Titre
EXTRAIT DE L'ELOGE DE M. D'ONS-EN-BRAY, Prononcé le 13 Novembre 1754, par M. de Fouchy, Secrétaire de l'Académie des Sciences.
Titre d'après la table
Extrait de l'Eloge de M. d'Ons-en-Bray
Fait partie d'une livraison
Fait partie d'une section
Page de début
83
Page de début dans la numérisation
526
Page de fin
91
Page de fin dans la numérisation
534
Incipit
Louis-Léon Pajot, Chevalier, Comte d'Ons-en-Bray, nâquit à Paris le 25
Texte
EXTRAIT DE L'ELOGE
DE M. D'ONS- EN- BRAY ,
Prononcé le 13 Novembre 1754 , par M.
de Fouchy , Secrétaire de l'Académie des
Sciences.
Quis-Léon Pajot , Chevalier , Comte
Ldons- en-Bray ,naquit à Parisleas
Mars 1678 de Léon Pajot , Comte d'Onsen-
Bray , Directeur général des poftes &
relais de France , & de Marie Anne Rouillé
, tante de M. Rouillé , Miniftre & Secrétaire
d'Etat. Son ayeul avoit été envoyé
par la Reine , mere de Louis XIV , en
Efpagne , où il fut retenu quatre ans prifonnier.
Si les peines attachées aux en-
» fans deshonorent la poftérité de ceux qui
les éprouvent , pourquoi ne compteroiton
pas au rang des titres d'honneur les
difgraces qui n'ont leur fource que dans
» le zele avec lequel on fert fon Roi & fa
patrie ?
»
"
Il fit fes études au College des Jéfuites:
de Paris ; mais un mal d'yeux confidérable
dont il fut attaqué pendant fa rhétorique
obligea de le rappeller , à la maifon
nelle
ord så mot
Divis
pater
84 MERCURE DE FRANCE.
Pendant le cours de cette maladie , M.
Quent , homme habile qu'on avoit mis auprès
de lui , imagina de l'occuper d'une
fcience à laquelle les fens extérieurs font
fouvent plus nuifibles qu'utiles , de l'étude
de la philofophie . Il faifoit lire auprès de
lui les principes de celle de Defcartes , &
la meilleure preuve qu'on puiffe donner
qu'il en avoit fait dès lors un Philofophe
eft la reconnoiffance qu'il eut des foins de
cet habile maître. La vraie philofophie tend
encore plus à enrichir le coeur de toutes.
les vertus qu'à orner l'efprit de nouvelles
connoiffances .
Au fortir de cette maladie , il alla
voya
ger en Hollande . La vûe des grands hom
mes que cet état poffédoit alors, des collections
curieufes & fçavantes qu'ils y avoient
faites & des applications ingénieufes qu'il
y voyoit continuellement faire de la més
chanique , le rendirent encore plus Philos
fophe & plus Méchanicien , & ce fut là
qu'il forma le premier projet de ce cabinet
qu'il a depuis rendu fi célebre.
Il ne l'exécuta cependant pas auffi-tôt
après fon retour. Les occupations attachées
à la place de Directeur général des poftes
aufquelles M. fon pere l'engagea à fe livrer ,
ne lui laiffoient que peu de momens:
libres , mais ce peu de momens étoient
JUIN. 1755.
foigneufement ménagés pour ce qu'il
aimoit.
❤
M. d'Ons- en -Bray perdit fon pere en
1708 , & il lui fuccéda dans fa place ; mais
ce qui tourne plus à fa gloire , quoiqu'il
n'eut alors que vingt neuf à trente ans ,
Louis XIV lui accorda fa confiance ; il le
chargea de plufieurs affaires dont il lui
rendoit compte indépendamment des Miniftres
, & le fit appeller dans fa derniere
maladie pour cacheter fon teftament avant
de l'envoyer dépofer au Parlement. Il jouit
de la même confiance fous la Régence de
feu M. le Duc d'Orléans. Lorfque ce Prin
ce créa les charges d'Intendans des poftes ,
il en donna une à M. d'Ons - en - Bray , &
le public eft informé de l'exactitude avec
laquelle il s'en est toujours acquitté.
