Titre d'après la table
Memoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres, &c.
Fait partie d'une livraison
Fait partie d'une section
Page de début
1158
Page de début dans la numérisation
339
Page de fin
1174
Page de fin dans la numérisation
355
Incipit
MEMOIRES pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres dans
Texte
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &C.
M
EMOIRES pour servir à l'Histoire dèsHimmes Illustres dans la République
des Lettres , &c. T. XVI. de 410. pages
J. Vol. sang
JUIN. 1732. 1859
sans les Tables. A Paris , chez Briasson ,
rue S. Facques, à la Science. M. DCC. XXXI.
Ce seizième Tome des Memoires , recueillis par le R. P. Niceron , presente d'a
bord une Table Alphabetique de quatante Sçavans , dont il y est fait mention , et dont voici les noms.
7
George Abbot, Robert Abbot. Dominique
de Angelis. Joachim du Bellay. Flavia
Biondo. Etienne du Bois. Jean du Bois.
Philippe du Bois. Balthazar Bonifacio.
Pierre Brissot. Conrad Celtes Protucius.
Pierre Charron. Florent Carton d'Ancourt.
Jean Doujat. Nicolas. Everard. Thomas
Farnabe. Pierre- Sylvestre du Foin. Marie
de Fars de Gournay. Nicolas Grudius. Maurice Hofman. Jean Maurice Hoftman.
François Junius. François Junius le fils.
Jean Marot. Clement Marot. Michel de
Montaigne. Gerard Nood. Jean Owen..
Aonius Palearius. Onuphre Panvini. Gui
Riedlinus. Jean Rotrou. Henry Savile. Jean
Second Jean Renaud de Segrais. ThomasSydenham. Frederic Taubman. Antoine Vallisnieri. Blaise de Vigenere.
Quoique les Memoires en question ne
doivent regarder , selon le veritable objet de l'entreprise de l'Editeur , et selon
le titre même de son Recueil , que des
Hommes Illustres dans la République des
L.. Vol Lettres
T160 MERCURE DE FRANCE
Lettres , il s'en faut beaucoup que tous
les Ecrivains dont on nous parle ici , ayent
le même degré d'illustration ; quelquesuns même auront de la peine à passer
pour sçavans dans l'esprit de tous les Lecteurs. Tel est plus particulierement Florent Carton d'Ancourt , dont on trouve
PEloge et les Ouvrages , à la page 287.
et 291, de ce volume. Que le sieur d'Ancourt n'ait eu des talens considerables.
dans sa Profession de Comédien , et ensa qualité d'Auteur de plusieurs Pieces.
de Théatre , personne ne sçauroit le nier ;
mais qu'il doive être placé et consideré
parmi les Membres illustres et légitimes.
de la République Litteraire ; c'est ce qu'on
ne pourra que très difficilement accorder..
Comme cet Article peut faire cependant une très bonne figure dans l'Histoire du Théatre François t dans celle
des fameux Comédiens où il ne sera point
déplacé , il seroit peut-être bon de le retoucher , tant à cause des augmentations
qu'on peut y faire , que pour réparer quelques négligences de style , et certains em
barras de construction , qui se trouvent
quelquefois dans ces Mémoires , plutôt
de la part de ceux qui les ont fournis, que
de celle de notre Auteur ; à propos de
quoi nous ajoûterons qu'il seroit bon aus-,
I. Vol.
si
JUIN. 1732. 1167
si de mettre à la fin de chaque volume
un bon Errata , comme on l'a fait à l'égard des premiers.
Pour donner à nos Lecteurs , selon notre coûtume , une idée des Memoirescontenus dans ce Volume , nous insererons ici l'article entier de M. de Segrais .
homme veritablement illustre dans la
belle Litterature , et Sçavant de notre
temps.
EAN Renaud de Segrais , naquit à
Caën le 22. Août 1624. et y fit ses études dans le College des Jesuites. Après
sa Philosophie , il fut quelques années
sans se déterminer à aucun état. Pendant
ce temps là il s'occupa à la Poësie Fran
çoise qu'il cultiva jusqu'à la fin de sa vie,
et qui ne lui fut pas infructueuse , puisqu'elle lui servit , aussi bien qu'à ses qua
tre freres et à ses deux sœurs , pour les
tirer du mauvais état où la bonté ruineuse d'un Pere dissipateur , les avoit
laissez.
Une Tragédie sur la mort d'Hyppolite , le Roman de Berenice , dont il hazarda seulement les deux premieres parties , et plusieurs petits Ouvrages de Poësie sur divers sujets , furent les prémices
de son esprit qui parurent dans sa Province.
I. Vol. IL
1162 MERCURE DE FRANCE
Il n'avoit encore que 19. ou 20. ans
lorsque le Comte de Fiesque , fils de la.
Gouvernante de Mademoiselle , fille ainée du Duc d'Orleans Gaston , fut éloigné de la Cour et se retira à Caen; pendant le séjour qu'il y'fit , il prit du goût
pour lui et l'emmena à la Cour forsqu'ily
fut rappellé. Ce fut là qu'il acheva de
se former, et qu'il acquit la politesse et
le bon goût , qui ont paru depuis dans
ses Ouvrages.
t
Le Comte de Fiesque le fit entrer en
1648. au service de Mademoiselle , en
qualité de Gentilhomme ordinaire , et il
y demeura jusques vers l'an 1672. que
cette Princesse croyant avoir quelque sujet de se plaindre de sa conduite , le fit
rayer de l'Etat de sa Maison. Elle nous
apprend elle-même dans ses Mémoires le
sujet qui lui attira sa disgrace. Elle y rapporte que Segrais ne vouloit point qu'elle
se mariât avec M. de Lauzun , et qu'il
aimoit mieux que ce fût avec M. de Longueville ; que quand l'affaire de M. de
Lauzun eut été rompuë , il alla avec
M: Guilloire , Secretaire de ses commandemens , voir M. de Chanvalon , Archevêque de Paris , pour lui dire que c'étoit
un scandale que Mademoiselle vît toûjour M. de Lauzun , et qu'il étoit obligé La Vela en
JUIN. 1732 116:3
en conscience d'y mettre ordre'; ce que
ee Prélat lui ayant dit , elle donna ordre
à Segrais de sortir de chez elle.
