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LE NOUVEAU
MERCURE
GALANT.
Contenant les Nouvelles
du Mois d’O&obre’ïéyy.
& plüfieurs autres.
TOME 7III.
■!L_u J < .'3$
\ V V Zr% /
A PARIS,
Chez Charles de Sercy, au Palais, |
au Sixième Pillier de la grand Salle,
à la Bonne-foy couronnée.
M. D/LXXVII.
AVEC PRIVILEGE DV ROT»
O u s le voyez, Ma-
||| dame, qui devine
une fois, ne devine
pas toujours. Vos Amies
que vous m’avez mandé
avoir eu fi peu de peine à
pene'crer les obfcuricez de
A ij
*
4 LE MERCURE
i’Enigme de la Lettre R,
n’ont pû déveloper celles
de la derniere que je vous
ay envoyée , & elles vous
obligent à m^en demander
l’explication. Vous dites
que ce qui les a empefchées
d’en venir à bout, a
la culebute des reffies d’un
Squelete qui Portent brufqüement
de leurs creux.
à qui cet endroit ait paru
difficile à débrouiller; mais
a cela près, vous m’auriez
fait plaifir de me mander
GALANT. 5 ce qu elles ont entendu par les premiers Vers, &quel fens elles ont crû pouvoir donner à ce fombre & double Parterre, éclairé de rayons diferens, oû la guerre eft allumée entre deux Amis, & foûtenuc à grand bruit par une troupe de Demoifclles. Puis que vous m’aflurez qu’elles fe rendent, il ne faut plus leur cacher que le mot qu’elles ont inutilement cherché, eft le Trittrac. 11 fournit ce double Parterre diverfifïé de rayons, & un aflez bon A iij
6
LE MERCURE nombre de Dames qui ne fe peuvent remüer fans bruit. Quant aux reftes du Squclete,iln’eft pas befoin de vous dire que ce font les Dez, qui eftans faits d’os, font pouflez aïTez brufque- mentdu fond des Cornets. <Quoy que les Enigmes ne (oient que des Jeux d’efprir, elles ne laiflent pas de faire refver fouvcnt les plus habiles, & il en eft dont le fens à trouver cauferoit de longs embarras,fi on eftoit au (fi obftiné à le chercher, qu’un Amant l’eft quelque-
GALANT. 7
fois à vouloir découvrir
fa paillon a pû faire naiftre
au coeur d’une Belle. Si
pourtant M* deFontenelle
en eft crû > il y a une veye
auffi prompte qu’infaillible
pour réüflir en amour.
ez s’il a penfé juftc
nd il s’en eft expliqué
ces Vers.
8 LE MERCURE
•’<&<&<$>
LES FLECHES D’AM O U R.
L'Amour riavoit jadis que des Flèches d’Acier,
C e rie fi oit fas faire çrâàedèpenfe, Maie cela fuffifoit pour un Siée le profiter,
Où tous les coeursfie rendaientfans defence.
Le temps changeas plus de dm- plicitf
Les traits dl Acier devinrent inutiles.,
Lt l Amour eut a faire à des Gens plus habiles,
Qui de les repouffer prenvient la
liberté.
GALANT. 9
S'ils blefibienty la blefiure efioit bientofi gueriey
Per forme ne s'en trouvoit mal. Quelremede? il falut changer de baterie.
Il les fit d'un autre Métaly
Ce fut dlOrS al' Amour la v Ai tire efioitfeure.
Quels Ennemis, Grands Dieuxy riauroit-ilpas défaits?
Aufff quoy quil paru fl d'abord fe mettre en frais %
,</ a*
Il regagna fes frais avec ufure.
A chaque Fléché qui voloit Vne foule de Coeurs couroit au devant d'elle.
h •
Quoy que laplaye enfufi mort elle 9
N'efioit p as b le fie qui vouloir.
L'Amour ne lancoit plus fes Fléchés que par grâce y
Heureux les Coeurs fur qui tom~ boient des traits fi douxy
f
I
io LE MERCURE
Souvent de les percer fa main fe trouvait laffe,
Lors qu'ils ne l’efoient pas de recevoir [es coups.
Chacun d'eux eufi receu vingt Fie, ches au lieu d’une,
Chacun euft volontiers èpuifé le Carquois 5
Se faire blefferplufieursfois, C'efioit affer^pourfaire fa fortune.
Cette mode n'a point changé,
L es Fléchés d ’gr fcnt teÿ&i?', &
Et pour peu qu'on s'en ferve,iln’ejl Coeur ft fauvage,
Qui fous les Loix £ Amour ne fit bientof rangé.
S
Puis que l’Amour a efté de tous les Siècles, on ne
V
GALANT. n
ait de grandes douceurs à
fe voir aimé-, mais il ne faut
qui eft arrivé depuis quel
ques jours eneft une preuve.
Voicyl’Hiftoirc en peu
de mors. Un fort galant
Homme, Mary d’une Dabioit
n avoir rien à fouhaiter.
Il avoir du bien, des
Amis, un Employ confiderable,
& l’eftime de tous
ceux qui le connoifToienq
u LE MERCURE mais pour fes pechez il ef- toit fl paffionnément aimé de fa Femme, qu’ils en paf- foicnr tous deux de médians momens. Une bagatelle luy faifoit ombrage. Il ne luy fuffifoit point de connoiftre fon Mary incapable d’aucun attachement préjudiciable à la tendreffe qu’il luy devoir, trois Vi- fites à une mefme Per- fonne bleffoient fa déli- cateffe; ce n’eftoit pas la trahir, mais c’eftoitfe plaire . ailleurs qu’avec elle, & ne luy pas donner tout fon
GALANT. i5
coeur. U eftoit honnefte,
aimoit le repos, & pour éviter
toute occafion de querelle,
il ne luy parloit ny de
fes parties de Divertilfement,
ny de fes plus agreables
Connoiffances. Il
chercha fur tout à luy cacher
les foins qu’il rendoit
à une Dame toute charmante
de fa perfonne. Il
n’y avoir rien de plus touchant.
Elle avoit infiniment
d’efprit, & je ne
dans les maniérés, qu’il eCi4
LE MERCURE Cela eftoit dangereux pour un Homme qui avoir le gouft fin, & elle eftoit propre à luy faire des affaires déplus d’une façon, mais à quelques périls qu’il s’expo- fataupresd’elle,il craignoit moins l'embarras de fon
coeur en lavoyant, que ce- luy de fon Domeftique, fi fes Vifires eftoient découvertes.
Il eut pourtant beau faire, faFemmcles fçeut,la
Dame luy eftoit connue, &
elle la trouvoic beaucoup .
plus redoutable qu’une autre. Reproches de fes afïï-
GALANT. 15 dues complaisances à proportion du mérité de la Belle. Grandes juftifica- tions pour avoir la paix. On gronde pendant quelques jours. On promet de ne plus voir, & enfin on fe ra- commode. Le Mary tient parole en apparence. Il feint des Affaires qui ne le laiffent à luy que dans des heures où l’on ne peut découvrir ce qu’il devient. II. les employé avoir la Dame, qui n’ayant aucune prétention fur luy, s’accommode fans peine de ce change-
16 LE MERCURE
mène. 11 avoir la converlàtion
agréable, & c’eftoit
tout ce quelle cherchoir.
Cependant fa précaution
luy eft inutile, & le hazard
en décide d’une autre façon.
11 eftoit un jour chez
Marchand pour quelques
Etofes qu’il vouloir choilir,
& il y eftoit allé dans une
Chaifede les Cliifres, avec
dcsP. orteu• rsdeLivL rée. On
commençoit à luy en déveloper
quelques - unes,
quand il tourne la telle fur
un grand tumulte qu’il entend.
Deux Cavaliers fe
GALANT. 17
pouftbient l’un l’autre l’Ede
vigueur. 11 enreconnoit
l’un qui eftoit de Tes plus
particuliersAmis.Ily court,
fait ce qu’il peut pour les feparcr}&
en vient à bout aidé
de quelques aurres qui fe
,11 ne
les veut point quiterqu il ne
les voye accommodez,& ils
vont enfemble chez une
Perfonne de haute confidération,
qu’ils prennent pour
Arbitre de leur Diferent.
Pendant ce téps-là il s’eftoic
T orne ,8. B
)8 LE MERCURE paffé bien des chofes qu’il ne fçavoit pas. La Belle qu’il conrinuoit de voir en fccret, paffe malbeu- reuCernent en Chaife dans Imitant mefme que les deux Cavaliers mettoient l’Epc'e à la main. La vi- hon d’une Epe'e nue fait de grands effets fur la Populace. On fuit, on s’écarte, & chacun fe ferre a- vec tant de précipitation qu’on renverfe la Chaife & les Porteurs. La Dame ■ s’écrie. Les Combatan? eltoient déjà dans une au-
GALANT. i9 tre Rue. On vient à elle. Quelques goûtes de fan g font dire quelle eft fort bleflee. On la trouve éva- noüye, & on l’emporte chez le Marchand devant la Boutique duquel les Porteurs de Livrée eftoient ar- reftez. Autre incident qu’il euft efté difficile de prévoir. Tandis qu’on luy jette de l’eau fur le vifage, la Dame qui en avoir efté ja- loufe, paffie par le mefme endroit. Les Femmes font curieufes. Elle voit du monde amafTé , elle en B ij
• V
2-ù LE MERCURE demande la caufe. On luv répond qu’on s’cftoitbatir, qu’il y avoit quelqu’un de bielle chez le Marchand, & on luy nomme en mef- me temps fon Mary. Elle apperçoit fes Porteurs, remarque fa Chaife, ne doute point qu’il ne foit le Blefle, & ayant crie trois ou quatre fois, Ab mon cher 3/4 7, du ton le pluslamen- table (car comme je vous *y déjà dit, c eftoit une Femme tres-aimante) elle delcend impétueufernent deCarrolfe, fend la prelfe
GALANT. it
qui environnoit la Belle, & en criant toujours , Ah mon cher Mary, elle fe pré- paroit àl’embraifer, quand elle connoit que c’eft une Femme. Quel contretemps! Elle croit venir au fecours de fon Mary, & c’eft fa Rivale qu elle rencontre. Elle la reconnoir,
pouffe un cry nouveau, mais ce n’eft plus fur le mefme ton. Les circonf-
tances de l’Avanture luy font penfer cent choies qui la mettent hors d’el e- raefme. Elle s’imagine
zt LE MERCURE qu’il s’eft batu pour cette Rivale, prend lès Porteurs quelle trouve au lieu mef- rne ou on luy donne du fecours pour une conviction de la chofe, impute fonevanoüifTement au chagrin d’avoir caufé un fort grand defordre 5 & dans cette penlee elle rougit, pâlit, remonte dans fon Carrofle aveclamefmeim- petuofite qu elle en eftoit defcenduë, & la promptitude de fon départ ne caulè pas moins de furprife à ceux qui examinent ce quelle
GALANT. xj fait, que leur en ^voient caufe d'abord fes conjugales exclamations ou per- tonne navoitrien compris» Elle s’éloigne, & la Belle Evanoüye commence à ouvrir les yeux fans avoir rien veu de tout ce qui vient d’arriver. Elle valoir bien qu’osi s interefïaft pour elle. Quoy que fa bleïfure ne fuft rien, on la fait voir à un Chirurgien qui patte, & apres quelle s eft fervie de quelque précaution contre la frayeur qu elle a eue, elle fe fait
24 LE MERCURE
remener chez elle. La
Dame Jaloufe n en eft pas
quire à fi bon marche'. Son
Mary qui s’eft batu, & fa
Rivale e'vanoüye, luy font
prefumer une intelligence
lecrete donr elle tire de
facheufes conféqnences.
Elle en eft dans une colere
inconcevable. La oenfee
d eftre la Dupe d un commerce
qu elle avoir eu lieu
4e croire finy, ne luy laifte
point de repos. Elle foûpire,
fe plaint de la ncr-
’ ■ — luy
GALANT. luy en faifoit examiner les moyens,quand unTailleur que luy envoyé une de fes Amies la vient demander de fa part. II n’eftoit pas à qui le vouloir avoir, & elle eft contrainte de fufpendre fon chagrin pour ne pas perdre l’occafion. Il prend fa mefure, & voulant enve- loper fon Etofe avec une autre dont il s’eftoit déjà chargé, la Dame qui la trouve agréable , luy demande à qui elle eft II répond qu’il la vient de lever chez le Marchand pour une
Tome 8. G
16 LE MERCURE Dame de Campagne-, & comme les Tailleurs aiment naturellement à rationner, il ajoute que dans la Boutique où il l’achoifie, il eftoit arrivé depuis une heure ou deux la plus plai- fànte chofe dont elle euft peut-eftre jamais entendu parler. Là-deifus il luy nomme fa Rivale qu’il y avoit veuc,& luy veut conter malgré elle ce quelle fçavoit avant luy. Il n’en falloir pas davantage pour la mettre aux champs. Elle reprend fon Etofe, la donne à gar-
I
GALANT. z7 der à fa Suivante, & dit cha- grinement quelle ne veut plus fe faire faire d’Habit. Le Tailleur prend la chofe fur le point - d’honneur ; dit que îi elle craint qu’il ne la vole, il veut bien couper l’Etofe en fa prefence^ & plus la Dame s’obftineàne vouloir point d’Habit;plus il s’obftine à vouloir travailler pour elle. Le Mary arrive, laDame le regarde de travers, le Tailleur luy fait fes plaintes, foûtient qu’il eft honnefte Homme, qu’il n’a jamais pafte pour Vo-
C ij
18 LE MERCURE
leur, & que puis qu’on l’a
appelle pour faire unHabit,
il ne foufrira point qu’un
autre le fafle. C’eftoit un
grand Procès àvuider pour
le Mary. Il commence par
fe défaire du Tailleur, en
luy donnant un Loüis pour
fes pas perdus écoute les
nouveaux reproches de fa
Femme, dont ilnefçaitque
penfer-, & apres luy avoir
chagrinée, il la remet peu
à peu dans fon ordinaire
tranquillité. Voila, MaGALANT.
x9
dame, comme les chofes
les plus louables produi-
Dieu garde tout honnefte
aime
fa Femme.
Adiré le vray, Madame,
c’eftune terrible affaire que
de s’obliger d’aimer par
Contrat. Lecceurquiveuc
cftre toujours libredans fon
choix, &qui fe plaift quelquefois
à choifir fouvent,
n’a pas de legeres contraintes
à fouffrir, quand le devoir
luy rend l amour ne-
C. • •
11J
f
■
50 LE MERCURE ceïTaire. Il faut fe faire de grands efforts pour fe foû- mettre de bonne grâce à là tyrannie, & c’efl une violence dont je doute quece- luyquia fait les Vers que je vous envoyé s’accommo- dât aifément. Vous le convoitiez. Il a plus d’efpric qu il ne veut laitier croire qu il en a, & ce que vous allez lire vous perfuadera fans peine qu’il tourne les chofes finement. C’efttouc ce que vous fçaurez de luy. Il a tellement peur que cette petite Piece ne vous
GALANT. 31
le fafle croire trop libertin
en amour, qu’il ne me l’a
donnée qu’en me faifànc
promettre que je vous cacheroisfonnom.
RUPTUREQ
yoy qu'on ait dit jufquà
ce jour,
Le changement, Iris, n'eft pas un
fi grand crime $
Onpfife fort fouvent de l'eftime
à l'amour,
Lofons de l'amour à Veftime.
*$•
Comme il commence à nous la fer,
Pompons les noeuds fecrets de noftre
intelligence.
LE MERCURE
quoy &on nous piquer d'une fote confiance,
Qui ne fiers plus qu'a nous cm- b ara fier l
Quand te Coeur que charmait un pan chant aqreable, ^enfaitpltu fa félicité, Doit-on le croire fi coupable,
P ourle voir s"affranchir du dèqouft qui l'accable,
£n manquant de fidelité!
C efi une vertu chimérique Dont il faut reformer T erreurs . ufage en par oit tyrannique,
Et pour entretenir une amoureufe ardeur.
Il faut je-ne-fay-quoy quipique.
C eft la ce qui eau fie aux Amans
GALANT. 35
Ce que pour la Perfnne aimée
Ils ont de doux empreffemens ;
Et pour une Ami bien charmée,
; amour a a at
commencement 4* Comme il ne fait que naiftre, il eft
ardent,fiàeüe,
Et le premier éclat d'une ardeur
mutuelle
Rempliffant fes fouhaits, le comble
Mais on languit, Iris, fans cette
douce amorce
Que nous prefte la nouveautés
Et de la p a fi on le temps détruit
la force,
Sans qu’on fe fait fait mefme une
54 LE MERCURE
Lafympathie alors eft d'un foi b le
Et par un changement difficile d
comprendre,
On ceffe d'eftre heureux parce qu'on
fois fifie nfible ?
Nous les partaitez^avec moy,
Rien ne voue eftoit impoftîble
Quand vous croyie^ devoir reconnoijlre
ma
Nous avions chaque^bur cent chofes
d nous dire
Nous cofondions 'tous nos defirs i
GALANT. h
s'il fallait nous quiter, Dieux, le
cruel martyre,
Mais l’absëce four nous ceffe'd'eflre
me peine,
Je ne fuis plus refveur éloigne de
Vous écouterfiDamon , j'en conte
à Celimene >
Et comme enfin l'Amour l'un pour
l'autre notes çefne,
ETotts quiter ce fera le mieux.
commode.
De quelque bel Objet qu'on fui fie
eftre charmé,
il efibondefuivre la mode,
wfrepeu de temps que le coeur
s'accommode
Del'habitude d'efire aime.
36 LE MERCURE
A force de feins, l'Amour s'ufe, On ri yfaauroit trouver toujours le me fine appas,
Ht r Etoile au b efoin nous peut fervir d "excufte,
S'il eft encor des délicats Que cette vieille erreur a bufe, Qÿ~ ondoit âiwierjufqti au trépan
77 'affeïïons point, Iris, dl avoir l'ame héroïque , n peu de foibleffe fied bien,
C eft de tres-bonnefoyquavec voue je rri explique,
Keprenezpyoftre coeur, je reprendray le mien.
?
'-4
’ffi»
ou* avez^mille Amans, fay plus d'une Maiftreffe,
Kn commerce nouveau nousÀoit paroiftre deux,
GALANT. j7
Croyez^ moy, quelque Objet où noftre choix s'adreffe,
Nous le verrons tous deux fans en eftre jaloux.
Si noftre Amy dont vous me demandez des nouvelles ne s’eftoit pas fait une vertu d’aimer conftam- ment,il fe feroit e'pargné bien des chagrins, donten- fin il a èfté récompenfé. C’eft une nouvelle à vous apprendre. La Belle qui fembloit avoir pour luy les froideurs dont il fe plai- gnoit, n’affedoit cette fauf. fe infenfibilicé, que pour
LE MERCURE
l’engager à plus d'amour.
Cela méfait Convenir delà
Galatée de Virgile dont je
croy vous avoir parlé. Elle
fuyoit apres avoir jette une
Pomme à un Berger dont
ellefe connoiftoit aimée, &
fe laifloit voir en fuyant
pour le faire courir apr&s
elle. Cette penfée a efté
rendue fort agréablement
par ces Vers dont on ne m’a
point fait connoiftre 1’
theur.
GALANT. 59
V
IMITATION DE LA GALATEE
de Virgile
On Troupeau quelquefois*
7
Sur les bords <£un Torrent dont la
. . . y
vague irritée,
Du frein quelle s’eft fait d’une
Roche emportée,
Vient déun flot bodiffant l'affaiSir,
mais (ans fruit.
La ramene cent fois, & cent fois
ne produit
Que plus d’écume &plus de bruit.
Là refvant, l'ame trifte, & la veué
arreftèe >
jlinfi, dtfw-je un jour, ma flame
rebutée
40 LE MERCUR'
A des foins ebfltnez^ de plaire à
Quand fortant à par lents d'une
Roche écartée
Cette Belle me jette une Pomme,,
& s'enfuit
D'une courfe précipitée.
Je me détourne^ &voie
laiffe choir
Sont un Saule où bHabord fa fuite
l9 a portée.
JA a famé en peut eflre flatée,
Puie que pour me faire favoir
Que c eft elle par qui la Pomme
meft jettée,
Ja Follete en tombant veut bien
Apres vous avoir entretenue
de tant de chofes où
l’Amour a part, trouvez
bon que je vous parle un
moment de ce qui regarde
la Guerre. En vous mandant
la derniere fois la vigoureufe
Adtion de M1 de
Rofamel Lieutenant des
Gendarmes de Flandre,
j’oubliay de vous marquer
que Monfteur le Duc de
Luxembourg qui eftoit
venu camper àVefer furie
grand Efcaut entre Gand
& Dendermonde, avoit
fait partir en mefme temps
Tome 8. D
4i LE MERCURE
trois De'tachemens, l’un
lous les ordres de M' de
la Cardonniere Lieutenant
General, pour aller aux
Portes de cette derniere
Ville-, & les deux autres
fous ceux de M1 DaugDer
Brigadier de Cavalerie, &
de Mr le Marquis d’Uxel
Brigadier d’infanterie. Celuy
de M1 de la Cardonniere
n’avoic rien à exécuter.
11 eftoit fait feulement
pour couvrir les deux derniers.
M‘ le Marquis d’Uxel
alla jufqu’au Village de
>
GALANT. 45
S. Jean Stien , aux Portes
de Hulll, où il brûla quelques
lieues de Païs, & emmena
quantité de Chevaux
& deBeftiaux,les Habitans
s’eftans retirez.
Je n’ajoûteray rien à ce
Mr de Rofamel, qui fut détaché
par M1 Dauger, &
qui s’eftant fait ouvrir la
Barrière du Pont d’Anvers,
s’en rendit mai-ftre avec
une bravoure qu’on ne
fçauroic affez eftimer.
Monfieurlc Duc de Luxembourg
ne s’cftoit avan-
D ij
cé fur le Canal de Bruxelles
que pour faire quiter la
Sambre aux Ennemis -, ce
qu ils firent, dés qu’ils eurent
appris qu’il eftoit fi
proche d’eux. Leur Campagne
n’a pas eftéfortglorieufe.
Voyez-en la peinture
dans ce Sonnet.
SUR. LA CAMPAGNE
des Ennemis en Flandre.
SONNET IRREGULIER.
T Enter au mois d'Avril le
feceurs d'une Place,
Et ne pouvoir la fe courir >
T ~
Ü1
GALANT. 45
Chercher une Bataille, ardemment y courir,
Et s’y voir bien batios four prix de leur audace.
«S»
S'avifer quatre mois apres cette difgrace, pour effayer de s’aguerrir, pe former un grand Siégé,& craignant d’y périr,
Le lever auflïtoft, & fuir de bonne grâce.
paire avorter par là tous les vaftes projets
Qtfapres de longs Confeils vingt Minifires ont faits j
Pour les en confoler, conquérir deux Chaumières.
• -fr-
Ceder par tout l'avantage aux François i
4^ le mercure
C eft ainfi qu'on a veu rèüfiîr les affaires
& des fiers Efpagno[s & des b Hollandois,
On ne peut pas dire qu’ils n’ayent point réiifly dans leurs entreprifes, fi en venant a/fieger Char- leroy , ils n ont eu deftèin que de chagriner Mr de Montai , qui comme je vous ay déjà dit, euft efté . qu ils îuy-euflent
laille 1 occafion de les vifi-
ter. Voicy une Lettre de confolation que luv en a écrite une Perfonne fort
GALANT. 47
fpirituelle. Elle mérité bien
que vous la voyiez.
48 LE MERCURE
Et que vous pefiezj'ort contre vofire malheur,
De les voir décamper d'autour de vofire Place.
La perte efigrande aflurément,
Et plus grade qu'on nepeut croire, Puis qu enfin vous perdeg dans ce décampement
E occafion d'augmenter vofire gloire.
Sans examiner les motifs
Que l'on eut pour ofer un tel Siégé entreprendre,
T it-on jamais plus belle .Armée en Flandre,
Et de plus grands préparatifs ? Quelle noble Cavalerie!
Cent cinquante Efcadrons, vingt mille Pionniers,
au moins d Infanterie,
Trois •
GALANT. 49
Trois Li^es qui partout cw~ vroient tous les Quartiers,
Cet gros Can'os & vi ngt M ortiers
Tous prefts à me;ire en bâter tes Tout cela promet toit matière à vos Exploits.)
Etflatdit f^oftre Seigneurie "Que defioit tout de bon, non par
raillerie,
Ain fi que la première fois.
Tay fieu que fans pouffer trop devant les affaires,
Jlsfe tenaient fort loin, craignant les vilains tours
Qui voua fontaffe^ ordinaires,
Et ces diables de Moufquétaires
Qui fr.-pent plus fort que des . (burdsî "
Que dès le premier jour ils man- quoic î de Tari es
Que voyant déjà la E amine.
Tome 8. E
JO LE MEKCUKE
Qui d'une grande Armée efi le plus grand des mauxy
Quoy que mal à leur aife 9 ils fai- foient bonne miney
Et continuaient leurs TravauxS
Maisqu aufïtofi qu'ils aperçurent
Le brave Luxembourg marcher le long des Boi^
Les plus hardis d'entre eux fe t eurent,
Et bie plus encor^quad ilsfeurët Nos Soldats animez par l 'lUuflre Louvois.
AlorsleursGeneraux s'entf envoyât la Ploie,
( Au moins h d ce qu'on ditcar on peutbienpenfer
Que ce Secours les dut embarajfer) Hermofa dit au Prince > & vijle^ qtion fe botey
Pour moy cours occuper cette
mote
De peur que l'Ennemy ne s'y vienne
L'honneur, luy dit le Prince, apartient
a, l'EzliÇe,
Que Moniteur d’Ofnabruk entame
l 'action.
Si j'y vay, répond-il, que l'on me
débaptife,
Dois-je aller le premier à la Pro~
cejjïon l
Qherchez^deprace une autre dupe.
P endart leur conteftation
Le Vaillant Luxembourg occupe
Quelques Pofies avantageux.
Ainfi vuider le Qamp, repayer la
R iviere,
Fut le meilleur party pour eux
E ij
f
Sz LE MERCURE
0 comme en jurant ferme alors
Vous avanciez^ os Dehors
Je m'en rapoYte bien à vous,
Sans unRuiffeau quivous retarde
Ils enflent corne il faut fenty veftre
couroux.
Vn de leurs Officiers paya -pour tous
les autres,
Et de ce que de loin on fe tira de
coups,
Vn Chien, dit on,y demeura des
Noftres.
Si vous m'en demandez^ la raifon
aujourd'huy,
Les Chiens Çe font la guerre entre
toutes les Befles,
Delà Triple VnionleQerbere à
trois tefles
Décharge f fureur fur un Chien
comme luy.
GALANT. JJ
bien
De leur plut reprocher qu'ils font
payezj>our rien.
Ces Troupes qui faifoient trembler
toute la T erre,
Tout ce grand apareilde guerre,
Et vofire argent enfin ont fait mourir
un Chien,
la mémoire,
Ce Chien mérité affez^ qu'on luy
dre fie un Tombeau,
Et qu'un bel Epitaphe éternife fa
£l• l• j•
54 LE MERCURE
EPITAPHE.
CYgit le gradCitron,Chien d un gentil courage,
Qui, a un coup de Moufquet en la fleur de fon âge,
Proche de Charleroy mourut au Lit d’honneur, Aboyant avec trop d’ardeur
ApreslesAlliezlorsqu’ilsplioiët bagage.
Jamais Chien n'eut fur terre un plus glorieux Sort,
Un monde d’Ennemis s’eft arme pour fà mort.
3- avoir tué, c’eft plus qu’abatre cent murailles;
TroisPeuples aflemblez antfait ce grand effort,
Que l’on doit metere au rang des célébrés Batailles,
r
GALANT. 55
EtlesEftavs de Flandre encor par avance ont payé deux cens mille efcusd’or
Pour les fraisde fes funérailles.
&
Leur Armée en fortit quite trop bon marchéy
Et vous parufies bien fâché D'avoir faitfi peu de carnage 5 Mais quelque Perfonne foùtient Que vous le fufles davantage. Parce qu ils vous voloient , outre leur équipage,
Jfn Ba (Ion qui vous appartient. Carainfique chacun le conte,
Jl efl très -a(furé que le vaillant Montai,
Par leur évafion trop prompte, Perd un Bafonde Marefchal. y eus en eJliesQnconfolable,
•r-% • • • • .
E n ij
a
jô LE MERCURE
Vous juriez.,vous peftiez^ndiabley Et l’on vous entendait crier du mef me ton
Qfvn Aveugle en colere, & qui perd fin Bafton.
Q^e pourtant es chagrin n'ait rien qui vous tourmente,
Voui verre ^quelque jour tous vos defirs content,
Ce Bafton viendra dans fon teps,
Et vous n'y perdteg que l'attente.
BPe vous fufjit il pas que le plus grand des Rois
Tous a veu triomphtr déjà plus d'une fois,
Et que d'aucun fervice il ne perd la mémoire*.
û ilvous donne plus tard ce prix de vos Exploits,
Tous lepofederez^avecque plus de ^loirei
GALANT. 57 c’^ ce que jefouhaite, & fuis de tout’MM coeur,
■jreflré tres-humble Serviteur.
11 eft certain que M' de Montai n’a pas efté le féal qui ait veu avec chagrin la prompte Retraite de l’Ar- naée du Prince d Orange. Tous ceux qui cftoient enfermez avec luv dans Charleroy, brûloient d’envie de fe fignaler. C eft ce que nos Ennemis mefmes croiront aifément apresles marques de courage quils voyent tous les jours que donnent les Noftres en toute forte
$3 LE MERCURE de rencontres. Ils font af- fez convaincus de la juftice qu ils leur doivent rendre, par les continuels avantages que nous avons remportez fur euxj mais quoy que la valeur fcmble avoir efté de tout temps une vertu particulière auxFran- on peut dire qu’elle ® a jamais tant paru que lous le Régné de Lo vis Grand. On ne s’en étonné pas. Son exemple, * les promptes récompenses qu’il donne aux verira- bles Braves, font de puif-
GALANT. 59 fans motifs pour leur faire tout entreprendre , dans l’empreftement de fe distinguer. Comme ce Grand Prince fe plaift toujours à chercher quelques nouveaux moyens de recon- noiftre les fervices qu’on luy rend , il a augmente' fes quatre Compagnies des Gardes du Corps, d’un Lieutenant, d'un Enfeigne, & de ’quelques Gardes. Me(Tieurs de Saint Ruth, Marin, Lignery, du Mefnil, Saint Germain d’Achon, & du Repaire, ont efté faits
Lieutenans ; & Me/ïreurs
de Reneville, de Gaffion,
d’eVignau, de la Grange,
deQuiery, de Vilemon/de
Monpipaux, de Bigé, de
la Cale, & de LeïTay, font
en mefme temps devenus
Enft ignés. Mefficurs de
Serignan&deVandeüil en
auront les Brevets, le rang,
& le commandement, &
neA laifïèront pas de faire
toujours leurs fondions
d Aydes-Majors. Je ne
doutepoint, Madame, que
je ne vous fiffe un fort
grand plaifir de vous parler
GALANT.
nier j mais outre que j attens
des Mémoires de leurs
Amis pour ce qui les regarde
chacun en particulier,
j’ay tant de chofes à
vous dire dans cette Lettre,
oint
accabler de la matière, tout
ce que j’ajoûteray aujourd'huy
à cet Article , c’eft
qu’on n’entre point dans
le Corps où ils ont l’avantage
d’eftre reçeus, qu’on
ne fe foit fait remarquer
|LE MERCURE 1 occafions , & qu’il n y a point de commandement dont tous ceux qui en font Officiers ne foient eftimez ? capables. Ils ont l’honneur d eftre toujours auprès de la Perfonne du Roy, on leur en confie la garde, & vous pouvez bien juger
quun fi glorieux employ » demande des Gens dont le courage foie auffi connu que le mérité. On fe fait une fi haute félicité d avoir part à la moindre chofe ' qui touche l’incomparable Louis, qu’on prétend
galant.
Ht toutes les autres , parce
3 que la lettre L. s’attribue
Ht je grands privilèges fur
e fait déjà un peu enflée de
n ce qu’elle commençoic
!c ceux du Louvre & de Lu-
■r tece, qui comme vous fçay
vez eft l’ancien nom de
it Paris. Voyez ce qu’en dit
U cette Epigramme.
!
PREROGATIVES
de la Lettre L.
PArce que la Lettre L efl la
•première en te fie
De Lut e ce, du Louvre, & du nom
deL OÜIS,
Elle s'enfle d'orgueil, elle leve U
crefte.
Et demande à fes Soeurs des refpects
inoüis.
En vain vous prétendez^ garder
vofire arrogance,
C'eft à voua à fléchir forts mon
obeïflance,
leurdit-eUe, & j'qy droit de votes
faire la loy,
>
GALANT. 65
Car tout ce que le Monde a de plus admirable
Commençant par mon nom le rend incomparable^
nulle parmy vous ri a tant d'bon* neurs que moy.
Vous avez veu leLouvre, vous en avez admiré la magnificence, mais vous n’avez peut-eftre jamais veu une Màifon qui quoy quelle ne Ibitquelelogemenc d’un Particulier, mérité bien que je vous en parle. C eft celle de Nfc du Brouf- fin, fi entendu en toutes choies, & qui a trouvé l’art Tome 8. F
66 LE MERCURE d’y renfermer non feule- mène toutes les commodi- tezj mais les agréraens qui femblent ne devoir eftre que dans les Palais. Ce qu’on dit de la beauté de cette Maifon ayant fait naître à Moniteur quelque cu - riofité‘de la voir, ce Grand Prince luy fit l’honneur ces jours paffez d’aller chez iuy, & de ne defàpprouver pas la liberté qu’il prit de luy donner à manger. Il n’y eut rien de fi propre que ce Repas, rien de fi exquis que tout ce qu’on y
GALANT. 67 fervit, & S. Alteffe Royale s’en montra fi fatisfaite, qu’on avoua , que la réputation qu’a Mr du Brouffin de fe connoiftre fi bien à tout, ne s’eft pas répandue fans fondement. Je ne vous diray rien de fa Perfonne, ny de fa Famille. Il s’appelle Brulart, & mes dernières Lettres vous ont appris affez de chofes du fameux Chancelier de Sillery qui portoit ce mefmeNom, pour vous faire connoiftre le fang dont il eft forty. C’eft un Homme des plus
Fij
derer. Il feroit à fouhaiter
que tous ceux qui ont
comme luy quelques talens
extraordinaires, fuffent
exempts de mourir,
ou du moins qu’ils vefcuffent
auffi longtemps qu’a
fait Mr Charpentier Doyen
du Grand Conf il , qui
mourut fur la fin de l'autre
mois âgé de quatre-vingt
de Confeiller au Grand
Confeil, l’ont rendu recommandable.
Il fut envoyé
par le Roy en la Ville
de Villeneuve lez Avignon,
pour regler la Juriidiâioïi
& les Droits de Sa Majefté
avec le Vice-Legat, & il
s’acquitade cette Commiffion
avec autant de fidelité
7O LE MERCURE
& d’exaélitude, qu'il a toujours
fait paroiftre de probité
en exerçant fa Charge
avec une afiiduité exemplaire
, jufqu a fon extrême
caducité. Il eftoit de bonne
& très-ancienne Famille-,
& comme il avoit vefcu
avec beaucoup d’honneur,
Quand on dit adieu au
monde par la mort, c’eft
fans refource. Il n’en eft pas
de mefme du fpirituel Inconnu
qui prétend l’avoir
dit aux Mufes. 11 a un fi
GALANT. 7£ beau talent pour la Poëfie, qu’il fe re'foudra difficilement à tenir parole. Voyez fi j’ay raifon de le croire.
AU
Ms
L’A D I E U
X MUSES»
DISCOURS.
, cefi trop refver au bord de vos Font aines, ]?our un foible plaifir vous caufez^ mille peines >
Vous n'avez^ plus peur moy vos premières beautez^
£t je renonce aux biens que vous me promette
72. LE MERCURE
Jadis avec honneur vos charmantes retraites
Retentiffoient du bruit des transites Poètes*
Quand les Maiftres du Monde apres de grands exploits Concertaient avec eux d P ombre de vos Bois*
Et qu'un mefne Laurier cueiely fur le Parnaffe
Couronnait tout enfeynble Augufte & fan Horace <
Mais helas* dans ce Siecle un in- jufte mépris
Eft de nos triftes Vers & le fruit & le prix! ,
* que fans rien faire il ni eft permis de vivre,
Dois je mal-ù-propos fecheràfaire un L ivre*
Quand je riauray pour fruit de mes travaux ingrats
haine des Fats ?
Mai# quand de vos attraits on à
Famé ravie,
Qui vous Çuit une fait , vous fuit
toute Ça vie.
On a beau remontrer au Poète
Damon
on rientendit jamais fin bard’écrire,
On méprife fes Vers que luy feul
il admire,
A fes propres dépens il fe fait
imprimer,
à rimer,
Moy - me fine mi defois dvos ardeurs
1 ay tente vainement de vous+firc
Tome 8. G
74 LE MERCURE
Tous les jours, dés que l'Aube anonce le Soleil,
i
Apollon par ces mois interrompt mon (bmmeil.
Quitte, quitte du Lit les délices vulgaires,
Ce nef pas en dormant que fe font les Homeres,
Debout. Il nef pas jour, que faire fi matin ?
Va d’Horace & de Perfe éclaircir le Latin,
Lis & relis encore & Terence, & Virgile,
Et fur leur fiyle heureux tâche à former ton fiyle.
le ftay tous ces Auteurs. Les peut on trop favoir?
Il t'y faut appliquer du matin jusqu'au fioir,
T enfiévrer des plaijîrs où Hùge te convie,
Z
ta vie.
C'efi ainfi, doctes Soeurs , que vos
chers Nourrijfons
A leur tranquilité préfèrent vos
Chanfons.
On pourroit de vojîre Art foufrir
Id inquiétude y
Si le qain
étude ;
*
Mais entre tous les Arts qui demandent
nos Coins.
' , ' J J J^fire Art confie le plus, & profite
le moins.
Rocard qui tuê un l-pomme avec
une Ordonnance^
De fon affafiînat reçoit la récompenfe
3
Et toy qui t enrichis déun argent
fi mal du y (perdu.
Daulin^ fi day payé pour un Procès
76 LE.MERCURE
Cependant qui ne fiait la rèponfe
barbare
Que fit à l'Ariofie un Mécénat
avare.,
QuandcetAuteurComique autant
quinfini eux,
Alla luy prefinter fon Roland
Furieux l
La Gloire, direz^vous, qui vous
fuit d'ordinaire,
Doit à vos Favoris tenir lieu de
fa la ire.
un
Métier,
Où fans compter le temps, on perd
jufqtcau papier!
Cette Gloire qui dupe & le Sot
& lyHabile,
eft infertile l
£t puis lors quapres elle on cotât
en tnfenfé,
GALANT. 77
EJî-on fur de l'atteindre apres s'étire lajfé ■
Eicidas qui fe tue à grimper au Parnajfe,
Efl d’un fat de Laquais ffié de place en place >
Et combienvoyons-nous d'Auteurs infortune^
£ éternels affronts vous aveg condamnez^
Dans un Siecle où fleurit la fureté parfaite^
ilfaut de grands talensfourformer un Poète*
il faut qu' au Berceau me fine Apollon nous ait ry,
Que des meilleurs Auteurs noftre ejfyrit foit nourry,
Et que par le travail d'une longue le Hure, ( la Nature.
L'Art achevé les traits qu ébaucha \ • • •
G nj
?8 LE MERCURE Aufurdl buy'que l'on voit d’ajfe^ fameux Auteur^
Apauvrir le Libraire ,^-manquer d'Acheteurs,
Iray-]e follement pour prix de mon étude, ■
Des Livres inconnus groffîr la multitude ?
En vain votes me'flateïypitunfuccés plus heureux
DiJfperoit ma crainte, & rempli* roit mes voeux,
Et que Paris un fur âmes Oeuvres propice
Eorceroit la Province à me rendre puftite.
Quand lesfons de mon Lutprefque usé fous mes doigts,
D' 'un Cygne agonifanpfurpajfe* raient la voix,
Et que mes Chants polis par de laffantes veilles
/
GALANT. 79 Auraient d'Apollon mefme enchanté les oreilles,
Pourvois~ie m ajjurer que le tour de mes Vers
Scettt plaire également à mille ' Ecrits divers ?
Mats (îfermant lesyeux aux périls où 'expofe
La gloire ou le repos de quiconque compofe,
Je fuivois pour rimer un aveugle defir,
Quel genre de Poème oferois-je choifir ?
Faut-il s Auteur nouveau d'une Pièce tragique, paire plaindre un Héros fur un ton magnifique,
Et touchant lefuccés refveur,trifie, inquiet, (en effet?
D'un chagrin incertain m'affliger G* • • • 111J
8o LE MERCURE
Non> mon oeme au repos conflam-- ment attachée.
D'un Çentiment -pareil ne peut cdre touchée.
Dois-je en fiyle amoureux* pleurant* hors de fiaifien*
Me plaindre des rigueurs d'Iris* ou de Lifon ?
Mêlas ! les plus beaux Vers d'un coeur tendre &fidelle
Sont un foible fecaurs pour vaincre une Cruelle.
Si dans une Satire abondante en bons mots
Je berne plaifiamment une foule de Sots*
T otite la Ville en cris contre moy déchaînée
Traite mes jeux de frit de licence effrenée.
Mes Amis les plus chers no fient qu'avec terreur
GALANT- Si
J)'un torrent fi rapide arrefier U fureur,
Etfur le bruit qui court me s Parent en alarmes
A ma future mort donnent déjà des larmes.
Ces Parons ennemis de vosvieilles Chanfons
Me font à tout moment d'impor» tunes leçons.
Quite y me difient-ils , une étude inutile '
Et va faire au Palais une moiffon fertile. " * <'?■'
Ÿtîal, tu le connois, chacun parle de luy ;
Voy ce qu'ilfut ja dis , ce qu'il efi aujourd'buy.
Tu fiais le peu de bien qu'il eut pour fin partage,
Ses debtes de beaucoup pafibient fon héritage,
Sx LE MERCURE
Cependant quil'a mis au rang où tu le vois ?
C'eft le Barreau* Voila Dutilité des Loix.
IMets-toy devant les yeux un fem- hlable modeUe^
Des Vers qui te font tort débrouille ta cervelle 5
Ou fi pour f attirery le Droit manque drapas y
Quite4e^ mais du moins dors , & ne rime pat*
C eft ainfi qu'opofez^au panchant qui m'entraîne^
De mon coeur contre vous Us fou- lèvent la haine y
Il faut leur plaire enfin & faire un nouveau choix.
-AdieuiMufes^ adieu pour la dernière fois*
♦
galant. Sj
Larefolution ne tiendra pas, Madame , & je croy que vous n en elles pas moins perfuadée que je le fuis. Tant de Gens qui ne font nullement nez Poètes, s’obftinent tous les jours à fatiguer leurs Amis par de méchans Vers-, comment un Homme qui en fait de fi bons, & qui les tourne d’une maniéré fi agréable, voudroit-ilenfevelir un ta-
< * lent qui ne luy peut acquérir que de la gloire? Sivous avez eftéfatisfaite, comme 'je n’en doute pas, de cette
«4 LE MERCURE
ingénieufe Satire, vous ne
la ferez pas moins d’une
Lettre qui m’eft tombée
depuis trois jours entre les
mains. On ne me l’a donnée
que pour m’y faire lire
une Avanture de VendanGALANT.
Sj
lettre DE Mr LE ***
A de ***
SI ne fçoevois que vous
ave\de L'amour, Ù’ que
U belle Perfionne qui vous
attache ne fçauroit quiter
Paris, je ne vous pardonnerais
pas de ne point venir
goûter avec nous les plaifirs
de la Campagne, dans une
SaiJbn où il y a de longues
années que nous ri avons eu
de fi beaux jours. Il femble
a
gg LE MERCURE que le Soleil fe leve exprès pour faire fa Cour à quantité de Gens choifis de l'un & de l'autre Sexe qui fe trouvent p.refque dans tous nos Villages. Chacun rencontre ce O
qui luy eft propre, & d la H ouïe te près dont on ne s'eft pas encor avisé de fe fervir, la vie quon mene icy me paroift fi libre & fi agréable} que je m imagine voir quelquefois ce que Mr d'Vrfe nous a peint des Ber gérés de Lignon. On s'af Çemble dans les Prairies , on s'entretient au bord des B,uif
GALANT. 87
la Promenade eft pafié, les
plus grandes Villes n ’ ont
point de Divertifemens que
nous ayons fujet de regreter.
Le croirez-vous ? Le BaJ
mais le Bal en forme, Je
donne par tout aux environs s
& comme
Monde 3 on le court de Village
en Village , comme on
ait de Quartier en Quartier
à Paris dans le Carnaval.
joïtir? Les Vendanges n’ont
peut-eélre jamais efté fi belles
3 la France triomphe de
gs LE MERCURE
toutes parts j & fi le Ciel
nous fiavorifie d'un Automne
tout charmant 3 le Roy & fies
Ministres travaillent d nous
plus vilains jours de la plus
rude Saifion, par les Joins
qu’ils prennent ou de nous
procurer la Paix, ou de nous
mettre en état de ne point
fientir les incommodité^ de la
Guerre. Parmy les Bals de
nofire Canton, il y en eut un
dernièrement dont la non-
. ... / T... r(i
nousjurprit. Jefioupois che\
GALANT. 89
„M'de***. lenefçay fi vous
fes Amis, & dont la Maifon
la vient voir de tous les
cojle^. Le Iardin en eft fort
proprement entretenu. Outre
le Mufcat qui couvre un Berceau,
ily a des Efy allers qui
raportent les' plus excellens
&je croy que le petit Homme
Bruits mon puifte mang
labeauté, fi fa F’emme qui eft
un peu la MaiFlrefie, ne trou-
Tome 8. H
9o LE MERCURE voit qu'il eft plus judicieuse- d'en accommoder certaines "Femmes de la Halle qui la vifîtent de temps en temps. Apres que nous eûmes foupéy on appr efioit des Cartes pour une Partie d'H ombre, quand le Maidlre de la Maijonqut s estait approché des Fenef- tres, nous appella pour nous faire obferverplufieurs flambeaux qui paroiffoient dans la Campagne, & que nous vifmes s'avancer peu a peu vers le Village. Ils y entrèrent , Çÿ un peu apres nous entendifmes grand bruit a lu
GALANT. w
Porte, où trois Carrofies s'efitoient
arrefte^. Ils avaient
Hommes à cheval veülits en
Païjans, auffibien que les
Cochers & les Laquais. Ceux
Carrojje, avaient des Habits
pourtant de Païjans comme
les autres. C'efioient des
Violons, qui d’abord qu’ils
furent entrer dans la Court,
firent connoiftre en joùant
danfer. La Compagnie furvit.
Elle confifioit en fix Hommes
•H
ftt LE MERCURE quatre Femmes veftits en Vendangeurs & Vendangeuses. Leurs Habits eftoient de Satin & de Gage d‘argent. Les Hommes avoient de petites Hôtes argentées } les Femmes de? Paniers de mef me, & les unes & les autres des Serpetes de Vendangeurs, On ouvrit une grande Salle. Six Flambeaux porteg. par les fix Hommes qui eftoient venus a cheval, précédèrent les Violons qui furent juivis de cette galante Troupe de Vendangeurs. Les Laquais tirèrent aufîtoft des Carrojfes
f
GALANT.
éclairer la Salle ; g/
w®, & qu'ils e liaient en ap~
Cez prand nombre pour dan
à ne rien taire. Le
SMaiftre & la Maifirejfe du.
Logis furent pris d'abord. Ils
ne (caxuoient aue nenCer ds
Ils examinaient comme moy
qui pouvaient eflre les Gens
quife donnaient unfemblable
divertifemenp & il ne nous
fut pas pojfible de le deviner.
