Titre
LETTRE de M. L. B. Ch. & Souchantre de l'Eglise d'Auxerre, écrite à M. l'Abbé Fenel, Chanoine de l'Eglise Metropolitaine de Sens, touchant l'origine du Proverbe, Li Chanteor de Sens.
Titre d'après la table
Lettre touchant l'origine du Proverbe, li Chanteor, &c,
Fait partie d'une livraison
Fait partie d'une section
Page de début
210
Page de début dans la numérisation
243
Page de fin
218
Page de fin dans la numérisation
251
Incipit
Vous avez peut-être crû, Monsieur, que je ne parlois pas sérieusement,
Texte
LETTRE de M. L. B.Ch. & Souchantre
de l'Eglise d' Auxerre , écrite à M. l'Abbé
Fenel , Chanoine de l'Eglise Metropo
litaine de Sens , touchant l'origine du
Proverbe , Li Chanteor de Sens .
V
Ous avez peut-être crû , Monsieur,
que je ne parlois pas sérieusement
lorsque je vous ai demandé par ma dernie
ce qu'on pensoit à Sens tou re Lettre
>
chang
FEVRIER.. 1734. 218
chant la dénomination qu'un manuscrit
de Saint Germain des Prez , dont il y a
un Extrait dans le Mercure de Septembre
dernier , donne à votre Ville . Je n'ai eu
nulle envie de vous surprendre , lorsque
je me suis informé de vous , si cette épithete
Li chanteor de Sens n'avoit reveillé
l'attention de personne.Supposé que l'Auteur
,publié dans le Mercure,dise la verité,
et que la Liste des Proverbes courans anciennement
en France , soit du tems de
Philippe le Bel , ou environ , il s'ensuivra
seulement par rapport à la Ville de Sens ,
qu'elle étoit alors distinguée par un endroit
honorable ; et pendant que d'autres
Villes étoient renommées , je ne sçai de
quelle maniere la vôtre,qui avoit le chant
en affection , où qui étoit peuplée de
Chantres , se faisoit considerer de ce côté-
là. Vous êtes convenu en me faisant
réponse , que le chant a été cultivé autrefois
chez vous plus que mediocrement :
les preuves que vous en apportez sont ;
1º . la mesure que battoit le Préchantre
en certaines occasions ; 2 °. l'usage ancien
où le même Préchantre étoit de baller ,
ensorte qu'on disoit , à teljour le Préchantre
balle. 3 ° . La coûtume de vos dignitez
de venir à la Neume du grand répons visà-
vis le bas Cheur. Vous avez très grande
212 MERCURE DE FRANCE
de raison ces preuves sont des indices
assez forts ; mais je puis vous dire de plus
qu'il falloit que le chant dans votre Ville
fût en très singuliere recommandation´,
puisque l'Archevêque se faisoit un devoir
de chanter lui - même le celebre répons Afpiciens
, qui est le premier des Nocturnes
de l'Avent. C'est ce que j'ai lu dans l'un
des monumens de votre Eglise. Et j'en
conclus qu'il falloit qu'alors la science du
chant fut très-florissante parmi vous.
Cependant , pour que cet attachement
au chant ait fait naître le Proverbe en
question , je pense qu'il faut encore quelque
chose de plus fort. Je me flatte de l'ayoir
trouvé. C'est , que votre Eglise a été
apparemment l'une des premieres qui ait
adinis le Déchant qui étoit la Musique du
douzième siècle et des suivans . Le Credo
que je vous ai fait voir , noté à deux parties
, dans un des Missels du treiziéme sié
cle conservez chez vous , en est une preuve
manifeste. Car , si la profession de foy
étoit récitée musicalement , comment ne
l'étoient- elles point les autres parties de
l'Office : Le Déchant Discantus fit donc
grande fortune dans l'Eglise de Sens
delà , probablement il s'étendit dans les
Eglises suffragantes . Galvanée Dominicain
Italien , qui mourut en 1297. dit de
Charlemagne
et
FEVRIER: 1734: 213
,
Charlemagne dans son Manipulus Florum.
