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1795, 07-09, t. 17, n. 61-73 (23, 28 juillet, 2, 7, 12, 17, 22, 27 août, 1, 6, 11, 16, 21 septembre)
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LIBERTÉ , ÉGALITÉ.
( No. 64.)
Decadi 10 Thermidor.
l'an troisième de la République .
( mardi 30 Juillet 1795. vieux ftyle . )
MERCURE
FRANÇAIS.
HISTORIQUE POLITIQUE
ET
LITTERAIRE
Le prixde Abonnement eft de so liv.
pous les Departemens &pourParis.
München
CALENDRIER
RÉPUBLICAIN.
THERMIDOR.
La Lune du mois a 29 jours. Du premier au 30 les jours
décroiffent de 40 min. le matin , & de 41 le foir.
Ere Républicaine.
Erc
J. PHASES
Valgaire
de de la
LLUNE
.
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I duodi
3 tridi.
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Decadi.
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Jer . 135.
MERCURE
FRANÇAIS ,
HISTORIQUE , POLITIQUE
ET LITTERAIRE ;
PAR UNE SOCIÉTÉ DE PATRIOTES.
Du Quintidis Thermidor , l'an troisieme
de la République.
( Jeudi 25 Juillet 1795 , vieux style. )
TO ME XVII.
BIBLIOTURCA
REGIA
MONACHYSIS
REPUBLIQU
FRANÇAI
A PARIS ,
Au Bureau du Mercure , rue des Poitevins ,
No. 18.
Bayerische
Staatsbibliothek
München
TABLE des matieres littéraires , depuis le 24 mai
jusqu'au 18 juillet 1795 , vieux style.
APPEL
PPEL à l'impartiale postérité , par la citoyenne Roland
, femme du ministre de l'intérieur .
Supplément à l'histoire du Lion de la ménagerie et de
son Chien ...
Annonces de gravures .
Notice sur le voyage d'Entrecasteaux , envoyé à la recherche
de la Peyrouse ; par 7. Lalande ...
Panification du viz ..
Conversation entre le dimanche et le décadi .
page
3.
57.
60.
89.
91 .
93.
De l'art oratoire dans les républiques ...
Annonces de livres nouveaux . 150.
Suite de l'art oratoire dans les républiques . 153.
Annonces de livres nouveaux .... 160 .
Conjuration de Catilina ; par Salluste , traduite par
Billecoq ....
185 .
Eloge de Barthelemy , auteur du voyage du jeune Anacharsis
; par J. Lalande .... 189.
Voyage à la Chine , à la côte nord- ouest de l'Amérique
en 1788 et 1789 , etc. trad. de l'anglais de Meares ;
par Billecoq..
249:
Sur l'inconstance du peuple , etc.
251 .
Annonces de livres nouveaux . 255.
Le Télégraphe de l'hymen , dialogue en vers .
217.
De l'esprit de la constitution qui convient à la France ;
par 7.7. Lenoir- Laroche... 219 .
Annonces de livres nouveaux .
1
Renseignemens sur l'Amérique , rassemblés par Thomas
Cooper , trad. de l'anglais .
Vers à la citoyenne Desgarcins .
Célestine , ou la victime des préjugés ; par Charlotte
: Smith ..
Annonces de livres nouveaux .
Théorie de la terre ; par J. C. de la Méthérie ....
Considérations politiques , philosophiques et religieuses
sur la révolution française.
Maximes détachées , extraites des manuscrits de Champfort.
282.
289.
313.
314.
321 .
345.
348.
350.
( No. 61. )
MERCURE FRANÇAIS
QUINTIDI 5 THERMIDOR , l'an troisieme de la République.
( Feudi 25 Juillet 1795 , vieux style . )
MORALE POLITIQUE.
་
,
NOUVELLE DECLARATION DE LA MORALE RÉPUBLICAINE , ou
des devoirs de l'homme et du citoyen ; objet constitutionnel
et projet de loi pour la promulguer , et lier par elle les opinions
religieuses et les cultes au soutien de la République ;
par F. LANTHENAS , membre de la représentation nationale
: faisant suite aux moyens qu'il a proposés de vaincre les
obstacles à la République , et de l'organiser : brochure
de 124 pages. A Paris , chez MARET , libraire , au jardin
de l'Egalité. Prix , 7 liv . 10 sous franc de port par la
poste , et 15 liv . avec ce qui précede depuis le 4 vendemiaire.
Il est plus facile de sentir la nécessité de fonder une
république sur les principes de la morale , que de réaliser
ce sublime projet. Ce ne sont ni les conseils ni les
maximes qui ont manqué aux hommes . Depuis qu'il y
a eu des sages sur la terre , leur rôle a été de prêcher
les foux et les méchans , et malheureusement ceux - ci
ont mis plus d'obstination à continuer de faire des
sottises , que les autres n'ont pu en mettre à les en em
pêcher. La voix de l'intérêt et l'intensité d'une seule
passion font oublier plus de maximes en un jour , que
les philosophes n'en publient en un siecle . On ne corrige
pas mieux les hommes par des paroles , qu'on ne
les gouverne. C'est une vérité, que l'ou a trop méconnue
dans le cours de la révolution . Les honnêtes gens n'ont
pas besoin de la morale des livres , et les fripons s'en
moquent. Il faut à ces derniers autre chose que des préceptes
.
Faut - il donc renoncer à enseigner la morale anx
hommes ? Non , sans doute ; mais il faut les y conduire
par des routes d'autant plus sûres qu'on aura pris plus
de soin de les leur dérober. Les meilleurs prédicateurs
A 2-
( 4)
·
de morale , ce sont de bonnes lois , un bon gouvernement
Faites que les hommes trouvent leur intérêt à
Lêtre bons et justes , et qu'ils ne puissent faire le mal
sans ressentir aussi - tôt le frein des lois ; voilà tout le
secret de la morale politique. Les anciens législateurs
étalaient peu de sentences philosophiques dans leur
code , mais ils y mettaient beaucoup de sagesse . Ils
avaient senti que la morale en action fait plus d'im-.
pression sur les hommes , que toutes les leçons de la
sagesse . Les plus habiles ont fait plus ; ils ont attaché
la politique à la religion , sûrs de donner à leurs institutions
des fondemens plus durables . Voyez les lois de
Moyse et celles de Maliomet ; c'est Dieu qui dicte aux
Hébreux le décalogue ; c'est le grand - prohête qui gouverne
les Musulmans ; et il faut le dire , les lois de ces
deux peuples sont encore celles qui ont subi le moins
d'altération au milieu des longues vicissitudes humaines .
Chez les Romains , l'amour de la patrie était érigé en
culte par- tout les idées religieuses étaient mêlées à
celles du gouvernement , et la seule religion dn serment
a plus soutenu la république romaine que les sénatusconsultes
et les plébiscites.
Une fois qu'un peuple en est venu à ce point de
confondre son gouvernement avec sa religion , il n'est
pas un rapport , pas, un sentiment qui l'éleve à la divinité
, qui ne le rapproche en même tems de la patrie ;
servir l'une , c'est honorer l'autre ; le respect pour les
Jois est un culte , comme leur infraction est un sacri .
lége . I est aisé de contevoir le degré de puissance
qu'acquieft ce double levier dans les institutions sociales ;.
mais aussi si la religion de ce peuple est fondée sur je
mensonge et la superstition , ou si son gouvernement
est défectueux , il n'est presque pas plus possible de
réformer les erreurs de l'une , que de corriger les abus
de l'autre ; c'est ce qui doit rendre les législateurs extrêmement
attentifs à ne rien admettre de faux ni de trompeur
dans ce mélange de lois politiques et de théocrátie.
La mesure de cette association est chez une nation
' éclairée un problême plus difficile à résoudre , que ne
le fut pour Archimede celui de la couronne d'Hiéron .
Car , s'il existait une portion d'individus assez nombreuse
qui n'admit aucune des idées religieuses incorporées
à la constitution , on risquerait d'affaiblir chez
ceux-ci le respect que l'on doit aux lois de son pays.
Il paraît que ces difficultés n'ont point embarrassé le
( 5 )
citoyen Lanthenas . Convaincu avec tous les vrais philosophes
, qu'il ne peut exister de société sans morale ,
ni de morale sans en placer la source dans la cause
immuable qui régit le monde motal comme le monde
physique , c'est sur cette bâse qu'il pense que l'on doit
fonder les devoirs de l'homme et du citoyen . Mais il
a soin d'en écarter toutes les idées dogmatiques et métaphysiques
, qui ont fait de la religion primitive et
naturelle tant de religions différentes , et divisé les :
hommes qui auraient dû se souvenir qu'étant enfans
du même Dieu , ils doivent tous se connaître pour
freres.
Il est aisé de se convaincre que le citoyen Lanthenas
a puisé toutes ses idées dans le passage suivant de
Rousseau , qu'il a sans doute beaucoup médité :
13
Les dogmes de la religion civile doivent être simples
, en petit nombre , énoncés avec précision , sans
explications ni commentaires . L'existence de la divinité
puissante , intelligente , bienfaisante , prévoyante ,
la vie à venir , le bonheur des justes , le châtiment des
méchans , la sainteté du contrat social et des lois ; voilà
les dogmes positifs . Quant aux dogmes négatifs , continue
Rousseau , je les borne à un seul , c'est l'intolérance
; elle rentre dans les cultes que nous avons exclus. " ,
( Contrat- Social ; de la Religion civile . )
La morale républicaine qu'expose le cit. Lanthenas ,
n'est que le développement des dogmes de cette religion
civile ; mais il a trop cublié qu'ils doivent , selon
Rousseau , être énoncés avec précision , sans explications
ni commentaires . En effet , il divise sa déclaration des de
voirs de l'homme et du citoyen en trois parties : 12. rapports.
supérieurs de l'homme à Dieu et à la nature , et devoirs
qui en résultent ; 2 ° . rapports de l'homme à lui-mêms:
et devoirs qui en résultent ; 3 ° . rapports de l'homme
avec ses semblables et tout ce qui l'entoure ; rapports
qui en résultent : chacune de ces divisions qui pac
elles -mémes tendent déja à affaiblir un objet où tout
doit être rapproché et lié dans un ensemble , contient
une série d'articles beaucoup trop nombreux pour qu'il
n'y ait pas des répétitions et des superfluités . Il est
même des conseils trop minutieux pour trouver place
dans une déclaration constitutionnelle , teis par exemple
que ceux - ci :
" En, santé écarte de ta personne toute souillure
respire , l'air le plus pur ; chaque jour lave ton corps ;
A 3
( 6 )
que des exercices , des frictions , l'air , l'eau et la lumière
l'assainissent etile fortifient . "
Malade , nétoie tes entrailles comme ton corps ;
abstiens- toi ; écoute ton instinct ; repousse le p son
que l'inquiétude , l'incurie et le charlatanisme distribuent
, etc. ??
Sans doute , l'hygienne doit faire partie de l'instruction
publique. Le soin de conserver sa santé tient de
plus près qu'on ne pense à la morale , et il Y a longtems
que les sagés ont reconnu l'influence d'un corps
sain sur les opérations de l'esprit , ce qu'ils ont exprimė
par cette maxime : Mens sana in corpore sano . Moyse et
tous les législateurs orientaux sont entiés sur ce point
dans des détails très - étendus , dont ils ont fait des objets.
de religion , parce que dans ces climats extrêmement
chauds , importait de faire une obligation sciée
des ablutions et de la qualité meme des alimens ; mais
dans nos climats tempérés , catte obligation est moins
indispensable , et si on doit la regarder comme utile ,
il faut convenir que de pareils préceptes ne sont pas
de nature à être énoncés dans le code politique d'un
peuple ; il suffit d'en faire un objet particulier de
l'éducation .
1
Quoique la déclaration des devoirs de l'homme et du
citoyen que propose l'auteur , ait le défaut de n'être
ni assez simple ni assez précise , il la regarde comme
insuffisante , et pour y suppléer , il imagine de reprendre
chaque article des trois divisions qu'il a adoptées , et
de les commenter par des paraphrases , et comme s'il
craignait de n'en avoir dit assez , il a fait sur la plupart
des articles des notes explicatives . On sent que ce
travail infiniment estimable d'ailleurs est beaucoup
trop long , et ne saurait convenir à un acte constitutionnel
, où le laconisme est nécessaire ; car les lois les
plus courtes se gravent plus profondément dans la mémoire
et la raison des hommes . Quand Moyse donna
au peuple hébreu les tables de la loi , il les écrivit en
dix articles , et ces dix articles sont encore , après plus
de trente siecles , les préceptes religieux et moraux
les plus simples et les plus incontestables .
L'auteur a choisi , dans sa déclaration des devoirs , la
forme impérative ; ce sont les commandemens de la
société à chacun de ses membres. Cette forme est sans
contredit la plus convenable à la dignité de la légis
( 7 )
lation ; mais c'est parce qu'elle est grande et majestueuse
qu'il faut en user sobrement ; l'amourpropre
humain supporte impatiemment les " longues
leçons .
Nous pensons donc avec le cit . Lanthenas , qu'une
déclaration des devoirs constitutifs de la morale répu
blicaine peut être extrêmement utile à la suite de la
déclaration des droits ; mais nous croyons que , pour en
recueillir le fruit qu'on doit en attendre , il faut la
renfermer dans le moins d'articles possible . Nous
croyons de plus que les préceptes moraux seront tou
jours insuffisans , si l'on n'y joint la force des lois et
des institutions. Les moeurs ne se commandent pas ,
elles s'inspirent ; c'est de toutes les modifications de
l'état social , celle qui est le plus dépendante d une
infinité de causes ; non que la morale soit une chose
difficile , mais parce que les obstacles qu'elle rencontre
dans la pratique sont plus ou moins nombreux et
puissans , selon que les gouvernemens et la législation
ont plus ou moins fait pour l'amélioration de l espece ,
humaine et sur- tout pour son bonheur . Si l'on n'épure ,
si l'on ne moralise les différentes causes qui agissent
sur les habitudes et les actions des hommes , la théorie
ne produira sur eux qu'un effet d'admiration ; mais en
applaudissant à la métaphysique des principes , ils ne
continueront pas moins à se diriger sur des regles qui
leur paraissent plus conformes à leur intérêt. C'est donc
Forganisation politique des moeurs qu'il faut créer, et
cette organisation est encore à faire .
Quoi qu'il en soit , en attendant ce grand travail de
la legislation , les préceptes de morale contenus dans
l'écrit du citoyen Lanthenas sont bons à méditer, ét
l'esprit philantropique qui les lui a inspiré lui donne
des droits à l'estime des bons citoyens et des amis des
moeurs . Avant même la révolution , l'auteur s'était fait
connaître par des productions qui annonçaient son
amour pour l'humanité , et depuis qu'il a été membre
de la représentation nationale , il n'a cessé , dans les
circonstances même les plus périlleuses , de professer
les mêmes principes et de parler de paix , d'union ,
de justice et de vertu , au milieu du déchaînement
des passions et des fureurs de tous les partis . Il a réuni
les différentes vues qu'il a présentées à la Convention
en un volume de plus de 650 pages , sous le titre de
A 4
( 8 )·
--
看
Bases fondamentales de l'instruction publique et de toute
constitution libre ( 1 ) ; ouvrage que la ty annie de Robespierre
avait empêché de paraître , et qui n'a été publié
qu'après le 9 thermidor."
ECONOMIE POLITIQUE. COMMERCE. '
Tableau du commerce de la France avec la Suisse.
De
E toutes les puissances neutres avec lesquelles la
République Française a des relations commerciales , il
n'en est pas qui puisse fixe ; plus particulierement l'attention
que la Suisse .
Le commerce de la France avec la Suisse peut être considéré
, depuis dix ans , sous quatre époques : 1 ° . avant
la révolution ; 2 ° . dans les premieres années de la révolution
; 3. pendant la durée des proscriptions , du maximum
, des requisitions ; 4° . enfin , depuis le relâchement
ou la chûte de tout systême de destruct on .
1º. Avant la révolution , le commerce ostensible de
la France avec la Suisse s'élevait , sur une année moyenne
de trois , à la valeur métallique de vingt- un millions
d'exportation de France , sur sept millions environ d'importation
de Suisse en France . Mais dans la somme de
sept millions n'est pas comprise une valeur de peut- être
vingt millions , tant en horlogerie qu'en toiles de coton ,
dont les forts droits imposés par le tarif d'entrée pro- ,
voquaient alors l'introduction clandestine en France ;
en sorte qu'il était notoire qu'en définitif , cette con- ,
trée comptait annuellement à la Suisse une solde ou
balance en argent pour résultat du commerce respectif.
Cet état de choses s'est soutenu à- peu- près sur le même
pied depuis la révolution , avant la grande émigration
et l'émission en fortes quantités d'assignats .
2º . Dans les premieres années de la révolution , après
l'émigration et après l'émission des 'assignats , c'est - à - dire
notamment depuis le 1. janvier 1792 jusqu'au 21 novembre
1793 , ce qui comprend un espace de 23 mois ,
les exportations pour la Suisse se sont élevées à cent
( 1 ) On le trouvé à la même adresse que l'ouvrage que nous.
annonçons.
( 9 )
vingt-un millions , et les importations de la Suisse seulement
à 34,500,000 liv . , ce qui produit , du côté de
la France , un excédent d'exportation de 86,500,000 liv.
Un excédent aussi considérable est le résultat de dif
férentes circonstances qu'il faut se rappeler.
D'abord en France tous les prix de cette époque ,
particulierement ceux des denrées coloniales , hausserent
sensiblement , et la Suisse en recevait des quantités
assez considérables pour sa propre consommation ; ensuite
les produits de l'industrie française furent exportés
dans la proportion de la masse des capitaux et du res
venu pour remboursement et arrérages que les émigrés
ou étrangers voulurent tirer de France en nature de
marchandises , de maniere que sous aucun de ces rapports
, cet excédent de 86,500,000 liv . sur les importa
tions de la Suisse , ne la constituait débitrice de la
France ; seulement cette progression dans les ventes de
cette derniere contrée , pouvait lui fournir les moyens
de solder ou à- peu-près toutes ses dettes commerciales
précédentes envers la Suisse .
3. Pendant la durée des proscriptions , du maximum
et des requisitions , depuis le 21 novembre 1793 jusqu'au
10 août , ce qui comprend un espace de dix mois ,
la valeur des importations en vingt piincipaux articles ,
ne fut pas moindre de 150.944,000 liv . , ct les exportations
de France ne s'éleverent qu'à 32,173,000 liv .; ce
qui présente un excédent d'importation de la part de la
Suisse de 126,771,000 liv .
Il faut observer que depuis cette époque les prix sont,
au moins triplés sur valeur métallique ; ensuite que le,
commerce de la Suisse , depuis que l'Allemagne est
devenue un des théâtres de la guerre . s'est augmenté
des relations indirectes de la France avec cette contrée
de Europe . Par exemple , les chevaux , les cuivres et
les draperies sont arrivés en France d'Allemagne par la
Suisse , et la France y a reporté par la même voie , ses
étoffes , ses gazes et ses rubans de soie. H faut ajouter
encore que le bas prix actuel du change permet aux
Suisses d'acquitter aux entrées de France les droits les
plus forts imposés par les tarifs sur les toiles de coton ,
et même sur 1 horlogerie , quoique le droit par montre
soit réduit de 3 à 2 liv . par le nouveau tatif. Ces marchandises
qui étaient autrefois introduites en contrebande
, font actuellement partie des enregistremens dans
les douanes .
1
x ( 10 )
Tous ces motifs justifient donc la possibilité de l'exeédent
d'importation de 126,971,000 liv . Mais la faiblesse
des ventes de la France à cette époque , doit
rappeler le souvenir de la tyrannie exercée , pendant
cette même période sur les personnes et les propriétés.
4° . Depuis le relâchement ou la chute des propcriptions
, du maximum et des requisitions , c'est-à- dire spécialement
pendant les quatre premiers mois de la troisieme
année républicaine , les importations de Suisse
en France , seulement en 20 principaux articles , s'élevent
à une somme de 167,146,000 liv. , et les exportations
de la France en Suisse ne montent pas à plus de 15 millions
240,000 liv .; ce qui offre une nouvelle dette de
la France envers la Suisse , de 151,906,000 liv. On observe
que dans cette période les prix ont généralement
quintuplé sur valeur métallique.
Il résulte de tous ces apperçus , qu'en 14 mois la
France paraît redevoir à la Suisse 228,677,000 liv . , valeur
en assignats ; et cette dette est de plus de 150 millions
pour les seuls quatre premiers mois de la présente
année.
ANNONCES.
Le commerce et le gouvernement considérés relativement l'un à
l'autre , ouvrage élémentaire ; par M. l'abbé Condillac , de
la ci devant académie française et membre de la ci - devant
société royale d'agriculture d'Orléans : nouvelle édition en
2 volumes in - 12 , brochés. Prix , 14 liv. et 15 liv. franc de
port par la poste , pour les départemens et pays conquis . A
Paris , chez Morin , libraire et commissionnaire , rue Christine
, no. 12 ; et chez tous les libraires et directeurs des
postes.
Il faut affranchir les lettres et faire charger celles qui contiendront
des assignats.
Nota. Cet ouvrage intéressant manquait depuis long tems.
.
Euvres politiques de M. le comte de Hertzberg , ministre de
sa majesté le roi de Prusse ; précédées d'une notice sur sa
personne et les emplois qu'il a successivement remplis trois
volumes in- 8° . Prix , 30 liv. et 36 liv . franc de port par la
poste. A Berlin , et se trouve à Paris , chez Maradan , libraire ,
Iue du Cimetiere - Saint- André - des- Arcs , nº . 9 .
( 11 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 2 juillet 1795.
@ICI de nouveaux détails sur la maniere dont s'est opérée
la reconnaissance faite par la Porte , du citoyen Verninac
comme ministre de la République Française .
Le ministre de Prusse notifia au divan le traité passé entre
la Prusse et la République . La Porte avait déclare jadis qu'elle
ne reconnaîtrait pas la République avant qu'une tête couronnée
l'eût fait ; de cette maniere elle ne fut plus gênée
dans sa marche . Le sultan alors reçut formellement le citoyen
Verninic comme envoyé extraordinaire ou ministre plenipotentiaire
français . Deja le dragoman de la Porte s'était transporté
, avec la plus grande pompe , chez le citoyen Verninac ,
qui lui fit present d'une superbe montre enrichie de brillans ,
avec une chaîne pareille. Après cette reconnaissance ministérielle
, les armes de la République Française furent placées
sur la porte du
palais de l'ambassadeur. Le ministre de Prusse
est alle faire sa visite de compliment au nouvel envoyé ;
mais les ministres des autres puissances n'ont pris aucune
part à cette cérémonie . Depuis , le citoyen Verninac ne ceste
d'avoir des conférences avec les membres du divan .
Le chargé d'affaires de la république des Provinces - Unies
avait remis , il y a quelque tems , un mémoire à la Porte ,
dont on jugera l'objet par la réponse qui lui a été faite . Certe
réponse est du 13 de ce mois ; elle porte que le ministre
ottoman , l'ancien et le fidele ami de la république , a reçu
la communication du nouvel ordre de choses , avec le contentement
qu'il a toujours éprouve à chaque événement qui
pouvait être utile et avantageux à la république , et coopérer
au bien - être et au repos de chaque province en particulier.
Le prix des denrées continue toujours à être excessivement
eher. On attribue cette circonstance malheureuse au retard
qu'éprouvent les transports des grains d'Alexandrie , exposes
dans leur trajet aux corsaires maltois . Le capitan - pacha
vient de se décider à se porter lui-même , avec quelques fré(
(12-))
1
gates , pour donner la chasse à ceux - ci , et protéger le commerce
ottoman . .
Ces nouvelles de Constantinople sont du 26 mai . Les suivantes
, de Belgrade , sont faites pour inquiéter la Porte - Otto-
Nons en avons déja parlé , mais nous croyons devoir
les redonner , parce qu'on ne les connaissait que confusément ,
et qu'on en trouve ici la date et des circonstances impor-
тане .
tanies.
Nous apprenons que la ville et forteresse de Belgrade est
tombée au pouvoir des Serviens et Bosniaques révoltes , au
nombre de 10 mille hommes ; ils avaient à leur tête les restes
de la garnison qui défendit Belgrade contre le général Laudon ,
* qui après la prise de cette place et d'après la paix de
Srstove , fat repartie dans la Bosnie et la Servie. Cette troupe
avait deja témoigné dans plusieurs occasions son dépit de ce
qu'à la paix on l'avait remplacé à Belgrade par une autre
garnison tarque . Elle s'est donc mise à la tête des mécontens
, et a marché sur Belgrade , le 12 juin , avec des canons
qu'elle avait , dit- on , obtenus du commandant turc à Orsova ;
mais on ne dit pas si c'est de gré ou de force . Le 15 , à deux
heures du matin , ils se présenterent devant Belgrade , et
menacerent de l'emporter d'assaut . Le pacha leur fit répondre
par une terrible canonnade . La plupart des habitans de la
ville effrayés se réfu ierent à 3emlin . A neuf heures du matin ,'
les rebelles étaient déja maîtres de la ville et d'une partie
des fortifications. C'est alors que le pacha , réfugié dans la
citadelle , doit avoir capitulé. La plus grande partie de la garnison
a été massacrée , et l'on porte à 300 le nombre des
habitans qui ont péri . Les rebelles sont , à ce qu'on présume ,
diriges par un pachi des environs : ils observent une sorte
de discipline ; on raconte qu'ils ont fait publier dans tous
les endroits où ils ont passe , que les habitans eussent à se
tenir tranquilles dans leurs maisous , moyennant quoi il ne
leur arriverait rien ; mais que les maisons qui se trouveraient
abandonnées , seraient aussi tôt pillées et livrées aux flammes .
Cet événement extraordinaire peut avoir des suites très - sérieuses .
Le commandant autrichien à Semlin a pris toutes les précantions
de prudence , pour se mettre à l'abri de toute entreprise
de la part des Turcs.
On mande de Petersbourg que Catherine II vient d'appeller à
sa cour le duc de Polignac , par une lettre très - flatteuse qui
Ini annonçait qu'elle accordait à ses fils divers brevets pour
des charges militaires . Cet émigré fameux avait été envoyé
par les princes français-auprès de l'empereur , et n'ayant point
réussi à la cour de Vieune au gré de son ambition , il s'était,
retiré depuis quelque tems à Eisenstadt où il méditait sur la
vicissitude des choses humaines. Il court ici un bruit trèssingulier
et très - peu croyables, c'est que l'impératrice de
---
( 13 )
Russie , non contente d'avoir fait des instances très -pressantes
à Frédéric- Guillaume pour en obtenir l'annullation du traité
de la Prusse avec la France , a fini par exiger de lui une
réponse cathégorique à ce sujet; ile en a fixé le terme au
42 de juin , en faisant dépendre de cette réponse l'exception
des mesures décisives qu'elle compte prendre une démarche
aussi impérieuse doit sans doute paraître bien extraordinaire .
Cependant , on cite à l'appui du fait précédent le suivaus qu'on
doune comme également vrai , et qui est peut être également
faux. Des émigrés français de distinctio se disposadena à
en Amérique. Ils ont reçu de Berlin Pavis de ne passe presser
de quitter l'Europe , en leur faisant entendre qu'il se préparait
des evenemens qui pourraient amener leur prompt refour
dans leur patrie . Ce qu'il y a de plus clair dansitout cela
c'est que les enneinis de la France pratiqueut désomanoeuvres
de tonte espece pour empêcher la paix et l'ordre de se retablir
dans cette République . Les malveillans seraient aussi bien
aises de semer des soupçons entre les nouveaux Jalliós ..
passe
[
?
Le dae dépossédé de Courlande a quinté Petersbourg e
15 jain. L'imperatrice a nommé gouverneur, de ce pays Beuni
le général major de Lamsdorf, et vice -gouverneur le conseiller
de Hurko .
Les troupes russes eu Pologne se montent à 169,600 hommes,
commandés par le comte de Suwałow.
On croit que la flotte russe de Cronstadt a mis de la voile
vers le milieu de juin ; c'est aux Dunes qu'elle doit aller
prendre sa station .
3168
De Francfort- sur - le -Mein , le 5 juillet. vad.
703
Au- dessous de Cologne et sur la grande roue mênîé , un
ballon des Français fit le 28 juin une ascension. Il était près
de 3 heures de l'après - midi lorsqu'il s'éleva , et il testa plus
d'une heure dans les plaines de l'air . Cela ne nous amonce
rien de bon . D'ailleurs , aux grands mouvemens que font bes
Français , il est aisé de voir qu'ils ont un grand deparin, Leur
quartier - général est à Cologne , où arrivent toujours the nouvelles
troupes venant du haut , et qui sont destinėes , ou
à suivre les fortes colonnes qui out et envoyées vers le bas ,
ou à les remplacer sur les points de notre region.
H
,
Le 24 et le 25 , ils avaient enlevé de leurs batteries visà
- vis de Mulheini , toute l'artillerie qui s'y trouvait depuis ,
le commencement de la semaine ; mais ils laiosubstituent
maintenant celle qui est amenée par les nouvelles troupes .
Comme cette artillerie n'est que de petit calibre , eo que le
travail ne discontinue point sur toute la ligne des ouvrages
de défense , on pourrait en conclare qu'ils ne méditent aucune
- attaque par ici <, «od effectivement l'on est fortben mesure
(( 14)
小
de se défendre avec succès . Aussi ne nous appercevons- nous
pas de la moindre inquietude dans les Autrichiens . Le bruit
est même general qu'ils quitteront ces environs sous très- peu
de tems , et qu'à leur place il nous viendra de troupes pala
tines.
Le conclusum , qui a été arrêté par la diere de Ratisbonne ,
dans la séance da 3 juillet , est ainsi conçu :
Le très-gracieux décret de commission impériale , daté
du 19 de mai , ayant été pris en déliberation dans les trois
colléges de l'Empire , et les suffrages ayant été recueillis , il
été convenu et arrêté ,
1° . Que l'on regarde comme une nouvelle preuve de la
sollicitude paternelle de sa majesté impériale pour le bien
de l'Empire , qu'elle ait daigné informer exactement la diete
de l'execution du conclusum du mois de décembre dernier ,
auquel elle avait accédé ; que sa majesté ait demandé pomptement
une détermination précise de la maniere dont on doit
réaliser et mettre à exécution l'influence que l'Empire s'est
réservée , et sa coopération aux négociations de paix ; qu'enfin
elle ait daigné , par le décret de commission du 19 mai ,
donner à la diete l'occasion d'ouvrir toutes les voies , et d'employer
tous les moyens qui peuvent conduire au grand but
d'une paix convenable et solide.
2 ° . Que le voeu coustant et la résolution formelle de la
diete sont toujours que , dans une réunion parfaite et inalte
rable de tous les états de l'Empiue avec leur chef suprême ,
il soit conclu d'une maniere durable une paix générale dans
la voie de la constitution , et que par cette paix , l'Empire
obtienne le plutôt possible le rétablissement de l'intégrité
de son territoire et la sûreté de sa constitution . 5
993°. Qu'en conséquence , dans l'état actuel des choses , il
soit fait part à la France des dispositions et de la bonne vo
lonté de l'Empire pour l'ouverture des négociations de paix
entre les plénipotentiaires respectifs ; et qu'il soit pris avant
tout des arrangemens de concert sur l'époque et le lieu où
ces plénipotentiaires se réuniront.
„, 4° . Qu'il sera laissé , dans une confiance respectueuse , à
sa majeste impériale seule , d'effectuer ces premieres ouvertures
de la maniere que , dans sa sagesse , elle croira le plus
convenable ; que cependant sa majesté sera en même tems
price de les faire en son nom et en celui de l'Empire ; de
les accélérer le plus qu'il sera possible ; de proposer pour
lieu du congrès la ville impériale de Francfort , s'il ne s'y.
rencontre aucune difficulté , ou , dans ce cas , toute autre
ville convenablement situés ; de prendre les mesures et précautions
nécessaires pour la sûreté du congrès , et en même-
> tems de faire ensorte ( si cela peut s'effectuer sans nuire anx
négociations de paix ) , qu'il soit arrêté , si -nen une trêve ,
晨
( 25 )
du moins une suspension préalable de toutes requisitions ,
livraisons et contributions ; et enfin , de faire part a la diete
de l'Empire de la maniere dont toutes ces choses auront été
exécutees .
5 °. Que , pour atteindre plus sûrement le but , il sera
donné à connaître à sa majesté le roi de Prusse , que l'Empire
sollicite et attend , avec la plus entiere confiance , que
sa majesté , conformément à l'assurance consolante qu'elſe à
donnée volontairement à différentes fois , veuille bien com .
mencer à developper son intervention et cooperation actives
pour l'acheminement à une paix générale , dont le résultat
soit l'intégrité de l'Empire .
6º. Que tandis que sa majesté impériale sera occupée à
faire les premieres ouvertures de la maniere mentionnée cidessus
, les deliberations sur les autres points du decret de
commission imperiale seront continuées , et qu'il sera pris ,
le plutôt possible , une decision ultérience sur ces points.
1970. Que toutes ces decisions seront soumises a S. M. 1. par
un conclusum qui sera rendu , pour qu'elle daigue y donner
son approbation. "
ITALIE.
Les Autrichiens , après plusieurs tentatives inutiles , faites ,
avec grande perte , contre le fort di Vado , et les diverses
batteries qui l'environment , et elevées par les Français
sont enfin readus maîtres de cette position importante. Depuis
long-tems les Français attendaient du renfort ; mais les
secours ne leur étant pas arrives , et les Autrichiens ayant
reçu un nombreux transport d'artillerie , il a fallu decamper.
Ils ont quitté secretement leur camp di Vado , dans la nuit
du 28 au 29 juin . On a cru d'abord que c'était un stratagême
de la part des Français ; mais on s'est bientôt apperçu
que leur retraite était très réelle , puisqu'ils avaient encloué
1 canons et 2 mortiers , rompu leurs charriots , et abattu
leurs baraques . Ils ont embarqué , pendant la nuit , leurs
canons de bronze et leurs meilleurs effets , et ont pris la
route de Final. Le lendemain , les Autrichiens ont pris
possession di Vado , où ils sont actuellement campés . Op
suppose que le motif de la retraite des Français est la
trop grande supériorité des Autrichiens , le retard du renfort
qu'ils attendaient , le manque de vivres , par la prise
qu'ont faite sur eux les Autrichiens de leurs magasins et
des moulius de Voltri ; et enfin , la crainte de se voir enveloppé
par les Autrichiens , qui avaient déja force les postes
de Saint-Jacques , de Meloguo et de Notre - Dame- des-
Neiges .
Ou apprend à l'instant que les Français se fortifient sur
( 16 )
I
le sommet fle la montagne de Cayrazoppas position avans
jageuse , d'où , quoiqu'en petit nombre , ils pourraient
mieux se soutenir que daus la rase campagne qu'ils eutaban .
dounée.
La lettre suivante , fût elle apocryphe , cat un mongment
qu'il faut epuserver à l'histoire . C'est de Véronne que Afousieur
J'adresse au prince de, Condé , à la tête des émigrés réunis et
soldés par l'Angleterre :
Mon cousin , ja suis touché , comme je dois l'être , des
sentimens que vous me témoignez au sujet de sa perie irrés
parable que je viens de faire en la personne da hol , mon
seigneur et mon neven .
" Si quelque chose peut adoucir ma juste et profonde
douleur , c'est de la voir partager par ceux qui me sont chers
tant de titres. La France perd wa roi , dont les heureuses
qualités que j'avais vu se développer des sa plus teadre en
fance , annonçaient qu'il serait le digne successeur du meil .
leur des rois . Il ne me reste plus qu'a imploter le secours
de la divine providence , pour qu'elle me rende digne de
dédommage mes sujets d'un si grand malheur. Leur amour
est le premier objet de mes desirs ; et j'espere qu'un jour
viendra où , après avoir , comme Henri IV , reconquis mon
royaume , je pourial , comme Louis XII , mériter le titre de
pere de mon peuple . Dites aux braves gentiishommes , aux
fidelles troupes dont je vous ai confié le commandement ,
que l'attachement qu'ils m'expriment par votre organe , est
déja pour moi l'aurore de ce bean jour , et que je compte
principalement sur vous et sur eux pour achever de le faire
éclore. Je vous renouvelle avec plaisir l'assurance de tous les
sentimcas avec lesquels je suis , men cousin , votre affectionné
acousin.95 Signė Louis .
Toute l'Italie paile d'un pélerinage qu'a fait le due de
Parme. On sait que ce priner , qui a eu pour instituteur
Condillac , un des philisophies les plus éclairés du sicele
n'a retenu que les leçons de sa nourrice ou des bonnes qui
out pu soigner son enfance , et qu'il est superstitieux comme
une vieille religieuse . Autant qu'il est en lui , il mene la vie
«d'un moine : il a adopté Pordre des dominicaias , s'est imposé
leurs voeux s'arquitie ponctuellement de leurs offices ,
et porte leur habit dans l'intérieur de son palais . Chaque
année il va faire un pélerinage vers quelque pagode , bien
renommée pour ses miracles . On se doute bien qu'il a dû
visiter Notre - Dame de Lorette ; depuis , il a passé quelque
tenis à Camerino , pour y rendre ses pieux devoirs au corps
<d'un saint né à Parme. f
Cette année , c'est à Notre- Dame - de - la - Couronne , près le
lac de Gardia , dans les états de Venise , qu'il a décidé d'aller.
Pour sendre sa résolution plus méritoire il a cru devoir "
marcher
[
( 17 )
marcher à pied , et revêtir l'habit porté par cette espece de
voyageurs. Ou a vu le royal péleriu , enveloppé dans une
-robe grise , un long baton à la main sur le chef un chapeau
rabattu , auquel pendaient des petites figures de sains ,
en étain , et un large crucifix sur la poitrine . Ses courtisans
accompagnaient ses pas ; mais comme ils ne brûlent pas de
la sainte ardeur qui le consume , ils ont constamment falt
route dans de bous carosses .
Le gouverneur de Véronne a cru devoir donner les ordres
nécessaires pour que le duc de Parme trouvât , pendant să
course , toutes sortes de commodités ; mais le prince , qui
ne cherche que des mortifications et des occasions de faire
pénitence , n'a cédé à aucune des invitations qui lui étaiest
faites , et s'est borné par- tout au plus strict nécessaire .
On croit que l'Infant , se trouvant si près de Véronne ,
a vu Monsieur , et qu'il a conseillé à son parent de faire
force oraisons à Notre-Dame - de- la - Gouronne , et que c'est là
le moyen qui leur a paru le plus sûr pour conquérir la
France.
$
ANGLETERRE. De Londres , le 9 juin 1795 .
Le jour que le roi s'est rendu au parlement pour la clôture ,
les cris généraux du peuple ont été la paix , point de guerre ,
la paix , la paix .
Le même jour , les membres de la société de correspon
dance se sont assemblés dans une place publique , auprès
de la prison du Bauc du roi , et là , monsieur Jones a fait
lecture d'un projet d'adresse à la nation et au roi .
Je vous conjure , mes concitoyens , au nom de cette liberté
que nous adorons tous , au nom de cette constitution que
nous chérissons tous , au nom de l'intérêt commun qui doit
tous nous animer , réunissons nous , employons tous les
moyens légitimes et constitutionnels pour rendre au peuple
de la Grande - Bretagne le suffrage national et des parlemens annuris .
Cette adresse a été vivement applaudie par quatorze ou quinas
mille spectateurs , qui étaient dans la place ou aux fenêtres
des maisons qui l'entouraient.
Le stadthouder héréditaire et sa famille sont encore ici ;
ils s'y trouvent très - bien ; ils s'y portent bien ; hier , le roi
leur a fait visite à Hampton - Court.
Le comte d'Artois est attendu ici ; il doit y arriver inces¬
samment , et avant la fin du mois .
Hier un ordre du cabinet a enjoint d'amener sur
Tamise tous les bâtimens hollandais qui ont été saisis ,
Tome XVII.
( 18 )
1
d'en mettre les cargaisons en vente. Le produit des ventes
pour lesquelles cinq commissaires sont nommés , sera déposé
par ceux-ci à la banque , pour être remis en son tems aux
particuliers qui ne se seront pas laissés influencer par le gouvernement
français .
était
Madame de Baibi , maîtresse titulaire de Monsieur
à Londres depuis quelque tems avant la mort du jeune fils
Louis XVI elle y vivait presque inconnue dans un véritable
bandon , et l'on peut dire même qu'elle était traitée avec
mépris par les émigrés . Depuis la mort de cet enfant , elle
a une nombreuse cour ; les émigrés par habitude vont ramper
devant la maîtresse de celui qu'ils regardent comme leur
roi.
On sait que les ministres anglais ont fait des offres considérables
au gouvernement danois pour l'engager à abandonner
la neutralité aimée avec la Suede. La réputation de
prudence de ce cabinet est trop bien établie pour qu'on croie
qu'il pourra consentir à abandonner le commerce des Danois
la merci des croiseurs de la Grande-Bretagne . Les offres
de payer les prises faites par les Anglais ne sont pas capables
d'éblouir le cabinet de Copenhague , car les Français et les
Hollandais cux -mêmes pourraient , dans ce cas , de leur côté ,
faire des prises , et ne s'assujettir à aucune indemnité .
Deux officiers français , venant des prisons d'Angleterre ,
apportent les nouvelles suivantes :
Un rassemblement de vingt mille hommes s'est porté au
parlement pour demander un meilleur mode d'élection de ses
membres . On a promis au peuple de s'occuper de cet objet
dans les premiers momens de la prochaine session .
•
Le peuple , fatigué de la guerre , da prix excessif des subsistances
, de la multiplicité des taxes paraît dans un état
d'effervescence . Il donne des témoignages d'amour et d'estime
aux membres de l'opposition .
- Les détails sur les mouvemens en Angleterre portent le
rassemblement à soixante- dix mille personnes . Des troupes
auglaises qui penchaient pour le parti populaire ont été rem
placées par des régimens écossais .
Ces nouvelles sont confirmées par des lettres de Rotterdam
du 17.
( 19 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRESIDENCE DE DOULCET.
Séance du septidi , 27 Messidor .
Jean Debry expose que , sur sa motion , l'Assemblée a
ordonné hier que la garde montante jouerait l'air des Marseillais
Allows enfans de la patrie , et que dans le moment
ce decret est la cause d'un mouvement au Carousel . I a
formé deux partis . La troupe de ligne demande l'hyanne , et
les volontaires nationaux le Réveil du peuple . La scene qui
s'est passée hier à l'Opéra se renouvelle sur cette place . La
garde nationale craint la fausse application de ce refrain :
Qu'un sang impur abreuve nos sillons .
Lanjuinais dit qu'il ne fallait pas faire de lois sur des objets
qui étaient de pure administration , et donner l'exemple de
l'exclusion donne à un air plutôt qu'à un autre ; et il demande
qu'en passant promptement a l'ordre du jour l'on étouffe
la discorde , naissante. Adopté.
Suite de la discussion sur l'acte constitutionnel.
Les articles suivans du titre III de l'acte constitutionnel
concernant les assemblées primaires , sent soumis à la discussion
et adoptés après avoir éprouvé quelques légers amendemens
.
Art. Ier. Les assemblées primaires se composent des
citoyens résidans depuis un an dans le même canton . ( La
rédaction de cet article est ajournée . )
II . Nul ne peut se faire remplacer dans les assemblées.
primaires , ni voter pour le même objet dans plus d'une de
ces assemblées .
III . Le nombre des citoyens ayant le droit de voter dans
chaque assemblée primaire est de quatre cents cinquante au
moins , et de neuf cents au plus ; cepeudant , il y a une
assemblée primaire , au moins , par canton .
IV. Les assemblées primaires se constituent proviso rement
sous la présidence du plus ancien d'âge ; le plus jeune
remplit les fonctions de secretaire provisoire .
" V. Elles sont definitivement constituées par la nomina
tion au scrutin , d'un président , d'un secrétaire et de trois
scrutateurs .
B 2
( 10 )
1
" VI. S'il s'éleve des difficultés sur les qualités requises
pour voter , l'assemblée statue provisoirement , sauf le recours
aux tribunaux ordinaires .
,, VII. En tout autre cas le corps législatif prononce seul
sur la validité des opérations des assemblées primaires.
VIII . Nul ne peut paraître en armes dans les assemblées
primaires.
IX. Leur police leur appartient.
", X. Ce qui se fait dans une assemblée primaire au - delà
de l'objet de sa convocation , et contre les formes déterminées
par la constitution , est nul .
,, XI . Les assemblées primaires se réunissent , 1. pour
accepter ou rejetter les changemens à l'acte constitutionnel
par les assemblées de revision ; 2º . pour faire les élections
qui leur appartiennent suivant la constitution .
, XII . Elles s'assemblent de plein droit le premier germinal
de chaque année , pour procéder dans l'ordre indiqué par
l'article suivant , aux élections qui se trouvent à faire .
L'article XIII qui accorde aux assemblées primaires l'élection
des membres du corps législatif donne lieu à de longs
débats on agite la question de savoir s'il ne serait pas
utile de nommer des corps électoraux .
est
Un membre prend la parole pour défendre le système
d'élection adopté par la commission des onze . Il prétend que
l'Assemblée constituante n'établit des corps électoraux que
pour maintenir les principes de la monarchie. Guyomard est
du même avis . Il croit que plus le nombre des votans
considérable , moins l'intrigue a d'empire . Labaye dit que les
lumieres ne sont point encore assez répandues dans le peuple
pour lui confier les élections , qu'il nommerait les démagogues
et oublierait l'homme de mérite . Garand - Coulon pense
au contraire que le peuple est toujours excellent juge des per
sonnes , et que ses choix ont toujours été bons lorsquits
ont été libres . Pour influencer une assemblée primaire , il
faut avoir , dit- il , des agens dans chaque canton , au lieu
que dans une assemblée électorale , il suffit d'un homme
adroit éloquent , ou qui donne un bon dîner pour obtenir
une nomination .
•
Jean Debry objecte contre les élections par les assemblées
primaires, l'embarras des délibérations , la difficulté des recensemens
la facilité de l'intrigue . Si les tribus à Rome étaient
appellées à l'élection des consuls , c'est que la liberté ne s'étendait
pas au-delà de ses murs . Le passé doit nous rassurer sur
l'avenir , à l'égard des corps électoraux qui ont été établis
en France depuis la révolution . Un seul à conspiré contre
la liberté , celui de Paris ; mais les factieux se sont détruits
les uns par les autres. D'ailleurs , le mode par les assemblées
primaires amenerait la suprématie des grandes communes . L'o-
1
)
pinant termine en demandant qu'on décrete le principe des
corps électoraux , et que la commission des onze soit chargée
de présenter incessamment le mode de leur organisation.
Lanjuinais pense que l'erreur , la corruption , l'intrigue
et la lassitude sont les principales raisons qui doivent faire
rejetter les corps électoraux . Une fois formés , ils feront
des adresses qu'ils décoreront du voeu du peuple , et ils seront
des foyers de contre- révolution . Ils ont fait souvent les plus
mauvais choix . La discussion est fermée . La priorité est accordés
à la proposition de Jean Debry , et elle est décrétée .
Séance d'octidi , 28. Messider,
La Convention avait décrété que les issues nombreuses ,
qui se trouvent dans le jardin et le palais national , seraient
fermées , et le 9 messidor , elle en avait suspendu l'exécution .
Les comités réunis de salut public , de sûreté génerale , des
domaines et des inspecteurs de la salle , observent , par l'organe
d'un de leurs membres , que beaucoup de gens dangereux
s'y introduisent par les boutiques des limonadiers et
des restaurateurs sans cartes civiques et entourent ainsi la
representation nationale , occupée des grands intérêts de la
patrie ,, tandis qu'elle ne doit l'être que par les bons citoyens .
Ils proposent à la Convention de lever cette suspension .
Décrété.
•
Genevois , au nom des comités de sûreté générale et de
salut public , présente un projet de décret pour régler la
maniere de prononcer sur le sort des citoyens détenus par
mesure de sûreté ou pour cause de la révolution . Il consiste
à établir une commission dans chaque département , shargée.
d'examiner les pieces et de les faire passer aux tribunaux
criminels s'il y a lieu . Les peines décernées contre les accusés
convaincus sont graduelles . S'ils le sont de délits graves , ils
seront condamnés aux peines portées par le code pénal ; si
les délits sont moindres , au bannissement à tems ou perpétuité
, et si le jury déclare qu'il n'y a pas lieu à accusation
mais que les inculpations sont considérables , on les envoie
à la police correctionnelle .
La discussion du projet présenté par Génevois est renvoyée
à primedi prochain .
Vernier , au nom du comité des finances et de salut publie :
Les lois en finances forment une longue chaîne dont tous
les anneaux sont étroitement liés , et corespondant l'un à
l'autre . Malheureusement , tous ces anneaux ont été rompus
et brisés . Il est donc nécessaire de les rétablir et de
les replacer dans l'ordre qui leur convient. Pour commencer
la régénération de nos finances , trois choses sont indispen
sables et doivent marcher de front , même en conservant l'échelle
de proportion . 1º . Rétablir nos revenus ordinaires et nos con-
B3
( 22 )
tributiont directes ; 2. trouver le moyen de se procurer des
grains pour soustraire le gouvernement aux achats ruineux
qui devorent le trésor public ; 3° . ramener insensiblement
par de sages lois de police , les denrees et marchandises
à leur valeur réelle .
ex
Les contributions foncieres par la dépréciation des assignats
se trouvent presque an anties , et dans l'exacte justice , on
devrait au moins les élever au taux où elles étaient portées
en 1790 , paisqu alors elles atteignaient à peine nos dépenses.
ordinaire's ; mais on les y éleverait en vain , si en les réta
blissant , on ne trouvait le moyen de se soustraire aux dépeuses
énormes qu'entraînent les achats de grains et les apvisionnemens
nécessaires à nos nombreuses armees , aux villes
considérées comme en état de siége , et aux communes
qui , par leur position , sont dénuées de toute ressource . La
reflexion et l'experience prouvent qu'on ne parviendra à réduire
ces depenses , quen se procurant , par le moyen de l'imposition
fonciere , une partie des grains nécessaires au besoiu
du gouvernement , et pour s'assurer cette ressource , il faut
obliger tous les proprietaires territoriaux qui récoltent des
grains à payer une moitie de leur imposition en nature d'après
le taux des denrees en l'année 1791 , si cette mesure est bien
exécutée , elle produira les plus grands avantages , elle rompra
les infames projets des agioteurs , et préviendra la ruine des
finances . Quant aux propriétaires de vignes , prés , parages ,
étangs , il suffira de les obliger de payer par équivalent la
moitié en nature qui est exigee des autres ; mais pour assurer
ce moyen , l'ou dois en même tems rendre justice aux proprietaires
dont les biens sont affermés en argent , qui sont
privés des dix-neuf vingtiemes de leurs revenus . Ainsi , le
fermier sera obligé de payer la moitié de son bail en nature .
Vernier passe au projet de décret qui est adopté en ces
termes :
2
Art. ler, Toutes requisitions en grains sur les propriétaires ,
fermiers , cultivateurs et autres , seront abolies et cesseront
d'avoir lieu a dater da er, ven lemiaire prochain .
,, II . La contribution fonciere continuerà d'être imposée sur
les propriétaires ; elle sera payée , soit par eux , soit par les
fermiers , si la convention en a été faite entre eux .
Les autres articles décrétés sont renvoyés au comité pour
la rédaction .
Séance de nonidi , 29 Messidor.
Le rapporteur de la commission des 21 présente le projet
d'acte d'accusation contre Joseph Lebon ; il est divisé en
14 articles . Sa conclusion est qu'à la diligence de la commission
des 21 , les pieces relatives à la présente accusation
scront transmises à l'accusateur public du tribunal criminel
1
( 5 )
du département de la Somme , lequel prononcera sur cette
affaire , en conformité de la loi du 12 prairial , et que la
commission des administrations civile , police et tribunaux
sera chargée de l'exécution du présent decret . Ce projet est
décrété .
9
De les
Doulcet , au nom du comité de salut public , asnonce
que les Autrichiens et les Piémontais , sapérieurs en force
s'etaient emparés du col de Tende , mais que nous
avons pas laissés maîtres long-tems de cette conquête . Nous
l'avons repris dès le lendemain avec la bayonnetie ; la lettre
est du general Kellermann , qui commmande l'armée des
Alpes et d'Italie . Le représentant du peuple Dumas , en
mission près cette armée , confirme cette heureuse nouvelle .
Lile est applandie par l'Assemblée .
Les trois representans chargés de la direction de la force
armée de Paris exposent qu'un aussi grand pouvoir ne doit
pas rester plus long- tems dans les mêmes mains . Ils demandent
a s'en démeure . Les opinions se partagent à ce sujet : les
uns demandent qu'on leur donne des successeurs ; les autres
qu'on rende au comité militaire cette attribution , que lui
a assurée la loi du 7 fractidor dernier ; une troisieme opi
nion prévaut , c'est que dans les circunstances actuelles , et
lorsqu'il y a de la fermentation dans les esprits , l'autorité
militaire ne doit point être disseminée. La proposition est
donc renvoyée aux comités militaires , de salut public et
sûreté générale.
Delaunay , organe du comité de sûreté générale , dit que ce
comité, chargé de ieprimer l'audace effrenée des agioteurs , s'est
acquitté de sa commission avec zele et succès . On les peursuit
et s'efforce de les atteindre par- tout dans les cafés , les
spectacles , les jardins , sur les quais . Dans uue décade , it
en a été pris plus de 400 : ce sont presque tous des seélérats
condamnés aux galeres ou émissionnaires de faux assignats ,
qui s'efforcent de calomnier la Convention , d'excite du désordre
et d'aigrir ies passions . Le comité rendra compte de
ses mesures ultérieures . Insertion au bulletin .
•
Rabant , au nom du comité de salut public , fait le détail
des avantages que nous a procurés Finvention du telegraphe.
Il ajoute qu'il est important d'établir une ligne de Paris à
Landau, par le moyen d'un second qui sera place au pavillon de
l'Unité , et qui mettra ainsi à la proximité des comites de
gouvernement
, an nouveau moyen rapide de transmission .
Son projet de décret est adopté.
Daunou , au nom de la commission des onze , présente le
plan d'organisation des corps électoraux .
On demande que le commencement du titre IV , dont le
plan que la commission va présenter fait partie , soit discuté
d'abord. Décrété.
B
( 24 )
Le rapporteur soumet en conséquence à la discussion la
premiere section de ce titre.
TITRE IV. Du pouvoir légi latif.
Les cinq premiers articles de titre IV sont successivement
décrétés ainsi qu'il suit :
66 Art. Ier. Le corps législatif est composé de ......
An corps législatif seul est délégué l'exercice de la puisonce
législative .
II . Le corps législatif ne peut , en aucun cas , déléguer
à un ou plusieurs de ses membres , ni à qui que ce soit , '
aucune des fonctions qui lui sont attribuées par la présente
constitution .
III. Il ne peut exercer lui-même , ni par des délégués ,
le pouvoir exécutif ni l'autorité judicaire .
IV. Le corps législatif n'assisté à aucune cérémonic pn.
blique , et n'y envoie point de députation .
V. Il y a incompatibilité entre la qualité de membre du
corps législatif et l'exrcice d'une autre fonction publique .
Les articles VI et VII sont renvoyés à la commission
.
VIII. Les membres du corps législatif reçoivent une indemnité.
11 IX. Le pouvoir exéentif ne peut faire passer ou séjourner
ancun corps de troupes dans la distance de six miriametres
( environ quinze lieues ) de la commune où le corps législatif
tient ses séances si ce n'est sur sa requisition ou avec son
approbation .
19
?
X. Il y a près du corps législatif une garde de citoyens
pris dans la garde nationale de tous les départemens , et choisis
par leurs freres d'armes . Cette garnison peut être au- dessus de
1500 hommes en activité de service . Le corps législatif déte:
mine le mode de ce service et sa durée . Ces trois articles
sont décrétés . ››
Séance de décadi 30 Messidor.
Gouly , au uom du comité de marine et des colonies ,
propose de décréter un nouveau mode d'avancement pour la
marine. Jusqu'ici les capitaines de vaisseaux décidaient seuls
de l'avancement des gens de mer. Le comité a pensé que
poor éviter toute espèce d'arbitraire , il devait en être ordonné
dans un conseil présidé par le capitaine et composé
des maîtres de l'équipage et de l'état- major .
L'assemblée ordonne l'impression et l'ajournement.
Organe du comité des postes et messageries , un membre
présente un nouveau tarif et une augmentation de paie pour
les postes aux chevaux et aux lettres . Suivant ce projet , chaque
cheval sera payé quinze livres et le postillon sept liv . dix s .
Il n'y aura plus que quatre prix différens pour la poste aux
( 25 ).
lettres , calculés sur quatre distances , savoir , de 50 , 100 ,
150 lieues et au- dessus . Le prix de la premiere distance pour
la lettre simple sera de dix sous , et pour la lettre double
vingt . Celui- ci de la deuxieme distance , lettre simple, quinze 8.8
double , trente sous .
Plusieurs membres trouvent que le prix fixé pour chaque
cheval est trop modique , et ils disent que les maîtres de
phets sont prêts à abandonner leur métier , que les voyageurs ,
essuient des injures et éprouvent des retards . Ils demandent
que la discussion soit ajournée au lendemain seulement pour
tout délai . Adopté.
Thibaut , au nom du comité des finances , a soumis à la
discussion un projet de décret sur la contribution personnelle ,
sur les célibats , et les lois somptuaires .
au
Le premier article qui portait , qu'il serait payé par tous
les Français , jouissant de leurs droits et revenus , une con
tribution personnelle , à raison de 5 livres en assigna
pair , par chaque contribuable , a été renvoyé au comité pour
en présenter une autre rédaction .
que
de
Les articles II et III ont été adoptés ; ils portent en substance
, les simples manoeuvres qui ne subsistent
que
leur travail , et dont la journée n'excede pas 20 sous ou dix
livres de pain , sont exempts de cette contribution ; ils seront, .
néanmoins admis à la payer volontairement.
Sont compris dans les contribuables tous les citoyens qui
ont un revenu de 365 journées de travail évaluées comme cidessus.
L'article III est conçu comme il suit : Les hommes et femmes
, âgés de plus de 30 ans , et non mariés , seront tenus de
payer un quart en sus de toutes leurs contributions personnelles
et taxes somptuaires. Les veufs et veuves qui ont des
enfans , ou qui n'atteignent le veuvage qu'apres 45 ans , sont
affranchis de ce paiement.
Quelques membres s'opposent à ce qu'on impose le célibat.
Lanjuinais dit que ce n'est pas le célibat qu'on impose ,
mais la richesse ; l'homme qui n'a pas d'enfans étant , à revenu
égal beaucoup plus riche que le pere de famille.
Henri Lariviere pense qu'il est peu moral d'imposer le
célibat . Aujourd'hui , dit - il , il suffit de se présenter devant:
le magistrat et de dire , je prends une telle pour ma femme ,
comme aussi de dire , je renonce à vivre avec une telle comme.
son mari. Il arrive que beaucoup de gens ont des enfans.
sans être mariés ; ils supporteraient donc des charges dont
les peres de famille doivent être exempts . L'article est
décrété.
-
L'article IV portait , qu'indépendamment des taxes person
melles , il serait payé des taxes somptuaires.
( 26 )
La premiere de ces taxes avait pour objet les cheminées •
le comité proposait que pour les cheminées autres que celles
de cuisine et du foyer commun , on payât ; savoir , 3 livres
pour la premiere , 6 livres pour la secoude ,
12 livres pour
la troisieme
, et ainsi de suite , en augmentant
dans la proportion
double.
On s'est fortement élevé contre cette progression . Pour la
vingt nnieme cheminée , a dit Garand- Coulon , il en coûterait
plus d'un million .
Lanjuinais dit qu'il faudrait au moins exeepter les ateliers :
d'ailleurs , a -t-il ajouté , vous ferez boucher les cheminées
ce qui sera tres - insalubre , et l'on se serviça pour se chauffer
de beaucoup d'instrumens dangereux qui donneront des maladies
et souvent la mort.
On alléguait en faveur de l'article , qu'il opérerait une économie
de bois , et qu'il avait un objet de moralité , celui de
porter les familles à vivre plus reunies.
टे
On a demandé qu'il y eût un impôt , mais sans progression
.
L'Assemblée a décrété en principe que les cheminées seront
imposées , et a renvoyé le surplus a l'examen de son comité des
fmances.
Suite de la discussion de l'acte constitutionnel .
Daunon lit l'article XI ainsi conçu :
Le conseil des anciens est compose de deux cent cinquante
membres . Laréveillere - Lépaux obtient la parole en faveur de
l'article , et l'appuie . On craint , dit- il , que le droit donné à
ce corps de frapper une loi de nullité , ne paralyse la légis- .
lation . Mais luttera-t-il à -la fois contre celui des cinq cents ,
et contre l'opinion , publique ce serait préparer sa chûte et
eelle de la constitution . Ainsi , ce sera l'opinion qui sanctionnera
son refus . Qu'on ne dise pas que l'initiative reciproque
serait plus convenable ? Qui ne voit pas que le
refus de l'un produirait celui de l'autre , et que de- là naîtrait
une inaction funeste. L'on ajoute que la minorité fera la loi
à la majorité ; mais le corps législatif n'est point que association
, et des que la nation a voulu que les délibérations
se prissent à tel nombre dans une section , et à tel autre dans
l'autre section ; on ne peut point die que la minorité fera
la loi à la majorité . On objecte encore que le pouvoir execuif
sera sous une dépendance funeste , puisque le conseil
des anciens aura le droit de l'accnser mais ne voit on pas
au contraire que c'est pour lui assurer une garantie que cette
disposition a été présentée , le conseil des ancicas n'accusant
que sur l'inculpation de celui des cinq cents.
Deleyre voit dans l'établissement des deux conseils un foyer.
de discorde , deux paissances opposées et rivales , le germe
des factions , la naissance des priviléges , l'anéantissement
1
( 27 )
de la liberté et de l'égalite . Treis révolutions , dit - il en
terminant , ont amené trois constitutions ; prenez garde que
celle-ci n'amene une quatrieme revolution , qui produise à
son tour une quatrieme constitution.
$
Cambacérès approuve la division en deux sections . Mais
il voudrait que les assemblées électorales en nommassent les
membres , sans designer les sections où ils siégeront , et que
ce choix fût réservé au corps legislatif lui-même , li desites
rait aussi qu'on pût passer d'une section à l'autre , eusorte :
que chacun exerçât a son tour les deux fonctions .
Un membre fui répond que l'institution manquerait alors
son but , parce que ceux qui auraient propose daus l'une ne
manqueraient pas d'approuver dans l'autre. L'articie présenté
par le comite est adopté.
Séance de primedi , 1er . Thermidor.
Bentabelle , par motion d'ordre Vous allez célébrer le
thermidor ; mais n'oubliez pas le 10 août. Songez qu'on
fait circuler dans Paris les manifestes de Cónde et de Charette .
Montrez-vous dignes de votre mission , Anéantissez les partisans
de la terreur et ceux de la royauté . La Convention decrete
que son comite d'instruction publique lui presentera le plan
de la fête du 10 août.
Genevois soumet à la discussion le projet de décret cond
cernant la maniere de juger les detenus pour cause de la
Lévolution.
Labaye attaque plusieurs dispositions de ce projet . Il dit
qu'il faut sans doute punir les terroristes ; mais que les assas
sins d'habitude et les royalistes ne doivent pas non plus étre
soustraits au châtiment ; que le projet de décret n'atteint pas
les vrais coupables , qu'il ne donne pas assez de garantie aux
innocens , qu'il punit des actes qui ne sont point dans le
code pénal , et qu'il est infecté du vice de l'effet rétroactif.
Legendre l'appuie , et déclare que le peuple Français ne veut
que la punition des coupables que ceux qui om apposé des
seellés , et mis des effets dans leur poche , ne restent pas
impunis . Il demande que le projet de décrit soit renvoye à
ceux qui ont le plus d'habitude pour rédiger les lois , c'està-
dire au comité de legislation . Adept .
Boissy- d'Anglas expose que l'Angleterre redouble d'efforts
pour semer le trouble en France . Elle vient de vomir sur nos
Côles un ramas de traîtres . Ce gouvernement devient d'autant
plus actif dans ses manoeuvres , que le peuple anglais , las
d'une guerre aussi ruineuse qu'injuste , demande à grands
cris qu'on traite de la paix avec a France . La situation de
Paris est telle que la liberté publique est menacée comme
au jour de ses plus grands dangers , et que si la Convention,
ne déploie pas la plus grande énergie , c'en est peut être
fait de la République .
( 28 )
Boissy demande , 1. que les comités fassent un rapport
our les événemens de ces jours derniers , 2 ° . que la Convention
s'occupe tous les jours de la constitution depuis midi
Jusqu'a cing heures , toute affaire cessante .
Ces propositions . sont décrétées ,
Delaunay ( d'Angers ) fait le rapport demandé par Boissy.
Des rassemblemens se sont portés vers le comité de sûreté
genérale pour réclamer l'élargissement de deux artistes du
théâtre de la rue Favart . Dans le même tems , des femmes ,
an théâtre des Arts , invitaient les jeunes gens à s'y rendre.
L'adjudant général Devaux a été excédé de coups en voulant
rétablir le calme . On excitait dans les groupes au massacre
de la Convention . Il y a en 80 personnes arrêtées , et tout
paraît rentré dans l'ordre .
Chenier , au nom du comité de sûreté générale , lit un
projet d'adresse au peuple français pour l'éclairer sur les
manoeuvres de ses ennemis . Ce projet est applaudi et décrété .
La discussion sur la constitution est reprise , et la suite
des articles du titre IV est décrétée . Nous la donnerons lorsque
la rédaction en aura été arrêtée .
PARIS. Quartidi , 4 Thermidor , 3e . année de la République.
La querelle dont des chansons étaient le prétexte ,
mais dont la véritable cause tient à des combinaisons
dont les partisans du royalisme ont voulu faire l'essai ,
s'est prolongée pendant quelques jours. Aujourd'hui
elle paraît être assoupie , soit que les jeunes gens que
l'on avait égarés aient reconnu le piége dans lequel on
les avait entraînés , soit que les meneurs se soient apperçus
que des débats de chansons étaient trop frivoles
en eux-mêmes pour produire une sensation sérieuse et
durable , soit que l'attitude ferme qu'a prise la Convention
en ait imposé à la horde des malveillans .
Il faut que le pouvoir des mots ait un bien grande
influence sur les hommes , car depuis le commencement
de la révolution , c'est avec cinq ou six mots que l'on
est parvenu à porter le trouble et la dissention parmi
5 millions d'individus . Quand on est parvenu à faire
d'un mot une dénomination de parti , on a vu aussi- tôt
une foule de protées se rallier autour de cet étendard ,
et faire dans leur sens une guerre funeste à la faveur de
ees lettres de marque . Le terrorisme est devenu , depuis
le 9 thermidor , le point de mire de tous les ennemis
( 29 )
(
du républicanisme , et ceux que la terreur anime d'une
si patriotique colere , sont eux - mêmes des terroristes
plus sanguinaires encore que leurs prédécesseurs ; on
n'a égorgé à Lyon et dans le Midi que pour faire dis
paraître le systême de la terreur. Etrangere maniere de
faire cesser un fléau qque de le reproduire sous une
autre forme .
Il semblait que l'arrêté des comités de salut public
et de sûreté générale , qui interdisait de chanter aux
spectacles aucun air autre que ceux qui font partie des
pieces , devait faire cesser toute querelle de chansons.
Mais les intéressés aux dissentions intestines se sont
avisés d'interpréter le texte ; ils ont prétendu que cetto
défense ne regardait que les acteurs , et non les spectateurs
. En conséquence , on a continué à chanter le
Réveil du peuple. On a même affecté d'aller au - devant
de la boutique de librairie du représentant Louvet ,
faire entendre ce chant , qui sûrement dans l'origine
avait une autre destination ; car il était un peu trop
absurde de prendre Louvet pour un terroriste . Les
mêmes scènes et les mêmes agitations se reproduisirent
à l'Opéra décadi dernier.
Le même jour des rassemblemens s'étaient formés sur
le boulevard Italien et au Palais - Egalité . Des femmes
apostées envoyaient les jeunes gens au théâtre des Arts.
Plusieurs citoyens furent injuriés et maltraités . L'adjudant-
général Devaux qui revient de la Vendée , et qui
a vaincu à Fleurus et à Namur , fut excédé de coups.
Les attroupemens se dirigerent vers le comité de sâreté
générale , en apparence pour demander la mise en
liberté des citoyens Gavaudan et Miealeff , artistes du
théâtre de la rue Favart. L'un des agitateurs , qui so
trouvait de garde au comité , avait quitté son poste
pour aller au Palais - Egalité . Arrêté par un agent de
police , il a voulu l'égorger ; mais il a été désarmé ; on
fui a arraché un poignard dont la forme n'a pu être
imaginée que par un rafinement de férocité. Les malveillans
insultaient la force armée , et ils osaient se dire
les représentans du peuple , autre abus de mot qui
a produit , comme l'on sait , des effets si funestes. Il
est aisé de voir qu'à propos de chansons , on cherchait
à mettre la force armée aux prises avec les citoyens ;
mais les meneurs n'ont pu remplir leur objet. La garde
nationale a montré le plus grand zele. Les détachemens
<
( 30 )
du Muséum , des. Gardes - Françaises , de la Halle - auxbiés
, et des troupes de ligne ont opposé au mouvement
autant de fermeté que de courage . Soixante individus
ont été, cernés et mis en arrestation . Plusieurs ont été
mis en liberté ; mais il en est qu'on a trouvé sans carte ,
sans papiers , et ils resteront détenus jusqu'à nouvelle
information.
Aujourd'hui tout est tranquille : la proclamation. qu'a ,
fait afficher la Convention a produit le meilleur effet ,
et les jeunes gens dont la plupart avaient été , sans
s'en douter , les instrumens des royalistes , se sont souvenus
du 4 prairial , et sont rentrés dans l'ordre , sans
lequel il ne peut y avoir non pas seulement de république
, mais d'état social .
Nous venons de recevoir de Saintes des nouvelles de
Barrere , sur lequei bien des gens étaient dans l'incertitude .
Vous saurez nous dit- on , que ce cameleon , pour interesser
en sa faveur la popularité de nos dévotes qui sont įci´en grand
nombre , au point que cette commane a plus de 30 oratoires
particuliers ; vous saarez , dis-je , que le rusé , pour se conformer
au dévot usage du pays , prie Dieu soir et matin
ainsi qu'avant et après ses repas ; ce qu'il a soiu de faire
sur-tout devant la géoliere , laquelle ne manque pas de rapporter
les pratiques pieuses du prisonnier , ainsi que les jolis
seimons qu'il fait dans les occasions . Ainsi , Barrere ue pedra
pas encore la réputation qu'il s'est acquise d'être toujours
l'homme des circonstances et des lieux .
Nantes , 20 messidor. On est ici plus que jamais en appétit
de nouvelles , quoique celles qu'on reçoit des divers can .
tons qui nous environnent ne soient pas également rassurantes
.
La Vendée. La guerre recommence avec chaleur . C'est
sans doute la descente que les Anglais ont éffectuée des émigrés
dans le Morbihan , qui rend ces rebelles plus acharnés
que jamais . Déja diverses hostilités ont été commises , divers
Convois républicains attaqués et pris , de braves soldats ont
succombé en se defendant.
On assure que dans les environs des Sables , un de nos
bataillons a pris sur eux une forte revanche.
De l'Orient.
--- La correspondance avec Vannes est totalement
interceptee . On y est néanmoins saus crainte et sans
inquietude ; mais privé de nouvelles .
J
( 31 )
De la mer. C'est avec la plus grande peine qu'il nous
parvient quelques chaloupes . Les navires américains mêmes
sont arrêtés par les Anglais de quatre qui prenaient la route
"de notre riviere , deux out été pris par la flotte anglaise et
emmenés ; un est parvenu à échapper à la vive poursuite de
deux frégalés , et est entré avant- hier en riviere ; et le quatrieme
s'est sauvé à Belle - Isle .
Port- Solider , près Saint-Malo. Nous avons été toute la
nuit sous les armes . L'on vient d'arrêter plusieurs prévenus
d'avoir voulu mettre le feu à la poudriere , et dans plusieurs
quartiers de Port- Malo . Le but que l'on se proposait était de
favoriser , à l'aide de l'occupation que ce feu aurait donné
aux habitans , un débarquement d'Anglais et d'émigrés sur
la côte . La tranquillité la plus parfaite regne aujourd'hui .
D'Angers , le 27 messidor . Les mouvemens qui ont eu lieu
dans cette ville le 23 ont eu des suites fort heureuses . Au
bruit de l'approche des chouans , on s'est empressé d'assembler
la force armée dans tous les lieux de leurs cantonnemens . Après
avoir battu tous les bois , depuis Bécon jusqu'au Louroux ,
et depuis Louroux jusqu'à labbaye de Pontron , lieu qui leur
servait de repaire et où ils étaient , disait - on , en force , notre
avant- garde , composée des chasseurs d'Eyreux et des jeunes
gens d'Angers rencontra à-peu près 200 chouans dans les
bois qui se trouvent sur la route de Pontron Ingrandes.
Ces derniers , qui ne virent que quelques chasseurs et qui ne
pouvaient appercevoir la colonne qui defilait de l'autre côté
du bois , attaquerent aussi-tôt nos éclaireurs , et regardaient
dėja la victoire assurée ; mais leurs espérances furent bientôt
trompées , car au premier coup de fusil , l'avant - garde courut
et se dispersa dans les bois avec la rapidité de l'éclair .
Les hussards chargerent le long de la route , et ea une
demi heure les chouans disparurent , à cela près d'une cina
quantaine qui resterent sur le champ de bataille . Les jeunes
gens d'Angers , qui farent depuis long- tems traites de muscadins
par les terroristes . ( qui tenterent en vain de relever
lenrs têtes courbées sous le poids de tant d'iniquités ) , ont
montré dans ceue affaire , de l'aveu du général et des troupes
avec lesquelles ils ont combatin , que l'on peut allier l'élégance
et la propreté au mâie courage d'un vrai xépublicain .
De Port -Malo , le 27 messidor . Un projet atroce vient
d'être découvert dans nos murs . Le 21 , les vigies avaient
signalé des vaisseaux ennemis ; le même soir un bruit sourd
de trahison sema l'alarme , et provoqua les mesures de sûreté
('32 ')
les plus actives. Depuis cet instant les postes sont doublés ,
patrouilles et les sentinelles multipliées , nos portes fermées ,
et les autorités constituées en permanence . Plusieurs individus
, hommes et femmes , sont déja en arrestation ; on en
poursuit d'autres . Enfin , le coup est manqué ; mais je ne
mepermettrai de vous en faire le détail que lorsque je l'aurai
puisé dans des rapports plus sûrs et authentiques . Dans ce
moment , nous devons nous borner à apprendre à tous les
Français , que nous regardons avec autant de mépris que
d'indignation la coalition des Anglais , des chonaus , des
émigrés et des contre- révolutionnaires qui nous entourent.
" Je vous ferai passer incessamment le résultat des dé-
Couvertes qui ont été et seront faites sur les ramifications
de cette trame inferuale.
,, Il est bon qu'on sache que nous devons cette découverte
au désintéressement et à l'amour de la patrie de deux braves
canonniers marins qui avaient été gagnés dans cette abominable
conspiration .
" Nous avons toujours l'avantage dans les différentes affaires
que nous avons avec les émigrés et les chouans.
" On a pris aux émigrés quantité d'effers de tous genres ,
notamment des uniformes reuges qu'ils destinaient , et qu'ils
emploient effectivement à l'habillement des chouans.
:
1 Voilà le parti que les émigrés tireat des chouans revêtus
de cet uniforme rouge , ils mettent ces malheureux paysans
ehouans toujours en avant , conséquemment les premiers au
feu ; cela est bien digne de la bravoure des émigrés , qui
jamais ne s'exposent les premiers , au contraire ils employaient
la trahison et la perfidie pour venir à bout de leurs desseins
criminels .
$
Des lettres de Nice nons apprennent la fâcheuse nouvelle
que la poudrerie , située dans la plaine à quelque distance
de la ville , a sauté ; trois bataillons qui étaient campés aux
environs ont beaucoup souffert . L'explosion a été si terrible
qu'on a ressenti les secousses à plus de dix lieues à la 1onde .
Des pierres énormes ont été lancées dans la ville et le port ;
heureusement aucun navire n'a été endommagé , et nous n'avons
à regretter que quelques braves défenseurs de la patrie .
On ne sait pas encore si ce fatal événement est l'effet de la
malveillance ou du hasard .
a
Jen . 135.
( N. 62. )
MERCURE FRANÇAIS.
DÉCADI 10 THERMIDOR , l'an troisieme de la République.
( Mardi 28 Juillet 1995 , vieux style . )
SCIENCES. MÉDECINE.
DES GLAIRES, de leurs causes , de leurs effets , et découverte
d'un médicament propre à combattre cette humeur ; par
3.J. DOUSSIN-DUBRAVIL , docteur-médecin. Prix , 5 l . 10 s .
br- , et 6 liv . 10 s . franc de port. A Paris , chez le citoyen
Lachapelle , rue de la Vieille- Monnaie près la rue des Lombards
, nº. 20 ; chez l'auteur , rue Neuve-de- l'Egalité ,
nº. 333 ; et chež Fusch , libraire , quai des Augustins.
L'ART de guérir a fait de grands progrès à mesure que
l'on a soumis la nature à de nombreuses observations ,
et que les médecins se sont appliqués plus particulicrement
à l'étude et au traitement de telle ou telle maladie.
Le citoyen Dubreuil avait de fortes présomptions que
la plupart des maladies chroniques provenaient des
glaires ; il s'est livré tout entier à l'examen de ce principe
morbifique qui lui a paru trop négligé il en a
étudié l'origine et les effets , l'a suivi dans ses progrès
insensibles , a observé son action sur les divers organes ,
et il est parvenu à reconnaître comment il pouvait se
compliquer avec d'autres vices des humeurs , en aggra
ver les accidens , et détériorer lui seul l'harmonie intérieure.
Après s'être assuré de tous les caracteres de ce
principe morbifique , il est parvenu à découvrir un remede
qui attaque avec succès l'humeur glaireuse , et
la fait évacuer sans avoir l'inconvénient des purgatifs
ordinaires.
Ce remede est connu depuis 1791 sous le nom de
poudre végétale de Dubreuil . Quoique l'on soit tenté
de se prévenir contre toute nouvelle méthode curative
secrete , le citoyen Dubreuil ne mit aucun appareil à sa
découverte ; il laissa au tems et aux faits à confirmer
son efficacité ; le succès a pleinement répondu à som
Tome XVII. C
( 34 )
1
!
attente. L'école de Montpellier a desiré connaître les
observations que l'auteur a recueillies sur l'usage de ses
poudres végétales , il s'est empressé de les adresser
au citoyen Dumas , professeur dans cette université , et
elles ont paru , dans le tems , dans le Journal de Médecine
.
C'est le résultat de ses observations et de ses recherches
que le citoyen Dubreuil publie aujourd'hui . Après
avoir donné les caracteres de cette espece d'humeur ,
expliqué ses causes , indiqué ses différens signes et son
action sur le systême physique et moral , il développe
sa methode curative et la maniere d'employer ses poudres
végétales . Nous ne suivrons point l'auteur dans l'exposition
de ses principes et des faits dont il les appuie ;
c'est dans l'ouvrage même qu'il faut les puiser ; il est
écrit avec beaucoup de méthode et de clariẻ , et contient
des idées neuves et intéressantes , exprimées de
maniere à pouvoir être facilement saisies. L'auteur dit
lui-même dans l'introduction qu'il s'es : attaché à n'employer
que le moins possible les expressions techniques
de son art , afin de mieux se faire entendre des personnes
que son ouvrage intéresse , et à qui il veut être
utile .
Le citoyen Dubreuil prévient , dans son ouvrage , qu'il
a établi le burean de la distribution de ses poudres végétales
à Paris , chez le citoyen Lachapelle , rue de la
Vieille-Monnaie , nº . 20 , près la rue des Lombards.. ་
Il y a aussi un dépôt chez le citoyen Peyrouse , à
Viteaux , département de la Côte -d'or.
Le prix des poudres était originairement de 40 sous
la prise .
On a été obligé de suivre le cours des autres
objets , et de le porter à 6 liv.
Vingt prises sont ordinairement nécessaires , quoique
ce nombre soit susceptible de varier en raison des tempéramens
et de la gravité de la maladie. La moindre
quantité dont on doit faire usage est de dix prises ; on
ne fait point d'envoi au - dessous .
Il faut avoir soin d'affranchir les lettres de demande ,
et de charger celles qui contiennent des assignats.
( 35 )
BIOGRAPHIE ÉTRANGERE.
CHARLES
Notice sur CHARLES BONNET.
HARLES BONNET , né à Geneve le 13 mars 1720 , de
Pierre Bonnet et d'Anne Luilin , est un de ceux qui
ont le plus illustré cette petite république féconde en
hommes instruits et en philosophes. Sa famille était
protestante et originaire de France ; elle avait été obligée
de fuir après la journée de la St. Barthelemy d'exécrable
mémoire . Rien ne prépare mieux à l'esprit philosophique
que le souvenir des persécutions religieuses.
C'est peut- être à cette cause plus qu'à tout autre que
Geneve est redevable du grand nombre de métaphysiciens
et de moralistes qu'elle a produits .
Charles Bonnet avait été destiné à la profession de la
jurisprudence ; mais la nature l'avait formé pour les
sciences naturelles et philosophiques . Dans ce combat
qui s'est livré tant de fois entre la volonté des parens
et les inclinations de la nature , il est rare que la victoire
ne reste à celle - ci . C'est ce qui arriva à Charles
Bonnet. Tandis qu'il se livrait avec répugnance à l'étude
du droit , il dévorait avec avidité le Spectacle de la Nature
par Pluche , et les Mémoires sur les Insectes par Réaumur.
Ces premieres lettres déciderent irrévocablement de
son goût. Il abandonna bientôt l'étude du droit romain
pour se livrer sans réserve à celle de la nature .
Il n'avait pas encore vingt ans que ses observations
sur la maniere dont les pucerons multiplient , et qu'il
avait adressées à Réaumur , lui valurent des lettres de correspondant
de lapart de l'académie des sciences . Ilse livra
avec une opiniâtreté qui commença à altérer son tempérament
, à des travaux , des experiences et des recherches
sur les polypes , les chenilles et papillons , la structure
du tonia , et rassembla toutes ses découvertes sous le
titre d'insectologie qu'il publia en 1744. Cet ouvrage eut
beaucoup de succès , et lui fit une grande réputation
parmi les savans ; il faillit à succomber à l'activité de
ses travaux ; des maux d yeux , dont il ressentit une vive
atteinte qu'il ne put entierement guérir , l'obligerent à
renoncer à l'usage du microscope et à ses recherches
sur les insectes . Mais le naturaliste reprit bientôt ses
C &
( 36 )
Occupations chéries , et il publia en 1747 des observations
intéressantes et curieuses sur les feuilles des
plantes .
L'étude de la nature , qui devrait élever l'ame à des
contemplations sublimes sur l'ordre et l'harmonie qui
regnent dans l'univers , a conduit trop souvent ceux
qui s'en occupent à des idées purement matérielles .
A force de considérer les êtres par abstraction , de
rechercher et combiner les causes secondes , ils ont
rompu la chaîne des rapports qui unissent toutes les
parties de la création , et les ont isolés de la cause premiere
qui les a ordonnés et les dirige. Ils ont transporté
à la nature , qui n'est qu'un être abstrait et colfectif
, toutes les qualités qui appartiennent à son auteur
; et pour ne point admettre de Dieu , ils ont été
forcés de diviniser la matiere . Les profondes méditations
de Bounet lamenerent à des résultats bien différens.
L'existence de Dieu et l'immortalité de l'ame lui parurent
des vérités dont la démonstration prit à ses yeux
un caractere d'évidence , à mesure qu'il étendit ses
observations sur l'immensité des êtres organisés , et le
naturaliste devint l'un des plus profonds metaphysiciens
de l'Europe.
Sa premiere production en ce genre fut son Essai de
Psychologie , auquel il donna un plus grand développemert
dans l'Essai analytique sur les facultés de l'ame."Ċet
ouvrage fut imprimé à Copenhague en 1760 , aux frais
du roi de Danemarck. En 1762 il publia ses Considérasions
sur les corps organisés . L'académie de Berlin , qui
avait proposé ce sujet pour le prix de l'année 1761 ,
trouva dans cet écrit tant d'observations et de recherches
approfondies , qu'elle déclara qu'elle lui aurait adjugė
le prix , si l'auteur avait soumis cet ouvrage au concours.
Ce tribut d'estime dut honorer Bonnet ; mais
l'académie de Berlin se serait honorée elle -même si ,
passant par dessus la vaine formule d'un réglement ,
alle eût couronné l'ouvrage qui lui avait paru remplir
le mieux son attente . L'académie de Berne fut moins
scrupuleuse sur les formes à l'égard du traité des
Délits et des Peines , de Beccaria ; elle lui adjugea le
prix , quoique l'auteur ne lui eût point adressé son
ouvrage .
-
De toutes les productions de Charles Bonnet , celle
qu'il a le plus soignée et où il a embrassé le plus
d'objets , est la Contemplation de la nature , qui parut em
( 37 )
1764. Aussi , eut- elle un succès prodigieux. Cet auteur
infatigable n'avait pas plutôt terminé un ouvrage , qu'il
s'occupait d'un autre. Il avait conçu le projet d'une
Morale philosophique , qui devait être le résultat de tous
ses principes . Il y considérait l'homme sous ses rapports
physiques et moraux avec les êtres qui l'environnent.
Convaincu de l'influence de l'état habituel
du corps sur les fonctions de l'ame , il traitait , dans
la premiere partie , des différens moyens de prévenir
les maladies , de perfectionner l'organisation physique.
Dans la seconde , il se proposait de faire voir comment
les sciences naturelles ornent l'esprit , perfectionnent
l'entendement et multiplient nos plaisirs intellectuels
en même tems qu'elles rendent à la société des services
de tout genre. Dans la troisieme , pour ne pas admettre
de supposition gratuite il cherchait s'il est , dans l'ordre
de nos connaissances , des vérités que le philosophe
sceptique ne puisse refuser d'admettre , et qui fournissent
une base solide à tous les raisonnemens que l'on pourra
faire sur l'homme et sur ses rapports divers . Il en venait
ensuite à la cause premiere , et faisait sentir combien
l'idée d'un créateur et d'un législateur saprême ajoutait
aux conséquences que la raison déduit si légitimement
de la nature des choses et de leurs relations . Sa
santé affaiblie par ses longs travaux ne lui permit pas
de terminer cette entreprise dont l'inexécution doit
laisser des regrets .
Le dernier ouvrage qu'il a publié porte le titre de
Palinginisie , et roule sur l'état passé et sur l'état futur
des êtres vivans.
Sa correspondance était immense et prenait une par
tie considérable de son tems . Les noms des premiers
naturalistes de son siecle se trouvent dans cette liste .
Ce sont ceux de Réaumur , de M. de Géer , le Réaumur
de la Suede ; de M. Duhamel , auteur de la Physique des
arbres ; du savant et universel Haller , de l'abbé Spallanzani
, de Van Swieten , de M. Mérian , directeur de l'académie
de Berlin ; du célebre Lambert , auteur du Novum
organum et de l'Architectonique , l'un des hommes les plus
extraordinaires que la Suisse ait produits , etc.
Il avait épousé en 1756 mademoiselle de la Rive
d'une ancienne famille de la République , qui , pendant
une union de 37 ans , lui prodigua et reçut de lui les
soins touchans de l'amitié la plus tendre .
Quoique la culture des scicaces fût sa passion domi
1
C3
( 38 )
nante , il savait s'arracher de son cabinet toutes les fois .
que les intérêts de sa patrie lui paraissaient l'exiger . En
1752 il était entré dans le grand conseil de la République
. Il y siégea jusqu'en 1768 , et s'y fit remarquer
par une éloquence mâle , par une modération qui ne
nuisait point à la fermeté , par des vues pleines de
sagesse et de profondeur , par le courage avec lequel
il rainenait ses concitoyens à cette antique simplicité
qui avait fait le bonheur de la république , et aux
maurs sans lesquelles il n'est point de liberté . Sa conduite
fut constamment fidele à ses principes. Sa fortune
, qui était aisée , suffisait à ses besoins et à sa bienfaisance
; il ne fit jamais rien pour l'augmenter , et cet
accord de ses actions avec ses lumieres et ses sentimens
lui valut l'estime générale.
Bonnet avait profondément médité sur un grand
nombre de sujets ; sa conversation était aussi agréable
qu'instructive . Sa mémoire lui rappelait à propos tout
ce qui était relatif aux matieres que l'on traitait en sa
présence , et il l'exposait sans faste et sans prétention .
Avec un esprit porté à la méditation il n était point
distrait , suivait avec la plus grande attention le fil des
idées de ceux qui conversaient avec lui , et ne le rompait
jamais . Aussi avait- il développé de bonne heure
les talens les plus rares pour l'éducation .
?
En 1788 , sa santé qui , quoiqu'affaiblie par des trayaux
prématurés et au- dessus de ses forces , s'était
soutenue jusqu'à un âge assez avancé , commença à
s'altérer , et des indices d'hydropisie de poitrine se
manifesterent. Depuis il ne fit plus que décheoir ; mais
il soutint ses maux avec cette se.énité inalterable , cette
patience , ce calme qui lui étaient propres ét qui tempéraient
la douleur de ceux qui le voyaient souffrir.
f :
En 1792 , il éprouva une rechute considérable qui le
conduisit lentement au tombeau . On le transporta å
Geneve au mois d'octobre de la même année . Le printems
parut lui rendre des forces ; mais ce ne fut qu'une
fueur d'espoir. Il succomba enfin , conservant jusqu'au
dernier moment sa présence d'esprit , rassurant , consolant
ses amis qui lui prodiguaient leurs soins . Ses derniers
regards se tournerent vers la compagne vertueuse
qui avait fait le bonheur de sa vie , dans les bras de
laquelle il expira , et qui ne s'est pas consolée du malheur
de lui survivre .
Bonnet avait joui de toutes les douceurs de l'amitié ,
( 39 )
Sa société était douce , son humeur égale , son ame
calme et son esprit conciliant ; sa piété filiale et fraternelle
avait embelli les jours d'un pere respectable et
d'une soeur chérie, Adoré de ses disciples , il leur a
laissé de longs regrets , et vivra toujours dans leur mémoire.
Les étrangers ont témoigné à sa mort des regrets sinceres.
Ses concitoyens lui ont rendu des honneurs publics
. Dans la cérémonie qui eut lieu à cette occasion ,
M. de Saussure , neveu de sa femme , son plus illustre
éleve , que le jury d'instruction de Paris vient de nommer
à l'une des chaires de physique des écoles cen
trales , rendit à l'ami qui avait dirigé ses premiers travaux
et joui de ses premiers succès , un hommage quí
honotait également l'un et l'autre , et fit passer dans l'ame
de ses auditeurs les sentimens de douleur et d'affection
qui l'animaient .
Bonnet est mort le 20 mai 1793 , à l'âge de 73 ans .
11 a été de presque toutes les academies de l'Europe.
29. 28
sun po' ais . 1.8.1
5.5
ANNONCE S. 33
de
Paolo è Virginia , traduction italienne de Paul et Virginie,
Bernardin de S. Pierre ; par le cit . Blanvillain . Seconde édition
avec figures . Un volume in 16. A Paris , chez Hautboue , jardin
de l'Orangerie , Louvet , jardin de l'Egalité ; Pichard", quai
Voltaire.
J
Avis aux fideles sur le schisme dont l'église de France est menace.
Prix , 4 liv . , èt 5 liv . Po sous Lane de port. A Paiis ,
chez Morin , libraire , rue St -Jacques , . 186 .
Lombre de Mirabeau à Théodore Gérard , cutretien sur les
fauces . Douze pages d'impression . Priz , 1 live 10 sous . A
Paris , chez Louvet , libraire , au palais de l'Egalité . --- L'auteur
se propose de donner une suite à ce premier entretien .
Principes de Mineralogie ou exposition succincte des caracteres
exterieurs des fossiles , d'après les leçons du professeur Wernes ,
augmentes d'additions manuscrites fournies par cet auteur.
Par J. P. Vanberchen- Berthout , chef de la division des
mines à la commission des armes , poudres , et exploitation
des mines ; et Henri Struve , professeur d'histoire naturelle à
Lausanne . Un volume in 8 , Prix , gliv . A Paris , chez Reynier ,
imprimeur-libraire , rue du Theâtre Français , no. 4 .
C
40 )
NOUVELLES ÉTRANGERES,
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 12 juillet 1795.
Tour confirme l'influence done la République Française
jouit aujourd'hui auprès de la Porte Ottomane , habituée depais
long-tems à voir une amie dans cette nation , et qui sent
d'ailleurs combien l'allié de la Suede , du Danemarck , de la
Hollande et de la Prusse , pourra lui être utile un jour contra
les tentatives de la Russie , et même de l'Autriche et de
l'Angleterre , dont la nouvelle coalition pourrait bien avoir
le double but d'abord d'affaiblir la France , et ensuite , si ces
puissances n'y peuvent réussir , comme cela n'est que trop
probable , de se rejetter sur la Turquie , dont le territoire en
Europe serait partagé par la Russie et l'Autriche , qui laissezaient
à la Grande- Bretagne le commerce de la Méditerranée ,
pour la payer des services que sa marine leur aurait rendus .
?
De Constantinople , le 10 juin . Ce fut avant- hier , 8 du courant
, que le citoyen Verninac , envoyé extraordinaire de
France , reçut sa premiere audience publique du grand visir .
La cérémonie eut lieu avec toutes les formalités d'usage , et
même la Porte donna au nouveau ministre une compagnie
de janissaires pour sa garde ; distinction qui n'est pas ordinaire
pour les ambassadeurs étrangers ici . Bien plus encore ,
la Porte fit l'offre au citoyen Verninac d'un tain de 250 piastres
par jour , pendant 20 mois ; ce que le ministre refusa , li est
bon d'observer qu'une telle offre fut faite , quoique toute
espece de tain ait été abolie pour les ministres étrangers
par un kaicherif du sultan , et que d'un autre côté , il n'y
ait pas d'exemple dans les annales de la Turquie qu'un ambassadeur
de France ait obtenu un tain quelconque .
La pompe de cette cérémonie fut encore relevée par l'ap
pareil de la flotte turque , qui se mit en ligne avec tous les
bâtimens français qui se trouvent dans le port ; le vaisseau
amiral hissa même le pavillon tricolor . Tous les Français
qui sont à Constantinople formaient le cortège du nouveau
ministre , revêtus de l'uniforme de la République.
Cette conduite de la Porte n'a pu manquer de causer un
nouveau déplaisir aux ministres des puissances coalisées . Ce
( 41)
qui ne doit pas moins leur déplaire , c'est que Verninae a de
fréquentes conférences avec le reis- effendi et les principaux
membres du divan , ainsi qu'avec les envoyés de Prusse et
de Suede ,
Il paraît que Belgrade n'est pas entièrement entre les mains
des rebelles ; les dernieres lettres de Semlin qui disent que
la canonnade continuait encore les 18 et 19 , assurent que
le bacha était encore maître d'une partie de la ville , et sur
tout de la citadelle ; mais elles ajoutent qu'elle allait être
attaquée par les insurgens grossis d'aventuriers et de jannissaires
déserteurs , mécontens des innovations introduites dans
le militaire ture d'après les formes européanes .
De Copenhague le a3 juin . La jonction des escadres daet
suédoise s'est effectuée avant-hier, L'amiral danois
se rendit avec tous les chefs des vaisseaux près du comte de
Wachtmeister , pour lui communiquer l'ordre qu'il avait
reça de se joindre à lui. Pendant les trais premiers mois ,
le comic de Wachtmeister aura le commandement en chef
de cette escadre combinée.
2 )
On mande de Stockholm , que le chargé d'affaires des Provinces-
Unics , M. Loofs , a remis une note an chancelier baron
de Sparte , relativement à l'escadre anglaise en croisiere å
l'embouchure de 1 Elbe. Le gouvernement a fait répondre
que les vaisseaux de la république des Provinces Unies seraient,
dans toutes les occasions() reçus avec amitié dans les ports
suédois , et qu'ils y jouiraient de tous les avantages et de
toutes les prerogatives qui leur sont dûs. Il a été ajouté que
cette détermination était prise , non-seulement en vertu da
systême de neutralité adopté par la Russie , mais aussi en
vertu desla deinande spéciale faite au nom des états -généraux
par leur chargé d'affaires en Suede.sion don
1.
Des lettres de Stockholm , du 30 juin , nos seulement confirment
ces nouvelles , mais donnent encore les détails suivans
qui ferout sårement plaisir aux amis de la France , de
la Hollande et de la Prusse , charmés de voir se former qué
contre-coalition dont le résultat sera sans doute d'empêcher
lavide et jalouse Angleterre de a'emparer de tout le com
merce.
1.
Hier , M. Loofs , chargé des affaires de la république bas
tave , a , par ordre de sou gouvernement , donné ici une fête
solemnelle à l'occasion de l'alliance qui s'est conclue entre
la Hollande et la France. Le grand chantelier de Suede
baron Sparre , et plusieurs membres de notre administration
suprême ; y ont assisté avec les agens diplomatiques de France ,
( ( :42:)
2
de Prusse et de Pologne. La musique et des salves d'artilerie
se sont fait entendre pendant le repas et au - dessous des
cruisees de la salle , on voyait flouter le pavillon tricolor et
celui de Hollande . L'on y aporte et bu de nombreuses
santés de la part du citoyen Loofs , ont été portées celle du
roi de Suede , de sa famille et des membres du gouvernement
de la part du grand chancelier de Suede , celle de
l'union , de la gloire et de la prospérité des deux républiques;
enfin , de la pau du ministre de France , gelie du roi de
Prosse et de la felicité génerale des étais prussiens.
༞ ༞ ! །།།
For De Francfort-sur-le -Mein , le 15 juillet."
On écrit de Rheinsdorff , en date du 1er , de ce mois , la
lettre suivante , qui annonce que les Français vont ouvrir la
campagne avec vigueur , et qu'ils seront probablement un
grand parti do la machine aérostatique , qui leur a été si utile
à la bataille de Fleurus .
ลม : ร
1004
0
I parait que les Français sont fort curieux de savoir ce
qui se passe du côté de notre rive . De distance len distance
de la leur , ils préparent des ballons aénostatiques qu'ils se
proposent d'enlever, Gelui qu'ils ont fait montere dans les
envisions des Cologne a été transporte a Bonn . , Our apprend
de plusieurs contrées du Bas Rhin que leurs mouvemens ont
à present une nouvelle direction , et que les camps près de
Crevelt er autres endroits où ils devaient entreriscere esemaipeep
ont été contremandés. On apprendalaussi qu'une
grande partie des trompessulits avaient dans be : Bas Rhin ,
remonient avec précipitation vers le Haut -Rhin . Qu dapporte
quelas Pruesiens lear out signifie que , d'après le 119) article
du traité despaix conclu à Bâle, toute hostilitér dabssle spays
de l'Empire de la rive droite du Rhin devait be udes suspendue
pendant trois mois , à compter dujousydd area
tion ; qu'en conséquence its devaient attendre l'expiration
dwaerine convenus Les Prussiéns lás sont aussi prévenus que
la régence de Dasseldorff avait reçu du gouvernement prussieg
Fassurance ques sons territoires serait respecté jusqu
Pepoque destadie expiration , starfi el sh 18 shasíloh sl
gL EIRA
Une partie de l'armée impériale campera dans les environs
de Manheim. Cet après - midi on voit une forte colonne de
cavalerie française qui remonte le Rhin , et qui se porte vers
Meiterstadi . ast Ayres I.M , 191
ร 25
De Ratisbonne 3 juillet . Voici quelques nouveaux détails
de ce qui s'est passé à la dicie le jour où il fut arrêté de
prier l'empereur de faire des propositions de paix à la nation
Française . e seus propre de l'adresse à présenter à
1
( 43 )
Pempereur , est de le prier de vouloir bien , avec l'aménité
requise , faire des propositions de paix à la nation Française ,
et qu'alors on espere que le roi de Prusse vondra bien y
Coopérer efficacement par ses bons ' offices . Ce fut le matin
avant l'heure accoutumée , que les ministres des électeurs ,
ainsi que ceux des princes , se rendirent à l'assemblée , et
conclurent aussitôt à la paix , à l'unanimité dés voix ; ål'exception
da ministre de Bohême , parmi les électeurs , et de celui
d'Autriche parmi les princes , Mais le troisieme college , celui
des villes , qui était assemblé séparément , prit une résolu
tion contraire , et déclara qu'il desirait que sa conclusion fût
présentée à l'empereur . Ce parti parut très - extraordinaire , et
causa une grande sensation . Il y ent alors plusieurs protes
tations de part et d'autre par écrit ; après quoi , le college
des villes se conforma à la conclusion des deux premiers
colléges.
SATI
Suivant des lettres de Hambourg , l'ex comte d'Artois a
quité Bermerode le 15 juillet , pour couvir à Londres , où
on le dit appellé par le gouvernement . Cene démarche est
assez d'accord avec celle du cabinet, de Vienne , qui a ffait
annoncer , dans la gazette , le deuil pris par la coure le&
du mois dernier, à l'occasion de la mort du fils de Louis XVI ,
que le rédacteur qualifie de prince royal et successeur au
trône de son
pere?
ཝཱ ཝཱ
Ε
$29
Au reste , cette conduite de l'empereur n'empêche pas le
corps germanique de travailler à la paix et elle n'a point
été imitée à Berlin , où l'on sait que la cour a point pris
un denil qu'en effet elle ne devait pas prendre ' , puisqu'elle
avait reconnu la République Française , avant la mort de
fils de Louis XVI. P
9
41
prussien comte
Le, baron de Hardemberg doit être arrivé à Bareuth . Il
anra, une conference avec le ministre
Goeriz. Il ira de-là à Ratisbonne , et passera probleblement
par notre ville de Francfort.
·
· ´¯`Il paraît , d'après des Tentres de Mayence , du 3 de ce mois ,
que la garnison , dir moins en partie , ĉampe depuis le t
sur les glacis de la forteresse .
et que
972716 00-
On apprend que les mouvemens des Français dans plusieurs
contrées , du Bas - Rhin , put, à present une nouvelle direction ,
les camps près de Crevelt et autres endroits où ils
devaient entrer , ont 'ééttéé""ccântrë-mandés. Une grande partie
des troupes qu'ils avaient dans le Bas - Rhin , remontent avec
précipitation vers le Haut- Rhin. ), 12k new sauer rast came
D'un autre côté , on assure que le cabinet de Vienne a
arrêté que les aimées de Mayence et du Brisgaw n'agiront
que défensivement,
1
( 144 )
On parle de donner un nouvel uniforme à toute l'armée
impériale. L'habillement blanc est aboli et sera remplacé par
des habits courts , couleur gris de brochet , avec des pantalons
à la hongroise. Les paremens ne seront que de quatre couleurs
différentes et les numéros seuls des boutons distingueront
les divers régimens . Les officiers auront aussi des
habits courts et des sabres au lieu d'épées. Les régimens De
seront plus dénommés d'après leurs chefs ou proprietaires &
et les garnisons ne seront plus permanentes
changées tous les trois ans . Les draps blancs qui se trouvaient
encore dans les magasins , ont déja été vendus.
mais seront
On débite que l'électeur palatin a fait sa paix avec la
France. Il y a peu de tems qu'il a eu recours à un nouvet
emprunt de sept cents mille Borins , à raison de cinq pour cent
d'intérêt.
ITALIE .
Une lettre de Véronne du 22 juin , rende airsi compte de
la conduite du ci-devant Monsieur dans les circonstances préseates
: un des passages de cette lettre ferait croire que celle
que nous avons donnée dans le dernier numéro a eté réellement
écrite par lui au ci- devant prince de Condé.
Cette nuit est arrivé un particulier , en poste , qui s'est
fait conduire chez Monsieur , frere de Louis XVI . Ce matin ,
à 7hepres , le bruit se répandit qu'une contre- révolution
s'était faite en France , et que le fils de Louis XVI avait été`
proclamé roi d'ace voix unanime . On ajoutait que Monsieur
avait été nommé régent , et que le courier arrivé la nuit lui
avait apporté l'ordre du nouveau monarque ' , de partir sur lechamp
pour Paris . A 9 heures du matin , on fut désabusé sur
eette nouvelle ; on sut la véritable , qui était la mort inattendue
de l'auguste enfant , et la proclamation faite in petto , par les
royalistes de la France , de Monsieur , comme roi . Ce prince
a été très affecté de cet évenement ; il n'a voulu recevoir
personne , que ceux qui sont dans sa plus intime confidence.
Dans l'après-midi , on a expédié differens couriers ; un est
parti , dit-on , pour l'armée du prince de Condé , un autre
pour Rome , près de Mesdames ; un troisieme à une destination
particuliere que l'on ignore. Monsieur est reconnu
comme roi par le petit nombre de Français qui sont ici .
** On ne sait pas encere quel parti prendra notre gouverne
ment et notre noblesse ; on n'ose rien faire sans ordre. Sui
vant l'assurance d'un des gentilshommes de la cour de Monsieur
, il n'y a presque point de doute que ce prince ne soit
formellement reconnu par les cours de Pétersbourg , de
Vienne , de Madrid , Tarin et Naples ; l'évenement de la
( 45 )
'T
mettront fin
mort du Sla de Louis XVI , tout malheureux qu'il est , peut
amener des changemens favorables , qui
peu de tems à la révolution de France.
sous
On dit que Monsieur est occupé à faire expédier beaucoup
de circulaires ; il en a écrit plusieurs de sa propre main .
P. S. Dans ce moment , j'apprends qu'il est arrivé plusieurs
Français de marque , qui viennent faire leur cour à leur
nouveau maître .
Les Autrichiens qui avaient déja attenté à l'inviolabilité
du territoise neutre de la république de Génes , ont fait plus
suivant une lettre de Voltri du 26 juin .
•
Hier matin , à dix heures , un corps d'environ 400 Allemands
descendit du côté de Varèse et d'Albizzola , et vint à
l'improviste s'emparer des magasins établis dans cet endroit.
Ils consistaient en foin , grains , farines et autres objets appartenans
à des Génois , mais destinés aux Français . Les Alle
mands n'y ont trouvé que très- peu de chose , ayant été prévenus
et les objets ayant été en grande partie chargés sur
doaze bâtimens qui sont partis pour Gênes . Les Allemands
ont non-serle nent pris quartier ici , mais dans les deux endroits
ci-dessus id qués , ils ont placé des gardes aux entrées des
et ils font des patrouilles ordinaires .
rues ,
ESPAGNE. De Madrid , le 17 juin
L'on se flatte tous les jours de plus en plus ici de l'espoir
d'une paix prochaine . Le 3 de ce mois , le marquis d'Iranda
partit de Madrid pour se rendre à Armana et Saint- Sébastien .
Ce seigneur se tenait à une maison de campagne qu'il a à
Aranjuez , lorsqu'il reçut ordre de se rendre à la cour ; il
eat une longue conference avec le roi , la reine et le premier
ministre , à la suite de laquelle le dernier lui remit une
lettre en français , pour le général Moncey , qui commande
l'armée de la République dans les pays conquis de la Navarre.
Aussi- tôt après il se mit en route pour sa destination.,
le marquis d'Iranda , quoiqu'âgé de 72 ans , est un homme
de grands talens et sur- tout profondément versé dans la pófitique
. Le bruit court que M. Bourgoing , ci- devant chargé
d'affaires près de notre cour , de la part de la France , se
trouve à Saint- Sébastien , et que c'est dans cette ville que se
Dendront les conférences relatives à la paix , aussi -tôt lesquelles
M. d'Iranda pourra aisément se rendre à Paris , pour
mettre la derniere main au traité. L'on voit déja circuler une
copie des articles préliminaires de ce traité , qui contient des
cessions réciproques .
( 46 )
HOLLANDE.
De Schonhoven , le 15 juillet . L'armée batave est enfin or
ganisée, le sera composée de six brigades , de trois bataillons
d'infanterie , et de quelques régimens de cavalerie chacune
.
de L'emprunt volontaire prenait peu on a décrété pour la
province de Hollande un emprunt forcé de 6 pour 100
iont ce que l'on possede , et l'on payera deux et demi pour
cent sur toutes les especes de rente. Il y a en général trèspeu
de numéraire . Les subsistances sont trèess cheres. On s'apperçoit
, dans beaucoup d'endroits , de la disette , particulierement
sur les fontieres et dans les provinces de Gueldre
et de Zélande . Le froid excessif , pour la saison , qui regue ,
empire encore la situation des Hollandais ; il empêche les
productions du sol de croître ; la récolte des foins sur - tout
sera très faible .
Repeiser est arrêté . On a trouvé chez lui une alle remplie
de papiers , qui attestent sa correspondance avec l'étranger.
Les scellés sont sur cette malle , et la maison où elle
se trouve est gardée par douze bourgeois . On a ensuite airêtė
à Amsterdam , deux officiers qui lui étaient dévoués . On
assure que le comité de surveillance à la Haye est très - actif ,
et qu'il a les intelligences les plus étroites parmi les ´orangistes,
Cent soixante- dix vaisseaux de Dort et de Rotterdam`sont
mis en requisition pour aller faire un pont au - dessus de
Mayence. Deja ils sont partis pour cette destination ..
ANGLETERRE . De Londres , le 30 juin.
Le roi , lorsqu'il vint samedi dernier à la chambre des
pairs , pour proroger le parlement , n'a point recueilli sur
sa route les acclamations ordinaires de la multitude . Dans le
il
parc ne rencontra qu'un rigoureux silence , sigue certain
de l'humeur chagrine des spectateurs ; arrivé devant les ca
zernes des gardes à cheval , et à la rue du parlement , ses-
' oreilles furent frappées par les cris continuels de point de
chapeaux bas , la paix , la paix ; plus de guerre , plus de Put !
M. Pitt a eu deruie : ement une conférence avec le duc
d'Yorck ; on croit qu'il a été question entr'eux des mesures
à prendre pour l'embarquement de troupes destinees au service
étranger.
Six régimens vont se rendre à Portsmonth , et doivent passer
dans les Indes occidentales .
La flotte de vaisseaux marchands , partie de Corck au mois
'de février dernier , est arrivee en sûreté , le 15 avail a la
Martinique , et l'amiral Thomson , parti avec la flotte de
Portsmouth , a touché à Antigoa le 11 du même mois .
37
( 47 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE
PRESIDENCE DE LAREVEILLERE LÉPAUX .
Séance du duodi , a Thermidor.
4
Il y a eu hier soir une séance extraordinaire pour le renouvellement
du bureau . Lareveillere - Lepaux a été nommé prési
dent. Les trois nouveaux secretaires sout ; Lemoine , Savari
et Leclerc.
et
Vernier , an nom du comité des finances , soumet à la discussion
le projet de finances qu'il avait présenté il y a quelques
jours , et qui tend réprimer les abus du commerce , comprimer
l'agotage , rendre à la circulation les denrées et marchandises
, et les ramener peu à peu à leur valeur réelle . Les
fermiers et cultivateurs , die rapporteur , abusant de leurs
richesses dédaignent aujourd'hui les assignats , et ne veulent
plus vendre que pour du numéraire ou par la voie des échanges .
Tout le monde s'erige en negociant , et viole sans pudeur les
lois du commerce. On croit se jusfier par la nécessité ,
l'on s'associe au' ctime. La cupidité aveugle au point de ne
pas voir que c'est la ruine de sa patrie et la sicune propre
qu'on prépare. Il faut donc puisque le pub est menacé employer
des lois repressives de si grands abus. Le négociant
est en rapport avec le public , et par conséquent il a besoin
d'un titre qui le distingue des pirates qui flétrissent le commerce
. Il est aussi de intérêt de l'état de connaître les objets
sur lesquels s'uxerce le négoce , pour le mettre en état de
suppléer à ceux qu'il ne pourrait procurer. Le comité propose
donc de rétablir le droit de peremption ou de patente ,
et comme ce n'est point assez d'être muni d'une patente sonvent
ignorée du public , il a jugé qu'il était nécessaire d'obli .
ger tous ceux qui en prendront d'afficher et inscrire au devant
de leur maison la nature de leur principal commerce et le
geure de marchandises qu'ils tiennent en dépôt ou magasin ;
et à l'égard du commerce des grains , d'exiger qu'ils ne puissent
être vendus que dans les lieux publics et les jours de
foires et marchés .
Vernier lit son projet de décret. Après quelques débats ,
la Convention décrete en principe la premiere disposition
portant , que nul ne pourra exercer aucun commerce ou négoce
quelconque , sois en gros , soit en détail , sans une per(
48 )
mission on patente qui en indiquera la nature et les objets .
Le mode d'exécution est renvoyé au comité , ainsi que le tarif
des patentes.
Suite de la discussion sur l'acte constitutionnel.
Les articles XII , XIII , XIV et XV du titre IV du pouvoir
législatif sont décrétés ainsi qu'il suit :
Art. XII. Le corps législatif est renouvellé tous les ans
par tiers. Ses membres sont trois années en fonctions ; lis
peuvent être réélus de suite , après quoi il faudra un intervalle
de deux ans pour qu'ils puissent être réélus de nouveau .
L'article du projet portait le renouvellement tous les deux
ans par moitié.
" XIII . Chaque département concourt , à raison de sa
population seulement , à la nomination des membres du conseil
des anciens.
,, XIV. Tous les dix ans , le corps législatif , d'après les états
de population qui lui sont envoyes , détermine le nombre des
membres du conseil des anciens que chaque département doit
fournir. Aucun changement ne peut être fait dans cette répar
tition durant cet intervalle .
XV. Les membres du conseil des anciens sont nommés par
les assemblées électorales de chaque département.
La discussion s'ouvre sur l'organisation des deux conseils ,
et voici les articles décrétės.
,, XVI. Nul ne peut être élu membre du conseil des anciens
s'il n'est âgé de 40 ans accomplis ; si de plus il n'est
marié ou veuf.
Cambacérès voudrait que l'on exigeât 45 ans , et que la
disposition ne fût exécutable que dans six années.
Boissy- d'Anglas appuie la motion de Cambacérès ; mais
l'Assemblée décrete l'article tel que nous venons de le rapporter.
Deux autres dispositions du même article sont ajournées
l'une exige une résidence de 15 années , l'autre exige la pos
session d'une propriété fonciere pendant une année au
moins.
,, XXVII. Les membres nouvellement élus au conseil des
anciens se réuniront , le 1er, du mois prairial , au lieu qui aura
été indiqué par le corps législatif précédent , ou dans le lieu
même de ses dernieres séances , s'il n'en a pas désigné un
autre.
On ajonrne trois articles qui suivent celui - ci .
,, XVII. Les fonctions du président et des secrétaires ne
peuvent excéder la durée d'un mois .
,, XIX. Le conseil des cinq cents est invariablement fixé ♣
ce nombre .
" XX. Les dispositions contennes dans les articles..... relatife
( 49 )
tifs à l'organisation du conseil des anciens , sont communes au
conseil des cinq cents.
499 XXI. Pour être élu membre du conseil des cinq cents , ik
faut être âgé de 30 ans accomplis , etc. ,
Charles de Lacroix propose la condition du mariage pour
le conseil des cinq cents comme pour celui des anciens . Il
est appuyé par plusieurs membres et combattu par d'autres .
Talot dit que la déclaration des droits porte , que tous les
citoyens peuvent parvenir aux mêmes emplois , sans autre
distinction que celle des vertus et des talens . Il demande ok
sont les descendans de César , Pompée , Bayard , Saxe , J. J.
Rousseau , Voltaire , et il peuse qu'une pareille motion ne
peut être soutenue que par une faction d'épouseurs .
Dubois Crancé répond qu'un célibataire ne tient pas asses
à la patrie, qu'il n'a pas même les vertus civiques . La proposition
de Lacroix est décrétée.
" La discussion est interrompue par Sieyes , qui prononce
un long discours sur le plan présenté par la commission des
onze. Il le regarde comme le plus avancé qu'on ait encore
vu dans le monde ; mais il y remarque de grandes lacunes
des omissions dangereuses , et n'y apperçoit de gouvernementnulle
part. L'unité seule , dit- il , est despotisme ; la division
seule est anarchie . La liberté résulte de l'unité d'action et
de la divisiou des pouvoirs , et il résume tout son projet
dans les propositions suivantes :
19. Il y aura , sous le nom de tribunal , un corps de representans
au nombre de trois fois celui des départemeus , avec
mission spéciale de veiller aux besoins du peuple , et de
proposer à la législature : ses séances seront publiques.
2º . Il y aura , sous le nom de governement , un corps de
représentans au nombre de sept , avec mission speciale de
veiller aux besoins du peuple et à l'exécution de la loi , et
de proposer à la législature : ses séances ne seront point
publiques.
3. Il y aura , sous le nom de législature , un corps de
représentans au nombre de neuf fois celui des départemens
avec mission spéciale de juger et de prononcer sur les pro--
positions du tribunat et du gouvernement. Ses décisions
promulguées porteront le nom de décret .
un 4. Il y aura , sous le nom de jurie constitutionnelle ,
corps de représentans au nombre de trois vingtiemes de la
législature , avec mission spéciale de juger et de prononcer
sur les réclamations en atteintes portées à la constitution
par des décrets .
La Convention décrete que le plan de Sieyes sera imprimé
et renvoyé la commission des onze pour être examiné.
Tome XVII. D
( 50 )
Séance de tridi , 3 Thermidor .
La Convention ayant décrété que la discussion sur la conse
titution s'ouvrirait tous les jours à midi , Daunou ouvre la
séance et fait décréter les articles suivans :
Art. XXII . La proposition des lois appartient, exclusivement
au conseil des cinq cents .
,, XXIII . Il apparuent exclusivement au conseil des anciens
d'approuver ou de rejetter les propositions du conseil
des cinq cents.
,, XXIV. Le conseil des cinq cents et le conseil des an
cien's ont respectivement le droit de police dans le lien de
leurs séances et dans l'enceinte extérieure qu'ils ont déterminée
.
XXV. Ils ont respectivement le droit de discipline sur
leurs membres ; mais ils ne peuvent prononcer de punition
plus forte que la censure , les arrêts pour huit jours et la
prison pour trois .
་ ན་ ད་
, XXVI . La police et la surveillance de l'administration
departementale et municipale de la commune où le corps
legislatif tent ses séances , appartiennent au conseil des anciens
. Il peut , en tout ou en partie , déléguer au directoire .
exécutif cette police et cette surveillance , ou les exercer
directement , selon qu'il le juge convenable ..
XXVII . Le conseil des anciens peut changer la rési
dence du corps législatif. It indique en ce cas un nouveau ;
licu , et l'époque à laquelle les deux conseils sont tenus de
s'y rendre.
,, XXVII . Le décret du conseil des anciens sur cet objet ancien
est. irrevocable .
: 99 XXIX. Le jour même de ce décret , ni l'un ni l'autre
des conseils ne peuvent plus délibérer dans la commune où
ils ont résidé jusqu'alars . Les membres, qui y continueraient
leurs fonctions se rendraicut coupables de haute trahison et
d'attentat contre la sûreté dela République.
,, XXX. Si , dans les 20 jours après celui fixé par le conseil
des anciens , la majorité des deux conseils n'a pas fait
connaître a la République son arrivée au nouveau lieu indiqué
, les administrateurs de département , ou , à leur défaut ,
les uibunaux civils de département , convoquent les assem- c
blées primaires et électorales , pour procéder à la formation
d'un nouveau corps législatif , par l'election de deux cents
cinquante députés pour le conseil des anciens , et de cinq
cents pour l'autre conseil .
,, XXXI . Les administrateurs de département qui , dans
le cas de l'article précédent , seraient en retard de convoquer
les assemblées primaires et électorales , se rendraientcoupables
de haute trahison et d'attentat contre la sûreté de
la République .
7
( 51 )
XXXII; Les membres du directoire exécutif qui retars
deraien ou defusefajente de sceller , promulguer e envoyer
le décret, de translation du corps législatif , se rendraient
coupables du même delit ....
,, XXXIIIe Les membres du nouvean corps législatif se
rassemblent dans le lieu où le conseil des anciens avait trans
féré les séances. rooob drug anda pai
3
"
ATI
XXXIV. Les séances du conseil des cinqa.cents sont
publiques des assistans ne peuvent excéder en nombre la
moitié des membres de l'Assemblée. Les procès - verbaux des
séances sont imprimés. non o mil -
99 XXXV. Le conseil des cinq cents ne peut délibérer , si
la séance n'est composée de deux cents, membres au moinsy
" , XXXVI. Le conseil des cinq cents , sur la demande des
cent membres peut se former et délibérer en comité général
et secret. 99
Delahayer, au nom des comités de sûreté générale et de
législation , propose le projet : de décret pour les mode de
jugement des détenus pour cause de la révolution . Il cons
siste à charger des tribunaux de district , et à Paris une com
mission , d'examiner les motifs d'arrestation , et de prononcer
les renvois aux tribunaux criminels .
Bentaboile le combat et déclare que c'est une injustice del
faire juger les détenus par des tribunaux composés d'hommes
qui étaient incarcérés avant le 9thermidor , et qui donneront
l'essor, aux animosités et aux vengeances . Son avis est
que le comité de sûreté générale prononce définitivement
sur les détenus .
Après quelques débats , le projet est de nouveau renvoyé
aux comités de legislation et de sûreté generale réunis .
Un secrétaire fit lecture d'une lettre du général en chef
de l'armée des Pyrénées occidentales , qui donne de nou
veaux détails sur la victoire annoncée dernierement . On a
fait aux Espagnols cinq cents prisonniers , et nous n'avons
eu que cinq hommes tués , et quatre -vingt blessés . ( Voyez Nou
velles officielles . )
907
La discussion sur la constitution reprend ; tout le titre IV
est décrété , de même que celui des corps électoraux .
Voici ls reste des articles de ce titre :
t
› Art. XXXVII . En comité général , les délibérations sont
prises par assis et levé dans le cas de doute , on procedex
au scrutin secret.
:
,, XXXVIII . Le conseil des cinq cents ne peut créer dans
son sein aucun comité permanent ; seulement , lorsqu'une ma
tiere luiparait susceptible d'un examen preparatoire , il nomme
parmi ses membres une commission spéciale , qui se renferme
uniquement dans l'objet de sa formation . Cette commission est
dissoute aussi- tôt que le conseil a statué sur l'objet dont
elle était shargée..
D
t
Inte ,
1
49*XXXIX Aucune proposition ne peut être délibéše ni
résolue dans les conseil des cinq cents , qu'en observant legh
former suivantes : il sera fait trois lectures de la proposi
tion ; l'intervalle entre deux de ces lectures ne pourra être
moindre de dix jours. Laudiscussion est ouverte après chaque
lecture , et néanmoins après la prémiere ou la seconde lee
le conseil des cinq cents peut déclarer qu'il y aplicu
à l'ajournement ou qu'il n'y a pas lieu à délibérer . Toute
proposition: sera imprimée et distribuée deux jours avant fa
secondes lecture . Après la troisieme lecture , le conseil des
cinq cents décideia s'il y a lieu ou non à l'ajournement. Toute
proposition qui soumise à la discusiion , aurs été définitivement
rejettée après da troisieme lecture , ne pourra ettesi
-reproduite qu'après une année révoluc.a!
1 XL Les propositions adoptées par le conseil des cinq o
cents s'appellent résolutions .
* 19
99 XLI . Le préambule de toute résolution énoncera , 19. des
dates des séances auxquelles les trois lectures de la propositions
auront été faites ; 9º . l'acte par lequel il aura été déclaré , après
la-troisieme lecture , qu'il n'y a pas lien à l'ajournement.
XLII . Le conseil des anciens doit refuser d'approuver
les résolutions dont le préambule n'atteste pas observation
des formes ci-dessus . Si quelque résolution , non revêtue de
ces formes , venait à être approuvée par le conseil des anciens ,
le directoire exécutif ne peut la sceller nila promulguer,
comme lois , et sa responsabilité , à cet égard , dureral six
années.
" XLIII. Sont exemptes des formes prescrites par
l'article Hil , les propositions reconnues urgentes par une
déclaration préalable du conseil des cinq cents . Cette déclaration
énoncera des motifs de l'urgence et il en sera fait •
mention dans le préambule de la résolution .
XLIV. Les dispositions des articles .... , sur la tenue da
conseil des cinq cents sont communes au couseil des anciens.
- XLV. Le conseil des anciens ne peut délibérer si la séance
n'est composée de 180 membres au moins.
5 XLVI! Aucune proposition de loi ne peut prendre naissance
dans le conseit des anciens.
,, XLVII. Aussi-tôt qu'une résolution du conseil des cinq
sents sera parvenue au conseil des ancieus , le président
donnera sur-le-champ lecture du préambule.
,, XLVIII. Si la proposition a été déclarée urgente par le
conseil des cinq cents , le conseil des anciens delibere pour
approuver ou rejetter l'acte d'urgence .
XLIX. Si le conseil des anciens rejette l'acte d'urgence ,
jonene? delibere pas sur le fonds de la résolution . ,,
Séance de quartidi , 4 Thermidor.
Vernier , au nom du comité des finances , présente le mode
Y( 33 )
*
d'exécution du décret du 2 précédent mois , portant que anl
ne pourra exercer un commerce ou négoce quelconque , soir
en gros , soit en détail , sans une permission on patente. Les
articles suivans sont décrétés .
1º. Les colporteurs , marchands roulans qui ont un domi.
cile dans les villes bourgs assujettis aux patentes , sont tenus
de les obtenir dans le lieu de leur principal domicile.
2º. Les communes , les corps administratifs , la force armée
sont chargés de veiller spécialement à ce que les négocians
revêtus de patente ne soient point troublés dans leur commerce
, à peine de répondre de tous dommages et intérêts
--s'il est constaté qu'ils n'ont pas fait tout ce qui était en leur
ponvoir pour empêcher le trouble et le désordre .
30. Les manufacturiers et fabricans ne sont point, sujets aux
#droits de patentes , s'ils ne vendent que des objets provenant
de leur fabrique et manufacture.
4° . Les vendeurs et vendeuses , de fleurs , fruits , légumes ,
poissons , beurre et oeufs , vendant dans les rues , halles et
marchés publics , ne serout point tenus de se pourvoir de
patentes , pourvu qu'ils n'aient ni boutiques , ni échopes ,
et qu'ils ne fassent aucun autre commerce , à la charge par
eux de se conformer aux réglemens de police .
5º . Les arts , métiers et professions ne sont point compris
dans les dispositions de la présente loi .
60. Nul ne pourra faire un négoce sans tenir un registre
paraphé , où il inscrita ses achats et ses ventes .
7. Les patentes ne pourront à l'avenir être accordées que
pour une année entiere. Ceux qui voudront faire, on continger
le négoce seront tenus de se munir de patentes , dans
le mois , à dater de la publication de la présente loi , ou de
vendre , dans ce délai , leurs grains , denrées et marchandises
->destinés au commerce.
*
8. Scront réputés grains destinés au commerce tous ceux
qui excéderont la consommation de la famille pour une année
et quant aux autres denrées et marchandises , tout ce qui
excédera les besoins ordinaires de la famille , à l'exception des
vins , dont la provision peut être de deux années .
9. Tous marchands ou négocians pourvus de patentes ,
ayant boutique sur la rue ou magasin dans l'intérieur , seront
tenus , dans la buitaine de l'obtention de leurs patentes , d'afficher
et inscrire au - devant de leur maison , la nature de leur
principal commerce , et le genre de marchandises qu'ils tiennent
dans leurs dépôts ou magasins .
10º . Les agens de change et courtiers ne pourront faire
le commerce pour leur propre compte , à peine de destitution
, et d'une amende double de la valeur des objets dont
ils auraient traité pour eux-mêmes.
© 11 °. Les propriétaires fermiers , cultivateurs nou autres
D 3
( ( 34 )
y
qui récoltent des grains , ne pourront en conserver: 'ou´en
emmaganiser au-delà de ce que leur récolte pent comporter ,
moins qu'ils n'aient obtenu une patente de négociant en
grains , et fait inscrire leur qualité de négociant et deur geure
de commerce sur le frontispice de leur maison , le rout à
peine de confiscation de tout les grains dont ils seraient detenteurs
ou dépositaires.
>
12. Les particuliers non négocians er non
pourvus de
patentes et qui sont dans le cas d'acheter des blés pour
lear usage , ne pourront porter leurs achats et approvisionnemens
au- delà de ce qui sera nécessaire pour faire vivre
leur famille jusqu'à la récolte , à raison de quatre quintaux
de ble- feement , et de cinq quintaux en grains de toute espece
* par chaque tête .
139. Les grains ne pourront être vendus ailleurs que dans
les lieux publics , les jours de foire et marché et ce à peine
de confiscation des marchandises vendues: Ladite confiscation
sera supportée moitié par levendeur , moitié par l'acheteur.
景
14. Ceux qui font commerce en grains sont tenus de se
munir de patentes , quand ils n'auraient ni boutique , ni
magasin et à peine d'une amende de 1000 liv . , et de trois
ans de détention.
150. Nul ne pourra aller au- devant de ceux qui se rendent
dans les foires et marches , pour y vendre leurs grains , à
peine de 15 000 tv.d'amende contre les délinquans , quoiqu'il
ne s'en soit suivi ancuh marché .
A Le même soumet à l'Assemblée la derniere rédaction du
décret sur le paiement de la contribution fonciere , du prix
des banx stipulés en argent , et sur les dégrevemens . Elle
est ainsi conçue ?
Art. Ier . Toutes requisitions en grains sur les propriétaires
, fermiers , cultivateurs et autres ,
seront abolies et
* cesseront d'avoir lien , à dater du 1er , vendémiaire prochain .
II. La conubation fonciere continuera d'être imposée
sur les propriétaires , et sera acquittée par eux ou par leurs
fermiers ; lesdits fermiers paleront la contribution pour leur
propre compte s'ils en sont chargés ; et , dans le cas contraire
, ils seront tenus de la payer à l'acquit des proprictaires
.
•
III. La contribution fonciere sera fixée et levée , pour
l'an 3 d'après les bases adoptées pour 1793 ,
192 IV. Le paiement en sera fait , moitié en assignats , valeur
nominale , moitié en grains effectifs dans les especes ciaprès
; savoir : blé , froment , seigle , orge et avoine ; de
maniere que le contribuable qui , en 1793 , était imposé à
120 liv , payera en grains de l'espece ci - dessus , la quotité
que représentaient 60 liv . , valeur métallique , en 1790 .
" La moitié due en grains sera évaluée sur le rôle dans la
3 a
1
( 55 ) ··
proportion ci - dessous ; les fractions an-dessous de 5 sous ne
produiraient aucune évaluation .
V. La moitie payable en nature sera acquittée en grains
de bonne qualité , au plutard dans les mois de brumaire et
frimane ; elle sera conduite et livrée par celui qui en doit
faire le paiement , au magasin ,le plus voisin desigué par le
département , et qui ne pourra être éloigné de plus de trois
Henes .
Le garde- magasin en donnera un récépissé au contribuable
et celui - ci sera tenu de rapporter son récépissé au
percepteur des contributions , qui l'inscrira à la marge du
rôle.
» VI . Tous les propriétaires , fermiers , cultivateurs qui ne récoltent
pas des grains des especes ci - dessus , ou qui n'en récoltent
que pour la nourriture de leur famille , à raison de cinq quintaux
par personne de tout âge , de toute espece de blé ,
auront la faculté de payer en assignats la moitie de l'impo
sition due en nature , suivant le prix du ble regle d'après
les mercuriales des deux mois antérieurs à l'échéance du
paiement des baux.
" VII . L'imposition des maisons et usines de toute espece
( les moulins exceptes ) continuera à être payée pour le tout
en assignats , valeur nominale .
Vill. Les locataires ou fermiers desdites maisons et usines
paieront de même aux propriétaires le prix de leurs baux
stipulés , en argent , en valeur nominale , sans rien déroger
à ce qui aurait ete stipule payable en especes ou en délivrances
, quelconques .
IX. Les fermiers des biens ruraux , dont le prix des
baux est stipulé eu argent , seront tenus d'avancer et coudaire
ladite moitié payable en nature , qu'ils soient ou non
chargés des contributions.g .
Lorsqu'ils n'en seront pas chargés , ils en feront déduction
aux propriétaires , sur et en tant moins de la moiúé qu'ils
seront tenus de leur payer en grains de la maniere ci- après ; -
dans aucun cas , ils ne pourront répéter les frais de voitures . ,
2
t
,, X. Lesdits fermiers des biens ruraux ,, à prix d'argent,
seront tenus de payer aux proprietaires ou aillems , moitié
du prix de leur ferme en grains de l'espece ci dessus ; lequel
paiement sera fait par une quantité de grans que la moitié
du prix du bail représentait cu 1790 , deduction faite sur
cette moitié de ce que lesdits fermiers auraient paye pour
impositions à la décharge des propriétaires , conforment
à l'article précédent . 10.03 A FAST
La disposition du présent article sera applicable aux
redevances qui auraient été supulces payables en argent ,, ainsi
qu'aux colons ou metayers pour les sommes Par eux dues
en numéraire ou valeur représentative .
D 4
( 36 )
"
de
" XI. Si lesdits fermiers ne récoltent pas des grains de
l'une des especes ci- dessus , ou s'ils n'en récoltent que pour
la nourriture de leur famille à raison de cinq quintaux
blé de toute espece par personne , le paiement de la moitié
de leur bail sera fait aux propriétaires , en assignats , suivaut
le prix commun des grains réglé sur les mercuriales du principal
marché du district , dans les deux mois antérieurs à
Tépoque où le paiement du prix du bail devait être fait."
L'autre moitié du prix du bail sera payée en assignats ,
valeur nominale.e
" XII. Les fermiers seront tenus de conduire , à leurs frais
la moitié qu'ils doivent en nature , au dépôt ou magasin qui
leur sera indiqué par le propriétaire , pourvu que la distance
p'excede pas trois lieues communes du pays .
" XIII. Les biens régis au compte de la nation continueront
d'être administrés comme par le passé.
99 XIV. Les dispositions de la présente loi auront lieu à
l'égard des fermiers , colons , métayers ou autres qui ont payé
par anticipation , en tout, ou en partie , le prix de leur ferme
pour l'an courant , soit en vertu des clauses du bail , soit
volontairement , soit en suite des conventions particulieres ;
lors du paiement de la somme payable en nature ou en équivalent
, il leur sera fait état des sommes payées par anticipa
tion. is
Un complot affreux vient d'être découvert dans la ville
de Port- Malo . Des étrangers introduits furtivement dans ses
murs , étaient venus à bout de corrompre avec de l'or quelques
ames basses et vénales. On comptait surprendre des
postes , s'emparer de l'arsenal , et l'nne des plus importantes
places de la République devait être livrée aux chouans dans
la nuit du 21 au 22 messidor , et de suite aux Anglais dont
l'escadre mouillait dans les environs , pour recueillir le fruit
de cette trahison . Mais le projet a été éventé , les conjurés
arrêtés en grande partie , et il se fait les poursuites les plus
actives pour découvrir tous leurs complices . La Convention décrete
la mention honorable de la conduite des autorités
constituées de cette commune .
Sur le rapport du comité des transports , postes et messageries
, la Convention décrete encore qu'il sera payé provisoirement
, et pendant un mois seulement , 30 liv. par
cheval de poste , et 7 liv. 10 sous au postillon , par chaque
posie.
Séance de quintidi , 5 Thermidor.
Fermont , au nom du comité de salut public , présente un
projet de décret , concernant les colonies . Il s'agit de déclarer
que ceux qui s'y sont armés pour la défense de la
patrie en ont bien mérité ; que le général Lavaux est élevé
( 37 )
sau grade de général de division , ét que toute assemblée coloniale
est provisoirement défendue. Deux députés des colonies
s'y opposent, Ils répandent des doutes sur les nouvelles
annoncées par le gouvernement sur la situation actuelle de St.-
Domingue. Ils prétendent qu'elles sont démenties par les
-papiers publics et les lettres particulieres ; que Lavaux est
prévenu de grands crimes , et ils se résument à demander
que les isles orientales soient préservées du fléau qui a dévasté
les isles occidentales. La Convention , sur l'assurance
donnée par Fermont que les nouvelles venues de Saint- Demingue
sont très authentiques , adopte le décret présenté.
>
Le général Cariaux , par une lettre datée de Valogne , du
rer, de ce mois , détruit le bruit qui s'est répandu d'une descente
prochaine des Anglais et des émigrés sur les côtes de
Normandie . Il répond de les recevoir comme ils l'ont été
dans le Morbihan , dans le cas auquel ils en feraient la tentative
; et il annonce qu'il fera tous ses efforts pour se montrer
digne de la confiance du comité et des généraux Hoche
et Dubayet.
Aubry , an nom des comités militaire et de salut public ,
propose de donner à nos armées un témoignage de la reconnaissance
nationale , et il fait décréteriqu'à compter du 15 thermidor
présent mois , les sous- officiers et soldats de toutes
armes recevront , par jour , un supplément de solde de 2 sons
en numéraire métallique . Les officiers recevront un habillement
complet à titre de gratification .
L'on avait projetté de réunir la fête du 10 août à celle du
9 thermidor. Portez , organe du comité d'instruction publique ,
observe que ces deux journées ont un caractere distinctif. Le
10 août renversa le trône de la royauté , et le thermidor
celui de la terreur . Si on reunit les deux fêtes , les royalistes
et les terroristes en tireront réciproquement avantage. Les
premiers diront qu'on veut rétablir la terreur , puisqu'on ne
célebre pas le 9 thermidor ; et les seconds , la royauté , puisqu'on
ne fête pas le 10 août. La Convention décrete qu'elles
le seront séparément. Que le 9 thermidor prochain les représentans
se rendront en costume dans la salle , et que l'institut
national de musique exécutera des symphonies et des chants
républicains . Elle reprendra de suite le cours de ses travaux.
On r'ouvre la discussion sur l'organisation des deux conseils ;
les articles suivans sont décrétés . Ils ont pour objet le mode de
délibérer ,
" Art. XLVII . Si la résolution n'est pas précédée d'un
acte d'urgence , il en sera fait trois lectures , à trois intervalles
, dont chacun ne pourra être moindre de cinq jours .
,, XLVIII. La discussion sera ouverte après chaque lecture.
58 )
1
-05 99 XLIX . Toute résolution sera imprimée et distribuée au
moins deux jours avant la seconde lecture .
101
,, L. Les résolutions du conseil des cinq cents , adoptées
-par le conseil des anciens , s'appellent lois.
*
Lla Le préambule des lois énoncera les dates des séances
adu conseil des anciens auxquelles les trois lectores auront été
faites .
LII. Les lois dont le préambule n'atteste pas l'observation
des formes prescrites par les art ...... du présent titre , ne
-peuvent être scellées ni promulguées par le directoire exétatif
, et sa responsabilité à cet égard dure six années . Sont
rexceptées les lois pour lesquelles l'acte d'urgence a été approuvé
par le conseil des anciens .
L
,, LIII. Le décret par lequel le conseil des anciens anra
reconnu l'urgence sera motivé et mentionné dans le préam-
-bule de la loi.
·
a IV. La proposition de la loi faite par le conseil des
cinq cents s'entend de tous les articles d'un méme projeť ;
le conseil des anciens doit les rejetter tous ou les approuver
dans leur ensemble .
49, LV. Quand le conseil des anciens a rejetté un projet de
loi , ce projet ne peut plus lui être présenté qu'après une
Vannée révolue.
"
LVI . Cependant le conseil des cinq cents peut dans cet
intervalle présenter un projet de loi qui contienne des articles
faisant partie d'un projet de loi déjà rejette .
,, LVII. L'approbation du conseil des anciens est exprimée.
sur chaque proposition de loi , par cette formule , signée du
président et des secrétaires : Le conseil des anciens approuve.
99 LVIII. Le refus d'accorder pour cause d'émission des
formes indiquées dans l'article ..... du présent titre , est exprimé
par cette formule , signée du président et des secrétaires :
La constitution annuelle.
LIX. Le refus d'approuver le fond de la loi proposée est
exprimé par cette formule , signée du président et des secrétaires
: Le conseil des anciens ne peut adopter.
,, LX. Le conseil des anciens envoie la loi qu'il a adoptée ,
sant au conseil des cinq cents , qu'au directoire exécutif.
- 99 LXI . Lorsque les deux conseils sont définitivement constitués
, ils s'en avertissent mutuellement par un messager
d'état .
,, LXII. Chaque conseil nomme six messagers d'état
son service .
pour
,, LXIII . Les messagers d'état porteront à chacun des
conseils et au directoire exécutif les actes législatifs ; ils auront
entrée à cet effet dans le lieu des séances des conseils
législatifs et du directoire exécutif. Ils marcheront précédés de
deux huissiers .
( 59 )
}
-
.
» LXIV. Lorsque l'un des conseils vent s'ajourner au delà
de cinq jours , il pe le pent que par une proportion sur laquelle
l'autre conseil a un droitenegatif.) ,isolate
99 LXVI . Les membres du corps législatif ne pourront être
recherchés , accusés , ni jugés en aucun tems , pour ce qu'ils
auront dit ou écrit dans l'exercice de leurs fonctions .
,, LXVII . Ils peuvent , pour faits criminels , être saisis
en flagrant délit' ; mais il en sera donné avis , sans délai ,
au corps législatif, et la poursuite ne pourra être continuée
qu'après que le conseil des cinq cents aura proposé la mise
Ken jugement , et que le conseil des anciens l'aura décrétée.
.99 LXVIII . Hors le cas de flagrant délit , les membres du
corps législatif ne pourront être amenés devant les officiers
de police , ni mis en état d'arrestation , avant que le conseil
des cinq cents n'ait proposé la mise en jugement , et que
le conseil des anciens ne l'ait décrétée .
„9 LXIX . La garantie des membres du corps législatif , telle
qu'elle est déterminée par les deux articles précedens , commencé
au moment de leur nomination , et dure un mois
après leur sortie , soit du conseil des anciens , soit du con
seil des cinq cents . "
Séance de sextidi , 6 Thermidor.
Il y a eu hier soir une séance extraordinaire pour la nomination
des trois représentans qui seront charges de la di
rection de la force armée de Paris . Les membres qui ont
réuni la majorité des suffrages sont Delmas , Letourneur ( de
la Manche ) et Laporte.
9 Sur le rapport fait par Sevestre
au nom du comité de
sûreté générale , la Convention
décrete que les négocians
qui
se rendent à Paris se présenteront
, dans les 24 heures , au
comité civil de la section où ils logent , pour en obtenir la
permission
d'y rester pendant trois jours ; et pour prolonger
leur séjour , ils seront tenus de se rendre à la commission
administrative
de police à laquelle ils exhiberont
leur passeport
, et qui leur accordera
le tems dont ils auront besoin ,
Savary , au nom du comité de législation , fait rendre un
décret qui autorise le débiteur d'un billet à ordre à déposer ,
chez le receveur de l'enregistrement , le montant de ce billet.
Lahaie soumet de nouveau à la discussion le projet de dé
cret tendant à faire prononcer sur les motifs de détention
de ceux qui ont été incarcérés comme terroristes , par pe
commission à Paris , et par les tribunaux de district dans les
départemens.
Ce projet entraîne une longue et vive discussion . Plusieurs
membres exposent l'injustice qu'il y aurait de mettre les per
sécuteurs entre les mains des persécutés , et la crainte que
les veúgrances particulieres ne prennent la place de l'équité.
*
( 60 ) ;
Lehardy assure que dans le département de la Seine inférieure,
les patriotes de 89 sont indistinctement qualifiés de terro
ristes , et que les aristocrates et les royalistes les poursuivent
avec acharnement.
Gourdan propose à la Convention de nommer une commission
dans son sein , qui prononcera la mise en liberté ou
le renvoi aux tribunaux , suivant Fexigence des cas . Cette
motion qui est accueillie , éprouve cependant quelques contradictions.
On oppose le danger de cumuler les pouvoirs ,
la responsabilité que prendra sur elle la Convention , et des
calomnes qui en scront ia suite ; elle écarte néanmoins , par
Ja question préalable , le projet de décret du comité , et
adopte celui de Gourdan. Le comité de législation est chargé
du mode d'exécution , et il est décidé qu'avant de procéder
à cette nomination , le comité fera son rapport sur les membres
inculpés. 12.03 i
On discute les titres V. et VI des corps administratifs et du
pouvoir exécutif. Nous donnerons les articles décrotės , lors .
que la rédaction en aura été définitivement adoptée.
PARIS . Nonidi g Thermidor , l'an 3e . de la République.
Pressée par les événemens et la difficulté des circonstances
, la discussion de l'acte constitutionnel n'a
peut- être pas cu toute l'étendue qu'exigerait un objet
d'un intérêt aussi majeur . Mais l'organisation du pouvoir
exécutif arrache tous les regards de l'opinion publique.
C'est vers ce point délicat et important que se
dirigent toutes les craintes , toutes les espérances . Les
différentes, manieres d'envisager cette question se sont
réunies pour reprocher au projet de la commission des
onze d'être faible , sans consistance , et de ne pas dononer
au gouvernement assez de moyens de résister aux
entreprises qui pourraient entraver sa marche , paralyser
ou rallentir son action , et introduire insensiblement
le désordre dans l'administration générale .
Plusieurs écrivains ont présenté sur cette matiere des
objections pressantes et des vues judicieuses . Roederer
sur-tout , dans un écrit intitulé du Gouvernement , analyse
avec rigueur et développe avec autant de force que de
sagacité les inconvéniens multipliés attachés nécessairement
à la composition trop faible du pouvoir chargé
de faire exécuter les lois et de surveiller toutes les
( 61 )
branches de l'autorité publique , et il n'entre dans cea
développemens qu'après avoir exposé sans ménagement
les dangers de la tendance à l'usurpation de la part de
ce même pouvoir.
Dans cet écrit méthodique et serré , publié d'abord
par fragment dans le Journal de Paris ( et que l'on trouve
entier chez Brigitte Mathey , au palais Egalité ) , on reconnaîtra
le zele d'un publiciste également éloigné des
illusions démagogiques e des préjugés qui ne supposent
qu'erreur et confusion hors du systême de la royauté.
En général , on paraît s'accorder sur la nécessité de
joindre à l'institution d'une république sage tous les
avantages d un gouvernement fort.
་
Dans la séance de la Convention du 8 , Geurtois a lu un
discours historique pour servir de procès - verbal des journées
des 8 , 9 et 10 thermidor deuxieme annee . Dans cet ouvrages
où l'on retrouve l'éruditioneulav touche mâle et fleurie du
rapporteur de la commission chargée de recueillir les papiers
trouvés chez Robespierre, on a remarqué plusieurs faits pré
cieux qui n'étaient point encore connust
Courtois a fait le tableau de la France à cette époque mémo-"
rable . Les sciences et les arts avaient fui la patrie des Corneille
et des Racine ; nos theâtres ne présentaient plus que
de misérables rapsodies payées par l'ambition et applaudies
par l'ambition ou la sottise ; sur les sieges qu'avaient illustrés
les Daguesseau et les Molé , on ne voyait plus que d'ignares
bouricaux déguises sous le nom de juges. Les riantes prome
nades où les citoyens allaient autrefois se délasser , étaient
remplies d'hommes à carmagnoles , coeffés du bonnet des
forçats ; leurs yeux portalent la terreur dans l'ame de tous.
les citoyens , et leurs jaiemens effroyables les faisaient fuir.
Les rues étaient obstruées par les charretées de victimes qu'on
menait à la mort. Les départemens gémissaient sous la tyrannie
d'insolens proconsuls qui les décimaieut ; par- tout on
créait des tribunaux par-tout on dressait des échafauds ,
par-tout on creusait des cimetieres . La Convention , veuve
de ses principaux orateurs , gémissait dans l'oppression , était
muette sous le couteau qui l'égorgeait . Tel etait alors l'état
de la France.
Les auteurs de tant d'atrocités n'avaient pas même l'hon..
neur de les avoir inventées . Dépourvus de ce caractere qui
fait les grandes choses , ils s'étaient contentés de renouvelier
les horreurs dont l'histoire nous a transmis le souvenir. Brigands
subalternes , ils ont suivi les traces des grands scélérats
qui les avaient précedés ; et Tacite , en traçan les forfaits qui
marquerent le regne de Domitien , a écrit celui de Robespierre,
( 620 )
Nos, oppresseurs ont tout imite , tout , jusqu'ahx scenes de :
Caprée. Ils avaient près de Paris plusieurs maisous de plaisance
, où ils se livraient aux plus infames débauches . Ils rouvaient
toujours là la table de Lucullus , tandis que ce qu'ils
appellaient la populace ( car ils traitaitent ainsi dans leurs
orgies la foule qu'ils faisaient servir à leurs projets criminels )
manquait de tout , et ils se proclamaient effrontement les
premiers des sans- culottes.
Parmi les traits que Courtois a cité , celui- ci a été sur tout
remarqué. Après la chute de la commune , Robespierre fut
apporté dans l'avant- chambre du comité de salut public . Là ,
étendu sur une table qui avait plus d'une fois servi à recevoir
les ordres qu'il dictait ayant une boîte de sapin pour
oreiller , il essuyait la salive ensanglantée qui sortait de sa
bouche , avec l'étui d'un pistolet , sur lequel était cette adresse :
au grand monarque. C'était le titre qu'avait ambitionné ce lâclie
scélérat, qui , pendant toute la matinée de ce jour- là même , 5
avait agité un canif , sans osers'en frapper , et qui , le soir
encore , après qu'il eût été vaincu , ne put trouver le courage ›
de ne
se pas manquer.
note . I
Ce discours sera imprimé . Courtois y joindras des notes s
qu'il composera des faits recueillis dans diferentes pieces , et
/de ceux qui lui seront communiqués par des personnes qui
en ont été témoins .
2.12 24
23
t.1 le
3
La distribution du pain a été un peu plus forte depuis
quelques jours ; on annonce que la décade prochain elle sera .
encore augmentée , et des avis d'un très - grand nombre de
départemens assurent que la récolte des grains sera plus abon- :
doute que les années antérieures . Ainsi , les citoyens vont
être dédommagés d'une privation qu'ils ont supportée avec une
patience si honorable.
Depuis deux jours ou débite ici les bruits les plus absurdes. ,
Les mêmes personnages qui avaient affecté de répandre que
Belle- Islé était livrée aux Anglais , ont aussi publié que Nantes
était au pouvoir des rebelles , cependant la feuille nantaise ne
parle pas même de leur approche.
Ils débitent aujourd'hui que Mensieur a envoyé le cordon
bleu à Charette avec le grade de lieutenant - général de ses
aimées.
Ils ajoutent même que Monsieur est en correspondance avec
le représentant du peuple Tallien. Ces nouvelles ridicules ont
sans doute pour objet de relever le courage abattu de quelquespartisans
de la royauté.
( (63 ) )
1
La tranquillité troublée pendant quelques jours sons des
prétex es frivales , mais qui pouvaient avoir des plus fâcheuses . I
conséquences , est parfaitement rétablie. Les jeunes gens égarésy
out reconnu leur erreur , et l'intérêt de la patrie l'a bientôt !
emporté sur les mouvemens d'une exasperation indiscretere
Il ne s'est passé rien d'extraordinaite, ces jours - ci aux diffé- ì
rens spectacles de café de Chartres est toujours fermé .
་
On mande de Rouen que le 3 thermidor il est passé dansb
cette ville une colonne, de 6000 hommes venant de Gand et
allant à Alençon . Plusieurs des defenseurs de la patrie se
rendirent au spectacle , Quelques jeunes gens demanderent le
Réveil du Peuple ; les soldats de leur côté déclarerent qu'ils
voulaient bien qu'on le chautât , mais à condition qu'on chans
terait aussi l'Hymne à la Liberie. Cette rixe . qui paraissait deve
nir très vive , éclata bientôt ; mais on est parvenu à tout appais
ser.
C
Deslettres de Marseille , en date du 28 messidor , annoncent
qu'on y a fait une nouvelle tentative pour massacrer les
detenus . Le 20 , il s'était formé à la Tourelle, un rassem
blement considérable . Le représentant Isnard fit publier une
proclamation dans laquelle il retraçait à ceux qui voulaient ,
se charger de ces meurtres , le sort qui les attendait : elle
finissait par ces mots : Et vous auriez la mort que vous ,
voulez donner à vos semblables . Isnard fit en outre transporter
dans le fort deux charettes de fusils pour être distribués
aux prisonniers , mais seulement en cas d'attaque. Toutes ,
ces dispositions bien connues ont fait avorter le projet.
Les mêmes lettres portent qu'un envoyé du pape est mainte
nant dans le Midi . Le 25 , il passa à Marseille pour de-lå voyager
incognito , et absoudre les prêtres qui , ayant prêté le ser- ,
ment , voudraient le rétracor
Le prince de Linange et le comte de Colloredo , détenus .
comme ôtages à Paris , et qui se sont évadés dernierement.
viennent d'arriver à Bâle.
NOUVELLES OFFICIELLES.
Relation de Paffaire qui eut lieu sur la falaise de la presqu'iste
de Quiberon , le 28 messidor , 3. année républicaine.
Deex transfuges du camp ennemi arriverent à nos avantpostes
, dans l'après - midi du 27 messidor , et prévinrent lo
( 64 )
général Lemoine , commandant le camp de Sainte- Barbe , que
Les ennemis se disposaient a l'attaquer aujourd'hui 28 de trèsgrand
matin. Cet avis ayant été répété par deux autres déserteurs
, le général Lemoine fit sur-le- champ les dispositions
ordonnées , en cas d'auaque , et attendit l'ennemi qui bientôt
fut apperçu , s'avançant dans la plaine sur trois colonnes serrées
en masse , et marchant dans le meilleur ordre.
" Arrivé à porte de l'avant-garde de l'armée , l'ennemi
déploya un feu d'artillerie assez conséquent . Suivant ses instractions
, le géneral Humbert reploya ses troupes jusques
sous le feu de la ligne ; l'ennemi croyant qu'il fuyait devant
lui , le poursuivit , gardant toujours l'ordre profond . Il fut
recommandé par- tout de le laisser approcher jusqu'à la portée
de pistolet alors quatre batteries de pieces de douze et de
huit , prenant des prolongemens sur ces colonnes , les foudroyerent
. Ebranlé tout- à - coup , il fut chargé par la cavalerie ,
ayant trois bataillons à sa poursuite et deux autres sur son Ranc
gauche ; sa retraite dégénéra alors en déroute , et il ne dut
sen salut qu'au feu de cinq chaloupes canonnieres qui , placées
sur notre flanc gauche , nous empêcherent d'entrer avec lui
dans le fort Penthievre .
Les troupes de la République , officiers et soldats se sont
conduites à merveille . La maniere dont elles furent menées
par les généraux Lemoine et Valletaux , méritent les plus grands
éloges.
S
L'ennemi a laissé sur le champ de bataille trois cents
morts ; parmi eux sont beaucoup d'officiers , le comte Talhouet
et autres ; cinq pieces de canons , des caissons , fusils de
munition , beaucoup d'épées d'officiers et une vingtaine de
chevaux de trait . Nous avons eu vingt-trois hommes tues , au
nombre desquels se trouve l'adjudant- général Vernot Bejeu ,
commandant la cavalerie ( toute l'armee a donné des larmes à
ce digne officier ) , et soixante - douze blessés , dont plusieurs
officiers d'un mérite reconnu .
Afin de faire diversion , l'ennemi avait voulu débarquer
quelques troupes à la hauteur de Beaumer ; il effectua sa descente
, mais la présence du chef de brigade Romand , à la tête
de quelques colonnes, mobiles lui firent regagner promptement
les chaloupes . "
Signé , Hoche.
P. S. Les émigrés viennent d'être ccrnés dans la presqu'isle
de Quiberon. Les braves soldats de l'armée de Hoche se sont
jettes la nuit dans la vase jusqu'aux reins , et à la pointe du
jour , les debarqués se sont trouvés enveloppés . La fotte
anglaise a fait un feu horrible , mais inutilement. On compte
plus de 1500 prisonniers .
Le représentant du peuple Tallien est arrivé cette nuit.
Y
Ger• 135+
( N° 63. )
MERCURE FRANÇAIS
QUINTIDI 15 THERMIDOR , l'an troisieme de la République.
( Dimanche 2 Août 1795 , vieux style . )
POÉSIE.
L'hymne du 9 Thermidor , par MARIE-JOSEPH CHÉNIER
représentant du peuple.
SALUT , 9 Thermidor , jour de la délivrance' !
Tu vins purifier un sol ensanglanté :
Pour la seconde fois tu fis luire à la Francé
Les rayons de la Liberté.
Deux jours avaient vengé l'opprobre de nos peres ;
Mais le sceptre , tombé des mains du dernier roi,
Armait encor la main des tyrans populaires ;
que par toi.
Il ne fut brisé
Chantres républicains , célébrez la victoire ;
Vierges du peuple Franc , couronnez - vous de fleurs ;
Peres , enfans , époux , bénissez la mémoire
Du beau jour qui sécha vos pleurs.
Le sommet de l'Olympe a vu réduire en poudre
Les superbes géants par la terre enfantes :
Au sénat de la France ainsi tombait la foudre
Sur les tyrans épouvantes.
Envain , pour conserver leur sanguinaire empire .
Ates yeux , ô soleil ! ils cachent leur fureur :
Yvre de sang français , leur troupe envain conspire
Avec la nuit et la terreur.
Tome XVII .
( 66 )
Ne crains plus d'éclairer le triomphe des crimes ;
Remplace de ta soeur l'astre silencieux ;
Les oppresseurs vaincus vont suivre leurs victimes ;
Tu peux remonter dans les cieux .
Le peuple et le sénat ont repris leur puissance ;
Leur voix des noirs cachots rompt les portes d'airain :
Echafauds , où le crime égorgeait l'innocence ,
Tombez à ce cri souverain .
Renverse , ô Liberté ! cet autel homicide ,
Où l'horrible anarchic , un poignard à la main ,
Comme autrefois Diane aux monts de la Tauride ,
S'appaisait par du sang humain .
Vous que chante en pleurant l'amitié solitaire ,
Femmes , guerriers , vieillards , beauté , talens , vertus ,
Vous ne reviendrez pas consoler sur la terre
Vos parens qui vous ont perdus .
Ah ! de vos noms sacrés la mémoire chérie
Peut du moins quelquefois soulager nos douleurs ;
Du moins sur vos tombeaux la plaintive patrie . ,
A nos pleurs mêlera ses pleurs .
Vous accusez du fond de vos augustes tombes
Les coupables vengeurs qui vous out outragės ;
C'est par de sages lois , non par des hécatombes ,
Que nos ami seront vengés .
Oui , pour la République , un nouveau jour commence :
Nous verrous , à la voix de vos mânes proscrits ,
L'humanité dressant l'autel de la clemence
Sur vos respectables debris .
Premiere déité , des lois source immortelle ;
Toi , qu'on adorait même avant la Liberté ,
Toi , mere des vertus , véritable Cybele ,
Touchante et sainte
3
(( 671)
Unis des intérêts qui paraissaient contraires ;
Un coeur qui sait hair est toujours criminel :
Au festin de l'oubli viens rassembler des freres
Pressés sur ton sein maternel .
La palme et le laurier cueillis par le courage ,
De leur tige robuste ont orné nos remparts :
L'olivier de la paix verra sous son ombrage
Fleurir l'excellence des. arts .
Une longue tourmente a grondé sur nos têtes ;
Des rochers menaçans nous présentaient la mort :
La terre est près de nous ; qu'importent les tempêtes ,
Si la Liberté vient au port?
S₁
CHARA DE.
Tirsis d'un baiser vous a fait mon premier ,
Vous n'y voyez , Iris , que sa teudresse extrême ,
De plaire à deux beaux yeux il est à mon dernier ;
Sensible , délicat , son coeur est l'amour même ;
Voulez- vous que son feu ne soit pas mon entier?
Couronnez par l'hymen ce berger qui vous aime.
Sur une nouvelle piece de l'Opéra - Comique- National , intis
tulée Le Brigand . :
ALLEZ - VOUS voir le Brigand ? — Non ,
La piece me déplaît au nom ;
Si long-tems la présence obscene
Du brigand le plus odieux ,
A , sur les rives de la Seine •
Fatigué mon coeuret mes yeux ;
Que je suis fort peu curieux
D'en voir un autre sur la scene.
( Par le citoyen Ne L.)
(( 168 ) )
}
1
ART SO C. I A L.
Observations sur la déclaration des droits de l'homme , de la
constitution de 1791 , 93 et 95 .
0
ᎢTEL
EL est le titre d'une brochure de 66 pages par le cit.
J. M. Pochon , ayant pour épigraphe :
L'homme est libre par la nature .
Un style inégal, des raisonnemens quelquefois plus ingénieux
que solides , des réflexions judicieuses exprimées
avec clarté , élégance et précision , des applications assez
souvent fausses : voilà ce qui frappe dans ce petit écrit ,
dont le plan embarrassé n'offre qu'un ensemble défectueux
, sans ordonnance et sans liaison .
L'auteur voulant faire un rapprochement comparatif
des trois déclarations successives , les publie toute trois ,
et les discute article par article , et pour faire mieux
sentir les motifs des observations dont il accompagne
chaque article cité , il ajoute encore à ces trois pieces
une déclaration particuliere qu'il présente comme le
résumé de ces mêmes observations .
་ ན་
On conçoit que dans ces trois analyses successives
du même sujet , la pensée de l'auteur restant toujours la
même, il doit tomber dans des répétitions fréquentes ,
ou renvoyer tantôt à ses propres articles , tantôt aux
observations qu'il a déja faites , ce qui rend le style décousu
et la lecture moins agréable. Nous ajouterons que
le plan de déclaration de l'auteur n'est pas celui qui
nous paraît le moins susceptible de critique ; mais il s'en
explique lui-même avec trop de franchise et de modestie
pour que nous nous appesantissions sur ce reproche.
Au contraire , nous aimons à lui rendre la justice
de dire que son ouvrage renferme des pensées infiniment
heureuses et des apperçus pleins de justesse ,
qui ne peuvent qu'entrer avec fruit dans la circulation
des idées .
Le but qu'on pouvait se proposer dans ce travail , dit
,, l'auteur , en considérant le plan des droits de l'homme
de 1791 , et 93 , était , 1 ° . d'y laisser tout ce qui était
,, une émanation claire et évidente de ces mêmes droits ;
1
( 69 )
-
" 2. d'ôter ce qui n'était pas rigidement nécessaire pour:
leur conformation ; 3 ° . d ajouter ce qui était omis ; 4° .
d'en composer ensuite un ensemble le plus resserré
" possible , afin qu'ils aissent plus d'impression et qu'ils
" devinssent plus faciles à entendre et à retenir. ",
99 Je suis loin de me flatter d'avoir réussi ; cette vanité.
n'appartiendrait qu'à celui qui ne comprendrait pas
que les droits de l homine sont le monument litté
faire le plus difficile à ériger , parce qu'ils exigent.
une suite de principes que rien ne peut altérer , la
" précision la plus sévere et l'énergie la plus caracté-
" ristique. J'oserai presque dire , que c'est ici l'écueil,
,, où viendront se briser les efforts des plus grands
génies .
99
J'ai fait ce que j'ai pu. Il faut quelque courage
" pour porter la main sur un pareil travail , que des
hommes consommés par l'étude et par l'expérience
" fournissent la carriere , la patrie leur en fait un de-
99 voir. Quant à moi , si une seule de mes observations
peut ête utile , je ne croirai pas en tout avoir perdu
" mon tems . ii.
Nous croyons , nous , que le citoyen Pochon a tenu
plus qu'il ne semble promettre , si- non quant au monument
qu'il a raison de trouver difficile à élever , au
moins quant aux préceptes qui peuvent en diriger la
Structure et en fixer les proportions.
L'impression de l'ouvrage dont nous rendons compte
ayant éprouvé des retards , son auteur déclare qu'il l'aurait
abandonné si la discussion définitive des droits
n'eût été renvoyée à la fin de l'acte constitutionnel .
Il a bien fait de ne point se décourager. Ainsi que lui ,
nous sommes loin de regarder la déclaration des droits
comme inutile et peu importante ; il est plus urgent
sans doute de s'occuper de l'organisation constitutionnelle
, et sur-tout du gouvernement. Mais le pacte social,
ce contral moral sur lequel doit reposer tout l'édifice
politique ne peut être imparfaitement rédigé sans exposer
le sort de la constitution elle - même . Une autre
considération bien puissante , c'est que dans un systême
où la sanction nationale doit donner à l'acte constitutionnel
le caractere obligatoire de la souveraineté , ce
que le peuple sera susceptible d'adopter avec plus de
connaissance de cause , c'est le texte des vérités éternelles
dont le point de contact est dans le sentiment
de la justice et le simple bon sens d'ailleurs comme
E 3
(76)
il importe que l'on ne soit pas obligé de revenir sur
ces vérités élémentaires , il faut faire tous ses efforts
pour qu'elles soient aussi pures dans le pacte social que
dans le code invisible de la nature. Nous devons espérer
que la Convention donnera Fattention la plus
scrupuleuse à leur rédaction définitive , et nous répéterons
avec le cit . Pochon : Que de soins exige la décla
" ration des droits de l'homme ! Ce n'est pas seule-
,
ment un travail pour le peuple français , c'est un mo-
" dele pour tous les peuples . Qu'un sculpteur habile
" nous présente une statue , que les artistes s'assemblent
et disent d'nne voix unanime : Cet homme at
" surpassé tout ce qu'on a fait jusqu'à ce jour ; si cette
impression reste , l'ouvrage est immortel . Qu'on y
" prenne garde si on n'éprouve pas le même sentiment
" en présence des droits de l'homme , s'ils ne frappent:
pas l'imagination , s'ils ne sont pas le résultat des rè
flexions les plus profondes , s'ils laissent à desirer
" une plus grande perfection , ils produiront peu
» d'effet.
,, Dans une déclaration aussi solemnelle et aussi importante.
Il faudrait presque prendre le compas géo-
" métrique ; il faut que tout y soit classé avec ordre ;
", qu'un mot , qu'un article n'y paraissent point trans-
" posés que le cadre soit rempli et ne présente rien
de superflu ; que chaque chose se lie et compose un
", ensemble parfait .
En formant la déclaration des droits il faudrait
" pouvoir se dire : Les voilà , on ne fera pas mieux ;
• cette déclaration mérite l'attention de tous les hommes
• , éclairés ; c'est elle qui est la bâse de l'institution sociale
; c'est elle qui constitue l'homme au moral ;
" après l'avoir lue , il doit sentir tout ce qu'il est . "
Le cit. Pochon est si pénétré de la bonté de ce précepte
qu'il y revient souvent dans le cours de son ouvrage
; il a soin de fortifier sa pensée par quelque trait
nouveau , par quelqu'image plus attachante , et par une
certaine chaleur d'expression qui fait à la vérité disparaître
la monotonie que pourrait produire le retour fréquent
de la même idée , mais qui fait sentir peut-être
davantage le défaut de liaison dont nous avons déja
parlé.
A
" Le tableau des droits , ajoute - t- il , doit être serré ,
énergique . Etendre trop loin ses idées sans besoin
c'est en affaiblir le caractere. Que par-tout chaque
( 71 )
-
article montre au peuple , dans des cadres simples
,, l'image touchante des premiers droits de la nature !
,, Ne détournons point , s'il est possible , ses regards des
" objets auxquels il s'attache sans réserve ; quel sujet
", d'admiration pour lui ! .... La liberté s'offre à ses yeux ;
il ne considere de distinctions que celles que don-
,, nent le mérite et le talent . Le pauvre ne sera
" point accablé dn fardeau d'une injuste imposition .
Tout lui est promis : la pleine et entiere liberté de
l'agriculture , du commerce , des arts et des cultes ;
le droit imprescriptible de manifester sa pensée ... que,
" rien ne le trouble à la vue des droits de l'homme !
" Qu'ils soient comme un temple majestueux où préside
la divinité tutélaire de la liberté , où tout inspire
le respect ! ",
99-
""
Dans un autre endroit l'auteur presse encore davantage
cette pensée .
A force , dit-il , de vouloir tout expliquer , on par
" vient à détruire les idées que l'imagination s'était
faites , on en rétrécit le cercle par cela seul qu'on y
,, met des bornes ; le sentiment se perd et le charme
" s'évanouit. Il semble qu'on ne devrait donner d'ex
" plication que de ce qui pourrait s'interprêter d'une
maniere subversive des droits du peuple ; je vou-
" drais que l'on s'abstînt de toutes celles que les
hommes libres voient par les seules lumieres de la
nature. La vérité ne se montre pas toujours à décou-
" vert , elle s'enveloppe quelquefois d'un voile léger ;
" les idées qu'elle fait naître piquent , flattent davan-
" tage ; on ajoute soi - même à un principe pur la con-
" séquence qui en est évidente , et l'ame se repaît avec
plaisir de ce qu'elle sent bien sans le secours de
" personne . "
Ce raisonnement nous paraît moins vrai que spécieux ,
et l'image qui l'embellit ne saurait nous séduire , d'autant
plus que le cit . Pochon n'en fait pas une application
très -judicieuse . Il rejette comme inutile l'article
suivant :
Tout homme peut engager son tems et ses services ;
mais il ne peut se vendre ni être vendu , etc. 19
Il le croit suffisamment compris dans celui - ci :
L'homme est libre par la nature . „9
Et par une suite de raisonnemens faux , il s'en rap .
porte à la conscience et au sentiment sur l'appréciation
E 4
( 72 )
du droit sacré de la liberté . Comme s'il n'avait pas été
par-tout cruellement viole ; comine si cette violation
Outrageante n'avait pas été honteusement soufferte ! ....!
