Titre d'après la table
La Vie de Pierre Mignard, &c.
Fait partie d'une livraison
Fait partie d'une section
Page de début
1365
Page de début dans la numérisation
320
Page de fin
1379
Page de fin dans la numérisation
334
Incipit
LA VIE DE PIERRE MIGNARD, Premier Peintre du Roi, par l'Abbé de
Texte
LA VIE DE PIERRE MIGNARD ,
Premier Peintre du Roi , par l'Abbé de
Monville &c. A Paris , Quay des Auguf
tins , chez Boudot & Guerin 1730.
Nous avons donné dans la premiere
Partie de cet Extrait ce qui regarde la
Vie de Mignard depuis fa naiffance jufqu'à
fon voyage de Rome & fon retour en
France.
Il fut très bien reçû à la Cour , & fon
premier Ouvrage fut le Portrait du jeune
Roi Louis XIV. fait en trois heures , die
Auteur , & envoyé fur le champ à Madrid.
Mignard exprima fi bien cet air de
grandeur & de majesté qui a toujours été
gravé fur le front de ce Monarque, que
toute la Cour d'Espagne en fut frappće .
L'Infante , à la vûë de ces traits auguftes,
fouhaita que le Ciel la fit bientôt le fceau
& le noeud de la Paix .
La Reine more ne tarda pas à ordon
ner à Mignard de la peindre . Elle avoit les
mains parfaites , & elle ne les regardoic:
pas fans une fecrette complaifance . Mi--
gnard imita avec la derniére précifion
cette belle proportion & cette délicateffe
I-I, Vol. Ey
qu gui
1366 MERCURE DE FRANCE..
=1
qui
les rendoit admirables. Il fçut join--
dre dans le Portrait de la Reine mere ,
la jeuneffe qu'elle n'avoit plus , à la beauté
qu'elle avoit encore. Les Courtiſans
n'eurent befoin que de fincerité pour approuver
& pour loüer. Cette Princeffe :
elle- même vit cet effet de l'art avec un
plaifir que fa vertu ne put fe refufer.
Il peignit enfuite le Cardinal Mazarin .
Son Portrait avoit été jufqu'alors l'écueil
de tous les Peintres ; la gloire d'y réüffir :
étoit réfervée à Mignard . Il fe furpaffa luimême
dans cet Ouvrage. Mais cet extrait
feroit bien plus long qu'il ne faut fi on:
s'arrêtoit fur tous les excellens Portraits :
de cet habile Maître. Il fit plufieurs fois
celui du Roy , de la Reine,de Monfieur,
de M. le Dauphin & de quantité de Prin--
de Seigneurs , de Dames , de Minif
tres & d'un tres- grand nombre de perfonnes
de diftinction , qui lui firent une
tres- grande réputation.
ces ,
*
Le premier Portrait qu'il peignit à Paris
fut celui du Duc d'Efpernon . Ce Sei--
gneur qui fe piquoit de vivre en Prince,,
paya mille écus ce Bufte , afin , difoit- il
de mettre le prix aux Portraits de Mignard;;
& lui ayant fait peindre à Frefque dans
fon Hôtel , depuis l'Hôtel de Longue--
ville , une chambre & un cabinet , il luienvoya
40000 liv. L'eftime que les con--
LI.Vol noiffeurss
JUIN. 1730 1367
noiffeurs firent de ces Peintures , donnerent
un nouvel éclat à cette liberalité.
Le Portrait de la Marquiſe de Gouvernet
entr'autres furprit & charma : on y
trouya cette vie que les effets furprenans
dont l'hiftoire a confervé le fouvenir
donnent lieu de croire qu'avoient les Tableaux
des Peintres Grecs. On a vû fou
vent le Perroquet de Madame de Gouvernet
dire à fon Portrait : Baifez-moi, ma
maitreffe.
La Reine mere ayant enfin vû au gré
de fes fouhaits , le Dôme du Val- de- Grace
élevé , crut qu'il ne manqueroit rien à
la magnificence de cet Edifice , fi elle en
faifoit peindre la Coupe par le fçant
Maître que Rome avoit rendu peu d'années
auparavant à la France. Cette Princeffe
confia ce grand Ouvrage à Mignard
qui le finit en huit mois.
A
-
On peut dire en effet que le Val-de-
Grace n'eft peut- être pas moins le triomphe
de la peinture que celui de Mignard.
Jamais production de l'Art ne mérita
mieux Epithete Italienne , dont il eft
fi difficile de faire paffer toute l'énergie
en notre langue , opera daftupire
L'Agneau Pafcal , environné d'Anges
profternez , & le Chandelier à fept bran--
ches , viennent frapper d'abord le Spec- ~
tateur , que le premier regard ravic , char
Evj me
T368 MERCURE DE FRANCE
me ,failit. On lit au deffous ces paroles" :
Fui mortuus , & ecce ſum vivens.
I
Plus haut , un Ange porte ouvert, le Li--
vre fcellé de fept Sceaux , dont il eft parlé
dans l'Apocalypfe.
Le Signe adorable de la Croix eft vû
dans les Airs , à une diftance fupérieure's
porté,foutenu & couronné par les Anges.
