Titre
LETTRE de M. L. C. S... à M. de B. Brigadier des Armées du Roy, & Colonel d'un Régiment Suisse au Service de Sa Majesté.
Titre d'après la table
Lettre
Fait partie d'une livraison
Fait partie d'une section
Page de début
1940
Page de début dans la numérisation
47
Page de fin
1942
Page de fin dans la numérisation
49
Incipit
MONSIEUR, Quoique Suisse, j'ai le coeur assez François pour me joindre aux Concerts universels
Texte
LETTRE de M. L.C. S... à M. de
B. Brigadier des Armées du Roy , &
Colonel d'un Régiment Suiffe au Service
de Sa Majesté.
6
MONSIEU SIEUR ,
Quoique Suiffe , j'ai le coeur affez François
pour me joindre aux Concerts unìverfels
de la France ; & à ce titre , je me
réjouis veritablement du fujet de fes vives
acclamations , mais ne fut- ce qu'en
qualité d'homme , je fuis charmé d'un
évenement qui affermit fi generalement
la Paix . C'eſt fans doute le plus grand fruit
de la Naiffance de Monfeigneur le Dauphin
, & dès - là ce Prince doit être reçû
avec empreffement de toute l'Europe.
Je rêvois dernierement au bonheur
qu'un feul homme affure à tant d'autres,
lorfqu'une des Mufes parut devant moi.
Je jugeai que c'en étoit une à fa démarche
noble & mefurée , & à un éclat qui furpaffoit
celui des plus blelles fleurs .
Elle avoit certain air de douce complaifance ,
wx
Que lui donnoit cette Naiffance ,
Et fembloit renoncer à la ſeverité ,
Qu'éloigné la Profperité.
Je
SEPTEMBRE. 1730. 1941
Je me tirai à l'écart rempli de reſpect ,
perfuadé que je ne pouvois rien avoir à
démêler avec une Immortelle que je n'ofois
pas même adorer. Quelle fut ma furprife
, lorfqu'elle m'adreffa ainfi la parole !
O vous , Mortel , qui que vous foyez ,
qui croupiffez dans une molle indolence,
mon infpiration ne fçauroit- elle aller jufqu'à
vous ? mon audace lyrique ne
pourroit-elle vous échauffer ? Un demi
Dieu qui vient de naître , n'eft- il pas un
affez grand fujet pour exciter votre émulation
? Trop grand mille fois ( lui répon
dis- je ) à peine ofai- je chanter le repos que
je goute & le loifir dont je joüis , mes Airs
ne roulent que fur des fujets fimples &
champêtres ; une Mufette eft le feul Inftrument
que je connois , & la Lyre majeftueufe
tomberoit infailliblement de mes
mains.
Prenez -la fans confequence ( pourfuivit-
elle. ) Il y en a trop ( lui répartis-je )
à méconnoître fes talens . Je vous aiderai
( ajoûta- t - elle . ) Ah ! mon incapacité , lui
dis -je , eft au - deffus de votre pouvoir ;
allez donc , reprit-elle d'un air courroucé,
allez begaïer à l'avanture ; mais du moins
femez quelques fleurs fur le Berceau du
nouveau né. Elle part , & je fors de ma
rêverie : de toute cette apparition il ne me
refte que de l'ardeur.Un zele vif mais mal
foute1942
MERCURE DE FRANCE
foutenu , fut tout ce que la Mufe divine
ine laiffe en partage , cependant :,
Je parcourus nos Montagnes ,
Je courus dans nos Campagnes ,
Pour faire de tout mon coeur ,
Un Bouquet à Monfeigneur ,
S'il peche dans l'Ordonnance ,
Ou s'il manque d'agrement ,
C'est qu'on dit ce que l'on penſe ,
Et non pas ce que l'on fent.
Voilà , Monfieur , tout ce qui m'eſt
arrivé , & il ne me faloit pas moins qu'un
Brigadier des plus zelez qu'ait notre Nation
au fervice de la France , pour Confident
de mon zele & mes legers travaux.
Ce ne fera , fi vous voulez , qu'un Fufée
entre mille autres , ou même qu'une fleur
fur tout un Parterre ; mais ce fera affez
de cette fleur , fi l'augufte nom dont elle
fe couvre peut en faire une IMMORTELLE.
