Titre
SUITE de l'Article de Pierre Ramus.
Titre d'après la table
L'article du P. Ramus, des Hommes Illustres, &c.
Fait partie d'une livraison
Fait partie d'une section
Page de début
711
Page de début dans la numérisation
96
Page de fin
725
Page de fin dans la numérisation
110
Incipit
Des que Ramus se vit Professeur Royal, il se sentit
Texte
SUITE de l'Article de Pierre Ramus.
Es que Ramus se vit Professeur
DRoyal , il se sentit un nouveau zele
pour perfectionner les Sciences , et il y
travailla avec encore plus d'ardeur qu'il
n'avoit fait jusques- là , malgré la hainede
ses ennemis , qui ne pouvoient le laisser
en repos..
Il eut alors part à une affaire assez singuliere
pour être rapportée ici . Vers l'an-
150. les Professeurs Royaux avoient
commencé à corriger quelques abus qui
s'étoient glissez dans la prononciation de
la Langue Latine ; cetre réforme embrassée
par quelques Ecclesiastiques , déplut
à d'autres , qui deffendirent avec chaleur
l'ancienne prononciation à laquelle ils
étoient accoutumez. La chose alla même
si loin , qu'un Beneficier fut dépouillé de
ses revenus par la Faculté de Théologie ,
pour avoir prononcé Quisquis, Quanquam,
suivant la nouvelle réforme , et non par
Kiskis , Kankam , selon l'ancien usage..
Ce Beneficier s'étant pourvû en Parle
ment , les Professeurs Royaux , et entre
autre
712 MERCURE DE FRANCE .
autres Ramus , craignant qu'il ne succombât
sous le crédit de la Faculté , se crurent
obligés de le secourir ; ils allerent
donc à l'Audience , et représenterent si
vivement à la Cour l'indignité d'un tel
procès , que l'Accusé fut absous , et qu'on
faissa la liberté de prononcer comme on
voudroit.
Ramus avoit été élevé et instruit dès
sa plus tendre jeunesse dans la Religion
Catholique , mais la lecture des Livres
des Protestans l'avoit séduit , et lui avoit
donné du gout pour leur Doctrine. Il
commença à faire connoître ses sentimens
en ôtant les Images de la Chapelle de son
College de Prêle. C'étoit en 1552. que
les Religionnaires commencerent à remuer
, et comme on ne vouloit souffrir
dans l'Université que des personnes d'une
Doctrine saine , il en fut chassé la mê
me année et destitué de sa Charge.
}
*
La crainte qu'il eut de quelque chose
de pis , l'obligea alors à se retirer , et il
alla, sous le bon plaisir du Roi qui le
protegeoit , se cacher à Fontainebleau
où , à la faveur des Livres qu'il y trouva
dans la Bibliotheque Royale , il continua
ses travaux Géometriques et Astronomiques
, qui l'occupoient beaucoup depuis
quelque tems.
*Felibien , Hist. de Paris , t. 2. p. 1084.
Mais
AVRIL.
1731. 713
Mais il ne demeura pas long- tems
tranquille en ce lieu . On découvrit qu'il
y étoit , et cette découverte ne lui permit
pas d'y rester davantage. Il fallut
qu'il s'allât cacher successivement en divers
endroits . Pendant ce tems-là son Col
lege fut pillé , et il perdit la riche Bibliotheque
qu'il y avoit amassée.
Lorsque la Paix eut été conclue l'an
1563. entre le Roi Charles IX . et les
Protestans , il reprit possession de sa Charge
, s'y maintint avec vigueur et s'attacha
principalement à faire fleurir les études
des Mathématiques . Nous trouvons dans
l'Histoire de la Ville de Paris une preuve
éclatante de son zele en cette matiere,
qu'il ne faut pas omettre.
» L'intention du Roi François Premier,
» dit l'Auteur , en fondant le College
» Royal , avoit été que les places de Pro-
» fesseurs ne fussent occupées que par des
» gens capables de les remplir avec hon-
>> neur. Des gens sans mérite avoient en-
» fin trouvé moyen , par amis , et par in-
» trigues d'en occuper quelques- unes , et
>> de ce nombre étoit Dampestre , qui s'é-
» toit chargé d'enseigner les Mathémati-
» ques , dont il sçavoit à peine les pre-
» miers Elemens. Pierre de la Ramée l'en-
>> treprit , et l'accusant d'insuffisance , la
* Felib. +, 2. p. 1106.
n.tra
714 MERCURE DE FRANCE.
» traduisit au Parlement , où l'indigne
>> Professeur fut condamné à subir l'exa-
» men . La Raméé ne fe contenta pas de
» cela , il écrivit au Roi , à la Reine , au
» Cardinal de Chatillon , Conservateur
» de l'Université de Paris , à l'Evêque de
» Valance , et à plusieurs autres Seigneurs
>> du Conseil du Roi , et en obrint une
Ordonnance en datte du 24. Janvier
1566. par laquelle il fut reglé que Dam-
» pestre et tous les autres Professeurs qui
» se presenteroient desormais pour être
admis au College Reyal , seroient examinez
publiquement par tous les autres
» Lecteurs. Dampestre , pour n'avoir pas
» l'affront d'être convaincu d'insuffisance,
» ceda sa place à de certaines conditions
à Charpentier , Docteur en Medecine ,
encore moins versé que lui dans les Ma
» thématiques , mais homme d'intrigue et
artificieux. La Ramée l'attaqua plus
» vivement que l'autre , et se donna tant
» de mouvemens , que le Roi fit expedier
» des Lettres Parentes du 7 ..... de la
» même année , données à Moulins , par
lesquelles après le récit des soins que
s'étoit donné Pierre de la Ramée , Doyen
» des Professeurs Royaux , contre Dampestre
, le Roi veut que quand il vaquera
une place de Professeur Royal ,
on le fasse sçavoir à toutes les Univer-
5
"
» sitez.
AVRIL. 1731. 715
.
sitez les plus fameuses , afin que ceux
» qui se sentiront dans la disposition de
»la disputer au concours , viennent se
>> présenter à l'examen des autres Profes-
» seurs du même College , et disputer la
>> Chaire vacante , laquelle sera donnée
» par le Roi à celui , qui , au rapport du
» Doyen et des Lecteurs , aura fait pa-
» roître plus de capacité dans ce combat
Litteraire. Ces Lettres furent enregis
» trées le 2. Avril suivant , avec l'Eloge
que méritoit la protection que donnoit
» le Roi aux Belles Lettres . Pierre de la
Ramée ne laissa pas plus Charpentier
>> en paix que celui qui l'avoit précedé
» dans la Chaire de Mathématique. Il le
>>fit comparoître à la Cour , où le nou-
» veau Professeur obtint par ses larmes
» et par son éloquence , de ne pas subir
»
"
l'examen . Le Parlement lui prescrivit
» des conditions qu'il n'executa point ,
» dont il s'acquitta de mauvaise foi ; ce
» qui obligea la Ramée de le traduire au
» Conseil , où par les artifices de Char-
» pentier , il se trouva lui - même dans la
» necessité de faire son apologie. Toutes
» ces démarches de la Ramée lui furent
>> funestes dans la suite.
Les Guerres Civiles ayant recommencé
en 1557. Ramus fut de nouveau obligé
de quitter Paris ; il se réfugia auprès du
Prince
716 MERCURE DE FRANCE
Prince de Condé , qui avoit son armée a
S. Denis , et y étoit pendant la bataille
qui se donna en ce lieu.
La Paix qui se fit peu de tems après ,
l'engagea à revenir à Paris , où il fut retabli
dans sa Charge ; mais il forma le
dessein de se retirer en un lieu de sureté,
pour n'être point exposé à de nouveaux
dangers.
Il demanda pour cela au Roi la per-
. mission d'aller visiter les Académies d'Almagne
, et elle lui fut accordée. Il fit ce
voyage en 1568. et reçut par tout de fort
grands honneurs. Il fit pendant quelque
tems des Leçons à Heidelberg. André
Dudith , qui avoit beaucoup de crédit
auprès du Roi de Pologne , l'invita à se
rendre à Cracovie ; Jean Zapol Vaivode
de Transilvanie , lui offrit aussi des appointemens
considerables , avec le Rectorat
de l'Académie de Weissembourg ;
mais il ne jugea pas à propos d'accepter
leurs offres .
Pendant son séjour à Heidelberg , il fuc
assidu aux Sermons que les Réformez
y faisoient en François , et ce fut dans
feur Eglise qu'il communia pour la premiere
fois , après avoir publié sa profession
de foi.
L'attachement qu'il avoit pour sa Pa
trie , l'y ramena pour son malheur en
1571
AVRIL. 1731. 717
1571. car il fut assassiné le 25. Août 1572 .
au massacre de la S. Barthelemi . Il s'étoit
caché dans une cave pendant le tumulte,
mais il en fut tiré par des Assassins que
lui envoya Charpentier , son Competiteur
, et après qu'il eut donné beaucoup
d'argent pour tâcher de se tirer de leurs
mains et reçû quelques blessures , il fut
jetté par la fenêtre dans la cour , et ses
entrailles étant sorties de son corps par
cette chute , les Ecoliers animez par leurs
Maîtres , qui le haïssoient , les répandirent
dans les rues et traînerent ignomigneusement
son corps, en le frappant avec
des verges.
Il avoit fait son Testament , qui est
daté de Paris le premier Août 1568. avant
que de partir pour l'Allemagne . Par ce
Testament il ordonnoit que de sept cens
livres de rente qu'il avoit sur l'Hôtel de
Ville , cinq cens serviroient de gages à
un Professeur qui enseigneroit en trois
ans l'Arithmetique , la Musique , la Géometrie
, l'Optique, l'Astrologie et la Géographie
, dans le College Royal ; au bout
du quel tems on en choisiroit un autre
avec les circonstances qu'il prescrit pour
faire le même cours d'Etudes . Et il nommoit
pour le premier Professeur qui joüiiroit
de ce revenu , Frederic Reisnerus qui
- étoit son ami .
