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1677, 06, t. 4 (Lyon)
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LE NOUVEAU
MERCURE
GALANT.
CONTENANT LES NOUVELLES
du Mois de Juin 1677 .
&pluſieurs autres .
TOME IV.
A LYON ,
Chez THOMAS AMAULRY,
Libraire, ruë Merciere, à la Victoire.
M. DC . LXXVII .
AVEC PRIVILEGE DU ROY.
遊
A MADAME
LA MARQUISE
DE THIANGE .
MADAME ,
Cen'estpoint dans l'esperance de vous
faire un present digne de Vous , que je
prens la liberté de vous offrir cet Onvrage.
C'est à quoy les plus délicates
Plumes auroient peine àréüſſir ; & je
Suis trop persuadé de ma foibleſſe ,pour
mesouffrirun sentimentſipréſomptueux.
Mais enfin ,MADAME,le Mercure
Galant va par tout , vous estes connuë
par tout , & je ne puis plus resister à
l'impatience que j'ay de faire sçavoir à
tout le monde qu'il n'y a perfonne qui
vous regarde avec plus d'estime & plus
de refpect que je fais. Le coeur est quelquefois
plus à confiderer que l'ofrande
&fi vous me daignez rendre quelque inſtice
de ce costé-là, peut-estre ne defa
EPISTRE.
prouverez- vous pas tout- à-fait la temerité
de mon entreprise. Je sçay , MADAME
, que n'eſtant pas moins diftin
guée du reste du monde par ce merveilleux
Esprit qui vous fait juger detoutes
choſes avec le plusjuste discernement, que
vous l'estes par une naiſſance qui ne vous
laiſſe voir que nos Maistres au deſſus de
Kous, on ne vous devroit rien offrir que
d'achevé : Mais je n'ignore pas auſſi que
vous n'avez pas moins de bonté, que de
ces belles lumieresque ceux qui ont l'honnour
de vous approcher trouvent tous les
jours fuiet d'admirer en Vous.. Et c'est
de cette bonté,MADAME,& non
pas du merite de mon Ouvrage que j'os.
ſe attendre la protection que ic vous
demande pour lux. Elle est digne de
cette Ame genereuſe qui vous éleve fi
fort au dessus de celles de vêtre sexe,
dont les plus folides avantages ne confi.
ſtent ordinairement que dans la Beauté..
Ie n'ofe vous parler de l'heureux partage
que la Nature vous en fait, C'est
un endroit que les Peintres du Siecle fa
feront un honneur de conſerver à laPo
Perité. Plût an Ciel , MADAME
EPISTRE..
queieuſſe autant de bon- beur qu'eux ,&
qu'en faisant vivre vostre Nom aprés
Vous , il me fuſt poſſible d'empeſcher le
mien de mourir ! C'est une gloire dont
'aurois fans doute à me flater,ſi cette
Posterité connoiſſant messentimens, pouvoit
apprendre que mes Ouvrages ne
vous euſſent pas déplû. Du moins elle
demeurera d'accord dune chose , qui est
que i'ay eu l'avantage de vous connoistre
parfaitement,quoy que ie ne vous aye
presque venë que de loin . On lovera
quelque iour mon goust,comme on se
rapporte auiourd'huy au voſtre ſur ce qui
eft estimé de plus parfait , & iene puis
m'empescher de croire que nos Neveux
auront quelque confideration pour moy,
quand ils sçauront qu'une de mes plus
ardentes paffions a esté d'obtenir de
Lapermiffion de me dire ,
MADAME
Vous
LYON1790
Voſtre tres humble & tresobrillant
Serviteur DB V.
a ij
Extrait du Privilege du Roy.
P
Ar Grace & Privilege du Roy , Douné à
S.Germain en Laye le 15. Fevrier 1672.
Signé, Par le Roy en fon Confeil, VILLET :
Il elt permis au Sieur DAM de faire imprimer
, vendre & debiter par tel Imprimeur .
& Libraire qu'il voudra choiſir , un Livre
intitulé le MERCURE GALANT , en un ou
pluſieurs Volumes,pendant le temps de dix
ans entiers , à compter du jour que chaque
Volume ſera achevé d'imprimer pour la
premiere fois. Et defenfes font faites de
contrefaire leſdits Volumes , à peine de fix
mille livres d'amande , ainſi que plus au
long it eat porté eſdites-Leries.
Registré sur le Livre de la Communautélo
27. Février 1672 .
Signé, D. THIERRY, Syndic.
Ledit Sieur DaMa cedé ſon droit de
Privilege à THOMAS AMAULRY , Libraire,
fuivant l'accord fait entr'eux ,
Idonnera un Tome du NouveauMer.
cure Galant , le cinquième jour de chaqueMois
,fans aucun retardement.
Σ
NOUVEAU
MERCVRE
GALANT.
TOME IV.
'Ay beau faire ,Madan
me, c'eſt plûtoſtunRecüeil
de Nouvelles par
Mois , que les Nouvelles du
Mois,que je vous envoye. Pour
n'en reſerver jamais aucune , il
faudroit vous écrire tous les huit
jours : la matiere me ſeroit plus
facile à trouver que le temps.
Saint-Omer me l'auroit fournie
pour une Semaine , la Victoire
de Me le Comte d'Eſtrées pour
Tome IV. A
2
LE MERCVRE
une autre, & je n'aurois pas eſté
en peinede chercher par où ſupléer
au reſte. Ce que je vous
dis , Madame , eft affez glorieux
pour la France ; il s'y paſſe tous
les jours de ſi grandes Actions,
&tant de Perſonnes d'un haut
merite donnent tout à la fois occafion
de les diftinguer, qu'il eſt
preſque impoſſible d'embraffer
tout. C'eſt comme un champ
fertile , dont on a beau amaffer
les abondantes Moiffons , on y
trouve toûjours quelque choſe
à recüillir ; & je ſatisferois mal
fans doute à l'engagement,où je
me ſuis mis avec vous de vous
mander tout ce que je croirois
digne de vôtre curiofité, ſi m'arrêtant
préciſement à ce qui arrivedans
le Mois,où je vous écris,
je ne rapellois pas quelquefois
pluſieurs chofes , dont je n'ay
GALANT.
pů vous parler dans les precedens.
Cen'eſt point dans celuycy
que l'Academie Françoiſe à
fait complimenter Monfieur le
Cardinal d'Eſtrées, qui, comme
vous ſçavez,eſt l'un des quarante,
qui compoſent cette Illuſtre
Compagnie ; mais vous ne laifferez
pas d'eſtre bien-aiſe d'apprendre
que ces Meffieurs qui
ne l'avoient veu depuis ſa Promotion
au Cardinalat,ne furent
pas plûtoſt avertis de ſon retour
à Paris , qu'ils nommerent fix
Perſonnes de leur Corps pour
f'en aller feliciter. Ces fix furent
Meſſieurs Charpentier , TallemantPremier
AumônierdeMadame
, Teſtu Abbé de Belval ,
Tallemant , Prieur de Saint Albin,
l'Abbé Regnier,des Marais.
& de Benferade. Monfieur le
Ducde Saint-Aignan voulut les
A ij
4 LE MERCVRE
3
accompagner , & Monfieur le
Cardinal d'Eſtrées , qui les receut
dans ſon Anti- chambre, les
ayant conduits dans ſa chambre,
Monfieur Charpentier que
la compagnie avoitchargé de la
parole , s'acquitta de ſa Commiſſion
en ces termes.
M
ONSEIGNEUR,
En nous approchant de
V. E. nous sentons une douce émotion
, qui n'est pas toutesfois Sans
quelque mélange d'amertume .Nous
vous revoyons avec les marques de.
la plus haute Dignité de l'Eglife:
Quelplus agreable spectacle à nos
yeux ! Quelle plus ſenſible joye à
nostre coeur ! Mais quandnous nous
representons que cette élcvation
vous ſepare de nous , & vous arrache
de nos Exercices, qui ont autrefoispartagé
les heures de vostre loifir,
nous nesçaurions penser qu'a
GALAN.T.
S
Y
vec douleur à une abſence qui nous
paroit irréparable. A vostre départ
, Monseigneur, tous nos Voeux
vous accompagnerent ; Nous ne fouhaitâmes
rien avec plus d'ardeur,
que de vous voir bien-toft revétu
de l'éclat , dû à vostre merite , à
vostre naiſſance , & àla grandeur
de vos Alliances Royales. Avoſtre ...
retour nous voyons en V. E.l'accompliſſement
de nos voeux ; mais nous
ne vous trouvons plus à l'Acade
mie. Hé bien , Monseigneur , n'en
murmurons point ; Nous vous per
dons d'une maniere trop noble pour
nous en fâcher. Nous souhaitons
mesme de vous perdre encore davantage,&
que la Pourpre Romai
ne , qui vous affocie à la premiere
Compagnie de l'Univers,vous place
quelque jour , du confentement de
toutes les Nations , dans ce Trône
fondésur la Pierre , que toutes les
A iij
6 LE MERCVRE
Puiſſances de l'Enfer ne sçauroient
ébranler ; Mais pourquoy vous
conter perdu pour nous , Monfeigneur,
dansIaugmentation de vôtre
gloire, puis que te plus Grand
Roy du Monde , Louis le Vainqueur,
mais le Vainqueur rapide
le Terrible , le Foudroyant , a bien
trouvé des momens pour fonger à
nous, parmy la pompe& le tumulte
defes Triomphes. Que dis-je pour
fonger ànous ? Ah c'est trop foiblement
s'expliquer pour tant degra
ecs extraordinaires. Difons plutost
pour nous appeller à luy par une
adoption glorieuse ; Diſons pour
nous établir un répos inébranlable
àl'ombre de fes Palmes. V.E.Mon-
Seigneur ,n'a-t-elle pas admiré cet
évenement , & quoy que vous fuffiez
au Païs des grands Exemples,
quoy que vous riſpiraſfiez le mesme
air; que Scipion & que Pompée.
t
GALAN T.
?
Augu-
LYON
pûtes -vous apprendre fansfurpri
Se, qu'unsi grand Monarqucse déclarât
le Chefde l'Academie ,
voulût mettre fon Nom Auguste à
la teſte d'une Liſte de Gens deLettres
? Vostre Rome n'en fut-ellepas
étonnée, &ne jugea-t-ellepas alors
que le Cielpreparoit àla France la
mesme profperité , dont l'Empire
Romain avoit joüy ſous les
ftes,ſous les Adriens &fous
lesAnTEERD
tonins ? Vous nous avez quitté ,
Monseigneur, dans l'Hôtel Seguier,
Lans l'Hostel d'un Chancelier de
France , Illustre veritablement par
faSuprêmeMagiftrature , plus Il.-
luftre encore parses grandesActios.
V. E. nous retrouve dans le Louvre,
dans la Maifon Sacrée de nos Rois;
&nos Muſesn'ont plus d'autreſé..
jour que celuyde laMajesté. Ilfaut
ne vous rien celer encore de tout ce
qui peut tenir rangparmy nos heu-
....
Aij
8 LE MERCVRE
reuſes avantures , puis que V. E. y
prend quelque part . Un Archevéque
de Paris, qui honorefa Dignité
parfa Vertu, parfon Eloquence,&
par la Nobleſſe de ſa conduite ; Un
Evesque d'une érudition confommée,
& que mille autres rares qualitezont
fait choifir pour cultiver
les esperances d'un jeune Héros, de
qui tout l'Univers attend de fi
grandes choses ; Vn Duc & Pair
également recommandable parfon
Esprit & par sa Valeur, & avec
qui toutes les Graces ont fait une
alliance eternelle ; des Gouverneurs
de Province ; un President du Parlement
; pluſieurs Perſonnage's celebres
en toutes fortes de Sciences,
Jont les nouveaux Confreres que
nous vous avons donnez ,fansparler
de ce GrandHomme, que l'intime
confiance du Prince , un zele infatigable
pour le bien de l'Etat ,
GALANT.
9
une paſſion ardente pour l'avancement
des belles Lettres distinguent
affez, pour n'avoirpas besoin d'étre
nommé plus ouvertement. L'Academie
a fait la plupart de cesprécieuses
acquisitions , tandis que
V. E. defendoit nos Droits à Rome,
&s'oppoſoit aux brigues de nos Ennemis
. C'eſt fur vos foins & fur
ceux de Monsieur le Duc , voſtre
Frere , que la France s'est reposée
avecfeuretédefes interests , en un
Païs , où déja depuis long-temps le
courage , l'intrepidité , & l'amour
de la Patrie , ont rendufameux l
Noms de Coeuvres &d'Estrées.C'est
avec la meſmefermeté que V. E. a
Soûtenu l'honneur de la Couronne
contre les injustes défiances , que la
profperitédes Armes du Roy faisoit
naiſtre dans des Ames trop timides .
Quels Eloges , quels applaudiffemens
n a-t-ellepoint merité encore
509
Av
10 LE MERCVRE
-au dernier Conclave ! cettefermetécourageufe&
falutaire ,qui dans
une occafion fi importante n'a pas
moins envisagé les avantagesde la
Republique Chrestienne , quefuivy
leplan des pieuſes intentions de Sa
Majesté?Toute la Terrefçait combien
ces grandes veuës ont donné
de part à V. E. dans l'Exaltation
de ce Pontifice incomparable , à qui
la puretédes moeurs ,le mépris des
richeſſes , la tendreffc cordiale en
vers les Pauvres , l'humilité magnanime
des anciens Evesques ,&
le parfait dégagement des choses
dumonde , avoient acquis la repu .
tation de Sainteté, avant que d'en
obtenir le Titre attachéàlaChai
reApostolique. Ilestmal-aiſeaprés:
cela , Monseigneur , que nous ne
nous flattions de quelque fecrete
complaisance , en voyant qu'ilfort
delAcademie des Princes du Sacré
Y
GALANT.. IF
Senat ,&que vostrefuffrage , que
nous avons contéquelquefoisparmy
les nostres , concourt maintenant
avec le S. Esprit au Gouvernement
de fon Eglife. Avancez donc toûjours
, Monseigneur , dans unefi
belle route , &permettez-nous de
croire que V. E. confervera quel
quessentimens d'affection pourune
Compagnie , fur qui Loüis LE
GRAND jette de si favorables
regards : Pour une Compagnie, qui
aprés la veneration toutefinguliere
qu'elle doit avoir pour fon Royal'
Protecteur, n'aura point de mouvement
plus fort , que celuy du Zele
qui l'attache à V. E. & qui trou
ucra toûjours une des principales
occafions de sa joye dans l'accompliffement
de toutes vos glorieuses
entrepriſes..
Il ne faut pas s'étonner ſi le
Avj
12 LE MERCVRE
Public a donné tant d'approbabation
à ce Compliment , puis
qu'il a merité celle du Roy , qui
ſe l'eſt fait lire à l'Armée par
Monfieur de Breteüil , Lecteur
de Sa Majesté . Auſſi Monfieur
le Cardinal d'Eſtrées le receutil
d'une maniere tres-obligeante.
Il dit à Ma Charpentier
qu'il n'entreprenoit point de répondre
fur le champ à un Difcours
ſi plein d'Eloquence, mais
qu'il le prioit d'aſſurer la Compagnie
, qu'il ne perdroit jamais
le ſouvenir des marques qu'elle
luy donnoit du ſien; Qu'il s'en
tenoit tellement obligé, qu'il ne
lui ſuffiſoit pas de l'en remercier,
comme il faifoit , & qu'il viendroit
à l'Academie pour luy en
témoigner plus fortement ſa reconnoiſſance
. Il s'étendit enſuite
fur les Loüanges des llu-
:
GALANT.
13
ſtres qui la compofent , & fur le
travail du Dictionaire , dont il
demanda particulierement des
nouvelles. Il ajoûta , qu'il eſperoit
beaucoup de la grandeur
& de l'exactitude de cette entrepriſe
, dont il avoit ſouvent
entretenu des Gens d'eſprit d'Italie
qui en avoient admiré le
Plan ; & aprés quelque converfation
il reconduifit les Deputez
juſqu'à la porte de la Salle,
proche le Degré. Il leur tint parole
quelques jours aprés , & fe
trouva au Louvre , à une de
Jeurs Seances. Il eſt Protecteur
de l'Academie de Soiffons , où
Monfieur Hebert, Treſorier de
France , luy avoit déja fait le
Compliment qui ſuit au nom de
cette Compagnie. Je trouveray
l'occafion, Madame, de vous en
faire connoiſtre une autrefois le
merite & l'établiſſement.
14 LE MERCVRE
ONSEIGNEUR,
MONS
Quelle joye ne doit par
répandre dans ces lieux l'honneur
de vostre prefence aprés une abfence
fi longue & fi ennuyeuse !!
Quelle joye pour une Compagnie ,
qui vous doit tant , & qui vous
bonnore, àproportion de ce qu'elle
vous doit , devous y voir dans cet
éclat , qui frape aujourd'huy fi
agreablement nos yeux & dont
Vidée avoit remply si long-temps
noftre imagination ; Noussçavons
bien, Monseigneur, que toutes les
Grandeurs humaines estant au def
fous de cette élevation d'esprit&
de cette grandeur d'Amc , qui diftinguefi
excellemment Votre Eminence
des autres Hommes , c'est
vous rabaiſſer en quelque façon
que de vous lower d'une Dignité,
quelque grande quelque élevée
GALAN T.
, vous ne devez.
qu'elle foit. Mais vous nous per-.
mettrez de vous dire , que regardant
celle-cy , comme unpur effet
de voffre merite
pas trouver mauvais que nousnous
réjoüisions de vousen voir revétu,
que nous vous faſſions reſſouvenir
qu'en augmentant vôtre Gloire,,
elle acheve & confomme celle de
vostre Maison.. Cette grande, cette
illustre Maiſon,Monseigneur,fub
fiſtoit depuis plusieurs Siecles dans
une fplendeur pen commune. Tout
ce que laKaleur , unieàla conduite,
peut acquerir des Titres écla
tans, tout ce que lafidelité ,,jointe
aux lumieres , peut procurer d'im
portans Emplois , tout cela, Monfeigneur,
s'y voyoit en foule &de
tous les Honneurs de la Terre , on
peut dire que laſeule Pourpre luy
manquoit. Mais le Ciel qui tra
wailloit depuis si long-temps àfon
16 LE MERCVRE
:
1
agrandiſſement , qui par laprodu-
Etion continuelle de tant deHéros
qu'il en faifoit fortir fucceßive..
ment , la diſpoſoit pour ainſi direà
recevoir cet Honneur , fit naiſtre
enfin V. E. avec toutes les Qualitez
qui en pouvoient estre dignes.
Vous les reçeutes donc , Monfeigneur
, non pas , comme la pluspart
des Etrangers, fur lefeul raport de
La Renommée , & fur la simple
Nomination d'un Prince, qui le de..
mande pour fon Sujet . Rome vit
bien deux. Royaumes fe difputer
l'avantage de vous le procurer ;
mais avant qu'elle vous l'accordat
, Rome vit außi briller à l'enwy
ces belles, ces éclatantes Qualitez
. Elle connut voſtre merite,&م
ce fut fans doute ce qui la determina
dans cette grande conjon-
Eture. Quel honneur pour vous,
Monseigneur , d'avoir acquis par
GALANT.
17
une voye fi belle une Dignitéfifublime
! Quel honneur d'avoir mis
le comble à la gloire d'une Maifon
des premieres & des plus fameuses
de l'Univers ! Mais quel honneur
pour l'Academie de Soiffons , de ſe
pouvoir glorifier d'un tel Prote-
Etcur ! Quel honneur pour nous ,
que vostre Eminence ait bien vou
lu se charger de ce Titre, &n'ait
Pas dédaigné de le joindre à tant
d'autres fi glorieux ! Quelle joye
encore un coup de voir ce Prote-
Eteur,& de luy parler !Mais quelle
peine de le voir pour ſi peu de
temps , & de luy parler fans pouvoir
parler dignement de luy !
Quel embaras , quelle confusión de
de voir tant & de pouvoir si peu
vendre, de fentir une reconnoiſſance
qu'on ne peut exprimer ! C'est
pourtant principalement cette reconnoissance
, Monseigneur , que
nous voudrions bien pouvoir dé.
18 LE MERCVRE
peindre à V. E. Plût àDieu que
vous puissiez voir quels mouve
mens elle excite dans nos coeurs ,
quels Voeux , quels fouhaits elley
forme. Nous les continuerens,Monfeigneur,
ces Voeux&cesfouhaits ;
&puis que nous ne pouvons autre
chose,nousleferons du moins avec
tout le zele &toute l'ardeur dont
nous sommes capables. Nous ne dirons
pas icy à Vostre Eminence quel
prefentement leur obict ; puis
qu'il n'y a plus qu'un degré entre
Le Ciel & Fous , il n'est pas malaisé
de le comprendre. Nous vous
dirons seulement , Monseigneur ,
qu'il fait quelque chofe de Suprême
pour recompenfer une fuprême
Vertu , qu'ainsi il n'y a rien de
fi Grand , ny de fi Haut dans le
Monde , où V. E. ne puiffepreten
dre avec justice , &où elle ne foit
déja placée parles ardens &justes
defirs de cette Compagnic.
eft
!
2
GALANT. 19
Pour paffer de la Profe aux
Vers , en voicy qui furent faits
pour le Roy , incontinent aprés
Les trois nouvelles Conqueſtes.
Jls font de Monfieur de laCitardie.
C'est un Gentil-homme
qui n'a pas beſoin de parler
long-temps , pour faire connoître
qu'il a infiniment d'eſprit ;
mais comme je ne tiens pas ces
Vers de luy - meſme , & qu'il
m'en est tombé entre les mains
pluſieurs copies differentes, l'u--
ne de l'autre , je ne ſçay fi jauray
choiſi la veritable. :
foos to 8 9 2008 2007-9869094698948 893 EX
EPISTRE AV ROY.
SIRE
l'avoüeray , la Gloire a
biende charmes :
Il est beau de vous voir au milieu des
allarmes.
Voler à ses côtez ; & triomphant tou
jours.
20 LE MERCVRE
Conter par vos Exploits le nombre de
vosjours.
Il est beau de vous voir ſacrifier pour
elle
Tout ce qu'on peut jamais attendre d'un
grand zele :
Mais pardonnez-moy , SIRE , & ne
murmurez pas.
Si je crainspour mon Roy ſes dangereux
appas.
Quand je ſonge aux perils, où pour luy
rendre hommage
Voftre intrepide coeur àtoute beure s'engage;
Car si j'ofe aujourd'huy m'expliquer
avecvous,
Le Sceptre , ny les Lys n'exemptent
pointdes coups.
Cerang de Souverain , qui vous metfur
nos testes ,
Ne met point vos beaux jours à l'abry
des tempestes.
Le Canon , fi fatal aux plus braves
Guerriers ,
N'a jamais des Heros reſpecté les Lanriers
,
GALAN T. 21
น
!
t
J
Et ceux, dont voſtre front s'est fait une
Couronne,
N'en garantiffent point voſtre Auguste
Personne.
Ilnefaut qu'un malheur ....
Dieux! je n'osey penser ,
Ieſens à ce discours tout mon sang se
glacer.
Ah , SIRE , c'en est trop , venezrevoir
la Seine,
Voulez-vous à Madrid aller tout d'une
haleine ,
Et toûjous oublier ce qu'éloigné d'icy ;
ATherese , à l'Etat , vous caufez de
foucy?
Vous avez en un mois mis trois Villes
en poudre ,
Vostre coeur au repos ne peut-il ſe ré-
-Soudre ;
Et ces fruits que la gloire a refervez
pour vous,
Les goûtant dans le calme, enferont-ils
moins doux ?
Voussçavez qu'autrefois un Heros dont
l'Histoire
Confervera toûjoursla põpeuſe memoire,
22 LE MERCVRE
Aprés avoirfiny de moins nobles travaux
.
Fit voir qu'on peut donner des bornes
aux Héros.
Que si la noble ardeur de vostre ame
guerriere ,
Nepeutse retenir qu'au bout de la carriere
;
Sipour vous arreſter , vous voulez voir
foûmis
Tout ce qui peut encor vous rester d'Ennemis
,
Contentez-vous au moins de ces foins
politiques,
Qui font plus que lefer fleurir les Republiques,
Inſtruisez vos Guerriers à marcher fur
vospas,
Marquez l'heure , le temps , disposer
des Combats.
Et fongez qu'un Grand Roy , qui fut
nommé le Sage ,
Fit de ſon Cabinet trembler ſon voiſinage,
Tandis qu'en ſeureté , paisible dans sa
Cour,
A
GALANT.
23
4
1
fut
Ildonnoitquelquefoisdes heures à l'A.
mour.
Monfieur le Comte de Bregy,
dont je vous ay parlé dans
ma Lettre precedente , a fait le
Sonnet qui fuit pour Son Alteſſe
Royale. Je croy que vous n'aurez
pas de peine à luy donner la
meſme approbation qu'il a reçeuë
icy de tout le monde. TRAQUE DE
YON
POVR MONSIEVR
SONNET.
TVferviras d'exemple un jour
Neveux
ànos
Digne Frere d'un Roy , leplus grand
Roydumonde ;
S'il paffe les Cefars , ta Valeur le ſeconde
,
↑ Et foutient ſes Lauriers par des Exploitsfameux.
24 LE MERCVRE
:
A tes traits delicats , à ton air gracieux
,
Tuſembles estre né pour une Paix pro.
fonde;
Etdans leChampde Mars,dés que le
Canon gronde ,
Ton coeur anime tout , ton bras frape en
tous lieux.
Apreſent qu'apres-toy tufais marcher
la Gloire ,
Que tu ne combats pointſans avoir la
Victoire ,
Loüis n'est plus le feul qui triomphe
de tous ;
Mais luy feul toute-fois des Princesde
laTerre ,
De ceux qui font en paix , ou qui nous
font laguerre ,
Peut voir tes grands Exploits fans en
eftre jaloux.
Rien ne ſçauroit mieux ſuivre
les Vers de Monfieur de
Bregy , que la proſe de MadaGALANT.
25
k
05
A
cette
me la Comteffe de Bregy fa
Femme. Jugez- en par
Lettre .Elle eſt écrite à Monfieur
l'Abbé Bourdelot , ſi connu par
ce grand merite , qui ayant fait
bruit juſqu'en Suede , obligea
la Reyne Chriſtine de l'y appel- '
ler aupres d'elle , non ſeulement
commeun tres-habile Medecin ,
mais comme un Homme confommé
en toute forte de Sciences.
Il n'y a perſonne qui ne
ſcache l'eſtime particuliere dont
Monfieur le Prince l'honnore,
# & la confiance qu'il prend en
ſes conſeils ſur le regime de vie,
qui luy eſt neceſſaire pour ſa
ſanté. Il fait des Vers fort agreables
quand ſes grandes occupations
luy en peuvent laiſſer
le temps , & nous en avons veu
de luy ſur differentes matieres,
a
Tome IV. B
26 LE MERCVRE
qui ont eſté leus par tout avec
plaifir.
LETTRE DE MADAME
la Comteſſe de Bregy ,
Si
A Monfieur l'Abbé Bourdelot.
d'ac-
I vous me regardez du coſtéde
la capacité ,je demcure
cord que mon dro't n'est pas bien
fondé à me plaindre de vous , de
ne m'avoir point montré vos Ouvrages
: Mais s'il vous avoit plû,
Monsieur , de confiderer ceux qui
vous aiment le mieux , par cette
regle là j'aurois receu de vous les
Vers que vous avez faits pour
Monsieur Colbert , dont lefeul hazard
me fit hier prefcnt . Cela est
beau que ce nefoitpas de vous que
je les aye reçeus. Ne sçavez-vous
GALANT .
27
E
de
en
de
pas bien que tout ce qui sert à voſtregloire,
fert aussiàma joye ,
que d'ailleurs bien de choses ne
m'en donnent pas tant qu'il foit
neceffaire de m'en retrancher ? Ce
n'est pas là ce que les Amis doivent
faire , au contraire il faut
qu'ils fongent à procurer à ceux
qu'ils aiment tous les petits biens,
westant pas en estat de leur en faire
avoir de grands ; mais vous estes
dans un embarras d'amour propre,
qui vous tient de trop pres pour
vous laiſſer le temps de penserà
ceux , de qui vous estes aimé, &il
vous fait fans ceffe courir apres
ceux , que l'Envie empesche de
convenirdevostremerite. Ne cherchez
plus à les en convaincre.Eftesvous
àſçavoir que la Verité s'établit
par elle-mesme , & que c'est
0145 fon privilege de percer tous les nua
tte
les
A
Y
eft
que
ges pour se découvrir ? C'est une
Bij
28 LE MERCVRE
preuve du parfait merite , de vivrc
avec nonchalancefans briguer
l'approbation, il faut qu'elle vienne
à la fin payer tribut fans que
lon' en prenne foin. Regardez le
Héros , aupres de qui vous eſtes
attaché. Voyezcomme il semble
estre de loisir , il ne fait plus rien
parce qu'ila tout fait, car il n'est
point d'esprit qu'il n'ait parfaitement
afſujetty à croire qu'il est un
des plus grands Hommes du monde,
& pour peu qu'il commençât à
s'ennuyer dans sa folitude , il fe
trouve un remede tout prest. Il n'a
qu'à tourner les yeux du cofté defa
gloire,pour voir le plus beau pe-
Etacle , que jamais Mortel ait pû
donnerà l'Univers . Avec une telle
Sauvegarde iln'estpoint de chagrin
qui le puiſſe attaquer. La mort
mesme , qui ofe tout ne pourra rien
contre luy , car lors qu'elle croira
GALANT.
29
-
le
es
le
съ
ift
te-
141
de
sestre enrichie d'unefi noble proye,
elle n'aurafait que le débaraſſerde
ce qu'il avoit de commun avec le
refte des Hommes , pour le laiffer
pluspurement en estat d'aller prendre
place entre les Demy-Dieux.
Mais s'il trouvoitſon compte à cela
, nous n'y trouverions
ftre en
Le no
pas be
le perdant ; c'est pourquoy
Monsieur l'Abbé , ne fongez pas
tant àécrire *7771
en beau langage , que
vous ne reſviez profondement à ce
que l'Art de la Medecine peut
Se fournir de Secrets , pour prolonger
fur la terre unesi belle vie ; & par
là voſtre Siecle vous fera beaucoup
plus redevablé , que de toutes les
chofes que vous pourriez d'ailleurs
faire pour fon ornement . En mon.
particulier je ne vous quitte point
à moins de me promettre pour ce
Grand Homme encore une centaine
L'années; & pour vous en récompu
elle
yin
ort
-ien
1
Biij
30 LE MERCVRE
penſer ,jeſouhaite que tout le monde
convienne avec moy que Monfieur
l'AbbéBourdelot est tout compté
& rabattu , un des Hommes du
monde de la plus agreable conuerfation.
د
a
Je devrois eſtre déja devant
S. Omer ; mais je ne puis me
defendre de m'arreſter encor un
moment icy, pour vous faire rire
d'une Avanture dont un Cavalier
, que vous connoiffez
toutes les peines du monde à ſe
conſoler : c'eſt celuy , qui au
dernier Voyage que vous fiſtes
icy, vous dit tant d'agreablesBagatelles
aux Tuilleries. Vous
ſçavez , Madame , combien ſa
converſation eſt enjoüée. C'eſt
un talent merveilleux pour ſe
faire ſouhaiter par tout. Il dit les
chofes finement , fait un Conte
GALAN T. 31
1.
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de bonne grace, & il feroit prefque
fans defaut , s'il n'avoit pas
celuy de ſe mettre quelquefois
de trop bonne humeur , quand
il reçoit un Défy dans la Débauche.
Il s'oublie pourtant afſez
rarement la-deſſus & s'ilne
s'en corrige pas tout à fait , c'eſt
parce , qu'il n'a que ce qui s'appelleunVingay,&
que ſe donnant
ſeulement tout à la joye , il
ne s'en eſt jamais fait d'affaires,
que celle que je vous vais conter.
On l'avoit mis d'un fort
grandRepas chez Bergerat . Vn
Comte & un Marquis de fes
plus particuliers Amis s'y trouverent
: ils eſtoient tous deux de
ſa confidence , & ils avoient habitude
l'un & l'autre chez une
Dame qui ne montroit pas d'indifference
pour luy . La Dame
eftoit digne de ſes ſoins , jeune,
Biv
32 LE MERCVRE
aimable , mais d'une fierté à
gronder long- temps pour peude
chofe. Toutes ces circonstances.
font àſçavoir pour l'intelligence
de l'Histoire. On ſe met à Table
, on rit, on chante , on dit
des folies , & le Cavalier porte
fi loin la joye , qu'il la fait aller
juſqu'a l'excés. Il boit la ſanté
des Belles , exagere leur merite,
& laiſſe égarer ſa raiſon à force
de vouloir raifonner Apres quelques
rafadesun peu trop largementréïterées
, il ſe jette ſur un
Lit de repos , l'aſſoupiſſement
l'y prend ,& il eſt tel que l'heure
de ſe ſeparer arrive avantqu'il
aitceffé de dormir. Ses Amis ſe
croyent obligez d'en prendre
foin. On le porte dans le Carroffe
du Comte , qui le fait mener
chez luy. Ses Laquais le deshabillét,
on le couche fans qu'il
GALAN T.
33
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1
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ell-
1
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Hre
ares
faffe autre choſe qu'ouvrir un
peu les yeux & ſe rendormir . Ce
long oubly de luy-meſme mer
le Comte en humeur de luy faire
piece . Il oblige une de ſes
Amies d'aller chez la Dame ,
dont je vous ay fait la peinture.
Elle la met ſur le chapitre du
Cavalier ,& luy demande fi elle
eſtoit broüillée avec luy , parce
qu'il s'eſtoit trouvé en lieu où
il n'avoit pas parlé d'elle comme
il devoit. La Dame eſtoit fiere,
elle prend feu ,& luy prepare
une froideur plus propre à le
chagriner que ne pourroient
faire ſes plaintes . C'eſtoit là ce
que le Comte vouloit. Il va trouver
le Marquis leur Amy commun
, & concerte avec luy le
perſonnage qu'il doit joüer. La
nuit ſe paſſe , le Cavalier s'éveille
,& eft fort furpris de ſe trou
Bv
34 LE MERCVRE
ver chez le Comte , qui entre un
moment apresdans ſaChambre.
Il s'informe de l'enchantement
qui l'a mis où il ſe voit. Le Comte
foûrit , & luy demande s'il ne
ſe ſouvient plus de toutes les fo--
lies qu'il a faites depuis le Repas
de Bergerat. Il luy fait croire
qu'il l'avoit trouvé chez une
Ducheſſe d'où il l'avoir ramené
chez luy , parce qu'iln'eſtoit pas
dans ſon bon ſens. Il adjoûte
qu'il venoit de ſçavoir qu'il avoit
rendu viſite à ſon Amie , à qui
il avoitdit force impertinences;,
qu'on ne luy avoit pû dire précifément
ce que c'eſtoit , mais
qu'elle en eſtoit fort indignée,
& d'autant plus que c'eſtoit en
preſence du Marquis qu'il luy
avoitdit toutes les choſes deſobligeantes
dont elle ſe plaignoit..
LeCavalier ne ſçaitoù il en eſt.
GALAN T.
35
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qui
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Juy
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Il ſe ſouvient du Repas de Bergerat.
Mais il ne ſe ſouvient de
rien autre choſe. Il ne laiſſe pas
d'eſtre perfuadé , que comme il
eſt venu coucher chez le Comte
ſans s'en eftre apperçeu , il
peut bien avoir fait toutes lesextravagances
dont on l'accufe. W
courtchez leMarquis.LeMar٦١٨
*
quis , qui estoit inftruit , débute
auec luy par une grande Mercuriale.
Il luy dit qu'il ne comprend
point comment il a pû s'oublier
au point qu'il a fait , qu'on ne
traite point une Femme qu'on
eftime , comme il a traité ſon
Amie , & qu'il meritoit bien
qu'elle ne renoüât jamais avec
luy. Le Cavalier veut ſçavoir
fon crime ; ce crime eſt qu'il a
reproché à la Dame devant luy
qu'elle avoit de fauffe Dents,
qu'il ne s'eſt pas contenté de le
Bvj
36 LE MERCVRE
dire une fois qu'il l'a repeté , &.
qu'elle en eſt dans une fi grande
colere, qu'il fera bien d'allerl'ap--
paiſer ſur l'heure, afin qu'elle ne
s'affermiſſe pas dans la refolutionde
ne luy pardonner jamais:
Je ne vous puis dire , Madame,
ſi le Marquis crut ſuppoſer ce
defaut à la Belle, où s'il ſçavoit
qu'il fuſt effectif, mais la verité
eſt que toutes ſes Dents n'eftoient
point à elle. Le malheur
de les perdre eſt inévitable à
bien de Gens , & on n'eſt point:
blamable d'y remedier ; mais les
Dames qui le cachent avec ſoin,
ne font pas bien aiſes qu'on s'ens
apperçoive , & il faut toûjours
avoir la difcretion de n'en rien
voir . Le Cavalier aimoit la Dame
, il donne dans le panneau,
va chez elle , apres avoir quitté
le Marquis ; & ne jugeant pas
GALANT.
37
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S:
e,
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Dis
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efeur
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les
Din,
S'en
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Daalus
itte
pas
qu'une injure de faufſes Dents
reprochées ſoit difficile à ou
blier , parce qu'il ne croit pas
qu'elle en airde fauffes , il commence
par des excuſes generales
d'avoir laiſſe échapper quelque
choſe quiluy air deplû. La
Dame qu'on eſtoit venue avertir
du peu de confideration qu'il
avoit montré pour elle , répond
fierement qu'elle se mettoit fort
peu en peine de ce qu'il avoit pû
dire ſur ſon chapitre , que c'eſtoit
tant pis pour luy ,& qu'elle
ſe croyoit à couvertde toute forte
de cenfures , fi on ne diſoit
que des veritez . C'eſt par là que
le Cavalier pretend qu'on luy
doit aifément pardonner , puis
qu'eſtantdans un eſtat à ne ſçavoir
pas trop bien ce qu'il diſoit,
il l'avoit accufée d'avoirde faufſes
Dents , elle qui les avoit fi
38 LE MERCVRE
belles & fi bien rangées par la
Nature. La Dame qui ſe ſent attaquée
par ſon foible ne peut
plus ſe retenir ; elle croit qu'apres
avoir mal parlé d'elle , il a
encor l'infolence de la venir infulter.
Elle éclate ; & plus elle
marque de colere , plus il demande
ce qu'ily a de criminel
dans l'article ſuposé des fauſſes
Dents. Elle le chaſſe, il s'obſtine
à demeurer , revient encor à ſes
Dents , & la met dans une telle
impatience qu'elle le quitte , &
va s'enfermer dans ſon Cabinet..
Le Cavalier demeure dans une
furpriſe inconcevable. Il s'addreſſe
à ſa Suivante , & veut
l'employer à faire ſa paix. La
Suivante l'entreprend , luy demande
dequoy il s'eſt aviſé de
parler des Dents de ſa Maiſtref
fe , & luy ayant dit qu'elle ne
GALAN T.
39
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La
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doit compte àperſonne ſi elle en
a d'appliquées ou non , elle luy
fait enfin ſoupçonner qu'il pourroit
avoir dit vray en n'y penſant
pas. Cependant il eſt obligé
de fortir ſans avoir pû faire
fatisfaction à la Dame. Il eſt retourné
dix fois chez elle depuis
ce temps -là , & elle ne l'a point
encore voulu recevoir. Voilà ,
Madame , en quel eſtat font les
choſes. Le Cavalier à découvert
depuis deux jours la piece que
fes Amis luy avoient joüée , il en
eſt fort piqué , & ily aura peuteſtre
de la ſuite que je ne manqueray
pas à vous apprendre.
Cependant , comme j'ay déja
commencé à vous parler des Pages
du Roy dans ma derniere
Lettre , jacheve icy ce que j'ay
encore à vous dire. Ceux qui ont
toutes les qualitez neceſſaires.
40 LEMERCVRE
pour eftre du nombre , ſont ſou--
vent obligez d'attendre long--
temps , cet avantage eftant recherché
à l'envy par tous ceux
qui deſcendentdes plus grandes.