T. XI.fcriptorum Italicorum pag. 601. Tres
fcolas pro Gregoriano Officio addiscendo ultra
montes instituit . Primam posuit Metis ,
secundam Senonis tertiam Aurelianis:
Je pense que cet Auteur n'a écrit ceci
que parce qu'au treizième siècle on le
croyoit ainsi , et qu'on n'attribuoit point
alors à d'autre qu'à Charlemagne , l'émulation
qui regnoit dans le chant à Sens et
à Orleans. Je ne sçai pas en quel temps
votre Chapitre à congedié les Musiciens ,
mais je sçai bien qu'on y chantoit encore
ce Déchant ou musique ancienne sur les
Ode Noël en 1553. Ce fut cette année là
que notre Chapitre tenant à honneur de
se regler sur le vôtre , conclut en ces termes
le seizième Décembre : Insuper Domini
volentes insequi vestigia Ecclesia Metropolitane
Senonensis & plerarunque aliaruin
Cathedralium hujus regni , concluserunt
☛ ordinaverunt quòd dum decantabuntur illa
novem folemnes Antiphona ad Magnificat
que incipiunt per O ante novem dies pracedentes
Festum Nativitatis Salvatoris D. N.
J. C. qualibet earum Antiphonarum canta
bitur bis , videlicet in principio & in fine dica
ti Cantici Magnificat in musicalibus sive
discantu et cum organis ; et tunc ad aquilam
deferentur due cruces argentea cum duabus
tadis
214 MERCURE DE FRANCE
tadis accensis , ad majorem jubilationem &
divini cultus augmentationem. Si votre Chapitre
fut des premiers à admettre l'organisation
du chant Gregorien , c'est- à - dire,
à permettre qu'on fit des accords sur ce
chant , il fut aussi des premiers à rejetter
cet usage ; non pas que ces accords blessassent
l'oreille , mais parce qu'on sentit
peut être quelques inconveniens de la part
de ceux qui l'executoient. Je crois que
votre Eglise a très prudemment fait , de
prévenir le temps des rafinemens où nous
sommes à present , temps auquel la musique
voudroit supplanter le plainchant.
Les Musiciens en general , et ceux qui
leur sont, pour ainsi dire, affiliez , ou qui leur
touchent par quelque endroir , comme ,
par exemple , seroit un Chanoine , qui
sçait un peu toucher du Clavecin ou
chanter sa partie de musique , font des
raisonnemens si pitoyables en fait de
plainchant , et traitent si malceite science ,
que tout est à craindre pour les Eglises où
ils sont écoutez .
Je présume ( quoique votre nouveau
Breviaire n'en dise rien ) que vous avez
conservé l'ancien usage de chanter dans
votre Choeur le jour de Saint - Etienne le
Pseaume All luiatique Landate 148. dans
un des modes qui sont diffens du systême
FEVRIER. 1733 . 215
me Gregorien , un mode Psalmodique
dont la dominante est corde finale même
de l'ancienne . A l'égard de la semaine de
Pâques , je suis assuré que vous chantez
comme nous aux petites Heures sur une
corde élevée d'un ton seulement au- dessus
de la corde finale de l'ancienne , conformement
aux anciens Livres de l'une et de
l'autre Eglise. Ces modes sont l'écueil de
tous les Musiciens : ils n'y entendent rien
tous tant qu'ils sont ; et en effet , si la
science de quelques-uns ne va pas jusqu'à
connoître seulement le détail du systême
Gregorien , comment pourroient- ils penetrer
dans les systêmes de chant qui sont
plus anciens , et reconnoître dans nos
Offices ce qui en est émané ? Continuez ,
Monsieur , à conserver des vestiges de ces
anciens modes . Il ne dépendra pas de moi
qu'on n'en fasse de même ici , non plus
qu'à Tours et à Langres , dont les Livres
contiennent des restes de cet ancien systême,
usité dans les Gaules avant le siecle
de Charlemagne.
