , qui
aura toûjours pour diametre , du
moins la corde d'un demy degré
duMercureGalant.
de la Sphere ou Globe , dont le
Verre plan convexe eſt ſegment,
■ parce que le diametre apparent
du Soleil , eft de demy degré,
mefme le 28. de Juin dans le 7.
degré 6. 21. minute de l'Ecreviſſe,
qu'il eſt dans ſon Apogée,
ou plus grand éloignement du
centre de la Terre .
La grandeur du diametre du
Foyer ou Image Solaire, ſadiſtance
au Verre , & le diametre
de fon ouverture , font les trois
fondemens par leſquels on démontre
tout ce qui concerne la
Veuë,& le moyen de remedier
ces défauts par des Bezicles ou
ſimples Lunetes à verre convexes,
pour les Vieillards , & à Ver.
res concaves pour les miopes , ou
- veues courtes ; & enfin tout ce
à
156
Extraordinaire
qui appartient à la conſtruction,
& fituation des Verres, pour faire
toute forte de Lunetes tant Microscopes
que Télescopes. Ce font
aufli les fondemens de la Dioptrique
que l'Autheur du Livre
de la Dioptrique Oculaire imprimé
en l'année 1671. a ignoré , puis
qu'au commencement de la 173 .
page , il dit contre la démonſtra .
tion & contre l'expérience , que
fi un Verre est bon aux Lunetes de
- longue weuë , on en doit recueillirfur
un plan directement opposé , les
rayons du Soleil, meſmedans unpoint;
car , ajoûte- t- il , fi cela arrivoit
heureusement , ce seroit le vray indice
de l'excellence de ce Verre objectif,
&qu'il feroit dans sa veritable &
précise largeur,sans qu'il fut besoin
de rien couvrir de la circonférenas
duMercure Galant. 157
finon , ajoute- t- il , l'on couvrira
peu àpeu les bords de la circonférence
de ce Verre , avec des cercles de
carton, de diverſes grandeurs , d'ouverture,
tant que les rayons du Soleilſe
reüniſſent en un point. Ce
que meſme les Ecoliers en Dioptrique
démontrent eſtre impoſſible,
quand mefme le Verre feroit
travaille de la main d'un Ange,
& que l'ouverture du Verre ne
feroit que d'une ligne , parce que
le Soleil eſtun corps , & ce Foyer
eſt ſon Image . Ce Foyer ne diminë
pas en grandeur en diminuantl'ouverture
du Verre , com .
me auſſi les objets vûs par les Lunetes
d'aproche ne diminuënt
pas en leur grandeur aparente ,
mais bien en leur clarté , lors
mefme qu'on couvrira la moitić
158
Extraordinaire .
T
du Verre objectif, ou que l'on la
couvrira en croix.
Si vous éloignez voſtre papier
au dela du Foyer Solaire , les
rayons pourſuivant leur route en
ligne droite s'eſtant entrecroiſez
au Foyer , formeront un autre
cone tronqué & renverſé , dont
la baze d'illumination ſera toujours
plus grande , mais moins
claire , ou moins forte en lumiere
, à mesure que vous éloignerez
davantage le papier , par.
ce que la meſme quantité de lumiere
eſt employée pour peindre
le Soleil dans un plus grand
cercle.
La diſtance du Foyer Solaire
auVerre convexe d'un coſté, &
plan de l'autre , quel coſté que
vous préſentiez directement au
duMercureGalant. 159
Soleil , Figure V. & VI. eſt toûjours
égale à la longueur de l'axe
de la Sphère ouGlobe , dont le
Verre eſt un ſegment.
Si le Verre eſt lenticulaire,
deſt à dire , également convexe
des deux coſtez , Figure VII. la
longueur de fon Foyer ne fera
quelamoitié de la longueur de
l'axe de la Sphere, dont les fuperficies
ſont ſegmens , pourvû
que l'on n'ait pas égard à l'épaiffeur
duVerre, ce qu'on doit fuppoſer
toûjours à l'avenir.
Que fi leVerre a ſes convexi.
tez inégales , comme la fome des
diametres des deux convexitez , eft
à l'un des diametres.
Ainsi l'autre diametre, est à la di-
Stance du Foyer Solaire.
160 Extraordinaire
Si le Verre eft convexe d'un
coſté , & concave de l'autre , Fi.
gure XII. en forte que trois femidiametres
de la convexité , ayent
toûjours plus de longueur que le
demy- diametre de la concavité,
mais que ces trois ſemi. diametres
n'excedent jamais trois femi- diametres
de la concavité, ces Verres
font appellez Méniſques ou taillez
en Croiſſant de Lune , & la
diſtance de leur Foyer Solaire , fe
trouve par cette regle , comme la
diférence des diametres des deuxſphéricites
du mesme Verre , est au diametre
de la convexité qu'on préfenie
au Soleil. Ainsi le diametre de
la concavité , est à la distance du
Foyer Solaire. Ainſi mon Verre
Ménisque dont la convexité
avoit 13. pouces 4. lignes de dia-
,
duMercureGalant. 161
xed mettre , & la concavité 3. pieds;
fon Foyer Solaire eſtoit à trois
pieds 10. pouces 9. lignes &
QUE
ademy.
12
Cette diſtance de Foyer Solaire
eſt appellée la portée ou la
puiſſance du Verre. Entre plufieurs
Verres de meſme portée
&également découverts , lemcil
leur aura le diametre du Foyer
Solaire plus petir.
Comme la diſtance du Soleil
eft toûjours ſenſiblement lam
me que les rayons de chaque
point du Soleil, à cauſe du grand
éloignement auVerre , font auffi
toujours Phyſiquement paral
leles, la diſtance du Verre à fon
Foyer Solaire eſt toujours la
meſme , quoy qu'en ait écrit le
R. P. Zucchius. Il n'en eſt pas
Q.deFuillet 1682 . 0
162 Extraordinaire
ainſi des autres objets moins éloi.
gnez , parce que leurs rayons
font Phyfiquement plus divergens
à mesure que l'objet eft
moins éloigné du Verre ; c'eſt
pourquoy les rayons de ces objets
fontdes plus grands angles d'in.
clinaiſon avec leur perpendicu .
laire , d'où il s'enfuit que leur
concours eft retardé , & qu'il fe
fait plus loin , & le Foyer ou
image de l'objet s'éloigne davantage
au derriere du Verre ; ce
qu'on voit par expérience dans
une Chambre cloſe, car à mefure
que l'objet s'aprochera du devant
duVerre convexe, ce Foyer
s'éloignera toûjours juſqu'à tant
que l'objet foit arrivé au devant
du Verre , à la diftance de ſon
Foyer Solaire ; carpour lors les
du MercureGalant. 163
rayons de l'objet ne font plus de
Foyer , parce que fortant paral.
leles du Verre ne peuvent ſe réü
nir, & fi l'objet éſtoit encorplus
procheduVerre, les rayons en fortiroient
divergens. Je donneray
en fon lieu la regle , pour connoiſtre
à quelle diſtance ſe fait
le Foyer des objets , ſuivant leur
éloignement , qui doit toûjours
eftre plus grand que n'eſt la lon.
gueur du Foyer Solaire dumeſme
Verre.
Parce que les Veres Plansconcaves
Fig.VIII. IX.& X. rendent
divergens ou paralleles les
rayons qui tombent ſur eux paralleles
ou convergens,& les faiſant
tomber ſur le cristalin , tels
-que ſi l'objet eſtoit moins éloigné,
forment les Bezicles ou
O ij
164
Extraordinaire
fimples Lunetes , de ceux qui ont
la veuë courte , & qu'ils fervent
de Verre oculaire dans les an
ciennes Lunetes d'aproche. Nous
dirons icy quelque choſe de leur
Foyer , qu'on appelle Virtuel, ou
Imaginaire , parce que les rayons
qui de chaque point du Soleil
tombent phyſiquement paralleles
, en fortent divergens , &
comme ſi ſans ſe rompre dans le
Verre ils venoient d'un point
qui fut au devant duVerre précifément
éloignéde la longueur de
l'axe du Globe ſur lequel on a
formé la concavité du Verre ;
ainſi parce que ſi ces rayons divergens
eſtoient produits en ligne
droite du coſté du Soleil , ils ſe
réüniroient à la longueur de l'axe
de la concavité du Verre . Ce
du Mercure Galant. 165
point imaginaire eſt appelle Foyer
Virtuel Solaire , d'où il eſt évident
queplus les objets font proches
du Verre plan - concave, plus
les rayons de chaque point de
l'objet tombent plus divergens,
& plus le Foyer objectif virtuel
ſera proche au devant duVerre.
Pour vous convaincre de tout
ce que j'ay dit , de la maniere
que les rayons de lumiere directe
ou reflechie , pure , ou modifiée,
peignent les objets ſur la
retine , faites - en l'expérience
dans un oeil artificiel repréſenté
dans la ſeconde Planche Fig. II.
Cette Machine a environ un
pied de diametre , ces parties &
leurs fonctions , font les meſmes
que celles de leur naturel .
Les radiations de chaque point
166 Extraordinaire
de l'objet , comme icy d'une fleche
, eftant entrez parla prunelle
PPP, tombent fur le Verre lenticulaire
CCCC , qui tient lieu de
P'humeur criſtalin, & par les loix
de la réfraction chaque radiation
réüniſſant les rayons de ſon cone,
ou pinceau optique renverſé ,en
un point fur la retine artificielle
RRRR , qui eſt faite d'une Glace
mince de Miroir , dépollie d'un
coſté , ou d'un papier huilé , &
qu'on met à la juſte diſtance du
Foyer des objets , en enfonçant
ou retirant peu à peu le Tuyau
RN, RN, qui repréſente le Nerf
optique , & porte la Retine artificielle
RRRR , y forment la baze
de distinction , Foyer ou vive
Image de l'objet qu'on admire,
peinte de ces vives couleurs , &
du Mercure Galant. 167
animée des meſmes mouvemens
des objets ; mais cette peinture
eft renverſée. Vous pourrez auſſi
e remarquer que le diametre ou
grandeur de cette peinture , a
preſque la meſme raiſon au dia.
metre ou grandeur des objets,
que la diſtance des eſpeces au
Verre à la diſtance des objetsau
Verre.
CUM
J
Il ſe paſſe la meſme chofe
dans nos yeux , & bien que la
es peinture des objets foit renverſée
fur noſtre Retine, Fig. II. &IV.
nous les appercevons dans leur
ſituation naturelle , parce que
Pame ou la puiſſance viſible dans
l'appréhenſion de ſon ſujet , ſuit
le progrés du rayon qui arrive
fur la Retine , apres l'inflexion
qu'il a foufert par la réfraction,
168 Extraordinaire
& raporte l'objet au lieu où l'axe
de chaque radiation iroit aboutir
, s'il eſtoit directement produit
hors de l'oeil vers l'objet.
On peut tres facilement faire
cette expérience en grand , fuivant
la troifiéme Figure , qui repréſente
une Chambre noire , en
laquelle on a foignenſement bouché
toutes les avenuës au jour, à
la réſerve d'un trou rond évasé
endehors en entonoir , qu'on a
fait dansun Volet ou Panneau de
Fenestre . Ce trou doit avoir en
ſa moindre ouverture , environ
un pouce de diametre , fur laquelle
en dedans la Chambre
on appliquera un Verre objectif
de Lunete d'aproche de ſept ou
huit pieds de longueur , ou
du moinsun des Verres d'un Be.
zicle
14
duMercureGalant. 169
que
zicle de Vieillard , car deslors
que le Soleil , ſans donner ſur la
Feneſtre, éclairera les objets d'une
Place publique , d'un Jardin,
d'une Ruë , ou d'une Campagne
oppoſée à voſtre Feneſtre , vous
en verrez les vivantes peintures
ſur un papier , ou ſur un linge fin
tendu perpendiculairement ,
vous approcherez ou éloigne.
rez directement peu à peu du
Verrejuſqu'à ce que ce linge ſoit
à la diſtance du Foyer , ou baze
de diſtinction des radiations de
chaque point des objets que
vous voudrez voir tres -distinctement
, & qui vous paroiſtront
peints renverſez , mais avec toute
leurs couleurs naturelles, Pour
rendre ces peintures permanentes
, vousn'avez qu'ày appliquer
Q.deJuillet1682. P
170
Extraordinaire
les couleurs ; & ainſi fans eftre
Peintre , & fans avoir fait aucune
étude de Perſpective , vous
aurez les plus beaux Tableaux,
&les plus agreables Païſages .
Vous obſerverez qu'on ne peut
avoir tres - distinctement , & à
mefme temps , les Images des
objets beaucoup éloignez , & de
ceux qui ne font éloignez que de
peu de toiſes de voſtre Feneſtre;
car pour les objets qui font tresproches
, il faut éloigner davantage
le linge qui ſert de Retine,
parce que les rayons des objets
qui font plus proches , tombant
fort divergens ſur le Verre qui
icy tient lieu d'humeur criftalin,
leur concours réünion , ou foyer,
eft retardé , & le foyer de ces objets
ſe forme plus loin au derriere
du Mercure Galant. 171
duVerre. On peut aufli avoir
une petite Chambre roulante,
pour porter à la Campagne;
voyez- en la conſtruction dansla
Figure IV. Elle aura 8. pieds de
longueur , 7. pieds de hauteur, &
6. de largeur. Un Homme eſtant
au Soleilà 15. pas du Verre , vous
en verrez ſon Image dans la
Chambre noire juſqu'au moindre
cheveu.
Nous devons cette admirable
découverte , auffi - bien que le vi
truve rendu intelligible , à Daniel
Barbaro , Noble Vénitien , Patriarche
d'Aquillée , qui la publiadans
ſa Scenographie , ou OptiquePratique
, Partie 9. Chapitres .
Voicy ces termes.
Con mirabile diletto la Natura ne
insegna la proportionata digradatio
Pij
172
Extraordinaire
ne delle cose, &fi aiuta in ogniàformare
i precepti dell'arte , Perilche dovemo
eſſere diligenti obfervatori di
quella in ogni occafione. Ma per hora
io tocchero una belliffima experienza
intorna alla perſpettiva. Se voui videre
come la natura pone le ceſe digradate
, ne ſalamente quanto ài contorni
del tatto & delle parti , ma
quanto à i colori , & le ombre ,&le
fifimiglianze, farai un Buco nello
Sourodellafinestra della Stanza di do
ve voui vedere , tanto grande quan.
to è ilvetro d'un Occhiale. Et piglia
un Occhiale davecchio , cioc che bab
bia alquanto di corpo nel mezo , &
xonconcavo comegli Occhiali daGiovani
, ohe anno la vista curta , & incafſſa
questo vetro nel buco,ferra poi
tuttelefinestre ,&le portedellaftanza,
ſi che non vi fa luce alcuna,se
duMercure Galant.
173
non quella che vienne dal vetro , Piglia
poi un foglio di carta , & ponilo
in contra ilvetro tanto diſcoſto, che to
veda minutamente sopra il foglio
quello che è fuori di casa , il chesi fa
in una determinata distanza più diftintamente
, il che troverai accostando
, over diſcoſtando il foglio dal
vetro ,fin che ritrovi ilfito convemente.
Quivi vederai leforme nella carta
comefono , &le digradationi , & i
colori , &le ombre , & i movimenti,
il tremola dell'aque, il volar de gli ucel.
li , & tuto quello che si puo vedere,
Aqueſta eſpcricnsa chiede che fi fiail
fole chiaro & belle, la luce del fole hà
grandeforza in cavarle ſpecie viſibili
; come con tuo piacere ne farai
la iſperienza , nella quale faraiſcielta
di quelli vetri chefanno meglio , &
Piij
174
Extraordinaire
fe vorrai cuoprire il vetro tanto , che
Si laſci un poco di circonferenza nel
mezzo , che fia chiara èſcoperta , ne
vederai ancora piu effetto.
Vedendo adunque , nella carta i
lincamenti delle cose , tu puoi con
unpenelloſegnar ſopra la carta tutta
la perſpettiva, che apparira in quella,
& ombregiarla , & coloriria tenera
mente,secondo che la natura ti moftrera.
C'eſt ce que nous appellons
donner la diminution des teintes
convenables . Tenendoferma la carta
fin che haverai fornito il diſſegno .
Cardan en parla en l'année
1553. dans le 4. Livre De Subtilitate.
Voicy ſes termes. Quodfi
lubeatſpectare , ea que in via fiunt,
foleSplendente. In fenestra orbem è
vitro collocabis , videbis imagines
perforamen tranſlatas in oppofitopladu
Mercure Galant. 175
no ,fed cum obfcuris coloribus ; subjicies
igitur candidiffimam cartam co
locoquo imagines vides , & intentam
rem mira ratione affequeris .
Baptifte Porta enſeigna enfuite
la meſme choſe , comme fi elle
fut encor inconnue , dans le 8..
Livre Magia Naturalis Chapitre
7: & dans le Chapitre 6. il donne
cet avis tres - important.. Lumen
fenestraforamen neferiat quia impedit
operationem , lux enim fecunda
eft, quæ objectorum fimulachra fert.
J'ajoûte que ſi vous faites plu.
fieurs trous , mais un, peu éloignez
l'un de l'autre , & que chacun
foit garny d'un Verre de
mefme puiſſance, ou longueur de
Foyer , les objets ſe peindront
autant de fois multipliez. Il en
arrive de meſme fur la Retine de
Piiij
176
Extraordinaire
l'oeil , lors qu'ayant fait plufieurs
trous dans une Lame deliće de
Cuivre , nous regardons à travers
ces trous , pourvû que tous enſemble
foient dans un moindre
eſpace que l'ouverture de la prunelle.
On verra meſme de nuit
juſqu'à neuf chandelles , ſi ayant
appliqué une Toile d'Hollande
fur l'oeil , on regarde la flâme
d'une chandelle un peu éloignée,
parce que ces eſpeces paſſent par
neuf petits trous de laToile, qui
pris enſemble n'excedent pas
l'ouverture de la prunelle de
l'oeil . Vous verrez auſſi facilement
cette multiplication d'efpeces
, la nuit dans voſtre Chambre,
dépeintes ſur un linge blanc,
fi vous mettez une chandelle allumée
au devant d'un grand
du Mercure Galant. 177
Verre convexe , que vous aurez
couvert d'un carton percé de
pluſieurs trous ronds. Je ne dis
rien icy duVerre Poliedre, ou taillé
à faceres , par lequel on voit en
tout temps les objets pluſieurs
fois multiplicz .
Ces eſpeces des objets ou
Images renverſées , paroiſtront
encor plus grandes &plus diſtin-
Ctement Figure XIII. fi à travers
une Boule de bois engagée dans
le trou de la Feneſtre , qui roule
& fe contourne de tous coſtez
- comme l'oeil dans la concavitéde
la teſte , vous paſſez le bout de
la Lunete garny d'un Verre objectif
plan- convexe , dont l'autre
bout ſoit muny d'un Verre oculaire
concave des deux coſtez ,
mais d'une plus petite Sphere
ই
178
Extraordinaire
que celuy qu'on y mettoit pour
fervir de Lunete d'aproche ; ce
Verre ſe place auffi plus pres du
Verre objectif , & racourcit par
conféquent notablement plus la
Lunete. C'eſt pourquoy, comme
nous avons déja dit , il rendra
les rayons, divergens , & par ce
moyen retardant leur concours,
éloignera la baze de diftinction
des eſpeces plus loin que fi le
Verre objectif eſtoit ſeul , & par
conféquent ſes eſpeces feront
plus grandes & plus diſtinctes,
mais moins claires. C'eſt le cr.
Probleme de la Dioptrique de
Keppler, imprimée l'an 1611.C'eſt
avec cette lunete que nous recevons
, confidérons ,& obfervons
les Eclipſes du Soleil , & festa
ches ou macules , dans ſon Foyer
duMercure Galant. 179
ou Image. Cette Machine eftde
l'invention de M. Hevélius de
Dantzic, fi celebre par tant
d'Ouvrages & d'Obfervations
Aſtronomiques ; elle eſt dans ſa
Selénographie de 1637. & dans les
pages 372 & 374. de fon premier
Tome intitulé Machina Caleftis.
,
J'ay dit ailleurs bien au long,
&tres fuffiſament, toutes les manieres
de redreſſer ces eſpeces ou
Images des objets , c'eſt pourquoy
je me contente de dire icy
qu'il fuffit d'avoir deux bons
Verres objectifs de trois ou quatre
pieds de Foyer, mais celuy qui
fera au bout de la Lunete dans la
Chambre , doit eſtre d'une por..
tion deux ou trois fois plus large ,
& éloigné du Verre objectif qui
180 Extraordinaire
eft à l'autre bout de la Lunete
dans le trou de la Feneſtre , de
deux fois la longueur de fon
Foyer Solaire ; & le drap blane,
papier ou carton , qui comme
une table d'attente doit recevoir
les eſpeces des objets , ſera éloigné
de la Feneſtre de deux fois
la longueur. de la Lunete ; mais
àmon avis le meilleur eſt de regarder
ces eſpeces renverſées
d'une autre Chambre , avec une
Lunete ordinaire à deux Verres
convexes , placée dans un trou
fait à travers le mur de réfent,
car par ce moyen , ces eſpeces
ou peintures des objers paroî
tront plus grandes, & redreſſées.
On peut fur le meſme principe,
faire paroiſtre au milieu d'une
Chambre , Figure V. dans les
duMercureGalant. 181
.
tenébres d'une nuit la plus obfcure
, les Images & repréſentations
de tout ce qu'on voudra fur
une Toile blanche RRRR , qu'on
y aura tendu à la diſtance requile
du Foyer du Verre objectif de
quelques pieds de diametre , qui
garnit le trou PP fait dans la Porte
, & évasé en Entonnoir du
coſté de la Chambre. Au devant
de ce Verre & à quelque
diſtance de la Porte de la Chambre
, eſt une blinde ou chande.
lier portant un Chaffis , garny en
haut de même qu'une Portierede
Carrofſſe d'une grande Glace, ou
Papier fin&huile, ſur lequel avec
des couleurs diafanes & tranſparentes
, comme aux illuminations,
on aura peint à la renverſe, les Figures
qu'on voudra faire pa
182 Extraordinaire
roiſtre droites dans les tenébres
de la Chambre. Ces Peintures
doivent eſtre fortement éclai
rées , en forte que le Chafſfis foit
toûjours entre le Flambeau &
la Porte de la Chambre , comme
on le void dans la Figure V. car
fi les Flambeaux éclairoient la
Porte de la Chambre , on y dé.
truiroit toute forte de repréſentation,
&on n'y verroit que de la
lumiere pure ſur la toile y tenduë.
C'eſt d'icy qu'on a trouvé l'invention
de porter de nuit , à plus
de quatre mille pas , dans une
Chambre obfcure , les écritures
& telles repréſentations qu'on
aura peintes avec encre commune
ou couleurs vives &tranſpa.
rentes , fur un Verre convexe qui
ait demy pied de diametre en fa
du Mercure Galant. 183
furface , & de tres - long Foyer;
car mettant au derriere du Verre
une flame tres -vive & tres - grande
, fi le milieu de la flâme, le
centre du Verre , & fon axe, font
dirigez en meſme ligne droiteau
milieu de la Feneftre obfcure,
ces figures y paroiſtront reveſtuës
de mille couleurs , fur un papier
ou ſur un drap blanc ; & ceux qui
feront dans cette Chambre obfcure
, verront comme un bril.
lant Soleil en ce Verre , qui doit
eſtre enchaffé dans l'ouverture
d'une Planche.
Vous apprendrez par expé.
rience que la jufte diſtance de la
flame au Verre , eſt lors que les
figures feront plus diftinctement
repréſentées avec toute forte de
couleurs.
184
Extraordinaire
On fait la mefme choſe dejour
&de nuit , ayant avec encre ou
autres couleurs tranſparentes ,
peint à la renverſe & en profil,
les figures ſur un Miroir concave
de fonte , car fi on fait entrer la
reflexion du Miroir par une petite
Feneſtre dans une Chambre
obfcure , les figures paroiſtront
ſurun drap blanc peintes de cou-.
leurs admirables ,&d'autantplus
grande que le Miroir fera cloigné
de la Feneſtre de la Chambre
obfcure.
On peut encor faire la meſme
choſe avec un Miroir plan de
fonte , fur lequel on aura écrit
ou peint les figures avec encre
ou couleurs tranſparentes , car
ce Miroir eſtant expoſé au Soleil,
& la lumiere dirigée dans l'ou
du Mercure Galant . 185
verture d'un Volet de la Feneftre
oppoſée d'une Chambre noire ,
& éloignée d'environ 200. pas ,
fi vous recevez parallelement à
quelque diſtance du Miroir la réflexion
par un grand Verre convexe
de 4 ou 5. pouces de diametre
en ſa ſurface , toutes les
figures paroiſtront diverſement
colorées ſur un drap blanc dans
la Chambre noire. Que fi vous
travaillez la nuit , mettez au derriere
du grand Verre convexe B,
encaffé dans le trou rond d'une
Planche, un grand Flambeau ou
Lampeallumé Figure VI. dirigez
la projection pour la faire entrer
par une petite Feneſtre dans la
Chambre noire oppoſée. Si la
flame de la Lampe eſt au Foyer
du Verre , fon illumination forti-
Q.deJuillet 16820
186 Extraordinaire
*
ra en Cilindre ; fi elle en eſt plus
éloignée , ſes rayons ſe réüniront
& feront leur Foyer ; enfin éloignez
- les , juſques à tant que fon
Foyer ſe fafle en deça de la Feneſtre
de la Chambre obfcure
, car les rayons y entrant apres
leur décuſſation , ils y peindront
les Images renverſées . On peut
adjoûter un autre Verre marqué
V. & afin d'augmenter la lumiere&
fa force , mettez au derriere
de la flâme de la Lampe,
un Miroir de Métal concave ſegment
de 18. degrez , car le furplus
feroit intile. Il faut qu'il foit
placé parallelement au Verre
peint , & que la flâme ſoit à fon
Foyer , & les axes & les centres
du Miroir , celuy de flâme , &
du Verre convexe peint , foient
duMercureGalant. 187
enmeſme ligne droite , FigureVI.
