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Titre

AVANTURE singuliere.

Titre d'après la table

Avanture singuliere

Fait partie d'une livraison
Page de début
3
Page de début dans la numérisation
9
Page de fin
47
Page de fin dans la numérisation
53
Incipit

MONSIEUR, Quoique cette historiette ait un air romanesque par la singularité

Texte
AVANTVRE
Jinguliere.
ONSIEUR,
Quoique cette historietteaitunairromanefque
par lasingularitéde
ses évenemens, elle ne
laisse pas d'être veritable
, & je l'ai trouvée
dans quelques mémoires
de feu Monsieur de
Pointis, qui me tomberent
entre les mains
au retour de son expedition
de Cartagene. Je
vous l'envoye telle que
je l'ai, n'ayant pas le
loisir de l'écrire, si non
galamment, du moins
aussi correctement qu'il
le faudroit pour l'inserer
dans vôtre Mercure.
Une veuve de Provence
se trouvant absolument
ruïnée par la
mort de son mari, prit
la resolution d'aller aux
Indes, pour subsister avec
un frere unique,
qui après avoir mangé
tout son bien, étoitallé
s'y établir
,
& y avoit
gagné quelque chose.
Cette veuve avoit toûjours
vécu honorablement
avec son mari;
qui étoit de très-bonne
maison. Elle étoit fort
gloricuse; êG ne voulant
pas qu'onsçustl'extremité
où elle étoit reduiteeIJ.
e. pretexta que
ses affairesl'obligeoient
d'aller faire un voyage
à Lion, & prit en effet
le chemin de Toulon,
où son frere lui avoifcr
écrit qu'elle trouveroit
unArmateurde sesamis,
avec qui elle pouvoit
s'embarquer pour le venir
trouver. Elle arriva
donc dans une hôtellerie
de Toulon avec sa fille
unique, trés-jeune 8c
très-belle, quiétoit encore
plus fâchée que sa mere
de se voir exilée si loin
par la pauvreté. Elles
resterent quelque temps
à Toulon, attendant que
l'Armateur fust en état
de partir. Pendant ce
temps-là cette jeune
beauté fit beaucoup de
bruic à Toulon, & sa
mere espera que quelque
riche Officier leur
épargneroit le voyage
des Indes. Sans doute
pour peu de bien qu'elle
eusttrouvé dansun homme
de naissace, elle
eust accepté des propositions
de mariage.
Un jeune homme,
qui avoit toutes les bonnes
qualitez imaginables
, hors la richesse,
devint passionnément
amoureux de Julie. C'est
ainsi que s'appella la jeune
personne àToulon,
sa mere cachant avec
foin son veritable nom,
parce qu'elle n'étoit pas
en état de le soutenir,
&£ qu'elle vouloit y rester
inconnuë.
Julie donc fut aussi
charmée du jeune homme
qu'illavoitété d'elle.
Ils s'éntr'aimerent,
& se jurerent de s'aimer
toute leur vie, avanc
que la mereeustle
temps de faire expliquer
la Cavalier sur l'article
du bien; car on ne debute
point par là : Julie
étoit trop jeune pour
faire réflexion sur rien,
que sur les qualitez aimables
de celui qui la
charmoit. Il salut; pourtant
s'expliquer; car la
mere étoit prudente, Se
trés -
severe sur l'honneur.
Elle ne jugea pas
à propos qu'ils se vissent
davantage, si le Cavalier
(que nous nommerons
Ergaste) nétoit pas
un parti convenable. Un
jour qu'il étoit venu
pour les voir, elle laissa
safille dans son cabinet,
& vint feule le recevoir.
Ce fut une conversation
fort polie de la part de
lamere, & fort troublée
de la part d'Ergaste,qui
s'apperçut bien qu'on avoit
empêché Julie de
paroître.Enfin on s'expliqua
; Ergaste avoüa
en franc Picard, qu'il
étoit un cadet de Gascogne,
sans bien & sans
esperance, parce que son
frere aîné
,
qui emportoit
tous les biens de si
famille, s'étoit marié de
puis peu. Aprés unaveu
pareillaconversation su
bientôr finie; SC la me
re, en le quittant, lu
dit qu'il étoit à propo
pour son repos & pou
l'honneur de sa fille, qu
ils ne serevissent jamais,
& qu'elle le prioit de ne
plus revenir chez elle.
