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Titre

Réflexions sur la sixiéme observation que le sieur Darluc, Médecin de Callian, a fait insérer dans le premier volume du Mercure de Juin.

Titre d'après la table

Réflexions sur la sixiéme observation que M. Darluc, Médecin de Callian, a fait insérer dans le Mercure,

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187
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708
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191
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712
Incipit

Si tout écrivain est obligé de prendre la vérité pour guide, nul ne contracte

Texte
Réflexions fur la fixiéme obfervation que le
fieur Darluc , Médecin de Callian , a
fait inférer dans le premier volume du
Mercure de Juin.
Sla
vérité
I tout écrivain eft obligé de prendre
la vérité pour guide , nul ne contracte
plus étroitement cette obligation que celui
qui écrit pour l'inftruction du public , &
pour le bien de la fociété . Plus on eft louable
par le motif que l'on fe propofe , plus
on eft blamable quand on s'écarte des bornes
de la vérité .
J'avoue qu'en lifant les obfervations
que M. Darluc , Médcin de Callian , a fait
inférer dans le Mercure du mois de Juin $
je fus fort édifié du zéle qui l'animoit , &
des fentimens qu'il y étaloit fous l'enveloppe
de la modeftie ; mais en jettant les
yeux fur la fixiéme obfervation , j'eus
beaucoup à rabattre de cette premiere idée.
Elle roule fur un fait dont j'ai été témoin ,
que M. Darluc a accommodé à fa guife
pour en faire une obfervation qui augmentât
le nombre des autres , & leur donnât
du poids.
&
L'Obfervateur devoit plus de juftice
1
188 MERCURE DE FRANCE.
à ·la vérité qu'il a fardée avec art , & à moi
qu'il a déprimé avec une habileté maligne.
L'honneur m'engage à rendre compte aú
public de ma conduite pour me juftifier à
fes yeux , & l'amour de la vérité veut que
j'expoſe ingénuement le fait , afin que ce
même public réduife l'obſervation à fa
jufte valeur.
Ce fut au mois de Septembre 1754 ,
que je fus appellé pour traiter la fille du Sr
Ferran , Aubergifte de la ville de Graffe ,
mordue par un chien au métacarpe gauche.
Cette morfure étoit fort légere , quoiqu'en
dife l'obfervateur , elle n'intéreffoit
que la peau.
Cependant , comme en pareil cas rien
n'eſt à négliger , & que tout peut tirer à
conféquence , je traitai cette maladie avec
toute la précaution poffible. Mon premier
foin fut de faire des fcarifications , & une
ligature au-deffus du poignet , & je laiſſai
faigner la partie plus de tems même que ne
demandoit l'état de la maladie. Je lavai la
main avec une eau thériacale , j'appliquai
enfuite fur la plaie , partie égale de thériaque
& d'huile de fcorpion. Quelque
tems après j'employai pendant huit à dix
jours un doux fuppuratif , qui n'empêcha
pourtant pas la playe de fe confolider. En
me fervant de ces topiques , je ne manquai
SEPTEMBRE. 1755 189
point de donner à la malade les antidotes
convénables. Les remédes ainfi adminif
trés , étoient , comme l'on voit , plus que
fuffifans pour remédier à tout inconvé
nient , fuppofé même que la maladie n'eût
pas été équivoque.
On peut fe perfuader aifément que M.
Darluc , appellé fur cette entrefaite , ne
pouvoit manquer d'avoir beau jeu . Il fut
préfenté au fieur Ferran par fon maître de
Mufique , comme un renommé guériffeur
de la rage. Le Chirurgien ne fut point
appellé , ce qui affurement n'eft pas une
preuve de la prudence du Médecin ;
auffi n'agit- il que par maniere d'acquit.
Je ne fçais comment il ofe avancer que la
cicatrice de la plaie étoit fort douloureuſe ;
puifque de l'aveu de tous les parens , la
malade n'y a jamais reffenti la moindre
douleur : convenons auffi que fes remédes
euſſent éte bien infuffifans , fi la perfonne
eût été réellement hydrophobique.
1°. La pommade mercurielle étoit en
trop petite quantité pour produire l'effet
qu'on s'en promettoit . Il eft certain que
dans quinze jours le virus devoit avoir
fait bien des progrès , & avoir impreigné
toute la maffe des humeurs , par conféquent
fuffiroit- il de faire quelques légeres
frictions fur la partie offenſée ?
190 MERCURE DE FRANCE.
2º . Les frictions furent faites par la
mere de la fille ; rare prudence de la part
du Médecin , de confier à une femme cette
opération délicate , & d'où il fait dépendre
la guérifon de la maladie !
3 °. La malade ne fut affujettie à aucune
eſpèce de régime.
Le turbith minéral , dont l'obfervateur
faifoit un fecret de l'air , n'a du tout point
été pris par la fille , fes parens ayant affez
de lumiere pour comprendre l'inutilité &
le danger de ce remède donné à un âge
fi tendre ( environ quatre ans. )
Au furplus M. Darluc auroit dû , avant
que d'employer fon prétendu fpécifique ,
prendre les informations néceffaires , il
auroit appris que le même chien , qu'il dit
vraisemblablement enragé , ne l'étoit vraifemblablement
pas ; puifqu'il en avoit
mordu bien d'autres qui ne le furent jamais
: D'ailleurs , m'étant enquis avec ſoin
de tout ce qu'avoit fait ce chien , je n'ai
pas pû tirer la moindre induction qu'il
fut attaqué de la rage.
Voilà en abrégé l'hiftoire véritable de
tout ce qui s'eft paffé au fujet de cette prétendue
maladie . J'ai crû que la justice &
la vérité exigeoient de moi cet élairciffement.
Je n'ai pas prétendu par - là nuire à
la réputation de M. Darluc , qui peut être
SEPTEMBRE. 1755. 191
d'ailleurs un homme très- eftimable . Je ne
voudrois pas même que l'on mît fes autres
obfervations en parallele avec celle - ci ,
je voudrois feulement , je ne m'en cache
point , le rendre plus exact obfervateur &
plus équitable juge.
Crefp , Doyen des Maîtres
en Chirurgie.
A Graffe , ce 5 Juillet 1755 .
Signature

Cresp, Doyen des Maîtres en Chirurgie. A Grasse, ce 5 Juillet 1755.

Nom
Genre
Collectivité
Faux
Lieu
Date, calendrier grégorien
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Provient d'un lieu
Soumis par kipfmullerl le