Maiſons du Royaume . Comme
ils ſervent dans les Armées dés
leur plus grande jeuneffe , &
qu'ils meritent dans un âge peu
avancé les Charges quileur font
données , il ne faut pas s'éton--
ner ſi la pluſpart deviennent
bien-toft capables de commander
, & fi nous voyons ſouvent
les premiers emplois entre des
mains de pluſieurs , qui ont eu
1honneur d'eſtre elevez Pages
du Roy. Sa Majeſté s'eſtant renduë
fur la Frontiere avec préci
pitation , ne mena avec elle
qu'une partie de ſes Pages. Voicy
les Noms de ceux qui la fuiverent.
(
GALAN T.
41
Pages de la Chambre .
M. des Chapelles.
M. de Guebriant.
M. de Neuville .
LaGrande Ecurie.
M. de Braque .
M. du Mets-Tiercelin.
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M. de Chevigny .
M. de Ganges .
TRELER
100
YON
M. de Serignan ,aîne & cadet.
M. de Pelot.
M. de Monfrein.
Pages de lapetite Ecurie.
M. de Boifdennemets ..
M. de Nadaillac..
M. de S. Gilles- Lenfant.
M. de la Grange , cadet.
M. de Renanfart .
M. de Bonnefonds , aîné &
cader..
M. de Laval.
M. deMarmagne.
42
LE MERCVRE
M. de Boufv.
M. de Moiffet.
4
M. de Melun .
Je ne parleray point icy de
leur Nobleffe , perſonne n'en
peut douter , puis que tous les
Pages du Roy font obligez d'en
faire preuve , avant que d'eſtre
reçeus. Sa Majesté voulantdonner
moyen àtous ceux dont je
viens de parler , d'apprendre le
meſtier de la Guerre , les a fait
fervir tour à tour d'Aydes de
Camp à ſes Aydes Camp , pendant
les Sieges de Valenciennes
& de Cambray , ce qui leur a
donné lieu d'acompagner fouvent
les Officiers Generaux , &
de ſe trouver dans les endroits
les plus perilleux. Je croy qu'ils
ont tous fait paroiſtre un courage
digne de leur naiſſance , cependant
je ne puis rien dire de
GALANT.
43
d:
en
Tes
en
particulier que de ceux , dont le
hazard ou leurs Amis m'ont inftruit.
Je ſçay ſeulement que la
pluſpart ſe ſont ſouvent échapez
pour aller , comme Volontaires
, aux Attaques qui ſe ſont
faites les jours qu'ils n'eſtoient
pointde Garde.
Monfieur de Braque , d'une
le
desplus puiſſantes Maiſons du
Royaume , &Meſſieurs de Boifdennemets
& le Feron ſe ſigna-
He lerent à la teſte du Regimentdes
Gardes , le jour que la Ville de
es
1
S
Valenciennes fut emportée ; ils
prirent pluſieurs Officiers des
Ennemis , auſquels ils donnerentla
vie. Ils les mirent entre
les mains des Mouſquetaires
Noirs & allerent en ſuite au
Guichet de laVille , où ils arriverent
des premiers . Meſſieurs
de Luxembourg &de Danjeau
44 LE MERCVRE
ayant trouvé une grande confirfion
entre les foldats qui s'efforçoient
d'entrer , peut-eſtre dans
l'efperance du pillage, ordonna,
aux Pages que je viens de nommer,
de les faire retirer ſur une
hauteur , & d'empefcher qu'ils
n'aprochaffent.Apres avoirexecute
cet ordre, ils entrerent dans
la Ville, où avec plus de prudence
qu'on n'en devoit attendre
des Perſonnes de leur age , ils
empeſcherent le defordre , &
arreſterent quantité de Soldats
quiſe preparoient à piller..
Mrs deBraque,du Mets-Tiercelin
& de la Grange , ſe trouverent
à l'Attaque de la Demylune
qui fut priſe la veille que la
Ville de Cambray compoſa.
Les deux premiers avec Meſfieurs
de Ganges & de Pelot
furét à l'Attaque de la Contref
GALAN T.
45
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1-
V-
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carpe de la Citadelle de Cambray
, où ils ſe ſignalerent à la
teſte des Gardes. Ce dernier
eſt Fils de Monfieur de Pelot ,
Premier Preſident au Parlement
de Roüen. Le merite de
ce grand Homme eſt aſſez
connu , & chacun ſçait que fa
haute capacité , & l'exacte juſtice
qu'il a toûjours renduë, &
dans cette grande Charge &
dans ſon Intendance de Guyen-:
ne , luy ont acquis aupres du
Roy une eſtime qui luy permet
l'eſperance des plus importans
Emplois.
Ms de Serignan , aîné & cadet,
ſe diſtinguerent auſſi à l'Attaque
de la Demy-lune qui fut
repriſe.
M le Chevalier de la Grange
receut à la Tranchée de Valenciennes
un coup de Mouf46
LE MERCVRE
quet dans le bras qui ne luy fit
qu'une contufion : Il en eut
encor une devant Cambray qui
luy fut cauſée par un éclatde
Grenade . M² du Mets- Tiercelin
y eut ſes cheveux brulez en
foûtenant les Travailleurs avec
M le Chevalier des Gaux , &
M' de Braque.
Le Roy ayant ordonné, comme
je vous ay dėja marqué , que
ſes Pages ſerviroientd'Aydes de
Camp à ſes aydes de Camp. M
le Prince d'Elbeufqui l'eſtoit de
fa Majesté, retint Mº de S.Gilles
L'enfant pour le ſien. Il eut licu
d'en eſtre ſatisfait , puis que ce
Page s'eſt trouvé dans toutes les
occafions perilleuſes ; il entra
dans Valenciennes avec les
MouſquetairesGris ; il alla avec
Monfieur le Prince d'Elbeuf à
la Demy-lune qu'on prit la veil
GALANT. 47
e-
20
ec
&
1-
ue
le que la Ville de Cambray ſe
rendit , & il donna avec les Volontaires
à l'attaque de la Contreſcarpe
de la Citadelle , où il
entra des premiers , avec M² le
Marquis de Malofe,&Mile Cote
de la Vauguyon. Quand on fut
rentré dans la Tranchée,on leur
ordonna de prendre des Fafcines
&de les porter au Logemét,
pour donner exemple aux Travailleurs.
M. le Chevalier de
Tilladet qui commandoit en
de qualité de Brigadier,donna quatre
ou cinq Commiſſions à M. de
S. Gilles, qu'il reconnut eſtre de
bonne volonté , & dont il s'acquita
heureuſement. Il le nomma
le lendemain à Monfieur de
Louvois ; & Monfieur le Prince
d'Elbeuf , qui rendit compte au
Royde ce qui c'eſtoit paſſe pendant
la nuit, dit auſſi dubiende
de
Jes
en
ce
es
es
ec
it
48 LE MERCVRE
luy à Sa Majefté. Le meſme ſe
trouva encore avec Meſſieurs de
Serignan à l'Attaque de la Demy-
lune qui fut emportée d'a.-
bord, & que les Ennemis reprirent
; & lors que M. le Marquis
d'Uxelles y vint pour encourager
nos Gens , ce Page fit une
action de vigueur qui fut remarquée.
Des raiſons particulieres
m'empeſchent de vous en faire
le détail ; mais je ne dois pas
oublier à vous dire qu'il n'a pas
moins d'eſprit que de coeur. Il
a fait ce Carnaval une vingtaine
de Rondeaux fur des Fables d'Efope
, & les a preſentez à Monfieur
le Duc du Mayne d'une
maniere toute finguliere. Ils ont
efte fortbien receus , je vous en
envoye trois , & vous feray part
des autres , s'ils plaiſent autant
dans voſtre Province qu'ils ont
plû
GALANT.
49
e
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1-
ane
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11-
ne
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art
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Ont
plû aux premieres perſonnes de
la Cour.
A MONSEIGNEUR
LE DUC DU MAINE.
RONDEA V.
V'un tour dePage euft affezd'a-
Pour vousfervir de divertiſſement ,
Prince, où l'esprit avec la grace abonde
N'est un bonheur , où mon espoir se
fonde
| Grand tort j'aurois d'y penfer ſeulement.
Mes petits Versn'ont point afſſeurement
Du tour poly l'agreable ornement,
Et l'on n'y voit , ſi l'on y fait la ronde,
Qu'un tour de Page.
Ce n'est priser l'ouvrage aucunement.
Mais tel qu'il est , foy d'homme qui ne
ament ,
Tom. Ivod
SO LE MERCVRE
A vous I offrir ma joye est fans feconde
Il est remply de Morale profondes
Quoy qu'il ne soit , àparler franchement
,
Qu'un tour de Page. A
DE LA CIGALE ,
ССКОЯ
L
ET DE LA FOVRMY.
FABLE
RONDEAU.
E temps n'est plus de la bellefaiſon
L'Hyverapproche,& Neige
flocon
àgros
Tombe du Ciel , Cigale verdelette ,
Ne chante plus, autre ſoin l'inquiette,
C'est de diſner dont il est question,
Mais où diſner ? car de provision
Il n'en est point , point de précaution ,
D'aller aux Champs fuccer la tendre
berbette,
Le temps n'estplus.
Elle va droit à l'Habitation
De la Fourmy , belle reception
*
A
GALANT .
ST
Mais rien de plus , il fautfaire diette;
Quand on est vieux , c'est trop tard
qu'on regrette
Les joursperdus , & de faire moiffon
Le tempsn'est plus.
AU ROY.
نا
ار
اگ
RONDEAV ACROSTICHE .
► Vous , Grand Roy , feroit grande
bonté
Couloir ſouffrir qu'avecque liberté ,
Où l'on gardât respect &reverence,
<n Page vint dire tout ce qu'il penſe
sur vostre gloire ayant bien medité !
Grande en seroit , certes la nouveauté,
Pieurs voudrois avoir de mon costé,
vant qu'oferparler avec licence
A Vous , Grand Roy.
zon, ce seroit à moy temerité,
D'autres bien mieux voſtre les one
chanté.
२० .
Cij
52 LE MERCVRE
Paison, respect, tout m'imposefilence
On ne pourroit malgré maſuffisance,
trouver rien égal en majesté,
A Vous , Grand Roy.
Avoüez , Madame , que l'afſujettiſſement
à tant de Rimes
ne cauſe pas peu de peine dans
ces fortes d'ouvrages , & que
lors que celuy qui les fait en
vient agreablement à bout, il en
merite plus de loüanges. Aproposd'Ouvrages
d'Eſprit , je me
trouvay dernierement chez une
Dame qui en juge admirablementbien,
auffi voit-elle cequ'il
y a de plus beaux Eſprits en
France. Elle entend les Langues
, fait des Vers qu'il feroit
difficile de mieux tourner ; & la
pluſpart de nos Illuftres de l'Academie
Françoiſe , ne dédaignent
pas de la conſulter fur
leurs Ouvrages avantque de les
GALANT. 5 安
l'afimes
dans
que
ten
donner au Public. On mit ſur le
tapis les trois Traitez que M le
Chevalier de Meré a fait imprimer
depuis peu , & je fusravy,
Madame , de voir que tout le
bien qu'on en dit ſe rapportât à
F'eſtime particuliere que vous en
faites. L'un fut pour le Traité
de l'Eſprit,l'autre pour celuy de
P'Eloquence , & la Dame ſe declara
pour les Agrémens ; mais
il n'y eut perſonne qui ne convinſt
que tous les trois eſtoient
able écrits avec une facilité & une
qul pureté de langage qui ne fatisfaifoit
pas moins les oreilles,que
leurs folides raiſonnemens rem.
pliſſoient l'eſprit. On parla en
ilen
pro
unt
sen
Lanerot
&la
I'Adair
ſuite de l'Heroïne Mouſquetaire
qu'on loüa en bien des choſes
, mais qu'on prit pour une
- fur Hiſtoire faite à plaifir , quoy
Heles qu'on nous la donne pour veri
C iij
54 LE MERCVRE
table. Quelqu'un pretendit qué
Chriſtine qui tuë ſon Frere croyant
tirer ſur un Sanglier , n'étoit
autre choſe que la Fable de
Procris &de Cephale ;&fur ce
qu'une partie de l'Aſſemblée fut
du meſme ſentiment , un autre
prit la parole , & dit qu'il arri
voit quelquefois des chofes ex -
traordinaires qui pour n'avoir
rien de vray-ſemblable, ne laiffoient
pasd'eſtre vrayes,& qu'on
luy en avoit mandé une deHollande
, dont il ne doutoit point
que toute la Compagnie ne fuft
ſurpriſe. Il tira enmeſme temps
une Lettre de ſa poche écrite à
Amſterdam , & datée du 15. de
Juin; & en ayant paffé les tren--
te premieres lignes , leut l'Article
qui fuit.
Ily a preſentement icy un Pro--
phetevestu d'une Robe de touteforGALANT5
que
ne
ede
arce
-elefut
Liere
arri
Sex
vol
laif-
Hol
point
fuft
mps
te
-.de
renrti-
Pro
form
te de couleurs , laquelle n'a point
de couture, quoy qu'elle soit de plufieurs
pieces. Elle n'eft ny de fil ny
de coton , ny de foye , ny de laine,
ny de poil, ou de peau d'aucun Animal
, & elle n'est point faite de
main d'Homme. Le ne sçay ce que
se pretendu Prophete peut avoirde
commun avec les Sectacteurs de la
ridicule Opinion des Pré-Adamites
, mais on fait courir le bruit que
ceux dont il tire fon origine ont
precedé Adam. Il porte une Couronneſurſa
teſte , & il n'est point
marié,quoy qu'il ait plusieurs Femmes.
Elles vivent toutes avec luy
Sans jalousie, tant il établit un bon
ordre entr'elles. Il est tres -fobre, ne
vivant pour l'ordinaire que du rebut
des Chiens. Il mepriſe l'or &
l'argent , &n'enajamaisfait aucun
cas. Il va toûjours pieds nuds
auffi-bien l'Hyver que l'Esté, & il
Ciiij
36 LE MERCVRE
marchefort gravement. On ne m'a
pû dire de quelle croyance il eſtoit
mais il est certain qu'il commence
à rendrefes loüanges à Dicu dés
lanuit , & avant le lever du Soleil.
Il les continuë prefque à tou
tes les heures du jour ; &malgré ce
Join il ne pratique point l'humili
té , au contraire il est courageux
&ficr. Ceux qui se connoiffent en
phiſionomie, pretendent qu'il court
riſque de ne mourir point de fa
mort naturelle , mais d'une mort
violente.
Chacun raifonna fur cette
Nouvelle. Les uns dirent qu'il
n'eſtoit pas furprenant qu'on vit
de temps en temps de ces faux
Prophetes ou Sectaires en Holfande
, parce qu'on y fouffroit
toute forte de Religions , & ils
adjoûterent qu'il n'y avoit pas
encor long-temps qu'il s'y en
A
GALANT.
57
ost
de
So
touré
mili
gens
at
Cout
efi
mon
Cettt
qull
faux
Hol
froit
ils
pas
en
eſtoit rencontré un qui catechifoit
& prefchoit publiquement,
& qui avoit eſté enfin confiné
par le Magiſtrat dans une étroite
Priſon àEmbden, où il devoit
finir ſes jours , Qu'on n'ignoroit
pas le bruit qu'avoit fait enAngleterre
pendant l'interegne un
Quakel , ou Chef des Trembleurs
, à qui le Parlement avoit
fait couper la langue ; & que
vers l'Arabie on en avoit veu un
autre depuis douze ans , qui ſe
diſoit le Meſſie ; qu'il eſtoitſuiuy
quelquefois de plus de cinquante
mille Hommes ; & que le
Grand Seigneur avoit eſte obligé
d'envoyer contre luy une
Armée confiderable pour le détruire
avec fon party. On revint
à celuy de Hollande, & il n'y eur
perſonne qui ne diſt qu'il meritoit
le feu , & que le Phiſiono
Cv
58 LE MERCVRE
mifte avoit eu raiſon de juger
que ſa mort ſeroit violente . Il
prit là-deſſus un fort gråd éclat
de rire à celuy qui avoit montré
la Lettre. Il ne voulut plus
cacher qu'il l'avoit fait écrire
pour ſe divertir , qu'elle ne contenoit
qu'unEnigme , & que le
Prophete eſtoit le Coq qui annonçoit
la venuë du jour. On
n'eut pas de peine à faire l'application
du reſte,& cette folie fut
un agreable divertiſſement à
ceux qui n'avoient point de part
aux férieuſes reflexions qu'on y
avoitfaites.
Enfin, Madame, me voilà devant
S. Omer, où l'abondance
de toutes les choſes que j'ay
euës à vous dire m'a empefché
d'arriver plutoſt. Avant que de
paffer au recit de tout ce qui
s'est fait pendant le Siege de
• GALANT. 59
HO
형
plas
rice
01-
ele
an-
On
plifor
Dart
Hece
ay
he
de
ui
te
مج
cette Place, je croy vous en devoir
entretenir un moment. Elle
tire fon nom de celuy de Saint
Omer qui estoit Evefque de Terüoanne
, & elle eſt ſi forte à
cauſe de ſa ſituation , & d'un
nombre infiny de Canaux qui
l'environnent , que perſonne
avant Loüis le GRAND navoit
encore eu l'avantage de
s'en pouvoir dire le Vainqueur.
Cettegloireeſtoit refervée à ſes
Armes , qui luy ont fait perdre
le titre de Pucelle , qu'elle avoir
conſervéjuſques là. Ses edifices
font tres-beaux , & elle le peut
vanter d'avoir dans l'enclos de
ſes murailles une des plusbelles
Abbayes del Europe , foit pour
ce qui regarde ſes Baſtimens,
foit pour ce qui regarde ſon Revenu.
Cette Ville eſt la ſeconde
du Comté d'Artois.Elle est tresi
Суj
60 LE MERCVRE
ancienne , & la Mer qui l'a autrefois
cottoyée , n'en eſt qu'à
huit lieuës . Si l'on en croit Ortelius,
le Port d'Iccius, où Cefar
s'embarqua pour paffer emAn
gleterre y estoit autrefois. On.
voit aupres de la Ville un Lae
couvert de pluſieurs Iffles qui
flotent fur l'eau. Elles vont où
le vent les pouffe , & elles font
quelquefois agitées , commedes
Vaiſſeaux , le vent qui donne
dans les Arbres produiſant prefque
le meſme effet des voiles.
Quand le calme eſt grand on at
tache des cordes à ces Arbres,
&on tire ces Ifles où l'on veut
Elles ſont ſouvent remplies de
toutes fortes d'Animaux qu'on
ymene paiſtre . Les Poiffons du
Lac ſe retirent deſſous pour ſe
mettre à couvert du froid , &
pour éviter les grandes ardeurs
GALANT. 61
M
12
Orfar
An
On
Lac
qui
Com
des
nne
ref
iles.
ar
res,
eut
de
on
du
rfe
&
curs
du Soleil , de maniere qu'on y
en trouve toûjours beaucoup.
On voit fur ce meſme Lac la
grande & belleAbbaye de Clairmarets..
Revenons à la Ville. Lors
qu'on fit deffein de l'affieger ,
elle estoit munie de toutes les
choſes neceffaires pour une vigoureuſe
reſiſtance. Monfieur
le Prince de Robec , de la Mai
fon de Montmorency, eſtoitdedans
en qualité de Gouverneur
de la Province d'Artois, & Mole
Comte de Saint.Venant comme
Gouverneur de la Ville. Il eſt.
temps de voir de quelle maniere
ils ſe ſont defendus, & comment
ils ont eſté attaquez ; mais il
faut que je vous diſe auparavant
les Noms des Officiers Generaux
qui ont fervi pendant ce
Siege.....
62 LE MERCVRE
Monfieur de Humieres ,
Mareſchal de France..
• Lieutenans Generaux
;
M. le Comte du Pleffis . :
2
M. le Prince de Soubife .
M. le marquis de laTrouſſe..
Mareſchaux de Camp.
м. le marquis d'Albret.
M. de Sourdy.
4.
M. de la Motre , Commandant
d'Aire.
- м. Stoupp.
Brigadiers..
M. d'Aubarede .
м. de maulmont , Major General.
)
Pluſieurs autres qui avoient :
mené des Troupes à Monfieur
pour la Bataille de Caffel , ont
ſervy enfuite pendant le Siege..
Monfieur de Tracy a efté de ce
nombre.
2
GALAN T.
63
A
e
ant
e-
Ent
eur
ont
e.
ce
২
Aydes de Campde
MonfieuKRED
M. le ChevalierdeTauriac. :
M. de Grave , fils ..
M. de Vertot.
M. le Chevalier de Silly.
OM
M. le Chevalier de Courtenay..
i
Son Alteffe Royale fit enco--
re ſervir pluſieurs autres. Ie les
nommeray en vous marquant
les Commiffions qu'elle leurs
donna..
Monfieur le Marquis de la
Fréſeliere a commandé l'Artil
lerie..
M' de Choiſy a ſervy de premier
Ingenieur.
Dés que Monfieur fut arrivé
devant S. Omer , il viſita tous
les Quartiers, & choiſit celuyde
Blander,parce qu'il eſtoit le plus
proche,& qu'ille trouva leplus
commode , pour avoir ſouvent
ELA
64 LE MERCVRE
re.
des nouveles de ce qui ſe paſſeroit.
Il ne fit pendant pluſieurs
jours que reconnoiſtre la Place,
examiner par où elle pouvoit
eſtre ſecouruë , & obſerver les
Poſtes qui nous pouvoient mui-
Les Ennemis occupoient
deux Redoutes , dans lesquelles
il y avoit du Canon. Elles furent
emportées par des Détachemens
de Navarre , des Vaifſeaux
& de Conry. Pendant ce
temps ceux de la Place , qui
eſtoient maiſtres du Fort de
S..Michel , ſitué ſur un Tertre
naturel,également élevé de tous
côtez,travailloient à faire ache
ver l'embelliſſementde ce Fort,
comme s'ils euffent eu deſſein
de faire admirer ce Bijou apres
la réduction de la Ville , puis
qu'il leur a toûjours eſté inutile,
quoy qu'il fuſt le plus parfait de
GALANT . 65
Eur
ace,
vaik
les
mi
ient
elles
Tem
he
aift
ce
qui
de
rtre
cous
he
ort,
ein
res
uis
ile,
de
leurs Ouvrages. Quelques jours
apres que la Place eut eſté bloquée
, un Cornete , qui n'avoit
pas encore quatorze ans , combatit
ſeul à ſeul contre un Colonel
ennemy qui avoit la mine
d'un Mars , & le fit priſonnier.
- Monfieur ne peut ouvrir la
Tranchée fi-toſt qu'il auroit
voulu. Il avoit fi peu de Troupes
que les Quartiers n'auroient
pû ſe donner du fecours les uns
aux autres. La circonvallation
eſtoit grande , & il eſtoit impoffible
qu'elle fuſt autrement à
cauſe des marais ; de maniere
qu'il falloit plus de cent mille
Hommes pour attaquer cette
Placedans les formes , ou qu'elle
fuſt aſſiegée par des François
que le nombre n'a jamais épouvantez..
Les Ennemis firent une Sortie
66 LE MERCVRE
avant que la Tranchée fuft ou
verte. Ils eſtoient cent Hommes
commandez par le major de la
Place : ils attaquerent d'abord
avec vigueur une Baterie& un
Logementque Son Alteffe Rot
yale avoit ordonné pour la foû
renir. Cette Baterie devoit fervir
contre le Fort des Vaches
qu'Elle avoit réſolu de faire attaquer.
Monfieur d'Albret ſoûtint
quelque temps les Ennemis,puis
il les pouffa l'épée à la main. II
cutunCheval tue ſous luy.Monfeur
le Chevalierde Souvray fit
merveilles en cette occafion.
Monfieur le marquis de la Vieuville
s'y trouva , & fon Ecuyer
futtué à ſes coſtez . Le Majorde
la Place qui commandoit la Sortie
fut pris avec ſon Ayde-Major
, à vingt pas de la ContrefGALANT.
67
ift o
mm
deh
abon
& m
Te Ro
la fou
Dit fer-
Jaches
ireat
ûrint
s,puis
ain. I
Monray
fit
afion
Vieu
cuyer
orde
Sor-
Marefcarpe.
Monfieur ayant receu le
2. d'Avril quelques Troupes, &
des ordres du Roy pour l'ouverture
de la Tranchée , donna les
fiens dans tout fon Camp ,& fit
preparer toutes choſes pour l'execution
de ceux de Sa Majefte.
LaNuit du 4au s
On ouvrit laTranchée.Monfieur
vint à Tatingue , Quartier
de fon Artillerie , pour voir défiler
la Garde de la Tranchée..
Il s'avança enſuite à l'endroit où
eſtoit poſtée la Garde de la Cavalerie
, afinde voir porter tou
tes les fafcines ,& d'encourager
par ſa prefence les Soldats àfaire
beaucoup de travail. Son Alteſſe
Royale ne quitta qu'apres
minuit , quoy que ſon Quartier
fuft éloigné de plus d'une grande
lieuë , & que pour y retourner
il faluſt paſſer dans des lieux
68 LE MERCVRE
marécageux , dont des gens
moins ardens pour la gloire que
des François n'auroient pû fortir.
Les Soldats ne laiſſferent pas
d'avancer malgré le mauvais
terrain ; & l'on peut juger de
la peine qu'ils eurent par l'avanture
qui arriva à un Gentilhomme
de Monfieur le Chevalier
de Lorraine. Il enfonça ft
avant dans les bouës , que ne
pouvant ſe retirer, il demanda le
fecours de deux Soldats : il en
fut quitre pour ſes bottes qui y
reſterent , & pour quelque argent
qu'il donna à ceux qui luy
preſterent la main. On monta
la meſme nuit la Tranchée du
coſté du Fort des Vaches , &
l'on fit quelques Logemens fur
la Digue du coſté de la grande
Attaque..
.
E
GALANT. 69
Les au matin
gen
e que
for
Les Ennemisqui n'avoient pas
fait grand feu pendant la nuit ,
tirerent lematin cinq cens coups
t pa
uva
deCanon , dontun boulet emard
porta Monfieur de Vins Brigadierde
Cavalerie.
avan
;
end
eva
ça f
ent
dak
il en
quiy
ar
iluy
onta
du
,&
fur
nde
Lanuit de 5 au 6
Les travaux ſe joignirent.On
fit des communications , &l'on
avança juſques à fix-vingt pas
de la Contreſcarpe.
Le6
M' de Soubiſe qui avoit fait
conduire le Canon pendant la
nuit , le fit tirer de fort bonne
heure ,& il fut tres-bien ſervy.
Monfieur de Sourdy fit auſſi travailler
àune Baterie. Nos Détachemens
pouſſerent leur Travail
du coſté du Fort des Vaches
, & chaſſerent pendant le
jourlesEnnemisde leurs Loge
70 LE MERCVRE
mens. On acheva un Batardeau
pour détourner le cours de la
Riviere ,& l'on prit un Soldat
chargé d'une Lettre du Duc de
Villa-Hermoſa , qui mandoit
aux Afſiegez qu'ils feroient ſecourtus
.
Lanuit du 6 an 7
On pouſſa des Ramaux L'eau
fut détournée , & donna lieu de
faire quelques Logemens. Une
nouvelle Baterie commença à
tirer.
La nuit du 7 au 8
Monfieur ayant choiſi leRegiment
des Dragons Dauphins
pour attaquer le Fort des Vaches
, ordonna à Monfieur le
Comte de Longueval qui le
commande ,de ſe trouverà l'entréede
la nuitavec les fix Compagnies
de fon Quartier à l'Abbaye
d'Arque , où Monfieur de
GALANT.
ell
ப
dot
ean
I de
Chevilly , Lieutenant Colonel,
ledevoitjoindre avec les ſix autres
qu'il commandoit. La Compagniedes
Grenadiers du Regiment
de Humieres estoit au
Rendez vous pourfaire ce qu'on
ordonneroit. Avant toutes choſes
M de Longueval fit deux
Détachemens de 60. Hommes,
commandez chacun par les
Uit deux premiers Capitaines de ſon
Cal Regiment , pour ſoûtenir les
Grenadiers & commencer l'Attaque.
Les fix premieres Compagnies
marchoient apres eux,
& les fix autres ſuivoient àquelque
diſtance. Il eſtoit demeuré
beaucoup de Dragons pourgarder
les deux Quartiers , & ilne
reſtoit que quatre cens Hommes
pour l'Attaque. Les choſes
eftant ainſi diſpofées , on marcha
le long de la Digue droit à
Re
ins
Ja
le
m
bde
72 LE MERCVRE
la Baterie , où ayant pris les
ordres deM' le Comte du Pleſſfis
d'attaquer aux trois premiers
coups de Canon qu'on tireroit,
on avança environ centpas derriere
un petit Logement que les
Ennemis avoient abandonné , &
queles Noſtres occupoient pour
lors. Le terrain pour aller jufqu'au
Fort eſt tres-difficile. Sur
la gauche , la Riviere eſt le long
de la Digue. Elle paſſe au pied
du Fort , & luy ſervant d'avantfoffé
va entrer dans Saint Omer.
Au delà de la Riviere il y a une
Campagne inondée juſques à
la Ville. Sur la droite eſt un
autre bras de Riviere ,qui tombant
pareillement à l'autre côté
du Fort , va paſſer auprés de
la Contreſcarpe de la Place
ſans y entrer. Le terrain qui
eſt au delà de cette Riviere
G
n'eſt
GALANT.
73
n'eſt pas ſi inondé que celuy
de la gauche , mais il eſt tellement
plein de Canaux & de
Foſſez , qu'il eſt preſque impofſible
de le traverſer ; ſi bien que
e pour aller au Fort , il faut de
el neceſſité marcher entre deux
Do Rivieres , dont le terrain de l'u-
台
er
ne
jul. ne à l'autre n'a pas vingt pas de
St front , aux endroits les plus larges.
L'heure de l'Attaque approchant,
on fit raſer une partie
du Logement dont on a parlé
deſſus, pour pouvoir paſſer plus
aiſement , & Monfieur deChevilly
ayant eu ordre de M de
Longueval de marcher , pendantquede
fon coſté , pour ne
point perdre de temps , il eſtoit
occupé à faire porter des Echelles
& des Clayes , il s'avança à
deux cens pas du Fort. Il fit
mettre alors tout fon monde fur
Tome IV.
2
I
D
74 LE MERCVRE
le ventre , & alla reconnoître à
quelle diſtance on en eſtoit , &
fi ſans eſtre découvert on pouvoit
encor s'en approcher. Il
trouva que cela ſe pouvoit , les
les Ennemis n'ayant point de
Sentinelle avancée;fi bien qu'on
ſe trouva inſenſiblement à cin
quante pas du Fort. Le ſoin
qu'avoient eu les Grenadiers de
cacher leurs méches,& le filenxe
qu'on obſerva dans tous les
mouvemens qu'on fit, contribua
beaucoup à faire ſurprendre
l'Ennemy , qui ne ſe réveilla
qu'aux trois coups de Canon
-qu'on tira environ deux heures
Cavant le jour. Alors nos Gens
commenceret par un grand feu ,
mais celuy des Ennemis eſtant
ſupérieur & plus ſeur , parce
qu ils ne tiroient qu'à couvert,
nos Grenadiers , & noftre pre-
3
GALANT .
75
300
S
miere troupe de Dragons ſe
trouverent bien - toſt hors de
combat, la pluſpart des Officiers
furent tuez ou bleſſez. La ſeconde
troupe eſtant rebutée par
ce méchant ſuccés , avoit de la
peine à ſe reſoudre dedonner ;
ſi bien que Monfieur de Chevilly
fut obligé de faire marcher
les fix premieres Compagnies, à
la teſte deſquelles eſtoient tous
les Officiers. Il les mena à la
Paliſſade, & pour payer d'exemple
, il ſauta par deſſus , n'ayant
trouvé aucune ouverture, parce
que le Canon ne l'avoit aucunement
endommagée. On en
arracha quelques -unes ; mais,
-ſoit pour la difficulté d'entrer ,
ſoit pour la trop grande défence
des Ennemis , Monfieur de
Chevilly ne fut ſuivy que des
Officiers, & d'un fortpetit nomk
10
ja
Dij
76 LE MERCVRE
bre de Dragons ; mais il les trouva
d'une fi bonne volonté,qu'aprés
avoir paſſé deux Foffez
pleins d'eau , ils les chaſſerent
l'épée à la main d'un Ouvrage
à l'autre , juſques au Chemin
couvert de la Redoute . Ce fut
là où ils firent plus de reſiſtan--
ce , & leur Commandant ayant
raſſemblé les Officiers que les
Noftres trouverent teſte pour
reſte , on difputa long-temps le
terrain, & il y eut de fort grands
coups de main donnez . M de
Chevilly fut bleffé dans ce moment.
Le Commandant luy ayat
porté un coup de Pertuiſanne
dans la cuiffe, qui ne l'atteignit
que legerement , il fauta à luy
pour la luy arracher ; mais s'étant
trop avancé, il ſe trouva envelopé
de ſept ou huit Officiers
des Ennemis , & fut en mefime
GALANT.
77
ما
temps bleſſe à l'épaule d'un
coup dont il tomba , & les Ennemis
ne ſe trouvant plus preffez
des noſtres , eurent le loifir
de ſe rerirer dans leur Redoute,
aparemment pour y faire leur
compofition : Mais cela
ſervit de rien; car Monfieur de
ne leur 00S
Longueval qui attaquoit le long
de la Digue avec les fix autres1771
Compagnies , & qui avoit toîtjours
chaſſe les Ennemis devant
luy avec beaucoup de vigueur,
& tué tout ce qui luy avoit fait
reſiſtance , ſe trouva à meſme
hauteur fur la Redoute. Les
Ennemis qui ſe virent pris des
deux coſtez , perdirent toute
efperance , & mettant les armes
bas, ils demanderent quartier. Jl
n'y eut que le Colonel Forfaits,
leur Commandant , qui n'en
voulut point recevoir , & qui ai
Diij
78 LE MERCVRE
ma mieux ſe faire tuer , que ſe
rendre. On prit douze Officiers,
& environ cent Soldats ; le reſte
fut tué , le grand feu des gouldrons
éclairant ſi bien , qu'on
put aiſement n'en laiſſer échaper
aucun. Ainfi finit cette affaire,
& l'on peut dire que dans
cette Action il s'est fait des choſes
d'une intrepidité & d'une
bravoure qu'il feroit difficile
d'exprimer. Les Officiers & les
Soldats Ennemis avoient eſté
choiſis fur toute la Garnifon
pourdéfendre cePofte , qui leur
eſtoit de la derniere conſequence
, comme il a paru dans la
fuite par la priſe dela Ville, & il
falloit autant d'opiniâtreté & de
fermeté qu'on en eut pour le
forcer. Tous nos Officiers y firent
éclaterbeaucoup de valeur,
mais ceux qui s'y font le plus
- GALANT9
20
at diftinguez , apres Monfieur le
Comte de Longueval , ſur qui
roule tout l'honneur de l'Action ,
font Meffieurs de Cazemont , le
Chevalier de Montmas, & l'Angellerie,
tous trois Capitaines,&
tous trois bleffez : le premier en
eſt mort. Monfieur le Roux Major
y a auffi tres-bien fait.
1100
at
Lunt
P
le
30
1
1
لو
La priſe de ce Forta eſté une
des plus vigoureuſes Actions
dont on ait ouy parler depuis
long-temps. Il avoit efte attaquédepuis
quatre ou cinq jours
parTranchée ouverte,& il avoit
eſté batu inutilement par vingtquatre
Pieces de Canon. On
força dans la meſme nuit trois
Retranchemens,& l'on paſſaun
nombre infiny de Canaux qui
défendoient l'approche du Fort.
Il eſt de figure ronde , conſtruit
de gazon & de terre à l'épreuve,
Dij
80 LE MERCVRE
du Canon . Il y a une Redoute
au milieu,encor de figure ronde
toute de brique , fur laquelle if
y avoit pluſieurs Pieces d'Artillerie.
Elle eſt plus élevée que le
Ye
Fort. Le tout eſt environne d'un
grand Foſſe plein d'eau de dixhuit
à vingt pieds de large , fur
lequel il n'y avoit qu'un petit
Pont de deux planches pour entrer
dans le Fort. On l'attaqua
partie à la nage ,& partie ſur les
deux planches. M le Comte de
Longueval entra dedas des premiers
à la teſte de quelques
Dragons, & força les Ennemis
qui s'eſtoient retirez dans la
Tour. Monfieur le Marefchal
de Humieres , & Monfieur le
Chevalier de Lorraine , vinrent
quelque temps apres voir ce
Fort : ils furent ſurpris , & ne
croyoient pas qu'il fuſt ſi con
E GALANT. 8г
QUE
ent
en-
רש
fiderable. Ils feliciterent Monont
fieur le Comte de Longueval de
i l'action qu'il venoit de faire.
Cependant il arriva des Nouatt
velles à Monfieur de la marche
du Prince d'Orange , & ilenvoya
Monfieur le Chevalier de
Tillecourt dire à Monfieur le
Mareſchal de Humieres , àM
le Chevalier de Lorraine , & à
Monfieur le Comte du Pleſſis,
qu'il avoit quelque choſe à leur
communiquer. Ces Meſſieurs
les vinrent trouver , & on fe
prepara pour la Bataille. Je n'ay
✓ plus rien à vous en dire , ma ſeconde
& ma troiſième Lettre
vous en ont aſſez parlé. Laiffons-
les donc aller au Combat,.
&juſques à leur retour parlons
d'autre choſeque de la Guerre.
Pendant qu'on preſſoit en
méme temps les Sieges deCam-
Dy
e
es
82 LE MERCVRE
bray & de Saint Omer , voicy
des Vers qui furent faits à la
gloire du Roy,& que je ne doute
pas que vous ne lifiez avec
plaiſir. Je ſuis fâché de n'en connoître
pas l'Autheur pour vous
le nommer. Il luy ſeratoûjours
avantageux d'avoüer un Ouvrage
de la force de celuy-c.y.
Il feint que Pallas preſente
Monſeigneur le Dauphin aux
Muſes,& qu'elle leur parle ainfi
fur le Parnaſſe..
STANCES.
Ons les deux Noms que l'on me
Sordonne
Je joins aux dons deMarsvos aimablespreſens
;
Ie preſide aux Héros , je preſide aux
Sçavans,
Et ma main tourà tourde Lauriersles
Couronne ;
GALANT. 83
ONC
doo
ava
COL
YOU
O
-
201
in
H
L'ay fait du Grand Loüis le plus
grand des Guerriers ,
I'ay remplypour vos Arts ce Princede
lumiere ;
Mais il faut que le Fils chercheicy
desLauriers.
L'ay cüeillytous les mienspour le Pere.
ron
LYOR
DesActionsſiſurprenantes ,
Obligent la Victoire à me les arracher;
Apeine pour ce Roy j'ay le temps d'en
chercher,
Qu'ils me sont enbevez parses mains
triomphantes ;
Son bras fait des Exploits qu'on n'eust
ofé penfer ,
Quand mesme ils font publics ,àpeine
ilsfont croyables ;
Et ces Murs qu'en huit jours nous l'avons
venforcer
Avant que d'estre pris estoient crus imprenables.
Mais c'est encor peu pour sa gloire,
Ce Cambray si fameux qu'il réduit aux
abois
84 LE MERCVRE
Auroit en moins de temps déjareçenfes
Loix ,
Sil vouloit à demy remporter la vi-
Etoire.
Saint Omer le va füivre , & mon plus
grand employ ,
C'estde renir toûjours plusieurs Couron
nesprestes ,
Ayez donc ſoin du Prince ,& j'auray,
Soindu Roy ,
Travaillez pour l'Etude , & moy pour
lesConquestes.
Mais quoy ! vous marquez de la
crainte
Depuis qu'un si beau Prince est dans
vostre sejour ;
Muſes , vous leprenezpeut-estre pour
l'Amour
2..
Et vuſtre liberté redoute quelque atteinte
?
Non, non , défaites- vous de cette inju-
Stepeur:
Quoy qu'il ait de l'Amour les traits
le visage ,
Illustre Montanfier estantfon Gou
verneur
GALANT. 85
Quand il feroit l'Amour ,auroit fait
l'Amour ſage ,
Mais vostre erreur est fans égale,
Si de ce Dien volage il a les agrémens,
Son ame a des attraits mille foisplus
charmans
Que ceux,que vous voyez que son via
Sage étale ...
