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Titre d'après la table

Comedie à l'Arcenal, Prologue &c.

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414
Incipit

Le goût pour la Comédie, si en vogue depuis quelque temps, ne s'est point rallenti

Texte
Le goût pour la Comédie , si en vogue
depuis quelque temps , ne s'est point rallenti
du tout à Paris ; on voit tous les
jours des Compagnies , où l'on se fait un
plaisir de représenter des Fiéces de Théatre
, et où elles sont , pour l'ordinaire
jouées avec applaudissement. Parmi ces
sortes de Sociétez , celle qui étoit à l'Hôtel
de Brancas , et ensuite à l'Hôtel de
Lauzun , est une de celles parmi lesquelles
il y a de meilleurs sujets . Nous en avons
parlé dans le Mercure de Mars 1732. Des
Personnes de distinction , et des connoisseurs
éclaircz ont vû leurs Représentations
FEVRIER . 1734. 369
tions avec plaisir ;et ces Mrs ont été souvent
honorez de la présence de plusieurs
Princes et Princesses , entr'autres Madame
la Duchesse du Maine y a assisté plusieurs
fois , et en a paru satisfaite . C'est
ce qui les a engagez à demander à cette
Princesse une Salle propre à jour la Comédie
. Ils lui ont présentez le Placet
qu'on va lire :
Toi , qui toujours des Arts , fus le plus ferme
appui ;
Toi , dont l'auguste Cour , est ce fameux Parnasse
,
Dont on ne trouve ailleurs que quelque foible
trace ,
Princesse , sois sensible à notre juste ennui.
Tantôt de Melpomene , et tantôt de Thalie ,
Nous avons autrefois osé former les jeux ;
Et du plus beau succès notre audace suivie ,
Leur mérita l'honneur de paroître à tes yeux.
Par ton aveu flateur , devenu moins timides ,
De ce doux souvenir , sans relâche frappez ,
Nos coeurs , depuis long - temqs , ne sont plus
occupez ,
Qu'à chercher un bonheur dont ils sont plus
avides.
H iij Mais
370 MERCURE DE FRANCE
Mais , quoique redoublez , nos soins sont sans
effets ;
Nos Muses sans secours , errantes , désolées ,
N'ont presque plus d'espoir de se voir rassem
blées ;
Elles ne trouvent plus ni Temples , ni Palais.
Princesse , c'est à toi de finir leur disgrace ,
Daigne les recevoir au milieu de ta Cour ,
Assure leur , toi -même , un tranquile séjour :
Ta nouvelle bonté , ranimant leur audace ,
Elles te donneront un innocent plaisir ,
Digne , peut- être encor d'occuper ton loisir.
Ce Placer fut reçu favorablement de
la Princesse , qui a eu la bonté de donner
à ces Mrs , une Salle dans l'Arsenal , où
ils ont fait dresser leur Théatre , et sur
lequel ils ont représenté pour la premiere
fois , le 21 Février , en présence de
Madame la Duchesse du Maine, et d'une
Compagnie choisie , la Tragédie de
Manlius Capitolinus , de M. de la Fosse ,
suivie de la petite Comédie des trois Freres
Rivaux , à laquelle ils ont ajouté un
Divertissement de Chants et de Danses
dont les paroles sont de M. Parfait , et la
Musique de M. Bouvar. Le tout précédé
d'un Prologue , fait à la loüange de la
Princesse, qui après la Représentation , eut
la
FEVRIER. 1734 377
la bonté d'en témoigner sa satisfaction à
l'Auteur.
Les Acteurs de ce Prologue sont , Apol
lon , Mercure, Momus , Me'pomene et Thar
lie. Melpomene seule ouvre la Scene par
ces Vers :
Mes yeux , préparez- vous à répandre des larmes,
Si vous voulez avoir des charmes ,
Pour cette aimable Cour ,
Où le bon goût se mêle à la délicatesse ,
Où dans cet heureux jour ,
M'appelle une Déesse ;
Où je vois auprès d'elle une Auguste Princesse .