Dès qu'il s'étoit vu fon maître , il avoit
travaillé à exécuter le projet qu'il avoit
formé en Hollande ; mais comme d'un côté
les devoirs de fa charge , & d'autre part
les vifites continuelles aufquelles il étoit
expofé à Paris ne lui en laifoient pas le
loifir , il réfolut de fe dérober à celles- ci ;
ne pouvant ni ne voulant fe fouſtraire à
fes devoirs , il choifit pour ce deffein une
belle maifon qu'il avoit à Berci . Cet endroit
affez près de Paris , pour
lui
tre d'y paffer tous les momens qu'il avoit
permet86
MERCURE DE FRANCE.
de libres , en étoit cependant affez éloigné
pour écarter les vifites importunes. Il facrifia
la plus grande partie de cette maiſon
aux cabinets qu'il y vouloit former , y établit
un jardin de plantes & une orangerie ,
& fit de cet endroit un des plus agréables
afyles que la philofophie ait jamais habités
; il y venoit paffer tout le tems dont il
pouvoit difpofer , & y attiroit autant qu'il
pouvoit les Académiciens les plus célebres
; le P. Sebaſtien étoit du nombre , &
M. Geoffroy a conduit quatre ans fon laboratoire.
La route que fuivit M. d'Ons- en-
Bray l'approchoit néceffairement de l'Académie
: il y obtint en 1716 une des deux
places d'honoraires que le Roi venoit d'y
établir par le nouveau réglement il y
étoit extrêmement affidu , & prenoit part
à prefque toutes les matieres qui s'y traitoient
les fciences font trop liées les unes
aux autres , pour que le cabinet ne profitât
extrêmement de cette affiduité.
pas
Quoique M. d'Ons- en- Bray ne fût affujetti
par fa place à aucun travail acadé
mique , on a de lui plufieurs mémoires im
primés , entr'autres la defcription d'une
machine pour battre la meſure de tous les
airs , d'une maniere fixe & indépendante
du caprice des Muficiens ; des recherches:
fur les mefures des liquides , qu'il fit à la
JUIN. 1755
87
réquifition du Corps de ville de Paris :
mais ce qu'il a donné de plus fingulier , eft
fon anémometre , ou inftrument propre à
mefurer la force & la direction du vent ;
les inftrumens ordinaires ne font que des
corps purement paffifs , dont l'obfervateur
eft pour ainfi dire l'ame on pourroit
prefque dire que M. d'Ons- en- Bray a donné
de l'intelligence à fon anémometre ;
l'inftrument fçair obferver lui - même &
écrire fes obfervations : les ftatues immortelles
de Vulcain fi bien décrites par Homere
, n'en fçavoient peut- être pas davantage
.
Le cabinet qu'il avoit entrepris étoit
cependant fa principale occupation ; il
l'avoit déja rendu fi riche & fi complet
dès 1717 , que peu de Seigneurs étrangers
venoient en France fans le vifiter ; il y reçut
le Czar Pierre I , l'Empereur à préſent
regnant , & le Prince Charles de Lorraine ,.
le feu Electeur de Baviere , le Roi de Pologne
, Duc de Lorraine , les Princes de-
Saxe Kaubourg & de Saxe - Gotha , & enfin
les deux Ambaſſadeurs du Grand Seigneur
, Meheniet & Saïd- Effendi , qui en
fortirent pleins d'une admiration ,, d'autant
plus flateuſe pour M. d'Ons - en - Bray , que
*
Voyez les Mémoires de l'Académie. 17344.
p. 123.
