Titre
LETTRE de M.... sur la Continuation des Memoires du R. P. Niceron.
Titre d'après la table
Memoires du P. Niceron, sur les Hommes Illustres, &c.
Fait partie d'une livraison
Fait partie d'une section
Page de début
729
Page de début dans la numérisation
330
Page de fin
741
Page de fin dans la numérisation
342
Incipit
Les Memoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres dans la
Texte
LETTRE de M.... sur la Continuation
des Memoires du R. P. Niceron.
L
Es Memoires pour servir à l'Histoire
des Hommes Illustres dans la
Képublique des Lettres , &c. continuent ,
Monsieur , d'être publiez ici avec succès
, et c'est toujours le sieur Briasson ,
Libraire , rue S. Jacques , qui les imprime.
J'ai à vous parler ici du XXII. votume
, vous ayant rendu compte de tous
les précedens.
C'est toûjours le même plan et le même
ordre , ainsi il me suffira de vous
dire que ce Tome , de 410. pages sans
les Tables , contient la Vie et le Catalogue
de 45. Sçavans , entre lesquels j'ai
choisi Auger Gislen de Busbeg , comme
un sujet qui , je m'assure , sera de votre
goût , et qui conviendra d'ailleurs pour
ne point trop exceder les bornes d'une
Lettre. Voici comment en parle notre
Auteur , page 350. de son Livre.
AUGER Gislen de Busbeq , naquit Fan
15220
730 MERCURE DE FRANCE
1522. à Comines en Flandres sur la Lys,
et fut fils naturel de Gilles Gislen , Seigneur
de Busbeq , Château sur la Lys
entre Comines et Menin , qui l'eut d'une
fille de basse condition .
Les heureuses dispositions qu'il fit voir
dès sa premiere jeunesse pour les Sciences
, engagerent son pere , qui l'élevoit
dans sa maison , à ne rien oublier pour
son instruction , et à le faire légitimer
par un Rescrit de l'Empereur Charles
Quint.
Il l'envoya étudier dans les plus celebres
Universitez , à Louvain , à Paris ,
à Venise , à Boulogne et à Padoüe , et
le jeune Busbeq fit de grands progrès
dans toutes ces Villes sous les fameux
Professeurs qu'il y suivit.
>
En 1554 il fut en Angleterre à la suite
de Pierre Lasso , que Ferdinand , Roy des
Romains , y envoyoit en Ambassade
pour assister aux Nôces de la Reine Marie
avec Philippe , fils de l'Empereur
Charles-Quint , qui se celebrerent le 5 .
Juillet 1554.
De retour en Flandres , il reçut à Lille
le 3. Novembre suivant , une Lettre de
Ferdinand par laquelle ce Prince lui
marquoit de se rendre à Vienne , pour
aller en Ambassade à Constantinople.
"
II
AVRIL 1734 731
Il ne differa de partir qu'autant de
temps qu'il lui en fallut pour aller dire
adieu à son Pere , que Valere André
peu exact sur son chapitre , a supposé
mal à propos , mort en ce temps - là ;
aussi bien qu'à ses amis.
Arrivé àVienne , il en partit aussi - tôt
pour Constantinople , où il arriva le
20. Janvier 1555. Soliman II . étoit alors
à Amasie à la tête de son Armée , et ayant
sçû son arrivée , il lui fit dire de le venir
trouver.
Il sortit de Constantinople le 5. Mars
et arriva auprès du Grand Seigneur le
7. Avril ; mais il n'eut pas grande satisfaction
de lui .
Il avoit été envoyé à la Porte pour
y demeurer en qualité d'Ambassadeur
ordinaire ; cependant il y fit très peu
de séjour. Il ne put obtenir de Soliman
qu'une Tréve de six mois ; et on jugea
à propos qu'il retournât promptement
vers Ferdinand , pour lui porter la Lettre
de l'Empereur Turc.
Il partit donc d'Amasie le 2. Juin , et
eut presque toujours la fievre jusqu'au 24.
qu'il arriva à Constantinople , d'où après
quatorze jours de repos , il reprit le chemin
de Vienne.
Le Roy des Romains le renvoya au
mois
732 MERCURE DE FRANCE
mois de Novembre à Constantinople ,
où il arriva en Janvier 1556.