M. de Segrais ne manqua pas alors de
ressources. Madame de la Fayette eut la
generosité de lui donner un Appartement
chez elle , et il nous apprend lui- même
que M. le Duc de Longueville lui envoya aussi-tôt après zoo. pistoles , en le
chargeant très- expressement de n'en rien
dire à personne.
Lasse enfin de vivre dans le grand
Monde il se retira à Caën , résolu d'y
passer le reste de ses jours. Il y épousa
une riche heritiere , qui étoit sa parente,
et ce mariage le mit en état de vivre à son
aise , selon sa qualité , et de faire un établissement considerable. Personne ne remarque l'année où il se maria , mais on
peut juger que ce fut en 1679. par ce
Passage du Segraisiana, p. 75. qui contient une particularité de sa vie , qui doit
trouver ici sa place.
» Madame de Maintenon , dit- il en
>> cet endroit , a voulu me mettre auprès
» de M. le Duc du Maine , en la même
qualité que M.de Court , qui fut apellé,
Ȉ mon deffaut. Je venois de me marier
»j'avois par mon mariage honnêtement
de quoi vivre dans l'indépendance , er
1. Vol.
» même
1164 MERCURE DE FRANCE
»même mon beau- pere et ma belle - mere
qui étoient fort âgez , que je consultai
» là- dessus , me représenterent que j'avois
» de quoi raisonnablement me contenter,
» qu'ils étoient d'un âge à croire que Dieu
» les appelleroit bien- rôt , et qu'alors je
»pourrois vivre sans avoir rien à souhaiter; je considerois encore que j'avois en
ce temps là cinquante- cinq ans , et qu'il
»falloit au moins pour attendre la récom-
»pense des services que je pouvois rendre à M. le Duc du Maine , une dixaine
»d'années , et je n'avois aucune certitude
» de vivre si long- temps ; de plus , j'a-
» vois déja un peu de surdité , et ce fut
»le prétexte que je pris pour m'excuser.
» Madame de Fontevrault , sœur de Ma-
» dame de Montespan , me manda qu'il
ne s'agissoit pas d'écouter le Prince , mais
»de lui parlers je fis réponse queje sça-
» vois par experience que dans un Pays
comme celui- là , il falloit avoir bons
» yeux et bonnes oreilles. En effet il faut
y connoître parfaitement son monde
» et parler plus souvent à l'oreille qu'à
haute voix. Ainsi je demeurai comme
j'étois.
n
M. de Segrais avoit été reçû à l'Académie Françoise dès l'année 1662. et comme celle de Caën étoit demeurée sans Pro-
>
1.Vol. *Lecteur
JUIN.. 1732. 1165
گی
tecteur depuis la mort de François , de
Matignon , Lieutenant de Roy en Normandie , .arrivée en 1675. il en recueillit
les Membres chez lui , où il fit accommoder un Appartement fort propre pour y
tenir leurs Assemblées.
Il fut affligé pendant les derniers mois
de sa vie d'une langueur causée par une
hydropisie , qu'il regarda comme une faveur du Ciel , et dont il sçut profiter
en Chrétien.
Il mourut le 25. Mars 1701. dans sa
77. année.
Ses talens ne se bornoient pas à bien
écrire ; il avoit encore beaucoup d'agrémens dans la conversation; il sçavoit mille
choses agréables , et il les racontoit d'une
maniere qui faisoit autant de plaisir que
les choses mêmes. Quand il avoit une fois
commencé il ne finissoit pas aisément ;
et M. de Matignon disoit à ce sujet qu'il
n'y avoit qu'à monterSegrais , et à le lais
ser aller. Il ne parloit pourtant jamais
trop au gré de ceux qui l'écoutoient , et
l'extrême surdité où il étoit tombé sur
la fin de ses jours , n'empêchoit pas que
les personnes les plus distinguées ne l'ale
lassent voir pour le plaisir seul de l'entendre. C'étoit un homme doux , complaisant , aimant à faire plaisir , et ne di1.Vol sant
166 MERCURE DE FRANCE
sant jamais rien de desobligeant de
sonne.
perM. de la Monnoye fit à l'occasion de
sa mort cette Epigramme , qu'on attribuë
mal-à- propos, à l'Abbé Testu , dans un
Recueil d'Epigrammes , publié en 1720.
Quand Segrais affranchi de terrestres liens ,
Descendit plein de gloire aux Champs Elisiens
Virgile en beau François lui fit une Harangue;
Et comme à ce discours Segrais parut surpris ;
Si je sçais , lui dit- il , le fin de votre Langue,
Cest vous qui me l'avez appris.
par
Catalogue de ses Ouvrages.