à quoy a manqué Keſtlerus dans
ſa Figure page 25. de ſon Physiologia
Kircheriana , imprimée à Amſterdam
en l'année 1680 .
Enfin vous ferez encor la mef
mechoſe de nuit plus facilement,
fi vous peignez avec encre ou
couleurs transparentes , fur 60.
degrez au plus de ſurface d'une
grande Bouteille de Verre fin,
fouflée mince & bien ſphérique.
ment , remplie d'eau , & enchaf.
ſée dans le trou d'une Plauche.
Allumez une Lampe au derriere
de cette Bouteille , au devant de
laquelle mettez le grand Verre
B convexe de deux coſtez , éloigné
de la diſtance de fon Foyer,
ou à telle autre diſtance que l'expérience
vous fera connoiſtre la
188 Extraordinaire
plus propre , pour porter diftintement
par une petite Feneſtre
fur le drap blanc tendu dans la
Chambre noire , oppoſée les figures
& ombres reveſtuës de
toute forte de couleur.
Que fi ayant enchaſſé cette
Bouteille dans un trou , fait à la
Porte ou à un Volet de Feneftre
de la Chambre noire , vous l'éclairiez
fortement de nuit par un
Flambeau, & de jour y refléchifſant
deſſus les rayons du Soleil
par quatre ou cinq Miroirs plans,
les rayons de lumiere penetreront
la Bouteille, avec les ombres
&images y peintes. Si vous les
recevez en dedans la Chambre
fur pluſieurs grandsVerres taillez
à facettes , ces Images paroîtront
prodigieuſement multi
dùMercure Galant. 189
pliées ſur le drap blanc tendu à
l'oppoſite.
Mettez une Bouteille de Ver.
re ſphériquement ſouflée , &
puis remplie d'eau claire , un peu
au dehors de voſtre Feneſtre lors
que les rayons du Soleil ne don.
nent pas deſſus , reculez quatre
ou cinq pieds dans la chambre,
&vous verrez ſur la ſurface de la
Bouteille les eſpeces renverſées
des objets de la Ruë, avec leurs
vives couleurs. Elles changeront
de place fur la furface de la Bouteille
à mesure que vous irez un
peu àdroite , ou à gauche. Elles
paroiſtront d'autant mieux , que
le Soleil éclairera fortement les
objets,& paroiſtront plus grands
àproportion que les objets feront
plus proches , & que la Bous
190
Extraordinaire
teille fera plus grande.
Que fi vous engagez à moitié
cette Bouteille , Figure XIV.
dans un trou fait à un coſté d'une
Caffete cubique bien fermée
de toutes parts , dont la largeur
foit double du diametre de la
Fiole ou Bouteille , mettez un
objet renverſé contre le fonds de
la Caffette oppoſé à la Bouteille
, expoſez - là enfuite au
grand jour , elle donnera paſſage ,
à la lumiere juſques ſur cet objet,
dont la radiation ſe refléchiffant
renversée avant qu'entrer dans
la Bouteille, peindront fur la furface
extérieure les eſepeces redreſſées
de l'objet , qu'on verra
avec plaifir eſtant un peu éloigné,
& l'objet ſemblera ſe mouvoir fi
voſtre coeil ſe meut plus à droite,
du Mercure Galant. 191
ou plus à gauche.
Voicy qui eft encor plus facile&
plus agreable ; vous verrez
les eſpèces des objets en meſme
tempsmultipliées , renverſées , &
redreffées dans un coffre , Figure
XV. d'environ trois ou qua.
tre pieds de longueur , d'un pied
& demy de hauteur , & d'autant
de largeur'; faites un trou à un
fonds vertical de ce coffre, dans
lequelvous emboiterez uneBoule
de bois percée à jour , & garnie
d'un bon Verre convexe de deux
coſtez , qui ſoit d'un pied & demy
de Foyer , ou plus ſuivant la longueur
de la Caiffe. Cette Boule
doitcontourner facilement dans
cetrou commel'oeil dans la reſte;
ayez un Chaſſis de papier huilé,
ou fait d'une lame de Miroir dé
192
Extraordinaire
polie d'un coſté , coulez ce Chaf
fis dans ce Coffre ou Quaiſſe juf
ques à tant que vous y voyez
tres - diftinctement les efpeces des
objets ; garniffez en ſuite avec
trois Miroirs le fond horizontal ,
&les deux coſtez du Coffre qui
reſtent au deça de ce Chaſſis ou
Retine artificielle , puis fermez
cette Quaiffe , & regardez par
un trou fait au milieu du fonds
oppoſé au chaſſis , & à celuy qui
eſt garny du Verre objectif , vous
verrez les Images des objets renverſées
ſur le Chaſſis , & multipliées
dans les deux Miroirs qui
font aux deux coſtez , & en mefmetemps
vous les verrez redref.
ſées dans le Miroir horizontal.
Vous pourrez garnir d'un Verre
oculaire convexe ce trou , par le
quel
4
duMercureGalant.
193
lequel on regarde les eſpeces, car
elles paroiſtront plus grandes &
redreſſées ſur le Chaſſis , &c.
Que fi vous regardez par un Verre
Polyedre , ou à facettes , ces
multiplications vous paroiſtront
prodigieuſes, &c.
La Catotrique a ſes manieres de
multiplier par reflexions les eſpeces
ou images des objets , qui
font entre deux Miroirs-plans
parallement oppoſez , & perpendiculairement
élevez , car le plan
& ſa marqueterie , paroiſtra
d'une longueur indéfinie , & les
objets paroiſtront auffi multipliez
ſans fin , lors qu'ayant l'oeil
à une fente horizontale faite à
quelques lignes par deſſus le
bord Supérieur de l'un des Miroirs
, l'on regarde dans l'au-
Q.deJuillet 1682. R
J
194 Extraordinaire
tre Miroir oppoſé.
On voit auffi par réfléxions l'Image
d'un meſme objet mille
fois multipliée , renverſée , &re.
dreffée dans un Cabinet cubique
, dont les cinq coſtez inté.
rieurs font garnis d'un Miroir.
plan.
AP
On peut encor conftruire une
Machine admirable pour les efpeces.
Elle est compoſée de huit
Miroirs , fix deſquels feront fort
grands. Voyez - en la ſituation
dans la Figure XIV. ABCD, eft le
plan d'une Quaiſſe rectangle
oblonque. EF, FG, GH, HI, font
quatre grands Miroirs plans , leurs
angles rentrans F, & H, font chacun
d'environ 164. degrez. KL,
MM, font deux Miroirs égaux aux
autres , & à la diſtanced'un pied
du Mercure Galant . 195
& demy. Les deux coſtez des
deux fondsverticaux , feront garnis
des Miroirs EK, IN, parallelement
oppofez . On met les objets
fur ce fonds , ABCD , & on
regarde dans ce Coffre par une
fente horizontale de quatre pouces
de longueur , & d'un demy
pouce de hauteur , faite au deſſus
du bordſupérieur du Miroir EK.
Iln'y a rien de plus agreable,
ny de plus ſurprenant que les répréſentations
que font voir deux
Miroirs-plans , leſquels ſe mouvane
perpendiculairement ſur une
table,font diférens angles au centre
d'un cercle gradué . 1º On
admirera que quelque anglè que
faffent enſemble les deux faces
des Miroirs , le cercle paroiſtra
toûjours entier ; d'où je conclus
Rij
196 Extraordinaire
que leurs reflexions repréſentent
les objets lautant de fois , moins
une , que l'angle de leur ouver.
ture eft contenu de fois dans les
360, C'eſt pourquoy lorsque la
corde de leur ouverture ou an.
gle , eſt le coſté d'un Poligone
régulier infcrit dans le cercle,
dont les largeurs des deux Miroirs
ſont les ſemy- diametres , on
verra par réfléxion dans les Miroirs
tous les autres coſtez du Po.
ligone régulier. Ainſi les Poli.
gonesparoiffent toûjours entiers,
c'eſt pourquoy l'ouverture des
deux Miroirs faiſant au centre
du cercle l'angle de 120 degrez
qui eſt le tiers de tout le cercle,
un Ruban façõné tendu d'un Mi
roir à l'autre , paroiſtra un trian
gle équilateral , chacun des Mi
duMercureGalant. 197
troirs en réfléchiſſant un coſté . Si
les Miroirs font ouverts à angle
droit , le Ruban enceindra un
terrain quarré dont il fera la bordure
, car chaque Miroir en ré.
fléchira un des coſtez , & la moi.
tié du fond ou coſté plus éloigné,
quieft veu comme enfoncé dans
lesMiroirs. Sil'ouverture desMiroirs
comprend 72. degrez , qui
eft la cinquième partie du cercle,
ce Ruban formera une bordure
en Pentagone , duquel chaque
Miroir en refléchira deux coſtez
l'oeil , & le fera paroiſtre en
foncé & au derriere de la glace .
Enfin ſi l'angle de leur ouverture
eftde 60. degrez , qui eſt la fixieme
partie du cercle , ce Ruban
repréſentera le contour d'un
Exagone régulier , car chaque
R. iij
198 Extraordinaire
Miroir réfléchira deux fois&de.
my le Ruban , qui eſt le réel coſté
du poligone , &c. Voicy encor de
tous leurs effets à mon avis, le plus
admirable. Une Courtine , deux
Flancs , & les deux Faces oppo.
ſées des deux Baftions , le tout
peint , ou en relief , avec leurs
Foffez , & leurs Dehors, parof
trontune Citadelle à quatre, puis
àcinq Baſtions , puis une Ville à
fix Baſtions , &c . avec tous leurs
Ouvrages & Dehors , ſuivant
que vous ouvrirez les Miroirs aux
angles de 120. de 90. de 72. de
60. de 45. degrez , &c . Je ne dis
rien de l'admirable multiplica.
tion qu'ils font des objets qui
leur font au devant , & dans le
cercle , principalement de la lumiere
des Bougies qu'ils multi.
du Mercure Galant. 199
plient & réfléchiffent , &c.
Les Sçavans meſme feront furpris
de ce qu'un Miroir de poche,
plan & quarré , ayant ces quatre
bords taillez en bizeau , réfléchit
fur le plancher ſupérieur
d'une Chambre l'Image du Soleil
en un rond , du centre duquel
fortent quatre Echarpes rayonnantes
, qui forment à angles
droits une grande croix de lumiere.
Enfin la Dioptrique n'a riende
plus ſurprenant , que les effets
d'une Lanterne Catoptro-Dioptrique,
Figure VII. de la ſeconde
Planche, Sturmius a raiſon de
la nommer Mégalo-graphique.C'eſt
wne eſpece de Lunete Mic rofcope
, par laquelle dans la nuit la
plus noire ,nous faiſons pa roiſtre
it
R iiij
200 Extraordinaire
ſucceſſivement ſur un linge tendudans
une Chambre, ou fur une
muraille de l'autre coſté de la
Ruë , mille fortes de repréſentations
& figures giganteſques, avec
les couleurs éclatantes des originaux
ou prototipes,peints d'encre
ou avec couleurs tranſparentes,
qui n'ont qu'environ deux pouces
de diametre. C'eſt pour cela que
le P. KeſtlerusJéſuite luy a donné
lenomde Lanterne Magique , dans
la 125.pagede fon Physiologia Kirkeriana
imprimée à Amſterdam
l'an 1680.
Cette invention a bien fait du
bruit depuis quelques années;
mais elle n'eſt pas nouvelle , puis
qu'on peut croire que le Roy Salomon
, ou du moins Roger BaconMoine
Anglois , en eſt l'In-
2
du Mercure Galant. 201
eventeur ; puis que fi nous en
croyons les Rabins , le premier
ſe repréſentoit auffi où il vouloit...
Le ſçavant & curieux B. Svventérus
, eſt le premier qui a enfeigné
la conſtruction de cette Lanterne
dans ſon LivreDelic. Mathemat.
Parte 6. Prop. 31.
Le Coffre de cette Lanterne
* doit avoir 15. pouces en longueur,
& un pied en fa hauteur , &autant
en largeur , car elle s'échan
fe trop , & fume eſtant trop petite.
Sa cheminée au deſſus ſera
de demypiedde diametre , &de
la maniere du comble des Lanternes
fourdes ; ſon fond aura
- par deſſous des trous ou ſoûpiraux
marquez ss , afin que l'air
froid externe entrant de bas en
haut , pouffe dans la cheminée la
A
202 Extraordinaire
fumée du feu de la Lampe garnie
d'huile d'olive , dont la flame
doitavoir du moins deux pouces
de diametre , afin d'égaler le diametre
de l'Image prototipe , &
celuy du Verre A , qui eſt encor
d'une ligne ou deux plus grand,
&qui eſtant ſeul aura trois pouces
de foyer , &deux pouces de día .
metre en ſa ſurface..
Le Miroir M , eſt formé d'un
cercle de cinq pouces de diametre
; celuy de ſa ſurface eſt de
deux pouces&demy , fa profondeur
eſt d'environ quatre lignes,
& fon foyer eſt précisément à
quinze lignes au devant du Mi.
roir. On peut employer un Mi.
roir formé d'un cercle de ſept
pouces de diametre,dont le Foyer
fera par conséquent à vingtduMercureGalant.
203
une ligne au devant du fonds du
Miroir. Le Foyer ne doit jamais
exceder la longueur de 3. pouces,
parce que la réflexion en ſeroit
moins forte , & quand elle eſt
trop petite , la fumée du feu de
la Lampe qui doit toûjours eſtre
aſon Foyer , ou tant ſoit peu plus
⚫ proche du fond du Miroir, eftant
fi proche, le ternit d'abord .
Si la flame de la Lampe eſt preciſement
au Foyer du Miroir concave
, les rayons feront réfléchis
- paralleles , & ayant dans leur paralleliſme
penetré le prototype ,&
puis ſe ſerrant dans le Verre Ails
en forment l'efpece ou Image aëriene
à la diſtance de ſon Fover
Solaire, qui eſt entre le Verre A,&
le Verre B, Que fi la flâme eſt en .
tre le Foyer & le centre du Mi-
!
204
Extraordinaire
roir , les rayons de lumiere en ſeront
refléchis convergens fur lea
Verre A , & leur concours eftant
accelerer ſe fera plûtoſt & plus :
pres du Verre A. C'eſt pourquoy
les angles des rayons eſtant plus
obtus , ils deviendront plus di
vergens qu'auparavant apres leur
décuſſation au Foyer du VerreA,
où ils ont formé l'Image aëriene
du prototipe P , & par conféquent
fi le Verre A eſt ſeul , la
repréſentation de l'objet P, ſera
plusgrande fur la toile tenduë à
meſme diſtance qu'auparavant,
c'eſt pourquoy la flâme doit eſtre
entre le Foyer , & le centre du
Miroir , mais toûjours plus prés
du foyer que du centre , & jamais
au centre. Que fi la flame
eſt entre le Miroir & fon Foyer
duMercure Galant. 205
5
les rayons de lumiere ſeront ré-
- fléchis divergens , & il faut faire
tomber toute la réflexion fur le
Verre A. Ce que la pratique enſeignera.
La fleche peſt une de ces Images
, peintes avec encre commune
, ou en grofaille , ou avec de
vives couleurs tranſparentes &
peu chargées , fur des ronds de
Talc ou de Verre blanc , & fort
mince. Ces Figures feront toujours
un peu inoindres que la
furface du Verre objectif A;
-elles feront enchaſſées dans les
trous ronds de la Planche zz,
on la fera couler ſucceſſivement
dans la fente faite au devant de la
Lanterne.
Le Verre A convexe de deux
coſtez , ſera plus éloigné de la
flame que n'eſt la longueur de
1
206 Extraordinaire
fon Foyer. Le prototipe P, fera
entre la flame & le Verre A, mais
un peu plus proche de la flâme,
& toûjours entre le Verre & le
Foyer Solaire.
Si à un trou de trois pouces
fait à la porte antérieure de la
Lanterne , eſt ſoudé un Tuyau
de trois ou quatre pouces de longueur
, & d'autant de diametre,
faites-y entrer un bout de la Lunete
AB , compoſée de deux
Tuyaux , qui peuvent s'allonger
pour faire une Lunete d'environ
un pied de longueur, elle ſeragarnie
de deuxVerres lenticulaires A
& B, dont l'objectif A foit de
cinq pouces de Foyer , & celuy
du Verre B, foit de dix pouces,
& enfoncé de deux pouces dans
le Tuyau ; l'effet en fera beau
duMercure Galant. 207
coup meilleur ; car le Verre objectif
A eſtant d'un plus grand
Foyerque celuy qu'on y mettoit
ſeul, ſa ſurface ſera auffi plus
grande , & pouvant eſtre placé
plus prés du prototipe P, il en
recevra une plus grande radia
tion , & les rayons de chaque
= point de cet objet tombant moins
obliquement que ſur un Verre
plus convexe , ſe réüpiſſent plus
précisément en un mesme point,
c'eſt pourquoy la peinture aëriene
en fera plus diſtincte par
cette raiſon , & plus claire par
- la premiere. De plus le ſecond
Verre B, qui ne ſera jamais éloigné
de la longueur de fon Foyer
du devant du Verre objectif 4,
rend les rayons de la radiation de
cette Image aëriene plus conver
208 Extraordinaire
gens , & les faifant plutoſt con.
courir,ils formeront unangle plus
obtus , c'eſt pourquoy apres leur
décufſation eftant devenus plus
divergens , iront peindre ſur la
Toileblanche dans un plus grand
cercle lumineux , les eſpeces redreſſées
du prototipe P , qu'on
aura renversé dans la fente de la
Lanterne , entre la flâme & le
Verre objectif A., Il faut pour
bien réüffir , que l'axe du Miroir
concave , & des deux Verres , ne
faffent qu'une meſime ligne droi.
te avec le centre du milieu dela
lâme de la Lampe. C'eſt à quoy
le R. P. Keſtlerus Jéſuite , a
manque dans ſa Figure de la 125.
pagedeſon Phyfiologia Kirkeriana.
J'ay dit que cette Lunete eſt
une eſpece de Microſcope. En
duMercureGalant. 209
effet , ſi ayant mis fur le Verre
objectif A, une Mouche ou quel.
que autre petit objet , vous en.
gagez le bout objectif de cette
Lunette dans un trou fait au milieu
d'un Carton d'un pied de
diametre , ou ſi vous l'avez pafſe
à travers le Globe mobile de
la Figure XII. de la premiere
Planche , tournez cette Lunete
directement au Soleil , vous verrez
une giganteſque image ou
ombre de ce petit objet , dans
un grand cercle lumineux fur un
papier oppoſe directement au
- derriere de la Lunete , car les
rayons du Soleil feront la meſme
choſe ,que la lumiere de la Lampe
fait pendant la nuit , & dans
- une Chambre tres obfcure.
On peut faire une Lanterne
Q.deJuillet1682. S
210 Extraordinaire
avec un ſeul Verred, convexe
de deux coſtez , de trois pouces
de Foyer Solaire , enchaffé à la
porte antérieure de la Lanterne, de
la figure du prototipe fera à quatre
pouces au derriere du Verre,
plus ou moins , mais toûjours
entre fon Foyer , quieſt le rayon
du cercle d'une des convexitez ,
& l'extrémité du diametre du
mefme cercle , la flâme de la
Lampe fera un peu plus éloi.
guée , &c . en approchant peu à
peu le prototipe du Verre lenti
culaire A, vous trouverez par ex
périence ſa ſituation propre , lors
que ſon Image ſe peindra fort
grande &diftincte ſur une Toile
blanche directement oppoſée.
Faiſons icyune
ration des autres effets des Ve
brieve énumé
duMercure Galant. 211
9.
res ſphériquement convexes, que
nous appellons Lenticulaires. Om.
phaloptres, Loupes , &c.
: Une Louppe de Verre comme
ſont les Bezicles convexes des
Vieillards, eſtant oppoſée directe.
-ment au Soleil , en réinit les
rayons au Foyer où ils brûlent
promptement toutes les matie-
-res noires & combustibles , car
les blanches réfléchiſſent les
rayons ,&c .
On peut lire la nuit , faiſant
tomber ſucceſſivement fur chaque
mot le Foyer de la radiation
de quelqu'une des plus brillantes
Etoiles de la premiere grandeur ,
ou d'un feu fort éloigné.
La flâme d'une Bougie eftant
miſe an derriere de l'omphaloptre
a la diſtance de ſon Foyer So.
Sij
212 Extraordinaire
laire , les rayons en fortiront pa
ralleles , iront en colomne de lumiere
éclairer bien loin .
Un petit objet mis pres de la
diſtance du Foyer du Verre , eftant
vû à travers paroiſtra tresgrand.
L'ocil eſtant entre le Verre&
fon foyer des objets , qui eſt tant
plus éloigné, que l'objet eſt plus
plus proche au devant du Verre,
l'objet paroiſt en ſa ſituation naturelle
, & lors que l'oeil eſt au
deçade ce Foyer objectif ou baze
de diftinction de l'Image aëriene
de l'objet , il paroiſt renverſé
apres la décuſſation que
les rayons fouffrent au Foyer.
Les Presbites , & les Vieillards
qui ne voyent que confufément
les objets proches , parce que le
duMercure Galant. 213
Foyer de leur criſtalin trop plat
fe fait au delà de la Retine,
voyent diſtinctement à travers
des Louppes les meſmes objets
plus proches .
Les Myopes & Courtes - veuës,
ontl'humeur criftalin trop rond,
c'eſt pourquoy ſon Foyer eftant
plus court, fe fait plus prés dans
l'humeur vitré au devant de la
Retine , voyent distinctement ,
mais à la renverſe , à travers une
Loupe ou Verre convexe de deux
coftez , les objets proches , &
aufſi les éloignez , lors que le
Foyer du Verre eſt entre le Ver
• re & l'oeil , qui par conséquent
- reçoit les rayons de l'objet renverſez
apres leur décuſſation au
Foyer
Ceux dont la Retine eſt au214
Extraordinaire
lant , ou mesme plus proche de
'humeur criſtalin , que fon Foyer
Sclaire , ils ne verront jamais.dif,
tinctement à la renverſe un objet
au travers d'un Verre convexe,
parce qu'il faudroit que le Verre
fut autant éloigné de l'oeil que
les objets, afin que les rayons des
objets tombant paralleles fur
l'humeur criſtalin il les peut
réünir fur la Retine.
Pour connoiſtre comment les
Bezicles ou Lunetes Binoclesſimples,
qu'on porte fur le nez remédient
aux defauts de la Veuë , & font
voir distinctement aux Presbites
& aux Vieillards les objets qui
font proches ; & ceux qui font
éloignez aux Miopes , qui ont la
Veuë courte & baffe , gente à cui
fifanotteinanzi ſera ; il faut faire
du Mercure Galant. 215
les dix remarques ſuivantes de ce
quiſe paſſe dans l'oeil artificiel,
Figure II. Planche ſeconde dans
lequel le Verre Omphaloptre CCCC,
c'eſt à dire , convexe de deux
coftez y fait l'office de l'humeur
cristalin dans noſtre coeil . Eſtant
a remarquer que fi ce Verre eftoit
un Globe ou boule de Verre , le
: Foyer Solaire n'en feroit éloigné
que de la longueur de la quatriéme
partie de l'axe , de meſme
qu'aux Miroirs concaves. Que fi
c'eſtoit une Bouteille pleine
d'eau , le Foyer en ſera éloigné
de la longueur du ſemi diametre,
àcause de la diférente réfraction
de l'eau à celle du Verre .
1º Lors que l'objet eſt au de
vant de cet oeil artificiel , entre
leVerre & fon Foyer Solaire an216
Extraordinaire
4
1
térieur , les rayons de chaque
point de l'objet tombant diver
gens fur le Verre , en fortiront
auffi divergens dans l'oeil , &
d'autant qu'il ne ſe peuvent réünir
, concourir ou faire Foyer, ils
n'en formeront jamais une Image
diſtincte ſur la Retine artifi.
cielle RRRR , à quelle diſtance
que vous la mettiez . On peut
agreablement en faire l'expérience
de nuit , oa dans une
Chambre noire , avec une Bougie
allumée. Ce que vous connoiſtrez
en regardant cette Retine
par l'ouverture NN , quirepréfente
le Nerf optic.
2. Si vous éloignez davantage
&peu à peu la flâme de la Bougie,
dudevantdu Verre, lors qu'-
elle en ſera éloignée à la diſtance
de
بع
duMercure Galant. 217
B:
de fon Foyer Solaire , les rayons
l'ayant penétré en fortiront paralleles
dans l'oeil , & ne formeront
par conféquent aucune Image
de la flâme fur la Retine artificielle
, mais ſeulement un Cercle
de lumiere égal à la furface
du Verre Omphaloptre.
