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1678, 05 (Lyon)
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281
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Prorex Lugdunenfis
Camillus de Neufville Collegio SS .
Trinitatis Patrum Societatis JESU
Teſtamenti tabulis attribuit anno 1693 .
CAD

807156
MERCURE
GALANT
*
189
May 1678
DE LA
VILLE
DE
A LYON,
Chez THOMAS AMAULRY,
ruë Merciere .
M. D C. LXXVΙΙΙ.
AVEC PRIVILEGE DU ROY.

A
MONSEIGNEUR .
LE
DAUPHIN.
M
ONSEIGNEUR ,
Quand j'eus l'honneur de vous
offrirle Mercure pour la premierefois
, je croyois trouver en vous
un Prince aussi accomply que vous
le pouviezjamais estre . En effet,
MONSEIGNEUR , à voir
toutes les belles qualitez qui vous
a ij
EPISTR E.
attiroient l'admiration de tout le
monde ; tant d'adreſſe dans vos
Exercices , tan de Lumieres pour
les Lettres & pour les beaux Arts,
tant de grandeur d'ame , & tant
de nobleſſe dans tous vosſentimës,
on pouvoit juger avec quelque apparenceque
vous ne les pouſſeriez
pasplus loin, & que vous les aviez
portées à un point où il falloit
qu'elles s'arrestaſſent. Cependant,
MONSEIGNEUR , j'avouë
que j'y ay esté trompé , & que vous
ajoûtez toûjours quelque chose à
ce qui meſembloit ne pouvoirplus
s'augmenter. Si tout autre Prince
que vous estoit ce que vous estes,
on seroit certain qu'il s'en tiendroit
là; mais avec vous MONSEIGNEUR
, il n'y a rien
d'assuré , & quoy que nous ne
puiſſions nous figurer un caractere
plusparfait du Fils duplus grand
Roy
EPISTRE .
Roy de la Terre , je ne voudrois
pourtant pas répondre que vous ne
Sçeuffiez encor vous rendre plus
digne d'un Titre fi glorieux. On ne
Sçait pas précisément ce que vous
Serez un jour , mais on Sçait bien
que vous estes dés àpreſent ce que
les plus grands Princes ont esté.
Ainsi , MONSEIGNEUR,fi vous
ne voulez qu'égalerles Héros,vous
avezdeja cent Vertus quiſuffisent
pour cela, & il n'estpas besoin que
vous en acqueriez davantage ;
mais ſi vous voulez aller jusqu'à
voftre incomparable Pere , il est
certain que ce grand Monarquene
fera jamais imité , ou qu'il le fera
par Vous. Cefont lesfentimens de
toute la France , que vous explique
avec un profond respect ,
MONSEIGNEUR,
1.00
Voftre tres-humble & tresobeïffant
Serviteur, D.
a iij
PREFACE.
Omme il y a des Gens qui
envoyent des Chanfons,ou
C vieilles , ou, qui ont déja
eſté notées par d'autres
Maiſtres , on n'en mettra plus quand
elles viendront dans des Lettres. Il
* faut qu'elles foient apportées à l'Autheur
du Mercure , ou chez le libraire
par ceux qui les aurőt faites, afin qu'ils
éclairciffent les choſes dont on doutera
, & qu'on leur enpuifle faire voir
des Epreuves avant qu'elles foient exposées
au public. On ne donnera rien
par ce moyen qui ne ſoit correct &
nouveau. Ceux qui envoyeront des
Chanſons de la Campagne , doivent
par les meſmes raiſons les adreſſer à
quelque Amy qui ſoit capable de
prendre les meſmes ſoins , & de corriger
les Epreuves que l'Autheur n'a
pas le temps d'envoyer à ceux dont il a
reçeu les Airs. A
PREFACE.
a
a
a
:
Al'égard de ceux qui devinent les
Enigmes , & qui prennent d'autres
Noms que le leur, ils doivent en choifir
de fi particuliers qu'ils ne ſe puiſ
ſent rencontrer avec d'autre. Mettre
au bas de leurs Lettres, Vn Gentilhomme
d'une telle Province , un Conseiller on
une Demoiselle d'une telle Ville , c'eſt ne
rien mander. Il y a tant de perſonnes
dans chaque Ville à qui ces fortes
de Titres conviennent , qu'il n'y a pas
meſme moyen de les faire connoiſtre
eux-méme àeux-mémes,pluſieurs ayat
pris quelquefois pour le meſme Mot
la qualité de Gentilhomme ou d'Inconnu
de la meſme Ville. Ce n'eſt pas
qu'ils ne ſe puiffent donner le plaifir
de ſe cacher s'ilsy en trouvent. Le Public
ſe divertit desNoms biens choiſis,
mais il faut éviter l'inconvenient où
tombent ceux qui donnent trois ou
quatre lignes pour un Nom. Cela cauſe
trop d'embarras , & il faudroit plufieurs
pages ennuyeuſes pour défigner
ſept ou huit Perſonnes. Ily en a qui
n'envoyant que le ſeul Mot des Enigmes
ſans aucune Explication , mettent
a iiij
PREFACE.
au lieu de leur Nom deux ou trois Lettres
avec des points. Ils ne ſongent
pas que ces Lettres ne peuvent ſervir
à rien , & qu'on n'en peut former un
Nom pour le mettre parmy ceux qui
ont trouvé le ſens des Enigmes .
Quand on envoye des Ouvrages un
peu longs , on doit les envoyer de
bonne heure , parce qu'on imprime
les premieres feüilles du Mercure
dés le huitiéme de chaque Mois , &
qu'on finit deux ou trois jours avant
la fin du meſme Mois à cauſe du
temps dont les Relieurs ont beſoin.
Les Lettres feront toûjours adref
Tées chez le Sieur Amaulry. Celles
qu'on adreſſe ailleurs , courent rifque,
ou den'eſtre point reçeuës, ou de l'eſtre
toûjours trop tard.
Ceux de la Campagne qui ont offert
d'écrire des Nouvelles à l'Autheur
ſont priez de prendre cet Article
pour Réponſe , & de croire qu'ils
luy ferontun tres-grand plaifir , & fur
tout pour les Nouvelles de Guerre ,
dont il ne peut ſçavoir trop de particularitez
On
:
PREFACE.
- On reçoit tous les jours des Lettres
de Gens qui ſe plaignent qu'on n'a
point parléd'eux. Leurs plaintes cefferoient
s'ils avoient veu l'Extraordinaire.
Ceux qui envoyeront des Explications
de la Lettre en Chiffres,de l'Hiſtoire
Enigmatique ,& leurs Penſfées
ſur la Queſtion qu'on y propoſe , ſont
priez de les mettre ſur des papiers ſeparez
, & de ne les confondre point
avec des Explications qui regardent le
Mercure. Cela cauſe trop d'embarras à
l'Autheur , qui ayant un grand nombre
de Lettres, eſt obligé de ſeparer les
matieres qu'elles contiennent, pour ne
point relire la Lettre autant de fois
qu'il a beſoin des Articles diferens
qui y font. La Lettre qu'on a reçeuë
touchant le prix de l'Extraordinaire, &
qu'on trouvera fur la fin de ce Volume,
a fait faire reflexion qu'eſtant beaucoup
plus gros que le Mercure , il
couſtoit encor davantage à cauſe du
port. Ainfi pour obliger les Provinces,
on veut bien le mettre à Trente fols ,
& n'en pas dédire le galant Homme
qui l'ademandé pour elles. L'Extraor-
подстраи
ã v
PREFACE.
dinaire ne vaudra donc plus que Trente
ſols,quoy qu'il ſoit marqué cinquan.
te ſols.Ceux qui ſe plaignent qu'on ne
leur fait pas connoiſtre s'ils ont perdu
touchant les Gageures qui ſe font fur
les Enigmes , ne ſongent pas que c'eſt
affez les éclaircir , que d'en mettre le
veritable Mot.
L'Impreſſion
AVIS.
1
L'Impreſſion de ce Volume eftant
achevée , on s'eft apperçeu que dans le
Ballet Inpromptu de Monfieur le Duc
de S. Aignan , on avoit oubliéle Recit
qui fuit. Il doit eſtre mis entre le Concert
des Fluftes , & la ſixiéme Entrée.
RECIT DU DIEU PAN ,
Au milieu des Bergers joüans
&danfans.
Oulez, coulez charmans Ruiſſeaux,
le bruit CQue de vos claires Eaux
Anime les Oiseaux
A chanter mille Chansonnettes.
Que les Bergers contens dans leurs douces
Retraittes ,
Ne respirent qu'amour en ces jours des
plus beaux.
Bondiffez , innocens Troupeaux,
Auxdoux échos de leurs Musettes.
Coulez , coulez , charmans Ruisseaux
Que lebruit de vos claires Eaux
Anime les Oiseaux
chanter mille Chanſonnettes.
Faw
Faute à Corriger .
Il s'eſt gliſſé une faute dans la Lettre
de Meſſieurs de l'Académie d'Arles,
qui eſt dans
l'Extraordinaire;on y
trouvera Oyseaux pour Oyſeux. On
prie ceux que ce mot arreſtera, de ſe
donner la peine de le corriger.
L Avis
Avis pour placer les Figures .
L
'Airqui cominence par , Enfin de
nos Bergers les amoureux ſoûpirs,
doit regarder la Page 16.
L'Air qui commence par, Pourquoy
venir troubler le repos de ma vie, doit
regarder la Page 36 .
L'Arc de Triomphe découvert à
Rheims , devroit regarder la Page 79 .
Le deſſein dela Voûte de l'Arcade
de Leda , doit regarder la Page 89 .
L'Air qui commence par , Pendant
que nos braves Guerriers , doit regarder
la Page 131 .
L'Air qui commence par , Que l'Amour
flate doucement , doit regarder
la Page 176 .
Le Plan de Leuve doit regarder la
Page 177 .
L'Enigme en Figures doit regarder
la Page 225 .
Le Plan de Puycerda doit regarder
laPage 235 .
TABLE
TABLE
Des Matieres contenües
en ce Volume.
L
Ettre de Tirfis à Iris
Vers & en Profe.
Madrigal.
Air nouveau.
en

page 3
13
16
Le Roy donne à M. le Comte
de la Vaugadre le Gouvernement
de l'Ifle & Citadelle
d'Oleron ,
Mort de Mr. de Pauliac ,
17
19
Diverſes Charges données par
le Roy , 20
Mariage de Monfieur Lanta de
Grammont & de Mademoiſelle
de Riquet de S.Felix, 21
Mariage de Monfieurde Preval
de la Maroffiere , avec Ma
demoi
TABLE.
demoiſelle de la Selle , 22
Elegie ſur le Langage des Yeux,
23.
L'Amante fidelle , Hiſtoire , 26.
Combatde Monfieur de Brevedent
avec uneFregate contre
deux Corſaires Hollandois ,
44.
Monfieurle Chevalier de Maubeuge
prend deux Vaiſſeaux
d'Amſterdam dans la Manche,
ibid.
Son Alteſſe Royale donne à Mr.
le Chevalier de Lorraine ,
l'Abbaye de S. Iean des Vignes
, 45
Galanterie envoyée par Damon
à Amarante , 47
Airde Monfieur des Halus , 55
Promeſſe faite à Cloris par un
tres-galant Homme , 59
L'Amant quité , 60
L'Amant hardy , ou le Souflet
bien
TABLE.
64 bien reçeu ,
Le Roy donne une Penfion à
Mr. le Comte de Brionne , 65
Madame la Ducheffe de Savoye
donne une Abbaye à Monſieur
le Cardinal d'Eſtrées ,
66
Lettre ſur la PrinceſſedeCleves,
- 70

Arc de Triomphe découvert à
Rheims ,
78
Réponſe d'Iris à l'Amant intereffé
92
Le Roy donne la Charge de
Premier Preſident du Parlement
de Paris , à Monfieur le
96 Preſident de Novion ,
Monfieur Colbert Ambaſſadeur
Extraordinaire pour le Roy å
Nimegue , eſt fait Preſident
àMortier , 102
Sa Majesté donne à Monfieur
Pelletier la place deConfeiller
d'Etat
TABLE.
d'Etat ordinaire qu'avoit Mr.
- Colbert , 103
Monfieur Bignon eft fait Conſeiller
d'Etat Semestre à la
place de Monfieur Pelletier,
ibid.
Mort de Monfieur le Preſident
de Megrigny. Le Roy donne
ſa place de Conſeiller d'Etat
àMonfieur Colbert du Terron
, 104
Ballet Inpromptu, fait parMonfieur
le Duc de S. Aignan, &
dancé au Havre , ibid.
Deſcription de la Feſte du Jeu
de l'Arc qui ſe fait tous les ans
à Montpellier , 113
198
Galanterie envoyée à Monfieur
le Preſident Charton ,
Le Roy donne l'Abbaye de S.
Marcel dans le Quercy , à
Mr. l'Abbé de Camp ,
1
122
Sa Majefté donne au ſecond Fils
de
TABLE .
de M. de Lully, Surintendant
de la Muſique de la Chambre
,l'Abaye de S. Hilaire aux
environs de Narbonne . 128
Mort de M. Dupuis, Greffier en
Chef de la Cour des Aydes .
ibid.
Départ de pluſieurs Perſonnes
de la plus haute Qualité,pour
les Eaux de Vichy , jugées
tres -bonnes pour guérir des
Vapeurs. 129
Air nouveau .
132
Traduction de la Chanſon Italienne
qu'on a veuë dans le
Mercure du Mois de Mars .
132
Sonnet Italien au Roy.
Sonnet de M. l'Abbe Minot au
134
Roy.
Madrigal .
Avanture de Chaffe .
135
137
138
La Muzette , Galanterie meflée
de
TABLE .
de Profe & de Vers. 143
Sacre de M. l'Eveſque d'Ufez .
14.7
Sacre de M. l'Evefque de Digne.
150
Madame Colbert , Abbeſſe du
Lys , eſt benite ,
La Renommée à Monſeigneur
151
le Dauphin. 154
M.de Boulogne réüſſit tres-bien
dans le Tableau du May de
cette année, 158
Paroles de M. Marcelle miſes en
Air par M. de la Tour. 159
Air nouveau . 160
Lettre d'un Amant deſeſperé.
161
Mort de M. de Valencé Grand
Prieur de France . 166
Le Roy donne l'Abbaye de
Bourgueüil que poffedoit M.
de Valencé , à M. le Marquis
de Courtenvaut , Fils de M.
de.
TABLE.
de Louvoys . 174
Sa Majesté donne au Fils de M.
le Marquis de Monchevreüil
une autre Abbaye , poffedée
par le meſmeM. de Valencé ,
175
Inpromptu , ibid.
L'Amant Content , 176
L'Amant Plaintif , ibid.
Relation de tout ce qui s'eſt paffé
à la priſe de Leuve, 177
Départ du Roy , 196
Etat des Troupes d'Allemagne ,
202
Lettre ſur l'Extraordinaire du
MercureGalant, 205
Explication de la premiere Enigme
en Vers du Mois d'Avril,
211
Noms de ceux qui l'ont devinée,
213
Explication de la ſeconde Enigme
avec les Noms de ceux
qui
TABLE.
qui l'ont devinée, 345
Enigme de M. l'Abbé d'Albert,
355
Autre Enigme,
Enigme en Figures ,
224
225
233
Fin de la Table.
Mariages ,
!
Ex
***********
EXTRAIT DV PRIVILEGE
du Roy.
4
P A
r Grace & Privilege du Roy , donné à S.
Germain en Laye le 31. Decembre 1677 .
Signé , Par le Roy en ſon Conſeil , JUNQUIERES
. Il eſt permis à J. D. Ecuyer , Sieur de Vizé
, de faire imprimer par Mois un Livre intitulé
MERCURE GALANT , preſenté à
Monſeigneur LE DAUPHIN , & tout ce qui
concerne ledit Mercure , pendant le temps &
eſpace de fix années , à compter du jour que
chacun deſd. Volumes ſera achevé d'imprimer
pour la premiere fois : Comme auſſi defenſes
font faites à tous Libraires , Imprimeurs, Graveurs
& autres , d'imprimer , graver & debiter
ledit Livre ſans le conſentement de l'Expoſant,
ny d'en extraire aucune Piece , ny Planches
ſervant à l'ornement dudit livre , meſme d'en
vendre ſeparément , & de donner à lire ledit
Livre , le tout à peine de fix mille livres d'amende
, & confiſcation des Exemplaires contrefaits
, ainſi que plus au long il eſt porté auditPrivilege.
Regiſtre ſur le Livre de la Communauté le
s.Janvier 1678. Signé E.COUTEROT, Syndic.
Et ledit Sieur D. Ecuyer , Sieur de Vizé ,a
cedé & tranſporté fon droit de Privilege à
Thomas Amaulry Libraire de Lyon , pour en
joüir ſuivant l'accord fait entr'eux.
Achevéd'imprimer pour lapremiere fois le
6. Juin 1678 .
EXTRAIT DV PRIVILEGE
de Monseigneur le Vice - Legat
d'Avignon.
P
Ar grace & Privilege de Monſeigneur
l'Excellentiffime Vice- Legat , il eſtpermis
à THOMAS AMA ULRY Libraire de Lyon d'imprimer
& debiter le Livre intitulé Le Mercure
Galand , avec l'Extraordinaire dudit Mercure
Galand , avec deffences à tous autres d'imprimer
, vendre , ny debiter dans la Ville d'Avignon
& Comté Venaiſſin aucun Exemplaire
dudit Livre,même de ceux cy-devant imprimés ,
en tout ou en partie, que de l'impreffion dudit
AMAULRY, pendant le temps de ſix années, à
compter du jour que chaque Volume ſera imprimé
pour la premiere fois, à peine de fix mil
livres d'amende , ainſi qu'il eſt plus amplement
porté à l'Original ; & le preſent Privilege
eſt tenu pour deuëment ſignifié en mettant
un Extrait au preſent Livre. Signé
FR . NICOLINI Vice - Legat. Datté du
16. Avril 1678. Enregiſtré par FLORENT
Archeviſte.
Tous
2
Ous les Volumes de l'année
commencer par celuy
de Janvier , ſe donneront à
Vingt fols. L'Extraordinaire , ſe
donnera à l'avenir à Trente fols
relié , quoy qu'il ſoit marqué
cinquante fols.
دعب
MERCU
MERCURE
GALANT.
N
E vous plaignez
plus,Madame , il y
a moyen de vous
ſatisfaire . Je recevois
les reproches
que vous me faites de ce que
depuis quelque temps je ne vous
envoye rien de Monfieur de
Fontenelle, quand on m'a donné
une Lettre de ſa façon.L'Extraordinaire
vous a fait connoiftre
que celles d'Apollon & de l'Amour
à Iris eſtoient de luy , &
May. A
2 MERCURE
j'avois bien crû que vous apprendriez
avec plaiſir que vous
ne vous eſtiez point trompée
dans le jugement que vous en
aviez fait. Vous y aviez reconnu
ce caractere galant& naturel
qui eſt répandu dans tous ſes
Ouvrages , & vous l'auriez encor
reconnu dans ce dernier ,
quandje vous aurois caché qu'il
en eſt l'Autheur. Vous trouverez
de la nouveauté dans ledeffein
, & je ne doute point que
vous ne foyez contente de la
maniere dont il l'a traité. Lifez
& jugez .
TYRSIS ,
A LA BELLE IRIS.
Ly a aujourd'huy un peu plus
Inanquejevous vous
pour
GALANT.
3
pour la premiere fois , & par
conféquent que je vous aime.
C'eſt une journée trop remarquable,
& qui a eu de trop grandes
ſuites , pour l'oublier. Le
pourrez - vous croire ? Les
Amours l'ont folemniſée ; &
comme cette Fefte vous regarde
, vous auriez ſujet de vous
plaindre , ſi je vous en laiſſois
ignorer les particularitez .
Le premier jour de May 1678 .
on porta un Billet chez tous les
Amours. Ils y trouverent ces
quatre Vers.
Les Amours ſont demain priez d'un
grandDisne
Chez l'Amour , Fils d'Iris autrement
la***
Comme c'est le jour qu'il est né ,
Ilse met enfrais , &les traite.
Il vint donc un tres - grand
A ij
4
MERCURE
nombre d'Amours chez celuy
qui les avoit conviez;& auffitoft
qu'il les vit :
Chers Amours, leur dit-il avec un doux
Soûris ,
Nous celebrons une grande journée.
C'est aujourd'huy que jeſuis néd' Iris,
Aujourd'huy je compte une année.
Quoy ? vous n'auriez qu'un an , s'écriat-
on ? abus !
Vous paroiſſez trop grand & trop fort
pour vostre age.
De bonne-foy , dit-il , je n'ay pasdavantage,
Mais auſſi je ne croistray plus.
Apeine venois- je de naiſtre ,
Que j'estois déja grand Amour.
Iris qui me voyoit croiftre comme le jour,
S'imaginoit que j'allois toûjours croiſtre;
Mais quand on croiſt ſi viste , il est un
certainpoint
Où l'on s'arreste de bonne heure;
Ainsi qu' Iris ne s'en étonnepoint,
Mevoila tel qu'il faut que je demeure.
7 Apres ce peu de paroles qui
furent
GALANT.
S
furent dites en arrivant , les
Amours ſe mirentà table , &
chacun ayant pris place felon
fon rang ,
Le Maistre du Festin leur en fit l'ouverture
Par deux grands Plats que l'onſervit.
Dans l'un estoient des viandes en peinture,
Dans l'autre des Billets qu'il diſoit
pleins d'esprit.
Laplupart des Amoursse mirent en
colere.
Quoy, s'écrierent- ils , vous moquezvous
denous?
Viandes creuſes , Billets doux ,
Est-ce là le repas que vous voulez nous
faire?
Héquoy , reprit leur Hoste, est- ce que
mes Billets
Neferont pas pour vous une chere complete?
Iris neme nourrit que de ſemblables mets,
Ie vous traite comme on me traite.
Ie nesçay pas comment il faut vous recevoir
,
A iij
6 MERCURE
Si vous n'eftes contens de cequ'on vom
préſente ,
Carmoyſans vanité qui crois bien vous
valoir ,
Ilfaut bien que jem'en contente.
Presque tous les Amours l'avoient déja
quité ,
Enpeftant contre le régale.
Il eſtoitſeulement resté
Quelques perits Amours de vie affez
frugale , 4
Lors qu'ildit aux premiers ; revenezfur
vospas ,
Ie vous feray ſervir des viandes moins
legeres.
Pourmoy, voussoufrirez queje n'y tou
chepas,
Ilfaut que jem'en tienne àmes mets ordinaires.
Il parut auſſi - toſt un Service
dont tous les Amours furent
fort fatisfaits .Comme leur Hoſte
mangea fort peu , il s'appliqua à
les divertir par ſon entretien. Il
leur apprit que ſa naiſſance avoit
efté
GALANT.
7
eſté précedée de quelques Prodiges
, car ce n'eſtoit pas un
Amourdu commun. Ces Prodiges
eſtoient, que quelque temps
avant qu'il nâquiſt , le feu avoit
pris à tous les Livres de Morale
qu'avoit fon Pere , nommé Tyrfis,
jeune homme qui faifoit fort
le Philofophe , & que le Mercure
Galant eftant apparu une
nuit en fonge à ſa Mere Iris , luy
avoit dit ces mots , Aime , &je
t'immortalife. La Converſation
tourna en fuite fur Tyrfis &fur
Iris meſmes , & on demanda au
Maistre du Feſtin comment ils
eſtoient enſemble, ou s'il l'aimoit
mieux , comment Tyrfis eſtoit
dans l'eſprit d'Iris. Voicy ſa Réponfe.
Ce Tyrfis qui luy rend mille hommages
D
Aux dépens deſon coeur veut qu'elle les
conftans,
achepte
:
A. iiij
8 MERCURE
Iris, qui nesçauroit deſavoüer la debte,
Pour lepayer luy demande du temps.
Cependant s'il reçoit une oeillade flareuſe,
Et quelques mots douteux qu'il entend
commne il veut,
In croit quefa fortune est encor trop henreuse,
Card'uneméchante Payeuse
Ontire toûjours ce qu'onpeut.
Quand illuy dit qu'il fautqu'elle s'acquite,
Qu'elle ne fait que s'endebter,
Elledit que la debte est encor trop petite,
Pour se prefferde l'acquiter ;
Que quand ellefera plus grande,
Elle payera les foins qui se trouveront
deus,
Et que c'est ce qu'elle demande
Que de s'endebter encorplus.
Peut- estre quedepuis le temps qu'ellediffere,
Sa promeffe est un peuſujetteà caution ;
Pent-estre tout d'un coupfera-t-elle l'affaire.
Qu'en croyez-vous , Amours ? voilàla
question.

Là-deſſuslesAvis furentpartagez.
GALANT.
9
tagez. Il y en eut qui dirent que
vous m'aimiez ,& ce fut là le plus
petit nombre . Tout le reſte prétendit
queje n'eſtois point aimé ,
& leur opinion l'emporta par la
pluralité des voix. Cette diverſité
d'Avis vint de deux diférens
caracteres d'Amours qui
eſtoient là. Les uns estoient de
ces Amours délicats qui rafinent
fur les moindres chofes , & qui
ſe croyent heureux fur la foy
des Interpretes muets . Les autres
ſe moquoient de cette délicateffe
, & ne ſe flatoient de la
conqueſte des Coeurs qu'à bon_
nes enſeignes.
Iris aime déja, diſoient les délicats,
Puis qu'ellefent qu'ilfaut un jour qu'elle
aime.
Deſon coeur ébranlévous voyez l'embarras,
Cet embarras c'est l'Amour mesme.
Quand d'un coeurparſurpriſe il s'estfaie
V
TO MERCURE
recevoir,
Il ne veut pas d'abord s'en déclarer le
maiſtre ;
Iusqu'à cequ'il ait mieux établyſon pouvoir,
Il ſeménage trop pour ofery paroistres
A la plus foible marque ilfaut le reconnoistre,
Et l'on nefaitque l'entrevoir.
Qu'il est doux à Tyrſis , dont les yeux
Sans relâche
Cherchent du coeur d'Iris tous les replis
Secrets,
D'y démesler enfin un Amourquiſe cache,
Etse trahit pourtant par depetits effets!
Peut- estre quand Iris avoueroitsa tendreffe,
En entendre l'aveu, c'est unplaisir moins
grand,
Que de la découvrir par cette heureuſe
addreſſfe
Qui l'épie& quila ſurprend.
Deces raffinemens laméthode est subtile,.
Repliquoient les Amours de l'avis opposé;
Maisfisur cesGarandsTyrfis s'est reposé,
Tyrfis n'est pas trop difficile,
GALANT. IT
(
Puis qu'il nefaut pour contenterſesvoeux
Qu'un peu d'espérance incertaine,
Sans doute ce n'estpas lapeine
Qu' Iris en fasse un Amant malheu
reux..
Quelquefois exiger trop de reconnois-
Sance,
C'est lemoyenden'estrepas content.
Ilsepeut qu'ence cas la Belle ſedispenser
Depayer comme onlepretend,
Etvous voilàfans recompense.
Mais quand heureusement un Esprit fe
repaist
Deces Chimeres délicates,
Quivom font dans un coeurvoir tout ce
quivous plaift,
On ne sçauroit trouver d' Ingrates.
Pauvres Amours , connoiſſez vostre
erreur,
Laissez-là,laiſſez- làvosfines cõjectures.
Pour croire qu'on afait laconqueste d'un
coeur,
Il faut des preuves bien plusfeures.
Quand la Belle a dit àl'Amant,
Lepartage avec vous l'amour que je vous
donnes
La preuve est bonne affuréments
12 MERCURE
Et cependant elle n'est pas trop bonne.
Onpourroit souhaiter quelque chose de
mieux,
Sans ſouhaiter rien de trop tendre ;
Mais enfinun aveu si doux, fi glorieux,
Quoy qu'il n'ait point de ſuite, est toujoursbon
àprendre.
Si cen'est estre beureux , c'est du moins
estre aimé,
C'est dequoy satisfaire un Esprit rai-
Sonnable.
Quant au bonheurque Tyrſis s'estformé,
C'ét unbonheurd'Amant tres-misérable.
Cette conteftation aigrit les
Eſprits, & les Amours ne diſputerent
pas long-temps fans venir
juſqu'aux reproches. Lesdélicats
diſoient aux autres , qu'ils
eſtoient trop groffierspour goûter
ces fins plaiſirs de voir le
progrés qu'on fait peu à peu
dans un coeur qui ſe défend, &
dont la refiftance eft pouffée à
bout. Ceux qu'ils accufoient de
groffiereté, repouſſoient l'injure
GALANT.
13
re , en leur reprochant qu'avec
tous leurs raffinemens de délicateſſe
, ils avoient tellement
quinteſſencié l'Amour , qu'on
ne ſçavoit plus ce que c'eſtoit
qu'eſtre aimé ;
Et comme les Amours ont leſang un peu
chaud,
Et que la moindre bagatelle,
Unrien mesme , est tout ce qu'il faut
Pour faire entr'eux une groſſe querelle,
Ilsmettoient tous déja la main à leurs
Carquois ,
Déjapour le Combat ils preparoient leurs
armes ,
Et rempliſſant les airs de leurs confuses
voix ,
Ce n'estoit plus que troubles& qu'a-
Larmes;
Déja petits Amours contre petits Amours
Commençoient fieremet une guerre civile,
Si l'Hoste n'eust tâchépar ſesſages difcours
D'apaiſerpromptement leur bile.
