Titre d'après la table
Memoires de la vie du Comte de Grammont,
Fait partie d'une livraison
Fait partie d'une section
Page de début
520
Page de début dans la numérisation
557
Page de fin
527
Page de fin dans la numérisation
564
Incipit
MEMOIRES de la Vie du Comte de Grammont. Par le
Texte
MEMOIRES de la Vie du Comte de
Grammont. Par le Comte Antoine Ha
milton , nouvelle Edition , corrigée et
augmentée d'un Discours Préliminaire du
même Auteur . A la Haye , chez P. Gosse
, et J. Neaulme , 1731 , in 12. de 407. pagcsa
MARS. 1731. 421
ges sans le Discours et l'Avertissement ,
qui en contiennent 22. Et se trouve à Paris
, rue S. Jacques , chez Fosse.
*
Cet Ouvrage est tellement chéri de
tous ceux qui le connoissent , qu'on ne
doit pas douter que cette nouvelle Edition
ne soit très-favorablement reçûë du
Public. Outre les Avantures du Comte
de Gr. très- réjouissantes par elles-mêmes ,
ces Memoires contiennent encore l'Histoire
Galante d'Angleterre , sous le Regne
de Charles II . et on peut dire qu'ils
sont écrits d'une maniere suivie et si ingénieuse
, qu'ils ne laisseroient pas de
faire un extréme plaisir , quand même la
matiere seroit mons interessante.
On ne doute pas que le Discours , mêlé
de Prose et de Vers , ne soit du même
Auteur que les Memoires. On le compare
au Voyage de Bachaumont , &c. Les mêmes
graces, le même naturel , la même legereté.
Donnons en quelques exemples, et
résistons à la vive demangeaison de copier
l'Epitre entiere qui est adressée au Comte
de Grammont lui-même.
Indignez que votre caractere soit si peu
connu dans des Provinces où votre nom
l'est tant , nous avons formé le dessein de
donner ici quelque idée de votre mérite ,
mais qui sommes - nous pour l'entreprendre
? Médiocres pour le génie , et rouillez
par
522 MERCURE DE FRANCE.
par une longue interruption de commer
ce avec la Cour , comment seroit-il possible
que nous cussions ce gout et cette politesse
, qui ne se trouvent point ailleurs ,
et qu'il faudroit pourtant avoir
parler de vous ? Car ,
pour
Il ne faut pas un talent ordinaire ,
Pour réussir dans une affaire ,
Où les talens succombent tous :
bien
Et quelqu'empressement que l'on ait à vous plaire,
Dès qu'il faut écrire pour vous ,
Le Projet devient témeraire ;
Et des Campagnards comme nous ,
Sont bien-tôt réduits à se taire.
L'Auteur , embarrassé de trouver quelqu'un
qui puisse parler dignement du
Comte de Grammont , jette les yeux sur
M. Despréaux , il en fait un bel Eloge
qu'il finit ainsi :
Lui seul peut consacrer à l'Immortalité ,
Un mérite comme le vôtre ;
Mais sa Muse a toûjours quelque malignité ,
Et vous caressant d'un côté , ´
Vous égratigneroit de l'autre.
L'expedient qui nous vint en tête après
celui -là , poursuit l'Auteur , fut de vous
mettre tout de votre long au milieu du
Recueil
1
MARS. 1731. 523
Recueil, où l'on voit depuis peu cette belle
Lettre de l'illustre Chefde votre Maison :
et voici l'adresse qu'on nous avoit donpour
cela : née
Non loin des superbes Lambris ,
Qu'habitoient nos Rois à Paris ,
Dans un certain recoin du Louvre ,
7
Est un Bureau fécond , qui s'ouvre ,
A tous Auteurs , à tous Ecrits ,
A des Ouvrages de tout prix ,
Sur tout à ceux des beaux esprits ,
Quand par hazard il s'en découvre.
De ce lieu chaque mois sortent galans Cahiers
Ou tous faiseurs de Chansonnettes ,
( Tendres Héros de leurs quartiers , )
Viennent en Vers familiers ,
Usurper le nom de Poëtes ;
Et sur des tons irreguliers ,
Montant Chalumeaux et Musettes
Content champêtres amourettes ,
Ou couronnent de vains Lauriers ,
Des Ecrivains et des Guerriers ,
Qui sont inconnus aux Gazettes.