I faut laisser à la cupidité et à l'orgueil le soin d'affaiblir
le cri de la nature contre l'esclavage .
Il est peut- être d'autant plus facile de se tromper sur
cette matiere qu'elle est plus à la porte de tous les
esprits. Chacun , l'analyse à sa maniere ; et quand il
sagit de la réduire à des termes précis et justes , c'est
alors que le jeu des abstractions sert plus souvent à nous
éloigner qu à nous rapprocher de la vérité.
" On a placé , dit le cit . Pochon , la sûreté au nombre
" des droits de l'homme . La sûreté résulte de la garantie
. Elle n'en est donc que la conséquence , et la
" conséquence ne peut être admise comme un prin-
2 cipe , comme un droit de l'homme. "
Cette assertion nous paraît absolument erronée . La
sûreté considérée même dans l'ordre moral et naturel ,
est un droit. Car si j'ai le malheur de faire naufrage
sur une côté étrangere , la justice vent que je n'aie point
à craindre pour mes jours de la part de ceux qui 1 habitent
, lorsque je ne cherche point à leur nuire . Les
peuples qui ont violé ce droit sacré , quoiqu'il ne fût
point proclamé , ont toujours été regardés comme des
barbares ; et tous les gouvernemens qui ont eu quelqué
moralité dans leur legislation , ont non -seulement accordé
protection aux individus , mais ils ont encore
respecté leur liberté. Or si la sûreté est un droit sous
le rapport purement individuel , à plus forte raison ent
est-elle un sous le rapport social . Chaque membre d'une
société qui s'organise a dû réclamer pour tous , et pour
lui - même , une garantie contre l'attaque des passions
malfaisantes , contre le viol , l'assassinat . Autrement
quel attrait la société eût- elle pu leur offrir ? N'est- ce
pas en conséquence du besoin légitime et naturel de leur
sécurité , qu'ils étaient fondés à exiger cette garantie ? La
sûreté est donc un droit.
En citant l'art. X de la déclaration de g1 , l'auteur
fait un raisonnement assez piquant.
Quant au droit de manifester ses opinions religieuses,
,, je crois , dit- il , que ce principe est en quelque sorte
,, étranger à l'opinion ou à la faculté d'exprimer sa
" pensée : combien de citoyens demeurent invariable-
" ment attachés à leur religion , parce qu'ils la tiennent
» de leurs peres : c'est presqu'un second héritage qui
( 73 )
"
leur est transmis ; alors leur opinion sur le culte ne
se forme point par la leur propre , mis par celle
qu'on leur donne , et par le respect qu'un ancien
19 usage semble exiger d'eux .
L'idée qu'on se fait de la divinité est étrangere
" aux opinions communes , et ne pourrait être com-
" prise dans leur nombre. "
Si cette assertion n'est pas métaphysiquement vraie
elle peut du moins , envisagée sous un point de vue'
politique , indiquer une vérité précieuse , c'est qu'il
serait nécessaire de déclarer que les prêtres et professeurs
d'un culte quelconque ne pourront , en aucun
tems , remplir aucune fonction publique. La justice ne
serait point blessée par cette précaution . Car celui qui ,
au milieu de ses concitoyens , se regarde comme l'intermédiaire
entr'eux et la divinité , et passe pour tel , ne
saurait , sans danger pour le bien public , prendre part
à la direction civile et politique de la société . La tâche
qu'il s'est imposée étant toute étrangere aux soins temporels
, et de nature à lui donner un certain ascendant
sur l'esprit de ceux qui suivent sa doctrine , la raison
veut qu'il demeure toujours circonscrit dans ses fonctions
spirituelles .
Parmi les droits positifs reconnus dans les trois déclarations
qui se sont succédées , l'égalité est celui qui
a fait sur beaucoup d'esprits l'impression la plus rapide ,
sans doute parce que l'égalité tient le premier rang
dans l'ordre des, vérités métaphysiques qui émanent
plus immédiatement de la justice , et que , par cette
raison , le sentiment en est moins compliqué ; tandis
que , d'après l'altération que cette vérité originelle a
éprouvée dans l'ordre social , et les modifications infinies
qui ont dû en résulter , elle est devenue la plus
facile à contester et la moins susceptible de s'adapter
au systême politique . On verra peut- être avec plaisir
de quelle maniere le citoyen Pochon s'explique sur ce
sujet.
* ་
Il y a deux sortes d'égalité , l'égalité individuelle et
» l'égalité publique.c
L'égalité individuelle est celle qui donne aux
hommes un droit égal au travail , aux talens et à la
vertu .
" L'égalité publique est celle qui range tous les
,, hommies sous un niême niveau , au nom de la loi.
Il ne faut pas croire , poursuit l'auteur , qu'en
( 74 )
" établissant les principes de l'égalité naturelle ou indi-
" viduelle , on s'achemine à l'égalité absolue . Il en
" résulte le contraire ; c'est précisément en démontrant
le principe de l'égalité naturelle , qu'on fera voir.
" qu'il est impossible qu'elle existe réellement ;
", car la nature a voulu , afin que les hommes puissent
" mieux concourir à leur utilité réciproque , qu'ils ob-
" tinssent , par les qualités qu'elle leur a diversement
distribuées , le droit d'être ce que n'est pas un autre ;
" et le mobile de cette différence est si varié , si imper-
" ceptible , si prompt à s'accroître , qu'il n'est pas pos-
" sible d'assigner un instant où un homme soit égal à
" un autre . "
Nous observerons seulement sur ce morceau , que les
dispositions variées que nous recevons de la nature
nous donnent bien la faculté , mais non pas le droit
» d'être ce que n'est pas un autre. "
Au reste , nous terminerons cette notice par un aveu
de l'auteur lui-même..
" En derniere analyse , il faut s'avouer vaincu. Les
droits de l'homme expliquent la nature de l'homme ;
", la nature est plus savante que nous , et nous resterons
" en arriere. ",
( L'ouvrage se vend 4 liv . chez les marchands de
nouveautés. )
J. L.......LE.
¿
ANNONCES.
Observations du représentant du peuple Andrein , sur le déeret
touchant la famille Bourbon restée en France , on laj :
tice et la politique reclamant d'accord pour l'innocence . A
Paris , chez Maret , libraire , cour des Fontaines , maison
Egalité , no. 1008.
~ Les loisirs de la Liberté , nouvelles républicaines ; par le citoyen
Barbum , I vol . in - 8 ° . de 322 pages , beau papier.
Prix 10 liv. A Paris , chez Deroy , rue du Cimetièrc-André
, nº.115 . Chez la citoyenne Lan ot :, rue de la Loi , nº . 14,
et chez les marchands de nouveautés.
-
Pésultats de la révolution quant au commerce , à la marine el aum
Gelonies . Apperçu de leur influence sur le forces et la prospérité de
la France. Prix 4 liv . et 5 liv . franc de port. A Paris , chez
tous les marchands de nouveautés .
( 75 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 22 juillet 1795.
Le cabinet de Pétersbourg se décide enfin à prendre
part à la ligue des rois contre la nouvelle république.
Mais quels fruits la coalition pourra - t- elle retirer de
secours si tardifs ? Lui rendront - ils les forces dont la
retraite du roi de Prusse et celle de plusieurs membres
du corps germanique l'ont privée ? Non , sans doute
le seul avantage réel , et c'en est un qu'il ne faut pas
dissimuler , le seul avantage réel pour la coalition est
l'augmentation de ses forces mar times, portées à un degré
redoutable , puisque la Russie donne 12 vaisseaux de
ligne et 8 frégates. Apprécions néanmoins ces nouvelles
ressources à leur juste valeur . Le soldat russe est
brave sur mer comme sur terre il sait endurer sur ses
vaisseaux la même abstinence que dans ses camps . Il
reste également immobile à son poste un jour de combat
naval et dans une bataille rangée ; mais ces vaisseaux
sont des corps sans ame ; il manque aux officiers
qui les conduisent les lumieres et l'expérience qui disringuent
les capitaines suédois et danois . L'Angleterre
y suppléera , dira - t - on. Reste à savoir jusqu'à quel
point les Russes , séparés par leur religion et leurs moeurs
des autres peuples de l'Europe , manoeuvreront avec
succès sous des chefs étrangers , que les nationaux , qui
ne tiendront tout au plus que le second rang , verront
avec jalousie donner des ordres sur leur bord . Cet
amalgame , qui n'est pas naturel , a rarement réussi . Le
témoignage de l'histoire fournirait peu d'exemples ( en
faveur d'une semblable mesure
D'ailleurs quel en est le but où en sera le fruit. ?
Ce n'est probablement pas de tenter une descente suf
les côtes de France . Ses ennemis ne peuvent ignorer
que , consacrer des hommes à une pareille expédition ,
c'est les dévouer à une mort certaine on se propose
donc de bloquer tous les ports de la nouvelle répu
blique , et de suivre le grand systême de famine imaginé
par le cabinet de Londres . Eh bien cela même
ne réussirait pas . Tandis que les Français moissonnent
tant de lauriers sur les bords du Rhin , en Espagne et
en Italie , leurs vieux peres , leurs jeunes freres moissonnent
une des plus abondantes récoltes qui ait jamais
existé , et qui pour être plus tardive cette année , n'en
est que plus iche . D'ailleurs , si elle ne suffisait pas ,
les Etats - Unis de l'Amérique , la Suede , le Danemarck ,
Gênes , Venise , les Etats barbaresques leur fourniraient
le faible supplément dont ils pourraient avoir besoin,
comme ils le leur ont déja fourni ; et il ne resterait
la coalition que la honte d'avoir tenté l'exécution d'un
projet aussi insensé qu'atrace . De plus , ces mêmes
etats qui fournissent à la France d autres articles , bâses
d'échanges dont le besoin réciproque est également
senti de part et d'autre , et que l'Angleterre ne peut
pas leur fournir , car elle ne peut pas tout fournir, ne
fût- ce que du vin , dont elle -même a besoini ; ces mêmes
états se lassetaient de voir accumuler dans leurs ports
les objets de leur commerce , de ne plus tirer de France
ound acheter à grands frais , de la seconde main , les
choses dont ils sentiraient la privation , et ils finiraient
par abandonner une neutralité si dommageable , et qui
aurait tous les inconvéniens d'un état d'hostilité pour
faire entr'eux , ou même avec la France, une ligue contre
cêtte coalition , et recouvrer ainsi la liberté de leur
commerce. On ajoutera peut-être que la maniere oné ,
reuse de pourvoir à ses besoins à laquelle cette guerre
oblige la France de se soumettre , la ruine entierement ,
et qu'avec un peu de patience , ou plutôt d'entêtement
ses ennemis en auront bonmarolié : quand cela serait vrai,
cela serait réciproque. Interrogez les ministres des
finances des puissances coalisées particulierement de
la Grande - Bretagne et de Autriche , ils vous répon
dront , s'ils étaient de bonne- foi qu'ils sont (ou vont
être au bout de leurs ressources.edin pro
D'ailleurs n'y a -t- il donc rien à craindre du désespoir
d'une grande nation ; et veut - on forcer ses soldats ,
accoutamés à la victoire , d'aller arracher jusques dans
les capitales des états les plus éloignés qui lui font la
guerre , le peu qui reste de numéraire dans leurs
trésors appauvris ? Ils le feraient , rien n'est impossible
( 77 )
aux Français ; l'Europe a da et peut encore s'en con
vaincre.
Que conclure de toutes ces considérations ? C'est que
la paix , du moins avec la France , est nécessairement trèsprochaine
, et que la nouvelle alliance entre la Russie ,
' Autriche et la Grande - Bretagne ne scauraient la
retarder beaucoup .
Copenhague 11 juillet . L'escadre russe de douze vaisseaux
de ligue et huit fregates , mouilla avant - hier dans l'anse de
Kioge , et aujourd'hui elle est entrée dans cette rade . La frégate
de guerre anglaise Lée , était arrivée un pen auparavant à
Helginsor , ayant à bord dix - huit pilotes côtiers , pour conduire
cette escadre dans la mer du Nord . On croit qu'aussi-tôt
que celle- ci en aura pris la route , elle Υ sera suivie par la
plus grande partie de l'escadre danoise et suédoise réunie.
Des lettres de Varsovie , du 5 , disent qu'on y parle plus
que jamais de la possibilite d'une nouvelle guerre ; elle serait
sûrement relative au dernier partage de la Pologne , sur lequel
les puissances intéressées ne s'acco dent pas , et qui d'ailleurs
est vu de tres -mauvais oeil par la Porte ottomane , le Danemarck
et la Suede. Quel rôle y jouera Stanislas ? C'est ce qui est
fort incertain ; son neven , le prince de Poniatowski , eit
arrivé de Grodno dans la capitale ; il s'y estarrêté quelques jours ,
et´est ensuite retourné auprès de son oncle ; mais on assure
qu'il va partir pour Petersbourg. En attendant , les Russes ont
130 mille hommes tant en Pologue qu'en Lithuanie .
Madalinsky , coonu par la révolution de Pologne , a été
mis en liberté par le roi de Prusse , et reçoit de ce prince
une pension de deux mille écus . L'empereur a fait relacher
aussi le médecin qui l'année derniere contribua à l'évasion
de Lafayette ; on pense même cque celui- ci , qui est encore
retenu au château d'Olmuiz , n'aurait pas de peine à obtenir
sa liberté.
Le général Valence est arrivé hier ici avec madame de Genlis ;
ils ont pris une maison située entre cettë ville et Altona . Madame
de Geulis , dont le goût pour la litterature est suffisamment
connu par de nombreux ouvrages agréables qu'elle
publiés , vient de faire imprimer un nouveau roman qui ne
cede en rien à ses précédentes productions on croit que ce
meine ouvrage s'imprime aussi à Paris .
-
Les fameuses demoiselles Fernig qui , étant de l'état major
de Dumouriez , ont pris la faire avec lui , demeurent à Altona ,
ainsi que leur pere . leur frere et deux autres soeurs. Presque
tous les emigrés français qui arrivent dans nos cantons choisissent
leur demeure à Altona , ou entre cette ville et Hambourg.
Aci les dernieres lois de police conceruant les es angers et
leur existence les gênent beaucoup ils s'apperçoivent bien
que ces lois ont été faites pour eux. Aussi long-tems qu'on
( 78 )
leur permet d'habiter un territoire étranger voisia de notre
ville , on ne peut s'empêcher d'y recevoir leurs visites journalieres
, attendu que les gens qui n'ont pas l'air d'être des
voyageurs entrent et sortent librement , et que nos voisins , ainsi
que nos relations commerciales , ne nous permettent pas de
mettre des entraves à la libre circulation des personnes , gêne
qui ferait en même - tems crier nos voisins , et qui nuirait à
notre commerce .
De Francfort -sur - le -Mein , le 15 juillet.
Des lettres de Vienne , du 9juillet , en confirmant ce qu'on
savoit déja sur la nouvelle liaison intime qui s'établit entre
les trois cours, les plus connues pour leur goût d'envahissement
et de conquête , font part d'une circonstance importante dont
les autres renseignemens ne parlaient pas , et qui pourrait allumer
la guerre dans le Nord , tant sur mer que sur terre .
--
La triple alliance offensive et defensive, entre la Russie ,
l'Angleterre et notre cour , a été signée à Péter bourg le
17 du mois dernier. La nouvelle eu a été apportée ici dimanche
dernier par un courier russe . L'on prétend savoir de boune
source , que les cours de Londres et de Pétersbourg viennent
d'exiger recemment de la Suede , une réponse cathégorique
sur cette question : Si le bruit général du renouvellement du traité
de subsides avec la Porte est fondé , ou non ?
Au reste , l'empereur continue de presser plus vivement ses
préparatifs de guerre ; il fait des sacrifices d'autant plus étendus
qu'il sent bien qu'il va être incessamment réduit à ses
seules ressources et à celles de la Grande- Bretagne , la plupart
des membres du corps Germanique travaillant à faire leur paix
particuliere. Après avoir pris les mesures nécessaires pour forifier
la Bohême contre la Porte ottomane en cas d'une rupture,
il tire de la Hongrie , cette pépiuiere de soldats , divers régimens
qui seront probablement envoyés à l'armée d'Italie ; car
c'est dans cette partie que le ministere autrichien se propose
d'agir offensivement pendant le cours de cette campagne ,
tandis qu'il se tiendra simplement sur la défensive le long du
Rhia , au moins jusqu'à nouvel ordre . Cela n'empêche pourtant
pas d'envoyer aussi des transports considérables à cette
dernière armée , à laquelle on a fait passer trois millions de
florins dans les derniers jours de juin .
On exige de tous les étrangers qui se trouvent à Vienne d'administer
la preuve de leurs moyens de subsister ; s'ils ne
donnent pas de réponses satisfaisantes , ils sont obligés de s'engager
en qualité de soldats , on de sortir de la ville et même du
pays.
Lors des délibérations qui ont précédé le conclusum de la
diete de Ratisbonne , pour parvenir à établir la paix entre
l'Empire et la République Française , les propositions suivantes
( 79 )
ønt été mises en avant par certains membres , moins empressés
sans doute que les autres d'y arriver .
Quelques états , entr'autres ceux de Bamberg , Strasbourg ,
Constance et Spire , ont desiré que la paix de Westphalte
et d'autres traités faits avec la France fussent pris pour servir
de bâse ; d'autres ont demandé que les limites de l'Allemagne
fussent fixées comme elles l'étaient lors du commencement
de la guerre actuelle , au 20 avril 1792. L'électeur de Saxe ,
le landgrave de Hesse Cassel , l'évêque de Liege , etc. sont
de cette opinion . L'électeur de Cologne , les évêques de
Salzbourg , Wirzbourg , Passau , Coire , les princes de
Wurtemberg , de Bude , de Hesse Cassel , d'Auhau , de
Saxe - Gotha , de Schwerzemberg , etc ; les comtes de la
Wetteravie , de la Westphalie et de la Franconie , etc. ont
insisté pour le rétablissement et la restitution des droits que
les etats ont perdu par les décrets des 4 et 11 août et 2 novembre
1792.
L'électeur de Hanovre , malgré son von particulier pour la
paix , continue de servir la cause de la coalition comme roi
d'Angleterre . Voici ce que portent des lettres d'Osnabruck ,
du 4 juillet.
Le magasin anglais établi ici a été considérablement augmenté
par l'arrivée de nombreux transports qui se sont succédés
rapidement. On pense que le quarter- général des Auglais
sera transféré ici , ou que le magasin est destiné à l'entretien
des troupes hessoises que nous avons dans ce pays .
Avant-hier , un ordre venu de Berlin a défendu toute vente
ultérieure de ce qui se trouve au magasin que l'armée prus
sienne avait formé et laissé ici .
Un certain émigré , nommé Granville , et qui avait séjourné
quelque tems à Achaffembourg , a reçu des lettres de créance
du ci- devant Monsieur , pour résider comme ministre royal
auprès de l'électeur de Trêves. Il est facile de sentir qu'il
ne sera point recounu en cette qualité , lorsqu'on se rappelle
la position où se trouve maintenant vis - à - vis de la
République Française le corps germanique , dont l'électeur
de Trèves fait partie. Déjà l'électeur a reconnu formellement
la république batave , et la République Française , d'une
maniere indirecte . Le ministre plénipotentiaire des états - généraux
près de lui , ayant notifié le traité conclu entre les deux
républiques , a reçu de son ministre , le 2 juillet , la réponse
suivante : Le soussigné ministre d'etat et de cabinet a l'honneur
de répondre , par ordre de S. A. S. E. , an mémoire du
29 du mois passé, que S. E. M. de Landsbergen , ministre plénipotentiaire
de LL. HH . PP. , lui afait parvenir que S. A. S. E.
a été très - sensible à l'attention amicale de LL. HH . PP. , et à la
notification du traité conclu le 16 du mois passé; et convaincu , /
par cette attention , que ce traité ne contient aucune vue
hostile contre l'Empire germanique , S. A. S. E. souhaite que
( 80 )
I
leurs hautes puissances en puissent recueillir des fruits dura
bles , ainsi que tous les avantages qui en peuvent résulter .
Il a été publié à Baste qu'en vertu d'un arrangement fait
entre cette ville et la République Française , il ne sera permis
à personne de passer de la France eu Suisse , ou de la Suisse
en France , après huit heures du soir .
à
ITALIE. De Naples , le 4 juillet .
On continue de taire des preparatifs seux pour renforcer
la flotte anglo - napolitaine et l'armée en Picmout , Des chea
vaux de remonte sout partis pour nos régimens de cavalerie en
Lombardie. Tout le monde est ici content et tranquille , et le
roi reçoit des marques réitérées du fidele attachement de ses
sujets qu'il ne veut point voir suicherges du fardeau de la
guerre , préférant se soumettre lui-même à des privations ,
plutôt que d'accabler son boa peuple.
et
Malgré nos continuels armemens maritimes , et tout le litoral
armé , l'armée doublée , aucune pension n'a eté diminuée ,
aucune imposition n'a été mise , ce qui prouve la sagesse et la
modération de ce gouvernement,
Notre ministre Acton se voit enfin soulagé par les nouveaux
arrangemens , et est à même de diriger le tout avec d'autant
plus d'efficacité. Il est au- dessus des calomnies envieuses répandues
dans des gazettes tant en Italie qu'ailleurs . C'est lui
qui a créé notre marine sur le pied augiais , et notre militaire
sur le pied allemand ; c'est lui qui a fait et fera revivre le commerce
; c'est sous lui que fleurissent et fleuriront les beaux
arts et les sciences ; c'est lui qui a maintenu la dignite de cette
couronne au sujet du mesentendu avec la Suede.
Notre récolte dans les deux royaumes.de Sicile , vient de se
faire à la très- grande satisfaction de tous les habitans . Elle a été
très-abondante , et de beaucoup supérieure à celles des années
précédentes.
De Livourne , le 10 juilleta
L'escadre française , qu'on disait ête dans nos mers , n'a
point paru, et a croisé seulement devant la Corse . Deux fregates
anglaises que l'ennemi poursuivait parviurent à rentrer à Saint-
Florent , où elles donnerent avis de l'approche de l'ennemi :
anssi- tôt l'amiral Hottam fit disposer son escadre de 23 vaisseaux
de ligne , de 2 frégates et un cutter , et mit à la voile le 7
pour aller à la rencontre des Français . La frégate anglaise la
Junon est venue expressément ici pour nous instruire de cet
événement , et sans mouiller , elle a continué sa route. Un
autre bâtiment , arrive le 8 , nous a apporté la nouvelle que
les escadres étaient en présence , et qu'il allait s'engager un
combat , à moins que les vents du sud , qui étaient fort violens
dans ce moment , n'en eussent ordonné autrement .
Les derniers avis de Gênes portent que les Français se retirent
en bon ordre de la riviere , et qu'ils vont concentrer lears
forces dans un endroit qui leur sera désigné...
RÉPUBLIQUE
( SI )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE .
PKSIDENCE DE LA REVEILLERE-- LÉPAUX .
Stance de septidi , 7 Thermidor ,
Lanjuinais se présente pour faire le rapport attendu sur
l'effet rétroactif donné à la loi du 17 nivôse sur les donations et
les successions . Il insiste pour obtenir la p role , et expose
les inconvéniens qui résultent du retard pour la tranquillité
des familles . Elle ne lui est néanmoins accordée qu'après que
l'acte constitutionnel aura été décrété .
à
L'execution de la loi du 9 floreal étant suspendue , les
peres et meres d'émigrés ne peuvent pas obtenir la msin -levée du
sequestre mis sur les biens , et sont reduits à des secours
dont la modicité et l'insuffisance sont notoires , cause de
la chorté excessive des denrées . La Convention l'a senti , et
sur le rapport des comités de législation et des finances , elle
a décrété qu'en attendant le rapport qui lui sera fait sur cette
loi , le maximum de ce secours serait de 5coo liv . pour chacun
des peres et meres , et 2500 liv . pour chaque enfant à leur
charge , à prendre sur le produit net de leurs revenus.
Lesage ( d'Eure et Loire ) , au nom du comité de salut public ,
donne des nouvelles que l'on attendait avec impatience de
nos armées de l'Ouest et de Quiberon . Elles portent que
les émigrés et Anglais sont sortis de cette place pour combattre
les républicains ; que ceux - ci que des deserteurs avaient
prévenus , reçurent ordre de leurs généraux de faire retraite
pour avoir l'air de fuir. L'ennemi les poursuivit ; on le laissa
approcher presque a la portée du pistolet . Alors se dicou
vrirent quatre batteries qui le foudroyerent , et la cavalerie
le chargeant en même tems : sa déroute devint complette . Il
a la se sur le champ de bataille trois cents morts , parmi
lesquels beaucoup d'officiers et cinq pieces de canon . Nous
n'avons perdu que vingt - trois hommes . Nos blessés sont au
nombre de soixante- onze . Voyez les Nouvelles officielles . )
La même lettre annonce que les Anglais ont tenté une autre
descente vers les hauteurs de Gomer , mais qu'ils ont été
repoussés par la division de l'armée aux ordres du général
Roman . Ces nouvelles sont accueillies avec le plus vif empressement.
Le Conseil général de la commune d'Avignon dément es
Tome XVII. F
་
( 82 )
qui a été avancé par Goupillean sur les meurtres commis dans
cette ville . I n'y a de vrai que le meurtre d'un huissier de
la commission populaire d'Orange , qui a été jetté dans le
Rhône.
Leliardy donne quelques détails rassurans sur la ville de
Rouen , qu'il avait présentée présqu'en contre - révolution . La
majorité des habitaus est restée republicaine , mais elle est
en proie à des meneurs royalistes effrénés . 4
·
Portier de l'Oise ) , au nom du comité d'instruction
publique propose de nommer le citoyen Ginguené , actuellement
adjoint à la commision de ce nom , à la place du citoyen
Garat qui a donné sa démission . L'on observe que cette com
mission est une de celles qui coûtent le plus , qu'elle a une
foule de commis inutiles et qu'elle n'atteint point le but pour
Irquel elle a été créée , et l'on demande en conséquence sa
suppression . Cette proposition étant appuyée , elle est renvoyée
au comité des finances , et celle du comité ajournée .
Vernier , au nom du comité des finances , soumet à la discussion
le projet de taxe sur les cheminées , les voitures , les
chevaux et les domestiques . Il convient que le comité n'avait
pas reflechi sur le résultat énorme de la progression double
qu'il avait proposée pour établir cet impôt , et il se borne à
fixer pour les communes dont la population excede cinquante
mille ames , la taxe à dix livres sur la premiere cheminée ,
quinze sur la seconde , et vingt sur la troisieme ; celte sur les
domestiques , chevaux et voitures est réglée sur une base sem-,
blable . Il y en a aussi une sur les personnes et sur les célibataires
. Le tout est décrété comme il suit .
1º . 11 sera payé par tout français ou étranger résidant en
France , et jouissant de ses droits et revenus , une contribution
personnelle à raison de 5 liv. en assignats .
2º Les simples manoeuvres , qui ne subsistent que de leur
travail , et dont la journée n'excede pas 20 sols ou dix livres
de pain , sont exempts de cette contribution ; ils seront néaumoins
admis à la payer. volontairement .
3º . Dans les contribuables sont compris tous les individus
ayant un revenu excedant 305 journées de travail evaluées
comme en l'article précédent .
4° . Les hommes et femmes âgés de 30 ans , et non mariés ,
seront tenus de payer an quart en sus de toutes leurs contributions
personnelles et taxes somptuaires . Les veufs et veuves
qui ont des enfans ou qui n'atteignent le veuvage qu'après
45 aus , sont affranchis de ce paiement .
30. Indépendamment de cette contribution personnelle , il
sera payé des taxes somptuaires .
60. Les cheminées autres que celles de la cuisine ou du
foyer commun , seront imposées , dans les villes au- dessus de
(( 83 )
50 mille ames , 10 liv . la premiere , 15 liv. la seconde , 20 liv .
la troisieme et toutes les autres ; dans les villes au -dessous de
50 mille ames , 5 liv. la premiere , 10 liv . la seconde , et 15 liv.
la troisieme et toutes les autres. Nulle cheminee ne jodira
de l'exception , quoiqu'on n'y fasse pas habituell ment du
feu , à moins qu'elle ne soit fermée dans l'intérieur et scellée
en maçonnerie .
70. Les poëles sont sujets à ladite taxe. Un seul jouira de
l'exemption , s'il n'y a pas de cheminées exemptes ; les autres
paieront la moitié de la taxe ci- dessus imposée et dans la
même proportion , en exceptaut néanmoins ceux des ateliers
1
et
manufactures .
8. Il sera aussi payé une taxe à raison des domestiques
mâles , autres que ceux- habituellement et
principalement occupés
aux travaux de la culture , à la garde et aux soins des
bestiaux , savoir ; 6 liv . pour le premier , 18 liv. , pour le
second , 48 liv. pour le troisieme ; ainsi de suite , dans une
proportion triple. Les domestiques âges de plus de 60 ans , out
incapables de travailler à raison de leurs infirmites , ne donneront
pas lieu à ladite taxation .
ου
9º. It sera payé pour les chevaux et mulets de luxe , et qui
ne servent pas habituellement aux manufactures , au commerce
, aux usines , labours , charrois , postes , messageries ,
transports , roulages , sans y comprendre les étalons et jumens
poulinieres au- dessous de 3 ans , savoir : 20 liv . pour le
mier , 40 liv . pour le second , 8e liv. pour le troisieme ,
de suite , en suivant la proportion double.
preainsi
10°. Il sera payé pour les voitures suspendues , carrosses
cabriolets et literes , 10 liv . par roue pour la premiere
voiture , 30 liv . par roue pour la seconde , go liv . pour la
troisieme , en augmentant dans la même proportion , à raison
du nombre des voitures , soit que le propriétaire ait ou non
des chevaux , ou qu'il n'en ait que pour un seul atelage .
11º. Les joueurs d carosses , de fiacres , entrepreneurs de
messageries ou voitures particulieres , autres que ceux qui ont
traité avec le gouvernement , paieront seulement 5 liv . pour
chaque cheval et 10 liv . par roue de voiture , sans progression
pour le nombre .
Les selliers- carossiers ne sont pas compris dans l'imposition
relative aux voitures ou équipages .
12. Les taxations ci- dessus seront réglées d'après la décla
tion du contribuable , qui sera tenu de la fournir dans huitaine
, à défaut de quoi il ne sera admis à se plaindre des
erreurs qui auraient pu subvenir , qu'après avoir payé , par
provision , le montant de sa cotisation .
13. Dans le cas de fausse déclaration constatée et vérifiée ,
le contribuable sera condamné à une amende du quadruple
de son imposition .
F 2
( 84 )
Goupilleau voulait que les chiens fussent compris dans l'av
ticle 9º . Cette proposition n'a pas eu de suite .
Dubois-Crance demande que le comité d'agricolture fosse
un rapport sur les moyens de détruire les animaux malfaisans
, parmi lesquels ii classe , les moineaux ; il voudrait qu'on
donnât un sou par tête de moineaux à ceux qui les tueraient.
Renvoi au comité d'agriculture .
Suite de la discussion sur l'acte constitutionnel .
Daunou fait lecture du titre des assemblées électorales . La
rédaction est adoptée en ces termes : 1
Art. Ter. Chaque assemblée primaire nomme un électeur
à raison de deux cents citoyens présens ou absens , ayant
droit de voter dans ladite assemblée .
II . Les membres des assemblées électorales sont nommés
chaque année , et ne peuvent être réélus qu'après un intervalle
de deux ans .
,, III . Nul ne pourra être nommé électeur , s'il ne réunit
anx qualites nécessaires pour exercer les droits de citoyen
français , l'une des conditions suivantes , savoir :
Dans les communes au dessus de six mille ames , celle
d'être propiétaire ou usufruitier d'un bien évalué sur les rôles
de contribution , à uu revenu égal à la valeur locale de deux
cents journées de travail , ou d'être locataire , soit d'une
habitation évaluée , sur les mêmes rôles , à un revenu égal
à la valeur locale de cent cinquante journées de travail , soit
d'un bien rural évalué de même à deux cents journées de
travail.
,, Dans les communes au dessous de six mille ames , celle
d'être proprietaire ou usufruitier d'un bien evalué , sur les
rôles de contribution , à un revenu égal à la valeur locale de
cent cinquante journées de travai !, d'être locataire soit
d'une habitation évaluée , sur les mêmes rôles , à un revenu
égal à la valeur de cent journées de travail , i d'un bien
rural évalué de même à deux cents journées de travail .
4
19 Et dans les campagnes , ceile d'être propriétaire ou usufruitier
d'un bien evalue , sur les rôles de conuibution ,' à
un revenu égal à la valeur locale de cent cinquante journées
de travail , ou d'être fermier ou métayer de biens évalués ,
sur les mêmes rôles , à la valeur de deux cents journées de
travail .
" A l'égard de ceux qui seront en même- tems propriétaires
ou usufruitiers d'une part , et locataires , fermiers ou métayers
de l'autre , leurs facultés à ces divers titres seront cumulées
jusqu'au taux nécessaire pour établi leur eligibilité .
( L'article IV est renvoyé à la commission des onze pour
une nouvelle rédaction . )
V. L'assemblée électorale de chaque département se réunit
( 85 )
le 20 germinal de chaque année , et termine , en une seule
session de dix jours au plus , et sans pouvoir s'ajourner ,
toutes les élections qui se trouvent à faire , après quoi elle
est dissoute de plein droit.
,, VI . Les assemblées électorales ne pourront s'occuper
d'aucun objet étranger aux élections dont elles sont chargées.
Elles ne peuvent envoyer ni recevoir aucune adresse , aucune
pétition , aucune députation . Les assemblées électorales ne
peuvent correspondre entr'elles .
" VII. Aucun citoyen , ayant été membre d'une assemblée
électorale , ne peut prendre le titre d'électeur , ni se réunir en
cette qualité à ceux qui ont été avec lui membres de cette même
assemblée. La contravention au présent article est un attentat à
la sûreté générale .
9 VII . Les articles du titre précédent sur les assemblées
primaires sont commuus aux assemblées éleétorales .
,, IX. Les assemblées électorales élisent , 1 ° . les membres
du corps législatif ; savoir , les membres du conseil des anciens ,
ensuite les membres du conseil des cinq cents ; 2ª .....
( Le surplus de cet article est ajourné. )
,, X. Le commissaire du pouvoir executif près l'administra
tion de chaque département , est tenu , sous peine de destitution
, d'informer le directoire de l'ouverture et de la clôture des
assemblées électorales . Ce commissaire n'en peut arrêter ni suspendre
les operations , ni entrer dans le lieu des séances , mais il
a droit de demander communication du procès- verbal de claque
séance dans les vingt - quatre heures qui la suivent , et il est
tenu de denoncer au directoire les infractions qui seraient faites
à l'acte constitutionnel. ♥ :
Séance d'octidi , 8 Thermidor.
Cette séance étsit indiquée pour la lecture du procès- verbal
de la seance du 9 thermidor dernier . Courtois , chargé de
la rédaction de ce procès verbal , se présente à la tribune .
Quelle meilleure maniere , dit - il , de se préparer à la fête
qui sera cel bre demain , que de rappeller les évenemens
qui ont rendu cette journée si memorable ? Il présente ensuite
l'histoire de la tyrannie décemvirale , des assessinats
commis judiciairement dans toutes les parties de la Répu
blique , des orgies d'Autenil , d Issy , de Passy , de Clichy ,
de Gonesse , au milieu desquelles les tyrans désiguaient leur
victimes, I appelle comment il s'établit une lutte entr'euxs
et comme ils forent precipités. Il peint ces bastilles qui cou ,
vraient le sol de la République , et où 80,000 citoyens atten
dient leur most pour prix de leurs talens et de leurs vertus .
Le discours de Comtois a été vivement applaudi .
Of reprend la discussion sur l'acte constitutionnel . Les titres
Vet VI Son adoptés et rédigés de la maniere spivante :
F 3
( 86 )
TITRE V. Du pouvoir exécutif.
Art. Ier . Le pouvoir exécutif est délegué à un directoire
de cinq membres , nommés par le corps législatif...
IL Le conseil des einq cents forme une liste triple du
nombre des membres du directoire qui sont a nommer , et
la présente , au conseil des anciens , qui choisit dans cette
liste .
III . Les membres du directoire doivent être âgés de
40 ans au moins ...
• IV. Ils ne peuvent être pris que parmi les citoyens qui
font été membres du corps legislatif , ou agens generaux
d'exécution. La disposition du present article ne sera observée
qu'à commencer de l'an ge . de la République .
,, V. Les membres du corps legislatif pe peuvent être
élus membres du directoire , ni pendant la durée de leurs
fonctions législatives , ni pendant la premiere année apres
l'expiration de ces mêmes fonctions.
" VI . Le directoire est pareillement renouvelle par l'élection
d'un nouveau membre chaque année .
" Le sont décidera , pendant les quatre premieres années ,
de la sortie successive de ceux qui auront ce nommes la
premiere fois .
" VII. Aucun des membres sortans ne peut être réélu ,
qu'après un intervalle de cinq ans....
VIII. L'ascendant et le descendant en ligne directe ,
le frere , l'oncle et le neveu , et les allies au même degré ,
ne peuvent être en même- tems membres du directoire , ni s'y
succéder , qu'après un intervalle de cinq ans .
" IX . En cas de mort , de destitution ou démission d'un
des membres du directoire , son successeur est élu par le
corps legislatif , dans dix jours pour tout delai.
99 Le nouveau membre n'est elu que pour le tems d'exercice
qui restait à celui qu'il remplace.
99
Si néanmoins ce tems n'excede pas six mois , celui qui
est élu exerce pendant cinq ans et demi .
,, X. Chaque membre du directoire le préside à son tour ,
durant trois mois seulement. ཉ་ ། *
" XI. Le president a la signature et la garde du sceau .
" XII . Les lois et les actes du corps législatif sont adressés
au directoire , en la personne de son président,
" XIII . Le directoire ne peut délibérer , s'il n'y a trois
membres présens au moins .
" XIV . Il se choisit , hors de son sein , un secrétaire qui
contre- signe les expeditions et rédige les délibérations , sur u
registre où chaque membre a le droit de faire inscrire son
avis motivė,
( 87 }
XV. Le directoire pourvoit , d'après les lois , à la sûreté
extérieure et intérieure de la République. I dispose de la
force armée , sans qu'en aucun cas de directoire collectivement
, ni ancun de ses membres , puisse la commander , ni
pendant le tems de ses fonctions directoriales , ni pendant les
deux années qui suivent immédiatement l'expiration de ces
mêmes fonctions .
* ,, XVI. Le directoire nomme les généraux en chef ; il ne
peut les choisir parmi les parens ou alliés de ses membres ,
dans les degrés exprimés par l'art . VII.
, XVII. Il surveille et assure l'exécution des lois dans
les administrations et tribunaux , par des commissaires à sa
nomination .
' , XVIII . Il nomme hors de son sein les agens généraux
d'exécution .
འ་
" XIX . Les agens généraux d'exécution correspondent
immédiatement avec les autorités qui leur sont subordonnées.
" XX. Le corps législatif déterminé le nombre et les fonc
tions des agens généraux d'exécution .
" XXI. Les agens ne forment point un conseil .
,, XXII. Le directoire nomme tous les receveurs des impositions
directes .
,, XXIII . II nomme les préposés en chef aux régies des
contributions indirectes , et à l'administration des domaines
nationaux .
XXIV . Les préposés en chef , tant de la régie des postes
que de toutes celles des contributions indirectes , ont la nomination
des employés de leurs bureaux et de ceux des départemens
.
,, XXV . Le directoire surveille la fabrication des monnaies
, et nomme les officiers chargés d'excreer cette surveil
lance .
,, XXVI . Ancun membre du directoire ne peut sortir du
territoire de la République , que deux ans après la cessation
de ses fonctions . Il est tenu , pendant cet intervalle , de justifer
au corps législatif de sa résidence.
,, XXVII . Les agens generaux d'exécution sont respecti
vement responsables , tant de l'inexécution des lois qui leur
sont transmises , que de celles des arrêtés du directoire .
,, XXVIII. Les membres du directoire sont traduits en
jugement pour fait de trahison , de corruption , de dilapidation
des deniers publics , et pour tout crime capital relatif
à leur gestion.
Les articles par lesquels la commission des onze propose
de rendre le corps législatif juge des motifs d'accusation
du directoire , sont ajournés jusqu'à la discussion du
projet présenté dernierement par Sieyes .
Les dispositions suivantes sont décrétées :
F
1
( 88 )
,, XXIX . Le directoire est tend , a l'ouverture de la session
du corps législauf , de lui présenter par écrit l'apperçu
des dépenses . la situation des finances , l'état des pensions
existantes , ainsi que le projet de celles qu'il croit convenable
de créer. Il doit aussi indiquer les abus qui sont à sa connaissance.
,, XXX . Le directoire peut , en tout tems , inviter par
écrit le corps legislatif à prendre un objet en considération ,
mais non lui proposer des lois .
,, XXXI . Aucan membre du directoire ne peut s'absenter
plus de cinq jours , ni s'éloigner au-delà de dix lieues de la
résidence du directoire , sans l'autorisation du corps législatif.
,, XXXII . Les membres du directoire ne peuvent paraître
en public , ni au- dehors , ni dans l'intérieur de leurs maisons ,
que revêtus da costume qui leur est prop : e .
XXXIII . Le directoire a sa garde habituelle et soldée ,
composée de 120 hommes à pied et de 220 hommes à cheval,
,, XXXIV. Le directoire est accompagne de sa garde dans
les cérémonies et marches publiques , où il a toujours le
premier rang.
,, XXXV. Chaque membre du directoire se fait accompagner
au- dehors par deux gardes.
XXXVI. Tout poste de force armée doit au directoire ,
et à chacun de ses membres , les honneurs militaires supérieurs.
,, XXXVII . Le directoire réside dans la même commune
que le corps législatif.
" XXXVIII . Les membres du directoire sont logés aux
frais de la République et daus un même édifice .
" XXXIX . Le traitement de chacun d'eux est fixé à la
valeur de 50,000 myriagrammes ( environ 10,0.0 quintaux )
de froment. "
TITRE VI. Des corps administratifs et municipaux. "
Art. Ier. Il y a dans chaque département une adminis
tion centrale , et dans chaque canton une administration mu
nicipale au moins .
II. Toute commune , dont la population; s'éleve depuis
cinq mille habitans jusqu'à cent mille , a pour elle seule une
administration municipale.
99 III. Dans les communes dont la population excede cent
mille habitans , il y a au moins trois administrations municipales
.
IV . L'ascendant et le descendant en ligne directe , le
frere , l'oncle on le neveu et allié au même degré , ne peuvent
simultanément être membres de la même administration , ni
s'y succéder qu'après an intervalie de deux ans .
( 89 )
" VI. Les administrateurs de département peuvent être
réélus' une fois sans intervalle .
*
VII. Tut citoyen qui a été deux fois de suite administra.
teur de département , et qui en a rempli les fonctions en
vertu de l'une et de l'autre élection , ne peut être élu de
nouveau qu'après un intervalle de deux années .
"
" VIII. Les administrations départementales et municipales
ne peuvent modifier les actes du corps législatif , ni ceux
du pouvoir exécutif , ni en suspendre l'exécution ; elles ne
peuvent s'immiscer dans les objets dépendans de l'ordre judi
ciaire .
› IX. Les administrateurs sont essentiellement chargés de
la répartition des contributions directes , et de la surveil
lance des deniers provenans des revenus publics dans leur
territoire.
" Le corps législatif détermine les regles et le mode de leurs
fonctions , tabt sur ces objets que sur les autres parties de
l'administration intérieure .
,, X. Le pouvoir exécutif nomme auprès de chaque admi
nistration départementale et municipale un commissaire qu'il
révoque lorsqu'il le juge convenable.
-lois .
Le commissaire surveille et requiert l'exécution des
» XI. Le commissaire près de chaque administration locale
doit être pris parmi les citoyens domiciliés depuis un an dans
le ressort de cette administration .
" XII. Les administrations municipales sont subordonnées
aux administrations de département et celles- ci aux agensgénéraux
d'exécution . En conséquence , les agens- généraux
d'exécution peuvent annuler chacun dans sa partie , les actes
des administrations de départemens , et celles- ci les actes des
administrations municipales , lorsque ces actes sont contraires
aux lois et aux ordres des autorités supérieures . "
Séance de nonidi , 9 Thermidor .
Thibaut , an nom du comité des finances , annonce que la
premiere loterie des biens nationaux est entierement remplie
, et que les billets de la seconde sont tous prêts . Il lit
un apperçu de celle - ci qui est approuvé. Le fouds sera de
cent millions . Il y aura un million de billets de cent live
chacun , et divisés en 50 mille séries de 20 billets chacune. ”
Dans chaque série sera un numéro gagnant . La distribution
des billets commencera le 3 fructidor prochain . Décrété.
L'institut national de musique exécute un hymne au 9 ther
midor , de la composition de Chénier.Il exeite de vifs applaus
dissemens . L'enthousiasme est bientôt à son comble parce qu'annonce
le présidem , qu'aux chants du triomphe de la justice
vont se meri ceux de la victoire. Tallieu paraît et dit : Lo
comité de salut public nous avait chargé Blad et moi , de nous
(1907 )
rendre sur les bords de l'Ocean. Il nous avait chargé de
vaincre l'ennemi : les troupes de la République Fout vaincu.
( Applaudissemens . ) L'Océan français a vurses légitimes dominateurs
dans l'attitude de la victoire . Il a trésailli à l'aspect de
nos braves guidés par la vengeance et l'enthousiasme de la
liberté. Les emigrés xc vibramas de stipendies de Pitt , qui
luttent depuis cinq ans comrecies droits du peuple , out osé
mettre le pied sur la terre natale : la terre natale les a dévorés .
Vifs applaudissemens . ) Aiusi le cabinet de Londres a perdu
le fruit d'une descente préparée à si grands frais et par taut
d'intrigues.
L'ennemi , à peine débarqué se vit bloqué dans la presqu'isle
de Quiberon , par les sages dispositions du général
Hoche . Deux fois ces modernes paladins voulurent essayer la
vigueur et le courage des troupes républicaines , et se faire
jour à travers nos colonues . La premire fois , ils furent repoussés
par notre seule avant- garde , qui les chargea peut - être
avec trop d'impétuosisé . Le 18 messidor., notre avant - garde
se replia devant eux , de maniere à leur faire prendre sa
retraite pour une fuite on les laissa s'avancer jusqu'à la
portée du pistolet , alors un feu terrible jetta parmi eux la ter
teur et la confusion avant la mort ils furent poursuivis et ne
purent se rallier que sous le fort Penthievre , qu'une lâche ca.
pitulation leur avait livré of
,
et
Il fut résolu d'escalader ce fort dans la nuit du premier au
deux de ce mois ; à cet effet , deux mille homores de mirent en
marche. Un orage affreux , unee pluie fortement jettée par un
vent impétueux le bruit de la mer agitée , les profondes ténebres
de la nuit mirent du désordre dans cette marche , les
colonnes ,se heurtaient , se confondaient ; elles étaient dans
un sable boueux jusqu'à la ceinture : l'activité et le sang-froid
du général rétablit tout par de nouveaux ordres ; chacun se
remit à son poste. Cependant l'humiditéfavait rendu les armes
inutiles ; nos colonnes ne pouvaient traîner du canon ,
l'ennemi avait 32 pieces en 'batterie , il avait des chaloupes et
164 voiles. Tout - à - coup le bruit se répand qu'une colonne
s'est emparée du fort . Effectivement le fort était à nous .
L'adjudant général Menars avait pénétré avec 200 hommes jus
qu'au pied du roc sur lequel est assise la forteresse ; il avait
exterminé tous ceux qui avaient fait résistande .
..Get événement est peut- être l'un des plus remarquable de
celte guerre. Ce n'était cependant que le premier pas de la
carriere glorieuse que viennent de parcourir les défenseurs
de la patrie . Ils avaient juré que , dans cette journée , le sol
de la République serait purge . Ils s'élancent dans la pres
qu'isle . Les maisons , les hameaux sont fouillés . Les émigrés
se voyant près d'être enveloppés par deux colonnes , fuient
comme un vil troupeau . Ils se réunissent sur un rocher , aux
T
( 91 )
bords de la mer. C'est-là que viennent se briser leur orgueil et
leurs criminelles espérances . Ils envoyent des parlementaires
pour obtenir des conditions . Qu'y avait-il de commun entre
nous et ces hommes , que la vengeance ou la mort ? Nous
leur répondîmes que jamais on ne traitait avec des rebelles ;
qu'il fallait vaincre ou périr .. ( Vifs applaudissemens . )
Aussitôt , le général fait battre le pas de charge, L'escadre
anglaise faisait un feu terrible et non interrompu . Sept cents
grenadiers arrivent sur le rocher . Les émigrés demandent à
se rendre ; ils offrent de mettre bas, les armes. On les somme
de faire cesser le feu des anglais .
Mais ne voyez -vous pas , répondent-ils , qu'ils tirent sur nous
comme sur vous ? ( Bruit et vifs applaudissemens . ) Comme
on s'apperçut que l'ennemi profitait de ce court intervalle
pour faire quelques embarcations , deux pieces de canon furent
pointees assez à tems pour les en empêcher. Tout ce que la
Presqu'isle contenait d'ennemis vint se rendre à discretion .
Ces emigres si fiers déposerent humblement leurs armes entre
les mains de nos braves volontaires , les remerciant avec des
larmes de houte et de remords , de leurs sentimens d'humanité
, et vomissant des imprecations contre ceux dont les perfides
secours les avaient rendu les plus conpables et les plus
malheureux des hommes . La totalité de l'armée des émigrés ,
composée d'environ 10 mille hommes , est prisonniere ou
tuée. Visf applaudissemens . ) Ainsi , dans un instant , se
sont détruits les desseins de ce ministre perfide qui voudrait
détruire, la Franee , en y excitant le désordre par tous les
moyens . Ainsi se sont anéanties ces légions qui devaient porter
le feu dans le sein des patriotes , et la flamme dans leurs
habitations
.
Voici un des poignards dont ils étaient tous
armés . Les lâches ils se confiaient dans le venin qu'ils recelent
; ils n'ont pas ose s'en servir . Nous avons fait éprouver
ce poignard sur un animal , qui est mort aussi - tôt empoisonné.
Mouvemens d'horreur. )
37
Cette victoire est decisive par l'infinence qu'elle peut avoir
sur la situation politique de l'Europe , et sur le rétablissement
du calme de l'intérieur. Dejà un grand nombre de chouans
Tentrent dans leurs foyers. Des mesures sont prises pour que ,
sous ce prétexte , il ne rentre aucun émigré . Vous voulez
pardonner à l'homme trompe ; mais vous serez inflexibles
contre celui qui est rentre dans son pays pour assassiner ses
concitoyens . C'est sur celui-là seul que la vengeance natio
nale aura à s'exercer. Une commission militaire est établie
pour juger les individus , c'est- à- dire pour constater l'identité.
Nous avons pris 60 mille fusils , 150 mille paires de souliers
, des magasins immenses en vivres et en objets d'habillement
de quoi fournir à une armée de 40 mille hommes . ( Vifs
applaudissemens, ) Nous nous sommes emparés de 1
4
( 92 )
chargés de rhum , can- de- vie et denrées qui étaient arrivés de
la veille.
Il est impossible de peindre la joie que ces détails ont
portée dans le sein de la Convention et les tribuues
et l'empressement
avec lequel ont été chantés les airs chers aux
amis de la liberté ; la Marseillaise , le Réveil du Peuple , le Chant
du Départ et Ga - ira.
Bailleul , aŭ nom des comités de salut public , sûreté génèrale
et législation , fait décréter que Pache , Bouchotte et
leurs complices , renvoyés par devant le tribunal criminel
d'Eure et Loire , seront juges par un jury spécial .
·
Sur le rapport de Treilhard , au nom des mêmes comités ,
la Convention décrete que dnodi à deux heures , elle admetra
dans son sein le ministre de la république de Venise , auprès
de la Repablique Française ..
Séance de décadi , 10 Thermider.
Chénier , au nom du comité d'instruction publique , fait
an rapport sur l'institut national de musique . I propose
diverses mesures tendantes à l'augmentation et à l'amelioration
d'un établissement qui surpasse deja , par la reunion des ar-
Listes qui le composent , toutes les autres institutions de ce
genre qui existent en Europe. La discussion en est ajournée à
ridi prochain .
Aubry , organe du comité militaire et de celui de saint
public , propose une amnistie en faveur de ceux qui ont abandonné
leurs drapeaux , à l'exception neanmoins des déserteurs
à l'ennemi ou à l'étranger , et sous la condition qu'ils rejoindront
dans une décade , à dater du jour de la publication
de la loi . Villetar attribue la désertion dont on se plaint ,
et qui est si indigne de , républicains et de Français , à la
paissance que quelques hommes reprennent sur les consciences ,
et aux menaces qu'ils font de certaines peines . Il demande
que les comités prennent des mesures à cet egard . Le projet
d'Aubry la motion de Villetar sont decretes .
Sur la proposition d'un membre , la Convention renvoie
au comité de salut public , section de la marine et des colonies ,
la demande faite d'étendre l'amnistie accordée aux militaires ,
aux marins et aux ouvriers des ports .
Sur le rapport du même , la Convention nationale , considérant
qu'il est instaut d'établir un tribunal criminel militaire
à l'armée de l'intérieur , nomme les officiers de justice
qui doivent le.composer.
On reprend la discussion sur l'acte constitutionnel . Le
titre VIII du pouvoir judiciaire est presqu'culièrement décrété .
Nous le donnerons dès que la rédaction en aura été dék
iivement adoptée .
& N. B. Dans la séance du 11 , Treilhard est venn annoucer,
Bu nom du comité de salut public , une pouvelle victoire
( 93 )
de l'armée des Pyrénées occidentales , qui s'est emparée de
Vittoria . Le même membre , en annonçant que la paix est
faite avec l'Espagne , a donué lecture du alté proposé à
cet égard.
La discussion en a été ajournée à trois jours.
PARIS. Quartidi , 14 Thermidor , 3º . année de la République.
Si le 9. thermidor de l'an second a été remarquable
par la destruction de la tyrannie la plus insensée , organisée
d'une maniere aussi vaste qu'atroce , le retour
anniversaire de cette journée mémorable n'a pas été
meins heureux pour la République , par la ruine complette
des derniers projets concertés pour la perdre.
C'était encore dans son sein que se préparaient les
périls dont elle était menacée , et nos divisions intestines
devaient les faireéclater. Une terreur nouvelle dirigée
par une nouvelle secte contre les patriotes républi
eains, l'effervescence monarchique d'une jeunesse égarée
par des meneurs soudoyés , qui versaient un mépris
despotique sur le chant de guerre des défenseurs de
la patrie ; le Réveil du Peuple , ce chant de délivrance ,
devenu un cri de révolte et de mort ; enfin cette disposition
au trouble et au désordre , pouvait justement
alarmer par sa coïncidence avec l'irruption des Anglaist
et des émigrés venant rallumer dans la Vendée la torche
de la guerre civile .
Déja quelques écrivains abusant du droit précieux de
publier sa pensée , ne déguisaient plus leur intention
d'affaiblir l'énergie républicaine et de relever des espérances
coupables ; déja dans un éloge pompeux et ridiculement
amené du comté d'Artois , on prophétisait
qu'il serait un jour un grand homme. Tous les élémens
de mėsintelligence ajoutés aux malheurs de notre
situation , ne laissaient plus aucun doute à l'ennemi
étranger , comme aux lâches qui prennent un soin henteux
de le servir , que la République touchait à sa
perte. Mais combien cet espoir a été déçu ! Le 9 thermidor
, en proclamant le souvenir de la chûte du despotisme
révolutionnaire , a proclamé aussi la défaite
des Anglais et des traîtres émigrés ; et la Convention
nationale a reçu presqu'en même tems l'olivier de la
paix et les lauriers de la victoire . Tandis que le brave
Hoche poursuivait les ennemis de la République dans
les marais de Quiberon , Barthelemy faisait , avec l'Espagne
, un traité dont les clauses aussi sages qu'honorables
paraissent devoir garantir la durée.
( 94 )
Texte du traité conclu avec l'Espagne , par le citoyen Barthelemi ,
à Basle , le 4 thermidor , an 3e . de la République.
La République française et sa majesté le roi d'Espagne , également
animés du desir de faire cesser les calamites de la
guerre qui les divise ; intimément convaincus qu'il existe entre
les deux nations des intérêts respectifs qui commandent un
retour réciproque d'amitié et de bonne intelligence , et voulant
par une paix solide et durable , rétablir la bonne harmonie qui
depuis long-temps avait été constamment la base des relations
des deux pays , elles ont chargé de cette negociation , savoir
La Republique française le citoyen François Barthelemi , son
ambassadeur en Suisse , et sa majesté catholique son ministre
plénipotentiaire et envoyé extraordinaire près du roi et de la
république de Pologne , Dom- Domingo d'Yriarte , chevalier
de l'ordie royal de Charles III , lesquels après avoir échangé
leurs pleins pouvoirs respectifs , ont arrêté les articles suivans :
1. Il y aura paix , amitié et bonne intelligence entre la 'kepublique
Française et le roi d'Espagne.
à
2. En conséquence , toutes hostilités entre les deux paissances
contractantes , cesseront à compter de l'échange des
ratifications du présent traité , et aucune d'elles ne pourra ,
compter de la même éqoque , fournir contre l'autre , en
quelque qualité et à quelque titre que ce soit , aucun secours
ni contingent , soit en hommes , en chevaux , vivres , argent ,
munitions de guerre , vaisseaux ou autrement .
3. L'une des puissances contractantes ne pourra accorder
passage sur son territoire à des troupes ennemies de l'autre .
4. La République Française restitue au roi d'Espague toutes
conquêtes qu'elle a faites sur lui dans le cours de la guerre
actuelle .
Les places et pays conquis , seront évacués par les troupes
françaises , dans les quinze jours qui suivront l'échange des ratifications
du présent traité .
5. Les places fortes dont il est fait mention dans l'article
précédent , seront restituées à l'Espagne , avec les canons ,
munitions de guerre et effets à l'usage de ces places , qui y au
ront existé au noment de la signature de ce traité .
6. Les contributions , livraisons , fournitures et prestations
de guerre , cesseront entièrement à compter de quinze jours de
la signature du présent acte de pacification . Tous les arrérages
dus à cette époque , de même que les billets et promesses
donnés ou faits à cet égard , seront de nul effet . Ce qui aura
été pris ou perçu après l'époque susdite , sera d'abord rendu
gratuitement , ou payé en argent comptant.
• 7. II sera nommé incessamment de part et d'autre des
commissaires pour procéder à la confection d'un traité de limites
le deux puissances .
( 95 )
Ils prendront , autant que possible , pour base de ce traité ,
à l'égard des terreins qui etaient en litige avant la guerre ac
tuelle , la crête des montagues qui forment les versans des eaux
de France et d'Espagne.
8. Chacune des puissances contractantes ne pourra, à dater
d'un mois après l'échange des ratifications du présent traité
entretenir sur ses frontieres respectives que le nombre de troupes
qu'on avait coutume d'y tenir avant la guerre actuelle . "
9. En échange de la restitution portée par l'article 4 , le roi
d'Espagne , pour lui et ses successeurs , cède et abandonne en
toute propriété , à la Republique Française , toute la partie
espagnole de l'isle de St. -Domingue , aux Antilles.
Un mois après que la ratification du présent traité sera connue
dans cette isle , les troupes espagnoles devront se tenir
prêtes à évacuer les places , ports et établissemens qu'elles y
occupent , pour les remettre aux troupes de la République
Française , au moment où celles- ci se présenteront pour en
prendre possession .
Les places , ports et établissemens dont il est fait mention
ci- dessus , serout remis à la République Française , avec les
canons , munitions de guerre et effets nécessaires à leur défense
, qui y existeront au moment où le présent traité sera
connu à Saint- Domingue.
Les habitans de la partie espagnole de Saint Domingue
qui , par des motifs d'intérêts ou autres , préfaieraient de se
transporter avec leurs biens dans les possessions de sa majesté
catholique , pourront le faire dans l'espace d'une année ,
à compter de la date de ce traité .
Les généraux et commandans respectifs des deux nations ,
se concerteront sur les mesures à prendre pour l'exézution du
présent article.
10. Il sera accordé respectivement aux individus des deux
nations la main levée des effets , revenus , biens de quelque
genre qu'ils soient , détenus , saisis ou confisqués à cause de
, la guerre qui a eu lieu entre la République Française et sa
majesté catholique , de même qu'une prompte justice à l'égard
des créances particulieres quelconques que ces individus
pourraient avoir dans les états des deux puissances contractantes
.
11. En attendant qu'il soit fait un nouveau traité de commerce
entre les parties contractantes , toutes les communica
tions et relations commerciales seront rétablies entre la France
et l'Espagne , sur le pied où elles étaient avant la présente
guerre.
་.
Il sera libre à tous négocians français de repasser et de reprendre
en Espagne leurs établissemens de commerce , et d'en
fournir de nouveaux , selon leur convenance , en se soumettant ,
comme tous les autres individus , aux lois et usages du pays .
7
( 95 )
Les négocians espagnols jouiront de la même faculté en
France et aux mêmes conditions .
1
1
12. Tous prisonniers faits respectivement depuis le commencement
de la guerre , sans égard à la différence du nombre en des
grades , y compris les marins et matelots pris sur des vaisseaux
français et espagnols , soit d'autres nations , ainsi qu'en général
tous ceux détenus de part et d'autre pour cause de la guerre
seront rendus dans l'espace de deux mois , au plus tard , après
l'échange des ratifications du présent traité , sans répétitions
quelconques de part et d'autre , et payant toutefois les dettes
particulieres qu'ils pourraient avoir contractées pendant leur
captivité on en usera de même à l'égard des malades et bles
sés aussitôt après leur guérison .
Il sera nommé incessamment des commissaires de
part et
d'autre pour procéder à l'exécution du présent article.
13. Les prisonniers portugais , faisant partie des troupes
portugaises , qui ont servi avec les armées et sur les vaisseaux
de sa majesté catholique , seront également compris
dans l'échange sus - mentionné. La réciprocité aura lieu à l'égard
des Français pris par les troupes portugaises , dont il est
question .
14. La même paix , amitié et bonne intelligence stipulées
par le présent traité entre la France et le roi d'Espagne , auront
Lieu entre le roi d'Espagne et la Republique des Provinces
Unies , alliées à la République Française .
15. La République Française voulant donner un témoignage
d'amitié à sa majesté catholique , accepte sa médiation en faveur
du roi de Portugal , du roi de Naples , du roi de Sardaigne
, de l'infant duc de Parme et autres états de l'Italie ,
pour le rétablissement de la paix entre la Republique Française
et chacun de ces princes et états .
16. La République Française , connaissant l'interet que sa
majesté catholique prend à la pacification générale de l'Europe
consent également à accueillir ses bons offices´en
faveur des autres puissances belligérantes qui s'adresseraient à
elle pour entrer en négociations avec le gouvernement Français.
17. Le présent traité n'aura son effet qu'après avoir été ratifié
par les parties contractantes , et les ratifications seront changées
dans le terme d'un mois , ou plutôt s'il est possible à compter
de ce jour.
En foi de quoi , nous soussignés plénipotentiaires de la
République Française , et de sa majesté le roi d'Espagne
en vertu de nos pleins pouvoirs , avons signé le présent traité
de paix et d'amitié , et y avons fait apposer nos sceaux respectifs
. Fait à Bâle , le 4. du mois de thermidor , an 3. de
la République Française ( 21 juillet 1795 ) .
Signés , FRANÇOIS BARTHÉLEMY.
DOMINGO DYARTRE,
Jer . 135 :
( No. 64. ) .
MERCURE FRANÇAIS.
DÉCADI 20 THERMIDOR , l'an troisieme de la République.
( Vendredi 7 Août 1795 , vieux style . )
Explication de la Charade du n ° . 63
Le mot de la Charade est Volage.
POÉSIE .
L'HEUREUX LOCATAIRE..
Chanson à la citoyenne E *** . , chez qui j'avais loué un
appartement.
AIR : Ce mouchoir , belle Raimonde .
Jx craignais pour ma tendresse
Les soupçons de voire époux ;
Mais enfin , j'ai sa promesse
Et je vole près de vous .
Quel amant peut sur la terre
Espérer de plus beaux jours ?
Je deviens le Locataire
De la mere des amours.
Soumis à votre puissance
Je connaîtrai le bonheur ;
Non , d'une vaine espérance
Je ne flatte point mon coeur .
On a toujours sur la terre
De belles nuits , de beaux jours ,
Quand on est le Locataire
De la mere des amonrs .
Tome XVII.
G
( 98 )
Mais Eglé , si je m'abuse
Par des transports indiscrets ,
J'ai du moins pour mon excuse
Ma jeunesse et vos attraits .
Il est permis de tout faire
Dans la saison des beaux jours ,
Pour être le Locataire
De la mere des amours .
( Par le cit. LOMANDIE .)
Li
CHARADE.
jeune et tendre Ilas , fidele à mon entier ,
Pour la belle saison , où tout berger doit plaire ,
Applique tous ses soins à planter mon premier ;
Il a cueilli des fleurs , que l'aimable bergere
Sait à ses blonds cheveux unir en mon dernier.
A Robespierre lejour de sa fête , le 9 thermidor.
TYRAN
YRAN , lâche et barbare , auteur de tous nos maux ,
Ne crois pas reposer daus le sein des tombeaux .
L'asyle des vertus ne peut l'être des crimes .
Nous venons t'éveiller au nom de tes victimes . ( 1 )
Vois-tu leurs nobles fronts par nous couverts de fleurs..
Le tien ne le sera jamais que
d'infamie.
Sur leur tombe à l'envi nous répandons des pleurs.
Nous bénissons le jour qui t'arracha la vie.
( Par le citogen B *** . )
( 1 ) La Gironde .
1
( 99 )
A U
VARIÉTÉ
.
REDACTEUR.
Sous le régime révolutionnaire qui , parmi beaucoup
d'innovations assez déplaisantes , a vu régner la mode
des tu , des carmagnoles , des bonnets rouges , des gros
bâtons et des lunettes , le titre de Monsieur était devenu ,
avec bien d'autres tres , une expression hors d'usage ;
après le g thermidor, qui a produit aussi ses innovations ;
on a vu disparaître successivement les bonnets rouges ,
les carmagnoles , le tu un peu tenace , parce que quelques
bons esprits l'ont assez bien défendu ; le titre même
de Citoyen commence aussi à tomber en désuétude
sur tout parmi ceux qui , ennemis prononcés de tous les
usages bons ou mauvais établis depuis la révolution ,
ont pourtant conservé les gros bâtons et les lanettes .....
tant il est vrai qu'on n'est pas toujours conséquens .
8
Mais croyez -vvous , citoyen , que ce soit avec raison et
innocemment
que beaucoup
de citoyens , qui le sont sans
doute malgré eux , ne veulent pas qu'on leur en donne
le titre , et affectent de lui substituer
le monsieur
d'au
trefois ? Cette question , tardive peut- être , ne paraîtra
point futile à ceux qui savent réfléchir.
La qualification de Monsieur ou est insignifiante , ou
bien elle rappelle des idées féodales et adulatrices . Le
mot Citoyen exprime un titre honorable et vrai ; son emploi
consacre a tout moment , et sans aucun danger , la
seule égalité réelle et nécessaire . En effet , les talens ,
l'éducation , la fortune auront beau établir entre les
individus une certaine variété nécessaire , ou si l'on veut
des différences très - marquées , du moins en s'adressant
mutuellement la parole , n'ajoute - t- on point à cette inégalité
par des dénominations serviles ou injurieuses ;
bien mieux , on y gagne de s'avertir et de s'avouer
sans cesse que l'on est tous égaux sous le rapport
d'hommes en général et en particulier , de membres du
corps politique . Enfin ce mot , une fois admis par l'usage
comme par la raison , en public et dans les relations
privées , ramenerait la politesse à son vrai but , l'entiere
observation des convenances morales ; car si , dans les
G 2
( 100 )
V
Occasions multipliées qui mettent les citoyens en rapport
entr'eux pour toutes sur es de motifs , d'intérêt , de
devoir ou de plaisir , ils n'avaient qu'une seule expression
, l'expression convenable , pour se désig er respectivement
, on serait bien plus embarrassé quand on voudrait
exprimer ces différences que la vanité aime tant à faire
sentir ; et c'est déja un avantage précieux pour les
moeurs , que cette difficulté qu'on éprouverait à humi-
Hier ses semblables . Il n'y a donc rien que de juste ,
d'honnête et même d'utile dans l'emploi du mot Citoyen .
Il semble sur-tout difficile que les écrivains qui le réprouvent
puissent trouver dans son usage , malgré sa
date , aucun germe de malheurs politiques ; et s'ils sont
de bonne foi , ils y verront au contraire un lien de concorde
et de paix .
´a
Citoyen juge , citoyen représentant sont plus
exacts et ne sonnent pas moins bien à l'oreille , que
monsieur le juge , monseigneur le ministre ; sieur ou
seigneur ne signifient au fonds que le plus âgé. On y a
ensuite attaché des idées de respect et de supériorité ,
indépendantes de cette premiere acception . Mais tout
cela , pour des républicains , ne vaut pas la justesse et
la simplicité du titre de Citoyen .
A l'époque où il fut convenu de ne plus se servir de
la qualification de Monsieur , Rolland , qui remplissait.
les fonctions de ministre de l'intérieur , s'abstenait seul
d'employer le titre de Citoyen , dans ses relations officielles
; beaucoup de personnes lui en faisaient des
reproches , ce qui lui fit prendre le parti de publier ,
par la voie des journaux , son opinion motivée contre
ce nouvel usage ( 1 ) . Parmi quelques assertions assez
spécieuses , on découvre sans peine que la plus forte
était une vertueuse répugnance qu'il éprouvait à donner
la qualification de Citoyens aux membres de certains corps
constitués , qui certes n'avaient pas soutenu la dignité
de ce titre . Mais ce repoussement austere peut bien
faire honneur au caractere moral de Rolland , sans pour
cela être admis comme autorité par la raison . S'il
est naturel de ne plus appeller mon ani celui qui a violé
les lois de l'amitié , ce n'est point par l'omission d'un
titre inhérent aux individus , qu'il est plus uti e de
(1) Voyez le Moniteur du 15 octobre 1792 .
( 101 ).
signaler leur conduite coupable . En pareil cas , le titre
même de Citoyen doit être le premier trait du rėmords
pour ceux qui en auraient souillé le caractere .
Rolland objectait contre l'emploi de cette qualification
, qu'il pourrait arriver qu'on la donnât aussi à des
étrangers . Cet inconvénient n'est qu'illusoire ; le mot
Citoyen en génétal n'expliquant point à quel corps polit
que appartient l'individu à qui on l'adresse , on peut
le lui donner sans incohérence . Mais si cet étranger
n'était que sujet dans sa patrie ? ...... Eh bien ! quelle
inconvenance y aurait - il à lui rappèller que , s'il n'est
pas citoyen , il devrait l'être ?.... Quel est d'ailleurs
l'étranger assez peu fier qui , en se voyant par nous
assimiler aux hommes libres , n'aimera pas à trouver
dans ce procédé , au moins un trait délicat d'urbanité
française ?
Autre objection à réfuter. Les femmes , les enfans ,
comment les désignera - t - on ? Il me semble qu'il est
encore tout simple et tout naturel de désigner un jeune
homme , un jeune enfant même , par le titre dont il est
appellé à exercer un jour les droits . Je ne vois rien là
qui ne soit à l'avantage de la société et des moeurs .
Un pommier n'a- t- il pas le nom de pommier dès le premier
instant de sa végétation , comine lorsqu'il est parvenu
au point de porter des fruits .
Quant aux femmes , quoiqu'elles ne puissent exercer
aucun droit politique , je pense qu'intimement unies
aux citoyens , comme meres , comme filles , ou comme
épouses , il est encore très - bien , très - moral , qu'elles
soient appellées citoyennes . Quel sera donc le lien sensible
qui les attachera à la patrie , si l'absence du titre
qui peut leur rappeller des devoirs bien chers à remplir
, en fait en quelque sorte des étrangeres ?
Du tems de la monarchie , les femmes étaient exclues
par la loi salique de toute participation au gouvernement
; cependant l'épouse du roi s'appellait royne ou ,
reine . Il ne paraîtra donc pas plus inconvenant d'appeller
citoyennes les meres et les épouses des citoyens.
Si pour combattre encore l'admission du titre de
citoyen comme qualification habituelle , on voulǝjt arguer
de la privation des droits politiques appliquéc à
ceux qui sont attachés à d'autres individus en qualité
de domestiques , je répondrais qu'il n'en est pas de la
domesticité comme de l'esclavage ; celui qui avait engagé
ses services peut demain prendre rang parmi ceux
G 3
( 162 )
qui jouissent de tous les droits sociaux , et redevenir
citoyen sous tous les rapports.
Enfin , l'usage du titre de citoyen ne serait pas susceptible
d'objection victorieuse dans les cas les plus
graves . L'état d'accusation , je dis plus , de condamnation
ne peuvent l'anéantir . Tout criminel qu il est , celui
que la loi punit est encore citoyen par la peine même
qu'elle lui inflige ; car cette loi est le résultat effectif
ou tacite de la volonté générale dont la sienne , en
qualité de citoyen , a fait partie. Cette qualité est tell
lement inhérente à son existence sociale , qu'une loi qui
en prononcerait l'anéantissement serait aussi illusoire
qu'immorale , et c'était sans doute le sentiment de cette
vérité qui faisait dire à Garan de Coulon , dans la séance
du 16 messidor : « L'homme qui est sequestré de la société
parce qu'il a commis des crimes , est encore libre
même dans sa prison . Je ne vois qu'une circonstance
où le titre de Citoyen puisse se perdre ; l'absence , par
bannissement ou par émigration . Le banni comme I é
migré ne sont rien dans leur patrie qu'ils ne peuvent
plus habite légitimement. L'un , parce que ses crimes
ont fait juger sa présence nuisible à la société ; l'autre ,
parce qu'il l'a renoncée .
" "
Mais l'opinion saura toujours se montrer plus sévére ,
et refuser une qualification dont on aurait méconnu la
dignité , comme elle refusait autrefois celle de Monsieur
dans les mêmes circonstances .
ANNONCE,
Mon oncle Tobie aux artisans , aux gens de campagne et aux
éleves des écoles primaires de l'un et l'autre sexe feuille périodique
qui paraît quatre fois par mois. Le prix de la souscription
est de 22 lv. pour un an , et 12 liv . pour six mois . On
s'abonne chez Haubout Taine , pavillon du jardin de l'Orangerie,
vis-à-vis la rue St.-Florentin , à Paris .
Il faut adresser les lettres et l'argent franc de port.
Cette feuille a pour but d'inspirer au citoyen l'amour de la
patrié et de la concorde , Son style sera celui du simple bon
sens dont le langage est par- tout intelligible . On n'y traitera
que d'objets à sa portée , de la vie champêtre , de l'agriculture ,
des moyens de conserver la santé , la gaieté et les bonnes
moeurs,
( ros )
NOUVELLES
ÉTRANGERES
ALLEMAGNE,
De Hambourg, le 25 juillet 1795 .
Des lettres de Constantinople , du 21 juin , rendent un
· compte très détaillé de la maniere dont l'anibassadeur de la
République Française a été reçu à sa premiere audience . Cette
brillante cérémonie a dû êne aussi désagréable pour les envoyés
des puissances coalisées que satisfaisante pour les Français
établis dans la capitale de l'empire ottoman , et pour la
nation en général : elle ne laisse pas le pins léger doute sur
le retour de son influence , et le commerce doit en concevoir
les espérances les plus flatteuses .
Le 20 , tout le peuple se trouva sur le passage de l'envoyé .
Le grand - seigneur lui - même avait voulu jouir de ce spectacle ,
et s'était en conséquence placé dans un kiosk qui donne sur
la cour du premier ministre . Deux corps , l'un de cavalerie
et l'autre d'infanterie , composés de tous les Français qui sont
en grand nombre à Constantinople , et qui s'étaient mis en
uniforme , faisaient un très-beau coup d'ail. Un peloton de
à cheval ouvrait la marche ; un autre la fermait. M. Ver
gens
ninac lui même , en uniforme , monté sur un superbe chevat
richement enharnaché , avait pour cortège un grouppe d'offi
ciers de génie , d'artillerie , de construction , et d'autres citoyens
attachés à l'ambassade . Les grands officiers chargés de
conduire l'envoyé , qui font ordinairement mille chicannes de
préséance , ont montré les plus grands égards cette fois- cit
en un mot , tout s'est passé avec la plus grande décence , et
l'on assure que nulle cérémonie de ce genre n'a été ni ausst
brillante , ni aussi agréable. Tout le sérail était dans l'enchantement.
Les mêmes lettres ajoutent :
On voit ici des copies du discours du citoyen Verninac ,
envoyé extraordinaire de la République Française , au grand
visir , lors de sa premiere audience , ainsi que de la réponse
du grand visir.
Discours du citoyen . Verninac .
La sublime Porte , fidelle au principe sacré de l'indépen
dance des nations , et non moins fidelle à l'antique amitié
G 4
( 104 )
qui unit la France à l'empire Ottoman , dans ces circonstances
difficiles où tant de nations ont dévié de la route de leurs véri
tables intérêts , -a respecté l'exercice de nos droits , et n'a
pas pris les armes pour s'opposer à l'établissement de notre
République.
Que votre excellence reçoive donc le tribut d'hommage dû
à la haute sagesse d'une conduite si recommandable , et qu'elle
le reçoive par l'organe d'un citoyen de cette Republique ,
qui est le premier envoyé de ses fondateurs qui fasse entendre
sa voix amicale et sincere dans cette enceinte .
L'histoire conservera ce titre de gloire de la sublime Porte ,
lorsqu'elle retracera avec les plus vives couleurs cette epoque
mémorable où le peuple Français , forcé d'unir au droit de
sa cause le droit de l'épée et de la victoire , a donné au
monde l'exemple le plus brillant dont aucune portion du
genre humain ait jamais pu s'honorer jusqu'ici .
Les principes qui ont dirigé les résolutions de la sublime
Porte , dans ces tems critiques , m'ont été un motit d'encouragement
et une garantie de succès favorable , en acceptant
, des représentans du peuple Français , la mission de
raffermir entre la France et l'empire Ouoman les bâses de la
paix , de resserrer de plus en plus les liens de l'amitie , et
d'accroître les rapports d'un avantage commun.
J'ai trouvé aussi de grands motifs d'esperance dans la nature .
des choses ; les deux nations ayant de fortes raisons de s'aimer
, et ne connaissant aucun motif de haine ni de jalousie ,
j'en ai trouvé enfin dans la sagesse et les lumieres qui distinguent
le depositaire suprême de l'autorité de sa hautesse.
Tout me porte donc à croire qu'en récompense de mon
respect pour les droits et les interêts de la sublime Porte ,
je trouverai dans ce dépositaire suprême , pendant tout le
cours de na mission , les égards dus à la dignité de la Répu
blique Française , l'exécution amicale des traités et capitolations
qui unissent les deux nations , et une constante bienveillance
entre les Français qui sont occupés dans les diverses
parties de cet empire , du soin doublement avantageux de
mettre en leur les productions du sol ottoman , et de l'enrichir
des utiles inventions de l'industrie et des arts de la
France .
Réponse du grand visir.
Les sentimens d'affection qui ont toujours animé la su
blime Porte en faveur de la nation française , n'ont jamais
souffert la moindre altération ; de plus , la sublime Porte a
toujours été fidelle aux droits de l'amitié , et aux liens qui
existent entre les deux puissances . Elle n'a cessé d'être trèsattentive
à tout ce qui peut intéresser la sécurité et le bonheur
des Français établis dans l'empire otoman . Ces droits
( 105 )
de l'amitié seront également observés avec la même attention
à l'avenir , ainsi que les termes des traités .
Telle est la volonté souveraine de sa hautesse le trèsmajestueux
, le très -magnanime et le très - puissant empereur
notre bienfaiteur , seigneur et maître .
Nous , de notre côté , nous remplirons nos devoirs à
ces égard avec l'attention la plus constante .
Nous voyons au surplus avec la plus grande satisfaction
que le citoyen envoyé , notre ami , homme de réputation
par ses estimables qualités , soit destiné par la République
Française , notre amie , à rési ler auprès de la sublime Porte .
L'impératrice de Russie vient de faire l'acquisition des
biens allodiaux du duc de Courlande , moyennant cinq cent
mille ducats ; elle paie ses dettes et lui fait une pension de
cinquante mille ducats .
De Stockholm , le 7 juillet. Le régent depuis son retour de
Scanie , a toujours été très- occupé tous les membres de
l'administration suprême se sont rendus à Broiningholm , et y
demeurent ; il n'y a que le grand - sénéchal du royaume qui ait
obtenu de pouvoir aller dans ses terres , encore n'est-ce que
pour un court éspace ,
de tems.
Le général en chef Cederstroem est parti d'Istadt le
25 juin , pour se rendre à Stralsund , et y faire l'inspection
de tout ce qui est de la partie militaire . De Stralsund , il parcourra
ensuite toute la côte occidentale , comme il a déja fait
de la côte orientale et de celle du midi . Toutes ces dispositions
semblent annoncer des vues guerrieres dans le cabinet dé
Stockholm .
La garnison de cette ville avait déja reçu des ordres pour
des manoeuvres , que l'on se proposait de lui faire faire l'au
tomne prochain ; et déja les sommes nécessaires avaient été
assignées ; mais depuis quelque tems ce plan paraît changé ,
et les manoeuvres n'auront point lien cette année.
:
On mande de Copenhague qu'il y a eu une grande quantité
de dons volontaires en faveur des pauvres incendiés. Il en
est venu du dehors , de Londres et de Hambourg on va
s'occuper à réédifier des maisons , pour remplacer celles qui
ont été consumées . Un placard royal , à la date du 3 , a permis
l'importation et d'autres matériaux venans de l'étranger ; il a
même cherché à donner de l'encouragement à cette importation
, en diminuant pour trois années consécutives les droits
qui se perçoivent sur ces objets .
De Lemberg , le 30 juin . On débite ici que le 16 du mois
prochain , une conférence doit avoir lieu à Brzezk entre les
ministres de l'Autriche , de la Russie et de la Prusse , pour
fixer definitivement le sort de la Pologne . On ne peut rien
( 106 )
savoir de positif sur les suites des arrangemens qui vont être
pris par ces trois puissances ; mais on dit pourtant que la
Pologne , sans être conservée dans toute son intégrité , ne
disparaîtra pas de la liste des royaumes . La Russie paraît disposée
à faire le sacrifice de la partie de la Lithuanie que les
Russes ont occupée jusqu'a Volhynie , et de la Russie - Blanche .
La Prosse rendrait de la Grande Pologne , les districts qui
ne lui sont pas absolument nécessaires pour arrondir ses provinces.
Quant à l'Autriche , elle recevrait le reste du palatinat
de Cracovie , de même que celui de Sendomir ; plus , le
reste des districts de Lublin et de Chelm , dont moitié lui
avait déja été accordée lors du partage de 1773 , et qui lui
deviennent nécessaires pour couvrir les salines considérables
de Wiliczka et de Bochnia. On dit même qu'on joindra à lå
part de cette puissance , pour l'égaler aux deux autres , unė
partie du duché de Mazowie . Le tems nous apprendra ce qu'il
ya de réel dans ces combinaisons politiques.
De Francfort-sur- le- Mein , le 28 juillet .
L'archiduc palatin de Hongrie vient de périr d'une maniere
très malheureuse . Ce prince s'occupait à Laxembourg à préplarer
un feu d'artifice , dont il voulait donner le spectacle
à l'impératrice il y travaillait en secret avec son valet- dechanibre
et un de ses laquais , dans use petite chambre. Le
fen prit à une masse de poudre de 24 livres , tua le laquais
et blessa grievement l'archiduc et son valet de chambre .
Celui - ci est mort la nuit derniere ; l'archiduc est mort cẻ
matin à 9 heures .
Un quart-d'heure plus tard , c'en était fait aussi de l'empeseur
qui était venu voir travailler l'archiduc . Ce qui ajouté
encore à la douleur que cause cette mort , c'est que le jeune
prince devait épouser une des petites filles de l'imperatrice
de Russie ...
De Vienne , le 12 juillet . On apprend que le général de
Fempereur , conjointement avec celui de l'Empire , a demande
au général Hohenlohe , commandant de l'armée d'observation
prussienne , une réponse cathégorique sur la conduite qu'il
tiendrai en cas que l'armée passât le Rhin . Ce général a
répondu qu'il n'avait point d'autres ordres , sinón que de
maintenir la neutralité à l'égard de la ligne de démarcation
stipulée par le traité de Eâle , et d'avoir soin que cette ligne
ne fût depassée par qui que ce soit.
Le ministre de Russie à Berlin a , à ce qu'on assure , notifié
en termes exprès : « Que sa souveraine ne pouvait être
indifférente aux entraves qu'on pourrait mettre aux opérations
de Farmée autrichienne .
( toy )
1
Le comte de Goertz , ministre de Prusse auprès de la dietë
de Ratisbonne , y est arrivé le 15 juillet de. Bareuth , où il a
eu une conférence avec le baron de Hardemberg ; il a demandé
qu'on rouvrit le protocole sur d'objet de la guerrea
Ce desir étant partagé par plusieurs ministres , qui l'ont mani
festé , l'on croit que cette nouvelle ouverture ne tardera pas
d'avoir lieu . An reste , on continue d'en concevoir les meila
leures espérances pour la paix , que les conferences de Bâle
accélérent : le bruit qu'elle a été couclue dans cette ville entre
la France et l'Espague achevera , s'il se trouve fonde , de de
terminer les membres du corps germanique , et influera pros
bablement aussi sur le parti que prendra P'Autriche .
D'ailleurs les Français continuent de se tenir en bonne
posture sur les bords du Rhin . Voici ce qu'on mande de
Weissentharm , en date du 10 juin :
Les Français sont constamment occupés à faire sauter les
anciens ouvrages qui entourent Coblentz , et à en construire
de nouveaux beaucoup plus considérables . A Ehrenbreistein .
on établit de nouvelles batteries , et on augmenté considérablement
les ouvrages , et ces dispositions respectives re sont
pas des préliminairires de paix . D'ailleurs , le passage du Rhin
entre cette forteresse et Coblentz , éprouve beaucoup de difficultés
et puis l'armée française dans les environs de cette
ville est forte à - peu - près de 20 à 30,000 hommes.
Avant hier , quelques centaines de Français qui avaient été
rendus par les Prussiens , remontaient le Rhin le long de la
rive gauche pour se rendre à leurs régimens qui sont au Haut-
Rhin . Tout coup on fit feu sur eux d'une batterie impériale ,
et plusieurs furent tués ou blessés . Le général Marceau , qui
commande à Coblentz , ayant été informé de cet évenement ,
fit dire au commandant impérial que , si à l'avenir il faisait
tirer du canon sur des troupes qui marchent sans armes , il
ferait jeter des boulets rouges dans le bourg de Niederlahnstein ,
et qu'il le brûlerait entierement.
On écrit de Bremen , le 23 du courant , que le baron de
Hardemberg , qui s'était abouché avec le comte de Goertz ,
ministre prussien à Ratisbonne , après avoir rendu la veille
une visite au géneral Clerfayt , à Schwetzinguen , a poursuivi
sa route par Carlsrenhe pour se rendre à Bâle , où il va sans
doute travailler à concilier les esprits , et à achever le grand
euvre de la pacification de l'Europe ,
ITALI E.
De Romé, le 8 juillet. Les médailles d'or et d'argent qui ont
été distribuées à l'occasion de la fête de Saint- Pierre et de
Saint Paul , représentent d'un côté l'effigie du pape , et sur
l'exergue , le chef de l'église catholique sur un trone , recevant
( 108 )
des évêques , des religieuses et des prêtres émigrés , avec ces
mots Clero gallie pulso hospit . : et alim. præstita .
Le ci devant Monsieur a fait parvenir que lettre au pape ,
où il lui fait part, qu'au moyen de la mort de son neven ,
il se trouve devenu roi très - chretien : il assure que son premier
soin sera de faire fleurir dans son royaume la religion
catholique , apostolique et romaine , et den ade au pape ,
pour le fils aîné de l'eglise , sa bénédiction apostolique .
"
On mande de Naples que la cour y a piis le deuil à l'occasion
de la mort du fils de Louis XVI . On a arrêté à Palerme
un chef de la conspiration qui devait eclater le vendredi
saint.
De Turin , le 11 juillet. Le gouvernement n'a publié aucun
rapport officiel depuis trois jours , ce qui suppose que les
armées sont encore dans la même position depuis le 6 et le 7.
de ce mois . Des avis particuliers portent que les Autrichiens se
sont établis le 7 à Alassio , et le lendemain à Loano.
- Les lettres de Gênes , du 9 , parlent d'un mecontentement
general parmi les habitans de cette république , qui tronvent
qu'on les traite en pays conquis plutôt qu'ei pays neutre ce
qui a beaucoup affecte les genois , c'est de voir flotte le pavilion
autrichien sur la forteresse de Vado . Tandis que ce fut était occupé
par les Français , ils y avant laissé le pavaton gênois .
ANGLETERRE . De Londres , le 16 juillet.
Les différens com és sont successivement le théâtre de morvemens
populaires , causés par la cherte des subsistances . La
force militaire vient à bout de les appaiser pour un moment
dans un endroit ; mais ils recommencent bientôt ailleurs :
on se flatte néanmoins que l'apparence de la belle récolte
qui se prépare calmera les esprits . Il est bien a desirer que
cette récolte soit aussi belle qu'elle le promet ; car le froid
excessif qui s'est fait sentir dans la nuit du 18 juin a fait périr
une grande quantité de moutons . Des troupeaux entiers en
ont été victimes . Le seul comte de Salisbury a perdu plus
de 3000 bêtes à laine .
On a enfin des nouvelles , et même très - satisfaisantes , de la
baie de Botanique , par le vaisseau de provision le Détale ,
revenant de cette colonie à la Nouvelle- Hollande , et qui est
arrivé à Portsmouth le 1er juillet . D'après son rapport , la
colonie était en bon état , les déportés s'y conduisaient avec
sagesse , et pourraient se flatter de recueillir uue bonne moisson.
Il est remarquable que le Dédale n'a pas perdu un seul
homme depuis quatre ans qu'il avait quitté l'Angleterre . C'est
Ja preuve du point de perfection où l'on a porté l'art de conserver
les hommes à la mer.
1
+
( 109 ):
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
GONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE LA REVEILLERE - LÉPAUX.
Séance de primedi , 11 Thermidor.
Bailleul , par motion d'ordre , dit qu'il apprend que le comité
de législation ne fera pas aujourd'hui son rapport sur les
députes inculpés ; qu'il est à desirer que ce rapport ne soit
plus differe ; que si , après le 9 thermidor , l'Assemblee eût
séverement examine de quels élémens elle était composée , on
n'aurait eu ni le 12 germinal , ni le 1er , prairial . C'est d'ici ,
ajoute- t-il , que le signal est parti dans ces deux criminelles
journées . C'était un malheur public , que la descente des
émigrés . Les terroristes en ont profité pour redoubler d'at
dace . C'est aussi une chose étrange que l'acharnement avec
lequel on a parlé de royalisme . Il faut que la constitution
sorte d'une assemblée pure , et vous ne devez regarder celleci
comme telle qu'après une éparation . Bailleul s'eleve ensuite
contre le décret qui porte , qu'une commission sera nommée
dans le sein de l'Assemblée pour juger les détenus . Il ne
croit pas qu'il soit mis jamais à exécution .
au-
Dubois - Crancé Bailleul vient agiter ici le brandon de la
discorde. Il insinue que la Convention viole la justice . C'est
chercher à l'avilir. Le comité de législation prépare un rapport
. Il faut espérer qu'il ne trouvera point de coupables ;
mais s'il en trouvait , nous sommes tous disposés à les traduire
devant les tribunaux . ( Oui , s'écrit-t-on de toutes parts . )
Je demande le maintien du decret . La Convention ne doit
pas s'avilir en rapportant le jour le décret de la veille . Elle :
ne peut faire juger par leurs ennemis les hommes qui les
ont incarcéres . Vous seuls prononcercz. Conservez la confiance
de la nation ; ne vous méfiez pas de vous - mêmes au
point de croire qu'il n'y a pas parmi vous douze hommes
digues de rendre la justice au peuple.
La question préalable sur la motion de Bailleul est décrétée.
Treilhard , au nom du comité de salut public , lit une lettre
des représentans du peuple près l'armée des Pyrénées occidentales
, qui ecrivent de Vittoria , capitale de la Navarre
espagnole , que nous sommes maîtres de cette ville . Ce no
sont pas des victoires seulement que vous devez aux Français ,
dit Treilhard , vous leur devez aussi la paix. Dans ce moment
vous comptez un ami de plus : la paix est faite avec
( 100 )
•
leurs
Espagne. ( Vifs applaudissemens . ) Il lit le traité signé à Bale
le 4 thermidor. Les conquêtes que nous avons faites sur elle
sont restituées ; elle nous cede en échange toute la partie
espagnole de Saint-Domingue. Un mois après l'echange des
ratifications , les deux puissances n'auront plus sur
frontieres respectives que le nombre de troupes ordinaire
en tems de paix . Tous les prisonniers seront reciproquemnt
rendus dans deux mois . Cette paix est commune avec la Hol
lande . La France , accepte la médiation du rei d'Espague pour
rétablir la paix entr'elle et les rois de Portugal , de Napies ,
de Sardaigne et les autres puissances d'Italie , et généralement
avec toutes les puissances qui pourraient s'adresser à iui pour
ect objet. Les applaudissemens redoublent et la séance
leve.
Séance de duodi , 12 Thermidor.
se
Bergoin , par motion d'ordre , demande que le prix des
denrées et objets de premiere nécessite soit fixé d'après l'échelle
de proportion dont le principe est décrété . Cette proposition
qui tend à mettre un frein à l'agiotage , et à rétablir l'équilibre
entre le puinéraire réel ou fictif et les marchandises , est saisie
par l'Assemblée . Elle la renvoie à ses quatre comités de salut
public , législation , commercé et finances .
Le noble Vénitien Guérini entre dans la salle au milieu des
plus vifs applaudissemens . Il s'assied ' sur un fauteuil en face
du président ; les personnes de sa suite sont à côté de lui
sur des banquettes . Il prend la parole , et dit : Il ne pou-`
vait rien m'arriver de plus Batteur et de plus intéressant
que d'être adais dans le sein de la Convention nationale
pour l'en retenir de l'intérêt que la république et le sénat
de Venise out pris à la République Française ; que d'être
envoyé auprès d'une nation dont les exploits et les victoires
fout depuis long - tems l'admiration , et fixent les regards de
toute l'Europe ; enfin , d'être choisi pour concourir au maintien
de harmonie qui n'a cessé de regner entre la France
et l'état de Venise . je m'efforcerai en jus ifiant le choix de
ma patrie de répondre à sa confiance .
A
Le président répond : La Convention nationale met an
nombre des jours heureux celui où elle reçoit dans son sein
l'envoyé de l'illustre république de Venise , dont les habitans
sont , ainsi que les Français , étrangers au joug avilissant de
la royauté . Venise et la France ont eu beaucoup de conformité
dans leur origine . Dites à votre gouvernement qu'il
aura toujours en nous des alliés sinceres . La Hollande comprise
dans le traité de paix avec l'Espagne est une preuve
que nous n'oublions pas nos amis.
La Convention , après avoir reconnu M. Guérini , ministre
de Venise auprès de la France , lui donne l'accolade fraternelle ,
( 111 )
et décrete que sen discours et la réponse du président seront
imprimes et traduits dans toutes les langues .
Creuze - Latouche dit que nous voyons enfin notre révolution
toucher au terme que les vertus les plus pures ei la
plus douce sensibilite s'étaient proposées en la commençants
que si le crime a pu la souiller au milieu de son
cours , le
crime s'est aussi détruit de lui - même et par ses propres fureurs ,
pour faire place aux vertus qui devaient lui survivre 3
que les homines ne sont pas faits pour se haïr , se combattre
et s'entre - déchirer ; mais que l'estime , la bienveillance
et l'amitié résident eternellement dans leur coeur , et y ont
déposé comme dans le sein de la nature les germes précieux
qu'elle porte et qu'elle ne perd jamais . Il propose en con
sequence de detruire un monument odieux des passions les
plus basses d'un de nos despotes , Louis XIV , contre une
nation amie , avec laquelle nous venons du cimenter les liens
de la fraternité. Il s'agit d'effacer une inscription qui se it
sur la porte Saint - Denis , et qui est conçue en ces termes 2
Emandata malè memori Batavorum gente , apres avoir corrigé
l'ingrate nation des Bataves ; et de ne pas souffrir plus long- tems
que cette nation amie soit outragee sur une terre où elle
e doit trouver que des freres et des defenseurs .
Cette proposition est decrétée à l'unanimité .
On passe à la discussion de la constitution .
Voici la suite des articles constitutionnels .
TITRE VI . Corps administratifs et municipaux .
,, XIII . Il y a en chaque commune , dont la population
est inférieure à cinq mille habitans , un agent municipal et
un adjoint . La réunion des agens municipaux , de chaque com
mune forme la municipalité de canton . Ii y a de plus un
président de l'administration municipale choisi dans tout le
canion .
,, XIV. Dan's les communes dont la population s'éleve de
cinq à dix mille habitans , il y a cinq officiers municipaux .
Nenf depuis 10,000 jusqu'à 25,000
Vingt- un depuis 25,000 jusqu'à 50,000 .
Vingt- sept depuis 50,000 jusqu'à 100,000
,, XV . Dans les communes dont la population est supérieure
à 100,000 habitans , la division des mnaicipalités sé fait de
maniere que la population de l'arrondissement de chacune
n'excede pas 50,000 individus , et ne soit pas moindre de
30,000.
Chacune des municipalités nomme quinze officiers municipaux.
,, XVI . Il y a dans les communes divisées en plusieurs 'municipalités
, un bureau central pour les approvisionnemens et
( 112 )
autres objets qui seront jugés indivisibles par le corps législatif.
,, XVII . Les administrateurs désignés aux articles VI , VII
et VIII , sont nommés pour deux ans , et renouvellés chaque
année par moitié ou par partie la plus approximative de la
moitié , et alternativement par la fraction la plus forte et par la
fraction la plus faible .
Le titre relatif à la comptabilité est décreté , sauf ce qui concerne
le jury de comptabilité , Lanjuipais ayant déclaré que la
commission avait supprimé , comme inutile , cette partie du
projet.
On continue la lecture , et le projet entier de l'acte constitutionnel
est adopté , sauf les articles renvoyés , pendant la
discussion , à un nouvel examen de la commission .
Séance de tridi , 13 Thermidor.
Gouly , au nom du comité de la marine , présente un
projet de décret sur le rétablissement d'un corps d'artillerie
de la marine , et propose de le porter à 18,000 hommes .
Il fait le dépit des avantages qu'offrirait ce corps , et des
inconvéniens qui sont resultés de sa suppression . Le projet
est ajourné.
4
Aubry , an nom du comité de salut public , prend d'abord
la parole pour justifier le comité des inculpations qui lui
sont faites sur la nomination des officiers généraux . il dt
qu'il fallait s'attendre qu'il y aurait des mécontens et des
plaintes. Sur mille officiers généraux qu'on présentait , l'on
ne pouvait en employer que six cents. Il en est de même
des commissaites des guerres . Il fallait donc qu'il y en eût
de rejettés . Aubry convient que le comité a pu être trompé
sur quelques individus , mais il les croit en petit nombre , et
il invite ses collegues à faire leurs réclamations .
Quirot demande qu'on rapporte le décret qui soumet à la
sanction de la Convention la liste des officiers généraux , ou
qu'on passe à l'examen des sujets qui la composent . Sa motion
est é artee par l'ordre du jour. Les réclamations seront portées
au comité de salut public .
Doulcet , au nom du même comité : Je viens vous entretenir
de l'armée des Pyrénées occidentales,, c'est vous annoncer
un nouveau triomphe. La paix seule pouvait mettre
un terme aux victoires de cette brave armée . Elle vient d'entrer
dans Bilbao , que les Espagnols out évacué sans attendre
nos troupes. Nous y avons trouvé 22 pieces de canon et les
magasins garnis.
Sur la proposition de Vernier , organe du comité des
finances , la Convention décrete que les matieres d'or , d'ar
gent et de vermeil , en depôt , seront portées à la monnaie
pour être converties en lingots. Il n'y a d'exceptés que les
chef-d'oeuvres
( 113 )
chefs- d'oeuvres de l'art de l'orfevrerie , qui doivent être placés
jau Muséum , et les pieces intactes dont la main - d'oeuvre
promet , d'en tirer un plus grand avantage .
Plusieurs sections de Paris étaient venues demander le rapport
du , decret portant nomination d'une commission dans
le sein de l'Assemblée , pour juger les causes de détention
des prévenus de terrorisme , et n'avaient pas été accueillies .
Celle de 1 Observatoire a cru devoir faire une nouvelle tentative
, et n'a pas te mieux reçue. Il s'est même élevé une
discussion assez vive entre Dubois - Crancé et ces députés . Le
-président qui avait levé la séance était remonté au fauteuil ;
mais la retraite des députés et des spectateurs n'a pas permis
de la reprendre et de s'en occuper.
Séance de quartidi , 14 Thermidor.
Bailleul , au nom du comité de sûreté générale , fait un
rapport sur les chefs des chouans qui ont été arrêtés , et qui
viennent d'arriver à Paris . L'on se rappelle avec quelle indiguité
ils ont violé la pacification qu'ils avaient souscrite à
la Mabilais près de Rennes . Depuis lors de nouveaux actes
d'hostilité ont éclaté . On a égorgé des membres des autorités
constituées , des receveurs nationaux , et cherché à fomenter
le royalisme dans les départemens de la Manche et
du Calvados . Il s'agit de juger ces individus . Ils sont dans
le cas d'être envoyés à la commission militaire , ou au tribunal
criminel militaire de l'armée de l'intérieur. Ce dernier parti est
plus conforme aux regles , c'est aussi ce que propose le comité.
La Convention décrete que Cormatin , Paris , Boisgonthier
et autres complices prévenus d'avoir porté les armes contre
leur patrie , trahi la foi donnée , et participé à un complot
dont la descente de Quiberon a été l'nn des effets , seront
traduits devant le tribunal criminel militaire de l'armée de
l'intérieur.
Doulcet , au nom du comité de salut public : C'est aussi
par des victoires que l'armée des Pyrén . orient . veut terminer sa
glorieuse carriere . Le comité vous annonce qu'elle a pousuivi l'ennemi
pendant 4 lieues , qu'elle lui a pris des canons , des caissons
et tué beancoup de monde. Les republicains ont toujours marché
la bayonnette en avant ; les canonniers ont tiré à bras leurs
canons sur des hauteurs considérables ; tout le monde a bien
fait son devoir à l'armée , et a acquis de nouveaux droits à
la reconnaissance publique. Le comité vous propose de décréter
que cette armée continue de bien mériter de la patric . Applaudi
et décrété.
Sur le rapport du comité des finances , la Convention
décrete que , par son décret du 23 messidor dernier , elle
n'a entendu parler que des assignats de cinq liv. et au -dessus ,
jusqu'à cent liv . portant des empreintes de royauté , et que
Tome XVII.. H
( 114 )
ses précédens décrets relatifs aux assignats à face au dessus
de 100 liv. seront exécutés.
Le même comité fait enco décréter que la trésorerie est
autorisée à faire l'émission des assignats de 2000 liv . nouvellement
fabriqués , en vertu du décret du 17 pivôse dernier
, soit pour le service des caisses , soit pour échanger a
bureau ouvert des assignats de 10,000 liv. , aux citoyens qui
on besoin de plus petites coupures.
Laujuiuais soumet à la discussion le projet de décret qui
a pour but d'abolir l'effet rétroactif de la loi du 17 nivôse ,
sur les donations et les successions .
12
Plusieurs membres out successivement parlé contre cette proposition.
Villard demande la question prealable. Il dit que lors
qu'une loi nous rappelle à celle de la nature et de la raison , c'est
mal-a-propos qu'on qualifie ses dispositions d'effet rétroactif ;
qu'il n'en voit aucun dans celle du 17 nivôse , parce que l'égalité
des partages a été implicitement , mais suffisamment procla
mée le 14 juillet 1789 , en même tems que l'égalite politique
et civile. La discussion est ajournée.
Treillard , organe du comité de salut public , propose la
ratification du traité de paix avec l'Espagne. 2
Vallet expose que la France doit prouver à l'Europe qu'elle
n'a point les idées d'ambition et de conquête que lui a prétées
l'Angleterre ; mais qu'elle ne doit pas oublier que les
Espagnols réunis aux Anglais nous out enlevés à Toulou
douze vaisseaux de ligue , et que leur restitution aufait dû
être stipulée dans ce traité.
Plusieurs membres demandent à répondre . On objecte que
la discussion n'est pas ouverte . Charles Lacroix parle contre
l'art. IV , relatif aux limites. Cambacerès répond que cette
grande pensée que l'Espagne est l'altice naturelle de la France ,
a absorbé toutes les autres
Cousons
; qu'il n'est ques
tion que de mieux régler les limites , et de ne pas perdre de
vue toute l'importance de l'abandon de la partie espagnole
de St. Domingue. ( Aux voix , s'écrie- t on de toutes parts .) Le
traité est ratifié à l'unanimité .
Suite de la discussion de l'acte constitutionnel.
A 1.52
TITRE VI. Des corps administratifs et municipaux .
" XVIII. Les agens généraux d'exécution peuvent aussi suspeudre
les administrateurs de departemens qui ont contrevenu
aux fois ou aux ordres des autorités supérieures , et les administrations
de département ont le même droit à l'égard des
membres des administrations municipales .
,, XIX. Aucune suspension ni annullation ne devient définitive
sous la confirmation formelle du directoire exécutif ,
qui a aussi le droit de prononcer immédiatement , lorsqu'il
( 115 )
le eroit nécessaire , les destitutions des administrateurs , soit
de département , soit de canton , et de les renvoyer devant
les tribunaux lorsqu'il y a lieu..
XX. Le directoire pent de même annuller immédiatement
les actes des administrations départementales ou mu
nicipales.
XXI. Tout arrêté , portaut cassation d'actes , suspension
eu destitution d'administrateurs , doit être motivé .
w XXII. Les administrations , soit de département , soit
de canton ne peuvent correspondre entr'elles que sur les
affaires qui leur sont attribuées par la loi , et non sur les interêts
généraux de la République entiere.
" XXIII . Toute administration doit annuellement le compte
de sa gestion . Les comptes rendus par les administrations dépar
tementales seront imprimés.
,, XXIV. Les actes des corps administratifs sont rendus
publics par le dépôt d'un registre double ouvert à tous les
administrés.
Le titre qui suit concerne le pouvoir exécutif.
1. Le pouvoir exécutif est délégué à un directoire de
cinq membres , nommés par le corps législatif.
12. Le conseil des cinq cents forme une liste triple du nombre
des membres da directoire qui sont à nommer , et la présepte
au conseil des anciens qui choisit dans cette liste.
Li 3. Les membres du directoire doivent être âgés de 40 ans
au moins.
4. Ils ne peuvent être pris que parmi les citoyens qui
ont été membres du corps législatif , ou agens généraux d'exé
cution, La disposition du présent article pe sera observée qu's
commencer de l'ange , de la République ..
5. Les membres du corps legislatif ne peuvent être élus
membres du directoire , ni pendant la durée de leurs foncious
legislatives , ni pendant la premiere aunee après l'expiration
de ces mêmes fouctions ..
16. Le directoire est partiellement renouvellé par l'élec
tion d'un nouveau membie, chaque année . Le soit decidera
pendant les quatre premieres années de la sortie successive
de ceux qui auront été nommés la premiere fois .
3
7.Aucun des membres sorians ne peutêtre réélu qu'après
un intervalle de cinq ans.
les
8. L'ascendant et le descendant en ligne directe , le
frere , l'oncle , le neveu le cousin an premier degré
alliés au même degré , ne peuvent être en même tems membres,
du directoire , ni s'y succéder qu'après un intervalle de cinq
ans.
ཝཱ , !,
9. En cas de vacance par mort , démission ou autrement
d'un des membres du directoire , son successeur . cst elu par
le corps législatif , dans dix jours pour tout delai . Le con
H 2
( 116 )
aeil des cinq cents est tenu de proposer les candidats dans
les cinq premiers jours , et le conseil des anciens doit consommer
l'élection dans les cinq derniers . Le nouveau membre
n'est élu que pour le tems d'exercice qui restait à celui qu'il
remplace . Si néanmoins ce tems n'excede pas six mois , cèlui
qui est élu demeure en fonction jusqu'à la fin de la cinquieme
année suivante . '
Séance de quintidi , 15 Thermidor.
Cambacérès dit que des circonstances urgentes avaient dé
terminé la Convention à investir de pouvoirs extraordinaires
les représentans Tallien et Blad , et qu'ayant cessé , le comité
de salut public propose de les rappeller ; la Convention natio
nale decrete qu'attendu que les motifs qui l'ont déterminée à
envoyer , le 13 messidor dernier , dans les départemens de
l'ouest , les représentans Tallien et Blád n'existent plus , làmission
de ces deux représentans est terminée , et qu'ils rentreront
dans le sein de la Convention nationale .
Sur la motion d'un autre memble , elle décrete encore qu'au
cun des représentans dont le tems de la mission est fini , ou
qui est rappellé , ne peut plus en exercer les pouvoirs ; que
les arrêtés qu'ils prendraient après l'expiration sont nuls et
sans obligation pour les autorités constituées , et que tout député
en congé ou dont le tems de la mission est passé , et ceux qui
ne sont pas compris dans l'exception du décret du 4 messi
dor , sont tenus de se rendre dans le sein de la Convention
pour la fin de ce mois , s'ils sont éloignes de moins de cent
lieues , et pour le 10 fractidor prochain , s'ils sont au-delà.
Ceux qui ne s'y conformeront pas seront censés avoir donné
leur démission , et il sera pourvu à leur remplacement.
Portier ( de l'Oise ) , au nom du comité d'instruction pablique
, fait un rapport sur la fête prochaine du 10 août. Il
dit que la paix avance et l'abondance avec elle ; que la coa
lition est dissoute , les puissances reconnaissant la République ;
que la constitution va être présentée au peuple , les arts et
les sciences vont fleurir , l'agriculture reprendre ses travaux ,
et la sûreté des personnes et des propriétés se rétablir à jamais.
Il ajoute qu'en célébrant le 10 août , le peuple célebre
son propre triomphe .; qu'à cette époque des bouches d'airain
vomissaient la mort sur lui ; mais qu'au 10 août de l'an 3,
le canon tiré sous d'heureux auspices , annoncera la victoire
des hommes libres et le retour de la paix. Il propose et la
Convention décrete que , le 23 thermidor , jour correspon
dant au 10 août , à huit heures et demie du matin , moment
auquel le trône a été renversé , une salve d'artillerie annon
cera la victoire du peuple sur la tyrannie ; que ce jour la
Convention siégera en costume. L'institut national de mu
sique exécutera des hymnes en l'honneur de la liberté. A
( 117 )
une heure , le président prononcera un discours analogue à
la fête , et la Convention reprendra cusuite le cours de ses
travaux . A cinq heures du soir , il y aura concert an jardin
des Tuileries . L'anniversaire de ce jour sera aussi célèbré
dans toutes les communes de la République et aux arméės
avec toute la pompe et la solemnité que les localités comportent.
Une commune demande que les biens attaches aux hôpitaux
leur soient conservés , et un membre converustant en
motion cette réclamation , l'Assemblée renvoie la pétition aux
comités réunis des secours publies et des finances , pour lui
eu faire au rapport. "
On procede par quart au renouvellement du comité de
salut public . Les quatre membres sorians sont , Cambacérès
Aubry , Tallien et Treilliard. Ceux qui les remplacent sont ,
Merlin ( de Douay ) , Letourneur ( de la Manche ) . Rewbel
êt Sieyes.
י ד
7
Sevestre , organe du comité de sûreté générale , expose
que Paris fourmille encore d'étrangers , malgré le décret de la
Convention . Sur sa proposition , l'Assemblée décrete que ceux
compris dans la loi qui y seront trouvés seront traités comme
espions et punis comme tels. Ceux qui les receleront sciem
ment subjrout six mois de détention.
Make , au nom du comité de législation : Les lois du
8 nivôse et du 4 floréal an 2. , relatives au divorce , ont
jetté dans les familles le plus grand désordre. Il en est résulté
que les époux brisant les liens les plus sacrés , ont méconnu
leurs enfans et la nature qui les appelait à les élever ; que ,
pour satisfaire une cupidité efirenée , ils n'ont pas craint de
rompre leurs engagemens . Arrêtez donc ce torrent d'immoralite
, et banisses la liberté da vier pour rétablir celle de la
vertu . La Convention décrete que l'execution des lois du
8 nivôse et 4 floréal , relatives an divorce , de :neure suspen
due , à compter de ce jour . Le comité de législation est
chargé de les réviser et de lui présenter son travail dans une
décade.
PARIS. Nonidi 19 Thermidor , l'an 35 , de la République.
De nouvelles arrestations viennent d'avoir lieu ici ;
l'auteur de la Gazette universelle , celui de la Corres
pondance politique , celui de la Quotidienne et
quelques autres , dit-on , viennent d'être arrêtés . On a
apposé les scellés sur leurs papiers . ", Voilà ce que
l'on publie dans le n° . d'hier de la Gazette française , à
Particle Paris . Plusieurs autres papiers que nous avons
sous les yeux n'en font point mention ; mais le rédacteur
( 118 ) :
1
de l'avis témoigne longuement , et avec beaucoup d'humeur
, son mécontentement sur cette mesure.
Nous voyons souvent et avec toute la peine possible
que des écrivains n'ont pas honte de prostituer leur
plume à nos ennemis jusqu'à se faire leurs panegyristes
et se déclarer les champions de ceux dont l'hypocrisie
entretient le fanatisme rebelle des chouans , mais nous
croyons que le vrai moyen de détruire l'impression funeste
que peuvent produire de pareils écrits n'existe
que dans la propagation d'idées et d'opinions plus
pures, sur-tout dans la sagesse du gouvernement.
Quant à nous , nous usons de la liberté de la pensée
pour dire avec courage cette vérité . Mais , n'en fût- elle
une qu'aux yeux de l'opinion qui semble la consacrer
fortement , il n'en serait pas moins dangereux de ne
pas savoir calculer le produit du shoc et de la résistance .
L'heureuse influence de la paix avec l'Espagne commence à
ee faire scutir ici . Le prix des maticies d'or et d'argent a bean.
coup diminué ; les sucres ont baissé de 30 francs par livre ; la
chandelle , dont le prix était monté à 50 et quelques livres ,
a diminué d'environ un quart. Il en est de même de plusieurs
autres denrées .
On assure que l'empereur consent à l'échange de la prisons
niere du Temple avec Semonville , Maret et les représentaus du
peuple livrés par Dumoutier.
1
Suivant des lettres de Strasbourg , le général Clairfait a proposé
une armistice au général Pichegru pour que rien ne
trouble les négociations de paix eutre l'Empire et la France .
Les lettres de Bâle annoncent que ces négociations sont en
activité . **
Notre escadre de la Méditerranée , qui , après le dernier
combat , dont le rapport a été fait à la Convention , s'était
achée aux isles d'Hicres , vient de rentrer à Toulou .
Le citoyen Rouget ( de Lisle ) , qui a accompagné Tallien
daus sa mission auprès de l'armée de l'Ouest , et qui a raçu
une blessure à l'affaire de Quiberon , vient de publier sur les
chouans , qu'il a observés dans son voyage , les détails suivans
:
On parle , dit- il , beaucoup à Paris des chouans , et bien
peu de personnes ont des idées justes sur ces gens , et sur
le parti qu'ils composent. Leur organisation immortalisera
M. Pitt , et son illustre , collaborateur M. le comte de Puisaye :
c'est le chef d'oeuvre de la scélératesse . Imaginez - vous des
milliers de misérables , ne respirant que le meurtre et le pillage
, eu proie à toutes les fureurs de la superstition ayant
pour chefs un tas de bandits , dont tous les titres au com
( 119 )
氯
mandement sont l'excès de leur perversité , et les peines infa
mantes qu'ils ont subies , dont la plupart portent les marqués .
" On ne peut se faire une idée de la couardise de ces
gens-la ; mais par une fatalité singuliere , elle ne les rend
que plus redoutables . Ils ne se montrent jamais qu'ils ne soient
dix contre un ; autrement ils assassinnent à coups de fusils ,
de derriere les haies et les bois dont ce pays'est couvert ,
et à la faveur desquels ils disparaissent dès qu'ils sont pour
suivis . Le jour , ils se répandent dans les campagnes où ils tra
vaillent à la terre , leurs armes cachées près d'eux , et d'où
ils épient ce qui se passe sur les grandes routes ; la nuit ils
se portent en forces sur les communes pour y surprendre
nos cantonnemens et les égorger , pour piller et massacier
tous ceux des habitans qui sont désignés comme patriotes.
Aujourd'hui que ces malheureux patriotes ont presque tous
peri , et que le peu qui reste est réfugié dans les cités , les
brigands se jettent sur ceux même de leur parti , sans auie
raison déterminante que l'espoir d'un pillage plus ou moins
considérable ..
1
Ne vous figurez pas qu'ils soient simplement des voleurs ,
des assassins ; jamais il n'exista de bourreaux plus industrieux
et plus cruels . En faisant souffrir mille morts aux malheureux
qui tombent entre leurs mains , on dirait qu'ils veulent se dédommager
de ne pouvoir en immoler un plus grand nombre.
On parlait encore avec terreur dans ces cantons des horribles
supplices qu'ils avaient fait subir à ceux de nos chasseurs . Après
avoir eu les cuisses et les bras coupés , l'un avait été grillé dans
un caisson ; après des mutilations non moins effroyables ,
l'autre avait en la tête écrasée graduellement sous un pressoir .
Comment pourrai je vous raconter la deplorable aventure de
' vingt- six enfans de Paris qui se rendaient à l'Orient pour être
mousses . Ces pauvres petits , de la figure la plus aimable ,
et dont l'âge etait de 10 à 14 ans , traverserent Laval e
chantant des hymnes patriotiques ( j'ignore comment il se fit
qu'on ne leur donna pas une escorte . ) , A quelque distance de
la ville , ils furent attaqués et mis en pieces par les dignes
sujets de Louis XVIII , par les dignes soldats de l'armée cathofique
et royale. Un seul fut épargné , que les tigres envoyerent
annoncer le sort de ses camarades . ) ,
Extrait des lettres trouvées sur les émigrés pris à Quiberon ,
La premiere , datée d'Oberkirch , écrite par Depel ***
Dema*** .
* Ne te laisse point abattre , mon bon ami , par les désagrémens
que la trop grande precipitation des agens de nos
princes vous a fait éprouver dans le début cela ne provenait
sans doute que de l'excès de leur zele ...... Cette descentensi
Tong-tems attendue et tant différée , je ne la regarde pas non
plus comme aussi problématique que tu, sembles le faire ; des
"2
( ito )
Anglais ont fait pour cet objet des préparatifs considérables ,
et ils sont gens d'exécution ; d'ailleurs , le triomphe de M. Pitt
sur le parti de l'opposition doit donner les plus belles espérances.
L'on ne peut jamais se trouver déplacé par - tout où
l'on peut combattre les ennemis de la religion de nos peres ,
et les destructeurs de la monarchie ....... Le véritable rendezvous
de tout bon Français est sous les drapeaux de l'armée
catholique et royale ; on a ici quelqu'espoir que la brave armée
du brave prince de Conde , va se transporter aux Pays-
Bas pour être à portée de s'embarquer ; elle est considérablement
augmentée , s'est singulierement aguerrie ; elle a le bonheur
d'avoir pour chef un priace , dont le beau nom et les
grandes qualités ajoutent un poids immense aux opérations
des royalistes . Pour moi , je regarderais comme le premier
jour d'une contre- révolution infaillible , d'une coutre- révolution
telle que nous la devons desirer , celui où ce grand prince
débarquerait avec sa noble armée sur les côtes de France :
puisse le génie conservateur de cet infortuné royaume l'y conduire
à bou port ! ",
Deuxieme , du 27 novembre , par Dero *** à M. de Vauz*** , officièr
au service de sa majesté britanniquer .
;
L'auteur de la lettre commence à se justifier du soupçon
répandu sur lui d'avoir voulu escroquer une montre il couvient
cependant de l'avoir donnée à un de ses amis pour la
faire rafter.
Après avoir peint sa misere , il ajoute Jugez , mon
Vauz*** , d'après l'opinion que vous semblez avoir de moi ,
combien il m'est dur de ne pouvoir m'acquitter , en vous fai
sant passer les louis et 18 liv. que je vous dois ; mais le fait
est que j'ai eté obligé, pour aller rejoindre Saint-Didier . de
vendre ina montre , c'est à dire , trois louis , qui est ce qu'il
me faut
pour vivre avec ie retranchement que je vais éprouver
sur mes appointemens . "
Troisieme , à d'Hervilly.
Mon premier soin , arrivé au dépôt , sera de prendre visà-
vis de M. de Saint- Cem , les renseignemens qui me sont
encore nécessaires pour être bien au fait de vos intentions ;
dès qu'elles me seront connues , je me jetterai à corps perdu
au-devant de mon devoir.
,, Il me serait impossible de faire aucune recrue dans la
partie que je viens de quitter , et je vois même que dans toute
Ja Hollande , on ferait à ce sujet d'inutiles frais pour le motiment.
Du côté de Cologne , ecuu. Allemague , il doit y avoir
moins de difficultés et plus de ressources , et c'est-là que je
compte aller chercher mon contingent : il ne dépendra pas
de moi qu'il soit proportionné à l'intérêt que je prends et
dois prendre à la chose . 11
( No. 65. )
Jer. 135 .
MERCURE FRANÇAIS
QUINTIDI 25 THERMIDOR , l'an troisieme de la République.
( Mercredi 12 Août 1795 , vieux style . )
--
LITTÉRATURE.
Lettres de milady MONTAGUE pendant ses voyages en Europe .
en Asie, en Afrique , contenant, entr'autres relations curieuses,
des détails sur la religión , le gouvernement et les moeurs des
Turcs. Traduction nouvelle , avec plusieurs additions
tirées de la derniere édition anglaise , imprimée à Paris chez
THEOPHILE BARROIS , en 1790. Deux volumes in - 12 .
Par le citoyen A.,.. A Paris , chez Bailly , libraire ,
Saint-Honoré , barriere des Sergens .
Si les
rue
les dispositions que l'on apporte en se livrant à
un travail quelconque doivent influer sur le plus ou
moins de perfection qu'il peut offrir , cette nouvelle
traduction sera certainement goûtée . Le citoyen A....
plein d'admiration pour les lettres de milady Montague ,
s'est attaché avec tout le zele que ce sentiment paraît
lui avoir inspiré , à faire passer dans sa traduction les
beautés de l'ouvrage anglais , à approprier au génie de
notre langue les graces de style , la touche fine et suave
qui caractérise les tableaux intéressans et variés de cette
femme célebre, dans l'original . Frappé de l'imperfection
des deux traductions qui en avaient été faites il y a plus
de 30 ans , soit du côté du style , soit du côté de l'exactitude
, il annonce qu'il a employé tous ses soins pour
éviter ces deux défauts et se rapprocher le plus possible
du mérite de son modele. Il a bien senti qu'il ne
suffisait pas de retracer seulement les détails infiniment
curieux que renferme les lettres de milady Montague ,
mais qu'il fallait aussi tâcher de rendre , quoique dans
une autre langue , sa maniere intéressante , peindre
comme elle -même , son esprit et son ame , développer
enfin , sous les mêmes teintes et avec des couleurs -
delles , ce caractere observateur et philosophique , cette
Tome XVII. I
( ( 122 )
perspicacité judicieuse et prompte , et cette amabilité
singuliere qui l'ont fait surnommer la Sévigné quglaise.
Mais combien milady Montague paraît superieure
quant au fond de l'ouvrage ! Tandis que madame Sévigné ,
circonscrite dans le cercle étroit des intrigues d'une seule
cour , ou tout au plus des intérêts politiques et religieux
d'un seul pays , use ses pensées les plus heureuses
à varier les mêmes objets , milady Montagne , conduite
par les circonstances ( 1 ) à travers toute l'Allemagne , la
Hongrie , la Turquie , jusques dans les contrées africaines
; à portée d'observer les moeurs , les usages de
ces différens climats , d'étudier leurs rapports et leurs
différences , de rectifier les relations mensongeres transmises
par des observateurs moins fideles ou moins judicieux
, vous transporte réellement dans les pays qu'elle
visite , et vous met en relation avec leurs habitans : vous
pénétrez avec elle dans l'intérieur de leurs maisons ,
où quelquefois elle vous fait remarquer des traces d'usages
dont les plus anciens poëtes ont donné les descriptions
. Vous partagez son admiration pour les beautés
grecques dont la perfection l'étonne et la ravit.
Vous la suivez dans ses voyages périlleux au milieu de
roches escarpées et d'affreux précipices où son ame
forte n'est émue que par la sollicitude maternelle . Vous
déplorez avec elle la profonde misère de certains cantons
livrés à toute l'horreur d'un régime despotique ,
et dont les malheureux habitans , vexés , pillés , maltraités
par une soldatesque effrenée , ne peuvent tirer
d'autre vengeance de tant d'injustice que de s'arracher
les cheveux etla barbe de désespoir......
C'est en voyant sur son passage les maux affreux que
fait à l'espece humaine le pouvoir arbitraire que milady
Montague sent tout le prix de la liberté politique dont
on jouissait en Angleterre de son tems. Les comparaisons
qu'elle a trop souvent occasion de faire lui inspirent
des réflexions qu'un Français d'aujourd'hui n'exprimerait
pas avec plus d'énergie , On lira sans doute
avec plaisir quelques traits esquissés par notre voyageuse
sur les doux effets du despotisme oriental .
Depuis Belgrade jusqu'à Andrinople , dit- elle , les
( 1 ) Elle accompagna son époux milord Montag ue , ambassadeur
d'Angleterre sous Georges 1er , dans les différentes
eours où il fut envoyé ça 1716 , 1717 et 1718.
( 123 )
99
villages sont si pauvres , que c'est par la force seulement
qu'on peut en arracher ce qui est de premiere
nécessité. Les janissaires n'ont en vérité aucune pitié
de leur misere , ils tuent toute la volaille et tous les
moutons qu ils rencontrent , sans s'informer seulement
à qui ils appartiennent ; les malheureux propiétaires
n'osent pas même élever une réclamation
de peur d'être maltraités ; les agneaux nouveaux nés ,
" les oies et les dindes , soit qu'elles couvent ou non ,
" tout est égorgé sans distinction ; ces cruautés me rap-
" pellaient la complainte de Melibée , sur la perte de
» ce qu'il appelle : L'espérance des troupeaux..99 Quand
" les bachas sont en route , c'est encore pis ; ces oppres-
9. Seurs ne se contentent point de dévorer toutes les
" denrées qui appartiennent aux, habitans des cam-
" pagnes après s en être rassasiés , eux et leur suite ,
9 ils ont l'impudence d exiger encore ce qu'ils appel-
" lent la contribution pour les dents . C'est une taxe qu'ils
" perçoivent par forme d'indemnité de ce qu'ils ont
" usé de leurs dents en faisant à ces malheureux l'honneur
de consommer leurs provisions à leur passage .
Quelqu'extravagant que celá puisse vous paraître ,
" cela est vrai à la lettre . "
7 Au reste , les victimes d'un régime aussi détestable
ne se trouvent pas toujours dans cette classe ainsi tourmentée
, et les rangs les plus élevés ne sont pas exempts
des capricieuses fureurs qui troublent de tems en tems le
calme profond , mais perfide , entretenu par l'autorité
absolue . Ecoutons encore milady Montague .
Le gouvernement turc , est absolument entre les
mains des gens de guerre ; le grand- seigneur , avec
" l'air de sa toute- puissance , est aussi esclave que ses
sujets , et tremble quand un janissaire le regarde de
9 travers . On montre , à la vérité , une plus grande ap-
" parence de soumission que chez nous ; on ne parle
" qu'à genoux à un ministre ; si dans un cafe , car il y
a ici des espions , on se permettait la plus petite réflexion
sur sa conduite , la maison serait aussi- tôt dé-
" truite et rasée de fond en comble , peut- être méme
" tout ce qui s'y trouverait rassemblé serait livré au
supplice . Le peuple ne murmure point , on ne parle
" point de politique dans les tavernes , on n'écrit pas
de mauvais pamphlets ;
99
6 Funeste effet de la plus noble cause . "
I 2
( 124 )
1
Car qui de nous ne les condamne pas ? ... mais aussi
1, quand un ministre déplait au peuple , en trois heures
de tems il est arraché des bras même de son maître ;
on lui coupe les mains , la tête et les pieds ; on les
place à la porte du sérail avec tout le respect possible.
Pendant ce tems , le sultan , auquel on prodigue
», les salutations et les adorations , reste tout tremblant
,, dans son appartement , et n'ose ni défendre , ni ven-
" ger son favori . Voilà quel est l'heureux état du plus
absolu monarque de la terre , qui ne connaît d'autre
loi que sa volonté.
99
Je ne puis m'empêcher à ce sujet de former un
», desir , et dans toute la sincérité de mon ame , ce serait
que notre parlement pût envoyer ici une cargaison
de ces partisans de l'obéissance passive , pour leur
faire voir ce que c'est qu'un gouvernement arbitraire
dans toute sa force , dans tout son éclat , et de leur proposer
ensuite de décider lequel y est le plus misérable
, du prince , de ses ministres , ou de ses sujets. "
Soit que milady Montagne s'égaie sur les folies seulement
ridicules de la vanité , de la superstition et de
l'étiquette diplomatique , soit qu'elle médite profondément
sur des folies plus graves qui font gémir l'humanité
, on reconnaît également dans ses observations les
données d'un esprit juste , exempt de toute espece de
préjugés .
En passant dans les champs de Carlowits , où le prince
Eugene avait remporté sa derniere victoire sur les Turcs ,
son imagination fut vivement frappée ; des idées funebres
émurent en elle le sentiment et la raison . On
" voit encore dans les champs , écrit- elle à M. Pope , des
,, marques récentes de cette journée si glorieuse , mais
" si sanglante ; la plaine est couverte de crânes et d'os-
99
semens d'hommes , de chevaux et de chameaux qu'on
,, n'a point enterrés ; je n'ai pu voir sans horreur une
,, telle quantité d'hommes sacrifiés , et j'ai gémi sur les
,, cruautés de la guerre , qui non - seulement légitime'
le meurtre , mais même en fait un titre de gloire . Il
,, me semble qu'il n'y a point de plus grande preuve
,, de la folie du genre humain , malgré toutes les prétentions
que nous avons à la raison , que cette rage
avec laquelle on se dispute un petit coin de terre ,
tandis qu'il y en a tant de fertiles à peupler et à
" cultiver. Il est vrai qu'actuellement un usage général
en a fait une chose inévitable ; mais n'est- ce pas la
99
71851
plus grande preuve d'un défaut de raison , que cet
" empire si bien établi d'un usage aussi contraire à
,, l'intérêt général de l'humanité ? Je suis assez tentée
de croire avec M. Hobbes l'état de
que
guerre est
" l'état naturel de l'homme ; mais aussi j'en conclus
" que la nature humaine n'est pas raisonnable , si le.
" mot raison , comme je le suppose , signifie le sens.
" commun . ,
Au reste , la tournure de l'esprit et du caractere de.
milady Montague , sa philosophie la rapprochent , selon
nous , un peu de la célebre Ninon de l'Enclos : la plupart
de ses raisonnemens sont ceux d'une franche épicurienne
qui évite , il est vrai , d'en avoir les moeurs , et
croit devoir se conformer avec sévérité aux lois de son
sexe et de l'honneur ; mais elle ne dissimule pas que
les plaisirs , les délices de la vie et l'art d'en savoirjouir ,
sont les vrais biens qui doivent nous attacher ; il y a
même une de ses lettres qui pourrait passer pour une
traduction libre de la 10e . ode d'Horace, et où elle parait
se peindre toute entiere. Voici un fragment de cette
lettre à l'abbé de....
" tain
passent
ice Vous voyez donc monsieur
, que les Turcs ne sont
" pas une nation aussi grossiere qu'on vous la repré- " sente ; je suis même tentée de croire qu'ils ont une " notion plus juste que nous du savoir- vivre . Ils " leur vie dans les jouissances
; jardins , musique , vins " exquis , mêts délicats , voilà ce qui les occupe ; tandis " que nous sommes , ou plongés dans la politique , ou " enterrés dans des études qui souvent
ne nous ap " prennent
rien ; ou bien , si nous parvenons
à acqué- " rir des connaissances
, nous ne persuadons
pas aux " autres d'en faire autant de cas que nous . Il est cer
que ce que nous voyons , que ce que nous sentons sont les seules choses qui nous appartiennent
, sil y en a qui nous appartiennent
véritable " ment ; quant à l'avantage
de ce qu'on appelle la », renommée
, et la manie des éloges si ardemment.sou
haités , en supposant
qu'on les obtienne , c'est en " vérité une pauvre récompense
pour le peu de tems. " que nous avons à vivre , et pour celui que nous per- " dons à les acquérir
; nous mourons
, où nous vicil
lissons avant de recueillir
le fruit de nos travaux
Quand je considere
combien
est faible cet animal.
" appellé homme , combien est courte sa durée , me demande
s'il y a une science plus utile
99
""
93
que
is
celle
I 3
( 126 )
3
" de savoir s'amuser et jouir du présent. Je n'ose suivre
" plus long- tems mon idée sur ce sujet , peut être même
" en ai - je dėja trop dit ; mais je compte un peu sur
" la connaissance que vous avez de mes véritables sentimens
je suis avec vous à l'abri des mauvaises plai-
" santeries qu'un autre pourrait me faire en répondant
" à une pareille lettre , vous savez combien peu s'allie
dans mon esprit l'idée du vice avec celle du plaisir ,
elles ne peuvent se confondre que dans la tête d'une
folle . Mais je vous permets de rire de la profession
de foi que je vais vous faire oui , j'aimerais mieux
,, être un riché effendi avec toute son ignorance, qu'Isaac
" Newton avec tout son génie .
:
On ne trouve pas dans les lettres de milady Montague
cette sensibilité exquisé , cet abandon si touchant d'une
ame expansive , qui s'unissent quelquefois à toutes les
graces de l'esprit , dans celles de madame Sévigné ; mais
on en est bien dédommagé par les détails piquans , la
variété des tableaux , le charme des descriptions les plus
pittoresques , et par ce plaisir qui naît de la confiance
dans la véracité de l'écrivain , confiance qui ' embellit
encore ses récits , en y ajoutant le mérite de l'instrucion
et l'intérêt de la réalité .
VARIÉTÉ .
Dialogue fraternel entre un Républicain et un Royaliste .
Le
RepH
bien
! vos espérances
....
blicain.
Le Royaliste . Sont plus fortes que jamais.
Le Rép . Quoi ni le triomphe des armées de la République
, ni la paix avec la Prusse , l'Espagne , et dans
peu avec toutes les puissances du continent , ni la défaite
de Quiberon , ni l'achevement de la constitution ',
ni l'établissement prochain d'un gouvernement , rien ne
peut vous désabuser de vos chimeres .
Le Royal . Toutes ces choses ne sont que des apparences,
et je ne crois , moi , qu'aux réalités . Nous avons des raisons
d'être convaincus que toutes ces paix sont simulées
. Ce sont des lettres de répi que prennent en ce
moment les puissances pour vous attaquer dans peu
avec des forces auxquelles il sera impossible à vos Répu(
197 )
blicains de résister. La descente de Quiberon n'est
qu'une fausse descente . Croyez- vous que l'Angleterre
ait dépensé son argent , et mis en mer ses flottes, pour
les faire rentrer honteusement dans ses ports . Vous aurez
bientôt sur vos côtes un nouveau débarquement de
50 mille hommes sous le commandement du comte de
Moira ; nous en avons reçu la nouvelle de Londres , et
le succès est infaillible . '
Le Rép . J'ai grand peur que vous ne soyez pas mieux
servi en bulletins , que vous ne l'avez été jusqu'à présent
par vos chevaliers errans . Seriez- vous donc du
nombre de ces gobe- mouches à qui l'on persuadait n'agueres
que Luxembourg n'était pas encore pris , trois
mois après sa reddition ; que les Espagnols avaient
écharpé l'armée des Pyrénées , tandis qu elle prenait
Vittoria et Bilbao ; que le comté de Nice était évacué ,
qu'il n'existait plus d'armée d'Italie , que la moitié de
celle du Nord avait passé chez l'ennemi , et que Pichegru
n'osait passer le Rhin de peur de défection de ses
troupes. Pouvez- vous être la dupe de toutes ces bille-.
vesées . Ne connaît- on pas l'éternelle tactique de vos
messieurs ? Citez-moi une seule victoire remportée par
nos guerriers , à laquelle on n'ait vite opposé une fable
bien absurde , bien impudemment affirmée . Comme on
ne doit jamais disputer sur les faits , je vous laisse complaisamment
douter de ce qui existe . Mais il est permis
du moins de croire aux lois impérieuses de la nécessité.
La guerre que la France a soutenue pendant
cinq ans contre les principaux états de l'Europe , avait
› en elle - même sa durée naturelle. Son terme était indépendant
de son objet , et même de ses succès . L'Europe
entiere ne peut être en guerre pendant plusieurs
années sans produire un épuisement d'hommes et d'argent,
de moyens et de ressources . Les états comme les
individus ne peuvent se passer des secours les uns des
autres ils ne peuvent vivre long- tems dans l'abandon
de l'agriculture et de toutes relations commerciales . Il
faut bien qu'ils fassent la paix , sous peine de mourir
de faim et d'être ruinés. La seule différence
qu'ait produite le sort de la guerre , c'est d'avoir mis
de notre côté les moyens de conclure une paix honorable
et avantageuse . Je ne sais s'il est entré quelqu'intention
simulée dans les traités ; mais ce que je sais , ce
que tout le monde voit , c'est que les motifs qui ont
forcé les puissances belligérantes à une pacification sub-
14.
( 128 )
sisteront long- tems ; ce que je sais encore , c'est que les
événemens de la guerre et de la révolution ont tellement
changé la face des affaires , qu'aujourd'hui les
puissances n'auraient plus à renouveller la guerre le
même intérêt qu'elles ont eu à la commencer ; car la
République Française une fois reconnue , et les autres
états étant bien convaincus qu'elle ne prétend pas plus
s'immiscer dans leur gouvernement qu'elle ne veut souf
frir qu'on se mêle du sien , les deux causes qui ont fait
prendre les armes à l'Europe n'existent plus . Les puissances
doivent être maintenant bien rassurées sur les
alarmes qu'elles avaient pu concevoir des principes dont
les menaçait la faction d'anarchistes qui a bouleversé si
long- tems la France ; elles savent que la nation française
déteste autant qu'elles cet esprit de subversion et de
vertige qu'avait soufflé une poignée de scélérats , et l'assiette
fixe que va prendre le nouveau gouvernement
français est pour l'Europe un nouveau garant de sa tranquillité.
Le Royal. Croyez -vous que les conquêtes des Français
et l'aggrandissement de leur territoire ne seront pas un
germe de guerre qui se développera aussi -tôt que les
états dépouillés auront repris assez de force pour reprendre
ce qu'on leur a enlevé . Une paix qui laisse
après elle un sujet de ressentiment si légitime , et qui
ne repose que sur une impuissance momentanée , ne sera
jamais qu'une paix présaire et mal assurée .
Le Rép . Vous voilà contraint de vous jetter dans l'avenir
; c'est du moins un aveu que dans l'état actuella guerre
ne peut plus se continuer. Mais il n'est point encore
décidé que le gouvernement veuille conserver toutes
ses conquêtes . Déja il a restitué à l'Espagne ses provinces
continentales , et la cession que celle - ci a faite
de ses possessions de Saint- Domingue , n'est qu'un
juste dédommagement des frais immenses qu'une guerre
injuste avait occasionnés. Ces possessions étaient peu
utiles entre les mains des Espagnols , elles le deviendront
avec le tems dans les nôtres . Personne n'ignore
que les Pays-Bas offraient peu d'avantages à la maison
d'Autriche , et que l'esprit des Belges , toujours en
opposition avec l'esprit du gouvernement autrichien ,
entretenait une mésintelligence qui rendait la domination
de ce dernier aussi dificile à maintenir que
dispendieuse pour lui . Il en est de même de la Savcie
relativement au roi de Sardaigne ; on lui rendra peut(
129 )
être le comté de Nice , mais il est douteux que les
Savoyards , dont on connaît l'animosite invétérée contre
les Piémontais , consentent jamais à vivre sous leur
gouvernement , et à rentrer dans leur ancienne dépendance
. S'il fallait traiter sous tous ces rapports cette
grande question d'intérêt politique , soit relativement
à la maison d'Autriche , soit relativement à la maison
de Savoie , il ne me serait pas difficile de montrer que
ces deux puissances n'ont pas un si grand intérêt que
vous croyez à la reprise des objets que le sort des armes
a mis entre nos mains . Ainsi , quand nous conserverions
nos conquêtes comme une indemnité légitime , je ne
vois pas qu'elles puissent être un obstacle à la paix
que commandent l'épuisement , la lassitude et le besoin
du repos , ni qu'iles doivent être la source d'une
rupture prochaine. Les traités de Riswick , de Nimégue
et autres , qui ont assuré à Louis XIV les conquêtes de
l'Alsace , de la Franche-Comté et de la Flandre sur la
maison d'Autriche , n'ont-ils pas reçu leur exécution ?
Pourquoi les traités qui nous garantiraient nos nouvelles
conquêtes n'auraient- ils pas la même solidité ?
Le Royal. Si l'Empire et la maison d'Autriche sont
obligés d'accepter une paix que je ne regarde que
comme une affaire de circonstance , n'attendez pas que
l'Angleterre transige aussi facilement . Toute
force est dans sa marine , et vous n'en avez aucune
vous l'avez vaincue sur le continent , elle vous l'a rendu
de reste sur l'élément où elle exerce sa prépondérance .
Vos ports bloqués , vos escadres battues sur l'Océan ct
dans la Méditerranée , vos convois de vivres interceptés
, votre commerce maritime anéanti , tout vous prouve
qu'elle est dans une position à l'avantage de laquelle
elle ne saurait renoncer. Seule , elle peut continuer
guerre , et vous contraindre par ses succès à rétablir
gouvernement monarchique que vous n'auriez jamais
dû détruire . Constante à poursuivre cette grande entreprise
, elle tient à sa solde l'armée du prince de Conde
qui se grossit dans les environs de Basle , et pénétrera
bientôt dans la Franche-Comté. Elle vient de reconnaître
Monsieur pour roi de France , et elle ne s'est pas
avancée jusqu'à cette démarche pour ne pas la soula
le
tenir.
Le Rép. j'admire votre tendresse pour les Anglais ;
certes , ils vous ont donné une grande preuve de la
leur dans l'affaire de Quiberon , et ont favorisé mer(
130 )
veilleusement la retraite des émigrés en tirant sur eux.
Pauvre dupe que vous avez été et que vous êtes encore !
Vous avez cru bonnement que les puissances de Eu-
торе s'étaient ébranlées pour la cause de vos émigrés ;
vous avez vu comment elles les ont servi ; j'ai trouvé
des royalistes de meilleure foi que vous ; 1 pestaient
"
autant contre Pitt et les Anglais , que vous leur témoignez
de reconnaissance . Ils prétendaient qu'en toute
occasion les émigrés ont été ou sacrifiés ou éconduits
par les puissances coalisées , et qu'en derhier lieu il
était visible que l'expédition sur les côtes de Bretagne
avait eu plutôt pour objet de se débarrasser des éniigrés
, que de les seconder véritablement, Quant à
M. de Condé et à son armée , tout cela doit peu nous
effrayer. Il y a long - tems qun nous parle de cette
armée dans les gazettes ; l'avez- vous jamais vu agir :
très-au complet pour son état-major , il ne lui manque
que des soldats . Est- ce au moment où la coalition se
dissout par lambeaux , où chaqué puissance ne songe
qu'à faire sa paix séparément que ce prince fugitif
et ses chevaliers peuvent devenir redoutables ? Nos
armées ont triomphé des forces réunies de l'Europe ,
et vous croyez qu'une poignée de vagabonds et de
mendiants vont faire à eux seuls ce qu'ont tenté vainement
les puissances' conjurées ! Laissez de vils gazettiers
fabriquer des pieces diplomatiques , des lettres , des
proclamations , des reconnaissances de Louis XVIII ; il
faut bien qu'ils gagent leur argent . Monsieur restera
paisiblement à Véronne , les puissances se soucient plus
de leur intérêt que de sa royauté , et il n'aura d'autre
trône et d'autre cour que ceux que lui prêtent gratuitement
quelques misérables folliculaires.
L'Angleterre vous paraît être dans l'apogée de sa
puissance . Je sais que sa marine est plus forte et
meilleure que la nôtre , grace aux soins officieux de
nos désorganisateurs . Mais l'Angleterre , restant seule
de la coalition , ne peut soutenir long- tems la guerre .
Elle a beaucoup de vaisseaux et peu de matelots pour
les équiper ; elle a beaucoup de colonies à couvrir ,
et en divisant ses forces , elle les affaiblit . Sa domination
sur les mers que vous vantez , est ce qui rend sa
position plus périlleuse ; elle doit sentir que sa tyrannie
pese depuis long - tems sur toutes les puissances
maritimes , et que si l'intérêt commun vient à les réunir
contr'elle , ce qui arrivera infailliblement , elle peut
( 131 )
être mise à deux doigts de sa perte. La liberté des
mers importe à toutes les nations commerçantes ; s'il
est une propriété commune qu'elles doivent revendiquer
, c'est celle- là , et s'il est une coalition légitime ,
indispensable , c'est celle qui aura pour objet d'affran
chir un élément qui appartient à tous , parce qu'il ne
peut être à personne . L'Angleterre , malgré son ambition
et ses succès , n'ignore point ce qu'elle a à craindre .
La supériorité de sa marine dans les parages des isles
Sous -le -Vent , n'a pu empêcher qu'elle n'ait perdu plusieurs
de ses isles , et que nous n'ayons repris les nôtres.
L'insurrection des negres voilà peut- être le coup le
plus mortel que l'on pouvait lui porter , et cette in
surrection éclate de toutes parts ; cet incendie menace
de dévorer ses possessions. Sur le continent , sa position
n'est pas moins critique , la disette se fait sentir à
Londres comme dans le reste de l'Europe. Le peuple
y souffre , y murmure hautement ; je n'ai pas besoin
de vous parler des mouvemens tumultueux qui s'y sont
manifestés ; tous les papiers anglais en font mention ,
et quand ils ne le diraient pas , tout le monde sent
qu'une guerre aussi longue et aussi dispendieuse , n'a
pu qu'appauvrir la nation anglaise , nuire à son com
merce , rendre la subsistance du peuple plus chere et
plus difficile , et augmenter son mécontentement. Ainsi,
je regarde la paix avec l'Angleterre comme plus prochaine
eque vous ne pensez , et j'en crois là- dessus un
oracle plus sûr que celui de Calchas , c'est la nécessitéi
Voilà comment les espérances que vous fondez au - de、
hors pour le rétablissement de la royauté en France ,
s'évanouissent lorsqu'on en considere les fondemens
de l'oeil de la raison et de la vérité ..
( 132 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 30 juillet 1795.
Nous croyons devoir revenir encore sur les détails
A
de la réception faite au citoyen Verninac , ambassadeur
de la République Fiançaise à la Porte Ottomane.
D'abord ils sont curieux par eux - mêmes , ensuite ils
concernent deux grands états à l'union desquels l'Europe
sera probablement redevable un jour , en grande partie ,
de la paix dont elle jouira et de la liberté conservée
à plusieurs de ces puissances du second et du troisieme
ordre . Enfin , ils justifient ce qu'on a avancé , que nulle
cérémonie de ce genre n'avait encore été aussi magnifique
. Au reste , la République Française saura reconnaître
d'une maniere digne d'elle et de l'empire Ottoman
, l'espece de prédilection dont elle jouit dans ce
pays , et qu'on lui témoigne dans les égards les plus
marqués qu'on a pour son représentant. On écrit de
Paris , qu'on y acheve en ce moment , chez le jouaillier
logé aux galeries du Louvre , une montre enrichie de
diamans , avec un carillon , et une pipe en forme d'ananas
, qui est aussi garnie de diamans avec autant
de goût que de magnificence ; plusieurs autres bijoux
précieux accompagnent ces riches présens .
que
De Constantinople , le 10 juin . Le citoyen Verninac ayant
fait notifier son arrivée à la Porte le 18 mai , le prince Morosi
, dragoman de la Porte , se transporta le 21 au palais de
France , pour le féliciter. Il avait été arrêté l'audience
d'admission auprès du grand visir aurait lieu un des jours
suivans ; mais , par snite de diverses circonstances , elle fut
remise au 8 de ce mois. Les citoyens Français qui habitent
dans cette capitale montrerent le desir d'accompagner le citoyen
Verninac il fut en conséquence tenu une assemblée
générale pour régler l'ordre à suivre. Le 6 , l'orla , qui est
hne garde d'honneur donnée par la Porte , se transporta au
palais de France , où elle restera tout le tems que durera le
titre d'envoyé extraordinaire . Le 8 , les Français , au nombre
( 133 )
de 150 et environ 50 étrangers , se rendirent auprès du citoyen
Verninac , qui avait fait préparer une colation. A 10 heures ,
la marche commença à défiler dans l'ordre qui suit : 1º . Les
janissaires de l'orta et ceux qui étaient au palais , au nombre
de 100 ; 2 ° . un Français à cheval , vêtu de l'uniforme national
et faisant fonction d'écuyer ; 3 ° . six théodars ou valets grecs
à pieds , employés à conduire six chevaux de manége que la
Porte est dans l'usage de donner pour le cortége des ministies
étrangers ; 4° . dix autres théodars à pied , marchant deux
à deux ; 50. huit Français en uniforme et à cheval , ayant à
leur tête un officier ; 6°. quatre dragomans à cheval ; 7. un
secrétaire de légation , en uniforme et à cheval , accompagné
de deux théodars qui portaient les lettres de créance dans un
riche porte- feuille ; 8°. Le citoyen Verninac , en uniforme et
à cheval , environné par six théodars ; 9º . les principales personnes
attachées au service de sa maison , vêtues d'une maniere
uniforme , mais avec simplicité ; 10 ° . un grouppe des
agens de la République , de citoyens âgés et de quelques
étrangers , tous à cheval , au nombre de 18 , et vêtus différemment
; 11 ° . un detachement d'infanterie , composé de
16 Français en uniforme , ayant à leur têre le citoyen Ami .
officier d'artillerie , le commandant et trois officiers supérieurs
de l'arsenal du grand- seigneur , en uniforme d'offieiers ; 12° . un
grand nombre de Français et d'étrangers , en habit civil , et
marchant en grouppe ; 13°. enfin , un détachement de cavalerie
, composé de 16 hommes , ayant à leur tête le citoyen
Obert.
Au moment du départ , une musique guerriere commença
à jouer des airs patriotiques , qu'elle continua jusqu'à la porte
da palais . Lorsque le cortège ent traversé la rue des ministres
, dans Pera , et fut arrivé à Topchana , le citoyen Verninac
entra dans le bateau du chiaus bachy , et tout le reste
s'embarqua dans une centaine de kaicks , préparés pour la
traversée du port. Aux degrés du Bakche- Capussy , les Français
mirent pied à terre , et le citoyen Verninac fut reçu avec
tous les honneurs d'usage. Le cortège reprit son premier ordre
, et se trouva augmenté de 100 janissaires , de 30 chiaus à
cheval , et d'un certain nombre d'officiers de la Porte , qui
étaient là pour recevoir le ministre et l'accompagner . On a
remarqué que ces officiers , qui élevent communément des
difficultés pour le rang à tenir par eux dans la marche , n'en
'firent aucune ce jour- là , et donnerent aux Français toutes
sories de démonstrations d'amitié . Le theorbadgy , ou colonel
de l'orta , voulut tenir lui- même le gouvernail du bateau du
citoyen Verninac , bien que cette fonction soit ordinairement
confiée à un officier d'un grade inférieur . Lorsque le cortège
fut entré dans le palais , la cavalerie et l'infanterie se rangerent
dans la cour visirale . Le citoyen Verninas fut d'abord
( 134 )
reçu par un dragoman , dans une piece où il resta quelques
minutes , et de- là conduit à la salle d'audience . Le grand-
Visir parut aussi - tôt ..
Le citoyen Verninac prononça alors un discours , où il
Iona la Porte d'être demeurée fidelement attachée au principe
de l'independance des nations , et à son ancienne amitié envers
la France , et de n'avoir point pris les armes pour s'opposer
à l'établissement de la République il témoigna qu'il
s'en rapportait à la nature même des choses , qui fait que les
deux nations ayant les plus fortes raisons de s'aimer , n'ont
aucun motif de haine et de jalousie pour attendre les hauts
egards dûs à la dignité de la République , et l'execution littérale
des anciens traités , ainsi que la bienveillance de la
Porte envers les Français , qui ont enrichi l'empire ottoman
des inventions de l'industrie française .
Le grand - visir , de son côté , a protesté de l'attachement
immuable de la Porte envers la nation Française , et de son
attention affectueuse à observer les traités qui lient les deux
peuples .
Après que ces deux discours eurent été finis , on fit la cérémonie
de la distribution du café , des confitures et des parfums.
Le citoyen Verninac fat revêtu d'une pelisse de marte :
six autres pelisses d'hermine furent distribuées au cortège ,
ainsi que huit kerckets , ou manteaux d'honneur , dont ordinairement
on ne donne que six , et enfin plus de 34 kaftas . Le
cortége se retira ensuite dans le même ordré qu'il était venu.
La Porte a fait en outre proposer an citoyen Verninac an
tain de 250 piastres par jour , pour 20 mois , quoique le tain
ait été aboli par édit du sultan : mais le ministre français a cru
deveir refuser cette offre . Toute la journée du 8 , la flotte
ottomane demeura dans le port , les voiles déployées , et sur
le mât principal du vaisseau amiral , on voyait otter un pavillon
tricolore , semblable à celui des bâtimens français qui se
trouverent dans le port.
On remarque que le citoyen Verninac a de fréquentes visites
avec le reis - effendi , les autres ministres ottomans et les deux
ambassadeurs de Suede et de Prusse .
Le courier de Smyrne , arrivé ce matin , a apporté la triste
nouvelle que cette ville était en proie à un incendie terrible
qui s'était manifesté quelques heures avant son depart. La
flamme , après avoir réduit en cendres plusieurs rues , et consumé
entr'autres édifices la maison du consul de Venise
celle du marchand anglais Dalmas , venait d'atteindre , au départ
du courier , la rue des Francs .
Suivant des lettres des
le brait se renouvellait
à revenir de Grodno
et
frontieres de Pologne , du 8 juillet ,
que Stanislas ne devait pas retarder
Varsovie ; on assignait même l'anni .
( 135 )
versaire de sa naissance pour le jour de sa rentrée dans la
capitale , où l'on surveille de près les ecclesiastiques séculiers
et réguliers . Les proprietaires qui en logent doivent en
donner les noms .
Il se fait beaucoup de mouvemens dans les troupes russes
dont le nombre est considérablement augmenté . On dit assez
positivement qu'il va paraître une déclaration du cabinet de
Pétersbourg , sur les affaires de la Pologne ; on n'en connaît
pas le contenu , et l'on assure pourtant que l'ultimatum est déja
envoyé à Berlin . Ce qui ne paraît pas douteux , c'est que la
Lithuanie restera au pouvoir de la Russie ; tout s'y fait au
nom de l'impératrice : cette princesse craint apparemment
quelque chose de la part des Turcs , car le feld maréchal
Suwarow va partir pour les frontieres de la Moldavie . Il sera
remplacé par le comte de Fersen , que l'on croit déja rendu à
Grodno .
De Francfort- sur - le -Mein , le 3 août.
avec
Nonobstant la tenue d'un conseil extraordinaire aulique
de guerre , qui a eu lieu à Vienne dans les derniers jours de
juin , et auquel ont assisté un grand nombre d'officiers
voix délibérative , on est tenté de croire que l'Autriche n'est
plus aussi éloignée qu'on le croyait de la paix . Ce qui confirme
cette idee , c'est que , suivant des lettres de la capitale
, du 17 juillet , l'envoyé de la Forte y est attendu trèsincessamment
; et il n'y peut venir qu'avec l'intention de
contribuer à pacifier l'Autriche et la France . Quant au retour
du marquis de Galic , ambassadeur de Naples , après trois
mois d'absence , cela ne signifie rien du tout , ni pour ni
contre le royaume de Naples , n'étant pas un état assez considerable
pour faire pencher la balance d'aucune maniere.
1
Les échanges de prisonniers se font avec plus de facilité
que par le passé . Quatre mille Français prisonniers revenus
de Hongrie ont passé il y a quelques jours par un des
fauxbourgs de Vienne , pour se rendre en France sur le Haut-
Rhin , et servir d'échange tête par tête sans distinction de rang
à un nombre égal de troupes autrichiennes revenues sur parole
dans les états héréditaires . I
L'opinion générale est que la diette de Ratisbonne , tiendra
tout l'été sans prendre de vacances , à moins que la pacif
cation de l'Europe ne l'en dispense , puisque c'est pour la
terminer qu'elle mettra cette continuité dans ses séances .
Le roi de Prusse , dont le corps germanique réclame les
bons offices et l'intervention , pour arriver à cette paix dont
il a un si grand besoin , prend les précautions convenables à
Fegard de la Russie et surtout de l'Autriche , comme on peut
le voir par le premier patagraphie d'une lettre de Berlin ,
du 14 juliet.
1
( 136 )
Le bataillon d'infanterie du Weyher , qui a été transformé
en regiment , et donné au général-major de Gravenitz , était
nouveau et absolument formé de Polonais . Il a quitté Stettin ,
le 9 , pour se rendre à Gros- Glogau en Silésie , où doit s'achever
sa transformation .
Comme les communications avec la Hollande sont rétablies
, les intérêts des capitaux qui y ont été négociés pour
compte du roi , par les banquiers Cohan et compagnie , seront
dorénavant payés à Amsterdam , comme par le passé . Il en
sera de même des intérêts et des capitaux de la dette contractée
en 1768 , par la ville de Dautzick , et qui est maintenant
à la charge du roi le banquier Pierre de Haan à
Amsterdam , pourvoira à cette affaire comme il le faisait ci
devant.
Le prince royal et le prince Louis sont partis pour Sonnen-
Bourg avec leurs épouses ; la princesse , épouse du prince
Ferdinand s'y est également rendue avec madame la land-grave
de Hesse-Cassel ; et , parmi les étrangers qui ont pris la même
route , l'on compte le prince Louis de Wirtemberg , le ministre
d'état de la cour d'Hanovre , baron de Stainberg , et
M. de Hinuber , le comte de Stolberg-Wernigerode , le comte
de Beust , et le maréchal de la cour du duc de Courlande
M. de Kloppmann.
Le ministre de cabinet comte de Hanhwitt a pris le chemin
de la Silésie , et le lieutenant- général de Pirch celui de la
Prusse méridionale .
1
ITALIE.
De Turin , le 15 juillet . Il ne s'est passé aucun fait d'armes
ees jours derniers entre les deux armées de la riviere et des
frontieres adjacentes . On sait seulement que les Français ,
lors de leur évacuation de Loano , ont emmené 25 personnes
comme ôtages , pour une contribution qu'ils ont imposée ca
partant.
Des avis du Caire , en date du 10 , portent que l'on a vu
passer dans ce lieu trente- cinq canons de divers calibres ,
destinés pour Savonne ; ils étaient accompagnés de toutes leurs
provisions de guerre , et il n'y avait pas moins de cent voitures.
Aux Fabroses , il n'y a pas moins de six mille Frangais
pour la défense de ces lieux,
On mande de Borgo- Saint- Dalmazo , en date du 9 , que
les troupes qui s'y trouvent sont pour le moment dans l'inaction.
Le 7 , elles ont attaqué le col de Tende. Le combat
commença à la pointe du jour et dura jusqu'à la douzieme heure
de la matinée : il y eut quelques pertes d'hommes , et un
grand nombre de blessés . Le régiment d'Oneille a le plus
souffert , son colonel est resté sur le champ de bataille . Cent
vingt -neuf Piémon'ais sont demeurés prisonniers ; il y a parmi
CEX
( 137 )
eux deux capitaines et dix autres officiers. Les Français ont
entierement conservé leurs pastes , et les deux armées se
retrouvent dans les positions où elles étaient avant l'affaire .
Dans la vallée de Stura , le poste piémontais s'est avancé.
et le gros des troupes est maintenant à Vinai . Le 2 , le géné
ral Argentan avait encore son camp à Maglio ; le général
Moatafia , à Bagnasco ; le général Carignan , à Pauperato , et le
général Collé , à Ceva . Un grand nombre de canons sont partis
de ce lieu pour la riviere.
1
On apprend que les Français , au nombre de 8000 hommes ,
se sont fortement retranches entre Orméa et Garresio . Dans
la journée du 11 , ils ont été attaqués , mais inutilement.
L'entreprise a été abandonnée après quatre heures d'un
combat opiniâtre , qui a causé une grande perte aux aggresseurs
.
On annonce que l'ex- Monsieur n'est plus à Vérone ; qu'en
qualité d'émigré français il n'a pu demearer sur le territoire
de la république de Venise . On ne voit point qu'il se soic
rendu au corps de Condé. Ainsi l'on ignore au vrai dans quel
coin ee roi des émigrés est allé régner.
Le capitaine d'un bâtiment suédois , arrivé ici en neufjours
de Biserte , disent des lettres de Livourne , du 17 juillet , a
rencontre un esquifà bord duquel étaient deux Turcs , qui lui
ont dit s'être évadés de Cagliari en Sardaigne , à la faveur
d'une révolte ouverte survenue en cette ville , contre-Die gouvernement
sarde .
ANGLETERRE . De Londres , le 21 juillet.
Le maire a mande à l'assemblée du conseil d'état , que le
conseil privé avait pris quelques résolutions relatives aux conjonctures
présentes , et qu'entr'autres celle ci avait été prise :
Qu'on devait manger aussi peu de pain qu'il serait possible
et qu'on devrait suppleer à cet aliment par la viande , les´
pommes - de-terre et autres légumes, et même faire du pain avec
des farineux. On a dans la même assemblée destiné une somme
de 1000 liv . sterlings pour faciliter aux pauvres les moyens
de se procurer le pain des riches .
Les fermentations qui ont eu lieu depuis quelques-tems &
cause de la guerre , commencent à dégénérer en révolte ouverte
. Depuis le 9 , la populace de Londres s'est ameutée
plusieurs fois. Une grande foule de peuple s'est rassemblée
pendant plusieurs jours aux environs de Charing- Cross , et
sous le prétexte de vouloir détruire la maison d'un vendeur
d'hommes , ils ont porté la main sur celle du ministre
Pitt . Une gazette du matin assure qu'après avoir cassé les
vitres , on avait commencé à démolir l'hôtel , lorsque la garde
voisine accourut assez tôt pour disperser le peuple . Un homme
Tome XVII,
K
( 138 )
qui portait un sac de farine sur son dos , était chef de cette
populace . Ils accusent M. Pitt d'être l'auteur de la disette ,
et ils disent qu'il donne la famine à l'Angleterre pour nourrir
l'armée des émigrés . Le comte Mornigton qui avait dine ce jourlà
avec M. Pitt , fut blessé d'une pierre. qu'on avait lancée à
travers les fenêtres .
A la suite de ceite scene , la populace alla établir le théâtre
de ses fureurs dans la maison d'un recruteur , située à Georgenfeld
, au - delà du pont de Westminster. Elle détruisit cette
maison , en euleva les meubles qu'elle porta près des obélisques
, et elle en fit un feu de joie . La milice accourut , on fit
lecture de l'acte de révolution ; mais le peuple n'en ayant tenu
compte la cavalerie fonça dessus , et renversa un grand
nombre de séditieux qui furent blessés par les pieds des chevaux
.
?
Le nombre des révoltés à Witchall était de 12 mille . Pour
les tenir en respect , on plauta un canon ; mais le canon ne
leur en a point imposé , et ce matin ils ont attaqué la maison
de la garde où on avait déposé quelques- uns de leurs camarades
, et ils les ont délivrés .
:
Il y a eu , il y a quelques jours , des émeutes qui ont
excite une surveillance extraordinaire de la part du gouvernement.
Lundi dernier , une multitude considérable s'assemb'a
à Charing-Chross à l'occasion de plusieurs enrôlemens qu'on
disait avoir été faits de force pour le compte de la compagnie
des Indes elle se porta de-là à Bowning-Sreet , où est la
maison de M. Pitt . Elle brisa quelques vitres ; mais l'appareil
de la force militaire qui se présenta , et la lecture de l'acte
de mutinerie , l'eut bientôt dispersée . Dans le même jour , le
peuple attaqua une maison d'enrôlement ( Crumping House )
au pré Saint- George , la vida entierement , et mit ensuite ,
sur la place , le feu aux meubles : une autre maison en face
de celle ci fut également pillée ; on parvint à arrêter quelquesunes
des personnes composant l'attroupement. lles furent
déposées dans un corps - de - garde près la porte du bureau des
droits. Le lendemain matin , sur les sept heures , le corps -
de-garde fut forcé et les prisonniers enlevés . Pendant toute
cette journée , il ne cessa d'y avoir de grands rassemblemens
de peuple près de ce lieu , mais qui semblaient animés surtout
par la curiosité . Entre huit et neuf du soir , une troisieme
maison se trouva attaquée ; tout ce qui pouvait en être
enlevé fut également apporté dans le chemin et livré aux
flammes. De forts détachemens de gardes à pied et à cheval ,
et quelque cavalerie volontaire étant accourus ' , disperserent
la multitude , et demeurerent sur pied la plus grande partie
de la nuit . La duchesse de Glocester , qui était au cirque
avec sa fille , fat escortée chez elle par de la cavalerie .
( 139 )
1
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRESIDENCE DE LA REVEILLERE - LEPAU X.
Séance de sextidi , 16 Thermidor.
1
Il y a eu hier soir une séance extraordinaire , destinée au
renouvellement par quart du comité de sûreté générale . Les
membres sortaus sout Chinier , Genevois , Courtois et Sévestre
; et ceux qui les remplacent sont , Calès , Pemartin ,
Isabean et Gauthier.
Loisei , au nom du comité des finances , fait un rapport
sur la nécessité d'organiser un systême monétaire . En voici
la substance : La division de l'unité monétaire appelée franc
sera par decimes et centimes . Le titre de l'argent sera de neuf
Parties de métal pus et d'une d'alliage . Il y aura des pieces
d'un , denx et cinq francs . On divisera la petite monnaie de
métal de bronze en pieces d'un et de deux decimes , d'un et
de deux centimes.
Le projet est sur le point d'être décrété , mais Ramel dit
que la questión des monnaies est une des plus importantes
en finances dont l'Assemblée ait à s'occuper , et qu'il a sur
cet objet des idées diametralement opposées à celles du comité.
I demande en conséquence que le projet de décret présenté
soit imprimé , et la discussion aj urnée au surlendemain .
Adopté.
Delaunay , organe du comité de sûreté générale , expose
que les crimes du 1. prairial demandaient une punition
aussi prompte que severe ; que la force des circonstances et
le salat du peuple commanderent la création d'une commis
sion militaire ; mais que les circonstances n'étant plus les
mèmes , les coupables ayant subi la peine qu'ils méritaient ,
la commission doit être supprimée . Décrété .
Chenier , au nom du coin té d'instruction publique , soumet
de nouveau à la discussion le projet de décret sur l'organisation
de l'institut national de musique . Son projet est
adopté. Il y aura un conservatoire de musique , composé de
115 artistes qui instruiront gratuitement 600 éleves des deux
sexes .
La Convention procede par scrutin fermé au remplacement
de Letourneur ( de la Manche ) , chargé de la direction de la
force armée de Paris , et qui vient d'être nommé au comité
de salut public. Son successeur est Goupilleau ( de Fonteuai. );
K 2
( 140 )
Suite de la discussion sur l'acte constitutionnel .
TITRE VII . Du pouvoir judiciaire .
Art. Ier . Les fonctions judiciaires ne peuvent être exercées
ni par le corps législatif, ni par le pouvoir exécutif.
II. Les juges ne peuvent s'immiscer dans l'exercice du
pouvoir legislatif ni faire aucun réglement . Ils ne peuvent
arrêter on suspendre l'exécution d'aucune loi ni citer devant
eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions .
III . Nul ne peut être distrait des juges que la loi lui
assigne , par aucune commission ni par d'autres attributions
ou évocations que celles qui sont déterminées par une loi
antérieure .
99 IV . La justice est rendue gratuitement.
" V. Les juges ne peuvent être destitués que pour forfai
ture légalement jugée , ni suspendus que par une accusation
admise .
,, VI. Les séances des tribunaux sont publiques ; les juges
déliberent en secret ; les jugemens sont prononcés à haute
voix : ils sont motivés , et on y énonce les termes de la loi
appliquée .
,, VII. Nul citoyen , s'il n'a l'âge de 30 ans accomplis , ne
peut être élu juge d'un tribunal de département , ni juge de
paix , ni assesseur du juge de paix , ni juge dans les tribunaux
de commerce .
" VIII . L'ascendant et le descendant en ligne directe , le
frere , l'oncle ou le neveu , les cousins germains , ne peuvent
être simultanément membres du même tribuual.
,, IX. Il ne peut être porté atteinte au droit de faire prononcer
sur les differens par des arbitres du choix des parties .
