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1732, 01-02 (2)
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17.20 Mo
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457
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Texte
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ
AU
ROT
JANVIER 1732 .
QUE
COLLIGIT
STARGIT
DE
Id
Chez
A PARIS ,
IR
GUILLAUME CAVELIER
ruë S. Jacques.
LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à la descente du Pont - Neuf.
JEAN DENULLY, au Palais.
M. DC C. XXXII
Avec Approbation et Privilege du Roy
CATALOGUE des Mercures de France,
depuis l'année 1721. jusqu'àpresent.
J
Uin et Juillet 1721. 2. vol.
Août , Septembre , Qetobre, Novembre
et Decembre ,
Janvier et Fevrier 1722.
S. VOL
Mars 1722.
2. vol.
2. vol
Avril ,
I. vol.
May ,
Juin , Juillet et Août ,
2. vol.
Septembre ,
3. vol.
Octobre ,
2. vol.
I. vol.
Novembre ,
2. vol.
Decembre , I. vol.
Année 1723 le mois de Decembre double, 13 . vol.
Année 1924. les mois de Juin et de Decembre
doubles ,
14. vol.
Année 1725. les mois de Juin , de Septembre
et Decembre doubles >
Année 1726. les mois de Juin et de Deis.
vol.
cembre doubles ,
14. vol.
Année 1727. les mois de Juin et de Decembre
doubles ,
Année 1728. les mois de Juin et de De-
14. vol.
cembre doubles ,
14. vol.
Année 1729. les mois de Juin , de Septembre
et Decembre doubles , is. vol.
Année 1730. les mois de Juin et de Decembre
doubles ,
14. vol.
Année 1731. les mois d'Avril , de Juin
et de Decembre doubles , as. vol.
Janvier 17320
1. vol.
152. vol.
:co
PRIVILEGE
}
DU ROT.
LOUIS, par la grace de Dieu , Roi de France & de :
·
Navarre à nos Amez & Feaux Confeillers , les
Gens tenans nos Cours de Parlement , Maîtres des .
Requêtes ordinaires de nôtre Hôtel , Grand-Conſeil
Baillifs , Senéchaux , leurs Lieutenans Civils , & au
tres nos Officiers & Jufticiers qu'il appartiendra, Sa
LUT : l'applaudiffement que reçoit le MERCURE DE
FRANCE , Cy devant appellé le Mercure Galant
compofé depuis l'année 1672. par le fieur de Vifé , &
autres Auteurs , nous fait croire que le fieur Dufreni ,
Titulaire du dernier Brevet étant decedé , il ne con
vient pas que le Public foit à l'avenir privé d'un ou
vrage auffi utile qu'a réable , tant à nos fujets qu'aux
étrangers ; c'eft dans cette vûë que bien informé des
calens , & de la fageffe du fieur ANTOINE DE LA ROQUE
Ecuyer , ancien Gendarme dans la Compagnie des
Gendarmes de nôtre Garde ordinaire , & Chevalier
de notre Ordre Militaire de Saint Loüis ; nous l'avons
choifi pour compoſer à l'avenir exclufivement à tout
autre ledit Ouvrage , fous le titre de MERCURE DE
FRANCE , & nous lui en avons à cet effet accordé nôtre
Brevet le 17. Octobre dernier , pour l'execution du
quel ledit fieur de la Roque nous a fait Tupplier de
lur accorder nos Lettres de Privilege fur ce neceffai
res : A CES CAUSES , conformément audit Brevet , Nous
lui avons permis & permettons par ces Prefentes de
compofer & donner au Public à l'avenir tous les mois ,
à lui feul exclufivement , ledit Mercure de Frane , qu'il
pourra faire imprimer en tel volume , forme , marge ,
caractere , conjointement, ou feparement , & autant
de fois que bon lui ſemblera , chaque mois , & de le
faire vendre & débiter par tout notre Royaume, & ce
pendant le temps de douze années confecutives , à
compter du jour de la datte des Prefentes ; à condia
tion neanmoins que chaque volume portera fon Appro
bation expreffe de l'Examinateur , qui aura été com
A ij
mis
>
>
&
nt
m
ce
non
mis à cet effet. Faifons défemfes à toutes fortes de
perfonnes , de quelques qualitez & conditions qu'elles
foient , d'en introduire d'impreflions étrangeres dans
aucun lieu de nôtre obéiiiance , comme aufli à tous
Libraires , Imprimeurs , Graveurs , & autres u'im
primer , faire imprimer , graver , vendre , faire vendre
débicer ni contrefaire ledit Livre , ou planches , en tou
Ou en partie , ni d'en faire aucun Extrait , fous quelt
que prétexte que ce foit , d'augmentation corrections
, changement de titre , ou autrement ians 1-
permillion expreffe & par écrit de l'Expofant , ou da
ceux qui auront droit de lui ; le tout a peine de cone
fifcation des exemplaires contrefaits de 6000. livred'amende
, payables fans deport par chacun des con
trevenans , dont un tiers à Nous , un tiers à Hôtel
Dieu de Paris , l'autre tiers à l'Expofant , ou à ceu
qui auront droit de lui , & de tous dépens , domm
ges & interefts ; à la charge que ces Prefentes fero
enregistrées tout au long fur le Regiftre de la Co
munauté des Libraires & Imprimeurs de Paris , &'
dans trois mois de la datte d'icelles ; que
l'impreffion
de ce Livre fera faite dans nôtre Royaume
ailleurs , en fin papier , & en beau caractere , conformément
aux Reglemens de la Librairie ; & qu'avant
de l'expofer en vente , le manufcrit ou imprimé qui
aura fervi de copie à l'impreflion dudit Livre fera
remis dans le même état où les Approbations y auront
été données , ès mains de notre très -cher &
Feal Chevalier , Garde des Sceaux de France ,
fieur FLEURIAU D'ARMENON VILLE , Commandeur de nos
le
ordres , & qu'il en fera enfuite remis deux Exemplai
res de chacun dans nôtre Bibliotheque publique , un
dans celle de nôtre Château du Louvre , & un dans
celle de notredit très- cher & feal Chevalier , Garde
des Sceaux de France ; le tout à peine de nullité des
Prefentes , du contenu defquelles Vous enjoignons de
faire jouir ledit Expofant , ou fes ayans caufe pleinement
& paisiblement , fans fouffrir qu'il leur foit fait
aucuns troubles & empêchemens , & à cet effet nous
avons revoqué & revoquons tous autres Privileges.
qui pourroient avoir été donnez cy- devant à d'autres
qu'audic Expofant ; Voulons que la copie des Preſences
qui fera imprimée tout au long au commencement ou
à la fin dudit Livre foit tenue pour dûëmcat fignifiée ,
& qu'aux copies collationnées par l'un de nos Amez
Feaux Confeillers . Secretaires , foy foit ajoutée , &c.
AVERAVERTISSEMENT.
CE
Est ici le cent cinquante - deuxième
Volume du Mercure de France que
nous avons l'honneur de préfenter au Roy et
au Public', depuis le mois de Juin 1721 .
que nous y travaillons,fans que ce Livre ait
fouffert aucune interruption; il a toûjours paru
régulierement au temps marqué , et quelquefois
même avec des Supplemens , felon l'exigence
des cas , de quoi nos Lecteurs ne
fe font pas plaints . Nous redoublerons nos
foins et notre application pour que la lecture
du Mercure foit deformais encore plus
utile et plus agréable .
Nous fommes encore bien éloignez du nombre
des Mercures de la compofition de feu
M. de Visé , qui jufques et comp is le
mois de May 1710. temps defa mort , en
avoit fait paroître 483. Volumes , lefquels
font aujourd'hui fort recherchez pou quan
tité de faits hiftoriques qu'on ne trouve que.
dans cet Ouvrage , et dont il n'y a peutêtre
pas de collection parfaitement complette
, que celle qui eft à la Bibliotheque du
Roy, où il ne manque pas un feul Volume
de toute la fuite des Mercures depuis les
premiers de M.de Vifé en 1672. jufqu'au
jourd'hui.
A iij.
Mr
AVERTISSEMENT
.
M. du Frefni fucceda à M. de Viſe , et
fit paroître au mois de Septembre 1710.un
Volumefous le même titre de MercureGalant
contenant les mois de Juin , Juillet et Août
1710. jufques et compris le mois d'Avril
1714. il parut 44. Volumes du même
Auteur:
M. le Févre de Fontenay , fuccceſſeur de
M. du Frefni , a commencé par le mois de
May 1714. il continua jufques et compris
Le mois d'Octobre 1716 et donna , 30. Volumes.
En Nov. mbre et Décembre 1716.
il n'y eut point de Mercures ,
Au mois de Janvier 1717. feu M. l'Ab-.
bé Buchet travailla à cet Ouvrage fous
le titre de Nouveau Mercure , et le fit
paroître régulierement pendant quatre an--
nées et cinq mois , ce qui fait 5 3. Mercures .
En remerciant nos Lecteurs du cas qu'ils
daignent faire de notre Livre, nous leur demandons
toujours quelque indulgence pour les
endroits qui paroît ont negligez , et dont la
diction ne fera pas affez châtiée. Le Lecteurjudicieux
fera , s'il lui plaît , refléxion
que dans un Ouvrage tel que celui-cy , il
eft très-aisé de manquer , même dans les chofes
le plus communes , dont chacune en particulier
eft facile , mais qui ramaſſées , fontune
multiplicité fi grande , qu'il eft bien
mal aifé de donner à toutes la même attention
AVERTISSEMENT.
tion , quelque foin qu'on y apporte ; fur
tout quand une telle collection eft faite en
auffi peu de temps. Une chose qui paroît
un peu injuste , c'est qu'on nous réproche
affez souvent des inattentions , & qu'on ne
nous fçache aucun gré des corrections fans
nombre qu'on fait , des fautes qu'on
évite.
Nous faifons , de la part du Public , de
nouvelles inftances aux Libraires qui envoyent
des Livres pour les annoncer dans
le Mercure , d'en marquer le prix aujusteś
eela fert beaucoup dans les Provinces , aux
Perfonnes qui fe déterminent là deffus à les
acheter , & qui ne font pas fûrs de l'éxactitude
des Meffagers , & des autres Perfonnes
qu'elles chargent de leurs commiffions ,
qui , fouvent , les font furpayer.
On invite icy les Marchands & les Ou
vriers qui ont quelques nouvelles modes
foit par des Etoffes nouvelles , Habits
Ajuftemens , Perruques , Coëffures , Ornemens
de tête , et autres parures ,
ainsi que
de Meubles , Caroffes , Chaifes , & autres
chofes , foit pour l'utilité , foit pour l'agrément
, d'en donner quelques Memoires pour
en avertir le Public , ce qui pourra faire
plaifir à divers Particuliers , et procurer un
débit avantageux aux Marchands & aux
Quvriers.
A ilij Plu
AVERTISSEMENT.
Plufieurs Pieces en Profe & en Vers ;
envoyées pour le Mercure , font fouvent fi
mal éc ites , qu'on ne peut les déchiffrer , et
elles font pour cela rejettées ; d'autres font
bonnes à quelques égards , et défectueuſes
en d'autres ; lorfqu'elles peuvent en valoir
la peine , nous les retouchons avec foin ;
mais comme nous ne prenons ce party qu'a»
vec répugnance , nous prions les Auteurs
de ne le pas trouver mauvais , & de travailler
leurs Ouvrages avec le plus d'attention
qu'il leur fera poffible. Si on fçavoit
leur adreffe , on leur indiqueroit les défectuofitez
les corrections àfaire .
Les Sçavans & les Curieux font priez
de vouloir concourir avec nous pour rendre
ce Livre encore plus utile & plus agréable,
en nous communiquant les Memoires et les
Pieces en Profe & en Vers , qui peuvent
inftruire & amufer. Aucun genre de Litte
rature n'eft exclu de ce Recueil , où l'on
tâche de mettre une agréable varieté , Poëfie
, Eloquence , nouvelles découvertes dans
les Arts & dans les Sciences , Morale
Antiquitez , Hiftoire facrée & profane ,
Hiftoriette , Mythologie , Phyfique & Métaphyfique
, Pieces de Théatre , Jurispru
dence , Anatomie & Medecine , Critique
Mathématique , Memoires , Projets , Traductions
, Grammaires , Pieces amuſantes
et
AVERTISSEMENT.
31
récréatives , &c. Quand les morcea
d'une certaine confideration feront trop
tongs , on les placera dans un Volume extraordinaire
, et on fera enforte qu'on puiſſe
les en détacher facilement , pour la fatisfac
tion des Auteurs et des personnes qui ne
veulent avoir que certaines Pieces.
A l'égard de la Jurisprudence , nous con
tinuerons autant que nous le pourrons de faire
part au Public des Questions importantes ,
nouvelles ou fingulieres qui fe préfenteront,
et qui feront difcutées & jugées dans les dif
ferens Parlements & autres Cours fupérieures
du Royaume , en obfervant l'ordre et la
méthode que nous avons déja tenue en pareille
matiere ; fur quoy nous prions Meffieurs
les Avocats , et les Parties intereffees
, c. de vouloir bien nous fournir les
Memoires néceffaires. Il n'est peut - être
point d'article dans no re Livre qui regarde
plus directement le bien public , que celuy--
là, & qui fe faſſe plus lire.
.
Quelques morceaux de Prose et de Vers:
rejettez par bonnes raisons , ont souvent
donné lieu à des plaintes de la part des
personnes interessées ; mais nous les prions
de considerer que c'est toujours malgré nous
que certaines Pieces sont rebutées , nous
ne nous en rapportons pas toujours à notre
seul jugement dans le choix que nous fair-
Av sonss
AVERTISSEMENT.
sons de celles qui méritent l'impression.
Quoiqu'on ait toujours la précaution de
mettre un Avis à la tête de chaque Mercure
, pour avertir qu'on ne recevra point·
de Lettres ni de Paquets par la Poste dont
le port ne soit affranchi , il en vient cepen...
dant quelquefois qu'on est obligé de rebuter.
Ceux qui n'auront pas pris cette précaution,.
ne doivent pas être su pris de ne pas voir
paroître les Pieces qu'ils ont envoyées , lesquelles
sont dailleurs perdues pour eux , s'ils:
n'en ont pas gardé de copie.
Les personnes qui desir.nt avoir le Mer-..
cure des premiers , soit dans les Provinces:
ou dans les Pays Etrangers , n'auront qu'à
s'adresser à M. Moreau , Commis au
Mercure , vis-à- vis la Comédie Françoise,
à Paris , qui le leur envoyera par
la voye la plus convenab e , et avant qu'il
soit en vente ici. Les amis à qui on s'adress
pour cela ne sont pas ordinairement
fort exacts ; ils n'envoyent gueres acheter ce
Livre précisément dans le temps qu'il paroit
; ils ne manquent pas de le lire , sou
vent ils le prêtent , et ne l'envoyent enfin
que fort tard , sous le prétexte specieux que
le Mercure n'a pas pau plutôt,
Nous renouvellons la priere que nous :
avons déja faite , quand on envoye des Pie-
Ges, soit en Vers , soit en Prose , de les
faire
AVERTISSEMENT.
1
faire transcrire lisiblement sur des papiez
séparez , et d'une grandeur rai
sonnable , avec des marges pour placer les
additions ou corrections convenables , et que
les noms propres , sur tout , soient exactement
écrits..
Nous aurons toûjours les mêmes égards
pourles Auteurs qui ne veulent pas se faire
connoître ; mais il seroit bon qu'ils donnassent
une adresse , fur tout quand il s'agit
de quelque Ouvrage qui peut demander des
éclairciffemens ; car fouvent faute d'un tel
fecours , des Pieces nous reftent entre les
mains , fans pouvoir les employer.
Nous prions ceux , qui par le moyen de
leurs correfpondances reçoivent des nouvelles
d'Affrique , du Levant , de Perfe , de Tartarie
, du Japon , de la Chine , des Indes
Orientales et Occidentales et d'autres Pays
et Contrées éloignées les Capitaines , Pilotes
et Officiers des Navires et Voyageurs
de vouloir nous faire part de ces Nouvelles
à l'adreffe generale du Mercure. Ces matieres
peuvent rouler fur les Guerres pré--
fentes des Etats voisins , leurs Révolutions,,
les Traitez de Paix ou de Treve , les occupations
des Souverains , la Religion des
Peuples , leurs Cérémonies , Coûtumes et
Ufages , les Phenomenes et les Productions
de la. Nature et de PArt , &c. comme
Pierres › A vj
AVERTISSEMENT .
Pierres précieuses , Pierres figurées , Mara
caffites rares , Pétrifications et Chriftalifations
extraordinaires , Coquillages , &c.
Edifices anciens et modernes , Ruines ,
Statues , Bas-Reliefs , Infcriptions , Médailles
, Tab'eaux , &c.
Nous serons plus attentifs que jamais
à apprendre au Public la Mort des Sca
vans et de tous ceux qui se sont distinguez
dans les Arts et dans les Mécaniques 3 on
y joindra le récit de leurs principales occupations
et des plus considerables actions
de leur vie. L'Histoire des Lettres et des
Ats doit cette marque de reconnoissance
à la memoire de ceux qui s'y sont rendus
celeb es , ou qui les ont cultivez avec soin .
Nous esperons que les Parens et les Amis
de ces illustres Morts aideront volontiers.
à leur rendre ce devoir par les instructions
qu'ils voudront bien nous fournir.
Ce que nous venons de dire , regarde
non-seulement Paris , mais encore toutes les
Provinces du Royaume et les Pays Etrangers
, qui peuvent fournir des Evenemens
con iderables , Morts , Mariages , Actes
solemnels , Fêtes et autres Faits dignes d'êtres
transmis à la Posterité.
On a fait au Mercure , et même plus
d'une fois , l'honneur de le critiquer ; c'est
une gloire qui manquoit à ce Livre . On a
bean
AVERTISSEMENT.
beau dire ; Nous ne changerons rien à notre
méthode , puisque nos Lecteurs la trouvent
passablement bonne. Un Ouvrage de la
nature de celui-cy ne sçauroit plaire également
à tout le monde , à cause de la mul
tiplicité et de la varieté des Matieres , dont
quelques- unes sont lûes par certains Lec-·
teurs avec plaisir et avidité , et par d'autres
avec des dispositions contraires . M.du
Fresny avoit bien raison de dire que pour ·
que le Mercure fit generalement approuvé ,
il faudroit que comme un autre Protée , il
pût prendre entre les mains de chaque Lec,
teur une forme convenable à l'idée qu'il s'en
est faite.
C'est assez pour ce Livre de contribuer
tous les mois en quelque chose à l'instruction
et à l'amusement des Citoyens qui vi→
vent ensemble , paisiblement et agréablement.
Le Mercure ne doit rien prétendre,
au-delà. Nous sçavons , il est vrai , que la
médisince , plus ou moins malignement épis
cée , fut toujours un mets délicieux pour la
plupart des Lecteurs , mais outre que nous.
ny avons pas le moindre penchant , nous
renonçons et de tres- bon coeur , à la dangereuse
gloire d'être lûs et applaudis aux.
dépens du Prochain.
"
Nous continuerons à donner des morceaux
de Critique , mais nous n'y souffri
rons
AVERTISSEMENT.
rons jamais rien de trop libre , d'indecent
ni rien qui puisse desobliger ou offenfer per→
sonne. Nous ne sommes point bardis et ne
nous en picquons nullement nous serons
même plus en garde que jamais sur les per
nicieux exemples qu'on pourroit nous don
ner là-dessus.
Nous serons encore plus retenus sur lès
louanges , que quelques Lecteurs n'ont pas
generalement approuvées , en effet nous.
nous sommes apperçus que nous y trouvions:
peu d'avantage ; au contraire nous nous
sommes vus exposez à des especes de reproches
, au lieu des témoignages de reconnoissance
, sur tout de la part des gens à talens,
parce que tel qu'on love nefait nul doute
que ce ne soit une chose qui lui est absotument
due , souvent même il trouve qu'on:
ne le loue pas assez et ceux qu'on ne loue
pas , ou qu'on loue moins , sont très-indispo
sez; car prétendant qu'on loue les autres.
à leurs dépens , ils sont doublement fâchez.
i
Nous donnons ordinairement des Extraits
des Pieces nouvelles qui paroissent sur les
Theatres de Paris , et nous faisons quelques
Observations d'après le jugement du Pubic
sur les beautez etfur les deffauts qu'on
y trouve la crainte de blesser la délicatesse
des Auteurs nous retient quelquefois et nous
empêche. d'aller plus loin , et crainte aussi
;
que
AVERTISSEMENT:
que voulant être plus sinceres on ne nous
accuse d'être partiaux. Si les Auteurs_eux--
mêmes vouloient bien prendre sur eux de
faire un Extrait ou Memoire de leurs Ou--
vrages , sans dissimuler les deffauts qu'on
y trouve , cela nous donneroit la hardiesse
d'être un peu plus severes , le Lecteur leur ·
en sçauroit gré, et ils n'y perdroient pas par
les Remarques , à charge et à décharge , que
nous ne manquerions pas d'ajoûter , sans:
oublier de faire obferver l'extrême diffi
culté qu'il y a de plaire aujourd'hui au Pu
blic , et le péril que courent tous les Ou
vrages d'esprit qu'on lui présente ; nous faisons
avec d'autant plus de confiance cette
priere aux Auteurs Dramatiques et à tous:
autres , que certainement Corneille , Quinault
, Moliere , Kacine , &c ; n'auroient
pas rougi d'avouer des deffauts dans leurs
Pieces.
Il nous reste à marquer notre reconnoissance
et à remercier au nom du Public
plusieurs Sçavans du premier ord e , d'aimables
Muses et quantité d'autres Personnes
d'un mérite distingué , dont les produc
tions enrichissent le Mercure et le font lire
et.rechercher..
**********************
LISTE DES LIBRAIRES
qui débitent le Mercure dans les
Provinces du Royaume , &c.
A Toulouse , chez Enaut et Forest..
"
Bordeaux , chez Raymond Labottiere , chez
Etienne Labottiere , et chez Chapui , fils , au
Palais , et à la Poste. -
Nantes , chez Julien Maillard , et chez du Verger.
Rennes , chez Joseph Vatar , Julien Vatar , Guil
laume Jouanet Vatar et la veuve Garnier.
Blois , chez Masson.
Tours , chez Masson..
Rouen , chez Herault.
Châlons-sur - Marne , chez Sen euse.
Amiens , chez la veuve François , Godard et Redé
le fils.
Arras , chez C. Duchamp.
Orleans chez Rouzeaux .
Angers , chez Fourreau et à la Poste.
Chartres , chez Fetil , et chez J. Roux . -
Dijon , chez la veuve Armil , et à la Poste.-
Versailles , chez Pigeon..
Besançon , chez Briffaut , à la Foste.
Saint Germain , chez Doré..
Lyon , à la Poste..
Reims , chez Godard .
A Vitry- le- François , chez Vitalis .
Beauvais , chez De Saint.
Douay ; chez Willerval.
Charleville , chez P. Thesin
Moulins , chez Faure..
MERMERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AV ROT.
JANVIER. 1732 .
PIECES FUGITIVES ,
en Vers et en Prose .
OD E.
A M. le Duc de Saint- Agnan , Ambassadeur
de France à Rome, en lui envoyant
une nouvelle Traduction des Eglogues
de Virgile.
Uitte ces Bois , Muse Bergere ,
Vole vers une aimable Cour ;
Tu n'y seras point étrangere ,
Tes Soeurs habitent ce séjour ..
Déitez jadis adorées ,
L'Univers écoutoit leurs voix.
DG
Z MERCURE DE FRANCE
De nos jours , Nymphes ignorées ,
Elles n'ont plus l'Encens des Rois.
L'Art des Vers , dans les doctes âges ,
Charma les plus fiers Conquerans :
Il est encor l'amour des Sages ,
Mais il n'est plus celui des Grands.
Art charmant , si Plutus t'exile ,
Si les Cours ignorent ton prix ;
Il te reste un Temple , un asile ;
Un Parnasse à tes Favoris.
De tes beautez arbitre juste ,
Un Héros chérit tes Lauriers ;
1
Tel Pollion , aux jours d'Auguste ,,
Joignoit le goût aux soins gueriers..
Des Chantres vantez d'Ausonie
Mécene fut le Protecteur :
Mais de leur sublime harmonic
I ne fut point l'imitateur.
L'Ami des Chantres de la Seine ,'
Unit dans un éclat égal ,
Au plaisir d'être leur Mécene ,
Le talent d'être leur Rival.
Tu :
JANVIER. 1732.
Tu sçais , Muse , de quelle grace .
Sa Lyre anime une Chanson ;
On croit entendre encor Horace ,
Ou l'élegant Anacréon..
Du Romain il a la finesse ,
Du Grec l'atticisme charmant ,
Comine eux , il prête à la Sagesse ,.
Tous les attraits de l'enjoûment.
Oseras-tu.de ta Musette ,
Lui repeter les foibles Airs ?
Ose ; ton âge et ta houlette
Excusent tes humbles Concerts.-
A ses yeux offre toi sans crainte
Il n'a point ces dures froideurs ,
Cette fastuense contrainte ,
Fieres Compagnés des grandeurs.
Rare vertu d'un rang illustre !:
Ses yeux ne sont point éblouis ,
Du nom brillant , du nouveau lustre ,
Qu'il doit aux faveurs de Louis.
Sous cet auguste Caractere,
Le Tage autrefois l'admira ;
Au succès de son Ministere

Bien-tôt le Tibre applaudira..
Muse
MERCURE DE FRANCE
Muse , prens un essor plus libre ;
Parle toi même à ton Heros ;
Des applaudissemens du Tibre ,
Devenons les foibles Echos .
Digne fils d'un aimable Pere ,
Héritier de ses agrémens :
Imitateur d'un sage Frere ,
Héritier de ses sentimens.
Chargé des Droits de la Couronne ,
Allés , montrés dans cet Employ
Que sans être né sur le Trône ,
On
peut penser et vivre en Roy..
Quand la Poësie ou la Prose
Occuperont vos doux loisirs :
Près des Murs que le Tibre arrose ,
Je vois quels seront vos plaisirs..
Aux beaux Vers toûjours favorable ,.
Toûjours épris du goût des Arts ; -
Vous rétablirez l'ordre aimable
Du siecle des premiers Césars.
On n'y voit plus leur Cour antique
Théatre des Jeux de Phébus ;
C'est encor Rome magnifique >
Mais Rome sçavante n'est plus.
De
JANVIER.
$
1732.
De tant de sublimes Génies ,
Il ne reste chez leurs Neveux
Que les Champs où leurs Symphonies ,
Charmerent l'oreille des Dieux
Vous chérirez cette Contrée ,
Et les précieux Monumens ,
Où leur mémoire consacrée ,
Survit à la fuite des temps.
L'à de Menandre , autre Lélie ,
Reprenant l'Attique Pinceau ,
Vous tracerez l'Art de Thalie ,
A quelque Térence nouveau.
Vous aimerez ces doux asiles ,
Ces Bois , où le Chant renommé ,
Des Ovides et des Virgiles
Attiroit Auguste charmé.
Dans ces Solitudes chéries ,
De la sçavante Antiquité ,
Des poëtiques rêveries ,
Vous chercherez la volupté.
De Tibur vous verrez les traces ,
Et sur ce Rivage charmant ,
Vous
& MERCURE DE FRANCE
Vous vous direz : ici les Graces
De Glicere inspiroient l'Amant.
Là , du Luth galant de Catulle ,
Lesbie animoit les Concerts ,
Ici Properce , ici Tibule.,
Soupiroient les plus tendres Airs.
Aux Tombeaux de ces Morts celebres ,
Vénus répand encor des pleurs;
L'Amour , sur leurs Urnes funebres,,
Attend encor leurs Successeurs.
Il garde leurs Lyres muettes ,
Qu'aucun Mortel n'ose toucher ,
Et leurs Hautbois et leurs Trompettes
Qu'il n'est pas aisé d'emboucher.
Le Chantre d'Aminte et d'Armide,
Ranima leurs nobles accords ,
Mais ce Parnasse resta vuide ,
Quand il descendit chez les Morts.
Muses , Amours , sechez vos larmes ,
Bien-tôt , dans ces lieux enchantez
Vous verrez revivre les charmes ,
De vos Disciples regrettez.
Tivoly
JANVIER. 1732.
7.
Tivoly , Blanduze , Albunée ,
Noms immortels , heureux séjour ,
Sur votre Rive fortunée ,
Apollon ramene sa Cour.
De n'entendre plus vos Orphées ,
Dieux de ces Bords , consolez-vous;
Un Favory des doctes Fées ,
Dans lui seul vous les rendra tous.
Il part , sur vos humides Plaines ,
Portez son Vaisseau , Dieu des Mers;
Et vous , de vos douces haleines,
Jeunes Zéphirs , calmez les Airs .
Hâtez-vous ; mais dans peu
Rendez ce Héros à nos voeux ;
d'années ,
France , à ses nobles destinées ,
Tu dois un champ plus glorieux.
Songe à ce Burrhus , * dont tes Princes,
Apprirent à donner des Loix ;
Son digne frere à tes Provinces ,
Pourra former aussi des Rois .
* M. le Duc de Beauvilliers , Gouverneur des
Ducs de Bourgogne , d'Anjou et de Berry.
A Tours , ce... 1731.
GRESSET,
MERCURE DE FRANCE.
LETTRE sur une Médaille Antique
d'argent .
P. R.
HERCULES ADSERTOR. La tête d'Hercule
represente un vieillard avec une longue
barbe en pointe , et une couronne de Lanrier.
Et sur le revers ... TUNA.
une Divinité debout , dont on ne peut pas
bien distinguer les symboles , la Médaille
qui est fourée , étant gâtée en cet endroit.
Puisque je vous ai promis , Monsieur ,
de vous dire ce que je pensois de cette
Médaille qui est à Paris , dans le riche
Cabinet de M. l'Abbé de Rothelin , et
qui jusques icy peut passer pour être
unique ; je m'acquitte aujourd'hui de ma
parole par cette Lettre , où vous trou
verez mes conjectures sur cette Antique.
Je vous y propose . deux explications
l'une et l'autre a ses avantages et ses difficultez
; je me suis servi des premiers
et j'ai tâché de répondre aux autres . Je
ne me flatte pas cependant d'avoir satisfait
à tout , mais du moins ce que je vous
écris donner envie à quelque aupourra
tre plus habile de vous contenter sur
cet
JANVIER. 1732 .
tet article , s'il vous prend envie de communiquer
ma Lettre à vos amis .
La premiere explication , c'est que cette
Médaille peut fort bien se rapporter au
temps de la mort de Néron , et que sous
les traits d'un Hercule vieillard , vengeur
et protecteur de la liberté , on doit
reconnoître les traits de l'Empereur
Galba , qui , lors qu'il parvint à l'Empire
étoit âgé de 73 ans , et qui en délivrant
Rome d'un Prince qu'elle regardoit avec
justice , comme un Tyran , méritoit l'éloge
qu'on donne icy au Dompteur des
Monstres , et dont , au rapport de l'His
toire , Julius-Vindex l'avoit déja Alatté
lors qu'il l'engagea à prendre les Armes
Hortantis ut humano generi assertorem Ducemque
se accommodaret.
,
Outre cette convenance , vòus rėmarquerez
, s'il vous plaît , que l'épithéte
' ADSERTOR , Sur les Médailles , est contemporaine
de Galba (a ) , puis qu'elle se
trouve sur un grand Bronze ( 6) de Ves
pasien . S. P. Q. R. ADSERTORI LIBERTATIS
PUBLICA , dans une Couronne de chêne.
Cette observation paroît légere , mais
elle ne le sera pas pour vous , Monsieur ,
qui sçavez de quel poids sont ces ressem →
( a )Dans la vie de Galba , n. 9.
( b ) Le P. Hardouin, page 731 , chap. 2.
B blances
to MERCURE DE FRANCE
blances sur les Médailles. Le grand principe
des Antiquaires et le plus sûr étant
d'expliquer ces monumens les uns par les
autres. Le Titre d'Adsertor , au reste , est
tres - rare sur les Monnoyes ; et outre ces
deux cy , je n'en connois qu'une troisiéme
où il se rencontre. J'aurai occasion de
rapporter plus bas. la
Le Revers , FORTUNA P. R. Car je ne
crois pas qu'on me conteste qu'il ne faille
ainsi restituer la légende;ce Revers, dis - je,
convient encore fort bien à l'époque que
je donne à la Médaille et à Galba en particulier,
Premierement il ne faut qu'ouvrir
lesHistoriens, et faire quelque attention au
triste état où Rome se trouvoit réduite
par la tyrannie de Néron , pour se convaincre
que le plus grand bonheur qui
pût arriver à l'Empire , étoit de se voir
délivré d'un tel Prince. Aussi on ne peut
exprimer la joïe que ressentit tout ce vaste
Corps , quand il en apprit la mort,
Adeò cuncta Provincia , dit( a) Aurelius Victor
, omnisque Roma interitu ejus exultavie
ut plebs induta pileis manumissionum , tanquam
savo exemto domino , triumpharet , cr
c'est ce qui nous est confirmé par les Médailles
de Galba , où l'on voit : LIBERTAS
RESTITUTA FELICITAS PUBLICA FORTUNE
( a ) Epitome , 13,
REDUC
JANVIER. 工艺17328
REDUCI FELICITAS BONI EVENTUS ; et autres
Inscriptions semblables.
Pour ce qui regarde plus particulierement
Galba , Suetone rapporte que ce
Prince étant encore jeune , songea une
nuit que la fortune lui disoit, que se trous
vant lasse , elle se reposoit sur sa porte ,
qu'il la fit entrer chez lui au plutôt , sinon
qu'elle seroit enlevée par quelques
autres ; que s'étant réveillé là - dessus , et
ayant fait ouvrir son appartement , il
avoit effectivement trouvé une image de
bronze de cette Déesse , à qui depuis il
avoit toujours continué de rendre un culte
particulier.Suétone place cette avanture
parmi les pronostics qu'eut ce Prin
ce , qu'un jour il regneroit. Il n'est donc
pas surprenant que sur une Médaille frappée
pour lui , on ait representé cette même
Fortune , qui de protectrice de Gal
ba , simple particulier , étoit devenuë par
son avénement à l'Empire , une Divinité
commune à tous les Romains. FORTUNA
P. R.
Il est inutile d'observer que le manque
du nom du Prince sur la Médaille n'em .
pêche pas qu'on ne la puisse donner à
Galba ; puisque tous les Antiquaires lui en
attribuent plusieurs semblables ; telle est
(a) celle d'argent, que j'ai citée plus haut
a ) Le P. Hardoüin , pag. 728. ch.
I'
Bij #E
12 MERCURE DE FRANCE
FELICITAS BONI EVENTUS , avec la tête de la
Félicité ; et au revers , deux mains , qui
tiennent un Caducée , P. R. PAX . Outre
qu'on peut ajouter que ces Médailles ont
été frappées à Rome immédiatement
après la mort de Néron , dans le temps
où Galba étant encore absent, on pouvoit
n'avoir aucun de ses portraits , et sur tout
ignorer quels titres il vouloit qu'on lui
donnât sur la Monnoye.
Je viens à la seconde Explication :
M. Patin , dans son ( a ) Suétone , a fait
graver une Médaille d'argent , ou d'un
côté est la tête d'une femme voilée , au
devant de laquelle est une branche de
Laurier , et pour Légende : LIBERTAS res-
TITUTA; au Revers ,Mars debout , tenant
un Bouclier d'une main , er un Trophée
de l'autre, et ces lettres : MARS AÐSERTOR.
Cet Auteur , sans expliquer autrement la
Médaille , la place parmi celles que les.
conjurez contre Jules - César firent
frapper après la mort de ce grand homme
comme des monumens de la liberté
qu'ils crurent avoir rendue à leur patrie,
>
و
seroit difficile de lui donner une autre
Explication , et je ne doute point
que M. Vaillant dans son ouvrage des
Consulaires , n'en ait jugé de même. Or
1 ) Page 63,
YOUS
JANVIER. 1732.
-
Vous conviendrez , M. que cette Médaillo
et celle de M. l'Abbé de Rothelin , ont
entr'elles un grand rapport. En effet, quot
de plus semblable que Mars et Hercule ,
l'un comme l'autre , Vengeurs et Protec
teurs de la liberté opprimée. ADSERTOR , les
autres Légendes de ces deux Médailles ne
vous disent elles pas la même chose
puisque le bonheur du peuple Romain
FORTUNA P. R. ne vient que de la liberté
qui lui est rendue ? LIBERTAS RESTITUTA ,
que l'une est l'effet , l'autre la cause ? ou
plutôt que toutes les deux sont produites
par la mort d'un Prince que des gens
accoutumez à vivre en République,pouvoient
, avec quelque raison , regarder
comme un Tyran? Je ne m'arrêterai pas
à continuer ce Parallele , il est aisé de
conclure par le peu que j'en ai fait remarquer
, que le même motif a fait battre
les deux Médailles , et qu'elles sont
l'ouvrage des Meurtriers de Jules - César .
On m'a fait une objection qui mérité
d'être examinée ; à sçavoir , qu'on voit
bien la part que Mars peut avoir dans la
mort de Jules-César. C'étoit à ce Dieu
que les Romains devoient leur origine et
les interêts de ce peuple étoient les fiens ;
mais pour Hercule , on ne voit rien de
semblable , et il s'en falloit beaucoup
Biij que
14 MERCURE DE FRANCE
que ce Dieu jouat à Rome un aussi grand
rôle que Mars ; ainsi nulle comparaison
à faire des Médailles , qui portent l'image
de l'un , avec celles qui portent la.
tête de l'autre.
Je réponds à cela , 1 ° . que les Pontifes.
Romains , c'est - à- dire , ceux à qui il appartenoit
de prononcer sur tout ce qui
regardoit les Dieux , ne faisoient de Mars
et d'Hercule qu'une même Divinité .C'est
( a ) Macrobe qui nous l'apprend : Quia
is Deus , dit cet Auteur , en parlant du
dernier , et apud Pontifices idem qui et
Mars habetur.
2º. A ne regarder Hercule que comme
une Divinité distincte et séparée , on ne
peut disconvenir qu'il ne fut tres- considérable
à Rome. Son culte plus ancien
que cette Ville , avoit commencé en Italie
du vivant de ce Héros ; les Romains ;
l'avoient reçu en s'établissant , et on peut
juger de son étendue par le grand nom
bre deTemplest de Statues qui lui étoientconservez
. P. Victor nous en a laissé le
dénombrement ; mais ce qui fait le plus à
notre sujet , c'est que les premieres Monnoyes
que firent frapper les Romains , et
qui portoient une Proue de Vaisseau
empreinte d'un côté , paroissent égale-
( a ) Saturn. lib. 3. cap. 12 .
J
ment
JANVIER.
1752. If
ment de l'autre , avec la tête d'Hercule ,
comme avec celles de Janus et de Mars ,
d'où il est aisé d'inférer qu'il falloit que
ce Dieu fut une des Divinitez protectricès
de Rome.
3. Un autre motif peut avoir enga
gé les Monétaires à mettre la tête d'Hercule
sur cette Médaille . On sçait combien
ce Dieu étoit honoré à Corinthe. (a) Pau
sanias et les Médailles nous en font foy ;
peut - être par l'image de ce Dieu at-
on voulu marquer l'origine que Brutus
tiroit de cette Ville , par Tarquin
l'ancien , de la fille duquel if descendoit.
Ma conjecture se trouve appuyée par
(b ) M. Beger , dans l'explication qu'il a
donnée d'une Medaille du Cabinet de
Brandebourg , où l'on voit d'un côté une
tête couverte d'un Casque , derriere la
quelle est une massuë ; et au Revers , ce
mot , ROMANO , étoit écrit sous une Louve
qui allaicte deux enfans . Il n'en a pas
fallu davantage à cet Auteur , que cette
massuë , pour lui faire soupçonner que la
tête casquée étoit celle d'un des Tar,
quins précisément , parce que ces Princes
venoient de Corinthe ,et qu'Hercule , dont
la massuë est le symbole , étoit un des
( a ) Lib. z.
( b ) Tom to pag. 33.86
Biiij Dieux
18 MERCURE DE FRANCE
Dieux Tutelaires de cette Ville . Si cette
observation a lieu , voilà l'état de la Médaille
que nous examinons tout- à-fait
determiné. Elle est consulaire, et doit être
placée avec celles de la famille de Junia .
Au reste , cette Medaille , pour le dire en
passant, peut servir à determiner la leçon
d'une autre , de la famille de Sicinia , où
l'on lit FORT. P. R. ( a ) que Fulvius Ursinus
, aussi-bien que M. Patin, qui n'a rien
changé à cet endroit , explique par FORTITUDO
P. R. et qu'il faut lire avec ( b )
M. Spanheim, FORTUNA P.R. Comme dans
la Médaille de M. de Rothelin.
Voilà , M. à peu près tout ce que j'avois
à dire; il ne me reste plus qu'un mot
à ajouter , et qui encore ne regarde que
la Médaille , sans rien ôter aux explications.
Par les vestiges qui restent des Lettres
effacées par la rouille , il paroît qu'il
y en avoit plus que le mot de FORTUNA
P. R. n'en comprend , et il s'agit d'y suppléer.
Je crois qu'on ne le peut mieux
faire que par l'Epithete de BONA , qui a
été donnée sur les Médailles à d'autres Divinitez
du même rang. ( c ) BON. EVENT.
( a ) Famil. Rom . 263 .
(b ) De Usu et Pras. Num. pag. 5750
(c ) Med. de lafamille Scribonia,
BONE
JANVIER. 1732 . 17
(a ) BONA SPEI. (b) BONO GENIO IMP. et à la
fortune , elle- même sous Gallien , BONE
FORTUNE. Outre que vous sçavez mieux
que moi que ,dès le temps de la Républi
que , cette Divinité étoit adorée dans le
Capitole , sous le nom de favorable : Boni
eventus , et Bone fortuna simulacra in Capitolio.
Pline , liv. 36. cap. 5.-
Je suis , Monsieur , & c.
(a ) Med. de Pescen . Niger.
(b ) Med. de Maximin d'Aza.
A Orleans , ce 5 Oct. 1731
***** XXX:XXXXXXX
LA SAINT ANDRE
Vo
OD E
A M. Desbois , Grand- Bailly:
du Masconnois.
Ous voici de retour , solemnité sacrée
Vous qui renaissez tous les ans
Où la mémoire révérée :
Du vainqueur de Patras , triomphera des tems;
* Patras ,Ville d'Achaïe , où Saint Andréfur
martyrisé..
By Jour
18 MERCURE DE FRANCE
Jour heureux , où les destinées
Offroient à nos désirs les momens les plus doux ,
Vous revenez , hélas ! et mes jeunes années
Ne reviennent point avec vous ?

La Fête étoit fondée , et la magnificence
D'André Demeaux , votre Filleul,
Grand Saint , se fut fait conscience
Dans ce jour solemnel , d'avoir mangé tout seul .
Alors une terrible guerre
Dépeuploit le païs de Perdrix , de Poulets ,
Le Vin Rosé de Nuits , et le Gris de Tonnere .
N'étoient que le Vin des Valets ..
C'étoit en ce moment , où de flots de Razades,
Le plancher étoit inondé ,
Dont le plus fin des camarades.
Ayoient subtilement le danger éludé ;
Une telle supercherie
Dont je m'accuse icy , me venoit à propos ;
Moins de valeur Bachique , et plus de tricherie à
C'est ainsi qu'on fait de vieux os..
Toujours du fond des pots , la fine raillerie
Sur les Verres alloit flotant ;
Sur Célimene , et sur Sylvie
Les
JANVIER.
1.9. 1732.
Les Convives joyeux tiroient à bout portant 3:
Toutefois dans leur hardiesse ,
Les plus déterminez sçavoient se moderer ,
Leurs mots les plus tranchans n'emportoient
point la piéce,
On ne faisoit que s'effleurer.
Qu'êtes - vous devenus , Beuveurs infatigables ,
Demeaux , Ruffé , Sarron , Gondras ,
Terreur des Celliers et des Tables ,
Et tant d'autres Acteurs que je ne nomme pas ?:
Hélas ! la Parque impétueuse ,
A trop précipité votre fatal instant ,
Et vous a refusé la santé précieuse
A qui vous buvież tant et tant、»
Vous que par excellence on nommoit vieille:
Barbe >
Et dont sur le Bacchique Mont-
On cut pû faire une légende
Comme ont fit autrefois des Bandes de Piémont..
De tant de graces assorties
Notre avenir ingrat ne dira pas un mot ,
Sivotre hom ne refte écrit sur les parties
Du fameux Traiteur Rayetot,
Bvj Pour
20 MERCURE DE FRANCE
Pour moi , simple Soldat de votre compagnie ,.
Je voudrois par tout l'Univers
Porter votre gloire infinie
Și le monde poly faisoit cas de mes Vers.
Mais , que mes desseins réussissent
Malheureux que je suis , pourrois- je me flater ?
Je ne puis aller loin , car mes jambes mollissent ,
Et ne veulent plus me porter.
Sur l'exemple fameux de notre Chef de Bande ,
Nous nous régalions tour à tour ,
Et payant la joyeuse offrande
De la plus sombre nuit nous faisions un beau
jour.
Ainsi , tout le long de l'année
Par un enchantement que nous prenions en gré ›
Nous nous renouvellions , et de chaque journée .
Nous faisions une saint André,
yous ,
blée
Sage des Bois ; qui dans notre assem-
Daigniés vous trouver quelquefois .
Sans que confuse ni troublée
Jamais votre raison s'écartât de ses Loix ,.
Avoüez que dans mes saillies
Vous trouviez les bons mots bien souvent de sai
son
Et
JANVIER.. 2
17328
Et qu'il vient dans un temps de certaines folies
Qui valent mieux que la raison.
Si de quelques regrets ce temps passé vous tou
che
Convenez- en de bonne foy ,.
Et malgré la vertu farouche
Donnes quelques momens pour le plaindre avec
moy ,
Ces momens si dignes d'envie
Pour les revoir si gais , et si bien policez ,
Je donnerois , Bailly , cinquante ans de ma vie ,
Du moins s'entend des ans passez.
DE SENECE .
LETTRE de M*** à M. H. Chanoine
de l'Eglise Cathedrale de *** sur le choix
que les Musiciens ont fait de Ste Cecile
pour leur Patronne.
'Est chose très -loüable , Mon-
Csieur , que dans chaque Profession
il y ait un saint Patron dont on se propose
d'imiter les vertus en même temps
qu'on se porte à célébrer sa Fête. Mais
yous m'avouerez que souvent il est arrivé
que
22 MERCURE DE FRANCE
que les Particuliers desquels ce choix a
dépendu , n'ont pas été heureux dans
celui qu'ils ont fait. Je m'amusai , il y a
plus de vingt ans , à parcourir un Calendrier
qui s'imprimoit à Paris , chez Louis
Josse , sous le nom d'Almanach spirituel :
Je trouvai qu'il y avoit bien des refléxions
à faire sur les raisons qui ont pû
fixer certains choix qui paroissent avoir
été faits d'une maniere assès burlesque
et je ne craindrois point d'être désa prouvé
par ceux qui composent les Confreries :
dont le saint Patron est mal choisi , si
j'osois entrer dans le détail de quelquesuns.
Il est vrai que toutes les Professions ,
Arts , et Etats n'ont pas le bonheur d'avoir
des Saints qui ayent exercé ces Professions
; ou si des gens de bien les ont
exercées , ils n'ont pas ей , pour cela , la
gloire d'être canonizez . Il n'est pas de:
tous les Etats comme de celui des Medecins
, qui , outre un S. Luc , ont encore
S. Côme et S. Damien. Il est des Artisans
de bien des especes : et tous n'ont pas l'avantage
d'avoir comme les Orfévres
un Personnage qui se soit sanctifié dès le
temps auquel il exerçoit ce métier , comme
a fait un S. Eloy. Mais il faut aussi
avouer qu'il y a des Etats et des Profes-
>
sions
1
JANVIER 1732: 2:3
و
sions qui ont fourni des Saints , ausquels .
cependant on ne pense pas davantage que
s'ils n'étoient jamais venus au monde ,.
des Saints dont il y auroit d'excellentes:
choses à dire en Chaire pour l'instruction:
des gens du même état si le choix du
Patron étoit fait avec un peu plus d'attention
et de discernement. Qui empêcheroit
, par exemple , les Marchands de
prendre pour Patron un S. Homebon
Marchand de la Ville de Cremone , les :
Laboureurs , un S. Isidore , qui a été Laboureur
en Espagne , et les Vignerons ,
un S. Antonin de Sorrente en Italie
qui planta de ses propres mains une Vigne
dont le Vin étoit si délicieux , qu'on
n'en présentoit point d'autre à tous les
Princes et grands Seigneurs qui passoient:
dans ce Pays -là .
"
و
Tout ce que j'ay dit jusqu'icy , Mon--
sieur , n'est que pour en venir à une Profession
qui est très- remarquable dans nos
Eglises c'est, celle des Musiciens . Tant
de Saints ont chanté , comme eux , en Public
les louanges du Seigneur , que le
nombre en est inexprimable . Il y a eû
aussi des Saints qui ont écrit sur le Chant
Ecclésiastique , d'autres qui ont sçû jouer
des Instrumens. Les uns ont perfectionné
le Chant ou la Musique dans la Speculation:
24 MERCURE DE FRANCE
tion : les autres y ont donné de nouveaux
accroissemens dans la Pratique . Tel Saint
fabriquoit lui- même des Instrumens de
Musique ; tel'autre donnoit des Regles
pour s'en servir. N'est- ce pas là ce que
font les Musiciens de nos jours ?
La chose étant ainsi , ils devoient donc
choisir pour leur Patron un Saint de quelqu'unes
des especes que je viens d'indiquer.
Mais au lieu de prendre ce party ,
et de se fonder sur une Histoire bien averée
, ils se sont arrêtés à une Legende telle
qu'elle , et ils ont été déterminez à l'occasion
d'un mot unique , dont ils n'ont
pas pris la peine de se donner l'intelligence.
S'il est vrai que ce choix est proportionné
aux lumieres qu'on avoit il y a
cent ou six-vingt ans , il ne s'ensuit pas
de là qu'il doive toujours subsister.
7
ya :
On ne peut gueres douter que les Musi--
ciens et les Chantres inferieurs des Eglises
Canoniales n'ayent été portez à se choisir
un jour de Fête , lorsqu'ils ont vû que
les autres Professions en avoient. Il y eut
un temps , comme tout le monde le sçait,
que les Prêtres (a ) avoient pour Fête Patronale
le jour de S. Jean l'Evangeliste
les Diacres le jour de S. Etienne , les Soû-
(a) Quelques Personnes assurent que dans les plus
bas siécles les Prêtres ont choisi la Transfiguration
pour leur Fête Patronale.
diacres
JANVIER 173.2. 2*
diacres un autre jour voisin de la Fête de
Noël. Le reste du choeur se joignit appa
remment à ces derniers. Mais depuis qu'on
eût déclaré dans le XV. siécle une Guerre
ouverte à cette Fête du bas-Choeur , il y
eut du partage dans le choix du jour qui
passeroit pour la solemnité patronale. En
certains Pays on s'arrêta à S. Gregoire ,
Pape , en l'honneur duquel on trouvoit
un Office propre tout noté dans les anciens
Antiphoniers. En d'autres où l'on
ne pût goûter le choix de la S. Gregoire ,
parce qu'elle tombe en Carême , on choisit
les 7. Freres Martyrs , Enfans de Ste
Felicité , par une raison assez frivole. (a) -
Quoiqu'il en soit , il n'y a gueres plus
de cent ans que les Musiciens , ou Chantres
gagèz étoient partagez selon les Pays,
sur le choix de leur Fête Patronale , et
qu'ils reconnoissoient differensSaints pour
leurs Patrons . Dans la Flandre , où la Mu
sique a fleuri plus qu'en certaines autres
Provinces du Royaume , l'on ne connoissoit
point encore Sainte Cecile pour Protectrice
des Musiciens , il y a cent- cinquante
ans. Si elle avoit été représentée
comme telle , et avec un Jeu d'Orgues ,
vers l'an 1580 , Molanus , célebre Doc
teur de Louvain , qui marqua dans le Li-
(4) Auxerre.
VIQ
26 MERCURE DE FRANCE
vre qu'il fit imprimer alors sur les Images
, toutes les figures symboliques qu'on
ajoutoit aux Statuës des Saints , n'auroit
pas oublié Sainte Cecile ; cependant il ne
dit pas un seul mot de cette Sainte : ce
qui est une marque qu'il ne l'avoit encore
vûe représentée en aucun endroit.
Je me crois donc assès fondé pour avan
cer que ce n'est que depuis un Siecle , ou ,
un peu plus , que les Musiciens se sont
réunis à choisir cette Sainse pour leur Patrone.
L'Office propre qu'on chantoit
presque par tout en son honneur depuis
plusieurs siecles , aura gagné alors leurs
suffrages , et les aura déterminé à ce choix.
Ceux d'aujourd'huy croyent qu'il a été
fait avec tant de maturité et de déliberation
par leurs Prédecesseurs , qu'il est
difficile de les en faire revenir. L'habi
tude dans laquelle ils sont , de voir Sain
te Cecile représentée avec un Jeu d'Or
gues , fait qu'iis continuent de croire
qu'elle étoit de la Profession , ou au moins
qu'elle aimoit les Instrumens musicaux
cependant , à considerer les choses dans
leur origine , on reconnoîtra que ce Jeu
d'Orgues n'a été ajoûté aux figures de
cette Sainte , que depuis que les Musiciens
se sont mis sous sa protection. C'est
ainsi qu'ils prennent l'effet pour la cause
et la cause l'effet..
pour
Je
JANVIER 1732. 27
Je ne vous diray pas en quelles Provinces
ce choix a d'abord été fait. Il y a
apparence que c'est en Italie. Les honneurs
qu'on prétend rendre à Sainte Cecile
par la Musique , y sont même poussez
jusqu'à un point qui pourra vous réjouir.
Dans une Ville de cette vaste partie
de l'Europe , l'une des Eglises Paroissiales
porte le nom de Sainte Cecile. Le
Clergé n'en est pas fort nombreux , par
ce qu'il y a dans la même Ville cinquante-
cinq autres Paroisses, Une Personne
grave qui m'a honoré de son amitié dans
sa vieillesse , m'a dit qu'elle entra dans
cette Eglise l'an 1669. à son retour de
Rome : c'étoit un Dimanche au soir !
Elle y trouva le Curé qui disoit Vêpres.
tout seul : mais le son de sa voix étoit
admirablement secondé par un grand
nombre de petits Oiseaux qui faisoient
dans la Tribune des Orgues un gazoüillement
très agréable . S'étant informé de
Forigine de cette Musique , on lui dit
que ces Oiseaux étoient nourris là comme
dans une Voliere , où ils faisoient un con--
cert jour et nuit pour honorer Sainte Cecile
, et que la Paroisse n'ayant pas assès .
de revenu pour y faire chanter l'Office
excepté le jour de la Fête Patronale , on
se contentoit durant le reste de l'année
·
des
28 MERCURE DE FRANCE
des services de ces petits Musiciens . Vous
pouvez croire qu'en dédommagement , il
n'y a rien d'épargné le 22 Novembre
et que tous les Enfans de Sainte Cecile .
tiennent à honneur de se réunir ce jour- là.
dans ce lieu .
On est persuadé en Italie plus qu'ailleurs
, de la verité de tout ce que les
Legendes du Beviaire renferment ; et Tes
Musiciens qui ne se picquent pas d'être
grands Critiques en fait d'Histoire , s'en
rapportent volontiers à la croïance de ceux
qui les ont éleveż . Soit que ce soit en Italie,
ou dans les ProvincesMeridionnales de
la France que le choix ait été fait d'abord
de Sainte Cecile pour Patrone des Musiciens
, il est constant qu'il est très - mak
fait. Je ne songeois à rien moins qu'à vous
prier de rendre publique cette Lettre lorsque
l'on m'a fait voir une Lettre circulaire
, imprimée en forme d'Affiche de la.
part du Maître de Musique de l'Eglise
Cathédrale du Mans , par laquelle tous
les Musiciens du Royaume sont invitez.
à mettre en Musique les paroles jointes à
cette Lettre , destinées à servir de Motet
à la Messe solemnelle de la Fête de Sainte
Cecile. Et comme si le sujet étoit le plus
heureux du monde , on y ajoûte les mêmes
clauses et conditions qui sont ordinairement
JANVIER 29 1732.
,
nairement proposées pour les Pieces d'Eloquence
ou de Poësie qui subissent l'éxamen
de differentes Académies , établies
dans le Royaume et qui sont honorées
d'un prix de conséquence. La Piece Musicale
sera examinée : ( on ne dit pas par
qui :) et celle qui sera trouvée la meilleure
dans le genre de Musique qu'on demande
, sera chantée préferablement aux
autres dans l'Eglise du Mans , et l'Auteur
sera récompensé d'une Croix d'or. J'ay
appris aussi que dans l'Eglise d'Evreux ,
et dans les autres de Normandie on a fait
dans le siécle dernier quelque chose de
semblable ; au moins on en produit des
Programmes ou Avis imprimez en 1667.
et 1668. Et encore de nos jours a Evreux,
lorsqu'il arrive qu'un Maître de Musique
qui a du renom , s'y rend au 22 Novembre
, pour faire chanter une Musique de
sa façon à la Fête de Sainte Cecile , on lui
fait present d'une Médaille d'argent , qui
représente d'un côté l'image de cette Ste.
et de l'autre les Armes du Chapitre.
que
Sainte Cecile étant ainsi devenue le sujet
des Chef- d'oeuvres de Musique , on
ne peut pas attendre l'effet du maumais
choix se manifeste plus évidemment,
et il paroît que le temps est venu de combattre
le fondement de ce choix.
Comme
30 MERCURE DE FRANCE
,
Comme toutes choses sont sujettes à
vicissitude sur la terre et que tous les
jours on avance dans la connoissance de
l'Histoire on a découvert que le choix
de Sainte Cecile pour Patrone des Musiciens
n'est appuyé que sur un fondement
ruineux , c'est- à- dire,sur des Auteurs qui
attribuent à cette Sainte des faits qu'il
leur a plû d'imaginer pieusement , ou sur
un texte historique mal entendu , et pris
à contre-sens , en cas qu'il soit veritable ;
et c'est ce qu'il est besoin de développer.
Que disent sur la Legende de cette Sainge
les Historiens réconnus pour les plus éclairez
de nos jours ? M. de Tillemont (1) déles
contradictions qui se trouque
cla
dans
ses
Actes
, en
donnant
une
idée
vent
assès désavantageuse , qu'ils ne sont composez
que de Miracles extraordinaires ,
et d'autres choses qui ont peu d'apparence
de verité que , quoiqu'ils soient assès
anciens pour avoir été vûs par le vénérable
Bede , il ne croit pas , cependant ,
qu'il y ait moyen de les soutenir. Le Pere
Garnier , Jesuite , dont on a quelques ouvrages
sur l'antiquité Ecclésiastique , qui
sont fort estimez , combat ces Actes pat
l'endroit du Prefet Almaque , dont ils
font mention , outre plusieurs autres fau
(1)Tom. III. Hist. Eccl. p. 689.
tes
JANVIER 1732. 31
4