De ses atours capricieux ,
C'est-là que l'Enigme se pare ,
Met un masque misterieux ,
Et d'un voile mince et bizarre ,
Ε
Embarrassant les Curieux ,
Est
$ 24 MERCURE DE FRANCE
Est toûjours neuve et jamais rare .
C'est-là qu'on voit en vieux transports ,
Gémir nouvelles Elegies ;
Et là s'impriment tous les Morts ,
Avec leurs Génealogies ,
Leurs Eloges , leurs Effigies ,
Leurs Dignitez et leurs Trésors.
On demande ensuite le secours de deux
excellentes Plumes , en ces termes :
La Fare , et vous Abbé sçavant,
Que Phebus de son influence 2
Anime et soutient en rimant ,
Donnez chacun dans une Stance ;
Quelque relief à ce fragment ,
Nous implorons votre assistance.
Lorsque nous étions ainsi embarassez
poursuit l'Auteur , il parut au milieu de
la chambre où nous écrivions , une figure
qui nous surprit , sans nous effrayer , c'étoit
celle de votre Philosophe , l'inimitable
S. Evremont. Rien de tout ce tintamare
, qui annonce d'ordinaire l'arrivée
des Morts de consequence , n'avoit précedé
son apparition .
L'on ne vit point trembler la Terre ,
Le Ciel resta clair et serain ;
Point de murmure souterrain
Et
་
MARS. 1731. 525
Et pas un seul coup de Tonnerre.
Il n'étoit point couvert de lambeaux mal cousus ,
Tels qu'étala près de Philippe ,
Le Spectre qui de nuit apparut à Brutus.
Il n'avoit point l'air de Laïus ,
Qui ne portoit pour toute nippe ,
Qu'un petit Manteau d'Emaüs ,
Quand il vint accuser Edipe ;
Il n'avoit rien du funeste appareil ,
Que l'on croit voir à ces affreuses Ombres ,
Qui sortent des Royaumes sombres ,
Pour interrompre le sommeil .
Il loüe ce Projet , mais il n'approuve
pas le choix de ces deux Messieurs.
L'un tendre , fidele et gouteux ,
Se révoltant d'un air profane
Contre l'anodyne tisanne ,
Et contre l'objet de ses voeux ,
Ne chante dans ses Vers heureux
Que l'inconstance et la Tocane.
L'autre d'un stile gracieux,
Et digne des bords du Permesse
Par mille traits ingenieux ,
Fait tout céder à la paresse ,
Et de l'indolente molesse ,
Vante le repos glorieux.
Gardez -vous bien , poursuit-il un peu
après,
526 MERCURE DE FRANCE
après , de vouloir rendre ses récits ou ses
bons mots ; le sujet est trop grand pour
vous. Tâchez seulement en parlant de
ses Avantures , de donner des couleurs
à ses deffauts , et du relief à ses vertus.
C'es tainsi qu'autrefois par des routes faciles ,
A l'immortalité j'élevois mon Héros ;
Pour vous , peignez
d'abord en gros ,
Cent Beautez à ses yeux dociles ;
Faites-le voir suivant en tous lieux les Drapeaux
D'un Guerrier égal aux Achilles ;
Qu'au milieu de la paix , ennemi du repos ,
Il donne des leçons utiles ,
Aux Courtisans les plus habiles ;
Et toûjours actif à propos ,
Sans leurs empressemens sèrviles ,
Qu'il efface tous leurs travaux.
Que vos Pinceaux enfin en nouveaux traits fertiles
,
Le fassent voir en differens Tableaux ,
Tyran des fâcheux et des sots ,
Historien d'amour et de guerres civiles ,
Recueil vivant d'antiques Vaudevilles ,
Redoutable par ses complots ,
Aux Amans heureux ou tranquilles ,
Désolateur de ses Rivaux ;
Fleau des discours inutiles ,
Agréable et vif en propos ,
Celebre
MAR S.
327 1731.
Celeb re diseur de bons mots ,
Et sur tout grand preneur de Villes , &c.
Cette Epitre finit ainsi : Nous avons
eu beau changer de stile et de langage
pour en faire quelque chose , vous voyez
combien nous sommes restez au-dessous
de notre sujet ; il faudroit , pour y
réüssir , que celui que nos fictions viennent
de ressusciter , fut encore parmi les
vivans. Mais ,
Il n'est plus de Saint Evremont ,
Et ce Chroniqueur agréable ,
Du sérieux et de la Fable
Ce favori du sacré Mont ,
N'a pû trouver le Cocyte guéable ,
Et de ce Fleuve redoutable ,
Le retour n'est permis qu'au Comte de Grammont.
