Titre
RÉPONSE à la Lettre inserée dans le Mercure du mois dernier, au sujet du nom de Bordeaux ou Bourdeaux.
Titre d'après la table
Réponse à la Lettre, sur le nom de Bordeaux,
Fait partie d'une livraison
Fait partie d'une section
Page de début
659
Page de début dans la numérisation
268
Page de fin
666
Page de fin dans la numérisation
275
Incipit
L'habitude dans laquelle je vois presque tout le monde, Monsieur, de
Texte
REPONSE à la Lettre inseree dans
le Mercure du mois dernier , au sujet
du nom de Bordeaux ou Bourdeaux.
Lo
'Habitude dans laquelle je vois pres
toute
que tout le monde , Monsieur , de
dire et d'écrire Bordeaux et non Bourdeaux
, ne m'a pas empêché de trouver
tout ce que vous dites pour soutenir ce
dernier sentiment , fort ingénieux ; mais
trouvez bon aussi que je vous dise ce
qu'on peut alleguer en faveur de Bordeaux.
Je ne conviens pas dabord que cette
derniere prononciation ne soit fondée
que
660 MERCURE DE FRANCE
que sur l'imagination de ceux qui ont
crû que cette Ville avoit pris son nom
du bord des Eaux où elle est située . Leur
raison pourroit y avoir encore plus de
part , et s'il n'est rien de si ordinaire que
de donner aux hommes des noms pris
des lieux de leur naissance , n'aura- t'il
pas été permis aux Fondateurs de cette
Ville d'avoir tiré son nom de sa situation
et de l'avoir appellée Bordeaux , à
cause qu'ils l'avoient bâtie sur le bord
des eaux Elle est , en effet , toute entourée
d'eaux , ayant au Levant celles de
la Garonne ; au Couchant , celles qui
viennent des Landes , qui forment pendant
quelques mois une petite Mer au
derriere du Palais Archiepiscopal , et au
Midy , les Ruisseaux qui viennent de
Begle , ce qui a fait porter à cette Capitale
de la Guyenne le nom de Bordeaux
, par une très- juste et très - judicieuse
Etymologie.
S'il se trouve quelques Auteurs qui
l'ayent nommée Bourdeaux , en y ajou
tant un u , il faut plutôt regarder cette
addition comme un deffaut du Pays et
une corruption du nom , que comme une
prononciation naturelle.
Ainsi , puisque nous trouvons la véritable
cause de ce nom dans la propre
assiette
AVRIL. 1733. 661
assiette de la Ville , il est inutile d'aller
la chercher dans ces sales idées de débauche
; car quel rapport y a t'il entre
les bords de ces eaux et ses endroits qu'on
ne sçauroit nommer sans blesser la pudeur?
L'exemple d'un Romain , qui par
magnificence , fait poser des Tentes sur
un Rivage , et qui s'y va réjouir avec de
petites Bourgeoises, parmi tous les excès de
la profusion et du luxe , n'établit aucune
preuve de l'allusion que vous faites.
Quoiqu'Ausone ait dit que Bordeaux
étoit le lieu de sa naissance , Burdigala
natale solum , ce n'est pas une conséquence
que le mot Latin Burdigala soit plus
ancien que celui que cette Ville porte
aujourd'hui , se pouvant faire qu'il ait
été inconnu dans la Guyenne jusqu'au
temps que les Romains conquirent cette
Province et que les vaincus commencerent
à y parler la Langue des vainqueurs,
c'est- à - dire , près de deux siecles et demi
avant la naissance d'Ausone.
Ce n'est donc pas dans le Latin qu'on
doit chercher l'origine du nom de Bordeaux
, et il semble que vous en convenez
, puisque vous voulez bien avoir
recours au Ruisseau de la Bourde et de
Falle , qui sont deux noms que la Latinité
ne revendiquera jamais. Ils ne sont
pas,
662 MERCURE DE FRANCE
- pas , dites - vous , éloignez de la Ville ;
vous en portez vous- même la preuve ,
puisque vous les faites entrer dans la Garonne
par l'endroit où est à présent l'Eglise
S. Pierre ; mais , Monsieur , tout le
monde ne conviendra pas avec vous de
la jonction que vous faites de ces deux
Ruisseaux , étant très - constant que la
Bourde se décharge dans la Garonne à
un quart de lieue au -dessus de Bordeaux
et la Jalle a plus d'une licüe au - dessous.