tes dont il reconnoit qu'ils sont pleins
M. Baillet (1 ) assure qu'ils n'ont presque
aucune autorité , qu'ils sont difficiles à
soûtenir dans presque toutes leurs cir-
Constances soit pour les temps et les
dieux , soit pour les grands Discours et les
grands Miracles qu'ils contiennent. Il est
Vrai que dans un autre endroit ( 2 ) il dit
que ces Actes n'ont rien de choquant ou
de scandaleux dans ce qu'ils ont d'incroyable
mais il ajoûte aussi - tôt qu'ils
n'ont rien d'authentique dans ce qu'ils
paroissent avoir de plus noble. Le Public
peut croire par avance , que le jugement
des sçavans Bollandistes ne se trouvera pas
beaucoup different lorsque le temps sera
venu qu'ils seront obligez de s'expliquer
on peut même , sans trop hazarder
, conclurre de ce que leurs Prédéces
seurs ont dit au 14 Avril , sur S. Valerien
et S. Tiburce , et au 25 Mai , sur S. Urbain
, que ceux de leurs Confreres à qui
il appartiendra , de traiter les Saints du
22 Novembre , ne s'éloigneront pas extrêmement
de ce qu'a dit le Pere Garnier ,
et même il peut se faire qu'avec le temps
il leur vienne de nouvelles lumieres pour
impugner encore plus fortement les Actes
(1 )Table critique du 22 Nov.
>
(3) Au 22
Novembre
9
de
2 MERCURE DE FRANCE
de Sainte Cecile , et les faire abandonner
generalement.
و
C'est donc le peu de fond qu'il y a à
faire sur cette piece , qui a porté les Evêques
, qui ont fait réformer leurs Breviaires
à en rétrancher cette Legende. Il y en
a qui n'ont assigné à Ste Cecile aucune
Leçon propre , et qui ont tout renvoyé
au commun ou l'ont réduit en simple
commemoration , comme on vient de faire
à Langres. D'autres ont permis qu'on inserât
à Matines un Fragment du Sacramentaire
de S. Gregoire , où il est dit simplement
que Cecile a été fortifiée par la
grace de Dieu , de maniere que rien n'a
pû ébranler sa foy et sa vertu , ni le penchant
de l'âge , ni les caresses du siecle ,
ni la foiblesse du sexe , ni la cruauté des
tourmens , cet Eloge n'ayant pû fournir
qu'une seule Leçon fort courte , c'est ce
qui a été cause que l'Office du 22 Novembre
a été réduit à trois Leçons , dont deux
sont de la Sainte Ecriture. Par là toutes
les Antiennes et Répons propres qui
étoient dans les Antiphoniers precedens ,
ont été rejettez , et par conséquent l'AntienneCantantibusOrganis
ôtée de l'Office.
Or comme il n'y avoit que cet endroit de
la prétendue Histoire de la Sainte , qui ,
après bien des siecles , avoit déterminé.
les
JANVIER 1732. 33
les Musiciens et Joueurs d'Instrumens à
la choisir pour Patrone ; il est bon de faire
quelques refléxions dessus , afin d'en montrer
la foiblesse , et de faire voir que ,
quand même il seroit bien averé , il prou
veroit seulement qu'il y avoit autrefois
des Instrumens de Musique dans les nôces
chez les Romains , ce que personne ne
revoque en doute , et qui n'a nulle liaison
avec l'usage qu'on a fait de ce Texte.
:
Ce Texte dit donc simplement que Cecile
fut promise à un jeune homme appellé
Valerien que le jour des nôces étant
venu , elle parut vêtuë d'habits éclatans -
en or , par dessous lesquels elle portoit le
cilice que les Instrumens de Musique
faisoient retentir dans la Salle où étoit le
lit nuptial toutes sortes d'airs convenables
à une telle conjoncture ; mais que Cecile ,
sans y faire attention , ne s'appliquoit interieurement
qu'à Dieu seul , à qui elle
disoit du fond de son ame : » Seigneur, que
» mon coeur et mon corps soient conser-
» vez sans tâche , afin que je ne sois pas
» confondue. Cujus Dei ) vocem audiens
Cecilia Virgo clarissima absconditum semper
Evangelium Christi gerebat in pectore ..
Dominum fletibus exorans , ut virginitas ejus
ipso conservante inviolata permaneret. Hac
Valerianum quemdamjuvenem habebat spon
C SU
34 MERCURE DE FRANCE
sum : qui juvenis in amore virginis perur
diem gens animum constituit nuptiarum.
Cecilia verò subtus ad carnem cilicio induta
, desuper auratis vestibus regebatur. Parentum
verò tanta vis et sponsi circa illam
erat exæstuans , ut non posset amorem cordis
sui ostendere , et quod solum Christum diligeret
indiciis evidentibus aperire. Quid multa
? Venit dies in quo thalamus collocatus est.
Et cantantibus organis , illa in corde suo soli
Domino decantabatidicens : Fiat cor meum et
corpus meum immaculatum , ut non confundar
; et biduanis ac triduanis jejuniis orans
commendabat Domino quod timebat. Invita
bat Angelos precibus , lachrymis interpellabat
Apostolos , et sancta omnia Christo famulantia
exorabat , ut suis eam déprecationibus
adjuvarent suam Domino pudicitians
commendantem. (a)
Après avoir ainsi exposé l'endroit des
'Actes de Ste . Cecile , qui a déterminé le
choix des Joueurs d'Instrumens et des
Musiciens , je puis conclure hardiment
que cette Sainte n'a été choisie par eux
pour Patrone que parce qu'on lit que
forsqu'il fut question de la marier , il y
avoit des Instrumens à la Fête. De sorte
que , sans faire attention que l'Histoire
de cette Sainte , telle qu'elle est , la repré
(a) Je tire ce Texte d'un Manuscrit de 600 ans.
sente
JANVIER 1732. 5
2
sente comme mariée malgré elle , et comme
ayant une répugnance marquée à entendre
toute cette mélodie , et songeant
plutôt aux choses spirituelles , on la prend
pour la Protectrice des Symphonies et des
Concerts qui se font au moins avec autant
d'appareil que celui qui , selon les mêmes
Actes paroissoit lui être à charge. En
effet , le langage de l'Historien laisse
penser qu'il en étoit de la Musique à son
égard , comme des beaux habits dont elle
étoit parées et c'est avec raison qu'il prétend
faire son Panegyrique , lorsqu'il dit
qu'elle n'avoit pas plus d'attache à l'un'
qu'à l'autre. Une legere attention sur ce
contraste suffit , ce me semble › pour dé
tromper bien des
gens , touchant la justesse
prétendue du choix fait par les Mu
siciens . Ce n'étoit pas un Privilege particulier
à Ste . Cecile , d'avoir des Joueurs
d'Instrumens à ses nôces : c'étoit la coûtume
de son temps , comme ce l'est encore
aujourd'huy . Il n'y a gueres de Saints
parmi ceux qui ont été mariez , qui ne
se soient peut-être trouvez dans de sem
blables circonstances . Pourquoi donc choisir
plutôt Sainte Cecile qu'une autre ?
Est-ce à cause que la Musique des Instrumens
a paru lui déplaire , ou au moins nè
faire aucune impression sur ses sens ?
Cij
36 MERCURE DE FRANCE
:
Je prévois bien , Monsieur , que mes
reflexions ne feront pas plaisir à un grand
nombre de Musiciens . Etant accoutumez
à juger de la verité et de l'antiquité des
choses , parce qu'ils en voyent de leurs
jours , ils diront que le choix de Ste. Ce-.
cile pour Patrone de leur Profession , ne
peut être que bon et ancien , puisqu'il est
si étendu, J'avoue qu'il n'est que trop
étendu mais aussi il faut convenir qu'il
a été fait dans un temps où l'on tenoit
pour véritables les Actes qui portent son
nom , et où l'on croyoit qu'un seul mot
dans l'Office , pourvu qu'il eût rapport
à la Musique de loin ou de près , directement
ou indirectement , suffisoit pour se
fixer et s'arrêter. Dispensez - moy d'entrer
en explication de certaines autres Professions
qui n'ont pas été plus heureuses , cr
de vous citer l'origine du choix d'un
grand nombre de Confreries. Après tout ,
quoique les Actes de Sainte Cecile soient
faux , la Sainte n'en est pas moins réelle
et veritable. Quoiqu'on ne sçache point
même en quel Pays elle a été martyrisée ,
et qu'il soit incertain si c'est à Rome ou
dans la Sicile , il n'en est pas moins constant
que cette Sainte est une veritable
Martyre. Et puisque son nom est dans le
Canon de la Messe il en faut conclure
qu'elle
JANVIER 1732. 3
qu'elle est une des plus anciennes Martyres
de l'Eglise Romaine. C'est tout ce
qui peut faire son Eloge , sans que pour
cela la Musique doive s'y interesser plus
qu'à une autre Sainte , par les raisons peremptoires
que j'ai apportées.
En abandonnant le choix qui a été fait
si mal- à -propos dans ces derniers temps ,
il est nécessaire de le remplacer par quelque
autre Saint qui puisse être proposé
avec fondemens au Corps des Musiciens ,
et à leurs aggrégez . On se fatigueroit en
vain à chercher pour cela un Saint de la
premiere antiquité ; puisque la Musique
dans le sens qu'ils veulent qu'on l'entende,
est assez nouvelle dans l'Eglise . Il seroit
question de découvrir l'introduction des
Instrumens dans l'usage des Offices Divins
, et de trouver quelque saint personnage
qui se soit plû à en jouer , Le siécle
de Charlemagne fournit un S. Arnold
du Duché de Juliers : mais la Profession
de simple Joueur de Violon qu'il exerça ,
n'est pas proportionnée à tout ce que la
Musique renferme. En descendant quelques
siécles plus bas , on trouve un Saint
Dunstan , Archevêque de Cantorbery
en Angleterre. Les Auteurs de sa vie le
représentent comme un Personnage qui
se plaisoit dans sa jeunesse à jouer de toute
Ciij sorte
38 MERCURE DE FRANCE
sortes d'Instrumens , du Psalterion , de la
Guitare , des Orgues , et toujours pour
les louanges de Dieu . Quamvis omnibus :
artibus Philosophorum magnificè polleret ,
ejus tamen multitudinis qua. Musicam instruit
, eam videlicet que Instrumentis agitatur
speciali quadam affectione scientiam vindicabat
, sicut David Psalterium sumens ,
Citharam percutiens , modificans Organa 2,
Cymbala tangens. (a ) Et plus bas ils rapportent
, que lorsque Athelme , Archevêque
de Cantorbery , l'eût produit auprès
du Roy Ethelstan , ce fut sa parfaite´
habileté à jouer de tous les Instrumens
qui lui concilia l'amitié du Roy et de
toute la Cour. Cum videret Dominum Regem
secularibus curis fatigatum , psallebat in.
Tympano , sive in Cithara , sive alio quolibet
musici generis Instrumento : quo facto
tam Regis quam omnium corda Principum
exhilarabat. Et afin que par le mot Psallebat,
on ne puisse entendre des Airs profanes
, il est dit un peu plus haut du même
Saint : Sicut David ergo noster symphonista
Vasa cantici habuit , quia usum illorum
nonnisi in divinis laudibus expendit.
Mais si l'on ne veut point recourir à
P'Angleterre pour y choisir un Saint Protecteur
de la Musique , et si l'on est
(a) Osbernus seculo V. Benedictino.
bien
JANVIER . 1732. 39
bien aise de ne pas déplacer la Fête des
Chantres de la saison où elle se trouve
aujourd'hui , on peut prendre un Saint
de notre France qui est assez celebre
dont la Fête arrive le 18. Novembre , qui
est le jour auquel il déceda à Tours l'an
942. C'est S. Odon. Il avoit eu à Paris
pour Maître de Musique le fameux Remi
d'Auxerre cet homme generalement
versé en toute sorte de sciences. Il avoit
appris sous lui à connoître les differentes
combinaisons des harmonies , consonantes
, affinales , &c. par le moyen du monocorde
qui servoit alors à instruire les
Commençans ; et il devint par la suite si
habile dans la Musique Ecclesiastique
qu'il fut jagé digne d'être Grand- Chantre
de l'Église de Tours , où il composa
plusieurs Pieces de Chant. Il est vrai qu'il
ne resta point dans cet état ; s'étant fait
Religieux il devint Abbé de Clugny ;
mais il aima toûjours les mélodies Ecclesiastiques
, et il en composa jusqu'à la fin
de sa vie. Ce Saint appartient plus parriculierement
à l'Eglise de France , puisqu'il
a été Membre d'une des plus illustres
Eglises du Royaume, ( a) où l'on s'est
toûjours appliqué à faire l'Office avec
majesté.
(a )Tours.
Ciiij Quelque
40 MERCURE DE FRANCE
Quelque Musicien versé dans l'Histoire
, pourra dire , que puisqu'il est à
propos de se départir du mauvais choix
fait de Sainte Cecile , il vaut autant que
dans chaque Pays les Musiciens ou Chantres
de profession se choisissent un saint
Patron particulier , et que peut être se
trouvera t'il peu de Provinces où il n'y
ait des Saints qui ont été amateurs du
Chant , ou qui ont eû quelque rapport
avec l'exercice de cette Science . Je ne
parle point de l'Eglise de Lyon , où l'on
connoît un S. Nicier , Evêque , qui s'est
distingué dans le Chant Ecclesiastique et
qui même l'a enseigné à de jeunes enfans
; cette Eglie peut bien celebrer une
Fête de Chantres de Plain -Chant , mais
non pas de Musiciens , parce qu'elle n'en
a jamais admis dans le sens qu'on entend
aujourd'hui le nom de Musiciens . L'Eglise
de Clermont a eu un S. Gal et un
S.Priet, Evêques, qui ont cultivé particu
lierement la science du Chant, excités par
l'avantage qu'ils avoient d'être doüez d'une
belle voix. L'Eglise de Paris a eû aussi
pour Prélat un Saint qui pourroit très - bien
être choisi pour Patron de la Musique de
cette Capitale du Royaume ; c'est S. Germain.
Le Poëte Fortunat , qui a écrit son
Eloge en Vers, fait une description si pompeuse
JANVIER 1732. 4.I
peuse de de la maniere dont on celebroit
Office dans son Eglise Cathedrale , qu'on
diroit que ce Saint y auroit établi le contrepoint
et le Faubourdon , quoique cela ne
soit pas. Il est seulement vrai de dire qu'il
anima le Chant , et qu'il le regla. Mais
puisque ce sont les mouvemens que se
donnent des Particuliers de l'Eglise du
Mans qui m'excitent à vous écrire , ne
peut- on pas leur dire qu'ils cherchent
bien loin ce qu'ils ont chez eux- mêmes.
Ils ont, en effet, S. Aldric , qui de Préchantre
de l'Eglise de Metz , fut fait leur Evêque
au neuviéme siecle. Il n'étoit point de
ees Préchantres simplement porteurs de
Bâton et de Chappe ; l'Histoire de sa Vie
publiée au troisiéme Tome des Mélande
M. Baluze , dit de lui
ges
dès sa
que
jeunesse : Cantum Romanum atqu: Grammaticam
sive divine scripture seriem bumiliter
discere meruit , quibus pleniter atque
doctissimè instructus est ; il semble qu'un
Evêque du Mans qui est Saint , et qui a
sçû parfaitement le Plain - Chant , ayant sqü
été Moderateur du Choeur d'une celebre
Eglise , mériteroit mieux que Sainte Cecile
d'être le Patron des Chantres et des
Enfans - de-Choeur de l'Eglise du Mans ,
puisque c'est un Personnage à qui l'on
peut appliquer à la lettre ce Passage de l'E
CY criture
42 MERCURE DE FRANCE
criture , où il est dit de David : Stare fecit-
Cantores contra altare et in sono eorum dulces
fecit modos. ( a ) Ce Texte est clair et sans .
obscurité. Il n'en est pas de même du
Passage des Actes de sainte Cecile . Quand
même ces Actes seroient veritables , les
Musiciens auroient tort de croire sur le -
simple fondement de ce qui y est contenu
, qu'il y auroit eû des Orgues dans
le sens que nous l'entendons à la Fête
de son Mariage ; parcequ'il est indubitable
qu'Organa dans l'antiquité signifie un
assemblage de plusieurs sortes d'Instrumens.
Mais n'est- ce pas agir d'une maniere
insupportable , et abuser visible--
ment des Orgues d'aujourd'hui , que de
mettre cet Instrument entre les mains
de sainte Cecile ? C'est vouloir tromper
les Peuples de gayeté de coeur , et abuser
dela crédulité des simples , que de la répresenter
en faction devant un Clavier
Il me paroît que c'est prétendre leur
cette Sainte est bienchoisie
persuader
queen
supposant comme
pour Patrone
vrai , ce qui cependant est faux ; sçavoir ,,
qu'elle faisoit métier de toucher de cet
Instrument , tandis que c'est tout le contraire
, et que le Jeu d'Orgues n'a été
joint à la figure que pour marquer que
(*) Ecclesiastici , Cap. 47. ¥. 11.
les
JANVIER. 1737. 43
1
lés Musiciens l'ont choisie pour leur Protectrice.
Ce n'est pas le choix qui supose
les Orgues ; ce sont les Orgues qui présupposent
le choix , et qui en sont le signe
et la marque . Dans les Chroniques Latines
, imprimées in folio , à Nuremberg,
l'an 1493. avec des figures ; sainte Cecile
est representée avec un peigne de fer à
la main. Il peut se faire que cette Sainte
ayant été représentée de la même maniere
sur quelques murailles ou sur quelque vitrage
, l'on ait pris par la suite cet Instrument
de martyre pour un Jeu d'Orgue.
On se méprend quelquefois plus grossierement
à des Peintures , losrqu'elles sont
à demi effacées. Tout-au- plus ce qui éoit
permis depuis le choix fait par les Mu--
siciens , étoit de représenter un Jeu d'Orgue
aux pieds de sainte Cecile , de la
maniere qu'on mer quelquefois des Ar--
moiries ou des Hieroglyphes sous certai
nes statuës. Mais ce qui auroit été convenable
, pour couper court , eût été
de laisser sainte Cecile au Monastere de
Filles avec les Agnès , les Luces et les
Agathes , et que les Musiciens eussent
porté leur dévotion particuliere vers un
Saint , sans craindre que la Sainte leur
fût moins propice . Il ne tiendra qu'à eux
de le faire après tout ce que j'ai dit sur
Cvj 121
44 MERCURE DE FRANCE
la fausseté des Actes qui portent son
nom , et sur l'incongruité du choix , quand
même ces Actes seroient veritables. Il
né dépendra que d'eux de s'attacher à
un Saint qu'ils puissent veritablement regarder
comme le prototype ou le modele
de leur Profession . Je me suis contenté
d'en indiquer quelques -uns , sans prétendre
avoir épuisé tous ceux que l'Histoire
Ecclesiastique pourroit fournir. Je passe
sous silence le peu de solidité qu'il y auroit
de choisir S. Vincent Martyr , précisement
à cause que dans le Verset d'un
des Répons de son Office on lit : Dantur
ergo laudes Deo Altissimo , et resonante Organo
vocis Angelica modulata suavitas
procul diffunditur , ou de s'arrêter à sainte
Ysoïe ou Eusebie , Abbesse d'Haimage en
Flandres , dont il est écrit qu'elle regne
dans le Ciel : Ubi organizans canticum
immaculatum sponsum Agnum sequendo tripudiat.
Le peu de fondement de ce choix
sauteroit aux yeux , et je ne crois pas que
jamais on y pense.
Au reste , je ne me déclare point ennemi
de la Musique ni des Instrumens.
Tant s'en faut ; je puis dire comme le
Cardinal Bona : Et Musicam amo , et pu
det me plerosque Ecclesiasticos viros totius
vita cursu in cantu versari ; ipsum verò
cantum
JANVIER 1731 . 45
cantum ( quod turpe est ) ignorare. (a ) J'ai
me la Musique , j'aime le Plain -Chant
j'aime ceux qui s'y connoissent veritablement
; mais je demanderois volontiers à
toute l'Ecole de sainte Cecile un secret
pour empêcher de jamais parler de ces
matieres- là et de s'ériger en Maîtres de
Psalmodie , ceux qui ne peuvent et ne
pourront jamais distinguer un semi -ton
d'avec un ton , ainsi qu'ils le font voir
en plein Choeur par une triste experience
de tous les jours ; et je m'en rapporte à
vous , Monsieur , pour décider s'ils na
sont pas dans le même cas que ces Doc.
teurs en Lecture , qui ne sçauroient distinguer
une lettre voyelle d'avec une
lettre consonne . Ce ne sont pas là , Monsieur
, les Chantres de l'Eglise Chrétienne
, dont je serois prêt de faire l'Apologie
; mes Argumens en faveur de la
Musique , sont toûjours pour appuyer
des sujets qui lui font plus d'honneut.
Si on entreprenoit de bannir ceux cy de
nos Eglises et d'en exclure toute sortę
de Musique , je serois le premier à m'y
opposer , en représentant que dans toutes
les choses établies au vû et au sçû des
Superieurs, il ne faut retrancher que ce qui
cst devenu abusif. Mes raisonnemens donc
(a )De div. Psalmedia , Cap . 17. § . 3. Num. 1 .
contre
45 MERCURE DE FRANCE
contre la Confrairie de sainte Cecile , ne
doivent pas être suspects : ce n'est que
pour le mieux , que j'exhorte ceux qui
s'y sont enrôlez , à considerer le deffaut
qui est dans leur choix ; afin que si dans
quelque Ville du Royaume ils sont heureusement
d'assez bon goût pour y
choisir
un autre Patron , en même temps qu'on y
réforme le Breviaire , la justesse de leur
nouveau choix puisse ensuite s'étendre ailleurs
de la même maniere que l'incongruité
de l'ancien s'étoit fait place à la
faveur de la fable et de la fiction . Je
suis , & c .
Ce Samedy 20. Octobre , Fête de Saint
Aderald , Chanoine de votre Eglise.
ຈາ
IMITATION de la XVI Ode
du II. Livre d'Horace , sur la...
Lorsqu'un
Tranquilité.
Orsqu'une Tempête soudaine ,,
De Thétis agite les flots,
L'image d'une mort certaine ,
S'offre aux timides Matelots :
Pour guide ils n'ont plus les Etoiles ,
La nuit étend ses sombres voiles ,
Lez
JANVIER. 1731. 47"
Le Pilote déconcerté ,
Pendant les cruelles allarmes ,
Demande , en répandant des larmes ,
Le repos , la tranquilité.
Le Thrace dont le coeur respire ,
Et le carnage , et la fureur ,
Dans les Combats pourtant soupire ,
Après la Paix et sa douceur ;
Les Medes qu'un beau Carquois pare ,
Font des voeux pour un bien si rare ;
Les Diamans , la Pourpre , l'or ,
Ne sçauroient les rendre tranquiles ;.
Tous leurs efforts sont inutiles ,
Pour joüir d'un si cher trésor...
Avec les richesses d'Attale
Notre esprit est- il plus serein ?
Lés honneurs rendent-ils égale ,
L'ame de quelque Souverain ? '
Les Grands ont leurs soins pour escorte s
La Garde qui veille à leur porte ,
N'en deffendra point leurs Palais ;
Sous leurs toits ils volent sans cesse
Et le Licteur qui fend la
Ne les écartera jamais.
pressé ,
Content :
48 MERCURE DE FRANCE
Content du modique heritage ,
Que lui transmirent ses Ayeux ,
Parmi les Mortels, le seul Sage ,
Goute un repos délicieux .
Sa table n'est point magnifique ,
On sert sur sa vaisselle antique ,
Peu de mets , sans trop d'appareil ;
Jamais l'avarice sordide ,
La crainte au visage livide ,
N'interrompirent son sommeil.
Tel est l'ordre des Destinées
Que l'homme vive peu de temps ,
Ou que ses forces ruinées ,
Succombent sans le poids des ans.
Pourquoi des trésors de la Perse ,
Ce Marchand par un long commerce ,
A- t'il enrichi notre Bord 1
Il trouva dans chaque Hemisphere ,
Des ressources à la misere ;
Mais en est - il contre la mort ?
Envain en des plages lointaines ,
Fuyons nous pour çhasser l'ennui ;
De l'Est les bruyantes haleines ,
Ne vont pas si vite que lui ;
Il nous suit sur Mer et sur Terse ,
IIJANVIER.
1731. 49
à la
guerre ,
Il nous accompagne
Parmi les Escadrons nombreux
Sa course paroît plus rapide .
Que n'est celle du Cerf timide,
Suivi du Chasseur vigoureux ,
Qu'une secrette inquietude ,
Ne trouble jamais nos plaisirs ;
Faisons notre premiere étude ,
De moderer tous nos desirs ;
Adoucissons par notre joye ,
Les maux dont nous sommes la
proye
Il n'est point de bonheur parfait ;
Mon esprit joyeux et facile ,
Sur l'avenir se tient tranquile ,
Et du présent est satisfait.
Le fameux vainqueur de Pergame ,
Périt sous le fatal Cizeau ,
Lorsqu'il restoit beaucoup de trame ,
Pour faire tourner le Fuseau.
La vieillesse la plus chagrine ,
Use Tithon , elle le mine ;
O Grosphus , cet heureux moment ,
M'accorde une faveur durable ;
Pour vous peut être inexorable ,
La refuse- t'il constamment.
Auteur
so MERCURE DE FRANCE
Autour de vous vos Boeufs mugissent 3-
Vous voyez croître vos Troupeaux ;
Qui tantôt dans vos Prez bondissent ,
Tantôt errent sur vos Côteaux ;
De vos trésors ils sont la source ;
Vos Haras seront pour la course ;
Votre superbe ameublement
Ravit le Spectateur , l'enchante ;
La Pourpre n'est pas trop brillante ,
Pour vous servir de vêtement ..
Pour moi , la bienfaisante Parque
M'accorde un champ fort limité ;
Mais c'est une plus grande marque ,›
De sa singuliere bonté ;
Si je n'ai qu'un petit Domaine ,
Elle m'a doté de la veine ,
D'ou coulent les lyriques chants &
Aux Sçavans je tâche de plaire ,
Et je méprise le vulgaire ,
Qui trouve mes Vers peu touchants.
Par M. Chabaud..
Le
JANVIER. 1732: 51
XXX: XXX:XXXXXX ***
L
E Discours qu'on va lire , nous a été
addressé avec une Lettre, par une Personne
qui n'a pas jugé à propos de se
faire connoître.
22.
». Il est , dit l'Auteur de la Lettre , imité
» d'Aulugelle , liv. 12. chap. 1. de ses
» Nuits Attiques ; c'est un des plus beaux:
» endroits de cet Auteur. Je me flate que
» vous lui ferez l'honneur de l'inserer:
» dans le Mercure , & c.
DISCOURS , sur l'obligation qu'il y as
pour les Femmes, de nourrir elles - mêmes
leurs enfans.
LA
A Comtesse de *** étant heureuse
'ment accouchée d'un Garçon , M.
de *** son cousin germain en ayant
apris la nouvelle , monta aussi - tôt à
son appartement , après lui avoir fait
les complimens ordinaires , il se rendit
dans la Chambre où toute la famille
étoit assemblée pour la féciliter sur cette
agréable naissance : Je viens , dit - il , en
entrant , de laisser Madame dans une
tranquilité et une santé qui nous promet
les plus heureuses suites de son accouchement..
52 MERCURE DE FRANCE.
ment. Je ne doute point , ajouta - t - ik;
qu'elle ne nourrisse son fils de son propre
lait.
Il alloit continuer , mais la mere de la
Comtesse qui se trouvoit présente , l'interrompit
; et d'un ton , mêlé de colere et
de raillerie , dit qu'elle se donneroit bien
de garde de suivre ses leçons ; qu'elle
sçauroit ménager la délicatesse de sa fille,
et donner promptement une Nourrice à
l'Enfant ; pour ne point ajouter aux tra
vaux de l'accouchement , l'étrange et pénible
fonction de nourrir elle - même le
fils qu'elle venoit de mettre au monde.
De grace , Madame , repliqua M✶✶ * * *
trouvez bon qu'elle ne soit pas mere à
demi ; car enfin quelle seroit cette espece
de maternité imparfaite ; et si j'ose le
dire, manquée , d'enfanter un fils et de le
rejetter aussitôt loin d'elle , d'avoir
nourri dans ses entrailles du plus pur de
son sang je ne sçai quel enfant qu'elle
ne voyoit point , qu'elle ne connoissoit
point , et de cesser de le nourrir du lait
que la nature lui donne si liberalement à
ce dessein , dès qu'elle le voit né ,
dès
qu'il commence même à le demander par
ees cris touchants qui implorent si vivement
le secours de sa mere . Eh quoi !
pensez - vous donc que ce ne soit que
pour
JANVIER. 1732. 53.
par
و
pour un vain ornement , ou pour l'art
dangereux de plaire , et non pour nourrir
leurs enfans , que la nature ait donné
les mammelles aux femmes ; et cependant
par un étrange renversement la pluspart
des meres s'empressent à tarir et à éteindre
cette source sainte ; cette nourrice
précieuse du genre humain , aux hazards
des maux qu'un lait ainsi détourné , et
ne là corrompu , leur cause que trop
souvent. Aveugles de sacrifier à l'opinion
et à une vaine délicatesse leurs interêts et
leurs devoirs les plus pressans? Leur faute
est- elle donc bien differente du crime de
ces meres dénaturées , qui par de cruels
artifices , font avorter l'enfant que la nature
a créé dans leur sein , de peur que
le poids de la grossesse , et le travail de
l'enfantement n'alterent la beauté et les
graces d'un corps dont elles sont idolâtres.
Que si c'est une action digne de l'éxécration
publique d'aller chercher une
créature vivante et raisonnable pour lui
porter le coup de la mort , jusques dans
les mains même de la nature qui s'empressoit
de l'animer et de la former , qu'il
s'en faut peu qu'il ne soit aussi criminel de
priver un enfant déja né, déja devenu son
propre fils , d'un aliment dont la nature
Pavoit mis en possession , qu'elle a fait
pour
54 MERCURE DE FRANCE
pour lui , et sur lequel il a des droits
qu'on ne peut lui ravir sans injustice et
sans cruauté !
Mais , dit - on , pourvû que l'enfant
vive et soit nourri , qu'importe de quel
lait il le soit. O vous , qui me faites cette
objection , si vous sçavez si peu démêler
les vrais sentimens de la niture ; croyezvous
donc aussi , qu'il n'importe dans le
sein de quelle mere , et de quel sang un
enfant ait été engendré ; non sans doute.
Mais ce sang qui par l'action des esprits
et par une douce chaleur , a blanchi les
mammelles. N'est il pas toujours le même
qu'il étoit dans les entrailles de la mere ,
et c'est icy que l'adresse de la nature est
bien remarquable , car après que ce sang,
mis en oeuvre par ses adroites mains , a
perfectionné le corps de l'enfant , lorsque
le temps de l'accouchement approche ,
n'ayant plus rien à faire en bas , il s'élevé
en haut, se filtre et se place dans les mam
melles , tout prêt d'y entretenir et de fortifier
cette source de vie et de lumiere
que l'enfant reçoit en venant au monde
et de lui offrir une nourriture déja connuë
et familiere .
st
C'est sur ce fondement que l'on penavec
raison que la nature et les propriétez
du lait ne contribuoient pis
moins
JANVIER . 173 2 . 35
moins à tracer et dans le corps et dans
l'esprit des enfans ces ressemblances .
avec leurs parens , si fortes et si frequentes
, que la vertu même et l'impression
de la sémence.
.certain
L'experience nous montre cette vérité
non seulement dans les hommes , mais
encore dans les animaux ; car si , les Chevreaux
sont allaitez de lait de Brebis , et
les Agneaux de celui de Chévre , il est
la laine de ceux - cy sera
que
moins fine , et le poil de ceux - là plus
doux ; jusques dans les Plantes et les
Grains , l'on observe que les terres qui
les contiennent et les eaux qui les humectent
ont plus de force et de puissance,
soit pour fortifier , soit pour alterer leurs
qualitez naturelles que la semence même;
et ne voyons-nous pas souvent des arbres
pleins de force et de vigueur , périr bientôt
, lorsque transplantez , ils reçoivent
les tristes influences d'un súc étranger .
Quelle raison donc , grand Dieu , on
plutôt quel aveuglement de laisser alte-.
rer la pureté et la noblesse naturelle de
ce sang , qui coule dans les veines d'un
enfant nouveau né , par l'aliment souvent
pernicieux , mais toujours étranger
d'un lait qui degeneres sur tout , si la
nourrice qu'on lui donne est de condition
yo MERCURE DE FRANCE
tion servile et d'une naissance extrêmement
basse , comme il arrive ordinairement
si elle est laide ou méchante , si
elle aime le vin ou même la débauche
car pour comble de mal on prend presque
toujours sans choix et sans discernement
, celle qui se presente pour être
nourrice.

Exposerons- nous donc cet Enfant chéri
, qui nous vient de naître , à être infecté
d'une contagion si dangereuse , soufririons-
nous que son ame et son corps
encore tendres reçoivent les esprits qui
forment et entretiennent la vie par les organes
d'un corps souvent aussi vicieux
que l'ame qui l'habite.
> C'est-là , sans doute , la cause de ce que
nous voyons arriver tous les jours avec
surprise , que des femmes tres - vertueuses
, ont des enfans qui leur ressemblent
si peu , et qui par leur temperamment
vicieux , semblent desavoüer leur origine.
Virgile qui n'étoit pas moins grand Philosophe
que parfait Poëte , a bien senti
cette verité dans ces Vers , où la tendre
Didon reproche au trop vertueux Enée ,
qu'il ne pouvoit être le fils d'une Déesse,
et qu'il falloit , cruel comme il étoit, que
le Caucase l'eut engendré , dans ses affreuses
Roches , car Didon ajoute incontinent
JANVIER. 1732 . 57.
nent : Une Tigresse féroce t'a sans
doute allaité,
.... Hyrcanaque admorunt ubera
Tygrés.
Æneid. IV.
En effet , la nature du lait et le caractere
de la nourrice , doivent avoir une
grande part dans la formation du tempefamment
et du caractere de l'Enfant. Ce
lait , n'en doutons point , empreint d'abord
de la semence paternelle , figure
le naturel tendre de l'enfant qui le reçoit
des traits de l'esprit et du corps de la
'nourrice qui le donne. Mais quand tou
tes ces raisons manqueroient , devroiton
compter pour rien , que les meres qui
abandonnent ainsi leurs enfans loin d'el
les et les donnent à nourrir d'un lait mercenaire,
rompent, ou du moins relâchent
extrêmement ces noeuds et ces ressorts
secrets dont la nature les avoit liez à eux ;
car dès que la mere n'a plus devant ses
yeux l'Enfant emmené en nourrice , toute
la force et l'ardeur de l'amour maternelle
s'éteint insensiblement. Cette tendre inquiétude
et ce doux soin qui en fait le
principal caractere , languit bien-tôt à un
tel point , qu'un fils relégué entre les
bras d'une nourrice , n'est gueres moins
oublié qu'un fils qui ne seroit plus ; l'En-
D fant
MERCURE DE FRANCE
fant donne de son côté à sa nourrice toure
son affection , tout son attachement . C'est
le centre où se réunissent tous ses sentimens
; elle devient pour lui sa veritable
mere , tandis que celle qui devoit l'être ,
a laissé éteindre ses droits dans le coeur
de son enfant ; et c'est ainsi que les plus
intimes et les premiers sentimens de l'amour
filial étant perdus , tout l'amour
que des enfans peuvent concevoir dans la
suite pour leurs parens , n'est point cet
amour naturel , qui seul dure toujours
mais un amour d'institution , un amour
arbitraire , aussi foible que le principe"
qui l'a produit.
Tel est à peu près le discours que j'entendis
faire sur ce sujet à M. de ****
avec tout le feu et toute l'éloquence dont
il étoit capable.
Au reste,en le publiant , je ' ne me suis
pas flatté de réformer l'usage qui y est
combattu. Les hommes esclaves de l'opinion,
se contentent d'ordinaire d'approuver
spéculativement le parti le plus conforme
à la raison ; lorsqu'on l'expose vi
vement à leurs yeux , et qu'on les force
par là de le reconnoître ; mais cette ap
probation stérile n'influë presque jamais
sur leur conduite , contre la tirannie de
Pusage.
J'avoue
JANVIER 1732. 5
J'avoue donc que j'ai senti que je ne
serois pas icy plus heureux , que lorsque
par la bouche de Pitagore et de Plutarque
, j'ai tâché de montrer dans une Dissertation
sur les Vers qu'Ovide met dans
la bouche de Pithagore , au liv . xiv. de ses
Métamorphoses , combien l'usage de tuer
et de manger les animaux est contraire
aux sentimens d'une raison pure et éclairées
mais qu'importe , c'est toujours rendre
à la vérité un hommage bien digne
de l'homme , que d'oser s'élever contre
des erreurs dominantes , et il est bon pour
l'honneur de la raison qu'il y ait toujours
des gens qui reclament en sa faveur
contre le préjugez , même sans esperancè
de succès .
L
CANTAT E.
E Printemps couronné de fleurs ,
Ramenoit les plaisirs dans notre solitude ,
Quand dans un Bois épais pour trouver ses dous
ceurs ,
Je portai mon inquiétude :
Mais , hélas ! que je fus surpris !
Quel objet ! je trouvai la cruelle Climene
Qui dormoit à l'ombre d'un Chêne :
Dij Elle
60 MERCURE DE FRANCE
Elle me paroissoit plus belle que Cypris.
Je restai long- temps immobile,
Charmé de son aspect , ébloui de ses traits :
Helas ! dis-je , comment peut- elle être tranquille
Après m'avoir ôté les douceurs de la paix ?
Zephirs, retenez vos haleines ;
Taisez- vous ,aimables Oiseaux ;
Ne coulez plus, claires Fontaines ;
Climene dort sous ces Ormeaux.
Toi , Soleil arrêre ta course
Pour admirer ses doux attraits ;
Fleuve , remonte vers ta sourse
Nimphes , sortez de vos Forêts.
Zephirs , retenez vos haleines ,
Taisez-vous , aimables Oiseaux ,
Ne coulez plus , claires Fontaines
Climene dort sous ces Ormeaux.
Je m'exprimois ainsi , quand près de ma Bergere
Je vis le rédoutable amour
Ce petit Dieu lui fait la Cour ;
Sans doute qu'il la prend pour sa charmante
Mere ,
Molle
JANVIER. 1732.
Mollement étendu sur un gazon naissant ,
Aux Pavots de Morphée il se livre près d'elle ;
Mon coeur à son aspect cede au desir pressant
D'oser par son secours attendrir la cruelle.
Son Arc et son Carquois rempli de mille traits
Dont la blessure cause une éternelle peine ,
Et qu'il avoit forgés aux beaux yeux de Climene,,
Pendoient à ces Arbres épais.
Perçons le coeur de cette Belle ,
Dis-je alors , forçons- la de m'aimer en ce jour ;;
Faisons- lui ressentir une atteinte mortelle
Armons- nous des traits de l'Amour.
Que cette inhumaine
Ressente la peine
Qu'on souffre en aimant
Qu'une même chaîne
Unisse Climent
Et son tendre Amant.
Fapproche , non sans peur , de ces terribles ar
mes ;
Je choisis un trait bien aigu
Et l'ajustant sur l'Arc tendu ,
J'en blesse rudement cet objet plein de charmes,
Helas ce coup me rend plus malheureux ex
cor ;
✪ de mon artifice esperance trop vaine !
Au lieu de m'armer d'un trait d'or ,
Je pris un trait de plomb, qui redoubla sa haine."
Diij MORT
62 MERCURE DE FRANCE
*** :************
MORT DE M. DE LA MOTTHË.
L
>
-
2.. ,
Es Belles- Lettres , l'Académie Frans.
çoise , et tout notre Parnasse viennent
de faire une très grande perte en
la personne d'Antoine Houdard de la
Motthe mort à Paris , sa Patrie. le.
26 Decembre 1731. entre six et sept
heures du matin dans la soixantiéme .
année de son âge , étant né le 17 de
Janvier , jour de S. Antoine de l'an 1672.
Il a été inhumé à S. André des Arcs ,
sa Paroisse , après avoir reçu tous ses
Sacremens.
,
M. de la Motthe étoit un de ces genies.
heureux , feconds , on peut dire propres
à tout , et à qui aucune matiere n'étoit
étrangere. Par les ressources de son esprie
et par l'étendue de ses lumieres il réussissoit
en tout ; et quoiqu'il employât beaucoup
d'art , son stile élevé , élegant et
sublime paroissoit simple , galant , et
toujours expressif.
Son Commerce doux , engageant , utile
et aimable , lui avoient fait un très grand
nombre d'amis , et même du premier ordre
, ensorte qu'on peut dire qu'il est generalement
JANVIER. 1732.
neralement regretté , plus encore de ceux
qui le voyoient de près , et qui étoient
à portée de connoître ses talens et d'en
profiter , sur-tout de sa maniere précise ,.
fine , délicate , et polie de narrer , et tous
les agrémens enfin de son entretien dont
on se sçavoit toujours bon gré de remporter
quelque chose. Mais nous ne dissimu
lerons point que le nombre de ses Ennemis
étoit presque aussi grand , si on peut
appeller de ce nom , de trop séveres Ĉenseurs
qui trouvoient dans ses Ouvrages et
dans son stile je ne sçai quoi de recherché
et de trop simetrisé,et qui décidoient,
peut-être , avec aussi peu de lumieres que
d'équité , et peut-être aussi avec la vaine
et ridicule gloire d'oser blâmer un illustre
Ecrivain impunément , et du même ton
établi dans certains endroits , où l'on accordoit
, à peine , au célebte Académicien
la qualité de Poëte.
Après avoir fait ses Humanitez , et avoir
étudié en Droit,il eût un tel goût pour la
déclamation et pour les Spectacles , qu'il représenta
diverses Comédies deMoliere avec:
des jeunes gens de son âge. Ce fut dans ce
tems-là qu'il fit paroître le premier fruit
de sa veine dans une Comédie, intitulée les
·Originaux, ou l'Italie , que les Comédiens
Italiens jouerent en 1693. avec peu de
Diiij succês
MERCURE DE , FRANCE
succès ; mais quatre ans après , il fit le-
Poëme de l'Europe galante, qui lui acquit,
à bon titre , une réputation considérable
; mais l'Epoque de son plus grand
éclat , fut lorsque son premier Volume
d'Odes parut. Il fut peu de temps après.
suivi d'un second avec un Discours sur
l'Ode et d'autres Pieces en Vers et en
Prose. Le Port de Mer et le Bal d'Auteuil
sont deux petites Comédies que M. de la
Motthe fit dans s ajeunesse pour leThéatre
François , avec M. Boindin.
>
M. de la Motthe s'est distingué par un
grand nombre d'ouvrages de toutes sortes
de caracteres. Il ne disputa jamais de prix
d'Eloquence et de Foësie qu'il ne les remportât
, et il fut si souvent couronné par
' Académie Françoise , et par celle des
Jeux Floraux , qu'il fut enfin prié de ne
plus concourir.
Après le Ballet de l'Europe Galante , qui
eut un si grand succès en 1697 , il donna
la même année à l'Opera , Issé , Pastorale
Héroïque , en 1699 , Amadis de Grece
, Marthesie , Reine des Amazones ,
Tragédies . En 1700 , le Triomphe des Arts,
Ballet , Canente , Tragedie. En 1701 ,
Omphale , Tragedie. En 1703 , le Carna
val et la Folie , Ballet. En 1705 , la Veni
sienne , Ballet , et Alcione , Tragédie . En
1709
JANVIER 1732. 65%
1709 , Jupiter et Semelé , Tragédie. Ses
derniers Poëmes lyriques sont Scanderberg,
Tragédie qu'on met actuellement en Musique
, et le Ballet des Ages , qu'on doit
jouer après Pâques .
Les Poëmes Dramatiques de M. de
la Motthe , qui sont presque ses derniers
Ouvrages , sont , les Machabées
Tragédie , Romulus , Tragédie , Inés de
Castro , Tragédie , Edipe , Tragédie en
Vers la même en Prose , la Matrone
d'Ephese , petite Comédie en Prose , le
Talisman, idem. Richard Minutolo , idem,
le Magnifique , en 2. Actes , en Prose.
Toutes ces Pieces ont été jouées par les
Comédiens François avec beaucoup de
succès. Ces trois dernieres sous le titre de
PItalie Galante.
L'Amante difficile est encore une de ses
Comédies en cinq Actes , en Prose , las
même en Vers , jouée en Prose sur le
Théatre Italien depuis peu de temps..
>
Tout le monde connoît du même Auteur
, son Essay de Critique sur les Théa
tres où il trouve le moyen d'établir les.
Regles de la Tragédie , et de faire en mê
me temps l'Apologie de ses Pieces. Ses
Fables avec un Discours sur la Fable
L'Iliade d'Homere traduite en Vers
François avec un Discours sur Homere.
D ▼ Ouvrage
و
66 MERCURE DE FRANCE
Ouvrage qui donna lieu à une fameuse
dispute litteraire et à plusieurs autres
Volumes de notre Auteur sur le même.
sujet.
res ,
Nous ne descendrons point dans le dé-..
tail d'une infinité de Piéces fugitives en
tout genre ; Requêtes , Factums , Memoi
Piéces de Theatre et autres ouvrages
aussi ingenieux que galants , et qu'on applaudissoit
sous les noms de plusieurs personnes
de ses amis ,tant hommes que femmes
; et sans qu'on ait jamais sçu le yeritable
Auteur de ces ouvrages.
Il y a dans les receuils de l'Académie
Françoise , plusieurs Piéces de lui , entre
autres l'Eloge du feu Roi , qui est un morceau
aussi élegant que pathetique. On assure
qu'il y a dans son cabinet une suite
d'Eglogues , avec un discours sur l'Eglogue.
Un memorial de l'histoire de France
en vers ; un autre de l'Histoire Romaine,
des Heures en vers , & c.
M. de la Motthe étoit d'une taille me-.
diocre , avec peu d'agrémens dans sa personne
et dans le visage , mais il n'avoit rien
de rebutants on trouvoit beaucoup de
douceur dans sa phisionomie, dans ses manieres
et dans le ton de sa voix. D'ailleurs
obligeant , moderé et poli dans la dispu
te , qu'il assaisonnoit de beaucoup de finis
se
JANVIER. 1732. 67
se d'esprit et de legereté. Dans les 12. ou
15. dernieres années de sa vie, il étoit toutà
fait aveugle , et si accablé d'infirmitez
qu'il ne pouvoit pas faire un pas , ni même
se tenir debout. Sa nourriture ordinaire
étoit de pain , de legumes et de
lait.
Il avoit eu quelque vocation pour L'Etat
Ecclesiatique , et avoit aspiré même à
la plus haute devotion. Il quitta le petit
colet en 1597. et a toujours vêcu dans le
celibat.
En 1710. P'Académie Françoise le nomma
pour remplir la place de Thomas Cor
neille. Hy prit séance le 8. Fevrier dans
une très - nombreuse assemblée , et prononça
un très-beau Discours. Il dit en parlant
de la perte de la vûe de M.Corneille, et s'adressant
à ses Confreres , que ce que l'âge
avoit ravi à son prédecesseur ,il l'avoit perdu
dès sa jeunesse , que cette malheureuse
confirmité qu'il avoit avec lui, leur en rappelleroit
souvent le souvenir , et qu'il ne
serviroit qu'à leur faire sentir sa perte; et il
adjouta : Ilfaut l'avouer cependant cette pri- ·
vation dontjemeplains,ne sera plus deformats :
pour moi un pretexte d'ignorance. Vous m'a
vez rendu la vûë , vous m'ave , ouvert tous
Les livres en m'associant à votre compagnie.
Aurayje besoin de faits ? Je trouverai ici des
Devi sçavanss
68 MERCURE DE FRANCE
1
Me
sçavans à qui il n'en est point échapé.
faudra t'il des preceptes ? Je m'adresserai aux
maîtres de l'Art. Chercherai-je des exemples?
J'apprendrai les beautez des Anciens de la
bouche même de leurs Rivaux. J'ai droit enfin
à tout ce que vous sçavez ; puisque je
puis vous entendre ,je n'envie plus le bonheur
de ceux qui peuvent lire . Jugez , Messieurs ,
de ma reconnoissance par l'idée juste et vive
que je meforme de vos bienfaits .
Nous finirons par l'Epigramme que
l'Abbé Tallement recita sur son nouveau
Confrere à la fin de la scéance.
LA MOTTHE par l'effort de ton vaste genie
Tu repares du fort l'injuste tirannie ,
Ce n'est pas par les yeux que l'esprit vient à bout
De bien connoître la nature ;
Argus avec cent yeux ne connut point- Mercure
Homere sans yeux voyoit tout.
PORTRAIT DE M. DE LA MOTTHE.
Q
Velle perte pour les Lettres que celle de
M. de la Motthe ? Peu d'hommes ent
réuni autant de qualitez de l'esprit et dans un
degré aussi éminent. Il sçait vous attacher
vous fixerpar ce grand sens , et par ce fond
de raifon qui caracterisent ses Ecrits. Quelqu'interessant
qu'il fut par l'exposition du
vrai
JANVIER 1731 69-
vrai , il ne dedaignoit pas les secours de l'imagination
, il empruntott d'elle les couleurs
dont il avoit besoin pour rendre les veritez.
sensibles toujours maître du choix qui conz
venoit le mieux .
Ce n'étoientpas là ses seules qualitez.Il s'onvroit
de lafaçon la plus insinuante dans la
crainte de blesser l'amour propre dont il con
noissoit toute la delicatesse. Il nous rappelloit
à nous mêmes et nous amenoit insensiblement
au point de penser comme lui , mais après lui.
Ce qu'il nous avoit découvert , nous croïons
ne le tenir que de nous. Delà cette éloquence de
sentiment , qui comme si elle se fût mefiée de
la force des preuves , cherchoit à nous gagner
avant que de nous convaincre.
A la sublimité du genie , à la delicatesse du
sentiment il joignit l'étendue des vues et des
reflexions. Il avoit sçû par solidité d'esprit
etpar une précision d'idée , saisir les princidans
beaucoup de genres , et sa souplesse
à se retournersur les differentes matieres le rendoit
plus profond et plus lumineux dans chacune
de celles qu'il avoit à traiter.
pes
Nous lui devons plus qu'à ces Ecrivains
qui par la seule force du genie ont bien exe
cuté , mais qui n'étoient pas capables de dé
velopper les regles de leur Art. Nous lui devons
plus aussi qu'à ses hommes formez par
la meditation , qui n'ont sçu que nous donner
des
7 MERCURE DE FRANCE
des regles sans être capables de l'execution: -
M. de la Motthe nous a fourni les regles et
les modeles, et par là , sans le vouloir , il nousrend
raison de ses succès .
Faut- il s'étonner si le Public sefaisoit un si
doux plaisir de l'entendre dans ces occasions
éclatantes où il avoit à soutenir à lafois l'hon
neur de l'Académie et celui de la Nation . Ses
discours tout recherchez , tout travaillez qu'ils
éroient,prenoient dans sa bouche un air sina ..
turel,qu'on eut dit qu'il les composoit dans l'ins
tant. Vous l'eussiez vû s'exprimer même par
le ton de sa voix , enlever l'Auditoire parla
justesse , par l'énergie , par la finesse de sa dé
clamation...
Orné de tant de talens , il devoit être le con--
seil de tous ceux qui se mêloient d'écrires aussi
Pétoit-il de plusieurs . Il ne s'offroit pas de son
propre mouvement à entendre toute sorte d'ouvrage,
mais il se prêtoit de bonne grace. Avec
quelle activité ne saisissoit - il pas le genie de
Auteur , l'efprit de tout l'ouvrage , en un mot
toutes les convenances. Critique desinteressé
il ne cherchoit point à se mettre à la place de
Auteur en lui substituant ses propres lumieres...
Critique ferme , il n'épargnoit rien de ce qu'il
croyoit contraire à la precision et à l'agrément.
Critique modeste , ilproposoit ses avis comme
de doute , toujours prêt à se rendre si on lui
faisoit voir qu'il s'étoit trompé.
L'amour
JANVIER. 1734: 71
-
L'amourdes Lettres ne lui avoit pointfait
perdre le goût de la societé . Ceux qui ontjoui :
de son commerce sçavent combien il étoit aimable.
Il se livroit à quiconque vouloit l'entreteair
ou l'entendre. Habile à discerner les dif .
ferens caracteres , il trouvoit le bon côté de chacun
des hommes et les aidoit à se montrer dans
Le jour le plus favorable , ce qui fait voir sa
superiorité. Nul faste dans ses expressions ;
point de rudesse dansıses manieres . On ne le
surprenoit point dans ces distractions , si or
dinaires aux gens applique . Il sembloit né
pour chacune des matieres qui se presentoients .
égalementpropre au solide et à l'agreable, aussi ·
bien placé dans les conversations où le coeur se
répand que dans celles où l'esprit se deploye
Il conservoit une gayeté philosophique dont
il donnoit des signes plus ou moins marquez
selon les conjonctures.
Quel charme d'eut été de l'entendre dans ces
conversations instructives et enjouées où son
ami feu M. de la Faye le piquoit , le pressoit
par des contradictions fines et adroites. On eut
vûl'un donner au faux son air de vrai-semblance
, l'autre soutenir le vrai par les raisons
lesplus solides. M. de la Faye ne resis™....
toit que pour ceder ; M. de la Motike ne se
prévaloitpoint de sa victoire.
Quelle égalité d'ame ? Combien il differoit
de ces gens polis , á la verité , qui surmons
tent
72. MERCURE DE FRANCE
tent leurs inquiétudes et leurs chagrins pour serendre
agreables dans les cercles , mais qui, se.
vangent en secret , et dans le domestique des
efforts qu'il leur en a coûté pour reprimer leur
humeur. De telles gens , à proprement parler
aiment le monde et non pas les hommes . M.
de la Motthe aimoit les hommes ; il aimoit
ses Parens ; il avoit attiré et fixé auprès de
lui un neveu d'un vrai merite , qu'il regar-
"doit comme un autre lui- même . On ne voit
point d'union plus parfaite qu'étoit la leur.
Qui croiroit que M. de la Motthe étoit
privé de la vue et perclus de presque tous
ses membres Il n'étoit pas insensible aux
maux mais on eût pu penser qu'il l'étoit.
Il se refusoit la consolation qu'il auroit pi
trouver à se plaindre . Il aimoit mieux souffrir
davantage , et ne point faire souffrir les
autres. Il étoit reconnoissant , même des services
qu'on lui rendoit par devoir , quoiqu'il
ignorât , peut- être , combien l'inclination y
avoit de part.
وي
Un merite si éclatant ne l'a pas garanti
de la jalousie des Auteurs mediocres. Ils se
sont presque tous liguez ; mais leurs efforts
n'ont abouti qu'à découvrir la malignité de
leurs intentions , et à leur attirer les mépris
dus à leur bas procedé.
Des Ecrivains plus connus ont pris les
armes contre lui mais des motifs plus
par >
nobless
JANVIER. 1732. 73
nobles. Ainsi on a vû une sçavante Dame
venir au secours d'Homere . Ainsi on a vi
tel de nos Sophocles modernes soutenir la nécessité
de la versification dans les Pieces de
Theatre. M. de la Motthe distinguoit ces
Aggresseurs des autres ; il les estimoit autant
qu'il en étoit estimé.
Il ne refutoit pas tous les Ecrits. Voici
quelle étoit sa conduite . Il repondoit toutes les
fois qu'il croyoit le Public interessé dans sa
deffense , mais c'étoit toujours avec des égards
qui marquoient le fond de sa probité. Il gar
doit le silence quand il ne s'agissoit que de
·sa personne.
Le bas Parnasse a imputé son silence à
fierté. Mais qu'attendoient- ils , repond-on
à desOuvrages que le Public ne lit point ?
La posterité desinteressée le jugera..
4
S'il s'est elevé contre le Prince des Poëtes ,
son but n'étoit pas de le décrier. Il lui a accordé
les grands talens. Il convenoit qu'Homere
eût été le premier Poëte de son siecle
dans quelque temps qu'il eût vecu ; mais en
même temps il observoit qu'on avoit depuis
porté l'Art à un point de perfection que ce
Poëte n'avoit pas connu. S'il a critiqué les
écarts de Pindare , ce n'est pas qu'il blâmât
ce beau feu , qui transporte les Poëtes
sur- tout les Lyriques , mais il vouloit qu'à
travers leur desordre , on entrevit une suite
› et
d'idées
74 MERCURE DE FRANCE
d'idées , que le desordre ne fut que dans l'a:
marche , et que l'on put recueillir un sens
complet , une morale suivie de la totalité de
l'ouvrage. Des fautes dont il respectoit les
Auteurs , lui ont donné occasion d'établir des
Principes qu'on ne lui a pas contestés. De-là
nous sont venus ces Chef- d'oeuvres d'Elo- .
quence , ces Discours qu'il nous a laissés sur·
le Poëme épique , sur l'Ode , sur la Fable ,
et sur la Tragedie..
M. de la Motthe est mort regretté de ceux
qui l'approchoient , et de ceux qui ne le connoissoient
que par ses ouvrages. Il n'y a
qu'une voix sur son sujet. Il étoit honnête .
komme, mais dans toute l'étendue de ce terme..
Il ne s'est point démenti aux approches de la
mort. Lui qui avoit representé Louis XIV.
comme plus grand au lit de la mort , que
dans le fort de ses prosperitez et de ses triomphes.
Il a conservé lui - même dans ce moment
ta tranquillité du Héros qu'il avoit celebré..
JANVIER. 17326 75
**:*************
A MADEMOISELLE
DU MALCRAIS DE LA VIGNE ,
Sur son Ode en Prose.
Uelques difficultez , Malcrais , que l'Art
t'oppose ,
Tu sçais en triompher par tes talens divers ;
Tu sçais être sublime , et mesurée en Prose ,
Ou libre , et naturelle en Vers.
LETTRE Apologétique adressée à Mlle..
de Malerais dela Vigne , par M. Carrelet
d'Hautefeuille , au sujet d'une Ode faite
sur M. Bouhier , Evêque de Dijon , inserés
dans le Mercure de Novembre 1731..
et souscrite par ces lettres c. r. c. v. s . c.
M ADEMOISELLE ,
Croiriez- vous qu'on a volé un homme
qui n'a pour tout bien ,, que du respect
pour les Dieux , et de l'estime pour vous ¡
vous allez d'abord demander ce qu'on lui
76 MERCURE DE FRANCE
a pris , il est juste de vous le dire ; un
' malheureux ne cherche qu'à se plaindre ,
et c'est un grand soulagement de dire son
mal , quand une personne comme vous
veut bien l'écouter.
Vous sçaurez donc qu'il y a cinq ou six
ans , lorsque Monsieur Bouhier fut nommé
Evéque de Dijon , Ville dont je suis
Citoyen , je fis en secret une petite Ode
sur ce Prélat , uniquement pour satisfaire
mon coeur , qui sentoit trop pour ne rien
exprimer ; une jeune timidité avoit enseveli
ce petit ouvrage , et je le mettois an
nombre de ces Enfans mornés qui n'ont
pas merité de voir le jour. Quelque humain
charitable a trouvé sa sépulture ,
on l'a déterré , on l'a réchauffé enfin
on lui a rendu la vie , ensuite on lui a
fait faire un tour de France , si bien que ,
depuis quelques jours , le hazard l'a presenté
à mes yeux dans une autre Province
que la mienne ; il étoit un peu changé
mais il n'étoit point enlaidy ; je l'ay reconnu
je l'ay embrassé ; c'est le premier
mouvement d'un Pere , et si vous
en doutiez , je pourrois vous dire comme
cette belle Veuve , presque, unique dans
sa fidelité.
»Si vous ne le sçavez , attendez ; quelque jour ,
Vous sçaurez pour un fils jusqu'où va notre
amour...
Mais
JANVIER. 17320
Mais , Mademoiselle , le croirez - vous ?
Get Enfant m'a méconnu ; le sang n'a
point parlé en lui ; c'est maintenant le
goût du siecle ; les Peres aiment par
amour et les Enfans les mieux nez n'aiment
que par devoir ou par réconneissance.
→ Je puis vous aimer , je le doi :
» Je le dois ; ô supplice extrême !
Aimer parce qu'il faut qu'on aime,
Qui le peut quand c'est une loy !
>
E
Voilà ce que me dit ce fils ingrat , après
que je lui eûs appris son âge , son Pays
et sa naissance ; il avoit peine à me croire
les préjugés de l'éducation le retenoient
toujours , et lui persuadoient que
son Pere putatif étoit son veritable Pere ;
la tendresse paternelle est curieuse , je lui
demandai le nom de celui qu'il croyoit
son Pere , il ne put jamais m'en dire que
quelques caracteres misterieusement tracez
comme les voilà . c . r. c. v. s. e. J'au
rois cependant desiré de connoître celui
qui faisoit voyager cet Enfant ; il avoit
sans doute , fait les frais du Voyage ,
mais au moins il devoit, avec moi,en partager
le mérite .
» Hos ego versiculos feci , tulit alter honores ;
» Sic vos non vobis &c.
Ce
78 MERCURE DE FRANCE
Ce n'est point par un retour d'amour
propre que je m'en plains , c'est uniquement
afin que mon illustre et digne Prélat
approuve le respect et la sincerité de
mes sentimens dont on m'a derobé les
-expressions .
les autres , et me met-
Vous , Mademoiselle , qui joignez à
d'heureux talens ce bon goût , qui vient
de la justesse de l'esprit , et de la délicatesse
du coeur , peut être me plaindrezvous
moins que
trez- vous au rang de ces Peres prévenus
qui admirent leurs Enfans , parce qu'ils
les aiment , tandis que le Public les haït ,
parce qu'il les méprise , vous me rendriez
peu de justice , puisque vous venez de
fire le motif qui m'anime icy's d'autant
plus , comme vous pouvez le sçavoir ,
que j'ai dit aux Muses un éternel adieu .
Un jour dans un lointain j'apperçus la raison.
Arrête , me dit-elle , écoute ma leçon.
D'un famelique honneur méprise la fumée ,
Et sçache que la Rénommée ,
Par cent bouches qu'elle a , ne produit que du
son.
L'air n'est pas nourrissant , il te faut du solide ,
Travaille dans tes jeunes ans
A détruire l'horreur du vuide ,
Ou te fais arracher les dents.
Je
JANVIER.
79
1732.
Je compris qu'il falloit qu'un cadet de famille ,
Pour faire une fortune égale à son état ,
En fit l'ouvriere cheville.
Comme de tous les Dieux l'amour est le plu
fat >
Celui qui tient chez lui la plus mince cuisine ,
Est Phébus , Dieu des Vers et de la Medecine.
» Il va l'Eté sans linge , et l'Hyver sans manteau
,
Et jamais à sa table on ne
On
boit que de l'ean.
peut de temps en temps s'amuser à la rime ,
Mais d'en faire un métier s'il m'arrivoit encore,
Il faudra qu'un travail fructueux , légitime ,
Me mette dans le cas de bien rimer en or.
Il est tems , Mademoiselle , de passer
du badinage au serieux , le fameux M. de
la Motthe est mort , la Republique des
Lettres a fait en lui une de ces pertes,qu'il
faut un siecle pourréparers ceux qui n'ont
connu que ses ouvrages le regretteront
long- tems , mais ceux qui l'ont connu , lui
même , le regretteront toujours ; comme
j'étois assés heureux pour être du nombre,
je lui dis un jour que je venois de lire une
Piéce infiniment délicate et spirituelle, et
qu'il falloit qu'il en fût l'Auteur ou M. de
Fontenelle ; un moment après il me répondit
par l'impromptu suivant , avec ces
graces
to MERCURE DE FRANCE
graces modestes qui accompagnent tous
jours le vrai mérite.
199
» Vous louez délicatement
Une Piéce délicate
peu
» Vous méritez que je la datte
» Du jour de votre compliment.
J'avoue qu'en le repetant ici , mon amour
propre y a autant de párt que ma reconnoissance.
Mais quoique je sois par là obligé
de rendre mes regrets publics , ma sensibilité
me force de les renfermer dans
mon coeur.
Cura leves loquuntur ; ingentes stupem .
Son éloge est d'ailleurs audessus de mes
expressions , c'est à vous de répandre sur
son tombeau des fleurs immortelles, quant
à moi je n'y répandrai jamais que des l'armes
J'ai l'honneur d'être , Mademoiselle
, &c.
A Nevers ce 10. Janvier 1730.
ODE
JANVIER. 1732
******:* :********
ODE SA CRE' E ,
Tirée du Cantique chanté par Moyse.
Exode , Chapitre XV.
PRéparons nos chants de victoire
Hébreux , accourez à ma voix ,
Celebrons à l'envi la gloire ,
Et la bonté du Roi des Roist
Quel triomphe plus magnifique ;
C'est contre un Peuple pacifique ,
Que l'Egypte arme ses Guerriers ;
Mais Dieu , que l'injustice irrite ,
Dans le fond des Mers précipite ,
Et les Soldats et leurs Coursiers,
Daigne agréer le pur hommage ;
Seigneur , que j'aime à te vouer ,
Comme má force est ton ouvrage,
Mon bonheur est de te loüer :
Entourez d'un péril funeste ,
Nous avons vu ton bras celeste ,
Sur notre ennemi s'abaisser ;
Et par ce secours invincible ,
Il a subi le sort terrible ,
Dont il osoit nous menacer,
E Au
2 MERCURE DE FRANCE
Au milieu de ce grand Spectacle,
Qui m'annonce un Liberateur ,
Plus je suis frappé du Miracle ,
Et moins je doute de l'Auteur :
C'est l'Estre Eternel , l'Estre Immense ,
Qui de sa suprême vengeance ,
Signale aujourd'hui les effets ,
C'est l'Estre qu'adore mon Pere ,
Et dont ma gratitude espere ,
Sans cesse exalter les bienfaits.
Tel qu'est un Guerrier intrépide ,
Dont tout craint le fer
menaçant ,
Tel est le Seigneur qui nous guide ,
Et son nom est le Tout - Puissant
Dès qu'il voit le destin barbare ,
Qu'un Tyran endurci prépare ,
Au Peuple instruit de ce saint nom ,
La Mer par son ordre animée ,
Engloutit les Chars et l'Armée ,
De l'implacable Pharaon.
Où sont les Princes dont la foule ,
De ce Monarque enfloit l'orgueil ?
N'est- ce point sous l'Onde qui coule ,
Qu'ils ont rencontré leur Cercueil ?
Qui , Seigneur , nous t'en rendons graces,
L'ar
JANVIER .
'
17320
L'ardeur de marcher sur nos traces ,
Les livre à la merci des flots ,
Ils sont tombez comme la pierre ,
Qui semble implorer de la Terre ,
L'heureux instant de son repos .
En vain nous cherchons leurs vestiges ;
Vangeur d'un projet inhumain ,
Dieu triomphant , dans tes prodiges ,
Permets-nous d'adorer ta main ;
Main
auguste , main redoutable ,
Dont le pouvoir insurmontable ,
A nos yeux s'est manifesté ,
Tu veux , ô Seigneur , qu'elle expic
Dans l'effort de ton ennemie ,
Le crime d'en avoir douté.
Comme en un instant le feu monte ,
Au faîte du chaume embrasé ,
6
Ta colere est encor plus prompte ,
Et ton triomphe p'us aisé ;
Ainsi quand les Hébreux timides,
Entre deux Montagnes liquides ,
Suivoient ton celeste flambeau ,
Dans cette route salutaire ,
A notre perfide Adversaire ,
Ta fureur creusoit un Tombeau.
"
E ij
L'ea
*
MERCURE DE FRANCE
;
L'eau coulante s'est arrêtée ,
Dieu commandoit , et c'est assez
Au milieu de la Mer domptée ,
Les abîmes se sont pressez.
Fier de ses Troupes florissantes ,
Déja pour nos mains innocentes ,
Pharaon apprêtoit des fers ;
Je dois , disoit ce Roy parjure ,
La perte des Juifs à l'injure ,
Qu'ils ont faite aux Dieux que je sers,
Quel plaisir de voir ces Victimes ,
Tomber sous mes premiers efforts !
Et leurs dépouilles légitimes ,
Grossir l'amas de mes trésors !
Mon glaive est prêt , dès que l'Aurore ,
Des vils Esclaves que j'abhorre ,
Eclairera les Pavillons ,
De ce sang qu'ils n'osent deffendre ,
Et que je brule de répandre ,
Je cours inonder nos Sillons,
Mais , ô mon Dieu , tout sert d'azile ,
A ceux que tu veux proteger ;
Plus ton couroux paroît tranquile
Moins il differe à se vanger.
Ton souffle du plus haut des Nues ,
Aux
JANVIER
1732 .
Aux Ondes long- temps retenues ,
A rendu leur activité ;
D'abord leur course impétueuse
De l'Egypte présomptueuse ,
A puni la témerité.
Qui d'entre les Forts est semblable
A ce Dieu que sert Israël !
Est- il quelque bras comparable ,
Seigneur , à ton bras immortel &
L'éclat de ta Majesté sainte ,
Imprime l'amour et la crainte ,
Heureux les coeurs où tu descends ,
Tes desseins sont toûjours augustes ,
Tes louanges sont toûjours justes ,
Et tes Miracles toûjours grands.
Tout conspiroit à notre perte,
Quand la Providence a permis ,
Qu'à nos yeux la Terre entr'ouverte
Ensevelit nos ennemis ;
Nous jouissons de ta présence ,
Et par un excès de clémence ,
Tu devins notre Conducteur ;
Non - content de briser nos chaînes ,
Tu nous transportes dans les Plaines ,
Où doit triompher ta grandeur.
E iij Ce
86 MERCURE DE FRANCE
Cependant les faveurs divines ,
Que le Ciel prodigue pour nous ,,
Parmi les Nations voisines ,
Sement des sentimens jaloux.
On craint le succès de nos armes ,
La Palestine est en allarmes ,
Les Princes d'Edon sont tremblans ,
Une terreur vive et subite ;
Enleve au cruel Moabite ,
Ses Deffenseurs les plus vaillants. ,
Chanaan frémit par avance "
Et ses Habitans consternez ,
Semblent présenter l'abondance ,
Des biens qui nous sont destinez ;
Poursuis , Dieu , toujours redoutable ,
Acheve , et que ton bras accable
Les ennemis de tes Decrets ;
Qu'ils soient dans leur fureur sterile ,
Ainsi qu'un Rocher immobile ,
Témoins de nos heureux progrès.
Répands sur leurs yeux un nuage ,
Qui leur dérobe nos Exploits ,
Que rien ne s'oppose au passage
Du Peuple soumis à tes Loix ;
Déja nous découvrons l'entrée
De
JANVIER. 1732. $7
De cette fertile Contrée ,
Promise aux Enfans d'Abraham
Bien-tôt sous tes sages auspices ,
Nos coeurs jouiront des délices ,
Dont tu veux priver Chanaam,
A
Là nous celebrerons des Fêtes
Que dis -je le Seigneur m'instruit ,
Que s'il préside à nos conquêtes ,
C'est pour en partager le fruit.
Sur une Montagne élevée ,
Qu'à son culte il a réservée ,
Aux Hébreux il viendra s'unir ,.-
Quel bonheur de faire alliance
Avec un Dieu dont la puissance ,
Ne peut ni changer ni finir !.
3.3
Puissent les Annales du Monde ,
Transmettre à nos derniers neveux , ›
Que Pharaon entrà dans l'Onde ,
Montant un Coursier belliqueux ,
Qu'autour de ce Prince coupable ,,
On vit un amas effroyable ,
D'hommes , de Cavaliers , de Chars
Et que Dieu châtiant leurs crimes ,
Les plongea tous dans les abîmes ,
Que la Mer cache à nos regards,
E iiij Mais
MERCURE DE FRANCE
Mais aussi que ces coups terribles ,
Partis de la main du Seigneur ,
Rendent nos esprits plus sensibles ,
A l'excès de notre bonheur.
Pleins d'une foi victorieuse,
De cette Mer imperieuse-
Nous bravons l'instabilité ;
Et tandis que ses flots reposent 2,
Sous nos pas le lit qu'ils arrosent...
Perd jusqu'à son humidité..
*****************
REFLEXIÓNS sur la bizarerie de dif
ferens usages qui ont paru et qui paroissent
encore dans le monde . Par M. CAPPERON
, ancien Doyen de S. Maxent..
P
Ersonne ne peut douter que le guide
naturel que Dieu a donné à l'hom
me , ne soit sa raison ; il ne devroit donc
rien entreprendre , qu'après avoir réflé
chi sérieusement sur tous les rapports de
perfection qui peuvent se trouver , soir
dans les choses qu'il recherche , soit dans .
les actions qu'il veut faire , afin de ne se
déterminer , qu'à ce qu'il jugeroit alors
être le plus convenable , le plus conforme
à l'ordre , à la droite raison et au bon
sens
JANVIER. 1732. 89
sens. Sans doute , s'il agissoit toujours de
la softe , tout ce qu'il feroit seroit parfaitement
raisonnable , et il ne s'y trouveveroit
jamais n'y bizarrerie , ni extravagance
.
Mais il s'en faut beaucoup que la plus
grande partie des hommes en agissent ain
si ; la nature corrompuë donnant trop de
pouvoir à leurs passions , l'attrait trop vic
lent de ces passions fait plus d'impression
sur leur esprit que la pure raison et la penre
à suivre plutôt l'impulsion des unes, que:
la lumiere de l'autre , étant plus grande
ils s'y abandonnent volontiers ; ce qui fait
qu'ils donnent aveuglement dans une infinité
de bizareries et d'excès , dont ils n'ap--
perçoivent pas alors le ridicule.
Cependant comme toutes les personnes
sensées doivent se faire une gloire :
d'être raisonnable; puisque c'est leur plus
glorieux privilege ; j'espere que je ferai
plaisir à tous ceux qui sont de cet heureux
caractere , si je leur mets devant les yeux
diverses bizaréries , qui ont paru et qui pa
roissent tous les jours dans quantité d'u--
sages qui s'introduisent dans le monde
afin que le caprice de ceux qui les ont :
précédez , les frappant davantage , ils :
puissent donner moins dans d'autres usa
ges , qui ne vaudroient pas mieux.
8
E v IN
90 MERCURE DE FRANCE
·
Il est donc à propos de sçavoir que généralement
tous les usages tirent leur origine
de deux principes , du désir de satisfaire
les sens , ou du désir de satisfaire .
les autres inclinations dont les hommes
sont capables ; ainsi je parlerai dabord
de la bizarerie des usages qui ont rapport -
aux sens , ct je ferai ensuite la même chose
à l'égard des usages qui viennent du
désir de satisfaire les autres inclinations ,
naturelles.
Pour commencer par le sens de la vûe ,
je trouve peu de choses à remarquer sur ,
la bizarcrie qui a pû s'introduire dans l'u
sage de ce sens je n'en vois qu'une seule .
qui me paroît des plus singulieres ; sçavoir
, celle qui s'est établie en Espagne et
en Portugal , où loin de ne se servir de
lunettes que pour aider aux besoins de la
vue ; les personnes qui ont voulu se rendre
respectables , cr se donner un air de
gravité , ont affecié de ne paroître dans.
les occasions de cérémonie , qu'avec des.
lunettes sur le n: z; et cela non seulementles
personnes âgées , mais même les jeunes
et ce qui est de plus surprenant ,
jusqu'aux jeunes Dames.
Čet usage bizare parut sur sur tout fort
extraordinaire aux Religieuses Ursulines
de Rouen , qui passerent à la Louisiane
il
JANVIER 1732. 91 .
ily a quatre ans , sçavoir en 1727. C'est
une de ces Dames qui le dit dans sa se--
conde Lettre , imprimée à Rouen , l'année
suivante , chez Antoine le Prevôt . Après,
avoir rapporté , comme elles aborderent
à l'Ifle de Madere,qui appartient aux Portugais
, qu'elles relâcherent à la rade de la
Ville de FUNCHAL, qui est la principale de
P'Isle ; elle ajoute , que quantité de personnes
de la Ville les étant venu voir
elles furent extrêmement surprises
quand parmi les Religieux qui vinrent
les saluer , elles apperçurent qu'il y en
avoit plusieurs , lesquels pour le faire
avec plus de gravité , avoient de grandes
Lunettes , à la mode de Portugal ; elles en:
remarquerent même un assez jeune , lequel
voulant lire , fut obligé de les ôter
de dessus son nez. C'est à l'occasion de
cet usage bizare , introduit par les Espa--
gnols , qu'un Poëte a dit :
Mais le bon air chez cette Nation ,
Pour les Sçavans , c'est de porter Lunettes ;;
Couvrir ses yeux de deux glaces bien nettes ,
Leur est motif de vénération.
Mais si ce qui facilite le sens de la vue
a produit peu de bizareries , il n'y a rien
en revanche qu'on n'ait imaginé pour
Favj satis
2 MERCURE DE FRANCE
satisfaire ce sens ; car que de bizareries
differentes n'a- t- on pas vû se succeder
dans les vêtemens , dans les ameublemens
et dans une infinité d'autres choses ?
comme je ne finirois pas , si je voulois
entrer dans ce détail , je me fixerai ici
à quelque chose qui regarde l'homme de
plus pès ; en m'attachant principalement
à quelques usages qui se sont for
mez dans differens temps , pour donner
à sa tête un prétendu caractere de beauté
; parce que c'est la partie principale
de son corps , par laquelle il veut plaire
le plus à la vue : Totus homo in vultu est.
Commençons par les Cheveux ; que de
figures bizares ne leur- a - t- on pas donné ?
Dans le grand nombre que je pourrois
citer , je ne parlerai que d'une seule , quifit
grand bruit à la fin du x1 siecle , et
au commencement du XII. Les hommes
se mirent alors dans l'usage , de porter
de long cheveux, ce qu'ils ne faisoient pas
auparavant.Cet usage parut d'autant plus :
bizare pour des chrétiens , que Saint Paul
même avoit dit , que la nature enseignoit,
qu'il ne convenoit pas à l'homme d'avoir
les cheveux longs : Ipsa natura docet , (a ) :
dit cet Apôtre ; et qu'il ne peut les por--
ter ainsi qu'à sa honte et à sa confusion .
(a ) Ep. I. ad Corinh.cap. 11.
Igno
JANVIER 1732. 93
Ignominia est illi , que cela ne convenoit
qu'à la femme : Gloria est illi.
Cet usage parut donc alors si opposé à
la droite raison , que les Evêques s'éleverent
avec force contre cette nouveauté..
Ils crurent ne pas trop faire , que d'employer
les plus grandes censures de l'Egli
se pour la réprimer.. Un Concile tenu à
Rouen , sous l'Archevêque Guillaume I.
l'an 1096. ( a ) ordonna en conséquence ,
que ceux qui porteroient de longs che
veux , seroient exclus de l'Eglise pendant
leur vie , et qu'on ne prieroit pas Dieu
pour eux après leur mort: En 1104. Serfon
, Evêque de Sécz , prêchant à Carentan
, devant le Roy d'Angleterre Henry I:
et toute sa Cour , parla avec tant de véhemence
contre cet usage , que le Roy et
ses Courtisans se firent tous couper les
cheveux au même instant.
Il arriva à peu près la même chose à
Amiens. L'Evêque Godefroi qui étoit
contemporain , animé du même zéle ,
voyant que plusieurs assistoient à la Messe
de Noël , à laquelle il officioit , portant :
encore les cheveux longs ; i les refusa
tous à l'offrande ; ce qui leur fit une telle
( a ) Histoire des Archevêques de Rouen , par le
P. Pommeraye , Benedictin . Eloge de Guillaume I.
chap. 8. page 295..
impres
94 MERCURE DE FRANCE
Y
impression , que pour y être admis¸
ils sex
les couperent sur le champ avec leurs
couteaux . On peut raisonnablement présumer
que les Evêques de ce temps- là au
roient sans doute fait beaucoup plus de
bruit , s'ils avoient vu les hommes faire
couper les longs cheveux des femmes pour
en orner leurs têtes ; peut -être se seroientils
autorisez du Concile de Gangre , tenu
en 324. qui deffend aux femmes de se
couper les cheveux. On peut douter au
reste si leur zéle auroit été selon la
science.
Des cheveux , passons à la barbe , au
sujet de laquelle nous ne trouverons pas
moins de bizarerie ; l'usage ancien a été
de la porter longue : Tel fut , par exemple
, l'Empereur Othon ( a ) qui le premier
établit l'usage en Allemagne de
porter de longues barbes ; il se faisoit tant
d'honneur de celle qu'il portoit , que son
plus gros serment étoit du jurer par sa
barbe , ce qui introiduisit l'usage de ce
serment dans toute l'Allemagne.
En France , du temps de François I. les
longues barbes étoient fort en usage , et
les Ecclesiastiques en étoient les plus curieux
; ce qui donna lieu à ce Prince, qui
( a ) Paul Hacheb. Eclairciss . sur ce qui s'est
passé en Allemagne...
VOU
JANVIER.. 1732 955
vouloit tirer de l'argent du Clergé , d'obtenir
du Pape un Bref , qui ordonnoit
à tous les Ecclesiastiques de se faire razer
la barbe, s'ils n'aimoient mieux se dispenser
de cette Loy , en donnant certaine -
somme , qu'ils payerent volontiers ; plus .
disposez à ouvrir leur bourse , qu'à perdre
leur barbe ( a ) . Cela contribua , sans .
doute , à faire diminuer l'usage des longues
barbes , et à les rendre méprisables ;
puisqu'on obligea dans la suite ceux qui i
vouloient entrer dans les premieres Magistratures
à se la faire razer . On voit
en effet , que François Olivier ne put entrer
au Parlement comme Maître des
Requêtes, en 1536. qu'à la charge de faire
couper sa longue barbe ( b ) . Plusieurs
Magistrats subalternes ne laisserent pas ..
de la conserver ; le dernier qui l'a portée
dans cette Ville , à été M.Richard Mithon ,,
Baillif et Juge criminel du Comté d'Eu ,
qui vivoit au commencement du dernier
siécle érant mort vers l'an 1626. Plu-
;
sieurs Ecclesiastiques l'ont conservée jusqu'à
la minorité de Louis XIV . quelquesuns
même ont été plus loin .
L'estime qu'on a faite de la barbé en cer
( a ) Theod. Zuing. Theatr . vit& humane. Lib. 3. ›.
( b) Oeuvres milées de l'Abbé de S.Réal. Diss ...
4. de l'usage de l'hist..
taine ,
MERCURE DE FRANCE
tains temps du Paganisme , a encore donné
lieu à un autre usage assez singulier
qui consistoit à croire , que c'étoit un présent
digne de la Divinité que de lui offrir
ce qu'on en coupoit la premiere fois. Les
Grecs et les Romains consacroient ces
prémices de la barbe , ou à des Fleuves
ou aux Tombeaux de leurs amis , ou enfin
àApollon ( ) , Er chez lesChrétiens mêmes,
il a été un temps, où c'étoit l'usage, que la.
premiere fois qu'on coupoit la barbe aux
Ecclesiastiques on la benissoit,et on consacroit
à Dieu ce qu'on en avoit coupé ( b ).
En passant de la barbe et des cheveux au
teint du visage , je trouve que pour le
rendre plus agréable , il a eu aussi ses bizareries.
Car n'en étoit - ce pas une chez
les Romains , que de s'estimer d'autant
plus beaux , qu'ils avoient le teint du visage
plus bazané ? jusqucs-là que pour le
rendre tel , ils s'exposoient aux rayons du
Soleil . C'étoit le conseil qu'Ovide donnoit
aux jeunes gens de son temps , pour
se rendre plus agréables aux Dames .
Munditia placeant;fulcentur Corpora campo. ( c )
Etoit ce autrefois une bizarerie à nos
( a )Vigenere , Tab.. de Philost. Tab. d'Anti-
·loq. pag. 341.
( b ) Dict. de Furet. verbo barbe.
c ) De Arte Aman……
Dames
JANVIER. 1732. 57
Dames , de n'oser faire un pas sans avoir
un masque sur le visage pour conserver la
fraîcheur de leur teint ? où en est- ce une
aujourd'hui , de n'en plus porter du tout'
C'est une bizarerie ridicule aux femmes
des Sauvages , de prétendre orner leur visage
en y attachant des figures d'arbres
ou d'animaux , comme Papillons , &c.
Sans doute qu'elle est beaucoup moindre
chez nous , lorsqu'on n'y attache que des
figures de mouches.
4
Après le sens de la vuë , parlons de ce
lui de l'oüie ; quoique ce soit celui qui aic
le moins fourni d'usages bizares , il ne
laisse pourtant pas d'en avoir eu de temps
en temps quelques uns : Car combien le
son de certains Instrumens , certains
Concerts , certains Vaudevilles , ont ils
été en vogue , recherchez et chantez de
tout le monde , pour lesquels on n'a eu
ensuite que du mépris , et qui le méritoient
en effet ! Je pourrois en rapporter
plusieurs ; mais comme il y auroit plus à
badiner là-dessus , qu'à parler sérieusement
, je me contente de dire , que ce
sens a quelquefois ses bizareries , par rapport
à certains Hommes. J'ay connu unc
personne , qui ne trouvoit rien de plus
agréable que le son lugubre des Cloches
el que celui qui se fait entendre dans les
D
Villes
93 MERCURE DE FRANCE
A
Villes le jour des Morts ; et qui , pour en
gouter micux le plaisir , se retiroit alors
seul, dans un lieu écarté.
Si le sens de l'oüie me donne moins
d'usages bizares , ceux qui suivent , m'en
fourniront de reste ;car combien l'odorat
n'en-a- t-il pas produit ? Quels empressemens
n'a- t- on pas eu dans certains temps
pour gouter l'agréable odeur des parfums?
On en a mis sur les habits ,sur les gants , sur
lės
perruques. On faisoit des Pommes d'yvoire
creusées , et percées de petits trous ,
qu'on mettoit aux Roseaux des Indes ,
qu'on portoit pour servir de contenance..
On remplissoit ces Pommes de telle odeur
qu'on vouloit et toutes ces odeurs qui alors
ne nuisoient à rien , parce que c'étoit la
mode, ont depuis causé des maux de tête et
des vapeurs: Ensuite est venu l'usage de
l'Eau de la Reine d'Hongrie , lequel devint :
si commun , qu'il n'y avoit presque personne
qui n'eut son Flacon , et qui ne le portât
continuellement au nez ; mais l'usage.
bizare qui l'a emporté par dessus tous les
autres et qui paroît plus constant, est sans
doute celui du Tabac..
Le reste pour un autre Mercure
Les
JANVIER 17321
وو
Les mots de l'Enigme et des deux Lo
gogryphes du premier Volume de De-.
cembre sont , Navire , Marseille , Rouen .
On a dû expliquer l'Enigme et les trois
Logogryphes du second Volume, par
Cartes , Feve , Foye , Corail..
les ,
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX.
ENIGM E..
Vous qui dans l'ardeur de la Chasse ,,
Par Diane semblez instruits ,
A suivre les chemins qu'elle- même vous trace,
Par ces traits , s'il se peut , devinez qui je suis..
D'autant plus doux , que plus je charge ,
Avec plaisir vous me portez .
Au milieu de mon corps est une bouche large ,
Dont mes deux flancs sont les extremitez..
Pour vous mieux peindre ma structure ,
Je n'ai tête , ni pieds , ni mains
C'est la faute de l'art , et non de la Nature ;
Je n'en suis pas pourtant moins utile aux hu
mains ;
De leurs présens je ne suis point avare ;…….
Il est vrai qu'avant eux d'abord je m'en nourris ;
Javale , tout entiers les mets qu'on me prépare. ,
Lapins
Coo MERCURE DE FRANCE
Lapins , Becasses et Perdrix ,
Et ce qu'on y voit de plus rare ,
Je rends tout comme je l'ai pris;
Vous dirai - je encor davantage ?
Les plus frians mangeurs et les plus délicats ,
De tout ce que je rends font d'excellens répas
Lecteurs , dont quelquefois je suis l'heureux par
tage ,
Ne me réconnoissez -vous pas ?
R
LOGOGRYPHE.
Ien n'est plus connu que mon noms,
De tous les Etats je suis l'ame ,
Entre deux coeurs qu'amour enflamme ,
J'entretiens la douce union ;
Ainsi je joins l'agréable et Putile...
Huit lettres marquent qui je suis :
Six, deux , trois , cinq , est une Ville
Qui fut bien celebre jadis
Trois , cinq , six , huit , malgré les peines
Qu'il en coûte pour m'obtenir
Ce que je suis , fille veut devenir.
Mon nom sur tout est précieux aux Reines.
Sept , deux , et six , aux habitans des Bois.
Je donne des frayeurs mortelles.
Six , deux , sept , amour autrefois
Emous
JANVIER. 1732. Tof
Emoussoit tous ses traits contre le coeur des
belles ,
Il y trouvoit ma dureté.
Mais il a bien vaincu cette férocité.
Deux et six , je vois l'homme avide ,
Pour m'avoir , s'exposer sur quatre , cinq et six
Que dis -je , hélas ! dans l'ardeur qui le guide ,
Il braveroit même le styx.
Trois , deux , six , cinq et huit , je suis une contrée
,
Où l'Europe trouve sa fin :
Je vais finir aussi , car ma longue durée
Pourroit fort bien ennuyer le Devină
Par M. V. J. A. L.
LOGOGRYPHE LATIN
S I totus sumar metiri tempora possum ,
Tolle mihi frontem" ; bella cruenta gero,
Redde mihi frontem , caudas excindere cures
Sum bona , magna , gravis , sum mala , parva
levis.
Deme iterum frontem , sum quodlibet aspicis , aër ,
Ignis , aper , tellus , aquora , numen , avis,
NOU
Yo2 MERCURE DE FRANCE

NOUVELLES LITTERAIRES
L
DES BEAUX ARTS , &c.
E BOMBARDIER FRANÇOIS , ou rouvelle
méthode de jetter les Bombes
avec précision. Par M. Belidor , Commissaire
ordinaire de l'Artillerie , Professeur
Royal de Mathématiques aux Ecoles
du même Corps , Membre des Académies
Royales des Sciences d'Angleterre
et de Prusse , Correspondant de celle de
Paris. A Paris , de l'Imprimerie Royale ,
1731 , in 4.
LES LETTRES de S. Jean Chrisostome
traduites en François sur le Grec des PP .
Benedictins de la Congregation de Saint
Maur , où elles sont rangées selon l'ordre
des temps , avec des Notes et des Sommaires
; et deux Traités écrits du lieu de
son exil à la Veuve Sainte Olimpiade . A
Paris , Quay des Augustins , chez Pierre
Gandouin , à la belle Image , 1732 , 2. vol
in-octavo.
LES PARODIES du nouveau Théatre Italien
JANVIER
1732. TO3
lien , ou Recueil des Parodies représentées
sur le Théatre de l'Hôtel de Bourgogne
, par les Comédiens Italiens ordinai
res du Roy , avec les Airs gravés. A Pa
ris, chez Briasson , rue S. Jacques , 1731.
3. vol . in 12 , avec un petit Discours sur
les Parodies .
>
L'ART DE SE GARANTIR des incom
moditez du froid , avec peu de dépense ,
en suivant les principes de la Physique ,
de la Medecine , de l'Economie et de la
Politique dépendance de la Physique
utile et de la Philosophie économique
de M. de Vallange. A Paris , chez Gandouin
l'aîné , ruë Gist- le- coeur , Mesnier ,
ruë S. Severin et au Palais , 1732. in 12,
Brochure de 48. pages.
Nous n'avons garde de perdre un instant
pour annoncer cet Ouvrage qui
doit donner des moyens pour se garantir
du froid rigoureux de cette Saison .
Nous souhaitons très - ardemment , pour
le bien public et pour la gloire de l'Auteur
qu'il remplisse ses engagemens. Il
promet de plus , et toutes ses promesses
paroissent fort méditées , L'Art de s'habiller
commodement , proprement et à bon marché ,
selon la difference des Saisons , des âges , du
Sexe et des conditions.
Mr04
MERCURE DE FRANCE
MYTHOLOGIE OU HISTOIRE DES DIEUX ,
des demi-Dieux et des plus illustres Heros
de l'Antiquité Payenne , contenant
P'Explication de la Fable et de la Métamorphose
, où on fait voir que le culte ,
les Mysteres , les Sacrifices et les autres
Ceremonies du Paganisme, ne sont que des
copies imparfaites de l'Histoire Sainte
avec la Relation de la Destruction de
Troye , par Darés , nouvellement traduite
en François sur la Traduction Latine
de Cornelius Nepos. Par M. Dupuy. A
Paris , chez Huart l'aîné , ruë S. Jacques ,
1731. deux vol. in 12. de 666. pages les
deux volumes.
SUITE DU TRAITE' des Maladies Chro
niques , où l'on prouve d'une maniere
incontestable la guérison des Maladies Veneriennes
les plus inveterées , sans détourner
les Malades de leurs affaires ; et
celle des Tumeurs froides , sans l'usage
du fer et du feu. Par M. P. V. Dubois ,
ancien Prévôt et Garde des Maîtres Chirurgiens
de Paris. A Paris , chez Paulus
du Mesnil , Grande Salle du Palais , 1731.
LA REUNION DES AMOURS , Comédie
Héroïque. A Paris , chez Chaubert, Quay
des Augustins , 1732. in 12. prix 16. sols
Nous avons déja donné l'Extrait de cette
Piece
JANVIER.
1732 .
Plece , en parlant de sa
Représentation .
HISTOIRE DE
L'EMPIRE . Par M. Heiss.
Nouvelle Edition ,
augmentée de Notes
Historiques et Politiques , et continuée
jusqu'à present , par M. Vogel , Grand-
Juge des Gardes Suisses , 1731. dix vo
lumes in 12. La
Compagnie des
Libraires.
LETTRES
EDIFIANTES ET
CURIEUSES
écrites des
Missions
Etrangeres par quelques
Missionnaires de la
Compagnie de
Jesus , 20. Recueil. Chez Nic. le Clerc ,
ruë de la
Bouclerie et le
Mercier fils ,
ruë S.
Jacques , 1731. in 12 .
HISTOIRE DE
GUZMAN
D'ALFARACHE
nouvellement
traduite et purgée des Moralitez
superfluës , par M. le Sage , 173 26
2. vol. in 12. Ornée de Figures en Taille
douce.ChezEtienne Ganeau , ruë
S.Jacques.
HISTOIRE
NEGREPONTIQUE ,
Contenant
la Vie et les Amours
d'Alexandre Castriot
, arriere - Neveu de
Scanderberg et
d'Olympe , la belle
Grecque , de la Maison
des
Paleologues , tirée des Manuscrits
d'Octavio
Finelli de la Duché de
Spolete , et recueillie par lui -même des
Memoires d'un
Caloyer Grec , en la Côte
d'Ephese.
Seconde
Edition , 1731. in 12 .
Chez
Musier, Quay des
Augustins.
F Mas
10 MERCURE DE FRANCE
MEMOIRES de Madame de Barneveldt.
A Paris , Quay de Conty , et rue S. Jacques,
chez Mich. Gandonin et P. F. Giffart ,
173 2.2 . volumes in 12. de près de 600 .
pag.avec l'Avertissement et lesSommaires
On ne doit pas s'attendre à trouver
dans ces Memoires , qui sont fort bien
écrits , rien qui regarde les Armes , la
Politique , ou les affaires du grand monde.
Ce ne sont que des Avantures , où
il entre tantôt du Comique , tantôt du
Tragique , et assez de Galanterie , mais
de celle dont l'image n'est pas dangereuse
, et qui ne blesse point les moeurs , selon
le témoignage de l'Editeur , dans son
Avertissement. Si les Portraits plaisent
dans des Memoires , dit-il , on en trouvera
quelques- uns dans ceux- cys non , à
la verité , des portraits d'Hommes de guerre
et d'Etat , mais de Gens de Lettres , que
Auteur de ces Memoires a connus dans
les lieux où elle a vêcu. Ceux qui ont étudié
l'Histoire Litteraire de son temps , auront
la bonté de deviner leurs noms , s'ils le
peuvent ; car, comme elle n'a pasjugé àpropos
de les déclarer , je n'ay pas été d'humeur
de m'en informer pour les mettre à la marge,
ainsi que d'autres Editeurs plus sçavans que
moi , auroient pû faire.
LE
JANVIER. 1732. 107
LE COUR DES SCIENCES par le Pere
Buffier , se distribue présentement au public
, nous en avons indiqué le dessein selon
le plan de l'Auteur avant l'impression
Depuis que l'ouvrage paroît , le titre de
Cours des Sciences sur des Principes nouveaux
simples , se justifie très bien . Chacun
des Traités des Sciences n'est , pour ainsi
dire , que
le développement
d'une
propo
sition
qui
se fait
sentir
d'elle
même
, et
qui
sert
de
principe
: par
exemple
, le
principe
general
de
la Grammaire
, est
qu'il
faut
parler
selon
l'usage
établi
dans
la Nation
de
chaque
pays
; et que
dans
les
langues
de
toutes
les
nations
il se
trouve
quelque
chose
qui
leur
est
commun
, sçavoir
. 1 ,
Un
sujet
dont
on
énonce
quelque
chose
(
ce
qui
s'appelle
nom
. ) 2 ° . Ce
qu'on
énonce
de
ce sujet
, ( ce qui
s'appelle
Verbe
)
3 ° . La
maniere
ou
les
particularitez
du
su
fet
et
de
ce
qu'on
en
énonce
; ce
que
le
Pere
Buffier
appelle
modificatif
. Mais
ces
trois
chefs
se
diversifient
dans
chaque
Langue
en
tant
de
façons
par
la bizarerie
de
l'usage
, que
c'est
ce
qui
fait
la difficulté
d'apprendre
les
Langues
. D'ailleurs
comme
une
Langue
se fait
entendre
à l'oreille
et
qu'un
livre
ne
se fait
entendre
qu'aux
yeux
, la Grammaire
imprimée
d'une
Lan
gue
est
toujours
un
peu
épineuse
à ap-
Fij
prendre
08 MERCURE DE FRANCE
prendre , mais en recompense , en l'appre
nant comme on la donne ici , elle est la
semence des auttes Sciences en faisant conzoître
et discerner la valeur des mots qui
sont les images de nos pensées.
LePrincipe dans le traité de l'Eloquence,
est encore plus simple ; sçavoir , qu'elle
consiste , non , dans les regles , mais dans
le talent d'inspirer aux autres les sentimens
que nous prétendons ; de sorte que
pour y réussir , il faut bien moins d'étu
de que du talent naturel et de l'usage acquis
par l'exercice et par les exemples.
La simplicité des principes dans les
Sciences de l'entendement est encore
plus sensible et plus importante. Dans la
Metaphisique on reduit la premiere source
de nos connoissances et des premieres
veritez au sens.commun répandu, non pas
dans la plupart des hommes , mais dans le
plus grand nombre des hommes , réunis
dans une même opinion.
Ce principe appliqué , à ce qui est veritablement
beau , fait découvrir une chose
singuliere ; c'est que bien qu'il se trouve
beaucoup plus de personnes laides que de
belles, cependant il n'est point de conforation
de visage plus commune que celle
qui fait la beauté. Sur une centaine de
acz , par exemple mez , il n'y en aura que
vingt
JANVIER. 1732. 1 !
و
vingt de bien faits ; mais qui seront sur le
ême modele au lieu que des quatro
vingt autres malfaits , il s'en trouvera à
peine quatre our cinq sur le même modele
de difformité : Cette pensée de l'Auteur
dans un point de Metaphisique pourroit
amuser ceux qui sont le moins capables de
Metaphisique et de reflexions abstraites.
Le principe de la Logique en ce cours des
Sciences semble congedier toutes les regles
fatigantes qu'on enseigne depuis si longtéms
dans les Ecoles ; la Logique ayant
pour but essentiel , de tirer une conséquence
juste d'une connoissance anterieure,
( appellée principe par rapport à la conséquence
, le Pere Buffier donne pour uni
que regle, qu'on ait bien presente à l'espri
cette connoissance anterieure ou principe.
Si j'ai , dit-il , bien présente à l'esprit
Ta connoissance ou l'idée du noir , il sera
impossible d'en conclure que c'est du blanc
ou du rouge ; un homme vous avertit de
ne le pas toucherparce que vous le casserie.z.
Vous croyez que cet homme raisonne en
fou , et il raisonne très -juste , et la consé
quence de son principe est très - legitime
: c'est qu'il se croit de verre ; posé
ee principe qui , ( à la verité est fou ) la
conséquence est raisonnable que vous pour
riez le casser. Certainement les Sciences .
E iij
ex
110 MERCURE DE FRANCE
exposées sous ce jour peuvent servir à la
curiosité de l'esprit , quand elles ne serviroient
pas à sa justesse erà sa solidité.
Le principe du traité de la Societé Civile
est aussi facile et encore plus interessant,
le voici : Je veux être heureux ; mais vi◄
vant avec des hommes qui veulent être heureux
chacun de leur côté , je dois cherchermon
bonheur sans nuire en rien à celui des autres;
voilà le fondement de toute la vertu moralé
et humaine. Telle est la simplicité et
la nouveauté des principes. que l'Auteur
donne aux Sciences , il les traite sous un
jour qui n'ôte rien à la clarté et à la sensibilité
des principes.
On trouve ici des notes critiques sur des .
Ouvrages renommez d'Ecrivains anciens
et modernes qui ont traité les mêmes
Sciences. L'Auteur y ajoute des éclaircissemens
aux difficultez proposées contre
certains endroits de ses ouvrages , telles
que nous en avons inseré il y a quelques.
années dans notre Mercure.
Un Discours particulier touchant l'étude
et la methode des Sciences contient encore
des reflexions utiles et nouvelles ; on
y montre l'abus de vouloir donner unemethode
generale pour acquerir les Sciences
: il ne se trouvera qu'à peine deux esprits
dit le Pere Buffier , qui ayent acquis
JANVIER. 1737. TFU
quis la mêine sorte de Science par la mê
me methode , chacun se fait et se doit faire
la sienne selon le caractere particulier de
son genie , de son goût , de son état et de
ses besoins. On indique en ce discours divers
exercices qui peuvent abreger ou faciliter
l'étude des Sciences . On recommande
de s'attacher d'abord dans l'étude des Langues
à interpreter beaucoup plus qu'à composer.
Dans l'exercice de la Rhetorique et
de l'éloquence, à faire l'analise de Discours
excellens , et de tâcher au bout d'un tems.
à le remplir soi - même pour le comparer
avec son modele : dans l'exercice de la Poësie,
de ne s'y point arrêter quand on ne s'y
trouve pas un talent singulier ; dans la Mc--
thaphysique et la Logique de choisir un
maître qui forme sesEleves à n'admetre que
ce qu'ils conçoivent nettement et indépen
damment des mots et des expressions, &c.
Le volume finit par plusieurs petits Trai
tez ou Dissertations sur differents dujets ,
pour examiner 1 ° . En quoi consiste la nature
du goût : 2 si nous sommes en état
de bien juger des défauts d'Homere : 3º ..
si quelques gens d'esprit ont eu raison de
décrier le vers de Lucain , victrix causa ,,
&c. Les Dieux sont pour César , mais Caton
suit Pompée, & c. 4° . Si les regles et les
beautés de la Musique sont arbitraires ou
E iiij. ex-
·
AE MERCURE DE FRANCE
réelles à cette occasion l'Autheur insere
un petit Traité de Musique intelligible à
ceux même qui n'en auroient jamais rien
appris. On expose encore une question
qu'on n'auroit peut- être pas attendue dans
un cours des Sciences, mais elle sert à montrer
ici combien elles contribuent à éclaircir
des choses dont on entend parler trèscommunément
sans les entendre , et qui
deviennent très claires par la maniere de
les exposer , avec le secours des Sciences.
Cette question est celle où l'on demande
quel est le mobile quifait hausser ou baisser ce
qui s'appelle le change parmi les commerçans
de l'Europe , dont les Gazettes parlent continuellement..
-
f
REFLEXIONS sur differens Sujets de
Physique , de Guerre, de Morale , de Critique,
d'Histoire , de Mathematique , &c.
Ouvrage Periodique , par M. de ....
le prix est de 4. sols petite brochure de
14. pagès in 8. A Paris , chez F. le Breon
, Quay de Conty , à l'Aigle d'or 1731.
Cette premiere feuille ne contient encore
rien de ce que l'Auteur fait esperer.
C'est un Discours Préliminaire qui peut
servir de Préface à tout l'ouvrage Periodique
qu'on annonce , et cet ouvrage de la
maniere dont on nous dit qu'il sera dispo-
SC
JANVIER . 1732. 113
sẽ et varié , pourra être utile et agréable.
Son But principal , dit- on , est l'utilité
des gens de Guerre. Un Officier dans une
Garnison , ou dans un Quartier , a bien
des heures de loisir qu'il ne sçait à quoi
employer , &c. Il ne faut pas s'étonner de
cette attention de l'Auteur pour les Offi
ciers ; il se déclare lui même homme de
Guerre; du reste il ne veut pas être connu.
Quoiqu'il en soit on peut attendre quel--
que chose de bon de l'execution de ce projet,
s'il est vrai que de tous les Sujets par
ticuliers,contenus dans chaque feuille , distribuée
toute sles semaines , il ne doit y en
avoir aucun qui ne puisse contribuer à polir
l'esprit , à foriner le jugement , ou à redresser
le coeur..
La troisiéme feuille est intitulée , Sur les
Sciences qui conviennent à chaque Profession
commence ainsi ,
2
La nécessité de s'intruire est commune:
à tous les hommes : ils naissent dans une
ignorance si profonde de toutes choses ,
qu'il n'y a que des soins continuels et une
application suivie qui puissent leur procurer
les connoissances qui leur sont necessaires
. Je suppose qu'on fût en France 30 .
ou 40. ans sans instruire la jeunesse , il n'y
a pas de doute qu'elle se reduiroit au même
pointe
F. Y
114 MERCURE DE FRANCE
point d'obscurité , où sont à present l'E
gypte et la Grece, autrefois si Aleurissantes.
Une interruption de quelques années peutdétruire
les progrès de plusieurs Siécles.
Dès que le malheur des tems où l'indolence
des Peuples fait cesser leurs études et
leur application , ils retombent dans le
même état d'ignorance d'où leur travail
les avoit tirés.
Ces mêmes revolutions arrivent de tems :
en tems en particulier , à l'égard de cerraines
professions ; dès que l'émulation ou
la pratique en sont interrompues , elles
tombent dans une langueur qui approche
de l'extinction . Il y a 30. ou 40. ans que
la Sculpture fleurissoit parmi nous , à present
nous n'avons personne qui remplace
les Pugets et les Girardons ; la Science de
la Guerre se neglige et s'oublie peu à peu .
Il est à souhaiter que la paix ne finisse
point; mais si elle cessoit dans 20.ans , lorsque
tous les bons Officiers seront morts ou
décrepits , avec quelle ignorance ne feroiton
pas la Guerre dans les premieres Campagnes
, malgré les secours qu'on a dans
les bons livres que nous avons sur cette
matiere ? Le nombre des jeunes Officiers
qui s'appliquent veritablement à la theorie
est si petit , qu'une grande armée ne
s'en ressentiroit presque pas.
TRAITE
JANVIER. 1732 Τις
TRAITE HISTORIQUE ET MORAL
de l'abstinence de la "Viande et des revolutions
qu'elle a eues depuis le commencement
du Monde jusqu'à present ,,
tant parmi les Hebreux que parmi les
Payens , les Chrétiens et les Religieux ,
anciens et modernes. Par le R. P. Berchelet,
Religieux Benedictin de lá Congregation
de Saint Vanne et de Saint Hydulphe . A
Rouen , chez la Veuve Hérault , 173 1. in 4i
TRAITE de la Verité de la Religion
Chrétienne , tiré du Latin de M. J. Alfon--
se Turetin , Professeur en Theologie et en
Histoire Ecclesiastique à Geneve. Section
prere et seconde, de la necessité et des
caracteres de la Revelation . A Geneve
chez Marc-Michel Bousquet & Compagnies
et à Paris , chez Chaubert , Quay des Au--
guftins1739. in 8. PP. 151 ..
VOYAGE en Anglois et en François..
D'A. de la Motraye en diverses Provinces
et Places de la Prusse Ducalle et Royale ¿' ,
de la Russie , de la Pologne , &c. contenant
un Traité de divers Ordres de Chevalerie
, un grand nombre de particula
rirés curieuses touchant le tumulte dé
Thorn , la djette de Grodno , la vie da
Czar Pierre . 1. celle de la Czarine Cathe--
Fvj
ringe
1 MERCURE DE FRANCE
1
rine du General Fort et du Prince Menzikoff
, avec des Remarques Geographi
ques, Topographiques , &c. A la Haye, chez
P.Moetiens 1732. in fol. troisiéme vol . on
trouve ce volume et les 2. précedens à Paris
, ruë Gist - le-Coeur , chez Heuqueville.
HISTOIRE de la Guerre des Hussites
et du Concile de Bafle . Par Jacques l'Enfant.
A Utrecht , chez Corn . Guill. le Fe
vre. 1731. 2. vol. in 4. de plus de 400 ..
pages chacun.
IMAGES DES HEROS et des grands
Hommes de l'Antiquité , dessinés sur des
Médailles , des Pierres antiques et à autres
anciens Monumens. Par Jean - Angi Ganini
, et gravées par Picart le Romain , &c.
avec les Observations de Jean- Ange et de
Marc Antoine Canini , données en Italien
sur ces Images ' ; diverses Remarques du
Traducteur et le Texte original à côté
de la Traduction 1731. A Amsterdam
chez B. Picart et J. E. Bernard in 4.
оц BIBLIOTEQUE ITALIQUE
Histoire Litteraire de l'Italie. May , Juin ,
Juillet , Août 1728. Tome II. A Geneve ,
chezMM.Bousquet et Compagnie in 12 , de
335. pages , et se trouve à Paris , ruë S.
Jacques chezGuerin .
Le
JANVIER 1732 HT
Le premier article de ce second volume.
de la Bibliotheque Italique presente un
ouvrage considerable du Docteur Hiacinthe
Gimma , Napolitain , sous le titre de
IDEA della storia dell' ITALIA LETTERATA ,
&c. ou Idée de l'Histoire Litteraire de l'Italie
, & c. Par Don Hiacinte Gimma , &c .
en deux Tomes in 4. contenant 913. pages
sans l'Epitre Dedicatoire et la Preface . A
Naples , chez Felix Mosca 1723,
Avant que d'entrer en matiere sur cette
Histoire , les Auteurs du nouveau Journal,
ont cru devoir en porter le jugement que
voici. » Si Don H. Gimma avoit fait une
» Histoire methodique de l'étatdes Sciences
»et des Arts en Italie depuis le quinziéme
» siecle , il auroit mieux satisfait les vrais
» Sçavans , et auroit fait beaucoup plus
» d'honneur à sa Patrie , qu'en publiant
» un ouvrage indigeste. et trop , chargé,
» d'une infinité de choses qui paroissent
» peu necessaires pour un tel dessein . Il
» semble que ce Sçavant Homme ait voulu
» faire un pompeux étalage de ses lectures ,
>> et montrer qu'il n'ignore aucun des sujets
»sur lesquels les Anciens et les Modernes.
»ont écrit. Il s'étoit déja fait connoître.
» sur le même pied par quelques autres ou
vrages , qui lui ont acquis beaucoup de
»réputation en Italie et dans les Pays ou
ses
13 MERCURE DE FRANCE
ses Livres ont passé. Il auroit pû , s'il
navoit voulu , imiter quelques Sçavans Ita-
»liens du premier ordre , dont la plûpart
»sont de ses amis , et dont les ouvrages
» dépouillés d'inutilités , ne laissent pas
» d'être très - curieux et très - instructifs ,&c.
Cette critique , poussée encore plus loin.
par nos Journalistes ,ne les empêche pas de.
convenir que l'ouvrage de M. Gimma
merite toute l'attention des gens de Lettres
, sur tout de ceux qui vivent en deçà
des Monts , et qui sont peu au fait de ce
qui se passe en Italie à l'égard desSciences
et des beaux Arts . Il contient quantité de
choses que l'on chercheroit envain ailleurs.
En voici le plan et une idée , telle
que nous pouvons la donner , sans exceder
les bornes qui nous conviennent.
*
L'ouvrage est divisé en 50. Chapitres
dont 34. forment le premier Tome , qui
comprend l'Histoire des Sciences et des
Arts depuis Adam jusqu'au quatorziéme
siecle inclusivement. Le second Tome
commence au quinziéme siecle et finit à
P'année 1723. Dom Gaspar Campanile ,
ami de l'Auteur , et Membre de l'Acadé
mie de Rossano a fait la Préface. Il y explique
le dessein du Docteur Gimma qui est
demontrer que l'Italie a toujours été laMere
et la Maitresse du sçavoir. L'Auteur s'explique
JANVIER. 1732.
119
plique ensuite lui même dans l'introduction
,sur le but qu'il s'est proposé . Il a voulu
justifier ses Compatriotes et faire voir
que c'est à tort qu'on accuse les Italiens
d'ignorance , et que l'on debite chez les
Etrangers qu'on ne fait en Italie que copier
des ouvrages déja imprimés , &c. Il
oppose à cette accusation entre autres
moyens de défense , le Journal Litteraire
de Venise , qui est en effet une preuve recente
et authentique que l'Italie cultive
les Sciences et qu'elle enrichit la Republique
des Lettres de son propre fond.
Le premier Tome , qui contient un
grand détail , finit par l'histoire de la Peinture
, de la Sculpture , de l'Architecture,.
et de l'Art de Graver en bois et en cuivre;
par les noms et les ouvrages des Sçavans du
14. siecle , et par l'étude de la Langue , et
de l'éloquence Grecque et Latine , renou .
vellée par les Italiens de ce tems- là.
Dans le second Tome , encore plus ample
que le premier , on trouve l'histoire -
des trois derniers siecles , et de la pa tie
qui s'est écoulée de celui dans lequel nous
vivons. On y parle des Académies d'Italie
, de la Philoso hie moderne , de la Geographie
, des Mathematiques , de la Medecine
, et de toutes ses parties , de l'Histoire
Naturelle , de la Phisique experi
mentale;
120 MERCURE DE FRANCE
mentale , et de quantité d'inventions , et
de découvertes , qui ont été faites premierement
en Italie , d'où elles ont passé
ensuite chez les autres Nations. Quoique
nos journalistes abrégent assez tout ce
détail dans leur Extrait , nous ne sçaurions
les suivre sans tomber dans une longueur
excessive Disons cependant , d'après
nos Auteurs , un mot des Académies
d'Italie.
On a vû près de 500 Académies , sous
des noms fort bizarres , commencer et finir
en Italie , depuis le renouvellement
des Sciences. La plupart n'ont eu pour
objet que la Poësie ; principalement la
Poësie Toscane. D'autres , en plus petit
nombre , se sont attachées aux Belles Lettres
en général ; et quelques - unes enfin
ont travaillé pour l'avancement des Sciences.
Il y en eut de cet Ordre au seizième
siécle , dont le but et l'institution ont été
suivis par toutes les Académies des Sciences
, qui fleurissent aujourd'hui en divers
endroits de l'Europe .
Entre les Académies nouvelles , on doit
donner le premier rang , après l'Institut
de Bologne , à celle de Mad. la Comtesse
Dona CLELIE GRILLO - BORROME'E , l'une
dés plus sçavantes Dames de ce siècle , et
grandé Protectrice des Gens de Lettres ,
tant
JANVIER 1737 .
127
rant en Italie , qu'ailleurs. C'est à cetto
Dame que notre Auteur a dédié son Histoire
Litteraire d'Italie. Elle avoit établi
depuis peu une Académie de Philosophie
experimentable dans son Palais à Milan.
M. Antoine Vallisnieri , premier Professeur
en Médecine Théoretique , dans l'Université
de Padoue , en étoit désigné
Président. Il en avoit même déja dressé
les Réglemens ; mais on vient d'apprendre
que cet Etablissement n'a pu encore
avoir lieu , pour des raisons que nous
ignorons.
Nous n'obmettrons pas icy de dire pour
la gloire du beau sexe Italien , que la Prin
cesse Therese Grillo - Pamfili , soeur de la
Comtesse Borromée , dont on vient de
parler , brille aussi par de grandes qualitez,
sur tout du côté des Letttes. Elle parle
sept Langues , entre lesquelles sont la
Latin , Anglois , le François , l'Allemand
et l'Espagnol ; elle a aussi étudié , avec
beaucoup de soin , l'Histoire naturelle , la
Philosophie experimentale , la Théologie,
l'Histoire ancienne et moderne , et les
Mathématiques ; son érudition est vaste
sa mémoire prodigieuse , et ses raisonne
mens solides et profonds. Dona Therese ,
outre une infinité de connoissances , peu
communes aux personnes de son sexe ,, 7
>
écrit:
T22 MERCURE DE FRANCE
écrit sçavamment et élégamment en Prose
et en Vers . Elle est nommée Irene Pamisie
entre les Arcadi , et elle fait un des plus
beaux ornemens de cette célebre Académie
de Poësie ,qui embrasse presque toute
Italie , par ses diverses Colonies . Cette:
sçavante Dame a une autre soeur , sçavoir
la Comtesse Dona Genevra , qui sçait la
Philosophie , et qui écrit fort élegamment
en latin . On peut joindre à ces trois illus
tres Personnes Mademoiselle Marie Selvagia
Borghini , de Pise , dont les Poësies
sont d'une élégance et d'un gout si fin ,
que Redi , bon connoisseur , ne fait pas
difficulté de la comparer au fameux Pétrarque.
Cette Sçavante a fait une belle
Traduction de Tertullien en langue Toscane.
A l'occasion de cette Demoiselle, les
Auteurs de cette Bibliotheque nous ap
prennent qu'il y a à Sienne une Acadé
mie de Dames , qui ont pris le nom d'As--
sicurate , ce qui n'est pas un petit surcroit
de gloire pour l'Italie.
Au reste, il y a lieu d'être surpris que
Auteur d'un Ouvrage aussi étendu que
celui qui donne lieu à cet Extrait , ne
rapporte pas du moins les noms de toutes
les Académies établies en Italie depuis
le rétablissement des Sciences , dont le
nombre , selon M. Gimma , se monte à
près
JANVIER. 1731. 1233
près de cinq cent. Nous n'entreprendrons
pas de suppléer entierement à ce deffaut ,.
mais le Public nous sçaura peut-êtee quelque
gré si nous donnons icy un dénombrement
des établissemens Académiques.
qui sont venus notre connoissance ; sur
tout de ces Académies qui ont pris des
noms qui paroissent bizares.
Ce dénombrement sera fait non pas selon
l'ordre des temps , ni selon le rang
des Villes Académiques , mais suivant
que les noms se presentent dans nos Mémoires
, en attendant l'arrangement que
nous pourrons leur donner un jour dans
un Ouvrage plus médité .
NOMS de quelques. Academies
d'Italie.
Les Endormis , Addormentati , de Genes..
Les Ardens , Ardenti , de Naples.
Les Immobiles , Immobili , d'Alexandrie.
Les Fantasques , Fantastici , et Humoristi,
de Rome.
Les Opiniatres , Ostinaii , de Viterbe.
Les Etourdis , ou les Lourdauts , Intronati',
de Sienne .
Les Insensez , Insensati , de Pérouse .
Les Oisifs Otiosi , de Boulogne et de
Naples. Les:
124 MERCURE DE FRANCE
Les Cachez , Nascostt , de Milan.
Les Obscurcis ou Embroüillez , Caligi
nati , d'Ancone .
Les Amoureux , Invaghiti , de Mantouë,
Les Faciles ,, ou Accommodans , Adagia
ti , de Rimini.
Les Enchaînez , Catenati , de Macerata.
Les Humides , Humidi , de Florence, dont
les premiers Membres furent appellez
Humecté,le Gelé, le Froid, le Trempé , le
Transi, le Trouble , le Brochet, le Bouueux
le Rocher , l'Ecumeux , le Cygne.
Les Steriles , Infecondi , de Rome.
Les Etrangers , Pellegrini , de Rome.
Les Offusquez , Offuscati , de Cesene.
Les Désunis , Disuniti , de Fabriano.
Les Absurdes , Assorditi, de Citta di Cas
tello.
Les Cachez , Occulti , de Bresse.
Les Perseverans , Perseveranti , de Trévire.
Les Fantasques , Humorosi , de Cortonne.
Les Obscurs , Oscuri , de Lucques.
Les Agitez , Aggirati , de
Les Assurez , Affidati , de Pavie.
Les Attaquez , Affrontati , de Ferme.›
Les Sanssouci , Spensierati , de Rossano.:
Les Tracez , Orditi , de Padoüe .
Les Harmonieux ou Amateurs de l'Har
monie , Filarmonici , de Veronne..
Less
JANVIER 1732 . 125
Les Lincées , Lincei , de Rome.
On peut ajoûter à ces Académies , dont
les Noms paroissent extraordinaires , celles
de Faticosi , de Milan ; Della Fuschina ,
de Messine , des Appatisti , de Florence
des Olympici , de Vicence , des Dodonei ,
de Venise , et des Infuriati , de Naples
sans compter Los Desconfiados , de Barcelone
; et si l'on veut , nos Lanternistes , de
Toulouse, qui semblent avoir voulu s'impatiser
avec l'Italie à cet égard-là.

Cependant comme il ne faut jamais rien
censurer sur de simples apparences , et
comme on doit présumer que des Italiens,
naturellement spirituels , et des Italiens
Gens de Lettres , n'auront pas donné au
hazard des Noms pareils à leurs établisse
mens Académiques ; il est bon de suspendre
notre jugement iusqu'à ce qu'il vienne
là- dessus quelque bonne instruction .
En attendant , voicy l'Extrait d'une Lettre
qui nous a été écrite par un ( a ) Italien
, Homme d'esprit de mérite et fort
connu à Paris.
» J'aurai l'honneur de vous dire , Mon-
>> sieur , que les Noms dont vous m'avez
( a ) Le fieur Riccoboni , dit Lélio , premier Acteur
de la Comédie Italienne de Paris, Auteur d'une
Histoire du Théatre Italien , &c. imprimée depuis
peu à Paris.
-parlé
126 MERCURE DE FRANCE
S
parlé qui vous semblent bizares , et në
>> gueres convenir à des Académies , ne sont
>> pas tels dans le fonds : pour se convain-
>>>c re de cette verité il faudroit sçavoir tous
» les Emblêmes et toutes les devises que
» nos Académies ont inventées , et qu'el-
» les se sont appropriées pour se caracte-
» riser particulierement et pour se distin-
>> guer les unes des autres. Je n'ai point ici
les Livres où ces éclaircissemens pour-
» roient se trouver, mais je puis vous fournir
un exemple qui servira peut être à
nous faire rendre justice sur cette ma-
» tiere.
» Nous avons à Boulogne l'Académie de
» I. Diffetuosi , les Deffectueux , dont mon
» Epouse à l'honneur d'être , lesquels s'ap-
» pliquent particulierement à la Poesie : si
>> ces Messieurs , dira- t'on , sont deffectueux,
>ils doivent être fort mauvais Poëtes. Co
« jugement seroit precipité, mais on en re-
» vient quand on sçait que cette Académie
» a pris pour Embleme dans un tableau une
>> Ourse qui leche son petit , et qui d'une
» masse de chair informe , fait voir enfin
» un animal proportionné et parfait. On
» lit au dessus Sic format lingua , et au bas
>> le nom de l'Académie ou des Académiciens
, J.. Diffetuosi. Vous devez conve
nir qu'il ni a rien de si joli et de si expressif
JANVIER. 1732. 127
prersifpour une Societé de de Letgens
» tres et de Poëtes . Si nous avions les De-
» vises de toutes les autres Académies d'I-
» talie , vous trouveriez de même que ces
» noms ne sont point si bizares ni si ab-
» surdes ; javoue qu'ils paroissent tels , ri-
» dicules même , et qu'un Ecrivain Fran-
» çois n'a pas eu tout à fait tort de dire
que
la plupart de ces noms conviendroient
» fort bien à des chevaux de Manege dans
>> une Académie d'exercice . En attendant
donc qu'il vienne la dessus de l'Italie
même une instruction plus détaillée et qui
satisfasse , le public éclairé ; Risum teneatis
Amici.
Cet article des Académies Italiennes s'é
tant un peu allongé , nous finirons ce qui
nous reste à dire ici de l'ouvrage de M.
Gimma , qui y a donné lieu , par exposer
en peu de mots d'après les Auteurs de
la Bibliotheque Italique , ce qu'il dit des
differens Journaux d'Italie .
Nous avons toujours pensé que la gloire
de l'invention des Journaux Litteraires
étoit dûe à la France , et en particulier
à M. Sallo Conseiller au Parlement de Paris
, lequel en l'année 1665. commença
dans cette Ville le premier de tous les
Journeaux sous le titre de Journal des Scavans
, et sous le nom du Sieur d'Hedouville
128 MERCURE DE FRANCEville
son Domestique . M. Gimma semble
nous envier cette primauté , en soutenant
que c'est en Italic que l'on a connu la
miere idée d'une invention si utile aux
gens de Lettres .
pre-
Ce fut à Venise , dit-il , où l'on commença
de publier les Nouvelles Litteraires
, en feuilles volantes , qu'on nomma
Gazettes , du nom d'une petite Piece de
Monnoye de Venise ; qui en étoit le prix.
Le Sçavant Magliabechi Bibliotequaire du
G. Duc de Toscane , conservoit quelques
volumes de ces Gazettes qui étoient toutes
du XVI. siecle . Notre Historien ajoute que
ces feuilles volantes ne se distribuoient
que Manuscrites, & que cet usage subsiste
encore à Venise. Ce sont des particuliers
qui -les dictent à 30. ou 40. Copistes à la
la fois. Une seule reflexion suffit pour concilier
les choses à cet égard , et pour constater
la verité.Quelle difference en effet ne
doit- on pas faire entre ces Nouvelles Litteraires
manuscrites et un veritable Journal
des Sçavans , tel que celui de M. Sallo,
reconnu à bon droit le premier de tous
par toute l'Europe sçavante.
M. Gimma lui - même semble reconnoitre
cette verité,en disant tout de suite , que
les Sçavans d'Italie suivirent bientôt l'exemple
de ceux qui les premiers donneJANVIER.
1732. 129
rent un Journal des Sçavans au Public
Voici ce qu'il dit ensuite de ces Journaux
Italiens , et qui servira à rectifier ce qui
pourroit se trouver de deffectueux dans ce
qu'on a écrit ailleurs sur cet article.
Il parut un Journal à Rome l'an 1668.
lequel fut continué jusqu'en 1679 sous le
titre de Giornale de Letterati . L'Abbé François
Nazari de Bergame le composoit sous
le direction de l'Abbé Ricci , qui fut ensuite
Cardinal. Il s'en fit un second à Ro
me sous la direction de M. Ciampini , lequel
fut une continuation du précedent
jusques à l'an 1681 .
- Le P. B. Bacchini , Abbé des Benedic
tins , à Parme , publia un autre Journal
dans cette Ville- là , depuis l'an 1686. jus
ques en 1690. Il le continua ensuite à Mo
déne dès l'an 1692. jusques en 1697 .
Le P. Manzani ,Provincial du Tiers- Or
dre de S. François , fit aussi à Parme l'an
1682. un Journal en Latin , sous le titre
de Synopsis Biblica.
Le Giornale Veneto , d'un stile extraor
dinaire , dura à Venise depuis 1671. jusqu'en
1589. Le Giornale di Ferrara in 4.
dura seulement pendant 1688 , et 1689 ..
On y publia un autre Journal in 8. dès
1671. Albrizzi , Imprimeur et Libraite
publia à Venise dès l'an 1696. un Journál
G
130 MERCURE DE FRANCE
nal in fol. sous le titre de Galleria di Minerva.
Il y en a sept volumes . On y trou
ve quantité de Pieces sçavantes, outre l'Extrait
de divers Livres.
Mais tous ces Journaux ayant discontinué
, ou manquant des qualitez requises,
M.Apostolo Zeno se joignit à quelques
Sçavans de ses amis pour donner un Journal
qui pût suppléer au défaut des autres .
Cet ouvrage,commencé en 17 10. a été continué
depuis avec un applaudissement general.
Il a été publié depuis environ 1719 .
sous la direction du P. Dom Pierre Catterino
Zeno ,Clerc Regulier de la Congregation
de Somasque , Frere d'Apostolo
zeno qui fut appellé à Vienne pour y remplir
la place d'Historien et de Poëte de
l'Empereur.
L'Abbé Jerôme Leone publie depuis
quelques années un Supplement au Journal
de Venise , dont il a déja paru 3. ou
Volumes. Il l'a formé de plusieurs Dissertations
et autres Pieces curieuses , qui ne
pouvoient pas entrer facilement dans le
Journal.
Nous renvoyons à un autre Mercure ce qui
nous reste à dire de ce second Tome de la Bibliotheque
Italique
On vend chez Lottin et Desprez,Librai
res
BIBLIO
THE
3Teil
les
Lue
rti-
Ce
lus
mesp
18 .
les
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to-
LYOR
P.
1890
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I. TRESOR ROYAL.
Une Mine qu'on creuse , et dont enleve
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bliotheque Italique.
On vend chez Lottin et Desprez,Librai:
res
JANVIER. 1732. ISTres
, rue S. Jacques , le troisiéme Recueil
des Poësies Spirituelles et Morales , Fables.
& c. sur les plus beaux Airs de la Musique
Françoise et Italienne , avec la Basse : Partition
in 4. gravé , Prix 3. liv. broché. Ce
Receüil contient près de 60. Airs des plus
grands Auteurs Mrs Lulli Lambert
, Campra , Clerambaut , Destouches,
Bernier , Marchand , Debousser , &c. 18. ›
Chansons morales et un Receuil de Fables
dans le goût de M. de la Fontaine.
, ›
Critique de l'Almanach du Mariage ,
adressée à l'Auteur par une Dame de Pro
vince. A Paris , chez Ch. Guillaume et P.
Gandouin , rue du Huerpoix 1532. petitebrochure
d'une feuille.
MEMOIRES DE LA COUR DE FRANCE ,
pour les années 1688. et 1689. Par Mas
dame laComtesse de la Fayette. A Amsterdam,
chez Jean Fred. Bernard 1731. in 12.
de 235 pages. On en trouve quelques
Exemplaires, rue saint Jacques , chez Morin
JETTONS FRAPPEZ pour le premier
jour de Janvier 1732. avec l'Explication
des Types , &c.
I. TRESOR ROYAL.
Une Mine qu'on creuse , etdont enlevé
Gij
les
132 MERCURE DE FRANCE
les matieres Metalliques . Legende : Inex
baustis generosa Metallis.
II. PARTIES CASUELLES.
Des Orangers dans une serre. L. Tutius
ut vivant.
III. CHAMBRE AUX DENIERS.
Deux Cornes d'abondance , de l'une desquelles
il sort des Fleurs et des Fruits , et
de l'autre des Pieces de Monnoye. L. Dapes
et munera Divûm.
IV. ORDINAIRE DES GUERRES,
Pallas, assise au pied d'un Olivier , tenant
la Pique d'une main , s'appuyant de
l'autre sur son Egide, L. Fidissima Custos.
V. EXTRAORDINAIRE DES GUERRES.
Une Couronne de Laurier jointe à une
Couronne d'Olivier. L. Amba splendidius
nitent.
VI. BASTIMENS DU Roy.
Le Genie des Arts assis sur la base d'une
Colomne , contre laquelle il est appuyé
étend la main droite, et montre les principaux
Instrumens de l'Architecture , qui
sont appendus à un Olivier. L. Non indecora
quies.
VIL ARTILLERIE.
Des Canons et autres Attributs au-
tour
JANVIER. 1732. 133
four d'un Piedestal , sur lequel est posée une
main de Justice.L. Silent sub legibus Arma
VIII. MARINE.
Neptune qui lance un Trident à pointes
de feu sur des Monstres qui infectent le
Rivage, L. Nec desunt fulmina Ponto.
IX . GALERES.
Des Fleches dans un Carquois posé sur
un Arc bandé. L. Emissa volant.
X. LA VILLE DE PARIS.
Les Armes de la Ville d'un côté : celles
de Michel Etienne Turgot , Prevôt des Marchands
, de l'autre. L. Son nom et ses quatitez.
XI. LES ETATS DE LANGUEDOC.
La Province representée sous la figure
de Pallas. Nec artes nec munera desunt.
XII. MAISON DE LA REINE.
Un Soleil levant et l'Etoile du matin au
dessus. L.Foecunde implebit lumine Terras.
PRIX proposé par l'Academie de Chirurgie
, pour l'année 1732 .
L'Académie de Chirurgie , établie à Paris sous
la protection du Roi , désirant contribuer aux
progrès de cet Art , et à l'utilité publique , propose
pour sujet du Prix de l'Année 1731. la question
suivante.-
Gij Pour334
MERCURE DE FRANCE
Pourquoy certaines Tumeurs doivent être extirpées
, et d'autres simplement ouvertes , dans l'une
l'autre de ces opérations . Quels sont les cas où lo
Cautere est préférable à l'Instrument tranchant ,
at les raisons de préférence.
Ce Prix est une Médaille d'or de la valeur do
deux cent livres , qui sera donnée à celui qui ,
au jugement de l'Académie , aura fait le meil
leur Memoire sur la question proposée.
Les Chirurgiens de tous Pays seront admis à
Concourir pour le Prix ; on n'en excepte que
les
Membres de l'Académie.
Ceux qui composeront , sont invitez à écrire
en François ou en Latin , autant qu'il se pourra.
On les prie d'avoir attention que leurs Ecrits
soient fort lisibles.
Ils mettront à leur Memoire une marque distinctive
, comme Sentence , Devise , Paraphe ou
Signature et cette marque sera couverte d'un
papier blanc collé ou cacheté , qui ne sera levé
qu'en cas que la Piece ait remporté le Prix .
Ceux qui travailleront pour le Prix , adresseront
leurs Ouvrages francs de Port , à M. Mo
rand , Secretaire de l'Académie de Chirurgie à
Paris , ou les lui feront remettre entre les mains.
Les Memoires ne seront reçus que jusqu'au
dernier jour de Septembre 1732. inclusivement.
L'Académie , à son Assemblée publique de 1733,
qui se tiendra le Mardy d'après la Trinité , proclamera
la Piece qui aura merité le Prix .
La Medaille sera délivrée à l'Auteur même , qui
se fera connoître ou au porteur d'une Procura
tion de sa part ; l'un ou l'autre représentant la
marque distinctive , avec une copie nette du Memoire
Le
JANVIER . 135 1732 .
Le 30 du mois dernier , le Pere de la Sante,
Jesuite , l'un des Professeurs
de Rhétorique
au
College de Louis le Grand , prononça
un Dis-
Cours latin trés - éloquent , en presence du Cardinal
de Bissy , de l'Archevêque
de Paris , de
plusieurs
autres Prélats , et d'un grand nombre
de personnes
de consideration
. Le sujet de son
Discours
étoit ; Que de toutes les Histoires , celle
de France est une des plus difficiles à écrire , et une
des plus agréables à lire. Les applaudissemens
que
cette Piece d'Eloquence
a reçus , nous engageront
à en donner un Extrait.

Il paroîtra le mois prochain une nouvelle Estampe
, que le Public désire avec beaucoup d'empressement.
C'est le Portrait de la Dile Dangeville
, Actrice du Théatre François , dont on
connoît les rares talens . Cette jeune personne
est représentée en pied , tenant le Masque de
Thalie , sur une Terrasse affectée à cette Muse
et entourée des Genies de la Comédie , caracterisez
> et ayant chacun quelque attribut de la
Scene comique. Un Amour sur des nuages est
prêt à couronner la charmante Actrice. Le fond
est orné d'un agréable païsage , de Fontaines , et
d'une espece de Théatre antique , sur lequel on
voit le Buste de Moliere . Cette Estampe se vendra
4. livres sur le Pont Nôtre-Dame , chez le
Sieur de la Porte , Marchand. Elle est de la même
grandeur que celle qui représente la Dlie Camargo,
dont nous avons parlé il y a un an. Ces
deux riants Sujets sont très-agréables . Celui - cy
a été gravé avec soin par M. Lebas , d'après le
Tableau original de M. Pater , connu par beaucoup
de très bons ouvrages dans le goût de
Latteau.
Giiij
ORA
1:6 MERCURE DE FRANCE
On nous écrit de Châlons , en Champagne
du 23 Janvier , que le Sr Farochon , Marchand
Apoticaire , a fait en public dans l'Hôtel de Ville
, la composition de la Thériaque en presence
de l'Evêque de Châlons , Pair de France , de l'Inendant
de la Province , des Lieutenans de Roy ,
Gouverneurs , et de tout le Corps de Ville , accompagné
de la principale Bourgeoisie. Le Sieur
Farochon , après avoir été présenté à l'Assem–
blée par M. Lasson , Docteur - Regent en Medecine
, prononça un Discours qui fut fort applaudi
, sur le Sujet en question . Il fit ensuite l'Analise
de toutes les Drogues étalées pour cette composition
, en fit connoître les vertus et les proprietez
& c. Et enfin il proceda à la composition
même , laquelle fut continuée le lendemain , et
a duré près de deux jours . On ajoûte que les personnes
qui se sont déja servies de cette nouvelle
Theriaque , s'en sont très - bien trouvées.
On apprend d'Irlande , qu'il s'est formé depuis
peu à Dublin , une Societé composée d'un
grand nombre de Gentilshommes , pour perfectionner
l'Agriculture , les Arts Mécaniques , et
les Manufactures de ce Royaume : le Viceroy en
est le Président , le Primat du Royaume , et le
Vice- Président.
Les Sieurs Cholets , Marchands Fayanciers ,
ruë S. Honoré , vis - à- vis la rue de l'Echelle ,
l'Enseigne de la Levrette , qui sont les seuls à
Paris qui vendent des Thermometres construits
sur les Principes de Mr. de Reaumur , de l'Académie
Royale des Sciences , donnent avis qu'ils
en ont actuellement de moins grands que ne l'éroient
les premiers , et tels que les ont désirés
сецк
JANVIER 1722. 137
seux qui n'ont pas de place convenable pour
mettre les plus grands.
XXXXX XXXXXX
CHANSON..
PAr vos divins appas , si l'on comptoit vas
jours ,
Adorable Cloris vous charmeriez toujours ; ›
Mais votre course fortunée ,
Par le sort implacable étant enfin bornée ,
Mes voeux sont encor superflus ;
Pour chaque coeur épris de vos rares vertus ,
Que la Parque du moins vous file une journée.
Ces paroles et la Musique sont de M
du Vigneau..
SPECTACLE S
La
'Académie Royale de Musique remit
au Théatre le 3. Janvier , la Tragé
die de Callirhoé. Le Poëme est de M. Roy,
et la Musique de M. Destouches , Sur-
Intendant de la Musique du Roy. Cet
Opera fut donné pour la premiere fois le
27. Decembre 1712. il eut un succès des.
plus brillants ; il a été fort applaudi à la
GY IGE
138 MERCURE DE FRANCE
reprises mais un peu moins que dans sa
naissance ; ce qui fait voir que les succès
plus ou moins éclatans , dépendent de
certaines circonstances dont on ne peut
donner de justes raisons. Comme cet Ouvrage
est depuis vingt ans entre les mains
de tout le monde , nous n'en donnerons
qu'un Extrait des plus succincts.
Au Prologue , le Théatre représente
un lieu rempli d'armes differentes et de-
Lauriers ; la Victoire y a assemblé des
Guerriers pour leur accorder les hon-.
neurs du Triomphe. La celebre journée
de Denain a donné lieu à ce Prologues
la Victoire y applaudit à des Guerriers
qu'elle sembloit avoir abandonnés depuis
quelque temps ; elle s'excuse par ces Vers.
Guerriers , ne craignez rien , je ne suis pas volage
,
Je vous aimai toujours ; mais quelque Dieu
jaloux ,
Devant mes yeux opposoit un nuage ,
En vain je vous cherchois , il m'éloignoit de
yous :
Aux efforts de votre courage ,
Fai sçû vous reconnoître , et tout cede à vos
coups.
Astrée descend des Cieux , suivie des
Arts et des Plaisirs ; elle annonce la Paix
dont
JANVIER 1732. 139
dont elle donne la premiere gloire à la
Reine Anne ; la Victoire ajoûte ces Vers
à l'honneur du Héros de la France :
Au Héros glorieux dont je sers les desseins,
La Paix fut toûjours chere ;
Mais je voulois qu'elle eût des Palmes dans lea
mains ;
La voilà digne de me plaire.
La Victoire et Astrée chantent ensemble
ces quatre autres Vers :
Le plus sage des Héros ,
A sous ses Etendarts ramené la Victoire ;
Il peut goûter le repos ,
De l'aveu même de la Gloire..
La Suite de la Victoire , et celle d'A'strée
, font le Divertissement de ce Pro--
logue.
Le Théatre représente le Temple de
Bacchus , au premier Acte. Callirboé ,
Princesse de Calydon , expose le Sujet de
la Piece par ce Monologue :
O nuit , témoin de mes soupirs secrets ,
Que ton ombre en ces lieux ne regne -t'elle en--
core !
Pourquoi l'impatiente Aurore ,
Ouvre-t'elle mes yeux aux funestes apprêts ,
G. vj
D'un
140 MERCURE DE FRANCE
D'un Hymen que j'abhorre ?
Je vais donc m'engager à l'objet que je hais ,
Et je perds pour jamais un Amant que j'adore.
O nuit , &c.
La Reine de Calydon , mere de Callirhoé,
vient déclarer à cette Princesse que
Coresus paroîtra bien- tôt pour recevoir sa
foy sur les Autels de Bacchus ; elle l'exhotte
à se livrer toute entiere à son devoir
et à ne plus penser à son amour
puisqu'Agenor , qui en étoit l'objet , n’esť
plus. Elle la quitte pour aller ordonner la
Céremonie Nuptiale.
Callirhoé se détermine à subir la Loy
que sa Mere et ses Peuples lui imposent,
quelque dure qu'elle la trouve .
Agenor qu'on croyoit mort , paroît aux
yeux de Callirhoé ; elle cache son amour
sous un simple mouvement de surprise.
Agenor lui explique ce qui a donné lieu
au bruit de sa mort ; mais il n'en peut
rien tirer de favorable pour son amour.
Il lui témoigne son étonnement par ces
Vers , qu'on a trouvez très- délicats :
Ayez-vous oublié , Princesse , que vos charmes,
Ont essayé sur moi leurs premiers coups ?
Votre pere expiroit , je recueillois vos larmes
Parmi le trouble et les allarmes ,
i
Vos
JANVIER. 1732 .
14
Vos yeux brilloient déja de l'éclat le plus dour
Fappaisai des mutins les mouvemens jaloux ;
Ah ! ne jugiez -vous pas au succès de mes armes
Qu'un Amant combattoit pour vous ?
Callirhoé continue à se contraindre
elle ordonne à Agenor de sortir et lui
défend de la voir jamais.
La Reine , Coresus , et les Prêtres de
sa suite arrivent pour celebrer l'Hymen
qui fait l'action principale de ce premier
Acte. Coresus dit galamment à Calli
rhoć .
Dès Autels à vos beaux yeux
Je porterai mon hommage ,
Şans craindre, que ce partage ,
Offense jamais nos Dieux ;
J'adore en vous leur image.
La Suite de Coresus celebre la Fête de
cet Hymen ; Coresus s'approche de l'Autel
avec Callirhoé ; il chante ces Vers :
Toi , qui pour éclairer le plus beau de mes jours ,
Pares le Ciel d'une clarté nouvelle
Soleil , à mes tendres amours
Tu me vérras aussi fidele ,
,
Que tu l'es à remplir ton cours..
Coresus commence le serment sur l'Autels
142: MERCURE DE FRANCE
rel; mais Callirhoé ne peut l'achever parce
qu'Agenor vient se montrer à ses yeux ; son:
aspect la fait évanouir , et par là le serment
conjugal est interrompu au grand
regret de Coresus , de la Reine et des
Prêtres de Bacchus.
Au second Acte , le Théatre représente
Pavant- cour d'un Palais ; on voit à l'un
des côtez un Temple domestique.
Agenor se flate d'être aimé de Calli
thoć cette Princesse agitée de remordss
vient lui déclarer qu'elle veut achever
son Hymen , pour réparer le tort qu'elle
vient de faire à sa gloire : Agenor l'accuse
de cruauté ; elle ne peut s'empêcherde
lui faire connoître qu'il est la cause
de son malheur , et par consequent qu'il
est aimé . Agenor se jette à ses pieds pour
lui rendre graces d'un aveu si favorable.
Coresus surprend son Rival aux pieds de
son Amante ; il lui reproche son infidelité
; elle lui répond fierement qu'elle nelui
a rien promis , et se retire . Coresus
menace Agenor , qui lui répond avec une
intrépidité héroïque et le quitte.
Coresus invite les Prêtres de sa suite
à vanger l'affront qu'on vient de
faire aux Autels en la personne de leur
Grand - Prêtre ; ils invoquent Bacchus et
lui demandent vangeance.Les Prêtres avec
desc
JANVIER. 1732. 1431
des flambeaux , font le Balet de cet Acte. ,
Le Théatre représente au troisiéme
Acte , un Temple rustique , consacré à
Pan . La Reine er Callirhoé déplorent less
malheurs dont Bacchus accable leurs Peu-.
ples , et en font une description très - tou--
chante . Après les plaintes , la Reine dit :
à sa fille qu'elle veut interroger l'Oracle ,
du Dieu des Forêts. Elle la quitte pour
aller donner ordre à ce qu'elle vient de se
proposer , et lui dit d'attendre Caresus
qu'elle a mandé , et de ne rien oublier.
pour le fléchir.
Coresus vient ; la Scene est vive entre
Callirhoé et lui ; ne pouvant rien obte
nir de lui , elle le menace de sa propre·
mort ; Coresus s'attendrit et lui promet
de ne rien oublier pour obtenir de Bac--
chus la grace d'un Peuple , expirant ; it
hui dit de consulter son Oracle , et la
quicte.
>
2
Le Ministre de Pan vient , on chante
des Hymnes à l'honneur de ce Dieu ,.
qui du fond du Théatre prononce cet:
Öracle.
Le calme à ces climats ne peut être rendú ,
Qu'au prix que les Destins veulent de votre zele
Que de Callirhoé le sang soit répandu ,
Ou celui d'un Amant qui s'offrira pour elle.
La
T44 MERCURE DE FRANCE
+
La Reine frémit de cet Oracle ; elle prio
le Grand Prêtre de le cacher au Peuple
et de le flater d'un plus heureux avenir.
Au quatriéme Acte la Décoration represente
une Plaine bornée de Côteaux
fleuris. Callirhoé se prépare à la mort
avec constance. Agenor trompé par les
fausses esperances qu'on lui a données
d'un heureux changement , vient s'en
réjouir avec sa Princesse ; elle lui cache
son malheur autant qu'elle peut , mais
enfin elle lui déclare que les Dieux de
mandent son sang ; Agnenor furieux lui
proteste qu'il ne souffrira jamais un Sacrifice
si barbare , et la quitte en lui di
sant ::
De Coresus , que le crime s'expié ,
On me payera cher de m'avoir fait trembler..
Le bucher brule , et moi j'éteins sa flamme impie
Dans le sang du cruel qui veut vous immoler.
Mes amis sont tous prêts , ils suivront mon
exemple ;
F'attaquerai vos Dieux , je briserai leur Temple,
Dût sa ruine m'accabler.
Une Troupe de Bergers et de Bergeres
viennent se réjouir du nouveau calme
dont ils jouissent; Callirhocleur dit qu'elle
va au Temple assurer leur bonheur ; ils
la


JANVIER. 1731. 145
la suivent. La Reine , qui survient , croit
qu'ils vont la conduire à l'Autel ; elle
leur reproche leur barbarie , les Bergers.
témoignent la douleur et l'effro, dont ils
sont saisis par un Choeur très- pathetique.
Agenor vient leur dire qu'il a appris
d'un des Ministres de Pan qu'un sang
moins précieux offert pour celui de la
Princesse , peut suffire aux Dieux ; il offre
le sien les Bergers applaudissent à sa
generosité et à son amour.
La Décoration du dernier Acte représente
le Temple de Bacchus , orné pour
le Sacrifice de la Victime. Coresus prêt
à donner la mort à son Rival , qui veut
être immolé pour Callirhoé , ne sçait s'il
y doit consentir ; il craint de trahir sa
gloire et même son amour , puisqu'Age
nor sacrifié pour sa Princesse , n'en regnera
que mieux dans son coeur..
Callithoé vient demander la mort à
Coresus , la Scene est très- vive et trèspathetique
entre le Prêtre et la Victime..
Agenor arrive ; les Prêtres le menent
à l'Autel '; après une contestation trèstendre
entre les deuxVictimes et Coresus;
ce dernier prend un parti noble et gene
reux , et leur dit :
Arrêtez ; c'est à moi de choisir la Victime.
ER
146 MERCURE DE FRANCE
En disant ces mots il se frappe et finit la
Tragédie par ces Vers adressez à Callirhoé :
Je sauve vos jours :
De vos malheurs, dcs miens , je termine le cours.
Vous pleurez ; se peut- il que ce coeur s'atendrisse !
Je meurs content , mes feux ne vous troubleront
plus.
Approchez ; en mourant , que ma main vous
unisse ;
Souvenez-vous de Coresus.
Cet Opera , au reste , est très - bien executé
et très-bien remis pour le choix des
Rôles , pour les Décorations et les habits.
Les Balets du Sr.Blondi en sont variez et
executez dans la plus grande perfection ;
un Pas de Trois dansé par le sieur Dumoulin
et les Dlles Camargo et Salé , est
un morceau aussi picquant et aussi agréable
qu'on en ait vû à l'Opera . Deux trèsbons
Poëtes ont celebré la danse de ces
deux inimitables personnes en cette maniere
.
AH!
MADRIGA L.
H! Camargo , que vous êtes brillante !
Mais que Salé , grands Dieux ! est ravissante !
Que vos pas sont legers et que les siens sont
doux !
Elle est inimitable , et vous êtes nouvelle :
Les
JANVIER. 1732. 147
Les Nymphes sautent comme vous ,
Mais les Graces dansent comme elle.
AUTR E.
De ta danse active et legere ,
J'admire , Camargo , le brillant caractere :
Mais que ta Rivale a d'appas !
La grace au sentiment unie ,
Exprime en toi , Salé , l'éloquente harmonic ,
Du regard , du geste , et des pas.
L'Académie Royale de Musique doit
représenter au commencement du Carême
prochain , Jephté , Tragédie nouvelle ,
elle n'avoit point encore donné de Sujec
tiré de l'Histoire Sainte- et l'on étoit
justement surpris que le plus noble Spectacle
de l'Europe fût privé d'un genre
dont tous les autres Théatres s'étoient
mis si utilement en possession..
Les Comédiens François ont reçu une
petite Comédie en Prose , qu'ils vont
jouer incessamment , intitulée la Tontine,
de la composition de M. le Sage.
Ils ont aussi reçû une autre petite Piece en
Vers, qu'on donnera dans peu sans doute,
pour la jouer dans sa saison ; car elle est
intitulée l'Hyver.Elle est de M.Dallinval
Le.
48 MERCURE DE FRANCE
Le Vendredi 18. de ce mois , on don'
na au Théatre François la premiere Re
présentation du Glorieux , Comédie en
Vers et en cinq Actes , de M. Destouches,
de l'Académie Françoise ; elle fut gene
ralement applaudie ,et elle est tous les jours
plus goûtée par de très- nombreuses Assemblées
; on peut dire qu'elle fait autant
d'honneur à son Auteur qu'elle fait de
plaisir au Public. Nous n'oublierons pas
d'en parler plus amplement ; le Lecteur
y perdroit trop .
Les Comédiens François ont représenté
à Versailles le Mardi 8. Janvier , le Phi
losophe Marié , et Crispin Medecin.
Le Jeudi 10. Iphigenie , et Attendezmoi
sous l'orme .
Le Mardi 15. l'Avare , et les Plaideurs.
Le Jeudi 17. Electre , et les Folies amou
reuses.
;
Le Mardi 22. Andromaque , et Crispin
bel- esprit.
Le Jeudi 24 le Medisant , et l'Avocat
Patelin.
Le Mardi 29. le Glorieux , qui a eû un
aussi grand succès à la Cour qu'à Paris ,
et le bon Soldat.
Le Jeudi 31. Amasis , et le Medecin
malgré lui..
Le
JANVIER 1732 149
Le 5. les Comédiens Italiens representerent
à la Cour , le Dedain affecté , et la
Petite Piece des Paysans de Qualité.
Le 12. Colombine, Avocat Pour et Contre,
Piece de l'ancien Théatre Italien , et les
Effets du Depit.
Le 14. les mêmes Comédiens remirent
au Théatre la Vie est un Songe , Tragi-
Comédie Italienne , en cinq Actes , tirée
de l'Espagnol , sous le titre de La Vida
es Sueno. Le sieur Lélio le fils y a joué le
Rôle de Sigismond , qui est le principal
de la Piece , avec applaudissement.
Le 21. ils donnerent une Piece nou
velle , qui a pour titre , Danaus , Tragi-
comédie en Vers et en trois Actes ,
avec trois Intermedes dont on parlera
plus au long.
Le 26. ils représenterent à la Cour les
Deux Arlequins et la Folle Raisonnable.
NOUVELLES ETRANGERES,
LES
TURQUIE ET PERSE.
Es Léttres du Levant confirment la Suspension
d'armes , signée par le Roy de Perse et
par les Generaux Turcs ; mais on ajoûte que la
Paix paroît difficile à conclure entre les deux
Nations
rso MERCURE DE FRANCE .
Nations , le Roy de Perse n'étant pas disposé à
rien ceder aux Turcs des conquêtes qu'ils ont :
faites en Perse pendant la derniere Révolution.
Ces Lettres ajoûtent qu'on avoit arboré à Cons
tantinople la Queiie de Cheval , et que le bruit
couroit qu'au Printemps prochain le G. S. déclareroit
la guerre à quelque Puissance Chrétienne
D'autres Lettres de Constantinople portent
que la Paix est sur le point d'être conclue entre
le G. S. et le Roy de Perse , et qu'on ne
doutoit pas qu'aussi - tôt qu'on auroit reçû la nouvelle
de la signature , Sa Hautesse ne déclarât la
guerre à quelques autres Puissances , afin d'occu
per les Milices qui paroissoient toûjours dispo
sées à la révolte.
RUSSIE.
N écrit de Moscou , que les Lettres du
Gouverneur de Derbent , portent que l'un
des articles préliminaires du Traité qui se négocient
entre le G. S. et le Roy de Perse , est de
réünir leurs forces pour attaquer telle Puissance
Chrétienne qu'il leur conviendra , et qu'il a été
résolu dans le Conseil de la Czarine de prendre
toutes les précautions necessaires pour conserver
les Conquêtes que le Czar Pierre I. a faites du
côté de la Mer Caspienne , et d'y envoyer pour
cela un nouveau renfort des Troupes.
La République de Pologne a fait prier la Czarine
de retirer ses Troupes de la Curlande et de ne
plus se mêler des affaires de ce Duché , si elle
vouloit continuer de vivre en bonne intelligence
avec la Couronne de Pologne.
Le Feld Maréchal Dolhorucki , qui fut arrêté
au mois de Movembre dernier , a éte condamné