$ 8 霉
MERCURE DE FRANCE.
ces deux Seigneurs , & fur-tout Saïd- Pacha
, étoient en état d'en connoître tout le
prix.
Dans ces occafions , M. d'Ons- en - Bray
faifoit parfaitement les honneurs de fa
maifon ; il y donnoit des repas magnifiques
& des fêtes élegantes : c'étoit un peu
de pris fur ce tems dont il étoit fi bon menager
, mais c'étoit pour l'honneur des
fciences & de la philofophie , & rien ne
lui coûtoit pour leur acquerir des profélites
ou des protecteurs.
Il ne négligeoit ni n'épargnoit rien
pour remplir fon cabinet de piéces inté
reffantes. Mais ce qui rendoit cette collection
plutôt finguliere que la premiere
de ce genre , étoit l'immenfe quantité
de piéces de méchanique dont il Pavoit
ornée , & parmi lefquelles il y en avoit
plufieurs de fon invention . Dans le nombre
de ces dernieres fe trouve un morceau
fingulier des élémens de géométrie tout en
machines ; il avoit imaginé cette finguliere
façon de démontrer , pour faciliter au Roi,
encore enfant , l'étude des Mathématiques.
Les meilleurs élémens qu'il eût pûr donner
en toute autre occafion , n'euffent fait
voir que fa capacité , ceux - ci font unt
preuve fubfiftante de fon attachement pour
fon Roi on laiffe aux coeurs françois
JUIN. 1755. 89
à décider qui des deux mérite la préférence.
Il avoit reçu de feu M. le Duc d'Orléans
, Régent , plufieurs vifites. Ce Prince
fe plaifoit extrêmement dans les cabinets
de M. d'Ons -en- Bray , & il voulut les orner
du célebre verre ardent conftruit par
M. de Tfchirnhauz , dont il lui fit préfent ;
ce Prince auroit eu de la peine à en choi
fir un qui pût lui être plus agréable .
Dans ce même lieu où il recevoit les
plus grands Princes , il recevoit auffi , &
peut-être avec plus de plaifir , les Philofophes
, & fur- tout les Académiciens fes
confreres : il fe délaffoit avec eux de fes
travaux , & puifoit dans leur entretien des
idées pour en entreprendre de nouveaux ;
c'eft ainfi qu'il a paffé tout le tems de fa
vie : toujours citoyen , toujours Académicien.
Dès le mois d'Octobre 1753 , il fut attaqué
d'une maladie , qu'il ne regarda d'abord
que comme une éréfipelle ordinaire
mais qui dans peu devint une éruption vio
lente ; il fentit lui -même le danger de fon
état ; & après avoir pris les précautions
que la religion exigeoit de lui , il voulut
donner au public & à l'Académie une derniere
marque de fon attachement . Il fit
propofer au Roi d'accepter le don qu'il
96 MERCURE DE FRANCE.
vouloit faire à l'Académie de fes cabinets ,
mais fous des conditions qui tendent toutes
à rendre ce préfent plus utile au public
; car malgré fon attachement pour cette
Compagnie , le bien public lui étoit encore
plus cher , & l'Académie n'a garde
de blâmer en lui ce fentiment , duquel elle
fe pique elle- même. Le Roi fentit toute la
générofité de M. d'Ons- en - Bray , & non
feulement accepta le don qu'il vouloit
faire , mais encore fe chargea de le loger
au Louvre , & de pourvoir à tout ce qui
feroit néceffaire pour l'entretenir , & mettre
le public en état d'en profiter . Auffi- tôr
que M. d'Ons-en-Bray fçut cette nouvelle ,
il fit un codicille , par lequel il légue fes
cabinets à l'Académie , & prefcrit les conditions
aufquelles il fait ce don ; il ne s'oc
cupa plus après cela qu'au moyen d'aug
menter le préfent qu'il venoit de faire à
l'Académie, & mourut le 22 Février 1754,
âgé de près de foixante- feize ans .
