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Discours du P. de le Sante. Extrait,

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Incipit

Nous avions promis un Extrait du Discours Latin que le

Texte
NOUVELLES LITTERAIRES
N
DES BEAUX ARTS, &c.
Ous avions promis un Extrait du
Discours Latin que le R. P. de la
Sante , Professeur de Rhétorique au Collége de Louis le Grand, prononça au mois
de Janvier , devant une illustre et nom
breuse Assemblée , sur l'Histoire de Fran
ce: Voici cet Extrait.
Dans son Exorde , l'Orateur témoigne
sa surprise , sur ce que les François ont
un si petit nombre d'Ecrivains qui ayent réüssi nous donner une Histoire complette et achevée de la Nation , eux qui
écrivent si volontiers , et avec assez de
succès sur d'autres sujets , et même sur
PHistoire. Après quelques discussions , le
P. la Sante en rejette la cause , sur ceque
Histoite de France est par elle - même
aussi difficile à écrire , qu'elle est agréable
à lire. Et voilà les deux Propositions qui
partagent son Discours.
E iij
Dan's
936 MERCURE DE " FRANCE
Dans la premiere Partie , l'Orateur ne
voit rien de plus brillant pour un homme de Lettres que de réussir dans l'Histoi
re. Mais cela même, selon lui , en fait la
grande difficulté. L'historien soutient en
quelque sorte le Personnage de Juge et
de Maître.Son Tribunal est comme placé
entre les siécles passez et les siècles à ve÷
nir , pourjuger ceux-là , et instruire ceuxcy.
Les principales qualitez d'un homme
qui veut écrire notre Histoire , sont un
bon esprit , unjugement sain , utie profonde connoissance de cette Histoire ; un
amour impartial de la vérité, un stile décemment poli ; de sorte que pour former
un Ecrivain de ce caractere, il faut réunir
les talens naturels , l'usage de la vie ; un
travail pénible , une raison supérieure, et
toute la culture que l'art peut donner.
Lucien et Ciceron ont dequoi épouvan
ter quiconque entreprend d'écrire l'Histoire , par la singularité des talens qu'ils
exigent pour écrire ; l'un , l'Histoire Gre
que; l'autre , l'Histoire Romaine. Or ce
n'est rien , selon notre Orateur ; si l'on
compare les difficultés , dont parlent ces
grands hommes , à celles que notre Histoire oppose à ceux qui entreprennent de
la manier.
Y
MAY. 1732 937
Y a-t-il d'Histoire qui comprenne un
plus ample détail de faits et d'évenemens
obscurs dans leur origine, envelopez dans
leurs causes , reculez dans la suite des sié
cles , éloignez dans la vaste étendue du
Théatre où ils se sont passez , et tout-àfait merveilleux dans leur issue , quoique
dépouillez du faux merveilleux des faBles des Grecs et des Romains ?
et
Une des grandes difficultez de notre
Histoire vient de ce que le caractere des
François , formé dans un climat doux
temperé, demande une modération d'esprit extraordinaire , dans tout homme
qui entreprend de plaire à la Nation, par
un Ouvrage comme celui- là , qui est plus
particulierement fait qu'aucune autre espece d'Ouvrage pour la Nation.Cette raison est fort ingénieusement trouvée , et a
même un fonds de vérité. Il 'est pourtant
vrai que Paterculus, Tacite et Mainbourg
à qui l'Orateur reproche justement leurs
excès d'esprit , de politique ou de feu d'imagination , ont toujours trouvé et trouveront sans doute toujours des Lecteurs
et des admirateurs , même en grand nombre parmi nous.
Le P. de la Sante veut qu'une Histoire
de France ressemble à un grand Fleuve ,
dont les eaux claires , quoique profondes,
E iiij rou- 419.03
938 MERCURE DE FRANCE
roulent avec majesté leurs flors, et il com
pare les petites Histoires , dont notre Nation ne laisse pas de se faire un assez agréable amusement;à ces Eaux,détournées dans
des Canaux, qui s'élancent en Jets- d'eaux,
en Cascades , et prenent toutes sortes de
formes , plus propres à repaître là vaine
curiosité des Spectateurs , qu'à fertiliser
les Jardins qu'elles font semblant d'arroser.
·
L'Orateur écarte toutes ces gentillesses
de notre Histoire , et ne la consacre qu'à
nourrir solidement l'esprit. Pour cela il
exige unjugement sain et une grande sagacité de critique dans quiconque veut y
réussir. Il touche à cette occasion la diversité des opinions , sur l'origine des
François , sur les commencemens de la
Monarchie , que quelques uns fixent à
Clovis , que d'autres font remonter
Pharamond ; les differends du Roy Philippe le Bel avec le Pape Boniface VIII.
sur lesquels sans rien ôter à nos Rois, sans
trop donner aux Papes ; il faut se souvenir qu'on est François , qu'on est Catholique , qu'on est Historien ; trois qualitez.
qu'on n'allie pasfacilement sans une gran
de solidité d'esprit , sans un grand art de narration.
Pour ce qui est de l'érudition d'un His.
torien
MAY, 1732. 939
torien de France, il est visible qu'elle doit
être des plus étendues ; nulle Monarchie,
nul Empire n'ayant égalé celui- cy pour
la durée. Car les Dominations des Assyrtens a été de mille ans , celle des Medes
⚫de 300 , celle des Perses 230 , celle des
Macédoniens 640, celle des Romains 1200.
