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Titre

LETTRE écrite de Pezenas, le 11. Juillet 1730. à l'Auteur des Reflexions sur l'usage interieur de l'Eau-de-Vie, inserées dans le Mercure du mois de May de l'année 1730. Contre la These de M. le Hoc.

Titre d'après la table

Lettre sur l'usage interieur de l'Eau de vie,

Fait partie d'une section
Page de début
1732
Page de début dans la numérisation
273
Page de fin
1738
Page de fin dans la numérisation
279
Incipit

Nous sommes trop sensibles, Monsieur, à tout ce qui peut s'opposer à

Texte
LETTRE écrite de Pezenas , le 11 .
Juillet 1730. à l'Auteur des Reflexions
Sur l'ufage interieur de l'Eau- de-Vie
inferées dans le Mercure du mois de May
de l'année 1730. Contre la Thefe de
M. le Hoc.
Ous
Nficur , à tout ce qui peut s'oppofer à
fommes trop fenfibles , Mon
la confervation de l'homme , pour laiffer
de votre côtê le droit de la queftion pré
fente ; auffi fans craindre d'encourir vos
difgraces , ( vous en étant pris tout le prea
mier à la conclufion & à l'Ouvrage entier
de M. le Hoc ) nous allons nous en
prendre à notre tour à vos Reflexions ,
quelques judicieufes qu'elles paroiffent.
Vous prétendez , contre la conclufion
de la Theſe dont il s'agit , que l'Eau- de-
Vie eft falutaire à l'homme , qu'elle luf
donne de la force, de la vigueur, & prolonge
même la durée de les jours ; vous vous
trompez grandement , & vous en con
viendrez fans peine , fi vous confiderez
que cette Liqueur ne releve d'abord les
forces que pour les abattre peu après ; en
effet l'Eau de vie dans le temps de fon
action fur les organes du corps , réveillant
AOUST . 1730 . 1733
faut toutes les puillances
que
la nature
y
maintient dans une jufte étenduë , les
porte toûjours au - delà ce qui fait que
cette liqueur fpiritueufe ayant cellé d'agir
, ces mêmes puiffances deviennent fanguiffantes
, & fe trouvent alors de beaucoup
plus éloignées de l'état naturel où
elles étoient avant que d'être preffées
d'en fortir . Les bons beuveurs d'Eau de
vie font de très- fideles garants de ce que
nous avançons.
L'effet que cette Liqueur fpiritueufe
produit dans le corps en lui donnant de
fa vigueur & de la force , agit principa
lement en rendant le tiffu des fibres mufculaires
plus compactes , plus robuftes ,
& les muſcles mêmes par confequent plus
puiffants, mais auffi plus rebelles aux caufes
de leur mouvement qu'ils n'ont coûtume
; ce qui arrive à ces fibres en fe procurant
entre elles un contact plus intime
par le jeu de contraction ou de reffort que
les fréquents érethifmes de cette Liqueur
fpiritueule , fur le genre nerveux , follicitent
; cependant l'humide radical ( fi
l'on peut parler ainfi ) ou ce fuc lymphatique
, que la nature a mis à l'entre- deux
des fibrilles & des fibres mêmes , pour
les humecter dans le befoin & conferver
integrité , fe trouve forcé de fortir de
fa place , de prendre de nouvelles routes
&
1734 MERCURE DE FRANCE
& de priver ainfi ces parties d'un ſecours
dont elles ne fçauroient fe paffer , fans que
les caufes d'une longue vie en reffentent
de rudes atteintes. A quelles pertes de
ce fuc lymphatique ne donnent donc pas
lieu ceux qui fe perfuadent de trouver
leur vie dans l'uſage d'une veritable Eau
de mort ? pertes d'autant plus ou moins
confiderables , que l'ufage d'une telle Liqueur
fera plus ou moins moderé ; & delà
vient qu'on aura toûjours droit de dire
que l'Eau de vie , loin d'être falutaire à
l'homme , eft un mortel ennemi qui alfaillit
( malgré l'ancienne prévention de
Les bons effets qui en autorifent l'ufage parmi
les hommes ) les caufes de la vie même.
C'eft ainfi que l'Eau de vie tariffant les
fources des liqueurs limphatiques qui donnent
la foupleffe aux fibres , d'où dépend
le rythme des fonctions , racornit les folides
, fous une trompeufe apparence de
rendre le corps vigoureux.
Vous objectez enfuite contre l'Ouvrage
entier de l'Auteur , que l'Eau de vie ne
fçauroit racornir les folides , fondé précilement
fur ce que notre corps étant
percé de millions de manieres , cette Liqueur
fpiritueufe n'y féjourne point affez
long- temps ; à la verité , l'objection paroît
jufte du premier abord , mais dans le fond
elle eft peu folide ; faites un moment d'attention
A O UST . 1730. 1735
tention , qu'il ne faut pour donner lieu
à l'effet mentionné de l'Eau de vie , que
le paffage de cette Liqueur fpiritueule de
dedans en dehors , ce qui ne fe fait point
fans contredit auffi fubitement que vous
l'avez penfé fubtilement .
que
Nous avons quelque raifon de préfumer
maintenant , Monfieur , qu'ayant autant
d'efprit , de bon's fens , & de bonne
foi , qu'il en eft dans les veritables Sçavans
, vous devez être fenfible aux fortes
preuves que nous venons d'alleguer pour
détruire vos Reflexions ; cependant comme
