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1677, 09, t. 7 (Lyon)
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7.18 Mo
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225
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Texte
libris Bibliothecæ quam Illuſtriſſimus
Archiepifcopus &Prorex Lugdunenfis
Camillus de Neufville Collegio .SS .
Trinitatis Patrum Societatis JESU
Teſtamenti tabulis attribuit anno 6930
!

807155
LE NOUVEAU
MERCURE
GALANT.
CONTENANT LES NOUVELLES
du Mois de Septembre 1677.
& pluſieurs autres,
TOME VI
*
A LYON ,
Chez THOMAS AMAULRY,
Libraire, ruë Merciere, à la Victoire .
M. DC . LXXVII.
AVEC PRIVILEGE DU ROY,

A MONSEIGNEUR
LE DUC
DE
MONTAVSIER ,
PAIR DE FRANCE, &c.
Gouverneur de Monfeigneur
LE DAUPHIN.
ME ONSEIGNEUR ,
Quoyque le Mercure Galantſemble
eſtre devenule Livre de tout le monde,
celuy que je prens la liberté de vous
offrir eft tellement à vous , que j'ay crû
que vous ne defaprouveriez pas que je
luy fiſſe porter votre Illustre Nom. Ce
qu'il contient de plus relevé regarde l'Education
de Monseigneur leDAUPHIN
2
aij
EPISTRE .
C'est l'Article le plus étendu , parce
qu'il est impoſſible de renfermer en peu
de paroles le prétieux Sujet de tant de
veilles & de tant de foins ; Et quel au..
tre que Vous , MONSEIGNEUR , a
autant de part que vous en avez à cette
merveilleuse Education qui nous fait
admirer dans ce jeune Prince toutes les
qualitez qui le pouvoient rendre digne
d'étre Fils de LOUIS LE GRAND ?
C'est Vous qui luy inspirez les Vertus
qui font particulieres aux Perſonnes de
SonRing. C'est Vous qui lefaites entrer
dans les Sentimens Politiques qui dơi
vent eftre la principale Einde des Sonverains
; Et le Roy luy donnant lesveritables
Regles du grandArt de regner,
parles Memoires qu'il prendſoin de luy
dreffer de sa vie, C'eſt Vous qui luy rendez
ces secours ſenſibles ,& luy apprenez
à meriter par luy-méme les avantages
qui luy font deſtinez parsa Naif
Sance. L'honneur que vous avez reçen
par le choix que cet incomparable Monarque
a fait de Vous pour vous confier
ce qu'apres Luy la France a de plus
cher &de plus Auguste a estéfait par
EPISTRE.
d'autres Rois en differens Siecles aux
plus confiderables de l'Etat ; mais ces
Rois qui les ont choiſts n'estoient point
LOUIS XIV . & comme ils n'avoient
pas cette vive source de lumieres dont il
est éclairé dans tout-ce qu'il fait, ils ont
pû donner à la faveur , ce que l'expe
rience nousfait vair que vous vous estes
attirépar le plus folide merite. Cette
gloire,MONSEIGNEUR, eftfi écla
tante &fi particuliere pour Kous , que
quoy que toute votre vie foit une matiere
inépuisable d'Eloges; Dire que le
Roy vous a fait Gouverneur de Mon.
Seigneur le DAUPHIN, & que les bautes
Idées que vous luy avez fait prendre
de cequ'il est né,l'ont rendu ce que nons
Le voyons,c'est dire plus que les Panegyriques
les plus achevez, ne pourroient
faire concevoir des plus Grands Hommes.
C'est auffi à cette feule lanange que
je m'arreste ,&quelque liberté que je
prenne de vouspreſenter cette Partie du
Mercure,je me trouve en méme temps
contraint d'avoüer que le Mercure, ne
doit point estre pour Vous. Il est len par
tout,&on l'estime parce qu'en faisant
a iij
EPISTR E.
connoître les merveilles que produit tous
lesjours la France , ily a pen de Pais
Etrangers où il ne donne ſujet de l'admirer
; Mais , MONSEIGNEUR,
quand il dira que vous estes d'une des
plusnobles &plus anciennes Maiſons
du Royaume , que vous avez l'Esprit
auſſi grand que la naiſſance ,que vôtre
Courage les égale l'un & l'autre, & que
malgré l'attachement que vous avez
toûjours en pour les Belles Lettres, vous
n'avez laiſſé échaper aucune occaſionde
vous fignalerpar les Armes , que dirat-
il quinefoit connu dans tous les lieux
oùsa bonnefortune luy afait trouver de
V'accés ? L' Italie ne vous a-t- elle pas
veu aux Sieges de Roſignan& de Cafal
donnerdés vôtre jeune âge des marques
decette Valeur dont la Lorraine a de
puis esté témoin, & que l'Alsace n'apu
s'empécher en suite d'admirer, quand
vous trouvantfous lefeu Duc de Vueimar
àl'attaque de la Ville& Forteresse
de Brisac,vous yfiſtes tout ce qu'on peut
attendre d'un Homme à qui les grandes
Occafions inspirent la plus impatiente
urdeur de fe diftinguer ? Io ne parle ny
EPISTRE.
C
des autres Sieges, ny d'une infinitéde
Rencontresqui ont toutes fervy à faire
éclater vôtre Courage. Ie laiſſe laBatailledeCerné,
dans laquelle vous prites
devôtre main trois Etendars de Cava-
Lerie. Avec quelle gloire n'avez- vous
pas combatu en chal deCampdeAll'lAermmagéneeq,ufeeucloMmamraén-EELDE
doit feu Monfieur le Mareſchal Lyc
Guebriant ? La Haute & Baffle Al /893 *
dont le Roy vous avoit confié le Com
mandement, n'oublieront jamais l'intrepidité
avec laquelle vous avez tenu te
fie aux Ennemis, dont enfin vous ne pûtes
éviterd'étrefait Prisonnier de guer
re, apres vous étre exposépar tout oùle
plus preſſant péril vous appelloit. Voilà
de grandes Actions , MONSEIGNEUR
! Nos Histoires qui en fe
ront pleines vous répondent de l'Immorvalitéque
vous avezsi bien meritée ,
mesfoibles expreſſions ne pouvant rien
pour vêtre gloire , je ne découvre plus
dans ce que je me hazarde à vous offrir,
qu'un ambitieux motifd'amour propre,
qui me fait souhaiter que tout le monde
fçache la grace que vous me faites de
EPISTR E.
m'honorer de vôtre protection , & d'a
gréerque je me diſe avec le zele le plus
respectueux ,
MONSEIGNEUR ,
Voltre tres-humble & tres- obeif
fantServiteur,D.
LE
LE NOUVEAU
MERCURE
P
GALANT TO THEQUE
TOME VII,
RENEZ-Y garde , Madame.
Il n'y a rien de
ſi propre à me gaſter ,
que les loüanges , &
vous m'en donnez de ſi flateu
ſes , qu'inſenſiblement je pourray
en eſtre ſéduit. Si cela arrive,
vous n'y trouverez pas voſtre
compte. J'entreray dans une
préſomption que vous aurez
Tome VII. A
1 LE MERCVRE
peine à vaincre , & il vous en
couſtera tout au moins des prieres
pour ces Lettres dont vous
me témoignez faire tant de cas.
Je veux croire que vous en eſtes
contente , parce que vous avez
dela bonté pour moy; mais quelque
vanité que voſtre approbation
me donne ; je conferue affez
de raiſon pour voir que vous
cherchez à me payer du foin
que je prens de vous envoyer
tous les Mois avec les Nouvelles
ordinaires , ce que je puis recouvrer
de plus curieux. Je ne me
pique point de les aſſaiſonner de
ce tour fin & délicat qui redouble
le prix des chofes , & vous
perdez vos obligeantes exagerations
, fi vous croyez me perfuader.
Demeurons donc , s'il
vous plaiſt , dans les termes dont
nous ſommes convenus. Laiſſez-
4
GALANT...
B
moy vous écrire toûjours fans façon
,& ne cherchez dans tout
ce que vous recevez de moy,
que les témoignages d'un zele
qui me rend plus ſenſible à l'avantage
de vous fatisfaire , qu'à
Peſperance de m'acquerir la réputation
de bel Eſprit. Il eſt dangereux
de l'avoir. Elle engage à
une trop ſevere exactitude , pour
ne laiffer rien paroiſtre où l'on
n'ait mis la derniere main , &
cette ſujetion ſeroit fâcheuſe
pour moy que la meditation embarraffe,
& qui prens toûjours
la voye la plus aífée pour fortir
d'affaires. Je ne ſçay ſi c'eſt eftre
de mauvais goust, mais ce qui eft
commode me ſemble ſi ſouhaitable
par tout , que je ne puis condamner
ceux qui veulent de la
commodité dans l'Amour mefme.
Il s'eſt fait une petite Piece
A 2
4 LE MERCVRE
là deffus qui memet encore davantage
dans leurs ſentimens. Je
ne vous puisdirede qui elle eſt:
Ellem'a eſté envoyée de Roüen,
avec priere de ne me point informer
du nom de l'Autheur. Le
terroir eft bon pour les Vers, &
il n'en vient gueres de méchans
de ce Païs -la. Voyez ſi je me
trompe , en croyant ceux-cy afſez
agreablement tournez pour
vous plaire,
L'AMOUR COMMODE.
H
T
E' bien , mon coeur facile & qui
par tout se rend ,
Pour quaire ou cing Beautez en mefime
temps, foupire
Entre nous , pbeellllee Iris, est-ceun crimefi
grand
Mon
Qu'il failley trouver tant à dire ?
ધોની
:
GALANT.
Si j'ay dequoy vous engager ,
Parceque j'aymeailleurs en dois -jemoins
vous plaire,
Et pour quelques douceurs qu'on me voit
partager,
Nesçaurois - je estre vôtre affaire ?
Rendez plus dejustice à ma fincerité.
Sij'en conte en tous lieux , c'eſtſans estre
volage,
P'aime tant que l'on m'aime , & cette
fermeté
Vant bien qu'auec moy l'on s'engage.
Ilest vray qu'absent des beaux yeux
Dont mon ame charmée adore la lumiere,
Pourfinir des jours ennuyeux.
Ien'aypaslamain meurtriere.
Ie cours oùje prétens qu'on seplaiſe à
me voir ,
Ie ris ,je chante,je folâtre ,
Etregarde le Desespoir
Comme une vertu de Theatre.
A iij
6 LE MERCVRE
C'est estre , je l'avoue , Amant peu regulier
,
Maisjefuis tous les maux que le chagrin
fait naiftre ,
Etsi c'eſt là n'aimer qu'en Ecolier ,
Dien me garde d'aimer en Maistre.
Apres tout , le repos estant un bien fi
doux,
Aime- t-on afin qu'on enrage
Etpour sécher d'ennuy d'estre éloignéde
vous ,
Vous en verray-je davantage ? 1
Lesplaintes, les langueurs , les foûpirs,
lesfanglots,
Merendront- ils ce que m'ofte l'absence,
Et n'est - ilpas plus à propos
Qu'apres l'avoir perdu je prenne patience
?
L'amourde tous les maux est leplus dangereux
,
Quand trop d'attachement nous livre à
Son caprice ,
GALAN Τ. 7
Et je ne ſcache point d'employ si malhenreux
,
Quede sefaire Amant d'office.
A chaque occafion il faut avectransport
S'arracher les cheveux , se battre la poitrine
د
Eftre tout prest de courir àla mort ,
Oudumoins en avoir la mine.
i
Franchement , ce mestier est des plus fatigans,
Ilamille chagrins qui rarement s'appai-
Sent,
Et cenn''estpasà
vagans
tart qu'on nomme extra-
Lespauvres Dupes qui s'y plassent.
BIBLE
Aime par regles qui voudr
lamais ce nefut ma methode ,
Ie m'offre , &fansſonger comme le tour
ira ,
Ie prens d'abord du plus commode.
Mesvoeuxn'ayantpour tout objet
A iiij
ILE MERCVRE
Que de rendre heureux ce que j'aime,
Pour reüffir dans ceprojet
Je croy devoir toûjours commencer par
moy-mefme.
Ainfi, charmante Iris , fi mon humeur
vous plaiſt ,
N'examinez rien autre chose,
Aimez-moyfansprendre interest
Si de mon coeur quelqu'autre ainſi que
vous dispose.
Tant que je vous verray ,je ſeray tout à
vous ,
Point de ſouvenirdes Abſentes ,
Vous allumerez ſeule en des momensfi
doux
Mespaßions les plus ardentes.
Dansquelquepaffe temps que vous väeil-
* liez donner ,
I'y donn erayfans le combattre ;
Et fi vous voulez badiner ,
Ieferay badin comme quatre.
Iene dispas ,quand vous m'aurez quité,
GALANT. و
Qu'attendant que je vous revoye ,
Jen'aille d'un autre costé
Faire un nouvel amas de joye.
L
Mais ces égaremens facheux aux coeurs
jaloux,
Nepeuvent estre àvoſtre honte;
Ce que je feray loin de vous ,
Neferapointfur vostre compte .
Dans le temps oùtous deux nous ne nous
verronspas ,
Comme d'aucun plaisir je ne veux medefendre
,
Nevousfaitespoint d'embarras
Detous ceux que vous pourrezprendre.
Recevez des Amans , écoutez leurs douceurs
,
Et quand de nous revoir l'heure ſera venue
ود
Prenons ce que chacun nous aurons fait
ailleurs,
Comme chose non avenuë.
*
Sans nous inquieter de rich 0
A V
LE MERCVRE
1
Faiſons -nous le mesme visage
Quesi vostre coeur & le mien
Estoient demeurezfanspartage.
Comme d'amour tout tranſporté,
Ie vousferay mille careſſes ,
Vous pourrez y répondre en toute soureté
Parvos plusflateuſes tendreſſes.
Me faire des faveurs , c'eſt ne rien hazarder,
Ie ſuis diferet , &recevant des vostres ,
Vous aurez beau m'en accorder ,
Ien'en parleraypoint aux autres.
Aces conditionsſi je ſuis voſtrefait,
Belle Iris, vous n'avez qu'à dire,
Cherchons en nous aimant l'amour leplus
parfait,
Mais n'aimons jamais que pour rire.
Si tout le monde ſuivoit ces
Maximes , l'Amour ne cauſeroit
pas tant de malheurs , & l'emportement
inconſideré d'un JaGALANT.
loux n'auroit pas donné lieu à
l'Avanture que vous allez entendre.
Une Dame bien faite , jolie,
ſpirituelle , enjoüée , vertueuſe
dans le fond , mais ayant l'air du
monde , & trouvant un plaifir
ſenſible à s'entendre conter des
douceurs , ne pût s'empeſcher
de s'abandonner à fonppaanncchant
1
pendant l'absence de fon Mary,
que d'importantes affaires a->
voient appellé pour quelques
mois dans le Languedoc. II aithoit
ſa Femme , & elle meritoit
bien qu'il l'aimaſt ; mais foit jaloufie,
ſoit délicateſſe trop ſcrupuleuſe
ſur le point-d'honneur,
il eſtoit ſevere pour ce qui regardoit
ſa conduite , & il l'obligeoit
à vivre dans une regularite un
peu eloignée des innocentes libertez
qu'elle auroit crû pouvoir
A vj
12 LE MERCVRE
s'accorder. Ainſi il ne faut pas
eſtre ſurpris , ſi ſe voyant maiſtreſſe
de ſes actions par ſon depart
, elle n'euſt pas tous les ſcrupules
qu'il avoit tâché de luy
donner. Elle estoit née pour la
joye , l'occafion estoit favorable,
& elle crût qu'il luy devoit eſtre
permis de s'en fervir. Elle eut
pourtant ſoin d'éviter l'éclat , &
ne voulut recevoir aucune viſite
chez elle; mais elle avoir des Amies,
ces Amies voyoient le beau
monde,& l'enjoûment de ſon humeur
joint aux agrémens de f
Perſonne,fit bientôt l'effet qu'erle
fouhaitoit. On la vit, elle plût,
on luy dit qu'elle estoit belle ,
fans qu'elle témoignaſt s'en facher
; les tendres déclarations
ſuivirent , elle les reçeuten Fem--
me d'eſprit qui veut en profiter
ſans ſe commettre ; & là-deffus,
GALAN T. 13
grands deſſeins de s'en faire aimer.
Promenades , Comédies ,
Opéra , Feſtes galantes , tout eft
mis en uſage , & c'eſt tous les
jours quelque nouveau Divertiſfement.
Cette maniere de vie
auffi agreable que comode , avoit
pour elle une douceur merveilleuſe
, & jamais Femme ne s'accommoda
mieux de l'absence de
fon Mary. Les plus éclairez pourtant
en fait de Galanterie , s'apperceurentbientôtqu'il
n'y avoit
que des paroles à eſperer d'elle..
Hs l'en eſtimerent davantage , &
n'en eurent pas moins d'emprefſement
à ſe rendre où ils cro
yoient ladevoirtrouver. Juſque--
làtout alloit le mieux du monde;
mais ce qui gaſta tout, ce fut un
de ces Meſſieurs du bel air ,
qui fottement amoureux d'euxmefmes
fur leurs propres com
14 LE MERCVRE
1
plaiſances , s'imaginent qu'il n'y
a point de Femmes à l'épreuve
de leurs douceurs, quand ils daignent
ſe donner la peine d'en
conter. Celuy- cy , dont une Perruque
blonde , des Rubans bien
compaſſez , & force Point de
France répandu par tout , faifoient
le merite le plus éclatant,
ſe tenoit fi fort aſſuré des faveurs
de la Belledont il s'agit , ſurquelques
Réponſes enjoüées qu'il
n'avoit pas eu l'eſprit de comprendre
, qu'il ſe hazarda unjour
à pouffer les affaires un peu trop
loin. La Damele regarda fierement
, changea de ſtile , prit fon
ſérieux , & rabatit tellement fa
vanité , qu'il en demeura inconfolable.
Il ſe croyoit beau , &
trop pleindu ridicule entêtement
qu'il avoit pour luy , il ne trou
voit pas vray-femblable qu'il ſe
GALANT.
IS
fuſt offert ſans qu'on euſt accepté
le Party. Il examina de plus
pres les manieres de la Dame , la
vit de belle humeur avec ceux
qu'il regardoit comme ſes Rivaux
; & fans fonger qu'ils ne luy
avoient pas donné les meſmes
ſujets de plainte que luy , imputant
à quelque préoccupation de
coeur ce qui n'eſtoit qu'un effet
de ſa vertu , il prit conſeil de ſa
jalousie ,& ne chercha plusque
ſe vangerde l'aveuglement qu'el
le avoit de faire des Heureux
ſon préjudice . Il en trouva l'occafion
& plus prompte & toute autre
qu'il ne l'eſperoit. La Dame
eſtoit allée àune Partie de Campagne
pour quelques jours avec
une Amie.Par malheur pour elle,
ſon Mary revint inopinement de
Laguedoc le lendemain de cette
Partie. Il fut furpris de ne la point
16 LE MERCVRE
rencontrer en arrivant. Cellequi
l'avoit emmenée hors de Paris
eſtoit un peu en réputation de
Coquete. Le chagrin le prit. II
forma des ſoupçons , & il y fut
confirmé par l'amant jaloux,qur
ayant ſçeu ſon retour , fut des
premiers à le voir. Comme ils
avoient toûjours veſcu enſemble
• avec affez de familiarité , le Mary
ne luy cacha point la mauvaife
humeur où le mettoit l'imprudente
Promenade de fa Femme.
Cet infidelle Amy qui ne
cherchoit qu'à ſe vanger d'elle,
crût qu'il ne pouvoit prendre
mieux ſon temps. Il la juſtifie en
apparence , & entrant dans le
détail de toutes les Connoiffan
ces qu'elle a faites depuis ſondepart,
pour prévenir,dit-il,les méchans
contes que d'indifcrets
Zélez luy en pourroient faire, il
GALANT.
17
டர்
is
e
t
S
S
a
{
les excuſe d'une maniere qui la
rend coupable de tout ce qu'il
feint de vouloir qu'il croye innocent.
LeMary prend feu. Quelques
petites railleries que d'autres
luy font , & qui ont du ra
port avec cette premiere accufation,
achevent de lebleſſer iufqu'au
vif. Il s'emporte,il fulmine,
& il auroit pris quelque réfolution
violente , ſi ſes veritables
Amis n'euffent détourné lecoup.
Tout ce qu'ils peuvent gagner
pourtant , c'eſt qu'en attendant
qu'il foit éclaircy des prétenduës
galanteries de ſa Femme, elle ira
fe mettre dans unCouvent qu'il
feur nomme à douze ou quinze
lieuës de Paris . Deux Parétes des
plus prudes ſe chargent de luy
porter l'ordre, & de le faire executer.
La Dame qui connoiſſoit la
ſeverité de fon Mary, ne balance
18 LE MERCVRE
point à faire ce qu'il fouhaite . La
voilà dans le Couvent, dont heureuſement
pour elle l'Abbeffe
eſtoit Soeur d'un de ceux qui luy
en avoiét le plus conté,quoy que
ce comerce fut demeuré inconnu
à l'Amant jaloux. Ainfi elle ne
manqua pas de Lettres de faveur
pour tous les Privileges qui pouvoient
luy eſtre accordez. Elle
p'avoit pas trop beſoin d'une recommandation
particuliere . Ses
manieres engageantes & flatenſes
en estoient une tres-forte
pour elle , & il ne falloit rien davantage
pour la faire aimer de
tout le Couvent. C'eſtoit une neceſſité
pour elle d'y paſſer quel
que temps , elle aimoit les plaifirs
, & elle s'en fit de tout ce qui
en peut donner dans la retraite.
Elle noüa fur tout amitié avec
une jeune Veuve Provençale ,
GALANT.
19
a
e
Penſionaire du Couvent comme
elle. Son langage la charma tellement
( il n'y en a point de plus
agreable pour les Dames ) qu'elle
s'attacha à l'étudier ; & comme il
ne faut que vouloir fortement les,
choſes pour y réüſſir, elle s'y rendit
ſi ſçavante en trois mois,qu'on
l'eut priſe pour une Provençale
originaire. Cependant il y en avoit
déja fix qu'elle estoit réclu--
ſe. Sa priſon l'ennuyoit , & elle
fuccomba à la tentation de venir
à Paris incognito paſſer quinze
jours avec ſes Amies. L'Abbeſſe,
quoy qu'avec un peu de peine,
luy accorda ce congé à l'inſtante
follicitation de ſon Frere , à qui
elle devoit ce qu'elle eſtoit. Elle
ſe précautione pour n'eſtre point
découverte. Une Amie avec qui
elle concerte ſon deſſein , & qui
ſe charge de luy faire donner
20 LE MERCVRE
tin Apartement en lieu où elle
ne ſoit connue d'aucun Domeſtique
, la va prendre à deux
lieuës de Paris , & la mene chez
la Femme d'un vieux Conſeiller,
qui ne l'ayant jamais veuë , la
reçoit comme une Dame qui arrive
nouvellement de Provence.
Grande amitié qui ſe lie entr'elles.
Il n'eſt parlé que de la belle
Provençale , c'eſt fous ce nom
qu'on fonge à la divertir , & elle
joüe fi bien fon perſonnage, que
ne voyant que trois ou quatre
de ſes plus particuliers Amis qui
font avertis de tour , il eſt impoffible
qu'on la ſoupçonne de
n'eſtre pas ce qu'elle ſe dit. Tout
contribuë à mettre ſon ſecret en
aſſurance. Le quartier où elle loge
eft fort éloigné deſon Mary,
elle ne fort jamais que maſquée
avec la Femmedu Confeiller, &
GALANT. 21
T
quand elle fait quelque Partie de
promenade avec ſon Amie , ce
font tous Gens choiſfis qui en
font , & leur indifcretion n'eſt
point à craindre pour elle. Trois
ſemaines ſe paſſent de cette forte.