Qui conservera donc toutes les varietez
de chant , si ce n'est les Eglises Cathedrales
dont le Clergé est nombreux ? Il n'y
a de contradiction à attendre là- dessus ,
de la part de ceux qui n'y comprennent
rien , et qui ne sont pas en état d'y
que
rien
216 MERCURE DE FRANCE
rien comprendre. Il y a aussi certaines autres
varietez dans le chant de l'Office Divin
, que l'on supprime quelquefois sans
assez d'attention , pour abreger seulement ,
sous prétexte que les paroles ne sont pas
tirées de l'Ecriture Sainte . Mais ce que j'ai
à leur opposer passeroit les bornes d'une
simple Lettre je n'ai garde de m'étendre
là - dessus . Lorsque se sont des Chanoines
qui raisonnent ainsi , je les fais ressouvenir
de cette belle parole de l'Auteur de
Livre de la coutume d'adorer Dieu de bout
qu'une Eglise Cathedrale doit être la dépositaire
, et la conservatrice de tout ce
qui est négligé dans les petites Eglises , et
que c'est dans son sein qu'en doit retrou
ver l'antiquité qui périt presque par tout
ailleurs , par manque de Clergé , ou faute
de zele pour sa conservation.
J'ai lûavec beaucoup de satisfaction l'éloge
que fait de votre Eglise M. de Molcon
dans son voyage Liturgique , pages
162 et 163. tant sur la séparation de toutes
les Heures de l'Office , que sur le reste.
Ce livre imprimé en 1718. mérite d'avoir
sa place dans la Bibliotheque du Chapitre.
l'Auteur en rapportant sur quel pied
il a vû celebrer l'Office de Primes lorsqu'il
passa par Sens vers l'an 1697. Primes , ditil
, est de toutes les petites Heures l'Office qui
est
FEVRIER. 1734. 217
est toûjours le mieux chanté à Sens . Ils ont
retenu l'ancien Office de Primes. Le Dimanche
, ils disent le Magna Prima ou les grandes
Primes , qui outre les nôtres , contiennent
les fix Pfeaumes qu'on diftribuë à Primes
chaque jour de la semaine . Si vos nouveaux
Breviaires ont un peu abregé le nombre
des Pseaumes , ils n'ont rien diminué de
la noblesse avec laquelle vous chantez
Primes les Dimanches . Tous les Etrangers
qui assistent en sont édifiez , comme
aussi de la majesté et de la gravité avec laquelle
on en chante l'Antienne. Pour le
coup on peut bien dire Li chanteor de
Sens. Cet exemple au reste est à proposer
aux Eglises de la Province , qui toutes ont
eu comme vous le Magna Prima les Dimanches
et dans quelques-unes desquelles
on est près de se relâcher sur ce
qui en tient lieu. Il merite encore mieux
d'être imité que celui de la Musique sur
les O de Noël que nous avons prise de
vous : et ce que vous pratiquez est
plus canonique , que ne l'est la demarche
de ceux qui sollicitent et pressent
pour qu'on chante ces Primes Dominicales
à la maniere des jours . Joly , Chantre
de Notre-Dame de Paris , a fort bien remarqué
dans son Traité de Horis Canonicis
, pag. 40, que l'Office de Primes a été
>
1
établi
218 MERCURE DE FRANCE
établi pour honorer specialement
la Sainte
Trinité ; et c'est sans doute le fondement
sur lequel est appuyée la sage pratique
de votre Eglise.
Je finirai , Monsieur , en vous marquant
que vous vous êtes trompé , lorsque
vous m'avez crû Auteur de la Réponse
, qui est dans le Mercure de Novembre
dernier à la question proposée dans
celui de Juin , touchant l'autorité des Musiciens
en fait de Plainchant . Elle contient
certaines choses qui auroient dû vous empêcher
d'avoir cette pensée. J'approuve
les raisonnemens de l'Ecrivain ; ils sont
très judicieux , mais je n'en suis point
l'Auteur. Au reste il viendra peut- être un
temps où vous verrez un petit ouvrage à
l'occasion de la Décretale de Jean XXII .