Elle estgrande,elle est belle ; &dans
fonjeune coeur
Naiſſent des sentimens d'un ſi beau Caractere
2.
Qu'eny reconnoiffant l'esprit du Gouverneur
On y remarque auſſi la Maiesté du
Pere..
Tous vos Emploisfontſesdelices,
Son esprity penetre avec facilité,
Et dans sa Cour sçavante on voit àfon
costé
Ceuxquifont les premiers danstous vος -
exercices;
H. vous rend bien l'éclat qu'ilreçoitde
vosArts i
86 LE MERCVRE
Donnez-luy donc au moins fon rang
Surle Parnaffe :
Vous avez élevé le plus grands des
Cefars,
Ce Prince avec raiſon doit occuper leur
place.
J'adjoûteray à ces Stancesune
Lettre écrite à Madame la marquiſe
de Louvois par Monfieur
Galand, Secretaire du Cabinet.
Vous la trouverez d'une nouveauté
finguliere. Elle eſt toute
endifferens Couplets de Chanfon
, fur les Airs les plus connus.
Madame de Louvois eſtoit allée
paſſer quelques jours à la Campagne
,& Monfieur Galand, qui
nele cede à perſonne en délicateſſed'eſprit
, euſt eu peine à luy
marquer plus agreablement le
chagrin qu'il avoit de fon abfen
ce. La Lettre eſt en partie ſur les
grandes Actions duRoy, & c'eſt
GALANT. 87
Mar
eu
net
12
pour cela que j'ay crû ladevoir
placer icy.
LETTRE
EN CHANSONS ,
Sur le Chant de Lancelot Turpin.
Lore dans nos Champs
FEstenfin defcendun
Les Oyseaux par leurs chants
Annoncent sa venuë ;
Maisquefertle Printemps s
Quand onvous a perduë ;
Surle Chant de Réveillez-vous
Belle endormie.
DuZephir l'adouce influence
Change en vain nos bois &nos Prez ,
Nousneſentironssapresence,
Quedu jourque vous reviendrez.
Sur l'Air duTraquenart.
Madame, quefaites- vous ,
Devous éloigner de nous ?
88 LE MERCVRE
Demapropremain ,
Siie croyois mon courage,
Dema propre main
Ieme perçerois le ſein.
Sur l'Air de laBordeaux.
Aqui connoîtvostre beauté charmantes
Comme nousfaiſons tous,
Touteſaiſon est aimable &riante.
Quiſepaſſe avec vous ,
Nul temps n'est doux
Quandvous estes abfente ,
Et c'estparlemesme efprit
Que l'heureux Coulange rit ,
Et Galand lamente.
Sur le Chant de l'Echelle du Temple
Ienehaypoint les Espagnols ,
Tant que Coulange& que Bagnols.
Ils ont eux-feuls tout l'avantage ,
Tous les plaifirs , & tout l'honneur
Et ne nous laiſſent en partage ,
Que d'enragerde leur bon-beur.
Surle Chantde Landerirette.
Mais à quoy bon tant de douleurs
2
GALANT. 89
ر
Nos cris ,nosfoùpirs &nos pleurs ,
Landerirette ,
Ne vous ramenent pas icy ,
Landeriry.
Surl' Air de Fichuë eft toute preste.
Atous les gens de bon gouft ,
L'ay toûjours oùy dire
Que quand l'adreffe est à bout ,
Ilfaut benir Dieu de tout ,
Et rire,&rire ,& rire.
Sur le Chant de l' Année est bonne
Mais venons à noftre Grand Roy,
Aluy voirtout remplird'effroy ,
Iln'estbon François qui n'entonne
L'Année est bonne.
Sur leChant de Puiſſant Roy.
Iln'estpas permis de s'affliger ,
Sons ſes Loix Loüis va tout ranger.
Celebrons les Miracles étranges,
Qu'ontfait pour nous ſon esprit & son
1 coeur:
Al'envy prodiguons nos loüanges,
C'est le ſenl bien qui flate le Vainqueur
90 LE MERCVRE
Sur l'Air Beuvons ànous quatre.
Maisquoy qu'on l'adore ,
Onadu dépit
Devoir qu'au bout du Recit
Il en reste encore
Plus qu'on n'en a dit.
هيل
Sur l'Air de Frere Frapart.
Nous ceſſferons enfin d'entendre
Comparer au plus grand des Rois ,
Achille,Cefar,Alexandre ...
Et tous les Héros d'autrefois :
Quel que soit l'éclat qu'on leur donne,
Cequ'est Loüis nul n'a jamais esté.
Iln'imitajamaispersonne ,
Etnefera point imité.
Sur le Chant du Poulallierde
Pontoise.
Quelque éloge ,qu'il nous coûte
Ayons-en toûjours pour luy
A cent ans , comme aujourd'huy
Puiſſe-t-il estrefans goute;
Qu'àses pieds il ait cent Rois ,
Qu'à la Chineon le redoute;
GALANT.
91
h
Et pour tout dire àlafois ,
Qu'il ait encorfon Louvois.
Sur l'Air des Sauts de Bordeaux.
Dans le meſime Sacrifice
On Loürs est adoré ,
Son Ministre avec justice
Se voit aufsi reveré :
Toute médiſance créve ,
L'envieux tombe en defaut
Lors que la Vertu s'éleve
Iusqu'an degré leplus haut.
Sur le Chant de Vous avez trois
Filles.
Cettegrande Brune ,
Dont il est Mary ,
N'est pas lamoindrefortune
DeceſageFavory.
Sur le Chant des Feüillantines..
Finiſſons , car du Mestier
Delower ,
Ilnefautpasse joüer ;
Detout ce que l'on révere
Ilfait bon ,
Ilfaitbonneparler guere
!
92 LE MERCVRE
Surl'Air de *****
Croyezdonc que l'Autheur
Tres-fatigué d'écrire;
Croyez donc que l'Autheur
Eft voſtre Serviteur.
Iefuisfans ceremonie
Le tres-fidele Valet
De la noble Compagnie ,
Qui n'aura que ce Couplet.
Retournons à Saint Omer
nous n'y demeurerons gueres :
ce n'est pasl'ordinaire des François
d'eſtre long- temps devant
une Place. La nuit que Monfieur
partit de Blandec , on abandonna
l'attaque de Tatingue , &
l'on en tira tout le Canon , que
l'on conduifit à Arques. On ſe
contenta de garnir la tranchée
des Vaches , ſous le commandement
de Mr de la Trouffe &
deMonfieur Stoupp . Mª de Tracy
les y vint joindre ,aprés avoir
GALANT.
93
f
-
mené neuf Bataillons à mon
ſieur. Le Gouverneur de Saint
Omer n'eut pas plutôt appris
que l'on étoit aux mains , qu'il
fit tirer tout ſon Canon ,& voulut
perfuader au Peuple que le
Prince d'Orange avoit gagné la
Bataille. On en fit autant dans
noſtre Camp , pour la Victoire
que Son Alteſſe Royale avoit
remportée. Apres la défaite des
Ennemis , Monfieur demeura
huitjours dans ſon même Poſte,
pour empeſcher que le Prince
d'Orange ne jettât quelques
Troupes dans Saint Omer du
débris de fon Armée , & pour
faire ſubſiſter ſa Cavalerie , qui
trouvoit du fourage au delà du
Canal. Pendant ce temps , Son
Alteſſe Royale envoyoit tous les
jours quatre Bataillons monter
laGardede la Tranchée à l'atta
94 LE MERCVRE
que du Fort des Vaches , & fit
faire une Baterie de vingt pieces
, qui ne tira que fix jours
apres, àcauſe du mauvais temps,
& de la difficulté qu'il y avoit à
mener le Canon. Il falut que la
Cavalerie portât des faſcines
pendant deux jours , & l'on fut
obligé de ſe ſervir des Suiſſes
pour mettre les vingt Pieces en
batterie. Reprenons l'ordre que
nous avons interrompu. Si l'on
n'a pas pouſſé le Travail pendant
quelque nuits , on a gagné
une Bataille , & preparé toutes
les chofes que je vous viens de
marquer.
Lanuit du 15 au 16
On pouſſa la Tranché à la
gauche , on approcha de l'Avant
foffé à la Contrecarpe , on
fit un Logement ſur la Digue,
&une communication à une auGALANT.
95
tre; on mit encore quatorze Pieces
de Canon en baterie .
La nuit du 16 au 17
On étendit les Logemens .
Le 17 3
On travailla à une Baterie de
vingt Mortiers. Mª de la Motte,
Mareſchal de Camp , reçeut un
coup deMouſquet à la teſte.
La nuit du 17 au 18
Quelques Ingenieurs ayant
affure que nous n'eſtions pas à
cinquante pas de la Contreſcarpe
,&qu'il eſtoit tres-facile de
paſſer l'avant-foſſé , on refolut
de l'attaquer : on leur donna
-pourcela autant de Travailleurs
-&Grenadiers qu'ils en demanderent.
Monfieur de la Cardonniere
, Lieutenant General ,
commandoit la gauche ; Monſieur
Stoupp la droite ; & Monfieur
de Villechauve , Brigadier,
10
96 LE MERCVRE
le corps du milieu. L'impatience
où Monfieur eſtoit de ſçavoir ce
qui ſe paſſoit , luy fit envoyer
Mrs d'Afpremont , d'Obſon ,
de Tillecourt , & de la Cauviniere
, pour en avoirdes nouvelles
de moment en moment. Le
Signal donné , les Grenadiers de
lagauche commandez par Monſieur
le Marquis de la Freſeliere
, s'avancerent à découvert, ils
marcherent bien deux cens pas,
efſfuyant tout le feu de la Contreſcarpe
, du Chemin couvert,
de la Demy-lune & du Rampart;
ils ne laifferent pas d'approcherdes
paliſſade.Quelquesunsméme
montrerent tantd'intrépidité
, qu'il s'abandonnerent
dans la Contreſcarpe ; mais il
fallut ſe contenter de faire un
Logement àquinze pas du bord
de l'avant-foſſe. Monfieur le
Marquis
GALANT .
97
UP
1
Marquis de la Freſeliere y regeutun
coup de Mouſquet dans
le ventre , dont il mourut le lendemain.
Monfieur de la Freſeliere
fon Pere prit la place , & fe
mit à la teſte de ſon Regiment,
pour ſoûtenir les Travailleurs.
Cette Action fut d'autant plus
admirée , que l'eſtat où eſtoit
fon Fils , & fa Charge de Lieutenant
General de l'Artillerie,
pouvoient l'empêcher de s'expoſer
de la forte. Monfieur de
Villechauve fut bleſſé au genoüil,
en faiſant auſſi faire fon
Logement. Monfieur aprenant
ce qui s'eſtoit fait dit, Qu'il ne
s'estoit point trompé , & qu il avoit
bien crû que c'estoit tout ce qu'on
pourroitfaire.
La nuit du 18 au 19
On s'étendit par des Sapes
ſur l'avant-Foffé , on fitunéta-
Tome IV. E
98 LEMERCVRE
bliſſement d'environ cinquante
pas ,& l'on commença à jetter
des fafcines pour combler l'avant-
Foffé. Les Ennemis abandonnerent
de Faux-bourg du
Haut-Pont , Monfieur Phifer,
Brigadier , ſe jetta dedans.
Lamait du 19 au 20
On continua le meſme Travail
pour embraffer l'avantfoffe.
Le 20
Les Ennemis voyant que
Monfieur eſtoit revenu depuis
quelque temps à fon Quartier
deBlandec ,& que ſes Troupes
eftoient toutes fur la hauteur
d'Arques , battirent la chamade
fur les fix heures du foir. On
donna des Oftages de part &
d'autre ,& Monfieur envoya les
Articles auRoy par Mile Chevalier
de Nantoüillet ود fon
#
1803
GALANT.
99
T
Chambellan ordinaire. Sa Ma
jeſté nedes voulut point voir , &
dit , Que fon Alteſſe avoit trop
biencommencé , pour ne pas ache
ver de mesme. Monfieur accorda
aux Afſiegez de ſortir avec armes
& bagage , & deux Pieces
de Canon. Ils fortirent deux
mille Hommes de pied , & plus
de cinq cens Chevaux. Son Alreſſe
Royale entra dans la Ville,
&fit chanter le Te Deum. Elle
fit enfuite le tour des Ramparts,
&alla voir toute l'Innondation,
& les Marais qui ſont du coſté
du Haut Pont.
Toute la Maiſon de Monfieur
n'a pas ſervy avec moins
d'ardeur, tantqu'a duréle Siege,
qu'elle a fait lejour de la Bataille.
Ceux mefmes dont l'employ
n'eſtoit point de tirer l'épée ,firent
voir qu'ils ſçavoient s'en
Eij
100 LE MERCVRE
ſervir dans les occafions. Monſieur
de Mannevilette , Secre
caire des Commandemens de
Son Alteſſe Royale , dont j'ay
oublié à vous parler , fut de ce
nombre. Il prit la place deMonſieur
le Chevalier de Sylli , A yde
de Camp de Monfieur, qui fut
tuédés le commencementde la
Bataille , & s'acquita de cet Employ
tant que dura le Combat,
de meſme que s'il n'euſt fait autre
choſe toute ſa vie. Je dois
vous dire encore,que celuy dont
je vous ay parlé ſous le nom du
Chevalier Tillet , dont le Cheval
fut bleſſé aupres de Son Alteſſe
Royale , eſt Monfieur le
Chevalier de Tillecourt .
Quoy que je vous aye déja
entretenu des Ifles flotantes , je
ne puis m'empeſcher de vous dire
encore une choſe tres-partii
GALANT. 10F
e
a
白
culiere& tres- curieuſe touchat
ces Iſles -là. Il y a environ une
centaine d'Habitans qui les font
mouvoir , & qui avecla permiffion
des Souverains de S.Omer,
compoſent entr'eux une efpece
de petite Republique. Ils ont
leurs Loix , & pour perpetuel
leur race fans fortir de leurs Jfles,
tous les Coufins peuvent épouſer
leurs Coufines. Le Roy confirma
leurs Privileges , & leur
donna une ſomme confiderable.
Mais , Madame , il eſt temps
que je vous ramene de S. Omer
à Paris, où je croy, que vous ne
ſerez pas fachée d'accompagner
Madame la Ducheſſe au CollegeClermont.
Leurs Alteſſes Sereniffimes
Monfieur le Prince&
Monfieur le Duc , qui ont bien.
voulu confier le jeune Duc de
Bourbon aux Peres de ce Col-
E iij
102 LE MERCVRE
lege , pour y faire ſes Eſtudes,
l'y avoient amené depuis fix
mois , & Madame la Ducheffe
fut bien aiſe il y a quelque
temps de leur venir témoigner
elle meſme , qu'elle ſe tenoit
obligéede leurs foins. Pluſieurs
Dames de la premiere Qualité
eftoient avec elle ; & les Jefuires,
qui ſcavent toûjours bien
faire les choses , répondirent à
T'honneur qu'elle leur faifoit par
tous ceux qui font deus à une
Perfonne de ſon rang. Ils ne ſe
contenterent pas de luy marquer
eux-mefines combien ils
eftimoient la grace qu'il luy plaifoit
de leur faire. Ils choiſirent
deuxde leurs plus confiderables
Penſionnaires , qui ſuivis de
quantité d'autres des plus illuftres
Maiſons de France, buy vinrent
faire compliment,& ſe ſer-
41
GALAN Τ . 103
pl
virent pour cela des Vers que je
vous envoye. Monfieur le Prince
de Tingry commença par
ceux -cy , & vous ne ſçauriez
croire, Madame , avec combien
degrace il les prononça . C'eſt
le Fils aîné de Monfieur de Luxembourg
, & fon nom ſuffit
pour vous faire concevoir à
quels importans Emplois il eſt
un jour deſtiné par ſa naiſſance.
Il a tout à fait de l'eſprit, auffibien
que M le Marquis de la
Chaſtre , qui fut choiſi comme
luy pour cetEmploy, & ils marquent
l'un & l'autre , je ne ſçay
quoy de grand, qui répondparfaitement
à ce qu'ils font nez .
:
Eux Princes , deux Héros , fa-
D meux également,
Nous ont depuis fix mois fait un hanneursemblable
Aceluy que de vous , Princeſſe incom
parable,
E iiij
104 LE MERCVRE
Nous recevons preſentement.
C'est un honneur pour nous trop remarquable
,
Pour nepas en ſçavoir le temps precifement
:
Mais il n'est pas de fort grande im
portance
De vous dire les Noms de cesHéros
fameux
Iln'est point de Héros en France,
Plus grans &plus illustres qu'eux..
En mille autres Pars on les connoit tous
deux,
On les connoit en Flandre , en Alle
magne;
Etmesme dans toute IEspagne
On trouve peu de Noms plusfameux
queleleur.
On doit l'avoir appris en plus d'une
Campagne,
Car onſçait toûjours bien le Nom de
Son Vainqueur.
Il n'en faut point de marques plus
certaines ,
Je dis affez leurNom ne diſant que cela,
Et desHéros comme ceux-là
Nese trouventpas par douzaines.
:
GALANT.
πος
L'accourus pour les voir , &j'y ferois
venu
De laplus lointaine Province.
Ilsavoiei aveceux un joly petit Prince,
Qui vous est aussifort connu.
Déia dans toute sa maniere
Ilfait d'un vray Héros paroiſtre l'ame
fiere:
Il a lesyeux brillans , pleins de fen
pleinsd'efprit,
Etc'est le Portrait en petit
Deſon Ayeul& defon Pere.
Ce n'est pas tout que la fiertés
Iereconnus d'abord en voyantfa beauté,
Qu'il pouvoit bien auſſi reffembler àfa
Mere.
Auffi-tôt pour tout Compliment
On recita des Vers de chaque espece :
Vous meritez , grande Princeffe,
Qu'on enfaſſe pour vous autant.
Mais noussommes des Gens étrages,
Nousvoyons peu de Princeſſes chez
nous
Et le College enfin n'apprend point de
Jouanges
Pour dire aux Dames , comme vous.
I nousferoit moins difficile
E
2
106 LE MERCVRE
ploits,
De lover de Condé la force &les Ex-
Nous sommes icy plus de mille ,
Preſts à dire pour luy tous les Vers que
Virgile
Pour de moindres Héros compoſoit autrefois.
Mais je ne pense pas que Virgile , он
quelque autre
Des mieux diſans dans l'Empire
Latin,
Ait iamais fait un Eloge affez fin,
Pour en pouvoirtirer le modele du vôtre.
Ainfi Scachant , comme iefais,
Qur le mieux quelquefois pour ſe tirer
d'affaire,
C'estd'admirer&dese taire.
Princeffe j'admire&me tais.
Apres queMonfieur le Prince
de Tingry eut fait ce Compliment
à Madame la Ducheffe,
M' le Marquis de la Chaſtre luy
fit le ſien par les Vers qui fuivent,
&& regeut beaucoup de
loüanges de la maniere dont il
GALANT.
107
#
4
A
1
:
les recita. Il eſt l'Aîné de la
Maiſon de la Chaftre , & petitfils
de Monfieur le Comte de la
Chaftre , Colonel General des
Suiffes.
7816
Vand le merite eftveritable,
Qon ne peus is defavoritab
*
Et l'on fçait toûjours bien loner
Ce qu'on trouve toûjours louable.
Ainsi moins nous fommes verfez
Dans l'Art qüe la Cour autorife ,
Dans cetArtflateur qui déguise
Tous les defauts qu'on a pensez,
Plus , Princeſſe , pour vous nous avons
d'éloquence :
Quandon peut dire ce qu'on penfes
Onpeut toûjours en dire affez.
Ce n'est doncpoint en ces lieux , que les
Dames
Doivent attendre les douceurs,
Ettous les Elogesflateurs ,
Qui plaisent tant à la pluspart des
Femmes.
Nous aimons trop laverité,
3
Pour bien sçavoir &Are des fleurettes ,
D
Evj
108 LE MERCVRE
Nous ne traitonspoint de parfaites
Celles de qui lavanité
Met leurmerite en leurfeule beauté..
Nous cherchons la vertu , l'esprit &le
comage; ג
Et pour avoir desloñanges de nous
Princeſſe , il faut avoir leſolide avantage
Desgrandes Qualitez que l'on admire
envom.
C'est en vain que parmodestie
Vous en cachez unepartie ,
La Renommée enparle , &malgré less
Emplois
Que devos deux Héros elle reçoit fans
ceffe ,
Quand l'infatigable Deeffe
Et du Prince & du Duc aconté les
Exploits
Elle trouve encor de la voix hdng
Pour nous parlerde la Ducheffe.
Ilnefaut doncpoint employer
LesLongs Preceptes de Science
Pour foutenir les esperances
Que vans donne aujourd'huy vôsre. Illu
AreEcolier.
GALANT.
109
C
14
1
-
Prince luy dira- t-on,imilezvotre Pere
Et vôtre Ayeul, &vôtre Mere ,
Toûjours de leurs Vertus regardez la
Portrait.
: Voilà, Prince,comme ilfautfaire
Pourse rendre un Princeparfait.
On m'a dit que le Pere de
Villiers eſtoit l'Autheur de ces
Vers ; je n'ay pas de peine à le
croire car ils font tres- agreablement
tournez , & nous avons
veu quelques Pieces de luy qui
font affez du caractere de celle-
су.
"
Deux mots, s'il vous plaiſt,
fur une Avanture de l'Opéra:
car comme vous ſçavez ,Madame
, l'Opéra est fort propre à
faire naiſtre des Avantures , &
depuis que les troiſiémes Loges
qu'on a retranchées à la livrée,
s'occupent fans honte par des
perſonnes de Qualité , la renLE
MERCVRE
tcontre des Brancards de Scaron
eſt moins divertiſſante que celles
qu'ony fait tous les jours.
Une Marquiſe du plus haut
rang ( il en eft de toutes les ſortes
) mariée depuis fix ans à un
des Principaux Officiers d'un
fortgrandPrince , auroit d'affez
méchantes heures à paffer par
les frequens ſujets qu'il luy donne
de jalousie , fi elle n'avoit la
prudence d'accommoder fon
coeur à la neceffité de ſa fortune.
Ce n'eſt pas qu'il n'
dreffe
'ait de laten-
& une confideration
toute particuliere pour elle ,
mais il ſe laiffe entraîner à un
penchant coquetqu'il ne ſcauroit'vaincre
,& quoy qu'il ne
foit pas fort jeune , il est tellement
ne avec la Galanterie ,
qu'il n'a pu s'en défaire par le
Sacrement. Il fautqu'ilvoye les
GALANT. III
Belles. H les régale , les mene à
la Comédie & à l'Opéra , leur
donne des rétes ; & la fage маг-
quife , qui ſçait combien l'éclat
eſtdangereux avec un mary fur
ces fortes de commerces , na
point trouvé de meilleur party à
prendre que celuy dien plaifanı
ter ,&de ſe divertir de ſes Rivales,
quand elle en peutdécouvrir
l'intrigue. Le Marquis , qui
commence déja à grifonner , a
fait habitude depuis peu avec
tune aimable Bretonne , qui eft
venue icy poursuivreun Procés
avec ſonMary. La Belle est une
de ces Femmes qui ne veulent
point eſtre aimées à petit bruit,
qui trouvent de la gloire dans le
fracas , & qui aiment mieux entendre
dire un peu de mal d'el
les ,que de n'en point faire parler.
Elle n'est pas la ſeulede ce
W
112 LE MERCVRE
caractere , & nous en voyons .
tous les jours quiſe mettent peu
en peine du Qu'en dira-t-on
pourveu qu'elles ſe puiſſent juſtifier
àelles-même du coſté de
leur vertu. Les apparences ſont
contre elles tant qu'il vous plaina,
l'innocencede leurs intrigues
eſt un témoignage qui les fatisfait
,& n'ayant riende honteux
à fe reprocher , elles pretendent
que c'eſt une folie de s'aſſujet
tir à vivre ſelon le caprice des
Sots , qui fans vouloir penetrer
les chofes, ne conſultent que
leur malignité dans le jugement
qu'ils en font. Voilà l'humeur
de labelleBretonne. Le faſteluy
plaift , & elle ne haït pas les
Connoiſſances d'éclat on a beau
en médire , il ſuffit qu'elle foir
contente d'elle-meſme , pour ne
pas renoncer aux plaiſirs qu'elle
GALANT.
113
5
J
s'en fait. Vne Viſite du grand
air la rejoüit ; & comme le Marquis
fait affez bonne figure à la
Cour , elle s'accommoderoit
fortdes fiennes , fi enles faiſant
trop longues , il ne rompoit pas
les meſures qu'elle prend pour
ménager trois ou quatre Proteſtans
dont elle aime à ſe divertir.
Elle en a un Conſeiller , un
autre de profeffion de Bel Efprit
( car il luy faut de tout )& elle
trouve moyen de rendre leurs
pretentions comptables avec les
foins d'un Etranger,dontla finace
& l'équipage luy font quelquefois
d'un fortgrand fecours.
Le Mary n'y trouve rien àdire.Il
aun Procés ,qui luy tient plus an
coeur que ſa Femme. Les fortes
Sollicitations font des abondan -
ces de Droit , qui ne ſe doivent
jamais negliger ; & de quelque
114 LE MERCVRE
maniere que ce puiſſe eſtre ,
quand on a des lugesà faire voir,
il est bon de ſe faire des Amis.
Le Marquis n'eut pas veu trois
fois la Belle Bretonne , que la
Marquiſe ſa femme en fut avertie.
Elle voulut voir fi elle eſtoir
digne des affiduitez de fonMary,
ſe la fit montrer à l'Eglife , luy
trouva de la Beauté ,& jugeant
par les agrémens de ſa perſonne
que l'attachement du Marquis
pourroit avoir de la fuite,elle ne
fongea plus qu'à sinformer à
fondde l'efprit & de la conduite
de fa nouvelle Rivale . Elle
'n'eut pas de peine à découvrir
ſes habitudes. On luy nommma
fur tout l'Etranger,qui luy eſtoit
déja connu par la grande dépenfe
, qu'on luy voyoit faire.
Cet éclairciſſement ne luy fuffit
pas. Elle pratiqua des Eſpions,
14
-
GALANT. τις
qui la ſervirent fi fidellement,
qu'il ne ſe paſſoit plus rien chez
la belle Bretonne,dont elle n'eût
auſſi-tôt avis. Elle ſcavoit toutes
les Viſites que luy rendoit
fon Mary, les heures qu'elle ménageoit
pour le Confeiller,& les
teſte-à-teſte que l'Etranger en
obtenoit. Sur ces lumieres elle
mouroitd'enviede trouver cette
Rivale en lieu où feignant de ne
la point connoiſtre , elle puſt
luy rendre une partie du chagrin
qu'elle luy cauſoit. L'occafion
s'en offrit parune rencontre
fort inopinée. La Marquiſe
ſçavoit que fon Mary avoit retenu
la Loge du Roy à l'Opéra ,
quand ſes Efpions luy viennent
dire que la belle Bretonne y alloit
auſſi , ſans qu'ils euſſent pû
découvrir avec qui . La Loge
loüée par le Marquis ne luyper
116 LE MERCURE
met point de douter que ce ne
foit elle qu'il y mene. Elle veut
eſtre témoin de ſes manieres
avec elle pendant ce Divertiſſe -
ment. La choſe ne luy eſt pas
difficile. Elle prend un habit negligé
;& avec une ſeule ſuivante
, elle fe fait ouvrir les troiſiemes
Loges , oppoſées àcelle ou
devoit eſtre ſon Mary.. Elle y
trouve un Laquais qui gardoit
desPlaces , reconnoiſt ſa livrée;
& s'imaginant qu'il y avoit de
l'Avanture,parce que la précaution
de les faire retenir au troifiéme
rang,eſtoit une marque de
Rédez-vous,elle prend les fiennes
ſur le méme Banc,& obferve
avec grand foin ceux qui vien
nent un moment apres occuper
les autres. C'eſtoit l'Etranger
avec une Dame , qui ayant ofté
deux ou trois fois ſon Loup,tant
GALAN T. 117
E
1
a cauſe de l'obſcurité du lieu ,
que dans la penſée qu'elle eût
que rien ne luy devoit eſtre ſuſpect
aux troiſiemes Loges , fit
connoiſtre à la Marquiſe.qu'elle
avoit auprés d'elle cette meſme
Bretonne , pour quielle croyoit
que ſon Mary eût fait garder la
Loge du Roy. L'occaſion eſtoit
trop favorable pour n'en pas
profiter. La Marquiſe demeure
maſquée, les laifle joüir quelque
moment du teſte- à-teſte , &fe
metenfin adroitemet de la converſation
fur des matieres indifferentes.
On commence d'allumer
les chandelles , on ouvre
la Loge du Roy , le Marquis y
entre avec des Dames qu'il fait
placer ; & l'Etranger l'ayant
nommé d'abord , & adjoûte
qu'il falloit qu'il fuſt toûjours
avec les Belles , la Marquiſe
118 LE MERCVRE .
prend la parole , & dit qu'il y .
auroit dequoy faire un Volume
de ſes differentes intrigues d'Amour,
fi on les ſçavoit auſſi particulierement
qu'elle. En mefme
temps elle commence l'Hiſtoire
de deux ou trois Femmes
, que la belle Bretonne n'étoit
pas fâchée d'écouter , s'imaginant
qu'elle ne viendroit
pasjuſqu'à elle,ou que du moins
elle ne parleroit que de quelques
Viſites , qui ne devoient
pas avoir fait grand bruit dans
le monde. Cependant la Marquiſe
qui avoit ſon but , la voyant
rire de quelque Avanture
de fon Mary : ce qu'il y a de
plaifant , pourſuit-elle , c'eſt que
le bon Marquis , qui donne à
tout,a quité la Cour pour la Province
; c'eſt à dire qu'il fait prefentemet
ſon quartier chez MaGALANT.
: 419
10
16
dame de ***. C'eſt une Bretonne
qui a des Amans de toute
eſpece , qui les ménage tous àla
fois , & qui entr'autres fait fa
Dupe d'un Etranger , qu'on
tient d'ailleurs honneſte Hom
me , & qui merireroit biende ne
pas mettre , comme il fait , ſa
tendreſſe à fonds perdu avec
une Belle , qui en aimant d'autres
queluy , ne le confidereque
pourla dépenſe qu'il faitauprés
d'elle. La Bretonne deſeſperée
de ce commencement interrompt
la marquiſe , & tâche à
tourner le diſcours ſur l'Opéra.
Mais elle a beau faire, l'Etranger
qui eſt bien-aiſe de s'éclaircirde
cequile regarde , la prie de continuer
, & malgré les interruptions
de ſa Rivale , la marquiſe
informée de toute ſa conduite
par ſes Eſpions , n'oublie rien
د
420 LE MERCVRE
dece quiluy eſt arrivé. L'Etran
gerconnoît par là que quand elle
a quelquefois refusé de pafſer
l'apreſdînée avec luy , c'eſt
parce qu'elle l'avoit déja promiſe
àun autre,& qu'elle ne luy eſt
venuë parler depuis huit jours
dans ſon Anti-chambre, d'où elle
avoit grand haſte de le congedier
, que pour l'empeſcher de
voir qu'elle dînoit teſte-à- teſte
avec le marquis en l'abſence de
ſon Mary. Toutes ces particularitez
mettent la Bretonne dans
la derniere ſurpriſe , elle croit
que le lieu où ils font , donne
l'eſprit de Prophetie ou de Revelation
; & l'Opéra commençant
, elle feint de l'écouter ,
mais apparemment elle n'eſtoit
pas fort en eftat de juger de la
bonté de la muſique. La Marquiſe
fort contente du rôle qu'-
elle
i 2 GALANT.
3
-
elle avoit joué , s'échapa avant
la fin du cinquiéme Acte. Il eſt
à croire que l'Etranger,qui étoit
demeuré fort réveur depuis l'ine
ſtruction qu'il avoit reçeu,dit de
bonnes choſes à la Bretonne
aprés le départ de la marquiſe.
On a ſçeu depuis, qu'ils avoient
rompu enſemble , & voila com--
me quelquefois un Rendezvous
de teſte à teſte produn des
effets tous contraires à ce qu'on
s'en promet.
Le Roy en partant de Cambray
pour Dunkerque , nomma
Mr le Duc de Créqui Ambaſſadeur
Extraordinaire auprés de
Sa Majeſte Britannique , laquelle
en meſme temps fit choix de
Monfieur le Comte de Sunderland,
pour venir en France avec
la meſme qualité. De ſemblables
Ceremonies ſe pratiquent
Tome IV. F
122 LE MERCVRE
ordinairement entre les Roys,
lors qu'ils viſitent leurs Frontieres
, & qu'ils approchent de
celles de leurs Voiſins.Vous ſcavez,
Madame de quelle maniere
M.le Ducde Crequi ſoûtient de
pareils Emplois . il a de l'eſprit,
de la prudence , & un air de
grandeur quin'eſt meſlé quede
la fierté neceſſaire aux Perfonnes
de fa Naiſſance, Monfieur
le Comte de Sunderland eſt
jeune encor , mais il entend
tres-bien les Affaires ; & ceux
qui connoiſſent ſon merite l'e.
ſtiment infiniment. Monfieur le
Duc d'York envoya auſſi le miford
Duras pour faire compliment
à Sa Majeſté. Il eſt de la
Maiſon de Duras, Frere du Duc
de ce Nom , & de Monfieur le
Marefchal de Lorge. Son merite
& ſa valeur l'ont fait efti1
123
GALAN T.
10
1
mer du Roy d'Angleterre , qui
Juy a donné des Emplois dignes
de fa Naiſſance pour le retenir
dans ſa Cour.
Le Roy aprés avoir viſité les
Places maritimes , revint à Saint
Omer. Il rencontra en Bataille
auprés de la Ville le Regiment
des Dragons Dauphins, à la têteduquel
il fut ſalué par m' le
Duc d'Elbeuf, comme Gouverneur
de la Province, & par Mr
le Comte de Longueval , qui
eſtoit accompagné de deux Regimens
de Cavalerie. Sa majeſté
demanda à voir la Tranchée qui
eſtoitdu coſté de la Porte-Neuve
, & aprés l'avoir viſitée, depuis
la teſte juſqu'à la queue,
Elle alla en ſuite au Fortde faint
Michel , qui eſt à la portée du
Canon de la Ville. Elle le trouva
admirable,tant pour ſa beati
Fij
124 LE MERCVRE
té , que pour ſes Fortifications.
Ce Pofte contient cinq cens
Hommes de Garniſon. Le Roy
en retournant à la Porte de la
Ville , viſita tous les Dehors , &
da Contreſcarpe tres -bien paliffadee,&
accompagnée de belles
& fortes Redoutes, qui auroient
rendu l'abord du Foffe imprenable
, fi la Place avoit eſté attaquée
par des Commandans
moins hardis , & par des Soldats
moins accoûtumez à vaincre.
Le Roy en continuant ſa Viſite,
raiſonnoit fur les endroits les
mieux fortifiez , d'une maniere
qui le faifoit admirer de tous
ceux qui l'écoutoient. Sa Majeſté
fut haranguée à la Porte
de la Ville par l'Abbé de Clairmarets
, &en ſuite par tous les
Magiſtrats , qui furent charmez
de I obligeante reception que ce
OTARAGE
E
ot
لا
GALANT. 12
Prince leur fit. Quoy que la
pluye , qui n'avoit point ceſſe
depuis long- temps , continuât
toûjours , il monta ſur le Rampart
, accompagné de Monfieur
le marefchal de la Fenillade , de
Monfieur de Louvois , de Monfieur
de Saint Geniés,& de tres
peu de ſuite , ayant donné ordre
à tous fes Gardes de l'attendre
àl'entrée de la Porte . Sa Majefté
le viſita d'un bout à l'autre jufqu'aux
moindres endroits . Elle
en admira non ſeulement la
beauté , mais la regularité des
Fortifications qui font au deſſus
des Demy- lunes, doubles & frequentes.
Les Foffez luy parurent
d'une prodigieuſe gradeur.
Ils font environnez de Canaux
& de marais d'une tres-grande
étenduë , qui rendent les environs
de laPlace inacceffibles . Le
Fiij
126 LE MERCVRE
Roy , qui eftoit monté par la
droite, vint décendre par lagauche,
au même endroit du Rempart
, qui a dumoins une lieuë
de circonference. Sa majesté entra
dans la Ville tofijours àCheval
, accompagnée de Monfieur
&de toute la Cour,& fuivie de
ſesGardes, les ruës eftant bordées
des Troupes de laGarnifon.
Les Dames eſtoient aux feneftres
tres - parées , & marquoient
beaucoup de jove de
voir Sa Majefté, qui les falia toutes
malgré la pluye continuelle.
LePeuple rempliffoit les Remparts,&
eftoit en confufiondans
les Places publiques , & à l'entrée
des Ruës de traverſe. Les
uns crioient Vive leRoy, les au
tresVive leRoy de France,&&d'autres
le Roy Loüis &noftre bon Roy.
Le lendemain ce Prince s'occu"!
127
GALANT.
he
pa tout le jour à viſiter les beaux
endroits & les Forts , qui font
hors de S. Omer . Il alla voir les
les flotantes , & le Fort des Vaches
, dont la priſe a fort contribué
à la réduction de la Ville. Ie
vous ay fait le détail de cette
merveilleuſe action , dont Sa
Majeſté loüa la vigueur. Elle
dit beaucoup de choſes obligeantes
à M le Comte de Longueval
; & il fut lotie de toute
la Cour, qui parla auſſi fort avarageuſement
de tout le Corps
des Dragons Dauphins. Le Roy
n'ayant plus rien à voir dans
Saint Omer , en partit pour viſiter
les autres Places , & continua
à prendre beaucoup de farigues,
pendant que les Troupes
qu'il avoit fait mettre en Quartier
de rafraichiſſement ſe repoſoient.
J'ay oublié à vous dire,
Fiiij
128 LE MERCVRE
en vous parlant du Siege de
S. Omer , qu'on ne peut mieux
ſervir le Roy qu'a fait Monfieur
le Duc d'Aumont. Il y mena,
malgré les mauvais chemins ,
toutes les Milices du Boulonnois
avec une diligence inconcevable
: Elles furent utiles à
beaucoup de choſes ,& il feroit
difficile d'en trouver des meilleures
dans le Royaume.
Je croy devoir vous avertir
(& vous ferez ſans doute bienaiſe
de l'apprendre ) que quand
le Courier de Flandre , qui portoit
àDom Jüan la Nouvelle de
nos Conqueftes , arriva à Madrid
, la plufpart de grands Seigneurs
de la Cour ſe rendirent
chez ce Prince pour ſçavoir le
fuccés de nos Siéges. Il ne tarda
gueres à fatisfaire leur curiofité;
& s'imaginant bien que des ExGALANT.
129
1
ploits fi furprenants ne pourroient
eſtre long- temps cachez,
quelque précaution que l'on prit
pour en dérober la connoiffance
aux Peuples , il fortit de ſon Cabinet
, & dit à tous ceux qui
eſtoient dans fon Antichambre.
Que lemal estoit trop grand pour
Le diffimuler ; Que trois de leurs
meilleures Places venoient d'estre
priſes , & quele Prince d'Orange
avoit perdu une Bataille. Vn
Grand d'Eſpagne repartit auffitoſt
, Que l'Etoiledu Roy de France
alloit bien vite . Dites fes forces
Sa valeur réponditDom Jian:
Et avoüez avec moy ,continia ce
Prince, que la Fortune est inseparabte
de forgrand merite.Avoüez
à votretour,Madame,queDom
Hian a rendu juftice au Roy ,&
que lors que la verité force un
Ennemy à faire l'Eloge de fon
Fv
30 LE MERCVRE
Vainqueur , on y doit adjoûter
plusde foy qu'a toutes les loüanges
qui peuvent eftre foupçonnéesde
flaterie..
LeRoy ayant fait raffembler
fonArmée de Flandre , en fit la
reveuë pendant trois jours;&
quoy qu'elle euſt pris trois des
plus fortes Places de l'Europe..