Toute fa vie a été une pratique exacte
& conftante de l'équité naturelle . Pendant
tout le tems qu'il a été à la tête des poftes ,
aucun Commis n'a pu fe plaindre d'avoir
été renvoyé par caprice. Une commiffion
fous lui étoit prefque pour d'honnêtes
gens un héritage ; il étoit bon maître
mais il ne fouffroit pas qu'on lui man
JUIN. 1755. 91
quât , ayant d'ailleurs toutes les attentions
poffibles pour fes domeftiques : il faifoit
de grandes charités ouvertement & par les
mains de fes Curés , mais il y en avoit
d'autres dont il fe réſervoit la diftribution,
& qu'il faifoit fecrettement pour éviter
cette cruelle maniere de foulager les malheureux
en bleffant les fentimens qui furvivent
fouvent dans les coeurs bien placés
aux dignités & à la fortune.
Il a fait par teftament fon légataire univerfel
M. le Gendre , Lieutenant général
des armées du Roi , frere de feu M. le
Préfident le Gendre , fils de M. le Gendre,
fucceffivement Intendant de Montauban
de Pau & de Tours , & d'une foeur de M.
d'Ons-en- Bray.
Sa place d'Académicien honoraire a étéẻ.
remplie par M. le Maréchal de Lowendal
DE M. D'ONS- EN- BRAY ,
Prononcé le 13 Novembre 1754 , par M.
de Fouchy , Secrétaire de l'Académie des
Sciences.
Quis-Léon Pajot , Chevalier , Comte
Ldons- en-Bray ,naquit à Parisleas
Mars 1678 de Léon Pajot , Comte d'Onsen-
Bray , Directeur général des poftes &
relais de France , & de Marie Anne Rouillé
, tante de M. Rouillé , Miniftre & Secrétaire
d'Etat. Son ayeul avoit été envoyé
par la Reine , mere de Louis XIV , en
Efpagne , où il fut retenu quatre ans prifonnier.
Si les peines attachées aux en-
» fans deshonorent la poftérité de ceux qui
les éprouvent , pourquoi ne compteroiton
pas au rang des titres d'honneur les
difgraces qui n'ont leur fource que dans
» le zele avec lequel on fert fon Roi & fa
patrie ?
»
"
Il fit fes études au College des Jéfuites:
de Paris ; mais un mal d'yeux confidérable
dont il fut attaqué pendant fa rhétorique
obligea de le rappeller , à la maifon
nelle
ord så mot
Divis
pater
84 MERCURE DE FRANCE.
Pendant le cours de cette maladie , M.
Quent , homme habile qu'on avoit mis auprès
de lui , imagina de l'occuper d'une
fcience à laquelle les fens extérieurs font
fouvent plus nuifibles qu'utiles , de l'étude
de la philofophie . Il faifoit lire auprès de
lui les principes de celle de Defcartes , &
la meilleure preuve qu'on puiffe donner
qu'il en avoit fait dès lors un Philofophe
eft la reconnoiffance qu'il eut des foins de
cet habile maître. La vraie philofophie tend
encore plus à enrichir le coeur de toutes.
les vertus qu'à orner l'efprit de nouvelles
connoiffances .
Au fortir de cette maladie , il alla
voya
ger en Hollande . La vûe des grands hom
mes que cet état poffédoit alors, des collections
curieufes & fçavantes qu'ils y avoient
faites & des applications ingénieufes qu'il
y voyoit continuellement faire de la més
chanique , le rendirent encore plus Philos
fophe & plus Méchanicien , & ce fut là
qu'il forma le premier projet de ce cabinet
qu'il a depuis rendu fi célebre.
Il ne l'exécuta cependant pas auffi-tôt
après fon retour. Les occupations attachées
à la place de Directeur général des poftes
aufquelles M. fon pere l'engagea à fe livrer ,
ne lui laiffoient que peu de momens:
libres , mais ce peu de momens étoient
JUIN. 1755.
foigneufement ménagés pour ce qu'il
aimoit.