" , X. La décision de ces arbitres est sans appel , si les
parties ne l'ont expressément observé.
99 XI. Il y a dans chaque arrondissement déterminé par la
loi un juge de paix et ses assesseurs ; ils sont tous élus pour
deux ans , après lesquels ils peuvent être réélus .
,, XII . La loi détermine les objets dont les juges de paix
et leurs assesseurs connaissent en dernier ressort . Elle leur
en attribue d'autres qu'ils jugent à la charge de l'appel .
,, XIII. Il y a des tribunaux particuliers pour le commerce
de terre et de mer ; la loi détermine le lieu où il est utile
de les établir . Leur pouvoir de juger en dernier ressort ne
peut être étendu au - delà de la valeur de cent quiutaux de
bled.
,, XIV. Les affaires dont le jugement n'appartient ni aux
juges de paix , ni aux tribunaux de commerce , soit en dernier
ressort , soit à la charge de l'appel , sont portées immé
diatement devant le juge de paix et ses assesseurs , pour être
( 141 )
conciliées. Si le juge de paix ne peut les concilier , il les
renvoie devant le tribunal civi !.
Il y a un tribunal civil par département : il y en a deux
dans le département de la Seine .
" XVI Chaque tribunal civil est composé de 20 juges an
moins. Les juges sont élus pour cinq ans ; ils sont tous renouvelles
après les cinq années , et peuvent toujours être
réélus .
,, XVII. Le tribunal civil prononce en dernier ressort ,
tant sur les appels des juges de paix , des arbitres et des
tribunaux de commerce , dans les cas déterminés par la loi ,
que sur les affaires qui lui ont été renvoyées par les juges
de paix.
,, XVII. Il se divise en deux sections chaque section
ne peut juger au - dessous du nombre de cinq juges . ››
Séance du septidi , 17 Thermidor.
PRESIDENCE DE DA UN OU .
Il y a eu hier soir une séance pour le renouvellement du
bureau , Daunou a été nommé président. Les nouveaux secrétaires
sont Quirot , Laurençot et Dentzel .
Une lettre du conseil général de la commune de Blois
annonce que dans la puit du 9 au 10 de ce mois , des malveillans
ont coupé l'arbre de la liberté , et qu'ils sont dénoncés
au juge de paix qui les poursuit . Le conseil général a fait planter
un nouvel arbre , et les citoyens ont juré une nouvelle haine
aux ennemis de la liberté . Renvoi au comité de sûreté générale
et insertion au bulletin .
Gossuin , par motion d'ordre , demande le rapport de l'article
de la constitution qui établit le mariage pour condition
d'éligibilité au corps législatif. Il dit que de très bons citoyens
pendant les orages de la révolution n'osaient se marier ;
qu'on craignait de devenir pere , et que douze cent mille hommes
qui combattent pour la liberté , n'ont pas pu s'engager dans
les liens du mariage .
Guillemardet réclame le maintien de l'article et exprime
ses craintes que les prêtres réfractaires ne s'introduisent dans
la représentation nationale, n'y sement les divisions , les haines ,
et ne soufflent l'esprit de royalisme .
Un membre saisit cette occasion pour proposer qu'on éloigne
les prêtres de toutes les fonctions publiques . Il allegue pour
motif que leur mission est entierement spirituelle .
André- Dumont s'éleve avec force contre ces proscriptions
en masse. Il rappelle combien on a égorgé de citoyens avec
des mois ; qu'on traite aujourd'hui tout le monde de royaliste.
Il n'y a , dit il , que de bons et de mauvais citoyens ,
K 3
( 142 )
il faut protéger les uns e punir les autres . Le renvoi de
la motion de Gossuin à la commission des onze
crété .
est dé-
Dubois - Crance : On a supposé que j'avais violé , il y a
'quelques jours , le droit de pétition . Des malveillans veulent
agiter à ce sujet les sections de Paris . Il faut observer que
le fait s'étant passé lorsque la séance était levée , il n'y a
aucune violatio u . La chose ne peut être considérée
que comme
une rixe , une altercation de particulier à particulier , provenant
ou du défaut de s'en : endre ou de la difference des opinions
. Personne plus que moi ne respecte le droit de péti
tion . J'ai eu un moment de vivacité déplacée , j'en conviens ,
et j'en ferai excuse aux citoyens qui en ont été l'objet , si
je peux les rencontrer . La séance etant levée , je ne voyais
plus en eux des pétitionnaires ; je ne pus me defendre d'un
mouvement d'indignation contre des hommes qui venaient
qualifier d'injuste le décret bienfaisant sur les détenus , et
yous accuser indirectement de vouloir rétab ir le terrorisme.
Soyons unis , et la France sera calme : déchirez - vous , ´et la
Frauce se déchirera . La Convention nationale avait proscrit
cent députés ; elle vie t d'en proscrire sent autres , et cependant
l'on demande qu'elle s'épuré encore . Les meneurs d'aujour
d'hui suivent le même systême que les meneurs d'autrefois ,
celui de la dissolution de la représentation nationale . Lisez
la Quotidienne d'avant hier le journaliste trouve à peine ,
dans la Convention , vingt membres qui soient dignes de son
estime . Il faudra donc mourir républicains , disait une jolie
femme à rubans vers , en apprenant la nouvelle de la paix
avec l'Espagne . Oui , tu moutras républicaine , malgré toi :
oui , tu seras témoin , malgré toi , du bonheur de la France .
Ceux qui demandeur si viveinent l'épuration , veulent avoir
le champ libre dans les assemblées primaires , pour faire rejetter
la constitution. Il faut que le comité de legislation se hâte
de vous faire le rapport sur les députés inculpés , puisque
c'est le seul moyen d'arriver à l'etablissement d'une commission
de douze membres pour les détenus . Comme au 31 mai ,
pour vous forcer la main , on mendie des adresses dans les
départemens . Je demande que le rapport du comité soit présenté
dans trois jours , et qu'à l'égard des députés arrêtés ,
dont les cir.bustances n'ont pas permis encore d'examiner la
conduire , il soit formé une commission de 21 membres
qui vous dira si elle croit qu'il doive y avoir lieu à accu .
sation .
Savary observe que ce n'est pas la faute du comité de législation
s'il n'a pas encore fait son rapport , que les députés
dénoncés ont demandé à être entendus , que le comité a dû
le faire et qu'il présentera son rapport dès qu'il aura fini .
Lehardi propose , et la Convention décrete , que primidi pro(
143 )
*
chain , le comité présentera sans autre délai son rapport sur
les députés inculpés .
On demande limpression du discours de Dubois Crancé.
Denizel observe qu'il y a deux parties dans ce discours . L'explication
sur les inculpations dirigées contre Dubois Crancé,
et ses opinions personnelles . I demande l'impression de la
premiere partie , et l'ordre du jour sur la seconde .
Bailleul dit que ce discours renferme des propositions propres
à ranimer les haines , à fomenter les troubles ; que la réac
tion dont on se plaint part de la Convention elle - même
et que les choses devaient aller moins loin , si l'on avait fait poursuivre
les agens de la tyrannie après le 9 Thermidor. If appuie
l'ordre du jour sur la deuxieme partie .
L'impression de la premiere partie du discours de Dubois-
Crance est ordonnée . Une nouvelle discussion s'engage sur
la seconde .
Lariviere : Un décret d'ordre du jour ne suffit pas ; je demande
la question préalable . Convient- il de defibérer sur l'impres
sion d'un discours où l'on dit que la Convention avait pros
crit cent députés , et qu'elle vient d'en proscrire cent autres ?
Où l'on confond ainsi les victimes innocentes du 31 mai et
leurs assassins ? Quelle fatale diversion veut- on faire prendre
à l'opinion publique ? Quoi ! parce qu'on a oublié un moment
des scélérats , on voudrait profiter de votre indulgence , pour
la tourner contre vous , et égorger de nouveau Malheureux
qu'allez vous faire ? on était prêt à vous pardonner , et vous
ne pouvez pas rester dans l'obscurité !
On essaie depuis un mois à produire de nouveaux mouveneus
. Parce que vous n'avez pas puni tous ceux qui s'étaient
armés contre vous , tôt ou tard leurs partisans viendront avec
une énergie furibonde plonger le poignard tibericide dans
Votre sein si vous n'y prenez garde . On confond deja les
représentans du 31 mai avec ceux du 4 prairial ; on voudrait
ramener la terreur à l'ordre du jour , et dans quel tems ?
lorsque le territoire français est purgé de la presence d'un
ramas d'émigrés , lorsque les puissances ennemies briguent
votre alliance. La paix avec la Hollande , avec la Prusse ,
Espagne , et la victoire de Quiberon , voilà ce qui met vos
ennemis sur des charbons ardens ; le jour de la justice blesse
leurs yeux.
3
avec
res-
Point de demi -vertu , nî de demi- probité nous les voulous
fontes entieres . Malheur à qui n'y trouverait pas son
compie ! Celui qui a tue , sera tué , celui qui a volé
tituera ; celui qui a crié vive le roi vive la République selon
les circonstances vivra dans le mépris ce nn'est pas pour
lui un élément si insupportable. One ceux qui ont bien servi
leur patie se présentent sans crainte au tribunal de l'opinion
publique ceux - là seuls doivent trembler qui l'ont mal servic
K 4
( 144 )
Hypocrites , tartuffes en revolution comme en morale , vous
n'avez plus qu'un moyen de vous sauver , c'est de faire autant
de bien que vous avez voulu faire de mal : marchez dans la
voie de la vertu , et le peuple passera l'éponge sur votre condnite
passée . Mais si vous voulez suivre vos anciens erremens ,
si vous voulez soulever des voiles qui ne sont pas épais ,
prenez garde à vous . Les journées de germinal et de prairial
ont produit l'échafaud pour leurs auteurs , et ce qui m'a sincérement
affligé , c'est d'avoir vu condamner des hommes
égarés par vous et qui ne l'eussent pas été s'ils vous avaient
connus .
Qu'importe que des pétitionnaires aient été insultés ou non
par Dubois - Crancé ? c'est une affaire qui lui est particuliere .
Qu'importe que l'on vous calomnie ? faites taire les calomniateurs
par de bons décrets et de bonnes actions . Soyez toujours
les hommes du 9 thermidor , et ne souffrez pas qu'il
se mêle aucun alliage à l'or pur de la probité .
Je demande que la Convention décrete qu'il n'y a pas
lieu à délibérer sur la seconde partie du discours de Dubois-
Crance. Adopté . )
Merlin ( de Douai ) , au nom du comité de salut public ,
donne lecture de deux lettres relatives aux prises faites à
Quiberon. Le général Hoche en garantit l'authenticité . Elles
portent que nous y avons trouvé des approvisionnemens immenses
et de toute espece ; on les estime à dix - huit cents
millions. Il faudra quatre mille voitures , pendant un mois ,
pour les transporter. Les émigrés n'avaient pas oublié de se
pourvoir d'assignats faux , et pour plusieurs milliards . Ils sont
brûlés .
Boissy-d'Anglas ་
"
#
au nom de la commission des onze présente
les articles constitutionnels relatifs aux colonies . Ils
tendent à les déclarer partie intégrante de la République Française
, et à les diviser en départemens avec le même régime
que la France. Ce projet est ajourné . L'art. Ier, est seulement
décrété. Il porte : Les colonies françaises dans les deux
mondes font partie intégrante de la République Française ,
sont soumises aux mêmes lois constitutionnelles .
1
et
Fermond , organe du comité de salut public , rend compte
de nos succès dans les isles du Vent . Il en résulte que le
drapeau tricolor flotte dans Sainte-Lucie , Saint- Vincent , la
Grenade , Saint- Eustache , la Guadeloupe et la Martinique.
Que nous avons brûlé ou pris 150 bâtimens enuemis ,
que nous avons renouvellé le ressentiment des Caraïbes contre
les Anglais qui sont abhorrés dans toutes les isles .
Séance d'octidi , 18 Thermidor.
et
Lanjuinais , an nom du comité de législation , fait décréter
que l'art. 1er. de la loi da 25 messidor dernier , qui défend
( 145 )
d'anticiper les termes de paiement portés dans des titres de
créance , n'est point applicable aux créanciers des successions
bénéficiaires ni des faillites .
Sur le rapport du même comité , la Convention décrete
en principe que le tiers arbitre , nommé en cas de partage,
ne pourra seul prononcer en faveur de l'un des deux avis ;
mais qu'il se reunira aux autres arbitres pour délibérer et
juger.
Lahaye , au nom des comités de législation et de sûreté
générale , dit que la révolution aurait dû assurer à tons les
citoyens le libre exercice de leurs droits et la liberté de se
livrer tranquillement à leurs occupations ; mais que l'invention
de certificats de civisme n'a servi qu'à entraver cette
liberté qu'au lieu de servir aux progrès de la révolution ,
elle n'a été qu'un moyen de contre-révolution ; que c'est par
là qu'on a tout bouleversé , corrompu l'ordre social , et
qu'on est parvenu à placer dans les comités révolutionnaires
une multitude d'hommes que l'habitude d'un pouvoir inconnu
et nouveau déprava bientôt , et rendit les tyrans des
citoyens dont ils devaient être les protecteurs. Lahaye présenie
un projet de décret qui est adopté en ces termes
La formalité des certificats de civisme est abolie. ,,
Sieyes présente de nouveaux développemens sur l'organi
sation d'une jurie constitutionnaire , chargée de veiller à la
garde du dépôt de la constitution ce corps serait tribunal
de cassation , en ce qu'il pourrait annuler les actes attententoires
à la constitution : il serait tribunal de proposition,
en ce que lui seul proposerait , tous les dix ans , au corps
législatif , les changemens à faire à l'acte constitutionnel ; il
serait enfin tribunal des droits de l'homme , jury d'équité
naturelle , en ce qu'il garantirait la liberté individuelle des
atteintes qu'autorise souvent la loi aveugle.
Cette jurie constitutionnaire serait composée , de 108 membres
, renouvelles tous les ans par tiers . La premiere élec
tion serait faite par la Convention nationale , en faisant les
choix , un tiers dans l'Assemblée constituante , un tiers dans
l'Assemblée législative , et l'autre tiers dans la Convention
même. La jurie ferait elle-même les élections suivantes , en
faisant les choix dans les 250 membres qui sortent , chaque
année , du corps législatif , etc.
La Convention décrete l'impression du discours de Sieyes
et l'ajournement de la discussion à duodi prochain . La commission
des onze annonce en même tems qu'elle a adopté
une partie des plans de Sieyes.
Séance de nonidi , 19 Thermidor.
Henri Lariviere , au nom des trois comités de salut pu
blic , sûreté générale et de législation , expose que l'opinion
( 146 )
A
publique réclamer de toutes parts contre le décret qui orlonne
qu'il sera nommé une commission de 12 membres ,
prise dans le sein de l'Assemblée , pour prononcer sur les
motifs de détention des complices du régime de la terreur .
Si la révolution , dit- il , a extirpe de grands abus , elle en a
fait naître aussi . Ainsi , les biens que nous lui devons , ne
sont pas sans mélange . On connait les fureurs de la
celles de la denonciation calomnieuse , et les effets de la corvengeance
,
ruption des moeurs . Il n'y a donc que la justice et la vertu
qui puissent ramener le triomphe des lois . Ce sont les scules
armes qu'une nation qui se regenere doit employer pour son
bonheur. Depuis le 9 thermidor , la Convention , revenue
aux principes , obtient chaque jour , comme nos armées ,
des
es succes nouveaux . Pourquoi donc nous en écarter à l'égard
des prévenus de complicité du terrorisme ? les coupables
esperent ils donc échapper à la faveur de l'obscurité ? Ceux .
qui redoutent le regne des lois et de l'ordre , sont ceux
qui ont volé , pillé et massacre ; ceux qui , dans les comités
révolutionnaires , ont exercé les plus horribles vexations , qui
alimentaient les échafauds ' de Robespierre , qui étaient acteurs
des boucheries de septembre . Voilà ceux qui trouvent encore
des défenseurs et qu'on appelle patriotes . Mais qu'est - ce
donc
u'un patriote ? C'est celui , selon moi , qui exercé
ession utile
qui est bon pere , bon époux , bon
fis , bon ami , qui respecte les lois , qui les aime et s'y
༔ ༔
une
conforme.
de re
70709
633
1
JG J
Lariviere propose de rapporter le décret dont il s'agit et
le renvoyer les prévenus par devant les tribunaux de district ,
quu'ils décident quels seront ceux qui , seront mis en
liberté et ceux que l'ou traduira devant les tribunaux criminels.
pour
2,9,1 nse :: 9.
Une longue et vive discussion s'engage . Plusieurs membres
demandent la question préalable sur le projet de décret. Lehardy
prétend que l'amour - propre de quelques membres ayant été
blease
བྱ :
ils se sont concertés pour obtenir le rapport de ce
decret, et que le projet de Laiviere est plus dangereux que
celui de Laheye . Lariviere observe que l'Assemblée ne peut
pas violer les principes , et aliaque de front l'opinion publique.
Louvet et Tallien veulent parler . Celui - ci fait sentir que la
Convention s'exposerait à beaucoup de haines , et à s'avilir
si elle maintenait la partie du déciet relative à la commission
prise dans son sein . Louvet cst du même avis ,
il
3
T
mais
pense que es qu'on donne pour l'opinion publique , n'est
qu'une opinion factice dirigée par quelques meneurs . Andre
Dumont , Legendre s'efforcent aussi de se faire entendre. La
discussion se ferme , et la partie du décret portant création
de la commission est rapportée . Le reste est ajourné .
Fermoad , au nom du comitè de salut public , end compte
80 ..
( 147 )
de l'expédition d'une flottile française en Afrique , qui a
brûlé 70 bâtimens à l'ennemi , et en a ramené 4 richement
chargés à Rochefort.
" Lanthenas présente sur la déclaration des droits de l'homme
quelques observations , qui ont renvoyées à la commission
des onze .
Personne ne se présentant à la tribune , un membre demande
qu'on s'occupe du code civil , dont plusieurs articles
sont déja décrétés . Cambacerès , qui en est le rapporteur ,
observe qu'un systême de législation doit être discuté dans
son ensemble et saus interruption . Il croit que la discussion
ne doit être reprise qu'après que celle sur l'acte constitutionnel
sera achevée . Décrété .
Séance de décadi , 20 Thermidor.
Delaunay , au nom des comités de sûreté générale et de
salut public , dit que si Paris n'est pas approvisionné de bois
de chauffage , c'est la faute des ouvriers des ports , qui deman
dent jusqu'à 200 liv. par jour , poar retirer de l'eau celui
dont la riviere est couverte dans ce moment . La Seine en est
tellement remplie , que la navigation en est obstruée . Sans
doute le travail doit nourrir l'ouvrier , mais il ne faut pas
qu'il abuse des circonstances . Le rapporteur propose de faire
nommer par chaque section vingt citoyens pour retiver le bois
de l'ean , et que les comités fixent leur salaire. Décrété.
Jean Debry , au nom du comité de salut public , propose
de ratifier le traité additionnel conclu avec le bey de Tunis
par le consul général de France en cette résidence . Ce traité
a pour objet la fixation des limites de la neutralité sur meri ;
elles sont fixées à la portée du canon des forts . L'impression
de ce traité , et l'ajournement de la discussion à trois jours
sont décrétés .
Ce jour étant consacré aux pétitionnaires , un grand nombre
sont entendus . Une députation de la section du Theatre-
Français est admise : Si l'on en croit certains hommes , dit
l'orateur , les amis des principes sont des brigands ; les défenseurs
de la Convention sont des royalistes , et les terroristes
seuls sont des patriotes .. Encore quelques jours , et
Robespierre et ses complices sont des victimes , et les assas
sins de Féraud des républicains . Défiez- vous , représentans ,
de ses rapports exagérés où l'on vous peint la France Pe
plée de caubibales , d'êtres qui sont tour- d - tour victiales et
bourreaux . Loin de nous de vouloir qu'on jette un voile sur
les assassinats commis ; nous abhorrons les assassinats ; mais
nous ne voulons que des lois justes . Nous demandon's "que
les accusés soient envoyés devant leurs juges naturels afin
que les absous ne soient point considérés comme des protégés
, les juges comme des protecteurs intéressés . Nous de-
C
( 148 )
mandons qu'on ne rende pas aux buveurs de sang la liberté
avec la même facilité qu'on en prive depuis quelques tems
de bons citoyens . Exercez bientôt sur vous- mêmes les foncticas
pénibles , mais nécessaires , que nous avons exercées
par votre ordre dans nos sections . Au 31 mai , la montagne
se rendit justice , en chassant la vertu de cette enceinte . C'est
à vous aujourd'hui à en chasser le crime. ( Applaudissemens . )
Héros du g thermidor , malgré toutes les intrigues pour obscureir
votre gloire , nous conserverons toujours avec reconnaissance
le souvenir de votre courage et du bien que vous
avez fait . Nous apprenons , legislateurs , que vous avez rapporté
hier votre décret du 6 de ce mois . Votre sagesse nous
a prévenus ; que l'amour des bons citoyens soit votre récom .
pense . ( Vifs applaudissemens . )
Le président répond que la Convention nationale , secondee
des sections de Paris et de tous les bons citoyens de la
République , frappera également les terroristes et les roya
listes .
Une députation de la section de l'Unité vient remercier la
Convention de ce qu'elle a écouté l'opinion génerale , en
rapportant le décret du 6 de ce mois .
Le président répond que la volonté générale , exprimée
dans toutes les sections de la France , est la seule opinion
publique à laquelle la Convention nationale se fera toujours
ua devoir d'obéir ; mais que l'opinion de quelques sections
m'est qu'un veu que la Convention adopte ou rejette après
J'avoir examiné.
Ces adresses et les réponses faites par le président seront
insérées au bulletin .
Séance de primedi , 21 Thermidor.
Sévestre , organe du comité de sûreté générale , dénonce
certains journalistes qui se réunissent aux malveillans pour
-propager le systême d'avilissement de la représentation nationale.
Sans doate la presse est libre , mais dans tout gouver
nement les auteurs doivent répondre , devant la loi , de ce
qu'ils écrivent. Il appelle en conséquence la surveillance sur
eux, parce qu'il est bien persuade qu'ils finiront par tout
perdre, et sur sa proposition , la Convention décrete que les
trois comités réunis lui présenteront un projet de loi à cet
.égard.
Dentzel a fait un discours sur les travaux publics , les canaux
et les routes . Il a prouvé que cette branche de prospérité
nationale avait besoin d'encouragement et d'être confiée
à des mains habiles . Renvoyé au comité des travaux publics.
Giraud-Ponzolles , au nom du comité de législation , présente
son rapport sur les députés inculpés. Les dénonciations
( 149 )
sont très nombreuses , mais beaucoup vagues et insignifiantes.
Le comité ne s'est done attaché qu'à celles qui sont graves .
La Convention décrete l'impression du discours de Giraud
Pouzolles , et Bezard donne lecture des pièces envoyées contre
les inculpés .
3
La premiere est celle de la commune de Rochefort et de
plusieurs particuliers , coutre les représentans Laignelot et
Lequinio. I
Ils sont accusés ensemble d'avoir établi à Rochefort un
systême d'oppression et de tyrannie ; de s'être entourés d'agens
sanguinaires ; de s'être permis toutes sortes d'actes arbitraires :
dans leurs orgies , ils disposaient de la vie et de la fortune
des citoyens ; sans motif , ils ont érigé un tribunal révolationnaire
qui a fait couler le sang innocent à flots , ils appelaient
la guillotine , la justice du peuple , et le bourreau le
vengeur du peuple personne ne se présentant pour remplit
ses fonctions , ils prirent un étranger auquel ils donnerent
l'accolade , et qu'ils inviterent à un diner splendide.
On leur reproche aussi plusieurs jugemens iniques ; celui
entr'autres des représentans Dechezeau et Lozeau : le premier
n'avait pas encore fini de lire ses moyens de défense ,
que déja ils avaient commandé les torches de son exécuton.
Lequinio est accusé particulierement d'avoir fait de l'écha
faud une tribuue aux harangues ; d'avoir forcé les jeunes
gens
à y monter , et à Y fouler le sang de leurs parens
d'avoir brûlé la cervelle à un prisonnier ; d'avoir envoye deux
tonnes d'argent à son frere ; dans une lettre qu'il écrivait , it
annonçait qu'il avait ordonné de fusiller sans jugemens les
prisonniers faits dans la Vendée , et ordonné de n'en plus
faire ; il exprimait ensuite le desir de voir étendre cette mesure
à toutes nos armées.
Lequinio n'étant pas dans la salle , le rapporteur litla défense
écrite qu'il a remise au comité de législation : cette défense
ne paraît pas satisfaisante .
On demande l'arrestation de Lequinio , on représente que
la plupart des faits reprochés à Lequiuio sont avoués par lui
et tirés de ses lettres .
Lesage demande qu'on fasse instruire sur-le- champ par le
tribunal de Rochefort contre Lequinio , pour le vol des deux
barils d'argeut; cela est d'autant plus important , que dernierement
vous avez fait arrêter le député Lavallée , et qu'à
la levée des scellés , on a trouvé chez lui les preuves de ses
crimes , telles que calices , patennes , etc.
Un membre rend compte du procès-verbal dressé à Vannes ,
où l'on a saisi les deux barils d'argent que Lequinio envoyait
à son frere . Prieur de la Marne ) fit dans le tems tout ce
qu'il put pour enlever les minutes nous ne sommes pas së
( 150 )
sots que de les lui donner , disait l'agent national ; il voudrait
bien aussi avoir les deux barils d'argent , mais il ne
ies aura pas..
L'arrestation de Lequinio est décrétée ainsi que la propo
sition de Lesage .
Suit Lanot , accusé par la municipalité de Brives de dévastations
et d'excès de toute espece ; en arrivant , il s'était fait
précéder de la guillotine ; il exerçait sur son tribunal la plus
atroce influence ; il a fait exposer pendant 24 heures le
cadavre d'un malheureux vieillard , pere de onze enfans , et
guillotiné de la veille ; sans cesse dans les tavernes , un jour
qu'il était ivre , il voit des creneaux à une maison , et en'
ordonne la démolition : un malheureux ouvrier est écrasé :
bon , dit Lanot , ce n'est rien ; il faut que le peuple s'amuse .
Un autre jour , il aida lui - même à la démolition d'un puits et
d'une grange .
Lauot est absent.
Le rapporteur rend compte qu'il s'est excusé sur l'insurrection
qui avait éciate dans le département de la Correze :
la cocarde avait été foulée aux pieds , ainsi que la statue de
la liberté . Brival parie en faveur de Lanot ; il pense que
sans cette insurrection , Lanot , qui n'a jamais envoyé personne
au tribunal de Robespierre , n'eût pas fait couler le
sang ; d'ailleurs on a mendié ces accusations contre lui .
La gravité des faits détermine l'Assemblée à prononcer
l'arrestation de Lanot .
Le troisieme député dénoncé et arrêté , est Lefiot ; le reste
du rapport est ajourne à demain ; l'Assemblée terminera cette
affaire sans désemparer : Lefiot est accusé d'avoir fait arrêter
un grand nombre de personnes , dont quatre ont été guil
louinées , et cela pour avoir signé une adresse au roi lors.
de l'affaire du 20 juin .
Lefiot s'excuse sur la loi du 17 septembre ; on lui répond
qu'au 20 juin , I attachement pour la royauté n'et.it pas un
crime , puisqu'elle était consacrée par la constitution .
PARIS . Quartidi , 24 Thermidor , 3º . année de la République.
Comme nous l'avions pressenti , l'opinion alarmée
des atteintes portées à la liberté de la presse agglomere
toutes ses forces pour défendre ce premier des droits
du citoyen dans un gouvernement libre , et les écrivains
se sont réunis pour exprimer leurs réclamations pres .
santes contre la violation de ce droit.
Le rédacteur de la Gazette française annonce , dans
( 151 )
1
la feuille du 22 , que les scelles apposés sur les presses
de quelques journalistes ont été leves , et que le rédacteur
de la Gazette universelle ne tardera pas à être mis
en liberté .
On change maintenant à la trésorerie les billets de dix
mille liv. Avant- hier , la foule était immense à peine pouvait-
on passer dans la rue Vivienne .
Une lettre de Gavelier , au représentant du peuple Marec ,
donne de nouveaux détails sur la victoire de Quiberon ; o
y voit que 200 , tant chouans qu'émigrés , y ont été tués
Gooo faits prisonniers , sans compter 1200 femmes et enfans ;
les chasseurs out fait un batin de plus d'un million en louis ,
guinées et bijoux , sans compter environ 30 chevaux , dont plusieur
sont été vendus 50,000 1. La même lettre porte que Hoche
qui a vaincu dans cette journée est un jeune homme de 27 ans
grand , bien fait , d'une physionomie douce et imposante
courageux de sang froid , et connaissant parfaitement son
metier qu'il aime avec passion .
1
.
De Vannes , 10 thermidor. Hier , la commission militaire a
été installée dans cette ville . Sombreui !, l'évêque de Dol et
treize autres , tant ci devant nobles que prêtres , ont été fusillés
aujourd'hui.
Voici un état des prisonniers faits à Quiberon :
Officiers émigrés
Soldats
Habitans de Toulon! ..
Prisonniers français embarqués de force
Emigrés trouvés dans les bles
fem mmes et enfans , environ ..
Chonans
To : al...
278
260.
402 .
1,652.
non compris les
.300 .
3,600 .
6,492.
Suite de l'extrait des lettres trouvées sur les émigrés pris à Quiberon
.
A M. de Vau*** .
. Quant à ce que tu me dis de Paris , je ne le crois
pas ; les papiers du 15 n'en disent rien : et j'en scrais fâché ,
parce que cela prouverait que la Convention aurait eu le
dessus sur le peuple , et que nous ne pouvons attendre notre
salut que de sa destruction ,
( 152 )
}
An même.
...
....
Ta as sans doute appris avec plaisir que dans la derniere
affaire , les Français citoyens ont été completement battus ..
Paris est couvert d'affiches qui annoncent qu'il faut égorger la Convention
, et Lyon est de nouveau en insurrection. . ; mais
remarques- tu que très adroitement les meneurs de la barque
ont fait agir les départemens de l'intérieur et des côtes pour
opérer une plus grande diversion des forces .. Je trouve
sette tactique pas trop mal adroite ; mais juge de ce que je
gouffre en voyant ma femme tenir à son idée de rester dans
eet infâme pays , qui sera bientôt anéanti ..... Quel bonheur ,
mon ami , si nous pouvons parvenir à faire anéautir cette
Convention ! c'est par là qu'il faut commencer : le reste viendra
après.
b.
Autre au même.
...
Le dégoût et le mécontentement augmentent tous les jours ici .
Les mauvais procédés sont à leur comble ..... Il senible que
l'on nous regarde comme une classe inférieure : nous sommes
maintenant les plus mal logés ; l'on nous met toujours dans
les fauxbourgs.... Tous ces procédés sont épouvantables .
a long- tems que je pense que la seule raison qui pou
vait nous retenir ici , était l'attachement qu'on devait avoir pour
le prince de Condé .... A quoi pense til donc ce prince
de Condé ? je ne le conçois pas quels sont ses projets ?
Je suis en vérité tenté de croire qu'il n'en a aucun , et qu'il vit
au jour le jour , sans savoir ni ce qu'il fait , ni tout ce que
cela deviendra .
A M. d'Her*** .
S'il est vrai , comme on me l'a dit , que M. le
prince de Condé ait le pouvoir d'augmenter son armées,
j'espere ne point éprouver de difficultés pour y entrer. J'avoue
cependant que pour y parvenir il fallait discuter moi - même ;
il m'en coûterait trop , car l'on argumentera peut- être de mon
émigration tardive..... Il paraît que l'on juge des sentimens
de l'homme par la date de son émigration mais je compte
à cet égard sur vous , M. le comte ; car vous savez quelle
été ma conduite antérieure.
Que l'on m'interroge sur ce que j'ai fait à Paris , dans les
grandes circonstances , et vous savez que je n'ai rien négligé
servir au- dedans nos amis du dehors ; et d'après ce que pour
j'ai fait , serait-il possible que je ne sois pas admis parmi vous ?
Cette idée seule m'accable de douleur.
Jer : 135
( N. 66. )
MERCURE FRANÇAIS .
DÉCADI 30 THERMIDOR , l'an troisieme de la République.
( Lundi 17 Août 1795 , vieux style . )
Explication de la Charade du n° . 64 .
Le mot de la Charade est Maîtresse.
POÉSIE.
L'hymne du 10 août , par MARIE -JOSEPH CHENIER , représentant
du peuple , musique de CATEL , du conservatoire de
musique.
J.
Un Barde.
EUNES guerriers , troupe immortelle ,
Mêlez vos accens à ma voix :
Français , le Barde vous appelle ;
Avec lui chantez vos exploits .
Célébrous aujourd'hui la fête ,
La fête du peuple vainqueur :
Jamais si brillante conquête
N'a couronné notre valeur.
Le chaur.
Jour de liberté , jour de gloire ,
Qui du peuple a fondé les droits ,
Vingt siecles étonnés chanterofit la victoire
Que tu remportas sur les rois .
Trois guerriers , durant la nuit du 9 au 10 août 1792 .
O nuit paisible , nuit profonde !
Entends nos voeux arme nos bras ;
C'est pour la liberté du monde
Que nous préparons des combats .
Tome XVII. L
''
( 154 )
Demain nous sauverons l'Empire ;
Priez , femmes , vieillards , enfans ;
Demain le Louvre où l'on conspire
Eutendra ces cris triomphans.
Le Chaur.
Jour de liberté , jour de gloire ,
Qui du peuple as fondé les droits ,
Vingt siecles étonnés chanteront la victoire
Que tu remportas sur les rois.
Priere des femmes , des vieillards et des enfans , au son du tocsin ,
à la fin de la nuit.
Si l'homme libre est ton onvrage ,
Grand Dieu , veille sur nos remparts :
Des tyrans et de l'esclavage
Renverse les vils étendarts .
La royauté , dans les tenebres ,
Reçoit d'homicides sermens ;
Mais déja les tocsins funebres :
Ont sonné ses derniers momens.
Le chaur.
Jour de liberté , etc.
Ghant des Bardes après la victoire le matin du 10 août.
Triomphez , liberté , patrie !
Il est tombé le noir cyprès ,
Dont la feuille antique et flétrie
Attristait nos jeunes forêts :
Et , sur le débris monarchique
De ses rameaux contagieux ,
Les palmes de la République
Elevent leur front jusqu'aux cieux.
Le chaur.
Jour de liberté , etc. ,
( 155 )
ÉCRITS POLITIQUES.
Numéro IV du Journal de l'Opposition ; par P. F. Réal.
Prix , 3 liv . broché , et 3 liv . 15 sous , franc de port , pour
les départemens et pays conquis . A Paris , chez Buisson ,
libraire , rue Hautefeuille , no. 20.
Ex donnant à cet écrit le titre un peu vague de Journal
de l'Opposition , Réal a dû prendre avec lui -même l'engagement
de ne censurer que ce qui lui paraîtrait opposé
aux principes et à la justice. Dans les trois premieres
livraisons de cet ouvrage qu'il paraissait avoir
abandonné , on distingue le second numéro écrit
avec beaucoup d'énergie . Celui que nous annonçons
n'est pas moins intéressant. L'auteur semble avoir puisé
de nouvelles forces dans le repos , et c'est d'un air intrépide
qu'il rentre dans la carrière . Ses idées sont
pleines de chaleur , et son style attache par une certaine
éloquence rapide , mais sage , qui annonce des
intentions aussi pures qu'élevées .
Réal a suivi les différentes crises de la révolution ;
peut- être a- t- il participé à quelques - unes . Mais elles
n'ont pu dépraver en lur cet instinct de l'ordre et du
beau moral qui nous passionne pour le bien , même en
égarant nos idées . Les perfidies , les bassesses , les atrocités
dont
so t de la luence a compromis si étrangement le
so t de la liberté , ont étonné la rectitude de son esprit
et la droiture de son coeur , et il n'envisage qu'avec une
douleur amère ces considérations politiques à l'aide
desquelles malheusement on ne s'oppose aux ravages
des maux dus à l'injustice que par des injustices nouvelles
, qui d'ailleurs laissent toujours après elles des
exemples funestes et des maximes pernicieuses . "
Patriote plein de zele , il s'intéresse au triomphe de
la dignité de l'homme dans l'ordre social ; il ne veut
point de la royauté qui dégrade , mais il réclame un
gouvernement fort qui écarte l'anarchie et sache im
primer le respect des lois ; le danger de prolonger les
haines et les discordes publiques par des représailles
sanguinaires lui inspirent ce courage de censure , appanage
de l'homme libre bien intentionné et fort différeni
de cette hardiesse qui dénigre tout , peint le mal
L2
( 156 )
avec une joie perfide , et répand sur le bien tout le
poison d'une critique artificieuse.
Après avoir rappellé avec intérêt la victoire remportée
le 1er. prairial sur les anarchistes , Real s'alarme de
voir subsister trop long - tems des dispositions arbitraires
et illégales . Législateurs de ma patrie ! s'écrie - t-il ,
" si vous étiez des rois j'attendrais votre mort pour
parler de vous . Je vous crois de francs , de sinceres
" républicains , je vais vous dire la vérité ......
29
""
Qu'ai-je vu sous le regne de Robespierre ? dix mille
" maisons d'arrêts , quatre cents mille incarcérés , des
commistions populaires , militaires , des tribunaux
" révolutionnaires , des lois révolutionnaires , la Convention
comprimée , mutilée ; vingt mille Français
égorgés aux applaudissemens d'une troupe de force-
", nes..... J'ai dit que ce regne - là n'était pas bon ,
99 Que vois -je aujourd'hui ? des milliers de maisons
, d'arrêts , des incarcérés dontje ne sais pas le nombre ,
des tribunaux d'attribution remplaçant les tribunaux
? révolutionnaires , des jurés spéciaux remplaçant les
" commissions , une commission militaire à la place du
tribunal Dumas , la Convention mutilée , des milliers
de Français égorgés dans Lyon , dans Aix , dans le
" Jura , etc. etc. Toutes ces mesures applaudies par des
, troupes de forcenés qui demandent du sang , et pus
,, du sang , et toujours du sang ....... Législateurs , ce
" regne - là n'est pas bon !
99
Je sais que les échafauds sont plus rares , je sais
" que le gouvernement d'aujourd'hui se montre aussi
avare du sang français que celui de Robespierre en
,, était prodigue ; je sais qu'entre les assassinats commis
sous ce monstre et ceux qui nous déshonorent ,
, il existe une différence essentielle : le gouvernement
d'alors exubérant de force , commandait les assassinats
; le gouvernement d'aujourd'hui mourant de
faiblesse , n'a pu les empêcher ; mais pour être mauvais
faut-il qu'un gouvernement ressemble en tout à
,, celui de Robespierre ?
" Comment est- il arrivé que deux régimes dont les
vues , dont les intérêts sont si opposés , dont les agens
" offrent une moralité si différente , présentent cependant
tant de ressemblance dans les résultats ?
39
Législateurs , c'est que dans l'un et l'autre régime
on a mis les passions à la place des principes : on a
changé de vues , mais on a conservé les moyens. "
( 157 )
S'adressant ensuite à ses concitoyens , qu'il avertit de
ne pas confondre l'erreur avec la mauvaise foi , ni l'intolérance
politique avec la poursuite nécessaire du
crime , il continue ainsi :
L'impénitence finale était un dogme fondamental
› de la religion de Robespierre . Il ne voulait point
" croire au changement d'opinion , encore moins au
" repentir. Il ne croyait point à l'erreur , il voyait tou-
" jours le crime , et sa vilaine ame cût rejetté comme
" contre- révolutionnaire le sentiment d'un généreux
" pardon . Le besoin de tuer fit naître cette abominable
" doctrine . Le tesoin de s'emparer des fortunes et des
" places étendit ses ravages .
Est- ce le besoin de tuer , est- ce le besoin de vous
" venger qui vous anime , vous tous qui ne voyez au-
" jourd'hui que des cannibales , que des criminels dans
" les instrumens passifs d'un gouvernement affreux qui
" vous eût peut- être fait agir puisqu'il vous a fait taire ?
" Ah ! faites juger les voleurs , les assassins , c'est le
cri de tous les gens de bien ; mais est- ce donc le ,
" besoin de tuer qui vous fait rechercher aujourd'hui
" telle opinion , telle expression , tel sentiment confié
» au secret de l'amitié ? ..... Jeune homme , tu n'as
pas dix- huit ans ; un sang doux circule dans tes veines ,.
" ton coeur doit commencer à s'ouvrir à des sentimens
" d'amour est- ce aussi , dis le moi , le besoin de tuer
" qui te fait hurler comme un algonquin , ce couplet
d'antropophages dans lequel tu demande des héca-
99
.
" tombes ? ,,
Il est à desirer que ces réflexions de Réal puissent être
désormais sans application ; mais voici un rapprochément
qui appelle d'une maniere pressante l'attention
de ceux qui aiment la justice et les formes protectrices
de l'innocence . C'est toujours Réal qui s'exprime :
Vous vous rappellez , lecteurs , de l'audience où
" Camille recusa le juré Renaudin , son ennemi per-
2 sonnel ; vous vous rappellez que Renaudim, se riant
de la recusation , maintenu scandaleusement à son
" poste , a jugé et assassiné froidement le malheureux
" Camille .
" Eh bien ! lecteurs , la même scene se renouvelle
" tous les jours dans la presque totalité des départe-
" mens , on a placé sur la liste des jurés des hommes
» victimes du régime de la terreur ; ils remplissent les
» tribunaux. C'est devant ces hommes innocens , je le
L3
( 158 )
sais , mais ulcérés , mais au moins cruellement prévenus
, qu'on traduit les auteurs présumés des maux
qu'ils ont soufferts ... Et les récusations son rejettées ,
et juges et jurés ont le déplorable , l'affreux courage
de condamner à mort leurs ennemis . "
la ma-
Nous ne pouvons résister au desir d'ajouter aux citations
que nous venons de faire , celle d'un morceau
moins sévere , et qui nous a paru intéressant par
niere dont il est écrit . Le lecteur , en appréciant le mérite
du tableau , aura encore à prononcer sur la justesse
de la comparaison .
Réal rappelle d'abord l'influence de Robespierre aux
jacobins . Il ajoute : Robespierre eut ses dévotes ; et
1 ce serait une histoire bien piquante que celle de ces
19 infatigables tricoteuses qui , depuis le 6 octobre , ont
eu tant de part à la révolution .
" Les tricoteuses sont disparues ; mais nous n'avons
" pas pour cela échappé à la tutelle des femmes . Ce
n'est plus , il est vrai , dans les tribunes que des
" voix enrouées influencent aujourd'hui le législateur ;
, mais dans un joli salon , une aimable fille ,
" comme Pamela , de cette voix qui mit en danger la
99
naïve
philosophie du bon Camille , propose des vues si inté-
" ressantes , la politique est si aimable dans cette jolie
99
bouche , elle sollicite avec tant de graces , elle dénonce
avec une sensibilité si profonde ; on n'a pas
" un coeur de marbre , on se rend , et de - là cette mo-
" bilité , cette versatilité qui affligent certains législa-
" teurs,
" Sous Robespierre , combien de décrets commandés
dans les tribunes ! Aujourd'hui , combien de projets.
soupirés dans les boudoirs !
" Sortons , sortons , législateurs , d'un état de choses
,, trop semblable à celui que vous avez détruit , pour
" qu'il puisse vous convenir. Vous avez changé le ré-
" gime , changez les moyens ; vous avez écrase Robespierre
, enfermez dans sa tombe ses tyranniques institions
; qu'il n'y ait rien de commun entre le regne
des tigres et celui des hommes ; soyez magnanimes
,, et grands comme le 9 thermidor : jusqu'à ce jour ,
" on a gouverné par la crainte ; législateurs , attachez-
" nous au gouvernement par l'amour. "
Dans la seconde partie de son numéro , Réal entreprend
la critique raisonnée de l'organisation du pouvoir
exécutif , et ille trouve d'une faiblesse dangereuse ,
( 159 )
proet
ses idées sur ce point s'accordent parfaitement avec
celles de Roederer ; seulement il les présente sous une
forme plus animée . Pour atteindre le degré de force
qui lui paraît nécessaire , il offre deux moyens : le premier
, d'accorder au pouvoir exécutif la faculté de
poser des lois à la délibération du conseil des 500. Le
second.... faut - il le dire ? Réal , honteux en quelque
sorte , oubliant tout son courage , ses droits de publiciste
, emploie des détours oratoires , atteste la pureté
de son patriotisme , rappelle la soumission de Fénélon .
devant Bossuet , prononce enfin le mot de PRÉSIDENT
mais comme s'il lui était échappé malgré lui ..... Vas
ne crains point Real , on ne s'y trompera pas : tu n'as
pas besoin de ces précautions excessives pour éviter
d'être assimilé à ceux qui verraient avec tant de complaisance
l'unité de l'action exécutive dans la personne
respectable du grand comte d'Artois .
Réal veut donc un président , et en cela son opinion
ne se rapporte pas à celle de Roederer ; il est même
très probable qu'elle ne prévaudra point. Mais enfin
c'est son opinion , et nous la croyons pure.
Les considérations essentielles qui ont , après de .
mûres réflexions , fait rejetter , par la commission des
onze , le systême de la présidence , ont frappé sans doute
aussi l'esprit du citoyen Réal ; et ce n'est que parce
qu'il a cru avoir trouvé dans l'histoire , des considérations
prépondérantes qu'il s'est déterminé en faveur de
l'opinion qu'il expose.
Nous aimerions à faire connaître dans cette analyse
quelques-unes de ces considérations qui ne nous paraissent
que spécieuses . L'espace nous manque , et d'ail
leurs le lecteur suivra avec plus d'intérêt dans l'ouvrage
les raisonnemens qui les lient à l'ensemble du systême
de l'auteur sur cette matiere délicate .
Réal termine son numéro par une critique ingénieuse
d'un auteur polémique , plein de talens , mais qui les
consacre avec un zele infatigable à faire l'apologie de
la superstition monarchique et religieuse.
L 4.
(( 160 )
VARIÉTÉ.
Suite du Dialogue fraternel entre un Républicain et un
Royaliste.
Le Royal . Je pourrais faire le sacrifice des moyens extérieurs
d'opérer en France le rétablissement de la royauté,
qu'on n'y arrivera pas moins par la seule force du
concours des moyens intérieurs. Vous ferez la paix avec
les puissances ; mais il reste au milieu de vous un foyer
de guerre dont l'activité a résisté jusqu'à présent à tous
les efforts ; c'est la Vendée , ce sont les chouans . Qu'a
produit cette belle pacification avec Charette , avec
Stoffet ? Ce n'était qu'un vain simulachre dont ils se
sont joués quand ils ont vu le moment favorable . Vous
traitiez avec les chefs , et dans le même tems leurs cohortes
dispersées par pelotons fusillaient , massacraient ,
interceptaient les communications et se moquaient de
vos accolades fraternelles .
Le Rep. La Vendée a plus de rapports que vous ne
semblez en convenir avec la guerre extérieure, Les
bouches de ce volcan sont dans l'ouest de la France ,
mais son foyer s'étend jasqu'à Londres . L'obstination
à vouloir donner aux habitans de ces contrées des
prêtres appellés alors constitutionnels , a éte la premiere
étincelle de cet embrâsement ; les nobles et les prêtres
insermentés qui n'épiaient qu'un prétexte l'ont attisé
de leur mieux , et Pitt , à qui tous les moyens sont bonst
pourvu qu'ils nuisent , a nouiti ce foyer de toutes les
matieres combustibles . On aurait tout prévenu en laissant
à ces pauvres gens la liberté d'entendre la messe
qui leur plaisait , mais il est inutile de revenir sur les
fautes passées . Cette guerre toujours si mal conduite
et que l'on veut ressusciter , mérite , je le sais , de fixer
sérieusement l'attention du gouvernement ; mais les
moyens de l'extirper ne sont pas hors de sa puissance .
La paix sur le continent , en laissant à la République
la disposition de toutes ses forces , lui en donnera
la facilité . Ne plus se mêler de messes , ne point gêner
les consciences , rassurer tous les habitans qui ne sont
qu'égarés par les principes de douceur et de justice ,
dont le gouvernement actuel est pénétré ; voilà les
( 161 )
moyens insensibles qui agiront sur eux. Quant aux chefs
qui les trompent , et à cet amas de brigands , de voleurs
et d'assassins qui n'ont ni feu , ni lieu , ni patrie , et ne
sont susceptibles d'être ramenés par aucun sentiment ,
par aucun intérêt , pas même celui de l'impunité , c'est
à la force seule à les réduire . Le gouvernement doit
être assez instruit par l'expérience de cette funeste
guerre , pour être convaincu qu'on ne peut la terminer
que par de grands moyens. Il faut qu'une armée de
150 mille hommes , s'il en est besoin , parcoure en tous
sens ces départemens infestés , donne la chasse à ces
brigands , les cerne , les rabatte comme des bêtes fauves ;
il faut désarmer à mesure toutes les communes , établir
par-tout de forts cantonnemens , les y maintenir jusqu'à
ce que le germe de la rebellion soit entierement étouffé,
et que la tranquillité regne sur cette terre désolée . Si
à ces grandes mesures se joint l'heureuse influence d'un
gouvernement ferme et juste , d'une constitution qui
assoupisse toutes les haines , ferme toutes les plaies , et
ramene au milieu de nous le calme , l'espérance et la
douce perspective d'une amélioration dont chaque jour
fera sentir les effets , les habitans de la Vendée fanatisés
et royalisés aujourd'hui , reviendront naturellement de
leur erreur et des suggestions qu'on leur a inspirées .
Les chefs qui les travaillent encore , et tous les aventuriers
qui inondent ces contrées , auxquelles ils sont
étrangers , peuvent trouver leur intérêt à entretenir le
feu de la discorde civile ; mais la masse des habitans
ne peut trouver le sien que dans le rétablissement de
l'ordre , de la paix , de leurs occupations agricoles et
industrielles , et dans l'assurance que leurs propriétés ,
et leur personne seront à l'abri des incursions des voleurs
et des assassins ; car les chouans sont aussi bien .
leurs ennemis qu'ils le sont de toute espece de lois et
de police sociale . Malgré le cri de ralliement , religion
et royauté , qu'ont adopté les chiefs , les habitans de ces
contrées ne seraient nullement disposés à consentir de
payer de nouveau la dime , les droits féodaux , et à recevoir
la gabelle et tout le cortège de l'ancienne fisca
lité . Qu'on les mette à cette épreuve , et l'on verra s'ils.
sont royalistes . D'où je conclus que la guerre de la
Vendée est une dépendance de la guerre extérieure ,
et que celle- ci une fois terminée l'autre le sera bientôt .
Le Royal . Vous parlez sans cesse de constitution et de
gouvernement comme si c'était une chose faite . Je voi
( 162 )
bien un plan rédigé , arrêté par la Convention ; mais
il y a loin d'une vaine théorie à la pratique . Vous faites
une république , et personne n'en veut. De toutes pa ts
l'opinion la repousse . Il y a dans les esprits une marche
lente et retrograde qui vous ramenera insensiblement
et malgré vous à votre ancien gouvernement , la monarchie.
Votre constitution , je vous le dis , ne s'établira
pas ; tout le monde est las de l'état actuel des choses .
Le Rép. Voilà comme vous êtes , messieurs les royalistes
, vous croyez , avoir tout dit , tout prouvé , quand
vous avez ressassé jusqu'au dégoût , le tableau bien
noirci , bien chargé des maux qu'a occasionnés la révolution
sous l'influence de ceux qui ne s'en étaient emparés
que pour la diriger vers des folies où des crimes .
Vous avez la petite mauvaise foi de faire partager aux
vrais amis de la liberté et aux principes qu'ils défendent
les reproches que méritent les scélérats qui les ont dés-
Honorés . Les bons républicains détestent comme vous
toutes ces horreurs ; mais il y a cette différence , qu'ils
en génis nt dans toute l'amertume de leur douleur
et la sincérité de leur patriotisme , tandis que les royalistes
n'affectent de s'apitoyer sur le malheur des tems
que pour s'en réjouir et en profiter en secret . Ils auraient
été bien fâchés de n'avoir pas un prétexte aussi
facile à toutes leurs déclamations , et , s'il faut parler
avec franchise , ils ont eu leur bonne part aux excès
contre lesquels ils ont feint et feignent encore de s'élever
avec tant de force ; cette tactique leur a toujours
été familiere . Terroristes sous Robespierre , thermidoriens
aujourd'hui , ils ont chanté tou - à-tour l'Hymne des .
Marseillais et le Réveil du Peuple , ont porté le bonnet
rouge et les cheveux à la jacobite , et se coeffent maintenant
en victime . On les a vu prendre toutes les formes ,
tous les travers du jour pour avoir le droit de les imputer
à la révolution .
Vous parlez sans cesse de l'état actuel des choses ,
comme si ce devait être un état permanent ! comme
sil me fallait pas en chercher la premiere source dans
cet amas d'intrigues , de perfidies et de manoeuvres pratiquées
par les nobles , les prêtres et les royalistes ! Ontils
voulu un seul instant , je ne dis pas la liberté , mais
le redressement des abus de l'ancien régime ? Ils disent
que la constitution et le gouvernement nouveau ne peuvent
s'établir parce qu'on est las de la révolution . Les
républicains disent au contraire : Il faut établir la consti(
163 )
T
tution et le gouvernement pour sortir de la révolution .
Lesquels , à votre avis , font usage d'une logique plus
juste et mieux intentionnée?
1
1
Vous prétendez que l'esprit public s'attiédit chaque
jour , et vous en attribuez la cause aux progrès que fait
le royalisme je n'y vois , moi , que l'effet naturel de
l'état précaire et de souffrance dans lequel nous avons
vécu jusqu'à présent. Vous prenez pour esprit public ,
ce qui n'est qu'une sorte de lassitude et d'affaissement
commun à tous , si ce n'est que les uns savent le supporter
, parce qu'ils entrevoient un meilleur ordre de
choses très- prochain , et que les autres ne voulant pas
même se donner la peine d'espérer et d'attendre , se
récrient sur le présent pour se dispenser de l'avenir.
Mais ayons la paix et un gouvernement , et vous verrez
l'esprit public changer de face. Vainement la coalition
des journaux royalistes cherche à dépraver l'opinion ,
en se distribuant les rôles avec plus ou moins d'audace
et de perfidie ; il ne restera de ce poison que l'avilissement
de ceux qui se donnent tant de peine pour en
varier la dose et la distribution, A mesure que les den
rées et les objets de premiere nécessité deviendront
moins chers et plus abondans , que le crédit public
renaîtra et que les affaires prendront une tournure
plus satisfaisante , ce qui sera l'effet nécessaire de la
paix et d'un gouvernement , les clameurs de la tourbe
des mécontens que l'on confond à tort avec les vrais
royalistes , s'évanouiront avec la même facilité qu'elles
se sont élevées . J'ai rencontré beaucoup de ces messieurs
qui s'exhalent en plaintes si ameres contre ce
qu'ils appellent les malheurs de la révolution , et qui
ne croient pas mieux que vous , sans trop s'en rendre
raison , à l'affermissement du nouvel ordre de choses ;
j'ai vu que les uns avaient acquis des domaines nationaux
, que les autres spéculaient dans les fonds publics ,
que la fortune de presque tous était liée à cet ordre de
choses contre lequel ils déclament si inconsidérément .
Jai porté mes regards sur les habitans des campagnes ;
je me suis réjoui de les retrouver dans une aisance
qui n'est pas comparable à l'état de misere et d'avilissement
dans lequel ils étaient plongés sous l'heureux ,
sous l'excellent régime de la monarchie. Je me suis
convaincu que de tant de gens qui crient contre la
révolution , le plus grand nombre en avait profité ; je
vous avoue que ce petit calcul m'a un peu rassuré sur
1
( 164 )
cet esprit de royalisme , qui est devenu domme une
affaire de mode , et qui passerá comme tous les hochets
du jour. La peur de la dîme , de la féodalité , de la
gabelle , de la noblesse , des prêtres , des parlemens et
de tout l'attirail d'oppression de l'auguste et antique
monarchie , fera plus de républicains que tous les petits
pamphlets , la conjuration des écrivailleurs et les beaux
discours des sallons ne pourront faire de prosélytes au
royalisme . Il y aurait un tour excellent à jouer à ces
messieurs : ce serait de les laisser se disputer entre eux
sur la forme et le mode de rétablissement de la royauté ;
car les uns la veulent absolue , les autres mitigée ; ceuxci
sont pour les anciens états - généraux séparés en trois
ordres , ceux - là pour la pairie héréditaire et le gouver
nement anglais , d'autres pour la constitution de 1791 .
Les nobles de race n'ont pas les mêmes principes que
les petits gentilhommiers ; chacun voudrait arranger la
monarchie au gré de ses passions ou de son intérêt . De
la division sur la forme de la monarchie , on passerait
à la division sur le choix du futur monarque . Les uns
tiendraient pour Monsieur , les autres pour le prince de
Condé peut- être y en aurait-il pour le fils de d'Or
Féans ; tandis qu'il s'en trouverait pour une dynastie
étrangere . Chaque parti publierait d'abord de beaut
manifestes , puis aux manifestes succéderaient les dissentions
et la guerre civile ; puis le vainqueur voudrait
dicter des lois sur lesquelles les royalistes ne seraient
pas mieux d'accord ; ainsi , de querelle en querelle , de
factions en factions , de vengeances en vengeances , on
ouvrirait une autre révolution mille fois plus terrible que
celle que l'on peut si facilement terminer aujourd'hui.
Si les vrais républicains et la masse du peuple pouvaient
être étrangers à cette expérience , ce serait la peine la
plus forte à infliger aux royalistes , et le meilleur moyen
de les guérir de cette maladie . Dans l'aveuglement où
vous êtes , vous raisonnez , vous calculez toujours comme
si les armées républicaines n'existaient plus , et que vous
fussiez maitres des finances . Sachez donc une fois pour
toutes , que sans tr upes et sans argent toute contrerévolution
royaliste est impossible . Or , allez demander
à nos armées victorieuses si elles veulent un roi , et vous
verrez leun réponse .
H
( 165 )
NOUVELLES ÉTRANGERES..
LES
ALLEMAGNE,
De Hambourg , le 4 août 1795 .
Es nouvelles de Constantinople , du 12 juin , représentent
cette grande ville comme souffrant beaucoup de la pénurie
des subsistances , et le peuple prêt à se porter à des excès ,
si le gouvernement ne se hâte de remédier aux causes de la
disette qui lui inspire un si grand mécontentement . On en
assigne deux principales , l'interception des grains par les
Maltais qui ne laissent rien passer des secours qu'on attendait
d'Alexandrie , et la révolte du pacha d'Acie et de Damas ,
par qui la plus grande partie des grains de la Syrie et des
uibus pecuniaires que cette riche contrée paié à la Porte se
tionvent aujourd'hui retenue . Le divan vient de prendre des
mesures pour donner la chasse aux Maltais et subjuguer le
packa jebele . Ha envoyé dans l'Archipel le capitan - pacha ,
avec deux vaisseaux de ligne de 74 canons , onze frégates
et quelques petits bâtimens . Mais cet officier qui devait partit
le 6 est encore , ajoutent d'autres lettres du 25 , aux Dardanelles
, où il a fait demander de nouveaux renforts , vu l'in
suffisance de son escadre contre une maltaise qui l'attend a
l'embouchure du detroit avec 15 bâtimens , parmi lesquels il
s'en trouve un' de Eo canons et deux de 60. Ce que vient de
faire la fotte ennemie convaincra fin les Turcs de la né
cessit vraiment indispensable d'augmenter leur marine , et
de la mettre sur un pied respectable : elle s'est emparée
pour ainsi dire à la vue de l'escadre turque , de deux navires
dont l'un chargé des contributions des istes de l'Archipel , et
Faure d'un grand nombre de matelots , attendus avec une
impatience proportionnée au besoin qu'on en avait .
On dit que l'incendie de Smyrne , sur les ravages duquel
on n'a pourtant pas encore de enseignemens bien positifs , a
consumé au moins un tiers de cette ville . A Thessalonique
la cherté des vivres a occasionné un soulevement général et
un massacre , où ont piri presque tous ceux qui étaient à la
tête de l'administration. Voici ce qu'ou apprend par des lettres
du 26
Le Reis - Effendi vient d'être déposé. Il a été remplacé par
Rachib Eflendi. C'est le même qui fut envoyé à Vienne pour
( 166 )
complimenter Léopold II , lors de son avénement au trône .
Il avait ici la surintendance des vivres .
Le nouveau ministre de France paraît prendre beaucoup
d'ascendant sur les principaux membres da divan . Il coutinue
d'avoir des conférences avec les ministres de Prusse
et de Suede . L'on observe que ces conferences n'ont lieu
que pendant la nuit , ce qui fait présumer qu'il s'y traite
des objets importans.
II est arrivé ici douze officiers suédois . Ils doivent se
réunir aux officiers français qui sont déja au service de la
Porte , pour instruire les troupes turques nouvellement levées ,
dans l'exercice militaire à l'européenne .
•
Stockholm , le 17 juillet. Entre cette ville et Drottningholm
notre escadre légere a manoeuvré en présence du roi et du
regent toute la journée d'avant -hier . Ses premieres manoeuvies
se sont faites d'après la tactique nouvellement introduite dans
notre marine ; ensuite elle a donné une représentation du
combat de Swansksund . Le colonel de Rosenstein , second
chef de l'escadre de Stockholm , a eu le commandement dans
ces expériences .
•
M. Muradgia d'Ohssen , auteur du superbe ouvrage de la
Statistique de l'empire ottoman a été nommé ministre de
Suede pres la sublime Porte ; M. d'Asp succédera , piès la
cour de Londres , à M. d'Engestroem , qui passe à celle
de Turin ; le baron Schultz d'ascherades , ministre à la diete
générale de l'empire , ira à Berlin remplacer feu M. Carisien ,
et sera remplacé lui - même à Ratisbonne par M. de Bild ,
chargé des affaires de sa majesté suédoise à la cour impériale
de Vienne .
On écrit de Varsovie , en date du 15 juillet , qu'on y attend
le comte Felix Potocki , autrefois maréchal de la cou
fédération de Targowitz : il paraît qu'il ira , trouver le roi à
Grodno , et fera avec lui le voyage d'Italie , si toutefois la
Russie le permet. On ajoute que le roi détrôné a protesté
contre toutes les opérations de cette puissance et des autres
co- partageantes ce ne serait assurement pas le moyen d'obtenir
la permission de voyager. La moisson promet beaucoup
pour le seigle en Pologne ; mais il n'en est pas de
même pour le froment.
De Francfort- sur-le-Mein , le 8 août.
Toute l'Europe se ressent plus ou moins des tristes effets
de la guerre , relativement aux subsistances. Voici ce qu'on
écrit de Berlin , le 15 juillet...
I
Comme le prix des bleds augmente d'une maniere trèssensible
dans les provinces les plus fertiles des états prussiens
, et que ce surhaussement se fait remarquer jusques
dans les pays de Magdebourg et de Halberstadt , qui sout
( 157 )
des greniers d'abondance , notre gouvernement a cru pouvoir
suspecter de la malveillance de la part des proprié
taires , et pour en arrêter les effets , il a été ordonné le 15
que tous ceux qui possedent des provisions en grains seront
tenus de les apporter , avant la récolte prochaine , aux marchés
des villes les plus voisines , après en avoir prélevé ce
qui sera nécessaire pour leur consommation jusqu'au tems de
la récolte , et qu'ils doivent les vendre au prix des marchés.
Les refusans sont menacés de la confiscation de leurs grains
et de toutes autres punitions arbitraires .
Suivant des lettres de Vienne , du 24 , le courier porteur
de la ratification de la triple alliance , a reçu un présent de
1000 ducats et une bague de brillans , et dès que la moisson
sera te mince , on fera de nouvelles et fortes recrues dans
tous les etats héréditaires. Il n'est pourtant gueres coyable
que François II s'obstine à continuer la guerre , comme chef
de la maison d'Autriche , tandis qu'il serait obligé de faire
la paix comme chef du corps Germanique . Car c'est une
affaire qu'on regarde comme conclue , et le baron de Bartenstein
partira définitivement dans les premiers jours d'août , pour
le congrès , où elle doit se terminer , congrès qui se tiendra
véritablement à Augsbourg , du moins est-ce le lieu proposé
par l'empereur , qui a déja fait parvenir à Ratisbonne son
décret de ratification , comme il y était invité par la Prusse
à ce qu'il paraît par la nouvelle suivante :
"
Le 24 juillet , M. le comte de Georiz , ministre de Prusse ,
présenta a la diete une note portant en substance Sa majesté
Prussienne voit avec sensibilité la confiance que l'Empire laj
a témoignée par la proposition contenue dans le conclusume
de la diete du 3 juillet . En conséquence , elle ne manquera
pas d'interposer , d'après le voeu de l'Empire , sa médiation
et coopération pour la conclusion d'une paix générale avec
la France ; et sa majesté fera tout ce qui dépendra d'elle
pour assurer le maintien de la constitution germanique et
l'intégrité absolue de l'Empire. Comme pour atteindre plus
sûrement ce grand but , sa majesté attend avec confiance que
sa majesté impériale , en qualité de chef suprême de l'Emveuille
faire promptement les premieres démarches ,
et qu'elle est sincerement resolue , que c'est même un de
ses voeux les plus ardens , d'aller en tout au devant de sa
majesté impériale avec la bonne volonté la plus entiere , et
de régler dans le plus parfait accord ses démarches sur les
siennes pour le succès de cette opération saluiaire , le roi
pense que dans les délibérations ultérieures de la dicte , il
importe de déterminer au plutôt la députation de l'Empire
demandée par le dééret de commission impériale du 23 mai
·
etc. 19
Des lettres de Basle , du 22 juillet , en annonçant le retour
du baron de Hardenberg , ajoutent :
( 168 )
Voici la liste des autres ministres qui résident dans notre
ville : Barthelemy , ambassadeur de la République Française ;
M. Wais , conseiller - privé du langrave de Hesse - Cassel ; le
conseiller Kappler , de la régence de d'Armstadt, les conseillers
auliques Lang et Grenhm , de Lemingen-Durekheim . Le négociateur
de Brunswick-Wolfenbuttel doit être M. Meisner de
Zurich ; et pour Mecklenbourg , M. Déodati , ci - devant banquier
à Geneve. Le chevalier d'Yriarte est ici pour l'Espagne.
D'autres , du 4 août , disent positivement , la paix que la
France vient de conclure avec l'Espagne , fait tomber les
actions des émigrés , qui commençaient à mircher la tête levée:
maintenant ils se flattent dn vain espoir que l'Espagne ne rati-
Bera pas cette paix , mais ils ne savent pas que suivant toutes
les apparences et probabilités , il y aura de grands changemens
dans le cabinet de Madrid , et que les ministres qui
ont vôté pour la paix et qui la desirent , seront conservés .
HOLLANDE.
De la Maye , le 5 août . Les directeurs de la colonie de Sufiuam
ont reçu ane missive du gouverneur , par laquelle il
apprend qn'il a reçu un ordre du stadthouder , lequel Ini en
joignait de recevoir les troupes et les vaisseaux du roi d'Angleterre
, pour défendre cette colonie contre toute espece
de tentatives de la part des Français . Le gouverneur assure
les états généraux , qu'en homme d'honneur et en bon Hol
landais , il mettra tout en oeuvre pour conserver cette colonie
à l'état , et que , conformément à leurs ordres , il fera ses
efforts pour la mettre dans le meilleur état de défense , et
'opposer à l'ennemi commun .
7
Le 2 de ce mois , les états - généraux s'assemblerent extraor
dinairement le président Pipers fit un discours dans lequel
Hles prévint que la paix venait d'être signée entre la Répa
blique Française et le foi d'Espagne , et que la republique
Batave était comprise dans le traite. Après avoir également
fait part de la nouvelle qu'il avait reçue de Paris de la vic
toire complerte sur les Anglais , les chouans et les émigrés , à
Quiberon , il en félicita la nation batave , puisque l'insidieux
winistre anglais avait encore une fois va déjouer son plan
atroce et sanguinaire pour détruire la liberté. Le président
donna ensuite communication des lettres des ministres Blaauw
et , Meyer qui renfermaient ces détails , et il termina par ces
mots Puisse la lecture de ces pieces ôter aux ennemis de
notre liberté jusqu'à lidée de pouvoir jamais nous être nuisibles
dans l'exercice de cette liberté , et puisset elle mettre
dans vos coeurs la persuasion qui est dans le mien , que les
jours d'esclavage sont passés pour faire place à ceux d'ane
liberté durable et permanente.
Le 29 juillet , il est entré au Texel vingt huit bâtimens
charges de grains , venant de Hambourg et de Dantzick.
RÉPUBLIQUE
$
1
( 169 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
20
PRESIDENGE DE DAUNOV.
Séance du duodi , 22 Thermidor.
Sur le rapport du comité de législation , la Convention
déerete que le délai accordé , par la loi du er, doréal , au
créanciers des émigrés , pour déposer leurs titres , est pro
longé definitivement jusqu'an er vendémiaire prochain. Ce
nouveau délai profitera également aux créanciers des émigrés
portés sur le second supplément à la liste générale dés
émigrés , publiée dans le mois de floréal deruier , a l'egard
desquels il devait expirer le 28 fructidos prochain .
Les sections de la Halle - aux - bles et de l'Observatoire se
présentent à la barre. La premiere se plaint des mises en
liberté des terroristes de son arrondissement , et la seconde
rend compte de l'impression qu'a faite sur les citoyens qui la
composent la provocation de Dubois- Crance . Son orateur
dit qu'elle avait arrêté d'en demander justice ; mais qu'infor
mée de la rétractation de ce représentant , elle avait passé à
l'ordre du jour . Le président lui répond qu'elle devait lui
suffire , et ne pas venir se plaindre , tout en disant qu'elle
ne se plaignait pas . Les petitionnaires des deux sections sont
néanmoins admis aux honneurs de la séance .
Génissieux , au nom du comité de législation , continue
le rapport sur les députés inculpés . Il fait lecture des charges
contre Dupin , que les veuves et les enfans des fermiers - généraux
accusent d'avoir , par un rapport perfide fait sur eux
a la Convention , conduits a l'echafaud , et de s'être approprié
une partie de leurs depouilles. Dopin a fait un mémoire justificatif
, dont Génissieux donne également lecture. Lesage
( d'Eure et Loire ) pense que , comme rapporteur , il ne peut
être inculpé , puisque c'est au nom du comite qu'il a parié
que d'ailleurs son opinion à leur égard rentre dans le domaine
de la pensée , dont il devait avoir la liberté ; mais
qu'il y a des faits précis à sa charge . Il cite celui relatif à
Depinay , fermier- général , homme d'une probité sans tache,
plein de lumieres , bon pere , bon voisin , et jouissant de
T'estime générale. Lors de son arrestation on lui saisit un
porte- feuille contenant 100,000 liv , en assignats et 100 louis
en or. Il fut remis à Dupin , qui le porta à la résorerie ;
mais il ne s'y trouva que 5 louis et point d'assignats . Lesage
Tome XVII. M
( ( 179 )
t
ajoute que la belle- mere de Dupin demeure à Saint Cloud ,
où elle étale un luxe qui insulte à la misere publique' ; que
rien n'égale la richesse de son ameublement , et seul
appartement a coûté plus de 500.000 liv . Il demande son
arrestation et l'apposition des scellés chez lui et sa belle
mere . Ces deux propositions sont décrétéës .
Le rapporteur lit les pieces à la charge de Bô . Il est accusé
d'avoir dit , en passant à Reims , qu'il fallait que le fils
poignardât son pere , le pere son fils , et le frere sen frere ,
s'ils n'étaient pas à la hauteur de la révolution ; d'avòir dit
qu'il y avait assez de douze millions d'habitans en France ,
et qu'il fallait que le reste périt ; d'avoir pris les croix d'or
ades femmes , sous prétexte de Fanatisme. Il est décrété d'ar-
A
restation.old &
La séance est suspendue et reprise à huit heures du soir.
Piory sest accusé d'avoir écrit à une société populaire :
Vous vouliez un bon montagnard ; vous avez Ingrand : avec
Jui vous pouvez tout faire , tout emprisonner , tout déporter ,
tout guillotiner .: Ou demande au rapporteur si la copie de
celte lettre est en forme probante ; il répond qu'oui . L'arrestation
de Piorry est décrétée . £
13
Massieu est prévenu de vols concussions , persécutions
dans le département des Ardennes , complicité avec les assassins
. Les mêmes faits sont imputés , à peu de chose près , à
Chaudron-Rousseau . Leur arrestation est prononcée . Le reste
de la séance à demain get to SU
* ་
Séance de tridi , 23 Thermidor 11
པས །
Laplanche et Fouché ( de Nautes ) sont dénoncés à leur
tour par toutes les autorités constituées de Nevers . Arrestations
arbitraites , dilapidations , i terreurs ; ils érigerent en
morale Lépublicaine la dépravation des moeurs . Laplanche
invitait publiquement les filles à s'abandonner `anx hommes ,
et à faire des enfans dont la République avait besoin . Ce
fut Fouché qui commença à Nevers l'exécution du projet de
moraliser le peuple , en slui rendant la religion odieuse .
Il avait pour, émule Chaumette , né dans cette commune , et avec qui il était en correspondance suivic. Celui ci va à Ne- vers et concerte avec lui le projet d'ôter à la morale sa
base et de supprimer le culte . En conséquence , Fouché fait
démolir les églises et mettre sur les cimetieres cette inscrip- tiou : La mort n'est qu'un sommeil éternel . Une horde de
brigauds par lui choisis et soudoyés parcourent les campagnes
, affubiés de chasubles pillent les vases d'or et d'argent
destinés au culte , mangent les hosties consacrées , etc.
Le rapporteur lit des procès verbaux des arrêtés à la charge
de Fouché. Que la foudre deleve par humanité , écrivait-il
*
( 171 )
an departement de la Nievre. Ayons le courage de marcher
sur des cadavres pour arriver à la liberté.
3
J
Fouché a présenté au comité de législation un mémoire justificatif.
Il est dénoncé sous le regne de la justice , lui qui
ne cessa d'être persécuté sous celui de la terreur . Il a vu
très rarement Chaumette à Nevers ; il ne lui a pas parlé un
instant en particulier . Les arrêtés qu'il a pris pour l'échange de
l'or et de l'argent , etaient motivés par les décrets . Il n'a
exposé que les trésors des citoyens ; tandis que dans ce tems-là
on les embastillait en masse on les conduisait par charretées
a l'achafaud . Il défie qu'on Ini produise un seul mandat d'arrêt
qu'il ait signe. Il n'a point proscrit le culte ; bien loin d'en
avoir persécuté les ministres , il fit mettre en liberté les
réfractaires qui lui parurent seulement égarés , it veilia à ce
que les autres ne reçussent pas de 2 mauvais traitemens , il
Ppllaaççaadans les administrations plusieurs prêtres constitutionnels.
11 y avait des armées révolutionnaires dans tous les dépar
' temens il n'est pas responsable des désordres commis à
son insçu par quelques soldats de l'armée qu'il avait établie .
Il cite une proclamation qu'il adressa aux citoyens des départemens
ou il était en mission , et il oppose les expressions
de cette proclamation au reproche d'avoir protégé les
scélérats."LLooiinn d'avoir favorisé le systême de la terreuri
contribua beaucoup au renversement de ce systême , il fut
toujours moins rigoureux que les décrets , etc. ni allap 16
Le rapporteur cite le fait suivant en faveur de " Fouché :
On lui fait un crime au Comité décemviral d'avoir
dant sa mission à Lyon , destitue un ami de Châlier. Il prouva
que cet ami de Chalier s'était ffendn a - la- fois le dénoncia
teur et le juge de sept citoyens et s'était approprié leurs
dépouilles , au détriment de leurs héritiers . Cependant Robespierre
, furieux de la destitution d'une de ses créatures
tourna vers Fouché , et lui dit avec rage : Apprends que les
patriotes ne volent point , et
è tout leur appartient.
17
2
TC : ST
*
3
$
pen-
9 se
Laurençot accuse Fouché d'avoir favorisé la fainéantise; ea
arrêtant que des indigens seraient entretenus et nourris anx
frais des riches , de n'avoir rendu aucun compte des taxes
revolutionnaires qui , dans la seule commute de Nevers
furent de deux milions , d'avoir donné sa confiance à un
individu qui disait souvent : Prenons dans la poche des riches
pour donner aux sans - culottes , ôtons des places les têtes à
perruque , et mettons y des tailleurs , des cordonniers , des
perruquers ; ils ne seront pas savans , n'importe ? ' ils juge-
Tout en sans culottes , c'est- à - dire selon leur conscience:
Legend: et Tallien parlent e den faveur de Fouche : La Convention
, disent - ils , ne veut pas brigands dans son sein ;
mallieur à qui s'est enrichi aux dépens de Fétat ou des par
ticuliers . Mais le tems est passé où un représentant de pous
3
4
M
(-178 )
ctement
vait sans être accusé de complicité prendre la défense d'an
de ses collegues . Fouché , nominé président des jacobins par
le credit de Robespierre , n'en profta que pour signaler indi-
Robespierre comme un tyran. C'est lui qui démêla
le premier les semences de division qui naissaient parmi les
décemvirs , c'est lui qui chaque jour rendait aux patriotes,
un compte exact des progrès de la révolution qui s'avançait
avec le 9
thermidor. Il doit être regardé comme un des principaux
auteurs de cette révolution salutaire . Il dit la veille aux
patriotes : Il est tems de
de frapper
pper le tyran et le lendemain
Je tyran fat, frappe , Sous ce
pays , et , s'il n'est point
.
Fouche servit bien son
qu'il ait dilapide les deniers
de l'état , on doit passer à l'ordre du jour .
2 :
Après quelques débats , Fouché est décrété d'arrestation.
Les pieces contre Noël Pointe et Francastel sont renvoyées
à un nouvel examen da comité de législation .
La séance d'aujourd hui était destinée à célébrer l'anniver
saire de la memorable journée du 10 août. Les tribunes et
སུས །
la salle de la Convention étaient remplies. Une musique bril
lante annonce la fête.
Fermond profite d'un moment de repos pour donner des
upuvelles des colonies orientales . I annonce qu'elles sont
toujours à pous ; que les Français qui les habitent sont determinés
à petir , plutôt que de recevoir le jong des Anglais,
et qu'ils font à la patrie un don assez considerable.
Le conservatoire de musique exécute , au milieu des plus
vifs applaudissemens , un hymne dont les paroles sont de
Chénier , et la musique de Catel.
4
C
ㄅㄨˊ
sne
Daunou , président , prononce un discours qui est vivement
applandi : Il n'est plus ce gouvernement , dit l'orateur,
ce gouvernement vil autant qu'absurde , sous lequel un peuple
anmense n'etait occupé que de la destinée de ses oppres
sacrifie à une idole.
seurs ! Dans les monarchies tout est
Dans les états libre
libres , les fêtes ne celebrent et ne consacrent
ape les mémorables événemens de la grande famille natio
pale. Le canon du 14 juillet avait éveille la liberté française;
la foudre du 10 août abattit les pouvoirs rivaux de la sou-
Vieille
monarveraineté
du peuple on voit l'édifice de la
shie s'écrouler en un seul jour : les vainqueurs s'étonnerent
de leurs succès , le secret de la
eux mêmes
de la facilit
et
faiblesse des tyrans fut révélé à tous les peuples .
Vous qui voudriez nous ramener à la servitude , despotes
coalisés contre nous , venez , sur les débris d'un trône dont
l'éclat vous éblouissait autrefois , reconnaître la caducité de
Youre empire ; les siecles loin d'en consolider les fondemens
, ne font que les affaiblir . Si vous voulez rendre votre
domination éternelle , arrêtez donc les progrès de la raison
univernelle.
( 373 )
Pour préparer la chute du trône , on s'était élancé beancoup
trop au- delà des bornes de la liberté. La sanguinaire
anarchie ne tarda pas à associer ses fureurs aux élans du
patriotisme des brigands se mêlerent avec les conquérans
de la liberté. Ceux qui ont suivi pendant trois années de suite
le fil de la révolution française , ont vu d'un côté le crime ,
le Brigandage et l'opprobre ; de l'autre , la gloire , les vertus
et la probité. Pendant que le génie de Pitt creusait le tom
beau des républicains , nos braves defenseurs repoussaient
les soldats des rois jusqu'aux pieds de leurs trônes , et leur
gloire était comme un voile qui couvrait les forfaits des conspirateurs
de l'intérieur. Nos braves défenseurs ne counaissaient
d'autre intérêt que celui de la Republique , d'autre
chemin que celui de la victoire ils ont réduit à une égale
impuissance la ligue des rois et celle des amis de la terreur.
Peut-on célébrer la chute de la royauté , sans penser a ceux
qui ont foudroyé les esclaves qui voulaient la retablir ? La
journee du 10 août est trop liec avec celle de Fleurus , de
Jemmappes et de Quiberon , pour qu'il soit permis de les
séparer.
•
C'est un beau spectacle que celui que présente aujourd'hui
la France . La guerre est abrégée et presque finie par nos
continuels triomphes . La Republique nagueres isolée du reste
de l'Europe , en rattache la moitié à ses intérêts et à son
alliance. Le téroce Anglais est réduit à voir , du haut de ses
flottes impuissantes , l'échafaud de ceux qu'il a vomis sur nos
côtes. L'humanité efface les traces de la tyrannie , et l'equite
déchire les pages sanglantes des lois decemvirales. Le peuple
à la veille de jouir des bienfaits de la paix et d'une coustitution
républicaine , dans laquelle chacen de ses représen
tans a déposé le tribut de son patriotisme , de son expé
rience et de ses lumieres .
est
C'est aujourd'hui la premiere fois que nous célébrons vračment
l'anniversaire de l'affranchissement du peuple . En 1793,
cette fête eut l'air d'une fête funebre , parce que des tyrans .
aussi en avaient ordonné les apprêts ; elle fut célébree dans
le silence de l'épouvante , et fut comme le prélude d'un
nouvel esclavage , et Finauguration de la terreur . L'année
derniére , vous étiez encore environnés des complices des
tyrans abattus le 9 thermidor , et la vertu ue pouvait se rés
jouir en présence de tous les crimes . Mais aujourd'hui nous
célébrons cet anniversaire au milieu des trophées et des traités
de paix . C'est la fête du 14 juillet , du 10 août , des victimes
du 31 mai , et des héros du g thermidor, Confondons tous
nos voeux , toutes nos intentions.
Puisse cette journée éteindre le Rambeau des vengeances !
puisse l'équité pardonner à l'erreur , et ue poursuivte que le
crime puissions nous enfiu ne pas retrouver la royauté dans
M 3
((174-))
·
le sein des discordés ! La premiere pierre de l'autel de la
clémence doit être posée en ce jour consacrons enfin à la
République ce palais qui a vu tomber le dernier de nos rois :
que cette tribune , d'où un ttyran plus affreux encore a été
précipité , ne voie désormais, que des amis de la vérité , des
principes , et que des défenseurs des droits du peuple .
La Convention décrete que ce discours sera imprimé et
envoyé aux départemens et aux armées .
Doulcer , au nom du comité de salut public , termine la
fête en lisant une dépêche de Kellermann , général en chef
des armées des Alpes et d'Italie , qui porte que nous avons
remporté plusieurs avantages sur l'armée austro - sarde . Nos
troupes , quoiqu'inférieures en nombre , combattent avec le
plus grand courage . L'ennemi n'a pas gagné un pouce de ,
terrein depuis un mois. L'instant approche où elle recevra
de nombreux renforts : les héros du Rhin et des Pyrénées
se dirigent vers les Alpes , et lui feront reprendre l'attitude
qu'elle doit avoir. Doulcet propose de décréter que l'armée
des Alpes ne cesse de bien mériter de la patrie . Cette proposition
est adoptée .
Séance de quartidi , 24 Thermidor.
Les représentans du peuple près l'armée du Nord et de
Sambre et Meuse, écrivent qu'une compagnie de grenadiers
s'est mise en révolte ouverte qu'elle voulait assassiner, un
chef de brigade . Il a fallu se précipiter au travers des bayon
nettes croisées sur sa poitrine pour le sauver. Onze des principaux
séditieux ont été mis en jugement. Le reste a été licencié
et renvoyé à Givet.¸.
Les commissions on tribunaux révolutionnaires ont aussi
condamné des citoyens innocens à la déportation ou à la
peine des fers . La justice démande la revision de leur jugement.
Boissy- d'Anglas propose de charger le comité de législation
de tracer les formes à suivre pour cette motion . Cette
proposition est adoptée.
Une députation de la section de Bonne -Nouvelle vient demander
des lois repressives de l'agiotage , et le rétablissement
de l'ancien calendrier , le nouveau étant nuisible aux opérations
commerciales . Cette seconde partie de sa pétition entraîne
une discussion . Villers dit que la section est dans l'erreur
à cet égard ; qu'une des puissances les plus commerçantes de
l'Europe , la Russie , a un calendrier tont different de celui
des autres peuples , et que personne n'a entendu dire que
ses spéculations commerciales en souffrissent. Il ajoute qu'il ,
n'est pas étonnant que les sections de Paris viennent dicter
en quelque sorte des lois à la Convention , qu'
u'elles émettent
leur voeu comme si c'était celui de la masse du peuple , puiss
qu'elles ont seules le droit de s'assembler et d'exereer des
$
( 175 )
droits qui sont suspendus dans tous les départemens et con
clut en demandant la suspension des assemblées de decadi
ou du moins que les comités fassent un rapport à cet égard .
L'Assemblée adopte la seconde partie de cete, motion .
Lehardy pense que le calendrier républicain ne peut déplaire
qu'aux ignoraus. Il convient cependant qu'il offre quelques
taches , telles que la denomination des sans - cukottides donnée ,
anx jours complémentaires . Mais il croit qu'elles peuvent être
aisément effacées , et il demande qu'il soit soumis à un nouvel
examen du comité d'instruction publique . Décrété.
Delaunay ( d'Angers ) , au nom frdu comité de sûreté générale
, fait un rapport sur la nécessité de donner plus d'actis
vité et d'énergie à la police de Paris , pour y comprimer les
malveillans de toute espece que cette commune renferme ,
et il fait décréter que la commission administrative de la
police de Paris sera composée de trois membres seulement .
nommés par la Convention sur la présentation des comtés ;
qu'ils opéreront sous la surveillance immédiate du comité de
sûreté générale , et auront le choix de leurs agens. Les maisons
d'arrêt et de justice seront sous leur inspection . Leur traitement
sera de 12,000 liv . chacun , et ils n'exerceront qu'en
Costume.
"
L'on ouvre la discussion sur le projet de jury constitu➡
tionnaire . Berlier , au nom de la commission des onze , annonce
qu'après avoir bien discuté et bien réfléchi sur le plan de
Sieyes , elle, s'est convaincue que son adoption n'était pas
nécessaire pour le maintien de la constitution , et elle
pose de s'en tenir au titre qu'elle a présenté sur sa revision
Plusieurs membres parlent pour et contre . La discussion est
ajournée.
Séance de quintidi, 25 Thermidor.
·pros
Boissy-d'Anglas , au nom des comités de salut public , de
sûreté générale et de législation , expose que la Convention
ayant renvoyé , par son décret d'hier , à ses comités , la ques->
tion de savoir s'il ne faudrait pas suspendre la tenue des
assemblées générales des sections de Paris , comme elles le
sont dans tous les départemens , ils ont reconnu que de n'é -T
tait pas le cas , attendu que la constitution va être mise en
activité , de même qu'un nouveau mode d'administration
il propose l'ordre du jour sur cette motion.
et
Talot s'y oppose , et dit que les sections de Paris ne doi
vent pas être privilégiees ; qu'elles sont maintenant dirigées
par des intrigans , et qu'elles viennent provoquer des troue »
bles et allumer le flambeau de la discorde au milieu de la
Convention.
1
Roux appuie Boissy-d'Anglas , par le motif que les sections I
remplissent les fonctions municipales , Paris n'ayant point de?
?
M
4
( 176 )
municipalité. L'Assemblée adopte le projet de décret présenté
par Boissy.
•
Sur le rapport du comité des finances , la Convention décrete
qu'il est permis de souscrire et mettre en circolation ,
de gré à gré , comme par le passé , les effets et billets au
porteur , et que , dans la prohibition portée par le décret du
8 novembre 1792 , n'est pas comprise la défense de les
émettre , lorsqu ils n'ont pas pour objet de remplacer ou de
suppleer la monnaie."
Le citoyen Ansehne Jordy fait hommage à la Convention
d'un mémoire , contenant des vues pour l'amélioration et la
régénération des moeurs de la République
On ouvre la discussion sur la question de savoir s'il y
aura une jure constitutionnaire , et si l'on adinettra le plan
de son organisation proposé par Sieyes. Eschasseriaux appuie
cette institution , qu'il regarde comme le pallatium de la constitation
. Berlier et Lesage ( d'Eure et Loire ) pensent le contraire.
Ils craignent que ce corps ne se substitué à l'autorité
qu'il surveillera. Its croient que la constitution doit trouver
sa garantie en elle- même , dans la sagesse de ses institutions,
la confiance du peuple , son amour pour les lois , et dans
les moeurs républicaines . Ils demandent la question préalable ;
elle est adoptée.
Les douze premiers articles du titre XII de la révision
de la constitution sout ensuite décrétés , et ceux concernant
les colonies sont renvoyés à l'examen de la commission
des ouze .
Séance de sextidi , 26 Thermidor.
La commune de Versailles soumet à l'Assemblée ses divers
besoins , qui sont nombreux et urgents . André Dumont dit
que peu de communes dans la Republique ont fait des sacrifices
plus etendus . Il demande qu'on renvoie à l'examen de la
commission des onze , la question de savoir , s'il ne convien
drait pas qu'un des couseils siégeât dans une commune différente
, et il pense que Versailles offres à l'un des deux une
résidence vraiment digne de la majesté nationale, Renvoi à
la commission .
Daunou , rapporteur , fait lecture de la déclaration des
droits. Le 1er. article porte que les hommes máissent et demeurent
libres et égaux en droits , Mailhe demande que cet
arucle soit rejetté selon lui , les hommes ne demeurent pas
égaux en droits , puisque la constitution exige des conditions
pour l'exercice des droits de citoyen . Lanjuinais ajoute qu'il
n'y a pas loin de- là aux atteintes à la propriété , et qu'il
n'est pas, sans exemple qu'on ait conclu de l'égalité en droits
qu'on devait être aussi égal en facultés. Garand- Coulon dé(
177 )
fend l'article , ainsi que Bentabolle . Après quelques débats 7
l'article est maintenu.
:
Un autre article en excite encore ; c'est celui qui définit
ainsi l'égalité Elle consiste en ce que la loi est la même
pour tous , etc. Pour concilier les opinions , on y ajoute ces
mots : Elle n'admet aucune distinction de naissance ni héré
dité de pouvoirs. Le reste de la déclaration des droits est
adopté , de même que celle des devoirs . En voici les bâses :
Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on
vous fit. Faites constamment aux autres le bien què vods
voudriez en recevoir.
Suite de l'acte constitutionnel pouvoir judiciaire.
,, XXV. Toute personne saisie et conduite devant l'officier
de police , será examinée sur- le-champ , on au plus tard
dans les vingt- quatre heures.
,, XXVI . S'il résulte de l'examen qu'il n'y a aucun sujet
d'inculpation contre elle , elle sera remise aussi- tôt en liberté ;
on s'il y a lieu , de l'envoyer à la maison d'arrêt , elle y
sera conduite dans le plus bref délai , qui , en aucun cas
ne pourra excéder trois jours .
" XXVII . Nulle personne arrêtée ne peut être retenue
si elle donne caution suffisante , dans tous les cas où la loi
permet de rester libre sous le cautionnement.
,, XXVIII . Nulle personne , dans le cas où sa détention
est autorisce par la loi , ne peut être conduite ou détenue
que dans les lieux légalement et publiquement désignés
pour servir de maison d'arrêt , de maison de justice ou de
détention .
,, XXIX. Nul gardien ou geolier ne peut recevoir ni retenir
aucune personne qu'en vertu d'un mandat d'arrêt , d'une ordonnance
de prise de corps , d'un décret d'accusation ou
d'un jugement de condamnation à prison ou détention correctionnelle
, et sans que la transcription en ait été faite sur
Ason registre .
2
9 XXX. Tout gardien ou geolier est tenu , sans qu'aucun
ordre puisse l'en dispenser , de représenter la personne du
détenu à l'officier civil ayant la police de la maison de détention
toutes les fois qu'il en sera requis par l'officier civil.
,, XXXI , La représentation de la persoane detenue ene
pourra de même être refusée à ses parens et amis , porteurs de
l'ordre de l'officier civil , lequel sera toujours tenu de l'accorder,
à moins que le gardien ou geolier ne représente une ordonnance
du juge , transcrite sur son registre , pour tenir la
personne arrêtée au secret.
XXXII . Tout homme , quelle que soit sa place ou son
emploi , autre que ceux à qui le loi donne le droit d'arres(
178 )
tation , qui donnera , signera , exécutera ou fera exécuter
Fordre d'arrêter un individu , ou quiconque , même dans le
eas d'arrestation autorisée par la loi , conduira , recevra ou
tiendra un individu dans un lieu de detention , non publi-,
quement et légalement désigné , et tous les gardiens ou geoliers
qui contreviendront aux dispositions des articles .......
ci -dessus seront coupables du crime de detention arbitraire . ››
PARIS. Nonidi 29 Thermidor , l'an 3e . de la République.
.99
Le plan d'un jury constitutionnaire présenté par Sieyes
à la Convention nationale , a fait sur l'opinion publique
des impressions bien opposées , selon les différentes dispositions
des esprits et la mesure de leurs lumieres . Dans
le même jour il éprouvait une critique complette , ou
recevait des éloges sans bornes . Tel écrivain regardait
ce projet comme une des plus belles conceptions législatives
qui aient été trouvées depuis long - tems , et
" un grand pas fait vers le perfectionnement du gouvernement
représentatif. Tel autre trouvait au
contraire cette conception tout- à- fait bizarre , et déclarait
qu'après l'avoir bien approfondie il était fort éloigné
de l'admirer. Des publicistes en témoignant la plus
grande estime pour le fonds en ont critiqué la forme ;
mais un censeur , à la vérité le plus pressé de tous
avait affirmé , dès le lendemain que ce projet était ou
le plus perfide ou le plus bete qu'il fût possible de concevoir .
Cependant la commission des onze , à qui ce projet
avait été renvoyé pour l'examiner , a prouvé en l'adop
tant , du moins en partie , après une mûre discussion
qu'il n'était pas de nature à être jugé légerement , encore
moins accueilli avec un mépris aussi avide que
pitoyable. La Convention l'a enfin rejetté ; elle a craint
de confier à l'expérience cette idée neuve et profonde ,
mais il sera toujours honorable pour son auteur de l'avoir
ajoutée à celle de la division du territoire français
en départemens , et aux développemens donnés à la fameuse
question : QU'EST - CE QUE LE TIERS -ÉTAT ?
A mesure que nous avançons vers le terme de la révolution
, vers l'instant si desiré où l'ordre social sera
réorganisé définitivement , les partisans des factions
diverses, qui tendent ou au rétablissement de la monarchie
absolue , ou à fonder la royauté mitigée , multi(
179 )
plient leurs efforts pour alterer la confiance dans le systême
républicain . Ces efforts ont été si audacieux et si
coupables que le gouvernement avait cru devoir employer
des mesures extrêmes pour réprimer une malveillance
qui ne prenait pas même la peine de déguiser
ses intentions ; il a sévi contre des écrivains acharnés
à pervertir l'esprit public de toutes les manieres . Cette
sévérité , quoique justement appliquée , n'en blessait pas
moins les principes , et l'opinion l'a vivement censurée ;
mais déja le moyen que nous indiquions dans notre
avant dernier numéro était mis en usage. Des écrivains
sages et éclairés n'ont pas dédaigné d'entrer en lice et
de se mesurer avec nos zoïles politiques. Mêlant avec
décence la finesse du persiflage polémique à la solidité
du raisonnement , ils les pressent avec vigueur jusques
dans leurs derniers retranchemens , prouvent la turpitude
des uns , la légereté inconsidérée de quelques
autres , et repoussant d'une main sûre les sophismes , et le
machiavelisme éhonté préparent à la vérité et à la rai · ¸
son les avantages qu'on voudrait leur enlever , et leur
rendent cette force et cet éclat qui doivent rallier les
esprits et restituer à l'opinion publique toute sa recti
tude .
L'anniversaire du 14 juillet et du 9 thermidor n'avaient
été célébré que dans l'enceinte de la Convention
nationale. La fête du 10 août a été solemnelle
et publique ; il eût été peu sage de concentrer le souvenir
de cette journée glorieuse et vraiment décisive . La
journée du g thermidor ne l'était pas moins sans doute ,
mais elle fut plus particulierement l'ouvrage de la Convention
, et peut-être que plus d'éclat n eût servi qu'à
rappeller des idées trop funebres , et à réveiller mal - àpropos
des sensations douloureuses. ì
Tous les citoyens ont été appellés à prendre part
à la fête de la République , célébrée le matin dans
l'intérieur de la Convention nationale ; elle s'est répétée
le soir dans le jardin des Tuileries qui était rempli
d'un concours prodigieux de spectateurs. Des hymnes
composés et exécutés par les plus hábiles artistes faisaient
tous les frais de cette fête nationale . On n'y voyait
aucuns monumens qui , en frappant Limagination , auraient
ôté à la pensée républicaine ce qu'ils auraient
fourni au ressentiment et aux préjugés . Un jour , la
République consolidée et heureuse pourra doaner plus
( 180 )
d'étendue´aux´souvenirs publics , et plus d'appareil à
ses solemnités .
-La commission de police administrative de Paris a fait
publier dans différens papiers la lettre suivante , daiée du
24 thermidor : +
:66 Plusieurs journalistes ont annoncé dans leurs feuilles
" que la fille du dernier roi de France n'était plus à Paris ,
99; et qu'elle était à Choisy : le fait est faux , elle est toujours
19. aŭ Temple. "
Signes , les membres de la commission .
DURET , ALLITZ .
L'état actuel dès maisons d'arrêt dans Paris porte le nombre
des prisonniers à 3,418.
Des lettres de Londres annoncent que d'Artois est arrivé
dans cette capitale de la Grande -Bretagne . On ajoute que son
projet était de penetrer en France par la route de Quiberon
si l'expedition avait réussi .
On annonce que le général Wimpfen vient d'obtenir så
liberté.
Détail sur l'événement désastreux arrivé à Nice.
1
« Le 3 , à deux heures de l'après midi , on entendit tontà-
coup un bruit impétueux , répété à deux reprises , le second
beaucoup plus fort que le premier , et une commotion considérable
qui lui succeda ; en même tems des pierres violemment
lancées vinrent écraser le faite de quelques maisous ,
et une grande quantité de vitres rompirent avec fracas . La
terreur se répandit dans les esprits ; les uns fuyaient , les
antres fermaient leurs boutiques , tout le monde était plongé
dans l'incertitude la plus dechirante , lorsqu'on apprit qu'un
atelier situé hors de la ville , et où l'on fabriquait les gargousses
, les cartouches et autres artifices de guerre , venait
de sauter avec un fracas épouvantable. On s'y transporta
avec hâte ; il fut impossible de porter aucun secours aux
infortunés qui étaient renfermés dans cet enclos ; deja ils
n'étaient plus.... Des militaires ayant voulu approcher de
l'incendie , pour accourir au secours de leurs camarades , un
caisson plein de gargousses a crevé tout- à -coup et a tué les
uns et estropiè les autres . On appréhendait que le feu ne se
communiquát à un magasin considérable de poudre qui n'était
qu'à quelque distance ; mais on prit sur-le- champ les précantions
convenables , et on est parvenu à épargner cette perte™
fichease .
Il a eté impossible d'approcher de l'incendie de tout le
jours à mesure qu'il s'étendait , des obus et des bombes qui
( 181 )
taient chargés éclataient avec un bruit terrible. Toutes le
maisons du port , de l'autre côté , duquel cet établissement
était situé , ont essuyé des pertes notables . Les équipages de
plusieurs bâtimens marchands ont été maltraités , et deux
matelots grecs out été tués ; deux factionnaires ont été écrasés
à la porte par les pierres et les décombres que l'explosion
lançait à une distance considérable de son foyer : une femme
qui allaitait son enfant a eu le bras cassé ; l'innocent n'a pas
reçu la plus petite blessure . Les maisons voisines du magasin ont
été renversées ou très- dégradées , des quartiers de pierre ,
d'un poids effrayant , ont été portés à plus de deux mille pas .
Tout le sol des environs a été couvert de débris de balles
et de boulets . Un jeune citoyen , que le desir de soulager
les malheureux avait entraîné dans les endroits où il craignait
d'en trouver , se présente devant une bastide ; il y trouve un
vieillard et un enfant qui pleuraient à chaudes larmes ; il leur
demande le sujet de leur douleur ; il n'en reçoit point de
réponse ; il insiste et leur offre ses services ; ils l'invitent à
se tourner, et il apperçoit le cadavre d'une jeune femme ,
dont la cervelle était répandue sur la muraille .
29 On fait monter le nombre des morts à 150 , parmi lesquels
se trouvent beaucoup de femmes qui étaient occupees à faire
des gargousses et des cartouches . Les troupes qui sont campées
au Lazaret ont aussi éprouvé quelque perte ; la plus
grande partie de leurs tentes ont été renversées ; quelques
soldats out été blessés , mais on ne parle que de deux ou
trois morts .
Si cet accident fût arrivé deux jours plutôt , il anrajt
été bien plus terrible ; une quantité considérable de cartouches
, qu'on ne faisait que d'envoyer à l'armée , auraient
augmenté le désastre. Les dommages qu'a reçu la ville , proprement
dite , sont de peu de conséquence , l'effet , de l'explosion
ayant été absorbé et détourné par la hauteur sur
laquelle est situé le fort et qui a forme comme un mur de
séparation entre nous et le volcan destructeur . 12
Vannes , le 16 thermidor , troisieme année , etc.
Les circonstances sont en résultat des avantages remportés
Quiberon ; tout semble changer de face : les habitans de la
campagne reviennent en foule à la Republique. J'espere qu'avec
des mesures sages et bien exécutées , il sera facile de ramener
la paix .
Les commissions continuent à aller à Vannes , elles ont
terminé leur pénible besogne ; 188 émigrés sont morts en
quatre jours , après un interrogatoire où ils ont eu toute la
latitude qu'ils pouvaient exiger. Plusieurs sopt morts en criant
vive le rai ! d'autres ont montré du courage , mais très- peu
lors de leur interrogatoire.
(( (182 )
Les chouans sont ici au nombre de 2,700 ; ce soir on
Iassure qu'il ca arrive , 1 à 1500. Je crois qu'on va les juger
des demain. On assure qu'ils déclares out leurs chefs et les
mencis qui , dit - on , fourmillent dans les villes
de scaputies
or dall
" Au moment où je vous écris , il est positif que près
d'Auvray , au lieu de Pluvigny , 500 chouans devaient se
rendre et poser les armes . ont donné connaissance d'un
dépôt
A Elevait , 300 , dit on , ont
posé les armes . Un capitaine de colonne mobile , arrivé hier
de Quintin , nous a rapporté que leurs chefs craign: ient beau .
coup que l'armée ne connût au fond l'affaire de Quiberon :
aussi avaient-ils promis que ceux qui Finstruiraient seraient
passés au fil de l'épée et leurs maisons brûlées . Ils n'auront
pas pu empêcher qu'elle ne l'ait bientôt appris . Je ne sais
si je me trompe , mais cela va operer le plus grand bien. Il
me semble que si un décret ordonnait à tout homme de se
rendre dans la commune où il est né ', et que les armes fussent
enlevées aux habitans des départemens insurgés cela rémedirait
à tout le mal que cette révolte a pu causer.
,, M. l'évêque de Dot some frere , son grand- vicaire , Sombreuil
fils , agé de 23 ans ‡ Broglie Charles , fils cadet du maréchal ,
ont le fusillés ici . Ils n'ont pas montré cette fermeté qu ons
-devait attendre .
2011
erg , Beaucoup de chefs des corps , sur- tout du génie , sont
dupinombre des fusilles ; beaucoup de prêtes qui venaient
"prêcher les vrpisades. Si les proclamations de Puisaye n'ont
pas d'autres resultats je lui conseille , s'il veut conserver
Ten nombre sou parti , de le dispenser à l'avenir d'en faire .
593 cOnba strouvé un catéchisone très- curieux ; ensemble le
tableau de leurs operations qui tendaient à faire périr la
-Conventionlet ceux qui la soutiennent . Sans doute ils auraieut
tenté cette odieuse entreprise s'ils avaient pu faire une
"troucendi X
-Sombreuil a dit publiquement qu'on les avait trompés ,
et que le roi d'Angleterie et Poisaye l'avaient assuré que les
departemens qui separaient l'Ocean de Paris , étaient en insurrection'
, et qu'ils se préparaient à marcher contre la Con-
Veinidli
39 On débite qué les Anglais ont jetté sur hos côtes 125
ém grés . Its on laisse sur une des isles les plus près de Quiberon
ufende quantite de prêtres et chouans . Voilà ce genereux
ministere !
$ 9,3uras desiré vous faire passer la lettre de Sombreuil au
Tôi d'Angleterre , dans laquelle il dénonce Puisaye comme
ayaut frahi. Hoche l'a , sans doute ; il en aura donné connaisvance
au tomitė 19
21011
( 183 )
Suite des observations sur les chomans par ROUGET DELISLE.
( Voyez le n° . 64 , page 118. )
homme
Eh bien le croirez vous ? dans ce pays où croît at
e reproduit sans cesse ' vraie de la superstition ; dans ces
deplorables trées où circule avec tant de violence tout ce
que la haine , la vengeance , la rage , l'hypocrisie peuve
distiller du venin le plus acre et le plas subtil ; là , ´ dis je ,
se trouvent des communes entieres qui ont su se maintenir
T'abri de la contagion et repousser les attaques, des brigands ,
et les atteintes du fanatisme ; là se trouvent de simples habitans
de la campagne qui , journellement hargeles par les chouans
isoles , sans autre secours que leur courage et leur industrie ,
on su resister également aux menaces , aux pièges et aux
Sarmes de ces miserables . Parmi ces derniers , nous avons distingué
un paysan des environs de Viure , qui fut représentans par des patriotes de cette ville : cet aux
extrêmement petit , d'une complexion qui paraît très faible
avait long- tems defenda tontre les
harrue et sa
fermé qu'il habitait seul , avec sa femme et un enfant de dix
aus. Un jour l'ennemi vient l'attaquer en les grand nombre
il se hâle de barricader sa porte , et s'elance dans son jardin
avec trois ou quatre fusifs dont il était possesseur : couvert
par les haies , it fait un feu terrible ; sa femme chargeait ses
armes à fur et à mesure ; et pendant ce tems la l'enfant promenait
, dans le jardin , un chapeau qu'il
avait Place au
d'un bâton . Les chouans finissent par croire que cette malheureuse
chaumiere contient un grand nombre de defens
et prennent la fuite après avoir perdu plusieurs hommes
mais le brave villageois fut obligé de venir à Vitré chercher
un asyle contre des persécutions dont il eût tốt outard cte
la victime .
༈ ་
letenseurs
129 11
ab
2515
33855
Et nos volontaires , où prendrai je des couleurs assez
fortes pour peindre leur intrépidite , leur dévouement , leur
résignation héroïque ? C'est une chose à laquelle on le voudra
pas croire , et qui n'en est pas moins de la plus exacte
vérité. Ces hommies étonnans semblent être devenus insensibles
au manque de vivies , au défaut de vêtemens , aux caprices
des saisons , comme ils le sont aux dangers et à la
fatigue . Le besoin de combattre , de vaincre , de voir trioms
pher de tous ses ennemis la cause auguste de la République
et de la liberté , est le seul besoin qui soit digne d'occuper
leurs ames magnanimes. Dans l'intérieur de ces départemens ,
où le moindre courier ne peut s'aventurer sans escorte , nous
les avons vus , quelquefois sans souliers , faire douze , quinze
lieues par jour , arriver le soir dans de miserables hameaux ,
où ils ne trouvaient ni pain ni asyle , et le lendemain être
( 184 )
les premiers à presser notre départ. Cette patience coura
gense qui se roidit contre toute espece de gênes et de pri
vations est le partage de tous aucune distinction à cet
égard entre le robuste habitant de la campagne , façonné dès
l'enfance aux travaux et aux fatigues , et le jeune volontaire
élevé dans les villes au sein de l'opulence et des plaisirs .
Nous avons en pour escorte , pendant quelques jours , 15
jeunes gens de la légion nantaise , qui allaient rejoindre leur
corps à l'armée devant Quiberon , tous fils de négocians ou
de riches propriétaires . Il est impossible de mettre plus de
zele et d'exactitude dans le service , d'avoir une tenue plus
décente , de se conduire avec un dévouement plus vrai et
moins fastueux . Le soir , à la chute du jour , ils ne manquaient
jamais de chanter en cheur quelques - uns de nos
hymnes patriotiques ; leur chant favori est celui qui a pour
refrein
79
"
Mourons pour la patrie,
C'est le sort le plus beau , le plus digne d'envie.
13
"
1
[
"
99 C'était une chose vraiment attendrissante et digne de la
simplicité des tems antiques , que d'entendre , à la lueur de
la lune , ces paroles touchantes retentir au loin dans , les
forêts , et poursuivre jusqu'au fond de leurs repaires les mé
prisables ennemis , dont le seul aspect de cette brave jeunesse
comprimait la rage et les projets sanguinaires . Arrivés
au camp , nous les trouvâmes réunis à leur bataillon , commandé
par le brave Lenormand et qui faisait partie de
l'avant - garde. Ce bataillon s'est distingué dans toutes les
affaires où il s'est
trouvé , et sur- tout dans l'affaire décisive .
Il est un de ceux que le general a désignés comme meritant
une mention honorable. A quelque distance du fort Penthievre
, je rencontrai un de ces jeunes gens qui s'acheminait
vers le camp à petits pas , et en se retournant souvent
du côté de l'ennemi, Où allez- vous , camarade ? lui cria, je :
tes vous blessé ? Oh ce n'est rien : ce n'est qu'un doigt
cassé , me répondit il avec un leger sourire , et en tirant de
sa veste sa main qu'une balle avait traversée. ??
+
--
130 MG
t #
J. RIDELISLE. 197
C
C I.
とて
ן י
L * ,
VIDE US A
L
Per: 135.
( No. 67. )
MERCURE FRANÇAIS
QUINTIDI FRUCTIDOR , l'an troisieme de la République.
( Samedi 22 Août 1795 , vieux style . )
LÉGISLATION.
ABOLITION DE LAPEINE DE MORT ou dangers d'admettre les
supplices dans un état sagement gouverné. Brochure in- 8 ° .
de 56 pages; par A. LEMAIRE . A Paris , chez
imprimeur- libraire , rue du Cimetiere- Saint- André- des - Arcs,
n° . 6 .
LA question de la peine de mort a souvent occupé
la pensée des philosophes et des amis de l'humanité
et son abolition a été plus d'une fois l'objet des voeux
de leur ame sensible . Les anciens législateurs , sur- tout
chez les peuples libres , ont été extrêmement réservés
sur les cas où cette peine pouvait être infligée. L'exil
ou la déportation étaient la punition la plus ordinaire
des grands délits qui troublaient l'ordre social . Ils
avaient pensé que le plus grand châtiment que pût
éprouver un citoyen , c'était d'être condamné à vivre
loin de sa patrié , et à errer chez des peuples étrangers
sans savoir où reposer sa tête plus dignes de nos éloges
se fussent souvenu que leurs esclaves pour qui ils
avaient gardé la peine de mort , étaient aussi des hommes ,"
et s'ils les eussent compris dans l'application de ce beau
vers de Térence : Homo sum , humani nihil à me alienum
putong pame
"
Ce fut après la chûte de là république romaine , lorsque
ces tyrans soupçonneux et cruels , appellés empe
reurs , crurent ne pouvoir conserver l'autorité qu'ils
avaient usurpée que par le spectacle sans cesse renouvellé
de la terreur , que la peine de mort devint fréquente
à Rome , et passa dans leur code de sang qui
n'était plus l'ouvrage du sénat et du peuple : les hor
ribles persécutions exercées contre les premiers prosélytes
du christianisme , familiariserent les Romains avec
Tome XVII. silly si do
( 186 )
ces affreuses boucheries humaines ; mais lorsque dans
la suite les chrétiens devinrent à leur tour dominateurs
par la protection que leur accorda Constantin les persécutés
jouerent le rôle de persécuteurs , et le fanatisme
religieux alluma par- tout des bûchers , ou éleva des
échafauds. Ainsi , ce fut à la double influence et à la
réunion d'intérêt des tyraus et des prêtres , que l'on
dut en Europe T'établissement de ces lois criminelles
et barbares qui ont effrayé l'humanité pendant plus de
dix siecles .
Montesquieu dans plusieurs chapitres de l'Esprit des
lois , commença à réclamer contre plusieurs abus de
notre jurisprudence criminelle ; il n'osa pas aller jusqu'à
proposer ouvertement l'abolition de la peine de mort ;
mais on voit , au soin qu'il prend de recommander aux
legislateurs la moderation des peines , que ce voeu était
dans son coeur. .. LL''eexxppéérriieennccee ,, ddiitt-iill ,, a fait remarquer
que , dans les pays où les peines sont douces , l'esprit du
citoyen, en est frappé , comme il l'est ailleurs par les
grandes, Pqur qui connaît la maniere de Montesquieu.
ces lignes ne sont pas équivoques.
Le sensible Rousseau , écrivant sous l'oeil de nos gouvernemens
modernes , c'est- à-dire absolus , parut hési
ter sur cette question. Mais quand il dit : Il n'y a
point de méchant qu'on ne pût rendre bon à quelque
chose , on n'a droit de faire mourir , même pour l'exem ,
ple , que celui qu'on ne peut conserver sans danger ; "
il est aisé de juger de ses principes.
་
Un jeune philosophe de Milan osa seul réclamer au
nom de l'humanité contre la peine de mort ; ce fut.
Beccaria . Tout le monde connaît le succès prodigieux,
qu'obtint le Traité des délits et des peines . Cet ouvrage ,
écrit avec chaleur , produisit une véritable révolution
dans les idées sur la jurisprudence criminelle. 11 fut
éloquemment secondé en France par un jeune magistrat
du parlement de Grenoble. Le discours de Servan
sur l'administration de la justice criminelle fut une protestation
immortelle contre les abus et les préjugés , qui
regnaient dans cette partie de la législation. On a beaucoup
écrit depuis sur cette matiere ; mais il est juste.
de remarquer que la gloire des premieres idées appar
tient aux deux auteurs que nous venons d'indiquer.
Celui de la brochure que nous annonçons , croit que
le moment est venu de retracer ces prit pes dictés par
la raison et la philosophie , et de provoquer de nos
1187 )
legislateurs l'abolition de la peine de mort. Témoin
des longs massacres judiciaires qui ont couvert la France
de sang et de deuil , pendant les dernieres années de
notre révolution , son ame sensible s'est soulevée d'indignation
, et dans les transports de sa colere philoso
phique il demande qu'on brise enfin tous ces instrumens
de douleur et de supplice inventés pour mutiler
et égorger l'espece humaine . Plein de l'émotion que lui a
inspirée le tableau de tant de scenes funebres , sa plume
n'a pu se défendre du désordre qu'a dû produire dans ses
idées le genre d'impression et de sentimens dont il a
été affecté . Ce désordre qu'on est disposé bien volontiers
à lui pardonner , ne permet gueies de se livrer à
une analyse méthodique et raisonnée de son ouvrage .
Mais on retrouve l'ensemble de ses idées dans le résumé
qu'il en donne , et ce résumé suffit pour les faire connaître
. :
La peine de mort , dit- il , est injuste par cela seul
qu'on peut en abuser ;
Parce qu'on peut punir un innocent , ce qui devrait
être une calamité publique ;
Parce que la mort n'est pas le seul moyen d'arrêter
le crime ;
Parce qu'elle est immorale , et que sans moeurs , point
de principes ; sans principes , point de bonnes lois ; sans
bonnes lois , point de contrat social ;
119. C
Parce qu'elle place 1 homme au- dessous de la bête
féroce ;
Parce qu'elle a plus servi à faire de mal que de bien ;
Parce qu'elle n'a point corrigé les hommes et qu'elle
n'a servi qu'à les rendre esclaves par la terreur et l'avilissement
, ou barbares par l'exemple trop fréquent des
supplices ;
Parce que le meurtrier juridique est aussi abhorré
que l'assassin qu'il égorge , et que charger légalement
un citoyen d'exercer un métier qui le couvre d'opprobre ,
c'est être injuste ;
Parce qu'elle n'est nécessaire qu'à un gouvernement
faible ouricieux ;
Parce qu'elle sert de spectacle plutôt que d'exemple ,
et qu'elle inspire moins d'effroi que de compassion;
Parce que les grands coupables sont trop peu punis
par une douleur aussi prompte que l'éclair , que beaucoup
affronten , quand sur - tout le désespoir les rend
indifférens sur la vic ;
N :
( 188 )
Parce que , dans tous les tems , il y a eu plus de scélérats
dorés impunis , que d'assassins en guenilles sacri-
Lés ;
Parce qu'enfin , en punissant un assassinat prémédité ,
souvent commis par le désespoir , la misere et la faim ,
la loi en commet un autre avec méthode et de sangfroid.
"
Si l'on veut connaître la maniere de peindre de
l'auteur , on peut jetter les yeux sur l'appareil effrayant
et la description qu'il fait d'un supplice tel que ceux
sur lesquels nous avons eu trop long - tems à gémir
dans ces tems de tyrannie et de calamité .
-
Où va cette foule immense ? où court- elle ? Je la
suis , je m'attends à voir quelque nouveauté surpre
nante. J'arrive dans la place publique , un théâtre est
dresse , les toits sont déja couverts de curieux impatiens
, toutes les fenêtres sont garnies de femmes élégantes
; on rit , on folâtre en attendant les acteurs ; on
se presse pour jouir plus à son aise de la scene qui se
prépare ; des applaudissemens , des cris perçans annoncent
qu'on va jouir du spectacle attendu . Mais que
vois-je ! un chariot sinistre lentement traîné ; des hommes
armés qui précedent ce lugubre convoi , fendent la multitude
entassée ... C'est un vieillard en cheveux blancs ,
c'est une jeune beauté , tous deux déclarés coupables ;
qu'on amene les mains attachées derriere le dos . Un
homme à figure patibulaire tient la corde qui les enchaîne
; la pâleur et l'effroi sont peints sur leurs visages...
Leurs yeux ternes osent à peine se lever vers le ciel ,
tranquille témoin de leur lente agonie. Le silence le
plus profond semble glacer la curiosité tumultueuse ;...
ils arrivent , ils descendent , ils s'embrassent ; .... les dernieres
larmes arrosent leurs joues palpitantes des convulsions
de la mort..... On les porte , ou plutôt on les
traîne au degré fatal qui va les conduire à la nuit éternelle
..... ils se courbent pour ne jamais se redresser ;
un large tranchant tombe , frappe , ils ne sont déja plus ... ~
Je veux fuir ..... la presse me retient. On applaudit , on
crie de nouveau , ce sont leurs têtes mourantes qu'une
main barbare tient par leurs cheveux sanglans ; ...... on
les offre à l'avidité des regards .... Des animaux carnaciers
qu'on appelle des hommes , attirés par l'odeur des
cadavres , dansent autour de l'échafaud ; le sang tombe
goutte à goutte sur leur face hideuse .... ils s'en abreuvent
!...... les bourreaux emportent et dépouillent
( 189 )
leur proie ...... la foule se retire ...... je fuis tout consterné
!...
" Grand dieu ! me disais - je , comment peut- on tuer
des femmes ? Barbares , ne craignez - vous pas d'immolerà
la fois et le fruit et la mere ? Oui , la mere d'une créature
innocente qu'elle aime mieux voir périr dans son
sein que de lui donner une existence odieuse .
" Ce n'est point à un exemple , c'est donc à un spectacle
que tout ce peuple accourt ? Une curiosité dénaturée
l'y conduit. A- t-il été contempler la vengeance
imposante de la loi ? Non. S'est- il pénétré d'une religieuse
horreur pour le crime ? Non. L'homme de bien
en est-il revenu meilleur ? Non. Il a gémi sur les victimes.
L'homme pervers a-t - il abjuré le complot qu'il
méditait ? Non. Il s'est dit : Mais on ne souffre qu'un
instant ; il s'est familiarisé avec cette idée ; il s'est fortifié
dans sa funeste résolution . S'il veut commettre un
meurtre , son instinct , semblable à celui de la bête carnaciere
, s'est réveillé à la vue du sang ; son ame s'est
endurcie davantage ; il n'attend que le moment d'exercer
sa férocité . ,,
L'auteur s'éleve avec énergie contre une de ces inventions
révolutionnaires , connue sous le nom de mise
hors de la loi.
Les rois mettaient la tête à prix ; leurs imitateurs
forcenés n'ont pas manqué de suivre leur exemple.
Législateur atroce et sanguinaire , sais - tu quel excès
de barbarie tu praclames en dévouant la tête d'un
homme qui n'a plus le pouvoir de défendre la plas.
sacrée des propriétés , la vie ? Sais-tu que tes arrêts cruels
constituent tout- à- coup bourreaux tous les citoyens de
P'état , et les transforment en assassins ? Sais - tu que tu
fais un enthousiaste féroce de l'homme simple qui se
confie à ta prétendue sagesse qu'il prend pour guide ?!
Mais , ô rafinement d'horreur ! tu insultes à la nature ; tu
la dévores. Les sentimens les plus chers à l'homme disparaissent
devant ton exécrable anathême. La reconnaissance
, la tendresse , la divine amitié , l'amour filial ,
la charité paternelle , tout est anéanti ! Tu me proscris ,
parce quej'abhorre tes crimes ; je fuis ; ma femme ou mon
ami , mon frere ou mon pere m'ouvrent leurs bras pro
tecteurs , ma mere m'arrose de ses pleurs , je reçois un
asyle dans leurs foyers , on me poursuit , tu m'y trouves ,
tu nous égorges tous !... Famille infortunée de Guadet ,
c'est ta proscription qui m'a fourni cette apostrophe .
(
N3
( 190 )
L'auteur aurait pu ajouter qu'à la gloire de la morale
publique , malgré ces proscriptions légales , il n'y a pas
eu un seul exemple qu'un citoyen ait voulu se charger
du rôle infâme de délateur , ni de bourreau ; tant il est
vrai que des législateurs doivent s'attendre à l'inexécution
des lois , lorsque celles- ci outragent la nature , la
confiance et tous les sentimens moraux .
y
Le cit . Lemaire demande comment il se peut qu'il
ait des bourreaux dans un état libre où l'on ne peut
forcer un citoyen à se charger d'un pareil ministere ?
comment se peut- il qu'il s'organise , en quelque sorte ,
dans un état , une cotterie d'hommes qui se destinent,
à faire l'épouvantable métier d'égorgeur banal ? Mais
ce qu'il y a de plus inconcevable , c'est qu'un bourreau
trouve des valets , et que , s'il est bien salarié par le gouvernement
, il ne soit que l'ordonnateur en chef des supplices
. Des valets de bourreau ! .. quel titre , grand dieu !
Infâme , si la livrée du carnage est de ton goût , si tu
dois vivre de morts et te baigner dans le sang , vas , vas ,
te vautrer sur ta proie en lambeaux , avec les loups tes
confreres , dans le fond des déserts . N'étale pas à nos
yeux ta dévorante adresse et ton industrieuse ragé . Si
ton ame n'était pas dégradée , l'atroce profession que
tu fais n'eût jamais été de ton choix . "
On voit par ces citations que l'auteur s'est plus attaché
à produire des impressions fortes , qu'à traiter son
sujet sous le rapport du raisonnement. Cet abandon
d'une imagination profondement révoltée contre les
atrocités des lois pénales , annonce une sensibilité et
une philantropie dont on n est pas toujours le maître
de modérer l'expression . C'est le reproche que l'on
peut faire à l'auteur de cette brochure . En chargeant
trop les couleurs de ses tableaux , souvent on en affaiblit
l'effet ; au lieu d'exciter l'émotion , on n'inspire
que l'horreur et l'effroi , et il est rare que des expressions
trop exagérées s'accordent avec la juste mesure
qu'exige le goût ; mais on est excusable d'en oublier
les lois séveres , quand on plaide la cause de l'humanité..
Beccaria a traité une question de droit positif que
le cit . Lemaire n'a laissé qu'entrevoir , c'est celle de
savoir si la société a le droit de vie et de mort sur
chacun de ses membres. Le philosophe de Milan soutient
la négative , et il se fonde sur le principe que
nul homme n'ayant le droit de disposer de sa propre
( 191
)
( 191 )
vie , n'a pu le donner à un seul , ou à la société entiere.
Il est vrai qu'un autre auteur italien , infiniment
recommandable , Filangieri , a combattu l'opinion de
Beccaria , dans son ouvrage intitulé : La Science de la
législation . Il prétend que tout homme , dans l'état d'indépendance
, ayant le droit de défense naturelle , et
pouvant tuer l'aggresseur qui l'attaque , la société se
trouve substituée au droit qu'avait celui qui a été injustement
attaqué . Il faut convenir que cette maniere
de raisonner est plus subtile que solide . Car si l'homme,
dans l'état de nature , peut repousser la force par la
force , et même tuer son aggresseur , ce droit ne sau
rait exister que dans le moment même de l'attaque .
Très - certainement celui qui serait parvenu à se débarrasser
des mins de son aggresseur , n'aurait plus le
droit d'aller attendre son ennemi au coin d'un bois et
de le tuer , lorsque sa vie n'est plus en danger. Or ,
que fait la société lorsqu'elle condamne à mort un meurtrier
ou tout autre criminel ? Elle le fait égorger de
sang-froid long-tems après que le crime a été commis ;
le cas instantané de la défense naturelle n'existe plus ;
ce n'est plus qu'une vengeance réfléchie. Il est aisé de
voir que la société n'a exercé dans l'origine le droit
de punir de mort , que pour empêcher les vengeances
particulieres , qui seraient devenues trop fréquentes et
pour ainsi dire héréditaires . Mais dans un état social ,
organisé depuis long- tems , ce motif ne doit plus avoird'influence
. Il ne doit plus s'agir de vengeance ; mais.
seulement d'empêcher le coupable de nuire , et de
rendre son châtiment utile . Or ce double but peut être
rempli sans recourir à la peine de mort. Au reste, dans
quelque gouvernement que ce soit , il serait imprudent
d'abolir la peine de mort , avant d'avoir pris toutes les
mesures législatives qui tendent à perfectionner l'ordre
social et à prévenir les crimes , objet qui malheureusement
a toujours été trop négligé par les législateurs ..
1
Tacb ro
I
06
( 192 )
MÉLANGES.
Suite des maximes détachées de CHAMPFORT , extraites de ses
auvres , actuellement sous presse ( 1) .
JAMAIS le monde n'est connu par les livres ; on l'a dit
autrefois , mais ce qu'on n'a pas dit , c'est la raison ; la
voici. C'est que cette connaissance est un résultat de
mille observations fines dont l'amour- propre n'ose faire
confidence à personne , pas même au meilleur ami . On
craint de se montrer comme un homme occupé de petites
choses , quoique ces petites choses soient très -importantes
au succès des plus grandes affaires .
On peut considérer l'édifice métaphyfique de la société
comme un édifice matériel qui serait composé de
différentes niches ou compartimens d'une grandeur
plus ou moins considérable. Les places avec leurs prérogatives
, lleeuurrss ddrrooiittss ,, eettcc.. ,, forment ces divers compartimens
, ces différentes niches . Elles sont durables et.
les hommes passent . Ceux qui les occupent sont tantôt
grands , tantôt petits , et aucun ou presqu'aucun n'est
fait pour sa place . Là , c'est un géant courbé ou accroupi
dans sa niche ; là , c'est un nain sous une arcade :
rarement la niche est faite pour la stature. Autour de
l'édifice circule une foule d'hommes de différentes
tailles . Ils attendent tous qu'il y ait une niche de vide ,
afin de s'y placer , quelle qu'elle soit . Chacun fait valoir
ses droits , c'est - à- dire sa naissance , ou ses protections
, pour y être admis . On sifflerait celui qui , pour
avoir la préférence , ferait valoir la proportion qui existe
entre la niche et l'homme , entre l'instrument et l'étui .
Les concurrens même s'abstiennent d'objecter à leur
adversaire cette disproportion.
On donne des repas de dix louis ou de vingt à des
gens en faveur de chacun desquels on ne donnerait pas
(1) Ces maximes , ainsi que celles qui ont été rapportées
dans un de nos précédens numéros , sont extraites de la
Decade philosophique.
( 193 )
un petit écu , pour qu'ils fissent une bonne igestion
de ce même dîner de vingt louis.
On n'imagine pas combien il faut d'esprit pour n'être
jamais ridicule.
A la cour tout est courtisan , le prince du sang , le
chapelain de semaine , le chirurgien de quartier , l'apothicaire
.
La société , les cercles , les sallons , ce qu'on appelle
lc monde , est une piece misérable , un mauvais opéra ,
sans intérêt , qui se soutient un peu par les machines et
les décorations.
Quand on veut plaire dans le monde , il faut se résoudre
à se laisser apprendre beaucoup de choses qu'on
sait , par des gens qui les ignorent..
Les conversations ressemblent aux voyages qu'on fait
sur l'eau : on s'écarte de la terre sans presque le sentir ,
et l'on ne s'apperçoit qu'on a quitté le bord que quand
on est déja bien loin.
Les idées du public ne sauraient manquer d'être
presque toujours viles et basses . Comme il ne lui revient
guere que des scandales et des actions d'une indécence
marquée , il teint de ces mêmes couleurs presque tous
les faits ou les discours qui passent jusqu'à lui . Voit-il
une liaison même de la plus noble espece , entre un
grand seigneur et un homme de mérite , entre un homme
en place et un particulier ? Il ne voit dans le premier
cas qu'un protecteur et un client ; dans le second , que
du manége et de l'espionnage , Souvent dans un acte
de générosité , mêlé de circonstances nobles et intéressantes
, il ne voit que de l'argent prêté à un homme
habile par une dupe. Dans le fait qui donne de la publicité
à une passion quelquefois très - intéressante d'une
femme honnête et d'un homme digne d'être , aimé , il
ne voit que du catinisme ou du libertinage. C'est que
ses jugemens sont déterminés d'avance par le grand
nombre de cas où il a dû condamner et mépriser. Il
résulte de ces observations , que ce qui peut arriver de
mieux aux honnêtes gens , c'est de lui échapper.
Quiconque n'a pas de caractere n'est pas un homme ,
c'est une chose .
La calomnie est comme la guêpe qui vous importune
et contre laquelle il ne faut faire aucun mouvement ,
moins qu'on ne soit sûr de la tuer , sans quoi elle revient
à la charge , plus furieuse que jamais .
La pauvreté met le crime au rabais .
( 194 )
Le jansénisme des chrétiens c'est le stoïcisme des
payens , dégradé de figure et mis à la portée d'une populace
chrétienne ; et cette secte a eu des Pascal et des
Arnaud pour défenseurs !
Le monde et la société ressemblent à une bibliotheque
où au premier coup d'oeil tout paraît en regle , parce que
les livres y sont placés suivant le format et la grandeur
deess volumes , mais où dans le fond tout est en désordre,
parce que rien n'y est rangé suivant l'ordre des sciences ,
des matieres , ni des auteurs .
C'est par notre amour propre que l'amour nous séduit ;
hé ! comment résister à un sentiment qui embellit à nos
yeux ce que nous avons , nous rend ce que nous avons
perdu , et nous donne ce que nous n'avons pas ?
Les jeunes femmes ont un malheur qui leur est commun
avec les rois , celui de n'avoir point d'amis . Mais
heureusement elles ne sentent pas ce malheur plus que
les rois eux -mêmes . La grandeur des uns et la vanité des
autres leur en dérobe le sentiment .
Pour qu'une liaison d'homme à femme soit vraiment
interessante , il faut qu'il y ait entre eux jouissance , memoire
ou desir.
Il y a des redites pour l'oreille et pour l'esprit ; il n'y
en a point pour le coeur.
Qu'est-ce que c'est qu'une maîtresse ? Une femme
près de laquelle on ne se souvient plus de ce qu'on
sait par coeur , c'est- à- dire de tous les défauts de son
sexe.
Le tems a fait succéder dans la galanterie le piquant
du scandale au piquant du mysteré .
En amour , tout est vrai , tout est faux ; et c'est la
seule chose sur laquelle on ne puisse pas dire une
absurdité.
Paris , ville d'amusemens , de plaisirs , etc. , où les
quatre cinquiemes des habitans meurent de chagrin.
Les pauvres sont les negres de l'Europe .
Chant de douleur sur la mort d'un adolescent.
JEUNES EUNES GENS , cessez vos ris , cessez vos jeux ; que
VOS têtes se couvrent de deuil , que vos yeux se
mouillent de pleurs ; légal de vos années , le com(
195 )
pagnon de vos plaisirs , un adolescent est mort ! La
nature perd son éleve , la patrie son espoir , vous un
ami , un émule de vos jeux inaocens ! Ne craignez point
que j'interrompe jamais vos délassemens précieux pour
déplorer la perte d'un vieillard décrépit ; celui- ci n'est
pas mort , il a fini. Il a parcouru la carriere , il a atteint
le but , il a dépensé la somme de forces qu'il avait
reçue , et ne s'est éteint qu'après les avoir épuisées .
Mais ce doit être un jour funebre pour la nature entiere
ce jour où meurt un jeune homme devant qui la
barriere allait s'ouvrir , qui ne connaissait encore que
les maux et les peines qu'il en coûte pour être admis
à l'entrée de la lice , et qui n'avait encore vu que dans
l'éloignement les attraits et les charmes de l'existence .
On ne s'afflige pas en parcourant la campagne , à la vue
d'une plante qui s'est désséchée après avoir fourni son
fruit ; mais on éprouve un sentiment de regret et de
douleur , en voyant que la charrue a tranché celle qui
parfumait les lieux voisins . Dans les routes de la
vie la plante desséchée est le vieillard , le jeune
homme est la fleur que le soc a coupée : c'est à ses
contemporains , c'est sur- tout à ceux qui naquirent et
crûrent avec lui , à répandre des larmes sur sa tombe ;
comme eux il avait la vigueur de l'âge , l'ardeur de la
jeunesse , l'expansion de la vie comme eux il croyait
re jamais finir , et cependant la mort , la mort l'a frappé.
Jeunes gens , sa perte est un avertissement de la destinée
qui vous menace ; songez , songez sans cesse que
si un seul jour voit naître et se dissiper le parfum des
fleurs , le plus court espace de tems peut amener la mort
de chacun de vous et la destruction de la jeunesse en
tiere !
A. JOURDAN.
&
ANNON C E.
Élémens d'Histoire Naturelle , à l'usage de la jeunesse , par
A. L. Millin ; volume in - 8° . de près de 500 pages . Prix ,
25 liv . broché pour Paris , et 33 liv . franc de port par la
poste.
A Paris , chez H. Agasse , rue des Poitevins , n° . 18 .
( 196 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 9 août 1795 .
D's lettres de la capitale de l'Empire ottoman , en date
du 1er juillet , représentent le divan comme n'étant pas
éloigné de prendre part à la guerre , pourvu que les puissances
qui le poussent à la faire , lui garantissent les conquêtes
qu'il se promet. Cependant le déployement des forces turques
ne pourra avoir lieu que quand le capitan pacha aura balayé
les mers des corsaires Maltois , et soumis le pacha de Damas
dans le trésor duquel on espere trouver plus de 15 millious
de piastres .
La tranquillité est rétablie dans Belgrade entierement évacué
par les rebelles . Le pacha a promulgué dans toute la Servie
T'ordre qu'il a reçu du grand - seigneur d'exterminer tous les
chefs de la révolte : il paie deux ducats par chaque tête qu'on
lui apporte , et quatre pour toute personne qu'on lui amene en vie.
Le ministre prussien a fait le 19 du mois dernier une visite
avec toute l'étiquette d'usage au ministre de France qui l'a
lui a rendue ; le ministere turc a témoigné sa satisfaction du
rétablissement de la bonne harmonic entre les deux puissances
.
On écrit de Stockholm qu'on travaille sans relâche , dans
le port de Carlscroon , à la construction de nouveaux vaisseaux
de guerre ; on doit en lancer incessamment un de
90 canons et un de 84 : indépendamment de ces vaisseaux
de ligne , on construit près de Calmar et sur l'Eland des
bâtimens de moyenne grandeur , tels que frégates , bricks ,
cutters .
Le nouvel ambassadeur de Suede en Danemarck a en sa
premiere audience du roi et du prince royal ; il en a été reçu
comme l'envoyé d'une cour avec laquelle on a les plus grandes
liaisons d'intérêt et d'amitié .
Suivant des lettres authentiques de Varsovie , le lieutenant
général de sa majesté l'impératrice de toutes les Russies , et
gouverneur général de Minck , d'Izsaskow et Braclaw , a fait
publier le 28 juin dernier un manifeste où sont tracées les
t
1197 )
dernieres limites que la Russie fixe en Pologne. La ligne de
démarcation commence , en partant des anciennes from
›› tieres entre la Russie et la Gallicie , et en suivant l'ancienne
frontiere des possessions autrichiennes jusqu'à la riviere
1 du Bog, d'où l'on descend ensuite la même rivierejusqu'aux
" frontieres de la Lithuanie , extension qui comprend tout
ensemble le reste de la Volhinie et de Chelm , situé sur
99 la rive droite du Bog , de maniere que toutes les terres
9 les districts et les villes , conjointement avec les parties
des palatinats de Beltz et de Russie , appartiendraient à
99 jamais aux états de l'empire russe . Il n'est parlé aucu
nement dans ce manifeste des palatinats de Lublin , de
Sendomir , de Cracovie , non plus que du sort futur de
Varsovie .
1
Le vaisseau de la compagnie danoise des Indes orientales ,
arrivé le 28 juillet dans la rade de Copenhague , a rapporté
des lettres du cap de Bonne- Espérance , qui portent que cette
franpossession
hollandaise avait reçu l'avis que les troupes
çaises avaient occupé la république Batave d'après le voeu du
peuple , et qu'ainsi , l'on défendrait le cap contre les Auglais en
cas d'attaque.
Le bruit court ici , que la paix vient d'être conclue eutre
la France et l'Empire , et on ne croit pas qu'elle tarde à
l'être avec l'Autriche .
On s'accorde aussi à dire que l'escadre russe n'entreprendra
rien contre la France , quoique l'Angleterie lui ait offert deux
millions sterlings .
De Francfort -sur-le-Mein , le 13 août.
En Allemagne , les veux pour la paix n'ont jamais été aussi
ardens qu'ils le sont maintenant. Le poids de la guerre est
insupportable au paysan comme à l'habitant des villes . Il est
à craindre que la moisson , qui est fort abondante cette an
née , ne devienne la proie du soldat . Déja ils se permettent
d'arracher les pommes de terre dans les champs , et sont
imités par les pauvres . Le danger paraît d'autant plus grand ,
que cette année une grande partie de terrein n'a pu être cultivée.
Il se trouve dans ces environs trois régimens prussiens.
On n'a point , il est vrai , à s'en plaindre ; mais il n'en est
pas ainsi des autres rives du Rhin , où les plaintes sont générales
.
On voit marcher continuellement des troupes autrichiennes
par le Haut- Rhin , parmi lesquelles se trouvent plusieurs pon
tonniers. Il est difficile de concevoir quel peut être leur but.
L'armée de Pichegru est très-forte , et il est difficile de sone
( 198 )
ger à rien entreprendre contr'elle . Quelques personnes pré-
-tendent que , pour faire diversion , les Autrichiens doivent
tenter un coup désespéré . Il s'agirait , dans cette hypothese ,
de tenter de pénétrer par la Suisse. Ceux qui sont de cet
avis ajoutent que , dans ce cas , à la tête de l'armée seraient
les émigrés , qu'on sacrifiera , s'il le faut . Et que le cabinet
de Vienne pense , qu'en cas que ce plan ne réussisse point ,
il ne pourra nuire en rien à ses négociations futures ; au lieu
que , s'il venait à être couronné du succès , il mettrait en déroute
le congrès de Bâle , et arrêterait conséquemment la
paix de l'Empire.
On mande de Ratisbonne , en date du 30 juillet , que l'on
continue à recevoir les suffrages relativement à la députation de
l'Empire , au congrès de pacification . La majorité des suffrages
emis jusqu'à ce jour était pour une députation de Mayence ,
Saxe , Autriche , Brême , Augsbourg et Francfort. Des lettres
postérieures apprennent que la ratification de l'empereur du
dervier conclusum de l'Empire , est arrivée à Ratisbonne le 2 de
de mois . On assure que l'empereur a donné sa sanction à tous
Les points , nommément à la médiation du roi de Prusse ; à
l'égard de l'armistice et du lieu du congrès de pacification , il
ée réserve de s'expliquer ultérieurement d'après les circonstances.
Une lettre de Hambourg , du 1er août , s'exprime ainsi :
Le prince Frédéric d'Orange , deuxieme fils du ci - devant
stadthouder , arriva ici samedi dernier et en partit peu après
pour Osnabruck ; on croit qu'il va se mettre à la tête de
20,000 hommes soldés par l'Angleterre , pour tenter la conquête
de la Hollande ; et l'on remarque que la femme du
stadthouder ne cesse de travailler à Berlin pour intéresser le
roi de Prusse , son frere , au sort de sa famille ; mais il n'y
a pas d'apparence qu'elle réussisse , du moins à en juger par
la démarche du cabinet prussien , qui vient de nommer le
comte de Rode ambassadeur auprès de la République Française.
Le duc de Bourbon , venant de Mulheim , est arrivé le
2 goût dans notre ville de Francfort , et est reparti le lendemain
matin; il va , dit- on , s'embarquer pour l'Angleterre..
Le comté d'Artois a écrit au prince de Condé pour l'infarmer
de son départ pour la Bretagne . Il faut qu'il soit bien
mal servi en nouvelles ; car il lui fait part , dans sa lettre ,
du plein succès que M. de Puisaye a obtenu à la premiere descente
; il termine en l'entretenant de ses brillantes espérances
lorsqu'il sera rendu à la tête des royalistes , o un vaisseau
( 199 )
1
anglais et une fregate doivent le porter , comme le lord
Grenville le lui a offert , au nom du roi d'Angleterre.
ITALIE. De Turin , le 22 juillet .
On n'apprend pas que les armées respectives aient changé
de position . Les Français occupent toujours la ligne qui s'étend
d'Albengua à Orméa , delă au col de Tende , d'où elle se
prolonge par le col de Fenestre , jusqu'à l'Argentiere , frontiere
du Piémont , du comté de Nice et de Provence , pris
sur toute la ligne qui sépare la Savoie du Piémont mais
ils ont peu de monde sur cette derniere frontiere où ils occupent
, sur les montagnes , des postes qui peuvent être
défendus par un petit nombre de troupes .
Un rapport du capitaine du vaisseau. anglais l'Agamemnon ,
arrivé à Genes , le 17 , nous apprend que le feu s'était déja
manifesté dans le vaisseau français l'Alcide , lorsque les Anglais
envoyerent deux chaloupes qui sauverent 250 à 300 hommes
de l'équipage français , avant l'explosion qui fit sauter le
vaisseau ; ils ont été faits prisonniers . La flotte anglaise arriva
le 15 à Saint- Florent , elle n'a eu que deux vaisseaux endommagés.
Une flotte anglaise est dans les parages de Vado , depuis
fe 16; on croit qu'elle est à la poursuite d'un convoi génois ,
parti pour les côtes de Provence.
Les choses en étaient là à cette époque ; mais voici
qu'en apprend par des lettres postérieures :
Du 27 juillet . Plusieurs renforts arrivés aux Français
dans la vallée de Queiras , vers le mont Dauphin et le col
Maurin, ont fait penser que leur projet était de faire une
diversion , cu ataquant les postes piémomtals dans les vallées
de Vraita et de Bellino . On a fait aussi - tôt des dispositions
pour faire avancer vers ces vallées et du côté de Saluces divers
corps d'infanterie et de cavalerie .
De Gênes , le 29 juillet . Toutes les lettres annoncent que
les intentions des Français semblent être sérieuses et offens
sives au centre et à la gauche , mais seulement défensives à
la droite , pour tenir l'aimée autrichienne en échec dans notre
riviere. Cependant l'armée de la République conserve toutes
ses positions , d'où il sera mal-aisé de la déloger , attends
qu'elle s'y est bien fortifiée.
Le 27 , les Autrichiens firent une attaque très - vive à Narino,
dans le marquisat de Balestrino ; mais ils furent repoussés
avec une grande perte , et on a va beaucoup de leurs blessés
qu'on a hansportés à Savone. On parle aussi d'une autre
4
( 200 )
action qui eut lien en même tems auprès de Borghetto , endelà
de Loano , où les Français ont eu un avantage.
Il est arrivé à l'armée française de nouveaux représentans ,
qui ont mis en requisition les jeunes gens des departemens
voisins .
:
On avait d'abord été mal instruit sur ce qui s'était passé
en Sardaigne des lettres de Cagliari , du io juillet , fournissent
de nouveaux renseignemens sur l'exactitude desquels
on peut compter.
3
Voici quelques détails des événemens qui ont eu lieu ici :
Le mouvement ne semble point avoir eu pour but le renversement
de l'ordre ou de la tranquillité publique , mais
seulement l'arrestation da général des troupes , et celle, de
l'intendant. Ces deux individus avaient excité , depuis longtems
, un mécontentement universel , et menaçaient la sûreté
d'un grand nombre de personnes honnêtes . Les insurgens ,
au nombre de 800 , se rassemblerent d'abord sure la place
d'armes , et de- là envoyerent trois députés au vice - roi pour
lui demander l'emprisonnement du général, et de l'intendant ,
ainsi que le secrétaire de ce dernier. Le vice roi erut devoir
déférer à cette demande . Aussi-tôt la multitude attroupée courag
pour arrêter elle- même l'intendant. Ce dernier fit mettre en
état de défense tous les hommes de sa maison ; mais il se
rendit sur la menace qui lui fut faite de mettre le feu à son
palais. Il fut tué alors avec son secretaire . On se porta ensuite
chez le général , qui fut conduit d'abord devant le vice roi , et
ensuite en prison . Le vice- roi ayant découvert que , parmi les
projets du général et de l'intendant , il y en avait un pour
faire appeller dans cette ville toutes le milices d'infanterie et
de cavalerie de plusieurs villes , et que ces corps avaient reçu
l'avis de se tenir prêts à marcher au premier ordre , publia
sur-le- champ une proclamation , qui défendait aux capitaines
de la milice des villes et des départemens de se rendre à
Cagliari , ou de s'assembler , sans un ordre signé de lui ou
du gouverneur de Sassari . Il fut ordonné , en outre , d'arrêter
plusieurs mal- intentionnés qui avaient tenté de faire un attronpement
de personnes armées sous prétexte de venir dans
cette capitale apporter des secours au gouvernement.
•
9
HOLLAND E.
La Haye , 20 juillet. Le 15 , les représentans provisoites da
peuple de Hollande ont decrété la convocation d'une con
vention nationale , d'après le plan proposé.
Des ordonnances très -séveres viennent de réprimer l'usure
et d'accapatement des comestibles. Cette mesure était d'autant
plus
( 2013 ))
plus nécessaire qu'un pain de seigle de six livres s'est vendu ,
ces jours passés , au prix d'un demi - florin,
Après l'épreuve faite sur deux régimens , on ne continuera
pas l'organisation de l'armée . Comme on suppose , non sans
vraisemblance , que c'est par l'effet d'un complot que la majeure
partie des soldats a préféré le congé au service de la
république , on leur a retenu la solde arriérée , et on ne leur
a accordé qu'un ducat pour s'en retourner chez eux .
Le 14 d'avril , le cap de Bonne - Espérance était encore au
pouvoir des Hollandais . On vient d'apprendre que le capitaine
Munko Moki , qui fut expedié au cap pour y porter la n
velle de la revolution opérée dans le gouvernemènt , y est arrivé
le 14 ...
nou-
Le différend sur la forme du gouvernement pour la partie
du Brabant , comprise dans le pays des états , est presque
termine . Ce district sera admis l'année prochaine à l'union
générale , à l'instar et avec les mêmes droits que les sept
provinces.
་་་ཚེ
La ville d'Amsterdam a ouvert un emprunt pour son compte,
dans lequel tous ses habitans qui possedent au- delà de
2,000 forins , sont obligés de s'intéresser . On promet trois et
demi pour cent d'intérêts .
La vente des biens du statdhouder a été différée de six semaines.
L'on attribue ce delai à l'arrivée d'un courier anglais
, qui doit avoir apporté une declaration de la cour de
Londres , contenant en substance : Que si les etats -généraux
font vendre les biens du prince d'Orange , le cabinet britaunique
se verra obligé d'user de représailles sur toutes les propriétés
particulieres des sujets hollandais.
Le nombre des Français diminue journellement dans cest
provinces ; tout se porte dans la Vendée .
S Les états généraux ont résolu de congédier , le . 31 août , tous
les Suisses qui se trouvent au service de l'Etat .
Il a été écrit aux ministres bataves à Paris , de faire les
représentations nécessaires pour que les biens que l'électeur
palatin possede dans le marquisat de Berg-op Zoom lui soient
rendas . Il a été aussi arrêté de notifier à la cour de Prusse l'alliance
conclue entre la Hollande et la France .
Tome XVII.
( 202 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRESIDENCE DE DAUN OU.
Séance de septidi , 27 Thermidor .
Lesage d'Eure et Loir ) avait dit que la belle- mere de
Dupin avait à Saint- Cloud une maison magnifique , et qu'elle
affichait un luxe insultant. D'après ces allégations , la Convention
avait décrété que les sceliés seraient apposés chez
elle. Il convient aujourd'hui qu'il a été l'organe du mensonge
et de la calonnie en regardant celui dont il tenait le fait comme
digne de sa confiance . Lesage s'est assuré que la citoyenne
Savin n'est plus la belle -mere de Dupin par le divorce de
sa fille , et que les meubles qui sont dans la maison de cette
citoyenne s'y trouvent depuis douze ans. Il demande le rap
port du décret. Adopté.
Daunou fait la relue de l'acte constitutionnel. Le titre concernant
le corps législatif éprouve quelques changemens.
L'article qui porte que pour être membre du conseil des cing
cents , il faut être marié ou veuf , est rapporté . Celui qui
statue que pour entrer dans ce conseil l'on doit avoir trente ans
accomplis est modifié . Il n'aura d'exécution que l'an sept de la
République , et jusqu'à cette époque l'âge de vingt - cinq ans
suffira .
Garan Coulon observe que la constitution ne parlé point
des suppléans . Il pense qu'il serait important qu'il y en eût.
Boissy d'Anglas est d'un avis contraire , et cite l'exemple du
parlement d'Angleterre , qui dure sept ans , et où il n'y a
pas de suppléans . La commission des onze est chargée de
T'examen de cette question.
Boissy ,, organe de la commission des onze , reproduit les
articles de la constitution , relatifs aux colonies , et dont le ler, a
été décrété. Les autres le sont successivement et sans discussion .
En voici la substance :
Les colonies sont divisées en départemens :
10. Saint- Domingue . Le corps législatif divisera cette isle
en départemens , qui seront au nombre de quatre au moins
et de six au plus.
2º . La Guadeloupe , Marie - Galande et la Desirade.
30. La Martinique.
4° . La Guiane et Cayenne.
5. Sainte- Lucie et Tabago.
( 203 )
60. L'isle de France .
7° . L'isle de la Réunion et les Indes orientales.
Jusqu'à la paix les fonctionnaires publics dans les colonies
seront nommés par le pouvoir exécutif.
Le corps législatif peut autoriser le directoire exécutif à déleguer
dans les colonies un ou plusieurs agens extraordinaires
suivant l'exigence des cas .
On demande que ces agens ne soient jamais délégués que
pour un tems limite , et cette proposition est adoptée .
Le corps législatif determine les rapports commerciaux des
colonies et de la métropole , et en regle les contributions .
On ne fera pas un titre particulier des articles concernans
les colonies ; mais chacun de ces articles sera inséré dans
celui des titres de la constitution auquel il est relatif .
Gouly expose à l'Assemblée la demande qu'il avait faite
à la commission et qu'elle a rejettée , d'un tribunal de cassation
particulier pour les colonies , situées au - delà du cap de
Bonne-Espérance ; il se fonde sur l'éloignement de ces colonies
.
Boissy combat cette proposition , il représente qu'il ne
doit y avoir qu'un seul tribunal de cassation pour toute
la république , que l'éloignement des lieux pourrait aussi
bien autoriser la demande d'un corps législatif particulier.
La demande faite par Gouly est éloignée par la question
préalable .
Suite de l'acte constitutionnel ; pouvoirjadiciaire.
9, XXXIII . Il y a dans chaque département , pour le juge
ment des delits dont la peine n'est ni afflictive , ni infamante ,
trois tribunaux correctionnels au moins , six au plus. Néanmoins
, la connaissance de ceux de ces délits dont la peine
n'excede pas , soit la valeur de trois journées de travail , soit
un emprisonnement de trois jours , est déléguée au juge de
paix , qui prononce en dernier ressort .
,, XXXIV. Chaque tribunal correctionnel est composé
d'un président , de deux juges de paix ou assesseurs de juges
de paix de la commune où il est établi , d'un commissaire
du pouvoir exécutif , nommé et destituable par le directoire
exécutif , et d'un greffier.
,, XXXV . Le président du tribunal correctionnel est pris ,
tous les six mois , et par tour , dans le tribunal civil du département
, les présidens exceptés .
99 XXXVI . Il y a appel des jugemens du tribunal correctionnel
par- devant le tribunal criminel du département. La
loi regle les conditions et les formes de cet appel .
,, XXXVII. Ea matiere de délit emportant peine afflictive
ou infamante , nulle personne ne peut être jugée que sur une
0 &
( 204 )
1
accusation admise par les jures , ou décrétée par le corps
legislatif , dans le cas où il lui appartient de décréter d'accusation
.
„ XXXVIII . Un premier jury déclare si l'accusation doit
être admise ou rejettee ; le fait est reconnu par un second
jury , et la peine déterminée par la loi est appliquée par des
tribunaux criminels .
9, XXXIX . Les jurés ne votent que par scrutin secret .
XL. Il y a daus , chaque departeinent autant de jurys
d'accusation que de tribunaux correctionnels . Les présideus
des tribunaux correctionnels en sont les directeurs , chacun
dans son arrondisssement.
,, LXI. Les fonctions de commissaire du pouvoir exécutif
et de greffier près le directeur du jury d'accusation , sont
rémplies par le commissaire du pouvoir exécutif et par le
greffier du tribunal correctionnel .
", XLII, Chaque directeur du jury d'accusation a la surveillance
immédiate sur tous les officiers de police de son
arrondissement.
,, XLIII . Le directeur du jury poursuit immédiatement
comme officier de police , sur les dénonciations que lui fait
l'accusateur public , soit d'office , soit d'apres les ordres du
directoire exécutif , 1. les attentats contie la liberté individuelle
des citoyens ; 2 ° . ceux commis contre le droit des
gens ; 3. la rebellion à l'exécution soit des jugemens , soit
de tous les actes exécutoires émanés des autorités constituées
; 4° . les troubles occasionnés et les voies de fait commis
pour entraver la perception des contributions , la libre circulation
des subsistances et d'autres objets du commerce .
,, XLIV . Il y a un tribunal criminel pour chaque département.
,, XLV. Le tribunal criminel est composé d'un président ,
d'un accusateur public , de quatre juges pris dans le tribunal
civil , du commissaire du pouvoir exécutif, près le même tribunal
ou de son substitut , et d'un greffier. Il y a dans , le
tribunal criminel du département de la Seine un vice prési
dent et un substitnt de l'accusateur public ce tribunal est
divisé en deux sections ; quatre membres de chacun des uribuuanx
civils y exercent les fonctions de juges .
» XLVI . Les deux présidens du tribunal civil ne peuvent
remplir les fonctions de juges au tribunal criminel.
,, XLVII . Les autres juges y font le service , chacun son
tour pendant six mois , dans l'ordre de leur nomination , et
ils ne peuvent , pendant ce tems , exercer aucune fonction
au tribunal civil,
,, XLVII . L'accusateur public est chargé , 10. de poursuivre
les délits sur les actes d'accusation admis par les. premiers
jurés ; 2 ° . de transmettre aux officiers de police les
( 205 )
dénonciations qui lui sont adressées directement ; 3° . de surveiller
les officiers de police et les directeurs du jury , et
d'agir contr'eux suivant la loi , en cas de négligence ou de
faits plus raves .
,, XLIX . Le commissaire du pouvoir exécutif est chargé ,
19. de requérir dans le cours de l'instruction pour la regularité
des formes , et avant le jogement pour l'application de
la loi ; 2º , de poursuivre l'exécution des jugemens rendus
par le tribunal criminel .
,, L. Les juges ne peuvent proposer aux jurés aucune
question complexe.
1 R
" LI. Le jury de jugment est composé de douze jurés au
moins ; l'accusé a la faculté d'en récuser , sans donner de
motifs , un nombre déterminé par la loi .
" LII. L'instruction devant le jury de jugement est publique
, et l'on ne peut refuser aux accusés le secours d'un
conseil , qu'ils ont la faculté de choisir , ou qui leur est
nommé d'office .
LIII. Toutes rigueurs employées dans les arrestations
on détentions , autres que celles prescrites par la loi , seront
également punies comme outrage fait à l'humanité .
2
99 LIV. Toute personne acquittée par no jury légal ne
peut plus être reprise ni accusée pour le même fait .
Suite de l'acte constitutionnel ; pouvoir judiciaire.
9
2
,, LV. II y a , pour toute la République
, un tribunal de cassation ; il prononce
10. sur les demandes en cassation contre les jugemens en dernier ressort rendus par les tribu- naux ; 20. sur les demandes en renvoi d'un tribunal à un autre
pour cause de suspicion légitime ou de sûreté publique ; 30. sur les réglemens de juges et les prises à partie contre
ua tribunal entier.
" LVI . Le tribunal de cassation ne peut jamais connaître
du fond des affaires ; mais il casse les jugemens rendus sur
des procédures dans lesquelles les formes ont été violées , qa
qui contiennent quelques contraventions expresses à la loi ;
et il renvoie le fond du procès au tribunal qui doit en con-
-naître .
LVII . Lorsqu'apres deux cassations le jugement du trojsieme
tribunal est attaqué par les mêmes moyens que les deux
premiers , la question ne peut plas être agitée au tribunal de
cassation , sans avoir été soumise au corps législatif , qui porte
une loi à laquelle le tribunal de cassation est tenu de se conformer.
h
,, LVIII. Chaque année , le tribunal de cassation est tenu
d'envoyer au corps législatif une députation qui lui présente
l'état des jugemens rendus , avec la notice en marge et le texte
de la loi qui a déterminé le jugement..
0.3
( 206 )
,, LIX. Le nombre des juges du tribunal de cassation ne
peut excéder les deux tiers des départemens .,
LX . Les juges de ce tribunal sont nommés pour cinq ans.
Il est renouvellé par cinquieme tous les aus ; chacun des
juges est nommé par les assemblées électorales de département
, lesquelles nomment en même tems un suppleant .
Séance d'octidi , 28 Thermidor.
Savary , au nom du comité de législation , fait un rapport
sur l'insuffisance et les inconvéniens des lois des 29 nivôse
et 11 pluviôse de l'an III , et il fait décréter que les jugemens
rendus révolutionnairement depuis le 10 mars 93
( vieux style ) , jusqu'au S nivôse de l'an III , contre des
personnes actuellement vivantes , portant peine afflictive ou
infamante , détention ou emprisonnement , sont declarés nonavenus
: que les prévenus sont renvoyes devant les tribunaux
criminels , où ils seront juges dans les formes ordinaires .
sans néanmoins que la peine qu'il y aurait lieu de leur infliger
puisse être plus grave que celle à laquelle ils ont éte deja
condamnés.
Loisel , au nom du comité des finances , soumet à la discussion
, les trois projets sur les monnaies dont l'Assemblee
avait ordonné l'impression et l'ajoarnement. Ils sont adoptés
avec quelques légers amendemens . Nous en avons déja donné
la substance .
Doucet , organe du comité de salut public , lit une lettre
du général Kellermann , qui annonce que l'armée d'Italie ,
quoiqu'inférieure à l'ennemi , se bat journellement avec lui
et reste victorieuse . Le 17 , on lui a fait 36 prisonniers . Il
fait filer des troupes vers la droite de l'armée , pour une
nouvelle attaque , mais les dispositions sont faites pour le bien
recevoir.
Daunou , rapporteur de la commission des onze , dit qu'elle
examiné la question des suppléans et que les articles qu'il
va proposer en sont le résultat . Ils portent que dans le cas
où les deux conseils seraient réduits aux deux tiers , le directoire
exécutif convoquera les assemblées primaires dans les
départemens qui ont des membres à remplacer ; qu'elles nommeront
des corps electoraux qui éliront d'après les formes
prescrites des députés en remplacement. Ces articles sont
adoptés.
Le même membre rend compte de l'examen qu'a fait aussi
la commission de l'opinion d'André Dumont , sur le placement
des deux conseils dans deux communes . Elle persiste à
croire qu'ils doivent résider dans la même commune . Peutêtre
, dit - il , il y aurait quelques avantages à les séparer ,
mais aussi combien d'inconvéniens ? les relations entr'eux
( 207 )
✔ seraient plus difficiles , et dans les cas d'urgence exposeraient
à des retards funestes au salut public ..
"
"
André Dumont persiste dans son sentiment. Il voit des
partis se former , si les deux conseils résident dans la même
commune, et le corps législatif exposé à une dissolution . Mailhe
si on
que les voit éloignés l'un de l'autre ,
ne les regarde comme deux assemblées nationales . La Convention
passe à l'ordre du jour sur la motion d'André
Dumont.
craint on
Daunou lit les articles relatifs au mode de nomination des
membres du directoire exécutif. Il propose une liste triple
du nombre de ces membres qui sera dressée par le conseil
des cinq cents et présentée à celui des anciens . Après quelques
débats , l'on décrete une liste décuple . Les agens généraux
d'exécution nommés par le directoire , seront appellés ministres
, et auront au moins trente ans . L'article qui exclut le
corps législatif de ces places , n'aura son exécution que l'an 5 .;
ainsi , les membres de la Convention pourront être élus .
Séance de nonidi , 29 Thermidor.
Le comité français , hollandais et américain , établi à
Philadelphie , écrit de cette ville , le 3 floréal dernier , qu'il
vient d'y célébrer les nouveaux triomphes de la France , et
l'émancipation de la Hollande . Les Bataves , qui n'aspiraient /
qu'à la liberté , ne pouvaient la recevoir que des Français . Elle
sera le signal de celle de tous les peuples , et bientôt une
paix heureuse ramenera tous les hommes à ces sentimens de
justice et d'humanité qui animent les Français . Mention hono
rable. 1
Il y a près d'un mois que la Convention a fixé provisoi
rement , et pour un mois seulement , le prix de chaque cheval
par poste à 30 liv .
Un membre , au nom du comité des transports , postes et
messageries , propose de continuer ce prix pendant encore
un mois . Plusieurs membres combattent ce projet , et demandent
la réduction à quinze liv . L'Assemblée ajourne la discussion .
Génissieux , au nom du comité de législation , fait part.
des difficultés qui se sont élevées sur la question de savoir
si le tiers arbitre peut prononcer seul , lorsque les avis des
autres arbitres sont contraires . La Conventien passe à l'ordre
dujour motivé sur ce qu'aucune loi n'a autorisé les tiers arbitres
à prononcer seuls et sans le concours des arbitres partagés
d'opinions.
Sur le rapport du comité de salut public et militaire , i
est décrété que l'amnistie accordée par la loi du 10 de ce
mois aux militaires qui avaient abandonnés leurs drapeaux,,
est étendue à ceux qui ayant déserté dans l'intérieur de la
2
( 208 )
République , ont été traduits au tribunal militaire , et condamnes
à la peine portée par la loi.
Toute la séance a été employee à la relue de l'acte constitutionnel.
Un grand nombre de titres ont été adoptés avec de
légers amendemens . Il ne reste plus à relire que les titres
sur les relations extérieures , et celui sur les dispositions générales
Un article portait que le corps législatif pourrait prendre
des vacances . Cette disposition a inspiré la crainte que ses
membres se dispersant dans les départemens n'acquissent une
faveur qui pourrait devenir dangereuse , et Dubois - Crancé
a fait décréter sa permanence , avec la faculté néanmoins de
s'ajourner.
1
Suite de l'acte constitutionnel ; pouvoir judiciaire.
,, LXI . Les assemblées électorales des départemens nomment
successivement et alternativement les juges qui doivent
remplacer ceux qui sortent du tribunal de cassation.
9 LXII . Il y a près du tribunal de cassation un commissaire
et des substituts nommés et destituables par le directoire
execurif.
" I XIII . Le directoire exécutif dénonce au tribunal de
cassation , par la voie de son commissaire , et sans préjudice
des parties intéressées , les actes par lesquels les juges
ont excédé leurs pouvoirs. Le tribunal annulle ces actes ; et
s'ils donnent lieu à la forfaiture , le fait est dénoncé au corps
legislatif , qui rend le decret d'accusation .
,, LXIV . Hors le cas de l'article LVII , le corps législatif
ne peut annuller les jugemens du tribunal de cassation , sauf
à poursuivie personnellement les juges qui auraient encoura
la forfaiture .
,, LXV. Il y a une haute-cour de justice pour juger les
accusations admises par le corps législatif ; elle est composée
de cinq juges et de deux accusateurs nationaux tirés du tribunal
de cassation , et de hauts jurés nommés par les assemblées
électorales des départemens .
LXVI. La haute cour de justice ne se forme qu'après une
proclamation du corps législatif , rédigée et publiée par le
conseil des cinq cents.
›› LXVII. Elle se forme et tient ses séances dans le lien
désigné par la proclamation du conseil des cinq cents . Ce
lieu ne peut être plus près de douze myriamêtres de celui où
réside le corps législatif.
" LXVIII. Lorsque le corps législatif a proclamé la formation
de la baute cour de justice , ie tribunal de cassation tire
au sort quinze de ses membres dans une séance publique ; il
nomme de suite dans la même séance , par la voie du scrutin
secret , cinq de ces quinze : les cinq juges ainsi nommés sout
( 209 )
les juges de la haute-cour de justice ; ils choisissent entr'eux
un président.
,, LXIX . Le tribunal de cassation nomme dans la même
séance , par scrutin , à la majorité absolue , deux de ses membres
pour remplir à la haute- cour de justice les fonctions
d'accusateurs nationaux .
" LXX. Les actes d'accusation sont dressés et rédigés par
le conseil des cinq cents .
" LXXI. Les assemblées électorales de chaque département
nomment , tous les ans , un juré pour la haute- cour de
justice , aux époques et dans les formes déterminées pour les
élections .
,, LXXII . Le directoire exécutif fait imprimer et publier ,
un mois après l'époque des élections , la liste des jurés nommés
pour la hante- cour de justice .
Séance de décadi , 30 Thermidor .
La séance s'ouvre par la lecture de la correspondance et
l'audition de quelques pétitionnaires , dont les demandes sont
renvoyées aux comités qui les concernent . Le rapporteur de
la commission des onze reprend ensuite la lecture de l'acte
constitutionnel , et fait adopter le titre des relations extérieures
.
Hermand obtient la parole , et dit que l'expérience de quelques
années apprend que la Conventinn s'est souvent vue forcée
de rapporter le lendemain ce qu'elle avait décréte la veille ,
et que les amis de la liberté reconnaissent principalement deux
causes de cette versatilité ; l'influence des chefs de factions , et
l'enthousiasme d'une grande assemblée . Hermand en assigne
une troisieme qui aura tout son jeu lorsque la nouvelle constitution
sera en vigueur dans la faiblesse et la dépendance,
du pouvoir exécutif. Il prétend que si ce directoire est réduit
à exécuter aveuglément les lois émanées du corps législatif
il en résultera nécessairement que la loi sera souvent mal exécutée
ou point du tout , et il pense qu'il est de toute nécessité de
mettre dans la constitution un moyen par lequelle corps légis
latif puisse rectifier ou suspendre soit une loi entiere , soit l'une
de ses dispositions . Il ajoute que le moyen qu'il propose est
simple , et a l'avantage d'avoir reçu le sceau de l'expérience
de plusieurs années chez un peuple qui se connaît en liberté .
Les Américains qui l'ont adopté avec empressement , l'exécutent .
Ce moyen consiste en ce que le directoire exécutif aurait
la faculté d'examiner la loi , et de s'assurer si elle est susceptible
d'exécution , et dans le cas auquel il ne la jugerait
pas telle , de la renvoyer à la revision du corps législatif..
Cette opinion excite des murmures . Lanjuinais l'appuie
cependant , et demande en quoi un pareil droit accordé au
directoire exécutif choquerait la liberté.
( 210 )
Roux s'éleve fortement contre elle . I craint qu'en cher
chant à assurer la garantie du pouvoir exécutif , une loi donne
la faculté de tyranniser le corps législatif et de l'entraver : continuellement
dans sa marche . Il opine pour la question prea-
Jable ; elle est adoptée
On lit le titre de la revision de la constitution qui est
décrété . Celui des dispositions générales l'est à son tour . La
questión de la liberté de la presse occupe de nouveau FAssemblée
, et elle se décide à Y mettre une limitation pour
réprimer la calomnie . L'article est ainsi conçu : Nal ne peut
être responsable de ce qu'il a écrit ou publié que dans les cas
prévus par la loi.