Docta Sanctorum . Extr. Comm. de vita
hon . Cleric. lequel traitera en partie la
même matiere . Alors votre jugement sera
mieux fondé. Je suis , &c.
A Auxerre le 19. Décembre 1733 .
de l'Eglise d' Auxerre , écrite à M. l'Abbé
Fenel , Chanoine de l'Eglise Metropo
litaine de Sens , touchant l'origine du
Proverbe , Li Chanteor de Sens .
V
Ous avez peut-être crû , Monsieur,
que je ne parlois pas sérieusement
lorsque je vous ai demandé par ma dernie
ce qu'on pensoit à Sens tou re Lettre
>
chang
FEVRIER.. 1734. 218
chant la dénomination qu'un manuscrit
de Saint Germain des Prez , dont il y a
un Extrait dans le Mercure de Septembre
dernier , donne à votre Ville . Je n'ai eu
nulle envie de vous surprendre , lorsque
je me suis informé de vous , si cette épithete
Li chanteor de Sens n'avoit reveillé
l'attention de personne.Supposé que l'Auteur
,publié dans le Mercure,dise la verité,
et que la Liste des Proverbes courans anciennement
en France , soit du tems de
Philippe le Bel , ou environ , il s'ensuivra
seulement par rapport à la Ville de Sens ,
qu'elle étoit alors distinguée par un endroit
honorable ; et pendant que d'autres
Villes étoient renommées , je ne sçai de
quelle maniere la vôtre,qui avoit le chant
en affection , où qui étoit peuplée de
Chantres , se faisoit considerer de ce côté-
là. Vous êtes convenu en me faisant
réponse , que le chant a été cultivé autrefois
chez vous plus que mediocrement :
les preuves que vous en apportez sont ;
1º . la mesure que battoit le Préchantre
en certaines occasions ; 2 °. l'usage ancien
où le même Préchantre étoit de baller ,
ensorte qu'on disoit , à teljour le Préchantre
balle. 3 ° . La coûtume de vos dignitez
de venir à la Neume du grand répons visà-
vis le bas Cheur. Vous avez très grande
212 MERCURE DE FRANCE
de raison ces preuves sont des indices
assez forts ; mais je puis vous dire de plus
qu'il falloit que le chant dans votre Ville
fût en très singuliere recommandation´,
puisque l'Archevêque se faisoit un devoir
de chanter lui - même le celebre répons Afpiciens
, qui est le premier des Nocturnes
de l'Avent. C'est ce que j'ai lu dans l'un
des monumens de votre Eglise. Et j'en
conclus qu'il falloit qu'alors la science du
chant fut très-florissante parmi vous.
Cependant , pour que cet attachement
au chant ait fait naître le Proverbe en
question , je pense qu'il faut encore quelque
chose de plus fort. Je me flatte de l'ayoir
trouvé. C'est , que votre Eglise a été
apparemment l'une des premieres qui ait
adinis le Déchant qui étoit la Musique du
douzième siècle et des suivans . Le Credo
que je vous ai fait voir , noté à deux parties
, dans un des Missels du treiziéme sié
cle conservez chez vous , en est une preuve
manifeste. Car , si la profession de foy
étoit récitée musicalement , comment ne
l'étoient- elles point les autres parties de
l'Office : Le Déchant Discantus fit donc
grande fortune dans l'Eglise de Sens
delà , probablement il s'étendit dans les
Eglises suffragantes . Galvanée Dominicain
Italien , qui mourut en 1297. dit de
Charlemagne
et
FEVRIER: 1734: 213
,
Charlemagne dans son Manipulus Florum.
T. XI.fcriptorum Italicorum pag. 601. Tres
fcolas pro Gregoriano Officio addiscendo ultra
montes instituit . Primam posuit Metis ,
secundam Senonis tertiam Aurelianis:
Je pense que cet Auteur n'a écrit ceci
que parce qu'au treizième siècle on le
croyoit ainsi , et qu'on n'attribuoit point
alors à d'autre qu'à Charlemagne , l'émulation
qui regnoit dans le chant à Sens et
à Orleans. Je ne sçai pas en quel temps
votre Chapitre à congedié les Musiciens ,
mais je sçai bien qu'on y chantoit encore
ce Déchant ou musique ancienne sur les
Ode Noël en 1553. Ce fut cette année là
que notre Chapitre tenant à honneur de
se regler sur le vôtre , conclut en ces termes
le seizième Décembre : Insuper Domini
volentes insequi vestigia Ecclesia Metropolitane
Senonensis & plerarunque aliaruin
Cathedralium hujus regni , concluserunt
☛ ordinaverunt quòd dum decantabuntur illa
novem folemnes Antiphona ad Magnificat
que incipiunt per O ante novem dies pracedentes
Festum Nativitatis Salvatoris D. N.
J. C. qualibet earum Antiphonarum canta
bitur bis , videlicet in principio & in fine dica
ti Cantici Magnificat in musicalibus sive
discantu et cum organis ; et tunc ad aquilam
deferentur due cruces argentea cum duabus
tadis
214 MERCURE DE FRANCE
tadis accensis , ad majorem jubilationem &
divini cultus augmentationem. Si votre Chapitre
fut des premiers à admettre l'organisation
du chant Gregorien , c'est- à - dire,
à permettre qu'on fit des accords sur ce
chant , il fut aussi des premiers à rejetter
cet usage ; non pas que ces accords blessassent
l'oreille , mais parce qu'on sentit
peut être quelques inconveniens de la part
de ceux qui l'executoient. Je crois que
votre Eglise a très prudemment fait , de
prévenir le temps des rafinemens où nous
sommes à present , temps auquel la musique
voudroit supplanter le plainchant.
Les Musiciens en general , et ceux qui
leur sont, pour ainsi dire, affiliez , ou qui leur
touchent par quelque endroir , comme ,
par exemple , seroit un Chanoine , qui
sçait un peu toucher du Clavecin ou
chanter sa partie de musique , font des
raisonnemens si pitoyables en fait de
plainchant , et traitent si malceite science ,
que tout est à craindre pour les Eglises où
ils sont écoutez .
Je présume ( quoique votre nouveau
Breviaire n'en dise rien ) que vous avez
conservé l'ancien usage de chanter dans
votre Choeur le jour de Saint - Etienne le
Pseaume All luiatique Landate 148. dans
un des modes qui sont diffens du systême
FEVRIER. 1733 . 215
me Gregorien , un mode Psalmodique
dont la dominante est corde finale même
de l'ancienne . A l'égard de la semaine de
Pâques , je suis assuré que vous chantez
comme nous aux petites Heures sur une
corde élevée d'un ton seulement au- dessus
de la corde finale de l'ancienne , conformement
aux anciens Livres de l'une et de
l'autre Eglise. Ces modes sont l'écueil de
tous les Musiciens : ils n'y entendent rien
tous tant qu'ils sont ; et en effet , si la
science de quelques-uns ne va pas jusqu'à
connoître seulement le détail du systême
Gregorien , comment pourroient- ils penetrer
dans les systêmes de chant qui sont
plus anciens , et reconnoître dans nos
Offices ce qui en est émané ? Continuez ,
Monsieur , à conserver des vestiges de ces
anciens modes . Il ne dépendra pas de moi
qu'on n'en fasse de même ici , non plus
qu'à Tours et à Langres , dont les Livres
contiennent des restes de cet ancien systême,
usité dans les Gaules avant le siecle
de Charlemagne.