11
14
MERCURE
Illeurfit concevoir combien leur queſtion
Estoit pour eux de legere importance,
Et leur dit que chacun tinſt ſon opinion,
En attendant la fin de vostre indiférence
Qui donneroit bientoſt une déciſion. ?
Cet avis fit ceffer leur ardeur belliqueuse,
Et quand la paixfut faite, ils tomberent
d'accord
Que c'estoit vous qui ſeule aviez eu tort
De laiſſerſi longtemps la Question dou-..
seuse.
Voila,belle Iris, ce qui ſe paffa
dans ce Feſtin. Vous devez
penſer à vous , car j'oubliois à
vous dire que tous les Amours
jurerent qu'ils vous feroient un
méchant party , fi vous ne dé--
cidiez pas promptement cette
Queſtion qui avoit causé un fi
grand defordre. Il me ſemble,
Madame , que vous devez eſtre
affez contente de moy , apres le
foin que je prens de vous faire
part d'une ſi ſpirituelleGalanterice
GALANT.
rie , avant qu'elle ait encor eſté
veuë de perſonne. Je feray plus,
& comme je ſçay l'eſtime que
vous avez pour l'Autheur , j'y
adjoûteray un Madrigal qui a
eſté fait à ſon avantage. Il vous
fera voir que vous n'eſtes pas la
ſeule qui vous étonniez que
dans un âge auſſi peu avancé
que le fien , il penſe ſi juſte, &
exprime ſi finementtout ce qu'il
penſe. Monfieur Petit,de Roüen
dont je vous ay déja parlé plufieurs
fois , en a trouvé une raifon
aſſez plauſible dans le Madrigal
que je vous envoye.
Voyez ſi vous ne ſerez pas de
fon fentiment.
Ontenelle , dans ton jeuneâge,
FAbiendevieux Rimeurs tupeuxfaire
leçons
Etquand on lit ton moindreOuvrage;
Qui ne t'a jamais ven , te prendpour un
Barbon. Si
16
MERCURE
Si ta Muſe naiſſante a produit des merveilles
,
Et fi tes Vers chantez dans le ſacré
Vallon ,
Desplus fins Connoiffeurs ont charmé les
oreilles ,
Pourquoy s'en étonneroit- on ?
Quandon eft Neveu des Corneilles,
On est Perit- Fils d'Apollon.
Le Dieu du Parnaſſe eſt celuy
du Chant , & il ne ſera pas
mal que je vous arreſte icy par
un Air nouveau de la façon de
Monfieur Hurel. Son nom eſt.
affez connu pour ne vous en
rien dire davantage. Les Paroles
font de Monfieur Devin. Je ne
doutepointque vous ne les trouviez
fort dignes d'étre chantées.
AIR.
ENfin de nos Bergers les amoureux
Soûpirs,
NosChamps pleinsde mille fleuretes,
GALANT. 17
Et des Oyſeaux les tendres Chanfonnettes
Annoncent en tous lieux le retour des Zephirs.
Mais la Nature en vain plus riante &
plus belle,
M'ofre tous sesplaisirs , & veut flater
mes sens.
CAR
Laſeule Iris douce ou cruelle,
Fait mon Hyver, ou mon Printemps:
Je devrois vous avoir parlé dés
l'autre Mois de l'honneur que le
Roy a fait à Monfieur le Comte
de la Vaugadre , en luy donnant
le Gouvernement de l'Ifle &
Citadelle d'Oleron . Il eſt d'une
des meilleures Maiſons d'Italie
& de Piémont ; & la Lieutenance
de Roy de Mets , dont Sa
Majesté l'honnora en 1663. fut
une récompenſe des ſervices
qu'il a rendus pendant la Régence
de la feuë Reyne Mere,
foitdans les emplois de la Guer
re,
18 MERCURE
re , ſoit dans les négotiations
fecretes de l'Etat. Un Pofte fi
avantageux ayant fourny à fon
zele de nouvelles occafions de
ſe ſignaler , il l'a fait paroiſtte
depuis quinze ans avec tant d'éclat,
que le Gouvernement dont
je vous parle eſtant demeuré
vacant par la mort de Monfieur
le Chevalier de Clerville , il a
eſté préferé pour le remplir , à.
beaucoup de Concurrens qui
pouvoient efpererd'y étre nommez
. Ce choix luy eſt d'autant
plus glorieux , que s'eftant fait.
dans un temps où l'Iſle d'Oleron
eſt devenuë une des plusimportantes
Places du Royaume par
les bruits d'une Guerre de mer
avec nos Voiſins , il marque plus
fortement la confiance que
prend Sa Majesté en Monfieur.
le Comte de la Vaugadre.
2
On
GALAN T.
19
On vous aura dêja appris la
mort de Monfieur de Pauliac
Capitaine aux Gardes. Il eſtoit
de la Maiſon de Cugnac, c'eſt à
dired'une des plus IlluftresMaifons
de Guyenne. Tout le moirde
ſçait que depuis plus de cinquante-
cinq ans, il a rendu tous
les ſervices que l'Etat pouvoit
attendre d'une Perſonne de fa
naiſſance &de fon merite .Apres
avoir paſſé par tous les degrez
ordinaires de la Guerre en qualité
de Cadet aux Gardes , &de
Mouſquetaire du feu Roy , il
avoit acquis à la teſte de trois
Corps confidérables, l'expérienconſommée
d'un Officier
achevé . Les Regimens de Belnave
&de Picardie l'ont eu pour
Chefjuſques en 1654. que tant
de marques d'un zele affidu , &
d'une fidelité inébranlable , le
rendi
ce
i
20 MERCURE
rendirent digne de la Compagnie
dont il fut pourveu dans le
Corps illuſtre du Regiment des
Gardes Françoiſes. Pluſieurs de
ſes proches,&Monfieur de Pauliac
mefime fon frere aifné , qui
ſacrifia ſa vie en ſe ſignalant au
Siege d'Arras, avoienteule même
honneur avant luy . L'eſtime
particuliere qu'il s'eſtoit acquiſe
dans l'eſprit du Roy depuis plufieurs
années, l'avoit fait choifir
par Sa Majefté pour luy confier
pendant ſes voyages de guerre ,
la garde des Perſonnes de la
Reyne & de Monfeigneur le
Dauphin. Il fut envoyé dans les
derniers troubles de Bretagne
pour commander l'Infanterie
dans cette Province . Monfieur
d'Artagnan Ayde - Major des
Gardes, a eu la Compagnie qui
avacqué par ſa mort; &l' Ayde-
Majorité
GALAN Τ. 21
Majorité a eſté donnée à Monfieur
Férand de Périgny. Ces
deux noms ſont ſi connus , qu'il
feroit inutile de rien dire davantage
de l'un & de l'autre.Le Roy
ne récompenſe que le vray mérite
; & ce qu'il luy a plû faire en
leur faveur, eſt une marque inconteſtable
de leurs fervices , &
qu'ils ont eſté agreablement receus.
Monfieur le Marquis de Lanta
de Grammont, a épousé Mademoiſelle
de Riquet de S. Felix,
qu
qu'on nommoit auparavant Madame
la Vallette - Cornuſſon .
Mr l'Archeveſque de Toulouſe
a fait la Benediction du Mariage,
où ſe trouva Monfieur l'Evêque
de S. Papoul,Oncle du Marquisdont
je vous parle .Monfieur
de Riquet donna un magnifique
Difner à ces Prélats & à toute
l'Affem
1
22 MERCURE
l'Aſſemblée, à Frépati aux environs
de Toulouſe ; & le Soir on
ſoupa chez le Marié .
Il s'eſt fait un autre Mariage
fur la fin d'Avril,de Monfieur de
Préval dela Matraſſiere , avec
Mademoiselle de la Selle.Elle eſt
Fille du feu Comte de ce nom ,
qui estoit Gouverneur de Montargis
. Monfieurde Prevala traité
en meſme temps d'une Charge
de Garde des Rôles de France.
Il a fa Scoeur mariée à Monfieur
Peliffier , Homme de mérite
, & connu pour tel dans le
monde, & eft Frere de Monfieur
l'Abbé de Perceigne , fort conſideré
pour ſa profonde do-
Ctrine .
L'Amour qui a fait faire ces
deux Mariages, a donné lieu aux
Vers qui ſuivent L'Autheur
m'en eſt inconnu . Je ne doute
point
GALAN T.
23
point qu'apres les avoir leûs ,
vous ne condamniez la modeſtie
qui l'a obligé à fe cacher.
838333333333
SUR LE
Ve
LANGAGE
DES YEUX.
ELEGIE.
mefert-ilde voir la charman-
Q te Silvie,
Et de paffer les jours les plus beaux de
mavie
A languir en ſecret pour cet Objet vainqueur
,
Si je veux luy cacher lepanchant demon
coeur,
Ilfaut luy découvrir leſecret de mon ame,
Pour pouvoir esperer du remede à ma
flame ;
Quelques maux qu'en aimant je m'expose
àSouffrir ,
Lesyeux qui m'ont bleſſésçauront bien
me guérir.
L'adorable Beauté dont je connois
l'empire , Soufri
24 MERCURE
Soufrira que mon coeur pour ſes charmes
Soûpire,
Et loin que mon amour ait dequoy l'irriter
Elle prendra plaisir à la voir éclater.
Quedis-je ! il ne fautpas que cet amour
éclate,
L'amoureuse langueur doit estre délicate,
Vn Coeur passionné , pour devenir heureux
,
Doit toûjours déguiſer le sujet de ſes
feux :
Lelangagedesyeux est un langage tendre
Que l'Amante & IAmantsçavent affez
C'est celuy dontſe ſert l'Amante pour
comprendre ;
charmer ,
C'est celuydontſeſert l'Amant quiſcait
aimer ,
C'est celuy qu'on entend chez les Amans
fidelles
Qui veulent ſignaler leurs ardeurs mutuelles,
Et c'est par luy qu'ilfaut qu'on exprime
d'abord
Tout ce que fait ſentir un amoureux
transport .
Ce
GALANT.
25
Ce langagemuet , cet éloquentfilence,
Persuadeſouvent beaucoup plus qu'on ne
pense ,
Ilse meſle aux langueurs , ilſe jointaux
Soûpirs ,
Quand il veut d'un Caur tendre expli
quer lesdefirs ;
Etfidans les transports dont ma flame
est suivie ,
Ie meſervois de luy pour les peindre à
Sylvie ,
Peut-estre qu'un Agent fi fin , ſi délicat,
Feroit deſſus ſon coeur quelque heureux
attentat.
Agiſſez donc , mesyeux , &luy faites
connoiſtre
Tout ce que sa beauté dans mon amea
fait naistre.
Ieveux ,je vous permets tout cequi vous
plaira;
Tout ceque vousferez, mon coeur l'aprouvera
,
Mon bonheur dépendra de vostre prompte
adreffe
A la convaincre aſſezde toute ma tendreffe
;
Vous ferez par vos foins mon bon ou
May. B
26 MERCURE
mauvaisfort ,
Et j'attendray de vous ou la vie , ou la
mort .
On a de tout temps aimé , &
il n'y a point de traverſes qui en
détournent. Ce que je vous vay
conter en eſt une marque.
Un Cavalier voyoit depuis
fort longtemps une tres- aimable
Perſonne avec tout l'attachement
que peut cauſer un amour
de ſympatie. Ils eſtoient tous
deux de Province , & le raport
de ſentimens qui s'eſtoit trouvé
entr'eux fur toutes chofes , leur
en avoit donné un fi fort dans
l'eſtime particuliere qu'ils avoiét
l'un pour l'autre , qu'il ne faut
pas s'étonner s'ils s'aimerent
preſque auffitoſt qu'ils eurent
commencé de ſe voir. Comme
leur paſſion eſtoit réciproque , il
n'auroit pas tenu à eux qu'elle
n'euſt éclaté dans les formes ;
mais
GALANT.
27
mais des raiſons de Familles toûjours
fâcheuſes pour les Amans
les obligeoient d'en faire un ſecret.
Le Cavalier avoit un de ces
Peres impérieux & inflexibles
qui ne veulent jamais rien moins
que ce que leurs Enfans fouhaitent
, & qui s'eſtant mis en
teſte de marier ſon Fils à ſa fantaiſie
, s'eſtoit hautement expliqué
contre la belle Perſonne
qu'il aimoit, avec menaces de le
def- hériter , s'il s'oublioit jamais
juſqu'à l'épouſer malgré luy.
Cette menace leur fit garder
des meſures , mais elle ne pût
rien ſur leur amour. Ils ſe virent
moins , & s'aimerent encor d'avantage.
Cependant la Belle qui
eſtoit maiſtreſſe de ſes volontez
& de fon Bien , fit un voyage à
Bologne chez une Tante qui
l'aimoit fort, & dont elle ſuivoit
1 Bij
28 MERCURE
les avis comine des ordres . Elle
n'y fut pas plutoſt arrivée , que
ſa beauté & l'agrément de fon
efprit luy attirerent les civilitez
de tout ce qu'il y avoit d'honneſtes
Gens dans la Ville.On luy
conta des douceurs , on ſe déclara
, & parmy ſes Proteftans ,
un jeune Capitaine dont la
Compagnie eſtoit là en Garnifon
, par ut des plus empreſſez .
Son Bien estoit connu de la Tante.
Elle estoit éclairée ſur le mérite.
Cet Officier n'en manquoit
point , & comme elle crût que
ce ne feroit pas unméchant Party
pour ſa Niéce , elle favoriſa
leurs entreveuës , & combatit
inſenſiblement le trop de conftance
dont cette Niece ſe piquoit
pour fon Amant . Elle ſçavoit
tout le commerce de cet
amour,& les obſtacles qu'elle y
voyoit luy en faiſant tenir le fucGALANT
.
29
६ cés comme impoffible,elle n'euft
pas efté fâchée que la Belle euſt
changé de ſentiment. Les raifons
dont elle ſe ſervoit pour l'y
porter , eſtoient qu'elle ne devoit
point s'aſſurer ſur une tendreſſe
ſurannée, qu'un rien fuffifoit
quelquefois pour la détruire
, que la jeuneſſe ſe paſſoit à
attendre,& que les déclarations
d'amour les mieux en forme,
n'aſſujettiſſant plus quand l'intereſt
s'en meſloit,une médiocre
fortune préſente & affſurée valoit
bien les eſpérances d'une
plus grande qui pouvoit manquer.
Cela diſoit quelque choſe,
mais beaucoup moins que la
veuë du Capitaine. Il eſtoit bien
fait, galant, ſpirituel , & la Belle
ſe défia tellement de ſes forces,
que pour ſe conſerver à celuy à
qui elle s'eſtoit promiſe, elle eut
L B iij
30
MERCURE
beſoin de luy faire connoiſtre
ce qui ſe paſſoit. Sa Lettre qui
le preffoit de la venir trouver à
Bologne , où elle jugeoit ſa préfence
d'un tres-utile ſecours
pour elle , fit l'effet qu'elle en
avoit attendu. Il eſtoit à Dieppe
quand il la reçeut . Quelques
affaires l'y avoient mene.L'embarras
n'en eſtoit pas ſi grand,
qu'il ne trouvaſt le temps de ſe
divertir. Ce jour-là meſme cinq
ou fix de ſes Amis l'avoient mis
d'une Partie de Chaſſe ſur l'eau .
La Mer eſtoit belle. Il y pafſoit
quantité de Gibier , & on
voyoit dans cette Partie toutes
les apparences d'un fort grand
plaifir . Le Cavalier qui eſtoit naturellement
propre , parut dans
cette petite Feſte avec vn Habit
fort galant.On équipa un petit
Bateau. On fit bonne provifion
>
31
GALANT.
fion de poudre, de Balles , & de
Bouteilles. On but , on tira , &
tous coups porterent avec fuccez.
La Lettre qui fut renduë à
noſtre Amant au moment qu'il
entroit dans le Bateau , luy tenoit
fortement au coeur. Il ne
s'agiſſoit pas ſeulement d'y faire
réponſe. On vouloit qu'il vinſt
défendre ſes droits contre un
Rival ; & comme on s'aviſe de
tout, & que rien ne paroît difficile
quand on aime , il s'apperçeut
que le vent ne pouvoit
eftre meilleur pour le mener où
l'on l'attendoit. Il parla au Pilote
, luy donna dix Loüis d'or,
& l'obligea par cette libéralité à
mettre le Cap vers Bologne fans
en avertir ſes Amis. Le vent eftoit
favorable , & nos Chaffeurs
eſtoiét déja fort loin de Dieppe,
fans qu'ils fongeaſſent à rien
B iiij
32 MERCURE
moins qu'à la route qu'ils tenoient.
Ils tuoient toûjours du
Gibier. Ce plaifir les occupoit,&
tout alloit le mieux du monde
pour le Cavalier à qui le Pilote
alloit faire découvrir le lieu où il
vouloit aborder, lors qu'ils aperçeurent
un petit Vaiſſeau qui
venoit ſur eux. C'eſtoit un Capre
Hollandois , que les coups
qu'il avoit entendus tirer tout le
jour avoient attiré . Ils s'étonnerent
de ſe voir ſi avant dans la
Mer , mais il n'eſtoit pas temps
de raiſonner fur ce qui estoit
ſans remede . Le péril preſſoit. Il
falloit prendre party , & il n'y en
avoit pointd'autre que de ſe rendre
, ou de refifter. Beaucoup
d'entr'eux qu'un peu de débauche
avoit échaufez , & qui remarquerent
que le Capre eſtoit
ſans Canon , prétendirent qu'il
y auroit de la lâcheté à ne ſe
GALANT.
33
pointbattre. Ceux qui ne ſe piquoient
point de la bravoure,
n'oferent le faire paroiſtre.Ainſi
malgré l'inégalité du nombre , il
fut réſolu qu'on ne confentiroit
à ſe laiſſer prendre qu'apres
que la Poudre auroit manqué.
Les Ennemis firent d'abord leur
décharge à portée ſur les Chafſeurs.
Ils en tuerent & blefferent
quelques-uns Le reſte ſe défendit,&
tira vigoureuſement.Mais
le grand defordre fut à l'abordage.
Les Hollandois vinrent fur
eux le Sabre à la main ,& vangerenttrois
des leurs qui furent
tuez,fur toute cette petiteTroupe
à la quelle ils ne firent aucun
quartier. Le Cavalier reſtoit feut
avec deux des Matelots.La propreté
de fon Habit leur fit croire
qu'il avoit une groſſe rançon
àeneſpérer. Ils le garderent ,&
Bv
34
MERCURE
un des Equipes du Capre qui
parloit un peuFrançois, luy ayat
demandé qui il eſtoit, & où ilalloit
dans une auffi petite Barque
que celle où il s'eſtoit défendu,
il répondit qu'une affaire de
tres -grande conféquence pour
luy , l'avoit obligé à ſe ſervir de
l'occaſion du vent pour aller de
Dieppe à Bologne ,& que fi on
vouloit l'y mettre à terre ſeulement
pour ving-quatre heures,
ildonneroitune Lettre de change
ſur un tel Marchand de
Roüen ou de Paris qu'on voudroit
, avec promeſſe de ſe rendre
le lendemain à bord pour y
refter en oftage juſqu'au payementde
la ſomme dont on conviendroit
avecluy. Soit que l'air
dont l'amour luy fit demander
cette grace euſt touché les Matelots
,Nation cruelle , &prefque
GALANT.
35
que toûjours impitoyable ; foit
qu'ils ne ſçeuſſent pas affez leur
meſtier pour connoître que toutes
obligations faites en pareil
cas font nulles , ils ſe contenterent
de tirer de luy une Lettre
de change de quinze mille livres
, qu'ils firent mettre fous le
nom d'un Marchand Anglois,
payables à huitjours de veuë fur
un autre Marchand de Roüen.
Ils le firent en fuite porter à terre
ſur ſa parole , proche le Port
deBologne , dans la pensée que
quand il ne reviendroit point ,
ils ne toucheroient pas moins
cette ſomme . Le Cavalier chargea
celuy qui luy avoit déja parlé
François , de le venir reprendre
le lendemain au point du
jour,& l'affura qu'il ne manqueroit
pas de ſe rendre au meſme
endroit..C'eſtoir un ordre qu'il
croyoit
36 MERCURE
croyoit affez inutile à luydonner.
Quoy qu'iln'y eût point d'Home
qui fuſt plus exact à tenir parole,
il ne ſe perfuadoit pas qu'il puſt
yaller de fon honneur de n'en
point manquer en ce rencontre,
& il entra dans la Ville en ſe promettant
fort à ſoy -meſime de ſe
laifferattendre longtemps par les
Hollandois. Il s'informa de la
Ruë où logeoit la Tante de l'aimable
Perſonne qu'il venoit
chercher , & il pria un jeune
Officier de grand air,& fort bien
mis , de luy enſeigner ſa Maiſon
lors qu'il n'en eſtoit plus qu'a dix
pas. Cet Officier eſtoit ſon Rival.
La Tante qui entroit affez
dans ſes interefts , l'avoit convié
à fouper , & devoit donner les
Violons ce meſme ſoir à ſa Niéce.
L'accés que cette Tante luy
avoit permis chez elle à toute
heure
GALANT. 37
heure , joint à la fierté qui eſt
preſque toûjours inſéparable de
ceux de fa Profeſſion, luy faiſoit
croire qu'on ne devoit entrer
dans cette Maiſon que par fon
ordre, ou du moins qu'on eſtoit
obligé de luy rendre compte de
ce qu'on avoit à y faire . Le Cavalier
n'eſtoitpointHomme à ce
détail , & la curioſité du Capitaine
fut mal fatisfaite . L'un ny
l'autre n'avoit l'humeur endurante.
Quelques paroles d'aigreur
leur échaperent. Ils mirent
l'Epée à la main. L'action
fit bruit . On s'amaſſa dans la
Ruë. La Tante & la Niece parurent
à la feneftre , & firent
fortir du monde qui les ſépara.
Quelques autres Officiers de la
Garniſon qui estoit de la Feſte
du foir , arriverent. Ils parlerent
d'accommodement . Le
Capitaine
38 MERCURE
Capitaine qui avoit pris de l'eftime
pour le Cavalier ſur ſa bravoure
, y donna les mains , & ils
entrerent tous chez la Tante.
Jamais ſurpriſe ne fut pareille à
la ſienne , lors qu'elle reconnut
le Cavalier. Il ne s'etonna pas
moins de voir ſa Maiſtreſſe.Cette
rencontre luy fit auſſitoſt juger
qu'il avoit tiré l'Epée contre
fon Rival. On les obligea de
s'embraſſer ſans rien éclaircir..
Le Cavalier paſſa pour un Parent
de la Tante. On le mit du
Régal, & on luy fit comprendre
en peu de mots qu'il y alloit de
l'intereſt de ſon amour de ne ſe
point faire connoiſtre pour ce
qu'il eſtoit. C'eſtoit luy en dire
affez pour obtenir tout de ſa
complaiſance. Il s'obſerva pendant
le Soupé , & fans donner
aucune marque de l'intelligence
GALANT.
1 39
-
1
-
ce qu'il avoit avec la Belle, il affecta
dans ſes manieres une liberté
d'agir qui trompa entierement
ſon Rival. Ils bûrent à la
ſanté l'un de l'autre . Tout le ſoir
ſe paſſa en joye , & apres qu'on
eut danſé quelque temps,le Capitaine
propoſa une Partie de
Maſque pour achever agréable.
ment ce qui reſtoit de la nuit.
On dit qu'il y avoit un fort grād
Soupé chez Monfieur le Lieutenant
de Roy. Chacun ſe déguiſa
comme il pût ; & le Capitaine
qui avoit fort prié le Cavalierde
vouloir eſtre de ſes Amis,
crûtqu'il ne pouvoitmieux s'empeſcher
d'eſtre reconnu, qu'en
changeant d'Habit avec luy. Je
vous ay déja dit, Madame , que
le Cavalier qui s'habilloit toûjours
de bon air, s'eſtoit mis fort
!
proprement ce jour-là.L'échange
40
MERCURE
ge ſe fit entre les Rivaux , & ce
dernier ſe ſervit d'une Robe de
chambre pour cacher entierement
l'Habit que le Capitaine
luy donna . La liberté qui eſt attachée
au Maſque , luy procura
celle d'entretenir quelque temps
ſa belle Maiſtreſſe. Il luy conta
une partie de ſes avantures ; &
l'arrivée du jour ayant fait ceffer
la danſe , les Hommes remirent
les Dames chez elles , &
toute la Compagnie ſe ſepara .
Le Capitaine qui avoit un nouvel
échange d'Habit à faire avec
ſon Rival , le pria de venir déjeuner
chez luy ; & comme il
eſtoit tres -matin , il l'engagea à
faire auparavant une promenade
au bord de la Mer , afin
d'y gagner de l'appétit. Ils y
allerent avec leurs Habits de
Maſque, & ayant avancé inſenfible
GALANT. 41
fiblement vers l'embouchure du
Port , le Capitaine y découvrit
un petit Bateau qui luy fit naître
l'envie de faire un tour fur
la Mer. Il convia le Cavalier à
prendre ce divertiſſement , &
entra dans le Bateau fans attendre
ſa réponſe,ne doutant point
qu'il ne le ſuiviſt; mais la figure
de quelques Matelots Hollandois
qui parurent , l'empefcha
de ſe haſter. Ces Matelots reconnurent
l'Habit du Cavalier
que portoit le Capitaine, & fans
examiner aux traits du viſage
s'ils emmenoient celuy qu'ils venoient
chercher , ils déborderent
la barque malgré ce qu'il
leur diſoit , pour leur faire prendre
le Cavalier , & ils le menerent
toûjours à bon compte à
bord du Capre qui les attendoit.
Il voulut ſe ſervir de ſon Epée,
mais
42
MERCURE
mais deux d'entr'eux qui ſe jetterent
fur luy, l'obligerent à ceder
au nombre , & il falut qu'il
ſe laiſſaſt conduire à Fleſſingue,
tandis que le Cavalier vintmettre
ordre à ſes affaires aupres
de la Belle , qui n'aprit qu'en
tremblant les périls qu'il avoit
courus. Il fit changer de fentimens
à la Tante ,& comme elle
ne s'eſtoit déclarée contre luy
que parce qu'elle doutoit de ſa
fermeté apres les menaces de
fon Pere, il luy donna de fi fortes
aſſurances pour ſa Niece ,
qu'elle ſe réſolut comme elle à
attendre , ou que ce Pere trop
abſolu ſe laiſſaſt fléchir , ou que
ſa mort miſt ſon Fils en pouvoir
de diſpoſer de luy-méme.Quelques-
uns prétendent qu'ily ait
un Mariage ſecret. C'eſt une
circonſtance dont je ne fuis pas
afſuré.
GALANT. 43
aſſuré. Je ſçay ſeulement qu'ils
s'aiment toûjours en Amans , &
qu'ils ne continuënt à ſe voir
qu'avec grande circonfpection.
Comme on ne fçait pas fi facilement
les Nouvelles de mer
que celles de terre , je ne vous
puis rien dire des Vaiſſeaux que
commande Monfieur le Comte
d'Eſtrées , finon qu'ils estoient à
la Martinique le 12. de Mars. Je
croy vous avoir marqué dans la
Relation de Tabago , que le
jour avant que noftre Flote arrivaſt
devant cette Ifle , il s'en
eſtoit ſauvé une grande Fluſte .
On a ſçeu qu'elle avoit eſté priſe
devant Corafol & menée
dans leCul de Sac de S. Domingue.
Vous voyez , Madame, que
rien n'échape aux François. Il y
a quelque temps que Monfieur
de Brévedent Capitaine d'une
de
,
44
MERCURE
de nos Frégates legeres , montant
une Fluſte armée en guerre
, rencontra deux Corſaires
Hollandois , dont il y en avoit
un de vingt - quatre Pieces de
Canon , & l'autre de dixhuit. Il
ſe batit contr'eux pendant onze
heures à deux repriſes , & ils furent
enfin obligez de le quiter,
apres avoir perdu plus de vingt
Hommes. Ils relâcherent à S.
Chriſtophle pour ſe radouber.
Monfieur de Brévedent ne perdit
que cinq ou fix Hommes . Il
faut vous dire encor fur cet Article
de Mer , que Monfieur le
Chevalier de Maubeuge , qui
commande une Eſcadre de cinq
de nos Navires dans la Manche,
a pris deux Vaiſſeaux d'Amſterdam
chargez de Bled .
Monfieur , avec l'agrément
du Roy , a donné à Monfieur le
Cheva
GALANT.
45
Chevalier de Lorraine , l'Abbaye
de S. Jean des Vignes dans
la Duché de Valois. Elle estoit
vacante par la mort d'un Seigneur
Piemontois qui la poſſedoit
depuis plus de foixante années .
Cette Abbaye eft tres - confidérable
. Son Alteſſe Royale qui ne
laiſſe aucun ſervice ſans récompenſe
, l'a chargée d'une Penfion
pour le Fils d'un de ſes Valets
de Chambre qui fut bleſſé
aupres de luy à la Bataille de
Caffel. Monfieur le Chevalier
de Lorraine , apres en avoir obtenu
la permiffion de Monfieur,
y a mis de luy-mefme une autre
Penfion , en faveur du Fils de
Monfieur le Marquis de Pluvaut
, Grand- Maître de la Garderobbe
de Son Alteſſe Royale .
