Titre
LETTRE de M ... sur la Médisance.
Titre d'après la table
Lettre sur la Médisance,
Fait partie d'une livraison
Fait partie d'une section
Page de début
1859
Page de début dans la numérisation
250
Position sur la page
1
Page de fin
1862
Page de fin dans la numérisation
253
Incipit
Que pensez-vous, Monsieur, de mon Projet ? j'entreprens de critiquer le
Texte
LETTRE de M... sur la Médisance.
QProjet ?
Ue pensez- vous , Monsieur, de mon
Projet ? j'entreprens de critiquer le
pernicieux usage de la Médisance qui s'est
introduit dans les Conversations , et qui
se fortifie chaque jour par le plaisir que
certaines personnes semblent y trouver.
Je n'examinerai point lequel des deux !
Sexes a le plus contribué au mal , mais i
je n'oserois me persuader que le nôtre y
ait beaucoup de part : quoiqu'il en soit ,
j'avois souvent formé le dessein de vous
en porter mes plaintes comme à un Spectateur
chargé en quelque maniere , du
soin de corriger les deffauts- des hommes,
en faisant sentir leur ridicule ; mais , je
Craignois que le beau Sexe ne prît ma
démarche
5
1860 MERCURE DE FRANCE
démarche pour une entreprise sur ses droits :
vous n'ignorez pas que ce Corps est aussi
dangereux que respectable , ainsi je n'osois
m'opposer ouvertement à ses maximes
et à ses usages ; mais la Conversation
dont j'ai été témoin dans une de ces Societez
médisantes , me fait aujourd'hui
braver tous les dangers .
Je me trouvai dernierement chez Celimene
, auprès de laquelle se rassemblent
certaines Dames douées de cet esprit satirique
, qu'elles nomment Esprit fait
pour la belle Conversation , je ne fus point
scandalisé de les entendre débuter par des
traits de raillerie , sur leurs voisines et sur
leurs amies , par une critique des Ajustemens
, et par l'éloge des profusions en
habits , dentelles , &c. servant à la parure;
ce qui excita mon étonnement , c'est le
déchaînement de cette aimable Societé sur
l'origine , les moeurs et la fortune de trois
honnêtes Familles , qu'à peine elles connoissoient
et que je connois parfaitement.
Je m'élevai contre la calomnie , je fus repoussé
par les cris tumultueux et emportez
de cette Cabales j'étois sur le point
de me deffendre par la retraite , lorsqu'une
de ces belles Babillardes se chargea
de me prouver qu'il étoit permis à
son Sexe de déchirer impunément tous
les
A O UST . 1731 1861
les Objets que son imagination lui présentoit
, elle se servit pour cela de deux
propositions qui vous paroîtront aussi -
nouvelles qu'à moi ; la premiere , que le
beau Sexe peut se livrer indifferemment
à la câlomnie & à la médisance , parce
que les traits qu'il lance ne font aucune
impression ; sans doute , suivant le proverbe
vulgaire ( c'est une femme qui
parle. )
La seconde proposition étoit fondée sur
un faux zele pour la verité. La Dame
soutint que la calomnie et la médisance
n'étoient autre chose que le langage du
yrai et du , naturel , et que ceux qui n'en
faisoient point usage étoient ennemis jurez
de la verité , et des hypocrites qui ne
devoient trouver accès ni place dans les
societez ; je vous avoüerai que ce raisonnement
m'avoit échauffé au point de vouloir
répondre avec plus de vivacité que
je n'avois été attaqué , lorsqu'une de ces
Dames se jetta sur sa propre famille et
sur le principe , qu'il ne falloit pas
épargner son sang ; une troisième enfin
ne cherchant qu'à maintenir les prétendus
privileges de son Sexe , me dit
la médisance et la calomnie étoient un
de ses plus beaux appanages , et que par
consequent ma surprise étoit une espece
d'at B
même
que
7862 MERCURE DE FRANCE
d'attentat qu'on ne devoit point me pardonner
,je fus forcé par cette déclaration
de battre en retraite , et de laisser cette .
charmante Assemblée déliberer sur le
choix de mon supplice.