•
Mais
718 MERCURE DE FRANCE.
«
>>
Mais cette Fondation n'eut point d'abord
son effet , comme elle l'eut dans la
suite ; car le Prevôt des Marchands et
les Echevins presenterent le 17. Mars
1573. une Requête au Parlement , où ils
remontrerent que » M. Pierre de la Ra-
» mée par son Testament avoit legué la
» somme de cinq cens livres tournois de
>> rente , qu'il avoit sur ladite Ville , au
» Lecteur de Mathématique , qui seroit
élû par les Supplians , le Premier Presi-
» dent de la Cour et le premier Avocat
» du Roi , qui étoit chose superfluë , vû
» la multitude des Lecteurs en Mathéma-
» tique , stipendiez par le Roi et par les
» Colleges , et qu'il seroit plus expedient
» d'employer ladite rente aux gages d'u-
» ne personne capable , qui seroit élûë par
lesdits dessusdits , et par le Procureur
General du Roi , pour continuer l'His-
» toire de France de Paul Emile , depuis
le commencement de Charles VIII.
»jusqu'au Roi alors regnant . La Cour
oui le Premier President , le second
Avocat du Roi , en l'absence du pre-
» mier , et vûës les Conclusions du Pro-
» cureur General du Roi , par provision
» et jusqu'à ce que le Suppliant avec le
»Premier President et le premier Avocat
» du Roi eussent advisé de choisir un
» Lecteur suffisant pour lire les Mathéma-
>> tiques
))
>>
33
">
,
AVRIL. 1731 .
719
» tiques , s'il est trouvé expedient pour
>> le bien public , ordonna que ladite ren-
>> te et les arrerages d'icelle jusqu'à ce jour,
» seroient bailles à M. Jacques Gohory ,
» Avocat en la Cour , pour continuer en
Langue Latine l'Histoire de France de
» Paul Emile , et à cette fin prendre Pan-
» cartés autentiques , bons Memoires et
instructions , titres et autres papiers né-
» cessaires pour composer au vrai ladite
» Histoire. *.
Je ne sçai comment accorder la Requête
du Prevôt des Marchands et des
Échevins , avec le Testament de Ramus ;
car il n'y est pas dit que ce seront eux
qui nommeront le Professeur pour remplir
la Chaire qu'il fondoit , il en donna ,
au contraire , le choix aux Professeurs
Royaux ; il dit seulement que le Premier
President , le premier Avocat du Roi et
le Prevôt des Marchands , assisteront , ou
du moins seront invitez à assister à l'examen
des Prétendans .
enga- Au reste Gohory s'acquitta des
gemens que lui imposoit la pension qu'on
- lui avoit accordée , et continua en Latin
l'Histoire de Paul Emile ; mais sa continuation
est demeurée manuscrite et n'a
jamais été imprimée.
* Extrait des Registres du Parlement, dans les
Preuves de l'Histoire de Paris , Part. 2. p . 8301
Ramus
720 MERCURE DE FRANCE .
Ramus étoit un hommede belle taille ,
de bonne mine et d'une complexion vigoureuse
et infatigable dans le travail.
Il n'avoit d'autre lit que de la paille , sur
laquelle il coucha toûjours depuis son enfance
jusqu'à sa vieillesse. Il se levoit ordinairement
de grand matin . Comme il
employoit tout le jour à lire , à écrire ,
et à méditer , afin de se conserver l'esprit
plus libre , il ne prenoit le matin
qu'un leger repas ; le soir il mangeoit un
peu davantage , et après souper il se promenoit
pendant deux ou trois heures, ou
s'entretenoit avec ses amis. Son aliment
ordinaire étoit de la viande bouillie , et
il ne commença à boire du vin que dans
un âge un peu avancé , et par ordre des
Medecins. L'aversion qu'il avoit pour le
vin , venoit d'un accident qui lui étoit
arrivé dans sa premiere jeunesse ; car étant
alors entré dans la cave à l'insçû de ses
parens , il but si abondamment , qu'on le
trouva près du tonneau sans connoissance
et comme mort. L'état où il s'étoit mis
fit depuis tant d'impression sur lui , qu'il
fut plus de 20. ans sans vouloir boire de
vin.
Il garda toute sa vie le célibat avec une
pureté qui ne fut pas même soupçonnée
de la moindre tache , et il évitoit comme
un poison les conversations trop libres.
II
HOMA AVRIL.
1731. 721
conserva sa santé , et se guérit de ses
indispositions , non point par l'usage des
remedes , mais par la sobrieté , par l'abs
tinence et par l'exercice , sur tout par
celui du Jeu de Paume , qui étoit son
divertissement ordinaire.
Il étoit parfaitement desinteressé , et si
liberal , qu'il distribuoit une partie de
son bien , à ceux de ses Ecoliers qui en
avoient besoin .
Il avoit un génie fort vaste et un sçavoir
profond ; il avoit embrassé toutes
les sciences, et ne se proposoit pas moins
que de les réformer toutes ; mais c'étoit
une entreprise qui surpassoit ses forces.