Cette action eſt digne d'un
Prince comme luy ,& d'ailleur
vous
46 MERCURE
vous connoiffez le mérite de celuy
qu'elle regarde. La Bataille
de Caffel en rend un témoignage
affez glorieux.
Ce qu'on donne , tire quelquefois
moins ſon prix de la
choſe , que de la maniere dont
on la donne. J'en trouverois des
Témoins dans le Dauphiné , où
l'on m'affure qu'un préſent
d'Avoine mondée a eſté fort
agréablement reçeu, parce qu'il
eſtoit aſſaiſonné de la Lettre que
vous allez voir. Apparemment
la Belle à qui on a fait le préſent,
avoit témoigné le ſouhaiter.
DAMON,
GALANT. 47
2.
e
2
DAMON,
A L'AIMABLE
AMARANTE.
,
de
Ardez- vous bien , aimable
Amarante
recevoir ce que je vous
envoye comme un chétif
Présent de Village. Il vient
de bon lieu. Les Muſes dont je
ne ſuis que l' Agent y ont mis la
main , &j'ay esté chargéfort expreßément
de vous le faire tenir
de leurpart. Vous estes connuëfur
Le Parnaſſe ; & dans la derniere
occaſion qui m'y fit aller (car vous
Scavez que j'y fais quelquefois de
petits Voyages ) j'appris que voftre
Nom faisoit bruit parmy les
Divinitez qui l'habitent. Lefouvenir
48 MERCURE
f
venir qu'on y a de vous preſentement,
vous est d'autant plus avantageux,
que tout y paroist extraordinairement
empressé. L'en appris
la cauſe ces derniers jours en
allant confulter une de ces Doftes
Filles ſur quelque chose qui vous
regardoit . Voicy ce qu'elle me dit
Sur l'embarras où je la trouvay .
Damon, puis que c'eſt ton defir
Deſçavoir ce qui met le Parnaſſe en
affaire,
Je veuxbien pour te fatisfaire,
Dans ce grand jour t'en donner le
plaifir.
Sçache qu'Apollon nous ordonne
De cüeillir nos plus verds Lauriers,
Pour en former une Couronne,
Digne du plus grand des Guerriers.
Le Héros des François , ce Loüis ſi
terrible,
Cauſe tous nos empreſſemens ,
Et c'eſt ceMonarque invincible,
Aqui nous deſtinons d'illuſtres Monumens.
Ce
GALANT. 49
Cependant puis que tu veux croire
Que ton Amarante fait gloire
De tout ce qui peut t'obliger ;
Si la reconnoiſſance eſt ce qui t'emba
raffe ,
Je conſens, pour te dégager,
A te fournir pour elle unPréſentdu
Parnaffe.
Iugez, belle Amarante, fi cette
avance meplut, aprés ce queje luy
avois témoigné d'abord de lapasfion
que j'avois de vous donner
d'éclatantes marques de ce que je
voudrois faire pour vostre gloire.
La joye que j'en fis paroiſtre ne
peut s'exprimer. Ie m'offris à vous
faire tenirſur l'heure ce qu'onme
promettoit defibonne grace ,&je
m'attendois à quelque chose qui
fust digne& devous &de la Muſe
qui me parloit , lors qu'elle me
mit entre les mains le Paquet que
vous recevrez . On ne peut estre
plusfurpris que je lefus de la na-
May. C
1
fo
MERCURE
turede ce Préſent ; & comme elle
s'apperçeut que je le trouvois peu
considerable , elle me dit enſoûriant
;
Envain tu parois étonné.
Nous avons déja tout donné
Ala Belle qui te captive.
Nos foins en ſa faveur par d'affidus
efforts,
Ont épuiſé tous les treſors,
Qui font qu'au plus haut point le vray
merite arrive.
Cet eſprit délicat que vous admirez
tous,
Cet air auffi noble que doux,
24.Et ces penétrantes lumieres,
Dont l'éclat dans le Sexe attire un oeil
jaloux
Lors qu'elle y paroiſt des premieres,
Tout cela, Damon, vient de nous .
2 Comme ces paroles m'inſpirerent
un air férieux qui fit connoistre
à la Muse , que je ne me
payois pas de cetteraifon , &que
je
GALANT.
Sr
je la prenois pour une marque de
l'indigence où le Parnaſſe mefembloit
réduit ; elle penetra mapen-
Sée, &y répondit par ces mots.
On nedonne que ce qu'on peut,
Et c'eſt la raiſon qui le veut.
Ainfi,Damon, aprens que noſtre Mont
ne porte
Qu'un peu de grain de cette forte.
Encor ne vient- il pas comme tu le reçois.
Celuy que je te donne a paſſé par nos
doigts,
Et pour luy donner plus de force,
Nous en avons ofté l'écorce.
Pegaze, ce pauvre Animal
Qui n'a point d'autres mets , pourra
s'en trouver mal ,
Car c'eſt autant, je te lejure,
De rabatu ſur ſa paſture.
Pour nous nous n'en uſons jamais;
Et fi nous avons le teint frais,
Et toûjours plus blanc que la neige,
C'eſt de noftre deſtin l'eternel privilege.
Tu ſçais qu'on nemeurt point chez
nous, Cij
52
MERCURE
Que ſans boire & manger, la brillante
jeuneſſe
Qui nous accompagne ſans ceffe,
Nous fait vivre au milieu des plaiſirs
les plus doux.
Malgré tout ce bonheur , prendre notreMontagne
Pour quelque Païs de Cocagne,
C'eſt en juger trop favorablement,
Car nous n'avons ſur le Parnaſſe,
Qu'une Fontaine ſeulement,
Un peu d'herbe & du grain pour le
foulagement
Du Cheval emplumé qui parmy nous
a place.
Maisne laiſſe pas d'envoyer
Ce Preſent åton Amarante;
Comme à plus d'un uſage on le peut
employer,
Je ſçay qu'elle en ſera contente.
Le grain dont nous luy faiſons part,
Monte , eſtant preparé , ſur les meilleures
Tables,
Et peut ſervir d'innocent fard
AuxPerſonnes les plus aimables.
A rafraiſchir le teint il n'a point ſon
pareil,
Il rajeunit,engraiffe,excite le ſommeil.
Adieu,
GALANT. 53
Adieu , depuis long-temps avectoy je
raiſonne.
Pour immortaliſer des Exploits inoüis,
Je cours avec mes foeurs achever la
Couronne
Que deftine Apollon à l'Auguſte
Loüis.
Elle disparut en mesme temps ,
& me quitta lors que j'avois mil-
Le choses àluy demander. Ie n'ofay
prendre la liberté de la rappeller,
&je l'aurois fait sans doute inutilement
; puiſque les Muſes ne
viennent que quand il leur plaift.
L'execute l'ordre que j'ay receu , &
ne doute point que mon Avoine
mondée ne soit beaucoup meilleure
quesi elle venoit de tout autre
lieu. L'oubliois à vous dire qu'elle
inspire des Vers à ceux qui en uſent
&quesi vous la faites cuire dans
un peu d'cau d'Hipocrene dont je
Sçayque vous estes pourvenë, vous
Cij
54
MERCURE
encherirezencor,ſi celasepeut fur
la maniere admirable dont vous
Sçaveztourner les Madrigaux &
les Bouts-rimez . Ne vous fachez
pas de ce quej'ay l'honneur d'estre
voſtre Confrere en Apollon. Cela
ne gaste rien . Les Muſes font de
vostre Sexe , & ilme ſemble que
j'en suis encor avec plus depaſſion
voſtre tres , &c .
Je vous envoye quatre Vers
qui ont eſté trouvé admirables.
Monfieurdes Halus les a mis en
Air ; mais comme cet Air a commencé
déja à courir, & que vous
me pourriez reprocher qu'il ne
feroit pas nouveau , je me contente
de vous en faire voir les
Paroles.
'3
AIR.
GALANT.
55
AIR .
Vevostrefort est doux , Fleursqui
Q venezd'éclore ,
Et qu'un coeur amoureux en connoit bien
leprix!
Vous naiſſez ſur le ſein de Flore ,
Vous mourezfur leſein d'Iris .
Pour vous empêcher de vous
plaindre de ce que je ne vous
envoye point ces Versnotez , en
voicy d'autres qui l'ont eſté depuis
trois jours par Monfieur le
Froid .C'eſt un Homme fort confommé
en Muſique , & qui fait
de tres - habiles Ecoliers. Une
belle & jeune Perfonne , encor
plus eftimable par les qualitez
de fon ame, que par les charmes
de fon viſage, a fourny la matiere
de ces Vers. Elle avoit quité
Paris pour la Province , où elle
aune fort belle Terre; & unCa
Ciiij
56 MERCURE
valier qui l'aimoit ſans avoir pû
trouver l'occaſion de s'en expliquer,
s'eſtoit conſolé de fon depart
qui luy devoit rendre l'entiere
liberté de ſon coeur. Les
choſes ont changé. La Dame eſt
revenue à Paris. Le Cavalier l'a
reveuë , & ne l'ayant pû revoir
ſans reprendre les premiers fentimens
qu'il avoit pour elle , il a
commencé à les luy faire connoiſtre
par ce Rondeau mis en
Air. Vous trouverez icy les
Notes.
AIR NOUVEAU.
Dourquoy venir troubler le repos de
mavie ,
Quand mon coeur contre vousse croit en
Seureté?
Eloigné de vostre beauté,
Ienegardois aucune envie
Derevoir ces beaux yeux dont je suis
enchanté,
Pour
GALAN T.
57
Pourquoy venir troubler le repos de ma
vie ,
Quand mon coeur contre vous se croit en
Seureté?
Il ſe fait tous les jours des
Obligations de toute eſpece ,
mais je croy qu'il n'en fut jamais
une ſi particuliere que celle dõt
j'ay à vous parler. Dans une belle
Compagnie où il y avoit force
Gens d'eſprit de l'un & del'autre
Sexe , on loüa fort la genéroſité
d'un galant Homme , qui
voulant faire du bien à une aimable
Perfonne qu'il ne pouvoit
épouſer , luy avoit donné un
Billet par lequel il confefſoit luy
devoir une ſomme conſidérable,
quoy qu'il n'en euſt jamais rien
reçeu . Un jeune Amant qui ve
noit de recueillirune affez grande
Succeffion , & qu'on croyoit
fort épris d'une Belle qui eftoir
CV
58
MERCURE
préſente,dit qu'il iroit encor plus
loin pour ce qui luy toucheroit
le coeur , & qu'il ſe ſoûmettroit à
payer les intereſts outre ce qu'il
confefſeroit avoir reçeu , quoy
qu'on ne luy euſt rien donné. Il
s'agiſſoit de la preuve .On la demanda
en faveur de la Belle dõt
il ſembloit eſtre le Proteſtant . Il
luy preſenta la plume pour écrire
ce qu'elle voudroit. Elle entendit
raillerie , &jugeant comme
elle devoit d'une propofition
de cette nature faite en préſence
de tant de Témoins , elle luy
dit en riant , qu'il valoit mieux
qu'il fit le Billet luy-meſme,mais
qu'il priſt garde à ce qu'il écriroit
, parce qu'elle estoit Fille à
s'en prévaloir. Il écrivit auſſitôt,
&luy mettant le Billet entre les
mains d'une maniere toute ſerieuſe
, il adjoûta qu'il dépendroit
GALANT. 59
droit d'elle de ne luy demander
jamais ce qu'il ne ſçavoit que
trop qu'elle ne luy avoit point
donné ; mais que ſi- toſt qu'elle
ſe trouveroit d'humeur à l'exiger
, il proteſtoit que ſon ſoin le
plus preſſant ſeroit celuy de la
fatisfaire. Ces paroles firent juger
à tout le monde qu'il auroit
écrit quelque agreable folie , &
comme il ne manquoit pas d'efprit
, on s'empreſſa pour voir le
Billet. La Belle qui en avoit ry
en le liſant , ne fit point de façon
pour le donner. On leleût , &
voicy ce qu'il contenoit .
Ieſous-figné, confeſſe devoiràla jeune
Cloris cinquante Baisers que j'ay regeus
d'elle pour soulager mon amourdans
une tres-preffante neceffité ; meſoûmettant
de luy en payer deux tous les jours
pour l'interest jusqu'à l'entier remboursement
que je promets luy en faire toutefres
& quantes. Fait en présence de Lar
F
60 MERCURE
Fidelité&de la Tendreſſe , qui ontſigné
avec moy comme Témoins.
LE PASSIONNE'.
Toute la Compagnie demeura
d'accord qu'on pouvoit eſtre
genéreux de cette forte , fans
s'expoſer à ſe repentır. La Belle
ſe tira d'affaires avec un enjoüement
admirable,&il n'y eut rien
de ſi divertiſſant que toute cette
converſation .
Avoüez , Madame , qu'il ſeroit
à ſouhaiter qu'on en uſaſt
toûjours de la forte , & qu'on ne
ſe fiſt jamais une affaire ſérieuſe
des amuſemens de l'Amour. On
s'épargneroit beaucoup de fujets
de plainte. En voicy une
d'un Amant diſgracié , qui vous
fera voir que ce ne ſont pas toûjours
les Hommes qui font inconftans.
L'A
GALANT. 61
L'AMANT QUITE' .
L
EPrintemps vit naistre mesfeux;
Les Fleurs dans ces aimables lieux
Commençoient àpeine d'éclore,
Quand mon coeur libre encore,
A l'aspect de la jeune Iris ,
Deſes beautez tout à coup fut épris .
Plein du trouble inquiet dontſatrop chere
idée
Tenoit mon ame poſſedée ,
Quelquefois à l'écart dans ce charmant
Sejour
L'oppoſois ma raison à maflame naiſſante;
Mais ma raiſon alors ou morte , ou languiſſante
,
Au lieu de le détruire , augmentoit mon
amour.
Apres avoirſouffert millepeines eruelles
Enfin elle approuva mes feux ,
Esnousnousjurâmes tous deux
De nourrir dans nos coeurs des flames
éternelles. Mais
62 MERCURE
Mais inconstante Iris ,qui s'y fut at
tendu ?
Bien loin que ton amour ait au mien répondu
,
Ces Fleurs dont la beauté n'estoit que
paſſagere,
Ont encor plus duré que taflame legere.
Voila ce que c'eſt que devouloir
aimer dans les formes. On eſt
preſque toûjours fatisfait,quand
on n'y apporte point tant de façon
, & les outrages meſme font
incapables de chagriner. On en
vit dernierement un exemple
dans une belle Aſſemblée. Plufieurs
Perſonnes de qualité
avoient eſté priées d'un fort
grand Repas. Une Dame auffi
charmante par ſon humeur que
par ſa beauté , mais d'une vertur
tres -délicate , ſe rendit des dernieres
au lieu de la Feſte . Un
Galant de profeffion , à qui un
long
GALAN Τ. 63
long uſage du monde faiſoit
croire que ce qui estoit défendu
aux autres , luy devoit eſtre permis
, la trouva fort à ſon gré.
Quoy qu'il ne l'eût jamais veuë,
il rappella à la haſte quelques
fleuretes qu'il venoit de répandre
indiféremment de tous côtez
,& les offrit à la Belle comme
quelque choſe de nouveau. Elle
les reçeut à ſa maniere , c'eſt à
dire fort en riant , & fans croire
qu'elle duſt prendre ſon ſérieux.
L'enjoüemét qu'elle fit paroître
en luy répondant , l'enhardit à
fon ordinaire . Il luy dit qu'elle
eſtoit maiſtreſſe de ſon coeur ;
qu'il l'avoit déja plus aimée depuis
un quart d'heure qu'il luy
parloit , qu'il n'avoit jamais aimé
perſonne ; & ces déclarations
furent confirmées par un baiſer
qu'il luy vola avant qu'elle euſt

64 MERCURE
pû prévoir qu'il en avoit le defſein
. La Dame qui n'eſtoit point
faite à ces fortes de familiaritez ,
en prit une autre où elle n'eſtoit
pas plus accoûtumée ; & fi le
vol du baifer fut prompt , l'application
d'un ſouflet qui en fut le
prix , ne ſe fit pas avec moins de
promptitude. Le Cavalier n'en
fut point déconcerté . Comme il
eſtoit auſſi entreprenant en Galanterie
qu'à la Guerre , il s'expoſoit
volontiers aux coups , &
ne s'étonnoit point d'en recevoir.
Ainſi il pritla main qui l'avoit
frapé , la baiſa malgré toute
la reſiſtance de la Belle, & ayant
demandé dequoy écrire , il fit
cet Impromptu qu'il luy donna,
L'excés de vos bontez m'enfle trop Is
courage,
Aforce de bontez vous m'allez rendre
را
vain
GALANT . 65
Ieme contentois du visage ,
Et me fuſſe paſſsé de baiſervostre main.
Il continua de plaiſanter ; &
comme il fut plus modeſte , il
trouva mieux ſon compte aupres
de la Dame , qui n'avoit pas
moins d'agrément dans l'eſprit,
que d'enjoüement dans l'humeur.
Le Roy un peu avant ſon depart,
donna une Penſion àMon
fieur le Comte de Brionne , Fils
de Monfieur le Comte d'Armagnac
. Sa Majesté ne répandant
jamais ſes graces que fur le mérite
, il eſt beau de s'eſtre rendu
digne de ſes bienfaits dans un
âge ſi peu avancé.
Pendant que Monfieur le Cardinal
d'Eſtrées travaille en Allemagne
avec beaucoup de zele
&d'attachement pour fon Prince,
1
66 MERCURE
ce , Madame la Ducheffe de
Savoye , dont il a l'honneur d'eſtre
parent , a voulu luy donner
des marques de ſon eſtime particuliere
, en le nommant à l'Abbaye
de la Staffarda en Piémont.
Faire un préfent de cette nature
ſans qu'on le demande , c'eſt
faire un préſent Royal d'une
maniere toute Royale ;& comme
il eſt la marque d'une grande
Ame , on peut dire qu'il rend juſtice
au mérite le plus achevé.
Celuy de Monfieur le Cardinal
d'Eſtrées eſt ſi connu , qu'il n'y
a perſonne qui n'en ſoit inſtruit.
Les grandes Négotiations où il
a eſté employé , rendent par
tout de glorieux témoignages de
ſa prudence & de ſa conduite;
&lesimportansEmplois qui font
confiez à tous ceux de cette Illuftre
Maiſon , font connoiſtre
combien
GALANT.
67
combien Sa Majefſté eſt perfuadée
de leur exactitude à s'en acquiter.
Jamais Sujet n'eut un dévoüement
plus refpectueux &
plus entier pour les volontez de
sõ Maître.Il ſe les propoſe tellemét
pour l'unique regle de toutes
ſes actions,que quoy qu'il foit
en état de ſouhaitter des biens
de la Fortune pour ſoûtenir l'éclat
du rang où ſon mérite l'a
élevé , il a ſuplié Madame Royale
de trouver bon qu'il n'acceptaſt
point l'Abbaye dont je
vous parle , avant qu'on euſt
ſçeu ſi cette Nomination plairoit
au Roy. C'eſt ce qui a obligé
cette grande Princeſſe d'envoyer
un Courrier expres à Sa
Majeſté pour luy demander fon
agrément.Vous jugez bien,Madame,
qu'elle n'a pas eu de peine
à l'obtenir.
Enfin,
68 MERCURE
Enfin,Madame, la quatriéme
&derniere Partie de l'Héroïne
Mouſquetaire que je vous envoye,
vous apprendra que le defeſpoir
d'avoir perdu le Marquis
d'Offeyra , marié par furpriſe
avec la Niéce de la Ducheffe
d'Arſchot, luy a fait chercher la
mort au Siege d'Ypres. Sesintrigues
avec la Veuve d'Eſpagne
quivoulut acheter ſon amour par
un préſent d'un CordondeDiamans
de 15000.écus,y font écrites
d'une maniere fort agreable,
& vous ririez de la voir traitée
de Sorciere , ſi les Cachots de
l'Inquifition n'eſtoient pas de
l'Avanture . Vous trouverez céte
conclufionde ſon Hiſtoire , accompagnée
d'un autre Livre qui
mérite d'eſtre leu de tout le mode.
C'eſt une Inſtruction morale
d'un Pere àfon Fils. Monfieur du
Four
GALANT. 69
Four qui en eſt l'Autheur , l'a
fait imprimer à Lyon. On la peut
regarder comme un abregé des
Préceptes de l'Ecriture Sainte,
& de ce qu'ily a de plus excellent
dans les Maximes des Phi
lofophes . On ne peut trouver
une maniere plus aiſée pour former
les jeunes Gens à la vertu,
au milieu des affaires & des
embarras du monde . Le témoignage
que Monfieur Charpentier
, de l'Academie Françoiſe ,
rend de ce Livre , en fait connoiſtre
l'utilité. Il eſt dans une
Lettre qui ſuitla Préface , & en
fait beaucoup mieux l'éloge que
tout ce que je vous en pourrois
dire d'avantageux .
La fatisfaction que vous me
témoignez avoir reçeuë de la
Princeſſe de Cleves , ne me furprend
point. C'eſt un Ouvrage
remply
70
MERCURE
ل remply d'une infinité de ſentimens
délicats qu'on ne peuttrop
admirer. On le lit par tout ,&je
croy que vous ne ferez pas fachée
de ſçavoir ce qu'on en
penſe en Guyenne . La Lettre
qui ſuit vous l'apprendra . Elle
m'a eſté envoyée de cette Prony
par qui elle a eſté écrite , ny
à qui elle eft adreſſée .
LETTRE
SUR LA
PRINCESSE DE CLEVES .
JEfors preſentement, Monsieur, d'u
ne quatrième de laPrinceffede
Cleves, & c'est le ſeul Ouvrage de cette
nature que j'ayepû lire quatre fois.Vous
m'obligeriez fort , ſi vous vouliez bien
que ce que je viens de vous en dire paſſat
pour
GALAΝΤ.
71
pourfon Eloge ,ſans qu'il fut beſoin de
m'engager dans le détail des beautez que
jy ay trouvées. Il vous seroit aisé de
juger qu'un Geométre comme moy , l'efprit
tout remply de mesures &de propor-
د
tions nequitte point ſon Euclide pour
lire quatre fois une Nouvelle Galante,a
moins qu'elle n'ait des charmes afſezforts
pour se faire sentir à des Mathematiciensmêmes,
qui ſont peut-estre les Gens
du monde ſur lesquels cesfortes de beantez
trop fines & trop délicates, font le
moins d'effet . Mais vous ne vous contentezpoint
que j'admire en gros & engeneral
la Princeſſe de Cleves , vous voulezune
admiration plus particuliere, &
qui examine l'une apres l'autre les parties
de l'Ouvrage. I'y consens , puis que
vous exigezcela de moy ſi impitoyablement
; mais ſouvenez-vous toûjours que
c'est un Geométre qui parle de Galanterie.
Sçachez d'abord que j'ay attendula
Princeffe de Cleves dans cette belle neutralité
que je garde pour tous les Ouvragesdont
je n'aypoint jugépar moy-même.
Elle avoit fait grand bruit par les
Lectu
72
MERCURE
lectures, la Renomméepublioitson merite
dans nos Provinces long- temps avant
qu'on l'y vist paroiſtre , &en prévenant
lesuns en ſa faveur , elle en avoit donné
des impreffions deſavantageuſes aux autres,
car ilya toûjours des Gens qui ſe
préparent avec une maligne joye à critiquer
ces Ouvrages que l'on a tant vantez
Par avance,&qui veulenty trouver des
défauts à quelque prix que ce soit, pour
n'estre pas confondus dans la foule de
ceux qui les admirent. Pour moy j'ay attendu
à juger de la Princeſſe de Cleves
que je l'euſſe lenë , & sa lecture m'a entierement
determiné à suivre leparty de
SesApprobateurs.
Ledeſſeinm'en aparu tres-beau. Une
femme qui a pour ſon Mary toute l'estime
que peut meriter un tres-honneste
Homme; mais qui n'a que de l'eſtime,&
quiſe ſent entraisnée d'unautre côtépar
un panchant qu'elle s'attache ſans ceffe
à combattre & à ſurmonter en prenant
les plus étranges reſolutions que la plus
austere vertu puiſſe inſpirer , voila aſſu
rément un fort beau Plan. Il n'y arien
qui foit ménagé avec plus d'art que la
nais
GALANT.
73
naiſſance & les progrés desapaſſion pour
le Ducde Nemours . On seplaiſt àvoir
cet amour croiſtre inſenſiblement pardegrez,&
à le conduire des yeux juſqu'au
plus haut point où il puiſſe monter dans
une fi belle Ame. Le Lecteur estsi inte
reſsépour Monsieur de Nemours &pour
Madame de Cleves , qu'il voudroit les
voir toûjours l'un & l'autre. Ilſemble
qu'on luyfait violencepour luy faire tournerſes
regards ailleurs ; &pour moy la
mortde Madame de Tournon m'a extrémement
faché. Voila le malheur de ces
actions principales quiſont ſi belles. On
n'y voudroit point d'Epiſodes . Ie veux
dire là- deffus que j'ay toûjours esté fort
obligé à Virgile des digreſſions qu'il a
pratiquées dans ſes Georgiques ; maisque
pour cellesqu' Ovide ameſlées dans l'Art
d'aimer, je n'ay pû les luy pardonner.
Lesplaintes que fait Monsieur de
ClevesàMademoiselle de Chartres , lors
qu'il est fur lepoint de l'épouſer , ſont si
belles ,qu'il me souvient encorqu'à ma
Seconde lecture je brûlois d'impatience
d'en estre là , &que je ne pouvois m'em
pescher de vouloir un peu de mal àco
D
74
MERCURE
Plan de la Cour de Henry II. & a tous
ces Mariagesproposez &rompus,qui reculorent
si loin ces plaintes qui me charmoient.
Bien des Gens ont esté pris à ce
Plan. Ils croyoient que tous les Personnages
dont on yfait le Portrait , & tous
lesdivers interests qu'ony explique, duf-
Sent entrer dans le corps de l'ouvrage, &
ſe lier neceſſairement avec ce qui ſuivoit ;
maisje m'aperçeus bien d'abord que l'Ausheur
n'avoit en deſſein que de nous donner
une veuë ramassée de l'Histoire de
cetemps-là.
L'Avanture du Bal m'a ſemblé la
plus jolie & la plus galante du monde,
l'on prend dans ce moment là pour
Monfieur de Nemours &pour Madame
de Cleves , l'amour qu'ils prennent l'un
pour l'autre. Yat'il rien de plus fin que
Laraison qui empeſche Madame de Cleves
d'aller au Bal du Mareschal de S.
André , que la maniere dont le Duc de
Nemours s'apperçoit de cetteraiſon , que
la honte qu'a Madame de Cleves qu'il
s'en apperçoive ,&la crainte qu'elle avoit
qu'il ne s'en apperçeuſt pas ? L'adreſſe
dont Madarne de Chartres ſe ſert pour
tâcher
GALANT.
75
tacher à guerirſa Fille deſapaſſion naif-
Sante, est encor tres-délicate , & la jalonſie
dont Madame de Cleves estpiquée
en ce moment là , fait un effet admirable.
Enfin , Monsieur,ſi je voulois vousfaire
remarquer tout ce que j'ay trouvé de délicat
dans cet Ouvrage , il faudroit que
je copiaffe icy tous lesſentimens de Monfieurde
Nemours , & de Madame de
Cleves.
Nous voicy à ce trait si nouveau &fi
fingulier , qui est l'aveu que Madame de
Clevesfait àson Maryde l'amour qu'el
lea pourle Duc de Nemours. Qu'on rai-
Sonne tant qu'on voudra là deſſus , je
trouve le trait admirable & tres-bien
preparé : C'est la plus vertueuse Femme
du monde qui croit avoirſujet deſe défier
d'elle- mesme ,parce qu'elle ſent ſon
coeur prévenu malgré elle en faveur d'un
autre que de son Mary. Elle sefait un
crime de cepanchant tout involontaire&
tout innocent qu'il eſt. Elle cherche du
Secours pour levaincre. Elle doute qu'elle
eut la force d'en venir àbout ſi elle s'en
fioit àelle seule ; & pour s'imposer encor
une conduiteplus austere que celle quefa
Dij
76
MERCURE
propre veria luy imposeroit , elle fait à
Son Mary laconfidence de ce qu'elle j'ent
pour un autre. Ie nevoy rien à cela que
de beau & d'heroïque. Jeſuis ravy que
Monfieur de Nemours ſcache la conver-
Sation qu'elle a avec ſon Mary , mais je
fuis au deſeſpoir qu'il l'écoute. Celaſent
un peu les traits de l' Aftrée.
L'Auteur a fait joüer un refſfort bien
plus délicat pourfaire répandre dans la
Cour une Avanture ſi extraordinaire. Il
n'y ariende plus fpirituellement imaginé,
que le Duc de Nemours qui conte au Vidame
ſon Hiftoire particuliere en termes
generaux. Tous les embarras que cela produitſont
merveilleux.
Adire vray , Monfieur , il mesemble
que Monfieur de Nemours a un peu de
tort de faire un voyage à Colommiers de
la nature de celuy qu'ily fit , & Madame
de Cleves a également tort d'enmourir
de chagrin . On admire la fincerité
qu'ent Madame de Cleves , d'avoüer à
Son Mary Son amour pour Monsieur de
Nemours ; mais quand Monfieur de Nemours
qui doit croire tout au moins qu'il
est extrémement ſuſpect à Mr.de Cleves
s'infor
GALANT .