Cette seconde Ambassade fut plus longue
et plus heureuse que la premiere ;
car elle dura sept ans , et finit par un
Traité contenant une Tréve de huit ans:
Busbeq , quoiqu'appliqué aux affaires
de son Ambassade , ne laissa pas de travailler
pendant son séjour en Turquie
pour la République des Lettres . Il ramassoit
des Inscriptions , acheptoit des
Manuscrits , recherchoit les Plantes rares
, et s'informoit de la nature des Animaux.
A ce second voyage il avoit mené
avec lui un Peintre , pour dessiner les
Plantes et les Animaux qui nous sont
inconnus ; et il communiqua dans la suite
ces Desseins à Pierre- André Mathiole',
qui en fit qui en fit usage dans les Livres qu'il
donna au Public.
Quelques- uns se sont imaginez que
Mathiole avoit été à son service , fondez
sur la quatriéme Lettre de Busbeq ,
écrite en 1562. où il est dit : Nihil pene
stirpium neque herbarum retuli , nisi depictarum,
quas Mathiolo servo mandaram,
et alia pleraque , & c. mais il est visible
que la ponctuation est vicieuse dans cet
endroit , et qu'il faut lire : quas Mathiolo
servo, Mandaram et alia pleraque, & c.
Fest
AVRIL. 1734:
733
c'est-à - dire qu'il gardoit ces Desseins
pour Mathiole. Ajoûtez à cela que Mathiole
dit dans l'Epitre Décicatoire de
son Commentaire sur Dioscoride , écrite
l'an 1568. qu'il y avoit 17. ans de suite
qu'il étoit Medecin de Ferdinand d'Autriche
, second fils de Maximilien I. II
a donc commencé à l'être en 1551. et
n'a pû durant ce temps servir Busbeq .
Busbeq eut pendant son séjour en Turquie
un Medecin , dont il est bon do
dire quelque chose. Il s'appelloit Guillaume
Quacquelben , et étoit natif de
Courtray en Flandres. Il fut appellé en
1548. de Louvain pour professer la Medecine
à Vienne en Autriche . Il passa
de-là à Constantinople en 1552. et y
mourut en 1561. C'étoit un homme de
Lettres , et curieux en Médailles , et Busbeq
assure dans ses Lettres , que la République
des Lettres perdit par sa mort
quantité de Remarques curieuses qu'il
vouloit mettre au jour. Mathiole , dans
ses Observations sur Dioscoride , reconnoît
qu'il lui en avoit envoyé plusieurs
qu'il avoit inserées dans son Ouvrage.
Ce Medecin avoit pour principe qu'il ne
falloit pas craindre la Peste , parce que
la crainte seule pouvoit la donner ; cependant
il la gagna et en mourut sans
vouloir
734 MERCURE DE FRANCE
vouloir presque démordre de son prémier
sentiment. Busbeq le croyoit capable
de tenir sa place à Constantinople
, quand il en seroit parti .
Busbeq ayant terminé les affaires qui
l'avoient amené en Turquie , partit de
Constantinople à la fin du mois d'Août
de l'an 1562. avec Ebrahim Strotschen ,
Polonois , que Soliman II. envoyoit à
l'Empereur Ferdinand II . et arriva en
Autriche au commencement d'Octobre;
mais comme l'Empereur étoit alors à la
Diette de Francfort , il s'y transporta par
ses ordres pour lui rendre compte de
ses Négociations . Son dessein étoit de
passer après cela le reste de ses jours dans
une vie privée ; mais il fallut qu'il se
rembarquât plus que jamais à la Cour.
On lui confia le gouvernement des
jeunes Princes , fils de Maximilien II .
que ce Prince , devenu Empereur par la
mort de Ferdinand I. son Pere , arrivée
le 25. Juillet 1564. envoya en Espagne
auprès de Philippe II. leur Oncle , sous
sa conduite .
Lorsque la Princesse Elisabeth d'Autriche
, fille du même Empereur Maximilien
, fut mariée en 1570. avec Char
les IX. Roy de France , il fut chargé
de la conduire dans ce Royaume , et demeura
AVRIL 1734 735
meura auprès d'elle , avec l'Intendance
de sa Maison et de ses affaires ; et quand
cette Princesse sortit de France après la
mort de son Mary , arrivée le 30. May
1574. elle l'y laissa pour y avoir soin de
ses affaires.
·
L'Empereur Rodolphe II . le choisit
aussi pour être son Ambassadeur à la
Cour de France ; et l'on a les Lettres qu'il
lui écrivit en cette qualité depuis le 25.