Dont les vertus illustrent ce séjour .
Autant que ses appas , ses graces , sa jeunesse.
;
Thalie arrive en ordonnant aux Jeux ,
aux Ris , et aux Graces de la suivre les
deux Muses sont également surprises de
se trouver ensemble , et se disputent la
préférence de leur Art ; chacune veut
avoir la gloire d'amuser la Déesse ; elles
prennent Apollon pour Juge.Ce Dieu les
rassure , en leur annonçant que la Déesse
veut voir les Jeux de l'une et de l'autre.
Il dit à Melpomene qu'elle aura so'n
de toucher son coeur ; et qu'ensuite Th -
lie viendra dissiper les tristes impression s
de la Muse Tragique ; il a oute que i
Hiiij elles
372 MERCURE DE FRANCE
elles veulent lui plaire , elles doivent précisément
se renfermer dans le caractere
de leur Art. Songez , leur dit il :
Que vous , ( 1 ) en gémissant , il faut encore
instruire ;
Et que vous , ( 2 ) en raillant , vous ne devez
pas nuire .
Que le vice par vous ( 3 ) sans cesse combattu ,
Ne doit jamais accabler la vertu
Que vous , ( 4 ) sans crainte , sans scru
pule ,
Livrant la Guerre au Ridicule ,
Sous des traits généraux ,
Vous devez le faire paroître ,
Mais que l'on ne doit reconnoître
Aucun particulier trop peint dans vos Tableaux >
En un mor , que la Tragédie ,
De toucher les grands coeurs doit tirer tout son
prix ,
Et que la Comédie ,
Doit tirer tout le sien de plaire aux bons esprits.
Melpoméne répond à Apollon que telles
sont les loix que ses favoris observe,
rent dans Athénes , et qu'elle n'a jamais
approuvé ces écrits fastueux , où l'on
( 1 ) A Melpomene.
( 2 ) A Thalie.-
( 3 ) A Melpomene.
(4 )A Thalie.
veut
FEVRIER. 1734. 373
veut la dépouiller de ses premieres graces
, qu'elle préfére la conduite et les
moeurs à toute autre beauté. Thalie assure
à son tour Apollon , qu'elle n'a jamais
dicté ces traits grossiers de l'envie ,
qui attaquent la probité , et que lorsque
la raillerie n'est pas accompagnée d'une
utile leçon , ce n'est point là son 、ouvra
ge. Apollon leur dit qu'il est charmé de
les voir penser ainsi qu'on pense dans la
Cour où elles paroissent.
Mercure en arrivant est fort surpris à
l'aspect d'Apollon et des deux Muses.
Apollon lui en demande la cause. Mercure
répond qu'il ne s'attendoit pas de
les trouver tous trois dans ces mêines
lieux , où Mars tient la foudre de Jupiter
en dépôt. Il ajoute :
Pour achever de mettre en poudre
Les Titans orgueilleux ,.
Qui bravoient , sans trembler , le Souverain des
Cieux ;
Je venois au Dieu de la Guerre
Porter l'ordre nouveau du Maître du Tonnerre ,
Et je ne croyois pas ce terrible séjour
Un lieu trop propre à tenir votre Cour.
Apollon répond qu'il a lieu d'être surpris
à son tour, et dit : Mercure ignore- til
H v
que
374 MERCURE DE FRANCE
que Minerve suit toujours Mars dans ces
lieux , et que sur les pas de la Déesse ,
Apollon conduit les Muses et les beaux
Arts ?
Qu'à son gré , Jupiter signale sa vengeance
Contre ses ennemis jaloux ;
Que Mars seconde son courroux ;
Que deux jeunes Héros qui reçûrent naissance
Du terrible Dieu des Combats
Fassent sentir par tout la force de leurs bras ,
Sur les pas de Minerve
Apollon toujours se reserve
Le soin de célébrer les Dieux et les Héros
Et de les délasser de leurs nobles travaux.