Dans le centre eft une Gloire , où les
'trois Perfonnes de la Trinité paroiffent
fur un Trône de Nuës . La Puiffance , la-
Grandeur , la Majefté éclatent fur le vi--
fage & dans toute l'attitude du Pere ; fa:
main droite eft étenduë ; de la gauche il
tient le Globe du Monde . JESUS CHRIST
cft reprefenté tel que dans l'Ecriture , of--
frant à fon Pere les Elus qu'il lui a don--
nez , & faifant parler fon Sang répandu
pour tous les hommes. L'Efprit Saint fous
la forme d'une Colombe , placé au milieu
d'eux. Un vafte cercle de lumieré les en--
vironne. Le jour qu'elle répand a quelque
chofe de furnaturel ; c'eft un jour pur,,
c'eft une clarté divine ; tout le fujet en eft
clairé
Les Choeurs des Anges groupez dans
cette lumiere ; compofent le premier Or--
' dre de la Cour celefte . Une infinité de
Chérubins entourent la Divinité . Un
grand nombre d'Anges forment des Con--
certs d'autres plus proches du Trône fe
cachent
JUIN 1730. 1369
cachent de leurs aîles , & baiffent leurs
yeux éblouis.
Auprès de la Croix eft la fainte Vier
ge à genoux fur un nuage, fuivie , mais à
quelque diftance , de la Magdelaine &
des autres pieufes Femmes qui rendirent
à Jefus mourant les honneurs de la Se--
pulture. De l'autre côté on voit S. Jean--
Baptifte dans une attitude grave & noble,
tenant la Croix qui fert à le défigner-
A droit & à gauche de l'Agneau Paf--
chal font les quatre Peres de l'Eglife Latine
, les Miſteres de la Loy ancienne mê--
lez avec les attributs de la Loy nouvelle , ›
font voir la liaiſon éternelle des deux Teftamens.
A droite on recennoît S. Ambroife
& S. Jérôme . Le Pape S. Gregoire &.
guftin font à gauche , fuivis de faint
ouis & de la Reine Anne d'Autriche..
Elle dépofe fa Couronne pour s'humilier
devant le Roy des Rois , & elle lui offre
le Bâtiment qu'elle vient d'élever en fon
honneur . Un roulement de nuës fépare
les deux Peres qui font à gauche des Apôtres
& de ceux d'entre les Saints que ·PE
glife honore fous le nom de Confeffeurs.-
S. Benoît , pere de tous les Moines d'Occident
, dont les Religieufes du Val- de
Grace fuivent la Regle , eft vû dans un
rang éminent.
Une Légion innombrable de Martyrs
II.Vol.
occupe
1370 MERCURE DE FRANCE.
20
Occupe la place qui fuit . Ils ont à leurs
pieds les fondateurs des Ordres Religieux .
Sous cette partie de l'Eglife triomphante
eft écrit : Laverunt ftolas fuas in fanguine
Agni.
Moyfe tenant les Tables de la Loy
Aaron l'encenfoir à la main.David, Abraham
, Jofué , Jonas , & quelques autres
Saints de l'ancien Teflament forment le
bas du Tableau.
Les Anges qui emportent l'Arche d'al--
fiance , marquent excellemment que la
Loy de Grace a pris la place de la Loy Figurative
, & qu'on ne peut meriter le ciel
que par celui qui a die qu'il étoit la voye,,
la verité & la vie. Le paffage qui eft audeffous
ne laiffe pas lieu de douter que ce
mait été là l'efprit du Peintre : Sains. Dee
•·noftro & Agno..
Le chafte troupeau des Vierges remplit
tout ce qui refte de place. Le privilege
qu'elles ont de fuivre par tout l'Agneau
fans tache , eſt expliqué par ces mots :
•Sequuntur Agnum quocumque ierit.
On voit une foule d'efprits celeftes ré--
pandus dans differens endroits , les uns
-apportent des palmes aux Vierges & aux
Martyrs : les autres font fumer l'encens
en l'honneur du Très -Haut. Rien n'eft
oublié de tout ce qui peur donner quelque
idée de cette demeure , que l'oeil n'a
2
HiVol. -point
JUIN 1730 1371
འ
C
3
point vû , que l'efprit humain ne fçauroit
comprendre ; de cette felicité pleine
& immuable , dont celui qui eft l'Auteur
de toute felicité enivre à jamais fes Saints.
Sic exultant Sancti in gloria , fic lætanturin t
cubilibus fuis ; lit- t'on au bas , Pfeaume
149..
Mignard fit quelque tems après beau
coup d'ouvrages à frefque à l'Hôtel d'Her
vart , aujourd'hui l'Hôtel d'Armenon--
vile. Il peignit dans la vouté du cabinet
l'apotheofe de Pfiché son la voit qui s'é--
leve vers le plus haut de l'Olympe,portée
par Mercure & par l'Hymenées Jupiter
paroît empreffe à recevoir la nouvelle
Divinité qui vient embellir fon Empire.-
Cette fleur de la premiere jeuneffe , dont
les charmes font fi puiffans & à la beauté
la plus reguliere , fe joignent fur le vifage
de Pfiché, ces graces féduifantes qu'inf
pire le defir de plaire , &c.
On fçait le cas que font les Curieux
des Ouvrages de ces grands Maîtres d'I--
talie , qui outre leur merite réel , ont en--
core chez les demi-fçavans le merite de
n'être plus , ils élèvent la réputation des >
morts fur le débris de celle des vivans.-
Mignard ; qui avoit le rare talent d'attraper
parfaitement les differentes manieres
des plus excellens Peintres , ayant
-peint fur une toile d'Italie , une Made-
2
II! Vol . leine
132 MERCURE DE FRANCE .
:
leine dans le gout du Guide , ce tableau
fut vendu deux mille livres , pour être de
ce dernier Maître, au Chevalier de Clairville
, qui le jugea tel , ainfi que les plus
grands Curieux & Connoiffeurs ; & M. le
Brun lui-même.