L'envie de se distinguer , son penchant
naturel à contredire , et son opiniâtreté ,
l'ont engagé dans des disputes et des embarras
qu'il auroit pû s'épargner. La hardiesse
qu'il eut de soutenir à la fin de
sa Philosophie , que tout ce qu'Aristote
avoit dit étoit faux , étoit une action de
jeune homme , qu'il se fit cependant un
point d'honneur de soutenir dans la suite,
mais qui ne le rendoit gueres moins ridicule
que l'étoient ses Adversaires , en
soutenant que tout ce que Aristote avoit
avancé étoit vrai .
On loue beaucoup son éloquence , dont
Brantome rapporte une preuve singu-
* Mem. des Hommes illustres , T. 2. p. 55.
E liere.
722 MERCURE
DE FRANCE
liere. » M. Ramus , dit-il , étoit un fort
»disert et éloquent Orateur , et peu s'en
» est il vû de semblables ; car il avoit une
» grace inégale à tout autre , qui secou-
>> roit davantage son éloquence , jusqueslui
» là qu'au bout de quelque tems ,
s'étant rendu Hugenot , et étant en la
» compagnie de Messieurs le Prince et
l'Amiral , au voyage de Lorraine , et
»leurs Reitres , qu'ils avoient fait venir ,
»ne voulant passer vers la France qu'ils
»n'eussent de l'argent , après qu'ils en
neurent un peu touché par quelques bour-
»cillemens que les Huguenots eurent faits
entre eux , et que M. Ramus les eut ha-
>>ranguez, ils en furent gagnez et amenez
>>au coeur de la France , pour faire assez
» de maux .
Il falloit qu'on lui connût du talent
pour gagner les esprits , puisqu'on voulut
l'engager par de grandes promesses
à aller en Pologne en 1572. après la mort
du Roi Sigimond Auguste , pour prévenir
par son éloquence les Polonnois en
faveur du Duc d'Anjou , qui fut élû Pannée
suivante ; mais il le refusa , sous prétexte
que l'éloquence ne devoit point être
mercenaire . Il ne prévoyoit pas le malheur
qu'il lui arriva peu de jours après ,
et qu'il auroit évité en faisant ce voyage.
Quoique les Mathématiques
ayent été
son
AVRIL. 1731.
23
son fort , et ayent fait sa principale étu
de , on a fait depuis lui tant de nouveldes
découvertes dans cette Science , qu'on
ne tient pas à présent grand compte de
ce qu'il à laissé sur cette matiere.
Il se mêla aussi de Théologie, et voulut
se rendre en quelque maniere Chef de
Parti , en changeant la discipline qui étoit
en usage dans les Eglises Calvinistes. Il se
proposa d'y introduire le Gouvernement
Démocratique , et prétendit que la puissance
des Chefs , conferée au Peuple par
Jesus- Christ , ne devoit être mise aux
Consistoires , qu'afin qu'ils formassent les
premieres déliberations ou les premiers
jugemens qui seroient ensuite proposez
au Peuple , et qui ne pourroient passer
pour Loi qu'en cas qu'ils fussent confirmez
par les suffrages des Chefs de famille ;
-il disoit que sans cela on introduiroit dans
P'Eglise l'Oligargie et la Tyrannie, Mais
son sentiment ayant été examiné dans un
Synode National , tenu à Nîmes au mois
de May 1572. fut rejetté comme une
chose qui n'étoit propre qu'à causer de la
confusion , et qu'à produire une veritable
Anarchie . Il est à présumer que Ramus
avoit d'autres vûës , et que , s'il eût obtenu
ce qu'il demandoit , il eût été plus
loin , et se fût servi de son éloquence
pour engager l'Assemblée du Peuple à
E ij
faire
7
724 MERCURE DE FRANCE
faire encore d'autres changemens plus
considerables. C'est ce qu'appréhendoit
Théodore de Beze , qui opina fortement
contre lui dans le Synode de Nîmes.
Les disgraces , les traverses et les cha
grins que Ramus eut à soutenir pendant
le cours de sa vie , et qu'il se procura souvent
à lui-même , trouverent en lui un
courage et une constance capable de les
soutenir. Ses ennemis qui n'oublierent
rien pour le chagriner , se servirent quelquefois
pour
cela de ses Ecoliers . La premiere
fois qu'il expliqua sa Logique dans
le College de Cambray en 1552. on le
siffla, on fit des huées , on battit des mains
et des pieds . Mais il ne se déconcerta pas ;
il s'arrêtoit de tems- en-tems , jusqu'à - ce
que le bruit cessât , il acheva ainsi sa Leçon
à plusieurs reprises. Cette fermeté
étonna ceux qui vouloient par là lui faire
de la peine , et rabattit dans la suite leur
audace. On lui fit les mêmes insultes à
Heidelberg , et avec aussi peu de succès
pendant les Leçons qu'il y fit l'an 1568.
Nous nous dispensons d'ajoûter ici le
Catalogue raisonné des Ouvrages de P.