Ergaste, qu'un pareil
coup avoit mis au desespoir,
prit le parti de s'aller
faire ruer à la guerre.
Il s'embarqua avec
un Capitaine de vaisseau
qui alloit à Cadix, 8c
qui lui promitdele mener
de la en Espagne
quand il auroit fini quel-,
ques affaires qui le devoient
retenir deux ou
trois mois à Cadix.
Un mois aprés l'Armateur
dont nous avons
parlé fut en état de partir;&
la veuve ne voyant
pas d'apparence qu'il se
trouvât à Toulon d'époufeurs
qui convinssent
à Julie, l'embarqua
,plus morte que vives
, & ilspartirent pour
aller aux Indes. L'Armateurne
fut pas heureux
dans sa course: il
fut attaqué per un Corfaire
d'Alger, son vaisseau
fut pris, & la malheureuse
Julie fut faite
esclaveavec sa mere. Il
y avoit déja prés de deux
mois qu'elles étoient en
mer, où les vents contraires
les avoient tourmentées
furieusement ;
la mere tomba malade,
& mourut dans le vaisseau
Algerien, accablée
de fatigues & de chagrins,
&,- Julie n'y resitta
que par sa grande
jeunesse.Ilse trouva parmi
quelques femmes Algériennes
qui étoient
dans ce vajffeau, une
vieille Grecque, qui avoit
fait quelques voyages
en Europe, & qui
par hazard sçavoit un
peu parler Provençal.
Elle avoit faitamitié avec
Julie, & lui tint
lieu de mere dans le reste
de ses avantures, dont la
première fut la prise du
vaisseau Algerien, qui
, fut
fut attaqué par deux
vaisseauxPortugais.Ainsi
Julie se trouva une seconde
fois prisonniere.
Cette fuliteIdeemalheurs eût pourtant été favorable
à Julie, si elle eût
été moins confiante; car
un jeune Portugais, qui
montoit l'un des deux
vaisseaux, devint amoureux
d'elle. Il étoit trésriche,
& l'auroit épousée,
sielleeût pû seresoudre
à se marier, après
avoir perdu l'esperance
de revoir son cher Ergaste.
Il n'étoit pas loin
d'elle, quand elle donna
ce témoignage de sa confiance
pour lui j car il
avoit aidé sans le sçavoir
à la prendre prisonniere,
&C voici comment.
On vous a dit qu'un
Capitaine des amis d'Ergaste
l'avait mené à Cadix,
& lui avoir promis
de le faire passer en Espagne
quelques mois aprés.
Il y en avoit déja
trois qu'il étoità Cadix,
& ce jeune Capitaine
Portugais étoit celui qui
devoit le passer en Espagne
, par consideration
pour l'autte Capitaine,
avec qui il avoit des liaisons
pour le commerce.
Ergaste se trouva donc
dans l'un des deux vaisseaux
qui attaquerent le
vaisseau Algerien.
Ce vaisseau Algerien
se défendit jusqu'à la
dernicre extrémité, en
sorte que ceux-ci furent
contraints d'aller à l'abordage.
Ergaste,quiaccompagnoit
le jeune
Portugais, entra avec lui
dans le vaisseau Algérien
l'épée à la main r
mais ayant été d'abord
dangereusementblessé,
on le reporta dans son
vaisseau avant que le
combat fût fini >ainsî il
ne vit point Julie, &c étoit
bien loin de s'imaginet
qu'el le fûc dans un
vaisseauAlgérien.Mais
le Capitaine Porrugais,
après l'avoirpris, y resta
avec Julie, donc il étoit
devenu passionnément
amoureux;ainsi les trois
vaisseaux faisant route
vers le Portugal, le jeune
Portugais alloit de
temps en temps voir Ergaste
blessé dans son
vaisseau, & revenoit
dans celui de Julie, donr
il ne put jamaistireraucun
éclaircissement
; car
premièrement elle était
,
fort mal, ôc avoit resolu de
se laisser plutôt mourir, que
de recevoir aucun secours
de celui à qui elle craignoic
d'avoir obligation
: outre
cela elle ne parloit que Provençal
, que le jeune Capitaine
n'entendoit point; il
entendoit encore moins le
jargon de la vieille Greque.
Ainsi sans avoir aucune
conversation avec Julie,
il la crut Greque ou Algérienne,
en un mot toute autre
que ce qu'elle étoit.