Cependant quelque bruit s'étant rés
pandu , que cette Madeleine étoit de Mignard
, le Chevalier de Clairville alla le
trouver. Il répondit modeftement fur
l'honneur qu'on lui faifoit , & fit entrevoir
qu'il ne croioit pas le tableau du -
Guide. M. le Brun , foûtient le contraire,
lui dit le Chevalier , & je vous prie de
main à dîner avec lui pour éclaircir cette
affaire . La partie liée avec plufieurs Cornoiffeurs;
tout le monde fut du fentiment
de le Brun , & la difpute s'échauffa ; &
Mignard propofa 300 louis à parier
que le tableau n'étoit pas du Guide . Ie
Brun vouloit accepter le pari , & quand
Mignard vir la chofe auffi avant engagée
qu'elle pouvoit l'être pour fa gloire ; je :
ne puis pas parier en confcience , dit -il ,
car le tableau eft de moi ; & il en donna
la
preuve fur le champ , en découvrant
avec de l'huile de therebentine un endroit
du tableau , fous les cheveux de la Madé--
laine , où l'on trouva la Barette d'un Car- -
dinal qui avoit été peint d'abord fur cette
toile Mignard voulut reprendre fon ta--
II.Vol. bleau
JUIN. 1730. 1373
bleau & rendre les deux cent piftoles au
Chevalier , mais celui-ci fut bien-aife de
le garder.
Les portraits pour lesquels Mignard
étoit toûjours de plus en plus recherché
n'épuiferent pas tout fon tems , il fit de
tems en tems des ouvrages à frefque , &
des tableaux de chevalet.
La belle Ducheffe de Briffac , de la Maifon
de S. Simon , fouhaita alors que Mignard
fit fon portrait , & elle eut défiré
qu'il ne la fit pas attendre long-tems .
C'étoit beaucoup exiger d'un homme qui
ne difpofoit pas de fes momens à fon gré.
Elle engagea Racine à lui en parler , &
Mignard donna à l'amitié ce qu'il eut
peut-être refufé à toute autre confideration
. Il peignit Madame de Briffac en
grand avee un Amour auprès d'elle , dont
elle tient le flambeau , & qu'elle paroît
avoir défarmé . C'eft ainfi qu'elle avoit
voulu être reprefentée. Ce portrait fit
d'autant plus d'honneur à fon auteur ,
que la beauté de la Ducheffe de Briffac
confiftoit moins dans la regularité , que
dans l'enfemble , & dans le jeu des traits :
que d'ailleurs il avoit été queſtion d'épier
,fi l'on peut parler ainfi , & de fixer
fur fon vifage ces graces fugitives , qui
tiennent aux differens mouvemens de l'ame,
& de peindre même le fentiment qui
les fait naître. Il
1374 MERCURE DE FRANCE
Il fit quelque tems après le portrait de
la Ducheffe de la Valiere. Elle eft peinte
au milieu de fes deux enfans , le Comte
de Vermandois , jeune Prince que le'
Ciel n'a fait que montrer à la terre , &
Mademoifeile de Blois , depuis la Princeffe
de Conti , que Mignard bon connoiffeur
, affuroit dès-lors devoir être un
jour la plus grande beauté de fon fiecle.
Madame de la Valiere eft reprefentée tenant
un chalumeau , d'où pend une boule
de favon , autour de laquelle on lit: Sic
tranfit gloria mundi. Image naturelle de
la vanité ou occupation des hommes , &
fur tout des faveurs de la Cour. Cette
genereufe perfonne qui a fait voir qu'un
Roy peut être aimé pour lui- même , fe
préparoit déja au grand facrifice , qu'elle
confomma bien-tôt après. Il est vrai-femblable
, que ce fut elle qui donna l'idée
du tableau ; & il eft certain que fes
agrémens n'étoient pas diminués lorfqu'elle
prit le parti de les enfevelir dans
la plus auftere retraite. La France n'ou-
Bliera jamais les grands exemples qu'elle
a donné fous le nom de Sour Loüife de
Ja Mifericorde. Une fainte mort'a couronné
des vertus que nous voyons revivre
aujourd'hui dans fon augufte fille.
Le Roy voulant un jour fçavoir l'idée
que le Duc de Montaufier avoit de le
II.Fol
Brun
TUIN. 1730. 1375
Brun & de Mignard , qui avoient chacun
leurs Partifans : Sire , répondit-il , je ne
me connois pas en peinture , mais il me pa
rcit que ces hommes la peignent comme leur
nom.
Au mois de Mars 1677 , feu Monfieur,,
Frere unique de Louis XIV. ne dédaigna
pas d'aller chez Mignard , & il eut la bonté
de lui dire , qu'il faifoit bâtir exprès à
S. Cloud , une Galerie , un cabinet & un
falon , afin de les lui faire peindre , &c.
Mignard prit Apollon pour fujet princi
pal de ce grand ouvrage. Toutes les avantures
que la Fable prête à ce Dieu , tous
les attributs qu'elle lui donne , font parfaitement
reprefentés dans la Galerie..