3. Si vous éloignez davantage
la flâme de la Bougie , les rayons
de lumiere tombant divergens
fur la furface duVerre Omphaloptre
ſe réüniront & porteront bien
loin ſur la Retine leur Foyer ou
image renverſée de la flame &
de la Bougie.
4. Vous remarquerez qu'à me.
fure que vous éloignerez davantage
la flâme de la Bougie , ſes
rayons tombant moins divergens
fur le Verre ſe réüniront
Q.deJuillet 1682,
T
(
{
218 Extraordinaire
plûtoſt,&par leur concours for.
meront leur Foyer ou Image
renverſée de la flâme de la Bougie
plus prés du derriere du Verre
CC. ce qui vous obligera d'en
approcher plus qu'auparavant la
Retine artificielle RR. pour en
recevoir l'image bien distincte.
s. Vous remarquerez que la
Bougie allumée eſtant éloignée
de plus de vingt- cinq pieds , les
rayons tombant tres- peu divergens
fur le Verre Omphaloptre
CCCC. fixeront leur Foyer ou
Image de la flâme , tres- peu plus
loin que le Foyer Solaire ; & qu'enfin
la Bougie eſtant encore plus
éloignée , la diférence entre le
Foyer Solaire & le Foyer objectif
ne fera pas ſenſible , bien quele
Foyer des objets ſoit toûjours
duMercure Galant. 219
plus éloigné du Verre que le
Foyer Solaire , ce qu'on expérimente
dans les grandes Lunetes,
qu'il faut allonger pour voir diftinctement
la furface de la Lune,
parce qu'elle eſt plus proche
que le Soleil, & qu'il la faut racourir
pour voir les Zones &
taches du Diſque de Jupiter ,
parce qu'il eſt plus éloigné que
le Soleil.
6. Vous remarquerez principalement,
que les objets eſtant
fort proches du Verre,s'il en faut
beaucoup éloigner la Retine
pour en recevoir l'Image diſtinte;
& qu'eſtant notablement
plus éloignez , il en faut approcher
ſenſiblement la Retine
pour en recevoir leur Foyer ou
Image diſtincte .
Tij
220 Extraordinaire
7. Il faut enfin tres-foigneu
ſement remarquer que tant plus
le Verre Omphaloptre , qui fert
d'humeur criftalin dans l'oeilartificiel
ſera convexé , c'eſt à dire,
plus rond, ayant ſes convexitez
fegmens d'une moindre Sphere,
le Foyer ou Image diſtincte des
objets ſe fera plus prés au der.
riere du Verre; c'eſt pourquoy
il faudra y avancer la Retine artificielle
RR , pour recevoir comme
ſur une table d'attente cette
petite peinture des objets , laquelle
ſera d'autant plus claire
qu'elle eft petite . Que fi les objets
demeurant dans leur meſme
éloignement , vous oftez cette
Omphaloptre de petit Foyer , &
mettez en ſa place une autre
Omphaloptre de plus long Foyer,
duMercure Galant. 221
laquelle par conféquent aura fes
fuperficies moins convexées ,
eſtant fegmens d'une plus grande
Sphere ; le Foyer ou Image
diſtincte des objets fe fera beaucoup
plus loin au derriere du
Verre, c'eſt pourquoy il en faudra
éloigner d'autant la Retine
artificielle pour en recevoir la
peinture, laquelle fera plus grande
& plus diſtincte ; parce que
les rayons d'un chacun point de
l'objet tombent moins inclinez
fur la convexité d'un Verre de
plus grand Diametre, & fe réüniſſent
par conféquent tous, plus
preciſément en un meſme point,
pour former ſur la Retine la
pointe du pinceau optique de
leurradiation .
8. Vous connoiſtrez par ex-
Tij
222 Extraordinaire
1
perience , qu'enmettant quelque
autre Omphaloptre fort prés ou
pardeſſus la prunelle PP, de l'oeil
artificiel , comme pour luy fervir
de Bezicle , il arrivera que cette
Omphaloptre referrant les rayons
du Soleil ou de tout autre objer
éclairé, & de nuit ceux de la fla.
me d'une Bougie , les fera tomber
convergens fur l'Ompha.
loptre CCCC, quiy tient lieu de
T'humeur criftalin , lequel le réü.
nira bien plûtoft , parce qu'ils
tendent déja au Foyer du Bezicle:
c'eſt pourquoy le Foyer ou
Image du Soleil de la flâme de
la Bougie , & de tous les autres
objets à cauſe de ce Bezicle, le
fera bien plus prés au derriere de
l'humeur criftalin CCCC. ce qui
vous obligera d'enfoncer da
du Mercure Galant. 223
vantage le tuyeau R. N. qui repréſente
le nerf optic , afin de
-porter à ce Foyer la Retine , qui
en ce ſeul endroit recevra tresdiftinctement
l'Image des objets.
A
9. Vous remarquerez que tant
plus l'Omphaloptre que vous mettrez
au devant de la prunelle
PP fera de petit Foyer , tant
plus elle rendra les rayons convergens,
& le cristalin CCCC.
en fera tant plûtoſt le Foyer ;
c'eſt pourquoy eſtant plus racourcy
il vous faudra enfoncer
davantage la Retine pour le recevoir
, afin que les Images des
objets y paroiffent peintes diftinctement
, en l'y regardant par
l'ouverture NN du nerf optic.
10. Vous remarquerez qu'en
T iiij
224
Extraordinaire
mettant deſſus ou fort prés de
la prunelle PP de l'oeil artificiel ,
quelque Verre concave , comme
pour luy ſervir de Bezicle ,
parce qu'il fera tomber plus di.
vergens les rayons des objets ou
de la flame de la Bougie fur l'humeur
criftalin CCCC, il en retar
dera le concours ; c'eſt pour.
quoy le Foyer en ſera d'autant
plus éloigné que la concavité du
Verre fera d'un cercle de plus
petit Diametre , ce qu'il faut
bien noter ;, Ainfi il faudra éloigner
beaucoup plus la Retine
artificielle PP juſques à ce Foyer
ou Image diſtincte des objets .
Appliquons maintenant à
noſtre veuë , tout ce que nous
avons obſervé arriver diféremment
à l'oeil artificiel , à raiſon
du Mercure Galant. 225
des diferentes diſtances des objets,
des diférentes convexitez
des Omphaloptres CCCC. & de la
diférence des Verres convexes
ou concaves des Bezicles , qu'on
a mis au devant de la prunelle
PP. & dautant que le Verre
Omphaloptre CCCC y a operé de
meſme que l'humeur cristalin
dans nos yeux , Figure IV. planche
premiere , & Figure I. plancheseconde
; Je dis,
1. Que du trop ou du manque
de gonflement de l'humeur criftalin
des animaux,procede le trop
grand éloignement de la Retine,
ou ſa trop grande proximité à
Phumeur criftalin , qui font les
cauſes des deux diférens défauts
qui ſe rencontrent dans la veuë
de diférentes perſonnes , les uns
226 Extraordinaire
eftant Miopes & les autres Presbites
, & fouvent dans les yeux d'un
mefine Homme. Je connois plufieurs
perſonnes de qualité comme
M² de Comps , M² d'Eſtimanuile
, &c. qui ont les yeux
ainſi diféremment conformez .
Le R. P. DefchalesJefuite, dans
la 382 page du ſecond Tome de !
fon Mundus Mathematicus l'a af..
furéde ſoy -meſme & d'un Frere
Portier da College de Lion, qui
ne pouvoit lire que d'un oeil , &
voir les objets éloignez qu'avec
l'autre. Je crois que Daniel Chorez
, que tous les veritables Sçavans
reconnoiſſent eſtre le premier
Inventeur des Binocles qu'il
préſenta au Roy en l'année
1625. Le R. P. Rheita Capucin
Alleman , qui l'a encore depuis
227
Oculus
1645.
gsicy
X par
l'Eutrois
es és
I. auaiſtre
ns, a
Luloin
,
vi en
quafaire
ar le
neur
ond,
er
226
eftar
tes,
mefi
fieui
me
mar
ainf
Lel
la 3
fon
furé
Por
ne 1
VO11
l'au
rez
van
mie
pré
Y
duMercure Galant. 227
enſeigné en fon Livre Oculus
Enoch & Flie, imprimé en 1645 .
& qui en fit voir de tres - longsicy
à Paris en l'année 1654. & par
toutes les bonnes Villes de l'Europe,
&depuis l'Autheur de trois
Tomes de viſions, imprimées és
années 1677. 1678. & 1681. auquel
le Sieur Querreau Maiſtre
Lunetier aux deux Croiſſans , a
fait les premiers Binocles & Lunetes
pour diffigner de loin ,
pour M'le Nonce Bergellini en
l'année 1675. feroient tous quatre
bien embaraſſez de leur faire
avoir une veuë diſtincte par le
moyen des Binocles .
2°. Les Miøpes ont l'humeur
criftalin trop enflé & trop rond,
& par conféquent ſon Foyer
eſtant fort court , la Retines'en
228 Extraordinaire
,
trouve trop éloignée, & ne reçoit
les radiations des objets éloignez
qu'apres leur décuſſation& confufion
au derriere du Foyer, c'eſt
pourquoy ils ne les voyent que
fort confuſement , & voyent
diftinctement les objets qui font
fort proches parce que les
rayons tombant ſenſiblement divergens
fur l'humeur criſtalin,
leur Foyer eft retardé, allongé
& porté juſques fur la Retine.
3°. Les Presbites ont l'humeur
criſtalin trop plat, & par conféquent,
fon Foyer eſtant fort long
la Retine ſe trouve trop proche
du cristalin , & coupe les pinceaux
optiques des radiations
des objets proches avant leur
Foyer , c'eſt ponrquoy ils ne
voyent que tres -confufément
du Mercure Galant. 229
les objets fort proches &diftinctement
les objets éloignez ,
parce que les rayons des objets
éloignez tombant preſque paralleles
ſur l'humeur criſtalin ,
- leur Foyer n'eſt pas fi long, & fe
- termine & aboutit ſur la Retine .
Pour remedier à la veuë des
Miopes,& leur faire voir diſtinctement
les objets éloignez , i faut
mettre au devant des prunelles ,
des Bezicles ou ſimples Lunetes
Binocles à Verres concaves , car
les rayons des objets éloignez
qui tomberont phyſiquement
paralleles ſur lesVerres concaves,
en fortiront plus divergens , &
tomberont par ce moyen autant
ſenſiblement divergens ſur l'humeur
criſtalin , comme fi l'objet
eſtoit au Foyer Virtuel de ce Verre
230
Extraordinaire
L
concave , c'eſt pourquoy leur
Foyer ou Image de l'objet fera
retardé & porté plus loin , &
juſques ſur la Retine auffi diftin
ctement que ſi l'objet eſtoit forr
proche, car les Bezicles à Verres
concaves corrigent par leur de
gré de concavité le degré de
trop de convexité de l'humeur
cristalin , mais ces Verres concaves
font ſur la Retine par les
rayons divergens une plus petite
Image, & l'objet eſtant veu ſous
un plus petit angle , paroiſt toû
jours plus petit lors qu'on ſe
fert d'un Verre concave.
Pour voir par expérience
qu'un Verre concave , allonge
le Foyer d'un Verre omphaloptre,
c'eſt à dire convexe de deux
coftez comme eſt l'humeur
,
du Mercure Galant. 231
criſtalin,préſentez unVerre Omphaloptre
directement au Soleil,
& recevez au derriere de luy fur
un Papier ou Carton ſon Image
ou Foyer de ces rayons , & marquez
la diſtance de l'Omphaloptre
au Foyer Solaire ; mettez
au devant de ce Verre Omphaloptre
un Verre concave , vous
verrez que le Foyer Solaire en
ſera bien allongé & porté beau-
-coup plus loin.
Lors que les Miopes veulent
lire , écrire , ou bien conſiderer
un petit objet , ils l'approchent
de l'oeil juſques à tant que ſes
- rayons tombent ſi divergens , que
leur concours ou Foyer ſoit pro .
longé juſques ſur la Retine. Par
la meſme raiſon pour voir dif.
tinctement les objets éloignez
232
Extraordinaire
avec une Lunete d'approche , ils
la racourciffent , en approchant
du Verre objectif le Verre concave
, pour faire tomber les
rayons des objets fort divergens
ſur le cristalin , afin qu'en retardant
leur concours leur Foyer ou
Image ſe faſſe plus loin juſques
fur la Retine qui eſt l'organe formel
de la veuë , & non pas la tunique
Choroide , comme le prétend
l'illuſtre M Mariote de l'Académie
Royale des Sciences ,
Je la confiderecomme la feüille
d'Eſtain, ou le morceau de Veloux
noir , que l'on met au der.
riere des Miroirs , & au deſſous
des Criſtaux taillez pour arreſter
la lumiere & les eſpeces des objets
; en effet à caufe defa noir.
ceur ellen'eftpoint propre à être
du Mercure Galant.
233
la table d'attente pour les couleurs
qui n'ont rien de réel hors
de l'oeil ; de plus comme les choſes
noires s'échaufent & brûlent
facilement au Foyer d'un Verre
convexe , elle feroit bientoſt alterée
& renduë inutile ; c'eſt
pourquoy l'oeil eftant au grand
jour, elle ſe reffent de la chaleur
de la Retine, ſe rarefie, & en s'étendant
s'éloigne davantage de
l'humeur criſtalin , & allonge la
configuration de l'oeil , quoy que
les Phiſiciens ordinaires attri
buent aux Avances ciliaires cette
diférente configuration de
l'oeil, qui procede auſſi de ce que
la prunelle ſe reſſerrant au grand
jour , & lors que nous regardons
attentivement les objets proches
& petits , elle comprime l'hu-
V Q.deJuillet 1682 Y
Ad
234
Extraordinaire
meur criſtalin , enfle & convexe
davantage ſa partie anterieure,
&pouffe mefme un peu la partie
pofterieure au fonds de l'oeil.
J'ajoûte que s'il ne ſe fait aucune
viſion des eſpeces qui tombent
fur la Retine à l'endroit où le
nerfoptique commence à s'épa .
nouir, ce n'eſt pas par le manque
de Choroïde ; mais parceque
les fibres de la Retine qui ailleurs
font couchez le long de la
concavité de l'oeil , font en cet
endroit la dreſſées contre les ob .
jers, &c.
Les Miopes & ceux qui ont la
veuë tendre, ſe ſervant de Lunettes
fans verre , à un trou d'environ
un quart de ligne de diametre
, conſerveront leur venë, ne
la fatiguerontpas, liront de plus
duMercure Galant.
235
loin , & verront les caracteres
plus gros & plus diſtincts ; les
anciens les appelloient Dioptres.
Les Miopes apprendront icy
un ſecret fort confidérable; c'eſt
que pour bien voir les objets éloi .
gnez avec une grande Lunette
d'approche , ils en doivent ofter
tous les verres oculaires , car en
mettant l'oeil aprés le Foyer du
verre objectif , ils découvriront
beaucoup plusde champ ou étenduë
de Païs , & verront tout à la
fois plus grand nombre d'objets
quileur paroiftront plus grands
&mieux terminez .
1
Quelques Mioptes deviennent
Presbites,&voyent diſtinctement
-les objets éloignez , parce qu'avec
l'âge l'humeur criftalin en ſe
defeichant ſe déconvexe & ap-
Vij
236
Extraordinaire
1
platit peu à peu ; c'eſt pourquoy
les Miopes vieillards lifent fans
Beſicles , & voyent distincte.
ment les objets éloignez avec un
Verre concave.
Les Miopes avec un Verre len.
ticulaire , voyent les objets éloignez
diſtinctement peu agrandis,
mais renverſez .
Les Miopes liſent plus commodement
à un jour médiocre
qu'au grand jour , & meſme à la
brune , lors que ceux qui ſe piquent
d'avoir la veuë excellente
ne peuvent difcerner fi le papier
eſt écrit. En voicy deux raiſons.
1 °. Comme ils ont beſoin des
rayons ſenſiblement divergens ,
ils approchent l'écriture fort
prés de l'oeil. 2º. Leur prunelle
eft ordinairement plus grande;
duMercure Galant . 237
c'eſt pourquoy par l'une & par
l'autre de ces deux raiſons , leur
oeil reçoit bien plus grande
quantité de rayons. Figure I. de
chaque point de l'objet, que l'oeil
des Presbites, leſquels pour voir
distinctement ont beſoin de
rayons paralleles , ou du moins
tres-peu divergens , &pour cela
éloignent davantage l'écriture,
& d'ailleurs leur prunelle eftant
plus petite ne reçoivent pas une
ſuffifante quantité de rayons qui
font tres- foibles pendant labru.
ne, pour faire une ſenſible impreſſion
ſur la Retine.
Les Presbites, vieillards, & tous
autres qui voyent diftinctement
les objets éloignez , & confufément
les objets qui font fort pro.
ches , ont l'humeur criſtalin trop
238
Extraordinaire
peu convexé , ſa ſuperficie anterieure
du coſté de la prunelle,
eſtant ſegment d'une grande
Sphere ou Globe , & par conſéquent
de longue portée ou
Foyer.
Les Presbites voyent diſtinctement
les objets éloignez , parce
que les rayons de chaque
point de l'objet tombant phyſiquement
paralleles ſur l'humeur
criftalin, leur concours,Foyer ou
peinture,eſt portéejuſques ſur la
Retine , qui en eſt plus éloignée
que ſi l'humeur criſtalin l'eſtoit
• plus gonfle ou arondie .
Les Presbites nepeuvent voir
diſtinctement les objets qui font
fort proches , parce que les
rayons de chaque point de l'ob.
jer tombent fort diuergens fur
duMercure Galant. 239
l'humeur criſtalin , les refrations
qu'ils fouffrent en le pe
netrant, en retardent le concours,
réünion ou foyer , & le portent
plus loin que n'eſt la concavité
dufonds de la Retine, laquelle
nefetrouvant pas aſſez éloignée
de l'humeur criftalin , tronque
les radiations ou pinceaux optiques
de chaque point de l'objet,
qui font encore dans la confu,
ſion & tous pele-mêles ; c'eſt
pourquoy ils ne peignent fur la
Retine aucune peinture diſtincte
de l'objet ſi proche de l'oeil.
Voila en meſme temps la raiſon
pour laquelle ils éloignent l'écri.
ture qu'ils veulent lire , afin d'en
recevoir les rayons paralleles ,
dans le meſme temps qu'un
Miope l'approche fort de l'oil
240
1950
Extraordinaire .
pour en recevoir les rayons di-
COD
001
Pour remedier à ce défaut de
la veuë des Presbites , & leur
faire voir diftinctement les ob .
jets qui ſont fort proches , il faut
mettre au devant de leurs pru
nelles des yeux , des Bezicles ou
ſimples Lunettes Binocles à Verres
plan- convexes , ou convexes
de deux coſtez , qu'on appelle
Omphaloptres ; car les rayons
des objets qui font peu éloignez
de l'oeil tombant ſenſiblement
divergens fur ce Verre convexe,
en fortiront peu divergens &
auſſi phiſiquement paralleles que
ſi l'objet estoit bien éloigné ;
c'eſt pourquoy des rayons de
l'objet fort proche qui tombent
ſenſiblement divergens ſur l'hu
meur
duMercure Galant. 241
meur criſtalin, eſtant rendus paralleles
par la refraction qu'ils
fouffrent en penetrant ce verre
convexe, leur foyer eſt racourcy
juſques ſur le devant de la Rerine,
& y forment la peinture do
l'objet proche aufſſi diſtincte, que
Phumeur criſtalin eſtant feul y
forme celles des objets éloignez;
car le degré de convexité du
verre de Bezicle , corrige le degré
de convexité qui manque
àl'humeur cristalin , & arreſte
diſtinctement ſur la Retine le
foyer ou l'image des objets qui
font fort proches de l'oeil , &
dont les rayons de chaque point
font fort divergens & de long
foyer. Pour voir par expérience
qu'un Verre convexe racourcit
le foyer d'une omphaloptre ou
Q. deJuillet 1682. X
۱
142
Extraordinaira nh
verre convexe des deux coſtez
comme eſt le criſtalin , préſentez
Yomphatoptre au Soleil,& recevez
au derriere de luy fur un papier
ou carton fon image ou foyer
de ces rayons, Mettezeau de
vant decette Omphaloptre un au
tve verre convexe. Vous verrez
que le foyer folaire on fera bean
coup racourcy, ni neneve
Bien ſouvent les Presbites deviennent
Miopes dans une com.
plexion plus humide , l'humeur
cristalin ſe renflant & arrondif
fant; de meſme qu'avec les fues
de Chelidoine &d'Eufraife, onretablit
promptement les humeurs
épanchez des yeux crevezoch
Dautant qu'il y a des perfonnes
qui voyent également bien
les objetsproches, &puis les ob
duMercure Galent. 245
jets éloignez ; il faut neceſſaire.
ment qu'ils ayent l'humeur crif
talin mediocrement convexe, &c
toute la machine de l'oeil fort
fouple , pour eſtre facilement
comprimé , afin que la partic
antericure de l'humeur criſtalin
devienne plus convexe , ou que
l'ail en s'allongeant en éloigne
davantage la Retine juſques a la
longueur du foyer des rayons
ſenſiblement divergens de l'objer
qui eſt fort proche ; & su
contraire pour voir distincte
ment les objets éloignez , il faut
que la partie anterieure de l'geil,
s'applatiſſe par le relâchement
de compreſſion , ou que la Reti
nes'approche davantage del'humeur
criftalin , car pour voir diftinctement
les objets proches&
X ij
244
Extraordinaire
les objets éloignez , comme la
longueur du foyer de leurs
*rayons eft diférente , il faut ne
ceſſairement que ce foyer lou
peinture de l'objet aboutiffe toûjours
precifément fur la Retine.
Je remarque en paſſant que
fouvent ceux qui ont la veuë excellente
& longue, deviennent
Miopes , changeant avec la Barbe
en meſme temps de degré de
veuë &de ton de voix.
Si quelqu'un fe plaint quej'aye
mêlé de Theoremes Mathematiques
, je luy répondray avec
Galien, Lib. ro. cap . 12. de off.
part. Non lubens,fed folum ut Dei
jussufatifacere, Mathematicis Theorematibus
fum unik moe
Je finis cette premiere Partie
de monTraité des Lunetes, par
X
du Mercure Galant. 245
les Remarques fuivantes fur le
nom de leur Inventeur , & fur
leur anciennetéόλις εις τρόμος
L'Inventeur des Bozicles ou
fimples Binocles , n'a pas eu la
fatisfaction d'immortaliſer ſon
nom, il n'a pas auſſi eu le déplaifir
, comme Daniel Chorez , de
voir un Docte de l'autre fiecle,
qui pour avoir , à ce qu'il dir,
dans ſa Dioptrique Oculaire pag.
196. veu dans la Lune, par un
moyen tout particulier , juſques icy
inconnu , s'eſt transformé en efprit
de lumiere , dans les Vignetes
de ſes Viſions, pour prendre
le titre de premier Pere des Bi
T
Quant àl'ancienneté des Bezices,
qui font les Lunetes les
plus utiles& les plus neceſſaires ,
X iij
246
Extraordindite
comme auſſi le principe de tou
tes les autres, il eſt tres certain
que ny les anciens Hébreux, ny
lesArabes , ny les Grecs, ny les
Romains, n'ont eu aucune con.
hoiffance de ce ſimple & admi
rable Inſtrument. C'eſt pourquoy
je rapporte leur Invention
en l'année 1285. En voicy les
preuves. Frere Giordan da Ri
valto , Maistre General de l'Ordre
des R. F. Preſcheurs , qui
mourut à Pife en l'année 1311. &
duquel de Dictionnaire Della
Crafta , fait mention au motorchiale,
parla de l'invention des
•Lunetes àmettre ſur le nez, dans
une Prédication qu'il compoſa
en Kannée 1305. Voicy ſes termes.
Non è ancora, venti anni, che
fitrovo l'arte di fare li Occhiali, che
duMercure Galant. 247
funzo vedere bene , che è una delle
migliori arti , e delle più neceffaris ,
-the il mondo habbians zol yn anp
25 / Voicy Hiftoire du fait tirée
dela Chronique Latine du Conwent
des R. F. Preſcheurs de
Sainte Catherine à Piſe , écrite
en Parchemin par Frere Barthel.
Dafan Concordia, qui y mourut
ført âgé en l'année 1347. Cet
Ecrivain parlant dans la 16.
ifqüille de F. Alexandro Spina, qui
mourut en l'année 1313. dit que
Vir bonus & Modeßus, quacunque
vidit, audivit facta , fcivit &
facere; Ocularia ab aliquo primo
facta, & commanitare nolenti , ipfe
focit,& communicavit corde hi
tari ,& volenie. Ingeniofus in corporalibus
, in dumo Regis eternifecis
fuo ingenio in manfionem
C
X inj
248
Extraordinaire
1
Bernard de Gordon Dauphinois
, qui par fa grande connoif
fance & experience en Medeci
ne , fut appellé Fleur-de-Dys
compoſa en l'année 1305. un Livre
intitulé , Lilium Medesinag
dans lequel en la page 147. d'aq
ne impreſſion faite à Paristenp
l'année 1542. il parle d'un Colm
lyre en ces termes ; Eft tante vir
tutis , quod decrepitum faceret legere
litteras minutas abſque ocularibus .
Quide de Chauliac auffi Profeffeur
de Medecine à Montpellier
, compoſa en l'année 1363 ..
La Grande Chirurgie, dans laquelle
apres avoir donné pluſieurs remedes,
contre la foibleſſe de laVeuë,
ajoûte: Si ces remedes &autresfemblables
ne profitent de rien, il eft neceſſaire
d'avoir recours à l'usage des
Rezicles.
duMercureGalant. 249
Enfin M Menage dans fon
Livre intitulé , Amenitates Furis
Civilis , rapporte un Acte du )
Parlement de Paris du 12. Non
vembre1416. qui porte que Nicolas
de Baye , Seigneur de Gie,
préſenta au Parlement une Re
queſte , en laquelle on trouve les
mots fuivans. Car auffi estois jeaucunement
débilité de ma veuë , & ne
pouvois-je pas bien enregistrer fans
avoir Lunetes , &
434
On trouvera dans les autres Mercures
Extraordinaires lasuite de ce
docte Traité , dans lequel M² Comiers
, fi connu dans l'Empire des
Lettres, fatisfera pleinement les
Seavans&les Curieux ) 12:30
propres we bolige
250 Extraordinaire w
2
25525-52255-525222
SENTIMENS SUR LES
Questions proposées dans le
dernierExtraordinaire!
Quel choix doit faire un Homme,
qui ayant le coeur fenfible
à l'eſprit & à la beauté , n'eſt
point affez riche pour vivre
• fans chagrins avec une Pers
ſonne qui ne luy apporteroit
aucun bien. On luy propofe
trois Partys pour le Mariage,
une Fille tres - riche, mais tres
laide,& fans eſprit , une autre,
belle , douce , tres- fage , mais
ſans bien , enfin une troiſieme
, qui par ſon eſprit ſe fait
admirer de tout le mode , mais
qui n'a ny bien, nybeauté..
duMercure Galant. 251
d'esprit apour moy de Toute Fille d'efprit
AlaBelle,je rendsfort volontiers les
mes.2992
Mais fur peme d'avoir quelquefois du
chagrin,
Je ne dois épouser personne, le
Qui des Ecus àfoiſon ne me donne;
Ainsi le vent mon malheureux deftin.
Suposons cependant qu'Iris , Philis,
Silios yol an imp supol
Attendent aujourd'huy mon choix.
Si l' Hymen touche mon envie,
Jepuis me marier avec l'une destrois.
03
Iris a de grands Biens, mais elle est beste
Laide
Aces defauts point de remede.
Philis est belle, douce, & tres-fagesur
tout,
Maisfans argem.Ah, quel rakoust!
252
Extraordinaire, w
1.
Silvie a de l'eſprit , de l'esprit comme un
Ange,
Mais queuse,& laide en contr'échange.
Alaquelle des trois donneray-je mon
coeur ?
DequelqueAvare, Iris peut faire le
bonheur SAP
Un riche Partisan paſſera bienſa vie
AvecPhilis . Reste Silvie.
Ilfaut auſſi l'expédier,
L'e
envoyer
l'Académie,*
NON
galante,
Etpour vivre content, ne me point marier
RRRRRRR?R???
15
On a demandé , ſi le ſentiment
de Phinée dans l'Opéra de
Perſée , eſt d'un veritable
Amant , lors qu'il dit , qu'il
aime mieux voir Andromede
A devorée par un Monſtre , qu'-
entre les bras de fon Rival .
du Mercure Galant.
253
L
すい
'Amour meurt dans mon coeur, la
Rage luy fuccede;
J'aime mieux voir un Monſtre affreux
Devorer l'ingrate Andromede,
Que la voir dans les bras de mon Rival
heureux,
83
১
MAICH
Voilaceque Phinée a dit dansſa colere,
Et ce que tout autre auroit dit .
Qu'on ne s'y trompe pas ; un Amant
qu'on trahit,
Eft en droitde tout dire, est en droit de
tout faire,
Etfans craindre d'en user mal,
Peut voir avecplaifir périr une Infidelle,
Ce n'est pas que cela ſe doive à cause
d'elle,
Maisseulement pourfaire enrager un
Rival.
Un Cavalier foûtient , que l'amourieſtant
un tribut qui
eſt deu à la Beauté , celuy
254
Extraordinaire
qu'on a pour unejolie Femme
nedoit point empeſcherqu'on
n'enprenne encor pour toutes
les Belles que l'on rencontre.
Un autre prétend que quand
on aime une Femme, l'amour
que l'on a pour elle doit enlaidir
tout le reſte du beau
Sexe à l'égard de celuy qui
aime. On demande quelle
opinion eſt á préferer
L
Amour est un tribut qu'on doit à
LaBeauté,
Iln'est riende plus veritable;
Mais du moment que l'on est enteſte
D'uneDame qu'on trouve aimable,
Ou quileft effectivement,
'Doit-on s'en tenirlà , voir indiferem-
?
Etjamais ne rendre les armes
Acelles qui n'ont pas moins d'attraits,
moinsde charmes? waste&
du Mercure Galant. 255
Efciljufte en unmot devouloir onlaidir,
Enfaveurd'un Objet, tout le reste du
Ade
Sexe?
telsſentimens jeenepuis aplaudir.
S'ilfaut les condamner,je demeure perhits
plexe.up
Enfin d'un& d'autre coffesi
Je trouve dupour&du contre,
Quitour-a-tour me tiennent arrefté.
Quefaire donc en ce rencontr
Jeréponspar undiftinguo.
rencontres
Se cetObjetquevous aimez vous aime,
.د
Aimez-le uniquement ,i i'en uſerois de
is name bodies ma??????
parnego.
Sil'onon ne m aimoit
On a demandé le Portrait d'un
Homme qui vit parfaitement
heureux.
L
'Unmet tout son bonheuràconduire
uneArméessen Limati
L'autrefait tout le ſien de fleurir an
Barreau, ada shanive
256
Extraordinaire
2
Et de ces deux endroits la grande Re.
nommée
Debite ( j'en conviens) ce qu'elle a de
plus beau.
Cependant quand jeſuis couchéfur la
zida Fougerases s
راوج
Entre les bras de ma belle Bergere,
César,& Cicéron, quoy qu'on diſe des
cos ,deux
N'ont jamais esté plus heureux .
On a demandé quelle eſt l'Origine
du Droit.
Si la fort I laforce, comme onlecroit,
Eft chezbeaucoup de Gens ce qui regle
leDroit,
LeDroit a prisfon origine
Dés le jourqueCain, d'humeur un pen
mutine,
Et s'eſtant trouvé le plusfort,
Mit l'innocent Abelà mort .
du Mercure Galant. 257
On a demandé quelles font les
qualitez neceſſaires pour la
Converfation.
TEfte-à-teste avec vous, mon aimable
Les affaires d'Etat, & de l' Académie,
Nous entretiennent peu ; mafeule paſſion
Fait, lors que j'ensuis crû, la conver-
Sation.
Ainsi, pour nous tirer avec plaifir d'affaire,
Cequi nous est leplus à tous deux neceffaire,
Est, àmonsens, un grand& réciproque
amour. ه
Quandd'une & d'autre part latendreſſe
eft extréme,
Sans s'ennuyer on paſſe tout le jour
Ase redire tour-a-tour,
Aimez-moy, je vous aime; aimez moy,
je vous aime.
Q.deJuillet 16825
1 DAUBAINE,
Y
258 Extraordinaire
Des Dames ayant fait une Partie
de Campagne pour aller à Beaulieu,
Ifurent menées par un Cocher maladruit
, qui les verfa. C'est ce qui a
donné lieu à ces Vers.
RONDEAU.
Nbeau Lieu, l'aimable ſejour,
Prayment vous tener vostre Cour,
Ainsi que des Reynes Gilletes.
Vousfaites vers & Chansonnetes,
Etpeut-estre parlez d'amour.
83
Mais est-it vray qu'en un détour
Voftre Cocherprit malfon tour,
Qu'il verſa Femmes & Filletes
En bean Lien ?
Dre n'estois-je à ce Carrefour! Mid
Faurois veu genoux enplein jour,
Et.... tout-bean,Rimeur defornetes,
duMercureGalant. 239
Point de paroles indifcretes
Respect, tu m'arreftes tout courth
En beau Lien.
LI BLOY, S'des Granges, Avocat
* smp 30 au Préfidial de la Fleche
552525-2525222-252
LE ROSSIGNOL,
TA ET L'HIRONDELLE.
FABLE
U
Njour, cheminfaisant, uue jeune
Hirondelle
S'arresta pour ouir les accens langoureux
D'un jeune Roffignol, mais des plus
amoureux, S
Quiſe plaignoit ainſi des froideurs de
faBelle.
Philomele, pourquoy dédaignez-vous
mes voeux?
Pour vous ſeule mon coeur foûpire,
4
Yij
260. Extraordinaire
Cruelle, voulez -vous que je fois malheureux
Au dela de ce qu'on peut dire ? cid
Ah, vous ne ſçavez pas à quel point
un Amant, vemos mus vio
Lors qu'il aime parfaitement, AL
Souffre d'un dédaigneux filence.c
Ayez d'autres rigueurs , inſultez ma
langueur,
Vous ne ſçauriez autant me déchirer
lecoeur,
Que le fait votre indiference.
83
L'Hirondelle pour lors apprit comme
aux abois.
Letendre Roffignolsous unſombrefeuil-
Lage,
Aſes cruels soucis ajustoitſon langage,
Rienn'estoit, horssa Belle, inſenſible à
favoix.
Les feuilles, l'air , & l'eau, n'estoient que
dans la craintes Supers৮৯১ ১৯
De troublerpar leur bruitſon amoureuse
plainte
du Mercure Galant. 261
Enfin, pour luy livrer les plus rudes com-
2 bats,
Philomele s'envole, &ne luy répond pas.
Ny mesme ne prendpas la peine
De voir d'un regardde pitié
Satrop fincere, trop tendre amitié.
Barbare, cruelle, inhumaine,
S'écrioit -il, de momens en momens ;
Mais comme elle estoitſourde àses gé
miſſemens,
Illalaiſſe & s'abat aupres de l'Hirondelle
(Maisfans s'appercevoirqu'il est à coſte
d'elle)
Sur les aimables bordss
D'uneOnde clairaGopurenatu
Pour mieux s'abandonner àſes cruels
transports,
Et déplorerſon avanture.
Ases gémiſſemens l' Hirondelleſent bien
Qu'elleseroit d'humeur àfaire
Avec un tel Amant un voyage à Cy
there
Leplumage , la voix , la taille , & le
maintien,
262 Extraordinaire
Toutdans ceMalheureux luy paroift
admirable
Ah! diſoit- elle, iln'eſt pas raisonnable
Que cette Bellevainement a)ali
Falle foûpirer cet Amant
Ah! fans-doute elle est infenfible,
Puis qu'il n'eſt pas poffible
De réſiſter aux merveilleux amas
De ſes charmans appas.
Pour moy, qui me rens attentive
Juſques à la moindre action
Que fait le Roffignol icy fur cette
Rive, r
JeJe ſens beaucoup d'émotion,
Et par là je vois queje l'aime.
Dis-moyde grace, Amour,l'aurois-tn
Que je luy parlerois enfaveurde moymemes
aten
Quandpour un autre Objet ſon ardeur
eft extréme
Fais -luy connoiſtre au moins qu'ainfi
efan Pasvoulu и тра
twob wiq
duMercure Galant. 263
horne wal and
Dans ce doux entretien quesefait l'Hi-
Ellese voit dans l'Onde, &se trouve
affez belle 49
Pour plaire au Roffignol. Elle avance
fes pas,
Etalant defon mieux te pou qu'elle a
dappas,
Et luy dit J'écoutois cette plainte
amoureule nom
Qued'une voix melodietfe
Oyfeau trop malheureux , vous expofez
icy quondanist
Jefçay quel eft voſtre ſoucy;
Amourpar toutdans ton Empire,
Depuis que l'on y vit , & que l'ony
foupire, da naralay
ony FODL
N'ajamaisveud' Amans plus àplaindre
que vous.
Philomele, il eſt vray, chante bien, eft
bien faite,
Et pourroit vous caufer le deftin le
plus doux;
264 Extraordinaire
Meſme elle eſt digne qu'on la traite
Dela Vénus des Oyſeaux.
J'en puis parler ainſi ; depuis peuje l'ay
veuë
Qui ſe deſaltéroit au courant de ces
eaux.
Un ſi charmant Objet me donnant
dans la veuë,
Je faifois mon plaifir de la bien con
templer.
A nevous rien celer,
J'en fus toute ſurpriſe;
кого?
Si mon Sexe changeoit , j'en aurois
l'ame épriſe.
Mais, que dis-je! elle auroit mille fois
plus d'appas,
८
Jenepourrois l'aimer, elle ne m'aimant
Pas.
Ah! gentil Roffignol, ce ſeroit grand
dommage
De conſumer le printemps de voſtre
âge
Parmy les ſanglots & les pleurs ,
Lors
dis MercureGalant. 265
Lors qu'ailleurs voſtre amour peut
trouverdes douceurs .
Il vaut mieux les gouſter , l'âge vous
yconvie.
Voyez-vous, on n'a dans lavie
Qu'autant de plaifir qu'on s'en fait.
Cherchez donc quelque bel Objet
Qui ſoit d'une humeur moins ſevere
Que la Beauté qui ſçait en vain vous
plaire.
Portez ailleurs vos ſoûpirs & vos
voeux,
Briſez vos fers,& fortez de ces lieux;
En amour on tient que l'abſence
Eft de ſes maux le ſeul foulagement .
On dit qu'elle amoindrit l'exceſſive
fouffrance
Que cauſe uneBeauté qu'on aime ten
drement.
La raiſon eft qu'Amourdans les yeux
d'uneBelle
Place les traitsdont il perce le coeur;
CeDien ne fera plus voftre cruel vain.
queur,
Q.deJuillet 1682. Z
266 Extraordinaire
Quand vous ne verrez plus les yeux de
Philomele.
Ne balancez donc point à ſuivre mon
in bou
15
2011 зир Safiueaanning
Je ſuis jeune, il eſt vray, mais j'ayveu
du Païs,
Et je ſerois encore au ſein de l'ignosurance,
Si je n'avois rien veu , ſi je n'avois
jamais
DECOOLLS Jasmeg
Quitté le lieu de ma nnaaillance.
Nous voicy dans l'Automne , en ce
temps oùje fais
Ordinairement un vo
25] OD AG
unvoyage,
Venez avecque moy; je gage
Quevous ne sçauriez choifir
Une Compagne plus joyeuſe,
Et qui putmieux que moy
déplaifir.
bannir
Amour, Amour, que je feroisheureuſe,
M
Sijepouvois divertir quelquefois
L'Oyſeau le plus parfait qui vive fous
vos Loix!
duMercure Galant. 267
Ah!dit le Roffignol, n'accablez poi
notreawe
point
Qui ne ſouffreque trop du poids de
waves douleurs hali nasi aint el
Vouloir mettre fin à mes pleurs ,
C'eſt faire une injure àama flame
Parlez -moy d'aimer conſtamment,
De courir à la mort plutoſt qu'au chan- a
gement,
1912
C'eſt là le moyen de me plaire,
Et l'obligeant difcours que vous me
deviez faire, stm A to zqmas
Selonvous, ce n'eſt point un crime de
changer, youtoupозив хола
Mais, qui voudroit jamais avec yous
s'engager?
Non, non, je ne veux pas qu'u undépit
teméraire
Me vienne ſecourir au milieu
maux;
eft Bienloin de f
de fuir
demes
Objet qui croйы
monrepositus auld la
Jemeſens undefir extreme or
Z ij
268 Extraordinaire
Et de l'aimer, & de le voir,
Juſqu'au temps que le Nocher blême
Mepalle fur le Fleuvenir
Si ma chere Maîtrellega
Ceſſoit de mépriſer mes feux,
Quelle feroit mon allégreffe!
Les Dieux dedans les Cieux
Avec leur doux Nectar, & leur chere
Ambrofie,
Ont un moindre bonheur que celuy
quej'aurois.
Ah, dans la grande ardeur dont mon
ame eſt ſaiſie,
J'aimerois à ſouffrir , & joyeux je dirois;
Jebrûle pour l'objet le plus parfaitdu
monde.
Tu le peux affurer, Aftre Pere du jour.
Lors que tu fais le tour
De la terre &de l'onde,
Vois-tu dans quelque endroit de ce
vaſte Univers
Rien qui ſoit comparable
APhilomele que je fers ?......
duMercureGalant. 269
Tu ſçais qu'elle a la voix beaucoup
plus admirable
Que cellequ'on remarque au Cygne
agonifantisM
Et que le charme ravillant
Desplus redoutables Syrenes ;
Qu'elle a l'eſptit délicat& fleury,
Autant que s'ileſtoit des trois Graces
nourry.
Tuvois tous les jours que fans peines
Elle ſçait varier ſon chant,
Mêler le doux au grave, & l'agreable
au grand;
Qu'elle eſt adroite, & fçait tout tres.
bien faire;
Qu'elle poſlede mille appas
70
Qui n'ont rien de vulgaire,
Etqu'elle a le ſecret de pouvoir toujours
plaire.
Mais enfin fondefaut , c'eſt de ne m'ai-
Ainsi le Roffignol, pourplaire à Philomeless
up alamo
Zij
270 Extraordinaire
Déplairoit, s'il pouvoit, àla jeune He
oldmondelldov Novsplantov
Etparoîtroitun
10
laidOyfeat.M
Qui nefçaitpasfon monde, &n'est par
Damoiseau,
Parla raison, que c'est choſefacheuse
Pourune Femelle amoureuse,
De voir qu'on rebuteſon coeur,
Sur tout quand la premiere d la premiere elle afair
Sur
3
quelquese avance .
cefait Hirondelle en ſoy
ment penſe,
meure
Quese defefperer, &se mettre en fureur,
N'estpas un bon moyeenn ddee le rendre
volage.
12
Ainsi sans se décourager00 20
Elleluyparleencor de voyager.
Et luydit; Mais enfin, Roflignol,
dommage,
c'eſt cel
AGILSTE
Que vous ,qui chantez fi bien,
Sçachiez fi peu que rien .
Voyagez avecmoy; vous ſçaurez quelque
choſe,
Ce qui ſans doute ſera cauſe
Que vous pourrez toûjours
du Mercure Galant. 271
Atoutpropos embellir vos difcours,
Etpour voſtre ſçavoir, voſtre aimable
Maitrelle bial Nu sioishorng 13
Aurafans-doure égard à l'ardeur qui)
vousprefle.
છછછછછછછછછછછછછRAFAR
એમ4469IP ,
Le Roſſignol en ce momen
Luy répondfièrement,
Jeune Hirondelle, Mamie,
Qui faites tant la jolie,
En vain vous vous flatez de m'avoir
autre que moy qui ja
pour Amant;
S'il n'eſt d'a jamais
vous adore,
eitre éter.
۹۶
Vous pourrez, je vous jure, eſtre
nellement
Veſtale en tout Pais, ſi vous l'eſtes
encore .
Rengaînez VOS ſoupirs , vos regards ,
vos ardeurs ,
Ou plutoft coquetez ailleurs
Cherchez-vous un Amant qui ſoit
mieux voſtre affaire,
r
Zin
272 Extraordinaire
Qui veüille en tout Pais voyager avec
Qui réponde à vos feux, qui ſoit traitable
& doux
A l'objet que je ſers eft-ce un moyen
de plaire,
QuDuee de courir le Monde àdeffeinde
routvoir a
Puis qu'ave tout voſtre ſçavoir
Vous déplaiſez ſi fort, qu'on ne peut
vous entendre?
Vous eſtes trop ruftique, &vous faites
pitić.
Il vaut bien mieux moins entreprendre,
Ou ſçavoir moins de la moitié,
১৮0
Et le peu que l'on ſçait le faire bien
paroître
Que ſert detant ſçavoir, ſans un heureuxdebit?
Onn'eſt connu qu'autant que l'on ſe
faitconnoître. Celadit,
LeRoffignol laiſſe-là lHirondelle,
Etva chercherſa chere Philomele.
DE LA SALLE, St de l'Eſtang.
du Mercure Galant. 273
Je vous envoye la suite de ba
Lingue Univerſelle que vous espériez
trouver dans le dernier Extraordinaire.
Elle en eust fait un des
principaux Articles , fi le Paquet de
M² de Vienne -Plancy m'cus,t esté
vendu affez toft pour l'y employer.
-Fe bay reçen Seulement depuis fix
femaines, & ne vous puis dire par
-quel accident ilestdemeurédeux mois
-en chemin.
274 Extraordinaire
8
52522-5525822-2555
eboburbiobaliliebnos
DE CONTINUATION
-uld'ouverture de l'Ecriture,&
de la Langue Univerſelle.
Dodo AlFan-Clerantom4 לוכ
2
J
2
E ne feay pas, Monfieur, fe
me trompe , mais je fuisper
Tuadé que dansl'Ecriture des premiers
Hommes , les cara teres ne
dépendoient point des paroles,
& exprimoient immédiatement
les penſées . La ſource de cette
opinion , vient de ce qu'il eſt plus
aiſe de figniffier par une ſeule figure
, ce qu'on penſe , que par
les lettres & les fillabes qui compoſent
les mots. La premiere exprefion
ne demande que l'in
du Mercure Galant. 275
vention d'un caractere tel quel ,
au heu que pour parvenir à la ſeconde
, il a fallu de l'étude , de
Pobſervation , &de la difcuffion,
& enfuite de l'aplication de plu-
6
C
On voit des reſtes de cette pre,
miere Ecriture dans les Obélif
ques des Egyptiens , & dans les
anciens Livres de la Chine. Un
Dragon , un Lion , un Coq, s'y
expriment par les figures qui repréſentent
ces Animauxau naturel
; une Montagne , par par une
grande boffe entre deux moindres
, à cauſe que les Montagnes
ont d'ordinaire pluſieurs érages;
un Rov , par un ocil ouvert au
bout d'un Sceptre , parce qu'nn
Roy doit veiller au bien de, ſon
Erat ; le Soleil , par un Cercle
י פ ת
276 Extraordinaire
un
avec un point au milieu , à la fa
çondenosAftrologues ; la Lune,
d'une maniere approchante ,
Coeur, ſelon ſa figure naturelle,
une Porte , felon ſon artificiel
le, & ωση τμος απισερ
On ne ſçait pas qui fut l'In
venteur de ces Caracteres en
Egypte ; mais on convient que
Fohi , Royde la Chine , en don.
na l'uſage à ſes Peuples , un peu
plus de deux mille ans avant la
Naiſſance de noſtre Sauveur , au
raport du Pere Semedo , & pres
de trois mille ans , ſuivant le Pere
MartiniusJéſuites , qui ont longtemps
demeuré à la Chine , &
peu accordans ſur le régne de ce
Ces Caracteres naturels ef
toient beaux , & aifez à entendre,
du Mercure Galant. 277
- mais ils estoient difficiles à figu-
-rer; & cette difficulté a fans.
doute caufé leur changement.
Les Chinois ne s'en fervent plus.
-. Ils employent préſentement un
quarré pour figurer le Soleil , au
lieu du rond; une efpece de trident
fans queuë , pour marquer
une Montagne ; une croix avec
deux ligne droites,l'une au deſſus,
l'autre au deflous , pour ſignifier
un Roy; & d'autres figures bizares
& inconnuës pour repréſenter
les Animaux. Ils ont à la
verité , gardé le caractere du
Coeur , celuy de la Porte , &
quelques autres encor, mais en
bien petit nombre ; & on peut
dire qu'ils ont perdu l'avantage
qu'ils tiroient de la reſſemblance
des choſes , pour la facile inter-
M
t
278 Extraordinaire
200
etation de leurEcriture. Neant.
moins ils ont toujours'retenu l'uſage
des Pinceaux pour lamar
ןופ 5
quer , & comme nous compofons
toutes fortes de nombre avec
neuf chifres & le zéro ils for
ment tous leurs caracteres avec
neuf fortes de traits ,& quelques
points ou petites figures, au ra.
port de Semedo.
Xib
expriment
un par une ligne droite couchée
; dix, par deux lignesdroites
en croix ; Terre, par une croix
avec une ligne aauu deflous ;
banoil
; Roy,
par l'addition d'une ligne au
deſſus de la figure qui fignifie
Terre ; & les Perles , les Pierreries,
& les Diamans , parde diférentes
poſitions de points au deſſus , au
deſſous, on a coſte. Des lignes
qui forment le caractere deRoy,
duMercure Galant. 279
1000
& les raiſons qu'on peut donner
de la liaiſonde ces choses , font à
mon avis que la Pierre prétieuſe
eft entre les autres Pierres , com .
me un Roy entre les autres Hom .
mes ; que le Roy commande à la
Terre ou le forme de Terre ;
que la Terre
399
Terre eſt dans le pointde
perfection comme le nombre
dix , que ce nombre vient de l'unité
, comme de fon principe, &
que comme il n'y a qu'une ſeule
ligne droite , & cent mille mil.
lions de courbes , il n'y a auſſi
qu'une unité & cent mille millions
de nombres.l
Semedo ajoûte que les Chinois
raportent chaque choſe particuliere
à de certains chefs , &
Parce rce qu'ils en ont en cinq princi
paux , qu'ils nomment Elemens,
280 Extraordinaire
1
ſçavoir, le Métal ,le Bois , l' Eau , la
Terre &le Feu , ſelon Martinius,
je juge que les Minéraux font
contenus fous le nom de Métal;
les Vegétaux , ſous celuy de Bai ;
les Animaux , & les noms Geo.
graphiques & Hydrographi.
ques , fous ceux d' Ean &deTerres
& les Cieux , les Aftres , & les
Eſprits , ſous celuy de Fen; &
qu'ainſi ils reduifent fous cinq
Chefs , ce que j'ay diſtribué en
dix dans le projet du Dictionnaire
Univerſel ; & que de la
vient l'ordre qui eſt garde par
leurs Caracteres dans leur grand
Dictionnaire appellé Haipien,
dont Martinius ny Semedo, ny
aucun autre que je ſcachemine
touche point le détail .