Mars 1582. jusqu'à la fin de 1585.
En 1592. il obtint de l'Empereur un
Congé de six mois pour faire un voyage
en Flandres , où sa presence étoit nécessaire
par rapport à ses affaires domestiques.
Mais quoiqu'il eût pris pour faire
ce voyage plus sûrement , des passeports
du Roy et de la Ligue , il fut volé et
maltraité dans le Village de Cailly à quatre
lieues de Rouen , par un Parti de
Ligueurs , qui cependant , sur les représentations
qu'il leur fit par rapport à son
caractere , le laisserent libre et lui rendirent
tout ce qu'ils lui avoient pris.
Le Gouverneur de Rouen ayant sçû
cette avanture , lui en fit des excuses et
lui promit de punir ceux qui l'avoient
insulté , mais Busbeq lui répondit qu'il
songeoit plutôt à se tranquiliser l'esprit
qu'à se venger de l'injure qu'on avoit
faite à sa qualité.
736 MERCURE DE FRANCE
Il ne continua pas cependant son voyage
; car se sentant incommodé , il se fit
porter au Château de Mailloc , dans le
voisinage de Cailly.
Il y mourut onze jours après , le 28.
Octobre 1592. âgé d'environ 70. ans.Son
corps fut enterré honorablement dans
l'Eglise du Lieu , et son coeur fut porté
aux Bays - Bas , pour y être mis dans le
Tombeau de ses Ancêtres.
Le bruit courut alors qu'il avoit été
tué dans un bois par des voleurs , et c'est
conformément à ce bruit qu'en ont parlé
Philippe Camérarius dans ses Méditations
historiques, Scaliger, dans le Scaligeriana,
et Juste Lipse , dans l'Epitaphe qu'il lui
a faite.
L'Archiduc Albert , Gouverneur et
puis Souverain des Pays - Bas Epagnols ,
érigea en Baronie la Terre de Busbeq ,
pour honorer la mémoire de son Gouverneur
et lui témoigner sa reconnoissance.
Maximilien , Pere de ce Prince ,
lui avoit conferé l'Ordre de Chevalerie ,
et les Lettres Patentes qu'il lui accorda
pour cela , le 3. Avril 1554. lui sont très .
honorables .
Il avoit eu dessein de se fixer en Fran
ce , dont le séjour lui plaisoit extréme
ment , et il y avoit dans ce dessein acheté
quelques Terres.
AVRIL. 1734. 737
On dit qu'il parloit sept Langues en
perfection , la Latine l'Italienne , la
Françoise , l'Espagnole , l'Allemande , la
Flamande et la Sclavone.
>
Catalogue de ses Ouvrages.
1. Itinera II. Constantinopolitanum , et
Amasianum. Antuerpia , 1581. in 8. Ces
Voyages sont contenus en deux Lettres
que Busbeq adressa à NicolasMicaut , Sieur
d'Indevel , avec qui il avoit autrefois
étudié en Italie. Louis Carrion , qui en
fit faire cette premiere Edition , la dédia
au même Micaut.
2. Legationis Turcice Epistola quatuor,
quarum priores due prodierunt sub titulo
itinerum Constantinopolitani et Amasiani.
Paris. 1595. in 8. Il y a plusieurs autres
Editions de ces Lettres. Dans celle de
Francfort de l'an 1605. in 8. on a ajoûté
l'Ambassade d'Ebrahim Strotschen , dont
j'ai parlé cy-dessus. Ces Lettres qui sont
très-curieuses et très - instructives ont
été traduites en François sous ce titre :
Ambassades et Voyages en Turquie et Amasie
, de M. Busbequius , depuis l'an 1554.
jusqu'en 1562. traduit du Latin par le
S. Gaudon. Paris 1646. in 8. On en a
aussi une Traduction Allemande , imprimée
à Francfort en 1596. in 8.
3.
738 MERCURE DE FRANCE
3. De re Militari contra Turcam instituenda
Consilium A la suite des Lettres
sur son Ambassade de Turquie , tant
dans la premiere Edition de 1681. que
dans les suivantes. Item. à la page 18 .
du quatrième volume du Recueil de Nicolas
Reusner , intitulé : De Bello Turcico
selectissima Orationes et Consultationes.
Leipsia , 1596. in 4. Busbeq avoit examiné
avec beaucoup de soin l'état de la
Monarchie Ottomane et les veritables
moyens de l'attaquer avec succès
c'est ce qui fait la matiere de ce petit
Discours.
