Titre
ORPHÉE, OU L'AMOUR TROMPEUR. POËME.
Titre d'après la table
L'Amour trompeur, Poëme,
Fait partie d'une livraison
Fait partie d'une section
Page de début
1908
Page de début dans la numérisation
299
Page de fin
1912
Page de fin dans la numérisation
303
Incipit
Muse, raconte moi par quels heureux ressorts,
Texte
ORPHE' E ,
OU L'AMOUR TROMPEUR
Muse, raco
..
POE ME.
1
Use, raconte moi ,par quels heureux ressorts,
Orphée eût triomphé du fier Tyran des Morts ,
Si l'Amour qui l'aida n'eût trahi sa constance .
Ce Dieu fait - il toujours redouter sa puissance a
Par un himen flateur , ce Chantre si fameux
Orphée étoit enfin au comble de ses voeux ,
L'Amour reconnoissant , sensible à ses allarmes ,
Le couronnoit de Myrthe en essuyant ses larmes
,
Et prodiguant sur lui ses dons et ses bienfaits¸
L'invitoit à gouter les biens les plus parfaits.
Son bonheur ne fut pas d'une longue durée ;
Euridice bientôt fut de lui séparée ,
Son malheureux déstin , rompant un noeud si
beau ,
Précipita ses jours dans la nuit du tombeau.
Que ce coup fut cruel pour un Epoux si tendre !
Du désespoir affreux son sort alloit dépendre ,
Quand le fils de Venus touché de son malheur ,
Réveilla ses esprits , appaisa sa douleur ,
E
A O UST . 1909 1731 .
It sous le feint maintient d'un ami doux et sage,
Au Chantre de la Thrace addressa ce langage :
les grands revers qu'un Heros ab-
C'est par
batu ,
» Montre quel est son coeur et quelle est sa vertu.
» Chassez , fils d'Appollon , cette sombre tristesse
; -
» Son cours poussé trop loin dégenere en foiblesse
;
Craignez donc de ternir ces exploits glorieux ;
» Et d'attirer sur vous la colere des Dieux.
Rappelés ces hauts faits que tout le monde
admire
» Ces prodiges divers qu'enfante votre Lyre ;
La nature attentive écoute votre voix ;
» Elle subit le joug de vos aimables Loix ;
»Les Monstres à vos pieds déposent leur furie ,
» Et viennent s'abreuver d'une douce harmonie ;
» Courés et vangés - vous des injures du sort ;
Allés dans les Enfers triompher de la Mort ; -
De ses sanglantes mains tirés votre conquête
,
» Redonnés à la Thrace une nouvelle fête :
» Rien ne peut resister , vous l'avés éprouvé ,
>> Ce triomphe inoui vous étoit reservé.
Il dit , et du succès lui peignant l'apparence ,
Il souffle dans son coeur la flateuse esperance ,
Sur le Mort Rhodopé l'amour conduit ses pas ,
L'abord de l'antre affreux ne le tebute pas ,
pas,
D Il
1910 MERCURE DE FRANCE
Il descend , et poussé par l'amour et la gloire ,
Il contemple d'abord le prix de sa victoire.
Il prend en main sa Lyre et forme ses accords ;
Il chante , il se surpasse , et ses derniers efforts
Assoupissent Cerbere , enchantent le Tenare ;
Pluton sent attendrir son cur dur et barbare
Il écoute , il resiste , il se rend , et soudain
Son sceptre rédouté lui tombe de la main.
Quel est donc ce mortel qui par de si doux
charmes ,
Vient , dit alors Pluton , de m'arracher les
armes ;
» Quel nouveau stratagéme enchante ainsi mes
sens ?
Rend ma fureur docile et mes bras impuissants
?
Vous , de mon Trône ardent soutiens iné
branlables ,
* Victimes des Enfers , infortunés coupables ;
» Qui goutés comme moy , tous ces charmes
nouveaux
Dont les effets vainqueurs suspendent mes
Aeaux ,
» Connoissés-vous encor mon infernal em
pire ?