il reste encore à vous convaincre
l'Eau de vie prife par la bouche , coagule
les humeurs , nous prévoyons bien que
pour vous venger entierement de notre
parti , il faut vous faire voir que l'évidence
s'y trouve , ce que vous découvrirez
vous-même aifément en diftinguant
deux temps qui fe fuccedent dans l'ufage
de cette Liqueur ; dès le premier tout le
réveille , tout s'anime dans la machine ,
les refforts ſe bandent & fe débandent ,
fuivant les loix de la réaction ; les folides
ainfi débridez , effarouchez ( s'il eft permis
de parler de la forte ) fouëttent le fang,
le divifent , l'aténuënt , l'affinent , en un
mot augmentent fes mouvemens , & pendant
le temps de cette agitation , lorique
fon vehicule ou ce qui fe trouve naturellement
1736 MERCURE DE FRANCE
lement dans cette Liqueur rouge de plus
liquide, s'eft diffipé (dans le fecond temps)
les parties les plus maffives, les plus groffieres,
s'approchent, fe touchent par des plus
larges furfaces ou par plufieurs points , la
difficulté dans leurs frotemens réciproques
de liquidité augmente , & pour lors
le mouvement fe ralentit , ou pour mieux
le dire le fang s'épaiffit & fe coagule.Après
quoi vous avez tout ſujet de vous écrier.
Helas ! mes propres traits fe tournent contre moi.
Ainfi vous jugez bien , M. , que notre
imprudence n'ira jamais jufqu'à donner
de l'Eau de vie dans le cas où vous voulez
qu'elle convienne , fuivant notre fentiment
; la durée de l'homme nous touche
de trop près , & notre pratique de Medecine
, toute faine qu'elle eft , s'accorde
trop bien avec notre théorie , pour nous
écarter des routes fi connuës .
Au refte , vous nous faites un crime
fur ce que dans les Experiences nous nous
fommes fervis auffi indifferemment de
'Efprit de vin que de l'Eau de vie , mais
fi vous avez bien penfé que ces deux Liqueurs
ne different entre- elles que du plus
ou du moins d'énergie , vous auriez été ,
fans doute, plus indulgent . Peut-être croirez-
vous avoir plus de droit dans cette
ennuyeuſe fuite de confequencesque vous
fçavez
A O UST . 1730. 1737
fçavez tirer favorablement de nos Experiences
? Détrompez -vous , nous ne te
nons de ſemblables raifonnemens qu'autant
qu'une injufte prévention contre notre
fentiment , nous en fait les Auteurs ;
en effet , vous ne fçauriez foutenir avec
un fondement d'équité , que quoique
l'Eau de vie ne tue pas l'homme auffi
promptement que les bêtes , elle doive
paffer pour une Eau falutaire , puifqu'il
eft certain par tout ce que nous venons
d'avancer , qu'on doit regarder très - férieufement
cette Liqueur fpiritueufe dans
l'ufage que l'on en fait , comme un poiſon
lent qui retranche tout doucement du
temps de cette féduifante efperance de
longue vie.
Il eſt aifé de voir maintenant , fuivant
l'effet que l'Eau de vie produit dans tout
le corps , principalement fur la texture
des vifceres de l'eftomac ( par exemple )
du foye , &c. que cette Liqueur fpiritueufe
doit non-feulement nuire confiderablement
à la digeſtion , mais encore avancer
les derniers momens de la vie , foit
en dépravant l'exercice des fonctions , foit
en interceptant ou ralentiffant les coups
des fecretions , d'où fuit le dérangement
de la diatheſe du fang , la confufion & le
trouble dans toute la maffe . Ces Phlogoſes,
ces Duretés fchireufes qui en font ordi-
C nairement
1738 MERCURE DE FRANCE
>
nairement le terme dans ces fortes de cas ,
ces concretions calculeufes ; en un mot
ce nombre prodigieux de maux qui fe
mettent de la partie , reconnoiffent enfemble
la même caufe ; & delà vient qu'on
peut regarder juftement l'ufage interieur
de cette Liqueur fpiritueufe , comme la
fource & l'origine de mille maladies , attribuées
bien fouvent à toutes autres
cauſes rebelles à celui qui les traite & combattuës
par des remedes qui tourmentent,
qui tuent même plutôt qu'ils ne foulagent
ou ne guériffent. Je m'apperçois que
que je vous tiens déja depuis trop longtemps
, & que je fuis dans l'obligation de
mettre fin à ma Lettre ; excufez , Monfieur
, mon indifcretion , le deffein de
trouver la verité , m'a fi fortement occupé
, que m'étant oublié moi-même , je
n'ai pas pris garde que j'abufois de votre
patience dans la lecture d'une fi longue
Lettre, que j'aurois peut-être même pouffé
plus loin , fi le devoir de ma Profeffion
ne m'eût appellé ailleurs ; perfuadé , Monfieur,
que quoique je me fois montré contraire
à vos Reflexions , je ne fuis pas moins
attaché à votre perfonne que j'eftime infiniment
, étant avec toute la confideration
poffible , &c,
G. BARRE'S , Docteur en Medecine de
la Faculté de Montpellier,
Signature

G. BARRÉS, Docteur en Medecine de la Faculté de Montpellier.

Genre
Collectivité
Faux
Lieu
Date, calendrier grégorien
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Provient d'un lieu
Soumis par kipfmullerl le