❤
M. d'Ons- en -Bray perdit fon pere en
1708 , & il lui fuccéda dans fa place ; mais
ce qui tourne plus à fa gloire , quoiqu'il
n'eut alors que vingt neuf à trente ans ,
Louis XIV lui accorda fa confiance ; il le
chargea de plufieurs affaires dont il lui
rendoit compte indépendamment des Miniftres
, & le fit appeller dans fa derniere
maladie pour cacheter fon teftament avant
de l'envoyer dépofer au Parlement. Il jouit
de la même confiance fous la Régence de
feu M. le Duc d'Orléans. Lorfque ce Prin
ce créa les charges d'Intendans des poftes ,
il en donna une à M. d'Ons - en - Bray , &
le public eft informé de l'exactitude avec
laquelle il s'en est toujours acquitté.
Dès qu'il s'étoit vu fon maître , il avoit
travaillé à exécuter le projet qu'il avoit
formé en Hollande ; mais comme d'un côté
les devoirs de fa charge , & d'autre part
les vifites continuelles aufquelles il étoit
expofé à Paris ne lui en laifoient pas le
loifir , il réfolut de fe dérober à celles- ci ;
ne pouvant ni ne voulant fe fouſtraire à
fes devoirs , il choifit pour ce deffein une
belle maifon qu'il avoit à Berci . Cet endroit
affez près de Paris , pour
lui
tre d'y paffer tous les momens qu'il avoit
permet86
MERCURE DE FRANCE.
de libres , en étoit cependant affez éloigné
pour écarter les vifites importunes. Il facrifia
la plus grande partie de cette maiſon
aux cabinets qu'il y vouloit former , y établit
un jardin de plantes & une orangerie ,
& fit de cet endroit un des plus agréables
afyles que la philofophie ait jamais habités
; il y venoit paffer tout le tems dont il
pouvoit difpofer , & y attiroit autant qu'il
pouvoit les Académiciens les plus célebres
; le P. Sebaſtien étoit du nombre , &
M. Geoffroy a conduit quatre ans fon laboratoire.
La route que fuivit M. d'Ons- en-
Bray l'approchoit néceffairement de l'Académie
: il y obtint en 1716 une des deux
places d'honoraires que le Roi venoit d'y
établir par le nouveau réglement il y
étoit extrêmement affidu , & prenoit part
à prefque toutes les matieres qui s'y traitoient
les fciences font trop liées les unes
aux autres , pour que le cabinet ne profitât
extrêmement de cette affiduité.
pas
Quoique M. d'Ons- en- Bray ne fût affujetti
par fa place à aucun travail acadé
mique , on a de lui plufieurs mémoires im
primés , entr'autres la defcription d'une
machine pour battre la meſure de tous les
airs , d'une maniere fixe & indépendante
du caprice des Muficiens ; des recherches:
fur les mefures des liquides , qu'il fit à la
JUIN. 1755
87
réquifition du Corps de ville de Paris :
mais ce qu'il a donné de plus fingulier , eft
fon anémometre , ou inftrument propre à
mefurer la force & la direction du vent ;
les inftrumens ordinaires ne font que des
corps purement paffifs , dont l'obfervateur
eft pour ainfi dire l'ame on pourroit
prefque dire que M. d'Ons- en- Bray a donné
de l'intelligence à fon anémometre ;
l'inftrument fçair obferver lui - même &
écrire fes obfervations : les ftatues immortelles
de Vulcain fi bien décrites par Homere
, n'en fçavoient peut- être pas davantage
.