1. Athis. Pastorale. Paris , 1653. in 4.
Cette Piece de Poësie que M. de Segrais
fit en l'honneur de son Pays , a merité
l'Approbation de M. Huet , qui la
trouve préferable à ses autres Ouvrages
la nouveauté de l'invention et par
l'agrément de la fiction , quoique l'obscurité des lieux que Segrais a choisis pour
être le Théatre des avantures qu'il décrit,
et qui ne sont connus que par ceux qui
les habitent , ayent fait perdre à cet Ouvrage une partie des applaudissemens qu'il méritoit.
2. Les Nouvelles Françoises , ou les Divertissemens de la Princesse Aurelie. Paris,
I.Vol 3657
1 JUIN. 1732. 1167
1657. in 8. z. vol. Ce sont des Historiettes qu'il avoit composées pour amuser
Mademoiselle à S. Fargeau , où elle étoit
retirée . Comme il n'en avoit fait tirer
que peu d'exemplaires , le Livre étoit rare
avant la réimpression qu'on en a faite en
1722. Paris , in 12. 2. vol.
3. Diverses Poësies. Paris , 1658. in 4.
4. L'Eneide de Virgile, traduite en Vers
François. Paris , in 4. 2. vol. Le premier
en 1668. et le second en 1681. Idem.
2. Edition. Amsterdam, 1700. in 8. 2. vol.
et depuis à Lyon.
5. Les Georgiques de Virgile , traduites
enVers François Ouvrage postume. Paris ,
1711. in 8. Ces deux Traductions de Vir
gile sont estimées des connoisseurs , qui
trouvent que Segrais a eu l'art de rendre
en notre Langue toutes les beautez , les
graces et l'agrément qui se trouvent dans
Le Poëte Latin , du moins autant que cela
est possible.
- 6. Segraisiana , ou Melange d'Histoire et
de Litterature , recueilli des Entretiens de
M. Segrais. Les Eglogues et l'Amour gueri
par le Temps, Tragédie- Ballet du même Auteur, non imprimés. Ensemble la Relation
de l'Isle imaginaire et l'Histoire de la Prin
cesse de Paphlagonie , imprimées en 1646.
par l'ordre de MADEMOISELLE. La Haye ,
J.Ꮧ. Val. F 1722
1168 MERCURE DE FRANCE
*
1722. in 8. Cette premiere Edition a éte
faite à Paris , a été suivie d'une autre faite
en 1723. à Amsterdam in 12. qui est beau
coup plus belle.
La Préface qu'on voit à la tête de l'une
et de l'autre , est de M. de la Monnoye.
On y dit que les particularitez contenues
dans le Segraisiana , ont été recueillies
par les soins d'un illustre Conseiller d'Etat , ( c'est-à- dire M. Foucault , Intendant de Caën ) dont la Maison étoit le
rendez- vous de tout ce qu'il y avoit à
Caen de personnes de mérite et de qualité M. de Segrais y étoit reçû avec distinction ; lorsque sa santé lui permettoit
de s'y trouver , il y avoit pour lui une
place de réserve auprès d'une Tapisserie,
derriere laquelle un homme de confiance
étoit caché, qui écrivoit ce qu'il disoit ;
et c'est de-là qu'a été tiré le Segraisiana ,
dans lequel il y a plusieurs faits singuliers et curieux , quoiqu'on ne puisse nier
qu'il n'y en ait aussi plusieurs qui ne méritoient pas d'être conservez à la posterité , et d'autres même évidemment faux.
Les Eglogues sont au nombre de sept ,
et on y a joint une Lettre de M. Ogier
sur la premiere , avec la Réponse de M.de
Segrais , qui excelloit principalement en
ce genre de Poësie . Tout le monde conI. Vol.
vient
JUIN. 17320 1169
avient , dit Baillet , Jugement des Sçavans,
» qu'il a pris le caractere de l'Eglogue ,
et qu'il a sçû attraper ce point de la
simplicité et de la pudeur que les An-
» ciens avoient sçû exprimer, sans pourtant
»avoir rien de la bassesse et des manieres
» niaises où sont tombez plusieurs de nos
22
faiseurs d'Eglogues Françoises , qui ont
» voulu imiter cette naïveté ancienne ,
»pour ne pas sortir du caractere Buco-
» lique. Ses figures sont douces , ses mou-
» vemens y sont temperez et formez sur
»les mœurs que doivent avoir les personnages qu'il employe. Les pensées y
sont ingénues , la diction y est pure et
»sans affectation , les Vers y sont coulans.
Ce sont des manieres toutes unies, et des
» discours tout naturels Enfin on juge qu'il
»est très- difficile de rien écrire en ce gen
» re avec plus de douceur , de tendresse
»et d'agrément. C'est ce qui a fait dire
à Despreaux , en invitant les Poëtes à ce
lebrer la gloire de Louis le Grand :
Que Segrais dans l'Eglogue en charme les Forêts. ”
Il avoit cette simplicité et cette naïveté de Malherbe , qu'il avoit beaucoup
étudié , et pour lequel il avoit une estime
si particuliere , qu'il fit faire en pierre sa
Statue plus grande que le nature , li fit
A VOL Fij élever
1170 MERCURE DE FRANCE
4
élever dans une niche faite exprès à la
façade de sa Maison de Caën , et fit graver au-dessous sur un Marbre noir ces
quatre Vers.
Malherbe , de la France éternel ornement ,
Pour rendre hommage à ta mémoire,
Segrais , enchanté de ta gloire ,
Te consacre ce Monument.