Il n'y a pas même d'apparence qu'un petit
Ruisseau tel que la Bourde , presque
inconnu , ait donné le nom à une grande
Ville arrosée de la Garonne et entou
rée de Marais .
Laissant donc là la Bourde , vous me
permettrez , s'il vous plaît , Monsieur ,
de m'en tenir à mon premier sentiment.
Je demeure d'accord que l'u des Latins
se change souvent dans le François en
ou; les exemples que vous en citez sont
familiers , mais vous ne disconviendrez
pas aussi que les Gascons ne changent
l'o des François en ou ; par exemple , nous
disons en François mordu , corde , borner ,
orner , border , cocher , orme , & c . et les
Gascons changeant l'o en on , disent mourdt
, courde , bourna , ourna , bourda , couchei,
ourme , &c. ce qui fait qu'au lieu de
proAVRIL.
1733 663
prononcer Bordeaux , conformément à
son Etymologie , on a prononcé en Gascon
Bourdeaux , et comme cette prononciation
a été generale , lorsque dans la
suite on a parlé François , on y a retenu
l'ou de la prononciation Gasconne , et delà
vient qu'on a dit Bourdeaux , le vulgaire
par ignorance , et les habiles gens par fau
te d'attention . Il s'en est cependant trouvé
qui ont retenu la pureté de la prononciation
Françoise, et qui out dit Bordeaux
, suivant l'Etymologie naturelle du
nom. Tels sont le P. Monet et l'illustre
M. Nicod , Maitre des Requêtes , dans
les deux sçavans Dictionnaires qu'ils ont
faits , où ils ne paroissent pas moins habiles
dans lå Langue Françoise que dans
la Latine. Calepin prononce Bordeaux
comme eux , et Michel - Antoine Baudran
dans sa Géographie , imprimée à Paris
en 1661. expliquant ces mots Burdigalensis
ager , dit , le Pays Bordelois. Burdipalensis
sinus , la Baye de Bordeaux .
Vous m'opposerez , sans doute , que
ces autoritez ne sont pas du poids de
celles de M. le Maître , de M. Pelisson
et du Pere Bouhours ; mais je répondrai
à l'égard de ce dernier , que s'il a décidé
en faveur de Bourdeaux , peut - être
ya- t'il eu dans sa décision un peu d'amour
664 MERCURE DE FRANCE
mour
propre ,
en conservant
l'ou dans
la premiere
sillabe du nom de Bourdeaux
,
parce qu'il se trouve dans la premiere
du sien. Pour l'autorité
de M. le Maître,
il se peut faire que quand il a composé
son Plaidoyer
, il se soit plus attaché à
la substance
des choses , qu'à l'écorce des
paroles , suivant la maxime
du Jurisconsulte.
Scire leges non est earum verba , seď
mentem tenere .
Lorsque M. Pelisson a écrit l'Histoire
de l'Académie , il n'a pas prétendu y
donner des regles pour la Langue , non
plus que M. le Maître dans son Plaidoyer.
Les Géographes que vous alleguez ont
laissé Bourdeaux écrit dans leurs Cartes,
comme ils l'ont trouvé dans celles qu'ils
ont réformées , et ils n'ont eu en vûë
que cette réformation et non pas celle
de la Langue ; en un mot, il faut toû
jours revenir à l'ancienne Etymologie ,
qui se trouvant autorisée par l'usage , on
ne doit pas balancer à se déterminer en
sa faveur. Ainsi l'usage d'aujourd'hui
étant pour Bordeaux , comme on peut le
remarquer en tous ceux qui parlent le
mieux , il faut suivre, cet usage qui n'a
rien que de doux et d'agréable à l'oreille.