Elle prend ſes meſures pour
toutes les choſes qui peuvent
obliger ſon Mary à la rapeler aupres
de luy , & feignant tout-àcoup
d'avoir reçeu des nouvelles
qui la preſſent de ſe rendre en
Provence, elle ſe diſpoſeà s'aller
renfermer dans le Couvent. Le
jour eſt pris pour cela. Elle doit
aller coucher avec ſon Amie à
cinq ou fix lieuës de Paris , &
les adieux ſont déja à demy- faits
ſans qu'on ait rien découvert de
ce qu'elle a intereſt à tenir caché.
Dans cette diſpoſition qui
euſt pû prévoir ce qui luy arri-
:
ve ? SonMary avoit un Procés,
22 LE MERCVRE
le Conſeiller qui la loge en eft
nommé Raporteur ; il cherche
accés aupresde luy , & s'adreffe
à unGentilhomme avec qui il a
fait connoiffance en Languedoc
, & qu'il ſçait eſtre le toutpuiſſant
dans cette Maiſon. Le
Gentilhomme prend volontiers
cette occafion defaire valoir fon
credit ,& ils vont enſemble chez
le Conſeiller le jour meſme que
la fauſſe Provençale doit par
tir. Le Conſeiller s'eſtoit enfermé
dans ſon Cabinet au re
tourdu Palais pour une Affaire
qu'il falloit neceſſairement qu'il
examinaſt ſur l'heure . Il eſtoit
queſtion d'attendre. Le Gentilhomme
pour mieux fervir fon
Amy , le mene àl'Apartement de
Madame qu'il veut mettre dans
ſes intereſts. Comme il y entroit
fans façon à toutes les heurés du
GALAN T. 23
e
e
a
-
e
TS
n
2
e
↑ jour , il y monte ſans qu'elle en
ſoit avertie , & il la ſurprend
avec la fauſſe Provençale , qui
ne s'attendoit à rien moins qu'à
une viſite de fon Mary. Jugez de
t- la ſurpriſe de l'un & de l'autre.
Le Mary ne ſçait où il en eſt. Il
regarde , reconnoiſt ſa Femme ,
& troublé d'une rencontre fi
inopinée , il oublie ſon Procés,
&n'écoute preſque point ce que
ſon Amy dit en ſa faveur.La Dame
n'eſt pas moins embaraffée de
ſon coſté, mais comme elle voit le
pas dangereux pour elle , felle
n'y remedie par ſon eſprit, elle ne
ſe déconcerte point , & parlant
Provençal au Gentilhomme qu'-
elle adéja veu pluſieurs fois , elle
luydit cent plaifanteries qui mettent
le Mary dans un embarras
nouveau. Il demande tout bas à
fon Amy qui elle eft ,& il luy ré-
コー
é
il
t
-
1
e
S
24
LE MERCVRE
pond de fi bonne foy ( comme il
le croit ) que c'eſt une Dame de
Provence venuë à Paris pour affaires
, que fon langage ſervant
â confirmer ce qu'il luy dit , il
commence à croire que la refſemblance
des traits àpû le tromper
,& il ne s'en faut guere mefme
qu'il ne les trouve moins refſemblans
qu'ils ne luy ont paru
d'abord. Il s'approche d'elle, l'examine
, luy parle ; & le Gentilhomme
luy ayant dit qu'il falloit
qu'elle follicitaſt pour ſon Amy,
elle prometde s'y employercomme
si c'eſtoit ſon affaire propre.
Elle tient parole , & le Confeil .
ler entrant , c'eſt elle qui commence
la follicitation ; mais elle
le fait avec tant de grace& avec
une telle libertéd'eſprit , que ſon
Mary ne peut croire que ſi elle
eſtoit ſa Femme , elle euſt pû ſe
poffe
GALANT. 25
د
poſſeder affez pour pouffer le déguiſement
juſque-là. Il fort tres-
- fatisfait du Conſeiller ; & pour
= n'avoir aucun ſcrupule d'eſtre la
Dupe de certe rencontre , il ſe réfoutd'allerdésle
lendemain trouver
ſa Femme au Couvent. Elle
y met ordre par la promptitude
de fon retour & devinant ce
qu'il eſt capable de faire pour
s'éclaircir , au lieu d'aller coucher
où ſon Amie la devoit
ner , elle marche toute la nuit,
& arrive de tres -grand matin
Couvent. L'Abbeſſe à qui elle
rend compte de tout , inſtruit la
Touriere de ce qu'elle doit dire,
ſi quelqu'un la vient demander.
SonMary fait diligence ,& arrive
fix heures apres elle. Il vient
au Parloir. On lay dit que fa Femmen'a
preſque point quité le Lit
depuis huit jours , à cauſe d'une
Tome VII. B
26 LE MERCV RE
legere indiſpoſition , & elle paroît
un quart-d'heure apres en
coifure de Convalefcente. La fatigue
du voyage , & le manque
de dormir pendant toute la nuit
paſſée , l'avoient un peu abatuë.
Cela vint le plus à propos du
monde. Comme ſon Mary ne luy
trouva ny les meſmes ajuſtemens,
nyla meſme vivacité de teint qui
l'avoit ébloüy le jour précedent
dans la Provençale , il fut aifément
perfuadé qu'il y avoit eu de
l'erreur dans ce qu'il s'en eſtoit
figuré d'abord. Cependant il avoit
remarqué tant de merite dans
cette prétenduë Provençale , &
il en eſtoit tellement touché ; que
ſe tenant trop heureux de poffederune
Perſonne qui luy reffembloit
, & eſtant d'ailleurs convaincuqu'il
y avoit eu plus d'imprudence
que de crime dans la
GALANT.
27
--
11
e
it
S
11
conduite de ſa Femme , il luy dit
les chofes les plus touchantes
pour luy faire oublier ce que fix
mois de clôture luy avoient pû
cauſer de chagrin. Elle garde
quelque temps ſon ſérieux avec
luy , luy fait ſes plaintes en bon
accent François de ſon injurieux
procedé , & apres quelques feints
refus de luy pardonner fi -toſt un
outrage qui avoit fait tant de tort
àſa reputation , elle ſe rend aux
preſſans témoignages de ſa ten--
dreſſe , & retourne avec luy le
lendemain à Paris. Il luy conte
e
t
t
S l'Avanture de la Provençale qu'il
promet de luy faire voir , & il de-
2
meure un peu interdit , quand
l'eſtant allé demander chez le
Conſeiller , il apprend que ſes
- affaires l'avoient rapelée en Provence.
Je ne ſçay ſi un depart 6
prompt luy a fait ſoupçonner
Bij
28 LE MERCVRE
quelque choſe , mais il en uſe
tres -bien avec ſa Femme , & il
luy laiſſe mefme plus de liberté
qu'il ne luy en ſoufroit avant fon
voyage de Languedoc.
A propos de Languedoc , on
vous a dit vray , Madame , en
vous apprenant que Monfieur le
Marquis de Montanegre avoit eu
l'agrément du Roy pour ſa Lieutenance
Generale du Bas Languedoc
, & je ne ſçay comment
j'oubliay la derniere fois que je
vous écrivis , àvous faire part de
cette nouvelle. Toute la Province
en a témoigné de la joye , &
comme elle connoît fon zele pour
la Religion , fa fidelité pour le fervice
de fon Maiſtre , & fon defintéreſſement
pour le bien public
, elle ne doute point que fon
Gouvernement ne luy procure
toute forte d'avantages. Il n'y a
GALANT. 29
- rien de plus glorieux pour luy ,
que la maniere dont il a plû au
Roy de le diftinguer entre un
-grand nombre de Prétendans,
pour luy confier un Pofte auffi
important que celuy dont je vous
parle. Aufſi faut- ildemeurer d'accord
que Mr le Marquis de Montanegre
s'eſtoit rendu digne de
cette préferéce, par l'attachemet
qu'il a toûjours eu pour le Sery
ce. Apres ſes premieres Cam
gnes , il fut Capitaine de Cavalerie
au Regiment de Monfieur
dont il eut en ſuite l'honneur d'eſtre
Meſtre de Camp pendant
pluſieurs années , & meſme de
commander la Cavalerie en Ca.-
talogne . Il donna de tres - grandes
marques de valeur & de courage
en foûtenant l'effort de celle
des Ennemis , lors qu'ils entreprirent
de ſecourir Campedon
Biij
30 LE MERCVRE
que l'Armée du Roy afſiegoit. Ils
eftoient des deux tiers plus forts
que nous , & M² de Montanegre
tout bleffé qu'il fut d'abord,
ne laiſſa pas de ſe jetter luy ſeul
dans un de leurs Eſcadrons , pour
tâcher par ſon exemple de ranimer
les Siens , que l'inégalité dur
nombre avoit effrayez . Il mit cet
Eſcadron en defordre , & s'eftant
relevé de deſſous ſon Cheval
qui fut tué , il ſe défendit longtemps
l'Epée à la main , mais enfin
une nouvelle bleſſure qu'il
reçeut dans le corps , le fit tomber
par terre , & entre les mains
de ceux qui n'en ſeroient pas aiſement
venus à bout , s'il n'eut
eſté mis par là hors de combat.
Cette Action , & beaucoup d'autres
, ayant fait bruit à la Cour,
il ſeroit parvenu fans-doute aux
Commandemens dont le merite
GALANT. 31
S
-
et
t
1
S
t
de ceux qui luy reſſemblent eſt
toûjours récompensé , fi la Paix
des Pyrenées qui ſe fit peu de
temps apres ne l'euſt forcé à ſe
retirer chez luy. Le Roy ne l'y
voulut pas laiſſer inutile , & on
connuſt l'eſtime particuliere dont
Sa Majefté l'honoroit , par l'entrée
qu'Elle luy donna aux Etats
Generaux de Languedoc en qualitédeBaron.
Cet honneur eſtoit
grand , mais non pas au deſſus
d'une Perſonne de ſa naiſſance .
Il n'y en a guére de plus illuſtre,
& je vay ſatiſfaire avec joye à
l'ordre que vous me donnez de
vous apprendre ce que j'en ſçay.
M' le Marquis de Montanegre
prend ſon origine de la Maiſon
d'Urre en Dauphinê , qui partagée
en douze branches il y a plus
de deux cens ans , compte dans
ſes Alliances les Maiſonsde Veſq,
Büj
32 LE MERCVRE
d'Ademar , de Berenger , de Cor--
nillon , & preſque tout ce qu'il
y a de grandes & anciennes Familles
dans cette Province , où
Pon ſçait que la Nobleſſe eſt en
poffeffion de ſe conſerver depuis
long-temps dans toute ſapuret.é.
On trouve parmy les Titres de
cette Maiſon des Vaſſaux de la
Terre d'Urre annoblis il y a cinq
cens ans , par un Privilege particulier
dont certaines Familles
confiderables du Dauphinéjoüiffoient
en ce temps- là ; & ces
meſmes Titres font connoiftre
que dés l'an 1266. il y avoit des
Chevaliers de l'Ordre de S. Jean
de Jerufalem dans la Maiſon
d'Urre , & qu'un François d'Urre
en prenoit la qualité. Je ne vous
parle point d'un Aimé d'Urre ,
Seigneur des Teſſieres , Grand
Maiſtre de la Maiſon duDuc de
GALANT.
33
- Lorraine , & dans le rang & l'alliance
de l'ancienne Chevalerie
164
- de Lorraine ; ny d'un autre des
plus proches de Mª de Montanegre
, qui fut Lieutenant de Roy
en Provence , ſous le Regne de
Henry II . Nous y avons veu de
nos jours commander par Commiffion
Monfieur le Marquis
d'Ayguebonne de la meſme Maifon
d'Urre , qui fut fait Cheva
her des Ordres duRoy en I
& que le Commandement des
Armées du Roy en Italie , & le
Gouvernement de Caſal , ont fait
aſſez connoiſtre par tout . Ce n'eſt
pas ſeulement de cette Illuſtre
Maiſon que Mr le Marquis de
Montanegretire les avantagesde
ſa naiſſance ; il trouve encor dequoy
la relever par Meffire Pierre
de Libertas ſon Ayeul maternel,
qui réduifit àl'obeiſſance du Roy
Y
Bv
34 LE MERCVRE
Henry IV. la Ville de Marseille,
que la perfidie de quelques Particuliers
luy avoit attachée målgré
elle , tandis que ce Grand Prince
eſtoit occupé au Siege d'Amiens.
Son Action fi remarquable dans
l'Hiſtoire ne s'effacera jamais de
la memoire des Marſeillois , qui
non contens de luy avoir érigé
une Statuë , font celebrer tous les
ans un Service en Corps de Ville,
en reconnoiffance de ſa valeur &
de ſa fidelité .
Voila comme les Grand's Hommes
ne meurent jamais. Leur
nom demeure apres eux , & ils
n'ont rien à craindre du temps.
Il eſt vray qu'il n'eſt pas permis
d'eſtre grandHomme à tous ceux
qui le voudroient devenir. On a
beau faire de belles actions , elles
font longtemps ignorées , fi on
n'eſt d'une naiſſance à ſe faire
GALANT. : 35
d'abord remarquer mais au moins
fi les occafions d'une bravoure
d'éclat ne s'offrent pas , l'Eſprit
eſt une reſſource avec laquelle on
peut toûjours faire figure dans le
monde ; & qui ne s'y diftingue
par aucune qualité recommandable
, n'eſt à mon avis guere diferent
de ce Enfant-Ours que la
feuë Reyne de Pologne faiſoit
élever. Je ne ſçay , Madame , fi
vous en avez entendu parler. Il
fut trouvé dans les Foreſts de Lithuanie,&
pouvoit avoir ſept ou
huit ans . Toutes ces manieres firent
préfumer qu'il avoit eſté
nourry par une Ourſe . Les traits
de ſon viſage estoient aſſez beaux,
mais on y voyoit par tout des cicatrices.
On ne ſçait ſi elles venoient
des ongles des jeunes Ours
fes Freres avec leſquels il pouvoit
s'eſtre joüé , ou des ronces &
Bvj.
36
LE MERCVRE
des branchages des Bois qu'il traverſoit
, quand il fut pris , avec
une agilite merveilleuſe. La Reyne
à qui on l'apporta , le fit mettre
chez les Filles de la Charité.
qu'elle a fondées à Varfovie , &
ordonna qu'on en prift tout le
foin poffible pour voir fi on pour--
roit tirer quelque éclairciffement
de ſa vie paffée , quand il auroit
appris à parler. Mais c'eſt ce qu'il
n'a pû faire quelque peine qu'on
ait priſe pour luy faire prononcer
quelques paroles. On a feulement
remarquéqu'il entendoit, & aucun
uſage de raiſonne luy eſt venu.
Ils'approchoit de tout le monde,
& faisoit le Signe de la Croix,
parce qu'à ce Signe on luy donnoit
du pain , qu'il alloit en ſuite
dévorer en Bête. Il déchiroit tout
ce qu'ifrencõtroit avec ſes ongles
& ſes dents , & n'épargnoit pas.
GALANT
37
meſme ſes habits . Son plus grand
plaifir eſtoitde grater la terre , d'y
faire des ouvertures ,& de ſe ſauverdedans.
J'ay voulu ſçavoir ce
qu'il eſtoit devenu. , & on m'a
écrit depuis quinze jours qu'apres
la mortde la Reyne on l'avoit
donné à un Eveſque de Lithuanie
, qui s'eſtoit chargé d'en
prendre foin. Apparemment c'eſtoit
quelque larcin fait àl'honneur
qu'on avoit voulu cacher en
l'expoſant dans les Bois. Il s'en
fait beaucoup d'autres dans le
monde dont on ne ditmot , & il
n'eſt point de Belle qui n'ait fon
heure dangereuſe quand les Amans
s'attachentà l'obſerver. Les
Prudes meſmes ne s'en fauvent
pas. Voyez ce qu'un Expert ſur
cette matiere en a ingénieuſe--
ment écritdepuis peu..
38 LE MERCVRE
L'HORLOGE DES AMANS..
APres la declaration
Qui marque une ſincere & tendre paſſion,
Quand la Belle devient reſvenſe,
L'occaſionſe montre heureuse ;
Et si l'Amant a de l'esprit ,
Il en doitfairefon profit.
L'heure où l'Amant se racommode
Eft toûjours une beure commode ,
On veut se racquiter du temps qu'on a
perdu,
Et la Belle estant appaisée ,
Lecoeurpourse montrer de bonnefoy redu,
Nousrendtoute entrepriſe aisée,
Ce moment ſi chery des Hommes &des
Dieux ,
Eft en Chiffres d'amour écrit dedans les
yeux
Decellepourqui l'on foûpire ,
Et bien heureux qui l'y peut lire.
GALANT .
39
Vne Femme dans le couroux.
Où la met un Mary jaloux ,
Aux deſirs d'un Amant est rarement
cruelle .
L'occafion de ſe vanger
Eſt une occaſion trop belle ,
Et l'heure du Dépit , l'eſt ſouvent diu
Berger.
Si parmy la réjoüiffance
D'une Feste donnée en quelque beau Iardin
Celle que vous aimez lors que moins on
ypense ,
S'éclipse &disparoiſt ſoudain ,
Suivez-la , l'amourſe declare ,
Ce n'est pas fans deſſein que la Belles'égare.
Une Fiere veut du respect,
Cherche dansſa conduite un Amant circonfpect
,
Et qui contre lamédiſance
En tous lieux prenne sa defence ;
Son honneurſauvé de ces coups
Se defendra mal contre vous..
40 LE MERCVRE
Celle que le chagrin dévore ,
Qui ne vit que dans un grand düeil ,
Et d'une cendre qu'elle adore
Semble n'aimer que le cercüeil ,
Quoyqu'on la croyeinconfolable ,
N'estpas toûjours inexorable .
La douleur n'estant point vertu,
Nefournit que de foibles armes ,
Et l'amour est mal combatu
Par la langueur &par les larmes.
Comme ſouvent la peine irrite le defir,
Pour objet de vos voeux s'il vous plaist
de choisir
Quelque Prade à vos yeux aimable,
Ne vous allarmez point deſa grande froi-
-deur
Par vossoins, vosrespects montrez luy
voſtre ardeur ,
Et laiſſez faire au temps , il la rendra
traitable ,
Elle ne croira pas en avoir moins d'hon--
neur
Pour donner à l'amour une place en fon
fon coeur..
GALANT. 41
Je ne ſçay ſi l'Autheur de ces
Vers eft auffi bien fondé en raifon
qu'il le croit eſtre , mais je
fçay que vous en avez beaucoup,
d'eſtimer autant que vous faites
le Compliment que je vous ay
envoyé deM de Roubin. Il en a
fait un autre que vous ne ferez
pas fâchée de voir. Comme l'Académie
Royale d'Arles eſt aſſociée
à celle de Paris , & qu'elle a
toûjours pris ſoin d'entretenir
avec cet Illuftre Corps , un correfpondance
dont elle s'eftime
glorieuſe , en deputans Mr de
Roubin pour venir preſenter au
Roy l'Estampe du fuperbeObeliſque
dont je vous ay parlé la
derniere fois , elle le chargea d'en
offrir en ſuite à Meſſieurs de l'Académie
Françoiſe. L'Avis leur
en ayant eſté donné, ils luy firent:
dire par M l'Abbé Tallemant le
42 LE MERCVRE
jeune qui eft preſentement Directeur
de la Compagnie ( car on
en élitun nouveau tous les trois
mois ) qu'ils attendoient avec
beaucoup de joye l'honneur qu'il
leur vouloit faire , & que quand
il luy plairoit venir à leur Aſſemblée
, il y ſeroit tres-bien reçeu .
Sur cette affurance , ce Député
ſe rendit à l'Apartement du Lou--
vre que le Roy leur a donné pour
leurs Conferences , ſans les avoir
fait avertirdu jour. Ily fut placé
au lieu le plus honorable & avant
que leur diftribuer les Eſtampes
de l'Obeliſque qu'il leur avoit
préparées , avec des copies du
Sonnet que vous avez veu de luy
fur ce ſujet , il leur parla en ces
termes .
ESSIEURS ,
L'AcadémieRoyale d'ArGALANT.
43
10
1
les qui me procure aujourd'huy
l'honneur de paroiſtre dans cette Illustre
Assemblée , composée de tout
ce qu'ily a de plus grand&de plus
1 auguste dans la Republique des Lettres
, veut en ufer aupres de la voſtre
comme une Fille biennée , qui vient
de temps en temps rendre compte de
- fes occcupations & de ſa conduite à
fa Mere, afin dese conferver dans
fa bienveillance. C'est pour cela ,
Meſſieurs , qu'elle m'a chargé de
vousfaire part de ce ſuperbe &majestueux
Monument qui vient d'eſtre
érigéparſesſoins à l'honneur de
noſtre Invincible Monarque , &
qu'elle croit pouvoir avec justice
compter au nombre de fes ouvrages,
puis que c'est elle qui en inſpira le
premier deſſein , qui en a follicité
l'execution , & qui a conduit enfin ſi
heureusement l'entrepriſe , qu'ellea
merité non seulement les acclama44
LE MERCVRE
tions du Public , &les applaudiffemens
de la Cour , mais , ce qui luy est
encor plus glorieux , les complaiſanses
mesme du plus grand Roy de la
Terre. Jusqu'icy , Meßieurs , je l'avouë
, nos Muſes timides & tremblantes
,se défiant de leurs forces,
n'avoient encor rien entrepris de confiderable
àſa gloire ; & cedant aux
voſtres l'avantage de celebrerſes Vi-
Etoires par tout le monde , elles se
contentoient de chanter en fecret
quelques Hymnes à ſa loüange , de
brûler àfon honneur quelque grain
d'Encens , & de venir ſemer de
temps en temps quelques Fleursfur
le marche..pied de fon Trône ; mais
aujourd'huy , Meßieurs , elles portent
bien plus haut leur ambition,
& voulant donner des marques plus
éclatantes de la grandeur de leur zele
à cet incomparable Monarque,
elles viennent de luy consacrer un
GALANT.
45
Ouvrage , qui malgré l'injure des
Temps , & la violence mesme des
Eleniens , eſt aſſuréde pouvoir durer
autant que le Monde. Ne croyez pas.
neantmoins , Meßieurs , qu'il soit de
la nature de ceux que vous enfantez
tous les jours , à qui la beauté du
Stile , la fublimité des Pensées , la
force de l'Eloquence , la reputation
enfin & le merite des Autheurs,font
comme autant de garaus d'Immor
talité. Non , Meßieurs , celuy dont
je parle icy , doit cftre regardé plûtoft
comme un effort de nos mains,
que de nostre esprit , où par un beureux
artifice , ayant fait fupléer la
Nature à l'Art , & la matiere à
la forme , nous avons trouvé leſecret
de ſauver eternellement de l'Oubly ,
l'Auguste Nom de LoüIS LE
GRAND en le gravant fur le
Marbre &fur la Granite avec des
Caracteres ineffaçables. C'est en
46 LE MERCVRE
quoy , Meßieurs, je ne sçaurois m'empeſcher
de m'applaudiren fecret de
cette loüable précaution que nous
avons euë poursa gloire , quand je
confidere ſur tout à combien de malheureux
accidens ſont ſouvent expofez
les Ouvrages meſmes des plus
grands Hommes. N'est- ce pas en
effet une déplorable coustume , ou
plutoſt une malheureuſe necessité,
que celle de confier , comme on fait
tous les jours , les Veritez les plus
importantes de noſtre Histoire , à la
bonne-foy d'un Dépositaire außifoible
, außi leger , &außi périſſable
que le Papier , qu'un Enfant déchire
, que le Vent emporte , que les
Vers rongent , que l'Eau pourrit , &
que le feu consume avec tant de facilité
? En verité , Meßieurs , je
tremble pour l'intereſt des Muſes de
noſtre France , toutes les fois que je
m'imagine qu'il ne faudroit qu'une
GALAΝΤ.
