Titre
LETTRE écrite des confins du Diocèse de Sens et de celui d'Auxerre, aux Auteurs du Mercure.
Titre d'après la table
Lettre sur les Villes d'Auxerre et de Joigny,
Fait partie d'une livraison
Fait partie d'une section
Page de début
1930
Page de début dans la numérisation
321
Page de fin
1932
Page de fin dans la numérisation
323
Incipit
Quoique nous soyons, Messieurs, dans un Pays qui fait profession
Texte
LETTRE écrite des confins du Diocèse
de Sens et de celui d'Auxerre , aux Anteurs
du Mercure.
Quoique nous soyons , Messieurs ,
dans un Pays qui fait profession
d'une parfaite neutralité en ce qui regarde
les interêts des Villes d'Auxerre
et de Joigny nous serions cependant bien
aises de sçavoir si Ms de la Ville d'Auxerre
, laisseront sans replique l'Ecrit qui
a parû au mois de Mars dernier , imprimé
dans votre Journal du mois précedent
et comme Mercure les a si bien servis en
1723. et 1724. nous croyons que selon
les apparences il ne se démentira point
en 1731. Si ce Messager des Dieux étoit
d'humeur de faire connoître au Public
tout ce qui se présente sous les yeux des
Curieux , nous pourrions lui confier l'observation
qui se lit au bas de la page 454.
de l'ancienne Histoire Latine des Evêques
d'Auxerre , chez le Pere Labbe , où les
Habitans de la Ville de Joigny ( qui à
peine existoit alors ) et des environs , sont
appellez par un Auteur de la fin du onziéme
siecle , Dolosi Senonenses , Autissiodorensis
AOUST. 1731. 1931
dorensis hostes Ecclesia et Urbis perpetui
qui solebant ad muros usque civitatis irruentes
, furtivis conatibus frequenter et impunè
pradari. Ceci est presque une preuve convaincante
que le Pays de ces Senonois ne
valoit pas celui d'Auxerre , puisque ce
ne pouvoit être que la necessité qui les
forçoit à courir contre cette Ville. Car
s'ils disent que c'étoit l'amour de la proye
et de la rapine , comme autrefois chez
les Normans , cela ne tourneroit qu'à la
confusion de leurs Ancêtres , et rejaillisoit
en partie sur eux.
Pour nous, Messieurs , que notre Commerce
engage à frequenter également ces
deux Villes , nous n'épousons pas plus le
parti de l'une que celui de l'autre ; mais
nous ne pouvons passer sous silence que
nous nous sommes apperçus d'une aussi
grande difference entre le regime de Communauté
de ces deux mêmes Villes , qu'il
y en a entre le langage de la Populace de
l'une et de l'autre. ( a ) On diroit qu'à
(a ) Le Peuple de Joigny, change tous les on en
an, et tous les an en on , ce que celui d'Auxerre
ne fait pas , quoiqu'au reste , à cela près , il ne
parle gueres mieux. Un Etranger passant par Joigny
il y a quelques années , ne put tenir ses éclats
de rire entendant une femme s'excuser de ce qu'elle
ne pouvoit quitter la maison et aller aider à sa
voisine à fondre sen beure , parce que son mari
Joigny
1932 MERCURE DE FRANCE
Joigny l'on apprehende la guerre comme
prochaine , tant on est attentif à se fermer
et à ne pas laisser la moindre breche
aux murs : au lieu qu'à Auxerre , loin
de se fermer et de se baricader , comme
à Joigny , on fait ouverture par tout , on
rabbaisse la hauteur des murailles , on y
abbat les Tours , les Bastilles et les Corps
de garde. On a raison dans le fond en
cette derniere Ville , si la premiere Bataille
qu'on livrera ne doit être qu'avec
les verres et les bouteilles . Ce sera l'éve
ment qui en décidera , et nous ne voulons
point en être garants. Au reste nous
vous assurons , Messieurs
crimons point ici autrement , en saluant
vos santez , et que nous sommes , &c.
Ce 8. Juillet 1731 .
3 que
nous n'esétoit
allé en campagne pour fendre du bois . Eh
Dieu , ma Commere , lui dit- elle , je suis marrie
de ce que je ne sçaurois aller t'aider à fendre
ton beure : ne sçais - tu pas que notre homme est
allé en compagne pour fondre du bois ? Il n'y a
d'Auxerre à Joigny que six petites lieuës , mais
la distance morale est considerable entre les deux
Villes , surtout par rapport à la politesse , &c.
de Sens et de celui d'Auxerre , aux Anteurs
du Mercure.
