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Titre

LETTRE à M.D. Chanoine de N. D. d'A...... sur l'antiquité & la durée de l'usage d'employer le terme d'Adorer envers d'autres que Dieu.

Titre d'après la table

Lettre sur le terme d'Adorer, &c.

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251
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286
Page de fin
259
Page de fin dans la numérisation
294
Incipit

La description qui paroît depuis peu, Monsieur, des beautez de

Texte
LETTRE à M. D. Chanoine de N. D.
d'A...... surl'antiquité & la durée de
L'usage d'employer le terme d'Adorer envers d'autres que Diew
L
A description qui paroît depuis peu,
Monsieur , des beautez de Fontainebleau , où vous avez pris naissance , doit Ciiij exciter
252 MERCURE DE FRANCE
exciter la curiosité non- seulement detous
les Etrangers , mais encore celle des personnes qui s'attachent aux Histoires accompagnées de digressions sçavantes et
instructives. J'en ai remarqué plusieurs
de cette forte dans ce nouveau Livre , ét
quelques- unes sont decelles-là même ausquelles le Journal des Sçavans nous fait
faire attention. La remarque de M. l'Abbé Guilbert touchant l'Inscription qui se
lit à l'entrée de la Chapelle Royale de
Fontainebleau , étoit necessaire dans son
ouvrage. Je connois des personnes pieuses qui ont paru surprises de cette Inscription ; mais commece peuvent être des
gens de bien d'une pieté plus abondante
en chaleur qu'en lumieres , il ne faut pas
s'étonner que ceux qui sont de ce caractere
trouvent quelquefois des reformes à faire
dans le langage des livres les plus anciens
et les plus respectables. M. Guilbert a
donc très-sagement fait d'observer l'antiquité de l'usage du terme d'Adorer
signifier seulement en general respecter,
honorer , et sa remarqueétoit d'autant plus
necessaire que cette Chapelle étant fre- quentée à present plus que jamais par les
Etrangers , il est bon de leur faire comprendre que par l'expression Adorate Re- gem du premier Livre des Paralipomenes;
pour
chap.
FEVRIER 17327 253
quece
chap. 29. v. 20. l'on n'entend autre chose
ece qui est signifié par ces autres termes
de la premiere Epitre de S. Pierre Regem
bonorificate. Ce langage se trouve non- seu
lement dans l'Ecriture Sainte et dans les
Conciles , mais aussi dans les Saints Peres
et chez les Historiens. Lisez Saint Paulin,
Natalit 9. vous y verrez ces deux vers :
:
Ecce Sacerdotis reditum satiatus adoro
Suspiciens humili metantem in corpore Christum
Lisez dans S.Jerôme laLettre de Ste. Paule
et d'Eustochium à Marcelle touchant les
Monumens qui sont à voir et à revérer dans
la Palestine il y est dit qu'il ne faut pas
oublier d'aller à Samarie et d'y adorer les
cendres de S. Jean- Baptiste , ni celles des
Prophétes Elisée et Abdias. Samariamper
gere , et Joannis Baptista , Elisai quoque et
Abdiapariter cineres adorare. Au moment
que j'écris ceci je me souviens que ce terme Adorare est souvent employé dans
P'histoire des Evêques du Mans au troisiéme Tome des Analectes de Dom MabilIon : Vous pourez y recouvrir en sûreté.
Je trouve aussi dans les Antiquités de la
Ville de Castre de Borel à la page 11. un
fragment d'un Manuscrit d'Odon Aribet,
où je lis touchant Bernard Comte de Toulouse , Tolosam venit et Regem Carolum in
Cv Canobio
254 MERCURE DE FRANCE
Cenobio S. Saturninijuxta Tolosam adoravit. Consultez outre cela ce qui a été écrit
par le Cardinal Baronius ausujet de la découverte du Corps de Sainte Cecile , faite
sous le Pontificat de Clement VIII. en
l'an 1599. et vous y trouverez le terme
Adorare pareillement usité en fait.de Reliques. Le Poëte qui a composé les vers
qui se lisent au bas de la Statue Equestre
de Louis XIII. au Frontispice du grand
Mezeray de l'an 1643. étoit apparemment
instruit de ce langage , et il se regardoit
comme autorisé par l'expression gravéeaus
Portail de Fontainebleau, puisqu'il a com
mencé ainsi son Quatrain :
Ce grand Roy dont voici l'adorable visage ·
Vainqueur de ce bas monde au Ciel est remonté.
Un Auteurqui meriteroit de devenir fa--
milier à toutes les personnes qui aiment
les belles Lettres , comme ayant été l'un
des plus habiles humanistes de son siecle,
et Precepteur de quelques Enfans de nos
Rois , ( a ) est Heric, Moine d'Auxerre.
On â de lui une vie de S. Germain Evêque d'Auxerre écrite en vers qui ne sont
point à mépriser , et qui fut rendue puConcil. P'Abb. ad an. 1592:
( a ) De Lothaire Fils de Charles le Chauve."-
blique
FEVRIER. 1732. 255
blique sous François I. dans le tems du
rétablissement des belles Lettres. On a
encore de lui une histoire des Miracles.
de ce grand Evêque. C'est dans ce dernier ouvrage , quoiqu'écrit en Prose, qu'il
donneentrois endroits au corps ou au tombeau de S. Germain l'épithete d'Adorable.
Premierement , lib. 1. cap. 27. il dit que le
Roy Clothaire I. fidele heritier et Imitateur de la devotion que Sainte Clotilde
sa Mere avoit eue envers ce Saint , fit enTourer so n Sepulcre d'un grillage d'argent
et il s'exprime ainsi : Materna devotionis
fidissimus executor et hæres , post genitricis
excessumsuperadorandam beatissimi Germani memoriam regalibus expensis fredam ( a )
composuit. Le second endroit est au chapitre 54. du même Livre , où il dit , Adorandi corporis. Et le troisiéme se lit au second Livre chapitre 9. qui contient comment le Roy Charles le Chauve voulut
assister en personne à la Tranflation qu'il
fit faire du corps de ce Saint pour le jour de
Epiphanie del'an 59. où l'Historien témoinoculaire remarque que ce grandPrincecouvrit lui-même les Ossemens avec des
étoffes précieuses , et qu'ayant été portez
jusques dans le lieu destiné , il y plaça
(a) Heric a été obligé de se servir de ce terme quoique de basse latinité,
Cvj aussi
256 MERCURE DE FRANCE
aussi lui-même le Saint Corps. Rex Carolus operosis denuò palliis corpus venerabile decenter ambivit , et deux lignes après , thesaurum incomparabilem adorandi corporis
ejus ..... principali reverentiâ transpositum collocavit.
port
Je metens , Monsieur , un peu plus sur
cet Auteur que sur les autres , par rapà l'omission que M. l'Abbé Guilbert
à faite de parler de la devotion du Roy
Robert envers S. Germain l'Auxerrois
dont yoici l'article qu'il faisoit à son sujet.
C'est que ce Saint Roi bâtit dans la Forêt
de Bievre une Eglise en l'honneur de ce
Saint au rapport d'Helgaud Ecrivain de sa
vie. Il semble que comme la Forèt de
Fontainebleaun'est autre que celle qui por
toit enciennement le nom de Biévre c'étoit une chose à remarquer , en faisant
observer incidemment que le titre de l'Eglise Paroissiale du Louvre à Paris est sous
la même Invocation , et que plusieurs prétendent que le nom de S. Germain- enLaye vient aussi primitivement d'une
Eglise de Saint Germain d'Auxerre située
dans le Bois de Laye à l'endroit où ce Saint
Prélat fit un Miracle , ou au moins une
Station au sortir de Nanterre. Il n'est pas
étonnant que des Ecrivains assurez de tous
ces faits ayent avancé que nos Rois ont regardé
FEVRIER. 1732. 257
gardé le Prélat Auxerrois comme l'un des
plus grands Titulaires de leur Royaume,
et que la Nation l'envisagera toujours
pour tel. C'est ce qui est fondé sur les
prodiges merveilleux qu'il opera pendant
sa vie et sur l'utilité dont il fut à tous les
habitans des Gaules : Verité reconnuë par
les Historiens de France les plus modernes , et qui fait dire au Pere de Longue
val Jesuite dans sa nouvelle Histoire Ecclesiastique de ce Royaume , ( a ) que
Saint Germain fut l'un des plus parfaits
modeles de Sainteté , et un des plus ardents
défenseurs de la Foy , l'honneur et la consolation de l'Eglise Gallicanne , le fleau de l'heresie, le Pere des Peuples , le refuge de tous les
malheureux. Un peu d'attention à ces dernieres épithetes fera voir que l'on n'avoit
pas tant de tort de l'honorer d'une maniere
plus speciale dans certains Pays de la France dont le territoire est peufecond et où la
misere est plus commune. Si l'épithete
Adorandus ne se prodiguoit point envers
tous les Saints , on ne peut nier qu'il ne
pût être appliqué à ceux qui meritoient
une veneration plus éclatante , et qu'Heric a été bien fondé de s'en servir à l'égard
de Saint Germain d'Auxerre. Ceux qui en
douteroient peuvent recourir à l'Histoire
(a ) Tomepremier,page 457.
de
258 MERCURE DE FRANCE
de sa Vie écrite par Constance Prêtre de
l'Eglise de Lyon qui vivoit dans le même
siecle que ce Saint Evêque , Auteur celebre qui ne peutêtre inconnu dansles Eglises de la Province Ecclesiatique dont Lyon
est la Capitale , et auquel le Pere de Colonia Jesuite a donné à juste titre les éloges qu'il merite , dans son Histoire Litteraire de Lyon. En un mot , si les Rois de
la Terre meritent les adorations , c'est- àdire , les respects des Peuples , à plus forte
raison les Saints qu'on lit avoir été adorez
par les Rois dans le même sens d'adoration que j'ai déja dit , et qui de plus ont
été invoquez tant de fois et si formellement par ces mêmes Rois , tel qu'est le
Prélat à l'occasion duquel j'ai fait cette di
gression.
Pour revenir donc à Adorate Regem , ce
langage est si ancien et si peu choquant
en lui même , qu'il est reçu dans l'usages
vulgaire , et comme on a dit adorer l'Empereur,on dit de même aujourd'hui adorer
le Pape , aller à l'adoration du Pape ; adoration qui n'est dans lele fond qu'une simple marque de respect , et qui consistoit
quelquefois dans un baiser comme l'étymologie du nom le signifie. De là vint l'usage des anciens Payens lorsqu'ils vouloient honorer un objet éloigné , tel que
le
FEVRIER. 1732 259
le Soleil et la Lune , de s'incliner devant lui , en appliquant le bout de la
main sur la bouche , de la même maniere
que nous obligeons les enfans de nous faire lorsque nous leur disons de baiser la
main avant que de les gratifier d'un petit
present. Il y a une Eglise en France ( a ):
où l'on voit dans des bas-reliefs une figure dans cette attitude; et qui baise sa main
par respect , pour les fausses Divinitez.
C'est ce que le Livre de Job appelle un
grand péché et un renoncement de Dieu.
(b)Je n'en dis pas davantage sur cette
matiere , et je finis , en vous assurant que
je suis , &c..
(a) A Cahors.
Au mois d'Aoust 1731.-
( b ) Job. cap. 31. ¥. 26. 27. 28.
Collectivité
Faux
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Est probablement adressé ou dédié à une personne
Soumis par delpedroa le