Tout ce que nousf eûmes par
mots
9
94 LE MERCURE perent, & qu ils croyaient Je dire ba-s, c est qu, il y avoit un Duc parmy eux. On leur entendit mefme àppeller un Paged l a,ir de leur dan Je & à toutes leurs maniérés, il parut que c estaient Perfon- nes de laplus haute Qualité. Le bruit des Violons attira incontinent dans cette Salle tout ce qu il y ay>oit de Gens raifonnables dans le Village. Les plus jolies Païfannes y 'vinrent. Elles estaient déjà accoutumées a fè mejler par- wy les Dames quand il fe donnait quelque Fejle. Des
GALANT. 95 Bourgeois curieuxfe mafque- reut le mieux qu ils purent* ■g/ on peut dire que ce fut un Bal régulier, puis que les Mafques en furent, €/ qu’il y avait du Monde de toute efpece. Mpres qu’on eut dansé quelque temps, ceux qui avaient amené les Violons demandèrent a entrer dans le Jardin, & dirent que puis qu’ils eftoient venus pour vendanger, ils ne prétendaient pas qu’on les ren- voyaft fans les- avoir mis en befogne. La Maiflrejfe de la Maifon trembla pour fes
96
LE MERCURE Pruits , & voulut trouver Theure indue s mais le petit Homme qui eftoit galant} s’ofrit a eftre leur Condu- fteur, & dit en riant , Que tout ce qu’il craignoit, c’ef- toit que des Vendangeufes d’un fi grand mérité ne vou- lufTent vendre chèrement leur temps, & qu’il ne fuft difficile de les payer. Le Jardin fut ouvert, toute la Troupe y entra, le Mufcat fut vendangé\ & on n épargna point les êfaliers. Les Hôtes, les Paniers, tout fit remply de ce qùily avoit de plut
GALANT. 97 plus beau Fruit, & c<n ne rien' Le Jeu parut violent, les difcours galans cejferent, le petit Homme devint froid, fi Femme encor davantage. Ils voulaient fe plaindre} & Je retenaient i on ne fait a qui on parle quand on parle à, des Gens mafques^. Ils avaient oüy les noms de T)mc gÿ de Page, & en ne voulant pas foufrir qu'on continuait la vendange , ils craignaient de neitre pas Maiitres che^ eux. Les faux Vendangeurs s empefchoient de rire autant 'Tome 8. I
I
9S LE MERCURE qu'ils powvoient , & en laif- fiient echaper quelques éclats qu'il leur eftoit impoffible de retenir. Les lntereffe^rioient du bout des dents. Le Jardinier & la Jardinière, avec les Domeftiques les plus gre ffiers , querelloient ceux qui dépoüilloient les Arbres fi hardiment,^ alloient jufqu a les accufer de vol. C'eîloit affe^ faiblement que leurs Mai&res leur ordonnaient de fe taire. Les faux, mais pourtant trop véritable s Vendangeur s, redoublèrent leurs éclats de rire à mefure qu’ils
'4
GALANT. 99 voyoïent quelque Eftalier déchargé.
Apres qu'ils eurent cüeilly tout ce qu'ils rencontrèrent de plus beau, le Mary voyant que c eftoit un mal fans re- mede, voulut faire de necef- fité vertu ; gj* afin qu on ne /’accusât pas d'avoir fôuf- fert une Galanterie de mau- vaife grâce, il les mena dans un endroit où il y avoit encor quelques Arbres a dépouiller. On luy dit que ce ferait pour une autre fois, parce que des Vendangeurs de leur importance ri eftoient pas accouftu-
Iij
7
,OO LE MERÇURE rnezji travailler fi longtemps', & tandis qriun d’entreux l'ajfura en termes fort étendu, qri il ridur oit pas lieu de fe repentir de ïhonnefiete qu'il avoit eu'è, les autres montèrent en Carrojfe, Ce- luy-cy prit congé du petit Homme, rejoignit fa Compagnie , tout difiarut en mefme temps, fe trouway V Avanture aufp bizarre qu H en fut jamais arrivé a per- fonne. Le Mary qui ffit le Rieur en enrageant, me demanda ce que je penfois des Vendangeurs 3 fa Femme lt
que nous croyions emporte^
gÿ qu'ils y av oient fût luiffer
par leurs Gens. La Mai-
1 iij
iox LE MERCURE trefle du Logis ri en fut que médiocrement confiée. Ils revoient efté cueillis hors de fcifon, Êÿ comme ils ne luy fembloient pas propres à ce quelle avoit refolu d'en faire, elle n aurait de longtemps cefe de gronder , fans une Montre de Diamans qui luy fauta aux yeux le plus a propos du monde. Elle eftoit far cette mefme Table, avec de riches Tablettes que nous ouvrîmes, & oh nous trouvâmes ces mots écrits. D’aC- fezilluftres Vendangeufes, qu’on ne dédaigne pas quel-
7
i GALANT. ioj
J quefois de recevoir à la J Cour, ayant eu envie de vos 1 Mufcats, ont crû qu’elles 1 * pou voient fe donner le plai- ( fîr d’exercer voftre patien-
■ ce en les vendangeant.
1 N’en murmurez pas. Il y a { peut-eftre des Gens du plus > haut rang qui fouhaite- 1 roient qu’elles ne les mif- fentpas à de plus fâcheufes 1 épreuves. Quelque rude < que vous ait pu eïtre celle-
•
cy, elles vous prient de ne
•
l’oublier jamais j & afin de t vous y engager, elles vous
laiïTcnt cette Montre qui 1» • • • mj
io4 MERCURE vous Rüj fouvenir d’elles toutes les fois que vous y regarderez à l'heure qu’el- les ont fait le dégaft de vos plus beaux Fruits. Le petit Homme trouva les Vendan- geufesfort honncfies^ cette Galanterie plût fi fort d fit Femme,qu ellefouhaita quon retinfl le lendemain vendanger aux mefines conditions ce qui leur eftoit demeuré de Fruits.
- %
fie ne vous parleray point, mon Cher, de tous les autres Bals qui fe font donner dans le voïfinage. fie vous mar-‘
7
GALANT. 105 que feulement celuy-cy d cAufe de l'Avanture. Elle réjoùira fans doute l aima- yiePerfonne qui vous empef- che de nous venir voir. Tache*^ d l’en divertir , Çÿ fi vous jugez quelle mérité une place dans le Mercure Galant, faites U conter d l Au- theur, afin qu il luy donne les embelli femens dont elle a be- fin. Cependant envoyez? moy fix Exemplaires du Volume du dernier Mois, on me le demande par tout ou je vay, & ce n eft pas eflre galant que de le refufer aux
*
a
106 LE MERCURE Belles. C'eft par le ^Mercure qnon apprend toutes les Nouvelles agréables s & fi
Miton a cru le pouvoir nommer la Confolation des Provinces, on peut adjoûtet f^l eft le Plaifir des Compagnies à qui les Vendanges font quiter Paris. perfonne qui ne s en fiijfie. un fort grand defia, lellure. Tout le monde en eft avide, & pen- dant que les Hommes s'atta- chent aux Articles ferieux, les Dames rient des Hifto- riettes, & s emprefient â c ercher le fens des Enigmes. Ce 7. d Octobre 1677A
GALANT. 107
Voyez, Madame, fi je
ne
vouloir rien changer à la
Lettre qui vous apprend
J’Avanture des Vendande
Billets fur celle du Trictrac
3 depuis que j’ay commencé
à vous écrire. Les
uns y ont fait venir un fens
forcé je ne fçay comment-,
les autres m’ont demandé
fi cen’eftoitpointunplaifir
que je me donnois fans avoir
deffein de rien éclair108
LE MERCURE
cir, & voicy ce que m’écrivent
prefentement des Dames
qui me feront l’honneur
de fe nommer quand il
leur plaira. La Sufcription
eft obligeante, ne l’attribuez
pas à ma vanité.
POUR
LE GALANT AUTHEUR
DU
MERCURE GALANT.
IL’ faut avoir autant d’efprit
que wous en awe^
Monjîeur} pour tourner let
GALANT. 109 pMigmes aufli bien que vous avez, frit celle que nous a- cvons veue dans vofire Lettre du Mois pafié. Quoy que tout y [oit jufiè, il faut l'a- «vouer de bonne foy, nous a- vons refvé inutilement pour en découvrir le fens, & apres nous efire adrefiées à plu- fieurs Perfonnes fort spirituelles qui ny ont pas mieux reuffy que nous, nous avons enfin trouvé un jeune Architecte , qui a deviné que vos Vers nous désignaient le Triétrac. Cette marque de fon efirit mérité bien, Mon-
110
LE MERCURE fieur 3 que mous en ‘veuillie^ rendre témoignage dans <vof tre première Lettre. Iln'efl pas d'ailleurs indigne d'y a- voir place. Il s'appelle M Dury de Chantdoré, &cejl particulièrement fous ce der- nicrnom qu'on parle de luy. Il efl iArchiteéte des Bafîi- mens duBoy, fort connu}quoy que peu avancé en âge, mais d'un grand mérité, & déjà tres-confmmé dam les Ma- tématiques, dont l'étude fait une de fes principales occupations. Il entend parfaitement ï Architecture 3 & fes
GALANT. lu Avi* font recherche^ dans les deffeins les plus importuns. S'il va cbe^ vous comme il le doit faire , pour fça. voir de vous -mefme s'il a heu- retfement deviné 3 ne luy dites point3 s'il vous plaiflt que vous aye\ reçeu cette Lettre. Il fera plus agréablementJurpris de fe trouver dans la voLlre 3 quand il ne s'attendra point a la grâce que nous vous demandons pour luy. Nous l'efyerons de
d
i
i'
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iJ
4
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«I
vofire bonne fteté, & ne fouit- h ait on s d eslre promptement (ii de retour de U Campagne^
m LE MERCURE
que pour 'vous aller ajfurer
de bouche que nous fommes
<vos très-humble s Servantes.
On me fait bien de l’honneur,
Madame s comme
vous le voyez par le comm*
encement dew c* e Billet, &
cela, grâce à un Inconnu
qui ne s ert point encor
• voulu déclarer Autlieurde
l’Enigme, car je me
I
n’eft pas de moy, & de
fens * b * J ' obligé de vous dire qu elle
n’eft pas de moy, & de refit'
fer une gloire qui ne m eft
qu’apres
lafmcerité de cet aveu,
point deue. Je croy
GALANT. iij vous ne douterez pas que je n’aye toujours beaucoup dejoye à rendre juftice aux Gens d’efpr-it, & que je ne me faffe un fort grand plai- firdeles nommer quand je fes connoy. J'ay enfin découvertque celuy qui a fait le Panégyrique des Alliez que vous avez tant eftime, s'appelait M1 dcMafteville. Il eft de Normandie, & voicy un Sonner de (à façon qui ne vous paroiftra pas indigne de ce que vous avez déjà veu de luy. Il a efté fait pour un Philofo- Tome 8. I<
H4 le mercure
phe qui n’a fçeu fi bien raifonner,
qu’il n ait fenty que
l’Amour eftoit plus puiflanc
que laRaifon.
LE PHILOSOPHE
Amant.
S O N N E T.
POurquoy fais-je rongé de cette
inquiétude 1
D'où vient qu'elle m accable & me
fuit en tous lieux ?
D'où vient cette langueur qui fàrcift
dans mes yeux ?
Et pourquoy me voit- on chercher
la Solitude ?
GALANT. ii5
4»,
le me fens dégpuftè des leux & de
l’Etude,
le mèprife tfije hay ce que 'jaimais
le mieux.
pour un rien quelquefois je deviens
furieuxy
Enfin tout meparoit infuportable
•& {&rude.
Qui caufe, jufte Ciel, un fi grand
cha r.gement ?
Ce déplorable état viendroit-il du
moment
Où malgré ma raifon j'allay voir
lfabelle ?
le ne fçay^ mais hélas! d mon cruel
tourment
l'ay beau chercherpar tout quelque
foulagement,
le ne puis l'adoucir qu'envoyant
cette Belle,
h6 LE MERCURE
Encor un Sonnet, Madame. 11 m’a elle' envoyé de Poitou, & vous n’avez jamais rienvcude plus fin- gulier. 11 roule fur deux feules rimes, & vous ne le trouverez vos bons
Dévots.
pas favorable à Amis les faux
<K v.
L’HYPOCRITE,
* >
Sonnet.
LE Biqot en ce temps ^pour bieft faire fon compte
Compte jufqu'à fes pat y & me fart le temps 5
GALANT. 117
Mais à le voir longtemps on rien
fait point de conte,
Et l'on compte pour rien tout l’em-
Ce riefi pas pour ce temps, notes
dit-il, que je compte,
contretemps 5
JAais le temps à venir efi le foui
que je compte*
Et vivant bien* je fais mon compte
nous compte*
Je Copte un Chapelet à toute heure*
en toute temps* .
Et nul temps ne m en peut faire
oublier le compte.
n§ LE MERCURE
® J ; *
Hypocrite, tu pers &ton compte
& ton temps i
Dieu connaît qu en tout temps tu ne vas quà ton compte,
£t que c eft pour tromper que tu comptes le temps.
Vous avez veu des Bouts-
r T
rimez. On les borne ordinairement aux quatorze Vers d’un Sonnet. En voicy de plus étendus, ils font fur tous ceux du charmant Idylle que Madame Deshoulieres nous a donné contre la R aifon. Vous les trouverez dans un fens tout oppofé. Je n’en con-
GALANT. 119
nois point l’Autheur. On
m’a feulement affuré qu’ils
avoient eflé faits par un
Homme de qualité de
Lyon» & vous ferez aifement
perfuadée en les lifant,
qu’il n’a pas moins
d’efprit que de naiffance.
. *a • « * .f * ' t *
VERS IRREGULIERS
fur les mefmes Rimes de
l’idylle des Moutons.
HEla/, petits Moutons, que
. vousferiefoeurcux*
Si faisant dans nos Champs^fans
fouets fans alarme s y •
B
1-0 LE MERCURE
Auffitofi aimez qu amoureux,
Sds quilvous en coupe deslarmes,
TAofhe coeur reffentoit la pointe des
Et fi des mouvemens que donne la
Nature
Ajfai fbnnant les maux avecque
les plaifirs,
T^ous pouviez^pénetrer cette beu*
reufe impoflure
Qui fait de ce mélange un grand
bien parmy nous,
Et ne fe trouve point chczyvousl
il vous faudroit un peu de raifort
pour partage,
T^ous en feriezfifdns-doute un trèsutile
ai/ao-e.
Inno cens Animaux, vous en ç
Et vous nous enviez, cet heureux
avantage s
GALANT. ni fivous m'en croyez^n en faites point de brait,
Ce mal pour vous efifans remede* Toutvous tropeff toutvousféduie Quâd, vous appellera vofire a de L
’aveugle infltnSlquivous cédait. La Nature pour vous fevere Nevous copiât prefque pour rien* Nous abandonne à vofire Chient Pour vous garder de la colere Des Loups cruels & raviffans* Et pour toute raifon vous dorme une chimère
Qfii fuit l appétit de vos fens. Si vousflpavteZ'Ce quevous faites Dans cette indigne oifivetéy Si vous favie^ce que vous efies ■ Dans cette tri fie obfcunté, Vous maudiriez^ cent fois cette tranquillité y
Et les defauts delà naiffance
Tome$. l
7
111 LE MERCURE
' Quf vous a refafé P offrit & la
beauté,
Et ne feriez^ pas vanité
Devoftre funefte indolence.
criminels,
Vous n'avezjwnt de remords qui
vous ronfe,
Vous per demies biens éternels,
Et paffezfcy comme un Songe.
Tout eft dans ce vafte Vnivers
De fon deftin elle décide
Selon fes jugemcns divers.
A P Homme elle adonné l'efpril
Pour éviter du Sort le caprice &'
les coups >
Et vous, petits Moutons, quivivet^
... fans fctence,
GALANT, ix j
T)'une informe raifony vous ave*
l'apparence,
El ai s vous efles fournis a noftre
dépendance,
Et vous nevive^quepour nous.
Ces Vers ont paru fort
nets & fort allez à tous ceux
qui les ont veus, & c’eft
une louange où la flaterie
n’a point de part. Elle en
a beaucoup à celles qui
fe donnent ordinairement
auxGrands. Les diférentes
maniérés dont ils peuvent
faire du bien, font caufe
qu’on les encenfede toutes
Lij
n4 LE MERCURE
prétentions pour trouver
matière de loücr; & pour
venir à fon but, il eft des
vertus generales qui sac.
commodent fans peine à
toute forte de fujets. A dire
vrav, ces éloges vagues qui
ne marquent rien de pofitif,
devroient eftre un peu
fufpeéts à ceux qui fe font
honneur de les recevoir;
mais lors qu’en louant des
chofes de fait, on s’attache
plus à rendre juftice à l’honnefte
Homme, qu’à fe foumettre
fervilement à la faveur,
il n’y a point d’envie
GALANT. ny
a (fez noire pour ofer blâmer
ce qui fe dit à l’avantage
de ceux qui pouvant
donner à leurs plaifirs les
heures ouïes foins de l’Etat
leur permettent de fe relâcher,
prennent une conduite
toute oppofée, & ne
fe fervent du pouvoir qu’ils
ont de faire tout ce qui leur
plaift, que pour fe rendre
encor plus dignes de l’élévation
où le véritable merite
les a mis. C’eft par là
qu’on a beau donner des
louanges à Moniteur Colbert,,
elles ne feront jamais
12.6 LE MERCURE éclater qu’imparfaitement les raresqualicez quilesluy attirent. Tout le monde içait que les grandes Affaires l’occupent jour & nuit j & fon délaffement eftant dans 1’Etude , on peut dire qu’il fait fon olai- fir, de ce qui fcroit le travail des autres. 11 aime tellement les Gens de Lettres, qu’il ne fe dérobe auxfoucis de fon Miniftere, que pour s’entretenir avec eux. Jugez par là, Madame, fi ce n’eft pas à fon Efprit, plu- toft qu’à la coniidératio11
GALANT. 12.7 Je fon Rang, qu’il doit la Place que Meilleurs de P Académie Françoife le prièrent il y a quelques années de vouloir accepter dans leur Corps. 11 a pour eux une eflime fi particulière, que leur en voulant donner d’autres marques que celles qu’ils en reçoivent lors qu’il peut aliifter à leurs Séances, il leur fit dernièrement l’honneur à tous de les régaler dans fa belle Maifon de Sceaux. 11 les avoit conviez le jour précèdent par un Billet L. • • • mj
118 LE MERCURE qu’ils trouvèrent chacun chez eux. Monfieur l’Ar- chevefque de Paris, qui confidere infiniment cette Illuftre Compagnie dont il cil, ne manqua pas à s’y rendre, & il faudroit amaf- fer bien du monde polir fournir autant d’Efprit qu’il s’en trouva en peu de temps chez l’Illuftre Mjniflre qui les attendoir. Mr l’Abbé Régnier luy prefenra en arrivanr,un tres-beau Livre qu’il a compofé de laPerfe- dion du Chreflien. On fe mit arable. Il y en eut deux
>
GALANT. 119 fervies en mefme temps, & le Repas fut digne de celuy qui le donnoit. Il fe dit mille chofes agréables pendant le Difner, qui ne finit que pour mettre ces Meffieurs dans une liberté plus entière de faire pa- roiftre qu’ils n’eftoient qu’Efpriv. Au fortir de table, toute la Compagnie fut dans une autre Salle, ou il fe fit une agréable Con- verfation.
lût un fort beau Sonnet qu’il avoit fait en venant à Sceaux, & Monfieur Col-
M1 Quinaut y
i3O LE MERCURE bert demanda à M l’Abbé Furetiere s’il n’avoit rien fait de nouveau. 11 (e trouva qu il avoir fur luy quelques Vers fur les derniers Exploitsdu Roy. C’eft un Fragment d’une Defcrip- tion de l’Arc de Triomphe, dans laquelle il parle des plus remarquables Adions que ce Prince a faites pendant la Paix & depuis la Guerre, fuivant qu’elles pouront eftre placées dans les Quadres de ce magnifique Edifice. Cetllluftre Abbé ayant efté invité de
GALANT. 151
les lire , il commença de
la forte.
LA PRISE
DE VALENCIENNES.
Ans un autre Quadre efi
trace
Le Sieze de Valenciennes
Çd efi à ce coup que fi effacé
Tout le miraculeux de l'Hifioire
ny Burin,
D 'unpb^ digne Sujet, le Marbre
ny B Airins
L'impétueux Vainqueur hait ces
longueurs énormes
Qffont fous les autres Chefs les
fit LE MERCURE
Z/ veut me fine la Querre eflre nu deffas des Loix,
Qlu à de- Héros futurs il ferve de M o de lie
Ft pour varier fes Exploits, Jl invente un fl/faut dune façon nouvelle.
On voit emor debout- les Tours & les Remparts S
Tes Rave lin s, les Forts fles Digues font entier es 5
P tir des F offe ^profonds, des Cd* vaux, des Rivières,
Les Chemins font encor couper^de toutes parts S
£t cependant po&r prendre une Ville imprenable.
Pn Guichet à peine s" ouvrant F fl une Brèche raisonnable Qui faffit à- ce Conquérants La trahifon, ny la furprife,
GALANT, r«
Lïy les troubles de la Nature,
La faveur d'un ora^you /une nuit
obfcure,
Toutfepaffe aux y eux duSoleils
Mai* le furprenant & le plus
héroïque,
C'ejî tqu on y voit entrer Loüis
en pacifiques
E t la Victoire à fes cofez^
Avec éclat a beau paroiflre
a___-rw _ - . . Z > , ...............
A peine pas-un aeux la peut-il
reconnoiftre,
Elle efl trop dépuifee, & n’a point
dans les yeux
La râpe & la fureur quelle porte
en tous lieux j
ne traîne point (on fine.
>
r4.
134 LE MERCURE
Le calme &la douceur qui régné fur fonfront,
Lnterdifent le feu, le meurtre, le pillée,
Etfauvant la Pudeur du plus cruel affront,
Jls font furpris devoir en leur fier si dvcrfaire,
Que le Ciel leur envoyé un Ange tutelaire,
Qui leur donne un Secours plus prompt & plus certain
Que.ceux quils attendoient de Mens & de Louvain.
Z
LE SIEGE
DE CAMBRA Y.
P Lus haut on voit Cambray,
Ville dont le renom
Sembloit braver l "effort du per & du Canon.
GALANT. 135
Citadelle,
Qu une S émir amis nouvelle
Qn croit en admirant [a forte
hauts,
pour la mettre au deffets des plus
ardans Affauts.
En vain par des Foffe^ quifemblent
des dallées,
Sont de ces Corps puiffans les forces
raffemblées
C'efî affes^que Loiiis fit campé
devant eux,
chute commune,
Et le Ciel fit fans-doute une Place
des deux,
pour luy faire obtenir deux Vi-
Gloires en une.
En vain les Aquillons pour nuire
d fes travaux
I
i3ê LE MERCURE
halaines,
£t l'Hy ver fur un Trône enricby
de Cri [taux
Y penfe encor jouir de l'Empire
des Plaines ;
27oflre infatigable Loüis,
Yluihcur de Câpemens jufqu alors
inoüis,
Renverfe tous les privilèges
Des Kents & des Broüillars, de U
Pluye & des Neiges 5
fes Leçons,
Vont à l'./([faut couverts de feux
& de glaçons.
Et malgré les Primats, les Neigf
&les Glaces,
Ils domtent les Saifons aufî-biffl
GALANT. V7
S. O M E R,
ET LA
bataille de cassel.
D’ Autre-part Saint Orner au
milieu de fes Eaux,
Des plus nombreux Guerriers ne
craint point les approches,
Ses PaUiffadesde Rofeaux
La défendent bien mieux que les
plus dures Roches.
£«fl- on jamais penfè qu'au centre
d’un Marais,
Où le terrain h'efl point folide,
Où l’eau me/me n’ efl pas liquide,
Onpuflla ferrer d’a fez, près ?
Et cependant P hilippe en obtient
la Vici aire,
Philippe, que Louis affocieà
Ci foire,
Tome 8. M
j38 le mercure
Qui partage fon Sang , fécondé fa Valeur,
Qui d’un double Laurier la Tefle Couronnée
Par une Vide prife avec tant de chaleur,
Et pour une Bataille d mefme temps
' gagnée,
Montre à tout l'Vnivers combien de grands [accès
Doit attendre LoiiiS de ces heureux efiais -,
Des Montagnes de Morts fiir des plaines fanglantes
Paroi fient en lointain encor toutes fumantes,
Véritables témoins des généreux Exploits
Qfil fit près de Caflel contre un Prince Elollandois
jArdant d fecourir l ’agon ifante Pilley
GALANT.
Çff luy-mefine efi contraint de chercher un argile
£n ce point malheureux quil eufl pu la fauver,
S'il eu(î auffî bien fçeu dans fa bouillante audace
ld Art de faire le ver le Siégé d'un e place,
Qtfil fait parfaitement celuy de le lever.
*
Apres lale&uredeccsVers l’on pafla de la Salle où l’on eftoit dans un lieu apellé le Cabinet de l'Aurore, Ce fut là queM'Quinaut recita cinq oufix cens Vers furies Pein- tures de cette charmante Maifon. M'i’Abbé Talle-
M ij
î4o LE MERCURE
mant le jeune en loua les
Eaux par unPoëme dont il
fit part à l’AfTemblée. Il eft
fort àlagloiredeM leJongleur,
qui a trouvé le fecrec
d'en faire venir où il n’y en
a point, & ou il n’y a pas
mefme d’apparence qu’il y
ait moyen de les conduire.
M’ Perraut Intendant des
Baftimens, parla le dernier.
Il ne dit que peu de Stances,
mais qui réveillèrent
les attentions. Lesfréquens
applaudiffemens qu’elles
reçeurenr, font une preuve
inconttftable de leur beauGALANT.
i4I
té II n’y a point lieu d’en
eftre furpr* is. NT Perraut eft
debongouft,qui ne donne?
jamais dans le faux brillant.
Il écrit, & fçait comme on
doit écrire. Il poflede toutes
les belles Connoiflances,
& fes Ouvrages ont
toujours eu un fort grand
fuccés. Il feroitîàfouhaiter
que nous en eu fiions da-
- te te «te te te — I
de travailler. Au fortir du
Cabinet, on alla voir le»
Appartenons, & on fe proa
142, LE MERCURE
mena en fuite de tous cotez
dans le Jardin. Ces
Meffieurs eurent par tout
fujet d’admirer-, mais quelques
beautez qu’ils découvrirent,
rien ne leur parut
fi digne de leurs éloges,
que celuy qui les avoir
reçeus fi obligeamment.
Avoiiez-le, Madame. Pour
aimer ainfi les Gens defprit,
il faut eftre parfaitement
honnefte Homæe.
11 faut fe détacher de h
grandeur & du bien, pour
fe regarder en Philofophe,
& chercher la véritable fo/
GALANT. i4î limité dans les Sciences. Il eft certain qu’on ne peut les aimer davantage que - fait Monfieur Colbert. Il ne fe contente pas d’eftre de l’Académie Françoife, il y a un nombre de ces Meilleurs qui compofe une autre petite Académie qui s’aïTemble toutes les Semaines fous fon Nom. C’eft avec eux qu’il s’entretient fort fouvent fur les plus hautes matières. On a veu de tout temps la plupart de ceux qui ont fait une figure confîdérable
4
Ï44 LE mercure dans le monde, avoir de grandes Biblioteques, & donner mefme des Pensons à plufieurs Perionnes d’efprit, mais c’eftoient d’ignorans Ambitieux qui ne faifoienc l’un & l’autre
que par oftentation, & qui fe mettoient peu en peine de voir les Livres & les Sça- vans. Moniteur Colbert
n’en nfe pas de cette forte. Il ne dédaigne point de fe familiarifer avec les Gens de Lettres, de s’abaiflerjuf- qu’à ceux qui font fort éloignez de fon Rang, & de fe dépouiller
*
dépouiller de la Grandeur
qui l’environne, pour fe
façon
leur égal. Comme il a toutes
les lumières qui peuvent
luy en faire aimer l’entretien,
doit-on s’étonner fi
fe rendant le Pere & le Protecteur
des Sciences & des
beaux Arts, il fécondé fi
bien le Roy qui les fait
fleurir, & qui n'a pas mérité
le Nom de Lovis le
Grand par (à feule valeur,
mais encor par routes
les avions de -fa vie? Mc
Boyer donna en fortant
Tome 8. N
146 LE MERCURE cet Inpromptu à Monfieur Colbert.
MADRIGAL.
ÎCy tout plaifi, icy tout efi charmant,
La Sageffe par tout, & la magnificence, t
Par tout la pompe &i'agrément, Par tout le choix &i’ abondance. Maie ni en déplaife a cesbeautez, Dont les plus curieux fe peuvent fatisfaire,
Le plaifir le plus grand dont n°uS foyons tentez^,
Efi d’avoir le bonheur de plaire aduMaïftre glorieux de cesLieu* enchantez^
Le nom de M'Boyer qui
GALANT. 147
nous adonné tant de belles
Tragédies, méfait fouvenir
que le Théâtre eft menacé
tient (&c’eft un bruit qui
fe confirme de toutes parts)
qu’un de nos plus Uluftres
Autheurs y renonce, pour
s’appliquer entièrement à
travailler à l’Hiftoire. Il
femble qu’il ne fe foit attaché
quelque temps à faire
les Portraits de quelques
Héros de l’Antiquité, que
pour effayer fon Pinceau,
& préparer fes couleurs,
i48 LE MERCURE ceux d’aujourd'huy avec une plus vive refTemblance. La gloire qu ils ont de paf- fcr déjà les Aléxandres & les Achilles, répond de L admiration qui redoublera pour eux quand le temps aura fait vieillir leurs avions. Elles font comme ces Tableaux des grands Maiftres, qui deviennent plus confidéra- bles apres que de longues années en ont confacré le nom. On met parmv les Grands Hommes quantité de Princes dont, à les re-
GALANT. i49 garder de près, on n’a fujet de parler que parce qu’ils ont vefcu avant nous. Il n’en fera pas de mefme de noflre incomparable Monarque. Comme il mérité les plus fortes louanges de fon vivant, la plus éloignée I’ofteritélc regardera comme un Modèle parfait de fatrefTe, de valeur,& de ver- O 3 > r
tu. Jamais Régné n ofrit nyde fi grandes chofes, ny en fi grand nombre. Celuy qui en va e'erire l’Hiftoire, eft capable d’en foûtenir le mérité. La matière ne
N iij
15O LE MERCURE peut eftre plus belle, ny le Conducteur plus éclaire', & on a tout lujet de n’en rien attendre que de merveilleux. Heureux ccluy qui doit y travailler avec luy & heureux en mefme temps les froids Ecrivains, les méchans Poètes, & les
ridicules, dont ce redoutable & fameux Autheur
n’aura plus le temps d’attaquer les defauts dans fes charmantes Satires!
J’apprens dans cet endroit de ma Lettre, qu’on vient de fe batre viçoureu-
GALANT. 151 fement en Allemagne, que la Maifon du Roy y a glo- rieufement foûtenu la réputation où elle eft de ne pouvoir faire que des miracles , & que Moniteur le Marefchal deCréquy a faic paroiflre dans cette occasion , comme il a déjà fait en plusieurs autres , toute la prudence d’un General confommé. Je ne ferme- ray point mon Paquet fans vous en écrire le détail; mais en attendant que j’en aye appris les particulari- tez , je ne puis m’empef- N üij
LE MERCURE cher de vous dire qu’on ne peut aftez admirer la France qui abonde tellement en Braves, que comme elle en a toujours de refte, les Moufquetaires arrivoientà Paris dans le temps me/me qu’on eftoit aux m^ins avec les plus fortes Troupes de l’Empereur. QjfeuiTéncfait les Ennemis, fi outre les Gardes du Corps & les Gensd armes qui les ont batus, ils euflent eu en tefte ces Preneurs de Villes ôcces Gagneurs de Batailles, qui font entrez par affaut dans
GALANT. 153
Valenciennes, & qui ont
tant contribué àlafameufe
Vi&oire que Son AltefTe
Royale a remportée àCaffel?
Vous vous en fouvenez,
Madame, mes Lettres
vous en ont inftruite, & je
croy que vous avez leu
avec plaifir les marques
d’intrépidité qu’ils y ont
données. Il n’y avoit autrefois
que le temps qui puft
faire de véritables Guerriers
, les premières occafions
ne fervoient en quelque
façon que d’eflay à l’adrefle
& à la valeur, & il
154. LE MERCURE eftoit rare qu’on montra# roue d’un coup ce qu’on eftoit. On prévient aujour- d’huy les années -, & la maniéré dont les Gentilshommes font élevez dans les Académies, a quelque cho- fe de fi martial, qu’on peut dire qu’ils y font leurs premières Campagnes. Du moins ils en forcent tellement aguerris, que des qu’ils paroiffent à l’Armée, tous jeunes qu’ils font, on diroit qu’ils n’ont fait toute leur vie autre chofe que de combatte. Il eft vray que
GALANT. ' 155 pexa&icude avec laquelle jvfdeBernardy leur donne fes foins, contribue beaucoup aux avantages qu’ils ,gh reçoivent. On ne luy en peut donner trop de loiianges. Il ne fe contente "pas de leur enfei- gner leurs Exercices ; il leur fait prendre dans tout ce qu’ils font un air noble, qui perfuade aifément de- leur naiffance, & c’eft ce qui luy attiré non feulement tout ce qu’il y a de grand & d’illuftre en France, mais auHj quan.-
ij6 LE MERCURE tiré de jeunes Seigneurs qui luy font envoyez des Royaumes étrangers. La maniéré d’attaquer & de défendre les Places, cd une Leçon qu'il n’oublie point à kur donner. C’eft pour cela qu’il fit bâtir il y a quelques années un Fort au bout du Palais de Luxembourg. Les Aca- dérailles s’y vont exercer tous les Samedis ; & Ie bruit de leur adrcife qui a fouvent pour témoin un grand nombre de Perfon- nes de qualité, s’eft telle-
lll
:a.
:ti
u dont il fut fécondé, eut un
I
voure qui plut fi fort à Son Altefle Royale, quelle en
GALANT. i57 jnenc répandu, que Ma. dame n’a pas dédaigné de (j(i les honorer de fa prefence. J Elle avoit choify un jour |J extraordinaire pour leur J venir voir faire l’attaque ■j du Fort. Ils s’y préparèrent J avec joye. Mr le Duc de J Valentinois, Fils de Mon- fieurle Prince de Monaco, l’attaqua avec beaucoup de vigueur ; & la maniéré
L J J je-ne-fçay quel air de brait!, le.
r5§ LE MERCURE
& luy dit obligeamment, qu elle ^viendrait admirer plus d'une fis les jeunes Guerriers qu'il asuott faits. Elle eftoit fuivie d’une partie de fa Cour ; & leur x p • bonne mine jointe a I air
relevé qui accompagna tout ce qu’ils firent, leur ayant acquis des Maiftref- fes, donna lieu à quelques Avantures galantes dont je vous cntretiendray le Mois prochain. Je tâcheray ée me trouver moy-mefnie a l’attaque de leur Fort, afin . devousenmanderquelquC
GALANT. ïj9
niefme temps les Noms de
ces Braves Fortunez, qui
fcavent de G bonne heure
conquérir des Places & gagner
des Coeurs. Il faux
choihr bien heureufemenr,
pour fe pouvoir aifurer du
dernier, car le coeur des
Belles eft quelquefois un
fure un Amant de fa ten-
■
• * r y* »- dreffe quand elle n’a que
luy à qui parler, ne s’en fouvienr
guère dans le temps
quelle voit groffir fa Cour.
iéo LE MERCURE Jugez-en par la Plainte qui a cité faite là-deflus.
REPROCHE
AMOVREVX.
LOrs que nous femmes pals, quelquefois ma foufrance Rappelle dans ton coeur ta tendreffe & ta fy
Mais apres cela j'apperçoyy Jnfidelle, que ma présence <
Fait le mefme effet que l'abfwiï Quand la foule efi auprès de toy*
Cette conduite defefpere fouvent les Bergers fidelles, & c’eft ce qui a fait dire à l’Autheur de ces premier Vers.
GALANT. i6i
RESOLUTION
D E N E PLVS AI M E R.
L faut^ il faut enfin que mon
coeur fe dégage,
puü que tant de Bergers peuvent
'prétendre au tien. -
Bon amourfaifoit tout mon bien 5
dam un ficher avant âge r
On ne foufre point de partage,
Qufidon ri a-paa tout .fin n'a rien.
Je ne doute point, Madame,
que je ne vous oblige
en vous envoyant ces Madrigaux.
Ils marquent une
veine aife'e-, & quand j’en
recevray de pareils, j’auray
foin de vous en faire part.
Tome 8. O
*
iGz LE MERCURE
Le dernier nous fait con- noiftre qu’il n’y a qu’à fe faire violence pour venir à bout de l’Amour. Il eft
certain qu’on en guérit en ceffantde voir-, mais contre h mort, point de renie de. Elle nous a enlevé depuis peu Mrde Boifvin-de-Vau- roiiy, Confeiller au Parlement. Il eftoit de la Quatrième des Enaueftcs, fort confiderédansfaChambre, plein de feu & de capacité, & aufti bon Juge qu’expe- rimenté dans les Affaires. Madame de Longueville
GALANT. 165 avoir en luy une entière confiance, &- fon zele pour cette Princefte luy avoir fait recevoir avec plaifir la propofitionde le faire Chef de fon Confeil. C’eft une perte pour le Public, poulies Amis, & pour toute fa Famille, qui eft une des plus confide'rables de Normandie.
NT le Maye.de la Cou- raudiere, Confeiller de la Cour des Aydes , eft more auffy. Il avoit de l’efprir, & eftoit très - digne de fa Charge.
O ij
164 LE mercure
Comme mes Lettresque vous avez bien voulu laif- fer devenir publiques, ont donne' cours au Mercure, je croy vous devoir rendre compte d’un commencement d’Avanture qu’il a caufé dans les premiers jours de ce Mois, lis ont efté fi beaux, que jamais on n’a veu tant de monde aux Thuilleries. Un Gentilhomme s’y promenoir feu! un foir, refvanr peut-eftre à quelque affaire de coeur, quand il apperçeut ce qui eftoit fort capable de luy
GALANT.
en faire une. C’eftoit une
jeune Perfionne d’une beauté
furprenante. Elle eftoit
avec un Homme de Robe
qu’il luy entendit nommer
fon Coufin, en la fuivant
, comme il fit
marcha. Apres
quelques tours d’Allée,elle
alla s’afteoir fur un BaUCj
d’alfez près
tant qu’elle
& le Gentilhomme impatient
defçavoir fi elle efi.
rois au(Ti fpirituelle que
belle,fe coulale plus promptement
qu’il pût derrière
une Paliftade, qui luy donna
moyen d’écouter fans
166 LE MERCURE
efcre apperçeu. Je vous l’avoue, difoit-elle quand il s’approcha, la ledure a tant de charmes pour moy, qu’on ne me fçauroit obliger plus fenfiblement, que de nie fournir dequoy lire. J’y pafle trois & quatre heures de fuite fans m’ennuyer, & les Livres font mon entretien ordinaire au de faut de la Converfàtion. Et
quels Livres, luy dit le Parent, vous divertiflent 1£ plus? Tout m’eft propre,
reprit-elle. Hifloires,Voyages, Romans, Comédies,
1
G A L A N T. 167 je lis tour-, & je vous diray pielme, auhazard depafler pour ridicule auprès de vous, qu’il m’a pris fan- taifie depuis peu de parcourir cette Pbilofophie
nouvelle qui fait tant de bruit dans le monde. Je fuis Femme, & par confé- quent curieufe. De's qu’on nie parle d’une nouveauté, je brûle d’envie de la voir; & tandis que mon Pere & ma Mere iront lolliciter
% leurProcés, je prétens bien mefatisfaire l'efpritfur toutes les agréables Bagatelles
O -
b
j62 LE MERCURE
qui s’impriment tous les
jours à Paris, car je ne croy
pas que nous retournions
en Bretagne avant le Carefme.
Je m’imagine, ma
belle Parente, luy dit le
Coufin, que vous ne manpar
le Mercure Galant. 11
n’y a point de Livre qui foit
plus en vogue, & il feroic
Honteux qu’il vous échapaft,
puis que vous faites
profeïïion de tout lire. Ef
dequoy traite ce Mercure
luy demanda-1-elle avec
précipitation ? De toute
forte |
GALANT.
forte de matières , répondit-
il. II parle de la Guerre,
& il ne fe pafle rien en
France, & particulièrement
à Paris, qui foitun peu remarquable
, dont il n’informe
le Public. L’Aufheur
ymefle ce qu’il apprend de
petites Avantures caufe'es
parl’Amour-, le tout eft diverfifié
par des Pièces galantes
de Vers & de Profe..
& ce mélange a quelque
chofe d agréable qui fait
que ceux qui approuvent
le moins fon Livre, ont roûjours
la curioftté de le voir.
Tome S. p
17O LE MERCURE Pour moy, j’en fuis fifatis- fait,que je ferois tres-fâché qu’il ne le continuait pas; ce qui divertit, l’emporte de beaucoup lùr ce qui fe- roit capable d'ennuyer; & fi j’y trouve quelque chofe à redire, c elt qu il loue avecprofufion, & qu’il s e- tend un peu trop lur les Articles de Guerre, car il perd plus de temps à décrire la prife des Villes, que le Roy n en a employé à les conquérir. Vous allez îr>în rpnnndir 1 aimable
GALA N T. iyi ce que vous entendez par ce terme de profufion. Eft-ce qu’en loiianc les Gens, l’Aurheur du Mercure ne particularife rien, & que fondant le bien qu’il en dit fur des expreflions generales, il aflure feulement qu’ils font tous.d’un mérité achevé, qu’aucune belle qualité' ne leur manque, & qu’il s’y trouve un aftemblage de vertus fi parfait, qu’il eft impolfible d’aller au delà? Voila, ce me femble, ce qui s’appel- leroit loiier avec profufion,
P ij
I7i LE MERCURE
quoy qu’en effet ce ne fuft
point du tout loiier. Je ne
de louer indiféremment
tout le monde. Il éleve plus
ou moins ceux qu’il a occafion
de nommer félon les
chofes par lefquelles ils
méritent d’eftre louez j il
cite leurs Actions, fait conont
donné lieu de fe rendre
confidérables : mais cornme
je n’ay aucun intereft
à ce qui les touche, j ain*e"
GALANT. 175 rois mieux qu’il m’apprift quelque nouvelle agréable, que de me dire ce qu’il ne m importe pointdefça- voir. C’eft à dire, mon cher
Coufin, reprit la Belle en riant, que G vous ou vos Amis vous aviez de longs Articles dans le Mercure,
vous ne trouveriez point qu’il loüaft exceffivemenr. Voila l’injuftice de beaucoup de Gens. Ils vou- droient qu’il ne fe fift rien que pour eux, & ils ne con- fidérent pas, quand on donne quelque chofe au
P iij
tant un Tout compofé de
dife'rentes parties > il faut
s’il fe peut , trouver le
moyen de contenter toutes
fortes d’Efprits. Je ne fçay
mais peut-cftre n’a-t-il
aucun Article qui ne rencontre
fes Partifans, quand
il auroit mefme quelque
chofe d’effëdiivement ennuyeux.
Les uns s’attacheront
aux Nouvelles fe'rieufès,
les autres aux Avantures
d’amour ; ceux-cy
chercheront lesVers, ceuxGALANT.
175
là quelquautre Galanterie^
& comme vous m’avez dit
cela eft rama fie, j’ay peine
à croire qu’on puft former
un defiein plus capable de
réüftir. Quant aux louanges,
vous pouvez pafier par
deflus, fi vous en foufrezy
mais mille & mille lionneftes
Gens qui font en
France, ne mferitent-ils pas
qu’on parle d ’ eux ? & le
défit de fe rendre digne
d'eftre lotie, fervanr quel-
Vertu , doit-on envier à
P iiij
t.76 le mercure tant de Braves qui bazardent tous les jours leur vie pour fervir l’Etat, une récompenfe fi légitimement deue à leurs grandes
O aétions ? La Juftice qu’a- paremment leur rend le Mercure, redouble la cu- rioGté que j’ay de le voir, & je ne crains point quels trop de Guerre m’importune. La prife de Valenciennes a coufté fi peu de temps, que je ne m’étonne pas qu’il en faille employer davantage à la décrire; mais outre que dans les
tout lû jufqu’aux plus longues defcriptions des Batailles , je fuis perfuadée que nous ne pouvons fça- voir trop exactement ce qui fe fait de nos jours. Les Relations les plus fidelles oublient toujours quelques circonftancés, & nous n’en voyons aucune qui n’ait fa nouveauté, du moins par quelque endroit particulier qui n’a point efté touché dans les autres.
La nuit s’avançoit, la Belle fe retira, & le Gentil- s -J
i7s LE MERCURE homme que fon efprir n’a- voit pas moins furpris que fâ beauté, la fit fiiivre par un Laquais. Il luy envoya dés le lendemain les fepc premiers Tomes du Mercure Galant, avec ces Vers.
LE
mercure galant, A LA BELLE INCONNUE qui a de la curiofîté pour luy.
AMy de Çttpidon, Galant dt Renommée,
Je parle également & d’Amour & d'Armée,
galant
vt viens, mars en tremblant,vous
conter en ce jour
Des Nouvelles d'amour.
$i vous me recevez^ [dnsvous mettre
en courroux,
chez, vous,
jÿen ne peut égaler le bonheur &
la îoye
la letlure,
y oui vous aivertiffez^ d lire une
Avanture ’>
i3o LE MERCURE
r
Pourquoy vous déplairoy-je en ma ftncerité?
le ne dis jamais rien contre la vérité 5
Itâais fur tout au jourd'buy, fant que l'on me renvoyé y le prêtent qüon le croye.
Cette impréveuë Galanterie embarafta un moment ia Belle. Elle vit bien que la converfationquelle avoit eue le foir precedent aux Thuilleries, eftoit caufe du Préfent qu’on luy faifoit. Il ne luy déplaifoit pas, puis qu'il fatisfaifoit 1’ impa' tience où elle eftoit de voit
GALANT. iSr îe Mercure. Je ne vous puis dire ce qu’elle penfa, ny par quel motif de curiofité ou d’intrigue elle fit la Ré- ponfe que vous allez voir, car je nay point fçeu quelle fuite a eu l’Avanture, mais il eft certain qu’elle ne re- çeut point le MeiTage en Provinciale façonniere, & qu’eftanc entrée dans fon Cabinet, elle écrivit ces deux Vers qu’elle revint donner au Porteur.
Z
Zw Nouvelles d'amour de celuy qui t'envoyé
Ne me déplairont par^ je prètens ; qu'il le croye.
Si j’apprens à quoy auront
abouty ces premières
dilpofitions à faire une agreable
connoiffance, je
vous le feray fçavoir. Cependant,
Madame, vous
voyez qu’on me fait un
crime des loüanges que je
ne croy jamais donner que
fort juftement; & comme
dans voftre Campagne il
fe peut trouver des Cenvous
prie de vouloir prendre
mon parry contre eUJf,
& d’aioûrer aux raifons de
i’aimable Perfonne qui â
GALANT. ' défendu le Mercure fans#' l’avoir veu, qu’il ne faut pas s’étonner fi la France qui eft fi peuplée, fournir rous les Mois quinze ou vingt Sujets loüables, fur tour dans un temps où par la force de fes Armes elle triomphe de la plus grande partie de l’Europe liguée contre elle; que fi la Cour & la moitié de Pans con- noît ceux dont je vous marque les Aâions & les Familles, il y aune infinité de Perfonnes dans les Provinces qui n’en ont jamais
1S4 LE mercure
tconnu que le Nom, & qui
mefçaventbon gré du foin
que je prens de leur apprendre
ce qu’ils auroient
peut-eftre toujours ignoré.
Je fçay qu’il en eft qui condamnent
toutes les louanges
qui ne les re
pas » mais ce n’eft pas un
îentiment qui foit généralement
luivy; & pour en
eftre perfùadée , voyez je
vous prie, ce commencement
d’une Lettre qui ma
efté écrite de Saint Maixent
par un Inconnu. Elle eft
de celuy qui a fait le SonGALANT.
185 pet contre lHypocrire,que je vous ay die qui m’avoic efte envoyé' de Poitou.
Je fais ma
demeure dans une Province où l’on faait rarement des nouvelles du grand monde, & il y a longtemps que je vis dans une cf- pece de fblitude, mais je riay pu m émpejeher de faavoir qu'il y avoitun Mercure Galant. J'ay bien voulu le lire5 & je ne me repens point de l’avoir lu. J’ay toujours aimé la maniéré aisée Jÿ naturelle dont il efi écrit, Cÿ
TomeS. Q_
'?
fuit bien aife, Monfieur^de
vous voir dire du bien des
Gens dont vous parlez^ contre
l’ordinaire de ceux qui
Ce Pont imprimer. Cette h on-
Je fuprime le refie, parce
qu’il eft trop à mon avantage
j mais enfin, Madame,
vous voyez par là que tout
pas de ce que je rens j
y a de plus honnePtes Gens
dans les Provinces 3 fe &*■
GALANT. 187 0n plaifir d’apprendre les Nouvelles du Mercure, je dois eftre farisfait du foin qu’on prend del’y envoyer. Une belle Dame à qui un Homme de qualité & d’un grand mérite a donné le nom de PrinceiTe, en fait tous les Mois un de fes divertiffemens dans une Maifon de Campagne où elle s’eft retirée. 11 cft régulier a luy en faire tenir tous les Volumes à melure qu’ils paroiffent ; & comme il a efté un des Hommes de France le mieux fait, & que
I*
fa bonne mine rend encor témoignage de ce qu’il eftoit dans fa jeuneffe , l’habitude qu’il a prife à eftre galant ne s’eft pu perdre, vous l’allez voir par ce Quatrain qu’il écrivit dans là première page du dernier Tome qu’il luy envoya.