& donné une Bataille ,elle ſe
trouva encor de quatre-vingt
feize Efcadrons , & de trente
huit Bataillons , compoſez de
tres-belles Troupes. SaMajesté,
qui n'ignore le merite d'aucun
de fes.Officiers , a donné la
Charge de Cornete des Mouf-.
quetaires de la premiere Compagnie,
qui vaquoitpar lamort
deMonfieurde Moiflac, àMon
heurde Monpapou , Lieutenant
aux Gardes , c'eſt' un fort honnête
Homme . & qui s'eſt toû
GALANT. I13f
2
jours fait aimer par tout où il a
ſervy.
Elle a auſſi fait connoiſtre
la fatisfaction qu'elle avoit receuë
des ſervices de Monfieur le
1 Chevalierde Tauriac , en le
fant Enſeigne des Gens-d'armes
Efcoffois.
Monfieur Courtin , Confeiller
d'Estat, & Ambaſſadeur pour
Sa Majesté en Angleterre , a eu
congé de venir icy , à cauſe de
fon indifpofition. Il a rendu des
fervices importans en pluſieurs
grandes Ambaſſades. Il a eſté en
Suede , & on l'avoitdéja envoyé
en Angleterre avec M de
Verneüil. Il a eſté auſſi employé
en Allemagne & en Flandre ,
pour travailler au Reglement
des Limites , avant ſon Ambaf
fade d'Angleterre où il eſt encor.
Il s'estoit trouvé aux Conferen
Fvj
132 LE MERCVRE
ces de la Paix à Cologne avec
Monfieur le Duc de Chaunes,
& Monfieur de Barillon , qui
vient deſtre choiſi pour aller
occuper ſa place auprés de Sa
Majesté Britannique. Leur eſprit
a confirmé ce qu'on a veu de
tout temps , en faiſant connoiſtre
que les gens de Robe ne
font pas moins capables de grandes
Ambaſſades , que ceux.
d'Epée..
Avant que le Roy euſt quité
la Frontiere , il avoit nommé
Monfieur l'Abbé de Maupeou,
Fils du Prefident de ce Nom , &
Parent de m' de Pompone , au
Doyenné de S. Quentin ; &
ayant ſceu que cette Nomination
appartenoit au Chapitre , il
voulut laiſſer aux Chanoines
l'entiere liberté de leurs Droits .
Ils s'aſſemblerent , & ne trou
GALANT.
133
vant pas un plus digne Sujer
pour en faire leur Doyen , que
la perſonne de Monfieur l'Abbé
de Maupeou , toutes leurs
ej voix ſe réünirent à celle de Sa
- Majefté.
Meffieurs les Premiers Prefidens
des Compagnies Souverai
nes ont faitComplimentauRoy
à ſon retour , fur fes nouvelles
Conqueſtes. Ils ont eſté conduits
avec les Ceremonies ac
coûtumées. M de Lamoignon a
- parlé pour le Parlement, mon
fieur Nicolaï pour la Chambre
des Comptes , Monfieur le Camus
pour la Courdes Aydes , &
Monfieur deChauvry pour celle
des monno'es. Monfieur de Po
mereüil a fait fon Compliment
au nom de la Ville , & Monfieur
le Preſident Barentin pour le
GrandConfeil.Vous mediſpen
F34 LE MERCVRE
ferez , madame , d'entrer dans
un plus grand détail fur cetArticle.
Vous pouvez croite qu'il
s'eſt dit de belles choſes fur une
matiere qui en fournit tant. Le
Nonce de Sa Sainteté , & меб-
fieurs les Ambaſſadeurs de Veniſe
& de Savoye ontauffi fait
leurs Complimens à Sa Majesté,
fur le meſme ſujet , avec la delicateffe
qui eſt ſi naturelle à ceux
de cette Nation. Vous pouvez
oroire , madame , que l'Académie
Françoiſe n'a pas manqué
de s'acquiter auffi de cedevoir.
Monfieur Quinault , Directeur
de la Compagnie , porta la pa
role, accompagnédes Perſonnes
du plus haut rangqu'il y aitdans
eet Illuſtre Corps. м le marquis
Dangeau , qui en eft , les traita
en ſuite avec une magnificence
qui ne furpritpoint , parce qu'el
GALANT. 13f
100
Ve
tan
le luy eſt ordinaire. Je ne vous
dis rien du fuccés qu'eut cettes
Harangue , j'eſpere vous en entretenir
amplement une autrefoi.
s.
Monfieur le Duc du Maynee
partit ces jours paffez pour aller
prendre les Eaux de Barrege,
par l'Avis de Monfieur Fagon,
qui paſſe pour un desplus habiles
medecins , que nous ayons ,
&qui connoît le mieux les Sim--
ples. Ces Eaux avoient commencé
à foulager ce jeune Prin--
ce dés l'année derniere . On ne
peut avoir plus d'eſpritpour fona
age. Il a du jugement, de la viva.
cité ,du feu ,&des reparties ad--
mirables. Voicy des Vers qui
ontefte faits fur fon départ , par
M. le PreſidentNicole , à qui les
agreables Traductions qu'il a
donné au Public de nos Poëtes
136 LE MERCVRE
les plus Galans , ont acquis tant
d'eſtime &de reputation. Il fait
parler Clagny , maiſon de Plaifance
, où M. le Duc du mayne
va ſe divertirquelquefois .
CLAGNY ,
A MONSEIGNEVR
LE DUC DU MAYNE ,
Q
Sur ſon Voyage de Barrege.
noy ! vousm'abandonnez, Sans
flater mapeine
Vous meditez , mon Prince , une abfence
inhumaine ?
Vous partez de Clagny , quand la faifon
des fleurs
Vient émailler ces lieux de leurs vives
couleurs:
Yous partez de Clagny , lors qu'avec le
Zephire
A
GALANT.
137
Florey vient établir son agreable Empire,
Qui vous trouvant abfent de ce charmantséjour
,
Va faire lure ailleurs les pompes de ſa
Cour.
Déja mes Orangers , retirez de leur
ferre ,
Qui d'un vert d'émeraude enrichiſſoient
laterre
Triste de ce départ qu'ils n'ont pu préf-
Sentir ,
De leurs fombres Palais ont regret de
fortir :
Leur couleurse dément , & leur feüille
moins verte ,
Marque affez la douleur de leur ſenſible
perte;
Leur odeur estfansforce , & leurs fruits
paliſſans
Demeurent ſans éclat ſur leurs troncs
languiſſans
Que Barrege est heureux ! que je luy
-porte envie!
H me vole des jours de vostre illuftre
vie
138 LE MERCVRE
Etquoy que ce larcin medonne de l'ennuy
,
Ie n'ose en soupirer , ny me plaindre de
luy ,
Leſujet qui le cause ,&qui fait cette
absence,
Pour n'y pas consentir m'est de trop
d'importance ,
Et le dernier fuccez que fes eaux ont
produit ,
Avectrop de bonheur m'en ontfait voir
lefruit.
Et bien réſolvons-nous , donnonsnostre
fuffrage,
Confentons ſans chagrin àcet heureux
voyage;
Mais, mon Prince, du moinsbaſtez vo
ſtre retour ,
Rendez-mey promptement l'Obiet de
mon amour ,
Rendez-moy mon Héros , &calmezma
tristeſſe ;
Ramenez à Clagny toute nostre allegreffe
Revenez pour me plaire &pour plaire
auxbeaux yeux
1
De la Divinitéqui preſide en ces lieux.
1
139
GALANT.
114
Je vous envoye le Sonnet par
Echo dont on vous a parlé ,&
qu'on appelle le Sonnet des quatorze
Autheurs. Il eſt adreſſfé à
quelque Abſent quidoit eftre de
Gascogne, & apparement la clef
ne s'en peut trouver que dans le
quartier de Clery.
* NUIn'a depuis trois mois anquay
tierde Clery Ry
Chacun às'exempter defrias &de dé
pense , Penfe
Iris à ton ennuy prenddepuis ton dé
part Part,
Peut-on voir un Deftin àquipour toy
foûpire; Pire
Leſçay bien qu'il faudroit un femblable
mytere و
Mais pour se retenir on feroit un
effort Fort
Et de plus un Gaſcon , qui ne tient du
vulgaire , Guere,
Aime ces bruits flateurs , & n'en prend
de chagrin , Grain..
140 LE MERCVRE
Amour fous d'autres Loiss le Pfalmi
fted'Orange Range
Phebus hors du Quartier va prendre
fort ſouvent Vent,
La Femme d'Alcidon estoit pour l'Hymenée
Néc.
Le Treſorier Tirfisdroit à l'argent comptant
, Tend,
On prend l'air à Viry pendant que la
verdure Dure;
Pour t'en apprendre plus , il faudroit te
pouvoir Voir
Je paſſe à l'Article que vous
m'avez demandé de M² le Mareſchal
, Duc de Vivonne ; &
puis que vous vous intereſſez fr
fort dans ce qui le regarde , je
vous écriray ce qui en eſt venu
àma connoiſſance. Les Secours
que le Roy luy a envoyez de
François & de Suiffes, font, diten,
arrivez & ſe mettront bienGALAN
T. 141
toſt en estat d'executer les Projets
qu'il à faits , pour affermir
l'authorité du Roy dans la Sicile
, & étendre ſes Conqueſtes.
Vous ſçavez , Madame , que ce
Sage Vice-Roy a eſté obligé de
mettre en Garniſon dans lesPlaces
qu'il conquit l'année derniere
, une partie des Troupes
qui luy reſtoient, & qu'il en faut
toûjours un nombre confiderable
dans Meſſine , où les Efpagnols
confervent des intelligences&
font continuellement des
entrepriſes pour tafcher à ébranler
la conftance des Meſſinois .
Vous ne ſçauriez croire l'affe-
Etion que ces Peuples ont pour
M le Marefchal de Vivonne.
Elle est telle qu'on peut dire
qu'elle ne contribuë pas peu à la
conſervation de l'authorité du
Roy en ces Pays là. On confide
142 LE MERCVRE
reen luy une bonté extraordinaire
, une affabilité où les Efpagnols
n'avoient jamaisaccoûtumé
les Siciliens , une juſtice
que rien ne ſçauroit corrompre,
undes - intereſſement dont il ne
peut étre affez loüé. Ces nouveaux
Sujetsde la France ontadmiré
comme nous ſa Valeur ,
quand ils l'ont veu arriver chez
eux dans l'extremité où ils
eſtoient réduits , en leur portant
l'abondance , apres avoir défait
les Ennemis dans un Combat
inégal. Ils ont eſté entretenus
dans cette opinion par la refolution
qu'il avoit faite , d'entreprendre
ſur l'Armée Navale des
Eſpagnols dans le Port deNaples.
Elle ne trouva d'obstacle
que par l'impoſſibilé qui s'y rencontra,
quand on fut fur le point
de l'executer. Il eſtoit difficile
GALAN T.
143
que M de Vivonne n'acquiſt
pas leur amitié,par les ſoins continuels
qu'il avoit de leur faire
venir des vivres &de faire des
priſes confiderables fur leurs
Ennemis , pour ramener chez
eux l'abondancedans un temps,
où ils eſtoient privez de tous les
Secours de leurs Païs. La confiance
qu'ils avoient en luy, parut
particulierement , lors qu'il
voulut aller à cette grande Expedition
, où M² du Queſne défit
l'Armée ennemie , commandée
par le fameux Admiral Rüyter.
If modera l'envie qu'il avoit
d'acquerir de la gloire , dans un
Combat , où il devoit avoir le
premier Commandement , pour
Te rendre à l'amour de ces Peuples
, qui deſeſperoient de leur
confervation, s'ils laiſſoient éloigner
celuy qu'ils regardoient
144 LE MERCVRE
comme leur Pere. Apres le gain
de la Bataille , où i² du Queſne
fit de fi belles choſes, & où tous
les Commandans ſe ſignalerent,
nôtre Armée Navale fut obligée
de ſe retirer en Provence , tant
pour faire radouber les Vaifſeaux,
que pour prendre des Vivres
, qui pouvoient manquer.
Alors M le Mareſchal de Vivonne
confiderant qu'il en reſtoit
fort peu dans Meſſine , &
qu'il n'y avoit pas de ſeureté
pour le paſſage de M de Château-
renaud,qui venoit de France
avec unConvoy ; parce que
les Ennemis , qui n'avoient pas
tant de chemin à faire , ſeroient
toûjours en eſtat de luy empefcher
l'entrée du Phare , il conclut
la fameuſe Expedition de
Palerme,dont vous ſçavez le détail
, malgré les oppoſitions de
quel
:
GALANT. 7
145
et
:
quelques -uns qui voyoient le
danger plus grand que luy , ou
qui n'avoient pas tant d'ardeur
pour la gloire. Les chofes luy
réüffirent comme il l'avoit eſperé
, le Convoy arriva heureuſement
, les Ennemis firent une
perte dont ils n'avoient point
encore veu d'exemple, & noftre
Mareſchal retourna triomphant
dans Meſſine. L'amour des
Peuples redoubla pour luy,comme
il redoubla ſes ſoins pour les
conſerver ; il découvrit beaucoup
de Conjurations ,& meme
contre ſa vie ; il ne prit cependant
de precaution , que pour
empeſcher les, entrepriſes des
Ennemis ſur les nouveaux Sujets
d'un Roy , que ceux qui le
connoiſſent , ſçavent qu'il aime
uniquement, & pour qui il ſacrifieroit
de bon coeur toutes cho-
: Tome IV. G
146 LE MERCVRE
faut
ſes. Ainſi quelque paffion qu'il
ait pour la gloire,elle n'approche
point de l'amour qu'il a pour le
Roy fon Maiſtre. Vous croyez
bien , Madame , que pour faire
tout ce qu'on en publie , il ne
pas qu'il dorme toûjours,
comme veulent faire croire les
Ennemis dans leurs Gazettes;
mais il fe donne fi peu de peine
pour avoir des Gens qui faffent
courir de luy des bruits avantageux,
qu'il ne faut pas s'étonner
s'il s'en répand quelquefois
d'autresqui trouvét de la créance
patmy les gens , qui ne connoiffent
pas cet Illuftre General
, mais cela est bien-toſt detruit
par la force de la verité;
&tout l'artifice de ſes envieux,
dont les Perfonnes , comme luy,
ne manquent jamais , ne peut
rien contre la reputation , que
ſes belles actions luy ont acquiGALAN
T.
147
de
k
es
t
fe. La priſe d'Agoufte & de tant
de Places qui fortifient le party
des Meſſinois , renverſe tout ce
qu'on peut inventer , pour obſourcir
l'éclat de ſa gloire. Il ne
la veut devoir qu'aux ſervices
qu'il rend à ſon Prince , & il en
laiſſe le ſoin à ceux qui écrivent
les Evenemens de
fe
ce
Siecle,ſans TRE
mettre en peine d'avoir des
Prôneurs à la Cours . Ie ne vous
dis rien de la grande Action de
Palerme. Vous la ſçavez ; mais
vous ne ſçavez peut-eſtre pas
que le bruit qu'elle fit chez les
Tures , y porta tant de terreur,
qu'ilsredoublerent les Garniſons
de toutes les Places maritimes
qu'ils ont de ce coſté-là.
Les belles choſes eſtant belles
en tout temps, je ne veux pas
differer à vous faire part d'une
Elegie qui vient de m'eſtre re-
Gij
148 LE MERCVRE
miſe entre les mains , quoy qu'il
y ait déja trois ou quatre ans
qu'elle foit faite. Ie ſçay que
l'Academie l'a fort eſtimée . Elle
eſt de Monfieur le Duc de Saint
Aignan , & je ne doute pas que
ſes Vers ne vous plaiſent autant
qu'a fait ſa Proſe dans les Lettres
qu'il a écrites au Roy ſur ſes
Conqueſtes. Il fit ceux-cy dans
une Maiſon de Campagne proche
du Havre , ſur une affaire
particuliere qui luy arriva. On a
eu peine à les recouvrer , paree
qu'ayant brûlé preſque tous ſes
Ouvrages , on n'a pû conſerver
que ceux qu'on a trouvé moyen
de luydérober en les copiant.
D
ELEGI Ε.
Vgrand monde& dubruit l'ame
penSatisfaire,
Pour trouverdu repos je cherche une retraite
,
GALANT. 149
Etfortant de la Ville apres cent maux
Soufferts,
Ie viens chercher du Bec les aimables
Deserts..
CeSéjour agréable encor qu'il foit champestre
,
Ne fert que rarement à son illustre
Maistre,
Et l'obligeant Emire en tous lieux reveré
AmaBarque agitée offre un Port aſſuré.
Trompeuse ambition ! Grandeur imaginaire!
Qu'en vous le bien est rare & le mal
ordinaire !
Que le plus inſenſible& le mieux preparé,
Boit chez vous de Poison dans un Vase
doré !
Qu'unefoule importune auſeul gain attachée
,
Sous un fasteapparent tient de fraude
cachée!
Que les fermes Amisfe trouvent peu
Souvent !
Qu'on barit des projets sur un fable
mouvant !
Gij
igo LE MERCVRE
Et qu'heureux est celuy , dont l'adroite
Science
Sçait joindre leſecret avec la défiance
Apeu de vrais Amis qui ſçait se retrancher
,
Qui garde bien te nombre & n'en va
point chercher,
Et qui ſur l'apparence enfin iamais ne
-fonde
La folle opinion de plaire à tout le
monde!
On feroit un prodige en vertus achevé.
Qu'onseroit vicieux, pour un goust dépravé,
L'onaven comparer l'honneur à l'arti
fice,
Les liberalitezà l'infame avarice,
La douceur à l'aigreur , l'orgueil à la
bonté,
Aux laſches actions la generosité,
Lemodeste à celuy , qui fait le necef
faire,
Et l'ame laplusfourbe, au coeur leplus:
fincere .
Cependant du mensonge, infames Artifans
Vn Monstre vous devore , & fait des
Partisans,
GALANT. 15.4
k
Voit dans ſes interests ceux qu'il rend
miserables ,
Et des plus oppreſſez fait les plusfavo
rables.
On vante ſa conduite , on vanteſon efprit,
On n'oſe contredire à tout ce qu'il écrit,
L'Amour ar tout des
efolaves
de l'interest fait par to
Et regne quelquefois dans les coeurs les
plus braves.
Al'éclat de la gloire on prefere le bien,
Et pour en acquerir les Crimes ne font
rien.
Quels divers embarras ne m'a-t-on
point fait naiſtre !
Combien , où je commande ay-je ven
plus d'un Maistre ?
D'un Roy victorieux la iuste autorités
Apeine apûfléchir un Suiet irrité;
Ceux que i'aimois le mieux , emportez
par la brigue,
Ont - ils à ce Torrent opposé quelque
Digue!
LaGloire qui m'a fait un grand Corps
effembler
....
Giij
152 LE MERCVRE
Contre les Ennemis qui voudroient nous
troubler,
Mapreste des Lauriers dans une vaste
Plaine,
Etje vois dans la Ville une Palme incertaine.
Vn indigne Ennemy , qui fort de fon
devoir,
Songe àme faire teste , &nese fait pas
voir ,
Devient l'injuste Chefd'une infameCabale
,
Trouve des Courtiſans ſans partirde ſa
Salle ,
Etdansſes noirs deſſeins doit estre satisfait
D'avoir ofé combatre , encor qu'il soit
défait.
Il me force à rougir lors que je le furmonte
,
Au plus fort de ma gloire il me couvre
de honte ,
Et donne par caprice en cette occafion,
Au Vainqueur & Vaincu mesme confusion.
Ab ! que de mon dépit la juste vian
lence .D
GALAN T.
153
Maisle Roy nous l'ordonne ,imposonsnousfilence
,
Mon coeur,ilfaut donner en cesfacheux
momens ,
Au plus grand des Mortels tous nos
reffentimens.
Opaisible retraite ? aimable folitude ?
Qui des plus fortunez charmez l'inquietude
, :
M'arrachant aux plaiſirs que vous pouvez
donner :
Ah! que j'ay de regret de vous abandonner,
De preferer au mien l'avantage des
autres ,
Et ne voir de long-temps des lieux comme
les vostres! ..
Mais deux jours fans agir mefont à regretter,
4
Et ce temps, àmon gré , nese peut rachetera
Pourrons - nous bien changer dans ma
plainte inutile,
L'innocence des Champs aux fracas de .
la Ville ?
De cent Beautez en vain on vante les
appas,
Gv
154 LE MERCVRE
Mon coeur ne peut aimer ce qu'il n'estin
me pas:
Comme il ne fut jamais capable de foibleffe
,
Un effort genereux rompt le trait qui le
bleffe ,
Etpenchant vers la Gloire
plusqu'à iny.
n'estant
Ilpeut hair demain , ce qu'il aime aujourd'huy
;
Mais pour vos beaux Deferts , il n'en
estpas demefme,
Pastre repos flateur donne un plaifir
extrême
Sans Iris,fans mon Maistre , ô Sejour
fortuné.
Vous auriez tout le coeur que je leur ay
donné
Le quitte donc l'émail de vos vertes.
Prairies,
Et tout. ce qui flatoit mes douces ré
veries:
Allons tendre les bras à nos illustres
fers,
Allons-nous redonner au Grand Roy
que je fers
GALANT
Obſerver les proiets d'une foule importune,
Et trouver des plaisirs dans ma noble
infortune int
Mais il faut bien penser à ce que nous
ferons,
Regler nos sentimens par ce que nous
Sçaurons , 5
Et fuivant les conseils que la raison
inspire,
Koir, écouter beaucoup , agir&ne vien
dire
L'illustre Duc , qui a fait ces
Vers , eft retourné,depuis peu
dans ſonGouvernement , pour
appliquer ſes foins à ce qui regarde
le ſervice du Roy avec le
meſme zele qu'il a fait les an
nées dernieres . Ce n'eſt pas qu'il
ne donne de fi bons ordres en
fon abſence qu'il ne ſoit diffis
cile que des Ennemis tirent avantage
de fon éloignement ; &
vous l'allez voir , Madame , par
Article qui fuit.ny và mìn
F
Gvj
156 LE MERCVRE
و د
Il n'y a pas long-temps qu'un
Capre Oftendois attaqua prés
des Coſtes du Havre de Grace,
&dans ceCouvernement, deux
Barques Marchandes de Dieppe,
qu'il auroit priſes indubitablement
, fi.M de Benouville ,
Capitaine de la Coſte , ne s'y fut
promptement & vigoureuſemét
oppoſe avec les Habitans qui
font fous fa charge. Le Capre
aprés avoir abadonné deux Barques
, les attaqua une féconde
fois plus prés du Havre, fotus la
Capitainerie de Mide Cauville,
qui fit la meſime choſe antre
pouffant leditCapre, quiſe ret
tira fans rien tenter davantage,
après avoir tiré plus de trente
coups de Canons && force coups
de Moufquets. Getix qui font
fous la charge de Mile Duode
Saint Aignan , imitenpaver tant
GALANT.
157
de bon- heur & d'empreſſement
fon zele & fa vigilance pour le
fervice du Roy,qu'il n'a pas eſté
poſſible aux Ennemis , depuis la
Declaration de la Guerre jufques
à preſent , de réüffir dans
aucune de toutes les entrepriſes
qu'ils ontfaites fur les Coftes de
fon Gouvernement.
YO
Jallois fermer ma Lettre, lors
que jay receu la voſtre l'avouë.
qu'elle m'embaraffe' , & il vous
fera aiſé de le connoiſtre , puifque
j'avois paffé legerement fur
Article que vous me demandez
. Je ne fuis point ſurpris que
les Harangues qui ont esté faites
au Roy à fon retour par
Meffieurs les Premiers Prefidens
ayent fait affez de bruit,
pour vous infpirer la curiofité
d'en ſçavoir les principales penfées
mais quandvous m'ordon158
LE MERCVRE
nez de la fatisfaire , je ne vous
déguiſe pointque je ne ſçay pas
où m'y prendre : car que vous
puis-je dire là deſſus qui approche
de la beauté de ce que vous
me demandez Vous ſçavez ,
Madame , que les plus beaux
endroits d'un Ouvrage paroifſent
toûjours moins en fragmés,
que lors qu'ils font placez où ils
doivent eſtre ; ce qui les devance
ou ce qui les fuit , leur donne
ſouvent des graces qu'ils n'auroient
pas fans cela , & tout ce
que l'on en dit lors qu'on ne les
fait pas voir de fuite eft toû
jours infiniment au deſſous de
ce qu'il feroit dans le corps entier
de l'Ouvrage, le defere
pourtant trop à vos ſentimeris,
pour ne pas faire dés aujourd'huy
une partie de ce quevous
ſouhaitez Je way donavons dire
GALANT. 159
ce que je ſçay de deux Harangues
ſeulement , en attendant
que je puiſſe m'informer plus
particulierement des autres. Le
commence par celle de Monfieur
le Prefident Nicolaï ;& ce
que je prétens vous en dire ,
n'eſt ny ſa Harangue , ny un
Extrait, ny meſme un fragment,
c'eſt moins que tour cela , & il
ne doit ſervir qu'à vous faire
concevoir une legere idée de
quelques-unes de ſes penſées..
Il a dit au Roy , en parlant de
Valenciennes, qu'on ne pouvoit
affez admirer qu'il euſt pris en
fi peu de jours une des plus
grandes Villes, qui pût marquer
La puiſſance de ſes Ennemis:une
Ville vaſte par ſon étenduë , fierede
ſes Privileges, orgueilleuſe
par ſes Boulevarts , forte par la
valeur & le nombre de ſes Ci
160 LE MERCVRE
toyens , fameuſe par fon Commerce
, & redoutable par nos
pertes. Il a adjoûté à tout cela
qu'on ſçavoit affez de quelle
forte le Roy s'eſtoit rendu maître
de cette puiſſante Place , &
que de la maniere que les chofes
s'eſtoient paffées,on ne pourvoit
trop loüer la grande bonté,
& la prudence de Sa Majesté,
qui par un ſeul mot de ſa bouche
avoit defendu cette Ville
du plus grand malheur qu'elle
puſt craindre , & dont elle n'avoit
pû eſtre garantie par un
million de bras , & par tant de
Princes intereſſez à ſa défenſe .
Il a fait voir encor qu'on avoit
adimiré fur tout , que dans un
temps où l'on ne pouvoit faire
'un pas dans l'Europe ſans trouver
quelque Ennemy de la Frace,
le Roy avoireõquis trois PlaGALANT.
гыг
cesdontlaforce n'étoit que trop
connuë ,& que s'il avoit trouvé
des Ennemis, il ſembloir que ce
n'euſt eſté que pour ſervir de
matiere à fon triomphe ; Qu'on
lui avoit veu fecourir par ſa prudence
& par une prevoyance
merveilleufe, les lieux, où if ne
pouvoit ſe trouver en Perſonne,
eny envoyant le puiſſant Secours
qu'il leur fit recevoir,
quand il ſçeut que les Ennemis
amaffez en fi grand nombre,venoient
pour jetter de nouvelles
forces dans S. Omer ; Que fes
Armes avoient eſté victoricufes,
fous la conduite d'un Prince
qui ne voit riendans le monde
au deffus de luy, foit par fa naiffance
, foit par fon merite & fes
grandes vertus , que ſon ſeul
Souverain. Il a dit encor d'une
maniere qui a charmé tous ceux
162 LE MERCVRE
qui l'ont entendu , que pendant
que toute l'Europe eſtoit enfeveliedans
un profond fommeil,
Sa Majesté ſeule veilloit, lagloire
& le bien de ſon Royaume
luytenant les yeux ouverts , &
que les Ennemis n'eſtoient revenus
de ce profond affoupiffement
, que pour voir en meſme
temps leurs pertes , & fervir à
fon triomphe.
Ie croy , Madame , qu'au lieu
de fatisfaire voſtre curioſité , се
que je vous envoye ne ſervira
qu'à l'accroiſtre , & qu'apres
avoir lû tant de beaux endroits
de la Harangue de Mr Nicolaï,
vous ſouhaiterez plus fortement
que vous n'avez fait de l'avoir
entiere. Ic ne vous dis rien de ce
Préſident, je vous ay parlé de la
grandeur de ſa Maiſon &de fon
merite , lors que je vous écrivis
GALANT. 163
TE
dernierement la mort de Mr le
Marquis de Couſainville sõ Fils..
Je paffe au fujer de la Harangue
de Mr le prefident Barentin.
If a dit que quoy qu'il
cuſt étébiendifficile de pouvoir
prévoirdes plus grandes choſes,
que celles que leRoy avoit fai
zes dans les précedentes Campagnes
, les entrepriſes de celle-
cy ne laiſſoient pas d'eſtre infiniment
plus grandes , puis
qu'il avoit attaqué une Place,
comme Valenciennes , qu'on
croyoit imprenable par ſa ſituation
& par ſes forces , & dans
un temps qui rendoit cette entrepriſe
preſque impoſſible , &
la Place inacceſſible ; Que cependant
par ſa grande valeur &
par ſon extréme prudence , en
s'élevant au deſſus de la Nature
& de l'Art , il avoit furmon
164 LE MERCVRE
té tous les obſtacles ; & au lieur
de ſe donner du repos , apres
une ſi grande action & tant de
fatigues , il avoit afſiegé deux
Places des plus fortes des Païs-
Bas , qui ſe defendoient par
leur ſeule reputation , &principalement
Cambray , dont le
feul nom inſpiroit de la crainte&
de la terreur , laquelle priſe
eſtoit ſi importante à l'Estat ,
qu'elle diſpoſoit toutes choſes à
la ruinede ceux du Roy d'Eſpagne
, autant qu'elle contribuoit
à mettre la France en ſeureté;
Que Saint Omer étoit tombe
fous la puiſſance du Roy par la
valeur de Son Alteſſe Royale,
aprés un combat glorieux ; Que
les Actions du Roy & de Monfieur
avoient trop de rapport
pourles pouvoir ſeparer , Monheur
ayant trouvé l'Are de s'éGALANT.
165
ゆ
de
E
1
lever au deſſus des plus grands
Heros , en imitant le plus parfait
des Rois ; Qu'il ne falloit pas
s'étonner de tant de grandes
Actions , Sa Majesté eſtant ſoûtenuë
de la protection vifible de
Dieu contre ſes Ennemis,qui refuſoient
la Paix qu'il leur offroit
contre l'intereſt de ſa propre
gloire.
Voilà à peu pres , Madame,
ce qui fut prononcé avec une
grace merveilleuſe par Monſieur
le Preſident Barentin. Il
eftoit Conſeiller au Parlement
quand les Mouvemens de Paris
arriverent. On le fit Colonel de
fon Quartier ,& ce fut luy qui
par ſaprudence ſauvaM le Mareſchal
de l'Hôpital , qui en
eftoit alors Gouverneur. Il alla
le prendre chez MonfieurCroifet
,& paffa cinquante Barrica166
LE MERCVRE
cades avant que de le pouvoit
remettre dans ſon Hoſtel . Vous
pouvez croire qu'il luy fallut
de l'adreſſe pour en venir à
bout,& qu'il ne le fit pas ſans
eſſuyer tousles perils où la revolte
d'un Peuple expoſe ceux
qui tâchent à le remettre dans le
devoir. Le Roy fut ſi ſatisfait des
ſervices qu'il luy rendit dans ces
temps-là, qui estoient des temps
fortdifficiles , qu'il le fit Conſeiller
d'Estat. Il a eſté en ſuite Maiſtre
des Requeſtes ,& Preſident
du Grand Conſeil ; & aprés ſes
Intendances , il s'eſt trouvé à la
teftede cette Compagnie , qui a
pour luy toutes les confiderations
qu'on peut avoir pour un
Chef d'un fort grand merite. Il
eſt doux & honneſte , a beaucoup
de facilité à s'énoncer & à
parler enpublic ,& donne tous
GALANT.
:
167
2
de
les jours tant de marques d'integrité,
qu'il ne faut pas demander
par où il peut s'eſtre acquis
une eſtime ſi generale. Il eſt
tres -bien fait de ſa perſonne,
auſſi n'eſtoit- il autrefois connu
dans Paris , que ſous le nom de
Beau Colonel. Son élevation luy
eſt d'autant plus glorieuſe , que
la faveur n'y ayant jamais eu aucune
part , on peut dire
८
qu'elle
THEAWA
eſt l'ouvrage ſeul de fon merite
& de
*
LYON
ſa conduite. Vous ſcavez/ 892
qu'il eſt Oncle de madame la
Marquiſe de Louvois , Heritiere
de la Maiſon de Souvray-Bois-
Dauphin. Cette maiſon eſt fi Illuftre
& fi connue , qu'il fuffit de
vous la nommer .
Comme je vous manday la
derniere fois la joye qu'on avoir
fait paroiftre à Bordeaux à l'arrivéede
Monfieur le Duc deRo168
LE MERCVRE
quelaure , je croy vous devoir
apprendre aujourd'huy les honneurs
qu'on luy a rendus à
Auch , où il a eſte harangué par
Meſſieurs du Prefidial & par les
Confuls de la Ville. Il le fut enſuite
par les Deputez de m' le
Senechal de Tarbe , & ce fut
M. Caſtelviel , luge-Mage de
Tarbe , qui porta la parole avec
tout le ſuccés qu'il pouvoit attendre
d'un diſcours digne de
celuy à qui il eſtoit addreſſé.
Apres ces premieres Ceremonies
, Monfieur le Duc de Roquelaure
ſe preſenta au Chapitre
, & fut reçeu par M. le Doyen
de Noftre- Dame , en l'abfence
de M. l'Abbé Soupets,
Prevoſt de cette Eglife. Il preſta
le Serment comme Baron &
Chanoine Honoraire , & vint
prendre fa place dans le Choeur,
où
GALANT. 169
1
コン
He
er
on luy donna part aux Diſtributions.
Ie ne ſçay , Madame , ſi
vous eſtes inſtruite de ce que
c'eſt qu'eftre Chanoine Honoraire
de cette Eglife . Il y en a
cinq, dont leRoy eſt le premier,
comme Comte d'Armagnac.
Les quatre autres font appellez
Barons d'Armagnac , & ce font
ceux qui poſſedent les Baronnies
de Montaut , de Montefquiou
, de Pardaillan & de l'Iſle.
Monfieur de Roquelaure en eft
l'un , à cause de la Terre de
Monteſquiou qui luy apartient.
Au fortir de l'Eglife , il fut mené
à l'Archeveſche & traité magnifiquement
par les Officiers
de Monfieur l'Archeveſque
d'Auch , qui estoit abſent.
Ie croy avoir oublié à vous
dire que le Roy a donné à Monſieur
le Marquis de Morvair ,
Tome IV. E
170 LE MERCVRE
Lieutenant de Roy de Breffe, la
Charge de Commiſſaire General
de la Cavalerie qu'avoit M
de la Cardonnerie. Il s'eſt ſignalé
enbeaucoup d'endroits, & fur
tout au Paffage duRhin.
Sa Majesté a eu auſſi la bonté
d'accepter la Démiffion de l'Abbaye
de Troüars , prés de Caën,
faite par M. l'Abbé de Sourches,
en faveur d'un Fils de Monſieur
le marquis de Sourches,
Grand Prevoſt de France fon
Neveu. Cette grace eft d'autant
plus particuliere , que le Roy ne
l'accorde jamais à perſonne , &
que les raiſons qui l'ont porté à
vouloir bien diftinguer en cela
M. de Sourches , l'ont fait admirer
de tous ceux à qui elles font
connuës. Toute la Cour en a témoigne
de la joye , & l'on ne
peut recevoir plus de CompliGALANT.
171
mensqu'il ena reçeu des Perſonnes
du plus hautrang.
l'ay à vous dire que la Princeſſe
Marie-Anne dont vous me demandez
desnouvelles, n'eſt point du tout chan
gée de ſa petite verole. Elle accompagna
Madame la Ducheffe de Vvirtemberg
fa Mere à Versailles , un peu
apres l'arrivée du Roy , & elle y parut
avec autant d'éclat &de beauté qu'elle
en avoit avant cette Maladie. Ie eroy,
Madame , que vous n'ignorez pas que
cette Ducheffe eſt veuve du Prince Vlric
de Vvirtemberg , fameux par tant
de grandes Actions qu'il a faites dans
les Guerres d'Allemagne & des Païs-
Bas , & qu'elle eſt preſentement en
deüil par la mort de Madame la PrinceſſedeBarbançon
ſa Mere , qui mourut
en ſa Maifon proche de Liege , il a
environ deux mois. Elle estoit Heritiere
de la Maiſon de Barbançon
avoit épousé le Prince de Barbançon
de l'Illuſtre Maifon d'Aremberg, Originaire
d'Allemagne.
و
&
M.de Thorigny , & M. Goëlard
ont eſté reçeus depuis quelques jours.
Hij
172 LE MERCVRE
Conſeillers au Parlement , apres avoir
donné toutes les marques de capacité
&de ſuffiſance qu'on peut attendre de
ceux qui ſe deſtinent aux Emplois de
la Robe. Le premier eſt Fils deM.
Lambert, Prefident de la Chambre des
Comptes. Madame fa Mere eſt une
perſonne d'un fort grand merite; Elle
eſt de la Maiſon de Laubeſpine , Soeur
de Mule Marquis de Verderone,Gendre
de Monfieur le Chancelier.
Je n'adjoûteray rien à cela que le Mariage
d'un de nos Illuſtres , que je ſeay
que vous eſtimez beaucoup. C'eſt celuy
de Mr Racine , qui a épousé Mademoiselle
Romanet. Elle a du bien,
de l'eſprit & de la naiſſance ; & M
Racine meritoit bien de trouver tous
ces avantages dans une aimable Per-
Lonne.
le croyois finir par un grand Article
des Modes,& vous parler des riches
Etofes qui ſe preparoient ; mais la Defence
de l'Or & de l'Argent qui a eſté
publiée icy , a rompu toutes mes mefures.
On a fait courir le bruit qu'il étoit
arrivé du deſordre en arreſtant quelGALANT.
173
1
ques Particuliers qui avoient ofé contrevenir
à cette Defence ; mais j'ay de
la peine à croire qu'on s'y ſoit voulu
expoſer ,dans la connoiffance qu'on a
de l'exactitude avec laquelle Monfieur
de la Reynie maintient les Ordonnances
du Roy, Sa Majesté a bien lieu de
ſe repoſer ſur les ſoins de ce grand
Homme pour l'execution de ſes volontez.
Iamais la Police n'a eſté ny ſi bien,
ny ſi avantageuſement obſervée que
depuis qu'elle luy a eſté commiſe , &
on peut dire que Paris luy eſt redevablede
quantité de choſes commodes
ou utiles , qu'une moindre vigilance
quela ſienne ne ſeroit pas venu à bout
d'établir.
Ie ne vous disrien de noſtre Armée
d'Allemagne. Ces ſortes de Nouvelles
appartiennent à la Gazette. Elle a ſoin
d'en informer le Public chaque Semaine
à meſure que les choſes arrivent, &
je vous y laiſſe prendre part comme
les autres. S'il m'arrive de vous entretenir
de quelque grande Action de
Guerrre, ce n'eſt jamais qu'apres quelle
eſt entierement conſommée. Il ne
174 LE MERCVRE
m'importe en quel temps j'en ramaſſe
les circonstances , &ce que je vous en
envoye ſe doit pluſtoſt appeller un
morceau d'Histoire qu'une Nouvelle
que vous ignoriez. Ainſi , Madame,
vous ne devez point eſtre ſurpriſe ſi
j'ay meſlé le Siege de S. Omer aux
Nouvelles de ce Mois,quoy qu'il y en
ait déja trois que cette Place s'eſt renduë.
Ie remets à vous parler dans ma
premiere Lettre du merite de ceux à
qui le Roy a donné des Eveſchez &
desAbbayes, ou qui ont eſté faits Premiers
Preſidens. I'ay des Vers du
Grand Corneille ſur les Victoires de
Sa Majefté ; j'en ay de M.de Fontenelle
ſon Neveu, qui vous plairont encor
davantage que l'Amour Noyé que
vous approuvez tant , &je ne manque
pas d'Avantures pour faire d'agreables
Hiſtoriettes. Ie ſuis toujours,&c.
ALyon le 1.de Iuillet 1677.
MERCURE
GALANT.
CONTENANT LES NOUVELLES
du Mois de Juin 1677 .
&pluſieurs autres .
TOME IV.
A LYON ,
Chez THOMAS AMAULRY,
Libraire, ruë Merciere, à la Victoire.
M. DC . LXXVII .
AVEC PRIVILEGE DU ROY.
遊
A MADAME
LA MARQUISE
DE THIANGE .
MADAME ,
Cen'estpoint dans l'esperance de vous
faire un present digne de Vous , que je
prens la liberté de vous offrir cet Onvrage.
C'est à quoy les plus délicates
Plumes auroient peine àréüſſir ; & je
Suis trop persuadé de ma foibleſſe ,pour
mesouffrirun sentimentſipréſomptueux.
Mais enfin ,MADAME,le Mercure
Galant va par tout , vous estes connuë
par tout , & je ne puis plus resister à
l'impatience que j'ay de faire sçavoir à
tout le monde qu'il n'y a perfonne qui
vous regarde avec plus d'estime & plus
de refpect que je fais. Le coeur est quelquefois
plus à confiderer que l'ofrande
&fi vous me daignez rendre quelque inſtice
de ce costé-là, peut-estre ne defa
EPISTRE.
prouverez- vous pas tout- à-fait la temerité
de mon entreprise. Je sçay , MADAME
, que n'eſtant pas moins diftin
guée du reste du monde par ce merveilleux
Esprit qui vous fait juger detoutes
choſes avec le plusjuste discernement, que
vous l'estes par une naiſſance qui ne vous
laiſſe voir que nos Maistres au deſſus de
Kous, on ne vous devroit rien offrir que
d'achevé : Mais je n'ignore pas auſſi que
vous n'avez pas moins de bonté, que de
ces belles lumieresque ceux qui ont l'honnour
de vous approcher trouvent tous les
jours fuiet d'admirer en Vous.. Et c'est
de cette bonté,MADAME,& non
pas du merite de mon Ouvrage que j'os.
ſe attendre la protection que ic vous
demande pour lux. Elle est digne de
cette Ame genereuſe qui vous éleve fi
fort au dessus de celles de vêtre sexe,
dont les plus folides avantages ne confi.
ſtent ordinairement que dans la Beauté..
Ie n'ofe vous parler de l'heureux partage
que la Nature vous en fait, C'est
un endroit que les Peintres du Siecle fa
feront un honneur de conſerver à laPo
Perité. Plût an Ciel , MADAME
EPISTRE..
queieuſſe autant de bon- beur qu'eux ,&
qu'en faisant vivre vostre Nom aprés
Vous , il me fuſt poſſible d'empeſcher le
mien de mourir ! C'est une gloire dont
'aurois fans doute à me flater,ſi cette
Posterité connoiſſant messentimens, pouvoit
apprendre que mes Ouvrages ne
vous euſſent pas déplû. Du moins elle
demeurera d'accord dune chose , qui est
que i'ay eu l'avantage de vous connoistre
parfaitement,quoy que ie ne vous aye
presque venë que de loin . On lovera
quelque iour mon goust,comme on se
rapporte auiourd'huy au voſtre ſur ce qui
eft estimé de plus parfait , & iene puis
m'empescher de croire que nos Neveux
auront quelque confideration pour moy,
quand ils sçauront qu'une de mes plus
ardentes paffions a esté d'obtenir de
Lapermiffion de me dire ,
MADAME
Vous
LYON1790
Voſtre tres humble & tresobrillant
Serviteur DB V.
a ij
Extrait du Privilege du Roy.
P
Ar Grace & Privilege du Roy , Douné à
S.Germain en Laye le 15. Fevrier 1672.
Signé, Par le Roy en fon Confeil, VILLET :
Il elt permis au Sieur DAM de faire imprimer
, vendre & debiter par tel Imprimeur .
& Libraire qu'il voudra choiſir , un Livre
intitulé le MERCURE GALANT , en un ou
pluſieurs Volumes,pendant le temps de dix
ans entiers , à compter du jour que chaque
Volume ſera achevé d'imprimer pour la
premiere fois. Et defenfes font faites de
contrefaire leſdits Volumes , à peine de fix
mille livres d'amande , ainſi que plus au
long it eat porté eſdites-Leries.
Registré sur le Livre de la Communautélo
27. Février 1672 .
Signé, D. THIERRY, Syndic.
Ledit Sieur DaMa cedé ſon droit de
Privilege à THOMAS AMAULRY , Libraire,
fuivant l'accord fait entr'eux ,
Idonnera un Tome du NouveauMer.
cure Galant , le cinquième jour de chaqueMois
,fans aucun retardement.
Σ
NOUVEAU
MERCVRE
GALANT.
TOME IV.
'Ay beau faire ,Madan
me, c'eſt plûtoſtunRecüeil
de Nouvelles par
Mois , que les Nouvelles du
Mois,que je vous envoye. Pour
n'en reſerver jamais aucune , il
faudroit vous écrire tous les huit
jours : la matiere me ſeroit plus
facile à trouver que le temps.
Saint-Omer me l'auroit fournie
pour une Semaine , la Victoire
de Me le Comte d'Eſtrées pour
Tome IV. A
2
LE MERCVRE
une autre, & je n'aurois pas eſté
en peinede chercher par où ſupléer
au reſte. Ce que je vous
dis , Madame , eft affez glorieux
pour la France ; il s'y paſſe tous
les jours de ſi grandes Actions,
&tant de Perſonnes d'un haut
merite donnent tout à la fois occafion
de les diftinguer, qu'il eſt
preſque impoſſible d'embraffer
tout. C'eſt comme un champ
fertile , dont on a beau amaffer
les abondantes Moiffons , on y
trouve toûjours quelque choſe
à recüillir ; & je ſatisferois mal
fans doute à l'engagement,où je
me ſuis mis avec vous de vous
mander tout ce que je croirois
digne de vôtre curiofité, ſi m'arrêtant
préciſement à ce qui arrivedans
le Mois,où je vous écris,
je ne rapellois pas quelquefois
pluſieurs chofes , dont je n'ay
GALANT.
pů vous parler dans les precedens.
Cen'eſt point dans celuycy
que l'Academie Françoiſe à
fait complimenter Monfieur le
Cardinal d'Eſtrées, qui, comme
vous ſçavez,eſt l'un des quarante,
qui compoſent cette Illuſtre
Compagnie ; mais vous ne laifferez
pas d'eſtre bien-aiſe d'apprendre
que ces Meffieurs qui
ne l'avoient veu depuis ſa Promotion
au Cardinalat,ne furent
pas plûtoſt avertis de ſon retour
à Paris , qu'ils nommerent fix
Perſonnes de leur Corps pour
f'en aller feliciter. Ces fix furent
Meſſieurs Charpentier , TallemantPremier
AumônierdeMadame
, Teſtu Abbé de Belval ,
Tallemant , Prieur de Saint Albin,
l'Abbé Regnier,des Marais.
& de Benferade. Monfieur le
Ducde Saint-Aignan voulut les
A ij
4 LE MERCVRE
3
accompagner , & Monfieur le
Cardinal d'Eſtrées , qui les receut
dans ſon Anti- chambre, les
ayant conduits dans ſa chambre,
Monfieur Charpentier que
la compagnie avoitchargé de la
parole , s'acquitta de ſa Commiſſion
en ces termes.
M
ONSEIGNEUR,
En nous approchant de
V. E. nous sentons une douce émotion
, qui n'est pas toutesfois Sans
quelque mélange d'amertume .Nous
vous revoyons avec les marques de.
la plus haute Dignité de l'Eglife:
Quelplus agreable spectacle à nos
yeux ! Quelle plus ſenſible joye à
nostre coeur ! Mais quandnous nous
representons que cette élcvation
vous ſepare de nous , & vous arrache
de nos Exercices, qui ont autrefoispartagé
les heures de vostre loifir,
nous nesçaurions penser qu'a
GALAN.T.
S
Y
vec douleur à une abſence qui nous
paroit irréparable. A vostre départ
, Monseigneur, tous nos Voeux
vous accompagnerent ; Nous ne fouhaitâmes
rien avec plus d'ardeur,
que de vous voir bien-toft revétu
de l'éclat , dû à vostre merite , à
vostre naiſſance , & àla grandeur
de vos Alliances Royales. Avoſtre ...
retour nous voyons en V. E.l'accompliſſement
de nos voeux ; mais nous
ne vous trouvons plus à l'Acade
mie. Hé bien , Monseigneur , n'en
murmurons point ; Nous vous per
dons d'une maniere trop noble pour
nous en fâcher. Nous souhaitons
mesme de vous perdre encore davantage,&
que la Pourpre Romai
ne , qui vous affocie à la premiere
Compagnie de l'Univers,vous place
quelque jour , du confentement de
toutes les Nations , dans ce Trône
fondésur la Pierre , que toutes les
A iij
6 LE MERCVRE
Puiſſances de l'Enfer ne sçauroient
ébranler ; Mais pourquoy vous
conter perdu pour nous , Monfeigneur,
dansIaugmentation de vôtre
gloire, puis que te plus Grand
Roy du Monde , Louis le Vainqueur,
mais le Vainqueur rapide
le Terrible , le Foudroyant , a bien
trouvé des momens pour fonger à
nous, parmy la pompe& le tumulte
defes Triomphes. Que dis-je pour
fonger ànous ? Ah c'est trop foiblement
s'expliquer pour tant degra
ecs extraordinaires. Difons plutost
pour nous appeller à luy par une
adoption glorieuse ; Diſons pour
nous établir un répos inébranlable
àl'ombre de fes Palmes. V.E.Mon-
Seigneur ,n'a-t-elle pas admiré cet
évenement , & quoy que vous fuffiez
au Païs des grands Exemples,
quoy que vous riſpiraſfiez le mesme
air; que Scipion & que Pompée.
t
GALAN T.
?
Augu-
LYON
pûtes -vous apprendre fansfurpri
Se, qu'unsi grand Monarqucse déclarât
le Chefde l'Academie ,
voulût mettre fon Nom Auguste à
la teſte d'une Liſte de Gens deLettres
? Vostre Rome n'en fut-ellepas
étonnée, &ne jugea-t-ellepas alors
que le Cielpreparoit àla France la
mesme profperité , dont l'Empire
Romain avoit joüy ſous les
ftes,ſous les Adriens &fous
lesAnTEERD
tonins ? Vous nous avez quitté ,
Monseigneur, dans l'Hôtel Seguier,
Lans l'Hostel d'un Chancelier de
France , Illustre veritablement par
faSuprêmeMagiftrature , plus Il.-
luftre encore parses grandesActios.
V. E. nous retrouve dans le Louvre,
dans la Maifon Sacrée de nos Rois;
&nos Muſesn'ont plus d'autreſé..
jour que celuyde laMajesté. Ilfaut
ne vous rien celer encore de tout ce
qui peut tenir rangparmy nos heu-
....
Aij
8 LE MERCVRE
reuſes avantures , puis que V. E. y
prend quelque part . Un Archevéque
de Paris, qui honorefa Dignité
parfa Vertu, parfon Eloquence,&
par la Nobleſſe de ſa conduite ; Un
Evesque d'une érudition confommée,
& que mille autres rares qualitezont
fait choifir pour cultiver
les esperances d'un jeune Héros, de
qui tout l'Univers attend de fi
grandes choses ; Vn Duc & Pair
également recommandable parfon
Esprit & par sa Valeur, & avec
qui toutes les Graces ont fait une
alliance eternelle ; des Gouverneurs
de Province ; un President du Parlement
; pluſieurs Perſonnage's celebres
en toutes fortes de Sciences,
Jont les nouveaux Confreres que
nous vous avons donnez ,fansparler
de ce GrandHomme, que l'intime
confiance du Prince , un zele infatigable
pour le bien de l'Etat ,
GALANT.
9
une paſſion ardente pour l'avancement
des belles Lettres distinguent
affez, pour n'avoirpas besoin d'étre
nommé plus ouvertement. L'Academie
a fait la plupart de cesprécieuses
acquisitions , tandis que
V. E. defendoit nos Droits à Rome,
&s'oppoſoit aux brigues de nos Ennemis
. C'eſt fur vos foins & fur
ceux de Monsieur le Duc , voſtre
Frere , que la France s'est reposée
avecfeuretédefes interests , en un
Païs , où déja depuis long-temps le
courage , l'intrepidité , & l'amour
de la Patrie , ont rendufameux l
Noms de Coeuvres &d'Estrées.C'est
avec la meſmefermeté que V. E. a
Soûtenu l'honneur de la Couronne
contre les injustes défiances , que la
profperitédes Armes du Roy faisoit
naiſtre dans des Ames trop timides .
Quels Eloges , quels applaudiffemens
n a-t-ellepoint merité encore
509
Av
10 LE MERCVRE
-au dernier Conclave ! cettefermetécourageufe&
falutaire ,qui dans
une occafion fi importante n'a pas
moins envisagé les avantagesde la
Republique Chrestienne , quefuivy
leplan des pieuſes intentions de Sa
Majesté?Toute la Terrefçait combien
ces grandes veuës ont donné
de part à V. E. dans l'Exaltation
de ce Pontifice incomparable , à qui
la puretédes moeurs ,le mépris des
richeſſes , la tendreffc cordiale en
vers les Pauvres , l'humilité magnanime
des anciens Evesques ,&
le parfait dégagement des choses
dumonde , avoient acquis la repu .
tation de Sainteté, avant que d'en
obtenir le Titre attachéàlaChai
reApostolique. Ilestmal-aiſeaprés:
cela , Monseigneur , que nous ne
nous flattions de quelque fecrete
complaisance , en voyant qu'ilfort
delAcademie des Princes du Sacré
Y
GALANT.. IF
Senat ,&que vostrefuffrage , que
nous avons contéquelquefoisparmy
les nostres , concourt maintenant
avec le S. Esprit au Gouvernement
de fon Eglife. Avancez donc toûjours
, Monseigneur , dans unefi
belle route , &permettez-nous de
croire que V. E. confervera quel
quessentimens d'affection pourune
Compagnie , fur qui Loüis LE
GRAND jette de si favorables
regards : Pour une Compagnie, qui
aprés la veneration toutefinguliere
qu'elle doit avoir pour fon Royal'
Protecteur, n'aura point de mouvement
plus fort , que celuy du Zele
qui l'attache à V. E. & qui trou
ucra toûjours une des principales
occafions de sa joye dans l'accompliffement
de toutes vos glorieuses
entrepriſes..
Il ne faut pas s'étonner ſi le
Avj
12 LE MERCVRE
Public a donné tant d'approbabation
à ce Compliment , puis
qu'il a merité celle du Roy , qui
ſe l'eſt fait lire à l'Armée par
Monfieur de Breteüil , Lecteur
de Sa Majesté . Auſſi Monfieur
le Cardinal d'Eſtrées le receutil
d'une maniere tres-obligeante.
Il dit à Ma Charpentier
qu'il n'entreprenoit point de répondre
fur le champ à un Difcours
ſi plein d'Eloquence, mais
qu'il le prioit d'aſſurer la Compagnie
, qu'il ne perdroit jamais
le ſouvenir des marques qu'elle
luy donnoit du ſien; Qu'il s'en
tenoit tellement obligé, qu'il ne
lui ſuffiſoit pas de l'en remercier,
comme il faifoit , & qu'il viendroit
à l'Academie pour luy en
témoigner plus fortement ſa reconnoiſſance
. Il s'étendit enſuite
fur les Loüanges des llu-
:
GALANT.
13
ſtres qui la compofent , & fur le
travail du Dictionaire , dont il
demanda particulierement des
nouvelles. Il ajoûta , qu'il eſperoit
beaucoup de la grandeur
& de l'exactitude de cette entrepriſe
, dont il avoit ſouvent
entretenu des Gens d'eſprit d'Italie
qui en avoient admiré le
Plan ; & aprés quelque converfation
il reconduifit les Deputez
juſqu'à la porte de la Salle,
proche le Degré. Il leur tint parole
quelques jours aprés , & fe
trouva au Louvre , à une de
Jeurs Seances. Il eſt Protecteur
de l'Academie de Soiffons , où
Monfieur Hebert, Treſorier de
France , luy avoit déja fait le
Compliment qui ſuit au nom de
cette Compagnie. Je trouveray
l'occafion, Madame, de vous en
faire connoiſtre une autrefois le
merite & l'établiſſement.
14 LE MERCVRE
ONSEIGNEUR,
MONS
Quelle joye ne doit par
répandre dans ces lieux l'honneur
de vostre prefence aprés une abfence
fi longue & fi ennuyeuse !!
Quelle joye pour une Compagnie ,
qui vous doit tant , & qui vous
bonnore, àproportion de ce qu'elle
vous doit , devous y voir dans cet
éclat , qui frape aujourd'huy fi
agreablement nos yeux & dont
Vidée avoit remply si long-temps
noftre imagination ; Noussçavons
bien, Monseigneur, que toutes les
Grandeurs humaines estant au def
fous de cette élevation d'esprit&
de cette grandeur d'Amc , qui diftinguefi
excellemment Votre Eminence
des autres Hommes , c'est
vous rabaiſſer en quelque façon
que de vous lower d'une Dignité,
quelque grande quelque élevée
GALAN T.
, vous ne devez.
qu'elle foit. Mais vous nous per-.
mettrez de vous dire , que regardant
celle-cy , comme unpur effet
de voffre merite
pas trouver mauvais que nousnous
réjoüisions de vousen voir revétu,
que nous vous faſſions reſſouvenir
qu'en augmentant vôtre Gloire,,
elle acheve & confomme celle de
vostre Maison.. Cette grande, cette
illustre Maiſon,Monseigneur,fub
fiſtoit depuis plusieurs Siecles dans
une fplendeur pen commune. Tout
ce que laKaleur , unieàla conduite,
peut acquerir des Titres écla
tans, tout ce que lafidelité ,,jointe
aux lumieres , peut procurer d'im
portans Emplois , tout cela, Monfeigneur,
s'y voyoit en foule &de
tous les Honneurs de la Terre , on
peut dire que laſeule Pourpre luy
manquoit. Mais le Ciel qui tra
wailloit depuis si long-temps àfon
16 LE MERCVRE
:
1
agrandiſſement , qui par laprodu-
Etion continuelle de tant deHéros
qu'il en faifoit fortir fucceßive..
ment , la diſpoſoit pour ainſi direà
recevoir cet Honneur , fit naiſtre
enfin V. E. avec toutes les Qualitez
qui en pouvoient estre dignes.
Vous les reçeutes donc , Monfeigneur
, non pas , comme la pluspart
des Etrangers, fur lefeul raport de
La Renommée , & fur la simple
Nomination d'un Prince, qui le de..
mande pour fon Sujet . Rome vit
bien deux. Royaumes fe difputer
l'avantage de vous le procurer ;
mais avant qu'elle vous l'accordat
, Rome vit außi briller à l'enwy
ces belles, ces éclatantes Qualitez
. Elle connut voſtre merite,&م
ce fut fans doute ce qui la determina
dans cette grande conjon-
Eture. Quel honneur pour vous,
Monseigneur , d'avoir acquis par
GALANT.
17
une voye fi belle une Dignitéfifublime
! Quel honneur d'avoir mis
le comble à la gloire d'une Maifon
des premieres & des plus fameuses
de l'Univers ! Mais quel honneur
pour l'Academie de Soiffons , de ſe
pouvoir glorifier d'un tel Prote-
Etcur ! Quel honneur pour nous ,
que vostre Eminence ait bien vou
lu se charger de ce Titre, &n'ait
Pas dédaigné de le joindre à tant
d'autres fi glorieux ! Quelle joye
encore un coup de voir ce Prote-
Eteur,& de luy parler !Mais quelle
peine de le voir pour ſi peu de
temps , & de luy parler fans pouvoir
parler dignement de luy !
Quel embaras , quelle confusión de
de voir tant & de pouvoir si peu
vendre, de fentir une reconnoiſſance
qu'on ne peut exprimer ! C'est
pourtant principalement cette reconnoissance
, Monseigneur , que
nous voudrions bien pouvoir dé.
18 LE MERCVRE
peindre à V. E. Plût àDieu que
vous puissiez voir quels mouve
mens elle excite dans nos coeurs ,
quels Voeux , quels fouhaits elley
forme. Nous les continuerens,Monfeigneur,
ces Voeux&cesfouhaits ;
&puis que nous ne pouvons autre
chose,nousleferons du moins avec
tout le zele &toute l'ardeur dont
nous sommes capables. Nous ne dirons
pas icy à Vostre Eminence quel
prefentement leur obict ; puis
qu'il n'y a plus qu'un degré entre
Le Ciel & Fous , il n'est pas malaisé
de le comprendre. Nous vous
dirons seulement , Monseigneur ,
qu'il fait quelque chofe de Suprême
pour recompenfer une fuprême
Vertu , qu'ainsi il n'y a rien de
fi Grand , ny de fi Haut dans le
Monde , où V. E. ne puiffepreten
dre avec justice , &où elle ne foit
déja placée parles ardens &justes
defirs de cette Compagnic.
eft
!
2
GALANT. 19
Pour paffer de la Profe aux
Vers , en voicy qui furent faits
pour le Roy , incontinent aprés
Les trois nouvelles Conqueſtes.
Jls font de Monfieur de laCitardie.
C'est un Gentil-homme
qui n'a pas beſoin de parler
long-temps , pour faire connoître
qu'il a infiniment d'eſprit ;
mais comme je ne tiens pas ces
Vers de luy - meſme , & qu'il
m'en est tombé entre les mains
pluſieurs copies differentes, l'u--
ne de l'autre , je ne ſçay fi jauray
choiſi la veritable. :
foos to 8 9 2008 2007-9869094698948 893 EX
EPISTRE AV ROY.
SIRE
l'avoüeray , la Gloire a
biende charmes :
Il est beau de vous voir au milieu des
allarmes.
Voler à ses côtez ; & triomphant tou
jours.
20 LE MERCVRE
Conter par vos Exploits le nombre de
vosjours.
Il est beau de vous voir ſacrifier pour
elle
Tout ce qu'on peut jamais attendre d'un
grand zele :
Mais pardonnez-moy , SIRE , & ne
murmurez pas.
Si je crainspour mon Roy ſes dangereux
appas.
Quand je ſonge aux perils, où pour luy
rendre hommage
Voftre intrepide coeur àtoute beure s'engage;
Car si j'ofe aujourd'huy m'expliquer
avecvous,
Le Sceptre , ny les Lys n'exemptent
pointdes coups.
Cerang de Souverain , qui vous metfur
nos testes ,
Ne met point vos beaux jours à l'abry
des tempestes.
Le Canon , fi fatal aux plus braves
Guerriers ,
N'a jamais des Heros reſpecté les Lanriers
,
GALAN T. 21
น
!
t
J
Et ceux, dont voſtre front s'est fait une
Couronne,
N'en garantiffent point voſtre Auguste
Personne.
Ilnefaut qu'un malheur ....
Dieux! je n'osey penser ,
Ieſens à ce discours tout mon sang se
glacer.
Ah , SIRE , c'en est trop , venezrevoir
la Seine,
Voulez-vous à Madrid aller tout d'une
haleine ,
Et toûjous oublier ce qu'éloigné d'icy ;
ATherese , à l'Etat , vous caufez de
foucy?
Vous avez en un mois mis trois Villes
en poudre ,
Vostre coeur au repos ne peut-il ſe ré-
-Soudre ;
Et ces fruits que la gloire a refervez
pour vous,
Les goûtant dans le calme, enferont-ils
moins doux ?
Voussçavez qu'autrefois un Heros dont
l'Histoire
Confervera toûjoursla põpeuſe memoire,
22 LE MERCVRE
Aprés avoirfiny de moins nobles travaux
.
Fit voir qu'on peut donner des bornes
aux Héros.
Que si la noble ardeur de vostre ame
guerriere ,
Nepeutse retenir qu'au bout de la carriere
;
Sipour vous arreſter , vous voulez voir
foûmis
Tout ce qui peut encor vous rester d'Ennemis
,
Contentez-vous au moins de ces foins
politiques,
Qui font plus que lefer fleurir les Republiques,
Inſtruisez vos Guerriers à marcher fur
vospas,
Marquez l'heure , le temps , disposer
des Combats.
Et fongez qu'un Grand Roy , qui fut
nommé le Sage ,
Fit de ſon Cabinet trembler ſon voiſinage,
Tandis qu'en ſeureté , paisible dans sa
Cour,
A
GALANT.
23
4
1
fut
Ildonnoitquelquefoisdes heures à l'A.
mour.
Monfieur le Comte de Bregy,
dont je vous ay parlé dans
ma Lettre precedente , a fait le
Sonnet qui fuit pour Son Alteſſe
Royale. Je croy que vous n'aurez
pas de peine à luy donner la
meſme approbation qu'il a reçeuë
icy de tout le monde. TRAQUE DE
YON
POVR MONSIEVR
SONNET.
TVferviras d'exemple un jour
Neveux
ànos
Digne Frere d'un Roy , leplus grand
Roydumonde ;
S'il paffe les Cefars , ta Valeur le ſeconde
,
↑ Et foutient ſes Lauriers par des Exploitsfameux.
24 LE MERCVRE
:
A tes traits delicats , à ton air gracieux
,
Tuſembles estre né pour une Paix pro.
fonde;
Etdans leChampde Mars,dés que le
Canon gronde ,
Ton coeur anime tout , ton bras frape en
tous lieux.
Apreſent qu'apres-toy tufais marcher
la Gloire ,
Que tu ne combats pointſans avoir la
Victoire ,
Loüis n'est plus le feul qui triomphe
de tous ;
Mais luy feul toute-fois des Princesde
laTerre ,
De ceux qui font en paix , ou qui nous
font laguerre ,
Peut voir tes grands Exploits fans en
eftre jaloux.
Rien ne ſçauroit mieux ſuivre
les Vers de Monfieur de
Bregy , que la proſe de MadaGALANT.
25
k
05
A
cette
me la Comteffe de Bregy fa
Femme. Jugez- en par
Lettre .Elle eſt écrite à Monfieur
l'Abbé Bourdelot , ſi connu par
ce grand merite , qui ayant fait
bruit juſqu'en Suede , obligea
la Reyne Chriſtine de l'y appel- '
ler aupres d'elle , non ſeulement
commeun tres-habile Medecin ,
mais comme un Homme confommé
en toute forte de Sciences.
Il n'y a perſonne qui ne
ſcache l'eſtime particuliere dont
Monfieur le Prince l'honnore,
# & la confiance qu'il prend en
ſes conſeils ſur le regime de vie,
qui luy eſt neceſſaire pour ſa
ſanté. Il fait des Vers fort agreables
quand ſes grandes occupations
luy en peuvent laiſſer
le temps , & nous en avons veu
de luy ſur differentes matieres,
a
Tome IV. B
26 LE MERCVRE
qui ont eſté leus par tout avec
plaifir.
LETTRE DE MADAME
la Comteſſe de Bregy ,
Si
A Monfieur l'Abbé Bourdelot.
d'ac-
I vous me regardez du coſtéde
la capacité ,je demcure
cord que mon dro't n'est pas bien
fondé à me plaindre de vous , de
ne m'avoir point montré vos Ouvrages
: Mais s'il vous avoit plû,
Monsieur , de confiderer ceux qui
vous aiment le mieux , par cette
regle là j'aurois receu de vous les
Vers que vous avez faits pour
Monsieur Colbert , dont lefeul hazard
me fit hier prefcnt . Cela est
beau que ce nefoitpas de vous que
je les aye reçeus. Ne sçavez-vous
GALANT .
27
E
de
en
de
pas bien que tout ce qui sert à voſtregloire,
fert aussiàma joye ,
que d'ailleurs bien de choses ne
m'en donnent pas tant qu'il foit
neceffaire de m'en retrancher ? Ce
n'est pas là ce que les Amis doivent
faire , au contraire il faut
qu'ils fongent à procurer à ceux
qu'ils aiment tous les petits biens,
westant pas en estat de leur en faire
avoir de grands ; mais vous estes
dans un embarras d'amour propre,
qui vous tient de trop pres pour
vous laiſſer le temps de penserà
ceux , de qui vous estes aimé, &il
vous fait fans ceffe courir apres
ceux , que l'Envie empesche de
convenirdevostremerite. Ne cherchez
plus à les en convaincre.Eftesvous
àſçavoir que la Verité s'établit
par elle-mesme , & que c'est
0145 fon privilege de percer tous les nua
tte
les
A
Y
eft
que
ges pour se découvrir ? C'est une
Bij
28 LE MERCVRE
preuve du parfait merite , de vivrc
avec nonchalancefans briguer
l'approbation, il faut qu'elle vienne
à la fin payer tribut fans que
lon' en prenne foin. Regardez le
Héros , aupres de qui vous eſtes
attaché. Voyezcomme il semble
estre de loisir , il ne fait plus rien
parce qu'ila tout fait, car il n'est
point d'esprit qu'il n'ait parfaitement
afſujetty à croire qu'il est un
des plus grands Hommes du monde,
& pour peu qu'il commençât à
s'ennuyer dans sa folitude , il fe
trouve un remede tout prest. Il n'a
qu'à tourner les yeux du cofté defa
gloire,pour voir le plus beau pe-
Etacle , que jamais Mortel ait pû
donnerà l'Univers . Avec une telle
Sauvegarde iln'estpoint de chagrin
qui le puiſſe attaquer. La mort
mesme , qui ofe tout ne pourra rien
contre luy , car lors qu'elle croira
GALANT.
29
-
le
es
le
съ
ift
te-
141
de
sestre enrichie d'unefi noble proye,
elle n'aurafait que le débaraſſerde
ce qu'il avoit de commun avec le
refte des Hommes , pour le laiffer
pluspurement en estat d'aller prendre
place entre les Demy-Dieux.
Mais s'il trouvoitſon compte à cela
, nous n'y trouverions
ftre en
Le no
pas be
le perdant ; c'est pourquoy
Monsieur l'Abbé , ne fongez pas
tant àécrire *7771
en beau langage , que
vous ne reſviez profondement à ce
que l'Art de la Medecine peut
Se fournir de Secrets , pour prolonger
fur la terre unesi belle vie ; & par
là voſtre Siecle vous fera beaucoup
plus redevablé , que de toutes les
chofes que vous pourriez d'ailleurs
faire pour fon ornement . En mon.
particulier je ne vous quitte point
à moins de me promettre pour ce
Grand Homme encore une centaine
L'années; & pour vous en récompu
elle
yin
ort
-ien
1
Biij
30 LE MERCVRE
penſer ,jeſouhaite que tout le monde
convienne avec moy que Monfieur
l'AbbéBourdelot est tout compté
& rabattu , un des Hommes du
monde de la plus agreable conuerfation.
د
a
Je devrois eſtre déja devant
S. Omer ; mais je ne puis me
defendre de m'arreſter encor un
moment icy, pour vous faire rire
d'une Avanture dont un Cavalier
, que vous connoiffez
toutes les peines du monde à ſe
conſoler : c'eſt celuy , qui au
dernier Voyage que vous fiſtes
icy, vous dit tant d'agreablesBagatelles
aux Tuilleries. Vous
ſçavez , Madame , combien ſa
converſation eſt enjoüée. C'eſt
un talent merveilleux pour ſe
faire ſouhaiter par tout. Il dit les
chofes finement , fait un Conte
GALAN T. 31
1.
1%
۲۰
nt
me
in
re
a
ae
fe
au
es
a-
US
fa
eft
fe
es
te
de bonne grace, & il feroit prefque
fans defaut , s'il n'avoit pas
celuy de ſe mettre quelquefois
de trop bonne humeur , quand
il reçoit un Défy dans la Débauche.
Il s'oublie pourtant afſez
rarement la-deſſus & s'ilne
s'en corrige pas tout à fait , c'eſt
parce , qu'il n'a que ce qui s'appelleunVingay,&
que ſe donnant
ſeulement tout à la joye , il
ne s'en eſt jamais fait d'affaires,
que celle que je vous vais conter.
On l'avoit mis d'un fort
grandRepas chez Bergerat . Vn
Comte & un Marquis de fes
plus particuliers Amis s'y trouverent
: ils eſtoient tous deux de
ſa confidence , & ils avoient habitude
l'un & l'autre chez une
Dame qui ne montroit pas d'indifference
pour luy . La Dame
eftoit digne de ſes ſoins , jeune,
Biv
32 LE MERCVRE
aimable , mais d'une fierté à
gronder long- temps pour peude
chofe. Toutes ces circonstances.
font àſçavoir pour l'intelligence
de l'Histoire. On ſe met à Table
, on rit, on chante , on dit
des folies , & le Cavalier porte
fi loin la joye , qu'il la fait aller
juſqu'a l'excés. Il boit la ſanté
des Belles , exagere leur merite,
& laiſſe égarer ſa raiſon à force
de vouloir raifonner Apres quelques
rafadesun peu trop largementréïterées
, il ſe jette ſur un
Lit de repos , l'aſſoupiſſement
l'y prend ,& il eſt tel que l'heure
de ſe ſeparer arrive avantqu'il
aitceffé de dormir. Ses Amis ſe
croyent obligez d'en prendre
foin. On le porte dans le Carroffe
du Comte , qui le fait mener
chez luy. Ses Laquais le deshabillét,
on le couche fans qu'il
GALAN T.
33
e
es
ce
a-
Hit
te
Jer
1
te
te,
ce
el
eun
ent
ell-
1
fe
Hre
ares
faffe autre choſe qu'ouvrir un
peu les yeux & ſe rendormir . Ce
long oubly de luy-meſme mer
le Comte en humeur de luy faire
piece . Il oblige une de ſes
Amies d'aller chez la Dame ,
dont je vous ay fait la peinture.
Elle la met ſur le chapitre du
Cavalier ,& luy demande fi elle
eſtoit broüillée avec luy , parce
qu'il s'eſtoit trouvé en lieu où
il n'avoit pas parlé d'elle comme
il devoit. La Dame eſtoit fiere,
elle prend feu ,& luy prepare
une froideur plus propre à le
chagriner que ne pourroient
faire ſes plaintes . C'eſtoit là ce
que le Comte vouloit. Il va trouver
le Marquis leur Amy commun
, & concerte avec luy le
perſonnage qu'il doit joüer. La
nuit ſe paſſe , le Cavalier s'éveille
,& eft fort furpris de ſe trou
Bv
34 LE MERCVRE
ver chez le Comte , qui entre un
moment apresdans ſaChambre.
Il s'informe de l'enchantement
qui l'a mis où il ſe voit. Le Comte
foûrit , & luy demande s'il ne
ſe ſouvient plus de toutes les fo--
lies qu'il a faites depuis le Repas
de Bergerat. Il luy fait croire
qu'il l'avoit trouvé chez une
Ducheſſe d'où il l'avoir ramené
chez luy , parce qu'iln'eſtoit pas
dans ſon bon ſens. Il adjoûte
qu'il venoit de ſçavoir qu'il avoit
rendu viſite à ſon Amie , à qui
il avoitdit force impertinences;,
qu'on ne luy avoit pû dire précifément
ce que c'eſtoit , mais
qu'elle en eſtoit fort indignée,
& d'autant plus que c'eſtoit en
preſence du Marquis qu'il luy
avoitdit toutes les choſes deſobligeantes
dont elle ſe plaignoit..
LeCavalier ne ſçaitoù il en eſt.
GALAN T.
35
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ne
ne
Das
ite
oit
qui
es;
reais
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en
Juy
-fooit
eft.
Il ſe ſouvient du Repas de Bergerat.
Mais il ne ſe ſouvient de
rien autre choſe. Il ne laiſſe pas
d'eſtre perfuadé , que comme il
eſt venu coucher chez le Comte
ſans s'en eftre apperçeu , il
peut bien avoir fait toutes lesextravagances
dont on l'accufe. W
courtchez leMarquis.LeMar٦١٨
*
quis , qui estoit inftruit , débute
auec luy par une grande Mercuriale.
Il luy dit qu'il ne comprend
point comment il a pû s'oublier
au point qu'il a fait , qu'on ne
traite point une Femme qu'on
eftime , comme il a traité ſon
Amie , & qu'il meritoit bien
qu'elle ne renoüât jamais avec
luy. Le Cavalier veut ſçavoir
fon crime ; ce crime eſt qu'il a
reproché à la Dame devant luy
qu'elle avoit de fauffe Dents,
qu'il ne s'eſt pas contenté de le
Bvj
36 LE MERCVRE
dire une fois qu'il l'a repeté , &.
qu'elle en eſt dans une fi grande
colere, qu'il fera bien d'allerl'ap--
paiſer ſur l'heure, afin qu'elle ne
s'affermiſſe pas dans la refolutionde
ne luy pardonner jamais:
Je ne vous puis dire , Madame,
ſi le Marquis crut ſuppoſer ce
defaut à la Belle, où s'il ſçavoit
qu'il fuſt effectif, mais la verité
eſt que toutes ſes Dents n'eftoient
point à elle. Le malheur
de les perdre eſt inévitable à
bien de Gens , & on n'eſt point:
blamable d'y remedier ; mais les
Dames qui le cachent avec ſoin,
ne font pas bien aiſes qu'on s'ens
apperçoive , & il faut toûjours
avoir la difcretion de n'en rien
voir . Le Cavalier aimoit la Dame
, il donne dans le panneau,
va chez elle , apres avoir quitté
le Marquis ; & ne jugeant pas
GALANT.
37
e
1-
S:
e,
ce
Dis
ite
efeur
int
les
Din,
S'en
urs
ien
Daalus
itte
pas
qu'une injure de faufſes Dents
reprochées ſoit difficile à ou
blier , parce qu'il ne croit pas
qu'elle en airde fauffes , il commence
par des excuſes generales
d'avoir laiſſe échapper quelque
choſe quiluy air deplû. La
Dame qu'on eſtoit venue avertir
du peu de confideration qu'il
avoit montré pour elle , répond
fierement qu'elle se mettoit fort
peu en peine de ce qu'il avoit pû
dire ſur ſon chapitre , que c'eſtoit
tant pis pour luy ,& qu'elle
ſe croyoit à couvertde toute forte
de cenfures , fi on ne diſoit
que des veritez . C'eſt par là que
le Cavalier pretend qu'on luy
doit aifément pardonner , puis
qu'eſtantdans un eſtat à ne ſçavoir
pas trop bien ce qu'il diſoit,
il l'avoit accufée d'avoirde faufſes
Dents , elle qui les avoit fi
38 LE MERCVRE
belles & fi bien rangées par la
Nature. La Dame qui ſe ſent attaquée
par ſon foible ne peut
plus ſe retenir ; elle croit qu'apres
avoir mal parlé d'elle , il a
encor l'infolence de la venir infulter.
Elle éclate ; & plus elle
marque de colere , plus il demande
ce qu'ily a de criminel
dans l'article ſuposé des fauſſes
Dents. Elle le chaſſe, il s'obſtine
à demeurer , revient encor à ſes
Dents , & la met dans une telle
impatience qu'elle le quitte , &
va s'enfermer dans ſon Cabinet..
Le Cavalier demeure dans une
furpriſe inconcevable. Il s'addreſſe
à ſa Suivante , & veut
l'employer à faire ſa paix. La
Suivante l'entreprend , luy demande
dequoy il s'eſt aviſé de
parler des Dents de ſa Maiſtref
fe , & luy ayant dit qu'elle ne
GALAN T.
39
a
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ala
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Henel
Tes
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et
ane
adeur
La
dede
ref
ne
doit compte àperſonne ſi elle en
a d'appliquées ou non , elle luy
fait enfin ſoupçonner qu'il pourroit
avoir dit vray en n'y penſant
pas. Cependant il eſt obligé
de fortir ſans avoir pû faire
fatisfaction à la Dame. Il eſt retourné
dix fois chez elle depuis
ce temps -là , & elle ne l'a point
encore voulu recevoir. Voilà ,
Madame , en quel eſtat font les
choſes. Le Cavalier à découvert
depuis deux jours la piece que
fes Amis luy avoient joüée , il en
eſt fort piqué , & ily aura peuteſtre
de la ſuite que je ne manqueray
pas à vous apprendre.
Cependant , comme j'ay déja
commencé à vous parler des Pages
du Roy dans ma derniere
Lettre , jacheve icy ce que j'ay
encore à vous dire. Ceux qui ont
toutes les qualitez neceſſaires.
40 LEMERCVRE
pour eftre du nombre , ſont ſou--
vent obligez d'attendre long--
temps , cet avantage eftant recherché
à l'envy par tous ceux
qui deſcendentdes plus grandes.