Ramus , divisé dans le Livre du P. Niceron
en 50. Articles , encore n'y sontils
pas tous rapportez . Cette prolixité setoit
ennuyeuse dans notre Journal , il y
a d'ailleurs peu de Gens de Lettres qui
no
>
AVRIL. 1731. 725
ne soient au fait des Ouvrages de cet infatigable
et celebre Ecrivain.
Es que Ramus se vit Professeur
DRoyal , il se sentit un nouveau zele
pour perfectionner les Sciences , et il y
travailla avec encore plus d'ardeur qu'il
n'avoit fait jusques- là , malgré la hainede
ses ennemis , qui ne pouvoient le laisser
en repos..
Il eut alors part à une affaire assez singuliere
pour être rapportée ici . Vers l'an-
150. les Professeurs Royaux avoient
commencé à corriger quelques abus qui
s'étoient glissez dans la prononciation de
la Langue Latine ; cetre réforme embrassée
par quelques Ecclesiastiques , déplut
à d'autres , qui deffendirent avec chaleur
l'ancienne prononciation à laquelle ils
étoient accoutumez. La chose alla même
si loin , qu'un Beneficier fut dépouillé de
ses revenus par la Faculté de Théologie ,
pour avoir prononcé Quisquis, Quanquam,
suivant la nouvelle réforme , et non par
Kiskis , Kankam , selon l'ancien usage..
Ce Beneficier s'étant pourvû en Parle
ment , les Professeurs Royaux , et entre
autre
712 MERCURE DE FRANCE .
autres Ramus , craignant qu'il ne succombât
sous le crédit de la Faculté , se crurent
obligés de le secourir ; ils allerent
donc à l'Audience , et représenterent si
vivement à la Cour l'indignité d'un tel
procès , que l'Accusé fut absous , et qu'on
faissa la liberté de prononcer comme on
voudroit.
Ramus avoit été élevé et instruit dès
sa plus tendre jeunesse dans la Religion
Catholique , mais la lecture des Livres
des Protestans l'avoit séduit , et lui avoit
donné du gout pour leur Doctrine. Il
commença à faire connoître ses sentimens
en ôtant les Images de la Chapelle de son
College de Prêle. C'étoit en 1552. que
les Religionnaires commencerent à remuer
, et comme on ne vouloit souffrir
dans l'Université que des personnes d'une
Doctrine saine , il en fut chassé la mê
me année et destitué de sa Charge.
}
*
La crainte qu'il eut de quelque chose
de pis , l'obligea alors à se retirer , et il
alla, sous le bon plaisir du Roi qui le
protegeoit , se cacher à Fontainebleau
où , à la faveur des Livres qu'il y trouva
dans la Bibliotheque Royale , il continua
ses travaux Géometriques et Astronomiques
, qui l'occupoient beaucoup depuis
quelque tems.
*Felibien , Hist. de Paris , t. 2. p. 1084.
Mais
AVRIL.
1731. 713
Mais il ne demeura pas long- tems
tranquille en ce lieu . On découvrit qu'il
y étoit , et cette découverte ne lui permit
pas d'y rester davantage. Il fallut
qu'il s'allât cacher successivement en divers
endroits . Pendant ce tems-là son Col
lege fut pillé , et il perdit la riche Bibliotheque
qu'il y avoit amassée.
Lorsque la Paix eut été conclue l'an
1563. entre le Roi Charles IX . et les
Protestans , il reprit possession de sa Charge
, s'y maintint avec vigueur et s'attacha
principalement à faire fleurir les études
des Mathématiques . Nous trouvons dans
l'Histoire de la Ville de Paris une preuve
éclatante de son zele en cette matiere,
qu'il ne faut pas omettre.
» L'intention du Roi François Premier,
» dit l'Auteur , en fondant le College
» Royal , avoit été que les places de Pro-
» fesseurs ne fussent occupées que par des
» gens capables de les remplir avec hon-
>> neur. Des gens sans mérite avoient en-
» fin trouvé moyen , par amis , et par in-
» trigues d'en occuper quelques- unes , et
>> de ce nombre étoit Dampestre , qui s'é-
» toit chargé d'enseigner les Mathémati-
» ques , dont il sçavoit à peine les pre-
» miers Elemens. Pierre de la Ramée l'en-
>> treprit , et l'accusant d'insuffisance , la
* Felib. +, 2. p. 1106.
n.tra
714 MERCURE DE FRANCE.
» traduisit au Parlement , où l'indigne
>> Professeur fut condamné à subir l'exa-
» men . La Raméé ne fe contenta pas de
» cela , il écrivit au Roi , à la Reine , au
» Cardinal de Chatillon , Conservateur
» de l'Université de Paris , à l'Evêque de
» Valance , et à plusieurs autres Seigneurs
>> du Conseil du Roi , et en obrint une
Ordonnance en datte du 24. Janvier
1566. par laquelle il fut reglé que Dam-
» pestre et tous les autres Professeurs qui
» se presenteroient desormais pour être
admis au College Reyal , seroient examinez
publiquement par tous les autres
» Lecteurs. Dampestre , pour n'avoir pas
» l'affront d'être convaincu d'insuffisance,
» ceda sa place à de certaines conditions
à Charpentier , Docteur en Medecine ,
encore moins versé que lui dans les Ma
» thématiques , mais homme d'intrigue et
artificieux. La Ramée l'attaqua plus
» vivement que l'autre , et se donna tant
» de mouvemens , que le Roi fit expedier
» des Lettres Parentes du 7 ..... de la
» même année , données à Moulins , par
lesquelles après le récit des soins que
s'étoit donné Pierre de la Ramée , Doyen
» des Professeurs Royaux , contre Dampestre
, le Roi veut que quand il vaquera
une place de Professeur Royal ,
on le fasse sçavoir à toutes les Univer-
5
"
» sitez.