Princeffe^ du Galant Mer cure gus pouvez^prendre la leïlurer le ne fer ois pas malheureux, S’ilparloit un jour de nousdeu^
f
Ces quatre Vers d’un Homme confidérable, qui ne fe pique point d’en faire, ont
f '
V
GALANT. 189 je- ne - fçay-quoy d’aifé & de fin qui vaut mieux que de longues Pièces où la Nature n’a point de part. Le mérité en a eu beaucoup au choix que le Roy a fait de Monfieur de Faucon de Ris, Maiftre des Requeftes, pour l’intendance du Bourbonnois à laquelle il a efté nommé. Il eft tres-entendu dans les Affaires, & l’on ne douta point qu’on ne le deftinaft aux grands Emplois, quand le Roy diférant à faire un Garde des Sceaux apres la
I9o LE MERCURE mort de Mr le Chancelier, il fut un des Six que Sa Majefté voulut qui afiîftaf- fent au Sceau. Sa capacité eft accompagnée d’une probité fort reconnue, & il y joint une honnefteté qui ne peut eftre a fiez ef- timée. Je ne vous dis rien
de fon Efprit, il l’a tres- éclairé & très-agréable, mais on n’en doit pas eftre furpris, puisqu’il fort d’une Famille qui eft tout Efprit. M' de Charleval, & M- 1 Abbé de Mareiiil, fes On* clés, qui en ont infiniment,
GALANT. i9< font affez connus pour juf- tifier ce que je dis. Il eft pils de feu M1 de Ris , qui eft mort Premier Prefident du Parlement de Normandie, & dont l’Oncle & le pere avoient poftedé avant luy cette grande Charge avec autant de gloire qu’il a fait. Cette gloire dont nos Defcendans héritent, eft la plus forte confolation qui puilfe les foulagerdans de grandes pertes. Celle de Madame de ^ontau- glan a efté fort fenfible à fes Amis. Elle eft morte
ï5l LE MERCURE
depuis peu de jours, & n’a
- laiïïe qu’une Fille âgée de
fax ans, qu’on tient qui fera
un Party de plus de huit
cens mille livres. Elle efde
la Barde Confeiller en
la Cour, & de Madame de
Brion, dont le Mary eft
auffi Confeiller. FeuM'le
Comte fon Mary, vivant
Confeiller du Parlement
eftoit fils de Mr le Comte
Seigneur de Montauglan
& de Germonville,
eft
GALANT. ïç<|
efi more Confeiller de la
Grand’ Chambre, apres
s’eftre allie' dans la Maifon
de Mr Boulanger, ancienne
Famille de la Robe. Mrs le
dans la Maifon de Longueval,
tres-ancienne & confidérable
en Picardie, &
dans celle de Rupierre, qui
ne l’eft pas moins en Normandie.
Enfin,Madame, je pafiè
à un Article dont je n’aurois
pas manqué à vous entretenir
dés l’autre Mois,
fi le Roy n’euft pafle que
Tome 8. R
r94 LE MERCURE
quinze jours à Fontainebleau
3 comme on l’avoit
crû d’abord. Vous fçavez
qu’il n’en eft party que le
dernier de Septembre, & il
ne faut pas s’étonner s’il n’a
pu quiter fi toft un fi agréable
fejour. Ce fuperbe &
pourroit compofer plusieurs,
eft une Maifon vrayment
Royale. On fe perd
dans le grand nombre de
Courts, a Apartemens, de
Galeries, & de Jardins qui
s’y rencontrent de tous
& comme on y
GALANT. trouve par tour fujee d admirer, on a dequoy exercer longremps l’admiration. Ce fur dans ce magnifique Lieu, où le Chafteau feu! pourroic eftre pris pour une Ville, qu’il piûc au Roy d’aller pafTer quelques - uns des derniers beaux jours de l’Ete'. Il avoir fait de grandes Con- queftes pendant I’Hvver. Sa prudence aidée de fon Confeil,à qui nous n’avons jamais veu prendre de fauf- fes mefures, avoir diffipé les dcffcins de coure l’Eu-
R ij
196 le mercure
rope, fait lever le Siégé de
Charleroy, & oblige les
Impériaux à retourner
les bords du Rhin. Il eftoit:
bien jufte qu’ apres des
foins de cette importance,
ce grand Prince cherchai!’
à fe délalfer, & il auroit eu
peine à le faire plus agréa-1
réfolut d’y demeurer, faC
deftiné aux Plaifirs. On en
prépara de toutes les fortes,
& on ne chercha à 1 envy
qu’à paroiftre magnifîftae
dans une Cour que la
GALANT. 197
gonfleur le Prince de Marfülac
Grand-Maiftre de la
tiïfemens chaque jour, 6c
que tout le monde fongeoit
à fe mettre en état de fe
faire remarquer , fie faire
fans en rien dire au Roy,
une douzaine d’Habits extraordinaires,
outre ceux
qui avoient efté ordonnez.
mier, les voulut voir tous,
& les trouva aufli beaux
que galamment imaginez.
R iij
Le Roy en eut encor dW
très qui auroient peut-efhe
contribué quelque chofe à
la bonne mine d e l’Homme
du monde le mieux fait,
mais qui ne purent augmenter
l’admiration qu’on
a pour un Monarque qui
tire de luv-mefme tout fon
éclat. Je croy, Madame,
que vous n’attendez rien
Moniteur le Prince de Marquai
eft Fils de Monfieut
le Duc de laRochefoucaut,
une
GALANT. 199 Heufe naiffiance neluy apû infpirer que des fentimens dignes de luy. On ne peut ]a mieux foutenir qu’il a toujours fait. Il n’a point eu d’occafion de fignaler fon courage & de faire pa- roiftre fon efprir, qu’il n’ait donné d’avantageufes marques de l’un & de l’autre, & il n’y a guère de Dames qui ne l’ayeht- trouvé auffi Galant que nos Ennemis l’ont connu Brave. Jugez combien d’Avantures agréables nous fçaurions de luy, s’il eftoit suffi peu difcret R mj
100 LE MERCURE
qu’il eft favorablement reçeq
du beau Sexe. Ses Amis
ne l’employent jamais, qu’il
ne leur donne fujet de fe
louer de fes foins-, & toutes
fes belles qualitez font devenues
publiques & inconteftables
par l’eftime qu’en
fait un Roy, qui ne voyant
rien dans toute la Terre
que la naiffance puifTe mettre
audefTus de luy, trouve
tout au deflous de la pénétration
de fon efprit & de
la force de fon difcernement.
Le premier des Di*
GALANT, xoi :efté a voulu fe donner à Fontainebleau, fut celuy de la Comédie. Elle y fut jouée tous les jours alternativement avec 1 Opéra. Voicv les Pièces qu'y re- prefenta l’Hoftel de Bourgogne.
b Iphigénie, avec Crifpin Médecin.
Le Menteur.
Mariane, avec lApres- Soupédes Auberges.
L’Avare.
Pompée, avec les Ni- candres.
Mitridate.
zoz LE MERCURE
Le Miïantrope.
Horace, avec le Deuil.
Bajazet, avec les Frag- înens de Molière.
Phe'dre &Hippolyte.
Oedipe, avec les Plaideurs.
Jodelët Maiftre.
Venceflas,avec le Baron delaCraffe.
Cinna, avec l’Ombre de Molière.
L’Ecole des Femmes.
Nicomede,avec leSoupé mal-apprefté.
Parmy tant de Comédies, on n’a reprefente' que
r4
104 LE MERCURE femens qu’a reçeus Me de Saine Chriltophle, non feulement pour avoir bien chanté, mais pour eftre entrée dans la paillon tan- toit de la plus forte manière, & tantolt de la plus touchante, félon que la di- verlité du liijet le deman- doit. Le relte de la Muli- que du Roy a fait à fon ordinaire. Il elt impoflible qu’elle fafTe mal. Elle cft compofée des meilleures Voix de France, & fous un Maiftre tel que Mrde Lully, les moins habiles le devien-
GALANT, xoj
îsentenpeu de temps. Les
panfeurs qui s’y font fait
admirer, ont extraordinairement
fatisfait dans leurs
laifle pas douter, c’efi: que
les Sieurs Favier, Letang,
Faure, Magny, & cinq autres
, ont eu de grandes
gratifications, outre leurs
penfions ordinaires. De
pareils Ecoliers à qui M'
de Beauchamp a donné &
donne encor tous les jours
des Leçons, quoy qu’ils
très, font voir qu’il efi: dans
ZO6 LE MERCURE fon Art un des plus habiles Hommes du monde. Aufli a-t-il eu l’honneur de montrer autrefois à Sa Majefté. Les trois Mafcarades remplies d’Entrées crotefques qui ont paru parmy ces DivertiïTcmens, eftoient de fon invention. Elles furent ajoûtées pour nouveau Plaifir aux Reprefen- tations des dernieres Co- médiesqu’on joua; &ceux qui en furent, ayant eu la- vantagede divertir le Roy d’une maniéré aufli pla1' finie qu’agreable, rcge^i
GALANT, 107
rent beaucoup de loüanges.
M1 Philbert dans le
j<ecit d’un Suide qui veut
parler François fans le fçavoir,
fîtfort rire les plusferieux
&: par fes poftures, &
par fon langage SuiïTeFrancife'.
Les Plaifîrs n’ont pas
efté bornez à tout ce que
je viens de vous dire. Il y a
eu deux Bals où toute la
toS 'LE MERCURE ,
x un Habit de lames d’or, fur lequel il y avoit une broderie or & argent ; l’arrangement de fes Pierreries eftoit en boucles de Baudrier. Vous aurez de la peine à bien concevoir les brillans effets qu elles pro- duifent ainfi arrangées. La beauté en redouble d autant plus, que cette maniéré donne lieu de leS înefler félon les groffeurs» & quelque prix qu’ayent les chofes d’elles-mefmcs, vous fçavez que l’induft^ des Hommes ne laifTc paS
GALANT. 109
quelquefois d’y contribuer.
Outre toutes ces Pierreavoit
pour plus de quinze
cens mille livres.
La Reyne en fembloic
eftre toute couverte. Elle
en avoit d’une grofteur extraordinaire.
Sbn Habit
eftoit noir, & fon Etofe ne
fervant qu a en relever 1 eclat,
on peur dire qu’elle
e'bloüiffoir.
ce. Rien ne pouvait eftre
m eux imagine'; & ce qu’il
y avoir d’avantageux pour
luy, c’eft qu’il en effaçoit
l’éclat par la vivacité de fon
teint,& parles autres charmes
delaPerfonne.
Moniteur, qui re'üflït en
routes chofcs, & à qui la
galanterie eft naturelle, fe
met toujours d’un fl bon
air, qu il ne faut pas eftre
fur pris s’il fe fie admirer de
tout le monde. Son Habit
eftoit tout couvert de Pierreries
arrangées, comme
le font les longues Bouton-
©
A
LANT. ni
G îïieres des Cafaques à la brandebourg.
On ne peur eftre mieux qu’eftoienr Madame &; Mademoifelle. Tout brûloir en elles, tout y eftoic riche & bien entendu.
Je me fuis fervy jufqu’icy des termes de magnifique, de brillant, & d éclatant, &j’en cherche inutilement: quelqu’un qui fignifie plus que tout cela pour exprimer ce qu’eftoit Made- moifelle de Blois dans l’un & dans l’autre Bal. Jamais parure ne fit de fi grands S ij
in LE MERCURE effets. Vous n’en douterez point, quand vous fçaurez que cette jeune Princeffe, quoy qu’elle foit une des plus belles Perfonnes du monde, laiffa perdre des regards qu’attiroient de temps en temps la richeffe de fon Habillement, & l’air tout particulier dont elle eftoit mife. Ce fut un amas de Pierreries le premier jour, qui ne fe peut concevoir qu’en le voyant; & elle en eftoit fi couverte, que le bas de fa Robe en eftoit chargé tout autour. Elle
GALANT. parut en gris de lin dans le fécond Bal,& toujours avec
Vous pouvez juger que les Darnes en general n’a- voienr rien épargné pour paroiftre magnifiques. Elles eftoient toutes coife'es avec une grofle nate fort large, ou avec une corde, ayant les cheveux frifez jufqu’au milieu de la telle, quiparoifToit toute en boucles. Elles en avoient deux ou trois grandes inégales qui leur pendoient de chaque collé avec une aUtrc
extrêmement longue. Toute
la coifure eftoit accomde
Perles. Des noeuds de
toutes fortes de Pierreries
& de Perles qui tenoienc
Heu de Rubans, en garniffoient
les coftez. D’autres
y faifoient des Bouquets,
unes eftoit garny comme
le devant. Celles dont les
cheveux pouvoient s’accommoder
de la poudre,
en avoient beaucoup. P°ur
leurs Habits, comme e11
GALANT. uj Campagne elles en peuvent: porter de couleur à la Cour, elles en avoient pref- que routes de gris, qui ne laiïToient pourtant pas d’cf- tre diférens. Les uns ef- toienc d’un gris perlé , & les autres d’un gris cendré, avec de petites Broderies fines & des plus belles, ou de petits Bouquets de broderie appliquez par le Brodeur, ou brodez fur l’Etofc jnefme. Ces Habits ef- toient tous chamarrez de Pierreries fur les Echarpes ou Tailles, & elles en a-
• v<
ti6 LE MERCURE voient de gros noeuds devant. Des Attaches de Pierreries, des Chatons, & des Boutons, ornoient leurs manches de diféren- tes maniérés. Tout le devant de leurs Jupes eftoit au(Ti chamarré, Se de grof- fes Attaches de Diamans les retrouffoient en quelques endroits. Plufieurs Pierreries formoient Ie noeud de derrière, &ily avoit quelques Robes qul en eftoient chamarrées par demylez. Les manches de deflous eftoient de Poi^1
GALANT. li7 de France, tailladées en long, & relevées par le bas avec un Point de France godronné. Il y avoit des pierreries entre les go- drons , & des noeuds de
Pierreries delTous les man-
chetes. La plupart en a- voient des Bracelets tout
autour, & toutes des Co- leretes comme on en met quand on eft en Habit gris. Si ce mot de Colerete n’eft pas remis en ufage, corrigez moy je vous prie. Je traite une matière où vous devez eftre plus fça-
Tome 8. T
n8 LE MERCURE vante que je ne fuis, & je ne répons pas que ce foit le feul terme que j’aye mal appliqué. Les Dames n ont pas efté feulement ainfi parées pour les deux grands Bals, qui ont fait paroiftre avec tantd éclat la magnificence & la galanterie de la première Cour du monde ; elles fe font trouvées tous les foirs à la Comedie, ou à l’Opéra, dans le mefme ajuftement où je viens de vous les dépeindre, & j redoubla dans les jours de la Naiffance du Roy,& de
GALANT, aiç
la Reyne, qui fe rencontrèrent
le mefme Mois, fur
tout à l'égard des Pierreries.
Le nombre en eftoit presque
infinyj & comme il
n’y en avoit que de fines,
on peut juger du merveilleux
effet qu’elles firent
toutes enfemble , quand
tous ceux qui s’eftoienc
parez pour danfer furent
affemblez ; car vous remarquerez,
Madame, que
chez le Roy il n’y a perfonne
de nommé pour le
Bal, & qu’il fuffit d’eftre
d’une Qualité confidérable
■
zio LE MERCURE
pour avoir la liberté d’y
danfer. Le Roy mena la
Reyne ; Monieigneur le
Dauphin, Mademoifelle-,
Moniteur,Madame; Moniteur
le Prince de Conty,
Mademoifelle de Blois-,
Monfieur de Monmouth,
Madame la Comtefle de
Gramont ; Monfieur le
Comte d’Armagnac, Madame
la PrincefTe d’Elbeuf;
Moniteur le Comte de
Brionne, Madame la Marquife
de la Ferté-, Moniteur
de Tillader, Madame
de Soubife ; Monfieur Ie
GALANT, m Comte de Louvigny, Madame de Louvois; Monteur de Beaumont, Madame de Ventadour^ Mon- fieur le Chevalier de Chaf- tillon , Madame de S. Va- lier -, & Monfieur le Comte de Fiefque, Mademoifelle deGrancé. 11 feroit difficile defçavoirles noms de tous ceux qui furent de ces deux Bals, & le rang qu’ils eurent à danfcr. Les uns fe trouvèrent au premier, les autres au fécond,& beaucoup à tous les deux. On y vit Madame la Duché fie de
*
hz LE MERCURE Chevreufe, Mademoifelle deThiange, Mademoifelle des Adrets, & Mademoifelle de Beauvais. Ces deux dernieres font Filles d’Hon- neur de Madame. On y vit encor Monfieur le Duc de Vermandois, Monfieur le Chevalier de Lorraine, Monfieur le Chevalier de Vendofme, Monfieur le Marquis deMirepoix, Monfieur leMarquis de Rhodes, & quelques autres. Vous ferez aifément perfuadee que le Roy s’y fit difti0' guer. Son grand air, &
GALANT. zz$ grâce qui l’accompagne en toutes chofes, font des a- vantages qui ne font communs à perfonne -, & quand il ne feroic point ce qu’il eft, je vous jure, Madame, que je ne m’empefeherois point de vous dire qu’il donna fuiet de l’admirer au deïfus de tous les autres. La Colation du premier Bal futfuperbe, laFrance augmente tous les joursen magnificence, & peut-eftre ne s’eft-il jamais rien veu de pareil. Comme je fçay quevous aimez tout ce qui T* • • •
11 lj
1X4 LE mercure
marque de la grandeur,
j ay crû que vous me fçauricz
bon gre' du Plan que je
vous ay fait graver de cette
Royale Colation. Prenez la
peine de jetter les yeux deffus
Je voicy-, vous comprendrez
plus aife'ment en le regardant,
ce que j’ay à vous
en dire. Les prandsOnarrez
portoient par le bas huit
grandes Corbeilles de Fruit
cru. 11 y avoit de petits
Ronds de Confitures fe-*
ches dans les encoznures.
Qjf.'pO
O Vc/O\
GALANT, zx;
:Or quatre Corbeilles, &
£$ Encognures eftoient
emplies comme celles du
minier. Un grand Quatre
le Fruit portant deux pieds
le hauteur, faifoit le defiis.
Tous les Ronds &
Dvales marquez eftoient
le Fruit cru, & des Confiures
feches rempliïToient
ous les Quarrez qui font
e tour de la Table. Par
out où vous voyez de peits
& de grands Ronds
les Flambeaux dans les premiers,
& des Girandoles
zi6 LE MERCURE
dans les autres. La mefme
chofe des petits & des
grands Ronds qui font
blancs, (o O) Des Soucoupes
de criftal garnies de
quantité deGobelcts pleins
d’Eaux glacées, tenoient la
ace
tits que vous remarquez
dans tout le tourdelaTable,
eftoient des Porcelaines
fines en hors d’oeuvre, remplies
de toutes fortes de
Compotes. Je puis abufer
de quelques termes, par*
donnez-le moy. Une BaGALANT.
117
U Table, la tenoit comme
enfermée, &il y avoir des
3®fets audela. Je voudrais
bien fçavoir ce que voftre
imagination vous reprefente
de toutes ces chofes.
Les yeux en dévoient eftre
charmez, & je ne fçay s’ils
les pouvoient longtemps
fuporter. Peignez - vous
bien* cet éblomifant amas
de Lumières qui s’aidoient
les unes les autres, quand
celles des Flambeaux donnant
fur le criftal des Girandoles
, & celles des Girandoles
fur l’or des FlamziS
LE MERCURE elles trouvoient
beaux ,
encor à s’augmenter par ce qui rejallifloit d ceint des Caramels déjà brillans d’eux-mcfmes, &du candy des Confitures perlées. Ad- joûtez-y ce que les Fruits diverfemenc colorez, les Rubans des Corbeilles, & le Criftal des Soucoupe^ en pouvoient avoir, •& à tout cela joignez l'effet que produifoienr les Pierreries de Leurs Majeftez, & celles de quarante Dames qui eftoient à table, & qu on en voyoit toutes cou-
GALANT. iX9
vertes, ileft impoffibleque
vous ne conceviez quelque
chofe au delà de 'tout ce
qu’on a jamais veu de plus
éclatant. Les Hommes qui
s’eftoient mis tous en Juftau-
corps, ne brilloient pas
moins de leur cofté On
n’en pouvoir allez admirer
la broderie, qui paroifloic
d’autant plias, que ce n’eft
toit que lumière par roue.
Ils eftoient derrière les
Dames, & elles leur faifoient
part de tour ce qu’il
yavoit for laTable. Il fauc
rendre juftice à Mr Bigot
a
1?o LE MERCURE Controlleur ordinaire de h Maifon du Roy. 11 n’y a point d’Homme plus intelligent, ny qui fçache mieux regler ces fortes de chofes. Tout le temps qu’on a paffe à Fontainebleau, a tellement efté donné aux Plaisirs, que les jours de Medn noche, quand l’Opéra ou la Comédie finiffoit trop toft, il y avoir de petits Bals particuliers jufqu’à minuit- Vous fçavcz, Madame, que veut dire Media noebe, & que c’eft une mode qui nous eft venue d’Efpagne>
GALANT. zjS
où l’on attend à Souper en
un autre jour d’abftinence,
s’il Te rencontre dansquel-
Parmy tant de Divertifle-
Hiens,laCliaffe n’a pas efté
oubliée. Il y en a eu tour
a tour de plufieurs fortes.
Un jour apres que le Roy
fut arrivé à Fontainebleau,
il les commença par celle
duLievre avec la Meute de
commandée par Mr de Selincourt.
SaMajefté témoigna
eftre fort fatisfaite de
iji LE MERCURE
le'quipage. Le lendemain
Elle courut le Cerf avec
une Meute nouvelle qu ’Elle
avoit faite Ellc-mefme des
trois meilleures qu’on
avoit pu choifir. La Chaife
du Sanglier fuivit. Le Roy
en tua trois à coups d’Epee;
& ces diférentes Chafles
fuccederent pendant quelques
jours l’une à l’autre,
tantoft avec les Chiens de
Monfeigneur le Dauphin,
tantoft avec les Chiens de
Monfieur , & que lquefotf
avec ceux de M’iAbbé de
Sainte Croix. Enfuite Hne
GALANT. fe palfa point de jour où l’on necouruft le Cerf. Les Chiens de Sa Majefté ont eu l’avantage. Ils en ont pris quinze ; les Chiens de Moniteur, neuf-, ceux de Moniteur de Vendofme, neufj & ceux deMTAbbé de Sainte Croix, dix. Le Roy aefté tirer des Faifans, & couru une fois le Chevreuil. Il arriva un jour aux Toiles dans le temps qu’un Cerf que les Chiens de M' de Sainte Croix cou- roient fort loin de là, vint s’y mettre, comme s’il euft
Tome 8. V
4- J
À
LE MERCURE eu deflein de donner te
plaifir de fa fin à Sa Majefté. C’eftoit le plus grand qui euft efté pris à Fontainebleau. La telle en a eftc
<
I
trouvée fi belle, que le Roy l’a fait mettre dans la Galerie des Cerfs. Je vous ay trop de fois nommé M l’Abbé de Sainte Croix,
pour ne vous le faire pas connoiftre. Il eft Fils de feu M'le Premier Prefiden1
Molé, Garde des Sceaux, Frere de M'le Prefident de Champlaftreux, & Maiftre desRequeftes. On ne peut
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GALANT. z3î
voir un plus honnefteHomme,
ny un meilleur Amy.
Toutes fes maniérés font
fes d’un grand Seigneur.
Dans la derniere Cliafle le
Roy laifTa courre un Cerf
à fa troifiéme tefte, qui
dura prefque tout le jour.
Il y en a eu de tres-méchans
& qui ont tué bien des
Chiens. Il s’eft fait encor
une Chafle extraordinaire
à l’occafion de Monfieur
de Verneüil, qui eftant
venu au Lever du Roy, eut
ty6 LE MERCURE Chemife. Sa Majefté s’ef- tant divertie à luy parler de plufieurs chofes, tomba fur laChafle, & luy dit qu’Elle luy en vouloir donner le plaifir le lendemain. Mon- fieur de Soyecour Grand- Veneur de France, reçeut l’ordre, &fit préparer deux Cerfs au lieu d’un. La Reyne a veu une fois la C baffe en Carroffe, & Monfeigneur le Dauphin les a fait toutes avec le Roy* 11 n’y a rien de fi furprenant que l’adreïTe & la vigueur qu’a fait paroiftre ce jeune
GALANT. zj7 prince au delà de ce que fon âge luy devroit permettre. Madame s’eft fait admirer à fon ordinaire. C’eft un Charme que de la voir à cheval. Rien ne le- tonne , elle fait fon plaifir de la fatigue -, & fon Sexe ne luy permettant pas d’aller à la Guerre , elle en va voir les Images, comme je l’ay déjà marqué. Ce n’eft pas feulement par là quelle mérité d’eftre efftmée. Tous les Ouvrages d’efprit la touchent. Elle carreiTe les Autheurs,& juge mieux
i3S LE MERCURE
que perfonne de tout ce
qu’on voit de beau au
Theatre. Madame la Ducheife
de Tofcane s’eft
au fli trouvée à ces Parties-
On ne peut montrer plus
d’efprit quelle en fait paroiftre.
Elle fait tout avec
grâce, eft bonne, genéreufe,
& fidelle Amie, &
n’oublie jamais dans l’éloignement
ceux quelle honore
de fa bienveillance-
Il n’eft pas befoin de vous
u’elle eft Fille de feu
Monfieur le Duc d'Orléans,
Oncle du Roy. Mon*
I
J Heur le Prince de Conty
J pas efté un des moins ar-
GALANT.
quoy que jeune encor, na
1| tiens pour cet Exercice.
J’aurois peine à vous exprimer combien Moniteur le Duc de Monmouth y a montré de vigueur. C’eftoit quelque chofe de fi boitillant, qu’on l’en a veu quelquefois emporté jufque parmy les Rochers. 11 a beaucoup paru au Bal, & f / •
&
$
i.
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I
e.
)i.
o.
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J on luy a trouvé un air tout
y à fait digne de ce qu’il eft. )t. Vous pouvez croire que J Madame la DucheïTe de
i»
x4o LE MERCURE
Bouillon aimanr autant la
Chafle qu’elle fait, laiiTa
échaper peu d’occasions
d’y fuivre le Roy. Elle a
une adreffe merveilleufe
en .tout ce quelle veut faire\
& jamais on n’a mieux
tire' en volant. Vous avez
eftécharméedes agrcmens
de faPerfonne, &de la vivacité
de fon teint; mais
vous la feriez encor davanGALANT.
241 les belles connoiïfances, elle a un attachement inconcevable pour les Livres, & va julq&’à ce qui s’appelle fçavoir les chofes profondément. Mademoifeile de Grancé a efté du nombre de ces Illuftres Chafléref- fes. Elle eft belle, a de la bonté, & un El prit qui répond à fa Nailfance. Mademoifeile des Adrets a fait aulfi voir que la fatigue qui fuit ces fortes de Plai- nrs, ne l’étonne pas. Je n’ay point Iç. u le nom des autres. J’ay apris feulement Tome 8. X
que les Dames ont efté à la
ChafTe en Jupes, Juft-aucorps
de broderie, & Coifures
de Plumes. J e ne puis
m’empefcher de vous dire
encor que Mademoifelle
dança très-bien, & fe fit
admirer au Bal. Quelques
autres, tant Hommes que
Femmes, s’y firent aulfi
diftinguer. Mais maLettre
eft déjà fi longue, que je
pafle au Te • Deitm de M'
Lully, qui peut eftre compté
parmy les Plaifirs de
Fontainebleau. Il le fa
chanter devant le Roy te
GALANT. jour que Sa Majefté luy fit l'honneur de nommer fon Fils. Toutes fortes d’Inf- trumens 1 ’ accompagnèrent ; les Tymbales & les Trompetes n'y furentpoint oubliez. Il eftoit de Mon- fieur Lully, c’cft tout dire. Ce qu’on y admira particulièrement, c’eft que chi” que Couplet eftoir de di- férente Mufique. Le Roy le trouva fi beau, qu’il voulut l’entendre plus d’une fois.
Avant qu’on quitaft Fontainebleau, Moniteur X ij
2,44- LE MERCURE l’Evefque de Marfeille qui arrivoit de Pologne, y vint falüer Sa Majefté, & en fut reçeu avec des témoignages d’eftime & de fatisfa- <5tion , dignes des impor- tans fervices qu ’ il luy a rendus dans cette Cour. Il y aypit efté envoyé Am- bafTadeur Extraordinaire pour afTifter à la Dicte qu1 fe tenoiï à Varfovie p°ur i’Eleétion de celuy qui devoir remplir la place du Roy Michel, mort en i671‘ & il tourna fi bien les EÏ- prits par (a prudence &par
narque dû monde qui luy
donnoit fa proteâion, & la
fàge & vigilante conduire
de fon Miniftre, n’ayent
eu la plus grande part en
cette Election fi glorieufe
à la France, fi nece(Taire à
la Pologne, & û avantageufe
à toute laChreftienré.
C’eft une vérité dont ce
nouveau Roy, incontinent
apres qu’il fut éleu, fit
gloire de demeurer d’accord
luy-mefme, en donnant
a Monfieur de Marfeille
fa Nomination an
Cardinalat , comme nne
première marque de la
reconnoiïïance envers le
Roy, & de fon eftime envers
fon Miniftre. Cen’eft
pas le feul fervice que cet
llluftre Prélat ait rendu alors
à Sa Majefté. Le Roy
qu’on venoit d’élire avoir
une cruelle Guerre fur les
bras. Toutes les forces de
l’Empire Otoman cftoienr
jointes contre luy à celles
des Tartares, & la Paix ne
devenoit pas feulement necclfaire
à la Pologne, elle
ne pouvoir qu’eftre avantageufe
à la France & à fes
X 111]
qu il ne l’avoit pas inutilement
donnée. 11 eft diffiBranche
des Marquis de
Janfon.
Enfin le Mois de Septembre
s’écoula, & apres
avoir goufté ranr de difërens
Plaifirs, & joüy de h
Promenade dans quelques
Maifons de plaifance des
environs de Fontainebleau,
eu quatre Armées fur terre,
& une cinquième fur mer.
Monfieur le Duc de Vermandois,
& Mademoifelle
de Blois, qui retournoient
a Verfailles, s’arrefterent a
GALANT. 251 ËlTone, & difnerent dans ]â Maifon de M‘ du Pin. C’eft cette belle Maifon quieftoit à feu Mr HcfTelin, & dont on ne peut trop admirer les Avenues, les Cafcades, & les Jets d’eau qui y font prefque infinis. Les Dames que les Vendanges y avoienr attirées, fe rendirent dans le Jardin, où elles faliierent ces deux jeunes & Uluftres Perfon- nes, qui furent reçeuës par M1 du Pin à la defcente du Carrofle. 11 avoit eu l’ordre de M®nficur Colbert,
GALANT. zyj çarpolete fur l’eau, & il en obtint la permilfion de fyT Gédoüin fon Gouverneur, qui connoilfant fou adrefle, fut affûté qu’il n’a- voit aucun péril à courir. Tout le monde fut charmé de la hardielfe, & de la o-race avec laquelle il foû- tint l’ébranlement de l’Ef- çarpolete. D ’ autres qui crûrent la chofe aifée, s’y hazarderent apres luy, &: divertirent la Compagnie en tombant dans l’eau. L’heure du départ appro- choit, & pour dernier Di-
M4 LE MERCURE
'vertifTcment, Monfieur le
Duc de Vermandois, &
Mademoifelle de Blois, allèrent
voir la Court des
Machines j d’où ils furent
enlevez dans un Apartement
furprenant. Ils n’en
que M'du Pin leur eut prefenté
de très-beaux Fruits
pour la Colarion pendant
le chemin.
Vous fçavez fans- doute,
Madame, que Monfieur
Courtin eft de retour de
fon Ambaffade d’Ang^e'
GALANT. ijj
îerre. Sa Majefté Britannique
ne s’eft pas contentée
deluy marquer leftime
qu’elle faifoit de luy, il en
a reçeu un Préfent beaucoup
plus considérable que
ceux que l’on donne ordinairement
aux AmbafTa-
Ceux aui font choifîs
comme ils le font par un
Roy qui connoit parfaitement
le vray mérite, ont
bien dequoy s’applaudir
de cet avantage, & c’cft
256 LE MERCURE ce qui redouble la gloire de Monfieur le Cardinal d’Eftrées, qu’on envoyé Ambaffadeur Extraordinaire à Rome. Il a l’efprir profond., beaucoup de do- étrine , & tout ce qui eft neceffaire aux Grands Hommes pour bien conduire les plus importantes Affaires. Il fort d’une Maifon (i confidérable, que pour vous en marquer la grandeur, il fufft ée vous dire qu’il eft allié de deux Souveraines moins illuftres encor par le h^ur
d une
GALANT. z57 f<ang qu’elles tiennent, que par leur mérité & par leur efprir..
Je quire ia Cour pour la Cour. En effet, Madame, je croy ne m’en éloigner pas, en vous parlant d’un Mariage qui a donné lieu jcy depuis peu à une Fefte ires-magnifique. Monfieur le Marquis de Beringhen a époufé Mademoifelle d’Aumont. Je croy, Madame, que vous ne demanderez pas d’autres preuves de là Nobleffe, que celles qu’il a données en fe fai- Tome 8. Y
l.. J I
258 LE MERCURE fane recevoir Chevalier dé Malte -, elles font alfcz ri- goureufes pour tenir lien de Titres de Noblcffe. Peut eftre ferez --vous fur- prife qu’un Chevalier de Malte fe marie ; mais les Chevaliers de cet Ordre ne font leurs Voeux qu a vingt-cinq ans, & il ne les avoir pas. Ce Marquis eft d’une des plus anciennes Familles des Païs-Bas. Son Grand-Pere eftoitfortcon< ïideré de Henry IV. q^ l’employa en plufieursNe-‘ gotiations importantes ail-
GALANT. 159
de Beringhen fon Pere eft
Premier Ecuyer du Roy
(dont il a la furvivance)
Gouverneur des Citadelles
deMarfeille, & Chevalier
des Ordres du Roy. C’eft
un parfaitement bonnette
Homme, à qui une grande
toutes
une fidelité éprouvée , une
exactitude de probité qui
ne fe rencontre pas en tout
le monde, une prudence
reconnue, & une fagefTe
qu’on admire, ont acquis
z6o LE MERCURE l’eftime de toute la Cour. Madame de Beringhen fa Femme eftoit Fille de feu Monfieur le Marquis d’U- xelles, Gouverneur de Châ- lons. Cette Famille originaire de Bourgogne, eft aftèz connue par fes fervi- vices&fon ancienneté. Le nom d’Uxelles a fait bruit dans les Armées. Plufieurs qui le portoient, en ont commandé, & plufieurs y font morts l'Epée à la main pour le fervice de leur Prince. Le Marié eft bien fait, de belle taille, il a de
GALANT. 261 pefprit& du mérité; &dans plufieurs rencontres qui ont fait paroiftre fon courage, il s’eft montré digne Heritier de celuy de feu gonfleur le Marquis de Beringhen fon Frere, qui fut tué devant Befançon. Comme il eft demeuré Chef de fa Famille, le Roy qui le confidere, luy a défendu de s’expofer davantage, ce par cette marque d’eftime il a voulu faire connoiftre à Monfieur le Premier la bienveillance particulière dont il l’ho-
¥
i6i LE MERCURE nore. La Mariée eft Fille de Monfieur le Duc d Au- mont , Premier Gentilhomme de la Chambre, Gouverneur de Boulogne
O î & du P aïs Boulenois. H avoir époufé en premières Nopces une Fille de Monfieur le Teilier, Chevalier &Tréforier des Ordres du Roy, Marquis deLouvois; Seigneur de Chaville, Mi- niftre & Secrétaire d’Etat; & c’eft de ce Mariage qu’eft Mademoifèlle d Au* mont dont je vous parle- Elle eft bien faite > a une
GALANT, téj
J fort grande jeuneffe, &c,
c’eft un Charme qu’elle Ifcûtient par beaucoup d’autres qui la rendent toute aimable. J’aurois beaucoup à vous dire, Madame, fur ce qui regarde la Maifon d’Aumont. Elle eft remplie d’un nombre infiny de grands Personnages , Chevaliers des Ordres, Marefchaux de.Fran- ce, Gouverneurs de Provinces, & autres qui ont pofïede' les plus bellesChar- ges de l Etat. Avant l’an 1381. Pierre d’Aumont fut
le mercure Chambellan des Roy s Jean &: Charles V. Et Pierre II. fi renommé dans l’Hilloire, le fer de Charles VI. & Garde de l’Oriflame de France, ’jean Sire d’Au- mont, qui vivoit avant l’an 1595. reçeut le Ballon de Marefchafi qu’il mérita par quantité de grandes Actions qu'il fit à une infinité de Sieges & de Batailles- Je ne vous diray rien de celles de feu Monfieur le Marefchal d’Aurtwnt,Pere du Duc qui porte aujotir- d’huy ce nom. Comme il a
»
~ GALANT. i65 a vefcu de nos jours, il n’y a perfonne qui ne les fçache. Il eft mort Gouverneur de Paris, & l’eftoit encor de Boulogne gcdu Païs Boulonois. C’eft un Gouvernement attaché dés
*
longtemps à leur Famille, qui eft entrée,dans les plus grandes Alliances. Vous n’en douterez pas, quand je vous auray dit que Jean VI. d’A'umont avoit époufé Antoinette Chabot fécondé Fille de Philippe Chabot Comte de Charny 8c de Bu- zançois, Sieur de Brion, Admirai de France,8c Gouverneur de Bourgogne, & de Franqoife Longuy Dame de Paigny,Soeur aifnée de Jaqueline de Longuy Ducheffede Montpenfîer,Tril\ ayeule maternelle d’Anne-Ma-
Tome 8. Z
266 LE MERCURE rie. Loüife d’Orléans, Souveraine de Dombes, Princefle de la Roche-fur-Yon, 8c Ducheffe de Montpenfier. Le jour du Mariage eftant arrefté, on prit les ordres de Monfieur le Duc d’Aumont. Comme il s’entend admirablement à cour, c’eft nn des premiers Hommes du monde à n’en donner que de juftes fur les grandes chofes. Sa pie- voyance en facilite l’execution, 8c il explique toujours fi bien ce qu’il penfe, qu’on encre fans peine dans tout ce qu’il s elc imaginé. LaNopce fe fie dans fon Hoftel. Il eft d’une beautc furprenante 5 rien n’égale celle des Apartemens, ils font & différemment conftruits, 8c difô- remment ornez. Tout y
GALANT. 167 d’une magnificence achevée^ la propreté femble y difputer de prix avec la fomptuofité des Meubles- Raretez par tout, par tout Tableaux admirables & des plus grands Maiftres; 8c ce qui frape fur toutes chofes, ce font plufieurs Portraits antiques des Defcendans de cette Maifon, qui marquent je-ne- fçay-quoy de fi noble 8c de fi grand, qu’ils fuffiroient prefque pour enperfuaderl’anciennete'. Vous vous imaginez allez la joye qui éclata fur le vifage de tous les IntérelTcz, fans que je m’arrefte à vous la dépeindre. Le Marié parut l’air content, d’une parure magnifique, propre & bien entendue,&foûtint cette grande Felte avec un a- Z ii
168 LE MERCURE grement tout particulier. La Mariée qui demeuroit chez Monfieur ieTellier depuis qu’elle eft fortie du Couvent, & qui a beaucoup profité de l’exemple de Madame le Tellier, dont chacun connoift le bon fens & la pieté, arriva furies huit heures du foir. Quoy qu’elle brillaft d’une infinité de Pierreries, là Perfonnelaparoit encor plus que toute autre cho- fe. Elle vint avec un petit air férieux 6cnonchalant, qui luv donnoit une grâce merveilleufe, & jamais à quatorze ans on ne s’eft mieux tiré d’une illuftre grande Compagnie affcmblee pour elle feule, êc dans un jour où les Filles font le plus feve- rement critiquées. La Salis
GALANT,
du Souper eftoir éclairée d’un
nombre infiny de Luftres. Il y
en avoir fur la Table de routes
fortes de maniérés, c’eftoic
comme unTheatre qui regnoit
dans le milieu, mais donc la
longueur ne caufoic aucun embarras.
Tout fut fervy avec
J
une propreté & une magnificence
inconcevable. De chaque
cofté delaTable ilyavoic
deux rangs de vingt-cinq Plats
chacun, qui faifoient cent Plats
en tout, & ces cent Plats furent
relevez quatre fois. Le Fruit,
& tout ce qu’il y a de plus délicat
& de plus délicieux pour
composer le plus fuperbe Deffert,
eftoir fervy au milieu de
route la longueur de la Table,
dans des Baflins de vermeil ciz7o
LE MERCURE zélé de diférentes formes, & garnis en Pyramidestres-hatires de rout ce qu'on fe peut imaginer de propre à fatisfaire le gotifc- le tout dans des Porcelaines fines qui eftoient là de toutes les fortes. Cette efpece de Montagne que formoit ce magnifique DeÔerr, SC qui fuC trouvé fur la Table en s’y mettant, ne fatisfaifoit pas moins les yeux, Quoy qu’il y euft de la fimetrie, il y avoic des endroits irréguliers, la juftefle le trouvoitdans leur inégalité, & on voyoit partout une agréable diveriiré de couleurs. A chaque cofté du Fruit il y avoir des Flambeaux de vermeil du ha111
S de la Table jufqu’au bas $ & comme il eftoic difficile qu’en
*7*
G A L A N T. 171 pflt fervir làns confufion les quatre cens Plats qui furent mis à double rang des deux collez en quatre diférens Services, le Maiftre-d’Hoftel fe fervit de précaution. Il rangea tous ceux qui portoient leurs Plats, vis-à-vis des endroits où ils dévoient eftre placez , de forte qu’en palfant entre leurs rangs, il les pofoit en un moment fur la Table fans aucun defordre. Cela Ht dire agréablement à quelqu’un , à caufe
des rangs, qu’il croyait voir un Exercice de Gens de Guerre. Si la* fuite n’en eftoit pas plus dan- gereufe, les Recrues fe feroient facilement. La richeffe du Buffet
furpafle l’imagination ; il eftoit tout de vermeil, & on ne
' " Mp » • • -
Z mj
z-y i• LE MERCURE
vïc jamais une fi grande quantité
de Vafes cizelez. Pendant
le Souper, les Violons du Roy.
joüerenr dans un grand Sallon
qui répondoit à la Salle. Les
Dames qui en furent eftoient
( fouvenez-vous je vous prie que
je ne leur donne aucun rang)
Mefdames le Tellier, d’Aumonr,
de Louvois, de Fiez, de
la More, d’Uxellcs, de Frontenac,
de Soubife, de Foix, de
Coaquin, de Chafteàuneuf, de
la Ferré , & Mademoifelle
d’Aumont, Fille du feu Marquis
de ce nom. Ces dernieres:
cftoient magnifiquement parées.
Au forrir de la Table,
on monta dans des Apartemens
enchantez. Les belles Voix de
trouvèrent
GALANT. 175
— « ■ 9 •
je Mariage fut célébré. Je ne
vous parle point des riches 6c
brillans Préfens qui ont efté
faits à la Mariée par Monfieur
Je Tellier 6c Monfieur le Premier
• je vous diray feulement
cuis de Louvois, & de Monfieur.
j'Archevefque de Rheims, fes
Oncles,.ont fort paru. Jugez
fi luy ayant donné un Arneu»
blement de Chambre d’argent,
6c tout ce qui peut fervir à Ver-,
ner il peut y avoir eu rien de
plus* magnifique. Je tiens ces
Particplaritez d’une belle Dame
qui a plus de part que moy
à cette Defcription. Comme
elle a infiniment de l’efprir, je
— • •
±74 LE MERCURE fes idées. J’en aurois de grandes pour m’étendre fur la Campagne de Monfieur le Baron de Monclar,fi l‘accablement de la matière qui m’a fait attendre jufqu’à aujourd’huy à vous en parler, ne m’obligeoit à la ref- ferrer en peu de mots. Vous fçavez que l’Armée qu’il commande eftoit oppofée à celle des Cercles, compofée des Troupes de tant d’Etats, qu’elle pourroit feule tenir telle à un Roy moins puiflant que celuy de France. 11 y a plufieurs Cercles , comme ceux de la BalTe Saxe, de Franconie, de Suabe, de Bavière, jufqu’au nombre de dix, & plufieurs Provinces font fous chaque Cercle. Le Prince deBade-Dourlachfut leurder-
I
GALANT. 175 nier General. Apres fa mort il en falot nommer un nouveau. L’Affaire fut rnife en deliberation à la Dicte deRatifbonne. plufièurs grands Generaux des plus llluüres Maifons d’Allemagne y p.retendoient 5 mais enfin le choix tomba fur le prince deSaxe Eyfenach, delà Maifon de Saxe. Le voila donc fai fi du Commandement de cette Armée. Le feul Nom en promet beaucoup. Les uns l’appellent l’Arrnée des Cercles de J’Empire, les autres l’Arrnée de l'Êmpire, & la plupart l’Arrnée des Cercla® du Haut Rhin. Plufieurs Officiers Generaux, en grande confideration chez les Allemands pour y fervir.
y font nommez Le Comte de
^6 LE MERCURE Dunevald, Officier d’un fore grand mérité, cft du nombre. On deftine fon Régiment poar ‘groffir les Troupes de cette Armée , aufquelles pour recon- noiffianceduGeneralat, le Prince d’Eyfenach en joint beaucoup, auffi-bien que les Ducs de Saxe-Gotha, & de WTïnur. Toutes ces Troupes fe mettent en marche vers S-traïbourg. A leurapproche le Magiftràt pro- tefte qu’il ne les lailTera point pafler fur fon Pont 5 mais on reconnoift l’intelligence fi-toft qu’elles font en vetië, il feint qu’il ne peut refifter, Sc lent permet le paflage. Cette Armée eftant au delà du Rhin, & ayanteu grande peine à y fubfi- fter quelque temps., elle prend
I GALANT. i77 I du pain pour dix jours, s’avance vers les Montagnes, vient jufqu’à une lieue de Scheleftat;
■' & apprenant qu’il eft fortifié,
'tt t
r.
l qu’il y a onze Redoutes de pier-
1, re,& que Monfieur le Baron de i. /donclar eft derrière avec des :s. Troupes, elle n’ofe prendre la r, réfolution de l’attaquer. Dans î cet embarras, le Princed’Eyfe- 1 | nach marche vers Colmar, où i. le bon ordre que les François t mettent par tout à leurs affaires a le réduit à faire demander une l fommeaux Etats de Suabe pour t la fubfiftance de fes Troupes. Il t eft contraint de tirer des Muni- . fions de Philifbourgquele Ma-. ; giftratdeStrafbourgluy envoyé . quérir avec une E fcorre.PendaC 1 ce temps MrdeMonclar couvre
i7S LE MERCURE fi bien routes les Places, qu’à peine les Ennemis voyent-ils jour à furprendre le moindre Chafteau. Us veulent prendre celuy de Sainte Croix auprès de Colmar, M1 du Fay Comman- dantde Brifac y envoyé quatre- vingts hommes, Ilslefontiom- mer, le Gouverneur ne veut point fe rendre. Mr de Viffâc Lieutenant de Roy de Rrifat, trouve moyen de fe jetter dedans avec quatre cens hommes, malgré toute l’Arrnée ennemie, & ce Chafteau n’eft point pris* Enfin le Prince d’EyfenaR voyant qu’il n’avoit encor P11 réüffirdece cofté, fait venir de Fribourg dequoy faire un. de Bateaux vers Balle. M Monclar paffe dans le Brilgal
galant. X79
pour obferver fes mouvemens.
& apprend qu'il s’eft allé camavoir
fait ravager les Bleds des environs
de Colmar, contre ce qu’il
avoit promis aux Habitansqui
luy avoient donné de l’argent
pour s’en garantir. C’eft le feul
Exploit delà Campagne, encor
ne l’auroit-il pas fait s’il n’euft
manqué de parole. Il campe
fous Bafle à Hunninguen, fait
achever fon Pont dé Bateaux,
&fe retire à Bafle furpris d’une
Fièvre-tierce que fes mauvais
fuccés ont pû luy caufer. Mr de
Monclar reçoit un renfort qui
luy eft envoyé par Monfieur le
Marefchal de Créquy, Sc fait
repentir ceux qui ont fourny
quelque fubfiftance aux Enne180
LE MERCURE mis. Ils font travailler a des Retranchemens aux deux cof- tez de leur Pont. Les Noftres favorifent un Convoy d’argent qui va à Brifac, fans qu’un Détachement du Prince d’Eyfe- nach entreprenne de s’y oppo- fer. Ce Prince fait baftir une Redoute dans une Ifle pont maintenir fon Pont, & perlons n’ofe fortir de fon Camp. O'1 leur rend dans leBrifgau les violences qu’ils ont exercé autour de Ruffac, Mr -de Monclar a- vance à trois lieues d’eux; >*s fontvenus nous chercher, les cherche. Les Païfans f°n employez à des Redoutes p°u^ couvrir leur Pont, On voit p là qu’ils fuyent le Combat. 1 fe retranche auffi. Cepen“an
les Generaux &c les Officiers fe
traitent les uns les autres à Balle.
