Titre
EXTRAIT d'une Lettre de Bourgogne sur le Journal de Paris sous les Regnes de Charles VI. & Charles VII.
Titre d'après la table
Extrait d'une Lettre sur les Regnes de Charles VI. & Charles VII.
Fait partie d'une livraison
Fait partie d'une section
Page de début
2616
Page de début dans la numérisation
69
Page de fin
2620
Page de fin dans la numérisation
73
Incipit
Le Journal des évenemens arrivés à Paris sous les Regnes de Charles VI.
Texte
EXTRAIT d'une Lettre de Bourgogne
fur le Journal de Paris fous les Regnes de
Charles VI. & Charles VII.
L
E Journal des évenemens arrivés d
Paris fous les Regnes de Charles VI.
& de Charles VII . qui a paru depuis quelques
mois , n'eft pas , Monfieur , de ces
monumens dans lefquels on doive envifager
le ftile. Il n'y a que les faits & les
ufages du fiecle auquel il a été écrit qu'on
puiffe y confiderer avec quelque fatisfaction.
Le langage , quoiqu'ancien , ne l'eft
pas afſez pour fournir beaucoup dequoi
profiter à ceux qui recherchent les origines
de notre Langue. Je ne difcon-
I. Vol.
viendrai
DECEMBRE. 1730. 2617
}
viendrai point cependant qu'on ne puiffe
y trouver dequoi faire encore des Remarques
importantes par rapport à la Langue
Françoile ; mais le principal fruit que je
recueille de la lecture de ces fortes de Mémoires
eft d'y apprendre les Coûtumes
de nos Peres. Il feroit à fouhaiter que
nous euffions un détail auffi ſpecifié des
Régnes précedens : combien ne fçaurions
nous pas de chofes fur lefquelles nous
n'ofons parler que d'une maniere trèsincertaine
?
Le morceau qui eft joint à ce Journal ,
& qui nous repréſente une lifte des Officiers
des Ducs de Bourgogne , étant tiré
de la Chambre des Comptes de Dijon,
eft un bel exemple qu'on donne aux Archiviftes
des autres Chambres des Comptes
& de pareils dépots pour les engager
à enrichir le public de ſemblables détails
qui tous réunis enſemble contribueroient
à former une Hiftoire de France parfaite,
ou au moins plus circonftanciée qu'on
ne l'a cue encore jufqu'ici . C'eft une obligation
infigne que la Bourgogne a à l'Editeur
,d'avoir non-feulement rendu publique
cette lifte , mais encore de l'avoir augmentée
de Notes curieufes & très- inftructives
, & on lui feroit encore plus redevable
s'il en eut fait autant par rapport
au Journal de Paris.
1. Vol.
2618 MERCURE DE FRANCE
Si cet Editeur n'étoit pas décedé dans
le tems de l'impreffion de fon Ouvrage
on auroit pris la liberté de lui demander
quelques éclairciffemens fur certains endroits
de ce Journal , & il auroit pû nous
fatisfaire , en recourant à fon original ou
à celui fur lequel fon Manufcrit a été rédigé.
Un des endroits qui paroiffent exiger
quelque correction eft dans l'un des
Item de la page 200. à l'an 1444. on y
lit ce qui fuit : Item , en icelui tems vint
ung jeune Cordelier à Paris de la nation de
Troyes en Champagne ou d'environ , petit
homme trés-doux regard , & avoit un nommé
Jehan Crete , aagé de vingt & ung an
on environ , lequel fut tenu à ung
leurs prefcheurs qui oncques eut été à Paris
depuis cent ans. On diroit à ce langage
le Cordelier & Jehan Crete feroient
que
des meil
deux perfonnages differens ; cependant
il y a toute apparence que c'eft le même,
& le fens du Difcours paroît demander
que
cela foit ainsi , enforte qu'au lieu de
dire & avoit un nommé Jehan Crete , il
faut fans doute lire & avoit nom Jehan
Crete , ou bien & étoit nommé Jehan Crete.