›
3
4. Augerii Gislenii Busbequii , Casaris
apud Regem Gallorum Legati , Epistola ad
Rudolphum. II. Imperatorem. è Bibliotheca
Joannis Bapt. Houvart J. C. Patricii
Bruxellensis. Louvanii , 1630. in 8.
Ces Lettres , qui sont au nombre de 53 .
s'étendent depuis le 25. Mars 1582. jusqu'à
la fin de 1585. elles ont été tradui .
tes en François par M. l'Abbé Bechet ;
Chanoine d'Usez , natif de Clermont en
Auvergne , Auteur de la Vie du Cardinal
Martinuzius , mort en 1722. âgé de
73. ans , et cette Traduction a été inserée
dans le II . Tome des Memoires de
Litterature du P. Desmolets , pag. 249 .
» Ces Lettres , dit Vigneul de Marville ,
Tom .
AVRIL. 1734. 739
❤
>
» Tom. I. de ses Melanges , pag. 52. sont
>> mieux remplies et plus utiles que celles
de Bongars . C'est un Portrait au
>> naturel des affaires de France sous le
» Regne de Henry III . Il raconte les cho-
» ses avec une naïveté si grande qu'elies
semblent se passer sous nos yeux . On ne
» trouve point ailleurs tant de faits his-
» toriques on si peu de discours . Les
» grands mouvemens comme la conspiration
d'Anvers et les petites intri-
» gues de la Cour y sont également bien.
marqués. Les attitudes , pour ainsi dire ,
» dans lesquelles il met Henry III , la .
» Reine Mere , le Duc d'Alençon , le Roy
» de Navarre , la Reine Marguerite , le
>> Duc de Guise , le Duc d'Epernon , et
» les autres Courtisans et Favoris de ce
» temps - là,nous les montrent du côté qui
» nous en découvre , à coup sûr , le fort
» et le foible , le bon et le mauvais. En
un mot , les Lettres de Busbeq sont un
modele de bien écrire pour les Ambassadeurs
qui rendent compte à leurs
Maîtres de ce qui se passe dans les
Cours où ils résident .
>>
5. Omnia quæ extant , seu Epistola ipsius
Legationum et alii Tractatus historici , et
Politici. Lugd. Bat. Elzevir , 1633. in 24.
Item . Amstelodami. Elzevir , 1660. in 24.
Voyez
740 MERCURE DE FRANCE
Voyez ses Lettres . C'est- là qu'on trouve
un détail exact de ce qui le regarde.
Bayle , Dictionnaire , son article est fait
avec beaucoup de soin. Tous les autres
Auteurs qui ont parlé de lui, sont tombez
dans des fautes grossieres et ont donné
une Relation de sa Vie , qui contredit
souvent ce qu'on trouve dans ses Let
tres. Tels sont les suivants. Valere André
, Bibliotheca Belgica : l'Auteur de sa
Vie qui est à la tête de ses Lettres à l'Empereur
Rodolphe , et que M. l'Abbé Bechet
a traduite de même que les Lettres.
Melchioris Adami vita Jurisconsultorum
Germanorum. p. 145. Freheri Theatrum Virorum
Doctorum , p. 931. Bullart , Académie
des Sciences , Tom. I. p. 80. Les
Eloges de M. de Thou , et les Additions
de Teissier.
Les autres Sçavans qui remplissent ce Volume
sont, Barthelemi Aneau, Elie Ashmole
,Jean d'Aubry, Guillaume de Baillou, Jacques
de Billy,Geoffroy et Jean de Billy, Adam
Blacvod , Edouard Brereword,RobertBurhill,
Louis Cappel, Louis Cappel lejeune,Jacques
Cappel, Scipion Carteromaco , Jacques Cassagne
, Antoine de Chandien, Nicolas Cisner,
Gaspard Contarini, Martin Antoine Delrio,
Antoine Densingius, Jeremie Drexelius,Jean
Drusius,Varino Favorino,Jean Gelida, Gilbert
AVRIL. 1734. 741
"
bert Genebrard, François Godwin , Laurent
Humphrey , Jean Marsham , Nicolas Hugues
Menard , Isaac Newton , François
Pinsson Arnaud de Pontac , Antoine
Possevin , Pierre du Ryer , François Sansovino,
J.Théodore Schenkius , Joseph Marie
Suarez , Paul et François Tallemant ,
J. F. Foy Vaillant , N. Durand de Villegagnon
, Burcher de Volder , Adolphe et
Everard Vorstius.
des Memoires du R. P. Niceron.