Il s'éleve quelques débats sur l'article relatif à la liberté
des cultes , et qui portait : Nul ne peut être empêché d'exercer,
en se conformant aux lois de police , le culte qu'il a choisi .
Un membre dit que les prêtres doivent se soumettre à toutes
les lois , et non pas seulement à celles de police . Lanjuinais
observe qu'on a ajouté le mot police pour n'avoir pas l'air
de porter atteinte à la liberté des cultes qui a été décretée .
On demande la question préalable sur cette addition elle
est adoptée .
Enfin , l'exclusion perpétuelle des émigrés du territoire français
, l'unité des poids et mesures , et le commencement de
l'ère républicaine au 22 septembre , jour de la fondation de
la République , sont décrétés constitutionnellement , et Daunou
annonce que le travail de la commission est achevé , et que
demain elle fera un rapport sur les moyens d'assigner un
terme à la révolution ; il est vivement applaudi .
Séance de primedi , 1er . Fructidor.
Isabean , au nom du comité de sûreté générale , annonce
qu'un espion de l'Angleterre vient d'être arrêté dans le dépar
tement de l'Eure . C'est un prisonnier de guerre qui a surpris
la confiance d'un commissaire des guerres , et qui a profité
de l'autorité que lui donnait sa place pour prendre note de
tout ce que la République a de vivres , d'armes , d'habillemens
, de munitions , d'hommes , chevaux , dans les contrées.
maritimes . Isabeau propose de le faire traduire près le tribunal
militaire de la 17e . division . Adopté.
Thibaut ( du Cantal ) , au nom du comité des finances , fait
décréter que ce comité statuera définitivement sur les réclamations
des fonctionnaires publics relativement à leurs traitemens
.
La section des Tuileries dénonce des employés de l'agence
des subsistances qui commercent pour leur compte , et font
un trafic abominable. Elle dit que sur quarante agioteurs ar
rêtés il s'en trouve dix- sept de cette agence . Elle demande
( 211 )
la régénération de cette partie essentielle de l'administration ,
et qu'il soit établi un bon systême d'approvisionnement .
Renvoyé au comité de salut public.
Un membre rend compte d'un jugement du tribunal criminel
du département des Alpes maritimes , rendu contre un
patriote , et motivé en partie sur ce qu'il a contribué à la suppression
d'une confrérie d'agonisans .
Charlier dit que les fanatiques levent la tête , et qu'ils sont
dirigés par les évêques émigrés.
L'exécution du jogement est sursise , et les observations
renvoyées au comité de sûreté génerale .
Baudin ( des Ardennes ) , au nom de la commission des onze ,
présente le projet de décret sur la maniere de terminer la
révolution , et le fait précéder d'un long rapport dans lequel
il developpe les motifs qui ont déterminé la commission aux
differentes mesures qu'elle propose . Le rapport porte sur deux
bâses ; la premiere , qu'il n'y a plus pour les Français d'espoir
de bonheur que dans un gouvernement républicain ; la seconde
, que la Convention doit rester en partie à son poste ,
et se constituer en corps législatif , et par ce moyen la constitution
s'établira , et obtiendra de la solidité .
La discussion de ce projet est renvoyée au lendemain .
PARIS. Quartidi , 4 Fructidor , 3º . année de la République.
Avons - nous , ou n'avons -nous pas d'esprit public ? Les
républicains comme les royalistes répondent à cette
question par la négative . Mais avant de la résoudre , il
faudrait peut- être convenir de ce que c'est que l'esprit.
public propre aux circonstances dans lesquelles nous
sommes , et s'il faut absolument qu'il soit très - ostensible .
Chaque parti interprête , selon ses craintes ou selon ses
desirs , le calme des citoyens . Les royalistes , à qui le
calme déplaît beaucoup plus qu'on ne pense , feignent
de le prendre pour de l'apathie , et s'empressent de transmettre
cette supposition pour flatter du moins les espé
rances de leurs partisans de l'idée que le peuple n'opposera
aucune résistance , quand l'heure sera venue de
faire une tentative. Mais le but le plus perfide de cette
feinte est d'abuser les républicains, et de les décourager
en leur faisant croire que leurs sentimens ne sont
point partagés. Il faut se défier un peu de ces observateurs
pessimistes trop intéressés à rembrunir leurs
tableaux .
( 212 )
Si l'on entend par esprit public cette exasperation ,
cette ardeur bouillante qui arrache les citoyens à leurs
soins domestiques , à leurs habitudes privées , et les
tiennent continuellement à des objets politiques , il faut
convenir qu'il y a peu d'esprit public. Le peuple a
en effet perdu cette exubérance patriotique devenue
plus dangereuse qu'utile , et se tient dans un état d'observation
, de défiance peut - être...... Il ne veut plus
estimer sur parole : occupé de ses besoins et des moyens
d'y pourvoir , sa patience et sa réserve permettent du
moins à l'autorité constitutive d'achever ses travaux , et
de donner à l'ordre social la consistance nécessaire .
Abusé long- tems par des hommes qui se servaient de
son zele et de son amour pour la liberté , dans des
vues d'ambition personnelle , il n'attache plus de prix
qu'à une bonne organisation du gouvernement . Pour
cela , il laisse agir et attend . Mais si les dispositions de
la masse des citoyens ont pu être modifiées par le tems
et les événemens , les sentimens n'ont point changé ,
et à cet égard ' l'esprit public est le même. Tous ceux
qui ont senti la dignité de l'homme , tous ceux qui ont
été par le coeur et par l'esprit les vrais amis de la liberté.
et de la philosophie , n'ont point renoncé à leurs principes.
Ils le voudraient en vain , ils sont toujours de
très -bons républicains .
Quant à cette gent moutonniere qui , entraînée par
les circonstances , suit , dans chaque crise , par l'intérêt
ou par peur le parti dominant , pourrait - on faire entrer
dans les élémens de l'esprit public ses suffrages versatiles
? D'un autre côté , le silence des opinions com
primées ne put jamais rien ajouter à la force essentielle
de la volonté générale qui doit jouir de toute sa liberté .
Il ne faut donc pas s'étonner , lorsque cette liberté
lui est rendue , si l'on voit naître les divers genres
et les oppositions les plus marquées ; c'est le jeu de
la diversité naturelle des esprits , que rien n'empêche
de paraître ce qu'ils sont . Quand une fois les choses.
en sont revenues à ce point , l'esprit public n'est point
encore dans la ferveur de tel ou tel parti . Il est constamment
dans l'opinion tacite ou prononcée de ceux
qui se rangent sous l'étendard de la justice et de la raison .
Que les opérations politiques ne s'écartent point de
ces båses , elles trouveront pour les appuyer une puissance
morale incalculable . Il est si vrai que le parti
de la raison menace d'une prépondérance accablante ,
( 213 )
que les ennemis des vrais principes employent toutes
sortes de moyens odieux pour résister à cette force du
véritable esprit public ; calomnier sans cesse , décou
rager par des tableaux exagérés de nos malheurs , tendre
des embûches au gouvernement , corrompre les individus
dans des réunions privées , propager , au lieu
de vérités utiles , des sophismes séducteurs et machiavélistės
; ressusciter avec un art perfide les préjugés religieux
; telles sont les ressources que l'on expose à l'empire
de la raison pour tâcher d'entraver l'achevement de
l'organisation républicaine .
Nous avons parlé du citoyen Réal , qui a repris la
plume pour défendre les principes républicains dans
son journal de l'Opposition . Richer Serisy , auteur de
l'Accusateur public , autre écrit interrompu depuis plusieurs
mois , vient de publier à - la - fois trois numéros ,
composant une brochure de 94 pages , qui renferment ,
sous différens titres , d'éternelles et langoureuses déclá- 、
mations contre les hommes et les choses. Dans le dé
:sordre de son imagination délirante , Richer Serisy voit
tous les objets sous un aspect funebre et son génie
accusateur n'épargne pas même ses meilleurs amis . Il
leur reproche leur lâcheté , leur insouciance , leur humeur
versatile . Son imagination n'est raffraîchie que
par le souvenir attrayant des douceurs de l'ancien systême
monarchique , qu'il regrette ; mais dont il n'a pas
même le bonheur d'espérer le retour. Dans les accès .
du lugubre désespoir qui le poursuit , il écarte toute
idée de paix générale . Il voit dans la constitution, un
poison qui doit tout dévorer. Il écrit sur son frontispice ,
comme sur l'enfer du Dante : Ici il n'y a plus d'espérance.
Il ajoute , quelques pages plus loin : Si la France périt ,
elle entraîne l'Europe dans son nauffrage . Que la
République s'établisse , elle fait crouler tous les trônes .
Les rois en sont convaincus ; mais ils savent que
cette brillante chimere ne peut se réaliser. --- Si la
France se divisait d'elle - même en différens
gouver-
" nemens , ou qu'elle fût envahie par les puissances
" victorieuses , l'Europe serait détruite . - Nous tenons
dans nos mains sanglantes la destinée de l'Europe
et de ses habitans . O situation brillante et déplorable
! si nous sauvons la France , nous pouvons tout
sauver... Comment ? .... Mais Richer Serisy n'a -t - il
pas déja prononcé il n'y a plus d'espérance . Avec
99
99
99
--
-
1
( 214 )
quelle douleur touchante il voit les lumieres de la philo
sophie , nous replonger dans l'ignorance et dans le
néant. Nos bibliotheques négligées et les livres du
" génie devenir des hierogliphes inexplicables pour
la génération qui s'éleve . Hélas ! ajoute l'infortunė
" Serisy , daus ma longue prison , j'ai vu un homme
" de lettres distingué demander pardon au ciel des
, écarts de sa raison , répéter chaque jour les sept
" psaumes de la pénitence , et je pleurais en le voy ant !
Tout inexpliquables que peuvent paraître de pareils
hierogliphes , on ne saurait en conclure que l'Accusateur
public soit le Livre du génie . Cependant , nous avons
remarqué un morceau sur Pitt et le gouvernement
anglais qui pourrait être sorti de la plume de l'auteur
dans une intervalle de raison . Le patriotisme le plus
pur et le plus républicain ne le désavouerait pas .
Des lettres de Bâle-annoncent que M. de Rhodes se rend
à Paris , en qualité d'ambassadeur du roi de Prusse , et que
sa suite est composée de dix-huit personnes .
L'armée de la République , sous les ordres du général
Pichegru , à décidément passé le Rhin , le 28 du mois dernier.
Le numéro indicateur sorti au premier tirage de la loterie
de 50 millions est le numéro 1 ; ainsi , les séries favorisées
sont I , 26. 51 , 76 , 101 et ainsi de suite .
Le tribunal criminel de Seine et Oise vient de condamner
à mort quatre individus , convaincus d'avoir contribué , dans
les premiers jours de septembre , à faire massacrer les prisonniers
transportés d'Orléans à Paris .
Quelques papiers ont publié dernierement que Marie- Thérese ,
prisonniere du Temple , était sans vêtemens . Les détails suivans
démentent cette assertion .
Il a été fourni depuis plus d'un mois , par suite des arrêtés
des comités de gouvernement pour Marie Thérese :
Vingt-quatre chemises , toile de Hollande superfine;
Six paires de bas de soie de couleur.
Six paires de souliers.
Deux déshabillés de taffetas de couleur.
Deux déshabillés de péking et cotonnade , avec taffetas de
Florence pour doublure.
Outre les objets fournis en neuf , on a fait réparer tout ce
qui pouvait l'être , et notamment six redingotes de bazin blane
pour le matin.
Pour son instruction et son amusement , il a été fourni
l'Histoire de France , par Vély ; les Mondes , de Fontenelle ;
du papier , des crayons , de l'encre de la Chine et des
pinceaux.
( 215 )
1
Lettres adressées par le général en chef de l'armée des Côtes de
Brest , de Cherbourg et de l'Ouest , au rédacteur du journal de
Rennes.
" Je vous prie , citoyen , d'insérer en entier dans la feuille
que vous rédigez , la lettre , ci- jointe , dont l'original est entre
mes mains , pour être envoyee à son adresse à la premiere.
occasion . Elle ne saurait être trop répandue ; puisse - t - elle
faire rentrer en eux mêmes des misérables auxquels il ne
restera plus bientôt qu'a suivre l'exemple de Puisaye , ou à
se résigner comme Sombreuil . Mais d'un autre côté , je dois
à l'armée de déclarer qu'il y a erreur dans quelques points
de la lettre que je publie : 1 ° . J'étais a la tête de 700 gie.
nadiers qui prirent M. Sombreuii et sa division ; aucun soldat
n'a crié que les émigrés seraient traites comme prisonniers de
guerre , ce que j'aurais démenti sur-le- champ ; 2º . Les eonemis
firent la sortie le 27 messidor , et certes , ce jour- là ,
on avait donné des cartouches aux soldats ; depuis ils ne
brûlerent pas une amorce enfin , ils en manquaient si peu ,
que nos grenadiers jettaient les leurs qui étaient avarices par
le mauvais tems , pour prendre celles que les émigres avaicut
dans leurs gibernes , et qu'ils jettaient sur le rocher du Portaliguen
, au pied duquel 6 à 700 se noyerent , 59
Signé , L. HOCHE .
-
sir John Wahren , commandant la flotle
la Pomone , sous le fort de Quiberon.
1795.
{
anglaise , à bord de
"Aurai , le 22 juillet
Sir , je n'espérais pas avoir à envoyer un rapport où je
dusse détailler les événemens de la malheureuse journée qui
m'a conduit ici , pour demander la plus scrupuleuse recherche
sur la conduite du lâche fourbe qui nous a perdus . M. de
Puisaye m'ayant donné ordre de prendre une position , et de
Py attendre , a eu l'extrême prudence de joindre bien vite
un bateau , abandonnant au hasard le sort des nombreuses
victimes qu'il a sacrifiées. Les gardes du fort ayant eté forcées
, toute l'aile gauche de la position était déja tournée ,
et il ne restait de ressource que dans l'embarquement le plus
précipité , rendu presqu'impossible par la proximité de l'ennemi.
Les régimens d'Hervilly et du Dresney rangerent entierement
vers lui , abandonnant et massacrant leurs officiers.
La majorité des soldats désespérant d'une aussi affreuse position
, s'éparpillerent dans la campagne ; je me trouvais
resserré et cerné au rocher , à l'extrémité de l'isle , avec 2 ou
( 216 )
300 gentilhommes , et le peu d'hommes restés fideles ; mais
sans cartouches , n'ayant pu en obtenir que pour la garde du
fort , malgré mes instances réitérées , sans doute M. de Puisaye
avait eu des raisons qu'il expliquera .
Plusieurs bateaux , encore à la côte , pouvaient me donner
la ressource deshonorante dont a si promptement profité
M. de Puisaye ; l'abandon de mes compagrons d'armes eut
été pire que le sort qui m'attend ( je crois demain matin ) ;
j'en méritais un meilleur ; vous en conviendrez avec tous ceux
qui me connaissent , si le hasard laisse à quelques - uns de mes
compagnons d'infortune les moyens d'éclairer l'univers sur
ceue journée sans égale , sans doute , dans l'histoire . La terteur
d'une bande sans ordre , abandonnée par le chef à qui
l'on a remis toute confiance , et qui dans sa sécurité inepte ,
n'admettait pas même qu'on l'engageât a prendre les mesures
nécessaires à la sûreté générale , qu'il a si bien su prendre
pour lui.
› N'ayant plus de ressources , j'en vins à une capitulation
pour sauver ce qui ne pouvait échapper , et le cri général de
l'armée m'a répondu que tout ce qui était émigré serait prisonnier
, et épargné comme les autres , j'en serais seul excepté .
Beaucoup diront : Que pouvait- il faire ? D'autres répondront :
Il devait périr . Oui , sans doute , je péritai aussi ; mais étant
resté seul charge du sort de ceux qui , la veille , avaient
vingt chefs , je ne pouvais qu'employer les moyens qu'oǹ
m'avait laisses , et ils étaient ùuls . Ceux qui les avaient préparés
pouvaient m'éviter cette responsabilité.
Je ne doute pas que le lâche ne trouve quelqu'excuse
à sa fuite ; mais je vous somme , sur la loi de l'honneur , de
faire connaître cette lettre au public , et M. Windhəm voudra
bien y ajouter celle que je lui ai écrite de Portsmouth .
Adieu , je vous le fais avec le calme que donne seule la pu
reté de la conscience , l'estime de tous les braves gens qui
aujourd'hui partagent mon sort , et le préferent à la fuite du
lâche qui , n'osant combattre parmi nous , aurait au moins
dû me prévenir ; cette estime est pour moi l'immortalité . Je
succombe à sa lâcheté et à la force des armes qui me furent
long-tems heureuses . Dans ce dernier moment , je trouve en- ´
core une jouissance , s'il en peut exister dans ma position ,
l'estime de mes compagnons d'infortune et celle même de
l'ennemi qui nous a vaincus . Adieu , adieu à toute la terre,
Je suis , sir , votre très -humble serviteur , 17
Signé , le comte CHARLES DE SOMBREUIL .
Pour copie conforme à l'original qui est entre mes mains ,
et que je ferai voir aux personnes qui auraient des doutes sur
son existence réelle .
Signé , L. Hocue , général en chef,
( No : 68. )
Jer - 135.
MERCURE FRANÇAIS.
DÉCADI 10 FRUCTIDOR , l'an troisieme de la République.
( Jeudi 27 Août 1795 , vieux style. )
LITTÉRATURE.
RECUEIL DE MORCEAUX DÉTACHÉS , par madame la baronne
STAEL DE HOTSTEIN. Brochure in-8° . de so3 pages.
A Lausanne , chez Durand , Ravanel et compagnie , libraires;
et à Paris , chez Fusch , libraire , quai des Augustins ,
n . $ 7 . em 1795.
C'EST une famille privilégiée pour les lettres que celle
de Necker. Le pere , la mere , la fille , tous ont cultivé ,
à diverses mesures , plusieurs branches des connaissances
humaines , et ont été jaloux de se distribuer les
lauriers de la célébrité. Il fallait moins que cette réu
nion de talens et cette honorable ambition d'occu
per le public de soi , pour exciter l'envie . On sait que
ce qu elle pardonne le moins , est le desir de la supériorité
, en quelque genre que ce soit , et quand ce desir
est justifié par des succès , cet amour généreux de la
gloire irrte son impuissance ; elle le prend pour une
prétention dont elle demande un compte d'autant plus
rigoureux , qu'elle se trouve plus offensée des titres sur
lesquels cette prétention est fondée .
Ceux que madame Staël s'est acquis à la renommée
littéraire sont déjà connus avantageusement du
public. Il n'est personne qui n'ait lu avec intérêt les
lettres qu'elle publia en 1789 , sur les ouvrages et le carac
tere de J. J. Rousseau. Parmi beaucoup d'idées profondes
qui n'appartiennent qu'à un esprit très - exercé aux méditations
philosophiques et morales , on remarqua cette
finesse de jugement et ces tournures heureuses si fami
lieres aux femmes jeunes et sensibles qui éprouvent le
besoin d'exprimer leur admiration pour un écrivain qui
a si bien parlé le langage du coeur , et embelli de son
éloquence les passions ou les sentimens qui font leurs
délices. Les réflexions sur la paix adressées à M. Pitt et à la
Tome XVII.
P
( 718 )
nation française , que madame Staël a fait paraître en
Suisse , et qui on
ont été reimprimées il y a quelques mois
à Pans,sont une preuve que lesmatieres polit.ques ne lui
sont point étrangeres ; on ne peut pas dire , après les
avoir lues , qu'elle ait 1 ame républicaine comme la
citoyenne Roland ; mais om y trouver des observations
très -justes sur la guerre actuelle de 1 En ope et sur la
nécessité de la termine . Il est probable que ces réflexions
seront parvenues à M. Pitt , et que malgré l'impassibilité
connue de son caractere , les considerations d'intérêt politique
et même ministériel qui doivent le toucher ,
n'auront rien perdu de leur vélité pour avoir passé sous
la plume d'une femme spirituelle , jeune et aimable .
, སཙྩཾ
{
11
La brochure qui fait l'objet de cette analyse est sans,
doute de toutes les productions de madame Staël celle
à laquelle elle attache le moins d'importance ; on le
voit aisément au titre modeste qu'elle lui a donné ; , св
n'est qu'un recueil de morceaux détachés . En effet , le pre
mier de ces morceaux est uune épître au malheur. y a
environ trente ans que Thomas hit une épître au Peuple ,
et l'on se souvient du succès qu'elle obtint et qu'elle
méritait ; on pouvait écrire au peuple , parce que , quoique
Fon s'occupât fort peu alors de son existence , elle n'en
était pas moins réelle. Mais une épître au malkeur
madame Staël qui se montre si difficile sur les fictions
comme on le verra bientôt , a dù sentir que la peine
que l'on éprouve à se prêter à l'idée de personnifer un
être aussi abstrait que le malheur , a da jetter nécessairement
de l'embarras et du vague dans la maniere de
traiter ce sujet . Ce n'est pas le malheur considéré dans
son abstraction générale à qui madame Staël adresse son
épître ; c'est le malheur de la révolution française . Dans sa
prose à 1. Pitt , elle l'avait peint deja sous des couleurs
très- rembrunies ; elle a voulu en parler en vers,
Certainement l'époque qu'elle a choisie doit être également
en horreur à toutes les ames sensibles , quelle
sible être éga
que soit d'ailleurs la diversité des opinions politiques .
Mais n'y aurait- il donc qu'une époque et un seul côté
à saisir dans la révolution française , et sans exiger que
madame Staël ne traitât pas un sujet si digne d'emouvoir
sa sensibilité indignée , n'y avait - il aucun correctif
à insérer dans un petit bout d'avertissement ? ' Il y a
une remarque qui n'échappera point aux observateurs
impartiaux , c'est que certaines personnes n'ont jamais
tant parlé des malheurs de la
von
que depuis
1
(<219 )
que les scélérats qui en ont été les auteurs ne sont plus ,
et que les vrais amis de la liberté s'efforcent d'en faire
oublier les atrocités . Mais madame Staël ne veut pas
qu'il nous soit déja permis de ne compter nos douleurs que
parmi nos souvenirs .
}
Le second morceau qui est le plus important du recueil
, est un Essai sur les fictions . Madame Staël les divise
en trois classes , 1 ° . les fictions merveilleuses et
allégoriques ; 2 ° . les fictions historiques ; 3 ° . les fictions
où tout est à la fois inventé et imité , où rien n'est vrai ,
mais où tout est vraisemblable . Ce sujet , dit l'auteur ,
exigerait un traité fort étendu ; il comprendrait la plupart
des ouvrages littéraires ; il attirerait à lui presque
toutes les pensées , parce que le développement complet
dane idée appartient à l'enchaînement de toutes ; mais
j'ai voulu seulement prouver que les romans qui peindraient
la vie telle qu'elle est , avec finesse , éloquence ,
profondeur et moralité , seraient le plus, utile de tous
les gentes de fictions , et j'ai éloigné de cet Essai tout ce
qui n'avait point de rapport à ce but, berig an
et
Malgré les bornes dont s'est entourée madame Staël ,
on lui sait gré de les avoir franchies quelquefois ,
de n'avoir pas toujouis été scrupuleusement fidele à sa
• promesse. Cette fidélité nous aurait privé, d'une infinité
de réflexions générales ties -justes sur les divers gentes
de fiction qu'elle considere.mɛa inssizeb im zwar
D'abord , quant à la fiction purementmerveilleuse ,
elle pense que le plaisir qu'elle cause est très - promptėment
épuisé. Il faut , dit- elle , que les homines se
fassent enfans pour aimer ces tableaux hors de la natures
pour se laisser émouvoir par les sentimens , de
terreur ou de curiosité dont le vrai n'est pas prigine ;
il faut que les philosophes se fassent peuple , pour vouloir
saisir des pensées utilesna tavers le voile de l'allégorie.
Il faut avouer que beaucoup dhommes et
même de philosophes se sont faits enfans , et out trouyé
un grand charme dans ces fictions et cette ingénieuse
mithologie de la Grece que madame Staël juge, avec
une grande sévérité . Celui qui a dit :
Nous sommes tous d'Athene en cepoint set moismême ,
Au moment où je fais cette moralité ,
Si peau d'âne m'était conté ,
J'y prendrais un plaisir extrême .
Le monde est vieux , dit on, je le crois : cependant
Hle faut amuser encor comme un enfant.
Fa
( 2201 )
Celui-là n'aurait pas été entierement de d'avis de
madame Staël. Qui a vécu de plus d'illusions , qui les a
mieux fait aimer , qui a su embellir la morale des traits
heureux de la fiction , que ce bon Lafontaine à qui les
contes de peau d'âne causaient un plaisir si extrême.
Mais quand l'esprit s'est nourri des idées philosophi
ques , quand on a goûté le prix des réalités , il faut le
dire , on est excusable de moins aimer les actions.
Quand on ne veut , dit madame Staël , que des images
qui puissent plaire , il est permis d'éblouir de mille
manieres différentes : on a dit que les yeux étaient toujours
enfans ; c'est à l'imagination que ce mot s'applique;
s'amuser est tout ce qu'elle exige ; son objet est dans
son moyen ; elle sert à tromper la vie , à dérober le tems;
elle peut donner au jour les rêves de la nuit ; son acti
vité légere tient lieu du repos , en suspendant de même
tout ce qui émeut et tout ce qui occupe ; mais lorsque l'on
vent faire servir les plaisirs de cette même imagination à
un but moral et suivi , il faut à la fois plus de consé
quence et plus de simplicité dans le plan. papl
Ce que l'auteur reproche , avec fondement aux poemes
d'Homère et de Virgile , où le merveilleux joue un si
grand rôlé , c'est cette alliance des héros et des dieux ,
des passions des hommes et des dé rets du destin , qui
affaiblit l'intérêt des situations et les grands effets mo
raux qui devraient naturellement en résulter.s
Lorsque Didon aime Enée , parce qu'elle as serré
dans ses bras l'Amour que Vénus avait caché sous les
traits d'Ascagne , on regrette le talent qui aurait expli
qué la naissance de cette passion par la seule peinture
des mouvemens du coeur. Quand les dieux commandent
et la colere et la douleur et les victoires d'Achille , l'admiration
ne s'arrête ni sur jupiter , ni sur le héros ; l'un
est un être abstrait , l'autre un homme asservi par le
destin ; la toute puissance du caractere échappe à tra
vers le merveilleux qui l'environne Il y a aussi dans
ce merveilleux , tour à tour , quelque chose de certain
et d'inattendu , qui ôte tou les plaisirs attachés à craindre
ou à prévoir d'après ses propres sentimens . Lorque
Priam va demander à Achille le corps d Hector , je
voudrais redouter les dangers que son amour paternel
lui fait braver ; trembler en le voyant entrer dans la tente
du terrible Achille , rester ainsi suspendue à toutes les
paroles de ce pere infortuné , et recevoir à la fois par
son éloquence et l'impression des sentimens qu'elle
( 221 )
exprime, et le présage des événemens qu'elle va déci
der ; mais je sais que Mercure conduit Priam à travers
le camp des Grecs ; que Thétis , par l'ordre de Jupiter ,
a commandé à son fils de rendre le corps d Hector ; je
n'ai plus de doute sur l'issue de la démarche de Priam ;
mon ame n'est plus attentive , et sans le nom du divin
Homere , je ne lirais pas un discours qui succede à
la situation , au lieu de l'amener. »
J
Le principe que madame Staël déduit de ses réflexions
et qui nous paraît très -juste , c'est qu'en s'adressant à
l'homme on doit tirer tous les grands effets du caractere
de l'homme ; c'est - là qu'est la source inépuisable
dont le talent doit faire sortir les émotions profondes
et terribles. Ge qu'il y a de vraiment sublime dans les
poemes épiques les plus remarquables par le merveil
leux de leurs fictions , ce sont les beautés tout- à- fait ins
dépendantes de ce merveilleux ; ce qu'on admire dans
le Satan de Milton , c'est un homme. Ce qui reste
d'Achille , c'est son caractere ; ce qu'on veut oublier
dans la passion de Renaud pour Armide , c'est la magie
qui se mêle aux attraits qui l'ont fait naître. Ce qui
frappe dans l'Enéïde , ce sont les sentimens qui appar
tiennent dans tous les tems , à tous les coeurs ; et nos
poëtes tragiques , en prenant des sujets dans les auteurs
anciens , les ont presqu'entierement séparés de la machine
merveilleuse que l'on trouve à côté de toutes les
beautés qui distinguent l'antiquité. ??
Ne perdant jamais de vue que l'imitation du vrai
produit toujours de plus grands effets que les moyens
surnaturels , madame Staël parcourt successivement le
genre des romans de chevalerie , des compositions comiques
ou allégoriques de l'apologue et des fables , et
prouve que ces divers genres perdent de l'intérêt à
mesure que le merveilleux ou l'allégorie s'éloigne de la
mature et des lois de la vraisemblance. En parlant des
fables où l'on fait parler les animaux , il lui était difficile
d'oublier Lafonte. On ne sera pas fâché de trouver
ici le jugement qu'en porte madame Staël : Il a existé
un homme qui devait être unique dans cette carriere ,
parce que son naturel était si parfait qu'il ne pouvait
ni se rencontrer deux fois , ni s'imiter une seule un
homme qui fait parler les animaux comme s'ils étaient
une espece d'êtres pensans , avant le regne de tous les
préjugés et de toutes les affectations. Le talent même de
Lafontaine écarte de ses écrit l'idée d'allégorie en per
:
P3
( 222 )
sonnifiant le caractere de l'espece qu'il peint selon les
convenances qui lui sont propres le comique de ses
fables ressort, non de leurs allusions , mais du tableau
réel des moeurs des animaux qu'il met en scene , Ce
succès avait nécessairement ses bornes , et toutes les
autres fables qu'on a composées dans diverses langues ,
rentrant dans l'allégorie , partagent aussi ses inconvénieus
. 11
Passant ensuite aux fictions historiques , c'est- à- dire au
inventions unies à un fonds de vérité , lauteur fait
sentir le caractere qui distingue ce genre du pur merveilleux.
Ce n'est point une autre nature c'est un
choix dans celle qui existe c'est le travail d'Apelle
qui rassemblait les charmes épais pour en composer la
beauté. Mais parmi ces sortes de fictions , le gene
qu'elle souhaiterait de voir banni , est celui des romans
entés sur l histoire , tels que les anecdotes de la cour de
Philippe - Auguste et plusieurs autres encore. Ce gehre
detruit la moralité de l'histoire , en surchargeant les actions
d'une quantité de motifs qui n'ont jamais existé,
et n'atteint point à la moralité du roman , parce qu'o
bligé de se conformer à un cannevas vrai , le plan n'est
point concerté avec la liberté , et la suité dont un ouvrage
de pure invention est susceptible,
!
the
par
Madame Staël réserve toute sa prédilections pour la
troisieme classe des fictions , celles où tout est à la fois
inventé et imité , où rien n'est viai, mais où tout est
vraisemblable. Laissant à part les productions de l'art
dramatiques qui pourraient être l'objet d'un trai é
ticulier , elle net considere que le genre seul des romans
modenes. Ap ès quelques remarques critiques
sur les romans philosophiques , dont elle ne voudr it
pas que l'on fit une classe à part ; elle se plaint de ce
que l'art d'écrire les romans n'a point: la réputation
qu'il mé ite . Elle en trouve la cause dans cette foule de
mauvaises productions , dans un genre où la perfection
exige le génie le plus relevé , mais où la médiocrité est
à la portée de tout le monde: Mais un roman stel qu'on
peut le concevoir , tel que nous en avons quelques
modeles lui paraît être une des plus belles productions
deal esprit humain , une des plus influentes : sur
la morale des individus , quil doit former ensuite les
moeurs publiques ... :
323027 in
Les romans d'amour n'éloignent - ils: pás: de ce but
morals bien plus qu'ils ne batteignent ? On présume
( 2231)
bien que madame Staël n oublie hi l'objections ni la
réponse . L'amour est absous , mais elle ne veut pas qu'il
soit éternellement et exclusivement l'objet de ce genre
d'ouvrage. Sans doute , dit- elle , on peut penser que
tous les sentimens profonds et tendres sont de la na rets.
ture de l'amour , qu'il n'y a pointhousiasme dans
l'amitié , de dévouement au malheur , de dulte envers
ses parens , de passion pour ses enfans dans les coeurs
qui n'ont pas cornu ou pardonné l'amour ; il peut exister
du respect pour ses devoirs ,, mais jamais de charme ,
jamais d'a andon dans leur accomplissenrent , quand on
n'a pas aimé de toutes les puissances de Fame , quand
une los l'on na pas cessé d'être soi pour vivre tout
entier dans un autre ; la destinée des femmes , le bon:
heur des hommes qui ne sont pas appellés à gouverner
les empires , dépend souvent , pour le reste de leur vie ,
de la part quils ont donnée dans leur jeunesse à l'as
cendant de lamour : mais ils oublient, complettement
à un certain age l'impression qu'ils en ont reçueils
prennent un
un autre caractere ; ils sont entierement lis
viés à d'autres objets , à d'autres passions ; et c'est à
ces nouveaux interêts qu'il faudrait étendre les sujets
des romans . Une carriere nouvelle s'ouvrirait alors ce
me semble , aux auteurs qui possedent le talent ds
peindre , et savent attacher par la connaissance intimé
de tous les mouvemens du coeur humain . L'ambition ,
T'orgue , l'ava ice , la vanité pourraient être l'objet
principal , de romans , dont les incidens seraient plus
neuls et les situations aussi variées que celles qui
nissent de l amour, "
Dira - t- on que ce tableau des passions des hommes
existe dans l'histoire , et que c'est là qu'il vaut bien
mieux l aller chercher ? Madame Staël fait remarquer
avec beaucoup de sagacité , la différence qui se trouve
eatre la morale de histoire et celle qui résulte des
fictions romanesques. La morale pratique , fondée
sur les avantages de la vertu , ne ressort pas toujours
de la lecture de l'histoire . Les grands historiens , et
sur-tout Tacite , essaient certainement d'attacher de la
moralité à tous les événemens qu'ils racontent ; de faire
eavier Germanicus mourant , et détester Tibère au faîte
de la grandeur : mais, cependant ils ne peuvent peindre
que les sentimens attestés par des faits ; et ce qui reste
de la lecture de l'histoire , c'est plutôt l'ascendant de
talent , l'éclat de la gloire , les avantages de la puis-
P
( 944 ).
dance , que la morale tranquille , délicate et douce , don't
dépendent le bonheur des individus et leurs relations
entre eux . ݓ
Elle pense même que les ouvrages didactiques sur
la morale ne sauraient produire la même impression
qu'un bon roman , où les devoirs sont mis en action ,
où toutes les nuances des passions et des vertus de
Thommesont revêtues du charme de l'intérêt dramatique.
Madame Staël cite pour exemple , Tom-Jones , Caleb
William par Goodwin , qui ne nous est pas connu ;
plusieurs contes moraux de Marmontel , quelques cha ›
pitres du voyage sentimental , etc. Elle cite sur-tout
les admirables productions de Richardson. Quel est
le moraliste qui aurait dit : Si votre famille entiere veut
vous contraindre à épouser un homme détestable , et
que vous soyez entraînée par cette persécution à donner
quelques marques de l'intérêt le plus pur à l'homme.
qui vous plaît , vous attirerez sur vous le déshonneur et
la mort? Eh voilà cependant le plan de Clarisse ; voilà
ce qu'on lit avec admiration , sans rien contester à son
auteur qui vous émeut et vous captive . "
Nous ne croyons pas que tel´ait été ni le plan ni le
but de Richardson dans sa Clarisse . Quelle affreuse et
cruelle moralité il résulterait de ce roman , s'il ne fal--
Lait le considérer que sous ce point de vue ! Il fallait
donc que l'infortunée Clarisse , soumise aux volontés
d'une famille absolue , épousât l'homme qu'elle détes
tait , sous peine du déshonneur et de la mort . Certes ,
ce n'est point là le sentiment qu'a voulu inspirer Ri
chardson, Il a voulu prouver , au contraire , que si det
parens étaient assez injustes pour forcer leur fille à
épouser l'homme que son eoeur repousse , ils s'exposent
à attirer sur eux et sur elle des malheurs inévitables. Il a
gulu montrer le péril auquel s'exposait un jeune fille
qui ne saurait point se garantir des pièges d'un séduc
teur , qui couvre d'un masque attrayant ses infâmes
projets. Voilà le double but moral du roman de Claisse
; il est dirigé tour entier et contre les parens et
contre Lovelace , Mais pour l'infortunée Clarisse , elle
inspire un intérêt d'autant plus touchant , que dans la
position désespérée où sa famille l'a réduite , elle conserve
sa vertu au milieu même des faiblesses et der
tendres affections de son coeur. Qu madame Staëel n'a
pas assez développé sa pensée , où elle a mal saisi le plan
moral du roman de Clarisse .
( 193 )
Nous ne pousserons pas plus loin cette analysè. Nous
tegrettons que les bornes qui nous pressent , né nous
permettent pas de citer une foule d'observations fines
ou ingénieuses dont cet essai est semé .
Mais nous dérobérions à nos lecteurs un grand plaisir,
ét à madame Staël an juste sujet d'éloge , si nous nè
rapportions un des morceaux les plus intéressans do
cet essai , et qui le terminé . On n'en sera pas surpris .
lorsqu'on saura que c'est l'Héloïse de Rousseau qui le
lui a inspiré.
;
› Les lecteurs enthousiastes d'un semblable talent
sont en très-petit nombre , et ces ouvrages font toujours
du bien à ceux qui les admirent ; laissez- en jouir les
ames ardentes et sensibles , elles ne peuvent faire entendre
leur langue ; les sentimens dont elles sont agitées
sont à peine compris , et sans céssé condamnés ; elles
se croiraient seules au monde , elles détesteraient bientôt
leur propre nature qui les isole , si quelques ouvrages
passionnés et mélancoliques ne leur faisaient pas
entendre une voix dans le désert de la vie , ne leur
faisaient pas trouver dans la solitude quelques rayons
du bonheur qui leur échappe au milieu du monde
ce plaisir de la retraite les repose des vains efforts des
espérances trompées ; et quand tout l'univers s'agite
foin de l'être infortuné , án écrit éloquent et tendre
reste auprès de lui comme l'ami le plus fidele et célui
qui le connaît le mieux . Oui , il a raison le livre qui
donne seulement un jour de distraction à la douleur ,
il sert aux meilleurs des hommes ; sans doute on peut
trouver des peines qui appartiennent aux défauts du
caractere mais il en est tant qui naissent ou de la
supériorité de l'esprit ou de la sensibilité du coeur , tant
qu'on supporterait mieux si l'on avait des qualités de
moins avant de le connaître , je respecte le coeur qui
souffre , et j'applaudis aux fictions mêmes dont le seul
résultat serait de le soulager en captivant son intérêt.
Dans cette vié , qu'il faut passer plutôt que sentir, celui
qui distrait l'homme de lui -même et des autres , qui suspend
l'action des passions pour y substituer des jouis
sances indépendantes , serait dispensateur du seul veri
table bonheur dont la nature humaine soit susceptible
si l'influence de son talent pouvait se perpétuer. "
A la suite de l'essai sur les fictions sont trois Nouvelles,
Elles nous ont paru faibles de couleur et d'intérêt.
Aussi madame Staël nous apprend- elle qu'elle n'avait
( (¿2 261 )
pas vingt ans quand elle les a écrites , et que la révolution
de France, n'existait point encore. Je veux
croire , ajoute - t - elle , que depuis , mon esprit a acquis
assez de force pour se livrer à des ouvrages plus utiles,
dit de toutes
les facultés morales , quelquefois je crains qu'il ne produise
un effet contraire , qu'il ne jette dans un ahattement
qui détache et de soi- même et des autres . La
grandeur des événemens qui nous entourent fait si bien
sentir le néant des pensées générales , limpuissance
des sentimens individuels , que perdu dans la vie on
ne sait plus quelle route doit suivre l'espérance , quel
mobile doit exciter les efforts , quel pancipe guidera
désormais l'opinion publique , à travers les erreurs de
l'esprit de parti , et marquera de nouveau dans toutes
les carrieres le but éclatant de la véritable gloire ? ",
es
que
le
malheur
hâte
le
développement
def
*
On ne voit pas trop ce que la révolution française
peut avoir de commun avec des Nouvelles écrites avant
qu'elle existât , ni quelle est l'espece de malheur per,
sonnel qui a pu hâier ou retarder le développement
de ses facultés morales . Retirée en Suisse auprès d'un
pere et d'une mere , dignes o jets de son admiration
sa tendresse entourée des connaissances et des
sociétés qui intéressaient le plus à Paris , et qu'elle
a eu le bonheur de etrouver dans sa retraite , elle
a vécu loin des orages et de 1 horrible tourmente de
notre révolution . L'impression éloignée qu'elle en a
teçue a dû sans doute affecter son ame sensible ; on
le voit assez au soin qu'elle prend d'en retiacer sang
céssé le souvenir. Mais enfin n'existerait - il plus pour
elle de motils pour la fie sortir de cet abattement qui
détache et de soi - même et des autres ? Epouse d'un des
membres distingués du corps diplomatique , il semble
qu'elle devrait trouver quelqu'adoucissement dans les
sentimens de bonne intelligence que montre , pour la
France , la cour dont son mari est l'envoyé. Doyée de
talens qui lui promettent toutes les jouissauces de la
gloire littéraire , elle a pour perspective cette estime
Batteuse qui ne peut que s'accroître , si elle veut sur
tout se préserver , dans son style , de l'embarras et de
Fobscurité qu'y jettent trop souvent les méditations
philosophiques dont son esprit aime à se nourrir. Elle
nous pardonnera à - la -fois ces conseils politiques et ces
ébservations critiques , que nous ne nous serions point
ན
( 227 )
permis , si nous n'étions convaincus qu'elle est digne de
les entendre et d'en profiter ( 1) .
NOUVELLES ÉTRANGERES.
It
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 19 août 1795.
Ly a eu , le 7 juillet , un incendie considérable dans la
capitale de l'Empire ottoman , et la difficulté de s'y procurer
des vivres fait craindre que le peuple n'y manifeste encore
son mécontentement de cette terrible maniere , car on ne doute
pas que le feu n'ait été mis exprès . Des lettres du 26 juillet ,"
annoncent que cette semaine même , il avait été encore mis
en differens endroits , mais qu'on avait eu le bonheur de
l'éteindre avant qu'il eût fait des ravages ; ce qui inquiette
sur tout , c'est qu'on croit que les janissaires sont pour beaucoup
dans ces mouvemens ; et qu'ils travaillent même à exciter
une insurrection formelle .
Cependant on espere beaucoup de la nomination du Ratibeffendi
, au poste important de Reis - effendi . Cet ex ambassa
deur à Vienne lors de l'avènement de Léopold II , a deployé
antrefois dans l'inspection générale des subsistances un zele
infatigable et des talens rares ; il a déja réussi dans une année
de disette générale à sauver la capitale de la famine ; il est
d'ailleurs très- versé dans la connaissance des différens intérêts
de l'Europe . Ibrahim -Bey vient de partir en qualité d'envoyé
près de la cour de Vienne.
1
De Francfort-sur- le-Mein , le 15 août....
Des lettres de Vienne du 2 da courant , représentent l'empereur
comme en balance et flottant sur le parti qu'il a à
prendre. Cette incertitude est telle qu'on ne sait pas , et qu'on
ne peut même trop conjecturer si l'on aura la guerre ou
la paix , si vivement desirée par tout le corps germaniques,
et même par les états héréditaires , à qui le besoin s'en fait
( 1 ) On nous assure que l'ouvrage de madame Staël qui vient
d'être rendu public a Paris , a été composé et imprimé en Suisse ,
peu de mois après le 9 thermidor , et qu'elle écrirait aujour
d'hui d'après des impressions plus favorables. Nous devions
celte remarque à nos lecteursel so gostout 12
(( 228 )
1
sentir comme au reste de l'Empire. Voici ce que portent ces
differentes lettres :
L'empereur vient de nommer son frere l'archiduc Joseph
son lieutenant au royaume de Hongrie. I remplira cette
place jusqu'à ce qu'une nouvelle diete des Hongrois le nomme
palatin de Hongrie ; dignité que le voeu général lui destine
depais la mort inopinée de l'archiduc Leopold .
"
Le gouvernement vient de faire publier l'état de notre
armée sur le Rhin. Le général Clairfayt a sous ses ordres 130
mille Autrichiens , et l'armée de l'Empire s'élève à 50 mille ; Parme
en total , 180 mille hommes. Ces troupes sont postées depuis
Siegjusqu'au Mein , et du Mein jusqu'au Vienx Brisac. Les
Français , sur la rive gauche du Rhin , ont des forces con
siderables , qu'on porte à 250 mille hommes , depuis Colo
gne jusques à Huningue , outre 50 , mille qui s'etendem de.
Cologne jusques en Hollande . La rive du Rhin est converte
d'une grande quantité de redoutes , élevées depuis peu , qui
forment une chaîne de postes et de batteries. Cette position
respectable , empêche le général Clairfayt de hasarder aucune
entreprise , qui pourroit causer le sacrifice de nos braves
guerriers.
Ratisbonne , 6 août . Le décret de ratification concernant
Les négociations à entamer pour la paix avec la France , a
été communiqué hier officiellement à la diete . L'empereur
après avoir rapporté le conclusum de la diete du 3 juin, dans toute
son étendue , témoigné sa satisfaction sur la persévérance manifestée
par les états de l'Empire , à ne traiter que d'une paix
générale avec leur shef , et dans la voie de la constitution.
En ratifiant ainsi l'art . II du conclusum , l'empereur annonce
en même tems qu'il a déja fait des disposi ions pour acce
lérer l'objet de la pacification , suivant les vues de la diete ,
et qu'en tout tems , il lui fera part du résultat d'où dépendra
la prompté mission du ministre plenipotentiaire imperial
et de la députation de l'Empire au lieu du congrès . Il pense
que ce ne sera qu'après l'ouverture effective des négociations ,
et lorsqu'elles présenteront une perspective rassurante en
faveur d'une paix juste et honorable , que l'on pourra juger
si , sans nuire aux négociations , il sera possible de convenir
d'un armistice d'où s'ensuit la dure nécessité pour les étais
de l'Empire de ne point rallentir leurs efforts pour la défensé
commune. En attendant cependant l'empereur promet de
s'employer pour faire cesser les requisitions et devastations
dans les pays occupes par bennemi.
Quant à la médiation de la Prusse , l'empereur est d'avis :
Que la situation politique des affaires n'est pas tellement pressante,
qu'il én resulte la nécessité ou un avantage évident de
rechercher la médiation on les bons officess d'un tiers , qui
( 229 )
•
réunisse l'intelligence , la prudence , la probité et l'impar
tialité requises , vu que l'Empire germanique , qui occupe
le premier rang , est assez puissant et considéré , par la
réunion de ses membres avec son chef , pour se procurer par
lui- même une paix juste et honorable . Cependant , attenda
que la diete , snivant la majorité des suffrages cherche à se
rassurer par la coopération des bons offices du roi de Prusse ,
l'empereur veut bien ne pas refuser son agrément au vou manifeste
à cet égard par les états de l'Empire sans néanmoins que
cette médiation puisse porter obstacle , soit aux négociations
immédiates entre le chef de l'Empire , de concert avec les
états députés et le plénipotentiaire français , soit à la maniere
constitutionnelle de traiter. L'empereur termine par engager
les électeurs , princes et états de l'Empire , à ne pas s'ecarter
de la voie constitutionnelle , à s'abstenir des actes arbitraires ,
et à se soumettre aux lois que le chef de l'Empire est obligé
par sa capitulation à maintenir contre toutes les démarches
inconstitutionnelles , de l'exemple desquelles on pourrait dans
la suite conclure un changement tacite dans les lois fondamentales
sur lesquelles reposent la sûreté et la prospérité de
l'Allemagne.
Ce qui aidera pourtant puissamment l'empereur à se déterá
miner pour la paix , c'est l'impossibilité de tenir seul ou
à- peu près seul , contre la France : on croit même voir des
acheminemens à cette paix , dans la démarche suivante , quoique
l'orgueil , oa si l'on veut le sentiment de sa dignité , de la part
de François If mette dans cette affaire quelques obstacles qu'il
cut pu applanir.
On sait que le général Pichegru a communiqué à M. le
comte de Cierfayt , par l'entremise de M. le baron de Stein
commandant des troupes du cercle de Souabe , le décret de
la Convention relatif à la princesse Marie - Thérese Charlotte ,
fille de Louis XVI . M. le général de Clairfayt ayant transmis
cette piece à l'empereur , en a reçu une dépêche dont un de
aos papiers publics garantit l'authenticité , et qui est ainsi
conçue :
" Mon conseil aulique de guerre m'a renda compte de
votre rapport du 15 juillet , et de la piece qui a été remise
au général tein par le général Pichegru , relativement à la
princesse Marie - Thérese , fille de Louis XVI , ma cousine ,
et aux autres princes et princesses de la famille de Bourbon .
Dans toute autre circonstance , les conditions dont on veut
faire dépendre la liberté des membres de cette famille infor
tunée , qui sont restés en France , auraient dû être regardées.
comme entierement inadmissibles ; mais puisqu'il n'est que
trop vrai qu'au milieu des violentes catastrophes qui se suc
cedent les unes aux autres dans la révolution française , je
ne dois consulter que ma tendre affection pour ma cousine ,
( 230 )
et mon vif intérêt pour les princes et princesses de la famille
des Bourbons , et ne songer qu'aux dangers dont ils n'ont cessé
d'être environnés , mon intention est que vous fassiez connaître
au général français , que je veux bien accéder , quant
au fond , à la proposition qui a été faite . Mais il est une
proposition que je juge à propos de lier à celle que renferme
la piece remise au général Stein : elle a pour objet l'échange
respectif des nombreux prisonniers de guerre , dont nonobs
tant mes demandes réitérées , on a toujours opiniâtrément
refusé de s'occuper.
彩
" Quelques soins que , malgré le traitement peu favorable
de mes soldats prisonniers en France , j'aie ordonné de prendre
des prisonniers français dans mes etats quoiqu'ils soient
placés dans des provinces où les vivres sont abondans , qu'on
les paie exactement en numeraire , et qu'on leur donne tous
les secours de la religion , de l'humanité , et tous ceux qui
sont dûs à l'infortune , ils n'en éprouvent, pas moins uecessairement
une foule de maux qui sont inséparables de leur
état , et auxquels se joint encore cette idee qu'ils sont aban
donnés dans des climats éloignés de ceux pour lesquels ils
ont combattu , qu'ils ne reverront plus leurs familles , qu'on
les punit pour les malheurs et les hasards des combats , et
que la qualité de prisonniers , regardee jusqu'ici comme un
Litre de plus pour réclamer l'intérêt de ceux a qui l
l'on s'est
sacrifié , semble n'être à leur égard qu'un motif d'ingratitude.
Je ne veux pas qu'on puisse m'imputer cet oubli du droit
des gens qui perpétue la détention de tant de malheureuses
victimes de la guerre ; et à plus forte raison , dois-je rechercher
tous les moyens de rendre a la liberté mes fideles soldats ,
prisonniers dans un pays où chacun sent qu'ils doivent forcément
partager tous les fléaux dont ses propres habitans
n'ont pu se garantir . Vous me rendrez compte , sans délai ,
de la repouse qui vous parviendra à ce sujet , pour régler
ensuite plus particulierement les détails d'exécution relatifs
à la proposition transmise par le general Pichegru , et qui ,
je pense , ne pourront donner lieu à aucune difficulté . "
"
*
Les dernières lettres de Vienne annoncent positivement que
le général Bellegarde venoit de partir pour l'armée du Rhin ,
avec un nouveau plan d'opérations : elles ajoutent que Warmser
ne tardera pas à le suivre . On attendoit hier ce genéral à l'armée
, à Schwetzingen . On prétend savoir que l'armée autrichienne
sera divisée, en deux corps qui agiront , l'un sur le
Haut- Rhin , aux ordres de Wurmser ; l'autre sur le Bas- Rhin,
aux ordres du général Clair fayt .
Manheim , 16 août . Cette nuit il est encore parti du camp
près de Schwetzingen , un corps considérable de troupes autrichiennes
mais on ignore si elles seront dirigées vers Ras
tad: on vers Mayence.
( 231 )
Une personne arrivée de l'acte côté du Rhin a déclaré que
depuis quelques jours un nombre considerable de troupes
françoises a di filé par Newstadt , se dirigeant vers Landan et
Strasbourg et que les françois n'ont que très - peu de moude
devan Mayence . Par les mouvemens des armees respectives
paroi: que le theatre de la guerre va s'éloigner du Palatinat.
23
Haut Rhin , 12 août. Les dernieres lettres de Basle portent
qu'on y craignoit beaucoup que Farmée ' autrichienne) ,Mayant
en tête le corps de Condé , ne voulût passer et violer le territoife
suisse . On a eu le soin de rassembler un corps de
troupes ; mais celles - ci sont aux environs de Berne , et par
conséquent à une trop grande distance , puisque le passage
poifrou être l'ouvrage d'une seule nuit . On a cependant des
motifs pour se rassurer dans les dispositions de Pichegru Ce
general a fait avancer un si gos corps de troupes contre les
frontières de Suisse , que le passage est presque impossible.
On apprend d'ailleurs que le ministre prussien Hardenberg .
doit metre hout en oeuvre pour que Basle soit déclarée neutre,
et qu'il ne soit coumis aucune hostilité sur son territoire. ?
C
27:43
est avec une extrême defiance pour ne pas dire plus
qu'il faut tire plusieurs feuilles aliemandes . Depuis quelque
tems un de leurs objets favoris est d'établir que les
et
da Nord vivent intenant dans, la meilleure harmonCes
3 point a craindre qun'il éclate aucune
guerre entre
19 19
somo
a act
7
།
&
dans ses troupes
la acue
et la discipu
la
ne de elles . Cependant alors que ces gazetiers
hers dissertent , la Suède
fut de grands rand Préparatifs militaires ;, la Russe envoie des
oupes nombreuses sur la partie de ses frontiel es , Voisine
cette contree . Le roi de Prusse a des forces imposantes dans la
Prusse méridionale ; et le bruit couroit, n'aguerès qu'il avait
rappelle son ministre à Petersbourg. Silon rapproche de ces di-
Veres circonstances les innovations de la Turquie , pour porter
discipline europeeune on peut
croire qu au cas que la guerre n'ait pas
du moins on est
loma de pouvoir dire que les affaires dans
dans le moment actuel
présentent un aspect pacinque . La Russie et l'Angleterre ne sont
pas du moins de l' avis de ces gazetiers ; et conjoncture acnelle
ne leur parois pas indifférente ferente . Ceux qui sont à portée
de connoire le mège diplomatique de la première , disent
'elle se donne des soins infinis pour porter le Danemarck á
rompre les nouvelles liaisons politiques qu'il a contractées
et l'éloigner de la ligue qu'on veut former pour l'opposer à sa
puissance colossale et aux nouveaux
ux
engagemens qu'elle a
contractés de sou côte . Pour le cabinet de Saint - James ,
il cherche unvertement toutes les occasions possibles de
flatter celui de Copenhague . Tous les vaisseaux danois saisis
l'au dernier avec tant de hauteur et de violence , sont rendus
leurs propriétaires avec de fortes indenuites. L'amirante Bilan-
T
ཞ མག །
.
( 232 )
nique a reçu les ordres les plus pressans , de terminer tous çes
procès dans le plus bref délai .
Ce que ces feuilles rapportent de la Hollande paroît aussi mal
fondé. A les entendre , le Danemarck et la Suède prennent en
main la cause du stathonder , qu'il a lui même si mal défendue;
et une armée considerable , composée de déserteurs hollandois
, qu'on a eu soin d'appeller la véritable armée de la Ré
publique , s'assemble en Westphalie et va faire très-incessamment
la conquête de toutes les provinces bataves, Afin de faciliter
le cours de ce torrent , les folliculaires font sortir à- peti.
près toutes les troupes françoises de la Hollande et en éloignent
le représentant du peuple Richard. Malheureusement pour l'o
pinion qu'ils veulent établir , on se rappelle qu'il y a des suipulations
antérieures qui ont déterminé le nombre des troupes
Françoises qui doivent rester en Hollande : non seulement le
représentant du peuple Richard est toujours à la Haye ; mais
on y attend encore le représentant Raniel , On se rappelle
d'ailleurs que les troupes hollandoises , ou plutôt stathoudé
tiennes , qu'on a vu agir lors de l'invasion des français en Hollande
, me semblent pas propres à faire de grandes conquêtes,
Les états généraux paroissent auss redouter fort peu les périls
où les gazetiers les disent exposés , puisqu'ils viennent encore
de licencier tout récemment les régimens suisses qui étoient à
leur solde.
Mais c'est sur-tont en parlant des affaires de France que ces
nouvellistes donnent un libre essor aux talens qu'ils ont pour la
fiction . On voit dans leurs fuilles les armées de la Répu
blique se miner par la désertion . Les corps d'émigrés , qu'on a
été trois ans sans pouvoir completter , en employant tour-dtour
la séduction et la menace , se grossissent au contraire
vue d'oeil depuis que leurs affaires ont pris une tonnure plus
désespérée. Le général Pichegru est tombé dans la disgrace
de comité de salut public ; on insinue même qu'il a
voulu imiter l'exemple de Dumouries. On annonce qu'an
moins le commandement- général de son armée a passé au géné
ral Jourdan , etc. etc. etc. Telle est la manière dont ces véridiques
gazetiers font connoître à leurs lecteurs la situation de
l'Europe.
Des lettres de Bale , de la fin du mois dernier , disent que
la République Française a fait payer en argent comptant
toutes les pensions des officiers de Suisse , retirés et congédiés ,
qui ont rendu leurs commissions , et même que cette mesure
s'est étendue jusques sur les soldats ; ces mêmes lettres ajontent :
M. de Rhode , envoye de Prusse destiné pour Paris , est
parti d'ici le 28 de ce mois , pour s'y rendre . M. de Hardenberg
et plusieurs envoyés des princes d'Allemagne ont de
fréquentes conferences avec M. Barthélemy , et on en conlat
qu'on travaille sérieusement à la paix de l'Empire.
Le
( 233 )
X
Le village situé sur le lac des quatre villes de Bois , appartenant
à Lucerne , nommé Weggis , vient de disparaître . Voici
comment :
Un ruisseau , qui de la montagne de Régis , avait pris son
conrs vers le village susdit , détourna subitement son cours ;
on le suivit , et on s'apperçut qu'il allait se perdre dans un
gouffre profond de la montagne . En même tems on s'apperçut
qu'en plusieurs endroits , près du village , le terrein s'enfonçait
et que la tour de l'église paraissait s'ébranler . Les habitans
ue balancerent pas à emporter leurs effets et à transporter
plus loin leurs pénates. En peu d'heures le terrein sur lequel
était situé le village , s'écroula vers le lac et au même moment
une partie de la montagne s'éboula et engloutit le vil
lage , dont on ne soupçonne plus l'ex'siance .
ANGLETERRE . De Londres , le 6 août.
L'embarquement de cavalerie rassemblée à Southampton se
continue sans relâche ; si l'on joint à cela l'embarquementà Cork,
il faut avouer que nos ministres , malgré le desir du peuple pour
la paix , ne sont gueres dans l'intention d'y satisfaire , a moins
qu'on ne prétendit que pour parvenir à cette paix , l'intérêt
de la Grande - Bretagne serait de frapper de grands coups.
Jusqu'ici leurs combinaisons n'ont pas été fort justes ; le tems
apprendra si elles le seront davantage pour l'avenir.
Lord Howe est décidément à la veille d'aller reprendre le
commandement de la grande flotte . Il fera voile de Portsmouth
la semaine prochaine avec onze vaisseaux de ligne , et ira
relever lord Bridport .
2
Le froment a encore haussé , il y a quelques jours , de
cinq chélins , de maniere que le quarter ( mesure contenant
huit boisseaux ) en coûte aujourd'hui cinq guinées . Le prix
du pain en sera naturellement augmenté à proportion . Aa
marché d'hier , il s'en vendit 8oco quarters tires de l'étranger
et 300 de l'intérieur. L'on avait bien commencé à ne fabriquer
que du pain bis ; mais les meuniers et les boulangers out
déja cessé de nous donner et de cuire de la grosse farine ;
Je peuple n'a point goûté cette économie , et il a prétendu
que le pain fin le nourrissait mieux que l'autre . Le roi , en
faveur des habitavs du voisinage de Windsor , fait moudre et
vendre à plus bas prix des grains qu'il tire de ses propres
magasins. Comme tous les festins et banquets sont suspendus
pendant la disette actuelle , le jour de naissance du prince de
Galles , qui se célébrait d'ailleurs solemnellement à Widsor ,
s'y passera cette fois - ci à petit bruit .
Le cabinet a ordonné qu'on lui envoyât une liste de tous les
prisonniers de guerre qui sont en Grande Bretagne ; ce qui
porte à croire que l'échange s'en fera entre nous et les Français.
Tome XVII ,
ዲ
( 34 ).
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE DAUNOU.
Séance de duodi , 2 Fructidur .
Le représentant du peuple Besson , en mission dans le département
de la Gironde , et accusé d'avoir pris un arrêté par
lequel il abandonnait aux prêtres insermentés exclusivement
l'usage des églises , déclare que ce bruit est calomnieux , et
qu'il a fait traduire devant les tribunaux celui qui l'a répandu
.
Organe du comité d'instruction publique , Portier ( de
l'Oise ) , fait décréter que le cit . Ginguené , adjoint de la
commission exécutive de l'instruction publique , remplira
les fonctions de commissaire national dans cette partie , à l
place du cit . Garat , qui a donné sa démission , et que les
deux places d'adjoint sont supprimées .
Un membre du cemité de législation demande si la Convention
, en excluant , par l'acte constitutionnel , pour jamais
, du territoire français , les émigrés , a entendu s'inter
dire toutes modifications sur les lois rendues à cet égard , et
il observe que le comité se propose de faire incessamment
un rapport sur quelques dispositions de ces lois. Daunou lui
répond que cet article n'aura d'exécution qu'avec la constitution
, et que celle - ci ne datera que du jour de son accepsation
par le peuple.
Daunon fait encore ajouter un article à la constitution . Il
porte que les acquereurs de biens nationaux ne peuvent être
dépossédés , quelle que soit l'origine de ces biens.
On ouvre la discussion sur le projet de décret présenté
par Baudin , au nom de la commission des onze. Lahaye
obtient le premier la parole , et parle contre ce projet. Le
jury de coufiance , pour opérer la réduction d'un tiers dans
la Convention , lui parait une institution dangereuse. Il pense
que les démissions volontaires seront per nombreuses , et
qu'il faudra recourir au sort ; mais ce moyen lui paraît contraire
aux intérêts de la République , et à ceux des membres
qui n'auront pas le bon esprit de donner leur démission. Il
en conclat que c'est au peuple à déterminer quels seront les
membres de la Convention qui entreront dans le corps législatif
, le souverain rentrant dans l'exercice de ses droits , an
moment de la formation de la constitution , et étant seul
( 235 )
compétent pour composer le corps législatif. Lahaye pense
aussi qu'il faudrait provisoirement établir la constitution , et
l'essayer pendant six mois , avant de la présenter à l'acceptation
du peuple . Cette opinion n'est pas entendue sans mur.
mures .
Un membre : Ce n'est pas à ceux qui ont fait la constitution
à la faire marcher. Vous ne pouvez ni changer i modifier
vos pouvoirs sans usurpation ; il faut laisser au peuple
le choix des membres du corps législatif , avec la faculté de
nommer des membres de la Convention , s'il les croit encore
digues de sa coufiance ,
Baudin : Un gouvernement provisoire n'est qu'une tyran
nie provisoire . On craint que le nombre des démissions ne
soit peu cousidérable ; mais sans révéler le secret de personne
, je déclare qu'un grand nombre de membres dignes de
votre estime , sont dans l'intention de donner leur démission .
Lareveillere Lépanx est d'avis qu'une constitution ne peut
être mieux maintenue que par ceux qui l'ont faite , parce
qu'ils sont intéresses à la soutenir. Il ne doute pas qu'elle
ne soit acceptée par tous les Français , à moins qu'ils ne
soient devenus fous.
L'Assemblee renvoie le projet à un nouvel examen de la
commission , et ajouine au lendemain , ainsi que le projet
présenté par Lehardy , qui consiste à obtenir la réduction
aux deux tiers par les démissions , ou par le sort , s'il n'y a
pas assez de démissions . Néanmoins sur la motion de Monnot ,
la Convention décrete que les députés prisonniers en Autriche
feront essentiellement partie du corps législatif.
du
Sieyes annonce que le comité de salut public a reçu
citoyen Barthelemy , ambassadeur de France en Suisse , l'avis
de la ratification du traité de paix par la cour d'Espagne .
Vifs applaudissemens . )
Séance de tridi , 3 Fructidor.
Il y a eu avant - hier soir une séance extraordinaire pour
le renouvellement du bureau. Henri Lariviere avait obtenu
la majorité ; mais comme elle n'était que relative , quelques
mombres ont réclamé le réglement et demandé qu'il fût procédé
à un nouveau scrutin . En vain Legendre a- t - il observé
que la chose s'était présentée déja plus d'une fois , et qu'on
ne s'y était pas arrêté ; pour terminer les débats , il a été
décrété le lendemain au soir on procéderait
1 .
an nou❤
que
veau scrutin . Chénier , concurrent de Lariviere , a eu la majorité
absolue , et il a été proclamé président.
Monnot , au nom des comités des finances et des postes et
messageries , fait décréter un nouveau tarif pour le prix des
chevaux de poste , des diligences et du port des marchan
dises . Il est réduit d'un tiers.
Q2
( 256 ) ,
Baudin , au nom de la commission des onze , dit que deux
sentimens l'ont toujours animée , l'amour de la République
et celui des membres de la Convention ; que le premier leur
a inspire le desir d'en conserver les deux tiers dans je corps .
legislatif , et le second d'écarter d'eux tout ce qui pourrait
avoir les apparences d'une exclusion . Ma's la Convention
n'ayant pas approuve son projet , elle y renouce ,
ainsi qu'au
systême des démissions . Elle n'a paz cu uon plus devoir
adopter le projet de Lehardy , rien n'étant plus aveugle que
le sort . Son avis est que la Convention doit se charger ellemême
de l'élection des 500 menbies qui doivent rester dans
le corps législatif. Ainsi chaque membre sera électeur et
éligible , et se soumeura au jugement de la majoritė ...
Baudin propose un projet de décret conçu en ces termes :
" Art . Ter , Les comites des décrets , procès- verbaux , archives
et des inspecteurs de la salle se réuniront sur- le- champ .
His donneront les ordres nécessaires pour faire imprimer, avee
toute la célérité possible , la liste des députés eu activité.
" II . Me seront pas compris dans cette liste les députés
mis en arrestation ou en accusation depuis le per. germinal
dernier , i les suppléans qui , ayant remplacé des députés
proscrits au 31 mai et rentrés depuis , se trouveront surnuméra
es dans leur députation ,
,, II . Chaque député écrira le mot élu en marge de 500
noms de ceux de ses collegues qu'il voudia poster au corps
législatif. Ces listes seront déposées dans un scrutin , à l'appel
nominal; le relevé en sera fait par le beu.
55 IV. Tous les députés actuellement à Paris seront tenus
de voter.
V. Les listes qui contiendront plus de 500 noms potés
à la inarge , seront rejettées .
- V1 . Les députés non réélus seront rééligibles par les
-assemblées électorales . Ils seront répartis dans les deux conseils
, suivant leur âge et les autres qualités exigées par la
constitution , et ils y resteront ,jusqu'à l'arrivée de leurs suc-
CESSERTS . 19
Un membre dit que ce projet a un inconvénient très-grave ,
celui de laisser plusieurs départemens sans représentans . Il
déclare qu'il n'y a de juste et de conforme à la cousutution
que le node des assemblees électorales . Viltard reproche au
projet de n'être encore qu'un scrutin epuratoire . Guyomard
demande la priorite pour celui de Lebardy , qui lui paraît
encore présenter le moins d'inconvéniens .
Thibaudeau Je ne dirai pas , comme quelques membres ,
que la commission des ouze a en des arriere - pensées . Je ne
le crois pas. Qu'on uomme réduction ou épuration le moyen
proposé , peu iinporte ; toujours faut-il qu'un tiers sorte . Si
ce moyen est le plus utile au peuple , il faut l'adopter.
•
( ( 237 )
"
Nous nous connaissons entre nous quoi qu'on en dise .
Pour moi , je ne récuserai jamais le jugement de la majorité
de mes collegues . Je demande la priorité pour le projet
de la commission . Bailleul et Lonvet appuieni Thibaudeau.
-lis douviennent qu'on ne peut pas se dissimuler que tous
- les membres n'ont pas conservé la confiance . L'Assemblée
écarte par la question préalable , la voie du sort , et journe
au lendemain ..
Seance de quartidi , 4 Fructidor.
La séance s'ouvre par la continuation de la discussion sur
le projet de la commission des onze . Eschasseriaux l'aîné ,
qui parle le premier , dit qu'un moi qu'il a entendu hier ka
éclairé qu'il ne tient ses pouvoirs que de ses commettans ,
et qu'il ne doit et ne veut les remettre qu'à eux .
lesQui nous connaît mieux que nos commettans ; ajoute
Maithe , et qui peut mieux savoir si nous avons conserve ou
perdu leur confiance ?
*
Belville propose d'ouvrir un registré dans lequel s'inscriraient
ceux qui reuenceraient à être menibre du corps légis
latif. Lakanal pense qu'on a demandé l'épuration par serin
ou par jury , moins pour écarter des coupables que pour exclure
quelques hommes qu'on n'aime pas , et qu'on a voulu
sy substituer ensuite les corps électoraux , parce qu'on a craint
ales intrigues de bepuration di adopte le plan de la commission.
L
st
D
Un membre : Nous présentons depuis quelques jours un
singulier spectacle aj la France : Que signifient toutes ces déclamations
par lesquelles quelques membres cherchent à
-échapper au jugement de leurs commettans ? Quei ! il n'y
aurait plús en France d'autres républicains que nous ? C'est
› calomniers étrangement la nation . Que ceux
qui ont fait le
biens.eu, rapportent à leurs concitoyens . On vous parie de
guerre civile ; ce sont là des prétextes pour colorer des
Heraintes , personnelles . Je m'étonne qu'avec de semblables raisonuemens
, on ne vienne pas vous demander aussi de ne
plus reconnaitre d'autres électeurs que vous - mêmes. C'est la
confance du peuple qui doit seule mettre quelque différence
entre nous. Pour moi , je récuse tout autre tribunal que le
sien. C'est de lui que je tiens mes pouvoirs , lui seul a le
droit de me les continuer ou de me les retirer . Je demande
les corps électoraux .
Louvet appuie de, nouveau le projet de la commission.
Peut- on consulter la Vendée , dit-il? Que répondrez vous à
un corps électoral qui vous dira que sur les douze membres
de sa deputation , il y en a huit qui ont perdu sa confiance ?
Baudin : Le moment où chacun doit être récompensé selon
ses oeuvres est venu , Des électeurs feront sans scandale , ce
Q 3
( 238 )
J
que vous ne pourriez faire sans troublés et sans aigreur.
C'est à eux qu'il appartient de délibérer sur les personnes .
Le membre rééla éprouvera une régénération , recevra une
force morale nouvelle dont il a besoin
Presque toutes les opinions étant prononcées pour le systême
des corps électoraux , on demande la clôture de la discussion
; elle est fermée à l'unanimité , et l'Assemblée rapportant
son précédent décret , décide que la réduction aux
deux tiers se fera par les corps électoraux .
J
Séance de quintidi , 5 Fructidor .
L'agent national de Cherbourg écrit que trois chaloupes
anglaises out tenté une descenté sur les côtes ; mais que
quelques commis aux douanes , joints sa plusieurs citoyens .
les ont empêchés d'effectuer leur débarquement.
91 Tallien rappelle à l'Assemblée qu'en rendant compte de la
victoire de Quiberon , il l'a instruite du courage de David ,
qui , après avoir déserté l'armée ennemie , est mis à la tête
d'une colonne contr'elle , la fait passer par des endroits où
-l'on avait de l'eau jusqu'à la ceinture , l'amene près du fort
Penthievre , et ce fort est bientôt en notre pouvoir comme
il l'avait promis . Sur las demande d'un membre , David , qui
rétait à la barre , reçoit l'accolade fraternelle du président , et
la Convention décrete qu'il lui sera donnés une armure et
deux chevaux pour faire son service de sous-lieutenant dans
le 16. régiment de chasseurs .
ཏི
Baudin présente , au nom de la commission ddes onze , le
mode d'exécution du décret rendu hier sur la réduction ,
par les corps électoraux , de la Convention aux deux tiers ,
et l'érection de l'autre tiers ; il est ainsi conçu av 1970
1º . Le corps législatif sera composé de membres de la
Convention nationale et de nouveaux membres élus par les
prochaines assemblées électorales , dans les proportions qui
sont réglées par l'acte constitutionnels >8
.
2º. Les assemblées électorales nommeront les députés an
Scorps législatif prochain , et en prendront les deux tiers parmi
des membres de la Convention en activité . Ne sont pas compris
dans ce nombre , ceux qui sont décrétés d'arrestation depuis
le 1er . germinal dernier.
3º . Chaque député de la Convention remettra par écrit ,
d'ici au 20 fructidor , au comité des procès- verbaux et archives
, sa déclaration sur son âge et les autres qualités requises
par la constitution , pour être membre de l'un ou de
l'autre conseil legislatif.
4° . Les membres absens par mission ou par congé , enverront
la même declaration par écrit , d'ici au 30 fructidor.
Saladin demande la parole pour une motion d'ordre.
Goupilleau : Si Saladin veut parler contre le décret rendu
( 259 )
hier sur les corps électoraux , je m'oppose à ce qu'il soit
entendu .
Saladin Je ne veux point parler contre cet article , mais
contre un article précédemment adopté et relatif au renouvellement
de la Convention par tiers seulement . Je suis
d'avis que ce décret doit être rapporté . ( Violens murmures . )
L'ordre du jour , s'écrie- t- on . La Convention passe à l'ordre
du jour , et refuse la parole à Saladin . Les articles proposés
par Bandin sont adoptés .
Monnot demande que les assemblées électorales renomment
chacune les deux tiers de chaque députation , et non que les
500 membres de la Convention , qui doivent être portés au
corps législatif , soient renommés par la totalité des assemblées
électorales . Renvoi à la commission des onze .
Baudin présente la suite de son projet de décret . Il est
adopté en ces termes :
De la présentation de l'acte constitutionnel aux assemblées primaires.
66 Art. Ier . Aussi- tôt après l'envoi de l'acte constitutionnel
à toutes les communes de la République , les assemblées primaires
seront convoquées à la diligence du procureur- géné.
ral-syndic et de l'administration de chaque département ,
pour être ouvertes au plus tard le 20 fructidor , dans le même
lieu où se sont tenues les dernieres assemblées , sauf les
changemens survenus depuis dans quelques chefs - lieux de
canton .
" II . Tous ceux des citoyens français qui ont voté dans
les dernieres assemblées primaires , y seront admis .
III. Le bureau sera formé par un seul tour de scrutin
de liste simple de cinq membres à la pluralité relative . Parmi
les cinq citoyens qui réuniront le plus de suffrages , les fonctions
de président , de secrétaire et de scrutateurs seront distribuées
suivant l'ordre de pluralité ; et en cas d'égalité de
suffrage entre deux ou plusieurs élus , l'âge decidera du .
rang.
" IV. Dès que le bureau sera formé , il sera donné lecture
de l'acte constitutionnel , à moins que l'assemblée ne
déclare qu'elle se trouve en état de délibérer .
" V. Les assemblées primaires exprimeront leur veu sur
l'ensemble de l'acte constitutionnel , pour l'admettre ou le
rejetter .
VI. Chaque votant donnera son suffrage de la maniere
qui lui sera convenable .
t
19 VII . Le bureau constatera par un procès - verbal le nombre
des votans et le résultat des suffrages .
" VII . Le procès - verbal de chaque assemblée primaire ,
relatif à l'acte constitutionnel , sera mis aussi tôt sa rédaction ,
Q4
( 240 )
par les membres du bureau , sous enveloppe avec cette
adresse : Au comité des décrets , procès- verbaux et archives de la
Convention nationale , à Paris , et contre - signé : Assemblée primairé
du canton d département d Les
directeurs des postes de chaque bureau de départ en char
geront leurs feuilles d'avis .
" IX. Le procureur- général- syndic de chaque département,
concurremment avec l'administration , se feia rendre compte ,
taut par la municipalité de chaque chef- lieu de canton , que
par les directeurs des postes qui auront reçu les paquets
de l'exécution du précédent article , au plus tard le 25 fruc
tidor , et en informera aussi- tôt le comité des décrets , procès
- verbaux et archives .
" X. Immédiatement après la rédaction et l'envoi du procès-
verbal dont il vient d'être parlé , les assemblées primaires
nemmeront le nombre d'electeurs que chacune doit fournir,
d'après l'acte constitutionnel . Il sera fait de cette élection
Lo procès- verbal séparé . La tenne des assemblées électorales
sera indiquee ultérieurement par un nouveau decret.
99, XI : Les députés en mission auprès de chaque armée se
concerteront , dans le plus court délai , avec le général en
chef et les généraux , lant de divisiou que de brigade , pour
assembler tous les défenseurs de la patrie , et leur donner
lecture de l'acte constitutionuel .
" XI . Le jour où chaque armée exprimera son voeil , sera
ensuite fixé par les députés en mission , qui régleront sommairement
la forme de la délibération convenable aux localités
et, aux cùconstauces. <
» XIII . Les députés en mission auprès de chaque armée ,
o le général en chef , ferout passer au comité des decrets ,
¡ procès- verbaux et archives , le voeu de chaque armée , anssi - tât
qu'ils l'auront recueilli .
De la mise en activité de la constitution .
Art, Ier . Le comité des finances , section des domaines ,
est chargé de faire un rapport à la Convention nationale sur
le placement, tam des deux conseils législatifs que du directoire
exécutif.
" II . Le comité des inspecteurs fera pareillement un rapport
sur les distributions et travaux nécessaires dans l'intérieur du
palais national , en se concertant avec le comité des finances ,
section des domaines .
,, III . Le comité d'instruction publique fera un rapport
sur le costame particulier à donner à chacun des deux conseils
législatifs , et à tous les fonctionnaires.
» IV. Ces divers rapports seront faits d'ici au 10 fructidor
au plus tard.
( 241 )
" V. Aussitôt que le comite des décrets , procès- verbaux
et archives aura fait le dépouillement des procès-verbaux des
assemblees primaires , il en fera son rapport à la Convention
nationale.
» VI. La Convention déterminera ensuite le jour de la clôure
de ses travaux comme pouvoir constituant,
VII. Le lendemain , au plus tard de la derniere séance
de la Convention nationale , les deux conseils législatifs
ouvriront leurs séances .
" VIII . Dana qois jours , pour tout děli , le conseil des
einq cents presentera une liste de cinquante candidats pour
former le directoire exécutif ; les cinq menibres qui le composeront
seront nommés par le conseil des ancieus dans les
trois jours qui suivront la présentation de la liste. *
,, IX. Les membres qui , à l'époque de la formation des
deux conseils , composeront les comités de salut publie et
de sûreté générale , continueront provisoirement leurs fonc
tions jusqu'au jour de l'installation du directoire .
" X. A dater du jour de cette installation , les comités ne
pourront preudre ni signer aucun arrêté ils fourniront an
directoire les éclaircissemens dont il aura besoin.
" XI. Toutes les commissions exécutives continueront leurs
fonctions jusqu'à ce que le directoire ait organisé le ministere
; et tous les fonctionnaires publics , jusqu'à ce qu'ils
aient été renouvelles dans la forme prescrite par la constitution
.
,, XII . Les assemblées électorales seront convoquées par
la Convention , immédiatement après le rapport qui lui sera
fait du resultat des suffrages des assemblees primaires , et
avait qu'elle cesse l'exercice du pouvoir coustituant,,
29 XII . Les assemblées tant primaires qu'électorales , qui
vont êue successivement convoquées , le sout par anticipa
tion sur celle de l'an IV , pendant lequel il n'en sera point
tenu .
,, XIV. Les assemblées électorales nommeront le tiers des
députés qui entreront dans l'un ou l'autre conseil , d'après
le tableau qui sera envoyé pour chaque département.
XV. Quinze jours avant la tenue des assemblées primaires
du mois germinal de l'an V , les membres de la Convention
nationale qui auront pris place dans l'un et l'autre conseil ,
tireront au sort la sortie de la moitié d'entr'eux , laquelle
formera le tiers du corps législatif pour le renouvellement
anuuel prescrit par la constitution .
XVI . Ceux qui soitiront alois par la voie du sort , seront
immédiatement réeligibles.
" XVI . Le présent decret sera joint à l'acte constitutionnel ,,
pour être envoyé à toutes les communes de la République
par des courriers extraordinaires .
( 242 )
1
Legendre a la parole pour une motion d'ordre. If porté les
regards de la Convention sur la situation de la République .
Des émigrés sont à Paris et y ont trouvé un asyle ; des publicistes
les représentent comme des fugitifs échappés aux massacres
du 2 septembre . Si les émigrés rentrent en France , dit
Legendre , ils doivent y trouver leur tombeau ou celui de la
Republique. Deja Lafayette passe pour un réfugié et un persé
cuté , ensorte qu'il ne seroit pas étonné de le voir bientôt venir
ici contempler le Champ- de-Mars où il a fait conler le sang des
citoyens . L'opinant demande à l'assemblée de se prononcer
fortement contre les émigrés . Tallien l'appuye , et s'élève
contre ceux qui pervertissent ou éteignent l'esprit public ,
Il fait un appel à tous les partisans de la révolution pour qu'ils
se réanissent et préservent le peuple dans le moment où il va
s'assembler , des pièges de tous les charlatans .
On demande qu'il soit fait une adresse au peuple , Creusé-la-
Touche la présente . Elle est renvoyée à la commission .
Daunon fait adopter les dispositions additionnelles suivantes :
1. la maison du citoyen est un asyle inviolable , on ne peut y
entrer la nuit que dans le cas d'incendie ou de cris au secours ,
qu'en vertu d'ordre des autorités constituées ; 20. les biens des
Emigrés sont invariablement acquis à la nation ; 3º . le directoire
exécutif peut faire des proclamstions pour l'exécuñon des
loix .
Séance de sextidi , 6 Fructidor.
Les représentans du peuple en mission à Lyon , écrivent
que les prêtres insermentés s'agitent dans les communes voisines
pour soulever le peuple et égarer l'esprit public' ; que l'un
d'eux qui se dit curé de Chenevieres , a refusé de connoître la
municipalité , et que la veille du dix août aprés vepres il sorfit
de l'église avec quelques fanatiques ayant à leur tête une
banière portant ces mots union aa pape , et une croix . L'on a pris
des mesures contr'eux . Cette lettre est renvoyée au comité de
sûreté générale.
1
de
Eschasseriaux au nom du comité de législation propose
rayer le nom de Dietrich , maire de Strasbourg de la liste des
'émigrés , ét de rendre ses biens à sa familie . Deville et Char-
Jier demandént l'ajournement du projet . Jean de Bry dit qu'il
connoît parfaitement les faits relatifs à Dietrich , que c'est une
victime de la haine et de la vengeance , qu'il avoit été aquitté
'par le tribunal crintinel du Doubs et qu'il a été condamné pár
le tribunal de Robespierre , non pour émigration , mais pour
Conspiration de prisons . Le projet du comite est adopté .
Mailh , organe des comités de salut public , sûreté générale
et législation , fait un rapport sur les sociétés populaires . Il
'dit que lë royalisme et le terrorisme sont les causes de tous
les maux actuels de la patrie, et qu'en diffétant de nom , ils se
( 943 )
ressemblent par les moyens , par les effets et par les résultats
le despotisme d'un seut . Il leur demande , si c'est le rétablissement
des dîmes , des gabelles , du clergé , l'anéantissement des
assignats , la banqueroute , le pillage , l'incendie et l'assassinat
qu'ils veulent , et si c'est ainsi qu'ils se proclament les amis
de l'humanité ; mais , ajoute l'orateur , vos voeux parricides
ne se réaliseront pas . Les défenseurs de la patrie , ceux qui
ont vaincu la ligue des rois , ne baisseront point devant un
homme leurs fronts couverts de lauriers .
Mailh propose , et la Convention décrete que toutes assóciations
connues sous le nom de clubs ou sociétés populaires
sont dissoutes , que les salles de leurs séances seront fermées ,
et les clefs , registres et papiers , déposés aux greffes des maisons
communes .
J
Berlier , Eschasseriaux , Delville , présentent des projets
d'adresse au peuple . Celle de Berlier óbtient la préférence . La
Voici :
OF CO
Français , après de longs orages , vous allez fixer vos
destinées en prononçant sur votre constitution. Depuis longtems
la patrie appellait à grands cris un gouvernement libre ,
qui trouvât dans la sagesse des principes la garantie de sa
durée ..
" Vos mandataires ont-ils atteint ce but ? Ils le croient ;
ils en ont eu fortement le desir . Citoyens , qui aimez l'ordre
et la tranquillité , acceptez en le gage ; il est dans le gouvernement
qui vous est offert ; lui seul peut , en nous donnant
la paix , ramener par degré l'abondance et le bonheur.
" Français , citoyens de toutes les professions , de toutes
les opinions , ralliez -vous pour l'intérêt de la patrie ; sur-tout
De portez pas des pas rétrogades vers le point du départ.
Des siècles se sont écoulés depuis six ans et si le peuple
français est las de révolution , il ne l'est pas de liberté : vous
souffrez , il est vrai ; mais ce n'est pas en faisant des révolutions
nouvelles , c'est en finissant celle qui est commencée que vous
trouverez le terme de vos maux.
•
" Non . vous n'impurerez point à la République , qui jusqu'à
ce jour ne fut pas organisée , des malheurs qui ne sauraient te
reproduire sous un gouvernement libre sans licence , et ført
sans despotisme.
" Peuple souverain , écoute la voix de tes mandataires ; le
projet de pacte social qu'ils t'offrent leur fut dicté par le desir
de ton bonheur , c'est à toi d'y attacher ton sort ; consulte
ton intérêt et ta gloire , et la patrie est sauvée . ,,
ww
La Convention nationale , après avoir entendu la lecture de
cette adresse , décrete qu'elle sera imprimée , envoyée auk
départemens , aux armées et aux assemblées primaires , avec
le projet de constitution .
ر
( 244 )
PARIS . Nonidig Fructidor , l'an 3. de la République.
La révolution française , cette crise prodigieuse parmi
celles qui , à différentes époques , ont operé de grands
changemens dans la société humaine , approche enfin
de son but politique et moral ; le grand point, est de
Fy fixer ; car tout le succès consiste à ce que ce but
de tant de sacrifices , de malheurs et d'anxiétés , en
puisse être aussi le terme heureux et paisible .
L'impulsion immense souvent aveugle , qui devait
conduire la révolution au centre indiqué par la philo
sophie et la raison , l'en avait tellement écartée , que
c'est aujourd'hui , par une force réactive , qu'elle y
est ramenée , mais non pas sans obstacles et sans résistance.
Aussi l'histoire impartiale saisira nieux que
nous le degré d'estime due à la représentation nationale
depuis la révolution du 9 thermidor : elle aura à
développer comment la Convention républicaine , privée
de la confiance générale , accablée la- fois de ses prospres
erreurs et des torts du peuple , placée entre l'èxaltation
de la démagogie encore puissante , le machiave
slisme très actif des suppôts de la royauté , le débordément
des vengeances individuelles et de tous les préjugés
antiques , a su néanmoins par sa prudence et
T'ascendant des lumieres et des principes , conduire
enfin au port le vaisseau national , malgré tant d'écueils ,
et au milieu d'orages toujours renaissans .
9% 2.0
Cependant , il ne suffisait pas d'avoir organisé la constitution
republicaine , de compter même sur l'acceptation
du peuple ; il s'agissait de faire aller la machine ;
il importait sur- tout que ceux à qui allait être confiée
la direction du nouvel ordre social , ne fussent
point exposés au milieu des influences et des agitations
ultérieures à être saisis de cet esprit d'innovation déja
si naturel à l'homme , et qui a fait naître l'idee fort
sage de ne renouveller que partiellement les membres
du corps législatif et de toutes les administrations .
Pour prévenir un pareil danger dont les suites seraient
si funestes , la commission des onze a pensé qu'il était
indispensable d'appliquer à la Convention nationale le
mode constitutionnel de ne renouveller que partiellement
le corps législatif. Alors se sont présentées plu(
245 )
sieurs questions infiniment délicates , et que les circonstances
rendaient sur- tout plus difficiles à résoudre .
La Convention pouvait- elle , en cessant d'exercer le
pouvoir constitutif, conserver d'autres facultés que celle
d'être individuelleruent rééligible à la législature qui
doit lui succéder ? Les principes rigoureux paraissent
rejetter toute disposition anticipée ; mais la raison , la
nature des choses , l'intérêt suprême du salut public ,
indiquent évidemment que c'eût été compromettre le
sort de la constitution , et s'exposer à tous les malheurs
d'une nouvelle révolution , que de ne pas reporter dans
la législature la plus grande partie de ceux qui ont orga-"
nisé les lois constitutionnelles . La commission des onze ,
convaincue de la nécessité de cette mesure légitimée par
les considérations les plus puissantes et les plus faciles à
sentir , n'a point balancé pour en faire la proposition.
Mais par qui serait faite la réduction du tiers qui doit
faire place aux députés choisis par les corps électoraux ,
pour venir siéger à la législature avec les deux tiers restans
des membres de l'Assemblée conventionnelle ?
Etait- il prudent d'attribuer cette réduction aux assemblées
électorales ? Etait il moins dangereux que la
Convention retint , cette faculté , et s'occupât de la
réduction proposée ? La crainte de faire naître des dissentions
et des déchiremens funestes si les corps électo
aux étaient appellés à discuter sur les représentans
qu'ils auraient à rejetter ou à conserver , et la difficulté
du résultat proportionnel à obtenir par ce mode ,
puisqu'il dépendrait d'une confiance trop incertaine
ont encore déterminé la commission des onze à proposer
que cette réduction fât un acte de la Convention
sur elle - même. Le jury de confiance qu'elle ,
a présenté comme moyen d'exécution , est devenu le
sujet des débats intéressans , où le grand objet de
l'intérêt national a été développé avec autant de sagesse
que de chaleur , et ce que l'intérêt individuel a pu
y faire entrer de motifs particuliers , n'offre du moins
rien que d'honorable , et s'est trouvé heureusement
d'accord avec les pincipes et la raison .
Enfin , la Convention , en adoptant la premiere partie
du projet qui conserve deux tiers de ses membres pour
faire partie de la législature , a cru devoir s'en rapporter
sur le choix aux assemblées électorales, et cette décision,
lors même qu'elle ne serait pas sans quelques inconvéniens
, en présente selon nous de beaucoup moins
( 246 )
graves que ceux qui auraient pu naître de la composition
du corps législatif dérivant de deux sources
différentes. Nous donnerons dans le prochain numéro
quelques développemens à cette réflexion .
Les numéros gagnans de la loterie nationale tireront entre
eux les lots du 12 fruetidor .
On mande de Bordeaux que les marchandises commencent
à baisser dans cette commune. Les vins ont diminué de
3000 liv . par tonneaux : ils ne valent plus que 6000 liv. au
lieu de 9000. ( Le tonneau est de quatre barriques ou poin-
Cons du pays . ) Le blé est diminué de 300 liv . par quintal .
On espere que le reste suivra cette proportion.
On a saisi du côté de Roternen , département des Côtesdu
Nord , treize chefs de chouans qui y délibéraient dans
une maison de campagne. Nos troupes en ont fait à l'instant
justice. Il y avait avec eux une soeur de Bois Hardy.
De Nantes , le 1er . fructidor . On est toujours ici tourmenté
par les chouans . Ils attaquent , par terre et sur la riviere de
Barbit , les marshands qui apportent les denrées et les provisions.
Cette circonstance malheureuse fait que souvent ici
on manque des choses les plus utiles : il y a quelques jours
on eut un bateau pillé et un autre brûlé.
On s'occupe avec activité des moyens de terminer enfin
cette guerre. Déja une partie de l'armée du Nord est entrée
dans la Vendée . Le général Canclaux jouit de toute la confiance
publique , et l'on a lieu d'espérer que n'étant plus
arrêtées de toutes parts par des gens qui voulaient perpétuer
cette guerre affreuse , nous verrons les phalanges républicaines
suivies de la victoire qui les a par- tout accompagnées .
On avait répandu avee affectation la nouvelle d'un débarquement
effectué par les Anglais entre Saint- Gilles et la Barredu-
Morn cette expédition se borne à la mise à terre de
quelques munitions et de quelques émigrés , qui peut - être
ignoraient le sort de ceux de Quiberon .
Voici une proclamation rendue par le général Canclaux :
Les bataillons qui sont revenus de l'expédition de Quiberon
ont apporté à Nantes un grand nombre de faux assignats
, dont les émigrés étaient porteurs . Pour arrêter dans
sa source un mal qui pourrait porter la plus grande atteinte
à la circulation des véritables assignats , le général en chef
de l'armée de l'Ouest , instruit qu'il circule dans la commune
de Nautes des assignats faux , apportés de Quiberon ,
ordonne à tous militaires de cette garnison , qui ont des
( 247 )
assignats , de quelque valeur qu'ils soieut , de les porter chez
le commandant de la place , où , après vérification , ils seront
timbrés du cachet ( en noir ) du général en chef de l'armée.
Tout assignat qui n'aurait pas cette marque , ne pourra être
produit par eux , ni accepte jusqu'à nouvel ordre. Cette vérification
commencera dès ce matin , depuis dix heures jusqu'à
deux , et aura lieu les jours suivans à la même heure. »
Signé , CANCLAUX.
Laval , 2 fructidor . Les routes sont plus que jamais infestées
de brigands . On ne ppeeuutt ssoorrttiirr àà uunn quart de
lieue sans tomber entre leurs mains et sous leurs coups .
Depuis cinq nuits ils viennent faire le coup de fusil avec nos
avant postes .
Le 28 thermidor , il nous est arrivé trois chefs de chouans
pris dans les environs de Mayenne ; l'un est Piquembeure ;
l'autre Coeur- de - Lion , le troisieme est un capucin. Ces
trois hommes sont fameux par les crimes dont ils se sout
couverts et tout le monde attend impatiemment leur jugement.
Notice extraite d'un papier anglais , intitulé : l'Oracle du
24 juillet 1795.
Le général Pichegru est né à Poligny , dans la province
de Franche- Comté ; son pere était un fermier aisé .
A
Sa taille est d'environ 5 pieds 5 pouces ; sa barbe et ses
sourcils sont noirs et épais ; ses yeux de la même couleur ;
son nez gros , sa bouche grande , ses dents assez belles et
son front petit ; sa physionomie mâle et caractérisée exprime
ce penser profond qui , en cherchant à découvrir le secret
des autres cache entierement le sien .
Ayant reçu une très -bonne éducation , il songea d'abord à
entrer dans les ordres , et fut reçu chez les Minimes ; mais
son caractere actif et laborienx ne se trouvant pas d'accord
avec ce nouveau genre de vie , il entra dans le militaire .
Il avait ( en 1783 ) à -peu-près 27 ans , quand il alla d
Strasbourg et s'enrôla dans le régiment de Metz , artillerie ,
alors dans cette ville . Ce fut là qu'il développa une facilité
inouie à acquérir les connaissances de son état , et qu'il l'apprit
à fond en peu de tems .
En 1785 ou 1786 il fut dangereusement blessé à la main
droite en faisant l'exercice ; son pouce fut disloqué , et sa
main presqu'entierement partagée ; comme la blessure fut jugés
( 248 )
incurable , on s'adressa au ministre pour lui obtenir la pension
ordinaire de simple cadounier ; on la refusa , vu le peu de
tems qu'il était dans le service . Mais le major du régiment ,
témoin de la bonne conduite de Pichegan , et voyant qu'il
pourrait être utile à son corps , lui fit obtenir le grade de
sergent.
Dès que sa blessure fut fermée , il se remit à l'étude des
belles -lettres ; il composa même , dit- on , quelques vers passables
, et fut bientôt après placé dans le bureau de l'état major
du régiment , dont il devint le chef en 1792 .
Dans la même année il quitta l'artillerie , afin d'instruire
un bataillon de gardes nationales , qu'il commanda avec distinction
; ce qui lui fit une grande réputation .
Il entra ensuite dans l'état- major de l'armée de Custines :
les services qu'il rendit dans cette nouvelle place , découvrirent
alors son génie militaire , qu'il n'avait pas eu occasion de
déployer plutôt.
Les victoires nombreuses de ce général doivent être attribuées
à son intelligence et à sou exactitude rigoureuse à
exécuter les ordres qui lui sout confiés , tant qu'à ses talens
militaires , comme commandant en chef ; car on n'ignore pas
que les plaus de campagne lui sont envoyés par le comité
militaire , qui est composé de quelques anciens officiers du
premier mérite , et dont les noms sont cependant peu connus .
On couvient généralement que Pichegru possede un coarage
à toute épreuve , une activité infatigable , et que dans
la chaleur du combat , son sang-froid ue le quitte jamais .
C'est un homme de la plus graude humanité , et qui en 2
donué de fréquentes preuves . Ses succès ne l'ont rendu ni
fier , ni orgueilleux ; jamais ses proclamations n'ont été remplies
de ces phrases insolentes , ni ses récits de ces fanfaronnades
ridicules qu'ont tant de fois répétés ses predécesseurs , et
qui n'ont servi qu'à insulter et à irriter les généraux et les
armées qu'ils avaient à combattre .
ERRATA. Dans le dernier numéro , page 212 , ligue 9 da
´second alinéa , au lieu de les divers genres , lisez des divergences .
Page 213 , ligne 9 , lisez oppose au lieu d'expose .
Page 214 , ligne 14 , au lieu de pourrait lisez paraît.
( No.:09
)
Yer. 135.
MERCURE FRANÇAIS
QUINTIDI 15 FRUCTIDOR , l'an troisieme de la République.
( Mardi ier . Septembre 1795 , vieux style . )
1
POÉSI E.
4
LA JUSTICE DU PEUPLE.
Vers composés à Lyon pour arrêter les vengeances
du Peuple.
EL
Sur l'air du Réveil du Peuple.
H quoi toujours de crime en crimes
Veut-on égarer les Français ?
Verrons- nous toujours des victimes
Souiller jusques à nos succès ?
Vous dont les haines implacables
Répandent le sang des humains ,
Même en frappant de grands coupables ,
Vous n'êtes que des assassins . O
Où donc des lois est la puissance ?
Et de quel droit punissez-vous ?
Aux scélérats , point de clémence ;
Mais sont-ils livrés à vos coups ?
Pourquoi prévenir leur supplice ?
Qui vous établit leurs bourreanx ?
Le meurtre est- il une justice ,
Et les prisons des échafauds ?
Effacez des scenes horribles ,
Des fastes de l'humanité ;
Plus que jamais soyez terribles ,
Mais soyez-le avec dignité.
Tome XVII.
R
1
•
( 250 )
1
Massacrer l'homme sans défense ! ...
Du crime servir les fureurs !....
O dieux quelle atroce vengeance
Que celle des septembriseurs !
E: quand ainsi des terroristes
Vous abattez l'affreux pouvoir
Voyez , voyez les royalistes
Lever un front brillant d'espoir.
De leurs complots et de leur nombre
Oscz-vous braver les hasards ?
Et parmi vous , glissés dans l'ombre ,
Ne craignez vous pas leurs poignards ?
Voulez- vous sauver la patrie
Ralliez -vous à son sénat ?
Loin pour jamais la tyrannie
Le pillage et l'assassinat
Battus des flots et de l'orage
Tous menacés du même sort ,
Sauvons le vaisseau du naufrage ,
Nous nous embrasserous au port.
vi villaod
1
Ma
CHARAD E. Sup
A premiere est sans C un mot vide de sens ;
-Elle est avec un C au bord de la riviere :
De ma seconde , ami , les jeux sont innocens ,
Et le berger y joue auprès de sa chaumiere .
La couleur de mon tout vient quelquefois ternir
Le teint vermeil et frais d'une jeune bergere ;
Mais il est des moyens qui le font revenir ,
Et nul ne le sait mieux que l'eufant de Cythere.
a
i.
( 251 )
HISTOIRE ET LEGISLATION.
DES ASSASSINATS ET DES VOLS POLITIQUES ou des proscriptions
et des confiscations ; par GUILLAUME - THOMAS RAYNAL.
In- So . de 96 pages . Il se vend 6 liv . brocké , et 7 liv . 10 sous ,
franc de port par la poste. A Paris , chez F. BUISSON ,
libraire , rue Hautefeuille , nº . 20 .
ONN doit compter G. T. Raynal au nombre des écrivaias
dont les ouvrages ont eu , par leurs principes et
leur succès , quelqu'influence sur la révolution française
. Les tableaux éloquens , les sorties vigoureuses
dont est remplie son histoire philosophique , et contre les
abus du pouvoir des rois , et contre le despotisme de
leurs ministres , et contre les plaies sanglantes causées à
l'espece humaine par le fanatisme et la superstition attisés
de la main des prêtres , semblaient promettre à la
raison et à la liberté un guide sûr et un défenseur armé
de toute la puissance du talent et du courage . Cependant
on se rappelle la lettre que publia Raynal sur la
fin de la session de l'Assemblée constituante. L'énergique
ennemi du régime arbitraire et des calamités sacerdotales
, ne fut plus que l'humble partisan de l'autorité
absolue des rois , et des privileges de la noblesse
et du clergé.
C'est également sur la fin des travaux de la Convention
que Raynal , revenant encore , suivant ses expressions
, comme une ombre de lui-même , nous donne ses pensées
sur les assassinats et les vols politiques , et se ressaisit
de ses pinceaux pour peindre les effets des proscriptions
et des confiscations . S'il y a de la prudence, dans cette
conduite circonspecte et mesurée , les amis francs et
moins timides de la liberte auraient desiré qu'il n'eûtpas
attendu pour prendre la plume , que nos malheurs
passés rendissent pour ainsi dire ses conseils inutiles.
Gourmander un peuple ou ses législateurs sur la fausse
route qu ils ont tenue , s'indigner même des forfaits que
quelques scélérats ont commis , et que beaucoup d'hommes
faibles ont souffert , est un art facile et peu dangeil
suffit d'un sentiment vif et profond et d'un
grand talent pour l'exprimer ; mais tracer dès l'origine
reux ';
R 2
( (252 ))
d'une révolution le plan que l'on devait suivre pour la
rendre utile , prévoir les erreurs et indiquer les moyens
de s'en garantir ; se jetter au milieu des passions et des
crimes pour en arrêter la funeste explosion , faire tonner
la voix de l'humanité , de la raison et de la justice au
moment où elles sont méconnues : voilà le devoir du
citoyen , et la véritable gloire du philosophe . Ce n'est
pas seulement du talent qu'il faut dans de pareilles
conjonctures , c'est un grand courage et un dévouement
héroïque à la patrie . Quelques personnes l'ont eu dans
la révolution , et elles ont péri ; mais du moins la gloire
est sur leur tombe , et la postérité les recueille pour,
les montrer aux siecles à venir. Quant à ceux qui voyant
le vaisseau prêt à se briser contre les écueils , n'ont pas
dit un mot de salut au pilote imprudent ou inhabile ,
il semble qu'il leur appartient moins de peindre les
horreurs de la tempête , et d'accuser les navigateurs
qu'ils n'ont pas daigné avertir du danger.
Quoi qu'il en soit de cette remarque générale , dont
l'application est commune à cette multitude d'écrivains
qui ne savent aujourd'hui retrouver leur indignation
que lorsque tout le monde a calmé la sienne , nous
venons à l'examen du nouvel écrit de G. T. Raynal.'
Qu'il soit véritablement de cet auteur , ou qu'une plume
étrangere ait emprunté son nom , ce n'est pas là ce qui
doit nous occuper. Ces soupçons et ces doutes sur la
paternité de leurs ouvrages out été fréquemment élevés
à l'égard des écrivains les plus célebres . La médiocrité
ou l'envie croit souvent se consoler et souvent avoir
refuté un ouvrage en contestant à son auteur le mérite
ou le tort de l'avoir fait . De toutes les manieres de dis- "
cuter , si c'est la plus facile , ce n'est sûrement pas la"
meilleure , et en cela nous sommes parfaitement de
l'avis de l'éditeur dans son avant- propos. Quand il
s'agit , dit- il , d'un écrit , la premiere et peut- être la seule
question est de savoir s'il est utile , et non s'il est de
tel homme ; il faut examiner ce qu'il peut faire , avant
de chercher qui l'a fait. C'est donc pour nous conformer
aux principes de l'éditeur que nous allons considérer
cet écrit sous le rapport de son utilité et de son
influence.
Pour mettre quelqu'ordre dans cette analyse , nous
tracerons d'abord rapidement ce que l'auteur dit sur'
ce qu'il appelle des assassinats et des vols politiques ,
c'est-à- dire des proscriptions et des confiscations . Nous
I
( 2531 )
ferons ensuite remarquer l'a - propos de Fouvrage et l'intention
de l'auteur. Nous terminerons par quelques réflexions
sur les conséquences et l'application de ses principes.
སྙ 、་
L'auteur commence par faire l'histoire abrégée et raisonnée
des crimes. Les premieres pages de cette histoire
, qu'il n'a le secret d'abréger que parce qu'il la
généralise , datent d'une époque un peu reculée , car
il la fait remonter avant même l'institution de la société
civile. Voici la généalogie et la chronologie qu'il en
donne. Les premiers crimes qui désolerent les sociétés
humaines furent incontestablement les crimes héroïques ,
ceux de la guerre ; ces assassinats qu'on appelle combats
et victoires , et ces vols qui se nomment conquêtes. Après
la civilisation , les combats que se livrerent entre eux ,
dans chaque société , ceux qui étaient les plus forts , et
ceux qui voulaient le devenir , formerent bientôt la
grande branche des crimes politiques , laquelle sort des
crimes héroïques , comme de son véritable tronc, A côté
des plus forts s'éleverent insensiblement les plus fins ;
ce furent les prêtres qui , soit en combattant les autres ,
soit en se combattant entre eux , produisirent avec
abondance tous les crimes théologiques . Les plus forts
et les plus fins s'étant réunis pour gouverner , inven
terent les crimes juridiques.
Il faut avouer que lorsqu'on veut, considérer l'histoire
du genre humain sous ce point de vue , elle doit
être fort abrégée ; mais est-ce là , philosophiquement par
lant , une histoire raisonnée ? Si le crime est aussi ancien
sur la terre , la vertu a la même antiquité , leur origine
est commune ; tous les deux ont leur source dans
la nature de l'homme , et peut- être , n'en déplaise à l'esprit
de boutade et de misantropie de l'auteur , la vertu
est-elle la soeur aînée . Puisque l'auteur a cité Caën
pourquoi ne s'est - il pas souvenu d'Abel ? Ge contraste
qui s'offrait à lui si naturellement l'eût un peu censolé
de ses sombres tableaux ; il aurait vu dans cette his
toire , qui n'est peut- être qu'une ingénieuse allégorie
de l'antiquité , celle même de l'espece humaine , où le
bien est à côté du mal , où la vertu , non moins essentielle
au coeur humain , est une heureuse compensation:
du vice qui le déshonore. Mais cette philosophie vraie
n'entrait point dans le plan de G. T. Raynal ; il avait
bescin de ne peindre que les crimes .
Il explique ce que c'est que les proscriptions et les
4
1
R 3
( 254 )
confiscations , ce que tout le monde savait depuis longtems
; il en marque l'origine , l'étendue , la différence
des anciennes avec les modernes , les prétextes qui ont
toujours été le bien public apparent et les motifs réels
qui sont l'amour du pouvoir et la soif de dominer ses
égaux. Il examine si les proscriptions et confiscations
peuvent jamais être utiles dans quelque société humaine ,
et si ces crimes ne sont pas funestes à ceux - mêmes qui
les ordonnent pour leur unique avantage . S'environnant
à chaque pas des exemples de l'histoire , il fait la
longue énumération de tous les fameux proscripteurs ,
depuis Sylla et Marius jusqu'à Robespierre et Coilet . Il
parcourt les révolutions sanglantes des républiques de
la Grece et de Rome , de l'histoire de France , d'Angleterre
, d'Italie , etc. On doit admirer la patience et le
courage qu'a eu l'auteur de recueillir tous les titres historiques
des passions et de la perversité humaine . Les
conséquences qu'il en tire ne sont pas neuves , il est
vrai , mais elles sont incontestables . Qui ne sait ,
effet, que dans le coeur humain l'injustice produit l'injustice
, la haine est payée par la haine , et la violence
par la violence ? L'ouvrage entier n'est qu'une amplification
de cette idée sous cent formes différentes , même
celle de l'apologue. Vous trouverez , dit- il , que l'histoire
des proscriptions et des confiscations se réduit à
la fable des deux taureaux qui se battirent pour une
genisse le vaincu , malheureux et proscrit , se retire
au fond d'un pâturage désert. Là , dans sa fureur , il
ranime , il augmente ses forces ; il s'exerce sans relâche
à de nouveaux combats , tandis que son rival vainqueur
s'amolit et s'endort. Tout- à- coup le proscrit survient ,
surprend son ennemi , l'attaque , le terrasse et le chasse
à son tour, en attendant qu'un troisieme le bannisse
lui- même , comme il a chassé le premier. Mutato nomine
de re fabula narratur. „
en
Cette image empruntée d'un des beaux tableaux des
Géorgiques , eût produit bien plus d'effet s'il eût rapporté
les vers de Virgile , et si pour la commodité de
ceux qui ne peuvent les lire dans la langue originale
il eût cité les vers de Delille . Cela eût répandu bien
plus de variété dans son ouvrage . On n'attend pas de
nous que nous donnions la moralité de la fable , ni que
nous traduisions le mutate nomine ; qui ne voit que le
taureau vaincu et proscrit , ce sont les émigrés qui doivent
revenir surprendre et terrasser les patriotes et les républi(
235 )
sains lorsqu'ils seront amolis et endormis . Mais ce qui tem
pere un peu ces sinistres présages , c'est que , pour completter
l'application de l'aliégorie , un troisieme taureau
viendra à son tour chasser les émigrés comme ceux- ci
ont chassé les républicains . On sent bien que ces com
bats de taureaux ne finiraient jamais , si une force supérieure
ne venait s'interposer , et cette force , on le devine
sans peine , c'est un roi . L'auteur ne le dit pas expressément
, mais quand on a lu son ouvrage , on voit
que c'est ce qu'il veut dire .
Ce que Raynal n'a laissé qu'entrevoir jusqu'à présent
sur le rappel des émigrés indistinctement , il le dit d une
maniere plus positive dans le paragraphe où il traite
de l'exil des proscrits et s'il est utile ou dangereux , et dans
le reste de son ouvrage qui est terminé par une belle
prosopopée adressée aux Français et à nos Législateurs
sur les devoirs de la justice et de l'humanité. Vous
voulez être puissans , leur dit- il , cessez donc d'être barbares
et de proscrire. Vous ne pouvez ressusciter les
morts , mais vous pouvez rappeller vos freres fugitifs : songez
toujours ( on ne peut trop vous le dire ) que chaque
ennemi qu'on se donne diminue nos forces , et chaque
ami qu'on acquiert les augmente . Voilà , voilà le moyen
d'obtenir la puissance !
" Vous voulez devenir riches : cessez donc de confisquer
et de ravir les biens de vos fretes ; rappellez leurs
véritables maitres ; dites - vous bien qu'on ne s'enrichit
jamais par le vol , et qu'on n'augmente à- la fois la fortuné
de létat et la sienne que par le travail et l'industrie
que dirige la bonne foi."
Vous voulez être libres : je ne veux point examiner
à présent quel gouvernement vous convient ou ne vous convient
pas vous n'êtes plus en état de m'entendre ; les erreurs
et les vérités , agitées par les passions , ont formé dans
vos esprits un cahos impénétrable à la lumiere ; mais je
puis vous dire ce qui convient à tous les gouvernemens
humains , ce qui en fait le vrai fondement et la solide
bâse , c'est la justice , c'est la vertu , ce sont les moeurs ;
et si vous poursuivez une république au milieu des vices
et des crimes , je vous déclare , au nom de tous les
peuples et de tous les siecles , que vous cherchez une
himere , en parcourant des abîmes. Commencez par
être justes , et vous deviendrez libres après . "
Maintenant que l'on connaît l'intention de l'auteur , le
but de l'ouvrage , et sur-tout son d-prepes , lorsque de
R 4
( 256 )
#
toutes parts les royalistes et les aristocrates s'agitent
pour ressusciter la royauté , et que d'ennemis qu'ils
étaient de la souveraineté du peuple , ils en déviennent
aujourd'hui les vils flatteurs , nous allons présenter quelques
réflexions sur les principes contenus dans cet écrit ,
sur ses conséquences et le genre d'utilité que l'auteur
a voulu s'en promettre.
Nous ne ferons pas remarquer le ton d'ironie et de
persifflage qui y regne . Beaucoup de personnes trouveront
peut-être que ce n'était pas celui qui convenait
dans un sujet et si grave et si triste . Mais l'auteur qui
n'est plus qu'éditeur dans l'avant-propos , prétend que
ce ton lui a paru n'être que le produit de l'amertume et du
dépit mêlés de ce mépris profond qu'inspire aux gens de
bien le spectacle des vices du coeur humain égaré. A la bonne
heure ; nous laissons le public et les gens de bien juges
de cette convenance .
Rien n'est plus facile que de se livrer à son goût pour
la déclamation , et de mettre à contribution les faits
historiques Mais il l'est moins de marquer avec justesse
les nuances , et de descendre d'un principe vrai en luimême
, à son application immédiate aux cas particuliers.
Tout ce que dit l'auteur sur les proscriptions, et les
confiscations en général , il n'est personne qui ayant lu
T'histoire , et même de celles qui ne l'ont pas lue , ne
soit profondément indigné de ces crimes de la politique,
ou plutôt de ces actes de vengeance et d'oppression si
communs dans les révolutions des états . Que Guillaume-
Thomas Raynal cite un seul républicain , un seul
patriote de 89 , qui n'ait eu horreur de ces excès de
tyrannie ; l'unique différence , c'est qu'ils'en ont parlé
plutôt que lui , et dans un tems où il y avait quelque
courage à le faire .
Il est bon de ne pas confondre les proscriptions
avec les confiscations , et sur-tout d'attacher une idée
exacte à ces deux mots . Il n'y a eu en France de proscriptions
proprement dites , que les mise hors de la loi ,
et ces meurtres juridiques ordonnés par les triumvirs
et exécutés par cet infâme tribunal quis étaient faits leurs
bourreaux à gages. Sur ce point , la Convention a
rempli tout ce que la justice indignée avait droit
d'attendre . Elle a fait punir les proscripteurs ; elle a
rappellé les proscrits , elle a fait restituer les biens des
condamnés .
"
Mais envelopper sous le nom de proscrits , tous les
( 237 )
émigrés , sans aucune distinction ni d'époque ni
motifs ; mettre sur la même ligne ceux qui n'ont fui
leur patrie que pour lui susciter des ennentis et se
joindre à eux , et ceux qui ne l'ont quittée que
lorsqu'ils ne pouvaient plus y vivre sans péril , et qui
n'ont jamais souillé leur coeur par aucun væeu impic ,
ni leurs mains par aucune entreprise hostile ; vouloir
les rappeller tous indistinctement et leur rendre les
avantages dont ils jouissaient dans un ordre social ,
contre lequel ils n'ont cessé de conspirer , c'est abuser
étrangement des mots et des principes .
.
Puisque l'auteur s'adresse si souvent aux esprits justes
et aux coeurs droits et sensibles , il n'a qu'à leur demander
s'ils ne trouvent aucune différence entre ces
deux especes d'individus . Ils répondront sans hésiter
que ceux- là ne sont dignes ni d'amnistie ni de clémence ,
qui , dès l'origine de la révolution , se sont ligués avec
le thrône pour s'opposer à toute espece de liberté ,
qui constamment attachés à leurs prérogatives et à leurs
priviléges , n'ont cessé d'agir pour leur intérêt personnel
contre l'intérêt national , qui , défenseurs très - actifs des
abus de l'ancien régime , se sont montrés les ennemis
de toutes réformes , et n'ont déserté volontairement
leur pays , que pour appeller sur lui toutes les horreurs
de la guerre , et la honte de l'esclavage , qui de
près comme de loin ont soufflé lincendie de la discorde
et allumé les torches du fanatisme , qui n'ont pas
même la ressource de pouvoir dire qu'ils n'ont combattu
que les factieux et les anarchistes , mais qui ont attaqué
la République entiere dans ses plus généreux défenseurs
, et qui à l'approche des hostilités , sommés par
une loi formelle de rentrer dans leur patrie , sous peine
d'être déclarés ses ennemis , se sont jugés eux- mêmes
en se chargeant du rôle infâme de rebelle . Autant ceux
qui , à des époques postérieures et dans des circonstances
excusables ont cherché à se soustraire à de véritables
proscriptions , méritent d'indulgence ( 1 ) , autant les autres
(1 ) C'est la distinction judicieuse qu'a faite Roederer , dans
l'écrit qu'il vient de publier , intitulé : Des Fugitifs Français
et des Emigrés. Il a prouvé , avec une grande force de
raisonnement , que les fugitifs , connus des 89 par leur patriotisme
et leur amour pour la liberté , étaient les seuls qui
avaient droit d'espérer une réintégration complete .
ན ན ཚན
( 258 )
nt encouru la juste peine qu'ils se sont appliquée .
Quelles considérations peuvent-ils invoquer ? Ont- ils
conservé le moindre intérêt pour leur patrie ? Se sontils
renfermés dans le rôle passif d'une sage et tranquille
expectative ? Nont- ils pas rompu les premiers le pacte
social , en se rangeant dans la classe de ses plus impla
cables adversaires ? Voilà ce que tout esprit juste , ce .
que tout cour droit , pénétré des vrais principes de
justice et de morale politique , ne balancera pas à
leur reprocher. Certainement il n'est aucun Français ,
même parmi ceux qui auraient desiré devoir prendre
une autre marche à la révolution , qui ne se souleve
à la seule idée que M. de Condé , et ceux qui ont
combattu à Quiberon , et tous ces rebelles acharnés à
la solde des puissances ennemies , doivent rentrer en
France , et y aporter avec la soif des vengeances et la
haine de la République , les tisons de la guerre civila
et le desir d'une nouvelle révolution . Il n'y a que des
' ennemis publics et des royalistes effrenés qui puissent
former un pareil væu.
Quant aux confiscations , si l'auteur et voulu traiter
ce sujet , non avec des phrases de rhéteur , mais en
philosophe profond et en ami de la justice , il aurait
distingué les confiscations qui sont la suite d'une com
damnation capitale . Celles- là peuvent paraître rigoureuses
et injustes , quoiqu'elles soient en usage dans
presque toutes les jurisprudences criminelles de l'Europe
; car celui qui paie son crime de sa tête , peut
être regardé comme ayant satisfait à la loi ; le lui faire
expier encore par la porte de ses biens , c'est punir ses
enfans ou ses héritiers d'un crime qu'ils n'ont pas
commis . Mais en est- il de même de ceux qui , renoncant
à leur patrie pour lui déclarer la guerre , se sont
mis dans le cas d'en être traités comme ennemis , et
dont les biens peuvent être considérés comme
indemnité des torts qu'ils lui ont causés? Le corps social
doit-il la garantie de la propriété à ceux qui , ne
possédant que sous la condition inhérente à la nature
d'un tel pacte , de ne pas nuire à la société dont ils
sont membres , ont fait servir leur propriété, à la destruction
du corps social ? Ceite question , en principe
de justice et de droit public , n'est pas aussi facile à
résoudre que l'a fait l'auteur de cet écrit .
une
Au reste , s'il fût remonté à l'origine du droit de confiscation
, et eût consulté les monumens historiques , il
(259 )
aurait vu que ce droit , qu'il qualifie de vol , et contre
lequel il s'éleve avec tant de véhémence , est un des
doux présens de la féodalité et des rois . Ge sont ces
respectables tyrans à donjon pour lesquels son humanité
se réveille , qui , dans les sieclès augustes , où ils
traitaient leurs vassaux en esclaves , ont imaginé de
grossir leur fisc des confiscations des biens de ceux
qu'ils faisaient condamner. C'était un des nobles attri
buts de leur justice ; et quand les rois dans la suite se
sont regardés comme les suzerains en chef et comme
les hauts -justiciers du territoire français , ils n'ont en
garde de ne pas adopter une jurisprudence si prof.
table et si juste . Si l'auteur eût su que les confiscations
avaient une source et si belle et si pure , peut-être aurait-
il pardonné aux effets en faveur d'une aussi glorieuse
cause.
Au moment où l'on achevait l'impression de cet ar
ticle , un journal a publié la lettre suivante :
Une feuille périodique m'apprend qu'il paraît ,
sous mon nom , une brochure intitulée : Des Assassinats
et des Vols politiques , ou des Proscriptions et des Confiscations.
La vérité seule m'oblige à déclarer que je n'ai
aucune part à la composition ou à la publication de
cet écrit.
" A Monthleri , le 10 fructidor.
" Signé , GUILLAUME- THOMAS RAYNAL. "
D'après ce désaveu , dont la liberté entiere de la
presse ne permet pas de suspecter la vérité , tout ce
que nous avons dit dans cette analyse ne doit subsister
que pour l'écrit en lui- même .
( Cet article est du cit . LE NOIR De La Roche. )
ANNONCE.
Du Gouvernement , des maurs et des conditions en France avænt
la révolution , avec le caractere des principaux personnager
du regne de Louis XVI ; par M. Senac de Meilhan , ancien
intendant de Valenciennes . In- 8° . A Hambourg , et se trouve
à Paris , chez les marchands de nouveautés . Prix , 15 liv. et
18 liv. 10 sous , frane de port.
( 260 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
rasie
11.20
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 17 août 1795 .
LA Suéde eule Danemarck , continuent de se tenir en garde
et en mesure , en cas de quelques tentatives hostiles de la
part de la Russie. Suivant des nouvelles de Copenhague , du
11 août , on attendait avec impatience , sur - tout, depuis l'entrée
de l'escadre russe dans la mer du Nord , quelle serait
la destination des forces navales suédoises et danoises . On
sait aujourd'hui qu'une escadre combinée de huit vaisseaux
de ligne et de quatre frégates des deux nations , va mettre à
la mer sons les ordres de l'amiral suédois Palmquist : elle
serait déja partie , si les vents n'y eussent mis obstacle .
Copenhague avait failli , quelques jours auparavant , devenir
ane seconde fois la proie des fiammes . Un domestique du
conseiller de justice Frisch , après avoir vole son maître
pendant son absence , imagina de mettre le feu au toît de la
maison , espérant qu'elle serait consumée , ainsi qu'une cassette
qu'il avait forcée . Heureusement la garde s'apperçut ,
vers les trois heures du matin , des progrès du feu , que
T'on eut
bientôt éteint. Le coupable , voyant que la cassette
dont la fracture pouvait déposer contre lui n'était point brulee
, alla la déposer à la poste , sous prétexte de la sauver
du feu. Le conseiller de retour de la campagne , où le bruit
de l'incendie de sa maison était parvenu , reconnut le vol ,
fit arrêter et interroger le domestique par la police . Le scċlérat
, convaincu du double crime , në tardera pas d'en porter
la peine .
Des lettres de Varsovie , des premiers jours du courant ,
font pressenir que les puissances co- partageantes , ou par
un reste de modération , ou faute de pouvoir s'accorder sur
la portion qui reviendrait à chacune d'elles , consentent à
Laisser subsister un ombre de royaume de Pologne . Voici
comment elles s'expriment :
L'on assure de nouveau que la Pologne n'est pas condamnée
à perdre toute son existence politique . On veut nous persuader
que
le roi reviendra à Varsovie , et que le ministre d'é(
261 )
tat de l'impératrice , M. le comte Bedsboradke , va atriver in
cessamment à Grodno , pour y ' consommer cette importante
affaire . Ceux qui mettent cette nouvelle en circulation s'aten
tachent à montrer un prélude de l'événement dans l'ordre
donné relativement à la levée du séquestre qui avait été mis
sur tous les domaines du roi .
}
·
9
a
La commission de liquidation , établie ici par les Russes ,
encore assigné , le 22 de ce mois , beaucoup de nos ci devant
officiers généraux et autres rendre
à qui elle veut
compte . De ce nombre sont les généraux Mokronowski ,
Zajonezck , Wielohonrski , Sierakowski , Javinski , Haumane ,
etc .; et les colonels Rotembourg , Sokolnicki ,, Wengerski ,
Dembowski etc.
De Francfort - sur- le -Mein , le 20 août.
"
2
eu でしょう
Un papier public , sous la date de Vienne du 1er août ,
porte l'article suivant :
66
Ex Le comte de Provence a notifié à notre cabinet la mort
du dauphin et son avènement áti trône . Mais l'empereur s'est ?
réservé de ne répondre à cette notification , que lorsque
d'autres cours se seront ouvertes à ce sujet. Cependant ,
l'ambassadeur de Russie , ainsi que celui d'Angleterre ont,
déclaré que leurs cours reconnaissent Monsieur comme
Louis XVII. La même feuille ajoute que le ministre prussien
Luchesini a présenté depuis quelques jours au premier ministre
d'état une note , par laquelle il sollicite l'ouverture des négo
ciations pour la paix avec la France , suivant l'esprit du conclusum
de la diete de l'Empire , du 3 juillet.
On voit par la réserve de l'empereur à répondre à cette notiheation
qu'il ne vent pas rendre la paix plus difficile à faire ,
avec lui qu'elle ne l'est deja et enceffet , elle l'est bien assez s
il à le plus à perdre dans cette guerre , et dans les arran .
gemens qui doivent la terminer l'argent . de la Grande - Bre
tagne ne le dédommage pas des hommes qu'il sacrifie , ni des,
Pays-Bas auxquels il faut qu'il renonce . Le résultat néces,
saire d'une pareille position est beaucoup d'incertitudes ,, et,
des démarches qui tantôt semblent tendre à la paix et tantôt
s'en éloigner. Cependant , toutes les conversations ne roulent,
ici que sur les conditions d'une paix générale , à laquelle
l'Angleterre sera bien forcée aussi d'accéder , faute de bras
pour continuer la guerre et tenir en activité ses manufactures
, source principale de sa richesse. En attendant que
cette cessation d'hostillités si nécessaire à toute l'Europe menacée
, sinon de famine , du moins de disette , quelques mouvemens
militaires ont toujours lieu de part et d'autre . Voisi
ce qu'on mande de Carlsruhe , en date du 99:7185
*
( 262 )
Ge main sont arrivés ici , sous le commandement du gé
néral - feld- maréchal lieutenant comte de Staray , trois régimens
hongrois ; trois de Bohême , deux de Silésie et deux bataillons
de grenadiers d'Autriche , ainsi que les deux regimens
de cavalerie Caxannagh , et cuirassiers , et archiduc Joseph ,
hussards . Toutes ces troupes sont campées à Muhlbourg , à
une demi liene d'ici . Elles se mettront eu marche demain de
grind matin pour se rendre à Rastadi , où elle se reposeront.
Leur destination ultérieure n'est pas connue .
A
On n'a pas en de nouvelles de la canonnade qu'on avait
entendu le 6 à Manheim .
Des avis de Heidelberg du 17 disent qquuee l'armée impériale
, n'ayant laissé qu'au detachement près de Schwetzingen
s'est rendue en partie dans le Bisga en partie sur le Rhin
au- dessous de Mayence , pour s'opposer au passage de co fleuve
que l'on craint que les Français ne tentent d'un instant à
l'autre .
Gs pouvemens sont postérieurs à la nouvelle suivante . Les
conjectures qui l'accompagnent ne paraissent pas trop foudées
, du moins la derniere .
S. mogle sa
6
5
A
Les plénipotentiaires' autrichiens pour l'échange des pri .
sonniers de guerre se sont établis à Rihem , gros bourg ,
chef lien d'un bailliage du canton de Bâle et à une liene de
cette ville . L'on‘a des raisons de croire qu'il s'est déja fait
quelques ouvertures pour des négociations de paix entre l'Auuiche
et la France , et qu'il leur sera donne suite dès que les
ministres de l'empereur seront en congrès pour la pacifica- >
tion de l'Empire . Il y a des gens qui prétendent savoir que >
l'empereur veut proposer la ville de Lausanne , au lieu de
celle de Bâle , pour la teque de ce congrès . D'autres , sur les
avis que représentent le barons de Hardemberg et les ministres.
de plusiears princes de l'Empires comme ayant de frequentes :
conferences avec M. Barthelemy : disent l'ouvrage de la pa- ,
cification de l'Empire si bien prépare et en si bon train , que
ce serait chose auée de de soofisommer à Bale , avant même ,
que les délibérations de la dicte de Ratisbonne sur la dépu
tation de l'Empiro fussent terminées . Ces derniers affirment ,
que l'on s'entende deja di baser daupaix future sur le status quo,
tel qYuu'il était avant laguerne.scrb .
ITALI E.
£3
Un corsaire français a enlevé la Spéronara sarde , qui servait
de courier maritime pour la cour de Turin et le reste
de l'Italie avec la Sardaigne . Ce bâtiment avait à bord une
( 263 )
grosse somme d'argent. La valise a été envoyée à Paris , et
la Spéronara a été conduite dans l'isle de Capraya .
On assure que le camp formé dans les plaines de Propano
a pour objet de s'opposer un passage d'un corps de troupes
françaises , qui sont attendues du Dauphiné ; d'autres peutsent
que ce corps est destiné , au contraire , à s'opposer au
passage du Var que les allies veulent tenter du côté de Nice.
Au reste , ce camp est de 4500 hommes de cavalerie , savoir
, les régimens de dragons du roi , de la reine , de Cl-,
biais , de Royal - Piemont , et de Savoie , avec quelques hulaps
et 1500 cavaliers napolitains.
Le 1er août les Autrichiens frent une fausse attaque contre
les Français qui se trouvaient environ 6000 à Borghetto ,
akn de favoriser ainsi le transport d'artillerie qui se fit pendant
ce tems là dans des postes avantageux . On assure que
le lendemain les trois généraux , de Vins , Colli et d'Argen-
' teau , devaient combiner leurs mouvemens pour une attaque
sérieuse par terre , tandis que quatre vaisseaux anglais seconderaient
par mer cette operation.
970
On mande ' d'Albe que le 1º , et le a de ce mois , on
entendu une vive canonnade du côté de la riviere , sans sa
voir quel en était l'objet. On a appris ensuite que le camp
établi dans les plaines de Saluces avait été levé` et que toute la cavalerie avait marché vers Cunenement
,
Ces dispositions
font prémmer qu'il y a eu quelqu'affaire , et que
je centre de l'ardiet française à fait quelque mouvements
offensif
Tour porte & croire que le ministere britannique ne s'entendait
en aucune manière avec le cabinet de Madrid , sur la
paix que celui vient de conclure avec la France . Les μapiers
de la trésorerie contiennenatt de grandes plaintes coutre,
la conduite que les puissances alliées de la Grande Bretagne
ont tgifte dails ( cente guerie ils rettent maintenant presque
sur la même ligne le roi d'Espagne et le roi de Prusses aro
*
D 91
2
Les ministres paraissent fort occupés de leur situation : il se
tient de fréqueas conseils . Des couriers ont été dépêchés à
Vienne et a Pétersbourg ; celui qui est parti pour Vienue
τες l'ordre de faire la plus grande dilig diligence
.
Quelques feuilles de l'opposition parlent de l'effet que doit
avoir la paix avec l'Espagne . Ils en augerent que cet évènezent
doit bientôt amener la paix de la Grande - Bretagne ; il
7en a même qui prétendent savoir qu'il y a déja ici des
commissaires français chargés de traiter avec le cabinet de
Saint -James ; elles annoncent que dans le conseil les avis ent
(, 264 . ) .
été partagés que M. Pitt , lord Grenville et M. Dundas spnt
pour la paix , tandis que le duc de Portland , le comte Spencer
et M. Windham opinent pour la guerre . Quoi qu'il en soit
de ces bruits , au moins très - hasardés , toujours est - il vrai
qp'on parle beaucoup de paix , et que ces bruits font monter
les fonds .
ANGLETERRE. De Londres , le 16 août 1795.
Le parlement d'Irlande qui avait été prorogé jusqu'au 11
de ce mois , l'a été de nouveau jusqu'au 13 octobre.
+
Un ordre du conseil a permis l'exportation des serges pour
la Hollande , par la voie de Hambourg. Un autre ordre défend
eelle dn salpêtre.
Le corps d'armée destiné pour les Indes occidentales , dont
le, énéral Abercromby a le commandement , s'embarque
maintenant à Southampton .
Les ministres allarmes voient par- tout des complots . Il Y
a pen de jours , trois messagers se présenterent chez un trèshonnête
marchand de cette ville , sous prétexte qu'il avait
fait ou fait faire dix mille piques . Celui , ci se récria contre
une maniere d'agir si arbitraire et si vexatoire. On lui rés ,
pondit qu'il était certain qu'il avait fait les manches au moins ,
pour dix mille piques ; que s'il ne voulait pas déclarer les
forgeron qui avait fait les têtes , celui ci le déclarerait de son,
côté ; qu'enfin , c'était par une suite de la connaissance qu'on
avait de son bon caractere qu'on n'avait envoyé chez lui que i
trois messagers et un chef- archer , qu'autrement on l'eût fait
saisir par une troupe de cavalerie . Après que cet alarmant
préambule eut cessé , le marchand fit voir que ce qu'on
prennait pour des manches de piques , n'était autre chose qu'une
certaine quantité de perches de tentes que lui et son frere
avaient faites pour le service public.
་་་
Il y a encore eu de nouvelles émeutes en divers lieux
causées par la cherté des subsistances . Une entr'autres
嘴
7
éclaté à Carnarvan . Elle a été si forte que la force militaire
déployée contr'elle , a été entierement insuffisante. Le duo.
de Portland ayant reçu nouvelle , on a dépêché un
exprès au duc d Yorck à Oatlands , pour qu'il se rendît à un
conseil qui s'est tenu dans Downing Street. Plusieurs régimens
de cavalerie out reçu l'ordre de partir immediatement
pour se rendre à Carnarvan. A Barrow et dans les villages
voisins de Sileby et de Quern , il y a eu également des mou :
Vemens très vifs . Le bled avait sotalement manqué pendanty
plusieurs jours , dBarrow , et les boulangers n'avaient pass
cuit L
n
( 265 )
A On lit dans la gazette de Bombay des détails très - inté
ressaus sur les découvertes faites par le capitaine Hayes , dans
son dernier voyage à la nouvelle Guinée. Parti du Bengale
pour une expédition secrette , il s'avança jusqu'à la terre de
Van-Diemen , que le capitaine Cook avait cru séparée de la
nouvelle Galle méridionnale . Il trouva effectivement que cette
conjecture était fondée . Les détroits auxquels il a donné le
nom du Cap Pruen , ont huit lieues de large , et sont navigables
pour des vaisseaux de toutes grandeurs . Ce pays est
couvert de grands arbres , dont un ressemble au chêne anglais .
Le capitaine Hayes s'avança de la vers la nouvelle Zélande ,
d'où il fit voile vers le nord de la nouvelle Guinée . Y ayant
remarqué des musca les de l'espece ronde , il y débarqua
aussi- tô quelques hommes de son équipage pour former un
petit établissement , et encourager les naturels du pays , soit
à la culture de cette plante , soit à la récolte de l'écorce
d'un arbre qui a un goût très aromatique , et que l'on présume
être la même écorce que celle dont parle le capitaine Thomas
Forese , dans son voyage à la nouvelle Guinée , et qu'il appelle
Masol.
Il paraît depuis peu un prospectus , qui annonce qu'un
prêtre français , résident à Oxfort , doit y former , en faveur
des enfans sourds et muets , un établissement dans le genre
de celui de l'abbé de l'Epée et de l'abbé Sicard .
T
Avant-hier les vaisseaux suivans , composant la flottee russe ,
sous le commandement du vice amiral C. Honniskof , ont
mouillé dans les Dunes : Permete- Ahstaler , 74 ; Eleanter , 74 %
Perer , 84 ; Retvezan , 65 ; . 82 , 65 ; Pinser , 66 ; Jouanno, 66;
Michonnor , 65 ; Parmene , Groff- Orlff , 66 ; Philip , 66 ; Vénus ,
44; Riga , 44 ; Archipelago , 44 ; Cronstad , 44 ; Michael , 44 .
Cette flotte , dit le rédacteur de ce papier , paraît être ve
nue de la Baltique , plutôt dans l'intention de nous faire une
visite de cérémonie , que de nous rendre aucun service important
; car si l'on considere la supériorité de notre marine
sur celle de nos ennemis , il est difficile de deviner à quel
genre de service ces bons alliés pourraient être utilement
employés,
Tome XVII.
( 266 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONAL E.
PRESIDENCE DE CHENIER.
Séance du septidi , Fructidor. 1
Boisty d'Anglas fait un discours sur la situation actuelle
de l'Europe , la politique des puissances et l'embarras du
cabinet britannique , au milieu de nos succès militaires ét
diplomatiques . Si le ministre Pitt a fait de grands mɔux à la
France , il n'a pas porté des coups moins finestes à la prospérité
de sa patrie ; et comme il n'ignore pas que celui qui
à fait la guerre rarement conclut la paxi redouble d'ef
forts mais ils seión: vaius . En së tenant dans là neutralité ,
il eût porté au comble les avantages commerciaux de son
pays , et maintenant les Pays - Bas , la Hollande et l'Espagne
lui echappent ...
Boissy examine ensuite queis effe's doit avoir la triple alliance
de l'Angleterre , de la Russie et de l'Autriche : il
pense que cette alliance n'est pas redoutable , parce qu'elle
est monstrueuse ; que l'impératrice de Russie , dont les projes
ambitieux, la politique raffinée et le caractere aldier sont
assez connus , ne peut servir de bonne - foi ses alliés . Caiherine
, dit-il , ambitionne tous les genres de gloire : long-tems
elle étonna l'Europe , en réunissant sur le trône la philoso
phie et la foree , elle puisa dans Montesquieu les prioripes
de son code ; elle convertit en lois plusieurs pages de Dalembert.
Catherine ne peut avoir une véritable haine conte
une nation qui a mis en pratique cette philosophie qu'elle a
cherie elle- même . La France peut lui offrir un appui contre
les puissances d'Alemagne , qui , en se réunissant contr'eile ,
pourraient la repousser dans les glaces du Nord. Elle a voulu
jouer le rôle de conquérant ; toujours elle a excité par des
promesses les membres de la coalition . Constante dans le
projet d'abaisser le croissant , elle veut avoir le champ libre.
pour marcher à Constantinople , et fait tous ses efforts pour
reculer une pacification qu'elle redoute .
桌
Son disconrs sera imprimé et envoyé aux départemens et
aux armées .
Le citoyen Millin fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage
intitulé : Elémens d'histoire naturelle . Le président lui répond
que c'est avec sensibilité qu'elle accueille en lui un martyr
de la tyrannis décemvirale , sur- tout lorsqu'elle y reconnait
(( 267 )
an des rédacteurs de la Chronique de Paris , un digne coopérateur
de l'ingénieux Rabaut Saint Etienne et du profond
Condorcet , qui a préparé les voies à la révolution . Mention
honorable de l'offre , et renvoi au comité d'instruction publique.
Sur le rapport de Portier ( de l'Oise ) , la Convention décrets
que le concours pour les livres elementaires , qui devait être
fermé au mois de nivôse dernier , l'est aujourd'hui , 7 fructidor
, et qu'il en sera sur-le champ onvert un nouveau.
Delclei , organe du comité de législation , fait décréter
qu'en toutes matieres civiles dont la connaissance appartient
aux tribunaux de district , les témoins seront entendus à
l'audience publique , en présence des parties intéressées qui
auront été appeliées à cet effer ; que le greffer tiendra note
des prestations de serment , depositions et reproches , et
qu'immédiatement après les affaires , serou: jugees , ou du
moins à l'audience suivante.
vu des
Piette appelle de nouveau l'attention de l'Assemblée sur
la hausse des subsistances , qui continue d'une maniere tour
jours plus effrayante . Elle est telle que le citoveu aise autrėfois
, est dans l'aimpossibilité absolue de pourvoir à ses be
solus , s'il est rentier , ou s'il ne se livie pas à quelque
spéculation commercials . L'opinant assuré qu'il a vu
hommes manger Theibe des champs , tandis que d'autres qui
n'avaient rien sont dans une abondance scandaleuse . Il pense
qu'il doit y avoir un terme à ces maux , et qu'il faut que
l'indigent dont la patience est poussée à bout , puisse enfin
atteindre à sa subsistance , I demande la taxation des grains
et une police sévere pour les marchés .
Roux répond , au nom des comités , que le gouvernement
s'occupe sans relâche des subsistances ; qu'il a pris toutes
les mesures nécessaires , mais qu'il importe de ne pas les
divulguer pour en assurer le succès . Il annonce que , dane
quelques décades , on me verra plus dans les marchés publics
des concurrens se disant charges d'acheter pour le gouver
nement , et qui fesaient hausser considérablement le prix
des grains ; que la moisson est abondante et se fait tranquillernent
; eu⤠que l'abondance ne tardera pas de Bous feire
Oublier l'affreuse disette que nous avons éprouvée . Il demande
le renvoi de la proposition de Piette aux comités réunis .
Adopté . Le discours de Roux sera iuséré au bulletin .
sur
Séance d'octidi , 8 Fructidor.
Après la lecture de la correspondance , la discussion s'ouvre
la loi du 17 nivôse,
Lanjuinais , au nom du comité de législation , dit que cette
loi , dont l'objet a été d'établir , d'une maniere uniforme dans
19ute la République , l'ordre des successions , et de régler est
S.
( 268 )
ordre d'après les prinetpes de la plus exacte égalité envissgée
sous ce rapport ne présente rien que la Convention n'ait
fait avec justice ; mais son effet peut- il remonter à une époque
antérieure à sa promulgation ? C'est-là le sujet des réclamations
qui se sont élevées de toutes parts. La paix des familles
troublée , la loi des contrats violée , le droit de propriété
détruit , la garantie sociale devenue illusoire , tels sont , continue
le rapporteur , les inconvéniens funestes que le comité
vous dénonce , qui méritent de votre part une attention sérieuse
, et surtout un prompt retour à la justice , s'il est reconnu
qu'elle a été violée .
Lanjainais repond ensuite aux objections . « On a prétendu
d'abord qu'il n'y avait pas d'effet rétroactif dans les lois nouveiles
; que l'égalité des partages était de droit naturel , et que
ne pouvant y avoir de prescriptions contre le droit naturel ,
on ne pouvait pas accuser de rétroactivité des lois qui n'eu
étaient qu'une simple et nouvelle declaration .
nr.
Ici une premiere réflexion se présente ...... Pourquoi done
faire remonter qu'au 14 juillet 1789 l'effet des lois du
5 brumaire et do 17 nivôse : le droit naturel qu'on invoque ,
ce droit immuable et imprescriptible existait - il moins avant
cette époque ? S'il existait , pourquoi le partage d'une succession
ouverte le 13 juillet 1789 serait -il moins fait d'aprés
ce prétendu droit naturel , que celui d'une succession ouverte
le lendemain ?
Le droit naturel doit être sans doute le principe et le
régulateur de la législation : il n'est cependant pas la loi même ;
et si à la faveur de ce mot vague , de retour au droit naturel ,
il était permis de renverser toutes les lois positives qui jus
qu'aujourd'hui ont dirigé les transactions sociales , réglé
l'ordre des successions , fixé les rapports des citoyens entre
eux , qui de nous ne serait pas effrayé du chaos où nous irions
nous plonger ?
1
,, I y a plus , car il est tems enfin qu'on cesse de substituer
les mois aux choses , et les déclamations aux principes : cn
parle du droit naturel , et on ne fait pas attention que l'ordre
de succéder est l'ouvrage des hommes.
" Il est tout entier l'enfant de la volonté des hommes . C'est
la loi ctvile qui garantit les propriétés ; elle les a seule créécs ,
même pour le premier possesseur , selon une doctrine trèsrépandue
seule aussi elle en a réglé la transmission , elle en
a varié le mode à l'infini même , et en ligne directe chez tous
les peuples de la terre ,
La nation , rétablie dès le 14 juillet en sa souveraineté
en proclama les bâses , en décréta , pour ainsi dire , les chefs
principaux , et laissa au tems le soin de les recueillir tous et
de les développer. Mais de là peut- on conclure que chaque
loi favorable à la liberté , à l'égalité , doive recevoir son exé(
269 )
cution à dater du 14 juillet , et pourriez vous , en adoptant
pour un moment cette hypothese , considerer sans fremir
quelle commotion , quel bouleversement eût produit dans les
familles et dans la société ce changement subit , mouvement
rétrograde de la législation ?
" C'est ici un systême dont on démontre l'absurdité en
la poussant jusqu'à ses derniers termes ; et si l'opinion la
plus hardie n'oserait soutenir que les lois émanées par la
révolution doivent être rapportées pour leur exécution à
l'époque du 14 juillet , convenons qu'il n'y a pas cu plus de
motif pour reporter à cette date celles de 5 brumaire et
17 nivôse.
Votre comité de législation vous présentera , dans son
projet de décrets , toutes les mesures qui peuvent rendre
et plus facile et moins fâcheuse l'exécution de la loi qu'il
vous propose ; des délais pour les restitutions mobiliaires
le maintien des aliénations faites de bonne foi , un juste
adoucissement dans la répartition des frais qui ont été faits
nul -retour sur les fruits perçus , etc.: c'est ainsi que , conciliant
ce que la justice exige et ce que les circonstances font
desirer , accordant aux principes . un retour de devoir , et aux
considérations tous les ménagemens de eonvenance , vous
préviendrez toute commotion et toute secousse .
" Dailleurs , quel motif plus déterminant que celui de la
justice ? qu'y a - i il à opposer , quand la justice commande ?.
Oui , tel est son pouvoir , tel est cet ascendant qu'elle obtient
sur les hommes qui ne sont pas parvenus au dernier degré
de dépravation , que beaucoup de ceux- là même auxquels
l'effet rétroactif de la loi du 17 nivôse a été utile , subitoat sans
se plaindre , et plusieurs avec un juste empêchement , l'appli
cation de la loi qui les dépouillera d'un bien sur lequel ils
n'avaient pas dû compter.
" Ainsi , je ne m'arrêterai pas à ces considérations secondaires
, auxquelles le législateur , fidele aux principes , ne doit
jamais être accessible .
" Je ne m'arrêterai pas à ce qu'on répete avec tant d'affectation
, que c'est ici la cause des aînés contre les cadets :
observation inexacte , puisque dans la plupart des provinces ,
les aînés et les cadets mêlés partageaient également les suc
cessions déférées par la loi , observation dangereuse , qui
tend à propager les divisions et les haines .
" Si dans une discussion dans laquelle il fut ne voir que
les principes , je voulais opposer aux considérations qu'on
fait valoir comme le rapport de l'effet rétroactif des lois da
5 brumaire et du 17 nivôse , les considérations qui militent
pour ce rapport , j'en trouverais de puissantes dans l'intérêt
de la nation , frustrée par les nouveaux partages des successions
ouvertes depaia 1789) , d'une masse importante de bieas
S 3
( 270 )
confisqués sur les émigrés , qui leur étaient acquis par leg
los anciennes , dont les lois nouvelles dépouillent le tresor
public ; daus la position d'une multitude de citoyens qui ,
sans retour sur la succession de leur pere , parce qu'il est
mort dans les six premiers mois de 189 , ont ete obliges
de rapporter , d'après la loi du 17 nivôže , les successions
collatérales qui leur avaient été laissées en dedommagem - nt
et eu compensation ; dans la faveur due à tant de mal ages
faits sous la foi des institutions que la loi autorisait ; et
à ces considérations non mi ins fortes que celles qu'on oppose ,
j'ajouterai que si le rapport des luis du 5 biomaire er da
17 nivôse , quant à l'effet rétroactif . n'etait pas d'une abaniue
justice , an moins il faudrait le decréter quent aux pays
Buis à la République postericurement an 14 juite : 1789 .
parce qu'il n'étai . pas possible que ies lois de la France
aient leur effet dans ce pays à une epoque où ils ne s'etaient
pas encore liés à la Republique.
" Mais ni cette consideration partielie , ni les mo : ifs de
faveur plus généreux qu'on peut faire valoir a l'infui , soit
pour le rapport , soit contre le rapport des dispositions retoactives
, ne doivent vous determiner ; ue voyez que ce qui est
juste , n'écoutez que ce que demandent les principes. "
( Applandi . )
Delleville obrient le premier la parole et demande qu'on
s'occupe d'abord de la quenion de savoir , s'il y a in effet
rétroactif dans retie ini . Priės voudrait qu'on décular d'ubord
la chose , quant sex colateranx. E pense qu'il ne doit pas y
avoir d'heritiers de droit , et il lui parait der que celni qui
n'a pas d'horivers directs ne puisse pas disposer de ses biens
en faveur dan smi , et qu'il soit furcé de les lais er a des
collateranx qu'i¡ ne connait pas quelquefois , on dent il a
à se plaindre. Laboissinte parle en faveur da maiuses de la
loi . Il croit que son rapport causerait beaucoup plus`de desordres
que son exécution .
Laurençot appuie le projet du comité . ! dit que Caligula
lui- même reconnaissait ce principe , qu'une loi n'est obligătoite
que du jour où elle est connne , et il demontre l'injuse
rice de l'effet rétroactit donné à la loi dont il s'agit. Plusieurs
membres parlent encore pour ou contre . La discussion est
ajournée.
Séance de nonidi , 9 Fructidor.
Doulcet , au nom du comité de salut públic , fait part d
divers avantages remportés par l'armée d'italie sur les Piemontais
. Le résultat a été une quantité considérable de fourages
qui leur ont été enlevés.
Un membre demande la création de cinq commissions,
La pere, serait chargée de reviser le code civil'; la 2º. les lois
( 874 )
eriminelles : la 3. s'occuperait de la police rurale ; la 4. de
la police municipale et correctionnelle , et la 5e presenterait
un mode simple de procédure . Renvoi au comité de
legislation.
Devillers : La malveillance qui tire avantage de tout , a profré
de quelques événemens malheureux arrivés à Nantes pour
repandie que la guerre civile crait ouverte dans ceite commune
; mais j'annonce à la Convention que Nantes est trans
quille en ce moment , et que ses habitans , qui out triomphé
de 80,000 brigands , ne se laisseront pas intimider par quelques
assassins . Insertion au bulletin .
La discussion sur la loi da 17 nivôse reprend : Paganel la
regarde comme une simple déclaration du droit naturel centre
lequel il ne peut y avoir de prescription . Il ajoute que si on la
rasporte , on dépouillera de leurs propriétes les cadets qui
out fait la guerre , tandis que les aînés en ont été les spectateurs
oisifs ,
: Maithe Quel parti que vous preniez dans cette discussion ,
yous êtes sûrs de fraisser beaucoup d'intérêts , et de faire par
conséquent des mécontens. C'est une raison de pins pour
écarter tonte consideration politique , et ne vous attacher qu'à
la justice . On prétend que cette loi n'est qu'une déclaration
du droit naturel ; mais le droit de succeder n'est pas dans
Portre de la nature , il est une émanation de l'ordre social .
Un pere est tenu , d'après les lois de la nature , de nourrir
son enfant , mais por d'en faire son heritier . ( Il s'éleve des
murmures. ) Mailh reproduit ensuite les argumens qui ont
elé faits par ceux qui ont opine pour le rapport de l'effet
troactif de cette loi. Il n'est point touche des considerations
présentées en faveur des cadets qui se battent aux frontieres.
Il pense que c'est ternir leur gloire que de leur prêter
de pareils motifs , et quils combatteut pour la liberté et la
justice , et non pour leurs intérêts . Sans doute la République
doit être reconnaissante à leur égard , mais cette reconnaissance
doit être toute nationale .
Bar : L'Assemblée constituante a aboli tous les usages et
toutes les coutumes non consenties par le peuple . La loi du
17 nivôse n'est qu'une conséquence de ce principe ; elle n'a
donc pas d'effet rétroactif.
Saladin fait usage de quelques- uns des moyens déja employés
pour combattre cette loi . Il ajoute qu'il ne suffit pas
d'avoir détruit la tyrannie , qu'il faut aussi détruire tous les
monumens qu'elle a élevés . On demande la clôture de la
discussion : elle est décrétée . Plusieurs membres réclament
Fappel nominal . Bourdon dit que ceux qui le veulent cherchent
à intimider leurs collegues et que ces appels sont
proscrits par la nouvelle constitution . La question se pose
de differentes manieres . Enfin Garan- Coulon fait adopter celle
$ 4
( 272)
qui suit La loi du 17 nivôse an 2º , aura - t- elle son effet å
dater du 14 juillet 1789 , ou seulement du jour de sa promulgation
? La Convention , après de longs débats , décrete
que cette loi n'aura d'effet que du jour de sa promulgation .
Séance de décadi io Fructidor.
9
Berlier , au nom du comité de législation , dit que la loi
du 18 prairial autorise les citoyens qui ont été rayés de la
liste des émigrés , et dont les biens avaient été affermés par
les administrations , à évincer les fermiers en leur remboursant
les semences et frais de culture . Il pense que leur condition
ne doit pas être différente de ceux des biens des condamnés
qui conservent leur jouissance pendant l'année courante , et
qu'on doit rendre commune la loi portée en faveur de ceux- ci ,
et il se borne à demander que le comité propose un projet
de décret à ce sujet . Adopté.
Des citoyens du département de la Manche dénoncent les
manoeuvres des prêtres réfractaires et des émigrés qui cherchent
à soulever ce département . Goupilleau ( de Montaigu ) s'étonne
que les comités réunis , qui étaient chargés de faire un rapport
à ce sujet , ne s'en soient pas occupés . Il demande qu'ils
le presentent incessamment , pour mettre la Convention dans
le cas d'extirper ces pestes publiques . Sa motion est décrétée .
au
Une députation de la commune de Rouen offre plusieurs
plans pour rétablir le crédit public , et faire disparaître la
disette . Elle desire qu'on ne laisse dans la circulation que
pour deux milliards d'assignats , et qu'on échange le reste
contre des billets ou reconnaissances , portant intérêt à quatre
pour cent. Vernier , en applaudissant aux intentions et
veu de la commune de Rouen , annonce que le comité des
finances présentera dans trois jours un plan de restauration
du crédit et du commerce . La Convention décrete que les
comités de salat.public , sûreté générale , législation , commerce
et des finances se réuniront par commissaires , et
concerteront les moyens de diminuer la masse des assignats ; -
ils lui seront soumis dans trois jours .
Vernier , au nom du comité des finances , présente un
projet de loi de police pour les marchés , et pour que les
citoyens soient tenus d'y conduire les grains . L'Assemblee
en ordonne l'impression.
La section de l'Unité présente ses vues sur la loi des patentes.
Elle craint que les agioteurs ne l'éludent encore , et
indique des moyens pour les déjouer. Un de ces moyens
consiste à ne les délivrer qu'en présence de citoyens conuns ,
qui auesteraient que le requérant fait le commerce ..
Defermont , organe du comité de salut public , annonce
de nouveaux succès remportés sur les Anglais par les Républicains
des Antilles . Sainte - Lucie , le Gibraltar de ces isles ,
( 273 )
st par conséquent l'une des plus difficiles à prendre , a été
enlevée à la bayonnette . Les ennemis y ont tout laissé , même
leurs femmes et leurs enfans . Ce que Bouillé et d'Estaing
n'avaient pu faire avec 10,000 hommes et 20 vaisseaux de
ligne , une poignée de Républicains l'a fait avec quelques frégates
. Jamais dans aucune de ses guerres avec la France ,
l'Anglais n'avait fait d'aussi grandes pertes. Seize vaisseaux
richement chargés et beaucoup de munitions de guerre sont
le frait de cette victoire .
Sieyes fait lecture de la ratification donnée par le roi d'Espagne
au traité de paix et d'amitié conclu avec lui . Elle est
datée du 4 août. La Convention en décrete l'impression et le
dépôt aux archives , ainsi que du traité et de la ratification .
Séance de primedi , 11 Fructidor.
Lanjuinais , au nom du comité de législation , présente la
suite de son projet de décret sur la loi du 17 nivôse . L'Assemblée
en ordonne l'impression , et ajourne la discussion à trois jours ."
Une députation de la section du Mail est admise à la
barre. L'orateur : L'amour et la confiance des peuples out
toujours fait la force de ceux qui gouvernent . La cour cessa
d'être puissante , quand elle s'entoura de bayonnettes . L'Assemblée
constituante fit un decret pour empêcher que les
troupes de ligne ne s'approchassent à une certaine distance
da temple des lois ; la liberté jalouse lui dicta cette loi
protectrice. Le secret est une arme de la tyrannie . Dans une
République , le gouvernement populaire se conduirait avec
plus de mystere , que des ministres dans le cabinet des rois ?
Pourquoi ces troupes antour de Paris ? Sommes - nous assiégés ,
ou à la veille de l'être ? Voudrait- on traiter le peuple comme
un lama qu'on adore en Dieu et qu'on enferme en esclave ?
Depuis le 1er . prairial , la nation est rentrée dans ses droits ;
elle a juré de ne pas souffrir l'usurpation . Le 14 juillet , le
penple brisa les bayonnettes des despotes les sermens des
hommes libres ne seront pas vains . On est accusé de vouloir
établir un nouveau terrorisme , parce qu'on demande que les
oppresseurs de la patrie soient poursuivis devant les tribunaux
. On est chouan , parce qu'on porte un collet noir ou
vert. On est royaliste aux yeux de certains pamphlétaires ,
parce qu'on refuse d'être dupe de leurs sollicitudes vision
naires La garde nationale parisienne a - t- elle démérité , pour
qu'on l'environne de troupes ? La Vendée se grossit , dit - on .
Eh bien laissez nos freres d'armes aller ceindre leurs fronts
de nouveaux lauriers , nous veillerons dans l'intérieur. ( Bruit . )
Chénier , président , répond : La Convention nationale
saura triompher de toutes les factions ; elle ne laissera pas
avilir cette puissance qu'elle tient du peuple entier ; elle sera
toujours ce qu'elle était au g thermidor , au 19 germinal , an
:
( 274 )
jer.
et au 4 prairial
; elle
réprimera
l'anarchie
et le roya
lisme
; elle serait
indigue
de sa mission
glorieuse
et des périls
qu'elle
a courus
, si elle se laissait
ébranler
par des craintes
pusilianimes
ou par les calomnies
insolentes
de quelques
amis
de la tyrannie
, Avec
le peuple
, elle a fonde
la République
;
avec
le peuple
, elle saura
la maintenir
. ( Applaudissemens
}
Les
armées
sont
aussi
une
portion
du peuple
; ( Applaudissemens
. et les seuls
ennemis
de la liberté
pourraient
concevoir
des
défiances
contre
des
citoyens
qui ont
remporté
cent
victoires
pour
elle , et qui ont versé
tant
de sang
précieux
sur les frontieres
de la République
. La Convention
vous
permet
d'assister
a sa séance
.
煮
La section des Champs - Elisées lui suecede ; c'est Lacreteile
le jeune oni porte la parole : Un grand jour s'approche ,'
celui où le People Français exercera sa souveraineté , si longleus
mèrquuve , et seminera la révolution ; mais nous ne
t'
as sana alarmes sur des causes qui peuvent la conqu
dépend de vous de faire cesser. Le décret
Endore le renouvellement par tiers seulement de la
envention nationale , est une source d'embarras et de division
. Ceue disposition , si sage quand elle s'applique d'une
législature à une autre , cesse de l'être , lorsqu'elle doit avoir
lien d'un convention à une législature . Comment régler le
choix que vous prescriver ? Il est tei departement dont la
députation ențiere , composée des ennemis des tyrans , a pévi
sous leurs coups , et telle autre qui s'est rangée en totalité
sous leurs drapeaux . Comment , dans ces deux cas , les élec
teurs ne nommeraient- ils pas la totalité de la deputation ? El
ne nous reste plus qu'a exposer nos craintes sur un autre
objet . Des soldats égarés ont fait couter à Nantes le sang
des citoyens que presage un pareil attentat ? Paris est environne
de troupes , Les enseignes de la terreur paraîtront
elles au milieu des deliberations dans lesquelles le peuple va
exercer sa souveraineté .
"
Le président , dans sa réponse , s'est élevé contre les calomnies
qu'on répand contre la Convention et contre l'armée. Il
annonce que l'armée sous Paris a accepté la constitution' ; que ,
comme la Convention , elle a fondé et veut la République , et
que , comme l'armée , la Convention saúra braver tous les dangers
pour la faire triompher.
Tallien dit qu'afin que cette séance ne soit pas perdue pour
la chose publique , il faut faire connaître au peuple les hommes
qui insultent à la représentation nationale , et il demande l'impression
des pétitions et leur envoi aux départemens . Decrété.
Une députation du camp sous Paris apporte le procès - verbal
de l'acceptation de la constitution à l'unanimité par cette
aç . Elle est vivement applaudie .
Heuri Lariviere sommet à la discussion le projet concernant
le jugement des détenus . Il n'y a rien de decide à cet égard.
( 973 )
PARIS . Quartidi , 14 Fructidor, 3. année de la République.
C'est un tableau douloureusement curieux pour l'observateur
patriote que les incohérences et les contrastes
bizarres dont la plupart des écrits politiques sont remplis
depuis quelque tems ; et parmi ces incohérences il
en est de graves qui sont le fit d'hommes assez exercés
pour donner une meilleure idée de la droiture de
leurs jugemens .
Les difficultés que pouvait présenter le décret
qui renvoie aux assemblées électorales le choix des
deux tiers des membres de la Convention , pour faire
partie de la législature , ont été saisies avec avidité par
quelques esprits inquiets et malfaisans , plus jaloux sang
doute d exciter une nouvelle commotion que de concourir
à rapprocher les sentimens . S'ils se sont déchaî
nés avec tant de véhémence contre cette disposition la
plus conforme aux principes , quel n'eût pas été leur
tiomphe si la Convention avait déclaré qu'elle procés
derait elle même aux choix qu'elle ne pouvait s attribuer
legitimement ! Dans l'hypothese actuelle , les opposons
ont été obligés de laisser voir la source de leur
mécontentement , et le sophisme le dispute à la perfidie
de leurs assertions. Il faut les entendre rétablir dans
toute sa latitude la doctrine de la souveraineté du
peuple violée , disent- ils , par le décret ; ils ne se souviennent
plus d'avoir tenu , il y a peu de tems , un tout
autre langage.....
Dans un moment où l'opinion a besoin d'être ramenée
toute entiere vers le centre constitutionnel , d'être
sur- tout parfaitement dégagée de quelques hérésies politiques
qui nous ont tant fait de mal , n'est - il pas déplorable
de voir des publicistes reproduire les maximes
tant prêchées par les intrigans populaires , et les amal
gamer à des erreurs nouvelles propres à redonner à l'aarchie
tous les secours du fanatisme politique ? Cette
marche étoit naturelle sans doute ; ceux qui dans des
écrits et des discours calculés ont eu des desseins secrets
et d'arriere - pensées , ne peuvent voir approcher le mo- ,
ment décisif sans redoubler d'activité ; mais cet effet atteste
d'autant mieux une cause vainement contestée ; le
( 276 )
royalisme menteur se démasque enfin par excès de zele
autant que par ses inconséquences .
Les membres de la Convention , dont les opinions et
le caractere pouvaient inspirer quelques craintes , ont
été écartés et ne sont point éligibles ; les exagérations
insensées de la démocratie n'ont plus d'influence , tous
les gens de bien que le prestige séduisant d'une perfection
plussystématique que possible avait égarés sont désabusés .
Les citoyens en général n'aspirent qu'à un ordre fixe , à un
gouvernement stable ; les anciens flatteurs populaires ,
réduits à la lonte et à la circonspection , ont perdu leur.
dangereux ascendant ; pourquoi donc des écrivains , qui
ont jetté tant de ridicule sur la souveraineté du peuple ,
s'empressent- ils aujourd'hui de reproduire tout ce qui
a fait abuser de la vérité de ce principe ? Ce sont les
mêmes affectations , les mêmes flagorneries , le mot peuple
souverain se rencontre à chacune de leurs phrases ! Citoyens
, ne vous y trompez pas , ceux qui exposent avee
un soin si religieux le tableau des droits du peuple ne
Tauraient flatte qu'aujourd'hui , si demain la royauté
rétablie leur offrait l'individu à qui seul ils voudraient
adresser leurs hommages serviles ; ils peuvent changer
à propos certains points de leur doctrine . Ils ne peuvent
changer leurs dispositions habituelles .
Le droit d'émettre librement sa pensée , de publier
ses opinions politiques pour l'instruction commune, est le
plus précieux de tous ; nous avons été des premiers à
censurer les mesures qui y portaient atteinte ; mais la
pureté des dispositions se fait toujours reconnaître quels
que soient la forme et le degré de force ou de chaleur
du style . Des écrivains bien intentionnés , sinon républicains
, au moins patriotes , savent dire la vérité , et
rappeller les principes sans perdre de vue l'intérêt général
et la difficulté des circonstances . Cette délicatesse
de l'homme droit n'existe pas dans les écrits où l'on
développe tout ce qui peut aigrir les ressentimens , fortifier
l'esprit de parti , aliéner la confiance , et bannis
la paix des réunions politiques qui vont se former,
N'a-t- on pas vu il y a quelques jours des pétitionnaires
indiscrets porter l'égarement de l'orgueil jusqu'à
faire entendre à la barre de la Convention nationale
des injonctions despotiques , ordonner l'éloignement
des défenseurs de la patrie , du ton avec lequel Mirabeau
demanda dans d'autres tems le renvoi des régi
mens étrangers dévoués à la tyrannie , et rappellant
1
-
plutôt ces orateurs révolutionnaires si bien appréciés
depuis le 9 thermidor , croire en exprimant une opinion
presqu'individuelle , dicter au corps représentatifla volonté
du souverain lui- même.
La voix sévere du président de la Convention , et les
discours énergiques de plusieurs représentans ont signalé
cette effervescence qui coïncidait avec les bruits les
plus étranges. Dans le même tems on débitait qu'il y
avait un parc d'artillerie sur les hauteurs de Montmartre,
que les moulins devaient servir de redoutes , que les
habitans du fauxbourg étaient obligés de déménager
pour faire place aux troupes qui venaient pour opprimer
les citoyens. Dans les cafés , on disait que les déte-,
nus avaient été mis la veille en liberté , et qu'ils étaient
allés , coëffés du bonnet rouge , en députation au comité
de sûreté générale où ils avaient été très - bien accueillis .
Tous ces bruits absurdes ont été reconnus faux , mais
l'affectation de les répandre annonce le dessein d'inspirer
des inquiétudes , et de diviser les esprits .
Nous devons à la vérité d'observer qu'il s'est fait depuis
deux ou trois jours un changement dans la rédac
tion de plusieurs journaux ; on y remarque un langage
plus pur et des principes plus raisonnables , et comme
fa circulation des idées par le moyen des papiers publics
est extrêmement rapide , elle a aussi beaucoup d'influence.
On ne peut donc que tirer un hon augure pour
l'acceptation de la constitution et les élections de ce
rapprochement des esprits à l'époque la plus importante.
Quant à la constitution , voici quelques idées que nous
puisons dans le Journal des Patriotes de 89 rédigé par
Réal et Méhée , numéro du 11 fructidor,
cep
Les assemblées primaires sont le souverain ; mais nne
assemblée primaire n'est pas le souverain . Dans une assemblée
primaire , les citoyens exercent leur portion de souverai
neté , en discutant d'abord , ensuite en refusant ou acce
99 tant l'acte constitutionnel , en nommant leurs mandataires .
,, Personne n'a le droit de les gêner dans ces opérations ;
mais quant au refus ou à l'acceptation , il ne peut se prononcer
,, que par Qui
ou non. Des phrases comme Robespierre en faisait
19 au peuple , peuvent l'égarer , mais ne lui feront pas faire
,, ce que la nature des choses ne comporte pas .
7
"
" Une constitution est un ensemble de matériaux adaptés
des uns aux autres ; il faut le prendre tel qu'il est ou le
rejetter. Si l'on veut en défaire une piece pour y en substituer
une autre , il faut examiner si cela est bon d'abord ,
» ensuite si cela est possible .
( 278 )
'"" Si chaque département avait le droit d'amender , restreindre
et modifier la constitution ; aucun ne sachant si les autres
99 approuvent on rejettent ce qu'il veut changer , et chacun
" setirant ce qui lui déplait , il ne resterait plus rien de l'acte
19.constitutionnel lorsqu'il arriverait au corps législatif , tron-
» qué et mutilé par chaque département . ON N'AURAIF JAMAJS
19 DE CONSTITUTION .
"" 11 est tems de finir les angoisses du peuple , et de faire
marcher la constitution ; on n'attente pas à ses drous fors-
42 qu'on lui dit : Vou ez - vous cela ainsi , es qu'il est le maître de
1, dire oui teu nom . 19
Le rédacteur des Annales patriotiques , dans son
numéro du 9 , avait publié un article qui pouvait devenir
le germe de la plus furieuse anarchie . En voici quelques
fragmens : Il cite dabord cette pensée de J. J.
Rousseau dans son Contrat social.