Ces Peuples n'ont pas feule.i
du Mercure Galant. 281
ment des Caracteres ſimples , ils
en ont auffi de compofez ; &ils
joignent parexemple le caractere
qui fignifie le Soleil , à celuy qui
fignifie la Lune , pour exprimer
la Clarté , parce qu'elle eſt le ve
ritable effet de ces deux grandes
Lumieres. Ils enferment de mefme
le Caractere qui fignifie le
Cocur,dans celuy qui ſignifie la
Porte , pour exprimer la triſteſſe
& l'affliction , comme ſi le cocur
affligé ſe trouvoit preſſé à l'entrée
d'une porte; &d'autantque
la triſteſſe agit fortement fur le
cooeur& ſemble y avoir ſon ſiege,
le caractere du coeur ſe trouve
mellé à tout ce qui marque de
l'affliction . Sur quoy je croyrois
volontiers que la compofition
des Caracteres Chinois , falt la
Q.de Fuillet1682.
Aa
182 Extraordinaire
diférence qu'il y a entre Semedo
&Grueber), fur leur nombreple
premierendensmarquant que foikante
milten parce qu'ilesine
vcompte que de Caracteres fim.
plés au lieu que l'autre en marque
foixantequatorze mille parce
qu'il compte auffi les compofqzsb
zolqua4 293 6 alis zulq
2.7 Quelque difficulté qu'il y aita
tracer ces caracteres , à des démefter,
à les reconnoiftre & à les
retenir ils fie font pas seule
ment, enoufage à la Chine , ils
onthencors cours au Japon , au
Tunquim alla Cochinchine,
chezdes Techiens , à Sumatre, &
auxautres Païs voisins , & tous
cos Peoples communiquent par
écrit avec les Chinois , parole
moyen de leurs Caracteres, fans
du Mercure Galant. 283
entendre la Langue les uns,des
autres , auraportdeGonçales , de
Mendore, &des autres quej'ay
citez &je croy que laraison de
cet usage naîlt du plaifir qu'ily
ade ſe fervir d'une Ecriture , qui
peut eftre entenduë de toutes les
Nations , puis qu'il oferoit bien
plus aifé à ces Peuples d'apprendre
trois ou quatre cens mots,
en quoy confifte originairement
la Langue de la Chine que buit
oudix mille Caracteres diferens,
qu'il faut ſçavoir au moins , pour
écrire paflablement en Chinois.
Mais fi la peine de s'inftruire de
ces Caracteres embaralfans,rhe
rebute ny les quinze Royaumes
de lanChinenyoles Royaumes
Voiſins ,aquell progrés n'auroit
point fait une Ecriture qui an-
A a ij
284
Extraordinaire
roit eſtéfacile à former , &aà retenir
, comme celles des Chifres
Arabiques ? Il eſt à croire que fi
elle euſt entré dans l'eſprit des
premiers Hommes , elle auroit
paſſé de leur fiecle au noſtre ; ou
que fi les Chinois l'avoient inventée
, au lieu de la pénible dont
ils ſervent , l'uſagene s'en feroit
pasborné à leursVoiſins ,mais fe
ſeroit étendu par toute la Terre, T
principalement fi elle avoit eſté
accompagnée dans ſes expref.
fions , d'un enchaînement auſſi
naturel , & auffi propre à faire
impreffion fur l'eſpr , ue celuy
dont j'ay donné l'idée dans ma
derniere Lettre. C'eſt de cette
Ecriture qu'on peut dire ſans flaterie,
ce que Brebeuf diſoit de
l'Ecriture engeneral
du Mercure Galant. 281
Quelle est cerArt ingénieux
Qui feait parler aux yeux ,
Et par des traits divers , desfigures
est tracées , not f
ל
Donnerdela couleur , &du corps aux
pensers ?
Ces grandes facilitez paroîtront
dans les exemples que j'en
rapporteray , lors que je me feray
expliqué ſur les variations
des mots, dont ma derniere Lettre
a remis l'éclairciſſement à cel
le- cy ; & elles paroiſtront par
avance dans ma maniere d'exprimer
les quatre Parties du difcours
, qui ne ſe déclinent ny
ne ſe conjuguent , & qui par
conféquent ne ſont pas ſujettes à
variation.
Vous avez veu, Monfieur, que
le moyen que j'employe à con286
Extraordinaire
ferver aux chiffres leur fignification
naturelle , c'eſt demettre
fous eux la barre où le trait
que d'y de nous avons accoutumé
placer dans nos écrits ordinaires ,
&
no
c'eft de
L
200150
250
vous fçaurez que celuy dont je
meſers pour marquer les parties
invariables du difcours , c
mertre cette barre fur les chiffres
qui les e expriment. Ainfi
comme 7, 8, & 9 , ſignifient les
nombres de ſept, de huit & de
neuf ; ces meſimes chiffres ainfi
accompagnez 7. 8. 9, fignifient
un adverbe, ou une interjection,
une conjonction , ouune prépofition
, ſuivant les départemens
diférens que je donne à ces parties
invariables dans le Dictionnaire
Univerſel , deſquels il ſera
du Mercure Galant. 287
2
fort aiſe de faire la diſtinction ,
pour peu que l'on prenne garde
a l'ordre que j'y obſerveus zuol
Les parties du Diſcours qui ſe
declinent ou qui le conjuguent,
font marquées d'une autre façon
, Elles ont leur enſeigne apres
elles , au lieu de l'avoir deſſus ou
deflous ; & cette diference les
fait reconnoiſtre par l'Interprete
des la la premiere inſpection ;
mais la raiſon veut, Monfieur,
que j'explique leurs variations ,
avant quque
לס
de
C
m'ouvrir day
DIGI
davantage
fur les moyens de les exprimer,
&vo vous agrérez cette conduite.
πως κουλουρίου on que Siche
nobi olarak aldς τέναι το12
- છછેRR OF
288 Extraordinaire
201
TRAITE DES
Variationsdes Mots. 1
PREMIERE PARTIE
'Ay diftingué ces variations
en directes & en indirectes.
Les directes regardent les degrez
de diminution & d'augmen.
tation qui s'attribuent aux noms
ſubſtantifs ; ceux de comparaiſon
qu'on attache aux nonis adjectifs
, les genres diférens dont
ondiverſifie ces derniers ; & les
verbes paſſifs qu'on joint aux
actifs avec les verbes mêlez que
j'y ajoûte. Et les variations indirectes
ou obliques, comprennent
les déclinaiſons de tous ces
noms , & celles des pronoms &
des
2017
duMercure Galant. 289
des articles , avec les conjugaifons
de toutes fortes de verbes .
Voila en general quelles font
les variations des mots. Elles
font la ſeconde richeſſe des Langues
, & preſque aucune ne ſe
met dans les Dictionnaires ordi
naires , à cauſe qu'elles ne font
que des circonstances des expreſ
ſions qui les rempliffent. J'ay dit
preſque aucune , parce qu'on
voit en tous quelques diminutifs
& quelques augmentatifs ; &
principalement grand nombre
de ces premiersdans le Dictionnaire
Italien, qui en tire une par
tie de la fécondité de ſa langue,
les pouſſant juſqu'à fix & à ſept,
pour un ſeul primitif , comme il
fait à l'égard d'Huomo &de Casa ,
que noftre Langue borne àHom-
Q.deJuillet 1682. Bb
!
290 Extraordinaire
melet & à maisonnette . Mais comme
cette fécondité Italienne ne
ſe répand que furquelques mots,
&que cellede la LangueUniverfelle
ſe doit érendre fur tous, &
auffi bien en augmentant qu'en
diminuant, j'ay crû devoir exclu.
re du Dictionnaire Univerſel une
repetition qui ſeroit importune ,
&en devoir regler l'expreffion
par une methode generale , afin
de pourvoir à cet inconvient , &
auxautres de mefme nature, une
fois pour toutes consum
29 Ces diminutifs & ces augmencatifs
font fort rares en noftre
langue. Elle exprime , par exemple,
un gros Chien par le mot de
Dogue , & un petit Cheval par
celuyde Bidet; & elle n'a point
de mots ſimples pour fignifier un
du Mercure Galant. 291
gros Cheval , & un petit Chien.
Il eſt vray que pour exprimer un
petitHomme& un grand Hom.
me , un tres- petit Homme & un
tres-grandHomme,elle a quatre
paroles fimples qui font Nain &
Geant, Pigmée & Coloffe. Mais ces
fortes d'expreſſions ne s'y rencontrentgueres,&
celles- là peuvent
meſme paſſer pour des
noms primitifs ſuivant la nature,
& recevoir d'elles - meſmes les
degrez de diminution & d'augmentation
. Neanmoins fur cet
exemple & fur celuy des autres
Langues riches & délicates , je
donne aux noms ſubſtantifs dequoy
marquer les diférences de
Petit & deGrandou Gros ; de trespetit
&de tres-grandou tres-gros,
ens'incorporant ces expreffions,
B bij
292
Extraordinaire
enforte qu'iln'en reſulte que des
mots ſimples .
Quant aux adjectifs , unis
auxdegrez de comparaiſon , nô .
tre Langue y eſt encore plus ſterile
qu'en diminutifs & qu'en
augmentatifs. Elle n'en a veritablement
que deux qui font meilleur&
pire, dont elle employele
premier à exprimerplus bon, com.
paratif, ou leplus bon, fuperlatif.
Expreffions qui ne font pas de
fon uſage , & l'autre , à ſignifier
plusmauvais ou le plus mauvais;
plus méchant ou le plus méchant,
dont elle ſe ſert. La Langue Italienne
& l'Eſpagnole, ont peu
de comparatifs , & ne manquent
pourtant pas de ſuperlatifs ; mais
la Langue Hébraïque n'a aucun
desuns nydes autres, & employe
duMercure Galant. 293
- à leur défaut , des particules
qu'elle affocie avec ſes adjectifs .
Nous fuivons en cela l'Hébreu ;
&pour m'accommoder à noftre
- maniere , auffi bien qu'à celle
des Grecs, des Latins, des Allémans,
&c. qui ne ſe ſervent que
de la fimplicité des paroles adjectives
pour ces fortes d'expreffions,
je fais trouver dans la fecondité
de la Langue Univer
felle le moyen de s'expliquer de
l'une & de l'autre façon, comme
je l'ay promis dans la Gram
maire. Ces adjectifs de comparaifonme
font penſer à
velle inégalité qui s'étend, comme
je croy , par toutes les Langues,
qui reduiſent les comparatifs
& les fuperlatifs aux mots
fimples. C'eft qu'aucune , que
a une nou-
Bb iiij
294
Extraordinaire .....
je ſcache , ne reduit de mefme
les comparaiſons d'égalité , mais
les exprime , comme nous , par
les particules auffi, autant, ny plus
ny moins, &c. Ces Langues ne
font pourtant pas raisonnables
de laffer ce degré de comparaiſon
dans l'étendue des phrases ,
&d'abreger les autres ; il falloit
pour la regularité qu'elles les
traitaſſent tous de la meſme maniere.
D'ailleurs je m'apperçois
qu'elles ne réüniffent pas les particules
moins &le moins comme
elles font celles de plus &le plus,
quoy que d'une pareille utilité,
pour la formatiő des comparatifs
&des ſuperlatifs ; car de prétédre
que plus&te plus tiennent parmy
elles , la place de moins & le
moins,par le moyen des adjectifs,
du Mercure Galant. 295
auſquels on les joint , c'eſt ce que
j'ay de la peine à recevoir ; & il
meſemble que pour exprimer de
moins brave des Hommes , le moins
Sage, temoins riche, ondiroit mal,
leplus lâche, le plus fol , le pluspauvre.
Etquand cela feroit veritable
à l'égard des ſuperlatifs , il
n'en feroit pas de meſme à l'é
gard des comparatifs ; & moins
brave qu' Alexandre , moinsfage que
Salomon , moins riche que Créſus, ne
veulent pas dire, plus lâche qu' Aléxandre,
plus fol que Salomon , ny
plus pauvre que Crésus. Ce feroit
paffer d'une extrémité à l'autre
que de parler de la forte ; & il y
a trop loin de Brave à Lâche , de
Sage à Fol , & de Riche à Pauvre,
pour exprimer l'un par l'autre
, quelque particule qu'on y
Bb iiij
296
Extraordinaire
4
ajoûte. Ainfiles Langues qui reduiſent
aux mots fimples les
comparatifs & les fuperlatifs,
n'en ont point qui foient propres
à ces expreffions ; & il faut
qu'elles recourent aux phrafes,
en employant, comme nous, les
particules moins & le moins , fi
elles veulent expliquer exactement
ces fortes de comparaiſons.
Elles devroient donc avoir encore
pour la regularité, un com.
paratif & un fuperlatif d'abbaif.
ſement pourainſi dire , par l'union
de moins & le moins;; comme
ellesen ont d'élevation , par
celle de plus & le plus.Ces confidérations
me portet à en établir
de ces deux manieres , pour l'abreviation
& pour la perfection
de la Langue Univerſelle , outre
(
duMercureGalant. 297
le degré d'égalité , à moins que
le tropgrand nombre de varia
tions nes'y oppoſe; ce qui ſe de
cidera dans la foire הכו
1. Les Genres forment la troifiéme
forte de variations dire
ctes. La nature a marqué ceux
des noms ſubſtantifs, par la dif
tinction qu'elle a faite des deux
Sexes, &de ce qui n'en a point ;
& ilſemble inutile d'en attribuer
auxnoms adjectifs , puis que ne
pouvant eſtre employez qu'en
la compagnie des ſubſtantifs ; &
ſe devant accorder avec eux , ils
font toujours du genre mafcu.
lin avec les mâles , du feminin
avec les femelles , & du neutre
avec le reſte. Sage , brave , riche,
habile , honnefte , &c . font dans
noſtre Langue , des adjectifs de
298 Extraordinaire
cette façon . Ils n'ont point de
genres marquez ou diftmets; &
leur ſeule afſociation avec les
ſubſtantifs fait connoiſtre le
genre où ils font missNean
moins jejuge qu'il eſt plus à pro
pospour la fecondité de la Lan
gue Univerſelle , & pour la per
fection de fa concordance , de
donner des genres ſéparez à ſes
adjectifs , que de les laiſſer dans
la confufion; & fi nous confultons
les autres Langues , & meſ
me la noſtre , nous reconnoiftrions
que pour un adjectif de
cette maniere , elles en ont cent
dont les terminaiſons ſont diférentes
, & qui contribuent par
cette varieté à la bauté de leurs
ſtiles. Trouvant donc à propos
de les imiter , je diftingue les
duMercureGalant. 299
trois genres dans les adjectifs,
& j'étens meſme cette diverſité
juſqu'aux trois pronoms perfonnels,
afin que chaque Sexe em
ploye celuy qui luy eſt propre,
en parlant de ſoy , auffi bien
qu'en parlant aux autres , ou des
autres , ne voyant pas de raiſon
pourquoy la Langue Hébraïque
n'a pas diftingue les genres du
pronom de la premiere perſonne,
comme elle a diſtingué ceux de
la ſeconde &de la troifiéme, ny
pourquoy la Langue Greque, la
Latine, la noftre & fes voiſines
de toutes parts , n'ont diftingué
que ceux de la troiſieme.b
La maniere dont je traite ces
pronoms perſonels , m'a preſque
ofté la penſée que j'avois eu d'abord
de donner auffi des genres
300 Extraordinaire
19
aux verbes à l'exemple de l'He
breu, me femblant qu'il fuffifoit
de faire pour eux cette attribu.
tion à cespronoms , parce qu'en
les afſociant enſemble felon l'afage
de noftre Langue & de fes
Voiſines , les actions & les paffions
des deux Sexes paroiffent
aſſez bien diftinguées, pour n'avoir
pas besoin d'une plus forte
expreffion. Neantmoins confidérant
enſuite que cette affociation
des pronoms aux perfonnes
du verbe en faisoit des phrases,
dont on ſe pouvoit paffer , à l'imitation
des Latins qui expriment
ces perſonnes par des mots
fimples , j'ay perſeveré dans ma
premiere penſée ;&je donne des
genres aux verbes , qui ne font
qu'une feule expreffionavec eux,
du Mercure Galant. 301
& avec leurs pronoms. Du
moins c'eſt la maniere dont j'en
uſe dans la premiere & fimple
methode de l'Ecriture & de la
Langue Univerſelle ; parce que
dans la ſeconde , cette regularité
ſeroit commeſuperfluë ,n'yayant
aucun nom primitif, mafculin,
feminin ou neutre , qui n'ait un
verbe derivé de luy , à qui on
peut imputer le genre de ce
nom,& attribuer telle fignification
qu'on voudra , pourveu qu' -*
elle ſoit naturelle ; tant j'y fournis
à l'abondance. ۱۰
Le verbe paſſif eſt la variation
directe du verbe actif; noſtre Lã.
gue, l'Italienne , l'Eſpagnole, &
meſme l'Allemande, ne l'expriment
que par des phraſes, qu'elles
compoſent, ſçavoir les trois
1
302
Extraordinaire
premieres , par l'union du parti
cipedu tempspaffé de leur verbe
actif, avec leur verbe eftre ; & la
derniere , avec ſon verbe devenir,
Ce quia fait penſer à quelques .
uns qu'un uſage ſi condérable , fi
étendu & fi diférent de celuy des
Romains ou Latins , &de celuy
des Grecs ,nous eſt venu des Peuples
du Nort , lors qu'ils déſole.
rent &dominerent Rome & fes
Provinces ; & ce qui pourroit, ce
•me ſemble , faire penſer àd'au.
tres , que c'eſt un reſte d'usage
de noſtre Langue & de fes Voifines
, plus ancien que Rome &
que fa domination . Quoy qu'il
en ſoitj'imite encore les Langues
qui reduiſent aux mots fimples,
les phraſes du verbo pa ffif, & je
traitedemeſme le verbemêlé ou
duMercure Galant .
303
verbe libre, quoy que ſans exemple
, afin de fournir plus abondamment
que toute autre Langue,
à la ſimple expreſſion des
penſées. J'ay dit dans la Grammaire
Udiverſelle , que ce verbe
mêlé eſtoit celuy à qui on joignoit
librement le pronom perſonnel
, comme ſe regarde , s'eftimer,
s'élever. Neanmoins on peut
étendre ſa nature juſqu'à ceux à
qui noſtre Langue & les Voifines
joignent ce pronom par force ,
comme se mirer,ſe promener, s'égarer
, &c. verbes que les autres
Langues expriment fans pronom
, & nomment verbes neutres
.
Je ne fais point de mention
particuliere du verbe ſubſtantif
eftre , parce que j'ay chargé d'in.
+
1
L
304
Extraordinaire
:
tention ſur l'uſage où je le voulois
mettre. C'eſtoit d'en compo.
fer tous les verbes actifs , avec le
participe du teps préſent de l'a
aif; de la meſme maniere que
nous en compoſons, tous les ver.
bes paſſifs avec le participe du
temps paflé de ce meſme verbe
actif ; ou pour mieux dire , avec
celuy du temps préſent du verbe
paſſif, Participes que noſtreLangue
confond mal à propos , àl'exemple
de la Latine. Mais com.
me cet ufage auroit reduit le ver.
be actif en phrases , de meſme
qu'il y reduit le verbe paffif , &
que la richeſſe des Langues conſiſte
dans l'abondance des mots
ſimples, j'ay quitté ma premiere
penſée , & je range meſmes le
verbe ſubſtantif au nombre des
duMercure Galant. 305
autres paffifs , dontil eſt la ſource
parmy nous.
Quant aux verbes imperfon.
nels,& aux autres fortes de verbes
irreguliers , je n'en fais point
non plus de mention particuliere
, parce qu'ils ne font que des
effets du caprice des Langues, &
qu'ils ſe peuvent tous reduire à
l'actif ou au paſſif. Ainfi le verbe
impersõnel falloir, s'exprime fort
bien par le verbe paflifperſonnel
estre obligé; les verbes neutres
avoir & jouir , s'expriment de
meſme par le verbe actif poffeder,
&ces façons deparler imperfonnels
, on dit, on fait, &autres femblables,
que les origines de nôtre
Langue font venir d'Homme
dit, Hommefait, s'expriment auſſi
tres-bien par les actifs ils difent,
Q. deJuillet1682 . CC Cc
C
306 Extraordinaire
ils font ; ou par les paffifs , ilift
dit, il est fait, ou il s'estfait.Toute.
fois je fournis des caracteres &
des termes à l'expreffion de ces
derniers ; & fi l'on ne veut reduire
les autres , aux actifs , ou aux
paſſifs, on les peut mettre dans le
rang des verbes mêlez , queje
nomme encore pour cette raifon
verbes libresore Enratoir
Voila les éclairciſſemens que
j'avois àdonner ſur les variations
directes des mots. Ce qui me
refte ày ajoûter, c'eſt qu'elles ne
font pas abfolument neceffaires
pour s'exprimer, mais ſeulement
pour s'exprimer avec plus d'abreviation
& plus de perfection,
puis qu'on ſe peutfervir des phrafes.
Neanmoins mon avis eſt
qu'on ſuive la maniere la plus
A
du Mercure Galant. 307
parfaite plûtoſt que l'autre , le
tout pourtant à la volonté des
Nations à qui j'en donne le
choix, puis que j'exprime toutes
choſes, des deux façons dans l'Ecriture
& dans la Langue.
I
SECONDE PARTIE.
OST
Un'eneſt pas de meſme des variations
indirectes ou obliques,
comme des directes . Elles font
d'une neceffité indiſpenſable , à
cauſe de la conſtruction, à moins
d'imiter la langue Franque, cer .
taine Langue imparfaite , qui a
cours ſur la Mer Mediterrannée
&dans ſes Ports , principalement
dans ceux du Levant, entre les
Marchands de diverſes Nations,
les Armateurs , les Corfaires &
autres Gens de Mer , dont les
Ccij
308 i
L
Extraordinaire
noms n'ont point de cas, faute de
terminaiſons diférentes & d'arti.
cles ; dont tous les modes , & tous
les temps de toutes fortes de verbes
ſe reduiſent au ſeul préſent
de l'infinitif, & dont on peut veritablement
dire, comme de celle
de la Chine, que l'accent y fait
tout. Mais ne penſant pas qu'on
ſe veüille conformer à un ſi mau.
vais uſage,, où l'on n'a qu'à retrancher
du bon ſtile tout ce qu'il
ya de congru , je vais rapporter
en peu de mots , ce qui forme cet.
te congruité , puis que c'eſt le
fujet de cette ſeconde Partie.
Elle conſiſte dans le juſte employ
des cas , auffi bien que des
genres, à l'égard des noms; dans
celuy des modes , des temps , &
des perſonnes à l'égard des ver
du Mercure Galant. 309
bes,&dans celuy des nombres
fingulier ou pluriel , à l'égard
des uns & des autres.J'appelle
juſte l'employ qui a le plus de
rapport à la conſtruction naturelle;
la nature eſtant ma regle
dans l'Ecriture & dans la Lan
gue.Je n'ay que faire de venir au
détail de ces chofes , elles font
affez connuës à qui a la moindre
temture des Lettres , & ce que
j'en ay dit dans la Grammaire
Univerſelle, éclaircit ce que je
leur attribuë de particulier , à
l'exception de ce qui fuit . C'eſt
qu'en executant le projet que j'y
ay fait , de joindre le vocatif au
nominatif , &d'ajouter un nou
veau cas à la déclinaiſon , & luy
en donner la derniereplace, comme
au dernier venu ; il m'a ſem
310 Extraordinaire
blé que je devois plûtoft laiſſer
cette place à l'ablatif , puis que
c'eſtoit la fienne ; & ranger ce
nouveau cas dans celledu vocatif,
puis que la dépoſſeſſion la ren
doitvuide. Raiſons qui m'ont fait
prendre ce party. Vous ſçavez,
Monfieur,que cenouveau cas que
je nomme autrement, le cas libre ,
a eſté nouvellement inventé,
pour fervir de regime univerſelà
toutes les propoſitions , ce qui eſt
d'une grande commodité pour
l'Ecrivain, &pour l'Interprete.
De plus, je place dans la conjugaiſon
le temps futur , immédiatement
apres le temps préſent,
ce que fait auſſi l'Hébreu ; mais
par une autre raiſon que la mienne.