Ainsi Ergaste
,
à qui il fit
confidence de sonamour,
étoit bien éloigné de pouvoir
soupçonner que c'étoit
sa chere Julie donc il lui
parloir.
L'amour du Capitaine
augmentoit de jour en jour.
Il trouva moyen de faire
comprendre qu'il avoit de
grands biens, & qu'il oftroit
d'époufer: mais on lui
fîtentendre qu'on refufoic
obstinément, & que Julie
n'ayant pu etre a un amant
pour qui elle mourroit constante,
étoit incapable d'écoûter
d'autres propolitions.
C'estquelque malheureux
Algérien qu'elle
aime, disoit un jour à Ergaste
le Capitaine desesperé,
& qui ne méritéapurement
pas cette confiance.
Le récit des beautez de la
prisonnieren'avoit jamais
pu déterminer Ergaste à
paser dans le vaisseau pour
voir celle qui causoit une
passion si violente à son ami.
Il étoit si occupé de son côté
par celle qu'il avoit perdue
à Toulon, qu'il étoit
insensible à tout ce qu'on
poupouvoit
lui dire des autres
beautez, Cependant cette
constance de la belle priÍon",
niere le coucha d'estime
pour elle.ll n'eut aucune euriofité
de la voir: mais il inspira
à son ami des mouvevens
de generositéqu'il auroit
eus lui-même en pareille
occasion, & persuada
enfin à son ami de renvoyer
le vaisseau pris à l'endroit où
la belle prisonniere vouloit
qu'on la menât.LeCapitaine
repassa dans le vaisseau
où étoit Julie,&lui fit expliquer
comme il put laresolution
genereusequ'il avoir
prise. Elle témoigna
qu'elle auroit une reconnoissance
éternelle d'un si
grand bienfait, &pria seulement
qu'on la fia mener à
Toulon, esperant peut- être
y retrouverencore son cher
Ergaste : mais ne pouvant
pas s'expliquer assezlà-des
sus, pour rairesoupçonnes
au Capitaine que ce fût cel
-
le dont Ergalte lui parloit
tous les jours. LeCapitaine
craignant que sa generosité
ne s'affaiblît s'il voyoit plus
long-temps saprisonniere
Confia le vaisseau à un Lieutenant
du sien, à qui il ordonna
de mener la prisonniere
à Toulon, ôe de lui
ramener le vaisseau en Portugal
,dont ilsn'étoient pas
loin. Quand ces vaisseauxse
separerent, le Capitaine
passa dans celui où il avoit
laissé Ergaste, &lui protesta
que lans lui il n'eût pas
été capable d'une resolution
qui lui coûroit si cher; éc
là-dessus il lui dit quecette
belle personne lui avoitdemandé
d'être conduite
Toulon. Il joignit à cela
plusieurs autres particularitez
de leur separation, &
ôc-même répéta quelques
mots> Provençaux que Julieavoir
prononcez en {àû
pirant. En un mot ilvintà
Ergaste des soupçons de la
verité
)
&cessoupçons se
confirmèrent par mille petites
circonstances que le
Capitaine se rappella. Erl
gaste n'eut pas besoin de
prier leCapitaine de suivre
au plus vice le vaisseau
)
qui
étoit encore àivûë: mais
:les' deux qu'ilsmontoient
avoienc été si mal traitez
dans le combat, qu'ils faisoient
eau de tous côtez.
Nos deux amis rivaux surent
contraints de gagner
le Portugal, dans la resolution
de prendre un autre
val»ffeatfpour aller à Tou-
Ion à force de voiles: ce
qu'ils executerent des le
len demain.
Pendant tout le trajet
que firent ensemble les
deux amis rivaux, ce ne fut
qu'un combat continuel de
sentimens genereux. Le Capitaine
protesta à Ergaste
qu'il le verroit conitam
ment possesseur de ce qu'il
aimoit. Ergaste d'un autre
côtéfaisant reflexion qu'il
il.,avoir point de bien, &
que son ami en avoir beaucoup,
lui jura tres-sincerement
qu'il tâcheron de resoudre
Julie à l'épouser. Ils
disposoient ainsi en faveur
l'un de l'autre d'un bien
qu'ils étoient sûrs de retrouver
à Toulon : mais
en y arrivant ils se trouverent
bien loin de leur compte.