77
s'informe devant luy , &affez particulierement
, de la disposition de Colommiers
, j'admire aves quelle fincerité il luy
avonë le deſſein qu'il a d'aller voir ſa
Femme. D'ailleurs entrer de nuit chez
Madame de Cleves , en ſautant les pa-
Liffades , c'est faire une entrée un peu
triomphante chez une Femme qui n'en est
pas encor à ſouffrir de pareilles entrées.
Enfin Monsieur de Cleves tire des con-
Sequences unpeu trop fortes de ce Voyage.
Il devoit s'éclaircir de toutes choses plus
particulierement , & je trouve qu'en cette
rencontre ny l'Amant ny le Mary
n'ont affez bonne opinion de la vertu de
Madame de Cleves , dont ils avoient
pourtant l'un l'autre des preuves aſſex
extraordinaires.
Ce qui ſuit la mort de Monfieur de
Cleves , la conduite de Madame de Cleves
, ſa converfation avec Monsieur de
Nemours,fa retraite, tout m'aparu tresjuste.
Ily aje ne sçay quoy qui m'empéche
de mettre au mesme rang le Peintre&
l'apparition de Monfieur de Nemours
dansle Iardin.
Ilme reſte à vous proposer un petit
Diij
78 MERCURE
fcrupule d'Histoire. Tout ce que Madame
de Chartres apprend àſa Fille de la
Cour de François 1. & tout ce que la
Reyne Dauphine apprend à Madame de
Clevesde celle d' Henry VIII. estoient ce
desparticularitez affez cachées dans ce
-temps-là , pour n'estre pas ſo uës de tout
le monde ? car il est certain que depuis
toutes les Histoires en ont esté pleines ,
juſques làque moy même jelesſçavois.
Adieu , Monfieur , tenez-moy conte
de l'effort que je viensde mefaire pour
vous contenter.
Vous vous ſouvenez, je croy
Madame , que dans quelqu'une
de mes Lettres je vous ay parlé
d'un Arc de Triomphe qui a été
découvert à Rheims depuis
quelque temps. Je ne vous en dis
rien alors de particulier , parce
quej'en voulois recouvrer la Figure
pour l'accompagner de
quelques recherches curieuſes
ſur ce ſujet.Ellem'eſt enfin tombée
0
1893
YON
93*
VILLE

GALANT.
79
bée entre les mains. Jel'ay fait
graver, & vous en pouvez confiderer
les beautez .
Apres vous l'avoir fait voir
telle que Meſſieurs de Rheims
l'ont trouvée , il faut vous faire
connoiſtre ce qu'ils en penſent
par les termes dont ils ſe ſont
ſervis pour s'en expliquer. Voicy
ce qu'ils ont fait graver fous cet
Arc.
Ce Monument estoit autrefois la Porte
Septentrionale de la ville de Rheims ,
s'appelloit Porte Mars. Cette Portefut
comblée deterre , & cachée sous le Rampart
en 1544. & l'on en bastit à coſté un
autre de meſme nom . En 1595. l'Arcadede
Romulus &de Remus fut déterrée,
les deux autres ont esté découvertes en
1677. par le ſoin de Monfieur Dallier,
Lieutenant des Habitans & deMeßieur's
les Gens du Confeil, & Eſchevins de la
Ville.
2
Ily en a qui pretendent que cet Edift-
Diiij
80 MERCURE
1
1
1
ce est un Arc de Triomphe , qui a esté
érigé en l'honneur de iules Cefar , lors
que ſous l'Empire d'Auguste on fit les
grands Chemins des Gaules , dont l'un
aboutiſſoit àcette Porte. L'opinion commune
estque Iules Cesar l'a fait bastir.
D'autres estimant que cette Archite-
Eture n'est pas des premiers Siecles, ont
attribué cet Edifice àlulien qui l'auroit
pû faire construire paſſant par Rheims,
bors qu'il s'en vint à Paris an retourde
Ses Conquestes d'Allemagne ; mais il est
difficile d'affurer fous quel Empereur ce
Monument a esté basty , puis que non
Seulement les Teſtes qui paroiſſent dans
ce Frontispice ſont caffées, mais que le
Lieu mesme où l'on mettoit anciennement
Inſcription est entierement ruiné , avec
zout ce qui estoit au deſſus de la Corniche.
On peut affurer cependant que c'est un
Arc de Triomphe qui a esté eſlevé en
l'honneurde l'Empereur qui regnoit alors,
àlagloire de la Ville de Rheims ,
que cela s'eft fait apres quelque victoire
dont onvoitdes marques au dehors & au
dedans de cet Ouvrage, &à l'occaſion du
grand Chemin qui pafſſoit par Rheims.La
ligne
GALANT. 81
ligne qui traverſele tout ,ſepare ce qui est
découvert d'avec ce qui est encor enterré.
Meſſieurs de Rheims ont adjoûté
à ce Diſcours fix Vers Latins
de Mr. de Santeüil , Chanoine
de S. Victor. Quoy qu'ils
ſoient tres- dignes de leur Autheur,
qui a un talent admirable
pour ce genre de Poëfie , je les
fupprime en faveur des Dames
de voſtre Province qui ne s'accommodent
point de la Langue
↑ des Sçavans .
On a eu de fortes raiſons pour
croire que l'Arc de Triomphe
dont je vous parle , avoit eſté
baſty par l'ordre de Jules -Cefar,
oudumoins en l'honneur de Jules-
Cefar. Il eſt certain que ce
grand Homme avoit une affection
particuliere pour les Rhémois,
& que ce fut par fa faveur
qu'ils fuccederent aux Bourgui
Dv
82 MERCURE
gnons, nommez alors les Séquanois,
dans la Principauté d'une
bonne partie des Gaules. Ainfi
il eſt affez vray- ſemblable qu'ils
luy éleverent cet Arc de Triomphepar
reconnoiſſance; mais ce
qui determine entierement les
Eſprits à ſuivre cette opinion,ce
font les Figures dont on l'a trouvé
embelly . Elles ont toutes du
rapport à Jules Céſar. L'Arcade
droite repreſente la Louve Romaine
, avec Remus & Romulus,
dans les platfonds dela voûte;
& les quadrangles qui en occupent
les pendans , font voir
Fauftulus & Acca Laurentia,
qui ayant dérobé ces deux Enfans
à la Louve , les nourrirent
juſqu'à l'âge de dix- huit ans .On
voit les douze Mois de l'Année
dans la Voûte du Milieu , & des
Cignes dans la derniere. Il n'eft
pas
GALANT.
83
pas beſoin de vous expliquer les
Figures de Rémus & de Romulus.
Ils defcendoient des Roys
d'Albe qui estoient venus de Jules
premier Roy d'Albe , dontlá
race des Jules pretendoit eſtre
fortie. Pour les douze Mois , on
ſçait affez que Jules-Céſar avec
le ſecours des plus grands Mathématiciens
de ſon temps , reforma
l'Année , & la compofa
du nombre de jours dont elle eſt
compoſée encor aujourd'huy.
Enfin les Cignes qui ne plongent
jamais fous les eaux , nous
font ſouvenir de cette fameuſe
avanture de Céſar en Egypte. Il
fut obligé de ſe jetteren mer reveſtu
de fa Robe de Pourpre , &
il nagea avec tant de force &
tant d'adreſſe vers une Barque
qui le reçeut , que des papiers
qu'il tenoiten l'une de ſes mains
2 ne
84 MERCURE
ne furent pas ſeulement moüillez.
Voyez, Madame , ſi à toutes
ces Figures on n'a pas dû reconnoiſtre
Jules-Cefar. Peut- eſtre
voſtre curiofité ne ſe contentera
- t- elle pas de ce que je viens
de vous apprendre. Il faut tâcherde
la fatisfaire entierement
en vous diſant quelque choſe des
Arcsde Triomphe en general.
Ils font faits comme de grandes
Portes de Ville toûjours ouvertes
; & fi vous ne vous contentez
pas de la Figure que j'ay
fait graver pour vous , vous en
pourrez voir icy des Modeles ,
en voyant les nouvelles Portes
de S. Denys, de S. Martin, de S.
Antoine , & de S. Bernard , qui
font de veritables Arcs de Triophe.
Ameſure queles Romains
étendoient le territoire de leur
Empire, ils étendoient auſſi l'enceinte
GALANT. 85
ceinte deleurs Murailles,& c'eſt
ce qui donne lieu de conjecturer
que l'origine des Arcs de
Triomphe vient de ceux d'entre
leurs Roys , qui agrandiſſant
Rome apres leurs Victoires , luy
donnoient de nouvelles Portes ,
qu'on élevoit à leur honneur,&
laiſſoient cependant les anciennes
, afin qu'en un beſoin elles
pûfſſent ſervir de retranchemes.
En ſuite on ne s'eſt pas borné à
ériger des Arcs de Triomphe
dans les Villes , on en a élevé
juſques dans les Champs ; ce
qui ſe connoit parla Voye Triophale,&
par la Voye Appienne,
qui estoient toutes couvertes de
ces fuperbes Edifices . Ils eſtoiét
affez fimples d'abord . Onles faifoit
de Brique , ou de Pierre de
raille commune ; car on prétendoit
dans ces premiers temps
qu'ils
86 MERCURE
qu'ils ne ſerviſſent qu'à recompenſer
la vertu , &non pas à
nourrir l'orgueil des Hommes.
Il y en avoit meſme quelquesuns
fans Inſcriptions, & l'on n'y
faiſoit qu'y ſuſpendre les dépoüilles
des Ennemis,& les marques
de la Victoire qu'on avoit
remportée. Mais quand Rome
perdit cette ancienne ſimplicité,
on commença d'employer le
Marbre à baſtir les Arcs de
Triomphe.On les chargea d'Infcriptions
pompeuſes. On y éleva
des Statuës , & principalement
des Victoires aîlées qui
ſembloient mettre des Couronnes
ſur la teſte des Triomphateurs
qui paſſoient par deſſous
ces Arcs. On y grava furla Pierre
les Trophées , & quelque
choſe meſme de l'Histoire de
ces Combats où l'on avoit remporté
GALANT.
87
porté l'avantage. Quelquefois
on ne les élevoit que pour la cerémonie
du Triomphe;& quand
elle estoit achevée , on les oſtoit
de leur place. Alors on n'avoit
accoûtumé de les faire que de
bois , mais le plus ſouvent on les
élevoit pour ſervir de Monumens
perpétuels à la gloire de
ceux qui avoient obtenu quelque
Victoire ſignalée. On les a
faits de Figures diférentes . Dans
les cõmencemens c'eſtoient des
Portes voûtées en demy cercle,
& c'eſt de là qu'ils ont reçeu le
nom d'Arc. En ſuite c'eſtoient
degrands quarrez au milieu def-
⚫quels eſtoit une Porte voûtée,&
deux autres plus petites à ſes
coſtez qui faifoient ſes aîles .
رو
Pendant que nous ſommes fur
la matiere des Arcs de Triomphe,
je ne ſçay ſi vous ne ſeriez
point
88 MERCURE
point bien aiſe d'apprendre plus
particulierement ce que c'eſtoit
que les Trophées dont on parle
tant. Un Trophée n'eſtoit rien
autre choſe qu'un Tronc d'Arbre
reveſtu des dépoüilles qu'on
avoit arrachées aux Ennemis .
On le plantoit au lieu meſime où
les Ennemis avoient eſté mis en
fuite ; & l'origine des Trophées
vient fans conteſtation de ces
Troncs d'Arbre plantez , mais
on s'aviſa depuis de les faire
porter dans les Triomphes. Les
Romains eſtoient fi perfuadez
que ces fortes d'honneurs animoient
leurs Citoyens à faire de
grandes entrepriſes , qu'ils exilerent
un Cneius Fulvius , qui
réjetta le Triomphe qu'on luy
avoit décerné , parce qu'ils jugerent
qu'il avoit donné un
exempletres-dangereux,enméprifant


GALANT. 89
i
priſant la plus glorieuſe recompenſe
qu'on pût donner à la
Vertu.
Pour revenir à l'Arc de
Rheims , apres vous l'avoir fait
voir en face , il faut vous montrer
le Deſſein de la Voûte des
trois Arcades. Vous aurez les
deux autres la premiere fois. Le
peu de temps qui me reſte à faire
travailler les Graveurs, neme
laiſſe pas en pouvoir de vous envoyer
le tout enſemble. J'ay crû
devoir commencer parla Voûte
de l'Arcade de Leda, parce que
elle represete la Villede Rheims.
Ces paroles qui font au deſſous,
le font connoiſtre .
LaVillede Rheims est icy representée
sous la figure d'une Femme ,ſelon .
l'ancienne coustume. Le Cigne qui accompagne
cette Femme, lafait reconnoiftre
pour Leda; & l'on peut dire que
somme Leda estoit Mere de Castor &de
Pollux,
१०
MERCURE
Pollux , qui estoient les Divinitez qui
préſidoient aux Loix & aux Iugemens,
ainsi que Ciceron nous l'apprend : demême
la Ville de Rheims tenoit à gloire
d'estre Mere des Inges dont le Confeil
estoit composé, qui estoient recommandablespar
leur merite &par leur integrité.
Le Flambeau que tient l'Amour , fait
connoiſtre que pour bien penétrer l'obscurité
du Droit , il nefaut manquer ny de
lumiere , ny d'affection pour l'Equité.
C'est ainsi qu'autrefois les Villes prenoient
ſoin de marquer par quelque Emblême
les avantages dont ellesſefaisoient
honneur , comme on le pourroit justifier
par de ſemblables Monumens, auſſi bien
que par les Medailles.
J'aurois trop à vous dire , ſi je
voulois entrerdans tout ce qui
regardela Ville de Rheims. Son
antiquité eſt connue, & les marques
de conſidération que je
vous ay dit qu'elle avoit reçeuës
de Iules -Cefar, juftifient l'eſtime
particuliere qu'on faifoit autrefoisde
fes Habitans.Ils n'en méritent
GALANT .
91
.
ritent pas moins aujourd'huy,&
on ne ſçauroit trop loüer les
ſoins qu'ils ont pris de déterrer
le celebre Monument dont je
vous parle. Ceux de cette nature
qu'on éleve icy de tous coſtez
à la gloire de LoÜIS LE GRAND ,
font voir que Paris peut diſputer
d'éclat ſous ſon Regne avec
l'ancienne Rome, & que les Céfars
qu'elle a tant vantez, s'ils ont
ſervy d'exemple à ce Grand
Monarque , n ont rien fait qui
approche de ce que nous luy
voyons faire tous les jours de
furprenant.
Vous voulez bien , Madame,
que je paſſe du ſérieux à l'enjoüement.
L'Amour intereſſé
vous a paru agreable.On y a fait
une Reponſe , & apparemment
vous ne ferez pas fâchée de la
voir.
REPON
92
MERCURE
REPONSE D'IRIS ,
A L'AMANT INTERESSE .
V
Ous sçavez que j'ay dequoy
payer les avances que vous
pouvez faire en amour , & vous
vous laſſez déja d'en faire. Ie
vous avoue que cela me furprend,
apres les afſurances que vous m'a
vez tant de fois données que vous
ne me demandiez autre chose que
lapermißion de m'aimer.
Voila comme ſont les Amans,
D'abord ils font mille ſermens,
Qu'ayant pour nous une tendreffe extreme
,
Au feul plaifir d'aimer ils bornent tous
leurs voeux ;
Mais dés qu'ils penſent qu'on les
aime ,
On voit bientoſt qu'ils n'aiment
qu'eux.
GALANT. 93.
Ie ne vous croyois pas de ce
nombre. Le compte que vous voulez
que nous faſſions me l'apprend .
Voyons donc ce que vous avez
avancé , & ce que vous avez
reçen.
Pendant trois mois , plein d'un tendre
ſoucy,
Vous avez de mon coeur voulu bannir
laglace
Par cent ſoûpirs brûlans qui n'ont par
réüfly ;
Pour cet article je le paffe.
Depuisce temps , vous avez employé
Mille & mille foins pour me plaire.
Il eſt vray que pour vous des ſoins font
une affaire ;
Mais ſi vous m'avez plû , vous eſtes
bien payé ,
Ainſi cet article eſt rayé.
Vous sçavez trop bien les plus
fines pratiques de I Amour , pour
nedécouvrirpas quand il commence
à entrer dans le coeur des Gens .
Dés
94
MERCURE
Dés qu'un Amant dit, je vous aime,
Et qu'on l'écoute avec plaifir,
On n'aime pas d'abord , mais on a le
defir
Que ſon coeur ſoit toûjours le meſme,
Et paſſer du defir d'eſtre aimée à l'amour
,
Ce n'eſt que l'affaire d'un jour.
Peut-estre en ferois -je à la în
venuë là , & puis que je connoisfois
vostre amour, comme vous me
témoignezen estre persuadé , ſans
que j'en fuſſe devenuë plus fiere,
vous deviez en concevoir de plus
grandes esperances; mais vous eſtes
de ces Gens qu'un merite extraordinaire
diſpenſe deſuivre les regles
communes. Vous demandez
avec un empreſſement Surprenant
la récompense d'un amour qui n'est
âgé que d'un an ; & le compte de
vos miſesfait , vous voulez qu'on
vous paye. Les voila ce vie ſemble
toutes .
GALAN T.
95
toutes. Le croy n'en avoir oublié
aucune. Il faut venir aux payemens
que j'ay faits. Vous avouez
que je vous ay laissé baifer mon
Gand , & qu'en prefence de vos
Rivaux je vous ay dit une fois
trois ou quatre mots à l'oreille. Si
vous comptezcela pour rien , je ne
Sçay ce qu'il faut appeller faveur
en amour.
D'un Gand baiſé l'obligeante faveur
,
Fut toûjours faveur ſans pareille,
Etquand on dit quatre mots à l'oreille,
L'on en dit beaucoup plus au coeur.
Apres cela , Tirſis , arreſtons noſtre
compte.
Mettez d'un coſté vos langueurs,
Je mets de l'autre mes faveurs
Voyons à quoy cela ſe monte.
Je trouve , tout bien compensé,
Que vous avez plus reçeu qu'avancé.
Ie pourrois vous demander mon
reste,
96
MERCURE
refte, mais je veux eſtre plus genereuſe
que vous . Allez, je vous en
quite. Ie ne vous demande rien que
l'Indiference que vous commenciez
àbannir de mon coeur. Laissez- la
revenir, ở n'ayons plus apres cela
d'affaires ensemble.
Le Roy n'a jamais choiſy pour
les grands Emplois que des Perſonnes
d'un tres-grand mérite.
L'état floriſſant de ſes Affaires
le fait connoiſtre , & Sa Majefté
vient encor d'endonner de nouvelles
marques , en jettant les
yeux fur Monfieur Potier Chevalier,
Seigneur de Novion,Préfident
à Mortier, pour remplir la
Place de Premier Préſident du
Parlement de Paris , c'eſt à dire
du plus auguſte Corps du Royaume.
Vous n'ignorez pas fans
doute , Madame , que ce grand
Magiftrat,
GALAN T.
97
Magiſtrat eſt d'une Famille tres
ancienne , & auſſi illuſtre dans
l'Egliſe que dans la Robe &
dans l'Epée . Elle peut compter
des Eveſques, des Ducs, des Secretaires
d'Etat,des Préſidens à
Mortier , & plus que tout cela,
des Hommes d'un mérite extraordinaire;
ce qui ne ſe trouve pas
toûjours avec la naiſſance . Elle
en peut même compter en grad
nombre , & ce que j'ay à vous en
dire , vous le fera voir. Nicolas
Potier ſecond du nom, ayant efté
éleu Prevoſt des Marchands
fous Louis XII . eutla modeſtie
de refuſer un ſi glorieux Employ ,
& comme on ne jugeoit perſonne
plus capable que luy de s'acquiter
dignement des fonctions
de cette Charge , on donna un
Arreſt de Parlement pour le
contraindre de l'accepter. Jac-
May.
E
98 MERCURE
1
1
ques Potier , ſon Fils , Seigneur
de Blancménil , fut un Homme
d'une fi grande doctrine,& d'une
probité ſi generalement reconnuë
, que ne pouvant trop
élever le zele qu'il a toûjours fait
paroiſtre pour le bien de l'Etat ,
le Chancelier de Lhoſpital a
écrit qu'il méritoit des Statuës.
Ce Jacques Potier épouſa Françoiſe
Cejulette , Dame de Gefvres.
Il en eut pluſieurs Enfans,
& entr'autres Nicolas Potier,
Seigneur de Blancménil . C'eſt
de luy que font defcendusMonſieur
de Novion aujourd'huy
Premier Préſident, & LoüisPotier
qui a fait la Branche des
Marquis de Geſvres. Cette même
Famille qui fait deux fi illuſtres
Branches , eſt toute remplie
de Perſonnages du plus
hautmérite. René Potier, Evefque
GALANT. 99
que & Comte de Beauvais, Pair
de France , eſt appellé par
Monfieur Loyſel dans ſes Memoires
de Beauvais , leDidyme
de fon Siecle. Je ne parleray
point des autres Defcendans de
cette premiere Branche .J'aurois
trop d'éloges à faire. Je diray
ſeulement que Nicolas Potier,
Seigneur d'Ocquerre , Secretaired
Eftat,qui en fortoit, fut Pere
de Madame la Préſidente de
Lamoignon , Veuve du feu Premier
Préſident de ce nom , &
Oncle de Monfieur de Novion
premier Préſidétd'aujourd'huy.
Si cette premiere Branche a paru
avec éclat par les grandes
Charges & par fon mérite particulier
, celle de Geſvres n'a pas
moins fait de bruit dans le monde
par les importans ſervices
qu'elle a rendus à l'Etat. Loüis
1
Eij
100 MERCURE
Potier, Baron de Geſvres,Secretaire
d'Etat , ſecond Fils de Jacques
Potier, Seigneur de Blancmenil
, eut pour Fils René Potier,
Duc de Treſmes ; Bernard
Potier, Seigneur de Blerancour,
LieutenantGeneral de laCavalerie
Legere de France ; & Antoine
Potier,Seigneurde Sceaux
Secretaire d'Etat, &Greffierdes
Ordres de Sa Majesté. Cederniermourut
ſans laiſſer d'Enfans
d'Anne d'Aumont, Soeur du feu
Duc & Mareſchal de ce nom.
René Potier, Chevalier des Ordres
du Roy , Capitaine d'une
Compagnie des Gardes du
Corps de Sa Majesté , Duc de
Treſmes , & Marquis de Gefvres
, avoit épousé Marguerite
de Luxembourg; Fille de FrançoisDuc
de Piney ,& de Diane
de Lorraine.De ce Mariage font
iffus
GALANT. 101
iffus entr'autres Enfans', François
Potier,Marquis de Geſvres ,
Mareſchal des Camps & Armées
du Roy, Bailly de Valois
&de Caën. Il ſervoit de Lieutenant
General ſous Monfieur le
Prince , lors qu'il fit le Siege de
Thionville , n'eſtant encor que
Duc d'Enguyen. Il y fut tué de
la ruine d'une Mine , à l'âge de
trente trois ans. Il avoit reçeu
en diverſes occaſions quarante
& une bleſſures , qui luy firent
mériter le Brevet de Marcſchal
de France . Il eut un autre Frere
auſſi Mareſchal de Camp,tué au
Siege de Lérida ; & Monfieur
le Duc de Gefvres , Premier
Gentilhomme de la Chambre,
qui vit aujourd'huy.
Monfieur le Premier Préfidentde
Novion, quidefcend de
la premiere des Branches de
E iij
*102 MERCURE
cette illuftre & ancienne Maiſon
, a eſté pres de 33. ans Préfident
à Mortier. Il eſt fort intelligent
dans les Affaires , ardent,
vigilant, & ſçavant. Rien n'a ja 、
mais égalé ſa fermeté pour le
ſervice du Roy & du Public , &
il en a donné d'éclatantes marques
dans les temps les plus difficiles.
Il fut choiſy par Sa Majeſté
en 1665. pour tenir les
GrandsJours àClermont enAuvergne
.
Monfieur Colbert AmbaffadeurExtraordinaire
pour leRoy
à Nimégue , a eu la Charge de
Préſident à Mortier qu'avoit
Monfieur de Novion. Les grāds
Emplois qu'il a eus , & celuy où
il eſt préſentement , font affez
fon éloge , ſans qu'il foit neceffaire
d'y rien adjoûter. Ceux
qui portent ce Nom font connus,
GALANT.
103
nus , & l'on ſçait de quelle maniere
ils fervent le Roy , &dans
fes Conſeils , & dans ſes Armées.
Sa Majesté a donné à Monfieur
Pelletier la Place de Conſeiller
d'Etat ordinaire qu'avoit
Monfieur Colbert. Il eſt Prefident
aux Enqueſtes , & a esté
longtemps Prevoſt des Marchands.
C'eſt un Homme d'une
tres- grande probité. Feu Monfieur
le Duc d'Orleans l'honoroit
d'une eſtime ſi particuliere,
qu'il le fit Executeurde ſon Teftament
.
Monfieur Bignon Conſeiller
d'Etat, a eſté faitConſeiller d'Etat
Semeſtre à la place deMonfieur
Pelletier. Ce grand Homme
s'eſt tellement fait admirer
pendant tout le temps qu'ila eſté
Avocat General au Parlement ,
Eij
104
MERCURE
queje n'en pourrois rien dire qui
nefut connu de tout le monde .
Monfieur le Préſidentde Mégrigny
qui avoit eſté Premier
Preſident au Parlement de Provence
, eſtant mort , Monfieur
Colbert du Terron a euſa place
de Conſeiller d'Etat. Vous ſçavez
qu'il a eſté choiſy pour plufieurs
Intendances ,& fur tout
pour celle de Sicile , où il a tresutilement
ſervy.
Monfieur le Duc de S. Aignan
dont vous connoiflez le zele
pour la gloire & le ſervice du
Roy , ayant mis la Coſte de fon
Gouvernement en état de ne
rien craindre , fit ces derniers
jours un Ballet , qu'il appella
Ballet Inpromptu , & qu'il avouë
pouvoir eſtre plus juſtement
nommé le Ballet ſans ſuite , puis
qu'il n'eſt qu'un mélange de
plu
GALANT.
105
pluſieurs Entrées confuſes , &
fans aucun ordre , la precipitation
avec laquelle ce Ballet ſe
fit, n'ayant pas laiſſé le temps de
s'appliquer à les rendre plus regulieres.
On s'attacha à les faire
preſque toutes ridicules , afin
d'entretenir la joye de quelques
Dames , qui dans le plaifir d'avoir
reçeu une nouvelle agreable
, avoient obligé des Cavaliers
à leur donner cette marque
de leur complaiſance. Vous
avoüerez que c'eſt quelque choſe
debien glorieux pour la France
, que dans le temps où elle a
toute l'Europe à combatre , on
joüiffe d'une affez grande tranquillité
pour eſtre en eftat de fe
divertir ſur les Coftes .Monfieur
Labbé de Caën , qui eſt une des
meilleures Baſſes de Viole qui
foit en France , & quijouë les
Ev
106 MERCURE
quatre Parties de la maniere la
plus delicate, contribua fort àla
beauté des Concerts & des Airs
qui furent chantez dans ce Ballet.
Il paſſe la meilleure partie
de l'année au Havre , où il ſe
trouve un affez grand nombre
de Danſeurs , tous Gens d'execution
& d'oreille. Voicy en
quels termes le Projet de ce Divertiſſement
fut dreſſé .
BALLET INPROMPTU.
LaToilerepreſente une Place ouplusieurs
Ruës aboutiffent , &dont une Hoftelleriefait
le coin , ayant pourEn-
Seigne les trois Pucelles.
Récit des trois Filles du Maiſtre de
cette Maiſon.
L'Enseigne des trois Pucelles Marque nostre Logement.
GALANT..
107
Il suffit pour les plus belles
D'un petit Appartement ,
Où nos trois Amansfidelles
Nous puiffent voir librement.
L'Enseigne des trois Pucelles
Marque nostre Logement.
Bien que nous soyons cruelles
Nouspensonsà tout moment ,
Quefans estre criminelles ,
On peut aimer tendrement.
L'Enseigne des trois Pucelles
Marque nostre Logement.
1. ENTRE'E.
Les trois Soeurs témoignent
par la gayeté de leur danſe,
qu'elles font fatisfaites de l'état
préſent de leur fortune .
2. ENTR E'E.
Le Maistre de la Maiſon , fa
Femme , fon Valet , & fa Ser
vante...
3. ENTREE
Barbacole Pédant,avec quatrede
ſesEcoliers.. EN
108 MERCURE
4. ENTRE'E parlante.
Monfieur Buiſſon Juge de
Village ; Maiſtre Mace & Maiſtre
Hilaire Avocats, faiſant devant
luy un Plaidoyé tres - ridicule
en Vers.
5. ENTRE΄ Ε .
Deux Bergers , deux Bergeres,
& deux Paſtres .
CONCERT DE FLVSTES.
6. ENTR'E E.
L'Amourde Village, &l'Hymen
champestre accompagnez
du Jeu,du Ris,&de l'Innocence.
CHANSON DE L'AMOUR.
J
E fuis
Plein de
l'Amour deVillage,
constance&defoy.
joy.
Ceuxqui vivent fous ma loy
Ontmillebiens enpartage,
Et rien n'estplus doux que moy.
GALANT. 109
Loindu bruit &de l'envie,
De la crainte, &des ſoûpirs ,
Si j'inspire des defirs ,
Dansune fi douce vie
Ilennaiſt milleplaiſirs.
7. ENTRE ' E.
Un Vielleur & deux Aveugles.