Quand sur les Enfans de la terre
Jupiter lance le tonnerre
Son Empire est- il ébranlé ?
Sa fureur , des beaux Arts , détruit- elle l'azyle ♬
Dans mes travaux suis je troublé ?
Et le séjour des Cieux devient- il moins tranquile
, Non , les rebelles seuls doivent trembler
d'effroi , et Mercure [ dit à Apollon
qu'il ne craint pas que le tegne des Arts
périsse sous le regne de Jupiter ; qu'il a
lui-même trop d'interêt à les favoriser, et
que ce seroit en vain qu'il triompheroit
de
FEVRIER . 1734- 375
de ses ennemis , si Apollon et les Muses
n'immortalisoient ses exploits.
Oui, ( dit-il ) les Lauriers que la Victoire
donne ,
Şont d'eux - mêmes bien - tôt Alétris ;
Ils ne sont toujours verds qu'autant qu'à leur
Couronne
Vous ajoutez , vous - même , un nouveau
prix.
Par ce Dieu triomphant une vaste Carriere
Vient d'être ouverte à vos efforts ;
Bien- tôt il va fournir la plus ample matiere
A des accents plus brillants et plus forts ;
Préparez - vous sous les loix de Minerve ,
A faire ouir des sons dignes d'elle et de lui ;
Et lorsque par vos soins , la Déesse aujourd'hui
Prendra les seuls plaisirs que son coeur se réserve
,
Songez qu'elle est du sang du Souverain des
Dieux ;
Et que d'en celebrer les Exploits glorieux ,
C'est- là Pexalter elle- même ;
Que quand mille vertus en elle se font voir ,
Le seul encens qu'elle veut recevoir
Est d'entendre louer son Empire suprême.
Mercure quitte Apollon en lui disane
qu'il court où Jupiter l'envoye , et qu'il
H vj
Ie376
MERCURE DE FRANCE
reviendra prendre part aux plaisirs qu'il
prépare à la Déesse . Apollon invite les
Muses de hâter leurs Jeux , & c. Momus
arrive en riant , on lui en demande la
cause , il répond :
Peut-on le demander ? J'apprens que dans ces
lieux
Vous préparez tous trois des jeux
Pour amuser une Déesse
Dont les hautes vertus
L'Esprit , le Sçavoir , la Sagesse ,
Furent toujours respectez de Momus ,
Je crois d'abord que votre zéle ,
Ne lui présentera qu'un plaisir digne d'elle,
Que rassemblant de toutes parts
Les plus renommez dans vos Arts ,
Vous pourrez mériter l'honneur de sa présence →
Point du tout : Quel objet a frappé mes regards!
Je ne puls m'empêcher d'en rire , quand j'y
pense ,)
J'ai vû que vous aviez fait choix
D'un tas d'Acteurs sans art et sans expérience
Et qui n'ont du Théatre aucune connoissance ;
Dont les gestes , les tons de voix ,
Le jeu , le peu d'intelligence
Vont gâter les plus beaux endroits.
Ah ! quel excès d'extravagance.
Apollon répond que c'est la coutume
des
FEVRIER 1734 377
des Critiques du tems de décider de tout
par prévention et sans avoir vû un Ouvrage.
Momus soutient qu'on se trompet
rarement en décidant ainsi , et que le
succès de toute chose vient du premier
coup d'oeil dont on l'envisage ; et il ajoute :
Quand le public s'accorde à prononcer
Que ce qu'on lui promet doit êrre détestable ,
Aussi- tôt cet Arrêt rend la chose exécrable ;
Fut- elle bonne , ensuite on doit sans balancer ,
Soutenir constamment qu'elle est abominable ,
Tel sst votre Spectacle , il sera pitoyable.