L
Es Memoires pour servir à l'Histoire
des Hommes Illustres dans la
Képublique des Lettres , &c. continuent ,
Monsieur , d'être publiez ici avec succès
, et c'est toujours le sieur Briasson ,
Libraire , rue S. Jacques , qui les imprime.
J'ai à vous parler ici du XXII. votume
, vous ayant rendu compte de tous
les précedens.
C'est toûjours le même plan et le même
ordre , ainsi il me suffira de vous
dire que ce Tome , de 410. pages sans
les Tables , contient la Vie et le Catalogue
de 45. Sçavans , entre lesquels j'ai
choisi Auger Gislen de Busbeg , comme
un sujet qui , je m'assure , sera de votre
goût , et qui conviendra d'ailleurs pour
ne point trop exceder les bornes d'une
Lettre. Voici comment en parle notre
Auteur , page 350. de son Livre.
AUGER Gislen de Busbeq , naquit Fan
15220
730 MERCURE DE FRANCE
1522. à Comines en Flandres sur la Lys,
et fut fils naturel de Gilles Gislen , Seigneur
de Busbeq , Château sur la Lys
entre Comines et Menin , qui l'eut d'une
fille de basse condition .
Les heureuses dispositions qu'il fit voir
dès sa premiere jeunesse pour les Sciences
, engagerent son pere , qui l'élevoit
dans sa maison , à ne rien oublier pour
son instruction , et à le faire légitimer
par un Rescrit de l'Empereur Charles
Quint.
Il l'envoya étudier dans les plus celebres
Universitez , à Louvain , à Paris ,
à Venise , à Boulogne et à Padoüe , et
le jeune Busbeq fit de grands progrès
dans toutes ces Villes sous les fameux
Professeurs qu'il y suivit.
>
En 1554 il fut en Angleterre à la suite
de Pierre Lasso , que Ferdinand , Roy des
Romains , y envoyoit en Ambassade
pour assister aux Nôces de la Reine Marie
avec Philippe , fils de l'Empereur
Charles-Quint , qui se celebrerent le 5 .
Juillet 1554.
De retour en Flandres , il reçut à Lille
le 3. Novembre suivant , une Lettre de
Ferdinand par laquelle ce Prince lui
marquoit de se rendre à Vienne , pour
aller en Ambassade à Constantinople.
"
II
AVRIL 1734 731
Il ne differa de partir qu'autant de
temps qu'il lui en fallut pour aller dire
adieu à son Pere , que Valere André
peu exact sur son chapitre , a supposé
mal à propos , mort en ce temps - là ;
aussi bien qu'à ses amis.
Arrivé àVienne , il en partit aussi - tôt
pour Constantinople , où il arriva le
20. Janvier 1555. Soliman II . étoit alors
à Amasie à la tête de son Armée , et ayant
sçû son arrivée , il lui fit dire de le venir
trouver.
Il sortit de Constantinople le 5. Mars
et arriva auprès du Grand Seigneur le
7. Avril ; mais il n'eut pas grande satisfaction
de lui .
Il avoit été envoyé à la Porte pour
y demeurer en qualité d'Ambassadeur
ordinaire ; cependant il y fit très peu
de séjour. Il ne put obtenir de Soliman
qu'une Tréve de six mois ; et on jugea
à propos qu'il retournât promptement
vers Ferdinand , pour lui porter la Lettre
de l'Empereur Turc.
Il partit donc d'Amasie le 2. Juin , et
eut presque toujours la fievre jusqu'au 24.
qu'il arriva à Constantinople , d'où après
quatorze jours de repos , il reprit le chemin
de Vienne.
Le Roy des Romains le renvoya au
mois
732 MERCURE DE FRANCE
mois de Novembre à Constantinople ,
où il arriva en Janvier 1556.
Cette seconde Ambassade fut plus longue
et plus heureuse que la premiere ;
car elle dura sept ans , et finit par un
Traité contenant une Tréve de huit ans:
Busbeq , quoiqu'appliqué aux affaires
de son Ambassade , ne laissa pas de travailler
pendant son séjour en Turquie
pour la République des Lettres . Il ramassoit
des Inscriptions , acheptoit des
Manuscrits , recherchoit les Plantes rares
, et s'informoit de la nature des Animaux.