8. ENTRE'E .
Six Galants venus pour voir
une Nôce ruſtique.
9. ENTRE' E.
Vne Sage-Femme & deux
Nourrices .
IO . ENTREE.
Combat de fix Eſpagnols à
l'épée & au poignard, interrompu
par deux Cavaliers Joüeurs
deGuitarre.
11. ENTRE'E .
Quatre Garçons Patiffiers
préſentent auxDames pluſieurs
choſes de leur meſtier fortdélicates
110 MERCURE
cates ,& danſent en ſuite.
12. ENTREE .
Orphée joüant admirablement
bien d'une Baſſe de Viole
& deux Bacchantes le cherchant
pour le tuer.
13. ENTR E' E.
Bacchus & quatre de ſes Suivans,
chaſſe les Bacchantes , &
ſe réjoüit apres avec les ſiens
qui l'enyvrent.
CHANSON A BOIRE
de l'un des Yvroignes , à laquelle
tous les autres répondent.
Amour estConvent
eftSouvent fafcheux,
laBouteille
Sa douce liqueur réveille,
Elle rend le coeur joyeux.
Quand on boit sous une Treille,
ChersAmis, qu'on est beureux
Vive laliqueur vermeille
LA
GALAN T. III
L'Amour est souvent facheux,
Nous aimons mieux la Bouteille.
Suivons les Ris&les Ieux,
Dansle Vin faifons merveille ;
Celuy-cy n'aqu'une oreille,
Buvonsdonc un coup ou denx.
Camarade, àlapareille.
Mes avisfontgenereux,
Fais ce que je te conſeille.
Suivons les Ris &les leux,
Dans levin faiſons merveille
CONCERT DE VOΙΧ.
& d'Inſtruments .
Q
CHANSON.
Vandil eftdouxde
Peut-on défendre
Saliberté?
Est-il quelque beauté
Qui venille prendre
Contre un coeur tendre
De lafierté?
Serendre,
Lors que la peine a des charmes ,
F
On
112
MERCURE
On rendlesarmes
Fort aisément.
Vn douxSoulagement
Suit les allarmes ,
Et jusqu'aux larmes
Tout estcharmant.
14. ENTREἘ .
*1893
Deux
fameux
Capitaines
Bo
hemes.
15. & DER . ENTREE .
Deux autres Bohemiens &
quatre Bohemiennes.
les
Ce n'eſt pas ſeulement auHavre
que les ordres admirables
qui ſe donnent pour la tranquillité
du Royaume, laiſſent regner
Divertiſſemens pendant la
Guerre ; ils ne ſont pasmoins en
uſage dans les autres Villes , &
onn'avoit point encor veu tant
de galanterie à Montpellier ,
qu'il y en a eu céte année à l'oc
cafion
GALANT.
113
caſion du Jeu de l'Arc. Il faut
vous dire pour la recommandation
de ce leu dont vous n'avez
peut- eſtre jamais entendu parler
, que l'amour du plaifir a
moins contribué à ſon inſtitution
que le deſir de la gloire . Les
Roys de Majorque qui estoient
autrefois Seigneurs deMontpellier
, l'y ont étably , & entretenoient
par là ce peuple aguerry
dans l'exercice des Armes, avant
que la Poudre & le Moufquet
fuſſent connus .On en a fait toûjours
depuis une eſpece de Fête
galante , & elle eſt ſi propre à
faire paroiſtre l'adreſſe de ceux
qui en font , que pluſieurs Princes
& Gouverneurs de la Province
n'ont pas dédaigné de ſe
faire voir dans le nombre des
Archers qui endiſputent le prix.
Leur Chef eſt toûjours un tresgrand
114
MERCURE
grand Seigneur du Païs. Celuy
qu'ils ont à préſent , eſt Monſieur
de Combas, digne Succeffeur
defeu Monfieur le Marquis
de Fabrégues , de l'Illuſtre Famille
de Combas , qui eſt depuis
longtemps en poffeffion de fournir
des Capitaines à cette belle
Compagnie. Elle a ſes Lieutenans
, Enſeigne , Major , Ayde-
Major, Confeillers , & eft compoſéede
plus de deux cesHommes.
Leur Feſte , qu'on appelle
la Feſte du Perroquet , eſt fixée
au commencement de May.
Ainſi le premierjour du mois où
nous fommes , douze Tambours
habillez de verd batirent la
Quaiffe par toute la Ville , &
avertirent les Archers de ſe tenir
preſts pour le huitième. Ce
jour eſtant arrivé , toute laCompagnie
ſe rendit aupres de fon
Capitaine,
GALANT.
115
Capitaine , qui la fit marcher
dans l'ordre qui fuit , ſous le bon
plaifir du Roy de la Feſte.
On voyoit d'abord les douze
Tamboursveſtus de verd. Ils eftoient
ſuivis de fix Hautbois,
aprésleſquelsmarchoitun grand
Homme , couvert d'une Cafaque
verte , chargée ſur le derriere
d'un Cupidon en broderie
d'or. Il portoit au boutd'un Baſton
peint en verd,un Perroquet
figuré en bois , & doré aux extremitez.
A ſes côtez eſtoient
quantité de jeunes Garçons,
avecdes habits de toile d'argent .
Ils repreſentoient de petits Amours,&
portoient à leurs côtez
des Carquois garnis. Ils avoient
des Arcs dorez àla main , &tiroient
de la Poudre de Chypre
fur les Dames Elle fortoit d'une
Boëte percée qui tenoit au bout
de
TIG MERCURE
de leurs Fleches . Tout cela ſe
faiſoit au fon de huit Violons. Ils
precedoient trois Trompettes
qui ſe faifoient entendre àleur
tour , & portoient des Caſaques
de la livrée du Perroquet. En
fuite paroiffſoit le Roy, ( c'eſt ainſi
qu'on appelle celuy qui a gagnéle
prix l'année précedente,
enjettant le Perroquet par terre.
) Il eſtoit au milieu du Capitaine
& du Lieutenant , en Habit
de Brocard à fonds d'or,portant
une Taque de Velours noir,
ornée de quantité de Plumes
blanches, avecune tres-belle Aigrette
au deſſus. Le Capitaine ſe
faiſoit remarquer tant par ſa
bonne mine , que par un Habit
tres- fomptueux ; & fon Lieutenantapprochoit
de cette magnificence.
Les Confeillers marchoient
apres deux à deux. Ils
n'eſtoient
GALANT.
117
n'eſtoient diftinguez des autres
Archers que par leur rang , &
avoient comme eux l'Epée au
côté , & une Fleche à la main .
Ceux- cy eſtoient ſuivis d'un
grand nombre d'Archersmariez
quin'ayant rien de l'air ſérieux
duMariage , répondoient fort à
la gayete que faifoit paroiſtre
dans un équipage tres-galant
l'Enſeigne de cette Compagnie.
Il eſtoit à la teſte de la plus belle
Jeuneſſe dumonde , qui par des
Habits garnis de Ruban gris-de
lin marquoient la livrée & l'a-,
mour de cet Officier. Ils tiroient
ſous le toit des Belles qu'ils voyoient
aux Feneſtres des Fleches
peintes en verd & en grisdelin
. Le Major & Ayde-Major
marchoient les derniers , &
ne cedoient en rien au reſte des
Officiers de cette Troupe.
Ils
118 MERCURE
Ils allerent en cet ordre vers
un grand & large Foſſe fermé
de tous coſtez de hautes murailles
de pierre de taille , qui ſe
trouvent par dehors à hauteur
d'appuy, pour la commodité des
Spéctateurs . Il y a fur le devant
& à l'entrée , une fort belle Galerie
deſtinée pour les Dames.
Elle est bordée d'une Baluſtrade
de bois peint , au bout de laquelle
eſt un Eſcalier par où
l'on defcend dans cette agreable
Lice. On l'avoit garnie de
Tentes tout le long de fon coſté
gauche. Diverſes Tables y eftoient
dreſſées. Vous pouvez
croire que les Liqueurs , la Limonade
, les Oranges de Portugal
,& tout ce qui peut flater le
gouft des Dames , s'y trouvoit
en abondance .
Ce fut au bout d'un Parquet
qui
.
GALAN T.
119
qui eſt dans le fonds de ce Foſſé,
que toute cette belle Troupe
s'eſtant aſſemblée au bruit des
Tambours & des Trompetes, &
au fon des Hautbois & des Violons
qui ſe répondoient tour à
tour , on fit élever le Perroquet
fur une grande Poutre & furdiverſes
Perches attachées les unes
aux autres. Il fut fiché &
cloüé ſur la derniere de ces Perches.
Comme ces galants Archers
ſe rendent tous les jours dans ce
Foffé , où ils tirent chacun ſelon
fon rang , un certain nombre
de Fleches pour tâcher d'abatre
ce Perroquet , & qu'ils
n'en fortent que ſur le ſoir à
l'heure du Soupé , dans le mefme
ordre qu'ils y font venus ,
cet agreable Spectacle ayant le
dixième de ce mois attiré la curiofité
120 MERCURE
rioſité du beau Sexe de Montpellier
, il prit envie à plus de
cinquante des plus jolies Filles
de la Ville de fe faire mener par
les Archers qui n'eſtoient point
mariez , & de ſe ſervir de leur
Eſcorte pour aller remettre leurs
Officiers dans leurs Maiſons .
Leur parure eſtoit extraordinaire
, & répondoit à celle de leurs
Meneurs. Elles tenoient chacune
un Bâton d'ebene garny d'argent
à la main droite , qu'elles
avoient paffée dans un Ruban
ponceau ; & à la gauche , un
Evantail de peau de ſenteur ,
avec les Bâtons d'écaille tortuë .
Apres que la Cerémonie fat
achevée , & qu'on eut conduit
les principaux Officiers chez
eux, toute cette galante Jeunefſe
, tant de l'un que de l'autre
Sexe , ſe rendit aux Flambeaux
chez
۱
GALANT. 121
chez l'Enſeigne . Elle y fut regalée
d'un Repas où la magnificence
, la propreté & la delicateſſe,
remplirent parfaitement
tout ce qu'on pouvoit attendre
du plus liberal des Officiers. Le
Bal acheva la Feſte . On danſa
longtemps , & ces aimables Filles
furent en ſuite remenées
chez elles par les jeunes Archers
qui pafferent le reſte de
la nuit à leur donner des Serenades
, & à danſer des Ballets
fous leurs Fenestres .
Je n'ay rien ſçeu par dela ce
queje vous mande. Si j'apprens
ce qui ſe ſera paſſé dans la fuite
de la Feſte , juſqu'à ce qu'ily
ait un nouveau Roy,j'auray foin
de vous le faire fçavoir. J'adjoûteray
ſeulement icy une tresagreable
Galanterie qui a eſté
envoyée pour Bouquet àMon-
May.
F
122 MERCURE
ſieur le Preſident Charton par
une Demoiselle toute belle &
toute aimable , & qui eft de ſes
particulieres Amies.
33333333
BOUQUET
Pour Monfieur le Prefident
Charton.
Président›jefais un Bouquet ,
l'y mets la Rose&leMuguet ,
Le lacinte & laTubéreuse ;
Sans doute il vous divertira.
Cà, voyonsquelle Fleur fera la plus heureuse
,
Vostre choix en décidera .
On voit déja chacune de ces Fleurs
Prendre ſes plus vives couleurs ,
Pour vous allerfaire la revérence,
Et vous témoigner ſon defir ,
Vousdiſant ; plairoit- il àvoſtre Préfidence
De
GALANT. 123
De me faire l'honneur de me vouloir
choisir ?
LaRose s'en va vous parler
De toutes les grandeurs qu'elle peut
étaler.
Elle vous vantera ſon illustre naiſſance,
Vous dira qu'il n'est point une plus belle
Fleur;
Que relevée en éclat, en puiſſance,
C'est du sang de Venus qu'elle tient sa
couleur,
Etque par son esprit , sa grace , &fa
douceur,
Méritant en tous lieux d'avoir la préference,
Elle atout ce qu'il faut pour conquérir
un coeur.
Le Muguet va vous afſfurer,
Que qui connoistſon prix , le doit confidérer;
Qu'il a des beantez, du mérite,
Que bien que sa Fleur ſoit petite,
Elle marque àtous ſa candeur ;
Qu'elle est en assezbonne odeur
Par tout où le bon goût àl'estimer invite ,
Fij
124 MERCURE
Etqu'à certaines Gens elle tient fort au
coeur.
La Tubéreuse va vous dire,
Quede tous les airs qu'on respire,
Celuy qu'elle veut parfumer
Fait naiſtre le defir d'aimer ;
Qu'à la chérir tout le monde s'empreſſe ;
Qu'elle inspire à chacun les plus brulans
defirs,
Mais queſiſon odeur fait naiſtre la tendreffe,
Sa Fleurpourroit donner les plus charmansplaisirs.
Pour le lacinte, il faut l'entendre,
Cette Fleur vous dira d'un air plus fier
que tendre;
Moy, je ne me vante de rien,
Ie ſuis telle que Dieu m'a faite ;
Mais tout le monde ſçait fort bien
Qu'entre les choses qu'on ſouhaite,
De tout ce qui s'appelle bien,
Iln'en est pointdeplus parfaite.
Ma bonne grace &ma beauté
Mettroient en d'autres coeurs beaucoup
de vanité,
Ma couleur marque ma conſtance.
Préfi
GALANT. 125
Président,fi vous en avez
Jene veux rien vous dire , voní sçavez
Iusqu'où je fais pour vous aller ma-complaisance.
D'autres y songeroient , fur cette connoiffance,
Sur l'ardeur de mes ſoins tant de fois
éprouvez,
Soit par justice, ou par reconnoiſſance
Choififſſez bien, ſi vous pouvez,
Mais Scachez que ce choixfera de con-
Séquence.
Quand mon coeur n'est point satisfait,
Ie deviens fiere en toute choſe,
Et dans le choix qui se propose,
Ie vous dis tout franc & tout net,
Que je croy furpaſſer la Rofe,
La Tubéreuse &le Muguet.
Préſident, voila mon Bouquet,
Pensez à l'ordre qu'il impoſe.
Monfieur le Préſident Char-
!
ton choiſit le lacinte , & apprit
eu fuite que Madame la D. D. B.
eſtoit la Roſe ; Madame de M. le
Fij
126 MERCURE
Muguet;Mademoiselle C.la Tubéreuſe
; & Mademoiselle B. le
Iacinte qu'il avoit choify. Il donna
une magnifique Collation à
ces Dames. Il y eut cinq Services,
entre leſquels des Hautbois,,
des Violons , des Theorbes , des
Violes , & des Voix , firent cinq
Choeurs de Muſique. Cette Feſte
fut terminée par le Bal, où ce
Préſident ſe montra auſſi galant
parmy les Dames, qu il eſt habile
Homme dans le Palais .
Il eſt des Préſens de toute nanure.
Tandis qu'on en fait de
Bouquets aux uns, il y en a d'autres
qui en reçoivent d'Abbayes.
Le Roy a donné celle de S.Marcel
dans le Quercy , à Monfieur
l'Abbé de Camps. Elle vaquoit
par la démiſſion pure & fimple
qu'en avoit envoyée Monfieur
l'Eveſque de S. Pons. L'Abbé
dont
GALANT.
127
:
dont je vous parle , eſt d'un merite
extraordinaire . Il a toûjours
pris de tres-grandes peines pour
ſe remplir l'eſprit de toute forte
de hautes & de rares connoif
fances, & il a eu le bonheur d'y
réüffir avec tant d'avantage ,
qu'on le regarde aujourd'huy
comme une Perſonne confommée
dans toutes les belles Sciences,
mais particulierement dans
la Médaille. L'eſtime particuliere
qu'en fait Monfieur l'Archeveſque
d'Alby , à qui il a
Phonneur d'appartenir , eſt un
éloge qui furpaſſe de beaucoup
ce que je pourrois vous en dire.
Tout le monde connoit la délicateſſe
de ſon difcernement , &
de quel poids a toûjours eſté le
jugement de cet Illuftre Prélat
qui eſt de la Maiſon de Serroni,
une des plus anciennes & des
Fj
128 MERCURE
plus nobles Familles de Rome .
Nous l'avons veu Evêque de
Mandeil y a quelques années.
L'Abbaye de S.Hilaire,aux environs
de Narbonne,a eſté donnée
au fecond Fils de Mr. Lully
Surintendant de la Muſique de
la Chambre du Roy.La mortde
Monfieur l'Abbé de la Barre ,
Officier de ſa Chapelle , la laiffoit
vacante. Si celuy qui en eſt
préſentement pourveu, devient
dans l'Egliſe ce que Monfieur
Lully fon Pere , eſt dans la Muſique
, il ſera un des premiers
Hommes de fon Siecle .
Monfieur du Puis ,Greffier en
chef de la Cour des Aydes , eſt
mort dans le commencement de
ce mois. Les Maladies regnent
fort icy. Il y en a de toute eſpece,
& comme voicy la ſaiſon des
Eaux , on commence à en aller
pren
GALANT.
129
prendre de tous coſtez par précaution.
Monfieur le Chevalier
de Lorraine , & Monfieur le
Marquis de Segnelay Secretaire
d'Etat , ont choiſy celles de
Vichy en Bourbonnois. Ils y font
depuis quelques jours.Monfieur
de Pontgibaud Lieutenant Generał
les a logez. Sa Maiſon eſt
tres-belle&fort ſpatieuſe.Monfieur
le Duc de Boüillon Grand
Chambellan de France , Madame
la Ducheſſe ſa Femme ,Madame
la Comteffe de S. Aignan,
&Madame la Marquife deDangeau
, Femme du Gouverneur
dela Province de Touraine,font
allez boire de ces meſmes Eaux
& s'y baigner. Vichy, ſi vous ne
le ſçavez , eſt une des plus jolies
Villes du Bourbonnois. Elle eft
fituée ſurla Riviere d'Allier qui
arrofe fes Murailles. Le bon air
1
130 MERCURE
qu'on y reſpire eſt ſeul capable
de redonner la ſanté ; mais ce
qu'il y a de fingulier , c'eſt qu'il
s'y trouve ſept ou huit Fontaines
diférentes , &qui ont toutes
diverſes proprietez , à cauſe des.
Minéraux par où elles paſſent.
Ily en a deux qui font excellentes
pour les vapeurs. Ce mal eſt
devenu à la mode ,& les Hommes
commencent à n'en eſtre
pas exempts. Le Couvent des
Capucins qui eſt tres-beau,auſſibien
que celuy des Celestins
fondez par les anciens Ducs de
Bourbon, fournit de tres-agreables
Promenades. Tous les Buveurs
d'eau ont la liberté d'y
entrer.Vous vous imaginez bien
Madame , qu'avec tant de Perſonnes
du plus haut rang,les di--
vertiſſemens ne manquerőt pas.
àVichy. La joye eſt fortneceffaire
GALANT.
131
faire pour faire profiter les Remedes
.Celuy qui a fait la Chanfon
qui fuit , en doit eſtre perfuadé,
puis qu'il ne parle que de
ce qui eſt contraire au chagrin.
Voyez-en les Paroles. Monfieur
l'Egu les a miſes en Air.
AIR NOUVEAU.
Dendantque nos braves Guerriers
S'entredisputent les Lauriers
Entrediſputons nous la gloire
De chanter , de rire & de boire. Unif-
Sons-noustous ,
Buvons chantons,faiſons des voeux,
Puis qu'ils combattent pour nous
Amis, buvons pour eux.
Pour fatisfaire vos Amies qui
prétendent que je vous devois
épargner la peine de leur expliquer
la chanson Italienne que:
vous avez trouvée dans ma Let
et
tre du Mois de Mars , je vous en
cha
132
MERCURE
envoye la Traduction. Elle eſt
tres fidelle ,& il ne faut pas avoir
un médiocre talent en Poëfie,
pour pouvoir donner un tour
agreable à ce qui eſt traduit
fidellement.
Traduction de la Chanſon Italienne
du Mois de Mars , qui commence
par, Questa bella d'amor nemica.
CEtte Bellequ'Amour n'a
toucher,
a jamaispu
Dont le coeurfut toûjours auffi dur
qu'un Rocher ,
Eft la jeune Climene.
Quoy que je brûle jour & nuits
Quandj'ose luy parler de l'excés de ma
peine,
D'un oeilplein de couroux anſſitoft l'Inbumaine
Me regarde & s'enfuit .
Cette Ingrate que j'aime
Neveut passeulement écouter mes malheurs
Ny
GALAN T. 133
Ny voir couler mes pleurs.
Bergere , quepour moy ta rigueur est
extreme !
Ton ame est millefois
Plus inſenſible que nos Bois.
Ah ,fi tu ne veuxpas cruelle,
Entendreſoûpirer
Le coeur de ton Amantſi tendre & fi
fidelle ,
Du moins ouvre les yeux pour le voir
expirer.
Ces Vers ſont du Fils d'un Auditeur
de la Chambre des Comptes
de Dijon. C'eſt tout ce qui
m'en eſt connu . Cependant
quand vos Amies devroient encor
murmure, elles n'auront que
par vous l'intelligence du Sonnet
Italien que je vous envoye.
Adire vray , je ne croy pas qu'il
foit poſſible de la traduire , &
d'en conſerver les graces. La
Poëfie Italienne a des élevations
dont
134
MERCURE
dont noſtre Langue ne ſçauroit
s'accommoder. Ce Sonnet eft
adreſſſe au Roy. Le nomdel'Autheur
eft au bas ..
AL INVITISSIMO
RE ' LUIGI XIV.
INolitoRe
Tu de la Guerra il Nume
DeTraci ad onta onnipotenteſei:
Del cui cimier nell' ondeggianti piume
Nuotano levittorie, ed itrofei.
Sparſi dipolve gia priſco costume
Gli Eroi deifico ne campi Elei,
Etragli aftri brillar gemino lume
Fé la garrula Grecia i due Amiclei...
Purdel tuo Nomein paragon che furo ?
Nome cui de leGallie il giro é angusto :
Nome che rende ogn' altro nome ofcuro..
Deh venga il diche di triomfi onusto
(Poëtico furor ſuelailfuturo )
T
GALANT.
139
T'Adori il Mondo incoronato Augu-
STO .
Del D.A. PAJOLI, Ferrarese.
Dans le temps du depart du
Roy pour ſa ſeconde Campagne
de cette Année , Monfieur
l'Abbé Minot dont le talét pour
la Chaire eſt fort connu , expliqua
ainſi les Voeux de la France ..
380381382383830303
SONNET ...
Ve de LOUIS LECGRAND leNom
Ovede ſi venerable ,
Si charmant &fi doux à ſes Peuples.
Soumis ,
Soit malgréles efforts de nos fiers Ennemis
,
En tous lieux, en tout temps, auguste &
venérable !
Que le Ciel àſes voeux ſoit toujours fa
vorable
Pour punir les excés que l'Empire a
commis Quà
136 MERCURE
Qu'à la jalouse Espagne il ne ſoit plus
permis
De douter que son Bras est un Bras indomptable.
Que du Levant au Nort il porte la
terreur ,
Que loin de nos Climats il banniffe l'Erreur
Pour couronner par là ſes Campagnes
paffées.
Que fa Sageſſe enfin pour combler nos
Souhaits,
glacées,
Ades Lauriers cueillis dans des Saiſons
Loigne deſſus ſan Front l'Olive de la
Paix.
Le Madrigal qui ſuit eſt d'u
ne Dame qui a infiniment dir
mérite. Je ne vous dis rien de
fon Eſprit , vous en jugerez par
ſes Vers . Si elle estoit infaillible
dans ce qu'elle veut quelquefois
deviner , le Tirfis dont elle
parle
GALAN T.
137
parle auroit ſujet de ſe croire
heureux , car la Bergere eſt des
plus aimables , & la gloire d'avoir
quelque place dans fon
coeur feroit une des meilleures
fortunes qu'il puſt eſperer.
03136033333333
MADRIGAL.
LABergere Lifete Dit qu'elle n'aime rien,
BIBLIO
THEA
LYON
1893*8681
Pas mesme sa Houlete,
Son Troupeau, ny ſon Chien.
Cependant quand Tyrfis la trouve sur
l'herbete,
Ou qu'ilva dans ſa Maisonnete,
On connoit bienparsa rougeur,
Etparun air tout languiſſant &tendre,
Quesicette Bergere est encor àſe rendre,
Elle aura bientoft un Vainqueur.
30
On ſe perd quelquefois heureuſement
. Un Cavalier auffi
galant que ſpirituel , en fit l'épreuve
138 MERCURE
preuve ces derniers jours. Il eftoit
d'une Partie de chaſſe dont
une Perſonne fort qualifiée don.
noit le divertiſſement aux Dames,
apres une abfence de deux
ans. On couroit le Chevreüil.
Le Cavalier qui ne connoifſoit
pas trop le Païs , s'enfonça fi
avant dans le Bois en pouffant
la Beſte , qu'apres l'avoir
perduë , il perdit auſſi le chemin.
Il marcha une demy-heure
à l'avanture , & s'eſtant trouvé
dans un Taillis où il y avoit de
l'eau, la crainte de s'embaraſſer
mal - à-propos l'obligea de s'arreer.
Cette crainte ne l'inquiéta
pas longtemps. Le bruit d'un
Chariot qu'il entendit d'aſſez
loin,le fit tourner de ce coſté - là ..
Il fut agreablement ſurpris d'y
trouver une fort aimable Perfonne,
âgée tout au plus de dixhuit
GALANT. 139
huit ans. Elle estoit à pied avec
une Canne à la main ; & marchoit
devant le Chariot en ſe
promenant. Le Cavalier quidef
cendit de cheval ſi -toſt qu'il la
vit , la pria fort civilement de
luy enſeigner ſa route. La Belle
s'offrit à l'y remettre , s'il vouloit
ſe laiſſer conduire. Le Party eftoit
trop avantageux pour le refufer.
Ils marcherent enſemble
environ une demy-heure . Le
Cavalier avoit toûjours les yeux
attachez ſur elle. Elle méritoit
bien qu'on la regardaſt. Voicy
fon Portrait. La taille tres -belle;
le viſage ovale , les yeux noirs,
touchans , & pleins de feu; le
teint vif & fort blanc; les cheveux
bruns ; la bouche vermeille;
le haut de la gorge tres-beau,
car le Cavalier ne vit rien de
plus ; les bras ronds, quoy qu'un
peu
140 MERCURE
peu gros ; & enfin toute propre
par fon air enjoué à inſpirer de
l'amour au plus inſenſible . La
délicateſſe de ſon eſprit répondoit
aux agrémens de ſa perfonne
, & vous jugez bien que
jamais rencontre ne fut plus
agreable au Cavalier. Il pouffa
la fleurete , dit cent choſes obligeantes
, & elles furent écoutéesd'une
maniere à faire croire
que ce qu'il diſoit ne deplaifoit
pas. Ils avancerent toûjours , &
ſe trouverent inſenſiblement das
une Allée qui conduiſoit à un
petit Bois. Ils y furent à peine
entrez , que le Cavalier découvrit
un Chaſteau qui estoit au
bout. La Belle luy dit qu'il appartenoit
à ſa Mere , & qu'elle
ne l'y amenoit que pour luy faire
reprendre plus aiſement fon
chemin. Elle adjoûta qu'elle n'a -
voit plus de Pere , & qu'elle
eſtoir
GALANT.
141
eſtoit en état de ſe marier. Le
Cavalier ſe trouvoit trop bien
de la converſation de cette aimable
Perſonne , pour ne s'arrefter
pas dans le Chaſteau. Il
falua la Mere qui eſtoit aſſez
âgée, s'étendit fort fur ce qu'il
devoit à l'honneſteté de ſa Fille
qui l'avoit empeſché de s'égarer,
& apres un entretien de demy-
heure fur des choſes generales,
il vit ſervir la Collation.Ce
n'eſtoit pas ce qu'il demandoit .
Au lieu de manger , ſes yeux ſe
raffafierent de toute leur force
fur la belle Avanturiere ; & la
Mere eſtant fortie pour quelques
ordres qu'elle eut à donner
, le Cavalier prit ce temps
pourdire de nouvelles douceurs.
Elles furent fi favorablement écoutées
, qu'on auroit eſté plus
loin fur les declarations , fi plufieurs
142
MERCVRE
P fieurs Dames qui arriverent ne
les euſſent interrompus. Le Cavalier
voyant qu'elles reſtoient
à coucher, & qu'il ſeroit malaiſé
qu'il puſt encor trouver un
quart-d'heure de converſation
particuliere avec la Belle , prit
congé de la Mere, avec promefſe
de la revoir au premier jour. Il
auroit tenu volontiers parole,
fans un long voyage qu'un intereſt
de gloire & de fortune ne
luy permettoit pas de diférer.
L'avanture aura peut- eftre de
la fuite à fon retour , & je ne
manqueray pas à vous en écrire
nque
les nouvelles particularitez.
Je vous envoyay la derniere fois
une Réponſe à une Belle de ce
qui s'eſtoit paſſé dans une Afſemblée
d'Amours touchant le
nomde Muſete qu'ils avoient arreſté
qu'elle accepteroit . Cette
aima
GALANT.
143
aimable & fpirituelle Perſonne a
crû devoir prendre l'intereſt de
fon Berger, & voicy ce qu'elle a
écrit à cet inconnu Rival qui a
voulu ſe mefler de ſes affaires .
LA MUSETTE,
A celuy qui prend le Nom
de fon Chien .
