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Titre

ELEGIE, Par Mlle de Malcrais de la Vigne, du Croisic en Bretagne.

Titre d'après la table

Elegie de Madlle de la Vigne,

Fait partie d'une section
Page de début
431
Page de début dans la numérisation
32
Page de fin
434
Page de fin dans la numérisation
35
Incipit

Tel qu'au bord du Méandre un Cigne languissant,

Texte
ELEGIE ,
Par Me de Malcrais de la Vigne
du Croisic en Bretagne.
TEl
El qu'au bord du Méandre un Cigne lan
guissant ,
Annonce son trépas par un lugubre chant ,
Tel , prêt à terminer une importune vie ,
Déchû de mon bonheur , oublié de Silvie ,
Mes tourmens aujourd'hui pour la derniere fois ,
Dans ces lieux désolez font entendre ma voix.
:
Tout est changé pour moi je vis hier l'ingrate ,
L'unique objet , hélas ! dont la beauté me flate
Eile
32 MERCURE DE FRANCE
1
Elle qui me juroit mille fois chaque jour ,
Qu'elle bruloit pour moi d'un immuable amour
Je la vis ; par l'Amour la Belle ailleurs conduite
M'apperçut , et soudain voulut prendre la fuite ,
Sans un civil égard qui retenant ses pas ,
La tourna vers celui qu'elle ne cherchoit pas.
L'infidele aussi- tôt à mon abord émuë ,
Rougit , pâlit , me parle en détournant la vûë ;
Et puis m'envisageant , semble à son air gêné ,
Plaindre un leger moment autre part destiné,
Dans ses yeux incertains son inconstance est
peinte.
'Alors du désespoir sentant la vive atteinté ,
Confus , m'abandonnant aux plus âpres douleurs,
Serrant ses belles mains que je mouille de pleurs;
D'un si prompt changement je demande la cause ;
Ma flâme à sa froideur est tout ce que j'oppose ,
Mais l'ingrate éludant des propos superflús ,
Non, dit-elle , Tircis, non , je ne t'aime plus.
Je suis lasse à la fin de vivre en Esclavage ;
Puis donnant un prétexte à son humeur volage ;
Retourne où l'on t'a vû , retourne chez Cloris ,
Vanter le nouveau feu dont ton coeur est épris,
A ces mots de mes bras elle s'est échappée .
Ce discours me surprend , mon ame en est frap
pée ,
Je frémis , et ma voix étouffée en mon sein ,
Refuse de m'aider à plaindre mon destin.
SemMARS.
1723.
4༢༣
Semblable au malheureux éfleuré par la foudre ,
Quoiqu'il vive , il se croit déja réduit en poudre,
Il demeure immobile , et son oeil ne sçait pas ,
Si c'est le jour qu'il voit , ou la nuit du trépas .
L'ai- je bien entendu ? quoi , d'un amour si tendre,
C'étoit donc là le fruit que je devois attendre ?
Allez , crédules coeurs , trop fideles Amans ,
Fiez-vous désormais aux transports , aux sermens:
On vous joue à la fin par une indigne ruse ;
C'est vous que l'on trahit , et c'est vous qu'on
accuse .
Ah ! puisque vers Silvie il n'est plus de retour ,
Mourons , fermons les yeux à la clarté du jour,"
Un Amant plus aimable occupe sa pensée ,
Elle rit avec lui de ma flâme insensée .
Mais toi , cruel Amour , d'une inutile ardeur ,
Veux-tu toujours bruler mon déplorable coeur ?
Non , barbare Tyran, Venus n'est point ta Mere,
Sur les Rives du Stix un Dragon fut ton pere ,
Une Hydre te porta dans son horrible flanc ,
Alecton te nourrit de poison et de sang ,
Et contre les Humains s'armant à force ouverte,
Le Tartare béant te vomit pour leur perte.
Mais , que fais - je ? et pourquoi ces outrageu
propos ?
Servent-ils à calmer la rigueur de mes maux ?
Veux -je encor de l'Amour irriter la colere?
Aimable et puissant Dieu que l'Univers révére ,
B Pardonne
434 MERCURE DE FRANCE /
Pardonne , Amour , pardonne à mes cruels tourmens
,
L'excès injurieux de mes emportemens.
Tu sçais le triste état où l'on est quand on aimes
De tes traits autrefois tu t'es blessé toi - même ;
La beauté de Psiché fut le brillant flambeau ,
Dont l'éclat se fit voir à travers ton bandeau,
Tu l'aimas tendrement et tu sentis pour elle ,
Ce qu'aujourd'hui je sens pour Silvie infidele,
Tu n'as qu'à commmander , tu pourras . , și t
yeux ,
Dans son coeur refroidi ressusciter tes feux.
'A tes divines loix mon ame est asservie ;
Mais s'il te plaît enfin de conserver ma vie ;
De mon coeur malheureux , vien briser le lien
Ou par un juste effort y ratacher le sien.
C'étoit dans la saison nouvelle ,
Que la solitaire Malcrais ,
Près d'un buisson cachée étoit assise au frais
Mille refléxions rouloient en sa cervelle ;
Quand la voix d'un Berger sur le champ la frappa
Sensible à son cruel martire ,
Elle écouta , plaignit , voulut ensuite écrire ,
Mais son foible crayon de ses doigts échappa.
Cependant de ce trouble où la pitié l'engage ,
La sévere Raison rappellant son esprit ,
Elle s'approcha davantage ,
Pour tracer ce fidele et douloureux récit.
Genre
Collectivité
Faux
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Genre littéraire
Est rédigé par une personne
Provient d'un lieu
Remarque

Republié dans [Paul Desforges-Maillard], Poësies de Mademoiselle de Malcrais de La Vigne, Paris, veuve Pissot, Chaubert, Clousier, Neuilly, Ribou, 1735, p. 101-104 ; Poësies diverses de M. Desforges-Maillard [...], Amsterdam, Rey, 1750, 2nde partie, p. 232-235 ; Oeuvres en vers et en prose de M. Desforges-Maillard [...], Amsterdam, Jean Schreuder, Pierre Mortier le jeune, 1759, t. 1, p. 305-308.

Soumis par lechott le