A l'inst en que le peuple est légitimement assemblé en
corps souverain , toute jurisdiction du gouvernement cesse ,
" la
la puissance exécutive est suspendue , et la personne
5 du dernier citoyen est aussi sacrée et inviolable que celle
99 du premier magistrat , parce que où se trouve le représente
, il n'y a plus de représentant. "
Dans le développement de ce texte , on trouve les
idées que voici :
tas
Le peuple légitimement assemblé exerce toute la
plénitude de la souveraineté , il peut examiner ,
discuter , approfondir l'acte constitutionnel , l'approuver
, le rejetter , le restreindre , le modifier , il peut
choisir le gouvernement qu'il croira convenable à
" son intérêt et à son bonheur. Tout corps où tout
particulier qui voudrait détruire , limiter , fixer la
souveraineté cu peuple , exercerait une tyrannie exé-
', crable , et serait coupable de conspiration ,
17
C'est un grand point sans doute et une vérité précieuse
, que la souveraineté du peuple dans aucun état
de choses ne peut être détruite , limitée , ni fixée par
Aucun corps , ni aucun particulier ; mais ne perdons
pas de vue que dans le systême représentatif l'exercice
de la souveraineté est nécessairement modifié par la
raison et la nature des choses , et qu'à Rome même ,
le peuple quoique réuni tout entier au Forum ou au
Champ- de-Mars , ne faisait qu'accepter ou rejetter les
fois qui lui étaient proposées . Pour réfuter la citation
( 279 )
1
la citation de l'idée de J.-J. Rousseau , nous laisseront
parler le Journal des Patriotes de 89 .
""
“ Rousseau parlait de Rome , et à Rome cela était vrai
» parce que le peuple pouvait s'assembler en corps souverain ;
mais quelle application cela peut- il avoir à notre situation ?
Quoi ! nos assemblees primaires divisées en plus de quatre-
" vingt departemens , s'étendront sur plusieurs mille lieues
" quarrées , ♦ vous voulez que toute jurisdiction du gouver-
19 nement cesso , et que la puissance exécutive soit suspendue ! ... Et
» qui pendant ce tems- là defendra vos propriétés ?qui réprimera
les desordres inséparables d'un pareil état de choses ? Gardous-
» nous donc bien d'appliquer à la République Française
ee que Jean -Jacques disait de Roms ou de Geneve , et invi-
» tons bien plutôi le gouvernement à protéger de tous ses
» moyens , daus ces jours d'orage , le droit qu'a chaque
" choyen d'énoncer son voeu dans les assemblées primaires .
›› Souvenons- ons que nos droits ne peuvent être respectés
" qu'aniant que nous ferous respecter ceux des autres
" loin de voir avec chagen cent de no freres d'armes qui
" se trouvent ici en ce moment , félicitons nous d'être entourés
" de paniotes , devant lesquels les royalistes pourront bien
» dire leur avis , mais n'oseront mettre en évidence leurs projets
libertides.
et
On peut encore ajouter que la suspension de la puis
sance exécutive n'avait lieu que relativement à l'assem
blée souveraine , et si dans le reste de la ville de Rome
et les environs il s'était commis quelques désordres de
la part des étrangers , des esclaves , des prolétaires ou
même des citoyens qui n'auraient point assisté à l'assemblée
, la surveillance et l'action du gouvernement
devenait encore plus essentielle , et ne pouvait certai
nement être suspendue. C'est ainsi qu'en interprêtant
son gré un auteur , et déplaçant sa pensée on peut
tromper ceux qui ne peuvent ou ne voudraient pas réfléchir.
Mais le desir d'être justes et de répandre en
même tems des idées vraiment utiles , nous engage
citer un autre article des Annales patriotiques du 12 fructidor.
Le voici :
" On expose , en faveur de l'article constitutionnel , quí
" conserve- une partre des membres de la Convention
dans le corps législatif , combien il serait dangereux
" de confier à des mains inexpérimentées les rênes du
" gouvernement dans un tems où l'habileté la plus con-
" sommée serait à peine au niveau des besoins , dans
" tems où nous avons une guerre glorieuse , mais terrible
» à terminer ; des désordres affreux à réparer ; tous les cangus
un
( 280 )
9 de l'industrie à vivifier ; la morale publique à rétablir
l'esprit public anéanti oa perverti à faire renaître ou à
" ramener aux vrais principes ; enfin , la constitution nouvelle
à défendre des attentats de l'ambition ou des fureurs
sacrileges de l'anarchie . Si l'on craint la prolongation du
" pouvoir dans ceux qui l'ont déja exercé , n'a - t - on pas à
redouter les premiers essais de ce pouvoir dans des hom nes
9 nouveaux , cette ardeur d'innover , de détruire , de tout sacrifier
à ses conceptions bisarres , de vouloir s'écarter de ce qui
existe , mais dont notre révolution n'offre que trop d'exem.
ples ? Les membres de la Convention , au contraire , éclairés
55 par l'expérience , et beaucoup d'entr'eux fortifiés par les
" leçons du malheur , sauront mettre un frein à l'effervescence
de l'ambition , à la folle ardeur des nouveautés .
Depuis quelque tems , dans la donce habitude de réparer
le mal , de consoler l'infortune , de réédifier au milieu des
" ruines , ils continueront avec ardeur un ouvrage bien
, commencé , ils s'efforceront d'effacer tout ce qui peut leur
rappeller les tems affreux sous lesquels ils ont gemi , et
les crimes de leurs oppresseurs et de ceux de la France
entiere ; ils travailleront enfin à prouver qu'ils n'ont été jaloux
" de se maintenir dans un poste si long tems pour eux le
siége de l'amertume , du chagrin , des dégoûts , que pour
99 s'acquérir de nouveaux droits à l'affection de leurs contemporains
et à l'estime de la postérité . L'article consti
tutionnel est donc dicté par la prudence , par la sagesse
et par une politique prévoyante .
** . % ( Cet article , commencé dans le précédent numéro , est du
citoyen LACHAPELLE. )
Tous les journaux publient que la ci- devant duchesse d'Or
léans , le ci - devant prince de Conti , et la ci - devant duchesse
de Bourbon , qui étaient l'un et l'autre prisonniers à Marseille ,
ont été mis en liberté . Les deux derniers doivent se rendre ,
à ce qu'on assure , l'un à Autun , l'autre à Sens , jusqu'à
nouvel ordre .
Suivant les lettres de Londres , M. d'Yeiarte , qui a signé
le traité de paix conclu entre l'Espagne et la France , est
nommé ambassadeur à Paris ..
Gette guerre a coûté fort cher à l'Espagne . Sa dette était
avant la guerre de 260 millions de piastres . Elle s'est augmentée
, depuis le mois de mars dernier , de 200 milions
de piastres . Sa perte en hommes est évaluée à 60,000 hommes .
1
( No. 70. ) Jen .135 .
MERCURE FRANÇAIS.
DÉCADI 20 FRUCTIDOR , l'an troisieme de la République.
( Dimanche 6 Septembre 1795 , vieux style . )
Explication de la Charade du nº . 69.
Le mot de la Charade est Jonquille.
LITTÉRATURE ANCIENNE.
ODES D'ANACREON ; traduction nouvelle en vers : petit in-8°.
Jolie édition . A Paris , chez DUPONT , libraire , rue de la
Loi , n° . 1232. ( 1795 , vieux style ) .
ANACREON est peut-être de tous les poëtes de
l'antiquité le plus difficile à être traduit dans notre
langue et sur-tout à l'être en vers . Comment rendre
ce mélange heureux de douceur , de délicatesse , de
philosophie , de na veté et de graces qui caractérise les
poésies du chantre de Teos ? Comment saisir dans une
langue si féconde et si ichc d'expressions , de couleurs
et d'idées , ces traits brillans . ces pensées fines et fugitives
qui tantôt se dérobent sous le voile d'une ingénieuse
allégo ie , tantôt sont l'effet d'un sentiment subit
inspiré par le plus aimable délire , et qui prennent
toujours une forme nouvelle , lors même qu'il a l'air de
revenir sur le même sujet ?
Le nouveau traducteur ne s'est point dissimulé les
difficultés qu'il avait à vaincre. . La perfection du style
d Anacréon , dit - il , est si étonnante , au milieu des
charmes de sa négligence . qu'il faut renoncer à faire
passer ce genre de beauté dans une langue , dont le
génie est très - différent de celui de la sienne . Tous les
composés grecs , si riches . si harmonieux , si commodes
pour le poëte , ne peuvent être exprimés en français
que par des périphrases . D'un autre côté , la simplicité
des anciens les conduisait naturellement à une préci
sion à laquelle se refusent notre langue , nos goûts
Tome XVII. T
1
( 282 )
nos moeurs , et notre méthode sur-tout qui exerce son
empire un peu trop durement jusques dans la poésie .
La langue française a de grandes beautés ; elle possede
la clarté , l'élégance , la grace et la móllesse ; mais elle
est un peu parleuse , comme ceux qui l'ont formée successivement
; elle aime à tout dire , elle ne sait rien
sous - entendre . Elle veut , jusques dans une chanson ,
une petite exposition , un noeud , et une pensée finale
qui en forme le dénouement : trois couplets sont trois
petits actes. Anacreon ne compose pas ainsi ; une pensée
le frappe , une image le séduit , elle est aussi - tôt
chantée sur sa lyre .: elle charme , elle ravit ; mais il faut
quelquefois l'entendre à demi - mot , il ne se donne nullement
la peine de l'amener : il faut , pour ainsi dire ,
la saisir au vol . Tel est le genre d'une partie de ses
compositions , et par conséquent telle est une des principales
difficultés à vaincre par un traducteur français ,
qui ne veut être ni moins concis , ni moins rapide , mais
qui veut cependant être clair et élégant.
Plusieurs poëtes français ont plutôt imité que traduit
quelques odes d'Anacreon ; il nous manquait une traduction
complette rapprochée le plus possible du texte øriginal
. On doit savoir gré à l'auteur de l'avoir entreprise ;
on doit aussi lui savoir gré de l'exécution . Après avoir
rendu compte des lois séveres qu'il s'est imposées en
traduisant Anacréon , il parle de lui - même et de son
travail avec une franchise si peu présomptueuse , que
ce ton modeste lui concilie déja la bienveillance du
lecteur.
Si l'on remarquait , dit- il , de la dureté dans mes
vers , je serais bien malheureux ; car en traduisant Anacréon
ce serait un grand crime ; mais , je l'avoue franchement
, je crains moins ce reproche que celui de la
faiblesse et de la négligence . Quant à la faiblesse , c'est
un délit anti - poétique que je n'entreprendrai point d'excuser
; mais sur la négligence , il faut s'entendre . Si l'on
définit par ce mot l'incorrection , sans doute elle est
inadmissible ; mais si la négligence est la douce gaieté ,
la simplicité , l'absence de toute recherche , et même
de la paure , j'avoue que je la crois souvent dictée par
Anacréon lui - même ; je crois aussi que le genre de ses
compositions admet plus qu'un autre de la négligence
dans les rimes . Anacreon n'eût pas trouvé mauvais que
Chaulieu traduisit plusieurs de ses odes aussi négligemment
qu'il a composé ses pieces légeres : quand Chaulieu
( 283 )
1
est incorrect , ce qui lui arrive un peu trop souvent ,
il a tort ; mais quand il n'est que négligé , il est charmant.
"
sur
Les odes d'Anacréon roulent presque toutes
Bacchus et sur l'Amour. Il semble que ces deux sujets
devraient être bientôt épuisés ; mais sous la lyre d'un
poëte plein d'imagination et de fécondité , qui trouvait
un champ si vaste dans une mythologie si iante , qui
vivait sous un ciel si beau et au milieu d'une nature
si parfaite , et qui savait mêler à une délicate volupté
les leçons de la sagesse , combien ces deux , sujets acquierent-
ils de variété et de charme ? Cependant , remarque
très -judicieusement le traducteur , il serait à
desirer qu'un lecteur n'entreprit pas la lecture d'Ana-
, créon de suite : c'est dénaturer , pour ainsi dire , ses ouvrages
, que de les lire ainsi ; il n'a pas composé de suite.
O se prive d'un grand plaisir en parcourant trop vite
et trop superficiellement ses poésies ; il faut le goûter
en détail et par parties , comme faisait , pour ses jouis
sances , ce poëte voluptueux . Un jour il chantait l'Amour,
un autre fois il célébrait Bacchus ; ou s'il les réunissait
quelquefois , il n'accumulait point trop les voluptés ;
ii goûtat , dans toute sa plénitude , celui de ses plaisirs
auquel il consacrait sa journée ; il faudrait faire de même
en le lisant . "
Il ne nous reste plus , pour faire connaître la maniere
dont l'auteur a traduit Anacréon , qu'à choisir , parmi
les 60 odes qui composent ce recucil , celles qui nous
paraissent réunir le plus de variété . Anacréon veut- il
peindre l'invincible pouvoir dont la nature arma la
beauté , voyez avec quelle adresse et quelle magnificence
il fait dans l'ode deuxieme l'énumération des dons
que tous les êtres vivans ont reçus en partage , pour les
faire contraster avec , les charmes d'une belle !
66 Quand de la corne la plus dure
Les pieds du conrsier pélaut ,.
Et le front du taureau pesant ,
Farent armés par la nature ;
Le lion , tyran redouté ,.
Fat poursu de dents menaçantes ;
Le livre eut la légereté ; ..
L'oisean , des ailes diligentes ;
Le poisson nagea suus les eaux ;
( 284 )
Le monarque des animaux ,
L'homme , eut la prudence en partage.
A la femme qu'est- il festé ?
La nature prodigue et sage ,
•
Lui fit présent de la beauté ,
Sans créer d'autre arme pour elle .
Unissez les quatre élémens ,
Leurs efforts seront impuissans
Contre les charmes d'une belle . "
L'ode 3. sur une visite nocturne de l'Amour est trèsconnue
, et a été souvent imitée : c'est par cette raison
que nous allons rapporter la traduction nouvelle . En
la comparant aux autres imitations qui ont obtenu le
plus de célébrité , et en prenant le texte pour modele
, les hommes de goût , à qui les deux langues sont
familieres , pourront plus aisément juger qui a le mieux
saisi l'esprit et la lettre de l'original.
Déja les astres de la nuit ,
Qu'une invisible main balance ,
Parcouraient les cieux en silence ;
Le repos succédait au bruit
Que font les mortels sur la terre ;
J'entends une voix étrangere
A la porte de ma maison .
Un instant je prête l'oreille :
Qui donc ainsi frappe et m'éveille ?
Ne redoute rien , me dit- on ;
Je suis un enfant , je te jure ,
Bien mouillé ; dans la nuit obscure
Je ne puis trouver mon chemin.
Touché de ce on enfantin ,
Bientôt ma lampe est allumée ;
Je cours , et j'ouvre. J'apperçois
Un enfant aîlé ; son carquois ,
Get arc , dont sa main est armée ,
Tout dit à mon ame charmée :
C'est l'Amour même que tu vois.
Je réchauffe alors dans mes doigts
( 285 )
Ses petites mains que j'essuie ;
Je presse ses longs cheveux blonds ,
J'en exprime l'eau de la pluie .
Je n'ai plus froid , dit- il ; voyons
Comment est mon arc ; essayons
Si sa corde est encore humide .
A peine elle a touché sa main
Que je me sens percer le sein
Par un trait brûlant et rapide .
Mon cher hôte , réjonis-toi ,
Mon arc n'éprouve aucun dommage ,
Dit-il , en se moquant de moi ;
Ton coeur souffrira davantage . ››
Il y a sûrement dans ces vers beaucoup de précision,
de délicatesse et de graces , et l'on sait gré à l'auteur
d'avoir évité toute vaine parure , et d'avoir su conserver
la simplicité antique qui fait le charme de ce
morceau .
S'agit- il de faire connaître les peines qui accompagnent
trop souvent l'amour , lisez la 7. ode. Y a-t- il
rien de plus ingénieux que cette fiction ?
" L'Amour , un lis à la main ,
Me fit signe de le suivre
Dans un fort mauvais chemin.
A ce guide je me livre ;
Je parcours , en le suivant ,
Plus d'un bois , plus d'un torrent ,
Des ronces , des précipices ;
Mais , piqué par un serpent ,
Je souffre mille supplices ,
Je me meurs . L'aimable enfant
Par un léger mouvement
De ses aîles m'encourage ;
Et , soufflant sur mon visage ,
Me dit d'un ton plein d'appas :
Ami , ne veux - tu donc pas
Faire ton apprentissage ?
T3
( 286 )
21
On sait que c'est dans les chansons de table qu'excellait
le plus Anacreon . Peut- on rien lire de plus joli
que les deux odes suivantes , la 18 , et la 1 , la premiere
est sur une coupe que le poëte commande à un
artiste.
Allons , Artiste incomparable ,
Je viens exercer tes alens ;
Je veux une coupe agréable .
Orne la des fleurs du printems ,
Des roses , que toujours j'admire.
Plus bas que ce métal respire
La douce ivresse des festips .
Ne vas pas y placer l'image
bés sacrifives 4nkunfain's 2935
De quelque peuptate savage .
Grave plutôt le grand Bacchus ;
Qu'il soit guidé par le mystere
Auprès de Paimable Verrus ;
Que la déesse de Cytherea
气
A l'Hymen fisse un peu la guerre ;
Que les Amours solent désarmes ;
Que le trio charmant des Grâces
Danse , voltige sait leurs traces ;
Que , sous les berceaux parfumés
D'une vigne en grappés féconde ,
Les plus jolle enfaws du monde
Se mélent gaiment à leurs jeux ; * ')
Que Phebus daigne au milieu d'eux
Jouer sur sa lyre une ronde. 9 .
L'autre a pour objet de justifier le culte de Bacchus ,
car tout boit dans la nature .
❝ Ne vois - tu donc pás lá terre
S'abreuver de l'eau des cieux ;
L'arbre , dont elle est la mere ,
Boire ses sucs précieux ?
L'Océan boit l'atmosphere
Que pompe l'astre du jour ,
( 287
Dont Phébé bolt la lumiere .
7
Pourquoi me fais - tu la guerre ,
Quand je veux boite on tour ? 19
1
9
Il n'est personne qui ne se rappelle ce billet brûlant
qu'écrit St. - Preux en entrant dans le cabinet de Julie
à l'aspect de ses vêtemens . Anacreon avait traité le même
sujet dans l'ode 20 ° . , mais il l'a traité en počte délicat
et tendre qui sait s'arrêter pour mieux faire deviner ce
qu'il cache .
Jadis la fille de Tantale
1
f
Devint un rocher de la mer ;
Procné de sa couche fatale.
S'élance , et voltige dans l'air .
Que j'aime les métamorphoses !.
Je voudrais être ton miroir ;
Sans cesse tu viendrais me voir
Me consulter sur mille choses.
Que ne suis-je ce vêtement
Dans lequel la nuit tu reposes !
Tu me porterais constamment.
Que ne suis -je cette onde heureuse
Qui baigne tes traits naissans !
Cette essence voluptueuse ,
Dont le parfum ravit tes sens !
Ce collier , ta simple parure !
Ce ruban sur ton sein placé !
Si j'étais au moins ta chaussure !
De ton pied je serais pressé....
Et les scholiastes , les commentateurs sont venus après
trois mille ans accuser Anacreon d'avoir été trop licencieux
dans ses vers ! Ce n'est pas en lisant core charmante
piece qu'on lui fera ce reproche . Il est impossible
de peindre avec une volupté plus mystérieuse et plus
discrete . Voyez encore l'ode 23 , où il fait le portrait de
sa maîtresse. Quelle occasion pour un poëte de se livrer
au besoin des descriptions ! et cependant quelle aimable
pudeur respire dans cette ode ! On va en juger.
Peintre célebre dans la Grece ,
Viens ajouter à tes succes
T 4
( 288 )
#
Celui d'avoir peint ma maîtresse.
Pour en dessiner tous les traits ;
Qu'est il besoin de sa présence ?
Je saurai guider ton pinceau .
Point de profit dans ce tableau
Renda d'abord avec élégance
L'ébene de ses longs cheveux ;
Que de leurs parfums , si tu peux ,
S'évapore à nos yeux l'essence.
Que sur l'ivoire de son front
De deux sourcils bruns la souplesse
Se courbe avec délicatesse ;
Que la trace , qui les confond ,
Soit divisée avec adresse ;
Représente - les .... tels qu'ils sont.
Ses longues et noires paupieres
Seront le cadre de ses yeux ;
Aussi bleus , aussi grands que ceux
De Pallas aux regards séveres ,
Ils ont cette humide langueur
Que Vénus porte en ses mysteres .
Pour tracer un nez séducteur ,
De son teint pour peindre la fleur ,
Mêle quelques lys à des roses .
Sur ce beau col il faut pourtant
Que séparément tu déposes
De tes lys le plus éclatant.
Qu'autour de son menton charmant
Toutes les Grâces soient errantes
Pour ne venir se reposer
Que sur ses levres attrayantes ,
Et pour appeller le baiser.
Je choisirais sur ta palette
Cette teinte de violette ,
En colorant son vêtement ;
Je le veux modeste et décent ;
Mais entr'ouvre un peu cette robe ,
( 289 )
Et qu'elle offre à l'oeil curieux
L'échantillon voluptueux
Des charmes qu'elle nous dérobe.
C'est elle- même ; je la vois ;
Ton art vient de faire un prodige
O toi , quel est ton prestige !
Nous allons entendre sa voix . "
Qu'on lise encore l'ode 51. sur un disque d'argent
représentant Vénus ; Anacréon se garde bien de lui ôter
sa ceinture ; nous n'en citerons qu'un fragment , et ce
fragment suffit pour justifier le poëte ; il s'adresse à
l'artiste :
O toi , qui tentas cet ouvrage ,
As- tu dérobé dans les cieux
Cet art qui place sous nos yeux
De Vénus l'adorable image ?
Vénus qui charme tous les Dieux !
Vénus l'ame de la nature !
Ta main téméraire , mais pure ,
Rend modestement sa beauté ;
Elle est décente , quoique nue ;
Et l'onde cache à notre vue
Ce que l'artiste a respecté .
La déesse paraît se plaire
A fendre l'écume légere ,
A se promener lentement ;
Les flots paisibles la soulevent ,
Ils la balancent mollement ;
Aucuns de ces flots ,ne s'élevent
Jusques aux roses de son sein.
A ce col ravissant , divin ,
Ne touchez pas , vagues discretes ;
C'est bien assez que sans pitié
De tant de beautés si parfaites
Vous vous réserviez la moitié . "
Voici un tableau d'un autre genre , et c'est par- là
que nous terminerons nos citations ; c'est un tableau
du printems . Les objets ne sont qu'indiqués comme il
$
convient dans une chanson (car on sait que les odes d'Anacréon
étaient chantées comme tous les poëmes anciens ) ;
mais que de choses en si peu de vers , et que d'idées
accessoires naissent des idées principales ! Seulement
on est un peu fâché qu'Anacreon n'ait pas terminé son
tableau du printems par quelques traits qui rappellassent
les doux plaisirs du printems de la vie .
}
*
Les jours deviennent plus sereins ;
r
Du printems, j'apperçois les traces ;
EtEt la rose nait sous les mains 20
Des nymphes , de Floreletades Grâces .
Le calme regne sur les mers .
Vous voyez l'oiseau qui voyage ;
Il traverse déja les airs.
Le cygne étale son plumage
Sur ce fleuve majestueux.
Le soleil lance plus de feux .
L'ombre mobile du nuage
Se promene sur les côteaux .
L'homme a repris tous ses travaux ;
Deja s'élevent de la terre
Les semences des végétaux .
La seve active et nourriciere
Fait éclore près des rameaux
Du fruit la tendre avant- couriere .
Les oliviers et les ormeaux
Vont entrelacer leur verdure ;
Couronné de pampres nouveaux
Bacchus sourit à la Nature .
On peut juger maintenant du mérite de cette traduction
nouvelle. Ceux qui sontià portée de la comparer à
l'original , ce que l'auteur desire , afin dit ik , qu'au
moins ses efforts ne soient pas tout - à -fait perdus verront
s'il a su se pénétrer de l'esprit de son modele . Ce qui
distingue Anacréon , c'est principalement la simplicité ,
T'élégance et la grace . C'est ce doux épicnrisme , cette
gaité spirituelle et aimable , ce goût pur et délicat , quelquefois
même cet abandon que l'on prendrait pour de la
négligence , s'il n'était un charme de plus ajouté à
la perfection . Si parmi les poëtes modernes il en est
un qu'on puisse lui comparer , à bien d'égards , c'est
( 291 )
Lafontaine . C'est le talent de la nature , embelli de
tout le sentiment des beautés antiques . Point de bel
esprit , point de parure recherchée , même abandon ,
même naïveté , seulement un peu moins de ce fini et
de cette correction qui tient à la différence des langues .
C'est aussi le caractère qui nous paraît avoir été saisi
par le nouveau traducteur . Ceux qui sont accoutumés
à lire nos poëtes du jour auraient desiré peut- être
qu'il eût mis plus d'éclat , plus de brillant dans sa
poésie ; mais ce n'eût plus été Anacreon . Ce n'est
d'avoir pas , selon nous , un ' mérite médiocre. , que
su se défendre de ce papillotage , et de ce coloris
ambitieux et forcé qui n'est le plus souvent que la
charge , plutôt que l'imitation de la nature ,
Dans un discours que le traducteur a mis à la tête
de son ouvrage ; et qui a pour épigraphe ce mot d Elien :
Au nom des Dieux , que nul ne calomnie te chantre de Téos ♣
il s'est attaché à laver Anacréon d'un soup qui tient
aux moeurs grecques , et dont Socrate lui-même n'a pas
été à l'abri . Nous n'entrerons point dans l'examen de
cette apologie . Anacreon a si bien chanté les femmes
et l'amour , que l'on croirait qu'il n'a jamais eu d'autre
culte .
On ne sera pas fâché de savoir à quelle époque vivait
Anacreon. Il paraît qu'il était contemporain et parent
de Solon . Il a écrit environ trois cents ans après Hesiode
et Homere . Il a précédé Pindare , Eschyle , Sophocle ,
Euripide , et de plus de cinq cents ans le siecle d'Auguste.
Il était de Téos , ville d'Ionie ; voila tout ce que l'on
sait de ce poëte.
La traduction que nous annoncons est du même aureut
qui vient de publier celle des Lettres de mita y Montague,
dont nous avons parlé dans un de nos précédéns numé
ros . Caché au fonds d'une retraite pour se dérober à
l'oeil des tyrans , il s'occupait de la culture des lettres ,
tandis que ces monstres n'étaient occupés qu'à les détruire
, et à verser le sang de leurs semblables . Une
remarque qui ne rendrait pas ces deux ouvrages meil
leurs , mais qui peut ajouter au mérite qu'ils renfer
ment, c'est que l'auteur a passé sa vie à cultiver des
connaissances bien opposées . Sa modestie ne lui a pes
mis de se faire connaître que par la lettre initiale de
son nom . Nous croyons satisfaire à l'estime publique
en le nommant ; c'est le citoyen Anson , ancien receveur
général des finances , et membre de 1 Assemblée constituante
.
"
( Cet article est du cit . LE NOIR DE LA ROCHE . )
( 292 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ALLE MAGNE.
De Hambourg , le 22 août 1795.
De
Constantinople ,
terrible incendie qui vient de réduire en
le 12 juillet. E
cendres une partie de cette capitale , est peut- être un des plus
désastreux de tous ceux dont elle a été si souvent la proie . Il se
manifesta le 8 , à neuf heures du soir dans un magasia près du
canal . Un vent frais qui s'éleva malheureusement , repandit
an loin les flammes , et dès les premieres heures de l'incendie ,
rendit inutiles toutes les mesures prises pour l'éteindre , A
minait , il communiqua aux magasins tres considérables
d'huile , de beurre et de suif. C'était un spectacle épouvantable
de voir toutes ces matieres couler dans les rues comme une
lave enflammée , répandre le feu et la désolation ; et arrêter
par un obstacle invincible les malheureux qui cherchaient à
se sauver , ou à sauver leurs parens et leurs amis . Bientôt cette
flamme ambulante parvint aux magasins de bois et de chatban.
Ce fut alors que le malheur fut à son comble ; l'ardeur brùlante
de l'atmosphere embrâsait au loin toutes les matieres combustibles
, tous les magasins de iz , d'orge , de tabac , et
sur-tout ceux de café , dont il était arrivé récemment une
quantité considérable , devinrent la proie des flammes , et
par leur embrâsement en étendirent au loin les ravages . L'incendie
dura 36 heures , et ne cessa que lorsqu'il ne trouva
plus rien à dévorer dans la direction qu'il avait prise . On
estime à plus de cinq ou six mille le nombre des maisons
brûlées , sans compter les édifices publics , ni les boutiques ,
parmi lesquelles on regrette cinquante ateliers d'ouvriers en
ambre.
Des renseignemens ultérieurs font évaluer à plus de douze
millions de piastres la perte qui résulte de cet incendie . On
en outre aujourd'hui la triste certitude qu'il est l'effet da
mécontentement du peuple , causé par l'excessive cherté des
denrées . Les jarnissaires ordinairement si empressés de porter
des secours dans ces malheureuses circonstances , sont restés
tranquilles spectateurs des 1avages du feu ; ce que l'on attribue
à la mauvaise humeur que leur ont inspirée les innovations
sages etutiles , introduites dans la tactique et la discipline turque
qu'on a voulu rapprocher de celles de l'Europe . Point de
( 293 )
doute au reste que ce ma heur n'ait contribué à faciliter les
arrangemens entre la Porte et l'Autriche , dont une lettre de
la capitale rend compte de la maniere suivante :
Le baron de Herbert a enfin réussi à terminer le différend qui
subsistait entre la Porte et le cabinet de Vienne , depuis le
traité de Belgrade , sur la ligne de démarcation dans la Croatie.
Cette ligne sera tirée suivaus le texte de l'article de ce traité
qui y est relatif , et en outre d'après l'explication plus éiendue
qui se trouve dans le traité de Szistowe . C'est la riviere
d'Unna qui doit former la division des deux empires . Cepen
dant il est à craindre que l'exécution de ce nouvel arrangement
ne rencontre de grandes difficultés . Les Bosniaques
qui sont propriétaires du territoire qui se trouve ainșî cedo ,
ont toujours refusé de passer sous la domination de l'Autriche.
Le cabinet de Pétersbourg ne semble aucunement disposé
à ménager celui de Stockholm : Catherine vient de défendre
en Courlande l'exportation de tout autre fer que celui de sés
possessions. Ainsi les puissances du Nord ne devaient pas
tarder à sentir combien il importait à leur intérêt que la
Pologne demeurât indépendante.
On mande de Copenhague que le ministre de Danemarck
à la Haye , a donné connaissance aux états - généraux que le
chevalier Kinsbergen avait été nommé amiral en chef de la
marine danoise . Il a ajouté que leurs hautes puissances verraient
sans doute avec plaisir un homme qui a servi la république
batave d'une maniere si distinguée , obtenir un des
premiers postes chez une nation alliée , et qu'il se flattait
qu'on donnerait à cet officier toutes les facilités nécessaires
pour qu'il puisse se rendre au lieu de sa destination . L'amiral
Kinsbergen d'ailleurs , en acceptant le poste nouveau auquel
il vient d'être appelé , s'est expressément réservé de ne jamais
servir contre sa patrie .
Suivant des lettres des frontieres de la Pologne , le partage
définitif de cette malheureuse contrée est enfin décidé . Le lot
le plus considérable sera comme de raison pour l'impératrice.
Une ukase émanée d'elle , en date du 28 juillet , déclare qu'elle
veut réunir à ses domaines toute la partie actuellement occupée
par ses troupes , arrangement que s'il s'effectue , lui donnera
outre la Lithuanie , le palatinat de Volhynie et la partie de
celui de Chelme qui est à la droite de la riviere de Bag , et
qui confine à la Volhynie , et enfin une petite portion de
Bielka. L'Autriche reçoit la ville et le palatinat de Cracovie
et ceux de Sendomir , Lublin , Chelm et Masovie , tous cinq
sur la rive gauche de la Vistule. Prag , fauxbourg de Varsovie ,
fait partie de cette attribution. Le reste serait pour le roi de
( 294 )
Prusse quant à celui de Pologne , à qui il ne resterait
tien ou presque rien dans cet arrangement , os assure qu'il
ira finir ses jours à Pétersbourg. On mande de cette derniere
ville que Kosciuszko vient d'y mourir des suites
blessures , et que Catherine a payé un ribut de quelques
larmes à la mémoire de ce grand homme.
de ses
Les Polonais qui ne voudront pas prêter serment de fidelité
et de soumission à l'impératrice , seront tenus de vider
le territoire dans l'espace de trois mois . Mais il leur est permis
de vendre leurs biens . Tout porte croire que , l'émigration
sera considérable : un grand nombre passeront à ce qu'on
prétend , les uns en France , les autres dans les Etats Unis de
l'Amérique.
De Francfort-sur-le-Mein , le 25 août.
Suivant des leunes de la capitale de l'Autriche , en date du
13 août , le général Wurmser a été promu par l'empereur au
commandement d'une armée d : 50,000 hommes , destinée a
agir de concert avec celle de Condé , tandis que le général
Clairfayt restera à la tête d'un corps d'observation . C'était
vers le 20 que le général Wurser devatt se meure à la tête
de cette armée , dont M. Kinglia est nommé général major.
Au restes, le corps de Conde , sur lequel l'empereur paraît
fonder ses dernieres espérances , a beaucoup de peine à se
recruter ; il n'est encore composé que de 7200 hommes ,, ce
qui est un peu loin des 100,000 auxquels quelques papiers
exagérateurs avaient annoncé , qu'il serait infailliblement porté.
On apprend d'ailleurs que les Français , sont en marche pour
tenter le passage du Rhin , et qu'ils vont prévenir , avec leur
prestesse accoutumée , leurs ennemis ,, sans leur laisser le tems
de se reconnaître . Leur camp principal est vis - à - vis de Gelb ,
où ils ont rassemblé au moins 30,000 homnes , qui vont être
renforcés au premier moment de quinze regimens .
Les choses en étaient là , lorsqu'on vient de recevoir la
nouvelle que M. de Warmser , déja en marche , a reçu , à
quelques lienes de Vienne , une estafette qui lui portait l'ordre
de retouiner.
Les corps d'émigrés rassemblés à Bremerlohe , où ils devaient
s'embarquer , ont également reçu contre- ordre , On
ajoute que ce contre- ordre a aussi été donné à ceux même
qui étaient déja arrivés à Portsmouth pour la même destination..
On s'accorde à dire que c'est l'affaire de Quiberon, et la
pax avec l'Espagne qui ont produit ces changemens dans les
operations militaires et diplomatiques des principales cours .
Cependant , M. Fraser , ministre anglais près le cercle de Basse-
Saxe , a notifié au sénat de Hambourg le nouveau traité d'alliance
défenfive conclu entre sa cour et celles d'Autriche et
( 295 )
de Russie ; et l'on ajoute vaguement qu'un courier , expédié
de Bâle à la Haye , y a remis une invitation sérieuse aux
états - généraux de s'abstenir de toute vente du mobilier du
stadthouder.
2
Le prince Frédéric d'Orange éta , depuis le 9 d'acût , à
Osnabruck , où il se formait des rassemblemens d'émigrés
hollandais . Les deux républiques alliées en ont conçu de
T'ombrage , et voici ce qu'on mande de Leyde , en date
du 22":
Le chargé d'affaires de la République Française près de
celle des Provinces- Unies , vient de remettre au greffier des
états - généraux une note , à laquelle se trouve jointe une autre
note à lui adressée par le secrétaire de légation prussienne ,
au nom du roi de Prusse , dont voici le contenu :
硬
t
Le rassemblement de militaires hollandais emigrés , qui
se fait actuellement dans le duché d'Osnabruck , devant exciter
à juste titre l'attention du gouvernement français dans les
circonstances présentes , le soussigné s'empresse de communiquer
à M. le chargé d'affaires , Pinsot , les explications officielles
qu'il vient de recevoir à ce sujet par les dernieres
dépêches de sa cour.
Sa majesté prussienne n'a pu considérer un rassemblement
armé dans cette contrée , que comme absolument incompatible
avec les stipulations de la convention additionnelle du
traits de Bâle , et avec la tranquillité de la partie de l'empire
-convente par la ligue de la neutralité . Une considération aussi
importante ne lui permettant donc en aucune maniere de conuiver
aux mesures de ces émigrés , elle a donné ordre aux commandans
de ses troupes et de ses villes de garnison de ne point faci
liver le passage des transfuges hollandais , et elle a fait écrire en
même tems aux régences d'Hanovre et d'Osnabruck , pour
leur dire qu'elle ne pouvait tolérer de pareilles entreprises
dans les limites de la ligne de démarcation , et qu'elle leur conseillait
d'obvier promptement aux suites fâcheuses qui devaient
en résulter.
9 Le soussigné prie M. le chargé d'affaires , Pinsot , de
faire de cette communication l'usage qu'il jugera le plus
propre à détruire les impressions défavorables que pourrait
produire le rassemblement en question. It se flatte que les
démarches du roi , son maître , pour le dissiper , ne laisse-
Tont aucun doute sur la sincérité du desir de sa majesté de
prévenir par une exécution aussi scrupuleuse que loyale
i des engagemens contractés par le traite de Bâle , tout ce qui
pourrait alterer la bonne intelligence établie entre elle et la
: Republique Française . "
La Haye , 17 août.
Signé , BIELFELD , secrétaire de légation de S. M. Prussienne.
4
( 296 )
ITALI E.
De Gênes , le 13 août. Il s'est élevé de vives difficultés
entre le ministre français et le gouvernement génois ; en voici
l'origine et le développement :
Le citoyen Villars , voyant que le g uvernement ne rece- .
vait aucune détermination relativement aux violences exercées
chaque jour , par les ennemis de sa nation , contre les
bâtimens neutres qui apportaient des vivres aux troupes fran
çaises , a provisoirement autorisé les bâtimens et corsaires
français à arrêter les marchandises appartenantes aux coalisés ,
qui se trouveraient sur des bâtimens génois , ou des corsaires
de Capré de Corse ; il a arrêté , en outre , que ces prises demeureraient
en séquestre dans les ports où elles seraient con+
duites , jusqu'à ce qu'il fût pris une décision sur leur validité
.
Par suite de cette division , deux corsaires français ont
pris et conduit dans le Môle , quatre bâtimens génois , char
gés de vivres , et destinés pour Savone . Le magistrat a ordonné
de reprendre les bâtimens dans le Môle , et les équipages
ayant été rembarqués , ils furent conduits dans l'intérieur du
port. Le citoyen Villars a fait de vives remontrances contre
ces voies de fait ; et les bâtimens ont été reconduits dans
le lieu où ils étaient d'abord . Dans la soirée du 5 , les corsaires
français se disposaient à mettre de nouveau en mer ,
lorsqu'ils en furent empêchés par les signaux des batteries ,
qui menacerent de faire feu. Le ministre français presenta
une nouvelle note qui contenait sa plainte , et dans laquelle
il disait entr'autres qu'il avait ordonné à un corsaire de sortir
dans la soirée du 6 , malgré les obstacles qu'on voudrait lui
opposer , parce que cette mesure était nécessaire à l'armée
française ; qu'elle était conforme à la justice , et que l'intérêt
des Génois eux mêmes l'exigeait ; il déclarait au surplus ,
que les conservateurs de la mer seraient personnellement
responsables de l'inexécution de son ordre , et qu'il allait
informer immédiatement la Convention nationale et l'armée
de ce nouvel acte d'hostilité . Le corsaire tenta effectivement
de sortir , malgré les signaux que lui firent les batteries du
Môle de s'arrêter : alors un coup de canon à mitraille blessa
plusieurs hommes sur le corsaire , et en tua un . Le ministre
français se transporta de suite chez le secrétaire d'état , lui
fit les plus fortes remontrances , et remit une troisieme note ,
à laquelle il ne fut fait aucune réponse . Le 7 , il écrivit au
་
secrétaire d'état la lettre suivante :
Il ne m'est plus possible de réprimer l'indignation de
tous les Français qui sont à Gênes , après le vil assassinat qui
s'est commis hier . J'en donne avia à Moulins , le secrétaire
d'état
1
( 297 ))
L
Pétat, pour n'avoit point à me reprocher les conséquences
incalculables que cette affaire doit avoir nécessairement. Les
officiers qui commandaient hier à la porie de la Lanterne et
au Môle , sont encore à leur poste ; ainsi il est clair que le
gouvernement génois est de connivence avec eux et avec le
magistrat das conservateurs de la mer , qui ont tous coucourw
cet ordre infâme , en vertu du quet des Français ont été
assassinės. Dėja le soussigué n'avait pu réussir à faire goûter
au sénat lessjustes réelamations qu'il a faites dans la soirée
d'hier. Déjasa note était demeurée sans réponse ; il déclare ,
9. qo'il regarde comme acte d'hostilité envers la République
Française, tout ce qui a eu lieu depuis un mois dans les
ports de la république de: Gênes et notamment l'asyassinar
commis hier à la vae de tout le peuplé génois ; ºº . qu'en
indiquant au serenissime gouvernement les moyens propres
à calmer la juste indignation dont seront pénétrés da Convention
nationale , les armées de terre et de mer , il n'a pas
prétendu satisfaire pleinement à la vengeance que la nation
qu'il représente doit réclamer , à l'occasion de l'outrage qui
a eu lieu deux fois dans ce port , au grand scandale de tous ;
39. qu'en demandant une pension pour la veuve et les enfans
du Français assassiné , parce qu'il exécute les ordres de
son ministre , il n'a pas entendu qu'il serait de cette sorte
poarvu à l'existence de cette famille malheureuse , parce que
la Convention nationale doit seule avoir l'honneur de
voir à ses besoins ; mais qu'il a voulu fournir au sérénissime pourgouvernement
l'occasion de donner une preuve particuliere
de sa douleur , et arrêter , s'il est possible , dans le sein de
cette famille , les cris de vengeance qui vont retentir dans
tous les coeurs français.
Le soussigné demande une réponse prompte et eathégo
rique à cette note et à celle d'hier. Les moyens et prétextes
dilatoires sont hors de saison . Il convient que le gouverne
ment génois s'explique dans le jour d'une maniere franche et
nette , afin que la République Française sache positivement
no, si le mot neutralité , dont il a déja été abusé depuis un
long- tems n'est pas un moyen déguisé , employé pour servic
les ennemis de la France , en feignant de prendre les inté
rêts de cette derniere ; 2 °. si le
serenissime
gouvernement
veut que quelques Génois , ennemis du Peuple Français et du
régime qu'il a adopté , se réunissent pour sacrifier les véritables
interêts de la république de Gênes à leur orgueil et à leur
cupidité ; 3°. tufin , si l'amitié que le
sérénissime gouvernemeut
dit avoir pour la France est feinte , ou est au contraire
un sentiment veritable auquel la nation française peut se
fier. 99
Le colonel ,
commandant à la porte de la Lanterne , et l'offcier
des garde aux batteries du môle , ont été d'abord mis
Tome XVII .
V
((298 )
arrestation à la tour. Le moif qui a décidé les conservateurs
de la mer à s'opposer à la sortie des corsaires français est
maintenant connu . C'est que ceux ci , après la violation de la
neutralité par les Austro Sardes , avaient réfusé de donner leur
parole d'honneur de respecter la neutralité . Le gouvernement
fait entendre au ministre français qu'il avait fait arrêter celui
qui commandait à la porte de la Lanterne , lofficier de garde
su môle et le canonnier , pour savoir qui avait donné l'ordre
de tirer à mitraille ; que les corsaires pouvaient librement
sortir , qu'ensuite il aurait répondu aux demandes faites par
le ministre dans sa derniere note. Le secrétaire- d'état a donné
en outre communication au citoyen Villars que le consul anglais
ayant demandé au gouvernement si les bâtimens anglais
seraient en sûreté dans le port de Gênes , il avait répondu
que les vaisseaux de guerre français avaient donné leur parole
d'honneur de respecter le port.
Cette nuit , vers deux heures , on a entendu une vive canonade
du côté de la riviere de Pouent ; on ignore encore
quelle on a été l'objet et l'issue.
P. S. On eutend dans ce moment une nouvelle canonade :
une felouque , arrivée de Finale , rapporte que les Français , au
nombre de six mille , étant parvenus à Garessio , sont ensuite
descendus à St.-Jacques , et tentent de chasser les Autrichiens
de Vado , Savone , etc.
ANGLETERRE. De Londres , le 22 août.
Des ordres ont été donnés hier pour l'embarquement immédiat
des 17. , 32e. et 67º . régimens d'infanterie ; on dit que
leur destination est pour Cork , et qu'ils y seront conduits
dans sept vaisseaux de transport , qui , samedi dernier , arriverent
d'Irlande : il a été aussi donné des ordres pour l'embarquement
des 25e . , 31º . et 18. régimens d'infanterie . Leur
destination est pour Portsmouth , et ils y seront transportés
dans des vaisseaux de guerre .
Le chevalier Smith , commandant de la frégate le Diamant ,
fera voile demain avec six barques canonnieres , pour les côtes
de France.
Les chevaux qui ont été long- tems à bord des vaisseaux de
transport dans les ports de Portsmouth et Southampton ,
meurent avec beaucoup de célérité . Il ne se passe point de
jour, qu'on n'en jette un grand nombre à la mer .
Il a été expédié hier , pour Portsmouth , un courier perteur
de dépêches adressées au gouverneur de Gibraltar.
Il est question d'on traité de commerce , qu'on assure déja
étre très avancé , entre la Russie et la Grande Bretagne.
Depuis le commencement de la semaine , on a expedié de
la capitale , pour les émigrés , plusieurs milliers d'uniformes
rouges , revers jaunes , boutons fleur-de lysés.
( 299 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
L
1
PRESIDENCE DE CHÉNIER.
Séance du duodi , 12 Fructidor.
Un secrétaire lit une adresse des réfugiés des départemens
de l'Ouest , dans laquelle ils expriment leur reconnaissance à la
Gonvention pour la constitution républicaine qu'elle vient de
donner à la France , et le desir de concourir à son acceptation
; et sur la notion de Lareveillere Lepaux la Convention
décrete qu'ils seront admis dans les communes où ils font leur
résidence actuelle à voter dans les assemblées primaires sur
l'acceptation de la constitution et pour la formation des assem
blées électorales.
Henri Lariviere , au nom du comité de législation , reproduit
à la discussion le projet de décret sur les détenus. Il dit
que le desir de soustraire les opprimés à la vengeance de leurs
oppresseurs avait d'abord inspiré aux comités réunis le premier
projet de décret qui avait été présenté à la Convention ;
mais que les observations qui ont été faites , la discussion qui
a eu lieu les ont déterminés à trois articles dont il va leur
donner lecture..
Art , Ier. Toutes personnes actuellement détenues en verto
d'ordres , autres que ceux des officiers de police , seront traduites
devant les officiers de police de sûreté de leur arron.
dissement .
11. Il sera procédé contre elles d'après la loi du 16 septembre
1791 .
III. Il sera libre aux détenus contre lesquels il y aura lieu
à accusation d'opter entre le tribunal criminel du lieu du
délit et les deux tribunaux criminels les plus voisins .
Ce projet de décret est accueilli et adopté.
Letourneur , organe des comités de salut publie et sûreté
générale , expose qu'aucun décret n'a réglé la maniere dont
les représentans du peuple près l'armée sous Paris correspondront
avec le comité de sûreté générale , et il fait sentir la
nécessité de fixer ce mode. La Convention décrete qu'ils se
concerteront journellement , soit en reunion générale , soir
par l'organe de ceux d'entr'eux qu'ils designeront à cet effet
pour convenir de toutes les mesures militaires que les circons
sances exigeront ; que le comité de sûreté générale , qui a
le droit de requisition de la force armée , prendra les arrêtés ,
9
V
( 300 )
etles représentans les exécuteront , et que dans les cas urgens
où la réunion ne pourrait pas s'effectuer, les représentans prendront
les mesures d'exécution , à la charge d'en rendre sur- lechamp
compte au comité d'exécution .
Une députation de la section de Montmartre paraît à la
barre :
L'oiateur : D'après l'accueil fait hier à plusieurs sections
nous avons hésité à nous présenter à cette barre ; mais
nous avons pensé que honores de la confiance des citoyens
de motre arrondissement , nous ne pouvions nous dispenser
de la justifier , en vous présentant leur veeu qui , quoi qu'on
en dise , n'est pas le fruit de l'intrigue . Nous ne vous manifesterons
aucune inquiétude sur les troupes qui sont aux
environs de cette commune . Nous sommes sûrs de cette loyauté.
La constitution républicaine est faite , elle doit être acceptée
elle le sera , et nous n'avons jamais done que vous ne
voulussiez qu'elle le fût avec une liberté indéfinie ; mais nous,
ne pensons pas que le décret relatif au renouvellement de la
Convention par tiers seulement puisse être maintenu ,
,, En vain dira - t- on qu'il ne faut pas une constitution nouvelle
une assemblée entierement neuve. Le peuple français
aura accepté librement la constitution : il ne souffrira pas qu'il
lui soit porté la moindre atteinte. Qui de vous d'ailleurs osera
Lester içi s'il n'a pas la confiance de ses commettans ? Consacrez
les principes de la liberté et de la souveraineté du peuple en,
rapportant le décret qui restreint ses droits , et en décrétant
que les assemblées électorales, procéderont à la nomination de
la totalité du corps législatif , mais que les membres qui composent
la Convention seront rééligibles . "
Le président répond : Attendez la décision de la majorité
du peuple , elle sera dictée par la sagesse et l'amour de
la patrie. Des intrigans de toute espece vont vous agiter dans
ce moment décisif où la constitution républicaine sera présentée
à la sanction nationale .
Songez que tous les ennemis de la République sont les
ennemis de la Convention nationale. L'énergie des représen
tans du peuple a terrassé les tyrans au 9 thermidor , et jamais,
leur joug odieux n'aurait pesé sur la République si , au nom
des sections de Paris , des agitateurs forcenés n'étaient venus
tyranniser la Convention nationale . Souvenez-vous du 31 mai
et du 2 juin . Dites aux hommes qui voudraient vous égarer :
Le tems n'est plus où l'influence d'une commune gouvernait
13 République , en exerçant une initiative illégale sur toutes
Les communes et un vélo monstrueux sur les lois rendues . 1
Un membre demande un sursis en faveur de quelques citoyens
de Besançon qu'il dit être poursuivis par des royalistes.
Ce sursis est accordé. Lariviere s'y oppose , et observe qu'on
ne peut ainsi paralyser les tribunaux .
1
( 301 )
Un autre membre dit que ces patriotes ont crié ! Vivent les
Jacobins vive la Montagne !
Les débats deviennent vifs et se prolongent. Enfin le sursis
est rapporté , et le comité de sûreté générale est chargé de
faire un rapport.
Séance de tridi , 13 Fructidor.
Le général Montesquiou écrit à la Convention qu'il n'a
cesse de faire des voeux dans son exil pour la liberté et la
prospérité de la France , et qu'il s'estimerait heureux dé pouvoir
encore la servir. Il réclamé contre le décret d'accusation
rendu contre lui qui l'a forcé dé s'e £patrier .
Treilhard demande le renvoi de sa pétition aux comités
Tennis . Si Montesquiou est coupable , dit- il , il doit être punf ;
mais s'il est resté fidele à la Républiqué , mettre un terme à
sa proscription est un acte de justice que nous ne devons pas
laisser à faire à nos successeurs .
Renvoyé aux comités .
Boissy d'Anglas , au nom des comités de salut public , sûreté
générale et des finances , dit que la France est l'asyle des
hommes res sont qu'elle doit des secours à tous ceux qui se
sont soustraits au despotisme britannique . Beaucoup de Corses
se sont réfugiés dans les départemens méridionaux
besoin de secourt . Ils ne seront pas de longue durée , parce
que le tems où nous rentrerons dans ce département n'est pas
éloigné . Les divisions ý čclatant de toutes parts , et la majorité
des habitans supporte impatiemment le joug des Anglaiš.797
Renvoyé du comité des secours publics."
Gamond : Je suis chargé , par les comités de salut publie ,
sûreté générale , législation et financès réunis , de vous proposer
un moyen sat et facile de fetirer à l'instant plusieurs
milliards d'assignats de la e'rculation . ( Applaudissemet :)
Les malions nationales sinees a Paris dépérissent entre vos
mains , et sont plutôt onereuses que profitables à la République.
Nous avons pense qu'il fallait fournir des asyles
commodes aux habitans de cette grande cité , et des attacher
par des propriétés à la constitution nouvelle . Le moyen que
je vais proposer achèveta d'ôter tout espoir aux emigret ,
( Bourdon de l'Oise s'écrie : On les raié tous les jours . ) et
ferd disparaître un papier trop abondant . Voici les disposi
tions principales du projet présenté par Gamond :
1º . Les maisons dationales situées dans l'enceinte des murs
de Paris , seront acquises dans le courant d'une décade .
20. Tout citoyen poufra se présenter chez le receveur
d'enregistrement de son arrondissement , et y inscrire sa
soumission ' d'acquitter telle ou telle maison au denier 150
du revenu .
36. Le révenu séra évalué d'après le prix du bail en 1792 .
V 3
( 302 )
4
sans diminution de charges ; on , à défaut de bail , d'après la
contribution fonciere de la même année , estimée le dixieme
du revenu .
4° . S'il se présente plusieurs concurrens
il sera libre à
l'un d'eux de couvrir la soumission par une enchere du
sixieme. Nul ne sera admis à faire de nouvelles soumissions ,
passé l'heure précise de midi du 4. jour , à compter de la
premiere sonmission .
Bourdon ( de l'Oise ) : Ce projet de décret n'est pas neuf.
La question avait été amplement discutée , il y a trois mois ,
et la discussion avait été suivie d'un décret général dans le
même sens que celui qu'on vous présente. Je suis bien aise
de voir que les comités reviennent à une mesure qu'ils firent
rejeter. C'est le vrai moyen de mettre fin à ces radiations
scandaleuses dont j'ai la preuve en main . Voulez - vous clouer
la révolution ? jettez enfin les yeux sur les finances , retirez
autant d'assignats que vous pourrez de la circulation , vendez
les biens d'émigrés . ( Applaudissemens . )
Un membre demande qu'on suspende provisoirement toute
radiation de la liste des emigrés .
Tallien pense que ces radiations s'operent avec trop de faci
lité. Cependant il desire qu'on distingue parmi eux les vrais
amis de la révolution , tels que l'ancien évêque d'Autur .
Lanjuinais dit qu'il y a au comité de législation plus de
vingt mille réclamations , et que la plupart des réclamaus
sont des victimes du 31 mai . Il demande une exception en
leur faveur.
:
Lecointe Puyravaux i on la faisait , tous les émigrés
seraient des victimes du 31 mai , La Convention décrete la
suspension de toute radiation de la liste des émigrés , et
charge les comités réunis de reviser les lois sur le mode
établi pour obtenir ces radiations.
Sur le rapport de Baudin , organe de la commission des
onze , l'Assemblée a décrété le mode d'exécution du décret
qui veut que 500 membres de la Convention catrent dans le
corps législatif, Les assemblées électorales nommeront d'abord
un nombre suffisant de membres de la Convention pour composer
les deux tiers de leur députation , et ensuite un nombre
triple de suppléans pour remplacer ceux qui pourraient
l'avoir déja été ailleurs . Si cependant le nombre de 500 n'était
pas encore complet par ce moyen , les membres de la
Convention renommés se completteront par le choix qu'ils
feront eux- mêmes parmi leurs collegues .
Bailleul , ap nom des comités réunis , fait décréter qu'il
est défendu de vendre à Paris , dans tout autre endroit que
la Bourse , de l'or ou de l'argent monnayé , en lingot ou
oeuvré , ni aucune espece de marchandise qui ne serait pas
exposée en vente dans le lieu même où se fait le marché. .
( 303 )
Les contrevenaus , acheteurs et vendeurs , seront punis da
deux ans fer , de la confiscation et de plusieurs heures d'exposition
, avec un écriteau portant ce mot : Agioteur . On demaude
que ce décret soit rendu commun à toutes les villes
de commerce de la République . Déciété.
Séance de quartidi , 14 Fructidor.
Pierret , au nom du comité de sûreté générale , fait son rapport
sur les citoyens de Besançon accusés . Il résulte de deux
lettres des autorités constituées que les prévenus avaient levé
l'étendard de la révolte fait entendre les cris séditieux de
vive la Montagne ! vivent les Jacobins et mis les citoyens dans
l'alternative de les faire périr ou de périr eux-mêmes .
L'Assemblée passe à l'ordre du jour,
Onze cultivateurs , prévenus d'avoir maltraité , ily a trois
ans , des femmes qui revenaient de la messe d'un prêtre insermenté
, et qui n'avaient formé ancune plainte , viennent
d'être condamnés pour ce fait à une amende de mille livres et
à une année de détention .
ip
Un membre demande un sursis à ce jugement.
Tureau dit que les persécutious catholiques se propagent de
toutes piris. Le sursis est accordé, k
Une députation du département de Jemmappes et de la ville
de Gand vient demander la réunion définitive de la Belgique
à la République Française , et la faculté sux Belges de
(voter sur l'acte ' constitutionnel. Pelet appuie la demande des
pétitionnaires , er dit , que la gloire de la France , 03 sûreté
et le gage des assignats exigent que tout le pays en deçi
du Rhin lui soit reuni. Boissy assure que le comité de
salui public ne perd pas de vue les intérêts de la nation ,
et il demande le renvoi de cette pétition à ce comité. Décrite.
La seconde division de gendarmerie , en garuison à Fontainebleap
, envoie le procès verbal de son acceptation de la
constitution . ( Applaud . ) 1
Letourneur , organe du comité de salut public , expose qu'il
est convenable de faire quelques changeme-us dans le commendement
des armées. I propose et la Convention décrete ,
que l'armée des Alpes et d'Italie sera divisée en deux armées.
Celle des Alpes , sera commandée par Kellermann , et celle
d'Italie , par Scherer. Hoche , commandera l'armée, de l'Ouest ,
Moucey , celle des côtes de Brest , et Canciaux celle du
Midi.
"
Lehardi présente un projet sur le moyen de faire égorger
les agioteurs et payer par les communes les avances qui
leur ont été faites , qu'il évalue à près de trois milliards. I
consiste en partie à établir sur les premiers une taxe à raison
des trois quarts de leurs bénéficis. Cene taxe s'étendrait
+
V 4
( 304 )
aussi sur ceux qui ont abusé des fonds de la République
Lehardi pense et avec raison qu'on n'atteindra jamais le
but qu'on se propose , celui de faire baisser le prix des
denrées , si l'on ne fixe pas le prix du bled ', qui est la bâse
du prix des autres objets de premiere nécessité . Son projet
est renvoyé aux comites réunis .
Sur le rapport de Lanjuinais , au nom du comité de législation
, la Convention suspend toute action en rescision de
vente pour cause de lésion d'outre-moitié , et elle l'abolic pour
l'avenm.
Séance de quintidi,, 15 Fructidor,
Roger Ducos prévient la Convention que , dans plusieurs
sections de Paris , on agite la question de savoir si les citoyens
desarmés pourront voter dans les assemblées primaires sur
l'acceptation .
at all !
Un autre membre dit qu'on est partagé également dans
les départemens sur une question qui a beaucoup d'analogie
à la précédente , et qui est celle de savoir si les fonctionnaires
publics destitues ou suspendus depuis le 9 thermidor ,
et mis sous la surveillance de leurs municipalités respectives ,
peuvent émettre leur voeu sur la constitution . Il demande que
l'Assemblée prononce en même- tems sur les deux . La Convention
passe à l'ordre du jour sur l'une et l'autre question ,
motivé sur ce que nul ne peut être exclu des assemblées pri
maires , à moins qu'il ne soit privé de ce droit par une loi
*expresse.
Monnot , au nom des comités des finances et de salut
public , présente un projet de décret tendant a sopprimer la
commission de commerce et approvisionnemens , et a répartir
sur les commissions exécutives de la guerre et de la marine ,
les attributions dont elle était investie . Il dit que le moment
est venu où l'on peut supprimer sans danger celle des institutions
de Robespierre qui a fait le plus de mal , après lés
tribunaux révolutionnaires ; que la politique et la prudence
n'ont pas permis de le faire plutôt , parce qu'il fallait la remplacer
de maniere que les approvisionnemens des armées et
ceux de Paris n'en souffrissent pas , et que le vice radical de
cet établissement était que chacun de ses agens faisait un bénéfice
immense sur les achats .
Barras assure que c'est à lui que nous devons la famine
qui nous a affligés et nous afflige encore ; que- c'est l'armér
de brigands que cette commission a employés dans toute la
République , qui a causé tous nos maux . Le sac de blé qu'elle
achetait 400 liv . était vendu par elle à la nation jusqu'à
3000 liv. Depuis six mois que Barras est chargé de la partie
des subsistanees. , il n'a pu venir à bout de connaître les
marchés. Il demande l'arrestation de ceps qui la composent.
( 365 ).
C
Plusieurs membres dénoncent unețmultitude de friponderies
commises par elle . A Poissy , ses agens ont mis du sable
dans la farine . A Charenton , de la farine de poix qu'ils
ont fait payer au gouvernement pour du froment. La propos
sition de Barras n'a pas été adoptée ; la Convention s'est
bornée à décréter la suppression de la commission , et la
creation d'une nouvelle pour examiner la conduite et les
comptes de la premiere .
Boissy - d'Anglas , organe du comité de salut public , annonce
que la médiation du roi de Prusse en faveur du land.
grave de Hesse Cassel a été acceptée , et qu'en conséquence
un traité de paix entre la France et lut vient d'être conclu .
Le landgrave renonce au subside que lui payait l'Angleterie ,
et nous continuerons d'occuper le fort de Rinfeld et autres
parties du territoire de ce souverain , situées sur la rive
gauche du Rhin , jusqu'à la pacification générale de l'Allemague
, époque à laquelle il sera pris une détermination défi
nitive à cet égard .
1
On procede au renouvellement par quart du comité de
salut public. Les membres sorraus sont , Donleet , Defermont
, Vernier er Rabaut. Ceux qui les remplacent soht ,
Cambacérès , Berlier , Daunou et Laréveillete - Lépaux .
~ *~ * Prieur ( de la Côte d'or ) présente u e hourelle organisation
de l'école centrale des travaux publics . Elle sera com
posée de 300 jeunes gens . Les connaissantes exigées d'enz
pour y entrer seront l'arithmétique , l'algebré et la théorie
des suites ; la géométrie comprenant la trigonométrie ; l'application
de l'algebre à la géométrie , et les sections coniques .
31Décret sur le mode de réélection des deux tiers de la Convention .
... Xu སྙན ཏི ཚཉྩནོ
Art. 1er . Les prochaines assemblées électorales , en exésention
des articles et II du titre " premiet de la loi du 5 de
sée -mois pluönimeront - d'abord les deux tiers des membres
que chacune d'elles doit fournir au corps législatif , et les
choisirant , soit dans la députation betielle de leul dépar-
-rement , soit parmi tous les autres membres de la Convention
si ce' p'est ceux qui sont exceptés par l'article I de
la même loiun mues
" II . Il sera en conséquence adressé à chaque assemblée
électorale , lors de la convocation prescrite par l'article X
du titre II, des exemplaires de la liste des membres qui sont
en activité dans la Convention . Les exemplaires seront cethés
par le comité des décrets , preces verbaux et archives .
" I !! . Chaque assemblée électorale , indépendamment des
deux tiers qu'elle doit nommer d'abord , fóraréta une liste
supplémentaire de la première et composée de membres
également pris sur la totalité de la Convention ; en sorte .
4
( 305 )
•
par exemple , qu'en supposant une députation de 9 membres
dans sa totalité , il en sesa avant tout choisi 6 pour former
la liste des deux tiers , et 18 autres pour la liste supplemen-
3
taire.
" IV. Il sera procédé successivement et séparément à chaeune
de ces deux élections . Elles seront faites I une et l'autre
au scrutin de liste simple , à la pluralité absolue aux deux
premiers tours , et à la pluralité relative au troisieme tour ,
si l'on est obligé d'y recourir . Après chaque tour de scrutin ,
le bureau en publiera le resultat en annonçant les élections
consommées , s'il y en a , et en proclamant les noms de ceux
qui n'étant pas encore elus , auront obtenn des - suffrages ,
ainsi que le nombre des voix données à chacun d'eux .
» V. L'élection du dernier tiers qui sera pris , soit dans
la Convention , soit au dehors , ne pourra se faire qu'après
avoir achevé celles qui sont prescrites par les articles précédens.
,, VI . En cas d'insuffisance du résultat des scrutins de toutes
les assemblées électorales , pour la réélection de 500 membres
de la Convention , ce nombre sera complete par ceux qui
auront été réélus dans son sein , pour composer les deux
tiers du corps législat f.
» VII. Cette opération suivra immédiatement la vérification
des pouvoirs , et se fera par scrutin de liste , en observant
les conditious prescrites par l'article IV.
" VIII . Il sera envoyé à chaque assemblée électorale un
tableau du nombre de députés qu'elle doit fourus , d après les
états de population ...
99 IX. La distribution des députés entre le conseil des
cinq cents et le conseil des anciens , sera faite pour cette
fois par la totalité de ceux qui seront éins pour former le
corps législatif. dist se
*
" X. Aucun député en mission ou en congé ne sera éligible
dans le département où il se trouvera pendant la tenue de
I'assemblée électorale, the
299 XI. Le présent décret sera sur le champ imprimé et
envoyé par l'agence de l'envoi des lois à tous les départemens
, jusqu'à concurrence du nombre d'exemplaires necessaires
pour les assemblées primaires et les communes. ››
Séance de sextidi , 16 Fructidor.
Il y a eu hier soir une séance extraordinaire pour le renouvellement
par quart du comité de sûreté générale . Les
membres qui ont réuni le plus de suffrages sout , Quirot ,
Montmayou , Lehardi , Colombel ct Barras.
Eschasseriaux , au nom du comité de législation , présente
quelques articles additionnels relatifs au décret qui suspend
provisoirement les remboursemens de toutes les rentes crééos
( 307 )
<
avant le 1er janvier 1792 , quelles que soient leur nature et
la cause dont elles procedent. La discussion est ajournée .
Delville , organe du comité des inspecteurs de la salle ,
fait un rapport sur les divers emplacemens que doivent occu
per le conseil des anciens , celui des 500 et le directoire
exécutif. Suivant ce projet , le premier tiendrait ses séances
dans la salle occupée en ce moment par la Convention ; le
deuxieme , dans le palais Bourbon , et le troisieme occuperait
le grand et le petit Luxembourg. Le rapporteur présente dans
son discours tous les avantages qui doivent résulter de cés
placemens . Il est vivement applaadi. Le plan du comité sera
affiché dans la salle de la Liberté , et la discussion est
ajournée.
Grégoire , au nom du comité d'instruction publique , expose
les inconvéniens qui résultent , pour les artistes et les
savans , de la loi qui défeud de cumuler plusieurs traitemens ,
et la triste situation de plusieurs qui sont plongés dans la
misere par la hausse excessive de toutes les denrées. Les
artisans , dit- il , élevent leur salaire dans la proportion du prix
des subsistances , et des hommes à talens sont obligés d'opter
entre deux modiques traitemens dont la réunion suffiraient à
peine pour subsister . Le rapporteur cite l'exemple de Mauduit
forcé de choisir entre le traitement de 1500 liv . de
professeur de mathématiques , et celui de 800 liv. de professeur
d'architecture ; et it demande que la Convention dêcrete
que les savans et les artistes qui réuniront deux' places
auront la faculté d'ea' cumuler les traitemens.
Quelques membres s'opposent à cette dérogation à la loi
générale , comine contraire à l'égalité qui doit exister entre
tous les citoyens . Beaucoup de membres parlent pour êt
contre. La Convention renvoie le projet de décret aux comités
réunis .
Daunou , au nom de la commission des onze , soumet à la
discussion quelques articles qui doivent faire parsie des lois
organiques de la constitution . Nous les dounerous lorsque
la rédaction en aura été définitivement adoptée .
Une députation de la section Lepelletier parait à la barre :
elle dit que si la formation d'un camp sous Paris a jetté l'alarme ,
ce n'est point fiance pour nos freies d'armes , mais
parce qu'on est agité du sentiment douloureux de voir que
la Convention ne compte plus sur les braves choyens de
Paris . Ne sont-ils plus , continue l'orateur , les vengcups de
la représentation nationale outragée ? N'est ce pas dans cette
même salle qu'ils ont , au peril de leur vie , rétabli la liberté
de vos délibérations ? La garde nationale est plus forte ct
mieux organisée qu'elle n'a jamais été , et l'on semble craindre
de les employer ? Quelle foule de réflexions douloureuses
fait naître la joie feroce du jacobinisme à l'approche des
( 308 )
troupes ; joie plus insultante pour nos braves freres d'armes,
que toute la défiance qu'on nous impute . L'orateur termine
en demandant justice contre les terroristes de sa section , qni
viennent d'être mis en liberté et qu'il nomme .
Le président répond que ceux qui cherchent à les séparer
de leurs freres d'armes , sont les mêmes qui , à cette ba re ,
voyaient les enseignes de la terreur dans les drapeaux do patriotisme
; qu'à l'égard des hommes qu'ils désignent comme
coupables , les tribunaux sont là pour les juger , et que l'a
Convention ne transigera jamais avec aucun d'eux . L'adresse
et la réponse seront insérées au bulletin .
PARIS . Nonidi 19 Fructidor , l'an 3º , de la République.
Les comités de salut public et de sûreté générale de
la Convention, et les représentans chargés de la surveillance
et de la direction de la force armée ont pris , le
115 fructidor, un arrêté en XVI articles concernant les
mesures à suivre pour faire rejoindre les jeunes gens
de la premiere requisition qui se trouvent actuellement
à Paris , ou qui pourront y artiver .
Ils sont distingues en quatre classes. Ceux qui sont
employés dans les comites de la Convention nationale ,
dans les commissions , agences , administrations ou entreprises
quelconques ; les malades blessés ou convalescens
; ceux qui sont retenus par des requisitions particulieres
rel tives aux arts et métiers , et ceux qui n'ont
aucun titre dégal : susceptible de justifier leur résidence .
Les jeunes gens compris dans les trois premieres classes
seront tenus de présenter leurs titres aux autorités désignées
sous peine d'arrestation . Ceux de la quatrieme
classe qui ne rejoindront pas volontairement seront
arrêtés et reconduits de suite à leurs corps respectifs .
Toutes sortes de moyens sont employes en ce moment
pour exciter de l'agitation parmi les citoyens . Il peut
paraître naturel qu'au moment des élections , l'ambition
d'une part et les ressentimens d'un autre produisent
une certaine fermentation polémique , et des écrits raisonnés
où les opinions diverses sont exposées librement
et avec des nuances plus ou moins prononcées d'esprit
de parti . Mais ce qui , sans être moins naturel , justifie
les inquiétudes civiques des Républicains , ce sont les
mouvemens que se donne l'intrigue pour organiser le
( 309 )
désordre. Ces jours derniers on jettait dans des boutiques
de libraires un grand nombre d'exemplaires d'un
manifeste attribué à Charette , et l'on affichait pendant.
la nuit une proclamation de Louis XVIII , dans elle
le peuple est invité à se jetter aux pieds du trône . Il serait
difficile de voir dans de tels écrits la pensée pure
d'hommes qui expriment simplement leur opinion politique
, et ces actes furtifs et clandestins doivent prou
ver aux incrédules qu'il existe , non pas seulement des
partisans de la royauté , mais bien aussi une faction de
royalistes.
On mande de Fribourg en Suisse , que l'on perte y publiquement
le deuil de Louis XVIE ; l'on y a également proclamé
Louis XVIII dans un conseil secret , composé d'ex - évêques
français et de nobles émigrés , à la suite de ce conseil , les
prêtres et leurs partisans l'annoncerent dans la ville et dans
le canton . Les recrues pour l'Angleterre vont leur train
l'on compte déja 500 hommes partis du canton de Fribourg
pour ce service , sans compter les soldats qui ont été retirés du
service de France , et qu'on envoie à Constance un à un , de,
sorte qu'il n'en reste pius qu'une cinquantaine cantonués à
Romont et à Eslava .
L'agiotage continue toujours ses funestes spéculations ; les
marchandises sont remontees à un prix excessif, et le louis
était le 17 à 1125 liv . En vain , l'opinion se prononce - t elle
contre l'immoralité des agioteurs ; en vain , la sévérité des lois
voudratlie les poursuivre , la loi ne saurait les atteindre
et lors même que quelques individus seraient justement punis
de leur honteux coinmerce , le plus grand nombre saura tous
jours échapper. Le mal augmente par l'effet mêine des dangers
qui l'envirounen , C'est l'attrait de la cupidité qu'i¡ faudrait
pouvoir détruire , et ce ne peut être que l'ouvrage de la confance
, de l'établissement fixe de l'ordre de choses qui se prés
pare , enfin du retour de cette pudeur sociale que la confusion
de l'anarchie , la lutte de la cupidité et du besoin ont entiés
rement bannie de toutes les classes , de celles même autrefois
les plus scrupuleusement dociles à la voix de l'honnêteté
publique .
Le directoire du département de Paris vient d'annoncer
par une proclamation affichée , la convocation des assemblées
primaires pour le 20 fructidor , à l'effet de délibérer sur l'ensemble
de l'acte constitutionnel ,
Bouche , membre de l'Assemblée constituante , vient de
mourir à Paris . Un de ses amis a publié des conseils trèssages
sur la nécessité de finir la révolution ; il assure , que ce
sont les dernieres paroles de cet ex- député.
( 310 )
Détails communiqués par les officiers municipaux de Nort , dépar
tement de la Loire inferieure.
Le 25 thermidor , un convoi chargé de onze cents cinquante
mille livres en assignats , vingt cinq mille livres en
numéraire , six voitures chargées de farine , deux de hum
et d'eau- de- vie , etc. a été pris par les chouans , entre Carquefou
et Petit- lars , en allant à Château Briand , lieu de sa destination.
Il est impossible de se faire une idée des cruautés
qu'ont exercées ces scelerats sur nos braves freres d'armes
du bataillon d'Arras , l'un des plus beaux et des mieux disci
plinés de la République ; en un mot , celui qui , le premier ,
est entré avec la légion nantaise dans le fort Penthievre à
Quiberon . Ces malheureux , au nombre d'environ trois cents ,
ont été assaillis par quatre à cinq mille chouans , qui les out
entourés de toutes parts à la sortie de Carqueiou , où ,
pour leur malheur , quelque , uns d entr'eux ayant eu soit ,
demanderent aux hab tans de l'eau pour boije : une femme, on
plutôt un monstre , feignant de l'humanité , dit que l'eau leur
ferait mal , et qu'elle allait leur donner une boisson plus
salutaire ; elle alla chercher une cruche dans laquelle il pou
wait y avoir vingt bouteilles de vin qu'on dit empoisonne
tous ceux qui avaient soif en burent , et le nombre fut grand
fil faisait une chaleur excessive ) . La troupe se mit en marche,
et , après avoir fait un quart de lieue , plusieurs volontaires
furent contraints de s'arrêter par les douleurs inouies qu'ils
ressentirent ; beaucoup d'entr'eux expirerent même de suite ,
après avoir considérablement enflé . Ce fut alors que la troupe
entendi: la corue fatale , signal du ralliement des chouans ,
et des femmes criant à tue tête : A nous les gas , à nous, !
Presque au même instant , toute la troupe republicaine se
trouva cernée : le feu fut vif de part et d'autre , et malgré
l'inégalité d'armes , le bataillon d'Arras s'est battu avec le
courage et l'intrépidité des défenseurs de la liberté , jusqu'à
extinction de forces , et ce n'est qu'après avoir brûlé toutes
les cartouches qu'ils avaient , au nombre de cinq paquets
chacun , qu'ils ont été contraints de s'ouvrir un passage au
travers de cette horde de cannibales , la bayonneue en avant.
,, Sur la sommation qui leur fut faite de rendre leur drapeau
, ils répondirent que , tant qu'un seul homme du baaillon
existerait , sa vie serait employee à la deteuse de cet
étendard de la liberté ; que le soldat français , vrai řepublicain
, ne saurait pas survivre à son horreur . Cette reponse
sublime est bien digue des vainqueurs de Quiberon ! Ils
chargerent ensuite les chauans , et parvinrent presque mira..
( Six )
ouleusement à se rendre à Nort ( cinq lieues de Nantes ) . Ox
ne sait pas au juste le nombre des hommes que nous avons
perdus dans cette affligeante affaire , mais il en a manqué
plus de 200 à l'appel.
" Trente blessés sont arrivés hier , par eau , de Nort ;
c'est d'eux que nous tenons les détails précédens , ainsi que
les suivans , qui feront sans doute frissonner d'horreur .
:
" Ceux de nos infortunés freres d'armes tombés sous leurs
coups étaient aussitôt entourés de femmes , ou plutôt de
furies , armées de faucilles , avec lesquelles elles sciaient impitoyablement
la tête des blessés , à ceux qui n'avaient pas la
force de s'y opposer , et entr'autres les jarrêts , pour les
empêcher de fuir et d'échapper aux tourmens inouis qu'elles
leur ont ensuite fait endurer les uns ont été ouverts vifs , les
autres ont eu les bras et les jambes coupés ; en uite existant encore
, leur chemise a été remplie de paille à laquelle on a mis le
feu , et ils ont expiré dans cet horrible état d'autres ont eté
brûlés vifs , entr'autres le capitaine de la 4. compagnie . un
#des plus beaux et des plus braves hommes du bataillon , à
qui les chouans offrirent la vie , s'il voulait accepter la place
de capitaine de cavalerie parmi eux . I repondit : Qu'il ai
mait mieux mourir républicain que de faire partie de lu horde
assassine ; et de suite il fut livré aux flammes . Le croira - t - on ?
les enfans de ces scélérats ont partagé le crime de leurs peres ;
ils se sont approchés des cadavres de nos freres d'armes ex
pirans , et ils leur ont enfoncé le couteau dans le coeur . ››
Arrêté du comité de salut public.
Le comité de salut public de la Convention nationale , va
la lettre du général Pichegru , commandant en chef l'armée
de la Moselle et du Rhin , en date du 23 thermidor , relative
à l'exécution du décret de la Convention nationale du 12 messidor
dernier , concernant les cinq représentans du peuple ,
les ministres , les ambassadeurs français et les personnes de
leur suite , livrés à l'Autriche ou arrêtés et détenus par ses
ordres , arrête ce qui suit :
Art. 1er . Le citoyen Bacher , premier secrétaire interprête
de l'ambassade de la République Française en Suisse , est
nommé commissaire , à l'effet de négocier l'échange des mili
taires au service de la République Française , faits prisonniers
de guerre par les troupes autrichiennes , contre les militaires
au service de la maison d'Autriche , faits prisonniers de guerre
par les troupes de la République Française .
II. Le citoyen Bacher se conformera daus cette négociation,
( 312 )
aux dispositions des lois relatives aux cartels d'échange des
prisonniers de guerre.
at
HI. supulera formellement, comme condition préliminaire
, sine quâ non , que les cinq représentans du peuple
le ministre , les ambassadeurs français et les personnes de
leur suite , livrés à l'Autriche ou arrêtes et détenus par ses
ordres , seront sur- le- champ rendus à la liberté et remis à
Bâle , la charge que le gouvernement français fera au même
instant remettre à Bâle la fille du dernier roi des Français à
la personne que le gouvernement autrichien déléguera pour
la recevoir , et que les autres membres de la famille de Bourbon ,
actuellement détenus en France , pourront aussi sortir du
territoire de la République , le tout en conformite du décret
de la Convention nationale du 12 messidor dernier.
Expeditions du present aftêre seront adressées au ' général
Pichegru et au citoyen Bacher.
Signés à la minute , Meriin ( de Douay ) Jean de Bry ,
Letourneur de la Manche ) , Vernier , Marec , Gamont ,
Doulcet , Rabaut , Defermon.
Louis ..
Or fin .
Cours des changes du 18 fructidor...
I uvecky2
4400 , 210
3e007 :
Or en barres ..
Lingot d'argent .
Argent marqué ..
Numéraire ...
Inscriptions
Hambourg .
Amsterdam .
Bâle....
2150 .
1850 .
4300 à 400.
23 , 24, 25 , 26 .
7900 .
" I
Gênes ...
Livourne ..
2 16
4000 .
4800 )
Prix des marchandises .
i
Café Saint- Domingue ..
Sucre d'Hambourg..
Sucre d'Orléans .
Café Martinique .......
Savon de Marseille .
De fabrique...
Chandelle..
Cassonade...
Riz ...
52 a 54 liv.
6068
54 à 56.
.. 45 .
40 8.41.
52 à 33 .
40 a 41 .
40 à 480
15.
( N° 71. )
Jer . 135. ден
MERCURE FRANÇAIS
QUINTIDI 25 FRUCTIDOR , l'an troisieme de la République.
( Vendredi 11 Septembre 1795 , vieux style . )
LITTÉRATURE. HISTOIRE.
VOYAGE à Montbart en 1785 , þar HERAULT- SECHELLE ( 1 ) .
J'AVAIS eu une extrême envie de connaître M. de
Buffon. Instruit de ce desir , il voulut bien m'écrire une
lettre très -honnête , où il allait lui-même au - devant de
mon impatience , et m'invitait à passer dans son château
le plus de tems qu'il me serait possible .
Il est à propos , comme on le verrà dans un moment ,
que je fasse iei mention de la lettre que je lui répondis .
Elle finissait par ces mots : Mais quelle que soit mon
97.
le
avidité , M. le comte , de vous voir et de vous en-
,, tendre , je respecterai vos occupations , c'est - à- dire
,, une grande partie de votre journée . Je sais que , tout
couvert de gloire , vous travaillez encore ; que
génie de la nature monte avec le lever du soleil au
,, haut de la tour de Montbart , et n'en descend sour
vent que le soir. Ce n'est qu'à cet instant que j'ose
,, solliciter l'honneur de vous entretenir et de vous
consulter. Je regarderai cette époque comme la plus
" glorieuse de ma vie , si vous voulez bien m'honorer
" d'un peu d'amitié , si l'interprete de la nature daigne
quelquefois communiquer ses pensées à celui qui
devrait être l'interprete de la société.
Je me rendis en effet à Montbart ; mais à mon passage
à Sémur , qui n'en est distant que de trois lieues ,
j'appris que M. de Buffon endurait des douleurs de
pierre excessives , qu'il grinçait les dents et frappait du
(1) Ce voyage , également intéressant par celui qui en fut
L'objet et par celui qui l'a écrit , est extrait du Magasin Ency
clopedique!
Tome XVII. X
( 314 )
1
7
pied , lui qui a toujours affecté d'être plus fort que la
douleur , qu'il était enfermé dans sa chambre , et ne
voulait voir absolument personne , pas même ses gens ;
qu'il ne souffrait auprès de lui aucun de ses parens , ni
sa soeur , ni son beau- frere ; et qu'il permettait tout
au plus à son fils d'entrer pendant quelques minutes . Je
pris donc le parti de rester quelques jours à Sémur ',
n'osant pas même envoyer savoir des nouvelles du malade
, de peur d'être importun en lui annonçant mon
arrivée .
Malgré mes précautions , je ne restai que trois jours
à Sémur. M. de Buffon apprit , par une lettre de Paris ,
que j'étais parti pur sa terre ; il eut aussi- tôt , au milieu
même de ses douleurs , l'attention de m'envoyer un
exprès , de me faire dire que , quoiqu'il ne vit personne,
il voulait me voir ; qu'il m'attendait chez lui , et me
recevrait dans l'intervalle de ses souffrances . Je partis
à l'instant. Quelle palpitation de joie me saisit , lorsque
j'apperçus de loin la tour de Montbart , les terrasses
et les jardins qui l'environnent ! J'observais la position
des lieux , la colline sur laquelle cette tour s'élevé ,
les montagnes et les coteaux qui la dominent , les cieux
qui la couvrent. Je cherchais le château de tous mes
yeux . Je n'en avais pas assez pour voir la demeuré de
l'homme célebre auquel j'allais parler. On ne peut découvrir
le château que lorsqu'on y est ; mais au lieu
d'un château , vous vous imagineriez entrer dans quelque
maison de Paris . Celle de M. de Buffon n'est annoncée
par rien ; elle est située dans une rue de Montbart '
qui est une petite ville. Au reste , elle a une très - beile
apparence.
En arrivant , je trouvai M. le comté de Buffon fils ,
jeune officier aux gardes , qui vint à ma rencontre et
me conduisit chez son pere ( 1 ) . De quelle vive émotion
j'étais pénétré en montant les escaliers , en traversant
( 1 ) Il a péri sur l'échafaud , quelques jours avant le 9 thermidor
, en prononçant avec calme et avec dignité , ces mois z
Citoyens , je me nomme Buffon . Quoiqu'il pût dire avec Hyppolite
:
Et moi fila inconnu d'un si glorieux pere."
Ces mots prouvent qu'il avait l'ame élevée et la conscience
du respect que son nom devait inspirer à tout autre qu'a
des assassins et à dea bourreaux .
1
( 315 )
le salon , ornés de tous les oiseaux enluminés , tels qu'on
les voit dans la grande édition de l'Histoire Naturelle !
Me voici maintenaut dans la chambre de Buffon : il
sortit d'une autre piece ; et je ne dois pas omettre une
circonstance qui m'a frappé , parce qu'elle marque son
caractere il ouvrit la porte , et quoiqu il sût qu'il y
avait un étranger dans son appartement , il se retourna
fort tranquillement et fort long- tems pour la fermer
ensuite il vint à moi. Serait- ce un esprit d'ordre qui
met dans tout la même exactitude ? C'est la tournure
de M. de Buffon . Serait- ce le peu d'empressement d'un
homme qui , rassasie d'hommages , les attend plutôt
qu'il ne les recherche ? On peut aussi le supposer.
Serait- ce enfin la petite ad esse d'un homme celebre ,
qui , flatté de l'avidité qu'on témoigne de le connaître ,
augmente encore avec art cette avidité en reculant , ne
fût- ce que d'une minute , cette même minute où il satisfait
votre desir , et se prodigue d'autant moins que vous
le poursuivez davantage ? Cet artifice ne serait pas toutà
- fait invraisemblable dans M. de Buffon . Il vint à moi
majestueusement , en ouvrant ses deux bras ; je lui balbutiai
quelques mots , avec l'attention de dire toujours ,
M. le comte ; car c est à quoi il ne faut pas manquer on
m'avait prévenu qu'il ne haissait pas cette maniere de
lui adresser la parole ; il me répondit , en m'embrassant
: Je dois vous regarder comme une ancienne con-
" naissance , car vous avez marqué du desir de me
" voir , et j'en avais aussi de vous connaître . Il y a
déja du terus que nous nous cherchons . "
Je vis une belle figure , noble et calme . Malgré son
âge de 78 ans , on ne lui en donnerait que 60 ; et ce
qu'il y a de plus singulier , c'est que , venant de passer
seize nuits sans fermer l'oeil , et dans des souffrances
inouies qui duraient encore , il était frais comme un
enfant , et tranquille comme en santé . On m'assura que
tel était son caractere . Toute sa vie il s'est efforcé de
paraître supérieur à ses propres affections. Jamais d'humeur
, jamais d'impatience. Son buste , par Houdon , est
celui qui me paraît le plus ressemblant ; mais le sculpteur
n'a pu rendre sur la pierre ces sourcils noirs qui
ombragent des yeux noirs très - actifs , sous de beaux
cheveux blancs . Il était frisé lorsque je le vis , quoiqu'il
fût malade . C'est là une de ses manies , et il en convient.
Il se fait mettre tous les jours des papillottes ,
qu'on lui passe au fer plutôt deux fois qu'une ; du
( 316 )
moins autrefois , après s'être fait friser le matin , il lui
arrivait très - souvent de se faire encore friser pour souper.
On le coeffe à cinq petites boucles flottantes ; ses
cheveux , attachés par derriere , pendaient au milieu de
son dos . Il avait une robe - de - chambre jaune , parsemée
de rayes blanches et de fleurs bleues . Il me fit
asseoir , me parla de son état , me fit des complimens
sur le peu d'indulgence dont il prétendit que le public
me favorisait , sur l'éloquence , sur les discours oratoires
. Pour moi , je l'entretenais de sa gloire , et ne
me lassais point d'observer ses traits . La conversation
étant tombée sur le bonheur de connaître jeune l'état
auquel on se destine , il me récita sur - le - champ deux
pages qu'il avait composées sur ce sujet , dans un de
ses ouvrages . Sa maniere de féciter est infiniment simple.
et commune , le ton d'un bonhomme , nul apprêt , levant
lentement tantôt une main , tantôt une autre ,
disant comme les choses lui viennent , mêlant seulement
quelques réflexions . Sa voix est assez forte pour son
âge , elle est d'une extrême familiarité ; et en général ,
quand il parle , ses yeux ne fixent rien , ils errent au
hasard , soit parce qu'il a la vue basse , soit plutôt parce
que c'est sa maniere . Ses mots favoris sont tout çà et
pardieu , qui reviennent continuellement ; sa conversation
paraît n'avoir rien de saillant , mais , quand on y
fait attention , on remarque qu'il pirle bien , qu'il y a
même des choses très -bien exprimées , et que , de tems
en tems , il y seme des vues intéressantes . Un des premiers
traits de son caractere , c'est sa vanité . Elle est complette
, mais franche et de bonne foi . Un voyageur
( M. Target ) disait de lui : Veilà un homme qui a beaucoup
de vanité au service de son orgueil.
― ›› --
On sera curieux d'en connaître quelques traits . Je lui
disais qu'en venant le voir j'avais beaucoup lu ses ouvrages
. 66 Que lisiez - vous ? me dit- il . Je répondis
Les Vues sur la nature. Il y a là . répliqua - t il
à l'instant , des morceaux de la plus haute éloquence ! "
Ensuite il parla nouvelles et politique , contre son ordinaire
, ce qui lui donna occasion de me faire lire une
lettre qu'il venait de recevoir de M. le comte de
Maillebois , sur les événemens de la Hollande . Il en vint
un moment après à la mort du pauvre M. Thamas , pour
me faire lire une lettre que son fils avait reçue de
madame Necker , lettre étrange , où madame Necker paraît
déja consolée de la perte de son ami intime , malgré
( 317 )
l'emphase et l'enthousiasme qu'elle met à la décrire
en s'appuyant sur M. de Buffon qu'elle célebre avec
plus d'emphase encore . Il y a une phrase qu'il me fit .
remarquer avec complaisance . Madame Necker , mettant.
un moment en parallele ses deux amis , dit , en parlant
de M. Thomas : L'homme de ce siecle ; en parlant de M. de
Buffon : L'homme de tous les siecles .
.
Le comte de Buffon fils venait d'élever un monument
à son pere, dans les jardins de Montbart ; auprès de la
tour , qui est d'une grande élévation , il avait fait placer
une colonne , avec cette inscription :
Excelse turri , humilis columna.
Parenti su , filius Buffon , 1785.
A la haute tour , l'humble colonne .
A son pere , Buffon fils , 1785 .
7
On m'a dit que le pare avait été attendri jusqu'aux
larmes de cet hommage. Il disait à son fils : Mon fils
cela te fera konneur.
Il termina notre premiere entrevue , parce que ses
douleurs de pierre lui reprirent ; il m'ajouta que son
fils allait me mener par- tout , et me ferait voir les jardins
et la colonne . Le jeune comte de Buffon me conduisit
d'abord dans toute la maison , qui est très- bien
tenue , fort bien meublée ; on y compte douze appartemens
complets ; mais elle est bâtie sans régularité ,
et quoique ce défaut dût la rendre plutôt commode que
belle , elle a encore de la beauté . De la maison , nous
parcourâmes les jardins qui s'élevent au- dessus . Ils sont
composés de treize terrasses , aussi irrégulieres dans leur
genre que la maison , mais d'où l'on découvre uno vue
immense de magnifiques aspects , des prairies coupées
par des rivieres , des vignobles , des côteaux brillans
de culture , et toute la ville de Montbart ; ces jardins
sont mêlés de plantations de quinconces de pins , de
platanes , de sycomores , de charmilles , et toujours des
fleurs parmi les arbres . Je vis de grandes volieres où
Buffon élevait des oiseaux étrangers , qu'il voulait étudier
et décrire ; je vis aussi la place d'une grande fosse
qu'il avait comblée , et où il avait nourri long - tems des
lions et des ours . Je vis enfin ce que j'avais tant desiré
de connaître , le cabinet où travaille ce grand homme ;
il est dans un pavillon que l'on nomme la tour de
Saint- Louis. On monte un escalier , on entre par
X 3
( 3.18 )
9
une porte verte à deux battans , mais on est fort éronné
de voir la simplicite du laboratoire . Sous une voûte
assez haute , à - peu- près semblable aux voutes des
églises et des anciennes chapelles , dont les murailles
sont peintes en vert , il a fait porter un mauvais secrétaire
de bois au milieu de la salle qui est carrelée , et
devant le secrétaire est un fauteuil , voilà tout . Pas un
livre , pas un papier. Mais ne trouvez -vous pas que
cette nudité a quelque chose de frappant ? On la revêt
des belles pages de Buffon , de la magnificence de son
style et de l'admiration quil inspire. Cependant se
n'est pas là le cabinet où il a le plus travaille ; il n'y
va guere que dans la grande chaleur de l'été , parce
que l'endroit est extrêmement froid . Il est un autre
sanctuaire où il a composé presque tous ses ouvrages ,
le berceau de l'Histoire Naturelle , comme disait le prince
Henri qui voulut l'aller voir , et où Jean-Jacques Rousseau
se mit à genoux et baisa le seuil de la porte .J'en parlais à
M. de Buffon . Oui , me dit-il , Rousseau y fit un homme.
Ce cabinet a comme le premier, une porte verte
deux battans . Il y a intérieurement un paravent à chaque
côté de la porte . Le cabinet est carrelé , boisé et tapissé
des images des oiseaux et de quelques quadrupedes de
l'Histoire Naturelle. On y trouve un canapé , quelques
chaises antiques couvertes de cuir noir , une taple sur
laquelle sont des manuscrits , une petite table noire ;
voilà tous les meubles. Le secrétaire où il travaille est
dans le fond de l'appartement auprès de la cheminée .
C'est une piece grossiere de bois de noyer : il était ouvert
; on ne voyoit que le manuscrit cont Buffon s occupait,
alors , c'et it un Traité sur l'aimant , à coté était
sa plume , au- dessus du secrétaire tait un bonnet de
soie grise , dont il se couvre . En face , le fauteuil où il
s'assied , antique et mauvais fauteuil sur lequel est jettée
une rose- de- chambre rouge à rayes blanches . Devant
lui , sur la muraille , la gravure de Newton. Là , Buffon
a passé la plus grande et la plus belle portion de sa vie .
Là , ont été enfantés presque tous ses ouvrages . En effet ,
il a beaucoup habité Montbart , et il y restait huit mois
de l'annéc ; c'est ainsi qu'il a vécu pendant plus de quarante
ans . Il allait passer quatre mois à Paris • pour
expédier ses affaires et celles du Jardin - du- roi , et venait
se jetter dans l'étude . Il m'a dit lui - même que
c'était son plus grand plaisir , son goût dominant , joint
à une passion eexxttrrêêmmee pour la gloire.
( 319 )
Son exemple et ses discours m'ont confirmé , que qui
veut la gloire passionnément finit par l'obtenir , ou du
moins en approche de bien près . Mais il faut vouloir ,
et non pas une fois ; il faut vouloir tous les jours . J'ai
oui dire qu'un homme qui a été maréchal de France et
grand général , se promenait tous les matins un quart
d'heure dans sa chambre , et qu'il employait ce tems à
ase due à lui - même : Je veux étre maréchal de France et
grand général (1 ) . M. de Button me dit à ce sujet un mot
bien frappant , un de ces mots capables de prosuire un
homme tout entier. Le génie n'est qu'une plus grande aptitude
à la patience. Il suffit en effet d avoir reçu cette
qualité de la nature avec elle on regarde long- tems
les objets , et l'on parvient à les pénétrer. Cela revient
tau , mot de Newton. On disait à ce dernier : Comment
avez-vous fait tant de découvertes ? En cherchant toujours
, répondit - il , et cherchant patiemment . Remarquez
que le mot patience doit s'appliquer à tout : patience
pour chercher son objet , patience pour résister à tout
ce qui s'en écarte , patience pour souffrir tout ce qui
accablerait un homme ordinaire.
Je tirerai mes exemples de M. de Buffon lui - même .
Hentrait queiquefois des soupers de Paris à deux heures
après minuit , lorsqu'il était jeune , et à cinq heu.es du
matin un savoyard venait le tirer par les pieds , et le
mettre sur le carreau , avec ordre de lui faire violence ,
dût- il se fâcher contre lui . Il m'a dit encore qu'il travaillait
jusqu'à six heures du soir. J'avais alors , me
dit -il , une petite maîtresse que j'adorais ; eh bien , je
'me forçais d'attendre que six heures fussent sonnées.
pour l'aller voir , souvent même au risque de ne plus
la trouver. A Montbart , après son travail , il faisait venir
une petite fille , car il les a toujours beaucoup aimées
, mais il se relevait exactement à cinq heures . Il
ne voyait que des petites filles , ne voulant pas avoir
de femmes qui lui dépensassent son tems (2) .
( 1 ) Ne serait- ce pas M. de Belle Isle . ( Note de l'éditeur. )
(2 ) M. de Buffon a toujours été foriement occupé de luimême
, et préférablement à tout le reste . Comme je savais
que beaucoup de femmes avaieus reçu son hommage , je demandais
si elles ne lui avaient pas fait perdre de tems . Quelqu'an
qui le connaissait parfaitement , me répondit : M. de
Buffon av a vu constamment trois choses avant toutes les autics ;
X 4
( 320 ).
Voici maintenant comment il distribuait sa journée ,
et on peut même dire comment il la distribue encore.
A cinq heures il se leve , s'habille , se coeffe , dicte ses
lettres , regle ses affaires . A six heures il monte à son
cabinet qui est à l'extrémité de ses jardins , ce qui fait
presque un demi - quart de lieue , et la distance est d'autant
plus pénible qu'il faut toujours ouvrir des grilles ,
et monter de terrasses en terrasses . Là , ou il écrit dans
son cabinet , ou il se promene dans les allées qui l'environnent.
Défense à qui que ce soit de l'approcher : il
renverrait celui de ses gens qui viendrait le troubler.
Sa maniere est de relire souvent ce qu il a fait , de le
Jaisser dormir pendant quelques jours ou pendant quelque
tems. Il importe , me disait - il , de ne pas se presser:
Son revoit alors les objets avec des yeux plus, frais , et
l'on y ajoute , ou l'on y change toujours . Il écrit d'abord :
quand son manuscrit est trop chargé de ratures il le
donne à copier à son secrétaire jusqu'à ce qu'il en soit
content . C'est ainsi qu'il a avoué au théologal de Sémur ,
homme d'esprit et son ami , qu'il avait écrit dix - huit fois
ses Epoques de la Nature , ouvrage qu'il méditait depuis
50 ans. Je ne dois pas oublier de dire que M. de
Buffon , qui a beaucoup d'ordre , a placé ainsi son cabinet
loin de sa maison , non- seulement pour n'être
pas distrait ( 1) , mais parce qu'il aime à séparer ses tra
"
sa gloire , sa fortune et ses aises . Il a presque toujours réduit
l'amour au physique seul . Voyez un de ses discours sur la
nature des animaux , où , après un pertrait pompeux de l'amour,
il l'anéantit d'un seul trait et le degrade en prétendant prouver
qu'il n'y a que du physique , de la vanité , de l'amour - propie
dans la jouissance . C'est- là qu'est son invocation à l'amour.
On l'a mise à côté de celle de Lucrècé , me' dit- il , un jour . Les
femmes lui en ont voula à la mort de cet effort ' dh de cet
abus de raison . Madame de Pompadour lai dit à Versailles
Vous êtes un joli garçon.
(1 ) A l'égard de ses complaisans , de ses courtisans , de ses
adorateurs , j'ai une réflexion à faire, que je n'ai trouvée nulle
part. Outre qu'il est bien difficile à un grand homme de vivre
sans cette espece de cercle qui s'attache à lui naturellement ,
soir par la curiosité , par l'admiration , par Penvie de l'imiter,
comme fout les jeunes gens , soit par la vanité et l'idée que
l'on est quelque chose lorsque l'on tient du moins à un grand
homme , ne pouvant l'être soi- même ; pour moi , je ne suis
pas sévolté de voir un tel homme aimer à être entouré. Je ne
( 321 )
1
ง
vaux de ses affaires . « Je brûle tout , me disait- il ; on
"" ne me trouvera pas un papier quand je mourrai .
" J'ai pris ce parti -là , en considérant qu'autrement je
,, ne m'en tirerai jamais . On s'ensevelirait sous ses
papiers. Il ne conserve que les vers à sa louange
dont j'aurai occasion de parler dans un moment . Aussi ,
dans sa chambre à coucher , on ne trouve que son lit
qui est , comme la tapisserie , de satin blanc avec un
dessin de fleurs. Auprès de la cheminée est un secré
taire , où l'on ne voit auprès du tiroir d'en - haut qu'un
livre , qui est apparemment son livre de pensées . Auprès
de son secrétaire , qui est toujours ouvert , est le fauteuil
sur lequel il est toujours assis , et dans un coin de
la chambre est une petite table noire pour son copiste .
Il ne prend la pfume que lorsqu'il a long-tems mé
dité son sujet et encore une fois n'a guere d'autre
papier que celui sur lequel il écrit. Cet ordre de papiers
est plus nécessaire qu'on ne croit ; M. Necker le recom
mande avec soin dans son livre ; l'abbé Terray le pratiquait
de même . L'ordre que l'on contemple autour de
sor se répand en effet sur nos productions . Si un écri
vain aussi célébré , et sur- tout si deux contrôleurs -généraux
aussi laborieux ont donné un pareil exemple , il
serait bien difficile qu'il restât des prétextes pour ne
point l'imiter.
n
2130
( La suite au prochain numéro . )
dirai pas seulement , c'est une consolation de ses efforts , un
adoucissement à ses fatigues , une ressource qui lui rappelle
sans cesse la gloire au milieu même de ses maux et de ses
souffrances ; je dirai de plus , c'est un encouragement même
pour ses études , et il serait possible qu'il en reçût une nou
velle facilité . Ces admirateurs vous rappellent sans cesse la
présence de votre génie et de votre grandeur . D'ailleurs , il est
de fait que l'on a plus de supériorité avec ses inférieurs euxmêmes
; on a remarqué que la conversation devenait plus
riche , plus libre , plus abondante ; if y'a plus d'aisance dans
les manieres , et la liberté y fait beaucoup . Ainsi , loin dè
trouver une petitesse dans le cortege qui peut environner un
homme célebre , j'y découvre souvent une excuse , et dà
moyen d'êne fidele à sa renommér . “
A F
( 322 )
1
ANNONCES.
Introduction familiere à la connaissance de la nature , tradus
tion libre de l'anglais , de Timer ; par Berquin 2 volumes
in- 18 , avec toutes les figures qui représentent au naturel les
principaux quadrupedes , les oiseaux , les mineraux , les poissous
, les coquillages , les astres , etc. etc. Prix , 40 liv . et
50 liv. franç de port par la poste .
"
Des Tropes , ou des differens sens dans lesquels on peut prendre
an même mot dans une meme langue , pour servir d'introduction
à la réthorique et a la logique ; par Dumarsais : 2 vol , in - 18 .
Prix , 20 liv. et 30 liv. franc de port.
Euvres de Boufflers , nouvelle édition ornée de quatre jo-
Jies figures. Prix , 15 liv. et 20 liv . franc de port.
Les Amours de Psiche et de Cupiden ; par Lafontaine : 9 vol .
1-18 , nouvelle édition ornée de quatre jolies figures . Prix
15 liv . et 20 liv . franc de port.
£
L'Ami de l'Enfance , ou Contes moraux à la portée des enfans
et des adolescens de lun et de l'autre sexe : in- 18 aves
quatre jolies figures . Prix , 12 liv . et 15 liv . frauc de port .
Le Petit - Grandissan , traduction libre du hollandais ; par
Berquin a yol . i - 18 , nouvelle edition ornée de quatre jolies
figures . Prix , 20 liv . et 30 lv . fianc de port.
Le prix des six articles ci - dessus sera invariable jusqu'à la
fin de vetidémiaire prochain , chez Fr. Dufart , imprimeurlibraire
, rue Honore , nº . 100 , section des Tuileries , pies
Saint - Roch , Paris .
16
Précis de la langue française , par J. N. Blondin ; seconde
édition , 48 pages in- 89 . Prix , 5 liv. et 6 liv , franc de port.
Précis de la langue anglaise , par le même ; 50 pages in 8o .
Prix , 5 liv . et 6 liv. frauc de port .
Pieces on various subjects from the Best english authors , both
in prose and poetry by J. N. Blandin ' : ouvrage classique en
anglais , 140 pages in - 8 ° . Prix , 10 liv . et 12 liv . franc de port.
Précis de la langue italienne , sous presse ; chez l'auteur ,
cloître Saint- Benoit , n . 363 , et chez les braises .
1
Le citoyen Blondin a déja ouvert successivement plusieurs
cours publics pour l'enseignement des langues modernes par
démonstration sur tableau ; et les citoyens Cr.goire et Thi
baudot , commissaires nommés par le comité " d'instruction
publique pour examiner cette methode , en ont rendu un
compte très favorable , qui se trouve consigné en tête du
precis de la langue française .
( 323 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ON
ALLEMAGN L
De Francfort-sur - le - Mein , le 30 août.
#
t
~ mande de Hambourg que , suivant les dernieres lettres
de Varsovie , en date du 8 août , le comte de Sowarow va
partir pour faire l'inspection de toutes les troupes russes qui
se trouvent répandues sur le territoire de la Pologne on
ajoute qu'il reviendra dans le courant du mois prochain oceuper
le palais du primat , et qu'à cette époque les troupes qu'il
commande commenceront à prendre leurs quartiers d'hiver :
il a été exécuté ces jours derniers , disent les mêmes lettres ,
différentes manoeuvres militaires par celles qui sont campées
aux environs de la capitale . Elles se sont séparées en deux
corps , et ont figuré l'attaque et la défense des retranchement ..
Les généraux Arseniew et Baxhowden faisaient exécuter ces
simulacres de guerre. Le dernier a toujours le gouvernement
de Varsovie : cette ville lui a l'obligation essentielle de souffrit
beaucoup moins de la disette à laquelle il est parvenu
apporter du renede, essaie de plus de rétablir l'instruction
publique à la tête de laquelle il a mis le chanoine
Albertrandi , avec le titre d'inspecteur général des écoles .
Quant aux cours de justice , l'ouverture en a été prorogée
jusqu'au 1er septembre , afin de laisser aux cultivateurs le
tems de s'occuper de leurs moissons , et même des semailles ,
qui n'avaient été que trop négligées pendant la derniere sampagne.
•
Voici la formule du serment que le général Tutolmia exige ,
au nom de Catherine II , des Polonais qui veulent rester sur
le territoire passé sous la domination des Russes ;
Je soussigné , jure devant Dieu que je promets fidellement
servir , ainsi qu'il , convient à tout sujet obéissant , sa majesté
l'impératrice de toutes les Russies , ainsi que son fils et
heritier du trône de Russie et leurs descendans à perpétuitë ,
et je déclare que le présent serment est un acte spontanée de
ma volonté , Ainsi , Dieu me soit en aide , etc.
François I accede bien , en qualité de chef du corps ger
manique , la paix proposée par l'Empire sous la médiation
du roi de Prusse ; mais il paraît que , comme roi de Bohême
e de Hongrie , et duc d'Autriche , il veut continuer la
1
( 324 )
guerre. C'est da moins ce que semblent indiquer les para
graphes suivans :
De Vienne , le 14 août . Il est arrivé ici , il y a deja quelques
jours , un courier au chevalier Eden , ministre plénipotentiaire
d'Angleterre auprès de ce cabinet . Le chevalier Eden se transporta
sur-le-champ au palais impérial , et eut une audience particuliere
de l'empereur. Le bruit couri qu'il a demandé au nom du
cabinet de Saint James , que l'armée autrichienne tentele passage
du Rhin , pour faire une diversion dans le moment où la
France doit éprouver beaucoup d'embarras du côté de la Bretagne
, et où le gouvernement a dû détacher des corps considérables
de l'armée du Rhin pour se porter dans cette contrée
. On ignore encore quelles sont les déterminations da
conseil imperial ; on a seulement remarqué qu'aussi tôt après
T'audience donnée par l'empereur , il y a eu un conseil d'état ,
qu'ensuite le général Bellegarde , qui se trouvait encore
ici , a été envoyé au général , Clairfayt.
CL.
On assure que l'empereur a ordonné qu'à l'avenir on ferait.
partir tous les mois de la Bohême , pour l'armée du Rhin ,
10,000 muids de seigle , 5000 quintaux de froment ,
baisseaux de pois , et 6000 boisseaux de lentilles. Ces transports
prendront leur route par la Franconie .
Suivant des avis de Cologue , l'armée française n'avait pas
encore passé le Rhin , et il n'y avait rien eu d'important , à
l'exception de quelques canonnades pour empêcher le transport
des munitions . On s'accorde à dire que les Autrichiens ,
se fortident de plus en plus à Kartenswerth , Mulheim , Deniz ,
Mondorf et Vallendar . Le prince Ferdinand a toujours son
quartier- général à Mulheim , et le général Wurmees a passé
le 20 à Ulm en Souabe , d'où il a continué sa route pour le
Brisgaw.
On écrit de Bâle , en date du 15 , que le gouvernement
français a refusé la suspension d'armes pour l'Empire , proposée
par la ministre prassien , M. de Hardemberg , et que
les troupes de la République sont disposées à pousser, vivement
les opérations de cette campagne . Un nombre considérable
de troupes allemandes remontent vers Fribourg ;
mais on s'attend que plusieurs princes de Empire feront
1out leur possible pour applanir loeuvre desirable de la pacification
, entr'autres le duc de Deux -Ponts , dont les états se
trouvent entre les mains des Français . Un ministre de sa part
a passé dernierement par Rastadt , pour se rendre au cougrès .
de Bâle.
HOLLANDE . Amsterdam , le 26 août.
On avait par des avis dn Texel que l'escadre hollandaise ,'
su nombre de 13 ou de 14 navires armés , gros et petits , y
( 325 )
était rentrée le 21 de ce mois , et que peu après il s'était
montré , à l'ouverture de la rade , 24 ou 25 gros navires ,
qu'on supposait être des vaisseaux de guerre étrangers . La
conjecture s'est pleinement confirmée . On vient de rendre
publique une lettre , datée du Texel le 24 août ; on y voit :
Qu'après que deux vaisseaux de ligne , un de 59 canons ,
trois fregates , quelques bricks et avisos , furent sortis de ce
port le 13 août , ils s'étaient heureusement réunis aux divisions
sorties de la Meuse et de la Zélande , faisant alors une
escadre de cinq vaisseaux de ligne , huit frégates et quelques
autres bâtimens plus petits , faisant en tout un nombre de 21 navires
armés , de differens rangɛ.
Le 1S , ayant été presque séparés la nuit par un gros
vent , ils virent le matin parmi eux cinq autres voiles , dont
trois parnrent être des vaisseaux de 74 canons , avec déux
cutters is tâchaient de couper la fregate le Brave du reste
de l'escadre . Celle- ci se forma en ligne , mais les vaisseaux
en question conservaient le vent , et détacherent les deux
cutters , sans doute pour avertir le reste de l'escadre , dont
on avait lieu de croire qu'ils formaient l'avant- garde ; l'escadre
hollandaise se jigea trop faible pour l'attendre , et à 6 heures
du soir elle jeuta l'ancre à l'ouverture du Texel .
99 Le 21 , elle est sortie de nouveau pour une reconnais
sance ; on crut entendre des signaux , et l'escadre rentra
effectivement peu d'heures après on apperçut , à la haujeur
du port , une flotte de 30 vaisseaux , dont au moins go sont
des vaisseaux de ligne , qu'on suppose être les escadres an
glaise et russe réunies , séparées de la nôtre par le banc de
Haax . "
Ces escadres sont restées à la vue da port depuis ce tems
et le 24 , on a vu rentrer dans le Texel même le vice- amiral
de Winter , montant le vaisseau l'Amiral Ruiter , avec plusieurs
vaisseaux les plus gros de l'escadre .
Les nouvelles de Londres , du 14 , que nous avons reçues
par la voie de Hambourg , confirment l'enlevement de huit
navires de la compagnie des Indes hollandaise , par le vaissean
de guerre le Sceptre , et un armement sorti de Sainte-
Helene ; ils faisaient partie d'une flotte de la compagnie ,
partie du cap de Bonne-Espérance le 18 mai , pour retourner
en Hollande sous l'escorte des frégates de guerre le Scipion
et la Comete.
De Leyde , le 22 août . Il regne toujours une fermentation
dans les esprits , qui se manifeste quelquefois par des éclats
violens. Il y a peu de tems , la maltitude s'étant attroupée
dans la nuit , à Amsterdam , attaqua la garde et commit divers
excès envers les personnes soupçonnées d'être orangistes.
Le tumulte recommença à midi , et l'on poursuivit jusques
12
( 326 )
dans l'église plusieurs individus qu'on voulut y maltraiter pendant
la célébration des offices . La cherté des subsistances et
l'embarras des finances ajoutent aux causes d'agitation à laquelle
un trap grand nombre d'individus parait enclin,"
Dans cet état de choses , les généraux français fout observer
la meilleure discipline aux troapes , et il est vrai de dire
que , si la tranquillité publique n'est pas plus souvent et plus
fortement troublée , c'est à la présence des Français que les
Hollandais le doivent. Quelques individus de l'armée s'étaient
néanmoins permis une coudaite déplacée envers des babitans
et les differentes autorités . Le représentant du peuple
Richard a écrit au général Moreau une lettre qui a été rendue
publique , où il lui recommande de prevenir et de punir de
pareils excès .
ITALIE.
Suivant des lettres de Cagliari , da 7 , le marquis Pagliaccio ,
général , qui était en prison comme coupable envers le peuple,
a été subitement arraché de sa prison par une populace furieuse
, qui , l'ayant revêtu de son habit de général , Ini a
tiré onze coups de fusil et da ensuite achevé à coups de sabre ,
sans vouloir lui accorder le tems de st coufesser. Les mêmés
lettres ajoutent qu'il existe dans toute la Sardaigne des principes
d'insurrection et de guerre civile . On a déja envoyé à
la cour de Turin deux memoires tendans à obtenir le rétablissément
des anciens priviléges d: l'isle , que les habitans
font consister à se gouverner enx- mêmes comme
tributaire du roi , et non à être gouvernés par les Piémontais
. Ces prétentions fermentent dans les esprits , et l'on
craint qu'il n'en résulté quelques terribles événemens contre
les partisans du gouvernement actuel .
un pays
De Gênes , le go dot. Voici la cause de la canonnade entendue
le 13 d'Alassio il y avait à l'ancre dans ce lieu
7 bâtimens génois qui furent pris par des chaloupes anglaises ;
mais deux tartanes de gueire françaises , sorties de Lingnegira ,
s'étant approchées des chaloupes , les obligerent de rendre
six de ces bâtimens . Un seul de ces bâtimens , qui était déja
sous la protection des frégates anglaises , est demeuré en leur
pouvoir dans cette occasion , les tartanes françaises et les
anglaises firent feu les unes sur les autres , et c'est leur fen
qui a été entendu ici ,
:
Jusqu'à ce moment il n'est point encore arrivé à l'armée
française des renforts de grande considération . On apprend
seulement qu'il est entré à Viotimille 600 Français , avec
une grande quantité de poudre et de cartouches au port
Maurice il est égalemerit arrivé mille grenadiers , qui , après
un court séjour , ont continué leur marche le long de la
riviere:
++
Ou voit chaque jour plus ou moins de vaisseaux de ligne
( 327 )
anglais , qui empêchent toute espece de commerce . On dit
néanmoins aujourd'hui que le général de Wins a permis de faire
entrer dans les pays de la Riviere , la quantité de grains
nécessaires pour leurs besoins ; mais les bâtimens chargés de
ce transport doivent venir d'abord à Vado prendre un passeport.
Les Autrichiens ont élevé deux redoutes à la portée du
mousquet , contre la forteresse de Savone ; sé qui donne de
grandes inquiétudes aux génois .
Le gouvernement n'a point encore donné de réponse aux
demandes contenues dans la note du ministre français . Le
patricien Durazzo a été nommé pour conférer avec le citoyen
Villars .
Il y a eu en Corse ane insurrection considérable : le viceroi
a publié une proclamation : on ne sait pas précisément à
quel point en sont les choses ; quelques lettres portent que
Paoli est à la tête des insurgés , et que ceux - ci se sont emparés
de Bastia , de Calvi , et marchent contre Saint- Florent .
Malgré le décret.constitutionnel , des bandes perpétuelles
d'émigrés se rendent en France . Ces jours derniers , il en
est parti plus de soixante . ( Extrait d'une gazette italienne . )
ANGLETERRE. De Londres , le 16 août 1795 .
Hier on a reçu des dépêches envoyées par terre des Indes
orientales . Ces dépêches portent que dans les différens ports
de cette presga' isle , on arme en flûte un trés grand nombre
de vaisseaux pour intercepter les bâtimens français et hol-
Tandais qui paraîtront sur ces parages . L'amirauté vient d'expédier
des ordres pour l'équipement de deux vaisseaux de ligne ,
avec des vivres pour douze mois . On croit qu'ils sont destinés
pour les Indes orientales ,
Indépendamment des vaisseaux de la compagnie des Indes ,
que le gouvernement à pris pour les armer en course ; il
en a pris encore dix sept pour transporter des troupes aux
Indes occidentales . Pour cet effet , ils se rendront tous à
Gravesend dans la seconde semaine de septembre.
De Portsmouth , le x6 août.
Il est arrivé ce matin la frégate l'Alcmene et le sloop te
Howhe , ayant sous escorte environ 50 bâtimens de transport
venant de Bremeriee , avec des émigrés à bord. Dans l'après,
midi , ces bâtimens , accompagnés d'un grand nombre d'autres
de transport , portant des troupes britanniques , en tout
environ 200 , sont repartis pour les côtes de France , sous
Pescorte des vaisseaux de gu fie suivans :
Le Prince de-Galies ↑ de 98 cauons ; la Reine- Charlotté , đe
100 ; le Prince ; de 98 ; le Rüssel , de 74 ; le Colossus , de
74 et les fregates lé Jason et FAréthuse . Le comte d'Artois
ast à bord du vaisseau la Reine -Charlotte.
)
( 328 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRESIDENCE DE BERLIER.
f
Séance de septidi , 17 Fructidor.
Il y a eu hier soir une séance extraordinai e pour le renou
vellement du bureau . Berlier a été nommé president. Les nouveaux
secrétaires sont Gareau , Gourdan et Poinset.
commé
Giraud Pouzolles , au nom du comité de legislation , fait
le rapport d'une pétition présentée par la famille de Perrin ,
depute de l'Aube , tendante à obtenir le rapport du décret
d'accusation rendu contre lui , en vertu duquel il a été condamné
à vingt ans de fer avec exposition préalable ,
dilapidateur de la fortune publique. Perrin n'a pas pu supporter
l'infâmie de ce jugement , il est mort dans la route de
Paris à Toulon . Il résulte du rapport que le jugement a été
aussi inique que l'accusation mal fondée , que la prévention et
la haine l'ont dicté , et que dans une affaire de comptabilité
l'on a demandé au prévenu qu'elle avait été son opinion sur
Marat et sa conduite lors du 31 mai . Le rapporteur ajoute que
Perrin , au lieu d'avoir dilapide les deniers publics , se trouve
par l'apurement de ses comptes créancier d'une somme de
6 mille livres. Il propose en conséquence de rapporter le
décret d'accusation , et d'ordonner que sa famille touchera ses
indemnités . Adopté .
Un membre demande qu'il soit fait lecture d'une lettre d'un
suppléant du département de l'Aube , qui se trouvant alors
juré au tribunal révolutionnaire exprimait le desir de le juger
et l'espoir de le remplacer.
Giraud n'ayant pas sur lui la lettre a promis de la lire le lendemain
à l'Assemblée.
Un autre membre demande que le rapporteur de cette affaire
denne sa motifs ..
Charlier déclare qu'il a basé son rapport sur deux faits ; le
premier , que Perrin prenait deux et demi pour cent pour commission
; et le second , qu'il avait fait des accaparemens de
toile.
t
Pierret et d'autres nient ces faits . Le premier assure que
' était un membre du côté droit qu'on poursuivait en lui , qu'on
cherchait à prouver au peuple qu'il y avait des fripons et des
voleurs dans ce côté , et qu'on sacrifia Perrin .
Doucet ,
, organe des comites de salut public , sûreté générale
et
( 329 )
et législation , entretient ensuite l'Assemblée du général Mons
tesquiou ; il rappelle qu'il commandait l'armée des Alpes , entrait
en vainqueur dans Chambéri , et prenait possession de la
Savoye , lorsque sur des soupçons vagues on le suspendait de
ses fonctions , et qu'il n'a fui que parce qu'il ne lui restait pas
d'autre moyen d'échapper à la fureur de ses ennemis .
Doucet regrette que le malheureux Beauharnais n'ait pas
imité sou exemple. La France aurait un bon citoyen de moins
à pleurer et un habile officier de plus à opposer à ses ennemis.
Le rapporteur prouve que la position de Montesquiou est
la même que celle de Dietricht. Il propose en conséqence de
rapporter le décret d'accusation rendu contre lui , de le rayer
de la liste des émigrés , et de lui accorder la main - levée du séquestre
mis sur ses biens .
Plusieurs membres s'y opposent , et citent des faits à sa
charge ; le rapporteur repond qu'il s'en justifie dans le mémoire
qu'il a présenté. Thureau réclame l'ajournement ; Fermond ,
la division . Bourdon : Montesquiou a fui la proscription sous
le regne des décemvirs , Il demande à être jugé sous celui
de la justice. On ne peut le lui refuser . Bourdon appuie la
motion de Fermond ; la discussion se prolonge et l'Assemblée
termine en décrétant qu'il sera formé un conseil de guerre
pour juger la conduite de ce général , et qu'il pourra se rendre
en Fiance pour s'y présenter.
Delville soumet à la discusion le projet de décret qu'il
a présenté hier . Il est ajourné de nouveau .
Séance d'octidi , 18 Fructidor.
Après la lecture de la correspondance , Gossuin demande
à lire une adresse des administrateurs du département du
Nord à leurs concitoyens ; elle est ainsi conçue :
Les rayons de l'espérance s'ouvrent enfin à nos yeux.
Nous touchons au terme de nos maux ; nous voyons près de
nous le moment heureux de terminer notre révolution , pour
ne plus jouir que des douceurs de la liberté et de l'égalité.
Une constitution sage , fondée sur les principes d'une
démocratie praticable , est offerte à notre acceptation . Il dépend
de nous de la sanctionner ; il dépend de nous de la
rejetter. Tels sont les droits long tems méconnus du peuple
souverain , que nos législateurs ont conquis sur la tyrannie ,
et que jamais ils violeront.
ne
Mais quel est l'usage , citoyens , que nous allons faire
aujourd'hui de ces droits précieux ? Admettrons nous , rejet
terons - nous la constitution qui nous est présentée ? Réfléchissons-
y bien ; de- là dépend notre sort , à cet acte seul
sont liées toutes nos destinées .
,, Aussi , n'en doutons pas ; mille ennemis de notre patrie ,
mille ennemis de notre félicité commune vont intriguer ea
Tome XVII.
Y
( 330 )
tout sens , pour empêcher que nous ne mettions le sceau
notre bonheur. Ils ne peuvent avoir d'espoir , ces ennemis ,
que dans l'anarchie. Et comme ils sentent qu'elle n'existe
jamais mieux que dans l'absence d'un gouvernement stable ,
ils réunissent tons leurs efforts pour obtenir de vous la réjection
de votre constitution .
" On les entend déja dire par - tout qu'elle est vicieuse ,
imparfaite.
Imparfaite , citoyens ! Eh ! les ouvrages des hommes
réunissent- ils jamais une entiere perfection ? N'est - ce point
assez , pour juger un ouvrage , d'en examiner l'ensemble , et
de voir si les différens ressorts qui composent la machine ,
ne sont point de nature à s'obstruer les uns et les autres et
à gêner, son jeu .
Et dites- le-nous , si vous êtes de bonne - foi , cet ensemble
n'existe - t- il pas dans le projet de constitution soumis
à votre sanction ! Ne voyez vous point dans ce projet nae
juste division de pouvoirs et tout- à - la-fois l'exposé des principes
qui doivent fonder votre liberté , diriger la morale
publique vers le plus grand bien , et servir de bâse à une
législation sage?
Mais ce n'est point encore là tout ce que vos ennemis
mettent en avant. Ils crient au despotisme , à l'usurpation ,
parce qu'ils voient que nos législateurs ont conçu l'idée de
consolider eux -mêmes leur ouvrage , en restant en partie à
leur poste . Eh ! citoyens , y a- t- il usurpation , quand on
demande l'assentiment du souverain ? Est - ce sans votre permission
que vos représentans veulent continuer des fonctions
législatives ? Vous voyez bien le contraire ; car ils vous consultent
; car , quoique le bien public commande imperativement
cette mesure , ils ne veulent point la prendre sans
votre participation expresse .
• " Non , non citoyens , la malveillance seule dicte et
propage ces observations captieuses , dont l'unique but est
encore de vous traîner de révolations en révolutions , et de
vous replonger par conséquent dans un nouveau gouffre de
malheurs .
,, Mais , ô vous ! qui aimez l'ordre , la paix , la tranquil
lité de votre pays , vous ne vous laisserez point éblouir par
ces sophismes ; vous ne consulteres que l'intérêt de votre
patric , et votre plus grande gloire sera d'assurer sa prospérité.
,, Nous nous adressons aussi à vous , et principalement à
vous , patriotes purs , qui avez si courageusement soutenu la
révolution depuis son aurore ; réunissez - vous encore nous
vous en conjurons au nom du bien public , au nom de la
liberté qui toujours vous fat si chere , pour déjouer toutes
les trames que l'on ourdismit contre la patie , Si l'opinion
1
( 331 )
publique chancelle un instant , ramenez-la par la voie de la
persuasion et par votre influence républicaine. Si des malveillans
la corrompent ; alors , citoyens , alors reprenez votre
premiere énergie . La malveillance est un crime ; dans les
circonstances où nous nous trouvons , elle tient de près à la
conspiration ; et dès qu'elle existe , elle doit être à l'instant
réprimée par les tribunaux ; votre devoir est de l'y placer .
Le nôtre est de vous indiquer d'avance quels sont ceux sur
qui votre surveillance doit porter.
" Ainsi , s'il existe parmi vous des hommes dont le bannissement
est consacré à jamais par l'acte constitutionnel
défiez- vous de leurs insinuations perfides , de leurs trames
secrettes , surveillez specialement ces émigrés , dont la rentrée
n'est point autorisce par la loi ; il n'est point d'efforts
qu'ils ne feront pour renverser le gage de votre bonheur , et
vous replonger dans l'anarchie .
Nous ne vous parlerons pas des ministres des cultes . A
la vérité , ils essayent encore par fois de rallumer le flambeau
du fanatisme ; mais le moment est venu , où , convaincus
que leur repos est essentiellement inhérent à la marche
solide d'un gouvernement stable , ils exerceront eux- mêmes
leur influence pour maintenir la tranquillité dans l'état , et
l'union parmi tous les citoyens . Tel est notre espoir , tel est
notre væu.
1
1
en est tems enfin , citoyens , sachons tous nous rallier
aux doux sentimens de la fraternité ; élevons des temples
à la concorde ; que le calme de l'union soit sans cesse dans
nos ames , et n'aspirous qu'au bonheur de resserrer les liens
de la grande famille , par ceux d'une amitié constante et
reciproque. Ne formons tous qu'un peuple de désormais pour la liberté , l'égalité , pour
vivons
les vertus
sociales , pour la république française , une et indivisible . 9
Fait en séance publique du directoire du département du
Nord présens les citoyens Duhot , président ; Devinck--
Thiéry , Deketspotter , administrateurs ; Delaetre , substitut
du procureur général syndic , et Gauthier , secrétaire général.
A Douai , le 13 fructidor , l'an 3e, de la République Française
, une ét indivisible .
Villars , au nom du comité d'instruction publique , propose
la distribution d'une somme de 240,000 liv. , à titre
d'encouragement à divers savans , artistes et hommes de lettres .
Un membre dit qu'apparemment le comité à une planche aux
assignats pour être si généreux. Le projet est néanmoins adopté.
Nous ferons connaître les noms de ces citoyens dès qu'ils
seront imprimés.
Gamond , an nom du comité de salut public , présente un
projet de décret tendant à la suppression de la commission
des armes et poudres , et la répartition de ses diverses attri
( 332 )
butions entre les commissions des revenus nationaux , des
travaux publics et de la guerre . Il dit que les douze commissions
doivent être réduites à six départemens , et qu'il
faut préparer cette réduction à l'avance et peu à peu , afin
qu'elle soit moins sensible , et que la marche des affaires
n'en soit pas entravée . Il fait l'éloge de la commission des
armes . Le projet est adopté.
Lesage ( d'Eure et Loir ) prononce le discours pour lequel il
avait demandé la parole la veille , où il recherche les causes de
la dieette qui nous tourmente depuis long-tems . Il remonte jusqu'aux
premiers jours de la revolution ; d'Orléans fut seion
lui le premier qui fit usage de ce moyen desastreux pour
se frayer un chemin au trône , et qui fit naître les journées .
des 5 et 6 octobre . La loi du maximum , les requisitions , les
incarcérations , les dilapidations , tous ces fléaux ravagerent
ensuite la campagne et aggraverent nos maux , et les porterent
au terme où ils sont arrivés. Lesage propose ensuite des
remedes . Ils consistent en un recensement général des grains ,
l'approvisionnement des halles et marchés , et une police
intelligente et active à exercer sur cette partie du commerce .
On demande le renvoi du projet aux comités réunis . Il
est décrété.
Chénier La justice que vous avez rendue hier au général
Montesquiou ne me permet plus de différer de vous proposer
de la rendre également à un ami de la révolution ,
un philosophe que la postérité comptera au nombre des fondateurs
de la République Française , Talleyrand- Périgord ,
ancien évêque d'Autun . Patriote avant 1789 , et honoré de
la haine des tyrans et de leurs esclaves , il n'a point abandonné
la République et n'en est sorti que pour aller à Londres
remplir une mission ; et dans le tems qu'on le décrétait
ici d'accusation sans motif , et sans que le rapporteur en
ait jamais pu rédiger l'acte , il s'occupait à consolider la
République , et rédigeait un mémoire qui s'est trouvé dans
Jes papiers de Danton . Républicain par fierté d'ame et par
principes , la persécution de Pitt le décida , se rendre en
Amérique pour y jouir du spectacle d'un peuple libre , et
il y est encore .
Chénier demande pour lui la faculté de rentrér en France ,
at sa radiation de la liste des émigrés .
Brival l'appuie et rappelle que , dans l'Assemblée constituante
, Talleyrand oublia tous ses titres pour se ranger dans
le tiers - Etat , dont il défendit les droits avec courage .
Legendre ne veut pas qu'on rende un décret d'enthousiasme
, et propose le renvoi au comité de législation .
Boissy-d'Anglas dit que la justice ne s'ajourne pas . L'Assemblée
rapporte le décret d'accusation rendu contre Taldeyrand
, et adopte le projet de Chénier . Vifs applaudissemens .)
( 333 )
Boissy donne une seconde lecture du traité de paix con--
elu à Bâle entre la France et le landgrave de Hesse - Cassel .
La Convention en décrete la ratification .
Séance de nonidi , 19 Fructidor.
Lanjuinais lit une pétition des administrateurs du dépar
tement de Saône et Loire , tendante , à savoir si ceux qui n'ont
obtenu qu'une radiation provisoire de la liste des émigrés ,
seront admis à voter dans les assemblées primaires pour l'acceptation
de la constitution . Lanjninais pense que cette demande
ne doit souffrir aucune difficulté ; il propose l'affirmative' ,
mais plusieurs membres le combattent.
Guyomard : Les traitres du Midi , ceux qui ont livré
Toulon , seront donc admis à voter .
Legendre : Consultez la correspondance du comité de sûreté
générale , elle vous apprendra que les émigres inondent le
Midi . Je voudrais que Lanjuinais consultât plus son coeur que
sa tête . Ne faisons pas de loi générale qui favorise la rentrée des
émigrés . Après des débats bruyans , la proposition de Lanjuinais
est écartée . Mais sur la motion d'un membre , la Convention
décrete que les citoyens qui , pour se soustraire à la tyrannie ,
s'étaient enfuis ou cachés , et qui depuis le 9 thermidor ont
été nommés fonctionnaires publics , seront admis à voter
dans les assemblées primaires et électorales , quoiqu'ils ne
soient pas encore rayés définitivement de la liste des émi
grés.
Un pétitionnaire paraît à la barre. C'est un des vainqueurs
de Toulon ; il se plaint de ne pouvoir pas jouir d'une propriété
nationale qu'il a acquise , parce que l'émigré à qui elle
a appartenu la lui dispute .
Fréron en prend occasion de lire à l'Assemblée des ren
seignemens qu'il a reçus sur les départemens du Midi . Les
émigrés citent les acquéreurs de biens nationaux devant les
jages de paix . Les prêtres en ordonnent la restitution an nom
de Dieu , on sonne les cloches . Tous ceux qui ont servi sug
la flotte anglaise sont rentrés . Fréron ajoute qu'il ne faut pas
que la Convention se déguise sa situation . Il propose en conséquence
un projet de décret portant : 1 ° . Que ceux qui
ont livré Toulon et fui avec les Anglais , ne sont pas compris
ans le décret relatif aux fugitifs du 31 mai . 2 ° . Que les certificats
de résidence délivrés par les départemens du Var et des
Bouches - du- Rhône sont annullés . 3° . Que les acquéreurs des
biens nationaux seront maintenus dans leurs possessions.
Lanjainais dit que le décret que propose Frèron , est une
loi pénale qui doit être mûrie , et il en demande le renvoi
au comité de législation.
Tallien s'éleve avec force contre les trames qui s'ourdissent
de toutes parts pour perdre la Convention et la liberté . Us
Y 3
( 334 )
A
grande agitation se manifeste dans l'Assemblée . Cependant
le projet de Fréron est discuté et adopté avec quelques modifications
.
Thibaudeau demande que les juges qui ne rendront pas
justice aux acquéreurs expulsés , payent de leurs têtes leurs
prévarications. Decrété.
Sur la motion d'un membre , la Convention renvoie au
comite de legislation , pour presenter ses vues sur la ques
tion de savoir si des legataires auxquels on a donné l'usufruit
d'un domaine ou une rente viagere pour en tenir lieu ,
ne doivent pas profiter du benéfice de la loi qui porte que
les fermages et rentes foncieres seront payés moitié en assignats
valeur nominale , et moitié en grains d'après l'évaluation
de 1790.
Isabeau , au nom du comité de sûreté générale , annonce
an rapport sur la situation actuelle de la République . Les
émigrés et les prêtres réfractaires sont les deux plaies de .
l'état . Une assez longue discussion s'engage sur le mal qu'ils
font.
Cornillon demande l'arrestation de ces prêtres .”
Bailly dit qu'il ne faut pas généraliser la mesure .
Lanjuinais et Lariviere déclarent que c'est ainsi qu'on exas ,
pere les esprits et qu'on organise la guerre civile . La Con
vention termine ces débats en décrétant que les comités réunis
lui feront demain un rapport sur cet objet.
Liste des noms des savans et artistes qui viennent d'obtenir
des encouragemens.
La Convention nationale après avoir entendu le rapport de
son comité d'instruction publique , décrete : La trésorerie.
nationale tiendra à la disposition de la commission exécutive
d'instruction publique , une somme de deux cents quarantequatre
mille livres pour être réparti conformément à l'état cijoint.
PREMI CLASSE.
Trois mille livres à chacun des citoyens :
Abeille , homme de lettres ; Agus , compositeur de musique ;
Anquetil- Duperon , auteur de la Législation orientale ; Arnould
anteur de la Balance du commercé ; Charpentier , mécanicien ;
Desaudrais , membre du bureau de consultation des arts ;
Dewailly , architecte ; Doublet , chirurgien , dans la personne
de sa veuve ; Durival , anteur d'une Description de la Lorraine ;
Gawnvard , rédacteur de la Gazette salutaire ; Guy , mathematicien
; Guillard , auteur dramatique , Cayard ( la citoyenne )
peintre ; Hubert , graveur en taille-douce ; Labonne , auteur
´d'un ouvrage sur l'Education ; Lachaussiere , homme de lettres,
( 335 )
Laire,homme de lettres ; Lamettrie , physicien ; Laroumeguerre,
auteur d'un Essai sur la métaphysique ; Lasaigne , géographe ;
Lavallée , homme de lettres ; Leclere , dessinateur , à Lyon ;
Lemasson Legolf ( citoyenne ) artiste ; Lesuire , homme de
lettres ; Loaisel - Tréogate , auteur dramatique ; Lucas , conservateur
dn muséum de Toulouse ; Malherbe , historigraphe
des états de Languedoc ; Martini , musicien ; Montigny ,
musicien ; Malot , homme de lettres ; Nougaret , homme de
lettres ; Palombat , traducteur italien ; Pasumot , ingénieurgéographe
Picard , auteur dramatique ; Pingeron , homme
de lettres ; Ponteau musicien ; Plysieux ( la citoyenne ) auteur
de plusieurs Lettres ; Ranson , dessinateur aux Gobelins ;
Requier , traducteur ; Toutain , homme de lettres ; Vaillant
pere , rédacteur du Voyage de son fils chez les Caffres et les
Hottentots ; Vigée , homme de lettres ;
Cinquante-deux noms à 2,000 liv . , fait .... 104,000 liv.
s ;
Digard , professeur de mathématiques , à Orléans ; Ducreux
peintre , Darieu , auteur d'une Méthode élémentaire de musique s
Davillard , mathématicien ; Gérard ( Théodore ) , auteur da
Tableau social; Gibrat , géographe ; Gourdin , homme de
lettres ; Elirman ( de Strasbourg ) , homme de lettres ; Fénelon ,
dans la personne de ses nieces ; Fontane , homme de lettres
Gavigné , musicien ; Giroust , musicien ; Gonan (de Montpellier) ,
botaniste ; Hondon , scalpteur Lesure , ancien consul de
France ; Lebrun ( Ch. ), peintre , dans la personne de sa
petite-fille ; Pajou , sculpteur ; Peyron , peintre ; Rodolphe
masicien ; Roubo , architecte , dans la personne de sa veuve ;
Roucher , homme de lettres , dans la personne de sa veuve ;
Sabbathier ( de Châlons ) , homme de lettres .
Vengt-huit noms à 3,000 , fait..... 84,000 liv.
*
DEUXIME CLASS X.
Deux mille livres à chacun des citoyens :
༣ ན
Anselin , graveur ; Bertholon , professeur de physique expérimentale
, à Montpellier ; Blondin , professeur de langues
française et étrangeres ; Bonneville , homme de lettres ; Berruer,
sculpteur ; Caraccioli , homme de lettres ; Carbo Flins
homme de lettres , auteur du Réveil d'Epimenide ; Clodion
sculpteur ; Cordier-Desgranges , auteur de plusieurs ouvrages,
d'économie politique ; Defontaines , homme de lettres
Desgraces , ancien secrétaire de la ci- devant académie des
inscriptions et belles lettres ; Desodoards ( Fantin ) , continuateur
du président Hinault ; Desoria , peintre.
Douse noms 2,000 liv. , feit ......... 24.000 fiv
213 "T 7 Y
( 336 )
TROISIEME CLASSI.
Quinze cents livres à chacun des citoyens :
André , rédacteur de différens journaux ; Arnau , auteur de
Marius à Minturne ; Baillot ( Pierre ) , de Dijon ; Beaumier
( de Rennes ) , auteur d'un Tableau des moeurs du siecle ; Bertin
traducteur Brignieres , ancien ingénieur invalide ; Boisjolin´,
homme de lettres ; Castex , sculpteur; Charpentier - Longchamps ,
home de leitres ; Clary , homme de lettres ; Courtalon ,
auteur d'un Atlas d'Allemagne ; Duhamel , homme de lettres ;
Famin , professeur de physique ; Gadbled , mathématicien , dans
la personne de la citoyenne Riber , sa niece ; Goussu , grammairien
; Gilbal , homme de lettres ; Henriquet , graveur ; Lacombe,
auteur d'un Diionnaire du vieux langage , et dans la personne
de sa veuve ; Lambert , peintre d'histoire ; Laville- Léroux
( citoyenne ) , peintre , Lefebvre , auteur dramatique ; Marchai ,
peintre d'histoire ; Mercier ( de Compiegne ) homme de lettres ;
Messier , peintre d'histoire ; Miger , auteur de la Morale des
Orientaux ; Montjoie , peintre ; Paraud , traducteur de plusieurs
ouvrages ; Perny , astronome ; Porquet , homme de lettres ;
Prévôt , auteur dramatique ; Restout ? peintre ; Robert
( de Dijon ) , géographe : Rose , auteur d'Elémens de morale ;
Rosier ( Hubert ) , armurier , à Maubeuge , et ancien contrôleur
de la manufacture d'armes ; Serieys , homme de lettres ;
Soulaire , auteur de l'Histoire du Languedoc ; Touroude ,
mécanicien ; Viel , graveur.
Trente-huit noms à 1,500 liv . , fait ...
Le total fait ...
Séance de décadi 20 fructider.
1
57,000 liv .
244,000 liv .
Letourneur , au nom du comité de salut public , annonce
que les Piémontais s'efforcent tous les jours de profiter de
leur supériorité actuelle ; mais par-tout ils ne trouvent que
des défaites et de la honte . Applaudi ,
Un citoyen de la section du Théâtre-Français se plaint de
ce qu'on lui a refusé l'entrée de l'assemblée primaire de la
section , parce qu'il n'était pas muni d'une carte particuliere
qui a été distribuée pour exclure les citoyens désarmés . L'Assemblée
décrete que les cartes anciennes et nouvelles des sec- —
tions suffisent pour étre admis dans les assemblées primaires.
Fréron présente la rédaction du décret qu'il avait proposé
hier ; elle est adoptée . Nous la donneron .
Isabeau , organe des comités de sûreté générale et législa
tion , fait le rapport concernant les manoeuvres des prêtres
xéfractaires et des émigrés pour troubler l'ordre public , et
( 337 )
la Convention décrete que les lois précédemment rendues
contre eux seront exécutées . Les prêtres ont quinze jours pour
sortir , s'ils sont rentres ; ils sont bannis à perpétuité ; et s'ils
rentrent de nouveau , on les traitera comme émigrés. Trois
jours après la publication du présem décret , tous les ministres
des cultes qui , ayant refusé l'acte de sonmission exigé par la loi
du 11 prairial , on ayant ajouté des restrictions à cet acte ou l'ayant
rétracté, exerceront encore un culte quelconque dans les édifices
publics , ou dans les maisons particulieres , ou par- tout ail--
leurs , seront sur- le - champ arrêtés et conduits dans la maison
de détention d'un des départemens les plus voisins de celui
de leur domicile. Les propriétaires ou locataires des maisons
dans lesquelles le culte serait exercé , en contravention à l'article
précédent , seront condamnés à une amende de 1000 l ..
et en cas de récidive , à une détention de six mois , le tout
par forme de police correctionnelle et sans appel . Les juges
de paix informeront contre ceux des ministres des cultes qui
se permettraient des discours , des écrits , des actions contraires
aux lois de la République , on provoqueraient au rétablissement
de la royauté. Ils seront punis conformément
aux lois pénales .
La Convemion décrete en principe que les biens des prêtres,
déportés , dont la confiscation avait été prononcée par
les précédentes lois au profit de la République , seront restitués
à leurs familles.
Les comités doivent présenter incessamment un code complet
sur la police des cultes .
Sur la proposition d'un membre , la Convention renvoie à
son comité de législation , l'examen de la question de savoir ,
s'il ne convient pas de destituer les prêtres insermentis non
déportés , ainsi que les parens d'émigrés qui occupent des
fonctions publiques , ou de prendre à leur égard telle autre
mesure que la sûreté publique peut exiger.
Les habitans du département de Gemmapes , quoiqu'ils ne
soient pas encore citoyens français , ont accepté la constitution
, et manifesté le plus vif desir d'être régis par ses loir.
Un membre demande que les coclésiastiques connus sous
lá dénomination de prêtres assermentes , et qui n'ont pas
rétracté leur serment , continuent à être payés de leurs ' indemnités
. L'Assemblée passe à l'ordre du jour , motivé sur
l'existence des lois à cet sujet.
La discussion du projet de décret relatif au placement des
deux conseils du corps législatif et du directoire exécutif ,
est ajourné à tridi prochain .
( 338 )
1
Séance de primedi , 21 Fructidor.
Rédaction du décret rendu´ sur la proposition de Fréron , contre
les émigrés de Toulon rentrés sur le territoire français .
4 La Convention nationale décrete :
99 Art. Ier, Ceux qui , après avoir livré le port de Toulon
aux Anglais , incendie neuf vaisseaux de ligne et une partie
das magasins de l'arsenal , proclamé Louis XVII , combattu
pendant quatre mois de siége contre les troupes de la Répu
blique , se sont retirés sur l'escadre anglaise , et qui seraient
rentrés sur le territoire français.
Ne sont point compris dans les dispositions du décret
en faveur des citoyens qui ont quitté leur patrie par suite.
des événemens du 31 mai .
tels.
Ils sont déclarés émigrés et seront poursuivis comme
II. Sont pareillement déclarés émigrés ceux qui , depuis
le 28 août 1793 ( vieux style ) , jour où Toulon a été livré
aux Anglais , jusqu'au 18 frimaire de la ge . année républi- '|
caine , jour de sa reddition , s'y sont réfugiés , y ont pris les
armes pour les puissances coalisées ou y ont exercé des
fonctions au nom de Louis XVII , et qui se seraient également
zetirés sur l'escadre anglaise.
จ
III. Les autorités constituées du département du Var et
de tous les départemens , sont tenues , sous leur responsabilité
de réintégrer et maintenir dans les domaines nationaux
qu'ils out acquis , les citoyens qui en auraient été dépossédés
par menaces ou violences de la part desdits émigrés . Toutes ·
poursuites intentées ou tout jugement rendu à ce sujet , sont
cassés par le présent décret .
" IV. Tous arrêtés des représentans du peuple , tendant å
favoriser la rentrée desdits émigrés dans les départemens méridionaux
et de tous les autres départemens de la République,
sont annullés ; ceux qui ies auraient obtenus sont tenus d'éva
euer le territoire de la République dans le délai de trois
jours , après la publication du présent décret.
" V. Le présent décret sera envoyé dans les départemens
méridionaux par des couriers extraordinaires . "
Des militaires qui se trouvent à Paris demandent à voter
dans les assemblées primaires des sections de cette commune.
Aubry s'étonne que des militaires non employés ne soient
pas , aux termes des lois , rentrés dans leurs communes. Leur
pétition est renvoyée au comité de salut public.
Colombel , au nom du comité de sûreté générale : Nous
ne pouvons vous dissimuler que la malveillance emploie toutes
sortes de manoeuvres pour agiter cette commune . Pour vous,
en convaincre , il safira de vous dire que l'assemblée pri
( 339 )
maire de la section Lepelletier , vient de prendre un arrêté
qu'elle a fait afficher et qu'elle a envoyé aux 47 ' autres' secados
tions , et qui est ainsi conçu :
Les citoyens de la section Lepelletier , rénnis en assemblée
primaire , ont arrêté et arrêtent d'adopter pour eux , et de
communiquer aux quarante - sept autres assemblées primaires
de Paris , l'acte de garantie qui suit :
Les citoyens de Paris , réunis en assemblées primaires .
considérant qu'à l'instant où un peuple ressaisit les droits de
la souveraineté dont il avait été dépouillé par une longue
tyrannie , le premier devoir de chacun envers tous , est d'émettre
, sans aucune espece de crainte , son opinion sur les
moyens de salut public , et que le premier devoir de tous envers
chacun , est de lui garantir de toutes leurs forces morales et
physiques , ce droit imprescriptible et inviolable de la liberté
la plus absolue d'opinion .
Considérant
que le peuple assemblé pour délibérer sur
ses lois et son gouvernement , ne peut et ne doit être influencé
par aucune espece d'autorité ; que les pouvoirs (dem
tout corps constituant cessent en sa présence ; qu'attaquer en.”
quelque tems que ce soit un seul citoyen pour son opinion ,
c'est un attentat à la souveraineté du peuple .
* Considérant que tout droit est dérisoire et inutile , s'il n'est ?
garanti par tous envers chacun ; qu'une expérience faneste ! a
trop appris avec quelle impudeur les tyrans savent se jouer
de l'honneur , de la liberté et de la vie des citoyens ; que
tous les crimes qui ont ensanglanté le sol français depuis les
journées de septembre 1798 , sont dus en partie à la mollesse
des gouvernés , qui se sont trop légerement confiés à la vertu
de gouvernans , et qu'ils résultent sur tout de l'isolement
où chacun s'est placé dans la fausse espérance d'échapper aus
coup qui frappait son voisin ..
Considérant enfin que le premier besoin de tout homme
en société est la sûreté de sa personne .
Ont arrêté et arrêtent ce qui suit :
Tout citoyen a droit d'émettre librement son¹ opinion sur
la constitution présentée à l'acceptation du peuple , comme à
l'égard du décret du 5 fructidor , concernant la réélection de
cinq cents des membres de la Convention , et généralement
sur toutes les mesures de salut públic .
A cet effet , chaque citoyen en particulier , et tous les
citoyens de Paris , en général , sont placés sous la sauve- garde
spéciale et immédiate de leurs assemblées primaires et respec
tives , et des 47 autres assemblées primaires de cette cité .
Arrêtent en outre que le présent sera imprimé et affiché.
Pour extrait conforme , signés , GERARD DE BURY , président.
SAINT-JULIEN , secrétaire.
Il y a des principes vrais dans cet arrêté , dit le rappor
( 340 )
teur , mais il renferme aussi une maxime dangereuse . On dit
que devant le peuple assemblé , tout ponvoir constituant cesse .
Rien de plus vrai si le peuple pouvait se réunir en masse
dans une seule commune .
Colombel propose à l'Assemblée de se déclarer permapente
.
Isabeau est d'avis qu'il soit fait une adresse au peuple pour
l'éclairer.
Thibeaudeau pense qu'il ne faut pas ouvrir un procès entre
elle et une section .
Tallien demande une séance extraordinaire pour le soir , et
annonce qu'il réserve son énergie pour les circonstances graves
les patriotes vont peut- être se trouver,
Bailleul déclare que les assemblées primaires déliberent avec
calme ei tranquillité.
Chenier appuie la motion de Tallien . Elle est décrétée .
Une députation de l'armée du Nord et de celle de Sambre .
et Meuse , apporte , le procès - verbal de son acceptation de la
constitution ; elie demande la permission d'aller fraterniser
avec le camp sous Paris .
Tallien : Cette demande contraste avec les efforts de ceux
qui veulent non pas fraterniser , mais corrompre. Au surplus ,
si l'on conspire contre la Conventio , tremblez ennemis de
la chose publique , nous conspirerous contre vous .
PARIS. Quartidi , 24 Fructidor, 3 ° . année de la République.
Les assemblées primaires ont été ouvertes décadì. La premiere
seance , consacrée à l'organisation des bureaux , a
été parfaitement calme . La discussion s'est ouverte le lendedemain
sur le décret adjoint à l'acte constitutionnel . Les dispositions
qu'il contient ont été vigoureusement combattus
dans la plupart des sections. Dans celle du Théâtre- Français ,
l'adresse de la Gonvention a de plus été critiquée avec une
sagacité d'analyse et une chaleur d'expression qui ont attiré
à l'orateur les plus vifs applaudissemens .
Cette assemblée , ainsi que plusieurs autres , se sont déclarées
permanentes jusqu'au moment de l'installation du corps législatif.
Quelques- unes ont décidé qu'elles ne s'assujettiraient
point au terme fixé pour leurs opérations . Sur l'avis de l'assemblée
de la section Lepelletier , la plupart out arrêté et proclamé
un acte tendant à garantir à tout eitoyen le droit d'exprimer
librement , sans aucun danger actuel , ni à venir , sa
pensée sur les questions politiques .
On pourrait dire en effet que tous les citoyens expriment ,
comme ils en ont le droit sans l'intervention de cet acte ,
' ers sentimens avec autant de liberté que d'énergie , si ceux
draient exposer des opinions opposées à celles qui
-( 341 )
paraissent l'emporter n'étaient pas faccueillis avec la plus
grande défaveur , et quelquefois menacés d'être chassés ( 1 ) .
Mais cette exaspération qui déterminait l'ascendant d un parti
sur l'autre , dans des circonstances semblables , exerce aujour
d'hui la même influence , et comme alors par le secours puissant
du fanatisme politique .
La phrase de Jean -Jacques Rousseau , dont nous , avons réfuté
l'interprétation dangereuse dans notre avant dernier numéro
, n'a été que trop goûtée ; ellè retentit dans toutes les
assemblées , et ce que n'avait point songé à admettre le délire
de souveraineté qui égara si long - tems ceux qu'on appellait
sans -culottes , a été saisi avec un empressement extraordinaire ,
même par des hommes éclairés . Certes , ceux qui ont mis si
à propos cette maxime en avant , étaient bien sûrs de l'impression
rapide qu'elle devait produire on persuade si aisément
ce qui flatte l'amour- propre ! Aussi , de toutes parts on
entend les citoyens instruits , comme les plus ignorans , répéter
, avec l'air de la plus intime conviction : 6 Il n'y a plus
99 de gouvernement ; la Convention n'est plus rien ; elle ne peut
99 plus faire aucuns décrets . "
Cette derniere assertion paraîtrait moins ridicule sans donte ,
si l'état des choses était assez calme , si les moeurs et les
lumieres avaient fait parmi nous assez de progrès pour que
l'autorité législatice pût demeurer un moment passive devant
les délibérations du peuple ; mais dire Il n'y a plus de gouvernement.....
Que faut- il penser , lorsque des principes aussi
erronés sont pourtant soutenus par ceux - là même qui ent
justement déploré les égaremens de l'ignorance populaire !
D'après de semblables dispositions , il est aisé de concevoir
comment la plupart des assemblées primaires ont cru pouvoir
établir entr'elles l'influence des communications , qui avaient
si bien réussi du tems de Robespierre , et ont ainsi abusé ,
au lieu de profiter des leçons de l'expétience . Plusieurs même,
onbliant l'objet réel et les limites dans lesquelles les circonscrit
l'exercice de leur portion de souveraineté , ont arrêté
communiquer avec les autres communes de la République ,
ainsi qu'avec les armées . Il y a eu aussi des propositions de
chasser la Convention nationale , d'établir à sa place une
commission.exécutive , etc. etc.
( 1 ) Nous pouvons attester qu'au moment même où l'on àrrêtait
l'acte de garantie , de bons et très - purs citoyens étaient
obligés de prendre l'attitude la plus suppliante d'employer les
tournures les plus souples et les plus adroites pour pouvoir
être entendus quelques instans . Dans la section du Théâtre-
Français , le censeur de l'adresse de la Convention osa proposer
qu'on n'entendît que ceux qui parleraient contre le décret.
Cette motion a été rejettée.
( 842 )
K
Nous pourrions publier comme d'autres que les réunions
politiques de cette ville sont graves , majestueuses et qu'il y
regne la plus parfaite harmonie ; mais nous voulons être vrais ,
nous devons faire connaitre en conséquence de quel espris
elles ont paru animées ; ce n'est pas qu'elles offrent par-tout
le même degré d'exasperation . Quelques- unes ou même donné
l'exemple de la sagesse , plus convenable à l'exercice de la souveraineté
que cette énergie vantée dans quelques feuilles . Nous
devons encore rendre justice au courage de quelques patriotes
qui , dans plusieurs sections , ont fait entendre le langage de
la raison , et par une perseverance vraiment civique , ont
Burmonté l'effervescence genérale , brave les menaces individuelies
, et sont parvenus à faire rejetter les propositions les
plus dangereuses . Combien d'hommes sages , mais décourages
par cette prevonios despotique qui passe pour énègie , et
qui réduisit tant de fois la raison au silence , n'ont pas la
force d'élever la voix , tenuent les meilleures objections
secrettes , et entraînés à leur insu par une majorité factice ,
concourrent à un résultat contradictoire à leur propre pensée !
Pendant le regne des demagogues , celui qui , ramenaut
les vérités politiques à leur véritable point , otait s'exprimer
ainsi : « C'est la collection entiere des citoyens français qui
compose le peuple souverain ; ne pouvant se rassembler
tops en un même lieu , ils sont bien obligés de se former
» en reunious partielles . Ces réunions , appellées assemblées
" primaires , ne sout absolument que des fractions de la sou
39 veraineté . Il ne peut jamais résulter d'une ou de plusieurs
a de ces assemblées aucune décision politique. La volonté
" générale et souveraine n'a d'existence qu'au moment où
toutes les décisions particulieres recensées et comparees ont
" établi une majorité entre elles . Alors seulement il y a une
• volonté reconnue ; alors seulement elle peut prendre un
99 caractere positif, et devenir une volonté imperative. » Celui .
là , dis-je , qui osait exposer cette verité incontestable n'était
pas entendu , et on le tatait d'ennemi du peuple.
Aujourd'hui , que ll''oonn expose les mêmes principes , ´en y
ajoutent les réflexions suivantes : 6 Quand la volonté sou-
99 veraine est cousultée, sur la constitution et sur un décret
qui y est joint , une assemblée primaire seule qui n'est pas
" le souverain s'en sépare , et n'exerce plus sa porcion de sou- 、
» veraineté lorsqu'elle s'occupe individuellement d'une
chose sur laquelle le souverain n'est pas consulté ; les
9 décisions qu'elle prend ne sont plus que des acies particuliers
, sur lesquels les mandataires du peuple auront
9 à prouoncer. Toute manoeuvre ayant pour but de dé-
91 tourner les autres assemblées de leur objet direct ; toutes
• démarches et tentatives de communication , d'influence , de
s coalition , sont contraires à l'ordre public , à la justice et à
», la liberté qui entrent »
mens de la souveraif
( 343 )
*
99 neté du peuple . 99 Ce langage serait-il mieux compris ? Oni ,
sans doute , car il frapperait des oreilles plus instruites
cependant des voix s'écrieraient qu'il anéantit les droits do
peuple souverain , et l'impression de l'amour propre public
l'emporterait sur la raison publique . Il n'en est pas mone
vrai , que violer les lois essentielles du systême représentatif ,
transformer en démocratie absolue la République réprésenta
tive , par la nature même des choses , par l'étendue de son
territoire et l'immensité de sa population , ce serait réduire
l'anarchie en principes , et les conseils qui renchérissent sur
les folies du sans-culottisme le plus outré , doivent inspirer
plus d'inquiétudes que de confiance à ceux qui soupirent après
le retour de la tranquillité intérieure , et ne veulent plus de
3
révolutions .
du Noyens
composant
l'assemblée
primaire
de la section
ont arrête que les lois et tous ordres qui seraient
adressés soit à son comité civil , soit à l'état-major , seront
communiqués avant tout à l'assemblée primaire , qui prendra
sur ces actes le parti que lui dictera sa prudence .
Plusieurs autres sections out adhéré à cette décision .
Le 22 au soir , la section Lepelletier a donné une explication
à son arrêté , par lequel elle avait nommé des commissaires
pour former un comité central . I résulte de cette
explication que , si ce comite central pouvait devenir un centre
d'insurrection , comme cela est déjà arrivé , ce n'était nullement
le but de l'arrêté . Il ne s'agissait , déclare la section Lepelletier
, que de procéder à la redaction d'une adresse , pour
repousser les calomnies dirigées contre Paris .
ا ر
Le décret du 5 fructidor et celui additionnel de la nuit da
21 au 29 ont été rejettes par le plus grand nombre des 48 assemblées
primaires.
Articles du traité de paix entre la République Française et le
Landgrave de Hesse- Cassel , passé à Basle le 11 fructider ,
T'an 3. de la République Française.
Art . Ier. Il y aura paix , amitié et bonne intelligence entre
la République Française et le landgrave de Hesse- Čassel .
,, II. En conséquence , toutes hostilités entre les deux par
ties contractantes cesseront à compter de l'échange des ratifications
du présent traité , et aucunes d'elles ne pourra à
compter de la même époque , fournir contre l'autre , en quelque
qualité et à quelque titre que ce soit , aucun secours ni
contingent , soit en hommes , en chevaux , vivres , argent ,
munitions de guerre ou autrement.
,, III. Le landgrave de Hessé- Cassel ne pourra , tant qu'il
y aura guerre entre la République Française et l'Angleterre
ni proroger , ni renouveller les deux traités de subsides exise
tans entre lui e l'Angleterre.
( 344 )
Cette disposition aura son effet à compter du jour de la
date du présent traité ,
IV. Le landgrave se conformera strictement , à l'égard du
passage de troupes quelconques par ses états , aux dispositions
stipulées dans la convention conclue à Basle le 28 floréal dernier
( 17 mai 1795 ) , entre la République Française et le roi
de Prusse.
" V. La République Française continuera d'occuper la forteresse
de Rhinfels , la ville de Saint - Goar et la partie du
comté de Catzenellenbogen , située sur la rive gauche du Rhin.
Tout arrangement définitif à l'égard de ces pays sera senvoyé
jusqu'à la pacification entre la République Française et les parties
de l'Allemagne encore en guerre avec elle.
" VI . Toutes les communications et relations commerciales
seront rétablies entre la France et les états du landgrave de
Hesse-Cassel sur le pied où elles étaient avant la guerre
actuelle .
,, VII. Il sera accordé respectivement aux gouvernemens et
individus des deux nations , la ' main - levée des effets , revenus
on biens de quelque genre qu'ils soient , détenus , saisis ou
confisqués , à cause de la guerre qui a eu lieu entre la France
et la Hesse , de même qu'une prompte justice à l'égard des
créances quelconques qu'ils pourraient avoir dans les états des
parties contractantes .
99 VIII . Tous les prisonniers faits respectivement depuis le
commencement de la guerre , sans égard à la différence da
nombre et des grades , seront rendus , dans l'espace de deux
mois au plutard , après l'échange des ratifications du présent
raité , sans répétition quelconque , en payant toutefois les
dettes particulieres qu'ils pourraient avoir contractées pendant
leur captivité . On en usera de même à l'égard des malades et
blessés , d'abord après leur guérison .
" Il sera incessamment nommé de part et d'autre des commissaires
pour procéder à l'exécution du présent article , dont
les dispositions ne pourront être appliquées aux troupes hessoises
au service de l'Angleterre faites prisonnieres de guerre.
,, IX. Le présent traité n'aura son effet qu'après avoir été
ratifié par les parties contractantes , et les ratifications seront
échangées en cette ville de Basle dans le terme d'un mois , ou
plutôt s'il est possible , à compter de ce jour.
En foi de quoi , nous soussignés plénipotentiaires de la
RépubliqueFrançaise et de son altesse sérénissime le landgrave
de Hesse-Cassel , en vertu de nos pouvoirs avons signé le présent
traité de paix , et y avons fait apposer nos sceaux respectifs
. "
Fait à Basle le onzieme du mois de fructidor de l'an troisieme
de la République Française ( 28 août 1795 ) .
Signés , FRANÇOIS BARTHÉLEMY ; FRÉDÉRIC- SICISMOND , baren DE
WEITZ D'ESCHEN.
Jen. 135.
( No. 72.- )
MERCURE
FRANÇAIS.
DÉCADI 30 FRUCTIDOR , l'an troisieme de la République.
( Mercredi 16 Septembre 1795 , vieux style . ) .
LITTERATURE HISTOIRE.
Suite du Voyage à Montbarten 1785, par HERAULT- SECHELLE .
JE reprends la journée de Buffon. A neuf heures , on
lui apporte à déjeûner dans son cabinet , où quelque
fois il le prend en s'habillant , Ce déjeûner est composé
de deux verres de vin et d'un morceau de pain ,
il travaille ensuite jusqu'à une ou deux heures. Il revient
alors dans sa maison . Il dine , il aime à dîner long - tems ;
c'est à dîner qu'il met son esprit et son génie de côté ;
là , il s'abandonne à toutes les gaietés , à toutes les
folies qui lui passent par la tête . Son grand plaisir est
de dire des polissonneries , d'autant plus plaisantes qu'il
reste toujours dans le calme de son caractere , que son
rire , sa vieillesse forment un contraste piquant avec le
sérieux et la gravité qui lui sont naturelles et ces plaisanteries
sont souvent si fortes que les femmes sont
obligées de déserter . En général , la conversation de
Buffon est très - negligée ( 1) . On le lui a dit , et il a rés
"
( 1 ) Sa maniere est ordinairement pen de suite ; ibaine mienx
les conversations coupées. Il est une raison de cette maniere
de converser que l'on peut alléguer en faveur des gens de
lettres . Premierement , ils n'ont plus , comme autrefois , cette
habitude qu'avaient les philosophes de converser sons des
platanes avec leurs disciples , et de rendre compte de leurs
idées . En second lie , leurs idées sont bien plus combinées
et plus réfléchies que celles des philosophes antiens . On a
besoin de pensées neuves ; le lecteur et les auditeurs le demandent
, l'homme de génie inexorable pour lui m me , ne se
permet donc qu'un petit nombre de phrases qu'il place de
tems à autre dans sa conversation , à moins qu'il ne soit frappé ,
entraîné par l'attrait de quelque vue soudaine qui le domine ,
et dont il ne puisse éluder l'ascendant. de arba Soeding gea
Tome XVII. Z
( 346 )
pondu que c'était le moment de son repos , et qu'il im
portait peu que ses paroies fussent soignées ou non.
Ce n'est pas qu'il ne dise d'excellentes choses , quand
on le met sur l'article du style ou sur l'histoire naturelle
; il est encore très - intéressant quand il parle de
lui , il en parle souvent avec de grands éloges . Pour
moi , qui ai été témoin de ses discours , je vous assure
que loin d en être choque j'y trouve du plaisir. Ce n'est
point orgueil , ce n'est point vanité ; c'est sa conscience
que l'on entend , il se sent , et se rend justice . Consentons
donc quelquefois d'avoir de grands hommes à ce
prix ; tout homme qui n'aurait pas le sentiment de ses
forces ne serait pas fort. N'exigeons pas des êtres supérieurs
une modestie qui ne pourrait être que fausse. Il y
a peut-être plus d esprit et d'adresse à cacher , à voiler
son mérite ; il y a plus de bonhomie et d'intérêt à le
montrer.
*
2
Au reste , il ne se loue pas , il se juge ; il se juge
eomme fera la postérité , avec cette différence qu'un auteur
a plus que qui ce soit le secret de ses productions.
Il me disait : Japprends tous les jours à écrire ; il y
a , dans mes derniers ouvrages infiniment plus de per
fection que dans les premiers . Souvent je me fais
relire mes ouvrages , et je trouve alors des idées que
je changerai , ou auxquelles j'ajouterai . Il est d'autres
morceaux que je ne ferais pas mieux. Cette bonne
foi a quelque chose de précieux , d'original , d'antique
et de séduisant. On peut d'ailleurs s'en rapporter à
M. de Buffon , personne n'est plus sévere que lui sur le
style , sur la précision des idées qu'il regarde comme
Je premier caractere du grand écrivain , sur la justesse
et fa correspondance exacte des contrastes que les idées
demandent entre elles pour se faire valoir , ou des développemens
qu'elles exigent pour se manifester. Je
lui ai entendu discuter des pages entieres , avec une raison
, un sens admirable ; mais en même tems avec un
sens inexorable. J'ai été obligé , me disait - il , de
" prendre tous les tons dans mon ouvrage ; il importe,
de savoir à quel degré de l'échelle il faut monter.
Par une suite naturelle , il exige dans un auteur de la
bonne foi , de la bienséance dans la suite de ses opinions,
et sur-tout qu'il soit conséquent. Il ne pardonne
pas à Rousseau ses contradictions ; ainsi , l'on peut dire
qu'il calcule sa phrase et sa pensée comme il calcule
tout ; qualité remarquable qui a pu maître de ses com(
347 )
naissances dans les mathématiques , et de l'habitude da
les expliquer. Il m'a dit qu'il les avait étudiées avec soin
et de bonne heure ; d'abord , dans les écrits d'Euclide
et ensuite dans ceux du marquis de l'Hôpital ; à 20 ans 、
il avait découvert le binome de Newton , sans savoir qu il
eût été trouvé par Newton , et cet homme si vain në l'a
imprimé nulle part , j'étais bien aise d'en savoir la raison.
C'est , me répondit- il , que personne n'est obligé
", de m'en croire . Il y a donc cette différence entre
sa vanité et celle des autres , que la sienne a fait ses
preuves , si l'on peut s exprimer ainsi. Cette différence
vient de la trempe de son ame ; ame droite , qui veut
par- tout la bonne foi , et proscrit 1 inconséquence .
Il me disait , en parlant de Rousseau : (6 Je l'aimais
assez ; mais lorsque j'ai vu ses confessions , j'ai cesse
de l'estimer. Son ame m'a révolté ; et il m'est arrivé
" pour Jean-Jacques le contraire de ce qui arrive ordi-
" nairement. Après sa mort , j ai commencé à le méses-
" timer. " Jugement sévere , je dirai même injuste , car
j'avoue que les confessions de Jean -Jacques n'ont pas
produit sur moi cet effet , et cependant j'ose penser
que je suis tout aussi susceptible qu'un autre de l'indignation
qu'excite la malhonnêteté . Mais il se pourrait
que M. de Buffon n'eût pas dans son coeur l'élément
par lequel on doit juger Rousseau ; je serais tenté de
croire que la nature ne lui a pas donné le genre de
sensibilité nécessaire pour connaître le charme , ou plu-
-
cette
existence
tôt le piquant de cette vie errante , de
abandonnée au hasard et aux passions . Cette sévérité ,
ou plutôt ce défaut qui se trouve peut- être dans l'ame
de M. de Buffon , en annonce , sous un autre rapport
la beauté et même la simplicité. Aussi , par une suite
naturelle , il est facile à tromper , quel que soit lördre
extrême qu'il met dans ses affaires , et on vient d en
avoir la preuve .