A l'un des bouts on le voit dans l'inftant
de fa naiffance fur les genoux de Latone.
Vis-à-vis il eft vû fur le Parnaffe avec les
Mules. Dans le premier tableau , Latone
infultée par les payfans de Lybie , s'adref
fe à Jupiter qui la vange en changeant
ces hommes impitoyables en grenouilles.
La Divinité qui prefide aux beaux Arts ,
& aux differens talens de l'efprit , prefide
auffi aux faifons ; elles font peintes d'un
côté & de l'autre de la galerie , &c. Dans
le grand plafond , au milieu de la galerie ,
qui fert comme de couronnement à tout
Fouvrage , le Soleil fous la figure du Roi
paroît fur un char , tiré par quatre che
II. Fol Vaux
1376 MERCURE DE FRANCE,
vaux blancs .... l'Aurore le precede ,& c .
A la page 116 de ce livre , il y a une
faute de Copifte dont l'Auteur fera fans
doute bien aife que nous avertiffions le
Lecteur. En parlant du Portrait que fit
Mignard de Marie- Loüife d'Orleans , fille
aînée de Monfieur & d'Henriette d'Angleterre
son a mis que fon mariage venoit
d'être conclu avec Philippe IV. Roi d'Efpagne
, il faut lire Charles II.
Nous abregeons à regret la defcription
des peintures de S. Cloud , où Mignard
fit encore quantité d'autres grands Ou
vrages , comme le cabinet de Diane en
quatre grands tableaux & le plafond de
Aurore , le grand falon , où l'on voit
Olympe & tous les Dieux réunis , pour
voir Mars & Venus qui vont être envelo
pez par les retz de Vulcain , & c.
En 1684 il peignità Verfailles le petit
apartement , & pour faire voir que la perfection
où les Arts ont été portez en Fran
ce , étoit l'effet de la protection du Roi ,
fla reprefenté au milieu du plafond fur
des nuages , Apollon & Minerve ; le Genie
de la France eft debout entre ces deux
Divinitez , tenant un Lys d'une main &
s'appuyant de l'autre fur le genoux de
Minerve. On voit au deffous plufieurs
groupes d'Enfans , environnez des Inftrumens
des Sciences & des Arts . Ces
II. Vol.
Dieux
JUIN. 1739. 1377
?
Dieux leur diftribuenr des Couronnes.
de Laurier & des Medailles d'or. Aux
deux Salons qui terminent cette Galerie
il peignit au premier , Promethée qui a
dérobé le feu du Ciel , & dans l'autre
Pandore , & c. Après ces Ouvrages , Mignard
peignit le beau plafond du grand
Cabinet de Monfeigneur , qui ne fubfifte
plus.
Au mois de Juin 1687. Mignard fut
ennobli. Son tableau reprefentant l'hommage
de la Mer au Roy , fuivit de près
cette marque glorieufe dont S. M. venoit
de l'honorer.
Le Portrait de la Ducheffe du Lude
fut finienviron ce tems là . A l'affection &
l'eftime qu'elle avoit pour Mignard
elle joignit une telle inclination pour fa
fille que l'amitié la plus tendre y fucceda
bien- tôt , lorfque Mademoiſelle Mignard
devint , par fon mariage avec le Comte
de Feuquieres , coufine germaine de la
Ducheffe du Lude.
Un de fes derniers portraits eft celui de
Madame de Foix : Elle avoit des charmes
dans l'efprit , dont on ne pouvoit fe défendre.
Il fçût la peindre telle qu'elle étoit
effectivement , plutôt jolie que belle , parée
de cet art de plaire qui n'accompagne
pas toujours la beauté , & qui lui eft fouvent
préferé. La plupart des femmes , diloit
II. Vol.
1378 MERCURE DE FRANCE
ce Peintre , ne fçavent ce que c'est que de fe
fairepeindre telles qu'elles font ; elles ont une
idée de la beauté à laquelle elles veulent ref
fembler : c'eft leur idée qu'elles veulent qu'on
copie , & non pas leur visage.
Le fameux le Brun étant mort au mois
de Février 1690. le Roi donna ſur le
champ à Mignard la Charge de Premier
Peintre & Garde General du Cabinet des
Tableaux & Deffeins de S. M. Il fut nommé
en même-tems , Directeur & Chancelier
de l'Academie Royale de Peinture &
Sculpture , & Directeur de la Manufacture
Royal des Gobelins . Il mourut à Paris
le 13. Mai 1695. âgé de 84. ans ,
fix mois
& quelques jours.
L'Auteur termine la Vie de Mignard
par cet Eloge: Sa compofition eft riche
gracieufe & noble. Grand Poëte dans l'invention
, fa difpofition eft fçavante & fage
, fon ftile heroïque & fublime , fonpinceau
hardi , moelleux & leger. Tout
cela fans perdre de vûë les beautez du détail.
Ses expreffions font vrayes , confor
mes à l'action , moderées fans être infipides
; toûjours nobles , toujours élevées .
Il drapoit d'un grand goût : fes plis font
grands & bien jettez , marquant & flatant
judicieufement le nud , en imitant , autant
qu'il eft poffible , la varieté des étoffes
, &c. C'eft fur les Memoires de la
11. Vol. Comteffe
JUIN. 1730. 1379
Comteffe de Feuquieres qu'on a écrit la
vie de fon illuftre Pere ; c'eft elle , pourfuit
l'Auteur , qui lui fait rendre un honneur
fi bien merité , & lui donne cette
derniere marque de fa pieté , de fon rel
pect & de fa tendre reconnoiffance .