AVRIL. 1731. 715
.
sitez les plus fameuses , afin que ceux
» qui se sentiront dans la disposition de
»la disputer au concours , viennent se
>> présenter à l'examen des autres Profes-
» seurs du même College , et disputer la
>> Chaire vacante , laquelle sera donnée
» par le Roi à celui , qui , au rapport du
» Doyen et des Lecteurs , aura fait pa-
» roître plus de capacité dans ce combat
Litteraire. Ces Lettres furent enregis
» trées le 2. Avril suivant , avec l'Eloge
que méritoit la protection que donnoit
» le Roi aux Belles Lettres . Pierre de la
Ramée ne laissa pas plus Charpentier
>> en paix que celui qui l'avoit précedé
» dans la Chaire de Mathématique. Il le
>>fit comparoître à la Cour , où le nou-
» veau Professeur obtint par ses larmes
» et par son éloquence , de ne pas subir
»
"
l'examen . Le Parlement lui prescrivit
» des conditions qu'il n'executa point ,
» dont il s'acquitta de mauvaise foi ; ce
» qui obligea la Ramée de le traduire au
» Conseil , où par les artifices de Char-
» pentier , il se trouva lui - même dans la
» necessité de faire son apologie. Toutes
» ces démarches de la Ramée lui furent
>> funestes dans la suite.
Les Guerres Civiles ayant recommencé
en 1557. Ramus fut de nouveau obligé
de quitter Paris ; il se réfugia auprès du
Prince
716 MERCURE DE FRANCE
Prince de Condé , qui avoit son armée a
S. Denis , et y étoit pendant la bataille
qui se donna en ce lieu.
La Paix qui se fit peu de tems après ,
l'engagea à revenir à Paris , où il fut retabli
dans sa Charge ; mais il forma le
dessein de se retirer en un lieu de sureté,
pour n'être point exposé à de nouveaux
dangers.
Il demanda pour cela au Roi la per-
. mission d'aller visiter les Académies d'Almagne
, et elle lui fut accordée. Il fit ce
voyage en 1568. et reçut par tout de fort
grands honneurs. Il fit pendant quelque
tems des Leçons à Heidelberg. André
Dudith , qui avoit beaucoup de crédit
auprès du Roi de Pologne , l'invita à se
rendre à Cracovie ; Jean Zapol Vaivode
de Transilvanie , lui offrit aussi des appointemens
considerables , avec le Rectorat
de l'Académie de Weissembourg ;
mais il ne jugea pas à propos d'accepter
leurs offres .
Pendant son séjour à Heidelberg , il fuc
assidu aux Sermons que les Réformez
y faisoient en François , et ce fut dans
feur Eglise qu'il communia pour la premiere
fois , après avoir publié sa profession
de foi.
L'attachement qu'il avoit pour sa Pa
trie , l'y ramena pour son malheur en
1571
AVRIL. 1731. 717
1571. car il fut assassiné le 25. Août 1572 .
au massacre de la S. Barthelemi . Il s'étoit
caché dans une cave pendant le tumulte,
mais il en fut tiré par des Assassins que
lui envoya Charpentier , son Competiteur
, et après qu'il eut donné beaucoup
d'argent pour tâcher de se tirer de leurs
mains et reçû quelques blessures , il fut
jetté par la fenêtre dans la cour , et ses
entrailles étant sorties de son corps par
cette chute , les Ecoliers animez par leurs
Maîtres , qui le haïssoient , les répandirent
dans les rues et traînerent ignomigneusement
son corps, en le frappant avec
des verges.
Il avoit fait son Testament , qui est
daté de Paris le premier Août 1568. avant
que de partir pour l'Allemagne . Par ce
Testament il ordonnoit que de sept cens
livres de rente qu'il avoit sur l'Hôtel de
Ville , cinq cens serviroient de gages à
un Professeur qui enseigneroit en trois
ans l'Arithmetique , la Musique , la Géometrie
, l'Optique, l'Astrologie et la Géographie
, dans le College Royal ; au bout
du quel tems on en choisiroit un autre
avec les circonstances qu'il prescrit pour
faire le même cours d'Etudes . Et il nommoit
pour le premier Professeur qui joüiiroit
de ce revenu , Frederic Reisnerus qui
- étoit son ami .