Je vous fais part de cette avanture ;
Monsieur , parce que le mal augmente
tous les jours , et que ce poison paroît si
subtil , qu'à peine les personnes raisonnables
des deux Sexes , peuvent- ils s'en
garantir j'espere que sur ma dénonciation
quelque plume charitable et éloquente
fera sentir toute l'horreur de ce genre
d'amusement et de plaisir , et travaillera
à détourner le beau Sexe d'un penchant
si funeste.
QProjet ?
Ue pensez- vous , Monsieur, de mon
Projet ? j'entreprens de critiquer le
pernicieux usage de la Médisance qui s'est
introduit dans les Conversations , et qui
se fortifie chaque jour par le plaisir que
certaines personnes semblent y trouver.
Je n'examinerai point lequel des deux !
Sexes a le plus contribué au mal , mais i
je n'oserois me persuader que le nôtre y
ait beaucoup de part : quoiqu'il en soit ,
j'avois souvent formé le dessein de vous
en porter mes plaintes comme à un Spectateur
chargé en quelque maniere , du
soin de corriger les deffauts- des hommes,
en faisant sentir leur ridicule ; mais , je
Craignois que le beau Sexe ne prît ma
démarche
5
1860 MERCURE DE FRANCE
démarche pour une entreprise sur ses droits :
vous n'ignorez pas que ce Corps est aussi
dangereux que respectable , ainsi je n'osois
m'opposer ouvertement à ses maximes
et à ses usages ; mais la Conversation
dont j'ai été témoin dans une de ces Societez
médisantes , me fait aujourd'hui
braver tous les dangers .
Je me trouvai dernierement chez Celimene
, auprès de laquelle se rassemblent
certaines Dames douées de cet esprit satirique
, qu'elles nomment Esprit fait
pour la belle Conversation , je ne fus point
scandalisé de les entendre débuter par des
traits de raillerie , sur leurs voisines et sur
leurs amies , par une critique des Ajustemens
, et par l'éloge des profusions en
habits , dentelles , &c. servant à la parure;
ce qui excita mon étonnement , c'est le
déchaînement de cette aimable Societé sur
l'origine , les moeurs et la fortune de trois
honnêtes Familles , qu'à peine elles connoissoient
et que je connois parfaitement.
Je m'élevai contre la calomnie , je fus repoussé
par les cris tumultueux et emportez
de cette Cabales j'étois sur le point
de me deffendre par la retraite , lorsqu'une
de ces belles Babillardes se chargea
de me prouver qu'il étoit permis à
son Sexe de déchirer impunément tous
les
A O UST . 1731 1861
les Objets que son imagination lui présentoit
, elle se servit pour cela de deux
propositions qui vous paroîtront aussi -
nouvelles qu'à moi ; la premiere , que le
beau Sexe peut se livrer indifferemment
à la câlomnie & à la médisance , parce
que les traits qu'il lance ne font aucune
impression ; sans doute , suivant le proverbe
vulgaire ( c'est une femme qui
parle. )
La seconde proposition étoit fondée sur
un faux zele pour la verité. La Dame
soutint que la calomnie et la médisance
n'étoient autre chose que le langage du
yrai et du , naturel , et que ceux qui n'en
faisoient point usage étoient ennemis jurez
de la verité , et des hypocrites qui ne
devoient trouver accès ni place dans les
societez ; je vous avoüerai que ce raisonnement
m'avoit échauffé au point de vouloir
répondre avec plus de vivacité que
je n'avois été attaqué , lorsqu'une de ces
Dames se jetta sur sa propre famille et
sur le principe , qu'il ne falloit pas
épargner son sang ; une troisième enfin
ne cherchant qu'à maintenir les prétendus
privileges de son Sexe , me dit
la médisance et la calomnie étoient un
de ses plus beaux appanages , et que par
consequent ma surprise étoit une espece
d'at B
même
que
7862 MERCURE DE FRANCE
d'attentat qu'on ne devoit point me pardonner
,je fus forcé par cette déclaration
de battre en retraite , et de laisser cette .
charmante Assemblée déliberer sur le
choix de mon supplice.
Je vous fais part de cette avanture ;
Monsieur , parce que le mal augmente
tous les jours , et que ce poison paroît si
subtil , qu'à peine les personnes raisonnables
des deux Sexes , peuvent- ils s'en
garantir j'espere que sur ma dénonciation
quelque plume charitable et éloquente
fera sentir toute l'horreur de ce genre
d'amusement et de plaisir , et travaillera
à détourner le beau Sexe d'un penchant
si funeste.
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux