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Titre

REMARQUES de M. Gaullier, sur la Censure portée contre lui dans la vingt-huitiéme Lettre du Nouvelliste du Parnasse.

Titre d'après la table

Lettre de M. Gaullier, contre M. ***

Fait partie d'une section
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2318
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525
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2326
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533
Incipit

Le grand Critique qui enfante toutes les semaines une feüille d'impression

Texte
REMARQUES de M. Gaullier , sur la
Censure portée contre lui dans la vingtbuitiéme
Lettre du Nouvelliste du Par
nasse.
E grand Critique qui enfante toutes
les semaines une feuille d'impression
in-douze , de caractere moyen , a jugé à
propos de parler ainsi de la methode de
M. Lefevre que j'ai fait réimprimer
avec des Notes : L'infatigable M. Gaullyer
, dit-il , Professeur au College du Plessis
apublié nne Methode pour l'étude des
humanitez. C'est un Grammairien fecond ;
qui , suivant toutes les apparences , regalera
encore ses Ecoliers d'un bon nombre de Volumes.
Je ne sçai si cette multiplication est
nécessaire. Il me semble que le grand nombre
de Regles accable plus l'Esprit qu'il ne le
soulage.
-
M. Gaullier n'est pas si infatigable
ny si fecond en Grammaires que le Nouvelliste
l'est en Nouvelles , ou plutôt er
Censure et en Satyre . Depuis 1716 , que
parut sa premiere Methode , il n'a fait im
primer que cinq petites parties des Regle ÷
pour la Langue Latine et la Françoise
avec un Abregé de la Grammaire Françoi
se
OCTOBRE.
1737.
2219
se , et des Regles de Poëtique , tirées
d'Aristote ,
d'Horace , de
Despreaux et
d'autres célebres Auteurs , tant anciens
que modernes. Les cinq autres Volumes
de M. Gaullier sont , non des Volumes
de Regles , mais des Auteurs Grecs et.
Latins notés à l'usage des Classes . Tous
douze ont été
approuvés par une , et six
par deux Conclusions de l'Université , en
1716. et en la presente Année 1731. honneur
qui n'avoit été fait à personne avant
lui , que je sçache , et qu'un ou deux seulement
ont reçû après lui .
> Quant aux sept Volumes de Regles
ce n'est qu'un abregé et un choix de ce
que nous avons de plus excellent en ce
genre , je veux dire , des Methodes de
Port -Royal , de la
Grammaire Françoise
de l'Abbé Regnier - Desmarais . Mais com
me M. Gaullier ne regale poine ses Ecoliers
de Regles de Poëtique qui sont audessus
de leur portée , ni de versification
françoise ni de plusieurs autres choses
qu'il leur fait passer dans ses livres , com.
meles
Declinaisons et les
Conjugaisons , les
Préfaces , les
Combinaisons des Verbes ; ces
7. Volumes se réduisent à six , qui tous ensemble
ne font pas plus de cinq cent pages.
Et même M. Gaullier
connoissant un peu
les differents goûts , pour ne pas dire les
Cij
divers
23 20 MERCURE DE FRANCE
divers Caprices des hommes , il a réduit
à une Feuille d'impression de 24. pages
de petit caractere , Le Rudiment et
la Syntaxe 2 Les Préterits et Supins
qui en tiennent plus de 300. in 80. dans
Despautere , et plus de 350. aussi in 8º.
dans Port- Royal 3º plus de 400. pages
de la Methode de Bretonneau ont aussi
été réduites à 26 : et 740 in 4° . de la