•
Mais
718 MERCURE DE FRANCE.
«
>>
Mais cette Fondation n'eut point d'abord
son effet , comme elle l'eut dans la
suite ; car le Prevôt des Marchands et
les Echevins presenterent le 17. Mars
1573. une Requête au Parlement , où ils
remontrerent que » M. Pierre de la Ra-
» mée par son Testament avoit legué la
» somme de cinq cens livres tournois de
>> rente , qu'il avoit sur ladite Ville , au
» Lecteur de Mathématique , qui seroit
élû par les Supplians , le Premier Presi-
» dent de la Cour et le premier Avocat
» du Roi , qui étoit chose superfluë , vû
» la multitude des Lecteurs en Mathéma-
» tique , stipendiez par le Roi et par les
» Colleges , et qu'il seroit plus expedient
» d'employer ladite rente aux gages d'u-
» ne personne capable , qui seroit élûë par
lesdits dessusdits , et par le Procureur
General du Roi , pour continuer l'His-
» toire de France de Paul Emile , depuis
le commencement de Charles VIII.
»jusqu'au Roi alors regnant . La Cour
oui le Premier President , le second
Avocat du Roi , en l'absence du pre-
» mier , et vûës les Conclusions du Pro-
» cureur General du Roi , par provision
» et jusqu'à ce que le Suppliant avec le
»Premier President et le premier Avocat
» du Roi eussent advisé de choisir un
» Lecteur suffisant pour lire les Mathéma-
>> tiques
))
>>
33
">
,
AVRIL. 1731 .
719
» tiques , s'il est trouvé expedient pour
>> le bien public , ordonna que ladite ren-
>> te et les arrerages d'icelle jusqu'à ce jour,
» seroient bailles à M. Jacques Gohory ,
» Avocat en la Cour , pour continuer en
Langue Latine l'Histoire de France de
» Paul Emile , et à cette fin prendre Pan-
» cartés autentiques , bons Memoires et
instructions , titres et autres papiers né-
» cessaires pour composer au vrai ladite
» Histoire. *.
Je ne sçai comment accorder la Requête
du Prevôt des Marchands et des
Échevins , avec le Testament de Ramus ;
car il n'y est pas dit que ce seront eux
qui nommeront le Professeur pour remplir
la Chaire qu'il fondoit , il en donna ,
au contraire , le choix aux Professeurs
Royaux ; il dit seulement que le Premier
President , le premier Avocat du Roi et
le Prevôt des Marchands , assisteront , ou
du moins seront invitez à assister à l'examen
des Prétendans .
enga- Au reste Gohory s'acquitta des
gemens que lui imposoit la pension qu'on
- lui avoit accordée , et continua en Latin
l'Histoire de Paul Emile ; mais sa continuation
est demeurée manuscrite et n'a
jamais été imprimée.
* Extrait des Registres du Parlement, dans les
Preuves de l'Histoire de Paris , Part. 2. p . 8301
Ramus
720 MERCURE DE FRANCE .
Ramus étoit un hommede belle taille ,
de bonne mine et d'une complexion vigoureuse
et infatigable dans le travail.
Il n'avoit d'autre lit que de la paille , sur
laquelle il coucha toûjours depuis son enfance
jusqu'à sa vieillesse. Il se levoit ordinairement
de grand matin . Comme il
employoit tout le jour à lire , à écrire ,
et à méditer , afin de se conserver l'esprit
plus libre , il ne prenoit le matin
qu'un leger repas ; le soir il mangeoit un
peu davantage , et après souper il se promenoit
pendant deux ou trois heures, ou
s'entretenoit avec ses amis. Son aliment
ordinaire étoit de la viande bouillie , et
il ne commença à boire du vin que dans
un âge un peu avancé , et par ordre des
Medecins. L'aversion qu'il avoit pour le
vin , venoit d'un accident qui lui étoit
arrivé dans sa premiere jeunesse ; car étant
alors entré dans la cave à l'insçû de ses
parens , il but si abondamment , qu'on le
trouva près du tonneau sans connoissance
et comme mort. L'état où il s'étoit mis
fit depuis tant d'impression sur lui , qu'il
fut plus de 20. ans sans vouloir boire de
vin.
Il garda toute sa vie le célibat avec une
pureté qui ne fut pas même soupçonnée
de la moindre tache , et il évitoit comme
un poison les conversations trop libres.
II
HOMA AVRIL.
1731. 721
conserva sa santé , et se guérit de ses
indispositions , non point par l'usage des
remedes , mais par la sobrieté , par l'abs
tinence et par l'exercice , sur tout par
celui du Jeu de Paume , qui étoit son
divertissement ordinaire.
Il étoit parfaitement desinteressé , et si
liberal , qu'il distribuoit une partie de
son bien , à ceux de ses Ecoliers qui en
avoient besoin .
Il avoit un génie fort vaste et un sçavoir
profond ; il avoit embrassé toutes
les sciences, et ne se proposoit pas moins
que de les réformer toutes ; mais c'étoit
une entreprise qui surpassoit ses forces.
L'envie de se distinguer , son penchant
naturel à contredire , et son opiniâtreté ,
l'ont engagé dans des disputes et des embarras
qu'il auroit pû s'épargner. La hardiesse
qu'il eut de soutenir à la fin de
sa Philosophie , que tout ce qu'Aristote
avoit dit étoit faux , étoit une action de
jeune homme , qu'il se fit cependant un
point d'honneur de soutenir dans la suite,
mais qui ne le rendoit gueres moins ridicule
que l'étoient ses Adversaires , en
soutenant que tout ce que Aristote avoit
avancé étoit vrai .