» Ressentés - vous l'effroy que son seul nom inspire
?
>>
·
Non ; ce séjour n'est plus un séjour de tourments;
¡» Un
1
A OUST 1911 17317
Un Dieu plus fort que moy fait ces enchan
tements.
A ces mots il s'avance et les ombres craintives',
Accourent avec lui sur les obscures rives ,
Il apperçoit Orphée , et s'addressant à lui ,
Dissipe ainsi sa crainte et charme son ennui :
30 Je sçai , dit-il , je sçai le sujet qui t'ameine
Dans ces lieux ou les Morts n'abordent qu'avec
peine
» Epoux trop genereux , pour couronner ta foy,
» Je veux te satisfaire et revoquer ma loy.
Pour prix de tant d'amour je te rends Eu
ridice ;
Je Consens que l'hymen tous deux vous reünisse
;
Joüis, charmant mortel,du fruit de tes soupirs;
Pluton charmé , vaincu , l'accorde à tes dé
sirs.
Abstien- toy de la voir dans mon Royaume
sombre ,
Autrement tes regards ne verroient que son
ombre.
Que ne peut point l'amour reduit au déses
Epour ?
Mais qu'il est dangereux avec tant de pouvoir !
Orphée impatient ne contient point sa vuë ;
La voit en un moment recouvrée et perduë.
Ainsi punit Pluton l'infracteur de ses loix.
A
Dij
Le
1912 MERCURE DE FRANCE
Le coupable a recours à sa Lyre , à sa voix ;
Icrie , il se tourmente , il rappelle Euridice ;
Il attend que Pluton derechef s'attendrisse.
C'est en vain , Dieu d'Amour , sont-ce là de tes
jeux ?
Un moment voit Orphée heureux et malheu
reux .
Dieu trompeur ! les mortels sont toujours tes
victimes.
Soit qu'ils brûlent de feux impurs , ou legitimes
;
Ta faveur est un leurre et ton zele un abus ;
Tes faux biens sont suivis de regrets superflus.
M. de S. Bonet , Juge des Appellations
dans le Comtat Venaissin.
OU L'AMOUR TROMPEUR
Muse, raco
..
POE ME.
1
Use, raconte moi ,par quels heureux ressorts,
Orphée eût triomphé du fier Tyran des Morts ,
Si l'Amour qui l'aida n'eût trahi sa constance .
Ce Dieu fait - il toujours redouter sa puissance a
Par un himen flateur , ce Chantre si fameux
Orphée étoit enfin au comble de ses voeux ,
L'Amour reconnoissant , sensible à ses allarmes ,
Le couronnoit de Myrthe en essuyant ses larmes
,
Et prodiguant sur lui ses dons et ses bienfaits¸
L'invitoit à gouter les biens les plus parfaits.
Son bonheur ne fut pas d'une longue durée ;
Euridice bientôt fut de lui séparée ,
Son malheureux déstin , rompant un noeud si
beau ,
Précipita ses jours dans la nuit du tombeau.
Que ce coup fut cruel pour un Epoux si tendre !
Du désespoir affreux son sort alloit dépendre ,
Quand le fils de Venus touché de son malheur ,
Réveilla ses esprits , appaisa sa douleur ,
E
A O UST . 1909 1731 .
It sous le feint maintient d'un ami doux et sage,
Au Chantre de la Thrace addressa ce langage :
les grands revers qu'un Heros ab-
C'est par
batu ,
» Montre quel est son coeur et quelle est sa vertu.
» Chassez , fils d'Appollon , cette sombre tristesse
; -
» Son cours poussé trop loin dégenere en foiblesse
;
Craignez donc de ternir ces exploits glorieux ;
» Et d'attirer sur vous la colere des Dieux.