Celle que j'ay , eft que le fu
tur eſt unique , comme le pre
du Mercure Galant. 311
ſent , au lieu que le temps patlé
eft de trois ou quatre façons ,
d'où refulte une trop longue in.
terruption entre ces deux temps
ſemblables. Ce n'eſt pas qu'il
n'y ait des Langues, qui ont auffi
trois ou quatre futurs , & qui dif
tinguent le futur prochain du futur
éloigné, comme la Grecque;
ou qui les partagent en futur incertain
, en futur libre , en futur
de devoir , & en futur de neceſſité
, comme l'Allemande ; mais
parce que les expreſſions ne regardent
que les variations obliques
des mots où la fécondité
ne meſemble pas fi requiſe que
dans les directes , j'en laiſſe l'uſage,
pour ſuivre celuy de laLangue
Hébraïque , de la Latine , de la
noſtre & de ſes Voiſines de delà
312
Extraordinaire
les monts , qui n'ont toutes qu'un
feul futur , & qui expriment les
autres par le ſecours de leurs particules
ou petits adverbes. D'ailleurs
les quatre futurs Allemans
ne paroiſſent pas d'une invention
affez juſte, pour avoir place
parmy lesvariations de l'Ecriture
&de la LangueUniverſelle. Ce
n'eſt pas affez à un mot d'eſtre
une expreſſion ſimple pour contribuer
à leur richeſſe , il fauten
core eſtre faite à propos; & cel
les- làmáquent de cet avantage,
puis qu'elles n'ont aucun raport
à la qualité du temps, mais à des
circonſtances qui luy ſont étrangeres
. A la verité, il n'en eſt pas
de meſme des futurs du Grec;
toft ou tard , dontil compoſe ceux
qu'il a plus que nous ,font des
termes
du Mercure Galant.
313
termes qui appartiennent natu-
* rellement au temps , & principalement
à celuy à qui il les attri
buë ; & la réflexion , Monfieur,
que j'y fais en vous écrivant , me
perfuade en leur faveur ; & je les
reçois au nombre des variations
Edu verbe contre ma premiere intention
, du moins en l'une de mes
- deux Méthodes.
Le ſecond changement que
j'apporte à la conjugaiſon , c'eſt
de la commencer par les trois
temps de l'infinitif; mais comme
j'en mets le reſte en ſa place ordinaire
, ce début ne déplaira pas,
puis qu'il eſt fondé ſur la coûtume
qu'on a d'exprimer dans le
Dictionnaire le verbe par ce mo .
de. Je range auffi les participes,avant
les gérõdifs &les ſupins ,par.
Q.deJuillet1682 . Dd
314
Extraordinaire
ce que les participes continuent
à marquer diſtinctement les
temps , comme font les autres
variations du verbe , ce que les
gérondifs & les ſupins ne font
pas . Enfin je place le fubjonctif
avant l'optatif , pour deux rai.
fons ; l'une , que l'optatif n'eſt
qu'une maniere de fubjonctif ou
conjonctif , ce mode tirant fon
origine de la particule qu'on luy
joint ou conjoint , lors qu'on le
veut employer dans le diſcours,
ce qu'on fait auffi quand on y
veut mettre l'optatif ; & l'autre
raiſon eſt , que j'établis par ce
moyen un raport de chifres,
entre les temps du fubjonctif &
de l'indicatif , dont le nombre
eſt égal, &entre ceux de l'optatif,
& de l'impératif, ce qui aide
ve du Mercure Galant. 315
or sau démeflement de ces modes ,
& à la confervation de leur fouevenir
; toutes choſes qui me ſont
d'autant plus permiſes , que l'ordre
ordinaire qui s'obſerve dans
les déclinaiſons , & dans les condat
jugaiſons, ſemble moins fondé en
raifon qu'en fantaisie.
to Jen'ay rien à dire davantage
des variations obliques. Ce qui
me reſte à faire, c'eſt de donner
lesmoyens de les exprimer , afin
de pouvoir écrire avec une juſte
&parfaite conſtruction. Ce fera
auſſi le ſujet de la fin de cetre
Lettre, &de toute la ſuivante.
DERNIERE PARTIE.
Outes les variations des
n'ayant point de place dans le
Ddij
316 Extraordinaire
191
Dictionnaire Univerſel , le de
mandent parmy les expreſſions
particulieres ; & voicy la maniere
que j'employe pour les marquer.
J'ay dit précedemment que je
mettois une enſeigne apres les
chifres qui ſervent à exprimer
ce qui ſe décline , & ce qui fe
conjugue , pour les diftinguer de
ceux qui ſignifient les autres parties
du diſcours , & les nombres
nombrans ou en nature , auſquels
jedonne des enſeignes diferentes,
aux uns deſſus , & aux autres def.
ſous ; mais comme cette enfeigne
que je place apres les chifres
ne forme qu'une diftinction generale
, je joins immédiatement
apres elle dequoy former les diſtinctions
particulieres , & c'eſt
en quoy conſiſte l'un des grands
duMercure Galant. 317
fecrets de mon Ecriture.
Pour vous le découvrir , fçachez
, Monfieur , que j'employe
a cer uſage , les mefmes chifres
Arabiques dont je me fers à marquer
les mots du Dictionnaire.
Leur diverſité accompagnée de
leur bel ordre , fournit aifément
à toutes les expreffions qu'on leur
veut donner , & l'enſeigne que
je mets entre deux , empefche
leur mélange & leur confufion.
Et parce que je dois vous parler
pluſieurs fois des uns & des
autres , vous ferez averty que je
nomme ceux qui précedent l'enſeigne
, Chifres primitifs , à cauſe
qu'ils exprimetles mots dans leur
nature; & que j'apelle ceux qui la
ſuivent Chifres auxiliaires , d'autant
qu'ils aident à exprimer les
1
Dd iij
318 Extraordinaire
D
د
mots dans leurs circonstances
je veux dire , dans leurs variations
directes ou obliquesomom st zob.
LeDictionnaire Univerſelwa
aucune enſeigne qui accompa
gnnee fes chifres. On n'y voit que
les primitifs , & point d'auxiliaires.
9. par exemple y fignifira en
ou dans. Prepofition angiot
11. y fignifira Dieu , nom fub.
ftantifmafculislam
12. Déeffe , fubftantif feminin .
13. Divinité , Dieu ou Déeſſe,
ſubſtantif de genre libre, tomos
Et 100. y ſignifira aimer , verbe
actif.on
1
Je donne ces exemples fans tirer
à conféquence pour la difpofition
des mots dans le Dictionnaire
, &pourmontrer ſeulement
de quelle forte ils y font mar
ba
du Mercure Galant. 319
quez, C'eſt donc de cette fimple
maniere qu'ils le font tous ; mais
dés le moment qu'on en veut
employer quelqu'un dans le difcours
, il le faut reveſtir de ſes
formes. Si c'eſt une partie inva .
riable, il luy faut metre ſur le dos
le trait ou la barre qui eſt ſon enfeigne
, pour empeſcher que les
chiffres qui l'expriment , ne ſe
mêlent avec ceux qui la préce
dent ou qui la ſuivent ; & pour
en faciliter en meſme temps la
connoiſſance à l'Interprete . Si
c'eſt un nombre qui doive de.
meurer en nature, il faut pour les
meſmes raiſons luy mettre la barre
deſſous , qui eſt auſſi ſon enfeigne
; & fi c'eſt un nom ou un
verbe, il faut luy donner la conf.
truction qui luy eſt deuë , & par
Dd iiij
320
Extraordinaire
D
conféquent l'acccompagner des
chiffres auxiliaires , qui aident
à exprimer cette conſtruction,
& inférer fon enſeigne entre ces
chiffres & les primitifs , de peur
de mélange. वही
Cette enſeigne eſt diverſe, ſe.
lon la quantité de chiffres auxi
liaires qui la ſuivent. Si elle n'en
a qu'un 'un apres apre elle, c'eſt une fim
ple apostrophe ; & fi elle en a
pluſieurs , c'eſt une divifion , ou
une barre.
280,001
J'ay beſoin d'employer par
exemple , Divinité , Dieu , ou
Déeſſe, au nominatif, ou au génitif
, j'écris ſon chiffre primitif,
qui eſt 13 ; puis je mets l'apoſtrophe
apres ce chiffre, &j'adjoûte
enſuite le chiffre auxiliaire 1, qui
eſt la marque du nominatif; ou
duMercureGalant. 321
AP
'le chiffre auxiliaire 2 , qui eft
celle du génitif ; & il en refulte
- un caractere fait de la forte, 13'1 ,
qui fignifie cenom au nnoommiinnatif
inite; ou bien un autre
faitainfi , 13'2 , qui fignifie le mefme
nom au génitif, ou de la Divi-
חכJe veux employer aimer au
temps préſent de l'infinitif acif,
ou de l'indicatif. J'écris le chif
fre primitif de ce verbe, qui eft
100. puis je mets la diviſion apres
ce chiffre , & j'adjoûte en ſuite
le chiffre auxiliaire 10 , qui eſt la
marque de l'infinitif du verbe
actif au temps préſent'; ou le
chiffre auxilaire , qui eſt celle
de l'indicatif au meſme temps;
& il en refulte un caractere fait
de la forte 100-10 , qui ſignifie
322 Extraordinaire wh
aimer au préſent de l'infinitif
actif; ou bien un autre fait ainsi
100-11 , qui ſignifie le meſme
verbe au préſent de l'indicatif,
ou
Avouez , Monfieur , que
ſtructure de ces caracteres n'eft
pas defagreable,& qu'il n'eſt pas
aiſe d'en inventer de plus nets,
de plus clairs , & de plus propres
à une Ecriture Univerſelle. Je
n'en rapporteray pas icy davantage.
Ces exemples fuffiſent pour
donner àconnoiſtre que quelque
chiffre qu'on employe à l'expreffion
des dictions dans le Dictionnaire
Univerfel, il ne ſignifie qu'
imparfaitement celle qui eft placée
à coſté de luy, & qu'il a be.
ſoin de quelque enſeigne pour
du Mercure Galant. 323
remplir fon devoir , & achever
fa fignification, ne pouvant eftre
mis àaucun uſageſans ceſecours.
Je ne puis mieux comparer ces
enſeignes , & leur fuite, à l'égard
de cequi sedécline, & de ce qui
ſe conjugue, qu'à l'Homme mef
me. Le chiffre primitif en eſt le
corps , l'auxiliaire en eſt l'ame;
& l'apostrophe, ou la barre, en
eſt l'union; Et comme ſans le
corps, fans l'ame,& fans l'union ,
il n'y a point d'Homme; fans le
chiffre primitif , fans l'auxiliaire,
& ſans l'apostrophe ou la barre,
il n'y a point de caractere d'Ecriture
Univerſelle qui ſignifie
entierement ce qui ſe décline, ou
ce qui ſe conjugue.omiansqu
Toutes ces choſes ſont pref.
que communes aux deux Mé.
324
Extraordinaire
thodes, dont je vous ay marqué
fur la fin de ma derniere Lettre
qu'on pouvoit exprimer les mots
du Dictionnaire Univerſel ; mais
comme cette communauté va
ceſſer , il eſt à propos que je vous
éclairciſſe de leur diférence 2-
vant que de paſſer outre. Je vous
ay appris que l'une eſtoit ſimple,
commune , & propre à entrer
dans l'eſprit de tout le monde;
& l'autre, finguliere , ingénieuſe,
& beaucoup plus commode que
fa compagne ; & c'eſt tout ce que
je vous en ay découvert. Je dois
préſentement vous en donner
une explication plus ample. La
voicy.
La ſimple ou commune Méthode
eſt d'attribuer un chiffre
du Di diférent à chaque mot dy
du Mercure Galant.
3.25
D
00
ctionnaire , en forte que s'il y
avoit un million de mots , on employaft
un million de chiffres à
leur expreſſion . L'autre méthode
qui eſt plus fine ,& beaucoup plus
propre à faire impreſſion ſur l'efprit,
conſiſte dans le ſecret de
renfermer fans confufion & fans
équivoque pluſieurs paroles ſous
un meſme chiffre, ainſi que j'ay
fait par leur diviſion en Chapitres
& en Sections , dans le Projet
du Dictionnaire Univerſel ; abbréviation
qui borne preſque
toutes leurs expreſſions à un , à
deux, ou à trois chiffres . Je n'entens
parler icy que des chiffres
primitifs , parce qu'il ne s'agit
que des mots qui ont place dans
le Dictionnaire ; & j'entens que
de quelque maniere qu'on dreſſe
A
326 Extraordinaire
اگ
ce Dictionnaire , foit en l'étendant,
foit en l'abrégeant , on
garde toûjours l'ordre & l'enchaînement
dont j'ay donné le
Projet, à moins qu'on n'en in.
vente unmeilleur ຂອ
Je n'avois penſé qu'à la Mé.
thode abregée, lors que je vous
écrivis de la Grammaire Univerſelle;
ce qui me fit vous mander,
quej'imiterois la Langue dela Chine
dansla conduite de mon Ecriture, ou
je ne mefervirois que de peu de nombres;
& la Méthode étenduë ne
m'eſt venuë dans l'eſpritque depuis
ce temps- là ; mais quelque
quantité qu'elle ait de chiffres,
il ne faut pas s'imaginer qu'il en
réſulte de l'embarras dans ſes expreſſions,
ny de la langueur dans
leur recherche. L'ordre reglé
du Mercure Galant. 327
que ces caracteres gardent entre
eux, empeſche bien que ces effets
n'arrivent ; & puis , je ne
penſe pas qu'elle donne de l'employ
à plus de vingt mille chif
fres , comme je le jugė par mon
ébauche , & par les autres Didionnaires
.J'entens fans y com.
prendre les noms géographiques ,
& les noms propres d'Hommes
& de Femmes; noms qu'on peut
faire aller auffi loin qu'on veut.
Ce n'eſt pas qu'elle ne ſe ſerve
de toutes fortes de nombres,
mais c'eſt ſeulement pour la conſervation
de l'ordre que je m'y
preſcris ; &je laiſſedes vuides en
tant d'endroits, qu'il ne faut pas
prendre pied fur les nombres,
pour juger de la quantité des
mots. J'avouë bien que la Mé.
328 Extraordinaire
thode abregée eſt moins ſujette
à béveuë , & plus prompte dans
l'exécution ; & c'eſt fans doute
ce qui porta d'abord mon eſprit
vers elle. Toutefois ſa compagne
peut eſtre d'un bon uſage ; & fi
elle a grande quantitéde chiffres
primitifs, elle en a moins d'auxiliaires
, tout au contraire dema
premiere idée, qui eſt plus abondante
en ces derniers qu'aux autres
, d'où réſulte leur principale
diférence.Je commenceraymeſme
par le détail de cette ſimple
Méthode , à cauſe de ſa ſimplicité
; mais comme je me trouve
icy à la fin de ma carriere, je veux
dire de la longueur qu'il m'eſt
permis de donner à une Lettre
qui doit avoir place dans vos
Mercures, à qui tant d'autres en
du Mercure Galant. 329
demandent , je remets cette explication,
& celle qui la doit fui.
vre , à voſtre Extraordinaire du
15. Janvier 1683. Apres quoy je
viendray à l'expreſſion de la Langue
Univerſelle. Je ne puis pourtant
m'empefcher d'adjoûter par
avance , aux avantages de cette
Langue dont je vous entretins
l'année derniere, qu'on luy verra
exprimer par des ſeules paroles
d'unemédiocre étenduë, juſqu'à
dix & à quinze mots de la noſtre,
&meſme au dela, non pas obſcuremenr
, comme unmot Grec ou
Latin peut fignifier une phrafe
Françoiſe , mais en les renfermant
tous diſtinctement , comme
une fillabe enferme les lettres
qui la compoſent. Vous aurez
peut- eſtre de la peine à le croire ,
Q.deJuillet1682. Ec
330
Extraordinaire
vous aurez neantmoins le plaiſir
de le voir. Cette merveille eſtoit
refervée à la Langue Univerſelle,
& n'occuperoit pas indignement
le loiſir des fubtiles Explications
d'Enigmes. Vous pouvez, Monſieur,
les inviter à la penetration
de ce Myftere , & me croire
voſtre &c.
a) is DEVIENNE-PLANCY.
* Le Tableau & la Bouteille de
Savon, qui estoientles Mots des deux
Enigmes du Mois de Fuillet , ont
donné lieu aux,Madrigaux que je
vous envoye.
duMercure Galant . 331
310C5ependant
1.
Ependant que toute la France
Savoure les douceurs qu'apporte la Naif-
Diun Grand Prince iſſu de centRoys,
Ion Qui doit un jour porter Couronne,
Mon efprit en chagrin foisonne,
En voulant expliquer l'Enigme de ce
Mois.
Mais ce qui doit calmer ma peineſans
Seconde,
*
!
Eft que de cet Enfant que Dieu nous a
donné
Dont lefront de Lauriers ſe verra couronne,
Le Portrait doit bientot paroître dans
LeMonde.
L. Воиснат, ancien Curé
deNogent le Roy.
Ecij
334
Extraordinaire
II.
E pouvant deviner l'Enigme trop
Neonferent
Jepestois fortement contre Monfieur
Mercure;
Mais voyant un petit Garçon
いちょろ
Der des Bouteilles , DeSavonSouffler
Je luy dis, mon Mig
merveilles,
ignon, vous faites des
Et vous m'apprenez ma leçon..
CANITS DE TAUS.
Ercureparplaifir nous embarraſſe
Mercure P
C'est unDieufourré de malices
Etpour lierlesens de ces Enigmes- cy,
Ilnous faut un esprit quisedémonte à
Ace Portrait obscur dont il nous fait
un denonesty abaste MA
Il joint une aimable Bouteille.
Quida croiroit d'un Vin'de Rheims, on
deMascon,
du Mercure Galant. 333
Son erreurſeroit fans pareille,
La Bouteille est d'eaude Savon.
পুরুষই পেচুরারি ।-AVICE de Caen, Ruc
de laHarpe.
J
HOM SHOW MO
E vous ay toûjours crû le
Orateurs, b
Chefdes
Mercure l'intriguant , l'Enseigne des
Flateurs,
Le Prince des Marchands, l'Inventeur
des Fleuretes,
L'expert Entremetteur des affairesſecretes,
Adroit Joueur de Harpe, affez Muficien
Intendantdes Filoux, & d'autresGens
ade bienza i imp ins
Grand Voyer, Grand Courrier, Ambas-
Sadeur Celeste;
Puiſſant Médiateur & d'enhaut, &
d'enbar wad Adawin san mioril
Arbitre du Sommeil, de la Lutte, &
lereſte:
334
Extraordinaite
Mais pour Peintre en un mot , je ne le
4
Sçavois pas
F. H. DE VALLAUNAY, Sous-
Brigadier dans les Chevaux
Legers.
'EnigmequeMercure à lapremiere
annexe, 2006 רא
Me rend en verité plus muet qu'un
Turbot;
Tantoſtje m'imagine une chose con-
A vexeps
A
Tantoft une autre faite en forme de
Sabot.
Jedonneà cette chofe, &je refuse un
Sexe;
F'écris, &fur l'écrit je paſſe le Rabot,
Maudiffant millefois l'Enigme qui me
vexe,
Moy qui ne paſſfois pas là-deſſus pour
Nabot.
Mais je croy qu'à la fin le Mot fans
paralaxe,
duMercureGalant.
335
Vient luire à mon esprit , &quesans
quuonmentaxe,
Je diray que j'y vois auffi clair que
C'est donc aſſurément la Bouteille poftiche
Qu'avec eau de Savon fait un Efprit
en friche, সতি
Et qu'il croit envoyer de Paris à
Fréjus
L'Ennemy d'amour, àl'Anagramme,
L'Héroïne m'y
entraine.
Admire, Galant Mercure,
Ton Portrait en migniature,
Je ſuis charme de ce don;
Mais las ,je pers maſcience,
Car tes Globes de Savon
Mefont rentrer en enfance
L'ALBANISTE de Roüen.
???????and apvore ?
336 Extraordinaire
J
Tou
VII .
Out ce que fait Mercure,
Estfait avec tant d'art,
Qu'en cette conjoncture,
C'estun biengrandhazard,
S'il peint d'apres Nature.
TURBOT, Preftre du Ponteaude-
mer.
VIII.
Epenſe, Monsieurle Mercure,
Que vous voulez toûjours rire de ma
figure,
Jene le trouvepas trop bon.
Moy quidois àpréſent, ou jamais, estre
Sage,
Jen'aurois guèrede raison,
Sill'onme voyoit àmon âge
Mefaire encor un badinage
D'uneBouteille de Savon .
Jen'aimeplus que la Bouteille,
On je trouve d'excellent Vins
Etfi jeſuis encor badin,
C'est quandſa liqueur me réveille.
4 Le Pere des quatre Filles du
Fauxbourg S. Victor.
du Mercure Galant. 337
L
IX.
Autheurde la premiere Enigme,
La cache fi bien dans la rime,
Qu' envainpour la trouverje me romps
le cerveau;
- Etje veux t'avouer, Mercure,
Si leMot n'est pas un Tableau,
Que je renonce àla Peinture.
Mais pour le Berger Alcidon,
Son Enigme estsi naturelle,
Qu'onvoit trop qu'il enferme en elle
Une Bouteille de Savon .
Mademoiselle ROZON,
de la Rue au Maire.
ABſent de vos
X.
beaux
yeux,
coeur plein de douleur,
mon
Souffre, charmante Iris, un rigoureux
martires
Achaque moment ilsoupire
AuSouvenir de ce malheur.
Dureneceſſité du devoir qui m'engage
Am'éloignerde cesbeanx lieux!
Q.defuillet 1682.
Ff
338 Extraordinaire
Que n'avoir on plutost résolu dans les
Cieux
Ma mort au lieu de ce voyage!
Pour changer ce Decret, mes voeux font
Superflus,
Jupiter ne les entend phrung zin
Ila toûjours paru pour eux inexorable.
C'est devous , belle Iris, que j'attens du
Que vostre coeur pour moy devienne fa-
Sivous prenez encor interest à mes jours,
Envoicy le moyen qui vous ſerafacile.
Vostre charmant Portrait, cet excellent
Donné de vostre main, meſervira d'azile
Pour me garantir du tambeau
ALCIDOR, du Havre.
AQuelle épreuve, Iris, meitez-vous mon
Ilfaut tomber d'accord que vostre fan-
Tient un peu de lafrénefie,
duMercureGalant. $339
3
Pour mefaire passer pres das deux tiers
Afaire un exercice Edu jour
Qui ne plaiſt qu'àvostre caprice.
Pardonnez ces mots durs, & mon empertement,
નિ૪
Mais vous mettez à bout toute ma pa-
Pour moy, jeforois confcience
Deparlermoins ouvertement.
Ordonnez-moy d'alter combatre
DixHommes l'Epée à la main,
Alors, pour obeir, j'y courray tout son
daina
Duffent-ilsſous leurs coups m'abatre,
Plutost que de ſouffter ſuivant voſtre
Avec un Chalumeau dans de l'eau de
Savon A
Pourmoy, jesçay trop peu ce plaifant
badinage,
C'est unjeu qui m'est bien nouveau,
Que deformer l' Ampoule d'eauU
Pourrare&merveilleux ouvrage.
talok 39 Lemelime.
F fij
340
Extraordinaire
I tu n
XII.
n'as point, I Amy, d'autre Bou-
Steilles
Autantvaudroit une Chere enTableau.
Que ton Régalpour d'autres s'apareille,
Situ n'as point, l'Amy, d'autre Bouteille.
Quoy,pour lejus qu' on tire de laTreille,
Ne nous donner que du vent &de l'eau?
Si tu n'as point,I Amy,d'autre Bouteille,
Autant vaudroit une Chere enTableau.
DAPHNIS D.L.R.N.S.A.
CE
XIII.
un Original que ce Galant
Mercure
Avecſon Enigme obscure,
Me dit l'autre jourun Brutal.
Mieux que vous ne penſez, vous parlez,
répondis-je;
Carpourfaire un Portrait (ou bien c'est
unprodige)
Ilfaut bien un Original.
DE S. Martin l'aîné , du
Quartier de l'Univerſité .
du Mercure Galant. 341
D
XIV.
E Portraits, de Bouteilles d'eau,
Mercure, je nn'ay point affaire.
Mon Epoux est bienfait & bean,
C'est tout ce qui m'est neceffaire.
Ln
12
nest rien
L'Amante paſſionnée.
XV.
de plus beau, de plus fin ,
de mieuxfait,
Rien quibrille, Mercure, &plaiſe davantage,
Quedu précedent Mois l' Enigmatique
Ouvrage,
En un mot c'est voſtre Portrait.
Q
I.B BELLE TERBOCHER , al Anagramme,
Bel Aftre, cher Objet,
de la Rue S. Victor .
XVI.
Ve l'éclat est trompeur de tout ce
qui reluit!
Inconstante Faveur, malheureux qui te
Suit,
Et met en toy sa confiance!
Tuméconnois tes vrais Amis,
Ff iij
342
Extraordinaire b
1
Etlestraitefouvent comme tes Ennemis
Infidelle, on a trop pour toy de complai-
Que tu m'asfait verſer de pleurs,
Dés quejefus ta Creature!
L'on a fait son Poronaits ik af.t danados
Mercure,
Il renouvelle mes douleurs.J
Ah! qu'on a bien décrit ta nature lé
gere sleigiro's 9/9/2
Et qu'on admire ce Tableau
Aufſi touchant qu'il est nouveau,
Peint (en termes de l'Art) d'une grande
maniere ! V
CetreBouteillefaite avec l'eau de Savon,
Qui fuit envain tout ce qui luypour
Ad muirestarada novel to Norma
Qu'un moindre ſouffle au neant peut
réduire,
N'est-ce pas de ton fort la vrage expreffion?
Car ne t'es-tu pas exbalée New
Aumdindre effort d'un méchant vent?
Qu'on abien éprouvé, quand tu t'en es
allée, 17
du Mercure Galant. 3468
Qu'un Esprit est léger, quite vapoursui
BARICOT, du Havre.
Han't open 20
Epuis bien me vanter de ne direpas
mal
LeMot de l'Enigmepremiere.
Qui pourroit aller au contraires
Sije lesçay d'Original?!
Mademoiselle BONGARS,
- presudio
shangaruh (nh
XVIII.