Premier Peintre du Roi , par l'Abbé de
Monville &c. A Paris , Quay des Auguf
tins , chez Boudot & Guerin 1730.
Nous avons donné dans la premiere
Partie de cet Extrait ce qui regarde la
Vie de Mignard depuis fa naiffance jufqu'à
fon voyage de Rome & fon retour en
France.
Il fut très bien reçû à la Cour , & fon
premier Ouvrage fut le Portrait du jeune
Roi Louis XIV. fait en trois heures , die
Auteur , & envoyé fur le champ à Madrid.
Mignard exprima fi bien cet air de
grandeur & de majesté qui a toujours été
gravé fur le front de ce Monarque, que
toute la Cour d'Espagne en fut frappće .
L'Infante , à la vûë de ces traits auguftes,
fouhaita que le Ciel la fit bientôt le fceau
& le noeud de la Paix .
La Reine more ne tarda pas à ordon
ner à Mignard de la peindre . Elle avoit les
mains parfaites , & elle ne les regardoic:
pas fans une fecrette complaifance . Mi--
gnard imita avec la derniére précifion
cette belle proportion & cette délicateffe
I-I, Vol. Ey
qu gui
1366 MERCURE DE FRANCE..
=1
qui
les rendoit admirables. Il fçut join--
dre dans le Portrait de la Reine mere ,
la jeuneffe qu'elle n'avoit plus , à la beauté
qu'elle avoit encore. Les Courtiſans
n'eurent befoin que de fincerité pour approuver
& pour loüer. Cette Princeffe :
elle- même vit cet effet de l'art avec un
plaifir que fa vertu ne put fe refufer.
Il peignit enfuite le Cardinal Mazarin .
Son Portrait avoit été jufqu'alors l'écueil
de tous les Peintres ; la gloire d'y réüffir :
étoit réfervée à Mignard . Il fe furpaffa luimême
dans cet Ouvrage. Mais cet extrait
feroit bien plus long qu'il ne faut fi on:
s'arrêtoit fur tous les excellens Portraits :
de cet habile Maître. Il fit plufieurs fois
celui du Roy , de la Reine,de Monfieur,
de M. le Dauphin & de quantité de Prin--
de Seigneurs , de Dames , de Minif
tres & d'un tres- grand nombre de perfonnes
de diftinction , qui lui firent une
tres- grande réputation.
ces ,
*
Le premier Portrait qu'il peignit à Paris
fut celui du Duc d'Efpernon . Ce Sei--
gneur qui fe piquoit de vivre en Prince,,
paya mille écus ce Bufte , afin , difoit- il
de mettre le prix aux Portraits de Mignard;;
& lui ayant fait peindre à Frefque dans
fon Hôtel , depuis l'Hôtel de Longue--
ville , une chambre & un cabinet , il luienvoya
40000 liv. L'eftime que les con--
LI.Vol noiffeurss
JUIN. 1730 1367
noiffeurs firent de ces Peintures , donnerent
un nouvel éclat à cette liberalité.
Le Portrait de la Marquiſe de Gouvernet
entr'autres furprit & charma : on y
trouya cette vie que les effets furprenans
dont l'hiftoire a confervé le fouvenir
donnent lieu de croire qu'avoient les Tableaux
des Peintres Grecs. On a vû fou
vent le Perroquet de Madame de Gouvernet
dire à fon Portrait : Baifez-moi, ma
maitreffe.
La Reine mere ayant enfin vû au gré
de fes fouhaits , le Dôme du Val- de- Grace
élevé , crut qu'il ne manqueroit rien à
la magnificence de cet Edifice , fi elle en
faifoit peindre la Coupe par le fçant
Maître que Rome avoit rendu peu d'années
auparavant à la France. Cette Princeffe
confia ce grand Ouvrage à Mignard
qui le finit en huit mois.
A
-
On peut dire en effet que le Val-de-
Grace n'eft peut- être pas moins le triomphe
de la peinture que celui de Mignard.
Jamais production de l'Art ne mérita
mieux Epithete Italienne , dont il eft
fi difficile de faire paffer toute l'énergie
en notre langue , opera daftupire
L'Agneau Pafcal , environné d'Anges
profternez , & le Chandelier à fept bran--
ches , viennent frapper d'abord le Spec- ~
tateur , que le premier regard ravic , char
Evj me
T368 MERCURE DE FRANCE
me ,failit. On lit au deffous ces paroles" :
Fui mortuus , & ecce ſum vivens.
I
Plus haut , un Ange porte ouvert, le Li--
vre fcellé de fept Sceaux , dont il eft parlé
dans l'Apocalypfe.
Le Signe adorable de la Croix eft vû
dans les Airs , à une diftance fupérieure's
porté,foutenu & couronné par les Anges.