V
Ous , Amant inconnu , Daphnis,
Acidon , ou Damon (car
dans la foule je ne vous reconnois
point ) pourquoy vous meslez-vous
de répondre pour moy à la Lettre de
mon Berger , & pourquoy me faites-
vous dire des chofes dont vous
n'eſtes pas trop bien instruit ? Il
Semble que vous tâchiezà me faire
trouver mauvais qu'il m'ait
donnéle nom de Musette.
Mais
144
MERCURE
i
1
Mais ſçachez que j'ay mes raifons
Pour en demeurer fatisfaitte :
Payant comme je fais mon Berger de
Chanfons ,
Ne fuis-je pas une Muſette ?
Ie n'ay pas fait les choses à la
legere pour m'en repentir fi promptement.
I'ay trop bien examiné
ce nom avant que de l'accepter.
Les Amours me l'avoient donné,
& cela suffisoit pour m'obliger à
y regarder de pres. Ie Sçay bien
que tout ce qui vient de ces petits
Libertins doit estre suspect , &
qu'il est bon de voir si l'on ne s'engage
point tropen recevant des
Noms, où tout autre qu'eux n'entendroit
point de fineſſe. Ien'euf-
Sepas receu celuy qu ils m'avoient
choiſi , ſi je n'euſſe bien fait reflexion
qu'un Berger peut chanter
avec
GALAN T.
145
avec sa Musette tant de Chan-
Sons tendres qu'il luy plaira, ſans
qu'elle soit pour cela obligée d'en
reſſentir la tendreſſe. Elle est naturellement
inſenſible, comme vous
Sçavez, quoy qu'elle inſpire de l'amourà
ceux qui l'écoutent .
Par mes ſons amoureux on me trouve
charmante ;
Mais me touche-t-on : nullement.
Pour mon Berger je chante tendrement,
Et ne me ſens rien de tout ce que je
chante.
D'autre costé il a beau chanter
des Chansons tristes &plaintives,
je ne partage point sa trifteſſe.
C'est ce me semble estre af-
Sezheureuse , &jene changerois
pour rien ma condition de Muſette
, à celle de Bergere que vous
m'offrez. L'avoue cependant que
vouloir estre mon Chien, c'est mar-
May.
G
146 MERCURE
quer afſfez de foûmiſſion , mais un
Chien ne me touche pas; &fi vous
en voulez ſçavoir la raiſon ,
Il eſt cent libertez qu'il luy faut accorder,
Il ne ſçauroit exprimer ſes tendreffes,
Que par d'importunes careſſes,
Dont je ne puis m'accommoder.
Ainsi en qualité de Chien vous
Seriezmalheureux avec moy. Ie
ne remarque qu'une bonne qualitédans
ces Animaux là, c'est lafidelité
qu'ils ont pour leurs Maiſtreſſes.
Mais mon Berger m'ayant
juré de n'avoir jamais d'autre
Musette que moy, ilfaut que je me
donne le loiſir d'éprouver s'ilfera
fidelle, avant queje puiffe examiner
s'il me feroit avantageux de
vous écouter.
Je vous ay déja appris que
Mon
GALANT.
147
Monfieur l'Abbé Poncet , Fils
de Monfieur Poncet Conſeiller
d'Etat ordinaire , & Neveu de
Monfieur l'Archeveſque de
Bourges dernier mort,avoit eſté
fait Evefque & Comte d'Ufés .
Il fut Sacré ces jours paſſez en
l'Egliſe de Sorbonne . Vous ſçavez
qu'il eſt Docteur de cette
Maiſon , & quand je vous diray
qu'il s'y eft fait diftinguer ſouvent
ſur les Bancs par les Actes
publics, ce ſera ſeulement repéter
ce que je croy vous en avoir
déja dit dans quelqu'une demes
Lettres . On connoit le talent
qu'il a pour la Chaire, & toutes
les Perſonnes de bon gouft en
rendent un témoignage ſi avantageux
, qu'il ſeroit inutile d'y
rien adjoûter. Sa Maiſon efttres
ancienne . L'Hiſtoire en fait
mention ſous le Regne de Loüis
Gij
148 . MERCURE
XI. en parlant d'un Poncet de
la Riviere qui estoit alors dans
des Emplois tres- conſidérables
de l'Armée . Cette Maiſon eft
dans les Alliances des premieres,
tant de la Robe que de l'Epée
, comme ſont celles des Seguiers
, des Picards , de la Riviere,
des Boëtes,& des Vialars,
qui nous ont donné des Chanceliers,
des Ducs, & des Marefchaux
de France. Monfieur
Poncet de la Riviere , Maiftre
des Requeſtes , & Préſident
au Grand Conſeil , eſt Frere du
nouveau Prélat dont je vous
parle. Il a eſté Intendant d'Alface
, & en fuite de la Lorraine
& Païs Meffin , Charleville, &c.
C'eſt un des plus importans Emplois
du Royaume ,& dont trois
Intendans ſont preſentement
chargez . Le Roy qui l'avoit
amené
GALANT.
149
amené d'Alface avec luy pour
le mettre dans ce Pofte,luy donna
l'Intendance de Berry ( où il
eſt encor) en mefme temps quil
nomma feu Monfieur Poncet
fon Oncle à l'Archeveſché de
Bourges. Je ne vous dis rien de
Madame Poncet ſa Femme .
Vous la connoiſſez , & je me
fouviens de vous avoir entendu
dire plus d'une fois qu'avec un
brillant & une vivacité pareille
à la fienne , il eſtoit rare de trouver
autant de conduite qu'elle
ena,mais il n'y a pas lieu de s'en
étonner. Elle eſt formée ſur de
grands exemples , & ils luy font
trop chers pour ne les pas fuivre.
Monfieur le Tellier Aumof
nier de la Reyne , & Curé de
S.Severin ,avoit eſté Sacré Evefque
de Digne , quelques jours
Hiij
150 MERCURE
avant Monfieur l'Eveſque d'Uſés.
La Reyne luy fit l'honneur
de vouloir eſtre préſente à cette
Cerémonie. Elle eſtoir accompagnée
de Mademoiselle d'Orleans
& de Madame de Guife .
Monfieur Lizot a fuccedé à
ce Prélat dans la Cure de Saint
Severin. C'eſt un Homme qui
poſſede parfaitement la Religion
, & qui en prefche les Maximes
avec une facilité admirable.
Ce talent foûtenu d'une
grande pieté , d'une liberalité
fans referve envers les Prifonniers
& les Pauvres,& d'un zele
infatigable pour les avantages
du prochain , l'avoit fait fouhaiter
pour Paſteur à Mademoiſelle
d'Orleans . Jamais Promotion n'a
eſté plus Canonique,ny priſe de
Poffeffion accompagnée d'une
plus grande foule de Peuple.
4
Toute
GALANT .
151
Toute l'Egliſe eſtoit pleine,& on
n'a point à douter qu'il ne faſſe
de tres-grands fruits dans la difpoſition
où ſont ſes Paroiffiens
de recevoir ſes Inſtructions avec
lafoûmiffion qu'ils luy doivent.
L'Abbaye du Lys , pres Melun
, de l'Ordre de S. Bernard,
ayant eſté donnée à Madame
Colbert , elle fut Benite, il y a
huitou dix jours en l'Abbaye de
Port-Royal , du meſme Ordre,
par Monfieur l'Archeveſque de
Paris . Elle eft Soeur de Monfieur
Colbert Miniftre & Secretaire
d'Etat. Il fuffit de ce Nompour
faire juger de fon Efprit & de
ſon mérite. La Reyne honora
cette Cerémonie de ſa préſence.
Mademoifelle d'Orleans ,
Mademoiselle de Blois , & Mademoiselle
de Boüillon , l'y accompagnerent.
Un grand nom
Gij
152 MERCURE
bre de Prélats s'y trouva auſſi ,
avee pluſieurs autres Perſonnes
du premier Rang. Mademoiſelle
de Bouleon qui demeure dans
cette Abbaye de Port Royal fut
préſentée à la Reyne parMadame
Colbert. Ce n'et encorqu'un
Enfant , mais dont les qualitez
font au deſſus de fon âge. Madame
la Princeſſe d'Harcour
préſenta auſſi à Sa Majesté Mademoiſelle
de Fontange. C'eſt
une Perſonne tres-aimable . Elle
ade la beauté , & Madame la
Princeſſe Palatine l'honore d'une
protection particuliere. Elle
doit entrer Fille d'Honneur de
Madame à la premiere Place vacante.
Monfieur le Comte de
Rouſelle eft fon Pere, & fa Maiſon
, une des plus Illuftres de
Limousin. Elle eſt alliée de Monſieur
le Marefchal de la Ferté,
de
GALANT.
153 .
de Monfieur le Marefchal de la
Feüillade , de Meſſieurs de la
Chaftre , & de pluſieurs autres
Perſonnes de la premiere qualité
.
Monſeigneur le Dauphin ,
dont les grandes qualitez ſe font
tous les jours admirer de plus en
plus,continuë ſes Exercices avec
des progrés incroyables . Cette
matiere , fi digne d'occuper les
meilleures Plumes , a fourny de
nouvelles idées à Monfieur du
Mata- d'Emery.Il a déja fait parler
ſi agreablement lesChevaux
| de Manege dont ce jeune Prince
ſe fert , que vous pouvez vous
promettre beaucoup de plaifir
de ce qu'il fait dire à la Renommée.
Un peu d'audience. Vous
ne ferez pasfâchéede l'écouter.
Gv
154 MERCURE
LA
RENOMME'E
A MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN.
Alloisun jour àhaute voix
Jsemerin laTerre & fur l'Onde
Les incomparables Exploits
Du plus grand Monarque du monde.
I'estois preste à prendre l'effor,
Et j'avois étendumes aisles;
IAllois déja donner du Cor
Pour faire écouter mes nouvelles.
Quand Mars venu ſubitement,
Mefait connoistre qu'il defire,
Quepour luy j'arreste unmoment,
Et qu'il a beaucoup à me dire.
C'est le moins qu'on doive à celuy
Dont l'employ m'est fi neceſſaire,
E
GALANT. 155
Etqui ſeul m'empesche aujourd'huy
De m'ennuyer & de me taire .
Promptement, luy dis-je, en deux mots,
Avous oüir je me diſpoſe ;
Loüis , le plus grand des Héros,
Ne permetpas que je repose.
Alors ce Dieu tout glorieux
De la grandeur desa matiere,
Lafierté peinte dans les yeux ,
Me parla de cette maniere.
Va ,dit- il, va fendant les airs
D'unerapide violence ,
Apprendre dans tout l'Univers
Les Prodigesque fait la France.
Vapublier les grands Exploits ,
Et les Campagnes renommées
Que fait le plus vaillant des Roys
Alateste deſes Armées.
Quemille Peuples inouis,
Dont les moeurs sont les plusfarouches,
Apprennent le Nom de Louis ,
Parce qu'en diront tes cent bouches.
Fay
156.
MERCVRE
Fay qu'il ne foit Rocher affroux,
Ny Valon qui n'en retentiſſe,
Etque desesprogrés heureux
Tout l'Univers se réjoüiffe.
Enparlant de ce Conquérant
Dans l'un & dans l'autre hémisphere,
Dy que fon Fils est le plus grand
DesMiracles qu'il asceu faire.
Qu'il est aux beaux Arts élevé ;
Quesous les Maistres qui l'avancent;
Ilparoit un Prince achevé
Al'âge où les autres commencent.
Que Son Esprit a le beau tour,
Etfait tout avec tant de grace,
Qu'il semble que le Dieu d'Amour
L'ait fait naiſtre ſur le Parnaſſe.
Qu'estant le mieuxfait des Humains
Ilpoffede un coeur intrépide,
Vn coeur fait de mes propres mains,
Que je gouverne &que je guide.
Que feur deporter la terreur,
S'il se déclare & s'il menace,
IL
GALAN T.
157
Il peut allerde coeur à coeur
Avec tous les coeurs de fa Race.
Va donc, vole, mais souviens-toy
Quepour faire ce qu'on ſouhaite,
Et fournir à cegrand employ ,
Iltefaut plus d'une Trompete.
Si toft que Mars eut achevé
De wi'entretenirde la forte,
Iepris unvol plus élevé,
Et mefis une voix plus forte.
Voy, luy criay-je, avec quelſoin,
Volant plus haut qu'à l'ordinaire,
Ie rens tout l'Univers témoin
Des vertus du Fils & du Pere.
Voypar moy leurs noms glorieux
Portez,fans que ceſoin me laſſe,
Iusqu'au sein de ces Demy- Dieux
Aqui les Aftres ont fait place.
Bientoft la Terre en parlera,
L'Ocean ne pourra s'en taire,
L'Airpar tout en retentira,
Voila tout ce que je puisfaire.
Mars
158 MERCURE
4
1
Mars parutfort content demoy,
Ets'en retournant àl' Armée,
Nous nous diſmes de bonne-foy,
Adieu Mars, adieu Renommée.
Le Tableau qu'on expoſe tous
les Ans à Noftre-Dame pendat
tout le Mois de May,a eſté trouvé
cette Année , un des plus
beaux qu'on y ait veus depuis
fort longtemps. Il repreſente le
Paralytique. Les Connoiffeurs.
en admirent fur tout l'Architecture.
Ce Tableau a eſté fait par
Monfieur Boulogne , & donné
par Meſſieurs de Villers & Guillard
, Marchands Orfevres &
Ioüailliers .
Les Vers qui ſuivent m'ont
paru ſi naturels pour une Amante
trahie , que j'ay crû vous les
devoir envoyer , au hazard que
vous les ayez déja veus , car on
les chante icy depuis quelques
jours.
GALANT. 159
jours. C'eſt pour cela que jen'y
ay point adjoûté la Note .Ils font
deMonfieur Marcelle.Monfieur
dela Tour les a mis en Air.
CHANSON.
Lefire innocens,
EPrintempsm'ofre en vain
:
,
Sesplai
Iene vous verrayplus ,Boccagesrenais-
Sans ,
Où l'amour de Tyrfis m'a tant de fois
charmée.
Sous vos ombrages verds il me donnaSa
foy ,
L'Infidellea changé , je n'en suis plus
aimée.
Printemps , Plaisirs , Amours , tout est
paßépourmoy.
Si l'envie de chanter vous
prend,vous pouvez la fatisfaire .
Voicy un Air tout nouveau , &
dont j'ay fait graver les Notes
pour vous.Ainfi vous ferez affu
rément
160 MERCURE
rément la premiere qui l'aurez
chanté. Il est de Monfieur Berthet
qui l'a fait fur ces Paroles-
AIR NOUVEAU.
Ve l'Amour flate doucement !
QQu'il est agreable charmant ,
Lors qu'il veut engager un coeur ſous-
Son empire!
Mais belas ,le cruel , quand il nous a
Soumis ,
Et qu'on ne peutplus s'en dédire !
Qu'il tient mal ce qu'il a promis ,
On eſt tous les jours trompé
en amour , & il fe fait fans ceſſe
de nouveaux engagemens. La
Lettre que je vous envoye d'un
Amant deſeſperé, devroit fervir
de remede contre cette paffion,
ſi on examinoit à quoy l'on s'expoſe
avant que de s'embarquer;
mais les premieres amorces de
l'amour ſont ſi flateuſes , qu'on
s'en
GALANT. 161
s'en laiſſe toûjours féduire , &
on ne fonge à luy refifter , que
quand on n'a plus de forces pour
le combatre. Il n'y a rien à mon
ſens de mieux touché que cette
Lettre. Je ne ſçay ſi elle aura paru
touchante à la Dame , mais
je ſçay qu'elle est fort digne de
voſtre admiration.
1
69 : 89760389408. ERS FOR
18038030308038030303
LETTRE.
LYOK
*18937771
Vez-vous oublié Madame , le de-
Afspoiros vous Monster bite son
avez vous pû croire que ce ſeroit l'adoucir,
deme faire aller chez vous pour vom
voir joüer à la Baſſete ? Quelle confolationpour
moy de vous avoir trouvée dans
une gayeté extraordinaire , & de vous
entendre loner vous -meſme vostre beauté?
Vous m'avez laiſſez ſortir fans me dire
une seule parole , & vous sçavez avec
qui je vous ay laiſſsée. La journée d'un
Malheu
162 MERCURE
Malheureux pouvoit- elle mieux finir
Quel trouble ! quelles peines!Que n'ay-je
pointfouffert Ilfaut Madame,que vous
ayez un grand fonds d'inhumanité , st
vous n'en eftes bien contente; & fi ceux
qui m'ont ven neſont pas perfuadez que
je vous aime , ils s'y connoiffent peu.
Mais , Madame , cela ne vous regarde
pas, ils ne sçauroient me croire amoureux
Sansme croire miserable. La triſteſſe &le
defordre où ils m'ont ven, ne peut leur
avoir permis deſeparer ces deux choses.
Ne vous contraignez point , Madame.
Vous voulezmefaire mourir,&je ne dois
pas avoirde peine àm'y résoudre. Quelle
mort peut-ily avoirqui nefoit préferabte
àtout ce que vous me faitesſouffrir depuisfi
longtemps ? Ce n'est pas une exagération
, vous ne le ſçavez que trop.
Peut- on imaginer quelque chose que je
n'ayefait pour vous plaire , ou pourme
guérir,&peut on l'avoirfait inutilement ?
Dasces états fioppoſez ,quen'avez vous
point veu de moy, &de quel oeil l'avezvous
veu?Maissi lapallion taplus respe
Etueuse,la plus vive, &laplus tendre qui
futjamais,n'apûtouchervostre coeur, vous
Ne
GALANT. 163
nepouvez pas trouver étrange que toutes
vos rigueurs , & la mort meſme que voὺς
m'avezfait voirſiſouvent & deſi pres,
n'ayent pû détacher le mien. Quand on a
osé vous aimer, Madame , peut- onse retrouverſenſible
àquelqu'autre chose o
stre personne , vostre eſprit , &voſtre
coeur , n'effacent-ils pas jusqu'aux idées
detout ce qui peut plaire ou divertir ?
Cependant il est vray , Madame , &je
nepuism'empeſcher de vous le dire encor
,mais c'est pour la dernierefois , je
ne doispas me prendreà moy ſeul de l'accablement
où je suis enfinparvenu. C'est
dans le fonds lepur ouvragedevos mains,
foit que mapaſſion vous aitplû,foitparce
qu'on veut rarement ſe défaire d'un
Homme dévoñépar amour. Enfin dire-
Etement , ou par vos manieres , auxdefpens
demon repos , & au péril de ma
propre vie , vous vous estes toûjours opposée
aux efforts que j'ay voulufaire pour
vous quiter. Il est vray qu'ils ont esté
inutiles dans la ſuite , mais peut- estre
qu'ils ne l'euffent pas esté dans les commensemens.
Si vous n'aviez affoibly ma
A
raiſon j'ose croire qu'elle cuft pû alorsfe
rendre
164 MERCURE
rendre la plus forte. Les pensées que
vous avez cû pour ma fortune , tant de
marques d'estime & d'amitié que j'ay regeu
de vous , ont encor achevé de me perdre.
L'avoue , Madame , que toutes ces
choſes auroient esté d'un prix inestimable
dans un coeur libre ; mais que ne m'ontelles
point cousté ? Vous sçavez qu'elles
ont foûtenu mes foles espérances , & ranimé
millefois mon attachement. Faites
moy justice , Madame. UnHommeéperdud'amourpouvoit-
il avoir la venë affez
bonne pourpenétrer qu'à travers tant de
graces de vostre part ,&tant de conſtancede
la ſienne ,il ne seroit jamais heureux
? Que ne vous dirois-je point làdeſſus
, Madame , ſi je me laiſſois aller à
tout ce qui me vient dans l'Esprit ? Mais
nesçay jepoint affez l'inutilité de mes
discours & de mesplaintes , &ne voisjepas
depuis quelque temps que vous estes
occupée à tant d'autres choses , que tout
ce que je vous dis vous aigrit ? La Per-
Sonne du monde qui vous plaiſt le moins,
n'a qu'à m'interrompre pour estre bien
reçenë; & cette dureté me touche d'autant
plus vivement , qu'elle n'apas toujours
GALANT.
165
jours esté fi grande. Ie vous demande
pardon , Madame. La crainte que j'ay
de vous facher , me fait sentir que je
vous parle trop librement. Vous ſçavez
que si j'ay en quelquefois de laforce pour
Soûtenir ma destinée , je n'en ay jamais
eu pour foûtenir vostre colere. Dans ce
moment mesme où je n'ay plus rien àménager
, je me trouve également penetré
de cette crainte. Adieu , Madame, adieu.
Ieprens enfin le party dont je vous ay
parléfiſouvent. I' abandonne mafortune.
Ie quite Paris & la Cour pour toute ma
vie. Ie nesçauroisy eſtre ſans vous voir,
ny vous voirfans me redonner àvous,&
c'est leſeul péril que je puiſſe craindre en
l'état où jesuis .
Monfieur de Valencé,Grand
Prieur de France , eſt Mort à
Malte depuis fix ſemaines, dans
fa foixante & quinziéme année,
apres avoir rendu à la Religion
&à l'Etat tous les ſervices qu'on
pouvoit attendre d'une Perſonne
x
166 MERCURE
ne de fon rang. Sa maladie commença
par une écorchure qu'il
ſe fit luy-mefme à un cors qu'il
avoit au petit doigt du pied. II
la négligea quelque temps , &
n'en avertit ſon Chirurgien que
quand il vit le mal augmenter.
La gangrene ſe mit à la playe,
Le Chirurgien qui s'en apperçeut,
luy coupa auſſitoſt les deux
doigts les plus voiſins du mal,&
cette opération luy cauſa une
fievre fi violente, qu'il en mourut
trois jours apres. Il a conſervé
juſqu'à fon dernier foûpir
un raiſonnement admirable,
& fait paroiſtre dans ſon mal
une force d'eſprit & une patience
furprenante. Il eſtoit de
la Famille de Meſſieurs d'Etampes
de Valencé , dont le nom
eft fi recommandable das l'Hiftoire
, par les belles actions de
tant
GALANT.
167
tant de grands Hommes qui
l'ont porté . Il ne l'a point démenty
, & il s'eſt toûjours ac--
quité avec tant de gloire des
importans Emplois qui luy ont
eſté confiez , qu'il en a merité
l'applaudiſſemet de tout le monde.
Feu Monfieur de Valencé
fon Pere fut General des Armées
du Roy , après avoir paſſé
par une infinité de Charges
tres - confidérables. Il fut Gouverneur
de Montpellier , quand
cette Ville eut eſté priſe ſur les
Huguenots , & il eut en ſuite le
Gouvernement de Calais. Il
eſtoitPere de Monfieur le Cardinal
de Valencé , de Monfieur
l'Archeveſque de Rheims du
mefme nom,de Madame de Puifieux
qui mourut l'année derniere
, & de Madame la Doüairiere
d'Hocquincour.
Mon
168 MERCURE
Monfieur le Grand Prieur de
France, dont je vous parle, avoit
l'eſprit extrêmement vif & penétrant
,& capable de grandes
Négociations. Il n'avoit que
quinze ans, quand il alla faire fes
Caravanes à Malte . Il n'y fut pas
longtemps fans trouver les occaſions
de ſe diftinguer.Celle d'un
Combat que firent cinq Galeres
de cette illuſtre Religion avec
fix de Barbarie , luy fut favorable
. Il y donna des marquesde
valeur ſurprenantes , & elles le
furent d'autant plus , qu'on ne
les attendoit pas de luy dans un
âge ſi peu avancé . Cependant
ayant eſté accablé par le grand
nombre des Ennemis, il fut fait
Eſclave , & mené à Alger par
Amurat Commandant des Galeres
de Barbarie , avec deux de
celles de Malte qui ne pûrent
éviter
GALANT. 169
éviter d'eſtre priſes. Ce Commandant
qui connoiſſoit la force
du Genie de Monfieur de Valencé
, joignit les menaces aux
promeſſes pour luy faire renier
ſa Foy. Mais ce fut inutilement.
Il demeura trois ans dans l'eſclavage,
& ce Baſſa le voyant inébranlable
dans ſes ſentimens,fut
enfin obligé de recevoir trente
mille livres qui luy furent payées
pour ſa rançon. Il s'eſtoit acquis
un ſi grand crédit dans l'eſpritde
ces Barbares, qu'il racheta ſurſa
parole fix Chevaliers François
& Eſpagnols qui s'étoient trouvez
dans la même occaſion . Etat
de retour en France, il fut Lieutenant
des Gardes de feu Mr. le
Prince de Cõdé,& un peu apres
luy donna le Commandement
d'une Galere de Malte , où il fit
des choſes qui paſſent tout ce
May.
H
170
MERCURE
qu'on en peut dire dans la furpriſe
de la Ville de Sainte Maure
dans la Morée ,&dans la Mahometedans
le Levant. Sonmérite
avoit tellement paru , que
le Grand-Maiſtre de Paul luy
donna par grace la Commanderie
de Nantes; & en fuite celle
de Mets. Le Grand-Maiſtre
de Laſcaris qui fucceda au
Grand-Maistre de Paul , le fit
Ambaſſadeur de l'Ordre en
Cour de Rome , & apres, à la Re--
publique de Veniſe. Il fut employé
dans les plus importantes
Negotiations qui ſe traiterent
en ce temps- là. Sa Majesté le fit
Commandant General delArmée
Navale ſous Monfieur le
Duc de Richelieu pendant les
Guerres Civiles qui troublerent
le repos de la France en 1652 .
En ſuite il nommé à l'Ambaffade
GALANT.
171
de Extraordinaire de Rome , où
il demeura trois ans dans des
magnificences dignes de la grãdeur
du Maiſtre qui l'envoyoit.
La Cour fut fi contente de ſes.
Négotiations, qu'elle luy donna
la Survivance des Abbayes de
Bourgüeil & de Champagne ,
dont feu Monfieur l'Archevefque
de Rheims joüifſoit alors .
Sa mort luy en aſſura bientoſt la
poffeffion.Onle fit Grand-Croix
de grace , & apres avoir eu pluſieurs
Commaderies, il fut pourveu
du Grand-Prieuré de Chapagne
, & en ſuite de celuy de
France en l'année 1670. Outre
qu'il s'en eſtoit rendu tres-digne
, le Pape qui avoit pour luy
une eſtime toute particuliere ,
fut bien-aiſe de reconnoiſtre par
là les ſervices ſignalez qu'il avoit
rendus au Saint Siege , lors qu'il
Hij
172
MERCURE
fut General de l'Artillerie de
l'Egliſe ſous le Pontificat d'Urbain
VIII. Les Barberins ont
toûjours eu une grande venération
pour ſa mémoire , à cauſe
qu'il appaiſa par ſa prudence &
par ſes ſoins les Diférens que
cette Maiſon avoit avec celle
des Pamphiles dont le Pape Innocent
X. eſtoit forty . Les Papes
ſuivans l'ont toûjours honoré de
leur bienveillance , & fur tous,
Clement IX. qui luy écrivoit ſouvent.
Il eſtoit dans une ſi grande
conſidération à Malte , que les
reſpects qu'il recevoitde tout fon
Ordre luy donnoient lieu de ſe
regarder comme un Sujet deſtine
à remplir la place de Grand-
Maiſtre . C'eſt un honneur où il
feroit fans doute parvenu , fi la
mort n'euſt trop toſt finy ſa vie .
Sa charité n'eſtoit pas la moindre
GALANT .
173
dre de ſes vertus. Les Peuples
en reſſentoient des effets tresavantageux
, & on peut dire
qu'en le perdant , ils ont perdu
leur Pere & leur Protecteur. Je
ne vous parle point de ſa Maifon
. Il y en a peu de plus anciennes
dans toute l'Europe , ny qui
ait de plus belles Alliances . Vous
ſçavez , Madame , qu'elle en a
une fort étroite avec celle de
Montmorency , Madame de Valencé
, Bellefoeur de feu Monfieur
le Grand Prieur , eſtant
Soeur de Monfieur le Duc de Luxembourg
, & de Madame la
Princeſſe de Merlebourg.Monfieur
le Chevalier de Vendofme
avoit la Survivance du Grand
Prieuré qu'il laiſſe vacant. Celuy
de S.Iean de Latran de Paris,qui
eſt un tres -beau Benefice , y eſt
toûjours joint. L'Abbaye de

174 MERCURE
Bourgüeil qu'il poſſedoit , a eſté
donnée àMonfieurde Courtenvaut
, Fils de Monfieur le Marquis
de Louvois. Le Baſtiment
en eſt admirable. Monfieur le
Marquis de Monchevreüil du
Païs Véxin,Homme qui a beaucoup
de naiſſance & de fervices
, a obtenu pour ſon Fils l'autre
Abbaye de Monfieur de Valencé.
On fait des Epitaphes d'un
coſté, & des Epitalamesde l'autre.
En voicy un qui fut fait inpromptu
ces derniers jours fur
le Mariage de MonfieurRichon,
Petit- Fils du feu Tréſorier de
France de ce nom , & de Mademoiſelle
de Bigot, Fille de Monfieur
de Bigot Receveur General
pour la Taxe des Charges
Royales du Reffort du Parlement
de Bordeaux. Monfieur
Barré
GALANT. 175
Barré en eſt l'Autheur. Il a beaucoup
de Talent pour la Poësie ,
quoy que dans un âge tres- peu
avance. La Demande à Iris eft
de luy , auffi -bien que les trois
Pieces ſuivantes que vous avez
veuës dans ma Lettre du Mois
d'Avril .