47
petite étincelle pour embraser &
réduire en cendres toute la Bibliotheque
du Louvre , & priver ainſi
malheureſement la Pofteritédufruit
prétieux de tant de ſueurs & de
tant de veilles que vous conſacrez
au Public , & qui devroient immortaliſer
vos illuftres Noms dans la
memoire des Hommes , auſſi bien
que celuy de nostre Auguste Monarque.
Graces au Ciel, Meſſieurs, nous
avons trouvé le moyen de le mettre
à couvert de ces injustices de la For--
tune , & l'Académie Royale d'Arles
peut dire maintenant avec raiſon
, de ce grand & fuperbe Livre
qu'elle vient de consacrerà ſa gloire
, ce que le Poëte n'a dit autrefois
duſien que parvanité :
Exegi monumentum ære perennius
Quod non imberedax , nec Aquilo
impotens , &c.
48 LE MERCVRE
Vous en allez juger , Meßicurs, par
ces Exemplaires que je suis chargé
de vous en offrir . & que vous au
rez , s'il vous plaist , la bontéde recevoir
avec complaisance de la part
d'une Compagnie toute remplie de
Sentimens de respect & de veneration
pour la voſtre , & qui ne sou..
haiterien tant au monde que de ſe
pouvoir rendre digne par sesfervices
de cette Adoption gloricuſe dont
il vous a plû l'honorer.
Le Compliment , le Sonner &
les Estampes de l'Obeliſque, dont
celle qu'on avoit deſtinée pour
la Salle de l'Académie , eſtoit enrichie
d'une fort belle Bordure,
tout fut reçeu avec applaudiffement
de cette Illuſtre Affemblée
, au nom de laquelle le Directeur
remercia M² de Roubin
avec les termes les plus civils , &
apres
GALANT
49
après luy avoirdonné mille aſſuraces
de l'eſtime particuliere que
la Compagnie avoit toûjours euë
pour l'Académie Royale d'Arles,
itſe plaignit obligeamment de ce
que ne l'ayant pas averty dujour
qu'il avoit choiſy pour leur faire
l'honneur qu'ils recevoient , il
luy avoit ofté le moyen de ſe préparer
à luy répondre avec plus
d'ornement,&de faire tenirune
Aſſemblée extraordinairequi luy
auroit donné un plus grand nombred'Approbateurs.
Il le fuppli
cependantau nom de là Compagnie
, de vouloir donner àM² de
Mezeray , qui en eſt le Secretaire
, une copie de fon Difcours
pour la mettre dans leur Regiſtre.
On luy fit les honneurs entiers
, & ces Meffieur luydonnerent
part aux Jettons comme à
une Perſonne de leur Corps. Je
Tome VII. C
e
50
LE MERCVRE
croy , Madame ,que vous n'i
gnorez pas que c'eſt une Liberalité
duRoy qui leur donne quarante
lettons d'argent pour chaque
Seance. Ilgilout diſtribuez
à ceux qui s'y rencontrent , &
beaucoup d'entre eux ſe font
honneur de s'y louver pour les
Fecevoir! Comme les chofesdé
pe
pendent quelquefois autant de
la maniere dont elles font tournées
, que de ce qu'elles valent
par elles-meſimes , la Ville d'Arles
a bien lieu d'eſtre fatisfaite,
puis que fi le zele qu'elle a pour
Le Roy luy a fait faire de la dépenſe
, on peut dire que Mede
Roubin en a relevé le prix. L'A
cadémie qui l'a choifi dans fon
Corps pour cette Députation,
ne doit pas eſtre moins contente
d'avoir nonumeunes Perdonne
dont d'Esprit a fi avantageufe
GALANT5
i ment ſoûtenu la réputation que
cette Compagnie s'eſt acquiſe
parmy ceux qui connoiffent ce
que c'eſt que les belles Lettres.
Vos Amies ſe revolteront peuteſtre
contre deux Vers Latins
employez dans le Compliment;
mais elles doivent ſonger qu'ils
ont bonne grace avec des Sçavans
,& je me raporte à ce que
vous leur direz , fi elles vous en
demandent l'explication .
Ces Affemblées d'Hommes
choifis pour les belles Connoiffances
, font jugées ſi neceſſaires
dans tous les Eſtats bien policez ,
qu'à l'exemple de l'Academie
Françoife ,Madame Royale en
établitune àTurin. Les Séances
s'en doivent tenirdans l'unde fes
Palais , où Son Alteffe Royale inſtitue
une autre Académie pour
tous les exercices du Corps qui
Cij
52
LE MERCVRE
peuvent perfectionner un Gentil-
homme. Elle choifit pour cela
les plus habiles Maiſtres qu'on
puiſſe trouver. Ce n'eſt pas la
ſeule marque que cette grande
Princeſſe donne à ſes Sujets du
foin qu'elle a de leurs avantages .
La recoltedes Grains ayant eſté
tres-médiocre cette année enPiémont
, elle n'a pû voir ce que ſes
Peuples auroient à foufrir de cette
difette , ſans que fa bonté ſe
foit intereſſée à les fecourir. Les
groſſes ſommes d'argent qu'elle
a répanduës pour faire venir des
Grains dedehors , ontrepare l'indigence
où ils ſe trouvoient &
par ſa genérofité accoûtumée
elle a fait naître pour eux l'abondance
au milieu de la ſterilité.
Je me réjouis avec vous ,Madame,
de ce que vous avez des
Amies d'un eſprit ſi vif& fi éclaiGALANT.
1-
L
He
e
ل
ré , qu'elles n'ont point eu beſoin
de l'Explication que je vous envoyay
la derniere fois de l'Enigime
de la Lettre R. pour deviner
ce que c'eſtoit. Quoy que
bien des Gens ayent inutilement
tâché d'en venir à bout , je veux
croire qu'elles n'en ont point eſté
embaraffees ; & puis qu'elles ont
tant de facilité à déveloper les
choſes obfcures, demandez-leur,
je vous prie , quel peut eſtre le
ſens de ces vers.
ENIGME.
DAns un double &sombre parterre
Eclairez de rayons divers,
I'allume unefondaine querre
Entre deux Amis que je ſers.
l'intereffe dans leurs querelles
Vngrand nombre de Demoiselles
S
Ciij
54 LE MERCVRE
Quifontmille cris éclatans. 1.
Cependant toute la Dispute
Finit entre les Combatans ,
Par la bizarre culebute
Des refßes d'un Squelete affreux
Brusquement fortis de leurs creux.
3

Voila dequoy exercer vos fpirituelles
Amies. Je leur laiſſe le
plaiſir entier de deviner , & ne
leur feray point le tort de vous
envoyer le mot de l'Enigme. Si
elies ne l'attrapent pas , le ſecours
eft preſt. Il ne vous coûtera que
lapeinede le demander , & vous
l'apprendrez dans ma Lettre du
Mois prochain. Je voudrois qu'il
n'en coûtaſt pas davantage pour
avoir ce que fait Monfieur le Duc.
de S.Aignan ; mais comme il n'en
garde point de Copies , on n'a de
luy que ce que le hazard fait recouvrer
de ceux à qui il peut l'avoir
adreſſé . C'eſt par cemoyen
GALANT. 55
que la Ballade qui fuit m'eſt tombée
entre les mains.
1.13
2.
BALLADE
AUROY
Harmant & glorieux Vainqueur
CQui metteztous sous vostre Empire,
Cequi ſe paſſe dans mon coeur
Vous voulez donc l'aprendre , SIRE ?
Helas !àtouteheure il ſoupire ,
Etdit accablé de travaux ,
Que brûler&ne l'ofer dire ,
Eft leplus grandde tous les manx.

Mon esprit n'aplus de vigueur ,
Rienn'estpareil à monmartyre ,
Et dans l'excésdema langueur
Lenesçay ce que je defire.
Achaque instantmonmal empire
Iay des laloux,j'ay des Rivaux;
Mais brûler ne l'ofer dire ,
Est le plus grandde tous mes maux.
Civ
36 LE MERCVRE
Onvoitma trifte conleur STUNG SA
Vn changement que l'on admire.
L'excés de ma vive douleur
Tous les plaiſirs vient m'interdire.
Lenesçaysi l'on peut décrire
Des tourmens qui n'ont point d'égauxz
Mais brûler &ne l'ofer dire
Eft leplus granddetous les maux.
ENVOY.
Ah !GrandRoy,voit-on rien depire,
Entre lesplus fiers Animaux ,
Que l'Hominefujet àmédire ;
Et brûler & l'ofer dire ,
N'est-cepas leplus grand des maux ?
Vous voyez , Madame quele
Génie de Monfieur le Duc de S.
Aignan eſt univerfel , & que la
contrainte des Rimes qui embarafle
dans ces fortes d'Ouvrages,
ne luy ofte riende fa facilité ordinaire
à s'exprimer. Il donne
Vvi O
GALAN T. 57
toûjours ſes ordres dans ſonGouvernement
avec une application
qui met les Rades du Havre dans
une entiere ſeûreté , & les Armateurs
ennemis ne ſe hazardent
plus à faire aucune entrepriſe de
ce coſté là , depuis que le Roy
huy a fait l'honneur de luy donner
une Barque longue toute équipée
, avec laquelle il empeſchera
facilement ces Pyrates de troubler
le commerce comme ils avoient
accoutumé.
Au reſte , Madame , doutez
tant qu'il vousplaira que le Solitaire
dont vous avez appris l'avanture
par ma derniere Lettre,
ait paſſe ſi aveuglementde l'Indiférence
à l'Amour , je puis vous
affurer qu'il n'y a rien de plus
vray que leProcés intenté par le
Pere pour faire caffer fon Mariage.
S'il y a quelque choſe qui
C V
58 LE MERCVRE
vous bleſſe dans la Perſonne qu'il
avoit choiſie pour faire renoncer
ſon Fils à l'inſenſibilité , vous
ne devez point vous en prendre
à moy , qui aime mieux vous
conter les chofes dans leurs plus
veritables circonstances , que de
les falfifier pour les embellir. I
en arrive tous les jours de fi extraordinaires
, que toutes vrayes
qu'elles font , elles ſemblent quelquefois
s'eloigner du vray- femblable.
Ainſi je ne doute point
qu'il ne ſe trouve des Incrédules
fur l'Histoire de la Fauſſe Provençale.
Quoy qu'en vous l'écri
vant je n'aye fait que ſuivre les
Memoires quim'en ont eſtédonnez
, vous aurez peut- eftre peine
vous- meſmes à vous perfuader
qu'un Mary puiffe parler à
ſa propre Femme , & s'imaginer
qu'elle ne la foit pas. Mais outre
GALANT
le Langage Provençal qui luy de
voiteſtre inconnu , & les autres
particularitez qui établiſſent le
Fait , combien avons-nous veu
deGens ſe tromper à la reffemblance
des traits L'affaire de
Martin Guerre qui a fait antre
fois tant de bruit au Parlement
de Toulouſe , en eſt une preuve
incontestable , & en voicy tin
exemple fort récent dont je vous
vay faire le détail en peu de mors.
Il n'y a qu'un mois ou deux
qu'un Milord ayant une Charge
fort confiderable dans la Maifon
du Roy d'Angleterre , ent difé
rentavec deux Seigneurs de cette
Nation , contre leſquels, furquelques
paroles facheuſes qui leur
échaperent , il fut obligé de mettrel'épée
à la main. Il en demeu
ra un ſur la place , & cette mort
hiye fit pafler promptement la
Cvj
60 LE MERCVRE
Mer pour ſe mettre à couvertdes
pourſuites qu'il devoit craindre.
Son Pere qui eft, un fort grand
Seigneur , & tres-riche , donna
ſes ordres ſur l'heure en diferens
lieux où le Milord pouvoit s'eſtre
retiré , & il écrivit entr'autres à
un Banquier de Paris de fa connoiſſance,
pour le prier, ſi ſon Fils
s'adreſſoit à luy, de ne luy refuſer
pas l'aſſiſtance de ſa Bourse. La
Lettre eſt renduë au Banquiery
qui le lendemain reçoit unBillet
du Milord. Ce Billeteſtoit un avis
de ſon arrivée à Versailles , & un
honneſte empruntde cent Piſto
les qu'il le prioit de donner au
preſent Porteur. Le Banquier
qui avoit eu déja des affaires avec
luy dans un Voyage qu'il avoit -
fait en France , examine l'écriture
, la reconnoiſt , s'informe de
bien des choſes ſur leſquelles on
GALANT. беF
S
1
Huy répond juſte ,& compte auffitoſt
l'argent. Autre Billet à un
nommé Goüin, Tailleur Anglois.
Le caractere luy estoit connu , &
fur cette caution il accompagne
l'Agent du Milord chez divers
Marchands. Onleve des Etoffes,
on choiſit des Point de France :
tout fuit Plumes ,
Perruquesto
Baundrier , Rubans ; gain raifonnable,
& credit par tour. La fa
cilité des Preſteurs engage leMilord
à doubler fon équipage. Ils
fourniffent de nouveau ,& celuy
qui a déja donné du Point: de
France , eſt le ſeul qui refuſe de
s'embarquer plus loin fans ſçavoir
qui le payera. On luy nomme
le Banquier. Ikle va trouver;
prend fa parole , & continue à
faire credit. Cependantle Milord
fait fort grand' chere à Veſailles.
Il ſe donne les violons & les
62 LE MERCVRE
Hautsbois , & fa dépense ayant
fait bruit , on s'étonne de ne le
point voir chez les Perſonnes de
qualité d'Angleterre qui font à la
Cour. Ceux avec qui il eſt entré
en commerce de plaifirs luy en
demandent la caufe. Il répond
qu'il n'eſt point de condition à
aller chercher les Gens. Cette
réponſe ſi peu digne de celuy
qu'il ſe diſoit eſtre , fair ſoupconner
quelque fourberie. On I obferve
, il s'en apperçoit , & trouve
à propos de décamper. Il part
de nuit avec ſon Agent , & fa
fuite ne laiffe plus douter de la
verité.C'estoit en effet un faux
Milord qui avoit ſibien copié le
veritable , que le Banquier qui
Lay avoit parle deux fois n'avoit
pu connoiſtre quile dupoit.Com
me il en avoit tous les traits, il
s'eſtoit attaché àcontrefaire fon
GALANT. 63
t
1
}
écriture ,& elle estoit ſi ſemblable
, que tout autre s'y fuſt laiffé
attraper. Le Marchand de Point
de France alla trouver le Banquier.
Il paya les choſes dont il
avoit répondu, & les autres Marchands
ont pris patience.....
Nous avons eu des nouvelles
de Conſtantinople qui nous ap
prennent que M le Marquis de
Nointel noftre Ambaſſadeur à la
Porte , y avoit ſoûrenu comme il
devoit la Dignité de ſon caracteke.
Il s'apperçeut à ſa premiere
Audiance du Grand Vifir , que
le Siege qu'on luy donnoit , n'e
ſtoit point àl'ordinaire vis-à-vis
du ſien fur le Sofa , qui eſt un
Tapis en façon d'Eſtrade. Il en
voulut prendre un autre dont
deux Turcs ſe ſaifirent pour l'en
empeſcher. Il le leur arracha des
mains , & le mitſur le Sofa ,où il
64 LE MERCVRE
s'affit en attendant l'arrivée du
Grand Viſir qui estoit alors au
Divan. On courut l'avertir de
l'action de M de Nointel , auquel
il envoya dire par Mauro
Cordato ſon premier Drogman ,
qu'il ne luy donneroit point Audience
,s'il n'eſtoit aſſis hors du
Sofa . Mr de Nointel répondit au
Drogman que le Grand Viſir
pouvoit ordonner de fon Siege,
mais non pasde fa Perſonne , &
s'en alla dans le mefme inſtant.
LeGrand Vifir luy a fait dire depuis
qu'il ne laiſſeroit pas de luy
accorder comme auparavant tou
tes les chofes qui regardoient le
Commerce, fuivant les Capitulations
qui en avoient eſté faites.
Il eſt certain que cette entrepriſe
ne le fait point particulierement
contre la France. Les mefmes raifons
ont empefche d'autres AmGALANT.
6g
baffadeurs d'aller à l'Audience.
C'eſt une innovation que veut
faire le nouveau Grand Viſir qui
cherche à ſe diftinguerpar quelque
choſe de ceux qu'on a veus
dansle meſme Employ. Il paroiſt
fort fier , & l'on remarque qu'il
ne donne point le Caffetan aux
Ambaſfadeurs, ou pour m'expliquermieux
, qu'il ne leur donne
point de Veſte ,& qu'il ſe contente
de leur faire preſenter le
Caffé , le Sorbec & le Parfum,
ſans le prendre avec eux , à l'exemple
de ſon Predeceffeur.
Comme je ne ſuis pas accouſtu
mé au Sorbec , &que je ne m'accommode
point du Parfum , j'ay
bien de la peine à croire que cela
vaille la Collation inpromptu
qu'une Dame donna ilyaquelques
jours à deux de ſes amies,
&àtrois Cavaliers qui ſe trouve66
LE MERCVRE
-
rent chez elle. Les Confituresn'y
furent point épargnées , elles
donnerent lien aux douceurs qui
furent dites aux Belles . Toutes
les trois valent bien qu'on leur en
conte ; & les Cavaliers ayant de
Peſprit , & fe meflant de faire des
Vers , l'Inpronipui de la Collation
fut cauſe qu'on leur en demanda
un à chacun d'eux pour
celle des Dames que le hazard
luy deſtineroit . On tira au fort,
& le premier qui prit un Billet
ne fut pas faché de voir qu'il
eſtoit remply du Nom d'une aimable
Brune à qui il y avoit déja
quelque temps qu'il en contoit. II
fit pour elle ceMadrigal.
REPROCHE DE N'AIMER
point affez .
7
C'est pour vostre interest plutoſt que
pourmoy mesme ,
GALANT. 67
Que vous devez m'aimer autant que je
vous aime.
Si vostre amour estoit égal au mien
Vous gousteriez cent douceurs que je
gouste,
Vous vous feriez milleplaiſirs de rien.
Pour n'aimer pas affez voila ce qu'il en
couste. 2
Ab , Philis , vousy perdez bien.
La Dame qui donnoit la Collation
, fut celle pour qui le ſecond
eut à faire un Inpromptu,
& il en prit le ſujet ſur la profufion
de ſes Confitures...
CONFITURES DONNE ES.
TRO Rouveroit-on , Iris , des ames affez
dures
Pour ne pas adorer &vous & vos bienfaits
?
Vous joignez la douceur de vos divins
attraits ,
Acelle de vos Confitures.
Cependant n'en déplaiſe à toutes vosfam
veurs ,
68 LE MERCVRE
Le meplains au milieu de mes bonnesfortunes
:
Au lieu de me donner , Iris , tant dedouceurs,
Helas ! dites-men quelques-unes.
Vosappasfont doux à mes yeux ,
VosConfituresà ma bouche
Mais mon coeur merite bien mieux
Quelqu'autre douceur qui le touche.
Le nom de la troiſiéme Dame
fut tiré par un Cavalier qui ne
P'avoitjamais veuë avant ce jour
là. Elle eft blonde ,a le teint vif,
& les yeux ſi perçans , qu'en
ayant eſté charmé d'abord , il ne
s'en falloit guere qu'il ne luy euſt
déja fait une declaration en for
me. Ce fut là- deſſus qu'il fit ces
Vers.
PASSION NAISSANTE .
roy déja d'un armour si rendre
lemeſens le coeur enflame !
Deux велиx yeux dez l'abord ont- ils dû
meSurprendre !
GALAN T. 69
C'est trop tost en estre charmé.
Pourquoy ne me pas mieux defendre?
Aimerois-je autrement quand je ferois
aimé?
Je ne ſçay ce qui en arrivera.
L'Auteur de ce dernier Inpromptu
ſemble eſtre touché tout de
bondu merite de la Dame qui le
trouve fort à ſon gré . Il la voit
chez elle , luy rend de grands
foins , & ce qui n'a commencé
que par uneGalanteried'enjoüement
, pourra finir par un attachement
veritable. Ce ſont des
coups ordinaires de l'Amour. Il a
cauſé depuis peuun des plus bizarres
Incidens dont vous ayez
jamais entendu parler , & voicy
de quelle maniere.
Une jeune Veuve dont la
beauté attiroit des Soûpirans ,
l'eſprit des louanges ,& l'air co--
quet des railleries, avoit l'adreſſe
3
70 LE MERCVRE
de ménagertrois Amans que des
raiſons d'intereſt ou de vanité
luy avoient fait choiſir d'un affez
diferent caractere . L'un eftoit un
jeûne Etouurdy , Marquis à bon
titre , un peu gueux , mais bien
fait,& fort capable de ſe faire ai -
mer. Il avoit l'air bon , ne manquoit
de rien en apparence , &
vivoit avec tout l'éclat qu'auroit
pû faire un Homme de ſa naiffance,
à qui la Fortune auroit été
plus favorable qu'à luy. L'autre
eſtoit un petit Vieillard,toûjours
propre , de bonne humeur , liberal
, & cette derniere qualité valoit
bien qu'on ne prit point garde
à ſes années. Il avoit eſté autrefois
Banquier , s'eſtoit meſlé
enfuite de plus d'une affaire , &
pardes voyes inconnuës, il avoit
trouvé moyen de ſe rendre un
des plus riches Roturiers du
GALANT. 71T
Royaume. Les Viſites du Marquis
luy faifoient paſſer de méchans
momens , ſes grands airs
n'eſtoient point à ſon uſage , &
c'eſtoit quelque choſe de fi redoutable
pour luy , qu'il eſtoit
contraint de quiter la place ſi -tôt
qu'il entroit. Il en avoit faires
plaintes à la Dame , qui nos en N
incommodoit pas. Elle tournoit
finement les choſes ,&deux ou
trois paroles flateuſes menoient
le bon Homme où elle vouloit.
Son troifiéme Amant eſtoit d'une
eſpece oppoſée à l'un& à l'autre.
Il tenoit le milieu entre le Marquis
&ile Banquier. Une Charge
deRobe de rendoit confiderable,
&& il n'avoit rien d'ailleurs qui le
fit diftinguer. Point de defaut remarquable
, point de vertu parti.
culiere, il fervoit ſes Amis,& fans
élevation ny baffeſſe il s'eſtoit
72 LE MERCVRE
acquis la réputation d'honneſte
Homme. La belle Veuve l'attendoit
un foir: Les jours eſtoient
longs , & il ne devoit venirque
fort tard. Une raiſon importante
lobligeoit d'en ufer ainfi. Elle
avoit un Procés dont il eſtoit Raporteur
, & fi on l'euſt veu entrer
chez elle , ſes Parties auroient
eu droit de le récufer. Elle
croyoit le petit Vieillard à l'une
de ſes Terres , le Marquis ne de
voit pas revenir fi -toſt de la
Cour,& fur cette afſurance elle
avoit donné le rendez -vous; mais
comme les Coquetes font nées
pour les Avantures , le Vieillard
entra lors qu'elle y penſoit le
moins. Il eſtoit dans ſa propreté
ordinaire. Un Habit de Tafetas
noir tout chamarré de Dentelle,
le Bas de foye bien tiré Perru
E
que blonde , & un Rabat d'un
Point
GALANT 73
Point de France admirable. A
peine eut- il dit à la Veuve que
Pimpatience de la revoir hay
avoit fait précipiter ſon retour,
qu'on entendit le bruit d'un Carroſſe
à fix Chevaux. Il arreſta devant
ſa Maiſon , on en defcendit
avec grand fracas , on heurta
fort rudement à la Porte , & l'on
entra de plein - pied , fans s'informer
ſi on eſtoit en humeur
de voir les Gens . La Dame preſta
l'oreille , & au bruit qui ſe faifoit
, elle n'eut pas de peine à
connoiſtre les manieres du Marquis.