Il y a un an que le directeur de ses forges lui a fait
perdre 120,000 liv . M. de Buffon , depuis trois ans , avait
consenti à n'en être pas payé , et s'était abandonné à
tous les prétextes et tous les subterfuges dont la fraude
se colorait. Heureusement cet événement n'a point
altéré sa sérénité , ni influé en rien sur sa dépense et sur
l'état qu'il en tient : il a dit à son fils Je n'en suis
,, fâché que pour vous , je voulais vous acheter une
terre , et il faudra que je differe encore quelque
» tems . " , Il a toujours une année de son revenu devans
Za
( 348 )
•
lui. On croit qu'il a cinquante mille écus de rentes :
ses forges ont dû beaucoup l'enrichir. Il en sortait tous
les ans huit cents milliers de fer ; mais il y a fait d'un
autre côté des dépenses énormes . Cet établissement
considérable lui à coûté cent mille écus à créer; elles
languissent aujourd'hui à cause du procès qu'il a avec
ce directeur, Mais lorsqu'elles sont en activité , onny
compte quatie cents ouvriers .
Il n'est pas étonnant que M. de Buffon , avec une ame
aussi simple , croie tout ce qu'on lui dit'; il y a plus ,
il aime à écouter les rapports et les propos. Ce grand
homme est quelquefois un peu commere ; du moins
une heure par jour , il en faut convenit. Pendant le
tems de sa toilette , il se fait raconter , par son perruquier
et par ses gens , tout ce qui se passe dahs Montbart
, toutes les histoires de sa maison. Quoiqu'il paraisse
livré à ses hautés pensées . personne ne sait mieux
que lui les petits événemens qui l'entouren . Cela tient
aussi peut-être au goût qu'il a eu toujours pour les
femmes , ou plutôt pour les petites filles ; il aime la
ohronique scandaleuse ; et se faire instruire de cette
chronique dans un petit pays , c'est en apprendre presque
toute l'histoire.
Cette habitude de petites filles , ou bien aussi la
crainte d'être gouverné , a fait aussi qu'il a mis toute
sa confiance dans une paysanne de Montbart , qu'il a
érigée en gouvernante , et qui a fini par le gouverner ;
elie se nomme mademoiselle Blesseau : c'est une bille
de 40 ans , bien faite , et qui a dû être assez jolie . Elle
est depuis près de 20 ans auprès de M. de Buffon . Elle
le soigne avec beaucoup de zele . Elle participe à l'ad
ministration de sa maison , et , comme il arrive en påreil
cas , elle est détestée des gens . Ils racontent que
son tempérament et sa santé sont usés , parce que
M. de Buffon lui a souvent donné des drogues pour
- éluder la fécondité . Madame de Buffon , moite depuis
beaucoup d'années , n aimait pas non plus cette fille ;
elle adorait son mari , et l'on prétend qu'elle en était
d'une jalousie extrême . Mademoiselle Blesseau n'est pas
la seule qui commande à ce grand homme.
Il est un autre original qui partage l'empire , c'est un
capucin il se nomme le pere Ignace. Je veux m'arrêter
un instant sur l'histoire d'Ignace Prouzot , né à Dijon. Ce
moine possede éminemment l'art , précieux dans son
ordre , de se faire donner , si bien que celui qui donne
( 349 )
semble devoir lui en être bien obligé. Ne me donne pas
qui veut , dit souvent le pete Ignace . Avec ce talent. il
est parvenu à faire rebâtir la capucinière de Sémur. Ge;
mérité est assez ordinairement celui des gens d'église .
J'ai vu un curé , rival d'Ignace , dans ce genie de guenserie
; il ensorcelait de vieilles femmes , aupoint qu'elles
se croyaient trop heureuses de lui donner ce qu'elles
avaient , et souvent plus qu'elles n'avaient . Les gens
d'un caractere semblable ont aussi de l'intelligence , Ils
aiment à se mêler , ils ont de l'exactitude pour les affaires
et pour les commissions ; l'activité ne leur est pas étran
gere ; ils sont aussi attentifs à ne pas déplaire aux la
quais , parce qu'ils ont besoin de se faire pardonner
les profits qu'ils leur dérobent , qu'à plaire aux maîtres
dont ils s'occupent à capter les faveurs : tel est Ignace….…
Si vous voulez vous faire une idée de sa personne
vous vous représenterez un gros homme à tête ronde ,
à - peu-près semblable à un masque d'Arlequin de la comédie
italienne , et cette comparaison me paraît d'au .
tant plus juste , qu'il parle précisément comme parlait
Carlin . Meme accent , même patelinage . C'est à ce lévérend
pere , curé de Buffon , village à deux lieues de
Montbait , que M. de Buffon abandonne une grande
partie de sa confiance , et même sa conscience , sil suf
fisait de s'en rapporter à l'extérieur . En effet , Ignace est
le confesseur de M. de Buffon , il est tout chez lui , il
sintitule Capucin de M. de Buffon . Il vous dira , quand
vous voudrez , qu'un jour M. de Buffon le mena à l'académie
française , qu'il y attira tous les regards , qu'on
le plaça dans un fauteuil des quarante , que M. de
Buffon , après avoir prononcé le discours , le ramena
dans sa voiture aux yeux de tout le public , qui n'avait
des yeux que pour lui. M. de Buffon la citée comme
son ami dans l'article du Serin , il est aussi son laquais ;
je l'ai vu le suivre en promenade , tout en clopinant derriere
lui , parce qu'il est boîteux , ce qui faisait un ta
bleau à peindre , tandis que l'auteur de l'Histoire Naturelle
marchait fierement , la tête haute ,, le chapeau en
Fair , toujours seul , daignant à peine regarder Li terre
absorbé dans ses pensées , semblable à l'homme qu'il a
dépeint dans son histoire de l'Homme , sans doute d'après
lui- même , tenant une canne dans sa main droite , et
appuyant avec majesté l'autre main sur sa hanche
gauche . Je l'ai vu , lorsque les valets étaient, absens ,
êter la serviette à son maître et la petite table sur
22
Z3
( 350 )
laquelle il venait de diner. Buffon lui repondait : Je
e remercie mon cher enfant ; et Ignace , prenant une humble
attitude , avait l'air plus domestique que les domestiques
eux - mêmes .
Ce même Ignace , capucin-laquais , est encore le la quais
confesseur de M. de Buffon . Il m'a conté qu'il y a So ans ,
T'auteur des Epoques de la Nature , sachant qu il prêchait
un carême à Montbart , le fit venir au teins de Pâques ,
et se fit confesser par lui dans son laboratoire ,
dans ce
même lieu où il développait le matérialisme ; dans ce
même lieu où fean-Jacques devait venir , quelques années
après , baiseriespectueusement le seuil de la porte . Ignace
me contait que M. de Buffon , en se soumettant à cette célé
monie , avait reculé d'un moment , effet de la faiblesse
humaine , ajoute - t- il , et qu'il avait voulu
faire confesser son valet- de - chambre avant lui . Tout
ce que je viens de dire vous étonne peut - être . Qui ,
Buffon , lorsqu'il est à Montbart , communie à Pâques ,
tous les ans , dans la chapelle seigneuriale ; tous les dimanches
, il va à la grand'messe , pendant laquelle il
sort quelquefois pour se promener dans les jardins qui
sont auprès et revient se montrer aux endroits inté
ressans . Tous les dimanches , il donne la valeur d'un
louis aux différentes quêteuses.
C'est dans cette chapelle qu'est enterrée sa femme ,
femme charmante , qu'il a épousée à 45 ans par inclination
, et dont il a toujours été adoré , malgré les nombreuses
infidélités qu'il lui faisait . Elle était reléguée
dans un couvent de Montbart ; de bonne naissance ,
mais sans fortune , il lui fit.la cour pendant deux ans , )
et au bout de ce tems il l'épousa malgré son pere qui'
vivait encore , et qui étant ruiné s'opposait au mariage
de son fils par des vues d'intérêt . Elle se nommait mademoiselle
de Saint- Blin .
Je tiens de M. de Buffon qu'il a pour principe de
respecter la religion , qu'il en fut une au peuple , que
dans les petites villes on est observé de tout le monde.
et qu'il ne faut choquer personne . « Je suis persuadé
me disait - il , que dans vos discours vous avez soin
de ne rien avancer qui puisse être remarqué à cet
,, égard. J'ai toujours eu la même attention dans mes
livres ; je ne les ai fait paraître que les úns après les ·
autres,, afin que les hommes ordinaires ne pussent
pas saisir la chaîne de mes idées . J'ai toujours nommé
2 le créateur ; mais il n'y a qu'à ôter ce mot , et mettre
( 351 )
» mentalement à la place , la puissance de la nature qui
» résulte des deux grandes lois , l'attraction et l'impulsion.
Quand la Sorbonne m'a fait des chicanes , je
n'ai fait aucune difficulté de lui donner toutes les
satisfactions qu'elle a pu desirer ; ce n'est qu'un per-
» sifflage , mais les hommes sont assez sots pour s'en
" contenter. Par la même raison , quand je tomberai
" dangereusement malade , et que je sentirai ma fin
" s'approcher , je ne balancerai point à envoyer cher
" cherlessacremens . On le doit au culte public. Ceux qui
en agissent autrement , sont des fous. Il ne faut ja
» mais heurter de front , comme faisaient Voltaire
" Diderot , Helvétius . Ce dernier était mon ami , il a
" passé plus de quatre ans à Montbart , en différentes fois
" je lui recommandais cette modération , et s'il m'avait
" cru il eût été plus heureux . "
On peut juger , en effet , si cette méthode a réussi à
M. de Buffon. Il est clair que ses ouvrages démontrent
le matérialisme , et cependant c'est à l'imprimerie royale
qu'ils se publient.
V
Mes premiers yolumes parurent , m'ajoutait -il , en
même- tems que l'Esprit des Lois ; nous fûmes tour-
" mentés par la Sorbonne , M. de Montesquieu et moi ;
» de plus , nous nous vimes en buite au déchaînement
" de la critique. Le président était furieux : Qu'allez-
" vous répondre , me disait - il ? rien du tout , président ,
" et il ne pouvait concevoir mon sang -froid . "
Lorsque M. de Buffon se trouve à Montbart , au tems
de Pâques , il communie à la paroisse , dans sa chapelle.
Je lui lisais un soir des vers de M. Thomas , sur l'immor
talité de l'ame , il riait : Pardieu , la religion nous
" ferait un beau présent , si tout çà était vrai ! » Il critiquait
ces vers séverement , mais avec justice , car ik
est inexorable pour le style , et sur- tout pour la poésie
qu'il n'aime pas. Il prétend qu'il est impossible dans
notre langue d'écrire quatre vers de suite sans y faire
une faute , sans blesser ou la propriété des termes , ou
la justesse des idées . Il me recommandait de ne jamais
faire de vers. J'en aurais fait tout comme un autre
", me disait- il ; mais j'ai bien vîte abandonné un genre
où la raison ne porte que des fers. Elle en a bien
", assez d'autres , sans lui en imposer encore de nou,
99 veaux . 99
Ces vers me rappellent un petit mouvement de va
mité , plaisant , qui les suivi . Le matin du jour dont je
74
((35€ ))
parler M. de Buffon , sous le prétexté de sa santé, qui
ne lui permettait pas de se fatiguer à parcourir des
papiers , m'avait prié de lui frire la lecture d'une multitude
de vers qu'on lui avait adressés ; il les consere :
vait presque tous , quoique presque tous fussent médigeres.
Quand on lappellait génie créateur , esprit subling
an Eu ! eh disait- il avec complaisance , ily a des
l'idée il y a quelque chose la. Le soir , en écou
tant les vers de : M. Thomas , il me dit , aver une naïveté
charmante seTout ça ne vaut pas les vers de ce matin. ,,
Je veux joindre ici un autre trait du même genre : Un
joury me disait- il , que j'avais travaillé long - tems et
que j'avais découvert un systême très - ingénieux sur la
" génération , j'ouvre Aristote , et ne voilà, il pas que
Je trouve toutes mes idées dans ce malheureux Aris-
" tote ? Aussi , pardieu c'est ce qu'Aristote a fait de
s mieux , home intan * D
Le premier dimanche que je me trouvai à Montbart ,
L'auteur de l'Histoire Naturelle demanda son fils la veille .
au soir ; il eut avec lui une longue conférence , et je sus
que c'était pour obtenir de moi queTallasse le lendemain
à la messe. Lorsque son fils m'en parla , je lui répondiso
que je m'emmesserais très-volontiers et que ce.
n'était pas la peine de tant comploter pour me déter .
miner à une action de la vie civile . Cette réponse
chama M. de Buffon . Lorsque je revins de la grand'.
messe où ses douleurs de pierre l'avaient empêché d aller
, il me fit un million de remercîméns de ce que
j'avais pu supporter trois quarts d'heure d'ennui ; il
me répéta que dans une petite ville , comme Montbart ,
la messe était d'obligation.
Quand Buffon sort de l'office , il aime à se promener.
sur la place , escorté de son fils , et entouré de sess
paysans. Il se plait sur tout à paraître au milien d'euxi
en habit galonné. Il fait le plus grand cas de la parure ,
da lavfrisure , des beaux habits , lui- même il est tou- .
jours mis comme un vieux seignour, et gronde son 'fils ,
lorsqu'il ne porte qu'un trac à la mode ; je savais cette
manie , et je m'étais muni pour m introduite chez lui ,
d'un habit galonné pavec une veste chargée d'or. J'ai.
appris que ma précaution avait réussi à merveille ; ilma
cita pour exemple à son his voilà un homme s'écriait-
il ; et son fils avait beau dire que la mode en était
passée , il n'écoutait tien . En effet , c'est lui qui a imprimé
, au commencement de son Traité sur l'Homme ,
ཝཱ་
*
( 353 )
que nos habits font partie de nous - mêmes . Notre machine
est tellement construite que nous commençons
par nous prévenir en faveur de celui qui brille à nos
yeux ; on ne le sépare pas d'abord de son habit , l'esprit
saisit ensemble le vêtement et la personne , et juge
par le premier du mérite de la seconde . Cela est si
vrai que M. de Baffon a fini par s'y prendre lui-même ,
et j'ai opéré sur lui avec mon habit l'illusion qu'il voulait
communiquer aux autres . Que sera ce surtout si
mons connaissons déja le personnage dont nous approchons
, si nous sommes instruits de sa gloire de ses
talens ? Alors le génie et lor conspirent ensemble à
nous éblouir et l'or semble l'éclat du génie même .
Buffon's'est tellement accoutumé à cette magnificence ,
qu'il disait un jour qu'il ne pouvait travailler que lårsqu'il
se sentait bien propre et bien arrangé . Un grand
écrivain s'assied à sa table d'étude , comme pour paraître,
dans nos actions solemnelles nous produisons nos plus
belles parures. Il est seul , mais il devant lui l'univers
et la postérité . Ainsi , les Gorgias et les Sophistes de
la Grece qui étonnaient des peuples frivoles par l'éloquence
de deurs discours , ne se montraient Jamais en
public que parés d'une robe de pourpre .
Il me reste à terminer la journée de M. de Buffon .
Après son dîner il ne s'embarrasse guere de ceux qui
habitent són château , ou des étrangers qui sont venus
le voir. Il s'en va dormir une demi- heute dans sa
chambre , puis ilfait un tour de promenade toujours seul ,
et à cinq lieure , il retourne à son cabinet se remettre
à l'étude 'jusqu'à sept heures ; alors
fait lire ses ouvrages , les explique , revient au sallon ,
admife , se plaît
à corriger les productions qu'on lui présente , et sur
lesquelles on le consulte . Telle a été sa vie pendant
50 ans . disait à quelqu'un qui s'étonnait de sa renommée
, j'ai passé- 50 ans à mon bureau : à neuf heures du
soir il va se coucher et il ne soupe jamais . Cet infatigable
écrivain menait encore cette vie laborieuse jus- "
qu'au moment où je suis arrivé à Montbart , c'est- à- dire
à78 ans mais de vives douleurs de pierre lui étant
survenues , il a été obligé de suspendre ses travaux.
Alors pendant quelques jours il s'est enfermé dans sa
chambre seul , se promenant de tems en tems , ne recevant
qui que ce soit de sa famille , pas même sa soeur
et n'accordant à son fils qu'une minute dans la journée .
J'étais le soul qu'il voulût bien admettre auprès de lui ;
( 354 )
Je Je trouvais toujours beau et calme dans les souffrances, frisé , paré même ; il se plaignait doucement
de sa santé , il prétendait
prouver par les plus forts raisonnemens que la douleur affaiblissait
ses idées . Comme les maux étaient continus , ainsi que l'imitation
des besoins , il me priait souvent de me retirer au bout d'un quart d'heure , puis il me faisait rappeller quelques momens après. Peu à - peu les quart d'heures devinrent
des heures entieres . Ce bon vieillard m'ouvrait
son coeur avec tendresse ; tantôt il me faisait lire le dernier ou vrage qu'il compose , c'est un Traité de l'aimant , et en m'écoutant
il retravaillait
intérieurement
toutes ses idées , auxquelles
il donnait de nouveaux
développe- mens , ou changeait
leur ordre , ou retranchait
quelques
détails superflus ; tantôt il envoyait chercher un volume de ses ouvrages , et me faisait lire les beaux morceaux
de style , tels que le discours du premier homme , lorsqu'il
décrit l'histoire
de ses sens , ou la peinture du désert de l'Arabie dans l'article du Cha- meau , ou une autre peinture plus belle encore , selon
lui , dans l article du Kamichi ; tantôt il m'expliquait
son Systême sur la formation du monde , sur la génération des êtres , sur les moules intérieurs , etc , etc .; tantôt il me récitait des lambeaux
entiers de ses ouvrages
, car il
sait par coeur tout ce qu'il a fait , et c'est une preuve de la puissance de sa mémoire , ou plutôt du soin ex«. trême avec lequel il travaille ses compositions
, Il écoute toutes les objections
qu'on peut lui faire , les apprécie , et s'y rend quand il les approuve . Il a encore une ma- niere assez bonne de juger si ses écrits doivent réussir. C'est de les faire lire de tems en tems sur son manus
crit même , alors , si malgré les rtures le lecteur n'est point arrêté , il en conclut que l'ouvrage se suit bien. Sa principale
attention pour le style , c'est la précision des idées , et leur correspondance
ensuite , il s'applique
,
comme il le recommande
dans son excellent discours de réception à l'académie
française , à nommer les choses par les termes les plus généraux
ensuite vient l'har monie , qu'il est bien essentiel de ne pas négliger ; mais, elle doit être la derniere attention
du style .
La suite au prochain numéro. )
( 955 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
DES
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 2 Septembre 1795 .
Es lettres de la capitale du Danemarck , en date du
ge août , disent que le gouvernement s'occupe de soulager les
habitans de cette ville qui ont souffert du dernier incendie : on
a fait remise à ces inforinės , devenus pauvres eux - mêmes ,
de la taxe des pauvres et de trois mois de capitation . Ces
leures , après avoir assuré que l'escadre combinée se borne a
à la protection de la navigation neutre , ajoutent :
Le cabinet de Saint- James fait toujours de grandes avances
à celui de Copenhague . Tout récemment encore le tribunal
de l'amirauté britannique a déclaré libres cinq bâtimens danois ,
avec indemnité de frêt et des dommages causés par ce retard
et cinq autres sans indemnité . Dans le même tems , les commissaires
de revision ont adjugé le remboursement du prix
de la cargaison de onze navires enlevés l'année derniere , et?
dont la valeur est estimée ensemble à quinze mille livres.
sterling.
Quant à la Pologne , son sort futur n'est pas encore parfai- ‡
tement connu , et l'on continue de varier dans les conjectures
à cet égard. Il n'est pas douteux qu'elle sera partagée ; mais
comment ? dans quelle proportion ? C'est ce que le temps seul
apprendra ; en attendant , voici ce que portent des leures de
Varsovie du 15 août :
Le ministre d'état russe , comte de Pesborodko , est en
route , dit on , pour se rendre à Grodno. Le bruit se renouvelle
gne le roi arrivera ici dans les premiers jours da mois
prochain , et que S. M. y fera quelque séjour.
L'ou dit que la cour de Pétersbourg déclarera la ville de
Varsovie , ville-libre impériale ; mais que cependant elle restera
soumise à perpétuité à l'Empire russe.... Le roi , ajoute-t - on ,
recevra de chacune des puissances voisines une somme annuelle ,
avec laquelle il pourra vivre d'une maniere convenable à sa
dignité et résider où il voudra.
D'autres lettres parlent de la tenue d'un congrès dans cette
ville , pour statuer définitivement sur cette malheureuss con,
( 356 )
trée : elles s'accordent assez avec les précédentes , sur le long
séjour que feront probablement les troupes russes dans Varsovie
; ce qui le leur fait augurer, est une mesure administrative
prise par le général Buxhoweden , qui vient d'afferider pour
deux ans , non seulement les produits de la loterie , mais mêmig
plusieurs autres parties des revenus publics , et le soin qu'il a
eu de faire parvenir à Catherine II les représentations, des
habitans sur l'enorme contribution de 600milie forins qui
leur a été imposte et qu'ils sont encore loin d'avoir acquittée.
De Francfort-sur-le-Mein , le 7 Septembre.
De Mayence , le 30 août. Les hostilités ont recommencé
anjourd'hui , après trois ou quatre mois de parfaite iranquillité..
Les Français , au nombre de cinq cents hommes d'infanterie .
et deux cents de cavalerie , out attaqué , à 2 heures du matin ,
les avant - postes allemands près de Veisseneau , et les ont
repoussés à travers le village . Ils ont été ensuite , arrêtés par
des ouvrages pratiques sur ce point , et par le feu des chaloupes
canonnieres . Après un feu très - vil de mousqueterie ,
les Français se sont décidés à la retraite . Les feuilles alle .
mandes portent que leurs troupes n'ont eu que deux tués et
cinq blessés..
Depuis , on a appris que les troupes de la République s'étaient
emparées , sans coup ferir , de la petite isle en face de
Neuwied , qu'ainsi ils avaient traversé les deux tiers du Rhin ,
avant que les Autrichiens s'en fassent apperçus . A une heure
du matin , dans la nuit du 30 au 31 , toutes les batteries de la
forteresse d'Ehrenbreitstein et les autres batteries environnantes
vomissaient un feu terrible tont de long du Rhis , et
jusqu'à Neuwied ; à quatre heures , deux des ponts volans des
Français arrivérent à Weissen-Thurm ( la Tour-Blanche ) ; après
avoir essayé le feu d'au moins 500 coups de canons , et chose
presque miraculeuse , sans aucun dommage considérable . Ou
attendait les trois ponts restans pour la nuit. Les batteries de
la forteresse autrichienne mal dirigées out endominagé une
trentaine de maisons à Coblentz Les Français amete forces
de prendre le parti de brûler Neuwied quand ils ont vu les
Autrichiens établir une batterie qui cufilait la grande rue .
An reste , les préparatifs avaient été supérieurement faits de
leur part. Après s'être emparés , le 19 , de Piste situce vis - àvis
d'Engenheim , ils avaient établi vis- à- vis de cet endrois
une batterie très - élevée où ils avaient conduit , dans la matinée
du 24 , une trentaine de pieces de canon . D'ailleurs . its
tenaient deux cents pontons prêts à Kayserswerth . De leur
cbié , lears ennemis s'étient mis en défense depuis les ciats
pitasicus jusqu'au- delà de bette derniere place. On comptait
(( 857 )
de mille pas en mille pas des retranchemens avec six
huit canons .
ITALIE.
De Turin , le 19 août . Il n'y a point de nouvelle de l'armée.
piemontaise .
:
Un Sarde arrivé de son pays qu'il a quitté dernierement ,
a eu audience du roi . On apprend par lui qu'il y a toujonra
des desordres dans cette iste dans le moment actuel .
y a un nouveau sujet de troubles de plus ; il s'est élevé and
forte dispute entre les départemens de Cagliari et de Sassari
le second vent être entierement indépendant du premier.
Le roi a fait comte le consul anglais en Sardaigne , pour
l'intérêt , est il dit , qu'il a pris aux affaires de cette contrée.
De Gênes , le 29 août. Une tartane française vient de debarquer
à Vintimille 3000 hommes on en attend très - prochainement
un nombre égal . Toutes les lettres de France
annoncent que 16,000 hom nes ont été détachés de l'armée
des Pyrénées Orientales , pour venir en Italie .
Le blocus du côté de la mer par les corsaires et les obstacles
mis à la communication par terre ,
réduisent les pays
de la Riviere à un désespoir qui peut d'un instant à l'autre
se manifester par de grands éclats . Le général de Wins persiste
néanmoins dans ses mesures rigoureuses : il vient d'écrire
la lettre suivante au gouvernement génois :-
OL
La détresse qu'éprouvent les habitans de la Riviere da
Ponent , ne provient point de la volonté des armées des coslisés
, mais bien de la sérénissime république elle - même ,
au moins de ceux qui ont donné le conseil de laisser entrer
les Français dans la Riviere . Les attaques , au moyen desquelles
on a chassé ceux - ci de plusieurs lieux , ont coûté
da sáng à l'armée de l'empereur , et par cette raison , tout le
terreiu qu'occupe l'armée imperiale pourrait être regardé
comme une conquête faite sur l'ennemi , et non comme pays
appartenant à la serenissime république , laquelle ne s'est pas
donnée la peine de le , conserver contre l'ennemi : mais la république
doit à la bonté de sa majesté impériale , de lui en
avoir laissé les droits de souveraineté , quoique sa condunte ait
fourni des motifs de la traiter de la même maniere qu'elle a
agi à l'égard de l'armée impériale . Il est de fait que plusieurs
personnes ont été arrêtées pour cela seulement qu'elles avaient
eu la curiosité de venir voir l'arme impériale à Dego .
Â
99 Il a été en outre donné refuge dans le chemin couvert
aux Français , repoussés par nos troupes , quoique les premiers
eussent les armes à la main , et l'on a fait feu sur les
( 358 )
troupes autrichiennes , au moment qu'elles approchaient . En
me conformant aux ordres de mon souverain , je fais observer
la discipline militaire la plus rigoureuse , et payer tout en
bons deniers compians . Mais le devoir militaire m'oblige de
traiter ce terrein militairement , comme pays conquis sur
l'ennemi , et de regarder le pays encore occupé par les Français
, comme pays ennemi . Je regarde donc le reste de la
riviere du Poneut , à commencer de Borghetto , comme s'il
était enclavé dans les frontieres de la France : par suite toute
correspondance doit être interrompue avec un pays ennemi ;
et comme l'armée française se soutient depuis trois ans par le
moyen du commerce avec is sérénissime république , cette
circonstance exige une rigueur plus qu'ordinaire , afin que
les provisions que l'ennemi a tirées , à l'aide de divers times
ou frandes , soient totalement interrompues . Je sais que les
Français vont de maisons en maisons prendre les farines et
comestibles . Si donc j'en envoyais aux habitans de
trée , ce serait en envoyer aux Français même , et nourrir
lennemi , lequel sera sous peu réduit à manquer de tout ,
et à abandonner un pays dans lequel on n'eûi jamais dû le
laisser entrer. Les Français acheient des grains à Gênes et
ailleurs , en payant en marchandises de toute espece : laisser
passer ces marchandises , serait donc stimuler les négocians à
courir quelque risque pour faire passer des grains . L'arrestation
des couriers est encore une suite des précautions né
cessaires pour notre propre sûreté .
&
cette con-
1 Les discours insensés de divers particuliers de Gênes,
qui veulent porter à armer le peuple contre les armées impériales
, sont la cause qui rend nécessaire la précaution d examiner
les correspondances réciproques . Les plaintes et les
malédictions du peuple , qui souffre de ces lois nécessaires ,
ne peuvent être dirigées contre moi , mais bien contre ceux
qui ont donné le conseil à la sérénissime république de laisser
entrer les Français dans la riviere , etc. ››
Reponse du gouvernement génois au mémoire du général de Vins.
L'improbation contenue dans le mémoire de M. le général
baron de Vins , à l'accès donné par la sérénissime république
dans son état aux troupos françaises , est manifesté
précisément par les Français , parce que la République a laissé
entrer l'armée autrichienne . Dans la vérité , cette improbat'on
n'est ni raisonnable ni méritée d'aucune part. Ç'eût été
en vain qu'on se fût opposé à l'entrée de M. le général ,
ainsi qu'à celles des troupes françaises . Il suit de là qu'on
doit abandonner les conséquences qu'on induit d'un pays
conquis , es l'idée de regarder la riviere , à commencer de
( 358 )
Borghetto , comme un pays fiançais . La conduite du gouvernement
ne peut point non plus recevoir aucune defaveur des
discours indiscrets qui , dans un pays libre , peuvent émaner
indifferemment d'un parti ou de l'autre , et les opinions particulieres
n'influent point sur celle du gouvernement , toujours
attaché aux mesures promises à toutes les puissances , et qui
sont religieusement observées.
" Quant à l'arrestation de quelques personnes qui étaient
allées voir l'armee autrichienne , cile a été la suite de l'indiserétion
de deux chapelains de la forteresse , et d'un de leurs
freres séculiers , parce qu'en se portant aux postes avancés
Butrichiens, une telie visite , étrangere à leur institat , devait être
remarquée par les ennemis des Autrichiens , et compromettre
les regards toujours jaloux de la neutralité.
" Le gouvernement n'a pu être indifferent à l'arrestation
de ses propres couriers , d'ailleurs revêtus d'une marque
publique , ainsi qu'il avait été suggéré par un des généraux
autrichiens. Le gouvernement ne peut exprimer combien il
a à coeur de pourvoir aux besoins d'un peuple innocent ;
il renouvelle pour cet objet ses plus vives remontrances , observant
qu'il n'y a pas un seul jour à perdre . Une telle condesendance
de la part du général en chef sera une conséquence des
sentimens d'humanité exprimés par lui , et de la justice des
son auguste souverain ; elle sera cohérente aux principes
publiés dans son manifeste d'entrée , où il exposa qu il respecterait
exactement la neutralité du territoire . ››
1
Le représentant français Chiappe vient de déclarer à tous
les matelots des puissances neutres ou amies , qu'ou puni it
séverement tous ceux qui , pés en pays neutre , et n'ayant
jamais servi aucune puissance actuellement en guerre contre
Ja France , armeraient ou recevraient des commissions des
Corsaires autrichiens , sardes ou napolitains . Seront traités
avec la même rigueur les capitaines et individus formant l'équi
page des corsaires qui n'auraient pas été armés en pays ou
ports ennemis , et qui n'auraient pas au moins les deux tiers
d'équipage de la nation , sous pavillon de laquelle ils feraient
Ja course. Le représentant français ajoute qu'il se flatte que
les gouvernemens de Gênes , de Toscane , et en général tous
les gouvernemens neutres , refuseront asyle aux corsaires
toutes les fois qu'ils conduiront dans leurs ports des prises
françaises faites au détriment du commerce des puissances
neutres avec la France , et qu'ils feront relâcher toutes celles
qui seraient reconnues comme ayant été faites coutre les
regles de la guerre et le droit des uations .
On avait répandu la nouvelle que les insurgés en Corse
´s'étaient emparés de Bastia , de Calvi : elle ne s'est pas con(
(-36α )
Armée. Mais l'animosité est extrême en beaucoup de dieux
contre le gouvernement anglais . On a brûlé publiquement
Jes lois du nouveau parlement , sanctionnées par le roi d'Angleterre
. Le gouvernement fait marcher des troupes centre
lés insurgés .
HOLLANDE.
De la Haye , le 29 août 11 paraît que les apparences d'une
attaque ou du moins de quelqu entreprise à craindre contre les
Frontieres de la république bataye , du côté de la Westphalie
, ne sont pas entierement vaines . Une partie des troupes
françaises passées à sa solde , se sont mises en marche de ce
côté .
Après le rapport fait le 26 anx états- généraux de la lettre
du représentant du peuple Richard , relative aux ordres qu'il
a reçus du comité de salut public , de se concerter avec le
général Moreau pour mettre la Républiqué en état de défense .
le comité a proposé de statuer les peines les plus séveres contre
tous les militaires qui seraient pris les armes à la main . Les
états - généraux ont arrêté une proclamation adressée aux militaires
actuellement au service , pour les mettre en garde
contre un libelle imprimé , où on les invite à aller rejoindre
le corps d'armée que le prince Frédéric d'Orange rassemble
au pays d'Osnabruck , pour être employés à la solde de la
Grande Bretagne .
Le 18 , l'assemblée de Hollande a chargé ses députés aux
états-généraux d'y effectuer que les troupes suisses à leur service
seient encore retenues à la solde de la république batave
jusqu'à la fin du mois de septembré prochain .
Le bey de Tunis a fait part , par une lettre , aux états généraux
qu'un des ports du territoire tunisain était fort déchu ,
et avait besoin d'être réparé et même amélioré : il demande
en conséquence , d'une maniere amicale , qu'on lui envoie un
ingénieur et deux architectes hydrauliques et quelques habiles
intendans des travaux , pour prendre connaissance de la
sitnation des lieux , et diriger les travaux , s'il y a lieu à les
entreprendre . Le bey demande aussi un certain nombre d'ou
vriers , plus ou moins fans à ces sortes de travaux . Les étaisgénéraux
ont rendu publique cette demande , et autorisent
le départ de ceux qui voudront se rendre sur le territoire
barbaresque.
RÉPUBLIQUE
( 361 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE BERLIER.
Séance de primedi au soir , 21 fructidor .
Delaunay ( d'Angers ) , au nom du comité de sûreté générale
, dit que l'état des assemblées primaires de Paris continue
d'être bon , mais que les intrigans qui veulent les , agiter
ne perdent pas l'espérance de le faire ; que les comités respectant
la souveraineté que le peuple exerce en ce moment ,
ne gêneront point la liberté des opinions , sans néanmoins
soufrir que les malveillans troublent cette grande commune .
Il demande à l'Assemblée de ne point désemparer sans avoir
entendu le rapport que les comités réunis ont à lui faire , et
il invite les membres de ees comités à s'y rendre .
Bréard annonce que les dix - huit communes qui composent
le canton de Lian court out accepté la constitution et le décret
du 5 fructidor.
Un membre dit que la commune de Langres a aussi accepté
l'un et l'autre .
La section des Arcis vient se plaindre de ceux qui accus
sent les citoyens de Paris réunis en assemblées primaires de
ne pas respecten les droits de la Convention , et elle proteste
qu'en toute occasion elle sera investie de son respect , entourée
de ses forces et défendue par son courage . Le président
lui répond que nulle section du peuple n'a le droit de
parler au nom du peuple entier . Chaque commune émet un
væu , et la réunion des voeux de toutes produit la volonté gé
nérale.
-7.Daunou , organe des comités réunis , prend la parole . La
République et la Liberté , dit - il , out le plus grand intérêt
ce que les citoyens réunis en assemblées primaires puissent
délibérer sans gêne , et exprimer leur vou sur la constitu
tion . Mais autant vous devez respecter ce droit sacré , autanţ
il vous importe que nulle section du peuple n'usurpe la squ
veraineté nationale , et que cinq à six assemblées primaires
nes forment pas un rassemblement central contraire à l'unité
des tout.
* Un pareil rassemblement ne servirait qu'à faire renaître de
nouveaux 2 septembre et de nouveaux 31 mai ; il menacerait
les droits civils et la liberté des citoyens .
Le peuple français ne veut pas que le moment où il
Tome XVII.
A a
pro(
362 )
nonce sur sa constitution , soit déshonoré par la sédition .
Tous ses maux ne viennent qquue de l'anarchie , et il ne souffrira
pas qu'elle renaisse. La Convention exprimera la volonté
de tous les Français , quand elle réprimera les mouvemens de
la licence . Il n'est pas étonnant que dans l'effervescence
d'une révolution , quelques hommes libres se laissent entraîner
dans l'erreur .
La conduite de la section Lepelletier en est une preuve ;
l'assemblée primaire de cette section a pris un arrêté , dans
lequel elle invite les autres assemblées primaires à nommer
chacune un commissaire , qui tous se réuniront pour rédiger
tine declaration qui passerait pour le résultat du voeu de
leurs commettans .
Cet arrêté peut bien être adopté d'enthousiasme dans une
assemblée de bons citoyens ; mais il ne peut être exécuté
que par des factieux. Il n'appartiendrait qu'à des successeurs
d'Hébert , Gusman et Proly , d'accepter la mission de commissaires
. Ils se rendraient coupables d'attenter à la sûreté
intérieure , ceux qui , sous le nom de délégués des assemblées
primaires , se formeraient en comité illegal , ou qui
porteraient dans les départemens les tisons de la discorde.
Représentans , vous transmettrez à vos successeurs , non
l'anarchie , mais la fermeté qui maintient l'ordre public.
Vous êtes responsables du pouvoir que vous avez reçu du
peuple , il ne doit s'arrêter que devant le résultat des opinions
libres de tous les citoyens . Voici le projet de décret
que je suis chargé de vous présenter :
La Convention nationale voulant assurer la liberté des
opinions dans les assemblées primaires , maintenir la souveraineté
du peuple et l'autorité du gouvernement , décrete ce
qui suit :
* ,, Art. 1er . Les citoyens qui se réuniraient en comité cen
tral , composé de commissaires nommés par les assemblées
Primaires , sont déclarés coupables d'attentat contre la souveraineté
du peuple et la sûrete de l'état ; ils seront à ce
titre poursuivis à la diligence de l'accusateur public du département
où le délit aura été commis .
3 ,, II. Sont déclarés coupables des mêmes délits , les citoyens
qui , se disant envoyés d'une assemblée primaire , se
rendraient d'une commune dans une autre on près des corps
militaires. Décrété au milieu des plus vifs applaudissemens .
Baudin termine la séance , en faisant part à la Convention
des reproches qu'on lui fait dans les assemblées primaires ,
et en particulier sur les massacres du 2 septembre . Il declare
qu'on veut la faire passer pour complice de Robespierre , et
la rendre responsable du sang innocent qui a été verse pendant
dix huit mois ; mais qu'on oublie que , sans le 31 mai ,
tous ces crimes n'auraient pas eu lieu , et que si les Pari(
363 )
siens avaient montré de l'énergie , ces pages sanglantes no
souilleraient pas l'histoire .
Séance de duodi , 22 Fructidur .
Berlier , au nom de la commission des onze , fait un rapport
sur la pétition des militaires actuellement à Paris , qui
demandent à voter sur la constitution . Il propose de decrèter
qu'après s'être présentés au commissaire des guerres qui leur
sera indiqué et leur délivrera une carte d'admission , ils se
rendront le 24 à l'hôtel des Invalides , où ils exprimeront leur
vau. Ce projet de décret est adopté .
Onze communes formant un canton du district de Senlis ,
ont accepté l'acte constitutionnel .
Legendre obtient la parole pour une motion d'ordre . Il
déclare que ce qu'il va dire ne s'adresse point à et e masse
d'hommes honaêtes qui sont dans les assemblées primaites ,
mais à cette petite portion de meneurs qui les agitent ; à
ees intrigans qui n'ont d'autre élément que le desordre , et
il dit que , dans plusieurs assemblees primaires , on a invectivé
, injurié des patriotes honnêtes qui s'en sont retisés pour
qu'on ne les fit pas auteur d'ane insurrection qu'on desire ;
que les mencurs de ces assemb ces sont d auciens aristocrates
qui ont peur , mais que si le royalisme fait un mouvement ,
il est perdu. Legendre invite les patriotes à serrer les angs ,
à employ les armes de la raison , et si elles ne suffisent pas ,
il pense qu'on en emploiera d'autres .
Des citoyens desarmés de la section de la Place Vendôme
disent que deux fois ils ont été incarcérés comme terroristes ,
et que deux fois on leur a rendu la liberté ; que leur section
les a néanmoins invités de séloigner de l'assemblee , en
leur annonçant que s'ils ne le faisaient pas , on prendial des
mesures pour les y fo cer. Ils demandent à la Convention
si elle souffrira que les fondateurs de la liberté , les hommes
du 14 juillet et du 10 aoû , vi ent dans la ibssment et
dans l'opprobre , tandis que les royalistes et leurs valets sierent
dans l'assemblée prime. I terminent en declaron qu'ils
acceptent la constitution ; que les contemporains pourous être
ingrats envers la Convention , mais de la postcrite sei « itconnaissante
.
que
Le president leur répond que les hommes do 9 thereidor
n'abandonneront point ceux du 14 juillet et di 10 août ,
et que leur pétition sera prise en considération .
Séance de duodi au soir , 22 Fructidor.
Le comité des décrets aunonce la réception de 155 procèsverbaux
d'assemblées primaires La caus itution y a éie acceptée
par-tout presqu'à l'unanimite , et le decret du 5 fructidor à
nue grande majorité.
A a 2
( 304 )
Plusicars citoyens de la section de Bon - Conseil viennent
faire les mêmes plaintes que ceux de la Plac -Vendôme , etfont
usage des mêmes moyens . Ils réclament un lieu où ils
puissent se prononcer en liberté , bien persuades que tous
les amis de la liberté et les patriotes de 1789 y accourrout
pour ne pas se laisser influencer par les meneurs des sections .
Leur pétition sera examinée .
D'autres pétitionnaires leur succedent et entretiennent l'Assemblée
des mêmes objets , ce qui occupe la séance.
Séance de tridi , 23 Fructidor.
Thibaudeau , au nom de la commission des onze , fait un
rapport sur l'organisation du ministere . Il y aura six miuistres
, savoir , de la justice , des finances , de l'interieur , de
la guerre , de la marine et des relations extérieures . Ces
ministres chargés de l'exécution des lois , chacun dans sa
partie , seront responsables de leur infraction et de toute atteinte
portée à la sûreté intérieure ou extérieure de l'état ; le directoire
exécutif aura seul le droit de les mettre en jugement ;
leur traitement sera la moitié de celui des directeurs , excepté
le ministre des relations extérieures qui aura les deux t'ers .
Ils seront tous logés et meublés aux frais de la République .
Le projet est ajourne.
Monnot , au nom du comité des finances , fait décréter que
les bons au porteur provenans de la premiere loterie , et les
assignats démonétisés , seront admis dans la loterie prochaine .
Genissieux appelle l'attention de l'Assemblée sur la nécessité
de s'occuper du code civil . Renvoyé au comité de législation .
Marec , organe du comité de salut public , présente un projet
de décret tendant à faire payer par à - compte la partie de
l'impôt foncier qui doit être payé en nature . La discussion
est renvoyée au lendemain .
Des petitionnaires viennent encore s'élever contre les meneurs
des assemblees primaires . I's dénoncent en même tems quelques
auteurs et journalistes ; ils nomment Laharpe , Redeier ,
Serisy et Rhenaut ( de Saint Jean - d'Angely ) .
Talien se plaint aussi d'eux . Il les accuse de lui avoir fait
dise que la Convention conspirerait contre le peuple , tandis
qu'il a dit qu'elle conspirerait pour le peuple contre ses ennemis .
Legendre est dans le même cas . On a aussi donné un sené
perfide à ses paroles . Leurs déclarations seront insérées au
bulletin .
7
Daunou soumet à la discussion un projet de décret sur
les élections.Le 1er . titre sur la tenue et la police des assemblées
primaires a été adopté . Nous le donnerons lorsque la rédaction
en aura été définitivement arrêtée.
( 365 )
1
Séance de tridi au soir , 23 Fructidor .
Monnel annonce que le comité des décrets a reçu 476 procès-
verbaux d'assemblées primaires ; dans le département des
Ardennes , dix - huit communes ont accepté la constitution et
le décret du 5 ; deux communes ont rejetté ce dernier décret.
Dans le département de l'Aisne , une seule communé à
rejetté ce même décret ; toutes les autres ont accepté la constitution
et le décret.
Dans le département de l'Aube , Troyes , Bar sur Seine et
plusieurs autres , ont accepté la constitution et le décret : le
district de Pont- l'Evêque a également accepté l'une et l'autre ;
on n'y nomme pour électeurs que des patriotes de 89 .
Poultier dit que le district de Montreuil - sur- mer a aussi
accepté la constitution et le décret , nommé pour électeurs
de vieu patriotes , chassé les royalistes ; Gossuin en dit an
tant de la commune de Gravelines ; Taleau , de celle d'Honfleur
; Bourgoing , de 64 communes de la Manche et de celle
de Verdun .
Un membre dit qu'un grand nombre de communes da
Pas - de - Calais ont également accepté à l'unanimité . — Quoi ?
lui crient plusieurs voix . Il lit les procès - verbaux ; l'un
porte qu'une assemblée a accepté à l'unanimité , au nombre
de 96 volans. de On murmure de nouveau.
Bourgoing annonce que 54 communes de département ont
accepté la constitution à l'unanimité , et les trois quarts le
décret.
Thibaudeau demande que le comité des décrets adopte un
mode uniforme de rendre compte des voeux des assemblées
primaires , et emploie le tems nécessaire pour faire connaître
ces voeux avec la plus grande exactitude .
•
Baudin , au nom des comités réunis , dit qu'ils ne peuvent
pas encore faire leur rapport sur la situation de Paris , et il
se borne à rendre compte de deux faits qui prouvent les
efforts que font les malveillans pour troubler cette commune.
L'on a planté hier des poteaux pour soutenir dans la rue du
Roule des réverberes ; ils ont sur le champ répandu que
c'étaient des potences destinées à ceux qui n'accepteraient
pas la constitution. Les militaires qui se sont réunis aux Invalides
pour voter sur la constitution , se sont rendus aux
Tuileries après l'avoir acceptée , en chantant des hymnes.
patriotiques . Leur présence y a jetté des inquiétudes . On les
a invités à se retirer , et ils se sont séparés aussi - tôt .
Séance de quartidi , 24 Fructidor .
Cambacérès , au nom du comité de salut públic , donne
lecture d'une lettre du seprésentant du peuple Gillet , qui
A a 3
( 366 )
annonce que le 20 de ce mois , l'aile gauche de l'armée de
Sambre et Meuse a forcé le passage do Rhin entre Duisbourg
et Dusseldorff , en présence d'une armée formidable ; l'ennemi
a té mis en pleine déroute ; nous sommes maîtres de
la totalite du duché de Bergue ; la citadelle de Dusseldorff
a éte prise d'assaut , et la ville a capitulé sur le champ on
a pris beaucoup d'artillerie et de munitions aux ennemis .
Ceue expédition est cause que cette partie de l'armée n'a
pas encore accepté la constitution ; elle lui sera présentée le
premier jour ou che pourra prendre du repos : Gille ! répond
d'avance de son væu , et que jamais nos braves soldats ne
souffriront de tyran .
Cette nouvelle excite , à plusieurs reprises , les plus vifs
transports d'enthousiasme : l'Assemblee décrete l'armée
que
de Sambre et Meuse ne cesse de bien meriter de la patrie.
Je demande , dit Merlin de Douai 1 ) ,
, que cette brillante
réponse aux affiches , dont les amis de l'Angleterre tapissent
les murs de Paris , soit imprimée et placardée dans cette commune
; et envoyée , dit Delleville , à tous les départemens
et aux armées . Toutes ces propositions sont applaudies et
décrétées .
Un secrétaire annonce que les districts d'Areis - sur- Aube ,
ceux de Tonne re , de Quarantan , et plusieurs autres communes
dout il a lu les noms , ont accepté la constitution et
le décret du 5 fructidor à l'unanimité . ( Applaudissemens . )
Les veterans invalides ont accepté hier la constitution et
le decret du 5 de ce mois . ( Applaudissemens . )
Une députation de la section des Quinze - Vingts vient annoncer
que cette section a aussi accepté la constitution et le
décret du 5 à la presqu'unanimité . ( On applaudit . )
Maragon , organe du comite de commerce , fait un rapport
sur la navigation intérieure . Il sera imprimé , distribué , et la
discussion est ajournee .
Montmayou , au nom du comité de sûreté générale , fait
décréter la suppression de la commission militaire établie à
Marseille . Les prévenus seront juges par les tribunaux ordinaires
.
Sur la proposition d'un membre , la Convention décrete
que la commission des onze présentera incessamment son
travail sur la police correctionnelle et sur la police de sûreté .
Un autre membre propose de décréter , 1º . que les héri
tiers bénéficiaires ne pourront anticiper les termes de paiement
portés dans les titres de créances qui existeront contre
eux en ladite qualité , lorsqu'il sera prouvé que la valeur ou
le montant de la succession excede le montant des dettes ;
2. que les debiteurs ne pourront également anticiper les
termes de leurs paiemens , sons prétexte que leurs créanciers
à terme se sont rendus opposans aux lettres de ratification
( 367 )
des ventes des biens de leurs débiteurs , lorsque ces biens
ne seront pas vendus , et qu'il ne sera pas question d'en
distribuer le prix . Ces deux propositions sont renvoyées au
comite de legislation .
Le comité des finances fait décréter qu'avant la fin de brumaire
prochain , chaque contribuable paiera , d'après le rôle
de 1793 , les trois quarts de sa contribution fonciere qu'il
doit en grains ou en équivalent , aux termes de la loi du
2 thermidor dernier .
Séance de quintidi , 25 Fructidor.
Berlier annonce que les sept sections de la commune de
Dijon ont accepté la constitution et le décret du 5 fructider . Un
autre membre dit que la commune de Toul a également accepté
l'un et l'autre . Il en est de même de celle de Gray .
Les citoyens désarmés continuent d'occuper l'Assemblée .
Ceux de Gray sont appuyés du suffrage de la commune et de
celui de Guirot . La Convention renvoie leur pétion aux comités .
Prieur de la Côte- d'Or ) , au nom du comité de salut public ,
presente un rapport sur l'achevement des travaux relatifs à l'uniformité
des poids et mesures . L'impression et l'ajournement
en sont décrétés .
Le représentant du peuple , en mission pour surveiller les
approvisionnemens de Paris , écrit que les garnisons du Havre ,
Honfleur et Joinville ont accepté l'acte constitutionnel .
Merlin ( de Douay ) , organe du comité de salut public , fait
lecture de la dépêche de Jourdan , général en chef de l'armée
de Sambre et Meuse . Elle contient les détails de la célebre
journée du 20 de ce mois . Le passage du Rhin s'est effectué sur
trois points. Nous avons trouvé 168 pieces de canon dans la
place de Dusseldolf qui s'est rendue sur la sommation qui
lui en a été faite . Le général de division Kleber , qui était
chargé de cette expédition , a déployé les plus rares talens
militaires et nos défenseurs ont montré une bravoure et
une intrépidité au- dessus de tout éloge .. ( Voyez les Nouvelles
officielles . )
9
La section de l'Unité paraît à la barre . Elle expose que
pénétrée de ses droits elle en a usé avec la liberté qui convient
à de vrais républicains ; qu'elle est persuadée que le peuple.
ne doit point être gêné dans le choix de ses mandataires
et qu'il ne manquera pas de réélire ceux des membres de la
Convention qui sont restés pars au milieu du débordement
des crimes et de l'oubli des principes , et qu'en conséquence
elle a rejetté le décret du 5 fructidor , et acceptée à la presque
unanimité la constitution . Le président lui répond que c'est
au peuple tout entier à juger la Convention et les évenemens
de la révolution.
Ax
( 368 )
Séance de sextidi , 26 Fructidor.
Cette séanee n'a été employée qu'à entendre des députations
des sections de Paris , des armées et les nouvelles du
résultat des délibérations des assemblées primaires de la
République .
Lss communes de Grenoble et Valenciennes ont accepté
la constitution et le décret da 5 fructidor . Celle de Rouen
composée de 23 sections a aussi accepté l'un et l'autre , à
l'exception de deux sections.
Une députation des militaires invalides , demeurant à l'hôtel ,
apporte le procès verbal de l'acceptanion qu'ils ont faite de
la constitution et du décret . Ils disent que la Convention
n'a rempli que la moitié de sa tâche en donnant une cons,
titution ; qu'il faut maintenant en assurer l'exécution ; que
ceux qui veulent détruire la Convention et l'accusent se taisaient
sous la tyrannie ; mais que les défenseurs de la patrie ne
craignent pas les intrigans , et que s'ils levent l'étendard de
la révolte , il ne sera pas plus difficile de les détruire que
de passer le Rhin .
L'armée du camp sous Anvers , envoie aussi son procèsverbal
d'acceptation de la constitution et du décret .
La section du Mont-blane vient sa plaindre de l'adresse
de l'armée de Sambre et Meuse , qui fait Paris auteur des
affreuses journées de septembre , mai et juin . Elle demande
si l'on veut allumer la guerre civile en provoquant les armées
contre Paris ; et elle accuse plusieurs membres de la Convention
de jetter ces brandons de discorde .
Le président lui répond que la Convention ne reconnaîtra
jamais de suprématie de section , et qu'elle obéira à la volonté
nationale , et saura la faire respecter quand elle lui sera
connue . La députation n'est point invitée aux honneurs de
la séance .
Beaudin demande le renvoi de cette adresse au comité de
sûreté générale , et se charge de faire connaître les auteurs
de tous les maux que l'on attribue à présent à la Convention
.
Bourdon ( de l'Oise ) : Qui ne sait que ce sont des royalistes
et des intrigans qui menent les sections de Paris et qui vous
y font diffamer ? Bourdon réclame l'ordre du jour . Il est
adopté.
La gendarmerie nationale de Pontoise annonce son acceptasion
de la constitution et du décret , et elle invite la Convention
à venir délibérer au milieu de ses phalanges républicaines
, et si la route lui en est fermée , de marcher au pas de
charge.
L'assemblée primaire de la section de la Place -Vendôme
en annonçant son acceptation de la constitution et sʊn rèfus
( 369 )
du décret du 5 , dit , qu'en vain on cherche à ressusciter la
terreur , qu'elle ne renaîtra pas , et s'adressant à l'armée de
Sambre et Meuse : On vous insulte , on vous calomnie , dit elle ,
en vous confondant avec les armées révolutionnaires qui ont
fait couler le sang par torrens , et en nous menaçant en votre
nom. Rassurez- vous , le Peuple Français admire vos vertus ,
s'enorgueillit de votre gloire , et méprise vos lâches calomniaters
. Cette députation n'est point admise aux honneurs de
la séance .
Les sections du Nord et de la Cité viennent faire part
du même résultat et reçoivent le même accueil .
Décret sur les élections .
La Convention nationale , après avoir entendu le rapport
de sa commission des onze , décrete :
› Art. Ier . Dans les assemblées primaires et électorales qui
auront lieu jusqu'au jour où la Convention nationale terminera
sa session , on suivra les regles établies par les lois précédemment
rendues.
" II. A compter du jour où le corps législatif sera constitué
en deux conseils , on se conformera , dans toute assemblée
publique et pour toute élection , aux dispositions qui
vont être établies par la présente loi .
TITRE PREMIER. Tenue et police des assemblées .
" Art . Ier . Il séra dressé chaque année , avant la fin du
mois de pluviôse , par chaque municipalité , un tableau des
citoyens ayant droit de voter dans le canton , suivant la
constitution .
" II . Lorsque le nombre des citoyens ayant droit de voter
dans un canton ne s'élevera pas à plus de goo , il n'y aura
qu'une assemblée primaire par canton ; mais au- dessus de ce
nombre , il s'en formera au moins deux .
lil. Chaque assemblée primaire doit tendre à se former
de 600 membies ; s'il y a plusieurs assemblées dans un canton
, la moins nombreuse doit être de 450 citoyens .
,, IV. Lorsqu'il y aura plusieurs assemblées primaires dans
un canton , l'administration departementale fixera l'arrondissement
et le lieu de ces assemblées .
V. Les peines les plus graves qu'une assemblée primaire ,
communale ou électorale , puisse infliger à l'un de ses mem
bres , sont après le rappel à l'ordre et la censure préalablement
prononcés , l'exclusion de la séance , ou même de l'assemblée
, durant tout le tems de sa session .
( 370 )
,, VI . En cas de voies de tait , d'excès graves ou de délits
commis dans l'intérieur des seances d'une assemblee primaire ,
communale ou electorale , le president pourra , apres y avoir
été autorise par l'assemblée , faire saisir le prévenu , et l'envoyer
sur - le - champ devant l'officier de police du lieu .
VII . Les presidens , secretaires et scrutateurs sont per
sonnellement responsables de tout ce qui se ferait dans les
assemblées primaires , communales ou électorales , d'etranger
à l'objet de leur convocation , ou de contraire à la constitution
et à la loi.
" VIII. Lorsque le corps législatif aura déclaré illégal un
acte d'une assemblée primaire , communale ou electorale , il
prononcera sur la question de savoir si les président , secrétaires
et scrutateurs de cette assemblée devront être poursuivis
criminellement.
" IX . Le president doit déclarer que l'assemblée est dissoute
, aussi - tôt qu'elle a terminé les operations pour lesquelles
elle était convoquée.
et il
Dans toute élection , chaque votant est appelé nominativement
par le secretaire ou par l'un des scrutateurs
dispose ostensiblement un bulletin fermé et non signé :
" XI. Les suffrages qui ne sont point donnés conformé
ment à la loi , sont supprimés dans les recensemens .
,, XII . Dans toute élection , lorsqu'il y a egalité de suf
frages , le plus ancien d'âge est prefere ; dans le cas d'ega.ité
d'âge , le sort decidera .
TITRE II . Election des présidens , secrétaires et scrutaleurs
" Art. ker. Toute assemblée publique se forme sous la
présidénce provisoire du plus ancien d'âge ; les plus âges après
lui remplissent provisoirement les fonctions de scrutateurs ,
et le plus jeune celles de secrétaire .
scruta-
II. Les fonctions de président , secrétaires et
teurs , soit provisoires , soit définitifs , ne peuvent être exercées
que par des citoyens sachant lire et écrire .
" III. Dès que les officiers provisoires ont pris leur place ,
on procede immédiatement à l'exécution d'un président ,
d'un secrétaire et de trois scrutateurs définitifs .
IV. Cette élection se fait par un seul scrutin de liste ,
et à la pluralité relative .
" Chaque votant écrit sur son bulletin , ou y fait écrire
par l'un des scrutateurs autant de noms qu'il y a d'officiers
à nommer.
,, Celui des citoyens presens qui obtient le plus de suffrages ,
est président , le suivant est secrétaire , et les trois autres scrotateurs.
,, Le bureau de l'assemblée une fois formé ne peut plus
( 571 )
être renouvellé durant la même session d'une assemblée primaire
, communale ou électorale .
" VI . En cas d'absence , démission ou destitution , le président
est suppléé par le secrétaire ; celui - ci , par le premier
scrntateur , et les scrutateurs par les membres de l'assemblée
qui ont obtenu le plus de voix après eux .
99 VII . Toute assemblée primaire , communale on électorale
, composée de plus de 200 membres présens , doit , après
la nomination du bureau général , se diviser en plusieurs bu
reaux particuliers .
,, VIII . La répartition des membres de l'assemblée en bureaux
particuliers se fait par le sort ; de telle sorte qu'il y
ait pour chacun de ces bureaux 100 votans au moins 200
au plus .
9
IX. Le bureau général fait l'office de bureau particulier
pour l'une des sections de l'assemblée .
,, X. Les votans attachés à chacun des autres bureaux
particuliers se nomment entr'eux un président , un secrétaire
et trois scrutatears , dans les mêmes formes que celles prescrites
ci-dessus pour la nomination des officiers du bureau
général.
" XI . Les suffrages pour l'élection des fonctionnaires pu
blics seront reçus par les officiers des bureaux particuliers .
" Les recensemens partiels faits en chacun de ces bureaux
sont portés au bureau général , où se fait le recensement
universel.
" XII . Lorsqu'il y a dans un canton plusieurs assemblées
primaires concourant à l'élection des mêmes fonctionnaires
publics , le bureau général de chacune de ces assemblées envoie
deux de ses membres pour porter le recensement qu'il
a fait à l'administration municipale , où se fait le recensement
définitif auquel ils assistent.
( La fin au numéro prochain . )
PARIS . Nonidi 29 Fructidor , l'an 3º . de la République.
Dans la comparaison que nous avons faite des intri
gans démagogues avec celle des intrigans royalistes ,
quoique nous ayons fait remarquer la similitude des
- moyens , nous ne pensons pas que le blâme doive être
dispensé avec la même mesure aux uns et aux autres ;
on peut supposer au moins que déçus par leur énergie
ambitieuse , les premiers ont cru un peu ce qu'ils ont
tâché de faire croire . Les dispositions des esprits , d'ailleurs
, favorisaient les exagérations de principes ; l'élan
( 372 )
rapide et enthousiaste du peuple vers la liberté était
une puissante amorce pour des hommes que fiattait la
gloire populaire ; l'interprétation erronée des maximes
des grands publicistes et leur applicauon pernicieuse
concordait assez bien avec l'exaltation inconsidérée de
tous les cerveaux . Nulle expérience assez prochaine ne
venait au secours des illusions du patriotisme . Mais
aujourd'hui que les censeurs les plus acharnés des folies
révolutionnaires , que ceux qui ont accumulé tant de
raisonnemens pour infirmer la réalité des droits du
peuple , même en théorie , et réfuté avec tant de force
les sophismes qui s étaient mêlés à l'ivresse d'une liberté
naissante , que ce soient ces mêmes censeurs qui renchérissent
sur des abus si amerement reprochés , c'est ce
que l'on ne pourrait croire , si cette honteuse inconséquence
n'était pas aussi multipliée qu'elle est publique !
Il n'y a plus.ici d'excuse à l'erreur , elle est volontaire
et méditée . Par exemple , qui plus que certains écrivains
s'est récrié contre l'usage d'extraire des ouvrages philosophiques
des maximes propres à abuser l'esprit des
citoyens ? Eh bien ! nous lisons dans un journal , dont
les auteurs ont le plus déclamé contre les philosophes
publicistes , une longue serie de sentences détachées ,
tirées des ouvrages de Jean Jacques et d'autres écrivains
, et qui ne sont rassemblés avec un soin perfide
que pour faire prendre au peuple de fausses idées de
ses droits et de ses attributions . On peut dire à des
hommes qui rédigent de pareils catéchismes : Vous semez
à votre tour l'anarchie , que prétendez-vous recueillir
?
L'assemblée primaire de la section des Champs-Elysées
a déclaré en principe que le droit de se communiquer
leurs voeux , leurs pensées et leurs actions ne peut être
interdit aux assemblées primaires sans que la souveraineté
n'en soit blessée dans ses bâses les plus essentielles
, et que l'ensemble qu'exige le concours à la même
souveraineté n'en soit dérangé . Cette déclaration porte
en outre Si lorsque la constitution est en activité ,
" les assemblées primaires n'ont que les droits qu'elles
" se sont réservés elles - mêmes en adoptant cette consti-
" tution , dont leur volonté seule a fait leur loi , il n'en
" est pas ainsi au moment où le pacte social n'étant
" point formé le peuple n'a pas renoncé encore à l'exercice
de ses droits tout entiers, et à délibére sur le pacte
social lui - même . »
( 373 )
Les erreurs que renferme cette déclaration sont de
nature à entraîner facilement et l'ignorant et l'homme
instruit qui ne se défierait pas de la premiere impression
d'une idée captieuse ; il mérite donc une réfutation aussi
précise que l'assertion elle - même .
Il paraît que les meneurs de la section des Champs-
Elysées . sentant la faiblesse d'un voeu isolé , voudraient
augmenter de toute l'influence des communications
collectives , celle que quelques individus n'exercent pas
avec assez de fruit , et , par un sophisme adroit , présentent
ces communications comme un concours essentiel
des parties pour produire un ensemble plus harmonique
et plus parfait . Mais ce n'est point un accord factice qui
constitue la volonté générale ; c'est le vou libre et
spontané de la plus ou moins grande majorité des citoyens
, livrés , autant qu'il est possible , à leur seule
conscience morale et intellectuelle . De bonne foi , une
masse de délibérans qui agirait sur une autre masse , et ,
d'après les lois de la progression , un grand nombre de
masses réunies , agissant ensuite a - la- fois sur un trèspetit
nombre , peuvent - elles offrir , dans leur mouvement
, un tableau vrai de l'action d'une seule assemblée
sur elle - même , par les communications individuelles
de ceux qui la composent ? et dans l'espece d'attraction
que nous venons de peindre , qui garantirait sur- tout
la pureté de la premiere impulsion ? Jy vois bien les
mêmes élémens , mais ils sont combines d'une maniere
trop différente pour tendre en effet à cette unité , à ce
véritable ensemble de délibérations qui résulterait de la
réunion totale des individus du corps politique en une
seule assemblée , si elle était possible .
En vain a - t - on soin dans cette déclaration de réclamer
l'exercice des droits tout entiers du peuple . Les
droits du peuple sont à son intérêt conservateur , ce
qu'est la liberté absolue de l'homme au maintien des
droits de chacun . Les droits du peuple sont limités par
la raison publique , comme la liberté a pour borne la
justice et les lois.
Au reste , à une époque où l'art typographique propage
avec tant de rapidité les idées et les opinions , la
communication des lumieres , la seule nécessaire pour
produire un voeu sage , a eu lieu à l'avance . Toute autre
communication , lorsque le souverain prononce , au moment
précis du scrutin , ne pourrait avoir qu'une influence
destructive de la liberté comme de la pureté des
ffrages.
( 374 )
1
L'acte constitutionnel a été accepté par les assemblées
primaires de Paris à la presqu'unanimité . Le choix
libre du scrutin ouvert ou du scrutin secret ne laisse
aucun doute sur le voeu général . On compte dans cette
immense cité de 4 jusqu'à 12. suffrages seulement , par
/ section , pour la royauté ; ce qui ne dit pas que les
agens de ce systême puissent en tirer avantage pour
couvrir leurs menées . L'exiguité du nombre de ceux
dont l'opinion était fortement prononcée pour cette
forme de gouvernement , donne la raison des efforts
employés pour influencer les esprits ; il est à croire que
ces agens en avaient séduits beaucoup qui ne se sont
point déclarés , que le mécontentement seul leur en
avait offert de tout gagnés ; mais au moment de prononcer
sur l'organisation politique et le sort de son
pays , l'homme de bien qui serait travaillé par les insinuations
de l'esprit de parti ou par ses propres incertitudes
, se recueille et se pénetre de limportance
de l'acte qu'il va faire . Le méchant même n'est pas
inaccessible à cet instinct moral , qui arrête quelque
fois le cours d'une mauvaise action . Celui qui tiendra
peut- être encore , par amour- propre , à l'opinion qu'il
avait embrassée , le plus souvent sans trop s'en rendie
compte , ne veut pas se charger du remords d'avoir
compromis la destinée de 25 millions d'hommes et la
portion d'intérêt individuel qu'on y a soi -même .
Les décrets sur la réélection des deux tiers ont été
refusés à une très - grande majoritė . Ici l'impression dent
nous venons de parler est bien moins sensible , et c'est
en sens contraire qu'agit l'amour- propre . Tout- à-l'heure ,
il ne fallait qu'adopter l'ouvrage . S'agit- il ensuite de
conserver les ouvriers ? Que de passions viennent à
la traverse et empêchent de bien juger ! C est alors
que l'intrigue trouve mille ressources pour se rendre
recommandable , et qu'elle abonde en motifs qui flattent
tous les ressentimens , qui caressent l'ambition et l'envie,
et auxquelles donnent du poids quelques considérations
fondées en raison mème pour les esprits les mieux
disposés.
Cet inconvénient , inévitable dans toutes les délibé
rations populaires , ne peut infirmer les décisions qu'elles
ont produites. Il faut faire en sorte que le voeu général
soit le plus pur , c'est-à - dire le plus libre possible.
Une fois émis , il enchaîne toutes les volontés sans retour
pour le tems , et les objets auxquels il est appliqué ; !
autrement , l'état social a'offrirait perpétuellement que
( 375 )
désordre et confusion . C'est ce respect religieux pour
la volonté générale qu'il est bien nécessaire d imprimer
dans les ames , et qui doit faire partie essentielle des
moeurs républicaines . Non- seulement la volonté seuveraine
doit être sacrée pour toutes les parties organiques de
l'administration et pour tous les citoyens , les assemblées
du souverain doivent elles mêmes respecter leurs propres
décisions, et il n'appartient qu'à une immoralité profonde
de répandre la doctrine funeste des rétractations appliquées
aux actes de la souveraineté .
Telle est en effet la derniere ressource de cette intrigue
que nous poursuivons avec franchise , et sans y
être déterminés par d'autre impulsion que celle d'une
conscience pure , et l'on ne peut s'y méprendre . Ainsi
la sainteté du voeu national serait souillée par une versatilité
qui deviendrait la source de tous les maux !
Non , la raison publique repoussera cette insinuation
perverse et qui doit faire frémir tous les bons citoyens .
Les journalistes dévoués au mal ne peuvent dissimuler
leur joie de l'espérance qu'ils fondent sur cette
doctrine. Il est à croire , dit l'un d'eux , que des
" communes qui auraient accepté , même expressément ,
" les deux décrets , ou par crainte ou par surprise , reti-
" reraient volontiers , et même avec joie et empressement ,
leur assentiment à ces deux décrets si elles savaient
le refus formel qui en a été fait , notamment ici . »
Quelle profonde scélératesse ! quelle abnégation de principes
et d'honneur ! Voilà donc le but de ces communications
collectives si desirées . Convention nationale soyez
grande, juste et sévére , faites respecter la volonté générale
et soyez les conservateurs de la morale publique ; et vous
représentans , qui publiez hors de la tribune vos opinions
individuelles dans la lutte que le civisme est
forcé de soutenir contre la malveillance sans pudeur ,
sachez vous garantir des égaremens de l'amour-propre ;
montrez- vous toujours dignes de la cause que vous défendez
: c'est la sagesse seule qui fait la force . L'intrigue
a besoin de grandes fautes pour triompher , voudriezvous
lui fournir des succès ?
Ser 1669 procès- verbaux parvenus hier , 1364 portent l'ac
ceptation de la constitution et des décrets additionnels ; 293 refusent
les décrets .
NOUVELLES OFFICIELLES.
Copie de la capitulation de la ville de Dusseldorff.
Nous soussignés fondés de pouvoirs pour traiter de la capimulation
de la ville et place de Dusseldorff , c'est - à - dire 2
( 376 )
1
moi , Louis Denisot , adjoint aux adjudans - généraux pour
la République Française , et le ministre dirigeant Hompesche ,
ayant les pouvoirs civils et militaires de ia part de l'électeur
Palatin pour ces pays -ci , le lieutenant général et commandant
de la province Zedvitz , et le général - major commandant
de la ville Duivigk , avons arêté ce qui suit :
Art . Ier . La garnison sortira sur le- champ avec armes et
bagages et tous les honneurs de la guerre , et sera libre de
se retirer où elle jugera à propos , à condition qu'elle ne
portera point les aimes , pendant un an et un jour , contre
les armées de la République et celles de ses alliés .
II . Il sera accordé à la garnison 46 chevaux de cavalerie ,
de ceux qui existent dans la place ; les autres seront remis
aux Français , à l'exception de ceux des officiers et ceux de
la maréchaussée du pays , pourvu toutefois que ces derniers
n'excedent pas le nombre de 15 .
III. Tous les canous et pieces d'artillerie quelconques" ,
les munitions de guerre , ainsi que les barques et post-volans
qui peuvent exister dans le port , seront remis au pouvoir
des Français .
IV. Le gouverneur désignera un officier qui sera chargé
de remettre à l'agent de la République Française , un état
exact de tous les magasins , munitions militaires et bouches
à feu existant dans la place au moment de sa reddition , des
mines et ouvrages souieirains , des cartes et plans relatifs à
la défense de la place , etde la force de la garnison actuelle.
V. Le gouverneur de Dusseldorff laissera un agent par chaque
corps , qui fera suivre les équipages lorsque l'armée autrichienne
se sera retirée derri re la Fieg. Il sera cependant
accordé deux voitures non couvertes aux généraux conduisant
les troupes.
VI . Tous les individus militaires autrichiens qui , existant
dans la ville , ne sont point compris dans la présente capitulation
, sont réputés dès ce moment prisonniers de guerre.-
VII. Le gouverneur de Dusseldorff déclarera et remettra au
pouvoir des Français tous les émigres français qui pourraient
être dans la ville .
VIII . La sûreté des propriétés et des personnes des habitans
de la ville de Dusseldorf est remise sous la sanve- garde de la
loyanté fi uçaise .
1
IX. Il est accordé au ministre dirigeant , ci - dessus nommé ,
la berté de demeurer avec sa famille à Dusseldorff , oude
sortir de la ville et du pays quand bou lui semblera .
Fait à Dusseldorff , le 20 fructidor , ère de la République
Française , et le 6 septembre 1795 .
Signės , L. DENISOT , HOMPESCHE . ZEDWITZ , lieutenant -gen éral
et commandant de la province ; DULVICK , général - major et
commandant de la place .
Pour copie conforme . L'adjudant- général du général Jourdan .
Signé , N. DUCHEISZON .
( N ° 73. )
MERCURE FRANÇAIS
CINQUIEME JOUR COMPLÉMENTAIRE , l'an 3. de la Rép.
( Lundi 21 Septembre 1795 , vieux style . )
LITTÉRATURE. HISTOIRE.
Fin du Voyage à Montbart en 1785 , par HERAULT- SECHELLE .
C'est de l'histoire naturelle et du style qu'il aime le
99
' EST
mieux à s'entretenir . Je ne sais même si le style n'aurait
pas la préférence . Nul homme n'en a micux senti la
métaphysique , si ce n'est peut- être Beccaria ; mais Biccaria
, en donnant le précepte , n'en a pas également.
donné l'exemple comme M. de Buffon . Le style est
,, l'homme même , me répétait - il souvent . Les poëtes
n'ont pas de style parce qu'ils sont gênés par la me-
,, suré du vers qui fait d'eux des esclaves . Aussi , quand
on vante devant moi un homme , je dis toujours :
Voyons ses papiers . Comment trouvez- vous le style de-
,, M. Thomas , lui demandai -je ? Assez bon , me répon
, dit- il , mais trop tendu , trop enflé. Et le style de
Rousseau ? Beaucoup meilleur ; mis Rousseau à tous
, les défauts de la mauvaise éducation ; il a l'inter
jection , l'exclamation en avant , l'apostrophe continúelle
.
,, Donnez - moi donc vos principales idées sur le style .
,, Elles sont dans mon discours à l'académie ; au reste ,
,, en deux mots : il y a deux choses qui forment le
, style , l'invertion et l'expression . L'invention dépend
de la patience ; il faut voir , regarder long- tems son
,, sujet , alors il se déroule et se développe peu- à-peu ,
", vous sentez comme un petit coup d'électricité qui
vous frappe la tête , et en même tems vous saisit le
,, coeur ; voilà le moment du génie , c'est alors qu'on
, éprouve le plaisir de travailler , plaisir si grand que
" je passais 12 heures , 14 heures à l'étude , c'était
" tout mon plaisir. En vérité , je m'y livrais bien plus
" que je ne m'occupais de la gloire , la gloire vient
Tome XVII .. Bb
( 378 )
99
99
99
après si elle peut , et elle vient presque toujours.
,, Mais voulez- vous augmenter le plaisir , et en même
tems être original ? Quand vous aurez un sujet à
,, traiter , n'ouvrez aucun livre , tirez tout de votre tête ,
ne consultez les auteurs que lorsque vous sentirez que
vous ne pouvez plus rien produire de vous- même .
,, C'est ainsi que j'en ai toujours usé ; on jouit véritablement
par ce moyen quand on lit les auteurs ; on
,, se trouve à leur niveau , ou au- dessus deux , on les
,, juge , on les devine , on les lit plus vite . A l'égard
,, de l'expression , il faut toujours joindre l'image à
l'idée . Il faut même que l'image précede l'idée pour.
,, y préparer l'esprit ; on ne doit pas toujours employer
le mot propre , parce qu'il est souvent trivial , mais
,, on doit se servir du mot auprès ; en général , une
,, comparaison est ordinairement nécessaire pour faire.
sentir l'idée ; et , pour me servir moi - même d'une
,, comparaison , je me représenterai le style sus l'image
d'une découpure qu'il faut rogner , nettoyer dans
tous les sens , afin de lui donner la forme qu'on lui
,, desire. Lorsque vous écrivez , écoutez le premier mou-
,, vement , c'est en général le meilleur , puis laissez re-
,, poser quelques jours ou même quelque tems ce que
vous avez fait. La nature ne produit pas de suite , ce
n'est que peu - à - peu qu'elle opere , après le repos et
,, avec des forces rafraîchies ; il faut seulement s'occu-
,, per de suite du même objet , le suivre , ne pas se
,, livrer à plusieurs genres ; quand je faisais un ouvrage
je ne songeais pas à autre chose . J excepte cependant
,, votre état , me dit M. de Buffon , vous avez souvent
plusieurs plaidoyers à composer à- la- fois , et dans des
,, matieres peu
intéressantes ; le tems yous manque
39
99
99
93
99
จ
vous ne pouvez parler que sur des notes ; dans ces
,, cas , au lieu de correction , il faut donner davantage
à l'éloquence des paroles , c'en est assez pour des
,, auditeurs . Pardieu , pardieu , la lettre que vous m'avez
,, écrite ( j'en ai cité la fin au commencement de cet
" article , pour avoir occasion d'en parler maintenant )
fournirait un beau parallele entre interprete de la
nature et l'interpréte de la société. Faites cela dans quelques
discours ; ce morceau produirait un effet superbe.
Il serait curieux de considérer les bâses des
opinions , et de montrer combien elles sont flottantes
dans la société . ""
Je demandai ensuite à M. de Buffon quelle serait la
( 379 )
i
meilleure maniere de se former ? Il me répondit qu'il
ne fallait lire que les ouvrages principaux , mais les lire
dans tous les genres et dans toutes les sciences . parce
qu'elles sont parentes , comme dit Cicéron , parce que
les vues de lune peuvent s'appliquer à l autre , quoiqu'on
ne soit pas destiné à les exercer toutes . Ainsi ,
même pour un ju isconsulte , la connaissance de l'art
militaire et de ses principales opérations ne serait pas
inutile . C'est ce que j ai fait , me disait l'auteur de l'Histoire
Naturelle. Au fond , l'abbé de Condillac a fort bien
'dit , à la tête de son quatrieme volume du Cours d'éducation
, si je ne me trompe , qu'il n'y a qu'une seule
science , la science de la nature . M. de Buffon était du
même avis , sans citer l'abbé de Condillac , qu'il n'aime
pas , ayant eu jadis des discussions polémiques avec
lui ; mais il pense que toutes nos divisions et classifications
sont arbitraires , que les mathématiques ellesmêmes
ne sont que des arts qui ten lent au même but ,
celui de s'appliquer à la nature et de la faire connaître .
Que cela ne nous effraie point au surpius . Les livres
capitaux dans chaque genre sont rares ; et au total , ils
pourraient peut - être se réduire à une cinquantaine d ouvages
qu'il suffirait de bien méditer..
""
peu
G'est surtout la lecture assidue des plus grands génies
que me recommandait M. de Buffon . Il en trouvait
bien dans le moude . « Il n'y en a guere que cinq ,
1 me disait- 1 ; Newton , Bacon , Leibnitz , Montesquieu , et
MOI . A l'égard de Newton , il a découvert un grand
principe , mais il a passé toute sa vie à faire des calculs
pour le démontrer , et par rapport au style il ne
peut pas être d'une grande utilité . Il faisait plus
de cas de Leibnitz que de Bacon lui- même ; il prétendait
que Leibnitz emportait les choses à la pointe de son
génie , au lieu que chez Bacon les découvertes ne naisseut
qu'apies de profondes réflexions ; mais il disait en
même tems que ce qui montrait mieux le génie de
Leibnitz , n'était peut- être pas dans la collection de ses
ouvrages , qu'il fallait le chercher dans les mémoires de
l'academie de Berlin. En citant Montesquieu , il parlait
de son génie , et non pas de son style qui n'est pas
toujours parfait , qui est trop écouté , qui manque de
développement . Je l'ai beaucoup connu , me disait-i
" et ce défaut tenait à son physique . Le président ét it
presque aveugle , et il était si vif que la plupart da
,, tems il oubliait ce qu'il voulait di ter , ensorte qu'il
Bb 2
( 380 )
était obligé de se resserrer dans le moindre espace
" possible. Enfin , j'étais bien aise de savoir ce que
M. de Buffon me dirait de lui -même , comment il s'appréciait
, et voici le tour dont je m'avisai .
Il m'avait deniandé à voir de mon style ; je craignais
ce moment ; cependant l'extrême envie d'entendre ses
observations et de me former par ses critiques , me fit
oublier les intérêts de mon amour- propre . Je lui récitai
dont la seule chose dont je me souvinsse pour lors ;
je vis avec plaisir qu'il ne corrigea qu'un seul mot , qu'il
critiqua avec rigueur , mais avec raison , et il me dit ,
avec sa franchise accoutumée Voilà une page que je
n'écrirais pas mieux . " Enhardi par cette premiere
réussite . il me parut plaisant d'écrire une autre page
sur lui-même , et de la lui présenter . Il était téméraire
d'oser ainsi juger le génie en présence du génie même.
Je pris le parti de comparer l'invention
de M. de
Buffon avec celle de Rousseau , me doutant pour qui ,
sans injustice , pencherait la balance . Voilà donc que
je m'enferme le soir dans ma chambre , je prends l'Emile
et le volume des Pues sur la Nature , je me mets à lire
alternativement
une page de l'un , une page de l'autre ;
j'écoutais ensuite les impressions
que je ressentais intérieurement.
J'en comptais les différentes especes ; au
bout d'une heure , je parvins à les réaliser et à les écrire .
Le lendemain , je pottai cette page à M. de Buffon. Je
puis dire qu'il en fut prodigieusement
satisfait. A mesure
que je la lui lisals , it se récriait ou bien il corrigeait
quelques mots ; enfin , il passa , cinq jours à relire,
à retoucher lui - même ce morceau ( 1 ) . Continuellement
(1 ) Voici ce morceau :
Parallele de J. J. Rousseau et de M. de Buffon , considérés sous
le rapport de la pensée.
93
En lisant , dans le dessein de comparer , les morceaux philosophiques
du célebre Rousseau et de Pillustre auteur de
1'Histoire Naturelle , voici le parallele que j'ai cru pouvoir établir
entre ces deux grands écrivains
Rousseau a l'éloquence des passions ; Buffon , la parole da
genie .
Rousseau analyse chaque idée ; Buffon généralise la siennne ,
ne daigne particulariser que l'expression.
Rousseau démêle et réunit les sensations qu'un objet ' fait
( 381 )
1
il me faisait appeller pour me demander si j'adhérais
à tel changement , je le combattais quelquefois , je me.
rendais presque toujours . M. de Buffon , depuis ce
tems , ne mit plus de bornes à son affection pour moi .
Tantôt il s'écriait Voilà une haute conception ; par- ,
dieu ! pardieu ! on ne peut pas faire mieux une com-
" paraison , c'est une page à mettre entre Rousseau et
» moi . " " Tantôt il me conjurait de la mettre au net de
ma main et de la signer , et de permettre qu'il l'envoyât
à monsieur et madame Necker. Tantôt il m'enga
geait à la faire insérer , sans me nommer , dans le fournal
de Paris , ou dans le Mercure. Voulant me divertir
un peu de la bonne et franche vanité du personnage
je lui demandai si je ne ferais pas bien d'envoyer en
même tems aux journaux l'inscription que son fils venait
naître ; Buffon ne choisit que les plus grandes et combine pour
en comparer de nouvelles .
"
Rousseau n'a rien écrit que pour des auditeurs ; Buffon , que
pour des lecteurs .
Dans les belles amplifications auxquelles s'est livré Rousseau
, on voit qu'il s'enivre de sa pensée ; il s'y complaît , et
tourne autour d'elle jusqu'à ce qu'il l'ait épuisée dans les plus
petites nuances ; c'est un cercle qui dans l'onde la plus pure
s'élargit souvent au point de disparî re Buffon , lorsqu'il
présente une vue générale , doune à ses conceptions le mou
vement qui naît de l'ordre , et ce mouvement , plus il est me
suré , plus il est rapide ; semblable à une pyramide, immense
dout là bâse couvre la terre , et dont le sommet va te perdre,
dans le ciel , sa pensée audacieuse et assurée recueille les faits ,
saisit leur chaine invisible , les suspend à leurs origines , éleve
toutes ces origines les unes sur les autres , et se resserrant au
lieu de croître s'accélere en moutant , et ne s'arrête qu'au point
d'où elle embrasse et domine tout.
Rousseau , par une suite de son caractere , se fait presque
toujours le centre de ses idées ; elles lui sont plus personnelles
qu'elles ne sont propres au sujet , et l'ouvrage ne produit , on
plutôt ne presente que l'ouvrier : Buffon , par une connaissance
de plus et du sujet et de l'art d'écrire , rassemble toutes les
opérations de l'esprit pour révéler les mysteres et développer
les oeuvres de la nature ; son siyle , formé d'une combinaison
da rapports , devient alors un style nécessaire , il grave tout ce
qu'il peint , et il feconde en décrivant.. DAVC S AT
༞ ་་་
semble
Enfu , Rousseau a mis en activité toys Le sens que donne
La nature ; et Buffon , par une plus grande
B'être créé un sens de plus .
activite ,
Bb 3
( 382 )
de lui dédier au pied de la colonne qu'il lui avait élevée.
Pour une autre fois , me répondit- il , il ne faut
pas diviser l'attention . Ce sera le sujet de deux
lettres.
Enfin , ne sachant quelle fête me faire , ni comment
me témoigner sa joie , voici ce qu'il me dit un jour. Je
ne devrais pas le dire , carje vais tomber dans un amourpropre
bien plus ridicule , et bien moins fondé que le
sien ; mais la fidélité de la narration exige que je dise
tout ; je parlerais même contre moi , si cette même narration
l'exigeait . J'entendis donc un matin sa sonnette ,
dont il sonne toujours trois coups , et linstant d après
son valet - de - chambre vint me dire : M. de Buffon vous
demande. Je monte , il vient à moi , m'embrasse , et me
dit Permettez - moi de vous donner un conseil ?
ne savais où il en voulait venir ; je lui promis que tout
ce qu'il voudrait bien me dire serait reçu avec une entiere
reconnaissance . Vous avez deux noms , me dit- il ;
on vous donne dans le monde , tantôt l'un , tantôt
l'autre , et quelquefois tous les deux ensemble . Croyez-
,, moi , tenez- vous - en à un seul ; il ne faut pas que
, l'étranger puisse s'y méprendre .
99
99
Je
Il me parla ensuite avee passion de l'étude , du bonheur
qu'elle assure . Il me dit qu'il s'était toujours placi
hors de la société , que souvent il avait recherché des
savans , croyant gagner beaucoup dans leur entretien ,
qu'avait vu que pour une phrase , quelquefois utile ,
qu'il en recueillant , ce n'était pas la peine de perdre
une soirée entiere ; que le travail était devenu pour lui
un besoin , qu'il espérait s y livrer encore pendant trois
ou quatre ans qui lui restzient à vivre , qu'il n'avait
aucune crainte de la mort ; que l'idée d'une renommée
immortelle le consolait ; que s'il avait pu chercher des
dédommagemens de tout ce qu'on appelle des sacrifices
au travail , il en aurait trouvé d'abondans dans l'estime
de l Europe et les lettres flatteuses des principales têtes
couronnées . Ce veillard ouvrit alors un tiroir , et me
montra une lettre magnifique du prince Henri , qui était
venu passer un jour à Montbart , qui l'avait traité avec
une sorte de respect , qui , sachant qu'après son dîner
il avait coutume de dormir , s'était assujetti à ses heures ;
qui venait de dui envoyer un service de porcelaine ,
dont lui -même avait donné les dessins , et où des cignes
sont représentés dans toutes leurs attitudes , en mémoire
de l'histoire du Cigne que M. de Buffon lui avait lue à
73
( 383 )
son passage ; enfin , qui lui écrivait ces paroles remarquables
Si j'avais besoin d'un ami , ce serait lui ;
dun pere , encore lui ; d'une intelligence pour m'éclairer
, eh ! quelle autre que lui !
M. de Buffon me montra ensuite plusieurs lettres de
l'impératrice de Russie , écrites de sa propre main , pleines
de génie , où cette grande femme le loue de la maniere
qui lui a été la plus sensible , puisqu'il est clair qu'elle
a lu ses ouvrages , et qu'elle les a compris en savant.
Elle lui mandait : Newton avait fait un pas , vous avez
fait le second . En effet , Newton a découvert la loi
de l'attraction , Buffon a démontré celle de l'impulsion ,
qui , à l'aide de la précédente , semble expliquer toute
la nature . Elle ajoutait : Vous n'avez pas encore vidé
9 votre sac au sujet de l'homme. " Faisant allusion
par-là au systême de la génération , et Buffon s'applaudissait
d'avoir été plus entendu par une souveraine que
par une académie . Il me montra aussi des questions
très- épineuses que lui proposait l'impératrice sur les
pognes de la nature; il me confia les réponses qu'il y faisait
. Dans cette haute correspondance de la puissance
et du génie , mais où le génie exerçait la véritable puissance
, je sentais mon ame attendrie , élevée ; la gloire
paraissait se personnifier à mes yeux ; je m'imaginais la
toucher , la saisir , et cette admiration des souverains ,
forcés de s'humilier ainsi eux - mêmes devant une grandeur
réelle , touchait mon coeur comme un hommage
bien au- dessus de tous les honneurs qu'ils cussent pu
décerner dans leur empire .
Je quittai , peu de jours après , ce bon et grand homme ,
emportant dans mon coeur un souvenir profond et immortel
de tout ce que j'avais vu , de tout ce que j'avais
entendu. Je me récitais , en m'éloignant , ces deux beaux
vers de l'Edipe de Voltaire :
L'amitié d'un grand homme est un bienfait des Dieux ,
Je lisais mon devoir et mon sort dans ses yeux .
Il était dit que j'aurais encore une fois le bonheur
de le voir. En quittant Semur , pour retourner à Paris ,
la poste me ramena par Montbart contre mon attente .
Je ne pus m'empêcher , quoiqu'il fût sept heures du
matin , d'envoyer mon valet-de - chambre savoir des nouvelles
de M. de Bufion . Il me fu dire qu'il voulait absolument
me voir. Lorsque je le revis , je me jetrai dans
ses bras , et ce bon vieillard me serra long - tems contre
Bb 4
?
( 384 )
•
son sein avec une tendresse paternelle . Il voulut déjeůner
avec moi , remplit ma voiture de provisions , et me
parla pendant trois heures avec plus de chaleur et d'activité
que jamais . Il semblait m'ouvrir son ame , et m'y
laisser pénétrer à loisir . L'amour de l'étude ne fut point
oublié dans cet entretien .
Je consultai M. de Buffon sur un projet d'ouvrage que
j'ai formé , ouvrage sur la législation , qui occuperait ,
il est vrai , une grande partie de la vie , et peut- être la
vie toute entiere . Mais quel plus beau monument pourrait
laisser un magistrat ? Nous en raisonnâmes longtems
. Il s'agirait de faire une revue générale de tous les
droits des hommes et de toutes leurs lois , de les comparer
, de les juger , et d'élever ensuite un nouvel edifice .
Il approuva mes vues , m'encouragea . Il augmenta mon
plan , et en fixa la mesure . Il me persuada , comme c'était
mon projet , de ne prendre que les sommités des
choses , capita rerum , mais de les bien dévolopper quoique
sans longueur, de resserrer l'ouvrage en un volume
in - 4° . ou deux tout au plus , de le travailler sur quatre
parties 1. morale universelle , ce qu'elle doit être dans
tous les tems et dans tous les lieux ; 2 ° . législation universelle
, prendre l'esprit de toutes les lois qui existent
dans l'univers : comme je lui disais qu'il y aurait
un bel ouvrage à faire sur la maniere de rédiger une
loi , en suivant toutes les circonstances possibles ou la
raison humaine pourrait avoir à s'exercer , il me dit
que ce serait la troisieme partie de mon ouvrage ;
3. d'une réforme qu'il faudrait introduire dans les différentes
lois du globe ; 4° . enfin , il m'ajouta qu'il y
rait une magnifique conclusion , qui serait déterminée
par un grand chapitre sur la nécessité et sur l'abus des
formes . Par ce, moyen , on embrasserait tous les objets
possibles qui peuvent concerner la légisi : tion . Ce plan ,
quoiqu'immense dans le détail , m'a paru très - satisfaisant
, et je me suis proposé de l'exécuter. Je sais tout
ce qu'il m'en coûtera ; mais un grand plan et un grand
but laissent du bonheur dans l'ame , chaque jour qu'on
se met à l'oeuvre , M. de Buffon ne me cacha point , et
je le sentais bien , que j'aurais plus à travailler qu'un
autre , ayant en outre à remplir les devoirs de ma charge
qui suffisaient pour absorber un homme . Mais quelle
upériorité une pareille étude constamment suivie ne
me donnerait- elle pas , même pour remplir ces mêmes
devoin ? Il me contella done de ne les point négliger ;
( 385 )
mais il m'avertit qu'avec de la patience et de la méthode
je m'appercevrais chaque jour du progrès et de la
vigueur de mon intelligence . Il m'exhorta à faire comme
lui , à prendre un secrétaire uniquement pour ce travail
. En effet , M. de Buffon s'est toujours beaucoup fait
aider ; on lui fournissait des observations , des expériences
, des mémoires , et il combinait tout cela avec
la puissance de son génie . J'en ai trouvé une fois la
preuve dans le peu de papiers qu'il avait laissés dans
un carton . Je vis un mémoire sur l'aimant , auquel il
travaille , envoyé par le comte de Lacepède , jeune homme
plein d'ardeur et de connaissances .
Buffon a raison ; il y a mille choses qu'il faut laisser
à des manoeuvres , autrement on serait écrasé , et on
n'arriverait jamais à son but. Il me dit que , dans le tems
de ses plus grands travaux , il avait une chambre remplie
de cartons , qu'il a depuis brûlés . Il me fortifia dans
la résolution de ne point consulter les livres , de tirer
tout de moi-même , de ne les ouvrir que quand je ne
pourrais plus aller plus loin que le point où je me trouvais
. Encore , parmi les livres , il me conseilla de ne lire
que l'Histoire Naturelle , l'Histoire et les Voyages ; il avait
bien raison . La plupart des hommes manquent de génie
parce qu'ils n'ont pas la force ni la patience de
prendre les choses de haut ; ils partent de trop bas ; et
cependant tout doit se trouver dans les origines . Quand
on connaît l'histoire naturelle de l'homme et ensuite
T'histoire naturelle d'un peuple , on doit trouver sans
peine quelles sont ses moeurs , quelles sont ses lois . On
trouverait presque son histoire civile toute entiere .
Mais quand on connaît de plus son histoire civile , on
doit encore plus aisément découvrir et juger ses lois ,
en les combinant , soit avec sa constitution , soit avec
les événemens .
66
Je ne suis pas en peine de vous , me disait M. de
" Buffon , pour la premiere partie , savoir , pour la morale
universelle . Vous vous en tirerez bien . Il suffit
,, d'avoir une ame droite et un esprit pénétrant et juste ;
mais c'est lorsqu'il s'agira de découvrir et de classer
" cette multitude innombrable d'institutions et de lois :
,, voilà un grand effort et digne de tout le courage hu-
" main . " Je ne pus m'empêcher de lui faire une observation
délicate . Et la religion ? Monsieur , comment
,, nous en tirerons - nous ? ,, Il me répondit : « Il y a
moyen de tout dire ' ; vous remarquerez que c'est un
( 886 )
99
99
" objet à part ; vous vous envelopperez dans tout le
respect qu'on lui doit , à cause du peuple . Il vaut
" mieux être compris d'un petit nombre d'intelligens ,
" et leur suffrage seul vous dédommage de n'être point
point compris par la multitude . Quant à moi , je traiterais
avec un égal respect le christianisme et le ma-
,, hométisme . Ainsi s'écoulaient les heures dans ces
entretiens de gloire et d'espérance : je ne pouvais m'arracher
du sein de ce nouveau pere que la science et le
génie m'avaient donné . Il fallut enfin le quitter : ce ne
fut pas sans être resté long - tems dans les plus étroits
embrassemens , et sans une promesse réitérée de me
nourrir beau oup de ses ouvrages qui contiennent toute
la philosophie naturelle , et de le cultiver en même
tems avec une assiduité filiale , le reste de sa vie . Voilà
tout ce que je sais sur M. de Buffon . Comme ces détails
ne sont que pour moi , je m'y suis étendu avec complaisance
et avec une sorte de vénération .
N. B. Ce voyage est tiré d'un manuscrit dont nous avons
déja publié plusieurs articles . Il a été imprimé en partie , mais
distribué seulement à quelques amis de l'auteur . Ceux qui en
ont eu des exemplaires verront qu'il avait omis beaucoup de
traits qui se retrouvent ici . Tout ce qui sert à faire connaître
Ja vie privée des hommes célebres , intéresse trop vivement
toutes les classes de lecteurs , pour que nous ne soyons pas
assurés que ces anecdotes biographiques , sur l'immortel Buffon ,
seront bien accueillies .
ANNONCES.
Principes raisonnés de l'agriculture , ou l'agriculture démontrée
par les principes de la chimie économique , d'après les
observations de plasicurs savans ; ouvrage traduit en français ,
sur la version latine du suedois Jean Gottschalls Valerius ;
par J. F. Fontalard : vol . de 192 pages in - 8 ° . broche , besu
papier et d'une exécution soignée . Prix , 15 liv . port frauc .
A Paris , chez Chemin fils , libraire et directeur du courier
de la librairie , rue du Marché Neuf , vis -à - vis celle Notre-
Dame.
Les Veillées philosophiques , ou essais sur la morale expérimentale
et la physique systématique ; par A. L. Villeterque
vol. in 8 °. Prix , 6o liv. et 72 liv . frane de port. a Paris ,
shez Fuchs , fibraire , quai des Augustins , no. 23.
( 387 )
$
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE BERLIER.
Séance du septidi , 27 Fructidor.
Perrin ( des Vosges ) rend compte de sa mission dans les
depanemens de la Somme et du Pas-de Calais . Le meilleur
esprit y regne . Le prix des bieds y est baissé considérablement
, la constitution acceptée par- tout . Les décrets des 5 et
15 fructidor sont rejettés par quelques a semblees primaires ,
mais les dix -nenf vingriemes les accepterout , et celles qui
les auront refusés s'empresseront de se soumettre au voeu
général , s'il est contraire au leur .
Pertin annonce encore que nos côtes sont dans un état respectable
de défense , et qu'on dit publiquement en Angle.cire
que si l'on cherche à debarquer quelques milliers d'emigrés
c'est pour s'en débarrasser.
La commune de Port- Malo a accepté la constitution et
les décsets .
La section de l'Ouest fait part de son acceptation de la
constitution ; à l'égard des décrets des 5 et 13 fructidor , ne
les regardant que comme réglementaires , elle se réserve de
prescrive à ses électeurs le mode qu'elle croisa le plus utile .
a
L'orateur de la section de Bonne Nouvelle , en annonçant
l'acceptation de la constitution par son assemblée primaire ,
ajoute qu'elle rejeté les décrets comme attentatoires à la
souveraineté du peuple , mais qu'elle donnera l'exemple de
la soumission à la volonté genérale quand elle lui sera eounge ,
Elle se plaint de ce que le secret des leues est violé et les
communications entre Paris et les départemeus interrompues ,
et invite les membres de la Convention qui sont restés purs
à s'opposer à ce nouveau genre de domination . Le président
répond que la Convention est trop grande pour souffrir qu'on
viole jamais le secret des lettres .
Bailleul déciare , au nom du comité de sûreté générale ,
que le service des postes se fait comme à l'ordinaire .
Baudin donne lecture d'une lettre des administrateurs des
postes qui démentent ces bruits calomnieux .
་
Laréveillere-Lépaux : On accuse le gouvernement d'empêcher
la communication entre les differentes parties de la République.
Le fait est faux ; mais c qui est vrai , c'est qu'on a
fait insurger les ouvriers imprimeurs de l'agence des lois .
1
( 388 )
pour que le bulletin ne pût pas partir . Si les citoyens de Paris
continuent de se laisser mener ; de violens murmures partent
d'une tribune . Chenier l'apostrophe ; les clameurs des royalistes
, reprend Lépaux , ne m'intimident pas . Les meneurs
des sections de Paris peuvent bien me proscrire une seconde
fois , mais ne me rendront pas infidele à mon devoir . Ce
n'est pas calomnier Paris que de s'élever contre ses meneurs
qui voudraient concentrer dans cette commune la souverai .
neté du peuple. Le discours de Laréveillere sera inséré au
bulletin .
La section de l'Observatoire vient aussi annoncer son acce
ceptation
de la constitution et le rejet des décrets . Les motifs
qui les ont dictés ne lui ont pas paru , dit- elle , balancer
les avantages qui résulteront de la liberté des choix . Elle
rend à la Convention la justice de penser qu'elle a
bonnes intentions , et elle espere qu'elle n'attribuera pas sen
refus à la malveillance . L'orateur est universellement applaudi .
eu de
Gomer , au nom du comité des décrets , fait part du résultat
des suffrages des assemblées primaires de tous les départemens.
Il dit que le même esprit anime l'immense majorité
des Français . Qu'il se remarque quelquefois des hommes impregnés
d'aristocratie ; qu'on observe les effets des insinuations
sanguinaires du fanatisme , d'autant plus acharné , qu'il vient
de recevoir plus de marques d'indulgence ; mais que ce n'est
qu'une légere portion d'ivraie semée par des mains ennemies
que la prudence u'a pas dû étouffer ; que le bien public n'en
souffrira point , et que jamais le gouvernement républicain n'a
compté plus d'appuis , plus de partisans , plus de défenseurs .
Suite de l'acceptation de l'acte constitutionnel.
Département de la Charente inférieure. Vingt huit assemblées
primaires , dans lesquelles sont comprises les communes de la
Rochelle , Rochefort , Pons , Xaintes et Saint-Jean - d'Angely
ont à l'unanimité accepté les décrets des 5 et 13 , et aux cris mille
fois répétés de Vive la République !
Département de la Haute- Marne. Quarante- sept assemblées
primaires : dix- sept acceptent la constitution sans réclamer contre
les décrets des 5 et 13 fructidor : huit acceptent la constita,
tion et les decrets : quatorze acceptent la constitution et
refusent les décrets : six refusent la constitution .
Département de la Marne . Soixante - onze assemblées primales
: trente - six acceptent l'acte constitutionnel sans réclamer
contre les decrets : dix acceptent la constitution et les décrets :
vingt- un acceptent la constitution seulement quatre la refusent.
*
Département de Maine et Lol.. Trente six assemblées pri(
389 )
maires trente- quatre ont accepté à l'unanimité la constitu
tion , sans réclamer contre les décrets des 5 et 13 fructidor :
deux ont accepté la constitution et les décrets des 5 et 13.
Département du Doubs . Vingt - trois assemblées primaires : [
Onze acceptent la constitution et le décret : douze rejettent
le décret.
Département de la Correze. Une assemblée de Tulle accepte
tout à l'unanimité ..
Département de la Côte- d'Or. Cinquante- cinq procès - verbaux :
quarante - neuf acceptent la constitution et la loi : six refusent le
décret du 5 .
Département du Cantal . Un procès- verbal qui accepte tout.
Département du Cher. Vingt- trois procès-verbaux : quinze
accepte le constitution et la loi huit refusent .
Département de la Creuze. Trente- deux procès - verbaux qui
tous acceptent la constitution sans restriction ni réclamation . 3
Département de la Sarthe. Cinquante-deux procès - verbaux :
quarante neuf acceptent la constitution et le décret trois re
fusent le décret .
:
Département de la Drôme. Douze procès-verbaux onze acceptations
: un refus ..
Département de la Haute - Vienne. Dix - neuf assemblées ont
accepté presque à l'unanimité , les unes sans réclamations
les autres de tout dans son ensemble .
1
Département des Vosges . Dix assemblees primaires acceptent
la constitution sans réclamation contre les décrets ; une rejette
et la constitution et les décrets , une accepte la constitution
et rejette les décrets .
Département de la Vienne . Vingt- deux assemblées primaires
ont accepté la constitution sans restriction ni réclamation .
Département de Seine inférieure. Cinquante - quatre procèsverbaux
constatent l'acceptation de la constitution et des décrets
des 5 et 13 treize ont accepté la constitution et rejetté le
décret cinq ont tout rejetté.
:
Département du Rhône. Quatorze assemblées primaires , dans
lesquelles sont comprises quelques sections de Lyon , ont
accepté la constitution et les décrets des 5 et 13 fructidor.
31
5. Département de Seine et Oise. Quarante assemblées ont accepté
l'acte constitutionnal et les décrets : vingt- six ont rejetté les
décrets des 5 et 13 fructidor : quaire ont tout rejetté .
Département de Saône et Loire . Treize assemblées primaires ont
accepté la constitution et les décrets des 5 et 13 fructior.
Département de la Manche. Quatre -vingt-quatorze assemblées
( 300 )
primaires soixante quinze ont accepté la constitution sans
réclamer contre les décrets des 5 et 13 fructidor qui ont
éte lus : dix - pt ont accepté la constitution et les decrets :
deux ont accepté la constitution et refusé les décret
Departement du Mont - Terrible. Sur trois procès - verbaux , un
d'acceptation et deux de rejets de la constitution .
Département du Mont-Blanc. Dix- sept d'acceptation ,
Département de l'Oise . Sur seize procès verb.ux , quinze acceptations
: un rejet d la constitution : septrejus des décrets des
5 et 13 fructidor .
Département de la Nievre. Sur negte trois procès- verbaux :
trente acceptations : trois rejets de la constitution : quatorze
reje's des decre s des 5 et 13.
Département du Haut-Rhin. Vingi une assemblées primaires
on accepte la constitution et les decrets des 5 et 1 : une
scule a tout rejesté .
· Département du Nord. Sur soixante- trois procès - verbaux ,
soixante - deux acceptatione ; ná reber de la constituijou : quatorze
rejets des décrets des 5 et 13 fructidor.
Département de l'Orne . Sur quarante huit procès - verbaux :
quarante- six acceptation : deux rejets de la co stitution : deux
des décrets des 5 et 13.
Département du Bas- shin. Cinquante - neuf procès - verbaux
d'acceptation , dout sept rejettent les décrets des 5 et 13 fructidor.
Département du Pas- de- Calais . Vingt neuf procès- verbaux d'acceptation
, dont six rejettent les décrets des 5 et 13 fractidor.
Département du Puy - de - Dôme. So ving trois procès - verbaux ':
ving acceptations : trois rejets de la constitution .
Département de Yonne Soi auté trois assemblées primaires
acceptent a constitution sans réclamation contre le décret
du 5 dix- ne f réjettent le décret du 5 .
Département de l'Ain . Dix- huitprocès - verbaux : douze acceptent
la constitution sans restriction ni reclamation contre les décrets ' :
trois acceptent formellement la constitution et les décrets :
trois acceptent la constitution et rejettent les décrets .
Département de l'Aisne . Vingt quatre procès verbaux : treize
accepten la constitution sans restriction ni réclamation contre
les décrets deux acceptent formaliement la constitution et
les décrets six acceptent la constitution et rejettent les décrets :
denx rejettent la constitution : nn n'offre aucun resultat .
:
On lit des détails de la derniere victoire remportée par
l'armée d'Italie . Il en résulte que ceue victoire a ete complette
et des plus avantageuses .
† 391 )
Séance d'octidi , 98 Fructidor .
Sur le rapport des commés de législation , finances et liquidation
la Convention rend un decret additionnel à la loi
du er, floreal , an III , relatif à la liquidation des créances
sur les biens indivis avec des émigrés . Il porte qu'avant de
procéder à la liquidation de ces créances , les administrations
de départemens convoqueront les co propriétai es pour prendre
communications es tires et demandes des créanciers ,
proposer 1:zurs moyens contre ces t tres . Le surplus des articles
n'est que le réglement qui se su vra dans cette opération .
et
La commune de Bailleul demande si les citoyens qui n'ont
pas émis leur va sur l'acte constitutionnel
peuvent être
admis à nommer les électeurs .
Le juge de paix de Charolles consulte aussi la Convention
sur la conduite qu'il doit tenir à l'égard de quelques particuliers
qui , ayant demandé un roi et le rétablissement de la
religion catholique , dans l'assemblée primaire de cette commune
, ont excite le plus grand désordre et ont même causé
la dissolution de cette assemblée . Renvoyé au comité de sûreté
générale.
Les representans annoncent les nombreuses acceptations qui
se font , dans les départemens , de la constitution et des décrets
.
les armées des Alpes , d'Italie et des Pyrénées occidentales
ont accepté l'acte constitutionnel .
Les assemblées primaires des sections de la Réunion , des
Marchés , des Droits de FHomme et des Arcis annoucent
qu'elles ont accepté la constitution et rejetté les décrets.
Lareve : llare soumet à la discussion le projet de décret re.
Latif à l'ordre des deliberations et à la police du corps légis
kari . dit que cet objet paraîtra de peu d'importance aux
esprits , superficiels , mais que la Convention n'en jugera pas
ainsi que de tous les sentimens celui qui s'imprime le pus
yeux , c'est le respect , suivant l'auteur du Contrat-
Social , et que la commission , frappée de cette vérité , va
leur proposer un ordre de délibérations et une police dans
le corps législatif qui puissent limprimer. Le projet de decret
est adopté. ( Nous ie donnerons dans un n ° . prochain . )
par les
Séance de nonidi , 29 Fructidor.
Plusieurs membres annoncent que les communes de Lyon ,
Telouse , Saint- Quentin , et la presque totalité des assemblees
primaires des départemens du Lot et de l'Arriege , ont
accepté la constitution et les décrets des 5 et 13 fruetidor.
bezard , au nom du comité de législation , expose que plu
sieurs représentans du peuple en mission ont pris des arrêtés
qui investissent les tribunaux du droit de juger en dernier
( 892 )
ressort . I demande que ces arrêtés soient annullés , et que
les parties intéressées aient la faculté de se pourvoir par la
voie de l'appel . Décrété .
.
Merlin , au nom du comité de salut public , fait décréter
que les officiers de tous grades recevront , par mois , un supplément
de solde de 8 liv . en numéraire .
Delville obtient la parole pour une motion d'ordre . Le
-peuple , dit- il , nous avait chargés de lui donner une constitution
; notre mission est remplie . C'est à lui à juger si nous
avons répondu à son attente . La constitution n'est plus à
nous ; elle est à lui . A genoux , royalistes ! Les plus vifs
applaudissemens éclatent dans la salle . ) A genoux ,
chistes ( Les mêmes applaudissemens recommencent. ) Tremblez
, assassins et voleurs ! ( Nouveaux applaudissemens . )
Rassurez - vous , citoyens égarés ; le regne des lois est arrivé ;
le gouvernement républicain en assure à jamais l'empire ;
elles punissent le crime , mais elles pardonnent à l'erreur .
anar-
Quant à vous , mes collegues , qui devez le premier exemple
de la soumission à l'acte constitutionnel , déposez le faisceau
terrible de la toute - puissance , hâtez - vous d'appeller la législature
; c'est la meilleure , c'est la seule réponse que vous
deviez à la calomnie qui vous accuse de vouloir , comme les
tyrans de 93 , propager et révolutionner vos pouvoirs .
Elle est finie pour jamais la révolution ! ( Vif applaudissemens.
) Prouvez - le à toute la terre , en convoquant sur - lechamp
les assemblées électorales à jour fixe . On applaudit
long - tems . )
Je sais que le décret des denx tiers , auquel je me suis
renda moi même avec répugnance ; mais depuis que j'ai vu
glacer d'effroi tous nos ennemis , saus exception , je sais que
ce décret n'est pas encore assez universellement approuvé
pour faire loi ; mais je sais aussi que cette circonstance ne
peut apporter d'obstacle à la convocation des électeurs . Ils
anrout le tems d'apprendre l'acceptation ou la réjection du
décret , avant le jour que vous allez fixer pour leur réunion ,
laquelle doit avoir lieu dans tous les cas .
Je propose le décret suivant , en vous adjurant d'y donner
toute l'attention que commande le salut public , et en mon
ame et conscience , je le crois attaché à la mesure que je
vous propose :
La Convention nationale décrète que ce soir la commission
des onze vérifiera , au comité des décrets , procès - verbaux
et archives , le nombre des suffrages des assemblées
primaires pour l'acceptation de la constitution , et s'ils se
trouvent faire la majorité absolue , la commission présentera
demain un projet de décret pour la convocation , dans le
plus bref délai , des assemblées électorales .
Le
( 393 )
Le projet de Delville est renvoyé à la commission des
Onze .
Eschassériaux jeune , au nom du comité de législation ,
présente un projet de décret qui est adopté et qui concerne
les émigrés du ci - devant comtat d'Avignon .
Des députations , des sections de Paris viennent faire part
de l'acceptation qu'elles ont faite de la constitution et de la
rijection des décrets . Celle de la Halle aux Biés annonce
qu'elle s'est déclarée eu permanence jusqu'à l'installation du
nouveau corps législatif.
Bourdon ( de l'Oise ) : La liberté doit sans doute exister
dans les assemblées primaires ; mais je pense que la Convention
a souffert un peu plus que la liberte . Il ne faut pas
laisser porter atteinte au gouvernement , qui doit tenir les
rênes jusqu'à l'installation du nouveau . Je demande le renvoi
des adresses des sections à la commission des onze . L'Assemblée
passe à Fordre du jour sur cette proposition .
Le général Aubert Dubayet fait passer le procès verbal de
l'acceptation de la constitution et des décrets par l'armée des
côtes de Cherbourg .
Organe du comité d'instruction publique , Grégoire fait
un rapport sur les costumes des membres du conseil exécutif
, du corps legislatif , des ministres , des messagers d'état
et de tous les fonctionnaires publics .. Le rapport et le projet
seront imprimés et distribués .
Séance de décadi , 30 Fructidor.
Les sections Poissonniere , du Temple et des Thermes
viennent faire connaître le voeu de leurs assemblées primaires .
Eiles acceptent la constitution et rejettent les décrets .
La commane de Pontarlier , département du Doubs , accepte
l'un et l'autre , et remercie l'assemblee de les avoir rendas .
Les administrateurs de Montargis démentent le Courrier-
Universel qui a annoncé que les decrets y avaient été rejettes .
Ils y ont au contraire été acceptés à une grande majorité.
Delville propose un moyen de donner la plus grande pu
blicité aux votes de toutes les assemblées primaires ; et sur
sa motion , la Convention décrete que le résultat de tous
les votes sera imprime en tableau avec designation des dépar-
3.stemens et des cantons . Ce tableau sera distribué aux membres
et envoyé aux départemens et aux armées par la voie du
bulletin .
Un membre du comité des décrets annonce que l'opinion
publique se soutient , qu'on accepte par- tout la constitution
à la presqu'unanimité , et les decrets à une ande majorité.
Thibaudeau , organe de la commission des onze , soumet
a la discussion le projet de décret sur l'organisation du ministere
.
Tome XVII .
Сс
( 394 )
Le rapporteur lit article par article ce projet ; les deux premiers
sont adoptés , les voici :
Il y a six ministres , savoir un ministre de la justice , un
ministre de l'intérieur , un ministre des finances , un ministre
de la guerre , un ministre de la marine et un ministre des
- relations extérieures .
Les ministres auront , sous les ordres du directoire exécutif
, les attributions déterminées par les articles ci-après .
Le III . article fixe les attributions du ministre de la justice ;
ces attributions sont :
L'impression et l'envoi des lois et des arrêtés ou instructions
du directoire exécutif aux autorités administratives et
judiciaires .
Il correspond habituellement avec les tribunaux et avec les
commissaires du directoire près les tribunaux.
donne aux juges tous les avertissemens nécessaires ; il
les rappelle à la regle , et veille à ce que la justice soit bien
administrée .
Il soumet au directoire exécutif les questions qui lui sont
proposées relativement à l'ordre judiciaire et qui exigent une
interprétation de la loi.
Cet article a donné lieu à deux observations : un membre
a trouvé dangereuse l'attribution donnée au ministre de la
justice de rappeller les juges à la regle ; il pensait qu'il
fallait préserver les tribunaux de toute influence étrangere.
Un autre membre a représenté qu'il n'était pas exprimé
assez clairement dans l'article , que les questions en interpréta.
tion de la loi ne doivent être soumises au directoire qu'à
la charge par lui de les soumettre à son tour au corps législatif.
Le rapporteur a adopté les deux amendemens qui ont été
décrétés avec l'article , sauf rédaction .
Voici l'article IV sur les attributions du ministre de l'intérieur
:
La correspondance avec les autorités administratives et
avec les commissaires du directoire exécutif auprès desdites
autorités .
Le maintien du régime constitutionnel et des lois touchant
les assemblées communales , primaires et électorales .
L'execution des lois relatives à la police génerale , à la sûreté
et à la tranquilité intérieure de la République.
La garde nationale sédentaire .
Le service de la gendarmerie.
Les prisons , maisons d'arrêt , de justice et de réclusion .
Les hôpitaux , les établissemens et atteliers de charité , la
repression de la mendicité et du vagabondage , les secours
civils , les sourds muets .
1
( 595 )
La confection et entretien des routes , ponts , canauż ,
de commerce et autres travaux publics .
Les mines , minieres et carrieres .
La navigation intérieure , le flottage , le hallage.
L'agriculture , les desséchemens et défrichemens.
Le commerce .
ports
Les produits des pêches sur les côtes et des grandes pêches
maritimes .
L'industrie , les arts et inventions , les fabriques , les manufactures
, les aciéreries .
Les primes et encouragemens sur ces divers objets .
La surveillance , la conservation et la distribution du produit
des contributions en naturé .
L'instruction publique , les musées et autres collections nas
tionales , les ecoles , les fêtes nationales .
Les poids et mesures.
La formation des tableaux de population et d'économie poli
tique , des produits territoriaux , des importations et exportations
, et de la balance du commerce.
Cet article a donné lieu à quelques débats .
Eschasseriaux demandait que les objets de ce ministere
fussent partagés entre deux ministres ; il lui paraissait que les
forces d'un seul homme ne pouvaient pas suffire à tant de
choses , et à des choses sur tout d'ane nature si différente ;
#demandait donc qu'il y eût un ministre particulier pour
l'industrie , le commerce , les arts et l'agriculture.
Plusieurs membres ont combatiu cette idée ; il leur a paru
très -dangereux de créer un ministre pour l'agriculture , les arts
et le commerce il voudrait réglementer , et les réglemens
tuent les arts , le commerce et l'agriculture . Que leur faut- il ?
Encouragement , protection et liberté ..
On a demande ensuite de distraire de ce ministere la gendar
merie et la disposition relative au maintien du régime consti
tutionnel.
Toutes ces dispositions ont été écartées , et cet article
ainsi que les autres , a été adopté avec de très - légers amendemens
.
Les ministres sont responsables :
1º . De tous delits par eux commis contre la sûreté génés
tale et la constitution ;
2º. De tout attentat à la liberté et à la propriété indivis
dualle ;
30. De tout emploi de fonds publics , sans un décret du
corps législatif et une décision du directoire exécutif , et de
toutes dissipations de deniers publics qu'ils auraient faites ou
favorisées . 17
Le traitement des ministres , par année et pour chacun d'eux ,
est fixé à la moitié de celui des membres du directoire exé
Ce i
( 396 )
catif , et celui du ministre des relations extérieures aux troisquarts,
Les garnisons de Toulon et de Rochefort ont accepté la cons-
4titution et les décrets .
Beard , au nom du comité de législation , fait décréter que
le fils de Salm - Kirbourg , condamué par le tribunal révolutionnaire
, entrera en possession de ses bieus , parce que son
pere avait refusé d'acceder au conclusum de la diete de Ratisbonne
pour la guerre contre la France .
Séance du premier jour complémentaire ..
Le coutre amiral Veurtabel écrit que sa flotte a accepté la
constitution.
Merlin ( de Thionville ) envoie les procès - verbaux de l'acceptation
de la constitution par l'aimée du Rhin et de la
Moselle , et il s'écrie : Tu triomphes , ô ma patrie ! ô France !
heureuse France ! aujourd'hui seulement tu as terrassé
toutes les tyrannies . L'armée du Rhin et de la Moselle a
donné avec enthousiasme son assentiment à ce pacte sacré ,
et juré de le défendre contre tous les ennemis de la liberté
ei de l'égalité . Représentans , ajoute Merlin , ce serment est
le gage de la durée et de la solidité de ce contrat social, Car
le soldat sur- tout est homme de parole . Il ne verra désormais
dans l'intrigant et le royaliste qu'un Autrichien , un émigré
ou un Anglais à combattre. Ce sera son ouvrage et la sauvegarde
de ses droits qu'il défendra . ( Vifs applaudissemens . )
Lakanal , au nom du comité d'instruction publique , expose
qu'une compagnie de libraires se proposant de donner une
édition plus complette du dictionnaire de l'Académie française
, s'est adressée à ce comité pour lui demander commu
nication d'un exemplaire dudit dictionnaire déposé à sa
bibliotheque , et accompagné d'un grand nombre d'additions
et de corrections manuscrites , faites par des membres distir .
gués de la ci -devant académie . Ces libraires se sont engagés
à se concerter avec des gens - de- lettres connus pour achever
le travail commencé . Comme le comité n'a pu prendre sur
lai de déplacer cet exemplaire , le rapporteur consulte l'Assemblée
. Elle décrete que l'exemplaire du dictionnaire de
l'Academie française , avec des notes et additions manuscrites
a la marge , déposé à la bibliotheque du comité d'instruction
publique , sera remis entre les mains des citoyens Maradan ,
Smith et compagnie , qui se chargent d'en surveiller la reimpression
, et qui seront tenus de le rendre après son achevement.
L'ouvrage sera tire à 15.000 exemplaires , dont 100
seront déposés au comité par ladite compagnie , pour être
répartis dans les bibliotheques nationales de Paris et les ·
écoles centrales des départemens . Les entrepreneurs ont
formé à cet effet un fonds de 5 millions.
( 397 )
恕
Des citoyens de la section du faubourg Montmartre apportent
leur voeu individuel sur les décrets des 5 et 13 fructidor.
Tant de discours bruyans , tant de déclamations tumultueuses
nous présagent , disent ils , une scission funeste et des haines
immortelles on emploie l'astuce de l'eloquence pour égarer
les hommes simples ; on déclame contre le gouvernement
oppresseur qui a si long - tems pesé sur la France , et même
beaucoup plus sur les membres de la Convention que sur
les autres citoyens , et l'on compte pour rien le rétablissement
de la liberté et de la justice , les triomphes glorienx
qui ont signalé votre carriere depuis le 9 thermidor. On
s'éleve contre les décrets des 5 et 13 fructidor , parce que ,
avide de pouvoirs , on veut entrer à tout prix dans le corps
législatif ; et quels sont les hommes qui vous calomnient ?
Ce sont les suppôts des anciennes castes , des hypocrites
politiques , des agioteurs qui toujours ent entravé la marche
de la révolution . Otez les décrets des 5 et 13 fructidor , et
la constitution n'est qu'un corps inanimé ces décrets sont
la base essentielle des moyens de terminer la révolution .
Un membre demandé le renvoi de cette déclaration à la
commission des onze . X
{
Thibaudeau Nous ne pouvons pas reconnaître une opiniou
individuelle sur les actes qui sont soumis à l'acceptation
des assemblées primaires ; il faut respecter ce qui se
fait dans l'intérieur de ces assemblées : si nous acceptons des
voeux isolés , on ne manquerait pas de dire que nous recrutons
des suffrages . Le voeu national va bientôt être prononcé ;
tous s'y conformeront. Je demande l'ordre du jour . (Applau
dissemens. ) L'ordre du jour est adopté.
1
Les sections du Mail et de la Fontaine - de - Grenelle annoncent
qu'elles ont accepté la constitution et rejeté les décrets
des 5 et 13 fructidor .
Li
Blutel , au nom du comité de commerce , de celui de marine
et des colonies , fait adopter un projet de décret sur le
'mode ' de liquidation des prises faites par les bâtimens de la
République .
19 2 2012-0
Rouzet , organe de celui des finances , en présente un
tendant à supprimer le droit du timbre , et à augmenter delui
de l'enregistrement .
T 15225 2 :
L'Assemblée en ordenae l'impression et ajourne la discussion.
290 } I
Un membre fait renvoyer au comité des domaines la question
de savoir , s'il ne serait pas convenable de suspendre la
vente des biens nationaux dans la Vendée , la crainte des
cholians éloiguant les acheteurs , et faisant ainsi que
biens sont vendus fort au -dessous de leur valeur .
1.3.3)
ེ་་
Cc 3
cés
( 398 )
Suite du décret sur les élections .
TITRE III . Election des fonctionnaires publics par les
assemblées primaires , communales et électorales .
Art. 1. Durant le mois de nivôse , chaque citoyen a le
droit de se faire inscrire lui- même , ou de faire inscrire ceux
de ses concitoyens qu'il juge à propos , sur la liste des candidats
, et de s'y désigner lui même , ou de désigner les autres
pour une ou plusieurs des fonctions qui sont à remplir , dans
le mois de germinal suivant.
II. Ges inscriptions se font à l'administration municipale,
qui n'en peut refuser aucune , et qui en donne des récépissés .
› III . L'administration municipale est tenue de publier ,
dans son ressort , dans les cinq premiers jours de pluviose ,
la liste des candidats inscrits pour toutes les fonctions dont
la nomination appartient aux assemblées primaires et com
munales.
" Elle doit placer sur cette liste , mais séparément , les
candidats qu'elle croit manquer des caracteres d'éligibilité
exigés par la constitution . L'avis de l'administration sur cette
non- éligibilité doit être motivé dans des notes sommaires.
IV. L'administration municipale fait parvenir à l'admi
nistration de département , les listes des candidats inscrits
pour les fonctions dont l'élection appartient aux assemblées
électorales.
V. L'administration de département est tenue de publier
dans son ressort , du 20 au 25 pluviôse , les listes des candidats
inscrits pour les fonctions auxquelles les assemblées
électorales doivent nommer.
Les candidats que l'administration départementale croit
manquer des caracteres d'éligibilité exigés par la constitution ,
sont inscrits sur les listes , mais séparément et avec des notes
sommaires et explicatives .
212
13 VI . Les listes des candidats sont affichées et lues dans
les assemblées primaires , communales ou électorales , aussi- tôt
après la formation des bureaux .
Les suffrages peuvent être donnés à des citoyens nop
inscrits sur ces listes .
,, VII . On procede à un premier scrutin ; il est individuel ,
s'il s'agit de l'élection d'un seul fonctionnaire ; il est de liste ,
'il s'agit de l'élection de plusieurs fonctionnaires du même
genre et du même nom .
VIII, Si ce premier scrutin donne la majorité absolue à
un on à plusieurs candidats , ils sont élus selon l'ordre du
pombre des suffrages qu'ils ont réupis .
( 399 )
,, IX. Si un nombre suffisant de candidats n'a point obtenu
la majorité absolue , on forme une liste de ceux qui ont obtenu
la plus forte pluralité relative cette liste a pour limite
un nombre de noms égal à dix fois le nombre des fonctionnaires
à élire dans le même scrutin .
" X. On procede ensuite à un second scrutin , dans lequel
on ne peut donner de suffrages qu'aux candidats inscrits sur
la liste mentionnée dans l'article précédent.
XI. Pour le scrutin définitif , chaque votant dépose à - lafois
, en deux vases différens , deux billets , l'un de nomina .
tion , l'autre de réduction .
Sur le premier bulletin , il inscrit autant de noms qu'il
.ya de fonctionnaires à élire.
Sur le second bulletin , il inscrit les noms des citoyens
qu'il entend retrancher de la liste des concurrens ; ce bulletin
peut ne contenir aucun nom ; il peut en contenir un nombre
indéterminé , mais toujours au-dessous de la moitié du nombre
de ceux portés sur la liste mentionnée en l'art . IX du pré
sent titre .
,, XII. On fait d'abord le recensement universel des billets
de réduction ; et les candidats qui ont été inscrits sur ces
billets par la majorité absolue des votans , ne peuvent être
élus , quel que soit le nombre des suffrages positifs déposés
en leur faveur dans le vase de nomination ,
19 XIII. On dépouille ensuite les bulletins de nomination ,
et les élus sont ceux qui , n'étant point dans le cas de l'article
précédent , réunissent la pluralité relative des suffrages
positifs .
TITRE IV. Elections par le corps législatif , par le direc
toire exécutif, par les corps administratifs et judiciaires.
Art. ler. Les présentations attribuées par la constitution
au conseil des . 500 se font au scrutin de liste et à la pluralité
relative .
II . Les nominations attribuées par la constitution au
conseil des anciens se font dans les formes prescrites , par les
articles XI , XII et XIII du titre précédent,
,, III . Les élections que la constitution attribue au direetoire
exécutif , aux corps administratifs et judiciaires ,
se font
dans les formes prescrites par les articles VII , VIII , IX , X,
XI, XII et XIII du titre précédent mais si , après le dépouillement
ordonné par l'art. XIII , un nombre suffisant de
candidats n'a pas réuni la majorité absolue des suffrages positifs
, on procede , par scrutin individuel , à l'option , entre
les deux candidats qui ont obtenu le plus de voix . "
Collationné conforme aux originaux remis sur le bureau de la
Convention nationale .
Signé , GOURDAN , secrétaire ,
* CC 4
( 400 )
PARIS . Quatriemejour complémentaire , 3. année de la Rép .
Nous avons déja fait connaître notre sentiment sur lę
décret pour la réélection des deux tiers , qu'on ne nous
accusera pas d'avoir adopté d'enthousiasme ; on ne cesse
de dire et d'imprimer quil porte atteinte à la liberté
des choix , et par conséquent à la souveraineté du
peuple : quant à nous , il nous paraîtrait blesser tout au
plus les convenances , mais non le principe de la souveraineté
à laquelle même il rend hommage . Peut - être
que dans un état de choses , exempt de dangers et d'intrigues
où l'amour de la patrie serait mieux et plus géné
ralement senti , la Convention aurait dû par modestie
se borner à une simple invitation , au lieu de proposer
aux assemblées primaires , par un décret , de lui
appliquer l'article constitutionnel relatif au renouvellement
par tiers . Mais il est ridicule de supposer que ce
décret blesse la souveraineté . N'est- il pas soumis à l'acceptation
du peuple aussi bien que l'acte constitutionnel
? Le rejet de la mesure proposée par la majorité , ne
deviendrait- il pas pour la Convention une loi irrévocable
et une nécessité de s'y soumettre ? L'acceptation
'serait - elle un acte de souveraineté moins réel ? Enfin ,
les choix qui seraient faits conformément à cette mesure
sanctionnée par la volonté générale seraient - ils
autre chose que l'effet nécessaire de cette volonté suprême
consultée par le corps représentatif ? Donc les
electeurs , quoiqu'obligés de restreindre leur liberté
illimitée pour une partie de leur choix , ne seraient point
lésés dans leurs droits , à moins qu'ils ne prétendissent
mettre leur liberté au- dessus du vou national solemellement
exprimé . Il importe que chaque organe, du
orps social juge sainement de l'objet précis auquel il
st consacré , et sache s'en tenir à ses attributions essentielles.
Quelle que soit la décision du peuple sur le décret ,
tout ce qui s'est passé , tout ce que la malveillance a
laissé paraître , les sentimens d'un très - grand nombre
d'excellens citoyens , amis de la paix et des principes ,
prouvent que la Convention a rempli son devoir en le
proposant , malgré la défaveur qu'il pourrait lui mẻ-
riter de la part de l'esprit de parti. On ne connaît
( 401 )
point encore le résultat des votes ; mais d'après les rapports
, la majorité paraît toujours se prononcer pour l'ac
ceptation de la constitution et des décrets .
En général , la mesure en question a été blâmée ou
applaudie avec plus de passion que de franchise ; peu
l'ont appliquée froidement et sans partiali é à l'intérêt
national ; la plupart de ses adversaires ne lui ont opposé
que le bouclier bannal de la souveraineté du
peuple ; d'autres y ont mêlé des assertions perfides .
Roederer , quoiqu'un peu taid , est aussi intervenu dans
ce débat . On pouvait s attendre à trouver dans ses observations
cette force de logique , cette précision lumineuse
qui dans une occasion assez délicate auraient aidé
à bien juger , auraient sur- tout combattu avec succès,
des sophismes dangereux . Mais on y remarque avec
surprise une méchanceté raffinée , une tergiversation
bizarre , substituées au zele et à la sagesse que cet écrivain
précieux montrait depuis quelque tems pour le
soutien d'une cause digne de plus de constance . La
recherche de certaines tournures de phrases menaçantes ,
l'affectation du mépris le moins utile au triomphe du
républicanisme , se reproduisent d'un bout à l'autre de
cet écrit , où l'auteur semble plutôt occupé de quelque
ressentiment personnel dont on ignore la cause , qu'à
peser , comme il sait si bien le faire , les avantages et
les inconvéniens du projet qu'il s'était proposé d'examiner.
251
Ceux qui après la journée du 9 thermidor espéraient
voir la Convention agir contre l'intérêt du systême républicain
, et se réservaient de la détruire dans l'opinion
comme à force ouverte , si les travaux ne répondaient
point à leur attente , affectent de demander ce qu'elle a
tant fait depuis cette journée ; quel bien elle peut offrir
au Peuple Français en réparation de tant de maux qu'
a souffert. Voici la réponse :
La chûte du tyran, et de ses complices ;
L'ouverture de cent mille bastilles ;
La fermeture des jacobins ;
C
il
La liberté de la presse , des opinions , du culte et du
Commerce ;
La suppression du maximum , du gouvernement révo
lutionnaire et des piques ;
Le désarmement des scélérats ;
L'organisation de la garde nationale ;
La suspension du divorce ;
+ ( 402 )
Le rapport du décret qui permet le remboursement
des rentes foncieres ;
La suspension des lois contre les émigrés ;
La liberté des Bourbons ;
La reddition du bien des condamnés ;
La paix avec la Hollande , la Prusse , 1 Espagne et une
partie de l'Empire ;
Une constitution dégagée des préjugés révolutionnaires
;
La convocation des assemblées primaires .
Voilà ce qu'elle a fait pour toute la République .
Et pour Paris particulierement elle a , avec autant de
soin que de sagesse , alimenté tous ses habitans ; elle
leur a procuré et leur procure encore le pain et la
viande à un prix qui n'est point en rapport avec le
cours commercial ; et ce sacrifice , supporté par la République
entiere , Paris seul en a l'avantage . Mais ce
n'est point par une prodigalité repréhensible qu'elle a
veillé à la subsistance de son immense population , elle
a su éviter le reproche d'une prédilection injuste et
intéressée. Afin de rendre les sacrifices qu'elle a été forcée
de faire moins onéreux , elle a dû réduire la distribution
comme elle l'a fait . Cette réduction lui était aussi
conseillée par les principes d'une sage économie , outre
qu'en accordant aux Parisiens la quantité ordinaire , cette
abondance eût été toute au détriment de la consommation
des autres parties de la République , et même du
trésor national , elle eût épuisé en peu de tems les ressources
, qui ménagées avec scrupule en ont rendu possible
la continuation . Pendant l'hiver le plus rigoureux
de mémoire d'homme , cette réduction eût été trop
cruelle , sans cela elle eût dû commencer plutôt ; mais
à peine la saison s'est montrée moins sévere que la Convention
a eu le courage d'annoncer et d'exécuter cette
mesure , sans être arrêtée par la crainte du parti qu'elle
savait bien que ne manqueraient pas d'en tirer les factieux
de toutes les especes , pour aigrir contre elle les
citoyens indigens . Cette levée formidable , opérée par
les plus perfides insinuations du terrorisme et du royalisme
réunis , les préliminaires menaçans , antérieurs à
T'insurrection , n'ont point fait fléchir les dispositions de
la Convention nationale. Cependant la faim était le
motif sacré comme le prétexte du trouble , et les cris en
faveur d'une constitution impossible , mais chere au sansculotisme
, le véhicule puissant.
"
( 403 )
La violence , les outrages , la mort même ont pénétré
dans l'enceinte de la représentation nationale ; au - dehors
, des royalistes se frottaient les mains dans les transports
indiscrets de leur joie homicide. Des royalistes
coupaient la tête du généreux Ferraud , et la portaient
au bout d'une pique . Le terrorisme , mieux servi par
les circonstances et sa position , décrétait les visites domiciliaires
, réorganisait un systême terrible , et frappait
d'épouvante les royalistes eux - mêmes , dont les projets
tendaient à la destruction , ou du moins à une dispersion
totale des représentans du peuple .
Le besoin de se sauver par la perte du terrorisme
triomphant inspire des résolutions salutaires et
plus généreuses , la bonne cause trouve des défenseurs
dans les ennemis même de la Convention , comme dans
les bons citoyens ; cet orage factice est bientôt dissipé ;
un accord de mesures de prudence et de sévérité rétablit
enfin le calme , sans consommer la perte d'un fauxbourg
égaré , que les voeux les plus cruels voyaient déja
livré aux flammes et au carnage . On n'a pas sans doute
oublié la conduite respectable de Boissy - d'Anglas , président
, et sa vertueuse persévérance au milieu des périls
et des hideux et dégoûtan's tableaux dont ses regards
ont été frappés lorsqu'il concentrait en lui seul la représentation
républicaine ; on n'a pas oublié l'extirpation
rigoureuse , mais nécessaire , de tous les députés qui
avaient adhéré à la sédition , la condamnation à mort
des plus coupables , la détention et la mort politique des
autres ; la discussion sage , honorable et désintéressée
du projet sur la réélection des deux tiers , et son résultat
conforme aux principes ; voilà ce qu'a fait la Convention
nationale depuis le 9 thermido , et ses titres à l'estime
et à la confiance , comme à l'oubli de ses erreurs .
Le représentant du peuple Tellier ayant été envoyé dans le
département d'Eure et Loir , pour faciliter la libre circulation
des grains et appaiser quelques troubles qui s'étaient élevés
dans ce pays . Les assemblées primaires venaient de s'ouvrir ;
celle du canton de Châteauneuf , district de Chartres , était
viveme agitée . Des pamphlets et des brochures , venus de
Paris , ne servaient qu'à échauffer les esprits et augmenter le
trouble . Des députés que, cette assemblée avait envoyés pour
fraterniser avec les sections de la grande ville , firent un rapport
de leur mission , dans lequel ils représentaient la Convention
comme tremblante devant les sections de Paris ; comme avilie ,
déshonorée et abandonnée de tout le monde .
( 404 )
1
On s'imagina que l'autorité n'existait plus , et dès - lors on
crut pouvoir se livrer aux excès , dans la certitude où Ton
était qu'il n'y avait plus de pouvoir pour les réprimer et
pour en punir les auteurs . Une nuée de femmes qu'on mit en
avant , se transporta à Chartres chez le représentant du peuple
Tellier , demandant du pain . Elles le forcerent de se rendre'
avec elles à la Maison- commune , où , après quatre heures de
eris , d'injures et de menaces , on l'obligea de taxer le pain
à trois sous la livre , d'ordonner des visites chez les cultivateurs
, pour les forcer de donner des grains , etc. On exigea
ensuite que ces arretés fussent proclamés aussi - tôt . A peine la
proclamation était - elle achevée , que des cris de vive le roi se
frent entendre .
Tellier ne pouvant se pardonner à lui-même l'acte de faiblesse
qu'il n'avait commis que pour empêcher un attentat à la représentation
nationale et épargner le sang des administrateurs qui
l'accompagnaient , après avoir rétracté ses arrêtés , le soir même ,
s'est brûle la cervelle.
$
Voilà un premier fruit de ces communications si contraires à
l'exercice légal de la souveraineté . Tellier était généralement
estimé par sa probité et la pureté de son civisme ,
Des bords du Rhin , le 21 fructider. Le passage du Rhin
s'est effectué hier sur trois points. L'armée du général Kieber
a été chargée de cette expédition . L'attaque de la gauche
commandée par le général de division Lefevre , a passé à
Elcklamp . Celle du centre , commandée par le general de
division Grenier , a effectué le passage à Ordingen , et le
général Championet , commandant l'aile droite , a passé ce
fleuve à Hamm , au - dessus de Dusseldorf.
Tous ces généraux ont exécuté avec autant de précision
que
de célérité et de courage les ordres qu'ils avaient reçus
à cet égard du général en chef Jourdan . La prise de Dusseldoffr ,
où nous avons trouvé 168 pieces de canon , a été la suite de
ce succès.
De Cologne . Le coup est frappé ; le général Championet
a fait une audacieuse entreprise. Ce général ordonna hier à
Neufs , une lieue de Dusseldorf de ne faire sonner ni heure
ni cloches , de n'ouvrir aucune porte et de ne laisser entrer
ni sortir personne de la ville ; il avait fait préparer des bateaux
dans la riviere d'Erff , qu'il fit passer le soir dans le
Rhin ; il y embarqua 6,000 hommes , ainsi que tous les musiciens
et tambours , qui , après les avoir fait débarquer à
Pautre côté du Rhin , s'avancerent dans le plus profond silence
sur les avant-postes des Autrichiens , les massacrerent à coup's
de bayonnettes , et se rendirent maîtres de leurs redoutes
་་་་་་ གཏུ
( 405 )
sans bruler
une amorce ; après cela ils marcherent
directement
sur Dusseldorff
, en faisant jouer les musiciens
et les tambours de toutes leurs forces ; les Autrichiens
furent effrayés par ce
bruit énorme et inattendu
, et tremblerent
, croyant voir dėja
devant eux toute l'armée française
; une partie prit la faite ,
une autre partie fut faite prisonnierre
, et le reste fut massacré
, et c'est de cette maniere
que les héros français arriverent
à Dusseldorff
.
་
Aujourd'hui nous ne voyons à l'autre côté du Rhin que
des retraites et bagages , chariots ' , etc .; et nous espérons
aller fraterniser daus peu avec nos braves freres d'armes à
Deutz.
Chassillé , le 25 fructidor. Le nombre des chouans s'accroît
insensiblement . Il n'est pas de jour que les cantonnemens
républicains , disséminés dans les communes , ne soient attaqués
par un nombre supérieur. Le 26 de ce mois , 1000 à
1200 chonans ont attaqué le poste de Chassillé . La fusillade a
été très - vive et a duré près de six heures . Les cantonnemens
de Vallon , Loué , Saint - Denis- d'Orques et Saint-Symphorien
sont accourus au secours de Chassillé , et ont mis en déroute
complette les chouans , qui ont perdu un nombre considérable
d'hommes , qui ne peut être évalué , parce qu'aussi- tôt
qu'un des leurs est tué , ils l'enlevent et le cachent , pour dérober
leur perte à la connaissance des habitans . On dit que
les républicains n'en ont pas perdu un seul .
Coulans. Le 29 , vers huit heures du matin , 30 éclaireurs
d'une coloune republicaine , qui marchait sur la route de
Laval , ont attaqué 3 à 400 shouaus qui faisaient leurs orgies
dans le ci-devant château de Coulans . Après un quart- d'heure
de combat , les éclaireurs ayant été secouros par une partie
de la colonne , les chouans ont eu une déroute complette ,
fuyant dans les bois , les hameaux et les champs , sans qu'il
ait été possible de les trouver. Op ignore combien ils ont
perdu d'hommes , par la raison que nous avons déja exposée ;
mais on en a vu tomber 13 ou 14 , qui ont été aussi - tôt emportés
par leurs gens . Nous avons eu deux hommes blessés , dont
un légerement ; l'autre est mort le troisieme jour . On a trouvé
au château leur bureau d'état-major , un attelier où ils faisaient
des balles et des cartouches , plusieurs sacs de munitions
des images et une grande chaudiere pleine de café qui bouillait
au fen.
2
Ils font partir de force avec eux tous les hommes non - mariés ,
depuis seize jusqu'à cinquante ans . Il leur en a bien déserte hier
25 de Coulans et environs : ces communes ne sont éloignées
du Mans que de trois à quatre lieues . Des affaires journa
( 406 )
lieres de poste à poste , nous font craindre des combats plus
sanglans.
Les administrateurs du département de la Loire inférieure
out écrit au comité de salut public , pour lui faire part de
leurs inquiétudes , au moment où un armement se préparé
en Angleterre . La flotte anglaise était toujours en station sur
les côtes ; elle venait , quelques jours avant la date de la
lettre , 13 fructidor , d'être renforcée par une division de
neuf vaisseaux , dont trois à trois ponts. On remarque des
mouvemens et une grande audace dans Charette et les vendéens
; les chouans redoublent de menaces et de jactances
et les royalistes de Nantes ont un air de triomphe .
Des poudres , destinées pour les ports de la République ,
ont été livrées aux vendéens par des traîtres . On a acquis
la certitude par les déclarations des prisonniers chouans , qu'un
nombre prodigieux d'agens des rebelles existent à Nantes ,
et qu'ils y achetent des armes et des munitiont , et les font
passer avec la plus grande facilité à leurs commettans . Les
brigands trouvent tous les moyens possibles de s'approvisionner ,
parce qu'ils paient en argent et en denrées .
Des volontaires sont venus , le 13 , appoiter des cartouches qui
ne peuvent leur être d'aucune utilité ; elles sont composées de
beaucoup de poudre fine et de quatre petites balles , grosses
comme un petit pois. Aussi , un des jours précédens , ud
détachement était- il étonné qu'en tirant presqu'à bout por
tant sur les vendéens , il n'eu blessait aucun . Ce détachement
fut battu et perdit plusieurs hommes , voitures et chevaux .
L'administration presse le comité de prendre des mesures
pour faire cesser les dangers où se trouve la commune de
Nantes , la seule qui , jusqu'ici dans les départemens de l'Ouest ,
puisse s'opposer aux progrès , à l'organisation et à la propas
gation de la révolte .
Rennes , le 23 fructidor . Les chouans poursuivent toujours
l'horrible cours de leurs atrocités . Le courier de Nantes a été
arrêté , et obligé de se replier vers Rennes ainsi que l'escorte
dont il était accompagné. Les volontaires ont eu un échec
certaines gens ne manqueront pas sans doute d'exagérer .
que
Dans le district de Pontivy à Talonet , les chouans ont assas
siné le citoyen Desnevall , adjudant- général attaché à l'armée
des côtes de Cherbourg. Ce républicain était allé se promes
mer avec son épouse , il est surpris par an parti . Embrasse
ton mari , disent ces cannibales à la malheureuse Desnevall ; ' et
à l'instant son mari est fusillé dans ses bras .
-
Le 16 , dans le district d'Auray à trois quarts de lieue de cette
commuue , sur la route de Randevau , le tambour - major et
( 407 )
deux soldats du 45. régiment sout saisis par les chouans . Ceuxci
les pendent par les pied ,, et leur font souffrir mille morts
avant de les tuer. On a trouvé les trois cadavres mutilés
rôtis à moitié .
NOUVELLES OFFICIELLES.
ARMÉE D'ITAL Ì E.
་
Relatian de la défense contre l'expédition des ennemis sur St.-Martinde-
Lantoscoa , la nuit du 14 an 15 ; état -major-général : au
quartier-général , à Nice , le 18 fructidor.
A la faveur d'un très - mauvais tems , les ennemis ont entrepris
de faire passer le col de Pierre- Etroite à un corps de
1500 hommes de troupes choisies . La pluie , la neige , le
brouillard , leur ont facilité l'approche du poste de la Cerise ,
qui n'a pu leur résister.
" Vers minait et demi , on a su à St. Martin -de- Lantoscoa
que l'ennemi s'avançait avec une force considérable . J'ai ordonné
la générale , et rassemblé 318 hommes , total de la
force de ce cantonnement , déduction faite des gardes et
détachemens.
" Les premiers hommes rassemblés se sont portés au plutôt
où était le danger : c'était à l'entrée du village où l'en
nemi était deja parvenu . Ils y ont été compromis par leur
trop grande faiblesse ; quelques - uns ont été tués , dix faits
prisonniers ; néanmoins ils l'ont arrêté . Enfin , la totalité de
la troupe rassemblée s'est portée sur lui . Il était alors aux
tentes des canonniers , placées dans l'enceinte du village .
" Le combat a été vif et long en même-tems ; le Français
était en quelque sorte obligé de se multiplier pour résister
au grand nombre qui était prêt à l'accabler ; néanmoins la
constance et la bravoure républicaine l'ont emporté , et l'ennemi
a été forcé à la retraite vers six heures du matin . Mais
alors se sont multipliés les obstacles , parce qu'il occupait
les hauteurs qui favorisaient sa retraite et pouvaient lui procurer
un nouveau moyen de revenir à la charge . Rien n'a
arrêté l'impétuosité de nos soldats ; ils ont été vainqueurs
sur la montagne comme dans la gorge. L'ennemi s'est retiré
en bon ordre et lentement jusqu'au poste de la Cerise , poste
qui lai était bien avantagenx , s'il n'avait eu affaire à des Français
. L'attaque en a été faite en ordre , et il n'a pu résister ;
il s'est retiré par la même route où il était venu . Pendant
( 408 )
•
1
с
l'action , nous avons fait 150 prisonniers environ ; depuis on
en a ramassé à - peu - près autant , de maniere que j'ai le nom
de 310 prisonniers ou déserteurs , compris 10 officiers de
différens grades . On a ramassé et l'on ramasse encore une si
grande quantité de fusils , que je ne puis en savoir le nombre .
Il y a eu 22 Piémontais tués aux environs de Saint-
Martin ; il en a péri beaucoup plus - jusqu'au lieu où nous les
avons abandonnés . Le reste de cette troupe ne doit son salut
qu'à la trop grande faiblesse où nous nous trouvions relati
vement au nombre. Parmi les morts se trouve M. Bonnau ,
commandant l'expédition , qui , blessé et sentant qu'il ne
pouvait plus nous échapper , a préféré se brûler la cervelle .
Pourquoi le jour n'ai pas éclairé les belles actions
qui se sout faites pendant un combat si extraordinaire ? Au
reste , chacun a fait son devoir ; sans cela , nous succombions
sous le nombre.
" L'adjudant général Rambard s'est trouvé par tout , a tout
dirigé , et je dois dire qu'il a beaucoup contribué à l'avantage
de cette journée . Le citoyen Lespinasse , chef de la 84 .
demi- brigade , n'a pas quitté la tête de la colonne , et , par
son exemple , a aidé au succès de cette affaire . Qu'auraitut
pu 300 hommes contre 1500 ?
Une action aussi vigourense et aussi longue a coûté du
sang a la Republique : dix hommes out été faits prisonniers ,
dont deux officiers ; seize hommes blessés , dont trois offi
ciers et l'aide -de - camp du general Verne ; enfia , treize out
péri pendant l'action .
" Le general de brigade Charton me rend compte que ,
dans l'après - midi de cette journée , le col de Fenestre a ete
attaqué par un corps de 600 hommes , mais que la bonne
contenance de nos troupes soutenues de quelques coups de
canon , ont eu bientôt terminé l'affaire , et que les ennemis
se sont retirés . " ,
Signé , SERRURIER , général de division .
Pour capie conforme à l'original , le général d'armée des
Alpes et d'Italie .
Signé , KELLERMANN , général en chef.
P. S. A l'instant où j'allais fermer ma lettre , il arrive 50
prisouniers des chasseurs de Nice ; on m'eu aunoace d'autres ,
de manière que de corps est entierement detruit , soit par les
prisonniers , deseiteurs ou les morts .
LBS
NOUVEL AVIS AUX SOUSCRIPTEURS .
Bs partie littéraire . subordonnée jusqu'à présent aux éal.
nemens de la révolution et aux grands intérêts politiques.
essentiellement liés à son succès , va reprendre l'étendue et la
degré d'importance qu'elle a toujours eu dans ce Journal
qui s'est fait estimer par sa variété et par l'esprit de critique
saine et impartiale de ses coopérateurs . Elle vient d'être confiée
aux soins d'une société de gens de lettres qui , sous l'heureuse
influence de la liberté de la presse , ne négligeront rien
de ce qui peut intéresser la république des lettres , soit sous
les rapports du goût et de la littérature proprement dite , soit
sous ceux de l'économie politique , des sciences , des beaux arts,
de la morale et de l'instruction publique. Le regne de la baz
barie et du vandalisme n'a jamais été que celui de la tyrannie.
Les encouragemens que la Convention vient d'accorder aus
savans , aux gens de lettres et aux artistes, sont une nouvelle
preuve de la nécessité de l'alliance inséparable des fumierzi otme
la Liberté.
Les changemens et les améliorations que nous nous proposons
ne se bornent pas seulement à l'intérêt de la rédaction. Le·
caractere petit - romain que nous avons employé jusqu à es
jour , avait l'inconvénient de fatiguer extrêmement à la lec
ture , nous lui avons substitué un caractere plus agréable à
l'ail ; convaincus que nous sommes que les formes impogra
phiques influent plus qu'on ne pense sur le succès d'un quvrage.
Nous continuerons de faire usage du petit Caracteres
pour les nouvelles politiques , les pieces officielles et tous les
objets qui sont purement de détail mais en mms - tems , par
les supplémens que nous donnerons , ce Journal acquerra que
plus grande elendue in matiere.
Bién me sera changé dans les autres partes qui composent
or Journal : les nouvelles politiques les débats et les décrets
majeurs de la Convention , les nouvelles de Paris et de l'intérieur
le tribunal , révolutionnaire , et les opérations/ importantes
de nos armies , continueront d'y occuper une place
essentielle.
Il paraîtra toujours deux fois par décade , ce qui le mes
au niveau des feuilles du jour dans la plus grande partie dey
départemens , où le service des postes n'est pas journalier
Ainsi le Mercure , le plus ancien des journaux , celui dont
la collection est la plus recherchée , aura toujours sur les
autres du même genre , l'avantage de paraître plus fréquemment,
et de réunir avec le même intérêt et la même variété plus
de matieres.
La cherté excessive du papier qui a plus que triplé, celle de
la main-d'auvre qui s'est accrue dans la même proportion , es
raugmentation de moitié dans les frais de port , qui vient d'être
dicritic par la Convention , nous obligent de porter le prix
de l'abonnement à compter du 15. pluviose à 50 liv . pour l'anmie
, 25 liv . pour sin mois , frane de port pour Paris et ies
départemens. Aussi-tôt que ces objets auront subi quelque diminution
, nous nous empresserons d'en faire jouir nos som
Gripteurs.
Les auteurs , les artistes et les libraires qui voudront faire
noncer leurs praductions , voudront bien les adresser au
aitoyen Guth directeur du Mercure , rue des Poitevins,, nº 1
qui reçoit également les semseriptions.
( No. 64.)
Decadi 10 Thermidor.
l'an troisième de la République .
( mardi 30 Juillet 1795. vieux ftyle . )
MERCURE
FRANÇAIS.
HISTORIQUE POLITIQUE
ET
LITTERAIRE
Le prixde Abonnement eft de so liv.
pous les Departemens &pourParis.
München
CALENDRIER
RÉPUBLICAIN.
THERMIDOR.
La Lune du mois a 29 jours. Du premier au 30 les jours
décroiffent de 40 min. le matin , & de 41 le foir.
Ere Républicaine.
Erc
J. PHASES
Valgaire
de de la
LLUNE
.
I primedi tre Décade.21 Dim.
I duodi
3 tridi.
4 quartidi .
5 quintidi
6 fextidi .
fepridi .
Stii.
22lundi.
23 mardi
24 merc . 4
25 jeudi
26 vend 6
27 fam
28 Dim.
Tems moyen
au midi rai.
H. M. S.
5 985 $ 9
59.78
1970
5961
P. . $ 950
les à 9
8. S4 m.
du foir.
59.40
5929
S 17
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10 Dieddi....
30 mardi 10
11 prisli Ile Décade . 31 merc. 11 P. L.
9 anidi.
29 lundi. 7
12 duo [..
13 tridi.
14 quarti
Is quincidi
16 fextidi .
17 feptidi
13 octidi .
19 nonidi..
10 Decadi..
lundi. 16
mardi 17
Zlímerc.117
8jeudi. 19
Ι jeudi . 12 le 13 à 8
2 vend. 13h. 2 m.
3 fam. 24 du foir.
4Dim. S
D.Q.
u 8
5832
7.9
5 782
vend. 20 du foir.
le 20 à 61
h. 56 m.
5765
7 42
57
29
23 tridi
24
zi primedi Ille Decad . 10 fam. 21
12 duodi .
Quartidi .
25 quintidi
.
16 fextidi
.
27 fepridi .
28 odidi .
19nidi .
r2lundi . 23 le 27 à61
13 mardi 24 h. 2 m. S
14merc.125 du foir.
S 711
Dim. 22
N. L
6.91
5.
6.61
6
52
5.632
jendi . 26 6 12
revend. 27 3 91
17fame, 28
5 561
18 Dim . 29
Decadi.
19lundi ( 30
129
Jer . 135.
MERCURE
FRANÇAIS ,
HISTORIQUE , POLITIQUE
ET LITTERAIRE ;
PAR UNE SOCIÉTÉ DE PATRIOTES.
Du Quintidis Thermidor , l'an troisieme
de la République.
( Jeudi 25 Juillet 1795 , vieux style. )
TO ME XVII.
BIBLIOTURCA
REGIA
MONACHYSIS
REPUBLIQU
FRANÇAI
A PARIS ,
Au Bureau du Mercure , rue des Poitevins ,
No. 18.
Bayerische
Staatsbibliothek
München
TABLE des matieres littéraires , depuis le 24 mai
jusqu'au 18 juillet 1795 , vieux style.
APPEL
PPEL à l'impartiale postérité , par la citoyenne Roland
, femme du ministre de l'intérieur .
Supplément à l'histoire du Lion de la ménagerie et de
son Chien ...
Annonces de gravures .
Notice sur le voyage d'Entrecasteaux , envoyé à la recherche
de la Peyrouse ; par 7. Lalande ...
Panification du viz ..
Conversation entre le dimanche et le décadi .
page
3.
57.
60.
89.
91 .
93.
De l'art oratoire dans les républiques ...
Annonces de livres nouveaux . 150.
Suite de l'art oratoire dans les républiques . 153.
Annonces de livres nouveaux .... 160 .
Conjuration de Catilina ; par Salluste , traduite par
Billecoq ....
185 .
Eloge de Barthelemy , auteur du voyage du jeune Anacharsis
; par J. Lalande .... 189.
Voyage à la Chine , à la côte nord- ouest de l'Amérique
en 1788 et 1789 , etc. trad. de l'anglais de Meares ;
par Billecoq..
249:
Sur l'inconstance du peuple , etc.
251 .
Annonces de livres nouveaux . 255.
Le Télégraphe de l'hymen , dialogue en vers .
217.
De l'esprit de la constitution qui convient à la France ;
par 7.7. Lenoir- Laroche... 219 .
Annonces de livres nouveaux .
1
Renseignemens sur l'Amérique , rassemblés par Thomas
Cooper , trad. de l'anglais .
Vers à la citoyenne Desgarcins .
Célestine , ou la victime des préjugés ; par Charlotte
: Smith ..
Annonces de livres nouveaux .
Théorie de la terre ; par J. C. de la Méthérie ....
Considérations politiques , philosophiques et religieuses
sur la révolution française.
Maximes détachées , extraites des manuscrits de Champfort.
282.
289.
313.
314.
321 .
345.
348.
350.
( No. 61. )
MERCURE FRANÇAIS
QUINTIDI 5 THERMIDOR , l'an troisieme de la République.
( Feudi 25 Juillet 1795 , vieux style . )
MORALE POLITIQUE.
་
,
NOUVELLE DECLARATION DE LA MORALE RÉPUBLICAINE , ou
des devoirs de l'homme et du citoyen ; objet constitutionnel
et projet de loi pour la promulguer , et lier par elle les opinions
religieuses et les cultes au soutien de la République ;
par F. LANTHENAS , membre de la représentation nationale
: faisant suite aux moyens qu'il a proposés de vaincre les
obstacles à la République , et de l'organiser : brochure
de 124 pages. A Paris , chez MARET , libraire , au jardin
de l'Egalité. Prix , 7 liv . 10 sous franc de port par la
poste , et 15 liv . avec ce qui précede depuis le 4 vendemiaire.
Il est plus facile de sentir la nécessité de fonder une
république sur les principes de la morale , que de réaliser
ce sublime projet. Ce ne sont ni les conseils ni les
maximes qui ont manqué aux hommes . Depuis qu'il y
a eu des sages sur la terre , leur rôle a été de prêcher
les foux et les méchans , et malheureusement ceux - ci
ont mis plus d'obstination à continuer de faire des
sottises , que les autres n'ont pu en mettre à les en em
pêcher. La voix de l'intérêt et l'intensité d'une seule
passion font oublier plus de maximes en un jour , que
les philosophes n'en publient en un siecle . On ne corrige
pas mieux les hommes par des paroles , qu'on ne
les gouverne. C'est une vérité, que l'ou a trop méconnue
dans le cours de la révolution . Les honnêtes gens n'ont
pas besoin de la morale des livres , et les fripons s'en
moquent. Il faut à ces derniers autre chose que des préceptes
.
Faut - il donc renoncer à enseigner la morale anx
hommes ? Non , sans doute ; mais il faut les y conduire
par des routes d'autant plus sûres qu'on aura pris plus
de soin de les leur dérober. Les meilleurs prédicateurs
A 2-
( 4)
·
de morale , ce sont de bonnes lois , un bon gouvernement
Faites que les hommes trouvent leur intérêt à
Lêtre bons et justes , et qu'ils ne puissent faire le mal
sans ressentir aussi - tôt le frein des lois ; voilà tout le
secret de la morale politique. Les anciens législateurs
étalaient peu de sentences philosophiques dans leur
code , mais ils y mettaient beaucoup de sagesse . Ils
avaient senti que la morale en action fait plus d'im-.
pression sur les hommes , que toutes les leçons de la
sagesse . Les plus habiles ont fait plus ; ils ont attaché
la politique à la religion , sûrs de donner à leurs institutions
des fondemens plus durables . Voyez les lois de
Moyse et celles de Maliomet ; c'est Dieu qui dicte aux
Hébreux le décalogue ; c'est le grand - prohête qui gouverne
les Musulmans ; et il faut le dire , les lois de ces
deux peuples sont encore celles qui ont subi le moins
d'altération au milieu des longues vicissitudes humaines .
Chez les Romains , l'amour de la patrie était érigé en
culte par- tout les idées religieuses étaient mêlées à
celles du gouvernement , et la seule religion dn serment
a plus soutenu la république romaine que les sénatusconsultes
et les plébiscites.
Une fois qu'un peuple en est venu à ce point de
confondre son gouvernement avec sa religion , il n'est
pas un rapport , pas, un sentiment qui l'éleve à la divinité
, qui ne le rapproche en même tems de la patrie ;
servir l'une , c'est honorer l'autre ; le respect pour les
Jois est un culte , comme leur infraction est un sacri .
lége . I est aisé de contevoir le degré de puissance
qu'acquieft ce double levier dans les institutions sociales ;.
mais aussi si la religion de ce peuple est fondée sur je
mensonge et la superstition , ou si son gouvernement
est défectueux , il n'est presque pas plus possible de
réformer les erreurs de l'une , que de corriger les abus
de l'autre ; c'est ce qui doit rendre les législateurs extrêmement
attentifs à ne rien admettre de faux ni de trompeur
dans ce mélange de lois politiques et de théocrátie.
La mesure de cette association est chez une nation
' éclairée un problême plus difficile à résoudre , que ne
le fut pour Archimede celui de la couronne d'Hiéron .
Car , s'il existait une portion d'individus assez nombreuse
qui n'admit aucune des idées religieuses incorporées
à la constitution , on risquerait d'affaiblir chez
ceux-ci le respect que l'on doit aux lois de son pays.
Il paraît que ces difficultés n'ont point embarrassé le
( 5 )
citoyen Lanthenas . Convaincu avec tous les vrais philosophes
, qu'il ne peut exister de société sans morale ,
ni de morale sans en placer la source dans la cause
immuable qui régit le monde motal comme le monde
physique , c'est sur cette bâse qu'il pense que l'on doit
fonder les devoirs de l'homme et du citoyen . Mais il
a soin d'en écarter toutes les idées dogmatiques et métaphysiques
, qui ont fait de la religion primitive et
naturelle tant de religions différentes , et divisé les :
hommes qui auraient dû se souvenir qu'étant enfans
du même Dieu , ils doivent tous se connaître pour
freres.
Il est aisé de se convaincre que le citoyen Lanthenas
a puisé toutes ses idées dans le passage suivant de
Rousseau , qu'il a sans doute beaucoup médité :
13
Les dogmes de la religion civile doivent être simples
, en petit nombre , énoncés avec précision , sans
explications ni commentaires . L'existence de la divinité
puissante , intelligente , bienfaisante , prévoyante ,
la vie à venir , le bonheur des justes , le châtiment des
méchans , la sainteté du contrat social et des lois ; voilà
les dogmes positifs . Quant aux dogmes négatifs , continue
Rousseau , je les borne à un seul , c'est l'intolérance
; elle rentre dans les cultes que nous avons exclus. " ,
( Contrat- Social ; de la Religion civile . )
La morale républicaine qu'expose le cit. Lanthenas ,
n'est que le développement des dogmes de cette religion
civile ; mais il a trop cublié qu'ils doivent , selon
Rousseau , être énoncés avec précision , sans explications
ni commentaires . En effet , il divise sa déclaration des de
voirs de l'homme et du citoyen en trois parties : 12. rapports.
supérieurs de l'homme à Dieu et à la nature , et devoirs
qui en résultent ; 2 ° . rapports de l'homme à lui-mêms:
et devoirs qui en résultent ; 3 ° . rapports de l'homme
avec ses semblables et tout ce qui l'entoure ; rapports
qui en résultent : chacune de ces divisions qui pac
elles -mémes tendent déja à affaiblir un objet où tout
doit être rapproché et lié dans un ensemble , contient
une série d'articles beaucoup trop nombreux pour qu'il
n'y ait pas des répétitions et des superfluités . Il est
même des conseils trop minutieux pour trouver place
dans une déclaration constitutionnelle , teis par exemple
que ceux - ci :
" En, santé écarte de ta personne toute souillure
respire , l'air le plus pur ; chaque jour lave ton corps ;
A 3
( 6 )
que des exercices , des frictions , l'air , l'eau et la lumière
l'assainissent etile fortifient . "
Malade , nétoie tes entrailles comme ton corps ;
abstiens- toi ; écoute ton instinct ; repousse le p son
que l'inquiétude , l'incurie et le charlatanisme distribuent
, etc. ??
Sans doute , l'hygienne doit faire partie de l'instruction
publique. Le soin de conserver sa santé tient de
plus près qu'on ne pense à la morale , et il Y a longtems
que les sagés ont reconnu l'influence d'un corps
sain sur les opérations de l'esprit , ce qu'ils ont exprimė
par cette maxime : Mens sana in corpore sano . Moyse et
tous les législateurs orientaux sont entiés sur ce point
dans des détails très - étendus , dont ils ont fait des objets.
de religion , parce que dans ces climats extrêmement
chauds , importait de faire une obligation sciée
des ablutions et de la qualité meme des alimens ; mais
dans nos climats tempérés , catte obligation est moins
indispensable , et si on doit la regarder comme utile ,
il faut convenir que de pareils préceptes ne sont pas
de nature à être énoncés dans le code politique d'un
peuple ; il suffit d'en faire un objet particulier de
l'éducation .
1
Quoique la déclaration des devoirs de l'homme et du
citoyen que propose l'auteur , ait le défaut de n'être
ni assez simple ni assez précise , il la regarde comme
insuffisante , et pour y suppléer , il imagine de reprendre
chaque article des trois divisions qu'il a adoptées , et
de les commenter par des paraphrases , et comme s'il
craignait de n'en avoir dit assez , il a fait sur la plupart
des articles des notes explicatives . On sent que ce
travail infiniment estimable d'ailleurs est beaucoup
trop long , et ne saurait convenir à un acte constitutionnel
, où le laconisme est nécessaire ; car les lois les
plus courtes se gravent plus profondément dans la mémoire
et la raison des hommes . Quand Moyse donna
au peuple hébreu les tables de la loi , il les écrivit en
dix articles , et ces dix articles sont encore , après plus
de trente siecles , les préceptes religieux et moraux
les plus simples et les plus incontestables .
L'auteur a choisi , dans sa déclaration des devoirs , la
forme impérative ; ce sont les commandemens de la
société à chacun de ses membres. Cette forme est sans
contredit la plus convenable à la dignité de la légis
( 7 )
lation ; mais c'est parce qu'elle est grande et majestueuse
qu'il faut en user sobrement ; l'amourpropre
humain supporte impatiemment les " longues
leçons .
Nous pensons donc avec le cit . Lanthenas , qu'une
déclaration des devoirs constitutifs de la morale répu
blicaine peut être extrêmement utile à la suite de la
déclaration des droits ; mais nous croyons que , pour en
recueillir le fruit qu'on doit en attendre , il faut la
renfermer dans le moins d'articles possible . Nous
croyons de plus que les préceptes moraux seront tou
jours insuffisans , si l'on n'y joint la force des lois et
des institutions. Les moeurs ne se commandent pas ,
elles s'inspirent ; c'est de toutes les modifications de
l'état social , celle qui est le plus dépendante d une
infinité de causes ; non que la morale soit une chose
difficile , mais parce que les obstacles qu'elle rencontre
dans la pratique sont plus ou moins nombreux et
puissans , selon que les gouvernemens et la législation
ont plus ou moins fait pour l'amélioration de l espece ,
humaine et sur- tout pour son bonheur . Si l'on n'épure ,
si l'on ne moralise les différentes causes qui agissent
sur les habitudes et les actions des hommes , la théorie
ne produira sur eux qu'un effet d'admiration ; mais en
applaudissant à la métaphysique des principes , ils ne
continueront pas moins à se diriger sur des regles qui
leur paraissent plus conformes à leur intérêt. C'est donc
Forganisation politique des moeurs qu'il faut créer, et
cette organisation est encore à faire .