A des Couleurs , viste un Pimm's
Saydearn 20 253300??????????????????????
Détrempez ce Savon, cherchez un Cha-
Etvous allez voir des merveilles ,
Car je veux vous ofrir un excellent
Tableau,
Etvousfaire cinq cens Boureilles.
BRABANT, de S.Quentin
Ffmj
344
Extraordinairen
Evous reconnois à ce trait,
Incomparable Dien de l'Art & du
Miiftere. alidad
Quel autre que Mercure iroit Songer à
faire got s
Le Portrait mesme du Portrait?
H La Bergere à l'Anagramme,
Un vif Génie m'éleve,
Aici dà als duPré S. Gervais, gu
I c'est quelque chose de beau
Si
faire un Tableau,
Mercure, ce n'estpas merveille,
Qu'avec du ſavon, &delicans a
Vous Sçachiezfaire une Bouteille,
On m'en amuſoit au Berceau.
M
M. Du LORY, à l'Anagramme,
Libre d'amour, de la Ruë
du Bac.
Ercure, dites-vous, vous plaiſt,
belleCamille,
Defairefi bien un Portrait
AlliomobsM
du Mercure Galant. 345
Helas! si c'est pour vous unſi puiſſant
attrait 400 ,
Mon coeur eft en cela mille fois plus
habile.
AYER DROUART DE ROCONVAL,
de la Porte S.Antoine .
Ondaines voluptez, dont le MO
réjouit;
goust
Fugitives grandeurs , dont l'éclat éblouit ;
Richefſſes, qui coustez tant deſoins inutilensé
shops
Si nous en voulons croire un Docteur
Esclavon,
Vous estes encor plus fragiles
L. BOUCHET , ancien Curé
Qu'une Bouteillede Savon.
deNogent le Roy.
ΧΧΙΙΙ .
Ercure estunGalantbienfait,
Mui voulam re
monde,
tour le
Et nous comblerde grace fansſeconde,
Nousfaitprésent defon Portrait.
Mademoiselle SERAIN.
346
Extraordinaire wb
- XXIVI
Ris, l'objeett de mesfoûpirs, alin
Le centre de messoins , l'ame de mest
defirs,
Que ton coeur inconstant a mon am N
abbatuë! INAMAb
Je crois qu'il est de Cire, & de Cire 13
fonduë,
Tant un nouvel Objet y fait d'impref
Vien voir ces petites Bouteilles of
Que l'onfait avec du Savon.
Celuy quicourt apres, croit faire des mer
C'est le parfait Tableau de ton coeur
inconstant Not sup thisg en wo
Unpetitfouffle lesefface, No 19 I
Onnevoitplus rien en leur place,
Et ce qui reluiſoit, a trompécet Enfant,
Amour, jesuis laſſe de ton cruel empires
Depuis le temps que jesoupire,
Me voicy réduit au tombeau .
mon mal, j'avois pris Pournevoirpoint mon n
tonBandeani
du Mercure Galant. 347
Reprens-le, jete prie, & donne-moy tes
alles, exiguo 23 do
Afin d'abandonner pour jamais ces
Cruelles.
ટ
Leur coeur eft un Lagis qui reçoit trop
d' Amans, PSNINGGA
Et l'on n'y gouste paint de veritable t
joye;
Comme unefacile manmayaHAN NAH INDI
Ilfe donne au moins digne, &changeà
tous momens, σεφ του νέου έτου
2 wh GYGIS, duHavre.
En'est pas un Peintre ordinaire ,
Cone nostre galant Secretinaire,
On ne peint que pourfaire voir
Leſujet où l'on veut atteindres
Et luy, quand ilsemet àpeindre,
Faitfi bien, qu'onnepeuty rien apper
L'aimable Fiere à l'Anagramme,
Ta rigueur mignarde, de la
air NounRuedela Pelleteries a
348
Extraordinaire .
DEquoy Et
XXVI.
le Vent est-ille Pere,
'est-ce que leVent détruit?
Quelle est cette choſe qui twit, 0
Qui brille autant que la lumiere?
Ilnefautpas tant de façon
Pourdécouvrir cette merveille.
Trempez un Chalumeau dans de l'eau
deSavon,
Soufflez tout doucement, vous verrez
laBouteille,
Avecque les proprietez,
Mercure, que vous raportez.
Le Malheureux volontaire.
XXVII.
UNBergerafait mon Portrait,
F'ysuis une Pallas , une Pallassçavante.
Pour moy, j'ay grande peur que je ne
l'endémente,
Elledevinoittout,je ne l'ay jamaisfait.
La Brunete à l'Anagramme,
HM. est à ſa Cour, dela
Ruë S. Denys .
duMercure Galant. 349
A
XXVIII.
Prens, Mercure, qu'un Tableau,
Ondefimples Bouteilles d'eau,
Nefontpas lefait d'une Belle,
Qui comme moy n'est point cruelle.
avival, L'Amante paſſionnée.
M
ΠΟΟΧΧΙΧ.
Ercure, ton Portrait est beau,
Ce Préfentfeul pouvoitfuffire.
Aquoy bon des Bouteilles d'eau?
C'est àl'enfance nous réduire.
XXX.
La meſme.
CHer Mercure, nous sommes
quatre
ர Suri' Enigme à nous offencer;
Mais toutes prestes a nous batre,
Aqui ſçait mieux la drviner
L'unede nous dit, c'est unArbres
L'autre dit, que c'est un Miroirs
L'autre, une Figure de marbre ,
Et chacune croit le sçavoir.
Moy, qui croy mieux deviner qu'elles,
Quoy qu'elle ne foit pas faite avec un
Pinceau,
350 Extraordinaire
Jepense que c'est un Tableau .
Mercure, au premier mois, pourfinir nos
querelles, logero
Tunous en diras des nouvelles.
Ted Les quatre Filles du Fauxbourg
MATTIC SaintVictor
το σύργιατη ΧΧΧΙ
Q
Vandde
३३.
vostre constance on
mandeunTableau,
de.
Je lefais en deux mots, cela n'est-ilpas
beau?
Ala prendre parfuduréejes THALERI
Convenez-en, belle Manon,
Elle est toujours justement comparée
la Bouteille de Savon . N
DAUBAINE.
per auffi subti-
Mercurefçait tromper lement
Que ce Peintre autrefois ſi vanté dans
'Histoire,
Qui voyant fon Emule enflé de ſa vi
Lefit dans lepanneau donnerpubliquo
ment;
du Mercure Galant. C351
usoldatwarpsins
Carau moment qu'on lit l' Enigme qu'il
propose,
On s'imagine à chaque trait
Kair lePortrait de quelque chose,
Et c'eſtſimplement le Portrait.
L'Habitant en eſprit, du
oh no sortale Pré S. Gervais.
XXXIII
DHilis qui tient apeine
lePinceau,
aujourdhuy
Faisant un Marmouzet, croitfaire un
bon Tableau.
Iris, qui tout lejour habille une Poupée,
Afongréfait encore un Ouvrage tres-
Climene bien moins occupée,
Fait des Bouteilles de Savon,
Etprétend triompher de la bellefaçon.
Pourmoy quifuis un peu moins jeune
qu'elles,
Jepaffefur ces bagatelles,
Et je confefſefranchement ,
1
Que cequi peut le plus toucher mon ame,
*
352
Extraordinaire
C'estd'engager quelque Berger charmat;
Mais simon coeurfacilement s'enflame,
Ilse refroidit aisément .
Enfin jeſuis la Belle à l' Anagramme,
J'aime à changer d' Amant .
XXXIV.
EPortrait en amourn
Lirlo'onnpeute
est pas ce que
Le plaisirde le voir dans une dure abfence,
Loin de finir la peine, augmente la dou-
Leurs
Ony trouve des traits, mais il n'a point
de coeur.
Le Refſuſcité de la Ruë
neuve S.Mederic.
XXXV.
qu'auſens d'une Enigme on ne
Isaurais atteindre.
On s'écrie auffitoft, c'est qu'elle nevaut
rien.
Decelle-cy,Philis, ne dites quedu bien,
C'est uneEnigmefaite à peindre.
T
La Solitaire à l'Anagramme,
Belle retirée, amour du Ciel.
duMercure Galant.
353
XXXVI .
Peintre& Capricieux volontiers von
ensemble,
Dit certain Proverbe affez beau;
Debonne-foy, Mercure, allons, que vous
enſemble,
Est-cepour lecacher que l'on fait un
Tableau?
THERESEBEINSSE, de la Ruë
desPoſtes.
XXXVII .
Lepaterait que Mercure
EPortrait que Mercure donne,
Un point y manqueseulement,
C'est qu'ilne ressemble à personne.
LA BELLE GORET , de
S Germain en Laye.
XXXVIII.
I'Ouvrage qu'en ce mois vous metter
en lumiere,
A beaucoup, Dieu Galant, de vostre caractere,
Ilvous reffemble trait pour trait,
Q.de Juillet 1682. Gg
35:4
Extraordinaire
Ilsefait admirer , & ne peut se coman i
prendre, 94105
DuCiel mesme ilsemble defcendre,
En un mot c'est vostre Portrait.
L'aimableNeuve àl'Anagramme,
Ravy on m'admire,de laRuë
de laMonnoye.
I Mercure estoit mon Amant,
Sensiune dedeur fansfeconda
Ilme demanderoit mon Portrait vaine-
J'aurois peurde courir leMonde.
L'Amazone àl'Anagramme,
3900858 Alarmine de I Amourſage,
de la Ruë groſſe Horloge
✓de Roüen.
XL X
E cherchois par quelle raifont
UneBouteille de Savon
Peut volerfi longtemps, &fans que rien
l'arreſtenovadeb alliano
Ou (diſois-je, étonné ) prendeelle tant
devent ProvinU
I
a
355E
duMercureGalant.
all
Mais cela part, dit- on, Seigneur, de
voſtre teste,
Je ne cherche pas plus avant, 15
e
Amanta Anagramme,
L. Je m'abas court à vespieds.
lebbam no you
Malab
Commedu Chalumeaufort enfigure
Lefragile brillant dont l'Enfant est
Ainsipaſſeà nos yeux la gloire de ce
monde olie of No No E 1
C'est un trompeur éclat dont ileftanimé.
LeReffufcité de la Ruë neuve
oncic Labesa Medericoh
nadoA ob
POUY
XLIIK
Our un Dieu de vostre importance,
L'admirable occupation!
Defaire courirparla France e
Une Bouteille de Savonal
LaBelle Guenon,du Quartier
de l'Univerſités
Ggij
356 Extraordinaire
1
L'n'appartient qu'àvous, Dien des
Galanteries,
Vous qui des champs de l'airfaites vas
Galeries,
Et devant qui les Vents pleins defo
mifſſion,
Retiennent quand il faut leur baleine
bruyante,
Defaire pourdurer, toûjours belle &
brillante,
Une Bouteille de Savon .
FOLICHON , de la Ruë
de la Barillerie.
XLIV
UNe Bonteille eft, dis-tu, cher,Da
Cedont Mircure en cemois nous fait don,
Est-ilpoſſible?Ah, crions doncvictoire,
Vive celuy qui nous vafaire boire
Alaſantédu Royal Nouriſſon.
Cà, dépeſchons, décoëffons ſans façon,
Voyons quelfus fi divin & fi bon,
duMercure Galant.
337
Offre, venant de ceDieu plein de gloire,
Bouteille.
Ab, jesuis mort! l'infame trahison!
Le Scélerat! Amy, c'est du poison,
Ouy, c'est de l'eau, celaſepeut-il croire?
Fut-il jamais méchanceté plus noire?
Ades Buveurs préſenterde Savon
Une Bouteille.
XLV.
1. B.LESCUYER.
V'il n'oſe nous parler qu'avec
Q
D'uneBouteille de Savon,
Cepoly, ce galant Mercure;
Jetrouve comme vous cela d'un Dieu
difcret,
Mais je ne luy sçaurois pardonner, je
vous jure;
Qu'il en uſe de mesme à l'égard du
Portrait.
La bien Mariée de devant
Severin
358
Extraordinaire
M
Ercure, je vous remercie up
Du Préfent que vous m'avez 10
fait
F'estimefort
يف
09
vostre Portrait,
Je trouve l'Ampoule jolie;
Et pour tous deux
C
ຂາຍາວໃ
regards
songs deux également ,
Recevez mon remertiments Juego
LE MEDECIN BLAYOIS, B.D.T
52522-5525522-2555
०८००७
ENIGME EN PROSE
du Berger Fleuriste.
D
Ans les premiers temps, je
n'eſtois apparemment em.
ployée qu'à un ſeul ufage ; mais
depuis le partage des Nations,
chacun s'eſt ſervy de moy comme
il a plû à Dieu . Il faudroit
eſtre plus éclairé que je ne fuis
duMercure Galant.
359
pour vous en inftruire. Ce n'eſt
pas que depuis quelques années
on m'a jointe à d'autres de mes
Soeurs , pour enfeigner , & pour
abréger une certaine Science
agreable , mais penible , dont le
cours peut s'étendre par toute la
Terre; & fi cela eſtoit arrivé,
j'aurois alors un employ general
comme auparavant , outre mes
emplois particuliers.
J'ay l'honneur d'eftre à toutes
les Harangues qu'on fait au Roy,
aufli fuis-je Amie de la Verité,
j'empeſche qu'on ne mente.
Neantmoins je ſuppoſe ſouvent
les chofes les plus éloignées ,
quelquesfois meſme les impoffi
bles , mais ce que j'en fais ce
n'eſt pas par malice. Bien que
j'aye le corps tortu , j'ay l'ame
droite.
360 Extraordinaire
4
Je préſiderots aux Sciences, ſans
un petit embarras que je laiſſe à
deviner. Quelques Ignorans
me mettent en réputation , &
m'elevent juſqu'au Ciel , il ne
faut pas les imiter. D'autres s'i.
maginent , d'abord qu'on lit un
cygift , qu'ils ont trouvé monEpi
taphe , autre beveuë. On me
voit où il y a du plaifir , quoy
qu'ils ne le penſent pas; & il ne
ſe fait point meſmes de gageûres
que jen'en fois.
J'ay commerce dans les Païs
Etrangers, auffi -bien qu'en France;&
j'affiſte ſans manquer à tous
les Mariages qu'on celébre en Ef.
pagne , & en Italie. Il est vray
que les Eſpagnols me traittent
plus honneſtement que les Ita.
liens ; ceux. là me font toujours
préceder
du Mercure Galant. 361
préceder leurs Seigneurs, & leurs
Dames; & ceux- cy ne me ran .
gent jamais qu'à leur fuite.
,
&
Enfin pour achever de vous
éclaircir , ſçachez que dans la
deftruction de mon eſtre , mon
corps entre au Serilohre
mon ame en Purgatoire; & que
moname devançant mon corps,
nous nous trouvons à la fin unis
enParadis.
ক্ষেত
Q.deJuillet1682. Hh
362 Extraordinaire
552525-2525222-252
LETTRE DE LA BERgere
Califte , au Berger Fleuriſte
du Païs des Ambarriens,
furfon Enigme en Profe.
I
Ajoute voſtre Païs à voſtre
nom , Amy Berger , pour vous
diftinguer du Berger Fleuriste du
Païs de Côtentin , qui a deviné
voſtre Enigme du Lys & de la
Roze , & qui en devine beaucoup
d'autres , & fouvent avec
des Explications en petits Vers
bien tournez . Il me ſemble
pourtant que je ne devrois pas
vousdonner de marque dediftinction
, & que ce ſeroità luy à en
duMercureGalant. 363
prendre une par tour , puis que
vous eſtes le premier qui a paru
dans les Mercures ſousle nom de
Berger Fleuriste, & qu'il n'eſt pour
ainſi dire que voſtre Cader. Jene
ſcay meſmes comme vous louf-
-frez qu'il ſe nomme de la forte;
&fij'eſtois en voſtre place , j'aurois
un Düel ou un Procés pour
cela. Il eſt vray qu'il feroit dangereux
de plaider contre luy , veu
le Païs dont il eſt , & plus dange
reux encore de ſe batre , veu les
rigoureuſes défenſes du Roy. Je
leprîrois donc civilement de vouloir
bien prendre un autre nom,
ou au moins de reprendre celuy
de Berger Floriste , qui luy eſt donné
dans le Mercure de May de
l'année derniere , & je ne dirois
pas , comme vous , qu'il me fais
Hhij
364
Extraordinaire
honneur de porter mon nom, pais que
c'est une marqueque ce nom est bien
choisy , est agreable , est galant,
que ce Bergerseplaiſt , comme may , à
femer des Fleurettes , & à cultiver
des Fleurs. Si vous confultiez là.
deſſus la belle Cloris , la Nimphe
des Bruyeres , & la Fleur d'Orange
, je fuis feûre qu'elles ſeroient
demonſentiment plûtoſt que du
voſtre. Vous y penſerez donc;
c'eſt un avis d'Amie. Je viensau
ſujet qui m'oblige de vous écrire,
Voſtre Enigme m'a eſté renduë,
&je l'ay fait voir aux Perſonnes
qui vous font cheres dans noſtre
Contrée. O Dieux, quelle malice
, d'avoir aſſemblé pour la
compofer , tout ce qu'on ſe peut
imaginer de plus propre à em.
baraffer l'eſprit des Gens ! Mais
du Mercure Galant. 365
quel crevecoeur auffi à la nouvelle
, que tous vos efforts ont
efté inutiles , & que vous avez
vainement caché la lumiere ſous
le boiffeau ! Sphinx mourut d'un
pareil dépit , apres un trait de
cette nature , & vous mériteriez
d'en eftre un peu malade , pour
la punition de la peine que vous
nous avez faite. Je ne vous en
conteray pas le détail , vous feriez
encor affez malicieux pour en
rire. Sçachez ſeulement à voſtre
confufion , que nous avons delié
voſtre Nooeud gordien , malgré
tout fon embarras ; & pour vous
le faire connoiſtre , ſans que le
Porteur de ma Lettre en profite,
s'il a la curiofité de l'ouvrir , je
vais vous expliquer Enigme par
Enigme.
f
Hh iij
366 Extraordinaire
1
2
Vaceſmonde qui brave vos dif.
ficultez , vousmande qu'on n'a quà
vegarder Ifis dans un Miroir , pour
y voir au double la petite Doucete que
vous déguiſez avec tant d'artifice;
Califton la reconnoift ,poureftre de
taille dégagée , & de taille raiſonnable,
quoy que petite ; & dit , que
l'ingénieux Benoist , avec toutefon
adreſſe, ne lasçauroit mettre en cire,
qu'il ne luy ofte prés de lamoitié de
Sa reſſemblance. Tircis qui fait le
Compteur Pitagoricien , ajoûte
quefon Corpsest le quart deſept ; &
fon ame, lamesme partie de buit ; que
fon Ame &Son Corps , font un peu
moins que la moitié de trois ; &fon
Corps&fon Ame ,justement les deux
tiers de fix. Et moy je ſoûtiens,
quejamais Musique ne s'est pafféede
vostre Doucete , quoy que vous afſfu
duMercure Galant. 367
riez que ce n'est que depuis quelque
temps qu'on l'a jointe à ſes Soeurs ,
pour enfeigner &abreger cette agreable&
penible Science.
Oferiez- vous dire apres cela ,
que nous n'y entendons rien?
Vous n'eſtes pas affez hardy , il
nous feroit trop aifé de vous convaincre.
Rougiffez - donc que
troisBergeres de médiocre eſprit,
& un Berger qui ne ſe pique que
d'eſtre bon Amy , ayent découvertun
mot , ou plûtoſt undemy
mot , que vous croyez avoir rendu
impenetrable aux Oedippes
mefme. Mais à propos d'Oedippe,
ſçavez - vous qui eft celuy des
Hommes, qui a le plus gagné par
l'explication d'une Enigme ? C'eſt -
celuy - là , puis qu'il en eut un
Royaume pour récompenfe. Ja-
Hhiiij
368 Extraordinaire
mais perſonne que je ſcache,
Nefutfi bien payéd'avoir eu de
l'efprit,
comme dit Corneille. Quel prix
nous donnerez - vous , pour avoir
deviné la voſtre ? Ce feroit fansdoute
aufi des Couronnes fi vous
eſtiez aupres de nous ,&que vous
ne fuffiez pas fâché de voſtre défaite.
J'entens des Couronnes de
Fleurs, parcequenous n'avos pas
des teſtespropres àen porterd'autres
; ny un Berger & unFleuriſte,
d'autres àdonner. Il ne faut donc
pas que voſtre abſence & voſtre
dépit , nous privent d'un ornement
qui nous eſt ſi bien deub.
Nousirons chez vous l'un de ces
jours , cueillir dequoy le faire,
&nousajoûterons à noſtre triomphe
les plus belles dépoüilles de
du Mercure Galant. 369
voſtre Jardin. Voila comme on
en uſe, quand on connoiſt ſes
Amis à fonds ; on les raille, on
les pille , & quoy qu'on dife &
qu'on faſſe , on eſt toûjours ſeûr
qu'ils prendront tout en bonne
part . C'eſt l'opinion qu'on a icy
de vous , & qu'en veut avoir,
quand vous ne le voudriez pas,
voſtre bonne Amie ,
LA BERGERE CALISTE.
370
Extraordinaire
1
555255-522255-5522
SENTIMENS SUR LES
Questions du dernier Extraordinaire.
Quel choix doit faire un Homme,
&c .
SLj'avois àprendreparty,
Mercure, Soyez averty
Qu'une tres-vertueuse &belle,
Avecqueſon charme vainqueur,
Sans Biens, auroit gagné mon coeur,
Nerencontrant enmoy qu'uneflame
fidelle.
Le principalpoint de l' Hymen,
Outant deGens vont dire Amen,
Oùle grand Oüy résonne,
Sil'on ne veut point trop riſquer,
Eftde ne pas manquer
Au choix dela Personne.
duMercureGalant. 371
83
Mais, graces àDieu, cette affaire
Neme regarde point, eftant Célibataires
L'Estre des Estres fait mapart,
LeCiel m'estplus cher que la Terre,
Ettous lesfoirs jeprens un Verre
Debon Syropde Litapart.
Sur la Queſtion de l'Opéra
de Perſée.
DE E quel aveuglement voſtre ame est
doncſaiſie?
Aquel affreux transport vous laiſſezvous
gagner?
Ah, c'estporter trop loin l'esprit deja
loufie,
Jenepuisvous lepardonner.
83
Quoy, vous aimez mieux voir l'innocente
Andromede
Sans espérance de remede,
Entre les dents d'un Monstre affreux,
Qui devorantfa chair, nourira voſtre
envie,
372
Extraordinaire
Qu'entre les bras chéris d'un Rival bienheureux
*
Qui luy conſervera lavie?
Phinée, avouez en cejour
Qu'une autrepaſſion regne en vous que
l'amour.
Si l'amour qu'on a pour une jolie
Perfonne, doit empefcher qu'-
on n'en prenne encor pour
toutes les Belles que l'on rencontre.
P
4
Ar tout où brille laBeauté,
Cedoux charmedesſens, auſſi-bien que
des ames,
Onvoit unvif éclat de la Divinité,
Onlesrayonsfacre,zdeſes plusbelles
flames.
3
Là, regardant dans cet afpect,
Qui n'a rienqui nesoit favorable&
propice,
du Mercure Galant.
373
On ne sçauroit ſans injustice
Luy refuser l'amour, non plus que le
respect.
7
83
Ce tribut est indispensable,
Envers quiconque porte enſoy
DuMonarque Eternel, & du Souverain
Roy,
Le Caractere ineffaçables
C'est toûjours de ce beau cufte
Qu'ilfaut regarder la Beauté.
Ainfi cette inclination,
Qui pourune Perſonne engage le coeur
noftre,
Nedoitpas empeſcher lavenération
Que l'onpeut avoirpour une autre.
Efprits, qui tirez tout àvous,
F'improuvevos chagrinsjaloux.
374
Extraordinaire
On demande le Portrait d'un
Homme qui vit parfaitement
content.
Ene dispas qu'ilsoit poffible
D'estre detout point inſenſible
Aux accidens fâcheux qui traverſent
nos jours,
Etquifont le tiſſu de noſtre destinées
Maisqui vitfans Procés, ſans debtes ,
Sans amours,
Eftde condition heureuse &fortunée.
De l'Origine du Droit.
E qu'on révere en tout lieu,
Lestfondefurla Ley deDien
C'eft de cet aimable Principe,
Dequi tout Eftre participe,
Et deſesſaints Commandemens,
Queviennent tant de Reglemens,
Les Edits& les Ordonnances
Detant de mortelles Puiſſances,
du Mercure Galant. 375
7
CarDieu, la mesme Sainteté,
Eft lasource de l'Equité,
Et quandil fit le premierHomme
(Qui nous perdit par une Pomme
Dont tant de mal il arriva)
Surfon visage ilſe grava,
Luyfaisant connoistre en bon Pere
Cequ'ilfautfuir, ce qu'ilfautfaire,
Lepartageantde la raiſon,
Pour laſuivre en touteſaiſons
Heureux, fi dans toutesavie
Il l'euft fidellement ſuivie,
Et qu'il eust bornéſonſçavoir
Par les regles de ſon devoir.
Lepeché de nos premiers Peres,
Ces Parricides refractaires,
Ayant par malheur tout gaſté,
Ilplust parsabonté àDieu
Deſſus deux Tables bien liffees
Retracerſes Loix effacées,
Afin que la Pofterité
Sçeuſt l'ordre defavolonté,
Etnepustdanssa réſiſtance
Prétendre cause d'ignorance.