Grammaire de M. l'Abbé Regnier - Desmarais
ont été abregés par lui d'abord en
52 pages de Petit-Romain , et puis en 24
de Petit-Texte.
С
Comment le Nouvelliste peut- il donc
se plaindre de la multiplication de mes
Livres de Grammaite et des Regles , et
prophetiser que je regalerai encore mes
Ecoliers d'un grand nombre de Volumes ?
Quand on fait le Métier de Satirique
comme le fait le Nouvelliste , il faudroit
au moins être exempt des fautes qu'on
reprend dans les autres , et ne leur en reprocher
que de vrayes. C'est ici tout le
contraire ; et il me paroît évident que celui
qui de son autorité privée , s'est érigé
depuis six ou sept mois en Juge de tous
les Auteurs , manque lui-même ici de
Jugement.
L'infatigable M. Gaullyer , Professeur
au College du Plessis , a publié, dit- on , une
Methode pour les Humanitez.
La
OCTOBRE. 173. 232F
La Methode que M. Gaullier a publiée ,
n'est point de lui : elle est du celebre M. Le
Fevre de Saumur , Pere de Me Dacier.
Elle n'est que de trois feuilles de Gros
Romain , qui n'en valent pas une de Petit
Texte. Les Notes de M. Gaullier , ne
sont aussi que de trois Feuilles d'un caractere
presque aussi gros . Qui pourra donc
jamais penser qu'un homme qui est accoûtumé
à porter quatre heures et demie
tous les jours le pesant fardeau d'une
Classe , soit nommé infatigable à juste
titre , pour avoir donné au Public six
Feuilles de grosse Impression , dont il y
én a la moitié qui n'est pas de lui ? Mais
quelqu'un ne sera-t'il point tenté de croi
re , que le Nouvelliste , pour bien juger
des Auteurs et de leurs ouvrages , porte
l'exactitude jusqu'à ne pas lire en entier
les titres des Livres , et à passer ce qui y
est écrit en plus petit caractere : et que
c'est là la vraye raison qui paroît lui faire
attribuer à M. Gaullier , un ouvrage qui
est de M. Le Fevre ?
Que si c'est à bon droit qu'on donne le
nom d'Infatigable à M. Gaullier , pour
avoir publié en un an un Livre de six
feuilles , dont il n'y en a que trois de
lui; à combien plus forte raison doit- on le
donner au Nouvelliste , qui , sans se fa-
Ciij tiguer
2322 MERCURE DE FRANCE
"
tiguer , fatiguera tous les ans le Public
de 52. Feuilles d'impression , qui est au
dessous de celle de la Methode de M. Le
Fevre et des Notes de M. Gaullier.
C'est un Grammairién fecond , continuë
le Nouvelliste , qui , suivant toutes les ap
parences , regalera encore ses Ecoliers d'un
bon nombre de Volumes. Il me semble que
le Nouvelliste est à peu près du même
caractere que la Déesse qui préside aux
Nouvelles , je veux dire la Renommée
dont Virgile dit quelque part :
Tamficti pravique tenax quàm nuntia veri;
La difference qui me paroît être entre
elle et lui , c'est que cette Déesse publie
également la verité et la fausseté , et que
notre homme panche plus souvent du
côté de la fausseté et verifie en sa personne
d'une maniere qui lui est propre
ce qui est dit de l'homme en general ,
Omnis homo mendax,
Une autre difference qui ne me paroît
pas moins considerable , c'est que la Ré
nommée rne nous annonce que le passé ,
et que le Nouvelliste se mêle de nous
prédire l'avenir , et s'érige en Prophete
de malheur , ou en diseur de mauvaises
avantures ; car ne peut- on pas donner ce
nom au régal d'un bon nombre de Volu◄