Elle s'en trouva embaraffée
, il commençoit à faire nuit,
le Confeiller devoit venir à onze
heures,& pour ne ſe point brouiller
avec luy , il falloit ſe défaire
dedeux Amans. Le Vieillard n'e
ſtoit pas moins en peine de ſon
coſté , l'heure induë pour un
Tome VII. D
74 LE MERCVRE
Homme de fa forte le pouvoit
rendre ſuſpect au Marquis dont
il avoit déja eſſuyé quelquebrufquerie
,& ne voulant s'expoſer
ny à ſes emportemens jaloux,
ny à ſe voir traité en petit Bourgeois
, il témoigna fon inquiétude
à la Veuve. Elle en fut ra
vie , & luy propoſa d'entrer dans
un Balcon aupres duquel il eſtoit
affis. Le Party luy plût , il ouvrit
promptement leBalcon ,&n'eut
que le temps d'en faire fermer la
Porte apres qu'il s'y fur jetté. Le
Marquis dit d'abord à la belle
Veuve qu'il n'eſtoit venu que
pour elle ſeule , ayant à le trouver
le lendemain au lever du
Roy ; que ſes Chevaux eſtant
fatiguez , il s'eſtoit mis dans le
Carroffe d'un Duc de ſes Amis,
qui l'avoit deſcendu à la Porte,
&qu'il eſperoit qu'elle voudroit
GALANT.
75
bien luy preſter le ſien pour le
ramener chez luy quand il feroit
temps de la quitter. Elle y
confentit,& apres avoir donné
ordre qu'on avertiſt ſon Cocher
de ſe tenir preſt , elle entra en
converſation avecle Marquis. If
luy parla de fon amour , luy fit
quelques reproches de certaines
viſites qu'elle recevoit , & luy
demanda fur tout des nouvelles
du petit Banquier qu'on luy faiſoit
le tort dans le mondede luy
donner pour Amant. Il le tourna
en ridicule , & adjoûta que s'il le
rencontroit encore chez elle
comme il avoit déja fait , il, ne
manqueroit pas à le divertir
agreablement. La Dame qui avoit
intereſt à ſe conferver le petit
Vieillard , & qui n'eſtant que
Coquete,n'aimoit pas qu'on fiſt
leSouverain avec elle , releva fes
Dij
76 LE MERCVRE
paroles d'un ton plus hautquele
fien ,& luy ayant dit qu'elle ne
devoit compte de ſes actions à
perſonne. Elle luy témoigna fierementque
s'il ne luy rendoit des
foins que dans l'efperance du
droit de maiſtriſe , il ne fe pouvoit
plus mal adreffer. Le Marquis
luy réponditque ſon deſſein
n'eſtoit pas de prendre aucune
autorité ſur ſes ſentimens , qu'il
diſputeroit volontiers ſon coeur
avec un autre , mais qu'il y alloit
de ſagloire de ne pas fouffrir un
Rivalqu'elle ne luy pouvoit donner
fans ſe faire tort à elle-mefme.
Ces jaloufies de gloire ne
fatisfirent point la belle Veuve.
Elle pretendit qu'elles faifoient
voir trop peu de tendreffe , &
que ſi on en devoit pardonner
quelques-unes , ce ne pouvoit
eſtre que celles qui estoient cauGALANT.
77
7
lées par l'amour. Il ſe dit là-deffus
des choſes affez délicates. Le
Marquis demeura dans ſon chagrin
, & ne pat s'empeſcher de
faire connoiſtre à la Dame qu'il
l'eſtimoit trop pour la ſoupçonner
de répondre à la paffion du
Banquier ; mais que fi ces petits
Meſſieurs n'avoient pas dans leur
perſonne dequoy ſe faire aimer
comme les Gens dequalité , ils ſe
faifoient fouffrir par de certains
endroits ... La Veuve ne le laiſſa
pas achever. Sa fierté luy fit dire
quelque chofe de choquant pour
luy , qu'il voulut bien endurer
d'elle , mais dont, il fit porter la
peine à ſon Rival , en redoublant
les menaces qu'il avoit déja faites
de le divertir à la premiere
occafion. Il parloit fi haut , que
le Vieillard qui entendoit tout,
trembloit de crainte dans leBal-
Diij
78 LE MERCVRE
conoù il s'eſtoit enfermé , mais il
n'en fut pas quitte pour cela , &
preſque auſſi-toſt if trembla de
froid , quoy que la chaleur fut
fort grande. Le Tonnere qui avoit
commencé à gronder éclata
tout-à-coup avec tantde violen
ce qu'il ne s'eſtoit veu de longtemps
un pareil orage. Il fur fuivy
de la pluye , qui tombant en
abondance eut bientoſt colé l'Habit
de tafetas contre la peau de
ce pauvre Amant tranſy. Apres
qu'elle fut un peu diminuée , le
Marquis dit qu'il falloit voir fur
leBalcon ſi elle estoit encor bien
forte. Ces paroles mirent le Vieillard
dans de nouvelles. frayeurs.
La Veuve qui estoit aſſiſe aupres
du Balcon , l'entrouvrit fans balancer,
Elle avança ſa main qu'elle
retira auſſi-toſt en le refermant
avec précipitation ,& diſant que
GALANT
1 la pluye ceſſoit , mais qu'il faifoit
un vent horrible. Elle demanda
en meſme temps fi on avoit mis
les Chevaux àfon Carroffe. Au
tre embarras qu'elle n'avoit point
préveu. Son Cocher à qui on
avoitdit qu'elle ne ſortiroit point
ce foir là,estoit allé boire en
lieu où il fut impoſſible de le
trouver. Cette nouvelle la defef
pere. Un grand Laquais qu'elle
avoit , eſtoit dans l'accez d'une
groffe fièvre , il ne luy en reſtoit
qu'unpetit incapable de condui
re ſes Chevaux , l'heure s'avançoit
,& elle craignoit l'arrivée du
Confeiller. Son inquietude paroift.
Le Marquis qui n'en ſçait
point la veritable raifon , la prie
de neſe point impatienter. Ill'affure
denouveau que la ſeule envie
de la voir l'afait venir à Paris
, luy dit que c'eſt un plaifir
Div
80 LE MERCVRE
qu'il ne sçauroit avoir trop long
temps ,&attendant que fon Cocher
fot revenu , il luy demande
fi elle veut ſe divertir à joüer. Le
Vieillardqui écoute tout , ne ſçait
où il en eſt de ce redoublement
de diſgrace. La pluye l'avoit enrûmé
, l'envie de touffer le prend,
il y reſiſte autant qu'il peut , &
n'ofant ſe moucher, ny cracher ,
ny éternuër , il ne s'en faut
guere qu'il n'étouffe. La Dame
ne paſſe pas mieux ſon temps
que luy. Elle veut ſe tirer d'affaire
à quelque prix que ce ſoit,
&n'en trouve point d'autre moyen
que de declarer franchement
au Marquis que fon Cocher ne
rentrant quelquefois que le matin
, elle ne pretend point luy laifſer
paſſer la nuit chez elle , &
ſe perdre d'honneur pour luy
épargner la fatigue de s'en reGALANT.
81
tourner à pied. Le Marquis répondque
fi elle ne luy avoit pas
promis fon Carroffe , il ſe ſeroit
aſſuré d'un autre , & qu'il n'y
a pas lieu de demander qu'un
Homme comme luy , qui demeure
dans un Quartier tres- éloigné,
traverſe tout Paris au milieu des
bouës que la pluye a faites. Ces
raiſons ne font point reçeuës. Il
ira où il luy plaira , mais abfolument
il ne paſſera point la nuit
chez elle. Ils s'aigriffent tous
deux fur cette Difpute , ſe levent
de deſſus leurs Sieges , & fe promenent
dans la Chambre en ſe
querellant. Le Marquis entre dans
une Garderobe où il voit la Demoiſelle
de la Dame. Elle estoit
de leur confidence , & il s'arreſte
à luy faire des plaintes de fa Maiſtreſſe.
La veuve prend ce temps
pour tirer le Vieillard du Balcon,
D V
8 , LE MERCVRE
elle le mene fur l'Escalier , & le
conjure prefque à genoux de la
delivrer du Marquis. L'expedient
qu'elle en trouve eſt de deſcendre
àl'Ecurie , de mettre les Chevaux
à fon Carroſſe , de s'enve
loper dans un vieux Manteau de
Maiſtre Robert ſon Cocher qui
reftoit toûjours au Logis ,de paf..
fer pour luy , & de ramener fon
Rival. La propoſition luy paroiſt
extravagante , il la rejette avec
colere ,& ne fonge qu'à s'aller ſecher.
Elle ne fe rebute point , le
preſſe , l'embaraffe à force de
raiſons ; & fur ce qu'illuy oppoſe
qu'il fera verſer le Carroffeparce
qu'il ne le ſçait pas mener , elle
luy dit que ſes Chevaux ſontfaciles
à conduire ,&que n'y ayant
point d'embarras la nuitdans les
Ruës , il faut qu'il manque d'amour
pour elle , s'il s'obſtine à la
GALANT.
83
refufer. Tout cela ne le perfuade
point. L'impatience la prend ,&
elle va juſqu'à le menacerd'aller
dire ſur l'heure au Marquis qu'elle
vient de le ſurprendre caché
chez elle, épiant ſes actions.L'envie
de plaire ſe meſle à la peur
que luy donne cette menace. Il fe
laiſſe mener à l'Ecurie , met les
Chevaux au Carroſſe le mieux
qu'il peut ,& apres qu'il s'eſt envelopé
du vieux Manteau de
Maiſtre Robert , on avertit le
Marquis que le Cocher eft rentré
, & qu'il peut deſcendre. Le
Marquis dit adieu à la Dame
affez froidement , ſe jette dans
le Carroſſe avec un air chagrin,
& s'eftant laiſſe conduire par fon
Rival , il luy donne un Demy-
Loüis d'or en defcendant. A peine
eſtoit-il forty de chez la Veuve
, que le Conſeiller qui pen
Dvj
84 LE MERCURE
dant la pluye n'avoit pas voulu
faire marcher deux uniques Chevaux
qu'il avoit , prit fon heure
pour l'entretenir. Il entra ſans
bruit , ayant laiſſe ſon Carroffe au
bout de la Ruë pour éloigner le
foupçon. Le petit Vieillard ramena
celuy de la Dame à laquelle
il voulut inutilement donner le
bon foir. On luy dit qu'elle dor-)
moit. II demanda fi l'on n'avoit
point veu ſesGens , & fi lon ne
luy avoit point amené de Chaiſe
, ſuivant l'ordre qu'il en avoit
donné. On luy répondit qu'on
n'avoit veu perſonne , mais on
les avoit renvoyez de peur qu'ils
ne viſſent entrer le Conſeiller ::
De forte qu'apres avoit ſervy de
Cocher à fon Rival , il fut contraint
de s'en retourner à pied
fans autre récompenſe de ſes frayeurs&
de ſes peines ,que celle
3
GALANT. 85
D
du Demy-Lois qu'il avoit eſté
obligé de recevoir.
t
13
L'Avanture eſt fort récente,
& vous connoiſſez la.Dame qui
s'eſt ſi adroitement tirée de tant
d'embarras : C'eſt celle que vous
rencontrâtes ily a deux ans chez
Madame la Comteſſe de *** qui
a tantde grace à dire des Vers,
&qui en dit alors quelques-uns
deM' Boyer fur les Conqueftes
du Roy , dont vous, luy demandâtes
une copie. Vous vous fouviendrez
qu'elle ne vous la put
donner , parce qu'elle n'en ſçavoit
que des endroits détachez.
J'ay enfin recouvré la Piece entiere
, qui pourin'eſtre pas toute
nouvelle , n'en merite pas moins
la curiofité que vous avez déja
euëde la voir. Elle fut faite apres
la mort de Ruyter , & la Défaite
de la Flote Eſpagnole devant Pa86
LE MERCVRE
ferme. Me Boyer fait toûjours de
tres-beaux Vers , iln'y a perſonne
qui n'en convienne , mais j'en
ay peu veu de luy qui ſoient
mieux tournez & plus également
foûtenus que ceux-cy. Je vous en
laiſſe jugervous-mefme .
やややややややややややや村村
POVR LE ROY.
VERS IRREGVLIERS.
Q
A l'Académie Françoiſe.
1
Vel éclat s'offre encore à
ébloüis ?
mesyeux
Quel bruit ſe répand ſur la terre ,
Et fait tant d'honneur à Loüis ?
Toujours vainqueur , toûjours plus craint
que te Tonnerre ,
Ses Ennemis par tout battus ou mépriſez ,
Toute la Flandre désolée ,
Toute la Sicile ébranlés fol
GALANT. 87
Ruyter mort des Vaiſſfeaux abiſmez, em
brafez,
Quelle richemoiffon de gloire.
Pour en celebrer la memoire ,
Qu'on nem'impose point de Loix
Dont la contrainte eft incomode ;
Lene puis ajuster ma voix.
Surle ton meſuré du Sonnet & de l'Ode:
Neſuivons plus nyregle,ny methode
Pour chanter de fi grands Exploits.
Quen'ay-je dans l'ardeur dont j'ay l'ame
enftamée
Ces transports éloquens , ces fçavantes
fureurs
Dont les Chantres fameux enfloient la
Renommée
Etdespremiers Héros , &des premiers
Vainqueurs !
Que n'ay-je tout l'encens , avec toutes les
fleurs,
Dont onvitautrefais couverte & parfu
mée
La Route des Triomphateurs !
Muses,je ne veuxpointvosfaveurs or
dinaires ,
Ou plûtost je renance à vos vaines chi
meres.. ટુ-* -*
88 LE MERCVRE
Vostre faux Apollon , fon fabuleux pou
voir ,
Vosfontaines, tous vos miſteres
Abuſent trop long-temps noſtre credule
espoir,
C'eſt icy que sans vous il m'eſt permis de
voir
Les fidelles Dépositaires
* De l'Eloquence & du Sçavoir.
Vous donc ,mes chers Rivaux ,dont l'éclat
m'environe
و
Fourniffez-moy cet amas de Lauriers
Dont je veux aujourd'buy former une
Couronne
Pourleplus grand des Rois &des Guer
riers.
Ecoutez aujourd'huy vostre illustre Mecene
,
Obeiffez à cette voix.
Quiparmy nous doit estre fouveraine,
Etquidans les Conſeils du plus ſagedes
Rois
Ne trouve rienque par fon poids
- Elle ne furmonte n'entraine ;
Luy- meſme pour vous aniner
Interrompt ſes travaux , vous exhorte,
vous preffe
GALANT. 89
Se mefle aux beaux Concerts que vous devezformer.
Ace zele infiny qui te brûlefans ceſſe,
Poëtes , Orateurs , laiſſez-vous enflamer..
Pour vous à qui Loüis a confié l'Histoire
D'une vie abondante en Exploits fi
gnalez.
Pour en transmettre la memoire
Aux Siecles les plus reculez ,
Faites-c. in recit&fidelle &fincere.
Point de vains
emprunté...
ornemens , point d'éclat
C'est le plus grand effort que vostre Art
puiſſe faire ,
Que d'en mettre en plein jour laſimple
verité.
Laiffez aux Ennemis , quand tout lear
eft contraire.
L'artifice honteux d'un Triomphe in
venté ;
Laissez leur ,pour pouvoir conſoler leur
mifere ,
La ridicule vanité
D'une Victoire imaginaire.
)
90 LE MERCVRE
Dans un Récit naif, montrez parquels
efforts
Par quels afſauts , par quelles funerailles,
Quand l'épée à la main nousforcions des
muraillestol
L'Escaut a ven rougirfes bords:
Dequels mursfaudroyez il vitfumer fes
rives;
Quel nombre il entraîna de morts&de
mourans ,
Et de quelsang qui couloit en torrens,
Il vit haſterſes ondesfugitives.
Dites-nous quel prodige ouquel enchantement
,
Rend l'Armée ennemie étonnée & confuse
,
Et quelle nouvelleMeduse
Ofte à cent mille bras l'aime & le mouve
ment ?
Faites nous voir l'Ibere & le Batave
Tous tremblans à l'aspect d'un Roy victorieux
,
Comme on voit à l'aspect d'un Maistre
impérieux
Vnfoible & malheureux Esclave.
GALANT. 91

fas
60%
10
k
Racontez- nous avec quelle chaleur
On vit fondrefur nous des Troupes afſem
blées ,
Puissefauverconfuses &troublées,
Et repaffer le Rhin avec tant de frayeur.
Ne fardez point pardes Contes frivoles
Des Faitsfi beaux , fi glorieux :
Que le Vaincumenace &triomphe enparoles
,
Etpardefaux Exploits s'éleve jusqu'ause
Cieux,
Nos fimples veritez paffent leurs hyperboles..
Comme plangez dans un profondfommeil
,
Les Ennemis se paiſſent de beauх
Songes,
: Mais enfinvaicy le réveil
Qui va diffiper ces mensonges.
Quen'attendoient-ilspas de cet immense
Corps
De fieres Nations contre nous ramassées!
Ilsse flatoient de voirpar leurs communs
efforts
Toutes nos forcesrenversées.
Cependant un Roy ſeul ſans en estre al-
Larmé,
91 LE MERCVRE
Fait teste à l'Univers armé.
Ilfaitplus,d'une main ce Prince redou
table
Combat les effortdangereux
D'une Lignesi formidable ,
Etde l'autre en Roy genereux ,
Par une valeurfecourable
- Il fauve un Peuple malheureux.
Et briſe le joug qui l'accable.
Quel espoir, quel orgueil vous eft encor
permis
- Dans une Guerre fi funeste ?
Tremblezſuperbes Ennemis ,
Ruyter est tout ce qui vous reste.
Faut- il que ce Ruyter,l'ame de ſes Soldats
Faut- ilque cette illustre teſte ,
Ce Secours mandié plus craint que tous
vosbras,
Plus redouté que la tempeste ,
Vous fasse pour jamais rougir de fon
trépas
Etqu'enfin ce grand coup nous rende une
Conqueste
Quenous ne vous demandions pas ?
Mais ce n'est pas aſſez , voſtre audace
obſtinée ,
GALANT.
93
Parnos fréquensfuccés honteuse & condamnée,
Dément ſes propresyeux pour tromperfa
fierté :
Il faut des veritez encorplus convainquantes
د
Des Victoires plus éclatantes
Pourfurmonter enfin voſtre incredulité.
Pour vous perfuader àforce de Miracles,
Etpour confondre vos Oracles ,
Il faut vous enlever tout l'Empire des
Eaux :
Ilfaut pour vous ofter toute vostre espe
rance,
LYON
Avecune intrépide & noble confiance,
Aller jusqu'en vos Ports , attaquer vos93
Vaisseaux.
Il faut que pour jamais deux Flotes defolées
,
Des Vaiſſeaux abymez , des Galeres
brûlées,
De vostre orgueil puny foient l'affreux
monument ,
Que de l'Onde & du Fen lemélange terrible
,
Quele bruyant éclat d'un longembrafe.
ment
94 LEMERCVRE
Rende à tout l'Univers vostre perte vifible.
Ouvrez enfin les yeux , Ennemis du
repos ;
Voyez quel est le Fruit de vostre injuste
Guerre:
Loüis triomphoit ſur la Terre,
Louis vapourjamais triompher ſur les
Flots.
Il vivoit glorieux dans une Paix profonde
,
Content defa grandeur & du noble afcendant
2
Qui le rendoient l'amour , les delices du
monde ;
Et vostre ambition , voſtre orgueil impru
dent ,
Remettant dansses mains la Foudre&le
Trident,
Le rendent la terreur de la Terre&de
l'Onde.
Que de Conqueſtes que de
Villes priſes , & que de Batailles
gagnées depuis ce temps-là:Tant
d'avantages remportez fur les
GALANT. 95
!
Ennnemis , leur rendent la Paix
fort neceffaire. Elle dépend des
Conférences qui ſe tiennent à
Nimegue , où depuis que l'Afſemblée
est devenue confidérables
, toutes les Ambaffadrices
qui ſe voyent familierement , &
fur tout celles dont les Maris font
demeurez en bonne intelligence
avec les Ambaſſadeurs de
France , ont formé une Societé
pour le Jeú, qui leur fait paffer
agreablement tous les jours de la
Semaine ,de forte qu'elle ſe trouve
toute partagée entre les Ambaffadrices
d'Angleterre,de France
, d'Eſpagne , de Suede , de
Dannemarc , & de Hollande.
Chacune reçoit la Compagnie
chez elle à fon tour ,& la régale
d'une Collation de Fruits & de
Confitures,avec des Vins&des
Liqueurs en abondance, .....
96 LE MERCVRE
Quoy que les Dames n'aillent
pas régulierement chez les Ambaſſadeurs
qui n'ont point de
Femme , elles ne laiſſent pas de
s'aſſembler quelquefois chez
Monfieur le Mareſchal d'Eſtrades
,& chez Monfieur le Comte
d'Avaux , qui par la maniere dont
ils les reçoivent , leur font connoiſtre
que la magnificence eſt
inſéparable de l'honneſteté qu'ils
ont pour le Sexe. Ce dernier
leura donnédepuis peuuneFeſte
des mieux ordonnées , malgré le
peu de temps qu'il eut às'y préparer.
Il y avoit Aſſemblée à l'ordinaire
chez une des Ambaffadrices
,& la correfpondance qui
eſt preſentement à Nimegue entre
les Ambaſſadeurs de France
& d'Eſpagne , ayant fait agréer
àMadame laMarquiſede losBalbaſes
une Partie de Jeu pour le
lendemain
GALANT.
97
lendemain chez Mr le Comte
d'Avaux , toute la Compagnie
s'y rendit , quoy que ce fuſt le
jour de Madame Tempel Am-
-baſſadrice d'Angleterre. Monſieur
l'Eveſque de Marseille, que
cét Ambaſſadeur avoit reçeu
chez luy à ſon paſſage de Pologne
en France , partagea le plaifir
de cette Feſte. Elle parut avec
tout l'éclat poſſible , & il ne s'en
faut pas étonner , M² le Comte
d'Avaux eſtant tres-commodement
logé , meublé magnifiquement
, & fervy par les meilleurs
Officiers qui ſoient à Nimegue.
Joignez à cela la joye qu'il ſe fait
dene rien épargner pour lesDames,
quand il s'agit de les régaler.
Le Jeu commença à trois Tables
dans la Chambre d'audiance qui
eſt tres richement meublée.
Quelques Ambaſſadeurs y joue
Tome VII. E
98 LE MERCVRE
rentaveclesDames. La Marquiſe
de los Balbaſes Ambaſſadrice
d'Eſpagne,& Soeur du Conneſtable
Colonna , s'y eſtoit renduë
aveclaDucheffe de S.Pedro& la
Marquiſe Quintany fes deux Filles.
Le Mary de la premiere eſt à
Nimegue , & l'autre eſt mariée
au Fils du Preſident de Caſtille
qu'elle n'a point encor veu. Le
Marquis de los Balbafes ,de la
Maifon de Spinola , y vint avec
Dom Ronquillo ſon Collegue ,
& apres qu'on eut allumé plufieurs
grands Torcheres &Flambeaux
de vermeil , on apporta les
Liqueurs, les Eaux glacées , les
Fruits , & les Confitares. Le
Chocolat fut donné en fuite ,&
pendant que le Jeu continua , les
Violons de Meſſieurs les Ambar
fadeurs de France ſe firent entendre
dans l'Antichambre éclai
a
GALAN T.
99
rée de Luftres & d'un grand nombre
de Bougies. Pluſieurs Perſonnes
conſidérables de l'un &
de l'autre sexe , y danſoient en
preſence des Excellences qui ne
joüoient point. Le Jeu ayant eſté
quité à dix heures du ſoir , toutes
les Dames entrerent dans une
Salle , où vis-à-vis du Bufet il
y avoitune Table à deux retours,
& vuide dans le milieu. Elle fut
ſervie avec une propreté merveilleuſe
, & il n'y manqua rien
de tout ce que le Païs & la Saifon
pûrent fournir de plus délicat&
de plus exquis. Une fi grande
profufionde toutes choſes ſurprit
d'autant plus , que la Partie n'avoit
eſté réſoluë que le ſoir précedent.