Qui conservera donc toutes les varietez
de chant , si ce n'est les Eglises Cathedrales
dont le Clergé est nombreux ? Il n'y
a de contradiction à attendre là- dessus ,
de la part de ceux qui n'y comprennent
rien , et qui ne sont pas en état d'y
que
rien
216 MERCURE DE FRANCE
rien comprendre. Il y a aussi certaines autres
varietez dans le chant de l'Office Divin
, que l'on supprime quelquefois sans
assez d'attention , pour abreger seulement ,
sous prétexte que les paroles ne sont pas
tirées de l'Ecriture Sainte . Mais ce que j'ai
à leur opposer passeroit les bornes d'une
simple Lettre je n'ai garde de m'étendre
là - dessus . Lorsque se sont des Chanoines
qui raisonnent ainsi , je les fais ressouvenir
de cette belle parole de l'Auteur de
Livre de la coutume d'adorer Dieu de bout
qu'une Eglise Cathedrale doit être la dépositaire
, et la conservatrice de tout ce
qui est négligé dans les petites Eglises , et
que c'est dans son sein qu'en doit retrou
ver l'antiquité qui périt presque par tout
ailleurs , par manque de Clergé , ou faute
de zele pour sa conservation.
J'ai lûavec beaucoup de satisfaction l'éloge
que fait de votre Eglise M. de Molcon
dans son voyage Liturgique , pages
162 et 163. tant sur la séparation de toutes
les Heures de l'Office , que sur le reste.
Ce livre imprimé en 1718. mérite d'avoir
sa place dans la Bibliotheque du Chapitre.
l'Auteur en rapportant sur quel pied
il a vû celebrer l'Office de Primes lorsqu'il
passa par Sens vers l'an 1697. Primes , ditil
, est de toutes les petites Heures l'Office qui
est
FEVRIER. 1734. 217
est toûjours le mieux chanté à Sens . Ils ont
retenu l'ancien Office de Primes. Le Dimanche
, ils disent le Magna Prima ou les grandes
Primes , qui outre les nôtres , contiennent
les fix Pfeaumes qu'on diftribuë à Primes
chaque jour de la semaine . Si vos nouveaux
Breviaires ont un peu abregé le nombre
des Pseaumes , ils n'ont rien diminué de
la noblesse avec laquelle vous chantez
Primes les Dimanches . Tous les Etrangers
qui assistent en sont édifiez , comme
aussi de la majesté et de la gravité avec laquelle
on en chante l'Antienne. Pour le
coup on peut bien dire Li chanteor de
Sens. Cet exemple au reste est à proposer
aux Eglises de la Province , qui toutes ont
eu comme vous le Magna Prima les Dimanches
et dans quelques-unes desquelles
on est près de se relâcher sur ce
qui en tient lieu. Il merite encore mieux
d'être imité que celui de la Musique sur
les O de Noël que nous avons prise de
vous : et ce que vous pratiquez est
plus canonique , que ne l'est la demarche
de ceux qui sollicitent et pressent
pour qu'on chante ces Primes Dominicales
à la maniere des jours . Joly , Chantre
de Notre-Dame de Paris , a fort bien remarqué
dans son Traité de Horis Canonicis
, pag. 40, que l'Office de Primes a été
>
1
établi
218 MERCURE DE FRANCE
établi pour honorer specialement
la Sainte
Trinité ; et c'est sans doute le fondement
sur lequel est appuyée la sage pratique
de votre Eglise.
Je finirai , Monsieur , en vous marquant
que vous vous êtes trompé , lorsque
vous m'avez crû Auteur de la Réponse
, qui est dans le Mercure de Novembre
dernier à la question proposée dans
celui de Juin , touchant l'autorité des Musiciens
en fait de Plainchant . Elle contient
certaines choses qui auroient dû vous empêcher
d'avoir cette pensée. J'approuve
les raisonnemens de l'Ecrivain ; ils sont
très judicieux , mais je n'en suis point
l'Auteur. Au reste il viendra peut- être un
temps où vous verrez un petit ouvrage à
l'occasion de la Décretale de Jean XXII .
Docta Sanctorum . Extr. Comm. de vita
hon . Cleric. lequel traitera en partie la
même matiere . Alors votre jugement sera
mieux fondé. Je suis , &c.
A Auxerre le 19. Décembre 1733 .
Signature
A Auxerre le 29. Décembre 1733.
Lieu
Date, calendrier grégorien
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Domaine
Est adressé ou dédié à une personne
Provient d'un lieu