Maiſons du Royaume . Comme
ils ſervent dans les Armées dés
leur plus grande jeuneffe , &
qu'ils meritent dans un âge peu
avancé les Charges quileur font
données , il ne faut pas s'éton--
ner ſi la pluſpart deviennent
bien-toft capables de commander
, & fi nous voyons ſouvent
les premiers emplois entre des
mains de pluſieurs , qui ont eu
1honneur d'eſtre elevez Pages
du Roy. Sa Majeſté s'eſtant renduë
fur la Frontiere avec préci
pitation , ne mena avec elle
qu'une partie de ſes Pages. Voicy
les Noms de ceux qui la fuiverent.
(
GALAN T.
41
Pages de la Chambre .
M. des Chapelles.
M. de Guebriant.
M. de Neuville .
LaGrande Ecurie.
M. de Braque .
M. du Mets-Tiercelin.
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11-
M. de Chevigny .
M. de Ganges .
TRELER
100
YON
M. de Serignan ,aîne & cadet.
M. de Pelot.
M. de Monfrein.
Pages de lapetite Ecurie.
M. de Boifdennemets ..
M. de Nadaillac..
M. de S. Gilles- Lenfant.
M. de la Grange , cadet.
M. de Renanfart .
M. de Bonnefonds , aîné &
cader..
M. de Laval.
M. deMarmagne.
42
LE MERCVRE
M. de Boufv.
M. de Moiffet.
4
M. de Melun .
Je ne parleray point icy de
leur Nobleffe , perſonne n'en
peut douter , puis que tous les
Pages du Roy font obligez d'en
faire preuve , avant que d'eſtre
reçeus. Sa Majesté voulantdonner
moyen àtous ceux dont je
viens de parler , d'apprendre le
meſtier de la Guerre , les a fait
fervir tour à tour d'Aydes de
Camp à ſes Aydes Camp , pendant
les Sieges de Valenciennes
& de Cambray , ce qui leur a
donné lieu d'acompagner fouvent
les Officiers Generaux , &
de ſe trouver dans les endroits
les plus perilleux. Je croy qu'ils
ont tous fait paroiſtre un courage
digne de leur naiſſance , cependant
je ne puis rien dire de
GALANT.
43
d:
en
Tes
en
particulier que de ceux , dont le
hazard ou leurs Amis m'ont inftruit.
Je ſçay ſeulement que la
pluſpart ſe ſont ſouvent échapez
pour aller , comme Volontaires
, aux Attaques qui ſe ſont
faites les jours qu'ils n'eſtoient
pointde Garde.
Monfieur de Braque , d'une
le
desplus puiſſantes Maiſons du
Royaume , &Meſſieurs de Boifdennemets
& le Feron ſe ſigna-
He lerent à la teſte du Regimentdes
Gardes , le jour que la Ville de
es
1
S
Valenciennes fut emportée ; ils
prirent pluſieurs Officiers des
Ennemis , auſquels ils donnerentla
vie. Ils les mirent entre
les mains des Mouſquetaires
Noirs & allerent en ſuite au
Guichet de laVille , où ils arriverent
des premiers . Meſſieurs
de Luxembourg &de Danjeau
44 LE MERCVRE
ayant trouvé une grande confirfion
entre les foldats qui s'efforçoient
d'entrer , peut-eſtre dans
l'efperance du pillage, ordonna,
aux Pages que je viens de nommer,
de les faire retirer ſur une
hauteur , & d'empefcher qu'ils
n'aprochaffent.Apres avoirexecute
cet ordre, ils entrerent dans
la Ville, où avec plus de prudence
qu'on n'en devoit attendre
des Perſonnes de leur age , ils
empeſcherent le defordre , &
arreſterent quantité de Soldats
quiſe preparoient à piller..
Mrs deBraque,du Mets-Tiercelin
& de la Grange , ſe trouverent
à l'Attaque de la Demylune
qui fut priſe la veille que la
Ville de Cambray compoſa.
Les deux premiers avec Meſfieurs
de Ganges & de Pelot
furét à l'Attaque de la Contref
GALAN T.
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carpe de la Citadelle de Cambray
, où ils ſe ſignalerent à la
teſte des Gardes. Ce dernier
eſt Fils de Monfieur de Pelot ,
Premier Preſident au Parlement
de Roüen. Le merite de
ce grand Homme eſt aſſez
connu , & chacun ſçait que fa
haute capacité , & l'exacte juſtice
qu'il a toûjours renduë, &
dans cette grande Charge &
dans ſon Intendance de Guyen-:
ne , luy ont acquis aupres du
Roy une eſtime qui luy permet
l'eſperance des plus importans
Emplois.
Ms de Serignan , aîné & cadet,
ſe diſtinguerent auſſi à l'Attaque
de la Demy-lune qui fut
repriſe.
M le Chevalier de la Grange
receut à la Tranchée de Valenciennes
un coup de Mouf46
LE MERCVRE
quet dans le bras qui ne luy fit
qu'une contufion : Il en eut
encor une devant Cambray qui
luy fut cauſée par un éclatde
Grenade . M² du Mets- Tiercelin
y eut ſes cheveux brulez en
foûtenant les Travailleurs avec
M le Chevalier des Gaux , &
M' de Braque.
Le Roy ayant ordonné, comme
je vous ay dėja marqué , que
ſes Pages ſerviroientd'Aydes de
Camp à ſes aydes de Camp. M
le Prince d'Elbeufqui l'eſtoit de
fa Majesté, retint Mº de S.Gilles
L'enfant pour le ſien. Il eut licu
d'en eſtre ſatisfait , puis que ce
Page s'eſt trouvé dans toutes les
occafions perilleuſes ; il entra
dans Valenciennes avec les
MouſquetairesGris ; il alla avec
Monfieur le Prince d'Elbeuf à
la Demy-lune qu'on prit la veil
GALANT. 47
e-
20
ec
&
1-
ue
le que la Ville de Cambray ſe
rendit , & il donna avec les Volontaires
à l'attaque de la Contreſcarpe
de la Citadelle , où il
entra des premiers , avec M² le
Marquis de Malofe,&Mile Cote
de la Vauguyon. Quand on fut
rentré dans la Tranchée,on leur
ordonna de prendre des Fafcines
&de les porter au Logemét,
pour donner exemple aux Travailleurs.
M. le Chevalier de
Tilladet qui commandoit en
de qualité de Brigadier,donna quatre
ou cinq Commiſſions à M. de
S. Gilles, qu'il reconnut eſtre de
bonne volonté , & dont il s'acquita
heureuſement. Il le nomma
le lendemain à Monfieur de
Louvois ; & Monfieur le Prince
d'Elbeuf , qui rendit compte au
Royde ce qui c'eſtoit paſſe pendant
la nuit, dit auſſi dubiende
de
Jes
en
ce
es
es
ec
it
48 LE MERCVRE
luy à Sa Majefté. Le meſme ſe
trouva encore avec Meſſieurs de
Serignan à l'Attaque de la Demy-
lune qui fut emportée d'a.-
bord, & que les Ennemis reprirent
; & lors que M. le Marquis
d'Uxelles y vint pour encourager
nos Gens , ce Page fit une
action de vigueur qui fut remarquée.
Des raiſons particulieres
m'empeſchent de vous en faire
le détail ; mais je ne dois pas
oublier à vous dire qu'il n'a pas
moins d'eſprit que de coeur. Il
a fait ce Carnaval une vingtaine
de Rondeaux fur des Fables d'Efope
, & les a preſentez à Monfieur
le Duc du Mayne d'une
maniere toute finguliere. Ils ont
efte fortbien receus , je vous en
envoye trois , & vous feray part
des autres , s'ils plaiſent autant
dans voſtre Province qu'ils ont
plû
GALANT.
49
e
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1-
ane
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ire
Das
ne
E
11-
ne
en
art
ant
Ont
plû aux premieres perſonnes de
la Cour.
A MONSEIGNEUR
LE DUC DU MAINE.
RONDEA V.
V'un tour dePage euft affezd'a-
Pour vousfervir de divertiſſement ,
Prince, où l'esprit avec la grace abonde
N'est un bonheur , où mon espoir se
fonde
| Grand tort j'aurois d'y penfer ſeulement.
Mes petits Versn'ont point afſſeurement
Du tour poly l'agreable ornement,
Et l'on n'y voit , ſi l'on y fait la ronde,
Qu'un tour de Page.
Ce n'est priser l'ouvrage aucunement.
Mais tel qu'il est , foy d'homme qui ne
ament ,
Tom. Ivod
SO LE MERCVRE
A vous I offrir ma joye est fans feconde
Il est remply de Morale profondes
Quoy qu'il ne soit , àparler franchement
,
Qu'un tour de Page. A
DE LA CIGALE ,
ССКОЯ
L
ET DE LA FOVRMY.
FABLE
RONDEAU.
E temps n'est plus de la bellefaiſon
L'Hyverapproche,& Neige
flocon
àgros
Tombe du Ciel , Cigale verdelette ,
Ne chante plus, autre ſoin l'inquiette,
C'est de diſner dont il est question,
Mais où diſner ? car de provision
Il n'en est point , point de précaution ,
D'aller aux Champs fuccer la tendre
berbette,
Le temps n'estplus.
Elle va droit à l'Habitation
De la Fourmy , belle reception
*
A
GALANT .
ST
Mais rien de plus , il fautfaire diette;
Quand on est vieux , c'est trop tard
qu'on regrette
Les joursperdus , & de faire moiffon
Le tempsn'est plus.
AU ROY.
نا
ار
اگ
RONDEAV ACROSTICHE .
► Vous , Grand Roy , feroit grande
bonté
Couloir ſouffrir qu'avecque liberté ,
Où l'on gardât respect &reverence,
<n Page vint dire tout ce qu'il penſe
sur vostre gloire ayant bien medité !
Grande en seroit , certes la nouveauté,
Pieurs voudrois avoir de mon costé,
vant qu'oferparler avec licence
A Vous , Grand Roy.
zon, ce seroit à moy temerité,
D'autres bien mieux voſtre les one
chanté.
२० .
Cij
52 LE MERCVRE
Paison, respect, tout m'imposefilence
On ne pourroit malgré maſuffisance,
trouver rien égal en majesté,
A Vous , Grand Roy.
Avoüez , Madame , que l'afſujettiſſement
à tant de Rimes
ne cauſe pas peu de peine dans
ces fortes d'ouvrages , & que
lors que celuy qui les fait en
vient agreablement à bout, il en
merite plus de loüanges. Aproposd'Ouvrages
d'Eſprit , je me
trouvay dernierement chez une
Dame qui en juge admirablementbien,
auffi voit-elle cequ'il
y a de plus beaux Eſprits en
France. Elle entend les Langues
, fait des Vers qu'il feroit
difficile de mieux tourner ; & la
pluſpart de nos Illuftres de l'Academie
Françoiſe , ne dédaignent
pas de la conſulter fur
leurs Ouvrages avantque de les
GALANT. 5 安
l'afimes
dans
que
ten
donner au Public. On mit ſur le
tapis les trois Traitez que M le
Chevalier de Meré a fait imprimer
depuis peu , & je fusravy,
Madame , de voir que tout le
bien qu'on en dit ſe rapportât à
F'eſtime particuliere que vous en
faites. L'un fut pour le Traité
de l'Eſprit,l'autre pour celuy de
P'Eloquence , & la Dame ſe declara
pour les Agrémens ; mais
il n'y eut perſonne qui ne convinſt
que tous les trois eſtoient
able écrits avec une facilité & une
qul pureté de langage qui ne fatisfaifoit
pas moins les oreilles,que
leurs folides raiſonnemens rem.
pliſſoient l'eſprit. On parla en
ilen
pro
unt
sen
Lanerot
&la
I'Adair
ſuite de l'Heroïne Mouſquetaire
qu'on loüa en bien des choſes
, mais qu'on prit pour une
- fur Hiſtoire faite à plaifir , quoy
Heles qu'on nous la donne pour veri
C iij
54 LE MERCVRE
table. Quelqu'un pretendit qué
Chriſtine qui tuë ſon Frere croyant
tirer ſur un Sanglier , n'étoit
autre choſe que la Fable de
Procris &de Cephale ;&fur ce
qu'une partie de l'Aſſemblée fut
du meſme ſentiment , un autre
prit la parole , & dit qu'il arri
voit quelquefois des chofes ex -
traordinaires qui pour n'avoir
rien de vray-ſemblable, ne laiffoient
pasd'eſtre vrayes,& qu'on
luy en avoit mandé une deHollande
, dont il ne doutoit point
que toute la Compagnie ne fuft
ſurpriſe. Il tira enmeſme temps
une Lettre de ſa poche écrite à
Amſterdam , & datée du 15. de
Juin; & en ayant paffé les tren--
te premieres lignes , leut l'Article
qui fuit.
Ily a preſentement icy un Pro--
phetevestu d'une Robe de touteforGALANT5
que
ne
ede
arce
-elefut
Liere
arri
Sex
vol
laif-
Hol
point
fuft
mps
te
-.de
renrti-
Pro
form
te de couleurs , laquelle n'a point
de couture, quoy qu'elle soit de plufieurs
pieces. Elle n'eft ny de fil ny
de coton , ny de foye , ny de laine,
ny de poil, ou de peau d'aucun Animal
, & elle n'est point faite de
main d'Homme. Le ne sçay ce que
se pretendu Prophete peut avoirde
commun avec les Sectacteurs de la
ridicule Opinion des Pré-Adamites
, mais on fait courir le bruit que
ceux dont il tire fon origine ont
precedé Adam. Il porte une Couronneſurſa
teſte , & il n'est point
marié,quoy qu'il ait plusieurs Femmes.
Elles vivent toutes avec luy
Sans jalousie, tant il établit un bon
ordre entr'elles. Il est tres -fobre, ne
vivant pour l'ordinaire que du rebut
des Chiens. Il mepriſe l'or &
l'argent , &n'enajamaisfait aucun
cas. Il va toûjours pieds nuds
auffi-bien l'Hyver que l'Esté, & il
Ciiij
36 LE MERCVRE
marchefort gravement. On ne m'a
pû dire de quelle croyance il eſtoit
mais il est certain qu'il commence
à rendrefes loüanges à Dicu dés
lanuit , & avant le lever du Soleil.
Il les continuë prefque à tou
tes les heures du jour ; &malgré ce
Join il ne pratique point l'humili
té , au contraire il est courageux
&ficr. Ceux qui se connoiffent en
phiſionomie, pretendent qu'il court
riſque de ne mourir point de fa
mort naturelle , mais d'une mort
violente.
Chacun raifonna fur cette
Nouvelle. Les uns dirent qu'il
n'eſtoit pas furprenant qu'on vit
de temps en temps de ces faux
Prophetes ou Sectaires en Holfande
, parce qu'on y fouffroit
toute forte de Religions , & ils
adjoûterent qu'il n'y avoit pas
encor long-temps qu'il s'y en
A
GALANT.
57
ost
de
So
touré
mili
gens
at
Cout
efi
mon
Cettt
qull
faux
Hol
froit
ils
pas
en
eſtoit rencontré un qui catechifoit
& prefchoit publiquement,
& qui avoit eſté enfin confiné
par le Magiſtrat dans une étroite
Priſon àEmbden, où il devoit
finir ſes jours , Qu'on n'ignoroit
pas le bruit qu'avoit fait enAngleterre
pendant l'interegne un
Quakel , ou Chef des Trembleurs
, à qui le Parlement avoit
fait couper la langue ; & que
vers l'Arabie on en avoit veu un
autre depuis douze ans , qui ſe
diſoit le Meſſie ; qu'il eſtoitſuiuy
quelquefois de plus de cinquante
mille Hommes ; & que le
Grand Seigneur avoit eſte obligé
d'envoyer contre luy une
Armée confiderable pour le détruire
avec fon party. On revint
à celuy de Hollande, & il n'y eur
perſonne qui ne diſt qu'il meritoit
le feu , & que le Phiſiono
Cv
58 LE MERCVRE
mifte avoit eu raiſon de juger
que ſa mort ſeroit violente . Il
prit là-deſſus un fort gråd éclat
de rire à celuy qui avoit montré
la Lettre. Il ne voulut plus
cacher qu'il l'avoit fait écrire
pour ſe divertir , qu'elle ne contenoit
qu'unEnigme , & que le
Prophete eſtoit le Coq qui annonçoit
la venuë du jour. On
n'eut pas de peine à faire l'application
du reſte,& cette folie fut
un agreable divertiſſement à
ceux qui n'avoient point de part
aux férieuſes reflexions qu'on y
avoitfaites.
Enfin, Madame, me voilà devant
S. Omer, où l'abondance
de toutes les choſes que j'ay
euës à vous dire m'a empefché
d'arriver plutoſt. Avant que de
paffer au recit de tout ce qui
s'est fait pendant le Siege de
• GALANT. 59
HO
형
plas
rice
01-
ele
an-
On
plifor
Dart
Hece
ay
he
de
ui
te
مج
cette Place, je croy vous en devoir
entretenir un moment. Elle
tire fon nom de celuy de Saint
Omer qui estoit Evefque de Terüoanne
, & elle eſt ſi forte à
cauſe de ſa ſituation , & d'un
nombre infiny de Canaux qui
l'environnent , que perſonne
avant Loüis le GRAND navoit
encore eu l'avantage de
s'en pouvoir dire le Vainqueur.
Cettegloireeſtoit refervée à ſes
Armes , qui luy ont fait perdre
le titre de Pucelle , qu'elle avoir
conſervéjuſques là. Ses edifices
font tres-beaux , & elle le peut
vanter d'avoir dans l'enclos de
ſes murailles une des plusbelles
Abbayes del Europe , foit pour
ce qui regarde ſes Baſtimens,
foit pour ce qui regarde ſon Revenu.
Cette Ville eſt la ſeconde
du Comté d'Artois.Elle est tresi
Суj
60 LE MERCVRE
ancienne , & la Mer qui l'a autrefois
cottoyée , n'en eſt qu'à
huit lieuës . Si l'on en croit Ortelius,
le Port d'Iccius, où Cefar
s'embarqua pour paffer emAn
gleterre y estoit autrefois. On.
voit aupres de la Ville un Lae
couvert de pluſieurs Iffles qui
flotent fur l'eau. Elles vont où
le vent les pouffe , & elles font
quelquefois agitées , commedes
Vaiſſeaux , le vent qui donne
dans les Arbres produiſant prefque
le meſme effet des voiles.
Quand le calme eſt grand on at
tache des cordes à ces Arbres,
&on tire ces Ifles où l'on veut
Elles ſont ſouvent remplies de
toutes fortes d'Animaux qu'on
ymene paiſtre . Les Poiffons du
Lac ſe retirent deſſous pour ſe
mettre à couvert du froid , &
pour éviter les grandes ardeurs
GALANT. 61
M
12
Orfar
An
On
Lac
qui
Com
des
nne
ref
iles.
ar
res,
eut
de
on
du
rfe
&
curs
du Soleil , de maniere qu'on y
en trouve toûjours beaucoup.
On voit fur ce meſme Lac la
grande & belleAbbaye de Clairmarets..
Revenons à la Ville. Lors
qu'on fit deffein de l'affieger ,
elle estoit munie de toutes les
choſes neceffaires pour une vigoureuſe
reſiſtance. Monfieur
le Prince de Robec , de la Mai
fon de Montmorency, eſtoitdedans
en qualité de Gouverneur
de la Province d'Artois, & Mole
Comte de Saint.Venant comme
Gouverneur de la Ville. Il eſt.
temps de voir de quelle maniere
ils ſe ſont defendus, & comment
ils ont eſté attaquez ; mais il
faut que je vous diſe auparavant
les Noms des Officiers Generaux
qui ont fervi pendant ce
Siege.....
62 LE MERCVRE
Monfieur de Humieres ,
Mareſchal de France..
• Lieutenans Generaux
;
M. le Comte du Pleffis . :
2
M. le Prince de Soubife .
M. le marquis de laTrouſſe..
Mareſchaux de Camp.
м. le marquis d'Albret.
M. de Sourdy.
4.
M. de la Motre , Commandant
d'Aire.
- м. Stoupp.
Brigadiers..
M. d'Aubarede .
м. de maulmont , Major General.
)
Pluſieurs autres qui avoient :
mené des Troupes à Monfieur
pour la Bataille de Caffel , ont
ſervy enfuite pendant le Siege..
Monfieur de Tracy a efté de ce
nombre.
2
GALAN T.
63
A
e
ant
e-
Ent
eur
ont
e.
ce
২
Aydes de Campde
MonfieuKRED
M. le ChevalierdeTauriac. :
M. de Grave , fils ..
M. de Vertot.
M. le Chevalier de Silly.
OM
M. le Chevalier de Courtenay..
i
Son Alteffe Royale fit enco--
re ſervir pluſieurs autres. Ie les
nommeray en vous marquant
les Commiffions qu'elle leurs
donna..
Monfieur le Marquis de la
Fréſeliere a commandé l'Artil
lerie..
M' de Choiſy a ſervy de premier
Ingenieur.
Dés que Monfieur fut arrivé
devant S. Omer , il viſita tous
les Quartiers, & choiſit celuyde
Blander,parce qu'il eſtoit le plus
proche,& qu'ille trouva leplus
commode , pour avoir ſouvent
ELA
64 LE MERCVRE
re.
des nouveles de ce qui ſe paſſeroit.
Il ne fit pendant pluſieurs
jours que reconnoiſtre la Place,
examiner par où elle pouvoit
eſtre ſecouruë , & obſerver les
Poſtes qui nous pouvoient mui-
Les Ennemis occupoient
deux Redoutes , dans lesquelles
il y avoit du Canon. Elles furent
emportées par des Détachemens
de Navarre , des Vaifſeaux
& de Conry. Pendant ce
temps ceux de la Place , qui
eſtoient maiſtres du Fort de
S..Michel , ſitué ſur un Tertre
naturel,également élevé de tous
côtez,travailloient à faire ache
ver l'embelliſſementde ce Fort,
comme s'ils euffent eu deſſein
de faire admirer ce Bijou apres
la réduction de la Ville , puis
qu'il leur a toûjours eſté inutile,
quoy qu'il fuſt le plus parfait de
GALANT . 65
Eur
ace,
vaik
les
mi
ient
elles
Tem
he
aift
ce
qui
de
rtre
cous
he
ort,
ein
res
uis
ile,
de
leurs Ouvrages. Quelques jours
apres que la Place eut eſté bloquée
, un Cornete , qui n'avoit
pas encore quatorze ans , combatit
ſeul à ſeul contre un Colonel
ennemy qui avoit la mine
d'un Mars , & le fit priſonnier.
- Monfieur ne peut ouvrir la
Tranchée fi-toſt qu'il auroit
voulu. Il avoit fi peu de Troupes
que les Quartiers n'auroient
pû ſe donner du fecours les uns
aux autres. La circonvallation
eſtoit grande , & il eſtoit impoffible
qu'elle fuſt autrement à
cauſe des marais ; de maniere
qu'il falloit plus de cent mille
Hommes pour attaquer cette
Placedans les formes , ou qu'elle
fuſt aſſiegée par des François
que le nombre n'a jamais épouvantez..
Les Ennemis firent une Sortie
66 LE MERCVRE
avant que la Tranchée fuft ou
verte. Ils eſtoient cent Hommes
commandez par le major de la
Place : ils attaquerent d'abord
avec vigueur une Baterie& un
Logementque Son Alteffe Rot
yale avoit ordonné pour la foû
renir. Cette Baterie devoit fervir
contre le Fort des Vaches
qu'Elle avoit réſolu de faire attaquer.
Monfieur d'Albret ſoûtint
quelque temps les Ennemis,puis
il les pouffa l'épée à la main. II
cutunCheval tue ſous luy.Monfeur
le Chevalierde Souvray fit
merveilles en cette occafion.
Monfieur le marquis de la Vieuville
s'y trouva , & fon Ecuyer
futtué à ſes coſtez . Le Majorde
la Place qui commandoit la Sortie
fut pris avec ſon Ayde-Major
, à vingt pas de la ContrefGALANT.
67
ift o
mm
deh
abon
& m
Te Ro
la fou
Dit fer-
Jaches
ireat
ûrint
s,puis
ain. I
Monray
fit
afion
Vieu
cuyer
orde
Sor-
Marefcarpe.
Monfieur ayant receu le
2. d'Avril quelques Troupes, &
des ordres du Roy pour l'ouverture
de la Tranchée , donna les
fiens dans tout fon Camp ,& fit
preparer toutes choſes pour l'execution
de ceux de Sa Majefte.
LaNuit du 4au s
On ouvrit laTranchée.Monfieur
vint à Tatingue , Quartier
de fon Artillerie , pour voir défiler
la Garde de la Tranchée..
Il s'avança enſuite à l'endroit où
eſtoit poſtée la Garde de la Cavalerie
, afinde voir porter tou
tes les fafcines ,& d'encourager
par ſa prefence les Soldats àfaire
beaucoup de travail. Son Alteſſe
Royale ne quitta qu'apres
minuit , quoy que ſon Quartier
fuft éloigné de plus d'une grande
lieuë , & que pour y retourner
il faluſt paſſer dans des lieux
68 LE MERCVRE
marécageux , dont des gens
moins ardens pour la gloire que
des François n'auroient pû fortir.
Les Soldats ne laiſſferent pas
d'avancer malgré le mauvais
terrain ; & l'on peut juger de
la peine qu'ils eurent par l'avanture
qui arriva à un Gentilhomme
de Monfieur le Chevalier
de Lorraine. Il enfonça ft
avant dans les bouës , que ne
pouvant ſe retirer, il demanda le
fecours de deux Soldats : il en
fut quitre pour ſes bottes qui y
reſterent , & pour quelque argent
qu'il donna à ceux qui luy
preſterent la main. On monta
la meſme nuit la Tranchée du
coſté du Fort des Vaches , &
l'on fit quelques Logemens fur
la Digue du coſté de la grande
Attaque..
.
E
GALANT. 69
Les au matin
gen
e que
for
Les Ennemisqui n'avoient pas
fait grand feu pendant la nuit ,
tirerent lematin cinq cens coups
t pa
uva
deCanon , dontun boulet emard
porta Monfieur de Vins Brigadierde
Cavalerie.
avan
;
end
eva
ça f
ent
dak
il en
quiy
ar
iluy
onta
du
,&
fur
nde
Lanuit de 5 au 6
Les travaux ſe joignirent.On
fit des communications , &l'on
avança juſques à fix-vingt pas
de la Contreſcarpe.
Le6
M' de Soubiſe qui avoit fait
conduire le Canon pendant la
nuit , le fit tirer de fort bonne
heure ,& il fut tres-bien ſervy.
Monfieur de Sourdy fit auſſi travailler
àune Baterie. Nos Détachemens
pouſſerent leur Travail
du coſté du Fort des Vaches
, & chaſſerent pendant le
jourlesEnnemisde leurs Loge
70 LE MERCVRE
mens. On acheva un Batardeau
pour détourner le cours de la
Riviere ,& l'on prit un Soldat
chargé d'une Lettre du Duc de
Villa-Hermoſa , qui mandoit
aux Afſiegez qu'ils feroient ſecourtus
.
Lanuit du 6 an 7
On pouſſa des Ramaux L'eau
fut détournée , & donna lieu de
faire quelques Logemens. Une
nouvelle Baterie commença à
tirer.
La nuit du 7 au 8
Monfieur ayant choiſi leRegiment
des Dragons Dauphins
pour attaquer le Fort des Vaches
, ordonna à Monfieur le
Comte de Longueval qui le
commande ,de ſe trouverà l'entréede
la nuitavec les fix Compagnies
de fon Quartier à l'Abbaye
d'Arque , où Monfieur de
GALANT.
ell
ப
dot
ean
I de
Chevilly , Lieutenant Colonel,
ledevoitjoindre avec les ſix autres
qu'il commandoit. La Compagniedes
Grenadiers du Regiment
de Humieres estoit au
Rendez vous pourfaire ce qu'on
ordonneroit. Avant toutes choſes
M de Longueval fit deux
Détachemens de 60. Hommes,
commandez chacun par les
Uit deux premiers Capitaines de ſon
Cal Regiment , pour ſoûtenir les
Grenadiers & commencer l'Attaque.
Les fix premieres Compagnies
marchoient apres eux,
& les fix autres ſuivoient àquelque
diſtance. Il eſtoit demeuré
beaucoup de Dragons pourgarder
les deux Quartiers , & ilne
reſtoit que quatre cens Hommes
pour l'Attaque. Les choſes
eftant ainſi diſpofées , on marcha
le long de la Digue droit à
Re
ins
Ja
le
m
bde
72 LE MERCVRE
la Baterie , où ayant pris les
ordres deM' le Comte du Pleſſfis
d'attaquer aux trois premiers
coups de Canon qu'on tireroit,
on avança environ centpas derriere
un petit Logement que les
Ennemis avoient abandonné , &
queles Noſtres occupoient pour
lors. Le terrain pour aller jufqu'au
Fort eſt tres-difficile. Sur
la gauche , la Riviere eſt le long
de la Digue. Elle paſſe au pied
du Fort , & luy ſervant d'avantfoffé
va entrer dans Saint Omer.
Au delà de la Riviere il y a une
Campagne inondée juſques à
la Ville. Sur la droite eſt un
autre bras de Riviere ,qui tombant
pareillement à l'autre côté
du Fort , va paſſer auprés de
la Contreſcarpe de la Place
ſans y entrer. Le terrain qui
eſt au delà de cette Riviere
G
n'eſt
GALANT.
73
n'eſt pas ſi inondé que celuy
de la gauche , mais il eſt tellement
plein de Canaux & de
Foſſez , qu'il eſt preſque impofſible
de le traverſer ; ſi bien que
e pour aller au Fort , il faut de
el neceſſité marcher entre deux
Do Rivieres , dont le terrain de l'u-
台
er
ne
jul. ne à l'autre n'a pas vingt pas de
St front , aux endroits les plus larges.
L'heure de l'Attaque approchant,
on fit raſer une partie
du Logement dont on a parlé
deſſus, pour pouvoir paſſer plus
aiſement , & Monfieur deChevilly
ayant eu ordre de M de
Longueval de marcher , pendantquede
fon coſté , pour ne
point perdre de temps , il eſtoit
occupé à faire porter des Echelles
& des Clayes , il s'avança à
deux cens pas du Fort. Il fit
mettre alors tout fon monde fur
Tome IV.
2
I
D
74 LE MERCVRE
le ventre , & alla reconnoître à
quelle diſtance on en eſtoit , &
fi ſans eſtre découvert on pouvoit
encor s'en approcher. Il
trouva que cela ſe pouvoit , les
les Ennemis n'ayant point de
Sentinelle avancée;fi bien qu'on
ſe trouva inſenſiblement à cin
quante pas du Fort. Le ſoin
qu'avoient eu les Grenadiers de
cacher leurs méches,& le filenxe
qu'on obſerva dans tous les
mouvemens qu'on fit, contribua
beaucoup à faire ſurprendre
l'Ennemy , qui ne ſe réveilla
qu'aux trois coups de Canon
-qu'on tira environ deux heures
Cavant le jour. Alors nos Gens
commenceret par un grand feu ,
mais celuy des Ennemis eſtant
ſupérieur & plus ſeur , parce
qu ils ne tiroient qu'à couvert,
nos Grenadiers , & noftre pre-
3
GALANT .
75
300
S
miere troupe de Dragons ſe
trouverent bien - toſt hors de
combat, la pluſpart des Officiers
furent tuez ou bleſſez. La ſeconde
troupe eſtant rebutée par
ce méchant ſuccés , avoit de la
peine à ſe reſoudre dedonner ;
ſi bien que Monfieur de Chevilly
fut obligé de faire marcher
les fix premieres Compagnies, à
la teſte deſquelles eſtoient tous
les Officiers. Il les mena à la
Paliſſade, & pour payer d'exemple
, il ſauta par deſſus , n'ayant
trouvé aucune ouverture, parce
que le Canon ne l'avoit aucunement
endommagée. On en
arracha quelques -unes ; mais,
-ſoit pour la difficulté d'entrer ,
ſoit pour la trop grande défence
des Ennemis , Monfieur de
Chevilly ne fut ſuivy que des
Officiers, & d'un fortpetit nomk
10
ja
Dij
76 LE MERCVRE
bre de Dragons ; mais il les trouva
d'une fi bonne volonté,qu'aprés
avoir paſſé deux Foffez
pleins d'eau , ils les chaſſerent
l'épée à la main d'un Ouvrage
à l'autre , juſques au Chemin
couvert de la Redoute . Ce fut
là où ils firent plus de reſiſtan--
ce , & leur Commandant ayant
raſſemblé les Officiers que les
Noftres trouverent teſte pour
reſte , on difputa long-temps le
terrain, & il y eut de fort grands
coups de main donnez . M de
Chevilly fut bleffé dans ce moment.
Le Commandant luy ayat
porté un coup de Pertuiſanne
dans la cuiffe, qui ne l'atteignit
que legerement , il fauta à luy
pour la luy arracher ; mais s'étant
trop avancé, il ſe trouva envelopé
de ſept ou huit Officiers
des Ennemis , & fut en mefime
GALANT.
77
ما
temps bleſſe à l'épaule d'un
coup dont il tomba , & les Ennemis
ne ſe trouvant plus preffez
des noſtres , eurent le loifir
de ſe rerirer dans leur Redoute,
aparemment pour y faire leur
compofition : Mais cela
ſervit de rien; car Monfieur de
ne leur 00S
Longueval qui attaquoit le long
de la Digue avec les fix autres1771
Compagnies , & qui avoit toîtjours
chaſſe les Ennemis devant
luy avec beaucoup de vigueur,
& tué tout ce qui luy avoit fait
reſiſtance , ſe trouva à meſme
hauteur fur la Redoute. Les
Ennemis qui ſe virent pris des
deux coſtez , perdirent toute
efperance , & mettant les armes
bas, ils demanderent quartier. Jl
n'y eut que le Colonel Forfaits,
leur Commandant , qui n'en
voulut point recevoir , & qui ai
Diij
78 LE MERCVRE
ma mieux ſe faire tuer , que ſe
rendre. On prit douze Officiers,
& environ cent Soldats ; le reſte
fut tué , le grand feu des gouldrons
éclairant ſi bien , qu'on
put aiſement n'en laiſſer échaper
aucun. Ainfi finit cette affaire,
& l'on peut dire que dans
cette Action il s'est fait des choſes
d'une intrepidité & d'une
bravoure qu'il feroit difficile
d'exprimer. Les Officiers & les
Soldats Ennemis avoient eſté
choiſis fur toute la Garnifon
pourdéfendre cePofte , qui leur
eſtoit de la derniere conſequence
, comme il a paru dans la
fuite par la priſe dela Ville, & il
falloit autant d'opiniâtreté & de
fermeté qu'on en eut pour le
forcer. Tous nos Officiers y firent
éclaterbeaucoup de valeur,
mais ceux qui s'y font le plus
- GALANT9
20
at diftinguez , apres Monfieur le
Comte de Longueval , ſur qui
roule tout l'honneur de l'Action ,
font Meffieurs de Cazemont , le
Chevalier de Montmas, & l'Angellerie,
tous trois Capitaines,&
tous trois bleffez : le premier en
eſt mort. Monfieur le Roux Major
y a auffi tres-bien fait.
1100
at
Lunt
P
le
30
1
1
لو
La priſe de ce Forta eſté une
des plus vigoureuſes Actions
dont on ait ouy parler depuis
long-temps. Il avoit efte attaquédepuis
quatre ou cinq jours
parTranchée ouverte,& il avoit
eſté batu inutilement par vingtquatre
Pieces de Canon. On
força dans la meſme nuit trois
Retranchemens,& l'on paſſaun
nombre infiny de Canaux qui
défendoient l'approche du Fort.
Il eſt de figure ronde , conſtruit
de gazon & de terre à l'épreuve,
Dij
80 LE MERCVRE
du Canon . Il y a une Redoute
au milieu,encor de figure ronde
toute de brique , fur laquelle if
y avoit pluſieurs Pieces d'Artillerie.
Elle eſt plus élevée que le
Ye
Fort. Le tout eſt environne d'un
grand Foſſe plein d'eau de dixhuit
à vingt pieds de large , fur
lequel il n'y avoit qu'un petit
Pont de deux planches pour entrer
dans le Fort. On l'attaqua
partie à la nage ,& partie ſur les
deux planches. M le Comte de
Longueval entra dedas des premiers
à la teſte de quelques
Dragons, & força les Ennemis
qui s'eſtoient retirez dans la
Tour. Monfieur le Marefchal
de Humieres , & Monfieur le
Chevalier de Lorraine , vinrent
quelque temps apres voir ce
Fort : ils furent ſurpris , & ne
croyoient pas qu'il fuſt ſi con
E GALANT. 8г
QUE
ent
en-
רש
fiderable. Ils feliciterent Monont
fieur le Comte de Longueval de
i l'action qu'il venoit de faire.
Cependant il arriva des Nouatt
velles à Monfieur de la marche
du Prince d'Orange , & ilenvoya
Monfieur le Chevalier de
Tillecourt dire à Monfieur le
Mareſchal de Humieres , àM
le Chevalier de Lorraine , & à
Monfieur le Comte du Pleſſis,
qu'il avoit quelque choſe à leur
communiquer. Ces Meſſieurs
les vinrent trouver , & on fe
prepara pour la Bataille. Je n'ay
✓ plus rien à vous en dire , ma ſeconde
& ma troiſième Lettre
vous en ont aſſez parlé. Laiffons-
les donc aller au Combat,.
&juſques à leur retour parlons
d'autre choſeque de la Guerre.
Pendant qu'on preſſoit en
méme temps les Sieges deCam-
Dy
e
es
82 LE MERCVRE
bray & de Saint Omer , voicy
des Vers qui furent faits à la
gloire du Roy,& que je ne doute
pas que vous ne lifiez avec
plaiſir. Je ſuis fâché de n'en connoître
pas l'Autheur pour vous
le nommer. Il luy ſeratoûjours
avantageux d'avoüer un Ouvrage
de la force de celuy-c.y.
Il feint que Pallas preſente
Monſeigneur le Dauphin aux
Muſes,& qu'elle leur parle ainfi
fur le Parnaſſe..
STANCES.
Ons les deux Noms que l'on me
Sordonne
Je joins aux dons deMarsvos aimablespreſens
;
Ie preſide aux Héros , je preſide aux
Sçavans,
Et ma main tourà tourde Lauriersles
Couronne ;
GALANT. 83
ONC
doo
ava
COL
YOU
O
-
201
in
H
L'ay fait du Grand Loüis le plus
grand des Guerriers ,
I'ay remplypour vos Arts ce Princede
lumiere ;
Mais il faut que le Fils chercheicy
desLauriers.
L'ay cüeillytous les mienspour le Pere.
ron
LYOR
DesActionsſiſurprenantes ,
Obligent la Victoire à me les arracher;
Apeine pour ce Roy j'ay le temps d'en
chercher,
Qu'ils me sont enbevez parses mains
triomphantes ;
Son bras fait des Exploits qu'on n'eust
ofé penfer ,
Quand mesme ils font publics ,àpeine
ilsfont croyables ;
Et ces Murs qu'en huit jours nous l'avons
venforcer
Avant que d'estre pris estoient crus imprenables.
Mais c'est encor peu pour sa gloire,
Ce Cambray si fameux qu'il réduit aux
abois
84 LE MERCVRE
Auroit en moins de temps déjareçenfes
Loix ,
Sil vouloit à demy remporter la vi-
Etoire.
Saint Omer le va füivre , & mon plus
grand employ ,
C'estde renir toûjours plusieurs Couron
nesprestes ,
Ayez donc ſoin du Prince ,& j'auray,
Soindu Roy ,
Travaillez pour l'Etude , & moy pour
lesConquestes.
Mais quoy ! vous marquez de la
crainte
Depuis qu'un si beau Prince est dans
vostre sejour ;
Muſes , vous leprenezpeut-estre pour
l'Amour
2..
Et vuſtre liberté redoute quelque atteinte
?