L'eclat d'un des plus
beaux Bufets qu'on puiffe voir,
ne fatisfaiſoit pas moins la veuë
par la richeffe & par le grand
Eij
100 LE MERCVRE
nombre de Baffins & de Vaſes
d'un tres -beau vermeil , que la
délicateſſe des Mets contentoit la
diverſité des gouſts. Il n'y eut aucun
ordrede préſeance. Les Dames
& quelques Ambaſſadeurs
s'affirent à table aux endroits où
chacun ſe trouva apres qu'on fuſt
entré dans la Salle. M² le Comte
d'Avaux ſe tint preſque toûjours
dans le vuide de la Table où perſonne
n'eſtoit aſſis. Il voulut fervir
les Dames , tandis que les Pages
portoient inceſſamment ſur
des Soucoupes de vermeil , des
meilleurs Vins de France & d'Italie
, & des plus délicieuſes Liqueurs
de l'Europe.Apres le Sou
pé , toute la Compagnie paſſa
dans la premiere Antichambre ,
où pluſieus rangs de Chaiſes placées
tout autourlaiſſoient dans le
milieu un vuide affez grand pour
GALAN T. 101
,
ydanſer commodement. Tout le
premier rang êtoit occupé par
les Ambaſſadeurs & par les Dames
, & les autres le furent par
ungrand nombre de Demoifelles
& de Gentils-homines François,
Allemans , Eſpagnols , Italiens
&des autres principales Nations
de l'Europe. Les Bourgeois vinrent
en foule regarder l'Aſſemblée
par les Feneſtres. Il leur
eftoit nouveau d'en voir une
compoſée de tant de Perſonnes
Illuftres. Les Ambaſſadriſſes , &
la plupart des Ambaſſadeurs,qui
furent pris pour danſer,ne firent
que des réverences. Il ſeroit difficile
de s'en acquiter d'une maniere
plus galante que fit leMar--
quis de los Balbaſes. La Marquiſe
Quintany ſa Fille ſe fit admirer
dans le bon air &dans la juſteſſe
de ſa danſe , ſans que ſa Coifure
Eij
102 LE MERCVRE
à l'Eſpagnole , ſes grandes Manches
de tafetas couleur de feu
attachées au poignet,& fon vaſte
Garde- Infant , diminuaſſent rien
de la grace qui attira les loüanges
de tout le monde. La Feſte
dura juſqu'à une heure apres minuit.
Chacun ſortit également
fatisfait de la magnificence &des
manieres honneſtes de Monfieur
le Comte d'Avaux , qui avoit fi
bien donné ſes ordres,qu'il trouvamoyen
d'empefcher la confuſion
qui eft preſque toûjours
inévitable en de pareilles occafions
.
Je croy , Madame , que quand
le Nom d'Avaux ne vous ſeroit
pas connu par les Grands Hommes
qui l'ont rendu illuſtre , les
Lettres de Voiture vous auroient
appris combien il eſt glorieux de
le porter.C'eſt une tres-ancienne
GALAN T.
10.31
Famille; & dés le temps de Charles
IX. Henry de Meſmes Seigneur
de Mallaſſiſe , eſtoit Ambaffadeur
en Eſpagne. Il y a eu
depuis, dans cette Maiſon des
Maiſtres des Requeſtes, des Confeillers
d'Etat , un Lieutenant
Civil& Prevoſt des Marchands,
un Sur-Intendant des Finances
& Secretaire de l'Ordre du Roy .
Le Comte d'Avaux Plenipotentiaire
pour la Paix en l'Aſſem- ON
blée de Munster , ss'eſt acquis
beaucoupdegloire dans ſes Ambaſſades
d'Italie , d'Allemagne,
de Pologne , de Suede & de Dannemarc
. Celuy qui a preſentement
la meſme qualité de Plenipotentiaire
à Nimegue eſt ſon
Neveu. On voit aſſez qu'il eſt
né galant par ce qu'il fait tous les
jours. Il a du merite , de l'eſprit;
& quoy qu'il foit jeune encor, il
E iv
104 LE MERCVRE
a déja eſté Ambaſſadeur à Veniſe.
Il eft Fils de feu M de Mefmes
Seigneur d'Irval , Preſident
à Mortier , & Frere de M de
Meſmes qui remplit aujourd'huy
cette grande Charge avec une
approbation fi generale. Je ne
vous dis rien de ce Preſident.
Vous ſçavez qu'il eſt Prevoſt des
Ordres , & fort eſtimé du Roy.
Le choix que je vous ay déja
mandé qu'on avoit fait de luy
dans l'Académie Françoiſe pour
fucceder à M. Des-Mareſts , fait
les éloges de fon Efprit. Cependant
je ne puis fortir de Nimegue
fans vous dire que j'auray fouvent
de pareilles Nouvelles à
vous en donner. Vous ne ſerez
pas fâchée de voir que les François
s'y diftinguent par la magnificence&
par la galanterie, come
ils font à l'Armée par la valeur.
GALANT.
105
Enfin , Madame , je vous tiens
parole , & je vous envoye ce
que je vous avois fait eſperer fur
la fin de ma Lettre du mois de
Juillet , par laquelle je vous promettois
une des plus belles Pieces
d'Eloquence que vous euffiez
jamais veuës. Ne me ſçachez
point mauvais gré du retardement.
Je vous donne les choſes
le plutoſt qu'il m'eſt poſſible de
- les avoir ; il n'importe en quel
temps , pourveu qu'elles ſoient
bonnes ; & le Compliment que
Me Quinaut fit au Roy à fon retour
de Flandre , ne ſera pas
moins nouveau pour vous qu'il
l'auroit eſté lors qu'il euſt l'honneur
de le faire , puis que perſonne
n'en a rien veu , & qu'on le
demande tous les jours. Il eſtoit
alors Directeur de l'Académie
Françoiſe , à laquelle le Roy fait
E V
106 LEMERCVRE
l'honneur de la recevoir comme
une Compagnie Souveraine.
Ainfi il fut conduit par le Maiſtre
& le Grand Maiſtre des Ceremonies
, accompagné de pluſieurs
Perſonnesde la plus haute qualite
qui ſont du Corps de cette celebre
Compagnie. Sa Majesté
luy preſta une tres - favorable audiance,
& voicy de quelle maniere
il luy parla.
COMPLIMENT FACT AU ROY
par l'Académie Françoiſe , Monfieur
Quinaut Directeur de cette Compaguie
portant la parole.
IRE,
4
A la veuë de Vostre Majesté
triomphante & comblée de gloire,
Noussommesſaiſis d'un excés dejoye
qui nous interdit presque la parole,
ةم
GALAN T. 107
& qui ne permet à noſtre zele de
s'exprimer qu'imparfaitemet . Mais,
SIRE , ce n'est point dans cette oc
caſion que l'Académie Françoise
doit appréhender de ne paroiſtre pas
aſſez éloquente : Il suffit qu'elle
vous parle de vous- meſme pour estre
afſurée de ne rien dire que de merveilleux
. On n'a jamais rien imaginé
de ſi grand que les Entrepriſes.
que vous venez d'executer , & le
Simple récit de vos Actions eft leplus
parfait de tous les Eloges.
Voštre Majesté s'est dérobéeaux
douceurs du repos pour courir aux
fatigues & aux dangers : Elle n'a
pas attendu quele Printemps luy
revint ouvrir les Champs où tous les
ans elle va cüeillir des Palmes nouvelles
; l'ardeur defon courageàfurmonté
les obstacles d'une Saiſon rigoureuse
; sa prévoyante Sageſſe a
reparé par d'innombrables précau-
Evj
108 LEMERCVRE
tions la fterilité des Hyvers ; & Sa
Prudence a difputé avec sa Valeur
à qui ſe ſignaleroit par de plus
grandsprodiges.
Du moment, STRE,quc la Renommée
eust annoncé le jour de vostre
Départ , la Victoire s'empreſſa pour
vous accompagner , & la Terreur
devança voſtre marche. Le premier
éclat de la foudre dont vous eſtiez
armé , est tombéfur une Villefuperbe
dont rien n'avoit pû abatre l'orgueil,
&toute fiere qu'elle estoit d'a
voir bravé les efforts unis de deux
celebres Capitaines , elle ne vous a
reſiſté qu'autant qu'il lefalloit pour
vous donner l'avantage de l'emporter
de vive force. Ce fut alors que
vous éprouvátesheureuſemet juſques
à quel point vous avez porté l'exa-
Etitude de la Difcipline Militaire:
Vos Soldats combatirent en Héros,
tant ils furent tous animezpar voGALANT.
109
ftre presence ; mais apres avoir renversé
tout ce qui s'estoit opposé à
I impetuosité de leur courage, ils s'arreſterent
parvos ordres dans la chaleurde
la Victoire , & n'oferent toucher
aux riches depoüilles que le
droit de la Guerre leur avoit livrées.
Il ne vous en coûta qu'une
parolepour empefcher l'affreuse de-
Solation d'une ville floriſſante :
Vous eustes le plaisir de la prendre
& de la ſauver en mesme
temps , & vous fustes bien moins
fatisfait devous en rendre le Maiſtre
, que d'en devenir le Conſervateur.
Ce grandfuccés a estéſuivy d'un
autre encore plus grand , & qui paroiſſoit
au deſſus de nos plus hautes
esperances. Vos Peuples font accourus
àce ſpectacle , ils ont esté transportez
de joye en voyant fortir les Ennemis
que vous avez chaffez d'une
rio LE MERCVRE
redoutable Retraite , &ils beniffent
tous les jours la Main victoriense
qui les a delivrez des courſes , des
ravages ,
des incendies dont ils
estoientsouventfurpris & continuellement
menacez. Ce n'effoit qu'à
Kous , SIRE', que le Cielavoit refer
vél'honneur de forcer la Barrierefatale
qui donnoit des bornes trop étroites
avoſtre Empire , & de faire du
plus fort Boulevart de l'Espagne ,
un des principaux Remparts de la
France.
Cependant , comme si çeuſt esté
encore trop peu pour V. M. de voir
que tout cedoit où vous eſtiez pre...
Lent , vous avez entrepris de vaincremesme
où vous n'eftiez pas . Vous
avezſeparévos Troupes pour étendre
vos progrés en divers lieux. Une
partie de vostre Armée àfuffy pour
gagner une Bataille ,& pour achever
la Conqueste de l'Artois ,
GALANT. ITF
vous avezpris foin qu'un Prince qui
apartagé avec Vous la gloire devo
ſtre auguste Naiſſance , eust aussi
part aux honneurs de vostre Triomphe.
Ce n'est pas seulement ſur la Terre
que la Victoire accompagne vos
Armes , elle a volé pour les ſuivre
jusques fur les Mers les plus éloi--
gnées. Une Flote cunemie qui avoit
fur lavoſtre touteforte d'avantages,
excepté celuy de la Valeur , vient
d'estre attaquée &détruite ,
débris flotans portent la terreur du
Nom de V. M. fur les bords lesplus
reculez du Nouveau Monde.
Quel bonheur pour nous d'avoir
un Protecteurfi glorieux, &qui donne
àcelebrer des Evenemens ſi memorables
! Nous n'avons pas besoin
de chercher ailleurs qu'en luy -mesme
un modelle parfait de la Vertu
beroïque ; & noussommes certains
112 LE MERCVRE
que l'éclat immortel de fa gloire ſe
répandrafur nos Ouvrages , & leur
communiquera le privilege de paſſer
jusqu'à la derniere Pofterité. Quand
nous décrirons vos travaux , SIRE ,
nous ne ferons pas dans l'embarras
de n'avoir ſouvent àvous offrir que
les meſmes loüanges que nous vous
aurons déja données : Quoy que
vous ne ceſſfiez point d'eftre Conquechacune
de vos Conquestes
est toûjours achevée d'une maniere
nouvelle &Surprenante ;&les Images
fidelles que nous en féronsferont
autant de differens Tableaux
dont chacun aura sa beautéfingurant
liere.
,
Apres avoir connufi avantageu-
Sement combien vous eſtesredouté de
vos Ennemis , reconnoissez avec
quelexcés de tendreſſe & de veneration
vous eſtes aimé & presque
adoréde vos Sujets. Voyez le ravifGALAN
T.
113
Sement qui se montre dans tous les
yeux qui vous regardent ; écoutez les
acclamations qui retentiſſent de toutes
partsàvoſtre veuë. Ilfaut toutefois
, SIRE , ne vous rien déguiſer,
la joye publique n'éclate point tant
encore pour le ſuccés de vos entrepriſes
, qu'enfaveur de vostre retour.
C'est ce retour ſi ardammentſouhaitéqui
diſfipe nos allarmes : Que nous
ferions heureux s'il les diffipoit pour
toûjours ! Nousn'avons encore pû confiderer
vostre grand Coeur qu'avec
une admiration inquiete. Nous n'ofonspresquevousfaire
voir de brillans
Portraits de la Gloire qui vous
engageſiſouvent dans le peril ; elle
ne vous paroist que trop belle , &ne
vous emporte que trop loin.
Mais , graces à vos Exploits ,
nous devons esperer que nos craintes
feront bien-toft finies ; cette Ligue
qui se croyoit fi formidable eftfra114
LE MERCVRE
pée elle-mefme de la conſternation
qu'elle pretendoit jetterjuſquesdans
le coeur de vostre Royaume : Lesplus
fieres Puissances de l'Europe armées
& réünies ne peuvent s'empefcher
d'estre convaincuës de leur foibleſſe
contre une Nation que vous rendez
invincible : Plus elles vous ont opposéd'Estats
, de Princes , de Rois, plus
elles ontfourny d'ornemens à vos Tro
phées , & leurs disgraces & vos
Triomphes doivent leur avoir af-
Sez apris que le deffein de vous
faire la Guerre leur fut bien-moins
inspirépar leurjalousie , que par la
bonne fortune de V.M..
Onn'en doit point douter , SIRE ,
il n'y a plus rien qui puiſſe ſauver
vos Ennemis , que le secours de la
Paix. Vous voulez bien leur laiſſer
encore cet unique & dernier moyen
d'arrester les progrés étonnans de vos
armes , & nous applaudiſſons avec
GALANT.
15 I
plaisiràvoſtre moderation.La France
n'a plus besoin que vous étendiez
fes limites : Sa veritable grandeur
est d'avoir unſigrand Maistre. Le
Cielà qui nous vous devons , nous a
donnédans unfeulbien tous lesbiens
ensemble , nous ne luy demandons
riende nouveau; c'eſt affez qu'il nous
Laiſſepaisiblement joüir de lafelicité
devostre Regne, Ilsuffit qu'il aitSoin
de conferver une vie glorieuse où noſtrebonheur
est attaché , & qui vaue
plus mille fois que la Conqueste de
toute la Terre .
Ce Compliment plût beaucoup
au Roy. Aufſi ne ſe contenta-
t- il pas de témoigner d'abord
à Me Quinaut qu'il en eſtoit
tres- fatisfait; l'ayant reveu quelque
temps apres l'audiance , il
eut la bonté de luy dire une ſeconde
fois qu'on ne pouvoit
mieux parler. La réputation qu'il
116 LE MERCVRE
s'eſt acquiſe par les beaux Ouvrages
que nous avons de luy , ne
faiſoit pas moins attendre du ta---
lent qu'il a de bien exprimer les
choſes. La matiere eſtoit grande,
& M Quinaut fort capable de
la traiter. Il eſt Auditeur des
Comptes , & aufſi eſtimé de ſa
Compagnie qu'il la toûjours eſté
des plus confidérables Perſonnes
delaCour.
Apres avoir parlé des Conqueſtes
du Roy,paſſons à la bonté
de ce Prince,& diſons qu'aimant
àla faire paroiſtre pour toutes les
Perſonnes confiderables de ſa
Cour , il a donné à Monfieur le
Comte de Coffe la Charge de
Grand Pannetier de France que
poſſedoit feu M' le Comte de
Coffé fon Pere , dont je vous ay
mandé la mort dans ma premiere
Lettre de cette Année. Ainfi,MaGALANT.
117
dame , je ne vous repete point
qu'il a eſté un des plus galans
Hommes de ſon temps , que ſes
belles qualitez luy avoient également
attiré l'eſtime de l'un &
de l'autre Sexe , &qu'apres avoir
donné des marques d'un grand
courage & d'une extréme prudence,
dans une infinité de Sieges
& de Batailles dont il s'eſt
toûjours glorieuſement tiré , il a
conſerve juſqu'au dernier mo- THEO
ment de fa vie une fidelite
inev
branlable pour fon Prince. Me le
Comte de Coſſe ſon Fils , quoy
qu'il n'ait pas encor dix ans , ſe
montre déja preſt à marcher ſur
les traces de ſes Anceſtres , à qui
une haute Naiſſance jointe aux
ſignalez ſervices qu'ils ontde tout
temps rendus à l'Etat , a fait obtenir
les plus grandes Charges
de la Maiſon de nos Roys. Celle
118 LE MERCVRE
de Grand Pannetier de France
eſt une des plus anciennes ,& il
ya deux cens ans qu'elle eſt dans
laMaiſon de Coffe. Je ſerois trop
long fije voulois nommer tous les
GrandsHommes qui en font fortis
;je vay ſeulement vous en faire
connoiſtre quelques-uns. Jean
deCoffé Senéchal de Provence,
eſtoit Favory de René d'Anjou,
Roy de Sicile & Comte de Provence
, qui le fit ſon Ambaſſadeur
aupres de Loüis XI. fon Neveu.
Il eut l'adreſſe d'accorder
leurs Démeflez ,& d'empefcher
que la Comté de Provence ne
fuft donnée au Duc de Bourgogne.
René de Coffe Neveu de Jean,
Seigneur de Brifſac en Anjou,
Grand Pannetier & Fauconnier
de France accompagna Charles
VII. à la Conqueſte de Naples,
E GALANT.
da
SC
רע

Ha
&ſe trouva aux Batailles d'Aignadel
& de Marignan , où il donna
de grandes marques de courage&
de valeur.
Charles de Coffe Mareſchal
deFrance , n'en fit pas moins paroiſtre
en Italie à la Rencontre
des Impériaux& des Savoyards.
Il eſtoit Grand-Maistre de l'Ar
tillerie ,Gouverneur de Paris &
de Picardie , & Lieutenant GeL
neral pour le Roy Henry I I. en
Piemont. Je ne vous dis rien de
Timoleon de Coffe Grand Fauconnier
de France ,& Colonel
Generalde l'Infanterie Françoiſe.
Son trop d'ardeur luy coûta la vie
au Siege de Mucidan. Il y fut tue,
pour s'eftre trop avancé en voudant
reconnoiſtre la Breche.
Charles deCoffe fon Frere , Duc
deBriſſac , Mareſchal de France,
&Chevalier des Ordres duRoy,
1-20 LE MERCVRE
a eu la gloire de remettre Paris
ſous l'obeïſſance de Henry IV. &
c'eſt de lay que font deſcendus
les Ducs de Briffac , & le Comte
de Coſſe d'aujourd'huy.
Puis que nous ſommes fur
le Chapitre des grandes Maiſons
du Royaume , je doy vous entretenir
encor d'une autre.
Je vous appris il y a deux
mois que Monfieur le Marquis
de Foix s'eſtoit marié , Vous apprendrez
aujourd'huy qu'il a eſté
reçeu dans la Charge de Chevalier
d'Honneur de Madame,
apres avoir eu l'agrément de
Leurs Alteſſes Royales pour en
traiter avec Monfieur le Comte
de Vaillac qui la poſſedoit ; &
commeje me ſouviens que vous
ne fuſtes pas contente alors de
ce que je vous marquay ſeulement
qu'il eſtoit d'une des plus
gran
GALANT. 121.
grandes Maiſons du Royaume,
je vay vous en dire quelque
choſede plus particulier. Il eſt
certain que celle de Foix eſt
Illuſtre par tant d'avantages ,
qu'il s'en trouve peu qui aye
paru avec plus d'éclat. Elle a
poſſedé les Comtez de Barcelone
, de Carcafſonne , de Beſiers,
de Foix , de Montcade, de Perigord,&
de Caſtelbon ; laVicomté
de Narbonne , la Duché de
Nemours , la Principauté de
Bearn,& le Royaume de Navarre.
Elle est fortie des Rois d'Arragon
, alliée de ceux de Caſtille
, de Hongrie , de Boheme
, & de France ; des Empereurs
d'Allemagne , des Archiducs
d'Auſtriche ; des Comtes
de Toulouſe , d'Urgel , de Cardonne
, d'Artois , de Comminges
, d'Albret , de Mioffens &
Tome VI. F
122 LE MERCVRE
de Candale des Marquis de
Levy & de Montferrat ; des
Ducs de Bretagne , de Lorraine
, d'Orleans , de Bourbon , &
de tant d'autres , qu'il ne faut
pas s'étonner fi les Grands
Hommes qui en font fortis ont
toûjours tâché de répondre à la
gloirede leur naiſſance paricelle
de leurs actions. Je laiſſe un Roger
de Foix , qui eftant entre le
premier dans Antioche quand
elle fut priſe d'affaut par les
Chreſtiens , la defendit contre
tous les Infidelles affemblez , &
ne ſe rendit pas moins fameux
que Godefroy de Boüillon dans
laConqueſte de la Terre-Sain
te : Un Raymond , qui ayant
ſuivy Philippe Auguſte dans la
Syrie , fit des choles incroya
bles an Siege d'Acre , où il combatit
ſeul à feul le Neveu du
t
GALANT. 123
des*
Sultan , qu'il tua àvouë dedeux
grandes Armées , & des Rois
de France , d'Angleterre & de
■ Jerufalem : Un Roger-Bernard,
dit le Grand ; Un Roger-Rotfer
qui fit trembler les Sarrafins en
Egypte ; & enfin un Gaſton ,
qui s'eſtant montré invincible
contre l'Angleterre , vangea
'Eſpagne de la tyrannie
Mores , & tua de ſa main à la
teſte de leur Armée Guilhem-
Raimond , Fils d'un de leurs
Rois. Je viens à Jean de Foix,
Gouverneur de Languedoc
pour le Roy Charles VI. qui
ménagea fi bien les eſprits des
Peuples, qu'il affura le repos de
cette grande Province dans un
temps où il y avoit du trouble
de tous coſtez dans l'Estat. Odet
de Foix , Vicomte de Lautrec,
furnommé le Preneur de Villes,
1893*7771
Fij
124 LE MERCVRE
L
vangea par le ſang & par le feu
la diſgrace qui estoit arrivéedevant
Pavie a François I.Et avant
lity Gaſton de Foix , Duc de
Nemours , ayant eſté fait Gene-
'ral de l'Armée du Roy Loüis
XII. ſon Oncle à l'âge de vingtdeux
ans , avoit donné des marquesde
la plus haute Valeur en
Italie , où il renverſa les Forces
desVenitiens, du Roy-de Caſtille,&
du Pape , avec une vîteſſe
qui ne ſe peut concevoir. Mais
fi le grand Nom de roix a tant
faitde bruitdas lesArmées, il ne
s'eſt pas rendu moins confiderable
dans l'Eglife. On a veu un
Pierre Cardinal de Foix , Legat
du Pape en France , qui délivra
l'Egliſe du Schiſme dont elle
eſtoit déchirée depuis longtemps.