mes
OCTOBRE. 1731. 2325
*
mes de Grammaire , qu'il pronostique à
mes Ecoliers ?
Mais encore sur quoi est fondée cette
nouvelle Prophetie ? Et comment peutelle
avoir aucune apparence de verité ?
Si on juge de l'avenir par le passé , comme
la raison le veut , quelle apparence que
moi , qui , depuis 1719. que la cinquiéme
partie des Regles a parue , n'ai regalé
mes Ecoliers que du petit Volume de la
Grammaire Françoise , je les regale dans
la suite d'un bon nombre de Volumes ?
Pour moi , si j'aimois à prophetiser , je
pourrois dire que le Nouvelliste est un
Critique fecond , qui , suivant toutes les
apparences , regalera encore le Public
d'un bon nombre de Lettres. Il l'a promis
; il tient parole ; depuis sept mois ,
il nous a déja servi 29. de ces Lettres :
c'est un gage presque sûr pour l'avenir ;
à moins que le Public ne persevere de plus
en plus à ne pas faire cas du régal qu'on
veut lui donner malgré lui .
Je ne sçai , c'est le Nouvelliste qui parle
, si cette multiplication est nécessaire . Il
me semble que le grand nombre de Regles
accable plus l'Esprit qu'il ne le soulage.
Pour moi je crois sçavoir que la multiplication
des Regles er des Volumes de
Grammaire , non seulement n'est pas
Ciiij néces-
-
2324 MERCURE DE FRANCE
gles ,
1
nécessaire , mais même est très- inutile
et très - préjudiciable. C'est pour cela que
j'ai tant abregé les gros Volumes de Resoit
pour le Latin soit pour le
François ; et que , comme je l'ai déja
prouvé plus haut par les faits , je les ai
réduit d'abord à 100. ou 200. pages, puis
à une feuille de 24. Pages. C'est pour la
même raison que j'ai donné au Public
une nouvelle Edition de la petite Methode
de M. Le Fevre , afin d'empêcher , s'il
est possible , la multiplication des nouveaux
systêmes pour le Latin , dont l'exposition
et les préliminaires sont souvent
beaucoup plus longs et plus ennuyeux que
toutes les Regles , et d'étouffer dans leur
naissance un bon nombre d'insectes de la
basse litterature , qui fourmillent et pul- .
lulent de tous côtés depuis quinze ou
vingt ans et qui achevent de ruiner et
de désoler le Pays de la Grammaire , qui
de sa Nature est si peu riante et si peu
fertille.
Voilà ce que je crois sçavoir , et à quoi
est bonne la nouvelle édition du petit
ouvrage de M. Le Fevre. Ce que je ne sçai
pas , c'est si cette multiplication de Nouvelles
Litteraires est bien nécessaire , et
si elle n'accable et n'assomme pas plutôt
le Public qu'elle ne le soulage . Nous
avons
OCTOBRE 1731. 2325
avons déja tant d'autres ouvrages de cette
espece , qui ont la vogue depuis tant d'années,
sans parler des autres.
Il s'en faut bien que le Nouvelliste du
Parnasse ait toutes les bonnes qualitez et
tous les avantages des autres ouvrages Periodiques
premierement le titre en est
trompeur. C'est un Nouvelliste qui n'apprend
point de Nouvelles ; il ne se borne
point au Parnasse mais il descend du
haut de cette Montagne , dans les Vallées
les plus basses , d'où ensuite il s'écarte à
droite et à gauche et s'égare dans le
pays de la Rethorique et de la Grammaire
, qu'il ne connoît que très- imparfaitement
, et des autres Arts liberaux. Le
titre de Nouvelliste du Parnasse ne lui
convient donc en aucune maniere , à
moins qu'on ne veüille faire entendre parlà
qu'il prétend jouir du Privilege du
Parnasse , c'est - à-dire , de feindre et de
mentir comme les Poëtes qui habitent
cette Montagne .
,
Mais au lieu des Nouvelles.du Parnasse
qu'il nous promet , comme il juge des
autres par lui- même , il croit que des
Censures et des Satyres , même fausses
leur feront plus de plaisir. Il monte donc
sur un Tribunal qu'il s'érige à lui-même ,
et de- là il prononce toûjours avec har-
Cv diesse
L
2326 MERCURE DE FRANCE
diessse , mais souvent sans modération et
sans équité , des Jugemens précipitez et
injustes contre tous ceux qui lui sont
bien superieurs en science et en autorité ;
contre les ROLLINS les GIBERTS
les VOLTAIRES . Il faut donc lui ôter
son nom de Nouvelliste du Parnasse , qui
est faux , comme nous venons de le prouver
, et qui de plus ne donne pas de lui
une bonne idée , puisque Nouvelliste ne
se prend gueres qu'en mauvaise part ; et
lui donner le nom de Censeur general de
la Republique des Lettres.
On peut aussi dire de lui , ce que l'E
criture dit d'Ismaël , Gen. 16. 12. Qu'il
leve la main contre tous , Manus ejus
contra omnes ; et ajoûter que tous leve-
'ront aussi la main contre lui ; Etmanus
omnium contra eum ; à moins que le peu
de cas qu'on paroît faire de lui , ne le
fasse rentrer dans le néant dont il est
sorti depuis quelques mois .
Voilà une partie de ce que j'avois à ré,
pondre , pour deffendre contre le Nouvelliste
Parnassien le peu de réputation
que je me suis acquise depuis 15. ou 20.
ans , qui m'est nécessaire pour continuer
ma Profession avec honneur , et que ce
Critique injuste veut , mais ne doit ni
ne pourra jamais m'ôter.
Genre
Collectivité
Faux
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Résumé
M. Gaullier, professeur au Collège du Plessis, réagit à une critique parue dans le Nouvelliste du Parnasse concernant sa méthode d'enseignement des humanités. Le critique, surnommé le 'grand Critique', reproche à M. Gaullier de publier trop de volumes de grammaire. M. Gaullier réfute cette accusation en détaillant ses publications depuis 1716. Il a publié cinq parties de règles pour le latin et le français, un abrégé de grammaire française et des règles de poétique. En outre, il a édité des auteurs grecs et latins annotés. Tous ses ouvrages ont été approuvés par l'Université. M. Gaullier précise que ses sept volumes de règles sont des abrégés des meilleures méthodes existantes, réduisant des œuvres volumineuses à des formats plus accessibles. Il critique le Nouvelliste pour ses erreurs et son manque de jugement, notant que ce dernier publie des nouvelles et des satires sans fondement. M. Gaullier défend son travail en expliquant que ses publications visent à simplifier et à rendre les règles grammaticales plus accessibles, contrairement aux affirmations du Nouvelliste. Il conclut en critiquant le titre trompeur et les jugements hâtifs du Nouvelliste, suggérant de le renommer 'Censeur général de la République des Lettres'.
Est rédigé par une personne
Soumis par eljorfg le