Rappelés ces hauts faits que tout le monde
admire
» Ces prodiges divers qu'enfante votre Lyre ;
La nature attentive écoute votre voix ;
» Elle subit le joug de vos aimables Loix ;
»Les Monstres à vos pieds déposent leur furie ,
» Et viennent s'abreuver d'une douce harmonie ;
» Courés et vangés - vous des injures du sort ;
Allés dans les Enfers triompher de la Mort ; -
De ses sanglantes mains tirés votre conquête
,
» Redonnés à la Thrace une nouvelle fête :
» Rien ne peut resister , vous l'avés éprouvé ,
>> Ce triomphe inoui vous étoit reservé.
Il dit , et du succès lui peignant l'apparence ,
Il souffle dans son coeur la flateuse esperance ,
Sur le Mort Rhodopé l'amour conduit ses pas ,
L'abord de l'antre affreux ne le tebute pas ,
pas,
D Il
1910 MERCURE DE FRANCE
Il descend , et poussé par l'amour et la gloire ,
Il contemple d'abord le prix de sa victoire.
Il prend en main sa Lyre et forme ses accords ;
Il chante , il se surpasse , et ses derniers efforts
Assoupissent Cerbere , enchantent le Tenare ;
Pluton sent attendrir son cur dur et barbare
Il écoute , il resiste , il se rend , et soudain
Son sceptre rédouté lui tombe de la main.
Quel est donc ce mortel qui par de si doux
charmes ,
Vient , dit alors Pluton , de m'arracher les
armes ;
» Quel nouveau stratagéme enchante ainsi mes
sens ?
Rend ma fureur docile et mes bras impuissants
?
Vous , de mon Trône ardent soutiens iné
branlables ,
* Victimes des Enfers , infortunés coupables ;
» Qui goutés comme moy , tous ces charmes
nouveaux
Dont les effets vainqueurs suspendent mes
Aeaux ,
» Connoissés-vous encor mon infernal em
pire ?
» Ressentés - vous l'effroy que son seul nom inspire
?
>>
·
Non ; ce séjour n'est plus un séjour de tourments;
¡» Un
1
A OUST 1911 17317
Un Dieu plus fort que moy fait ces enchan
tements.
A ces mots il s'avance et les ombres craintives',
Accourent avec lui sur les obscures rives ,
Il apperçoit Orphée , et s'addressant à lui ,
Dissipe ainsi sa crainte et charme son ennui :
30 Je sçai , dit-il , je sçai le sujet qui t'ameine
Dans ces lieux ou les Morts n'abordent qu'avec
peine
» Epoux trop genereux , pour couronner ta foy,
» Je veux te satisfaire et revoquer ma loy.
Pour prix de tant d'amour je te rends Eu
ridice ;
Je Consens que l'hymen tous deux vous reünisse
;
Joüis, charmant mortel,du fruit de tes soupirs;
Pluton charmé , vaincu , l'accorde à tes dé
sirs.
Abstien- toy de la voir dans mon Royaume
sombre ,
Autrement tes regards ne verroient que son
ombre.
Que ne peut point l'amour reduit au déses
Epour ?
Mais qu'il est dangereux avec tant de pouvoir !
Orphée impatient ne contient point sa vuë ;
La voit en un moment recouvrée et perduë.
Ainsi punit Pluton l'infracteur de ses loix.
A
Dij
Le
1912 MERCURE DE FRANCE
Le coupable a recours à sa Lyre , à sa voix ;
Icrie , il se tourmente , il rappelle Euridice ;
Il attend que Pluton derechef s'attendrisse.
C'est en vain , Dieu d'Amour , sont-ce là de tes
jeux ?
Un moment voit Orphée heureux et malheu
reux .
Dieu trompeur ! les mortels sont toujours tes
victimes.
Soit qu'ils brûlent de feux impurs , ou legitimes
;
Ta faveur est un leurre et ton zele un abus ;
Tes faux biens sont suivis de regrets superflus.
M. de S. Bonet , Juge des Appellations
dans le Comtat Venaissin.
Signature
M. de S. Bonet, Juge des Appellations dans le Comtat Venaissin.
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Genre littéraire
Mots clefs