Ona veu un autre Pierre,
auffi Cardinal de Foix , qui
GALANT. 125
par ſa prudencediffipa les Trou
bles du Milanois ;Un Paul de
Foix Archeveſque de Thoulouſe
, qui ſe montra un des plus
fermes appuis de la Religion &
de l'Estat , en Ecoſſe , en Angleterre
& en ſuite à Rome , où
in fur envoyé Ambaſſadeur; Et
de nos jours , Madame , avec
combien de gloire Jean-Roger
de Foix a-t-il commandé des
Regimens de Cavalerie &d'Infanterie
en Catalogne , ſous M
le Mareſchal de la Mothe-Houdancourt
? Ils s'eſt ſignalé par la
maniere vigoureuſe dont il l'a
defenduë contre la tyrannie des
Eſpagnols, & fes grandes actions
font affez connues de tout le
monde. Il eſtoit Pere de Mon-
7
fieur le Marquis de Foix d'aujourd'huy,
qui ayant appris dans
cette derniere Guerre , que les
Füj
126 LE MERCVRE
Ennemis eſtoient fortis de Puy
cedra pour ravager la Province
de Foix dont il eſt Gouverneur,
vint à eux à la teſte de la Nobleffe
, & leur en ayant fermé
F'entrée , les repouſſa juſqu'au
fonddu Rouffillon avec autant
de honte pour eux , qu'il s'ef
toientpromisdeſuccésdans leur
entrepriſe.
Dans le moment que je vous
écris cecy , on m'apprend que
Monfieur de Matignon a prefté
Serment entre les mains de Sa
Majesté pour la Lieutenance de
Roy de Normandie. Vous ſçavez
, Madame, la conſidération
où il eſt dans cette Province. Il
n'a pas moins de naiſſance que
de merite , eſtant de la Famille
de feu M le Mareſchal de Matignon
, qui fut un des plus
grands Hommes de fon temps.
E GALANT. 127
N
H'eſt allié des plus Illuſtres Maifons
du Royaume , je veux dire,
de celles mefme des Princes.
Pendant que les uns entrent
dans les grandes Charges , les
autres fortent du monde;quelque
grande figure qu'on y air
faic, il en faut partir , comme
vous allez voir par les deuxArticles
ſuivans.
Nous avons perdu Monfieur
le Preſident de Maiſons ,quieft
mort fort âgé au commencement
de ce mois , apres s'eſtre
fait tailler. Sans cette reſolution
que les extrémes douleurs luy
firent prendre M de Lorme fon
Medecin qui demeuroit avec
luy , & qui a prés de fix-vingts
ans , luy auroit pû encore prolonger
la vie. Il eſtoit magnifique
dans ſa dépenſe , tres-bon
Juge , & fort éclairé dans les
Fiv
128 LE MERCVRE
Affaires ,dont ſon âge & fes
grands Emplois luy avoientdonné
beaucoup d'experience. 18
avoit eſté Premier Preſidentde
la Cour des Aydes , Sur-Intendant
des Finances ,& Gouverneur
de S. Germain en Laye&
de Versailles . Ils'appelloitRené
de Longüeil , eftoit Marquis de
Maifons ,& fortoit d'une Illuſtre
& fort ancienne Famille. Dés
Fan 1415. le Chevalier Raoul
de Longüeil ſe ſignala , & fut
tué à la Bataille d'Azincour.
Jean de Longüeil Prefident au
Parlement eut deux Fils , dont
l'un fut Prefident comme luy ,
& l'autre Eveſque d'Auxerre.
Le Preſident époufa une Soeur
du Chancelier de Morvilliers,
&eut un Fils Evefque de Leon,
&un autre qui fut Seigneur de
Maiſons , & qui laiſſa plufieurs
GALANT. 129,
Branches , de l'une deſquelles
eſt forty celuydontje vous mande
la mort. Monfieur le Prefident
de Longüeil ſon fils avoit
eſté reçeu en ſurvivance de fa
Charge. C'eſt le quatrième Pre
fident àMortier de cette Famille.
La feuë Reyne Mere l'avoit
fait fon Chancelier. Il eſt honneſte
, bon Amy , civil& entendu
dans les Affaires.
Madame de Puifieux , Soeur3JTU
de M' le Grand Prieur de France
, & de feu Mº de Valencé..
Archeveſque de Rheims , eft
morte icy depuis quelques jours,
fort regretée de tous ceuxqui la
connoiffoient. Feu M de Puifieux
ſonMary eſtoit Secretaire
d'Etat , & avoit en meſme temps
le Départementde la Guerre&
des Errangers. Il n'a point eu
d'Emplois qu'il n'ait meritez &
F
130 LE MERCVRE
par luy-mefme , & par l'avantage
qu'il avoit d'eſtre Fils de l'Illuſtre
Chancelier de Sillery , qui
ayanttout ce qu'on peut ſouhaiter
dans un excellent Homme
d'Etat , s'eſt acquitédes plus importantes
Negotiations avec un
zele qui n'a jamais eu pour objet
que la grandeur& la gloire
de ſonMaiftre. Il n'ya perſonne
qui n'en ſoit inſtruit , & il faute
n'avoir pas leu noftre Hiſtoire
pour ignorer qu'il fut envoyé
Ambaſſadeur en Italie , en Allemagne
, aux Païs -Bas , & en:
Suiffe; que ce fut luy qui concult
' le Mariage de Henry
IV. & le Traité de Vervins ,
& que dans ces diferentes
occaſions d'un long Miniftere
, il s'acquit une réputation
qui augmenta fort l'eſtime
qu'on avoit déja pour la Maiſon
GALANT. 131
desBrularts dont il eſtoit. Non
ſeulement les grandes Charges
l'ont toûjours renduë tres-confidérable
, mais elle eſt d'une fort
ancienne Nobleffe , & alliée des
meilleures Familles du Royaume.
Il y a eu deux Secretaires
d'Etat de cette Maiſon. Elle a
donné pluſieurs Premiers Prefidens
au Parlement de Dijon , un
Prefident à Mortier , & un ProcureurGeneral
à celuyde Paris,
fans parler desMaiſtres des Requeſtes&
des Conſeillers d'Etat
qu'on y a veus. Madame de
Puiſieux n'en diminua point la
gloire en y entrant , fon merite
répondoit à ſa naiſſance. Elle
avoit l'eſprit infiniment éclairé,
folide , ferme , & une éloquence
naturelle qui ne manquoit jamais
de perfuader. Elle a eſté
magnifique dans ſa fortune ,&
:
N
Fvj
132 LE MERCVRE
fait paroiſtre tine conſtance admirable
lors qu'elle ne s'eſt pas.
veuë en étarde faire tource que
fon grand coeur auroit ſouhaité..
Elle a reçen ſouvent & ſous le
Regne de Loüis XIII. & pendant
la Régéce de la feuë Reyne
Mere, de glorieuſes marques de
leur bienveillance ; mais rien ne
l'a miſe dans une plus haute
conſidération , que les faveurs.
que le Roy a répanduës fur elle
en plufieurs rencontres d'une
maniere , qui a fait affez connoiſtre
qu'il la diftinguoit de las
plus grande partie de celles de
fon Sexe. Auffi les premieres
Perfonnes de l'Etat ont continué
juſqu'à la mort à luy donner
des preuves d'une eſtime toute
particuliere ;& fi jamais remme
n'eut tant d'Amis & d'A
mies , on peut dire que jamais
GALANT. 133
ta Femme ne merita plus d'en'avoir.
Elle est morte avec une
preſence d'eſprit& une fermeté
digne de cellequ'elle a fait éclater
dans toutes les actionsde fa
vie; & ceux qui l'ont aſſiſtée
dans ces derniers momens,n'ont
pas moins admiré foncourage à
ne ſe point étonnerde ce qu'ils
ontde terrible, que ſa piété pleine
de ferveur à ſe ſoûmettre aux
ordres de Dieu .
Les Articles précedens vous
ayant appris la mort , & vous
ayant fait connoiſtre le merite
dedeux Perſonnes auffi Illuſtres
par leur grande vertu que par
Léclat de leur naiſſance,je vais
dans un ſeul Article vous parler
d'une partie de ce que la
France a de plus conſidérable
du coſté de l'Eſprit, & vous en
tretenir de ce qu'elle a de plus
134 LE MERCVRE
relevé du coſté de la Naiſſan
ce,& des merveilleuſes qualitez
qui rendent les Grands Hommes
recommandables. Vous jugez
bien , Madame , que c'eſt de
Article de l'Académie Françoiſe
dont je vous vais entretenir
pour m'acquiter de ma parole.
J'avois eu ſoin de prendre
une Copie de la Piece de Vers
qu'elle a jugée digne du Prix,
mais je ne vous l'envoyeray
point,puis que vous me mandez
que vous l'avez veüe. Je vous
entretiendrayſeulementde l'Inftitution
de ces Prix(carje vous
aydéja fait ſçavoir qu'il y en a
deux ) & des cerémonies qui
s'obſervēt le jour qu'on les donne.
Ils fontchacunde la valeur
de trente Piſtoles ,& confiftent
en deuxMedailles d'or,dont l'u
GALANT. 135
ne repreſente un Saint Loüis,&
: l'autre le Portrait du Roy. Lex
Prix de Proſe a eſté fondé par
- feu Mr de Balzac qui estoit de
cet Illuſtre Corps. Les excellens
Ouvrages qu'il nous a laiſſez ſe
liſent tous les jours avec admiration
, & c'eſt avec beaucoup de
justice qu'on l'a fait paffer pour
le plus EloquentHomme de fon
temps. Comme l'argent qu'il a
laiſſe pour cela , ne produit pas
chaque année un intereſt affez
fort pour remplir la valeur du
Prix , on ne le donne que tous
les deux ans ; & à l'imitation de
ce Grand Homme , un Académicien
d'autant plus genéreux
qu'il ne veut point ſe faire connoiſtre
, a fourny juſqu'icy la
mefme fomme pour le Prix des
Vers.. Meffieurs de l'Académic
enchoiſiſſent le Sujet,auffi-bien
136 LE MERCVRE
que de la Profe. Ils en avertif
fent le Public un an auparavant
par quelques Affiches ; & ceux
qui travaillent ſur ces matieres,
font obligez d'envoyer leurs
Pieces dans le dernier jour d'A--
vril, ſans ſe nommer , afin que
n'en connoiſſant point lesAuteurs
, ces Meffieurs les puiſſent
examiner ſans aucune préoccupation
qui les faſſe plutoſt pancher
vers fun que vers l'autre..
Les Prix ſe donnent publique+
ment; & comme ils ont choify
le Jour de S. Loüis pour en faire
la diſtribution , le Roy a com
mencé cette année d'en augmenter
la folemnité pour eux,
endonnant ſes ordres pour leur
faire chanter la Meſſe en Mufi-.
que, &prononcer le Panegyrique
de ceGrand Saint..Ainſi la
Meffe fut celebrée ce Jour-là
T
GALANT. 137
- pour leur Compagnie par M
l'Abbé du Pont Chapelain du
Louvre.M' Oudotqui a fait tant
d'agreables chofes , y fit admirer
fonGénie pour la Muſique.
Tout ce qui s'y chanta eftoit de
luy.M' L'Abbé de S. Martin fit
lePanégyrique du Saint,& marqua
d'une maniere fort ingé
nieuſe tout ce que le Roy faifoit
pour élever un Corps auffi Illuſtre
que celuy devant lequel
il parloit. Il euſt eſté difficile
de luy choiſirdes Auditeurs
qui ſe connuſſent mieux aux
belles Choſes; & puis qu'il les
satisfit tous ,on ne peut douter
qu'il ne fuſt dignedes applaudifſemens
qu'il reçeut . L'apreſdînée
on tint Affemblée publique
, où se trouverent quantité
d'Eveſques & deGens de la prémiere
Qualité. M' l'Abbé Tal
#38 LE MERCVR
lemant le jeune , comme Direteur
de la Compagnie , expliqua
d'abord en peu de mots la
maniere dont on s'eſtoit fervy
pour juger des Pieces qui avoient
merité le Prix,& les don
na à lire àM l'Abbe Regnier. Il
commença par celle de Profe,
& perſonne ne s'eſtant preſenté
pour en déclarer l'Autheur,
il leut en ſuite celle de Vers. El
le ſe trouvadigne de l'approbation
que vous luy avez donnée;
& apres que la lecture en eur
eſté faite ,Ml'Abbé Tallemant
fit connoiſtre qu'on venoit d'apprendre
qu'elle estoit deM² de
La Monnoye Correcteur des
Comptes àDijon. Je croy ,Madame
, que les Prix n'ont encor
eſté donnez que trois fois , &
e'eſt le trofiéme qu'il a déja
remporté pour lesVers.. Il feroit
GALANT.
139
1
à ſouhaiter pour ceux qui ont
entré enconcurrence avec luy,
que Meſſieurs de l'Académie
Luy donnaffent la premiere Plaee
vacante. Comme la qualité
de Juge ne laiſſeroit plus rece--
voir ſes Ouvrages , les autres
auroient plus de courage à travailler.
Cesdeux Pieces ayant
eſté leuës, Mª Cordemoy qui eft
de leur Corps , & Lecteur de
Monseigneur le Dauphin
leutdeux autres de Profe
2
CNTHEOUT
fur des
Sujets diferens . Elles d'un Preſident & d'un Avecat
de Soiſſons qu'on ne ma pû
nommer , & avoient eſté en
voyées par l'Académie de cette
meſme Ville , qui doit ce tribut
àcellede Paris par une des Loix
de ſon Etabliſſement
. Ily en a
une autre qui l'oblige à ne prendre
pour fon Protecteur
qu'un
1780
140 LE MERCVRE

des Quarante qui compoſent
l'Academie Françoiſe , & c'eſt
ce qui luy a fait choifir Monſieur
le Cardinal d'Eſtrées qui
en eſt . Ces Lectures furent fuivies
d'un panegyrique du Roy
que fit Me l'Abbé Tallemant,
en décrivant toute la Campagne.
Il parla avec une liberté
qui faiſoit voir qu'il eſtoit maiſtre
de ſes penſées ,& qu'il ne
cherchoit point ce qu'il diſoit
Il s'exprima par des termes fi
choiſis , & tout ce qu'il dit fur
prononcé avec tant de grace,
qu'il auroir pu faire valoir des
choſes médiocres ; mais outre
qu'on n'en peut dire ſur une fi
éclatante matiere , jamais il n'y
eut Difcours ſi éloquent. Les
grandes Actions du Roy furent
peintesavecles plus vives cou
leurs. Tout estoit également
GALANT. 141
11
1
1
fort , rien d'ennuyeux , rien de
languiſſant. La joye eſtoit marquée
ſur le viſage de ſes Auditeurs
;& il eut cellede ſe voir
obligé plus d'une fois de s'in
terrompre luy meſme pour laiffer
finir les applaudiſſemens
qu'il recevoit. Enfin , Madame,
fi le Royne ſe rendoit tous les
jours loiable par uue infinité
d'endroits nouveaux qui furprennent
autant qu'ils donnent
fujet de l'admirer , je ne croy
pas que perſonne oſaſt entreprendre
de le loüer apres M
IAbbé Tallemant. Aufſi, quand
il eut finy , il eut beau demander
, comme on fait ordinairement
, ſi quelqu'un des Académiciens
n'avoit rien à lire , chacun
ſe leva , & dit tout haut,
qu'apres ce qu'on venoit d'entendre
,on nepourroit plus rien
142 LE MERCVRE
trouver de beau ,& qu'il en falloit
demeurer là.
J'ay bien de la joye ,Madame
, de voir par vos Remarques
ſur l'Ouvrage de M'dela Monnoye
, que vous eſtes tombée
dans mes ſentimens. Tous les
endroits que vous loüez m'avoient
extrémement plû , &j'ay
trouvé comme vous ſa Poëfic
toute riante. Il eſt vray que la
matiere en eſtoitbien favorable,
& que l'Education de Monſeigneur
le Dauphin qu'on avoit
choifie cette année pour Sujer
de la Piece de Vers , offroit de
grandes idées à l'Eſprit. Que ce
jeunePrince en a ! & qu'il eſtoit
difficile que la Nature aidée du
fecours des plus habiles Maiſtres
que laFranceluy aitpûdonner,
nefiſt pas enluy un de ſesChefd'oeuvres
les plus accomplis !
GALANT. 143
Ce n'eſt point aſſez de dire qu'il
n'ignore rien , on peut adjoûter
fans flaterie qu'il excelle dans
tout ce qu'il ſçait. Il a une ſi parfaite
connoiſſance des Fables,
que dés ſes premieres années il
ne voyoit point de Tapifferie
qui en repreſentaft quelqu'une,
qu'il ne l'expliquaſt auſſi - toſt. Il
ſçait tres -bien les Matematiques
, il deffigne & grave admirablement
, & on fut furpris
un jour qu'eſtant entré chez
M Sylveftre , en paſſant par
les Galleries du Louvre , il
prit un Burin , & grava fur
le champ un Païfage qui meritoit
toutes les loüanges qu'il
reçeut. Il a gravé le Chaſtean
de S. Germain , dont ayant donné
une Eſtampe à Monfieur de
S.Aignan , ce Duc à qui la vivacité
d'Eſprit n'a jamais man
144 LE MERCVRE
que , fit cet Inpromptu pour luy
rendre graces d'un fi agreable
Préfent.
SUR LE CHASTEAU
DE S. GER MAIN ,
Gravé par Monſeigneur le Dauphin.
Raveur Auguste fans égal,
Gon apres Le Grand Louis
l'Univers admire ,
Quand on vous verroit peindre & graver
affez mal ,
Quel Cenfeur oferoit y trouver à redire?
Mais on vous voit brillant comme un autre
Soleil
Effacer le renom de Liſippe & d'Apelle
;
Vous trouver toujours fans pareil.
N'estpas une chose nouvelle.
Pourmoyje ne sçaurois , à moins d'un
Inpromptu ,
Vanter
GALANT .
145
Vanter le beau Preſent qu'il vousplaist
de mefaire ,
Le langage des Dieux , de la haute
Vertu
Est la récompense ordinaire.
Simon defſſein est un peu temeraire ,
I'en obtiendraypeut- estre lepardon
En vous diſant d'une voix animée
Qu'un jour malgré les coups, lapoudre,
lafumée,
Les cris , l'acier luiſant , & le bruit du
Canon ,
Vousgraverez encor mieux voſtre Nors
AuTemple de la Renommée.
Voicyde quelle maniere on a
fait parler ce meſme Chaſteau
de S. Germain ſur la meſime
Graveure.
CEluy dont lamainm'a gravé ,
Bientoſt par mille Exploits tous rayon
nansde gloire ,
Se burinant luy- mesme au Temple de
Memoire ,
Tome VII. G
146 LEMERCVRE
S'enva dans ce grandArt estre un Maiſtreachevé.
Ce Quatrain eſt de M de
Tierceville-Mahaut,à qui Monfieur
le Ducde Montaufier ,qui
a pour luy beaucoup d'eſtime
& de bienveillance , avoit faitvoir
ce petit Ouvrage de Monſeigneur
le Dauphin. C'eſt un
Gentilhomme que ſon merite
rend affez connu. Quand une
infinité de Sonnets , de Madrigaux
,&d'autres Pieces galantes
qu'on a veuës de luy , n'auroient
pas fait connoiſtre qu'il a
autantde feu que de delicateſſe
dans l'Eſprit , il ne faudroit que
l'entendre pour en eſtre perſuadé.
Sa converſation eſt fort agreable
, & on eft afſuré de ne
s'ennuyer jamais avec luy. Le
ſoin que daigne prendre le Roy
GALANT. I147
de dreſſer des Memoires de ſa
main pour I inſtruction de Mon--
ſeigneur le Dauphin , eſt une
ſenſible marque de l'amour qu'il
a pour ſes Peuples , à qui par
cette bonté qui luy eſt ſi naturelle
pour eux , il voudroit laiffer
, s'il ſe pouvoit , un Succefſeur
qui allaſt encor au delà de
ſes grandes qualitez . Sa
Maje-
THEOUD
ontTIA
ſté qui a toûjours eu de
particulieres conſidératiós pour
toutes les Perfonnes qui
l'honneur d'eſtre de fon Sang
fait élever avec luy Meſſieurs
les Princes de Conty & de la
Roche-fur-Yon. Quelque haute
que ſoit leur Naiſſance , on
peut dire qu'elle n'eſt pas le plus
grand de leurs avantages. Leur
Eſprit ſemble eſtre encor au defſus
,&ils ſe montrent par là dignes
Fils de feu Monfieur le
Gij
148 LE MERCVRE
Prince de Conty leur Pere , qui
en avoit infiniment ; & dignes
Neveux de Son Alteſſe Sereniffime
Monfieur le Prince , dont
les grandes lumieres ne font pas
moins l'admiration de tout le
monde , que fon extraordinaire
valeur. On a veu encor aupres
deMonſeigneur le Dauphin des
Enfans d'honneurd'une grande
qualité , mais qui n'eſtoientpas
moins conſidérables par les talens
qui les accompagnoient.
Ainſi ce jeune Prince n'ayant
jamais veu que de l'Eſprit dans
tout ce qui l'a environné,eftant
fort éclairé de luy -meſime &
ayant pour Gouverneur Monfieur
le Duc de Montaufier , &
Monfieur Boffuet ancien Evefque
de Condom pour Precepteur
, on n'a point à douter
qu'il n'atteigne cedegré de per-
:
GALANT. 149
1
fection que Sa Majesté luy fouhaite.
Vous avez entendu parler
ſi avantageuſement de l'un
& de l'autre , que je ne puis
preſque vous en riendire quine
vous foit déja tres -connu. MonfieurdeMoutaufierpoffede
toutes
les qualitez d'un grand
Homme. Il a une rectitude d'ame
qui le rend auffi peu complaiſantpour
ceux qui font mal,
qu'il ſe montre zele Protecteur
de laVertu. Ilprendtoûjours le
party de la Juſtice avec une ardeur
incroyable ,& ne loüe que
ce qui merite veritablement
d'eſtre loué , mais ſes loüanges
ne ſont point des paroles , ce
font des chofes de fait dont tou
te la Cour retentit. Vous ſçavez
qu'il eſt de la Maiſon de Sainte-
Maure ,dont l'ancienneté juftifie
aſſez la grandeur. Dés l'an
Güj
150 LE MERCVRE
mil dix il paroiſt que Gofſelin
de Sainte - Maure eſtoit un des
plus grands Seigneurs duRoyaume;
& en 1334. on a veu un
Guillaume de Sainte- Maure
Chancelier de France. Leur Poſterité
qui s'eſt divisée en plufieurs
Branches , & qui ayant
toûjours pris de tres-grandes
Alliances , en a donné aux plus
Illuftres Maiſons , s'eſt continuée
par vingtdegrés de décen
te directe de mafle en mafle,
juſqu'à Monfieur de Montaufier
, à qui le Marquiſat qui porte
ce nom, érigé en Duché , appartient
en propre. Il fut tranf
mis il y a pres de quatre cens
ans à la Maiſon de Sainte-Maure
par une des Filles d'un Duc
d'Angoulefme. Je ne vous parleray
ny de fon courage , ny de
ſa valeur . La France en a eſté
)
GALANT
témoin , auffi -bien que l'Italie,
la Lorraine , l'Alface, & l'Allemagne.
Dans les derniers Mouvemens
fomentez par les Ennemis
de la Couronne , non ſeulement
ilmaintint dans l'obeïffance
du Roy les Provinces de
Xaintonge & d'Angoulmois
dont il eſtoit Gouverneur ; mais
apres avoir rejetté avecune fidelité
inviolable les Propoſitions
-avantageuſes qui luy furent fai-
-tes pour l'obliger d'entrer dans
-leparty des Rebelles , il chaffa
-lesEnnemis des Places de Xaintes
, de Taillebourg , & de Tallemont,
dont ils s'eſtoient emparez;
& les ayant pourſuivis,
quoy que fort inégal en nombre
, ilchargea & défit une partie
de leur Armée à Montanić
en Périgord , fans qu'une bleffure
qu'il reçeut au bras , & dont
Giv
152 LE MERCVRE
il eſt demeuré eſtropić , luy fie
rien relâcher de la vigueur avee
laquelle il ſe ſignala dans une fi
glorieuſe occafion. Le Gouvernement
de Normandie ayant
vaqué par la mort de fen Monfieur
de Longueville,Sa Majesté
l'en gratifia , tant en conſiderationde
ſes ſervices, que de ceux
qu'Hector de Sainte Maure fon
Frere aifné avoit rendus à l'E
tat, non ſeulement en défendant
Rofignan dansle Montferrat
contre le Marquis de Spino-
Ja, mais en pluſieurs autres occafions,
&fur tout dans la Valteline
, où il fut tué en forçant
les Bains de Borino , & menant
l'Avantgarde de l'Armée que
commandoit feu Monfieur le
Duc de Rohan.