Après le Latin vous avez eu recours au
Grec. Les Grecs prononcent , dites - vous,
Bour
AVRIL. 1733. 665
Bourdegala , le François qui a beaucoup
d'affinité avec le Grec , selon vous , doit
retenir la prononciation de l'ou; mais puisque
notre Langue n'en a pas moins avec
le Latin , qui de votre aveu , prononce
l'u comme les Grecs , témoin yotre Loucoullous
, il faudroit par la même raison
prononcer les venant du Latin ;
comme s'il y avoit ou. Ainsi au lieu de
muse , venant de musa , on diroit mouse ,
au lieu de peinture , pictura , on diroit
peintoura , ce qui produiroit de très - grandes
difformitez dans la Langue , et montre
assez que dans la prononciation Françoise
, on ne doit avoir égard ni à la Grecque
ni à la Latine , et qu'il faut suivre
uniquement celle qui se trouve établic
par le bel usage.
Mais enfin , Monsieur , pourquoi voulez
-vous persuader que Bordeaux vienne
de Burdigala , puisqu'il est plus naturel
que Burdigala ait été formé de Bordeaux,
cette Ville , comme je l'ai déja remarqué,
ayant été très- considerable , suivant le
témoignage de Strabon , dans le temps
que les Romains y mirent le pied ? Ainsi
le nom de Bordeaux imposé à la Ville
par ceux qui la bâtirent , étoit plus ancien
que le Latin Burdigala , à moins de
dire , pour favoriser notre décision que
Bur666
MERCURE DE FRANCE
Burdigala est composé du mot Espagnol
Burgo. , qui signifie Bourg , et de Gala ,
qui veut dire propreté et bonne grace ;
desorte la Ville n'étant encore qu'une
que
Bourgade dans son commencement , il
se pourroit faire qu'elle fût appellée par
ses Habitans , qui avoient eû , sans doute,
commerce avec les Espagnols , et qui parloient
quelque peu leur langage , Burgo
de Gala , c'est - à- dire , Bourg dont les Habitans
étoient propres et de bon air , et
par succession de temps , en retranchant
go , on en fit Burdegala , qui est le mot
Latin dont l'origine vous a assez occupé.
Voilà , Monsieur , une Etymologie heureuse
, puisqu'elle a l'avantage de tomber
dans votre sens , et elle ne convient pas
mal aux Habitans de cette Ville , singulierement
aux femmes , n'y en ayant gueres
ailleurs qui se mettent plus propre.
ment. Mais puisque je vous donne une
Etymologie qui doit , sans doute , vous
faire plaisir , vous ferez bien cette justice
au Public de lui passer celle de Bordeaux
et de ne pas refuser aux Rivages de cette
Ville qui présentent à toutes les Nations
un abord si agréable , l'honneur de lui
avoir donné le nom. Je suis , &c.
le Mercure du mois dernier , au sujet
du nom de Bordeaux ou Bourdeaux.
Lo
'Habitude dans laquelle je vois pres
toute
que tout le monde , Monsieur , de
dire et d'écrire Bordeaux et non Bourdeaux
, ne m'a pas empêché de trouver
tout ce que vous dites pour soutenir ce
dernier sentiment , fort ingénieux ; mais
trouvez bon aussi que je vous dise ce
qu'on peut alleguer en faveur de Bordeaux.
Je ne conviens pas dabord que cette
derniere prononciation ne soit fondée
que
660 MERCURE DE FRANCE
que sur l'imagination de ceux qui ont
crû que cette Ville avoit pris son nom
du bord des Eaux où elle est située . Leur
raison pourroit y avoir encore plus de
part , et s'il n'est rien de si ordinaire que
de donner aux hommes des noms pris
des lieux de leur naissance , n'aura- t'il
pas été permis aux Fondateurs de cette
Ville d'avoir tiré son nom de sa situation
et de l'avoir appellée Bordeaux , à
cause qu'ils l'avoient bâtie sur le bord
des eaux Elle est , en effet , toute entourée
d'eaux , ayant au Levant celles de
la Garonne ; au Couchant , celles qui
viennent des Landes , qui forment pendant
quelques mois une petite Mer au
derriere du Palais Archiepiscopal , et au
Midy , les Ruisseaux qui viennent de
Begle , ce qui a fait porter à cette Capitale
de la Guyenne le nom de Bordeaux
, par une très- juste et très - judicieuse
Etymologie.
S'il se trouve quelques Auteurs qui
l'ayent nommée Bourdeaux , en y ajou
tant un u , il faut plutôt regarder cette
addition comme un deffaut du Pays et
une corruption du nom , que comme une
prononciation naturelle.