On loue beaucoup son éloquence , dont
Brantome rapporte une preuve singu-
* Mem. des Hommes illustres , T. 2. p. 55.
E liere.
722 MERCURE
DE FRANCE
liere. » M. Ramus , dit-il , étoit un fort
»disert et éloquent Orateur , et peu s'en
» est il vû de semblables ; car il avoit une
» grace inégale à tout autre , qui secou-
>> roit davantage son éloquence , jusqueslui
» là qu'au bout de quelque tems ,
s'étant rendu Hugenot , et étant en la
» compagnie de Messieurs le Prince et
l'Amiral , au voyage de Lorraine , et
»leurs Reitres , qu'ils avoient fait venir ,
»ne voulant passer vers la France qu'ils
»n'eussent de l'argent , après qu'ils en
neurent un peu touché par quelques bour-
»cillemens que les Huguenots eurent faits
entre eux , et que M. Ramus les eut ha-
>>ranguez, ils en furent gagnez et amenez
>>au coeur de la France , pour faire assez
» de maux .
Il falloit qu'on lui connût du talent
pour gagner les esprits , puisqu'on voulut
l'engager par de grandes promesses
à aller en Pologne en 1572. après la mort
du Roi Sigimond Auguste , pour prévenir
par son éloquence les Polonnois en
faveur du Duc d'Anjou , qui fut élû Pannée
suivante ; mais il le refusa , sous prétexte
que l'éloquence ne devoit point être
mercenaire . Il ne prévoyoit pas le malheur
qu'il lui arriva peu de jours après ,
et qu'il auroit évité en faisant ce voyage.
Quoique les Mathématiques
ayent été
son
AVRIL. 1731.
23
son fort , et ayent fait sa principale étu
de , on a fait depuis lui tant de nouveldes
découvertes dans cette Science , qu'on
ne tient pas à présent grand compte de
ce qu'il à laissé sur cette matiere.
Il se mêla aussi de Théologie, et voulut
se rendre en quelque maniere Chef de
Parti , en changeant la discipline qui étoit
en usage dans les Eglises Calvinistes. Il se
proposa d'y introduire le Gouvernement
Démocratique , et prétendit que la puissance
des Chefs , conferée au Peuple par
Jesus- Christ , ne devoit être mise aux
Consistoires , qu'afin qu'ils formassent les
premieres déliberations ou les premiers
jugemens qui seroient ensuite proposez
au Peuple , et qui ne pourroient passer
pour Loi qu'en cas qu'ils fussent confirmez
par les suffrages des Chefs de famille ;
-il disoit que sans cela on introduiroit dans
P'Eglise l'Oligargie et la Tyrannie, Mais
son sentiment ayant été examiné dans un
Synode National , tenu à Nîmes au mois
de May 1572. fut rejetté comme une
chose qui n'étoit propre qu'à causer de la
confusion , et qu'à produire une veritable
Anarchie . Il est à présumer que Ramus
avoit d'autres vûës , et que , s'il eût obtenu
ce qu'il demandoit , il eût été plus
loin , et se fût servi de son éloquence
pour engager l'Assemblée du Peuple à
E ij
faire
7
724 MERCURE DE FRANCE
faire encore d'autres changemens plus
considerables. C'est ce qu'appréhendoit
Théodore de Beze , qui opina fortement
contre lui dans le Synode de Nîmes.
Les disgraces , les traverses et les cha
grins que Ramus eut à soutenir pendant
le cours de sa vie , et qu'il se procura souvent
à lui-même , trouverent en lui un
courage et une constance capable de les
soutenir. Ses ennemis qui n'oublierent
rien pour le chagriner , se servirent quelquefois
pour
cela de ses Ecoliers . La premiere
fois qu'il expliqua sa Logique dans
le College de Cambray en 1552. on le
siffla, on fit des huées , on battit des mains
et des pieds . Mais il ne se déconcerta pas ;
il s'arrêtoit de tems- en-tems , jusqu'à - ce
que le bruit cessât , il acheva ainsi sa Leçon
à plusieurs reprises. Cette fermeté
étonna ceux qui vouloient par là lui faire
de la peine , et rabattit dans la suite leur
audace. On lui fit les mêmes insultes à
Heidelberg , et avec aussi peu de succès
pendant les Leçons qu'il y fit l'an 1568.
Nous nous dispensons d'ajoûter ici le
Catalogue raisonné des Ouvrages de P.
Ramus , divisé dans le Livre du P. Niceron
en 50. Articles , encore n'y sontils
pas tous rapportez . Cette prolixité setoit
ennuyeuse dans notre Journal , il y
a d'ailleurs peu de Gens de Lettres qui
no
>
AVRIL. 1731. 725
ne soient au fait des Ouvrages de cet infatigable
et celebre Ecrivain.
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Mots clefs
Domaine