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Titre

SÉANCE PUBLIQUE De l'Académie Françoise.

Titre d'après la table

Séance publique de l'Académie Françoise,

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125
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568
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130
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573
Incipit

M. de Chateaubrun ayant été élu par l'Académie Françoise à la place de M. le

Texte
SÉANCE
PUBLIQUE
De l'Académie Françoife .
M. de Chateaubrun ayant été élû par
l'Académie Françoife à la place de M. le
Préfident de Montefquieu , y vint prendre
féance le lundi 5 Mai 1755. Le difcours
qu'il prononça reçut l'applaudiffement
unanime d'un public choifi , dont les fuffrages
avoient prévenu ceux de la Compagnie.
L'éloge de M. de Montefquieu étoit
réfervé à M. de Chateaubrun . Ce grand
homme pouvoit il rencontrer un meilleur
panégyrifte Il n'appartenoit qu'au vrai
talent de louer le génie. Ce que j'en vais
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
extraire ou tranfcrire , va le prouver.
33
"
» Ah ! Meffieurs , s'écrie M. de Cha
» teaubrun , quel reffouvenir vient me
frapper ! quel paffage rapide de la joie
à la trifteffe ! quelle foible compenfation
j'apporté ici pour foulager votre dou
leur ! quel nom eft prêt de m'échaper !
plus fa gloire vous eft chere , plus je
» m'en trouve accablé. Comment pourrois
»je fuffire à faire l'éloge de M. le Préfident
de Montefquieu ? Il faudroit , f
j'ofe ainfi parler , pouvoir mefurer fon
génie , & atteindre , comme il a fait, juf
» qu'aux extrêmités de l'ame humaine.
"
Dès fa jeuneffe , fon imagination , fi
noble , fi riante , fi féconde , ſe déploie.
Nouvel Amphion , au fon d'une lyre
» qu'Apollon même prend pour la fienne ,
» il éleve un temple enchanteur * ; les
*.
Graces fe hâtent d'en pofer les fonde-
» mens , leurs mains légeres lui préfentent
>> les matériaux de ce charmant édifice
» elles en ordonnent la fymmétrie ; elles
» l'embelliffent de peintures , où elles fe
> repréſentent par- tout , & reçoivent du
fentiment ce coloris immortel , dont le
feul fentiment poffede le fecret.
La fcène change. M. de Montefquieu
paroît dans ces climats , d'où la lumiere
Le Temple de Gnide,
JUIN 1755. $127
s'annonce à toute la nature. Quel est ce
» nouveau gente de correfpondances ? **
mais lui-même les couvre d'un voile &
les cache à mes regards. Je ne les reclame
point , Meffieurs la gloire de Ma de
Montefquieu peut faire des facrifices
fans s'appauvrir.
n
» Il marche à pas de géant dans la carriere
du génie , je le vois aux priſes ,
pout ainfi dire avec les maîtres dut
monde. Idemandes compte aux Ro-
» mains ** de leur aggrandiffement & de
» leur décadence. La fortune aveugle na
point d'autels aux yeux de cet examina-
»teur judicieux & févere. Chaque effet a
fon principe , & il fçait le trouver. al
analyſe les événemens : il décompofe le
»coeur de l'homme , qui n'a rien d'obfcur
pour lui Toutes les nations paffent
→fucceffivement devant lui . Il fe donne
» l'expérience de plufieurs ficcles , & s'ouvre
la route à un autre ouvrage plus admirable
encore. Vous me prévenez ,
Meffieurs , c'eft l'Esprit des Loix.
"
7
D'anciens Législateurs crurent avoir
"pourvu au bonheur de leurs conci-
Les Lettres Perfannes.
** Confidérations fur les caufes de la grandetg
des Romains & de leur décadence.
Fiiij
128
MERCURE DE FRANCE.
toyens & même à celui de tous les hom
mes ; mais leurs loix dans l'exécution
devinrent un nouveau mal. Dracon don-
» na tout à la terreur , & ne fit que
» efclaves. Solon accorda tout à la liberté,
des
& ne produifit que l'anarchie. Lycurgue
ôta tout à la nature , & ne fit que
» malheureux. Les Romains établirent des
des
» loix pour étendre ou pour affurer leurs
» conquêtes , & non pour rendre les
hommes meilleurs. L'ouvrage de M.
de Montefquieu étoit néceffaire à l'hu
manité.
» Il laiffe au defpotifme d'Afie des principes
qu'il ne pourroit détruire fans
bouleverfer une partie de la terre ; mais
il l'environne d'écueils & de précipi
hances. b.diz du in
1
n
pr
C'eft à des
gouvernemens où l'empire
eft légitime , où l'obéiffance eft honorable
, où le bonheur des maîtres & des
fujets eft toujours en proportion de la
fidélité qu'ils apportent à remplir leurs
devoirs refpectifs ; c'eft à ces gouvernemens
que M. de Montefquieu a confacré
fes veilles & fon travail..
» Il a connu tous les mobiles qui déterminent
les hommes au bien & au mal.
Ila mefaré les dégrés de force que les
» paffions peuvent oppofer à l'éducation ,
و د
JUIN 1755 129
à l'honneur , à la vertu . Il a enchaîné les
paffions par les paffions même , quand
elles rompoient l'équilibre. Jamais les
» refforts du monde moral n'ont été com
» binés avec tant de juſteſſe , ni n'ont eu
» de directions fi certaines.
M. de Chateaubrun termine fon difcours
par ce trait qui acheve le portrait
de M. de Montefquieu . » Propre à faire
» les délices de la fociété dans laquelle il
» fe comptoit pour rien , fes vertus étoient
» finceres ; il étoit avec lui-même ce qu'il
»paroiffoit avec les autres. On ne lui a
point connu de défauts ; & ce qui com-
» ble ſon éloge , perfonne n'a defiré de lui
93
» en trouver.
M. l'Abbé d'Olivet , en qualité d'ancien
Directeur , répondit à M. de Chateaubrun ,
& fit fon éloge en ces termes.
» Avant de nous parler pour vous , le
>> public venoit de vous accorder , ne di-
» fons point de ces applaudiffemens qui
» ne font pas refufés quelquefois à un art
» impofteur , mais de ces larmes précieu-
» fes que la nature commande elle feule
» & qui honorent l'humanité . Vous avez
»puifé dans la fource intariffable du beau
» & du pathétique . Vous avez fait voir
» que deux mille ans n'ont rien changé
ni à l'efprit , ni au.coeur de l'homme .
Fav
130 MERCURE DE FRANCE.
כ » Andromaque , Iphigenie , les Troyen
nes , Philoctete , font les meilleurs ou
> vrages qu'on ait fait pour défendre les
anciens contre les modernes.
Collectivité
Faux
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Résumé
Le 5 mai 1755, M. de Chateaubrun fut élu à l'Académie Française pour succéder à M. le Président de Montesquieu. Lors de sa prise de fonction, il prononça un discours qui reçut un accueil unanime. Chateaubrun exprima la difficulté de rendre hommage à Montesquieu, soulignant son génie et son influence. Il décrivit Montesquieu comme un homme doté d'une imagination et d'un talent exceptionnels, capable de créer des œuvres enchanteuses et de correspondre avec les plus grands esprits. Montesquieu avait exploré les causes de la grandeur et de la décadence des nations, analysant les événements et les cœurs humains avec une grande perspicacité. Son œuvre majeure, 'L'Esprit des Lois', critiquait les législations anciennes qui avaient échoué à assurer le bonheur des hommes. Montesquieu avait également mis en lumière les principes des gouvernements légitimes et les mobiles qui déterminent les actions humaines. Chateaubrun conclut son discours en soulignant les vertus sincères de Montesquieu, qui se comportait avec autrui comme avec lui-même, sans défauts apparents. En réponse, l'abbé d'Olivet loua Chateaubrun pour son discours émouvant, comparant ses œuvres aux grands classiques antiques.
Soumis par kipfmullerl le