JANVIER 1732. IST
avoir la tête tranchée ; mais la Czarine , cedant
aux instances des principaux Seigneurs de la
Cour , a converti sa peine en une prison perpetuelle
dans la Citadelle de Schlusselbourg , on
l'on met ordinairement les Prisonniers d'Etat.
Sur la fin du mois de Janvier , la Czarine fit
appeller au Palais tous les Generaux , les Ministres
et les principaux Membres du Clergé , après
avoir donné ordre au General Soltikoff , d'assem
bler au Château du Cremelin , les trois Régimens.
des Gardes ; S. M. Cz . leur fit un Discours qui
dura un quart d'heure , et ordonna à l'Archevêque
de Novogrood de lire le Formulaire d'un
Serment , portant qu'ils reconnoîtront pour leur
Souverain ceux que S. M. Cz. nommeroit pour
ses successeurs ce qui fut executé , Nemine contradicente
; et la Duchesse de Mekelbourg , la
Princesse sa fille et la Princesse Elizabeth , le sigaerent
les premieres. Voici la Traduction de
cette Déclaration de la Czarine , touchant la Suc
cession au Trône.
NOUS , ANNE , par la grace de Dieu , Impera
trice et Souveraine de tous les Russes , ¿c. sçavoir
faisons par la Presente , à tous nos fideles Sujets. Il
paroit par tant de Manifestes , nouvelles Loix , Re-.
glemens et Ordonnances , que nous avons fait pu-.
blier depuis le commencement de notre Regne , avec
sombien de zele et de soins , conformément au devoir
qui nous a été imposé de Dieu , nous avons employé
tous nos efforts pour maintenir et étendre la Religion
Chrétienne et Örthodoxe selon le Rit Grec , pour soutenir
la Justice , pour deffendre nos Sujets opprimez.
pour introduire un meilleur ordre et discipline dans nos
Armées , destinées à la deffense de cet Empire contre
toute attaque de l'Ennemi , pour eriger des Ecoles
Suffi
152 MERCURE DE FRANCE
suffisantes et de belles Académies , dans lesquelles la
Jeunesse est non-seulement élevée gratis , dans la
crainte de Dieu et dans notre Religion Orthodoxe ,
mais aussi dans toutes les Sciences , tant Civiles que
Militaires , utiles à l'Empire , et qui peuvent tendre
a procurer tout ce qui peut avancer le bien , la tranquillité
et le salut de tous nos fideles Sujets , et àfai
re fleurir de plus en plus notre chere Patrie. Nous
employons aussi actuellement nos soins gracieux à
chercher les moyens necessaires pour mettre les Subsides
sur un meilleur pied , et les diminuer le plus
qu'il sera possible , dès que les necessitez generales
et les interêts de l'Empire pourront le permettre.
En consequence de tous ces efforts salutaires et
continuels pour le bien de notre Empire , nous avons
jugé qu'il étoit principalement de notre devoir
tant envers Dieu qui nous a confié le souverain gouvernement
de nos Royaumes , qu'envers nos Sujets ,
davoir soin de confirmer par de bonnes et suffisantes
Loix et Ordonnances , cette heureuse situation de nos
Royaumes , non-seulement pendant notre Régence ,
mais aussi pour les temps à venir , afin que dans tous
les incidens qui peuvent survenir et qui dépendent
du Ciel , nos fidèles Sujets puissent , pour la conservation
de l'Empire , être maintenus en toute tranquillité
et mis en sureté contre les desordres et troubles
contraires aux Loix divines et aux Constitutions
et Loix fondamentales de notre Empire , comme il
en est arrivé à notre avenement au Trône , qui auroient
certainement ruiné notre chere Patrie , si Dieu
par sa grace particuliere et par sa bonté ne les est
éloignés.
>
Quoique nos fideles Sujets nous ayent déja prêté ,
comme à leur Souveraine et Dame , le Serment de
fidelité et de soumission parfaite , et que , conformément
à l'ordre de succession , établi le J. Février
17220
JANVIER. 1732. 153
1722. et confirmé par un Serment solemnel de tous
les Etats et fideles Sujets de l'Empire Russien , il a
oûjours dépendu du choix et du bon plaisir des Souverains
, de nommer leur Successeur ; néanmoins
afin de confirmer le bonheur et la conservation de
l'Empire , maintenir tous nos fideles Sujets dans une
parfaite tranquillité , et prévenir tout ce qui pourroit
troubler ces vues salutaires , nous avons jugé à propos
d'ordonner par la Presente , à tous et un cha
cun de nos fideles Sujets , tant Ecclesiastiques que
Temporels , Militaires et Civils , de quelque nom
qu'on puisse les nommer , de nous prêter de nouveau
serment et hommage , selon le Formulaire cy-joint ,
entierement conforme au Serment qui a été prêté auk
Empereurs nos Prédecesseurs. C'est pourquoi nous
avons ordonné de faire imprimer notre present Com
mandement avec le Formulaire , et de le faire publier
par tout notre Empire , afin que personne n'on puisse
prétendre cause d'ignorance : et de notre part , nous
avons résolu , et notre volonté est , après avoir invoqué
l'assistance divine par des Prieres ardentes ,
de prendre de telles mesures qui ne peuvent tendre
qu'au veritable avantage et au bonheur de tout
l'Empire et de tous nos fideles Sujets et à la conservation
de notre Religion Orthodoxe . En foi de quoi
nous avons signé la Presente de notre propre main
Fait à Moscou le 28. Decembre 1731.
LA
SUEDE.
A Flotte du Roi consiste déja en 38. Vaisseaux
de ligne , et quantité d'autres Bâtimens
armez en guerre.
Les Lettres de Stokolm , portent qu'on y publia
un Edit le 23. du mois dernier , pour reprimer
le luxe dans les habillemens , et les dépenses
H ex134
MERCURE DE FRANCE ,
excessives qui se font aux Nôces , aux Enterreamens
, &c.
Ο
ALLEMAGNE.
ONapprend de Vienne , que le 7. de ce mois on y reçut avis que 29. du mois dernier la
possession des Duchez de Parme et de Plaisance
avoit été prise au nom de l'Infant Don Carlos
par la Duchesse Douairiere Dorothée , qui a la
tutelle de ce Prince jusqu'à sa Majorité , que les
Troupes de l'Empereur étoient sorties de ces Duehez,
et s'étoient retirées dans le Milanez.
D'autres Lettres du 8 portent que l'Infant
Don Carlos étoit arrivé à Livourne le 27. De-.
cembre.
On mande de Saltzbourg , qu'il étoit sorti de
ce Diocèse un grand nombre de Protestans ; que
près de 900. s'étoient retirez dans la Suabe ; que
les Magistrats des Bailliages avoient exhorté les
Habitans de les retirer chez eux , et de leur donner
tous les secours possibles ; que 800. autres de
ces Protestans avoient passé en Baviere , et que
l'Electeur avoit donné des ordres pour faire une
collecte d'aumônes en leur faveur.
On apprend de Ratisbonne , que la garantie de
la Pragmatique - Sanction avoit fait naître de
grandes contestations dans la Diette de l'Empire ;
que
le Ministre de l'Electeur de Baviere avoit déclaré
que ce Prince étoit dans la disposition d'obliger
l'Empereur en toute occasion ; mais qu'il
étoit forcé de représenter que si les Princes de
P'Empire signoient cette garantie de la succession.
des Pays hereditaires de la Maison d'Autriche en
faveur de l'Archiduchesse , fille aînée de l'Empecur
, ils s'engageroïent à entrer dans les guerres
qui
JANVIER 1732. 155
qui pourroient en résulter , et ce pour des Do
maines qui ne dépendent pas de l'Empire , puisqu'ils
n'y ont jamais été immatriculez , tels que
sont le Royaume de Hongrie , la Transilvanie ,
la Moravie , les Royaumes de Naples et de Sicile
Yet autres Etats ; on ajoute que les Ministres de
l'Electeur de Saxe et de l'Electeur Palatin avoient
fait les mêmes représentations.
ITALIE .
Dois dernier ,le Cardinal Otthoboni , pro-
Ans le Consistoire que le Pape fint le 17. du
posa l'Abbaye de Bonneval , Diocèse de Rhodez,
pour l'Archevêque de Narbonne ; celle d'Essey ,
Diocèse d'Agen , pour l'Abbé Salomon ; celle
de Vierzon , Diocèse de Bourges , pour l'Abbé de
Charand, et celle de S. Etienne de Vaux , Diocèse
de Saintes , pour l'Abbé Nerét.
Le Projet pour la franchise du Port d'Ancone
a été approuvé dans la derniere Congrégation
tenue à ce sujet ; et le Pape en a remis l'execution
au Trésorier de la Chambre Apostolique et
au Cardinal Firrao .
La Loterie établie à Rome à l'imitation de
celle de Genes , sera tirée neuf fois l'année au
Capitole ; on mettra chaque fois dans la roüe dite
de Fortune , les noms de '90 . jeunes filles dont on
en tirera seulement sept , à chacune desquelles on
donnera so. Ecus et des habits. Ce seront ces
sept noms qui procureront le gain à ceux qui au-
2
ront pris interêt dans la Loterie , et qui seront
assez heureux d'avoir choisi ceux qui sortiront
de la rouë. On fera du profit qui en reviendra au
Gouvernement , un fonds pour le soulagement
des pauvres Communautez , des Familles honteu-
Hij
ses
75€ MERCURE DE FRANCE
ses et des Pauvres de la Charité de S. Jerône er
pour les besoins les plus pressans de la Chambre
Apostolique. Il est deffendu aux Sujets du Pape
de s'interesser dans les Loteries étrangeres . Le
Comte Peluchi a été choisi pour être Directeur
General de cette Loterie avec cent écus d'appointement
par mois .
Le Roi de Portugal ayantfait present de soooo .
écus à la Fabrique de S. Pierre , le Pape les a
destinez avec 70000. écus qu'il y a ajouté , à
augmenter de quelques Salles la Sacristie du Pa-
Jais du Vatican.
Par les ordres de l'Empereur , on a commencé
à Naples à reformer les quatre Compagnies dont
on avoit augmenté chaque Regiment d'Infanterie
Allemande. Les Soldats reformez ont servi de
Recrues aux autres Compagnies , et les Officiers
qui n'ont pas d'employ , ont été mis à la demipaye.
M. Monditle Orsini , Archevêque de Capouë ,
et neveu du feu Pape Benoit XIII , a quitté son
Diocèse , et s'est retiré à Naples dans le Convent
des Religieux de Sainte Marie , qui a été
fondé par ces Ancêtres .
On entendit sur la fin du mois dernier , un
bruit extraordinaire du côté du Mont Vesuve
et l'on a sçu depuis que les éruptions du feu
étoient plus frequentes que de coûtume , ce qui
fait craindre qu'il n'y ait bien - tôt quelque violent
Tremblement de Terre , et quelques dégorgemens
de matieres bitumineuses.
On écrit de Florence , que le Signor Roggieri
, Ingenieur et célebre Dessinateur , est
allé à Livourne , pour faire exécuter le Dessein
d'un Arc de Triomphe , que les Marchands
Anglois , établis dans cette Ville , y
font
JANVIER. 1732. 1 ཉ 7 ་
font élever en l'honneur de l'Infant Don
Carlos .
La Garde que le Grand Duc y a envoyée pour
le service de ce Prince , est composée de 24 Cui-
Lassiers Allemands , de deux Caporaux , et deux
Trompettes , tous habillés de Drap écarlate , galonné
d'or.
Le Duc Salviati , Grand- Veneur du Duché de
Toscane , est allé à Pise avec vinge Chasseurs ,
pour garnir un Parc de toutes sortes de Gibier
afin que l'Infant puisse y prendre le divertissément
de la Chasse lorsqu'il ira voir cette
Ville .
Le Grand Duc a promis d'avancer 50000
Ecus aux Exécuteurs du Testament de la feng
Princesse Douairiere de Florence , afin qu'ils puis
cent acquitter les legs qu'elle a faits , sans être
obligez de vendre ses Diamans.
Le Roi d'Espagne a fait present au Grand
Duc d'un Vaisseau de Guerre de so pieces da
Canon , tout neuf , et garni de tous ses agrets. S
M. Cat. lui a envoyé en même temps so mil
liers de Cacao , 300 livres de Vannille , cent
Caisses de Liqueurs et de Vins exquis , huit
grains de Mine d'or naturelle d'un poids consi
derable , qui ont été tirés des Mines du Perou
sans qu'il se soit trouvé uni avec cet or aucune
matiere étrangere comme dans les Mines ordi
maires , une Cassette de Diamans brutes ,
Cages d'Oiseaux rares des Indes Occidentales er
Orientales , 30 Caisses des plus fines Porcelaines
et & bales d'Etoffes d'or et d'argent ..
cent.
L'Infant Don Carlos étant parti d'Antibes le
23 Decembre , sur les Galeres du Roy d'Espagne
, accompagnées de trois Galeres du Grand
Duc de Toscane , arriva à Livourne le 27 , au
Hij bruit
158 MERCURE DE FRANCE
,
bruit de toute l'Artillerie , à bord d'une des Ga
leres d'Espagne ; S. A. R. ayant débarqué vers
le soir , fit son Entrée publique dans cette Ville ,
où elle fut reçue en qualité de Grand Prince de
Toscane avec tout l'éclat et toute la magnificence
possible ; la Ville étoit entierement illuminée
, et les Ruës par où ce Prince passa étoient
ornées de riches Tapisseries &c. Don Carlos
a essuyé une terrible tempête la nuit du 26 au
27. à la hauteur du Cap Noli : toutes les Galeres
ayant été dispersées , mais elles ont eû le bonheur
de resister à la violence des Vents ; les trois
Galeres de Toscane étant déja entrées dans le
Port de Livourne) , de même que les autres Galeres
d'Espagne .
Après que Don Carlos fut arrivé en Toscane
son premier soin fut d'expedier des Couriers au
Grand- Duc et à la Duchesse Dorothée , Douairiere
de Parme , pour leur donner avis de son
arrivée , et pour faire reconnoître cette Princesse
en son nom , Regente de Parme et de Plaisance.
En effet , la Princesse Dorothée prit possession
te 29 au nom de l'Infant Don Carlos ,
de ces
deux Duchez. Elle reçut les Sermens de tous les
Ordres , les Troupes de ces deux Etats reprirent
leurs Postes , et le lendemain au matin les Troupes
Imperiales sortirent de Parme et de Plaisance
pour se retirer dans le Milanez .
>
Le jour de cette prise de Possession , la Duchesse
Dorothée fit distribuer un grand nombre
de Medailles d'or , d'argent et de cuivre , qu'elle
avoit fait frapper à ce sujet , pour en marquer
L'Epoque de cet évenement.
Le soir du 28 , S. A. R. vit passer sous ses
fenêtres un Char de Triomphe magnifiquement.
orné que la Nation Françoise avoit fait préparer
JANVIER. 1732. r59
parer , sur lequel il y avoit un fort beau Con
cert de toutes sortes d'Instrumens et de Voix . Le
l'Infant retourna chasser dans le Bosquer
des Capucins , où il tua plusieurs Oiseaux et un
Marcassin.
3.0
Le r. de ce mois,S. A. R. reçut les complimens
sur la nouvelle année de toutes les personnes de
distinction qui sont à Livourne. La Nation Hol
landoise donna à ce Prince le divertissement d'une
Course de chevaux , dont le Prix étoit un Man
teau de Velours cramoisi garni d'argent ; et la
Nation Angloise exposa la Machine qu'elle avoir
fait construire. C'étoit un Arc de Triomphe .
qui avoit sa principale face tournée du côté
de la Porte de la Marine on y voyoit deux Pilastres
peints à l'imitation du Marbre verd antique
, avec les Bases et les Chapiteaux dorez ,
d'un Ordre composé entre chaque Pilastre étoit
placée une Statue , dont l'une représentoit la
Justice , et l'autre la Clemence. On voyoit un
bas-relief au Piedestal de la Justice , le Conseil
des Dieux , et Mercure conduisant par la main
un jeune Héros , en action de parler , pour le
présenter aux Muses qui se réjouissoient sur les
Mont Parnasse à la vue de ce Héros :
sous on lisoit ::
au-des-
Jam nova progenies calo demittitur alto.
Dans l'autre bas- relief du Piedestal de la Clemence
, étoient représentés le Port et la Ville
de Livourne , ayant les Portes ouvertes : dans le
lointain , diverses Galeres qui y dirigeoient leur
course , dont on distinguoit la Royale d'Espagne
, sur le devant de laquelle on voyoit la Fe
Licité qui prioit Neptune de calmer la Mer , et
d'accorder un heureux Voyage au Prince Don
Carlos ; et derriere Neptune on voyoit le Temps
Hij qui :
166 MERCURE DE FRANCE
qui tenoit la Tempête assujettie à ses pieds : au
dessus étoit écrit :
Volvenda dies en attulit ultro..
L'Inscription suivante paroissoit sur la partie
supérieure , en lettres d'or et noires , comme sur
un fond imité de Marbre blanc.
SALVO ATQUE INCOLUMI CAROLO PRIN-.-
CIPE PHILIPPI V , Hispaniarum Regis , et Ré-,
gina Elisabetha Farnesia , Filio inclito , Felice ,
Augusto , Parma et Placentia Duce , quod optatissimo
adventu suo impletis omnium votis qualis
quantusque futurus sit in hoc Imperio faustis aus-,
piciis ostendat restituta Europa pace , confirmataque
Etruria felicitate Britanni hic Negociantes ,
annuente et favente Joanne Gastone , Magno Duce
Etruria , summa_latitia gestientibus animis posuere.
Sur les Médaillons de chaque côté étoient as¬
sises deux Statues , dont l'une représentoit la
Gloire , et l'autre l'Eternité , et au dessus de
FInscription étoient les Armes d'Espagne.
Il y avoit dans l'autre façade de l'Arc de
Triomphe , tournée du côté de la Porte de Pise
entre deux Pilastres , deux Statues , dont l'une
à droite représentoit la Providence , et l'autre la
Liberalité. Les Arts liberaux et l'accroissement
du Commerce étoient dépeints dans le bas - relief
du Piedestal qui étoit sous la Providence , avec
ces mots FELICITAS ETRURIÆ ; et sous la
Liberalité , on voyoit la Paix et la Felicité qui
embrassoient l'Europe. Le Temple de Janus paroissoit
fermé , et sur le devant on voyoit des
petits genies qui amassoient des Armes et des
Instrumens de Guerre , et en faisoient un Feu de
joye , avec ces mots ; PAIX D'EUROPE.
L'Ins
JANVIER 161 1732
L'Inscription suivante , en lettres d'or et noiétoit
dans la partie supérieure de cette : >
façade.
Ingresso feliciter Etruriam exoptatissimo ›Prin+-
cipe Carolo , multiplicatis ubique votis latisque
acclamationibus , Britanni hac Negociantes maximo
gestientes gaudio , Philippi V. Hispaniarum
Regis , et Regina Elizabetha Farnesis , atque Joanni
Gastori ; Magno Duci Etruria , Sospite filio inclito
, dignoque successore , perenni obsequio gratu
lantur.
Sur les deux Médaillons des côtez , paroissoient
assises la Joye et la Constance , avec les
Symboles et les Attributs qui leur sont propres ;
et sur l'Inscription de cette Façade , de même que
sur les deux côtez de l'édifice , on voyoit pareillement
les Armes d'Espagne , surmontées par tout
d'une Couronne dorée , et supportées par deux :
Lions.
Aux quatres parties intérieures de l'Arc de :
triomphe étoient placez quatre Médaillons ovales
, peints au Chiaro Oscuro . Dans le premier ,
qui répondoit à l'alignement de la Justice , paroissoit
un jeune Prince, avec son Manteau Royal,,
tenant de la main droite un Globe ; et de la gauche
une Lance , avec ces mots : PRINCIPI JU- ·
VENTUTIS ; et dans l'endroit qui répondoit à la
Clémence , étoit peinte une Galere , conduite par
Neptune , et faisant voile , avec un vent fa
vorable , avec ces mots : FELIX ADVENTUS .
Vis-à - vis , à l'endroit qui répondoit à la Sa--
rue de la Liberalité, il y avoit un autre Médaillon,
dans lequel étoit représentée l'Esperance , avec une
Fleur à la main , et ayant à ses pieds une Mesuse
remplie d'Epics . de Blé , avec cette Devise a :
H.v. SPES ›
162 MERCURE DE FRANCE®
SPES PUBLICA ; et vis- à vis le premier Médail
lon , du côté de la Statuë de la Providence ,
étoient peints quatre petits Genies , faisant un
beau Groupe , représentant allégoriquement les
quatre Saisons , avec ces mots : FELICITAS ,
TEMPORUM.
Les Bases , Chapiteaux , Corniches , Festons etautres
ornemens de cet Edifice étoient tous dorez;
ce qui, joint au bon gout qui regnoit dans la
distribution des couleurs , à l'imitation des plus
beaux marbres , offroit à la vue tout ce qu'on
peut s'imaginer de plus magnifique et de plus .
Beau. Les huit Statues et les quatre Médaillons ,
étoient pris des Revers des Médailles des Empereurs
Romains et peints par differens Peintres ,
qui ont le plus de réputation . Les deux Façades ,
avoient 47 pieds , et les deux côtez 28 pieds de
largeur , et 76 pieds de hauteur. Le tout a été
conduit par le sieur Ferdinand Ruggier , celebre
Architecte Florentin. L'Abbé Antoine - François
Gori , Professeur en l'Histoire de l'Université
de Florence , est l'Auteur des Inscriptions,.
de vent
Voicy d'autres circonstances sur l'arrivée de
Don Carlos , en Italie. Le 27 Decembre dernier
la Galere du Chevalier Marescotti , entra dans le
Port de Livourne, ayant été séparée des deux-au-..
tres Galeres du Grand Duc , par un coup
qui l'avoit assez endommagée. Deux heures après
il arriva une autre Galere du Grand Duc , commandée
par le Capitaine Nanglé , et le soir on .
vit entrer dans le Port , la Capitane des Galeres .
du Roy d'Espagne , que montoit l'Infant Don
Carlos , suivie d'une autre Galere Espagnole . Aussi-
tôr qu'on eut donné le signal de l'arrivée de
se Prince , onfit plusieurs décharges d'Artillerie ,.
après
JANVIER. 17326 163
après lesquelles S. A. R. descendit dans la Cha-
Foupe du Grand Duc , qui étoit magnifiquement
ornée. Il fit ensuite son Entrée publique en cette
Ville , dont la Garnison et la Bourgeoisie étoient .
en Haye et sous les Armes .
Il se rendit d'abord à l'Eglise du Dôme , dans ›
les Carosses du Grand Duc , et il fut reçu par
l'Archevêque de Pise , qui après l'avoir conduit
dans le Choeur , entonna le Te Deum , pendant
lequel on fit encore plusieurs Salves d'Artillerie .
Après le Te Deum , l'Infant Don Carlos se rendir
au Palais , où il fut complimenté de la part du
Grand Duc , par la Noblesse et les Officiers de la ·
Ville , ausquels il donna sa main à baiser. Il se
mit à Table à neuf heures du soir , et il fut servi
par le Marquis Ricardi , qui fit les fonctions de
premier Maître d'Hôtel , et par le Comte Ca
nale, qui fit celles d'Echanson. Vers les onze heures
du soir , le Marquis de Villa- Réal fut dépêché
à Séville , pour porter à L , M. Cath, la nou--
velle de l'arrivée de S. A. R. en Italie.
Le 29 au matin , l'Infant , après avoir fait ses
dévotions la veille , se rendit au Bosquer des Capucins
, où il prit le divertissement de tirer des :
Cignes dont on avoit mis un grand nombre
dans le Canal ; l'après midi il se promena dans .
divers quartiers de la Ville , pour se faire voir :
au peuple , qui a fait pendant trois nuits consé
cutives des Feux de joye et des Illuminations.
Les dernieres Lettres d'Italie portent que l'Infant
Don Carlos avoit été attaqué de la Petite
Verole peu de tems après son arrivée à Livourne ,
mais que ce Prince étoit hors de tout danger au
départ du Courier.
Hvj Ess
164 MERCURE DE FRANCE .
ESPAGNE.
Ouvrages que le Roy a fait construire le
Llong de la Ligne, qui empêche la communica
tion de Gibraltar avec l'Andalousie , étant suffisans
pour empêcher que les Anglois ne fassene
la contrebande dans cette Province. S.M.a donné
depuis peu des Ordres pour les faire cesser et
pour renvoyer dans leurs quartiers , les Troupes
qui y étoient occupées.
On apprend que le Duc de Riperda qui étoit
arrivé à Tanger , sur un Vaisseau Hollandois ,
en étoit parti pour se rendre à la Cour du Roy
de Maroc
GRANDE BRETAGNE.
N écrit de Londres que le 8 de ce mois
Adgi Mahomet Said et Adgi Ali , Envoyez
de la Regence d'Alger, eurent leur premiere
Audience particuliere du Roy , dans l'appar
tement duquel ils furent introduits par le Lord
Harrington , Secretaire d'Etat. Ils eurent ensuite
Audience de la Reine, étant présentez par le Com
te de Grantham , Lord Chambellan de S. M. Le
lendemain ils eurent Audience du Pr. de Galles ee
du Duc de Cumberland. Le Roy a accordé à ces
deux Envoyez 80 liv. sterl. par mois, pendant leur
séjour en Angleterre.

Le Parlement d'Irlande a continué la taxe sur la
Biere , le Vin et les Eaux Spiriteuses , et pour
être en état de fournir un nouveau subside auRoy,
ila mis une imposition de quatre Chelins par liv.
sur tous les revenus des terres , rentes et pensions
.
Quelques Gentils- hommes ayant formé dans、
de
JANVIER. 1732. 165
le même Royaume une Société , pour le progrès
de l'Agriculture , ils ont choisi le Duc de Dorset,
Viceroy , pour leur Président , et le Primat dus
Royaume pour leur Vice -Président..
-
L'Amiral Wager arriva sur la fin du mois
dernier à Londres , de retour de Livourne , avec
la Flotte Angloise. Il fut tres favorablement
reçu du Roy et de la Reine ; et fit voir à L. M.
le magnifique Portrait du Roy d'Espagne , dont-
S. M. Cath. lui a fait présent. Il est enrichi de
deux rangs de Diamans brillans, surmonté d'une
Couronne , au haut de laquelle est un tres -gros
Diamant , estimé 800 liv. sterl, et le tout ensein.
ble sooo liv. sterl.
Le 24 de ce mois , vers les deux heures après
midi , le Roy se rendit en Cortège en la Chambre
des Pairs , ayant mandé les Communes.S M.
fit l'ouverture de la Scéance du Parlement par le.
Discours suivant.
MYLORDS ET MESSIEURS ,
C'est un grand plaisir pour moi de pouvoir vous
dire que les esperances que je vous ai données de
temps en temps , de voir la tranquillité de l'Europe
rétablie et affermie , sont à present entierement
accomplies , je m'assure que la part du crédit et de
l'influence que la Couronne d'Angleterre a eue dans
La réussite de cette affaire , comme on le reconnoît
au dehors , sera agréable à mon peuple , et que
vous en aurez de la reconnoissance..
On sçait que depuis le temps de la conclusion,
de la Quadruple Alliance , les diferentes Cours de
l'Europe ont cherché les moyens d'exécuter ce qui
avoit été convenu par les Puissances principales
pour la succession de Toscane , et des Duchez de
Parme et de Plaisance , en faveur d'un Infant
d'Espagne
2
18 MERCURE DE FRANCE
Espagne , mais les interets differens et opposez
difficiles à concilier et à réunir pour faire réussir
une affaire de si grande importance ; les vues éten
dues et les esperances qu'on avoit conçûës de chaque
côté , d'obtenir de plus grands avantages , les ja- ·
lousies naturelles et les défiances que de tels principes
et des desseins contraires les uns aux autres , ont
fait naître parmi les differentes Puissances interessées
avoit tenu en suspens et dans l'inéxécution ;
ce que
la Cour d'Espagne avoit extrêmement à coeur,,
et avoit causé des troubles et des désordes qui ont
embarassé les affaires de l'Europe pendant plusieurs
années , et dans lesquels les interêts particuliers de
cette Nation ont été envelopez. ,
Vous avez été de temps en temps informez des :
differentes mesures et négociations qu'on a employées
de tous côtez durant cette situation incertaine des affaires
, et vous m'avez mis en état de continuer
mes soins , pour conserver les droits et possessions .
de ce Royaume , la paix et la balance de l'Europe
Les articles préliminaires et les transactions qui les
ont suivies , n'ayant pas répondu aux attentes de la
Cour d'Espagne , et ayant causéde la froideur et du
mécontentement entre les Parties contractantes di
premier Traité de Vienne , furent le fondement et là
cause du Traité de Séville , et détruisirent parla :
cette union , qui avoit fait naître tant de crainte
et allarmé le monde si long- temps .
L'exécution du Traité de Séville étoit la grande
difficulté qui restoit encore ; et quelqu'insurmontable
qu'on a crût,j'aipar lesecours etpar la confiance
que vous avez euë en moi , été en état de la vaincre
par des Traitez justes et honorables , sans en
venir aux extrémitez , sans courir le hazard ni
m'exposer à la dépense qu'auroit causé une rupture ··
générale , et sans allumer la guerre dans aucune
partie de l'Europe...
Parme
JANVIER 1732: 167-
Parme et Plaisance sont à présent dans l'actuelle ·
possession de l'Infant Don Carlos . Six mille Espagnols
ont été tranquillement reçus et mis en quar-.
tiers dans le Duché de Toscane , afin d'assurer à ce
Prince , du propre consentement et de l'agrément du
Grand Duc , la survivance à ses Etats ; et l'on a :
fait une convention de famille entre les Cours d'Espagne
et de Toscane , pour conserver la Paix et l'a
mitié entre ses deux Maisons pendant la vie du
Grand Duc.
Pour perfectionner et finir cet Ouvrage ennuyeux,
conduit au travers d'une suite de changement et de ·
vicissitude infinie , et embarassé de toutes les diffe .
rentes vûës d'interêts et d'ambition ; j'ay conclu le :
dernier Traité de Vienne , où je ne suis entré dans ;
aucuns engagemens contraires aux précédens Trai
tez , ni qui tendent à agrandir ou diminuer lepouvoir
ou le poids d'aucun Potentat ; le but n'étant, &
de conserver une juste balance et d'éviter la confusion
que les nouveaux changemens et de nouveaux
troubles , que les évenemens futurs feroient
naitre , causeroient inévitablement, et dans lesquels .
PAngleterre ne pourroit jamais demeurer tranquille
ni être spectatrice oisive.
que
Quand cela aura été bien consideréet qu'on verra
que
les playes qui ont saigné long- temps , sont entierement
consolidées ; les jalousies sans fondement cesseront
, la paix et la bonne harmonie reviendront
ensemble , toute défiance et soupçon , effet naturel des
délais réitérez , artificieusement insinués et indus-..
trieusement augmentez et aggravez , seront éloignez
; une mutuelle satisfaction sera la conséquence
de la ponctuelle et effective exécution de tous nos
Engagemens , dont on se ressouviendra toujours
avec beaucoup d'égard et d'honneur pour la Couronne
et pour cette Nation , et qui mettra ceux quiJu
13 MERCURE DE FRANCE
·
sont immédiatement intéressez , dans une obliga--
tion indispensable d'en avoir la reconnoissance que
P'honneur et la justice demandent.
MESSIEURS de la Chambre des
Communes ,
On remettra devant vous les estimations où l'é--
tat des dépenses pour le service de l'année courante
, qui , comme vous le remarquerez, sont beau
coup moins considérables que celles des années précédentes.
C'est un plaisir pour moi de soulager mes :
Sujets quand le temps le permet , vous avez veu les
heureux effets de votre ancien zele et fermeté , le
succès a accompagné mes mesures et vous recueillez
le fruit de mes efforts et de votre confiance en moy.
C'est pour vous une satisfaction de sçavoir que tour
tes les dépenses que vous avez faites en dernier lieu,
sont amplement recompensées, en en évitant de beaucoup
plus grandes .
MYLORDS ET MESSIEURS ,
Je me promets que cette heureuse situation des affaires
vous donnera des dispositions unanimes et un
juste zele pour le bien public , telles qu'elles convien
nenta un Parlement qui connoit les grands bonheurs
dont il jouit. Le devoir et l'affection de mes Sujets ·
sont toute la reconnoissance que je désire pour l'amour
paternel que j'ai pour eux , et pour l'interêt que
je prends en tout ce qui les regarde..
Mon gouvernement n'a de sureté que dans -ce
qui peut contribuer également à votre bonheur et
ala protection de mon peuple , et votre prosperité n'a
de fondement que dans la défense et le soutien de
mon gouvernement . Notre sureté est mutuelle , nas
intérêts sont inséparables . ·
Le Roy étant sorti de la Chambre , les Sei
gneurs
JANVIER. 1732. 169
gneurs résolurent unanimement de présenter une
adresse à S M. pour le remercier de sa Harangue,
Les Communes retirées dans leur Chambre , y
prirent une semblable résolution.
MORTS ET NAISSANCES
des Pays Etrangers.
L est mort à Vienne et dans ses Fauxbourgs
16710 personnes pendant le cours de Pannée.
1731. et il est né pendant le même temps
ƒ600 enfans.
Il s'est fait à Copenhague pendant l'année
derniere 703 mariages , il est né 187 chfans ,
et il est mort 2420 personnes.
On écrit de Lisbonne qu'on y avoit appris de
Barreiro , de l'autre côté du Tage , que le nom
mé Jean Rodrigues Escarinhado, natif de la
Ville de Collares , y étoit mort le 17 d'Octobre
dernier , âgé de 125 ans ; ayant servi en 1640-
dans la Guerre de Flandres , d'où il revint en
Portugal , à la Proclamation du Roy Don Jean
IV. et s'étant trouvé depuis à la réduction d'Evora
; que le même jour ,et quelques heures avant
sa mort , Antoinette Rodrigues sa femme , étoit
morte âgée de 104 ans , et après 88 ans de ma->
riage.
Les de ce mois , la Duchesse de Hostein- Beck,
accoucha à Dresde d'un Prince , qui a été baptisé
le même jour , et nommé Charles Frederic .
FRANCE
70 MERCURE DE FRANCE
FRANCE
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
LE
E premier Janvier , les Hautbois de
la Chambre du Roy joüerent selon
la coutume , plusieurs Pieces de Sympho
nie de M. de Lully , au lever de S. M. et:
les Vingt- quatre executerent au dîner une
suite d'Airs de la composition de M. Destouches
, Sur- Intendant de la Musique du
Roy en semestre .
Le 2 , il y eut Concert dans le salon de
de la Reine , et on chanta devant S. M. le
quattiéme Acte de l'Opera de Roland ,
dont le principal Rôle fut chanté par le:
sieur Chassé , les Actes precedens avoient
été chantés au mois de Decembre.
Le 7. on fit entendre à la Reine le Prologue
et le premier Acte d'Amadis , et on
continua la suite le 9. et le 14.La Dlle Antier
chanta le Rôle d'Arcabonne , le sieur
d'Angerville: celui d'Arcalaus , le sieur
Guedon celui d'Amadis , & la Dle le.
Maure fit avec un grand succès leRôle d'O--
rianne.

Le is. la Reine demanda l'Opera d'Omphale:
JANVIER. 1732. 171
phale , mis en Musique par
M.Destouches.
S. M. entendit le Prologue et le 1er Acte
dans son Salon. Le même Opera fut continué
le 21. et le 23. les Dlles Antier et
Lenners chanterent les Rôles d'Argine et
d'Omphale , et les sieurs d'Angerville et;
Petillot ceux d'Hercule et d'Iphis.
Le 28. il y eut Ballet sur le Theatre ou
Pon joue ordinairement la Comedie. Le
divertissement étoit composé de la qua
triéme Entrée du Ballet de l'Europe Galante,
intitulé la Turquie, de la quatriéme Entrée
du Ballet des Elemens , qui a pour titre
la Terre, et de l'Acte du Bal des Fêtes Ve
nitiennes.
Dans le premier Acte les sieurs Thevenard
et Chassé chanterent les Rôles du
Sultan et du Grand Bostangi , et les Dlles
Antier etPellessier ceux des deux Sultanes,
P'une favorite et l'autre disgraciée.
Dans le second Acte , les sieurs Tribou ;
et Chassé firent les Rôles de Vertumne et
de Pan , et la Dlle le Maure celui de Pamone.

Dans l'Acte du Bal , les sieurs Chassé
et Dumats , ont fait les Rôles d'Alamir
et de Themir; ceux du Maître de Musique
et de Danse ont été joués par les sieurs
Tribou et Laval , et la Dlle Petit- Pas a
chanté le Rôle d'Iphise...
Les
72 MERCURE DE FRANCE,
Les sieurs du Pré , du Moulin Freres
Laval , Javilliers , Malter & les Diles Prevôr
, Camargo , Salé et autres , ont executé
le Ballet composé par le sieur Blondi ;
on y a dansépar ordre de la Reine le Past
de Trois du quatriéme Acte de Callirhoé.
L'Orchestre étoit composé des Violons ,
Hautbois et Flutes du Roy , et les Choeurs
ont été executés par les Acteurs et Actrices
de l'Académie Royale de Musique .
Le 7. de ce mois , le Roy prit le Divertissement
d'uneCourse deTraineaux.S.M .
après avoir été prendre à l'Appartement
de Mädemoiselle de Charolois , les Princesses
du Sang et les Dames de la Cour,
qui entrerent dans des Traineaux , conduits
par les Seigneurs en habits et bonnets
de velours cramoisi , doublez d'hermine,
fit plusieurs tours dans les Allées
du Parc et le long du grand Canal pendant
trois heures ; ayant changé deux
fois de Relais , le Roy mena ensuite la
Compagnie à Trianon , où elle eu l'honneur
de souper avec S. M. qui ne retour“
na à Versailles que vers les deux heures
du matin au clair de la Lune.
Les Députez du Parlement qui avoient
reçû les ordres du Roy le 9. Janvier , se
rendirent à Versailles le lendemain matin ,
M. Portail , Premier Président , étant à
lcut
JANVIER. 1732. 173
leur tête ; ils furent présentez et conduits
avec les ceremonies ordinaires à l'AKdiance
de S. M. qui leur déclara sa volonté.
.Le 13 L'Abbé de Laubriere., cy- devant
Conseiller au Parlement , nommé à l'Evêché
de Soissons , fut sacré dans la Chapelle
de l'Archevêché, par l'Archevêque de
Paris , assisté de l'Evêque de Châlons sur
Marne , et de l'Evêque de Luçon , et le
20 il prêta serment de fidelité entre les
mains du Roy .
Le 15.et le 16.les Religieux Mathurins,
de l'Ordre de la sainte Trinité , condui
sirent en Procession dans la Ville de Paris
, 33. Esclaves qu'ils ont rachetez à
Constantinople pendant l'année derniere.
Le Marquis de Solera , premier Gentilhomme
de la Chambre de l'Infant Dan
Carlos , et que son A. R. a envoyé à Paris
pour remercier le Roy des honneurs qui
lui ont été rendus dans son passage en
France , et pour marquer à S. M. sa reconnoissance
de la maniere avec laquelle
on l'a reçu , s'acquitta de cette commission
le 15 de ce mois ; il fut présenté au
Roy , par le Marquis de Castellar , Ambassadeur
Extraordinaire de S. M. Cath .
Il prit congé de S. M. le 29 , présenté par
le même Ambassadeur.
Le
174 MERCURE DE FRANCE
Le 19 de ce mois , après la Messe du
Roy , Mademoiselle de Chartres reçut
dans la Chapelle du Chateau de Versailles
les Cérémonies du Baptême. Le Roy
fut son Parrain ; la Princesse de Conty ,
troisiéme Douairiere, la Maraine ; et cette
Princesse fut nommé Louise Diane . La
Reine et les Princes et Princesses assisterent
à cette Cérémonie , qui fut faite par
le Cardinal de Rohan , Grand Aumonier
de France , en présence du Curé de la
Paroisse du Château.
Le Roy ayant fixé au 22 de ce mois la
Cérémonie de Mariage du Prince de Conty
, avec Mademoiselle de Chartres , S.M.
donna ordre au Marquis de Dreux,Grand
Maître des cérémonies , d'y inviter de sa
part les Princes et Princesses du Sang et
les Princes légitimez.
Le 21 au soir , jour de la signature da
Contrat et des Fiançailles , les Princes se
trouverent vers les six heures dans le Cabinet
du Roy , où la Reine avertie par le
Grand Maître des cérémonies, arriva quelque
temps après , étant accompagnée des
Princesses et des Dames de la Cour qui
s'étoient rendues dans son appartement.
Le Prince de Conty donnoit la main à
Mademoiselle de Chartres , dont la Manse
étoit portée par Mademoiselle de Sens
LorsJANVIER.
1732. 175
Lorsque le Contrat de Mariage eut été
signé de L. M. et des Princes et Princesses
qui étoient dans le Cabinet du Roy,
le Cardinal de Rohan fit les Fiançailles ;
Monseigneur le Dauphin et Mesdames de
France étoient auprès de L. M. pendant
cette Cérémonie .
Le 22 à midi , le Roy et la Reine précédez
du Grand Maître , du Maître et de
l'Aide des Cérémonies , et accompagnez
des Princes et Princesses , allerent à la
Chapelle ; et lorsque L. M. y furent arri
vées , le Duc d'Orleans , la Duchesse de
Bourbon, Douairiere, leDuc et la Duchesse
de Bourbon , le Comte de Charolois ,
le Comte de Clermont , la Princesse de
Conty , troisiéme Douairiere , Mademoiselle
de Beaujolois , Mademoiselle de Charolois
, Mademoiselle de Clermont , Mademoiselle
de Sens et Mademoiselle de
la Roche- sur-Yon prirent leurs places
suivant leur rang , à la droite et à la gauche
du Roy et de la Reine ; le Prince de
Dombes , le Comte d'Eu et le Comte et
la Comtesse de Toulouse se placerent derriere
les Princes et les Princesses du Sang.
Madame la Duchesse d'Orleans n'ayant
pû accompagner L. M. étoit dans la Tribune
, ainsi que le Duc de Chartres . Le.
Pr. de Conty et Mademoiselle de Char-
*tres
176 MERCURE DE FRANCE
tres qui précedoient le Roy dans la mar
che , s'étoient avancez en entrant dans
la Chapelle jusqu'auprès de l'Autel . L.M.
suivies des Princes et Princesses s'en étant
approchées , le Cardinal de Rohan fit la
Cérémonie du Mariage , en présence du
Curé de la Paroisse de Versailles , qui la
veille avoit assisté aux Fiançailles.
Le soir, L. M. souperent en public avec
les Princesses , dans l'appartement de la
Reine; laDuchesse de Bourbon , Douairiere,
la -Princesse de Conty , troisiéme Douairiere
, Mademoiselle de Beaujolois , Mademoiselle
de Clermont et Mademoiselle
de la Roche- sur-Yon étoient à la droite
de L. M. La Duchesse de Bourbon , la
Princesse de Conty , Mademoiselle de
Charolois , Mademoiselle de Sens et la
.Comtesse de Toulouze étoient à la gauche.
Après le souper , le Roy fit l'honneur
au Prince de Conty de lui donner
la chemise , et la Reine fit le même honneur
à la Princersse de Conty.
Le lendemain après midy, L.M. allerent
voir la Princesse de Conty, qui reçut le même
jour la visite de Monseigneur le Dauphin
et de Mesdames de France, et celles de
tous les Princes et Princesses. Il y a treslong-
temps que la Cour n'avoit paru si
brillante et si nombreuse. On ne peut
rien


JANVIER 1732. 177
tagne ,
rien ajouter à la magnificence des habits ,
pour lesquels les plus riches étoffes et du
meilleur goût ont été employées , relevées
encore par l'éclat des Pierreries.
- Le 27. les Députez des Etats de Breeurent
Audience publique du
Roy , étant présentez par le Comte de
Toulouse , Gouverneur de la Province ,
et par le Comte de S. Florentin , Secretaire
d'Etat , et conduits par le Grand-
Maître et le Maître des Ceremonies ; la
Députation étoit composée de l'Evêque
de S. Pol de Leon , pour le Clergé qui
porta la parole , du Comte de Kercado
pour
la Noblesse , du Senechal du Quimper
pour le Tiers Etat , et du Pré ident
de Bedé , Syndic de la Province . Ces Députez
furent ensuite conduits à l'Audiance
de la Reine, et à celles de Monseigneur
le Dauphin , de Monseigneur le Duc
d'Anjou et de Mesdames de France.
Il n'y a pas lieu d'être surpris de tous
les embellissemens qui se sont faits depuis
un temps et qui se font encore dans
la celebre Eglise de Notre - Dame de Paris.
Son illustre Chapitre a toûjours eu grande
attention sur ce qui regarde le culte
de Dieu , dans lequl est toujours renfermée
la Décoration et la magnificence
de son Temple.
I C'est
178 MERCURE DE FRANCE
et
C'est à quoi il semble que ce Chapitre
se soit encore appliqué plus particulierement
depuis un temps. Les soins et les
attentions des Abbez de la Croix , de
Fleury et de Cotte , Chanoines , et Intendans
du Trésor et de la Fabrique ,
n'ont pas peu contribué à de si nobles er
de si pieuses entreprises ; et le bonheur a
voulu qu'ils ayent heureusement rencontré
dans l'Abbé Colin' , Trésorier de cette
Eglise , une personne plus propre à rencherir
sur leur zele , qu'à le diminuer.
Son ardeur pour tout ce qui regarde l'Eglise
et sa décoration , est sans exemple
ainsi que sa vigilance et son activité .
La derniere réparation qu'on vient de
faire et qui a le plus frappé les yeux
du
Public et des Curieux , est le nettoyement
et la restauration de tous les Tableaux
de la Nef, qui , quoique des plus grands
Maîtres, avoient été de longue main aban .
donnez aux insultes du temps et de la
poussiere ; l'on n'y reconnoissoit plus.
rien, la plus grande partie pleins de troux
et tout écaillez. Il falloit une main legere
sçavante et habile pour les nettoyer sans
alteration et les repeindre sans qu'il y
parût , et ce fut pour cela que le sieur
Grégoire, jeune homme , Eleve de M.Reitout
, neveu da celebre Jean Jouvenet
£us
JANVIER 1732. 179
1
1
fut choisi ; il s'en est acquitté si bien et
avec tant de prudence , qu'il a rendu à
tous ces Tableaux leur premier lustre et
leur ancien éclat , sans avoir rien alteré
des endroits mêmes les plus délicats . Il a
eû aussi la satisfaction de se voir applaudi
, non- seulement du Public , mais même
de M. Boulogne , premier Peintre du
Roy et Directeur de l'Académie , &c.
Un si, heureux succès fait esperer que
le sieur Grégoire ne se tirera pas moins
heureusement des Tableaux de la Croisée
de la même Eglise , qui sont, la plus grande
partie , d'un prix infini.
BENEFICES DONNEZ
par le Roy.
'Evêché de Mâcon , à l'Abbé de Valras
, Agent du Clergé . LE
L'Abbaye de S. Vincent de Laon
l'Evêque d'Arras .
Celle de S. Julien de Dijon , Ordre de
S. Benoît , vacante par la démission de
la Dame de Bussy - Rabutin , à la Dame
de Langhac , Prieure de l'Abbaye de
Praslon.
Celle de Preaux , même Ordre , Diocèse
de Lizieux , à la Dame de Brancas.
Celle de Montsor d'Alençon , même
Iij Ordre
180 MERCURE DE FRANCE
Ordre , à la Dame de Chateaurenault.
Le Prieuré de S. Pancras de Fontaine ,
Diocèse de Besançon , à M. Franchet
Chanoine de l'Eglise Métropolitaine de
la même Ville .
Le Prieuré de Vausse , Ordre du Valdes-
Choux , Diocèse de Langres , à M. Pẹ
titbenoist , Chanoine de Besançon .
Le 25. la Loterie de la Compagnie des Indes ,
établie pour le remboursement des Actions , fut
tirée en la maniere accoûtumée à l'Hôtel de la
Compagnie. La Liste des Numeros gagnans des
Actions et Dixiémes d'Actions qui doivent être
remboursés , a été rendue publique , faisant en
tout le nombre de 303. Actions , neuf Dixiémes
Actions.
On donne avis que la Veuve de Forestier
Marchande à Perigueux , vend toutes sortes de
Liqueurs et principalement Lanizette , la pinte
est de quatre livres dix sols rendue à Paris , tous
frais faits ; elle excelle dans cette Liqueur. Plusieurs
Seigneurs de Paris et d'ailleurs lui en ont
déja demandé..
LETTRE sur le Passage de Don Carlos
par la Provence.
'Infant entra en Provence le 5 Decembre
dernier , et se rendit de Nismes à
Tarascon
en traversant le Rhône sur le
Pont de Beaucaite .
M. le Brer , Conseiller d'Etat , Premier
PresiJANVIER.
1732. 181
President du Parlement d'Aix , Intendant
et Commandant en chef de la Pro
vince , s'y étoit rendu deux jours auparavant
avec un détachement de la Compagnie
des Gardes du Gouverneur de la
Province , et un détachement de la Maréchaussée
, commandé par M. d'Escra
gnolle , Prévôt Général. Le Marquis de
Graveson , et M M. Pazery de Thoraine,
Assesseur , et de Thomassin de la Garde
Consuls d'Aix , Procureurs du pays ou
Syndics Généraux de la Province , accom "
pagnez du Trésorier des Etats , de l'Ingenieur
et des autres Officiers de la Province
, avoient suivi M. l'Intendant sui
vant l'usage.
M. le Bret et les Procureurs du Pays
accompagnez du Comte de Marignane ,
Lieutenant General des Armées du Roi et
de 200 Gentilhommes ou Officiers des
premieres Maisons de la Province
n'ayant pu recevoir S. A. R. à la descente
du Pont , à cause d'une grande pluie , se
rendirent à l'Hôtel qui avoit été préparé
pour le logement du Prince , et eurent
l'honneur de le recevoir à la porte , et de
lui présenter les respects de la Province;
M. Pazery de Thoraine , Assesseur,en chaperon
, ainsi que ses Collegues , lui adressa
un Discours au nom de la Province , qui
fut très aplaudi.
I iiij Les
182 MERCURE DE FRANCE
Les Consuls de Tarascon en chaperon ,
à la tête des Gentilhommes et des Bourgeois
de cette Ville , avoient déja eu
l'honneur de recevoir et de haranguer le
Prince à la Porte de la Ville qui étoit ornée
d'un Arc de Triomphe , le Prince fut
salué en y entrant par une triple salve de
Boëtes qui avoient été placées sur les remparts
, et passa au milieu d'une double
haye de Milice Bourgeoise fort leste.
S. A. R. reçut après son dîner les respects
du Chapitre Royal de sainte Marthe,
fondé par le Roi Louis XI . M. l'Abbé
de Fenelon qui en est le Doyen porta
la parole ; le Corps de Ville eut aussi
le même honneur .
M. Buon del Monti , Florentin , Vice-
Legat d'Avignon, qui s'étoit rendu à Tarascon
avec tous les Officiers de la Legation
et une nombreuse suite , eut aussi
l'honneur de saluer l'Infant qui le reçut
très gracieusement.
Le 6 S. A. R. arriva à Salon et logea
dans le Château qui appartient à l'Arche
vêque d'Arles qui l'avoit fait meubler
magnifiquement. Il y eut séjour à Salon
le 7 et le 8 , le Prince arriva à Aix le 9
à deux heures après midy.
Les Consuls haranguerent le Prince à
la Porte de la Ville où il y avoit une Garde
JANVIER . 17321 182
de bourgeoise sous les armes ; de- là , Dom
Carlos se rendit en la Maison de M. Maurel
, l'une des plus belles du Cours , où il
devoit loger ; il y eut une autre Garde à
la porte composée de 150 hommes du Regiment
de Flandres, commandés par deux
Capitaines avec un Drapeau , le reste des
neuf Compagnies étoient en bataille de
vant l'Hôtel du Prince ; toutes les Mai
sons du Cours étoient ornées en dehors
de Tapisseries , ce qui formoit un coupd'eil
magnifique.
M. le Bret , à la tête de la Noblesse de
la Ville , reçut le Prince à la descente du
Carosse , et lui donna là main pour mon
ter dans son Appartement.
Après le diner , l'Infant s'amusa à tirer
des Lapins et des Pigeons qu'on avoit fait
mettre dans le Jardin.
Sur les cinq heures , les Députez du Par
lement , au nombre de 38 , ayant à leur
tête le Premier President , six autres Presidents
, deux Avocats Generaux et 30
Conseillers,eurent l'honneur de haranguer
le Prince , M. le Bret portant la paroles
la Chambre des Comptes , Aydes et Finances
, M. Albertas Premier President à
la tête , les Trésoriers de France , l'Université
et la Senechaussée eurent aussi le
même honneur , ainsi que l'Archevêque
I iiij d'Aix
184 MERCURE DE FRANCE
d'Aix à la tête du Chapitre de l'Eglise
Metropolitaine de S. Sauveur , sa harangue
fut fort pathetique, et il n'oublia pas
les graces que la Maison de Brancas a reçues
du Roi d'Espagne , tous ces differens
Corps furent présentez au Prince par M.
Desgranges , Maître des Ceremonies , qui
presenta aussi au Prince et au Comte de
Sant-Estevan les Présens de la Ville & c.
Le soir il y eut des feux de joie devant
les portes de toutes les Maisons de la Ville
et des illuminations aux fenêtres , cequi
avoit été ordonné par le Parlement.
Le neufle Prince arriva à S. Maximin ,
et logea dans le Monastere des Religieux
Dominiquains Réformez .
Le ro à Brignolle où S. A. R. fut obligée
de rester à cause des neges , elle y reçut
les complimens de la Ville , de la Se
nechaussée & c.
Le 11 le Prince arriva au Luc , et logea
au Château du Comte du Luc , Chevalierdes
Ordres du Roi qui l'avoit fait meubler
magnifiquement , tous les Officiers
et Seigneurs de sa suite y furent logez
aussi ,et trouverent dans une belle Maison
toutes les commoditez possibles ; ce Prince
y séjourna le 12, 13 et 14 , à cause des
pluyes et des neges qui avoient inondé
la plaine .
L.
JANVIER 1732.
189
Le 15 , le Prince alla dîner au Muy où
le Seigneur de ce lieu avoit fait préparer
une Alte aussi splendide que délicate,pour
S. A. R. et pour sa suite. Le Marquis du
Muy après avoir fait les honneurs de chez
lui , alla lui - même reconnoître les chemins
extrêmement remplis par les pluyes,
et sur son raport l'Infant continua sa route
, et arriva le soir à Frejus ; il fut recu
à la porte de la Ville par les Consuls ,
avec les ceremonies ordinaires, et logea à
l'Evêché.
Le 16 S. A. R. arriva à Cannes et logea
chez M. de Rioufe , Chevalier de
f'Ordre de S. Michel et Subdelegué de
l'Intendant de Provence , il y eut une
garde de jeunes gens fort lestement vétus
à la porte du Prince ; il y eut aussi une
danse de Matelots à la manière du pays
qui divertit Beaucoup le Prince . Il soupa
dans son lit à cause d'une indisposition
de rhume. ·
Le 17, le Chevalier d'Orleans arrivá
à Cannes , et se rendit chez le Prince ,
accompagné du Comte de Sant- Estevan ,
de M. le Brét et de M. Desgranges , il fit
un compliment au Prince de la part du
Roi auquel S. A. R. parut fort sensible.
L'Infant partit le même jour de Cannés
et arriva à Antibes à midy , il fut
Iv salué
186 MERCURE DE FRANCE
salué en passant devant les Isles sainte
Marguerite de tout le canon de cette Citadelle.
M. de Montesquiou Commandant ,
accompagné de l'Etat Major , reçut le
Prince à la Porte Royale , au bruit de
toute l'Artillerie de la Place , des Forts ,
et des neuf Galeres qui étoient dans le
Port , le Regiment de Luxembourg étoit
en haye depuis la porte de la Ville jusqu'au
Château où logea le Prince , il y
avoit aussi une Garde de 150 hommes du
même Regiment avec un Drapeau .
Le Grand-Prieur , les Procureurs du
pays , M. le Bret , M. Desgranges , l'Etat
Major de la Place et la Noblesse du pays
reçurent le Prince à la porte du Château ,
et l'accompagnerent dans son Apparte
ment. S. A. R. y trouva Don Miguel
Reggio , Sicilien , Chevalier de Malthe
Commandant les six Galeres d'Espagne
avec tous les autres Officiers des Galeres,
tous en habits uniformes de drap bleu
galonés d'or , M. de Marescotti , Commandeur
des trois Galeres du Grand Duc
avec tous les Officiers et plusieurs autres
Seigneurs Florentins , dont la plûpart
étoient revétus de l'Ordre de S. Etienne,
en habits uniformes de drap écarlate galonés
d'argent , et M. de Chateaufort ,
Ma.
JANVIER. 1732 187
Maréchal de Camp des Armées du Roi
d'Espagne , avec le Commandant d'une
Frégate Espagnole qui étoit dans le Port
d'Antibes . Tous ces Seigneurs et Officiers
Espagnols et Italiens eurent l'honneur de
baiser la main au Prince. M. le Bret présenta
ensuite à S. A. R. tous les Officiers
de la Garnison .
Le Prince fut fort incommodé d'un thume
les premiers jours qu'il séjourna à
Antibes , et fut obligé de rester au lit
pendant trois jours , ce qui l'empêcha de
prendre le divertissement qu'on lui avoit
préparé. S. A. R. reçut des mains du
Grand Prieur une Epée enrichie de diamans
que le Roi envoyoit au: Prince
comme un nouveâu gage de son amitié ;
l'Infant la reçut avec de grandes démonstrations
de joie , il a gardé cette Epée
pendant deux jours entiers aux pieds'
de son lit , pour la faire voir à tous les
Seigneurs et Officiers qui venoient lui
faire leur Cour.
Pendant le séjour d'Antibes , le Général
des Galeres Espagnoles donna sur la Réale
un splendide dîner à M. le Grand-
Prieur , aux principaux Seigneurs François
, Espagnols et Italiens qui se trouvoient
à la suite du Prince ; M. le Breg
ne put pas se trouver à ce repas , étant
I vj oblige
188 MERCURE DE FRANCE
obligé de faire les honneurs de la table
qu'il a tenue à Antibes pour les autres Sei- ,
gneurs qui y étoient Les santés de leurs,
Majestés très Chrétienne et Catholique ,,
de S. A. R , du Grand- Prieur , des Commandans
, &c. furent célébré, s au bruic
du Canon , et pendant tout le repas il y
eut Concert d'Instrumens .
3.
Le Comte de San Severino , Envoyé
de Parme à la Cour de France , se rendit
aussi à Antibes pour faire sa cour à son
nouveau Souverain ; enfin cette Ville a
toûjours été remplie d'une infinité d'Etrangers
et de toute la Noblesse de la
Province qui n'a rien oublié pour témoigner
le plaisir qu'elle avoit de voir et de
faire sa cour à un Prince issu du sang de
ses Maîtres.
La Princesse de Monaco envoya aussi
un de ses Gentilhommes pour compli
menter le Prince.
Le 23 , S. A. R. s'embarqua sur la
Réale , à dix heures du matin , cette Galere
étoit richement ornée , et tous les
Forçats en habits neufs.
Le Grand- Prieur , M. le Bret , M. Desgranges
, les Procureurs du Pays , le
Marquis de Montesquiou , Commandant
de la Place , l'Etat Major , le Marquis de
Brancas Ceireste , fils de M. de Brancas ,
Grand
JANVIER. 1732. 189
$
Grand d'Espagne et Lieutenant General
de la Province qui sert dans la Marine et
qui s'étoit rendu à la suite du Prince pour
lui faire sa Cour , et enfin un nombre infini
de Gentilhommes et d'Officiers François
, se trouverent sur le Quay du Port
et à bord de la Galere pour recevoir le
Prince , et pour lui souhaiter un heureux
voyage , et lui témoigner en même tems
leurs regrets et leurs inquiétudes à cause
de la rigueur de la saison. La Garnison for
moit une double haye depuis le Château
jusqu'à la Porte Marine . Le Prince fut
salué en y passant de toute l'Artillerie de
la Ville et des Förts , et en entrant dans
la Gale e , par le canon de neuf Galeres.
S. A. R. entra d'abord dans la Chambre
de poupe pour écrire avant son départ au
Roy et à la Reine d'Espagne.
Malgré les tems affreux qui ont régné
en Provence pendant la route du Prince ,
M. le Bret dont le zele pour le service du
Roi est connu depuis longtems, avoit don
né de si bons ordres que tout ce qui étoit
necessaire pour la subsistance et les com
moditez de la vie , s'est trouvé par tout en
abondance ; toute la suite et les équipages
nombreux du Prince ont été commodé
ment logez , les chemins avoient été réparez
autant que la saison et le peu de
tems
rgo MERCURE DE FRANCE
tems qu'on a eu pour y travailler , l'ont
pu permettre ; plus de mille Ouvriers y
ont été employez , et travailloient nuit
et jour sous les ordres de Messieurs les
Procureurs du Pays et du sieur Vallon ,
Ingenieur de la Province , lesquels n'ont
rien oublié pour donner des marques de
leur zele et de leur attachement : enfin
toute la Provence a témoigné tant de
zele et d'attachement , qu'elle ne s'est
point démentie de l'amour et de la fidélité
qu'elle a toûjours porté à l'Auguste
Sang de BOURBON.
On peut ajouter ici avec raison que M.
le Bret a toujours fait sa cour au Prince,
avec une assiduité sans égale , et qu'il est
allé au - devant de tout ce qui pouvoit lui
être agreable , qu'il a eu chez lui pendant
tout le tems que ce Prince a voyagé ou
resté dans son Département, deux grandes
tables et quelquefois trois , le matin et le
soir , servies avec autant de profusion que
de délicatesse, où les Seigneurs Espagnols
et Italiens ont toujours mangé. Ce Magistrat
s'étant aperçu que l'Infant aimoit
beaucoup les Ortholans qui sont d'un gout
exquis en Provence , il a eu soin de lui en
fournir pendant tout le tems qu'il y a resté
malgré la rareté de ces oiseaux dans cette
saison. Ainsi le Prince et le Comte de San
Este van
JANVIER. 17327 198
Estevan et tous les Seigneurs dela suite fui
ont donné en partant les marques les plus
flateuses de leur satisfaction et de leur estime.
M. le Bret ayant enfin témoigné à
S. A. R. l'inquietude que son Rhume lui
causoit , elle eut la bonte de lui répondre
qu'elle n'avoit point pris ce Rhume dans
sa Province.
Ce Prince avoit donné des marques de
sa liberalité avant son départ . Il a fait present
de son portrait enrichi de diamans
au Grand- Prieur,à M.le Bret d'un diamant
de prix , et à M. Desgranges un diamant
et une montre d'or d'un travail exquis . Il
a fait aussi donner une gratification à la
Maréchaussée qui avoit escorté sesEquipages
et le Trésor On a appris ce que Prince
après avoir été obligé de relâcher à Monaco
à cause du mauvais tems , en repartit
le 25. et est heureusement arrivé à Livourne
. On ajoute que ce Prince a essuyé
Ia tempête avec une grande fermeté . Il
est d'un caractere le plus aimable et le plus
égal , d'une humeur fort enjouée , extremement
vifet avec tout l'esprit du monde.
DE
192 MERCURE DE FRANCE
DELIBERATION de la Noblesse de
Provence , prife dans l' Affemblée du 15
Decembre 1731 , au sujet du Paffage de
l'Infant Don Carlos dans cette Province.
M
R Le Blanc Castillon , Syndic de *
robe , portant la parole , a dit , que
l'arrivée de S. A. R. le Duc Infant en
cette Province , ayant été avancée de près
d'un mois , on n'a pû avertir assez tôt
Mrs de Villeneuve Vence , & de Villeneuve
du Cadre , Syndics en exercice ,
qui sont actuellement dans leurs Terres ,
pour les engager à venir en cette ville
d'Aix.
3
Mais M. Le Blanc en ayant conferé
avec le Marquis de Vauvenargues , &
avec M. Le Camus Peypin , Syndics de la
même Election , avec quelques-uns des
Commissaires & plusieurs Gentilshom- ~
mes , ils ont tous pensé unanimement ,
qu'il convient dans cette occasion de ne
rien oublier de la part du Corps de la
Noblesse , pour donner des marques de
son zele pour la gloire du Roy en la personne
d'un Prince de la Maison de France
, &c.
Il a été jugé à propos d'assembler les *
Gentilshommes qui se trouveroient à por.
tée
JANVIER 1737.
1934
tee , lesquels en qualité de Députez du
Corps , iroient avec les Syndics offrir
leurs respects à ce Prince ; & comme onapprit
qu'il devoit arriver en cette ville
le 8. de ce mois , M. le Marquis de Vau
venargues & M. Le Blanc crurent devoir
prévenir M. Desgranges , Maître des Ce
remonies , qui étoit arrivé la veille à Aix.
Il leur demanda quelques éclaircissemens
sur les Titres & les Usages en vertu desquels
la Noblesse de cette Province for
me un Corps , les preuves en furent facilement
raportées & confirmées par le té--
moignage de M. l'Archevêque ; sur quoy'
M. Desgranges ayant consulté ses Memoires
, & pris les arrangemens qu'il crut
les plus convenables , dit que Mrs les
Consuls représentant le Corps de Ville
devoient recevoir le Prince à la porte ,
lay faire le premier compliment ; que
lorsque S. A. R. se seroit renduë dans
l'apartement qui luy avoit été destiné ,
il recevroit les complimens des Corps de
Juftice qu'on introduiroit ensuite les
deux Corps qui font partie des deux
premiers Ordres du Royaume ; c'eſtà-
dire , qu'après que le Chapitre do
PEglise Metropolitaine en Corps , ayant
à la tête M. l'Archevêque , qui por-.
toit la parole , auroit fait son compli-
&
ment
194 MERCURE DE FRANCE
ment , les Deputez de la Noblesse seroient
admis pour faire le leur au nom de
ce Corps. Cet ordre ayant été ainsi reglé ,
les Syndics firent la convocation dont on
étoit convenu ,et partirent du lieu ordinairé
des Assemblées du Corps avec plusieurs
Gentilshommes.
Ils furent reçus chez le Prince par
M. Desgranges au moment qu'ils se firent
annoncer , ils traverserent avec lui la Sale
et l'Antichambre où ils trouverent un
grand nombre d'autres Gentilshommes , et
furent aussitôt introduits dans la chambre
de S. A. R.
M. le Marquis de Vauvenargues après.
une profonde reverence dit :
MONSEIGNEUR ,
Nous venons offrir à V. A. R. les respects
de la Noblesse de Provence , et lui exprimer
nos sentimens parla bouche de notre Syndic
de Robe
Après quoi M. le Blanc dit :
MONSEIGNEUR ,
La Noblesse de cette Province qui jouit du
Privilege de s'assembler'en Corps , n'en sçauroit
faire un plus glorieux usage , qu'en venant
offrir ses voeux et ses respects à votre Altesse
Royale. Plus attachez que le reste du
Peuple au sort et à la personne des grands
Princes
JANVIER . 1732. 195
Princes , nous ressentons plus vivement la
douce impression que votre presence fait sur
tous les coeurs , et nous sommes charmez de
pouvoir vous exprimer des sentimens que votre
nom seul nous avoit deja inspirés .
Nous respectons en vous , Monseigneur ;
Auguste Sang de nos Roys , et celui d'un
Prince aussi grand par ses vertus que par sa
naissance ; nous admirons tant de belles qua
litez qui, devançant le cours des années, vous
ont rendu l'amour des Peuples , et nous preju
geons avecjoye l'heureux avenir que les hau
tes destinées de votre Altesse Royale lui preparent.
Vous avez été , Monseigneur , dès votre
naissance l'objet de l'attention de toute l'Europe
, vous êtes devenu le lien et le sceau de la
paix , vous allez porter lagloire des deux plus
grands Royaumes de l'Univers au delà des
bornes qui les renferment , et donner à l'Italie
un nouvel éclat en lui communiquant celui
de la France et de l'Espagne .
Puisse votre Altesse Royale , jouir long
tems de cesglorieux avantages, ajouter de nonveaux
Empires aux Etats florissants qu'un
illustre sort lui destine , les transmettre à la
posterité la plus reculée , et recevoir de nos
neveux de nouvelles preuves du même zele
dont nous sommes animez .
L'Infant témoignant beaucoup de satisfaction
196 MERCURE DE FRANCE
*
tion du zele de Mrs de laNoblesse s'avança
quelque pas avec eux et jusqu'au milieu de
sa chambre à mesure qu'ils se retiroient , et
lorsqu'ils en sortirent ils furent recon
duits par M. Desgranges .
********** :*****
MORT S.
E 24 Decembre , M. Paul Edouard Duchaufour
, Ecuyer, Conseiller , Secretaire du Roy,
mourut à Paris ; âgé d'environ 66 ans.
M. Nicolas Dupré de Saint- Maur , Chevalier
Conseiller du Roy , Correcteur ordinaire en la
Chambre des Comptes , décédé le 2 Janvier ,
âgé de 90 ans passés.
Dame Anne Louise de Chalucet , veuve de M.
Nicolas de Lamoignon de Basville , Conseiller
d'Etat ordinaire , mourut à Paris le 4 Janvier
âgée d'environ 87 ans.
Le 7 , M. Claude- Louis Lombard Chevalier ,
Vicomte d'Ermenonville. Seigneur de Valescourt,
&c. Gentilhomme ordinaire de la Chambre du
Roy , mourut âgé de 68 ans.
Dame Françoise Nicole Dugné , veuve de
M. Antoine de la Chaise Daix , Chevalier Marquis
de la Chaise , Capitaine des Gardes de là
Porte , décédée le 7 Janvier , âgée de 5 ans,
Joachim Gédoyn , Lieutenant Colonel du Ré→
giment d'Etampes , cy - devant Chartres , Cheva-.
lier de l'Ordre Militaire de S. Louis , Major de
Soissons , et l'un des Gentilshommes Ordinaires
de S. A. S. Monseigneur le Duc d'Orleans ,
premier Prince du Sang , est mort à Paris , le 10
Janv.
JANVIER. 1737. -197
1
J
Janvier , âgé de 64 ans. Il étoit fils de N. Gédoyn
, Chevalier , Seigneur de Pernan et d'Autréche
, Capitaine dans le Régiment du Roy, tué
à la prise de Landrecy , et de Françoise de Gonnelieu
; et petit neveu de Philippe Gédoyn, Chevalier
, Seigneur de Bellan , de Pully et autres
lieux , Maréchal des Camps et Armées du Roy ,
Gouverneur de Baugenci , Capitaine - Lieutenant
des Gendarmes de son A R, Gaston , Duc d'Orleans
, et ensuite Gouverneur de feu M.le Comte
de Vermandois . Il servoit depuis plus de 50 ans,
et s'étoit acquis la réputation d'un des meilleurs
Officiers et des plus honnêtes hommes qu'il y eut
dans les Troupes.
&
Jean- Baptiste de la Bastie , Comte de Vercel,
Maréchal des Camps et Armées du Roy ,et ieutenant
des Gardes du Corps de S. M. mourut à
Paris le 12 Janvier , âgé d'environ 68 ans . Il
avoit remis au Roy depuis quelque temps le Gouvernement
de Dole , que S. M. a donné à son
fils .
S
le 15 , Armand Louis le Boulanger Chevalier ,
Conseiller au Parlement, mourut àgé de 26 ans.
Le 17 , M. André Maily du Breuil , Receveur
General des Finances , de la Généralité de
Tours , mourut dans la 69 année de son âge.
Le 22 Janv. est décédée dans l'Abbaye de Farmoutiers,
en Brie , Elizabeth - Françoise deBourgongne,
Dame deMautour ,âgée de 81 ans et un mois,
veuve de Mre Charles d'Hervilly , Seigneur de
Devize , Lieutenant de Roy des Vilie et Château
de Ham . Elle étoit soeur aînée de Dame
Jeanne- Françoise de Bourgongne, dont la famille
est rapportée à l'occasion de sa mort , dans le
Mercure de Juin de l'année derniere. Elle avoit
épousé M. Moreau de Mautour qui est l'ancien
des Conseillers Auditeurs de la Chambre des
Comptes
198 MERCURE DE FRANCE
-
Comptes , et Pensionaire de l'Academie Royale
des Inscriptions et Belles Lettres. La Dame
d'Hervilly a laissé pour seuls heritiers deux Neveux
, l'Abbé de Mautour et le Chevalier de Mautour
, Capitaine dans le Régiment de Toulouze.
→ Florent , Comte du Chatelet et de Lomont.
Lieutenant General des Armées du Roy , Grand
Croix de l'Ordre Royal et Militaire de S. Louis ,
cy-devant Commandant au Gouvernement de
Dunkerque , mourut à Sémur , en Auxois , le 26
Janvier 1732 , âgé de 81 ans.
Il avoit épousé Charlotte du Châtelet sa cousine
, et laisse de ce Mariage , Florent , Márquis
du Châtelet, Gouverneur de Sémur, Grand Bailly
d'Auxois , et Colonel du Regiment d'Haynault ,
qui a épousé en 1725 , Emelie de Breteuil , fille
de Louis-Nicolas, Baron de Breteuil et de Preuilly
, &c. François du Châtelet , Chevalier de Malthe
, second Cornette des Chevaux Legers de
Bretagne , Magdelaine - Suzanne du Châtelet ,
mariée en 1731 au Marquis de Roussillon , et
Florence du Châtelet , épouse du Comte de la
Beaume Montrevel , Mestre de Camp de Cavàlerie
, et Brigadier des Armées du Roy.
TABLE .
Catalogue desMercures , depuis 172 1
Privilege du Roy.
Avertissement.
Liste des Libraires qui vendent le Mercure.
PIECES FUGITIVES . Ode au Duc de S. Aignan, I
Lettre, sur une Médaille antique ,.
La Saint André , Ode ,
8
17
Lettre , sur sainte Cecile ; Patrone des Musiciens
,
21
La Tranquilité , Ode , 46
Discours sur l'obligation où sont les femmes de
nourrir leurs enfans ,
Cantate ,
Mort de M. de la Mothe , & c.
19
62
Vers à Madamoiselle Malcrais de la Vigne , 75
Lettre Apologétique , à la même ,
Ode sacrée,
Réfléxions sur la Bizarrerie de differens
ibid.
81
usa- ges , &c.
88
Enigme , Logogryphes , 99.
Nouvelles Litteraires , 102
L'art de se garantir du froid , &c. 103
Mémoires de Mad . de Barneveldt , & C, 106
Cours des Sciences , & c. 107
Reflexions sur differens sujets , &c. 112
Bibliotheque Italique , &c. 116
Jettons frappez au premier jour de l'an 1732 .
gravez en taille douce , avec les explications
131
Prix proposé par l'Académie de Chirurgie, & c. 135
Estampe nouvelle , Portrait de Mile Dangeville ,
137
139 Chanson notée ,
SPECTACLES , Callirhoé , Opera , Extrait , 140
Nouvelles Etrangeres , de Turquie et Perse , 151
De Russie , Déclaration de la Czarine , pour son
Successeur au Trône ,
De Suéde , d'Allemagne , d'Italie ,
Arrivée de Don Carlos en Italie ,
Arc de Triomphe , en son honneur
152
153
117
59
D'Espagne , d'Angleterre , 164
Discours du Roy au Parlement , &c. 165
Morts et Naissances , 169
France , nouvelles , & c. 170
Mariage du Prince de Conti , 174
-Lettre sur l'arrivée et le départ de D. Carlos en
Provence
182
Assemblée de la Noblesse de Provence à ce sujet ?
et l'Arangue , &c.
Morts , Naissances , & c.
194
198
Errata du premier Volume de Decembre.
PAge 2721. ligne 23. sidentem , lisez sideritem
2773. 1. 19. Bourgeois , l . Bourgoin.
P. 2777.1 13. méchanique , l. mécanique.
Errata du second Volume de Decembre.
Age 2923. ligne 2. continue , lisex , continu.
P. 2974. 1. 1. verbus , 1. vertus.
P. 2995. 1. 7. par un manuscrit , l. tiré d'un
manuscrit.
P. 2989. l. 11. d'homme , l. d'un homme.
P. 3070. 1. 7. principe , l. Disciple.
P. 3079. 1. 20. Carcanonne , l . Ĉarcassonne.
Fautes à corriger dans ce Livre.
lisez consacrez.
PAge 14. ligne 24. conservez
P.62.1:21.paroissoit , l,étoit , P.67. 1.11.1597 .
l. 1697. P.70 . l. 2. du bas , de doute , 1. des doutes.
P. 79. 1 3. En fit , l. en fut. Ibid.l. 12 encore,
1. encor . P. 113. 1. 18. est , ôtez ce mot. P. 124.
1. 20. Trévire , 1. Trévise. Ibid. 25. Ferme ;
1. Fermo . P. 131. 1 derniere , dent enlève , lisez
dont on enleve. P 133. l. 2 du bas , 1731.l.
P 136. 1. 25.ct,. est P. 147. 1. 4. active , 7.vive
P. 19. 21. le , l. représentant le. Ibid. 1. 32.
Royale , Keale. P. 161. 1. 22. Scuro , 1. Oscuro.
1732
Les Jettons gravez , doivent regarder lapage 131
L'Air noté , la page 137
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU R Or AV
FEVRIER 1732 .
RICOLLIGIT
SPARGIT
Papillo
Chez
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ,
ruë S. Jacques.
LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais ;
M. DCC. XXXII.
Avec Approbation et Privilege du Roy,
A VIS.
L
'ADRESSE generale eft a
Monfieur MORE AU Commis an
Mercure vis - à - vis la Comedie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très-inflamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toûjours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pagoir paroître leurs Ouvrages , mais
meme de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie .
Les Librain des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la pre- .
miere main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter fur
T'heure à la Pofte , ou aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS.
DE
LA
VILLE
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU RÓT.
AV
FEVRIER
. 1732.
EQU
LYON
1893
PIECES FUGITIVES ,.
en Vers et en Prose.
PARAPHRASE DU PSEAUME II,
Quare fremuerunt gentes , & c.
STANCES.
Uelle étrange fureur arme toute la
terre ?
Quel démon furieux agite les es
prits ?
Je vois déja par tout les horreurs de la guerre à
Je vois tous les peuples aigris.
Craignez l'éclat de la tempête ;
C'estcontre vous qu'elle s'apprête ,
A ij
Ro
200 MERCURE
DE FRANCE
Rojs , qui vous soulevez
contre le Roy des Rois
Les peuples que votre injustice ,
>
Vient d'armer pour votre supplice
Scauront bien, malgré, vous,fouler aux pieds vos
Loix.
Celui qui dans les Cieux dispose de la foudre
Scait par des coups certains punir l'audacieux
;
D'un seul de ses regards , il brise , il met en poudre
,
Le Trône ,le plus glorieux.
Tremblez , Monarques
de la terre ,
Craignez l'éclat de son tonnere ,
Craignez dans sa fureur le bras du Tout - Puise
sant.
S'il a bien pû vous donner l'être ,
Sçachez qu'il est toujours le maître
De vous faire rentrer dans le premier néant.
Pour moi que dans Sion sa main droite cou
ronne ,
mets toute ma gloire à respecter ses loix :
Au milieu des grandeurs dont l'éclat m’envig
ronne ,
Mon coeur est soumis à sa voix :
Toujours tremblant en sa présence ;
Je reconnois que ma Puissance ,
N'est qu'un den de şa main , qu'il peut me le
tavit, Pes
FEVRIER 17327 201
Des Oracles qu'il me révéle ,
Ma bouche , interprete fidelle ,
Fait connoître son nom aux peuples à venir.
Cieux, écoutez a voix : Terre, prêtez silences
De l'Etre souverain j'annonce les décrets ;
Je le vois , je le sens et déja sa présence
Me découvre tous ses secrets.
Ville de Sion , Cité sainte ,
Seche tes pleurs , cessé ta plainte,
Pour ton Liberateur , les Cieux doivent s'ouvrir
Voy quelle est ma bonté suprême ;
C'est mon Fils , qu'un amour extrême ,
Engendra de tout temps , pour être Homme er
mourir.
Il doit mourir , ce Fils , pour expier ton crime ;
Lui seul de ma fureur , peut arrêter les coups .
Et par le noble Sang d'une telle Victime ,
J'appaiserai tout mon couroux.
Je ferai tout à sa priere ,
Il aura ma Puissance entiere .
Toutes les Nations écouteront sa voix ;
Les coeurs devenus plus sensibles ,
Respecteront ses Loix paisibles ;
Et comme un foible Vase ; il brisera les Rois.
A iij Nous
1
202 MERCURE DE FRANCE
Nous , que sa main forma du Limon de la terre ,
Gémissons dans nos coeurs , Princes , Rois, Souverains
;
Notre vaine Grandeur est sujette au tonnerre
Notre Puissance est dans ses mains.
Pour rendre la justice aux hommes ,
Il nous a faits ce que nous sommes ;
Principe de justice , il peut seul l'enseigner.
Servons sa Majesté suprême ,
Dans un respect le plus extrême ;
Apprenons dans ses Loix, le grand art de regner ;
Soumettons- nous au joug de ce Souverain
Maître ,
"
Celui qu'il nous impose , est gracieux et doux .
Craignons que sa fureur , toute prête à paroî
tre ,
Ne nous écrase sous ses coups.
Heureux celui dont l'innocence
A mis en lui son esperance !
Heureux qui de ses pleurs , arrose ses Autels !
Celui-là seul pourra lui plaire ,
Au jour terrible où sa colere ,
Viendra perdre à jamais les injustes mortels.
E. M. I. D. L. Solitaire des bords
de la Marne.
SUITE
FEVRIER. 1732. 203
SUITE des Reflexions de M. Capperon
, sur la Bizarerie de differens usa
ges , &c.
Hacun sçait que l'usage du Tabac
étant devenu commun en peu dé
temps , on ne se contenta pas d'en macher
et d'en fumer , on le réduisit encore
en poudre, pour en user par le nez . On
mit d'abord cette poudre dans de petites
Boëtes , faites en forme de Poires , qu'on
duvroit par un petit trou , d'où on faisoit
sortir la poudre , pour en mettre deux
petits monceaux sur le dos de la main, afin
qu'on put delà les pórter l'un'après l'autre
à chaque narine. Le premier usage de
ce Tabac en poudre , parut dans ces commencemens
si bizare , qu'on crut qu'il
ne convenoit qu'à des Soldats et aux personnes
de la lie du peuple. En effet , il
n'y eut que ces sortes de gens qui en userent
les premiers.
Cependant , comme il arrive , à l'égard
des usages les plus bizares , l'imagination
se fit peu à peu à celui-là ; d'honnêtes
gens commencerent à s'y accoutumer.On
fit en leur faveur des Boëtes beaucoup plus
propres et plus riches , qui se fermoient,
A - iiij
avec
t
204 MERCURE DE FRANCE
avec une sorte de petit fourniment , qui
ne prenoit dans la Boëte , qu'autant de
poudre qu'il en faloit pour chaque narine
, et qu'on mettoit toujours sur le dos
de la main .
La répugnance qu'on avoit euë d'abord ,
étant levée , chacun se piqua d'avoir du
Tabac en poudre et d'en user ; mais les
personnes distinguées et délicates eurent
de la peine à s'accommoder de l'odeur de
cette Plante ; on y mit differentes odeurs;
et ce fut encore icy , ou la bizarrerie parut
tout de nouveau. Certaines odeurs
furent en vogue , et prirent le dessus , selon
le caprice des personnes qui les mettoient
en crédit ; jusques - là , qu'un Mare
chand d'une Ville de Flandres s'enrichit ,
pour avoir donné à son Tabac en poudre,
l'odeur des vieux Livres moisis, qu'il sçut
accréditer parmi les Officiers François ,
qui étoient en garnison dans cette Pro
vince:
Enfin on a cessé de donner de l'odeur
au Tabac , et l'usage en est devenu abso
lument general. Loin de se faire une
honte de prendre du Tabac , comme dans
les commencemens , chacun s'en fait une
espece de bienseance , dans les dans les plus belles
compagnies.
En avoir le nez barbouillé , la Cravatte
Ou
FEVRIER : * 1732 % 205
ou le Justaucorps marquez et couverts ,
n'a rien de choquant aujourd'hui , comme
d'avoir des Rapes presque aussi longues
que des Basses de Viole. En un mot,
on n'y a plus gardé de mesures ; plusieurs
Pont pris à pleine main , non seulement
dans les Tabatieres , mais jusques dans
leurs poches. Il suffit de dire que cet
usage a passé jusques dans les Cloîtres les
plus réguliers, même dans les Eglises.Que
dis-je ? jusques sur les Autels. Il est vrai
que les Espagnols nous ont précedez dans
Pusage outré du Tabac ; puisque Urbain
VIII. qui est mort en 1644. donna une
Bulle, qu'on peut voir dans le grand Bullaire
des Séraphins, par laquelle il excommunie
tous ceux qui prennent du Tabac
dans l'Eglise . Cette Bulle fut donnée à la
sollicitation du Doyen et des Chanoines
de la Cathédrale de Séville , où les Prêtres
disant la Messe , prenoient du Tabac jusques
sur l'Autel.
Venons maintenant au gout. Sens qui
n'a pas moins fourni d'usages bizares que
les autres ,car combien de sortes de Mets ,
de Liqueurs et d'Apprêts ont ils été en
vogue dans certains temps , qu'on a né ,
gligés ensuite ? Je ne finirois pas , si je
voulois en faire l'énumération . Pour m'attacher
donc à quelques- uns de ces usages
Av
les
206 MERCURE DE FRANCE
les plus marquez , je dirai qu'à la fin du
seizième siecle, les Dragées vinrent tellement
à la mode , que chacun avoit son
Dragier ; on s'en présentoit les uns aux
autres comme on fait aujourd'hui du Tabac
. Le Duc de Guise avoit son Dragier à:
la main , lorsqu'il fut tué à Blois . On en
servoit sur toutes les bonnes Tables. Les :
Ecorces de Citrons et d'Oranges eurent :
ensuite leur tour.
Sous Louis XIII.parce que ce Prince aimois
le Pain d'Epice,tout le monde en por--
toit dans sa poche; on s'en donnoit aussi les
uns aux autres, et on en vendoit dans tous -
les Lieux où il y avoit des assemblées, soit
de plaisir soit de dévotion ; ce qui dure en--
core à Paris. Personne n'ignore que le
grand usage d'aujourd'hui est de prendre
du Thé , du Caffé et du Chocolat. Le Fal
tran, autrement les Vulneraires de Suisse,.
prises comme le Thé , ont eu leur temps,
qui n'est pas encore bien passé.
Que n'aurois-je pas à dire , si je voulois
m'étendre sur le détestable usage de
prendre du vin à l'excès , qui n'a continué
que trop long- temps en France , et
qui regne encore dans quelques autres
Païs. Jusqu'à quels excès n'a - t- on pas ·
porté les differens usages inventez pour ?
s'exciter à boire dans les repas de débau- ·
che.
FEVRIER 1732 207
che : N'a- t-on pas vu un temps où c'étoit
remporter une victoire que de sçavoir
mieux que les autres , non seulement vuider
tout d'une haleine les plus grands
verres , mais les Pots entiers et les Eguieres ?
Que dis -je , la fólie a été jusqu'à se piquer
de vuider des Bottes pleines de vin.
Si l'on en croit Misson , dans son voyage
d'Allemagne , les choses y sont encore
sur ce pied- là , puisqu'autour de la plûpart
des chambres , il regne une Cotniche
, sur laquelle les verres sont rangez
comme des tuyaux d'Orgues , toujours
en augmentant de volume , les derniers
étant comme des Cloches à Melons , qu'il
faut necessairement vuider tout d'un trait,
lorsqu'il s'agit de boire quelque santé
d'importance ; aussi dit - on en proverbe
Germanorum vivere bibere est.
*
Au reste , il ne faut pas croire que ce
ne soit que de nos jours que l'usage abusif
de boire avec excès a regné , il étoit encore
plus extravagant
au vii siecle , puisque
S. Cesaire
, Evêque
d'Arles
, dit ( a )
que de son temps , on poussoit
si loin la
débauche
, que lorsqu'on
ne pouvoit
pres
que plus boire , pour s'y exciter
encore ,
on adressoit
les santez aux Anges et à tels
Saints' qu'on jugcoit à propos..
(a ) Homel 6.
Avj Lo
208 MERCURE DE FRANCE
Le sens du toucher étant plus étendu
que les autres , puisqu'il est répandu par
tout le corps , il n'a pas aussi été moins
assujetti à diverses bizareries , quand il a
été question de munir le corps contre les
injures de l'air ou de lui donner ses aises.
Pour deffendre la tête contre la rigueur
du froid , on contre les incommoditez de
la pluye , ou de l'ardeur du soleil , on
a eu soin de la couvrir differemment ; et
c'est sur quoi il y auroit une infinité de
choses à dire , si je voulois rapporter
toutes les modes bizares qui ont été en
usage à cet égard- là. Ce seroit toute autre
chose si je voulois détailler les bizareries
sans nombre des Coeffures des fem
mes.
Laissons ce détail à ceux qui voudront
Pentreprendre , et commençons par un
usage assez bizare , auquel je crois qu'on
ne pense gueres , et qui frappa néanmoins
bien des gens, quand il commença de s'é
tablir ; c'est l'usage où sont les Ecclesiastiques
de porter des Bonnets quarrez pour
couvrir leur tête , qui est ronde: ( a). C'est
ce qui donna lieu de dire dans ce tempslà
, qu'enfin on avoit trouvé ce qu'on
( a ) Pasquier remarque que cet usage n'avoit
commencé que peu avant lui , c'est-à- dire , vers
15000
cherFEVRIER.
17326 205
cherche depuis longtems , sçavoir la qua
drature du Cercle. C'étoit encore une plus
grande bizarerie aux Empereurs Jules Cesar,
Adrien et Severe , de tenir toujours
leur tête découverte , ( a ) soit qu'il fit du
soleil , ou qu'il tombât de la pluye , ou
de la nege , même pendant les froids les
plus rudes, et d'établir chez lesRomains un
pareil usage. Je pardonnerois plus volon
tiers à la rusticité de nos anciens Gaulois,
d'avoir été dans l'usage , non-seulement
de marcher toujours nuds jusqu'à la ceinture;
mais de combattre ainsi à la guerre.
( b ) Les Sauvages n'en font pas moins
aujourd'hui sans parler des Forçats de
Galere qui tirent la rame en cet état.