A ce second voyage il avoit mené
avec lui un Peintre , pour dessiner les
Plantes et les Animaux qui nous sont
inconnus ; et il communiqua dans la suite
ces Desseins à Pierre- André Mathiole',
qui en fit qui en fit usage dans les Livres qu'il
donna au Public.
Quelques- uns se sont imaginez que
Mathiole avoit été à son service , fondez
sur la quatriéme Lettre de Busbeq ,
écrite en 1562. où il est dit : Nihil pene
stirpium neque herbarum retuli , nisi depictarum,
quas Mathiolo servo mandaram,
et alia pleraque , & c. mais il est visible
que la ponctuation est vicieuse dans cet
endroit , et qu'il faut lire : quas Mathiolo
servo, Mandaram et alia pleraque, & c.
Fest
AVRIL. 1734:
733
c'est-à - dire qu'il gardoit ces Desseins
pour Mathiole. Ajoûtez à cela que Mathiole
dit dans l'Epitre Décicatoire de
son Commentaire sur Dioscoride , écrite
l'an 1568. qu'il y avoit 17. ans de suite
qu'il étoit Medecin de Ferdinand d'Autriche
, second fils de Maximilien I. II
a donc commencé à l'être en 1551. et
n'a pû durant ce temps servir Busbeq .
Busbeq eut pendant son séjour en Turquie
un Medecin , dont il est bon do
dire quelque chose. Il s'appelloit Guillaume
Quacquelben , et étoit natif de
Courtray en Flandres. Il fut appellé en
1548. de Louvain pour professer la Medecine
à Vienne en Autriche . Il passa
de-là à Constantinople en 1552. et y
mourut en 1561. C'étoit un homme de
Lettres , et curieux en Médailles , et Busbeq
assure dans ses Lettres , que la République
des Lettres perdit par sa mort
quantité de Remarques curieuses qu'il
vouloit mettre au jour. Mathiole , dans
ses Observations sur Dioscoride , reconnoît
qu'il lui en avoit envoyé plusieurs
qu'il avoit inserées dans son Ouvrage.
Ce Medecin avoit pour principe qu'il ne
falloit pas craindre la Peste , parce que
la crainte seule pouvoit la donner ; cependant
il la gagna et en mourut sans
vouloir
734 MERCURE DE FRANCE
vouloir presque démordre de son prémier
sentiment. Busbeq le croyoit capable
de tenir sa place à Constantinople
, quand il en seroit parti .
Busbeq ayant terminé les affaires qui
l'avoient amené en Turquie , partit de
Constantinople à la fin du mois d'Août
de l'an 1562. avec Ebrahim Strotschen ,
Polonois , que Soliman II. envoyoit à
l'Empereur Ferdinand II . et arriva en
Autriche au commencement d'Octobre;
mais comme l'Empereur étoit alors à la
Diette de Francfort , il s'y transporta par
ses ordres pour lui rendre compte de
ses Négociations . Son dessein étoit de
passer après cela le reste de ses jours dans
une vie privée ; mais il fallut qu'il se
rembarquât plus que jamais à la Cour.
On lui confia le gouvernement des
jeunes Princes , fils de Maximilien II .
que ce Prince , devenu Empereur par la
mort de Ferdinand I. son Pere , arrivée
le 25. Juillet 1564. envoya en Espagne
auprès de Philippe II. leur Oncle , sous
sa conduite .
Lorsque la Princesse Elisabeth d'Autriche
, fille du même Empereur Maximilien
, fut mariée en 1570. avec Char
les IX. Roy de France , il fut chargé
de la conduire dans ce Royaume , et demeura
AVRIL 1734 735
meura auprès d'elle , avec l'Intendance
de sa Maison et de ses affaires ; et quand
cette Princesse sortit de France après la
mort de son Mary , arrivée le 30. May
1574. elle l'y laissa pour y avoir soin de
ses affaires.
·
L'Empereur Rodolphe II . le choisit
aussi pour être son Ambassadeur à la
Cour de France ; et l'on a les Lettres qu'il
lui écrivit en cette qualité depuis le 25.
Mars 1582. jusqu'à la fin de 1585.
En 1592. il obtint de l'Empereur un
Congé de six mois pour faire un voyage
en Flandres , où sa presence étoit nécessaire
par rapport à ses affaires domestiques.