Grammont. Par le Comte Antoine Ha
milton , nouvelle Edition , corrigée et
augmentée d'un Discours Préliminaire du
même Auteur . A la Haye , chez P. Gosse
, et J. Neaulme , 1731 , in 12. de 407. pagcsa
MARS. 1731. 421
ges sans le Discours et l'Avertissement ,
qui en contiennent 22. Et se trouve à Paris
, rue S. Jacques , chez Fosse.
*
Cet Ouvrage est tellement chéri de
tous ceux qui le connoissent , qu'on ne
doit pas douter que cette nouvelle Edition
ne soit très-favorablement reçûë du
Public. Outre les Avantures du Comte
de Gr. très- réjouissantes par elles-mêmes ,
ces Memoires contiennent encore l'Histoire
Galante d'Angleterre , sous le Regne
de Charles II . et on peut dire qu'ils
sont écrits d'une maniere suivie et si ingénieuse
, qu'ils ne laisseroient pas de
faire un extréme plaisir , quand même la
matiere seroit mons interessante.
On ne doute pas que le Discours , mêlé
de Prose et de Vers , ne soit du même
Auteur que les Memoires. On le compare
au Voyage de Bachaumont , &c. Les mêmes
graces, le même naturel , la même legereté.
Donnons en quelques exemples, et
résistons à la vive demangeaison de copier
l'Epitre entiere qui est adressée au Comte
de Grammont lui-même.
Indignez que votre caractere soit si peu
connu dans des Provinces où votre nom
l'est tant , nous avons formé le dessein de
donner ici quelque idée de votre mérite ,
mais qui sommes - nous pour l'entreprendre
? Médiocres pour le génie , et rouillez
par
522 MERCURE DE FRANCE.
par une longue interruption de commer
ce avec la Cour , comment seroit-il possible
que nous cussions ce gout et cette politesse
, qui ne se trouvent point ailleurs ,
et qu'il faudroit pourtant avoir
parler de vous ? Car ,
pour
Il ne faut pas un talent ordinaire ,
Pour réussir dans une affaire ,
Où les talens succombent tous :
bien
Et quelqu'empressement que l'on ait à vous plaire,
Dès qu'il faut écrire pour vous ,
Le Projet devient témeraire ;
Et des Campagnards comme nous ,
Sont bien-tôt réduits à se taire.
L'Auteur , embarrassé de trouver quelqu'un
qui puisse parler dignement du
Comte de Grammont , jette les yeux sur
M. Despréaux , il en fait un bel Eloge
qu'il finit ainsi :
Lui seul peut consacrer à l'Immortalité ,
Un mérite comme le vôtre ;
Mais sa Muse a toûjours quelque malignité ,
Et vous caressant d'un côté , ´
Vous égratigneroit de l'autre.
L'expedient qui nous vint en tête après
celui -là , poursuit l'Auteur , fut de vous
mettre tout de votre long au milieu du
Recueil
1
MARS. 1731. 523
Recueil, où l'on voit depuis peu cette belle
Lettre de l'illustre Chefde votre Maison :
et voici l'adresse qu'on nous avoit donpour
cela : née
Non loin des superbes Lambris ,
Qu'habitoient nos Rois à Paris ,
Dans un certain recoin du Louvre ,
7
Est un Bureau fécond , qui s'ouvre ,
A tous Auteurs , à tous Ecrits ,
A des Ouvrages de tout prix ,
Sur tout à ceux des beaux esprits ,
Quand par hazard il s'en découvre.
De ce lieu chaque mois sortent galans Cahiers
Ou tous faiseurs de Chansonnettes ,
( Tendres Héros de leurs quartiers , )
Viennent en Vers familiers ,
Usurper le nom de Poëtes ;
Et sur des tons irreguliers ,
Montant Chalumeaux et Musettes
Content champêtres amourettes ,
Ou couronnent de vains Lauriers ,
Des Ecrivains et des Guerriers ,
Qui sont inconnus aux Gazettes.
De ses atours capricieux ,
C'est-là que l'Enigme se pare ,
Met un masque misterieux ,
Et d'un voile mince et bizarre ,
Ε
Embarrassant les Curieux ,
Est
$ 24 MERCURE DE FRANCE
Est toûjours neuve et jamais rare .
C'est-là qu'on voit en vieux transports ,
Gémir nouvelles Elegies ;
Et là s'impriment tous les Morts ,
Avec leurs Génealogies ,
Leurs Eloges , leurs Effigies ,
Leurs Dignitez et leurs Trésors.
On demande ensuite le secours de deux
excellentes Plumes , en ces termes :
La Fare , et vous Abbé sçavant,
Que Phebus de son influence 2
Anime et soutient en rimant ,
Donnez chacun dans une Stance ;
Quelque relief à ce fragment ,
Nous implorons votre assistance.
Lorsque nous étions ainsi embarassez
poursuit l'Auteur , il parut au milieu de
la chambre où nous écrivions , une figure
qui nous surprit , sans nous effrayer , c'étoit
celle de votre Philosophe , l'inimitable
S. Evremont. Rien de tout ce tintamare
, qui annonce d'ordinaire l'arrivée
des Morts de consequence , n'avoit précedé
son apparition .
L'on ne vit point trembler la Terre ,
Le Ciel resta clair et serain ;
Point de murmure souterrain
Et
་
MARS. 1731. 525
Et pas un seul coup de Tonnerre.
Il n'étoit point couvert de lambeaux mal cousus ,
Tels qu'étala près de Philippe ,
Le Spectre qui de nuit apparut à Brutus.
Il n'avoit point l'air de Laïus ,
Qui ne portoit pour toute nippe ,
Qu'un petit Manteau d'Emaüs ,
Quand il vint accuser Edipe ;
Il n'avoit rien du funeste appareil ,
Que l'on croit voir à ces affreuses Ombres ,
Qui sortent des Royaumes sombres ,
Pour interrompre le sommeil .
Il loüe ce Projet , mais il n'approuve
pas le choix de ces deux Messieurs.
L'un tendre , fidele et gouteux ,
Se révoltant d'un air profane
Contre l'anodyne tisanne ,
Et contre l'objet de ses voeux ,
Ne chante dans ses Vers heureux
Que l'inconstance et la Tocane.
L'autre d'un stile gracieux,
Et digne des bords du Permesse
Par mille traits ingenieux ,
Fait tout céder à la paresse ,
Et de l'indolente molesse ,
Vante le repos glorieux.
Gardez -vous bien , poursuit-il un peu
après,
526 MERCURE DE FRANCE
après , de vouloir rendre ses récits ou ses
bons mots ; le sujet est trop grand pour
vous. Tâchez seulement en parlant de
ses Avantures , de donner des couleurs
à ses deffauts , et du relief à ses vertus.
C'es tainsi qu'autrefois par des routes faciles ,
A l'immortalité j'élevois mon Héros ;
Pour vous , peignez
d'abord en gros ,
Cent Beautez à ses yeux dociles ;
Faites-le voir suivant en tous lieux les Drapeaux
D'un Guerrier égal aux Achilles ;
Qu'au milieu de la paix , ennemi du repos ,
Il donne des leçons utiles ,
Aux Courtisans les plus habiles ;
Et toûjours actif à propos ,
Sans leurs empressemens sèrviles ,
Qu'il efface tous leurs travaux.
Que vos Pinceaux enfin en nouveaux traits fertiles
,
Le fassent voir en differens Tableaux ,
Tyran des fâcheux et des sots ,
Historien d'amour et de guerres civiles ,
Recueil vivant d'antiques Vaudevilles ,
Redoutable par ses complots ,
Aux Amans heureux ou tranquilles ,
Désolateur de ses Rivaux ;
Fleau des discours inutiles ,
Agréable et vif en propos ,
Celebre
MAR S.
327 1731.
Celeb re diseur de bons mots ,
Et sur tout grand preneur de Villes , &c.
Cette Epitre finit ainsi : Nous avons
eu beau changer de stile et de langage
pour en faire quelque chose , vous voyez
combien nous sommes restez au-dessous
de notre sujet ; il faudroit , pour y
réüssir , que celui que nos fictions viennent
de ressusciter , fut encore parmi les
vivans. Mais ,
Il n'est plus de Saint Evremont ,
Et ce Chroniqueur agréable ,
Du sérieux et de la Fable
Ce favori du sacré Mont ,
N'a pû trouver le Cocyte guéable ,
Et de ce Fleuve redoutable ,
Le retour n'est permis qu'au Comte de Grammont.
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Mots clefs
Domaine