la
Si de la tête nous descendons au col ;:
nous trouverons que pour le couvrir ,
bizarerie s'en est également mêlée ; car
sans parler du col des Dames , à l'égard
de celui des Hommes , quoi de plus biza--
re que ces longues Cravates que nous avons
уй porter de nos jours , dont l'extrêmelongueur
, frapa enfin de sorte , que ler
Harlequin de la Comedie Italienne ,
pour en faire observer tout le ridicule
pa
tut sur le Theâtre, avec une de ces Crava
tes , qui pendant du col , lui passoit en-
( a) Alex. ab Alex. Genial. dier . lib . 2. cap. 19. `-
(b) Tit-Liv. Lib. 22. Cap. 46.
tie
216 MER CURE DE FRANCE
tre les jambes & revenoit pardessus l'épaule
; aujourd'hui on a passé à l'extre
mité opposée en ne portant qu'un simple
tour de col. Les mains ont souvent besoin
d'être couvertés , soit soit pour être préservées
de la rigueur du froid , ou pour n'ê
tre pas trop hallées par l'ardeur du soleil::
mais je crois qu'on prendra bientot l'usage
de les avoir toujours à nud , et de
proscrire entierement les Gants dont on
commence à se passer.
Le corps doit sans doute être couverts
le besoin et la bienséance l'exigent : mais
parmi une infinité d'usages qui ont paru
dans la maniere de se vêtir , je n'en vois
pas de plus bizare et de plus extravagant ,
que celui qui regnoit à la fin du seizième
siecle ; qui consitoit en ce que les hommes
s'aviserent alors , de se vêtir en Pantalons
, c'est-à- dire , que leur habit leur sertoit
tout le corps depuis les pieds jusqu'au
col , marquoit même ce que
la natüre
enseigne de cacher à la plupart des¨
Peuples Sauvages. On voit encore aujourd'hui
dans les Peintures de ce tems - là , dif
férens Personnages représentez de cette façon.
Il y en a aux vitres de mon ancienne
Paroisse. Et j'ai un livre de Geometrie im---
primé à Paris en 1586. où les hommes ,
sont tous vêtus de même ; enfin sans aller
plus
$
FEVRIER. , 1732. 211
plus loin , il y a encore à la maison qui
joint la mienne du côté de la ruë, deax Figures
sculptées sur deux poteaux, formées
de cette maniere.
Ce fut dans le même tems que les femmes
porterent leurs juppes immodestement
et excessivement larges par le bas. -
C'est ainsi qu'on les voit representées sur
des Tapisseries et dans des Tableaux ; on
en voit ici chez des Particuliers & au château.
A la verité , cela doit un peu moins
surprendre , il regnoit encore alors en
France beaucoup d'ignorance et de grossiereté
; mais comment excuser aujourd'hui
dans un siecle si éclairé , et où le
gout s'est perfectionné sur tant de choses,
comment , dis- je , excuser l'invention
et l'usage des Jupes à Paniers ? on auroit
grand besoin d'opposer à cette licence la
pratique du Canon seizième du Concile:
de Montpellier , tenu l'an 1193. conçû
en ces termes : Mulieres vestibus. sumptuosis
.... amodo non utantur , sed habitu :
honesto et moderato incedunt , qui non lasciviam
notet , nec jactantiam vanitatis os➡
tendat.
A Eu, le 20. de Decembre 1731.
PLUTON
212 MERCURE DE FRANCE
"
のののの
PLUTON AMOUREUX ,
CANTATE.
Arbitre souverain de la Terre et des Cieux ;
L'Amour voulut tenter des conquêtes nouvelles
Et perçant des Enfers les voutes éternelles ,
Porter au sein des Morts ses Traits victorieux :
Ce Projet n'a rien qui l'étonne ;
Il quitte le séjour de l'aimable Paphos ,
Et volant vers les bords que l'Erebe environne,
De l'éternelle nuit il perce le cahos ;
Là bientôt par ses soins le Dieu des sombres
Rives ,
Trouble par ces clameurs plaintives ,
Des Manes effrayés l'immuable repos.
L'Amour a triomphé de ma foiblesse extrême
Ombres , en de plus dignes mains ,
Remettez le pouvoir suprême ;
Je ne puis plus regner sur les pâles Humains ¿→
Je ne regne plus sur moi- même.
Je n'ose recouvrer ma liberté ravie ;
L'aimable erreur qui me séduit ,
Fait
FEVRIER.
213 1732
Fait seule ma plus douce envie ;
Loin de fuir l'esclavage où je me vois réduit
J'aime la chaîne qui me lie .
L'Amour, a triomphé de ma foiblesse extrême
Ombres , en de plus dignes mains ,-
Remettez le pouvoir suprême ;
Je ne puis plus regner sur les pâles humains
Je ne regne plus sur moi- même.
I dit , et Cupidon fait naître dans son coeur
D'un Hymen fortuné les desirs légitimes ,
Et docile à la voix de ce tendre vainqueur ,
De la Terre entr'ouverte il franchit les abîmes ;
Bien- tôt laissant les Bords , où le Pere du jour
Répand ses feux féconds sur tout ce qui respire
Il atteint le sommet du Celeste séjour ,
Où Jupiter exerce un souverain Empire ,
Et ne connoît de Loix que celles de l'Amour.'
Il arrive ; on se tait , on l'écoute , il soupire ;
Et déclare en ces mots ce que son coeur desire.
Lorsque l'Hymen , d'une main liberale ›
Aux autres Dieux prodigue ses faveurs,
Le seul Pluton , par une loi fatale ,
Ne pourra donc éprouver ses douceurs ?
Maitre
214 MERCURE DE FRANCE
Maître des Dieux , que ta bonté propice , /
Consente enfin à ma felicité ;
Ou si tu veux prolonger mon supplice ,
Délivre-moi de l'immortalité.
Lorsque l'Hymen d'une main liberale ,
Aux autres Dieux prodigue ses faveurs ,
Le seul Pluton , par une loi fatale ,
Ne pourra donc éprouver ses douceurs . "
Le Dieu qui lance le Tonnere ,
De son frere amoureux approuve les projets 3
Pluton vole et des Cieux descendu sur la Terre ,
Il penetre soudain Pasile de Cerés ;
Proserpine d'abord se présente à sa vûë ;
I hésite , il approche ; elle fuit éperduë ;
La peur la précipite à travers les Forêts ;
C'est en vain qu'elle espere éviter sa furie , ›
Il la suit , il l'attend , il l'enleve , elle crië ; ·
Mais , ô cris ! ô pleurs superflus !
Elle part , et déja Cerés ne l'entend plus.
L'Amour veut nous attendrir;
Ne tardons pas à nous rendre ;
S'est s'exposer à souffrir,
Que de vouloir s'en deffendre.
Mais
FEVRIER.
215 1732.
Mais quand on suit la douceur ,
Du penchant qui nous entraîne ,
On sçait tirer son bonheur ,
Du sein même de sa peine.
L'Amour veut nous attendrir ,
Ne tardons pas a nous rendre ;
C'est s'exposer à souffrir , તે
Que de vouloir s'en deffendre .
Par J. M. GAULTIER , Auteur de Valsain
Vangé , Cantate , inserée dans le Mer
cure de May 1731%
**************:**
REPONSE de M. l'Abbé Trublet ,
à la Lettre de M. Simonnet , imprimée
dans le Mercure de Novembre 1731 ..
au sujet des Refléxions sur la Politesse,.
imprimées dans le second volume du
Mercure de Juin de la même année.
J
E dois cette Réponse à M. Simonnet
, parce que la Critique qu'il a faire
de mes Reflexions sur la Politesse , est
accompagnée de tous les égards qu'auroit
pû exiger un Auteur plus connu que
moi , et je la dois au Public , parce que
J'ai
216 MERCURE DE FRANCE
j'ai lieu de croire qu'il a approuvé mes
Refléxions.
Il ne sera pas inutile , avant que d'aller
plus loin , de dire comment et à quelle
occasion ces Refléxions ont été faites , et
de marquer le but que je m'y suis proposé
; cela seul y répandra de l'éclairciscement
, et fera voir la verité de ce que
me mandoit un de mes amis , que plusieurs
des Refléxions de M. S. sont vrayes
dans un sens , dans lequel les miennes ne
le sont peut- être pas , et n'ont pas besoin
de l'être
M'entretenant un jour avec un Dame
de beaucoup d'esprit et de goût sur divers
sujets de litterature , je lui dis qu'un
homme qui avoit lû et pensé , se faisoit
ordinairement une espece de sistême com
posé de ses propres pensées et de celles
des autres , sur les differentes matieres
qui étoient l'objet de ses Refléxions et
de ses lectures , que des exposez abregez
de ces sistêmes , des écrits dans lesquels
sans chercher le neuf , on se contenteroit
de renfermer en peu de mots ce qui
s'est dit de meilleur sur chaque matiere ,
et de rapprocher ainsi un grand nombre
de veritez éparses en divers endroits
que des écrits , dis- je , de cette nature
pourroient être goutez des personnes in
telligentes
FEVRIER 1732. 217
telligentes qui aiment la précision , qui
se plaisent à voir plusieurs choses à la
fois , et , pour ainsi - dire , d'un seul coup
d'oeil , et que les principes et les raisonnemens
les plus connus paroîtroient comme
nouveaux par un assemblage heureux
qui leur donneroit à tous plus de force
et de lumiere. Celle à qui j'avois l'honneur
de parler , me fit celui de me dire
que je pourrois travailler avec succès ,
selon le plan que je venois de lui proposer
; et moins dans l'esperance de réüssit
et de remplir son idée et la mienne ,
que pour lui donner à peu près un exemple
de la maniere dont je jugeois que ces
Ecrits devoient être composez , j'assem
blai les Refléxions sur la Politesse . Je
choisis cette matiere comme une de celles
où on a le plus travaillé et comme une
des plus convenables à une Dame. Je
cherchai plutôt à me ressouvenir , qu'à
produire , à rappeller mes anciennes pensées
, qu'à en trouver de nouvelles ,
je ne fis usage de mon esprit que pour
l'expression et l'arangement. Je voulois
faire dire de mon Ecrit , que si rien n'y
est traité , à proprement parler , tout y
est pourtant exprimé ; par là je me suis
exposé à être obscur , ou du moins à n'ê
re pas toujours entendu ; d'ailleurs j'employe
218 MERCURE DE FRANCE
ploye quelquefois les mêmes termes dans
des sens un peu differens , des sens tantôt
plus , tantôt moins étendus. Par exemple,
je donne d'abord une définition ou plutôt
une description de la Politesse , dans
laquelle je fais entrer tout ce qui la compose
, pour ainsi - dire ; ensuite je laisse
presque tout cela pour ne prendre que ce
qui la caractérise plus précisément , ce
qui la distingue de la civilité même , qu'elle
suppose , mais à laquelle elle ajoûte ;
et dans la suite du discours je parle de
la Politesse en la considerant tour - atour
de ces deux manieres , l'une plus
generale , et l'autre plus particuliere
d'où il arrive que quelques- unes de mes
Refléxions exactement vrayes , ce me
semble , en prenant le terme de Politesse
dans un certain sens , ne le sont
dans un autre. J'a- plus en le prenant
vois cru que personne n'y seroit trompé ;
et qu'il seroit aisé de suppléer ce que je
ne marque pas distinctement ; je
trompé moi-même en cela, puisqueM.S.qui
certainement entend ces matieres , ne m'a
pas toûjours bien compris ; c'est la source
de plusieurs de ces Critiques , et j'en donnerai
quelques exemples qui éclairciront
ma pensée.
me suis
M. S. me reproche principalement
trois
FEVRIER. 173.2. 219
trois choses sur lesquelles il s'étend beaucoup.
La premiere , d'avoir élevé si haut
la Politesse , que très -peu de personnes ý
pourroient prétendre.
La seconde , de l'avoir rabaissée et dégradée
jusqu'à la rendre vicieuse , ou au
moins defectueuse.
La troisième , de m'être trompé dans
quelques- uns des moyens que j'indique pour
acquerir ou perfectionner la Politesse . Éxaminons
ces trois points en détail.
Le premier ne m'arrêtera gueres , parce
qu'il n'est fondé que sur la distinction
que je fais entre l'homme civil et
l'homme poli ; distinction trop bien établie
et trop reconnue , pour avoir besoin
d'être prouvée . L'homme poli est necessairement
civil ; mais l'homme simplement
civil n'est pas encore poli , ne passera
point du tout pour poli auprès des
connoisseurs , et ne doit point être appellé
poli , à prendre ce terme dans sa précision
. La Politesse est quelque chose audelà
de la civilité . Celle- cy regarde principalement
le fond des choses , l'autre la
maniere de les dire et de les faire , et
M. S. convient que cette maniere est le
point capital de la Politesse.
A la verité , on ne parle pas ordinairement
dans le monde avec cette exacte
justesse
220 MERCURE DE FRANCE
justesse ; il y auroit même du ridicule à
l'affecter , ce seroit une sorte de pédanterie
; cependant il y a des occasions de
l'employer avec agrément , et quelquefois
elle fait un bon mot. Par exemple
, on loüera M .... d'être poli , quelqu'un
répliquera , c'est un peu trop dire,
M.... n'est pas poli , il n'est que civil.
Certainement on l'entendra ; si son jugement
est vrai on le trouvera bien exprimé
, et ceux mêmes qui n'y avoient
pas fait refléxion jusqu'alors , sentiront
que ces deux mors , civil et poli , ne sont
pas synonimes et que l'un signifie plus
que l'autre.
Mais , dit M. S. l'homme civil ne sçauroit
manquer de plaire , j'en conviens ,
mais il plaira moins que l'homme vrayement
poli. Il a le solide de la Politesse ,
cela est encore vrai , mais il n'en a pas
le caractere distinctif, il en a le meilleur
et au fond le plus estimable ; mais il
n'en a pas la fleur, le picquant, pour ainsi
dire , il n'a pas les agrémens fins et délicats
, ce charme répandu sur les manieres
, les discours de l'homme poli , ce
je ne sçai quoi qui embellit tout ce qu'il
fait , tout ce qu'il dit , et dont il s'agit
uniquement ici. Il y a plusieurs degrez
dans les qualitez morales , aussi - bien que
dans
FEVRIER 1732. 221
4
dans les qualitez
Physiques , et ordinairement
differens termes pour
exprimer
ces
differens degrez ; tels sont les mots
de valeur et
d'intrépidité , &c. ... qu'on
n'employe pas toûjours
indifferemment ;
à plus forte raison ne doit-on pas con-
: fondre les termes de Politesse et de Civilité
, qui
expriment des qualitez differentes
, plutôt que les differens degrez
d'une même qualité. Il est aisé de répondre
sur ces
principes , aux autres difficultez
de M. S. Passons au second Chef
de sa
Critique.
$
Il me reproche d'avoir mis au nombre.
des
obstacles à la Politesse , le grand éloignement
de tout
déguisement et de toute
dissimulation ; le
penchant à dire ce qu'on
pense , à témoigner ce qu'on sent et d'avoir
donné pour une des raisons de la
rareté de la Politesse , que ce
penchant est
très-commun et même naturel à l'homme.
J'avoue que je ne conçois pas sur
quoi peut être fondée cette Critique . Ce
que j'ai dit , et qu'attaque M. S. on le dit
cent fois , et on le repete tous les jours.
Presque toutes les fautes contre la Politesse
, viennent de trop de sincerité ; de
ce qu'on ne sçait point se
contraindre
pour agir et pour parler comme la Politesse
l'exigeroit, ou du moins our se taire.
B Je
222 MERCURE DE FRANCE
Je prie mes Lecteurs de faire ici leur
examen de conscience sur cette matiere ,
et je suis sûr qu'ils me rendront justice.
C'est un bon homme , dit- on de quelqu'un
, un homme d'esprit même , mais
il est trop sincere ; cet homme d'esprit
voit et entend mille choses qui le choquent
, malgré la douceur de son caractere
, et il témoigne trop naturellement
son impression . Quand on a l'esprit juste
et le coeur bien fait , on n'a rien à déguiser
ou à taire avec ses pareils ; ils seroient
même offensez d'une conduite
moins sincere ; mais ne vit- on qu'avec
ses pareils , et plutôt où les trouve- t'on ?
Plus on a de discernement dans l'esprit ,
et si cela se peut dire , dans le coeur ,
plus on rencontre d'occasions de dissimuler.
Mais ce penchant à la sincerité est- il
si commun , est- il naturel à l'homme ?
Le monde n'est- il pas rempli de trompeurs
, de fourbes ? oui , mais ils ne sont
pas nez tels , ils le sont devenus , ou plutôt
ils sont nez avec les passions qui les
obligent à se déguiser pour les mieux satisfaire
; mais en même temps ils sont nez
avec le penchant à agir ouvertement , à
se montrer tels qu'ils sont , l'experience
leur en a fait voir les inconveniens , et
il
FEVRIER. 1732. 223
il leur a fallu bien des efforts pour le surmonter.
J'en appelle aux plus habiles.
dans l'art de dissimuler. L'habitude sur
ce point ne détruit jamais la Nature ; la
dissimulation constante est un état vio.
lent , une espece d'esclavage auquel on
ne s'accoutume point ; elle coûte plus ou
moins , selon qu'on s'y est plus ou moins
exercé , et à proportion des interêts qui
engagent à la pratiquer ; mais elle coûte
toujours et ne cesse jamais d'être une
contrainte.
L'homme du monde qui a poussé le
plus loin la dissimulation et le déguisement
, le Pape Sixte Quint , étoit né avec
le caractere le moins propre à dissimuler .
La premiere partie de sa vie offre une
foule de traits d'une vivacité imprudente
et d'une sincerité indiscrete . Sa jeunesse,
son enfance même , annoncerent l'homme
d'un génie superieur , le grand homme
l'habile politique ; l'homme rusé et arti
ficieux , n'avoient point été prévûs . Il
trompa d'autant mieux qu'on l'avoit vû
moins capable de tromper. Quelle fut
la cause d'un si grand changement ?
L'ambition, c'est - à- dire , la plus violente
de toutes les passions . Elle ne le changea
neanmoins que par degrez , il devint
plus circonspect pour être Cardinal , et
artificieux pour être Pape. Bij C'est
224 MERCURE DE FRANCE
2
› C'est souvent , dit M. S. l'yvresse de quelque
passion , plutôt que le naturel , qui fait
qu'on se montre par son foible et qu'on parle
plus qu'on ne voudroit . L'homme de sang
froid est ordinairement plus réservé. Voilà
justement la preuve de ce que je dis . C'est
dans la passion qu'on agit naturellement.
L'homme de sang froid se compose , se
réprime, prend garde à ce qu'il dit et à ce
qu'il fait , suit les regles de la prudence
plutôt que son penchant.
?
Mais doit- on autoriser cette politesse
artificieuse, et flatteuse,,. Non , sans doute.
Je l'ai peinte , je l'ai décrite , je ne l'ai
point approuvée ; bien loin d'avoir donné
lieu de m'accuser de ce relâchement
je crains plutôt qu'on n'ait apperçu dans
mes Reflexions un peu de misantropie ;
et qu'on ne me soupçonne de les avoir
faites sur ce qui m'a déplu dans le commerce
du monde.
M. S. explique très bien comment sans
blesser la Politesse , on peut contredire
adroitement les opinions ou les passions
d'autrui ; mais croit- il avoir également
sauvé les droits de la verité ? Au reste , il
ne me convenoit pas d'entrer dans ce détail
et avec quelque difference dans l'expression
nous sommes d'accord au fond . Il ne
veut pas qu'on flatte la vanité , il veut
seuFEVRIER.
1737: 225
seulement qu'on la ménage . Qu'entend- il
par ces ménagemens ? Les borne-t`il au
silence ? à ne pas la choquer , à ne pas la
fatter directement ? La maxime commune
que le silence ne dit rien , est fausse
en mille occasions . Le silence n'est presque
jamais indifferent ; souvent il vaut
Fimprobation ou l'approbation la plus
marquée. Dans le premier cas ce n'est
plus ménager ; dans le second c'est flatter..
M. S. m'imputé d'avoir conseillé la flatterie
et l'adulation . Je ne me suis point servi
de ce terme , ils se prennent toujours
en mauvaise part ; au lieu que le terme
de flatter ne signifie souvent que plaire.
En un mot , on peut flatter l'amour propre
d'autrui sans flatterie et sans adulation
. Lorsqu'à la faveur de quelques louanges
on fait passer des avis salutaires , une
correction utile ; lorsque dans la conversation
, soit en la faisant tomber sur certains
sujets , soit par une contradiction.
adroite , on donne lieu aux autres de paroître
et de briller , et qu'on fait valoir
leur esprit , ne flatte- t'on pas leur vanité?
Le mot n'est point trop fort , il faut le
passer , et bien entendu il ne choque en
rien la bonne morale ; tous les égards
les tours fins , les ménagemens délicats
que prescrit M. S. se réduisent là તે
parler naturellement B iij
Le
4
226 MERCURE DE FRANCE
Le troisiéme article de sa Critique regarde
quelques - uns des moyens que j'ai
indiquez pour acquerir la Politesse ou
pour s'y perfectionner. Toute ma réponse
sera d'exposer de nouveau mes sentimens
sur ce sujet.
Le commerce des femmes est , dit on ,
communément la meilleure école de politesse
, parce qu'on y trouve tout ensemble
et des modeles excellens en ce genre
et des motifs pressants de travailler à
les imiter.Voilà donc deux raisons de l'utilité
du commerce des femmes , par rapport
à la Politesse . Elles sont très- polies
et on ne sçauroit leur plaire sans l'être.
Je cherche la principale de ces raisons ,
et je demande si ce n'est pas la derniere,
la necessité d'être poli pour se rendre
agréable aux Daines ? Ceux qui ont le
plus d'usage du monde me répondront
tous que c'est en ce sens principalement
qu'ils leur doivent la politesse qu'ils ont
acquise auprès d'elles , et que le desir de
leur plaire a plus contribué à les polir
que leurs exemples ; ils me diront même
qu'ils ont plutôt pensé à imiter les hommes
polis que les femmes , dont la politesse
est très - differente de la nôtre. En
un mot , les femmes sont pour les hommes
d'excellens Maîtres de politesse , parce
FEVRIER 17328 227
ce que ce sont des Maîtres très- severes
et pourtant très- aimez .
Sur ce qu'une grande partie de la politesse
et le plus difficile à pratiquer ,
consiste à souffrir l'impolitesse des autres
sans y tomber jamais , j'ai dit qu'il est
utile de se trouver quelquefois avec des
gens impolis. Voilà , dit M. S. un secret
admirable et tout nouveau de se perfectionner
dans la pratique de la Politesse . Il n'y
a pourtant rien de plus simple et de plus
commun ; car la Politesse ne s'apprenant
bien que par l'usage , comment appren
dra-t'on cette partie de la Politesse qui
consiste à souffrir poliment l'impolitesse
des autres , si l'on ne se trouve quelquefois
avec des gens impolis ? En ettet , Sup
posons un jeune homme qui n'a encore
vêcu qu'avec des personnes polies , dont
parconsequent il n'a jamais reçû d'impolitesse
, elles lui auront dit , sans doute ,
qu'il n'y a jamais de raison légitime de
manquer à la politesse ; qu'il en faut
avoir avec ceux mêmes qui n'en ont pas
avec nous , et qu'en cette matiere , comme
en toute autre , les fautes d'autrui ne
justifient point celles qu'elles nous font
faire. Belles et utiles leçons , foibles armes
contre les premieres tentations que
donne une impolitesse reçue ; il en sera
B iiij d'au228
MERCURE DE FRANCE
d'autant plus choqué qu'il est lui - même
plus poli , et par- là il cessera peut-être de
Î'être dans cette occasion . Mais l'usage du
monde où il ne trouvera que trop de gens
impolis , lui donnera bien - tôt une politesse
plus forte et plus robuste , si j'ose parler
ainsi , une politesse capable de se soutenir
contre l'impolitesse même. Je crois
maintenant que M. S. ne trouvera plus
obscure l'application de ce principe que
des occasions fréquentes d'agir , en surmontant
une difficulté considerable
avancent bien mieux que de simples exemples.
Ces occasions , &c.... Sont celles
que donne l'impolitesse où l'on peut tomber
à notre égard. La vertu n'éclate et
ne se perfectionne que par les difficultez
vaincues.
>
M. S. me reproche encore une contradiction
, mais elle n'est qu'apparente , et
d'ailleurs cela est trop peu interressant
pour m'y arrêter. Voici donc un mot
seulement pour M. S. et pour ceux de
mes Lecteurs qui voudront se donner la
peine de comparer ensemble nos trois
Morceaux , lorsque j'ai dit que la Politesse
attire également l'estime et l'amour , c'est
en la considerant par rapport aux qua-
Iltez de l'esprit et du coeur qu'elle supose,
ou du moins dont elle est l'apparence ;
et
FEVRIER . 1732 . 229
et lorsque dans un autre endroit , après
avoir distingué trois sortes de mérites ,
le mérite estimable , le mérite aimable ,
et le mérite agréable , j'ai ajoûté que cette
derniere sorte de mérite est proprement
celui de la Politesse , alors je l'ai considerée
selon son idée présise et par rapport
à ce qui fait son caractere particulier . En
voilà assez sur une chose peu importante.
M. S. a examiné mes Refléxions dans un
grand détail , c'est un honneur qu'il m'a
fait , et je l'en remercie ; mais il m'auroit
été impossible de le suivre dans tout ce
détail , sans tomber dans la langueur et
sans causer de l'ennui . L'Auteur qui compose
une Critique a bien des avantages
sur celui qui doit lui répondre . Les matieres
s'usent , on ne peut guere éviter
les redites , et les redites déplaisent. Ainsi
il est moins difficile de faire une Critique
agréable , que d'y répondre avec le même
agrément.
LE
ののの
A MAD. ***.
E tems qui fuit , ou plutôt qui s'envole
Prend toujours , en fuyant , quelque chose sur
nous
By C'est
230 MERCURE DE FRANCE
C'est un assassin qui nous vole ,
Par un Art insensible et doux.
Qu'on s'en plaint justement , qu'à bon droit on
l'accuse ,
De promettre sans cesse et ne tenir jamais !
Imperceptiblement le perfide nous use ,
Nous déçoit, nous séduit, et souvent nous amuse,
De vains desirs , de fauts projets ;
Dont sottement l'ame se préoccupe .
Bientôt nous éprouvons par de cruels effets ,
Qu'attendre trop de lui , c'est en être la duppe ,
Et sés dons les plus sûrs sont de tristes regrets.
Mais à quoi bon la Morale ennuyeuse ?
Le Destin veut qu'ainsi le tems nous traite tous.
C'est pour vous, seule Immortelle. ...
Que ce Dieu va d'une aîle paresseuse ;
La Parque à beau filer et frémir de couroux
Il suspend devant vous sa course impetueuse.
Vos charmes semblent être à l'abri de leurs coups,
Et ce tyran cruel , ce destructeur terrible ,
Paroît cesser d'être infléxible ,
'Puisque jamais il n'a rien pris sur vous .
Tour à tour la Nature à son devoir fidelle ,
Brille , languit , se renouvelle.
Mais qu'elle fasse attendre ou donner les beaux
jours ,
( Pouvoir que vous avez comme elle )
Des diverses saisons on n'a point vû le cours ,
Vous
FEVRIER. 1732.
231
Vous rendre moins aimable ni moins belle ;
Suivie avec ardeur des Graces , des Amours ;
Coinme Venus , qui vous voit , vous adore :
Tout l'éclat du Printemps regne sur vous encore,
Par cet esprit perçant , vif , juste et sans détours ;
A chaque instant on voit éclore ,
Même en dépit de la jalouse Flore ,
Sur vos traits délicats , sur vos moindres discours,
Des fleurs qui duréront toûjours.
L'ardeur que l'amitié vous donne ,
De vos yeux , la vivacité ,
Entretiennent chez vous le plus charmant Eté;
A votre generosité ,
Goût exquis , abondance , on reconnoît l'Automne
;
L'hyver qui tristement de glaçons se couronne ,
Dont les froids Aquilons suivent toûjours les pas,
Ne s'exprime en votre personne ,
Que par la nege et les frimats ,
Qui paroissent couvrir votre sein et vos bras.
Je me trompois , et mon erreur m'étonne
Au grand regret de maints adorateurs
Dont un Essain toûjours vous environne
Pour eux votre insensible coeur ,
Exprime mieux encor l'hiver et sa rigueur.
B vj DIS232
MERCURE
DE FRANCE
DISSERTATION sur la Comedie ,
pour servir de réponse à la Lettre ,
inserée
dans le Mercure d'Aoust 1731. au
sujet des Discours du Pere LE BRUN ,
sur la même matiere. Par M. SIMONET ,
Prieur d'Heurgeville.
Ous ne deviez pas , Monsieur, vous
attendre aux reproches si mal fondez
que l'on vous a faits , à l'occasion des Discours
du P. le Brun sur la Comédie. La
candeur, la justesse, le discernement avec
lesquels vous avez rendu compte au public
des ouvrages qui ont paru , et de celui
- ci en particulier , ne les méritoient
certainement pas , et on ne sçauroit trop
louer la modération qui vous fait garder
un profond silence sur ce sujet.
Si le nouveau deffenseur du Théatre a été
dans l'étonnement de ce que vous annonciez
avec éloge ces discours du P.le Brun;
on est encore plus surpris de le voir vous
censurer avec hauteur , et se déchaîner
contre un ouvrage depuis long-temps approuvé,
pour soutenir une cause déja perduë
au jugement de tout ce qu'il y a de
personnes équitables et desinteressées .
Il vous est glorieux , Monsieur , qu'on
n'ait
FEVRIER: 1732. 233
n'ait pû vous attaquer sans entreprendre
de ternir la réputation d'un Auteur également
recommandable par sa piété , ses
lumieres , sa profonde érudition , sans se
déclarer le Protecteur d'une profession
de tout temps décriée ; sans s'élever même
contre l'Eglise qui l'a justement frappée
d'Anathémes.
Quelque foibles que soient dans le fond
les principes que l'on vous objecte , ils ne
laissent pas d'avoir quelque chose de spécieux
et d'apparent , qui pourroit trouver
des Approbateurs parmi ce grand
nombre de personnes , déja trop prévenuës
en faveur du Théatre.
On aime ce qui flate agréablement l'imagination
, ce qui charme l'esprit , ce
qui touche et qui enleve le coeur : comme
les Spectacles excellent en ce genre , on se
laisse facilement persuader qu'il n'y a rien
de si criminel dans ces sortes d'amusemens
; on s'apprivoise à ce langage délicat
des passions , et on est bien - tôt séduit . •
Les funestes impressions que l'on ressent,
paroissent trop douces pour s'en méfier .
Il suffit que la Comédie plaise pour qu'on
la trouve innocente , et qu'on ne s'en
fasse plus de scrupule . De là vient qu'on
est porté plutôt par inclination , que par
lumieres, à juger favorablement d'un Ecrit
fait exprès pour la justifier.
De
234 MERCURE DE FRANCE
De pareils Ecrits sont si contraires aux
bonnes moeurs et à l'esprit du Christianisme,
que feu M.de Harlay , Prélat recommandable
par sa grande capacité, obligea le
P. Caffaro , qui en avoit produit un semblable
, de se retracter . Il seroit à souhaiter
que le nouveau Deffenseur de la Comédie
, voulut suivre l'exemple de celui
qu'il a si -bien copie ; et que rendant gloire
à la vérité , il avoüat franchement ce
qu'il ne devroit pas se dissimuler à luimême
, que le Théatre est à présent, comme
autrefois , tres - pernicieux à l'innocence.
Mais comme on n'a gueres sujet d'attendre
de lui cet aveu , qui apparemment
lui couteroit trop , il faut essayer du
moins de détromper les personnes qui ne
seroient pas assez en garde contre ses illusions
et qui s'en rapporteroient à son
sentiment pour juger , soit de l'exposé du
Mercure , soit du fond de l'ouvrage du
P. le Brun .
A entendre l'Avocat des Comédiens , le
Mercure ne parle et n'agit point en cette
occasion , par principes ; il établit d'une
main , ce qu'il détruit de l'autre . Là il attire
ses Lecteurs aux Spectacles par des
Analyses vives et expressives ; icy il en
détourne par les éloges qu'il donne à des
disFEVRIER.
1732. 235
discours qui representent ces Spectacles
comme pernicieux et criminels ; c'est ce
qui étonne son Antagoniste , c'est ce qui
lui paroit étrange.
Toute la dispute se réduit donc à examiner
si le Mercure après avoir donné
dans ses Analyses , une idée avantageuse
des Spectacles , ne pouvoit , sans se contredire
, louer les Discours du P. le Brun
qui les condamnent? Une observation des
plus communes suffira pour dissiper toutes
les ombres qu'on a essayé de répandre
sur cet article ; c'est que la même chose
considerée sous différents rapports , sous
differens points de vûë , peut être bonne
et mauvaise , loüable et repréhensible en
même- temps ; et tels sont les Spectacles ,
ils ont leur beauté et même leur bonté en
un sens. On dit tous les jours , et avec
raison : Voilà une bonne Piece , en parlant
d'une Comédie qui plaît, c'est un ouvrage
d'esprit qui est bon en ce genre ,
mais souvent tres - pernicieux , par rapport
au coeur , et rien n'empêche qu'on
ne le loue d'un côté , et qu'on ne le blâme
de l'autre.
Le Mercure , dans ses Analyses , montre
simplement ce qu'on a trouvé de beau
ou de bon dans les Pieces de Théatre, mais
cela ne regarde que l'esprit ; sans toucher
aux
236 MERCURE DE FRANCE ,
aux moeurs et à la conscience dont alors il
n'est point question . D'ailleurs le dessein
de ces Analyses n'est pas , comme on le
suppose , d'attirer les Lecteurs aux Spectacles
, mais seulement de leur en donner
une légere teinture , qui peut avoir son
utilité pour plusieurs , et qui ne fera pas
grande impression , ni sur les personnes
portées d'elles- mêmes à y participer , ni
sur celles qui par principe de Religion en
ont de l'éloignement .
La nouvelle édition des Discours du
P. le Brun présente l'occasion favorable
de montrer la Comédie par son mauvais
côté , le Mercure la saisit avec plaisir , et
fait sentir par
les éloges qu'il donne à ces
discours , que tous ces Spectacles dont il a
fait les Analyses , pour la satisfaction de
ceux qui s'y interressent , ont des dangers
et des écueils dont il faut bien se
donner de garde , et qu'on risque au moins
beaucoup , lorsqu'on y participe. N'est- ce
pas là parler et agir par principes, en homme
d'esprit, en honnête homme, sans être
rigoriste ?
On peut dire même que le Mercure n'a
été que l'écho des applaudissemens que le
Public , malgré sa prévention pour les
Spectacles , avoit déja fait éclatter , en faveur
de ces Discours pleins de lumiere et
de
FEVRIER
1732
237
de piété ; et il n'en auroit pas fait un rapport
fidele , s'il les cut annoncez d'un autre
ton , ce qui n'empêchoit pas qu'il ne
fut aussi de son ressort de rendre compte
avec la même fidelité de ce que l'on pensoit
communement des différentes Piéces
qui ont paru sur la Scene.
Venons à présent au fond , et exami
nons si c'est à tort,comme on le prétend,
que le P. le Brun représente les Spectacles
comme pernicieux et criminels , et si
son ouvrage est aussi peu solide qu'on le
veut faire croire. Tout le point de la difficulté
consiste à sçavoir si la Comédie est
à present moins mauvaise en elle - même ,
et moins contraire aux bonnes moeurs ,
" qu'elle ne l'étoit du temps que les Peres
et les Conciles l'ont chargée d'Anathémes
; car s'il est vrai qu'elle soit toujours
également vicieuse, quelque épurée , quelque
chatiée qu'on la suppose quant au
langage , aux expressions , aux manieres ;
les Comédiens méritent toujours les mê
mes Anathémes . et c'esr avec raison
qu'on en détourne les Fideles.
و
Or je soutiens que la Comédie , telle
qu'elle paroit depuis Moliere sur le
Théatre François ( fameuse époque de sa
plus grande perfection ) est pour le moins
aussi mauvaise et aussi dangereuse pour les
moeurs
238 MERCURE DE FRANCE

moeurs , qu'elle l'étoit auparavant . Je dis
pour le moins ; en effet , lorsqu'il ne pa
roissoit sur la Scene que des vices grossiers
; lorsque les Acteurs jouoient avec les
gestes les plus honteux , que les hommes et les
femmes méprisoient toutes les regles de lapu
deur , et que l'on y prononçoit ouvertement
des blasphemes contre le saint Nom de Dieu ;
pour peu qu'on eut de conscience et d'éducation
, ces Spectacles devoient naturellement
faire horreurs du moins on ne
pouvoit s'y méprendre , et regarder comme
permis ces discours tout profanes , ces
actions si licentieuses , et si contraires à
l'honnêteté ; le vice qui paroît à décou
vert , a bien moins d'appas que lorsqu'il
se déguise et ne se montre que sous des apparences
trompeuses , comme il fait à
present.
Le goût fin et la politesse de notre siecle
ne s'accommoderoient pas de ces excès
monstrueux , de ces infames libertez
qui choqueroient ouvertement la modestie.
Elles révolteroient les personnes un
peu délicates , et feroient rougir ce reste
de pudeur , dont , malgré la corruption
du Monde, on aime à se parer. Le Théatre
seroit décrié par lui-même , et il n'y
auroit gueres que des personnes perduës
d'honneur et de réputation qui oseroient
y assister.
On
FEVRIER 1732. 239
On prend donc un autre tour ; le vice
en est toujours l'ame et le mobile , mais
il ne s'y montre que dans un aspect , qui
n'a rien d'affreux , ni d'indécent , rien du
moins qu'on n'excuse , et qu'on ne se pardonne
aisément dans le monde . Il y paroît
sous un langage poli et châtié , sous
des images riantes et agréables , avec des
manieres toutes engageantes , qui tantôt
le font aimer , tantôt excitent la pitié , la
compassion; quelquefois il se couvre d'un
brillant , qui lui fait honneur ; il se pare
des dehors de la vertu , et sous ombre de
rendre ridicule ou odieuse une passion , il
en inspire d'autres encore plus funestes .
Le venin adouci et bien préparé , s'avale
aisément ; on ne s'en méfie pas , mais il
n'en est que plus mortel . Le Serpent avec
toutes ses ruses et ses détours , se glisse
adroitement dans les ames , et les corrompt
en les flattant. C'est ainsi qu'on a
trouvé le secret, en laissant dans le fond ,
le Spectacle également vicieux , de le rendre
plus supportable aux yeux et aux
oreilles chastes , et c'est par- là qu'il séduit
plus sûrement.
Quoiqu'on en dise , le Théatre est toujours
, comme autrefois , l'école de l'impureté.
On y apprend à perdre une certaine
retenuë qui tient en garde contre les
pre240
MERCURE DE FRANCE
premieres atteintes de ce vice , et à n'en
avoir plus tant d'horreur. On y apprend
l'art d'aimer et de se faire aimer avec déli--
catesse,art toujours dangereux, et trop souvent
mis en pratique pour la perte des
amesson y apprend le langage de l'amour,
et on s'accoutume à l'entendre avecplaisir,
ce langage seducteur qui a tant de fois suborné
la vertu la plus pure ; on y apprend
à entretenir des pensées , à nourrir des desirs
, à former des intrigues , dont l'innocence
étoit avant cela justement allarmée.
Les Spectacles sont encore à present le
triomphe de l'amour profane. Il s'y fait
valoir comme une divinité maligne , dont
la puissance n'a point de bornes , et à laquelle
tous les humains par une fatale necessité
ne peuvent se soustraire. Aimer
follement , éperdument , sur la Scene ,
c'est plutôt une foiblesse qu'un vice : on
se la reproche quelquefois , non pas tant
la rendre odieuse , que pour
voir le spectateur , et paroître digne de
compassion ; d'autres fois on en fait gloire
, on s'estime heureux d'être sous l'empire
de l'Amour , on vente la chimerique
douceur de son esclavage : quoi de plus
capable d'énerver le coeur de l'amollir,
et de le corrompre !
pour
émou-
C'est cependant ce que l'on trouve de
plus
FEVRIER 17320 *241
plus beau , de plus fin , de plus charmant
dans toutes les Pieces de Théatre. Il y
regne presque toujours une intrigue d'amour
adroitement conduite. Chacun
en est avide , chacun la suit , et attend
avec une douce impatience quel en sera
le dénouement. Dans les Comédies l'intrigue
est moins fougueuse , plus moderée
, et se termine toujours par quelque
agréable surprise , qui met chacun au
comble de ses souhaits . Dans la Tragedie,
ce ne sont gueres que les furieux transports
d'un amour mécontent , outragé ,
ne respirant que vengeance , que desespoir
, quoiqu'il soupire encore après l'objet
de ses peines ; et l'intrigue aboutit à
quelque funeste catastrophe. Dans l'une
et dans l'autre c'est l'Amour qui regne ,
qui domine , qui conduit tout , qui donne
le mouvement à tout, et il ne s'y montre
certainement pas par des endroits
qui le rendent ridicule , méprisable ou
odieux. Au contraire , il y paroît dans un
si beau jour , er avec tant d'agremens ,
qu'on a de la peine à se défendre de ses
charmes ; et cependant cet amour tendre
et vehement est une passion des plus pernicieuses
: il trouble la raison , il obscurcit
les lumieres de l'esprit , et infecte le
coeur par un poison d'autant plus dangereux
242 MERCURE DE FRANCE
reux , qu'il est plus subtil et paroît plus
doux .
En vain se défendroit- on sur ce que ces
intrigues sont , à ce que l'on pretend , innocentes
, et qu'il ne s'agit que d'un
amour honnête. Comment le supposer
honnête, cet amour si hardi › si peu modeste
? si entreprenant ? Dès qu'il a le
front de se montrer au grand jour , et de
se produire devant tout le monde , avec
toutes les ruses et les artifices d'une intrigue
, ne passe - t'il pas les bornes de la retenue
et de l'honnêté ? -Il n'y a gueres au
reste de difference entre les démonstrations
exterieures d'un amour legitime et
d'un amour déreglé, et ces démonstrations
produisent dans ceux qui en sont témoins
à peu près les mêmes effets , même sensibilité
, même desirs , même corruption .
Il faudroit s'aveugler soi -même pour ne
pas voir que cet amour , quelque innocent
, quelque honnête qu'on le suppose,
étant representé au vifet au naturel , n'est
propre qu'à exciter des flammes impures:
ces airs passionnés , ces regards tendres et
languissants,ces soupirs et ces larmes feintes,
qui en tirent de veritables des yeux des
spectateurs, ces entretiens d'hommes et de
femmes qui se parlent avec tant de graces,
de naïveté, de douceur; ces charmantes Actrices
FEVRIER. 1732. 243
trices, d'un air si libre, aisé , galant , dont
les attraits sont relevez par tant d'ajustemens
, et animez par la voix , le geste , la
déclamation ; ces beautez si piquantes, qui
se plaisent à piquer , dont toute l'étude
est d'attirer les yeux et de se faire d'illustres
conquêtes ; à quoi tout cela tend- il ?
Chacun le sent , pourquoi le dissimuler ?
Au milieu de ce ravissant prestige qui
fixe les yeux , les oreilles , et charme tous
fes sens , lorsque la passion a penétré ,
pour ainsi dire , jusqu'à la moële de l'ame ;
viennent ces beaux principes de generosité
, d'honncur, de probité dont le Théatre
se glorifie . Mais c'est trop tard : le
coup mortel est donné , le coeur ne fait
plus que languir , la vertu envain se débat
, elle expire , elle n'est déja plus :à quoi
sert l'antidote , quand le poison a operé ?
Aprés cela on a bonne grace de nous
vanter les Tragedies et les Comédies
comme n'étant faites que pour inspirer de
nobles sentimens , pour rendre les vices
ridicules et odieux. Tous ces sentimens
si nobles , si élevez se reduisent à des
saillies d'amour propre , de vanité , à des
mouvemens d'ambition , à des transports
de jalousie , de haine , de vengeance , de
desespoir.
La Comédie jette un ridicule sur certains
244 MERCURE DE FRANCE
tains vices décriez dans le Monde , mais
il y en a de plus subtils , quoique souvent
plus criminels , qui sont trop flateurs et
trop communs pour qu'elle ose y toucher.
Elle n'amuse , elle ne divertit , elle ne
plaît , que parce qu'en se jouant des passions
des hommes , elle en ménage , elle
en inspire toujours quelques- unes qui sont
les plus douces et les plus favorites.
Telle est la Morale si vantée du Théa
tre , bien opposée à la pure morale de
Jesus-Christ : celle- ci rabaisse l'homme à
ses propres yeux, le détache de lui-même,
et lui fait trouver sa veritable grandeur
dans la modestie et l'humilité : celle- là ne
produit que des Heros pleins de faste et
de présomption , entêtez de leur prétendu
merite , faisant gloire de ne rien souffrir
qui les humilie. L'une regle l'inte
rieur autant que l'exterieur : l'autre ne
s'arrête qu'à lavaine parade d'une probité
toute mondaine. A l'Ecole de notre Divin
Maître on apprend à pardonner les
injures , à aimer ses ennemis , à étouffer
jusqu'aux ressentimens de vengeange et
d'animosité : au Théatre c'est être un lâche
,un poltron , un faquin que de souffrir
une insulte sans en tirer raison ; c'est
en ce faux point d'honneur que consiste
la grandeur d'ame qui regne dans les Pieces
FEVRIER 1732. 245
ces tragiques. La morale de J. C. prêche
par tout la mortification des sens et des passions
: elle ne permet pas même de regarder
avec complaisance les objets capables
de faire naître des pensées et des désirs criminels.
Au Théatre on ne respire-qu'un air
de molesse , de volupté , de sensualité ; on
n'y vient que pour voir et entendre des
personnages de l'un et de l'autre Sexe
tous propres par leurs charmes et leurs
mouvemens artificieux , mais expressifs
à exciter de veritables passions.
Et qu'on ne s'imagine pas qu'il n'y ait
que quelques ames foibles à qui les spectacles
puissent causer de si funestes effets .
Le penchant universel qui porte à la volupté
, les rend au moins très -dangereux
à toutes sortes de personnes. Il faut être
bien temeraire pour se répondre de ses
forces , en s'exposant à un péril si évident
de succomber et de se perdre. Plusieurs
moins susceptibles ou par vertu ou par
temperament , ne s'appercevront peutêtre
pas d'abord de la contagion qui les
gagne. Mais insensiblement le coeur s'affoiblit
, la passion s'insinuë ; elle fait sans
qu'on y pense des progrès imperceptibles,
et l'on risque toujours d'en devenir l'esclave.
Celui qui aime le péril , dit Jesus-
Christ , périra dans le péril.
C
246 MERCURE DE FRANCE
Il est donc constant que la Comédie,
quelque châtiée, quelque épurée qu'on la
suppose , est à present du moins aussi
mauvaise et aussi pernicieuse , qu'elle l'étoit
autrefois. La reforme qu'on en a faite
l'a renduë plus agreable , plus attirante
sans qu'elle en soit devenue effectivement
plus chaste , et moins criminelle. Qu'on
dise tant qu'on voudra qu'elle corrige les
vices des hommes : il est toujours évident
que personne n'en devient meilleur , que
plusieurs s'y pervertissent , que tout ce
qu'il y a de gens déreglez y trouvent dequoi
fomenter et nourrir leurs passions et
que la morale du Théatre ne les conver
tira jamais.
Non, la Comédie ne corrige pas les vices,
elle ne fait qu'en rire, qu'en badiner, er
son badinage y attire plus qu'il n'en éloigne.
Si elle y répand un certain ridicule ,
ce ridicule est trop plaisant et trop gra
cieux pour en donner de l'horreur. Qu'on
fasse valoir les beaux preceptes de morale
qu'elle debite , il n'en sera pas moins vrai
qu'ils n'ont aucune force contre l'esprit
impur et profane qui anime les spectacles,
et que si l'on y reçoit des leçons de vertu ,
on n'en remporte cependant que les impressions
du vice.
Le P. le Brun par consequent n'a pas
cu
FEVRIER.
1732. 247
eu tort de dépeindre le Theatre avec ces
couleurs qui ne déplaisent si fort à l'Avocar
des Comédiens , que parce qu'elles
sont trop naturelles. Cet homme venerable
ne meritoit pas qu'on vint troubler
ses cendres , décrier ses sçavans Ecrits
et flétrir sa memoire , en le faisant passer
pour un Auteur sans jugement , sans principes
, sans raisonnement . Je ne dis pas
qu'il n'ait pû quelquefois se méprendre ,
et quel est l'homme si attentifqui ne s'égare
jamais dans un ouvrage d'assez longue
haleine ? Mais s'il s'est trompé , ce
n'est sûrement pas dans l'essensiel , et dans
le dessein qu'il a eu de montrer combien
les Spectacles sont dangereux et opposez à
l'esprit du Christianisme.
Comment ose - t'on avancer qu'on se
roit mieux fondé à lui demander une retractation
, si la mort ne l'avoit pas mis
à couvert d'un tel attentat , qu'on ne l'a
été à en exiger une du P. Caffaro ? Que
dire de la hardiesse avec laquelle on suppose,
et on decide que les Comédiens ne
meritent plus les foudres de l'Eglise , et
qu'ils sont en droit de faire des remontrances
à Messieurs nos Evêques qui font
publier contre eux des Anathêmes ? Comme
si de tels personnages pouvoient être
Juges dans leur propre cause , et se dé-
Cij clareg
243 MERCURE DE FRANCE
T
clarer eux mêmes innocens , lorsque l'Eglise
les condamne ; comme s'ils avoient
plus d'équité et de lumieres , que les Prelats
les plus respectables , que les plus
pieux et les plus sçavans Theologiens ,
pour decider sur leur état et leur profession.
Il suffit de jetter les yeux sur ce qui
se passe au Theatre , pour concevoir , si
lon agit de bonne foi et sans prévention ,
que les Comédiens de nos jours sont
du moins aussi coupables et aussi dignes
de Censures , que ceux des siecles passez ,
quoiqu'on avoue qu'ils sont plus polis et
moins impudens .
Que devient à present ce pompeux étalage
d'érudition et d'autoritez que l'on
remet sur le tapis après le P. Caffaro ?
Qui pourra s'imaginer que d'habiles Theologiens
, que des Saints mêmes très - illustres
, ayent regardé comme permis et digne
d'approbation , ce qui tend si visiblement
à la corruption des moeurs? S'ils l'avoient
fait , on ne risqueroit rien de les
desavoüer , n'étant pas le plus grand nom
bre l'esprit et la tradition de l'Eglise leur
étant contraires; mais il est bien plus juste
de croire qu'on les cite à tort , et qu'on
ne les entend pas.
S'ils ont approuvé des Comédies, il fal-"
loit qu'elles fussent bien chastes , et bien,
éloignées
FEVRIER. 17320 249
éloignées de l'esprit impur qui anime celles
de nos jours; ils entendoient,sans doute
, des Spectacles , où il n'y auroit ni intrigues
d'amour , ni airs de molesse , ni
rien de capable de flater la sensualité , de
fomenter le déreglement des passions : apparamment
comme ces Pieces que l'on représente
dans les Colleges pour exercer et
divertir innocemment la jeunesse . Que
nos Comédiens n'en donnent que de semblables
, et nous conviendrons qu'étant
ainsi purifiées , elles ne seront plus dignesde
censure . Mais ils n'ont garde d'être si
severes , ils ni trouveroient pas leur com .
pt
pte. Cet air de reforme ne plairoit pas à
la plupart des spectateurs , le Théatre ne
seroit plus si frequenté , et la Comédie
n'auroit peut- être plus tant d'appuis , ni
tant de ressources .
Il est curieux de la voir se vanter d'ê
tre soutenue par les Puissances , bien teçûë
dans les Cours , et entretenue par de
bons appointemens . C'est à peu prèscomme
si une femme infidelle faisoit gloire du
prix de ses infidelitez , et qu'elle voulut
passer pour innocente , parce qu'on
la souffriroit devant d'honnêtes gens ,
par des raisons de necessité ou de politique
.
Dans les Etats les mieux policez , il y
Ciij
250 MERCURE DE FRANCE
a certains abus , certains déreglemens
qu'il seroit trop dangereux de vouloir extirper.
On est obligé prudemment de
laisser croître l'yvroye avec le bon grains
et si les Puissances Superieures semblent
influer et fournir en quelque sorte à l'accroissement
de cette mauvaise semence
c'est un mystere qu'il faut respecter par
une sage discretion , et non pas entrepren
dre temerairement de le sonder . Mais les
raisons d'Etat et de politique peuventelles
ôter à l'Eglise le droit de condamner
ces abus et ces dereglemens ? Et les coupables,
quelques autorisez d'ailleurs qu'ils
se prétendent , auront-ils lieu de se plaindre
des menaces ou des justes peines dont
cette charitable Mere n'use à leur égard ,
que pour les rappeller de la voye de perdition
. Je suis , &c.
A Heurgeville le 29. Janvie 1732 .
A MILE DE LA VIGNE.
Scavante
SONNET.
Cavante de la Vigne , aimable favorite ,
Et du Dieu des beaux vers , et du Dieu des beaux
feux ,
Aux
FEVRIER. 1732 257
Aux tendres sentimens , vous joignez un merite ,
Qui des coeurs les plus fiers vous attire les voeux .
Charmé de vos accords , votre gloire m'invite,
A chanter vos vertus comme chantent les Dieux,
Mon désir y souscrit , mais ma Muse s'irrite ;
Elle trouve l'ouvrage un peu trop perilleux.
VosSons sont si touchans , vos Ecrits si sublimes ;
On voit un si grand goût , dans le choix de vos
rimes',
Qu'il faut pour vous louer , un esprit tout Divin
Mais sans s'être élevé sur la double colline ,
Vouloir en celebrer la naissante Heroine ,
C'est être temeraire , et travailler en vain.
F. D. C. de Blois ."
LETTRE à M. D. Chanoine de N. D.
d'A...... sur l'antiquité & la durée de
L'usage d'employer le terme d'Adorer envers
d'autres que Diew
L
A description qui paroît depuis peu ,
Monsieur , des beautez de Fontainebleau
, où vous avez pris naissance , doit
Ciiij exciter
252 MERCURE DE FRANCE
exciter la curiosité non - seulement de tous
les Etrangers , mais encore celle des personnes
qui s'attachent aux Histoires accompagnées
de digressions sçavantes et
instructives. J'en ai remarqué plusieurs
de cette forte dans ce nouveau Livre , ét
quelques- unes sont de celles -là même ausquelles
le Journal des Sçavans nous fait
faire attention . La remarque de M. l'Abbé
Guilbert touchant l'Inscription qui se
lit à l'entrée de la Chapelle Royale de
Fontainebleau , étoit necessaire dans son
ouvrage. Je connois des personnes pieuses
qui ont paru surprises de cette Inscription
; mais comme ce peuvent être des
gens de bien d'une pieté plus abondante
en chaleur qu'en lumieres , il ne faut pas
s'étonner que ceux qui sont de ce caractere
trouvent quelquefois des reformes à faire
dans le langage des livres les plus anciens
et les plus respectables. M. Guilbert a
donc très-sagement fait d'observer l'antiquité
de l'usage du terme d'Adorer
signifier seulement en general respecter,
honorer , et sa remarque étoit d'autant plus
necessaire que cette Chapelle étant frequentée
à present plus que jamais par les
Etrangers , il est bon de leur faire comprendre
que par l'expression Adorate Regem
du premier Livre des Paralipomenes;
pour
chap.
FEVRIER 17327 253
que ce
chap. 29. v. 20. l'on n'entend autre chose
ece qui est signifié par ces autres termes
de la premiere Epitre de S. Pierre Regem
bonorificate. Ce langage se trouve non - seu
lement dans l'Ecriture Sainte et dans les
Conciles , mais aussi dans les Saints Peres
et chez les Historiens . Lisez Saint Paulin ,
Natalit 9. vous y verrez ces deux vers :
:
Ecce Sacerdotis reditum satiatus adoro
Suspiciens humili metantem in corpore Christum
Lisez dans S.Jerôme laLettre de Ste. Paule
et d'Eustochium à Marcelle touchant les
Monumens qui sont à voir et à revérer dans
la Palestine il y est dit qu'il ne faut pas
oublier d'aller à Samarie et d'y adorer les
cendres de S. Jean - Baptiste , ni celles des
Prophétes Elisée et Abdias . Samariam per
gere , et Joannis Baptista , Elisai quoque et
Abdiapariter cineres adorare. Au moment
que j'écris ceci je me souviens que ce terme
Adorare est souvent employé dans
P'histoire des Evêques du Mans au troisiéme
Tome des Analectes de Dom Mabil-
Ion : Vous pourez y recouvrir en sûreté.
Je trouve aussi dans les Antiquités de la
Ville de Castre de Borel à la page 11. un
fragment d'un Manuscrit d'Odon Aribet,
où je lis touchant Bernard Comte de Toulouse
, Tolosam venit et Regem Carolum in
Cv Canobio
254 MERCURE DE FRANCE
Cenobio S. Saturnini juxta Tolosam adoravit.
Consultez outre cela ce qui a été écrit
par le Cardinal Baronius au sujet de la découverte
du Corps de Sainte Cecile , faite
sous le Pontificat de Clement VIII. en
l'an 1599. et vous y trouverez le terme
Adorare pareillement usité en fait.de Reliques.
Le Poëte qui a composé les vers
qui se lisent au bas de la Statue Equestre
de Louis XIII . au Frontispice du grand
Mezeray de l'an 1643. étoit apparemment
instruit de ce langage , et il se regardoit
comme autorisé par l'expression gravée aus
Portail de Fontainebleau, puisqu'il a com
mencé ainsi son Quatrain :
Ce grand Roy dont voici l'adorable visage ·
Vainqueur de ce bas monde au Ciel est remonté.
Un Auteur qui meriteroit de devenir fa--
milier à toutes les personnes qui aiment
les belles Lettres , comme ayant été l'un
des plus habiles humanistes de son siecle ,
et Precepteur de quelques Enfans de nos
Rois , ( a ) est Heric , Moine d'Auxerre.
On â de lui une vie de S. Germain Evêque
d'Auxerre écrite en vers qui ne sont
point à mépriser , et qui fut rendue pu-
Concil. P'Abb. ad an . 1592:
( a ) De Lothaire Fils de Charles le Chauve."-
blique
FEVRIER. 1732. 255
blique sous François I. dans le tems du
rétablissement des belles Lettres. On a
encore de lui une histoire des Miracles.
de ce grand Evêque. C'est dans ce dernier
ouvrage , quoiqu'écrit en Prose, qu'il
donne en trois endroits au corps ou au tombeau
de S. Germain l'épithete d'Adorable.
Premierement , lib. 1. cap. 27. il dit que le
Roy Clothaire I. fidele heritier et Imitateur
de la devotion que Sainte Clotilde
sa Mere avoit eue envers ce Saint , fit en-
Tourer so n Sepulcre d'un grillage d'argent
et il s'exprime ainsi : Materna devotionis
fidissimus executor et hæres , post genitricis
excessum super adorandam beatissimi Germani
memoriam regalibus expensis fredam ( a )
composuit. Le second endroit est au chapitre
54. du même Livre , où il dit , Adorandi
corporis. Et le troisiéme se lit au second
Livre chapitre 9. qui contient comment
le Roy Charles le Chauve voulut
assister en personne à la Tranflation qu'il
fit faire du corps de ce Saint pour le jour de
Epiphanie del'an 59. où l'Historien témoin
oculaire remarque que ce grandPrince
couvrit lui- même les Ossemens avec des
étoffes précieuses , et qu'ayant été portez
jusques dans le lieu destiné , il y plaça
( a) Heric a été obligé de se servir de ce terme
quoique de basse latinité,
Cvj aussi
256 MERCURE DE FRANCE
aussi lui-même le Saint Corps . Rex Carolus
operosis denuò palliis corpus venerabile decenter
ambivit , et deux lignes après , thesaurum
incomparabilem adorandi corporis
ejus ..... principali reverentiâ transpositum
collocavit.
port
Je metens , Monsieur , un peu plus sur
cet Auteur que sur les autres , par rapà
l'omission M. l'Abbé Guilbert
que
à faite de parler de la devotion du Roy
Robert envers S. Germain l'Auxerrois
dont yoici l'article qu'il faisoit à son sujet.
C'est que ce Saint Roi bâtit dans la Forêt
de Bievre une Eglise en l'honneur de ce
Saint au rapport d'Helgaud Ecrivain de sa
vie. Il semble que comme la Forèt de
Fontainebleau n'est autre que celle qui por
toit enciennement le nom de Biévre c'étoit
une chose à remarquer , en faisant
observer incidemment que le titre de l'Eglise
Paroissiale du Louvre à Paris est sous
la même Invocation , et que plusieurs prétendent
que le nom de S. Germain- en-
Laye vient aussi primitivement d'une
Eglise de Saint Germain d'Auxerre située
dans le Bois de Laye à l'endroit où ce Saint
Prélat fit un Miracle , ou au moins une
Station au sortir de Nanterre . Il n'est pas
étonnant que des Ecrivains assurez de tous
ces faits ayent avancé que nos Rois ont regardé
FEVRIER. 1732 . 257
gardé le Prélat Auxerrois comme l'un des
plus grands Titulaires de leur Royaume ,
et que la Nation l'envisagera toujours
pour tel . C'est ce qui est fondé sur les
prodiges merveilleux qu'il opera pendant
sa vie et sur l'utilité dont il fut à tous les
habitans des Gaules : Verité reconnuë par
les Historiens de France les plus modernes
, et qui fait dire au Pere de Longue
val Jesuite dans sa nouvelle Histoire Ecclesiastique
de ce Royaume , ( a ) que
Saint Germain fut l'un des plus parfaits
modeles de Sainteté , et un des plus ardents
défenseurs de la Foy , l'honneur et la consolation
de l'Eglise Gallicanne , le fleau de l'heresie,
le Pere des Peuples , le refuge de tous les
malheureux. Un peu d'attention à ces dernieres
épithetes fera voir que l'on n'avoit
pas tant de tort de l'honorer d'une maniere
plus speciale dans certains Pays de la France
dont le territoire est peu fecond et où la
misere est plus commune. Si l'épithete
Adorandus ne se prodiguoit point envers
tous les Saints , on ne peut nier qu'il ne
pût être appliqué à ceux qui meritoient
une veneration plus éclatante , et qu'Heric
a été bien fondé de s'en servir à l'égard
de Saint Germain d'Auxerre. Ceux qui en
douteroient peuvent recourir à l'Histoire
( a ) Tome premier,page 457.
de
258 MERCURE DE FRANCE
de sa Vie écrite par Constance Prêtre de
l'Eglise de Lyon qui vivoit dans le même
siecle que ce Saint Evêque , Auteur celebre
qui ne peut être inconnu dans les Eglises
de la Province Ecclesiatique dont Lyon
est la Capitale , et auquel le Pere de Colonia
Jesuite a donné à juste titre les éloges
qu'il merite , dans son Histoire Litteraire
de Lyon. En un mot , si les Rois de
la Terre meritent les adorations , c'est -àdire
, les respects des Peuples , à plus forte
raison les Saints qu'on lit avoir été adorez
par les Rois dans le même sens d'adoration
que j'ai déja dit , et qui de plus ont
été invoquez tant de fois et si formellement
par ces mêmes Rois , tel qu'est le
Prélat à l'occasion duquel j'ai fait cette di
gression.
Pour revenir donc à Adorate Regem , ce
langage est si ancien et si peu choquant
en lui même , qu'il est reçu dans l'usages
vulgaire , et comme on a dit adorer l'Empereur,
on dit de même aujourd'hui adorer
le Pape , aller à l'adoration du Pape ; adoration
qui n'est dans le fond dans le fond qu'une simple
marque de respect , et qui consistoit
quelquefois dans un baiser comme l'étymologie
du nom le signifie. De là vint l'usage
des anciens Payens lorsqu'ils vouloient
honorer un objet éloigné , tel
que
le
FEVRIER. 1732
259
le Soleil et la Lune , de s'incliner devant
lui , en appliquant le bout de la
main sur la bouche , de la même maniere
que nous obligeons les enfans de nous faire
lorsque nous leur disons de baiser la
main avant que de les gratifier d'un petit
present. Il y a une Eglise en France ( a ):
où l'on voit dans des bas-reliefs une figure
dans cette attitude ; et qui baise sa main
par respect , pour les fausses Divinitez.
C'est ce que le Livre de Job appelle un
grand péché et un renoncement de Dieu.
( b)Je n'en dis pas davantage sur cette
matiere , et je finis , en vous assurant que
je suis , &c..
(a ) A Cahors.
Au mois d'Aoust 1731.-
( b ) Job. cap . 31. ¥. 26. 27. 28.
EPIGRAMME ,
Sur le celebre Newton.
Après que l'on eut lû dans le sacré Valon ¸-
Les divins Ecrits de Newton ›
Le Dieu des Vers , surpris de ce que la Nature ,
N'étoit plus une Enigme obscure ,
Et que tout étoit dévoilé ,
Parut
260 MERCURE DE FRANCE
Parut étrangement troublé.
Quoi ! dit- il , fumant de colere ,
L'homme n'ignorera donc plus rien !
7
Muses , quelle de vous est assez temeraire
Pour éclairer ainsi ce grand Physicien 2
Appaise ton couroux , repondit Uranie ,
nulle de mes soeurs
Scache que
N'a jamais inspiré cet excellent genie ,
C'est la sage Pallas , ô Dieu de l'harmonie
Qui le comble de ses faveurs :
Cette bienfaisante Deesse
Le visite et l'instruit sans cesse
Elle devoile tout à ce sublime esprit ,
Elle dicte , Newton écrit.
MEMOIRE là l'Academie des
Sciences , le 24 Novembre 1731. par
M. du Quet.
>
Rain de Carrosse inversable , par
conséquent moins dangereux , et
pour être porté aussi doucement que dans
un Batteau , beaucoup plus en seureté
sur lequel on pourra lire et écrire , sans
être interrompu par le bruit , que les
Roues causent en roulant sur le pavé ,
quoiqu'on aille aussi vîte que sur les Carosses
ordinaires .
-Les
FEVRIER. 1732. 267
Les Roues qui servent actuellement
quoique tres- utiles , ont pourtant des défauts
tres-considérables lorsqu'elles roulent
sur le pavé , ou à cause de son inégalité
, elles sont obligées de rouler toujours
en sautillant , outre que ce sautillement
continuel oblige de faire le Train
et le Corps du Carosse plus fort pour y
résister; il faut encore suspendre le Corps,
y ajouter une quantité de fers qui rend
tout cet assemblage tres- pesant et ébranle
le pavé ; les Essieux d'un autre côté ,
qui sont sujets à casser par cet ébranlement
continuel , ajoutent encore un
poids de plusieurs quintaux , qui se fait
sentir tres - rudement , lorsque les Carrosses
montent sur un plan incliné , plus
ou moins , selon l'inclinaison du plan .
,
Ce ne sont pas là les seuls deffauts des
Rouës , leur propre pesanteur lorsqu'elles
montent est un surcroît de difficulté
pour les Chevaux , parce qu'ils portent
la moitié de tout le fardeau , lorsqu'ils
montent sur un plan , dont la ligne est
entre la perpendiculaire et l'horisontale ;
d'ailleurs les Roues étant faites de bois ,
sont sujettes à la pourriture , et il arrive
souvent que les rayes des Roues étant parvenues
à un certain dégré de pourriture
imprévoyable,elles se brisent et tout tombe
262 MERCURE DE FRANCE
be , en grand danger de faire périr ceux
qui sont dans le Carosse ; ces accidens n'arrivent
que trop souvent.
Les Hollandois , considerant le fracas
que ces Roues causent par la destruction
des plans où elles passent en y faisant de
profondes ornieres , considerant aussi la
dépense qu'elles obligent de faire , et la
peine des Chevaux , lorsqu'ils sont obligez
de monter les plans inclinez , en ont
secoué le joug , en appliquant le corps
du Carosse sur des Traineaux , de même
que nous voyons icy trainer les Balots
de Marchandises , ce qui doit être de tresmauvaise
grace à l'oeil.
La figure du Train que j'ai l'honneur”
de presenter , éleve le corps du Carosse
à la même hauteur que ceux dont on se
sert actuellement , et l'on y peut donner
tel ornement qu'on voudra , en faisant
travailler les ouvriers qui auront du goût
pour cela . Il faut remarquer que le corps
du Carosse et le Train , ne faisant ensemble
qu'un seul et même corps , les Chevaux
qui le traîneront n'auront pas plus
de peine qu'aux Carosses ordinaires sur le
pavé de niveau , et ils en auront moins
en montant qu'avec les autres , à cause de
la legereté de ces nouvelles voitures et de
pesanteur des Carosses ordinaires , qui la
avec
FEVRIER. 1732. 263
avec leur Train , pesent au moins le triple
, et que les frotemens ne sont que
par rapport à la pesanteur ou à la pres
sion.
Le plan incliné , sur lequel j'ai appliqué
une portion de représentation de pa
vé , peut faire aisément connoître la différence
qu'il y a entre rouler et traîner
puisque l'on voit qu'un même poids fait
monter ce modele plus facilement , en le
traînant sur ce plan incliné , qu'en le
faisant monter avec les rouës .
Les Cochers qui sont assis sur les petites
Rouës , qui sautillent davantage que
les grandes , gouverneront ces voitures
beaucoup plus à leur aise. Les Laquais seront
aussi portez plus doucement ; ainsi
on peut conclure que les Maîtres et leurs
Domestiques seront plus en seureté sur
ces nouvelles voitures , que sur celles de
l'ordinaire , et avec plus de commodité.
Le Roy , les Proprietaires des Maisons
et le public ont interêr que ces nouvelles
voitures soient en usage dans Paris , dont
le pavé humecté toute l'année , convient
parfaitement à ce tirage.
L'interêt du Roy s'y trouve , par rap
port au roulage,qui ébranle le pavé, qu'il
ne faudroit pas renouveller aussi souvent,
les Proprietaires des Maisons , à cause que
cet
264 MERCURE DE FRANCE
cet ébranlement peut endommager les fon--
demens de leurs Bâtimens ; le public, par
rapport au bruit du roulage et du danger
qu'il y a lorsqu'un Carosse verse pour
ceux qui passent à côté , soit qu'un des
Essieux manque , soit une des Rouës .
On peut encore ajouter à l'avantage de
ces nouvelles voitures , que lorsque les
Chevaux prennent le mors aux dents ,
ceux qui seront dans ces voitures , pourront
sortir hors du Carosse , sans courir
le même danger du funeste accident qui
est arrivé à Madame la Présidente de la
Chaise , et à bien d'autres personnes de
distinction qui ont péri , faute de l'usade
ces nouvelles voitures.
ge
On doit encore représenter que lorsque
les Chevaux prennent le mors aux dents ,
le Carosse allant à leur gré , et sans pouvoir
être gouverné par le Cocher , il est
exposé à se heurter contre la premiere
borne , qui cause un choc , qui fait quitter
la Cheville ouvriere , alors le Cocher
est en danger de perdre la vie , sans parler
du fracas qui arrive au corps du Carosse
et au Train , et du danger que les
personnes de pied courent d'être surprises
à la rencontre d'un pareil accident.
ODE.
FEVRIER. 1732
265
ODE
A M. des Landes , Contrôleur General
de la Marine, à Brest , et de l'Academie
Royale des Sciences . Par Mlle. de Mal
crais de la Vigne, sur la Mort de son Pere,
Maire Doyen de la Ville du Croisic en
Bretagne.
E n'est point en ces Vers , cher Lecteur , que
j'aspire C
Aux applaudissemens ;
J'en veux à ta pitié , plains avec moi , soûpire
L'excès de mes tourmens,
Que du Scythe inhumain la fierté s'adoucisse ,
En entendant ines cris.
Rendons , comme autrefois fit l'Epoux d'Euridice ;
Les Rochers attendris .
Sortez , sanglots , enfans de ma pieuse flamme ;
Parlez , vives douleurs ;
Et laissez à mes yeux pour soulager mon ame
La liberté des pleurs.
Coulez
266 MERCURE DE FRANCE
Coulez, larmes , soyez desormais mon breuvage ,
Soupirs , soyez mon pain ;
Conduis moi , desespoir , en quelque Antre sauvage
,
Ou je trouve ma fin.
Mon Pere est mort ! ô jour ! ô déplorable Aurore
D'un Soleil malheureux !
Il est mort ... sort barbare ! et je respire encore
Après ce coup affreux !
Approche , ô fier trépas ! répands sur ma pauz
piere ,
Tes pavots éternels ;
Et bornant pour toûjours ma fatale carrière ,
Finis mes maux cruels .
Frappe , ô Mort ! qu'attends- tu ? quoi ? ton bras
s'intimide ,
Et recule aujourd'hui !
Je ne puis provoquer ta rigueur parricide ,
A me rejoindre à lui !
Mais où vais - je ! où m'emporte , en forçant tout
obstacle ,
Un vol prodigieux e
Qu'apFEVRIER
1132.
267
Qu'apperçois - je ! ou fuirai -je ! un terrible spectacle
,
રે
Se dévoile à mes yeux.

J'erre à pas chancelans dans une Forêt sombre
Tout m'y glace d'effroi ;
Des Spectres mutilez ,des fantômes sans nombre ,
Marchent autour de moi.
Le terrain n'y produit que de nuisibles Plantes ,
Que de tristes Ciprès ;
De pleurs mêlez de sang ,
tantes ,
les
branches degou-
Poussent de longs regrets.
Des flambeaux attachez à ces arbres funebres ,
Font le jour qui me luit ;
Flambeaux dont la vapeur épaissit les tenebres ,
Jour plus noir que la nuit.

Un Fleuve empoisonné roule ses eaux plaintives ,
Sur de froids ossemens.
Des Corbeaux affamez font retentir les Rives ,
De leurs croassemens.
Que d'objets effrayans ! des Dragons à trois têtes !
Des
268 MERCURE DE FRANCE
Des Lions en fureur !
Accourez , hâtez - vous , vos dents sont - elles
prêtes ,
A déchirer mon coeur ?

Faites , Monstres cruels , d'horribles funerailles
A mon corps par morceaux .
Que vos ongles tranchans cherchent dans mes
entrailles ,
La source de mes maux.
Qu'ai-je dit ? ô douleur ! ô plainte criminelle
O transport furieux !
Coupable desespoir , ma volonté tend-elle
A résister aux Dieux ?
Un sort magique a - t'il dans mon ame affligée ,}
Distilé du poison ?
Daignez, Dieux , qui l'avez dans la douleur plongée
,
La rendre à la raison.
Tout Mortel pour franchir les écueils de ce
monde ,
Doit passer par la mort.
DeFEVRIER.
1732. 269
Devrois -je donc gémir , qu'ici bas vagabonde ,
Sa Barque fut au Port ?
Admis dans ces Palais d'éternelle structure
Au nombre des Elus ,
Il voit avec dédain des pleurs que la Nature ;
A pour lui répandus.
M
Chere Ombre , excuse-moi , mes pleurs, s'ils sont
des crimes ,
Sont dignes de pitié.
Ouvre-toi toute entiere aux tributs légitimęs
De ma pure amitié.
Peut-on bannir si- tôt de sa perte subite
Le souvenir cuisant ?
Je le voi , je lui parle , et son rare mérite
Nuit et jour m'est present.

Sçavant , ingenieux , l'agrément et la gloire
De la Societé ,
Il citoit à propos , et la Fable et l'Histoire
Avec fruit écouté.
Il possedoit des Loix , la connoissance utile ;
D Mais
270 MERCURE DE FRANCE
Mais desinteressé ,
C'étoit pour secourir la Veuve et le Pupile ,
Et le pauvre oppressé.

Aux devoirs d'honnête homme il fut toujours
fidelle ,
Excellent Citoyen ,
Il aima sa Patrie , et prodigua pour elle,
Et son temps et son bien.
Il laisse à treize enfans , quatre soeurs et neuf
frcres ,
De petits revenus.
Heureux ! s'ils heritoient des talens non vule
gaires ,
Qu'ils ont en lui connus.

La plupart de ses fils sont en butte à Neptune
Sur les flots en courroux ,
Sans être encore instruits de la dure infortune
Qui nous accable tous.
Combien à leur retour tu paroîtras deserte ,
Maison de nos Ayeux !
Quel déluge de pleurs , apprenant notre perte ,
Va sortir de leurs yeux.
Je
FEVRIER. 1732. 271
Je les voi , les voilà .... quel abord ... quel
silence ....
A l'aspect de ce deüil !
Quels regards ? quels baisers ? mon Pere ! ah leur
presence ,
Nous rouvre ton Cercueil.
Mais quel autre accident de vos larmes ameres , "
Fait grossir le Torrent ?
Je languis , prononcez , ah mes soeurs ! ah mes
freres !
Tout mon coeur le pressent.
Qu'ai -je entendu ! mon frere aux Côtes Libiennes
A trouvé le trépas.
Faut-il malheur fatal que jamais tu ne viennes ,
Sans un autre ici bas ?
Il voloit sur les eaux aux pénibles richesses ,
Projet flatteur et vain !
La fortune et la mort , ces aveugles Déesses ;
Se tenoient par la main.

De la Mort en fureur , rentre , terrible épée ,
* Il étoit Capitaine en second sur la Frégate ,
Entreprenante de Bayonne.
Dij
Dans
272 MERCURE DE FRANCE
Dans ton sanglant fourreau ;
sang cheri ta lame D'un étoit assez trempée ,
Sans ce meurtre nouveau.
Hâte-toi , Dieu puissant , ma Mere est fou
droyée ,
Si bien-tôt tu n'accours ,
Elle use en soupirant , dans ses larmes noyée ,
Et les nuits et les jours.
M
Son seizième Printemps sous le joug d'Himenée;
Vit son coeur captivé .
Du plus fidele Epoux , sa cinquantiéme année
L'a pour toujours privé.
*
Son amour maternel détacha sa jeunesse
Des differens plaisirs ;
Notre éducation anima sa tendresse ;
Et borna ses desirs,
Depuis elle a vécu dévote et séparée ,
Des terrestres Mortels ,
Où dans son domestique humblement retirée
Ou priant aux Autels ,
Mort , veux-tu la ravir ? tout notre espoir suce
combe ,
FEVRIER 1732 273
Sous tes coups triomphans.
Enferme donc encore en une même tombe ,
La Mere et les Enfans.
Non , mes cris ont percé l'étincelante voute
Ou s'assied le Seigneur.
D'un regard pitoyable il me voit , il écoute ,
Ma sincere douleur.
Des jours par le Très - Haut , sont promis à ma
Mere ,
Longs , tranquiles , heureux.
l ' sçait , lui qui sçait tout , combien sa vie est
chere ,
A ses enfans nombreux .
Ses Brebis répondront autour d'elle amassées,""
A son tendre travail ;
Et, le Pasteur frappé , loin d'être dispersées j´
Resteront au Bércail.
M
Deslandes , je t'appris le sujet de mes larmes ,
Tu
sus les partager ;
Et le poids accablant de mes fortes allarmes;
M'en parut plus leger.
D iij
Ton
274 MERCURE DE FRANCE
Ton esprit délicat , poli , docte , sublime ;
A ton nom fait honneur ;
Mais sur tout , cher ami , je cultive et j'estime
La bonté de ton coeur.
XXX:XXXXXXX :XXXXX
REPONSE de M. Meynier , Ingenieur
du Roy pour la Marine , cy- devant Professeur
Royal d'Hidrographie , sur ce que
M.Bouguer, cy- devant Professeur d'Hidrographie
au Croisic , , à present Professeur
Royal d'Hidrographie au Havre de
Grace a dit au sujet du Demi- Cercle que
·M. Meynier a inventé pour observer sur
Mer et à Terre , la hauteur du Soleil et
des Etoiles , sans qu'il soit necessaire de
voir l'horisons et au sujet du Quart de
Cercle que M. Bouguer a donné pour être
preferable au Demi Cercle et à tous les
autres Instrumens qui sont en usage sur
Mer, pour le même sujet.
C
Omme des amis communs entre
M. Bouguer et moi , m'avoient dit
lui avoir représenté le tort qu'il a eû de
parler de mon Demi- Cercle de la maniere
qu'il en a parlé dans un Ouvrage
intitulé : De la Méthode d'observer exactement
sur Mer la hauteur des Astres , imprimé
FEVRIER 1732. 295
primé à Paris , chez Claude Jombert en
l'année 1729 , j'avois crû qu'il auroit pû
y faire attention et reparer sa faute dans
le Public ; mais bien loin qu'il en ait été
question , depuis plus de deux ans et demi
que j'ai lieu de me plaindre de la
fausse idée qu'il en a donnée dans son Li
vre ; il m'a fait verbalement depuis peu
de jours une espece de défi d'y répondre ,
ce qui m'a indispensablement engagé à
mettre la main à la plume.
On voit dans l'Histoire de l'Académie
Royale des Sciences , de l'année 17 : 4 .
page 93. où M. Bouguer a dit avoir lû
la description de mon demi Cerle , que
ces Mrs l'approuverent après l'avoir examiné
et après en avoir fait plusieurs observations
au Soleil . Il est extraordinaire
qu'après cela M. Bouguer , qui ne l'avoit
pas vû , en ait fait un portrait au Public
qui n'y a aucune ressemblance , et qu'en
même temps il l'ait condamné sur ce
portrait d'une façon fort singuliere , malgré
l'Approbation de l'Académie Royale
des Sciences.
Pour prouver que M. Bouguer a condamné
ce demi Cercle sans le connoître
je rapporte ici mot-à -mot ce qu'il en a
dit , où il ne paroît pas qu'il en ait connu
la construction , la suspension ni les usa
Diiij ges.
1
276 MERCURE DE FRANCE
1
ges. J'ai aussi copié exactement la figure
3. de la premiere Planche de son Livre,
qu'il a donnée pour celle de mon demi
Cercle ; je la représente ici notée du même
chiffre 3. et des mêmes lettres. Je donne
en même temps le Dessein de mon demi
Cercle , dans la figure 4. étant suspendu
dans la Caisse MRTV , qui le met à
couvert du vent , de la même maniere
et au même état qu'il étoit lorsque l'Académie
Royale des Sciences l'a examiné :
Je l'ai encore en cèt état- là , dans la même
Caisse , de maniere qu'on peut ve
rifier très-facilement ce que j'avance.
La Caisse de cet Instrument est noir*
cie en dedans , afin d'absorber les rayons
du Soleil , elle ne devroit être represen
tée ouverte que par dessus ; mais je l'ai
représentée aussi ouverte par devant , afin
de voir plus distinctement toute la figure
du demi Cercle et de sa suspension /
Pendant toutes les observations qui ont
été faites avec cet Instrument , sa Caisse
étoit posée à terre ou sur une table , ou
sur quelque banc , de maniere que l'Observateur
n'avoit point d'autre attention
que
du
celle de regarder sur la circonference
de l'Instrument , le degré que le rayon
Soleil y marquoit , qui étoit celui de sa
hauteur sur l'horison . On peut verifier
facilement
LYON
*
1893
*
partie interieure de l'Arc , et fait connoi
hauteur comine dans l'Aneau Astronomique
Instrument peut être aussi d'usage la nuit ,
observer la hauteur des Etoiles ; mais appai
ment qu'on le suspend dans un sens contraire
qu'on vise à l'Etoile par la Pinule du centre
pår une autre Pinule située sur la circonferen
Nous ne connoissons ce demi Cercle que pour
Dy avo
ou sur une table our >
sur quelque banc , de maniere que l'Observateur
n'avoit point d'autre attention.
que celle de regarder sur la circonference
de l'Instrument , le degré que le rayon du
Soleil y marquoit , qui étoit celui de sa
hauteur sur l'horison. On peut verifier
facilement
FEVRIER 1732. 377
facilement ce demi Cercle pour sçavoir
s'il est juste , exposant simplement sa
Caisse successivement des deux côtez
MR . aux rayons du Soleil vers l'heure de
midi , car pour lors si le rayon du Soleil
qui passeroit par le centre I. marquoit le
même degré sur les deux côtez du demi
Cercle , son diamétre AC . seroit horisontal
; et si par hazard il inclinoit de quelque
côté , ce qui ne pourroit arriver que
par quelque accident extraordinaire , outre
qu'on pourroit y remedier sur le
champ par le moyen du petit poids S.
en le faisant glisser le long du diamétre
AC. on pourroit s'en servir aussi quoiqu'incline
, comme je l'ai démontré dans
mes Mémoires. Voici ce que M. Bouguer
en a dit.
On voit dans la figure 3. le demi Cercle de
M. Meynier , actuellement Professeur Royal
d'Hidrographie au Havre de Grace. Ce demi
Cercle se suspend par la Boucle A. fig. 3. et le
rayon du Soleil passant par la pinule C. qui répond
au centre , vient se rendre en E dans la
partie interieure de l'Arc , et fait connoître la
hauteur comme dans l'Aneau Astronomique. Cet
Instrument peut être aussi d'usagé la nuit , pour
observer la hauteur des Etoiles ; mais apparemment
qu'on le suspend dans un sens contraire , et
qu'on vise à l'Etoile par la Pinule du centre ,
pår une autre Pinule située sur la circonference.
Nous ne connoissons ce demi Cercle que pour en
D v avoir
et
278 MERCURE DE FRANCE
avoir vu une description très succinte dans l'Histoire
de l'Académie Royale des Sciences de l'Année
1724. page 93. mais nous ne doutons point
que son sçavant Auteur ne lui procure une situation
constamment horisontale , malgré le poids
de la Pinule , qui est située sur la circonference ,
et qu'on est obligé de faire monter ou descendre,
selon que les hauteurs sont plus ou moins
grandes .
Article premier , M. Bouguer dit que
la figure 3. represente mon demi Cercle ;
qu'il est suspendu par la Boucle A. et qu'il
fait connoître la hauteur du Soleil , comme
dans l'Anneau Astronomique . Il suffit de
regarder la figure qu'il donne pour celle
de mon demi Cercle , et de la comparer
avec la figure 4. qui en est la veritable
figure , pour en voir d'abord la difference.
Bien loin que mon demi Cercle fig.
4. soit suspendu par la Boucle A. de la
figure 3. il est suspendu sur les deux Pivots
NB. dans la Caisse MRVT. qui le
garantit du vent , lesquels Pivots NB.
sont portez par une seconde suspension
XNBZ de même que les Boussoles de
Mer. Ce demi Cercle a un poids O. vers
son milieu , lequel poids ayant le centre
de son mouvement particulier en P.
vibrations particulieres tendent à détruire
plutôt le mouvement que le vaisseau
imprime au demi Cercle ; car à mesure
ses
que
FEVRIER : 1732. 279
les vibrations du poids O. et celles du
demi Cercle ADC. ne se font pas en
temps égaux , elles se contrarient récipro
quement et se détruisent mutuellement
en beaucoup moins de temps. Il est évident
que par cette suspension l'Instrument
obéit beaucoup mieux au Roulis
et au Tangage du Vaisseau , qu'il n'y
obeïroit s'il étoit suspendu par une Boucle;
car si la suspension de la Boucle valoit
mieux on s'en serviroit pour suspendre
les Boussoles de Mer ; mais l'experience
prouve le contraire. On voit par
là combien cet Instrument est different
de l'Astrolabe , de même que ses usages ,
et que parconsequent la comparaison de
M. Bouguer , n'est pas juste.
Article II . Il a dit que pour
dit que pour observer
la hauteur des Etoilles pendant la nuit , apparemment
on suspend mon demi Cercle d'un
sens contraire , et qu'on vise à l'Etoile par
la Pinule du centre. Ce terme d'apparemment
fait voir qu'il ne croit pas lui - méme
connoître la construction de cet Instrument
, non - plus que ses usages ; mais
bien loin qu'on soit obligé de le suspendre
d'un sens contraire , on ne fait jamais
aucun changement à sa suspension
dans aucun de ses usages , et la Pinule.
du centre ne sert jamais pour observer la
D vj hauteur
280 MERCURE DE FRANCE
prohauteur
des Etoiles ; car on trouve leur
hauteur avec cet Instrument par la
prieté des Angles formez à là circonfe
rence du Cercle, qui ont un avantage con .
siderable sur ceux qui sont formez au centre
du même Cercle , en ce que leurs degrez
occupent un Arc double des autres ,
comme il est démontré dans la 24. Proposition
du troisiéme Livre d'Euclide ,
ce qui rend leurs divisions parconsequent
beaucoup plus distinctes. Comme , par
exemple , l'Angle F A C. qui est celui de
la hauteur de l'Etoile L , qui est formé au
point A. de la circonference , qui est égal
à l'Angle A F E. qui est aussi à la circonference
, qui est mesuré par la moitié de
l'Arc AE , égal à l'Arc FC , et qui est indiqué
par l'extrémité E. de l'alidade E F.
Article III. Il condamne ce demi Cer→
cle , en disant qu'il croit que je lui procurerai
une situation constamment horisontale,
malgré le poids de la Pinule , qui est située
sur la circonference qu'on est obligé de faire
monter ou descendre , selon que les hauteurs
sont plus ou moins grandes. Comme il est
necessaire dans tous les usages de ce demi
Cercle , que son dismétre A C. prenne
de lui - même une situation horisontale ,
quoique l'Astre soit plus ou moins élevé
cola seroit impossible , si le poids de quel
que
FEVRIER. 1732 28
que pinule qui seroit située sur sa circon
ference étoit capable de faire incliner
l'Instrument à mesure qu'elle se trouveroit
plus ou moins élevée autour du de
mi Cercle , parce que pour lors son poids
agiroit sur des lignes verticales qui se
roient differemment éloignées de la ligne
verticale qui passeroit par le centre de
gravité du demi Cercle , ce qui feroit
changer l'équilibre de l'Instrument à
mesure que la hauteur de la Pinule changeroit
Apparemment que M. Bouguer a
pris delà occasion de vouloir persuader
au Public que mon demi Cercle ayant
une Pinule qu'on fait monter ou descendre
plus ou moins , suivant les differentes
hauteurs des Astres , ne devoit pas conserver
sa situation horisontale , à cause du
poids de cette même Pinule ; mais il au
roit dû faire attention que si cela eût eu
lieu , Mrs de l'Académie ne l'eussent point
approuvé , étant très- capables de s'en être
appercûs , et si ensuite il eût été convaincu
de cette verité , il n'auroit pas avancé
la chose si hardiment ; d'ailleurs les principes
des forces mouvantes nous apprennent
que tout corps qui a un mouvement
circulaire autour d'un Cercle ou
d'un demi Cercle , ou autour de quelque
point , peut conserver toûjours le même
équilibre
282 MERCURE DE FRANCE
équilibre sur le centre de son mouvement
, par le moyen d'un autre poids
qui aura le même mouvement sur un
bras de Levier opposé ; c'est ce qu'on
voit aux Pinules des Astrolabes qui montent
et descendent autour de sa circonference
de l'Instrument sans en changer
l'équilibre.
Je ne crois pas non - plus qu'il eût parlé
de même de ce demi Cercle , si auparavant
il eût pris connoissance de sa cons-
"truction, de sa suspension et de ses usages ,
parce qu'il auroit vû que la Pinule A. qui
est la seule qui soit située à la circonfe
rence de cet Instrument , n'est pas mobile
, mais qu'elle est toûjours fixe à l'extremité
A du diamétre AC , et que par
cette raison la hauteur de l'oeil qu'on place
en K du côté de cette même Pinule , ne
change pas lorsqu'on fait l'observation
quoique la hauteur de l'Astre change. II
auroit aussi vû que la Pinule A ayant été
mise d'équilibre , avec le demi Cercle
ADC , sur le centre commun I , elle ne
doit jamais changer la situation horisontale
de l'Instrument qui se suspend continuellement
de lui - même par la verticale
qui passe par son centre de mouvement
et par son centre de gravité ; et que pour
ce qui est de la seconde Pinule F , elle se
trouve
FEVRIER. 17327 28
trouve toujours plus ou moins élevée audessus
du demi Cercle , suivant les dif
ferentes hauteurs des Etoiles sur l'horidans
le temps de l'observation ;
et que le centre de mouvement er de
gravité de l'Alidade EF , qui la porte ,
étant au centre I du demi Cercle , elle:
ne doit non- plus rien changer à l'équili
bre de l'Instrument dans quelque situation
qu'on la mette ; et s'il eût demandé
à l'Académie des Sciences une plus gran-.
de instruction sur mon demi Cercle , comme
il en étoit correspondant , on lui auroit
communiqué , sans doute , le desseinet
le Memoire que j'y ai laissé à ce sujet ;
on auroit pû lui communiquer en mêmetemps
un Certificat autentique qu'elle
avoit reçû touchant les experiences qui
furent faites avec ce demi Ĉercle dans la
Rade de Brest , sur le Vaisseau du Roy
l'Elisabeth, qui n'ont été écartez que d'environ
une minute de la vraye latitude
du lieu où elles furent faites , quoique le
Vaisseau eût beaucoup de mouvement
puisque lors de la derniere observation
le vent nous fit faire près de deux lieuës
de chemin en une heure de temps dans
un gros Bateau qu'on nomme Bugalet ,
qui n'avoit qu'une seule Voile. J'avois
fait faire ce demi Cercle entierement semblable
284 MERCURE DE FRANCE
blable à celui dont il est parlé dans l'His
toire de l'Académie des Sciences de l'année
1724. il avoit seulement été divisé :
avec plus de soin . Avant que de partir pour
Brest, Mrs. de Cassini et deMaraldi, comparerent
en ma presence à l'Observatoire
Royal plusieurs Observations faites avec›
ce demi Cercle à celles qui furent faites
en même temps avec un quart de Cercle
d'environ trois pieds de rayon , elles furent
toutes trouvées égales à celles du
quart de Cercle de l'Observatoire à une
ou deux minutes près ; mais sans doute
que dans ce temps-là l'Histoire de l'Académie
étoit imprimée , sans quoi je suis
persuadé que ces Mrs. y auroient fait inserer
ces dernieres Observations .
Article IV . Il dit Connoître cet Ins
trument pour en avoir vu une Description
très-succinte dans l'Histoire de l'Académie
Royale des Sciences de l'année 1724. pages
93. Je rapporte ici cette même Descrip
tion mot à- mot , afin de faire voir au Public
qu'elle ne l'autorise en rien du tout
sur l'idée qu'il a voulu lui donner de mon
demi Cercle .
Description de l'Académie. Un Instrument de
M. Meynier , consistant en un demi Cercle dont
le diamétré se met dans une situation horisontale
par la maniere dont il est suspendu. Il sert à apprendre
sur Mer, sans qu'il soit necessaire des
voir


FEVRIER. 1732. 28
voir l'horison , la distance du bord superieur der
Soleil au Zenith, par le moyen de l'ombre faite
par les rayons qui passent par une fente qui
répond au centre du demi Cercle et va se projetter
sur une circonference graduée , il sert aussi.à
observer la hauteur du Soleil et des Etoiles , depuis
l'horison jusques à environ so degrez , par
le moyen de deux Pinules , avec lesquelles on vise
l'Astre. On a fait avec cet Instrument plusieurs
Observations qui ont été le plus souvent à 8 ou
10. minutes près , les mêmes que celles qui
se faisoient en même- temps avec un quart de
Cercle de deux pieds de rayon. Cet Instrument
est ingenieux et commode à cause que pour les
Observations des Etoiles , l'oeil est toujours placé
à la même hauteur , quoique l'Etoile soit differemment
élevée , et parce qu'on n'a pas besoin
de voir l'horison. On a crû qu'il seroit préferable
sur Mer à la plupart des Instrumens qu'on y '
employe , s'il y donnoit les hauteurs avec la même
précision que sur Terre , ce que l'experience
seule peut décider.
Je conviens que cette description est
tres- succinte ; mais cependant on n'y
trouve point du tout que ce demi cerclesoit
suspendu par une boule , ni qu'il
donne la hauteur des Astres , comme l'As
trolabe ; ony voit seulement qu'il se place
horisontalement par la maniere dont il est
suspendu , et qui fait assez entendre que
cette maniere de le suspendre n'est pas
par une boule, car il auroit été plus court
et plus naturel à Mrs de l'Academie de l
dire
286 MERCURE DE FRANCÈ
dire dans leur Description . On n'y trouve
non plus rien qui donne aucune idée
qu'il faille suspendre ce demi Cercle d'un
sens contraire pour observer la hauteur
des Etoiles ; n'y qu'on vise à l'Etoile par
la Pinule du centre , ni rien qui puisse
faire douter que le poids des Pinules qui
y sont , puisse faire changer la situation
horisontale de l'instrument , en observant
la hauteur des Etoiles.
Il est surprenant que M. Bouguer n'ait
compris que le mot de demi Cercle ,
dans la Description de l'Académie , au
sujet de cet instrument , qu'il en ait donné
une idée au public, entierement différente
tant au sujet de sa construction , que de
sa suspension et de ses usages , par une interprétation
, qui n'y a aucune ressemblance;
qu'il en ait même parlé d'une maniere
à faire voir évidemment qu'il ne le
connoissoit du tout point ; et qu'ensuite
il l'ait condamné d'une façon tres - singu
liere , en disant qu'il croit queje lui procurerai
une situation constamment horisontale
malgré le poids de la Pinule , qui est à la
circonference.
Je propose à M. Bouguer de faire avec
lui l'experience de son quart de Cercle
et en même temps celle ce mon demi
Cercle , et celle du quart de Cercle Anglois
,
FEVRIER . 1932. 287
glois , en présence des personnes qu'il jugera
à propos , afin de voir par là si sort
quart de Cercle vaut mieux que ces autres
instruments , à la mer et à terre même
, lorsqu'il fait du vent , ou lorsque
le corps de l'Observateur est en mouvement
; mais puisqu'il a condamné mon
demi Cercle sans aucuu fondement , il
ne doit pas trouver mauvais que je détaille
au public les raisons qui condamnent
avec fondement le quart de Cercle
qu'il a donné dans le même ouvrage ,
que j'ai cité , comme un instrument préférable
au quart de Cercle des Anglois , et
à tous les autres instrumens qu'on employe
sur Mer , pour observer la hauteur
des Astres.
La figure 5 , represente le quart de Cer
cle dont les Anglois se servent pour. ob
server la hauteur des Astres .
La figure 6 , représente exactement le
quart de Cercle de M. Bouguer , qui ne
differe du quart de Cercle des Anglais
que parce qu'il est formé d'un seul - Arc ,
É FD , de même que tous les quarts de
Cercle ordinaires que tous ses rayons
sont égaux au grand rayon du quart de
Cercle Anglois , c'est à dire d'environ 23
pouces de longueur ; et que celui des Anglois
, figure 5 , est formé de deux differentes
288 MERCURE DE FRANCE
rentes portions de Cercle A BHD . dont
les rayons C A. CH. sont inégaux , le
CA.
grand CH. est d'environ 23 pouces , il y
en a quelquefois qui ont quelques pouces
de plus, mais je n'en ai point vû qui
en eussent moins ; l'Arc D H. que ce
rayon soutient , est d'environ 25 à 30 dégrez.
On appuye contre l'épaule le côté
D de cet Arc , lorsqu'on fait l'observa-.
tion ; le reste des dégrez de ce quart
de
Cercle , est sur le petit Arc A'B , qui n'est
ordinairement que de à 10 pouces de
rayon . J'en ai cependant vu un qui avoit
ce même rayon , d'environ un pied.
Nous avons en France , depuis treslong-
temps , beaucoup de Pilotes qui se
servent du quart de Cercle Anglois , figu
re 5. Plusieurs y mettent un verre lanticalaire
au martcau A, qui réunit les rayons
du Soleil sur le Marteau C , qui est au
centre de l'instrument; beaucoup d'autres
né se servent que d'un petit trou rond au
même Marteau , en place de Verre , et
quelques autres ne se servent que de l'ombre
qui tombé du bord du même Marteau
A' , sur celui du centre C.
Il y a long- temps que j'ai entendu dire
à nos Pilotes de Brest , et à ceux de Tou-.
lon , que ce qui a obligé de reformer le
quart de Cercle ordinaire , formé par un
seul
FEVRIER 1732. 289
?
seul rayon , comme celui de la figure 6 , a
été , premierement , parce que le vent
avoit beaucoup plus de force sur la circonference
E H,figure 5 , que sur la semblable
circonférence A B. Secondement
parce que cette circonference E H , outre
qu'elle recevoit beaucoup plus de vent
étant plus grande , étoit ausst beaucoup
plus éloignée de la main de l'Observateur
qui tenoit l'instrument en I , de
maniere que la force du vent agissoit sur
un Lévier beaucoup plus long , qui fatiguoit
davantage l'Observateur, et qui causoit
un plus grand mouvement à l'instru
ment ; de sorte que non -seulement l'Observateur
ne pouvoit pas le tenir si ferme,
mais pas même si vertical , ni si horisontal
, à cause du vent , ce qui rendoit l'observation
d'autant plus douteuse que le
vent étoit plus fort. Troisiémement, parce
que le bord de l'ombre du Marteau E. figure
6 , en tombant sur le Marteau C, de
la distance E C , lorsqu'elle étoit d'environ
23 pouces, étoit beaucoup moins sensible
sur ce même Marteau C , que lorsqu'il
ne tombe que de la distance A C ,
figures , qui n'est ordinairement que
d'environ 9 pouces. Quatrièmement
parce que la distance EC , figure 5 et 6 ,
étant d'environ 23 pouces , le mouvement
>
290 MERCURE DE FRANCE
ment de l'ombre du bord du Marteau , ou
le mouvement du rayon du Soleil , qui
tomboit du Marteau E sur le Marteau C ,
parcouroient un espace qui étoit plus de
deux fois et demi aussi grand , que l'espace
qu'ils parcourent sur le même Marteau
C , lorsque cette distance n'est que
d'environ 9 pouces , telle que A C, figure
55 car quoique le mouvement des deux
instrumens , figure $ et 6 , fût le même ,
le mouvement de l'ombre du Marteau E,
ou le mouvement du rayon du Soleil ,
qui tomberoit du même Marteau E , sur
celui du centre C , des figures 5 et 6 , seroit
au mouvement de cette même ombre
, ou rayon qui tomberoit du Marteau
A , sur le Marteau C , de la figure
5 :: comme le rayon EC , des figures 5
et 6 , est au rayon A C de la figure 5 , ce
qui formoit une tres- grande difficulté ,
parce que pour lors on ne pouvoit estimer
le milieu de ce mouvement que tresimparfaitement;
car comme il falloit aussi
estimer en même temps le milieu des
rayons du Soleil sur le Marteau C ; ces
deux estimations qui doivent se faire dans
le même instant , étoient d'autant plus
difficiles et douteuses , que le mouvement
de ce rayon sur le Marteau du centre C
étoit plus grand . Cinquièmement , parce
-
que
FEVRIER . 1732. 291
pas
que lorsqu'on a voulu avoir le rayon du
Soleil sur le Marteau C , par le moyen
d'un trou au Marteau E , quelque petit
que fût ce trou , l'étendue du rayon de
Astre qui y passoit étoit fort grande sur
le Marteau C , et beaucoup moins distincte
, principalement lorsque le Soleil n'est
bien brillant , comme cela arrive tressouvent
à la Mer ; ce qui n'est pas de même
lorsque la longueur du rayon de l'A
tre n'est que de 9 à re pouces. Sixièmement
, parce que ces difficultez augmentoient
encore davantage , lorsque le Soleil
étoit fort élevé sur l'horison , ou près
du Zénith ; car pour lors l'étendue de son
rayon sur le Marteau C , prenoit une figure
ovale , beaucoup plus grande,à cause
de l'obliquité du plan du Marteau C ,
avec le rayon de l'Astre. Septiémement ,
parce que lorsqu'on a voulu mettre un
verre lenticulaire au Marteau E , figure 6,
pour réunir les rayons du Soleil sur le
Marteau C, on a trouvé qu'un verre d'environ
23 pouces de foyer , ne donnoit pas
les rayons de l'Astre si bien réinis qu'un
verre d'environ 9 pouces de foyer , de
maniere qu'on n'en pouvoit pas estimer
le milieu si exactement ; d'ailleurs cette
lentille ne détruisoit pas l'augmentation
du mouvement des rayons du Soleil sur
le
292 MERCURE DE FRANCE
le Marteau C , ce qui est un tres - grand
obstacle , auquel on n'a pû remedier
qu'en racourcissant considerablement le
rayon à une partie du quart de Cercle ,
comme on le voit à la figure 5 .
Etant en Angleterre l'année derniere,
et scachant que tous les Anglois se servent
sur Mer du quart de Cercle , de la
figures , je m'informai pourquoi ils ne
font pas ce quart de Cercle regulier, c'està-
dire d'un seul arc de Cercle. On me répondit
à peu près la même chose que ce
que j'en avois apris de nos Pilotes François
. On y ajouta seulement,que ceux qui
voudroient se servir d'un quart de Cercle
d'un seul Arc , pour observer la hauteur
des Astres sur Mer, en seroient bientôt
desabusez , puisqu'eux-mêmes ne se servent
pas de l'Arc du grand rayon tout
seul pour observer la hauteur du Soleil , à
cause des raisons susdites , quoiqu'ils le
pussent toutes les fois que les dégrez de
la hauteur de l'Astre n'excedent pas les
dégrez de l'Arc du grand rayon de l'ins
trument.
Quand même nos Pilotes et les Anglois
n'auroient pas pour eux l'experience
comme ils l'ont , qui confirme leurs raisons
, elles sont trop pour ne
pas s'y rendre ; et ils sont fondez à croire
évidentes
qu'ils
FEVRIER.
1732. 293
qu'ils ont eux - mêmes reformé le quart
de Cercle ordinaire , avec
connoissance
de cause et avec
fondement , pour leur
servir plus exactement et plus commodé
ment à observer la hauteur des Astres sur
Mer , en formant le quart de Cercle de
deux differens Arcs , comme celui de la
figure 5 .
Les raisons que je viens de détailler
font voit que ce n'est pas le seul embarras
de l'instrument qui a occasionné la réforme
que les Pilotes en ont faite , mais bien
la nécessité ; ce qui nous prouve que l'expérience
sur cette matiere en a plus appris
aux Pilotes que la Théorie. Car il est assez
évident à ceux qui ignorent ces expériences
, que le quart de Cercle qui auroit
deux pieds de rayon , devroit être plus
précis que celui qui n'en auroit que 9 ou
10 pouces ,parce que les divisions de ce premier
seroient beaucoup plus grandes que
celles de l'autre , et par
consequent plus
distinctes et plus exactes ; cela est incontestable
à terre; mais le
raisonnement doit
ceder à
l'expérience ,
principalement en
ce qui regarde la navigation.
Si M. Beguer , dont la Théorie est
profonde , avoit pratiqué la Mer ou fait
seulement une campagne de long cours ,
pendant laquelle il se futservi de son quart
E de
294 MERCURE DE FRANCE
de Cercle, figure 5, pour observer la haureur
du Soleil , je ne croi pas qu'il l'eut
proposé ensuite pour s'en servir à la Mer,
préférablement aux instrumens ordinai
res , parce qu'il en auroit senti lui -même
les difficultez mentionnées cy - dessus.
XXX
LES FINES EGUILLES.
A Mlle D. M.... sous le nom de
C'élimene.
J
TEXT E.
Eune enfant de seize ans , dru comme pere
et mere ;
» Aimable comme un Ange , ou deux
Que le fils de celui qui sera ton beau-pers
Se pourra dire heureux ! *
GLOS E.
Jeune et tendre Céliméne
C'est une prédiction ,
Que l'agréable Scaron
Vous cut appliqué sans peine ;
Et , sans doute , avec raison,
Ces quatre Vers sont de Scaron.
Fille
FEVRIER
295 1732.
Fille d'une aimable Mere ,
Dont l'amour forma les traits ,
Belle , mais de ses attraits ;
Et qui joint à l'art de plaire
Les graces , et l'enjoüment
Rare et précieux talent ,
Dont vous êtes Légataire ,
De ce Legs héréditaire
Vous jouissez pleinement.
Sous les yeux d'une Parènte
Qu'on ne sçauroit trop lover ;
Vous croissez , aimable Plante ;
Et lui faites avoüer ,
Qu'en remplissant son attente ,
Ses travaux sont couronnez.
Que ses jours soient épargnez ,
Que d'une santé constante
Ils soient tous accompagnez,
Mais , que vois-je ! L'Himen
De Festons la tête ornée ,
Vous invite chaque jour ,
A vous joindre à votre tour
A sa troupe fortunée ;
Autant vous en dit l'amour.
E ij Cc
E MERCURE DE FRANCE
Ce Dieu vous offre l'hommage ,
Des coeurs soumis à vos loix,
En faveur du moins volage
Déterminez votre choix.
L'Hymen , à vos chastes flammes
Allumera son flambeau ;
L'Amour lui rendra les armes ;
Quoi de plus doux , de plus beau !
Tous les deux d'intelligence ,
Vous conduisans à l'Autel,
Vous donneront l'assurance
D'un bonheur toujours réel,
Les jeux , les ris , la Jeunesse
Par des chants pleins d'allégresse
Seconderont vos désirs ;
Les Silvains et les Bergeres
Par mille danses légères ,
Animeront vos plaisirs.
Jouissez-en sans allarmes &
2
Puisque la danse a des charmes
Qui flatent vos jeunes ans ,
Exercez -y les talens
Qu'en vous admirent les Graces ;
Qui vous servent à genoux ;
QuoiFEVRIER
. 1732 297
Quoiqu'elles suivent vos traces ,
Dansent-elles mieux que vous ?
O ! qu'heureux l'Amant fidele ;
De qui recevant les voeux ,
Vous couronnerez les feux ,
Lorsqu'une chaîne éternelle
yous unira tous les deux !
Prenez -le enjoüé , mais sage ,
Tendre , sans être jaloux ;
Et qu'il ait tout en partage ,
Pour être digne de vous.
ΕΝΤΟΥ.
Recevez donc , Célimene ,
D'un Buveur de l'Hypocrène
La foible production ';
Des Muses ce Nourrisson ,
Pour fille ne sçauroit faire.
De souhait qui soit plus doux ,
Ni plus certain de lui plaire ,
Que le souhait d'un Epoux .
V. D
E iij
LET
298 MERCURE DE FRANCE
XXXXX XXXXXXXXXX
LETTRE de M. d'Auvergne , Avocat en
Parlement, an sujet d'un Saint inconnu, et
des Fragments de la Chronique d'Helinand
, Moine de Froimont.
J
E ne sçai , Monsieur , par quel hazard
le Mercure de Fevrier m'avoit échapé.
Assurément je n'aurois pas differé tant de
mois , si j'en avois été plutôt instruit , à
répondre à l'invitation obligeante qui m'y
a été faite , ( p. 334. ) pat un Sçavant de
Bourgogne , de rechercher ce que l'on
croit ici de saint Nerlin , et ce qui reste de
de la Chronique d'Helinand.
Pour ce qui est de saint Nerlin , il est
entierement ignoré dans le Diocèse de
Beauvais. A la Tour du Lay même , dont
il passe néanmoins pour être le Patron
on n'en connoît autre chose que le nom :
Encore n'y a-t'il pas bien long- tems que.
le souvenir y en étoit entierement perdu .
On n'y reconnoissoit pour Patron qu'un
saint Robert , non pas celui qui a été
a été pre
mier Abbé de Cîteaux , et dont on fait
memoire le 29. Janvier , mais un autre
dont on celebroit la Fête le 21. Avril.
La reputation de ce dernier étoit mon-
>
tée
FEVRIER 1732 .
299
>
tée à un très - haut degré dans les environs
De même que l'Auteur de la Lettre sur ta
Secheresse , inserée dans le Mercure de
Septembre , paroft soupçonner que saint
Etienne a reçû , par préference aux autres
Bien-heureux , le don de faire distri
buer la pluye aux Pays qui lui en demandent
, on croyoit , dans les Paroisses
voisines de la Tour du Lay , que le prétendu
saint Robert avoit le privilege specifique
de guerir de la Fievre ceux qui
avoient la devotion de passer sous un
Tombeau qu'on prenoit pour le sien , et
de boire de l'eau d'une Fontaine qui se
conserve dans le Jardin du Prieuré. On
accouroit donc en foule pour faire très - serieusement
ces deux ceremonies.
Le bruit éclatant de ce culte engagea
M. de S. Agnan,alors Evêque de Beauvais,
à en prendre connoissance. Il donna la
commission à M. le Roy,Curé de Persan,
tant à titre d'homme Lettré,qu'en qualité
de Promoteur Rural du Doyenné , de faire
une visite dans l'Eglise du Prieuré du Lay.
De son côté , il fit faire des recherches à
l'Abbaye du Bec d'où dépend le Prieuré
; ce fut dans les Archives de cette Abbaye
que se trouva le nom de S. Nerlin.
Quant à la visite de M. le Roy , elle fut
à cet égard des plus infructueuses . Il me
E iiij man
300 MERCURE DE FRANCE
mande qu'il n'a pas découvert que l'on ait
jamais fait , en quelque jour que ce fût , ni
Office , ni Memoire de ce saint , et qu'il
n'y en a , ni Legende , ni Collecte. De
sorte, Monsieur , que sans le titre de fondation
du Prieuré, qui s'est trouvé à l'Abbaye
du Bec , votre sçavant ami auroit sçû
avant nous qu'il y a eu un saint Nerlin .
C'est aussi apparemment tout au plus ce
dont M. de Saint Agnan lui- même a bien
pû s'assurer.
Car 1 ° . dans l'Ordonnance qu'il a renduë
le 12. Novembre 1727. tant pour faire
cesser le culte du faux saint Robert , que
pour nous apprendre que ce Robert , de
qui est le Tombeau qu'on veneroit , étoit
un Moine crû fils du Fondateur ; ni dans
la Lettre Pastorale dont il a accompagné
son Ordonnance , il n'a pas indiqué de
jour de Fête pour saint Nerlin , ni de titre
sous lequel on dût l'honorer. Effectivement
on n'en fait point encore de memoire
; je me suis fait confirmer cela par le
Desservant du Prieuré , où , conformément
aux derniers Ordres , il n'y a plus
d'autre Fête de Patron que celle de la
Vierge , le jour de la Nativité.
2. L'Ordonnance insinuë que la fondation
du Prieuré a été faite sous l'Invocation
de la Sainte Vierge et de saint Neslin
FEVRIER 1732 301
lin conjointement. Et la Lettre Pastorale
porte que cette Eglise fondée par un
Comte de Beaumont petit- Fils de France
( peut-être faut-il dire arriere-petit - Fils )
ne reconnoissoit dans les premieres années
de son établissement d'autre Patron que
la Sainte Vierge , et que ce ne fut que
dans la suite qu'on y en ajouta un second
sous le nom de saint Nerlin , Ces deux exposez
renferment une contradiction ma
nifeste. Pour la lever , M. le Roi m'a renvoyé
à l'Abbaye du Bec : et j'y renvoye à
mon tour la Personne à qui je voudrois
pouvoir donner par moi- même de plus
grands éclaircissemens .
Il se pourroit faire que le nom du Saint ,
dont il est en peine , eut, comme bien d'au
tres , été alteré. Je ne parle point de la ci
tation que M. Eccard dans ses notes sur
les LoixRipuaires , p.2 14. a faite d'une histoire
intitulée ,Vita S. Nili. Qu'on en ait
fait saint Nilin , et par corruption saint
Nerlin , ce seroit peut être une conjecture
qui paroîtroit trop tirée. Mais je trouve
dans une Charte de 1072. qu'un Chanoine
de Compiegne qui étoit en même tems
un des deux Curés de saint Vaast de Beau
vais , s'appelloit Nevelon , et dans une
autre de 125o . que le Seigneur de Ronquerolles
portoit aussialors le même nom.
By 711
302 MERCURE DE FRANCE
Il y a d'autant plus de vrai - semblance que
c'étoit le veritable nom du Patron de la
Tour du Lay , que-le Village de Ronque
rolles n'est qu'à une lieuë de distance de
ce Prieuré. Ces deux Chartes sont à la
suite des Memoires d'Antoine Loisel sur le
Beauvaisis. Je passe à l'article d'Helinand.
Les Fragmens de la Chronique de ce
Moine , qui a fleuri au commencement
du treiziéme siecle , et qui est aussi méprisé
par Gabriel Naude(a ) que Vincent
de Beauvais , qui a néanmoins copié toutes
les fables d'Helinand , en est estimé
; ces fragmens , dis- je , se conservent
veritablement dans l'Abbaye de Froidmont.
Mais ils y sont d'une si mauvaise
écriture que le celebre Godefroy Hermant,
et un autre Chanoine de Beauvais son contemporain
et aussi amateur d'antiquitez
n'en ont presque rien pû déchifrer. Sans
doute , l'Exemplaire que le Pere Labbe
marque qui faisoit partie des Livres que la
Reine Christine de Suede a fait acheter en
France de M. Petau, Conseiller, étoit beaucoup
plus lisible..
Pour suppléer au défaut de ces deux Manuscrits
, qui ne peuvent être d'ailleurs
que très- imparfaits , puisque , dès le mi-
( a ) Apologie pour les grands hommes soupçonnér
de Magie, ch. 1. et 2-1.
lieu
FEVRIER. 1732. 353
و nous
lieu du même siecle dans lequel l'ouvra
ge a été composé , les differentes parties
en étoient déja toutes dispersées , ainsi
que l'assure Vincent de Beauvais
avons le Miroir Historial de ce dernier
qui y a fait entrer la meilleure partie de
ce qu'il a rassemblé de la Chronique d'Helinand
par qui il n'avoit été précedé que
d'assez peu d'années . Voilà apparemment
où le curieux anonyme a lû autrefois ce
que sa memoire lui rappelle d'effrayant
dans le de l'Akousmate d'Ansacq
genre
et ce qui , si on pouvoit y ajouter foi , seroit
propre à confirmer ce qu'il pense
que,comme saint Paul assure que l'air est
rempli de Démons , ils peuvent fort bien.
s'attrouper de tems en tems , pour faire un
carillon semblable à celui que l'on prétend
avoir entendu à Ansacq.
4
Le langagé d'une ancienne Traduction
Françoise du Miroir Historial sera beaucoup
plus convenable à l'ingenuité des
Histoires sur lesquelles Helinand fondoit
ce systême , que ne le seroit telle autre
Traduction que ce fût de l'Original Latin .
Voici donc un premier trait qui se trouve
au liv. 3. du Copiste d'Helinand , chapitre
12.
» Chrétien vit tout le Couvent ( de
» l'Aumône Ordre de Cîteaux ) être en-
Evj vironné
304 MERCURE DE FRANCE
>> que il y
"
>
» vironné des Diables , et étoient si grant
» multitude que ils couvroient tout quanil
y avoit entre le Ciel et la Terre.
» Et quant il les vit , il dit , Sire Dieu
que peut ce être qui pourra échaper ce
péril , et dont il oit une voix qui lui di-
» soit:Celui qui aura humilité pourra bien
» être délivré de toutes ces lats . Et un pou
» après vint une clarté du Ciel pardevers
» Orient. Et quant les mauvais esprits la
>> sentirent , ils s'évanoüirent , et ces glo-
» rieux qui étoient en l'aer en celle lumiere
»approcherent au lieu où ces Saints hom-
» mes étoient et le resplendirent du Soleil.
» Et en celle clarté apparut la Roine des
Anges , &c.
Jusques- là ce ne sont que des figures ,
et des figures de Démons qui ne donnent
de terreur que par leur aspect , mais quir
ne font point de tintamare. Plus bas les
ames des morts se mêlent avec les autres
esprits Aëriens. Si M. Pierquin avoit fçû .
ces faits , il les auroit peut - être mis en
usage dans la Dissertation qu'il a faite (a) .
sur le retour des ames. Quoiqu'il en soit,
voici d'abord , pour n'avancer que par degrès
, une simple apparition dans le goût
de celle dont M. l'Abbé de saint Pierre a
fait inserer le recit , avec son explication
(a) Journal de Verdun , Janvier 1729. -
Physiqu
FEVRIER . 1732 . 365
Physique, dans les Memoires de Trévoux
de Janvier 1726. L'histoire de cette an
cienne apparition est au chap, 118. du Li- \
vre cité de Vincent de Beauvais .
Il y est raconté que » Jean Chanoine de
» l'Eglise d'Orliens et ung Clerc nommê
» Noëlqui étoit dispensateur de son Hos-
» tel , avoient fait alliance en secret ,que le
» premier d'eux qui mourroit , se il povoit
>> reviendroit dedans trente jours à son
>> Compaignon . Et quant il se apparoîtroiť
à lui il ne lui feroit point de paour ,
>> mais l'admonesteroit souëf et bellement
» et lui diroit de son état. « Après cet exposé
, on fait ainsi détailler par le Chanoine
lui-même ce que son Clerc mort '
lui est revenu dire , avec l'équipage dans
lequel il l'á vû.
» Et la nuit prouchaine ensuivante ( la
>> mort de Noël ) ainsi comme je me répo-
» soye en mon lit veillant, et le lymeignon
>> ardoit devant moi en la lampe , car j'ai
>> toujours accoustumé à fuyr tenebres par
»> nuit, Noël mon Clerc vint et se tint de-
» vant moi , et étoit vestu comme il mesem-
» bloit et étoit advis, d'une chappe à pluye
» très - belle de couleur de plomb. Et je ne
» fus de rien épovanté. Et le congneu moult
» bien, et me prins à esjoyr de ce que il estoit
si hastivement revenu de oultre les
monts
306 MERCURE DE FRANCE
,
» monts et lui dis. Noël bien vienges tu ,
» n'est pas l'Archediacre revenu . Non
» dit- il , Sire , mais je suis revenu tout seul
ǝ selon la chose establie , car je suis mort;
w'n'ayez doubte , car je ne vous feray nulle
23 paour mais je vous prie que vous me
» secourez , car je suis en grans tourmens.
» Et pourquoi , dis je , vous vesquites assez
» honnestement avec moi ? et il dit , Sire ,
il est vray que il me fût moult bien seau-
»jourd'hui je n'eusse esté sous prins d'ire,
» et que je ne me fusse pas commandé aux-
» Diables. Je vous pry que vous admon-
» nestez à tous ceux que vous pouvez que
>> ils ne facent pas ainsi.Car qui se comman-
>> de aux Diables il leur donne puissance
>> sus soy , ainsi comme moi très-malheu-
>> reux fis. Car ils eurent tantôt puissance
» de moi noyer. Et pour ce suis-je seule-
» ment tourmenté , car j'estois bien con-
>> fez de tous mes pechiez et je rencheu ent
>> ce mal . »
Le traité d'entre le Chanoine d'Orleans
et son Clerc fut , comme on le voit , bien
mieux executé que celui des deux Ecoliers
de Vallognes dont il est parlé dans l'endroit
cité des Memoires de Trevoux . L'essentiel
de l'une et de l'autre convention
consistoit également dans la promesse que
celui qui mourroit le premier reviendroit
dire
FEVRIER. 1732% 307*
dire des nouvelles de son sort. Le petic
Desfontaines l'un des deux Enfans de Vallognes
ne tint parole que sur l'article du
retour , mais on eut beau lui faire des
questions , s'il étoit sauvé , s'il étoit damné
, s'il étoit en Purgatoire , si son Camarade
étoit en état de grace , s'il le suivroit
de prês , on ne pût pas le faire cesser de
conter ses avantures d'Ecolier , ni l'engager
à répondre sur les articles importants
pour lesquels seuls il avoit promis d'apparoître.
Ce procedé , comme l'a remarqué
M. l'Abbé de saint Pierre , n'est ni honnête
, ni digne d'un ami. La conduite du
Domestique d'Orleans fut bien plus civile
, et de bien meilleure foi . Il apparut ,.
non pas comme Desfontaines nud et à micorps
, mais tel qu'il avoit vêcu , et de plus
en habillemens somptueux de ceremonie,.
sans causer la moindre frayeur. Il rendit
un compte exact du triste état dans lequel
il étoit tombé. L'interrogeoit - on , il ré
pondoit à tout avec complaisance et avec
justesse. C'est son Maître qui l'assure
dans la suite de sa Narration .
» Et à donc je lui demanday.Comment as
»tu si belle Chappe; si tu es en tourmens?
>> Sire , dit - il , cette Chappe qui est si belle
» ainsi comme il vous est advis , m'est
plus pesante et plus griefve que une tour
se
368 MERCURE DE FRANCE
» se elle étoit mise sus moy , mais cette
beauté est l'esperance que j'ai d'avoir par
>>don pour la confession que je fis se j'ai
secours .... Et en se disant il s'évanouit
en pleurant
» J'ai dit cette chose » continue l'Auteur
de la Chronique dans le chapitre suivant
, " pour ce que il appère par ce dont
l'erreur de Virgile print son commence-
» ment des Ames des Trepassez que il ap-
» pelle Heroas , disant que ils ont celle
même cure , après la mort de Chevaux,
» de Chariots et d'Armes que ils avoient
» quant ils vivoient de laquelle chose ra-
>>comptoittrès certainement exemple.Eze
baudus , mon Parain , jadis Chambellan
» de Henry ( a ) Archevesque de Rheins.
Voilà l'évenement qui approche le plus
de celui d'Anfac.
DS
>> Si disoit ( Ezebaudus ) Monseigneur
l'Arcevesque de Rheims Monseigneur
>> si m'envoyoit à Arras. Et comme environ
midy nous approuchissions en un
» Bois moi et mon varlet qui alloit devant
>> moi et chevauchoit plustóst , afin qué
» il me appareille logis . Il oyt grant tu-
>> multe en ce Bois et aussi comme frainte
» de divers Chevaux et sons d'Armures
ct aussi comme voix de grant multitude
( a ) Fils de Louis le Grás
de
FEVRIER 17320 309
de force de Gens qui batailloient. Et donc
celui épouvanté retourna tantost à moi,
>> lui et son cheval.Et quant je lui demandai
» pourquoi il retournoit , il repondit . Je
» ne puis faire ne pour verge,ne pour espe-
>> ron que mon cheval passe oultre. Moy et
» lui sommes si espoventés que nous n'o-
» sons passer oultre. Car j'ai veu et ouy
» merveilles. Car ce Bois est tout plein de
>> Diables et de Ames des Trespassez, car je
>> les ai ouys crier et dire. Nous avons ja en
»nostre compaignie le Prevost d'Aire et
>> nous aurons prouchainement l'Arceves-
» que de Rheims. Et je respondi à ce. Fai-
»son le signe de la Croix et passon outre
>> hardiement. Et comme je alloye devant
» et je venisse au Bois , ces Ombres s'en
» estoient ja allés et toutesfois oi jeaucunes
voixconfuses , et frainte d'Armes et fre-
>> mir de Chevaux , mais ne je ne vi les *
» Ombres , ne je ne pû entendre les voix.
» Et quant nous retournasmes de là , nous
» trouvasmes ja l'Arcevesque qui tiroit à
» sa derniere fin , ne depuis que ces voix
» furent oyes il ne vesquit que xv . jours . «<
Telle est la conclusion de l'histoire ,
ne reste plus qu'à rapporter la consequen
qu'en tiroit Helinand. La voici .
» Et de la apparoit il quels les Chevaux
sontsusquoi les Ames des Trepassez chevauchent
310 MERCURE DE FRANCE
>> vauchent aucunes fois, car ce sont Diables
qui se transforment en Chevaux . Et
>> ceux qui sont dessus sont très male curées
Ames chargées de pechiez aussi comme
» d'aucunes Armures et d'Ecus et de Heaumés,
mais à la verité de la chose ils sont
»ainsi enlaidis de leurs pechiez et char-
» giez de telle chose selon le dit du Pro-
» phete. Ils descendront en Enfer avec
» leurs Armes . C'est - à - dire avec leurs
» membres , car ils firent Armes de iniqui-
» té en pechié , et ne les voulurent pas
و
faire Armes de droiture en Dieu. Il est
» certain que le Cheval est beste orgueil-
» leuse et fiere , et convoiteur de dissen-
> tions et batailles , chault en Luxure et
» puissant , et les Diables transformés en
» Chevaux , signifient que ceux qui sicens
se esjoyssoient au Monde en telles mau-
>> vaistiés. «<
Si cela étoit il faudroit croire que les
Morts dont les Ames se sont rassemblées
à Ansacq avoient mené une vie plus tranquille
, moins ambitieuse et moins agitée
que ceux dont les Ombres se sont depuis
fait entendre vers laSuisse. Le bruit de ceux
ci ressembloit à une bataille des plus acharnées.
( a ) Avec les autres au contraire on
n'a entendu ni Armes ni Chevaux ; ils ne
( a) Merc. de Decembre 1730. Vol. 2. p. 2839. '
faisoient
FEVRIER. 1732 311
faisoient que causer , rire et jouer des Instrumens.
( b )
Des Manes dont l'occupation est si gracieuse
et si réjoüisante font vraisemblablement
une classe diferente de ces Lar
ves ou Estries qu'Helinand decide ailleurs
n'être autre chose fors l'Ombre des Ames
damnées ou des malins Esprits , qui , selon
se quedit Saint Hierome , ontde nature d'espoenter
petits enfans et de murmurer en liew
tenebreux.
Ces Larves , Larva , sont rendus dans
les anciens Dictionnaires par le mot de
Loups - Guroux qu'Etienne Pasquier n'a
pas oublié,fet dont les Nourrices fontencore
des histoires. Il en trouve une semblable
dans Vincent de Beauvais , liv. 2.1
ch. 96. Elle pourra servir à l'instruction
de l'Anonyme , qui dans le premier volume
du Mercure de Juin ( p. 1344. ) demande
l'origine de plusieurs Proverbes et
entr'autres de celui, connu comme le Loup-
Gris.
"
Je me remembre bien » dit Helinand dans
» l'endroit cité ce que j'ai oui compter ,
» quant j'estois enfant de plusieurs que
»pour verité il estoit Villain du Terung
» roüer deBeauvais à qui saFemme lavoit las
» testequi vosmit hors par la bouche une des
( b ) Ibid. p. 2807. et suiv.-
joinctures
312 MERCURE DE FRANCE,
joinctures de la main d'un Enfant. Et
>>l'opinion du commun du Pays estoit que
» il avoit esté transformé löng - tems en
>> Loup et celle opinion fut confirmée par
»le vomissement des membres de l'En-
>>fant. «<
Je n'extrais plus de cette Chronique
qu'un dernier fait plus vrai- semblable par
la conformité qu'il a avec deux autres que
MM.de S. André et Doison ont attesté et
expliqué , l'un dans ses Lettres sur les Malefices
p. 221. et l'autre , aux Memoires de
Trevoux du mois d'Avril 1725 .
Ces deux Medecins ont publié qu'une
Fille d'Orbec & une Religieuse de Tournay
avoient rendu par les jambes , par la
poitrine , par la Gorge,par le dessous de
Foreille , une grande quantité d'Epingles.
Vincent de Bauvais,liv . 28.c.126. rappor
te d'après Helinand , que de son tems on
avoit vû sortir du bras d'une Fille de saint
Simphorien, au Diocése de Lyon , plus de
trente Aiguilles de fer,ausquelles succederent
pendant plus d'un an de petites Broches
de bois . La difference entre ces trois
Histoires ne consiste gueres que dans le
merveilleux. Dans la Religieuse de Tour
nay les Epingles laiffent chacune leur
playe. Dans la Fille de Lyon , ainsi que
dans celle d'Orbec , à peine les Aiguilles
étoient
FEVRIER. 1732. 313 .
étoient elles hors du bras ou de quelque
autre endroit du corps qu'on ne voyoit
plus par où elles étoient échapées. L'une
avoue qu'elle a plusieurs fois avalé des
Epingles. Chez les autres , l'accident étoit
l'effet de la Magie de deux Sorciers que
l'on connoissoit bien . Si cette opinion n'a
pas eu l'approbation de M. de saint André
, du moins elle a emporté le suffrage
du bon Hélinand.
Pour revenir au Phénomene d'Ansacq,
Gaffarel,aux chap . 3. et 12. de ses Curiosi
tez inoüies , en réunit un affez bon nombre
d'à-peu-près semblables à celui- là , et
il en distingue de deux sortes . Les uns
formés exprès par le Souverain Etre pour
nous avertir de quelque désastre prochain .
Les autres qui , suivant l'explication que
divers Physiciens en ont faites dans le
cours de cette année , ne viennent que de
la disposition fortuite de l'air et des nuës.
Le bruit d'Ansacq , s'il a été réel , ne
pourra être rangé que dans la derniere de
ces deux classes , puisque nous ne l'avons
vû suivi d'aucun évenement d'importance
dont on puisse dire qu'il ait été le présage.
Je suis , Monsieur , &c.
A Beauvais , le 13. Decembre 1731,
Co
14 MERCURE DE FRANCE,
1
Ce que vous avez inseré dans le Mercure
d'Octobre p. 2399. qu'il s'est vû à
Orleans une grappe de Raisins , moitié de
grains noirs et moitié de grains blancs, en
parfaite maturité,est extraordinaire , mais
l'exemple n'en est pas unique. Le hazard
m'a fait tomber sous la main aux Vendanges
dernieres, dans la Vigne d'un Chateau
qui n'est qu'à une lieuë d'ici, une grappe
mi-partie de Raisin noir & de Raisin gris,
aussi parfaitement mûr.
On a dû expliquer l'Enigme du Mercu
re de Janvier par le Bissac d'un Chasseur.
Les mots des deux Logogryphes sont Com
merce et Mensis.
XX:XXXXXXXX-XXXXX
Fille
ENIGM E.
' Ille d'un animal belant
Je suis d'une figure ronde ,
Je n'ai ni pieds, ni mains , et, quoique sans talent,
Je suis utile à tout le monde ;
Par une injuste loi du sort
A mon Pere je suis funeste
Je n'existe que par sa mort ;
J'en suis le déplorable resteg
Sans
FEVRIER
1732 315 :
Sans -Lettres , sans étude, avec plus d'un Docteur
Je veille quelquefois du soir jusqu'à l'Aurore ;
Mais je perds toute ma splendeur ,
Quand je vois le grand jour éclore ;
Devine qui je suis , benevole Lecteur.
XXXXXXXXXXXXXXXXX
LOGOGRIPHE.
MoOnn-nnoomma fait trembler Paris
J'ai même vú ma tête à prix :
Je fus depuis Heros de Comédie ,

Le Monde apprit par là l'histoire de ma vie,
Je suis encor propre au Soldar.
En tout tems , dans la Ville , en Campagne , a
Combat.
Tranche mon dernier tiers , je presente une Fille,
Connuë à l'Opera , fort tendre , et fort gentille,
Rends moy vite dans mon entier •
› De mes tiers tranche le premier
Et fais ce que fait un bon Maître ,
C'est le seul moyen de connoître ,
Si le corps quel qu'il foit , est dur , mol , froid
ou chaud.
Dans ma totalité remets moi de nouveau ;
Je suis connu du Genealogiste ,
Le Peintre m'a fait naître , et sans que je resiste,
L'Architecte m'ordonne et dispose de moi ,
Contraint
316 MERCURE DE FRANCE
Contraint d'obéir à sa loy ;
2 j
Autrefois dans un corps aussi fameux qu'habile
Mon premier tiers tout seul causa tant de debat ,
Que sans avoir égard à son ancien état ,
On voulut le chasser comme membre inutile,
La Font.
SECOND LOGOGRYPHE.
Mon corps est singulier dans toute sa figure,
En plus de six endroits une ronde ouverture
Sur ligne parallele est à chaque côté.
Parlà passe et repasse une sérosité.
Jemarche sur huit pieds , rangez de telle sorte ;
Qu'en retranchant les trois qu'à la tête je porte ,
Si vous les renversez , je désigne un tyran ,
Le Aéau des Humains , et vrai fils de Satan.
Le reste de mes pieds est le nom de la chose
Que devient aux Corbeaux un pendu qu'on expose.
Coupez mon tout en deux par sa derniere part
Je suis Ville Picarde : ôtez son premier quart
Me voilà sur le champ un animal qui vole ,
Et dont la voix jadis sauva le Capitole.
Si tous ces traits , Lecteur , ne sont pas suffisans ,
Je vais me démasquer par les chiffres suivans .
Je me métamorphose en plus d'une maniere.
Un,
FEVRIER. 1732. 317
Un , deux , trois , quatre et huit , je porte la lumiere.
Otez quatre , je suis moitié de l'instrument
Qui fit périr Henri par la main de Clement.
Un , deux , cinq , trois et huit
fougere .
souvent sur la
J'ai des fieres Beautez désarmé la colere.
Si je suis cinq , six , sept , plus d'un flateur me
suit.
Le désir de six , cinq , gâte deux , trois et huit .
Cinq , deux , sept huit , je suis employée en
cuisine.
Huit , six , un , huit , sur trois , huit et cinq je
domine.
Deux, sept, marquent un lieu connu par ses bons
vins ,
Un, sept, cinq , huit , pour vous,mes accens sont
Divins ,
Mortels qui cherissez les concerts du Parnasse.
L'été ; six , cinq , trois , huit, les Dimanches j'a
.. masse
Troupes de Paysans pour leurs champêtres jeux.
Cinq , six , trois , huit , je suis Ville de nom fameux
.
Etant trois , six , cinq , huit , j'ai la prérogative
Qu'à me vouloir blanchir on perdroit sa lessive .
Trois , deux , cinq , un , sept , font un jardin
• curieux ,
-Sur les bords de la Seine habité par des Dieux .
F NOV618
MERCURE DE FRANCE
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c,
ISTOIRE DES ROIS DE CHYPRE
Hde la Maison de Lusignan . Et des
{
differentes guerres qu'ils ont eues contre
les Sarazins et les Genois . Traduite de l'Italien
du Chevalier Henry Giblet , Cypriot
, 2. vol. in 12. avec une Table des
Matieres. A Paris , chez André Cailleau ,
Place du Pont S. Michel, à côté du Quay des
Augustins , à saint André : et Guillaume
Saugrain, Quay de Gêvres , à la Croix blanche.
1732.
- L'ouvrage que nous annonçons meritoit
bien d'être traduit en notre Langue,
Il a été composé en Italien par un Cypriot,
plus en état par consequent que bien d'au
tres de donner une Histoire éxacte de ces
anciens Maîtres de sa Patrie. Elle contient
11. Livres écrits avec toute l'attention
la netteté de stile , et la précision possible,
L'Auteur n'a pas eu besoin comme tant
d'autres Historiens d'avoir recours à des
faits étrangers , et à des digressions bien
amenées pour rendre son histoire interessante.
Il ne dit de l'histoire des Peuples
voisins,
FÉVRIER 1732. 319
voisins , ou même des autres Etats , que
ce qu'il est necessaire d'exposer pour la liaison
des faits qu'il rapporte , et pour l'ordre
de sa narration . Il étoit assez riche de
son propre fonds sans aller chercher ailleuts
des ornemens et des richesses , qu'il
trouvoit dans la suite des évenemens qui
ont illustré la vie de ses Rois.
Nous serions tentez de donner une idée
de chaque Livre de cette histoire tant elle
est interessante , et tant elle fait voir
combien un petit Etat peut montrer de
grandeur , et acquerir de gloire , selon
qu'il est bien gouverné , mais cela nous
meneroit trop loin. Les seuls Rois de la
Maison de Lusignan à laquelle l'Auteur a
borné son histoire , ont soutenu leur petit
Royaume avec tout l'éclat et tout
l'honneur que de puissants Princes ont pû
meriter dans le gouvernement de grands
Royaumes , et avec des forces considerables.
Plusieurs de ces Rois ont recueilli par
droit de succession les Royaumes de Jerusalem
et d'Arménie ; mais il semble que
la Providence n'ait voulu réunir ces trois
Couronnes en une seule que quand Jerusalem
et l'Arménie étoient déjà passées
sous la domination des Infideles . On compte
quinze Rois de cette Maison , dont le
dernier mourut en bas âge.
Fij Α
320 MERCURE DE FRANCE
A ce que nous avons deja dit de la netteté
et de la précision avec laquelle cette
Histoire est écrite , nous ajouterons que
l'on remarque un grand ordre dans l'arangement
, et l'enchaînement des faits que
'Historien rapporte , sans tomber pour
cela dans l'ennuyeux et le fatigant défaut
des Annales. On admire encore par tout
une sage retenue dans l'Historien , lorsqu'il
touche les Puissances : il y parle toujours
respectueusement des Rois , lors même
qu'il en rapporte les fautes ; qualité trèsestimable
dans un Historien qui sçait
rendre aux Puissances un honneur du et
légitime : il est plus d'un Historien , même
parmi ceux que l'on estime davantage
, qui sont tombez dans le défaut oppofé.
>
LETTRE à Madame T. D. L. F. sur
M. Houdart de la Motte de l'Acadé
mie Françoise . A Paris , chez Chaubert ,
à l'entrée du Quay des Augustins, du côté du
Pont Saint Michel , à la Renommée et à la
Prudence 1732. Brochure in 12 , de 28 ,
pages.
Ce petit ouvrage est un hommage rendu
à M. de la Motte par un ami plein
de zele pour sa memoire , mais en même
tems exempt de partialité et de prévention
FEVRIER . 1732 321
.
·
tion . Nous croyons qu'on y trouvera
des loüanges fines et délicates , une critique
judicieuse et approfondie , un stile
élegant et précis , et beaucoup de talent
pour un genre d'écrire très difficile ,
qui a pour objet les choses de sentiment et
de goût et dont le but est d'éclaircir et de
fixer , s'il est possible , les idées sur cette
matiere en remontant jusqu'aux principes
des agrémens . L'Auteur après une idée
generale du caractere de M. D. L. M. examine
les differens jugemens qu'on a portés
de ses ouvrages ,et il en cherche les raisons.
On l'a beaucoup loüé ; on l'a beauboup
critiqué ; on a beaucoup parlé de
lui , en un mot M. D. L. M. a été un
objet important pour son siecle , preuve
decisive d'un merite superieur . Mais il n'y
a point de mérite parfait , et l'Auteur est
bien éloigné de ne reconnoître aucun défaut
dans son illustre Ami. Il ne s'est pas
même contenté là- dessus d'un aveu general
, il entre dans un détail raisonné , et il
y a lieu de croire que son jugement fera
celui de la posterité. Il finit par nous peindre
M. D. L. M. tel qu'il étoit dans le
commerce de la vie et dans la société. Le
portrait est bien propre à faire regretter
,
aux uns de ne l'avoir pas connu , aux autres
de l'avoir perdu , ou plutôt à renou-
Fiij veller
322 MERCURE DE FRANCE
1
veller leurs regrets , mais à les renouveller
avec une sorte de douceur et de plaisir; et
il justifie en même - tems la part qu'avoit
l'Auteur à son estime et à son amitié.
Pour peindre si parfaitement M. D. L. M.
il faut lui ressembler beaucoup. Cet ouvrage
est de M. l'Abbé Trublet.
L'ARGENIS de Barclai , Traduction
nouvelle. Par M. l'Abbé Josse , Chanoine
de Chartres , 3. vol . in 12. AChartres,
chez N. Besnard 1732. et se vend à Paris,
chezGuerin le Jeune ,Quay des Augustins .
Cette Traduction n'a rien de commun
avec l'Argenis , Roman heroïque qui parut
en 1725. Il étoit imaginé sur un plan
nouveau, on n'y trouvoit plus l'économie
du Roman de Barclai. Les discours politiques
en étoient retranchez et la Poësie
dont ce Roman est semé en étoit absolument
suprimée . Ces considerations, loin
d'arrêter M. l'Abbé Josse , n'ont fait que
l'exciter davantage à nous donner une
vraye et entiere Traduction de l'Argenis :
le Public y lira avec plaisir la Poësie que
le nouveau Traducteur a renduë en notre
Langue avec toutes les graces et l'énergie
du Latin ; l'Imprimeur de son côté n'a
rien épargné pour faire une belle Edition
FEVRIER . 17320 323
L'ART D'ELEVER LA JEUNESSE , selon
la difference du Sexe , des âges et des conditions
, en suivant les principes de la Religion
, de la Politique et de l'Economie .
A Paris , chez Antoine Gandouin , Quay
des Augustins ; Barth. Laisnel , rue Saint
Jacques ; J. B. Lamefle ,ruë de la vieille Bouclerie
; et Alex. Mesnier , au Palais 17328
OBSERVATIONS DE CHIRURGIE auxquelles
on a joint plusieurs Reflexions en
faveur des Etudians. Par Henri- François le
Dran, de la Societé Académique des Arts ,
Chirurgien juré à Paris , ancien Prevost de
sa Communauté et ancien Chirurgien
Major de l'Hôpital de laCharité, Demonstrateur
en Anatomie dans le même Hopital.
A Paris, chez Ch. Osmont , ruë Sainë
Jacques 1731. 2. volumes in 12.
DISSERTATION sur les differentes methodes
d'accompagnement pour le Clave
cin , ou pour l'Orgue , avec le plan d'une
nouvelle Methode établie sur une mechanique
des doigts que fournit la succession
fondamentale de l'harmonie , à l'aide de
laquelle on peut devenir sçavant Compositeur
et habile Accompagnateur , même
sans sçavoir lire la Musique. Par M. Raeau
, chez G. D. David , ruë de Hure-
Fiiij poix
324 MERCURE DE FRANCE
poix ; Boivin ; rue Saint Honoré ; et le
Clerc , rue du Roule. Prix 3. liv.
ne ,
TRAITE' DES DIXMES EN GENERAL , suivant
laJurisprudence ancienne et moderétablie
et confirmée tant par les Ordonnances
, Lettres Patentes , Edits , Déclarations
et Arrêts du Conseil , que par
les Arrêts et Reglements rendus dans les
differens Tribunaux , conformément aux
Coutumes du Royaume. Par M. L. M. A
Paris , chez Mouchet , au Palais, 1731. 2 .
volum. in 12. pp. 919.
TRAITE' DE L'ESPERANCE CHRETIENNE,
contre l'esprit de pusillanimité et de
défiance , et contre la crainte excessive.
Chez Phil. Nic. Lottin , rue S. Jacques ,
vol. in 12 , pp. 443. prix 2. liv.
TRAITE' DU LIBRE ARBITRE et de la
concupiscence ; Ouvrages pofthumes de
M. Jacques Benigne Bossuet , Evêque de
Meaux Conseiller du Roi en ses Conseils
, et ordinaire en son Conseil d'Etat ,
Precepteur de Monseigneur le Dauphin ,
premier Aumônier des deux derniers
Dauphins. A Paris , chez Barth. Alix ,
rue Saint Jacques 1731. in 12. pp . 218.
Depuis
FEVRIER . 1732 325
Depuis les trois feuilles des Reflexions
diverses , il en a paru plusieurs autres :
dans une quatriéme feüille , sur la maniere
de reprendre les hommes pour les corriger ,
&c.
C'est unart tres- difficile dans la Théorie
, dit l'Auteur , et tres - pénible dans la
pratique, que celui de reprendre les hommes
à propos ; le soin de les étudier sans
cesse , l'attention continuelle à saisir les
circonstances favorables , pour placer des
avis qui puissent avoir l'utilité qu'on se
propose ; les dégouts du peu de progrez
que l'on fait , les chagrins que donnent
les travers de celui qu'on veut corriger
il n'y a qu'une générosité extraordinaire,
ou une forte inclination , qui puisse faire
entreprendre de vaincre tant de difficultez.
Le penchant que nous avons à juger de
nous favorablement , nous fait méconnoître
nos ressemblances , si elles ne sont
tout-à - fait marquées . Lorsqu'on nous represente
des défauts qui surpassent de
beaucoup les nôtres ; au lieu de chercher
à nous corriger , nous nous applaudissons
de ce prétendu avantage. Cet inconvenient
me fait juger qu'il y a peu de Piéces
de Théatre qui soient propres à réformer
les moeurs ; la plupart des carac-
F v teres
326 MERCURE DE FRANCE
teres en sont si chargez , qu'ils n'offrent
que des vertus au dessus de la force humaine
, ou des vices rares à trouver. Ce
n'est point icy le lieu de décider si celles
de ces Pieces , qui approchent le plus du
vrai-semblable , ne sont point aussi les
meilleurs ; mais il est constant qu'elles
nous sont plus profitables , étant plus à
notre portée. Je ne voudrois pourtant
pas assuter que les évenemens de la Tragédie
ne détournent l'attention de la Mo
rale , et que la plaisanterie continuelle
qui regne dans la Comédie , ne lui ôte
de son poids ; on ne met guere
de concurrence
entre le plaisir de s'attendrir ou
de rire , et l'embarras de refléchir sur
soi- même.
L'un des plus grands fleaux du vice et
du ridicule , c'est sans doute la Satyre ,
lorsqu'elle est bien maniée. Dans ce genre
d'ouvrage tout est direct et tout tend
à un but principal , qui est d'instruire et
de corriger il rassemble toute l'attention
sur un même objet ; au contraire
de la Comédie , qui l'affoiblit en le partageant.
Son Stile plus, vif et plus serré
fait une impression plus forte et plus durable.
La plupart des hommes ont besoin
d'être frappez avec vigueur , pour sortir
de l'assoupissement ou de l'indolence.
QuoiFEVRIER
. 1732. 327
Quoique la Comédie demande plus de
talens que la Satyre , peut- être que les
ouvrages d'Horace et de Juvenal , ont
plus contribué aux bonnes moeurs et au
goût de ceux de Plaute et de Terence , et
que la même chose est arrivée parmi nous
à Despreaux et à Moliere , &c.
Quelle leçon ne doivent pas tirer de
là quelques- uns des Auteurs qui écrivent
aujourd'hui ? particulierement ceux dont
l'état semble demander plus de douceur
et de modération ; les invectives dans un
homme qui reprend l'erreur , sont des
marques d'un esprit injuste ou d'une mauvaise
éducation ; ne sçauroit - on relever
des fautes sans abattre ceux qui les commettent
et pour prendre le parti de la
verité ou du bon sens , faut-il s'éloigner
de l'un et de l'autre ?
Il n'y a rien de si ennuyeux et de moins
instructif que ces Ouvrages pleins de fiel,
ou un Auteur emporté , veut vous faire
entrer dans ses vûës et dans ses ressentimens
; ces sortes de productions , bien
loin de corriger les hommes , ne servent
qu'à leur gâter l'imagination ; quand même,
par une supposition hazardée , il s'agiroit
de soutenir le parti de la verité. Elle
n'a que faire de ces dffenseurs furieux ; ils
la de honorent par leurs emportemens, et
lus donnent l'air du mensonge.
F vj Cex328
MERCURE DE FRANCE
Certains esprits nez malins et envieux ,
sous le spécieux prétexte de déclamer
contre les vices , cherchent continuellement
à déchirer et à nuire. De - là viennent
ces Satyres sanglantes , qui souvent
attaquent le merite même ; supposé qu'il
se trouve de l'esprit dans ces sortes de
Pieces , ( ce qui arrive tres - rarement) c'est
un talent bien malheureux que celui qui
ne sçait se produire que par de si méchans
côtez , et qui ne peut ni instruire ni amuser
les honnêtes gens.
LES DE'SESPEREZ , Histoire héroïque ,
nouvellement traduite de l'Italien , du celebre
Jean- Ambroise Marini , sur la 10
Edition de Venise , ornée de figures en taille
douce. A Paris , Quai de Gesures , chez
P. Prault , 1732. 2 vol. in 12 .
DISSERTATIONS Sur les Questions qui
naissent de la contrariété des Loix et des
Goûtumes. Par M. Louis Boullenois , an-.
cien Avocat au Parlement. A Paris, chez
Alexis Mesnier , rue Saint Severin . 1731 .
in 4.
Jean Vanden Kicboom , à la Haye , dé
bite la Traduction Françoise que M. de la
Monnerie a faite du Poëme Latin du celeb
FEVRIER. 17320 329
lebre Marcel Palingenius , intitulé le Zo
diaque de la vie , ou Preceptes pour diriger
la conduite et les moeurs des hommes. 1731 .
in 12.
Livres nouvellement reçus des Païs
Etrangers qui se trouvent chez Cavelier,
Libraire , ruë S. Jacques , au Lys d'or.
.
Tentamina experimentorum naturalium
captorum in Academia del Cimente ,
sub auspiciis Leopoli Etruriæ Ducis
ex Italico in Latinum conversa , quibus
nova Experimenta addidit Musschembrock.
4. cum Figuris, Lug. Bat. 1731 .
Abregé Chronologique de l'Histoire d'Angleterre
, avec des Notes , 7 vol. in 12 .
Amst. 1730.
Pontas (Jo. ) Dictionarium Casuum Conscientiæ
, seu præcipuarum Difficultatum
circa Moralem et Dissiplinam Decisiones
. Tom. I.fol. Luxemburgi . 1731.
Bibliotheque Germanique. Tomes 20 , 21 ,
et 22. in 8. A Amst. 1731 .
Bibliotheque Italique , ou Histoire Litteraire
de l'Italie. Tomes X. et XI. in 8.
Genéve. 1731 .
Briasson , Libraire , à la Science , ruë
S.Jacques, a aussi receu d'Hollande divers
Livres
330 MERCURE DE FRANCE
Livres , dont il distribuë un Catalogue ;
il y a entre autres :
Les Memoires , Actes et Negociations pour
servir à l'Histoire du dix- huitiéme siecle,
tomes 9 et 10 , in 4. La Haye. 1732.
Introduction à l'Etude des Sciences et belles
Lettres , pour ceux qui ne sçavent que
le François, par M.de la Martiniere , in
12, La Haye. 1731.
Thucydidis , Opera omnia græcè et latinè
, cum Notis et Variantibus , Editio
novissima , fol . Amstelodami. 1732.
La Theologie Physiqué, par M. Derhame,
nouvelle Edition augmentée. Roterdam .
1731.
BIBLIOTHEQUE raisonnée des Ouvrages
des Sçavans de l'Europe , 1er et 2 parties.
contenant les 6 premiers mois de l'année
1730. vol. in 12. de 480 pag. A Amsterd.
chez les Wetsteins et Smith. 1730.
THEOCRITE traduit en Vers Italiens ,
par M. Dom Regolotti , Romain et Professeur
en Poétique et en Langue Grecque
dans l'Université Royale de Turin. A Turin
, chez J. B. Chais , Imprimeur et Libraire
de S. M. 1729. in 8. pag. 295. Y
comprise l'Epître dédicatoire à S. A. R.
Charles
FEVRIER. 1732. 33
Charles Emanuel , Prince de Piémont
& c. Tout l'Ouvrage est en Italien.
و ت
L'ETAT ET LES DELICES DE LA SUISSE.
en forme de Relation Critique , par plusieurs
Auteurs celebres , enrichi de Figutes
en taille douce , dessinées sur les lieux,
et de Cartes Géographiques tres - exactes
en 4 vol. in 12. A Amsterdam , chez les
Wetsteins et Smith . 1730.
TRAITEZ GEOGRAPHIQUES ET HISTORI
QUES , pour faciliter l'intelligence de l'Ecriture
Sainte , par divers Auteurs celebres.
A la Haye , chez Gerard Vander
Poel. 1730. 2. vol. in 12. 1.tom, pag.314
et 325 , pour le 2d.
DISSERTATION SUR LE MENSONGE , par
M. Saurin , Ministre de l'Eglise Françoise
de la Haye . 2de édition . A la Haye , chez
Pierre de Hondt. 1730. in 8. pag. 56.
2de Partic. LETTRES PHILOSOPHIQUES Sur
la formation des Sels et des Cristaux , et
sur la Generation et le Mecanisme organi
que des Plantes et, des Animaux ; à l'occasion
de la Pierre Belemnite et de la
Pierre Lenticulaire ; avec un Mémoire sur
la Théorie de la Terre . Par M. Bourguet.
A
332 MERCURE DE FRANCE
A Amsterdam , chez François Lhonoré.
1729. in 12. de 220 pag. pour l'Ouvrage ,
et de 44 pour l'Epître dédicatoire et la
Préface.
HISTOIRE MODERNE , ou Etat present
'de tous les Peuples du Monde , &c . Traduit
de l'Anglois de M. Salmon , enrichi
de Remarques , de Cartes Géographiques
et figures en Taille douce. Tome I.
premiere Pattie , contenant une Description
de l'Etat présent de l'Empire de la
Chine. A Amsterdam , chez Isaac Tirion ,
1730. grand in 8. de 276. pages , sans les
Préfaces et la Table .
Dans la composition de ce Tableau du
Genre humain , l'Auteur traite de chaque
Peuple ou Etat dans dix Chap. sçavoir :
1. La situation et étendue de chaque
Royaume ou Etat particulier ; les diverses
Provinces dans lesquelles on divise chaque
Etat en particulier ; avec une Description
exacte des principales Rivieres , Canaux ,
Lacs et Fontaines qui les arrosent.
2. Les Villes , Forteresses , Palais , Bâtimens
publics , Maisons et Meubles.
3. Le genie , le temperamment , la taille ,
les inclinations , l'air et l'habillement de
chaque Peuple en particulier , avec leurs Festins
leurs Divertissemens , leurs Fêtes, leurs
Visites
FEVRIER. 1732. 333
> Visites , leurs Ceremonies leurs Chemins
publics , leurs Postes , leur maniere de voya
ger et de transporter les Marchandises.
4. Leurs Manufactures , leur Commerce
et leur Navigation.
5. L'Agriculture , le Labourage , la Nature
des Terres , les Plantes , les Animaux
et Mineraux.
6. Leurs Sciences , leurs Charges , leurs
'Arts Liberaux et Méchaniques , leur Langue
, leurs Lettres , leur Histoire , leur Chronologie.
7. La Cour du Prince , les Revenus , les
Forces , les Prérogatives , la Succession à
la Couronne , les Cours de Justice , les Magistrats
, les Loix , Coûtumes et Punitions
les Monnoyes , les Poids et Mesures.
3
8. La Religion , les Temples et les Superstitions.
9. Les Mariages , les femmes mariées et
les filles , les enfans et les Esclaves.
10. Les Funerailles , le deuil , les Sépulchres
, & c.
Cet immense Projet , qui n'avoit encore
été entrepris par personne , sera ,
dit-on ici , encore mieux executé dans la
Traduction Françoise , parce qu'on y a
fait plusieurs Remarques et même des
Additions , tirées d'Auteurs estimez , et
qui avoient échappé à l'Auteur , M. Salmont
334 MERCURE DE FRANCE
mon lui-même et à M. Goch , qui avoit
déja enrichi de Remarques la Traduction
Hollandoise.
On apprend dans les Nouvelles Litte
raires de la premiere Partie de ce Volume
, que les Jardiniers du voisinage de
Londres , ont formé une Societé pour se
perfectionner dans leur Art , ce qui est
une chose extrémement loüable , et qui
devroit être imitée. Ils s'assemblent tous
·les mois à Chelsey et se communiquent les
Plantes et les Fleurs de la saison , et recherchent
leurs proprietez et la maniere
de les cultiver. Ils s'attachent sur tout
à celles qu'on kur envoye des Pays Etan--
gers, particulierement des Indes, et qu'ils
ont trouvé le moyen d'élever dans ce climat.
Ils tiennent Registre de leurs Observations
; et comme plusieurs personnes
de consideration se plaisent à cette
espece d'étude , on les a engagez à rendre
ces Observations publiques. Eiles feront
quatre petits volumes in folio . Le
premier paroît actuellement sous ce titre :
Catalogue des Arbres , des Arbrisseaux
des Plantes et des Fleurs , tant étrangeras
que domestiques , qu'on éleve pour vendre ,
dats les Jardins proche de Londres ; divisé
en plusieurs Livres ou Parties , où les
Plantés sont rangées par ordre alphabe-
>
tique
FEVRIER. 1732. 339
tique. On y a ajoûté le caractere des genres
, et toutes les especes particulieres
qu'on trouve dans les Pépinieres près de
Londres , et la maniere de les cultiver .
Ce volume contient 21. Planches enluminées.
*
L'Ouvrage sera plus curieux et beaucoup
plus utile que ce que prépare M.Sale,
Avocat , suivant les mêmes Nouvelles
Litteraires , page 229. sçavoir , une Traduction
Angloise de l'Alcoran , faite sur
l'Original , avec des Remarques , &c.
malgré la vaine et témeraire confiance.
qu'il fait paroître , en disant qu'il n'y a
que les Protestans qui puissent combattre
le Mahometisme avec succès. Il met le
comble à l'égarement , quand il ajoute
que c'est à eux que la Providence a réservé
la gloire de le détruire .
Les Nouvelles Litteraires de la seconde
Partie du même Tome , contiennent
un article qui mérite d'être rapporté. De
Londres. L'ancien Langage Arménien est
presque inconnu en Europe ; à peine estil
entendu des Arméniens modernes. La
Version Arménienne de la Bible , faite
environ l'an 420, avec beaucoup de fi
delité et d'exactitude , ne se trouve dans
* Nom imposant qui ne signifie rien. Ce Traducteur
a-t'il va l'Original de l'Alcoran ? &c.
aucune
>
336 MERCURE DE FRANCE
aucune Polyglotte . Il y a plusieurs autres
Livres dans cette Langue qui méritent
d'être connus. Deux fils de M. Whiston ,
se proposent d'en publier quelques- uns.
Ils ont fait fondre exprès des Caracteres
Arméniens , et ils vont commencer par
le Livre suivant : Mosis Choronensis Historia
Armenica Libri III. Accedit ejusdem
Scriptoris Epitome Geographia. Armeniacè
ediderunt , Latinè verterunt , notis illustrarunt
Guillelmus et Georgius , Gul.
Whistoni Filii.
,
Cet Ouvrage est divisé en III . Livres
dont le premier contient l'Histoire de
l'Arménie , depuis la dispersion de Babel
jusqu'à Alexandre le Grand.Le II . s'étend
jusqu'à la Mort de Tiridate , environ
l'an 300. Et le III. jusqu'au milieu du
V. siecle , où cet Auteur vivoit . L'Ori-
>
ginal a été imprimé à Amsterdam en
1695. par les soins d'un Archevêque Arménien
. Mrs. Whiston l'accompagneront
d'une Version Latine , et de courtes Remarques
, où ils citeront les Auteurs qui
éclaircissent , confirment ou contredisent
les faits rapportez par celui - cy. Son Livre
est d'autant plus curieux et instructif,
que c'est le seul qui nous donne une
juste idée de l'ancien état de la Nation
Arménienne , et qu'il est fondé sur de
bonnes autoritez.
FEVRIER 1732 337
Le petit Traité de Géographie est recommandable
, non- seulement en ce qu'il
nous a conservé plusieurs noms Orientaux
, mais parce que c'est l'Extrait d'un
Ouvrage de Pappus d'Alexandrie , cité
par Suidas , qui s'est perdu . Ce Livre s'imprime
par Souscriptions . Il contiendra 40
ou so . feuilles in 4. Le prix est de douze
Shillins , dont moitié d'avance et le reste
en recevant un Exemplaire ,
HISTOIRE DE CHARLES XII. seconde
Edition , in 8. avec des changemens dans
les faits et dans le stile. La Compagnie
des Libraires , d'Amsterdam en fait une
troisiéme qui doit être à present en vente.
L'Auteur a sur tout corrigé dans ces
Editions les fautes où il étoit tombé touchant
M. le Fort , Genévois , qu'il avoit
pris pour un François réfugié ; la fille du
Czar Anne Petrowna , appellée dans la
premiere Edition , niece du Czar et quelques
autres erreurs de ce genre. On a
debité avec la premiere et la seconde Edition
un Errata singulier qui ne contenoit
que les fautes avouées par l'Auteur . Voici
un autre Errata qui pourra être plus
utile .
Tome I. Page 2. ligne 11. et il y gele dès le
mois d'Octobre , lisez , et la gelée recommence
dès le mois d'Octobre . Page 4. ligne derniere
laissoit
338 MERCURE DE FRANCE
laissoit aux Habitans la liberté de donner plus
de Citoyens à l'Etat par la pluralité des femmes.
Lisez , permettant la pluralité des femmes , laissoit
aux Habitans la liberté de donner plusieurs Sujets
à l'Etat. Page 17. ligne 5. les exercices violents
où il se plaisoit , lisez , les exercices violens ausquels
il se plaisoit . Page 20. ligne pénultiéme,
des cris que le Roy n'entendoit point , lisez , des
cris inutiles. Page 44. le hazard voulut que le
fils d'un François refugié à Genéve nommé le
Fort , vint chercher , &c. lisez , son naturel heureux
lui fit d'abord aimer les Etrangers avant de
sçavoir qu'ils pourroient lui être utiles . Un Genevois
nommé le Fort , d'une ancienne famille
de Genève et fils d'un Marchand Droguiste , étoit
venu à Moscou pour les interêts de son commerce
, il fut connu du Czar encore jeune ; il
s'insinua dans sa familiarité ; il l'entretenoit souvent
en Langue Allemande , il lui parloit des
avantages , &c. Page 45. ligne 2. de Moscovie ,
lisez , de la Moscovie. Page 148. ligne 7. ils l'assurerent
, lisez ils lui promirent. Page 175. ligne
1. dans ces conjonctures Stanislas Lecsinski , fils
du Grand- Trésorier de la Couronne , mort depuis
peu , fut député , lisez , le jeune Stanislas
Lecsinski , étoit alors député. Page 195. et autres
par tout où vous trouverez la premiere et la seconde
ligne , lisez , le premier le second rang. Page 233.
ligne premiere , Meyerfeld , lisez , Maderfeld . Page
269. ligne 16. mais la concession de ces Privileges
que leur assuroit la forune du Roy de Suede,
Teur fut ravie , lisez , mais beaucoup de ces concessions
que leur assuroit la fortune du Roy de
Suede , leur furent ravies. Page 305.ligne 1. et
cependant s'avança , lisez , et cependant il s'avança
. Page 337. ligne 6. homme d'un mérite singu
lier , lisex , homme d'un mérire rare.
FEVRIER. 1732. 339
Tome II. Page 8, mettez en note au bas de la
page , on m'a assuré depuis que le pere de la Czarine
étoit un fossoyeur . Page 30. ligne derniere ,
Mahomet , lisez , Achmet II . Page 81. ligne 2.
l'Intendant de ce Pays , lisez , un Ministre Luterien.
Page114. ligne 18. dans aucune Cour Chrétienne
, lisez , dans les Cours Chrétiennes. Page
177. ligne 4. couvrit sa tête , lisez , lui couvrit la
tête . Page 189. ligne pénultiéme et derniere , un
Officier des Troupes de Suede nommé le Baron
d'Arvidson , lisez , le Baron d'Arvidson , Officier
des Troupes de Suede. Page 196. et 197. ligne
derniere et premiere , un petit Château nommé
Demirtash, lisez , le petit Château de Demirtash.
Page 211. ligne 13. ni Tureane qui l'avoit executé,
ajoûtez , ni ceux qui l'imiterent depuis avec
plus d'excès. Page 235.ligne 16. parler au General
Duker , Gouverneur de la Place dans le moment
, lisez , parler dans le moment au General
Duker , Gouverneur de la Place . Page 250. ligne
19.de tous les côtez , lisez , sur la Mer et sur Terre.
Page 258. ligne 14. est une petite Isle nommée
Usedom, lisez , la petite Isle d'Usedom . Page
182. ligne 4. dès le lendemain il aborda à Isted
en Scanie , lisez , dès le lendemain Stralsund se
rendit ; la Garnison fut faite prisonniere de guerre
et Charles aborda à Isted en Scanie. Page 313 .
ligne 6 avoit été , lisez , étoit allé . Page 316. ligne
12. il demanda la niece du Czar , lisez il demanda
la Princesse Anne Petrona , fille du Czar. Page
344 ligne 9. après sa mort , ajoutez , immédiatement
après sa mort on leva le Siege de Frideriks
Hall. Les Suedois plus accablez que flattez
de la gloire de leur Prince, ne songerent qu'à faire
la Paix avec leurs ennemis et à réprimer chez eux
la puissance , &c. Page 361. ligne 13. aux Anglois
340 MERCURE DE FRANCE
glois de Cromvel , lisez , aux Fanatiques de
Cromvel.
En note au bas de la page 144. vous mettrez ,
Tout ce récit est rapporté par M. Fabrice , dans ses
Lettres.
On a imprimé à Leipsick,depuis peu, un Livre
in 4. intitulé , Selectorum Litterariorum Pentas. It
contient cinq Dissertations qui paroîtront , sans
doute , extrémement singulieres.
Les sçavans Misantropes font le sujet de la
premiere . On parle dans la seconde de ceux qui
ont été Ennemis du beau Sexe . La troisiéme et
la quatriéme roulent sur les Sçavans mal propres
et ceux qui ont eû de méchantes femmes ;
enfin les Sçavans Incivils et grossiers , ne sont
pas épargnez dans la cinquième.
On apprend de Rome , que l'Abbé Pascoli de
Perouze , a mis au jour son premier Tome des
Vies des Peintres , Sculpteurs et Architectes modernes.
Ce volume qui est in 4. contient la Vie
de quarante habiles Maîtres. Le second Volume
ne sera pas long- temps à paroître, M. Baldinucci
de Florence , avoit déja donné quelques - unes de
ces Vies , imprimées depuis peu chez Tartini et
Franchi ; mais comme cet Auteur a parlé des
Maîtres encore vivans , sans doute il n'aura pas
été aussi exactement informé de diverses particularitez
touchant leurs personnes et leurs Ouvrages
, que M. Pascoli l'a pû être après leur
.mort.
On apprend de la même Ville , qu'on a tenu
trois Congregations chez le Cardinal Imperiali,
aufujet des nouveaux Reglemens qu'on a projettés
du
FEVRIER 17320
341
rez pour corriger ce qu'il y a de défectueux dans
la forme des Etudes.
On écrit de Londres , que M. Durand , Minis
tre de S. Martin , et de la Societé Royale , a publié
la septiéme Partie de son Hisoire Françoise
du xvi . siecle , contenant la vie de M. de Thou ,
extraite de ses propres Memoires , jusqu'en 1601 .
et continuée jusqu'à sa mort en 1617. et les commencemens
du regne de François II . Chez Jean
Nourse 1732. in 8.
Le Roy a acquis pour sa Bibliotheque au commencement
de cette année , tous les Manuscrits
de la fameuse Bibliotheque de M. Colbert. Ces
Manuscrits qui appartenoient à M. le Marquis
de Seignelay , petit - Fils de ce Ministre , peuvent
être divisés en deux Classes. La premiere consis
te en 6000. Manuscrits anciens , tant Orientaux,'
Grecs et Latins , qu'en Langues vulgaires sur les
Sciences , l'Histoire et la Litterature; on en compre
3370. volumes in fol. Les Manuscrits qu'on
appelle modernes et qui regardent principalement
l'Histoire et les affaires de France , sont rangez
dans la seconde Classe : ils forment un receuil de
plus de 1600. volumes,sans compter divers Ported
Feuilles qui renferment quantité de Pieces Origi
nales , et 622. Diplomes de nos Rois avec leurs
Sceaux , depuis Philippe Auguste jusqu'à François
I,
La Bibliotheque de feu M. Bouthillier de Chavigny
, ancien Evêque de Troyes , composée de
près de dix-huit mille Volumes , est à vendre en
gros. Ceux qui voudront l'acquerir pourront s'adresser
à Madame la Comtesse de Chavigny
G qui
142 MERCURE DE FRANCE
qui leur fera voir la Bibliotheque et le Cata
logue que M. l'Evêque en avoit fait faire. Cette
Dame demeure à Paris , rue Saint Claude , au
Marais.
,
Le 18. Fevrier l'Abbé de Fitz -James fils du.
Maréchal de Berwick, Abbé de l'Abbaye S.Victor
de Paris soutint dans cette Abbaye sa These
Mineure en présence d'une Assemblée illustre et
des plus nombreuses. Le Cardinal de Bissy , l'Archevêque
de Paris , le Nonce du Pape et plusieurs
autres Prelats y assisterent ainsi que plusieurs
Personnes distinguées de la Cour et de la Ville .
M. Frederic Jerôme de Roye de la Rochefou
cault Archevêque de Bourges , Docteur de Sorbonne
, &c. présida à cet Acte , et le Maréchal
de Berwick, accompagné des Milords ses Freres
en fit les honneurs. Le Soutena nt montra autant
d'érudition que de facilité dans la dispute , et reçut
un applaudissement general.
L'empressement du Public pour les Estampes de
l'histoire de Don Quichotte , inventées et peintes
par M. Charles Coypel, fait l'éloge de cet ouvrage
bien mieux que toutes les louanges qu'on pour
roit lui donner , et nous croyons faire un vrai
plaisir aux curieux de leur donner avis qu'il en
paroît une nouvelle Piece qui est le Memorable Jugement
de Sancho , où il fait rompre la Canne ; la
Composition est des mieux entendues et des plus
agréables ; elle a été gravée avec beaucoup de
soin et d'intelligence par François Jollain. Cette
Estampe se debite ,comme les autres, chez le sieur
Surugue , Graveur du Roy.
Il donne aussi les 8 et 9. Estampes du Roman
Comique de Scaron , dont l'une représente la Ba- ?
taille
FEVRIER . 1732. 343
taille arrivée dans le Tripot qui troubla la Comédie,
gravée par EdmeJeaurat et l'autre est, Ragotin retiré
duCoffre,terminé par L.Surugue sur les tableaux
originaux de J. B. Pater On ne doute pas que
ces deux Sujets ne plaisent beaucoup le desordre
d'un combat tel que celui - cy ne pouvoit être
exprimé avec plus de verité et tous les deux avec
plus de ce vrai Comique qui coule si naturellement
de la plume de Scaron.
On trouve aussi chez le sieur Surugue , les
oeuvres de MM. Antoine et Charles Coypel ,
Ecuyers premiers Peintres du Roy et de Monsei
gneur le Duc d'Orleans .
L'oeuvre de M. Girardon , Sculpteur du Roy , celui
d'Antoine Watau très - complet , et ce qui se
fart journellement à Paris en fait d'Estampes &c.
Il fait venir aussi des Estampes des Pays Etrangers
, comme les oeuvres de B. Picart , des Vvicher
, Rubens , et tous les Flamands.
Il attend incessamment une histoire des Plantes
en Latin avec les Figures imprimées avec les
couleurs naturelles , et un nouveau paquet de ces
Estampes colorées pour les découpures , où Pon
a ramassé tout ce qu'il y a de plus beau en ce
genre dans tout le Pays.
Ledit sieur Surugue, demeure à l'entrée de la ruë
des Noyers, entre les deux premieres portes cocheres
vis-à- vis le mur de S. Yves , à Paris.
Un jeune homme de Rouen a presenté au Roy
un Bouquet très - singulier , composé de Fleurs'
artificielles faites avec de la Nacre de Perle et de
divers Coquillages , d'un travail très - délicat et
avec un assortiment de couleurs admirables . Les
Feuilles et les Fleurs sont aussi minces que les
naturelles. Les Fleurs qui composent ce Bouquet
Gijavec
344 MERCURE DE FRANCE
ayec leurs tiges ont 18. pouces de hauteur ; il est
placé sur un pied de 15. pouces.
La Flotte du Rio de Janeiro, arrivée à Lisbonne
le 7. et le 8. Decembte 1731. composée de 14.
Vaisseaux Marchands , escortée par deux Vais,
seaux de Guerre, y a apporté outre l'Or et les
Marchandises ordinaires , des Diamans,
Il y en a eu de déclarez sur le premier Vaisseau
de Guerre
sur le second ,
et on croit qu'il en aura passé
sans être déclaré
TOTAL
Il en est aussi arrivé de Goa le
19. Novembre dernier,et 2. autres
Vaisseaux venus de la Baye de tous
23400. Carats.
I2600.
46000.
82000. Carats,
les Saints, en ont apporté environ 18000. Carats
On compte que la Flotte de la
Baye de tous les Saints, qui arrivera
en Janvier 1732. en apportera 33000. Carats.
TOTAL GENERAL. 133000. Carats,
Ces Diamans sont estimez les uns dans les au
tres à quinze Cruzades le Carat , ce qui feroit
1995000. Cruzades.
On est persuadé par les lettres qui ont été écrites
du Bresil et par le rapport qui a été fait par plus
sieurs personnes de l'endroit où se trouvent ces
Diamans , qu'il n'en viendra presque plus , parce
qu'lls n'ont pas été tirés d'une Mine , et qu'on
fes a pêchez au fond de plusieurs petites Rivieres,
où l'on prétend qu'ils se sont formés; ce qui est
difficile à croire, O
FEVRIER. 1732 345
On assure ce préjugé sur ce qu'on a recommencé
la pêche dans ces mêmes Rivieres après de
grandes avalaisons d'eaux, et on n'y a rien trouvé.
Quoiqu'il en soit, on dit qu'il n'y a plus qu'une
de ces Rivieres où il s'en trouve encore quelques-
uns.
Le plus gros Diamant qui soit venu est de 39.
Carats , les autres sont depuis quatorze et au dessous
et presque tous petits .
Ces Diamans sont generalement plus nets que
ceux d'Orient , aussi durs et par consequent bril
lans et pleins de feu.
celles
Il s'est trouvé dans d'autres endroits du Bresil
des Topazes aussi belles et aussi dures que
d'Orient, et resistant à la lime.
On ne connoît point encore parfaintement des
Pierres rouges qui s'y trouvent qui resistent à la
lime comme les Diamans : on croit cependant
que ce seront des Rubis Balais .
Le 10. du mois dernier , à neuf heures 3. minutes
du matin , il y a cu à Malaga un Tremblement
de Terre qui ne dura que deux minutes ,
mais il fut très -violent . Il n'a cependant fait d'autre
dommage que de renverser une muraille contingue
à la maison de M. le Chevalier Olivier ,
Consul de France à Malaga , sans qu'elle en ait
été endommagée. Le lendemain à 5. heures du
matin on ressentit encore un autre Tremblement
qui ne fut pas si violent que le premier et qui n'a
causé aucun dommage .
Ce Tremblement de Terre s'est fait sentir sur
+ toute la côte , à Seville , & c. où il a causé beaucoup
d'éfroy mais peu de dommage.
Le sieur Alexandre Vincens , Chirurgien du
Giij
lien
446 MERCURE DE FRANCE
lieu du Luc , Diocése de Die en Dauphiné ,
resident dans le Comtat d'Avignon , a le rare secret
, à ce qu'il assure , de guerir toutes sortes de
démances d'esprit,à tout Sexe et à tout âge, c'està-
dire, la maladie Hipocondriaque, Manie , Folie,
quelque furieux qu'ils puissent être . Il en a,dit-il,
gueri plusieurs qui étoient enchaînés depuis plu
sieurs années, d'autres qui étoient devenus comme
Innocens , sans aucune raison , lesquels sont devenus
raisonnables par le moyen de ses Remedes,
comme il apparoît par les certificats qu'il a de
ses guerisons, recemment legalisez des principaux
Officiers et Magistrats des Villles où il a fait lesdites
guerisons ; principalement Toulon d'un
jeune homme enchaîné et très-furieux . Il en a
gueri dans plusieurs Villes du Comtat
;
entre
autres d'une femme âgée de soixante et dix ans ,
enchaînée depuis trois ans , et qu'on croyoit obsedée.
Il a gueri la femme du Patron Georges ,
de Villeneuve lès Avignon , qui n'étoit pas moins
furieuse un homme dans les Petites Maisons
d'Avignon pieds et mains enchaînés, dans moirs
d'un mois. Ledit sieur Vincens a depuis deux
inois gueri un homme enchaîné depuis dix à
douze ans dans une des Loges des Petites Maisons
de l'Hôpital General de Rouen , et en moins d'un
mois gratis. M. de Pont- Carré , Premier President
du Parlement lui en a fait expedier un Certificat
en forme et signé par les Administrateurs
de l'Hopital.
Le Sieur Vincens traite encore avec succès les
Hidropisies, Vertiges et l'Epilepsie. Il a des Attestations
en forme desdites guerisons; il travaille,ditil,
plus par honneur que par interêts , et guerit les
pauvres gratis. Son adresse est chez M. Liotaud
Marchand de vin , à l'enseigne de l'Hermitage ,
ruë de l'Arbre-Sec , à Paris. SPECFEVRIER
. 1732 347

SPECTACLES.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de
Nimes le 24 Decembre 1731. au sujet
de quelques Comédies jouées dans cette
Ville.
Es Officiers du Régiment du Maine
LEDInfanterie , dont un Bataillon est en
Garnison dans cette Ville , résolurent ,
pour divertir nos Dames , de leur donner
la Comédie une fois la Semaine ; ils
engagerent quelques jeunes gens de cette
Ville à seconder leur projet , et ainsi , secourus
de notre plus brillante Jeunesse
ils se mirent en état de commencer ce
Divertissement.
Ils débuterent par la Comédie du Foiseur,
de M. Regnard , suivie de celle du Retour
imprévu , du même Auteur. Ces deux
Pieces furent jouées si parfaitement, qu'el-
-les attirerent à ces Mrs les justes applaudissemens
qu'ils méritoient , et exciterent
si fort l'empressement du Public , qu'on
fut obligé de mettre une Garde considerable
à la Porte , pour éloigner ceux qui
ne pouvant avoir des Billets d'entrée , tâ-
Giiij choient
348 MERCURE DE FRANCE
choient de se glisser par force ou par
adresse . Ces Officiers se chargerent de
tous les frais du Spectacle , et ils n'épargnerent
rien pour le rendre magnifique ,
Décorations , Illuminations, Symphonie,
tout répondoit au Jeu des Acteurs. Ils
distribuoient ordinairement cinq ou six
cent Billets , et ils étoient obligez d'en
refuser plus qu'ils n'en donnoient , le bon
ordre ne leur permettant pas d'en distribuer
plus que la Sale de la Comédie
ne pouvoit contenir de monde. Jamais
Comédie n'a mieux mérité d'attirer les
Spectateurs. Je puis assurer hardiment
qu'il y a bien de ces Mrs qui seroient distingués
au Théatre de Paris.
Ils nous donnerent ensuite des Représentations
du Tartufe , du Medecin malgré
lui , de l'Avocat Patelin , du Légataire ,
du François à Londres , des Folies amoureuses
, de Phedre , et Hypolite , &c. et
toutes ces Pieces furent jouées aussi parfaitement
que la prémiere. Je ne vous
nommerai pas ceux qui se distinguerent
le plus , parce qu'il n'y en avoit point
qui ne remplît parfaitement son Rôle et
il faudroit les nommer tous. Ce qu'il y
a de plus surprenant , c'est que quoique
les Rôles de femmes fussent jouez par des
hommes , ceux qui les représentoient ,
imitoient
FEVRIER: 1732. 349
imitoient si bien le geste et le maintien
des femmes , qu'on ne pouvoit raisonnablement
soupçonner que ce ne fussent pas
de veritables Actrices.
Sous le nom des Officiers de la Garnison
et de la Jeunesse de notre Ville ,
je ne dois point confondre un jeune
Gentilhomme d'Arles , qui s'étan trouvé
ici par hazard , fut prié de jouer quelques
Rôles dans ces Comédies ; if ne
faut pas se faire honneur de ce qui ne
nous appartient pas. Ce jeune homme se
chargea du Rôle de Dorine dans la Comédie
de Tartufe et de plusieurs autres
de ce caractere , qu'il joia avec tant de
grace , d'intelligence et de gout , que les
plus difficiles connoisseurs avouerent
qu'il n'y avoit que le Théatre de Paris
où l'on pût trouver une aussi bonne Actrice.
Comme il étoit peu connu dans
cette Ville , il fut aisément pris pour une
femme ; il y eut même un Marchand de
la Ville à qui l'on eut beau assurer que
ce n'en étoit point une , il dit toujours
que cela ne pouvoit être , qu'on se mocquoit
de lui , et s'obstina à parier , &c.
C'est cet admirable Acteur ou Actrice ,
( comme il vous plaira de l'appeller , ) qui
engagea la noble Troupe à représenter la
Tragédie de Phédre et Hypolite , dans
Gv laquelle
350 MERCURE DE FRANCE
laquelle il joua le Rôle de Phédre. Quelques
applaudissemens qu'il eût déja reçûs
dans la Comédie , ceux qu'il mérita dans
ce nouveau genre , furent encore plus
vifs et plus universels , de sorte que le
Public n'a trouvé que bien peu d'exageration
dans les Vers suivans , envoyez રે
cet Acteur , et ausquels il fit la réponse
que je joins au Compliment.
STANCES ,
Envoyées à M. de M** le lendemain qu'il
eutjoué le Rôle de Phedre.
Ou suis -je ? quelle voix plaintive U
Vient porter
dans mon sein la pitié , la terreur ?
Je sens que mon ame attentive ,
Va se rassasier de plaisir et d'horreur.

M** tu paroîs sur la Scene ;
Je me livre à l'excès de mon ravissement ;
Mais que dis-je ? c'est Melpomene ;
J'en reconnois en toi les graces , l'agrément.
Quel gout ! quelle délicatesse !
Qu'en séduisant les coeurs , tu satisfais les yeux !
Jamais
FEVRIER 1732.
351
Jamais la tragique Déesse ,
Nous a-t'elle montré ton égal sous les Cieux ?
N
Le sentiment , le pathetique ,
Le grand , le naturel , les gestes et la voix,
La démarche noble , héroïque ,
Tu rassembles , M ** tous ces dons à la fois.

De ces dons la Nature avare
Sur toi seul aujourd'hui les verse à pleines mains;
Jouis de ce talent si rare ,
Que ton Art à jamais enchante les Humains !
DE
REPONSE.
E cet Eloge si flatteur ,
Dont Baron et la Lecouvreur ,
Auroient pû devenir jaloux avec justice ,
Et qui pourtant n'a rien qui m'éblouisse ,
Je connois le principe et je vois votre erreur.
Cher S *** à charmer les oreilles .
Accoutumé depuis long- temps ,
Vous avez crû devoir en mes foibles talens ,
Admirer les rares merveilles ,
Que trouve le Public dans le son séduisant
G vi Que
vj
352 MERCURE DE FRANCE
Que d'un Instrument * indocile ,
( Sçait tirer votre main habile ,
Et quelle rend si ravissant ;
Pour louer un ami qui paroît sur la Scene ,
1
Vous avez crû que tandis qu'on disoit ,
Qu'en vous Amphion revivoit ,
Vous deviez tout au moins dire que Melpomene,
Sous mon nom , sous mon air ,
montroit.
a vos yeux st
On nous promettoit une Piece de cet
Acteur , qui , à ce qu'on assure , n'est
pas moins bon Auteur qu'excellent
Comédien ; mais des affaires indispensables
l'ayant rappellé chez lui , il partit
au grand regret de toute la Ville et de
Pillustre Troupe : voici comme il prit
congé de l'Assemblée .
MESDAMES ET MESSIEURS ,
Si l'on peut s'excuser d'une témerité , c'est
sans doute par l'heureux succès qu'elle a eû,
• aussi n'est- ce que par là que j'ose me justifier
de la mienne . Je me vois honoré de
vos applaudissemens lorsque tout sembloit
Coucourir à m'en priver.
Oser paroître devant tant de personnes
* L'Auteur des Vers qui précedent , joue excellemment
du Violon,
éclairées
FEVRIER. 1732. 353
7
,
éclairées et d'un gout si délicat, se mêler parmi
ces Acteurs inimitables , qui par tant de
justes titres , s'étoient déja fait admirer
sortir de son sexe et de son caractere ; emprunter
un habit qui demande d'être accompagné
de tant de graces , de délicatesse et
d'agrémens ; se transformer ensuite devant la
plus brillante Assemblée que puisse former
le beau Sexe , et aux yeux d'une Compagnie
choisie d'hommes accoutumez à ne voir
rien que d'aimable ; quelle suite de démar
ches témeraires ! y eut-il jamais entreprise
plus hardie , et ne faut - il pas pour la
former, s'aveugler jusqu'au point d'attendre
quelqu'un de ces coups surprenans par
lesquels la fortune se plait quelquefois à aider
les audacieux ?
Que dis-je ? non , ce n'est point à une fortune
aveugle que je dois de si doux succès ;
vous avez penetré le motif qui me guidoit
et vous avez applaudi à ce motif ; vous
ave aisement reconnu que je n'aspirois qu'an
bonheur de vous plaire , et vous m'avez
tout pardonné en faveur d'une si noble envie,
ou peut-être cette genereuse amitié dont votre
Ville honore ma Patrie et dont nous avons
tant de fois ressenti les plus doux effets , vous
fait croire que le titre de Citoyen d' Arles
me suffisoit pour mériter votre Approbation ;
mais soit que je ne doive tant d'applaudissemens
134 MERCURE DE FRANCE
dissemens qu'aux faveurs du sort , soit que
vous ayez crû devoir récompenser ainsi le
desir de vous amuser ; soit que vous ayez
voulu par là , donner une nouvelle marque
de votre affection pour mon Pays , et que ce ne
soit là qu'un pur effet de votre complaisance,
le souvenir ne m'en sera pas moins cher ,
jose le dire hautement etj'ai voulu vous en
assurer ; je rappellerai sans cesse avec joye
ces heureux jours où vos bonte ont éclaté
à mes yeux, et la plus vive reconnoissance
en sera à jamais gravée dans mon coeur.
BOUQUET
A Mad. de .... à Nîmes , presenté par
M. de .... d'Arles en Provence.
Hacun , belle Charlotte , en ce jour si char
mant ,
Veut vous montrer son zele et son attachement:
L'un orne votre sein du doux émail de Flore ,
Que la Déesse a tout nouvellement ,
Pour un destin si beau , pris soin de faire éclore :
L'autre pour attendrir votre invincible coeur ,
Emprunte le secours d'une douce harmonie ;
Permettez qu'à mon tour je suive mon génie ,
Et que je puisse aussi signaler mon ardeur ;
* On avoit donné à cette Dame la veille de så
Fête une magnifique Serenade,
Je
FEVRIER
355 1132 .
Je ne viens pas de fleurs couronner votre tête ;
Leur éclat passe en un moment ;
Ni
par
de tendres sons celebrer votre Fête ;
Autant en emporte le vent.
Non , j'ose vous offrir un plus durable hommage,
Par mes chants on sçaura jusques au dernier âge,
Que rien ne fut jamais aussi parfait que vous ,
Hors l'amour qu'à mon coeur font ressentir vos
coups.
Les Comédiens François ont donné
avec grand succès , 22 Représentations du
Glorieux , Comédie en cinq Actes , en
Vers , de M. Destouches , depuis le 18 du
mois dernier , jusqu'à la fin de celui ci.
Jamais le Parterre n'a paru plus équitable
; les beautez dont cette Comédie est
remplie , forcerent l'envie au silence ,
ou plutôt aux applaudissemens. Les
deffauts que la critique la plus sévere a
cru y remarquer, sont balancez par de si
grands coups de Maître , qu'ils n'y sont
que comme des ombres au Tableau ; on
en jugera par cet Extrait .
Dans les premieres Scenes , l'Auteur
ne s'attache qu'à nous instruire de ce qui
est nécessaire pour l'intelligence. La premiere
est entre une Suivante et un Valet.
Celle là sous le nom de Lisette , appartient
à Isabelle , fille d'un riche Bourgeois,
et
356 MERCURE DE FRANCE .
et celui- ci , sous le nom de Pasquin , sert
le Comte de Tufiere , sur qui roule le caractere
dominant de la Piece ; c'est- à- dire,
du Glorieux .Le panchant que Lisette a remarqué
dans le coeur de sa Maîtresse , ou
plutôt son amie , en faveur du Comte de
Tufiere , l'authorise à sçavoir , s'il est digne
de son amour et de son Hymen. Pasquin
ne lui en fait pas un portrait trop
avantageux et ne dissimule point son vice
prédominant , qui est la vaine gloire.
L'Auteur a pris soin de couper cette
exposition , par une action qui met dans
un nouveau jour , ce que Pasquin ne fait
que réciter. Un Domestique du Glorieux,
appellé Lafleur , vient demander son
congé à Pasquin , comme Factoton de son
Maître ; cette demande est fondée sur
la deffense qu'on lui fait de parler, dans
laquelle il trouve un mépris , dont il ne
sçauroit s'accommoder ; il ajoûte qu'il aimeroit
mieux une parole qu'une pistole
de la part d'un Maître. Cette Scene est
suivie d'une autre qui caracterise la prétendue
soubrette. Lisimon , Pere de sa
Maîtresse , l'aime ; il lui fait des propo
sitions avantageuses , qui ne servent qu'à
faire connoître la vertu de celle qui les
rejette. Comme Lisimon la presse un peu
trop vivement , son Fils vient arrêter ses
trans
FEVRIER. 1732. 357
transports amoureux , sous un prétexte
de tendresse filiale , comme s'il prenoit
son amour pour une fiévre qui vient de
lui enflammer le sang ; le Pere amoureux
se retire tres mécontent de son Fils . A
peine est- il sorti , que ce Fils , Rival de
son Pere , parle d'amour à la fausse soubrette
, elle lui déclare d'un ton ferme
qu'elle ne veut donner son coeur que pardevant
Notaire.
>
Un vieillard , qui s'appelle Lycandre ,
vient interrompre cette conversation ; le
jeune Amant se retire ; cette derniere Scene
reveille l'attention des Spectateurs ; le
vieillard qui vient d'atriyer et que Lisette
connoît et honore , après avoir sondé son
coeur , lui déclare qu'elle est sortie d'un
Sang à pouvoir prétendre et même faire
honneur à la famille de Lisimon , par son
alliance ; il lui promet de lui en apprendre
davantage incessamment; il s'informe
du caractere du Comte de Tufiere , et apprend
avec un regret mortel , qu'il s'est
entierement livré à la vaine gloire.
Au second Acte , Lisette n'ose croire
ce que Lycandre vient de lui reveler , et
prend pour un beau songe l'illustre origine
dont on l'a fait sortir ; elle ne peut
cependant en faire un mystere à son cher
Amant. C'est Valere,fils de Lisimon .Vale-
IC
358 MERCURE DE FRANCE
re est beaucoup plus crédule que sa Maî
tresse ; elle lui ordonne le secret , mais il
a beau le lui promettre, à peine apperçoitil
sa soeur Isabelle , qu'il court à elle pour
le lui apprendre . Lisette lui impose silence
; il n'obéit qu'avec peine , et dit à sa
soeur de ne traiter désormais Lisette qu'avec
respect.
Isabelle ne sçait que comprendre du
respect que son Frere exige d'elle pour
une Suivante, cela lui fait soupçonner que
son Frere veut l'épouser en secret ; Lisette
ne lui revele rien ,Isabelle lui avoue qu'elle
ne haït pas le Comte de Tufiere , malgré
le deffaut de vaine gloire qui devroit le
rendre indigne de lui plaire.
Philinte , amoureux d'Isabelle , vient
lui parler de son amour , mais il est si timide
qu'il n'ose exprimer ses sentimens ;
Isabelle et Lisette le raillent tour à tour ,
elles le quittent enfin ; il fait connoître
son caractere de timidité qu'il ne sçauroit
vaincre. Un Laquais le prenant pour le
Comte de Tufiere lui apporte une Lettre
qu'il renvoye à son addresse ; Pasquin ,
Valet du Comte de Tufiete , et singe de
sa vaine gloire , reçoit cette Lettre avec
hauteur.
#
Le Comte de Tufiere paroît pour la premiere
fois sur la Scene avec un grand
CorFEVRIER
17320 359
Cortege ; Pasquin lui parle de la Lettre
qu'on vient de remettre entre ses mains .
Son Maître lui dit qu'elle vient sans doute
du petit Duc , ou de la Princesse , & c.
mais Pasquin lui ayant fait entendre que
c'est un Laquais assez mal vétu qui l'a apportée
; il ordonne , avec dédain , qu'on
Ja lise et qu'on lui en rende compre. Nous
omettons plusieurs particularitez , parce
qu'elles tiennent plutôt au caractere qu'à
J'action Théatrale. Le Glorieux se fait lire
enfin la Lettre dont Pasquin lui a parlé ;
elle est pleine d'invectives contre son ridicule
orgueil ; il n'en peut reconnoître let
caractere ; celui qui l'a écrite , lui déclare
qu'il a emprunté une main étrangere , Cette
Lettre produira son effet dans le quatriéme
Acte.
Lisimon vient , et par sa franchise et sa
familiarité bourgeoise il découvre la fierté
de son gendre futur ; il rabat de temps
en temps ses airs évaporez , et le force à
s'aller mettre à table en l'embrassant amicalement
et en l'entraînant malgré lui .
Le Glorieux ouvre la Scene du troisiéme
Acte avec Pasquin , à qui il dit , que
son beaupere futur est enchanté de lui
et qu'il le conduira insensiblement jusqu'au
respect qu'il lui doit ; il ajoute que
son mariage avec Isabelle est arrêté.
Isa366
MERCURE DE FRANCE
Isabelle vient , suivie de Lisette ; elle
fait entendre au Glorieux , que quoique
son pere ait conclu le mariage , elle veut
connoître un peu mieux l'Epoux qui lui
est destiné ; Lisette veut appuyer ce que
Sa Maîtresse vient de dire ; le Glorieux ne
daigne pas lui répondre et la regarde même
avec mépris ; il demande ironiquement
à Isabelle , si elle ne s'explique jámais
que par interprete.
Valere vient s'informer du mariage
qu'il vient d'apprendre ; le Glorieux lui
répond avec un orgueil qui l'oblige à lui
dire que l'Hymen projetté , n'est pas encore
tout-à- fait arrêté , attendu que sa
Mere, bien loin d'y consentir , destine sa
Fille à Philinte ; au nom d'un tel Rival ,
le Glorieux redouble de fierté et de mépris
; il prie Valere de dire à cet indigne
concurrent que s'il met le pied chez Isabelle
, ils pourroient se voir de près. Valere
lui promet de s'acquitter de la commission
qu'il lui donne , et se retire .
Isabelle outrée de la hauteur avec laquelle
le Comte de Tufiere vient de parler
à son Frere , lui fait de vifs reproches
sur ce deffaut dominant ; elle charge Lisette
d'achever la leçon , et le quitte .
Lisette remplit dignement la place que
sa Maîtresse lui laisse ; le Comte en est si
étonné
FEVRIER. 1732, 36r
étonné , qu'il n'a pas la force de repliquer
un mot. Lisette le quitte ,
Philinte , à qui Valere vient d'appren
dre le parfait mépris que le Glorieux a
fait éclater à son sujet , vient respectueu,
sement lui en demander raison ; cette
Scene est des plus originales. Le Glorieux
accepte le défi , ou plutôt la priere que
son humble Riyal lui fait de lui faire
l'honneur de se couper la gorge avec lui .
Ils mettent tous deux l'épée à la main.Lisimon
accourt au bruit des Epées. Philinte
lui dit que le respect le désarme et remet
son épée dans le fourreau , Lisimon reçoit
tres -mal sa politesse , et lui deffend de revenir
chez lui , Philinte se retire après
avoir dit au Glorieux qu'il espere qu'il lu‡
fera l'honneur de lui rendre sa visite , et
qu'il tâchera de le bien recevoir.
Le Comte de Tufiere dit de nouvelles
impertinences à son futur Beaupere et le
quitte.
Lisimon choqué de tant d'orgueil, est
tenté de rompre le matiage ; mais la réfléxion
qu'il fait , sur l'avantage que sa
femme tireroit de cette rupture , le confirme
dans sa premiere résolution.
Le 4 Acte est sans contredit le plus interessant
, le plus varié de la Piece , et qui
en a le plus assuré le succès. Il commence
par
362 MERCURE DE FRANCE par une Scene's
sur laquelle
nous
ne nous
arrêterons
pas. La seconde
, ne contient
qu'un
sage reproche
que Lisette
fait à Va
lere
d'avoir
causé
une
querelle
entre
le
Comte
et Philinte
. Valere
voyant
appro- cher
le même
vieillard
, qui a interrom- pu sa premiere
conversation
avec
sa chere
Lisette
, se retire
, non
sans marquer
du
dépit
.
Lycandre surpris de retrouver Lisette
en tête à tête avec Valere , lui demande
si elle n'a pas quelque engagement de
coeur avec lui. Lisette rougit à cette demande
. Elle avouë enfin non- seulement
que Valere l'aime , mais qu'elle le préfereroit
à tout autre Amant si leurs conditions
étoient égales. Lycandre lui confirme
la promesse qu'il lui a déja faite de
lui apprendre son sort. Il commence par
lui apprendre ce qui a causé le malheur
de son pere ; il en prend la source dans
l'orgueil de sa mere , qui par un affront
insigne qu'elle fit à une Dame, obligea les
deux maris à se battre ; il ajoute que son
Pere ayant tué son adversaire en brave
homme , fut calomnieusement accusé de
l'avoir assassiné , ce qui l'obligea à chercher
un azyle en Angleterre , il ajoûte
que son pere touche à la fin de ses mal-'
heurs et que son innocence ya triom-
,
ther
}
FEVRIER 1732. 363
pher ; elle demande avec atendrissement,
où est ce cher et malheureux pere ; la reconnoissance
est filée avec un art infini ;
Lycandre se découvre enfin pour son Pere;
la fausse Lisette se jette à ses pieds . Il luf
apprend que le Comte de Tufiere est son
Frere,et lui témoigne l'extrême regret qu'il
a d'apprendre qu'il n'a pas moins d'orgueil
que sa mère ; il se promet de le corriger
et ordonne à sa Fille de rentrer et sur
tout de garder le silence sur le secret
qu'il vient de lui confier.
Lycandre demande à Pasquin s'il ne
pourroit point parler au Comte de Tufiere.
Pasquin le voyant, en si mauvais
équipage , lui dit d'un air méprisant, qu'il
est en affaire et qu'il ne sçauroit le voir.-
Lycandre prend un ton de voix à faire.
rentrer Pasquin en lui même ; il convient
qu'il n'est qu'un sot et que l'exemple d'un
Maître orgueilleux l'a gâté. Lycandre lui
sçait bon gré de ce retour ; il lui dit d'aller
dire à son Maître que celui qui le demande
est le même qui lui a écrit tantôt
une Lettre. Pasquin lui répond , que le
porteur en a déja été payé , et qu'il ne lui
conseille pas de se montrer à ses yeux ,
après lui avoir écrit des véritez si dures à
digerer : Ne crains rien , lui répond le
Vieillard , tu le verras tres- pacifique er
tres364
MERCURE DE FRANCE
tres modeste devant moi . Pasquin va
chercher son Maître , en disant qu'il s'en
lave les mains.
Lycandre en attendant son fils forme
quelques esperances d'amandement ; elles.
sont fondées sur le changement qu'il
vienr de remarquer dans son valet.
Le Glorieux vient enflammé de colere,
mais reconnoissant son pere en celui qu'il
vient chercher comme ennemi, il demeu
re interdit , au grand étonnement de Pasquin
qui le trouve comme pétrifié ; il fait
sortir Pasquin , quoique Lycandre veuille
qu'il demeure , pour être témoin d'une
Scene si nouvelle à ses yeux.
Le Pere fait de sanglans reproches à son
Fils , qui s'excuse assez mal ; il lui deman
de , d'où vient qu'il fait sortir son Valet.
Voulez -vous , lui répond son Fils , que je
vous expose à quelque mépris. Non , ce
n'est point là ce que vous appréhendez ,
lui dit son pere ;
Vous craignez bien plutôt d'exposer ma misere,
>
Le Glorieux , voyant que son Pere exige
de lui , s'il veut obtenir son pardon
qu'il vienne à l'instant le presenter dans
l'état où il est à Lisimon et à sa Fille , se
jette à ses pieds pour l'en détourner ; c'est
dans cette situation que son Pere lui dit
les
FEVRIER. 17320 365
les deux beaux Vers , que tout le monde
sçait par coeur , que nous rapporterons
plus bas.
Lisimon survient : il dit au Glorieux
que sa femme consent enfin à l'accepter
pour gendre ; que c'est à lui à faire quelques
démarches et à lui rendre ses devoirs
; ce mot de devoir étonne le Glorieux
; son Pere lui fait une sage remontrance
sur sa fierté hors de saison. Lisimon
-surpris , lui demande qui est ce vieillard
qui lui paroît si verd , il lui repond
tout bas , que c'est son Intendant : Lisimon
demande au prétendu Intendant à
quoi peuvent monter les revenus du Comte
, &c. Le vieillard se retire , en disant
tout bas à son Fils , qu'il ne sçauroit mentir
; il dit pourtant à Lisimon qu'il n'a
qu'à conclure le mariage , et que bien- tôt
iis seront tous contens.
Lisimon choqué de quelques nouveaux
airs de hauteur que le Glorieux prend en
core avec lui , le quitte en colere , en lui
disant de garder sa grandeur. Le Glorieux
se détermine à faire tout ce qu'on
exige de lui , en disant , que sa mauvaise
fortune le réduit à fléchir devant l'Idole .
Valere se reproche devant Lisette , au
ve Acte , l'infidelité qu'elle l'a contraint
de faire à son ami Philinte , en parlant à
H sa
366 MERCURE DE FRANCE,
sa mere , en faveur du Comte de Tufiere,
Isabelle paroît encore incertaine sur le
consentement qu'on lui demande pour
'Hymen arrêté. Lisimon vient annoncer
que sa femme , devenue enfin plus traitable
, a promis de signer le Contrat , il se
met en colere contre sa fille qui paroît
encore balancer.
Le Notaire vient , on dresse le Contrat
, les noms et qualitez que le Comte
de Tufiere se donne , achevent de remplir
son caractere.
Lycandre , ou le Marquis de Tufiere ,
arrivé au grand regret de son Fils qui vouloit
achever l'Hymen sans lui ; sa presence
le rend confus , son pere s'en offense ;
et pour achever de le confondre , il le
menace de sa malediction , s'il ne tombe
à ses genoux ; son Fils se jette à ses pieds,
il implore sa clemence , et abjure pour jamais
son orgueil . Son Pere le voyant corrigé
, lui apprend que le Roy vient de le
remettre dans la jouissance de tous ses
biens, après avoir connu son innocence et
puni l'imposture de ses accusateurs, La
Picce finit par un double Hymen ; Lisette
devient constante ; elle est reconnuë pour
Demoiselle. Le Comte de Tufiere proteste
Isabelle qu'il fera desormais toute sa
gloire de l'aimer et de meriter son coeur
ep sa main.
Mais
FEVRIER. 1732. 367
Mais pourmettre le Lecteur plus en état
de juger du mérite et de la Versification
de cette Piece , donnons quelques mor
ceaux qui en fassent connoître les divers
caracteres et l'é égance du stile dont elle
est écrite. Voici le Portrait que Pasquin
fait de son Maître , dans la 4 Scene du
premier Acte.
Sa
politique
Est d'être toujours grave avec un domestique;
S'il lui disoit un mot , il croiroit s'abbaisser ,
Et qu'un Valet lui parle , il se fera chasser.
Enfin pour ébaucher en deux mots sa peinture ;
C'est l'homme le plus vain qu'ait produit la nature
,
Pour ses inférieurs , plein d'un mépris cho-
< quant ,
Avec ses égaux même , il prend l'air important
Si fier de ses ayeux , si fier de sa noblesse ,
Qu'il croit être icy-bas le seul de son espece.
Persuadé d'ailleurs de son habileté ,
Et décidant sur tout avec autorité ;
Se croyant en tout genre , un mérite suprême ,
Dédaignant tout le monde , et s'admirant luimême
;
En un mot , des mortels le plus impérieux ,
Et le plus suffisant et le plus glorieux.
Hij Zr
368
MERCURE DE FRANCE
LYSETT E.
Ab ! que nous allons rire.
PASQUIN
LYSETTE.
Et de quoi donc
Son fasté ,
Ja fierté , ses hauteurs font un parfait contraste
Avec les qualitez de son humble rival ,
Qui n'oseroit parler de peur de parler mal ;
Qui par timidité , rougit comme une fille
Et qui , quoique fort riche et de noble famille ,
Toujours rampant , craintif , et toujours concerté
,
Prodigue les excès de sa civilité ,
Pour les moindres Valets , rempli de déférences
Et ne parlant jamais que par ses révérences.
Lycandre ferme le premier Acte, en di
sant à Lisette .
Jusqu'au revoir. Songez qu'une naissance illustre
,
Des sentimens du coeur reçoit son plus beau lus
tre.
Pour les faire éclater , il est de sûrs moyens ;
Et si le sort cruel vous a ravi vos biens ,
D'un plus rare trésor , enviant le partage ,
Soyez riche en vertus , c'est - là votre appad
page,
FEVRIER. 1732. 369
A la quatrième Scene du troisiéme Acte
, Isabelle fait adroitement le portrait
du Comte à lui même , et n'oublie rien.
en même-temps pour lui persuader que la
modestie est toujours la marque du vrai
mérite.
LE COMT E.
De grace , à quel propos cette distinction ?
ISABELLE .
Je vous laisse le soin de l'application ,
Et de la modestie embrassant la défence ,
Je soutiens que par
elle on voit la différence
Du mérite apparent , au mérite parfait ;
L'un veut toujours briller , l'autre brille en effet ,
Sans jamais y prétendre , et sans même le croire ;
L'un est superbe et vain , l'autre n'a point de
gloire ;
Le faux aime le bruit , le vrai craint d'éclater
L'un aspire aux egards , l'autre à les mériter ,
Je dirai plus. Les gens nez d'un sang respectable
Doivent se distinguer par un esprit affable ,
Liant , doux , complaisant , au lieu que la fierté ,
Est l'ordinaire effet d'un éclat emprunté.
La hauteur est par tout odieuse , importune ,
Avec la politesse , un homme de fortune.
Est mille fois plus grand , qu'un Grand toujours
gourmé ,
Hiij
D'un
370 MERCURE DE FRANCE
D'un limon précieux , se présumant formě.
Traitant avec dédain , et même avec rudesse
Tout ce qui lui paroît d'une moins noble espece
Croyant que l'on est tout , quand on est de son
sang ,
Et croyant qu'on n'est rien , au dessous de son
rang.
Dans la Scene suivante , Lysette dit au
Comte :
Le discours d'Isabelle étoit votre portrait ,
Et son discernement vous a peint trait pour
trait.
Dût la gloire en souffrir , je ne sçaurois me taire.
Je ne vous dirai point , changez de caractére ,
Car ou n'en changé point , je ne le sçais que
trop .
Chassez le naturel , il revient au galop ;
Mais du moins , je vous dis , &c.
Lycandre parlant de Listmon , au quatriéme
Acte , Scene 7.
On me l'a peint tout autre , et j'ai peine à vous
croire ,
Tout ce discours ne tend qu'à cacher votre
gloire ;
Mais pour moi qui ne suis ni superbe , ni vain
Je prétends me montrer , et j'irai mon chemin .
Le
FEVRIER. 378 1732
Le Comte , l'empêchant de sortir.
Differez quelques jours ; la faveur n'est pas
grande ,
Je me jette à vos pieds , et je vous la demande.
.
LTCANDRE.
J'entends , la Vanité me déclare à genoux
Qu'un Pere infortuné n'est pas digne de vous .
Oui, oui , j'ai tout perdu par l'orgueil de ra
mere ,
Et tu n'as hérité de son caractere.
que
Le Comte finit la Piece par ces six Vers.
Non , je n'aspire plus qu'à triompher de moy ,
Du respect , de l'amour , je veux suivre la Loy.
Ils m'ont ouvert les yeux ; qu'ils m'aident à in
vaincre ,
Il faut se faire aimer , on vient de m'en convaincre
:
Et je sens que la gloire et la présomption
N'attirent que la haine et l'indignation .
Les Comédiens François ont donné sur
la fin de ce mois plusieurs Représentations
de la Tontine ; petite Piece d'un Acte
, fort bien écrite et dont le sujet est
assez plaisant . Un Médecin fondé de
grandes esperances d'un revenu conside-
Hiiij table
372 MERCURE DE FRANCE
rable par le choix qu'il a fait d'un homme
fort et robuste , sur la tête duquel il
a mis à la Tontine ; et qu'il prétend faire
vivre au moins cent ans , par le regime
qu'il lui fait observer, et par les autres secours
de son Art .
Les mêmes Comédiens donneront avant
la fin de l'Hyver , la Tragedie d'Eriphile ,
de M. de Voltaire .
Ils ont remis au Théatre , depuis peu ,
la Tragédie d'Agrippa , ou le Faux Tiberinus
, de M.Quinault , dont les Représentations
font beaucoup de plaisir par l'art
admirable dont cette Piece est écrite et
conduite. Elle est aussi fort bien représentée.
Le sieur de Grandval y remplit le
principal Rôle , et le sieur Sarrasin celui
de Tirene. La Dile Dufresne joue celui de
la Princesse , avec beaucoup d'intelligence
, de feu et de précision.
Le 9 Février , les Comédiens Italiens
donnerent une petite Piece nouvelle , d'un
Acte en Vers,, avec des Divertissemens
intitulée La Critique , précédée d'un Prologue
, qui a pour titre, l'Auteur Superstitieux.
Ces deux Piéces sont de la composition
de M. de Boissy , et ont été reçuës
. très favorablement du Public . Nous en
parlerons plus au long.
-
Le
FEVRIER 1732. 373
Le 12 Février , l'Académie Royale de
Musique , donna sur le Théatre de l'Ope
ra , le Divertissement qui avoit été représenté
à la Cour , le 28 Janvier , on y a
joué l'Acte de l'Amour Saltinbanque , du
Balet des Fêtes Venitiennes , qui a été suivi
des trois autres Actes , qui avoient été
joüez en présence de leurs Majestez . Ce
Divertissement a attiré de nombreuses assemblées
, et a été parfaitement bien exécuté.
La Dile Camargo a dansé un Tambourin
à la fin de l'Acte du Bal , avec la
brillante vivacité , que tout le monde lui
connoît.
On donna les deux derniers jours de
Carnaval , le même Balet , qui fut suivi
du Divertissement de Pourceaugnac , de M.
de Lully ; Piece tres convenable au temps
qu'on l'a donnée , et dans lequel le sieur
Tribou , met autant de vivacité que de
gayeté.
1
Le Février , l'ouverture de la Foire
S. Germain fut faite par le Lieutenant General
de Police, en la maniere accoutumée.
Le 3 , l'Opera Comique ouvrit son
Théatre , qui est toujours dans la ruë de
Bussi , par trois petites Pieces nouvelles ,
d'un Acte chacune, et des Divertissemens,
Hv
in374
MERCURE DE FRANCE
intitulées : Momus à Paris , le Nouveliste
"Dupé , et la Comédie sans hommes.
Le 13 , on donna une autre Piéce nouvelle
, d'un Acte , qui a pour titre : le Pot
Pourri , Pantomime , précedé d'un Prologue.
Cette Piece , dont l'idée est neuve et
fort plaisante, est joiiée en Scenes muettes,
et sur les paroles de differens Vaudevilles
les plus connus ; la Simphonie en jouë
les Airs , et les Acteurs font entendre par
leurs gestes le sens et les paroles des Vaudevilles.
Voicy le sujet du Prologue .
La Scene se passe sur le Théatre de
l'Opera Comique , où les Acteurs et les
Actrices se sont assemblés pour recevoir
une petite Piece d'un Acte , qu'un Auteur
de Bordeaux doit leur présenter.
Cet Auteur , qui s'appelle M. de Consi
gnac , arrive un moment après et entre
d'un air familier ; il chante sur l'air : Le
Fameux Diogene.
Si dans votre Assemblée ,
Messieurs , j'entre d'emblée ,
N'en soyez point surpris
Je suis d'une Patrie ,
Où la ceremonie ?
N'est pas d'un fort grand prix
Un Acteur lui dit , que quand on vient
sous
FEVRIER 17320 375
sous les auspices des Muses , on est partout
bien reçû. Cousignac chante sur
l'air: J'ai de l'excellent Elixir.
Amis , embrassez aujourd'hui ,
De vos Jeux le plus ferme appui
Je vous apporte avec ma Piece
L'antidote de la tristesse ;
Oui , mes enfans pour la guérir }
J'ai de l'admirable ,
J'ai de l'agréable ,
J'ai de l'excellent Elixir.
On lui dit qu'il ne faut point tant se
Hatter , que bien des Auteurs qui ont eû
une pareille confiance en ont été trèssouvent
les dupes . Cousignac répond
qu'il est sûr de son Acte , et chante sur
Fair : De tous les Capucins du monde.
La façon dont j'ai sçû l'écrire à
Est au-dessus de la Satire ,
Rien ne le sçauroit attaquer.
Ceci n'est point une hyperbole ,
Je défierois de critiquer ,
Dans tout l'Ouvrage une parole.
On lui demande s'il veut faire la lec
ture de sa Piece ; Cousignac répond qu'il
faut auparavant faire ses conventions
H vj
3-6 MERCURE DE FRANCE
1 ° . Je veux , dit-il , que ma Piece soit
apprise , repetée et représentée aujourd'hui ,
sans cela rien de fait. Tous les Acteurs lui
représentent que la chose est impossible
en si peu de temps , &c. Cousignac leur
dit que ce petit Morceau ne fatiguera ni
leur mémoire ni leur poitrine , qu'il est
fort simple, naturel et très- court. Il tire en
même- temps de sa poche un petit quarré
de papier qui contient , dit-il , toutes les
paroles de sa Piece . Il montre ensuite un
gros paquet qui renferme toute la Musique
de son Acte nouveau . Les Acteurs
croyent qu'il veut plaisanter , mais Cousignac
les rassure et leur dit que rien pe
doit les embarrasser , il chante sur l'air:
L'Amour est un voleur.
Il suffit pour cela ,
D'un peu d'intelligence ;
Sans gosier ni cadence ,
On l'executera.
Il ne faut qu'être preste,
A ce que l'Orchestre joueras
Et zeste , zeste , zeste ,
Chacun de vous l'exprimera ,
Avec le geste.
Nous allons , dit un des Acteurs , eri
risquer l'épreuve. Cousignac fait distribuer
FEVRIER.
377 1732.
buer les Rôles pour la Simphonie , et dit
à tous les Acteurs de le suivre pour les
mettre en état de jouer sur le champ et
pour leur en donner l'intelligence ; je
veux , dit- il , y faire un personnage . Il
finit par ce Couplet qu'il chante sur l'air :
Vivons pour ces fillettes.
Les bons impromptus , Cadedis , biso
Sont tous enfans de mon Pays .
Cà , que chacun entonne ,
Vivat , vivat , la Garonne :
Vivat et vivat , la Garonne.
Voici le sujet à peu près de la Piece
Pantomime pour l'intelligence des Scenes
muettes , joüées par l'Orchestre et par
les Acteurs .
Un Amant vient se plaindre pendant
la nuit sous le Balcon de sa Maîtresse ,
on joie l'air : Reveillez - vous , & c. elle
devient sensible à l'amour du Cavalier
et descend pour l'entretenir et pour lui
parler de plus près ; ils se déclarent réciproquement
leur passion , toûjours avec
les gestes convenables aux paroles dont
la Simphonie joue les Airs.
La Suivante de la Mere', survient un
moment après pour annoncer à ces deux
Amans son arrivée ; cette Mere les surprend
378 MERCURE DE FRANCE
prend ensemble , querelle sa fille et l'emmene
sans être touchée des plaintes de
son Amant. Le Valet du Cavalier trouve
son Maître désesperé de ce qui vient d'arriver
; celui - cy ordonne à son Valet de
chercher quelque expédient pour favoriser
ses amours , &c.
La Mere , la Fille et la Suivante reviennent
, la Fille fait de nouveaux efforts
pour engager sa Mere à accepter pour
Gendre l'Amant qu'elle aime ; elle est
infléxible et annonce à sa fille un autre
Epoux qu'elle lui a destiné. C'est un Campagnard
, grand nigaud , à peu près comme
M. Vivien de la Chaponardiere , qui
arrive sur ces entrefaites , accompagné
de son Valet , qui est aussi niais que son
Maître. L'Amant idiot fait une déclaration
à sa Maîtresse , d'une maniere comique
; elle la reçoit avec mépris , ce qui
oblige la Mere de prendre le parti du
Campagnard et de l'emmener dans sa
Maison avec sa fille et la Suivante , pour
y conclure le mariage.
L'Amant aimé revient , et un moment
après son Rival sort de chez sa Maîtresse;
le premier veut obliger l'autre à mettre
l'épée à la main ; le Campagnard pense
mourir de frayeur ; la Suivante accourt
au bruit et empêche l'autre de pousser
plus
FEVRIER. 732. 1732 -379
plus in la querelle , et se retire ; mais
il revient bien- tôt accompagné de la
Mere , qui est toûjours bien résoluë de
lui donner sa fille . Elle a fait venir même
un Notaire. Dans le temps qu'on est
prêt à signer le Contrat , et que le Campagnard
s'applaudit du bonheur dont il
croit bien- tôt jouir , l'Amant aimé vient
faire encore une tentative auprès de la
Mere , et lui fait voir une Lettre ( qui
a été supposée ) par laquelle on lui mande
le gain d'un Procès qui le rend maître
de biens considerables , il la supplie de
lui accorder sa fille en mariage ; celle- cy
se joint aux instances de l'Amant aimé ,
son Valet et la Soubrette se jettent aussi
aux pieds de la Mere , qui se rend enfin
à leurs prieres , le Campagnard se retire
peu content de son voyage. Les Valets
de l'Amant aimé et de l'autre se disputent
ensuite la conquête de la Suivante ,
elle les met d'accord tous les deux sur le
champ , en leur déclarant qu'elle ne veut
ni l'un ni l'autre , et la Piece finit par un
très-joli Divertissement, dont la Musique
est toujours de M. Gillier .
Ces deux petites Pieces qui ont été reçûës
très-favorablement du Public , sont
de la composition de M. Panard , Auteur
de celle des Petits Comediens , qui a cû
Un
380 MERCURE DE FRANCE
un si grand succès à la derniere Foire
S. Laurent , et qu'on a redemandée cette
année à la Foire S. Germain .
W
ののσ のの
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUIE ET PERS E.
Es . Lettres de Constantinople du mois de Dedu
Traité
Paix , que les Ministres
du Roy de Perse ont envoyé
au Pacha
de Babilone
, a été communiqué
par le Gr Viz. aux autres
Ministres
du Serrail
,
et qu'on
en a fait la lecture
dans un Divan
general,
qui s'assembla
le 12 de Decembre
à cette occasion
, et le bruit
court
qu'on y a fait peu de changement
. On assure
que suivant
ce projet
, le G.
S. rendra
les Provinces
conquises
sur la Perse ,
à l'exception
de la Georgie
et de l'ancienne
Province
de Babilone
, que le Daghestan
sera rendu
au Prince
particu
ier qui en est le Souverainet
qui est à Constantinople
depuis
18. mois pour
solliciter
cette restitution
; que les deux Puissances
réunies
par la Paix , joindront
leurs
forces
pour
obliger
les Moscovites
à rendre
tout le Pays
qu'ils
ont conquis
sur la Perse, mais qu'elles
n'en
viendront
à cette extremité
qu'après
avoir
emplové
les voyes
de la négociation
; qu'en
cas de
refus de la part de la Czarine
, elles ne quitteront
les Armes
qu'après
avoir
repris
tout ce Pays , et
que les conquêtes
qui se feront
pendant
cette
guerre
, resteront
à celle des deux Puissances
qui
les aura faites.
Од
FEVRIER. 1732. 381
On assure que le G. V. a fait remettre à quel
ques Ministres Etrangers un Memoire par lequel
il fait connoître la necessité de s'opposer à l'agrandissement
des Moscovites et de quelle conse
quence il est pour l'Empire Ottoman de les éloi
gner des bords de la Mer Caspienne.
On continue de travailler à la construction de
plusieurs Vaisseaux de guerre du premier et du
second rang ; on fait de grands Magazins de munitions
de guerre et de bouche , et S. H. a envoyé
ordre aux Pachas des Provinces Maritimes
de lui fournir un certain nombre de Matelots et
de Bâtimens de transport.
Le G. S. se tient très - retiré dans le Serrail depuis
trois mois , et il ne se fait voir que rarement
ses Troupes et au Peuple , ce qui a donné lieu
à quelques murmures.
Les dernieres Lettres de Constantinople ne con
firment pas les bruits qui s'étoient répandus qu'on
y avoit arboré la Queue de Cheval et déclaré la
guerre aux Venitiens ; on a appris que Mehemet
Effendi qui avoit été cy - devant envoyé du
G. S. à la Cour de Vienne avoit été étranglé
Elles portent encore , que la Paix étoit
concluë entre les Turcs et les Persans ; que
par un des articles du Traité , les Villes de
Tauris et d'Erivan devoient être rendues au
Roy de Perse et que les Pays conquis par "
les Persans du côté de l'ancienne Babilone seroient
remis au G. S. à la charge de payer au
Roy de Perse six millions d'Asprès pour les frais
de la guerre.
Ces Lettres ajoutent que le 30. de Decembre
dernier , le Capitan Pacha avoit éré exilé en Candie
; que le lendemain , son Drogman , ou Interprete
, avoit eu la tête tranchée dans l'une des
Cours
382 MERCURE DE FRANCE
Cours du Serail , et que le G. Viz. avoit menacé
d'un pareil sort tous les Drogmans qui se mêleroient
à l'avenir de quelque intrigue secrette , ce
..Ministre voulant qu'on ne s'adresse qu'à lui ou à
son Reys - Effendi .
L
RUSSIE.
E 13. Janvier la Czarine partit de Moscou
pour se rendre à Petersbourg par Olonitz et
Novogrod. S. M. Cz . est accompagnée dans ce
voyage de la jeune Princesse de Meckelbourg ,
de la Princesse Elizabeth et de leurs Cours , du
Grand Chancelier, du Comte d'Osterman , Vice-
Chancelier, et de six Senateurs ; le reste de sa suite
peut monter à 600. personnes. Les Ministres
Etrangers partent successivement avec toute leur
suite , et tous leurs bagages , parce qu'on ne croit
pas que S. M. Czarienne revienne de deux ans à
Moscou.
Le General Comte de Munich , Gouverneur
de Petersbourg , y a fait des préparatifs extraordinaires
pour la reception de la Czarine qui est
attendue à chaque instant : toute la Ville est ornée
d'Arcs de Triomphe , de Trophées , &c.
Les Lettres venues en dernier lieu de Derbeut
sont du General Lewaschaw : Elles marquent
que la Paix est conclue entre les Turcs et les Persans
; que ces derniers avoient déja fait quelques
mouvemens pour s'approcher des Provinces conquises
par les Moscovites ; et qu'il étoit certain
que par un des articles du Traité , le G. S s'étoit
obligé de fournir des secours au Roy de Perse
pour l'aider à reprendre ces conquêtes.
Les Lettres de Constantinople confirment ces
nouvelles, et ajoutent que le Resident de S. M. Cz.
n'avoit
FEVRIER. 1732. 383
+
7
n'avoit pû obtenir du Gr . Viz . l'Audience qu'il
avoit fait demander pour sçavoir si S. H. s'étoit
déterminée a executer l'article de ce Traité qui
interesse les Moscovites .
Sur ces avis , la Czarine a tenu un Conseil ex
traordinaire,dans lequel il a été resolu d'envoyer
au General Lewaschaw un secours de 20000 .
hommes avec un train d'Artillerie .
On a appris de S.Petersbourg que les Membres
des Colleges de cette Ville , les Generaux , les
Amiraux , &c. s'étant rendus le 5. Janvier dans
la Grande Eglise , le General Comte de Munick
leur presenta par ordre de la Czarine , le dernier
Manifeste de S. M. Cz . avec le Formulaire du
· Serment qu'ils prêterent tous , et dont voici la
teneur.
>
que
Quoiquej'aye déja prêté le Serment de fidelité et de
soumission à laTrès - Illustre et Très - Puissante Dame
·Anne Joannovva, Imperatrice et Souveraine de tous
les Russes , ma legitime Souveraine Imperatrice et
·Dame , Je soussigné promets néanmoins de nouveau
par la Presente , pour plus grande confirmation de
ma très-soumise fidelité , et jure par le Dieu Tout-
Puissant , et devant son Saint Evangile , tant pour
moi que pour mes Heritiers presens et à venir ,
je veux et que je serai , comme y'étant obligé , fidele
, ebéissant et soumis , non-seulement à S. M₁ ma
legitime Dame et Imperatrice Anne Joannovuna
mais aussi dans la suite aux Successeurs de S. M.
qu'en vertu de la Souveraine et Imperiale Puissance
, qui lui a été donnée de Dieu , elle a établi , ou
qu'elle établira , et jugera digne du Souverain Trône
de Russie,que je défendrai de toutes mes forces,de
tout mon pouvoir et sur ma conscience tous les
droits et prérogatives de l'Autorité et de la Puissance
de S.M. Imperiale et de ses Successeurs qu'elle nom-
"
mer
384 MERCURE DE FRANCE
mera, en la maniere que lesdits drois et prérogatives
sont à present établis , ou qu'ils pourront l'être à l'avenir
, et que pour cet effet , au cas que le besoin vint
à l'exiger , jen'épargnerai pas ma vie , mais que je
ferai tous mes efforts pour avanter constamment et
avec žele , tout ce qui peut être utile au service de
S. M. I. et des Successeurs qu'elle nommera , et au
bien de l'Empire , de telle maniere que je puisse en
répondre devant Dieu et son Tribunal : Ainsi Dieu
Tout - Puissant me soit en aide : Pour conclusion de
mon present Serment , je baise le Saint Evangile
et la Croix de mon Sauveur. Amen.
D'autres Lettres de Moscou portent que le
Prince Basile Dolhorucki , Feld - Maréchal ,le
Pr. Jurja Dolhorucki, Capitaine dans le Regiment
des Gardes , le Pr. Alexis Boratinskoy , Enseigne
dans le même Regiment , et M. Jegorstoletow ,
ayant été convaincus de crimes d'Etat , commis
contre S. M. Czarienne , avoient été condamnez
à mort , mais que cette Princesse leur avoit accordé
la vie et avoit ordonné avant son départ
de Moscou qu'ils fussent privés de toutes leurs
Charges et Titres d'honneur; que tous leurs biens,
meubles et immeubles , fussent confisquez , et
qu'ils fussent envoyez sous une escorte ; sçavoir,
le Pr. Basile Dołhorucki à Schulsselbourg , le Pr.
Jurja Dolhorucki à Kuspetzk , le Pr. Boratinskoy
à Ochotskoy. Ostrog, M. Stoletow aux mi
nes de Nertschinskoy.
Ces Lettres ajoutent qu'on ne doutoit plus que
la Czarine ne désignât pour heritiere du Trône
de Moscovie , la jeune Princesse de Meckelbourg
sa niece .
Le Roy de Pologne partit le 26 Decembre de
Varsovie et arriva heureusement à Dresde , d'où
l'on assure qu'il reviendra en Pologne avant la
fin de l'hyver,
On
FEVRIER
17320 385
.
On a reçu avis de Rome que l'Evêque de Posnanie
y étoit arrivé ; qu'il avoit eu du Pape une
Audience favorable , et qu'il avoit obtenu de S. S.
qu'elle n'exigeroit plus l'execution des Bulles que
le Nonce du Pape vouloit faire accepter dans ce .
Royaume , quoique contraires aux privileges des
Prélats et des Monasteres de Roy a envoyé au
Primat et aux principaux Senateurs la coppie des
dépêches de cet Evêque.
ALLEMAGNE.
N attend à Vienne le Baron de Kircher ;
Commissaire de l'Empereur à la Diette de
Ratisbonne , d'où il a écrit à S. M. Imp. que la
Pragmatique Sanction y avoit été reçûe à la pluralité
des voix ; mais on a appris en même - tems
de Ratisbonne que cet acte de garantie de la Pragmatique
ayant été signé le 11. Janvier , les Ministres
de l'Electeur de Saxe, de l'Electeur de Baviere
et de l'Electeur Palatin avoient protesté contre
cet Acte , et que le lendemain ils étoient sor
tís de Ratisbonne suivant les ordres que ces Elecreurs
leur avoient donnés.
La grande quantité de Nége tombée en Hongrie
dont la terre est couverte de trois pieds, ayant
rendu les Loups extrêmement affamez , ils attaquent
indifferemment les Hommes et les Bestiaux :
comme il y a déja eu plusieurs Femmes et Enfaus
déchirez par ces Animaux , on a permis aux
Paysans de s'assembler et de porter des Armes à
feu pour les détruire.
Le Grand- Maître de Malte à écrit des Lettres
circulaires à tous les Chevaliers de cet Ordre qui
sont en Allemagne et en Italie , pour les engager
à se rendre à Malte , afin de l'aider à défendre
cire Isle en cas qu'elle soit attaquée par les Turcs,
386 MERCURE DE FRANCE
L
pose
IT ALI E.
E Cardinal Cossia a écrit au Cardinal Albani
Camerlingue , qu'il ne pouvoit vivre plus
long - tems sans lui faire connoître la douleur
qu'il ressent de l'avoir désobligé ; qu'il se prode
vivre dans la suite de toute autre maniere,
déclarant qu'il veut tenir tout de sa faveur ; qu'il
ne manque à ses sentimens que le pouvoir de les
effectuer , mais que la goute dont il est tourmenté
, l'empêche d'aller se jetter aux pieds de Sa
S. Cette Lettre dans laquelle il y a encore beaucoup
d'autres expressions plus soumises , a été
communiquée au Pape .
Un Chapelain du Cardinal Coscia , quatre
Chanoines de l'Eglise Metropolitaine de Benevent
, et deux Gentilshommes de la Ville , ayant
publié que les affaires de ce Cardinal étoient accommodées
, qu'il rentreroit incessamment en
possession de son Archevêché , et en consequence
de ce bruit, qui avoit causé quelque émotion ,
ayant ôté de dessus la porte du Palais Archiepiscopal
les Armes du Cardinal Doria , le Gouverneur
de la Ville a fait arrêter les deux Gentilshommes
et le Chapelain , mais les quatre Chanoines
ont pris la fuite.
On a fait à Florence des Prieres publiques , et
découvert la Chasse de saint Zenobe à l'occasion
de l'Infant Don Carlos , et on a suspendu tous
les divertissemens du Carnaval .
Le 25. Janvier , on reçut avis de Livourne que
ce Prince étoit tout à fait hors de danger , et
qu'aussi -tôt qu'il seroit parfaitement retabli , il
iroit à Pise prendre part aux Fêtes qu'on lui a préparées
, et qu'ensuite il se rendroit à Florence.
La
FEVRIER . 1732. 387
D
Le Grand Duc lui a envoyé du vin de Montepulciano
avec de l'eau de la Fontaine des Feuillans
de Florence , et de celle de Sainte Croix ,
parce que les Medecins ont trouvé que les eaux
de Pise qu'on faisoit boire à S. A. R. étoient trop
Minerales.
On prépare à Livourne plusieurs divertisse
mens pour l'Infant. Il y aura entre autres le pillage
d'un grand Théatre représentant le Pays de
Cocagne ; il sera suivi d'une Course de Chevaux
autour de la Place pour laquelle il y aura un prix
de 800. Ecus.

M. Oddi Commiffaire Apostolique , a protesté
contre la prise de possession faite par la Duchesse
Douairiere Dorothée , des Duchez de Parme
et de Plaisance , au nom de l'Infant Don Carlos,
prétendant qu'ils sont Fiefs de l'Eglise , et que
la ligne masculine de la Maison Farnese étant
éteinte , ces Duchez étoient reversibles et pleine
ment dévolus au S. Siege.
Les Lettres de Genes portent qu'on y avoit ap
pris d'Ajaccio qu'un détachement de Hussars y
avoit apporté 24. Têtes de Chefs des Rebelles , et
que dans une autre action ils avoient tué 120 au
tres de ces Rebelles sans avoir perdu qu'un seul
homme.
Le 29. Janvier , Don Dominique Marie Spinola
fut élû Doge de la Republ que de Genes à
la pluralité de 398. voix , contre 211 .
On a publié à Naples une Ordopnance qui défend
aux Napolitains de prendre des Billets de la
Lotterie de Rome,
ESPA
388 MERCURE DE FRANCE
E.S.PAGNE,
N mande de Madrid que le Marquis de Villareal
, Exempt des Gardes du Corps du
Roy , y avoit apporte la nouvelle que l'Infant
Don Carlos étoit arrivé à Livourne le 27. de Decembre
, à bord de la Capitane des Galeres du
Roy ; qu'aussi - tôt après son arrivée , le Mar-,
quis Renuccini, premier Ministre du Grand Duc,
étoit venu le complimenter de la part de 'ce Prince
et de la part de l'Electrice Doüairiere Palatine;
on a chanté le Te Deum à l'occasion de cette nouvelle
dans la Chapelle Royale du Palais de l'Alcaçar
et dans l'Eglise Cathedrale de Seville , et
pendant trois nuits consecutives il y a eu des
Feux , des Illuminations et d'autres marques de
réjouissance tant à Madrid qu'à Seville , et dans
les principales Villes du Royaume.
Il est entré dans la Baye de Cadix , pendant le
cours de l'année derniere 301. Vaisseaux Anglois,
130. François , 3. Hollandois ; non compris
les Vaisseaux de Guerre de cette Nation , 9 .
Suedois , 3. Hambourgois , un Imperial , un
Danois et un Genois.
Le Roy a formé depuis peu une Compagnie
Royale de Carabiniers ou Mousquetaires , composée
de trois Brigades , et chaque Brigade
de 450. hommes. S M. s'est reservé le titre de
Capitaine de cette Compagnie , dont elle a donné
le Commandement à Don Bonaventure de
Morimont.
MORTS
FEVRIER. 1732. 389
*
MORTS ET NAISSANCES
des Pays Etrangers.
L
E27 Janvier , le nommé Pierre Paira , mourut
à Pinhel en Portugal , âgé de 110, ans
accomplis.
Le 11. Janvier , on baptisa à Rome dans l'Eglise
Paroissiale de saint Marcel , deux Femmes,
l'une Françoise , l'autre Italienne , et toutes les
deux âgées de 90. ans.
La Comtesse d'Orzeliva , à present Duchesse
d'Holstein- Beck , accoucha le 5. Janvier à Dresde
d'un Prince qui a été nommé Charles - Frederic ,
le Roy de Pologne a fait present à la Mere d'une
Rose de Diamans de grand prix et au jeune
Prince, d'une Terre considerable située à quelques
lieues de Leipsic.
XXXX:XXXX:XXX: XXXX
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
LE
I E i de ce mois , la Reine entendit la
Messe dans la Chapelle du Château
deVersailles , et S. M. communia par les
mains du Cardinal de Fleury , son Grand
Aumonier.
Le même jour , M. Piat , Recteur de
Université, accompagné des Doyens des
Facultez et des Procureurs des Nations
eut l'honneur , suivant l'ancien usage, de
I pré-
>
$ 90. MERCURE DE FRANCE
présenter un Cierge au Roy , à la Reine,
et à Monseigneur le Dauphin.
Le même jour , le Pere Vicaire , General
des Religieux de la Mercy , accompagné
de trois Religieux du Convent du
Marais , eut l'honneur de présenter un
Cierge à la Reine , pour satisfaire à une
des conditions de leur établissement , fait
à Paris , en 1615. par la Reine Marie de
Medicis.
Le 2 , Fête de la Purification de la Ste
Vierge , le Roy accompagné du Duc d'Orleans
, du Duc de Bourbon , du Comte de
Clermont , du Duc du Maine , du Prince
de Dombes , du Comte d'Eu , du Comte
de Toulouse et des Chevaliers, Commandeurs
et Officiers de l'Ordre du S. Esprit,
qui s'étoient assemblez dans son Cabinet,
se rendit à la Chapelle du Château de
Versailles. Le Roy, devant lequel les deux
Huissiers de la Chambre portoient leurs
Masses , assista à la Benediction des Cierges,
à la Procession qui se fit dans la Cour
du Château , et à la grande Messe , celebrée
P'Abbé Brosseau , Chapelain
ordinaire de la Chapelle de Musique , et
chantée par la Musique. La Reine , accompagnée
des Dames de sa Cour, entendit
la grande Messe dans la Tribune
Après midi , L. M. accompagnées du
par
Duc
FEVRIER 1732.
391
Duc d'Orleans et du Comte de Toulouse ,
assisterent à la Prédication du P. Ségaud,
de la Compagnie de Jesus ; et ensuite aux
Vespres , chantées par la Musique. "
Le Roy a accordé le Gouvernement
des Païs , Ville et Citadelle de Broliage ,
au Vicomte de Beaune , Lieutenant General
des Armées de S. M. et Chevalier de
ses Ordres.
Le 17 de ce mois , l'Abbé de Tilly
nommé par le Roy à l'Evêché d'Orange,
fut sacré dans la Chapelle de l'Archevêché
, par l'Archevêque de Paris , assisté
de l'Evêque d'Europée , Coadjuteur de
l'Evêque d'Orleans , et de l'Evêque de
Grasse. Il prêta serment le 19 , entre les
mains de S. M.
il
Le 2 Février , Fête de la Purification ,
y eut Concert Spirituel au Château des
Thuilleries.On y chanta : Exaltabo te,Domine
, Motet de M. de la Lande , qui fat
suivi de deux petits Motets , à une et deux
voix , chantez par les Des Lenner , de la
Musique du Roy , et par les Diles Erremens
et Petitpas . On y exécuta encore un
Motet nouveau , du sieur Dupin , Maître
de Musique de Province ; et après plusieurs
excellentes Piéces de symphonie ,
exécutées par les sieurs le Clerc et Blavet,
le Concert fut terminé par le Motet :
Dominus regnavit.
I j La
392 MERCURE DE FRANCE
Le 4 , il y eut Concert à Marly , chez
la Reine. M. Destouches , Sur- Intendant
de la Musique de la Chambre du Roy ,
en semestre , fit chanter le se Acte de l'Opera
d'Omphale ,dont les Actes précedents
avoient été exécutez à Versailles , au mois .
de Janvier.
Les , la Reine entendit le Prologue ,
et le premier Acte de l'Opéra d'Issé , qui
fat continué le 9 ; et le 11 , la De Courvasier
chanta avec applaudissement , le
Rôle de l'Hesperide , dans le Prologue , et
celui d'Issé, dans la Piece. Les S's Godeneche
et Petillot , firent ceux de Jupiter et
d'Apollon. Les Rôles d'Hilas et de Pan ,
furent chantez par les S d'Angerville et
Godeneche ; et celui de Doris , par la Dile
Petitpas. Cet Opera fut exécuté avec une
grande précision .
Le 13 , S. M. entendit le Prologue et le
premier Acte du Ballet des Elemens , qu'on
continua le 16 , et le 18 , par le second , le
troisiéme et le quatriéme Acte. La DHe
Courvasier chanta le Rôle de Venus, dans
le Prologue , et le Sr d'Angerville, ceux du
Destin , d'Ixion , de Valere et de Pan ; dans
la Piece les Des Antier et Mathieu firent
les Rôles d'Emilie et de Leucosie , et la
Die Lenner , ceux de Junon , et de Pomone,
et le St Petillot chanta ceux d'Arion , et
de
FEVRIER 1732 393
de Vertumne. L'exécution de ce Ballet fut
tres-brillante.
Le 20 et le 23 , on chanta devant la
Reine , le Ballet du Carnaval et de la Folie.
La Dlle Lenner fit le Rôle de Venus ,
et le S'd'Angerville , ceux de Jupiter et
du Carnaval. Le St Godeneche , celui de
Momus;et le S Petillot , et la Dile Mathieu
chanterent ceux de Plutus et de la Jeunesz
se. Les Rôles du Professeur de Folie et de
son Ecolier furent chantez par les S Gué
don et le Prince , avec beaucoup de lége
reté. Ce Ballet fut suivi d'une Ariete et
d'un grand Choeur de Trompettes ; de la
composition de M. Destouches , dont
l'exécution fut tres - vive et très - précise.
Le Mardy , 12 de ce mois , les Comé
diens François représenterent dans le Sa
lon de Marly , sans Théatre , la Comédie
du Chevalier à la mode , et celle du Cock
imaginaire. Mais ces Piéces firent peu
plaisir ; la voix des Acteurs se perdant par
l'exhaussement du lieu . On n'avoit jamais
joué la Comédie à Marly.
de
Le 23, la Lotterie de la Compagnie
des
Indes , établie pour le remboursement
des
Actions , fut tirée en la maniere
accoutumée,
à l'Hôtel de la Compagnie
. La Liste
des Numeros
gagnans
des Actions
et dixiémes
d'Actions
, qui doivent
être rem-
I iij bour
394 MERCURE DE FRANCE
boursez , a été renduë publique ; elle fait
en tout le nombre de 304 Actions, un dixiéme
d'Action ..
On a remarqué que le Carnaval a été
tres - bien celebré cette année à Paris , et
qu'on s'y est beaucoup diverti ; tous les
Spectacles ont été fort fréquentez ; il y a
eu quantité de Mariages et de Nôces brillantes
, de Bals , de Fêtes , de Concerts et
autres Assemblées de jeu ,de bonne- chere ,
&c. On a vû dans les rues , en plus grand
nombre que les autres années , des Mascarades
avec des déguisemens singuliers ,
des Troupes de Masques, des Cavalcades,
des Chariots, &c. Le nombre des Carosses .
et des Masques a été prodigieux au FauxbourgS.
Antoine ,pendant les trois derniers
jours gras..Le beau - tems , la douceur du
Gouvernement et l'attention continuelle
des Magistrats , sur la Police de cette grande
Ville , ont sans doute porté les peuples à
se livrer à la joye qu'ils ont fait paroître.
Une autre circonstance heureuse , c'estqu'il
n'est pas arrivé le moindre désordre,
point de batterie , point de querelle , pas
le moindre accident .
LET
FEVRIER.
395 1732.
LETTRE écrite par M.... à M .....
sur les Embellissemens du Jardin
du Palais Royal.
Ous me demandez , Monsieur , avec
tant d'empressement, la Description
des Embellissemens que M. le Duc d'Or
leans a ordonné de faire dans son Jardin
du Palais Royal ', depuis votre départ de
Paris , que je croirois manquer à ce que
je vous dois , si je differois plus long- temps
de satisfaire là - dessus votre louable cu
riosité .
Lorsque le Cardinal de Richelieu laissa
ce Palais au Roy Louis XIII . par son Tes
tament , en l'année 1642. l'Art des Jardins
n'étoit presque pas connu en France ;
aussi voyoit - on des grands défauts dans
celui dont il s'agit ici . On avoit fait au
bout du Jardin une Piece d'Eau , de figure
ronde , dont le Diametre étoit de 40
toises , ce qui étoit immense et tres- disproportionné
à la grandeur du lieu . On y
mettoit de petits Vaisseaux, qui imitoient
lés Combats de Mer , pour servir de divertissement
au feu Roy dans son enfance.
Il y avoit un autre Bassin sur la même
ligne , plus près du Château , avec un
Jet d'eau , & c..
I iiij Aw
>
396 MERCURE DE FRANCE
Autour du Jardin on avoit pratiqué un
Mail;exercice qui étoit fort envogue en ce
temps là , et que les Seigneurs de la Cour
aimoient passionément .
Il y avoit aussi un Manége , qui emportoit
encore une portion de Terrain
en sorte que le moindre usage qu'on faisoit
alors de ce Jardin , étoit la promenade.
Il est vrai que dans la suite , et après la
cessation de ces exercices , on trouva de
l'ombre et de quoi se promener ; mais la
durée des Arbres et de tout ce qu'on avoit
planté, n'a pas été longue , en sorte que
quand il a été question de faire les changemens
que vous allez voir , tout étoit
mort , à l'exception de quelques Maroniers
sur le retour, et de l'Allée qui donne
sur le milieu de l'Appartement , et du
petit Jardin de S. A. R. qui ont été conservez
.
Une autre deffectuosité , ( et ce n'étoit
pas la moins considérable ) venoit de differentes
formes d'Escaliers , qui appar
tiennent aux Maisons bâties autour de ce
Jardin , er qui y communiquent. Outre
l'irrégularité et la difformité qui choquoit
étrangement la vûë ; on étoit exposé par
les immondices que cause cette communication
à une infection tres-desagréable, et
caFEVRIER.
17328 397
capable d'alterer l'air et du Jardin et des
Maisons.
Enfin la continuation du passage public
à travers le Jardin , que M. le Duc d'Orleans
avoit la bonté de souffrir , ne permettoit
pas d'avoir de Parterre , de Broderie
, ni- de Découpé ; avec des Fleurs ,
&c.
Tel étoit , Monsieur , l'état de ce Jardin
, lorsqu'en l'année 1730 M. le . Duct
d'Orleans, qui sçait allier les plus grandes
qualitez, dont la principale est en lui une
vraie et solide piété, avec le goût du beau
et du vrai dans les Arts , se détermina à
faire remedier à tous ces inconveniens et à
donner au Jardin de son Palais , les ornemens
dont il peut être susceptible.
Ce Projet résolu, le Prince chargea M.le
Comte d'Argenson , Conseiller d'Etat ,
Grand - Croix et Chancelier , Garde des
Sceaux de l'Ordre Royal et Militaire de
S. Louis , Chancelier , Garde des Sceaux et
Sur-Intendant des Finances de la Maison
de Monseigneur le Duc d'Orleans , dont
il connoit parfaitement le zéle et le bon
goût , de le faire exécuter. Ce Magistrat
jetta d'abord les yeux sur M. Desgotz,.
Architecte du Roy de la premiere Classe,
ancien Contrôleur General des Bâtimens ,
neveu de l'illustre Mle Nôtre , et l'héri--
Ly. tiers
400 MERCURE DE FRANCE
tier dé son génie ; choix duquel M. le Duc
d'Orleans donna d'autant plus facilement
les mains , que la capacité de M.Desgotz
pour l'Art des Jardins et pour l'Architecture
lui est parfaitement connuë. Ce
Prince fut dèslors assuré du succès de l'entreprise
et de la celerité de l'exécution .
Il étoit principalement question dans le
Projet de faire un Jardin fort ouvert et
capable de contenir beaucoup de monde;
de négliger pour cela tous Jardinages fermez
, comme Bosquets de Charmille ,
Boulingrains , Palissades , &c. Dans cette
vûë , l'habile exécuteur des Ordres du
Prince , a fait un grand Parterre de Gazon
sans Plattes bandes , entouré seulement
d'Ormes en boule , avec un Bassin d'une
grandeur raisonnable et proportionnée ,
qui pousse un tres -beau Jet d'Eau.
و
Autour de la partie superieure du Bassin
, il y a une demie Lune surhaussée de
treillage à plusieurs Angles. C'est-là que
sont placez , ainsi qu'autour du Parterre
des Statues de la main de Leremberg ,
et des plus habiles Maîtres du siecle passé.
Au - dessus de la demi Lune de treillage
qui forme la place du Parterre , il y aun
Quinconge de Tilleuls et des places espacées
avec simétrie pour des bancs de
commodité , ce qui donnera dans la suite
un
FEVRIER. 1732. 450
un ombrage charmant et une très - belle
Promenade .
Tout au fond du Jardin on a élevé
un grand Portique de Treillage de sixtoises
de largeur , avec une hauteur proportionnée
, orné de deux Figures dans
des Niches , d'une très- belle exécution ,
ce qui termine agréablement tout le Jar
din et fait un très - beau coup d'oeil .
Enfin pour obvier à l'irrégularité et à ·
l'inconvénient dont il a été parlé , et pour
que tout fût agréable à la vûë , on a fait
un treillage continu d'environ 10. pieds .
de hauteur , qui regne sur tout le pourtourà
12. pieds de distance des maisons,
et qui couvre absolument la difformité
des differens Escaliers . il a été fait en même
temps une deffense generale aux Habitans
de ces maisons de ne rien souffrir le
long des murs et dans la distance qui
vient d'être dite , qui puisse causer la
moindre mauvaise odeur , ce qui est parfaitement
bien observé..
C'est ainsi que les ordres de M. le Duc.:
d'Orleans ont été heureusement exécuteze
par M. Desgots , et c'est par ces change
mens necessaires et par tous les embellissemens
que je viens de décrire , que
le Jardin du Palais Royal est aujourd'hui
Pun des plus beaux ornemens de Paris
22.0
*
et .
402 MERCURE DE FRANCE
et qu'il fait également un singulier plaisir
aux Etangers et aux Habitans de cette:
grande Ville , sur tout à ceux qui ont le
bonheur de demeures aux environs , et.
qui ont l'avantage d'y voir souvent cet
aimable Prince s'y promenerp ubliquement
et devenir , pour ainsi dire , Cytoyen
, à l'imitation du plus grand d nos
Rois qui dépouilla quelquefois , si j'ore.
ainsi parler , son Eminente Dignité pour
se rendre populaire , affable et presque
Citoyen , Rex prope civis erat , selon l'expression
du fameux Santeuil , qui justifie
la mienne . Je suis , Monsieur , &c..
A Paris le 15. Janvier 1732.
Les Vers qu'on va lire trouveront ici
heureusement leur place .
AU CONCIERGE
DU PALAIS ROY AL.
REQUESTE.
Mouche et Plutonne , c'est le nom „
De deux Barbettes de renom ,
Qui sont vos très humbles Servantes ,
Et qui viennent , très- suppliantes
Far devers vous crier merci ,
Pour cas qui les met en souci,
C'est
FEVRIER
493 1732
C'est au sujet d'une Ordonnance ,
Qui fait une expresse défense:
A tout incivil Animal
D'entrer dans le Palais Royal
Et sur tout à la Gent Canine.
Cette Ordonnance les chagrine ;
Mais leur respect est le plus fort,
Elles sentent qu'on n'a point tort
D'agir avec cette rudesse
Envers tous ceux de leur espece..
Jadis ils oserent gâter
La demeure de Jupiter ,
Et leur punition fut telle
Qu'aucun n'en rapporta nouvelle :-
Ce qui fait que Chiens de leurs nez ',,
S'entre font fête où vous sçavez .
Ceci peut être une imposture;
Mais , comme om craint que
Ne se commette de la part
De ces Animaux , sans égard ,
telle injure-
Pour les lieux les plus venerables ,
On ne veut point que leurs semblables
Desormais entrent dans celui
Qu'on doit respecter aujourdhuy ,
Tant pour
les beautez qu'il enserre,
Que pour le Maître qu'on revére.
Les Suppliantes cependant ,
Sans condamner aucunement
L'équité
404 MERCURE DE FRANCE
L'équité de cette Ordonnance ,
Voudroient pour elles seulement
Qu'on pût avoir quelque Indulgence ;
Vous remontrant très- humblement .
Qu'une semblable complaisance
Ne peut tirer à consequence ::
Qu'il est Chiens et Chiens dans Paris. ›
Et qu'elles sont Chiennes d'un prix
Qui vaut bien qu'on leur fasse grace
Les distinguant entierement
Des vils Animaux de leur race ;
Que le premier Prince du Sang ,
Malgré tout l'éclat de son rang ,
Daigne louer leur gentillesse
Et même leur faire caresse.
On peut sans risque être garant
De leur reserve et leur sagesse ,
Tant on prit soin correctement
De bien diriger leur jeunesse.
Permettez donc que libremente
Elles puissent avoir entiée
Dans cette enceinte reverée ,
Qui de Paris fait à present .
Les délices et l'ornement..
Si vous honorez leur priere
De cette faveur singuliere ,
Plutonne vous remerciera ,
Et Mouche yous caressera ,
2
St
FEVRIER. 1732 . 4955
Si vous aimez qu'on vous caresse ,
Comme elle vous divertira
Si vous voulez voir son adresse ,
Sa legereté , sa souplesse .
Leur Maître aussi vous répondra
Car il est bon qu'il en réponde
Que sur elles il veillera
Si bien qu'il ne passera
Rien de deshonnête et d'immonde
Dans ce rendez vous du beau Monde
Ainsi , soyez en sureté
Contre toute incongruité
De la part des deux Suppliantes-
Qui sont vos très-humbles servantes. .
MORTS , NAISSANCES
et Mariages.
E30. Janvier , Dame Magdeleine Vanier
valier , Comte de Grignols , mourut à Paris ,
âgée de 80. áns.
François de Goulard , Marquis de Lescusson ,
Brigadier des Armées du Roy , Gouverneur de
Riblemont , cy- devant Premier Sous - Lieutenant
de la seconde Compagnie des Mousquetaires de
la Garde du Roy , mourut à Parls le 31. âgés
d'environ 106. ans.
D. Marguerite de Mechatin , Chanoinesse ,
Com6
MERCURE DE FRANCE
Comtesse de Remiremont , mourut le 2. Février,
âgée de 96. ans.
D. Agnès- Pauline Portail , veuve de Nicolas le
Machat de Pompadour , ancien Colonel d'Infan
rerie , Chevalier de S. Louis , mourut le 3. âgée
de 87. ans .
Charles Jean Baptiste Fleuriau , Comte de -
Morville , Chevalier de l'Ordre de la Toison
d'Or , Gouverneur et Grand - Bailly de Chartres,
et l'un des Quarante de l'Académie Françoise ,
mourut à Paris le 3. de ce mois ; dans la 46. année
de son âge . Il étoit Ambassadeur du Roi en
Hollande , et Ambassadeur Plenipotentiaire de
S. M. au Congrès de Cambray , lorsqu'au mois
d'Avril 1722. il fut pourvû de la Charge de Scretaire
d'Etat , dont feu M d'Armenonvile son
Pere , pour lors Garde des Seeaux de France ,
s'étoit démis en sa faveur . Au mois d'Août 172 }
le Comte de Morville eut le département des Affaires
Etrangeres , et devint Ministre d'Etat , er
forsque le 19. Août 1727. il avoit prié le Roi
d'accepter la démission de sa Charge, S.M pour
récompenser ses services , lui avoit accordé une
pension de 20000.
Gilbert d'Hostun de Gadagne , Comte de Verdun
, Lieutenant de Roi de la Province du Forès ,
mourut à Paris le 5. de ce mois , dans la 78 année
de son âge.
M. Gallot Mandat , Doyen des Conseillers
Clercs du Parlement , Prieur du Prieuré de Saint-
Pierre Decéton , mourut le 6. âgé de 83. ans.
D. Louise-Therese Diane de Bautru de Nogent,
Epouse de Louis Chrétien Darçot , Cointe du
$ Empire , mourut le 6. âgée de 67 ans
D. Marie- Julie de Boorsm , veuve de Alexandre
, Marquis de S. Ferveol Montauban , mourur
le 10 âgée de 70, ans,
FEVRIER. 1732. ·407
Jean-Claude de la Poype de Vertrieux , Evêque
de Poitiers , est mort depuis peu dans son Diocèse.
Il y a plusieurs années que l'Abbé de Foudras,
Comte de Lyon , a été nommé Coadjuteur de
l'Evêché de Poitiers.
Charles d'Hozier , Juge d'Armes de France
Génealogiste des Ecuries du Roy , Chevalier des
Ordres Militaires de S Maurice et de S. Lazare ,
mourut le 13. Fevrier , dans la 92. année de son
âge. Il étoit fils de Pierre d'Hozier , Conseiller
d'Etat , Chevalier de S. Michel , Juge d'Armes
de France , & c.
Jean- Baptiste de' Pomereu , Chevalier , Marquis
de Riceys , Conseiller d'Etat , mourut le 13.
âgé de 76. ans ou environ.
M. Jean- Baptiste- Thomas Hue de Miromenil
, Chanoine de l'Eglise de Paris , Abbé de
S : Urbain , Diocèse de Châlons, mourut le 20 de
ce mois , âgé de 64. ans ou environ.
La Princesse de Conty , seconde Doüairiere ,
Princesse du Sang , mourut à Paris le 22 de Fevrier
, à 5. heures et demie du matin , âgée de
66, ans et 21. jours , étant née le premier Fevrier
1666. Cette Princesse , qui se nommoit Marie-
Therese , étoit fille d'Henry Jules de Bourbon ,
Prince de Condé , Premier Prince du Sang , mort
le premier Avril 1709. et d'Anne de Baviere ,
morte le 23. Fevrier 1723. Elle avoit été mariée
le 29. Juin 1688. à François - Louis de Bourbon,
Prince de Conty , mort le 22. Fevrier 17094
qui avoit laissé de ce Mariage Louis Armand de
Bourbon, Prince de Conty, mort le 4. May 1727.
Marie- Anne de Bourbon Conty , premiere femmedu
Duc de Bourbon , morte le 21. Mars 1720% -
et Mademoiselle de la Roche - sur -Yon .
⚫ D. Anne de Castras , Epouse de Michel-Jean
Bap
408 MERCURE DE FRANCE
4
Baptiste Charon , Marquis de Menars , Earon de
Conflans , Brigadier des Armées du Roi , Gouverneur
du Château de Blois & c , accoucha le 26
Decembre d'un fils qui fut nommé Charles- Armand
, par Charles Armand de Gontaud , Dac
de Biron, Lieutenant General des Armées du Roi,
Gouverneur de Landau , et par D. Marie- Fran-›
çoise- Therese Charon de Menars de Rozieux.
D. Magdelaine- Catherine Carvel , Epouse de
Charles , Marquis de Loudetot , Brigadier des
Armées du Roi , Colonel du Regiment d'Artois ,
Lieutenant de Roi en Picardie , accoucha le 29
d'une fille qui fut nommée Charlote- Magdelaine
par M. Charles - Arnaud de Pomponne , Abbé de
S. Medard de Soissons , Conseiller d'Etat ordinaire
, Commandeur des Ordres du Roy &c. et 、
par D. Marie Megret , Epoufe de Claude Pellot
Comte de Trevieres , Conseiller au Parlement.
D. Charlotte Rivié , Epouse de Marie du Fresnoy
, Chevalier , Marquis de Fresnoy ; accoucha
le 11. de Janvier d'un fils , qui fut tenu sur les
Fonts par M: Thomas Rivié , Conseiller , Secretaire
Honoraire du Roy , Baron de Chars ,
par Ď. Marie- Anne Deschiens de la Neuville ,
Epouse de M.Jean- Baptiste Marquis du Fresnoy.
et
D. Marguerite du Temple , Epouse de Barthelemi-
Nicolas Huault , Seigneur de Bemuy , &c.
Conseiller au Parlement , accoucha le 1r . Janvier
d'une fille , qui fut nommée Anne , par Pierre
Molasque Couray , Chevalier de l'Ordre de
Portugal , Conseiller , Secretaire du Roy , &c. et
par D. Anne- Françoise Diolet , Epouse de Hugues
de Monteilles, Capitaine d'Infanterie.
D. Louise Thoynard ' , Epouse de M. Gilbert
Garpentier , Chevalier , Seigneur de Crecy &c ,.
ac
FEVRIER. 1732. 409
accoucha le 22 de ce mois d'un fils qui fut tenu
sur les Fonts par Charles- François de Laubespine,
Chevalier, Seigneur Comte de Laubespine , Cousin
du Seigneur de Crecy , et par D. Marie - Françoise
de Beauvilliers de S.Aignan , Soeur du Duc
de S. Aignan, Chevalier des Ordres du Roy , Ambassadeur
de S. M. à la Cour de Rome , et Mere
du Comte de Laubespine.
D. Marie- Anne Besnard , Epouse de Louis
Gabriel Bazin , Marquis de Besons , Mestre de
Camp du Régiment Dauphin Etranger, Cavalerie,,
Gouverneur des Ville et Citadelle de Cambray ,
accoucha le 25. Janvier d'une fille , qui fut nommée
Louise-Josephe , par Joseph- Antoine de
Menestrelle de Hauguel, Seigneur de S. Germain,
ancien Capitaine aux Gardes Françoises , et par
D. Louise Magdeleine le Blanc , veuve d'Esprit
Juvenal de Marville , des Ursins , Marquis de
Trainel .
Dame Anne Cahouet de Beauvais , Epouse de
M. Germain-Louis de Chauvelin , Garde des
Sceaux de France , Ministre et Secretaire d'Etat ,
Président à Mortier au Parlement , accoucha le
25. Janvier d'une fille qui fut nommée Anne
Sabine Rosalie, par Henry Camille de Beringher ,
Chevalier des Ordres et Premier Ecuyer du Roy,
Lieutenant General au Gouvernement de Bourgogne
, et Gouverneur des Ville et Citadelle de
Châlons sur Saone , et par D. Marie - Catherine
Anne d'Estrées , veuve de Michel François le Tellier,
Marquis de Courtenvaux , Capitaine - Colonel
de la Compagnie des Cent- Suisses de la Garde
ordinaire du Corps du Roy.
D. Jeanne Camus de Pontcarré , Epouse de
Louis- Christophe de la Rochefoucault de Lascaris
Marquis d'Urfé , &c. Grand- Baillif de Forès,
Mestre
410 MERCURE DE FRANCE
Mestre de Camp de Cavalerie , accoucha le 174
Fevrier d'une fille, qui fut nommée Agnès -Marie,
Louis Hubert , Comte de Champagne , fils
de feu N. Hubert deChampagne, Comte de Villai .
ne et de D. Magdelaine de Champagne , épouſa
le 11 Decembre D. Françoise Judith de Lopride ,
veuve de Jean- François Joubert , Comte de Châ
teau-Morant , Lieutenant General des Armées du´
Roi , Grand- Croix de l'Ordre de S. Louis .
Charles-Philippe d'Albett , Duc.de Luynes et
de Chevreuse , Pair de France , veuf de Dame
Louise Jaqueline de Bourbon , Princesse de Neuf-
Chatel et de Valangin , Comtesse de Dunois & c.
épousa le 19 Janvier D. Marie Brulart , veuye de
Louis -Jofeph de Bethune, Marquis de Charost :
la célébration fut- faite par M. l'Archevêque de
de Paris dans sa Chapelle.
Louis Cesar de la Beaume le Blanc de la Val-
Here , Duc de Vaujour , Gouverneur et Grand-
Senechal en survivance de la Province de Bourbonnois
, Colonnel d'Infanterie , fils de Charles.
François de la Beaume le Blanc de la Valliere
Duc de la Valliere , Pair de France , &c. Lieute.
tenant General des Armées du Roy , et de Dame
Marie-Therese de Nouailles , épousa le 19. Fcvrier
D. Anne Julie de Crussol , fille de Jean
Charles de Crussol , Duc d'Usez , Premier Pais
de France , Gouverneur de Saintonges , et d'Angoumois,
Chevalier des Ordres du Roy , et de
D. Anne Marie -Marguerite de Bullion .
Adrien Maurice de Mairault , Ecuyer , Receveur
des Décimes du Clergé , épousa le zo . Février
Madlle Françoise - Catherine de Villiers , fille
de M. François Beluchau , Ecuyer , Seigneur de
Villiers , Gentilhomme ordinaire du Roy , ve
.teran..
FEVRIER 1722. 411
>
Jean- Baptiste- Louis- Frederic de Roye de la
Rochefoucault , Marquis de Roussy , Duc de
Damville , Lieutenant General des Galeres , fils
mineur de Louis de Roye de la Rochefoucault ,
Marquis de Roy , Lieutenant General des Galeres
, en survivance , et de D. Marthe Du Casse
épousa le 28. du même mois D. Louise- Elizabeth
de la Rochefoucault , fille mineure d'Alexandre
Duc de la Rochefoucault et de la Roche - Guyon,
Pair de France , Chevalier des Ordres du Roy
Grand - Maître de sa Garderobe , et de D. Elizabeth-
Marie Loüise -Nicole de Bermond du Caylard
de Noyras d'Amboise .
.
ARRESTS NOTABLES , & c.
LE
ETTRES PATENTES DU ROY ,
du mois de Juillet 173 1. en faveur de la Ville
de Rennes.
LOUIS, par la grace de Dieu, Roy de France et
de Navarre ; à nos amez et féaux Conseillers, les
gens tenant notre Cour de Parlement de Bretagne
, SALUT . Nos amez et feaux les Maires et
Echevins de notre Ville de Rennes , nous ont fait
remontrer par Arrêt de notre Conseil du premier
Août 1730. nous leur avons permis pour les causes
contenues en leur Requête inserée audit Arrêt
, de faire tenir chaque année par augmentation
-une sixiéme Foire , dont l'ouverture se feroit le
Lundi devant le Dimanche gras de l'année lors
prochaine 1731. qui finiroit le premier Lundy de
Carême , que cette Foire se tiendroit dans la Place
de Ste Anne de ladite Ville en la maniere açcoûtumée
pour les Marchandises
, seulement ;
дои
412 MERCURE DE FRANCE
nous avons de plus permis qu'il seroit tenu à l'a
venir le Mardy de chaque semaine un Marché de
Chevaux et Bestiaux dans la Place duVieux Cours,
où se tiennent ordinairement les Foires ; que par
un second Arrêt du 22. May dernier , nous avons
ordonné que cette sixiéme Foire seroit à l'instar
des autres Foires cy-devant établies en ladite Ville
de Rennes , qu'elle tiendroit tant pour les Marchandises
que pour les Chevaux , Boeufs et autres
Bestiaux , sçavoir , pour les Marchandises seulement
dans la Place Ste Anne et pour les autres
-Bestiaux dans la Place du Vieux Cours , voulant
au surplus que l'Arrêt de notre Conseil du premier
Août 1730. soit executé selon sa forme et
teneur , et que sur les deux Arrêts toutes Lettres
necessaires soient expediées, que lesdits Maíres et
Echevins et Habitans nous ont très - humblement
supplié de leur vouloir octroyer. A CES CAUSES ,
voulant favorablement traitter les Exposans , de
Pavis de notre Conseil qui a vu lesdits Arrêts
rendus en icelui les premier Août 1730. et 22 .
May de la présente année , cy-attachez sous le
contre-scel de notre Chancellerie, conformément
iceux , nous avons ausdits Exposans permis et
par ces Presentes signées de notre main , permet
tons de faire tenir en ladite Ville chaque année
par augmentation une sixéme Foire dont l'ouverture
se fera le Lundy devant le Dimanche gras et
qui finira le premier Lundi de Carême ; avons ordonné
et ordonnons que ladite Foire sera à l'instar
des autres Foires cy - devant établies en ladite
Ville , qu'elle se tiendra tant pour les Marchandises
que pour les Chevaux et Bestiaux ; sçavoir ,
pour les Marchandises seulement dans la Place
-de Ste Anne , et pour les Chevaux , Boeufs et autres
Bestiaux dans la Place du Vieux Cours ;
avor
FEVRIER 1732. 413
avons en outre permis et permettons ausdits Exposans
par lesdites Présentes signées de notre
main , de faire tenir le mardy de chaque Semaine
un Marché de Chevaux , Boeufs et autres Bestiaux
dans ladite Place du Vieux Cours , où se
tiennent ordinairement les Foires , &c.
P
TABLE.
IECES FUGITIVES : Paraphrase du Pleaume :
Quarefremuerunt gentes , &c. · 199
Reflexions sur la Bizarerie de differens usages
&c.
Pluton amoureux . Cantate ,
203
212
Réponse de M. l'Abbé Trublet , au sujet des Re-
A Mad... Vers ,
Lettre sur le terme d'Adorer , ie.
flexions sur la Politesse , 215
229
Dissertation sur la Comédie , &C. 232
Sonnet a Mlle de la Vigne , 250
251
259
&c. 260
265
Epigramme sur M. Newton
Memoire sur un Train de Carosse inversable ,
Ode de Mile de la Vigne ,
Réponse de M. Meynier , sur le demi Cercle, & c.
Les Fines Eguilles , à Mlle ,
Lettre , au sujet d'un Saint inconnu , &c .
274
294
298
Enigme , Logogryphes , & c . 314
Nouvelles Litteraires des beaux Arts , &c. His
toire des Rois de Chypre , & c .
318
Lettre sur la mort de M. de la Morte , 320
L'Argenis de Berclai , &c.. 322
Reflexions diverses , & c.
Livres nouveaux des Païs étrangers , &c.
325
329
His
Histoire de Charles XII . 2e édition ,
Histoire moderne , ou état present de tous les
Peuples du monde , & c,
332
337
Dissertations sur des sujets singuliers , &c. 540
Nouvelle vie des Peintres , Sculpteurs , & c. ibid.
Manuscrits , acquis par le Roy , 341
Estampes nouvelles , 342
Diamans arrivez en Portugal , 344
Spectacles. Lettre écrite de Nimes ,
Stances , & c.
347
350
Le Glorieux , Comédie. Extrait
L'Opera Comique. La Comédie sans hommes ,
&c.
Nouvelles Etrangeres de Turquie et Perse , 380
De Russie , d'Allemagne , d'Italie et d'Espagne ,
Morts , Naissances , & c .
382
389
France , nouvelles de la Cour , de Paris , &c. ibid.
355
373
Lettre sur le Jardin du Palais Royal ,
39.5
Requête en vers , 402
Morts , Naissances , Mariages en France , 405
Arrêts notables . Lettres Patentes , 41.1
Errata de Janvier 173 2.
Page 43 ligne 24. au Monastere , lisex aux Mog
nasteres.
Fautes à corriger dans ce Livre.
Page 210. ligne 9. nud , lisez nuës.
Pag. 224. lig. 13. le terme , lis. ces termes,
Pag. 260. lig. 3. plus , ôtez ce mot .
Pag. 282. lig. 6. sa , lis . la.
Pag. 285. lig. 39. et ,
lis . ce.
Pag. 342. lig. 16. ses freres , lis. ses fris.
Lafiguregravée doit regarder la page 276.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le