Quoi qu'il en soit , en attendant ce grand travail de
la legislation , les préceptes de morale contenus dans
l'écrit du citoyen Lanthenas sont bons à méditer, ét
l'esprit philantropique qui les lui a inspiré lui donne
des droits à l'estime des bons citoyens et des amis des
moeurs . Avant même la révolution , l'auteur s'était fait
connaître par des productions qui annonçaient son
amour pour l'humanité , et depuis qu'il a été membre
de la représentation nationale , il n'a cessé , dans les
circonstances même les plus périlleuses , de professer
les mêmes principes et de parler de paix , d'union ,
de justice et de vertu , au milieu du déchaînement
des passions et des fureurs de tous les partis . Il a réuni
les différentes vues qu'il a présentées à la Convention
en un volume de plus de 650 pages , sous le titre de
A 4
( 8 )·
--
看
Bases fondamentales de l'instruction publique et de toute
constitution libre ( 1 ) ; ouvrage que la ty annie de Robespierre
avait empêché de paraître , et qui n'a été publié
qu'après le 9 thermidor."
ECONOMIE POLITIQUE. COMMERCE. '
Tableau du commerce de la France avec la Suisse.
De
E toutes les puissances neutres avec lesquelles la
République Française a des relations commerciales , il
n'en est pas qui puisse fixe ; plus particulierement l'attention
que la Suisse .
Le commerce de la France avec la Suisse peut être considéré
, depuis dix ans , sous quatre époques : 1 ° . avant
la révolution ; 2 ° . dans les premieres années de la révolution
; 3. pendant la durée des proscriptions , du maximum
, des requisitions ; 4° . enfin , depuis le relâchement
ou la chûte de tout systême de destruct on .
1º. Avant la révolution , le commerce ostensible de
la France avec la Suisse s'élevait , sur une année moyenne
de trois , à la valeur métallique de vingt- un millions
d'exportation de France , sur sept millions environ d'importation
de Suisse en France . Mais dans la somme de
sept millions n'est pas comprise une valeur de peut- être
vingt millions , tant en horlogerie qu'en toiles de coton ,
dont les forts droits imposés par le tarif d'entrée pro- ,
voquaient alors l'introduction clandestine en France ;
en sorte qu'il était notoire qu'en définitif , cette con- ,
trée comptait annuellement à la Suisse une solde ou
balance en argent pour résultat du commerce respectif.
Cet état de choses s'est soutenu à- peu- près sur le même
pied depuis la révolution , avant la grande émigration
et l'émission en fortes quantités d'assignats .
2º . Dans les premieres années de la révolution , après
l'émigration et après l'émission des 'assignats , c'est - à - dire
notamment depuis le 1. janvier 1792 jusqu'au 21 novembre
1793 , ce qui comprend un espace de 23 mois ,
les exportations pour la Suisse se sont élevées à cent
( 1 ) On le trouvé à la même adresse que l'ouvrage que nous.
annonçons.
( 9 )
vingt-un millions , et les importations de la Suisse seulement
à 34,500,000 liv . , ce qui produit , du côté de
la France , un excédent d'exportation de 86,500,000 liv.
Un excédent aussi considérable est le résultat de dif
férentes circonstances qu'il faut se rappeler.
D'abord en France tous les prix de cette époque ,
particulierement ceux des denrées coloniales , hausserent
sensiblement , et la Suisse en recevait des quantités
assez considérables pour sa propre consommation ; ensuite
les produits de l'industrie française furent exportés
dans la proportion de la masse des capitaux et du res
venu pour remboursement et arrérages que les émigrés
ou étrangers voulurent tirer de France en nature de
marchandises , de maniere que sous aucun de ces rapports
, cet excédent de 86,500,000 liv . sur les importa
tions de la Suisse , ne la constituait débitrice de la
France ; seulement cette progression dans les ventes de
cette derniere contrée , pouvait lui fournir les moyens
de solder ou à- peu-près toutes ses dettes commerciales
précédentes envers la Suisse .
3. Pendant la durée des proscriptions , du maximum
et des requisitions , depuis le 21 novembre 1793 jusqu'au
10 août , ce qui comprend un espace de dix mois ,
la valeur des importations en vingt piincipaux articles ,
ne fut pas moindre de 150.944,000 liv . , ct les exportations
de France ne s'éleverent qu'à 32,173,000 liv .; ce
qui présente un excédent d'importation de la part de la
Suisse de 126,771,000 liv .
Il faut observer que depuis cette époque les prix sont,
au moins triplés sur valeur métallique ; ensuite que le,
commerce de la Suisse , depuis que l'Allemagne est
devenue un des théâtres de la guerre . s'est augmenté
des relations indirectes de la France avec cette contrée
de Europe . Par exemple , les chevaux , les cuivres et
les draperies sont arrivés en France d'Allemagne par la
Suisse , et la France y a reporté par la même voie , ses
étoffes , ses gazes et ses rubans de soie. H faut ajouter
encore que le bas prix actuel du change permet aux
Suisses d'acquitter aux entrées de France les droits les
plus forts imposés par les tarifs sur les toiles de coton ,
et même sur 1 horlogerie , quoique le droit par montre
soit réduit de 3 à 2 liv . par le nouveau tatif. Ces marchandises
qui étaient autrefois introduites en contrebande
, font actuellement partie des enregistremens dans
les douanes .
1
x ( 10 )
Tous ces motifs justifient donc la possibilité de l'exeédent
d'importation de 126,971,000 liv . Mais la faiblesse
des ventes de la France à cette époque , doit
rappeler le souvenir de la tyrannie exercée , pendant
cette même période sur les personnes et les propriétés.
4° . Depuis le relâchement ou la chute des propcriptions
, du maximum et des requisitions , c'est-à- dire spécialement
pendant les quatre premiers mois de la troisieme
année républicaine , les importations de Suisse
en France , seulement en 20 principaux articles , s'élevent
à une somme de 167,146,000 liv. , et les exportations
de la France en Suisse ne montent pas à plus de 15 millions
240,000 liv .; ce qui offre une nouvelle dette de
la France envers la Suisse , de 151,906,000 liv. On observe
que dans cette période les prix ont généralement
quintuplé sur valeur métallique.
Il résulte de tous ces apperçus , qu'en 14 mois la
France paraît redevoir à la Suisse 228,677,000 liv . , valeur
en assignats ; et cette dette est de plus de 150 millions
pour les seuls quatre premiers mois de la présente
année.
ANNONCES.
Le commerce et le gouvernement considérés relativement l'un à
l'autre , ouvrage élémentaire ; par M. l'abbé Condillac , de
la ci devant académie française et membre de la ci - devant
société royale d'agriculture d'Orléans : nouvelle édition en
2 volumes in - 12 , brochés. Prix , 14 liv. et 15 liv. franc de
port par la poste , pour les départemens et pays conquis . A
Paris , chez Morin , libraire et commissionnaire , rue Christine
, no. 12 ; et chez tous les libraires et directeurs des
postes.
Il faut affranchir les lettres et faire charger celles qui contiendront
des assignats.
Nota. Cet ouvrage intéressant manquait depuis long tems.
.
Euvres politiques de M. le comte de Hertzberg , ministre de
sa majesté le roi de Prusse ; précédées d'une notice sur sa
personne et les emplois qu'il a successivement remplis trois
volumes in- 8° . Prix , 30 liv. et 36 liv . franc de port par la
poste. A Berlin , et se trouve à Paris , chez Maradan , libraire ,
Iue du Cimetiere - Saint- André - des- Arcs , nº . 9 .
( 11 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 2 juillet 1795.
@ICI de nouveaux détails sur la maniere dont s'est opérée
la reconnaissance faite par la Porte , du citoyen Verninac
comme ministre de la République Française .
Le ministre de Prusse notifia au divan le traité passé entre
la Prusse et la République . La Porte avait déclare jadis qu'elle
ne reconnaîtrait pas la République avant qu'une tête couronnée
l'eût fait ; de cette maniere elle ne fut plus gênée
dans sa marche . Le sultan alors reçut formellement le citoyen
Verninic comme envoyé extraordinaire ou ministre plenipotentiaire
français . Deja le dragoman de la Porte s'était transporté
, avec la plus grande pompe , chez le citoyen Verninac ,
qui lui fit present d'une superbe montre enrichie de brillans ,
avec une chaîne pareille. Après cette reconnaissance ministérielle
, les armes de la République Française furent placées
sur la porte du
palais de l'ambassadeur. Le ministre de Prusse
est alle faire sa visite de compliment au nouvel envoyé ;
mais les ministres des autres puissances n'ont pris aucune
part à cette cérémonie . Depuis , le citoyen Verninac ne ceste
d'avoir des conférences avec les membres du divan .
Le chargé d'affaires de la république des Provinces - Unies
avait remis , il y a quelque tems , un mémoire à la Porte ,
dont on jugera l'objet par la réponse qui lui a été faite . Certe
réponse est du 13 de ce mois ; elle porte que le ministre
ottoman , l'ancien et le fidele ami de la république , a reçu
la communication du nouvel ordre de choses , avec le contentement
qu'il a toujours éprouve à chaque événement qui
pouvait être utile et avantageux à la république , et coopérer
au bien - être et au repos de chaque province en particulier.
Le prix des denrées continue toujours à être excessivement
eher. On attribue cette circonstance malheureuse au retard
qu'éprouvent les transports des grains d'Alexandrie , exposes
dans leur trajet aux corsaires maltois . Le capitan - pacha
vient de se décider à se porter lui-même , avec quelques fré(
(12-))
1
gates , pour donner la chasse à ceux - ci , et protéger le commerce
ottoman . .
Ces nouvelles de Constantinople sont du 26 mai . Les suivantes
, de Belgrade , sont faites pour inquiéter la Porte - Otto-
Nons en avons déja parlé , mais nous croyons devoir
les redonner , parce qu'on ne les connaissait que confusément ,
et qu'on en trouve ici la date et des circonstances impor-
тане .
tanies.
Nous apprenons que la ville et forteresse de Belgrade est
tombée au pouvoir des Serviens et Bosniaques révoltes , au
nombre de 10 mille hommes ; ils avaient à leur tête les restes
de la garnison qui défendit Belgrade contre le général Laudon ,
* qui après la prise de cette place et d'après la paix de
Srstove , fat repartie dans la Bosnie et la Servie. Cette troupe
avait deja témoigné dans plusieurs occasions son dépit de ce
qu'à la paix on l'avait remplacé à Belgrade par une autre
garnison tarque . Elle s'est donc mise à la tête des mécontens
, et a marché sur Belgrade , le 12 juin , avec des canons
qu'elle avait , dit- on , obtenus du commandant turc à Orsova ;
mais on ne dit pas si c'est de gré ou de force . Le 15 , à deux
heures du matin , ils se présenterent devant Belgrade , et
menacerent de l'emporter d'assaut . Le pacha leur fit répondre
par une terrible canonnade . La plupart des habitans de la
ville effrayés se réfu ierent à 3emlin . A neuf heures du matin ,'
les rebelles étaient déja maîtres de la ville et d'une partie
des fortifications. C'est alors que le pacha , réfugié dans la
citadelle , doit avoir capitulé. La plus grande partie de la garnison
a été massacrée , et l'on porte à 300 le nombre des
habitans qui ont péri . Les rebelles sont , à ce qu'on présume ,
diriges par un pachi des environs : ils observent une sorte
de discipline ; on raconte qu'ils ont fait publier dans tous
les endroits où ils ont passe , que les habitans eussent à se
tenir tranquilles dans leurs maisous , moyennant quoi il ne
leur arriverait rien ; mais que les maisons qui se trouveraient
abandonnées , seraient aussi tôt pillées et livrées aux flammes .
Cet événement extraordinaire peut avoir des suites très - sérieuses .
Le commandant autrichien à Semlin a pris toutes les précantions
de prudence , pour se mettre à l'abri de toute entreprise
de la part des Turcs.
On mande de Petersbourg que Catherine II vient d'appeller à
sa cour le duc de Polignac , par une lettre très - flatteuse qui
Ini annonçait qu'elle accordait à ses fils divers brevets pour
des charges militaires . Cet émigré fameux avait été envoyé
par les princes français-auprès de l'empereur , et n'ayant point
réussi à la cour de Vieune au gré de son ambition , il s'était,
retiré depuis quelque tems à Eisenstadt où il méditait sur la
vicissitude des choses humaines. Il court ici un bruit trèssingulier
et très - peu croyables, c'est que l'impératrice de
---
( 13 )
Russie , non contente d'avoir fait des instances très -pressantes
à Frédéric- Guillaume pour en obtenir l'annullation du traité
de la Prusse avec la France , a fini par exiger de lui une
réponse cathégorique à ce sujet; ile en a fixé le terme au
42 de juin , en faisant dépendre de cette réponse l'exception
des mesures décisives qu'elle compte prendre une démarche
aussi impérieuse doit sans doute paraître bien extraordinaire .
Cependant , on cite à l'appui du fait précédent le suivaus qu'on
doune comme également vrai , et qui est peut être également
faux. Des émigrés français de distinctio se disposadena à
en Amérique. Ils ont reçu de Berlin Pavis de ne passe presser
de quitter l'Europe , en leur faisant entendre qu'il se préparait
des evenemens qui pourraient amener leur prompt refour
dans leur patrie . Ce qu'il y a de plus clair dansitout cela
c'est que les enneinis de la France pratiqueut désomanoeuvres
de tonte espece pour empêcher la paix et l'ordre de se retablir
dans cette République . Les malveillans seraient aussi bien
aises de semer des soupçons entre les nouveaux Jalliós ..
passe
[
?
Le dae dépossédé de Courlande a quinté Petersbourg e
15 jain. L'imperatrice a nommé gouverneur, de ce pays Beuni
le général major de Lamsdorf, et vice -gouverneur le conseiller
de Hurko .
Les troupes russes eu Pologne se montent à 169,600 hommes,
commandés par le comte de Suwałow.
On croit que la flotte russe de Cronstadt a mis de la voile
vers le milieu de juin ; c'est aux Dunes qu'elle doit aller
prendre sa station .
3168
De Francfort- sur - le -Mein , le 5 juillet. vad.
703
Au- dessous de Cologne et sur la grande roue mênîé , un
ballon des Français fit le 28 juin une ascension. Il était près
de 3 heures de l'après - midi lorsqu'il s'éleva , et il testa plus
d'une heure dans les plaines de l'air . Cela ne nous amonce
rien de bon . D'ailleurs , aux grands mouvemens que font bes
Français , il est aisé de voir qu'ils ont un grand deparin, Leur
quartier - général est à Cologne , où arrivent toujours the nouvelles
troupes venant du haut , et qui sont destinėes , ou
à suivre les fortes colonnes qui out et envoyées vers le bas ,
ou à les remplacer sur les points de notre region.
H
,
Le 24 et le 25 , ils avaient enlevé de leurs batteries visà
- vis de Mulheini , toute l'artillerie qui s'y trouvait depuis ,
le commencement de la semaine ; mais ils laiosubstituent
maintenant celle qui est amenée par les nouvelles troupes .
Comme cette artillerie n'est que de petit calibre , eo que le
travail ne discontinue point sur toute la ligne des ouvrages
de défense , on pourrait en conclare qu'ils ne méditent aucune
- attaque par ici <, «od effectivement l'on est fortben mesure
(( 14)
小
de se défendre avec succès . Aussi ne nous appercevons- nous
pas de la moindre inquietude dans les Autrichiens . Le bruit
est même general qu'ils quitteront ces environs sous très- peu
de tems , et qu'à leur place il nous viendra de troupes pala
tines.
Le conclusum , qui a été arrêté par la diere de Ratisbonne ,
dans la séance da 3 juillet , est ainsi conçu :
Le très-gracieux décret de commission impériale , daté
du 19 de mai , ayant été pris en déliberation dans les trois
colléges de l'Empire , et les suffrages ayant été recueillis , il
été convenu et arrêté ,
1° . Que l'on regarde comme une nouvelle preuve de la
sollicitude paternelle de sa majesté impériale pour le bien
de l'Empire , qu'elle ait daigné informer exactement la diete
de l'execution du conclusum du mois de décembre dernier ,
auquel elle avait accédé ; que sa majesté ait demandé pomptement
une détermination précise de la maniere dont on doit
réaliser et mettre à exécution l'influence que l'Empire s'est
réservée , et sa coopération aux négociations de paix ; qu'enfin
elle ait daigné , par le décret de commission du 19 mai ,
donner à la diete l'occasion d'ouvrir toutes les voies , et d'employer
tous les moyens qui peuvent conduire au grand but
d'une paix convenable et solide.
2 ° . Que le voeu coustant et la résolution formelle de la
diete sont toujours que , dans une réunion parfaite et inalte
rable de tous les états de l'Empiue avec leur chef suprême ,
il soit conclu d'une maniere durable une paix générale dans
la voie de la constitution , et que par cette paix , l'Empire
obtienne le plutôt possible le rétablissement de l'intégrité
de son territoire et la sûreté de sa constitution . 5
993°. Qu'en conséquence , dans l'état actuel des choses , il
soit fait part à la France des dispositions et de la bonne vo
lonté de l'Empire pour l'ouverture des négociations de paix
entre les plénipotentiaires respectifs ; et qu'il soit pris avant
tout des arrangemens de concert sur l'époque et le lieu où
ces plénipotentiaires se réuniront.
„, 4° . Qu'il sera laissé , dans une confiance respectueuse , à
sa majeste impériale seule , d'effectuer ces premieres ouvertures
de la maniere que , dans sa sagesse , elle croira le plus
convenable ; que cependant sa majesté sera en même tems
price de les faire en son nom et en celui de l'Empire ; de
les accélérer le plus qu'il sera possible ; de proposer pour
lieu du congrès la ville impériale de Francfort , s'il ne s'y.
rencontre aucune difficulté , ou , dans ce cas , toute autre
ville convenablement situés ; de prendre les mesures et précautions
nécessaires pour la sûreté du congrès , et en même-
> tems de faire ensorte ( si cela peut s'effectuer sans nuire anx
négociations de paix ) , qu'il soit arrêté , si -nen une trêve ,
晨
( 25 )
du moins une suspension préalable de toutes requisitions ,
livraisons et contributions ; et enfin , de faire part a la diete
de l'Empire de la maniere dont toutes ces choses auront été
exécutees .
5 °. Que , pour atteindre plus sûrement le but , il sera
donné à connaître à sa majesté le roi de Prusse , que l'Empire
sollicite et attend , avec la plus entiere confiance , que
sa majesté , conformément à l'assurance consolante qu'elſe à
donnée volontairement à différentes fois , veuille bien com .
mencer à developper son intervention et cooperation actives
pour l'acheminement à une paix générale , dont le résultat
soit l'intégrité de l'Empire .
6º. Que tandis que sa majesté impériale sera occupée à
faire les premieres ouvertures de la maniere mentionnée cidessus
, les deliberations sur les autres points du decret de
commission imperiale seront continuées , et qu'il sera pris ,
le plutôt possible , une decision ultérience sur ces points.
1970. Que toutes ces decisions seront soumises a S. M. 1. par
un conclusum qui sera rendu , pour qu'elle daigue y donner
son approbation. "
ITALIE.
Les Autrichiens , après plusieurs tentatives inutiles , faites ,
avec grande perte , contre le fort di Vado , et les diverses
batteries qui l'environment , et elevées par les Français
sont enfin readus maîtres de cette position importante. Depuis
long-tems les Français attendaient du renfort ; mais les
secours ne leur étant pas arrives , et les Autrichiens ayant
reçu un nombreux transport d'artillerie , il a fallu decamper.
Ils ont quitté secretement leur camp di Vado , dans la nuit
du 28 au 29 juin . On a cru d'abord que c'était un stratagême
de la part des Français ; mais on s'est bientôt apperçu
que leur retraite était très réelle , puisqu'ils avaient encloué
1 canons et 2 mortiers , rompu leurs charriots , et abattu
leurs baraques . Ils ont embarqué , pendant la nuit , leurs
canons de bronze et leurs meilleurs effets , et ont pris la
route de Final. Le lendemain , les Autrichiens ont pris
possession di Vado , où ils sont actuellement campés . Op
suppose que le motif de la retraite des Français est la
trop grande supériorité des Autrichiens , le retard du renfort
qu'ils attendaient , le manque de vivres , par la prise
qu'ont faite sur eux les Autrichiens de leurs magasins et
des moulius de Voltri ; et enfin , la crainte de se voir enveloppé
par les Autrichiens , qui avaient déja force les postes
de Saint-Jacques , de Meloguo et de Notre - Dame- des-
Neiges .
Ou apprend à l'instant que les Français se fortifient sur
( 16 )
I
le sommet fle la montagne de Cayrazoppas position avans
jageuse , d'où , quoiqu'en petit nombre , ils pourraient
mieux se soutenir que daus la rase campagne qu'ils eutaban .
dounée.
La lettre suivante , fût elle apocryphe , cat un mongment
qu'il faut epuserver à l'histoire . C'est de Véronne que Afousieur
J'adresse au prince de, Condé , à la tête des émigrés réunis et
soldés par l'Angleterre :
Mon cousin , ja suis touché , comme je dois l'être , des
sentimens que vous me témoignez au sujet de sa perie irrés
parable que je viens de faire en la personne da hol , mon
seigneur et mon neven .
" Si quelque chose peut adoucir ma juste et profonde
douleur , c'est de la voir partager par ceux qui me sont chers
tant de titres. La France perd wa roi , dont les heureuses
qualités que j'avais vu se développer des sa plus teadre en
fance , annonçaient qu'il serait le digne successeur du meil .
leur des rois . Il ne me reste plus qu'a imploter le secours
de la divine providence , pour qu'elle me rende digne de
dédommage mes sujets d'un si grand malheur. Leur amour
est le premier objet de mes desirs ; et j'espere qu'un jour
viendra où , après avoir , comme Henri IV , reconquis mon
royaume , je pourial , comme Louis XII , mériter le titre de
pere de mon peuple . Dites aux braves gentiishommes , aux
fidelles troupes dont je vous ai confié le commandement ,
que l'attachement qu'ils m'expriment par votre organe , est
déja pour moi l'aurore de ce bean jour , et que je compte
principalement sur vous et sur eux pour achever de le faire
éclore. Je vous renouvelle avec plaisir l'assurance de tous les
sentimcas avec lesquels je suis , men cousin , votre affectionné
acousin.95 Signė Louis .
Toute l'Italie paile d'un pélerinage qu'a fait le due de
Parme. On sait que ce priner , qui a eu pour instituteur
Condillac , un des philisophies les plus éclairés du sicele
n'a retenu que les leçons de sa nourrice ou des bonnes qui
out pu soigner son enfance , et qu'il est superstitieux comme
une vieille religieuse . Autant qu'il est en lui , il mene la vie
«d'un moine : il a adopté Pordre des dominicaias , s'est imposé
leurs voeux s'arquitie ponctuellement de leurs offices ,
et porte leur habit dans l'intérieur de son palais . Chaque
année il va faire un pélerinage vers quelque pagode , bien
renommée pour ses miracles . On se doute bien qu'il a dû
visiter Notre - Dame de Lorette ; depuis , il a passé quelque
tenis à Camerino , pour y rendre ses pieux devoirs au corps
<d'un saint né à Parme. f
Cette année , c'est à Notre- Dame - de - la - Couronne , près le
lac de Gardia , dans les états de Venise , qu'il a décidé d'aller.
Pour sendre sa résolution plus méritoire il a cru devoir "
marcher
[
( 17 )
marcher à pied , et revêtir l'habit porté par cette espece de
voyageurs. Ou a vu le royal péleriu , enveloppé dans une
-robe grise , un long baton à la main sur le chef un chapeau
rabattu , auquel pendaient des petites figures de sains ,
en étain , et un large crucifix sur la poitrine . Ses courtisans
accompagnaient ses pas ; mais comme ils ne brûlent pas de
la sainte ardeur qui le consume , ils ont constamment falt
route dans de bous carosses .
Le gouverneur de Véronne a cru devoir donner les ordres
nécessaires pour que le duc de Parme trouvât , pendant să
course , toutes sortes de commodités ; mais le prince , qui
ne cherche que des mortifications et des occasions de faire
pénitence , n'a cédé à aucune des invitations qui lui étaiest
faites , et s'est borné par- tout au plus strict nécessaire .
On croit que l'Infant , se trouvant si près de Véronne ,
a vu Monsieur , et qu'il a conseillé à son parent de faire
force oraisons à Notre-Dame - de- la - Gouronne , et que c'est là
le moyen qui leur a paru le plus sûr pour conquérir la
France.
$
ANGLETERRE. De Londres , le 9 juin 1795 .
Le jour que le roi s'est rendu au parlement pour la clôture ,
les cris généraux du peuple ont été la paix , point de guerre ,
la paix , la paix .
Le même jour , les membres de la société de correspon
dance se sont assemblés dans une place publique , auprès
de la prison du Bauc du roi , et là , monsieur Jones a fait
lecture d'un projet d'adresse à la nation et au roi .
Je vous conjure , mes concitoyens , au nom de cette liberté
que nous adorons tous , au nom de cette constitution que
nous chérissons tous , au nom de l'intérêt commun qui doit
tous nous animer , réunissons nous , employons tous les
moyens légitimes et constitutionnels pour rendre au peuple
de la Grande - Bretagne le suffrage national et des parlemens annuris .
Cette adresse a été vivement applaudie par quatorze ou quinas
mille spectateurs , qui étaient dans la place ou aux fenêtres
des maisons qui l'entouraient.
Le stadthouder héréditaire et sa famille sont encore ici ;
ils s'y trouvent très - bien ; ils s'y portent bien ; hier , le roi
leur a fait visite à Hampton - Court.
Le comte d'Artois est attendu ici ; il doit y arriver inces¬
samment , et avant la fin du mois .
Hier un ordre du cabinet a enjoint d'amener sur
Tamise tous les bâtimens hollandais qui ont été saisis ,
Tome XVII.
( 18 )
1
d'en mettre les cargaisons en vente. Le produit des ventes
pour lesquelles cinq commissaires sont nommés , sera déposé
par ceux-ci à la banque , pour être remis en son tems aux
particuliers qui ne se seront pas laissés influencer par le gouvernement
français .
était
Madame de Baibi , maîtresse titulaire de Monsieur
à Londres depuis quelque tems avant la mort du jeune fils
Louis XVI elle y vivait presque inconnue dans un véritable
bandon , et l'on peut dire même qu'elle était traitée avec
mépris par les émigrés . Depuis la mort de cet enfant , elle
a une nombreuse cour ; les émigrés par habitude vont ramper
devant la maîtresse de celui qu'ils regardent comme leur
roi.
On sait que les ministres anglais ont fait des offres considérables
au gouvernement danois pour l'engager à abandonner
la neutralité aimée avec la Suede. La réputation de
prudence de ce cabinet est trop bien établie pour qu'on croie
qu'il pourra consentir à abandonner le commerce des Danois
la merci des croiseurs de la Grande-Bretagne . Les offres
de payer les prises faites par les Anglais ne sont pas capables
d'éblouir le cabinet de Copenhague , car les Français et les
Hollandais cux -mêmes pourraient , dans ce cas , de leur côté ,
faire des prises , et ne s'assujettir à aucune indemnité .
Deux officiers français , venant des prisons d'Angleterre ,
apportent les nouvelles suivantes :
Un rassemblement de vingt mille hommes s'est porté au
parlement pour demander un meilleur mode d'élection de ses
membres . On a promis au peuple de s'occuper de cet objet
dans les premiers momens de la prochaine session .
•
Le peuple , fatigué de la guerre , da prix excessif des subsistances
, de la multiplicité des taxes paraît dans un état
d'effervescence . Il donne des témoignages d'amour et d'estime
aux membres de l'opposition .
- Les détails sur les mouvemens en Angleterre portent le
rassemblement à soixante- dix mille personnes . Des troupes
auglaises qui penchaient pour le parti populaire ont été rem
placées par des régimens écossais .
Ces nouvelles sont confirmées par des lettres de Rotterdam
du 17.
( 19 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRESIDENCE DE DOULCET.
Séance du septidi , 27 Messidor .
Jean Debry expose que , sur sa motion , l'Assemblée a
ordonné hier que la garde montante jouerait l'air des Marseillais
Allows enfans de la patrie , et que dans le moment
ce decret est la cause d'un mouvement au Carousel . I a
formé deux partis . La troupe de ligne demande l'hyanne , et
les volontaires nationaux le Réveil du peuple . La scene qui
s'est passée hier à l'Opéra se renouvelle sur cette place . La
garde nationale craint la fausse application de ce refrain :
Qu'un sang impur abreuve nos sillons .
Lanjuinais dit qu'il ne fallait pas faire de lois sur des objets
qui étaient de pure administration , et donner l'exemple de
l'exclusion donne à un air plutôt qu'à un autre ; et il demande
qu'en passant promptement a l'ordre du jour l'on étouffe
la discorde , naissante. Adopté.
Suite de la discussion sur l'acte constitutionnel.
Les articles suivans du titre III de l'acte constitutionnel
concernant les assemblées primaires , sent soumis à la discussion
et adoptés après avoir éprouvé quelques légers amendemens
.
Art. Ier. Les assemblées primaires se composent des
citoyens résidans depuis un an dans le même canton . ( La
rédaction de cet article est ajournée . )
II . Nul ne peut se faire remplacer dans les assemblées.
primaires , ni voter pour le même objet dans plus d'une de
ces assemblées .
III . Le nombre des citoyens ayant le droit de voter dans
chaque assemblée primaire est de quatre cents cinquante au
moins , et de neuf cents au plus ; cepeudant , il y a une
assemblée primaire , au moins , par canton .
IV. Les assemblées primaires se constituent proviso rement
sous la présidence du plus ancien d'âge ; le plus jeune
remplit les fonctions de secretaire provisoire .
" V. Elles sont definitivement constituées par la nomina
tion au scrutin , d'un président , d'un secrétaire et de trois
scrutateurs .
B 2
( 10 )
1
" VI. S'il s'éleve des difficultés sur les qualités requises
pour voter , l'assemblée statue provisoirement , sauf le recours
aux tribunaux ordinaires .
,, VII. En tout autre cas le corps législatif prononce seul
sur la validité des opérations des assemblées primaires.
VIII . Nul ne peut paraître en armes dans les assemblées
primaires.
IX. Leur police leur appartient.
", X. Ce qui se fait dans une assemblée primaire au - delà
de l'objet de sa convocation , et contre les formes déterminées
par la constitution , est nul .
,, XI . Les assemblées primaires se réunissent , 1. pour
accepter ou rejetter les changemens à l'acte constitutionnel
par les assemblées de revision ; 2º . pour faire les élections
qui leur appartiennent suivant la constitution .
, XII . Elles s'assemblent de plein droit le premier germinal
de chaque année , pour procéder dans l'ordre indiqué par
l'article suivant , aux élections qui se trouvent à faire .
L'article XIII qui accorde aux assemblées primaires l'élection
des membres du corps législatif donne lieu à de longs
débats on agite la question de savoir s'il ne serait pas
utile de nommer des corps électoraux .
est
Un membre prend la parole pour défendre le système
d'élection adopté par la commission des onze . Il prétend que
l'Assemblée constituante n'établit des corps électoraux que
pour maintenir les principes de la monarchie. Guyomard est
du même avis . Il croit que plus le nombre des votans
considérable , moins l'intrigue a d'empire . Labaye dit que les
lumieres ne sont point encore assez répandues dans le peuple
pour lui confier les élections , qu'il nommerait les démagogues
et oublierait l'homme de mérite . Garand - Coulon pense
au contraire que le peuple est toujours excellent juge des per
sonnes , et que ses choix ont toujours été bons lorsquits
ont été libres . Pour influencer une assemblée primaire , il
faut avoir , dit- il , des agens dans chaque canton , au lieu
que dans une assemblée électorale , il suffit d'un homme
adroit éloquent , ou qui donne un bon dîner pour obtenir
une nomination .
•
Jean Debry objecte contre les élections par les assemblées
primaires, l'embarras des délibérations , la difficulté des recensemens
la facilité de l'intrigue . Si les tribus à Rome étaient
appellées à l'élection des consuls , c'est que la liberté ne s'étendait
pas au-delà de ses murs . Le passé doit nous rassurer sur
l'avenir , à l'égard des corps électoraux qui ont été établis
en France depuis la révolution . Un seul à conspiré contre
la liberté , celui de Paris ; mais les factieux se sont détruits
les uns par les autres. D'ailleurs , le mode par les assemblées
primaires amenerait la suprématie des grandes communes . L'o-
1
)
pinant termine en demandant qu'on décrete le principe des
corps électoraux , et que la commission des onze soit chargée
de présenter incessamment le mode de leur organisation.
Lanjuinais pense que l'erreur , la corruption , l'intrigue
et la lassitude sont les principales raisons qui doivent faire
rejetter les corps électoraux . Une fois formés , ils feront
des adresses qu'ils décoreront du voeu du peuple , et ils seront
des foyers de contre- révolution . Ils ont fait souvent les plus
mauvais choix . La discussion est fermée . La priorité est accordés
à la proposition de Jean Debry , et elle est décrétée .
Séance d'octidi , 28. Messider,
La Convention avait décrété que les issues nombreuses ,
qui se trouvent dans le jardin et le palais national , seraient
fermées , et le 9 messidor , elle en avait suspendu l'exécution .
Les comités réunis de salut public , de sûreté génerale , des
domaines et des inspecteurs de la salle , observent , par l'organe
d'un de leurs membres , que beaucoup de gens dangereux
s'y introduisent par les boutiques des limonadiers et
des restaurateurs sans cartes civiques et entourent ainsi la
representation nationale , occupée des grands intérêts de la
patrie ,, tandis qu'elle ne doit l'être que par les bons citoyens .
Ils proposent à la Convention de lever cette suspension .
Décrété.
•
Genevois , au nom des comités de sûreté générale et de
salut public , présente un projet de décret pour régler la
maniere de prononcer sur le sort des citoyens détenus par
mesure de sûreté ou pour cause de la révolution . Il consiste
à établir une commission dans chaque département , shargée.
d'examiner les pieces et de les faire passer aux tribunaux
criminels s'il y a lieu . Les peines décernées contre les accusés
convaincus sont graduelles . S'ils le sont de délits graves , ils
seront condamnés aux peines portées par le code pénal ; si
les délits sont moindres , au bannissement à tems ou perpétuité
, et si le jury déclare qu'il n'y a pas lieu à accusation
mais que les inculpations sont considérables , on les envoie
à la police correctionnelle .
La discussion du projet présenté par Génevois est renvoyée
à primedi prochain .
Vernier , au nom du comité des finances et de salut publie :
Les lois en finances forment une longue chaîne dont tous
les anneaux sont étroitement liés , et corespondant l'un à
l'autre . Malheureusement , tous ces anneaux ont été rompus
et brisés . Il est donc nécessaire de les rétablir et de
les replacer dans l'ordre qui leur convient. Pour commencer
la régénération de nos finances , trois choses sont indispen
sables et doivent marcher de front , même en conservant l'échelle
de proportion . 1º . Rétablir nos revenus ordinaires et nos con-
B3
( 22 )
tributiont directes ; 2. trouver le moyen de se procurer des
grains pour soustraire le gouvernement aux achats ruineux
qui devorent le trésor public ; 3° . ramener insensiblement
par de sages lois de police , les denrees et marchandises
à leur valeur réelle .
ex
Les contributions foncieres par la dépréciation des assignats
se trouvent presque an anties , et dans l'exacte justice , on
devrait au moins les élever au taux où elles étaient portées
en 1790 , paisqu alors elles atteignaient à peine nos dépenses.
ordinaire's ; mais on les y éleverait en vain , si en les réta
blissant , on ne trouvait le moyen de se soustraire aux dépeuses
énormes qu'entraînent les achats de grains et les apvisionnemens
nécessaires à nos nombreuses armees , aux villes
considérées comme en état de siége , et aux communes
qui , par leur position , sont dénuées de toute ressource . La
reflexion et l'experience prouvent qu'on ne parviendra à réduire
ces depenses , quen se procurant , par le moyen de l'imposition
fonciere , une partie des grains nécessaires au besoiu
du gouvernement , et pour s'assurer cette ressource , il faut
obliger tous les proprietaires territoriaux qui récoltent des
grains à payer une moitie de leur imposition en nature d'après
le taux des denrees en l'année 1791 , si cette mesure est bien
exécutée , elle produira les plus grands avantages , elle rompra
les infames projets des agioteurs , et préviendra la ruine des
finances . Quant aux propriétaires de vignes , prés , parages ,
étangs , il suffira de les obliger de payer par équivalent la
moitié en nature qui est exigee des autres ; mais pour assurer
ce moyen , l'ou dois en même tems rendre justice aux proprietaires
dont les biens sont affermés en argent , qui sont
privés des dix-neuf vingtiemes de leurs revenus . Ainsi , le
fermier sera obligé de payer la moitié de son bail en nature .
Vernier passe au projet de décret qui est adopté en ces
termes :
2
Art. ler, Toutes requisitions en grains sur les propriétaires ,
fermiers , cultivateurs et autres , seront abolies et cesseront
d'avoir lieu a dater da er, ven lemiaire prochain .
,, II . La contribution fonciere continuerà d'être imposée sur
les propriétaires ; elle sera payée , soit par eux , soit par les
fermiers , si la convention en a été faite entre eux .
Les autres articles décrétés sont renvoyés au comité pour
la rédaction .
Séance de nonidi , 29 Messidor.
Le rapporteur de la commission des 21 présente le projet
d'acte d'accusation contre Joseph Lebon ; il est divisé en
14 articles . Sa conclusion est qu'à la diligence de la commission
des 21 , les pieces relatives à la présente accusation
scront transmises à l'accusateur public du tribunal criminel
1
( 5 )
du département de la Somme , lequel prononcera sur cette
affaire , en conformité de la loi du 12 prairial , et que la
commission des administrations civile , police et tribunaux
sera chargée de l'exécution du présent decret . Ce projet est
décrété .
9
De les
Doulcet , au nom du comité de salut public , asnonce
que les Autrichiens et les Piémontais , sapérieurs en force
s'etaient emparés du col de Tende , mais que nous
avons pas laissés maîtres long-tems de cette conquête . Nous
l'avons repris dès le lendemain avec la bayonnetie ; la lettre
est du general Kellermann , qui commmande l'armée des
Alpes et d'Italie . Le représentant du peuple Dumas , en
mission près cette armée , confirme cette heureuse nouvelle .
Lile est applandie par l'Assemblée .
Les trois representans chargés de la direction de la force
armée de Paris exposent qu'un aussi grand pouvoir ne doit
pas rester plus long- tems dans les mêmes mains . Ils demandent
a s'en démeure . Les opinions se partagent à ce sujet : les
uns demandent qu'on leur donne des successeurs ; les autres
qu'on rende au comité militaire cette attribution , que lui
a assurée la loi du 7 fractidor dernier ; une troisieme opi
nion prévaut , c'est que dans les circunstances actuelles , et
lorsqu'il y a de la fermentation dans les esprits , l'autorité
militaire ne doit point être disseminée. La proposition est
donc renvoyée aux comités militaires , de salut public et
sûreté générale.
Delaunay , organe du comité de sûreté générale , dit que ce
comité, chargé de ieprimer l'audace effrenée des agioteurs , s'est
acquitté de sa commission avec zele et succès . On les peursuit
et s'efforce de les atteindre par- tout dans les cafés , les
spectacles , les jardins , sur les quais . Dans uue décade , it
en a été pris plus de 400 : ce sont presque tous des seélérats
condamnés aux galeres ou émissionnaires de faux assignats ,
qui s'efforcent de calomnier la Convention , d'excite du désordre
et d'aigrir ies passions . Le comité rendra compte de
ses mesures ultérieures . Insertion au bulletin .
•
Rabant , au nom du comité de salut public , fait le détail
des avantages que nous a procurés Finvention du telegraphe.
Il ajoute qu'il est important d'établir une ligne de Paris à
Landau, par le moyen d'un second qui sera place au pavillon de
l'Unité , et qui mettra ainsi à la proximité des comites de
gouvernement
, an nouveau moyen rapide de transmission .
Son projet de décret est adopté.
Daunou , au nom de la commission des onze , présente le
plan d'organisation des corps électoraux .
On demande que le commencement du titre IV , dont le
plan que la commission va présenter fait partie , soit discuté
d'abord. Décrété.
B
( 24 )
Le rapporteur soumet en conséquence à la discussion la
premiere section de ce titre.
TITRE IV. Du pouvoir légi latif.
Les cinq premiers articles de titre IV sont successivement
décrétés ainsi qu'il suit :
66 Art. Ier. Le corps législatif est composé de ......
An corps législatif seul est délégué l'exercice de la puisonce
législative .
II . Le corps législatif ne peut , en aucun cas , déléguer
à un ou plusieurs de ses membres , ni à qui que ce soit , '
aucune des fonctions qui lui sont attribuées par la présente
constitution .
III. Il ne peut exercer lui-même , ni par des délégués ,
le pouvoir exécutif ni l'autorité judicaire .
IV. Le corps législatif n'assisté à aucune cérémonic pn.
blique , et n'y envoie point de députation .
V. Il y a incompatibilité entre la qualité de membre du
corps législatif et l'exrcice d'une autre fonction publique .
Les articles VI et VII sont renvoyés à la commission
.
VIII. Les membres du corps législatif reçoivent une indemnité.
11 IX. Le pouvoir exéentif ne peut faire passer ou séjourner
ancun corps de troupes dans la distance de six miriametres
( environ quinze lieues ) de la commune où le corps législatif
tient ses séances si ce n'est sur sa requisition ou avec son
approbation .
19
?
X. Il y a près du corps législatif une garde de citoyens
pris dans la garde nationale de tous les départemens , et choisis
par leurs freres d'armes . Cette garnison peut être au- dessus de
1500 hommes en activité de service . Le corps législatif déte:
mine le mode de ce service et sa durée . Ces trois articles
sont décrétés . ››
Séance de décadi 30 Messidor.
Gouly , au uom du comité de marine et des colonies ,
propose de décréter un nouveau mode d'avancement pour la
marine. Jusqu'ici les capitaines de vaisseaux décidaient seuls
de l'avancement des gens de mer. Le comité a pensé que
poor éviter toute espèce d'arbitraire , il devait en être ordonné
dans un conseil présidé par le capitaine et composé
des maîtres de l'équipage et de l'état- major .
L'assemblée ordonne l'impression et l'ajournement.
Organe du comité des postes et messageries , un membre
présente un nouveau tarif et une augmentation de paie pour
les postes aux chevaux et aux lettres . Suivant ce projet , chaque
cheval sera payé quinze livres et le postillon sept liv . dix s .
Il n'y aura plus que quatre prix différens pour la poste aux
( 25 ).
lettres , calculés sur quatre distances , savoir , de 50 , 100 ,
150 lieues et au- dessus . Le prix de la premiere distance pour
la lettre simple sera de dix sous , et pour la lettre double
vingt . Celui- ci de la deuxieme distance , lettre simple, quinze 8.8
double , trente sous .
Plusieurs membres trouvent que le prix fixé pour chaque
cheval est trop modique , et ils disent que les maîtres de
phets sont prêts à abandonner leur métier , que les voyageurs ,
essuient des injures et éprouvent des retards . Ils demandent
que la discussion soit ajournée au lendemain seulement pour
tout délai . Adopté.
Thibaut , au nom du comité des finances , a soumis à la
discussion un projet de décret sur la contribution personnelle ,
sur les célibats , et les lois somptuaires .
au
Le premier article qui portait , qu'il serait payé par tous
les Français , jouissant de leurs droits et revenus , une con
tribution personnelle , à raison de 5 livres en assigna
pair , par chaque contribuable , a été renvoyé au comité pour
en présenter une autre rédaction .
que
de
Les articles II et III ont été adoptés ; ils portent en substance
, les simples manoeuvres qui ne subsistent
que
leur travail , et dont la journée n'excede pas 20 sous ou dix
livres de pain , sont exempts de cette contribution ; ils seront, .
néanmoins admis à la payer volontairement.
Sont compris dans les contribuables tous les citoyens qui
ont un revenu de 365 journées de travail évaluées comme cidessus.
L'article III est conçu comme il suit : Les hommes et femmes
, âgés de plus de 30 ans , et non mariés , seront tenus de
payer un quart en sus de toutes leurs contributions personnelles
et taxes somptuaires. Les veufs et veuves qui ont des
enfans , ou qui n'atteignent le veuvage qu'apres 45 ans , sont
affranchis de ce paiement.
Quelques membres s'opposent à ce qu'on impose le célibat.
Lanjuinais dit que ce n'est pas le célibat qu'on impose ,
mais la richesse ; l'homme qui n'a pas d'enfans étant , à revenu
égal beaucoup plus riche que le pere de famille.
Henri Lariviere pense qu'il est peu moral d'imposer le
célibat . Aujourd'hui , dit - il , il suffit de se présenter devant:
le magistrat et de dire , je prends une telle pour ma femme ,
comme aussi de dire , je renonce à vivre avec une telle comme.
son mari. Il arrive que beaucoup de gens ont des enfans.
sans être mariés ; ils supporteraient donc des charges dont
les peres de famille doivent être exempts . L'article est
décrété.
-
L'article IV portait , qu'indépendamment des taxes person
melles , il serait payé des taxes somptuaires.
( 26 )
La premiere de ces taxes avait pour objet les cheminées •
le comité proposait que pour les cheminées autres que celles
de cuisine et du foyer commun , on payât ; savoir , 3 livres
pour la premiere , 6 livres pour la secoude ,
12 livres pour
la troisieme
, et ainsi de suite , en augmentant
dans la proportion
double.
On s'est fortement élevé contre cette progression . Pour la
vingt nnieme cheminée , a dit Garand- Coulon , il en coûterait
plus d'un million .
Lanjuinais dit qu'il faudrait au moins exeepter les ateliers :
d'ailleurs , a -t-il ajouté , vous ferez boucher les cheminées
ce qui sera tres - insalubre , et l'on se serviça pour se chauffer
de beaucoup d'instrumens dangereux qui donneront des maladies
et souvent la mort.
On alléguait en faveur de l'article , qu'il opérerait une économie
de bois , et qu'il avait un objet de moralité , celui de
porter les familles à vivre plus reunies.
टे
On a demandé qu'il y eût un impôt , mais sans progression
.
L'Assemblée a décrété en principe que les cheminées seront
imposées , et a renvoyé le surplus a l'examen de son comité des
fmances.
Suite de la discussion de l'acte constitutionnel .
Daunon lit l'article XI ainsi conçu :
Le conseil des anciens est compose de deux cent cinquante
membres . Laréveillere - Lépaux obtient la parole en faveur de
l'article , et l'appuie . On craint , dit- il , que le droit donné à
ce corps de frapper une loi de nullité , ne paralyse la légis- .
lation . Mais luttera-t-il à -la fois contre celui des cinq cents ,
et contre l'opinion , publique ce serait préparer sa chûte et
eelle de la constitution . Ainsi , ce sera l'opinion qui sanctionnera
son refus . Qu'on ne dise pas que l'initiative reciproque
serait plus convenable ? Qui ne voit pas que le
refus de l'un produirait celui de l'autre , et que de- là naîtrait
une inaction funeste. L'on ajoute que la minorité fera la loi
à la majorité ; mais le corps législatif n'est point que association
, et des que la nation a voulu que les délibérations
se prissent à tel nombre dans une section , et à tel autre dans
l'autre section ; on ne peut point die que la minorité fera
la loi à la majorité . On objecte encore que le pouvoir execuif
sera sous une dépendance funeste , puisque le conseil
des anciens aura le droit de l'accnser mais ne voit on pas
au contraire que c'est pour lui assurer une garantie que cette
disposition a été présentée , le conseil des ancicas n'accusant
que sur l'inculpation de celui des cinq cents.
Deleyre voit dans l'établissement des deux conseils un foyer.
de discorde , deux paissances opposées et rivales , le germe
des factions , la naissance des priviléges , l'anéantissement
1
( 27 )
de la liberté et de l'égalite . Treis révolutions , dit - il en
terminant , ont amené trois constitutions ; prenez garde que
celle-ci n'amene une quatrieme revolution , qui produise à
son tour une quatrieme constitution.
$
Cambacérès approuve la division en deux sections . Mais
il voudrait que les assemblées électorales en nommassent les
membres , sans designer les sections où ils siégeront , et que
ce choix fût réservé au corps legislatif lui-même , li desites
rait aussi qu'on pût passer d'une section à l'autre , eusorte :
que chacun exerçât a son tour les deux fonctions .
Un membre fui répond que l'institution manquerait alors
son but , parce que ceux qui auraient propose daus l'une ne
manqueraient pas d'approuver dans l'autre. L'articie présenté
par le comite est adopté.
Séance de primedi , 1er . Thermidor.
Bentabelle , par motion d'ordre Vous allez célébrer le
thermidor ; mais n'oubliez pas le 10 août. Songez qu'on
fait circuler dans Paris les manifestes de Cónde et de Charette .
Montrez-vous dignes de votre mission , Anéantissez les partisans
de la terreur et ceux de la royauté . La Convention decrete
que son comite d'instruction publique lui presentera le plan
de la fête du 10 août.
Genevois soumet à la discussion le projet de décret cond
cernant la maniere de juger les detenus pour cause de la
Lévolution.
Labaye attaque plusieurs dispositions de ce projet . Il dit
qu'il faut sans doute punir les terroristes ; mais que les assas
sins d'habitude et les royalistes ne doivent pas non plus étre
soustraits au châtiment ; que le projet de décret n'atteint pas
les vrais coupables , qu'il ne donne pas assez de garantie aux
innocens , qu'il punit des actes qui ne sont point dans le
code pénal , et qu'il est infecté du vice de l'effet rétroactif.
Legendre l'appuie , et déclare que le peuple Français ne veut
que la punition des coupables que ceux qui om apposé des
seellés , et mis des effets dans leur poche , ne restent pas
impunis . Il demande que le projet de décrit soit renvoye à
ceux qui ont le plus d'habitude pour rédiger les lois , c'està-
dire au comité de legislation . Adept .
Boissy- d'Anglas expose que l'Angleterre redouble d'efforts
pour semer le trouble en France . Elle vient de vomir sur nos
Côles un ramas de traîtres . Ce gouvernement devient d'autant
plus actif dans ses manoeuvres , que le peuple anglais , las
d'une guerre aussi ruineuse qu'injuste , demande à grands
cris qu'on traite de la paix avec a France . La situation de
Paris est telle que la liberté publique est menacée comme
au jour de ses plus grands dangers , et que si la Convention,
ne déploie pas la plus grande énergie , c'en est peut être
fait de la République .
( 28 )
Boissy demande , 1. que les comités fassent un rapport
our les événemens de ces jours derniers , 2 ° . que la Convention
s'occupe tous les jours de la constitution depuis midi
Jusqu'a cing heures , toute affaire cessante .
Ces propositions . sont décrétées ,
Delaunay ( d'Angers ) fait le rapport demandé par Boissy.
Des rassemblemens se sont portés vers le comité de sûreté
genérale pour réclamer l'élargissement de deux artistes du
théâtre de la rue Favart . Dans le même tems , des femmes ,
an théâtre des Arts , invitaient les jeunes gens à s'y rendre.
L'adjudant général Devaux a été excédé de coups en voulant
rétablir le calme . On excitait dans les groupes au massacre
de la Convention . Il y a en 80 personnes arrêtées , et tout
paraît rentré dans l'ordre .
Chenier , au nom du comité de sûreté générale , lit un
projet d'adresse au peuple français pour l'éclairer sur les
manoeuvres de ses ennemis . Ce projet est applaudi et décrété .
La discussion sur la constitution est reprise , et la suite
des articles du titre IV est décrétée . Nous la donnerons lorsque
la rédaction en aura été arrêtée .
PARIS. Quartidi , 4 Thermidor , 3e . année de la République.
La querelle dont des chansons étaient le prétexte ,
mais dont la véritable cause tient à des combinaisons
dont les partisans du royalisme ont voulu faire l'essai ,
s'est prolongée pendant quelques jours. Aujourd'hui
elle paraît être assoupie , soit que les jeunes gens que
l'on avait égarés aient reconnu le piége dans lequel on
les avait entraînés , soit que les meneurs se soient apperçus
que des débats de chansons étaient trop frivoles
en eux-mêmes pour produire une sensation sérieuse et
durable , soit que l'attitude ferme qu'a prise la Convention
en ait imposé à la horde des malveillans .
Il faut que le pouvoir des mots ait un bien grande
influence sur les hommes , car depuis le commencement
de la révolution , c'est avec cinq ou six mots que l'on
est parvenu à porter le trouble et la dissention parmi
5 millions d'individus . Quand on est parvenu à faire
d'un mot une dénomination de parti , on a vu aussi- tôt
une foule de protées se rallier autour de cet étendard ,
et faire dans leur sens une guerre funeste à la faveur de
ees lettres de marque . Le terrorisme est devenu , depuis
le 9 thermidor , le point de mire de tous les ennemis
( 29 )
(
du républicanisme , et ceux que la terreur anime d'une
si patriotique colere , sont eux - mêmes des terroristes
plus sanguinaires encore que leurs prédécesseurs ; on
n'a égorgé à Lyon et dans le Midi que pour faire dis
paraître le systême de la terreur. Etrangere maniere de
faire cesser un fléau qque de le reproduire sous une
autre forme .
Il semblait que l'arrêté des comités de salut public
et de sûreté générale , qui interdisait de chanter aux
spectacles aucun air autre que ceux qui font partie des
pieces , devait faire cesser toute querelle de chansons.
Mais les intéressés aux dissentions intestines se sont
avisés d'interpréter le texte ; ils ont prétendu que cetto
défense ne regardait que les acteurs , et non les spectateurs
. En conséquence , on a continué à chanter le
Réveil du peuple. On a même affecté d'aller au - devant
de la boutique de librairie du représentant Louvet ,
faire entendre ce chant , qui sûrement dans l'origine
avait une autre destination ; car il était un peu trop
absurde de prendre Louvet pour un terroriste . Les
mêmes scènes et les mêmes agitations se reproduisirent
à l'Opéra décadi dernier.
Le même jour des rassemblemens s'étaient formés sur
le boulevard Italien et au Palais - Egalité . Des femmes
apostées envoyaient les jeunes gens au théâtre des Arts.
Plusieurs citoyens furent injuriés et maltraités . L'adjudant-
général Devaux qui revient de la Vendée , et qui
a vaincu à Fleurus et à Namur , fut excédé de coups.
Les attroupemens se dirigerent vers le comité de sâreté
générale , en apparence pour demander la mise en
liberté des citoyens Gavaudan et Miealeff , artistes du
théâtre de la rue Favart. L'un des agitateurs , qui so
trouvait de garde au comité , avait quitté son poste
pour aller au Palais - Egalité . Arrêté par un agent de
police , il a voulu l'égorger ; mais il a été désarmé ; on
fui a arraché un poignard dont la forme n'a pu être
imaginée que par un rafinement de férocité. Les malveillans
insultaient la force armée , et ils osaient se dire
les représentans du peuple , autre abus de mot qui
a produit , comme l'on sait , des effets si funestes. Il
est aisé de voir qu'à propos de chansons , on cherchait
à mettre la force armée aux prises avec les citoyens ;
mais les meneurs n'ont pu remplir leur objet. La garde
nationale a montré le plus grand zele. Les détachemens
<
( 30 )
du Muséum , des. Gardes - Françaises , de la Halle - auxbiés
, et des troupes de ligne ont opposé au mouvement
autant de fermeté que de courage . Soixante individus
ont été, cernés et mis en arrestation . Plusieurs ont été
mis en liberté ; mais il en est qu'on a trouvé sans carte ,
sans papiers , et ils resteront détenus jusqu'à nouvelle
information.
Aujourd'hui tout est tranquille : la proclamation. qu'a ,
fait afficher la Convention a produit le meilleur effet ,
et les jeunes gens dont la plupart avaient été , sans
s'en douter , les instrumens des royalistes , se sont souvenus
du 4 prairial , et sont rentrés dans l'ordre , sans
lequel il ne peut y avoir non pas seulement de république
, mais d'état social .
Nous venons de recevoir de Saintes des nouvelles de
Barrere , sur lequei bien des gens étaient dans l'incertitude .
Vous saurez nous dit- on , que ce cameleon , pour interesser
en sa faveur la popularité de nos dévotes qui sont įci´en grand
nombre , au point que cette commane a plus de 30 oratoires
particuliers ; vous saarez , dis-je , que le rusé , pour se conformer
au dévot usage du pays , prie Dieu soir et matin
ainsi qu'avant et après ses repas ; ce qu'il a soiu de faire
sur-tout devant la géoliere , laquelle ne manque pas de rapporter
les pratiques pieuses du prisonnier , ainsi que les jolis
seimons qu'il fait dans les occasions . Ainsi , Barrere ue pedra
pas encore la réputation qu'il s'est acquise d'être toujours
l'homme des circonstances et des lieux .
Nantes , 20 messidor. On est ici plus que jamais en appétit
de nouvelles , quoique celles qu'on reçoit des divers can .
tons qui nous environnent ne soient pas également rassurantes
.
La Vendée. La guerre recommence avec chaleur . C'est
sans doute la descente que les Anglais ont éffectuée des émigrés
dans le Morbihan , qui rend ces rebelles plus acharnés
que jamais . Déja diverses hostilités ont été commises , divers
Convois républicains attaqués et pris , de braves soldats ont
succombé en se defendant.
On assure que dans les environs des Sables , un de nos
bataillons a pris sur eux une forte revanche.
De l'Orient.
--- La correspondance avec Vannes est totalement
interceptee . On y est néanmoins saus crainte et sans
inquietude ; mais privé de nouvelles .
J
( 31 )
De la mer. C'est avec la plus grande peine qu'il nous
parvient quelques chaloupes . Les navires américains mêmes
sont arrêtés par les Anglais de quatre qui prenaient la route
"de notre riviere , deux out été pris par la flotte anglaise et
emmenés ; un est parvenu à échapper à la vive poursuite de
deux frégalés , et est entré avant- hier en riviere ; et le quatrieme
s'est sauvé à Belle - Isle .
Port- Solider , près Saint-Malo. Nous avons été toute la
nuit sous les armes . L'on vient d'arrêter plusieurs prévenus
d'avoir voulu mettre le feu à la poudriere , et dans plusieurs
quartiers de Port- Malo . Le but que l'on se proposait était de
favoriser , à l'aide de l'occupation que ce feu aurait donné
aux habitans , un débarquement d'Anglais et d'émigrés sur
la côte . La tranquillité la plus parfaite regne aujourd'hui .
D'Angers , le 27 messidor . Les mouvemens qui ont eu lieu
dans cette ville le 23 ont eu des suites fort heureuses . Au
bruit de l'approche des chouans , on s'est empressé d'assembler
la force armée dans tous les lieux de leurs cantonnemens . Après
avoir battu tous les bois , depuis Bécon jusqu'au Louroux ,
et depuis Louroux jusqu'à labbaye de Pontron , lieu qui leur
servait de repaire et où ils étaient , disait - on , en force , notre
avant- garde , composée des chasseurs d'Eyreux et des jeunes
gens d'Angers rencontra à-peu près 200 chouans dans les
bois qui se trouvent sur la route de Pontron Ingrandes.
Ces derniers , qui ne virent que quelques chasseurs et qui ne
pouvaient appercevoir la colonne qui defilait de l'autre côté
du bois , attaquerent aussi-tôt nos éclaireurs , et regardaient
dėja la victoire assurée ; mais leurs espérances furent bientôt
trompées , car au premier coup de fusil , l'avant - garde courut
et se dispersa dans les bois avec la rapidité de l'éclair .
Les hussards chargerent le long de la route , et ea une
demi heure les chouans disparurent , à cela près d'une cina
quantaine qui resterent sur le champ de bataille . Les jeunes
gens d'Angers , qui farent depuis long- tems traites de muscadins
par les terroristes . ( qui tenterent en vain de relever
lenrs têtes courbées sous le poids de tant d'iniquités ) , ont
montré dans ceue affaire , de l'aveu du général et des troupes
avec lesquelles ils ont combatin , que l'on peut allier l'élégance
et la propreté au mâie courage d'un vrai xépublicain .
De Port -Malo , le 27 messidor . Un projet atroce vient
d'être découvert dans nos murs . Le 21 , les vigies avaient
signalé des vaisseaux ennemis ; le même soir un bruit sourd
de trahison sema l'alarme , et provoqua les mesures de sûreté
('32 ')
les plus actives. Depuis cet instant les postes sont doublés ,
patrouilles et les sentinelles multipliées , nos portes fermées ,
et les autorités constituées en permanence . Plusieurs individus
, hommes et femmes , sont déja en arrestation ; on en
poursuit d'autres . Enfin , le coup est manqué ; mais je ne
mepermettrai de vous en faire le détail que lorsque je l'aurai
puisé dans des rapports plus sûrs et authentiques . Dans ce
moment , nous devons nous borner à apprendre à tous les
Français , que nous regardons avec autant de mépris que
d'indignation la coalition des Anglais , des chonaus , des
émigrés et des contre- révolutionnaires qui nous entourent.
" Je vous ferai passer incessamment le résultat des dé-
Couvertes qui ont été et seront faites sur les ramifications
de cette trame inferuale.
,, Il est bon qu'on sache que nous devons cette découverte
au désintéressement et à l'amour de la patrie de deux braves
canonniers marins qui avaient été gagnés dans cette abominable
conspiration .
" Nous avons toujours l'avantage dans les différentes affaires
que nous avons avec les émigrés et les chouans.
" On a pris aux émigrés quantité d'effers de tous genres ,
notamment des uniformes reuges qu'ils destinaient , et qu'ils
emploient effectivement à l'habillement des chouans.
:
1 Voilà le parti que les émigrés tireat des chouans revêtus
de cet uniforme rouge , ils mettent ces malheureux paysans
ehouans toujours en avant , conséquemment les premiers au
feu ; cela est bien digne de la bravoure des émigrés , qui
jamais ne s'exposent les premiers , au contraire ils employaient
la trahison et la perfidie pour venir à bout de leurs desseins
criminels .
$
Des lettres de Nice nons apprennent la fâcheuse nouvelle
que la poudrerie , située dans la plaine à quelque distance
de la ville , a sauté ; trois bataillons qui étaient campés aux
environs ont beaucoup souffert . L'explosion a été si terrible
qu'on a ressenti les secousses à plus de dix lieues à la 1onde .
Des pierres énormes ont été lancées dans la ville et le port ;
heureusement aucun navire n'a été endommagé , et nous n'avons
à regretter que quelques braves défenseurs de la patrie .
On ne sait pas encore si ce fatal événement est l'effet de la
malveillance ou du hasard .
a
Jen . 135.
( N. 62. )
MERCURE FRANÇAIS.
DÉCADI 10 THERMIDOR , l'an troisieme de la République.
( Mardi 28 Juillet 1995 , vieux style . )
SCIENCES. MÉDECINE.
DES GLAIRES, de leurs causes , de leurs effets , et découverte
d'un médicament propre à combattre cette humeur ; par
3.J. DOUSSIN-DUBRAVIL , docteur-médecin. Prix , 5 l . 10 s .
br- , et 6 liv . 10 s . franc de port. A Paris , chez le citoyen
Lachapelle , rue de la Vieille- Monnaie près la rue des Lombards
, nº. 20 ; chez l'auteur , rue Neuve-de- l'Egalité ,
nº. 333 ; et chež Fusch , libraire , quai des Augustins.
L'ART de guérir a fait de grands progrès à mesure que
l'on a soumis la nature à de nombreuses observations ,
et que les médecins se sont appliqués plus particulicrement
à l'étude et au traitement de telle ou telle maladie.
Le citoyen Dubreuil avait de fortes présomptions que
la plupart des maladies chroniques provenaient des
glaires ; il s'est livré tout entier à l'examen de ce principe
morbifique qui lui a paru trop négligé il en a
étudié l'origine et les effets , l'a suivi dans ses progrès
insensibles , a observé son action sur les divers organes ,
et il est parvenu à reconnaître comment il pouvait se
compliquer avec d'autres vices des humeurs , en aggra
ver les accidens , et détériorer lui seul l'harmonie intérieure.
Après s'être assuré de tous les caracteres de ce
principe morbifique , il est parvenu à découvrir un remede
qui attaque avec succès l'humeur glaireuse , et
la fait évacuer sans avoir l'inconvénient des purgatifs
ordinaires.
Ce remede est connu depuis 1791 sous le nom de
poudre végétale de Dubreuil . Quoique l'on soit tenté
de se prévenir contre toute nouvelle méthode curative
secrete , le citoyen Dubreuil ne mit aucun appareil à sa
découverte ; il laissa au tems et aux faits à confirmer
son efficacité ; le succès a pleinement répondu à som
Tome XVII. C
( 34 )
1
!
attente. L'école de Montpellier a desiré connaître les
observations que l'auteur a recueillies sur l'usage de ses
poudres végétales , il s'est empressé de les adresser
au citoyen Dumas , professeur dans cette université , et
elles ont paru , dans le tems , dans le Journal de Médecine
.
C'est le résultat de ses observations et de ses recherches
que le citoyen Dubreuil publie aujourd'hui . Après
avoir donné les caracteres de cette espece d'humeur ,
expliqué ses causes , indiqué ses différens signes et son
action sur le systême physique et moral , il développe
sa methode curative et la maniere d'employer ses poudres
végétales . Nous ne suivrons point l'auteur dans l'exposition
de ses principes et des faits dont il les appuie ;
c'est dans l'ouvrage même qu'il faut les puiser ; il est
écrit avec beaucoup de méthode et de clariẻ , et contient
des idées neuves et intéressantes , exprimées de
maniere à pouvoir être facilement saisies. L'auteur dit
lui-même dans l'introduction qu'il s'es : attaché à n'employer
que le moins possible les expressions techniques
de son art , afin de mieux se faire entendre des personnes
que son ouvrage intéresse , et à qui il veut être
utile .
Le citoyen Dubreuil prévient , dans son ouvrage , qu'il
a établi le burean de la distribution de ses poudres végétales
à Paris , chez le citoyen Lachapelle , rue de la
Vieille-Monnaie , nº . 20 , près la rue des Lombards.. ་
Il y a aussi un dépôt chez le citoyen Peyrouse , à
Viteaux , département de la Côte -d'or.
Le prix des poudres était originairement de 40 sous
la prise .
On a été obligé de suivre le cours des autres
objets , et de le porter à 6 liv.
Vingt prises sont ordinairement nécessaires , quoique
ce nombre soit susceptible de varier en raison des tempéramens
et de la gravité de la maladie. La moindre
quantité dont on doit faire usage est de dix prises ; on
ne fait point d'envoi au - dessous .
Il faut avoir soin d'affranchir les lettres de demande ,
et de charger celles qui contiennent des assignats.
( 35 )
BIOGRAPHIE ÉTRANGERE.
CHARLES
Notice sur CHARLES BONNET.
HARLES BONNET , né à Geneve le 13 mars 1720 , de
Pierre Bonnet et d'Anne Luilin , est un de ceux qui
ont le plus illustré cette petite république féconde en
hommes instruits et en philosophes. Sa famille était
protestante et originaire de France ; elle avait été obligée
de fuir après la journée de la St. Barthelemy d'exécrable
mémoire . Rien ne prépare mieux à l'esprit philosophique
que le souvenir des persécutions religieuses.
C'est peut- être à cette cause plus qu'à tout autre que
Geneve est redevable du grand nombre de métaphysiciens
et de moralistes qu'elle a produits .
Charles Bonnet avait été destiné à la profession de la
jurisprudence ; mais la nature l'avait formé pour les
sciences naturelles et philosophiques . Dans ce combat
qui s'est livré tant de fois entre la volonté des parens
et les inclinations de la nature , il est rare que la victoire
ne reste à celle - ci . C'est ce qui arriva à Charles
Bonnet. Tandis qu'il se livrait avec répugnance à l'étude
du droit , il dévorait avec avidité le Spectacle de la Nature
par Pluche , et les Mémoires sur les Insectes par Réaumur.
Ces premieres lettres déciderent irrévocablement de
son goût. Il abandonna bientôt l'étude du droit romain
pour se livrer sans réserve à celle de la nature .
Il n'avait pas encore vingt ans que ses observations
sur la maniere dont les pucerons multiplient , et qu'il
avait adressées à Réaumur , lui valurent des lettres de correspondant
de lapart de l'académie des sciences . Ilse livra
avec une opiniâtreté qui commença à altérer son tempérament
, à des travaux , des experiences et des recherches
sur les polypes , les chenilles et papillons , la structure
du tonia , et rassembla toutes ses découvertes sous le
titre d'insectologie qu'il publia en 1744. Cet ouvrage eut
beaucoup de succès , et lui fit une grande réputation
parmi les savans ; il faillit à succomber à l'activité de
ses travaux ; des maux d yeux , dont il ressentit une vive
atteinte qu'il ne put entierement guérir , l'obligerent à
renoncer à l'usage du microscope et à ses recherches
sur les insectes . Mais le naturaliste reprit bientôt ses
C &
( 36 )
Occupations chéries , et il publia en 1747 des observations
intéressantes et curieuses sur les feuilles des
plantes .
L'étude de la nature , qui devrait élever l'ame à des
contemplations sublimes sur l'ordre et l'harmonie qui
regnent dans l'univers , a conduit trop souvent ceux
qui s'en occupent à des idées purement matérielles .
A force de considérer les êtres par abstraction , de
rechercher et combiner les causes secondes , ils ont
rompu la chaîne des rapports qui unissent toutes les
parties de la création , et les ont isolés de la cause premiere
qui les a ordonnés et les dirige. Ils ont transporté
à la nature , qui n'est qu'un être abstrait et colfectif
, toutes les qualités qui appartiennent à son auteur
; et pour ne point admettre de Dieu , ils ont été
forcés de diviniser la matiere . Les profondes méditations
de Bounet lamenerent à des résultats bien différens.
L'existence de Dieu et l'immortalité de l'ame lui parurent
des vérités dont la démonstration prit à ses yeux
un caractere d'évidence , à mesure qu'il étendit ses
observations sur l'immensité des êtres organisés , et le
naturaliste devint l'un des plus profonds metaphysiciens
de l'Europe.
Sa premiere production en ce genre fut son Essai de
Psychologie , auquel il donna un plus grand développemert
dans l'Essai analytique sur les facultés de l'ame."Ċet
ouvrage fut imprimé à Copenhague en 1760 , aux frais
du roi de Danemarck. En 1762 il publia ses Considérasions
sur les corps organisés . L'académie de Berlin , qui
avait proposé ce sujet pour le prix de l'année 1761 ,
trouva dans cet écrit tant d'observations et de recherches
approfondies , qu'elle déclara qu'elle lui aurait adjugė
le prix , si l'auteur avait soumis cet ouvrage au concours.
Ce tribut d'estime dut honorer Bonnet ; mais
l'académie de Berlin se serait honorée elle -même si ,
passant par dessus la vaine formule d'un réglement ,
alle eût couronné l'ouvrage qui lui avait paru remplir
le mieux son attente . L'académie de Berne fut moins
scrupuleuse sur les formes à l'égard du traité des
Délits et des Peines , de Beccaria ; elle lui adjugea le
prix , quoique l'auteur ne lui eût point adressé son
ouvrage .
-
De toutes les productions de Charles Bonnet , celle
qu'il a le plus soignée et où il a embrassé le plus
d'objets , est la Contemplation de la nature , qui parut em
( 37 )
1764. Aussi , eut- elle un succès prodigieux. Cet auteur
infatigable n'avait pas plutôt terminé un ouvrage , qu'il
s'occupait d'un autre. Il avait conçu le projet d'une
Morale philosophique , qui devait être le résultat de tous
ses principes . Il y considérait l'homme sous ses rapports
physiques et moraux avec les êtres qui l'environnent.
Convaincu de l'influence de l'état habituel
du corps sur les fonctions de l'ame , il traitait , dans
la premiere partie , des différens moyens de prévenir
les maladies , de perfectionner l'organisation physique.
Dans la seconde , il se proposait de faire voir comment
les sciences naturelles ornent l'esprit , perfectionnent
l'entendement et multiplient nos plaisirs intellectuels
en même tems qu'elles rendent à la société des services
de tout genre. Dans la troisieme , pour ne pas admettre
de supposition gratuite il cherchait s'il est , dans l'ordre
de nos connaissances , des vérités que le philosophe
sceptique ne puisse refuser d'admettre , et qui fournissent
une base solide à tous les raisonnemens que l'on pourra
faire sur l'homme et sur ses rapports divers . Il en venait
ensuite à la cause premiere , et faisait sentir combien
l'idée d'un créateur et d'un législateur saprême ajoutait
aux conséquences que la raison déduit si légitimement
de la nature des choses et de leurs relations . Sa
santé affaiblie par ses longs travaux ne lui permit pas
de terminer cette entreprise dont l'inexécution doit
laisser des regrets .
Le dernier ouvrage qu'il a publié porte le titre de
Palinginisie , et roule sur l'état passé et sur l'état futur
des êtres vivans.
Sa correspondance était immense et prenait une par
tie considérable de son tems . Les noms des premiers
naturalistes de son siecle se trouvent dans cette liste .
Ce sont ceux de Réaumur , de M. de Géer , le Réaumur
de la Suede ; de M. Duhamel , auteur de la Physique des
arbres ; du savant et universel Haller , de l'abbé Spallanzani
, de Van Swieten , de M. Mérian , directeur de l'académie
de Berlin ; du célebre Lambert , auteur du Novum
organum et de l'Architectonique , l'un des hommes les plus
extraordinaires que la Suisse ait produits , etc.
Il avait épousé en 1756 mademoiselle de la Rive
d'une ancienne famille de la République , qui , pendant
une union de 37 ans , lui prodigua et reçut de lui les
soins touchans de l'amitié la plus tendre .
Quoique la culture des scicaces fût sa passion domi
1
C3
( 38 )
nante , il savait s'arracher de son cabinet toutes les fois .
que les intérêts de sa patrie lui paraissaient l'exiger . En
1752 il était entré dans le grand conseil de la République
. Il y siégea jusqu'en 1768 , et s'y fit remarquer
par une éloquence mâle , par une modération qui ne
nuisait point à la fermeté , par des vues pleines de
sagesse et de profondeur , par le courage avec lequel
il rainenait ses concitoyens à cette antique simplicité
qui avait fait le bonheur de la république , et aux
maurs sans lesquelles il n'est point de liberté . Sa conduite
fut constamment fidele à ses principes. Sa fortune
, qui était aisée , suffisait à ses besoins et à sa bienfaisance
; il ne fit jamais rien pour l'augmenter , et cet
accord de ses actions avec ses lumieres et ses sentimens
lui valut l'estime générale.
Bonnet avait profondément médité sur un grand
nombre de sujets ; sa conversation était aussi agréable
qu'instructive . Sa mémoire lui rappelait à propos tout
ce qui était relatif aux matieres que l'on traitait en sa
présence , et il l'exposait sans faste et sans prétention .
Avec un esprit porté à la méditation il n était point
distrait , suivait avec la plus grande attention le fil des
idées de ceux qui conversaient avec lui , et ne le rompait
jamais . Aussi avait- il développé de bonne heure
les talens les plus rares pour l'éducation .
?
En 1788 , sa santé qui , quoiqu'affaiblie par des trayaux
prématurés et au- dessus de ses forces , s'était
soutenue jusqu'à un âge assez avancé , commença à
s'altérer , et des indices d'hydropisie de poitrine se
manifesterent. Depuis il ne fit plus que décheoir ; mais
il soutint ses maux avec cette se.énité inalterable , cette
patience , ce calme qui lui étaient propres ét qui tempéraient
la douleur de ceux qui le voyaient souffrir.
f :
En 1792 , il éprouva une rechute considérable qui le
conduisit lentement au tombeau . On le transporta å
Geneve au mois d'octobre de la même année . Le printems
parut lui rendre des forces ; mais ce ne fut qu'une
fueur d'espoir. Il succomba enfin , conservant jusqu'au
dernier moment sa présence d'esprit , rassurant , consolant
ses amis qui lui prodiguaient leurs soins . Ses derniers
regards se tournerent vers la compagne vertueuse
qui avait fait le bonheur de sa vie , dans les bras de
laquelle il expira , et qui ne s'est pas consolée du malheur
de lui survivre .
Bonnet avait joui de toutes les douceurs de l'amitié ,
( 39 )
Sa société était douce , son humeur égale , son ame
calme et son esprit conciliant ; sa piété filiale et fraternelle
avait embelli les jours d'un pere respectable et
d'une soeur chérie, Adoré de ses disciples , il leur a
laissé de longs regrets , et vivra toujours dans leur mémoire.
Les étrangers ont témoigné à sa mort des regrets sinceres.
Ses concitoyens lui ont rendu des honneurs publics
. Dans la cérémonie qui eut lieu à cette occasion ,
M. de Saussure , neveu de sa femme , son plus illustre
éleve , que le jury d'instruction de Paris vient de nommer
à l'une des chaires de physique des écoles cen
trales , rendit à l'ami qui avait dirigé ses premiers travaux
et joui de ses premiers succès , un hommage quí
honotait également l'un et l'autre , et fit passer dans l'ame
de ses auditeurs les sentimens de douleur et d'affection
qui l'animaient .
Bonnet est mort le 20 mai 1793 , à l'âge de 73 ans .
11 a été de presque toutes les academies de l'Europe.
29. 28
sun po' ais . 1.8.1
5.5
ANNONCE S. 33
de
Paolo è Virginia , traduction italienne de Paul et Virginie,
Bernardin de S. Pierre ; par le cit . Blanvillain . Seconde édition
avec figures . Un volume in 16. A Paris , chez Hautboue , jardin
de l'Orangerie , Louvet , jardin de l'Egalité ; Pichard", quai
Voltaire.
J
Avis aux fideles sur le schisme dont l'église de France est menace.
Prix , 4 liv . , èt 5 liv . Po sous Lane de port. A Paiis ,
chez Morin , libraire , rue St -Jacques , . 186 .
Lombre de Mirabeau à Théodore Gérard , cutretien sur les
fauces . Douze pages d'impression . Priz , 1 live 10 sous . A
Paris , chez Louvet , libraire , au palais de l'Egalité . --- L'auteur
se propose de donner une suite à ce premier entretien .
Principes de Mineralogie ou exposition succincte des caracteres
exterieurs des fossiles , d'après les leçons du professeur Wernes ,
augmentes d'additions manuscrites fournies par cet auteur.
Par J. P. Vanberchen- Berthout , chef de la division des
mines à la commission des armes , poudres , et exploitation
des mines ; et Henri Struve , professeur d'histoire naturelle à
Lausanne . Un volume in 8 , Prix , gliv . A Paris , chez Reynier ,
imprimeur-libraire , rue du Theâtre Français , no. 4 .
C
40 )
NOUVELLES ÉTRANGERES,
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 12 juillet 1795.
Tour confirme l'influence done la République Française
jouit aujourd'hui auprès de la Porte Ottomane , habituée depais
long-tems à voir une amie dans cette nation , et qui sent
d'ailleurs combien l'allié de la Suede , du Danemarck , de la
Hollande et de la Prusse , pourra lui être utile un jour contra
les tentatives de la Russie , et même de l'Autriche et de
l'Angleterre , dont la nouvelle coalition pourrait bien avoir
le double but d'abord d'affaiblir la France , et ensuite , si ces
puissances n'y peuvent réussir , comme cela n'est que trop
probable , de se rejetter sur la Turquie , dont le territoire en
Europe serait partagé par la Russie et l'Autriche , qui laissezaient
à la Grande- Bretagne le commerce de la Méditerranée ,
pour la payer des services que sa marine leur aurait rendus .
?
De Constantinople , le 10 juin . Ce fut avant- hier , 8 du courant
, que le citoyen Verninac , envoyé extraordinaire de
France , reçut sa premiere audience publique du grand visir .
La cérémonie eut lieu avec toutes les formalités d'usage , et
même la Porte donna au nouveau ministre une compagnie
de janissaires pour sa garde ; distinction qui n'est pas ordinaire
pour les ambassadeurs étrangers ici . Bien plus encore ,
la Porte fit l'offre au citoyen Verninac d'un tain de 250 piastres
par jour , pendant 20 mois ; ce que le ministre refusa , li est
bon d'observer qu'une telle offre fut faite , quoique toute
espece de tain ait été abolie pour les ministres étrangers
par un kaicherif du sultan , et que d'un autre côté , il n'y
ait pas d'exemple dans les annales de la Turquie qu'un ambassadeur
de France ait obtenu un tain quelconque .
La pompe de cette cérémonie fut encore relevée par l'ap
pareil de la flotte turque , qui se mit en ligne avec tous les
bâtimens français qui se trouvent dans le port ; le vaisseau
amiral hissa même le pavillon tricolor . Tous les Français
qui sont à Constantinople formaient le cortège du nouveau
ministre , revêtus de l'uniforme de la République.
Cette conduite de la Porte n'a pu manquer de causer un
nouveau déplaisir aux ministres des puissances coalisées . Ce
( 41)
qui ne doit pas moins leur déplaire , c'est que Verninae a de
fréquentes conférences avec le reis- effendi et les principaux
membres du divan , ainsi qu'avec les envoyés de Prusse et
de Suede ,
Il paraît que Belgrade n'est pas entièrement entre les mains
des rebelles ; les dernieres lettres de Semlin qui disent que
la canonnade continuait encore les 18 et 19 , assurent que
le bacha était encore maître d'une partie de la ville , et sur
tout de la citadelle ; mais elles ajoutent qu'elle allait être
attaquée par les insurgens grossis d'aventuriers et de jannissaires
déserteurs , mécontens des innovations introduites dans
le militaire ture d'après les formes européanes .
De Copenhague le a3 juin . La jonction des escadres daet
suédoise s'est effectuée avant-hier, L'amiral danois
se rendit avec tous les chefs des vaisseaux près du comte de
Wachtmeister , pour lui communiquer l'ordre qu'il avait
reça de se joindre à lui. Pendant les trais premiers mois ,
le comic de Wachtmeister aura le commandement en chef
de cette escadre combinée.
2 )
On mande de Stockholm , que le chargé d'affaires des Provinces-
Unics , M. Loofs , a remis une note an chancelier baron
de Sparte , relativement à l'escadre anglaise en croisiere å
l'embouchure de 1 Elbe. Le gouvernement a fait répondre
que les vaisseaux de la république des Provinces Unies seraient,
dans toutes les occasions() reçus avec amitié dans les ports
suédois , et qu'ils y jouiraient de tous les avantages et de
toutes les prerogatives qui leur sont dûs. Il a été ajouté que
cette détermination était prise , non-seulement en vertu da
systême de neutralité adopté par la Russie , mais aussi en
vertu desla deinande spéciale faite au nom des états -généraux
par leur chargé d'affaires en Suede.sion don
1.
Des lettres de Stockholm , du 30 juin , nos seulement confirment
ces nouvelles , mais donnent encore les détails suivans
qui ferout sårement plaisir aux amis de la France , de
la Hollande et de la Prusse , charmés de voir se former qué
contre-coalition dont le résultat sera sans doute d'empêcher
lavide et jalouse Angleterre de a'emparer de tout le com
merce.
1.
Hier , M. Loofs , chargé des affaires de la république bas
tave , a , par ordre de sou gouvernement , donné ici une fête
solemnelle à l'occasion de l'alliance qui s'est conclue entre
la Hollande et la France. Le grand chantelier de Suede
baron Sparre , et plusieurs membres de notre administration
suprême ; y ont assisté avec les agens diplomatiques de France ,
( ( :42:)
2
de Prusse et de Pologne. La musique et des salves d'artilerie
se sont fait entendre pendant le repas et au - dessous des
cruisees de la salle , on voyait flouter le pavillon tricolor et
celui de Hollande . L'on y aporte et bu de nombreuses
santés de la part du citoyen Loofs , ont été portées celle du
roi de Suede , de sa famille et des membres du gouvernement
de la part du grand chancelier de Suede , celle de
l'union , de la gloire et de la prospérité des deux républiques;
enfin , de la pau du ministre de France , gelie du roi de
Prosse et de la felicité génerale des étais prussiens.
༞ ༞ ! །།།
For De Francfort-sur-le -Mein , le 15 juillet."
On écrit de Rheinsdorff , en date du 1er , de ce mois , la
lettre suivante , qui annonce que les Français vont ouvrir la
campagne avec vigueur , et qu'ils seront probablement un
grand parti do la machine aérostatique , qui leur a été si utile
à la bataille de Fleurus .
ลม : ร
1004
0
I parait que les Français sont fort curieux de savoir ce
qui se passe du côté de notre rive . De distance len distance
de la leur , ils préparent des ballons aénostatiques qu'ils se
proposent d'enlever, Gelui qu'ils ont fait montere dans les
envisions des Cologne a été transporte a Bonn . , Our apprend
de plusieurs contrées du Bas Rhin que leurs mouvemens ont
à present une nouvelle direction , et que les camps près de
Crevelt er autres endroits où ils devaient entreriscere esemaipeep
ont été contremandés. On apprendalaussi qu'une
grande partie des trompessulits avaient dans be : Bas Rhin ,
remonient avec précipitation vers le Haut -Rhin . Qu dapporte
quelas Pruesiens lear out signifie que , d'après le 119) article
du traité despaix conclu à Bâle, toute hostilitér dabssle spays
de l'Empire de la rive droite du Rhin devait be udes suspendue
pendant trois mois , à compter dujousydd area
tion ; qu'en conséquence its devaient attendre l'expiration
dwaerine convenus Les Prussiéns lás sont aussi prévenus que
la régence de Dasseldorff avait reçu du gouvernement prussieg
Fassurance ques sons territoires serait respecté jusqu
Pepoque destadie expiration , starfi el sh 18 shasíloh sl
gL EIRA
Une partie de l'armée impériale campera dans les environs
de Manheim. Cet après - midi on voit une forte colonne de
cavalerie française qui remonte le Rhin , et qui se porte vers
Meiterstadi . ast Ayres I.M , 191
ร 25
De Ratisbonne 3 juillet . Voici quelques nouveaux détails
de ce qui s'est passé à la dicie le jour où il fut arrêté de
prier l'empereur de faire des propositions de paix à la nation
Française . e seus propre de l'adresse à présenter à
1
( 43 )
Pempereur , est de le prier de vouloir bien , avec l'aménité
requise , faire des propositions de paix à la nation Française ,
et qu'alors on espere que le roi de Prusse vondra bien y
Coopérer efficacement par ses bons ' offices . Ce fut le matin
avant l'heure accoutumée , que les ministres des électeurs ,
ainsi que ceux des princes , se rendirent à l'assemblée , et
conclurent aussitôt à la paix , à l'unanimité dés voix ; ål'exception
da ministre de Bohême , parmi les électeurs , et de celui
d'Autriche parmi les princes , Mais le troisieme college , celui
des villes , qui était assemblé séparément , prit une résolu
tion contraire , et déclara qu'il desirait que sa conclusion fût
présentée à l'empereur . Ce parti parut très - extraordinaire , et
causa une grande sensation . Il y ent alors plusieurs protes
tations de part et d'autre par écrit ; après quoi , le college
des villes se conforma à la conclusion des deux premiers
colléges.
SATI
Suivant des lettres de Hambourg , l'ex comte d'Artois a
quité Bermerode le 15 juillet , pour couvir à Londres , où
on le dit appellé par le gouvernement . Cene démarche est
assez d'accord avec celle du cabinet, de Vienne , qui a ffait
annoncer , dans la gazette , le deuil pris par la coure le&
du mois dernier, à l'occasion de la mort du fils de Louis XVI ,
que le rédacteur qualifie de prince royal et successeur au
trône de son
pere?
ཝཱ ཝཱ
Ε
$29
Au reste , cette conduite de l'empereur n'empêche pas le
corps germanique de travailler à la paix et elle n'a point
été imitée à Berlin , où l'on sait que la cour a point pris
un denil qu'en effet elle ne devait pas prendre ' , puisqu'elle
avait reconnu la République Française , avant la mort de
fils de Louis XVI. P
9
41
prussien comte
Le, baron de Hardemberg doit être arrivé à Bareuth . Il
anra, une conference avec le ministre
Goeriz. Il ira de-là à Ratisbonne , et passera probleblement
par notre ville de Francfort.
·
· ´¯`Il paraît , d'après des Tentres de Mayence , du 3 de ce mois ,
que la garnison , dir moins en partie , ĉampe depuis le t
sur les glacis de la forteresse .
et que
972716 00-
On apprend que les mouvemens des Français dans plusieurs
contrées , du Bas - Rhin , put, à present une nouvelle direction ,
les camps près de Crevelt et autres endroits où ils
devaient entrer , ont 'ééttéé""ccântrë-mandés. Une grande partie
des troupes qu'ils avaient dans le Bas - Rhin , remontent avec
précipitation vers le Haut- Rhin. ), 12k new sauer rast came
D'un autre côté , on assure que le cabinet de Vienne a
arrêté que les aimées de Mayence et du Brisgaw n'agiront
que défensivement,
1
( 144 )
On parle de donner un nouvel uniforme à toute l'armée
impériale. L'habillement blanc est aboli et sera remplacé par
des habits courts , couleur gris de brochet , avec des pantalons
à la hongroise. Les paremens ne seront que de quatre couleurs
différentes et les numéros seuls des boutons distingueront
les divers régimens . Les officiers auront aussi des
habits courts et des sabres au lieu d'épées. Les régimens De
seront plus dénommés d'après leurs chefs ou proprietaires &
et les garnisons ne seront plus permanentes
changées tous les trois ans . Les draps blancs qui se trouvaient
encore dans les magasins , ont déja été vendus.
mais seront
On débite que l'électeur palatin a fait sa paix avec la
France. Il y a peu de tems qu'il a eu recours à un nouvet
emprunt de sept cents mille Borins , à raison de cinq pour cent
d'intérêt.
ITALIE .
Une lettre de Véronne du 22 juin , rende airsi compte de
la conduite du ci-devant Monsieur dans les circonstances préseates
: un des passages de cette lettre ferait croire que celle
que nous avons donnée dans le dernier numéro a eté réellement
écrite par lui au ci- devant prince de Condé.
Cette nuit est arrivé un particulier , en poste , qui s'est
fait conduire chez Monsieur , frere de Louis XVI . Ce matin ,
à 7hepres , le bruit se répandit qu'une contre- révolution
s'était faite en France , et que le fils de Louis XVI avait été`
proclamé roi d'ace voix unanime . On ajoutait que Monsieur
avait été nommé régent , et que le courier arrivé la nuit lui
avait apporté l'ordre du nouveau monarque ' , de partir sur lechamp
pour Paris . A 9 heures du matin , on fut désabusé sur
eette nouvelle ; on sut la véritable , qui était la mort inattendue
de l'auguste enfant , et la proclamation faite in petto , par les
royalistes de la France , de Monsieur , comme roi . Ce prince
a été très affecté de cet évenement ; il n'a voulu recevoir
personne , que ceux qui sont dans sa plus intime confidence.
Dans l'après-midi , on a expédié differens couriers ; un est
parti , dit-on , pour l'armée du prince de Condé , un autre
pour Rome , près de Mesdames ; un troisieme à une destination
particuliere que l'on ignore. Monsieur est reconnu
comme roi par le petit nombre de Français qui sont ici .
** On ne sait pas encere quel parti prendra notre gouverne
ment et notre noblesse ; on n'ose rien faire sans ordre. Sui
vant l'assurance d'un des gentilshommes de la cour de Monsieur
, il n'y a presque point de doute que ce prince ne soit
formellement reconnu par les cours de Pétersbourg , de
Vienne , de Madrid , Tarin et Naples ; l'évenement de la
( 45 )
'T
mettront fin
mort du Sla de Louis XVI , tout malheureux qu'il est , peut
amener des changemens favorables , qui
peu de tems à la révolution de France.
sous
On dit que Monsieur est occupé à faire expédier beaucoup
de circulaires ; il en a écrit plusieurs de sa propre main .
P. S. Dans ce moment , j'apprends qu'il est arrivé plusieurs
Français de marque , qui viennent faire leur cour à leur
nouveau maître .
Les Autrichiens qui avaient déja attenté à l'inviolabilité
du territoise neutre de la république de Génes , ont fait plus
suivant une lettre de Voltri du 26 juin .
•
Hier matin , à dix heures , un corps d'environ 400 Allemands
descendit du côté de Varèse et d'Albizzola , et vint à
l'improviste s'emparer des magasins établis dans cet endroit.
Ils consistaient en foin , grains , farines et autres objets appartenans
à des Génois , mais destinés aux Français . Les Alle
mands n'y ont trouvé que très- peu de chose , ayant été prévenus
et les objets ayant été en grande partie chargés sur
doaze bâtimens qui sont partis pour Gênes . Les Allemands
ont non-serle nent pris quartier ici , mais dans les deux endroits
ci-dessus id qués , ils ont placé des gardes aux entrées des
et ils font des patrouilles ordinaires .
rues ,
ESPAGNE. De Madrid , le 17 juin
L'on se flatte tous les jours de plus en plus ici de l'espoir
d'une paix prochaine . Le 3 de ce mois , le marquis d'Iranda
partit de Madrid pour se rendre à Armana et Saint- Sébastien .
Ce seigneur se tenait à une maison de campagne qu'il a à
Aranjuez , lorsqu'il reçut ordre de se rendre à la cour ; il
eat une longue conference avec le roi , la reine et le premier
ministre , à la suite de laquelle le dernier lui remit une
lettre en français , pour le général Moncey , qui commande
l'armée de la République dans les pays conquis de la Navarre.
Aussi- tôt après il se mit en route pour sa destination.,
le marquis d'Iranda , quoiqu'âgé de 72 ans , est un homme
de grands talens et sur- tout profondément versé dans la pófitique
. Le bruit court que M. Bourgoing , ci- devant chargé
d'affaires près de notre cour , de la part de la France , se
trouve à Saint- Sébastien , et que c'est dans cette ville que se
Dendront les conférences relatives à la paix , aussi -tôt lesquelles
M. d'Iranda pourra aisément se rendre à Paris , pour
mettre la derniere main au traité. L'on voit déja circuler une
copie des articles préliminaires de ce traité , qui contient des
cessions réciproques .
( 46 )
HOLLANDE.
De Schonhoven , le 15 juillet . L'armée batave est enfin or
ganisée, le sera composée de six brigades , de trois bataillons
d'infanterie , et de quelques régimens de cavalerie chacune
.
de L'emprunt volontaire prenait peu on a décrété pour la
province de Hollande un emprunt forcé de 6 pour 100
iont ce que l'on possede , et l'on payera deux et demi pour
cent sur toutes les especes de rente. Il y a en général trèspeu
de numéraire . Les subsistances sont trèess cheres. On s'apperçoit
, dans beaucoup d'endroits , de la disette , particulierement
sur les fontieres et dans les provinces de Gueldre
et de Zélande . Le froid excessif , pour la saison , qui regue ,
empire encore la situation des Hollandais ; il empêche les
productions du sol de croître ; la récolte des foins sur - tout
sera très faible .
Repeiser est arrêté . On a trouvé chez lui une alle remplie
de papiers , qui attestent sa correspondance avec l'étranger.
Les scellés sont sur cette malle , et la maison où elle
se trouve est gardée par douze bourgeois . On a ensuite airêtė
à Amsterdam , deux officiers qui lui étaient dévoués . On
assure que le comité de surveillance à la Haye est très - actif ,
et qu'il a les intelligences les plus étroites parmi les ´orangistes,
Cent soixante- dix vaisseaux de Dort et de Rotterdam`sont
mis en requisition pour aller faire un pont au - dessus de
Mayence. Deja ils sont partis pour cette destination ..
ANGLETERRE . De Londres , le 30 juin.
Le roi , lorsqu'il vint samedi dernier à la chambre des
pairs , pour proroger le parlement , n'a point recueilli sur
sa route les acclamations ordinaires de la multitude . Dans le
il
parc ne rencontra qu'un rigoureux silence , sigue certain
de l'humeur chagrine des spectateurs ; arrivé devant les ca
zernes des gardes à cheval , et à la rue du parlement , ses-
' oreilles furent frappées par les cris continuels de point de
chapeaux bas , la paix , la paix ; plus de guerre , plus de Put !
M. Pitt a eu deruie : ement une conférence avec le duc
d'Yorck ; on croit qu'il a été question entr'eux des mesures
à prendre pour l'embarquement de troupes destinees au service
étranger.
Six régimens vont se rendre à Portsmonth , et doivent passer
dans les Indes occidentales .
La flotte de vaisseaux marchands , partie de Corck au mois
'de février dernier , est arrivee en sûreté , le 15 avail a la
Martinique , et l'amiral Thomson , parti avec la flotte de
Portsmouth , a touché à Antigoa le 11 du même mois .
37
( 47 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE
PRESIDENCE DE LAREVEILLERE LÉPAUX .
Séance du duodi , a Thermidor.
4
Il y a eu hier soir une séance extraordinaire pour le renouvellement
du bureau . Lareveillere - Lepaux a été nommé prési
dent. Les trois nouveaux secretaires sout ; Lemoine , Savari
et Leclerc.
et
Vernier , an nom du comité des finances , soumet à la discussion
le projet de finances qu'il avait présenté il y a quelques
jours , et qui tend réprimer les abus du commerce , comprimer
l'agotage , rendre à la circulation les denrées et marchandises
, et les ramener peu à peu à leur valeur réelle . Les
fermiers et cultivateurs , die rapporteur , abusant de leurs
richesses dédaignent aujourd'hui les assignats , et ne veulent
plus vendre que pour du numéraire ou par la voie des échanges .
Tout le monde s'erige en negociant , et viole sans pudeur les
lois du commerce. On croit se jusfier par la nécessité ,
l'on s'associe au' ctime. La cupidité aveugle au point de ne
pas voir que c'est la ruine de sa patrie et la sicune propre
qu'on prépare. Il faut donc puisque le pub est menacé employer
des lois repressives de si grands abus. Le négociant
est en rapport avec le public , et par conséquent il a besoin
d'un titre qui le distingue des pirates qui flétrissent le commerce
. Il est aussi de intérêt de l'état de connaître les objets
sur lesquels s'uxerce le négoce , pour le mettre en état de
suppléer à ceux qu'il ne pourrait procurer. Le comité propose
donc de rétablir le droit de peremption ou de patente ,
et comme ce n'est point assez d'être muni d'une patente sonvent
ignorée du public , il a jugé qu'il était nécessaire d'obli .
ger tous ceux qui en prendront d'afficher et inscrire au devant
de leur maison la nature de leur principal commerce et le
geure de marchandises qu'ils tiennent en dépôt ou magasin ;
et à l'égard du commerce des grains , d'exiger qu'ils ne puissent
être vendus que dans les lieux publics et les jours de
foires et marchés .
Vernier lit son projet de décret. Après quelques débats ,
la Convention décrete en principe la premiere disposition
portant , que nul ne pourra exercer aucun commerce ou négoce
quelconque , sois en gros , soit en détail , sans une per(
48 )
mission on patente qui en indiquera la nature et les objets .
Le mode d'exécution est renvoyé au comité , ainsi que le tarif
des patentes.
Suite de la discussion sur l'acte constitutionnel.
Les articles XII , XIII , XIV et XV du titre IV du pouvoir
législatif sont décrétés ainsi qu'il suit :
Art. XII. Le corps législatif est renouvellé tous les ans
par tiers. Ses membres sont trois années en fonctions ; lis
peuvent être réélus de suite , après quoi il faudra un intervalle
de deux ans pour qu'ils puissent être réélus de nouveau .
L'article du projet portait le renouvellement tous les deux
ans par moitié.
" XIII . Chaque département concourt , à raison de sa
population seulement , à la nomination des membres du conseil
des anciens.
,, XIV. Tous les dix ans , le corps législatif , d'après les états
de population qui lui sont envoyes , détermine le nombre des
membres du conseil des anciens que chaque département doit
fournir. Aucun changement ne peut être fait dans cette répar
tition durant cet intervalle .
XV. Les membres du conseil des anciens sont nommés par
les assemblées électorales de chaque département.
La discussion s'ouvre sur l'organisation des deux conseils ,
et voici les articles décrétės.
,, XVI. Nul ne peut être élu membre du conseil des anciens
s'il n'est âgé de 40 ans accomplis ; si de plus il n'est
marié ou veuf.
Cambacérès voudrait que l'on exigeât 45 ans , et que la
disposition ne fût exécutable que dans six années.
Boissy- d'Anglas appuie la motion de Cambacérès ; mais
l'Assemblée décrete l'article tel que nous venons de le rapporter.
Deux autres dispositions du même article sont ajournées
l'une exige une résidence de 15 années , l'autre exige la pos
session d'une propriété fonciere pendant une année au
moins.
,, XXVII. Les membres nouvellement élus au conseil des
anciens se réuniront , le 1er, du mois prairial , au lieu qui aura
été indiqué par le corps législatif précédent , ou dans le lieu
même de ses dernieres séances , s'il n'en a pas désigné un
autre.
On ajonrne trois articles qui suivent celui - ci .
,, XVII. Les fonctions du président et des secrétaires ne
peuvent excéder la durée d'un mois .
,, XIX. Le conseil des cinq cents est invariablement fixé ♣
ce nombre .
" XX. Les dispositions contennes dans les articles..... relatife
( 49 )
tifs à l'organisation du conseil des anciens , sont communes au
conseil des cinq cents.
499 XXI. Pour être élu membre du conseil des cinq cents , ik
faut être âgé de 30 ans accomplis , etc. ,
Charles de Lacroix propose la condition du mariage pour
le conseil des cinq cents comme pour celui des anciens . Il
est appuyé par plusieurs membres et combattu par d'autres .
Talot dit que la déclaration des droits porte , que tous les
citoyens peuvent parvenir aux mêmes emplois , sans autre
distinction que celle des vertus et des talens . Il demande ok
sont les descendans de César , Pompée , Bayard , Saxe , J. J.
Rousseau , Voltaire , et il peuse qu'une pareille motion ne
peut être soutenue que par une faction d'épouseurs .
Dubois Crancé répond qu'un célibataire ne tient pas asses
à la patrie, qu'il n'a pas même les vertus civiques . La proposition
de Lacroix est décrétée.
" La discussion est interrompue par Sieyes , qui prononce
un long discours sur le plan présenté par la commission des
onze. Il le regarde comme le plus avancé qu'on ait encore
vu dans le monde ; mais il y remarque de grandes lacunes
des omissions dangereuses , et n'y apperçoit de gouvernementnulle
part. L'unité seule , dit- il , est despotisme ; la division
seule est anarchie . La liberté résulte de l'unité d'action et
de la divisiou des pouvoirs , et il résume tout son projet
dans les propositions suivantes :
19. Il y aura , sous le nom de tribunal , un corps de representans
au nombre de trois fois celui des départemeus , avec
mission spéciale de veiller aux besoins du peuple , et de
proposer à la législature : ses séances seront publiques.
2º . Il y aura , sous le nom de governement , un corps de
représentans au nombre de sept , avec mission speciale de
veiller aux besoins du peuple et à l'exécution de la loi , et
de proposer à la législature : ses séances ne seront point
publiques.
3. Il y aura , sous le nom de législature , un corps de
représentans au nombre de neuf fois celui des départemens
avec mission spéciale de juger et de prononcer sur les pro--
positions du tribunat et du gouvernement. Ses décisions
promulguées porteront le nom de décret .
un 4. Il y aura , sous le nom de jurie constitutionnelle ,
corps de représentans au nombre de trois vingtiemes de la
législature , avec mission spéciale de juger et de prononcer
sur les réclamations en atteintes portées à la constitution
par des décrets .
La Convention décrete que le plan de Sieyes sera imprimé
et renvoyé la commission des onze pour être examiné.
Tome XVII. D
( 50 )
Séance de tridi , 3 Thermidor .
La Convention ayant décrété que la discussion sur la conse
titution s'ouvrirait tous les jours à midi , Daunou ouvre la
séance et fait décréter les articles suivans :
Art. XXII . La proposition des lois appartient, exclusivement
au conseil des cinq cents .
,, XXIII . Il apparuent exclusivement au conseil des anciens
d'approuver ou de rejetter les propositions du conseil
des cinq cents.
,, XXIV. Le conseil des cinq cents et le conseil des an
cien's ont respectivement le droit de police dans le lien de
leurs séances et dans l'enceinte extérieure qu'ils ont déterminée
.
XXV. Ils ont respectivement le droit de discipline sur
leurs membres ; mais ils ne peuvent prononcer de punition
plus forte que la censure , les arrêts pour huit jours et la
prison pour trois .
་ ན་ ད་
, XXVI . La police et la surveillance de l'administration
departementale et municipale de la commune où le corps
legislatif tent ses séances , appartiennent au conseil des anciens
. Il peut , en tout ou en partie , déléguer au directoire .
exécutif cette police et cette surveillance , ou les exercer
directement , selon qu'il le juge convenable ..
XXVII . Le conseil des anciens peut changer la rési
dence du corps législatif. It indique en ce cas un nouveau ;
licu , et l'époque à laquelle les deux conseils sont tenus de
s'y rendre.
,, XXVII . Le décret du conseil des anciens sur cet objet ancien
est. irrevocable .
: 99 XXIX. Le jour même de ce décret , ni l'un ni l'autre
des conseils ne peuvent plus délibérer dans la commune où
ils ont résidé jusqu'alars . Les membres, qui y continueraient
leurs fonctions se rendraicut coupables de haute trahison et
d'attentat contre la sûreté dela République.
,, XXX. Si , dans les 20 jours après celui fixé par le conseil
des anciens , la majorité des deux conseils n'a pas fait
connaître a la République son arrivée au nouveau lieu indiqué
, les administrateurs de département , ou , à leur défaut ,
les uibunaux civils de département , convoquent les assem- c
blées primaires et électorales , pour procéder à la formation
d'un nouveau corps législatif , par l'election de deux cents
cinquante députés pour le conseil des anciens , et de cinq
cents pour l'autre conseil .
,, XXXI . Les administrateurs de département qui , dans
le cas de l'article précédent , seraient en retard de convoquer
les assemblées primaires et électorales , se rendraientcoupables
de haute trahison et d'attentat contre la sûreté de
la République .
7
( 51 )
XXXII; Les membres du directoire exécutif qui retars
deraien ou defusefajente de sceller , promulguer e envoyer
le décret, de translation du corps législatif , se rendraient
coupables du même delit ....
,, XXXIIIe Les membres du nouvean corps législatif se
rassemblent dans le lieu où le conseil des anciens avait trans
féré les séances. rooob drug anda pai
3
"
ATI
XXXIV. Les séances du conseil des cinqa.cents sont
publiques des assistans ne peuvent excéder en nombre la
moitié des membres de l'Assemblée. Les procès - verbaux des
séances sont imprimés. non o mil -
99 XXXV. Le conseil des cinq cents ne peut délibérer , si
la séance n'est composée de deux cents, membres au moinsy
" , XXXVI. Le conseil des cinq cents , sur la demande des
cent membres peut se former et délibérer en comité général
et secret. 99
Delahayer, au nom des comités de sûreté générale et de
législation , propose le projet : de décret pour les mode de
jugement des détenus pour cause de la révolution . Il cons
siste à charger des tribunaux de district , et à Paris une com
mission , d'examiner les motifs d'arrestation , et de prononcer
les renvois aux tribunaux criminels .
Bentaboile le combat et déclare que c'est une injustice del
faire juger les détenus par des tribunaux composés d'hommes
qui étaient incarcérés avant le 9thermidor , et qui donneront
l'essor, aux animosités et aux vengeances . Son avis est
que le comité de sûreté générale prononce définitivement
sur les détenus .
Après quelques débats , le projet est de nouveau renvoyé
aux comités de legislation et de sûreté generale réunis .
Un secrétaire fit lecture d'une lettre du général en chef
de l'armée des Pyrénées occidentales , qui donne de nou
veaux détails sur la victoire annoncée dernierement . On a
fait aux Espagnols cinq cents prisonniers , et nous n'avons
eu que cinq hommes tués , et quatre -vingt blessés . ( Voyez Nou
velles officielles . )
907
La discussion sur la constitution reprend ; tout le titre IV
est décrété , de même que celui des corps électoraux .
Voici ls reste des articles de ce titre :
t
› Art. XXXVII . En comité général , les délibérations sont
prises par assis et levé dans le cas de doute , on procedex
au scrutin secret.
:
,, XXXVIII . Le conseil des cinq cents ne peut créer dans
son sein aucun comité permanent ; seulement , lorsqu'une ma
tiere luiparait susceptible d'un examen preparatoire , il nomme
parmi ses membres une commission spéciale , qui se renferme
uniquement dans l'objet de sa formation . Cette commission est
dissoute aussi- tôt que le conseil a statué sur l'objet dont
elle était shargée..
D
t
Inte ,
1
49*XXXIX Aucune proposition ne peut être délibéše ni
résolue dans les conseil des cinq cents , qu'en observant legh
former suivantes : il sera fait trois lectures de la proposi
tion ; l'intervalle entre deux de ces lectures ne pourra être
moindre de dix jours. Laudiscussion est ouverte après chaque
lecture , et néanmoins après la prémiere ou la seconde lee
le conseil des cinq cents peut déclarer qu'il y aplicu
à l'ajournement ou qu'il n'y a pas lieu à délibérer . Toute
proposition: sera imprimée et distribuée deux jours avant fa
secondes lecture . Après la troisieme lecture , le conseil des
cinq cents décideia s'il y a lieu ou non à l'ajournement. Toute
proposition qui soumise à la discusiion , aurs été définitivement
rejettée après da troisieme lecture , ne pourra ettesi
-reproduite qu'après une année révoluc.a!
1 XL Les propositions adoptées par le conseil des cinq o
cents s'appellent résolutions .
* 19
99 XLI . Le préambule de toute résolution énoncera , 19. des
dates des séances auxquelles les trois lectures de la propositions
auront été faites ; 9º . l'acte par lequel il aura été déclaré , après
la-troisieme lecture , qu'il n'y a pas lien à l'ajournement.
XLII . Le conseil des anciens doit refuser d'approuver
les résolutions dont le préambule n'atteste pas observation
des formes ci-dessus . Si quelque résolution , non revêtue de
ces formes , venait à être approuvée par le conseil des anciens ,
le directoire exécutif ne peut la sceller nila promulguer,
comme lois , et sa responsabilité , à cet égard , dureral six
années.
" XLIII. Sont exemptes des formes prescrites par
l'article Hil , les propositions reconnues urgentes par une
déclaration préalable du conseil des cinq cents . Cette déclaration
énoncera des motifs de l'urgence et il en sera fait •
mention dans le préambule de la résolution .
XLIV. Les dispositions des articles .... , sur la tenue da
conseil des cinq cents sont communes au couseil des anciens.
- XLV. Le conseil des anciens ne peut délibérer si la séance
n'est composée de 180 membres au moins.
5 XLVI! Aucune proposition de loi ne peut prendre naissance
dans le conseit des anciens.
,, XLVII. Aussi-tôt qu'une résolution du conseil des cinq
sents sera parvenue au conseil des ancieus , le président
donnera sur-le-champ lecture du préambule.
,, XLVIII. Si la proposition a été déclarée urgente par le
conseil des cinq cents , le conseil des anciens delibere pour
approuver ou rejetter l'acte d'urgence .
XLIX. Si le conseil des anciens rejette l'acte d'urgence ,
jonene? delibere pas sur le fonds de la résolution . ,,
Séance de quartidi , 4 Thermidor.
Vernier , au nom du comité des finances , présente le mode
Y( 33 )
*
d'exécution du décret du 2 précédent mois , portant que anl
ne pourra exercer un commerce ou négoce quelconque , soir
en gros , soit en détail , sans une permission on patente. Les
articles suivans sont décrétés .
1º. Les colporteurs , marchands roulans qui ont un domi.
cile dans les villes bourgs assujettis aux patentes , sont tenus
de les obtenir dans le lieu de leur principal domicile.
2º. Les communes , les corps administratifs , la force armée
sont chargés de veiller spécialement à ce que les négocians
revêtus de patente ne soient point troublés dans leur commerce
, à peine de répondre de tous dommages et intérêts
--s'il est constaté qu'ils n'ont pas fait tout ce qui était en leur
ponvoir pour empêcher le trouble et le désordre .
30. Les manufacturiers et fabricans ne sont point, sujets aux
#droits de patentes , s'ils ne vendent que des objets provenant
de leur fabrique et manufacture.
4° . Les vendeurs et vendeuses , de fleurs , fruits , légumes ,
poissons , beurre et oeufs , vendant dans les rues , halles et
marchés publics , ne serout point tenus de se pourvoir de
patentes , pourvu qu'ils n'aient ni boutiques , ni échopes ,
et qu'ils ne fassent aucun autre commerce , à la charge par
eux de se conformer aux réglemens de police .
5º . Les arts , métiers et professions ne sont point compris
dans les dispositions de la présente loi .
60. Nul ne pourra faire un négoce sans tenir un registre
paraphé , où il inscrita ses achats et ses ventes .
7. Les patentes ne pourront à l'avenir être accordées que
pour une année entiere. Ceux qui voudront faire, on continger
le négoce seront tenus de se munir de patentes , dans
le mois , à dater de la publication de la présente loi , ou de
vendre , dans ce délai , leurs grains , denrées et marchandises
->destinés au commerce.
*
8. Scront réputés grains destinés au commerce tous ceux
qui excéderont la consommation de la famille pour une année
et quant aux autres denrées et marchandises , tout ce qui
excédera les besoins ordinaires de la famille , à l'exception des
vins , dont la provision peut être de deux années .
9. Tous marchands ou négocians pourvus de patentes ,
ayant boutique sur la rue ou magasin dans l'intérieur , seront
tenus , dans la buitaine de l'obtention de leurs patentes , d'afficher
et inscrire au - devant de leur maison , la nature de leur
principal commerce , et le genre de marchandises qu'ils tiennent
dans leurs dépôts ou magasins .
10º . Les agens de change et courtiers ne pourront faire
le commerce pour leur propre compte , à peine de destitution
, et d'une amende double de la valeur des objets dont
ils auraient traité pour eux-mêmes.
© 11 °. Les propriétaires fermiers , cultivateurs nou autres
D 3
( ( 34 )
y
qui récoltent des grains , ne pourront en conserver: 'ou´en
emmaganiser au-delà de ce que leur récolte pent comporter ,
moins qu'ils n'aient obtenu une patente de négociant en
grains , et fait inscrire leur qualité de négociant et deur geure
de commerce sur le frontispice de leur maison , le rout à
peine de confiscation de tout les grains dont ils seraient detenteurs
ou dépositaires.
>
12. Les particuliers non négocians er non
pourvus de
patentes et qui sont dans le cas d'acheter des blés pour
lear usage , ne pourront porter leurs achats et approvisionnemens
au- delà de ce qui sera nécessaire pour faire vivre
leur famille jusqu'à la récolte , à raison de quatre quintaux
de ble- feement , et de cinq quintaux en grains de toute espece
* par chaque tête .
139. Les grains ne pourront être vendus ailleurs que dans
les lieux publics , les jours de foire et marché et ce à peine
de confiscation des marchandises vendues: Ladite confiscation
sera supportée moitié par levendeur , moitié par l'acheteur.
景
14. Ceux qui font commerce en grains sont tenus de se
munir de patentes , quand ils n'auraient ni boutique , ni
magasin et à peine d'une amende de 1000 liv . , et de trois
ans de détention.
150. Nul ne pourra aller au- devant de ceux qui se rendent
dans les foires et marches , pour y vendre leurs grains , à
peine de 15 000 tv.d'amende contre les délinquans , quoiqu'il
ne s'en soit suivi ancuh marché .
A Le même soumet à l'Assemblée la derniere rédaction du
décret sur le paiement de la contribution fonciere , du prix
des banx stipulés en argent , et sur les dégrevemens . Elle
est ainsi conçue ?
Art. Ier . Toutes requisitions en grains sur les propriétaires
, fermiers , cultivateurs et autres ,
seront abolies et
* cesseront d'avoir lien , à dater du 1er , vendémiaire prochain .
II. La conubation fonciere continuera d'être imposée
sur les propriétaires , et sera acquittée par eux ou par leurs
fermiers ; lesdits fermiers paleront la contribution pour leur
propre compte s'ils en sont chargés ; et , dans le cas contraire
, ils seront tenus de la payer à l'acquit des proprictaires
.
•
III. La contribution fonciere sera fixée et levée , pour
l'an 3 d'après les bases adoptées pour 1793 ,
192 IV. Le paiement en sera fait , moitié en assignats , valeur
nominale , moitié en grains effectifs dans les especes ciaprès
; savoir : blé , froment , seigle , orge et avoine ; de
maniere que le contribuable qui , en 1793 , était imposé à
120 liv , payera en grains de l'espece ci - dessus , la quotité
que représentaient 60 liv . , valeur métallique , en 1790 .
" La moitié due en grains sera évaluée sur le rôle dans la
3 a
1
( 55 ) ··
proportion ci - dessous ; les fractions an-dessous de 5 sous ne
produiraient aucune évaluation .
V. La moitie payable en nature sera acquittée en grains
de bonne qualité , au plutard dans les mois de brumaire et
frimane ; elle sera conduite et livrée par celui qui en doit
faire le paiement , au magasin ,le plus voisin desigué par le
département , et qui ne pourra être éloigné de plus de trois
Henes .
Le garde- magasin en donnera un récépissé au contribuable
et celui - ci sera tenu de rapporter son récépissé au
percepteur des contributions , qui l'inscrira à la marge du
rôle.
» VI . Tous les propriétaires , fermiers , cultivateurs qui ne récoltent
pas des grains des especes ci - dessus , ou qui n'en récoltent
que pour la nourriture de leur famille , à raison de cinq quintaux
par personne de tout âge , de toute espece de blé ,
auront la faculté de payer en assignats la moitie de l'impo
sition due en nature , suivant le prix du ble regle d'après
les mercuriales des deux mois antérieurs à l'échéance du
paiement des baux.
" VII . L'imposition des maisons et usines de toute espece
( les moulins exceptes ) continuera à être payée pour le tout
en assignats , valeur nominale .
Vill. Les locataires ou fermiers desdites maisons et usines
paieront de même aux propriétaires le prix de leurs baux
stipulés , en argent , en valeur nominale , sans rien déroger
à ce qui aurait ete stipule payable en especes ou en délivrances
, quelconques .
IX. Les fermiers des biens ruraux , dont le prix des
baux est stipulé eu argent , seront tenus d'avancer et coudaire
ladite moitié payable en nature , qu'ils soient ou non
chargés des contributions.g .
Lorsqu'ils n'en seront pas chargés , ils en feront déduction
aux propriétaires , sur et en tant moins de la moiúé qu'ils
seront tenus de leur payer en grains de la maniere ci- après ; -
dans aucun cas , ils ne pourront répéter les frais de voitures . ,
2
t
,, X. Lesdits fermiers des biens ruraux ,, à prix d'argent,
seront tenus de payer aux proprietaires ou aillems , moitié
du prix de leur ferme en grains de l'espece ci dessus ; lequel
paiement sera fait par une quantité de grans que la moitié
du prix du bail représentait cu 1790 , deduction faite sur
cette moitié de ce que lesdits fermiers auraient paye pour
impositions à la décharge des propriétaires , conforment
à l'article précédent . 10.03 A FAST
La disposition du présent article sera applicable aux
redevances qui auraient été supulces payables en argent ,, ainsi
qu'aux colons ou metayers pour les sommes Par eux dues
en numéraire ou valeur représentative .
D 4
( 36 )
"
de
" XI. Si lesdits fermiers ne récoltent pas des grains de
l'une des especes ci- dessus , ou s'ils n'en récoltent que pour
la nourriture de leur famille à raison de cinq quintaux
blé de toute espece par personne , le paiement de la moitié
de leur bail sera fait aux propriétaires , en assignats , suivaut
le prix commun des grains réglé sur les mercuriales du principal
marché du district , dans les deux mois antérieurs à
Tépoque où le paiement du prix du bail devait être fait."
L'autre moitié du prix du bail sera payée en assignats ,
valeur nominale.e
" XII. Les fermiers seront tenus de conduire , à leurs frais
la moitié qu'ils doivent en nature , au dépôt ou magasin qui
leur sera indiqué par le propriétaire , pourvu que la distance
p'excede pas trois lieues communes du pays .
" XIII. Les biens régis au compte de la nation continueront
d'être administrés comme par le passé.
99 XIV. Les dispositions de la présente loi auront lieu à
l'égard des fermiers , colons , métayers ou autres qui ont payé
par anticipation , en tout, ou en partie , le prix de leur ferme
pour l'an courant , soit en vertu des clauses du bail , soit
volontairement , soit en suite des conventions particulieres ;
lors du paiement de la somme payable en nature ou en équivalent
, il leur sera fait état des sommes payées par anticipa
tion. is
Un complot affreux vient d'être découvert dans la ville
de Port- Malo . Des étrangers introduits furtivement dans ses
murs , étaient venus à bout de corrompre avec de l'or quelques
ames basses et vénales. On comptait surprendre des
postes , s'emparer de l'arsenal , et l'nne des plus importantes
places de la République devait être livrée aux chouans dans
la nuit du 21 au 22 messidor , et de suite aux Anglais dont
l'escadre mouillait dans les environs , pour recueillir le fruit
de cette trahison . Mais le projet a été éventé , les conjurés
arrêtés en grande partie , et il se fait les poursuites les plus
actives pour découvrir tous leurs complices . La Convention décrete
la mention honorable de la conduite des autorités
constituées de cette commune .
Sur le rapport du comité des transports , postes et messageries
, la Convention décrete encore qu'il sera payé provisoirement
, et pendant un mois seulement , 30 liv. par
cheval de poste , et 7 liv. 10 sous au postillon , par chaque
posie.
Séance de quintidi , 5 Thermidor.
Fermont , au nom du comité de salut public , présente un
projet de décret , concernant les colonies . Il s'agit de déclarer
que ceux qui s'y sont armés pour la défense de la
patrie en ont bien mérité ; que le général Lavaux est élevé
( 37 )
sau grade de général de division , ét que toute assemblée coloniale
est provisoirement défendue. Deux députés des colonies
s'y opposent, Ils répandent des doutes sur les nouvelles
annoncées par le gouvernement sur la situation actuelle de St.-
Domingue. Ils prétendent qu'elles sont démenties par les
-papiers publics et les lettres particulieres ; que Lavaux est
prévenu de grands crimes , et ils se résument à demander
que les isles orientales soient préservées du fléau qui a dévasté
les isles occidentales. La Convention , sur l'assurance
donnée par Fermont que les nouvelles venues de Saint- Demingue
sont très authentiques , adopte le décret présenté.
>
Le général Cariaux , par une lettre datée de Valogne , du
rer, de ce mois , détruit le bruit qui s'est répandu d'une descente
prochaine des Anglais et des émigrés sur les côtes de
Normandie . Il répond de les recevoir comme ils l'ont été
dans le Morbihan , dans le cas auquel ils en feraient la tentative
; et il annonce qu'il fera tous ses efforts pour se montrer
digne de la confiance du comité et des généraux Hoche
et Dubayet.
Aubry , an nom des comités militaire et de salut public ,
propose de donner à nos armées un témoignage de la reconnaissance
nationale , et il fait décréteriqu'à compter du 15 thermidor
présent mois , les sous- officiers et soldats de toutes
armes recevront , par jour , un supplément de solde de 2 sons
en numéraire métallique . Les officiers recevront un habillement
complet à titre de gratification .
L'on avait projetté de réunir la fête du 10 août à celle du
9 thermidor. Portez , organe du comité d'instruction publique ,
observe que ces deux journées ont un caractere distinctif. Le
10 août renversa le trône de la royauté , et le thermidor
celui de la terreur . Si on reunit les deux fêtes , les royalistes
et les terroristes en tireront réciproquement avantage. Les
premiers diront qu'on veut rétablir la terreur , puisqu'on ne
célebre pas le 9 thermidor ; et les seconds , la royauté , puisqu'on
ne fête pas le 10 août. La Convention décrete qu'elles
le seront séparément. Que le 9 thermidor prochain les représentans
se rendront en costume dans la salle , et que l'institut
national de musique exécutera des symphonies et des chants
républicains . Elle reprendra de suite le cours de ses travaux.
On r'ouvre la discussion sur l'organisation des deux conseils ;
les articles suivans sont décrétés . Ils ont pour objet le mode de
délibérer ,
" Art. XLVII . Si la résolution n'est pas précédée d'un
acte d'urgence , il en sera fait trois lectures , à trois intervalles
, dont chacun ne pourra être moindre de cinq jours .
,, XLVIII. La discussion sera ouverte après chaque lecture.
58 )
1
-05 99 XLIX . Toute résolution sera imprimée et distribuée au
moins deux jours avant la seconde lecture .
101
,, L. Les résolutions du conseil des cinq cents , adoptées
-par le conseil des anciens , s'appellent lois.
*
Lla Le préambule des lois énoncera les dates des séances
adu conseil des anciens auxquelles les trois lectores auront été
faites .
LII. Les lois dont le préambule n'atteste pas l'observation
des formes prescrites par les art ...... du présent titre , ne
-peuvent être scellées ni promulguées par le directoire exétatif
, et sa responsabilité à cet égard dure six années . Sont
rexceptées les lois pour lesquelles l'acte d'urgence a été approuvé
par le conseil des anciens .
L
,, LIII. Le décret par lequel le conseil des anciens anra
reconnu l'urgence sera motivé et mentionné dans le préam-
-bule de la loi.
·
a IV. La proposition de la loi faite par le conseil des
cinq cents s'entend de tous les articles d'un méme projeť ;
le conseil des anciens doit les rejetter tous ou les approuver
dans leur ensemble .
49, LV. Quand le conseil des anciens a rejetté un projet de
loi , ce projet ne peut plus lui être présenté qu'après une
Vannée révolue.
"
LVI . Cependant le conseil des cinq cents peut dans cet
intervalle présenter un projet de loi qui contienne des articles
faisant partie d'un projet de loi déjà rejette .
,, LVII. L'approbation du conseil des anciens est exprimée.
sur chaque proposition de loi , par cette formule , signée du
président et des secrétaires : Le conseil des anciens approuve.
99 LVIII. Le refus d'accorder pour cause d'émission des
formes indiquées dans l'article ..... du présent titre , est exprimé
par cette formule , signée du président et des secrétaires :
La constitution annuelle.
LIX. Le refus d'approuver le fond de la loi proposée est
exprimé par cette formule , signée du président et des secrétaires
: Le conseil des anciens ne peut adopter.
,, LX. Le conseil des anciens envoie la loi qu'il a adoptée ,
sant au conseil des cinq cents , qu'au directoire exécutif.
- 99 LXI . Lorsque les deux conseils sont définitivement constitués
, ils s'en avertissent mutuellement par un messager
d'état .
,, LXII. Chaque conseil nomme six messagers d'état
son service .
pour
,, LXIII . Les messagers d'état porteront à chacun des
conseils et au directoire exécutif les actes législatifs ; ils auront
entrée à cet effet dans le lieu des séances des conseils
législatifs et du directoire exécutif. Ils marcheront précédés de
deux huissiers .
( 59 )
}
-
.
» LXIV. Lorsque l'un des conseils vent s'ajourner au delà
de cinq jours , il pe le pent que par une proportion sur laquelle
l'autre conseil a un droitenegatif.) ,isolate
99 LXVI . Les membres du corps législatif ne pourront être
recherchés , accusés , ni jugés en aucun tems , pour ce qu'ils
auront dit ou écrit dans l'exercice de leurs fonctions .
,, LXVII . Ils peuvent , pour faits criminels , être saisis
en flagrant délit' ; mais il en sera donné avis , sans délai ,
au corps législatif, et la poursuite ne pourra être continuée
qu'après que le conseil des cinq cents aura proposé la mise
Ken jugement , et que le conseil des anciens l'aura décrétée.
.99 LXVIII . Hors le cas de flagrant délit , les membres du
corps législatif ne pourront être amenés devant les officiers
de police , ni mis en état d'arrestation , avant que le conseil
des cinq cents n'ait proposé la mise en jugement , et que
le conseil des anciens ne l'ait décrétée .
„9 LXIX . La garantie des membres du corps législatif , telle
qu'elle est déterminée par les deux articles précedens , commencé
au moment de leur nomination , et dure un mois
après leur sortie , soit du conseil des anciens , soit du con
seil des cinq cents . "
Séance de sextidi , 6 Thermidor.
Il y a eu hier soir une séance extraordinaire pour la nomination
des trois représentans qui seront charges de la di
rection de la force armée de Paris . Les membres qui ont
réuni la majorité des suffrages sont Delmas , Letourneur ( de
la Manche ) et Laporte.
9 Sur le rapport fait par Sevestre
au nom du comité de
sûreté générale , la Convention
décrete que les négocians
qui
se rendent à Paris se présenteront
, dans les 24 heures , au
comité civil de la section où ils logent , pour en obtenir la
permission
d'y rester pendant trois jours ; et pour prolonger
leur séjour , ils seront tenus de se rendre à la commission
administrative
de police à laquelle ils exhiberont
leur passeport
, et qui leur accordera
le tems dont ils auront besoin ,
Savary , au nom du comité de législation , fait rendre un
décret qui autorise le débiteur d'un billet à ordre à déposer ,
chez le receveur de l'enregistrement , le montant de ce billet.
Lahaie soumet de nouveau à la discussion le projet de dé
cret tendant à faire prononcer sur les motifs de détention
de ceux qui ont été incarcérés comme terroristes , par pe
commission à Paris , et par les tribunaux de district dans les
départemens.
Ce projet entraîne une longue et vive discussion . Plusieurs
membres exposent l'injustice qu'il y aurait de mettre les per
sécuteurs entre les mains des persécutés , et la crainte que
les veúgrances particulieres ne prennent la place de l'équité.
*
( 60 ) ;
Lehardy assure que dans le département de la Seine inférieure,
les patriotes de 89 sont indistinctement qualifiés de terro
ristes , et que les aristocrates et les royalistes les poursuivent
avec acharnement.
Gourdan propose à la Convention de nommer une commission
dans son sein , qui prononcera la mise en liberté ou
le renvoi aux tribunaux , suivant Fexigence des cas . Cette
motion qui est accueillie , éprouve cependant quelques contradictions.
On oppose le danger de cumuler les pouvoirs ,
la responsabilité que prendra sur elle la Convention , et des
calomnes qui en scront ia suite ; elle écarte néanmoins , par
Ja question préalable , le projet de décret du comité , et
adopte celui de Gourdan. Le comité de législation est chargé
du mode d'exécution , et il est décidé qu'avant de procéder
à cette nomination , le comité fera son rapport sur les membres
inculpés. 12.03 i
On discute les titres V. et VI des corps administratifs et du
pouvoir exécutif. Nous donnerons les articles décrotės , lors .
que la rédaction en aura été définitivement adoptée.
PARIS . Nonidi g Thermidor , l'an 3e . de la République.
Pressée par les événemens et la difficulté des circonstances
, la discussion de l'acte constitutionnel n'a
peut- être pas cu toute l'étendue qu'exigerait un objet
d'un intérêt aussi majeur . Mais l'organisation du pouvoir
exécutif arrache tous les regards de l'opinion publique.
C'est vers ce point délicat et important que se
dirigent toutes les craintes , toutes les espérances . Les
différentes, manieres d'envisager cette question se sont
réunies pour reprocher au projet de la commission des
onze d'être faible , sans consistance , et de ne pas dononer
au gouvernement assez de moyens de résister aux
entreprises qui pourraient entraver sa marche , paralyser
ou rallentir son action , et introduire insensiblement
le désordre dans l'administration générale .
Plusieurs écrivains ont présenté sur cette matiere des
objections pressantes et des vues judicieuses . Roederer
sur-tout , dans un écrit intitulé du Gouvernement , analyse
avec rigueur et développe avec autant de force que de
sagacité les inconvéniens multipliés attachés nécessairement
à la composition trop faible du pouvoir chargé
de faire exécuter les lois et de surveiller toutes les
( 61 )
branches de l'autorité publique , et il n'entre dans cea
développemens qu'après avoir exposé sans ménagement
les dangers de la tendance à l'usurpation de la part de
ce même pouvoir.
Dans cet écrit méthodique et serré , publié d'abord
par fragment dans le Journal de Paris ( et que l'on trouve
entier chez Brigitte Mathey , au palais Egalité ) , on reconnaîtra
le zele d'un publiciste également éloigné des
illusions démagogiques e des préjugés qui ne supposent
qu'erreur et confusion hors du systême de la royauté.
En général , on paraît s'accorder sur la nécessité de
joindre à l'institution d'une république sage tous les
avantages d un gouvernement fort.
་
Dans la séance de la Convention du 8 , Geurtois a lu un
discours historique pour servir de procès - verbal des journées
des 8 , 9 et 10 thermidor deuxieme annee . Dans cet ouvrages
où l'on retrouve l'éruditioneulav touche mâle et fleurie du
rapporteur de la commission chargée de recueillir les papiers
trouvés chez Robespierre, on a remarqué plusieurs faits pré
cieux qui n'étaient point encore connust
Courtois a fait le tableau de la France à cette époque mémo-"
rable . Les sciences et les arts avaient fui la patrie des Corneille
et des Racine ; nos theâtres ne présentaient plus que
de misérables rapsodies payées par l'ambition et applaudies
par l'ambition ou la sottise ; sur les sieges qu'avaient illustrés
les Daguesseau et les Molé , on ne voyait plus que d'ignares
bouricaux déguises sous le nom de juges. Les riantes prome
nades où les citoyens allaient autrefois se délasser , étaient
remplies d'hommes à carmagnoles , coeffés du bonnet des
forçats ; leurs yeux portalent la terreur dans l'ame de tous.
les citoyens , et leurs jaiemens effroyables les faisaient fuir.
Les rues étaient obstruées par les charretées de victimes qu'on
menait à la mort. Les départemens gémissaient sous la tyrannie
d'insolens proconsuls qui les décimaieut ; par- tout on
créait des tribunaux par-tout on dressait des échafauds ,
par-tout on creusait des cimetieres . La Convention , veuve
de ses principaux orateurs , gémissait dans l'oppression , était
muette sous le couteau qui l'égorgeait . Tel etait alors l'état
de la France.
Les auteurs de tant d'atrocités n'avaient pas même l'hon..
neur de les avoir inventées . Dépourvus de ce caractere qui
fait les grandes choses , ils s'étaient contentés de renouvelier
les horreurs dont l'histoire nous a transmis le souvenir. Brigands
subalternes , ils ont suivi les traces des grands scélérats
qui les avaient précedés ; et Tacite , en traçan les forfaits qui
marquerent le regne de Domitien , a écrit celui de Robespierre,
( 620 )
Nos, oppresseurs ont tout imite , tout , jusqu'ahx scenes de :
Caprée. Ils avaient près de Paris plusieurs maisous de plaisance
, où ils se livraient aux plus infames débauches . Ils rouvaient
toujours là la table de Lucullus , tandis que ce qu'ils
appellaient la populace ( car ils traitaitent ainsi dans leurs
orgies la foule qu'ils faisaient servir à leurs projets criminels )
manquait de tout , et ils se proclamaient effrontement les
premiers des sans- culottes.
Parmi les traits que Courtois a cité , celui- ci a été sur tout
remarqué. Après la chute de la commune , Robespierre fut
apporté dans l'avant- chambre du comité de salut public . Là ,
étendu sur une table qui avait plus d'une fois servi à recevoir
les ordres qu'il dictait ayant une boîte de sapin pour
oreiller , il essuyait la salive ensanglantée qui sortait de sa
bouche , avec l'étui d'un pistolet , sur lequel était cette adresse :
au grand monarque. C'était le titre qu'avait ambitionné ce lâclie
scélérat, qui , pendant toute la matinée de ce jour- là même , 5
avait agité un canif , sans osers'en frapper , et qui , le soir
encore , après qu'il eût été vaincu , ne put trouver le courage ›
de ne
se pas manquer.
note . I
Ce discours sera imprimé . Courtois y joindras des notes s
qu'il composera des faits recueillis dans diferentes pieces , et
/de ceux qui lui seront communiqués par des personnes qui
en ont été témoins .
2.12 24
23
t.1 le
3
La distribution du pain a été un peu plus forte depuis
quelques jours ; on annonce que la décade prochain elle sera .
encore augmentée , et des avis d'un très - grand nombre de
départemens assurent que la récolte des grains sera plus abon- :
doute que les années antérieures . Ainsi , les citoyens vont
être dédommagés d'une privation qu'ils ont supportée avec une
patience si honorable.
Depuis deux jours ou débite ici les bruits les plus absurdes. ,
Les mêmes personnages qui avaient affecté de répandre que
Belle- Islé était livrée aux Anglais , ont aussi publié que Nantes
était au pouvoir des rebelles , cependant la feuille nantaise ne
parle pas même de leur approche.
Ils débitent aujourd'hui que Mensieur a envoyé le cordon
bleu à Charette avec le grade de lieutenant - général de ses
aimées.
Ils ajoutent même que Monsieur est en correspondance avec
le représentant du peuple Tallien. Ces nouvelles ridicules ont
sans doute pour objet de relever le courage abattu de quelquespartisans
de la royauté.
( (63 ) )
1
La tranquillité troublée pendant quelques jours sons des
prétex es frivales , mais qui pouvaient avoir des plus fâcheuses . I
conséquences , est parfaitement rétablie. Les jeunes gens égarésy
out reconnu leur erreur , et l'intérêt de la patrie l'a bientôt !
emporté sur les mouvemens d'une exasperation indiscretere
Il ne s'est passé rien d'extraordinaite, ces jours - ci aux diffé- ì
rens spectacles de café de Chartres est toujours fermé .
་
On mande de Rouen que le 3 thermidor il est passé dansb
cette ville une colonne, de 6000 hommes venant de Gand et
allant à Alençon . Plusieurs des defenseurs de la patrie se
rendirent au spectacle , Quelques jeunes gens demanderent le
Réveil du Peuple ; les soldats de leur côté déclarerent qu'ils
voulaient bien qu'on le chautât , mais à condition qu'on chans
terait aussi l'Hymne à la Liberie. Cette rixe . qui paraissait deve
nir très vive , éclata bientôt ; mais on est parvenu à tout appais
ser.
C
Deslettres de Marseille , en date du 28 messidor , annoncent
qu'on y a fait une nouvelle tentative pour massacrer les
detenus . Le 20 , il s'était formé à la Tourelle, un rassem
blement considérable . Le représentant Isnard fit publier une
proclamation dans laquelle il retraçait à ceux qui voulaient ,
se charger de ces meurtres , le sort qui les attendait : elle
finissait par ces mots : Et vous auriez la mort que vous ,
voulez donner à vos semblables . Isnard fit en outre transporter
dans le fort deux charettes de fusils pour être distribués
aux prisonniers , mais seulement en cas d'attaque. Toutes ,
ces dispositions bien connues ont fait avorter le projet.
Les mêmes lettres portent qu'un envoyé du pape est mainte
nant dans le Midi . Le 25 , il passa à Marseille pour de-lå voyager
incognito , et absoudre les prêtres qui , ayant prêté le ser- ,
ment , voudraient le rétracor
Le prince de Linange et le comte de Colloredo , détenus .
comme ôtages à Paris , et qui se sont évadés dernierement.
viennent d'arriver à Bâle.
NOUVELLES OFFICIELLES.
Relation de Paffaire qui eut lieu sur la falaise de la presqu'iste
de Quiberon , le 28 messidor , 3. année républicaine.
Deex transfuges du camp ennemi arriverent à nos avantpostes
, dans l'après - midi du 27 messidor , et prévinrent lo
( 64 )
général Lemoine , commandant le camp de Sainte- Barbe , que
Les ennemis se disposaient a l'attaquer aujourd'hui 28 de trèsgrand
matin. Cet avis ayant été répété par deux autres déserteurs
, le général Lemoine fit sur-le- champ les dispositions
ordonnées , en cas d'auaque , et attendit l'ennemi qui bientôt
fut apperçu , s'avançant dans la plaine sur trois colonnes serrées
en masse , et marchant dans le meilleur ordre.
" Arrivé à porte de l'avant-garde de l'armée , l'ennemi
déploya un feu d'artillerie assez conséquent . Suivant ses instractions
, le géneral Humbert reploya ses troupes jusques
sous le feu de la ligne ; l'ennemi croyant qu'il fuyait devant
lui , le poursuivit , gardant toujours l'ordre profond . Il fut
recommandé par- tout de le laisser approcher jusqu'à la portée
de pistolet alors quatre batteries de pieces de douze et de
huit , prenant des prolongemens sur ces colonnes , les foudroyerent
. Ebranlé tout- à - coup , il fut chargé par la cavalerie ,
ayant trois bataillons à sa poursuite et deux autres sur son Ranc
gauche ; sa retraite dégénéra alors en déroute , et il ne dut
sen salut qu'au feu de cinq chaloupes canonnieres qui , placées
sur notre flanc gauche , nous empêcherent d'entrer avec lui
dans le fort Penthievre .
Les troupes de la République , officiers et soldats se sont
conduites à merveille . La maniere dont elles furent menées
par les généraux Lemoine et Valletaux , méritent les plus grands
éloges.
S
L'ennemi a laissé sur le champ de bataille trois cents
morts ; parmi eux sont beaucoup d'officiers , le comte Talhouet
et autres ; cinq pieces de canons , des caissons , fusils de
munition , beaucoup d'épées d'officiers et une vingtaine de
chevaux de trait . Nous avons eu vingt-trois hommes tues , au
nombre desquels se trouve l'adjudant- général Vernot Bejeu ,
commandant la cavalerie ( toute l'armee a donné des larmes à
ce digne officier ) , et soixante - douze blessés , dont plusieurs
officiers d'un mérite reconnu .
Afin de faire diversion , l'ennemi avait voulu débarquer
quelques troupes à la hauteur de Beaumer ; il effectua sa descente
, mais la présence du chef de brigade Romand , à la tête
de quelques colonnes, mobiles lui firent regagner promptement
les chaloupes . "
Signé , Hoche.
P. S. Les émigrés viennent d'être ccrnés dans la presqu'isle
de Quiberon. Les braves soldats de l'armée de Hoche se sont
jettes la nuit dans la vase jusqu'aux reins , et à la pointe du
jour , les debarqués se sont trouvés enveloppés . La fotte
anglaise a fait un feu horrible , mais inutilement. On compte
plus de 1500 prisonniers .
Le représentant du peuple Tallien est arrivé cette nuit.
Y
Ger• 135+
( N° 63. )
MERCURE FRANÇAIS
QUINTIDI 15 THERMIDOR , l'an troisieme de la République.
( Dimanche 2 Août 1795 , vieux style . )
POÉSIE.
L'hymne du 9 Thermidor , par MARIE-JOSEPH CHÉNIER
représentant du peuple.
SALUT , 9 Thermidor , jour de la délivrance' !
Tu vins purifier un sol ensanglanté :
Pour la seconde fois tu fis luire à la Francé
Les rayons de la Liberté.
Deux jours avaient vengé l'opprobre de nos peres ;
Mais le sceptre , tombé des mains du dernier roi,
Armait encor la main des tyrans populaires ;
que par toi.
Il ne fut brisé
Chantres républicains , célébrez la victoire ;
Vierges du peuple Franc , couronnez - vous de fleurs ;
Peres , enfans , époux , bénissez la mémoire
Du beau jour qui sécha vos pleurs.
Le sommet de l'Olympe a vu réduire en poudre
Les superbes géants par la terre enfantes :
Au sénat de la France ainsi tombait la foudre
Sur les tyrans épouvantes.
Envain , pour conserver leur sanguinaire empire .
Ates yeux , ô soleil ! ils cachent leur fureur :
Yvre de sang français , leur troupe envain conspire
Avec la nuit et la terreur.
Tome XVII .
( 66 )
Ne crains plus d'éclairer le triomphe des crimes ;
Remplace de ta soeur l'astre silencieux ;
Les oppresseurs vaincus vont suivre leurs victimes ;
Tu peux remonter dans les cieux .
Le peuple et le sénat ont repris leur puissance ;
Leur voix des noirs cachots rompt les portes d'airain :
Echafauds , où le crime égorgeait l'innocence ,
Tombez à ce cri souverain .
Renverse , ô Liberté ! cet autel homicide ,
Où l'horrible anarchic , un poignard à la main ,
Comme autrefois Diane aux monts de la Tauride ,
S'appaisait par du sang humain .
Vous que chante en pleurant l'amitié solitaire ,
Femmes , guerriers , vieillards , beauté , talens , vertus ,
Vous ne reviendrez pas consoler sur la terre
Vos parens qui vous ont perdus .
Ah ! de vos noms sacrés la mémoire chérie
Peut du moins quelquefois soulager nos douleurs ;
Du moins sur vos tombeaux la plaintive patrie . ,
A nos pleurs mêlera ses pleurs .
Vous accusez du fond de vos augustes tombes
Les coupables vengeurs qui vous out outragės ;
C'est par de sages lois , non par des hécatombes ,
Que nos ami seront vengés .
Oui , pour la République , un nouveau jour commence :
Nous verrous , à la voix de vos mânes proscrits ,
L'humanité dressant l'autel de la clemence
Sur vos respectables debris .
Premiere déité , des lois source immortelle ;
Toi , qu'on adorait même avant la Liberté ,
Toi , mere des vertus , véritable Cybele ,
Touchante et sainte
3
(( 671)
Unis des intérêts qui paraissaient contraires ;
Un coeur qui sait hair est toujours criminel :
Au festin de l'oubli viens rassembler des freres
Pressés sur ton sein maternel .
La palme et le laurier cueillis par le courage ,
De leur tige robuste ont orné nos remparts :
L'olivier de la paix verra sous son ombrage
Fleurir l'excellence des. arts .
Une longue tourmente a grondé sur nos têtes ;
Des rochers menaçans nous présentaient la mort :
La terre est près de nous ; qu'importent les tempêtes ,
Si la Liberté vient au port?
S₁
CHARA DE.
Tirsis d'un baiser vous a fait mon premier ,
Vous n'y voyez , Iris , que sa teudresse extrême ,
De plaire à deux beaux yeux il est à mon dernier ;
Sensible , délicat , son coeur est l'amour même ;
Voulez- vous que son feu ne soit pas mon entier?
Couronnez par l'hymen ce berger qui vous aime.
Sur une nouvelle piece de l'Opéra - Comique- National , intis
tulée Le Brigand . :
ALLEZ - VOUS voir le Brigand ? — Non ,
La piece me déplaît au nom ;
Si long-tems la présence obscene
Du brigand le plus odieux ,
A , sur les rives de la Seine •
Fatigué mon coeuret mes yeux ;
Que je suis fort peu curieux
D'en voir un autre sur la scene.
( Par le citoyen Ne L.)
(( 168 ) )
}
1
ART SO C. I A L.
Observations sur la déclaration des droits de l'homme , de la
constitution de 1791 , 93 et 95 .
0
ᎢTEL
EL est le titre d'une brochure de 66 pages par le cit.
J. M. Pochon , ayant pour épigraphe :
L'homme est libre par la nature .
Un style inégal, des raisonnemens quelquefois plus ingénieux
que solides , des réflexions judicieuses exprimées
avec clarté , élégance et précision , des applications assez
souvent fausses : voilà ce qui frappe dans ce petit écrit ,
dont le plan embarrassé n'offre qu'un ensemble défectueux
, sans ordonnance et sans liaison .
L'auteur voulant faire un rapprochement comparatif
des trois déclarations successives , les publie toute trois ,
et les discute article par article , et pour faire mieux
sentir les motifs des observations dont il accompagne
chaque article cité , il ajoute encore à ces trois pieces
une déclaration particuliere qu'il présente comme le
résumé de ces mêmes observations .
་ ན་
On conçoit que dans ces trois analyses successives
du même sujet , la pensée de l'auteur restant toujours la
même, il doit tomber dans des répétitions fréquentes ,
ou renvoyer tantôt à ses propres articles , tantôt aux
observations qu'il a déja faites , ce qui rend le style décousu
et la lecture moins agréable. Nous ajouterons que
le plan de déclaration de l'auteur n'est pas celui qui
nous paraît le moins susceptible de critique ; mais il s'en
explique lui-même avec trop de franchise et de modestie
pour que nous nous appesantissions sur ce reproche.
Au contraire , nous aimons à lui rendre la justice
de dire que son ouvrage renferme des pensées infiniment
heureuses et des apperçus pleins de justesse ,
qui ne peuvent qu'entrer avec fruit dans la circulation
des idées .
Le but qu'on pouvait se proposer dans ce travail , dit
,, l'auteur , en considérant le plan des droits de l'homme
de 1791 , et 93 , était , 1 ° . d'y laisser tout ce qui était
,, une émanation claire et évidente de ces mêmes droits ;
1
( 69 )
-
" 2. d'ôter ce qui n'était pas rigidement nécessaire pour:
leur conformation ; 3 ° . d ajouter ce qui était omis ; 4° .
d'en composer ensuite un ensemble le plus resserré
" possible , afin qu'ils aissent plus d'impression et qu'ils
" devinssent plus faciles à entendre et à retenir. ",
99 Je suis loin de me flatter d'avoir réussi ; cette vanité.
n'appartiendrait qu'à celui qui ne comprendrait pas
que les droits de l homine sont le monument litté
faire le plus difficile à ériger , parce qu'ils exigent.
une suite de principes que rien ne peut altérer , la
" précision la plus sévere et l'énergie la plus caracté-
" ristique. J'oserai presque dire , que c'est ici l'écueil,
,, où viendront se briser les efforts des plus grands
génies .
99
J'ai fait ce que j'ai pu. Il faut quelque courage
" pour porter la main sur un pareil travail , que des
hommes consommés par l'étude et par l'expérience
" fournissent la carriere , la patrie leur en fait un de-
99 voir. Quant à moi , si une seule de mes observations
peut ête utile , je ne croirai pas en tout avoir perdu
" mon tems . ii.
Nous croyons , nous , que le citoyen Pochon a tenu
plus qu'il ne semble promettre , si- non quant au monument
qu'il a raison de trouver difficile à élever , au
moins quant aux préceptes qui peuvent en diriger la
Structure et en fixer les proportions.
L'impression de l'ouvrage dont nous rendons compte
ayant éprouvé des retards , son auteur déclare qu'il l'aurait
abandonné si la discussion définitive des droits
n'eût été renvoyée à la fin de l'acte constitutionnel .
Il a bien fait de ne point se décourager. Ainsi que lui ,
nous sommes loin de regarder la déclaration des droits
comme inutile et peu importante ; il est plus urgent
sans doute de s'occuper de l'organisation constitutionnelle
, et sur-tout du gouvernement. Mais le pacte social,
ce contral moral sur lequel doit reposer tout l'édifice
politique ne peut être imparfaitement rédigé sans exposer
le sort de la constitution elle - même . Une autre
considération bien puissante , c'est que dans un systême
où la sanction nationale doit donner à l'acte constitutionnel
le caractere obligatoire de la souveraineté , ce
que le peuple sera susceptible d'adopter avec plus de
connaissance de cause , c'est le texte des vérités éternelles
dont le point de contact est dans le sentiment
de la justice et le simple bon sens d'ailleurs comme
E 3
(76)
il importe que l'on ne soit pas obligé de revenir sur
ces vérités élémentaires , il faut faire tous ses efforts
pour qu'elles soient aussi pures dans le pacte social que
dans le code invisible de la nature. Nous devons espérer
que la Convention donnera Fattention la plus
scrupuleuse à leur rédaction définitive , et nous répéterons
avec le cit . Pochon : Que de soins exige la décla
" ration des droits de l'homme ! Ce n'est pas seule-
,
ment un travail pour le peuple français , c'est un mo-
" dele pour tous les peuples . Qu'un sculpteur habile
" nous présente une statue , que les artistes s'assemblent
et disent d'nne voix unanime : Cet homme at
" surpassé tout ce qu'on a fait jusqu'à ce jour ; si cette
impression reste , l'ouvrage est immortel . Qu'on y
" prenne garde si on n'éprouve pas le même sentiment
" en présence des droits de l'homme , s'ils ne frappent:
pas l'imagination , s'ils ne sont pas le résultat des rè
flexions les plus profondes , s'ils laissent à desirer
" une plus grande perfection , ils produiront peu
» d'effet.
,, Dans une déclaration aussi solemnelle et aussi importante.
Il faudrait presque prendre le compas géo-
" métrique ; il faut que tout y soit classé avec ordre ;
", qu'un mot , qu'un article n'y paraissent point trans-
" posés que le cadre soit rempli et ne présente rien
de superflu ; que chaque chose se lie et compose un
", ensemble parfait .
En formant la déclaration des droits il faudrait
" pouvoir se dire : Les voilà , on ne fera pas mieux ;
• cette déclaration mérite l'attention de tous les hommes
• , éclairés ; c'est elle qui est la bâse de l'institution sociale
; c'est elle qui constitue l'homme au moral ;
" après l'avoir lue , il doit sentir tout ce qu'il est . "
Le cit. Pochon est si pénétré de la bonté de ce précepte
qu'il y revient souvent dans le cours de son ouvrage
; il a soin de fortifier sa pensée par quelque trait
nouveau , par quelqu'image plus attachante , et par une
certaine chaleur d'expression qui fait à la vérité disparaître
la monotonie que pourrait produire le retour fréquent
de la même idée , mais qui fait sentir peut-être
davantage le défaut de liaison dont nous avons déja
parlé.
A
" Le tableau des droits , ajoute - t- il , doit être serré ,
énergique . Etendre trop loin ses idées sans besoin
c'est en affaiblir le caractere. Que par-tout chaque
( 71 )
-
article montre au peuple , dans des cadres simples
,, l'image touchante des premiers droits de la nature !
,, Ne détournons point , s'il est possible , ses regards des
" objets auxquels il s'attache sans réserve ; quel sujet
", d'admiration pour lui ! .... La liberté s'offre à ses yeux ;
il ne considere de distinctions que celles que don-
,, nent le mérite et le talent . Le pauvre ne sera
" point accablé dn fardeau d'une injuste imposition .
Tout lui est promis : la pleine et entiere liberté de
l'agriculture , du commerce , des arts et des cultes ;
le droit imprescriptible de manifester sa pensée ... que,
" rien ne le trouble à la vue des droits de l'homme !
" Qu'ils soient comme un temple majestueux où préside
la divinité tutélaire de la liberté , où tout inspire
le respect ! ",
99-
""
Dans un autre endroit l'auteur presse encore davantage
cette pensée .
A force , dit-il , de vouloir tout expliquer , on par
" vient à détruire les idées que l'imagination s'était
faites , on en rétrécit le cercle par cela seul qu'on y
,, met des bornes ; le sentiment se perd et le charme
" s'évanouit. Il semble qu'on ne devrait donner d'ex
" plication que de ce qui pourrait s'interprêter d'une
maniere subversive des droits du peuple ; je vou-
" drais que l'on s'abstînt de toutes celles que les
hommes libres voient par les seules lumieres de la
nature. La vérité ne se montre pas toujours à décou-
" vert , elle s'enveloppe quelquefois d'un voile léger ;
" les idées qu'elle fait naître piquent , flattent davan-
" tage ; on ajoute soi - même à un principe pur la con-
" séquence qui en est évidente , et l'ame se repaît avec
plaisir de ce qu'elle sent bien sans le secours de
" personne . "
Ce raisonnement nous paraît moins vrai que spécieux ,
et l'image qui l'embellit ne saurait nous séduire , d'autant
plus que le cit . Pochon n'en fait pas une application
très -judicieuse . Il rejette comme inutile l'article
suivant :
Tout homme peut engager son tems et ses services ;
mais il ne peut se vendre ni être vendu , etc. 19
Il le croit suffisamment compris dans celui - ci :
L'homme est libre par la nature . „9
Et par une suite de raisonnemens faux , il s'en rap .
porte à la conscience et au sentiment sur l'appréciation
E 4
( 72 )
du droit sacré de la liberté . Comme s'il n'avait pas été
par-tout cruellement viole ; comine si cette violation
Outrageante n'avait pas été honteusement soufferte ! ....!
I faut laisser à la cupidité et à l'orgueil le soin d'affaiblir
le cri de la nature contre l'esclavage .
Il est peut- être d'autant plus facile de se tromper sur
cette matiere qu'elle est plus à la porte de tous les
esprits. Chacun , l'analyse à sa maniere ; et quand il
sagit de la réduire à des termes précis et justes , c'est
alors que le jeu des abstractions sert plus souvent à nous
éloigner qu à nous rapprocher de la vérité.
" On a placé , dit le cit . Pochon , la sûreté au nombre
" des droits de l'homme . La sûreté résulte de la garantie
. Elle n'en est donc que la conséquence , et la
" conséquence ne peut être admise comme un prin-
2 cipe , comme un droit de l'homme. "
Cette assertion nous paraît absolument erronée . La
sûreté considérée même dans l'ordre moral et naturel ,
est un droit. Car si j'ai le malheur de faire naufrage
sur une côté étrangere , la justice vent que je n'aie point
à craindre pour mes jours de la part de ceux qui 1 habitent
, lorsque je ne cherche point à leur nuire . Les
peuples qui ont violé ce droit sacré , quoiqu'il ne fût
point proclamé , ont toujours été regardés comme des
barbares ; et tous les gouvernemens qui ont eu quelqué
moralité dans leur legislation , ont non -seulement accordé
protection aux individus , mais ils ont encore
respecté leur liberté. Or si la sûreté est un droit sous
le rapport purement individuel , à plus forte raison ent
est-elle un sous le rapport social . Chaque membre d'une
société qui s'organise a dû réclamer pour tous , et pour
lui - même , une garantie contre l'attaque des passions
malfaisantes , contre le viol , l'assassinat . Autrement
quel attrait la société eût- elle pu leur offrir ? N'est- ce
pas en conséquence du besoin légitime et naturel de leur
sécurité , qu'ils étaient fondés à exiger cette garantie ? La
sûreté est donc un droit.
En citant l'art. X de la déclaration de g1 , l'auteur
fait un raisonnement assez piquant.
Quant au droit de manifester ses opinions religieuses,
,, je crois , dit- il , que ce principe est en quelque sorte
,, étranger à l'opinion ou à la faculté d'exprimer sa
" pensée : combien de citoyens demeurent invariable-
" ment attachés à leur religion , parce qu'ils la tiennent
» de leurs peres : c'est presqu'un second héritage qui
( 73 )
"
leur est transmis ; alors leur opinion sur le culte ne
se forme point par la leur propre , mis par celle
qu'on leur donne , et par le respect qu'un ancien
19 usage semble exiger d'eux .
L'idée qu'on se fait de la divinité est étrangere
" aux opinions communes , et ne pourrait être com-
" prise dans leur nombre. "
Si cette assertion n'est pas métaphysiquement vraie
elle peut du moins , envisagée sous un point de vue'
politique , indiquer une vérité précieuse , c'est qu'il
serait nécessaire de déclarer que les prêtres et professeurs
d'un culte quelconque ne pourront , en aucun
tems , remplir aucune fonction publique. La justice ne
serait point blessée par cette précaution . Car celui qui ,
au milieu de ses concitoyens , se regarde comme l'intermédiaire
entr'eux et la divinité , et passe pour tel , ne
saurait , sans danger pour le bien public , prendre part
à la direction civile et politique de la société . La tâche
qu'il s'est imposée étant toute étrangere aux soins temporels
, et de nature à lui donner un certain ascendant
sur l'esprit de ceux qui suivent sa doctrine , la raison
veut qu'il demeure toujours circonscrit dans ses fonctions
spirituelles .
Parmi les droits positifs reconnus dans les trois déclarations
qui se sont succédées , l'égalité est celui qui
a fait sur beaucoup d'esprits l'impression la plus rapide ,
sans doute parce que l'égalité tient le premier rang
dans l'ordre des, vérités métaphysiques qui émanent
plus immédiatement de la justice , et que , par cette
raison , le sentiment en est moins compliqué ; tandis
que , d'après l'altération que cette vérité originelle a
éprouvée dans l'ordre social , et les modifications infinies
qui ont dû en résulter , elle est devenue la plus
facile à contester et la moins susceptible de s'adapter
au systême politique . On verra peut- être avec plaisir
de quelle maniere le citoyen Pochon s'explique sur ce
sujet.
* ་
Il y a deux sortes d'égalité , l'égalité individuelle et
» l'égalité publique.c
L'égalité individuelle est celle qui donne aux
hommes un droit égal au travail , aux talens et à la
vertu .
" L'égalité publique est celle qui range tous les
,, hommies sous un niême niveau , au nom de la loi.
Il ne faut pas croire , poursuit l'auteur , qu'en
( 74 )
" établissant les principes de l'égalité naturelle ou indi-
" viduelle , on s'achemine à l'égalité absolue . Il en
" résulte le contraire ; c'est précisément en démontrant
le principe de l'égalité naturelle , qu'on fera voir.
" qu'il est impossible qu'elle existe réellement ;
", car la nature a voulu , afin que les hommes puissent
" mieux concourir à leur utilité réciproque , qu'ils ob-
" tinssent , par les qualités qu'elle leur a diversement
distribuées , le droit d'être ce que n'est pas un autre ;
" et le mobile de cette différence est si varié , si imper-
" ceptible , si prompt à s'accroître , qu'il n'est pas pos-
" sible d'assigner un instant où un homme soit égal à
" un autre . "
Nous observerons seulement sur ce morceau , que les
dispositions variées que nous recevons de la nature
nous donnent bien la faculté , mais non pas le droit
» d'être ce que n'est pas un autre. "
Au reste , nous terminerons cette notice par un aveu
de l'auteur lui-même..
" En derniere analyse , il faut s'avouer vaincu. Les
droits de l'homme expliquent la nature de l'homme ;
", la nature est plus savante que nous , et nous resterons
" en arriere. ",
( L'ouvrage se vend 4 liv . chez les marchands de
nouveautés. )
J. L.......LE.
¿
ANNONCES.
Observations du représentant du peuple Andrein , sur le déeret
touchant la famille Bourbon restée en France , on laj :
tice et la politique reclamant d'accord pour l'innocence . A
Paris , chez Maret , libraire , cour des Fontaines , maison
Egalité , no. 1008.
~ Les loisirs de la Liberté , nouvelles républicaines ; par le citoyen
Barbum , I vol . in - 8 ° . de 322 pages , beau papier.
Prix 10 liv. A Paris , chez Deroy , rue du Cimetièrc-André
, nº.115 . Chez la citoyenne Lan ot :, rue de la Loi , nº . 14,
et chez les marchands de nouveautés.
-
Pésultats de la révolution quant au commerce , à la marine el aum
Gelonies . Apperçu de leur influence sur le forces et la prospérité de
la France. Prix 4 liv . et 5 liv . franc de port. A Paris , chez
tous les marchands de nouveautés .
( 75 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 22 juillet 1795.
Le cabinet de Pétersbourg se décide enfin à prendre
part à la ligue des rois contre la nouvelle république.
Mais quels fruits la coalition pourra - t- elle retirer de
secours si tardifs ? Lui rendront - ils les forces dont la
retraite du roi de Prusse et celle de plusieurs membres
du corps germanique l'ont privée ? Non , sans doute
le seul avantage réel , et c'en est un qu'il ne faut pas
dissimuler , le seul avantage réel pour la coalition est
l'augmentation de ses forces mar times, portées à un degré
redoutable , puisque la Russie donne 12 vaisseaux de
ligne et 8 frégates. Apprécions néanmoins ces nouvelles
ressources à leur juste valeur . Le soldat russe est
brave sur mer comme sur terre il sait endurer sur ses
vaisseaux la même abstinence que dans ses camps . Il
reste également immobile à son poste un jour de combat
naval et dans une bataille rangée ; mais ces vaisseaux
sont des corps sans ame ; il manque aux officiers
qui les conduisent les lumieres et l'expérience qui disringuent
les capitaines suédois et danois . L'Angleterre
y suppléera , dira - t - on. Reste à savoir jusqu'à quel
point les Russes , séparés par leur religion et leurs moeurs
des autres peuples de l'Europe , manoeuvreront avec
succès sous des chefs étrangers , que les nationaux , qui
ne tiendront tout au plus que le second rang , verront
avec jalousie donner des ordres sur leur bord . Cet
amalgame , qui n'est pas naturel , a rarement réussi . Le
témoignage de l'histoire fournirait peu d'exemples ( en
faveur d'une semblable mesure
D'ailleurs quel en est le but où en sera le fruit. ?
Ce n'est probablement pas de tenter une descente suf
les côtes de France . Ses ennemis ne peuvent ignorer
que , consacrer des hommes à une pareille expédition ,
c'est les dévouer à une mort certaine on se propose
donc de bloquer tous les ports de la nouvelle répu
blique , et de suivre le grand systême de famine imaginé
par le cabinet de Londres . Eh bien cela même
ne réussirait pas . Tandis que les Français moissonnent
tant de lauriers sur les bords du Rhin , en Espagne et
en Italie , leurs vieux peres , leurs jeunes freres moissonnent
une des plus abondantes récoltes qui ait jamais
existé , et qui pour être plus tardive cette année , n'en
est que plus iche . D'ailleurs , si elle ne suffisait pas ,
les Etats - Unis de l'Amérique , la Suede , le Danemarck ,
Gênes , Venise , les Etats barbaresques leur fourniraient
le faible supplément dont ils pourraient avoir besoin,
comme ils le leur ont déja fourni ; et il ne resterait
la coalition que la honte d'avoir tenté l'exécution d'un
projet aussi insensé qu'atrace . De plus , ces mêmes
etats qui fournissent à la France d autres articles , bâses
d'échanges dont le besoin réciproque est également
senti de part et d'autre , et que l'Angleterre ne peut
pas leur fournir , car elle ne peut pas tout fournir, ne
fût- ce que du vin , dont elle -même a besoini ; ces mêmes
états se lassetaient de voir accumuler dans leurs ports
les objets de leur commerce , de ne plus tirer de France
ound acheter à grands frais , de la seconde main , les
choses dont ils sentiraient la privation , et ils finiraient
par abandonner une neutralité si dommageable , et qui
aurait tous les inconvéniens d'un état d'hostilité pour
faire entr'eux , ou même avec la France, une ligue contre
cêtte coalition , et recouvrer ainsi la liberté de leur
commerce. On ajoutera peut-être que la maniere oné ,
reuse de pourvoir à ses besoins à laquelle cette guerre
oblige la France de se soumettre , la ruine entierement ,
et qu'avec un peu de patience , ou plutôt d'entêtement
ses ennemis en auront bonmarolié : quand cela serait vrai,
cela serait réciproque. Interrogez les ministres des
finances des puissances coalisées particulierement de
la Grande - Bretagne et de Autriche , ils vous répon
dront , s'ils étaient de bonne- foi qu'ils sont (ou vont
être au bout de leurs ressources.edin pro
D'ailleurs n'y a -t- il donc rien à craindre du désespoir
d'une grande nation ; et veut - on forcer ses soldats ,
accoutamés à la victoire , d'aller arracher jusques dans
les capitales des états les plus éloignés qui lui font la
guerre , le peu qui reste de numéraire dans leurs
trésors appauvris ? Ils le feraient , rien n'est impossible
( 77 )
aux Français ; l'Europe a da et peut encore s'en con
vaincre.
Que conclure de toutes ces considérations ? C'est que
la paix , du moins avec la France , est nécessairement trèsprochaine
, et que la nouvelle alliance entre la Russie ,
' Autriche et la Grande - Bretagne ne scauraient la
retarder beaucoup .
Copenhague 11 juillet . L'escadre russe de douze vaisseaux
de ligue et huit fregates , mouilla avant - hier dans l'anse de
Kioge , et aujourd'hui elle est entrée dans cette rade . La frégate
de guerre anglaise Lée , était arrivée un pen auparavant à
Helginsor , ayant à bord dix - huit pilotes côtiers , pour conduire
cette escadre dans la mer du Nord . On croit qu'aussi-tôt
que celle- ci en aura pris la route , elle Υ sera suivie par la
plus grande partie de l'escadre danoise et suédoise réunie.
Des lettres de Varsovie , du 5 , disent qu'on y parle plus
que jamais de la possibilite d'une nouvelle guerre ; elle serait
sûrement relative au dernier partage de la Pologne , sur lequel
les puissances intéressées ne s'acco dent pas , et qui d'ailleurs
est vu de tres -mauvais oeil par la Porte ottomane , le Danemarck
et la Suede. Quel rôle y jouera Stanislas ? C'est ce qui est
fort incertain ; son neven , le prince de Poniatowski , eit
arrivé de Grodno dans la capitale ; il s'y estarrêté quelques jours ,
et´est ensuite retourné auprès de son oncle ; mais on assure
qu'il va partir pour Petersbourg. En attendant , les Russes ont
130 mille hommes tant en Pologue qu'en Lithuanie .
Madalinsky , coonu par la révolution de Pologne , a été
mis en liberté par le roi de Prusse , et reçoit de ce prince
une pension de deux mille écus . L'empereur a fait relacher
aussi le médecin qui l'année derniere contribua à l'évasion
de Lafayette ; on pense même cque celui- ci , qui est encore
retenu au château d'Olmuiz , n'aurait pas de peine à obtenir
sa liberté.
Le général Valence est arrivé hier ici avec madame de Genlis ;
ils ont pris une maison située entre cettë ville et Altona . Madame
de Geulis , dont le goût pour la litterature est suffisamment
connu par de nombreux ouvrages agréables qu'elle
publiés , vient de faire imprimer un nouveau roman qui ne
cede en rien à ses précédentes productions on croit que ce
meine ouvrage s'imprime aussi à Paris .
-
Les fameuses demoiselles Fernig qui , étant de l'état major
de Dumouriez , ont pris la faire avec lui , demeurent à Altona ,
ainsi que leur pere . leur frere et deux autres soeurs. Presque
tous les emigrés français qui arrivent dans nos cantons choisissent
leur demeure à Altona , ou entre cette ville et Hambourg.