Mais quoiqu'il eût pris pour faire
ce voyage plus sûrement , des passeports
du Roy et de la Ligue , il fut volé et
maltraité dans le Village de Cailly à quatre
lieues de Rouen , par un Parti de
Ligueurs , qui cependant , sur les représentations
qu'il leur fit par rapport à son
caractere , le laisserent libre et lui rendirent
tout ce qu'ils lui avoient pris.
Le Gouverneur de Rouen ayant sçû
cette avanture , lui en fit des excuses et
lui promit de punir ceux qui l'avoient
insulté , mais Busbeq lui répondit qu'il
songeoit plutôt à se tranquiliser l'esprit
qu'à se venger de l'injure qu'on avoit
faite à sa qualité.
736 MERCURE DE FRANCE
Il ne continua pas cependant son voyage
; car se sentant incommodé , il se fit
porter au Château de Mailloc , dans le
voisinage de Cailly.
Il y mourut onze jours après , le 28.
Octobre 1592. âgé d'environ 70. ans.Son
corps fut enterré honorablement dans
l'Eglise du Lieu , et son coeur fut porté
aux Bays - Bas , pour y être mis dans le
Tombeau de ses Ancêtres.
Le bruit courut alors qu'il avoit été
tué dans un bois par des voleurs , et c'est
conformément à ce bruit qu'en ont parlé
Philippe Camérarius dans ses Méditations
historiques, Scaliger, dans le Scaligeriana,
et Juste Lipse , dans l'Epitaphe qu'il lui
a faite.
L'Archiduc Albert , Gouverneur et
puis Souverain des Pays - Bas Epagnols ,
érigea en Baronie la Terre de Busbeq ,
pour honorer la mémoire de son Gouverneur
et lui témoigner sa reconnoissance.
Maximilien , Pere de ce Prince ,
lui avoit conferé l'Ordre de Chevalerie ,
et les Lettres Patentes qu'il lui accorda
pour cela , le 3. Avril 1554. lui sont très .
honorables .
Il avoit eu dessein de se fixer en Fran
ce , dont le séjour lui plaisoit extréme
ment , et il y avoit dans ce dessein acheté
quelques Terres.
AVRIL. 1734. 737
On dit qu'il parloit sept Langues en
perfection , la Latine l'Italienne , la
Françoise , l'Espagnole , l'Allemande , la
Flamande et la Sclavone.
>
Catalogue de ses Ouvrages.
1. Itinera II. Constantinopolitanum , et
Amasianum. Antuerpia , 1581. in 8. Ces
Voyages sont contenus en deux Lettres
que Busbeq adressa à NicolasMicaut , Sieur
d'Indevel , avec qui il avoit autrefois
étudié en Italie. Louis Carrion , qui en
fit faire cette premiere Edition , la dédia
au même Micaut.
2. Legationis Turcice Epistola quatuor,
quarum priores due prodierunt sub titulo
itinerum Constantinopolitani et Amasiani.
Paris. 1595. in 8. Il y a plusieurs autres
Editions de ces Lettres. Dans celle de
Francfort de l'an 1605. in 8. on a ajoûté
l'Ambassade d'Ebrahim Strotschen , dont
j'ai parlé cy-dessus. Ces Lettres qui sont
très-curieuses et très - instructives ont
été traduites en François sous ce titre :
Ambassades et Voyages en Turquie et Amasie
, de M. Busbequius , depuis l'an 1554.
jusqu'en 1562. traduit du Latin par le
S. Gaudon. Paris 1646. in 8. On en a
aussi une Traduction Allemande , imprimée
à Francfort en 1596. in 8.
3.
738 MERCURE DE FRANCE
3. De re Militari contra Turcam instituenda
Consilium A la suite des Lettres
sur son Ambassade de Turquie , tant
dans la premiere Edition de 1681. que
dans les suivantes. Item. à la page 18 .
du quatrième volume du Recueil de Nicolas
Reusner , intitulé : De Bello Turcico
selectissima Orationes et Consultationes.
Leipsia , 1596. in 4. Busbeq avoit examiné
avec beaucoup de soin l'état de la
Monarchie Ottomane et les veritables
moyens de l'attaquer avec succès
c'est ce qui fait la matiere de ce petit
Discours.