Dans le centre eft une Gloire , où les
'trois Perfonnes de la Trinité paroiffent
fur un Trône de Nuës . La Puiffance , la-
Grandeur , la Majefté éclatent fur le vi--
fage & dans toute l'attitude du Pere ; fa:
main droite eft étenduë ; de la gauche il
tient le Globe du Monde . JESUS CHRIST
cft reprefenté tel que dans l'Ecriture , of--
frant à fon Pere les Elus qu'il lui a don--
nez , & faifant parler fon Sang répandu
pour tous les hommes. L'Efprit Saint fous
la forme d'une Colombe , placé au milieu
d'eux. Un vafte cercle de lumieré les en--
vironne. Le jour qu'elle répand a quelque
chofe de furnaturel ; c'eft un jour pur,,
c'eft une clarté divine ; tout le fujet en eft
clairé
Les Choeurs des Anges groupez dans
cette lumiere ; compofent le premier Or--
' dre de la Cour celefte . Une infinité de
Chérubins entourent la Divinité . Un
grand nombre d'Anges forment des Con--
certs d'autres plus proches du Trône fe
cachent
JUIN 1730. 1369
cachent de leurs aîles , & baiffent leurs
yeux éblouis.
Auprès de la Croix eft la fainte Vier
ge à genoux fur un nuage, fuivie , mais à
quelque diftance , de la Magdelaine &
des autres pieufes Femmes qui rendirent
à Jefus mourant les honneurs de la Se--
pulture. De l'autre côté on voit S. Jean--
Baptifte dans une attitude grave & noble,
tenant la Croix qui fert à le défigner-
A droit & à gauche de l'Agneau Paf--
chal font les quatre Peres de l'Eglife Latine
, les Miſteres de la Loy ancienne mê--
lez avec les attributs de la Loy nouvelle , ›
font voir la liaiſon éternelle des deux Teftamens.
A droite on recennoît S. Ambroife
& S. Jérôme . Le Pape S. Gregoire &.
guftin font à gauche , fuivis de faint
ouis & de la Reine Anne d'Autriche..
Elle dépofe fa Couronne pour s'humilier
devant le Roy des Rois , & elle lui offre
le Bâtiment qu'elle vient d'élever en fon
honneur . Un roulement de nuës fépare
les deux Peres qui font à gauche des Apôtres
& de ceux d'entre les Saints que ·PE
glife honore fous le nom de Confeffeurs.-
S. Benoît , pere de tous les Moines d'Occident
, dont les Religieufes du Val- de
Grace fuivent la Regle , eft vû dans un
rang éminent.
Une Légion innombrable de Martyrs
II.Vol.
occupe
1370 MERCURE DE FRANCE.
20
Occupe la place qui fuit . Ils ont à leurs
pieds les fondateurs des Ordres Religieux .
Sous cette partie de l'Eglife triomphante
eft écrit : Laverunt ftolas fuas in fanguine
Agni.
Moyfe tenant les Tables de la Loy
Aaron l'encenfoir à la main.David, Abraham
, Jofué , Jonas , & quelques autres
Saints de l'ancien Teflament forment le
bas du Tableau.
Les Anges qui emportent l'Arche d'al--
fiance , marquent excellemment que la
Loy de Grace a pris la place de la Loy Figurative
, & qu'on ne peut meriter le ciel
que par celui qui a die qu'il étoit la voye,,
la verité & la vie. Le paffage qui eft audeffous
ne laiffe pas lieu de douter que ce
mait été là l'efprit du Peintre : Sains. Dee
•·noftro & Agno..
Le chafte troupeau des Vierges remplit
tout ce qui refte de place. Le privilege
qu'elles ont de fuivre par tout l'Agneau
fans tache , eſt expliqué par ces mots :
•Sequuntur Agnum quocumque ierit.
On voit une foule d'efprits celeftes ré--
pandus dans differens endroits , les uns
-apportent des palmes aux Vierges & aux
Martyrs : les autres font fumer l'encens
en l'honneur du Très -Haut. Rien n'eft
oublié de tout ce qui peur donner quelque
idée de cette demeure , que l'oeil n'a
2
HiVol. -point
JUIN 1730 1371
འ
C
3
point vû , que l'efprit humain ne fçauroit
comprendre ; de cette felicité pleine
& immuable , dont celui qui eft l'Auteur
de toute felicité enivre à jamais fes Saints.
Sic exultant Sancti in gloria , fic lætanturin t
cubilibus fuis ; lit- t'on au bas , Pfeaume
149..
Mignard fit quelque tems après beau
coup d'ouvrages à frefque à l'Hôtel d'Her
vart , aujourd'hui l'Hôtel d'Armenon--
vile. Il peignit dans la vouté du cabinet
l'apotheofe de Pfiché son la voit qui s'é--
leve vers le plus haut de l'Olympe,portée
par Mercure & par l'Hymenées Jupiter
paroît empreffe à recevoir la nouvelle
Divinité qui vient embellir fon Empire.-
Cette fleur de la premiere jeuneffe , dont
les charmes font fi puiffans & à la beauté
la plus reguliere , fe joignent fur le vifage
de Pfiché, ces graces féduifantes qu'inf
pire le defir de plaire , &c.
On fçait le cas que font les Curieux
des Ouvrages de ces grands Maîtres d'I--
talie , qui outre leur merite réel , ont en--
core chez les demi-fçavans le merite de
n'être plus , ils élèvent la réputation des >
morts fur le débris de celle des vivans.-
Mignard ; qui avoit le rare talent d'attraper
parfaitement les differentes manieres
des plus excellens Peintres , ayant
-peint fur une toile d'Italie , une Made-
2
II! Vol . leine
132 MERCURE DE FRANCE .
:
leine dans le gout du Guide , ce tableau
fut vendu deux mille livres , pour être de
ce dernier Maître, au Chevalier de Clairville
, qui le jugea tel , ainfi que les plus
grands Curieux & Connoiffeurs ; & M. le
Brun lui-même.