Meilleurs les Marquis de Lambert,
de Nulle 8c de Feuquiere,
y régalent le Baron de Noftits-
Schirein , 8c d’autres Officiers
A’iemans. En forçant de la
Ville les Partis s’éntrechargent
les uns les autres. Pendant
qu’on a ainfi occafion de fe voir
à Balle, le Comte de Dunevald
pratique un Officier François
nommé Mr de la Madelaine,
Major du Chafteau de Lanfcron,
qui luy doit livrer la Place
moyennant dix mille efcus. Ce
Major en avertit MrdeSiffredy
qui y commandoit. Le Comte
de Dunevald vient à l’heure
marquée avec le Neveu du
Prince de Saxe, le Colonel Ro-
Tome g. A a
»
B*’
xSi LE MERCURE
fe, & desTroupes. Il s’apper- çoit qu’il eft découvert, prend la fuite, ôc reçoit un coup de .Moufquet qui luy emporte fon Chapeau & fa Perruque. Plufieurs y perdent la vie. Ceux qui ont palTé la Herfe font faits Pri- ionniers, & if en coufte dix mille efcusaux Allemans. Le Prince d’Eyfenach commençant à fe mieux porter, & les Troupes des Cercles & celles quej’ay marquées ne luyluffi- fant pas, trois nouveaux Reg'- mens le viennent joindre. H eft harcelé de la Garnifon deBri- fac. Apres une marche de huit heures Mrde Monclar furprend un des Quartiers des Ennemis, fait quatre cens Prifonniers, prend cinq cens Chevaux, fë
GALANT.
rend maiftre du Chafteau de
pjotzcim, fe porte avantageufementpour
obferver les Ennemis,
fe faille d'une Hauteur, fait
travailler à une Redoute qui
voit dans leur Camp & y met
du Canon. Monfieur le Comte
de la Mote-Houdancourt Meftre
de Camp de Cavalerie, Neveu
du Marefchal de ce nom,
avant i’Avantgarde compofée
de quatre cens Chevaux , rencontre
un pareil nombre d e s
Ennemis qui en couvroient un
fort grand de Fourrageurs fans
avoir efté avertis de fa marche.
Il les défait, &. prend fepr à huit
Le refte fuit. On leur envoyé
huit cens Chevaux pour les foûtenir.
Mr le Comte de la Mote
Aa ij
2.84 LE
nvec une vigueur incroyable,
pouffe Sc défait encor ces huit
cens Chevaux, & demeure fer.
me fur le champ de Bataille,
éloigné feulement d’une deniy
lieue du Camp des Ennemis fans
qu’il en forte depuis aucun fecours,
c’eft à dire qu’avec quatre
cens Chevaux il en renverfe
douze cens, fans compter les
Fourrageurs. Ce font d’rlluftres
commencemens, & ce jeune
Comte ne fçâuroit marcher
plus dignement fur les pas du
fameux Marefchal dont il eft
Neveu. Depuis cette Action
on a toujours coupé tous les
Fourrages aux Ennemis, pour
les obligera repaffer tout-à-fait
le Rhin, ou elfe battre. Oh leur
attaque en fuite une Redoute
GALANT.
on fe rend maiftre, & on les
oblige à fe reflerrer dans leur
Camp. Mr le Marquis de
jsjoailles Colonel de Cavalerie
défait leur grande Garde. Il
fait conftruire une Redoute
pour les incommoder, &. foû,
tient les Travailleurs. Mr de
Monclar en fait élever deux autres.
Mr de Caumont Major
de Cavalerie bat deux de leurs
E fc a d r o n s a u x e n v i r o n s d e B a fl e.
Les Ennemis commencent à
fonger à leur Retraite. Noftre
Armée eft à la portée du Canon
de la leur. On voit tout ce qui
fe pafle dans leur Camp, fans
qu’ils puiflent voir ce qui fe
fait dans le noftre. On les
oblige de cirer du Fourrage par
z%6 LE MERCURE
leur Pont, noftre Canon les defole.
On pouffe leur Garde, on
leur tuë beaucoup de monde,
& on fait quartier au Baron de
Noftits. Ils prennent toutes les
précautions imaginables pour
nous cacher leur Retraite. Ils
B a g a g e, & r e p a ffe n t e u x - m é me s
quelque temps apres à la faveur
d’un grand Brouillard qui 1W
empefche d’eftre appercens..
On découvre lemarin qu’ilsont
abandonné leur Redoute; SC
comme on les voit qui fe retirent
encor, favorifez d’un Canon
qu’ils ont porté de l’autre
coïté du Rhin, Mr de Mot>-
cJarenfait porter du fieu, & les
une précipitation qui eft cat
GALANT. 287
no_vez. Ils nous biffent tous les
Bateaux du gros bras du Rhin,
g^s’échapent a près avoir brûlé
tous ceux qui eftoient par delà
l’jfle, auffi-bien que quelques
piles de Foin , mais nous profitons
du Fourrage qui eft dans
leur Camp. Les Ennemis ne repaient
chez eux que pour ;y
eftre battus, Sc c’eft par ce
de l’Armée des Cercles, avant,
que d’eftre incorporée à celLe
du Prince Charles. Le Pont
qu’avoir fait conftruire le Prince
d’Eyfenach ne luy ayant fervyqu’àfe
retirer apres en avoir
perdu la moitié, Monfieur de
Monclar paffe fur celuy de B rifac
, & entre dans le Brifgau.
LE MERCURE
Mr le Marquis delà Valette le
joint auffi-toft apres avec fa
Brigade. Le General ennemy
en eft furpris,& plus encor d’aprendre
que Mr le Marefclial
de Créquy fait conftruire un
Pont à Rhenau pour paffer le
Rhin. Il réfout de s’'
Mrde Monclar qui obferve les
mou vemens, envoyé MrdeCaumont,
Capitaine Sc Major du
Régiment de Bel porc , avec
deux E fondrons, pour fe faifie
d’un Pàffage. Ils font pouffez
par f’ept des Ennemis, Sc fe t'"
rent pourtant d’affaires fans
perdre qu’un feul Capitaine. Le
Princed’Eyfenach veutgagnef
lePoftede Capel qui eft vis-àvis
de Rhenau, mais il eft enibarafle
par un nouveau GeneralGALANT.
189 Il croitqueMr de Monclar fon- ge à fe faiftr d’Offembourg. Cette penfée Iuy fait divifer fes forces. Il y envoyé du monde, & à Fribourg ; pendant ce temps, Moniteur de Créquy fe rend maiftre du Polie que le Pritj.ce d ’Eyfenach avoir eu deflein d’occuper. C’eftceque beaucoup de Relations n’ont pas allez ny marqué, ny éclair- çy. Moniteur de Créquy voulant donner de l’inquiétude aux Ennemis , lailTe fes Ordres à Moniteur le Comte de Maule- vrier-Colbert Lieutenant General, pour faire palier l’Arrnée fur le Pont du Rhin, & fait marcher les Brigades de la Va_ lete &c de Dugas, avec les R.e« gimens de Dragons de Liftenay Tomc 8. B b
i9o LE MERCURE ôcdeTheïTc, entre Strafbourg & Offembourg. Il s’avance près de Vilftet. 11 apprend que les Ennemis y viennent camper, & juge à propos d’y attendre un plus grand Corps deTreupcs pour pafler la Rivière devant eux. Il n'a pas le temps de le faire. Un Party luy rapporte que le Prince d’Eyicnach veut gagner le Fort de Kill, ce qui luy eft bientoft apres confirme par une grande pouffiere. U croit qu’il faut tenter le Pelage par des guez, quoy que difficiles. M1 le Marquis de Genlis fait les Détachemensde la première Colomne , Mye Comte de Roye ceux de la fécondé, & Mr de Monclar Contient ces deux Lignes. Mr
GALANT. Marquis de Riverolles fe mec à la tefte des Gens détachez, paffè l’eau, 6c tâche d’ébranler les Ennemis. Ils font stand feu fur luy, il retourne à la charge, il eft blefle, Sc Mrde Montel- quiou Capitaine dans fon Régiment, tué. Les Dragons de Liftenay s’aprochent des bayes, mettent pied à terre, 6c rendent les abords de la Riviere plus faciles. Mrs les Marquis de Ranes, de Lambert, 6c de Bou- flairs, pouffent quelques Troupes , 6c apres les premières cf- carmouches, ébranlent les Ennemis, qui à la faveur d’une Digue fe placent affez près des Noftres. Monfieur leMarefchal de Crëquy faitauffitoft avancer les Regimens de la Vaîere, de Bb ij
z9z LE MERCURE Cayeux, Scde Villars. Le Marquis de ce nom, qui en eft Colonel, fe met à la telle des premiers Efcadrons, montre une vigueur extraordinaire, & les anime par fon exemple. Il dé- fait une grande Garde des Ennemis, Sc pouffe plufieurs Efca* drons de Cuiraffiers. Mrs les Marquis de Ranes, de Lambert, & de Bouflairs,placent les Dra- gons de Theffe & de Liftenay le long de la Digue. Ils font voir aine activité furprenante, êc chargent les Ennemis avec tant de vigueur 6c de courage, que les ayant mis en defordre, ils les auroient entièrement défaits , fans l’arrivée de la nuit qui favorifaleur Retraite. Pln- fieurs de leurs Officiers furent
GALANT. 295 tuez, Sc ils laifferent plus de fix cens Hommes fur la place, fans plus de fix-vingt Chariots qu’ils abandonnèrent. Cette occa- fion ne nous coufta pas vingt Hommes. Mr de Roquefeüille Cornete des Gardes de Mr le Marefchal de Créquy, Sc Mrde Briaillel’un de fes Pages, y furent blefîez , le dernier à la jambe, & l’autre au bras d’un coup de Piftolet qu’il y reçeut. Avant le Combat, Mrde Gaf- fion cherchant à reconnoiftre les Ennemis, tomba dans la Co- lomne de leur première Ligne, & foûtint toute Heur Cavalerie qui le pouffa. Il ne perdit que fix Hommes, &s’en eftant glo- rieufement retiré, on peut dire que c’eff prefque contre toute B b iij
LE mercure
une Armée qu’il a combartr.
On n’a peut-eftre pas reflechy
fur une chofe qui fait en deux
mors l’Eloge de Mr le Marefi
chai de Créquy. L’Armée de
EEmpereur eftanc venue jufqu’à
Mouzon , a efté obligée
de s’en retourner fans avoir
rien fait, & Mr de Créquy fait
une fi extraordinaire diligence,
qu’il eft dans les Terres de
J’Empire plutoft qu’elle, & bat
l’Armée des Cercles avant
qu aucune de fes Troupes foit
arrivée. C’eft tout ce que peut
faire 8c la plus fage conduire,
St la plus exaéte prévoyance.
Cette déroute fur doublement
fènfible au Prince de Saxe-
Eyfenach. Meilleurs de StrafGALANT.
195 chent à ménager lesVainqueurs qui ne font pas éloignez, n’ofe- rent recevoir des Troupes ba- tuës, & celles-cy furent contraintes de fe réfugier dans une Ille appellée l’Ifledu Pont de Strafbourg. Elles s’y trouvèrent fort incommodées. Elles ne pouvoient aller au fourage, elles eftoient encor 11 épou- vantées de la maniéré dont elles avoient veu combatte les François, qu’elles ne vouloient point forcir de cette Ifle fans Sauf-conduit. Le feul expédient que le Princed’Evfenach trouva pour fe dégager, fur de prier Mrs de Strafbourg d’aller en Corps chez le Réfident du Roy, & de l’engager à joindre fes prières aux leurs pour obte- “ I • • • •
B b inj
ïtf LE MERCURE' nir un Pafieporc de Monfieur le Marefchal de Créquy. L’expédient eft nouveau, & nepa- roiftroit pas croyable dans un Roman. M’du Pré Réfident de France écrivit. La Lettre fut envoyée par un Trompeté au nom de la République de Strafbourg , & ce qu’on de- mandoit fut accordé. Les François font atiffi honneftes que braves, & ne refufent rien quand on fe foûmet. Vous avez veu lePafieport, ileft imprimé dans la Gazete. Le lendemain du Combat, Monfieur de Créquy fçachant que les Ennemis svoient fait un grand amas de Fourrages dans Vilftet, crût qu il efloit de conséquence d’envoyer brûler les MagaSns
G A L A N T. 197
& toutes les Maifons dans lelquelles
il y en avoit. M1 le
Comte de la Mothe fut détaché
avec trois cens Chevaux
pour faire cette Expédition,
£pres avoir pouffé quelques
Troupes qu’il rencontra en
chemin , il fe rendit à Vi'ftet,
& fut furpris de trouver Garnifon
dans le Chafteau. C’eft
erres
quartés, & environnées d’un
bon Folie. Il envoya unTromsendre
-, & fur le refus qu’elle
en fit, il donna ordre qu’on dift
au Commandant, que s’il fe
défendoir, il le feroit pendre à
1a Porte, fans aucun quartier
pour les Soldats. Ils voulurent
compofcr}& ayant inutilement
î9S LE MERCURE
demandé à forcir avec armes & ' bagages 5,ils ne furet reçeus qu’à
difcretion. 11 avoir fait mettre pied à terre à les Cavaliers; & quand ils le virent en réfolution de les attaquer, ils fe rendirent, U envoya la Garnifon à M'de Créquy, fit mettre le feu au Chafteau, & à toutes les Mai’ fons où il y avoir du Fourragé, & en fuite aux Magafins de Foin qui eftoiexnt fort confidérables.. C’eft l'ufage de la Guerre, & il n’y a point de voye plus prompte pour chaffer un En- nemy, que de luy ofter les moyens de fubfifter.. Cette rai- fon a obligé Mr le Marefchal de Créquy à faire brûler beaucoup de Fourrages & de Mou-
1
jÆonckir a fait la meime choie
dans le Marquifat de Bade,
dans les Bourgs du Brifgau, &:
dans tous les Lieux où les En-
Quartiers d’Hyver. C’eft par
où il a finy la Campagne, l’Armée
qu’il commandoit en Chef
avant eu ordre de fe joindre à
celle de NT de Créquy, pour
n’en plus compofer qu’une fous
le Conimandement de ce Marefchaf
Je la quite pour vous
entretenir de ce qui s’elt pafle
dans celle de Flandre depuis
ma derniere Lettre. Les Ennemis
n’ont fongé qu’à s’y établir
une communication libre
entre Bruxelles Sc Mons, & à
faire des Redoutes. Il ne nous
faudra qu’un moment pour dé5oo
LE MERCURE
trüire leurs Ouvrages. Qui
prend Valenciennes d’aflaut,
Sc force Carnbray à fe rendre,
forcera des R.edoures quand il
voudra. Auffi les avons-nous
a fe défendre, ils nefe croyent
plus en état de nous attaquer.
Cependant toutes leurs précautions
ne les peuvent mettre
à couvert de nos entreprit.
On a étabïy des Contributions
5 & comme la Guerre &
fes Loix pour faire payer ceux
qui ont trop de lenteur à y
tisfaire, Monfieur leMarefchal
de Humieres a puny ce retardement
par quelques vifires un
peu chagrinantes pour les négligens.
Outre le Campvolant
de Monfieur le Baron de Qui»'
GALANT. 301 cy, il eftoit accompagné de Meffieurs de Joyeufe & d’Al- bret, qui commandoierit de grands Détachemens. Ils ont efté fur le bord du Canal de Bruges, pù la Chaftellenie d’Y- pres les envoya prier d’attendre trois jours. M£ le Marefchal de Humieres pafla le Canal, affura les Contributions, s’approcha de Gand , & revint joindre Monfieur le Duc de Luxembourg. Le Prince d’Orange quita l’Arrnée, & en laifla le Commandement au Comte de Valdec, qui craignant la famine , ou du moins voulant faire meilleure chere que les autres, envoya auffitoft demander des PalT ports à Monfieur de Luxembourg pour fes Pour-
502. LE MERCURE voyeurs. Il ne me relie plus à vous parler que de deux Actions particulières trop remarquables pour me difpenfer de leur donner les louanges qui leur font deuës. Elles font de deux Parens du mefme nom. La première eft de M1 le Comte de Longueval qui commande les Dragons Dauphins. Il fut détaché pour aller dans l’ifle de BierutiCK, à deux lieues de Fleflingue, ayant pafle à la faveur d’une marée bafle, & fous la Moufqueterie d’une Redoute d’un Fort & d’un long Parapet qui efcoit garny d’infanterie, il y mit le feu en plein midy, & fe retira avec plus de foixante Prifonniers. Quelque hardie que foit cette Aétion, on
GALANT.
pouvoir tout attendre d ’ un
Vaches. Ce qui fuit ne vous
paroiftra pas moins digne d’eftre,
admire, & vous y verrez de
japréfence d’efpric meflée avec
beaucoup de courage. Mr de
Longueval Capitaine de Cavalerie
, ayant efté détaché
avec cinquante Maiftres pour
quelque Expédition , prit un
Guide qui connoiffoic fi mal
les lieux, que s’eftant égarez,
ils fe trouvèrent
Camp des Ennemis, à trente pas
de la Tente du Prince de Nafr
> 1 ' • * ' 1 f • ' * • fau. M£ de Longueval ayant
adroitement découvert qu’il
n’y eftoit pas, entra dans la
luy venoit rendre compte d’une
504 LE MERCURE
Commifîion dont il l’avoit
chargé. Il ajouta qu’il avoit
eu beaucoup de fatigue, S< pria
qu’op luy fîft donner quelques
rafraichifiemens. On luy apporta
des Eaux glacées de toutes
fortes, & pendant le repos
qu’il feignoit de prendre, il examina
tous ceux qui eftoient dans
la Tente, &. les ayant jugez incapables
de luy refifter, il s’en
faifit, fît prendre tout ce qu’il
rencontra de meilleur, 8c traverfa
le Camp Ennemy avec
fon Butin, & fes Prifpnniers.
Cette vigoureufe Adion y i'n*c
l’alarme.. &c il s’en apper^t
lors qu’il en fortoit.
Avoüez, Madame, qu’il ne
GALANT. 3oj de grandes chofes fur l’exemple d’un Roy qui n’en fait jamais que d’extraordinaires? Si vous voulez voir fes Conqueftes en racourcy ( car on en parle de toutes maniérés) lifez ce Couplet qui a efté fait fur l’Air d’une Danfe nouvelle dediée à jjadame la Grand’ Duchefle de Florence, .On la nomme la Desforges, du nom de celuy qui l’a inventée. Toutes les Perfonnes de qualité qui l’ont veuë dancer en ont efté fatis- faites. Elle a trois mouvemens diférens3eftant compofée delà Courante, du Paflepied, 6c de la Bourée.
Tome 8.
Ce
-J
3o6 LE MERCURE
POUR LE ROY.
Courante.
GRand Roy quels rapides Exploits
De jour en jour augmentent voftre gloire l
La yiïloire-
Obe'it à vos Loix. bis,
passe-pied.
Dans le temps des Glacesr
Conquérir trois Places!
Ce font des coups
Qui n'eftoiëtdeusqu àyous. bis.
BOUREE.
Et tout l'ynivers les yeux ouverts
GALANT.
Sur un Conquérant
Si grand. bis.
l'ombre de vos Palmes
Tous vos Etats font calmes.,
Et jamais
La Paix
JLc peut fins à propos
Couronner un Héros. bis.
Il ne faut pas que le plaifir
de la Danfe nous faiTe renoncer
à la Guerre. Retournons aux
bords du Rhin. Nous v avons
laifle Moniteur le Marefchal de
Créquy vainqueur du Prince
d’Eyfenach, qui ne peut trouver
moyen de lortir de i’Iile où
il s’eft caché apres avoir efté
batn , qu’en faifanc demander
Ce ij
3o8 LE MERCURE dé, mais il a honte de s’en fer- vir, & cependant il en tire fa feûreté malgré luy, puis qu’il eft caufe qu’on s’éloigne fans l’attaquer, & qu’il a le temps d’attendre l’Armée du Prince Charles pour le dégager. Ce Prince pafle enfin à Philif- bourg, & vient ouvrir un paf- fàgeau relie des Troupes tremblantes du Prince de Saxe, qui croyent toujours voir des François. Ils fejoignent. Ce n’eft pas tout, & ce que je vay vous dire vous furprendra. On ne J’a point fçeu, on du moins on n’en a point parlé. L’Empire éc l’Efpagne an defefpoir de voir toute une Campagne per- duê , & que tant de Troupes ayent péry fans avoir ofé tenter
GALANT. 309
aucune entreprifè, prennent de
grandes mefures pour en rendre
fa fin glorieufe, &. furprendre
les François, comme fi le Roy,
fes Miniftres, & fes Generaux,
de prévoyance, Sc ne penéj
croient pas leurs deffeins. Le
Miniftre d’E fpagnequi eft dans
l’Arrnée du PrinceCharles pour
luyfervir deConfeil, répondre
de fa conduite, ufe de tou-
: tes les précautions poffibles
pour fournir ou faire fournir à
fes befoins. il luy fait tirer de
I Vienne, de Ratifbonne, & de
I toute l’-Àllemagne, des fecours
1 d’argent, de provifions, & de
monde. Il groffit fon Armée
des Garnifons& des Milices de
M
510 LE MERCURE tinatj&de Philifbourg. Vorms, Spire$ & Trêves, le fecourcnt auffi de leur cofté. Ainfi fortifié de Troupes, appuyé de Con- feil., rafraifehy, & ne manquant point d’argent, il allure la Mai- ft>n d’Autriche qu’il prendra Scheleftat cette Campagne, batra les François, & fera le Blocusde fjrifac. Avec tous ces avantages diférens, il a encor la liberté de pafler for le Pont oeStrasbourg. Ily pafTe. Mon* heur de Créquy plus diligent que ce Prince, fe trouve de 1 autre cofté avant luy , fortifié des feules Troupes que commandoit Mr de Monclar. il en envoyé quelques-unes pour fe faifir chafteau de Kokberg , quj une vieille
GALANT.
J^afure, mais un tres-bon Porte.
Ces Troupes occupèrent » ■
rnefme temps les autres Portes
des environs. EH es y arrivèrent
quelques heures avant les Ennemis
qui marchoient dans le
jnefme deflein. Ils avoient envoyé
leurs meilleures Troupes
de Cavalerie, qui eftoient des
vieux Regimens de l’Empire
des Croates. CinquanteGardes
du Roy qui s’eftoient avancez
pour tâcher à découvrir leur
marche, furent rencontrez d’un
fort gros Efcadron, qu’ils chargèrent
avec autant de réfolution
que fi leurs forces avoient
commandoit fut tué. Les Gardes
s’opiniâtrèrent à le retirer,
&. le remportèrent apres avoir
b
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--— J a J J (
mefme fon Armée en bataille j]
1
su LE MERCURE rangé fa mort fur un grand nombre d’Ennemis qui leur différent quelques Cuirafles & des Sacs de Grain. Les Ennemis firent en fuite quelques mouve- ro en s p ou r fu r p re n-d re M o n fi eu r de Créquy. Il pénétra leurdef- fcin, & ne les voulant point laif- fer palier du cofté de Saverne, il eut la prévoyance d’aller choifir un terrain propre pour mettre Ion Armée en bataille; & apres avoir lai fie dans le Village qui eftoit à la gauche de noltre Camp , trois Bataillons commandez par Mr de Feu- quieres, & trois cens Hommes commandez par Mr de Refnel, il fit décamper , rangea luy-
1
2
rnefure qu’elle av.ançoit, &
mit I
J
GALANT. pj mit des Troupes dans les Villages des environs, qui fe retranchèrent , 8c qui auroient arrefté longtemps les Ennemis, s’ils eu fient voulu donner une Bataille generale. Mr de Vau- becour Capitaine de Chevaux Légers, revint,&ramena vingt- fept Chevaux , & douze Cui- raffiers pris à l’Arrieregarde des Ennemis, qui parurent fur une , Hauteur prefque vis-à-vis de Kokberg, où ils mirent des Dragons. On détacha vingt Carabiniers desGardesduRoy, qui firent telle aux petitesTrou- pes qui s’eftoient avancées. Ils forent foûtenus par un Efca- dron de grand’ Garde , Se par les Gardes ordinaires, qui ef- tant montez fur la Hauteur,
Tome 8. Dd
P4 LE mercure
chargèrent les Ennemis, qui
s’approchèrent, &, les pouffèrent
affez loin â la veuë du
Prince Charles. Un Rendu affura
qu’il avoit empelché que
fes Gens ne retournaflent à la
charge. Mr de Soulffe qui avoit
fait avancer plufieurs Troupes
par derrière, chargea les Noftrès,
& leur fit defcendre la
Hauteur. Mrs de Choifeüil &
de Renty qui eftoient de jour,
ayant fait avancer deux Efcadrons
de la Brigade de la Valete,
pour foûtenir leur Détachement,
firent remonter les
Carabiniers &. les Gardes ordinaires
, qui reprirent leur premier
Porte, & quand tout fut
bien difpofé, ils chargèrent l’un
1‘autre par l’ordre de M00'
GALANT.
fleur le Marefchal de Créquy. Cette charge fut vigoureufe. On repoufla les Ennemis fort loin, l’on fe tint longtemps en prefence. Monfieur le Marefchal qui vit arriver beaucoup d’Efcadrons aux Ennemis, envoya ordre à la Brigade des Gardes du Corps du Roy de monter fur la Hauteur avec toute la Brigade de la Valete. Elles femirent fur deux Lignes, ayant deux Efeadrons de Dragons à leur droite. La Brigade des Gardes du Roy foûtint avec une fermeté incroyable un très- grand nombre de Cavalerie. Ellefemefla, &c entra l’Epée à la main dans tous les Efeadrons avancez. Ce fut en ce temps que la Compagnie des
Dd $
as
M
316 le mercure
Chevaux-Legers. sortant fepa- rée en deux, chargea tailla en pièces deux gros Efcadrons. La gauche des Ennemis plia. La droite en fit de mefme, &C leur trente Efcadrons furent mis endefordre, & pouffez jusque dans leur Camp. Monfieur de Créquy fit fonner la< Retraite, mais ce ne fut quepour remettre nos Efcadrons en bataille. Ce foin fut inutile. Les Ennemis n’oferent revenir à la charge, &c firent feulement a- vancer du Canon fur les fept heures du foir, pour déporter nos Gardes ordinaires qui eftoient demeurez fur laHauteur. On tira quelques coups fans nul effet ; &: voyant que nos Troupes ne s’ébranloient point, ils
GALANT. $17 fe retirèrent avec leur Canon, Comme la nuit approchoir, Monfieur le Marefchal fitauffi retirer les Troupesqui eftoient en bataille, &les renvoya dans leurs Portes. Elles paflerent la nuit au Biovac. On vit dans ce moment les Ennemis étendre deux Lignes de Cavalerie à la portée de noftre gros Canon. Ils s’éloignèrent à la pointe du jour. Sur les huit heures, Mrle Marefchal fit avancer quatre Pièces de Canon à cinq cens pas de Koxberg, pour faire retirer les Efcadrons des Ennemis qui eftoient portez fur une Hauteurs & Mr le Marquis de la Frefeliere les pointa fi jufte, qu’il les força à la retraite, Sc tua plufieurs Cavaliers. LeCo- A T-X J ”•
Dd il)
3i8 LE MERCURE tanel Mortagne en fut tué à la telle de fon Bataillon. Voila tout ce qui s’eftpafi'é à la grande Affaire de Kokberg le jour qui l’a précédé &, le lendemain. J’ay faituneLifle de trente on quarante Nomsdesprincipaux Allemans qui ont efté tuez ou bleflez, que je vous envoyeray la première fois, fi vous m’aiTu- rez que la rudeffe de leur prononciation ne peut rien avoir qui vous effarouche. Je vous diray en attendant, qu’on gagne fouvent des Batailles, fans que les avantages en foientplus grands que ceux que cette oc- cafion nous a fait avoir. D^s Timbales, des Etendarts, des Prisonniers de confidération, celuy quicommandoittué,plu-
GALANT. 319 fleurs bleflez, & ce qui eft fur- prenant, aucun des Noftres au pouvoir des Ennemis. La plupart avoient des Cuiraffes, ce il eft à croire que fans cela il en feroit peu refte. Jamais on n’a fait voir tant de valeur, & jamais tant de Gens ne fe font fignâlez dans une mefme occa- fion. Ils méritent de grandes louanges, & je puis leur en donner qui n’auront rien defufpeft. Elles font de leur General. Ce grand Capitaine a voulu rendre jufticeâ leur valeur, &. fa modeftie a efté telle, que quoy qu’il ait efté l’ame de tout, il n’a parlé que de ce qu’ils ont fait. Voicy en quels termes il écrit & des Braves & des Corps qui fe font fignâlez.
Dd iiij
5io LE MERCURE
Mr de S.Eflefue s'y conàuifit en bon (fi brave Chevau-Leger. Mr Bafliment fie aujjl parfaitement* & M? Marin fut affez^ heureux pour faire une charge fi à propos^ qu elle contribua beaucoup au fuc- ces de 1'Action. Mrs de la Serre &de N enfiche Uefirent bien lemd- vie^e de Gens qui fiavent fi conduire parfaitement > (fi Mr de U JFitte avec l'activité qu 'on luy con - noift^fe porta par tout avec beaucoup de vigueur (fi de conduites mai# lors que la meflée efioit plus forte, (fi que le General Mfliï Mar an marchoit pour prendre en flanc nosTroupes qui efl oient ait a* chees au Gombat, Mr deBuz^nval qui commandait les Gens-d'armes Mrde 2Vonan fai fiant les fonEliont de Brigadier ce jour là* (fi MrS ^
I
4
GALANT. 321 yalbelle & de balancé, avec les Chevaux-Légers, firent une charge d'autant plue; admirable,qu'elle Lffit opiniâtrée & menée avec toute la vigueur po Sable. Les Chevaux Légers de la Garde fie furp afferent, je croy que depuis long-temps en Sa veu une Action faite avec tant de vigueur & tant d'ordre.
Dans un autre endroit parlant de l’action de cette grande journée, il ajoute, ^4 laquelle Ldonfeur de JAendpfme, & Meneur le Comte de Schombergfe font trouver. , donnant par leur exemple une grande chaleur au Combat. Mr le Chevalier d'Efirades ù qui j'avoù ordonné de prendre les Gardes ordinaires, les mena a- vec une vigueur inconcevable, Je fuis obligé de faire remarquer au
t
LE MERCURE
R°y la valeur de la Bnyade de la Valete^ & de fon Régiment en particulier, aujfi bien que de celuy de JWr de Cayeux, (5> fryu litre, ment ce qu'a fait Mr de fillars dans le cours de cette dtlion. il fut avec fon Régiment fouvent me fié avec les Ennemi# , tou* jours avec l'avantage qui efdeù à fa valeur & à fa conduite. Mr de Choifeüil dans tout ce Combat a mente beaucoup de loüanyes, & que Sa Majeflé luy fâche bon qre de fon zele & de fon application en tout rencontre.
II marque encor dans un au- tre endroir5que M r deChoifeûil & Renüy> menèrent cette
Affaire avec beaucoup de vigueur & de capacité, Si le Ge- neral eft content de tous ces
GALANT. jij
graves, ils ont bien fujet de
l’eftredeluy. On combat pour
la gloire, &■ en leur rendant à
chacun celle qui leur eft deuë,
il fait que la louange de l’un eft
diférente de celle de l’autre, en
forte qu’elle fe donne toute à la
maniéré dont on s’eft diftin gué,
fans qu’il y ait rien de general;
/jais s’il a rendu juftice aux
autres, on a pris foin de reparer
l’injufticequ’il s’eft faite, en ne
difant rien de lu y. Voicy de
quelle maniéré en parle la Relation
d’un Officier General,
qui a autant de coeur & de conduite,
que d’intelligence dans
leMeftierdelaGuerre
/<? n'ofe rien dire de
le Marefchal, parce que je peindra
te mal Ça Valeur & fa capa?
LE MERCURE cité\ mats les ordres qu'il a don- ner^a fin ordinaire, & la di['portion qu il apport a, fit le gain de ce %rand (fi chaud Combat , (fi je ^fuis dire avec tous les Témoins de cette .Actionquil ne faloit pas moins qu un Homme comme luy four la mener à une fin glorieufie. Vous voyez. Madame, que toutes ces louanges ne font point de moy • mais quand par modeftie Monfieur le Maref- ' chai de Créquy oublie Mr lé Marquis fon Fils, je dois vous dire qu il eut un Cheval bleffc fous luy, & qu’il fit par fa valeur par fa conduite des chofes fort au delà de ce qu’on pou- voit attendre d’un jeune Guerrier de quinze ans, car il rallia des Troupes, & les remena au
GALANT. ;i; Combat avec beaucoup de fermeté. Mr le Marquis de la Ferré fit paroiftre un courage digne de iuy ; 8c à la maniéré dont il fefignala, ou auroit deviné fans leconnoiftre,de quelfang il eft forty. Mr le Marquis de Lu- zerne fit des merveilles. Son Cheval futblefie,8cil eut cinq coups dans fes Habits. Mr le Comte de Schomberg dontj’ay déjà parlé, en reçeut un dans fes Armes. Mr le Marquis de FJefle fe fit fort diftinguer, aufli-bien queMrle Marquis de Monteflon 8c Mr de Bolefme. Ce furent Mrs de Val belle 8c de Bérange, qui firent cette belle Action de féparer les Chevaux Légers en deux Troupes pour s’oppofer à deuxEfcadrons, ce
3x6 LE MERCURE
qui contribua fort au gain de : ] cette Journée. Mr Marin que 1 je vous ay déjà nommé, avec < fon Efcadron des Gardes du > Corps, en bâtit un de Cuiraf- 1 fiers, & deux de Montecuculi. 1 Il eut deux Etendarts, & avoit J pris un Timbalier, mais le Che- < val duTimbalier avant efté tué, < il fut contraint d’abandonner < les Timbales. Un Garde defa < Brigade prit le General Major 1 de la Cavalerie de l’Empereur,
&. un autre le Lieutenant Co- ] lonel de Montecuculi, fort cen- fidérable dans l’Armée, puis h qu’il recevoit les Ordres de ce Grand General qu’il donnoit au Prince Charles. Dans ma première Lettre je feray à mon ordinaire, & vous parleray en
GALANT. 517
peu de lignes de la Maifon
du mérité particulier de chacun
des Braves qui fe font faits remarquer.
J’oubliois à vous dire
que Moniteur de Saint Eftefve
fut un des premiers qui fit paroiftre
l’impatience qu’il avoit
de combatre, en courant reconnoiftre
les Ennemis, fuivy
de M' de la Meifiliere Cadet
dans les Gardes, qui eut fon
Cheval bleffé. Il eft de la Compagnie
de Noailles, & l’on ne
peut rien ajouter à ce qu’elle a
fait. Nous pouvons dire que
nous n’avons rien perdu dans
cette grande Aélion, fi on compare
noftre perte à celle des
Ennemis. Mrs de Haubourg &
deDunefort Exempts, ont efté
tuez} &Mrs deS. Vians,Mon518
LE MERCURE ta fea u & G u i-1 lo n, a u ffi E x em pts, blêfiez. Mrde Valencé Pa efté pareillement.
Quoy que je vous aye déjà nommé Monfieur le Duc de Vendofme parmy les Braves, ceferoitluy faire tort que de ne vousen rien diredeplus. Iln’eft pas des Amis du Prince Charles qui s’eft plaint hautement de luy, mais ces plaintes font les plus grandes louanges que nous luy puiffions donner, puisqu’il avoue que ce jeune Prince a beaucoup contribué à luy dérober la Viéloire qu’il s’eftoit promife par toutes les raifons que j’ay marquées. Il eft certain qu’on ne peut a fiez admirer l’intrépidité de Monfieur de Vendoime. Voyant deux de nos
GALANT. 5i9
Efcadrons pouffez par cinq des
Ennemis , il y courut à toute
bride l’Epée à la main, les ralia,
fe mit à leur telle avec les Officiers,
& pouffa fi vivement les
Troupes oppofées, qu’elles furent
contraintes d’abandonner
JeCoratedeNaffau &c d’autres
Commandans,qui ont tousefté
pris ou tuez. Cette A dion fe fit
en prefence de plufieurs Officiers
Generaux & de Monfieur
Je Marefchal deCréquy mefme,
qui furent furprisde le voir revenir
fans eftre blefle, quoy
qu’il n’euft ny Cuiraffe ny Por
en telle. Ils luy firent un Compliment
deû&à fa Perfônne &
à fon mérité, & le prièrent en
mefme temps de ne vouloir plus
s’expofer de la forte, pour ne
Tonie K. Ee
pas méprifer tout-à-fait les faveurs
du Ciel, Je pourroisencor
vous dire quelque chofe de ce
qui s’eft pafle depuis le Combat,
mais l’endroit eft beau pour
finir, vous fçaurez le refte une
autre fois. Je referve auffi à vous
parler du mérité de ceux à qui
le Roy a donné depuis peu des
Evefchez &des Abbayes. Mais
pardonneriez pas fi je ne vous
envoyois une Enigme pour vos
fpirituelles Amies. Celle que
vous allez lire a efté faîte exprès
pour elles r & doit les embaraffer,
par une raifon que je
vous diray quand nous parleronsduMot.
Elleeftd’unePerfonne
du premier Rang.
?
GALANT. JJ! ENIGME.
1E fais dans le travailfans ejlre en exercicer
Toujours dam les vertus & ne fon f oint du vices
On me trouve au Barreau fans entrer au Pa lait >
port avant dans la Cour &farmy les Valets.
le mérite en Vaillant^ fuie on me voit en fuite. -
je vie en ètourdyfans manquer de conduite:
En Voleur, fuis en Pauvre on me voit flufeurs fois y
Je fuis toujours en Gaule & ne fuis foint François.
Je ne fui s foint en ferte & toujours en ruine.,
Et je fais le Devin fans que l^&n me devineo
a
*
Si les Belles de vos Quartiers
tombent dans l’embarras que
je prévoy , elles n’auront qu’à
confulter Apollon. Parmy fes
qualitez qui font en grand nombre,
il a celle de Devin. Elles
fçavent fans-doute qu’il ne pût
autrefois avoir l’avantage de
toucher Daphné, mais je ne
fçay fi elles en fçavent la raifon.
Elles la trouveront dans ce Sonner.
Quoy qu’il /oit badin, il ne
Jaifle pas d’avoir fa beauté, &
je ne doute point que vous n’en
foyez fatisfaice.
»
GALANT.
7
3H '
SON NET-
1E fuis ( criait jadis Apollon 'à
Daphné,
lots que tout hors d’haleine il courait apres elle,
Et luy contoit pourtant la longue Kirielle
Des rares qualité^ dont il efoit orné.)
<2?
Je fuis le Dieu des Vers. le fuis Bel-Efprit né,
(Mais les Vers rief oient point le Cha'rme de la Belle)
Je fay jouer du Lut, arrefle^. Bagatelle,
Le Lut ne pouvait rien fur ce cæw ohfliné.
334 LE MERCURE
1 e connoy la venu de la moindre Racine^
Je fuis, rien doutezj>as, Dieu de la Medecine,
Daphné courait plut vifte apres ce nom fatal.
%
Mais s il eufldit ^voye ^quelle eft voflre Conquefle^
Je fais m jeune Dieu f eau , qalan^ liberal?.
Daphné fur ma parole auroit tourné la tejle .
Tous les Amans ne font pas fortunez- & 15Amour, pour mieux faire connoiftre fa puif- fance, ne prend pas toujours le party des Dieux. Apollon a lieu de s*en plaindre* laiffonsJe dans
GALANT.
fon chagrin, & voyons ce que die un Mortel plus heureux que Juy. Sa Maiftreflè l’a voit prié de feindre pour tromper le> jaloux, & voicy ce qu’il luy répond.
air nouveau
de Mr Lambert.
, vous m ordonnez^de feindre
De l’indifèrençe pourvois., j4fin de tromper les laloux
Que fans ceffe nous devis craindrez Mais quand on jouit chaque jour Des charmes de voftre préfencey
Qu'il e(l mal-aifé que l' .Amour
■rr i.
Paroiffe de l'indiference!
Quelle que foit la puiffànce
$6 LE MERCURE
de ce Dieu, il a trouve des
coeurs qui n’ont jamais reconnu
fon empire. 11 n’en eft pas de
mefme de la Mort, elle triomphe
toit ou tard , &c vient de
nous ravir Monfieur d’Aligre
à quatre, vingt cinq ans. Tout
fe prépare pour rendre leshon.
meurs !
moire • & quand ceux qui ont
pris le foin d’y faire fon Eloge
s’en feront acquitez, je vous
apprendray à mon tour ce que
je fçay de cet Illuftre Défunt.
Cependant je ne puis m’empefcher
de parler de Monfieur le
bonne heure à la France les
avantages qu’elle doit tirer dü
choix que Sa Majefté vient de
faire de ce Miniftrc pour la
Charge
GALANT. 337 Charge de Chancelier ScGarde des Sceaux deFrance. Monfieur le Tel lier, apres avoir païTé plufieurs années dans les Charges de Procureur du Roy au Chat- telet 6c deConfeiller au Grand Confeil,où il eutplufieursCom- miiïons importantes , fut fait Maiftre des Requeftes, êc en fuite Intendant du Roy dans fon Armée en Piémont, puis fon Ambafladeur auprès de Leurs Alteffes Royales de Savoye; d ’où eftanr revenu, la Cour eftant perfuadée de fon mérité par les Services importans qu’il avoit rendus à laCouronne dans ces difcrens Emplois , il fut choify par la Reyne Mere du Roy pendant fa Régence, pour eftre l’un des Secrétaires d’Etat.
Tome 8. Ff
358 LE MERCURE
Le Département de la Guerre luy citant échu, il fervit dans cette Charge d’une maniéré fi utile a l’Etat, & fi agréable aux Gens de Guerre, qu’on luy remit bientoft le foin de toutes les Affaires qui la regardoient. Il entra quelque temps apres dans le Confeil en qualité de Minifi tre. Sa prudence y a toujours paru, & fon zele y a toujours éclaté pour le Service du Roy. Il a fervy ce Prince pendant les temps les plus difficiles, avec une fidelité à l’épreuve de toutes chofes • & la maniéré dont il a vefcu avec ceux qui s’ écartoient de ce qu’ils dévoient à leur Souverain, leur a toujours fait appréhender fes remontrances, &
GALANT. j;9 Jors qu ’ ils ont voulu rentrer dans leur devoir, ils ont tenté plufieurs fois d’obtenir leur pardon par fon moyen, ne connoif- fant perfonne en qui l’on pût mettre plus feûrement en dépoli: fon honneur Se fa vie. De fi grandes qualitez luy ont acquis en plufieurs temps de grands honneurs, &. luy avoient donné la confidence entière de la Reyne Mere, dont il a reçeu des marques éclatantes par fon Teftament par les dernieres a étions de fa vie. Tant de cho- fes avantageufes luy ont attiré une confidération particulière du Grand Prince qu’il fert au- jourd’huy. On a toujours admiré en luy une modération fans exemple, que la Fortune
54° LE MERCURE
& les Honneurs n’ont jamais pu corrompre • mais parrny ces avantages il doit compter celuy d avoir un Fils qui fertfi bien & Je Roy & l’Etat. Je ne m’éten- dray point davantage fur les grandes qualitez de ces deux Miniftres,. ils font tous deux incomparables, Sc je diray feulement encor une fois ce que toute la Terre doit publier avec moy. Ce Chancelier choifypar le plus grand des Roy s pour remplir la première Charge de fon Royaume , a donné un Homme à Sa Majeflé qt i fçait parfaitement executer toutes les volontez de cepuiflant Monarque, Se qui fait réüiïïr des choies qui n’ont jamais efté méditées que par un fi grand Roy,
î4i
ny exécutées que par un fi grand
jVliniftre.
A Paris ce jz. d’OElobre 1677.
ON donnera un Tome du Nouveau
Mercure Galant, le pre^
cutf retardement. Il fe diftribuëra toû*
jours en blanc chez le Sieur Blageart,
Imprimeur-Libraire, Rue S. Jacques,
à rentrée de la Rue du Plaftre. Et au
Palais, où on le vendra vingt fols
relié en Veau , & quinze relié en
Parchemin—
Ff iij
AVIS.
JE prie ceux qui m’ont fait- îa graceiîe w m’envoyer des Hiftorieres^ des Vers, & g - litres Pièces Galantes, de ne fe point impatienter s ils ne les trouvent pas dans ce Volume. Comme j’en reçois de tous coïtez , il m eft impoflible de mettre tout dans le mefme temps , & je fuis obligé de preferer ce qui a le plus de raport aux nou- ve^es du Mois dans lequel j’écris- mais ennn tout le monde aura fon tour’, & je n’qfteray. à perfonne la gloire qu’on doit attendre des agréables chofes qu’on me donn? pour embellir le Mercure.,
Ceux qui 1"* achèteront , doivent prendre garde qu’il ne (bit pas d’une Im- prefton contrefaite. On l’imprime dans piUheurs Villes hors du Royaume , fur tout a Nimtgue & à Bruxelles, & l’on envoyé des Exemplaires contrefaits dans quelques Provinces de France. Ils font remplis, de quantité de fautes, comme le font ordinairement tous les Livresque l’on contrefait avec précipitation. Mais ce eft pas le leuf defaut-qu’ils ayent 5 & ft 1 on prend la peine de les examiner, on les trouvera moins amples que les véritables, parce que les Etrangers lùpriment la plus grande partie de ce qui eft defavanrageux leur Nation, & glorieux à la France^
Table des Matières contenu B- en ce Volumes
1“* implication de U Enigme du VIE
Torne du Mercure Gala nt.
Les Fléchés d*Amour.
Les Apparences TrompeufeSylFifioiret "Eupture.
Imitation de la Galatee de Virgile. *J)ivers ‘De'tachemens de l Armes de Flandre.
Sonnet fur la Campagne des Ennemie en Flandre.
Confiâti un d M. de Montai fur la LeVee du Siégé de Charleroy.
Epitaphe de Qitron tuf devant Charleroy
Augmentation d un lieutenant d'un En feigne dans les quatre Compagnies des Gardes du (porps.
Prérogatives de la Lettre L.
%e'gal donné d Son Altejfè LÇoyafa L'Adieu aux Mufes*
TABLE.
Mort de M. Charpentier5 Doyen du
Grand (ponfeil.
Le liai de Çampagne9 on les Illufires
Fendangeufes, Fijloire.
Lettre a l A ut heur du Mercure G alant
touchant FExplication de l'Cnigme
du FIL Folume,
Le 7hilojophe Amanty Sonnet.
L'Lfypocrite, Sonnet.
des Moutons.
MeJJieurs de F Acade'.
tnie Françoije3 par MonJieurColhert.
Fers de M. l AhbéFuretiere 0
Madame y a yoir prendre un Fort at~
taque & défendu par MeJJieurs lot
Academijles de T Academie de Ferna
dfproche amoureuse.
J^efolution de ne plus aimer.
Mort de MTBoiJyin duFauroüy
TABLE.
filler au T arlement.
Mort de M. le Maye delà Couraudiere
Cour des A-ydes.
Ayant ure des Tirailleries.
Fxtra't de la Lettre d'un Solitaire.
Vers envoyer dans un Tome du Mer-
V Intendance du Tourbonnois.
Mort de Madame de Montauglan.
Tout ce qui s eft fafe à Fontainebleau
fendant le Séjour que LeursMajejlq;
y ont fait. Cet Article contient ceux
des Comédies > O fer a, Tais, Flan
d'une Collation, Cbajfes, CT
niere dont les T âmes ont ejle farces
dans tous ces Tiyeriifemens.
le T> uc de Fermandois, CT à Mademoi
file de T lois ,far Mi. du I in.
T^etour de M. Court in de fn Ambaffade
d'Angleterre.
M. le C*rdin*L d'Eftrées eft en^eoyS
table.
Amlajfadeur Extraordinaire à T^ome,
Mariage de M. le Marqué de Ter in. g^en, de .Madtmoiflle d'Au* mont,
Ce qui s efl pafe fendant toute la . Campagne entre l’Armefe du foy g commandée far M. le Earon de Monclar, & celle des fer clés.
Tout ce qui s eft fait en Flandre depuis le SI ois dernier,
A irs fur la Tarife not/yelle appellee U ‘Desforges.
Tout ce qui s‘eft pafte à la Tournes de •fpfierg7ay>ec les Noms de torts ceux qui s'y font fignales^ <f$* leurs allions les plus remarquables,
Enigme.
bonnet fur les Amours d‘Apollon & de Daphné.
de M. Lambert.
MondeMonfieur V Afre, Chancelier CT Garde des Sceaux de France. e ^1-^ donne la mefme Charge d Monfieur le Tellier. *
Fin de la Table.
PAr Grâce & Privilège du Roy, Donné
à S. Germain enLayele if.Fev.1672.
Signé, Par le Roy en fon Confeil, Vi’llet*
Il eft permis au Sieur Dan. défaire imprimer
, vendre & débiter par tel Imprimeur
& Libraire qu’il voudra choifir un
Livre intitule Le Mercure Galant’ en
un ou plufieurs Volumes, pendant le temps
de dix années entières, à compter du jour
que chaque Volume fera achevé d’imprifmer
pour la première fois. Et defenfesfonc
faites a toutes Perfbnnes de contrefaire
lefdits Volumes, à peine de ïîx mille livres
d’amende, ainfî que plus au Ions il eft porte
efdites Lettres. ù r
Regiftréfurle Livre delà Communauté
le 27. Février 1672.
Signé, D.Thierry, Syndic.
Et ledit Sieur Dan. a cédé fon droit de
Privilège à C. Blageart, Imprimeur-Libraire,
fuivant l’accord fait entr’eux.
itobevè d'imprimer pour U première foie
le premier Novembre
MERCURE
GALANT.
Contenant les Nouvelles
du Mois d’O&obre’ïéyy.
& plüfieurs autres.
TOME 7III.
■!L_u J < .'3$
\ V V Zr% /
A PARIS,
Chez Charles de Sercy, au Palais, |
au Sixième Pillier de la grand Salle,
à la Bonne-foy couronnée.
M. D/LXXVII.
AVEC PRIVILEGE DV ROT»
O u s le voyez, Ma-
||| dame, qui devine
une fois, ne devine
pas toujours. Vos Amies
que vous m’avez mandé
avoir eu fi peu de peine à
pene'crer les obfcuricez de
A ij
*
4 LE MERCURE
i’Enigme de la Lettre R,
n’ont pû déveloper celles
de la derniere que je vous
ay envoyée , & elles vous
obligent à m^en demander
l’explication. Vous dites
que ce qui les a empefchées
d’en venir à bout, a
la culebute des reffies d’un
Squelete qui Portent brufqüement
de leurs creux.
à qui cet endroit ait paru
difficile à débrouiller; mais
a cela près, vous m’auriez
fait plaifir de me mander
GALANT. 5 ce qu elles ont entendu par les premiers Vers, &quel fens elles ont crû pouvoir donner à ce fombre & double Parterre, éclairé de rayons diferens, oû la guerre eft allumée entre deux Amis, & foûtenuc à grand bruit par une troupe de Demoifclles. Puis que vous m’aflurez qu’elles fe rendent, il ne faut plus leur cacher que le mot qu’elles ont inutilement cherché, eft le Trittrac. 11 fournit ce double Parterre diverfifïé de rayons, & un aflez bon A iij
6
LE MERCURE nombre de Dames qui ne fe peuvent remüer fans bruit. Quant aux reftes du Squclete,iln’eft pas befoin de vous dire que ce font les Dez, qui eftans faits d’os, font pouflez aïTez brufque- mentdu fond des Cornets. <Quoy que les Enigmes ne (oient que des Jeux d’efprir, elles ne laiflent pas de faire refver fouvcnt les plus habiles, & il en eft dont le fens à trouver cauferoit de longs embarras,fi on eftoit au (fi obftiné à le chercher, qu’un Amant l’eft quelque-
GALANT. 7
fois à vouloir découvrir
fa paillon a pû faire naiftre
au coeur d’une Belle. Si
pourtant M* deFontenelle
en eft crû > il y a une veye
auffi prompte qu’infaillible
pour réüflir en amour.
ez s’il a penfé juftc
nd il s’en eft expliqué
ces Vers.
8 LE MERCURE
•’<&<&<$>
LES FLECHES D’AM O U R.
L'Amour riavoit jadis que des Flèches d’Acier,
C e rie fi oit fas faire çrâàedèpenfe, Maie cela fuffifoit pour un Siée le profiter,
Où tous les coeursfie rendaientfans defence.
Le temps changeas plus de dm- plicitf
Les traits dl Acier devinrent inutiles.,
Lt l Amour eut a faire à des Gens plus habiles,
Qui de les repouffer prenvient la
liberté.
GALANT. 9
S'ils blefibienty la blefiure efioit bientofi gueriey
Per forme ne s'en trouvoit mal. Quelremede? il falut changer de baterie.
Il les fit d'un autre Métaly
Ce fut dlOrS al' Amour la v Ai tire efioitfeure.
Quels Ennemis, Grands Dieuxy riauroit-ilpas défaits?
Aufff quoy quil paru fl d'abord fe mettre en frais %
,</ a*
Il regagna fes frais avec ufure.
A chaque Fléché qui voloit Vne foule de Coeurs couroit au devant d'elle.
h •
Quoy que laplaye enfufi mort elle 9
N'efioit p as b le fie qui vouloir.
L'Amour ne lancoit plus fes Fléchés que par grâce y
Heureux les Coeurs fur qui tom~ boient des traits fi douxy
f
I
io LE MERCURE
Souvent de les percer fa main fe trouvait laffe,
Lors qu'ils ne l’efoient pas de recevoir [es coups.
Chacun d'eux eufi receu vingt Fie, ches au lieu d’une,
Chacun euft volontiers èpuifé le Carquois 5
Se faire blefferplufieursfois, C'efioit affer^pourfaire fa fortune.
Cette mode n'a point changé,
L es Fléchés d ’gr fcnt teÿ&i?', &
Et pour peu qu'on s'en ferve,iln’ejl Coeur ft fauvage,
Qui fous les Loix £ Amour ne fit bientof rangé.
S
Puis que l’Amour a efté de tous les Siècles, on ne
V
GALANT. n
ait de grandes douceurs à
fe voir aimé-, mais il ne faut
qui eft arrivé depuis quel
ques jours eneft une preuve.
Voicyl’Hiftoirc en peu
de mors. Un fort galant
Homme, Mary d’une Dabioit
n avoir rien à fouhaiter.
Il avoir du bien, des
Amis, un Employ confiderable,
& l’eftime de tous
ceux qui le connoifToienq
u LE MERCURE mais pour fes pechez il ef- toit fl paffionnément aimé de fa Femme, qu’ils en paf- foicnr tous deux de médians momens. Une bagatelle luy faifoit ombrage. Il ne luy fuffifoit point de connoiftre fon Mary incapable d’aucun attachement préjudiciable à la tendreffe qu’il luy devoir, trois Vi- fites à une mefme Per- fonne bleffoient fa déli- cateffe; ce n’eftoit pas la trahir, mais c’eftoitfe plaire . ailleurs qu’avec elle, & ne luy pas donner tout fon
GALANT. i5
coeur. U eftoit honnefte,
aimoit le repos, & pour éviter
toute occafion de querelle,
il ne luy parloit ny de
fes parties de Divertilfement,
ny de fes plus agreables
Connoiffances. Il
chercha fur tout à luy cacher
les foins qu’il rendoit
à une Dame toute charmante
de fa perfonne. Il
n’y avoir rien de plus touchant.
Elle avoit infiniment
d’efprit, & je ne
dans les maniérés, qu’il eCi4
LE MERCURE Cela eftoit dangereux pour un Homme qui avoir le gouft fin, & elle eftoit propre à luy faire des affaires déplus d’une façon, mais à quelques périls qu’il s’expo- fataupresd’elle,il craignoit moins l'embarras de fon
coeur en lavoyant, que ce- luy de fon Domeftique, fi fes Vifires eftoient découvertes.
Il eut pourtant beau faire, faFemmcles fçeut,la
Dame luy eftoit connue, &
elle la trouvoic beaucoup .
plus redoutable qu’une autre. Reproches de fes afïï-
GALANT. 15 dues complaisances à proportion du mérité de la Belle. Grandes juftifica- tions pour avoir la paix. On gronde pendant quelques jours. On promet de ne plus voir, & enfin on fe ra- commode. Le Mary tient parole en apparence. Il feint des Affaires qui ne le laiffent à luy que dans des heures où l’on ne peut découvrir ce qu’il devient. II. les employé avoir la Dame, qui n’ayant aucune prétention fur luy, s’accommode fans peine de ce change-
16 LE MERCURE
mène. 11 avoir la converlàtion
agréable, & c’eftoit
tout ce quelle cherchoir.
Cependant fa précaution
luy eft inutile, & le hazard
en décide d’une autre façon.
11 eftoit un jour chez
Marchand pour quelques
Etofes qu’il vouloir choilir,
& il y eftoit allé dans une
Chaifede les Cliifres, avec
dcsP. orteu• rsdeLivL rée. On
commençoit à luy en déveloper
quelques - unes,
quand il tourne la telle fur
un grand tumulte qu’il entend.
Deux Cavaliers fe
GALANT. 17
pouftbient l’un l’autre l’Ede
vigueur. 11 enreconnoit
l’un qui eftoit de Tes plus
particuliersAmis.Ily court,
fait ce qu’il peut pour les feparcr}&
en vient à bout aidé
de quelques aurres qui fe
,11 ne
les veut point quiterqu il ne
les voye accommodez,& ils
vont enfemble chez une
Perfonne de haute confidération,
qu’ils prennent pour
Arbitre de leur Diferent.
Pendant ce téps-là il s’eftoic
T orne ,8. B
)8 LE MERCURE paffé bien des chofes qu’il ne fçavoit pas. La Belle qu’il conrinuoit de voir en fccret, paffe malbeu- reuCernent en Chaife dans Imitant mefme que les deux Cavaliers mettoient l’Epc'e à la main. La vi- hon d’une Epe'e nue fait de grands effets fur la Populace. On fuit, on s’écarte, & chacun fe ferre a- vec tant de précipitation qu’on renverfe la Chaife & les Porteurs. La Dame ■ s’écrie. Les Combatan? eltoient déjà dans une au-
GALANT. i9 tre Rue. On vient à elle. Quelques goûtes de fan g font dire quelle eft fort bleflee. On la trouve éva- noüye, & on l’emporte chez le Marchand devant la Boutique duquel les Porteurs de Livrée eftoient ar- reftez. Autre incident qu’il euft efté difficile de prévoir. Tandis qu’on luy jette de l’eau fur le vifage, la Dame qui en avoir efté ja- loufe, paffie par le mefme endroit. Les Femmes font curieufes. Elle voit du monde amafTé , elle en B ij
• V
2-ù LE MERCURE demande la caufe. On luv répond qu’on s’cftoitbatir, qu’il y avoit quelqu’un de bielle chez le Marchand, & on luy nomme en mef- me temps fon Mary. Elle apperçoit fes Porteurs, remarque fa Chaife, ne doute point qu’il ne foit le Blefle, & ayant crie trois ou quatre fois, Ab mon cher 3/4 7, du ton le pluslamen- table (car comme je vous *y déjà dit, c eftoit une Femme tres-aimante) elle delcend impétueufernent deCarrolfe, fend la prelfe
GALANT. it
qui environnoit la Belle, & en criant toujours , Ah mon cher Mary, elle fe pré- paroit àl’embraifer, quand elle connoit que c’eft une Femme. Quel contretemps! Elle croit venir au fecours de fon Mary, & c’eft fa Rivale qu elle rencontre. Elle la reconnoir,
pouffe un cry nouveau, mais ce n’eft plus fur le mefme ton. Les circonf-
tances de l’Avanture luy font penfer cent choies qui la mettent hors d’el e- raefme. Elle s’imagine
zt LE MERCURE qu’il s’eft batu pour cette Rivale, prend lès Porteurs quelle trouve au lieu mef- rne ou on luy donne du fecours pour une conviction de la chofe, impute fonevanoüifTement au chagrin d’avoir caufé un fort grand defordre 5 & dans cette penlee elle rougit, pâlit, remonte dans fon Carrofle aveclamefmeim- petuofite qu elle en eftoit defcenduë, & la promptitude de fon départ ne caulè pas moins de furprife à ceux qui examinent ce quelle
GALANT. xj fait, que leur en ^voient caufe d'abord fes conjugales exclamations ou per- tonne navoitrien compris» Elle s’éloigne, & la Belle Evanoüye commence à ouvrir les yeux fans avoir rien veu de tout ce qui vient d’arriver. Elle valoir bien qu’osi s interefïaft pour elle. Quoy que fa bleïfure ne fuft rien, on la fait voir à un Chirurgien qui patte, & apres quelle s eft fervie de quelque précaution contre la frayeur qu elle a eue, elle fe fait
24 LE MERCURE
remener chez elle. La
Dame Jaloufe n en eft pas
quire à fi bon marche'. Son
Mary qui s’eft batu, & fa
Rivale e'vanoüye, luy font
prefumer une intelligence
lecrete donr elle tire de
facheufes conféqnences.
Elle en eft dans une colere
inconcevable. La oenfee
d eftre la Dupe d un commerce
qu elle avoir eu lieu
4e croire finy, ne luy laifte
point de repos. Elle foûpire,
fe plaint de la ncr-
’ ■ — luy
GALANT. luy en faifoit examiner les moyens,quand unTailleur que luy envoyé une de fes Amies la vient demander de fa part. II n’eftoit pas à qui le vouloir avoir, & elle eft contrainte de fufpendre fon chagrin pour ne pas perdre l’occafion. Il prend fa mefure, & voulant enve- loper fon Etofe avec une autre dont il s’eftoit déjà chargé, la Dame qui la trouve agréable , luy demande à qui elle eft II répond qu’il la vient de lever chez le Marchand pour une
Tome 8. G
16 LE MERCURE Dame de Campagne-, & comme les Tailleurs aiment naturellement à rationner, il ajoute que dans la Boutique où il l’achoifie, il eftoit arrivé depuis une heure ou deux la plus plai- fànte chofe dont elle euft peut-eftre jamais entendu parler. Là-deifus il luy nomme fa Rivale qu’il y avoit veuc,& luy veut conter malgré elle ce quelle fçavoit avant luy. Il n’en falloir pas davantage pour la mettre aux champs. Elle reprend fon Etofe, la donne à gar-
I
GALANT. z7 der à fa Suivante, & dit cha- grinement quelle ne veut plus fe faire faire d’Habit. Le Tailleur prend la chofe fur le point - d’honneur ; dit que îi elle craint qu’il ne la vole, il veut bien couper l’Etofe en fa prefence^ & plus la Dame s’obftineàne vouloir point d’Habit;plus il s’obftine à vouloir travailler pour elle. Le Mary arrive, laDame le regarde de travers, le Tailleur luy fait fes plaintes, foûtient qu’il eft honnefte Homme, qu’il n’a jamais pafte pour Vo-
C ij
18 LE MERCURE
leur, & que puis qu’on l’a
appelle pour faire unHabit,
il ne foufrira point qu’un
autre le fafle. C’eftoit un
grand Procès àvuider pour
le Mary. Il commence par
fe défaire du Tailleur, en
luy donnant un Loüis pour
fes pas perdus écoute les
nouveaux reproches de fa
Femme, dont ilnefçaitque
penfer-, & apres luy avoir
chagrinée, il la remet peu
à peu dans fon ordinaire
tranquillité. Voila, MaGALANT.
x9
dame, comme les chofes
les plus louables produi-
Dieu garde tout honnefte
aime
fa Femme.
Adiré le vray, Madame,
c’eftune terrible affaire que
de s’obliger d’aimer par
Contrat. Lecceurquiveuc
cftre toujours libredans fon
choix, &qui fe plaift quelquefois
à choifir fouvent,
n’a pas de legeres contraintes
à fouffrir, quand le devoir
luy rend l amour ne-
C. • •
11J
f
■
50 LE MERCURE ceïTaire. Il faut fe faire de grands efforts pour fe foû- mettre de bonne grâce à là tyrannie, & c’efl une violence dont je doute quece- luyquia fait les Vers que je vous envoyé s’accommo- dât aifément. Vous le convoitiez. Il a plus d’efpric qu il ne veut laitier croire qu il en a, & ce que vous allez lire vous perfuadera fans peine qu’il tourne les chofes finement. C’efttouc ce que vous fçaurez de luy. Il a tellement peur que cette petite Piece ne vous
GALANT. 31
le fafle croire trop libertin
en amour, qu’il ne me l’a
donnée qu’en me faifànc
promettre que je vous cacheroisfonnom.
RUPTUREQ
yoy qu'on ait dit jufquà
ce jour,
Le changement, Iris, n'eft pas un
fi grand crime $
Onpfife fort fouvent de l'eftime
à l'amour,
Lofons de l'amour à Veftime.
*$•
Comme il commence à nous la fer,
Pompons les noeuds fecrets de noftre
intelligence.
LE MERCURE
quoy &on nous piquer d'une fote confiance,
Qui ne fiers plus qu'a nous cm- b ara fier l
Quand te Coeur que charmait un pan chant aqreable, ^enfaitpltu fa félicité, Doit-on le croire fi coupable,
P ourle voir s"affranchir du dèqouft qui l'accable,
£n manquant de fidelité!
C efi une vertu chimérique Dont il faut reformer T erreurs . ufage en par oit tyrannique,
Et pour entretenir une amoureufe ardeur.
Il faut je-ne-fay-quoy quipique.
C eft la ce qui eau fie aux Amans
GALANT. 35
Ce que pour la Perfnne aimée
Ils ont de doux empreffemens ;
Et pour une Ami bien charmée,
; amour a a at
commencement 4* Comme il ne fait que naiftre, il eft
ardent,fiàeüe,
Et le premier éclat d'une ardeur
mutuelle
Rempliffant fes fouhaits, le comble
Mais on languit, Iris, fans cette
douce amorce
Que nous prefte la nouveautés
Et de la p a fi on le temps détruit
la force,
Sans qu’on fe fait fait mefme une
54 LE MERCURE
Lafympathie alors eft d'un foi b le
Et par un changement difficile d
comprendre,
On ceffe d'eftre heureux parce qu'on
fois fifie nfible ?
Nous les partaitez^avec moy,
Rien ne voue eftoit impoftîble
Quand vous croyie^ devoir reconnoijlre
ma
Nous avions chaque^bur cent chofes
d nous dire
Nous cofondions 'tous nos defirs i
GALANT. h
s'il fallait nous quiter, Dieux, le
cruel martyre,
Mais l’absëce four nous ceffe'd'eflre
me peine,
Je ne fuis plus refveur éloigne de
Vous écouterfiDamon , j'en conte
à Celimene >
Et comme enfin l'Amour l'un pour
l'autre notes çefne,
ETotts quiter ce fera le mieux.
commode.
De quelque bel Objet qu'on fui fie
eftre charmé,
il efibondefuivre la mode,
wfrepeu de temps que le coeur
s'accommode
Del'habitude d'efire aime.
36 LE MERCURE
A force de feins, l'Amour s'ufe, On ri yfaauroit trouver toujours le me fine appas,
Ht r Etoile au b efoin nous peut fervir d "excufte,
S'il eft encor des délicats Que cette vieille erreur a bufe, Qÿ~ ondoit âiwierjufqti au trépan
77 'affeïïons point, Iris, dl avoir l'ame héroïque , n peu de foibleffe fied bien,
C eft de tres-bonnefoyquavec voue je rri explique,
Keprenezpyoftre coeur, je reprendray le mien.
?
'-4
’ffi»
ou* avez^mille Amans, fay plus d'une Maiftreffe,
Kn commerce nouveau nousÀoit paroiftre deux,
GALANT. j7
Croyez^ moy, quelque Objet où noftre choix s'adreffe,
Nous le verrons tous deux fans en eftre jaloux.
Si noftre Amy dont vous me demandez des nouvelles ne s’eftoit pas fait une vertu d’aimer conftam- ment,il fe feroit e'pargné bien des chagrins, donten- fin il a èfté récompenfé. C’eft une nouvelle à vous apprendre. La Belle qui fembloit avoir pour luy les froideurs dont il fe plai- gnoit, n’affedoit cette fauf. fe infenfibilicé, que pour
LE MERCURE
l’engager à plus d'amour.
Cela méfait Convenir delà
Galatée de Virgile dont je
croy vous avoir parlé. Elle
fuyoit apres avoir jette une
Pomme à un Berger dont
ellefe connoiftoit aimée, &
fe laifloit voir en fuyant
pour le faire courir apr&s
elle. Cette penfée a efté
rendue fort agréablement
par ces Vers dont on ne m’a
point fait connoiftre 1’
theur.
GALANT. 59
V
IMITATION DE LA GALATEE
de Virgile
On Troupeau quelquefois*
7
Sur les bords <£un Torrent dont la
. . . y
vague irritée,
Du frein quelle s’eft fait d’une
Roche emportée,
Vient déun flot bodiffant l'affaiSir,
mais (ans fruit.
La ramene cent fois, & cent fois
ne produit
Que plus d’écume &plus de bruit.
Là refvant, l'ame trifte, & la veué
arreftèe >
jlinfi, dtfw-je un jour, ma flame
rebutée
40 LE MERCUR'
A des foins ebfltnez^ de plaire à
Quand fortant à par lents d'une
Roche écartée
Cette Belle me jette une Pomme,,
& s'enfuit
D'une courfe précipitée.
Je me détourne^ &voie
laiffe choir
Sont un Saule où bHabord fa fuite
l9 a portée.
JA a famé en peut eflre flatée,
Puie que pour me faire favoir
Que c eft elle par qui la Pomme
meft jettée,
Ja Follete en tombant veut bien
Apres vous avoir entretenue
de tant de chofes où
l’Amour a part, trouvez
bon que je vous parle un
moment de ce qui regarde
la Guerre. En vous mandant
la derniere fois la vigoureufe
Adtion de M1 de
Rofamel Lieutenant des
Gendarmes de Flandre,
j’oubliay de vous marquer
que Monfteur le Duc de
Luxembourg qui eftoit
venu camper àVefer furie
grand Efcaut entre Gand
& Dendermonde, avoit
fait partir en mefme temps
Tome 8. D
4i LE MERCURE
trois De'tachemens, l’un
lous les ordres de M' de
la Cardonniere Lieutenant
General, pour aller aux
Portes de cette derniere
Ville-, & les deux autres
fous ceux de M1 DaugDer
Brigadier de Cavalerie, &
de Mr le Marquis d’Uxel
Brigadier d’infanterie. Celuy
de M1 de la Cardonniere
n’avoic rien à exécuter.
11 eftoit fait feulement
pour couvrir les deux derniers.
M‘ le Marquis d’Uxel
alla jufqu’au Village de
>
GALANT. 45
S. Jean Stien , aux Portes
de Hulll, où il brûla quelques
lieues de Païs, & emmena
quantité de Chevaux
& deBeftiaux,les Habitans
s’eftans retirez.
Je n’ajoûteray rien à ce
Mr de Rofamel, qui fut détaché
par M1 Dauger, &
qui s’eftant fait ouvrir la
Barrière du Pont d’Anvers,
s’en rendit mai-ftre avec
une bravoure qu’on ne
fçauroic affez eftimer.
Monfieurlc Duc de Luxembourg
ne s’cftoit avan-
D ij
cé fur le Canal de Bruxelles
que pour faire quiter la
Sambre aux Ennemis -, ce
qu ils firent, dés qu’ils eurent
appris qu’il eftoit fi
proche d’eux. Leur Campagne
n’a pas eftéfortglorieufe.
Voyez-en la peinture
dans ce Sonnet.
SUR. LA CAMPAGNE
des Ennemis en Flandre.
SONNET IRREGULIER.
T Enter au mois d'Avril le
feceurs d'une Place,
Et ne pouvoir la fe courir >
T ~
Ü1
GALANT. 45
Chercher une Bataille, ardemment y courir,
Et s’y voir bien batios four prix de leur audace.
«S»
S'avifer quatre mois apres cette difgrace, pour effayer de s’aguerrir, pe former un grand Siégé,& craignant d’y périr,
Le lever auflïtoft, & fuir de bonne grâce.
paire avorter par là tous les vaftes projets
Qtfapres de longs Confeils vingt Minifires ont faits j
Pour les en confoler, conquérir deux Chaumières.
• -fr-
Ceder par tout l'avantage aux François i
4^ le mercure
C eft ainfi qu'on a veu rèüfiîr les affaires
& des fiers Efpagno[s & des b Hollandois,
On ne peut pas dire qu’ils n’ayent point réiifly dans leurs entreprifes, fi en venant a/fieger Char- leroy , ils n ont eu deftèin que de chagriner Mr de Montai , qui comme je vous ay déjà dit, euft efté . qu ils îuy-euflent
laille 1 occafion de les vifi-
ter. Voicy une Lettre de confolation que luv en a écrite une Perfonne fort
GALANT. 47
fpirituelle. Elle mérité bien
que vous la voyiez.
48 LE MERCURE
Et que vous pefiezj'ort contre vofire malheur,
De les voir décamper d'autour de vofire Place.
La perte efigrande aflurément,
Et plus grade qu'on nepeut croire, Puis qu enfin vous perdeg dans ce décampement
E occafion d'augmenter vofire gloire.
Sans examiner les motifs
Que l'on eut pour ofer un tel Siégé entreprendre,
T it-on jamais plus belle .Armée en Flandre,
Et de plus grands préparatifs ? Quelle noble Cavalerie!
Cent cinquante Efcadrons, vingt mille Pionniers,
au moins d Infanterie,
Trois •
GALANT. 49
Trois Li^es qui partout cw~ vroient tous les Quartiers,
Cet gros Can'os & vi ngt M ortiers
Tous prefts à me;ire en bâter tes Tout cela promet toit matière à vos Exploits.)
Etflatdit f^oftre Seigneurie "Que defioit tout de bon, non par
raillerie,
Ain fi que la première fois.
Tay fieu que fans pouffer trop devant les affaires,
Jlsfe tenaient fort loin, craignant les vilains tours
Qui voua fontaffe^ ordinaires,
Et ces diables de Moufquétaires
Qui fr.-pent plus fort que des . (burdsî "
Que dès le premier jour ils man- quoic î de Tari es
Que voyant déjà la E amine.
Tome 8. E
JO LE MEKCUKE
Qui d'une grande Armée efi le plus grand des mauxy
Quoy que mal à leur aife 9 ils fai- foient bonne miney
Et continuaient leurs TravauxS
Maisqu aufïtofi qu'ils aperçurent
Le brave Luxembourg marcher le long des Boi^
Les plus hardis d'entre eux fe t eurent,
Et bie plus encor^quad ilsfeurët Nos Soldats animez par l 'lUuflre Louvois.
AlorsleursGeneraux s'entf envoyât la Ploie,
( Au moins h d ce qu'on ditcar on peutbienpenfer
Que ce Secours les dut embarajfer) Hermofa dit au Prince > & vijle^ qtion fe botey
Pour moy cours occuper cette
mote
De peur que l'Ennemy ne s'y vienne
L'honneur, luy dit le Prince, apartient
a, l'EzliÇe,
Que Moniteur d’Ofnabruk entame
l 'action.
Si j'y vay, répond-il, que l'on me
débaptife,
Dois-je aller le premier à la Pro~
cejjïon l
Qherchez^deprace une autre dupe.
P endart leur conteftation
Le Vaillant Luxembourg occupe
Quelques Pofies avantageux.
Ainfi vuider le Qamp, repayer la
R iviere,
Fut le meilleur party pour eux
E ij
f
Sz LE MERCURE
0 comme en jurant ferme alors
Vous avanciez^ os Dehors
Je m'en rapoYte bien à vous,
Sans unRuiffeau quivous retarde
Ils enflent corne il faut fenty veftre
couroux.
Vn de leurs Officiers paya -pour tous
les autres,
Et de ce que de loin on fe tira de
coups,
Vn Chien, dit on,y demeura des
Noftres.
Si vous m'en demandez^ la raifon
aujourd'huy,
Les Chiens Çe font la guerre entre
toutes les Befles,
Delà Triple VnionleQerbere à
trois tefles
Décharge f fureur fur un Chien
comme luy.
GALANT. JJ
bien
De leur plut reprocher qu'ils font
payezj>our rien.
Ces Troupes qui faifoient trembler
toute la T erre,
Tout ce grand apareilde guerre,
Et vofire argent enfin ont fait mourir
un Chien,
la mémoire,
Ce Chien mérité affez^ qu'on luy
dre fie un Tombeau,
Et qu'un bel Epitaphe éternife fa
£l• l• j•
54 LE MERCURE
EPITAPHE.
CYgit le gradCitron,Chien d un gentil courage,
Qui, a un coup de Moufquet en la fleur de fon âge,
Proche de Charleroy mourut au Lit d’honneur, Aboyant avec trop d’ardeur
ApreslesAlliezlorsqu’ilsplioiët bagage.
Jamais Chien n'eut fur terre un plus glorieux Sort,
Un monde d’Ennemis s’eft arme pour fà mort.
3- avoir tué, c’eft plus qu’abatre cent murailles;
TroisPeuples aflemblez antfait ce grand effort,
Que l’on doit metere au rang des célébrés Batailles,
r
GALANT. 55
EtlesEftavs de Flandre encor par avance ont payé deux cens mille efcusd’or
Pour les fraisde fes funérailles.
&
Leur Armée en fortit quite trop bon marchéy
Et vous parufies bien fâché D'avoir faitfi peu de carnage 5 Mais quelque Perfonne foùtient Que vous le fufles davantage. Parce qu ils vous voloient , outre leur équipage,
Jfn Ba (Ion qui vous appartient. Carainfique chacun le conte,
Jl efl très -a(furé que le vaillant Montai,
Par leur évafion trop prompte, Perd un Bafonde Marefchal. y eus en eJliesQnconfolable,
•r-% • • • • .
E n ij
a
jô LE MERCURE
Vous juriez.,vous peftiez^ndiabley Et l’on vous entendait crier du mef me ton
Qfvn Aveugle en colere, & qui perd fin Bafton.
Q^e pourtant es chagrin n'ait rien qui vous tourmente,
Voui verre ^quelque jour tous vos defirs content,
Ce Bafton viendra dans fon teps,
Et vous n'y perdteg que l'attente.
BPe vous fufjit il pas que le plus grand des Rois
Tous a veu triomphtr déjà plus d'une fois,
Et que d'aucun fervice il ne perd la mémoire*.
û ilvous donne plus tard ce prix de vos Exploits,
Tous lepofederez^avecque plus de ^loirei
GALANT. 57 c’^ ce que jefouhaite, & fuis de tout’MM coeur,
■jreflré tres-humble Serviteur.
11 eft certain que M' de Montai n’a pas efté le féal qui ait veu avec chagrin la prompte Retraite de l’Ar- naée du Prince d Orange. Tous ceux qui cftoient enfermez avec luv dans Charleroy, brûloient d’envie de fe fignaler. C eft ce que nos Ennemis mefmes croiront aifément apresles marques de courage quils voyent tous les jours que donnent les Noftres en toute forte
$3 LE MERCURE de rencontres. Ils font af- fez convaincus de la juftice qu ils leur doivent rendre, par les continuels avantages que nous avons remportez fur euxj mais quoy que la valeur fcmble avoir efté de tout temps une vertu particulière auxFran- on peut dire qu’elle ® a jamais tant paru que lous le Régné de Lo vis Grand. On ne s’en étonné pas. Son exemple, * les promptes récompenses qu’il donne aux verira- bles Braves, font de puif-
GALANT. 59 fans motifs pour leur faire tout entreprendre , dans l’empreftement de fe distinguer. Comme ce Grand Prince fe plaift toujours à chercher quelques nouveaux moyens de recon- noiftre les fervices qu’on luy rend , il a augmente' fes quatre Compagnies des Gardes du Corps, d’un Lieutenant, d'un Enfeigne, & de ’quelques Gardes. Me(Tieurs de Saint Ruth, Marin, Lignery, du Mefnil, Saint Germain d’Achon, & du Repaire, ont efté faits
Lieutenans ; & Me/ïreurs
de Reneville, de Gaffion,
d’eVignau, de la Grange,
deQuiery, de Vilemon/de
Monpipaux, de Bigé, de
la Cale, & de LeïTay, font
en mefme temps devenus
Enft ignés. Mefficurs de
Serignan&deVandeüil en
auront les Brevets, le rang,
& le commandement, &
neA laifïèront pas de faire
toujours leurs fondions
d Aydes-Majors. Je ne
doutepoint, Madame, que
je ne vous fiffe un fort
grand plaifir de vous parler
GALANT.
nier j mais outre que j attens
des Mémoires de leurs
Amis pour ce qui les regarde
chacun en particulier,
j’ay tant de chofes à
vous dire dans cette Lettre,
oint
accabler de la matière, tout
ce que j’ajoûteray aujourd'huy
à cet Article , c’eft
qu’on n’entre point dans
le Corps où ils ont l’avantage
d’eftre reçeus, qu’on
ne fe foit fait remarquer
|LE MERCURE 1 occafions , & qu’il n y a point de commandement dont tous ceux qui en font Officiers ne foient eftimez ? capables. Ils ont l’honneur d eftre toujours auprès de la Perfonne du Roy, on leur en confie la garde, & vous pouvez bien juger
quun fi glorieux employ » demande des Gens dont le courage foie auffi connu que le mérité. On fe fait une fi haute félicité d avoir part à la moindre chofe ' qui touche l’incomparable Louis, qu’on prétend
galant.
Ht toutes les autres , parce
3 que la lettre L. s’attribue
Ht je grands privilèges fur
e fait déjà un peu enflée de
n ce qu’elle commençoic
!c ceux du Louvre & de Lu-
■r tece, qui comme vous fçay
vez eft l’ancien nom de
it Paris. Voyez ce qu’en dit
U cette Epigramme.
!
PREROGATIVES
de la Lettre L.
PArce que la Lettre L efl la
•première en te fie
De Lut e ce, du Louvre, & du nom
deL OÜIS,
Elle s'enfle d'orgueil, elle leve U
crefte.
Et demande à fes Soeurs des refpects
inoüis.
En vain vous prétendez^ garder
vofire arrogance,
C'eft à voua à fléchir forts mon
obeïflance,
leurdit-eUe, & j'qy droit de votes
faire la loy,
>
GALANT. 65
Car tout ce que le Monde a de plus admirable
Commençant par mon nom le rend incomparable^
nulle parmy vous ri a tant d'bon* neurs que moy.
Vous avez veu leLouvre, vous en avez admiré la magnificence, mais vous n’avez peut-eftre jamais veu une Màifon qui quoy quelle ne Ibitquelelogemenc d’un Particulier, mérité bien que je vous en parle. C eft celle de Nfc du Brouf- fin, fi entendu en toutes choies, & qui a trouvé l’art Tome 8. F
66 LE MERCURE d’y renfermer non feule- mène toutes les commodi- tezj mais les agréraens qui femblent ne devoir eftre que dans les Palais. Ce qu’on dit de la beauté de cette Maifon ayant fait naître à Moniteur quelque cu - riofité‘de la voir, ce Grand Prince luy fit l’honneur ces jours paffez d’aller chez iuy, & de ne defàpprouver pas la liberté qu’il prit de luy donner à manger. Il n’y eut rien de fi propre que ce Repas, rien de fi exquis que tout ce qu’on y
GALANT. 67 fervit, & S. Alteffe Royale s’en montra fi fatisfaite, qu’on avoua , que la réputation qu’a Mr du Brouffin de fe connoiftre fi bien à tout, ne s’eft pas répandue fans fondement. Je ne vous diray rien de fa Perfonne, ny de fa Famille. Il s’appelle Brulart, & mes dernières Lettres vous ont appris affez de chofes du fameux Chancelier de Sillery qui portoit ce mefmeNom, pour vous faire connoiftre le fang dont il eft forty. C’eft un Homme des plus
Fij
derer. Il feroit à fouhaiter
que tous ceux qui ont
comme luy quelques talens
extraordinaires, fuffent
exempts de mourir,
ou du moins qu’ils vefcuffent
auffi longtemps qu’a
fait Mr Charpentier Doyen
du Grand Conf il , qui
mourut fur la fin de l'autre
mois âgé de quatre-vingt
de Confeiller au Grand
Confeil, l’ont rendu recommandable.
Il fut envoyé
par le Roy en la Ville
de Villeneuve lez Avignon,
pour regler la Juriidiâioïi
& les Droits de Sa Majefté
avec le Vice-Legat, & il
s’acquitade cette Commiffion
avec autant de fidelité
7O LE MERCURE
& d’exaélitude, qu'il a toujours
fait paroiftre de probité
en exerçant fa Charge
avec une afiiduité exemplaire
, jufqu a fon extrême
caducité. Il eftoit de bonne
& très-ancienne Famille-,
& comme il avoit vefcu
avec beaucoup d’honneur,
Quand on dit adieu au
monde par la mort, c’eft
fans refource. Il n’en eft pas
de mefme du fpirituel Inconnu
qui prétend l’avoir
dit aux Mufes. 11 a un fi
GALANT. 7£ beau talent pour la Poëfie, qu’il fe re'foudra difficilement à tenir parole. Voyez fi j’ay raifon de le croire.
AU
Ms
L’A D I E U
X MUSES»
DISCOURS.
, cefi trop refver au bord de vos Font aines, ]?our un foible plaifir vous caufez^ mille peines >
Vous n'avez^ plus peur moy vos premières beautez^
£t je renonce aux biens que vous me promette
72. LE MERCURE
Jadis avec honneur vos charmantes retraites
Retentiffoient du bruit des transites Poètes*
Quand les Maiftres du Monde apres de grands exploits Concertaient avec eux d P ombre de vos Bois*
Et qu'un mefne Laurier cueiely fur le Parnaffe
Couronnait tout enfeynble Augufte & fan Horace <
Mais helas* dans ce Siecle un in- jufte mépris
Eft de nos triftes Vers & le fruit & le prix! ,
* que fans rien faire il ni eft permis de vivre,
Dois je mal-ù-propos fecheràfaire un L ivre*
Quand je riauray pour fruit de mes travaux ingrats
haine des Fats ?
Mai# quand de vos attraits on à
Famé ravie,
Qui vous Çuit une fait , vous fuit
toute Ça vie.
On a beau remontrer au Poète
Damon
on rientendit jamais fin bard’écrire,
On méprife fes Vers que luy feul
il admire,
A fes propres dépens il fe fait
imprimer,
à rimer,
Moy - me fine mi defois dvos ardeurs
1 ay tente vainement de vous+firc
Tome 8. G
74 LE MERCURE
Tous les jours, dés que l'Aube anonce le Soleil,
i
Apollon par ces mois interrompt mon (bmmeil.
Quitte, quitte du Lit les délices vulgaires,
Ce nef pas en dormant que fe font les Homeres,
Debout. Il nef pas jour, que faire fi matin ?
Va d’Horace & de Perfe éclaircir le Latin,
Lis & relis encore & Terence, & Virgile,
Et fur leur fiyle heureux tâche à former ton fiyle.
le ftay tous ces Auteurs. Les peut on trop favoir?
Il t'y faut appliquer du matin jusqu'au fioir,
T enfiévrer des plaijîrs où Hùge te convie,
Z
ta vie.
C'efi ainfi, doctes Soeurs , que vos
chers Nourrijfons
A leur tranquilité préfèrent vos
Chanfons.
On pourroit de vojîre Art foufrir
Id inquiétude y
Si le qain
étude ;
*
Mais entre tous les Arts qui demandent
nos Coins.
' , ' J J J^fire Art confie le plus, & profite
le moins.
Rocard qui tuê un l-pomme avec
une Ordonnance^
De fon affafiînat reçoit la récompenfe
3
Et toy qui t enrichis déun argent
fi mal du y (perdu.
Daulin^ fi day payé pour un Procès
76 LE.MERCURE
Cependant qui ne fiait la rèponfe
barbare
Que fit à l'Ariofie un Mécénat
avare.,
QuandcetAuteurComique autant
quinfini eux,
Alla luy prefinter fon Roland
Furieux l
La Gloire, direz^vous, qui vous
fuit d'ordinaire,
Doit à vos Favoris tenir lieu de
fa la ire.
un
Métier,
Où fans compter le temps, on perd
jufqtcau papier!
Cette Gloire qui dupe & le Sot
& lyHabile,
eft infertile l
£t puis lors quapres elle on cotât
en tnfenfé,
GALANT. 77
EJî-on fur de l'atteindre apres s'étire lajfé ■
Eicidas qui fe tue à grimper au Parnajfe,
Efl d’un fat de Laquais ffié de place en place >
Et combienvoyons-nous d'Auteurs infortune^
£ éternels affronts vous aveg condamnez^
Dans un Siecle où fleurit la fureté parfaite^
ilfaut de grands talensfourformer un Poète*
il faut qu' au Berceau me fine Apollon nous ait ry,
Que des meilleurs Auteurs noftre ejfyrit foit nourry,
Et que par le travail d'une longue le Hure, ( la Nature.
L'Art achevé les traits qu ébaucha \ • • •
G nj
?8 LE MERCURE Aufurdl buy'que l'on voit d’ajfe^ fameux Auteur^
Apauvrir le Libraire ,^-manquer d'Acheteurs,
Iray-]e follement pour prix de mon étude, ■
Des Livres inconnus groffîr la multitude ?
En vain votes me'flateïypitunfuccés plus heureux
DiJfperoit ma crainte, & rempli* roit mes voeux,
Et que Paris un fur âmes Oeuvres propice
Eorceroit la Province à me rendre puftite.
Quand lesfons de mon Lutprefque usé fous mes doigts,
D' 'un Cygne agonifanpfurpajfe* raient la voix,
Et que mes Chants polis par de laffantes veilles
/
GALANT. 79 Auraient d'Apollon mefme enchanté les oreilles,
Pourvois~ie m ajjurer que le tour de mes Vers
Scettt plaire également à mille ' Ecrits divers ?
Mats (îfermant lesyeux aux périls où 'expofe
La gloire ou le repos de quiconque compofe,
Je fuivois pour rimer un aveugle defir,
Quel genre de Poème oferois-je choifir ?
Faut-il s Auteur nouveau d'une Pièce tragique, paire plaindre un Héros fur un ton magnifique,
Et touchant lefuccés refveur,trifie, inquiet, (en effet?
D'un chagrin incertain m'affliger G* • • • 111J
8o LE MERCURE
Non> mon oeme au repos conflam-- ment attachée.
D'un Çentiment -pareil ne peut cdre touchée.
Dois-je en fiyle amoureux* pleurant* hors de fiaifien*
Me plaindre des rigueurs d'Iris* ou de Lifon ?
Mêlas ! les plus beaux Vers d'un coeur tendre &fidelle
Sont un foible fecaurs pour vaincre une Cruelle.
Si dans une Satire abondante en bons mots
Je berne plaifiamment une foule de Sots*
T otite la Ville en cris contre moy déchaînée
Traite mes jeux de frit de licence effrenée.
Mes Amis les plus chers no fient qu'avec terreur
GALANT- Si
J)'un torrent fi rapide arrefier U fureur,
Etfur le bruit qui court me s Parent en alarmes
A ma future mort donnent déjà des larmes.
Ces Parons ennemis de vosvieilles Chanfons
Me font à tout moment d'impor» tunes leçons.
Quite y me difient-ils , une étude inutile '
Et va faire au Palais une moiffon fertile. " * <'?■'
Ÿtîal, tu le connois, chacun parle de luy ;
Voy ce qu'ilfut ja dis , ce qu'il efi aujourd'buy.
Tu fiais le peu de bien qu'il eut pour fin partage,
Ses debtes de beaucoup pafibient fon héritage,
Sx LE MERCURE
Cependant quil'a mis au rang où tu le vois ?
C'eft le Barreau* Voila Dutilité des Loix.
IMets-toy devant les yeux un fem- hlable modeUe^
Des Vers qui te font tort débrouille ta cervelle 5
Ou fi pour f attirery le Droit manque drapas y
Quite4e^ mais du moins dors , & ne rime pat*
C eft ainfi qu'opofez^au panchant qui m'entraîne^
De mon coeur contre vous Us fou- lèvent la haine y
Il faut leur plaire enfin & faire un nouveau choix.
-AdieuiMufes^ adieu pour la dernière fois*
♦
galant. Sj
Larefolution ne tiendra pas, Madame , & je croy que vous n en elles pas moins perfuadée que je le fuis. Tant de Gens qui ne font nullement nez Poètes, s’obftinent tous les jours à fatiguer leurs Amis par de méchans Vers-, comment un Homme qui en fait de fi bons, & qui les tourne d’une maniéré fi agréable, voudroit-ilenfevelir un ta-
< * lent qui ne luy peut acquérir que de la gloire? Sivous avez eftéfatisfaite, comme 'je n’en doute pas, de cette
«4 LE MERCURE
ingénieufe Satire, vous ne
la ferez pas moins d’une
Lettre qui m’eft tombée
depuis trois jours entre les
mains. On ne me l’a donnée
que pour m’y faire lire
une Avanture de VendanGALANT.
Sj
lettre DE Mr LE ***
A de ***
SI ne fçoevois que vous
ave\de L'amour, Ù’ que
U belle Perfionne qui vous
attache ne fçauroit quiter
Paris, je ne vous pardonnerais
pas de ne point venir
goûter avec nous les plaifirs
de la Campagne, dans une
SaiJbn où il y a de longues
années que nous ri avons eu
de fi beaux jours. Il femble
a
gg LE MERCURE que le Soleil fe leve exprès pour faire fa Cour à quantité de Gens choifis de l'un & de l'autre Sexe qui fe trouvent p.refque dans tous nos Villages. Chacun rencontre ce O
qui luy eft propre, & d la H ouïe te près dont on ne s'eft pas encor avisé de fe fervir, la vie quon mene icy me paroift fi libre & fi agréable} que je m imagine voir quelquefois ce que Mr d'Vrfe nous a peint des Ber gérés de Lignon. On s'af Çemble dans les Prairies , on s'entretient au bord des B,uif
GALANT. 87
la Promenade eft pafié, les
plus grandes Villes n ’ ont
point de Divertifemens que
nous ayons fujet de regreter.
Le croirez-vous ? Le BaJ
mais le Bal en forme, Je
donne par tout aux environs s
& comme
Monde 3 on le court de Village
en Village , comme on
ait de Quartier en Quartier
à Paris dans le Carnaval.
joïtir? Les Vendanges n’ont
peut-eélre jamais efté fi belles
3 la France triomphe de
gs LE MERCURE
toutes parts j & fi le Ciel
nous fiavorifie d'un Automne
tout charmant 3 le Roy & fies
Ministres travaillent d nous
plus vilains jours de la plus
rude Saifion, par les Joins
qu’ils prennent ou de nous
procurer la Paix, ou de nous
mettre en état de ne point
fientir les incommodité^ de la
Guerre. Parmy les Bals de
nofire Canton, il y en eut un
dernièrement dont la non-
. ... / T... r(i
nousjurprit. Jefioupois che\
GALANT. 89
„M'de***. lenefçay fi vous
fes Amis, & dont la Maifon
la vient voir de tous les
cojle^. Le Iardin en eft fort
proprement entretenu. Outre
le Mufcat qui couvre un Berceau,
ily a des Efy allers qui
raportent les' plus excellens
&je croy que le petit Homme
Bruits mon puifte mang
labeauté, fi fa F’emme qui eft
un peu la MaiFlrefie, ne trou-
Tome 8. H
9o LE MERCURE voit qu'il eft plus judicieuse- d'en accommoder certaines "Femmes de la Halle qui la vifîtent de temps en temps. Apres que nous eûmes foupéy on appr efioit des Cartes pour une Partie d'H ombre, quand le Maidlre de la Maijonqut s estait approché des Fenef- tres, nous appella pour nous faire obferverplufieurs flambeaux qui paroiffoient dans la Campagne, & que nous vifmes s'avancer peu a peu vers le Village. Ils y entrèrent , Çÿ un peu apres nous entendifmes grand bruit a lu
GALANT. w
Porte, où trois Carrofies s'efitoient
arrefte^. Ils avaient
Hommes à cheval veülits en
Païjans, auffibien que les
Cochers & les Laquais. Ceux
Carrojje, avaient des Habits
pourtant de Païjans comme
les autres. C'efioient des
Violons, qui d’abord qu’ils
furent entrer dans la Court,
firent connoiftre en joùant
danfer. La Compagnie furvit.
Elle confifioit en fix Hommes
•H
ftt LE MERCURE quatre Femmes veftits en Vendangeurs & Vendangeuses. Leurs Habits eftoient de Satin & de Gage d‘argent. Les Hommes avoient de petites Hôtes argentées } les Femmes de? Paniers de mef me, & les unes & les autres des Serpetes de Vendangeurs, On ouvrit une grande Salle. Six Flambeaux porteg. par les fix Hommes qui eftoient venus a cheval, précédèrent les Violons qui furent juivis de cette galante Troupe de Vendangeurs. Les Laquais tirèrent aufîtoft des Carrojfes
f
GALANT.
éclairer la Salle ; g/
w®, & qu'ils e liaient en ap~
Cez prand nombre pour dan
à ne rien taire. Le
SMaiftre & la Maifirejfe du.
Logis furent pris d'abord. Ils
ne (caxuoient aue nenCer ds
Ils examinaient comme moy
qui pouvaient eflre les Gens
quife donnaient unfemblable
divertifemenp & il ne nous
fut pas pojfible de le deviner.
Tout ce que nousf eûmes par
mots
9
94 LE MERCURE perent, & qu ils croyaient Je dire ba-s, c est qu, il y avoit un Duc parmy eux. On leur entendit mefme àppeller un Paged l a,ir de leur dan Je & à toutes leurs maniérés, il parut que c estaient Perfon- nes de laplus haute Qualité. Le bruit des Violons attira incontinent dans cette Salle tout ce qu il y ay>oit de Gens raifonnables dans le Village. Les plus jolies Païfannes y 'vinrent. Elles estaient déjà accoutumées a fè mejler par- wy les Dames quand il fe donnait quelque Fejle. Des
GALANT. 95 Bourgeois curieuxfe mafque- reut le mieux qu ils purent* ■g/ on peut dire que ce fut un Bal régulier, puis que les Mafques en furent, €/ qu’il y avait du Monde de toute efpece. Mpres qu’on eut dansé quelque temps, ceux qui avaient amené les Violons demandèrent a entrer dans le Jardin, & dirent que puis qu’ils eftoient venus pour vendanger, ils ne prétendaient pas qu’on les ren- voyaft fans les- avoir mis en befogne. La Maiflrejfe de la Maifon trembla pour fes
96
LE MERCURE Pruits , & voulut trouver Theure indue s mais le petit Homme qui eftoit galant} s’ofrit a eftre leur Condu- fteur, & dit en riant , Que tout ce qu’il craignoit, c’ef- toit que des Vendangeufes d’un fi grand mérité ne vou- lufTent vendre chèrement leur temps, & qu’il ne fuft difficile de les payer. Le Jardin fut ouvert, toute la Troupe y entra, le Mufcat fut vendangé\ & on n épargna point les êfaliers. Les Hôtes, les Paniers, tout fit remply de ce qùily avoit de plut
GALANT. 97 plus beau Fruit, & c<n ne rien' Le Jeu parut violent, les difcours galans cejferent, le petit Homme devint froid, fi Femme encor davantage. Ils voulaient fe plaindre} & Je retenaient i on ne fait a qui on parle quand on parle à, des Gens mafques^. Ils avaient oüy les noms de T)mc gÿ de Page, & en ne voulant pas foufrir qu'on continuait la vendange , ils craignaient de neitre pas Maiitres che^ eux. Les faux Vendangeurs s empefchoient de rire autant 'Tome 8. I
I
9S LE MERCURE qu'ils powvoient , & en laif- fiient echaper quelques éclats qu'il leur eftoit impoffible de retenir. Les lntereffe^rioient du bout des dents. Le Jardinier & la Jardinière, avec les Domeftiques les plus gre ffiers , querelloient ceux qui dépoüilloient les Arbres fi hardiment,^ alloient jufqu a les accufer de vol. C'eîloit affe^ faiblement que leurs Mai&res leur ordonnaient de fe taire. Les faux, mais pourtant trop véritable s Vendangeur s, redoublèrent leurs éclats de rire à mefure qu’ils
'4
GALANT. 99 voyoïent quelque Eftalier déchargé.
Apres qu'ils eurent cüeilly tout ce qu'ils rencontrèrent de plus beau, le Mary voyant que c eftoit un mal fans re- mede, voulut faire de necef- fité vertu ; gj* afin qu on ne /’accusât pas d'avoir fôuf- fert une Galanterie de mau- vaife grâce, il les mena dans un endroit où il y avoit encor quelques Arbres a dépouiller. On luy dit que ce ferait pour une autre fois, parce que des Vendangeurs de leur importance ri eftoient pas accouftu-
Iij
7
,OO LE MERÇURE rnezji travailler fi longtemps', & tandis qriun d’entreux l'ajfura en termes fort étendu, qri il ridur oit pas lieu de fe repentir de ïhonnefiete qu'il avoit eu'è, les autres montèrent en Carrojfe, Ce- luy-cy prit congé du petit Homme, rejoignit fa Compagnie , tout difiarut en mefme temps, fe trouway V Avanture aufp bizarre qu H en fut jamais arrivé a per- fonne. Le Mary qui ffit le Rieur en enrageant, me demanda ce que je penfois des Vendangeurs 3 fa Femme lt
que nous croyions emporte^
gÿ qu'ils y av oient fût luiffer
par leurs Gens. La Mai-
1 iij
iox LE MERCURE trefle du Logis ri en fut que médiocrement confiée. Ils revoient efté cueillis hors de fcifon, Êÿ comme ils ne luy fembloient pas propres à ce quelle avoit refolu d'en faire, elle n aurait de longtemps cefe de gronder , fans une Montre de Diamans qui luy fauta aux yeux le plus a propos du monde. Elle eftoit far cette mefme Table, avec de riches Tablettes que nous ouvrîmes, & oh nous trouvâmes ces mots écrits. D’aC- fezilluftres Vendangeufes, qu’on ne dédaigne pas quel-
7
i GALANT. ioj
J quefois de recevoir à la J Cour, ayant eu envie de vos 1 Mufcats, ont crû qu’elles 1 * pou voient fe donner le plai- ( fîr d’exercer voftre patien-
■ ce en les vendangeant.
1 N’en murmurez pas. Il y a { peut-eftre des Gens du plus > haut rang qui fouhaite- 1 roient qu’elles ne les mif- fentpas à de plus fâcheufes 1 épreuves. Quelque rude < que vous ait pu eïtre celle-
•
cy, elles vous prient de ne
•
l’oublier jamais j & afin de t vous y engager, elles vous
laiïTcnt cette Montre qui 1» • • • mj
io4 MERCURE vous Rüj fouvenir d’elles toutes les fois que vous y regarderez à l'heure qu’el- les ont fait le dégaft de vos plus beaux Fruits. Le petit Homme trouva les Vendan- geufesfort honncfies^ cette Galanterie plût fi fort d fit Femme,qu ellefouhaita quon retinfl le lendemain vendanger aux mefines conditions ce qui leur eftoit demeuré de Fruits.
- %
fie ne vous parleray point, mon Cher, de tous les autres Bals qui fe font donner dans le voïfinage. fie vous mar-‘
7
GALANT. 105 que feulement celuy-cy d cAufe de l'Avanture. Elle réjoùira fans doute l aima- yiePerfonne qui vous empef- che de nous venir voir. Tache*^ d l’en divertir , Çÿ fi vous jugez quelle mérité une place dans le Mercure Galant, faites U conter d l Au- theur, afin qu il luy donne les embelli femens dont elle a be- fin. Cependant envoyez? moy fix Exemplaires du Volume du dernier Mois, on me le demande par tout ou je vay, & ce n eft pas eflre galant que de le refufer aux
*
a
106 LE MERCURE Belles. C'eft par le ^Mercure qnon apprend toutes les Nouvelles agréables s & fi
Miton a cru le pouvoir nommer la Confolation des Provinces, on peut adjoûtet f^l eft le Plaifir des Compagnies à qui les Vendanges font quiter Paris. perfonne qui ne s en fiijfie. un fort grand defia, lellure. Tout le monde en eft avide, & pen- dant que les Hommes s'atta- chent aux Articles ferieux, les Dames rient des Hifto- riettes, & s emprefient â c ercher le fens des Enigmes. Ce 7. d Octobre 1677A
GALANT. 107
Voyez, Madame, fi je
ne
vouloir rien changer à la
Lettre qui vous apprend
J’Avanture des Vendande
Billets fur celle du Trictrac
3 depuis que j’ay commencé
à vous écrire. Les
uns y ont fait venir un fens
forcé je ne fçay comment-,
les autres m’ont demandé
fi cen’eftoitpointunplaifir
que je me donnois fans avoir
deffein de rien éclair108
LE MERCURE
cir, & voicy ce que m’écrivent
prefentement des Dames
qui me feront l’honneur
de fe nommer quand il
leur plaira. La Sufcription
eft obligeante, ne l’attribuez
pas à ma vanité.
POUR
LE GALANT AUTHEUR
DU
MERCURE GALANT.
IL’ faut avoir autant d’efprit
que wous en awe^
Monjîeur} pour tourner let
GALANT. 109 pMigmes aufli bien que vous avez, frit celle que nous a- cvons veue dans vofire Lettre du Mois pafié. Quoy que tout y [oit jufiè, il faut l'a- «vouer de bonne foy, nous a- vons refvé inutilement pour en découvrir le fens, & apres nous efire adrefiées à plu- fieurs Perfonnes fort spirituelles qui ny ont pas mieux reuffy que nous, nous avons enfin trouvé un jeune Architecte , qui a deviné que vos Vers nous désignaient le Triétrac. Cette marque de fon efirit mérité bien, Mon-
110
LE MERCURE fieur 3 que mous en ‘veuillie^ rendre témoignage dans <vof tre première Lettre. Iln'efl pas d'ailleurs indigne d'y a- voir place. Il s'appelle M Dury de Chantdoré, &cejl particulièrement fous ce der- nicrnom qu'on parle de luy. Il efl iArchiteéte des Bafîi- mens duBoy, fort connu}quoy que peu avancé en âge, mais d'un grand mérité, & déjà tres-confmmé dam les Ma- tématiques, dont l'étude fait une de fes principales occupations. Il entend parfaitement ï Architecture 3 & fes
GALANT. lu Avi* font recherche^ dans les deffeins les plus importuns. S'il va cbe^ vous comme il le doit faire , pour fça. voir de vous -mefme s'il a heu- retfement deviné 3 ne luy dites point3 s'il vous plaiflt que vous aye\ reçeu cette Lettre. Il fera plus agréablementJurpris de fe trouver dans la voLlre 3 quand il ne s'attendra point a la grâce que nous vous demandons pour luy. Nous l'efyerons de
d
i
i'
%
iJ
4
k
«I
vofire bonne fteté, & ne fouit- h ait on s d eslre promptement (ii de retour de U Campagne^
m LE MERCURE
que pour 'vous aller ajfurer
de bouche que nous fommes
<vos très-humble s Servantes.
On me fait bien de l’honneur,
Madame s comme
vous le voyez par le comm*
encement dew c* e Billet, &
cela, grâce à un Inconnu
qui ne s ert point encor
• voulu déclarer Autlieurde
l’Enigme, car je me
I
n’eft pas de moy, & de
fens * b * J ' obligé de vous dire qu elle
n’eft pas de moy, & de refit'
fer une gloire qui ne m eft
qu’apres
lafmcerité de cet aveu,
point deue. Je croy
GALANT. iij vous ne douterez pas que je n’aye toujours beaucoup dejoye à rendre juftice aux Gens d’efpr-it, & que je ne me faffe un fort grand plai- firdeles nommer quand je fes connoy. J'ay enfin découvertque celuy qui a fait le Panégyrique des Alliez que vous avez tant eftime, s'appelait M1 dcMafteville. Il eft de Normandie, & voicy un Sonner de (à façon qui ne vous paroiftra pas indigne de ce que vous avez déjà veu de luy. Il a efté fait pour un Philofo- Tome 8. I<
H4 le mercure
phe qui n’a fçeu fi bien raifonner,
qu’il n ait fenty que
l’Amour eftoit plus puiflanc
que laRaifon.
LE PHILOSOPHE
Amant.
S O N N E T.
POurquoy fais-je rongé de cette
inquiétude 1
D'où vient qu'elle m accable & me
fuit en tous lieux ?
D'où vient cette langueur qui fàrcift
dans mes yeux ?
Et pourquoy me voit- on chercher
la Solitude ?
GALANT. ii5
4»,
le me fens dégpuftè des leux & de
l’Etude,
le mèprife tfije hay ce que 'jaimais
le mieux.
pour un rien quelquefois je deviens
furieuxy
Enfin tout meparoit infuportable
•& {&rude.
Qui caufe, jufte Ciel, un fi grand
cha r.gement ?
Ce déplorable état viendroit-il du
moment
Où malgré ma raifon j'allay voir
lfabelle ?
le ne fçay^ mais hélas! d mon cruel
tourment
l'ay beau chercherpar tout quelque
foulagement,
le ne puis l'adoucir qu'envoyant
cette Belle,
h6 LE MERCURE
Encor un Sonnet, Madame. 11 m’a elle' envoyé de Poitou, & vous n’avez jamais rienvcude plus fin- gulier. 11 roule fur deux feules rimes, & vous ne le trouverez vos bons
Dévots.
pas favorable à Amis les faux
<K v.
L’HYPOCRITE,
* >
Sonnet.
LE Biqot en ce temps ^pour bieft faire fon compte
Compte jufqu'à fes pat y & me fart le temps 5
GALANT. 117
Mais à le voir longtemps on rien
fait point de conte,
Et l'on compte pour rien tout l’em-
Ce riefi pas pour ce temps, notes
dit-il, que je compte,
contretemps 5
JAais le temps à venir efi le foui
que je compte*
Et vivant bien* je fais mon compte
nous compte*
Je Copte un Chapelet à toute heure*
en toute temps* .
Et nul temps ne m en peut faire
oublier le compte.
n§ LE MERCURE
® J ; *
Hypocrite, tu pers &ton compte
& ton temps i
Dieu connaît qu en tout temps tu ne vas quà ton compte,
£t que c eft pour tromper que tu comptes le temps.
Vous avez veu des Bouts-
r T
rimez. On les borne ordinairement aux quatorze Vers d’un Sonnet. En voicy de plus étendus, ils font fur tous ceux du charmant Idylle que Madame Deshoulieres nous a donné contre la R aifon. Vous les trouverez dans un fens tout oppofé. Je n’en con-
GALANT. 119
nois point l’Autheur. On
m’a feulement affuré qu’ils
avoient eflé faits par un
Homme de qualité de
Lyon» & vous ferez aifement
perfuadée en les lifant,
qu’il n’a pas moins
d’efprit que de naiffance.
. *a • « * .f * ' t *
VERS IRREGULIERS
fur les mefmes Rimes de
l’idylle des Moutons.
HEla/, petits Moutons, que
. vousferiefoeurcux*
Si faisant dans nos Champs^fans
fouets fans alarme s y •
B
1-0 LE MERCURE
Auffitofi aimez qu amoureux,
Sds quilvous en coupe deslarmes,
TAofhe coeur reffentoit la pointe des
Et fi des mouvemens que donne la
Nature
Ajfai fbnnant les maux avecque
les plaifirs,
T^ous pouviez^pénetrer cette beu*
reufe impoflure
Qui fait de ce mélange un grand
bien parmy nous,
Et ne fe trouve point chczyvousl
il vous faudroit un peu de raifort
pour partage,
T^ous en feriezfifdns-doute un trèsutile
ai/ao-e.
Inno cens Animaux, vous en ç
Et vous nous enviez, cet heureux
avantage s
GALANT. ni fivous m'en croyez^n en faites point de brait,
Ce mal pour vous efifans remede* Toutvous tropeff toutvousféduie Quâd, vous appellera vofire a de L
’aveugle infltnSlquivous cédait. La Nature pour vous fevere Nevous copiât prefque pour rien* Nous abandonne à vofire Chient Pour vous garder de la colere Des Loups cruels & raviffans* Et pour toute raifon vous dorme une chimère
Qfii fuit l appétit de vos fens. Si vousflpavteZ'Ce quevous faites Dans cette indigne oifivetéy Si vous favie^ce que vous efies ■ Dans cette tri fie obfcunté, Vous maudiriez^ cent fois cette tranquillité y
Et les defauts delà naiffance
Tome$. l
7
111 LE MERCURE
' Quf vous a refafé P offrit & la
beauté,
Et ne feriez^ pas vanité
Devoftre funefte indolence.
criminels,
Vous n'avezjwnt de remords qui
vous ronfe,
Vous per demies biens éternels,
Et paffezfcy comme un Songe.
Tout eft dans ce vafte Vnivers
De fon deftin elle décide
Selon fes jugemcns divers.
A P Homme elle adonné l'efpril
Pour éviter du Sort le caprice &'
les coups >
Et vous, petits Moutons, quivivet^
... fans fctence,
GALANT, ix j
T)'une informe raifony vous ave*
l'apparence,
El ai s vous efles fournis a noftre
dépendance,
Et vous nevive^quepour nous.
Ces Vers ont paru fort
nets & fort allez à tous ceux
qui les ont veus, & c’eft
une louange où la flaterie
n’a point de part. Elle en
a beaucoup à celles qui
fe donnent ordinairement
auxGrands. Les diférentes
maniérés dont ils peuvent
faire du bien, font caufe
qu’on les encenfede toutes
Lij
n4 LE MERCURE
prétentions pour trouver
matière de loücr; & pour
venir à fon but, il eft des
vertus generales qui sac.
commodent fans peine à
toute forte de fujets. A dire
vrav, ces éloges vagues qui
ne marquent rien de pofitif,
devroient eftre un peu
fufpeéts à ceux qui fe font
honneur de les recevoir;
mais lors qu’en louant des
chofes de fait, on s’attache
plus à rendre juftice à l’honnefte
Homme, qu’à fe foumettre
fervilement à la faveur,
il n’y a point d’envie
GALANT. ny
a (fez noire pour ofer blâmer
ce qui fe dit à l’avantage
de ceux qui pouvant
donner à leurs plaifirs les
heures ouïes foins de l’Etat
leur permettent de fe relâcher,
prennent une conduite
toute oppofée, & ne
fe fervent du pouvoir qu’ils
ont de faire tout ce qui leur
plaift, que pour fe rendre
encor plus dignes de l’élévation
où le véritable merite
les a mis. C’eft par là
qu’on a beau donner des
louanges à Moniteur Colbert,,
elles ne feront jamais
12.6 LE MERCURE éclater qu’imparfaitement les raresqualicez quilesluy attirent. Tout le monde içait que les grandes Affaires l’occupent jour & nuit j & fon délaffement eftant dans 1’Etude , on peut dire qu’il fait fon olai- fir, de ce qui fcroit le travail des autres. 11 aime tellement les Gens de Lettres, qu’il ne fe dérobe auxfoucis de fon Miniftere, que pour s’entretenir avec eux. Jugez par là, Madame, fi ce n’eft pas à fon Efprit, plu- toft qu’à la coniidératio11
GALANT. 12.7 Je fon Rang, qu’il doit la Place que Meilleurs de P Académie Françoife le prièrent il y a quelques années de vouloir accepter dans leur Corps. 11 a pour eux une eflime fi particulière, que leur en voulant donner d’autres marques que celles qu’ils en reçoivent lors qu’il peut aliifter à leurs Séances, il leur fit dernièrement l’honneur à tous de les régaler dans fa belle Maifon de Sceaux. 11 les avoit conviez le jour précèdent par un Billet L. • • • mj
118 LE MERCURE qu’ils trouvèrent chacun chez eux. Monfieur l’Ar- chevefque de Paris, qui confidere infiniment cette Illuftre Compagnie dont il cil, ne manqua pas à s’y rendre, & il faudroit amaf- fer bien du monde polir fournir autant d’Efprit qu’il s’en trouva en peu de temps chez l’Illuftre Mjniflre qui les attendoir. Mr l’Abbé Régnier luy prefenra en arrivanr,un tres-beau Livre qu’il a compofé de laPerfe- dion du Chreflien. On fe mit arable. Il y en eut deux
>
GALANT. 119 fervies en mefme temps, & le Repas fut digne de celuy qui le donnoit. Il fe dit mille chofes agréables pendant le Difner, qui ne finit que pour mettre ces Meffieurs dans une liberté plus entière de faire pa- roiftre qu’ils n’eftoient qu’Efpriv. Au fortir de table, toute la Compagnie fut dans une autre Salle, ou il fe fit une agréable Con- verfation.
lût un fort beau Sonnet qu’il avoit fait en venant à Sceaux, & Monfieur Col-
M1 Quinaut y
i3O LE MERCURE bert demanda à M l’Abbé Furetiere s’il n’avoit rien fait de nouveau. 11 (e trouva qu il avoir fur luy quelques Vers fur les derniers Exploitsdu Roy. C’eft un Fragment d’une Defcrip- tion de l’Arc de Triomphe, dans laquelle il parle des plus remarquables Adions que ce Prince a faites pendant la Paix & depuis la Guerre, fuivant qu’elles pouront eftre placées dans les Quadres de ce magnifique Edifice. Cetllluftre Abbé ayant efté invité de
GALANT. 151
les lire , il commença de
la forte.
LA PRISE
DE VALENCIENNES.
Ans un autre Quadre efi
trace
Le Sieze de Valenciennes
Çd efi à ce coup que fi effacé
Tout le miraculeux de l'Hifioire
ny Burin,
D 'unpb^ digne Sujet, le Marbre
ny B Airins
L'impétueux Vainqueur hait ces
longueurs énormes
Qffont fous les autres Chefs les
fit LE MERCURE
Z/ veut me fine la Querre eflre nu deffas des Loix,
Qlu à de- Héros futurs il ferve de M o de lie
Ft pour varier fes Exploits, Jl invente un fl/faut dune façon nouvelle.
On voit emor debout- les Tours & les Remparts S
Tes Rave lin s, les Forts fles Digues font entier es 5
P tir des F offe ^profonds, des Cd* vaux, des Rivières,
Les Chemins font encor couper^de toutes parts S
£t cependant po&r prendre une Ville imprenable.
Pn Guichet à peine s" ouvrant F fl une Brèche raisonnable Qui faffit à- ce Conquérants La trahifon, ny la furprife,
GALANT, r«
Lïy les troubles de la Nature,
La faveur d'un ora^you /une nuit
obfcure,
Toutfepaffe aux y eux duSoleils
Mai* le furprenant & le plus
héroïque,
C'ejî tqu on y voit entrer Loüis
en pacifiques
E t la Victoire à fes cofez^
Avec éclat a beau paroiflre
a___-rw _ - . . Z > , ...............
A peine pas-un aeux la peut-il
reconnoiftre,
Elle efl trop dépuifee, & n’a point
dans les yeux
La râpe & la fureur quelle porte
en tous lieux j
ne traîne point (on fine.
>
r4.
134 LE MERCURE
Le calme &la douceur qui régné fur fonfront,
Lnterdifent le feu, le meurtre, le pillée,
Etfauvant la Pudeur du plus cruel affront,
Jls font furpris devoir en leur fier si dvcrfaire,
Que le Ciel leur envoyé un Ange tutelaire,
Qui leur donne un Secours plus prompt & plus certain
Que.ceux quils attendoient de Mens & de Louvain.
Z
LE SIEGE
DE CAMBRA Y.
P Lus haut on voit Cambray,
Ville dont le renom
Sembloit braver l "effort du per & du Canon.
GALANT. 135
Citadelle,
Qu une S émir amis nouvelle
Qn croit en admirant [a forte
hauts,
pour la mettre au deffets des plus
ardans Affauts.
En vain par des Foffe^ quifemblent
des dallées,
Sont de ces Corps puiffans les forces
raffemblées
C'efî affes^que Loiiis fit campé
devant eux,
chute commune,
Et le Ciel fit fans-doute une Place
des deux,
pour luy faire obtenir deux Vi-
Gloires en une.
En vain les Aquillons pour nuire
d fes travaux
I
i3ê LE MERCURE
halaines,
£t l'Hy ver fur un Trône enricby
de Cri [taux
Y penfe encor jouir de l'Empire
des Plaines ;
27oflre infatigable Loüis,
Yluihcur de Câpemens jufqu alors
inoüis,
Renverfe tous les privilèges
Des Kents & des Broüillars, de U
Pluye & des Neiges 5
fes Leçons,
Vont à l'./([faut couverts de feux
& de glaçons.
Et malgré les Primats, les Neigf
&les Glaces,
Ils domtent les Saifons aufî-biffl
GALANT. V7
S. O M E R,
ET LA
bataille de cassel.
D’ Autre-part Saint Orner au
milieu de fes Eaux,
Des plus nombreux Guerriers ne
craint point les approches,
Ses PaUiffadesde Rofeaux
La défendent bien mieux que les
plus dures Roches.
£«fl- on jamais penfè qu'au centre
d’un Marais,
Où le terrain h'efl point folide,
Où l’eau me/me n’ efl pas liquide,
Onpuflla ferrer d’a fez, près ?
Et cependant P hilippe en obtient
la Vici aire,
Philippe, que Louis affocieà
Ci foire,
Tome 8. M
j38 le mercure
Qui partage fon Sang , fécondé fa Valeur,
Qui d’un double Laurier la Tefle Couronnée
Par une Vide prife avec tant de chaleur,
Et pour une Bataille d mefme temps
' gagnée,
Montre à tout l'Vnivers combien de grands [accès
Doit attendre LoiiiS de ces heureux efiais -,
Des Montagnes de Morts fiir des plaines fanglantes
Paroi fient en lointain encor toutes fumantes,
Véritables témoins des généreux Exploits
Qfil fit près de Caflel contre un Prince Elollandois
jArdant d fecourir l ’agon ifante Pilley
GALANT.
Çff luy-mefine efi contraint de chercher un argile
£n ce point malheureux quil eufl pu la fauver,
S'il eu(î auffî bien fçeu dans fa bouillante audace
ld Art de faire le ver le Siégé d'un e place,
Qtfil fait parfaitement celuy de le lever.
*
Apres lale&uredeccsVers l’on pafla de la Salle où l’on eftoit dans un lieu apellé le Cabinet de l'Aurore, Ce fut là queM'Quinaut recita cinq oufix cens Vers furies Pein- tures de cette charmante Maifon. M'i’Abbé Talle-
M ij
î4o LE MERCURE
mant le jeune en loua les
Eaux par unPoëme dont il
fit part à l’AfTemblée. Il eft
fort àlagloiredeM leJongleur,
qui a trouvé le fecrec
d'en faire venir où il n’y en
a point, & ou il n’y a pas
mefme d’apparence qu’il y
ait moyen de les conduire.
M’ Perraut Intendant des
Baftimens, parla le dernier.
Il ne dit que peu de Stances,
mais qui réveillèrent
les attentions. Lesfréquens
applaudiffemens qu’elles
reçeurenr, font une preuve
inconttftable de leur beauGALANT.
i4I
té II n’y a point lieu d’en
eftre furpr* is. NT Perraut eft
debongouft,qui ne donne?
jamais dans le faux brillant.
Il écrit, & fçait comme on
doit écrire. Il poflede toutes
les belles Connoiflances,
& fes Ouvrages ont
toujours eu un fort grand
fuccés. Il feroitîàfouhaiter
que nous en eu fiions da-
- te te «te te te — I
de travailler. Au fortir du
Cabinet, on alla voir le»
Appartenons, & on fe proa
142, LE MERCURE
mena en fuite de tous cotez
dans le Jardin. Ces
Meffieurs eurent par tout
fujet d’admirer-, mais quelques
beautez qu’ils découvrirent,
rien ne leur parut
fi digne de leurs éloges,
que celuy qui les avoir
reçeus fi obligeamment.
Avoiiez-le, Madame. Pour
aimer ainfi les Gens defprit,
il faut eftre parfaitement
honnefte Homæe.
11 faut fe détacher de h
grandeur & du bien, pour
fe regarder en Philofophe,
& chercher la véritable fo/
GALANT. i4î limité dans les Sciences. Il eft certain qu’on ne peut les aimer davantage que - fait Monfieur Colbert. Il ne fe contente pas d’eftre de l’Académie Françoife, il y a un nombre de ces Meilleurs qui compofe une autre petite Académie qui s’aïTemble toutes les Semaines fous fon Nom. C’eft avec eux qu’il s’entretient fort fouvent fur les plus hautes matières. On a veu de tout temps la plupart de ceux qui ont fait une figure confîdérable
4
Ï44 LE mercure dans le monde, avoir de grandes Biblioteques, & donner mefme des Pensons à plufieurs Perionnes d’efprit, mais c’eftoient d’ignorans Ambitieux qui ne faifoienc l’un & l’autre
que par oftentation, & qui fe mettoient peu en peine de voir les Livres & les Sça- vans. Moniteur Colbert
n’en nfe pas de cette forte. Il ne dédaigne point de fe familiarifer avec les Gens de Lettres, de s’abaiflerjuf- qu’à ceux qui font fort éloignez de fon Rang, & de fe dépouiller
*
dépouiller de la Grandeur
qui l’environne, pour fe
façon
leur égal. Comme il a toutes
les lumières qui peuvent
luy en faire aimer l’entretien,
doit-on s’étonner fi
fe rendant le Pere & le Protecteur
des Sciences & des
beaux Arts, il fécondé fi
bien le Roy qui les fait
fleurir, & qui n'a pas mérité
le Nom de Lovis le
Grand par (à feule valeur,
mais encor par routes
les avions de -fa vie? Mc
Boyer donna en fortant
Tome 8. N
146 LE MERCURE cet Inpromptu à Monfieur Colbert.
MADRIGAL.
ÎCy tout plaifi, icy tout efi charmant,
La Sageffe par tout, & la magnificence, t
Par tout la pompe &i'agrément, Par tout le choix &i’ abondance. Maie ni en déplaife a cesbeautez, Dont les plus curieux fe peuvent fatisfaire,
Le plaifir le plus grand dont n°uS foyons tentez^,
Efi d’avoir le bonheur de plaire aduMaïftre glorieux de cesLieu* enchantez^
Le nom de M'Boyer qui
GALANT. 147
nous adonné tant de belles
Tragédies, méfait fouvenir
que le Théâtre eft menacé
tient (&c’eft un bruit qui
fe confirme de toutes parts)
qu’un de nos plus Uluftres
Autheurs y renonce, pour
s’appliquer entièrement à
travailler à l’Hiftoire. Il
femble qu’il ne fe foit attaché
quelque temps à faire
les Portraits de quelques
Héros de l’Antiquité, que
pour effayer fon Pinceau,
& préparer fes couleurs,
i48 LE MERCURE ceux d’aujourd'huy avec une plus vive refTemblance. La gloire qu ils ont de paf- fcr déjà les Aléxandres & les Achilles, répond de L admiration qui redoublera pour eux quand le temps aura fait vieillir leurs avions. Elles font comme ces Tableaux des grands Maiftres, qui deviennent plus confidéra- bles apres que de longues années en ont confacré le nom. On met parmv les Grands Hommes quantité de Princes dont, à les re-
GALANT. i49 garder de près, on n’a fujet de parler que parce qu’ils ont vefcu avant nous. Il n’en fera pas de mefme de noflre incomparable Monarque. Comme il mérité les plus fortes louanges de fon vivant, la plus éloignée I’ofteritélc regardera comme un Modèle parfait de fatrefTe, de valeur,& de ver- O 3 > r
tu. Jamais Régné n ofrit nyde fi grandes chofes, ny en fi grand nombre. Celuy qui en va e'erire l’Hiftoire, eft capable d’en foûtenir le mérité. La matière ne
N iij
15O LE MERCURE peut eftre plus belle, ny le Conducteur plus éclaire', & on a tout lujet de n’en rien attendre que de merveilleux. Heureux ccluy qui doit y travailler avec luy & heureux en mefme temps les froids Ecrivains, les méchans Poètes, & les
ridicules, dont ce redoutable & fameux Autheur
n’aura plus le temps d’attaquer les defauts dans fes charmantes Satires!
J’apprens dans cet endroit de ma Lettre, qu’on vient de fe batre viçoureu-
GALANT. 151 fement en Allemagne, que la Maifon du Roy y a glo- rieufement foûtenu la réputation où elle eft de ne pouvoir faire que des miracles , & que Moniteur le Marefchal deCréquy a faic paroiflre dans cette occasion , comme il a déjà fait en plusieurs autres , toute la prudence d’un General confommé. Je ne ferme- ray point mon Paquet fans vous en écrire le détail; mais en attendant que j’en aye appris les particulari- tez , je ne puis m’empef- N üij
LE MERCURE cher de vous dire qu’on ne peut aftez admirer la France qui abonde tellement en Braves, que comme elle en a toujours de refte, les Moufquetaires arrivoientà Paris dans le temps me/me qu’on eftoit aux m^ins avec les plus fortes Troupes de l’Empereur. QjfeuiTéncfait les Ennemis, fi outre les Gardes du Corps & les Gensd armes qui les ont batus, ils euflent eu en tefte ces Preneurs de Villes ôcces Gagneurs de Batailles, qui font entrez par affaut dans
GALANT. 153
Valenciennes, & qui ont
tant contribué àlafameufe
Vi&oire que Son AltefTe
Royale a remportée àCaffel?
Vous vous en fouvenez,
Madame, mes Lettres
vous en ont inftruite, & je
croy que vous avez leu
avec plaifir les marques
d’intrépidité qu’ils y ont
données. Il n’y avoit autrefois
que le temps qui puft
faire de véritables Guerriers
, les premières occafions
ne fervoient en quelque
façon que d’eflay à l’adrefle
& à la valeur, & il
154. LE MERCURE eftoit rare qu’on montra# roue d’un coup ce qu’on eftoit. On prévient aujour- d’huy les années -, & la maniéré dont les Gentilshommes font élevez dans les Académies, a quelque cho- fe de fi martial, qu’on peut dire qu’ils y font leurs premières Campagnes. Du moins ils en forcent tellement aguerris, que des qu’ils paroiffent à l’Armée, tous jeunes qu’ils font, on diroit qu’ils n’ont fait toute leur vie autre chofe que de combatte. Il eft vray que
GALANT. ' 155 pexa&icude avec laquelle jvfdeBernardy leur donne fes foins, contribue beaucoup aux avantages qu’ils ,gh reçoivent. On ne luy en peut donner trop de loiianges. Il ne fe contente "pas de leur enfei- gner leurs Exercices ; il leur fait prendre dans tout ce qu’ils font un air noble, qui perfuade aifément de- leur naiffance, & c’eft ce qui luy attiré non feulement tout ce qu’il y a de grand & d’illuftre en France, mais auHj quan.-
ij6 LE MERCURE tiré de jeunes Seigneurs qui luy font envoyez des Royaumes étrangers. La maniéré d’attaquer & de défendre les Places, cd une Leçon qu'il n’oublie point à kur donner. C’eft pour cela qu’il fit bâtir il y a quelques années un Fort au bout du Palais de Luxembourg. Les Aca- dérailles s’y vont exercer tous les Samedis ; & Ie bruit de leur adrcife qui a fouvent pour témoin un grand nombre de Perfon- nes de qualité, s’eft telle-
lll
:a.
:ti
u dont il fut fécondé, eut un
I
voure qui plut fi fort à Son Altefle Royale, quelle en
GALANT. i57 jnenc répandu, que Ma. dame n’a pas dédaigné de (j(i les honorer de fa prefence. J Elle avoit choify un jour |J extraordinaire pour leur J venir voir faire l’attaque ■j du Fort. Ils s’y préparèrent J avec joye. Mr le Duc de J Valentinois, Fils de Mon- fieurle Prince de Monaco, l’attaqua avec beaucoup de vigueur ; & la maniéré
L J J je-ne-fçay quel air de brait!, le.
r5§ LE MERCURE
& luy dit obligeamment, qu elle ^viendrait admirer plus d'une fis les jeunes Guerriers qu'il asuott faits. Elle eftoit fuivie d’une partie de fa Cour ; & leur x p • bonne mine jointe a I air
relevé qui accompagna tout ce qu’ils firent, leur ayant acquis des Maiftref- fes, donna lieu à quelques Avantures galantes dont je vous cntretiendray le Mois prochain. Je tâcheray ée me trouver moy-mefnie a l’attaque de leur Fort, afin . devousenmanderquelquC
GALANT. ïj9
niefme temps les Noms de
ces Braves Fortunez, qui
fcavent de G bonne heure
conquérir des Places & gagner
des Coeurs. Il faux
choihr bien heureufemenr,
pour fe pouvoir aifurer du
dernier, car le coeur des
Belles eft quelquefois un
fure un Amant de fa ten-
■
• * r y* »- dreffe quand elle n’a que
luy à qui parler, ne s’en fouvienr
guère dans le temps
quelle voit groffir fa Cour.
iéo LE MERCURE Jugez-en par la Plainte qui a cité faite là-deflus.
REPROCHE
AMOVREVX.
LOrs que nous femmes pals, quelquefois ma foufrance Rappelle dans ton coeur ta tendreffe & ta fy
Mais apres cela j'apperçoyy Jnfidelle, que ma présence <
Fait le mefme effet que l'abfwiï Quand la foule efi auprès de toy*
Cette conduite defefpere fouvent les Bergers fidelles, & c’eft ce qui a fait dire à l’Autheur de ces premier Vers.
GALANT. i6i
RESOLUTION
D E N E PLVS AI M E R.
L faut^ il faut enfin que mon
coeur fe dégage,
puü que tant de Bergers peuvent
'prétendre au tien. -
Bon amourfaifoit tout mon bien 5
dam un ficher avant âge r
On ne foufre point de partage,
Qufidon ri a-paa tout .fin n'a rien.
Je ne doute point, Madame,
que je ne vous oblige
en vous envoyant ces Madrigaux.
Ils marquent une
veine aife'e-, & quand j’en
recevray de pareils, j’auray
foin de vous en faire part.
Tome 8. O
*
iGz LE MERCURE
Le dernier nous fait con- noiftre qu’il n’y a qu’à fe faire violence pour venir à bout de l’Amour. Il eft
certain qu’on en guérit en ceffantde voir-, mais contre h mort, point de renie de. Elle nous a enlevé depuis peu Mrde Boifvin-de-Vau- roiiy, Confeiller au Parlement. Il eftoit de la Quatrième des Enaueftcs, fort confiderédansfaChambre, plein de feu & de capacité, & aufti bon Juge qu’expe- rimenté dans les Affaires. Madame de Longueville
GALANT. 165 avoir en luy une entière confiance, &- fon zele pour cette Princefte luy avoir fait recevoir avec plaifir la propofitionde le faire Chef de fon Confeil. C’eft une perte pour le Public, poulies Amis, & pour toute fa Famille, qui eft une des plus confide'rables de Normandie.
NT le Maye.de la Cou- raudiere, Confeiller de la Cour des Aydes , eft more auffy. Il avoit de l’efprir, & eftoit très - digne de fa Charge.
O ij
164 LE mercure
Comme mes Lettresque vous avez bien voulu laif- fer devenir publiques, ont donne' cours au Mercure, je croy vous devoir rendre compte d’un commencement d’Avanture qu’il a caufé dans les premiers jours de ce Mois, lis ont efté fi beaux, que jamais on n’a veu tant de monde aux Thuilleries. Un Gentilhomme s’y promenoir feu! un foir, refvanr peut-eftre à quelque affaire de coeur, quand il apperçeut ce qui eftoit fort capable de luy
GALANT.
en faire une. C’eftoit une
jeune Perfionne d’une beauté
furprenante. Elle eftoit
avec un Homme de Robe
qu’il luy entendit nommer
fon Coufin, en la fuivant
, comme il fit
marcha. Apres
quelques tours d’Allée,elle
alla s’afteoir fur un BaUCj
d’alfez près
tant qu’elle
& le Gentilhomme impatient
defçavoir fi elle efi.
rois au(Ti fpirituelle que
belle,fe coulale plus promptement
qu’il pût derrière
une Paliftade, qui luy donna
moyen d’écouter fans
166 LE MERCURE
efcre apperçeu. Je vous l’avoue, difoit-elle quand il s’approcha, la ledure a tant de charmes pour moy, qu’on ne me fçauroit obliger plus fenfiblement, que de nie fournir dequoy lire. J’y pafle trois & quatre heures de fuite fans m’ennuyer, & les Livres font mon entretien ordinaire au de faut de la Converfàtion. Et
quels Livres, luy dit le Parent, vous divertiflent 1£ plus? Tout m’eft propre,
reprit-elle. Hifloires,Voyages, Romans, Comédies,
1
G A L A N T. 167 je lis tour-, & je vous diray pielme, auhazard depafler pour ridicule auprès de vous, qu’il m’a pris fan- taifie depuis peu de parcourir cette Pbilofophie
nouvelle qui fait tant de bruit dans le monde. Je fuis Femme, & par confé- quent curieufe. De's qu’on nie parle d’une nouveauté, je brûle d’envie de la voir; & tandis que mon Pere & ma Mere iront lolliciter
% leurProcés, je prétens bien mefatisfaire l'efpritfur toutes les agréables Bagatelles
O -
b
j62 LE MERCURE
qui s’impriment tous les
jours à Paris, car je ne croy
pas que nous retournions
en Bretagne avant le Carefme.
Je m’imagine, ma
belle Parente, luy dit le
Coufin, que vous ne manpar
le Mercure Galant. 11
n’y a point de Livre qui foit
plus en vogue, & il feroic
Honteux qu’il vous échapaft,
puis que vous faites
profeïïion de tout lire. Ef
dequoy traite ce Mercure
luy demanda-1-elle avec
précipitation ? De toute
forte |
GALANT.
forte de matières , répondit-
il. II parle de la Guerre,
& il ne fe pafle rien en
France, & particulièrement
à Paris, qui foitun peu remarquable
, dont il n’informe
le Public. L’Aufheur
ymefle ce qu’il apprend de
petites Avantures caufe'es
parl’Amour-, le tout eft diverfifié
par des Pièces galantes
de Vers & de Profe..
& ce mélange a quelque
chofe d agréable qui fait
que ceux qui approuvent
le moins fon Livre, ont roûjours
la curioftté de le voir.
Tome S. p
17O LE MERCURE Pour moy, j’en fuis fifatis- fait,que je ferois tres-fâché qu’il ne le continuait pas; ce qui divertit, l’emporte de beaucoup lùr ce qui fe- roit capable d'ennuyer; & fi j’y trouve quelque chofe à redire, c elt qu il loue avecprofufion, & qu’il s e- tend un peu trop lur les Articles de Guerre, car il perd plus de temps à décrire la prife des Villes, que le Roy n en a employé à les conquérir. Vous allez îr>în rpnnndir 1 aimable
GALA N T. iyi ce que vous entendez par ce terme de profufion. Eft-ce qu’en loiianc les Gens, l’Aurheur du Mercure ne particularife rien, & que fondant le bien qu’il en dit fur des expreflions generales, il aflure feulement qu’ils font tous.d’un mérité achevé, qu’aucune belle qualité' ne leur manque, & qu’il s’y trouve un aftemblage de vertus fi parfait, qu’il eft impolfible d’aller au delà? Voila, ce me femble, ce qui s’appel- leroit loiier avec profufion,
P ij
I7i LE MERCURE
quoy qu’en effet ce ne fuft
point du tout loiier. Je ne
de louer indiféremment
tout le monde. Il éleve plus
ou moins ceux qu’il a occafion
de nommer félon les
chofes par lefquelles ils
méritent d’eftre louez j il
cite leurs Actions, fait conont
donné lieu de fe rendre
confidérables : mais cornme
je n’ay aucun intereft
à ce qui les touche, j ain*e"
GALANT. 175 rois mieux qu’il m’apprift quelque nouvelle agréable, que de me dire ce qu’il ne m importe pointdefça- voir. C’eft à dire, mon cher
Coufin, reprit la Belle en riant, que G vous ou vos Amis vous aviez de longs Articles dans le Mercure,
vous ne trouveriez point qu’il loüaft exceffivemenr. Voila l’injuftice de beaucoup de Gens. Ils vou- droient qu’il ne fe fift rien que pour eux, & ils ne con- fidérent pas, quand on donne quelque chofe au
P iij
tant un Tout compofé de
dife'rentes parties > il faut
s’il fe peut , trouver le
moyen de contenter toutes
fortes d’Efprits. Je ne fçay
mais peut-cftre n’a-t-il
aucun Article qui ne rencontre
fes Partifans, quand
il auroit mefme quelque
chofe d’effëdiivement ennuyeux.
Les uns s’attacheront
aux Nouvelles fe'rieufès,
les autres aux Avantures
d’amour ; ceux-cy
chercheront lesVers, ceuxGALANT.
175
là quelquautre Galanterie^
& comme vous m’avez dit
cela eft rama fie, j’ay peine
à croire qu’on puft former
un defiein plus capable de
réüftir. Quant aux louanges,
vous pouvez pafier par
deflus, fi vous en foufrezy
mais mille & mille lionneftes
Gens qui font en
France, ne mferitent-ils pas
qu’on parle d ’ eux ? & le
défit de fe rendre digne
d'eftre lotie, fervanr quel-
Vertu , doit-on envier à
P iiij
t.76 le mercure tant de Braves qui bazardent tous les jours leur vie pour fervir l’Etat, une récompenfe fi légitimement deue à leurs grandes
O aétions ? La Juftice qu’a- paremment leur rend le Mercure, redouble la cu- rioGté que j’ay de le voir, & je ne crains point quels trop de Guerre m’importune. La prife de Valenciennes a coufté fi peu de temps, que je ne m’étonne pas qu’il en faille employer davantage à la décrire; mais outre que dans les
tout lû jufqu’aux plus longues defcriptions des Batailles , je fuis perfuadée que nous ne pouvons fça- voir trop exactement ce qui fe fait de nos jours. Les Relations les plus fidelles oublient toujours quelques circonftancés, & nous n’en voyons aucune qui n’ait fa nouveauté, du moins par quelque endroit particulier qui n’a point efté touché dans les autres.
La nuit s’avançoit, la Belle fe retira, & le Gentil- s -J
i7s LE MERCURE homme que fon efprir n’a- voit pas moins furpris que fâ beauté, la fit fiiivre par un Laquais. Il luy envoya dés le lendemain les fepc premiers Tomes du Mercure Galant, avec ces Vers.
LE
mercure galant, A LA BELLE INCONNUE qui a de la curiofîté pour luy.
AMy de Çttpidon, Galant dt Renommée,
Je parle également & d’Amour & d'Armée,
galant
vt viens, mars en tremblant,vous
conter en ce jour
Des Nouvelles d'amour.
$i vous me recevez^ [dnsvous mettre
en courroux,
chez, vous,
jÿen ne peut égaler le bonheur &
la îoye
la letlure,
y oui vous aivertiffez^ d lire une
Avanture ’>
i3o LE MERCURE
r
Pourquoy vous déplairoy-je en ma ftncerité?
le ne dis jamais rien contre la vérité 5
Itâais fur tout au jourd'buy, fant que l'on me renvoyé y le prêtent qüon le croye.
Cette impréveuë Galanterie embarafta un moment ia Belle. Elle vit bien que la converfationquelle avoit eue le foir precedent aux Thuilleries, eftoit caufe du Préfent qu’on luy faifoit. Il ne luy déplaifoit pas, puis qu'il fatisfaifoit 1’ impa' tience où elle eftoit de voit
GALANT. iSr îe Mercure. Je ne vous puis dire ce qu’elle penfa, ny par quel motif de curiofité ou d’intrigue elle fit la Ré- ponfe que vous allez voir, car je nay point fçeu quelle fuite a eu l’Avanture, mais il eft certain qu’elle ne re- çeut point le MeiTage en Provinciale façonniere, & qu’eftanc entrée dans fon Cabinet, elle écrivit ces deux Vers qu’elle revint donner au Porteur.
Z
Zw Nouvelles d'amour de celuy qui t'envoyé
Ne me déplairont par^ je prètens ; qu'il le croye.
Si j’apprens à quoy auront
abouty ces premières
dilpofitions à faire une agreable
connoiffance, je
vous le feray fçavoir. Cependant,
Madame, vous
voyez qu’on me fait un
crime des loüanges que je
ne croy jamais donner que
fort juftement; & comme
dans voftre Campagne il
fe peut trouver des Cenvous
prie de vouloir prendre
mon parry contre eUJf,
& d’aioûrer aux raifons de
i’aimable Perfonne qui â
GALANT. ' défendu le Mercure fans#' l’avoir veu, qu’il ne faut pas s’étonner fi la France qui eft fi peuplée, fournir rous les Mois quinze ou vingt Sujets loüables, fur tour dans un temps où par la force de fes Armes elle triomphe de la plus grande partie de l’Europe liguée contre elle; que fi la Cour & la moitié de Pans con- noît ceux dont je vous marque les Aâions & les Familles, il y aune infinité de Perfonnes dans les Provinces qui n’en ont jamais
1S4 LE mercure
tconnu que le Nom, & qui
mefçaventbon gré du foin
que je prens de leur apprendre
ce qu’ils auroient
peut-eftre toujours ignoré.
Je fçay qu’il en eft qui condamnent
toutes les louanges
qui ne les re
pas » mais ce n’eft pas un
îentiment qui foit généralement
luivy; & pour en
eftre perfùadée , voyez je
vous prie, ce commencement
d’une Lettre qui ma
efté écrite de Saint Maixent
par un Inconnu. Elle eft
de celuy qui a fait le SonGALANT.
185 pet contre lHypocrire,que je vous ay die qui m’avoic efte envoyé' de Poitou.
Je fais ma
demeure dans une Province où l’on faait rarement des nouvelles du grand monde, & il y a longtemps que je vis dans une cf- pece de fblitude, mais je riay pu m émpejeher de faavoir qu'il y avoitun Mercure Galant. J'ay bien voulu le lire5 & je ne me repens point de l’avoir lu. J’ay toujours aimé la maniéré aisée Jÿ naturelle dont il efi écrit, Cÿ
TomeS. Q_
'?
fuit bien aife, Monfieur^de
vous voir dire du bien des
Gens dont vous parlez^ contre
l’ordinaire de ceux qui
Ce Pont imprimer. Cette h on-
Je fuprime le refie, parce
qu’il eft trop à mon avantage
j mais enfin, Madame,
vous voyez par là que tout
pas de ce que je rens j
y a de plus honnePtes Gens
dans les Provinces 3 fe &*■
GALANT. 187 0n plaifir d’apprendre les Nouvelles du Mercure, je dois eftre farisfait du foin qu’on prend del’y envoyer. Une belle Dame à qui un Homme de qualité & d’un grand mérite a donné le nom de PrinceiTe, en fait tous les Mois un de fes divertiffemens dans une Maifon de Campagne où elle s’eft retirée. 11 cft régulier a luy en faire tenir tous les Volumes à melure qu’ils paroiffent ; & comme il a efté un des Hommes de France le mieux fait, & que
I*
fa bonne mine rend encor témoignage de ce qu’il eftoit dans fa jeuneffe , l’habitude qu’il a prife à eftre galant ne s’eft pu perdre, vous l’allez voir par ce Quatrain qu’il écrivit dans là première page du dernier Tome qu’il luy envoya.
Princeffe^ du Galant Mer cure gus pouvez^prendre la leïlurer le ne fer ois pas malheureux, S’ilparloit un jour de nousdeu^
f
Ces quatre Vers d’un Homme confidérable, qui ne fe pique point d’en faire, ont
f '
V
GALANT. 189 je- ne - fçay-quoy d’aifé & de fin qui vaut mieux que de longues Pièces où la Nature n’a point de part. Le mérité en a eu beaucoup au choix que le Roy a fait de Monfieur de Faucon de Ris, Maiftre des Requeftes, pour l’intendance du Bourbonnois à laquelle il a efté nommé. Il eft tres-entendu dans les Affaires, & l’on ne douta point qu’on ne le deftinaft aux grands Emplois, quand le Roy diférant à faire un Garde des Sceaux apres la
I9o LE MERCURE mort de Mr le Chancelier, il fut un des Six que Sa Majefté voulut qui afiîftaf- fent au Sceau. Sa capacité eft accompagnée d’une probité fort reconnue, & il y joint une honnefteté qui ne peut eftre a fiez ef- timée. Je ne vous dis rien
de fon Efprit, il l’a tres- éclairé & très-agréable, mais on n’en doit pas eftre furpris, puisqu’il fort d’une Famille qui eft tout Efprit. M' de Charleval, & M- 1 Abbé de Mareiiil, fes On* clés, qui en ont infiniment,
GALANT. i9< font affez connus pour juf- tifier ce que je dis. Il eft pils de feu M1 de Ris , qui eft mort Premier Prefident du Parlement de Normandie, & dont l’Oncle & le pere avoient poftedé avant luy cette grande Charge avec autant de gloire qu’il a fait. Cette gloire dont nos Defcendans héritent, eft la plus forte confolation qui puilfe les foulagerdans de grandes pertes. Celle de Madame de ^ontau- glan a efté fort fenfible à fes Amis. Elle eft morte
ï5l LE MERCURE
depuis peu de jours, & n’a
- laiïïe qu’une Fille âgée de
fax ans, qu’on tient qui fera
un Party de plus de huit
cens mille livres. Elle efde
la Barde Confeiller en
la Cour, & de Madame de
Brion, dont le Mary eft
auffi Confeiller. FeuM'le
Comte fon Mary, vivant
Confeiller du Parlement
eftoit fils de Mr le Comte
Seigneur de Montauglan
& de Germonville,
eft
GALANT. ïç<|
efi more Confeiller de la
Grand’ Chambre, apres
s’eftre allie' dans la Maifon
de Mr Boulanger, ancienne
Famille de la Robe. Mrs le
dans la Maifon de Longueval,
tres-ancienne & confidérable
en Picardie, &
dans celle de Rupierre, qui
ne l’eft pas moins en Normandie.
Enfin,Madame, je pafiè
à un Article dont je n’aurois
pas manqué à vous entretenir
dés l’autre Mois,
fi le Roy n’euft pafle que
Tome 8. R
r94 LE MERCURE
quinze jours à Fontainebleau
3 comme on l’avoit
crû d’abord. Vous fçavez
qu’il n’en eft party que le
dernier de Septembre, & il
ne faut pas s’étonner s’il n’a
pu quiter fi toft un fi agréable
fejour. Ce fuperbe &
pourroit compofer plusieurs,
eft une Maifon vrayment
Royale. On fe perd
dans le grand nombre de
Courts, a Apartemens, de
Galeries, & de Jardins qui
s’y rencontrent de tous
& comme on y
GALANT. trouve par tour fujee d admirer, on a dequoy exercer longremps l’admiration. Ce fur dans ce magnifique Lieu, où le Chafteau feu! pourroic eftre pris pour une Ville, qu’il piûc au Roy d’aller pafTer quelques - uns des derniers beaux jours de l’Ete'. Il avoir fait de grandes Con- queftes pendant I’Hvver. Sa prudence aidée de fon Confeil,à qui nous n’avons jamais veu prendre de fauf- fes mefures, avoir diffipé les dcffcins de coure l’Eu-
R ij
196 le mercure
rope, fait lever le Siégé de
Charleroy, & oblige les
Impériaux à retourner
les bords du Rhin. Il eftoit:
bien jufte qu’ apres des
foins de cette importance,
ce grand Prince cherchai!’
à fe délalfer, & il auroit eu
peine à le faire plus agréa-1
réfolut d’y demeurer, faC
deftiné aux Plaifirs. On en
prépara de toutes les fortes,
& on ne chercha à 1 envy
qu’à paroiftre magnifîftae
dans une Cour que la
GALANT. 197
gonfleur le Prince de Marfülac
Grand-Maiftre de la
tiïfemens chaque jour, 6c
que tout le monde fongeoit
à fe mettre en état de fe
faire remarquer , fie faire
fans en rien dire au Roy,
une douzaine d’Habits extraordinaires,
outre ceux
qui avoient efté ordonnez.
mier, les voulut voir tous,
& les trouva aufli beaux
que galamment imaginez.
R iij
Le Roy en eut encor dW
très qui auroient peut-efhe
contribué quelque chofe à
la bonne mine d e l’Homme
du monde le mieux fait,
mais qui ne purent augmenter
l’admiration qu’on
a pour un Monarque qui
tire de luv-mefme tout fon
éclat. Je croy, Madame,
que vous n’attendez rien
Moniteur le Prince de Marquai
eft Fils de Monfieut
le Duc de laRochefoucaut,
une
GALANT. 199 Heufe naiffiance neluy apû infpirer que des fentimens dignes de luy. On ne peut ]a mieux foutenir qu’il a toujours fait. Il n’a point eu d’occafion de fignaler fon courage & de faire pa- roiftre fon efprir, qu’il n’ait donné d’avantageufes marques de l’un & de l’autre, & il n’y a guère de Dames qui ne l’ayeht- trouvé auffi Galant que nos Ennemis l’ont connu Brave. Jugez combien d’Avantures agréables nous fçaurions de luy, s’il eftoit suffi peu difcret R mj
100 LE MERCURE
qu’il eft favorablement reçeq
du beau Sexe. Ses Amis
ne l’employent jamais, qu’il
ne leur donne fujet de fe
louer de fes foins-, & toutes
fes belles qualitez font devenues
publiques & inconteftables
par l’eftime qu’en
fait un Roy, qui ne voyant
rien dans toute la Terre
que la naiffance puifTe mettre
audefTus de luy, trouve
tout au deflous de la pénétration
de fon efprit & de
la force de fon difcernement.
Le premier des Di*
GALANT, xoi :efté a voulu fe donner à Fontainebleau, fut celuy de la Comédie. Elle y fut jouée tous les jours alternativement avec 1 Opéra. Voicv les Pièces qu'y re- prefenta l’Hoftel de Bourgogne.
b Iphigénie, avec Crifpin Médecin.
Le Menteur.
Mariane, avec lApres- Soupédes Auberges.
L’Avare.
Pompée, avec les Ni- candres.
Mitridate.
zoz LE MERCURE
Le Miïantrope.
Horace, avec le Deuil.
Bajazet, avec les Frag- înens de Molière.
Phe'dre &Hippolyte.
Oedipe, avec les Plaideurs.
Jodelët Maiftre.
Venceflas,avec le Baron delaCraffe.
Cinna, avec l’Ombre de Molière.
L’Ecole des Femmes.
Nicomede,avec leSoupé mal-apprefté.
Parmy tant de Comédies, on n’a reprefente' que
r4
104 LE MERCURE femens qu’a reçeus Me de Saine Chriltophle, non feulement pour avoir bien chanté, mais pour eftre entrée dans la paillon tan- toit de la plus forte manière, & tantolt de la plus touchante, félon que la di- verlité du liijet le deman- doit. Le relte de la Muli- que du Roy a fait à fon ordinaire. Il elt impoflible qu’elle fafTe mal. Elle cft compofée des meilleures Voix de France, & fous un Maiftre tel que Mrde Lully, les moins habiles le devien-
GALANT, xoj
îsentenpeu de temps. Les
panfeurs qui s’y font fait
admirer, ont extraordinairement
fatisfait dans leurs
laifle pas douter, c’efi: que
les Sieurs Favier, Letang,
Faure, Magny, & cinq autres
, ont eu de grandes
gratifications, outre leurs
penfions ordinaires. De
pareils Ecoliers à qui M'
de Beauchamp a donné &
donne encor tous les jours
des Leçons, quoy qu’ils
très, font voir qu’il efi: dans
ZO6 LE MERCURE fon Art un des plus habiles Hommes du monde. Aufli a-t-il eu l’honneur de montrer autrefois à Sa Majefté. Les trois Mafcarades remplies d’Entrées crotefques qui ont paru parmy ces DivertiïTcmens, eftoient de fon invention. Elles furent ajoûtées pour nouveau Plaifir aux Reprefen- tations des dernieres Co- médiesqu’on joua; &ceux qui en furent, ayant eu la- vantagede divertir le Roy d’une maniéré aufli pla1' finie qu’agreable, rcge^i
GALANT, 107
rent beaucoup de loüanges.
M1 Philbert dans le
j<ecit d’un Suide qui veut
parler François fans le fçavoir,
fîtfort rire les plusferieux
&: par fes poftures, &
par fon langage SuiïTeFrancife'.
Les Plaifîrs n’ont pas
efté bornez à tout ce que
je viens de vous dire. Il y a
eu deux Bals où toute la
toS 'LE MERCURE ,
x un Habit de lames d’or, fur lequel il y avoit une broderie or & argent ; l’arrangement de fes Pierreries eftoit en boucles de Baudrier. Vous aurez de la peine à bien concevoir les brillans effets qu elles pro- duifent ainfi arrangées. La beauté en redouble d autant plus, que cette maniéré donne lieu de leS înefler félon les groffeurs» & quelque prix qu’ayent les chofes d’elles-mefmcs, vous fçavez que l’induft^ des Hommes ne laifTc paS
GALANT. 109
quelquefois d’y contribuer.
Outre toutes ces Pierreavoit
pour plus de quinze
cens mille livres.
La Reyne en fembloic
eftre toute couverte. Elle
en avoit d’une grofteur extraordinaire.
Sbn Habit
eftoit noir, & fon Etofe ne
fervant qu a en relever 1 eclat,
on peur dire qu’elle
e'bloüiffoir.
ce. Rien ne pouvait eftre
m eux imagine'; & ce qu’il
y avoir d’avantageux pour
luy, c’eft qu’il en effaçoit
l’éclat par la vivacité de fon
teint,& parles autres charmes
delaPerfonne.
Moniteur, qui re'üflït en
routes chofcs, & à qui la
galanterie eft naturelle, fe
met toujours d’un fl bon
air, qu il ne faut pas eftre
fur pris s’il fe fie admirer de
tout le monde. Son Habit
eftoit tout couvert de Pierreries
arrangées, comme
le font les longues Bouton-
©
A
LANT. ni
G îïieres des Cafaques à la brandebourg.
On ne peur eftre mieux qu’eftoienr Madame &; Mademoifelle. Tout brûloir en elles, tout y eftoic riche & bien entendu.
Je me fuis fervy jufqu’icy des termes de magnifique, de brillant, & d éclatant, &j’en cherche inutilement: quelqu’un qui fignifie plus que tout cela pour exprimer ce qu’eftoit Made- moifelle de Blois dans l’un & dans l’autre Bal. Jamais parure ne fit de fi grands S ij
in LE MERCURE effets. Vous n’en douterez point, quand vous fçaurez que cette jeune Princeffe, quoy qu’elle foit une des plus belles Perfonnes du monde, laiffa perdre des regards qu’attiroient de temps en temps la richeffe de fon Habillement, & l’air tout particulier dont elle eftoit mife. Ce fut un amas de Pierreries le premier jour, qui ne fe peut concevoir qu’en le voyant; & elle en eftoit fi couverte, que le bas de fa Robe en eftoit chargé tout autour. Elle
GALANT. parut en gris de lin dans le fécond Bal,& toujours avec
Vous pouvez juger que les Darnes en general n’a- voienr rien épargné pour paroiftre magnifiques. Elles eftoient toutes coife'es avec une grofle nate fort large, ou avec une corde, ayant les cheveux frifez jufqu’au milieu de la telle, quiparoifToit toute en boucles. Elles en avoient deux ou trois grandes inégales qui leur pendoient de chaque collé avec une aUtrc
extrêmement longue. Toute
la coifure eftoit accomde
Perles. Des noeuds de
toutes fortes de Pierreries
& de Perles qui tenoienc
Heu de Rubans, en garniffoient
les coftez. D’autres
y faifoient des Bouquets,
unes eftoit garny comme
le devant. Celles dont les
cheveux pouvoient s’accommoder
de la poudre,
en avoient beaucoup. P°ur
leurs Habits, comme e11
GALANT. uj Campagne elles en peuvent: porter de couleur à la Cour, elles en avoient pref- que routes de gris, qui ne laiïToient pourtant pas d’cf- tre diférens. Les uns ef- toienc d’un gris perlé , & les autres d’un gris cendré, avec de petites Broderies fines & des plus belles, ou de petits Bouquets de broderie appliquez par le Brodeur, ou brodez fur l’Etofc jnefme. Ces Habits ef- toient tous chamarrez de Pierreries fur les Echarpes ou Tailles, & elles en a-
• v<
ti6 LE MERCURE voient de gros noeuds devant. Des Attaches de Pierreries, des Chatons, & des Boutons, ornoient leurs manches de diféren- tes maniérés. Tout le devant de leurs Jupes eftoit au(Ti chamarré, Se de grof- fes Attaches de Diamans les retrouffoient en quelques endroits. Plufieurs Pierreries formoient Ie noeud de derrière, &ily avoit quelques Robes qul en eftoient chamarrées par demylez. Les manches de deflous eftoient de Poi^1
GALANT. li7 de France, tailladées en long, & relevées par le bas avec un Point de France godronné. Il y avoit des pierreries entre les go- drons , & des noeuds de
Pierreries delTous les man-
chetes. La plupart en a- voient des Bracelets tout
autour, & toutes des Co- leretes comme on en met quand on eft en Habit gris. Si ce mot de Colerete n’eft pas remis en ufage, corrigez moy je vous prie. Je traite une matière où vous devez eftre plus fça-
Tome 8. T
n8 LE MERCURE vante que je ne fuis, & je ne répons pas que ce foit le feul terme que j’aye mal appliqué. Les Dames n ont pas efté feulement ainfi parées pour les deux grands Bals, qui ont fait paroiftre avec tantd éclat la magnificence & la galanterie de la première Cour du monde ; elles fe font trouvées tous les foirs à la Comedie, ou à l’Opéra, dans le mefme ajuftement où je viens de vous les dépeindre, & j redoubla dans les jours de la Naiffance du Roy,& de
GALANT, aiç
la Reyne, qui fe rencontrèrent
le mefme Mois, fur
tout à l'égard des Pierreries.
Le nombre en eftoit presque
infinyj & comme il
n’y en avoit que de fines,
on peut juger du merveilleux
effet qu’elles firent
toutes enfemble , quand
tous ceux qui s’eftoienc
parez pour danfer furent
affemblez ; car vous remarquerez,
Madame, que
chez le Roy il n’y a perfonne
de nommé pour le
Bal, & qu’il fuffit d’eftre
d’une Qualité confidérable
■
zio LE MERCURE
pour avoir la liberté d’y
danfer. Le Roy mena la
Reyne ; Monieigneur le
Dauphin, Mademoifelle-,
Moniteur,Madame; Moniteur
le Prince de Conty,
Mademoifelle de Blois-,
Monfieur de Monmouth,
Madame la Comtefle de
Gramont ; Monfieur le
Comte d’Armagnac, Madame
la PrincefTe d’Elbeuf;
Moniteur le Comte de
Brionne, Madame la Marquife
de la Ferté-, Moniteur
de Tillader, Madame
de Soubife ; Monfieur Ie
GALANT, m Comte de Louvigny, Madame de Louvois; Monteur de Beaumont, Madame de Ventadour^ Mon- fieur le Chevalier de Chaf- tillon , Madame de S. Va- lier -, & Monfieur le Comte de Fiefque, Mademoifelle deGrancé. 11 feroit difficile defçavoirles noms de tous ceux qui furent de ces deux Bals, & le rang qu’ils eurent à danfcr. Les uns fe trouvèrent au premier, les autres au fécond,& beaucoup à tous les deux. On y vit Madame la Duché fie de
*
hz LE MERCURE Chevreufe, Mademoifelle deThiange, Mademoifelle des Adrets, & Mademoifelle de Beauvais. Ces deux dernieres font Filles d’Hon- neur de Madame. On y vit encor Monfieur le Duc de Vermandois, Monfieur le Chevalier de Lorraine, Monfieur le Chevalier de Vendofme, Monfieur le Marquis deMirepoix, Monfieur leMarquis de Rhodes, & quelques autres. Vous ferez aifément perfuadee que le Roy s’y fit difti0' guer. Son grand air, &
GALANT. zz$ grâce qui l’accompagne en toutes chofes, font des a- vantages qui ne font communs à perfonne -, & quand il ne feroic point ce qu’il eft, je vous jure, Madame, que je ne m’empefeherois point de vous dire qu’il donna fuiet de l’admirer au deïfus de tous les autres. La Colation du premier Bal futfuperbe, laFrance augmente tous les joursen magnificence, & peut-eftre ne s’eft-il jamais rien veu de pareil. Comme je fçay quevous aimez tout ce qui T* • • •
11 lj
1X4 LE mercure
marque de la grandeur,
j ay crû que vous me fçauricz
bon gre' du Plan que je
vous ay fait graver de cette
Royale Colation. Prenez la
peine de jetter les yeux deffus
Je voicy-, vous comprendrez
plus aife'ment en le regardant,
ce que j’ay à vous
en dire. Les prandsOnarrez
portoient par le bas huit
grandes Corbeilles de Fruit
cru. 11 y avoit de petits
Ronds de Confitures fe-*
ches dans les encoznures.
Qjf.'pO
O Vc/O\
GALANT, zx;
:Or quatre Corbeilles, &
£$ Encognures eftoient
emplies comme celles du
minier. Un grand Quatre
le Fruit portant deux pieds
le hauteur, faifoit le defiis.
Tous les Ronds &
Dvales marquez eftoient
le Fruit cru, & des Confiures
feches rempliïToient
ous les Quarrez qui font
e tour de la Table. Par
out où vous voyez de peits
& de grands Ronds
les Flambeaux dans les premiers,
& des Girandoles
zi6 LE MERCURE
dans les autres. La mefme
chofe des petits & des
grands Ronds qui font
blancs, (o O) Des Soucoupes
de criftal garnies de
quantité deGobelcts pleins
d’Eaux glacées, tenoient la
ace
tits que vous remarquez
dans tout le tourdelaTable,
eftoient des Porcelaines
fines en hors d’oeuvre, remplies
de toutes fortes de
Compotes. Je puis abufer
de quelques termes, par*
donnez-le moy. Une BaGALANT.
117
U Table, la tenoit comme
enfermée, &il y avoir des
3®fets audela. Je voudrais
bien fçavoir ce que voftre
imagination vous reprefente
de toutes ces chofes.
Les yeux en dévoient eftre
charmez, & je ne fçay s’ils
les pouvoient longtemps
fuporter. Peignez - vous
bien* cet éblomifant amas
de Lumières qui s’aidoient
les unes les autres, quand
celles des Flambeaux donnant
fur le criftal des Girandoles
, & celles des Girandoles
fur l’or des FlamziS
LE MERCURE elles trouvoient
beaux ,
encor à s’augmenter par ce qui rejallifloit d ceint des Caramels déjà brillans d’eux-mcfmes, &du candy des Confitures perlées. Ad- joûtez-y ce que les Fruits diverfemenc colorez, les Rubans des Corbeilles, & le Criftal des Soucoupe^ en pouvoient avoir, •& à tout cela joignez l'effet que produifoienr les Pierreries de Leurs Majeftez, & celles de quarante Dames qui eftoient à table, & qu on en voyoit toutes cou-
GALANT. iX9
vertes, ileft impoffibleque
vous ne conceviez quelque
chofe au delà de 'tout ce
qu’on a jamais veu de plus
éclatant. Les Hommes qui
s’eftoient mis tous en Juftau-
corps, ne brilloient pas
moins de leur cofté On
n’en pouvoir allez admirer
la broderie, qui paroifloic
d’autant plias, que ce n’eft
toit que lumière par roue.
Ils eftoient derrière les
Dames, & elles leur faifoient
part de tour ce qu’il
yavoit for laTable. Il fauc
rendre juftice à Mr Bigot
a
1?o LE MERCURE Controlleur ordinaire de h Maifon du Roy. 11 n’y a point d’Homme plus intelligent, ny qui fçache mieux regler ces fortes de chofes. Tout le temps qu’on a paffe à Fontainebleau, a tellement efté donné aux Plaisirs, que les jours de Medn noche, quand l’Opéra ou la Comédie finiffoit trop toft, il y avoir de petits Bals particuliers jufqu’à minuit- Vous fçavcz, Madame, que veut dire Media noebe, & que c’eft une mode qui nous eft venue d’Efpagne>
GALANT. zjS
où l’on attend à Souper en
un autre jour d’abftinence,
s’il Te rencontre dansquel-
Parmy tant de Divertifle-
Hiens,laCliaffe n’a pas efté
oubliée. Il y en a eu tour
a tour de plufieurs fortes.
Un jour apres que le Roy
fut arrivé à Fontainebleau,
il les commença par celle
duLievre avec la Meute de
commandée par Mr de Selincourt.
SaMajefté témoigna
eftre fort fatisfaite de
iji LE MERCURE
le'quipage. Le lendemain
Elle courut le Cerf avec
une Meute nouvelle qu ’Elle
avoit faite Ellc-mefme des
trois meilleures qu’on
avoit pu choifir. La Chaife
du Sanglier fuivit. Le Roy
en tua trois à coups d’Epee;
& ces diférentes Chafles
fuccederent pendant quelques
jours l’une à l’autre,
tantoft avec les Chiens de
Monfeigneur le Dauphin,
tantoft avec les Chiens de
Monfieur , & que lquefotf
avec ceux de M’iAbbé de
Sainte Croix. Enfuite Hne
GALANT. fe palfa point de jour où l’on necouruft le Cerf. Les Chiens de Sa Majefté ont eu l’avantage. Ils en ont pris quinze ; les Chiens de Moniteur, neuf-, ceux de Moniteur de Vendofme, neufj & ceux deMTAbbé de Sainte Croix, dix. Le Roy aefté tirer des Faifans, & couru une fois le Chevreuil. Il arriva un jour aux Toiles dans le temps qu’un Cerf que les Chiens de M' de Sainte Croix cou- roient fort loin de là, vint s’y mettre, comme s’il euft
Tome 8. V
4- J
À
LE MERCURE eu deflein de donner te
plaifir de fa fin à Sa Majefté. C’eftoit le plus grand qui euft efté pris à Fontainebleau. La telle en a eftc
<
I
trouvée fi belle, que le Roy l’a fait mettre dans la Galerie des Cerfs. Je vous ay trop de fois nommé M l’Abbé de Sainte Croix,
pour ne vous le faire pas connoiftre. Il eft Fils de feu M'le Premier Prefiden1
Molé, Garde des Sceaux, Frere de M'le Prefident de Champlaftreux, & Maiftre desRequeftes. On ne peut
1
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GALANT. z3î
voir un plus honnefteHomme,
ny un meilleur Amy.
Toutes fes maniérés font
fes d’un grand Seigneur.
Dans la derniere Cliafle le
Roy laifTa courre un Cerf
à fa troifiéme tefte, qui
dura prefque tout le jour.
Il y en a eu de tres-méchans
& qui ont tué bien des
Chiens. Il s’eft fait encor
une Chafle extraordinaire
à l’occafion de Monfieur
de Verneüil, qui eftant
venu au Lever du Roy, eut
ty6 LE MERCURE Chemife. Sa Majefté s’ef- tant divertie à luy parler de plufieurs chofes, tomba fur laChafle, & luy dit qu’Elle luy en vouloir donner le plaifir le lendemain. Mon- fieur de Soyecour Grand- Veneur de France, reçeut l’ordre, &fit préparer deux Cerfs au lieu d’un. La Reyne a veu une fois la C baffe en Carroffe, & Monfeigneur le Dauphin les a fait toutes avec le Roy* 11 n’y a rien de fi furprenant que l’adreïTe & la vigueur qu’a fait paroiftre ce jeune
GALANT. zj7 prince au delà de ce que fon âge luy devroit permettre. Madame s’eft fait admirer à fon ordinaire. C’eft un Charme que de la voir à cheval. Rien ne le- tonne , elle fait fon plaifir de la fatigue -, & fon Sexe ne luy permettant pas d’aller à la Guerre , elle en va voir les Images, comme je l’ay déjà marqué. Ce n’eft pas feulement par là quelle mérité d’eftre efftmée. Tous les Ouvrages d’efprit la touchent. Elle carreiTe les Autheurs,& juge mieux
i3S LE MERCURE
que perfonne de tout ce
qu’on voit de beau au
Theatre. Madame la Ducheife
de Tofcane s’eft
au fli trouvée à ces Parties-
On ne peut montrer plus
d’efprit quelle en fait paroiftre.
Elle fait tout avec
grâce, eft bonne, genéreufe,
& fidelle Amie, &
n’oublie jamais dans l’éloignement
ceux quelle honore
de fa bienveillance-
Il n’eft pas befoin de vous
u’elle eft Fille de feu
Monfieur le Duc d'Orléans,
Oncle du Roy. Mon*
I
J Heur le Prince de Conty
J pas efté un des moins ar-
GALANT.
quoy que jeune encor, na
1| tiens pour cet Exercice.
J’aurois peine à vous exprimer combien Moniteur le Duc de Monmouth y a montré de vigueur. C’eftoit quelque chofe de fi boitillant, qu’on l’en a veu quelquefois emporté jufque parmy les Rochers. 11 a beaucoup paru au Bal, & f / •
&
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J on luy a trouvé un air tout
y à fait digne de ce qu’il eft. )t. Vous pouvez croire que J Madame la DucheïTe de
i»
x4o LE MERCURE
Bouillon aimanr autant la
Chafle qu’elle fait, laiiTa
échaper peu d’occasions
d’y fuivre le Roy. Elle a
une adreffe merveilleufe
en .tout ce quelle veut faire\
& jamais on n’a mieux
tire' en volant. Vous avez
eftécharméedes agrcmens
de faPerfonne, &de la vivacité
de fon teint; mais
vous la feriez encor davanGALANT.
241 les belles connoiïfances, elle a un attachement inconcevable pour les Livres, & va julq&’à ce qui s’appelle fçavoir les chofes profondément. Mademoifeile de Grancé a efté du nombre de ces Illuftres Chafléref- fes. Elle eft belle, a de la bonté, & un El prit qui répond à fa Nailfance. Mademoifeile des Adrets a fait aulfi voir que la fatigue qui fuit ces fortes de Plai- nrs, ne l’étonne pas. Je n’ay point Iç. u le nom des autres. J’ay apris feulement Tome 8. X
que les Dames ont efté à la
ChafTe en Jupes, Juft-aucorps
de broderie, & Coifures
de Plumes. J e ne puis
m’empefcher de vous dire
encor que Mademoifelle
dança très-bien, & fe fit
admirer au Bal. Quelques
autres, tant Hommes que
Femmes, s’y firent aulfi
diftinguer. Mais maLettre
eft déjà fi longue, que je
pafle au Te • Deitm de M'
Lully, qui peut eftre compté
parmy les Plaifirs de
Fontainebleau. Il le fa
chanter devant le Roy te
GALANT. jour que Sa Majefté luy fit l'honneur de nommer fon Fils. Toutes fortes d’Inf- trumens 1 ’ accompagnèrent ; les Tymbales & les Trompetes n'y furentpoint oubliez. Il eftoit de Mon- fieur Lully, c’cft tout dire. Ce qu’on y admira particulièrement, c’eft que chi” que Couplet eftoir de di- férente Mufique. Le Roy le trouva fi beau, qu’il voulut l’entendre plus d’une fois.
Avant qu’on quitaft Fontainebleau, Moniteur X ij
2,44- LE MERCURE l’Evefque de Marfeille qui arrivoit de Pologne, y vint falüer Sa Majefté, & en fut reçeu avec des témoignages d’eftime & de fatisfa- <5tion , dignes des impor- tans fervices qu ’ il luy a rendus dans cette Cour. Il y aypit efté envoyé Am- bafTadeur Extraordinaire pour afTifter à la Dicte qu1 fe tenoiï à Varfovie p°ur i’Eleétion de celuy qui devoir remplir la place du Roy Michel, mort en i671‘ & il tourna fi bien les EÏ- prits par (a prudence &par
narque dû monde qui luy
donnoit fa proteâion, & la
fàge & vigilante conduire
de fon Miniftre, n’ayent
eu la plus grande part en
cette Election fi glorieufe
à la France, fi nece(Taire à
la Pologne, & û avantageufe
à toute laChreftienré.
C’eft une vérité dont ce
nouveau Roy, incontinent
apres qu’il fut éleu, fit
gloire de demeurer d’accord
luy-mefme, en donnant
a Monfieur de Marfeille
fa Nomination an
Cardinalat , comme nne
première marque de la
reconnoiïïance envers le
Roy, & de fon eftime envers
fon Miniftre. Cen’eft
pas le feul fervice que cet
llluftre Prélat ait rendu alors
à Sa Majefté. Le Roy
qu’on venoit d’élire avoir
une cruelle Guerre fur les
bras. Toutes les forces de
l’Empire Otoman cftoienr
jointes contre luy à celles
des Tartares, & la Paix ne
devenoit pas feulement necclfaire
à la Pologne, elle
ne pouvoir qu’eftre avantageufe
à la France & à fes
X 111]
qu il ne l’avoit pas inutilement
donnée. 11 eft diffiBranche
des Marquis de
Janfon.
Enfin le Mois de Septembre
s’écoula, & apres
avoir goufté ranr de difërens
Plaifirs, & joüy de h
Promenade dans quelques
Maifons de plaifance des
environs de Fontainebleau,
eu quatre Armées fur terre,
& une cinquième fur mer.
Monfieur le Duc de Vermandois,
& Mademoifelle
de Blois, qui retournoient
a Verfailles, s’arrefterent a
GALANT. 251 ËlTone, & difnerent dans ]â Maifon de M‘ du Pin. C’eft cette belle Maifon quieftoit à feu Mr HcfTelin, & dont on ne peut trop admirer les Avenues, les Cafcades, & les Jets d’eau qui y font prefque infinis. Les Dames que les Vendanges y avoienr attirées, fe rendirent dans le Jardin, où elles faliierent ces deux jeunes & Uluftres Perfon- nes, qui furent reçeuës par M1 du Pin à la defcente du Carrofle. 11 avoit eu l’ordre de M®nficur Colbert,
GALANT. zyj çarpolete fur l’eau, & il en obtint la permilfion de fyT Gédoüin fon Gouverneur, qui connoilfant fou adrefle, fut affûté qu’il n’a- voit aucun péril à courir. Tout le monde fut charmé de la hardielfe, & de la o-race avec laquelle il foû- tint l’ébranlement de l’Ef- çarpolete. D ’ autres qui crûrent la chofe aifée, s’y hazarderent apres luy, &: divertirent la Compagnie en tombant dans l’eau. L’heure du départ appro- choit, & pour dernier Di-
M4 LE MERCURE
'vertifTcment, Monfieur le
Duc de Vermandois, &
Mademoifelle de Blois, allèrent
voir la Court des
Machines j d’où ils furent
enlevez dans un Apartement
furprenant. Ils n’en
que M'du Pin leur eut prefenté
de très-beaux Fruits
pour la Colarion pendant
le chemin.
Vous fçavez fans- doute,
Madame, que Monfieur
Courtin eft de retour de
fon Ambaffade d’Ang^e'
GALANT. ijj
îerre. Sa Majefté Britannique
ne s’eft pas contentée
deluy marquer leftime
qu’elle faifoit de luy, il en
a reçeu un Préfent beaucoup
plus considérable que
ceux que l’on donne ordinairement
aux AmbafTa-
Ceux aui font choifîs
comme ils le font par un
Roy qui connoit parfaitement
le vray mérite, ont
bien dequoy s’applaudir
de cet avantage, & c’cft
256 LE MERCURE ce qui redouble la gloire de Monfieur le Cardinal d’Eftrées, qu’on envoyé Ambaffadeur Extraordinaire à Rome. Il a l’efprir profond., beaucoup de do- étrine , & tout ce qui eft neceffaire aux Grands Hommes pour bien conduire les plus importantes Affaires. Il fort d’une Maifon (i confidérable, que pour vous en marquer la grandeur, il fufft ée vous dire qu’il eft allié de deux Souveraines moins illuftres encor par le h^ur
d une
GALANT. z57 f<ang qu’elles tiennent, que par leur mérité & par leur efprir..
Je quire ia Cour pour la Cour. En effet, Madame, je croy ne m’en éloigner pas, en vous parlant d’un Mariage qui a donné lieu jcy depuis peu à une Fefte ires-magnifique. Monfieur le Marquis de Beringhen a époufé Mademoifelle d’Aumont. Je croy, Madame, que vous ne demanderez pas d’autres preuves de là Nobleffe, que celles qu’il a données en fe fai- Tome 8. Y
l.. J I
258 LE MERCURE fane recevoir Chevalier dé Malte -, elles font alfcz ri- goureufes pour tenir lien de Titres de Noblcffe. Peut eftre ferez --vous fur- prife qu’un Chevalier de Malte fe marie ; mais les Chevaliers de cet Ordre ne font leurs Voeux qu a vingt-cinq ans, & il ne les avoir pas. Ce Marquis eft d’une des plus anciennes Familles des Païs-Bas. Son Grand-Pere eftoitfortcon< ïideré de Henry IV. q^ l’employa en plufieursNe-‘ gotiations importantes ail-
GALANT. 159
de Beringhen fon Pere eft
Premier Ecuyer du Roy
(dont il a la furvivance)
Gouverneur des Citadelles
deMarfeille, & Chevalier
des Ordres du Roy. C’eft
un parfaitement bonnette
Homme, à qui une grande
toutes
une fidelité éprouvée , une
exactitude de probité qui
ne fe rencontre pas en tout
le monde, une prudence
reconnue, & une fagefTe
qu’on admire, ont acquis
z6o LE MERCURE l’eftime de toute la Cour. Madame de Beringhen fa Femme eftoit Fille de feu Monfieur le Marquis d’U- xelles, Gouverneur de Châ- lons. Cette Famille originaire de Bourgogne, eft aftèz connue par fes fervi- vices&fon ancienneté. Le nom d’Uxelles a fait bruit dans les Armées. Plufieurs qui le portoient, en ont commandé, & plufieurs y font morts l'Epée à la main pour le fervice de leur Prince. Le Marié eft bien fait, de belle taille, il a de
GALANT. 261 pefprit& du mérité; &dans plufieurs rencontres qui ont fait paroiftre fon courage, il s’eft montré digne Heritier de celuy de feu gonfleur le Marquis de Beringhen fon Frere, qui fut tué devant Befançon. Comme il eft demeuré Chef de fa Famille, le Roy qui le confidere, luy a défendu de s’expofer davantage, ce par cette marque d’eftime il a voulu faire connoiftre à Monfieur le Premier la bienveillance particulière dont il l’ho-
¥
i6i LE MERCURE nore. La Mariée eft Fille de Monfieur le Duc d Au- mont , Premier Gentilhomme de la Chambre, Gouverneur de Boulogne
O î & du P aïs Boulenois. H avoir époufé en premières Nopces une Fille de Monfieur le Teilier, Chevalier &Tréforier des Ordres du Roy, Marquis deLouvois; Seigneur de Chaville, Mi- niftre & Secrétaire d’Etat; & c’eft de ce Mariage qu’eft Mademoifèlle d Au* mont dont je vous parle- Elle eft bien faite > a une
GALANT, téj
J fort grande jeuneffe, &c,
c’eft un Charme qu’elle Ifcûtient par beaucoup d’autres qui la rendent toute aimable. J’aurois beaucoup à vous dire, Madame, fur ce qui regarde la Maifon d’Aumont. Elle eft remplie d’un nombre infiny de grands Personnages , Chevaliers des Ordres, Marefchaux de.Fran- ce, Gouverneurs de Provinces, & autres qui ont pofïede' les plus bellesChar- ges de l Etat. Avant l’an 1381. Pierre d’Aumont fut
le mercure Chambellan des Roy s Jean &: Charles V. Et Pierre II. fi renommé dans l’Hilloire, le fer de Charles VI. & Garde de l’Oriflame de France, ’jean Sire d’Au- mont, qui vivoit avant l’an 1595. reçeut le Ballon de Marefchafi qu’il mérita par quantité de grandes Actions qu'il fit à une infinité de Sieges & de Batailles- Je ne vous diray rien de celles de feu Monfieur le Marefchal d’Aurtwnt,Pere du Duc qui porte aujotir- d’huy ce nom. Comme il a
»
~ GALANT. i65 a vefcu de nos jours, il n’y a perfonne qui ne les fçache. Il eft mort Gouverneur de Paris, & l’eftoit encor de Boulogne gcdu Païs Boulonois. C’eft un Gouvernement attaché dés
*
longtemps à leur Famille, qui eft entrée,dans les plus grandes Alliances. Vous n’en douterez pas, quand je vous auray dit que Jean VI. d’A'umont avoit époufé Antoinette Chabot fécondé Fille de Philippe Chabot Comte de Charny 8c de Bu- zançois, Sieur de Brion, Admirai de France,8c Gouverneur de Bourgogne, & de Franqoife Longuy Dame de Paigny,Soeur aifnée de Jaqueline de Longuy Ducheffede Montpenfîer,Tril\ ayeule maternelle d’Anne-Ma-
Tome 8. Z
266 LE MERCURE rie. Loüife d’Orléans, Souveraine de Dombes, Princefle de la Roche-fur-Yon, 8c Ducheffe de Montpenfier. Le jour du Mariage eftant arrefté, on prit les ordres de Monfieur le Duc d’Aumont. Comme il s’entend admirablement à cour, c’eft nn des premiers Hommes du monde à n’en donner que de juftes fur les grandes chofes. Sa pie- voyance en facilite l’execution, 8c il explique toujours fi bien ce qu’il penfe, qu’on encre fans peine dans tout ce qu’il s elc imaginé. LaNopce fe fie dans fon Hoftel. Il eft d’une beautc furprenante 5 rien n’égale celle des Apartemens, ils font & différemment conftruits, 8c difô- remment ornez. Tout y
GALANT. 167 d’une magnificence achevée^ la propreté femble y difputer de prix avec la fomptuofité des Meubles- Raretez par tout, par tout Tableaux admirables & des plus grands Maiftres; 8c ce qui frape fur toutes chofes, ce font plufieurs Portraits antiques des Defcendans de cette Maifon, qui marquent je-ne- fçay-quoy de fi noble 8c de fi grand, qu’ils fuffiroient prefque pour enperfuaderl’anciennete'. Vous vous imaginez allez la joye qui éclata fur le vifage de tous les IntérelTcz, fans que je m’arrefte à vous la dépeindre. Le Marié parut l’air content, d’une parure magnifique, propre & bien entendue,&foûtint cette grande Felte avec un a- Z ii
168 LE MERCURE grement tout particulier. La Mariée qui demeuroit chez Monfieur ieTellier depuis qu’elle eft fortie du Couvent, & qui a beaucoup profité de l’exemple de Madame le Tellier, dont chacun connoift le bon fens & la pieté, arriva furies huit heures du foir. Quoy qu’elle brillaft d’une infinité de Pierreries, là Perfonnelaparoit encor plus que toute autre cho- fe. Elle vint avec un petit air férieux 6cnonchalant, qui luv donnoit une grâce merveilleufe, & jamais à quatorze ans on ne s’eft mieux tiré d’une illuftre grande Compagnie affcmblee pour elle feule, êc dans un jour où les Filles font le plus feve- rement critiquées. La Salis
GALANT,
du Souper eftoir éclairée d’un
nombre infiny de Luftres. Il y
en avoir fur la Table de routes
fortes de maniérés, c’eftoic
comme unTheatre qui regnoit
dans le milieu, mais donc la
longueur ne caufoic aucun embarras.
Tout fut fervy avec
J
une propreté & une magnificence
inconcevable. De chaque
cofté delaTable ilyavoic
deux rangs de vingt-cinq Plats
chacun, qui faifoient cent Plats
en tout, & ces cent Plats furent
relevez quatre fois. Le Fruit,
& tout ce qu’il y a de plus délicat
& de plus délicieux pour
composer le plus fuperbe Deffert,
eftoir fervy au milieu de
route la longueur de la Table,
dans des Baflins de vermeil ciz7o
LE MERCURE zélé de diférentes formes, & garnis en Pyramidestres-hatires de rout ce qu'on fe peut imaginer de propre à fatisfaire le gotifc- le tout dans des Porcelaines fines qui eftoient là de toutes les fortes. Cette efpece de Montagne que formoit ce magnifique DeÔerr, SC qui fuC trouvé fur la Table en s’y mettant, ne fatisfaifoit pas moins les yeux, Quoy qu’il y euft de la fimetrie, il y avoic des endroits irréguliers, la juftefle le trouvoitdans leur inégalité, & on voyoit partout une agréable diveriiré de couleurs. A chaque cofté du Fruit il y avoir des Flambeaux de vermeil du ha111
S de la Table jufqu’au bas $ & comme il eftoic difficile qu’en
*7*
G A L A N T. 171 pflt fervir làns confufion les quatre cens Plats qui furent mis à double rang des deux collez en quatre diférens Services, le Maiftre-d’Hoftel fe fervit de précaution. Il rangea tous ceux qui portoient leurs Plats, vis-à-vis des endroits où ils dévoient eftre placez , de forte qu’en palfant entre leurs rangs, il les pofoit en un moment fur la Table fans aucun defordre. Cela Ht dire agréablement à quelqu’un , à caufe
des rangs, qu’il croyait voir un Exercice de Gens de Guerre. Si la* fuite n’en eftoit pas plus dan- gereufe, les Recrues fe feroient facilement. La richeffe du Buffet
furpafle l’imagination ; il eftoit tout de vermeil, & on ne
' " Mp » • • -
Z mj
z-y i• LE MERCURE
vïc jamais une fi grande quantité
de Vafes cizelez. Pendant
le Souper, les Violons du Roy.
joüerenr dans un grand Sallon
qui répondoit à la Salle. Les
Dames qui en furent eftoient
( fouvenez-vous je vous prie que
je ne leur donne aucun rang)
Mefdames le Tellier, d’Aumonr,
de Louvois, de Fiez, de
la More, d’Uxellcs, de Frontenac,
de Soubife, de Foix, de
Coaquin, de Chafteàuneuf, de
la Ferré , & Mademoifelle
d’Aumont, Fille du feu Marquis
de ce nom. Ces dernieres:
cftoient magnifiquement parées.
Au forrir de la Table,
on monta dans des Apartemens
enchantez. Les belles Voix de
trouvèrent
GALANT. 175
— « ■ 9 •
je Mariage fut célébré. Je ne
vous parle point des riches 6c
brillans Préfens qui ont efté
faits à la Mariée par Monfieur
Je Tellier 6c Monfieur le Premier
• je vous diray feulement
cuis de Louvois, & de Monfieur.
j'Archevefque de Rheims, fes
Oncles,.ont fort paru. Jugez
fi luy ayant donné un Arneu»
blement de Chambre d’argent,
6c tout ce qui peut fervir à Ver-,
ner il peut y avoir eu rien de
plus* magnifique. Je tiens ces
Particplaritez d’une belle Dame
qui a plus de part que moy
à cette Defcription. Comme
elle a infiniment de l’efprir, je
— • •
±74 LE MERCURE fes idées. J’en aurois de grandes pour m’étendre fur la Campagne de Monfieur le Baron de Monclar,fi l‘accablement de la matière qui m’a fait attendre jufqu’à aujourd’huy à vous en parler, ne m’obligeoit à la ref- ferrer en peu de mots. Vous fçavez que l’Armée qu’il commande eftoit oppofée à celle des Cercles, compofée des Troupes de tant d’Etats, qu’elle pourroit feule tenir telle à un Roy moins puiflant que celuy de France. 11 y a plufieurs Cercles , comme ceux de la BalTe Saxe, de Franconie, de Suabe, de Bavière, jufqu’au nombre de dix, & plufieurs Provinces font fous chaque Cercle. Le Prince deBade-Dourlachfut leurder-
I
GALANT. 175 nier General. Apres fa mort il en falot nommer un nouveau. L’Affaire fut rnife en deliberation à la Dicte deRatifbonne. plufièurs grands Generaux des plus llluüres Maifons d’Allemagne y p.retendoient 5 mais enfin le choix tomba fur le prince deSaxe Eyfenach, delà Maifon de Saxe. Le voila donc fai fi du Commandement de cette Armée. Le feul Nom en promet beaucoup. Les uns l’appellent l’Arrnée des Cercles de J’Empire, les autres l’Arrnée de l'Êmpire, & la plupart l’Arrnée des Cercla® du Haut Rhin. Plufieurs Officiers Generaux, en grande confideration chez les Allemands pour y fervir.
y font nommez Le Comte de
^6 LE MERCURE Dunevald, Officier d’un fore grand mérité, cft du nombre. On deftine fon Régiment poar ‘groffir les Troupes de cette Armée , aufquelles pour recon- noiffianceduGeneralat, le Prince d’Eyfenach en joint beaucoup, auffi-bien que les Ducs de Saxe-Gotha, & de WTïnur. Toutes ces Troupes fe mettent en marche vers S-traïbourg. A leurapproche le Magiftràt pro- tefte qu’il ne les lailTera point pafler fur fon Pont 5 mais on reconnoift l’intelligence fi-toft qu’elles font en vetië, il feint qu’il ne peut refifter, Sc lent permet le paflage. Cette Armée eftant au delà du Rhin, & ayanteu grande peine à y fubfi- fter quelque temps., elle prend
I GALANT. i77 I du pain pour dix jours, s’avance vers les Montagnes, vient jufqu’à une lieue de Scheleftat;
■' & apprenant qu’il eft fortifié,
'tt t
r.
l qu’il y a onze Redoutes de pier-
1, re,& que Monfieur le Baron de i. /donclar eft derrière avec des :s. Troupes, elle n’ofe prendre la r, réfolution de l’attaquer. Dans î cet embarras, le Princed’Eyfe- 1 | nach marche vers Colmar, où i. le bon ordre que les François t mettent par tout à leurs affaires a le réduit à faire demander une l fommeaux Etats de Suabe pour t la fubfiftance de fes Troupes. Il t eft contraint de tirer des Muni- . fions de Philifbourgquele Ma-. ; giftratdeStrafbourgluy envoyé . quérir avec une E fcorre.PendaC 1 ce temps MrdeMonclar couvre
i7S LE MERCURE fi bien routes les Places, qu’à peine les Ennemis voyent-ils jour à furprendre le moindre Chafteau. Us veulent prendre celuy de Sainte Croix auprès de Colmar, M1 du Fay Comman- dantde Brifac y envoyé quatre- vingts hommes, Ilslefontiom- mer, le Gouverneur ne veut point fe rendre. Mr de Viffâc Lieutenant de Roy de Rrifat, trouve moyen de fe jetter dedans avec quatre cens hommes, malgré toute l’Arrnée ennemie, & ce Chafteau n’eft point pris* Enfin le Prince d’EyfenaR voyant qu’il n’avoit encor P11 réüffirdece cofté, fait venir de Fribourg dequoy faire un. de Bateaux vers Balle. M Monclar paffe dans le Brilgal
galant. X79
pour obferver fes mouvemens.
& apprend qu'il s’eft allé camavoir
fait ravager les Bleds des environs
de Colmar, contre ce qu’il
avoit promis aux Habitansqui
luy avoient donné de l’argent
pour s’en garantir. C’eft le feul
Exploit delà Campagne, encor
ne l’auroit-il pas fait s’il n’euft
manqué de parole. Il campe
fous Bafle à Hunninguen, fait
achever fon Pont dé Bateaux,
&fe retire à Bafle furpris d’une
Fièvre-tierce que fes mauvais
fuccés ont pû luy caufer. Mr de
Monclar reçoit un renfort qui
luy eft envoyé par Monfieur le
Marefchal de Créquy, Sc fait
repentir ceux qui ont fourny
quelque fubfiftance aux Enne180
LE MERCURE mis. Ils font travailler a des Retranchemens aux deux cof- tez de leur Pont. Les Noftres favorifent un Convoy d’argent qui va à Brifac, fans qu’un Détachement du Prince d’Eyfe- nach entreprenne de s’y oppo- fer. Ce Prince fait baftir une Redoute dans une Ifle pont maintenir fon Pont, & perlons n’ofe fortir de fon Camp. O'1 leur rend dans leBrifgau les violences qu’ils ont exercé autour de Ruffac, Mr -de Monclar a- vance à trois lieues d’eux; >*s fontvenus nous chercher, les cherche. Les Païfans f°n employez à des Redoutes p°u^ couvrir leur Pont, On voit p là qu’ils fuyent le Combat. 1 fe retranche auffi. Cepen“an
les Generaux &c les Officiers fe
traitent les uns les autres à Balle.