Quoique nous soyons , Messieurs ,
dans un Pays qui fait profession
d'une parfaite neutralité en ce qui regarde
les interêts des Villes d'Auxerre
et de Joigny nous serions cependant bien
aises de sçavoir si Ms de la Ville d'Auxerre
, laisseront sans replique l'Ecrit qui
a parû au mois de Mars dernier , imprimé
dans votre Journal du mois précedent
et comme Mercure les a si bien servis en
1723. et 1724. nous croyons que selon
les apparences il ne se démentira point
en 1731. Si ce Messager des Dieux étoit
d'humeur de faire connoître au Public
tout ce qui se présente sous les yeux des
Curieux , nous pourrions lui confier l'observation
qui se lit au bas de la page 454.
de l'ancienne Histoire Latine des Evêques
d'Auxerre , chez le Pere Labbe , où les
Habitans de la Ville de Joigny ( qui à
peine existoit alors ) et des environs , sont
appellez par un Auteur de la fin du onziéme
siecle , Dolosi Senonenses , Autissiodorensis
AOUST. 1731. 1931
dorensis hostes Ecclesia et Urbis perpetui
qui solebant ad muros usque civitatis irruentes
, furtivis conatibus frequenter et impunè
pradari. Ceci est presque une preuve convaincante
que le Pays de ces Senonois ne
valoit pas celui d'Auxerre , puisque ce
ne pouvoit être que la necessité qui les
forçoit à courir contre cette Ville. Car
s'ils disent que c'étoit l'amour de la proye
et de la rapine , comme autrefois chez
les Normans , cela ne tourneroit qu'à la
confusion de leurs Ancêtres , et rejaillisoit
en partie sur eux.
Pour nous, Messieurs , que notre Commerce
engage à frequenter également ces
deux Villes , nous n'épousons pas plus le
parti de l'une que celui de l'autre ; mais
nous ne pouvons passer sous silence que
nous nous sommes apperçus d'une aussi
grande difference entre le regime de Communauté
de ces deux mêmes Villes , qu'il
y en a entre le langage de la Populace de
l'une et de l'autre. ( a ) On diroit qu'à
(a ) Le Peuple de Joigny, change tous les on en
an, et tous les an en on , ce que celui d'Auxerre
ne fait pas , quoiqu'au reste , à cela près , il ne
parle gueres mieux. Un Etranger passant par Joigny
il y a quelques années , ne put tenir ses éclats
de rire entendant une femme s'excuser de ce qu'elle
ne pouvoit quitter la maison et aller aider à sa
voisine à fondre sen beure , parce que son mari
Joigny
1932 MERCURE DE FRANCE
Joigny l'on apprehende la guerre comme
prochaine , tant on est attentif à se fermer
et à ne pas laisser la moindre breche
aux murs : au lieu qu'à Auxerre , loin
de se fermer et de se baricader , comme
à Joigny , on fait ouverture par tout , on
rabbaisse la hauteur des murailles , on y
abbat les Tours , les Bastilles et les Corps
de garde. On a raison dans le fond en
cette derniere Ville , si la premiere Bataille
qu'on livrera ne doit être qu'avec
les verres et les bouteilles . Ce sera l'éve
ment qui en décidera , et nous ne voulons
point en être garants. Au reste nous
vous assurons , Messieurs
crimons point ici autrement , en saluant
vos santez , et que nous sommes , &c.
Ce 8. Juillet 1731 .
3 que
nous n'esétoit
allé en campagne pour fendre du bois . Eh
Dieu , ma Commere , lui dit- elle , je suis marrie
de ce que je ne sçaurois aller t'aider à fendre
ton beure : ne sçais - tu pas que notre homme est
allé en compagne pour fondre du bois ? Il n'y a
d'Auxerre à Joigny que six petites lieuës , mais
la distance morale est considerable entre les deux
Villes , surtout par rapport à la politesse , &c.
Signature
Ce 8. Juillet 1731.
Date, calendrier grégorien
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Mots clefs
Domaine
Provient probablement d'un lieu