2.
Monfieur l'Eveſque de Condom
qui a fuccedé à feu M le
GALANT . 153
1
1
1
Preſident de Perigny dans la
Charge de Precepteur deMonſeigneur
le Dauphin , a prêché
longtemps avec un ſuccés qui
P'a rendu digne de la réputation
qu'il s'eſt acquiſe. Il mene une
vie fort exemplaire , & n'ayant
pas moins de pieté que de dotrine
, il ne peut inſpirer à ce
jeune Prince que des ſentimens
conformes au deſſein pour lequel
le Roy luy a fait l'honneur
de le choiſir. Il a beaucoup de
douceur , des manieres aiſees&
infinuantes , qui jointes aux favorables
diſpoſitions qu'il a
trouvées dans l'Eſprit de cet
Auguſte Diſciple , y font paſſer
adroitement , & fans qu'il ait
lieu de s'en rebuter , toutes les
connoiſſances qui peuvent étre
de fon employ. Il eſt de l'Academie
Françoiſe , auffi bien que
Gv
154 LE MERCVRE
Mr Huet Sous-Précepteur de
ce Prince . C'eſt un Homme
d'une fort grande érudition , à
qui nous devons pluſieurs Manufcrits
des Ouvrages d'Origene
, qui n'avoient jamais eſté
publiez . Vous vous plaindriez,
Madame , ſi je finiſſois l'Article
de l'Education de monſeigneur
le Dauphin, ſans vous parlerde
M. Milet qui en eſt le Sous-
Gouverneur. Les Négociations
dans leſquelles il a eſté employé
par m' le Cardinal de
Richelieu & par м le Cardinal
Mazarin , tant dedans que dehors
le Royaume, font une marque
incontestable de fon merite.
Il eſt mareſchal desCamps
& Armées du Roy, & a eſté envoyé
par Sa majeſté en Allemagne
& en Pologue , où il a tresutilement
ſervy.
GALANT.
155
C M' Blondel qui enſeigne les
Mathématiques à Monſeigneur
le Dauphin , eſt auſſi mareſchal
deCamp. On l'a employéquelque
temps aux Indes . Il a eſté
Capitaine de Galere & de Vaiffeau
, & Envoyé extraordinaire
à Conſtantinople , en Suéde, &
aupres de l'Electeur de Brandebourg.
Il a beaucoup de litterature
, & a fait pluſieurs Livres
qui n'en laiſſent point douter.
Il en a mis au jour quelques au
tres de Fortifications & de ма-
thématiques , fort eſtimez des
François & des Etrangers. Il a
travaillé en particulier aupres
du Roy,qui le confidere. C'eſt
luy qui a fait le nouveau Plan
de Paris , & qui a donné les
Deffeins des nouvelles Portes,
& du nouveau Rampart en for
me deCours.
Gvj
156 LE MERCVRE
Je ne vous diray rien deM
Sylvestre , qui a montré à deffigner
à Monſeigneur le Dauphin,
& qui eſt un tres habile
Homme dans fon Art,auffi-bien
que tous les autres Maiſtres qui
ont de l'employ aupres de ce
jeunePrince.
Selon l'ordre des choſes, vous
devriez trouver icy un grand
Article de Guerre ; car qui auroit
crûqu'apres nous avoir laifsé
faire une fi glorieuſe Campagne,
les Ennemis n'euffent ofé
profiter de la fatigue de nos
Troupes , & n'euffent fait tant
d'appreſts & de fi puiſſantes
jonctions , que pour mieux re-
* lever les avantages de la France,
en faiſant voir quatre Armées,
plus fortes à la verité que les
noftres , mais trop foibles encor
pour nous attaquer , tous affoiGALANT.
157
blis que nous devions eſtre par
nos Conqueſtes du Mois de
Mars ? C'eſtoit un Torrent capablede
tout entraîner , fi trouvant
une Digue à l'épreuve de
ſaplus redoutable furie , iln'euft
eſté contraint de fe renfermer,,
& de confumer ſes inutiles efforts
à bondir contre luy-mefme
par l'impoffibilité de s'étendre..
Voyez , je vous prie , quelle eftoit
leur Armée de Flandre ..
Vous y trouverez les forces de
huit ou neuf Puiffances Souveraines
, dont quelques-unes ſe
font autrefois défenduës ſeules:
contre la France ,& dont les autres
ont eſté affez fortes pour
ſecoüer le joug de l'Eſpagne,,
& la réduire apres plus de quarante
années de guerre , à ceder
àdes Sujets revoltez l'indépen
dance qu'ils ufurpoient. Sivous
158 LE MERCVRE
voulez reflechir ſur l'Armée
qu'ils avoient en Allemagne ,
quels progrés ne croirez-vous
-point qu'elle ait dû faire ? Elle
eſtoit compoſée de ces vieilles
Troupes de l'Empereur qui ont
fi ſouvent batu les Otomans;
de ces intrépides Cuiraſſiers
dont le ſeul nom inſpire de la
terreur; de ces Hommes fortis
de Famille qui n'ont jamais eu
d'autre habitation que le milien
d'un Camp ,&qui nez au bruit
de la guerre de Meres auſſi endurcies
au travail que leurs Peres
, n'ont preſque point veu de
Villes que pour les affieger ou
les défendre , de Villages que
pour les brûler apres les avoir
pillez , ny d'Ennemis que pour
les traiter auffi impitoyablement
qu'ils traitent les Turcs,
pour qui l'habitude de verſer du
GALANT.
159
fang les a dépoüillez de toute
forte d'humanité. Ils ne pouvoient
eſtre plus avantageuſement
ſoûtenus que par les vieilles
Troupes de Lorraine , qui
ayant appris leur Meſtier ſous
leur defunt Duc , grand & rufé
Capitaine s'il en fut jamais,
n'eſtoient pas moins accoûtumées
qu'eux aux incendies &
au pillage. On ſçait meſme que
c'eſtoit une neceffité pour elles
de chercher à vivre de rapines,
puis qu'elles ont eu rarement
une autre folde. Joignez à cela
qu'ayant combatu par tout ſous
leur Prince, ou ayant eſté loüées
par luy à divers Etat , elles ſçavent
tous les Païs , & qu'ainſi
il leur eſtoit aiſe de ne faire
point de fauffes Marches. Il ne
Peſtoit pas moins à l'Armée
des Cercles commandé par le
160 LE MERCVRE
Prince de Saxe - Eisenach , de
montrer que les forces de tant
d'Etats qui la compoſoient ne
s'eſtoient pas inutilement unies.
Elle paroiffoit redoutable , &
eſtant fur les bords de fon Païs,
elle ne devoit manquer de rien.
Pour celle de Catalogne , ma
derniere Lettre vous a déja
marqué l'état où elle ſe trouvoit
, quand les Eſpagnols prétendants
faire une grande di .
verſion de ce coſté-là , eurent
amaffé de nombreuſes Troupes,
d'autant plus confiderables ,
qu'elles eſtoient formées de la
plus grande partie de la Nobleffe
de leurs Royaumes , qui
avoit abondance de toutes chofes.
Si vous me demandez ce
que ces quatre grandes Armées
ont produit , apprenez - le de
nos Ennemis , qui avoient euxGALANT.
161
meſmes qu'elles n'ont rien fait.
-Nous ſommes ſi accoûtumez à
leur voir perdre tout le temps
de la Campagne , que nous
commençons à n'en eſtre plus
furpris , mais qui viendroit d'un
nouveau Monde,& apprendroit
tout d'un coup que tant de forces
liguées de tous côtez contre
leRoy, n'auroient ny empeſché
ſes Conqueſtes , nyreparé leurs
pertes par aucune entrepriſe
avantageufe, on regarderoit ſes
triomphes comme des triophes
fabuleux,ou l'on feroit perfuadé
que la Frace ſeule eft auſſi puifſante
que le reſte de l'Europe
enſemble. Nos grands ſuccés
donnent affez ſujetde le croire ;
mais quel que ſoit le courage
de nos Troupes,& quelque prudence
qui ait accompagné la
valeur de nos Genéraux , il a
162 LE MERCVRE
fallu , pour les remporter , que
le Prince dont les ordres font
tout mouvoir , n'en ait jamais
donné que de bons ; que le Miniſtre
qui agit ſous luy , les ait
toûjours fait executer à propos;
que la prévoyance n'ait manqué
en rien ; que les vivres ,que
l'argent , que tout ait eſté fourny
juſte ; & avec tous ces avantages,
nous ſommes encor obligez
de reconnoiſtre qu'il y a eu
quelque choſe de plus qu'humain
dans la conduite d'un
Prince , dont le Ciel benit les
armes ,& dont il prend viſiblement
ſoin apres nous l'avoir
donné. Cette verité vous fera
ſenſible , quand vous ayant appris
en peu de mots les rencontres
des Partis , & les divers
mouvemens de toutes les Trou-
*pes ennemies depuis ce que je
GALANT.
163
vous en écrivis la derniere fois,
je vous auray fait remarquer
que quatre grandes Armées
ont moins fait pendant cette
Campagne que la ſeule Garniſon
de Maſtric . Voyez apres
cela ſi on n'a pas lieu d'admirer
la France , le grand Prince qui
la gouverne , les Miniſtres qu'il
employe , les Commandans de
ſes Armées , ſes Officiers , ſes
Soldats ; & de dire que fi nous
fouhaitons la Paix , ce ne peut
eſtre que par bonté pour nos
Ennemis , puis que la Guerre
nous eft une continuelle ocса-
fion de Victoires.
Je reprens la Levée du Siege
de Charleroy, dont j'ay de nouvelles
particularitez à vous dire.
A l'arrivée des Ennemis , M'le
Comte de Montal eſtoit à cheval
hors de la Place pour les
164 LE MERCVRE
obſerver. Il fit brûler quelques
Maiſons écartées dont ils auroient
pû ſe ſervir,& on acheva
uneDemy-Lune &des Retranchemens
paliſſadez à la tefte de
deux Digues. Il y en eut une
autre coupée. Les Afſiegeans
couvrirent le Quartier du Prince
d'Orange par quatreRedoutes.
Jamais iln'yeutde Lignes fi
éloignées d'une Place que celles
qu'ils firent. Monfieur de
Combron Ingénieur, qui s'étoit
chargé d'un Billet pour Monfieur
de Montal , trompa l'Armée
ennemie, & la traver a veſtu
en Soldat d'un de leurs Regimens.
Ce Billet marquoit l'arrivée
de Monfieur le Marquis
de Louvois. On tira le Canon
de la Place pour faire connoître
qu'on l'avoit receu . On y témoigna
beaucoup de joyede la
GALANT.
165
LYOW
venuë de ce vigilant Miniſtre ,
&toute noftre Armée fit éclater
celle qu'elle en reſſentit. Sa
diligence , & celle que Monſieur
le Duc de Luxembourg
fit faire extraordinairement à
ſes Troupes , mirent l'épouvante
dans le Camp des Ennemis.
Monfieur Chéladet Capitaine
du Regiment de Monfieur de
Montal , les alla reconnoiſtre THE
avec quarante maiſtres. Il fut
foûtenu de quelques autres , & *
18930
ſe retira apres la décharge qu'il
fit ſur une petite Garde. Les
Affiegeans reprirent courage ,
& firent travailler à leurs Lignes
avec grand empreſſement;
mais cette ardeur leur dura peu.
Leurs Bombes & leurs Boulets
furent chargez dés le lendemain
, ils firent partir leur Canon
& leurs équipages , & pri166
LE MERCVRE
rent le chemin de Bruxelles .. Ils
le prirent eux-meſmes un jour
apres. M'le Marquis de Montal
Fils du Comte de ce nom , en..
fut avertir M. le Duc de Luxembourg
& M. le Marquis de
Louvoys. On ne pût joindre
les Ennemis , parce que le Pont
fur lequel ils avoient paſſé la
Sambre ſe trouva défait. Les
Mouſquetaires de M. de Larriez
&M. le Comte de Montal,avec
les mouſquetaires & les Grenadiers
du Roy , les ſuivirent. Le
Regiment de Montal , & les
Dragons,paſſerent au gué, mais
ce fut inutilement , la peur leur
avoit donné des aifles, & jamais
Fuyards n'en eurent de ſi legeres.
Leur Infanterie ayant
paſſé le Piéton avec une diligence
incroyable fur deux
د
Ponts qui furent rompus , ils
GALANT.
167
gagnerent les Bois ,& fe mirent
à couvert de la pourſuite des.
Noftres. Ils avoient tenu Confeil
de guerre avantque de lever
le Siege , & trois chofes leur en
firent prendre la refolution. Ils
avoient ſceu le bon état de la
Garnifon & de la Place , &
ne doutoient point que m' de
Montal ne leur en diſpu
vigoureuſement les approches.
La difficulté de recevoir des
Convois qui leur eftoient coupez
de tous coſtez les embarraf-
• ſoit , & ils ne s'eſtoient pas attendus
à voir ſi- toſt arriver nos
Troupes. On peut dire à l'avantage
du Prince d'Orange ,
que jamais il n'a conclu à rien
de ſi judicieux qu'à la Levéede
ce Siege , auquel il ne pouvoit
s'opiniâtrer ſans faire perir fon
Armée. Dés qu'elle eut eſté
200 :
168 LE MERCVRE
T
refoluë par toutes les voix , on
mit en délibération quelles
Troupes ſeroient à l'Arrieregarde.
Le Lieutenant General
Chauvet , commandant cellest
de Brunfvic & d'Osnabruc
parla le premier , & dit qu'il
n'avoit ordre de les expoſer que
pour un Siege ou une Bataille.
Commandant de Munſter
s'excuſa ſur les meſmes raiſons;
& le Prince d'Orange ayant
voulu engager le Duc de Villa-
Hermoſa à faire ce que les deux
autres refuſoient , il s'en défendit
ſur le peril où ſeroit le
refte des Païs du Roy fon
Maiſtre , ſi ſes Troupes eſtoient
défaites par les François. Comme
ils ne pûrent s'accommoder
qu'en tirant au Sort , il tomba
fur le Duc de Villa-Hermofa .
Le chagrin qu'il en eut lay fit
imputer
GALANT. 169
imputer la Levée du Siege au
Prince d'Orange. Ce Prince en
fut piqué , & pour repouffer
l'injure , il luy dit affez fierement,
Que s'il avoit autant de
François dans ſes Troupes qu'en
avoient eu fes Ancestres , il viendroit
plus aisément à bout de fes
entrepriſes. Il eut raiſon de ſe
facher , on l'infultoit apres luy
avoir manqué de parole , en
ne luy fourniſſant pas tout ce
qu'on luy avoit promis pour le
Siege qui cauſoit leur demeſlé.
Cette diſpute n'empeſcha pas
ce Prince de propoſer le Siege
de Maſtric ; mais le General
Eſpagnol s'y oppoſa , & dit que
l'Armée du Roy qui feroit libre
pendant ce Siege , feroitde nou--
velles Conqueſtes en Flandre .
Cependant ces Generaux ne
pouvant ſe réfoudre à finir la
Tome VII. H
170 LE MERCVRE
Campagne fans aucun exploit,
attaquerent la Ville de Binch.
C'eſtune de ces Places qui n'étant
point fortifiées , ſont toûjours
aux moindres Corps de
Troupes qui paſſent aux environs
. Ils firent venir un mortier
& du Canon , & n'eurent befoin
que de quatre à cinq mille
Hommes pour en forcer foixante
& dix qui la gardoient.
Ils la brulerent pour marque de
leur victoire , & auffi- toft Mеб-
ſieurs le Duc de Villeroy , de
Sourdis ,& de Chamilly, furent
commandez pour aller bruler
les Fauxbourgs de Gand , en
repreſaille de cet incendie.
Cette particularité vous fait
voir que les François ne font
jamais rien qu'avec justice , &
que s'ils ſe portent à quelqu'une
des horreurs qui fuivent la
GALANT .
171
Guerre , ils y ſont toûjours
contraints par leurs Ennemis.
Voicy comme ſe paſſferent les
choſes. M le Duc de Villeroy
fut à peine entré dans le Païs
de Vaës , que le Grand Bailly
de Gand eſtant venu au devant
de luy , l'aſſura du payement
des Contributions dont ont étoit
convenu l'année derniere,
& luy demanda trois heures
pour s'en acquiter . Sa demande
luy fut accordée ; & M. de
Villeroy , apres avoir attendu
plus de temps qu'il n'avoit promis
, fit mettre le feu à un Chafteau
. Perſonne ne revint ; ce
qui l'obligea à le faire mettre
encor à un des Fauxbourgs de'
Gand , & enfin tout s'accommoda
par le retour du Bailly
qui paya la ſomme arreſtée.
Pendant ce temps , pluſieurs
Hij
: 172 LE MERCVRE
Détachemens avoient eſté faits
: pour empeſcher les courſes des
Ennemis. M' de Quincy eſtoit
d'un coſté , M. de S. Rhut d'un
autre , & M. le Comte de
S. Geran fous Ath, ayant ordre
de s'avancervers Valenciennes,
fi les Ennemis tournoient de ce
coſté-là. C'eſt ainſi que M. de
Luxembourg prévoit à tout
avec une vigilance merveilleuſe.
Il s'eſtoit avancé luymeſme
avec M. de la Cardonniere
, à une demy lieuë de Bruxelles
; & quoy qu'il n'euſt pas
dix mille Hommes avec luy, fa
prefence mit une telle épouvante
dans cette grande Ville,
! que le Conſeil des Bourguemeſtres
s'y aſſembla aufli toft.
Quelques - uns d'entr'eux ſe
croyant abandonnée des Eſpagnols
, estoient d'avis qu'on dé
GALANT. 173
putaſt à ce General, mais quatre
mille Hommes des leurs qui ſe
jetterent dans la place , leur firent
changer de deſſein .
Quoy que les Noftres eufſent
apperçeu ces Troupes au
delà de l'Eſcaut , il fut impoffible
d'aller à elles à cauſe de
nos Ponts qui n'eſtoient pas
preſts . Cette courſe eut le ſuccés
qui l'avoit fait entreprendre
, puis qu'elle diviſa les forces
des Ennemis. Il y eut quelques
coups donnez. Monfieur le
Comte de Soiffons qui ne voit
point de péril où il y a de la
gloire à acquerir , y fit paroiſtre
la boüillante ardeur qu'il ne
manque jamais d'avoir dans ces
fortes d'occaſions ; mais fon
courage fut fatal à un Gentilhomme
des fiens qui le ſuit
toûjours de pres ,& qui reçeut
174 LE MERCVRE
un coup de Mouſquet à la
jambe gauche , qui luy a caffe
le petit os entierement , & le
gros à moitié. Comme il eſt
fort aimé , ſon malheur intereſſa
les principales Perſonnes
de l'Armée , & м. de la Cardonniere
en particulier. Monſieur
le Comte de Soiffons qui
l'eſtime , en fut touché ſenſiblement
, & aida luy-meſme à le
porter dans une Cabane dePaïfans.
Il l'y fit penſer , & voyant
que ſes mouchoirs qu'il donna
ne ſuffifoient pas , il déchira
juſqu'à ſa chemiſe pour le ſecourir.
Comme vous eſtes bienfaiſante
& genereuſe , je ne
doute point , madame, que vous
ne trouviez ce Prince auſſi loüable
par ces marques de bonté
pour une Perſonne qui eſt à
luy , qu'il vous le paroiſt par
GALANT.
175
tant de choſes qui le rendent
digne des grands Noms qu'il
porte. Le Gentilhomme dont
je vous parle eſt m' de malou,
qui danſoit d'un fi bel air , &
qui chante avec une ſi grande
juſteſſe. Il s'eſt diſtingué en
mille endroits par ſes bonnes
qualitez , & on ne peut avoir
plus d'Amis illuftres qu'il en a,
ny plaire à plus d'Amies raiſonnables.
Cet accident a touché
icy beaucoup de Gens , & ма-
dame la Princeſſe de Carignan
qui s'eſtoit privée de luy pour
donner à Monfieur le Comte
de Soiffons , fon Petit-Fils , un
Homme aſſuré qui ne l'abandonnaſt
jamais , a fait paroiſtre
affez ouvertement l'eſtime qu'-
elle en fait , par la douleur qu'-
elle a témoignée de ſa bleſſure.
Si Bruxelles a eu de la terreur
Hiij
176 LE MERCVRE
d'un coſté , Anvers a tremblé
de l'autre. M de Roſamel
ayant efté détaché par M de
la Cardonnerie avec cent cinquante
maiſtres pour aller ſçavoir
fi les Ennemis n'avoient
aucune Troupes en Corps,
s'acquita de cet employ avec
une bravoure finguliere. Il étoit
obligé de paffer devant un
Fort qui n'eſt qu'à demy heure
d'Anvers. Les Ennemis luydemanderent
le qui vive ? Il ré
pondit , Orange. On s'informa
de quel Regiment il eſtoit , il
en nomma un ; & fur ce qu'on
voulut ſçavoir ce qu'il alloit
faire , il dit qu'il eſtoit envoyé
par le Prince d'Orange pour
porter des nouvelles au Gouverneur
d'Anvers. Il fut crû fur
ſes réponſes , & les Ennemis
l'ayant laiffe paffer , il arriva à
GALANT. 177
,
la Barriere de cette Ville. On
luy fit les meſmes queſtions , &
apres qu'il eut répondu les mefmes
choſes qu'il avoit dites à
ceux du Fort , la Barriere luy
fut ouverte. Il y entra , & fit
tuer un Sergent avec trois ou
quatre Soldats & mettre le
feu à quelques Batteaux qui
eſtoient proches. La Ville fut
alarmée . Les Habitans prirent
les armes, croyant que cet
Officier eſtoit ſuivy de toutes
nos Troupes. Il ſe retira par le
meſme chemin qu'il avoit tenu
en venant , & demanda à ceux
qui gardoient le Fort s'ils
ne vouloient rien mander au
Prince d'Orange , où à quelques
Officiers de ſon Armée. Ils ne
mirent aucun obftacle àfon retour
, & pour les en remercier,
il rangea ſa troupe en Efça-
2
H V
178 LE MERCVRE
dron au dela du Fort , & par
une ſalve fort gaillarde , il leur
fit connoiſtre ce qu'il eſtoit.
Les Ennemis ne ſont venus à
bout d'aucun de leurs deffeins,
quelque peu confidérable qu'il
ait eſté . Ils vinrent ces derniers
jours avec grande diligence
pour couper M de Joyeuſe qui
commandoit un Corps ſeparé,
aſſez éloigné de M de Luxembourg
, mais ils reüffirent à leur
ordinaire.. Voilà juſqu'à aujourd'huy
la Campagne de
Flandre des Ennemis. Ils l'ont
commencée par la perte d'une
Bataille , continuée par de redoutables
appreſts & des menaces
d'affieger nos plus fortes
Places , & finie par la prompte
Levée du Siege de Charleroy.