L'Amour gueri par le Temps , n'avoit
pas encore été imprimé. M. de Segrais
avoit composé cette Piece pour être mişe
en chant , et l'avoit donnée à M. Lully
pour cela ; mais ce Musicien se souvenant
d'un petit chagrin qu'il croyoit avoir autrefois reçû de M. Segrais chez Mademoiselle, la garda trois mois entiers , après
lesquels il la renvoya comme ne pouvant
y travailler, parce que les Vers, disoit- il ,
en étoient durs et rebelles au chant.
7. La Princesse de Cleves, Paris , 1678.
in. 12. 4. vol. Item. Paris , .1689. et 1700.
in 12. 2. Tom. » Trois beaux esprits , die
le P. le Long, dans sa Bibliotheque His-
»torique de la France , ont contribué à la
»composition de ce Roman, qui est bien
écrit et a eu beaucoup de succès. Fran-
ȍois VI. Duc de la Rochefoucault , more
en 1680, en a fourni les sentimens; les
maximes et les intrigues sont de l'inven1. Vol. tion
JUIN. 1732.
»tion de Marie-Magdeleine de la Vergne,
» Comtesse dé la Fayette , morte en 1693.
et le tout a été mis en œuvre avec au-
>> tant d'esprit que de délicatesse, par Jean
»Renaud de Segrais. Il est vrai que M.de
»Segrais lui- même paroît dans le Sagrai-
»siana , p. 9. attribuer entierement ceg
Ouvrage à Madame de la Fayette, lors-
» qu'il y dit; la Princesse de Cleves est
» de Madame de la Fayette , qui a méprisé de répondre à la Critique que le
»P. Bouhours en a faite. Mais il s'explique autrement plus bas , p. 73. où il en
parle comme d'un Ouvrage qui étoit de lui. »
Celui , dit- il , qui a critiqué la
» Princesse de Cleves , a trouvé mauvais,
&c. La raison pourquoi je ne voulus
»point prendre la peine de lui répondre,
c'est qu'il n'avoit aucune connoissance
» des regles de ces sortes d'Ouvrages, ni
» de l'usage du monde , et que je ferois
beaucoup plus d'état de l'approbation
»de Madame la Comtesse de la Fayette
» et de M. de la Rochefoucault , qui
>> avoient ces connoissances en perfection.
33
8. Zayde , Histoire Espagnole. Paris ,
in 12. Ce petit Roman qui a été imprimé plusieurs fois avec le Traité de l'Origine des Romans de M. Huet , porte
par tout dans le Titre le nom de M. ScJ. Vol. F iij grais
1172 MERCURE DE FRANCE
grais. M. Huet veut cependant dans ses
Origines de Caën , p. 409. qu'il soit de
la Comtesse de la Fayette.» Je l'ai vû, ditnil , souvent occupée à ce travail , et elle
>me le communiqua tout entier , piece à.
»piece , avant que de le rendre public. Et
commece fut pour cet Ouvrage que je
aje composai leTraité de l'origine des Ro
mans qui fut mis à la tête , elle me disoit
»Souventque nous avions mariénos enfans.
»ensemble. M. de Segrais ne disconvient
point de ce fait , mais il nous apprend
qu'il a contribué en quelque chose à ce
Livre. Zayde , dit- il , dans le Segraisia-
»na , qui a paru sans mon nom , est de
» Madame de la Fayete. Il est vrai que
»j'y ai eu quelque part , mais seulement
»pour la disposition du Roman où
>> les regles de l'Art sont observées avec
> exactitude.
>
Voyez , Huet, les Origines de la Ville
de Caen ; la Préface du Segraisiana ; la
Description du Parnasse François ; Baillet,
Jugement des Sçavans , sur les Poëtes.
Le Public nous sçaura , sans doute ,
quelque gré, si nous ajoûtons ici deux ou
trois Epitaphes de M. de Segrais , qui ne
sont apparemment pas venues à la connoissance de l'Editeur de ces Memoires.
La premiere est de la composition de
1. Vol.
M.
JUIN. 1732. 1173
M. de Segrais même , et ne consiste qu'en
ces deux Vers Latins , imitez de Virgile.
Mantua megenuit , &c.
MeCadomusgenuit : tenet Aula et pulchra Liquoris
Fecit blandus amor vatem , mens lata beatum;
Celle qui suit est de M. du Bourget de
Chaulieu , Gentilhomme de Caën. On y
fait allusion ' au temps de sa mort , qui
arrivala nuit du Jeudi auVendredi Saint.
Segrais des beaux Esprits si justement chéri ,
Et
qui fut des
neuf
Sœurs
le tendre
Favori
,
Achevant
de ses jours
l'innocente
carriere
,
Adressoit à son Dieu cette ardente Priere :*
Seigneur , accordez-moi qu'au tems de mon trépas ,
Vers la nuit du Tombeau j'accompagne vos pas.
Il dit et s'apperçut qu'une même journée,
A celle du Sauveur , unit sa destinée ; ·
Son esprit dégagé par un effort pieux ,
'Au gré de ses desirs s'élance vers les Cieux :
Segrais ne peut survivre à l'Auteur de la vie ;
Quelsort est plus heureux et plus digne d'envie ?
La derniere a été faite par Madame
d'Osseville , aussi de la Ville de Caën.
Ne cherchons plus , helas ! Segrais dans ces bas Lieux ,
I. Vol.
Mille Fiiij
1174 MERCURE DE FRANCE
Mille Vertus , ses Compagnes fideles
Tour-à-tour ont prêté leurs aîles ,
Pour élever son ame aux Cieux.
Ce qui nous reste ici d'un bien si précieux ;
Sous ce Marbre n'est plus que cendre,
Les Sçavans auront soin d'apprendre
Par des traits immortels à la Posterité ,
Quel fut ce Favori des Filles de Memoire ;
Mais gravons dans nos cœurs le fond de probite
Dont il fit son unique gloire
DES BEAUX ARTS , &C.
