Titre
LETTRE de M. de P... à Mad. de L... écrite de Toulouse, le 10 Septembre 1733.
Titre d'après la table
Lettre de M. P... &c.
Fait partie d'une livraison
Fait partie d'une section
Page de début
2557
Page de début dans la numérisation
244
Page de fin
2560
Page de fin dans la numérisation
247
Incipit
MADAME, J'ai reçû depuis trois jours seulement la Lettre
Texte
LETTRE de M. de P... à Mad. de
L... écrite de Toulouse , le 10 Septembre
1733
MADAME,
J'ai reçû depuis trois jours seulement
la Lettre que vous m'avez fait l'honneur
de m'écrire , il y en a plus de quinze ; je
serois en droit de me plaindre de ceux
qui l'ont retenue et qui ont différé par là
le plaisir qu'elle devoit me faire; je poutrois
déclamer contre eux et contre le
sort ; peut- être réussirois - je à parer ces
lieux communs et ces tours usez de quelque
air de nouveauté ; mais en prenantle
ton ordinaire des Amans , j'aurois à
craindre d'être confondu avec ceux dont
j'aurois emprunté le langage Il me paroît
que votre séjour à la Campagne ne vous.
a pas mise dans des dispositions favorables
pour prêter l'oreille à des propos qui'
pourroient avoir un air galant ; les réflé
xions que vous y faites redoublent votre
dégoût pour les frivoles occupations du
genre humain ; elles excitent votre indignation
contre lui , et vous font sentir-
I. Vol.
cam
2558 MERCURE DE FRANCE
combien est méprisable tout ce qui fait
ses délices ; vous aimez votre solitude
comme un azile qui vous dérobe la vûë
de toutes ces miseres , et par un excès de
précaution vous y prolongez votre séjour
avec plaisir , comme dans un lieu de sureté
contre la contagion de l'exemple . Vos
chagrins philosophiques sont tres légiti
mes; peu de gens pourroient voir sans
confusion , tout ce que la raison et la vertu
comprennent dans la liste des niaise
ries et dans celle des vices ; je n'ai garde
d'entreprendre cette énumération ; les
premiers articles révolteroient la plus
brillante moitié du genre humain, et peu
s'en faudroit qu'avant que de finir je ne
m'attirasse la haine publique ; je croi
d'ailleurs que tout considéré , il vaut
mieux laisser l'Univers en paix , que
d'aller grossir le nombre de ceux qui ont
travaillé vainement à le réformer ; j'espere
que employerai plus utilement mes
Discours en vous priant de faire attention
que vous ne pouvez , sans injustice ,
me river en même- temps de votre conversation
et de vos Lettres ; j'attendois
avec impatience celle dont vous venez
de m'honorer , elle m'a fait un plaisir
infini , j'ai presque oublié votre absence
en la lisant , ou plutôt j'ai formé des re-
I. Vol.
grets
}
DECEMBRE: 1733. 2559
grets sur ce qu'on ne peut jouir de la satisfaction
d'en recevoir qu'au prix de votre
éloignement . Pour me venger de la
rareté de vos Lettres , je suis tenté d'en
faire l'éloge , je pourrois publier hardiment
qu'elles feroient honneur aux meil
leurs Esprits ; on admire en les lisant , la
nouveauté et la finesse des pensées , l'élé,
gance du stile , la politesse du langage ;
vos invectives sont semées de traits qui
ont échapé aux beaux Génies des deux
siécles rivaux ; rien n'est plus ingénieux
ni plus vif que vos dépits , mais ce qui
charme le plus , ce sont les sentimens
nobles et gencreux qui animent tout ce
qui part de vous ; je poursuivrois avec
plaisir , mais connoissant votre éloignement
pour les louanges , je crains de pousser
trop loin ma vangeance , et d'abuser.
de la hardiesse que me donne votre absence
.
Je bornerois là ma réponse , si vous ne
me disicz , Madame , que vous souhaitez
de moi un volume ; vous m'assurez qu'à
la dixiéme lecture , ma Lettie pourra
encore vous délasser des Entretiens triviaux
de votre voisinage champêtre ; animé
de cet espoir séduisant , je vais tâcher
de vous satisfaire ; j'aime mieux m'exposer
au danger de vous ennuyer.comme
1.Vol. VOS
2560 MERCURE DE FRANCE
vos voisins , que de laisser échapper une.
occasion de vous donner des marques de
mon parfait dévouement .
Pour mériter votre attention , du moins
par le choix du sujet , je veux vous parler
de l'Amitié et de sa prééminence sur
l'Amour ; mes réfléxions justifieront la
préférence que vous avez toujours donnée
à vos Amis , sur tous vos Adorateurs.
Le reste paroîtra dans le prochain Mercure...
L... écrite de Toulouse , le 10 Septembre
1733
MADAME,
J'ai reçû depuis trois jours seulement
la Lettre que vous m'avez fait l'honneur
de m'écrire , il y en a plus de quinze ; je
serois en droit de me plaindre de ceux
qui l'ont retenue et qui ont différé par là
le plaisir qu'elle devoit me faire; je poutrois
déclamer contre eux et contre le
sort ; peut- être réussirois - je à parer ces
lieux communs et ces tours usez de quelque
air de nouveauté ; mais en prenantle
ton ordinaire des Amans , j'aurois à
craindre d'être confondu avec ceux dont
j'aurois emprunté le langage Il me paroît
que votre séjour à la Campagne ne vous.
a pas mise dans des dispositions favorables
pour prêter l'oreille à des propos qui'
pourroient avoir un air galant ; les réflé
xions que vous y faites redoublent votre
dégoût pour les frivoles occupations du
genre humain ; elles excitent votre indignation
contre lui , et vous font sentir-
I. Vol.
cam
2558 MERCURE DE FRANCE
combien est méprisable tout ce qui fait
ses délices ; vous aimez votre solitude
comme un azile qui vous dérobe la vûë
de toutes ces miseres , et par un excès de
précaution vous y prolongez votre séjour
avec plaisir , comme dans un lieu de sureté
contre la contagion de l'exemple . Vos
chagrins philosophiques sont tres légiti
mes; peu de gens pourroient voir sans
confusion , tout ce que la raison et la vertu
comprennent dans la liste des niaise
ries et dans celle des vices ; je n'ai garde
d'entreprendre cette énumération ; les
premiers articles révolteroient la plus
brillante moitié du genre humain, et peu
s'en faudroit qu'avant que de finir je ne
m'attirasse la haine publique ; je croi
d'ailleurs que tout considéré , il vaut
mieux laisser l'Univers en paix , que
d'aller grossir le nombre de ceux qui ont
travaillé vainement à le réformer ; j'espere
que employerai plus utilement mes
Discours en vous priant de faire attention
que vous ne pouvez , sans injustice ,
me river en même- temps de votre conversation
et de vos Lettres ; j'attendois
avec impatience celle dont vous venez
de m'honorer , elle m'a fait un plaisir
infini , j'ai presque oublié votre absence
en la lisant , ou plutôt j'ai formé des re-
I. Vol.
grets
}
DECEMBRE: 1733. 2559
grets sur ce qu'on ne peut jouir de la satisfaction
d'en recevoir qu'au prix de votre
éloignement . Pour me venger de la
rareté de vos Lettres , je suis tenté d'en
faire l'éloge , je pourrois publier hardiment
qu'elles feroient honneur aux meil
leurs Esprits ; on admire en les lisant , la
nouveauté et la finesse des pensées , l'élé,
gance du stile , la politesse du langage ;
vos invectives sont semées de traits qui
ont échapé aux beaux Génies des deux
siécles rivaux ; rien n'est plus ingénieux
ni plus vif que vos dépits , mais ce qui
charme le plus , ce sont les sentimens
nobles et gencreux qui animent tout ce
qui part de vous ; je poursuivrois avec
plaisir , mais connoissant votre éloignement
pour les louanges , je crains de pousser
trop loin ma vangeance , et d'abuser.
de la hardiesse que me donne votre absence
.
Je bornerois là ma réponse , si vous ne
me disicz , Madame , que vous souhaitez
de moi un volume ; vous m'assurez qu'à
la dixiéme lecture , ma Lettie pourra
encore vous délasser des Entretiens triviaux
de votre voisinage champêtre ; animé
de cet espoir séduisant , je vais tâcher
de vous satisfaire ; j'aime mieux m'exposer
au danger de vous ennuyer.comme
1.Vol. VOS
2560 MERCURE DE FRANCE
vos voisins , que de laisser échapper une.
occasion de vous donner des marques de
mon parfait dévouement .
Pour mériter votre attention , du moins
par le choix du sujet , je veux vous parler
de l'Amitié et de sa prééminence sur
l'Amour ; mes réfléxions justifieront la
préférence que vous avez toujours donnée
à vos Amis , sur tous vos Adorateurs.
Le reste paroîtra dans le prochain Mercure...
Lieu
Date, calendrier grégorien
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Mots clefs
Constitue la suite d'un autre texte
Est rédigé par une personne
Provient d'un lieu