Le cabinet qu'il avoit entrepris étoit
cependant fa principale occupation ; il
l'avoit déja rendu fi riche & fi complet
dès 1717 , que peu de Seigneurs étrangers
venoient en France fans le vifiter ; il y reçut
le Czar Pierre I , l'Empereur à préſent
regnant , & le Prince Charles de Lorraine ,.
le feu Electeur de Baviere , le Roi de Pologne
, Duc de Lorraine , les Princes de-
Saxe Kaubourg & de Saxe - Gotha , & enfin
les deux Ambaſſadeurs du Grand Seigneur
, Meheniet & Saïd- Effendi , qui en
fortirent pleins d'une admiration ,, d'autant
plus flateuſe pour M. d'Ons - en - Bray , que
*
Voyez les Mémoires de l'Académie. 17344.
p. 123.
$ 8 霉
MERCURE DE FRANCE.
ces deux Seigneurs , & fur-tout Saïd- Pacha
, étoient en état d'en connoître tout le
prix.
Dans ces occafions , M. d'Ons- en - Bray
faifoit parfaitement les honneurs de fa
maifon ; il y donnoit des repas magnifiques
& des fêtes élegantes : c'étoit un peu
de pris fur ce tems dont il étoit fi bon menager
, mais c'étoit pour l'honneur des
fciences & de la philofophie , & rien ne
lui coûtoit pour leur acquerir des profélites
ou des protecteurs.
Il ne négligeoit ni n'épargnoit rien
pour remplir fon cabinet de piéces inté
reffantes. Mais ce qui rendoit cette collection
plutôt finguliere que la premiere
de ce genre , étoit l'immenfe quantité
de piéces de méchanique dont il Pavoit
ornée , & parmi lefquelles il y en avoit
plufieurs de fon invention . Dans le nombre
de ces dernieres fe trouve un morceau
fingulier des élémens de géométrie tout en
machines ; il avoit imaginé cette finguliere
façon de démontrer , pour faciliter au Roi,
encore enfant , l'étude des Mathématiques.
Les meilleurs élémens qu'il eût pûr donner
en toute autre occafion , n'euffent fait
voir que fa capacité , ceux - ci font unt
preuve fubfiftante de fon attachement pour
fon Roi on laiffe aux coeurs françois
JUIN. 1755. 89
à décider qui des deux mérite la préférence.
Il avoit reçu de feu M. le Duc d'Orléans
, Régent , plufieurs vifites. Ce Prince
fe plaifoit extrêmement dans les cabinets
de M. d'Ons -en- Bray , & il voulut les orner
du célebre verre ardent conftruit par
M. de Tfchirnhauz , dont il lui fit préfent ;
ce Prince auroit eu de la peine à en choi
fir un qui pût lui être plus agréable .
Dans ce même lieu où il recevoit les
plus grands Princes , il recevoit auffi , &
peut-être avec plus de plaifir , les Philofophes
, & fur- tout les Académiciens fes
confreres : il fe délaffoit avec eux de fes
travaux , & puifoit dans leur entretien des
idées pour en entreprendre de nouveaux ;
c'eft ainfi qu'il a paffé tout le tems de fa
vie : toujours citoyen , toujours Académicien.
