Titre
LA HAINE. ODE
Titre d'après la table
La Haine, Ode,
Fait partie d'une livraison
Fait partie d'une section
Page de début
30
Page de début dans la numérisation
51
Page de fin
35
Page de fin dans la numérisation
56
Incipit
Sçavantes Nymphes du Parnasse,
Texte
L.A HAINE
ODE
S Cavantes Nymphes du Parnasse ,
Si jamais vous cûtes pitié ,
Des malheurs qu'à l'humaine race
Causa souvent l'Inimitié ;
Déesses , soyez- moi propices.
Contre le plus cruel des vices ,
Armez votre sévérité ;
D'une voix pénétrante et forte,
Blâmez les excès ou se porte ,
L'homme contre l'homme irrité.
Pour le désir de la vengeance ,
Muses , donnez lui tant d'horreur
Qu'enfin une noble indulgence
Succede à sa lâche fureur ;
2
Qu'en ses yeux desormais l'on voye ,
Briller
JANVIER. 1731. 31
Briller l'assurance et la joye ,
Au lieu du trouble et de l'ennui ;
Et qu'au mépris d'un faux sistême
Il devienne ami de soi- même ,
In cessant de hair autrui.
Peuples , dont un instinct sauvage ,
Regle les sentimens pervers ,
Et dont cet orgueilleux rivage.
Est séparé par tant de Mers :
Vous , chez qui l'homme impitoyable
Du corps fumant de son semblable
Se fait de monstrueux festins ;
De vos forfaits , Peuples impies ,
On voit les fidelles copies ,
Dans nos désordres intestins.
•
Oui , ce seroit peu que la Guerre ,
Employant le souphre et le fer ;
Eût tant de fois rendu la Terre ,
L'horrible image de l'Enfer ,
Si l'Entêtement , l'Hérésie ,
L'Ambition , la Jalousie ,
Les faux soupçons , les noirs complots ,
Tirans implacables des Hommes ,
Du triste climat où nous sommes
Ne bannissoient pas le repos.
>
Com(
32 MERCURE
DE FRANCE .
Combien de fois cet Hémisphère ,
Non sans en frémir , a- t-il vú ,
Du sang de son malhûreux frere ,
Le frere indignement repû ?
Est- il parjures , sacriléges ,
Intrigues , fureurs , sortiléges ,
Trahisons , souplesses , détours ,
A qui , dans nos projets iniques ,
Honteux , criminels Politiques ,
Nous n'ayons sans cesse recours ?
Sur tout , quand l'Interêt nous guide ,
Ses absolus commandemens
De l'amitié la plus solide ,
Sappent toûjours les fondemens.
D'Alecton , sanguinaire éleve ,
Il aiguisa le premier Glaive
Et chassant l'équité des coeurs ;
Il substitua par ses ruses ;
Un vil amas de Loix confuses ,
A l'empire des bonnes moeurs.
Et toi , dont l'éloquence outrée ,
Consiste en des cris infernaux ,
Qui de la fugitive Astrée ,
Usurpas les saints Tribunaux ,
Hydre , qu'anime la vengeance ,
Que suit la fatale indigence ,
Que
JANVIER . 1731. 33
Que conduit
l'obstination ,
Chicane , indomtable Génie ,
Quels objets offre ta manie ,
A ma juste indignation !
Les Loix les plus sages détruites ,
Par des Sophismes effrontez ;
Des veuves aux portes réduites ,
Des Orphelins déshéritez ;
L'Impunité vendue au crime
A son possesseur légitime
Un bien pour jamais interdit
L'Innocence qu'on persécute ,
Et le droit le plus ferme en butte
A l'oppression
du crédit.
›
Mais quelle voix audacieuse ,
Eclate , en discours menaçans ?
Quelle langue malicieuse ,
Exerce ici ses traits perçans ?
Lâches Auteurs de ces tempêtes ,
Craignez d'attirer sur vos têtes ,
Les rigueurs du courroux divin ,
Et que le Ciel en sa justice ,
D'Etéocle et de Polinice ,
Ne vous ait réservé la fin.
Témoins d'un Spectacle barbare ;
Que dis-je ! Nous n'esperons pas ,
Que
34 MERCURE DE FRANCE.
Que la haine qui nous sépare ,
Puisse ceder même au trépàs.
L'aigreur qui partage vos ames ,
Un jour partagera les flâmes
Qui doivent consumer vos corps ;
Un jour , vos Ombres fratricides ,
Iront se joindre aux Eumenides ,
- Pour troubler l'Empire des Morts.
=
•
Ainsi donc cedant à la force ,
Du plus exécrable poison ,
Vous faites un honteux divorce ,
Avec votre propre raison.
Malheureux ! prenez pour modeles .
Les Colombes , les Tourterelles ,
Qu'un tendre amour unit toujours ;
Ou bien dans quelque affreux bocage ,
Allez écouter le langage ,
Des Loups , des Tigres et des Ours.
Vous , Muses , allez les premieres ,
Vers ces Animaux ravissans ,
Et daignez de quelques lumieres ,
Eclairer leurs aveugles sens .
Instruits de nos moeurs intraitables ,
De cent reproches équitables .
Ils sçauront bien- tôt nous combler ,
Plus épouvantez de connoître ,
L'Or
JANVIER . 1-31 .
35
i
L'Orgueilleux, qui se dit leur Maître ,
Qu'envieux de lui ressembler.
C'en est trop ; gardez le silence ,
Barbares , hôtes des Forêts ,"
Hélas ! de notre ressemblance ,
Il suffit d'avouer les traits.
Quand la Terre ignoroit encore ,
Les malheurs qu'apporta Pandore.