M
EMOIRES pour servir à l'Histoire dèsHimmes Illustres dans la République
des Lettres , &c. T. XVI. de 410. pages
J. Vol. sang
JUIN. 1732. 1859
sans les Tables. A Paris , chez Briasson ,
rue S. Facques, à la Science. M. DCC. XXXI.
Ce seizième Tome des Memoires , recueillis par le R. P. Niceron , presente d'a
bord une Table Alphabetique de quatante Sçavans , dont il y est fait mention , et dont voici les noms.
7
George Abbot, Robert Abbot. Dominique
de Angelis. Joachim du Bellay. Flavia
Biondo. Etienne du Bois. Jean du Bois.
Philippe du Bois. Balthazar Bonifacio.
Pierre Brissot. Conrad Celtes Protucius.
Pierre Charron. Florent Carton d'Ancourt.
Jean Doujat. Nicolas. Everard. Thomas
Farnabe. Pierre- Sylvestre du Foin. Marie
de Fars de Gournay. Nicolas Grudius. Maurice Hofman. Jean Maurice Hoftman.
François Junius. François Junius le fils.
Jean Marot. Clement Marot. Michel de
Montaigne. Gerard Nood. Jean Owen..
Aonius Palearius. Onuphre Panvini. Gui
Riedlinus. Jean Rotrou. Henry Savile. Jean
Second Jean Renaud de Segrais. ThomasSydenham. Frederic Taubman. Antoine Vallisnieri. Blaise de Vigenere.
Quoique les Memoires en question ne
doivent regarder , selon le veritable objet de l'entreprise de l'Editeur , et selon
le titre même de son Recueil , que des
Hommes Illustres dans la République des
L.. Vol Lettres
T160 MERCURE DE FRANCE
Lettres , il s'en faut beaucoup que tous
les Ecrivains dont on nous parle ici , ayent
le même degré d'illustration ; quelquesuns même auront de la peine à passer
pour sçavans dans l'esprit de tous les Lecteurs. Tel est plus particulierement Florent Carton d'Ancourt , dont on trouve
PEloge et les Ouvrages , à la page 287.
et 291, de ce volume. Que le sieur d'Ancourt n'ait eu des talens considerables.
dans sa Profession de Comédien , et ensa qualité d'Auteur de plusieurs Pieces.
de Théatre , personne ne sçauroit le nier ;
mais qu'il doive être placé et consideré
parmi les Membres illustres et légitimes.
de la République Litteraire ; c'est ce qu'on
ne pourra que très difficilement accorder..
Comme cet Article peut faire cependant une très bonne figure dans l'Histoire du Théatre François t dans celle
des fameux Comédiens où il ne sera point
déplacé , il seroit peut-être bon de le retoucher , tant à cause des augmentations
qu'on peut y faire , que pour réparer quelques négligences de style , et certains em
barras de construction , qui se trouvent
quelquefois dans ces Mémoires , plutôt
de la part de ceux qui les ont fournis, que
de celle de notre Auteur ; à propos de
quoi nous ajoûterons qu'il seroit bon aus-,
I. Vol.
si
JUIN. 1732. 1167
si de mettre à la fin de chaque volume
un bon Errata , comme on l'a fait à l'égard des premiers.
Pour donner à nos Lecteurs , selon notre coûtume , une idée des Memoirescontenus dans ce Volume , nous insererons ici l'article entier de M. de Segrais .
homme veritablement illustre dans la
belle Litterature , et Sçavant de notre
temps.
EAN Renaud de Segrais , naquit à
Caën le 22. Août 1624. et y fit ses études dans le College des Jesuites. Après
sa Philosophie , il fut quelques années
sans se déterminer à aucun état. Pendant
ce temps là il s'occupa à la Poësie Fran
çoise qu'il cultiva jusqu'à la fin de sa vie,
et qui ne lui fut pas infructueuse , puisqu'elle lui servit , aussi bien qu'à ses qua
tre freres et à ses deux sœurs , pour les
tirer du mauvais état où la bonté ruineuse d'un Pere dissipateur , les avoit
laissez.
Une Tragédie sur la mort d'Hyppolite , le Roman de Berenice , dont il hazarda seulement les deux premieres parties , et plusieurs petits Ouvrages de Poësie sur divers sujets , furent les prémices
de son esprit qui parurent dans sa Province.
I. Vol. IL
1162 MERCURE DE FRANCE
Il n'avoit encore que 19. ou 20. ans
lorsque le Comte de Fiesque , fils de la.
Gouvernante de Mademoiselle , fille ainée du Duc d'Orleans Gaston , fut éloigné de la Cour et se retira à Caen; pendant le séjour qu'il y'fit , il prit du goût
pour lui et l'emmena à la Cour forsqu'ily
fut rappellé. Ce fut là qu'il acheva de
se former, et qu'il acquit la politesse et
le bon goût , qui ont paru depuis dans
ses Ouvrages.
t
Le Comte de Fiesque le fit entrer en
1648. au service de Mademoiselle , en
qualité de Gentilhomme ordinaire , et il
y demeura jusques vers l'an 1672. que
cette Princesse croyant avoir quelque sujet de se plaindre de sa conduite , le fit
rayer de l'Etat de sa Maison. Elle nous
apprend elle-même dans ses Mémoires le
sujet qui lui attira sa disgrace. Elle y rapporte que Segrais ne vouloit point qu'elle
se mariât avec M. de Lauzun , et qu'il
aimoit mieux que ce fût avec M. de Longueville ; que quand l'affaire de M. de
Lauzun eut été rompuë , il alla avec
M: Guilloire , Secretaire de ses commandemens , voir M. de Chanvalon , Archevêque de Paris , pour lui dire que c'étoit
un scandale que Mademoiselle vît toûjour M. de Lauzun , et qu'il étoit obligé La Vela en
JUIN. 1732 116:3
en conscience d'y mettre ordre'; ce que
ee Prélat lui ayant dit , elle donna ordre
à Segrais de sortir de chez elle.