Cependant quelque bruit s'étant rés
pandu , que cette Madeleine étoit de Mignard
, le Chevalier de Clairville alla le
trouver. Il répondit modeftement fur
l'honneur qu'on lui faifoit , & fit entrevoir
qu'il ne croioit pas le tableau du -
Guide. M. le Brun , foûtient le contraire,
lui dit le Chevalier , & je vous prie de
main à dîner avec lui pour éclaircir cette
affaire . La partie liée avec plufieurs Cornoiffeurs;
tout le monde fut du fentiment
de le Brun , & la difpute s'échauffa ; &
Mignard propofa 300 louis à parier
que le tableau n'étoit pas du Guide . Ie
Brun vouloit accepter le pari , & quand
Mignard vir la chofe auffi avant engagée
qu'elle pouvoit l'être pour fa gloire ; je :
ne puis pas parier en confcience , dit -il ,
car le tableau eft de moi ; & il en donna
la
preuve fur le champ , en découvrant
avec de l'huile de therebentine un endroit
du tableau , fous les cheveux de la Madé--
laine , où l'on trouva la Barette d'un Car- -
dinal qui avoit été peint d'abord fur cette
toile Mignard voulut reprendre fon ta--
II.Vol. bleau
JUIN. 1730. 1373
bleau & rendre les deux cent piftoles au
Chevalier , mais celui-ci fut bien-aife de
le garder.
Les portraits pour lesquels Mignard
étoit toûjours de plus en plus recherché
n'épuiferent pas tout fon tems , il fit de
tems en tems des ouvrages à frefque , &
des tableaux de chevalet.
La belle Ducheffe de Briffac , de la Maifon
de S. Simon , fouhaita alors que Mignard
fit fon portrait , & elle eut défiré
qu'il ne la fit pas attendre long-tems .
C'étoit beaucoup exiger d'un homme qui
ne difpofoit pas de fes momens à fon gré.
Elle engagea Racine à lui en parler , &
Mignard donna à l'amitié ce qu'il eut
peut-être refufé à toute autre confideration
. Il peignit Madame de Briffac en
grand avee un Amour auprès d'elle , dont
elle tient le flambeau , & qu'elle paroît
avoir défarmé . C'eft ainfi qu'elle avoit
voulu être reprefentée. Ce portrait fit
d'autant plus d'honneur à fon auteur ,
que la beauté de la Ducheffe de Briffac
confiftoit moins dans la regularité , que
dans l'enfemble , & dans le jeu des traits :
que d'ailleurs il avoit été queſtion d'épier
,fi l'on peut parler ainfi , & de fixer
fur fon vifage ces graces fugitives , qui
tiennent aux differens mouvemens de l'ame,
& de peindre même le fentiment qui
les fait naître. Il
1374 MERCURE DE FRANCE
Il fit quelque tems après le portrait de
la Ducheffe de la Valiere. Elle eft peinte
au milieu de fes deux enfans , le Comte
de Vermandois , jeune Prince que le'
Ciel n'a fait que montrer à la terre , &
Mademoifeile de Blois , depuis la Princeffe
de Conti , que Mignard bon connoiffeur
, affuroit dès-lors devoir être un
jour la plus grande beauté de fon fiecle.
Madame de la Valiere eft reprefentée tenant
un chalumeau , d'où pend une boule
de favon , autour de laquelle on lit: Sic
tranfit gloria mundi. Image naturelle de
la vanité ou occupation des hommes , &
fur tout des faveurs de la Cour. Cette
genereufe perfonne qui a fait voir qu'un
Roy peut être aimé pour lui- même , fe
préparoit déja au grand facrifice , qu'elle
confomma bien-tôt après. Il est vrai-femblable
, que ce fut elle qui donna l'idée
du tableau ; & il eft certain que fes
agrémens n'étoient pas diminués lorfqu'elle
prit le parti de les enfevelir dans
la plus auftere retraite. La France n'ou-
Bliera jamais les grands exemples qu'elle
a donné fous le nom de Sour Loüife de
Ja Mifericorde. Une fainte mort'a couronné
des vertus que nous voyons revivre
aujourd'hui dans fon augufte fille.
Le Roy voulant un jour fçavoir l'idée
que le Duc de Montaufier avoit de le
II.Fol
Brun
TUIN. 1730. 1375
Brun & de Mignard , qui avoient chacun
leurs Partifans : Sire , répondit-il , je ne
me connois pas en peinture , mais il me pa
rcit que ces hommes la peignent comme leur
nom.
Au mois de Mars 1677 , feu Monfieur,,
Frere unique de Louis XIV. ne dédaigna
pas d'aller chez Mignard , & il eut la bonté
de lui dire , qu'il faifoit bâtir exprès à
S. Cloud , une Galerie , un cabinet & un
falon , afin de les lui faire peindre , &c.
Mignard prit Apollon pour fujet princi
pal de ce grand ouvrage. Toutes les avantures
que la Fable prête à ce Dieu , tous
les attributs qu'elle lui donne , font parfaitement
reprefentés dans la Galerie..
A l'un des bouts on le voit dans l'inftant
de fa naiffance fur les genoux de Latone.
