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Titre d'après la table

La Critique, Comédie, &c.

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Incipit

LA CRITIQUE, Comédie de M. de Boissi, représentée pour la

Texte
LA CRITIQUE, Comédie de M. de
Boissi , représentée pour la premiere fois
par les Comédiens Italiens le 9. Fevrier
1732. A Paris, chez P. Prault , Quay de
Gesures, 1732. prix 24. sols.
Nous croyons que cette Piece sera luë
avec
26 MERCURE DE FRANCE
avec autant de plaisir qu'on en a vû les
Représentations. Elle est pleine d'esprit
et bien versifiée ; mais comme ce n'est
pas une Comédie réguliere , et que beau
coup de Scenes pourroient s'en détacher
aisément , sans nuire au progrès de l'action , nous n'en donnerons pas un Extrait
bien regulier , quoiqu'il y ait de quoi en
faire un fort long , si nous voulions y
faire entrer tout ce qui a été applaudi.
Cette Piece est precédée d'un Prologue
intitulé , L'Auteur Superstitieux. Dans la
Représentation , le sieur Romagnesi ,
sous le nom de Clitandre , entre très- bien
dans ce caractere. Il dit à son ami Damon
qui combat ses foiblesses superstitieuses.
L'Interêt , la gloire avec l'Amour ;
Ils m'occupent tous trois , et dans ce même jour,
Onjuge mon affaire , on doit jouer ma Piece ,
Et je suis sur le point d'épouser ma Maîtresse....
Tous mes sens sont émus d'une façon terrible.
Pour l'interêt , amis , je suis très -peu sensible.
Si je perds mon procès , comme je le crois fort ,
Je m'en consolerai sans faire un grand effort.
Pour l'Amour et la gloire il n'en est pas de même,
Tous deux mé font sentir leur ascendant suprême ,
Tous deux d'un feu pareil enflâment mon desir ,
Et sont enmême temps ma peine et mon plaisir.
Dans
7
MARS. 1732. 527
Dans mes sens agitez leur cruelle puissance ,
Fait succeder la peur sans cesse à l'esperance.
Plaire à l'objet que j'aime, et mevoir son époux
Offreà moncœur sensible un triomphe bien doux;
Mais la crainte de perdre un bien si plein de
charmes,
Y porte au même instant les plus vives allarmes.
Par un brillant Ouvrage assembler tout Paris ,
Réunir tous les goûts, charmer tous les esprits ,
Malgré tous les efforts que tente la Critique ,
Captiver par son Art l'attention publique ,
Forcer deux mille mains d'applaudir à la fois ,
Et s'entendre loüer d'une commune voix ,
Presente à mon esprit la plus haute victoire
D'un Guerrier qui triomphe on égale la gloire :
Mais si l'honneur est grand le revers est affreux;
DuParterre indigné , les cris tumultueux,
Sa fureur qui maudit et l'Auteur et l'Ouvrage ,
La tristesse et l'ennui peints sur chaque visage,
Tous les brocards malins qu'on vous donne en
1
:
sortant ,
Et votre nom en butte au mépris éclatant.
Le desert qui succede à la foule écartée ,
Accablent à leur tour mon ame épouventée ;
Je crains de deux côtez d'avoir un sort fâcheux ,
D'être Amant traversé comme Auteur malheu reux.
Il ajoûte en répondant à Damon.
Tout
28, MERCURE DE FRANCE
Tout ce que vous direz ne servira de rien ;
Et pour finir le cours d'un pareil entretien ,
Né superstitieux , je ne suis pas mon Maître ,
Je pense commevous qu'il est honteux de l'être.
Ma raison me le dit , mais elle perd ses soins ;
J'en sens le ridicule et ne le suis pas moins.
Contre les préjugez en vain on se rebelle ,
Lasuperstition à l'homme est naturelle ,
Et le hazard malin pour la fortifier >
Se plaît incessamment à la justifier.
Je l'ai trop éprouvé dans plus d'une occurrence
La raison ne tient pas contre l'experience;
Et votre cœur peut- être auroit le même effroi ,
Si vous étiez, Monsieur, sur le point comme moi,
D'attirer du Public la loüange ou le blâme ,
De perdre ou d'obtenir l'objet de votre flame.
La Scene du Prologue se passe chezClitandre.
Les Acteurs de la Piece , dont la Scene
est au Parnasse , sont Apollon , Thalie ,
la Critique.Un Auteur satyrique , le sieur
Dominique, Chrisante, homme singulier,
le sieur Romagnesi. La Médisance , la
Dlle Sylvia. Le Vaudeville , le sieur Thévenot. Coxesus, Arlequin.La Contredanse,
le Tambourin , le Menuet , &c.
Apollon et Thalie ouvrent la Scene ;
la Muse commence ainsi.
Seigneur,
MARS. 1732 5299
Seigneur , malgré la brigue et la clameur pu
blique , 1
Parmi les doctes Sœurs vous venez de placer
La juste et la saine Critique.
Elle vient s'établir dans l'Etat Poëtique,
Pour y maintenir l'ordre et pour le policer.
Je ne sçaurois, pour moi qui préside au Comique,
Et qui tiens de ses traits mon plus grand agré ment ,
Donner à votre choix trop d'applaudissement.
Quel bonheur de la voir gouverner le Parnasse
Elle qui par le vrai se regle uniquement ,
Et ne fait à personne injustice ni grace,
Apollon.
Dans le monde on a d'elle une autre opinion
Par un injuste effet de la prévention
De tout le Genre humain on la croit l'ennemie
On croit que sans égard et sans distinction ,
Elle condamne tout par une basse envie.
Pour détruire les faux Portraits ,
Qu'a fait d'elle en tous lieux la noire calomnie ,
Il faut aux yeux de tous qu'elle se justifie ,
Et dévoile an grand jour ses veritables traits.
Chacun viendra lui rendre hommage
Et la feliciter sur ses honneurs nouveaux ;
Elle doit faire voir que son goût toûjours sage,
Scait approuver le vrai , comme blâmer le faux;
Qu'elle
530 MERCURE DE FRANCE
Qu'elle reprend sans fiel , et que son badinage ,
Sans blesser la personne , attaque les deffauts ;
Elle ne prétend plus sur tout qu'on la confonde ,
Avec la Satyre , sa sœur ,
Qui sous son nom , s'affichant dans le
monde ,
Lui fair partager sa nóirceur ;
Elle sent trop qu'il est de son honneur,
De démasquer cette même Satyre ,
Qui dans sa maligne fureur
Ne reprend point par le désir d'instruire ,
Mais par le noir plaisir qu'elle prend à médire
Et de désavoüer tous ces Auteurs obscurs
Dont la plume anonyme,
Jusques sur la vertu , répand ses traits impurs
Et qu'inspire en secret , sa scœur illégitime.
t Je dois moi-même les punir ,
.Et pour jamais bannir
Cette engeance coupable ,
Pour la gloire de l'Art qu'elle rend méprisable,
Dans la troisiéme Scene , Chrisante
s'applaudit d'un ouvrage qu'il a entrepris ; c'est la Critique du Public. Ce Tableau présenté au Public lui - même ,
sous les traits les plus ressemblans , est un
morceau
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morceau que nous n'avons pas cru devoir
ometre.
Apollon.
mais voudriez- vous bien Le projet est nouveau ,
Me détailler et m'apprendre
Ce que dans le Public vous trouvez à reprendre
Soit dans ses actions , ou dans son entretien ?
Chrisante.
Mille travers , mille bévuës ,
Son gout pour le Clinquant , dont il est le sou tien ,
Et pour la nouveauté qu'il porte jusqu'aux nuës,
Ou qu'il met au dessous du rien ;
Carjamais il ne garde un milieu raisonnable
Chez lui tout est divin , ou tout est misérable.
Sa fureur pour la mode et pour tout Charlatan 7
Tous les usages foux dont il est partisan ,
Toutes ses politesses fades ,
Ses visites , ses embrassades ,
Et ses saluts du premier jour de l'an,
Du Carnaval ses Mascarades ,
Du Mardy Gras son transport Calotin ,
Et son air sot le lendemain ;
Son exercice aux Thuileries',
Ses caracols , ses lorgneries ;
'Aux Spectacles , ses flots , ses vertiges frequens ,
Ses battemens de mains donnez à contre- temps :
£ Tous
32 MERCURE DE FRANCE
Toutes ses moucheries ,
Ses baillemens , ses crachemens
Aux endroits les plus beaux , les plus interes sans ;
Son ridicule étrange
De recevoir avidement
La plus insipide louange ,
d'applaudir toujours le banal compliment ;
Qu'on lui retourne incessament ;
Sa rage opiniatre ,
De crier presqu'à tout moment ,
Place aux Dames , place au Théatre;
Parlez plus haut ; l'habit noir , chapeau bas ♬
Paix , Monsieur l'Abbé , haut les bras ;
Annoncez ; bis , la Capriole,
Et pour tout dire , enfin , l'insupportable Rôle
Qu'il fair , dès qu'au Parterre il se trouve pressé ,
Ce qui révolte l'ame , et fait hausser l'épaule
A tout homme de gout , છેà. tout homme sensé,
Apollon.
Vous peignez là la multitude ,
Mere du tumulte et du bruit ,
Que n'arrête aucun frein , que l'exemple séduit
Qu'entraîne la coutume , ou l'aveugle habitude
Et non le vrai Public que la raison conduit ,
?
D'où part ce grand corps de lumiere ,
Qui me guide moi - même , et sans cesse m³é—
Claire Ce
MARS. 17320 333
Ce Public, en un mot , avec choix assemblé
Tel qu'on le voit paroître
Aux yeux d'un Théatre réglé.
Quand il écoute en Sage , et qu'il prononce es
Maître
Ses Arrêts qui le font si dignement connoître,
Et dont nul , avant vous , n'a jamais appellé.
Pour mettre le Lecteur en état de juger
du Dialoguede cette Piece , voici le commencement de la 6* Scene , entre la Critique et la Médisance.
Madame , je prens part , comme votre parenté
A votre fortune éclatante.
La Critique.
Pardon, j'ai de la peine à remettre vos traits
J'ai beau vous regarder de près.
La Médisance.
J'ai poutant avec vous assez de ressemblance
La Critique ne devroit pas
Méconnoître la Médisance.
Et de moi dans le monde on fait assez de cas ;
Pour m'avouer d'abord sans nulle repugnance.
La Critique.
Si je vous méconnois , il n'est pas surprenant;
Le chemin que je tiens , est different du vôtre ;
Fij La
$ 34 MERCURE DE FRANCE
La Raison et le Vrai , me guident constam
ment,
Et vous plaisés le plus souvent ,
Aux dépens de l'un et de l'autre , &c.
Les dernieres Scenes se passent entre la
Critique , le Vaudeville , la Contredanse ,
le Menuet , &c. et la Piéce finit par un
diverti
Collectivité
Faux
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
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