Non, non , défaites- vous de cette inju-
Stepeur:
Quoy qu'il ait de l'Amour les traits
le visage ,
Illustre Montanfier estantfon Gou
verneur
GALANT. 85
Quand il feroit l'Amour ,auroit fait
l'Amour ſage ,
Mais vostre erreur est fans égale,
Si de ce Dien volage il a les agrémens,
Son ame a des attraits mille foisplus
charmans
Que ceux,que vous voyez que son via
Sage étale ...
Elle estgrande,elle est belle ; &dans
fonjeune coeur
Naiſſent des sentimens d'un ſi beau Caractere
2.
Qu'eny reconnoiffant l'esprit du Gouverneur
On y remarque auſſi la Maiesté du
Pere..
Tous vos Emploisfontſesdelices,
Son esprity penetre avec facilité,
Et dans sa Cour sçavante on voit àfon
costé
Ceuxquifont les premiers danstous vος -
exercices;
H. vous rend bien l'éclat qu'ilreçoitde
vosArts i
86 LE MERCVRE
Donnez-luy donc au moins fon rang
Surle Parnaffe :
Vous avez élevé le plus grands des
Cefars,
Ce Prince avec raiſon doit occuper leur
place.
J'adjoûteray à ces Stancesune
Lettre écrite à Madame la marquiſe
de Louvois par Monfieur
Galand, Secretaire du Cabinet.
Vous la trouverez d'une nouveauté
finguliere. Elle eſt toute
endifferens Couplets de Chanfon
, fur les Airs les plus connus.
Madame de Louvois eſtoit allée
paſſer quelques jours à la Campagne
,& Monfieur Galand, qui
nele cede à perſonne en délicateſſed'eſprit
, euſt eu peine à luy
marquer plus agreablement le
chagrin qu'il avoit de fon abfen
ce. La Lettre eſt en partie ſur les
grandes Actions duRoy, & c'eſt
GALANT. 87
Mar
eu
net
12
pour cela que j'ay crû ladevoir
placer icy.
LETTRE
EN CHANSONS ,
Sur le Chant de Lancelot Turpin.
Lore dans nos Champs
FEstenfin defcendun
Les Oyseaux par leurs chants
Annoncent sa venuë ;
Maisquefertle Printemps s
Quand onvous a perduë ;
Surle Chant de Réveillez-vous
Belle endormie.
DuZephir l'adouce influence
Change en vain nos bois &nos Prez ,
Nousneſentironssapresence,
Quedu jourque vous reviendrez.
Sur l'Air duTraquenart.
Madame, quefaites- vous ,
Devous éloigner de nous ?
88 LE MERCVRE
Demapropremain ,
Siie croyois mon courage,
Dema propre main
Ieme perçerois le ſein.
Sur l'Air de laBordeaux.
Aqui connoîtvostre beauté charmantes
Comme nousfaiſons tous,
Touteſaiſon est aimable &riante.
Quiſepaſſe avec vous ,
Nul temps n'est doux
Quandvous estes abfente ,
Et c'estparlemesme efprit
Que l'heureux Coulange rit ,
Et Galand lamente.
Sur le Chant de l'Echelle du Temple
Ienehaypoint les Espagnols ,
Tant que Coulange& que Bagnols.
Ils ont eux-feuls tout l'avantage ,
Tous les plaifirs , & tout l'honneur
Et ne nous laiſſent en partage ,
Que d'enragerde leur bon-beur.
Surle Chantde Landerirette.
Mais à quoy bon tant de douleurs
2
GALANT. 89
ر
Nos cris ,nosfoùpirs &nos pleurs ,
Landerirette ,
Ne vous ramenent pas icy ,
Landeriry.
Surl' Air de Fichuë eft toute preste.
Atous les gens de bon gouft ,
L'ay toûjours oùy dire
Que quand l'adreffe est à bout ,
Ilfaut benir Dieu de tout ,
Et rire,&rire ,& rire.
Sur le Chant de l' Année est bonne
Mais venons à noftre Grand Roy,
Aluy voirtout remplird'effroy ,
Iln'estbon François qui n'entonne
L'Année est bonne.
Sur leChant de Puiſſant Roy.
Iln'estpas permis de s'affliger ,
Sons ſes Loix Loüis va tout ranger.
Celebrons les Miracles étranges,
Qu'ontfait pour nous ſon esprit & son
1 coeur:
Al'envy prodiguons nos loüanges,
C'est le ſenl bien qui flate le Vainqueur
90 LE MERCVRE
Sur l'Air Beuvons ànous quatre.
Maisquoy qu'on l'adore ,
Onadu dépit
Devoir qu'au bout du Recit
Il en reste encore
Plus qu'on n'en a dit.
هيل
Sur l'Air de Frere Frapart.
Nous ceſſferons enfin d'entendre
Comparer au plus grand des Rois ,
Achille,Cefar,Alexandre ...
Et tous les Héros d'autrefois :
Quel que soit l'éclat qu'on leur donne,
Cequ'est Loüis nul n'a jamais esté.
Iln'imitajamaispersonne ,
Etnefera point imité.
Sur le Chant du Poulallierde
Pontoise.
Quelque éloge ,qu'il nous coûte
Ayons-en toûjours pour luy
A cent ans , comme aujourd'huy
Puiſſe-t-il estrefans goute;
Qu'àses pieds il ait cent Rois ,
Qu'à la Chineon le redoute;
GALANT.
91
h
Et pour tout dire àlafois ,
Qu'il ait encorfon Louvois.
Sur l'Air des Sauts de Bordeaux.
Dans le meſime Sacrifice
On Loürs est adoré ,
Son Ministre avec justice
Se voit aufsi reveré :
Toute médiſance créve ,
L'envieux tombe en defaut
Lors que la Vertu s'éleve
Iusqu'an degré leplus haut.
Sur le Chant de Vous avez trois
Filles.
Cettegrande Brune ,
Dont il est Mary ,
N'est pas lamoindrefortune
DeceſageFavory.
Sur le Chant des Feüillantines..
Finiſſons , car du Mestier
Delower ,
Ilnefautpasse joüer ;
Detout ce que l'on révere
Ilfait bon ,
Ilfaitbonneparler guere
!
92 LE MERCVRE
Surl'Air de *****
Croyezdonc que l'Autheur
Tres-fatigué d'écrire;
Croyez donc que l'Autheur
Eft voſtre Serviteur.
Iefuisfans ceremonie
Le tres-fidele Valet
De la noble Compagnie ,
Qui n'aura que ce Couplet.
Retournons à Saint Omer
nous n'y demeurerons gueres :
ce n'est pasl'ordinaire des François
d'eſtre long- temps devant
une Place. La nuit que Monfieur
partit de Blandec , on abandonna
l'attaque de Tatingue , &
l'on en tira tout le Canon , que
l'on conduifit à Arques. On ſe
contenta de garnir la tranchée
des Vaches , ſous le commandement
de Mr de la Trouffe &
deMonfieur Stoupp . Mª de Tracy
les y vint joindre ,aprés avoir
GALANT.
93
f
-
mené neuf Bataillons à mon
ſieur. Le Gouverneur de Saint
Omer n'eut pas plutôt appris
que l'on étoit aux mains , qu'il
fit tirer tout ſon Canon ,& voulut
perfuader au Peuple que le
Prince d'Orange avoit gagné la
Bataille. On en fit autant dans
noſtre Camp , pour la Victoire
que Son Alteſſe Royale avoit
remportée. Apres la défaite des
Ennemis , Monfieur demeura
huitjours dans ſon même Poſte,
pour empeſcher que le Prince
d'Orange ne jettât quelques
Troupes dans Saint Omer du
débris de fon Armée , & pour
faire ſubſiſter ſa Cavalerie , qui
trouvoit du fourage au delà du
Canal. Pendant ce temps , Son
Alteſſe Royale envoyoit tous les
jours quatre Bataillons monter
laGardede la Tranchée à l'atta
94 LE MERCVRE
que du Fort des Vaches , & fit
faire une Baterie de vingt pieces
, qui ne tira que fix jours
apres, àcauſe du mauvais temps,
& de la difficulté qu'il y avoit à
mener le Canon. Il falut que la
Cavalerie portât des faſcines
pendant deux jours , & l'on fut
obligé de ſe ſervir des Suiſſes
pour mettre les vingt Pieces en
batterie. Reprenons l'ordre que
nous avons interrompu. Si l'on
n'a pas pouſſé le Travail pendant
quelque nuits , on a gagné
une Bataille , & preparé toutes
les chofes que je vous viens de
marquer.
Lanuit du 15 au 16
On pouſſa la Tranché à la
gauche , on approcha de l'Avant
foffé à la Contrecarpe , on
fit un Logement ſur la Digue,
&une communication à une auGALANT.
95
tre; on mit encore quatorze Pieces
de Canon en baterie .
La nuit du 16 au 17
On étendit les Logemens .
Le 17 3
On travailla à une Baterie de
vingt Mortiers. Mª de la Motte,
Mareſchal de Camp , reçeut un
coup deMouſquet à la teſte.
La nuit du 17 au 18
Quelques Ingenieurs ayant
affure que nous n'eſtions pas à
cinquante pas de la Contreſcarpe
,&qu'il eſtoit tres-facile de
paſſer l'avant-foſſé , on refolut
de l'attaquer : on leur donna
-pourcela autant de Travailleurs
-&Grenadiers qu'ils en demanderent.
Monfieur de la Cardonniere
, Lieutenant General ,
commandoit la gauche ; Monſieur
Stoupp la droite ; & Monfieur
de Villechauve , Brigadier,
10
96 LE MERCVRE
le corps du milieu. L'impatience
où Monfieur eſtoit de ſçavoir ce
qui ſe paſſoit , luy fit envoyer
Mrs d'Afpremont , d'Obſon ,
de Tillecourt , & de la Cauviniere
, pour en avoirdes nouvelles
de moment en moment. Le
Signal donné , les Grenadiers de
lagauche commandez par Monſieur
le Marquis de la Freſeliere
, s'avancerent à découvert, ils
marcherent bien deux cens pas,
efſfuyant tout le feu de la Contreſcarpe
, du Chemin couvert,
de la Demy-lune & du Rampart;
ils ne laifferent pas d'approcherdes
paliſſade.Quelquesunsméme
montrerent tantd'intrépidité
, qu'il s'abandonnerent
dans la Contreſcarpe ; mais il
fallut ſe contenter de faire un
Logement àquinze pas du bord
de l'avant-foſſe. Monfieur le
Marquis
GALANT .
97
UP
1
Marquis de la Freſeliere y regeutun
coup de Mouſquet dans
le ventre , dont il mourut le lendemain.
Monfieur de la Freſeliere
fon Pere prit la place , & fe
mit à la teſte de ſon Regiment,
pour ſoûtenir les Travailleurs.
Cette Action fut d'autant plus
admirée , que l'eſtat où eſtoit
fon Fils , & fa Charge de Lieutenant
General de l'Artillerie,
pouvoient l'empêcher de s'expoſer
de la forte. Monfieur de
Villechauve fut bleſſé au genoüil,
en faiſant auſſi faire fon
Logement. Monfieur aprenant
ce qui s'eſtoit fait dit, Qu'il ne
s'estoit point trompé , & qu il avoit
bien crû que c'estoit tout ce qu'on
pourroitfaire.
La nuit du 18 au 19
On s'étendit par des Sapes
ſur l'avant-Foffé , on fitunéta-
Tome IV. E
98 LEMERCVRE
bliſſement d'environ cinquante
pas ,& l'on commença à jetter
des fafcines pour combler l'avant-
Foffé. Les Ennemis abandonnerent
de Faux-bourg du
Haut-Pont , Monfieur Phifer,
Brigadier , ſe jetta dedans.
Lamait du 19 au 20
On continua le meſme Travail
pour embraffer l'avantfoffe.
Le 20
Les Ennemis voyant que
Monfieur eſtoit revenu depuis
quelque temps à fon Quartier
deBlandec ,& que ſes Troupes
eftoient toutes fur la hauteur
d'Arques , battirent la chamade
fur les fix heures du foir. On
donna des Oftages de part &
d'autre ,& Monfieur envoya les
Articles auRoy par Mile Chevalier
de Nantoüillet ود fon
#
1803
GALANT.
99
T
Chambellan ordinaire. Sa Ma
jeſté nedes voulut point voir , &
dit , Que fon Alteſſe avoit trop
biencommencé , pour ne pas ache
ver de mesme. Monfieur accorda
aux Afſiegez de ſortir avec armes
& bagage , & deux Pieces
de Canon. Ils fortirent deux
mille Hommes de pied , & plus
de cinq cens Chevaux. Son Alreſſe
Royale entra dans la Ville,
&fit chanter le Te Deum. Elle
fit enfuite le tour des Ramparts,
&alla voir toute l'Innondation,
& les Marais qui ſont du coſté
du Haut Pont.
Toute la Maiſon de Monfieur
n'a pas ſervy avec moins
d'ardeur, tantqu'a duréle Siege,
qu'elle a fait lejour de la Bataille.
Ceux mefmes dont l'employ
n'eſtoit point de tirer l'épée ,firent
voir qu'ils ſçavoient s'en
Eij
100 LE MERCVRE
ſervir dans les occafions. Monſieur
de Mannevilette , Secre
caire des Commandemens de
Son Alteſſe Royale , dont j'ay
oublié à vous parler , fut de ce
nombre. Il prit la place deMonſieur
le Chevalier de Sylli , A yde
de Camp de Monfieur, qui fut
tuédés le commencementde la
Bataille , & s'acquita de cet Employ
tant que dura le Combat,
de meſme que s'il n'euſt fait autre
choſe toute ſa vie. Je dois
vous dire encore,que celuy dont
je vous ay parlé ſous le nom du
Chevalier Tillet , dont le Cheval
fut bleſſé aupres de Son Alteſſe
Royale , eſt Monfieur le
Chevalier de Tillecourt .
Quoy que je vous aye déja
entretenu des Ifles flotantes , je
ne puis m'empeſcher de vous dire
encore une choſe tres-partii
GALANT. 10F
e
a
白
culiere& tres- curieuſe touchat
ces Iſles -là. Il y a environ une
centaine d'Habitans qui les font
mouvoir , & qui avecla permiffion
des Souverains de S.Omer,
compoſent entr'eux une efpece
de petite Republique. Ils ont
leurs Loix , & pour perpetuel
leur race fans fortir de leurs Jfles,
tous les Coufins peuvent épouſer
leurs Coufines. Le Roy confirma
leurs Privileges , & leur
donna une ſomme confiderable.
Mais , Madame , il eſt temps
que je vous ramene de S. Omer
à Paris, où je croy, que vous ne
ſerez pas fachée d'accompagner
Madame la Ducheſſe au CollegeClermont.
Leurs Alteſſes Sereniffimes
Monfieur le Prince&
Monfieur le Duc , qui ont bien.
voulu confier le jeune Duc de
Bourbon aux Peres de ce Col-
E iij
102 LE MERCVRE
lege , pour y faire ſes Eſtudes,
l'y avoient amené depuis fix
mois , & Madame la Ducheffe
fut bien aiſe il y a quelque
temps de leur venir témoigner
elle meſme , qu'elle ſe tenoit
obligéede leurs foins. Pluſieurs
Dames de la premiere Qualité
eftoient avec elle ; & les Jefuires,
qui ſcavent toûjours bien
faire les choses , répondirent à
T'honneur qu'elle leur faifoit par
tous ceux qui font deus à une
Perfonne de ſon rang. Ils ne ſe
contenterent pas de luy marquer
eux-mefines combien ils
eftimoient la grace qu'il luy plaifoit
de leur faire. Ils choiſirent
deuxde leurs plus confiderables
Penſionnaires , qui ſuivis de
quantité d'autres des plus illuftres
Maiſons de France, buy vinrent
faire compliment,& ſe ſer-
41
GALAN Τ . 103
pl
virent pour cela des Vers que je
vous envoye. Monfieur le Prince
de Tingry commença par
ceux -cy , & vous ne ſçauriez
croire, Madame , avec combien
degrace il les prononça . C'eſt
le Fils aîné de Monfieur de Luxembourg
, & fon nom ſuffit
pour vous faire concevoir à
quels importans Emplois il eſt
un jour deſtiné par ſa naiſſance.
Il a tout à fait de l'eſprit, auffibien
que M le Marquis de la
Chaſtre , qui fut choiſi comme
luy pour cetEmploy, & ils marquent
l'un & l'autre , je ne ſçay
quoy de grand, qui répondparfaitement
à ce qu'ils font nez .
:
Eux Princes , deux Héros , fa-
D meux également,
Nous ont depuis fix mois fait un hanneursemblable
Aceluy que de vous , Princeſſe incom
parable,
E iiij
104 LE MERCVRE
Nous recevons preſentement.
C'est un honneur pour nous trop remarquable
,
Pour nepas en ſçavoir le temps precifement
:
Mais il n'est pas de fort grande im
portance
De vous dire les Noms de cesHéros
fameux
Iln'est point de Héros en France,
Plus grans &plus illustres qu'eux..
En mille autres Pars on les connoit tous
deux,
On les connoit en Flandre , en Alle
magne;
Etmesme dans toute IEspagne
On trouve peu de Noms plusfameux
queleleur.
On doit l'avoir appris en plus d'une
Campagne,
Car onſçait toûjours bien le Nom de
Son Vainqueur.
Il n'en faut point de marques plus
certaines ,
Je dis affez leurNom ne diſant que cela,
Et desHéros comme ceux-là
Nese trouventpas par douzaines.
:
GALANT.
πος
L'accourus pour les voir , &j'y ferois
venu
De laplus lointaine Province.
Ilsavoiei aveceux un joly petit Prince,
Qui vous est aussifort connu.
Déia dans toute sa maniere
Ilfait d'un vray Héros paroiſtre l'ame
fiere:
Il a lesyeux brillans , pleins de fen
pleinsd'efprit,
Etc'est le Portrait en petit
Deſon Ayeul& defon Pere.
Ce n'est pas tout que la fiertés
Iereconnus d'abord en voyantfa beauté,
Qu'il pouvoit bien auſſi reffembler àfa
Mere.
Auffi-tôt pour tout Compliment
On recita des Vers de chaque espece :
Vous meritez , grande Princeffe,
Qu'on enfaſſe pour vous autant.
Mais noussommes des Gens étrages,
Nousvoyons peu de Princeſſes chez
nous
Et le College enfin n'apprend point de
Jouanges
Pour dire aux Dames , comme vous.
I nousferoit moins difficile
E
2
106 LE MERCVRE
ploits,
De lover de Condé la force &les Ex-
Nous sommes icy plus de mille ,
Preſts à dire pour luy tous les Vers que
Virgile
Pour de moindres Héros compoſoit autrefois.
Mais je ne pense pas que Virgile , он
quelque autre
Des mieux diſans dans l'Empire
Latin,
Ait iamais fait un Eloge affez fin,
Pour en pouvoirtirer le modele du vôtre.
Ainfi Scachant , comme iefais,
Qur le mieux quelquefois pour ſe tirer
d'affaire,
C'estd'admirer&dese taire.
Princeffe j'admire&me tais.
Apres queMonfieur le Prince
de Tingry eut fait ce Compliment
à Madame la Ducheffe,
M' le Marquis de la Chaſtre luy
fit le ſien par les Vers qui fuivent,
&& regeut beaucoup de
loüanges de la maniere dont il
GALANT.
107
#
4
A
1
:
les recita. Il eſt l'Aîné de la
Maiſon de la Chaftre , & petitfils
de Monfieur le Comte de la
Chaftre , Colonel General des
Suiffes.
7816
Vand le merite eftveritable,
Qon ne peus is defavoritab
*
Et l'on fçait toûjours bien loner
Ce qu'on trouve toûjours louable.
Ainsi moins nous fommes verfez
Dans l'Art qüe la Cour autorife ,
Dans cetArtflateur qui déguise
Tous les defauts qu'on a pensez,
Plus , Princeſſe , pour vous nous avons
d'éloquence :
Quandon peut dire ce qu'on penfes
Onpeut toûjours en dire affez.
Ce n'est doncpoint en ces lieux , que les
Dames
Doivent attendre les douceurs,
Ettous les Elogesflateurs ,
Qui plaisent tant à la pluspart des
Femmes.
Nous aimons trop laverité,
3
Pour bien sçavoir &Are des fleurettes ,
D
Evj
108 LE MERCVRE
Nous ne traitonspoint de parfaites
Celles de qui lavanité
Met leurmerite en leurfeule beauté..
Nous cherchons la vertu , l'esprit &le
comage; ג
Et pour avoir desloñanges de nous
Princeſſe , il faut avoir leſolide avantage
Desgrandes Qualitez que l'on admire
envom.
C'est en vain que parmodestie
Vous en cachez unepartie ,
La Renommée enparle , &malgré less
Emplois
Que devos deux Héros elle reçoit fans
ceffe ,
Quand l'infatigable Deeffe
Et du Prince & du Duc aconté les
Exploits
Elle trouve encor de la voix hdng
Pour nous parlerde la Ducheffe.
Ilnefaut doncpoint employer
LesLongs Preceptes de Science
Pour foutenir les esperances
Que vans donne aujourd'huy vôsre. Illu
AreEcolier.
GALANT.
109
C
14
1
-
Prince luy dira- t-on,imilezvotre Pere
Et vôtre Ayeul, &vôtre Mere ,
Toûjours de leurs Vertus regardez la
Portrait.
: Voilà, Prince,comme ilfautfaire
Pourse rendre un Princeparfait.
On m'a dit que le Pere de
Villiers eſtoit l'Autheur de ces
Vers ; je n'ay pas de peine à le
croire car ils font tres- agreablement
tournez , & nous avons
veu quelques Pieces de luy qui
font affez du caractere de celle-
су.
"
Deux mots, s'il vous plaiſt,
fur une Avanture de l'Opéra:
car comme vous ſçavez ,Madame
, l'Opéra est fort propre à
faire naiſtre des Avantures , &
depuis que les troiſiémes Loges
qu'on a retranchées à la livrée,
s'occupent fans honte par des
perſonnes de Qualité , la renLE
MERCVRE
tcontre des Brancards de Scaron
eſt moins divertiſſante que celles
qu'ony fait tous les jours.
Une Marquiſe du plus haut
rang ( il en eft de toutes les ſortes
) mariée depuis fix ans à un
des Principaux Officiers d'un
fortgrandPrince , auroit d'affez
méchantes heures à paffer par
les frequens ſujets qu'il luy donne
de jalousie , fi elle n'avoit la
prudence d'accommoder fon
coeur à la neceffité de ſa fortune.
Ce n'eſt pas qu'il n'
dreffe
'ait de laten-
& une confideration
toute particuliere pour elle ,
mais il ſe laiffe entraîner à un
penchant coquetqu'il ne ſcauroit'vaincre
,& quoy qu'il ne
foit pas fort jeune , il est tellement
ne avec la Galanterie ,
qu'il n'a pu s'en défaire par le
Sacrement. Il fautqu'ilvoye les
GALANT. III
Belles. H les régale , les mene à
la Comédie & à l'Opéra , leur
donne des rétes ; & la fage маг-
quife , qui ſçait combien l'éclat
eſtdangereux avec un mary fur
ces fortes de commerces , na
point trouvé de meilleur party à
prendre que celuy dien plaifanı
ter ,&de ſe divertir de ſes Rivales,
quand elle en peutdécouvrir
l'intrigue. Le Marquis , qui
commence déja à grifonner , a
fait habitude depuis peu avec
tune aimable Bretonne , qui eft
venue icy poursuivreun Procés
avec ſonMary. La Belle est une
de ces Femmes qui ne veulent
point eſtre aimées à petit bruit,
qui trouvent de la gloire dans le
fracas , & qui aiment mieux entendre
dire un peu de mal d'el
les ,que de n'en point faire parler.
Elle n'est pas la ſeulede ce
W
112 LE MERCVRE
caractere , & nous en voyons .
tous les jours quiſe mettent peu
en peine du Qu'en dira-t-on
pourveu qu'elles ſe puiſſent juſtifier
àelles-même du coſté de
leur vertu. Les apparences ſont
contre elles tant qu'il vous plaina,
l'innocencede leurs intrigues
eſt un témoignage qui les fatisfait
,& n'ayant riende honteux
à fe reprocher , elles pretendent
que c'eſt une folie de s'aſſujet
tir à vivre ſelon le caprice des
Sots , qui fans vouloir penetrer
les chofes, ne conſultent que
leur malignité dans le jugement
qu'ils en font. Voilà l'humeur
de labelleBretonne. Le faſteluy
plaift , & elle ne haït pas les
Connoiſſances d'éclat on a beau
en médire , il ſuffit qu'elle foir
contente d'elle-meſme , pour ne
pas renoncer aux plaiſirs qu'elle
GALANT.
113
5
J
s'en fait. Vne Viſite du grand
air la rejoüit ; & comme le Marquis
fait affez bonne figure à la
Cour , elle s'accommoderoit
fortdes fiennes , fi enles faiſant
trop longues , il ne rompoit pas
les meſures qu'elle prend pour
ménager trois ou quatre Proteſtans
dont elle aime à ſe divertir.
Elle en a un Conſeiller , un
autre de profeffion de Bel Efprit
( car il luy faut de tout )& elle
trouve moyen de rendre leurs
pretentions comptables avec les
foins d'un Etranger,dontla finace
& l'équipage luy font quelquefois
d'un fortgrand fecours.
Le Mary n'y trouve rien àdire.Il
aun Procés ,qui luy tient plus an
coeur que ſa Femme. Les fortes
Sollicitations font des abondan -
ces de Droit , qui ne ſe doivent
jamais negliger ; & de quelque
114 LE MERCVRE
maniere que ce puiſſe eſtre ,
quand on a des lugesà faire voir,
il est bon de ſe faire des Amis.
Le Marquis n'eut pas veu trois
fois la Belle Bretonne , que la
Marquiſe ſa femme en fut avertie.
Elle voulut voir fi elle eſtoir
digne des affiduitez de fonMary,
ſe la fit montrer à l'Eglife , luy
trouva de la Beauté ,& jugeant
par les agrémens de ſa perſonne
que l'attachement du Marquis
pourroit avoir de la fuite,elle ne
fongea plus qu'à sinformer à
fondde l'efprit & de la conduite
de fa nouvelle Rivale . Elle
'n'eut pas de peine à découvrir
ſes habitudes. On luy nommma
fur tout l'Etranger,qui luy eſtoit
déja connu par la grande dépenfe
, qu'on luy voyoit faire.
Cet éclairciſſement ne luy fuffit
pas. Elle pratiqua des Eſpions,
14
-
GALANT. τις
qui la ſervirent fi fidellement,
qu'il ne ſe paſſoit plus rien chez
la belle Bretonne,dont elle n'eût
auſſi-tôt avis. Elle ſcavoit toutes
les Viſites que luy rendoit
fon Mary, les heures qu'elle ménageoit
pour le Confeiller,& les
teſte-à-teſte que l'Etranger en
obtenoit. Sur ces lumieres elle
mouroitd'enviede trouver cette
Rivale en lieu où feignant de ne
la point connoiſtre , elle puſt
luy rendre une partie du chagrin
qu'elle luy cauſoit. L'occafion
s'en offrit parune rencontre
fort inopinée. La Marquiſe
ſçavoit que fon Mary avoit retenu
la Loge du Roy à l'Opéra ,
quand ſes Efpions luy viennent
dire que la belle Bretonne y alloit
auſſi , ſans qu'ils euſſent pû
découvrir avec qui . La Loge
loüée par le Marquis ne luyper
116 LE MERCURE
met point de douter que ce ne
foit elle qu'il y mene. Elle veut
eſtre témoin de ſes manieres
avec elle pendant ce Divertiſſe -
ment. La choſe ne luy eſt pas
difficile. Elle prend un habit negligé
;& avec une ſeule ſuivante
, elle fe fait ouvrir les troiſiemes
Loges , oppoſées àcelle ou
devoit eſtre ſon Mary.. Elle y
trouve un Laquais qui gardoit
desPlaces , reconnoiſt ſa livrée;
& s'imaginant qu'il y avoit de
l'Avanture,parce que la précaution
de les faire retenir au troifiéme
rang,eſtoit une marque de
Rédez-vous,elle prend les fiennes
ſur le méme Banc,& obferve
avec grand foin ceux qui vien
nent un moment apres occuper
les autres. C'eſtoit l'Etranger
avec une Dame , qui ayant ofté
deux ou trois fois ſon Loup,tant
GALAN T. 117
E
1
a cauſe de l'obſcurité du lieu ,
que dans la penſée qu'elle eût
que rien ne luy devoit eſtre ſuſpect
aux troiſiemes Loges , fit
connoiſtre à la Marquiſe.qu'elle
avoit auprés d'elle cette meſme
Bretonne , pour quielle croyoit
que ſon Mary eût fait garder la
Loge du Roy. L'occaſion eſtoit
trop favorable pour n'en pas
profiter. La Marquiſe demeure
maſquée, les laifle joüir quelque
moment du teſte- à-teſte , &fe
metenfin adroitemet de la converſation
fur des matieres indifferentes.
On commence d'allumer
les chandelles , on ouvre
la Loge du Roy , le Marquis y
entre avec des Dames qu'il fait
placer ; & l'Etranger l'ayant
nommé d'abord , & adjoûte
qu'il falloit qu'il fuſt toûjours
avec les Belles , la Marquiſe
118 LE MERCVRE .
prend la parole , & dit qu'il y .
auroit dequoy faire un Volume
de ſes differentes intrigues d'Amour,
fi on les ſçavoit auſſi particulierement
qu'elle. En mefme
temps elle commence l'Hiſtoire
de deux ou trois Femmes
, que la belle Bretonne n'étoit
pas fâchée d'écouter , s'imaginant
qu'elle ne viendroit
pasjuſqu'à elle,ou que du moins
elle ne parleroit que de quelques
Viſites , qui ne devoient
pas avoir fait grand bruit dans
le monde. Cependant la Marquiſe
qui avoit ſon but , la voyant
rire de quelque Avanture
de fon Mary : ce qu'il y a de
plaifant , pourſuit-elle , c'eſt que
le bon Marquis , qui donne à
tout,a quité la Cour pour la Province
; c'eſt à dire qu'il fait prefentemet
ſon quartier chez MaGALANT.
: 419
10
16
dame de ***. C'eſt une Bretonne
qui a des Amans de toute
eſpece , qui les ménage tous àla
fois , & qui entr'autres fait fa
Dupe d'un Etranger , qu'on
tient d'ailleurs honneſte Hom
me , & qui merireroit biende ne
pas mettre , comme il fait , ſa
tendreſſe à fonds perdu avec
une Belle , qui en aimant d'autres
queluy , ne le confidereque
pourla dépenſe qu'il faitauprés
d'elle. La Bretonne deſeſperée
de ce commencement interrompt
la marquiſe , & tâche à
tourner le diſcours ſur l'Opéra.
Mais elle a beau faire, l'Etranger
qui eſt bien-aiſe de s'éclaircirde
cequile regarde , la prie de continuer
, & malgré les interruptions
de ſa Rivale , la marquiſe
informée de toute ſa conduite
par ſes Eſpions , n'oublie rien
د
420 LE MERCVRE
dece quiluy eſt arrivé. L'Etran
gerconnoît par là que quand elle
a quelquefois refusé de pafſer
l'apreſdînée avec luy , c'eſt
parce qu'elle l'avoit déja promiſe
àun autre,& qu'elle ne luy eſt
venuë parler depuis huit jours
dans ſon Anti-chambre, d'où elle
avoit grand haſte de le congedier
, que pour l'empeſcher de
voir qu'elle dînoit teſte-à- teſte
avec le marquis en l'abſence de
ſon Mary. Toutes ces particularitez
mettent la Bretonne dans
la derniere ſurpriſe , elle croit
que le lieu où ils font , donne
l'eſprit de Prophetie ou de Revelation
; & l'Opéra commençant
, elle feint de l'écouter ,
mais apparemment elle n'eſtoit
pas fort en eftat de juger de la
bonté de la muſique. La Marquiſe
fort contente du rôle qu'-
elle
i 2 GALANT.
3
-
elle avoit joué , s'échapa avant
la fin du cinquiéme Acte. Il eſt
à croire que l'Etranger,qui étoit
demeuré fort réveur depuis l'ine
ſtruction qu'il avoit reçeu,dit de
bonnes choſes à la Bretonne
aprés le départ de la marquiſe.
On a ſçeu depuis, qu'ils avoient
rompu enſemble , & voila com--
me quelquefois un Rendezvous
de teſte à teſte produn des
effets tous contraires à ce qu'on
s'en promet.
Le Roy en partant de Cambray
pour Dunkerque , nomma
Mr le Duc de Créqui Ambaſſadeur
Extraordinaire auprés de
Sa Majeſte Britannique , laquelle
en meſme temps fit choix de
Monfieur le Comte de Sunderland,
pour venir en France avec
la meſme qualité. De ſemblables
Ceremonies ſe pratiquent
Tome IV. F
122 LE MERCVRE
ordinairement entre les Roys,
lors qu'ils viſitent leurs Frontieres
, & qu'ils approchent de
celles de leurs Voiſins.Vous ſcavez,
Madame de quelle maniere
M.le Ducde Crequi ſoûtient de
pareils Emplois . il a de l'eſprit,
de la prudence , & un air de
grandeur quin'eſt meſlé quede
la fierté neceſſaire aux Perfonnes
de fa Naiſſance, Monfieur
le Comte de Sunderland eſt
jeune encor , mais il entend
tres-bien les Affaires ; & ceux
qui connoiſſent ſon merite l'e.
ſtiment infiniment. Monfieur le
Duc d'York envoya auſſi le miford
Duras pour faire compliment
à Sa Majeſté. Il eſt de la
Maiſon de Duras, Frere du Duc
de ce Nom , & de Monfieur le
Marefchal de Lorge. Son merite
& ſa valeur l'ont fait efti1
123
GALAN T.
10
1
mer du Roy d'Angleterre , qui
Juy a donné des Emplois dignes
de fa Naiſſance pour le retenir
dans ſa Cour.
Le Roy aprés avoir viſité les
Places maritimes , revint à Saint
Omer. Il rencontra en Bataille
auprés de la Ville le Regiment
des Dragons Dauphins, à la têteduquel
il fut ſalué par m' le
Duc d'Elbeuf, comme Gouverneur
de la Province, & par Mr
le Comte de Longueval , qui
eſtoit accompagné de deux Regimens
de Cavalerie. Sa majeſté
demanda à voir la Tranchée qui
eſtoitdu coſté de la Porte-Neuve
, & aprés l'avoir viſitée, depuis
la teſte juſqu'à la queue,
Elle alla en ſuite au Fortde faint
Michel , qui eſt à la portée du
Canon de la Ville. Elle le trouva
admirable,tant pour ſa beati
Fij
124 LE MERCVRE
té , que pour ſes Fortifications.
Ce Pofte contient cinq cens
Hommes de Garniſon. Le Roy
en retournant à la Porte de la
Ville , viſita tous les Dehors , &
da Contreſcarpe tres -bien paliffadee,&
accompagnée de belles
& fortes Redoutes, qui auroient
rendu l'abord du Foffe imprenable
, fi la Place avoit eſté attaquée
par des Commandans
moins hardis , & par des Soldats
moins accoûtumez à vaincre.
Le Roy en continuant ſa Viſite,
raiſonnoit fur les endroits les
mieux fortifiez , d'une maniere
qui le faifoit admirer de tous
ceux qui l'écoutoient. Sa Majeſté
fut haranguée à la Porte
de la Ville par l'Abbé de Clairmarets
, &en ſuite par tous les
Magiſtrats , qui furent charmez
de I obligeante reception que ce
OTARAGE
E
ot
لا
GALANT. 12
Prince leur fit. Quoy que la
pluye , qui n'avoit point ceſſe
depuis long- temps , continuât
toûjours , il monta ſur le Rampart
, accompagné de Monfieur
le marefchal de la Fenillade , de
Monfieur de Louvois , de Monfieur
de Saint Geniés,& de tres
peu de ſuite , ayant donné ordre
à tous fes Gardes de l'attendre
àl'entrée de la Porte . Sa Majefté
le viſita d'un bout à l'autre jufqu'aux
moindres endroits . Elle
en admira non ſeulement la
beauté , mais la regularité des
Fortifications qui font au deſſus
des Demy- lunes, doubles & frequentes.
Les Foffez luy parurent
d'une prodigieuſe gradeur.
Ils font environnez de Canaux
& de marais d'une tres-grande
étenduë , qui rendent les environs
de laPlace inacceffibles . Le
Fiij
126 LE MERCVRE
Roy , qui eftoit monté par la
droite, vint décendre par lagauche,
au même endroit du Rempart
, qui a dumoins une lieuë
de circonference. Sa majesté entra
dans la Ville tofijours àCheval
, accompagnée de Monfieur
&de toute la Cour,& fuivie de
ſesGardes, les ruës eftant bordées
des Troupes de laGarnifon.
Les Dames eſtoient aux feneftres
tres - parées , & marquoient
beaucoup de jove de
voir Sa Majefté, qui les falia toutes
malgré la pluye continuelle.
LePeuple rempliffoit les Remparts,&
eftoit en confufiondans
les Places publiques , & à l'entrée
des Ruës de traverſe. Les
uns crioient Vive leRoy, les au
tresVive leRoy de France,&&d'autres
le Roy Loüis &noftre bon Roy.
Le lendemain ce Prince s'occu"!
127
GALANT.
he
pa tout le jour à viſiter les beaux
endroits & les Forts , qui font
hors de S. Omer . Il alla voir les
les flotantes , & le Fort des Vaches
, dont la priſe a fort contribué
à la réduction de la Ville. Ie
vous ay fait le détail de cette
merveilleuſe action , dont Sa
Majeſté loüa la vigueur. Elle
dit beaucoup de choſes obligeantes
à M le Comte de Longueval
; & il fut lotie de toute
la Cour, qui parla auſſi fort avarageuſement
de tout le Corps
des Dragons Dauphins. Le Roy
n'ayant plus rien à voir dans
Saint Omer , en partit pour viſiter
les autres Places , & continua
à prendre beaucoup de farigues,
pendant que les Troupes
qu'il avoit fait mettre en Quartier
de rafraichiſſement ſe repoſoient.
J'ay oublié à vous dire,
Fiiij
128 LE MERCVRE
en vous parlant du Siege de
S. Omer , qu'on ne peut mieux
ſervir le Roy qu'a fait Monfieur
le Duc d'Aumont. Il y mena,
malgré les mauvais chemins ,
toutes les Milices du Boulonnois
avec une diligence inconcevable
: Elles furent utiles à
beaucoup de choſes ,& il feroit
difficile d'en trouver des meilleures
dans le Royaume.
Je croy devoir vous avertir
(& vous ferez ſans doute bienaiſe
de l'apprendre ) que quand
le Courier de Flandre , qui portoit
àDom Jüan la Nouvelle de
nos Conqueftes , arriva à Madrid
, la plufpart de grands Seigneurs
de la Cour ſe rendirent
chez ce Prince pour ſçavoir le
fuccés de nos Siéges. Il ne tarda
gueres à fatisfaire leur curiofité;
& s'imaginant bien que des ExGALANT.
129
1
ploits fi furprenants ne pourroient
eſtre long- temps cachez,
quelque précaution que l'on prit
pour en dérober la connoiffance
aux Peuples , il fortit de ſon Cabinet
, & dit à tous ceux qui
eſtoient dans fon Antichambre.
Que lemal estoit trop grand pour
Le diffimuler ; Que trois de leurs
meilleures Places venoient d'estre
priſes , & quele Prince d'Orange
avoit perdu une Bataille. Vn
Grand d'Eſpagne repartit auffitoſt
, Que l'Etoiledu Roy de France
alloit bien vite . Dites fes forces
Sa valeur réponditDom Jian:
Et avoüez avec moy ,continia ce
Prince, que la Fortune est inseparabte
de forgrand merite.Avoüez
à votretour,Madame,queDom
Hian a rendu juftice au Roy ,&
que lors que la verité force un
Ennemy à faire l'Eloge de fon
Fv
30 LE MERCVRE
Vainqueur , on y doit adjoûter
plusde foy qu'a toutes les loüanges
qui peuvent eftre foupçonnéesde
flaterie..
LeRoy ayant fait raffembler
fonArmée de Flandre , en fit la
reveuë pendant trois jours;&
quoy qu'elle euſt pris trois des
plus fortes Places de l'Europe..