Thalie dit à Momus qu'il gagne infiniment
à frequenter certains lieux , d'où
partent des traits si justes. Melpomene
interrompt Thalie , en lui disant qu'il est
inutile de vouloir faire entendre raison
au caustique Momus ; mais qu'il leur importe
peu qu'il approuve où qu'il blâme
leur dessein :
Pourvu que la Déesse à qui nous voulons plaire
Approuve les Acteurs dont nous avons fait
choix ,
Et que même elle les préfére
A ceux qui nous vendant leur voix .
Pour leur interêt seul sont soumis à nos laix ,
Et n'ont d'objet que le salaire.
File
378 MERCURE DE FRANCE
Elle ajoute que le zéle dont ils brûlent
leur tiendra lieu de tout mérite.
L'indulgence est le prix de si nobles objets.
Momus replique qu'il est persuadé que
leurs Acteurs ne manquent pas de zéle
mais que cela ne suffit pas pour faire de
bons Comédiens . Autrefois , dit il , Melpoméne
avoit trouvé l'art de m'attendrir
, mais je rentre plus que jamais dans
mes droits ; et je crains seulement que ce
ne soit le tour de Thalie de me faire pleu
rer. Thalie s'offense beaucoup de cette
raillerie; et Momus dit , que rire à la Tragédie
, et pleurer à la Comédie est un plaisir
bien digne de lui. Melpomene quitte
la partie. Thalie la suit , en menaçant
Momus. Apollon reste seul avec lui et lui
représente que le triste fruit qu'on retire
de mordre toujours est d'être fuy et détesté
d'un chacunsà quoi Momus répond:
De donner des leçons vous voulez vous mêler ;
Je veux aussi vous en faire une
Vous êtes un Pédant , d'espece non commune
Fade, ennuyeux , de tout voulant toujours parler ;
Et que l'on ne sçauroit enter dre sans bâiller :
Adieu .
"
Il sort et Apollon se récrie sur le caraçtere
FEVRIER 379 1734.
tere de ces sortes d'esprits ; il dit qu'en
voulant leur contredire , on s'attire leur
mépris. Le Prologue finit par ces quatre
Vers .
Princesse , tu connois l'écücil qui nous menace ,
Et nous mêmes trop tard nous sentons le danger
Mais ta bonté pour nous doit nous encourager
L'espoir de l'obtenir nous rendra notre audace.
Le Prologue est de M. de Morand,dans
lequel il jouoit lui- même le Rôle d'Apollon.
Nous apprenons que ces Mrs se
préparent à donner sur le même Théatre
une Tragédie nouvelle du même Au
teur , dont nous parlerons en son temps.
C'est de lui dont il est parlé dans le
Mercure de Février 1732. au sujet d'un
pareil Spectacle , représenté à Nîmes, & c.
Collectivité
Faux
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Résumé
Le texte relate la montée en popularité de la comédie à Paris, avec plusieurs compagnies connaissant le succès. Parmi elles, la société de l'Hôtel de Brancas, puis de l'Hôtel de Lauzun, se distingue particulièrement. Cette compagnie a été appréciée par des personnes de haut rang et des connaisseurs, et a souvent accueilli des princes et princesses, notamment la Duchesse du Maine. En février 1734, la compagnie a sollicité l'aide de la Duchesse du Maine pour obtenir une salle de représentation. Ils lui ont présenté un placet poétique, la suppliant de les aider à trouver un lieu approprié. La Duchesse du Maine a accepté et leur a fourni une salle dans l'Arsenal. La première représentation dans cette nouvelle salle a eu lieu le 21 février 1734, en présence de la Duchesse du Maine et d'une compagnie choisie. Ils ont joué la tragédie 'Manlius Capitolinus' de M. de la Fosse, suivie de la comédie 'Les trois Frères Rivaux' et d'un divertissement musical. Le prologue, écrit par M. de Morand, louait la princesse et était interprété par des personnages mythologiques tels qu'Apollon, Mercure, Momus, Melpomène et Thalie. Le prologue discutait des rôles de la tragédie et de la comédie, et de leur importance dans l'art. La compagnie prévoit de présenter une nouvelle tragédie du même auteur.
Soumis par lechott le