Ainsi , puisque nous trouvons la véritable
cause de ce nom dans la propre
assiette
AVRIL. 1733. 661
assiette de la Ville , il est inutile d'aller
la chercher dans ces sales idées de débauche
; car quel rapport y a t'il entre
les bords de ces eaux et ses endroits qu'on
ne sçauroit nommer sans blesser la pudeur?
L'exemple d'un Romain , qui par
magnificence , fait poser des Tentes sur
un Rivage , et qui s'y va réjouir avec de
petites Bourgeoises, parmi tous les excès de
la profusion et du luxe , n'établit aucune
preuve de l'allusion que vous faites.
Quoiqu'Ausone ait dit que Bordeaux
étoit le lieu de sa naissance , Burdigala
natale solum , ce n'est pas une conséquence
que le mot Latin Burdigala soit plus
ancien que celui que cette Ville porte
aujourd'hui , se pouvant faire qu'il ait
été inconnu dans la Guyenne jusqu'au
temps que les Romains conquirent cette
Province et que les vaincus commencerent
à y parler la Langue des vainqueurs,
c'est- à - dire , près de deux siecles et demi
avant la naissance d'Ausone.
Ce n'est donc pas dans le Latin qu'on
doit chercher l'origine du nom de Bordeaux
, et il semble que vous en convenez
, puisque vous voulez bien avoir
recours au Ruisseau de la Bourde et de
Falle , qui sont deux noms que la Latinité
ne revendiquera jamais. Ils ne sont
pas,
662 MERCURE DE FRANCE
- pas , dites - vous , éloignez de la Ville ;
vous en portez vous- même la preuve ,
puisque vous les faites entrer dans la Garonne
par l'endroit où est à présent l'Eglise
S. Pierre ; mais , Monsieur , tout le
monde ne conviendra pas avec vous de
la jonction que vous faites de ces deux
Ruisseaux , étant très - constant que la
Bourde se décharge dans la Garonne à
un quart de lieue au -dessus de Bordeaux
et la Jalle a plus d'une licüe au - dessous.
Il n'y a pas même d'apparence qu'un petit
Ruisseau tel que la Bourde , presque
inconnu , ait donné le nom à une grande
Ville arrosée de la Garonne et entou
rée de Marais .
Laissant donc là la Bourde , vous me
permettrez , s'il vous plaît , Monsieur ,
de m'en tenir à mon premier sentiment.
Je demeure d'accord que l'u des Latins
se change souvent dans le François en
ou; les exemples que vous en citez sont
familiers , mais vous ne disconviendrez
pas aussi que les Gascons ne changent
l'o des François en ou ; par exemple , nous
disons en François mordu , corde , borner ,
orner , border , cocher , orme , & c . et les
Gascons changeant l'o en on , disent mourdt
, courde , bourna , ourna , bourda , couchei,
ourme , &c. ce qui fait qu'au lieu de
proAVRIL.
1733 663
prononcer Bordeaux , conformément à
son Etymologie , on a prononcé en Gascon
Bourdeaux , et comme cette prononciation
a été generale , lorsque dans la
suite on a parlé François , on y a retenu
l'ou de la prononciation Gasconne , et delà
vient qu'on a dit Bourdeaux , le vulgaire
par ignorance , et les habiles gens par fau
te d'attention . Il s'en est cependant trouvé
qui ont retenu la pureté de la prononciation
Françoise, et qui out dit Bordeaux
, suivant l'Etymologie naturelle du
nom. Tels sont le P. Monet et l'illustre
M. Nicod , Maitre des Requêtes , dans
les deux sçavans Dictionnaires qu'ils ont
faits , où ils ne paroissent pas moins habiles
dans lå Langue Françoise que dans
la Latine. Calepin prononce Bordeaux
comme eux , et Michel - Antoine Baudran
dans sa Géographie , imprimée à Paris
en 1661. expliquant ces mots Burdigalensis
ager , dit , le Pays Bordelois. Burdipalensis
sinus , la Baye de Bordeaux .