& donné une Bataille ,elle ſe
trouva encor de quatre-vingt
feize Efcadrons , & de trente
huit Bataillons , compoſez de
tres-belles Troupes. SaMajesté,
qui n'ignore le merite d'aucun
de fes.Officiers , a donné la
Charge de Cornete des Mouf-.
quetaires de la premiere Compagnie,
qui vaquoitpar lamort
deMonfieurde Moiflac, àMon
heurde Monpapou , Lieutenant
aux Gardes , c'eſt' un fort honnête
Homme . & qui s'eſt toû
GALANT. I13f
2
jours fait aimer par tout où il a
ſervy.
Elle a auſſi fait connoiſtre
la fatisfaction qu'elle avoit receuë
des ſervices de Monfieur le
1 Chevalierde Tauriac , en le
fant Enſeigne des Gens-d'armes
Efcoffois.
Monfieur Courtin , Confeiller
d'Estat, & Ambaſſadeur pour
Sa Majesté en Angleterre , a eu
congé de venir icy , à cauſe de
fon indifpofition. Il a rendu des
fervices importans en pluſieurs
grandes Ambaſſades. Il a eſté en
Suede , & on l'avoitdéja envoyé
en Angleterre avec M de
Verneüil. Il a eſté auſſi employé
en Allemagne & en Flandre ,
pour travailler au Reglement
des Limites , avant ſon Ambaf
fade d'Angleterre où il eſt encor.
Il s'estoit trouvé aux Conferen
Fvj
132 LE MERCVRE
ces de la Paix à Cologne avec
Monfieur le Duc de Chaunes,
& Monfieur de Barillon , qui
vient deſtre choiſi pour aller
occuper ſa place auprés de Sa
Majesté Britannique. Leur eſprit
a confirmé ce qu'on a veu de
tout temps , en faiſant connoiſtre
que les gens de Robe ne
font pas moins capables de grandes
Ambaſſades , que ceux.
d'Epée..
Avant que le Roy euſt quité
la Frontiere , il avoit nommé
Monfieur l'Abbé de Maupeou,
Fils du Prefident de ce Nom , &
Parent de m' de Pompone , au
Doyenné de S. Quentin ; &
ayant ſceu que cette Nomination
appartenoit au Chapitre , il
voulut laiſſer aux Chanoines
l'entiere liberté de leurs Droits .
Ils s'aſſemblerent , & ne trou
GALANT.
133
vant pas un plus digne Sujer
pour en faire leur Doyen , que
la perſonne de Monfieur l'Abbé
de Maupeou , toutes leurs
ej voix ſe réünirent à celle de Sa
- Majefté.
Meffieurs les Premiers Prefidens
des Compagnies Souverai
nes ont faitComplimentauRoy
à ſon retour , fur fes nouvelles
Conqueſtes. Ils ont eſté conduits
avec les Ceremonies ac
coûtumées. M de Lamoignon a
- parlé pour le Parlement, mon
fieur Nicolaï pour la Chambre
des Comptes , Monfieur le Camus
pour la Courdes Aydes , &
Monfieur deChauvry pour celle
des monno'es. Monfieur de Po
mereüil a fait fon Compliment
au nom de la Ville , & Monfieur
le Preſident Barentin pour le
GrandConfeil.Vous mediſpen
F34 LE MERCVRE
ferez , madame , d'entrer dans
un plus grand détail fur cetArticle.
Vous pouvez croite qu'il
s'eſt dit de belles choſes fur une
matiere qui en fournit tant. Le
Nonce de Sa Sainteté , & меб-
fieurs les Ambaſſadeurs de Veniſe
& de Savoye ontauffi fait
leurs Complimens à Sa Majesté,
fur le meſme ſujet , avec la delicateffe
qui eſt ſi naturelle à ceux
de cette Nation. Vous pouvez
oroire , madame , que l'Académie
Françoiſe n'a pas manqué
de s'acquiter auffi de cedevoir.
Monfieur Quinault , Directeur
de la Compagnie , porta la pa
role, accompagnédes Perſonnes
du plus haut rangqu'il y aitdans
eet Illuſtre Corps. м le marquis
Dangeau , qui en eft , les traita
en ſuite avec une magnificence
qui ne furpritpoint , parce qu'el
GALANT. 13f
100
Ve
tan
le luy eſt ordinaire. Je ne vous
dis rien du fuccés qu'eut cettes
Harangue , j'eſpere vous en entretenir
amplement une autrefoi.
s.
Monfieur le Duc du Maynee
partit ces jours paffez pour aller
prendre les Eaux de Barrege,
par l'Avis de Monfieur Fagon,
qui paſſe pour un desplus habiles
medecins , que nous ayons ,
&qui connoît le mieux les Sim--
ples. Ces Eaux avoient commencé
à foulager ce jeune Prin--
ce dés l'année derniere . On ne
peut avoir plus d'eſpritpour fona
age. Il a du jugement, de la viva.
cité ,du feu ,&des reparties ad--
mirables. Voicy des Vers qui
ontefte faits fur fon départ , par
M. le PreſidentNicole , à qui les
agreables Traductions qu'il a
donné au Public de nos Poëtes
136 LE MERCVRE
les plus Galans , ont acquis tant
d'eſtime &de reputation. Il fait
parler Clagny , maiſon de Plaifance
, où M. le Duc du mayne
va ſe divertirquelquefois .
CLAGNY ,
A MONSEIGNEVR
LE DUC DU MAYNE ,
Q
Sur ſon Voyage de Barrege.
noy ! vousm'abandonnez, Sans
flater mapeine
Vous meditez , mon Prince , une abfence
inhumaine ?
Vous partez de Clagny , quand la faifon
des fleurs
Vient émailler ces lieux de leurs vives
couleurs:
Yous partez de Clagny , lors qu'avec le
Zephire
A
GALANT.
137
Florey vient établir son agreable Empire,
Qui vous trouvant abfent de ce charmantséjour
,
Va faire lure ailleurs les pompes de ſa
Cour.
Déja mes Orangers , retirez de leur
ferre ,
Qui d'un vert d'émeraude enrichiſſoient
laterre
Triste de ce départ qu'ils n'ont pu préf-
Sentir ,
De leurs fombres Palais ont regret de
fortir :
Leur couleurse dément , & leur feüille
moins verte ,
Marque affez la douleur de leur ſenſible
perte;
Leur odeur estfansforce , & leurs fruits
paliſſans
Demeurent ſans éclat ſur leurs troncs
languiſſans
Que Barrege est heureux ! que je luy
-porte envie!
H me vole des jours de vostre illuftre
vie
138 LE MERCVRE
Etquoy que ce larcin medonne de l'ennuy
,
Ie n'ose en soupirer , ny me plaindre de
luy ,
Leſujet qui le cause ,&qui fait cette
absence,
Pour n'y pas consentir m'est de trop
d'importance ,
Et le dernier fuccez que fes eaux ont
produit ,
Avectrop de bonheur m'en ontfait voir
lefruit.
Et bien réſolvons-nous , donnonsnostre
fuffrage,
Confentons ſans chagrin àcet heureux
voyage;
Mais, mon Prince, du moinsbaſtez vo
ſtre retour ,
Rendez-mey promptement l'Obiet de
mon amour ,
Rendez-moy mon Héros , &calmezma
tristeſſe ;
Ramenez à Clagny toute nostre allegreffe
Revenez pour me plaire &pour plaire
auxbeaux yeux
1
De la Divinitéqui preſide en ces lieux.
1
139
GALANT.
114
Je vous envoye le Sonnet par
Echo dont on vous a parlé ,&
qu'on appelle le Sonnet des quatorze
Autheurs. Il eſt adreſſfé à
quelque Abſent quidoit eftre de
Gascogne, & apparement la clef
ne s'en peut trouver que dans le
quartier de Clery.
* NUIn'a depuis trois mois anquay
tierde Clery Ry
Chacun às'exempter defrias &de dé
pense , Penfe
Iris à ton ennuy prenddepuis ton dé
part Part,
Peut-on voir un Deftin àquipour toy
foûpire; Pire
Leſçay bien qu'il faudroit un femblable
mytere و
Mais pour se retenir on feroit un
effort Fort
Et de plus un Gaſcon , qui ne tient du
vulgaire , Guere,
Aime ces bruits flateurs , & n'en prend
de chagrin , Grain..
140 LE MERCVRE
Amour fous d'autres Loiss le Pfalmi
fted'Orange Range
Phebus hors du Quartier va prendre
fort ſouvent Vent,
La Femme d'Alcidon estoit pour l'Hymenée
Néc.
Le Treſorier Tirfisdroit à l'argent comptant
, Tend,
On prend l'air à Viry pendant que la
verdure Dure;
Pour t'en apprendre plus , il faudroit te
pouvoir Voir
Je paſſe à l'Article que vous
m'avez demandé de M² le Mareſchal
, Duc de Vivonne ; &
puis que vous vous intereſſez fr
fort dans ce qui le regarde , je
vous écriray ce qui en eſt venu
àma connoiſſance. Les Secours
que le Roy luy a envoyez de
François & de Suiffes, font, diten,
arrivez & ſe mettront bienGALAN
T. 141
toſt en estat d'executer les Projets
qu'il à faits , pour affermir
l'authorité du Roy dans la Sicile
, & étendre ſes Conqueſtes.
Vous ſçavez , Madame , que ce
Sage Vice-Roy a eſté obligé de
mettre en Garniſon dans lesPlaces
qu'il conquit l'année derniere
, une partie des Troupes
qui luy reſtoient, & qu'il en faut
toûjours un nombre confiderable
dans Meſſine , où les Efpagnols
confervent des intelligences&
font continuellement des
entrepriſes pour tafcher à ébranler
la conftance des Meſſinois .
Vous ne ſçauriez croire l'affe-
Etion que ces Peuples ont pour
M le Marefchal de Vivonne.
Elle est telle qu'on peut dire
qu'elle ne contribuë pas peu à la
conſervation de l'authorité du
Roy en ces Pays là. On confide
142 LE MERCVRE
reen luy une bonté extraordinaire
, une affabilité où les Efpagnols
n'avoient jamaisaccoûtumé
les Siciliens , une juſtice
que rien ne ſçauroit corrompre,
undes - intereſſement dont il ne
peut étre affez loüé. Ces nouveaux
Sujetsde la France ontadmiré
comme nous ſa Valeur ,
quand ils l'ont veu arriver chez
eux dans l'extremité où ils
eſtoient réduits , en leur portant
l'abondance , apres avoir défait
les Ennemis dans un Combat
inégal. Ils ont eſté entretenus
dans cette opinion par la refolution
qu'il avoit faite , d'entreprendre
ſur l'Armée Navale des
Eſpagnols dans le Port deNaples.
Elle ne trouva d'obstacle
que par l'impoſſibilé qui s'y rencontra,
quand on fut fur le point
de l'executer. Il eſtoit difficile
GALAN T.
143
que M de Vivonne n'acquiſt
pas leur amitié,par les ſoins continuels
qu'il avoit de leur faire
venir des vivres &de faire des
priſes confiderables fur leurs
Ennemis , pour ramener chez
eux l'abondancedans un temps,
où ils eſtoient privez de tous les
Secours de leurs Païs. La confiance
qu'ils avoient en luy, parut
particulierement , lors qu'il
voulut aller à cette grande Expedition
, où M² du Queſne défit
l'Armée ennemie , commandée
par le fameux Admiral Rüyter.
If modera l'envie qu'il avoit
d'acquerir de la gloire , dans un
Combat , où il devoit avoir le
premier Commandement , pour
Te rendre à l'amour de ces Peuples
, qui deſeſperoient de leur
confervation, s'ils laiſſoient éloigner
celuy qu'ils regardoient
144 LE MERCVRE
comme leur Pere. Apres le gain
de la Bataille , où i² du Queſne
fit de fi belles choſes, & où tous
les Commandans ſe ſignalerent,
nôtre Armée Navale fut obligée
de ſe retirer en Provence , tant
pour faire radouber les Vaifſeaux,
que pour prendre des Vivres
, qui pouvoient manquer.
Alors M le Mareſchal de Vivonne
confiderant qu'il en reſtoit
fort peu dans Meſſine , &
qu'il n'y avoit pas de ſeureté
pour le paſſage de M de Château-
renaud,qui venoit de France
avec unConvoy ; parce que
les Ennemis , qui n'avoient pas
tant de chemin à faire , ſeroient
toûjours en eſtat de luy empefcher
l'entrée du Phare , il conclut
la fameuſe Expedition de
Palerme,dont vous ſçavez le détail
, malgré les oppoſitions de
quel
:
GALANT. 7
145
et
:
quelques -uns qui voyoient le
danger plus grand que luy , ou
qui n'avoient pas tant d'ardeur
pour la gloire. Les chofes luy
réüffirent comme il l'avoit eſperé
, le Convoy arriva heureuſement
, les Ennemis firent une
perte dont ils n'avoient point
encore veu d'exemple, & noftre
Mareſchal retourna triomphant
dans Meſſine. L'amour des
Peuples redoubla pour luy,comme
il redoubla ſes ſoins pour les
conſerver ; il découvrit beaucoup
de Conjurations ,& meme
contre ſa vie ; il ne prit cependant
de precaution , que pour
empeſcher les, entrepriſes des
Ennemis ſur les nouveaux Sujets
d'un Roy , que ceux qui le
connoiſſent , ſçavent qu'il aime
uniquement, & pour qui il ſacrifieroit
de bon coeur toutes cho-
: Tome IV. G
146 LE MERCVRE
faut
ſes. Ainſi quelque paffion qu'il
ait pour la gloire,elle n'approche
point de l'amour qu'il a pour le
Roy fon Maiſtre. Vous croyez
bien , Madame , que pour faire
tout ce qu'on en publie , il ne
pas qu'il dorme toûjours,
comme veulent faire croire les
Ennemis dans leurs Gazettes;
mais il fe donne fi peu de peine
pour avoir des Gens qui faffent
courir de luy des bruits avantageux,
qu'il ne faut pas s'étonner
s'il s'en répand quelquefois
d'autresqui trouvét de la créance
patmy les gens , qui ne connoiffent
pas cet Illuftre General
, mais cela est bien-toſt detruit
par la force de la verité;
&tout l'artifice de ſes envieux,
dont les Perfonnes , comme luy,
ne manquent jamais , ne peut
rien contre la reputation , que
ſes belles actions luy ont acquiGALAN
T.
147
de
k
es
t
fe. La priſe d'Agoufte & de tant
de Places qui fortifient le party
des Meſſinois , renverſe tout ce
qu'on peut inventer , pour obſourcir
l'éclat de ſa gloire. Il ne
la veut devoir qu'aux ſervices
qu'il rend à ſon Prince , & il en
laiſſe le ſoin à ceux qui écrivent
les Evenemens de
fe
ce
Siecle,ſans TRE
mettre en peine d'avoir des
Prôneurs à la Cours . Ie ne vous
dis rien de la grande Action de
Palerme. Vous la ſçavez ; mais
vous ne ſçavez peut-eſtre pas
que le bruit qu'elle fit chez les
Tures , y porta tant de terreur,
qu'ilsredoublerent les Garniſons
de toutes les Places maritimes
qu'ils ont de ce coſté-là.
Les belles choſes eſtant belles
en tout temps, je ne veux pas
differer à vous faire part d'une
Elegie qui vient de m'eſtre re-
Gij
148 LE MERCVRE
miſe entre les mains , quoy qu'il
y ait déja trois ou quatre ans
qu'elle foit faite. Ie ſçay que
l'Academie l'a fort eſtimée . Elle
eſt de Monfieur le Duc de Saint
Aignan , & je ne doute pas que
ſes Vers ne vous plaiſent autant
qu'a fait ſa Proſe dans les Lettres
qu'il a écrites au Roy ſur ſes
Conqueſtes. Il fit ceux-cy dans
une Maiſon de Campagne proche
du Havre , ſur une affaire
particuliere qui luy arriva. On a
eu peine à les recouvrer , paree
qu'ayant brûlé preſque tous ſes
Ouvrages , on n'a pû conſerver
que ceux qu'on a trouvé moyen
de luydérober en les copiant.
D
ELEGI Ε.
Vgrand monde& dubruit l'ame
penSatisfaire,
Pour trouverdu repos je cherche une retraite
,
GALANT. 149
Etfortant de la Ville apres cent maux
Soufferts,
Ie viens chercher du Bec les aimables
Deserts..
CeSéjour agréable encor qu'il foit champestre
,
Ne fert que rarement à son illustre
Maistre,
Et l'obligeant Emire en tous lieux reveré
AmaBarque agitée offre un Port aſſuré.
Trompeuse ambition ! Grandeur imaginaire!
Qu'en vous le bien est rare & le mal
ordinaire !
Que le plus inſenſible& le mieux preparé,
Boit chez vous de Poison dans un Vase
doré !
Qu'unefoule importune auſeul gain attachée
,
Sous un fasteapparent tient de fraude
cachée!
Que les fermes Amisfe trouvent peu
Souvent !
Qu'on barit des projets sur un fable
mouvant !
Gij
igo LE MERCVRE
Et qu'heureux est celuy , dont l'adroite
Science
Sçait joindre leſecret avec la défiance
Apeu de vrais Amis qui ſçait se retrancher
,
Qui garde bien te nombre & n'en va
point chercher,
Et qui ſur l'apparence enfin iamais ne
-fonde
La folle opinion de plaire à tout le
monde!
On feroit un prodige en vertus achevé.
Qu'onseroit vicieux, pour un goust dépravé,
L'onaven comparer l'honneur à l'arti
fice,
Les liberalitezà l'infame avarice,
La douceur à l'aigreur , l'orgueil à la
bonté,
Aux laſches actions la generosité,
Lemodeste à celuy , qui fait le necef
faire,
Et l'ame laplusfourbe, au coeur leplus:
fincere .
Cependant du mensonge, infames Artifans
Vn Monstre vous devore , & fait des
Partisans,
GALANT. 15.4
k
Voit dans ſes interests ceux qu'il rend
miserables ,
Et des plus oppreſſez fait les plusfavo
rables.
On vante ſa conduite , on vanteſon efprit,
On n'oſe contredire à tout ce qu'il écrit,
L'Amour ar tout des
efolaves
de l'interest fait par to
Et regne quelquefois dans les coeurs les
plus braves.
Al'éclat de la gloire on prefere le bien,
Et pour en acquerir les Crimes ne font
rien.
Quels divers embarras ne m'a-t-on
point fait naiſtre !
Combien , où je commande ay-je ven
plus d'un Maistre ?
D'un Roy victorieux la iuste autorités
Apeine apûfléchir un Suiet irrité;
Ceux que i'aimois le mieux , emportez
par la brigue,
Ont - ils à ce Torrent opposé quelque
Digue!
LaGloire qui m'a fait un grand Corps
effembler
....
Giij
152 LE MERCVRE
Contre les Ennemis qui voudroient nous
troubler,
Mapreste des Lauriers dans une vaste
Plaine,
Etje vois dans la Ville une Palme incertaine.
Vn indigne Ennemy , qui fort de fon
devoir,
Songe àme faire teste , &nese fait pas
voir ,
Devient l'injuste Chefd'une infameCabale
,
Trouve des Courtiſans ſans partirde ſa
Salle ,
Etdansſes noirs deſſeins doit estre satisfait
D'avoir ofé combatre , encor qu'il soit
défait.
Il me force à rougir lors que je le furmonte
,
Au plus fort de ma gloire il me couvre
de honte ,
Et donne par caprice en cette occafion,
Au Vainqueur & Vaincu mesme confusion.
Ab ! que de mon dépit la juste vian
lence .D
GALAN T.
153
Maisle Roy nous l'ordonne ,imposonsnousfilence
,
Mon coeur,ilfaut donner en cesfacheux
momens ,
Au plus grand des Mortels tous nos
reffentimens.
Opaisible retraite ? aimable folitude ?
Qui des plus fortunez charmez l'inquietude
, :
M'arrachant aux plaiſirs que vous pouvez
donner :
Ah! que j'ay de regret de vous abandonner,
De preferer au mien l'avantage des
autres ,
Et ne voir de long-temps des lieux comme
les vostres! ..
Mais deux jours fans agir mefont à regretter,
4
Et ce temps, àmon gré , nese peut rachetera
Pourrons - nous bien changer dans ma
plainte inutile,
L'innocence des Champs aux fracas de .
la Ville ?
De cent Beautez en vain on vante les
appas,
Gv
154 LE MERCVRE
Mon coeur ne peut aimer ce qu'il n'estin
me pas:
Comme il ne fut jamais capable de foibleffe
,
Un effort genereux rompt le trait qui le
bleffe ,
Etpenchant vers la Gloire
plusqu'à iny.
n'estant
Ilpeut hair demain , ce qu'il aime aujourd'huy
;
Mais pour vos beaux Deferts , il n'en
estpas demefme,
Pastre repos flateur donne un plaifir
extrême
Sans Iris,fans mon Maistre , ô Sejour
fortuné.
Vous auriez tout le coeur que je leur ay
donné
Le quitte donc l'émail de vos vertes.
Prairies,
Et tout. ce qui flatoit mes douces ré
veries:
Allons tendre les bras à nos illustres
fers,
Allons-nous redonner au Grand Roy
que je fers
GALANT
Obſerver les proiets d'une foule importune,
Et trouver des plaisirs dans ma noble
infortune int
Mais il faut bien penser à ce que nous
ferons,
Regler nos sentimens par ce que nous
Sçaurons , 5
Et fuivant les conseils que la raison
inspire,
Koir, écouter beaucoup , agir&ne vien
dire
L'illustre Duc , qui a fait ces
Vers , eft retourné,depuis peu
dans ſonGouvernement , pour
appliquer ſes foins à ce qui regarde
le ſervice du Roy avec le
meſme zele qu'il a fait les an
nées dernieres . Ce n'eſt pas qu'il
ne donne de fi bons ordres en
fon abſence qu'il ne ſoit diffis
cile que des Ennemis tirent avantage
de fon éloignement ; &
vous l'allez voir , Madame , par
Article qui fuit.ny và mìn
F
Gvj
156 LE MERCVRE
و د
Il n'y a pas long-temps qu'un
Capre Oftendois attaqua prés
des Coſtes du Havre de Grace,
&dans ceCouvernement, deux
Barques Marchandes de Dieppe,
qu'il auroit priſes indubitablement
, fi.M de Benouville ,
Capitaine de la Coſte , ne s'y fut
promptement & vigoureuſemét
oppoſe avec les Habitans qui
font fous fa charge. Le Capre
aprés avoir abadonné deux Barques
, les attaqua une féconde
fois plus prés du Havre, fotus la
Capitainerie de Mide Cauville,
qui fit la meſime choſe antre
pouffant leditCapre, quiſe ret
tira fans rien tenter davantage,
après avoir tiré plus de trente
coups de Canons && force coups
de Moufquets. Getix qui font
fous la charge de Mile Duode
Saint Aignan , imitenpaver tant
GALANT.
157
de bon- heur & d'empreſſement
fon zele & fa vigilance pour le
fervice du Roy,qu'il n'a pas eſté
poſſible aux Ennemis , depuis la
Declaration de la Guerre jufques
à preſent , de réüffir dans
aucune de toutes les entrepriſes
qu'ils ontfaites fur les Coftes de
fon Gouvernement.
YO
Jallois fermer ma Lettre, lors
que jay receu la voſtre l'avouë.
qu'elle m'embaraffe' , & il vous
fera aiſé de le connoiſtre , puifque
j'avois paffé legerement fur
Article que vous me demandez
. Je ne fuis point ſurpris que
les Harangues qui ont esté faites
au Roy à fon retour par
Meffieurs les Premiers Prefidens
ayent fait affez de bruit,
pour vous infpirer la curiofité
d'en ſçavoir les principales penfées
mais quandvous m'ordon158
LE MERCVRE
nez de la fatisfaire , je ne vous
déguiſe pointque je ne ſçay pas
où m'y prendre : car que vous
puis-je dire là deſſus qui approche
de la beauté de ce que vous
me demandez Vous ſçavez ,
Madame , que les plus beaux
endroits d'un Ouvrage paroifſent
toûjours moins en fragmés,
que lors qu'ils font placez où ils
doivent eſtre ; ce qui les devance
ou ce qui les fuit , leur donne
ſouvent des graces qu'ils n'auroient
pas fans cela , & tout ce
que l'on en dit lors qu'on ne les
fait pas voir de fuite eft toû
jours infiniment au deſſous de
ce qu'il feroit dans le corps entier
de l'Ouvrage, le defere
pourtant trop à vos ſentimeris,
pour ne pas faire dés aujourd'huy
une partie de ce quevous
ſouhaitez Je way donavons dire
GALANT. 159
ce que je ſçay de deux Harangues
ſeulement , en attendant
que je puiſſe m'informer plus
particulierement des autres. Le
commence par celle de Monfieur
le Prefident Nicolaï ;& ce
que je prétens vous en dire ,
n'eſt ny ſa Harangue , ny un
Extrait, ny meſme un fragment,
c'eſt moins que tour cela , & il
ne doit ſervir qu'à vous faire
concevoir une legere idée de
quelques-unes de ſes penſées..
Il a dit au Roy , en parlant de
Valenciennes, qu'on ne pouvoit
affez admirer qu'il euſt pris en
fi peu de jours une des plus
grandes Villes, qui pût marquer
La puiſſance de ſes Ennemis:une
Ville vaſte par ſon étenduë , fierede
ſes Privileges, orgueilleuſe
par ſes Boulevarts , forte par la
valeur & le nombre de ſes Ci
160 LE MERCVRE
toyens , fameuſe par fon Commerce
, & redoutable par nos
pertes. Il a adjoûté à tout cela
qu'on ſçavoit affez de quelle
forte le Roy s'eſtoit rendu maître
de cette puiſſante Place , &
que de la maniere que les chofes
s'eſtoient paffées,on ne pourvoit
trop loüer la grande bonté,
& la prudence de Sa Majesté,
qui par un ſeul mot de ſa bouche
avoit defendu cette Ville
du plus grand malheur qu'elle
puſt craindre , & dont elle n'avoit
pû eſtre garantie par un
million de bras , & par tant de
Princes intereſſez à ſa défenſe .
Il a fait voir encor qu'on avoit
adimiré fur tout , que dans un
temps où l'on ne pouvoit faire
'un pas dans l'Europe ſans trouver
quelque Ennemy de la Frace,
le Roy avoireõquis trois PlaGALANT.
гыг
cesdontlaforce n'étoit que trop
connuë ,& que s'il avoit trouvé
des Ennemis, il ſembloir que ce
n'euſt eſté que pour ſervir de
matiere à fon triomphe ; Qu'on
lui avoit veu fecourir par ſa prudence
& par une prevoyance
merveilleufe, les lieux, où if ne
pouvoit ſe trouver en Perſonne,
eny envoyant le puiſſant Secours
qu'il leur fit recevoir,
quand il ſçeut que les Ennemis
amaffez en fi grand nombre,venoient
pour jetter de nouvelles
forces dans S. Omer ; Que fes
Armes avoient eſté victoricufes,
fous la conduite d'un Prince
qui ne voit riendans le monde
au deffus de luy, foit par fa naiffance
, foit par fon merite & fes
grandes vertus , que ſon ſeul
Souverain. Il a dit encor d'une
maniere qui a charmé tous ceux
162 LE MERCVRE
qui l'ont entendu , que pendant
que toute l'Europe eſtoit enfeveliedans
un profond fommeil,
Sa Majesté ſeule veilloit, lagloire
& le bien de ſon Royaume
luytenant les yeux ouverts , &
que les Ennemis n'eſtoient revenus
de ce profond affoupiffement
, que pour voir en meſme
temps leurs pertes , & fervir à
fon triomphe.
Ie croy , Madame , qu'au lieu
de fatisfaire voſtre curioſité , се
que je vous envoye ne ſervira
qu'à l'accroiſtre , & qu'apres
avoir lû tant de beaux endroits
de la Harangue de Mr Nicolaï,
vous ſouhaiterez plus fortement
que vous n'avez fait de l'avoir
entiere. Ic ne vous dis rien de ce
Préſident, je vous ay parlé de la
grandeur de ſa Maiſon &de fon
merite , lors que je vous écrivis
GALANT. 163
TE
dernierement la mort de Mr le
Marquis de Couſainville sõ Fils..
Je paffe au fujer de la Harangue
de Mr le prefident Barentin.
If a dit que quoy qu'il
cuſt étébiendifficile de pouvoir
prévoirdes plus grandes choſes,
que celles que leRoy avoit fai
zes dans les précedentes Campagnes
, les entrepriſes de celle-
cy ne laiſſoient pas d'eſtre infiniment
plus grandes , puis
qu'il avoit attaqué une Place,
comme Valenciennes , qu'on
croyoit imprenable par ſa ſituation
& par ſes forces , & dans
un temps qui rendoit cette entrepriſe
preſque impoſſible , &
la Place inacceſſible ; Que cependant
par ſa grande valeur &
par ſon extréme prudence , en
s'élevant au deſſus de la Nature
& de l'Art , il avoit furmon
164 LE MERCVRE
té tous les obſtacles ; & au lieur
de ſe donner du repos , apres
une ſi grande action & tant de
fatigues , il avoit afſiegé deux
Places des plus fortes des Païs-
Bas , qui ſe defendoient par
leur ſeule reputation , &principalement
Cambray , dont le
feul nom inſpiroit de la crainte&
de la terreur , laquelle priſe
eſtoit ſi importante à l'Estat ,
qu'elle diſpoſoit toutes choſes à
la ruinede ceux du Roy d'Eſpagne
, autant qu'elle contribuoit
à mettre la France en ſeureté;
Que Saint Omer étoit tombe
fous la puiſſance du Roy par la
valeur de Son Alteſſe Royale,
aprés un combat glorieux ; Que
les Actions du Roy & de Monfieur
avoient trop de rapport
pourles pouvoir ſeparer , Monheur
ayant trouvé l'Are de s'éGALANT.
165
ゆ
de
E
1
lever au deſſus des plus grands
Heros , en imitant le plus parfait
des Rois ; Qu'il ne falloit pas
s'étonner de tant de grandes
Actions , Sa Majesté eſtant ſoûtenuë
de la protection vifible de
Dieu contre ſes Ennemis,qui refuſoient
la Paix qu'il leur offroit
contre l'intereſt de ſa propre
gloire.
Voilà à peu pres , Madame,
ce qui fut prononcé avec une
grace merveilleuſe par Monſieur
le Preſident Barentin. Il
eftoit Conſeiller au Parlement
quand les Mouvemens de Paris
arriverent. On le fit Colonel de
fon Quartier ,& ce fut luy qui
par ſaprudence ſauvaM le Mareſchal
de l'Hôpital , qui en
eftoit alors Gouverneur. Il alla
le prendre chez MonfieurCroifet
,& paffa cinquante Barrica166
LE MERCVRE
cades avant que de le pouvoit
remettre dans ſon Hoſtel . Vous
pouvez croire qu'il luy fallut
de l'adreſſe pour en venir à
bout,& qu'il ne le fit pas ſans
eſſuyer tousles perils où la revolte
d'un Peuple expoſe ceux
qui tâchent à le remettre dans le
devoir. Le Roy fut ſi ſatisfait des
ſervices qu'il luy rendit dans ces
temps-là, qui estoient des temps
fortdifficiles , qu'il le fit Conſeiller
d'Estat. Il a eſté en ſuite Maiſtre
des Requeſtes ,& Preſident
du Grand Conſeil ; & aprés ſes
Intendances , il s'eſt trouvé à la
teftede cette Compagnie , qui a
pour luy toutes les confiderations
qu'on peut avoir pour un
Chef d'un fort grand merite. Il
eſt doux & honneſte , a beaucoup
de facilité à s'énoncer & à
parler enpublic ,& donne tous
GALANT.
:
167
2
de
les jours tant de marques d'integrité,
qu'il ne faut pas demander
par où il peut s'eſtre acquis
une eſtime ſi generale. Il eſt
tres -bien fait de ſa perſonne,
auſſi n'eſtoit- il autrefois connu
dans Paris , que ſous le nom de
Beau Colonel. Son élevation luy
eſt d'autant plus glorieuſe , que
la faveur n'y ayant jamais eu aucune
part , on peut dire
८
qu'elle
THEAWA
eſt l'ouvrage ſeul de fon merite
& de
*
LYON
ſa conduite. Vous ſcavez/ 892
qu'il eſt Oncle de madame la
Marquiſe de Louvois , Heritiere
de la Maiſon de Souvray-Bois-
Dauphin. Cette maiſon eſt fi Illuftre
& fi connue , qu'il fuffit de
vous la nommer .
Comme je vous manday la
derniere fois la joye qu'on avoir
fait paroiftre à Bordeaux à l'arrivéede
Monfieur le Duc deRo168
LE MERCVRE
quelaure , je croy vous devoir
apprendre aujourd'huy les honneurs
qu'on luy a rendus à
Auch , où il a eſte harangué par
Meſſieurs du Prefidial & par les
Confuls de la Ville. Il le fut enſuite
par les Deputez de m' le
Senechal de Tarbe , & ce fut
M. Caſtelviel , luge-Mage de
Tarbe , qui porta la parole avec
tout le ſuccés qu'il pouvoit attendre
d'un diſcours digne de
celuy à qui il eſtoit addreſſé.
Apres ces premieres Ceremonies
, Monfieur le Duc de Roquelaure
ſe preſenta au Chapitre
, & fut reçeu par M. le Doyen
de Noftre- Dame , en l'abfence
de M. l'Abbé Soupets,
Prevoſt de cette Eglife. Il preſta
le Serment comme Baron &
Chanoine Honoraire , & vint
prendre fa place dans le Choeur,
où
GALANT. 169
1
コン
He
er
on luy donna part aux Diſtributions.
Ie ne ſçay , Madame , ſi
vous eſtes inſtruite de ce que
c'eſt qu'eftre Chanoine Honoraire
de cette Eglife . Il y en a
cinq, dont leRoy eſt le premier,
comme Comte d'Armagnac.
Les quatre autres font appellez
Barons d'Armagnac , & ce font
ceux qui poſſedent les Baronnies
de Montaut , de Montefquiou
, de Pardaillan & de l'Iſle.
Monfieur de Roquelaure en eft
l'un , à cause de la Terre de
Monteſquiou qui luy apartient.
Au fortir de l'Eglife , il fut mené
à l'Archeveſche & traité magnifiquement
par les Officiers
de Monfieur l'Archeveſque
d'Auch , qui estoit abſent.
Ie croy avoir oublié à vous
dire que le Roy a donné à Monſieur
le Marquis de Morvair ,
Tome IV. E
170 LE MERCVRE
Lieutenant de Roy de Breffe, la
Charge de Commiſſaire General
de la Cavalerie qu'avoit M
de la Cardonnerie. Il s'eſt ſignalé
enbeaucoup d'endroits, & fur
tout au Paffage duRhin.
Sa Majesté a eu auſſi la bonté
d'accepter la Démiffion de l'Abbaye
de Troüars , prés de Caën,
faite par M. l'Abbé de Sourches,
en faveur d'un Fils de Monſieur
le marquis de Sourches,
Grand Prevoſt de France fon
Neveu. Cette grace eft d'autant
plus particuliere , que le Roy ne
l'accorde jamais à perſonne , &
que les raiſons qui l'ont porté à
vouloir bien diftinguer en cela
M. de Sourches , l'ont fait admirer
de tous ceux à qui elles font
connuës. Toute la Cour en a témoigne
de la joye , & l'on ne
peut recevoir plus de CompliGALANT.
171
mensqu'il ena reçeu des Perſonnes
du plus hautrang.
l'ay à vous dire que la Princeſſe
Marie-Anne dont vous me demandez
desnouvelles, n'eſt point du tout chan
gée de ſa petite verole. Elle accompagna
Madame la Ducheffe de Vvirtemberg
fa Mere à Versailles , un peu
apres l'arrivée du Roy , & elle y parut
avec autant d'éclat &de beauté qu'elle
en avoit avant cette Maladie. Ie eroy,
Madame , que vous n'ignorez pas que
cette Ducheffe eſt veuve du Prince Vlric
de Vvirtemberg , fameux par tant
de grandes Actions qu'il a faites dans
les Guerres d'Allemagne & des Païs-
Bas , & qu'elle eſt preſentement en
deüil par la mort de Madame la PrinceſſedeBarbançon
ſa Mere , qui mourut
en ſa Maifon proche de Liege , il a
environ deux mois. Elle estoit Heritiere
de la Maiſon de Barbançon
avoit épousé le Prince de Barbançon
de l'Illuſtre Maifon d'Aremberg, Originaire
d'Allemagne.
و
&
M.de Thorigny , & M. Goëlard
ont eſté reçeus depuis quelques jours.
Hij
172 LE MERCVRE
Conſeillers au Parlement , apres avoir
donné toutes les marques de capacité
&de ſuffiſance qu'on peut attendre de
ceux qui ſe deſtinent aux Emplois de
la Robe. Le premier eſt Fils deM.
Lambert, Prefident de la Chambre des
Comptes. Madame fa Mere eſt une
perſonne d'un fort grand merite; Elle
eſt de la Maiſon de Laubeſpine , Soeur
de Mule Marquis de Verderone,Gendre
de Monfieur le Chancelier.
Je n'adjoûteray rien à cela que le Mariage
d'un de nos Illuſtres , que je ſeay
que vous eſtimez beaucoup. C'eſt celuy
de Mr Racine , qui a épousé Mademoiselle
Romanet. Elle a du bien,
de l'eſprit & de la naiſſance ; & M
Racine meritoit bien de trouver tous
ces avantages dans une aimable Per-
Lonne.
le croyois finir par un grand Article
des Modes,& vous parler des riches
Etofes qui ſe preparoient ; mais la Defence
de l'Or & de l'Argent qui a eſté
publiée icy , a rompu toutes mes mefures.
On a fait courir le bruit qu'il étoit
arrivé du deſordre en arreſtant quelGALANT.
173
1
ques Particuliers qui avoient ofé contrevenir
à cette Defence ; mais j'ay de
la peine à croire qu'on s'y ſoit voulu
expoſer ,dans la connoiffance qu'on a
de l'exactitude avec laquelle Monfieur
de la Reynie maintient les Ordonnances
du Roy, Sa Majesté a bien lieu de
ſe repoſer ſur les ſoins de ce grand
Homme pour l'execution de ſes volontez.
Iamais la Police n'a eſté ny ſi bien,
ny ſi avantageuſement obſervée que
depuis qu'elle luy a eſté commiſe , &
on peut dire que Paris luy eſt redevablede
quantité de choſes commodes
ou utiles , qu'une moindre vigilance
quela ſienne ne ſeroit pas venu à bout
d'établir.
Ie ne vous disrien de noſtre Armée
d'Allemagne. Ces ſortes de Nouvelles
appartiennent à la Gazette. Elle a ſoin
d'en informer le Public chaque Semaine
à meſure que les choſes arrivent, &
je vous y laiſſe prendre part comme
les autres. S'il m'arrive de vous entretenir
de quelque grande Action de
Guerrre, ce n'eſt jamais qu'apres quelle
eſt entierement conſommée. Il ne
174 LE MERCVRE
m'importe en quel temps j'en ramaſſe
les circonstances , &ce que je vous en
envoye ſe doit pluſtoſt appeller un
morceau d'Histoire qu'une Nouvelle
que vous ignoriez. Ainſi , Madame,
vous ne devez point eſtre ſurpriſe ſi
j'ay meſlé le Siege de S. Omer aux
Nouvelles de ce Mois,quoy qu'il y en
ait déja trois que cette Place s'eſt renduë.
Ie remets à vous parler dans ma
premiere Lettre du merite de ceux à
qui le Roy a donné des Eveſchez &
desAbbayes, ou qui ont eſté faits Premiers
Preſidens. I'ay des Vers du
Grand Corneille ſur les Victoires de
Sa Majefté ; j'en ay de M.de Fontenelle
ſon Neveu, qui vous plairont encor
davantage que l'Amour Noyé que
vous approuvez tant , &je ne manque
pas d'Avantures pour faire d'agreables
Hiſtoriettes. Ie ſuis toujours,&c.
ALyon le 1.de Iuillet 1677.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères