→ Vous voyez ici les données brutes du contenu. Basculez vers l'affichage optimisé.
Titre

L'HOMME. ODE.

Titre d'après la table

L'Homme, Ode,

Fait partie d'une section
Page de début
2543
Page de début dans la numérisation
230
Page de fin
2549
Page de fin dans la numérisation
236
Incipit

Loin d'ici brillantes chimeres,

Texte
L'HOM M E.
..O D E.
Oin d'ici brillantes chimères ;
De ces cyniques orgueilleux ,
Qui nous ont masqué nos miseres,
Sous les dehors les plus pomp ux.
Suffit- il d'embellir un songe ,
Pour donner chez nous au mensonge ,
L'air spécieux de verité ?
I. Vol. Non A ij
2544 MERCURE DE FRANCE
Non , quelque couleur qu'on employe ,
Je ne puis entrevoir de joye ,
Dans le sein de l'adversité,
V
Au lieu de nous fournir des armes ,
Pour opposer à nos douleurs ;
Pourquoi vouloir dans nos allarmes ,
Nous faire trouver des douceurs ?
Croyez -vous captieux cyniques ,
Par vos emphases magnifiques ,
De l'Homme adoucir les chagrins .
Est- ce que des biens en peinture ,
Peuvent le soustraire à l'injure ,
De ses veritables destins ?

Ecartons ces lumieres sombres ,
Qui ne nous offrent qu'un faux jour ,
Craignons en marchant dans les ombres ,
De nous égarer sans retour.
Par une peinture fidelle ,
De la condition mortelle ,
Tâchons d'appaiser les rigueurs ;
Et quand la celeste vengeance
Se voit pour nous sans indulgence ,
Connoissons du moins nos malheurs.
1. Vol.
L'Homme
DECEMBRE . 1733. 2545
L'Homme est le plus parfait ouvrage ,
Que Dieu jamais ait enfanté;
En lui je vois briller l'Image
De la suprême Majesté .
De l'Univers souverain Maître ,
De l'Auteur même de son Etre
Il eût partagé le bonheur ,
Si , toûjours soumis à ses ordres ,
Il n'eût osé par ses désordres "
Allumer son couroux vengeur.
M
Depuis sa desobéissance ,
Ses biens se sont changez en maux ;
La pauvreté , la dépendance
Ne lui laissent point de repos
Il ouvre à peine à la lumiere ,
Une languissante paupiere ,
Qu'il se voit né pour le malheur ,
En chagrins sa vie est féconde ;
Il ne fait voir qu'il est au monde ,
Qu'en poussant des cris de douleur.
Ses malheureuses destinées ,
Dans son coeur insensiblement ,
Reçoivent avec les années ,
Quelque nouvel accroissement.
Il est à la seconde Aurore
I. Vol. Cent
A iij
2546 MERCURE DE FRANCE
Cent fois plus miserable encore
Qu'il n'étoit au premier Soleil ;
Et la nuit ne suspend ses peines ,
Que pour ajoûter à ses chaînes ,
Un nouveau poids à son réveil.
S'il entre au - dedans de lui- même ,
Quel déluge de maux affreux !
Ce qu'il déteste , ce qu'il aime ,
Le rend tour à tour malheureux.
Entend- il gronder le Tonnerre ,
Il croit voir le Ciel et la Terre
Réunis pour son châtiment ,
Et jamais un bien ne le touche ,
Qu'aussi- tôt une peur farouche
N'en dissipe tout l'agrément,
M
A cette regle generale ,
'Aucun Mortel ne s'est soustrait ;
Tous dans cette coupe fatale ,
Boivent le poison à long trait.
Illustre Héros , Hommes sages ,
Vous avez part à ces outrages ,
Comme les derniers des Humains ;
Le vain effort . que vous vous faites
Pour paroître autres que vous n'êtes ,
Ne rend pas vos jours plus séreins.
I. Vol. Ici
DECEMBRE. 1733. 2547
Ici je vois un fou de Grece ,
Du nom de Sage revêtu ,
Qui cherche à cacher sa foiblesse ,
Sous le manteau de la vertu ;
Mais en vain ; ses belles paroles
Ne sont que des contes frivoles ,
Dont je sçai la juste valeur ;
Et malgré la riante image ,
Qu'il affecte sur son visage ,
Je sens qu'il souffre au fond du coeur .
Eh ! pourquoi de ces mêmes peines ,
Ne subiroit- il point la loy ?
Le sang qui coule dans ses veines ,
N'est- il pas tel qu'il coule en moi ?
Enfans de la même Nature ,
Je n'éprouverois que torture !
Il ne connoîtroit nul chagrin !
Non , sortis d'une même source ,'
Nous devons tous dans notre course
Passer par le même chemin.

Le Sage au- dessus du vulgaire ,
A force de refléxion ,
Peut bien quelquefois se soustraire ,
A quelques maux d'opinion ;
Il peut regarder la tempête ,
91
I. Vol. Prête A iiij
1548 MERCURE DE FRANCE
Prête de fondre sur sa tête
Et jouir d'un profond repos ;
Mais quand la douleur le consume
L'Homme en proye à son amertume ,
Oublie aisément le Héros..
Avec une ardeur non commune
Dans les temps les plus orageux
Il peut , vainqueur de la fortune
Braver ses traits impetueux..
Epictete , par son courage
Goute jusques dans l'esclavage
Les douceurs de la liberté ,
L'attaque- t'on dans sa personne a
Toute sa force l'abandonne ,
Il rentre en sa captivité.
Ah ! si la Nature infléxible
Impose de si tristes Loix ,
Du moins , autant qu'il est possible ,
Tâchons d'en affoiblir le poids.
Puisque l'on trouve quelques charmes
A se soulager par des larmes ,
Mortels , versez- en librement ;
Esclaves d'injustes maximes ,
1. Vol.
PourDECEMBRE
1733. 2549,
Pourquoi vous feriez - vous des crimes
D'un si juste adoucissement
C'est une lâcheté de feindre
Pour exagerer son tourment ;
Mais il est permis de se plaindre ,
Quand on souffre réellement :
Trop sensibles à la misere-
Craignons d'outrager notre Mere
Par quelque reproche indiscret ;
Mais ne nommons jamais constance
Une orgueilleuse indifference ,
Que le coeur dément en secret.

A. De la Boisseliere , F.
Signature

A. De la Boisseliere, J.

Collectivité
Faux
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Genre littéraire
Mots clefs
Soumis par lechott le