Je me fuis fouvenu en lifant cet Article
du Journal que j'avois vû ce nom dans
un des Comptes de notre Ville parmi
les langues difertes du quinziéme fiecle ,
& en effet j'y ai trouvé cet éclairciffement
1. Vol.
dans
DECEMBRE. 1730. 2619
tons ,
dans le compte de Jean Vivien , à l'an
1452. au 27. Juin. A Frere Jehan Crete ,
Frere Mineur , Docteur en Théologie , cent
dix fols , pour ce qu'il a fejourné à Auxerre
quinze jours , durant lequel tems il a chacun
jour prefchié & fermoné pour toujours induire
le peuple à bien faire. Il n'y a point d'accent
fur les voyeles de fon nom , parcequ'alors
l'ufage n'étoit pas d'en mettre ;
mais il y a lieu de croire que ce nom devoit
être terminé par un é accentué , comme
on le prononce encore dans nos Cand'où
probablement ce Cordelier
étoit natif , c'est- à - dire d'entre Troyes &
Auxerre. Je ne m'arrête point à vous faire
remarquer que dans la Table de l'Edition
de ce Journal ce Religieux eft appellé
Jehan de Crete ; le de eft de la pure
liberalité de la perfonne qui a compofé
cette Table , & perfonne n'ambitionne
de fe dire originaire , encore moins natif
d'une Ifle que l'Apôtre a fi bien caracterifée
après les Auteurs Payens. Ceci , au
refte , n'eft qu'une minutie que vous ne
communiquerez qu'autant que vous le
jugerez à propos à celui qui a fuccedé à
l'Editeur du Livre dans la conduite de
l'impreffion .
Je n'acheve point la teneur de l'Article
dans lequel parmi les preuves de réminent
fçavoir de ce Francifcain , il eft
I. Vol.
dit
2620 MERCURE DE FRANCE
dit qu'il poffedoit toute la Legende dorée.
C'étoit alors le Livre favori , & on pouvoit
en débiter les fables fans crainte d'ê
tre critiqué. Heureux le fiecle où l'on
nous a appris à revenir de toutes ces fimplicités
; vous fçavez que c'eſt l'immenfe
travail commencé par le Pere Papebroch ,
Jefuite, & continué par d'autres Ecrivains
de fa Compagnie , qui a mis tous les Sçavans
en train de dérouiller les Legendes
qui avoient befoin de l'être , & de purger
les Hiftoires des Saints de quantité de
traits inventés à plaifir , & ajoûtés après
coup. &c.
Ce 21. Decembre 1729 .
fur le Journal de Paris fous les Regnes de
Charles VI. & Charles VII.
L
E Journal des évenemens arrivés d
Paris fous les Regnes de Charles VI.
& de Charles VII . qui a paru depuis quelques
mois , n'eft pas , Monfieur , de ces
monumens dans lefquels on doive envifager
le ftile. Il n'y a que les faits & les
ufages du fiecle auquel il a été écrit qu'on
puiffe y confiderer avec quelque fatisfaction.
Le langage , quoiqu'ancien , ne l'eft
pas afſez pour fournir beaucoup dequoi
profiter à ceux qui recherchent les origines
de notre Langue. Je ne difcon-
I. Vol.
viendrai
DECEMBRE. 1730. 2617
}
viendrai point cependant qu'on ne puiffe
y trouver dequoi faire encore des Remarques
importantes par rapport à la Langue
Françoile ; mais le principal fruit que je
recueille de la lecture de ces fortes de Mémoires
eft d'y apprendre les Coûtumes
de nos Peres. Il feroit à fouhaiter que
nous euffions un détail auffi ſpecifié des
Régnes précedens : combien ne fçaurions
nous pas de chofes fur lefquelles nous
n'ofons parler que d'une maniere trèsincertaine
?
Le morceau qui eft joint à ce Journal ,
& qui nous repréſente une lifte des Officiers
des Ducs de Bourgogne , étant tiré
de la Chambre des Comptes de Dijon,
eft un bel exemple qu'on donne aux Archiviftes
des autres Chambres des Comptes
& de pareils dépots pour les engager
à enrichir le public de ſemblables détails
qui tous réunis enſemble contribueroient
à former une Hiftoire de France parfaite,
ou au moins plus circonftanciée qu'on
ne l'a cue encore jufqu'ici . C'eft une obligation
infigne que la Bourgogne a à l'Editeur
,d'avoir non-feulement rendu publique
cette lifte , mais encore de l'avoir augmentée
de Notes curieufes & très- inftructives
, & on lui feroit encore plus redevable
s'il en eut fait autant par rapport
au Journal de Paris.