Les crimes de Thebe et d'Argos ,
L'Homme goûtoit un sort celeste :
Mais quoi ! la discorde funeste ,
Nous a tous rendus vos égaux .
F. M. F. DE VAL GNE
ODE
S Cavantes Nymphes du Parnasse ,
Si jamais vous cûtes pitié ,
Des malheurs qu'à l'humaine race
Causa souvent l'Inimitié ;
Déesses , soyez- moi propices.
Contre le plus cruel des vices ,
Armez votre sévérité ;
D'une voix pénétrante et forte,
Blâmez les excès ou se porte ,
L'homme contre l'homme irrité.
Pour le désir de la vengeance ,
Muses , donnez lui tant d'horreur
Qu'enfin une noble indulgence
Succede à sa lâche fureur ;
2
Qu'en ses yeux desormais l'on voye ,
Briller
JANVIER. 1731. 31
Briller l'assurance et la joye ,
Au lieu du trouble et de l'ennui ;
Et qu'au mépris d'un faux sistême
Il devienne ami de soi- même ,
In cessant de hair autrui.
Peuples , dont un instinct sauvage ,
Regle les sentimens pervers ,
Et dont cet orgueilleux rivage.
Est séparé par tant de Mers :
Vous , chez qui l'homme impitoyable
Du corps fumant de son semblable
Se fait de monstrueux festins ;
De vos forfaits , Peuples impies ,
On voit les fidelles copies ,
Dans nos désordres intestins.
•
Oui , ce seroit peu que la Guerre ,
Employant le souphre et le fer ;
Eût tant de fois rendu la Terre ,
L'horrible image de l'Enfer ,
Si l'Entêtement , l'Hérésie ,
L'Ambition , la Jalousie ,
Les faux soupçons , les noirs complots ,
Tirans implacables des Hommes ,
Du triste climat où nous sommes
Ne bannissoient pas le repos.
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Com(
32 MERCURE
DE FRANCE .
Combien de fois cet Hémisphère ,
Non sans en frémir , a- t-il vú ,
Du sang de son malhûreux frere ,
Le frere indignement repû ?
Est- il parjures , sacriléges ,
Intrigues , fureurs , sortiléges ,
Trahisons , souplesses , détours ,
A qui , dans nos projets iniques ,
Honteux , criminels Politiques ,
Nous n'ayons sans cesse recours ?
Sur tout , quand l'Interêt nous guide ,
Ses absolus commandemens
De l'amitié la plus solide ,
Sappent toûjours les fondemens.
D'Alecton , sanguinaire éleve ,
Il aiguisa le premier Glaive
Et chassant l'équité des coeurs ;
Il substitua par ses ruses ;
Un vil amas de Loix confuses ,
A l'empire des bonnes moeurs.
Et toi , dont l'éloquence outrée ,
Consiste en des cris infernaux ,
Qui de la fugitive Astrée ,
Usurpas les saints Tribunaux ,
Hydre , qu'anime la vengeance ,
Que suit la fatale indigence ,
Que
JANVIER . 1731. 33
Que conduit
l'obstination ,
Chicane , indomtable Génie ,
Quels objets offre ta manie ,
A ma juste indignation !
Les Loix les plus sages détruites ,
Par des Sophismes effrontez ;
Des veuves aux portes réduites ,
Des Orphelins déshéritez ;
L'Impunité vendue au crime
A son possesseur légitime
Un bien pour jamais interdit
L'Innocence qu'on persécute ,
Et le droit le plus ferme en butte
A l'oppression
du crédit.
›
Mais quelle voix audacieuse ,
Eclate , en discours menaçans ?
Quelle langue malicieuse ,
Exerce ici ses traits perçans ?
Lâches Auteurs de ces tempêtes ,
Craignez d'attirer sur vos têtes ,
Les rigueurs du courroux divin ,
Et que le Ciel en sa justice ,
D'Etéocle et de Polinice ,
Ne vous ait réservé la fin.
Témoins d'un Spectacle barbare ;
Que dis-je ! Nous n'esperons pas ,
Que
34 MERCURE DE FRANCE.
Que la haine qui nous sépare ,
Puisse ceder même au trépàs.
L'aigreur qui partage vos ames ,
Un jour partagera les flâmes
Qui doivent consumer vos corps ;
Un jour , vos Ombres fratricides ,
Iront se joindre aux Eumenides ,
- Pour troubler l'Empire des Morts.
=
•
Ainsi donc cedant à la force ,
Du plus exécrable poison ,
Vous faites un honteux divorce ,
Avec votre propre raison.
Malheureux ! prenez pour modeles .
Les Colombes , les Tourterelles ,
Qu'un tendre amour unit toujours ;
Ou bien dans quelque affreux bocage ,
Allez écouter le langage ,
Des Loups , des Tigres et des Ours.
Vous , Muses , allez les premieres ,
Vers ces Animaux ravissans ,
Et daignez de quelques lumieres ,
Eclairer leurs aveugles sens .
Instruits de nos moeurs intraitables ,
De cent reproches équitables .
Ils sçauront bien- tôt nous combler ,
Plus épouvantez de connoître ,
L'Or
JANVIER . 1-31 .
35
i
L'Orgueilleux, qui se dit leur Maître ,
Qu'envieux de lui ressembler.
C'en est trop ; gardez le silence ,
Barbares , hôtes des Forêts ,"
Hélas ! de notre ressemblance ,
Il suffit d'avouer les traits.
Quand la Terre ignoroit encore ,
Les malheurs qu'apporta Pandore.
Les crimes de Thebe et d'Argos ,
L'Homme goûtoit un sort celeste :
Mais quoi ! la discorde funeste ,
Nous a tous rendus vos égaux .
F. M. F. DE VAL GNE
Signature
F. M. F. DE VALLOGNE.
Lieu
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Genre littéraire