J'ai l'honneur d'être , & c.
A Lauzanne ce 1. Octobre 1729.
Nous n'avons reçû cette Lettre qui
contenoit auffi l'Ode qui fuit , que le 28.
Août.
B. Brigadier des Armées du Roy , &
Colonel d'un Régiment Suiffe au Service
de Sa Majesté.
6
MONSIEU SIEUR ,
Quoique Suiffe , j'ai le coeur affez François
pour me joindre aux Concerts unìverfels
de la France ; & à ce titre , je me
réjouis veritablement du fujet de fes vives
acclamations , mais ne fut- ce qu'en
qualité d'homme , je fuis charmé d'un
évenement qui affermit fi generalement
la Paix . C'eſt fans doute le plus grand fruit
de la Naiffance de Monfeigneur le Dauphin
, & dès - là ce Prince doit être reçû
avec empreffement de toute l'Europe.
Je rêvois dernierement au bonheur
qu'un feul homme affure à tant d'autres,
lorfqu'une des Mufes parut devant moi.
Je jugeai que c'en étoit une à fa démarche
noble & mefurée , & à un éclat qui furpaffoit
celui des plus blelles fleurs .
Elle avoit certain air de douce complaifance ,
wx
Que lui donnoit cette Naiffance ,
Et fembloit renoncer à la ſeverité ,
Qu'éloigné la Profperité.
Je
SEPTEMBRE. 1730. 1941
Je me tirai à l'écart rempli de reſpect ,
perfuadé que je ne pouvois rien avoir à
démêler avec une Immortelle que je n'ofois
pas même adorer. Quelle fut ma furprife
, lorfqu'elle m'adreffa ainfi la parole !
O vous , Mortel , qui que vous foyez ,
qui croupiffez dans une molle indolence,
mon infpiration ne fçauroit- elle aller jufqu'à
vous ? mon audace lyrique ne
pourroit-elle vous échauffer ? Un demi
Dieu qui vient de naître , n'eft- il pas un
affez grand fujet pour exciter votre émulation
? Trop grand mille fois ( lui répon
dis- je ) à peine ofai- je chanter le repos que
je goute & le loifir dont je joüis , mes Airs
ne roulent que fur des fujets fimples &
champêtres ; une Mufette eft le feul Inftrument
que je connois , & la Lyre majeftueufe
tomberoit infailliblement de mes
mains.
Prenez -la fans confequence ( pourfuivit-
elle. ) Il y en a trop ( lui répartis-je )
à méconnoître fes talens . Je vous aiderai
( ajoûta- t - elle . ) Ah ! mon incapacité , lui
dis -je , eft au - deffus de votre pouvoir ;
allez donc , reprit-elle d'un air courroucé,
allez begaïer à l'avanture ; mais du moins
femez quelques fleurs fur le Berceau du
nouveau né. Elle part , & je fors de ma
rêverie : de toute cette apparition il ne me
refte que de l'ardeur.Un zele vif mais mal
foute1942
MERCURE DE FRANCE
foutenu , fut tout ce que la Mufe divine
ine laiffe en partage , cependant :,
Je parcourus nos Montagnes ,
Je courus dans nos Campagnes ,
Pour faire de tout mon coeur ,
Un Bouquet à Monfeigneur ,
S'il peche dans l'Ordonnance ,
Ou s'il manque d'agrement ,
C'est qu'on dit ce que l'on penſe ,
Et non pas ce que l'on fent.
Voilà , Monfieur , tout ce qui m'eſt
arrivé , & il ne me faloit pas moins qu'un
Brigadier des plus zelez qu'ait notre Nation
au fervice de la France , pour Confident
de mon zele & mes legers travaux.
Ce ne fera , fi vous voulez , qu'un Fufée
entre mille autres , ou même qu'une fleur
fur tout un Parterre ; mais ce fera affez
de cette fleur , fi l'augufte nom dont elle
fe couvre peut en faire une IMMORTELLE.
J'ai l'honneur d'être , & c.
A Lauzanne ce 1. Octobre 1729.
Nous n'avons reçû cette Lettre qui
contenoit auffi l'Ode qui fuit , que le 28.
Août.
Signature
A Lauzanne ce 1. Octobre 1729.
Lieu
Date, calendrier grégorien
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Mots clefs
Domaine
Provient d'un lieu