Le Lieutenant a qui on
avoir confié le vaisseau ôc
Julie éroit d'un caraétere
bien différent de son Capitaine
jil écoic aussi groilier
& brural que celui-ci étoic
poli & genereux. Il tâcha
d'abord d'attendrirJulie
par une passion feinte & un.
refpeâ:affedté : mais sitôt
qu'il vit qu'il ne pouvoit
rien ganer sur elle par la
douce'-"urvni par les pr4omet
ses, il la menaça de la mener
dans quelque Isle deserte,
& de l'y laisser si elle
ne vouloit pas consentir à
l'épouser. Imaginez-vous
ce que peut signifier le moc
d'époufer dans la bouche
d'un Corsaire, qui fait l'a-
* mour à force de menaces.
Julie en fut si épouvantée
& si troublée, qu'elle fut
sur le point de se précipiter
dans la mer, sans sçavoir
ce qu'ellefaisoit ; &
cela ne fit qu'augmenter
la brutalité duLieutenant,
qui en fût peut-être venu
aux dernieres violences,
malgré ceux que le Capitaine
avoit mis auprès de
Julie pour en avoir soin.
Mais le gros temps, qui
avoit déjà commencé d'alarmer
tous ceux du vaisseau,
devint une tempête
si furieuse,que le Lieutenant
fut tout occupé du
péril, & bientôt après ne
songea plus qu'àsesauver
dans une chaloupe ; car
son vaisseau perit a la rade
de Toulon, Ôc tout ce qui
étoit dedans fut noyé, excepté
ce qui pur se sauver
dans quelques chaloupes;
&, pour comble de malheur
, Julie ne se trouva
point dans le nombre de
ceux qui sesauverent.
Cependant Ergaste & le
Capitaine avoient fait le
trajet avec tant de vîtesse,
que leur vaisseau étoit à
Toulon dés le foir precedent.
Ils furent fort surpris
en arrivant au port, de n'y
pointtrouver celui du Lieutenant
;& en effet il fût arrivé
bien plutôtqu'eux, s'il
n'sur pas cotoye, & retardé
exprès sa' route pour
avoir plus long-tempsJulie
en sa disposition. L'orage
qui fit perir son vaisseau
avoit duré toute la
nuit,&dés le matin la nou.
velle du naufrage vint à
Toulon. Ergaste& le Capitaine
apprirent des premiers
cette funeste nouvelle
par quelqu'une des
chaloupes qui s'étoient sauvées,
& tous leur assurerent
que Julie avoit péri.
Rien ne peut exprimer la
douleur de ces malheureux
amans ils se reprocherent
mille fois à eux-mêmes cette
generosité qui les avoir
portez a renvoyer cette
prisonniere infortunée
,
&
d'avoir été la cause innocente
de [a mort. Les reprochesqu'ils
se faisoient
furent bien mieux fondez
encore, lors qu'un Officier,
de ceux qui s'étoient
sauvez,vint lui faire le recit
de tout ce qui s'étoit
passé dans le vaisseau. Cet
Officier, galant homme,
s'étoit opposé tout seul au
Lieutenant, lors qu'avec
trois ou quatre scelerats de
sa troupe il avoit voulu
violenter Julie; & dans le
moment du naufrage ils
étoient prers à l'assassiner,
parce qu'il leur avoit fait
manquer leur coup. Le Ca.
pitaine connut par ce recit
que le Lieutenant étoit la
seule cause de la mort de
Julie. Son premier soin fut
de le chercher par-tout,
pour le punir
: mais sa c haloupe
n'étoit pas venuë jusf
qu'au porc;ilavoic abordé
sur la côte, un peu loin de
la ville, & n'avoit oré avancer,
ayant appris par
quelques soldats que son
Capitaine étoit arrivé à
Toulon. Les deux amis
allerent le chercher le long
de la côte; & après avoir
marché quelquetemps, ils
apperçurent quatre hommes
qui se cachoient entre
des rochers. Ils coururent
d'une telle force,
qu'ils les eurent bien
-
tôt
joints. C'étoit le Lieutenant
& ses trois complices.