Meilleurs les Marquis de Lambert,
de Nulle 8c de Feuquiere,
y régalent le Baron de Noftits-
Schirein , 8c d’autres Officiers
A’iemans. En forçant de la
Ville les Partis s’éntrechargent
les uns les autres. Pendant
qu’on a ainfi occafion de fe voir
à Balle, le Comte de Dunevald
pratique un Officier François
nommé Mr de la Madelaine,
Major du Chafteau de Lanfcron,
qui luy doit livrer la Place
moyennant dix mille efcus. Ce
Major en avertit MrdeSiffredy
qui y commandoit. Le Comte
de Dunevald vient à l’heure
marquée avec le Neveu du
Prince de Saxe, le Colonel Ro-
Tome g. A a
»
B*’
xSi LE MERCURE
fe, & desTroupes. Il s’apper- çoit qu’il eft découvert, prend la fuite, ôc reçoit un coup de .Moufquet qui luy emporte fon Chapeau & fa Perruque. Plufieurs y perdent la vie. Ceux qui ont palTé la Herfe font faits Pri- ionniers, & if en coufte dix mille efcusaux Allemans. Le Prince d’Eyfenach commençant à fe mieux porter, & les Troupes des Cercles & celles quej’ay marquées ne luyluffi- fant pas, trois nouveaux Reg'- mens le viennent joindre. H eft harcelé de la Garnifon deBri- fac. Apres une marche de huit heures Mrde Monclar furprend un des Quartiers des Ennemis, fait quatre cens Prifonniers, prend cinq cens Chevaux, fë
GALANT.
rend maiftre du Chafteau de
pjotzcim, fe porte avantageufementpour
obferver les Ennemis,
fe faille d'une Hauteur, fait
travailler à une Redoute qui
voit dans leur Camp & y met
du Canon. Monfieur le Comte
de la Mote-Houdancourt Meftre
de Camp de Cavalerie, Neveu
du Marefchal de ce nom,
avant i’Avantgarde compofée
de quatre cens Chevaux , rencontre
un pareil nombre d e s
Ennemis qui en couvroient un
fort grand de Fourrageurs fans
avoir efté avertis de fa marche.
Il les défait, &. prend fepr à huit
Le refte fuit. On leur envoyé
huit cens Chevaux pour les foûtenir.
Mr le Comte de la Mote
Aa ij
2.84 LE
nvec une vigueur incroyable,
pouffe Sc défait encor ces huit
cens Chevaux, & demeure fer.
me fur le champ de Bataille,
éloigné feulement d’une deniy
lieue du Camp des Ennemis fans
qu’il en forte depuis aucun fecours,
c’eft à dire qu’avec quatre
cens Chevaux il en renverfe
douze cens, fans compter les
Fourrageurs. Ce font d’rlluftres
commencemens, & ce jeune
Comte ne fçâuroit marcher
plus dignement fur les pas du
fameux Marefchal dont il eft
Neveu. Depuis cette Action
on a toujours coupé tous les
Fourrages aux Ennemis, pour
les obligera repaffer tout-à-fait
le Rhin, ou elfe battre. Oh leur
attaque en fuite une Redoute
GALANT.
on fe rend maiftre, & on les
oblige à fe reflerrer dans leur
Camp. Mr le Marquis de
jsjoailles Colonel de Cavalerie
défait leur grande Garde. Il
fait conftruire une Redoute
pour les incommoder, &. foû,
tient les Travailleurs. Mr de
Monclar en fait élever deux autres.
Mr de Caumont Major
de Cavalerie bat deux de leurs
E fc a d r o n s a u x e n v i r o n s d e B a fl e.
Les Ennemis commencent à
fonger à leur Retraite. Noftre
Armée eft à la portée du Canon
de la leur. On voit tout ce qui
fe pafle dans leur Camp, fans
qu’ils puiflent voir ce qui fe
fait dans le noftre. On les
oblige de cirer du Fourrage par
z%6 LE MERCURE
leur Pont, noftre Canon les defole.
On pouffe leur Garde, on
leur tuë beaucoup de monde,
& on fait quartier au Baron de
Noftits. Ils prennent toutes les
précautions imaginables pour
nous cacher leur Retraite. Ils
B a g a g e, & r e p a ffe n t e u x - m é me s
quelque temps apres à la faveur
d’un grand Brouillard qui 1W
empefche d’eftre appercens..
On découvre lemarin qu’ilsont
abandonné leur Redoute; SC
comme on les voit qui fe retirent
encor, favorifez d’un Canon
qu’ils ont porté de l’autre
coïté du Rhin, Mr de Mot>-
cJarenfait porter du fieu, & les
une précipitation qui eft cat
GALANT. 287
no_vez. Ils nous biffent tous les
Bateaux du gros bras du Rhin,
g^s’échapent a près avoir brûlé
tous ceux qui eftoient par delà
l’jfle, auffi-bien que quelques
piles de Foin , mais nous profitons
du Fourrage qui eft dans
leur Camp. Les Ennemis ne repaient
chez eux que pour ;y
eftre battus, Sc c’eft par ce
de l’Armée des Cercles, avant,
que d’eftre incorporée à celLe
du Prince Charles. Le Pont
qu’avoir fait conftruire le Prince
d’Eyfenach ne luy ayant fervyqu’àfe
retirer apres en avoir
perdu la moitié, Monfieur de
Monclar paffe fur celuy de B rifac
, & entre dans le Brifgau.
LE MERCURE
Mr le Marquis delà Valette le
joint auffi-toft apres avec fa
Brigade. Le General ennemy
en eft furpris,& plus encor d’aprendre
que Mr le Marefclial
de Créquy fait conftruire un
Pont à Rhenau pour paffer le
Rhin. Il réfout de s’'
Mrde Monclar qui obferve les
mou vemens, envoyé MrdeCaumont,
Capitaine Sc Major du
Régiment de Bel porc , avec
deux E fondrons, pour fe faifie
d’un Pàffage. Ils font pouffez
par f’ept des Ennemis, Sc fe t'"
rent pourtant d’affaires fans
perdre qu’un feul Capitaine. Le
Princed’Eyfenach veutgagnef
lePoftede Capel qui eft vis-àvis
de Rhenau, mais il eft enibarafle
par un nouveau GeneralGALANT.
189 Il croitqueMr de Monclar fon- ge à fe faiftr d’Offembourg. Cette penfée Iuy fait divifer fes forces. Il y envoyé du monde, & à Fribourg ; pendant ce temps, Moniteur de Créquy fe rend maiftre du Polie que le Pritj.ce d ’Eyfenach avoir eu deflein d’occuper. C’eftceque beaucoup de Relations n’ont pas allez ny marqué, ny éclair- çy. Moniteur de Créquy voulant donner de l’inquiétude aux Ennemis , lailTe fes Ordres à Moniteur le Comte de Maule- vrier-Colbert Lieutenant General, pour faire palier l’Arrnée fur le Pont du Rhin, & fait marcher les Brigades de la Va_ lete &c de Dugas, avec les R.e« gimens de Dragons de Liftenay Tomc 8. B b
i9o LE MERCURE ôcdeTheïTc, entre Strafbourg & Offembourg. Il s’avance près de Vilftet. 11 apprend que les Ennemis y viennent camper, & juge à propos d’y attendre un plus grand Corps deTreupcs pour pafler la Rivière devant eux. Il n'a pas le temps de le faire. Un Party luy rapporte que le Prince d’Eyicnach veut gagner le Fort de Kill, ce qui luy eft bientoft apres confirme par une grande pouffiere. U croit qu’il faut tenter le Pelage par des guez, quoy que difficiles. M1 le Marquis de Genlis fait les Détachemensde la première Colomne , Mye Comte de Roye ceux de la fécondé, & Mr de Monclar Contient ces deux Lignes. Mr
GALANT. Marquis de Riverolles fe mec à la tefte des Gens détachez, paffè l’eau, 6c tâche d’ébranler les Ennemis. Ils font stand feu fur luy, il retourne à la charge, il eft blefle, Sc Mrde Montel- quiou Capitaine dans fon Régiment, tué. Les Dragons de Liftenay s’aprochent des bayes, mettent pied à terre, 6c rendent les abords de la Riviere plus faciles. Mrs les Marquis de Ranes, de Lambert, 6c de Bou- flairs, pouffent quelques Troupes , 6c apres les premières cf- carmouches, ébranlent les Ennemis, qui à la faveur d’une Digue fe placent affez près des Noftres. Monfieur leMarefchal de Crëquy faitauffitoft avancer les Regimens de la Vaîere, de Bb ij
z9z LE MERCURE Cayeux, Scde Villars. Le Marquis de ce nom, qui en eft Colonel, fe met à la telle des premiers Efcadrons, montre une vigueur extraordinaire, & les anime par fon exemple. Il dé- fait une grande Garde des Ennemis, Sc pouffe plufieurs Efca* drons de Cuiraffiers. Mrs les Marquis de Ranes, de Lambert, & de Bouflairs,placent les Dra- gons de Theffe & de Liftenay le long de la Digue. Ils font voir aine activité furprenante, êc chargent les Ennemis avec tant de vigueur 6c de courage, que les ayant mis en defordre, ils les auroient entièrement défaits , fans l’arrivée de la nuit qui favorifaleur Retraite. Pln- fieurs de leurs Officiers furent
GALANT. 295 tuez, Sc ils laifferent plus de fix cens Hommes fur la place, fans plus de fix-vingt Chariots qu’ils abandonnèrent. Cette occa- fion ne nous coufta pas vingt Hommes. Mr de Roquefeüille Cornete des Gardes de Mr le Marefchal de Créquy, Sc Mrde Briaillel’un de fes Pages, y furent blefîez , le dernier à la jambe, & l’autre au bras d’un coup de Piftolet qu’il y reçeut. Avant le Combat, Mrde Gaf- fion cherchant à reconnoiftre les Ennemis, tomba dans la Co- lomne de leur première Ligne, & foûtint toute Heur Cavalerie qui le pouffa. Il ne perdit que fix Hommes, &s’en eftant glo- rieufement retiré, on peut dire que c’eff prefque contre toute B b iij
LE mercure
une Armée qu’il a combartr.
On n’a peut-eftre pas reflechy
fur une chofe qui fait en deux
mors l’Eloge de Mr le Marefi
chai de Créquy. L’Armée de
EEmpereur eftanc venue jufqu’à
Mouzon , a efté obligée
de s’en retourner fans avoir
rien fait, & Mr de Créquy fait
une fi extraordinaire diligence,
qu’il eft dans les Terres de
J’Empire plutoft qu’elle, & bat
l’Armée des Cercles avant
qu aucune de fes Troupes foit
arrivée. C’eft tout ce que peut
faire 8c la plus fage conduire,
St la plus exaéte prévoyance.
Cette déroute fur doublement
fènfible au Prince de Saxe-
Eyfenach. Meilleurs de StrafGALANT.
195 chent à ménager lesVainqueurs qui ne font pas éloignez, n’ofe- rent recevoir des Troupes ba- tuës, & celles-cy furent contraintes de fe réfugier dans une Ille appellée l’Ifledu Pont de Strafbourg. Elles s’y trouvèrent fort incommodées. Elles ne pouvoient aller au fourage, elles eftoient encor 11 épou- vantées de la maniéré dont elles avoient veu combatte les François, qu’elles ne vouloient point forcir de cette Ifle fans Sauf-conduit. Le feul expédient que le Princed’Evfenach trouva pour fe dégager, fur de prier Mrs de Strafbourg d’aller en Corps chez le Réfident du Roy, & de l’engager à joindre fes prières aux leurs pour obte- “ I • • • •
B b inj
ïtf LE MERCURE' nir un Pafieporc de Monfieur le Marefchal de Créquy. L’expédient eft nouveau, & nepa- roiftroit pas croyable dans un Roman. M’du Pré Réfident de France écrivit. La Lettre fut envoyée par un Trompeté au nom de la République de Strafbourg , & ce qu’on de- mandoit fut accordé. Les François font atiffi honneftes que braves, & ne refufent rien quand on fe foûmet. Vous avez veu lePafieport, ileft imprimé dans la Gazete. Le lendemain du Combat, Monfieur de Créquy fçachant que les Ennemis svoient fait un grand amas de Fourrages dans Vilftet, crût qu il efloit de conséquence d’envoyer brûler les MagaSns
G A L A N T. 197
& toutes les Maifons dans lelquelles
il y en avoit. M1 le
Comte de la Mothe fut détaché
avec trois cens Chevaux
pour faire cette Expédition,
£pres avoir pouffé quelques
Troupes qu’il rencontra en
chemin , il fe rendit à Vi'ftet,
& fut furpris de trouver Garnifon
dans le Chafteau. C’eft
erres
quartés, & environnées d’un
bon Folie. Il envoya unTromsendre
-, & fur le refus qu’elle
en fit, il donna ordre qu’on dift
au Commandant, que s’il fe
défendoir, il le feroit pendre à
1a Porte, fans aucun quartier
pour les Soldats. Ils voulurent
compofcr}& ayant inutilement
î9S LE MERCURE
demandé à forcir avec armes & ' bagages 5,ils ne furet reçeus qu’à
difcretion. 11 avoir fait mettre pied à terre à les Cavaliers; & quand ils le virent en réfolution de les attaquer, ils fe rendirent, U envoya la Garnifon à M'de Créquy, fit mettre le feu au Chafteau, & à toutes les Mai’ fons où il y avoir du Fourragé, & en fuite aux Magafins de Foin qui eftoiexnt fort confidérables.. C’eft l'ufage de la Guerre, & il n’y a point de voye plus prompte pour chaffer un En- nemy, que de luy ofter les moyens de fubfifter.. Cette rai- fon a obligé Mr le Marefchal de Créquy à faire brûler beaucoup de Fourrages & de Mou-
1
jÆonckir a fait la meime choie
dans le Marquifat de Bade,
dans les Bourgs du Brifgau, &:
dans tous les Lieux où les En-
Quartiers d’Hyver. C’eft par
où il a finy la Campagne, l’Armée
qu’il commandoit en Chef
avant eu ordre de fe joindre à
celle de NT de Créquy, pour
n’en plus compofer qu’une fous
le Conimandement de ce Marefchaf
Je la quite pour vous
entretenir de ce qui s’elt pafle
dans celle de Flandre depuis
ma derniere Lettre. Les Ennemis
n’ont fongé qu’à s’y établir
une communication libre
entre Bruxelles Sc Mons, & à
faire des Redoutes. Il ne nous
faudra qu’un moment pour dé5oo
LE MERCURE
trüire leurs Ouvrages. Qui
prend Valenciennes d’aflaut,
Sc force Carnbray à fe rendre,
forcera des R.edoures quand il
voudra. Auffi les avons-nous
a fe défendre, ils nefe croyent
plus en état de nous attaquer.
Cependant toutes leurs précautions
ne les peuvent mettre
à couvert de nos entreprit.
On a étabïy des Contributions
5 & comme la Guerre &
fes Loix pour faire payer ceux
qui ont trop de lenteur à y
tisfaire, Monfieur leMarefchal
de Humieres a puny ce retardement
par quelques vifires un
peu chagrinantes pour les négligens.
Outre le Campvolant
de Monfieur le Baron de Qui»'
GALANT. 301 cy, il eftoit accompagné de Meffieurs de Joyeufe & d’Al- bret, qui commandoierit de grands Détachemens. Ils ont efté fur le bord du Canal de Bruges, pù la Chaftellenie d’Y- pres les envoya prier d’attendre trois jours. M£ le Marefchal de Humieres pafla le Canal, affura les Contributions, s’approcha de Gand , & revint joindre Monfieur le Duc de Luxembourg. Le Prince d’Orange quita l’Arrnée, & en laifla le Commandement au Comte de Valdec, qui craignant la famine , ou du moins voulant faire meilleure chere que les autres, envoya auffitoft demander des PalT ports à Monfieur de Luxembourg pour fes Pour-
502. LE MERCURE voyeurs. Il ne me relie plus à vous parler que de deux Actions particulières trop remarquables pour me difpenfer de leur donner les louanges qui leur font deuës. Elles font de deux Parens du mefme nom. La première eft de M1 le Comte de Longueval qui commande les Dragons Dauphins. Il fut détaché pour aller dans l’ifle de BierutiCK, à deux lieues de Fleflingue, ayant pafle à la faveur d’une marée bafle, & fous la Moufqueterie d’une Redoute d’un Fort & d’un long Parapet qui efcoit garny d’infanterie, il y mit le feu en plein midy, & fe retira avec plus de foixante Prifonniers. Quelque hardie que foit cette Aétion, on
GALANT.
pouvoir tout attendre d ’ un
Vaches. Ce qui fuit ne vous
paroiftra pas moins digne d’eftre,
admire, & vous y verrez de
japréfence d’efpric meflée avec
beaucoup de courage. Mr de
Longueval Capitaine de Cavalerie
, ayant efté détaché
avec cinquante Maiftres pour
quelque Expédition , prit un
Guide qui connoiffoic fi mal
les lieux, que s’eftant égarez,
ils fe trouvèrent
Camp des Ennemis, à trente pas
de la Tente du Prince de Nafr
> 1 ' • * ' 1 f • ' * • fau. M£ de Longueval ayant
adroitement découvert qu’il
n’y eftoit pas, entra dans la
luy venoit rendre compte d’une
504 LE MERCURE
Commifîion dont il l’avoit
chargé. Il ajouta qu’il avoit
eu beaucoup de fatigue, S< pria
qu’op luy fîft donner quelques
rafraichifiemens. On luy apporta
des Eaux glacées de toutes
fortes, & pendant le repos
qu’il feignoit de prendre, il examina
tous ceux qui eftoient dans
la Tente, &. les ayant jugez incapables
de luy refifter, il s’en
faifit, fît prendre tout ce qu’il
rencontra de meilleur, 8c traverfa
le Camp Ennemy avec
fon Butin, & fes Prifpnniers.
Cette vigoureufe Adion y i'n*c
l’alarme.. &c il s’en apper^t
lors qu’il en fortoit.
Avoüez, Madame, qu’il ne
GALANT. 3oj de grandes chofes fur l’exemple d’un Roy qui n’en fait jamais que d’extraordinaires? Si vous voulez voir fes Conqueftes en racourcy ( car on en parle de toutes maniérés) lifez ce Couplet qui a efté fait fur l’Air d’une Danfe nouvelle dediée à jjadame la Grand’ Duchefle de Florence, .On la nomme la Desforges, du nom de celuy qui l’a inventée. Toutes les Perfonnes de qualité qui l’ont veuë dancer en ont efté fatis- faites. Elle a trois mouvemens diférens3eftant compofée delà Courante, du Paflepied, 6c de la Bourée.
Tome 8.
Ce
-J
3o6 LE MERCURE
POUR LE ROY.
Courante.
GRand Roy quels rapides Exploits
De jour en jour augmentent voftre gloire l
La yiïloire-
Obe'it à vos Loix. bis,
passe-pied.
Dans le temps des Glacesr
Conquérir trois Places!
Ce font des coups
Qui n'eftoiëtdeusqu àyous. bis.
BOUREE.
Et tout l'ynivers les yeux ouverts
GALANT.
Sur un Conquérant
Si grand. bis.
l'ombre de vos Palmes
Tous vos Etats font calmes.,
Et jamais
La Paix
JLc peut fins à propos
Couronner un Héros. bis.
Il ne faut pas que le plaifir
de la Danfe nous faiTe renoncer
à la Guerre. Retournons aux
bords du Rhin. Nous v avons
laifle Moniteur le Marefchal de
Créquy vainqueur du Prince
d’Eyfenach, qui ne peut trouver
moyen de lortir de i’Iile où
il s’eft caché apres avoir efté
batn , qu’en faifanc demander
Ce ij
3o8 LE MERCURE dé, mais il a honte de s’en fer- vir, & cependant il en tire fa feûreté malgré luy, puis qu’il eft caufe qu’on s’éloigne fans l’attaquer, & qu’il a le temps d’attendre l’Armée du Prince Charles pour le dégager. Ce Prince pafle enfin à Philif- bourg, & vient ouvrir un paf- fàgeau relie des Troupes tremblantes du Prince de Saxe, qui croyent toujours voir des François. Ils fejoignent. Ce n’eft pas tout, & ce que je vay vous dire vous furprendra. On ne J’a point fçeu, on du moins on n’en a point parlé. L’Empire éc l’Efpagne an defefpoir de voir toute une Campagne per- duê , & que tant de Troupes ayent péry fans avoir ofé tenter
GALANT. 309
aucune entreprifè, prennent de
grandes mefures pour en rendre
fa fin glorieufe, &. furprendre
les François, comme fi le Roy,
fes Miniftres, & fes Generaux,
de prévoyance, Sc ne penéj
croient pas leurs deffeins. Le
Miniftre d’E fpagnequi eft dans
l’Arrnée du PrinceCharles pour
luyfervir deConfeil, répondre
de fa conduite, ufe de tou-
: tes les précautions poffibles
pour fournir ou faire fournir à
fes befoins. il luy fait tirer de
I Vienne, de Ratifbonne, & de
I toute l’-Àllemagne, des fecours
1 d’argent, de provifions, & de
monde. Il groffit fon Armée
des Garnifons& des Milices de
M
510 LE MERCURE tinatj&de Philifbourg. Vorms, Spire$ & Trêves, le fecourcnt auffi de leur cofté. Ainfi fortifié de Troupes, appuyé de Con- feil., rafraifehy, & ne manquant point d’argent, il allure la Mai- ft>n d’Autriche qu’il prendra Scheleftat cette Campagne, batra les François, & fera le Blocusde fjrifac. Avec tous ces avantages diférens, il a encor la liberté de pafler for le Pont oeStrasbourg. Ily pafTe. Mon* heur de Créquy plus diligent que ce Prince, fe trouve de 1 autre cofté avant luy , fortifié des feules Troupes que commandoit Mr de Monclar. il en envoyé quelques-unes pour fe faifir chafteau de Kokberg , quj une vieille
GALANT.
J^afure, mais un tres-bon Porte.
Ces Troupes occupèrent » ■
rnefme temps les autres Portes
des environs. EH es y arrivèrent
quelques heures avant les Ennemis
qui marchoient dans le
jnefme deflein. Ils avoient envoyé
leurs meilleures Troupes
de Cavalerie, qui eftoient des
vieux Regimens de l’Empire
des Croates. CinquanteGardes
du Roy qui s’eftoient avancez
pour tâcher à découvrir leur
marche, furent rencontrez d’un
fort gros Efcadron, qu’ils chargèrent
avec autant de réfolution
que fi leurs forces avoient
commandoit fut tué. Les Gardes
s’opiniâtrèrent à le retirer,
&. le remportèrent apres avoir
b
1
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c
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--— J a J J (
mefme fon Armée en bataille j]
1
su LE MERCURE rangé fa mort fur un grand nombre d’Ennemis qui leur différent quelques Cuirafles & des Sacs de Grain. Les Ennemis firent en fuite quelques mouve- ro en s p ou r fu r p re n-d re M o n fi eu r de Créquy. Il pénétra leurdef- fcin, & ne les voulant point laif- fer palier du cofté de Saverne, il eut la prévoyance d’aller choifir un terrain propre pour mettre Ion Armée en bataille; & apres avoir lai fie dans le Village qui eftoit à la gauche de noltre Camp , trois Bataillons commandez par Mr de Feu- quieres, & trois cens Hommes commandez par Mr de Refnel, il fit décamper , rangea luy-
1
2
rnefure qu’elle av.ançoit, &
mit I
J
GALANT. pj mit des Troupes dans les Villages des environs, qui fe retranchèrent , 8c qui auroient arrefté longtemps les Ennemis, s’ils eu fient voulu donner une Bataille generale. Mr de Vau- becour Capitaine de Chevaux Légers, revint,&ramena vingt- fept Chevaux , & douze Cui- raffiers pris à l’Arrieregarde des Ennemis, qui parurent fur une , Hauteur prefque vis-à-vis de Kokberg, où ils mirent des Dragons. On détacha vingt Carabiniers desGardesduRoy, qui firent telle aux petitesTrou- pes qui s’eftoient avancées. Ils forent foûtenus par un Efca- dron de grand’ Garde , Se par les Gardes ordinaires, qui ef- tant montez fur la Hauteur,
Tome 8. Dd
P4 LE mercure
chargèrent les Ennemis, qui
s’approchèrent, &, les pouffèrent
affez loin â la veuë du
Prince Charles. Un Rendu affura
qu’il avoit empelché que
fes Gens ne retournaflent à la
charge. Mr de Soulffe qui avoit
fait avancer plufieurs Troupes
par derrière, chargea les Noftrès,
& leur fit defcendre la
Hauteur. Mrs de Choifeüil &
de Renty qui eftoient de jour,
ayant fait avancer deux Efcadrons
de la Brigade de la Valete,
pour foûtenir leur Détachement,
firent remonter les
Carabiniers &. les Gardes ordinaires
, qui reprirent leur premier
Porte, & quand tout fut
bien difpofé, ils chargèrent l’un
1‘autre par l’ordre de M00'
GALANT.
fleur le Marefchal de Créquy. Cette charge fut vigoureufe. On repoufla les Ennemis fort loin, l’on fe tint longtemps en prefence. Monfieur le Marefchal qui vit arriver beaucoup d’Efcadrons aux Ennemis, envoya ordre à la Brigade des Gardes du Corps du Roy de monter fur la Hauteur avec toute la Brigade de la Valete. Elles femirent fur deux Lignes, ayant deux Efeadrons de Dragons à leur droite. La Brigade des Gardes du Roy foûtint avec une fermeté incroyable un très- grand nombre de Cavalerie. Ellefemefla, &c entra l’Epée à la main dans tous les Efeadrons avancez. Ce fut en ce temps que la Compagnie des
Dd $
as
M
316 le mercure
Chevaux-Legers. sortant fepa- rée en deux, chargea tailla en pièces deux gros Efcadrons. La gauche des Ennemis plia. La droite en fit de mefme, &C leur trente Efcadrons furent mis endefordre, & pouffez jusque dans leur Camp. Monfieur de Créquy fit fonner la< Retraite, mais ce ne fut quepour remettre nos Efcadrons en bataille. Ce foin fut inutile. Les Ennemis n’oferent revenir à la charge, &c firent feulement a- vancer du Canon fur les fept heures du foir, pour déporter nos Gardes ordinaires qui eftoient demeurez fur laHauteur. On tira quelques coups fans nul effet ; &: voyant que nos Troupes ne s’ébranloient point, ils
GALANT. $17 fe retirèrent avec leur Canon, Comme la nuit approchoir, Monfieur le Marefchal fitauffi retirer les Troupesqui eftoient en bataille, &les renvoya dans leurs Portes. Elles paflerent la nuit au Biovac. On vit dans ce moment les Ennemis étendre deux Lignes de Cavalerie à la portée de noftre gros Canon. Ils s’éloignèrent à la pointe du jour. Sur les huit heures, Mrle Marefchal fit avancer quatre Pièces de Canon à cinq cens pas de Koxberg, pour faire retirer les Efcadrons des Ennemis qui eftoient portez fur une Hauteurs & Mr le Marquis de la Frefeliere les pointa fi jufte, qu’il les força à la retraite, Sc tua plufieurs Cavaliers. LeCo- A T-X J ”•
Dd il)
3i8 LE MERCURE tanel Mortagne en fut tué à la telle de fon Bataillon. Voila tout ce qui s’eftpafi'é à la grande Affaire de Kokberg le jour qui l’a précédé &, le lendemain. J’ay faituneLifle de trente on quarante Nomsdesprincipaux Allemans qui ont efté tuez ou bleflez, que je vous envoyeray la première fois, fi vous m’aiTu- rez que la rudeffe de leur prononciation ne peut rien avoir qui vous effarouche. Je vous diray en attendant, qu’on gagne fouvent des Batailles, fans que les avantages en foientplus grands que ceux que cette oc- cafion nous a fait avoir. D^s Timbales, des Etendarts, des Prisonniers de confidération, celuy quicommandoittué,plu-
GALANT. 319 fleurs bleflez, & ce qui eft fur- prenant, aucun des Noftres au pouvoir des Ennemis. La plupart avoient des Cuiraffes, ce il eft à croire que fans cela il en feroit peu refte. Jamais on n’a fait voir tant de valeur, & jamais tant de Gens ne fe font fignâlez dans une mefme occa- fion. Ils méritent de grandes louanges, & je puis leur en donner qui n’auront rien defufpeft. Elles font de leur General. Ce grand Capitaine a voulu rendre jufticeâ leur valeur, &. fa modeftie a efté telle, que quoy qu’il ait efté l’ame de tout, il n’a parlé que de ce qu’ils ont fait. Voicy en quels termes il écrit & des Braves & des Corps qui fe font fignâlez.
Dd iiij
5io LE MERCURE
Mr de S.Eflefue s'y conàuifit en bon (fi brave Chevau-Leger. Mr Bafliment fie aujjl parfaitement* & M? Marin fut affez^ heureux pour faire une charge fi à propos^ qu elle contribua beaucoup au fuc- ces de 1'Action. Mrs de la Serre &de N enfiche Uefirent bien lemd- vie^e de Gens qui fiavent fi conduire parfaitement > (fi Mr de U JFitte avec l'activité qu 'on luy con - noift^fe porta par tout avec beaucoup de vigueur (fi de conduites mai# lors que la meflée efioit plus forte, (fi que le General Mfliï Mar an marchoit pour prendre en flanc nosTroupes qui efl oient ait a* chees au Gombat, Mr deBuz^nval qui commandait les Gens-d'armes Mrde 2Vonan fai fiant les fonEliont de Brigadier ce jour là* (fi MrS ^
I
4
GALANT. 321 yalbelle & de balancé, avec les Chevaux-Légers, firent une charge d'autant plue; admirable,qu'elle Lffit opiniâtrée & menée avec toute la vigueur po Sable. Les Chevaux Légers de la Garde fie furp afferent, je croy que depuis long-temps en Sa veu une Action faite avec tant de vigueur & tant d'ordre.
Dans un autre endroit parlant de l’action de cette grande journée, il ajoute, ^4 laquelle Ldonfeur de JAendpfme, & Meneur le Comte de Schombergfe font trouver. , donnant par leur exemple une grande chaleur au Combat. Mr le Chevalier d'Efirades ù qui j'avoù ordonné de prendre les Gardes ordinaires, les mena a- vec une vigueur inconcevable, Je fuis obligé de faire remarquer au
t
LE MERCURE
R°y la valeur de la Bnyade de la Valete^ & de fon Régiment en particulier, aujfi bien que de celuy de JWr de Cayeux, (5> fryu litre, ment ce qu'a fait Mr de fillars dans le cours de cette dtlion. il fut avec fon Régiment fouvent me fié avec les Ennemi# , tou* jours avec l'avantage qui efdeù à fa valeur & à fa conduite. Mr de Choifeüil dans tout ce Combat a mente beaucoup de loüanyes, & que Sa Majeflé luy fâche bon qre de fon zele & de fon application en tout rencontre.
II marque encor dans un au- tre endroir5que M r deChoifeûil & Renüy> menèrent cette
Affaire avec beaucoup de vigueur & de capacité, Si le Ge- neral eft content de tous ces
GALANT. jij
graves, ils ont bien fujet de
l’eftredeluy. On combat pour
la gloire, &■ en leur rendant à
chacun celle qui leur eft deuë,
il fait que la louange de l’un eft
diférente de celle de l’autre, en
forte qu’elle fe donne toute à la
maniéré dont on s’eft diftin gué,
fans qu’il y ait rien de general;
/jais s’il a rendu juftice aux
autres, on a pris foin de reparer
l’injufticequ’il s’eft faite, en ne
difant rien de lu y. Voicy de
quelle maniéré en parle la Relation
d’un Officier General,
qui a autant de coeur & de conduite,
que d’intelligence dans
leMeftierdelaGuerre
/<? n'ofe rien dire de
le Marefchal, parce que je peindra
te mal Ça Valeur & fa capa?
LE MERCURE cité\ mats les ordres qu'il a don- ner^a fin ordinaire, & la di['portion qu il apport a, fit le gain de ce %rand (fi chaud Combat , (fi je ^fuis dire avec tous les Témoins de cette .Actionquil ne faloit pas moins qu un Homme comme luy four la mener à une fin glorieufie. Vous voyez. Madame, que toutes ces louanges ne font point de moy • mais quand par modeftie Monfieur le Maref- ' chai de Créquy oublie Mr lé Marquis fon Fils, je dois vous dire qu il eut un Cheval bleffc fous luy, & qu’il fit par fa valeur par fa conduite des chofes fort au delà de ce qu’on pou- voit attendre d’un jeune Guerrier de quinze ans, car il rallia des Troupes, & les remena au
GALANT. ;i; Combat avec beaucoup de fermeté. Mr le Marquis de la Ferré fit paroiftre un courage digne de iuy ; 8c à la maniéré dont il fefignala, ou auroit deviné fans leconnoiftre,de quelfang il eft forty. Mr le Marquis de Lu- zerne fit des merveilles. Son Cheval futblefie,8cil eut cinq coups dans fes Habits. Mr le Comte de Schomberg dontj’ay déjà parlé, en reçeut un dans fes Armes. Mr le Marquis de FJefle fe fit fort diftinguer, aufli-bien queMrle Marquis de Monteflon 8c Mr de Bolefme. Ce furent Mrs de Val belle 8c de Bérange, qui firent cette belle Action de féparer les Chevaux Légers en deux Troupes pour s’oppofer à deuxEfcadrons, ce
3x6 LE MERCURE
qui contribua fort au gain de : ] cette Journée. Mr Marin que 1 je vous ay déjà nommé, avec < fon Efcadron des Gardes du > Corps, en bâtit un de Cuiraf- 1 fiers, & deux de Montecuculi. 1 Il eut deux Etendarts, & avoit J pris un Timbalier, mais le Che- < val duTimbalier avant efté tué, < il fut contraint d’abandonner < les Timbales. Un Garde defa < Brigade prit le General Major 1 de la Cavalerie de l’Empereur,
&. un autre le Lieutenant Co- ] lonel de Montecuculi, fort cen- fidérable dans l’Armée, puis h qu’il recevoit les Ordres de ce Grand General qu’il donnoit au Prince Charles. Dans ma première Lettre je feray à mon ordinaire, & vous parleray en
GALANT. 517
peu de lignes de la Maifon
du mérité particulier de chacun
des Braves qui fe font faits remarquer.
J’oubliois à vous dire
que Moniteur de Saint Eftefve
fut un des premiers qui fit paroiftre
l’impatience qu’il avoit
de combatre, en courant reconnoiftre
les Ennemis, fuivy
de M' de la Meifiliere Cadet
dans les Gardes, qui eut fon
Cheval bleffé. Il eft de la Compagnie
de Noailles, & l’on ne
peut rien ajouter à ce qu’elle a
fait. Nous pouvons dire que
nous n’avons rien perdu dans
cette grande Aélion, fi on compare
noftre perte à celle des
Ennemis. Mrs de Haubourg &
deDunefort Exempts, ont efté
tuez} &Mrs deS. Vians,Mon518
LE MERCURE ta fea u & G u i-1 lo n, a u ffi E x em pts, blêfiez. Mrde Valencé Pa efté pareillement.
Quoy que je vous aye déjà nommé Monfieur le Duc de Vendofme parmy les Braves, ceferoitluy faire tort que de ne vousen rien diredeplus. Iln’eft pas des Amis du Prince Charles qui s’eft plaint hautement de luy, mais ces plaintes font les plus grandes louanges que nous luy puiffions donner, puisqu’il avoue que ce jeune Prince a beaucoup contribué à luy dérober la Viéloire qu’il s’eftoit promife par toutes les raifons que j’ay marquées. Il eft certain qu’on ne peut a fiez admirer l’intrépidité de Monfieur de Vendoime. Voyant deux de nos
GALANT. 5i9
Efcadrons pouffez par cinq des
Ennemis , il y courut à toute
bride l’Epée à la main, les ralia,
fe mit à leur telle avec les Officiers,
& pouffa fi vivement les
Troupes oppofées, qu’elles furent
contraintes d’abandonner
JeCoratedeNaffau &c d’autres
Commandans,qui ont tousefté
pris ou tuez. Cette A dion fe fit
en prefence de plufieurs Officiers
Generaux & de Monfieur
Je Marefchal deCréquy mefme,
qui furent furprisde le voir revenir
fans eftre blefle, quoy
qu’il n’euft ny Cuiraffe ny Por
en telle. Ils luy firent un Compliment
deû&à fa Perfônne &
à fon mérité, & le prièrent en
mefme temps de ne vouloir plus
s’expofer de la forte, pour ne
Tonie K. Ee
pas méprifer tout-à-fait les faveurs
du Ciel, Je pourroisencor
vous dire quelque chofe de ce
qui s’eft pafle depuis le Combat,
mais l’endroit eft beau pour
finir, vous fçaurez le refte une
autre fois. Je referve auffi à vous
parler du mérité de ceux à qui
le Roy a donné depuis peu des
Evefchez &des Abbayes. Mais
pardonneriez pas fi je ne vous
envoyois une Enigme pour vos
fpirituelles Amies. Celle que
vous allez lire a efté faîte exprès
pour elles r & doit les embaraffer,
par une raifon que je
vous diray quand nous parleronsduMot.
Elleeftd’unePerfonne
du premier Rang.
?
GALANT. JJ! ENIGME.
1E fais dans le travailfans ejlre en exercicer
Toujours dam les vertus & ne fon f oint du vices
On me trouve au Barreau fans entrer au Pa lait >
port avant dans la Cour &farmy les Valets.
le mérite en Vaillant^ fuie on me voit en fuite. -
je vie en ètourdyfans manquer de conduite:
En Voleur, fuis en Pauvre on me voit flufeurs fois y
Je fuis toujours en Gaule & ne fuis foint François.
Je ne fui s foint en ferte & toujours en ruine.,
Et je fais le Devin fans que l^&n me devineo
a
*
Si les Belles de vos Quartiers
tombent dans l’embarras que
je prévoy , elles n’auront qu’à
confulter Apollon. Parmy fes
qualitez qui font en grand nombre,
il a celle de Devin. Elles
fçavent fans-doute qu’il ne pût
autrefois avoir l’avantage de
toucher Daphné, mais je ne
fçay fi elles en fçavent la raifon.
Elles la trouveront dans ce Sonner.
Quoy qu’il /oit badin, il ne
Jaifle pas d’avoir fa beauté, &
je ne doute point que vous n’en
foyez fatisfaice.
»
GALANT.
7
3H '
SON NET-
1E fuis ( criait jadis Apollon 'à
Daphné,
lots que tout hors d’haleine il courait apres elle,
Et luy contoit pourtant la longue Kirielle
Des rares qualité^ dont il efoit orné.)
<2?
Je fuis le Dieu des Vers. le fuis Bel-Efprit né,
(Mais les Vers rief oient point le Cha'rme de la Belle)
Je fay jouer du Lut, arrefle^. Bagatelle,
Le Lut ne pouvait rien fur ce cæw ohfliné.
334 LE MERCURE
1 e connoy la venu de la moindre Racine^
Je fuis, rien doutezj>as, Dieu de la Medecine,
Daphné courait plut vifte apres ce nom fatal.
%
Mais s il eufldit ^voye ^quelle eft voflre Conquefle^
Je fais m jeune Dieu f eau , qalan^ liberal?.
Daphné fur ma parole auroit tourné la tejle .
Tous les Amans ne font pas fortunez- & 15Amour, pour mieux faire connoiftre fa puif- fance, ne prend pas toujours le party des Dieux. Apollon a lieu de s*en plaindre* laiffonsJe dans
GALANT.
fon chagrin, & voyons ce que die un Mortel plus heureux que Juy. Sa Maiftreflè l’a voit prié de feindre pour tromper le> jaloux, & voicy ce qu’il luy répond.
air nouveau
de Mr Lambert.
, vous m ordonnez^de feindre
De l’indifèrençe pourvois., j4fin de tromper les laloux
Que fans ceffe nous devis craindrez Mais quand on jouit chaque jour Des charmes de voftre préfencey
Qu'il e(l mal-aifé que l' .Amour
■rr i.
Paroiffe de l'indiference!
Quelle que foit la puiffànce
$6 LE MERCURE
de ce Dieu, il a trouve des
coeurs qui n’ont jamais reconnu
fon empire. 11 n’en eft pas de
mefme de la Mort, elle triomphe
toit ou tard , &c vient de
nous ravir Monfieur d’Aligre
à quatre, vingt cinq ans. Tout
fe prépare pour rendre leshon.
meurs !
moire • & quand ceux qui ont
pris le foin d’y faire fon Eloge
s’en feront acquitez, je vous
apprendray à mon tour ce que
je fçay de cet Illuftre Défunt.
Cependant je ne puis m’empefcher
de parler de Monfieur le
bonne heure à la France les
avantages qu’elle doit tirer dü
choix que Sa Majefté vient de
faire de ce Miniftrc pour la
Charge
GALANT. 337 Charge de Chancelier ScGarde des Sceaux deFrance. Monfieur le Tel lier, apres avoir païTé plufieurs années dans les Charges de Procureur du Roy au Chat- telet 6c deConfeiller au Grand Confeil,où il eutplufieursCom- miiïons importantes , fut fait Maiftre des Requeftes, êc en fuite Intendant du Roy dans fon Armée en Piémont, puis fon Ambafladeur auprès de Leurs Alteffes Royales de Savoye; d ’où eftanr revenu, la Cour eftant perfuadée de fon mérité par les Services importans qu’il avoit rendus à laCouronne dans ces difcrens Emplois , il fut choify par la Reyne Mere du Roy pendant fa Régence, pour eftre l’un des Secrétaires d’Etat.
Tome 8. Ff
358 LE MERCURE
Le Département de la Guerre luy citant échu, il fervit dans cette Charge d’une maniéré fi utile a l’Etat, & fi agréable aux Gens de Guerre, qu’on luy remit bientoft le foin de toutes les Affaires qui la regardoient. Il entra quelque temps apres dans le Confeil en qualité de Minifi tre. Sa prudence y a toujours paru, & fon zele y a toujours éclaté pour le Service du Roy. Il a fervy ce Prince pendant les temps les plus difficiles, avec une fidelité à l’épreuve de toutes chofes • & la maniéré dont il a vefcu avec ceux qui s’ écartoient de ce qu’ils dévoient à leur Souverain, leur a toujours fait appréhender fes remontrances, &
GALANT. j;9 Jors qu ’ ils ont voulu rentrer dans leur devoir, ils ont tenté plufieurs fois d’obtenir leur pardon par fon moyen, ne connoif- fant perfonne en qui l’on pût mettre plus feûrement en dépoli: fon honneur Se fa vie. De fi grandes qualitez luy ont acquis en plufieurs temps de grands honneurs, &. luy avoient donné la confidence entière de la Reyne Mere, dont il a reçeu des marques éclatantes par fon Teftament par les dernieres a étions de fa vie. Tant de cho- fes avantageufes luy ont attiré une confidération particulière du Grand Prince qu’il fert au- jourd’huy. On a toujours admiré en luy une modération fans exemple, que la Fortune
54° LE MERCURE
& les Honneurs n’ont jamais pu corrompre • mais parrny ces avantages il doit compter celuy d avoir un Fils qui fertfi bien & Je Roy & l’Etat. Je ne m’éten- dray point davantage fur les grandes qualitez de ces deux Miniftres,. ils font tous deux incomparables, Sc je diray feulement encor une fois ce que toute la Terre doit publier avec moy. Ce Chancelier choifypar le plus grand des Roy s pour remplir la première Charge de fon Royaume , a donné un Homme à Sa Majeflé qt i fçait parfaitement executer toutes les volontez de cepuiflant Monarque, Se qui fait réüiïïr des choies qui n’ont jamais efté méditées que par un fi grand Roy,
î4i
ny exécutées que par un fi grand
jVliniftre.
A Paris ce jz. d’OElobre 1677.
ON donnera un Tome du Nouveau
Mercure Galant, le pre^
cutf retardement. Il fe diftribuëra toû*
jours en blanc chez le Sieur Blageart,
Imprimeur-Libraire, Rue S. Jacques,
à rentrée de la Rue du Plaftre. Et au
Palais, où on le vendra vingt fols
relié en Veau , & quinze relié en
Parchemin—
Ff iij
AVIS.
JE prie ceux qui m’ont fait- îa graceiîe w m’envoyer des Hiftorieres^ des Vers, & g - litres Pièces Galantes, de ne fe point impatienter s ils ne les trouvent pas dans ce Volume. Comme j’en reçois de tous coïtez , il m eft impoflible de mettre tout dans le mefme temps , & je fuis obligé de preferer ce qui a le plus de raport aux nou- ve^es du Mois dans lequel j’écris- mais ennn tout le monde aura fon tour’, & je n’qfteray. à perfonne la gloire qu’on doit attendre des agréables chofes qu’on me donn? pour embellir le Mercure.,
Ceux qui 1"* achèteront , doivent prendre garde qu’il ne (bit pas d’une Im- prefton contrefaite. On l’imprime dans piUheurs Villes hors du Royaume , fur tout a Nimtgue & à Bruxelles, & l’on envoyé des Exemplaires contrefaits dans quelques Provinces de France. Ils font remplis, de quantité de fautes, comme le font ordinairement tous les Livresque l’on contrefait avec précipitation. Mais ce eft pas le leuf defaut-qu’ils ayent 5 & ft 1 on prend la peine de les examiner, on les trouvera moins amples que les véritables, parce que les Etrangers lùpriment la plus grande partie de ce qui eft defavanrageux leur Nation, & glorieux à la France^
Table des Matières contenu B- en ce Volumes
1“* implication de U Enigme du VIE
Torne du Mercure Gala nt.
Les Fléchés d*Amour.
Les Apparences TrompeufeSylFifioiret "Eupture.
Imitation de la Galatee de Virgile. *J)ivers ‘De'tachemens de l Armes de Flandre.
Sonnet fur la Campagne des Ennemie en Flandre.
Confiâti un d M. de Montai fur la LeVee du Siégé de Charleroy.
Epitaphe de Qitron tuf devant Charleroy
Augmentation d un lieutenant d'un En feigne dans les quatre Compagnies des Gardes du (porps.
Prérogatives de la Lettre L.
%e'gal donné d Son Altejfè LÇoyafa L'Adieu aux Mufes*
TABLE.
Mort de M. Charpentier5 Doyen du
Grand (ponfeil.
Le liai de Çampagne9 on les Illufires
Fendangeufes, Fijloire.
Lettre a l A ut heur du Mercure G alant
touchant FExplication de l'Cnigme
du FIL Folume,
Le 7hilojophe Amanty Sonnet.
L'Lfypocrite, Sonnet.
des Moutons.
MeJJieurs de F Acade'.
tnie Françoije3 par MonJieurColhert.
Fers de M. l AhbéFuretiere 0
Madame y a yoir prendre un Fort at~
taque & défendu par MeJJieurs lot
Academijles de T Academie de Ferna
dfproche amoureuse.
J^efolution de ne plus aimer.
Mort de MTBoiJyin duFauroüy
TABLE.
filler au T arlement.
Mort de M. le Maye delà Couraudiere
Cour des A-ydes.
Ayant ure des Tirailleries.
Fxtra't de la Lettre d'un Solitaire.
Vers envoyer dans un Tome du Mer-
V Intendance du Tourbonnois.
Mort de Madame de Montauglan.
Tout ce qui s eft fafe à Fontainebleau
fendant le Séjour que LeursMajejlq;
y ont fait. Cet Article contient ceux
des Comédies > O fer a, Tais, Flan
d'une Collation, Cbajfes, CT
niere dont les T âmes ont ejle farces
dans tous ces Tiyeriifemens.
le T> uc de Fermandois, CT à Mademoi
file de T lois ,far Mi. du I in.
T^etour de M. Court in de fn Ambaffade
d'Angleterre.
M. le C*rdin*L d'Eftrées eft en^eoyS
table.
Amlajfadeur Extraordinaire à T^ome,
Mariage de M. le Marqué de Ter in. g^en, de .Madtmoiflle d'Au* mont,
Ce qui s efl pafe fendant toute la . Campagne entre l’Armefe du foy g commandée far M. le Earon de Monclar, & celle des fer clés.
Tout ce qui s eft fait en Flandre depuis le SI ois dernier,
A irs fur la Tarife not/yelle appellee U ‘Desforges.
Tout ce qui s‘eft pafte à la Tournes de •fpfierg7ay>ec les Noms de torts ceux qui s'y font fignales^ <f$* leurs allions les plus remarquables,
Enigme.
bonnet fur les Amours d‘Apollon & de Daphné.
de M. Lambert.
MondeMonfieur V Afre, Chancelier CT Garde des Sceaux de France. e ^1-^ donne la mefme Charge d Monfieur le Tellier. *
Fin de la Table.
PAr Grâce & Privilège du Roy, Donné
à S. Germain enLayele if.Fev.1672.
Signé, Par le Roy en fon Confeil, Vi’llet*
Il eft permis au Sieur Dan. défaire imprimer
, vendre & débiter par tel Imprimeur
& Libraire qu’il voudra choifir un
Livre intitule Le Mercure Galant’ en
un ou plufieurs Volumes, pendant le temps
de dix années entières, à compter du jour
que chaque Volume fera achevé d’imprifmer
pour la première fois. Et defenfesfonc
faites a toutes Perfbnnes de contrefaire
lefdits Volumes, à peine de ïîx mille livres
d’amende, ainfî que plus au Ions il eft porte
efdites Lettres. ù r
Regiftréfurle Livre delà Communauté
le 27. Février 1672.
Signé, D.Thierry, Syndic.
Et ledit Sieur Dan. a cédé fon droit de
Privilège à C. Blageart, Imprimeur-Libraire,
fuivant l’accord fait entr’eux.
itobevè d'imprimer pour U première foie
le premier Novembre
Qualité de la reconnaissance optique de caractères