M. de Segrais ne manqua pas alors de
ressources. Madame de la Fayette eut la
generosité de lui donner un Appartement
chez elle , et il nous apprend lui- même
que M. le Duc de Longueville lui envoya aussi-tôt après zoo. pistoles , en le
chargeant très- expressement de n'en rien
dire à personne.
Lasse enfin de vivre dans le grand
Monde il se retira à Caën , résolu d'y
passer le reste de ses jours. Il y épousa
une riche heritiere , qui étoit sa parente,
et ce mariage le mit en état de vivre à son
aise , selon sa qualité , et de faire un établissement considerable. Personne ne remarque l'année où il se maria , mais on
peut juger que ce fut en 1679. par ce
Passage du Segraisiana, p. 75. qui contient une particularité de sa vie , qui doit
trouver ici sa place.
» Madame de Maintenon , dit- il en
>> cet endroit , a voulu me mettre auprès
» de M. le Duc du Maine , en la même
qualité que M.de Court , qui fut apellé,
Ȉ mon deffaut. Je venois de me marier
»j'avois par mon mariage honnêtement
de quoi vivre dans l'indépendance , er
1. Vol.
» même
1164 MERCURE DE FRANCE
»même mon beau- pere et ma belle - mere
qui étoient fort âgez , que je consultai
» là- dessus , me représenterent que j'avois
» de quoi raisonnablement me contenter,
» qu'ils étoient d'un âge à croire que Dieu
» les appelleroit bien- rôt , et qu'alors je
»pourrois vivre sans avoir rien à souhaiter; je considerois encore que j'avois en
ce temps là cinquante- cinq ans , et qu'il
»falloit au moins pour attendre la récom-
»pense des services que je pouvois rendre à M. le Duc du Maine , une dixaine
»d'années , et je n'avois aucune certitude
» de vivre si long- temps ; de plus , j'a-
» vois déja un peu de surdité , et ce fut
»le prétexte que je pris pour m'excuser.
» Madame de Fontevrault , sœur de Ma-
» dame de Montespan , me manda qu'il
ne s'agissoit pas d'écouter le Prince , mais
»de lui parlers je fis réponse queje sça-
» vois par experience que dans un Pays
comme celui- là , il falloit avoir bons
» yeux et bonnes oreilles. En effet il faut
y connoître parfaitement son monde
» et parler plus souvent à l'oreille qu'à
haute voix. Ainsi je demeurai comme
j'étois.
n
M. de Segrais avoit été reçû à l'Académie Françoise dès l'année 1662. et comme celle de Caën étoit demeurée sans Pro-
>
1.Vol. *Lecteur
JUIN.. 1732. 1165
گی
tecteur depuis la mort de François , de
Matignon , Lieutenant de Roy en Normandie , .arrivée en 1675. il en recueillit
les Membres chez lui , où il fit accommoder un Appartement fort propre pour y
tenir leurs Assemblées.
Il fut affligé pendant les derniers mois
de sa vie d'une langueur causée par une
hydropisie , qu'il regarda comme une faveur du Ciel , et dont il sçut profiter
en Chrétien.
Il mourut le 25. Mars 1701. dans sa
77. année.
Ses talens ne se bornoient pas à bien
écrire ; il avoit encore beaucoup d'agrémens dans la conversation; il sçavoit mille
choses agréables , et il les racontoit d'une
maniere qui faisoit autant de plaisir que
les choses mêmes. Quand il avoit une fois
commencé il ne finissoit pas aisément ;
et M. de Matignon disoit à ce sujet qu'il
n'y avoit qu'à monterSegrais , et à le lais
ser aller. Il ne parloit pourtant jamais
trop au gré de ceux qui l'écoutoient , et
l'extrême surdité où il étoit tombé sur
la fin de ses jours , n'empêchoit pas que
les personnes les plus distinguées ne l'ale
lassent voir pour le plaisir seul de l'entendre. C'étoit un homme doux , complaisant , aimant à faire plaisir , et ne di1.Vol sant
166 MERCURE DE FRANCE
sant jamais rien de desobligeant de
sonne.
perM. de la Monnoye fit à l'occasion de
sa mort cette Epigramme , qu'on attribuë
mal-à- propos, à l'Abbé Testu , dans un
Recueil d'Epigrammes , publié en 1720.
Quand Segrais affranchi de terrestres liens ,
Descendit plein de gloire aux Champs Elisiens
Virgile en beau François lui fit une Harangue;
Et comme à ce discours Segrais parut surpris ;
Si je sçais , lui dit- il , le fin de votre Langue,
Cest vous qui me l'avez appris.
par
Catalogue de ses Ouvrages.
1. Athis. Pastorale. Paris , 1653. in 4.
Cette Piece de Poësie que M. de Segrais
fit en l'honneur de son Pays , a merité
l'Approbation de M. Huet , qui la
trouve préferable à ses autres Ouvrages
la nouveauté de l'invention et par
l'agrément de la fiction , quoique l'obscurité des lieux que Segrais a choisis pour
être le Théatre des avantures qu'il décrit,
et qui ne sont connus que par ceux qui
les habitent , ayent fait perdre à cet Ouvrage une partie des applaudissemens qu'il méritoit.
2. Les Nouvelles Françoises , ou les Divertissemens de la Princesse Aurelie. Paris,
I.Vol 3657
1 JUIN. 1732. 1167
1657. in 8. z. vol. Ce sont des Historiettes qu'il avoit composées pour amuser
Mademoiselle à S. Fargeau , où elle étoit
retirée . Comme il n'en avoit fait tirer
que peu d'exemplaires , le Livre étoit rare
avant la réimpression qu'on en a faite en
1722. Paris , in 12. 2. vol.
3. Diverses Poësies. Paris , 1658. in 4.
4. L'Eneide de Virgile, traduite en Vers
François. Paris , in 4. 2. vol. Le premier
en 1668. et le second en 1681. Idem.
2. Edition. Amsterdam, 1700. in 8. 2. vol.
et depuis à Lyon.
5. Les Georgiques de Virgile , traduites
enVers François Ouvrage postume. Paris ,
1711. in 8. Ces deux Traductions de Vir
gile sont estimées des connoisseurs , qui
trouvent que Segrais a eu l'art de rendre
en notre Langue toutes les beautez , les
graces et l'agrément qui se trouvent dans
Le Poëte Latin , du moins autant que cela
est possible.
- 6. Segraisiana , ou Melange d'Histoire et
de Litterature , recueilli des Entretiens de
M. Segrais. Les Eglogues et l'Amour gueri
par le Temps, Tragédie- Ballet du même Auteur, non imprimés. Ensemble la Relation
de l'Isle imaginaire et l'Histoire de la Prin
cesse de Paphlagonie , imprimées en 1646.
par l'ordre de MADEMOISELLE. La Haye ,
J.Ꮧ. Val. F 1722
1168 MERCURE DE FRANCE
*
1722. in 8. Cette premiere Edition a éte
faite à Paris , a été suivie d'une autre faite
en 1723. à Amsterdam in 12. qui est beau
coup plus belle.
La Préface qu'on voit à la tête de l'une
et de l'autre , est de M. de la Monnoye.
On y dit que les particularitez contenues
dans le Segraisiana , ont été recueillies
par les soins d'un illustre Conseiller d'Etat , ( c'est-à- dire M. Foucault , Intendant de Caën ) dont la Maison étoit le
rendez- vous de tout ce qu'il y avoit à
Caen de personnes de mérite et de qualité M. de Segrais y étoit reçû avec distinction ; lorsque sa santé lui permettoit
de s'y trouver , il y avoit pour lui une
place de réserve auprès d'une Tapisserie,
derriere laquelle un homme de confiance
étoit caché, qui écrivoit ce qu'il disoit ;
et c'est de-là qu'a été tiré le Segraisiana ,
dans lequel il y a plusieurs faits singuliers et curieux , quoiqu'on ne puisse nier
qu'il n'y en ait aussi plusieurs qui ne méritoient pas d'être conservez à la posterité , et d'autres même évidemment faux.
Les Eglogues sont au nombre de sept ,
et on y a joint une Lettre de M. Ogier
sur la premiere , avec la Réponse de M.de
Segrais , qui excelloit principalement en
ce genre de Poësie . Tout le monde conI. Vol.
vient
JUIN. 17320 1169
avient , dit Baillet , Jugement des Sçavans,
» qu'il a pris le caractere de l'Eglogue ,
et qu'il a sçû attraper ce point de la
simplicité et de la pudeur que les An-
» ciens avoient sçû exprimer, sans pourtant
»avoir rien de la bassesse et des manieres
» niaises où sont tombez plusieurs de nos
22
faiseurs d'Eglogues Françoises , qui ont
» voulu imiter cette naïveté ancienne ,
»pour ne pas sortir du caractere Buco-
» lique. Ses figures sont douces , ses mou-
» vemens y sont temperez et formez sur
»les mœurs que doivent avoir les personnages qu'il employe. Les pensées y
sont ingénues , la diction y est pure et
»sans affectation , les Vers y sont coulans.
Ce sont des manieres toutes unies, et des
» discours tout naturels Enfin on juge qu'il
»est très- difficile de rien écrire en ce gen
» re avec plus de douceur , de tendresse
»et d'agrément. C'est ce qui a fait dire
à Despreaux , en invitant les Poëtes à ce
lebrer la gloire de Louis le Grand :
Que Segrais dans l'Eglogue en charme les Forêts. ”
Il avoit cette simplicité et cette naïveté de Malherbe , qu'il avoit beaucoup
étudié , et pour lequel il avoit une estime
si particuliere , qu'il fit faire en pierre sa
Statue plus grande que le nature , li fit
A VOL Fij élever
1170 MERCURE DE FRANCE
4
élever dans une niche faite exprès à la
façade de sa Maison de Caën , et fit graver au-dessous sur un Marbre noir ces
quatre Vers.
Malherbe , de la France éternel ornement ,
Pour rendre hommage à ta mémoire,
Segrais , enchanté de ta gloire ,
Te consacre ce Monument.
L'Amour gueri par le Temps , n'avoit
pas encore été imprimé. M. de Segrais
avoit composé cette Piece pour être mişe
en chant , et l'avoit donnée à M. Lully
pour cela ; mais ce Musicien se souvenant
d'un petit chagrin qu'il croyoit avoir autrefois reçû de M. Segrais chez Mademoiselle, la garda trois mois entiers , après
lesquels il la renvoya comme ne pouvant
y travailler, parce que les Vers, disoit- il ,
en étoient durs et rebelles au chant.
7. La Princesse de Cleves, Paris , 1678.
in. 12. 4. vol. Item. Paris , .1689. et 1700.
in 12. 2. Tom. » Trois beaux esprits , die
le P. le Long, dans sa Bibliotheque His-
»torique de la France , ont contribué à la
»composition de ce Roman, qui est bien
écrit et a eu beaucoup de succès. Fran-
ȍois VI. Duc de la Rochefoucault , more
en 1680, en a fourni les sentimens; les
maximes et les intrigues sont de l'inven1. Vol. tion
JUIN. 1732.
»tion de Marie-Magdeleine de la Vergne,
» Comtesse dé la Fayette , morte en 1693.
et le tout a été mis en œuvre avec au-
>> tant d'esprit que de délicatesse, par Jean
»Renaud de Segrais. Il est vrai que M.de
»Segrais lui- même paroît dans le Sagrai-
»siana , p. 9. attribuer entierement ceg
Ouvrage à Madame de la Fayette, lors-
» qu'il y dit; la Princesse de Cleves est
» de Madame de la Fayette , qui a méprisé de répondre à la Critique que le
»P. Bouhours en a faite. Mais il s'explique autrement plus bas , p. 73. où il en
parle comme d'un Ouvrage qui étoit de lui. »
Celui , dit- il , qui a critiqué la
» Princesse de Cleves , a trouvé mauvais,
&c. La raison pourquoi je ne voulus
»point prendre la peine de lui répondre,
c'est qu'il n'avoit aucune connoissance
» des regles de ces sortes d'Ouvrages, ni
» de l'usage du monde , et que je ferois
beaucoup plus d'état de l'approbation
»de Madame la Comtesse de la Fayette
» et de M. de la Rochefoucault , qui
>> avoient ces connoissances en perfection.
33
8. Zayde , Histoire Espagnole. Paris ,
in 12. Ce petit Roman qui a été imprimé plusieurs fois avec le Traité de l'Origine des Romans de M. Huet , porte
par tout dans le Titre le nom de M. ScJ. Vol. F iij grais
1172 MERCURE DE FRANCE
grais. M. Huet veut cependant dans ses
Origines de Caën , p. 409. qu'il soit de
la Comtesse de la Fayette.» Je l'ai vû, ditnil , souvent occupée à ce travail , et elle
>me le communiqua tout entier , piece à.
»piece , avant que de le rendre public. Et
commece fut pour cet Ouvrage que je
aje composai leTraité de l'origine des Ro
mans qui fut mis à la tête , elle me disoit
»Souventque nous avions mariénos enfans.
»ensemble. M. de Segrais ne disconvient
point de ce fait , mais il nous apprend
qu'il a contribué en quelque chose à ce
Livre. Zayde , dit- il , dans le Segraisia-
»na , qui a paru sans mon nom , est de
» Madame de la Fayete. Il est vrai que
»j'y ai eu quelque part , mais seulement
»pour la disposition du Roman où
>> les regles de l'Art sont observées avec
> exactitude.
>
Voyez , Huet, les Origines de la Ville
de Caen ; la Préface du Segraisiana ; la
Description du Parnasse François ; Baillet,
Jugement des Sçavans , sur les Poëtes.
Le Public nous sçaura , sans doute ,
quelque gré, si nous ajoûtons ici deux ou
trois Epitaphes de M. de Segrais , qui ne
sont apparemment pas venues à la connoissance de l'Editeur de ces Memoires.
La premiere est de la composition de
1. Vol.
M.
JUIN. 1732. 1173
M. de Segrais même , et ne consiste qu'en
ces deux Vers Latins , imitez de Virgile.
Mantua megenuit , &c.
MeCadomusgenuit : tenet Aula et pulchra Liquoris
Fecit blandus amor vatem , mens lata beatum;
Celle qui suit est de M. du Bourget de
Chaulieu , Gentilhomme de Caën. On y
fait allusion ' au temps de sa mort , qui
arrivala nuit du Jeudi auVendredi Saint.
Segrais des beaux Esprits si justement chéri ,
Et
qui fut des
neuf
Sœurs
le tendre
Favori
,
Achevant
de ses jours
l'innocente
carriere
,
Adressoit à son Dieu cette ardente Priere :*
Seigneur , accordez-moi qu'au tems de mon trépas ,
Vers la nuit du Tombeau j'accompagne vos pas.
Il dit et s'apperçut qu'une même journée,
A celle du Sauveur , unit sa destinée ; ·
Son esprit dégagé par un effort pieux ,
'Au gré de ses desirs s'élance vers les Cieux :
Segrais ne peut survivre à l'Auteur de la vie ;
Quelsort est plus heureux et plus digne d'envie ?
La derniere a été faite par Madame
d'Osseville , aussi de la Ville de Caën.
Ne cherchons plus , helas ! Segrais dans ces bas Lieux ,
I. Vol.
Mille Fiiij
1174 MERCURE DE FRANCE
Mille Vertus , ses Compagnes fideles
Tour-à-tour ont prêté leurs aîles ,
Pour élever son ame aux Cieux.
Ce qui nous reste ici d'un bien si précieux ;
Sous ce Marbre n'est plus que cendre,
Les Sçavans auront soin d'apprendre
Par des traits immortels à la Posterité ,
Quel fut ce Favori des Filles de Memoire ;
Mais gravons dans nos cœurs le fond de probite
Dont il fit son unique gloire
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Mots clefs
Domaine