Dès le mois d'Octobre 1753 , il fut attaqué
d'une maladie , qu'il ne regarda d'abord
que comme une éréfipelle ordinaire
mais qui dans peu devint une éruption vio
lente ; il fentit lui -même le danger de fon
état ; & après avoir pris les précautions
que la religion exigeoit de lui , il voulut
donner au public & à l'Académie une derniere
marque de fon attachement . Il fit
propofer au Roi d'accepter le don qu'il
96 MERCURE DE FRANCE.
vouloit faire à l'Académie de fes cabinets ,
mais fous des conditions qui tendent toutes
à rendre ce préfent plus utile au public
; car malgré fon attachement pour cette
Compagnie , le bien public lui étoit encore
plus cher , & l'Académie n'a garde
de blâmer en lui ce fentiment , duquel elle
fe pique elle- même. Le Roi fentit toute la
générofité de M. d'Ons- en - Bray , & non
feulement accepta le don qu'il vouloit
faire , mais encore fe chargea de le loger
au Louvre , & de pourvoir à tout ce qui
feroit néceffaire pour l'entretenir , & mettre
le public en état d'en profiter . Auffi- tôr
que M. d'Ons-en-Bray fçut cette nouvelle ,
il fit un codicille , par lequel il légue fes
cabinets à l'Académie , & prefcrit les conditions
aufquelles il fait ce don ; il ne s'oc
cupa plus après cela qu'au moyen d'aug
menter le préfent qu'il venoit de faire à
l'Académie, & mourut le 22 Février 1754,
âgé de près de foixante- feize ans .
Toute fa vie a été une pratique exacte
& conftante de l'équité naturelle . Pendant
tout le tems qu'il a été à la tête des poftes ,
aucun Commis n'a pu fe plaindre d'avoir
été renvoyé par caprice. Une commiffion
fous lui étoit prefque pour d'honnêtes
gens un héritage ; il étoit bon maître
mais il ne fouffroit pas qu'on lui man
JUIN. 1755. 91
quât , ayant d'ailleurs toutes les attentions
poffibles pour fes domeftiques : il faifoit
de grandes charités ouvertement & par les
mains de fes Curés , mais il y en avoit
d'autres dont il fe réſervoit la diftribution,
& qu'il faifoit fecrettement pour éviter
cette cruelle maniere de foulager les malheureux
en bleffant les fentimens qui furvivent
fouvent dans les coeurs bien placés
aux dignités & à la fortune.
Il a fait par teftament fon légataire univerfel
M. le Gendre , Lieutenant général
des armées du Roi , frere de feu M. le
Préfident le Gendre , fils de M. le Gendre,
fucceffivement Intendant de Montauban
de Pau & de Tours , & d'une foeur de M.
d'Ons-en- Bray.
Sa place d'Académicien honoraire a étéẻ.
remplie par M. le Maréchal de Lowendal
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Mots clefs
Résumé
Léon Pajot, Chevalier et Comte d'Ons-en-Bray, naquit à Paris en mars 1678. Son père, Léon Pajot, était Directeur général des postes et relais de France, et sa mère, Marie Anne Rouillé, était la tante de M. Rouillé, Ministre et Secrétaire d'État. Son grand-père avait été envoyé en Espagne par la Reine mère de Louis XIV et y avait été retenu prisonnier pendant quatre ans. Léon Pajot fit ses études au Collège des Jésuites de Paris, mais une maladie des yeux l'obligea à interrompre ses études. Pendant sa convalescence, il se consacra à l'étude de la philosophie sous la guidance de M. Quent. Il voyagea ensuite en Hollande, où il fut inspiré par les grandes collections et les applications mécaniques qu'il y observa. Ce voyage lui donna l'idée de créer un cabinet célèbre. À la mort de son père en 1708, Léon Pajot lui succéda à la tête des postes et reçut la confiance de Louis XIV, qui le chargea de plusieurs affaires importantes. Il continua à servir sous la Régence du Duc d'Orléans, qui lui confia la charge d'Intendant des postes. Malgré ses responsabilités, il trouva le temps de réaliser son projet de cabinet à Berci, où il accueillit des académiciens et des philosophes. Léon Pajot fut élu à l'Académie des Sciences en 1716 et y publia plusieurs mémoires, notamment sur des instruments scientifiques comme l'anémomètre. Son cabinet, riche en pièces de mécanique et en inventions, attira des visiteurs illustres, y compris le Czar Pierre Ier et l'Empereur régnant. En octobre 1753, il fut atteint d'une maladie violente. Avant de mourir le 22 février 1754, il fit don de ses cabinets à l'Académie des Sciences, avec des conditions pour en assurer l'utilité publique. Il légua également ses biens à son gendre, Lieutenant général des armées du Roi. Sa vie fut marquée par une pratique constante de l'équité et de la générosité.