INPROMPTU.
DEſcendez, charmante Cypris ,
Voyez heureux aſſeblage,
Et tâchez d'achever l'ouvrage
Del'Amourvostre Fils.
Vivezcontens , vivex heureux Eроихъ
Quechacun de vous s'intereffe
Afaire paroiſtre ſans ceſſe ,
S'il se peut , un amour plus doux.
Faites que dans vostre jeuneſſe
Vousne voyez que de beaux jours ;
Faites qu'une belle vieilleffe
Couronnevos tendres amours.
J'adjoûte deux Madrigaux
Hili
176 MERCURE
qui font d'un caractere bien oppoſé
. L'un eſt d'un Amant content,&
l'autre d'un amant plaintif.
Il y en a toûjours eu de toutes
manieres .
L'AMANT
THEQUE
DELI
BLYANT
CONTENT
.
7893
MADRIGAL.
jesuis heureux !
A
H, que
quej'aime
Apres avoirfouffert depuis le têps
Tout ce quefaitſouffrir un deſtin rigonreux
٤٠
Iris ne douteplus de mon amour extréme,
Etje luy parle quandjeveux .
Ab,que jesuis heureux !
L'AMANT PLAINTIF .
Q
MADRIGAL.
Venem'accablez vous demortelles
rigueurs ,
Vous qui me reprochez de frivoles fayeurs.
Helas
7
es
le
es
:
30 32038
YON
a
11
e
e
e
2
VILLE
t
t
2
Hall
Plan
dela Ville et
Citadelle de
Lewe
estrich
uvain
mont
Tron
es
Detla
Sur la
GALAN.Τ.
177
Helas ! loin d'écouter tant d'esperances
vaines ,
Dont ma raiſon ne peut interrompre le
cours,
Peut-estre qu'à vos yeux je briſerois mes
chaines ,
Et je vay les traiſner le reste de
jours.
THEODE D
BIBLIO
LYON
Far- Il faut vous parler de la
prenante Action de Leuve. Ily a
ſi peu d'intervale entre lemoment
de ſa Prife & celuy du
Siege, que la nouvelle de l'un &
de l'autre vous a eſté donnée
tout à la fois. Cependant comme
les François font beaucoup de
choſes en peu de temps, j'en ay
auſſi beaucoup à vous dire , &
j'ay ramaſſé avec tant de ſoin
toutes les particularitez qui regardent
cette importante Conqueſte
, que quelques Relations
qu
qu'on ait pû vous en envoyer,
il eft impoffible qu'elles vous en
Hv
178 MERCURE
ayent appris toutes enſemble
autant de circonſtances effentielles
, que j'en croy avoir àvous
apprendre. La ſituation de cette
Placea des avantages qui la rendentune
des plus conſidérables
de tout le Brabant. Elle eſt ſur la
Riviere de Géete, vers les Frontieres
du Païs de Liege. C'eſt
où ſe fait la meilleure Biere des
Païs -Bas . Elle a un Prieuré de
l'Ordre de S. Auguftin , dont le
revenu eſt tres-grand. On en
met le Prieur au nombre des
douze Prélats du Brabant. La
grande Egliſe eſt dédiée à S.Lienard
, & il y a un nombre de
Chanoines tres conſidérable .
Cette Ville eſt à huit lieuës de
Maſtric , à deux de Tillemont,
& à quatre de Louvain . Elle fut
fortifiée apres que les Hollan-
-
dois eurent pris Maſtric fur les
Eſpa
GALANT.
179
Eſpagnols , & elle l'a encor eſté
depuis que le Roy a conquis céte
meſine Place ſur les premiers .
Le Comte de Monteray qui
commandoit alors dans les
Païs-Bas , jugeant bien que
ce n'eſtoit que par là qu'il pouvoit
empeſcher la Garniſon de
Maſtric de s'étendre dans le
Brabant , y fit travailler avec
tant d'empreſſement &de foin ,
qu'on l'a ſouvent veu aller & re .
venir en un jour de Leuve à
Bruxelles avec des Relais , pour
faire hafter les Fortifications par
ſa préſence. Auſſi ſa Citadelle
eft-elle tres -bonne & tres- réguliere.
Cette Ville eſt dans un
endroit ſi marécageux , qu'il eſt
difficile d'en approcher. Outre
les Ecluſes qu'elle peut couvrir,
& les Marais qui l'environnent
de tous coſtez , elle est défenduë
180 MERCURE
duë par un grand & tres- large
Foffe , & par un Avant- foſſe ,
pleins d'eau , & l'on n'y peut
aborder que par une Chauffée
fort étroite . Je ne vous dis rien
de fes Bastions , de ſes Demy-
Lunes, ny de ſes autres Fortifications.
Vous n'avez qu'à examiner
le Plan que j'ay eu ſoin de
vous en faire graver. Je ne vous
en ay point encor envoyé de
plus juſte . Il eſt fait avec toute
l'exactitude imaginable , & par
des Perſonnes qui ayant veu les
lieux , ne font encor que d'en
revenir . Tous les environs de la
Ville y ſont marquez ,& vous y
pouvez voir les Marais & les Rivieres
avec tous les retours
qu'elles y font. On pouvoit dire
que cette Place eſtoit imprenable
, puis qu'il eſtoit impoſſible
de l'attaquer dans les formes. Il
faloit
GALANT . 181
faloit donc la ſurprendre . Mais
les Places font bien plus difficiles
à gagner de cette maniere ,
que par un Siege, & l'on n'en
doutera pas, ſi on examine qu'on
en prendbeaucoup dans les formes
, & que pendant un tresgrand
nombre d'années à peine
y en a-t-il une qu'on puiffe
ſurprendre. On n'a beſoin
que de vigueur pour les Places
qu'on attaque ouvertement
; mais outre qu'elle n'eſt
pas moins neceſſaire pour celles
dont on cherche à ſe rendre
maiſtre par ſurpriſe , il faut joindre
l'eſprit au fecret , & beaucoup
d'adreſſe à la conduite . Il
eft vrayque les François nemanquent
aujourd'huy de rien.Toutes
les meſures qu'ils prennent,
ſont juſtes; & comme la prudence
ſeconde toûjours leur valeur,
il
182 MERCURE
il ne faut pas s'étonner s'ils font
réuſſir des entrepriſes dont on
n'a preſque point veu juſqu'icy
d'exemple . Il eſt ſurprenant que
dans l'état où je viens de vous
repreſenter Leuve, on en foit venu
fi facilement à bout ; mais il
l'eſt bien plus que des Gens détachez
d'une Garniſon ayent
pris une Place qui auroit pû faire
périr de grandes Armées.
Apres cela , Madame , puis -je
trop dire que rien n'eſt impoffible
aux François,& fur tout à la
Garniſon de Maſtric ? L'expérience
& la valeur naturelle de
ceux qui la compoſent, fortifiées
de l'exemple de Monfieur de
Calvo , leur ont fait faire des
choſes ſi peu croyables depuis
pluſieurs années,que quoy qu'on
ſçache qu'elles font vrayes , on
y cherche de la poſſibilité .Tout
les
GALANT. 183
les craint , tout leur cede, tout
leur paye contribution,&ils font
trembler les Terres de pluſieurs
Souverains fi-toſt qu'ils mettent
le moindre Party en Campagne .
Ils ont fait plus d'Expéditions
pour le Roy depuis la priſe de
Maftric , que toutes les Forces
d'Allemagne n'en ont pû faire
pour la conſervation de leurs
Places . Les Alliez ont eu beau
établir exprés des Corps d'Armée
pour arrefter l'impétuoſité
de leurs courſes , ils n'ont pû y
réuffir. Cela ſe juſtifie par les
Contributions qu'ils ont étenduës
fi loin,&qu'on ne leur a jamais
ofé diſputer qu'à leur gloire.
Voilà les Soldalts qui ont pris
Leuve. Ils estoient commandez
par M. de la Breteche , ſous les
ordres de M. de Calvo , ce brave
Chef que tout le monde con
noit
184 MERCURE
noit pour un Homme tres - expérimenté,
eſt Colonel d'un Regiment
de Dragons. Il s'eſt ſignalé
en pluſieurs grandes occafions,
& fur tout au dernier Siege
de Maſtric , où il eut la jambe
emportée. Il prit toutesles mefures
neceſſaires pour cette grande
entrepriſe, & ayant fait faire
des Bateaux legers avec du bois
de ſapin , du jonc, des nates,&
de la toile cirée , il en fit éprouverquelques-
unsdans les Foffez
deMaſtric longtempsavant qu'il
tentaſt l'execution de ſon deffein.
Il les fit ferrer dans desMagazins,
pour éloigner le ſoubçon
que les clairvoyans auroient pû
prendre; comme il jugea à propos
de ne rien précipiter , il y fit
ferrer en même temps des Machinesde
Bois qu'il avoit fait faire
pour mettre fur les pointesdes
Palif
GALANT. 185
Paliſſades, afin qu'on pût paſſer
par deſſus avec plus de facilité.
Pendant tout le tempsoù il ſembloit
ne ſonger à rien, il ne laiſſa
pas d'agir avec une activité ſans
pareille. Il fit fonder pluſieurs
fois l'inondation de Leuve , & le
premier Foſſe, reconnut la Place
pendant des nuits qui favorifoient
fon deſſein,& s'en approcha
juſques à la premiere Paliffade.
Monfieur Barbier Commiſſaire
de l'Artillerie, avoit auſſi
eſté reconnoiſtre la Place ; &
toutes chofes ayant eſté diſpofées
par ſes ſoins ſous les ordres
de Monfieur de Calvo , & de
• Monfieur de la Breteche , voicy
de quelle maniere cette grande
entrepriſe s'executa.
L'heureux fuccés de cette
entrepriſe dépendant en quelque
façon du ſecret , & l'éclat
en
186 MERCURE
en devant eſtre banny , on fit
pendant deux jours des Détachemens
dela Garniſon de Maftric,
qui en forme de petits Partis
d'environ cinquante à foixante
Hommes chacun , ſortirent
par diverſes Portes , & prirent
diférens chemins . Ces Partis
montoient enſemble à trois
cens Fantaſſins , centDragons,
& deux cens cinquante Chevaux.
Monfieur de la Nave
Lieutenant Colonel du Regiment
de Bourbonnois , devoit
commander une grande partie
de ces Troupes apres leur jonction
. Monfieur de la Breteche
eſtoit auſſi à la teſte d'un des
Partis, mais il eſtoit plus fort que
les autres. Il conduiſoit les Charettes
dans leſquelles on avoit
mis les Bateries dont je vous ay
déja parlé ; les Machines qu'on
de
GALANT.
187
devoit jetter ſur les Paliſſades,
& des Moulinets pour conſtruire
un Pont , avec quelques
Echelles aſſez larges pour monter
trois ou quatre Perſonnes de
front. Tous les Commandans
des Partis avoient ordre de ſe
rendre à une Grange à quatre
lieuës de Leuve. Ils s'y trouverent.
Leurs Troupes y demeurerent
toute la journée pour ſe
rafraîchir,& arreſterent tout ce
qui paſſa fur le grand chemin,
afin qu'on ne les découvriſt pas .
Ce fut dans ce lieu que Monfieur
de la Breteche fit connoître
aux Officiers le deſſein de
l'entrepriſe , & regla avec eux
l'ordre de l'Attaque .Apres avoir
demeuré un jour dans ce petit
Camp, toutes ces Troupes marcherent
vers Leuve,où elles arriverent
un peu apres minuit.
On
188 MERCURE
On dêchargea les Bateaux,& le
reſte des choſes neceſſaires pour
l'execution de ce grand projet.
On rangea les Bateaux les uns
apres les autres,& l'on mit quatreDragons
à chacun, avec des
Bretelles & des Crochets , pour
les porter. Monfieur de la Breteche
marcha à la teſte des Bateaux,
apres avoir fait les Détachemens
qui devoient paffer
l'inondation pour faire l'Attaque,
& avoir ordonné des Gens
pour les foûtenir. On avança
juſques aux Paliſſades de la Place,
où l'on mit des Echelles pour
ſauter par deſſus , pendant que
d'autres coupoient les Paliſſades
en d'autres endroits. Il y en
avoit trois à paſſer avant que
d'arriver au foſſé de la Citadelle .
Nos Gés y étoiết à peine,qu'une
Sentinelle qui les apperçeut,
com
GALANT. 189
commença à demander, Qui va
là ? On luy répondit , que c'eftoient
des Soldats du Party contraire
qui venoient ſe refugier à
Leuve ; mais la Sentinelle n'eftant
point contente de cette réponfe,&
jugeant que des François
ſçavoient mieux attaquer
quedeferter , tira ſon coup , &
donna l'allarme. Cette allarme
donnée de fi bonne heure , fut
bien glorieuſe à nos Gens , puis
qu'au lieu de furprendre la Place
, ils eurent l'avantage de la
prendre à force ouverte. Monſieur
de la Breteche voyant alors
qu'il n'y avoit rien à ménager, fit
auſſitoſt avancer ſon monde au
pied du Foffé. On fit grand feu
pendant que l'on accommodoit
les Bateaux. Le premier Bateau
qui ſe mit en devoir d'aller attacherle
Piquet , fut renverſé , &
il
190
MERCURE
il arriva preſque la meſime choſe
à tous ceux dont il fut ſuivy.C'en
eſtoit affez pour faire avorter
l'entrepriſe . Et le moyen de
prendre une Place dont la Garnifon
eſt ſous les armes lors
qu'on eft audela d'un Foſſé plein
d'eau , qu'on n'a rien ny pour le
paſſer ny pour le combler, qu'on
n'a ny Logemens ny Canons ,
& qu'on eft expoſé au feu des
Baſtions & des Ramparts ? C'eſt
cependant ce que firent nos
Gens fans perdre courage. Mr.
de Crémeaux Capitaine dans
Piémont , & Neveu de Monfieur
de Pradelle, leur montra ce
qu'il faloit faire. Il ſe jetra à l'eau,
l'Epée aux dents , & fut ſuivy de
vingt Soldats ou Dragons. Ces
Nageurs tirerent avec eux dans
un petit Bateau Monfieur de
Manegre & Monfieur le Chevalier
GALANT.
191
valier de la Breteche , & l'on
paſſa auſſi dans quelques autres
les vingt Mouſquets des Nageurs
, & quelques Echelles.
Pendant que cette petite ( mais
courageuſe Troupe ) paſſoit ,
deux cens denos Mouſquetaires
qui ſans craindre le feu des Ennemis
s'estoient avancez à découvert
, favoriferent le paſſage
de nos Nageurs par le feu qu'ils
firent . Monfieur de la Breteche
fit marcher en mefme temps ſur
la Chauffées, quelques Détachemens
qui mirent ſur les Paliſſades
qu'ils trouverent , les
Machines qui avoient eſté faites
pour ce deſſein. Ils y monterent
en fuite avec des Echelles. Ce
pendant les Nageurs foûtenus
par vingt autres Soldats qui pafferent
dans des Bateaux , mon-..
terent deſſus l'un des Baſtions de
la
192
MERCVRE
la Citadelle avec beaucoup de
valeur, & n'en pûrent eſtre empeſchez
ny par les Soldalts qui
la gardoient, ny par quatorze ou
quinze volées de Canon qu'on
tira fur eux . Dés que les Ennemis
eurent abandonné ce Poſte,
une partie de nos Gens entra
dans la Citadelle , & l'autre
alla à une petite Dame
pour faciliter le paſſage aux
Troupes qui estoient de l'autre
coſté , & nous nous rendîmes
maiſtres d'une Barriere qui faifoit
la communication de la Ville
avec la Citadelle.Dans ce temps
le Gouverneur qui eſtoit dans
la Ville aſſembla ſes Troupes
pour aller au ſecours de la Citadelle
, mais il eſtoit trop tard, &
il fut repouſſé par nos Gens jufques
dans une Egliſe d'où il ne
pût fortir qu'en ſe rendant àdifcretion
GALANT . 193
cretion . C'eſt un party qu'il fut
obligé de prendre , quand il apprit
que les Noſtres s'eſtoient
faifis de la Citadelle,& en avoiét
pointé le Canon contre la Ville .
Monfieur de Calvo qui avoit
marché avec huit cens Chevaux,
afin de foulager Monfieur
de la Breteche en cas qu'il en
fuſt beſoin , arriva juſtement
dans le temps que les Ennemis
ſe retiroient dans l'Eglife. Le
Gouverneur commandoit dans
S. Guilain quand il fut pris , &ce
fut luy qui rendit cette Place à
nos Troupes l'Hyver dernier.
Toute la Garniſon a eſté faite
prifonniere de guerre. Elle eftoit
de pres de ſept cens Hommes
; mais comme il s'en fauve
beaucoup dans des Villes priſes
de cette maniere , pluſieurs ſe
ſont échapez . La Place ne man-
May. I
194 MERCURE
quoit de rien , & elle estoit munie
de toutes fortes de Proviſions
de guerre & de bouche . Vous
avez déja appris dans cette Relation
lesNoms de quelques- uns
de ceux qui ſe ſont ſignalez . Je
ne vous les repeteray point; j'adjoûteray
ſeulement que pluſieurs
autres ont eſté de ce nombre, &
qu'on ne peut trop loüer le courage
de Meſſieurs de Valeils ,
Daugis , de Monbrifon , & de
Caffaigne. Monfieur de Longueville
eut une contufion au
front, avec fon Chapeau coupé.
Monfieur de Tirbon , Monfieur
de Piblar , & Monfieur de Pinfac,
tous Capitaines , ſe ſontdiſtinguez
. Monfieurd Augis Capitaine
de Piémont, a efté blefſe
à la cuiffe ; & Monfieur Caron
Lieutenant au Regiment de
la Marine , à la teſte. Monfieur
Brunet
GALANT.
195
Brunet Capitaine dans Piemont,
eſt le ſeul Officier qui ait eſté
tué. On doit croire que toutes
les Troupes ont également bien
fait , puis qu'un ſi petit nombre
ne peut prendre une Ville de
cette importance, ſans que chacun
ſe ſignale en fon particulier .
Pour connoiſtre les avantages
que la priſe de cette Place nous
donne , il n'y a qu'à confiderer
ſa ſituation , & à voir que les
Ennemis ne peuvent plus affembler
de Troupes dans le Brabant
ſans eftre inquietez . Elle
ſervira de retraite à la Garniſon
de Maſtric ; & fi cette Garnifon
fait des choſes ſi ſurprenantes
, que ne fera - t- elle point eftant
jointe à celle de Leuve , &
ayant moyen de s'étendre bien
plus avant daasle Païs ennemy?
Il me vient d'arriver de nou
I ij
196 MERCURE
velles particularitez de ce Siege
dont je vous feray partle Mois
prochain ;& vous y apprendrez
les noms de pluſieurs Braves qui
ſe ſont ſignalez , dont je ne vous
aypoint parlé.
Il eſt des Climats où l'on fait
la moiffon deux fois l'année. Le
Roy en fait de meſme pourla
moiffon des Lauriers. Pardonnez
-moy ce terme. Il eſt peuteſtreun
peu trop poëtique,mais
ne peut-on pas ſe permettre
quelque choſedans l'admiration
où l'on eſt de voir partir ce grad
Prince pour ſa ſeconde Campagne
de cette année
avoir pris Gand & Ypres dansla
premiere ? Vous fçavez combien
la reſiſtance de cette derniere
Place a donné de gloire à nos
Braves , & qu'elle a fait dire à Sa
Majesté , que depuis le commence-
, apres
ment
GALANT.
197
ment de la Guerre , Elle n'avoit
point veu de Gouverneurquiſefût
Sibien défendu que le Marquis de
Conflans. Le Roy avant fon depart
nomma quatre Mareſchaux
de France pour ſervir ſous Luy.
Voicyleurs noms fans ordre, car
je ne prétens point leur donner
de rang.
Monfieur le Mareſchal Duc
de Luxembourg.
Monfieur le Mareſchal Duc
de la Feüillade.
Monfieur le Mareſchal de
Lorge.
Et Monfieur le Marefchal
Duc de Vivonne.
Sa Majesté donna à ce dernier
d'obligeantes marques de la fatisfaction
qu'Elle avoit euë de ſa
conduite & des belles actions
qu'il avoit faites pendant ſa Viceroyauté
de Sicile , quand il

I ij
198 MERCURE
eutl'honneur de la ſaluer au retour
d'un ſi glorieux Employ. La
maniere dont il fut traité , & les
bontez que le Roy luy fait paroiſtre
en toutes les occafions,
confirment bien le Public dans
la juſte opinion qu'il a du mérite
extraordinaire de ce Marefchal.
Aufſi l'empreſſement de
ſes ſervices pour un Maiſtre ſi
digne de l'eſtre de toute la Terre
, a toûjours fait voir , qu'il
cherche beaucoup plus l'avantage
de luy plaire , que la gloire
mefme , qui eſt pourtant la fin
ordinaire des actions de tous les
Héros. Il fait plus. Il donne au
Roy un Fils âgé de quinze ans,
qui depuis ſa neuvième année,
n'en a preſque paffé aucune
fans s'eſtre trouvé dans des occafions
périlleuſes , ou ſur les
Galeres , ou dans l'Armée de
terre,
GALANT.
199
terre , pendant le Gouvernement
de Monfieur le Marefchal
fon Pere en Sicile , comme il a
fait encor aux Sieges de Gand
& d'Ypres . Ce jeune Seigneur
n'a pas moins de ſageſſe que de
courage. Il eſt honneſte & civil
à tout le monde , mais avec difcernement,&
il eſt à croire qu'i
mitant déja Monfieur le Duc
de Vivonne dans les grandes
qualitez qui nous le font admirer
, il l'imitera encor dans ce
def- intéreſſement ſi rare, qui ne
luy laiſſant chercher pour tout
fruit de ſes belles actions que
l'avantage de les avoir faites , le
rend preſque inſenſible à la gloire
de les entendre publier.
Quoy que le Roy ſoit plus
que jamais en eſtat de vaincre
par tout, il conſent tellement au
repos que toute la Chreftienté
I j
200 MERCURE
ſouhaite , qu'il dit en partant à
Monfieur le Premier Préſident,
qu'il préfereroit toûjours la Paix
aux plus importantes Conquestes.
Il n'en eſt pas demeuré à des
paroles. Il a fait voir qu'il ſçavoit
ſe vaincre Luy meſme , & triompher
de la gloire qui auroit pû
l'empeſcher d'écouter aucunes
propoſitions. Le Projet qu'il a
fait donner pour la Paix , a eſté
veu. Les Peuples de Hollande
l'ont trouvé ſi juſte , qu'ils s'en
font hautement déclarez . Leur
Gazette meſme n'a pû s'en taire
, & elle en a parlé plus d'une
fois . Le Prince d'Orange ne
s'eſt point rendu. Il eſt facile
d'en concevoir les raiſons . Le
Commandement eſt doux à tous
les Hommes , & il eſt rare qu'on
l'abandonne ſans qu'on s'y trouve
forcé. Je ne dis rien davantage
GALANT. 201
tage là-deſſus , finon que l'ambition
des uns fert ſouvent à
faire voir la modération des autres,&
que fi le Vainqueur veut
bien imiter la genérofité d'Alexandre
, les Vaincus ſe font une
ſi grand' honte de recevoir ,
qu'il ſemble que leur ruine entiere
doive eſtre pour eux un
moindre malheur. Mais quoy
qu'il arrive de la Paix ou de la
Guerre , le Roy paroiſtra toûjours
Loürs LE GRAND , & le
repos qu'il a bien voulu accorder
à ceux qui le cherchent, ne
le fera pas moins admirer dans
les Siecles à venir , que la rapidité
de ſesConqueſtes y caufera
de ſurpriſe. CeGrand Prince
eſt environné de Conféderez.
qui ont peine à ſoufrir ſa gloire,
mais il a des Troupes accoûtnmées
àvaincre pour Luy. Ce
T I
202 MERCURE
n'eſt pas tout encor. Il eſt àleur
teſte , & les Intelligences qui
font tout mouvoir apres Luy, le
ſervent ſi bien , que j'eſpere avoir
de grandes chofes à vous
dire la premiere fois . Cependant
pour vous parler d'un autre
torrent de Jaloux déchaînez
contre la gloire de ſa Majesté,
je vous diray que les Confederez
d'Allemagne s'aſſemblent ,
& font des mouvemens depuis
plusd'un mois ; qu'on n'entend
parler que de leurs Magaſins, &
qu'ils font apporter des Provi
fions de mille endroits diferens .
Ils font beaucoup, ils ont beſoin
de vivres , & ils ſe ſouviennent
de l'année derniere. Je ne ſçay
s'ils feront de grands progrés ,&
ſi l'on n'en doit point croire cet->
te Chanfon. 共C
Pour
GALANT. 203
Pourquoy quiter vostre charmante
Reyne ,
Et vous priver d'un entretien ſi doux ?
On courez- vous ,Grand Prince de Lorraine
?
Pourquoy quiter voſtre charmante Reyne
Pour le Dieu Mars qui nefait rien pour
vous?
Nepleurez pas , adorable Princeſſe ;
Si Charles part , l'Empire en a besoin.
Créquy sçauraſervir vostre tendreſſe.
Ne pleurezpas , adorable Princesse ,
Si Charles part, il n'ira pas fort loin.
13
A
Voſtre difficulté ſur le mot de
Diamant brute que j'ay employé
dans l'Epiſtre aux Dames de ma
Lettre Extraordinaire , me paroift
fort juſte . Ce mot m'avoit
fait peine comme il vous en fait,
& il n'y eut que l'avantage de la
Rime qui l'emporta fur mon
ſcrupule. J'ay confulté nos Maiſtres
depuis ce temps- là. Quel
ques204
MERCURE
ques - uns des plus délicats, & de
ceux-même dont on trouve les
Livres écrits avec la plus exacte
pureté , ſontpour cette maniere
de parler. D'autres ſoûtiennent
qu'il faut dire Diamant brut , &
ceux- là font en plus grandnombre
. Ainſi je croy qu'il faut eſtre
de leur ſentiment , parce qu'en
matiere de doute , la pluralité
doit prévaloir. J'attens avec bien
de l'impatience ce que vous me
promettez fur la Queſtion galante
, & fur l'Hiſtoire Enigmatique
de cet Extraordinaire.
Vous pouvez ne vous point embaraſſer
, ſi vous voulez , de la
Lettre en Chifres; mais ne dites
point que pour la déchifrer on
ne diftingue point affez les Oyfeaux
& les Animaux qui en font
les caracteres. Onm'en a déja
envoyé le ſens, & quoy qu'il n'y
air
GALANT.
205
ait que deux ſeules Perſonnes
qui l'ayenttrouvé, la choſe n'eſt
pas impoffible , puis qu'on a pû
en venir à bout. Pour ce que
vous me dites que cet Extraordire
ne déplaiſt point dans voſtre
Province,mais que le prix endégoute
beaucoup de Gens qui
voudroient l'avoir , j'y ay deja
donné ordre , & confenty vo--
lontiers à ce qui m'a eſté demandé
par la Lettre que vous allez
voir.
33333
A L'AUTHEUR
DU
MERCURE GALANT.
E croy estre obligé, Monfieur
Iapprendre ce
devous
qui m'arriva hyer auſoir.
L'estois dans une Auberge où j'ay accousumé
206
4
MERCURE
tumé de trouver un affezbon nombre de
Provinciaux. Ils me parurent plus fiers
qu'à l'ordinaire. Chacun d'eux tranchoit
du bel Esprit , la cauſe ne m'enfur
pas longtemps inconnue. On parla de
l'Extraordinaire de vostre Mercure Galant
, &jem'apperçeus bien toſt que leur
fierté venoit du Panégyrique que vousy
avez fait d'eux , & de leurs Letres qui
composent la plus grande partie de cet
Ouvrage. Ils estoient modestes , vous les
rendez fiers , & on feroit mal venu à les
traiter preſentement de Provinciaux.
Quelqu'un de la Compagnie (il estoit Parifien
commemoy ) ne pût s'empécherde
dire que , quoy que parmy ces Lettres il
y'en eust de tres-agreables , le tropd'Explications
des mesmes Enigmes importunoit
, & que vous en auriez dû retrancher
du moins la moitié, Trois ou quatre
Provinciaux , Zelez tout ce qu'on peut
l'estre pour le bien commun , parlerent
tout-à-la-fois , & dirent avec chaleur
que vous auriez mal fait si vous vous
fuffiez difpensé de les mettre toutes , puis
que tout le monde s'eſtant empreßé àvous
écrire , il falloit que chaque Province
trou
GALANT. 207
trouvaſt dans vostre Extraordinaire des
Explications de quelques Perſonnes de
toutes les Villes qui les compoſent , afin
qu'aucune n'eust sujet deſeplaindre d'avoir
esté oubliée , comme quelques-unes
ont déja fait par leurs Lettres que vous
nousvenez de donner. Leur raiſonnement
me persuada. Ie mejoignis à euxpour
défendre voſtre Livre, &je nesçay pourquoyje
vous enfais icy l'Apologie à vousmesme
,puis que je devrois vous vouloir
un peu de mal d'avoir tellement élevéles
Provinciaux , qu'ils croiront bien tost ne
devoir ceder aux Parifiens ny en galan.
terie ny en esprit. Ie conſens pourtant
volontiers au bien que vous dites d'eux ,
parcequ'ilsfont François comme moy ,
que lagloire en retombesur toute la France.
Le diray plus. Iln'y a pas une des
Villes de ce floriſſant Royaume qui ne
doive gardervoſtre Extraordinaire dans
SesArchives, ny pas- un Provincial qui
ne le doive conferver dansſon Cabinet,
comme des Titres de l'Esprit deſa Famille.
Cependant fi les Provinciauxſone
fatisfaits de l'encens que vous leur donnex,
j'ay à vous dire queplusieurs ne le
fon't
208 MERCURE
fontpas du prix qu'illeur couste.In d'entr'eux
mele dit en particulier , &me
priameſme de vous le fairesçavoirſans
le commettre. Adire le vray , l'honneur
que vous faites à leurs Ouvrages , en les
faiſant vendre plus que les vostres, leur
couste un peu cher. C'est un bonneur dont
ilsſepaſſeroient sans beaucoup depeine,
&jevous affure que leur vanité est tresmédiocrefur
cet article. S'ils font bienaiſes
d'apprendre que vous les avez mis
au nombre des beaux Esprits imprimez,
ils voudroient bien que leurs Ouvrages
leurfufſſentdonnez à meilleur compte,
ils en trouveroient leurs Lettres lamoitić
plus belles. Un peu de ménageneſied
point mal en toutes choses. S'ily ena
qui ne s'arrestent point au prix quand
quelque choſe leurplaift , il en est beaucoupquiſe
priventpar làde cequ'ilsfoubaitent
, & ilfaut toûjours contenter le
plus grand nombre. Ie vous dis ce qu'ils
ne vous diront point-eux- meſmes , car les
beaux Espritsfont fiers;&àquoy Ser
viroit d'avoir de l'esprit,fion nesçavoit
Le déguiſer ? Quoy qu'ilenfoit , Monficur,
puis que vous voulezbien mettre
les
1
GALANT.
209
les Provinciaux au monde , faites qu'ils
achetent moins la satisfaction qu'ils en
reçoivent. Vous leur avezfait honneur
en jugeant leurs Ouvrages dignes d'un
grandprix,faites leurplaisir enfaisant
qu'ils puiffent voir ceux des autres Provinces
&de la leur , ſans qu'il leur en
couste davantage que pour le Mercure.
Plusde Gens les acheteront ; &plus ils
feront veus , plus ceux qui les ont faits en
auront de gloire. Ils ne croirontpoint que
cette diminution de prix les faſſe trouver
moins beaux. Ils sçavent qu'on en a usé
de cette forte pour les plus belles Pieces
de Theatre , quand elles n'ont plus estéfi
nouvelles. Ainsi voſtre Extraordinaire
n'en serapas moins estimé. Faites-y reflection
, Monfieur. Le ſçay que vos Figures
deModesde toutes manieres , vOS
autresPlanchesſur le mesme ſujet , &
toutes celles quisont dans ce Livre , vous
ont obligé à de fort grandes dépenses ,
mais vous devez récompenfer par là les
Provinces de l'eftime qu'elles ont pour
vostre Mercure , qu'ony achete ſouvent
plus cherqu'à Paris.
Je
210 MERCURE
Je viens aux Enigmes du dernier
Mois . Vous les aurez fans
doute examinées avec plus de
foin , apres avoir leu à la teſte
de ma Lettre Extraordinaire, се
qui a eſté écrit fur ce ſujet par
un bel Eſprit d'Aix. Je ne ſuis
point ſurpris que vous traitiez
de Chefd'oeuvre les dix ou douze
Lettres qui en font une efpece
de Differtation . Tout le
monde les a admirées , & on
ſouhaiteroit fort que leur Autheur
vouluſt embellir ſouvent
celles que je vous adreſſe de
quelque Traité de ſa façon. II
écrit li finement, qu'il eſt aſſuré
de réüffir dans tout ce qu'il voudra
entreprendre , & on ne peut
avoir autant d'eſprit qu'il en a,
fans eſtre comptable au Public
de lameilleure partiede ſesheures.
Vous n'avez pas perdu celles
GALANT. 211
les que vous avez données à
chercher le ſens des deux dernieres
Enigmes , puis que vous
les avez devinées . Le Fils d'un
Auditeur de la Chambre des
Comptes de Dijon , qui a trouvé
comme vous le vray mot de la
premiere , s'en explique de cette
forte à une aimable Perſonne
qui luy en avoit demandé le
fens.
I
A IRI S.
Ris , ilfaut vous fatisfaire ,
Le Mot que vous cherchez avec emprefferment
Est la Chemiſe aſſurément.
Quandle matin vous vous parez pour
plaire
A de certains Blondins qui vous font
les yeux doux ,
N'est ce pas la premiere choſe
Dont vous cachez ce qui pourroit chez
vous
Faire
212 MERCURE
Faire bonte àl'éclat du Lys & de la
Rofe ?
Etsurtout cequipeut orner unCourtiſan
N'a t'elle pas toûjours le premier rang ?
N'at'ellepas auſſi lafaveurfans égale
D'approcher de fort pres la Perſonne
Royale ?
Trop heureux !ſi j'ofois d'auſſi pres quelque
jour
Toucher comme elle fait le plus parfait
ouvrage
De la Nature & de l'Amour;
On du moinsfi j'avois , Iris , cet avantage
Que le Roy donne aupremier deſa Cour ,
De vous mettre voſtre Chemiſe.
Lors qu'unefois vous l'avez miſe
Vous ne la gardezpas longtemps ,
Vous en changez ſouvent comme d'A
mans.
Sa beauté n'est que paſſagere ,
Et safaveur ne dure guére ,
Nonplus que celle auffi de tous vosSonpirans.
L'eau bientoft luy redonne une beauté
nouvelle;
Etfi l'ondit que rien n'est éclatant ſans
elle,
Ou
GALANT.
213
Ou qu'avec elleſeule on eſt ſans ornement,
Pour tout autre on dit vray , mais pour
vous , bagatelle ,
Il en est autrement ;
Et tel qui par bazard caché dans la
Ruelle
Pourroit vous voir ainſiſortant de voſtre
Lit ,
Iureroit que fans contredit
Il ne vous vit jamais plus charmante &
plus belle.
Ceux qui ont trouvé ce même
Mot de la Chemiſe, ſont Mr.
de Bellefontaine , Mr. l'Abbé du
Gaſquet de Diepe , Mr. Potier
de Lange , Mademoiselle Raince,
la belle Angelique, Mr.Matereau
Docteur en Theologie,
Mr. Thabaud des Ferrons de
Berry , Mr. Renard Avocat en
Mont- real en Bourgogne , Mr.
Quinquet Confeiller au Prefidial
de Soiffons,la Ville de Ham,
Mademoiselle de Bonnemarre
du
214
MERCURE
du Havre de Grace, en Vers.Mr.
Bouchet de Grenoble, Mr.Faucher
de Montpellier,Mr.leBaron
de Ste Chate - fils , de Niſimes ;
Madame de la Lande du Havre
, Mademoiselle du Chaſtel
de Sées , Mademoiſelle Taverne
de Mondoubleau , Mr. de Larbruiſſeau
, Mr. d'Hermilly de
Paris , Mr. Grandin Doyen de
Vandoſme , Mademoiselle le
Meuſnier de Roüen , Mr. Cordets
, Madame Pitard de Bordeaux,
Mr. Comiers Prevoſt du
Chapitre de Ternant , Mademoiſelle
de la Chapelle de l'Iſle
N. Dame , Mr. Loncle de Paris,
Mademoiselle d'Orgeval de
Normandie, Mr.le Chevalier de
Barre , & Monfieur de Barré;
Monfieur Baife le jeune en
Vers, la jeune Mariane, Selifandre,
Mr. Deſprez de Caën.Mademoi
GALANT. 215
demoiselle de Lougny de Paris,
Mademoiselle Marcés l'aiſnée
d'Auxerre , Mademoiselle de
Launay de Chatillon en Vers.
Meſdemoiselles de Villeneuve
& de Boumoic de Saumur .
D'autres ont expliqué cette
Enigme fur la Perruque , la Cravate
, la Mode , la Ieuneſſe, l'Amour,
une Plume blanche de Chapeau,
la Nobleſſe , la Fierté , l'Epée,
& la Faveur.
L'Explication qui ſuit apprendra
le vray Mot de la feconde
à ceux qui n'ont pas eu les
mémes lumieres que vous pour
lestrouver .
C
Eft une Canne
Qui vient d'un Pais étran
ger,
Etdont le corps est droit , ſec & leger.
Gens de Cabane
Ne la portent jamais,
Mais Gens de Guerre & de Palais,
Les Femmes même avec beaucoup de
grace
Elle
216 MERCURE
Elle est commode à tous ,
Et lors que l'on s'ensert , ſouvent onse
délaſſe,
Mais Dien nous garde de ſes coups.
Voicy d'autres Mots qui ont
eſté appliquez à cette ſeconde
Enigme , La Pique , le Dard , un
vieil Baston de Mareschal de
France,l'oignon, le Papiertimbré,
une Plume de Héron, une Pertui
Sane , & le Bois de Bréfil. Le Mot
de la Canne qui eſt ſon vray ſens,
a eſté trouvé par Mr.le Chevalier
, dela Ruë Chapon , Mefdemoiselles
de Pierreval &
Raince, Mr. Bazin Chanoine de
Troyes , Mr. Malbet Directeur
des Poſtes en Champagne , Mr.
Fleury de Durcet de Normandie,
Mademoiselle Chicot de la
Ruë Bourtibourg, Mr. Jordanis,
Mademoiselle de la Riviere de
Troyes , Mr. le Chevalier de la
Croix
GALANT.
217
Croix la Bigne de Troyes en
Vers , Mr. l'Abbé du Détroit de
Roüen, L'Hermite de S. Giraud
en Vers , Mademoiselle Buiret
de Soiffons , Mademoiselle de..
Mainville en Normandie, Mr.de
Ranchin Conſeiller en la Cour
des Aydes , & Chambre des
Comtes prés le petit Temple de
Montpellier ; Monfieur Joſſeau
de Tharafcon en Provence;Madame
de Barbentane prés de
Niſmes ; Mr. Bernier de Blois,
Medecin de feu S. A. R. Madame
la Doüairiere, Mr. Rouffel
Aumoſnier du Roy à Conche,
Le Bergerſans Moutons de
Flamenville, Païs de Caux ; Mr.
Doguet Avocat de Brie-Comte-
Robert , Monfieur Gautier du
Havre, Mademoiſelle de la Rofiere
de Sées , Mademoiselle de
la Touche de Mondoubleau,
May. K
218 MERCURE
Monfieur Grillot Capitaine des
Gabelles au Département de
Troyes , Mr. de Gerouville du
Païs de Caux, La jeune Solitaire
de la Foreſt de Ponthieu en Picardie,
Mademoiſelle de Belangaut
de Normandie , Mr. Vaglier
de Monſy , Mr. Perry Directeur
des Aydes de l'Election
de S. Quentin , Mademoiselle
Ragueneau pres de Bordeaux.
Quantité de Perſonnes ont
trouvé le vray ſens de toutes les
deux , & ce font Monfieur de
Saint Laurens Lieutenant de
Roy de la Citadelle de Verdun ,
Monfieur Lagrené de Vrilly ,
Monfieurde VitryFils de Monſieur
de Vitry-la-Ville Receveur
des Finances en Champagne
, Monfieur le Chevalier de
Heronne de Roüen , Mademoifelle
Sainte Adreſſe du petit
Boc
GALANT.
219
Boc de Feſcamp , Monfieur de
Fontenay de la Paroiſſe de Prefle
en Brie , Mademoiselle Merlin
de Roüen, Monfieur Preaux
de la Martiniere de Tours , Les
trois aimables Soeurs de la Ruë
pavée , Monfieur Maclou Maiftre
és Arts dans la Ville de
Chaumont en Véxin, Monfieur
l'Abbé de Montcamp pres de.
Cormeilles au Véxin François,
Monfieur Haurdaut de Paris ,
Monfieur le Marquis de la Calade
de Villefranche , Monfieur
de Chantoiſeau de Brie-Comte
Robert, Monfieur le Chevalier
de Marles de Roüen , la belle
Uranie de Chambery en Savoye
; Mr. Tobie de Beauvais
Fils de Medecin , Monfieur
d'Auburtin de Bionville de Mets
Monfieur du Tel , Monfieur
Cohan d'Alençon , Monfieur
Kij
220
MERCURE
Panthot Docteur en Medecine
& Profeſſeur à Lyon , Monfieur
de Fontenay du Véxin , Monfieur
S. D. jeune Secrétaire du
Roy à Rheims , Monfieur d'Abloville
pres d'Argentan , Monſieur
de Vignoles de Niſmes ,
Monfieur le Juge de Chasteaubas
en Agénois , Monfieur le
Marquis de Beauplan du Ponteau-
de -mer , Monfieur Nolbel
de Paris , La charmante Bibi,
Monfieur de Lécar d'Avignon,
Monfieur de Cormone Avocat
au Parlement de Roüen , Monfieur
Collet , Mademoiſelle de la
Merouſiere de Falaiſe , Mademoiſelle
Girardot de Blois , Un
Gentilhomme de Verdun,Monſieur
de Superville Medecin à
Saumur , L'Amant patient de
Dieppe, Monfieur Petit Medecin
de Châlonsen Champagne,
Mon
:
227
GALANT.
Monfieur Roland Avocat à
Rheims , Monfieur Brifſeau de
Tournay , Monfieur du Vaucel
d'Evreux, La plus aimable de la
Ruë Sainte Marguerite , Le So
litaire de Châlon en Champagne
, La Societé ſpirituelle du
Marais , Le Sauvage d'Arbouville
du Havre .
Ceux qui fuivent les ont expliquées
en Vers.
Monfieur des Fontaines de
Paris , Monfieur Robbe , Monfieur
de la Barre Sieur du Pleſſis
Conſeiller à Chinon ; Monfieur
Chartier Eccleſiaſtique de
Roüen, Monfieur le Baron de
Hogues,Mademoiſelle Loyſeau
deCoulommiers, Monfieur l'Abbéde
la Croix de Roüen, Monfieur
Giffon d'Arles , Monfieur
Robert de Châlons en Champagne
, La Societé des jeunes
...
Kij
222 MERCURE
Belles de Caën , Monfieur Boulanger
de Dinan en Bretagne ,
Les Dames de Richelieu,L'Hoſtel
des Urſins à Paris, Monfieur
Maze de Roüen, Madame Noman-
Anori de Poitiers , Monfieur
Minot de Paris , Monfieur
l'Abbé de S. Clerc de Tours,
Monfieur Hebert de Rocmont,
Mademoiselle Antonie , La Societé
Cloiſtrée de Paris,M. Prével,
Monfieur le Préſident de la
Chambre , Monfieur l'Abbé
d'Artevat de la Rochelle.
Je vous envoye deux nouvelles
Enigmes. La premiere eſt
de Monfieur l'Abbé d'Albert
d'Aix.
ENIGME.
رف
JEfuis de divers liens , je nais dans
les Forests
Tan
GALANT. 223
Tantoft pres des Ruifſſeaux , tantoftpres
des Marets ;
Iefuis de toute taille , &deſeche figure,
Ien'ayjambes ny bras, cependant laNature
Nem'a pas fait un Monstre , & j'en
vaux beaucoup mieux ,
Reparant ce defaut par un grand nombre
d'yeux.
Qu'ils soient toûjours ouverts , il n'est
pas neceſſaire;
Qu'ils soientfermez ou non ils ſçavent
toûjoursplaire.
Comme un Cameleon je me nourris de
l'air.
Quoyque je ne puiſſeparler,
I'ay ledondemefaire entendre,
Etpar une verta qui pourra vom furprendre
,
Ce qu'en ouvrant la bouche on voit faire
en tous lieux
Amille Gens qui par làsçavent plaire,
Moy dequi la méthodeàla leur est contraire,
Ie le fais en fermant la plupart de mes
yeux.
Kiiij
224 MERCURE
AUTRE
C
ENIGME.
Omme l'heur de me voir est un
important ,
bien
Ic metsmon Corps en venë autant qu'ily
peut estre.
Cependat de ce Corps que l'on eſtime t'at,
On ne voit presque rien paroiſtre.
Quoy quefort ancien je nais à chaque in-
Stant ,
Et jeſuis avant que de naiſtre.
C'estfortpeu de chosepourmoy
Que cequi m'occupe ſans ceſſe ,
Et jene puis ,je le confeffe ,
Remplir qu'àdemy mon employ.
Ma Fillejamais ne me quite,
Sicen'est dans les lieux où jesuis trop
puissant.
Plus on me voit , moins on me sent,
Etplus je crois , plus maforce estpetite.
Paffez à me chercher & les jours &
les nuits ,
Ceſoinfera tres-inutile.
On me trouveriez- vous?plus vousferez
babille ,
Et moins voussçaurez où je suis.
Quant
LIATRAQUE
INO ENIGME
GALAN T. 225
Quant à l'Enigme en Figures,
vous allez demeurer d'accord
par les divers ſens qu'on luya
donnez ,qu'elle a fait étudier la
Nature à bien des Gens , & que
cette forte de délaſſement d'efprit
ne peut eſtre ſans utilité,puis
qu'il engage à faire des recherches
fort curieuſes . Monfieur le
Chevalier , de la Ruë Chapon ,
a crû que c'étoit la Ville de Gand;
Monfieur de Lagrené de Vrilly,
leMay ; Monfieur des Fontaines
, la Mine , ou le Fourneau i
Monfieur de la Barre Sr. duPleffis
, Cenſeiller à Chinon , le Siege
de Gand ; Monfieur Jordanis,
un Sep de Vigne; Monfieur Robbe,
le Fard , ou la Médiſance
La belle Angélique , la Comédie
liée par l'Opera ; Monfieur MathereauDocteur
en Theologie,
Hypocrifie Monfieur des Bois,
Kv
226 MERCURE
la Tragédie ou l'Amour méprife
; Un Inconnu de Troyes,
l'or , ou la Comedie ; Monfieur
Maclou Maiſtre és Arts à Chaumont
en Vexin; la France victorieuſe
dans les Païs- Bas ; Mademoiſelle
Buiret de Soiffons , un
Fourneau; Monfieur Bernier de
Blois, Medecin de feu Son A.R.
Madame la Doüairiere , l'Etat
oùsont réduits les Païs- Bas; la
Ville de Ham , le Trophée , la
Tragedie, ou le Fagot ; Monfieur
Bonnet de Vaux de Loches ,la
Satire ; Monfieur le Baron de
Hoques, le Miroir , la Hollande
punie, la Verité reconnuë ; Mr.
leDuc Avocat àCaën,les Ennemis
du Roy , en Vers ; Mademoifelle
Loyſeau de Coulommiers,
la Hollande humiliée & punie ;
Monfieur Bouchet de Grenoble
,les Triomphes du Royfur les
Enne
GALANT.
227
4
Ennemis ; Monfieur le Chevalier
de Marles & Mademoiselle Andry
-de-Lifle, de Roüen,le Fard;
Monfieur Rouffel Aumofnier
ordinaire du Roy à Conchesen
Normandie, la Victoire de la Poëfie
, ou le Chastiment des Hollandois
; Madame de la Lande , l'Efpagne;
Monfieurd'Auburtin de
Bionville de Mets,la Vigne,Mon-
Geur Gautier du Havre,la Guerre
de Flandres ; Monfieur Seguin
Avocat à Sées , la Goute ;
MonfieurGiffon de l'Academie
des Beaux Efprits d'Arles , la
Vigne, en Vers ; Monfieur Gril
lot Capitaine des Gardes des
Gabelles au Département de
Troyes , la Vigne ; La Societé
des jeunes Filles de Caën , le
Menfonge,enVers & Profe;Monfieur
Cohan d'Alençon, la Flandre,
ou Pais- Bas Espagnol& Hol
landoiss
228 MERCURE
landois ; Monfieur de Vitry Fils
de Monfieur de Vitry - la- Ville,
Receveur general des Finances
en Champagne, la Sculpture, ou
IAnatomie , Trois des Damesde
Richelieu ; la premiere , le Fard;
la ſeconde, l'Herefie ; & la troiſieme,
l'Erreur des Ennemis;Monfieur
Panthot Docteur en Medecine
& Profeſſeur , la Iournée
de Caffel ; Monfieur de Fonter
nay du Véxin, la Comté de Flandre
, Monfieur de Roubron de
Roüen , la Vigne ; Monfieur S.
D. jeune Secretaire du Roy à
Rheims , le Baume , ou les Ennemis
du Roy ; Monfieur Cordets,
la Satire , ou le Poëte Satirique;
Monfieur Vignolet de Niſmes ,
les Hollandois; Monfieur du Matha-
d'Emery , la Critique : Monfieur
de la Salle Sieur de Leftang
, la Cire d'Espagne: Monfieur
GALANT.
229
-
fieur Nicolaïf- Nippuoh de Mariffel
, les Victoires du Roy fur les
Ennemis : Vn Chanoine de S.
Victor , l'Alchimiste : Madame
Noman- Anori de Poitiers , l'Enigme
devinée : Monfieur Nolbel
de Paris , les Victoires du Roy
fur les Hollandois : Monfieur Minot
de Paris , les Hollandois , ou
l'Eté & les grandes Chaleurs :
Monfieur du Mont de Chaumont
, les Hollandois , l'Ignorance
punie, ou la Vigne : Monfieur de
Gerouville du Païs de Caux ,
l'Autheur Satirique , ou le Faux
Monnoyeur : Monfieur Hebert
de Rocmont , le Masque , ou la
Greffe : Monfieur Roland Avocat
à Rheims . le Baume : Monſieur
le Signerre le jeune Eccleſiaſtique
de Roüen,l'Echo : Monfieur
Loncle de Paris , la Trompete
marine : Monfieur Briſſeau
de
130
MERCURE
de Tournay , la Hollande : Le
Nouvelliſte Gaſcon, la Trahison,
oula Vangeance : Le Solitaire de
Châlons en Champagne, la Vigne
: Monfieur Prével,la Trahifon
: Celiſandre, la Satire,le Tableau
, & l'Enigme : Le Sauvage
d'Arbouville , le Comté de Flandre
; Mademoiſelle de Lougny
de Paris , la Republique de Hollande:
Monfieur l'Abbé Montel,
une Affiche : Monfieur PerryDirecteur
des Aydes de l'Election
de Saint Quentin, le Luth:Momus,
l'Hypocrifie : Monfieur l'Abbéd'Artevat
de la Rochelle , les
Confederez.
Cependant le vray Mot eſt
le Vers Burlesque , & il n'y a eu
que le ſeul Monfieur Langlois de
Paris qui l'ait trouvé.Marsyeeftoit
une eſpece de Muficien
champestre , habile Joüeur de
Flûte
د
GALANT.
231
Flûte. C'eſt par là qu'il repreſente
le Vers, il avoit osé s'égaler
à Apollon. C'eſt ce qu'a fait
le Vers Burleſque dont on s'eſt
ſervy pour traduire en ridicules
les plus Illuſtres Poëtes de l'Antiquité,
tels queVirgile & Ovide.
CetHomme couronné de Laurier,
qui lie Marſye par les pieds
eſt le Poëte quifait les Vers par
de certaines meſures qu'on nomme
pieds. Apollon eſt le Dieu
qui l'inſpire. Les Génies qui volent
en l'air avec des Maſques,
font les Ris qui naiſſent ordinairement
des plaifanteries du
VersBurleſque.
Ino eſt la nouvelle Enigme
que je vous propoſe. Examinez
en les Figures. Vous n'y trouverez
rien qui ne réponde à la Fable.
Elle avoit épousé Athamas
Roy de Thebes , qui pourſuivant
232
MERCURE
vant cettemalheureuſe Princefſe
, par un effet de la fureur que
Junon luy avoit inſpirée , l'obligea
de ſe précipiter dansla Mer
du haut d'un Rocher. Elle fut
changée en Déeſſe des Eaux par
Neptune. Ses Filles courant
apreselle, pour l'arreſter,furent
metamorphofées en Statuës , & -
demeurerent dans la meſme poſture
qu'elles avoient dans l'inſtant
de ce changement.
En achevant cet Article ,je
reçois une Lettre de Monfieur le
Duc de S. Agnan , qui me fait
Ihonneur de m'envoyerdes Explications
en Vers ſur les deux
Enigmes .Je vous les referve pour
une autre occafion.. Dire qu'il a
fait des Vers , c'eſt dire qu'il
en a fait d'agreables. Rien n'eſt
ny plus ſpirituel, ny plus galant,
que ce que cet illuſtre Duc ad
joûte
GALANT.
233
joûte en Proſe aux Explications
dontje vous parle. Il dit, qu'ilne
Se peut qu'un Premier Gentilhomme
de la Chambre du Roy , méconnoiſſe
une Chemiſe qui a l'honneur
d'approcher de ſi pres , comme dit
l'Enigme,de la Perſonne de Sa Majesté,
ny qu'un Lieutenant General
enfes Armées ,ſe puiſſe tromper
facilement à la description
d'une Canne.
Il ne me reſte plus rien à
vous dire , finon que Monfieur
de Rohaneſtaccordé avec Mademoiselle
de Vardes. Ie vous
parleray de l'un & de l'autre,
quandle Mariage ſe fera. Meluy
de Mr. le Marquis de Poigny,
de la Maiſon d'Angenes , a efté
fait depuis quelques jours. Ila épouſeMademoiſelle
de Brienne .
M.Scot de la Meſengere,Confeiller
au Parlemét de Norman
die,
234 MERCURE
die,a épousé Mademoiſelle de la
Sabliere, environ dans le même
temps. Il eſt Fils de Monfieur
Scot, qui eut l'honneurde recevoir
le Roy d'Angleterre chez
luy , quand ce Prince paſſa inconnu
par Roüen , apres qu'il
eut heureuſement échapé à la
fureur de ſes Ennemis. Mademoiſelle
de la Sabliere eſt une
fort aimable Perſonne. Elle est
belle , bien faite , & partage les
avantages de ſa Famille , qui eſt
tout eſprit .
On a achevé d'imprimer deux
Livres nouveaux , dont l'un a
pourtitre,AlfredeReyne d'Angle.
terre, Nouvelle Historique;&l'autre
, Merouée Filsde France. Ie
vous les envoyeray ſi- toft qu'ils
feront publics. Ils fontd'unHomme
dont les Ouvrages ont déja
réuffi,&ainfiilne ſe peutqu'ils ne
foient
JOTREQUE
DA
BABIJO
* 1893
*
00
Plan
de la Ville
de
PUY- CERDA
Capitale de
Cerdagne
Chem
.de
Ba
GALANT.
235
foient dignes de vôtre curioſité.
Vous ſçavez le Siege de Puicerda.
Ie vous en feray le détail
àmón ordinaire. Cependant je
vous en envoye le Plan, afin que
vous en voyez la ſituation , &
que vous admiriez comment
on a pû affieger une Place au
milieu de tant de Montagnes
couvertes de neige, & comment
on a pûyfaire paſſer du Canon.
Elle est beaucoup plus forte,que
vous ne la voyez dans le Plan,
parce qu'elle a eſté fortifiée par
les Eſpagnols , depuis qu'elle eſt
entreleurs mains.Quandje vous
feray la Deſcription de ce Siege
je vous donneray un nouveau
Plan, avec toutes les Attaques.
le vous envoye ma Lettre
deux jours plus tard qu'à l'ordinaire;
mais fi l'impatience dela
recevoir, a pû vous caufer quel
1
que
236 MERCURE
que peine, elle fera recompenſée
par la nouvelle de la Paix
que le Roy vient de conclure
avec les Etats de Hollande .Vous
n'en ſçaurez pas aujourd'huy
davantage. Cet Article merite
bien que je vous en entretienne
plus aulong.le remets donc à ma
premiere Lettre à vous en parler,&
je ne deſeſpere pasde vous
entretenir alors de la Paix generale
; Les bontez du Roy étant fi
grandes, qu'il aime, mieux remplir
les voeux des Peuples qui la
demandent , que poursuivre le
cours de fes Victoires , que nul
autre que luy ne peut arreſter.
Si les Harangues de Meſſieurs
du Parlement , & celle de l'Aca
demie Françoiſe , qui estoient
dans ma derniere Lettre , ont
cauſe tant d'admiration , & donné
tant de plaiſir aux beaux Efprits
GALANT.
237
prits de voſtre Province, je croy
que celles que je vous envoyeray
le Mois prochain ſur le ſujet
dela Paix,ne les charmeront pas
moins. Je vous feray part auffi
des Réjoüiſſances qui ſe feront
dans toute l'Europe fur le mefme
ſujet;& fi l'on a ſoin de m'en
envoyer les Deſſeins,jeles feray
graver , afin que l'on ſe ſouvienne
plus longtemps des grandes
Conquestes du Roy , & du
triomphe qu'il a remporté ſur
Luy - meſme , en interrompant
le cours de ſes Victoires , pour
faire joüir toute l'Europe d'une
heureuſe tranquillité ; ce qui
doit faire dire de ce Grand Monarque
, ce que Virgile a dit autrefois
d'Auguſte. THEADE
DE
Deus nobis hac otia fo
IYON
E
*1899 *
Les
238
MERCURE
Les plus belles Langues vous
eſtant familieres, il n'eſt pas neceſſaire
que je vous explique ce
que ces paroles veulent dire .
Vos Amis à qui vous en apprendrez
le ſens , n'auront pas de
peine à ſe perfuader que toute
l'Europe ne devra qu'à un Dieu
le repos dont elle eſt ſur le point
de jouir. Je ſuis, &c.
ALyon, ce 6. Iuin, 1678.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le