Vis-à-vis il eft vû fur le Parnaffe avec les
Mules. Dans le premier tableau , Latone
infultée par les payfans de Lybie , s'adref
fe à Jupiter qui la vange en changeant
ces hommes impitoyables en grenouilles.
La Divinité qui prefide aux beaux Arts ,
& aux differens talens de l'efprit , prefide
auffi aux faifons ; elles font peintes d'un
côté & de l'autre de la galerie , &c. Dans
le grand plafond , au milieu de la galerie ,
qui fert comme de couronnement à tout
Fouvrage , le Soleil fous la figure du Roi
paroît fur un char , tiré par quatre che
II. Fol Vaux
1376 MERCURE DE FRANCE,
vaux blancs .... l'Aurore le precede ,& c .
A la page 116 de ce livre , il y a une
faute de Copifte dont l'Auteur fera fans
doute bien aife que nous avertiffions le
Lecteur. En parlant du Portrait que fit
Mignard de Marie- Loüife d'Orleans , fille
aînée de Monfieur & d'Henriette d'Angleterre
son a mis que fon mariage venoit
d'être conclu avec Philippe IV. Roi d'Efpagne
, il faut lire Charles II.
Nous abregeons à regret la defcription
des peintures de S. Cloud , où Mignard
fit encore quantité d'autres grands Ou
vrages , comme le cabinet de Diane en
quatre grands tableaux & le plafond de
Aurore , le grand falon , où l'on voit
Olympe & tous les Dieux réunis , pour
voir Mars & Venus qui vont être envelo
pez par les retz de Vulcain , & c.
En 1684 il peignità Verfailles le petit
apartement , & pour faire voir que la perfection
où les Arts ont été portez en Fran
ce , étoit l'effet de la protection du Roi ,
fla reprefenté au milieu du plafond fur
des nuages , Apollon & Minerve ; le Genie
de la France eft debout entre ces deux
Divinitez , tenant un Lys d'une main &
s'appuyant de l'autre fur le genoux de
Minerve. On voit au deffous plufieurs
groupes d'Enfans , environnez des Inftrumens
des Sciences & des Arts . Ces
II. Vol.
Dieux
JUIN. 1739. 1377
?
Dieux leur diftribuenr des Couronnes.
de Laurier & des Medailles d'or. Aux
deux Salons qui terminent cette Galerie
il peignit au premier , Promethée qui a
dérobé le feu du Ciel , & dans l'autre
Pandore , & c. Après ces Ouvrages , Mignard
peignit le beau plafond du grand
Cabinet de Monfeigneur , qui ne fubfifte
plus.
Au mois de Juin 1687. Mignard fut
ennobli. Son tableau reprefentant l'hommage
de la Mer au Roy , fuivit de près
cette marque glorieufe dont S. M. venoit
de l'honorer.
Le Portrait de la Ducheffe du Lude
fut finienviron ce tems là . A l'affection &
l'eftime qu'elle avoit pour Mignard
elle joignit une telle inclination pour fa
fille que l'amitié la plus tendre y fucceda
bien- tôt , lorfque Mademoiſelle Mignard
devint , par fon mariage avec le Comte
de Feuquieres , coufine germaine de la
Ducheffe du Lude.
Un de fes derniers portraits eft celui de
Madame de Foix : Elle avoit des charmes
dans l'efprit , dont on ne pouvoit fe défendre.
Il fçût la peindre telle qu'elle étoit
effectivement , plutôt jolie que belle , parée
de cet art de plaire qui n'accompagne
pas toujours la beauté , & qui lui eft fouvent
préferé. La plupart des femmes , diloit
II. Vol.
1378 MERCURE DE FRANCE
ce Peintre , ne fçavent ce que c'est que de fe
fairepeindre telles qu'elles font ; elles ont une
idée de la beauté à laquelle elles veulent ref
fembler : c'eft leur idée qu'elles veulent qu'on
copie , & non pas leur visage.
Le fameux le Brun étant mort au mois
de Février 1690. le Roi donna ſur le
champ à Mignard la Charge de Premier
Peintre & Garde General du Cabinet des
Tableaux & Deffeins de S. M. Il fut nommé
en même-tems , Directeur & Chancelier
de l'Academie Royale de Peinture &
Sculpture , & Directeur de la Manufacture
Royal des Gobelins . Il mourut à Paris
le 13. Mai 1695. âgé de 84. ans ,
fix mois
& quelques jours.
L'Auteur termine la Vie de Mignard
par cet Eloge: Sa compofition eft riche
gracieufe & noble. Grand Poëte dans l'invention
, fa difpofition eft fçavante & fage
, fon ftile heroïque & fublime , fonpinceau
hardi , moelleux & leger. Tout
cela fans perdre de vûë les beautez du détail.
Ses expreffions font vrayes , confor
mes à l'action , moderées fans être infipides
; toûjours nobles , toujours élevées .
Il drapoit d'un grand goût : fes plis font
grands & bien jettez , marquant & flatant
judicieufement le nud , en imitant , autant
qu'il eft poffible , la varieté des étoffes
, &c. C'eft fur les Memoires de la
11. Vol. Comteffe
JUIN. 1730. 1379
Comteffe de Feuquieres qu'on a écrit la
vie de fon illuftre Pere ; c'eft elle , pourfuit
l'Auteur , qui lui fait rendre un honneur
fi bien merité , & lui donne cette
derniere marque de fa pieté , de fon rel
pect & de fa tendre reconnoiffance .
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Domaine