L'Empire François compte plus de 1300
ans.
L'Orateur après avoir parlé de l'amour
de la vérité qui doit animer un Historien de France , et du stile pur et noble
qu'on en exige , fait le caractere de nos
principaux Historiens. Il rend justice à
Mezerai , et ne dit rien de trop en faveur
du P. Daniel , applaudissant à ce que celui-là a de bon , et ne dissimulant pas ce
que ce dernier a de mauvais.
Dans la seconde Partie de ce Discours
il entreprend de prouver , ce qui est sans
doute plus facile, que l'histoire de France,
est des plus agréables à lire, sur tout pour
les François.
Deux sortes de gens lisent l'Histoire
les uns pour lire et s'amuser , les autres
pour s'instruire et profiter ; ceux- là ne
veulent que des fleurs , ceux-cy veulent
des fruits ; pour contenter tous les goûts,
il faut plaire et instruire ; et c'est dequoi
le P. de la Sante croit notre Histoire tout
E v à
940 MERCURE DE FRANCE
à- fait capable ; de plaire par la singularité
des évenemens , d'instruire par la gramdeur des exemples.
Cet Orateur ne laisse pas de citer des
traits merveilleux de l'Histoire de France,
qui peuvent aller de pair avec plusieurs
traits de l'Histoire Romaine.Clovis est un
vrai conquerant; la défaite du Général des
Romains, et celle d'Alaric, Roy des Visi
gots les grands exploits de Charlemagne , et bien d'autres , étonneroient bien
autant , si les esprits n'étoient déja étonnez et comme gagnez par l'Histoire Romaine , dont on se trouve tout préoccupé lorsqu'on commence, en France même,
à lire l'Histoire de France. On n'est plus
alors si jeune ni si capable d'éblouissement;ón ne trouve donc rien de nouveau,
on ne revoit que des coppies , et les Romains restent toujours en possession d'un
esprit nourri de la Langue même de Ro
me, avant que d'avoir connu celle de son
Païs ailleurs que dans des conversations
familieres et domestiques.
L'Orateur François se sert de tout, même
de nos défaites et de nos malheurs qu'il
met en parallele avec ceux des Romains.
Nos Rois pris à Pavie et à Poitiers , nos
Vêpres Siciliennes , avec les Fourches caudines , avec la Bataille de Cannes , &c.-
Tout
M.AY. 1732 942
Tout cela ya au but , et fait le merveilleux et l'amusement d'une histoire.
2
Le Pont de Naples, deffendu par Bayard,
vaut bien celui de Rome deff ndu par
Cocles;à Clelie on compare fort à propos la Pucelle d'Orleans , aux Camilles et
aux Marcels Bertrand du Guesclin ; aux
Luculles et aux Pompées , le Maréchal de
Boucicaut, aux Scipions le Comte de Dunois ; aux Vespasiens , Godefroi de Bouillon ; à Germanicus , le Comte de Montfort ; à Drusus , le Maréchal de Brisac ; à
Fabricius , Catinat ; à Emilius , Luxembourg; à Fabius , Turenne ; à César
Condé,
Après ce parallele avec les Romains
l'Orateur défie et peutbien défier toutes
les autres Nations ensemble de l'empor
ter sur les François. Il passe ensuite à l'instruction , dont il prétend que notre Histoire est plus pleine qu'aucune autre.
Et il est vrai que rien n'égale, par exemple , la constance des François à maintenir
leurs Loix, sur tout les Loix fondamenta
les du Royaume , telles que la Loy Sali
que. Il est étonnant , et peut être unique
de voir une Loy portée par les hommes ,
mais , sans doute , tout à fait inspirée de
Dieu , se maintenir, pendant un si long,
E vj tems
942 MERCURE DE FRANCE
temps sans altération ; et cela malgré
des efforts extraordinaires faits en divers
temps par l'Angleterre , par l'Espagne ,
et par la France même , qui n'a pourtant
jamais osé franchir cette Barriere , lors
qu'il a fallu en venir à une décision précise et positive.
L'amour des François pour leurs Rois légitimes , leur fidelité inviolable ont constamment maintenu une Loy si belle' , si
sage , si divine qui rend cet Empire com- me éternel ; et cet amour et cette fidelité
deviennent , par là-même , un des grands
exemples , une des plus solides instruc
tions , qu'aucune histoire puisse soutenir.
L'ardeur des François pour les Croisades , n'est pas sans instruction non plus,
et on y trouve pour le moins autant de
bien à imiter dans l'ente rise , que de
mauvais à éviter dans l'execution . Mais
leur constance à proscrire toute Hérésie ,
tout Fanatisme , toute Religion nouvelle
est aus i d'un grand exemple. L'Arianisme
et les autres erreurs des Grecs ne purent
jamais s'y glisser , les Albigeois ne firent pas de grands progrès. Le Calvinisme
se glissa pas tout, s'empara de tout et à la
fin ne tint rien. Il est surprenant qu'on
ite par tout le François comme un molele de légereté et d'inconstance. On en
juge
MAY. 1732. 943
juge par de petits airs , de petites manieres qui épuisent la vivacité de la Nation , et par là -même , lui laissent toute
sa solidité , toute sa maturité pour les
choses essentielles qui en valent la peine,
C'est par le fond même et par de grands
résultats qu'on doit juger en general d'une Nation comme la nôtre.
Collectivité
Faux
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Domaine
Soumis par delpedroa le