376
Extraordinaire
Moise, cesacré Docteur,
Enfurfaitle Legislateurs
C'est ainsi que le Décalogue
EstduDroit legrand Pédagogue.
LePeuple Romain autrefois
Vivoitfans Regles &fans Loix,
Se laiſſant allerfans police
Auxmouvemens deson caprice.
L'Histoire nous dit toutefois
Qu'ilobeiffoit àsesRoys.
Romule,lejalouxRomule,
Qui voulut régnerſans Emule,
Pourmieuxſes Citoyens dreffer,
DesOrdonnancesfit paſſer,
Eftimantdanssa Politique
Qu'une naiſſante République
Nepeutfans ce puiſſantSecours
Durer&subsister toûjours.
Ilavoit raiſon, le bon Sire,
CarlaLoy, dupeché retire,
Etveutvoir le Vice abbatu
Sous l'Empire de laVertn.
১
du Mercure Galant. 377
Les autresRoys qui leſuivirent,
De nouvelles Loix établirent,
Chacun tachant deson coſté
Defaire régner l'Equité.
Papyrius, un galant Homme,
Ralliant les Arrests de Rome,
Etramaffant toutes les Loix
Faites par l'ordre deſept Roys,
Compilla tout, & fit un Livre.
Pourtant on ceffa de teſuivre,
Et cet Ouvrage fi riant
Fut nommé Droit Papyrian;
Mais toutes les Loix précedentes,
Quoyquefages, quoy queprudentes,
Apres l'expulfion des Roys,
Furentſansvigueur &fans voix;
Et les Romains,Gens à balluſtres,
Dans l'espace dequatre Luftres,
Par un je- ne sçay queldeftin,
Neſuivoient qu'un Droit incertain,
Etqu'une Coustume groffiere,
Qui tenoit plus de la matiere,
Quede laforme&du bon ſens.
Noussommesde bons innocens,
Q.deJuillet 1682. li
378
Extraordinaire
Nos imprudences font extrémes,
Dirent-ils unjouren eux- meſmes;
Apres tous nos exploits divers,
Nousvoulons regler l'Univers,
Primer, &paffer pourdes Aigles,
Etnous n'avons ny Loix, ny Regles,
Nous laiſſant mener par le nez,
Commedes Ours infortunez.
Agiſſons mieux, puis que laGrece
Est i Oracle de la Sageffe,
LaMeredes Inventions,
Et l'Ecole des Nations;
Dans letemps &fiecle on noussommes,
Envoyons-y de braves Hommes,
Des Hommes d'élite &de choix,
Qus nous en rapportent les Loix,
Puisfur lesGreques Tablatures
Nouspouronsprendre nos mesures.
Auffitoft dit, auffitoftfait,
•On met ce projet en effet,
On députe, non point des Ruſtres,
Mais dix Hommes des plus illuftres,
Qui chargez d'un beau Compliment,
Fontvoile, &partentpromptement.
duMercure Galant. 379
On les reçoit, on les harangue,
Chacunfait merveille enſa Langue,
Et lesAmbassadeurs Romains
Fontsibien, qu'on met en leurs mains,
Comme endes mains conſidérables,
LesLoix qu'on nomme des dix Tables,
Loix pour laGuerre & pour la Paix,
Dont on doitparler à jamais.
Voila le beau préſent qu' Athenes,
La Ville du grand Démosthenes,
Fit à la Ville des Césars,
Avant que ces Enfans de Mars,
Dont lavaleurfutſansſeconde,
Fiffentfigure dans le monde.
Apres unfort legerSejour,
LesAmbassadeurs de retour,
Firent voir, tous brillans de gloire,
Les Loix écrites fur l'Yvoire,
Ce quise fit publiquement,
InRoftris, & pompeusement.
Un des dix, cefut Hermodore,
Eftimant qu'ilmanquoit encore
(Car chacun afa vifion
De reste &de provision)
১
Ii ij
380 Extraordinaire
Certaines choses fort notables .
Ala perfection des Tables,
Acesdix onadjoûta deux .
Leprojet estoit hazardeux,
Carilfalloit bien de l'adreſſe
Afin d'enchérirſur laGrece,
Dont chaqueLoy, dont chaque Edit
Pafſoit pour miracle d'efprit;
Mais comme il eſtoit habile Homme,
Ileut lesfuffrages de Rome,
EtcetEphéſien banny,
Detous les Romains fut beny .
Diſons, ce qu'on ne peut combatre,
Qu'un Esprit brillant en vaut quatre,
Etque luyſeulparson éclat
Peut entrainer tout un Senat.
Le Lecteur pourra voir le reste
Dans ce qu'on nomme vicil Digeste,
OuPandeîtes du Droit Civil,
Ouvragequi n'a rien devil,
Etdont les choses mémorables
Viennent des Loix des douze Tables.
:
du Mercure Galant. 381
1
A
Quesi l'on veut en cet endroit,
Pour l'intelligence du Droit,
Avoir la connoissance fine
DuDigeste, &de l'origine
Des Pandectes, voicy les noms
Conjointement, & lesſurnoms
Des Autheurs de ce digne Ouvrage
Où rien ne paroist que defages
Le grand SalviusJullian,
Æmilius Papinian,
Qu'on appelloit par excellence
Trésor de laJurisprudence;
Item, Mutius Scavola,
Souverain Pontife ; est-ce-là
Une baſſe Magistrature?
Sabinus,furnommé Mazure,
Qui lepremier publiquement
Soûtint du Droit pertinemment,
Preftant le collet&la nuque
Aqui s'enpritàſa perruque.
Alfenus Varrus Crémonnois,
Fut si bien inftruit dansles Loix,
382
Extraordinaire ۱
{
Qu'estantforty d'une Boutique,
Oud'Escarpins il fit fabrique,
De l'état d'un Homme privé,
Ildevint Conful achevé,
Et capablede grandes choses.
ODieu, quelles métamorphoses!
Nommons encor Antisthius,
Nerat, Sextus Pomponius,
Qui compoſaplusde Volumes
Quen'en écriroient mille plumes;
Celſe, Voluze Matian,
Et Domitius Ulpian,
CeTyrien mort en tumultes,
Le Prince desJurisconsultes;
Comme il eut l'esprit délicat,
Ilfut SecretairedEtat,
Heureux s'il n'eust pointfait la guerre
Au Roy du Ciel &de la Terre,
Enperfecutant les Chreftiens
Ducoſtédes corps & des biens;
Heureuxdanssa gloire mortelle,
S'il n'eustpoint brûlé d'un faux zele.
Adjoûtons le grand Zozius,
Et ledocte Oldendorpius.
du Mercure Galant. 383
Qui cherche de cette matiere
Une notion plus entiere,
LifeAccurse, Hermagenian,
Et le CodeJustinian.
Icy nous perdrons laparole,
Nommant Cujas, Balde, & Bartole,
Dont lenomfit bruit autrefois,
Etfait encore quelquefois .
Quelles font les qualitez neceffaires
pour la Converſation .
PArmy les Turcs & les Chroſtiens,
UnCritique qui veut toutfoûmettre àſa
mode,
Des Conversations est le grand Antipode,
Et leTyran public des plus beaux Entre
tiens.
Ades Gensfaits de cette forte,
On doit fermer la bouche aufſi-bienque
laporte.
Les Ennemisjurez de la Conclufion,
384
Extraordinaire
1
Aux plus bonneſtes Gens quifont confusion,
CesParleurs eternels qui ne sepeuvent
taire,
Qui perdent le respect & la discretion,
Dans une Conversation,
Ont encorle don dedéplaire.
D'ailleurs, ces Gens bornez, stupides,
taciturnes,
Dont lediscoursplus froidque la cendre
desUrnes
Eftfansfel &fans onction;
L'esprit estant àl'agonie,
Par leurpeu de parole, & leur peu de
génie,
Fontd'abord expirer la Conversation .
Ces Gens extravagans, ces Hommes à
lubie,
Plutoft que devenir au monde ſe montrer,
Feroient millefois mieux de s'aller retirer
4-
du Mercure Galant. 385
Dans les brûlans Deserts de l'affreuſe
Lybie,
Quede malfoûtenir la Converſation
Par leurhéteroclite & mauſſade action .
Mais, dira-t-on, quefaudroit-il donc
faire,
Afindese tirer heureusement d'affaire,
Etneſepas méprendre en cette occafion?
Quellesvertus paſſent pourſociables?
De quelles qualitez loüables
Faut- ilfaireproviſion?
Pourrendre un Entretien utile&déle-
Etable,
Ilfaut qu'on faſſe entrer dans ſonſujee
Qui n'ait rien de bas & d'abjet,
Unematiere profitable;
Qu'onyporte la bonne odeur,
Poury conserver l'innocence;
Qu'on évite ces mots qu'introduit la li
cence,
Etquifont rougir la pudeur.
Ilyfaut beaucoup de prudence,
Un esprit de docilité,
Q. deJuillet1682. KK
386
Extraordinaire
Une honneste affabilité ,
Une douce condescendance;
Jamais de termes offençans,
Famais d'inſulte, ou raillerie,
Jamais rien contre lebonsens,
Jamais traits de Pédanterie,
Banniſſant ce flux & reflux
Deparoles mal concertées,
Ces Epiſodes fuperflus
D'Hiſtorietes inventées,
Quifontfairemillefaux pas
Al'heure qu'on n'ypenſe pas.
Deplus, la charité qui noſtre bien ménage,
Ventqu'on épargne le Prochain,
Et l'honneurdeſon Souverain,
Quifut toûjours de Dieu laplusparfaite
Image.
Certe une Conversation,
De cette Sauce afſaiſonnée,
Doit avoir l'approbation
De toute Perſonne biennée.
du Mercure Galant. 387
On voudroit ſçavoir quel eſt
l'Autheur des Lunetes .
E
Ti Heureux &leMisérable,
N'ignorentpas ences bas lieux,
Quepour lafoibleſſe desyeux ,
La Lunete nouspreste unſecours favovorable;
Mais on nesçaitpas justement,
Quandpourfavoriser la venë,
Cette Machinefufpenduë
Fitſon premier effet dans le commencement.
Ce quesur ce sujet faut que ma Muse
en die,
Car autre chose n'enſçaispas,
Eftque le Poëte aux pieds plats,
Quiprit naiſſance à Sarfinnas,
En afaitmention dans une Comédie.
On tient mesme que Diogenes,
Kk ij
388
Extraordinaire
En cherchant enplein jour un Homme
dansAthenes,
Dans un empreffement des plus myſtérieux,
Pendant qu'il le cherchoit avecimpatience,
Pour s'avancerdans la Science,
Eut la Lanterne en main, &la Besicle
auxyeux.
Si lachose est ainsy , dès le temps des
Prophetes
On avoit mis au jour l'usage des Lu
netes;
Mais uſons de raisonnement,
Etprenons la chose autrement.
Si-toſt quedans le monde on voit des
yeuxmalades,
Tendres, ou affoiblispar la caducitě,
De ce Plastron brillant fut l'usage inventé,
Avant que l'on comptaſt par les Olym
piades,
Et cesecours officieux
du Mercure Galant. 389
N'avoit lien qu'à l'égard des Vieux .
Mais que dis-je aujourd'huy dans cette
Ville on Mars
Aveu naître & mourir tant defameux
Cefars,
Où l'on vous voit encor, Temple de la
Minerve?
LesGens à poilfolet, comme les vieux
Barbons,
Quoy que leurs yeux foient beaux &
bons,
Sefervent de Lunete , & l'appellent
Conferve.
Mais comme tout change icy-bas ,
De ces Lunetes dont l'optique
Se fait un jeu scientifique,
On en fait unſujet d'ébats,
Et tel penſevoir un miracle,
Qui nevoit qu'unſimpleſpéctacle.
L'une, d'un Nainfait un Géant ,
Et d'une Mouche un Eléphants
L'autre fait paroître un Anguille
Auſſi petite qu'une Aiguille,
Kk iij
390 Extraordinaire.
Une Citrouille comme un Poix,
Une Aloze comme un Anchois.
L'une approche l'Objet , & l'autre le
recules
L'autre, en multipliant l'Objet , trompe
Yles
sens ;
Tous ces plaiſirs font innocens,
Et tous ces paſſetempsſe prennentfans
Scrupule.
L. BOUCHET, ancien Curé
de Nogent le Roy.
Sur la queſtion de l'Opéra
de Perſée.
L
AcruautéSans-doute avecmoy
pointnée,
n'est
Cependant en amour jesuis tel que
Phinée.
Jeverrois ma Maîtreſſe expirerà mes
yeux,
Apres tous les tourmens que lafureur
inspires
du Mercure Galant. 391
Fe la verrois ſouffrir le plus rude martyre,
Plutoſt que de luy voir rendre un Rival
heureux.
1. B. GIRAULT .
1
Sur ce qu'on demande le Portrait
d'unHomme qui vit parfaitement
heureux .
V
MADRIGAL .
Ous souhaitez,Galant Mercure,
Que nousfaſſions d'un Homme la peinture,
Qui vitparfaitement heureux.
Pourmoy,je m'en excuse, &dis que je
nepeux.
Qui voudra préſumer trop de ſaſuffi-
Sance,
Pourra bien l'entreprendre, &lefera
tres-mal;
On a trop peu d'expérience,
Poury bien réussir, faute d'Original.
Kk iiij
392
Extraordinaire
AUTRE.
PoOuurrqquuiinousprenez-vous, Mercure?
Mafoy, contre vous l'on murmure.
Vous nous demandez des Portraits
Deceque l'on n'aveu jamais;
Ilfaut aller en l'autre Monde,
CeBienheureux n'estpointſur la terre,
&ſur l'onde,
Avant la mort, diſoit Solon.
Créſus l'éprouva bien dans son affli-
Etion.
GYGES,duHavre.
Les Cartes estoient le vray Mot
de la premiere Enigme du Mois
d'Aouft. Elles ont donné lieu auх
Explications que vous allez veir.
I.
ChereMuſe, refvons unpeu,
Ne fuyons pas commeles Parthes,
Battons le Fufil, faiſons feu;
du Mercure Galant. 393
Faute debien meſler les Cartes,
Le plus ſouvent on perd le jeu.
11.
POLYMENE.
Omme l'Enfant Royal que leCiel
Comme nous envoye,
Nous doit filer des jours de ſoye,
Dont l'aimable douceur ſe fera reffentir
Depuis ce beau climat juſqu'au Païs
des Parthes ;
Mercure, pour nous divertir,
Nous fait offre d'unJeu de Cartes.
L.Bouchet, ancien Curé
deNogent leRoy.
111.
Moy qui devine tous lesMois Les Enigmes fort à mon aiſe;
Sans pouvoir les trouver, j'endure cette
fois
Plus de mal qu'unPorteur deChaiſe,
Qui languit deflons ſon harnois .
En un mot je ſuis à la geſne;
Tu n'en croiras peut-eſtre rien,
394 Extraordinaire.
Mercure, & tu diras que jeles ſçaurois
bien,
Sij'en voulois prendre la peine;
Mais je fais tout mon entretien
Du ſoinde les trouver,&ma recherche
eſt vaine.
Non, je ne comprens pas ce que l'Autheur
entend;
Et s'il arrive d'avanture,
Quede ce que je fais tu ne fois pas
content,
Prens des Cartes, Monfieur Mercure.
DIEREVILLE, du Pont-Levesque.
cy- devant le Berger Alcidon,
du Fauxbourg S. Victor.
La mesme Enigme a esté expliquée
dans son vray sens par Meſſieurs
Corpel, de Champagne ; Pinchon,
de Rowen ; L' Albaniste, de la mesme
Ville ; Meſdemoiselles Hordeau , de
Courbeville, &de la Perriere, d'orleans.
du Mercure Galant. 395
On a encor expliqué cette Enigme
fur le Peigne , l'Arme à feu , la
Balle , le Claveſſin , le Chocola ,
& des Dez.
Le Mot de la seconde estoit la
Chaiſe. En voicy quelques Explications
en Vers .
1.
E cherchois par tout dans les
Cieux
Le Galant Meſſager des Dieux,
Où jele croyois à ſon aiſe;
Mais jettant lesyeux icy -bas,
Je le vis, en n'y penſantpas,
Aumilieu d'un beau Cercle, aſſis dans
C
une Chaiſe.
II .
RAULT, de Rouen.
Omme depuis fixmois à Mets je
fais ſejour,
Ville que vous ſçavez eſtre Ville fron
tiere,
Où l'on fait ſentinelle & la nuit, & le
{
jour,
396 Extraordinaire
MaMuſe adeviné voſtre Enigme premiere,
Endançant au ſon du Tambour.
Pour l'autre, ne vous en déplaiſe,
Laſſe enfin de dancer, quittant le Carrefour,
Pour ladeviner plus à l'aiſe,
Dans un lieu moins obſcur qu'un
Four,
Elle s'eſt miſedansſa Chaise.
L
111.
POLYMENE.
Enigmeme tourne ledos,
Me diſoit un Devin d'énigmatiques
Mots,
Que j'avois voulu mettre exprés ſur
cetteThefe.
Pointdu tout, répondis-je, & ne vous
plaignez pas ,
Voyez plutoſt , Mirtil, ( luy montrant
une Chaise)
Comment elle vous tendles bras .
La Blondine à l'Anagramme,
Sert à attacherleMonde choify,
de la Ruë Troufſfevache.
du Mercure Galant. 397
IV.
E ſuis une jeune Bergere,
Qui raifonne tout doucement ,
Et ne me fais point une affaire
De pouffer le raiſonnement .
Mille Gens ſe font des querelles,
Et s'échauffent mal- à-propos,
Pourmontrer que leurs Mots fidelles
Valent mieux que les autres Mots.
Pour moyquand je dis uneChaise.,..
Me contrediſe qui voudra ,
Je croiray, fans que je biaiſe,
Monfieur,tout ce qu'il vous plaira .
A... ROLIN, du Pré S. Gervais.
Ceux qui ont expliqué la mesme
Enigmefur la Chaise,fontMeſſfieurs
Leger de la Verbiſſonne ; F. Raguenet,
de Roüen ; Bourquelot ; De Corbgny,
dela Ruë de la Harpe ; De la
Ville aux Butes ; Hambly, de Caën;
Hordé, de Senlis; I. Buret, de Vitré
398 Extraordinaire -
en Bretagne ; Droüart de Roconval;
Le Chevalier Turpaut , de Niort en
Poitou; L'Inconnu , sur les Fofſſez
de l' Hostel de Condé ; Childebrand,
Gentilhomme deſon Païs ; Leſpirituel
Moret l'ainé, de la Ruë Pierre-
Sarrafin ; Daphnis D.L.R. N.S.A.
La belle Haymer.... du Petit Cloiſtre
Sainte Oportune ; & M. R. la Lyon.
noise , qui aime ſans l'ofer dire , du
mesme Cloiſtre ; L'aimable Acidalie
deTroyes ; La Brunete à l' Anagramme
, H. M. eſt à ſa Cour ; La Pa-
`risienne à l'Anagramme de Mine à
luire, de Bordeaux ; & la Beautéà
l'Anagramme, Ravit les Cooeurs .
On a encor expliqué cette Enigme
fur une Couche, de la Toille, &
un Bois de Lit.
Les Sonnets & les Madrigaux
que j'adjoûte , renferment les Mots
des deux Enigmes.
du Mercure Galant. 399
J
I.
E viens d'apprendre que Mercure
Vient de joüer aux Cartes dans ces
Lieux,
Et qu'il a tout perdu, juſques àſa voi-
で
ture.
De cela que diront les Dieux?
S'il eft contraint de retourner en
Chaife,
Je croy queJupiter n'en ſera pas ført
aife.
Mad. Du LORY, à l' Anagramme,
Libre d'amour, de la Ruë
duBac.
II.
Soyez le bien venu, Mercure,
Pour joüer un Piquetvous venez, j'en
fuisfeûre.
Qu'on apporte des Cartes, toſt;
Mercure, prenez une Chaiſe,
Point de cerémonie, & ne vous en
déplaiſe,
Que je vous capote bientoſt.
Mad.Rozon, de la Ruë auMaire
(
400
Extraordinaire
III.
On, pour me divertir, il n'eft pas
neceflaire
De Cartes,ny deDez, Monplaiſir le
plusdoux,
(Jeveux bienledire entrenous,
Mercure) eſt l'amoureuſe affaire.
Lors que tu voudras que chez toy
Jepallemon temps àmon aiſe,
Enmepréſentant une Chaife,
Il faudra faire aſſoir Climene aupres
demoy.
IV.
DAUBAINI,
AlifeenunegrandeChaife,
Pres avoir longtemps reſvé,
Joüant allez mal à monaife,
Le Motdes Cartes j'ay trouvé.
L'invention n'eſt pas commune,
Iris, l'honneur vous en eſt dû;
Jecroyqu'une telle fortune
Vautbien l'argent que j'ay perdu .
Mad. DE LANDELLEla Cadete.
du Mercure Galant. 401
V.
Ans. cetemps où toute la France
Detpleine derette
Que mille divertiſſemens
Tres-agreablement nous font paſſer
le temps,
UnJeu de Cartes n'eſt que tres-peu
neceflaire,
Et vous avez, cher Mercure Galant,
Demeilleurs préſens à nous faire.
De cetheureux Accouchement
La deſcription tant charmante
Eſt choſebien plus obligeante.
Pourmoy j'en ſuis ſi tranſporté
De joye, de plaifir, & d'aiſe,
Que fans Fauteüil, ny Chaife,
Jela lirois cent fois ſans en eſtre laſſe. -
DE MERVAL, de Morlaix.
Mon
VI.
On Iris me dit l'autrejour
Apres avoir un peu parlé de noftre
amour,
Tircis, devinez les Enigmes.
La Folete les ſçavoitbien.
Q.deJuillet1682. LI
402.
Extraordinaire
Pour luy plaire auſſitoſt j'en parcourus
lesrimes ,
Où je ne compris jamais rien.
Cela m'arrivepeu de meſime;
Mais je luy fis voir aiſément
Qu'on ne penſe qu'à fon tourment,
Lors qu'on eſt avec ce qu'on aime.
Elle connut mon embarras,
Et me voyant enfindans une peine
extréme,
Pour ne point t'empeſcher, dit-elle, je
m'en vas;
Et tandis que tu reſveras,
Pour joüer un Piquet, je chercheray
३
des Cartes.
Fort-bien, dis -je toutbas;
Mafoy, fi tu t'écartes,
Jene reſveraypas beaucoup.
Elle partit, je pris ſa Chaise,
Où me trouvant fort à mon aiſe,
Jeles devinay tout d'un coup .
DIEREVILLE,du Pont-Levesque,
cy-devant le Berger Alcidon,
du Fauxbourg S. Victor.
duMercure Galant. 403
Ceux dont les noms suivent, ont
expliqué les deux Enigmes dans leur
vray sens. Meffieurs Petit, de la
Rue Quinquempoix ; Dartigues,
Chap. de S. Eloy à Bordeaux ; Chrefrien
de la Maiſon, Maistre des Courviers
d'Auxerre ; Boifte Chevalier,
Rue aux Ours ; Avice, de Caën , Ruë
dela Harpe ; De Romainville ; Mef
demoiselles Magdelon Proüais ; Jeanneton
de Cligny, Fille de l'Intendant
des Poſtes de Troyes ; Ruau , de la
Paroiſſe de S. Sauveur ; Suzon Tabouret
; & Elizabeth Rabé ; Molina,
de la Ruë S. Denis ; Le Prophete Balaam
, de la Ville de Rennes ; Aston
Ogden ; Les deux Perfonnes de bien
unies de devant la Ruë deJérusalem
d'Arras ; Le Berger du Cotentin ; Le
conftant Solitaire, de Vitré en Bretagne
; Le Languedocien Brétonnisé,
Llij
404
Extraordinaire.
du mesme lieu ; Le Pere des quatre
Filles du Fauxbourg S. Victor ;Le
gaillard Boiteux ; De Sotteville, de
Châlons en Champagne; Nonon le
Baif, Ruëgroffe Horloge; L'aimable
Louiſon, proche la groffe Horloge de
Rouen ; & la Blondine trop fidelle
Amante.
:
QUESTIONS A DECIDER.
I.
LEquel eft le plus à
eftimer , de
l'Homme de Converſation, ou de
celuy de Cabinet .
11.
Si la Vengeance produit de plus
dangereux effets dans le coeur d'une
Femme irritée , que dans celuy d'un
Homme offence.
III.
S'il eſt mieux ſéant à un Chreftien
duMercure Galant .
405
de ſe marier, que de ſe retirer dans un
. Convent ; & fi un Homme eftant
marié , peut auſſi bien ſervir Dieu,
qu'un'.Homme qui eſt retiré dans un
Monastere.
IV.
Quel est le lieu qui unit le Corps
àl'Ame.
V.
Si l'ufage de la Perruque eſt plus
commode, & plus utile pour la ſanté,
que les Cheveux naturels.
It me reſte pluſieurs Réponses aux
Questions proposées dans le dernier Extraordinaire.
Ceux qui se donnent la
peine d'écrire , envoyent souvent leurs
Ouvrages trop tard , & c'est ce qui
oblige àles referver pour un autre temps.
Jesuis vostre&c.
AParis ce 15. Octobre 1682.
L
Avis pour placer les Figures.
Apremiere Planche doit regarder
lapage 151 .
La ſeconde Planche doit regarder
lapage226.
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305
Qualité de la reconnaissance optique de caractères