›
3
4. Augerii Gislenii Busbequii , Casaris
apud Regem Gallorum Legati , Epistola ad
Rudolphum. II. Imperatorem. è Bibliotheca
Joannis Bapt. Houvart J. C. Patricii
Bruxellensis. Louvanii , 1630. in 8.
Ces Lettres , qui sont au nombre de 53 .
s'étendent depuis le 25. Mars 1582. jusqu'à
la fin de 1585. elles ont été tradui .
tes en François par M. l'Abbé Bechet ;
Chanoine d'Usez , natif de Clermont en
Auvergne , Auteur de la Vie du Cardinal
Martinuzius , mort en 1722. âgé de
73. ans , et cette Traduction a été inserée
dans le II . Tome des Memoires de
Litterature du P. Desmolets , pag. 249 .
» Ces Lettres , dit Vigneul de Marville ,
Tom .
AVRIL. 1734. 739
❤
>
» Tom. I. de ses Melanges , pag. 52. sont
>> mieux remplies et plus utiles que celles
de Bongars . C'est un Portrait au
>> naturel des affaires de France sous le
» Regne de Henry III . Il raconte les cho-
» ses avec une naïveté si grande qu'elies
semblent se passer sous nos yeux . On ne
» trouve point ailleurs tant de faits his-
» toriques on si peu de discours . Les
» grands mouvemens comme la conspiration
d'Anvers et les petites intri-
» gues de la Cour y sont également bien.
marqués. Les attitudes , pour ainsi dire ,
» dans lesquelles il met Henry III , la .
» Reine Mere , le Duc d'Alençon , le Roy
» de Navarre , la Reine Marguerite , le
>> Duc de Guise , le Duc d'Epernon , et
» les autres Courtisans et Favoris de ce
» temps - là,nous les montrent du côté qui
» nous en découvre , à coup sûr , le fort
» et le foible , le bon et le mauvais. En
un mot , les Lettres de Busbeq sont un
modele de bien écrire pour les Ambassadeurs
qui rendent compte à leurs
Maîtres de ce qui se passe dans les
Cours où ils résident .
>>
5. Omnia quæ extant , seu Epistola ipsius
Legationum et alii Tractatus historici , et
Politici. Lugd. Bat. Elzevir , 1633. in 24.
Item . Amstelodami. Elzevir , 1660. in 24.
Voyez
740 MERCURE DE FRANCE
Voyez ses Lettres . C'est- là qu'on trouve
un détail exact de ce qui le regarde.
Bayle , Dictionnaire , son article est fait
avec beaucoup de soin. Tous les autres
Auteurs qui ont parlé de lui, sont tombez
dans des fautes grossieres et ont donné
une Relation de sa Vie , qui contredit
souvent ce qu'on trouve dans ses Let
tres. Tels sont les suivants. Valere André
, Bibliotheca Belgica : l'Auteur de sa
Vie qui est à la tête de ses Lettres à l'Empereur
Rodolphe , et que M. l'Abbé Bechet
a traduite de même que les Lettres.
Melchioris Adami vita Jurisconsultorum
Germanorum. p. 145. Freheri Theatrum Virorum
Doctorum , p. 931. Bullart , Académie
des Sciences , Tom. I. p. 80. Les
Eloges de M. de Thou , et les Additions
de Teissier.
Les autres Sçavans qui remplissent ce Volume
sont, Barthelemi Aneau, Elie Ashmole
,Jean d'Aubry, Guillaume de Baillou, Jacques
de Billy,Geoffroy et Jean de Billy, Adam
Blacvod , Edouard Brereword,RobertBurhill,
Louis Cappel, Louis Cappel lejeune,Jacques
Cappel, Scipion Carteromaco , Jacques Cassagne
, Antoine de Chandien, Nicolas Cisner,
Gaspard Contarini, Martin Antoine Delrio,
Antoine Densingius, Jeremie Drexelius,Jean
Drusius,Varino Favorino,Jean Gelida, Gilbert
AVRIL. 1734. 741
"
bert Genebrard, François Godwin , Laurent
Humphrey , Jean Marsham , Nicolas Hugues
Menard , Isaac Newton , François
Pinsson Arnaud de Pontac , Antoine
Possevin , Pierre du Ryer , François Sansovino,
J.Théodore Schenkius , Joseph Marie
Suarez , Paul et François Tallemant ,
J. F. Foy Vaillant , N. Durand de Villegagnon
, Burcher de Volder , Adolphe et
Everard Vorstius.
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Mots clefs