Vous m'opposerez , sans doute , que
ces autoritez ne sont pas du poids de
celles de M. le Maître , de M. Pelisson
et du Pere Bouhours ; mais je répondrai
à l'égard de ce dernier , que s'il a décidé
en faveur de Bourdeaux , peut - être
ya- t'il eu dans sa décision un peu d'amour
664 MERCURE DE FRANCE
mour
propre ,
en conservant
l'ou dans
la premiere
sillabe du nom de Bourdeaux
,
parce qu'il se trouve dans la premiere
du sien. Pour l'autorité
de M. le Maître,
il se peut faire que quand il a composé
son Plaidoyer
, il se soit plus attaché à
la substance
des choses , qu'à l'écorce des
paroles , suivant la maxime
du Jurisconsulte.
Scire leges non est earum verba , seď
mentem tenere .
Lorsque M. Pelisson a écrit l'Histoire
de l'Académie , il n'a pas prétendu y
donner des regles pour la Langue , non
plus que M. le Maître dans son Plaidoyer.
Les Géographes que vous alleguez ont
laissé Bourdeaux écrit dans leurs Cartes,
comme ils l'ont trouvé dans celles qu'ils
ont réformées , et ils n'ont eu en vûë
que cette réformation et non pas celle
de la Langue ; en un mot, il faut toû
jours revenir à l'ancienne Etymologie ,
qui se trouvant autorisée par l'usage , on
ne doit pas balancer à se déterminer en
sa faveur. Ainsi l'usage d'aujourd'hui
étant pour Bordeaux , comme on peut le
remarquer en tous ceux qui parlent le
mieux , il faut suivre, cet usage qui n'a
rien que de doux et d'agréable à l'oreille.
Après le Latin vous avez eu recours au
Grec. Les Grecs prononcent , dites - vous,
Bour
AVRIL. 1733. 665
Bourdegala , le François qui a beaucoup
d'affinité avec le Grec , selon vous , doit
retenir la prononciation de l'ou; mais puisque
notre Langue n'en a pas moins avec
le Latin , qui de votre aveu , prononce
l'u comme les Grecs , témoin yotre Loucoullous
, il faudroit par la même raison
prononcer les venant du Latin ;
comme s'il y avoit ou. Ainsi au lieu de
muse , venant de musa , on diroit mouse ,
au lieu de peinture , pictura , on diroit
peintoura , ce qui produiroit de très - grandes
difformitez dans la Langue , et montre
assez que dans la prononciation Françoise
, on ne doit avoir égard ni à la Grecque
ni à la Latine , et qu'il faut suivre
uniquement celle qui se trouve établic
par le bel usage.
Mais enfin , Monsieur , pourquoi voulez
-vous persuader que Bordeaux vienne
de Burdigala , puisqu'il est plus naturel
que Burdigala ait été formé de Bordeaux,
cette Ville , comme je l'ai déja remarqué,
ayant été très- considerable , suivant le
témoignage de Strabon , dans le temps
que les Romains y mirent le pied ? Ainsi
le nom de Bordeaux imposé à la Ville
par ceux qui la bâtirent , étoit plus ancien
que le Latin Burdigala , à moins de
dire , pour favoriser notre décision que
Bur666
MERCURE DE FRANCE
Burdigala est composé du mot Espagnol
Burgo. , qui signifie Bourg , et de Gala ,
qui veut dire propreté et bonne grace ;
desorte la Ville n'étant encore qu'une
que
Bourgade dans son commencement , il
se pourroit faire qu'elle fût appellée par
ses Habitans , qui avoient eû , sans doute,
commerce avec les Espagnols , et qui parloient
quelque peu leur langage , Burgo
de Gala , c'est - à- dire , Bourg dont les Habitans
étoient propres et de bon air , et
par succession de temps , en retranchant
go , on en fit Burdegala , qui est le mot
Latin dont l'origine vous a assez occupé.
Voilà , Monsieur , une Etymologie heureuse
, puisqu'elle a l'avantage de tomber
dans votre sens , et elle ne convient pas
mal aux Habitans de cette Ville , singulierement
aux femmes , n'y en ayant gueres
ailleurs qui se mettent plus propre.
ment. Mais puisque je vous donne une
Etymologie qui doit , sans doute , vous
faire plaisir , vous ferez bien cette justice
au Public de lui passer celle de Bordeaux
et de ne pas refuser aux Rivages de cette
Ville qui présentent à toutes les Nations
un abord si agréable , l'honneur de lui
avoir donné le nom. Je suis , &c.
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Vers et prose
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