Le reste de la noſtre a eſté employé
de ce coſté-là , à faire
GALANT . 179
payer des Contributions à tout
ce qui reſte de Païs aux Eſpagnols
, & à quelques endroits
de celuy des Hollandois ; &
ces Braves qui devoient tout
prendre , font contraints de féparer
leurs forces pour couvrir
ce qu'ils craignent que nous ne
leur emportions. L'Armée de
l'Empereur , toute formidable
qu'elle eſtoit , n'a pas fait de
plus grands progrés. Vous l'avez
deja veuë bien au delà de
Moufon, Village ſans Habitans,
dont elle s'eſtoit emparée , &
qu'elle fut obligée d'abandonner,
pourſuivie dans ſa retraite,
& faiſant toûjours quelque
perte conſidérable. Elle a eſté
fouvent réduite à s'arreſter
dans ſa marche , par la crainte
d'eſtre attaquée ; & ces vieux
Soldats aguerris n'ont pas crû
Hvj
180 LE MERCVRE
quelquefois eſtre en ſeûreté
dans leurs Quartiers. Ils rompent
leursPonts par tout où ils
paſſent , ce n'est pas chercher
le combat. Il eſt vray que le
dépit de ſe retirer apres tant de
fatigues inutilement ſoufertes,
leur a fait brûler des Eglifes;
celle de Boymont en eſt une
preuve; mais hors les incendies,
les moindres chofes leur font
difficiles. Ils n'ont oſe atta
quer laPetite-Pierre , ny Phalfbourg.
Ils ne peuvent aller en
Alface fi facilement qu'ils l'avoient
crû . Ils cherchent à vivre
, & Monfieur le Mareſchal
de Créquy eft toûjours affez
pres d'eux pour faire avorter
tous leurs deſſeins. Il envoya
dernierement M² d'Enonville
Colonel du Regiment des Dragons
de la Reyne , avec ſon Re--
GALAN T. 181
giment , pour faire fortir du
Chafteau de Dimerenken la
Garnifon qui estoit dedans.
Comme elle refuſa de ſe rendre
, Male Mareſchal détacha
deux cens Hommes d'Infanterie
commandez par M de
Courcelles , qui d'abord qu'il
fut arrivé , leur fit entendre
qu il avoit deux mille Hommes
de pied avec du Canon , & qu'il
les feroit tous pendre s'ils refiftoient.
Cette adroite menace .
les étonna tellement , que fans
examiner s'ils la devoient craindre,
il mirent les armes bas, & fe
rendirent Priſonniers de guerre.
Il y avoit pluſieurs Païfans
dans ce Chaſteau , qui en ſortirent
avec la Garniſon . M' de
Courcelles s'acquit beaucoup
d'eſtime par cette conduite , &
M'le Marefchal l'en loua fort
182 LE MERCVRE
en preſence des Officiers Generaux.
Les Ennemis avoient
pris la route de cette Place ,
mais ils s'en retournerent , ap--
prenans que nous en eftions
maiſtres. Ils s'épargneroient
quelquefois bien des peines, s'ils
fe faisoient mieux inſtruire des
choſes. Un Lieutenant du Re--
giment d'Auvergne a défait
une de leurs Gardes , tué cinquante
Hommes , pris le Commandant
, & emmené vingtcinq
Chevaux. Ils ont abandonnéla
Sarre & tous leurs deffeins
, & marchent dans un Païs
ruiné. Il n'y a pas la moitié de
l'Armée qui garde ſes rangs.
En arrivant , pour commencer
leur Campagne , le Prince
Charles avoit mis ſur ſes Guidons
, Nunc ant nunquam. Vous
fçavez , Madame , où vous le
GALANT. 183
devez ſçavoir pour l'apprendre
à vos Amies , que ces trois mots
Latins fignifient , Maintenant ,
ou Iamais. Voicy une façon de
Rondeau qu'un Homme d'auffi
bonne humeur que ſpirituel , a
faitlà-deffus..
N
Unc aut nunquam eft la
Devise
Que nos Ennemis avoient priſe,
Croyat tout rangerſous leurs Loix
Et cependant depuisfix mois
Ils n'ontfait aucune entreprise .
Pour justifier
Ilfaudroit
un
quefur
LYON
tel choix,
les Francois
Quelque Place eust esté conquiſe,
Nunc..

Apres que leplus granddes Rois
En plein Hyver en a pris trois,
Malgré la gelée& la biſe,
184 LE MERCVRE
L'Allemand&le Hollandois
Doivent rougir de leurs Exploits,
Aut nunquam .
A
Jedevrois vous parler icy des
Armées de Monfieur le Baron
de Monclar , & de celle des
Cercles, à laquelle nous avons
fait repaffer le Rhin ; mais
comme je ne vous en ay encor
rien dit dans aucune de mes
Lettres , je referve à vous faire
un Recit entier de cette Campagne
dans ma premiere , afin
que vous en appreniez en meſme
temps le commencement &
la fin. Quant à l'Armée de
Catalogne , le repos des Ennemis
vous fait mieux voir que
tout ce que je vous en pourrois
dire , qu'il faut qu'ils ayent eſté
bien batus , puis qu'apres avoir 1
amaſſe tant de forces, ils n'ont
GALANT. 185
rien entrepris depuis l'avanrageuſe
Retraite de Monfieur le
Duc de Navailles, Voyez, Madame
, par ce détail , ſi je n'ay
pas eu raiſon d'aſſurer que la
ſeule Garniſon de Maſtric avoit
plus fait que tant de milliers
d'Hommes. Elle a brûlé des.....
Villages dans le Païs d'Elfe ,
appartenant au Duc de Neubourg.
Elle en a brûlé dans
celuy de Juliers , avec les Villes
de Zittard & de Tongres , en
reprefailles de Moufon ; car ,
comme je vous l'ay fait remarquer
d'abord , les François repouffent,
mais ne commencent
jamais l'infulte. M de Melac
Colonel de Cavalerie , a mis
auſſi le feu à trois Chaſteaux
des environs de Zittard , fans
que le Major General Spaën
qui commande un Corps d'Al-
Lifez la Page folio 86. & 87. cy-contre.
187 LE MERCVRE
Capitaine d'Ohier de Dieppe,
appartenant à divers Particuliers,
& fur tout au Sieur Rouxel
de la meſme Ville. On l'avoit
deſtiné pour les Indes. Sa charge
montoit à cinquante mille
écus , & le Baſtiment en vaut
trente mille. Son bonheur vou-
Iut qu'il vint échoüer devant
le petit Fort , & que cinquante
jeunes Hommes qui s'y jetterent
auffitoſt , ſe joignirent à
ceux de l'Equipage. M³ le Duc
de S. Aignan avoit donné le
commandement de ces cinquante
Hommes de Fécam à
M' Godefroy , qui eſt un tresbrave
Soldat, & qui fit des merveilles
en cette occafion. Cependantles
cinq- Frégates ayant
le Pavillon François , tirerent
environ cent coups de Canon
àce Vaiſſeau , & comme c'efGALANT.
186
1
4.
liez formé ſeulement pour s'opoſer
à la Garniſon de Maſtric,
ait pû l'empeſcher ny rompre
ſes Partis qui reviennent tous
les jours chargez de butin.
Tout le Païs de Juliers & de
Gueldres l'appréhende , & celuy
de Cologne eſt d'accord
avec elle pour les Contribu.
tions.
Les Rencontres de Mer ne
nous font pas moins glorieuſes
que les Attaques de terre. Il
y a dix ou douze jours qu'une
Eſcadre d'Ennemis parut devant
Fécam , compoſée de cinq
Frégates Oftendoiſes de 36. de
34.de 28.de 24. & de 18. Pieces
de Canon . Elles chafſoient un
Vaiſſeau nommmé le S. George,
de 200. Tonneaux,de 22. Pieces
de Canon , & de 120. Hommes
d'équipage , commandé par le
188 LE MERCVRE
toient tous Boulets à deux tê
tes , ils couperent force cordages
; & force Maneuvres avec
P'Echelle, donnerent huit coups
dans le corps du Baſtiment, emporterent
la cuiſſe àun Matelor,
& percerent quelques Maiſons
des coups qui échaperent. Ces
Frégates tinrent en ſuite une
eſpece de Conſeil , apres lequel
remettant le Pavillon d'Espagne
, elles revinrent furieuſement
à la charge , & quafi à la
portée du Piſtolet. Le combat
dura cinq heures , & elles tirerentdu
moins cinq cens coups
de Canon , & deux mille de
Moufquet , pendant que ceux
du Vaiſſeau les attendoient à
l'abordage , le Sabre à la main,
& que deux pieces de Canon,
feules en état de cinq qui font
dans le Fort , leur tirerent cent
GALAN T. 189
cinquante coups. Leur Amirale
& l'autre grande de 34. furent
percées de cinq ou fix coups à
l'eau, ce qui les obligea de quiter
le Combat l'une apres l'autre
, & d'eſtre longtemps ſur le
coſté pour reparer leur dommage.
Tout le monde fit ſon
devoir par les ordres de M. de
Longueil , qui , quoy que malade,
fit tres - bien de faire défendre
le Vaiſſeau avant l'arrivée
de M. de S. Aignan , lequel
ayant appris cette nouvelle , &
jugeant par le lieu où les Frégates
demeuroient , qu'elles ne
manqueroient point de revenir
avec la marée , partit du Havre,
gagna Fécam toute la nuit , &
en y arrivant le matin , apperçeut
les deux grandes Fregates
fous voile qui revenoient vers
le Vaiſſeau. Comme le péril
2
190 LE MERCVRE
ne l'a jamais étonné , il y monta
par les cordes du dehors , & les
Ennemis s'eſtant approchez
peu à peu , ils ſe tinrent encor
quelque temps à la veuë de
Fécam , & diſparurent tout-àfaiten
fuite . Alors M de S. Aignan,
qui vouloit braver les En-:
nemis dans leur retraite , opina
à remettre le Vaiſſeau à flot, &
à ne leur point cacher ſa route.
Apres qu'il eut tiré tout ſon
Canon par fon ordre , il mit à
la voile fur les huit heures du
foir , & ce Duc ayant repris le
chemin le longde la Coſte , arriva
au pointdujour auHavre
en meſme temps que le Vaifſeau.
Jugez, Madame, de la joye
des Intereſſez , & du Capitaine
qui le croyoient perdu ſans refource.
Tous ceux qui ont eu
part à cette Action , en ont re
GALANT. 191
ceu beaucoup de loüanges ,
Me l'Abbé de Coffe , Gentilhomme
de Marseille , & Frere
d'un Capitaine de Cavalerie du
meſme nom , entra dés le ſoir
dans le Vaiſſeau pour partager
le plaifir & la gloire de cette
défenſe. On a ſceu d'un Capitaine
Anglois arrivé depuis
cette Attaque , qu'il avoit rencontré
les cinq Frégates avec
leurs Maneuvres en granddefordre
, ſur tout l'Amirale , qui
avoit pluſieurs coups à l'eau,
tout ſon Arriere briſe , & force
Gens hors de combat. Les Ennemis
luy ont dit que ce qui
leur avoit fait conclure leur retour,
eſtoit qu'ils avoient connu
les Gardes de M. de S. Aignan,
& que s'eſtant apperçeus avec,
leur longue veuë , qu'il montoit
luy-meſme dans le Vaiſſeau , ils
192 LE MERCVRE
s'eſtoient bien imaginez qu'on
n'oublieroit rien pour ſa défenſe.
Ce témoignage eſt bien
glorieux pour ce Duc , qui joignant
la liberalité à tant d'autres
vertus qui l'accompagnent,
ne ſe contenta pas de recompenfer
ceux de l'Equipage par
des loüanges , mais leur donna
de l'argent pour s'eſtre ſi dignement
acquitez de leur devoir.
Ce fut là - deſſus qu'un
agreable Eſprit de Fécam fit ces
deux Vers , en parlant de luy à
luy-mefme.
Il les mit en état de ne craindre
plus rien,
Et lesrécompensad'avoirſauvé
leurBien,
Les principaux Intereſſez ont
eſté ravis de la maniere dont
ce Duc s'eſt pris pour ſauver
Ieur Vaiſſeau contre toute apparence,
GALANT. 193
parence , & mefme contre leur
attente .
C'eſt vous entretenir trop
long - temps de Guerre. Je
change de matiere , & paſſe
à un Sujet de Procés qui eſt
arrivé icy depuis peu , & qui
vous paroiſtra affez extraordinaire.
Un Gentilhomme pafſant
à pied dans la Ruë avec
deux Laquris , ſe ſentit couvert
d'eau qu'on luy jetta tout-àcoup
d'une Feneſtre. Il leva les
yeux en haut pour voir l'Autheurde
l'infulte , & apperceut
un gros Singe qui ayant pris
plaisir à l'arrofer , prétendoit
encor ſe divertir à luy caffer la
teſte d'un Pot qu'il tenoit. Le
Gentilhomme évita le coup en
reculant , & ne fut pas moins
chagrin de la méchante odeur
que contracterent ſes cheveux
Tome VII. I
194 LE MERCVRE
en un moment , qu'il avoit eſté
furpris de la ſubite inondation.
Les Laquais qui mirent leur
honneur à vanger leur Maiſtre,
ramafferent les débris du Pot,
&penfant les jetter contre ce
malicieux Animal qui faiſoitdes
gambades en grinçant lesdents,
ils les jetterent malheureuſementde
travers contre un grand
Miroir qui estoit attaché à cô
té de la Feneſtre. La Maitrefſe
du Logis entroit alors dans
fa Chambre. Elle estoit ſuperſtitieuſe
& avare. Le bruit du
coup l'inſtruit de ſa perte , &
un Miroir caffé la fait ſouffrir
doublement. Elle crie au meurtre.
Grande rumeur dans levoifinage.
Son Cocher fort avec
trois Laquais armez de tout ce
qu'ils peuvent rencontrer ; ils
donnent fur ceux du GentilGALANT
.
195
homme , qui ſe croit obligé de
les ſecourir. L'un eſt renversé
,
par terre, l'autre à le bras percé
d'une Broche & l'Epée du
Maistre auroit peut - eftre eu
peine à le garantir luy-meſme
des longues Armes qu'on luy
oppoſoit , ſans un vieux Confeiller
qui les fepare , & qui interpoſe
ſon autorité pour prendre
connoiffance de l'affaire .
La Dame qui ſçait que le Gentilhomme
luy parle,vient promptement
luy porter ſa plainte.
Elle ne demande pas ſeulement
qu'on luy paye fon Miroir caffé,
elleveutqu'on luy réponde de
tout ce qui luy doit arriver de
finiſtre apres un accident de fi
trifte augure. Le Gentilhomme
de ſon coſté n'a pas de legeres
prétentions. Outre fon Laquais
percé de la Broche , qu'il faut
I ij
196 LE MERCVRE
qu'on luy rende fain & fauf , il.
foûtient qu'on luy doit faire
raiſon de l'infection de ſa Che-1
velure. Le Conſeiller les écou
te , & fans vouloir prononcer,
quoy qu'ils le faſſent Arbitre
du diferend , il porte la Dame
à ſe conſoler de fon Miroir , &
le Cavalier à ſe mettre en frais
d'Effences pour reparer le def
ordre de ſes cheveux. Je ne ſçay
ſi la Dame qui est un peu obſtinée
, en voudra demeurer là,
mais je croy qu'en bonne juftice
le Singe devroit eſtre condamné
aux deſpens. Cependant
le Gentilhomme s'eſt diverty
de ſon avanture , en l'écrivant
àune Dame qu'il eſtime
tres-particulierement. On peut
croire que cette eſtime va loin,
& que fintelligence eft forte
entr'eux, puis qu'il luy a envoyé
GALANT.
197
fon Portrait comme un préſervatif
afſſure contre le chagrin
de fon abſcence . Il s'est fait
peindre avec une Couronne fur
la teſte , pour avoir lieu de luy
proteſter galamment qu'il n'en
veut une que pour la mettre à
ſes pieds. La Dame en ſeroit
fort digne , ayant de la beauté,
de l'eſprit, & affez de naiſſance,
pour n'eſtre pas embarraffée du
rang où un ſemblable préſent la
mettroit. Je crains bien pourtant
que ce Portrait envoyé ne
faffe tune Affaire au Gentil
homme , car le Paquet fut ouvert
en prefence d'une Dame
d'un fort grand merite , à qui fes
hommages n'ont point déplû ,
& qui le confiderant affez pour
luy avoir dit ſouvent qu'elle ne
pouvoit vivre ſans luy , aura pu
fe chagriner de ce qu'il femble
I iij
298 LE MERCVRE
qu'elle ne ſoit pas la ſeule maiftreffe
de fon coeur. Ce Procés
devroit eftre plus redoutable an
Cavalierque celuydu Singe. La
choſe le regarde. C'eſt à luyd'y
mettre ordre. Il a de l'eſprit , 84
comme il entend fort bien rail
lerie , je ne doute point qu'en
matiere de voeux partagez , il ne
trouvemoyende la faire enten,
dre aux autres.
Le mariage de Mademoiselle
Ricoüart d'Erouville , dont le
merite eſt connu , ayant eſté
arreſté avec M. de la Levretiere
Gouverneur de Condé , elley
fut menée au commencement
de ce Mois , accompagnée de
pluſieurs Dames de ſes Amies.
Il vint au devant d'elle avec
cinquante Officiers , & deux
Compagnies de Dragons. Elle
entra à Condé au bruit du CaGALANT.
199
non , toute la Garniſon eftant
fous les armes ,& les Hayes jonchéesde
Fleurs. Elle fut haranguéepar
les Officiers de la Ville,
& par le Doyen à la teſte de
fon Chapitre , & mariée des la
nuit meſme dans la Chapelle
de M. leGouverneur. C'est un
Homme qui a tres-bien ſervy .
Il eſt fort bien fait de fa perſonne
, a beaucoup d'eſprit &
de complaiſance , un grand
Equipage , & une tres-bonne
Table.
DeCondé je retourne encor
à Nimegue , où mille plaifirs
nouveaux délaſſent tous les
jours ceux qui prennent le ſoin
des grandes Affaires qui s'y traitent.
Les Filles de м³ le marquis
de Spinola , avec les Dames de
leur ſuite ,y reciterent dernierement
un Opéra en Italien.
I iiij
200 LE MERCVRE
Tous les Ambaſſadeurs , les
Ambaſſadrices , & tous ceux
qui ont caractere de miniſtre,
s'y trouverent, à la reſerve des
Ambaſſadeurs de Brandebourg
&de Hollande. Si j'apprens des
particularitez de ce Divertiſſfement
, je ne manqueray pas de
vous en faire part.
Jequite la plume, car àmoins.
de prendre cette réfolution
tout-a-coup , je voy bien que
je ne finirois pas. J'attens le retour
du Roy , pour vous faire
un Journal entier des Divertiſ
ſemens de Fontainebleau. Je
vous le promets fi remply , qu'il
fera nouveau en beaucoup d'endroits
pour ceux-meſmes qui
ont toûjours eſté ſur les lieux.
J'y joindray un Adieu aux Muses,
dont je ſuis certain que vous
ferez tres- contente , auffi-bien
IGALANT . 201
que de quantité d'autres Pieces
& d'agreables Hiſtoires , que la
groſſeur de ma Lettre m'empeſche
de vous envoyer aujours
d'huy. Pour vous conſoler de
ce retardement, vous trouverez
dans mon Paquet la Seconde
Partie de l'Heroine Moufquetaire.
Je ſçay que c'eſt vous
faire un preſent que vous aimerez
. Puis que la premiere
vous a tant plû , celle-cy ne
vous doit pas moins divertir.
Il y a des choſes tres- finement
tournées , & l'Autheur ne ſe
peut tirer avec plus d'eſprit
qu'il fait des matieres qui font
tun peu délicates. Tout ce qui
regarde la Baronne de Saint
Sauveur , eft fort plaiſamment
écrit; & de la maniere dont les
Avantures de Chriſtine-Saint-
Aubin ſont traitées , on n'a pas
201 LE MERCVRE
à ſouhaiter qu'elles finiſſent frtoſt.
Réponſe , s'il vous plaiſt,
fur l'explication que vos Amies
auront donnée à l'Enigme que
jeleurpropoſe.
A Lyon, ce s. Oftobre 16-77-
A
1
TABLE DES MATIERES.
Amour Commode .
LAmoure Histoire de lafauffe Provençale.
LeRoydonne à Monsieur leMarquis
de Montanegre l'agréement
de la Lieutenance de Roy
deLanguedoc.
Hiſtoire de l'Enfant Ours.
L'Horloge des Amans.
Compliment de Monsieur de Roubinde
l'AcadémieRoyale d'Arles,
àMeffieurs de l'Académie
Françoise , en leur preſentant
des Estampes de l'obélisque élevé
à la gloire du Roy dans la
Ville d'Arles.
Académie de beaux Efprits établie
àTurinparMadame Royale.
Autre Académie des Exercices du
Corps, établieparla mefme.
TABLE.
Enigme.
Ballade. 1
Hiftoire du Faux Milord.
Le nouveau Grand Vifir veut introduire
de nouvelles manieres
de recevoir les Ambaffadeurs,
dont ilne peut venir à bout.
Collation Inpromptu.
Reproche de n'aimerpoint affez .
Confitures données..
Passion naiffante.
Histoire de l'Amant Cocher.
Vers Irreguliers pour le Roy.
Particularitez d'un Régal donnéà
Nimegue par Monsieur le Comte
d'Avaux Plenipotentiairede
France..
Compliment fait au Roy par l'A.
cadémie Françoise , Monsieur
Quinaut Directeur de cette
Compagnie portant la parole.
3
LeRoy donne au Fils de feu M. le
C
TABLE.
Comte de Coffé la Charge de
Grand Pannetier de France,
Monsieurle Marquis de Foix est
reçeu Chevalier d'Honneur de
Madame.
Monficur de Matignon preste Serment
entre les mans de SaMajesté
pour la Lieutenance deRoy
de Normandie.
Mort deM. le President de Maifons.
Mort de Madame de Puisieux .
Tout ce qui s'est passé dans l'Académie
Françoise le jour de la
Distribution des Prix,avec plu-
Sfieurs particularitez qui regardent
l'Education de Monfeigneur
le Dauphin ,& les grandes
qualitez de ce Prince...
Inpromptu de M. le Duc de S.Aignan
à M. le Dauphin , fur le
Chasteau de S. Germain gravé
parcePrince.
TABLE.
Autres Vers de M.de Tierceville
Sur le mesme Sujet.
Suite des Nouvelles de la Guerre.
Rondeaufur la Deviſe que le Prince
Charles fit mettre fur ces
Guidons en approchant deMets,
Une Escadre de 5. Fregates Oftendoiſes
attaque devant Fécam
un Vaiſſeau Marchand estimé
quatre-vingt mille écus. Il est
fauvépar lès bons ordres de M.
Le Duc de S.Aignan.
Hiſtoire du Singe.
Mariage de Mademoiselle Ricoüart
d'Erouville, & de M.de
la Levretiere , Gouverneur de
Conde.
Opéra representé à Nimeque par
les Filles deM. le Marquis de
Spinola.
Finde la Table.
*
LYON

Extrait du Privilege du Roy.
ArGrace &PrivilegeduRoy, Donné à
P
S.Germain en Layele 15. Fevrier 1672.
Signé, Par le Roy en fon Conſeil, VILLET :
Il eſt permis au Sieur Dam de faire imprimer
, vendre & debiter par tel Imprimeur
& Libraire qu'il voudra choiſir , un Livre
intitulé le MERCURE GALANT , en un ou
pluſieurs Volumes,pendant le temps de dix
ans entiers , à compter du jour que chaque
Volume fera achevé d'imprimer pour la
premiere fois . Et defenſes ſont faites de
contrefaire leſdits Volumes , à peine de fix
mille livres d'amande , ainſi que plus au
long il eſt porté eſdites Lettres.
Registrésur le Livre de la Communauté le
27. Février 1672 .
Signe, D. THIERRY, Syndic
LYON
*
Ledit Sieur DAM a cedé fon droit
Privilege à THOMAS AMAULRY , Libraire,
ſuivant l'accord fait entr'eux.
decha-
N donnera un Tome du Nouveau Mer
cure Galant , le cinquiémejour
queMois,fans aucun retardement.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le