1. Vol.
2618 MERCURE DE FRANCE
Si cet Editeur n'étoit pas décedé dans
le tems de l'impreffion de fon Ouvrage
on auroit pris la liberté de lui demander
quelques éclairciffemens fur certains endroits
de ce Journal , & il auroit pû nous
fatisfaire , en recourant à fon original ou
à celui fur lequel fon Manufcrit a été rédigé.
Un des endroits qui paroiffent exiger
quelque correction eft dans l'un des
Item de la page 200. à l'an 1444. on y
lit ce qui fuit : Item , en icelui tems vint
ung jeune Cordelier à Paris de la nation de
Troyes en Champagne ou d'environ , petit
homme trés-doux regard , & avoit un nommé
Jehan Crete , aagé de vingt & ung an
on environ , lequel fut tenu à ung
leurs prefcheurs qui oncques eut été à Paris
depuis cent ans. On diroit à ce langage
le Cordelier & Jehan Crete feroient
que
des meil
deux perfonnages differens ; cependant
il y a toute apparence que c'eft le même,
& le fens du Difcours paroît demander
que
cela foit ainsi , enforte qu'au lieu de
dire & avoit un nommé Jehan Crete , il
faut fans doute lire & avoit nom Jehan
Crete , ou bien & étoit nommé Jehan Crete.
Je me fuis fouvenu en lifant cet Article
du Journal que j'avois vû ce nom dans
un des Comptes de notre Ville parmi
les langues difertes du quinziéme fiecle ,
& en effet j'y ai trouvé cet éclairciffement
1. Vol.
dans
DECEMBRE. 1730. 2619
tons ,
dans le compte de Jean Vivien , à l'an
1452. au 27. Juin. A Frere Jehan Crete ,
Frere Mineur , Docteur en Théologie , cent
dix fols , pour ce qu'il a fejourné à Auxerre
quinze jours , durant lequel tems il a chacun
jour prefchié & fermoné pour toujours induire
le peuple à bien faire. Il n'y a point d'accent
fur les voyeles de fon nom , parcequ'alors
l'ufage n'étoit pas d'en mettre ;
mais il y a lieu de croire que ce nom devoit
être terminé par un é accentué , comme
on le prononce encore dans nos Cand'où
probablement ce Cordelier
étoit natif , c'est- à - dire d'entre Troyes &
Auxerre. Je ne m'arrête point à vous faire
remarquer que dans la Table de l'Edition
de ce Journal ce Religieux eft appellé
Jehan de Crete ; le de eft de la pure
liberalité de la perfonne qui a compofé
cette Table , & perfonne n'ambitionne
de fe dire originaire , encore moins natif
d'une Ifle que l'Apôtre a fi bien caracterifée
après les Auteurs Payens. Ceci , au
refte , n'eft qu'une minutie que vous ne
communiquerez qu'autant que vous le
jugerez à propos à celui qui a fuccedé à
l'Editeur du Livre dans la conduite de
l'impreffion .
Je n'acheve point la teneur de l'Article
dans lequel parmi les preuves de réminent
fçavoir de ce Francifcain , il eft
I. Vol.
dit
2620 MERCURE DE FRANCE
dit qu'il poffedoit toute la Legende dorée.
C'étoit alors le Livre favori , & on pouvoit
en débiter les fables fans crainte d'ê
tre critiqué. Heureux le fiecle où l'on
nous a appris à revenir de toutes ces fimplicités
; vous fçavez que c'eſt l'immenfe
travail commencé par le Pere Papebroch ,
Jefuite, & continué par d'autres Ecrivains
de fa Compagnie , qui a mis tous les Sçavans
en train de dérouiller les Legendes
qui avoient befoin de l'être , & de purger
les Hiftoires des Saints de quantité de
traits inventés à plaifir , & ajoûtés après
coup. &c.
Ce 21. Decembre 1729 .
Signature
Ce 21. Decembre 1729.
Lieu
Date, calendrier grégorien
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Domaine
Provient d'un lieu