Ils se défendirent en
desesperez. Le Lieutenant
& un Officier chargerent
le Capitaine, qui tua le fécond
,
qui s'étoit le plus
avancé: mais le Lieutenant
furieux prit le moment
de percer le Capitaine
par le côté, pendant
que sonépée étoit engagée
dans le corps de celui
qu'ilavoirtue.Ergaste
avoit déja blessé l'un des
deux autres, & mis le quatrième
en fuite. Il courut
au secours de son ami; &
après avoir été blessé, tua
de sa main le Lieutenant
furieux. Un peu après quelques
soldats vinrent au
bruit du combat, ôc l'on
porta les deux blessez dans
l'une des premieres maisons
de la ville, dont ils
n'étoientéloignez que d'un
-quart de lieuë. La blessure
d'Erogasteétoit très-legere
celle du Capitaine parut
plus considerable : cependant
ilse trouva assez
bien quand on lui eut mis
le premier appareil. On
les laissa seuls
; ils deplorerent
ensemblela perte de
Julie: mais Ergaste se crut
assez fort pourpouvoir se
porter vers rendrait. du
naufrage, qui n'était pas
loin de la ville. Il s'y transporta,
accompagné feulement
d'un valet. Il se faisoit
une espece de confolation
funeste de voirl'endroit
où Julie avoit peri:
il reconnut ce fatal endroit
droit par quelques. débris
du vaisseau, & quelques
corps que les flots avoient
jettez sur la côte. Ce spectacle
lui donna des idées
si affreuses, qu'il tomba
évnoüi entre les bras de
son valet, qui avec un matelot
le porta dans une cabane
de pêcheur. On le
coucha sur un lit, où il
resta longtemps évanoüi.
Tous ceux qui se crouverent
dans la cabane s'empresserent
pour le secourir.
Il revint de son évanoüissement
: mais avec
une espece de transport au
cerveau ,
rêvant, gemissant,
& faisant des cris
douloureux. Il s'imaginoit
voir le pedre affreux de
Julie noyée; il croyoit lui
parler, il croyoit entendre
sa voix languissante,
& il l'entendoit en effet,
il l'entendoit réellement.
C'est ici une de ces situations
interessantes qui meritent
des descriptions patetiques
:mais comme l'incident
est naturel, il suffîra
au lecteur de se l'imaginer
pour en être touché.
C'étoit en effet Julie &
sa vieille Greque, qui presque
mourantes des perils
quelles avoient courus,
avoient été portées dans
cette même cabane par
deux matelots pitoyables
qui les avoient sauvees du
naufrage, aidez de quelques
planches du vaisseau
brifé. La vieilleGreque
étoit venuë d'abord secourirErgaste,
qu'elle ne connoissoit
point: mais aprés
l'évanouissement elle lui
entendit prononcer plusieurs
fois le nom de Julie.
Elle courut l'avertir
qu'un jeune homme qui
se mouroit parloir d'elle.
Julie court, toute mourante
qu'elle est, & trouve
son cher Ergaste
,
dans
le moment qu'Ergaste s'imaginoit
ne voir que le
fantôme de Julie. Autre
moment difficile à dépeindre
;
il faut laisser ce loin
àceux qui voudront faire
un roman de cette histoire.
On conduisitJulie &
Ergaste à Toulon. Ergaste
la fit lloogr*eerr dans une mmaaii.~-
son voisine de celle où .,.
toit son ami blessé, & courut
pour lui annoncer le
premier cette heureuse
nouvelle:mais sa joye fut
changée en pleurs. Il arriva
dans le moment qu'-
on levoit le premier appareil
.,- qui fit connoître
quelablessure était mortelle.
Dés ce moment le
Capitaine tourna à la morr.
Il ne laissa pas de ressentir
de la joye, quand il
sçut que Julie étoit envie.
Il voulut la voir en presenced'Ergaste
; ôc les
voyant tous deux fondre
en larmes, le Capitaine
leur dit qu'il mourroit contene)
s'ils vouloient accepter
, pour vivre heureux
ensemble
,
les biens
qu'il avoit en Portugal.
Les deux amans ne répondirent
à cela que par
les témoignages d'une affliction
morcelle, oubliant
en ce moment leur amour,
pour s'abandonner à la douleur
de perdre un si genereux
ami & amant, qui
n'arrendir pas leur consentement
pour écrire de sa
main un testament en leur
faveur. Il mourut le mê.
me jour, & le bonheur
des deux époux fut toujours
traversé par le souvenir
de la perte qu'ils a.
voient faite.
Collectivité
Faux
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Genre littéraire
Est adressé ou dédié à une personne
Soumis par eljorfg le