Aci les dernieres lois de police conceruant les es angers et
leur existence les gênent beaucoup ils s'apperçoivent bien
que ces lois ont été faites pour eux. Aussi long-tems qu'on
( 78 )
leur permet d'habiter un territoire étranger voisia de notre
ville , on ne peut s'empêcher d'y recevoir leurs visites journalieres
, attendu que les gens qui n'ont pas l'air d'être des
voyageurs entrent et sortent librement , et que nos voisins , ainsi
que nos relations commerciales , ne nous permettent pas de
mettre des entraves à la libre circulation des personnes , gêne
qui ferait en même - tems crier nos voisins , et qui nuirait à
notre commerce .
De Francfort -sur - le -Mein , le 15 juillet.
Des lettres de Vienne , du 9juillet , en confirmant ce qu'on
savoit déja sur la nouvelle liaison intime qui s'établit entre
les trois cours, les plus connues pour leur goût d'envahissement
et de conquête , font part d'une circonstance importante dont
les autres renseignemens ne parlaient pas , et qui pourrait allumer
la guerre dans le Nord , tant sur mer que sur terre .
--
La triple alliance offensive et defensive, entre la Russie ,
l'Angleterre et notre cour , a été signée à Péter bourg le
17 du mois dernier. La nouvelle eu a été apportée ici dimanche
dernier par un courier russe . L'on prétend savoir de boune
source , que les cours de Londres et de Pétersbourg viennent
d'exiger recemment de la Suede , une réponse cathégorique
sur cette question : Si le bruit général du renouvellement du traité
de subsides avec la Porte est fondé , ou non ?
Au reste , l'empereur continue de presser plus vivement ses
préparatifs de guerre ; il fait des sacrifices d'autant plus étendus
qu'il sent bien qu'il va être incessamment réduit à ses
seules ressources et à celles de la Grande- Bretagne , la plupart
des membres du corps Germanique travaillant à faire leur paix
particuliere. Après avoir pris les mesures nécessaires pour forifier
la Bohême contre la Porte ottomane en cas d'une rupture,
il tire de la Hongrie , cette pépiuiere de soldats , divers régimens
qui seront probablement envoyés à l'armée d'Italie ; car
c'est dans cette partie que le ministere autrichien se propose
d'agir offensivement pendant le cours de cette campagne ,
tandis qu'il se tiendra simplement sur la défensive le long du
Rhia , au moins jusqu'à nouvel ordre . Cela n'empêche pourtant
pas d'envoyer aussi des transports considérables à cette
dernière armée , à laquelle on a fait passer trois millions de
florins dans les derniers jours de juin .
On exige de tous les étrangers qui se trouvent à Vienne d'administer
la preuve de leurs moyens de subsister ; s'ils ne
donnent pas de réponses satisfaisantes , ils sont obligés de s'engager
en qualité de soldats , on de sortir de la ville et même du
pays.
Lors des délibérations qui ont précédé le conclusum de la
diete de Ratisbonne , pour parvenir à établir la paix entre
l'Empire et la République Française , les propositions suivantes
( 79 )
ønt été mises en avant par certains membres , moins empressés
sans doute que les autres d'y arriver .
Quelques états , entr'autres ceux de Bamberg , Strasbourg ,
Constance et Spire , ont desiré que la paix de Westphalte
et d'autres traités faits avec la France fussent pris pour servir
de bâse ; d'autres ont demandé que les limites de l'Allemagne
fussent fixées comme elles l'étaient lors du commencement
de la guerre actuelle , au 20 avril 1792. L'électeur de Saxe ,
le landgrave de Hesse Cassel , l'évêque de Liege , etc. sont
de cette opinion . L'électeur de Cologne , les évêques de
Salzbourg , Wirzbourg , Passau , Coire , les princes de
Wurtemberg , de Bude , de Hesse Cassel , d'Auhau , de
Saxe - Gotha , de Schwerzemberg , etc ; les comtes de la
Wetteravie , de la Westphalie et de la Franconie , etc. ont
insisté pour le rétablissement et la restitution des droits que
les etats ont perdu par les décrets des 4 et 11 août et 2 novembre
1792.
L'électeur de Hanovre , malgré son von particulier pour la
paix , continue de servir la cause de la coalition comme roi
d'Angleterre . Voici ce que portent des lettres d'Osnabruck ,
du 4 juillet.
Le magasin anglais établi ici a été considérablement augmenté
par l'arrivée de nombreux transports qui se sont succédés
rapidement. On pense que le quarter- général des Auglais
sera transféré ici , ou que le magasin est destiné à l'entretien
des troupes hessoises que nous avons dans ce pays .
Avant-hier , un ordre venu de Berlin a défendu toute vente
ultérieure de ce qui se trouve au magasin que l'armée prus
sienne avait formé et laissé ici .
Un certain émigré , nommé Granville , et qui avait séjourné
quelque tems à Achaffembourg , a reçu des lettres de créance
du ci- devant Monsieur , pour résider comme ministre royal
auprès de l'électeur de Trêves. Il est facile de sentir qu'il
ne sera point recounu en cette qualité , lorsqu'on se rappelle
la position où se trouve maintenant vis - à - vis de la
République Française le corps germanique , dont l'électeur
de Trèves fait partie. Déjà l'électeur a reconnu formellement
la république batave , et la République Française , d'une
maniere indirecte . Le ministre plénipotentiaire des états - généraux
près de lui , ayant notifié le traité conclu entre les deux
républiques , a reçu de son ministre , le 2 juillet , la réponse
suivante : Le soussigné ministre d'etat et de cabinet a l'honneur
de répondre , par ordre de S. A. S. E. , an mémoire du
29 du mois passé, que S. E. M. de Landsbergen , ministre plénipotentiaire
de LL. HH . PP. , lui afait parvenir que S. A. S. E.
a été très - sensible à l'attention amicale de LL. HH . PP. , et à la
notification du traité conclu le 16 du mois passé; et convaincu , /
par cette attention , que ce traité ne contient aucune vue
hostile contre l'Empire germanique , S. A. S. E. souhaite que
( 80 )
I
leurs hautes puissances en puissent recueillir des fruits dura
bles , ainsi que tous les avantages qui en peuvent résulter .
Il a été publié à Baste qu'en vertu d'un arrangement fait
entre cette ville et la République Française , il ne sera permis
à personne de passer de la France eu Suisse , ou de la Suisse
en France , après huit heures du soir .
à
ITALIE. De Naples , le 4 juillet .
On continue de taire des preparatifs seux pour renforcer
la flotte anglo - napolitaine et l'armée en Picmout , Des chea
vaux de remonte sout partis pour nos régimens de cavalerie en
Lombardie. Tout le monde est ici content et tranquille , et le
roi reçoit des marques réitérées du fidele attachement de ses
sujets qu'il ne veut point voir suicherges du fardeau de la
guerre , préférant se soumettre lui-même à des privations ,
plutôt que d'accabler son boa peuple.
et
Malgré nos continuels armemens maritimes , et tout le litoral
armé , l'armée doublée , aucune pension n'a eté diminuée ,
aucune imposition n'a été mise , ce qui prouve la sagesse et la
modération de ce gouvernement,
Notre ministre Acton se voit enfin soulagé par les nouveaux
arrangemens , et est à même de diriger le tout avec d'autant
plus d'efficacité. Il est au- dessus des calomnies envieuses répandues
dans des gazettes tant en Italie qu'ailleurs . C'est lui
qui a créé notre marine sur le pied augiais , et notre militaire
sur le pied allemand ; c'est lui qui a fait et fera revivre le commerce
; c'est sous lui que fleurissent et fleuriront les beaux
arts et les sciences ; c'est lui qui a maintenu la dignite de cette
couronne au sujet du mesentendu avec la Suede.
Notre récolte dans les deux royaumes.de Sicile , vient de se
faire à la très- grande satisfaction de tous les habitans . Elle a été
très-abondante , et de beaucoup supérieure à celles des années
précédentes.
De Livourne , le 10 juilleta
L'escadre française , qu'on disait ête dans nos mers , n'a
point paru, et a croisé seulement devant la Corse . Deux fregates
anglaises que l'ennemi poursuivait parviurent à rentrer à Saint-
Florent , où elles donnerent avis de l'approche de l'ennemi :
anssi- tôt l'amiral Hottam fit disposer son escadre de 23 vaisseaux
de ligne , de 2 frégates et un cutter , et mit à la voile le 7
pour aller à la rencontre des Français . La frégate anglaise la
Junon est venue expressément ici pour nous instruire de cet
événement , et sans mouiller , elle a continué sa route. Un
autre bâtiment , arrive le 8 , nous a apporté la nouvelle que
les escadres étaient en présence , et qu'il allait s'engager un
combat , à moins que les vents du sud , qui étaient fort violens
dans ce moment , n'en eussent ordonné autrement .
Les derniers avis de Gênes portent que les Français se retirent
en bon ordre de la riviere , et qu'ils vont concentrer lears
forces dans un endroit qui leur sera désigné...
RÉPUBLIQUE
( SI )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE .
PKSIDENCE DE LA REVEILLERE-- LÉPAUX .
Stance de septidi , 7 Thermidor ,
Lanjuinais se présente pour faire le rapport attendu sur
l'effet rétroactif donné à la loi du 17 nivôse sur les donations et
les successions . Il insiste pour obtenir la p role , et expose
les inconvéniens qui résultent du retard pour la tranquillité
des familles . Elle ne lui est néanmoins accordée qu'après que
l'acte constitutionnel aura été décrété .
à
L'execution de la loi du 9 floreal étant suspendue , les
peres et meres d'émigrés ne peuvent pas obtenir la msin -levée du
sequestre mis sur les biens , et sont reduits à des secours
dont la modicité et l'insuffisance sont notoires , cause de
la chorté excessive des denrées . La Convention l'a senti , et
sur le rapport des comités de législation et des finances , elle
a décrété qu'en attendant le rapport qui lui sera fait sur cette
loi , le maximum de ce secours serait de 5coo liv . pour chacun
des peres et meres , et 2500 liv . pour chaque enfant à leur
charge , à prendre sur le produit net de leurs revenus.
Lesage ( d'Eure et Loire ) , au nom du comité de salut public ,
donne des nouvelles que l'on attendait avec impatience de
nos armées de l'Ouest et de Quiberon . Elles portent que
les émigrés et Anglais sont sortis de cette place pour combattre
les républicains ; que ceux - ci que des deserteurs avaient
prévenus , reçurent ordre de leurs généraux de faire retraite
pour avoir l'air de fuir. L'ennemi les poursuivit ; on le laissa
approcher presque a la portée du pistolet . Alors se dicou
vrirent quatre batteries qui le foudroyerent , et la cavalerie
le chargeant en même tems : sa déroute devint complette . Il
a la se sur le champ de bataille trois cents morts , parmi
lesquels beaucoup d'officiers et cinq pieces de canon . Nous
n'avons perdu que vingt - trois hommes . Nos blessés sont au
nombre de soixante- onze . Voyez les Nouvelles officielles . )
La même lettre annonce que les Anglais ont tenté une autre
descente vers les hauteurs de Gomer , mais qu'ils ont été
repoussés par la division de l'armée aux ordres du général
Roman . Ces nouvelles sont accueillies avec le plus vif empressement.
Le Conseil général de la commune d'Avignon dément es
Tome XVII. F
་
( 82 )
qui a été avancé par Goupillean sur les meurtres commis dans
cette ville . I n'y a de vrai que le meurtre d'un huissier de
la commission populaire d'Orange , qui a été jetté dans le
Rhône.
Leliardy donne quelques détails rassurans sur la ville de
Rouen , qu'il avait présentée présqu'en contre - révolution . La
majorité des habitaus est restée republicaine , mais elle est
en proie à des meneurs royalistes effrénés . 4
·
Portier de l'Oise ) , au nom du comité d'instruction
publique propose de nommer le citoyen Ginguené , actuellement
adjoint à la commision de ce nom , à la place du citoyen
Garat qui a donné sa démission . L'on observe que cette com
mission est une de celles qui coûtent le plus , qu'elle a une
foule de commis inutiles et qu'elle n'atteint point le but pour
Irquel elle a été créée , et l'on demande en conséquence sa
suppression . Cette proposition étant appuyée , elle est renvoyée
au comité des finances , et celle du comité ajournée .
Vernier , au nom du comité des finances , soumet à la discussion
le projet de taxe sur les cheminées , les voitures , les
chevaux et les domestiques . Il convient que le comité n'avait
pas reflechi sur le résultat énorme de la progression double
qu'il avait proposée pour établir cet impôt , et il se borne à
fixer pour les communes dont la population excede cinquante
mille ames , la taxe à dix livres sur la premiere cheminée ,
quinze sur la seconde , et vingt sur la troisieme ; celte sur les
domestiques , chevaux et voitures est réglée sur une base sem-,
blable . Il y en a aussi une sur les personnes et sur les célibataires
. Le tout est décrété comme il suit .
1º . 11 sera payé par tout français ou étranger résidant en
France , et jouissant de ses droits et revenus , une contribution
personnelle à raison de 5 liv. en assignats .
2º Les simples manoeuvres , qui ne subsistent que de leur
travail , et dont la journée n'excede pas 20 sols ou dix livres
de pain , sont exempts de cette contribution ; ils seront néaumoins
admis à la payer. volontairement .
3º . Dans les contribuables sont compris tous les individus
ayant un revenu excedant 305 journées de travail evaluées
comme en l'article précédent .
4° . Les hommes et femmes âgés de 30 ans , et non mariés ,
seront tenus de payer an quart en sus de toutes leurs contributions
personnelles et taxes somptuaires . Les veufs et veuves
qui ont des enfans ou qui n'atteignent le veuvage qu'après
45 aus , sont affranchis de ce paiement .
30. Indépendamment de cette contribution personnelle , il
sera payé des taxes somptuaires .
60. Les cheminées autres que celles de la cuisine ou du
foyer commun , seront imposées , dans les villes au- dessus de
(( 83 )
50 mille ames , 10 liv . la premiere , 15 liv. la seconde , 20 liv .
la troisieme et toutes les autres ; dans les villes au -dessous de
50 mille ames , 5 liv. la premiere , 10 liv . la seconde , et 15 liv.
la troisieme et toutes les autres. Nulle cheminee ne jodira
de l'exception , quoiqu'on n'y fasse pas habituell ment du
feu , à moins qu'elle ne soit fermée dans l'intérieur et scellée
en maçonnerie .
70. Les poëles sont sujets à ladite taxe. Un seul jouira de
l'exemption , s'il n'y a pas de cheminées exemptes ; les autres
paieront la moitié de la taxe ci- dessus imposée et dans la
même proportion , en exceptaut néanmoins ceux des ateliers
1
et
manufactures .
8. Il sera aussi payé une taxe à raison des domestiques
mâles , autres que ceux- habituellement et
principalement occupés
aux travaux de la culture , à la garde et aux soins des
bestiaux , savoir ; 6 liv . pour le premier , 18 liv. , pour le
second , 48 liv. pour le troisieme ; ainsi de suite , dans une
proportion triple. Les domestiques âges de plus de 60 ans , out
incapables de travailler à raison de leurs infirmites , ne donneront
pas lieu à ladite taxation .
ου
9º. It sera payé pour les chevaux et mulets de luxe , et qui
ne servent pas habituellement aux manufactures , au commerce
, aux usines , labours , charrois , postes , messageries ,
transports , roulages , sans y comprendre les étalons et jumens
poulinieres au- dessous de 3 ans , savoir : 20 liv . pour le
mier , 40 liv . pour le second , 8e liv. pour le troisieme ,
de suite , en suivant la proportion double.
preainsi
10°. Il sera payé pour les voitures suspendues , carrosses
cabriolets et literes , 10 liv . par roue pour la premiere
voiture , 30 liv . par roue pour la seconde , go liv . pour la
troisieme , en augmentant dans la même proportion , à raison
du nombre des voitures , soit que le propriétaire ait ou non
des chevaux , ou qu'il n'en ait que pour un seul atelage .
11º. Les joueurs d carosses , de fiacres , entrepreneurs de
messageries ou voitures particulieres , autres que ceux qui ont
traité avec le gouvernement , paieront seulement 5 liv . pour
chaque cheval et 10 liv . par roue de voiture , sans progression
pour le nombre .
Les selliers- carossiers ne sont pas compris dans l'imposition
relative aux voitures ou équipages .
12. Les taxations ci- dessus seront réglées d'après la décla
tion du contribuable , qui sera tenu de la fournir dans huitaine
, à défaut de quoi il ne sera admis à se plaindre des
erreurs qui auraient pu subvenir , qu'après avoir payé , par
provision , le montant de sa cotisation .
13. Dans le cas de fausse déclaration constatée et vérifiée ,
le contribuable sera condamné à une amende du quadruple
de son imposition .
F 2
( 84 )
Goupilleau voulait que les chiens fussent compris dans l'av
ticle 9º . Cette proposition n'a pas eu de suite .
Dubois-Crance demande que le comité d'agricolture fosse
un rapport sur les moyens de détruire les animaux malfaisans
, parmi lesquels ii classe , les moineaux ; il voudrait qu'on
donnât un sou par tête de moineaux à ceux qui les tueraient.
Renvoi au comité d'agriculture .
Suite de la discussion sur l'acte constitutionnel .
Daunou fait lecture du titre des assemblées électorales . La
rédaction est adoptée en ces termes : 1
Art. Ter. Chaque assemblée primaire nomme un électeur
à raison de deux cents citoyens présens ou absens , ayant
droit de voter dans ladite assemblée .
II . Les membres des assemblées électorales sont nommés
chaque année , et ne peuvent être réélus qu'après un intervalle
de deux ans .
,, III . Nul ne pourra être nommé électeur , s'il ne réunit
anx qualites nécessaires pour exercer les droits de citoyen
français , l'une des conditions suivantes , savoir :
Dans les communes au dessus de six mille ames , celle
d'être propiétaire ou usufruitier d'un bien évalué sur les rôles
de contribution , à uu revenu égal à la valeur locale de deux
cents journées de travail , ou d'être locataire , soit d'une
habitation évaluée , sur les mêmes rôles , à un revenu égal
à la valeur locale de cent cinquante journées de travail , soit
d'un bien rural évalué de même à deux cents journées de
travail.
,, Dans les communes au dessous de six mille ames , celle
d'être proprietaire ou usufruitier d'un bien evalué , sur les
rôles de contribution , à un revenu égal à la valeur locale de
cent cinquante journées de travai !, d'être locataire soit
d'une habitation évaluée , sur les mêmes rôles , à un revenu
égal à la valeur de cent journées de travail , i d'un bien
rural évalué de même à deux cents journées de travail .
4
19 Et dans les campagnes , ceile d'être propriétaire ou usufruitier
d'un bien evalue , sur les rôles de conuibution ,' à
un revenu égal à la valeur locale de cent cinquante journées
de travail , ou d'être fermier ou métayer de biens évalués ,
sur les mêmes rôles , à la valeur de deux cents journées de
travail .
" A l'égard de ceux qui seront en même- tems propriétaires
ou usufruitiers d'une part , et locataires , fermiers ou métayers
de l'autre , leurs facultés à ces divers titres seront cumulées
jusqu'au taux nécessaire pour établi leur eligibilité .
( L'article IV est renvoyé à la commission des onze pour
une nouvelle rédaction . )
V. L'assemblée électorale de chaque département se réunit
( 85 )
le 20 germinal de chaque année , et termine , en une seule
session de dix jours au plus , et sans pouvoir s'ajourner ,
toutes les élections qui se trouvent à faire , après quoi elle
est dissoute de plein droit.
,, VI . Les assemblées électorales ne pourront s'occuper
d'aucun objet étranger aux élections dont elles sont chargées.
Elles ne peuvent envoyer ni recevoir aucune adresse , aucune
pétition , aucune députation . Les assemblées électorales ne
peuvent correspondre entr'elles .
" VII. Aucun citoyen , ayant été membre d'une assemblée
électorale , ne peut prendre le titre d'électeur , ni se réunir en
cette qualité à ceux qui ont été avec lui membres de cette même
assemblée. La contravention au présent article est un attentat à
la sûreté générale .
9 VII . Les articles du titre précédent sur les assemblées
primaires sont commuus aux assemblées éleétorales .
,, IX. Les assemblées électorales élisent , 1 ° . les membres
du corps législatif ; savoir , les membres du conseil des anciens ,
ensuite les membres du conseil des cinq cents ; 2ª .....
( Le surplus de cet article est ajourné. )
,, X. Le commissaire du pouvoir executif près l'administra
tion de chaque département , est tenu , sous peine de destitution
, d'informer le directoire de l'ouverture et de la clôture des
assemblées électorales . Ce commissaire n'en peut arrêter ni suspendre
les operations , ni entrer dans le lieu des séances , mais il
a droit de demander communication du procès- verbal de claque
séance dans les vingt - quatre heures qui la suivent , et il est
tenu de denoncer au directoire les infractions qui seraient faites
à l'acte constitutionnel. ♥ :
Séance d'octidi , 8 Thermidor.
Cette séance étsit indiquée pour la lecture du procès- verbal
de la seance du 9 thermidor dernier . Courtois , chargé de
la rédaction de ce procès verbal , se présente à la tribune .
Quelle meilleure maniere , dit - il , de se préparer à la fête
qui sera cel bre demain , que de rappeller les évenemens
qui ont rendu cette journée si memorable ? Il présente ensuite
l'histoire de la tyrannie décemvirale , des assessinats
commis judiciairement dans toutes les parties de la Répu
blique , des orgies d'Autenil , d Issy , de Passy , de Clichy ,
de Gonesse , au milieu desquelles les tyrans désiguaient leur
victimes, I appelle comment il s'établit une lutte entr'euxs
et comme ils forent precipités. Il peint ces bastilles qui cou ,
vraient le sol de la République , et où 80,000 citoyens atten
dient leur most pour prix de leurs talens et de leurs vertus .
Le discours de Comtois a été vivement applaudi .
Of reprend la discussion sur l'acte constitutionnel . Les titres
Vet VI Son adoptés et rédigés de la maniere spivante :
F 3
( 86 )
TITRE V. Du pouvoir exécutif.
Art. Ier . Le pouvoir exécutif est délegué à un directoire
de cinq membres , nommés par le corps législatif...
IL Le conseil des einq cents forme une liste triple du
nombre des membres du directoire qui sont a nommer , et
la présente , au conseil des anciens , qui choisit dans cette
liste .
III . Les membres du directoire doivent être âgés de
40 ans au moins ...
• IV. Ils ne peuvent être pris que parmi les citoyens qui
font été membres du corps legislatif , ou agens generaux
d'exécution. La disposition du present article ne sera observée
qu'à commencer de l'an ge . de la République .
,, V. Les membres du corps legislatif pe peuvent être
élus membres du directoire , ni pendant la durée de leurs
fonctions législatives , ni pendant la premiere année apres
l'expiration de ces mêmes fonctions.
" VI . Le directoire est pareillement renouvelle par l'élection
d'un nouveau membre chaque année .
" Le sont décidera , pendant les quatre premieres années ,
de la sortie successive de ceux qui auront ce nommes la
premiere fois .
" VII. Aucun des membres sortans ne peut être réélu ,
qu'après un intervalle de cinq ans....
VIII. L'ascendant et le descendant en ligne directe ,
le frere , l'oncle et le neveu , et les allies au même degré ,
ne peuvent être en même- tems membres du directoire , ni s'y
succéder , qu'après un intervalle de cinq ans .
" IX . En cas de mort , de destitution ou démission d'un
des membres du directoire , son successeur est élu par le
corps legislatif , dans dix jours pour tout delai.
99 Le nouveau membre n'est elu que pour le tems d'exercice
qui restait à celui qu'il remplace.
99
Si néanmoins ce tems n'excede pas six mois , celui qui
est élu exerce pendant cinq ans et demi .
,, X. Chaque membre du directoire le préside à son tour ,
durant trois mois seulement. ཉ་ ། *
" XI. Le president a la signature et la garde du sceau .
" XII . Les lois et les actes du corps législatif sont adressés
au directoire , en la personne de son président,
" XIII . Le directoire ne peut délibérer , s'il n'y a trois
membres présens au moins .
" XIV . Il se choisit , hors de son sein , un secrétaire qui
contre- signe les expeditions et rédige les délibérations , sur u
registre où chaque membre a le droit de faire inscrire son
avis motivė,
( 87 }
XV. Le directoire pourvoit , d'après les lois , à la sûreté
extérieure et intérieure de la République. I dispose de la
force armée , sans qu'en aucun cas de directoire collectivement
, ni ancun de ses membres , puisse la commander , ni
pendant le tems de ses fonctions directoriales , ni pendant les
deux années qui suivent immédiatement l'expiration de ces
mêmes fonctions .
* ,, XVI. Le directoire nomme les généraux en chef ; il ne
peut les choisir parmi les parens ou alliés de ses membres ,
dans les degrés exprimés par l'art . VII.
, XVII. Il surveille et assure l'exécution des lois dans
les administrations et tribunaux , par des commissaires à sa
nomination .
' , XVIII . Il nomme hors de son sein les agens généraux
d'exécution .
འ་
" XIX . Les agens généraux d'exécution correspondent
immédiatement avec les autorités qui leur sont subordonnées.
" XX. Le corps législatif déterminé le nombre et les fonc
tions des agens généraux d'exécution .
" XXI. Les agens ne forment point un conseil .
,, XXII. Le directoire nomme tous les receveurs des impositions
directes .
,, XXIII . II nomme les préposés en chef aux régies des
contributions indirectes , et à l'administration des domaines
nationaux .
XXIV . Les préposés en chef , tant de la régie des postes
que de toutes celles des contributions indirectes , ont la nomination
des employés de leurs bureaux et de ceux des départemens
.
,, XXV . Le directoire surveille la fabrication des monnaies
, et nomme les officiers chargés d'excreer cette surveil
lance .
,, XXVI . Ancun membre du directoire ne peut sortir du
territoire de la République , que deux ans après la cessation
de ses fonctions . Il est tenu , pendant cet intervalle , de justifer
au corps législatif de sa résidence.
,, XXVII . Les agens generaux d'exécution sont respecti
vement responsables , tant de l'inexécution des lois qui leur
sont transmises , que de celles des arrêtés du directoire .
,, XXVIII. Les membres du directoire sont traduits en
jugement pour fait de trahison , de corruption , de dilapidation
des deniers publics , et pour tout crime capital relatif
à leur gestion.
Les articles par lesquels la commission des onze propose
de rendre le corps législatif juge des motifs d'accusation
du directoire , sont ajournés jusqu'à la discussion du
projet présenté dernierement par Sieyes .
Les dispositions suivantes sont décrétées :
F
1
( 88 )
,, XXIX . Le directoire est tend , a l'ouverture de la session
du corps législauf , de lui présenter par écrit l'apperçu
des dépenses . la situation des finances , l'état des pensions
existantes , ainsi que le projet de celles qu'il croit convenable
de créer. Il doit aussi indiquer les abus qui sont à sa connaissance.
,, XXX . Le directoire peut , en tout tems , inviter par
écrit le corps legislatif à prendre un objet en considération ,
mais non lui proposer des lois .
,, XXXI . Aucan membre du directoire ne peut s'absenter
plus de cinq jours , ni s'éloigner au-delà de dix lieues de la
résidence du directoire , sans l'autorisation du corps législatif.
,, XXXII . Les membres du directoire ne peuvent paraître
en public , ni au- dehors , ni dans l'intérieur de leurs maisons ,
que revêtus da costume qui leur est prop : e .
XXXIII . Le directoire a sa garde habituelle et soldée ,
composée de 120 hommes à pied et de 220 hommes à cheval,
,, XXXIV. Le directoire est accompagne de sa garde dans
les cérémonies et marches publiques , où il a toujours le
premier rang.
,, XXXV. Chaque membre du directoire se fait accompagner
au- dehors par deux gardes.
XXXVI. Tout poste de force armée doit au directoire ,
et à chacun de ses membres , les honneurs militaires supérieurs.
,, XXXVII . Le directoire réside dans la même commune
que le corps législatif.
" XXXVIII . Les membres du directoire sont logés aux
frais de la République et daus un même édifice .
" XXXIX . Le traitement de chacun d'eux est fixé à la
valeur de 50,000 myriagrammes ( environ 10,0.0 quintaux )
de froment. "
TITRE VI. Des corps administratifs et municipaux. "
Art. Ier. Il y a dans chaque département une adminis
tion centrale , et dans chaque canton une administration mu
nicipale au moins .
II. Toute commune , dont la population; s'éleve depuis
cinq mille habitans jusqu'à cent mille , a pour elle seule une
administration municipale.
99 III. Dans les communes dont la population excede cent
mille habitans , il y a au moins trois administrations municipales
.
IV . L'ascendant et le descendant en ligne directe , le
frere , l'oncle on le neveu et allié au même degré , ne peuvent
simultanément être membres de la même administration , ni
s'y succéder qu'après an intervalie de deux ans .
( 89 )
" VI. Les administrateurs de département peuvent être
réélus' une fois sans intervalle .
*
VII. Tut citoyen qui a été deux fois de suite administra.
teur de département , et qui en a rempli les fonctions en
vertu de l'une et de l'autre élection , ne peut être élu de
nouveau qu'après un intervalle de deux années .
"
" VIII. Les administrations départementales et municipales
ne peuvent modifier les actes du corps législatif , ni ceux
du pouvoir exécutif , ni en suspendre l'exécution ; elles ne
peuvent s'immiscer dans les objets dépendans de l'ordre judi
ciaire .
› IX. Les administrateurs sont essentiellement chargés de
la répartition des contributions directes , et de la surveil
lance des deniers provenans des revenus publics dans leur
territoire.
" Le corps législatif détermine les regles et le mode de leurs
fonctions , tabt sur ces objets que sur les autres parties de
l'administration intérieure .
,, X. Le pouvoir exécutif nomme auprès de chaque admi
nistration départementale et municipale un commissaire qu'il
révoque lorsqu'il le juge convenable.
-lois .
Le commissaire surveille et requiert l'exécution des
» XI. Le commissaire près de chaque administration locale
doit être pris parmi les citoyens domiciliés depuis un an dans
le ressort de cette administration .
" XII. Les administrations municipales sont subordonnées
aux administrations de département et celles- ci aux agensgénéraux
d'exécution . En conséquence , les agens- généraux
d'exécution peuvent annuler chacun dans sa partie , les actes
des administrations de départemens , et celles- ci les actes des
administrations municipales , lorsque ces actes sont contraires
aux lois et aux ordres des autorités supérieures . "
Séance de nonidi , 9 Thermidor .
Thibaut , an nom du comité des finances , annonce que la
premiere loterie des biens nationaux est entierement remplie
, et que les billets de la seconde sont tous prêts . Il lit
un apperçu de celle - ci qui est approuvé. Le fouds sera de
cent millions . Il y aura un million de billets de cent live
chacun , et divisés en 50 mille séries de 20 billets chacune. ”
Dans chaque série sera un numéro gagnant . La distribution
des billets commencera le 3 fructidor prochain . Décrété.
L'institut national de musique exécute un hymne au 9 ther
midor , de la composition de Chénier.Il exeite de vifs applaus
dissemens . L'enthousiasme est bientôt à son comble parce qu'annonce
le présidem , qu'aux chants du triomphe de la justice
vont se meri ceux de la victoire. Tallieu paraît et dit : Lo
comité de salut public nous avait chargé Blad et moi , de nous
(1907 )
rendre sur les bords de l'Ocean. Il nous avait chargé de
vaincre l'ennemi : les troupes de la République Fout vaincu.
( Applaudissemens . ) L'Océan français a vurses légitimes dominateurs
dans l'attitude de la victoire . Il a trésailli à l'aspect de
nos braves guidés par la vengeance et l'enthousiasme de la
liberté. Les emigrés xc vibramas de stipendies de Pitt , qui
luttent depuis cinq ans comrecies droits du peuple , out osé
mettre le pied sur la terre natale : la terre natale les a dévorés .
Vifs applaudissemens . ) Aiusi le cabinet de Londres a perdu
le fruit d'une descente préparée à si grands frais et par taut
d'intrigues.
L'ennemi , à peine débarqué se vit bloqué dans la presqu'isle
de Quiberon , par les sages dispositions du général
Hoche . Deux fois ces modernes paladins voulurent essayer la
vigueur et le courage des troupes républicaines , et se faire
jour à travers nos colonues . La premire fois , ils furent repoussés
par notre seule avant- garde , qui les chargea peut - être
avec trop d'impétuosisé . Le 18 messidor., notre avant - garde
se replia devant eux , de maniere à leur faire prendre sa
retraite pour une fuite on les laissa s'avancer jusqu'à la
portée du pistolet , alors un feu terrible jetta parmi eux la ter
teur et la confusion avant la mort ils furent poursuivis et ne
purent se rallier que sous le fort Penthievre , qu'une lâche ca.
pitulation leur avait livré of
,
et
Il fut résolu d'escalader ce fort dans la nuit du premier au
deux de ce mois ; à cet effet , deux mille homores de mirent en
marche. Un orage affreux , unee pluie fortement jettée par un
vent impétueux le bruit de la mer agitée , les profondes ténebres
de la nuit mirent du désordre dans cette marche , les
colonnes ,se heurtaient , se confondaient ; elles étaient dans
un sable boueux jusqu'à la ceinture : l'activité et le sang-froid
du général rétablit tout par de nouveaux ordres ; chacun se
remit à son poste. Cependant l'humiditéfavait rendu les armes
inutiles ; nos colonnes ne pouvaient traîner du canon ,
l'ennemi avait 32 pieces en 'batterie , il avait des chaloupes et
164 voiles. Tout - à - coup le bruit se répand qu'une colonne
s'est emparée du fort . Effectivement le fort était à nous .
L'adjudant général Menars avait pénétré avec 200 hommes jus
qu'au pied du roc sur lequel est assise la forteresse ; il avait
exterminé tous ceux qui avaient fait résistande .
..Get événement est peut- être l'un des plus remarquable de
celte guerre. Ce n'était cependant que le premier pas de la
carriere glorieuse que viennent de parcourir les défenseurs
de la patrie . Ils avaient juré que , dans cette journée , le sol
de la République serait purge . Ils s'élancent dans la pres
qu'isle . Les maisons , les hameaux sont fouillés . Les émigrés
se voyant près d'être enveloppés par deux colonnes , fuient
comme un vil troupeau . Ils se réunissent sur un rocher , aux
T
( 91 )
bords de la mer. C'est-là que viennent se briser leur orgueil et
leurs criminelles espérances . Ils envoyent des parlementaires
pour obtenir des conditions . Qu'y avait-il de commun entre
nous et ces hommes , que la vengeance ou la mort ? Nous
leur répondîmes que jamais on ne traitait avec des rebelles ;
qu'il fallait vaincre ou périr .. ( Vifs applaudissemens . )
Aussitôt , le général fait battre le pas de charge, L'escadre
anglaise faisait un feu terrible et non interrompu . Sept cents
grenadiers arrivent sur le rocher . Les émigrés demandent à
se rendre ; ils offrent de mettre bas, les armes. On les somme
de faire cesser le feu des anglais .
Mais ne voyez -vous pas , répondent-ils , qu'ils tirent sur nous
comme sur vous ? ( Bruit et vifs applaudissemens . ) Comme
on s'apperçut que l'ennemi profitait de ce court intervalle
pour faire quelques embarcations , deux pieces de canon furent
pointees assez à tems pour les en empêcher. Tout ce que la
Presqu'isle contenait d'ennemis vint se rendre à discretion .
Ces emigres si fiers déposerent humblement leurs armes entre
les mains de nos braves volontaires , les remerciant avec des
larmes de houte et de remords , de leurs sentimens d'humanité
, et vomissant des imprecations contre ceux dont les perfides
secours les avaient rendu les plus conpables et les plus
malheureux des hommes . La totalité de l'armée des émigrés ,
composée d'environ 10 mille hommes , est prisonniere ou
tuée. Visf applaudissemens . ) Ainsi , dans un instant , se
sont détruits les desseins de ce ministre perfide qui voudrait
détruire, la Franee , en y excitant le désordre par tous les
moyens . Ainsi se sont anéanties ces légions qui devaient porter
le feu dans le sein des patriotes , et la flamme dans leurs
habitations
.
Voici un des poignards dont ils étaient tous
armés . Les lâches ils se confiaient dans le venin qu'ils recelent
; ils n'ont pas ose s'en servir . Nous avons fait éprouver
ce poignard sur un animal , qui est mort aussi - tôt empoisonné.
Mouvemens d'horreur. )
37
Cette victoire est decisive par l'infinence qu'elle peut avoir
sur la situation politique de l'Europe , et sur le rétablissement
du calme de l'intérieur. Dejà un grand nombre de chouans
Tentrent dans leurs foyers. Des mesures sont prises pour que ,
sous ce prétexte , il ne rentre aucun émigré . Vous voulez
pardonner à l'homme trompe ; mais vous serez inflexibles
contre celui qui est rentre dans son pays pour assassiner ses
concitoyens . C'est sur celui-là seul que la vengeance natio
nale aura à s'exercer. Une commission militaire est établie
pour juger les individus , c'est- à- dire pour constater l'identité.
Nous avons pris 60 mille fusils , 150 mille paires de souliers
, des magasins immenses en vivres et en objets d'habillement
de quoi fournir à une armée de 40 mille hommes . ( Vifs
applaudissemens, ) Nous nous sommes emparés de 1
4
( 92 )
chargés de rhum , can- de- vie et denrées qui étaient arrivés de
la veille.
Il est impossible de peindre la joie que ces détails ont
portée dans le sein de la Convention et les tribuues
et l'empressement
avec lequel ont été chantés les airs chers aux
amis de la liberté ; la Marseillaise , le Réveil du Peuple , le Chant
du Départ et Ga - ira.
Bailleul , aŭ nom des comités de salut public , sûreté génèrale
et législation , fait décréter que Pache , Bouchotte et
leurs complices , renvoyés par devant le tribunal criminel
d'Eure et Loire , seront juges par un jury spécial .
·
Sur le rapport de Treilhard , au nom des mêmes comités ,
la Convention décrete que dnodi à deux heures , elle admetra
dans son sein le ministre de la république de Venise , auprès
de la Repablique Française ..
Séance de décadi , 10 Thermider.
Chénier , au nom du comité d'instruction publique , fait
an rapport sur l'institut national de musique . I propose
diverses mesures tendantes à l'augmentation et à l'amelioration
d'un établissement qui surpasse deja , par la reunion des ar-
Listes qui le composent , toutes les autres institutions de ce
genre qui existent en Europe. La discussion en est ajournée à
ridi prochain .
Aubry , organe du comité militaire et de celui de saint
public , propose une amnistie en faveur de ceux qui ont abandonné
leurs drapeaux , à l'exception neanmoins des déserteurs
à l'ennemi ou à l'étranger , et sous la condition qu'ils rejoindront
dans une décade , à dater du jour de la publication
de la loi . Villetar attribue la désertion dont on se plaint ,
et qui est si indigne de , républicains et de Français , à la
paissance que quelques hommes reprennent sur les consciences ,
et aux menaces qu'ils font de certaines peines . Il demande
que les comités prennent des mesures à cet egard . Le projet
d'Aubry la motion de Villetar sont decretes .
Sur la proposition d'un membre , la Convention renvoie
au comité de salut public , section de la marine et des colonies ,
la demande faite d'étendre l'amnistie accordée aux militaires ,
aux marins et aux ouvriers des ports .
Sur le rapport du même , la Convention nationale , considérant
qu'il est instaut d'établir un tribunal criminel militaire
à l'armée de l'intérieur , nomme les officiers de justice
qui doivent le.composer.
On reprend la discussion sur l'acte constitutionnel . Le
titre VIII du pouvoir judiciaire est presqu'culièrement décrété .
Nous le donnerons dès que la rédaction en aura été dék
iivement adoptée .
& N. B. Dans la séance du 11 , Treilhard est venn annoucer,
Bu nom du comité de salut public , une pouvelle victoire
( 93 )
de l'armée des Pyrénées occidentales , qui s'est emparée de
Vittoria . Le même membre , en annonçant que la paix est
faite avec l'Espagne , a donué lecture du alté proposé à
cet égard.
La discussion en a été ajournée à trois jours.
PARIS. Quartidi , 14 Thermidor , 3º . année de la République.
Si le 9. thermidor de l'an second a été remarquable
par la destruction de la tyrannie la plus insensée , organisée
d'une maniere aussi vaste qu'atroce , le retour
anniversaire de cette journée mémorable n'a pas été
meins heureux pour la République , par la ruine complette
des derniers projets concertés pour la perdre.
C'était encore dans son sein que se préparaient les
périls dont elle était menacée , et nos divisions intestines
devaient les faireéclater. Une terreur nouvelle dirigée
par une nouvelle secte contre les patriotes républi
eains, l'effervescence monarchique d'une jeunesse égarée
par des meneurs soudoyés , qui versaient un mépris
despotique sur le chant de guerre des défenseurs de
la patrie ; le Réveil du Peuple , ce chant de délivrance ,
devenu un cri de révolte et de mort ; enfin cette disposition
au trouble et au désordre , pouvait justement
alarmer par sa coïncidence avec l'irruption des Anglaist
et des émigrés venant rallumer dans la Vendée la torche
de la guerre civile .
Déja quelques écrivains abusant du droit précieux de
publier sa pensée , ne déguisaient plus leur intention
d'affaiblir l'énergie républicaine et de relever des espérances
coupables ; déja dans un éloge pompeux et ridiculement
amené du comté d'Artois , on prophétisait
qu'il serait un jour un grand homme. Tous les élémens
de mėsintelligence ajoutés aux malheurs de notre
situation , ne laissaient plus aucun doute à l'ennemi
étranger , comme aux lâches qui prennent un soin henteux
de le servir , que la République touchait à sa
perte. Mais combien cet espoir a été déçu ! Le 9 thermidor
, en proclamant le souvenir de la chûte du despotisme
révolutionnaire , a proclamé aussi la défaite
des Anglais et des traîtres émigrés ; et la Convention
nationale a reçu presqu'en même tems l'olivier de la
paix et les lauriers de la victoire . Tandis que le brave
Hoche poursuivait les ennemis de la République dans
les marais de Quiberon , Barthelemy faisait , avec l'Espagne
, un traité dont les clauses aussi sages qu'honorables
paraissent devoir garantir la durée.
( 94 )
Texte du traité conclu avec l'Espagne , par le citoyen Barthelemi ,
à Basle , le 4 thermidor , an 3e . de la République.
La République française et sa majesté le roi d'Espagne , également
animés du desir de faire cesser les calamites de la
guerre qui les divise ; intimément convaincus qu'il existe entre
les deux nations des intérêts respectifs qui commandent un
retour réciproque d'amitié et de bonne intelligence , et voulant
par une paix solide et durable , rétablir la bonne harmonie qui
depuis long-temps avait été constamment la base des relations
des deux pays , elles ont chargé de cette negociation , savoir
La Republique française le citoyen François Barthelemi , son
ambassadeur en Suisse , et sa majesté catholique son ministre
plénipotentiaire et envoyé extraordinaire près du roi et de la
république de Pologne , Dom- Domingo d'Yriarte , chevalier
de l'ordie royal de Charles III , lesquels après avoir échangé
leurs pleins pouvoirs respectifs , ont arrêté les articles suivans :
1. Il y aura paix , amitié et bonne intelligence entre la 'kepublique
Française et le roi d'Espagne.
à
2. En conséquence , toutes hostilités entre les deux paissances
contractantes , cesseront à compter de l'échange des
ratifications du présent traité , et aucune d'elles ne pourra ,
compter de la même éqoque , fournir contre l'autre , en
quelque qualité et à quelque titre que ce soit , aucun secours
ni contingent , soit en hommes , en chevaux , vivres , argent ,
munitions de guerre , vaisseaux ou autrement .
3. L'une des puissances contractantes ne pourra accorder
passage sur son territoire à des troupes ennemies de l'autre .
4. La République Française restitue au roi d'Espague toutes
conquêtes qu'elle a faites sur lui dans le cours de la guerre
actuelle .
Les places et pays conquis , seront évacués par les troupes
françaises , dans les quinze jours qui suivront l'échange des ratifications
du présent traité .
5. Les places fortes dont il est fait mention dans l'article
précédent , seront restituées à l'Espagne , avec les canons ,
munitions de guerre et effets à l'usage de ces places , qui y au
ront existé au noment de la signature de ce traité .
6. Les contributions , livraisons , fournitures et prestations
de guerre , cesseront entièrement à compter de quinze jours de
la signature du présent acte de pacification . Tous les arrérages
dus à cette époque , de même que les billets et promesses
donnés ou faits à cet égard , seront de nul effet . Ce qui aura
été pris ou perçu après l'époque susdite , sera d'abord rendu
gratuitement , ou payé en argent comptant.
• 7. II sera nommé incessamment de part et d'autre des
commissaires pour procéder à la confection d'un traité de limites
le deux puissances .
( 95 )
Ils prendront , autant que possible , pour base de ce traité ,
à l'égard des terreins qui etaient en litige avant la guerre ac
tuelle , la crête des montagues qui forment les versans des eaux
de France et d'Espagne.
8. Chacune des puissances contractantes ne pourra, à dater
d'un mois après l'échange des ratifications du présent traité
entretenir sur ses frontieres respectives que le nombre de troupes
qu'on avait coutume d'y tenir avant la guerre actuelle . "
9. En échange de la restitution portée par l'article 4 , le roi
d'Espagne , pour lui et ses successeurs , cède et abandonne en
toute propriété , à la Republique Française , toute la partie
espagnole de l'isle de St. -Domingue , aux Antilles.
Un mois après que la ratification du présent traité sera connue
dans cette isle , les troupes espagnoles devront se tenir
prêtes à évacuer les places , ports et établissemens qu'elles y
occupent , pour les remettre aux troupes de la République
Française , au moment où celles- ci se présenteront pour en
prendre possession .
Les places , ports et établissemens dont il est fait mention
ci- dessus , serout remis à la République Française , avec les
canons , munitions de guerre et effets nécessaires à leur défense
, qui y existeront au moment où le présent traité sera
connu à Saint- Domingue.
Les habitans de la partie espagnole de Saint Domingue
qui , par des motifs d'intérêts ou autres , préfaieraient de se
transporter avec leurs biens dans les possessions de sa majesté
catholique , pourront le faire dans l'espace d'une année ,
à compter de la date de ce traité .
Les généraux et commandans respectifs des deux nations ,
se concerteront sur les mesures à prendre pour l'exézution du
présent article.
10. Il sera accordé respectivement aux individus des deux
nations la main levée des effets , revenus , biens de quelque
genre qu'ils soient , détenus , saisis ou confisqués à cause de
, la guerre qui a eu lieu entre la République Française et sa
majesté catholique , de même qu'une prompte justice à l'égard
des créances particulieres quelconques que ces individus
pourraient avoir dans les états des deux puissances contractantes
.
11. En attendant qu'il soit fait un nouveau traité de commerce
entre les parties contractantes , toutes les communica
tions et relations commerciales seront rétablies entre la France
et l'Espagne , sur le pied où elles étaient avant la présente
guerre.
་.
Il sera libre à tous négocians français de repasser et de reprendre
en Espagne leurs établissemens de commerce , et d'en
fournir de nouveaux , selon leur convenance , en se soumettant ,
comme tous les autres individus , aux lois et usages du pays .
7
( 95 )
Les négocians espagnols jouiront de la même faculté en
France et aux mêmes conditions .
1
1
12. Tous prisonniers faits respectivement depuis le commencement
de la guerre , sans égard à la différence du nombre en des
grades , y compris les marins et matelots pris sur des vaisseaux
français et espagnols , soit d'autres nations , ainsi qu'en général
tous ceux détenus de part et d'autre pour cause de la guerre
seront rendus dans l'espace de deux mois , au plus tard , après
l'échange des ratifications du présent traité , sans répétitions
quelconques de part et d'autre , et payant toutefois les dettes
particulieres qu'ils pourraient avoir contractées pendant leur
captivité on en usera de même à l'égard des malades et bles
sés aussitôt après leur guérison .
Il sera nommé incessamment des commissaires de
part et
d'autre pour procéder à l'exécution du présent article.
13. Les prisonniers portugais , faisant partie des troupes
portugaises , qui ont servi avec les armées et sur les vaisseaux
de sa majesté catholique , seront également compris
dans l'échange sus - mentionné. La réciprocité aura lieu à l'égard
des Français pris par les troupes portugaises , dont il est
question .
14. La même paix , amitié et bonne intelligence stipulées
par le présent traité entre la France et le roi d'Espagne , auront
Lieu entre le roi d'Espagne et la Republique des Provinces
Unies , alliées à la République Française .
15. La République Française voulant donner un témoignage
d'amitié à sa majesté catholique , accepte sa médiation en faveur
du roi de Portugal , du roi de Naples , du roi de Sardaigne
, de l'infant duc de Parme et autres états de l'Italie ,
pour le rétablissement de la paix entre la Republique Française
et chacun de ces princes et états .
16. La République Française , connaissant l'interet que sa
majesté catholique prend à la pacification générale de l'Europe
consent également à accueillir ses bons offices´en
faveur des autres puissances belligérantes qui s'adresseraient à
elle pour entrer en négociations avec le gouvernement Français.
17. Le présent traité n'aura son effet qu'après avoir été ratifié
par les parties contractantes , et les ratifications seront changées
dans le terme d'un mois , ou plutôt s'il est possible à compter
de ce jour.
En foi de quoi , nous soussignés plénipotentiaires de la
République Française , et de sa majesté le roi d'Espagne
en vertu de nos pleins pouvoirs , avons signé le présent traité
de paix et d'amitié , et y avons fait apposer nos sceaux respectifs
. Fait à Bâle , le 4. du mois de thermidor , an 3. de
la République Française ( 21 juillet 1795 ) .
Signés , FRANÇOIS BARTHÉLEMY.
DOMINGO DYARTRE,
Jer . 135 :
( No. 64. ) .
MERCURE FRANÇAIS.
DÉCADI 20 THERMIDOR , l'an troisieme de la République.
( Vendredi 7 Août 1795 , vieux style . )
Explication de la Charade du n ° . 63
Le mot de la Charade est Volage.
POÉSIE .
L'HEUREUX LOCATAIRE..
Chanson à la citoyenne E *** . , chez qui j'avais loué un
appartement.
AIR : Ce mouchoir , belle Raimonde .
Jx craignais pour ma tendresse
Les soupçons de voire époux ;
Mais enfin , j'ai sa promesse
Et je vole près de vous .
Quel amant peut sur la terre
Espérer de plus beaux jours ?
Je deviens le Locataire
De la mere des amours.
Soumis à votre puissance
Je connaîtrai le bonheur ;
Non , d'une vaine espérance
Je ne flatte point mon coeur .
On a toujours sur la terre
De belles nuits , de beaux jours ,
Quand on est le Locataire
De la mere des amonrs .
Tome XVII.
G
( 98 )
Mais Eglé , si je m'abuse
Par des transports indiscrets ,
J'ai du moins pour mon excuse
Ma jeunesse et vos attraits .
Il est permis de tout faire
Dans la saison des beaux jours ,
Pour être le Locataire
De la mere des amours .
( Par le cit. LOMANDIE .)
Li
CHARADE.
jeune et tendre Ilas , fidele à mon entier ,
Pour la belle saison , où tout berger doit plaire ,
Applique tous ses soins à planter mon premier ;
Il a cueilli des fleurs , que l'aimable bergere
Sait à ses blonds cheveux unir en mon dernier.
A Robespierre lejour de sa fête , le 9 thermidor.
TYRAN
YRAN , lâche et barbare , auteur de tous nos maux ,
Ne crois pas reposer daus le sein des tombeaux .
L'asyle des vertus ne peut l'être des crimes .
Nous venons t'éveiller au nom de tes victimes . ( 1 )
Vois-tu leurs nobles fronts par nous couverts de fleurs..
Le tien ne le sera jamais que
d'infamie.
Sur leur tombe à l'envi nous répandons des pleurs.
Nous bénissons le jour qui t'arracha la vie.
( Par le citogen B *** . )
( 1 ) La Gironde .
1
( 99 )
A U
VARIÉTÉ
.
REDACTEUR.
Sous le régime révolutionnaire qui , parmi beaucoup
d'innovations assez déplaisantes , a vu régner la mode
des tu , des carmagnoles , des bonnets rouges , des gros
bâtons et des lunettes , le titre de Monsieur était devenu ,
avec bien d'autres tres , une expression hors d'usage ;
après le g thermidor, qui a produit aussi ses innovations ;
on a vu disparaître successivement les bonnets rouges ,
les carmagnoles , le tu un peu tenace , parce que quelques
bons esprits l'ont assez bien défendu ; le titre même
de Citoyen commence aussi à tomber en désuétude
sur tout parmi ceux qui , ennemis prononcés de tous les
usages bons ou mauvais établis depuis la révolution ,
ont pourtant conservé les gros bâtons et les lanettes .....
tant il est vrai qu'on n'est pas toujours conséquens .
8
Mais croyez -vvous , citoyen , que ce soit avec raison et
innocemment
que beaucoup
de citoyens , qui le sont sans
doute malgré eux , ne veulent pas qu'on leur en donne
le titre , et affectent de lui substituer
le monsieur
d'au
trefois ? Cette question , tardive peut- être , ne paraîtra
point futile à ceux qui savent réfléchir.
La qualification de Monsieur ou est insignifiante , ou
bien elle rappelle des idées féodales et adulatrices . Le
mot Citoyen exprime un titre honorable et vrai ; son emploi
consacre a tout moment , et sans aucun danger , la
seule égalité réelle et nécessaire . En effet , les talens ,
l'éducation , la fortune auront beau établir entre les
individus une certaine variété nécessaire , ou si l'on veut
des différences très - marquées , du moins en s'adressant
mutuellement la parole , n'ajoute - t- on point à cette inégalité
par des dénominations serviles ou injurieuses ;
bien mieux , on y gagne de s'avertir et de s'avouer
sans cesse que l'on est tous égaux sous le rapport
d'hommes en général et en particulier , de membres du
corps politique . Enfin ce mot , une fois admis par l'usage
comme par la raison , en public et dans les relations
privées , ramenerait la politesse à son vrai but , l'entiere
observation des convenances morales ; car si , dans les
G 2
( 100 )
V
Occasions multipliées qui mettent les citoyens en rapport
entr'eux pour toutes sur es de motifs , d'intérêt , de
devoir ou de plaisir , ils n'avaient qu'une seule expression
, l'expression convenable , pour se désig er respectivement
, on serait bien plus embarrassé quand on voudrait
exprimer ces différences que la vanité aime tant à faire
sentir ; et c'est déja un avantage précieux pour les
moeurs , que cette difficulté qu'on éprouverait à humi-
Hier ses semblables . Il n'y a donc rien que de juste ,
d'honnête et même d'utile dans l'emploi du mot Citoyen .
Il semble sur-tout difficile que les écrivains qui le réprouvent
puissent trouver dans son usage , malgré sa
date , aucun germe de malheurs politiques ; et s'ils sont
de bonne foi , ils y verront au contraire un lien de concorde
et de paix .
´a
Citoyen juge , citoyen représentant sont plus
exacts et ne sonnent pas moins bien à l'oreille , que
monsieur le juge , monseigneur le ministre ; sieur ou
seigneur ne signifient au fonds que le plus âgé. On y a
ensuite attaché des idées de respect et de supériorité ,
indépendantes de cette premiere acception . Mais tout
cela , pour des républicains , ne vaut pas la justesse et
la simplicité du titre de Citoyen .
A l'époque où il fut convenu de ne plus se servir de
la qualification de Monsieur , Rolland , qui remplissait.
les fonctions de ministre de l'intérieur , s'abstenait seul
d'employer le titre de Citoyen , dans ses relations officielles
; beaucoup de personnes lui en faisaient des
reproches , ce qui lui fit prendre le parti de publier ,
par la voie des journaux , son opinion motivée contre
ce nouvel usage ( 1 ) . Parmi quelques assertions assez
spécieuses , on découvre sans peine que la plus forte
était une vertueuse répugnance qu'il éprouvait à donner
la qualification de Citoyens aux membres de certains corps
constitués , qui certes n'avaient pas soutenu la dignité
de ce titre . Mais ce repoussement austere peut bien
faire honneur au caractere moral de Rolland , sans pour
cela être admis comme autorité par la raison . S'il
est naturel de ne plus appeller mon ani celui qui a violé
les lois de l'amitié , ce n'est point par l'omission d'un
titre inhérent aux individus , qu'il est plus uti e de
(1) Voyez le Moniteur du 15 octobre 1792 .
( 101 ).
signaler leur conduite coupable . En pareil cas , le titre
même de Citoyen doit être le premier trait du rėmords
pour ceux qui en auraient souillé le caractere .
Rolland objectait contre l'emploi de cette qualification
, qu'il pourrait arriver qu'on la donnât aussi à des
étrangers . Cet inconvénient n'est qu'illusoire ; le mot
Citoyen en génétal n'expliquant point à quel corps polit
que appartient l'individu à qui on l'adresse , on peut
le lui donner sans incohérence . Mais si cet étranger
n'était que sujet dans sa patrie ? ...... Eh bien ! quelle
inconvenance y aurait - il à lui rappèller que , s'il n'est
pas citoyen , il devrait l'être ?.... Quel est d'ailleurs
l'étranger assez peu fier qui , en se voyant par nous
assimiler aux hommes libres , n'aimera pas à trouver
dans ce procédé , au moins un trait délicat d'urbanité
française ?
Autre objection à réfuter. Les femmes , les enfans ,
comment les désignera - t - on ? Il me semble qu'il est
encore tout simple et tout naturel de désigner un jeune
homme , un jeune enfant même , par le titre dont il est
appellé à exercer un jour les droits . Je ne vois rien là
qui ne soit à l'avantage de la société et des moeurs .
Un pommier n'a- t- il pas le nom de pommier dès le premier
instant de sa végétation , comine lorsqu'il est parvenu
au point de porter des fruits .
Quant aux femmes , quoiqu'elles ne puissent exercer
aucun droit politique , je pense qu'intimement unies
aux citoyens , comme meres , comme filles , ou comme
épouses , il est encore très - bien , très - moral , qu'elles
soient appellées citoyennes . Quel sera donc le lien sensible
qui les attachera à la patrie , si l'absence du titre
qui peut leur rappeller des devoirs bien chers à remplir
, en fait en quelque sorte des étrangeres ?
Du tems de la monarchie , les femmes étaient exclues
par la loi salique de toute participation au gouvernement
; cependant l'épouse du roi s'appellait royne ou ,
reine . Il ne paraîtra donc pas plus inconvenant d'appeller
citoyennes les meres et les épouses des citoyens.
Si pour combattre encore l'admission du titre de
citoyen comme qualification habituelle , on voulǝjt arguer
de la privation des droits politiques appliquéc à
ceux qui sont attachés à d'autres individus en qualité
de domestiques , je répondrais qu'il n'en est pas de la
domesticité comme de l'esclavage ; celui qui avait engagé
ses services peut demain prendre rang parmi ceux
G 3
( 162 )
qui jouissent de tous les droits sociaux , et redevenir
citoyen sous tous les rapports.
Enfin , l'usage du titre de citoyen ne serait pas susceptible
d'objection victorieuse dans les cas les plus
graves . L'état d'accusation , je dis plus , de condamnation
ne peuvent l'anéantir . Tout criminel qu il est , celui
que la loi punit est encore citoyen par la peine même
qu'elle lui inflige ; car cette loi est le résultat effectif
ou tacite de la volonté générale dont la sienne , en
qualité de citoyen , a fait partie. Cette qualité est tell
lement inhérente à son existence sociale , qu'une loi qui
en prononcerait l'anéantissement serait aussi illusoire
qu'immorale , et c'était sans doute le sentiment de cette
vérité qui faisait dire à Garan de Coulon , dans la séance
du 16 messidor : « L'homme qui est sequestré de la société
parce qu'il a commis des crimes , est encore libre
même dans sa prison . Je ne vois qu'une circonstance
où le titre de Citoyen puisse se perdre ; l'absence , par
bannissement ou par émigration . Le banni comme I é
migré ne sont rien dans leur patrie qu'ils ne peuvent
plus habite légitimement. L'un , parce que ses crimes
ont fait juger sa présence nuisible à la société ; l'autre ,
parce qu'il l'a renoncée .
" "
Mais l'opinion saura toujours se montrer plus sévére ,
et refuser une qualification dont on aurait méconnu la
dignité , comme elle refusait autrefois celle de Monsieur
dans les mêmes circonstances .
ANNONCE,
Mon oncle Tobie aux artisans , aux gens de campagne et aux
éleves des écoles primaires de l'un et l'autre sexe feuille périodique
qui paraît quatre fois par mois. Le prix de la souscription
est de 22 lv. pour un an , et 12 liv . pour six mois . On
s'abonne chez Haubout Taine , pavillon du jardin de l'Orangerie,
vis-à-vis la rue St.-Florentin , à Paris .
Il faut adresser les lettres et l'argent franc de port.
Cette feuille a pour but d'inspirer au citoyen l'amour de la
patrié et de la concorde , Son style sera celui du simple bon
sens dont le langage est par- tout intelligible . On n'y traitera
que d'objets à sa portée , de la vie champêtre , de l'agriculture ,
des moyens de conserver la santé , la gaieté et les bonnes
moeurs,
( ros )
NOUVELLES
ÉTRANGERES
ALLEMAGNE,
De Hambourg, le 25 juillet 1795 .
Des lettres de Constantinople , du 21 juin , rendent un
· compte très détaillé de la maniere dont l'anibassadeur de la
République Française a été reçu à sa premiere audience . Cette
brillante cérémonie a dû êne aussi désagréable pour les envoyés
des puissances coalisées que satisfaisante pour les Français
établis dans la capitale de l'empire ottoman , et pour la
nation en général : elle ne laisse pas le pins léger doute sur
le retour de son influence , et le commerce doit en concevoir
les espérances les plus flatteuses .
Le 20 , tout le peuple se trouva sur le passage de l'envoyé .
Le grand - seigneur lui - même avait voulu jouir de ce spectacle ,
et s'était en conséquence placé dans un kiosk qui donne sur
la cour du premier ministre . Deux corps , l'un de cavalerie
et l'autre d'infanterie , composés de tous les Français qui sont
en grand nombre à Constantinople , et qui s'étaient mis en
uniforme , faisaient un très-beau coup d'ail. Un peloton de
à cheval ouvrait la marche ; un autre la fermait. M. Ver
gens
ninac lui même , en uniforme , monté sur un superbe chevat
richement enharnaché , avait pour cortège un grouppe d'offi
ciers de génie , d'artillerie , de construction , et d'autres citoyens
attachés à l'ambassade . Les grands officiers chargés de
conduire l'envoyé , qui font ordinairement mille chicannes de
préséance , ont montré les plus grands égards cette fois- cit
en un mot , tout s'est passé avec la plus grande décence , et
l'on assure que nulle cérémonie de ce genre n'a été ni ausst
brillante , ni aussi agréable. Tout le sérail était dans l'enchantement.
Les mêmes lettres ajoutent :
On voit ici des copies du discours du citoyen Verninac ,
envoyé extraordinaire de la République Française , au grand
visir , lors de sa premiere audience , ainsi que de la réponse
du grand visir.
Discours du citoyen . Verninac .
La sublime Porte , fidelle au principe sacré de l'indépen
dance des nations , et non moins fidelle à l'antique amitié
G 4
( 104 )
qui unit la France à l'empire Ottoman , dans ces circonstances
difficiles où tant de nations ont dévié de la route de leurs véri
tables intérêts , -a respecté l'exercice de nos droits , et n'a
pas pris les armes pour s'opposer à l'établissement de notre
République.
Que votre excellence reçoive donc le tribut d'hommage dû
à la haute sagesse d'une conduite si recommandable , et qu'elle
le reçoive par l'organe d'un citoyen de cette Republique ,
qui est le premier envoyé de ses fondateurs qui fasse entendre
sa voix amicale et sincere dans cette enceinte .
L'histoire conservera ce titre de gloire de la sublime Porte ,
lorsqu'elle retracera avec les plus vives couleurs cette epoque
mémorable où le peuple Français , forcé d'unir au droit de
sa cause le droit de l'épée et de la victoire , a donné au
monde l'exemple le plus brillant dont aucune portion du
genre humain ait jamais pu s'honorer jusqu'ici .
Les principes qui ont dirigé les résolutions de la sublime
Porte , dans ces tems critiques , m'ont été un motit d'encouragement
et une garantie de succès favorable , en acceptant
, des représentans du peuple Français , la mission de
raffermir entre la France et l'empire Ouoman les bâses de la
paix , de resserrer de plus en plus les liens de l'amitie , et
d'accroître les rapports d'un avantage commun.
J'ai trouvé aussi de grands motifs d'esperance dans la nature .
des choses ; les deux nations ayant de fortes raisons de s'aimer
, et ne connaissant aucun motif de haine ni de jalousie ,
j'en ai trouvé enfin dans la sagesse et les lumieres qui distinguent
le depositaire suprême de l'autorité de sa hautesse.
Tout me porte donc à croire qu'en récompense de mon
respect pour les droits et les interêts de la sublime Porte ,
je trouverai dans ce dépositaire suprême , pendant tout le
cours de na mission , les égards dus à la dignité de la Répu
blique Française , l'exécution amicale des traités et capitolations
qui unissent les deux nations , et une constante bienveillance
entre les Français qui sont occupés dans les diverses
parties de cet empire , du soin doublement avantageux de
mettre en leur les productions du sol ottoman , et de l'enrichir
des utiles inventions de l'industrie et des arts de la
France .
Réponse du grand visir.
Les sentimens d'affection qui ont toujours animé la su
blime Porte en faveur de la nation française , n'ont jamais
souffert la moindre altération ; de plus , la sublime Porte a
toujours été fidelle aux droits de l'amitié , et aux liens qui
existent entre les deux puissances . Elle n'a cessé d'être trèsattentive
à tout ce qui peut intéresser la sécurité et le bonheur
des Français établis dans l'empire otoman . Ces droits
( 105 )
de l'amitié seront également observés avec la même attention
à l'avenir , ainsi que les termes des traités .
Telle est la volonté souveraine de sa hautesse le trèsmajestueux
, le très -magnanime et le très - puissant empereur
notre bienfaiteur , seigneur et maître .
Nous , de notre côté , nous remplirons nos devoirs à
ces égard avec l'attention la plus constante .
Nous voyons au surplus avec la plus grande satisfaction
que le citoyen envoyé , notre ami , homme de réputation
par ses estimables qualités , soit destiné par la République
Française , notre amie , à rési ler auprès de la sublime Porte .
L'impératrice de Russie vient de faire l'acquisition des
biens allodiaux du duc de Courlande , moyennant cinq cent
mille ducats ; elle paie ses dettes et lui fait une pension de
cinquante mille ducats .
De Stockholm , le 7 juillet. Le régent depuis son retour de
Scanie , a toujours été très- occupé tous les membres de
l'administration suprême se sont rendus à Broiningholm , et y
demeurent ; il n'y a que le grand - sénéchal du royaume qui ait
obtenu de pouvoir aller dans ses terres , encore n'est-ce que
pour un court éspace ,
de tems.
Le général en chef Cederstroem est parti d'Istadt le
25 juin , pour se rendre à Stralsund , et y faire l'inspection
de tout ce qui est de la partie militaire . De Stralsund , il parcourra
ensuite toute la côte occidentale , comme il a déja fait
de la côte orientale et de celle du midi . Toutes ces dispositions
semblent annoncer des vues guerrieres dans le cabinet dé
Stockholm .
La garnison de cette ville avait déja reçu des ordres pour
des manoeuvres , que l'on se proposait de lui faire faire l'au
tomne prochain ; et déja les sommes nécessaires avaient été
assignées ; mais depuis quelque tems ce plan paraît changé ,
et les manoeuvres n'auront point lien cette année.
:
On mande de Copenhague qu'il y a eu une grande quantité
de dons volontaires en faveur des pauvres incendiés. Il en
est venu du dehors , de Londres et de Hambourg on va
s'occuper à réédifier des maisons , pour remplacer celles qui
ont été consumées . Un placard royal , à la date du 3 , a permis
l'importation et d'autres matériaux venans de l'étranger ; il a
même cherché à donner de l'encouragement à cette importation
, en diminuant pour trois années consécutives les droits
qui se perçoivent sur ces objets .
De Lemberg , le 30 juin . On débite ici que le 16 du mois
prochain , une conférence doit avoir lieu à Brzezk entre les
ministres de l'Autriche , de la Russie et de la Prusse , pour
fixer definitivement le sort de la Pologne . On ne peut rien
( 106 )
savoir de positif sur les suites des arrangemens qui vont être
pris par ces trois puissances ; mais on dit pourtant que la
Pologne , sans être conservée dans toute son intégrité , ne
disparaîtra pas de la liste des royaumes . La Russie paraît disposée
à faire le sacrifice de la partie de la Lithuanie que les
Russes ont occupée jusqu'a Volhynie , et de la Russie - Blanche .
La Prosse rendrait de la Grande Pologne , les districts qui
ne lui sont pas absolument nécessaires pour arrondir ses provinces.
Quant à l'Autriche , elle recevrait le reste du palatinat
de Cracovie , de même que celui de Sendomir ; plus , le
reste des districts de Lublin et de Chelm , dont moitié lui
avait déja été accordée lors du partage de 1773 , et qui lui
deviennent nécessaires pour couvrir les salines considérables
de Wiliczka et de Bochnia. On dit même qu'on joindra à lå
part de cette puissance , pour l'égaler aux deux autres , unė
partie du duché de Mazowie . Le tems nous apprendra ce qu'il
ya de réel dans ces combinaisons politiques.
De Francfort-sur- le- Mein , le 28 juillet .
L'archiduc palatin de Hongrie vient de périr d'une maniere
très malheureuse . Ce prince s'occupait à Laxembourg à préplarer
un feu d'artifice , dont il voulait donner le spectacle
à l'impératrice il y travaillait en secret avec son valet- dechanibre
et un de ses laquais , dans use petite chambre. Le
fen prit à une masse de poudre de 24 livres , tua le laquais
et blessa grievement l'archiduc et son valet de chambre .
Celui - ci est mort la nuit derniere ; l'archiduc est mort cẻ
matin à 9 heures .
Un quart-d'heure plus tard , c'en était fait aussi de l'empeseur
qui était venu voir travailler l'archiduc . Ce qui ajouté
encore à la douleur que cause cette mort , c'est que le jeune
prince devait épouser une des petites filles de l'imperatrice
de Russie ...
De Vienne , le 12 juillet . On apprend que le général de
Fempereur , conjointement avec celui de l'Empire , a demande
au général Hohenlohe , commandant de l'armée d'observation
prussienne , une réponse cathégorique sur la conduite qu'il
tiendrai en cas que l'armée passât le Rhin . Ce général a
répondu qu'il n'avait point d'autres ordres , sinón que de
maintenir la neutralité à l'égard de la ligne de démarcation
stipulée par le traité de Eâle , et d'avoir soin que cette ligne
ne fût depassée par qui que ce soit.
Le ministre de Russie à Berlin a , à ce qu'on assure , notifié
en termes exprès : « Que sa souveraine ne pouvait être
indifférente aux entraves qu'on pourrait mettre aux opérations
de Farmée autrichienne .
( toy )
1
Le comte de Goertz , ministre de Prusse auprès de la dietë
de Ratisbonne , y est arrivé le 15 juillet de. Bareuth , où il a
eu une conférence avec le baron de Hardemberg ; il a demandé
qu'on rouvrit le protocole sur d'objet de la guerrea
Ce desir étant partagé par plusieurs ministres , qui l'ont mani
festé , l'on croit que cette nouvelle ouverture ne tardera pas
d'avoir lieu . An reste , on continue d'en concevoir les meila
leures espérances pour la paix , que les conferences de Bâle
accélérent : le bruit qu'elle a été couclue dans cette ville entre
la France et l'Espague achevera , s'il se trouve fonde , de de
terminer les membres du corps germanique , et influera pros
bablement aussi sur le parti que prendra P'Autriche .
D'ailleurs les Français continuent de se tenir en bonne
posture sur les bords du Rhin . Voici ce qu'on mande de
Weissentharm , en date du 10 juin :
Les Français sont constamment occupés à faire sauter les
anciens ouvrages qui entourent Coblentz , et à en construire
de nouveaux beaucoup plus considérables . A Ehrenbreistein .
on établit de nouvelles batteries , et on augmenté considérablement
les ouvrages , et ces dispositions respectives re sont
pas des préliminairires de paix . D'ailleurs , le passage du Rhin
entre cette forteresse et Coblentz , éprouve beaucoup de difficultés
et puis l'armée française dans les environs de cette
ville est forte à - peu - près de 20 à 30,000 hommes.
Avant hier , quelques centaines de Français qui avaient été
rendus par les Prussiens , remontaient le Rhin le long de la
rive gauche pour se rendre à leurs régimens qui sont au Haut-
Rhin . Tout coup on fit feu sur eux d'une batterie impériale ,
et plusieurs furent tués ou blessés . Le général Marceau , qui
commande à Coblentz , ayant été informé de cet évenement ,
fit dire au commandant impérial que , si à l'avenir il faisait
tirer du canon sur des troupes qui marchent sans armes , il
ferait jeter des boulets rouges dans le bourg de Niederlahnstein ,
et qu'il le brûlerait entierement.
On écrit de Bremen , le 23 du courant , que le baron de
Hardemberg , qui s'était abouché avec le comte de Goertz ,
ministre prussien à Ratisbonne , après avoir rendu la veille
une visite au géneral Clerfayt , à Schwetzinguen , a poursuivi
sa route par Carlsrenhe pour se rendre à Bâle , où il va sans
doute travailler à concilier les esprits , et à achever le grand
euvre de la pacification de l'Europe ,
ITALI E.
De Romé, le 8 juillet. Les médailles d'or et d'argent qui ont
été distribuées à l'occasion de la fête de Saint- Pierre et de
Saint Paul , représentent d'un côté l'effigie du pape , et sur
l'exergue , le chef de l'église catholique sur un trone , recevant
( 108 )
des évêques , des religieuses et des prêtres émigrés , avec ces
mots Clero gallie pulso hospit . : et alim. præstita .
Le ci devant Monsieur a fait parvenir que lettre au pape ,
où il lui fait part, qu'au moyen de la mort de son neven ,
il se trouve devenu roi très - chretien : il assure que son premier
soin sera de faire fleurir dans son royaume la religion
catholique , apostolique et romaine , et den ade au pape ,
pour le fils aîné de l'eglise , sa bénédiction apostolique .
"
On mande de Naples que la cour y a piis le deuil à l'occasion
de la mort du fils de Louis XVI . On a arrêté à Palerme
un chef de la conspiration qui devait eclater le vendredi
saint.
De Turin , le 11 juillet. Le gouvernement n'a publié aucun
rapport officiel depuis trois jours , ce qui suppose que les
armées sont encore dans la même position depuis le 6 et le 7.
de ce mois . Des avis particuliers portent que les Autrichiens se
sont établis le 7 à Alassio , et le lendemain à Loano.
- Les lettres de Gênes , du 9 , parlent d'un mecontentement
general parmi les habitans de cette république , qui tronvent
qu'on les traite en pays conquis plutôt qu'ei pays neutre ce
qui a beaucoup affecte les genois , c'est de voir flotte le pavilion
autrichien sur la forteresse de Vado . Tandis que ce fut était occupé
par les Français , ils y avant laissé le pavaton gênois .
ANGLETERRE . De Londres , le 16 juillet.
Les différens com és sont successivement le théâtre de morvemens
populaires , causés par la cherte des subsistances . La
force militaire vient à bout de les appaiser pour un moment
dans un endroit ; mais ils recommencent bientôt ailleurs :
on se flatte néanmoins que l'apparence de la belle récolte
qui se prépare calmera les esprits . Il est bien a desirer que
cette récolte soit aussi belle qu'elle le promet ; car le froid
excessif qui s'est fait sentir dans la nuit du 18 juin a fait périr
une grande quantité de moutons . Des troupeaux entiers en
ont été victimes . Le seul comte de Salisbury a perdu plus
de 3000 bêtes à laine .
On a enfin des nouvelles , et même très - satisfaisantes , de la
baie de Botanique , par le vaisseau de provision le Détale ,
revenant de cette colonie à la Nouvelle- Hollande , et qui est
arrivé à Portsmouth le 1er juillet . D'après son rapport , la
colonie était en bon état , les déportés s'y conduisaient avec
sagesse , et pourraient se flatter de recueillir uue bonne moisson.
Il est remarquable que le Dédale n'a pas perdu un seul
homme depuis quatre ans qu'il avait quitté l'Angleterre . C'est
Ja preuve du point de perfection où l'on a porté l'art de conserver
les hommes à la mer.
1
+
( 109 ):
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
GONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE LA REVEILLERE - LÉPAUX.
Séance de primedi , 11 Thermidor.
Bailleul , par motion d'ordre , dit qu'il apprend que le comité
de législation ne fera pas aujourd'hui son rapport sur les
députes inculpés ; qu'il est à desirer que ce rapport ne soit
plus differe ; que si , après le 9 thermidor , l'Assemblee eût
séverement examine de quels élémens elle était composée , on
n'aurait eu ni le 12 germinal , ni le 1er , prairial . C'est d'ici ,
ajoute- t-il , que le signal est parti dans ces deux criminelles
journées . C'était un malheur public , que la descente des
émigrés . Les terroristes en ont profité pour redoubler d'at
dace . C'est aussi une chose étrange que l'acharnement avec
lequel on a parlé de royalisme . Il faut que la constitution
sorte d'une assemblée pure , et vous ne devez regarder celleci
comme telle qu'après une éparation . Bailleul s'eleve ensuite
contre le décret qui porte , qu'une commission sera nommée
dans le sein de l'Assemblée pour juger les détenus . Il ne
croit pas qu'il soit mis jamais à exécution .
au-
Dubois - Crancé Bailleul vient agiter ici le brandon de la
discorde. Il insinue que la Convention viole la justice . C'est
chercher à l'avilir. Le comité de législation prépare un rapport
. Il faut espérer qu'il ne trouvera point de coupables ;
mais s'il en trouvait , nous sommes tous disposés à les traduire
devant les tribunaux . ( Oui , s'écrit-t-on de toutes parts . )
Je demande le maintien du decret . La Convention ne doit
pas s'avilir en rapportant le jour le décret de la veille . Elle :
ne peut faire juger par leurs ennemis les hommes qui les
ont incarcéres . Vous seuls prononcercz. Conservez la confiance
de la nation ; ne vous méfiez pas de vous - mêmes au
point de croire qu'il n'y a pas parmi vous douze hommes
digues de rendre la justice au peuple.
La question préalable sur la motion de Bailleul est décrétée.
Treilhard , au nom du comité de salut public , lit une lettre
des représentans du peuple près l'armée des Pyrénées occidentales
, qui ecrivent de Vittoria , capitale de la Navarre
espagnole , que nous sommes maîtres de cette ville . Ce no
sont pas des victoires seulement que vous devez aux Français ,
dit Treilhard , vous leur devez aussi la paix. Dans ce moment
vous comptez un ami de plus : la paix est faite avec
( 100 )
•
leurs
Espagne. ( Vifs applaudissemens . ) Il lit le traité signé à Bale
le 4 thermidor. Les conquêtes que nous avons faites sur elle
sont restituées ; elle nous cede en échange toute la partie
espagnole de Saint-Domingue. Un mois après l'echange des
ratifications , les deux puissances n'auront plus sur
frontieres respectives que le nombre de troupes ordinaire
en tems de paix . Tous les prisonniers seront reciproquemnt
rendus dans deux mois . Cette paix est commune avec la Hol
lande . La France , accepte la médiation du rei d'Espague pour
rétablir la paix entr'elle et les rois de Portugal , de Napies ,
de Sardaigne et les autres puissances d'Italie , et généralement
avec toutes les puissances qui pourraient s'adresser à iui pour
ect objet. Les applaudissemens redoublent et la séance
leve.
Séance de duodi , 12 Thermidor.
se
Bergoin , par motion d'ordre , demande que le prix des
denrées et objets de premiere nécessite soit fixé d'après l'échelle
de proportion dont le principe est décrété . Cette proposition
qui tend à mettre un frein à l'agiotage , et à rétablir l'équilibre
entre le puinéraire réel ou fictif et les marchandises , est saisie
par l'Assemblée . Elle la renvoie à ses quatre comités de salut
public , législation , commercé et finances .
Le noble Vénitien Guérini entre dans la salle au milieu des
plus vifs applaudissemens . Il s'assied ' sur un fauteuil en face
du président ; les personnes de sa suite sont à côté de lui
sur des banquettes . Il prend la parole , et dit : Il ne pou-`
vait rien m'arriver de plus Batteur et de plus intéressant
que d'être adais dans le sein de la Convention nationale
pour l'en retenir de l'intérêt que la république et le sénat
de Venise out pris à la République Française ; que d'être
envoyé auprès d'une nation dont les exploits et les victoires
fout depuis long - tems l'admiration , et fixent les regards de
toute l'Europe ; enfin , d'être choisi pour concourir au maintien
de harmonie qui n'a cessé de regner entre la France
et l'état de Venise . je m'efforcerai en jus ifiant le choix de
ma patrie de répondre à sa confiance .
A
Le président répond : La Convention nationale met an
nombre des jours heureux celui où elle reçoit dans son sein
l'envoyé de l'illustre république de Venise , dont les habitans
sont , ainsi que les Français , étrangers au joug avilissant de
la royauté . Venise et la France ont eu beaucoup de conformité
dans leur origine . Dites à votre gouvernement qu'il
aura toujours en nous des alliés sinceres . La Hollande comprise
dans le traité de paix avec l'Espagne est une preuve
que nous n'oublions pas nos amis.
La Convention , après avoir reconnu M. Guérini , ministre
de Venise auprès de la France , lui donne l'accolade fraternelle ,
( 111 )
et décrete que sen discours et la réponse du président seront
imprimes et traduits dans toutes les langues .
Creuze - Latouche dit que nous voyons enfin notre révolution
toucher au terme que les vertus les plus pures ei la
plus douce sensibilite s'étaient proposées en la commençants
que si le crime a pu la souiller au milieu de son
cours , le
crime s'est aussi détruit de lui - même et par ses propres fureurs ,
pour faire place aux vertus qui devaient lui survivre 3
que les homines ne sont pas faits pour se haïr , se combattre
et s'entre - déchirer ; mais que l'estime , la bienveillance
et l'amitié résident eternellement dans leur coeur , et y ont
déposé comme dans le sein de la nature les germes précieux
qu'elle porte et qu'elle ne perd jamais . Il propose en con
sequence de detruire un monument odieux des passions les
plus basses d'un de nos despotes , Louis XIV , contre une
nation amie , avec laquelle nous venons du cimenter les liens
de la fraternité. Il s'agit d'effacer une inscription qui se it
sur la porte Saint - Denis , et qui est conçue en ces termes 2
Emandata malè memori Batavorum gente , apres avoir corrigé
l'ingrate nation des Bataves ; et de ne pas souffrir plus long- tems
que cette nation amie soit outragee sur une terre où elle
e doit trouver que des freres et des defenseurs .
Cette proposition est decrétée à l'unanimité .
On passe à la discussion de la constitution .
Voici la suite des articles constitutionnels .
TITRE VI . Corps administratifs et municipaux .
,, XIII . Il y a en chaque commune , dont la population
est inférieure à cinq mille habitans , un agent municipal et
un adjoint . La réunion des agens municipaux , de chaque com
mune forme la municipalité de canton . Ii y a de plus un
président de l'administration municipale choisi dans tout le
canion .
,, XIV. Dan's les communes dont la population s'éleve de
cinq à dix mille habitans , il y a cinq officiers municipaux .
Nenf depuis 10,000 jusqu'à 25,000
Vingt- un depuis 25,000 jusqu'à 50,000 .
Vingt- sept depuis 50,000 jusqu'à 100,000
,, XV . Dans les communes dont la population est supérieure
à 100,000 habitans , la division des mnaicipalités sé fait de
maniere que la population de l'arrondissement de chacune
n'excede pas 50,000 individus , et ne soit pas moindre de
30,000.
Chacune des municipalités nomme quinze officiers municipaux.
,, XVI . Il y a dans les communes divisées en plusieurs 'municipalités
, un bureau central pour les approvisionnemens et
( 112 )
autres objets qui seront jugés indivisibles par le corps législatif.
,, XVII . Les administrateurs désignés aux articles VI , VII
et VIII , sont nommés pour deux ans , et renouvellés chaque
année par moitié ou par partie la plus approximative de la
moitié , et alternativement par la fraction la plus forte et par la
fraction la plus faible .
Le titre relatif à la comptabilité est décreté , sauf ce qui concerne
le jury de comptabilité , Lanjuipais ayant déclaré que la
commission avait supprimé , comme inutile , cette partie du
projet.
On continue la lecture , et le projet entier de l'acte constitutionnel
est adopté , sauf les articles renvoyés , pendant la
discussion , à un nouvel examen de la commission .
Séance de tridi , 13 Thermidor.
Gouly , au nom du comité de la marine , présente un
projet de décret sur le rétablissement d'un corps d'artillerie
de la marine , et propose de le porter à 18,000 hommes .
Il fait le dépit des avantages qu'offrirait ce corps , et des
inconvéniens qui sont resultés de sa suppression . Le projet
est ajourné.
4
Aubry , an nom du comité de salut public , prend d'abord
la parole pour justifier le comité des inculpations qui lui
sont faites sur la nomination des officiers généraux . il dt
qu'il fallait s'attendre qu'il y aurait des mécontens et des
plaintes. Sur mille officiers généraux qu'on présentait , l'on
ne pouvait en employer que six cents. Il en est de même
des commissaites des guerres . Il fallait donc qu'il y en eût
de rejettés . Aubry convient que le comité a pu être trompé
sur quelques individus , mais il les croit en petit nombre , et
il invite ses collegues à faire leurs réclamations .
Quirot demande qu'on rapporte le décret qui soumet à la
sanction de la Convention la liste des officiers généraux , ou
qu'on passe à l'examen des sujets qui la composent . Sa motion
est é artee par l'ordre du jour. Les réclamations seront portées
au comité de salut public .
Doulcet , au nom du même comité : Je viens vous entretenir
de l'armée des Pyrénées occidentales,, c'est vous annoncer
un nouveau triomphe. La paix seule pouvait mettre
un terme aux victoires de cette brave armée . Elle vient d'entrer
dans Bilbao , que les Espagnols out évacué sans attendre
nos troupes. Nous y avons trouvé 22 pieces de canon et les
magasins garnis.
Sur la proposition de Vernier , organe du comité des
finances , la Convention décrete que les matieres d'or , d'ar
gent et de vermeil , en depôt , seront portées à la monnaie
pour être converties en lingots. Il n'y a d'exceptés que les
chef-d'oeuvres
( 113 )
chefs- d'oeuvres de l'art de l'orfevrerie , qui doivent être placés
jau Muséum , et les pieces intactes dont la main - d'oeuvre
promet , d'en tirer un plus grand avantage .
Plusieurs sections de Paris étaient venues demander le rapport
du , decret portant nomination d'une commission dans
le sein de l'Assemblée , pour juger les causes de détention
des prévenus de terrorisme , et n'avaient pas été accueillies .
Celle de 1 Observatoire a cru devoir faire une nouvelle tentative
, et n'a pas te mieux reçue. Il s'est même élevé une
discussion assez vive entre Dubois - Crancé et ces députés . Le
-président qui avait levé la séance était remonté au fauteuil ;
mais la retraite des députés et des spectateurs n'a pas permis
de la reprendre et de s'en occuper.
Séance de quartidi , 14 Thermidor.
Bailleul , au nom du comité de sûreté générale , fait un
rapport sur les chefs des chouans qui ont été arrêtés , et qui
viennent d'arriver à Paris . L'on se rappelle avec quelle indiguité
ils ont violé la pacification qu'ils avaient souscrite à
la Mabilais près de Rennes . Depuis lors de nouveaux actes
d'hostilité ont éclaté . On a égorgé des membres des autorités
constituées , des receveurs nationaux , et cherché à fomenter
le royalisme dans les départemens de la Manche et
du Calvados . Il s'agit de juger ces individus . Ils sont dans
le cas d'être envoyés à la commission militaire , ou au tribunal
criminel militaire de l'armée de l'intérieur. Ce dernier parti est
plus conforme aux regles , c'est aussi ce que propose le comité.
La Convention décrete que Cormatin , Paris , Boisgonthier
et autres complices prévenus d'avoir porté les armes contre
leur patrie , trahi la foi donnée , et participé à un complot
dont la descente de Quiberon a été l'nn des effets , seront
traduits devant le tribunal criminel militaire de l'armée de
l'intérieur.
Doulcet , au nom du comité de salut public : C'est aussi
par des victoires que l'armée des Pyrén . orient . veut terminer sa
glorieuse carriere . Le comité vous annonce qu'elle a pousuivi l'ennemi
pendant 4 lieues , qu'elle lui a pris des canons , des caissons
et tué beancoup de monde. Les republicains ont toujours marché
la bayonnette en avant ; les canonniers ont tiré à bras leurs
canons sur des hauteurs considérables ; tout le monde a bien
fait son devoir à l'armée , et a acquis de nouveaux droits à
la reconnaissance publique. Le comité vous propose de décréter
que cette armée continue de bien mériter de la patric . Applaudi
et décrété.
Sur le rapport du comité des finances , la Convention
décrete que , par son décret du 23 messidor dernier , elle
n'a entendu parler que des assignats de cinq liv. et au -dessus ,
jusqu'à cent liv . portant des empreintes de royauté , et que
Tome XVII.. H
( 114 )
ses précédens décrets relatifs aux assignats à face au dessus
de 100 liv. seront exécutés.
Le même comité fait enco décréter que la trésorerie est
autorisée à faire l'émission des assignats de 2000 liv . nouvellement
fabriqués , en vertu du décret du 17 pivôse dernier
, soit pour le service des caisses , soit pour échanger a
bureau ouvert des assignats de 10,000 liv. , aux citoyens qui
on besoin de plus petites coupures.
Laujuiuais soumet à la discussion le projet de décret qui
a pour but d'abolir l'effet rétroactif de la loi du 17 nivôse ,
sur les donations et les successions .
12
Plusieurs membres out successivement parlé contre cette proposition.
Villard demande la question prealable. Il dit que lors
qu'une loi nous rappelle à celle de la nature et de la raison , c'est
mal-a-propos qu'on qualifie ses dispositions d'effet rétroactif ;
qu'il n'en voit aucun dans celle du 17 nivôse , parce que l'égalité
des partages a été implicitement , mais suffisamment procla
mée le 14 juillet 1789 , en même tems que l'égalite politique
et civile. La discussion est ajournée.
Treillard , organe du comité de salut public , propose la
ratification du traité de paix avec l'Espagne. 2
Vallet expose que la France doit prouver à l'Europe qu'elle
n'a point les idées d'ambition et de conquête que lui a prétées
l'Angleterre ; mais qu'elle ne doit pas oublier que les
Espagnols réunis aux Anglais nous out enlevés à Toulou
douze vaisseaux de ligue , et que leur restitution aufait dû
être stipulée dans ce traité.
Plusieurs membres demandent à répondre . On objecte que
la discussion n'est pas ouverte . Charles Lacroix parle contre
l'art. IV , relatif aux limites. Cambacerès répond que cette
grande pensée que l'Espagne est l'altice naturelle de la France ,
a absorbé toutes les autres
Cousons
; qu'il n'est ques
tion que de mieux régler les limites , et de ne pas perdre de
vue toute l'importance de l'abandon de la partie espagnole
de St. Domingue. ( Aux voix , s'écrie- t on de toutes parts .) Le
traité est ratifié à l'unanimité .
Suite de la discussion de l'acte constitutionnel.
A 1.52
TITRE VI. Des corps administratifs et municipaux .
" XVIII. Les agens généraux d'exécution peuvent aussi suspeudre
les administrateurs de departemens qui ont contrevenu
aux fois ou aux ordres des autorités supérieures , et les administrations
de département ont le même droit à l'égard des
membres des administrations municipales .
,, XIX. Aucune suspension ni annullation ne devient définitive
sous la confirmation formelle du directoire exécutif ,
qui a aussi le droit de prononcer immédiatement , lorsqu'il
( 115 )
le eroit nécessaire , les destitutions des administrateurs , soit
de département , soit de canton , et de les renvoyer devant
les tribunaux lorsqu'il y a lieu..
XX. Le directoire pent de même annuller immédiatement
les actes des administrations départementales ou mu
nicipales.
XXI. Tout arrêté , portaut cassation d'actes , suspension
eu destitution d'administrateurs , doit être motivé .
w XXII. Les administrations , soit de département , soit
de canton ne peuvent correspondre entr'elles que sur les
affaires qui leur sont attribuées par la loi , et non sur les interêts
généraux de la République entiere.
" XXIII . Toute administration doit annuellement le compte
de sa gestion . Les comptes rendus par les administrations dépar
tementales seront imprimés.
,, XXIV. Les actes des corps administratifs sont rendus
publics par le dépôt d'un registre double ouvert à tous les
administrés.
Le titre qui suit concerne le pouvoir exécutif.
1. Le pouvoir exécutif est délégué à un directoire de
cinq membres , nommés par le corps législatif.
12. Le conseil des cinq cents forme une liste triple du nombre
des membres da directoire qui sont à nommer , et la présepte
au conseil des anciens qui choisit dans cette liste.
Li 3. Les membres du directoire doivent être âgés de 40 ans
au moins.
4. Ils ne peuvent être pris que parmi les citoyens qui
ont été membres du corps législatif , ou agens généraux d'exé
cution, La disposition du présent article pe sera observée qu's
commencer de l'ange , de la République ..
5. Les membres du corps legislatif ne peuvent être élus
membres du directoire , ni pendant la durée de leurs foncious
legislatives , ni pendant la premiere aunee après l'expiration
de ces mêmes fouctions ..
16. Le directoire est partiellement renouvellé par l'élec
tion d'un nouveau membie, chaque année . Le soit decidera
pendant les quatre premieres années de la sortie successive
de ceux qui auront été nommés la premiere fois .
3
7.Aucun des membres sorians ne peutêtre réélu qu'après
un intervalle de cinq ans.
les
8. L'ascendant et le descendant en ligne directe , le
frere , l'oncle , le neveu le cousin an premier degré
alliés au même degré , ne peuvent être en même tems membres,
du directoire , ni s'y succéder qu'après un intervalle de cinq
ans.
ཝཱ , !,
9. En cas de vacance par mort , démission ou autrement
d'un des membres du directoire , son successeur . cst elu par
le corps législatif , dans dix jours pour tout delai . Le con
H 2
( 116 )
aeil des cinq cents est tenu de proposer les candidats dans
les cinq premiers jours , et le conseil des anciens doit consommer
l'élection dans les cinq derniers . Le nouveau membre
n'est élu que pour le tems d'exercice qui restait à celui qu'il
remplace . Si néanmoins ce tems n'excede pas six mois , cèlui
qui est élu demeure en fonction jusqu'à la fin de la cinquieme
année suivante . '
Séance de quintidi , 15 Thermidor.
Cambacérès dit que des circonstances urgentes avaient dé
terminé la Convention à investir de pouvoirs extraordinaires
les représentans Tallien et Blad , et qu'ayant cessé , le comité
de salut public propose de les rappeller ; la Convention natio
nale decrete qu'attendu que les motifs qui l'ont déterminée à
envoyer , le 13 messidor dernier , dans les départemens de
l'ouest , les représentans Tallien et Blád n'existent plus , làmission
de ces deux représentans est terminée , et qu'ils rentreront
dans le sein de la Convention nationale .
Sur la motion d'un autre memble , elle décrete encore qu'au
cun des représentans dont le tems de la mission est fini , ou
qui est rappellé , ne peut plus en exercer les pouvoirs ; que
les arrêtés qu'ils prendraient après l'expiration sont nuls et
sans obligation pour les autorités constituées , et que tout député
en congé ou dont le tems de la mission est passé , et ceux qui
ne sont pas compris dans l'exception du décret du 4 messi
dor , sont tenus de se rendre dans le sein de la Convention
pour la fin de ce mois , s'ils sont éloignes de moins de cent
lieues , et pour le 10 fractidor prochain , s'ils sont au-delà.
Ceux qui ne s'y conformeront pas seront censés avoir donné
leur démission , et il sera pourvu à leur remplacement.
Portier ( de l'Oise ) , au nom du comité d'instruction pablique
, fait un rapport sur la fête prochaine du 10 août. Il
dit que la paix avance et l'abondance avec elle ; que la coa
lition est dissoute , les puissances reconnaissant la République ;
que la constitution va être présentée au peuple , les arts et
les sciences vont fleurir , l'agriculture reprendre ses travaux ,
et la sûreté des personnes et des propriétés se rétablir à jamais.
Il ajoute qu'en célébrant le 10 août , le peuple célebre
son propre triomphe .; qu'à cette époque des bouches d'airain
vomissaient la mort sur lui ; mais qu'au 10 août de l'an 3,
le canon tiré sous d'heureux auspices , annoncera la victoire
des hommes libres et le retour de la paix. Il propose et la
Convention décrete que , le 23 thermidor , jour correspon
dant au 10 août , à huit heures et demie du matin , moment
auquel le trône a été renversé , une salve d'artillerie annon
cera la victoire du peuple sur la tyrannie ; que ce jour la
Convention siégera en costume. L'institut national de mu
sique exécutera des hymnes en l'honneur de la liberté. A
( 117 )
une heure , le président prononcera un discours analogue à
la fête , et la Convention reprendra cusuite le cours de ses
travaux . A cinq heures du soir , il y aura concert an jardin
des Tuileries . L'anniversaire de ce jour sera aussi célèbré
dans toutes les communes de la République et aux arméės
avec toute la pompe et la solemnité que les localités comportent.
Une commune demande que les biens attaches aux hôpitaux
leur soient conservés , et un membre converustant en
motion cette réclamation , l'Assemblée renvoie la pétition aux
comités réunis des secours publies et des finances , pour lui
eu faire au rapport. "
On procede par quart au renouvellement du comité de
salut public . Les quatre membres sorians sont , Cambacérès
Aubry , Tallien et Treilliard. Ceux qui les remplacent sont ,
Merlin ( de Douay ) , Letourneur ( de la Manche ) . Rewbel
êt Sieyes.
י ד
7
Sevestre , organe du comité de sûreté générale , expose
que Paris fourmille encore d'étrangers , malgré le décret de la
Convention . Sur sa proposition , l'Assemblée décrete que ceux
compris dans la loi qui y seront trouvés seront traités comme
espions et punis comme tels. Ceux qui les receleront sciem
ment subjrout six mois de détention.
Make , au nom du comité de législation : Les lois du
8 nivôse et du 4 floréal an 2. , relatives au divorce , ont
jetté dans les familles le plus grand désordre. Il en est résulté
que les époux brisant les liens les plus sacrés , ont méconnu
leurs enfans et la nature qui les appelait à les élever ; que ,
pour satisfaire une cupidité efirenée , ils n'ont pas craint de
rompre leurs engagemens . Arrêtez donc ce torrent d'immoralite
, et banisses la liberté da vier pour rétablir celle de la
vertu . La Convention décrete que l'execution des lois du
8 nivôse et 4 floréal , relatives an divorce , de :neure suspen
due , à compter de ce jour . Le comité de législation est
chargé de les réviser et de lui présenter son travail dans une
décade.
PARIS. Nonidi 19 Thermidor , l'an 35 , de la République.
De nouvelles arrestations viennent d'avoir lieu ici ;
l'auteur de la Gazette universelle , celui de la Corres
pondance politique , celui de la Quotidienne et
quelques autres , dit-on , viennent d'être arrêtés . On a
apposé les scellés sur leurs papiers . ", Voilà ce que
l'on publie dans le n° . d'hier de la Gazette française , à
Particle Paris . Plusieurs autres papiers que nous avons
sous les yeux n'en font point mention ; mais le rédacteur
( 118 ) :
1
de l'avis témoigne longuement , et avec beaucoup d'humeur
, son mécontentement sur cette mesure.
Nous voyons souvent et avec toute la peine possible
que des écrivains n'ont pas honte de prostituer leur
plume à nos ennemis jusqu'à se faire leurs panegyristes
et se déclarer les champions de ceux dont l'hypocrisie
entretient le fanatisme rebelle des chouans , mais nous
croyons que le vrai moyen de détruire l'impression funeste
que peuvent produire de pareils écrits n'existe
que dans la propagation d'idées et d'opinions plus
pures, sur-tout dans la sagesse du gouvernement.
Quant à nous , nous usons de la liberté de la pensée
pour dire avec courage cette vérité . Mais , n'en fût- elle
une qu'aux yeux de l'opinion qui semble la consacrer
fortement , il n'en serait pas moins dangereux de ne
pas savoir calculer le produit du shoc et de la résistance .
L'heureuse influence de la paix avec l'Espagne commence à
ee faire scutir ici . Le prix des maticies d'or et d'argent a bean.
coup diminué ; les sucres ont baissé de 30 francs par livre ; la
chandelle , dont le prix était monté à 50 et quelques livres ,
a diminué d'environ un quart. Il en est de même de plusieurs
autres denrées .
On assure que l'empereur consent à l'échange de la prisons
niere du Temple avec Semonville , Maret et les représentaus du
peuple livrés par Dumoutier.
1
Suivant des lettres de Strasbourg , le général Clairfait a proposé
une armistice au général Pichegru pour que rien ne
trouble les négociations de paix eutre l'Empire et la France .
Les lettres de Bâle annoncent que ces négociations sont en
activité . **
Notre escadre de la Méditerranée , qui , après le dernier
combat , dont le rapport a été fait à la Convention , s'était
achée aux isles d'Hicres , vient de rentrer à Toulou .
Le citoyen Rouget ( de Lisle ) , qui a accompagné Tallien
daus sa mission auprès de l'armée de l'Ouest , et qui a raçu
une blessure à l'affaire de Quiberon , vient de publier sur les
chouans , qu'il a observés dans son voyage , les détails suivans
:
On parle , dit- il , beaucoup à Paris des chouans , et bien
peu de personnes ont des idées justes sur ces gens , et sur
le parti qu'ils composent. Leur organisation immortalisera
M. Pitt , et son illustre , collaborateur M. le comte de Puisaye :
c'est le chef d'oeuvre de la scélératesse . Imaginez - vous des
milliers de misérables , ne respirant que le meurtre et le pillage
, eu proie à toutes les fureurs de la superstition ayant
pour chefs un tas de bandits , dont tous les titres au com
( 119 )
氯
mandement sont l'excès de leur perversité , et les peines infa
mantes qu'ils ont subies , dont la plupart portent les marqués .
" On ne peut se faire une idée de la couardise de ces
gens-la ; mais par une fatalité singuliere , elle ne les rend
que plus redoutables . Ils ne se montrent jamais qu'ils ne soient
dix contre un ; autrement ils assassinnent à coups de fusils ,
de derriere les haies et les bois dont ce pays'est couvert ,
et à la faveur desquels ils disparaissent dès qu'ils sont pour
suivis . Le jour , ils se répandent dans les campagnes où ils tra
vaillent à la terre , leurs armes cachées près d'eux , et d'où
ils épient ce qui se passe sur les grandes routes ; la nuit ils
se portent en forces sur les communes pour y surprendre
nos cantonnemens et les égorger , pour piller et massacier
tous ceux des habitans qui sont désignés comme patriotes.
Aujourd'hui que ces malheureux patriotes ont presque tous
peri , et que le peu qui reste est réfugié dans les cités , les
brigands se jettent sur ceux même de leur parti , sans auie
raison déterminante que l'espoir d'un pillage plus ou moins
considérable ..
1
Ne vous figurez pas qu'ils soient simplement des voleurs ,
des assassins ; jamais il n'exista de bourreaux plus industrieux
et plus cruels . En faisant souffrir mille morts aux malheureux
qui tombent entre leurs mains , on dirait qu'ils veulent se dédommager
de ne pouvoir en immoler un plus grand nombre.
On parlait encore avec terreur dans ces cantons des horribles
supplices qu'ils avaient fait subir à ceux de nos chasseurs . Après
avoir eu les cuisses et les bras coupés , l'un avait été grillé dans
un caisson ; après des mutilations non moins effroyables ,
l'autre avait en la tête écrasée graduellement sous un pressoir .
Comment pourrai je vous raconter la deplorable aventure de
' vingt- six enfans de Paris qui se rendaient à l'Orient pour être
mousses . Ces pauvres petits , de la figure la plus aimable ,
et dont l'âge etait de 10 à 14 ans , traverserent Laval e
chantant des hymnes patriotiques ( j'ignore comment il se fit
qu'on ne leur donna pas une escorte . ) , A quelque distance de
la ville , ils furent attaqués et mis en pieces par les dignes
sujets de Louis XVIII , par les dignes soldats de l'armée cathofique
et royale. Un seul fut épargné , que les tigres envoyerent
annoncer le sort de ses camarades . ) ,
Extrait des lettres trouvées sur les émigrés pris à Quiberon ,
La premiere , datée d'Oberkirch , écrite par Depel ***
Dema*** .
* Ne te laisse point abattre , mon bon ami , par les désagrémens
que la trop grande precipitation des agens de nos
princes vous a fait éprouver dans le début cela ne provenait
sans doute que de l'excès de leur zele ...... Cette descentensi
Tong-tems attendue et tant différée , je ne la regarde pas non
plus comme aussi problématique que tu, sembles le faire ; des
"2
( ito )
Anglais ont fait pour cet objet des préparatifs considérables ,
et ils sont gens d'exécution ; d'ailleurs , le triomphe de M. Pitt
sur le parti de l'opposition doit donner les plus belles espérances.
L'on ne peut jamais se trouver déplacé par - tout où
l'on peut combattre les ennemis de la religion de nos peres ,
et les destructeurs de la monarchie ....... Le véritable rendezvous
de tout bon Français est sous les drapeaux de l'armée
catholique et royale ; on a ici quelqu'espoir que la brave armée
du brave prince de Conde , va se transporter aux Pays-
Bas pour être à portée de s'embarquer ; elle est considérablement
augmentée , s'est singulierement aguerrie ; elle a le bonheur
d'avoir pour chef un priace , dont le beau nom et les
grandes qualités ajoutent un poids immense aux opérations
des royalistes . Pour moi , je regarderais comme le premier
jour d'une contre- révolution infaillible , d'une coutre- révolution
telle que nous la devons desirer , celui où ce grand prince
débarquerait avec sa noble armée sur les côtes de France :
puisse le génie conservateur de cet infortuné royaume l'y conduire
à bou port ! ",
Deuxieme , du 27 novembre , par Dero *** à M. de Vauz*** , officièr
au service de sa majesté britanniquer .
;
L'auteur de la lettre commence à se justifier du soupçon
répandu sur lui d'avoir voulu escroquer une montre il couvient
cependant de l'avoir donnée à un de ses amis pour la
faire rafter.
Après avoir peint sa misere , il ajoute Jugez , mon
Vauz*** , d'après l'opinion que vous semblez avoir de moi ,
combien il m'est dur de ne pouvoir m'acquitter , en vous fai
sant passer les louis et 18 liv. que je vous dois ; mais le fait
est que j'ai eté obligé, pour aller rejoindre Saint-Didier . de
vendre ina montre , c'est à dire , trois louis , qui est ce qu'il
me faut
pour vivre avec ie retranchement que je vais éprouver
sur mes appointemens . "
Troisieme , à d'Hervilly.
Mon premier soin , arrivé au dépôt , sera de prendre visà-
vis de M. de Saint- Cem , les renseignemens qui me sont
encore nécessaires pour être bien au fait de vos intentions ;
dès qu'elles me seront connues , je me jetterai à corps perdu
au-devant de mon devoir.
,, Il me serait impossible de faire aucune recrue dans la
partie que je viens de quitter , et je vois même que dans toute
Ja Hollande , on ferait à ce sujet d'inutiles frais pour le motiment.
Du côté de Cologne , ecuu. Allemague , il doit y avoir
moins de difficultés et plus de ressources , et c'est-là que je
compte aller chercher mon contingent : il ne dépendra pas
de moi qu'il soit proportionné à l'intérêt que je prends et
dois prendre à la chose . 11
( No. 65. )
Jer. 135 .
MERCURE FRANÇAIS
QUINTIDI 25 THERMIDOR , l'an troisieme de la République.
( Mercredi 12 Août 1795 , vieux style . )
--
LITTÉRATURE.
Lettres de milady MONTAGUE pendant ses voyages en Europe .
en Asie, en Afrique , contenant, entr'autres relations curieuses,
des détails sur la religión , le gouvernement et les moeurs des
Turcs. Traduction nouvelle , avec plusieurs additions
tirées de la derniere édition anglaise , imprimée à Paris chez
THEOPHILE BARROIS , en 1790. Deux volumes in - 12 .
Par le citoyen A.,.. A Paris , chez Bailly , libraire ,
Saint-Honoré , barriere des Sergens .
Si les
rue
les dispositions que l'on apporte en se livrant à
un travail quelconque doivent influer sur le plus ou
moins de perfection qu'il peut offrir , cette nouvelle
traduction sera certainement goûtée . Le citoyen A....
plein d'admiration pour les lettres de milady Montague ,
s'est attaché avec tout le zele que ce sentiment paraît
lui avoir inspiré , à faire passer dans sa traduction les
beautés de l'ouvrage anglais , à approprier au génie de
notre langue les graces de style , la touche fine et suave
qui caractérise les tableaux intéressans et variés de cette
femme célebre, dans l'original . Frappé de l'imperfection
des deux traductions qui en avaient été faites il y a plus
de 30 ans , soit du côté du style , soit du côté de l'exactitude
, il annonce qu'il a employé tous ses soins pour
éviter ces deux défauts et se rapprocher le plus possible
du mérite de son modele. Il a bien senti qu'il ne
suffisait pas de retracer seulement les détails infiniment
curieux que renferme les lettres de milady Montague ,
mais qu'il fallait aussi tâcher de rendre , quoique dans
une autre langue , sa maniere intéressante , peindre
comme elle -même , son esprit et son ame , développer
enfin , sous les mêmes teintes et avec des couleurs -
delles , ce caractere observateur et philosophique , cette
Tome XVII. I
( ( 122 )
perspicacité judicieuse et prompte , et cette amabilité
singuliere qui l'ont fait surnommer la Sévigné quglaise.
Mais combien milady Montague paraît superieure
quant au fond de l'ouvrage ! Tandis que madame Sévigné ,
circonscrite dans le cercle étroit des intrigues d'une seule
cour , ou tout au plus des intérêts politiques et religieux
d'un seul pays , use ses pensées les plus heureuses
à varier les mêmes objets , milady Montagne , conduite
par les circonstances ( 1 ) à travers toute l'Allemagne , la
Hongrie , la Turquie , jusques dans les contrées africaines
; à portée d'observer les moeurs , les usages de
ces différens climats , d'étudier leurs rapports et leurs
différences , de rectifier les relations mensongeres transmises
par des observateurs moins fideles ou moins judicieux
, vous transporte réellement dans les pays qu'elle
visite , et vous met en relation avec leurs habitans : vous
pénétrez avec elle dans l'intérieur de leurs maisons ,
où quelquefois elle vous fait remarquer des traces d'usages
dont les plus anciens poëtes ont donné les descriptions
. Vous partagez son admiration pour les beautés
grecques dont la perfection l'étonne et la ravit.
Vous la suivez dans ses voyages périlleux au milieu de
roches escarpées et d'affreux précipices où son ame
forte n'est émue que par la sollicitude maternelle . Vous
déplorez avec elle la profonde misère de certains cantons
livrés à toute l'horreur d'un régime despotique ,
et dont les malheureux habitans , vexés , pillés , maltraités
par une soldatesque effrenée , ne peuvent tirer
d'autre vengeance de tant d'injustice que de s'arracher
les cheveux etla barbe de désespoir......
C'est en voyant sur son passage les maux affreux que
fait à l'espece humaine le pouvoir arbitraire que milady
Montague sent tout le prix de la liberté politique dont
on jouissait en Angleterre de son tems. Les comparaisons
qu'elle a trop souvent occasion de faire lui inspirent
des réflexions qu'un Français d'aujourd'hui n'exprimerait
pas avec plus d'énergie , On lira sans doute
avec plaisir quelques traits esquissés par notre voyageuse
sur les doux effets du despotisme oriental .
Depuis Belgrade jusqu'à Andrinople , dit- elle , les
( 1 ) Elle accompagna son époux milord Montag ue , ambassadeur
d'Angleterre sous Georges 1er , dans les différentes
eours où il fut envoyé ça 1716 , 1717 et 1718.
( 123 )
99
villages sont si pauvres , que c'est par la force seulement
qu'on peut en arracher ce qui est de premiere
nécessité. Les janissaires n'ont en vérité aucune pitié
de leur misere , ils tuent toute la volaille et tous les
moutons qu ils rencontrent , sans s'informer seulement
à qui ils appartiennent ; les malheureux propiétaires
n'osent pas même élever une réclamation
de peur d'être maltraités ; les agneaux nouveaux nés ,
" les oies et les dindes , soit qu'elles couvent ou non ,
" tout est égorgé sans distinction ; ces cruautés me rap-
" pellaient la complainte de Melibée , sur la perte de
» ce qu'il appelle : L'espérance des troupeaux..99 Quand
" les bachas sont en route , c'est encore pis ; ces oppres-
9. Seurs ne se contentent point de dévorer toutes les
" denrées qui appartiennent aux, habitans des cam-
" pagnes après s en être rassasiés , eux et leur suite ,
9 ils ont l'impudence d exiger encore ce qu'ils appel-
" lent la contribution pour les dents . C'est une taxe qu'ils
" perçoivent par forme d'indemnité de ce qu'ils ont
" usé de leurs dents en faisant à ces malheureux l'honneur
de consommer leurs provisions à leur passage .
Quelqu'extravagant que celá puisse vous paraître ,
" cela est vrai à la lettre . "
7 Au reste , les victimes d'un régime aussi détestable
ne se trouvent pas toujours dans cette classe ainsi tourmentée
, et les rangs les plus élevés ne sont pas exempts
des capricieuses fureurs qui troublent de tems en tems le
calme profond , mais perfide , entretenu par l'autorité
absolue . Ecoutons encore milady Montague .
Le gouvernement turc , est absolument entre les
mains des gens de guerre ; le grand- seigneur , avec
" l'air de sa toute- puissance , est aussi esclave que ses
sujets , et tremble quand un janissaire le regarde de
9 travers . On montre , à la vérité , une plus grande ap-
" parence de soumission que chez nous ; on ne parle
" qu'à genoux à un ministre ; si dans un cafe , car il y
a ici des espions , on se permettait la plus petite réflexion
sur sa conduite , la maison serait aussi- tôt dé-
" truite et rasée de fond en comble , peut- être méme
" tout ce qui s'y trouverait rassemblé serait livré au
supplice . Le peuple ne murmure point , on ne parle
" point de politique dans les tavernes , on n'écrit pas
de mauvais pamphlets ;
99
6 Funeste effet de la plus noble cause . "
I 2
( 124 )
1
Car qui de nous ne les condamne pas ? ... mais aussi
1, quand un ministre déplait au peuple , en trois heures
de tems il est arraché des bras même de son maître ;
on lui coupe les mains , la tête et les pieds ; on les
place à la porte du sérail avec tout le respect possible.
Pendant ce tems , le sultan , auquel on prodigue
», les salutations et les adorations , reste tout tremblant
,, dans son appartement , et n'ose ni défendre , ni ven-
" ger son favori . Voilà quel est l'heureux état du plus
absolu monarque de la terre , qui ne connaît d'autre
loi que sa volonté.
99
Je ne puis m'empêcher à ce sujet de former un
», desir , et dans toute la sincérité de mon ame , ce serait
que notre parlement pût envoyer ici une cargaison
de ces partisans de l'obéissance passive , pour leur
faire voir ce que c'est qu'un gouvernement arbitraire
dans toute sa force , dans tout son éclat , et de leur proposer
ensuite de décider lequel y est le plus misérable
, du prince , de ses ministres , ou de ses sujets. "
Soit que milady Montagne s'égaie sur les folies seulement
ridicules de la vanité , de la superstition et de
l'étiquette diplomatique , soit qu'elle médite profondément
sur des folies plus graves qui font gémir l'humanité
, on reconnaît également dans ses observations les
données d'un esprit juste , exempt de toute espece de
préjugés .
En passant dans les champs de Carlowits , où le prince
Eugene avait remporté sa derniere victoire sur les Turcs ,
son imagination fut vivement frappée ; des idées funebres
émurent en elle le sentiment et la raison . On
" voit encore dans les champs , écrit- elle à M. Pope , des
,, marques récentes de cette journée si glorieuse , mais
" si sanglante ; la plaine est couverte de crânes et d'os-
99
semens d'hommes , de chevaux et de chameaux qu'on
,, n'a point enterrés ; je n'ai pu voir sans horreur une
,, telle quantité d'hommes sacrifiés , et j'ai gémi sur les
,, cruautés de la guerre , qui non - seulement légitime'
le meurtre , mais même en fait un titre de gloire . Il
,, me semble qu'il n'y a point de plus grande preuve
,, de la folie du genre humain , malgré toutes les prétentions
que nous avons à la raison , que cette rage
avec laquelle on se dispute un petit coin de terre ,
tandis qu'il y en a tant de fertiles à peupler et à
" cultiver. Il est vrai qu'actuellement un usage général
en a fait une chose inévitable ; mais n'est- ce pas la
99
71851
plus grande preuve d'un défaut de raison , que cet
" empire si bien établi d'un usage aussi contraire à
,, l'intérêt général de l'humanité ? Je suis assez tentée
de croire avec M. Hobbes l'état de
que
guerre est
" l'état naturel de l'homme ; mais aussi j'en conclus
" que la nature humaine n'est pas raisonnable , si le.
" mot raison , comme je le suppose , signifie le sens.
" commun . ,
Au reste , la tournure de l'esprit et du caractere de.
milady Montague , sa philosophie la rapprochent , selon
nous , un peu de la célebre Ninon de l'Enclos : la plupart
de ses raisonnemens sont ceux d'une franche épicurienne
qui évite , il est vrai , d'en avoir les moeurs , et
croit devoir se conformer avec sévérité aux lois de son
sexe et de l'honneur ; mais elle ne dissimule pas que
les plaisirs , les délices de la vie et l'art d'en savoirjouir ,
sont les vrais biens qui doivent nous attacher ; il y a
même une de ses lettres qui pourrait passer pour une
traduction libre de la 10e . ode d'Horace, et où elle parait
se peindre toute entiere. Voici un fragment de cette
lettre à l'abbé de....
" tain
passent
ice Vous voyez donc monsieur
, que les Turcs ne sont
" pas une nation aussi grossiere qu'on vous la repré- " sente ; je suis même tentée de croire qu'ils ont une " notion plus juste que nous du savoir- vivre . Ils " leur vie dans les jouissances
; jardins , musique , vins " exquis , mêts délicats , voilà ce qui les occupe ; tandis " que nous sommes , ou plongés dans la politique , ou " enterrés dans des études qui souvent
ne nous ap " prennent
rien ; ou bien , si nous parvenons
à acqué- " rir des connaissances
, nous ne persuadons
pas aux " autres d'en faire autant de cas que nous . Il est cer
que ce que nous voyons , que ce que nous sentons sont les seules choses qui nous appartiennent
, sil y en a qui nous appartiennent
véritable " ment ; quant à l'avantage
de ce qu'on appelle la », renommée
, et la manie des éloges si ardemment.sou
haités , en supposant
qu'on les obtienne , c'est en " vérité une pauvre récompense
pour le peu de tems. " que nous avons à vivre , et pour celui que nous per- " dons à les acquérir
; nous mourons
, où nous vicil
lissons avant de recueillir
le fruit de nos travaux
Quand je considere
combien
est faible cet animal.
" appellé homme , combien est courte sa durée , me demande
s'il y a une science plus utile
99
""
93
que
is
celle
I 3
( 126 )
3
" de savoir s'amuser et jouir du présent. Je n'ose suivre
" plus long- tems mon idée sur ce sujet , peut être même
" en ai - je dėja trop dit ; mais je compte un peu sur
" la connaissance que vous avez de mes véritables sentimens
je suis avec vous à l'abri des mauvaises plai-
" santeries qu'un autre pourrait me faire en répondant
" à une pareille lettre , vous savez combien peu s'allie
dans mon esprit l'idée du vice avec celle du plaisir ,
elles ne peuvent se confondre que dans la tête d'une
folle . Mais je vous permets de rire de la profession
de foi que je vais vous faire oui , j'aimerais mieux
,, être un riché effendi avec toute son ignorance, qu'Isaac
" Newton avec tout son génie .
:
On ne trouve pas dans les lettres de milady Montague
cette sensibilité exquisé , cet abandon si touchant d'une
ame expansive , qui s'unissent quelquefois à toutes les
graces de l'esprit , dans celles de madame Sévigné ; mais
on en est bien dédommagé par les détails piquans , la
variété des tableaux , le charme des descriptions les plus
pittoresques , et par ce plaisir qui naît de la confiance
dans la véracité de l'écrivain , confiance qui ' embellit
encore ses récits , en y ajoutant le mérite de l'instrucion
et l'intérêt de la réalité .
VARIÉTÉ .
Dialogue fraternel entre un Républicain et un Royaliste .
Le
RepH
bien
! vos espérances
....
blicain.
Le Royaliste . Sont plus fortes que jamais.
Le Rép . Quoi ni le triomphe des armées de la République
, ni la paix avec la Prusse , l'Espagne , et dans
peu avec toutes les puissances du continent , ni la défaite
de Quiberon , ni l'achevement de la constitution ',
ni l'établissement prochain d'un gouvernement , rien ne
peut vous désabuser de vos chimeres .
Le Royal . Toutes ces choses ne sont que des apparences,
et je ne crois , moi , qu'aux réalités . Nous avons des raisons
d'être convaincus que toutes ces paix sont simulées
. Ce sont des lettres de répi que prennent en ce
moment les puissances pour vous attaquer dans peu
avec des forces auxquelles il sera impossible à vos Répu(
197 )
blicains de résister. La descente de Quiberon n'est
qu'une fausse descente . Croyez- vous que l'Angleterre
ait dépensé son argent , et mis en mer ses flottes, pour
les faire rentrer honteusement dans ses ports . Vous aurez
bientôt sur vos côtes un nouveau débarquement de
50 mille hommes sous le commandement du comte de
Moira ; nous en avons reçu la nouvelle de Londres , et
le succès est infaillible . '
Le Rép . J'ai grand peur que vous ne soyez pas mieux
servi en bulletins , que vous ne l'avez été jusqu'à présent
par vos chevaliers errans . Seriez- vous donc du
nombre de ces gobe- mouches à qui l'on persuadait n'agueres
que Luxembourg n'était pas encore pris , trois
mois après sa reddition ; que les Espagnols avaient
écharpé l'armée des Pyrénées , tandis qu elle prenait
Vittoria et Bilbao ; que le comté de Nice était évacué ,
qu'il n'existait plus d'armée d'Italie , que la moitié de
celle du Nord avait passé chez l'ennemi , et que Pichegru
n'osait passer le Rhin de peur de défection de ses
troupes. Pouvez- vous être la dupe de toutes ces bille-.
vesées . Ne connaît- on pas l'éternelle tactique de vos
messieurs ? Citez-moi une seule victoire remportée par
nos guerriers , à laquelle on n'ait vite opposé une fable
bien absurde , bien impudemment affirmée . Comme on
ne doit jamais disputer sur les faits , je vous laisse complaisamment
douter de ce qui existe . Mais il est permis
du moins de croire aux lois impérieuses de la nécessité.
La guerre que la France a soutenue pendant
cinq ans contre les principaux états de l'Europe , avait
› en elle - même sa durée naturelle. Son terme était indépendant
de son objet , et même de ses succès . L'Europe
entiere ne peut être en guerre pendant plusieurs
années sans produire un épuisement d'hommes et d'argent,
de moyens et de ressources . Les états comme les
individus ne peuvent se passer des secours les uns des
autres ils ne peuvent vivre long- tems dans l'abandon
de l'agriculture et de toutes relations commerciales . Il
faut bien qu'ils fassent la paix , sous peine de mourir
de faim et d'être ruinés. La seule différence
qu'ait produite le sort de la guerre , c'est d'avoir mis
de notre côté les moyens de conclure une paix honorable
et avantageuse . Je ne sais s'il est entré quelqu'intention
simulée dans les traités ; mais ce que je sais , ce
que tout le monde voit , c'est que les motifs qui ont
forcé les puissances belligérantes à une pacification sub-
14.
( 128 )
sisteront long- tems ; ce que je sais encore , c'est que les
événemens de la guerre et de la révolution ont tellement
changé la face des affaires , qu'aujourd'hui les
puissances n'auraient plus à renouveller la guerre le
même intérêt qu'elles ont eu à la commencer ; car la
République Française une fois reconnue , et les autres
états étant bien convaincus qu'elle ne prétend pas plus
s'immiscer dans leur gouvernement qu'elle ne veut souf
frir qu'on se mêle du sien , les deux causes qui ont fait
prendre les armes à l'Europe n'existent plus . Les puissances
doivent être maintenant bien rassurées sur les
alarmes qu'elles avaient pu concevoir des principes dont
les menaçait la faction d'anarchistes qui a bouleversé si
long- tems la France ; elles savent que la nation française
déteste autant qu'elles cet esprit de subversion et de
vertige qu'avait soufflé une poignée de scélérats , et l'assiette
fixe que va prendre le nouveau gouvernement
français est pour l'Europe un nouveau garant de sa tranquillité.
Le Royal. Croyez -vous que les conquêtes des Français
et l'aggrandissement de leur territoire ne seront pas un
germe de guerre qui se développera aussi -tôt que les
états dépouillés auront repris assez de force pour reprendre
ce qu'on leur a enlevé . Une paix qui laisse
après elle un sujet de ressentiment si légitime , et qui
ne repose que sur une impuissance momentanée , ne sera
jamais qu'une paix présaire et mal assurée .
Le Rép . Vous voilà contraint de vous jetter dans l'avenir
; c'est du moins un aveu que dans l'état actuella guerre
ne peut plus se continuer. Mais il n'est point encore
décidé que le gouvernement veuille conserver toutes
ses conquêtes . Déja il a restitué à l'Espagne ses provinces
continentales , et la cession que celle - ci a faite
de ses possessions de Saint- Domingue , n'est qu'un
juste dédommagement des frais immenses qu'une guerre
injuste avait occasionnés. Ces possessions étaient peu
utiles entre les mains des Espagnols , elles le deviendront
avec le tems dans les nôtres . Personne n'ignore
que les Pays-Bas offraient peu d'avantages à la maison
d'Autriche , et que l'esprit des Belges , toujours en
opposition avec l'esprit du gouvernement autrichien ,
entretenait une mésintelligence qui rendait la domination
de ce dernier aussi dificile à maintenir que
dispendieuse pour lui . Il en est de même de la Savcie
relativement au roi de Sardaigne ; on lui rendra peut(
129 )
être le comté de Nice , mais il est douteux que les
Savoyards , dont on connaît l'animosite invétérée contre
les Piémontais , consentent jamais à vivre sous leur
gouvernement , et à rentrer dans leur ancienne dépendance
. S'il fallait traiter sous tous ces rapports cette
grande question d'intérêt politique , soit relativement
à la maison d'Autriche , soit relativement à la maison
de Savoie , il ne me serait pas difficile de montrer que
ces deux puissances n'ont pas un si grand intérêt que
vous croyez à la reprise des objets que le sort des armes
a mis entre nos mains . Ainsi , quand nous conserverions
nos conquêtes comme une indemnité légitime , je ne
vois pas qu'elles puissent être un obstacle à la paix
que commandent l'épuisement , la lassitude et le besoin
du repos , ni qu'iles doivent être la source d'une
rupture prochaine. Les traités de Riswick , de Nimégue
et autres , qui ont assuré à Louis XIV les conquêtes de
l'Alsace , de la Franche-Comté et de la Flandre sur la
maison d'Autriche , n'ont-ils pas reçu leur exécution ?
Pourquoi les traités qui nous garantiraient nos nouvelles
conquêtes n'auraient- ils pas la même solidité ?
Le Royal. Si l'Empire et la maison d'Autriche sont
obligés d'accepter une paix que je ne regarde que
comme une affaire de circonstance , n'attendez pas que
l'Angleterre transige aussi facilement . Toute
force est dans sa marine , et vous n'en avez aucune
vous l'avez vaincue sur le continent , elle vous l'a rendu
de reste sur l'élément où elle exerce sa prépondérance .
Vos ports bloqués , vos escadres battues sur l'Océan ct
dans la Méditerranée , vos convois de vivres interceptés
, votre commerce maritime anéanti , tout vous prouve
qu'elle est dans une position à l'avantage de laquelle
elle ne saurait renoncer. Seule , elle peut continuer
guerre , et vous contraindre par ses succès à rétablir
gouvernement monarchique que vous n'auriez jamais
dû détruire . Constante à poursuivre cette grande entreprise
, elle tient à sa solde l'armée du prince de Conde
qui se grossit dans les environs de Basle , et pénétrera
bientôt dans la Franche-Comté. Elle vient de reconnaître
Monsieur pour roi de France , et elle ne s'est pas
avancée jusqu'à cette démarche pour ne pas la soula
le
tenir.
Le Rép. j'admire votre tendresse pour les Anglais ;
certes , ils vous ont donné une grande preuve de la
leur dans l'affaire de Quiberon , et ont favorisé mer(
130 )
veilleusement la retraite des émigrés en tirant sur eux.
Pauvre dupe que vous avez été et que vous êtes encore !
Vous avez cru bonnement que les puissances de Eu-
торе s'étaient ébranlées pour la cause de vos émigrés ;
vous avez vu comment elles les ont servi ; j'ai trouvé
des royalistes de meilleure foi que vous ; 1 pestaient
"
autant contre Pitt et les Anglais , que vous leur témoignez
de reconnaissance . Ils prétendaient qu'en toute
occasion les émigrés ont été ou sacrifiés ou éconduits
par les puissances coalisées , et qu'en derhier lieu il
était visible que l'expédition sur les côtes de Bretagne
avait eu plutôt pour objet de se débarrasser des éniigrés
, que de les seconder véritablement, Quant à
M. de Condé et à son armée , tout cela doit peu nous
effrayer. Il y a long - tems qun nous parle de cette
armée dans les gazettes ; l'avez- vous jamais vu agir :
très-au complet pour son état-major , il ne lui manque
que des soldats . Est- ce au moment où la coalition se
dissout par lambeaux , où chaqué puissance ne songe
qu'à faire sa paix séparément que ce prince fugitif
et ses chevaliers peuvent devenir redoutables ? Nos
armées ont triomphé des forces réunies de l'Europe ,
et vous croyez qu'une poignée de vagabonds et de
mendiants vont faire à eux seuls ce qu'ont tenté vainement
les puissances' conjurées ! Laissez de vils gazettiers
fabriquer des pieces diplomatiques , des lettres , des
proclamations , des reconnaissances de Louis XVIII ; il
faut bien qu'ils gagent leur argent . Monsieur restera
paisiblement à Véronne , les puissances se soucient plus
de leur intérêt que de sa royauté , et il n'aura d'autre
trône et d'autre cour que ceux que lui prêtent gratuitement
quelques misérables folliculaires.
L'Angleterre vous paraît être dans l'apogée de sa
puissance . Je sais que sa marine est plus forte et
meilleure que la nôtre , grace aux soins officieux de
nos désorganisateurs . Mais l'Angleterre , restant seule
de la coalition , ne peut soutenir long- tems la guerre .
Elle a beaucoup de vaisseaux et peu de matelots pour
les équiper ; elle a beaucoup de colonies à couvrir ,
et en divisant ses forces , elle les affaiblit . Sa domination
sur les mers que vous vantez , est ce qui rend sa
position plus périlleuse ; elle doit sentir que sa tyrannie
pese depuis long - tems sur toutes les puissances
maritimes , et que si l'intérêt commun vient à les réunir
contr'elle , ce qui arrivera infailliblement , elle peut
( 131 )
être mise à deux doigts de sa perte. La liberté des
mers importe à toutes les nations commerçantes ; s'il
est une propriété commune qu'elles doivent revendiquer
, c'est celle- là , et s'il est une coalition légitime ,
indispensable , c'est celle qui aura pour objet d'affran
chir un élément qui appartient à tous , parce qu'il ne
peut être à personne . L'Angleterre , malgré son ambition
et ses succès , n'ignore point ce qu'elle a à craindre .
La supériorité de sa marine dans les parages des isles
Sous -le -Vent , n'a pu empêcher qu'elle n'ait perdu plusieurs
de ses isles , et que nous n'ayons repris les nôtres.
L'insurrection des negres voilà peut- être le coup le
plus mortel que l'on pouvait lui porter , et cette in
surrection éclate de toutes parts ; cet incendie menace
de dévorer ses possessions. Sur le continent , sa position
n'est pas moins critique , la disette se fait sentir à
Londres comme dans le reste de l'Europe. Le peuple
y souffre , y murmure hautement ; je n'ai pas besoin
de vous parler des mouvemens tumultueux qui s'y sont
manifestés ; tous les papiers anglais en font mention ,
et quand ils ne le diraient pas , tout le monde sent
qu'une guerre aussi longue et aussi dispendieuse , n'a
pu qu'appauvrir la nation anglaise , nuire à son com
merce , rendre la subsistance du peuple plus chere et
plus difficile , et augmenter son mécontentement. Ainsi,
je regarde la paix avec l'Angleterre comme plus prochaine
eque vous ne pensez , et j'en crois là- dessus un
oracle plus sûr que celui de Calchas , c'est la nécessitéi
Voilà comment les espérances que vous fondez au - de、
hors pour le rétablissement de la royauté en France ,
s'évanouissent lorsqu'on en considere les fondemens
de l'oeil de la raison et de la vérité ..
( 132 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 30 juillet 1795.
Nous croyons devoir revenir encore sur les détails
A
de la réception faite au citoyen Verninac , ambassadeur
de la République Fiançaise à la Porte Ottomane.
D'abord ils sont curieux par eux - mêmes , ensuite ils
concernent deux grands états à l'union desquels l'Europe
sera probablement redevable un jour , en grande partie ,
de la paix dont elle jouira et de la liberté conservée
à plusieurs de ces puissances du second et du troisieme
ordre . Enfin , ils justifient ce qu'on a avancé , que nulle
cérémonie de ce genre n'avait encore été aussi magnifique
. Au reste , la République Française saura reconnaître
d'une maniere digne d'elle et de l'empire Ottoman
, l'espece de prédilection dont elle jouit dans ce
pays , et qu'on lui témoigne dans les égards les plus
marqués qu'on a pour son représentant. On écrit de
Paris , qu'on y acheve en ce moment , chez le jouaillier
logé aux galeries du Louvre , une montre enrichie de
diamans , avec un carillon , et une pipe en forme d'ananas
, qui est aussi garnie de diamans avec autant
de goût que de magnificence ; plusieurs autres bijoux
précieux accompagnent ces riches présens .
que
De Constantinople , le 10 juin . Le citoyen Verninac ayant
fait notifier son arrivée à la Porte le 18 mai , le prince Morosi
, dragoman de la Porte , se transporta le 21 au palais de
France , pour le féliciter. Il avait été arrêté l'audience
d'admission auprès du grand visir aurait lieu un des jours
suivans ; mais , par snite de diverses circonstances , elle fut
remise au 8 de ce mois. Les citoyens Français qui habitent
dans cette capitale montrerent le desir d'accompagner le citoyen
Verninac il fut en conséquence tenu une assemblée
générale pour régler l'ordre à suivre. Le 6 , l'orla , qui est
hne garde d'honneur donnée par la Porte , se transporta au
palais de France , où elle restera tout le tems que durera le
titre d'envoyé extraordinaire . Le 8 , les Français , au nombre
( 133 )
de 150 et environ 50 étrangers , se rendirent auprès du citoyen
Verninac , qui avait fait préparer une colation. A 10 heures ,
la marche commença à défiler dans l'ordre qui suit : 1º . Les
janissaires de l'orta et ceux qui étaient au palais , au nombre
de 100 ; 2 ° . un Français à cheval , vêtu de l'uniforme national
et faisant fonction d'écuyer ; 3 ° . six théodars ou valets grecs
à pieds , employés à conduire six chevaux de manége que la
Porte est dans l'usage de donner pour le cortége des ministies
étrangers ; 4° . dix autres théodars à pied , marchant deux
à deux ; 50. huit Français en uniforme et à cheval , ayant à
leur tête un officier ; 6°. quatre dragomans à cheval ; 7. un
secrétaire de légation , en uniforme et à cheval , accompagné
de deux théodars qui portaient les lettres de créance dans un
riche porte- feuille ; 8°. Le citoyen Verninac , en uniforme et
à cheval , environné par six théodars ; 9º . les principales personnes
attachées au service de sa maison , vêtues d'une maniere
uniforme , mais avec simplicité ; 10 ° . un grouppe des
agens de la République , de citoyens âgés et de quelques
étrangers , tous à cheval , au nombre de 18 , et vêtus différemment
; 11 ° . un detachement d'infanterie , composé de
16 Français en uniforme , ayant à leur têre le citoyen Ami .
officier d'artillerie , le commandant et trois officiers supérieurs
de l'arsenal du grand- seigneur , en uniforme d'offieiers ; 12° . un
grand nombre de Français et d'étrangers , en habit civil , et
marchant en grouppe ; 13°. enfin , un détachement de cavalerie
, composé de 16 hommes , ayant à leur tête le citoyen
Obert.
Au moment du départ , une musique guerriere commença
à jouer des airs patriotiques , qu'elle continua jusqu'à la porte
da palais . Lorsque le cortège ent traversé la rue des ministres
, dans Pera , et fut arrivé à Topchana , le citoyen Verninac
entra dans le bateau du chiaus bachy , et tout le reste
s'embarqua dans une centaine de kaicks , préparés pour la
traversée du port. Aux degrés du Bakche- Capussy , les Français
mirent pied à terre , et le citoyen Verninac fut reçu avec
tous les honneurs d'usage. Le cortège reprit son premier ordre
, et se trouva augmenté de 100 janissaires , de 30 chiaus à
cheval , et d'un certain nombre d'officiers de la Porte , qui
étaient là pour recevoir le ministre et l'accompagner . On a
remarqué que ces officiers , qui élevent communément des
difficultés pour le rang à tenir par eux dans la marche , n'en
'firent aucune ce jour- là , et donnerent aux Français toutes
sories de démonstrations d'amitié . Le theorbadgy , ou colonel
de l'orta , voulut tenir lui- même le gouvernail du bateau du
citoyen Verninac , bien que cette fonction soit ordinairement
confiée à un officier d'un grade inférieur . Lorsque le cortège
fut entré dans le palais , la cavalerie et l'infanterie se rangerent
dans la cour visirale . Le citoyen Verninas fut d'abord
( 134 )
reçu par un dragoman , dans une piece où il resta quelques
minutes , et de- là conduit à la salle d'audience . Le grand-
Visir parut aussi - tôt ..
Le citoyen Verninac prononça alors un discours , où il
Iona la Porte d'être demeurée fidelement attachée au principe
de l'independance des nations , et à son ancienne amitié envers
la France , et de n'avoir point pris les armes pour s'opposer
à l'établissement de la République il témoigna qu'il
s'en rapportait à la nature même des choses , qui fait que les
deux nations ayant les plus fortes raisons de s'aimer , n'ont
aucun motif de haine et de jalousie pour attendre les hauts
egards dûs à la dignité de la République , et l'execution littérale
des anciens traités , ainsi que la bienveillance de la
Porte envers les Français , qui ont enrichi l'empire ottoman
des inventions de l'industrie française .
Le grand - visir , de son côté , a protesté de l'attachement
immuable de la Porte envers la nation Française , et de son
attention affectueuse à observer les traités qui lient les deux
peuples .
Après que ces deux discours eurent été finis , on fit la cérémonie
de la distribution du café , des confitures et des parfums.
Le citoyen Verninac fat revêtu d'une pelisse de marte :
six autres pelisses d'hermine furent distribuées au cortège ,
ainsi que huit kerckets , ou manteaux d'honneur , dont ordinairement
on ne donne que six , et enfin plus de 34 kaftas . Le
cortége se retira ensuite dans le même ordré qu'il était venu.
La Porte a fait en outre proposer an citoyen Verninac an
tain de 250 piastres par jour , pour 20 mois , quoique le tain
ait été aboli par édit du sultan : mais le ministre français a cru
deveir refuser cette offre . Toute la journée du 8 , la flotte
ottomane demeura dans le port , les voiles déployées , et sur
le mât principal du vaisseau amiral , on voyait otter un pavillon
tricolore , semblable à celui des bâtimens français qui se
trouverent dans le port.
On remarque que le citoyen Verninac a de fréquentes visites
avec le reis - effendi , les autres ministres ottomans et les deux
ambassadeurs de Suede et de Prusse .
Le courier de Smyrne , arrivé ce matin , a apporté la triste
nouvelle que cette ville était en proie à un incendie terrible
qui s'était manifesté quelques heures avant son depart. La
flamme , après avoir réduit en cendres plusieurs rues , et consumé
entr'autres édifices la maison du consul de Venise
celle du marchand anglais Dalmas , venait d'atteindre , au départ
du courier , la rue des Francs .
Suivant des lettres des
le brait se renouvellait
à revenir de Grodno
et
frontieres de Pologne , du 8 juillet ,
que Stanislas ne devait pas retarder
Varsovie ; on assignait même l'anni .
( 135 )
versaire de sa naissance pour le jour de sa rentrée dans la
capitale , où l'on surveille de près les ecclesiastiques séculiers
et réguliers . Les proprietaires qui en logent doivent en
donner les noms .
Il se fait beaucoup de mouvemens dans les troupes russes
dont le nombre est considérablement augmenté . On dit assez
positivement qu'il va paraître une déclaration du cabinet de
Pétersbourg , sur les affaires de la Pologne ; on n'en connaît
pas le contenu , et l'on assure pourtant que l'ultimatum est déja
envoyé à Berlin . Ce qui ne paraît pas douteux , c'est que la
Lithuanie restera au pouvoir de la Russie ; tout s'y fait au
nom de l'impératrice : cette princesse craint apparemment
quelque chose de la part des Turcs , car le feld maréchal
Suwarow va partir pour les frontieres de la Moldavie . Il sera
remplacé par le comte de Fersen , que l'on croit déja rendu à
Grodno .
De Francfort- sur - le -Mein , le 3 août.
avec
Nonobstant la tenue d'un conseil extraordinaire aulique
de guerre , qui a eu lieu à Vienne dans les derniers jours de
juin , et auquel ont assisté un grand nombre d'officiers
voix délibérative , on est tenté de croire que l'Autriche n'est
plus aussi éloignée qu'on le croyait de la paix . Ce qui confirme
cette idee , c'est que , suivant des lettres de la capitale
, du 17 juillet , l'envoyé de la Forte y est attendu trèsincessamment
; et il n'y peut venir qu'avec l'intention de
contribuer à pacifier l'Autriche et la France . Quant au retour
du marquis de Galic , ambassadeur de Naples , après trois
mois d'absence , cela ne signifie rien du tout , ni pour ni
contre le royaume de Naples , n'étant pas un état assez considerable
pour faire pencher la balance d'aucune maniere.
1
Les échanges de prisonniers se font avec plus de facilité
que par le passé . Quatre mille Français prisonniers revenus
de Hongrie ont passé il y a quelques jours par un des
fauxbourgs de Vienne , pour se rendre en France sur le Haut-
Rhin , et servir d'échange tête par tête sans distinction de rang
à un nombre égal de troupes autrichiennes revenues sur parole
dans les états héréditaires . I
L'opinion générale est que la diette de Ratisbonne , tiendra
tout l'été sans prendre de vacances , à moins que la pacif
cation de l'Europe ne l'en dispense , puisque c'est pour la
terminer qu'elle mettra cette continuité dans ses séances .
Le roi de Prusse , dont le corps germanique réclame les
bons offices et l'intervention , pour arriver à cette paix dont
il a un si grand besoin , prend les précautions convenables à
Fegard de la Russie et surtout de l'Autriche , comme on peut
le voir par le premier patagraphie d'une lettre de Berlin ,
du 14 juliet.
1
( 136 )
Le bataillon d'infanterie du Weyher , qui a été transformé
en regiment , et donné au général-major de Gravenitz , était
nouveau et absolument formé de Polonais . Il a quitté Stettin ,
le 9 , pour se rendre à Gros- Glogau en Silésie , où doit s'achever
sa transformation .
Comme les communications avec la Hollande sont rétablies
, les intérêts des capitaux qui y ont été négociés pour
compte du roi , par les banquiers Cohan et compagnie , seront
dorénavant payés à Amsterdam , comme par le passé . Il en
sera de même des intérêts et des capitaux de la dette contractée
en 1768 , par la ville de Dautzick , et qui est maintenant
à la charge du roi le banquier Pierre de Haan à
Amsterdam , pourvoira à cette affaire comme il le faisait ci
devant.
Le prince royal et le prince Louis sont partis pour Sonnen-
Bourg avec leurs épouses ; la princesse , épouse du prince
Ferdinand s'y est également rendue avec madame la land-grave
de Hesse-Cassel ; et , parmi les étrangers qui ont pris la même
route , l'on compte le prince Louis de Wirtemberg , le ministre
d'état de la cour d'Hanovre , baron de Stainberg , et
M. de Hinuber , le comte de Stolberg-Wernigerode , le comte
de Beust , et le maréchal de la cour du duc de Courlande
M. de Kloppmann.
Le ministre de cabinet comte de Hanhwitt a pris le chemin
de la Silésie , et le lieutenant- général de Pirch celui de la
Prusse méridionale .
1
ITALIE.
De Turin , le 15 juillet . Il ne s'est passé aucun fait d'armes
ees jours derniers entre les deux armées de la riviere et des
frontieres adjacentes . On sait seulement que les Français ,
lors de leur évacuation de Loano , ont emmené 25 personnes
comme ôtages , pour une contribution qu'ils ont imposée ca
partant.
Des avis du Caire , en date du 10 , portent que l'on a vu
passer dans ce lieu trente- cinq canons de divers calibres ,
destinés pour Savonne ; ils étaient accompagnés de toutes leurs
provisions de guerre , et il n'y avait pas moins de cent voitures.
Aux Fabroses , il n'y a pas moins de six mille Frangais
pour la défense de ces lieux,
On mande de Borgo- Saint- Dalmazo , en date du 9 , que
les troupes qui s'y trouvent sont pour le moment dans l'inaction.
Le 7 , elles ont attaqué le col de Tende. Le combat
commença à la pointe du jour et dura jusqu'à la douzieme heure
de la matinée : il y eut quelques pertes d'hommes , et un
grand nombre de blessés . Le régiment d'Oneille a le plus
souffert , son colonel est resté sur le champ de bataille . Cent
vingt -neuf Piémon'ais sont demeurés prisonniers ; il y a parmi
CEX
( 137 )
eux deux capitaines et dix autres officiers. Les Français ont
entierement conservé leurs pastes , et les deux armées se
retrouvent dans les positions où elles étaient avant l'affaire .
Dans la vallée de Stura , le poste piémontais s'est avancé.
et le gros des troupes est maintenant à Vinai . Le 2 , le géné
ral Argentan avait encore son camp à Maglio ; le général
Moatafia , à Bagnasco ; le général Carignan , à Pauperato , et le
général Collé , à Ceva . Un grand nombre de canons sont partis
de ce lieu pour la riviere.
1
On apprend que les Français , au nombre de 8000 hommes ,
se sont fortement retranches entre Orméa et Garresio . Dans
la journée du 11 , ils ont été attaqués , mais inutilement.
L'entreprise a été abandonnée après quatre heures d'un
combat opiniâtre , qui a causé une grande perte aux aggresseurs
.
On annonce que l'ex- Monsieur n'est plus à Vérone ; qu'en
qualité d'émigré français il n'a pu demearer sur le territoire
de la république de Venise . On ne voit point qu'il se soic
rendu au corps de Condé. Ainsi l'on ignore au vrai dans quel
coin ee roi des émigrés est allé régner.
Le capitaine d'un bâtiment suédois , arrivé ici en neufjours
de Biserte , disent des lettres de Livourne , du 17 juillet , a
rencontre un esquifà bord duquel étaient deux Turcs , qui lui
ont dit s'être évadés de Cagliari en Sardaigne , à la faveur
d'une révolte ouverte survenue en cette ville , contre-Die gouvernement
sarde .
ANGLETERRE . De Londres , le 21 juillet.
Le maire a mande à l'assemblée du conseil d'état , que le
conseil privé avait pris quelques résolutions relatives aux conjonctures
présentes , et qu'entr'autres celle ci avait été prise :
Qu'on devait manger aussi peu de pain qu'il serait possible
et qu'on devrait suppleer à cet aliment par la viande , les´
pommes - de-terre et autres légumes, et même faire du pain avec
des farineux. On a dans la même assemblée destiné une somme
de 1000 liv . sterlings pour faciliter aux pauvres les moyens
de se procurer le pain des riches .
Les fermentations qui ont eu lieu depuis quelques-tems &
cause de la guerre , commencent à dégénérer en révolte ouverte
. Depuis le 9 , la populace de Londres s'est ameutée
plusieurs fois. Une grande foule de peuple s'est rassemblée
pendant plusieurs jours aux environs de Charing- Cross , et
sous le prétexte de vouloir détruire la maison d'un vendeur
d'hommes , ils ont porté la main sur celle du ministre
Pitt . Une gazette du matin assure qu'après avoir cassé les
vitres , on avait commencé à démolir l'hôtel , lorsque la garde
voisine accourut assez tôt pour disperser le peuple . Un homme
Tome XVII,
K
( 138 )
qui portait un sac de farine sur son dos , était chef de cette
populace . Ils accusent M. Pitt d'être l'auteur de la disette ,
et ils disent qu'il donne la famine à l'Angleterre pour nourrir
l'armée des émigrés . Le comte Mornigton qui avait dine ce jourlà
avec M. Pitt , fut blessé d'une pierre. qu'on avait lancée à
travers les fenêtres .
A la suite de ceite scene , la populace alla établir le théâtre
de ses fureurs dans la maison d'un recruteur , située à Georgenfeld
, au - delà du pont de Westminster. Elle détruisit cette
maison , en euleva les meubles qu'elle porta près des obélisques
, et elle en fit un feu de joie . La milice accourut , on fit
lecture de l'acte de révolution ; mais le peuple n'en ayant tenu
compte la cavalerie fonça dessus , et renversa un grand
nombre de séditieux qui furent blessés par les pieds des chevaux
.
?
Le nombre des révoltés à Witchall était de 12 mille . Pour
les tenir en respect , on plauta un canon ; mais le canon ne
leur en a point imposé , et ce matin ils ont attaqué la maison
de la garde où on avait déposé quelques- uns de leurs camarades
, et ils les ont délivrés .
:
Il y a eu , il y a quelques jours , des émeutes qui ont
excite une surveillance extraordinaire de la part du gouvernement.
Lundi dernier , une multitude considérable s'assemb'a
à Charing-Chross à l'occasion de plusieurs enrôlemens qu'on
disait avoir été faits de force pour le compte de la compagnie
des Indes elle se porta de-là à Bowning-Sreet , où est la
maison de M. Pitt . Elle brisa quelques vitres ; mais l'appareil
de la force militaire qui se présenta , et la lecture de l'acte
de mutinerie , l'eut bientôt dispersée . Dans le même jour , le
peuple attaqua une maison d'enrôlement ( Crumping House )
au pré Saint- George , la vida entierement , et mit ensuite ,
sur la place , le feu aux meubles : une autre maison en face
de celle ci fut également pillée ; on parvint à arrêter quelquesunes
des personnes composant l'attroupement. lles furent
déposées dans un corps - de - garde près la porte du bureau des
droits. Le lendemain matin , sur les sept heures , le corps -
de-garde fut forcé et les prisonniers enlevés . Pendant toute
cette journée , il ne cessa d'y avoir de grands rassemblemens
de peuple près de ce lieu , mais qui semblaient animés surtout
par la curiosité . Entre huit et neuf du soir , une troisieme
maison se trouva attaquée ; tout ce qui pouvait en être
enlevé fut également apporté dans le chemin et livré aux
flammes. De forts détachemens de gardes à pied et à cheval ,
et quelque cavalerie volontaire étant accourus ' , disperserent
la multitude , et demeurerent sur pied la plus grande partie
de la nuit . La duchesse de Glocester , qui était au cirque
avec sa fille , fat escortée chez elle par de la cavalerie .
( 139 )
1
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRESIDENCE DE LA REVEILLERE - LEPAU X.
Séance de sextidi , 16 Thermidor.
1
Il y a eu hier soir une séance extraordinaire , destinée au
renouvellement par quart du comité de sûreté générale . Les
membres sortaus sout Chinier , Genevois , Courtois et Sévestre
; et ceux qui les remplacent sont , Calès , Pemartin ,
Isabean et Gauthier.
Loisei , au nom du comité des finances , fait un rapport
sur la nécessité d'organiser un systême monétaire . En voici
la substance : La division de l'unité monétaire appelée franc
sera par decimes et centimes . Le titre de l'argent sera de neuf
Parties de métal pus et d'une d'alliage . Il y aura des pieces
d'un , denx et cinq francs . On divisera la petite monnaie de
métal de bronze en pieces d'un et de deux decimes , d'un et
de deux centimes.
Le projet est sur le point d'être décrété , mais Ramel dit
que la questión des monnaies est une des plus importantes
en finances dont l'Assemblée ait à s'occuper , et qu'il a sur
cet objet des idées diametralement opposées à celles du comité.
I demande en conséquence que le projet de décret présenté
soit imprimé , et la discussion aj urnée au surlendemain .
Adopté.
Delaunay , organe du comité de sûreté générale , expose
que les crimes du 1. prairial demandaient une punition
aussi prompte que severe ; que la force des circonstances et
le salat du peuple commanderent la création d'une commis
sion militaire ; mais que les circonstances n'étant plus les
mèmes , les coupables ayant subi la peine qu'ils méritaient ,
la commission doit être supprimée . Décrété .
Chenier , au nom du coin té d'instruction publique , soumet
de nouveau à la discussion le projet de décret sur l'organisation
de l'institut national de musique . Son projet est
adopté. Il y aura un conservatoire de musique , composé de
115 artistes qui instruiront gratuitement 600 éleves des deux
sexes .
La Convention procede par scrutin fermé au remplacement
de Letourneur ( de la Manche ) , chargé de la direction de la
force armée de Paris , et qui vient d'être nommé au comité
de salut public. Son successeur est Goupilleau ( de Fonteuai. );
K 2
( 140 )
Suite de la discussion sur l'acte constitutionnel .
TITRE VII . Du pouvoir judiciaire .
Art. Ier . Les fonctions judiciaires ne peuvent être exercées
ni par le corps législatif, ni par le pouvoir exécutif.
II. Les juges ne peuvent s'immiscer dans l'exercice du
pouvoir legislatif ni faire aucun réglement . Ils ne peuvent
arrêter on suspendre l'exécution d'aucune loi ni citer devant
eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions .
III . Nul ne peut être distrait des juges que la loi lui
assigne , par aucune commission ni par d'autres attributions
ou évocations que celles qui sont déterminées par une loi
antérieure .
99 IV . La justice est rendue gratuitement.
" V. Les juges ne peuvent être destitués que pour forfai
ture légalement jugée , ni suspendus que par une accusation
admise .
,, VI. Les séances des tribunaux sont publiques ; les juges
déliberent en secret ; les jugemens sont prononcés à haute
voix : ils sont motivés , et on y énonce les termes de la loi
appliquée .
,, VII. Nul citoyen , s'il n'a l'âge de 30 ans accomplis , ne
peut être élu juge d'un tribunal de département , ni juge de
paix , ni assesseur du juge de paix , ni juge dans les tribunaux
de commerce .
" VIII . L'ascendant et le descendant en ligne directe , le
frere , l'oncle ou le neveu , les cousins germains , ne peuvent
être simultanément membres du même tribuual.
,, IX. Il ne peut être porté atteinte au droit de faire prononcer
sur les differens par des arbitres du choix des parties .
" , X. La décision de ces arbitres est sans appel , si les
parties ne l'ont expressément observé.
99 XI. Il y a dans chaque arrondissement déterminé par la
loi un juge de paix et ses assesseurs ; ils sont tous élus pour
deux ans , après lesquels ils peuvent être réélus .
,, XII . La loi détermine les objets dont les juges de paix
et leurs assesseurs connaissent en dernier ressort . Elle leur
en attribue d'autres qu'ils jugent à la charge de l'appel .
,, XIII. Il y a des tribunaux particuliers pour le commerce
de terre et de mer ; la loi détermine le lieu où il est utile
de les établir . Leur pouvoir de juger en dernier ressort ne
peut être étendu au - delà de la valeur de cent quiutaux de
bled.
,, XIV. Les affaires dont le jugement n'appartient ni aux
juges de paix , ni aux tribunaux de commerce , soit en dernier
ressort , soit à la charge de l'appel , sont portées immé
diatement devant le juge de paix et ses assesseurs , pour être
( 141 )
conciliées. Si le juge de paix ne peut les concilier , il les
renvoie devant le tribunal civi !.
Il y a un tribunal civil par département : il y en a deux
dans le département de la Seine .
" XVI Chaque tribunal civil est composé de 20 juges an
moins. Les juges sont élus pour cinq ans ; ils sont tous renouvelles
après les cinq années , et peuvent toujours être
réélus .
,, XVII. Le tribunal civil prononce en dernier ressort ,
tant sur les appels des juges de paix , des arbitres et des
tribunaux de commerce , dans les cas déterminés par la loi ,
que sur les affaires qui lui ont été renvoyées par les juges
de paix.
,, XVII. Il se divise en deux sections chaque section
ne peut juger au - dessous du nombre de cinq juges . ››
Séance du septidi , 17 Thermidor.
PRESIDENCE DE DA UN OU .
Il y a eu hier soir une séance pour le renouvellement du
bureau , Daunou a été nommé président. Les nouveaux secrétaires
sont Quirot , Laurençot et Dentzel .
Une lettre du conseil général de la commune de Blois
annonce que dans la puit du 9 au 10 de ce mois , des malveillans
ont coupé l'arbre de la liberté , et qu'ils sont dénoncés
au juge de paix qui les poursuit . Le conseil général a fait planter
un nouvel arbre , et les citoyens ont juré une nouvelle haine
aux ennemis de la liberté . Renvoi au comité de sûreté générale
et insertion au bulletin .
Gossuin , par motion d'ordre , demande le rapport de l'article
de la constitution qui établit le mariage pour condition
d'éligibilité au corps législatif. Il dit que de très bons citoyens
pendant les orages de la révolution n'osaient se marier ;
qu'on craignait de devenir pere , et que douze cent mille hommes
qui combattent pour la liberté , n'ont pas pu s'engager dans
les liens du mariage .
Guillemardet réclame le maintien de l'article et exprime
ses craintes que les prêtres réfractaires ne s'introduisent dans
la représentation nationale, n'y sement les divisions , les haines ,
et ne soufflent l'esprit de royalisme .
Un membre saisit cette occasion pour proposer qu'on éloigne
les prêtres de toutes les fonctions publiques . Il allegue pour
motif que leur mission est entierement spirituelle .
André- Dumont s'éleve avec force contre ces proscriptions
en masse. Il rappelle combien on a égorgé de citoyens avec
des mois ; qu'on traite aujourd'hui tout le monde de royaliste.
Il n'y a , dit il , que de bons et de mauvais citoyens ,
K 3
( 142 )
il faut protéger les uns e punir les autres . Le renvoi de
la motion de Gossuin à la commission des onze
crété .
est dé-
Dubois - Crance : On a supposé que j'avais violé , il y a
'quelques jours , le droit de pétition . Des malveillans veulent
agiter à ce sujet les sections de Paris . Il faut observer que
le fait s'étant passé lorsque la séance était levée , il n'y a
aucune violatio u . La chose ne peut être considérée
que comme
une rixe , une altercation de particulier à particulier , provenant
ou du défaut de s'en : endre ou de la difference des opinions
. Personne plus que moi ne respecte le droit de péti
tion . J'ai eu un moment de vivacité déplacée , j'en conviens ,
et j'en ferai excuse aux citoyens qui en ont été l'objet , si
je peux les rencontrer . La séance etant levée , je ne voyais
plus en eux des pétitionnaires ; je ne pus me defendre d'un
mouvement d'indignation contre des hommes qui venaient
qualifier d'injuste le décret bienfaisant sur les détenus , et
yous accuser indirectement de vouloir rétab ir le terrorisme.
Soyons unis , et la France sera calme : déchirez - vous , ´et la
Frauce se déchirera . La Convention nationale avait proscrit
cent députés ; elle vie t d'en proscrire sent autres , et cependant
l'on demande qu'elle s'épuré encore . Les meneurs d'aujour
d'hui suivent le même systême que les meneurs d'autrefois ,
celui de la dissolution de la représentation nationale . Lisez
la Quotidienne d'avant hier le journaliste trouve à peine ,
dans la Convention , vingt membres qui soient dignes de son
estime . Il faudra donc mourir républicains , disait une jolie
femme à rubans vers , en apprenant la nouvelle de la paix
avec l'Espagne . Oui , tu moutras républicaine , malgré toi :
oui , tu seras témoin , malgré toi , du bonheur de la France .
Ceux qui demandeur si viveinent l'épuration , veulent avoir
le champ libre dans les assemblées primaires , pour faire rejetter
la constitution. Il faut que le comité de legislation se hâte
de vous faire le rapport sur les députés inculpés , puisque
c'est le seul moyen d'arriver à l'etablissement d'une commission
de douze membres pour les détenus . Comme au 31 mai ,
pour vous forcer la main , on mendie des adresses dans les
départemens . Je demande que le rapport du comité soit présenté
dans trois jours , et qu'à l'égard des députés arrêtés ,
dont les cir.bustances n'ont pas permis encore d'examiner la
conduire , il soit formé une commission de 21 membres
qui vous dira si elle croit qu'il doive y avoir lieu à accu .
sation .
Savary observe que ce n'est pas la faute du comité de législation
s'il n'a pas encore fait son rapport , que les députés
dénoncés ont demandé à être entendus , que le comité a dû
le faire et qu'il présentera son rapport dès qu'il aura fini .
Lehardi propose , et la Convention décrete , que primidi pro(
143 )
*
chain , le comité présentera sans autre délai son rapport sur
les députés inculpés .
On demande limpression du discours de Dubois Crancé.
Denizel observe qu'il y a deux parties dans ce discours . L'explication
sur les inculpations dirigées contre Dubois Crancé,
et ses opinions personnelles . I demande l'impression de la
premiere partie , et l'ordre du jour sur la seconde .
Bailleul dit que ce discours renferme des propositions propres
à ranimer les haines , à fomenter les troubles ; que la réac
tion dont on se plaint part de la Convention elle - même
et que les choses devaient aller moins loin , si l'on avait fait poursuivre
les agens de la tyrannie après le 9 Thermidor. If appuie
l'ordre du jour sur la deuxieme partie .
L'impression de la premiere partie du discours de Dubois-
Crance est ordonnée . Une nouvelle discussion s'engage sur
la seconde .
Lariviere : Un décret d'ordre du jour ne suffit pas ; je demande
la question préalable . Convient- il de defibérer sur l'impres
sion d'un discours où l'on dit que la Convention avait pros
crit cent députés , et qu'elle vient d'en proscrire cent autres ?
Où l'on confond ainsi les victimes innocentes du 31 mai et
leurs assassins ? Quelle fatale diversion veut- on faire prendre
à l'opinion publique ? Quoi ! parce qu'on a oublié un moment
des scélérats , on voudrait profiter de votre indulgence , pour
la tourner contre vous , et égorger de nouveau Malheureux
qu'allez vous faire ? on était prêt à vous pardonner , et vous
ne pouvez pas rester dans l'obscurité !
On essaie depuis un mois à produire de nouveaux mouveneus
. Parce que vous n'avez pas puni tous ceux qui s'étaient
armés contre vous , tôt ou tard leurs partisans viendront avec
une énergie furibonde plonger le poignard tibericide dans
Votre sein si vous n'y prenez garde . On confond deja les
représentans du 31 mai avec ceux du 4 prairial ; on voudrait
ramener la terreur à l'ordre du jour , et dans quel tems ?
lorsque le territoire français est purgé de la presence d'un
ramas d'émigrés , lorsque les puissances ennemies briguent
votre alliance. La paix avec la Hollande , avec la Prusse ,
Espagne , et la victoire de Quiberon , voilà ce qui met vos
ennemis sur des charbons ardens ; le jour de la justice blesse
leurs yeux.
3
avec
res-
Point de demi -vertu , nî de demi- probité nous les voulous
fontes entieres . Malheur à qui n'y trouverait pas son
compie ! Celui qui a tue , sera tué , celui qui a volé
tituera ; celui qui a crié vive le roi vive la République selon
les circonstances vivra dans le mépris ce nn'est pas pour
lui un élément si insupportable. One ceux qui ont bien servi
leur patie se présentent sans crainte au tribunal de l'opinion
publique ceux - là seuls doivent trembler qui l'ont mal servic
K 4
( 144 )
Hypocrites , tartuffes en revolution comme en morale , vous
n'avez plus qu'un moyen de vous sauver , c'est de faire autant
de bien que vous avez voulu faire de mal : marchez dans la
voie de la vertu , et le peuple passera l'éponge sur votre condnite
passée . Mais si vous voulez suivre vos anciens erremens ,
si vous voulez soulever des voiles qui ne sont pas épais ,
prenez garde à vous . Les journées de germinal et de prairial
ont produit l'échafaud pour leurs auteurs , et ce qui m'a sincérement
affligé , c'est d'avoir vu condamner des hommes
égarés par vous et qui ne l'eussent pas été s'ils vous avaient
connus .
Qu'importe que des pétitionnaires aient été insultés ou non
par Dubois - Crancé ? c'est une affaire qui lui est particuliere .
Qu'importe que l'on vous calomnie ? faites taire les calomniateurs
par de bons décrets et de bonnes actions . Soyez toujours
les hommes du 9 thermidor , et ne souffrez pas qu'il
se mêle aucun alliage à l'or pur de la probité .
Je demande que la Convention décrete qu'il n'y a pas
lieu à délibérer sur la seconde partie du discours de Dubois-
Crance. Adopté . )
Merlin ( de Douai ) , au nom du comité de salut public ,
donne lecture de deux lettres relatives aux prises faites à
Quiberon. Le général Hoche en garantit l'authenticité . Elles
portent que nous y avons trouvé des approvisionnemens immenses
et de toute espece ; on les estime à dix - huit cents
millions. Il faudra quatre mille voitures , pendant un mois ,
pour les transporter. Les émigrés n'avaient pas oublié de se
pourvoir d'assignats faux , et pour plusieurs milliards . Ils sont
brûlés .
Boissy-d'Anglas ་
"
#
au nom de la commission des onze présente
les articles constitutionnels relatifs aux colonies . Ils
tendent à les déclarer partie intégrante de la République Française
, et à les diviser en départemens avec le même régime
que la France. Ce projet est ajourné . L'art. Ier, est seulement
décrété. Il porte : Les colonies françaises dans les deux
mondes font partie intégrante de la République Française ,
sont soumises aux mêmes lois constitutionnelles .
1
et
Fermond , organe du comité de salut public , rend compte
de nos succès dans les isles du Vent . Il en résulte que le
drapeau tricolor flotte dans Sainte-Lucie , Saint- Vincent , la
Grenade , Saint- Eustache , la Guadeloupe et la Martinique.
Que nous avons brûlé ou pris 150 bâtimens enuemis ,
que nous avons renouvellé le ressentiment des Caraïbes contre
les Anglais qui sont abhorrés dans toutes les isles .
Séance d'octidi , 18 Thermidor.
et
Lanjuinais , an nom du comité de législation , fait décréter
que l'art. 1er. de la loi da 25 messidor dernier , qui défend
( 145 )
d'anticiper les termes de paiement portés dans des titres de
créance , n'est point applicable aux créanciers des successions
bénéficiaires ni des faillites .
Sur le rapport du même comité , la Convention décrete
en principe que le tiers arbitre , nommé en cas de partage,
ne pourra seul prononcer en faveur de l'un des deux avis ;
mais qu'il se reunira aux autres arbitres pour délibérer et
juger.
Lahaye , au nom des comités de législation et de sûreté
générale , dit que la révolution aurait dû assurer à tons les
citoyens le libre exercice de leurs droits et la liberté de se
livrer tranquillement à leurs occupations ; mais que l'invention
de certificats de civisme n'a servi qu'à entraver cette
liberté qu'au lieu de servir aux progrès de la révolution ,
elle n'a été qu'un moyen de contre-révolution ; que c'est par
là qu'on a tout bouleversé , corrompu l'ordre social , et
qu'on est parvenu à placer dans les comités révolutionnaires
une multitude d'hommes que l'habitude d'un pouvoir inconnu
et nouveau déprava bientôt , et rendit les tyrans des
citoyens dont ils devaient être les protecteurs. Lahaye présenie
un projet de décret qui est adopté en ces termes
La formalité des certificats de civisme est abolie. ,,
Sieyes présente de nouveaux développemens sur l'organi
sation d'une jurie constitutionnaire , chargée de veiller à la
garde du dépôt de la constitution ce corps serait tribunal
de cassation , en ce qu'il pourrait annuler les actes attententoires
à la constitution : il serait tribunal de proposition,
en ce que lui seul proposerait , tous les dix ans , au corps
législatif , les changemens à faire à l'acte constitutionnel ; il
serait enfin tribunal des droits de l'homme , jury d'équité
naturelle , en ce qu'il garantirait la liberté individuelle des
atteintes qu'autorise souvent la loi aveugle.
Cette jurie constitutionnaire serait composée , de 108 membres
, renouvelles tous les ans par tiers . La premiere élec
tion serait faite par la Convention nationale , en faisant les
choix , un tiers dans l'Assemblée constituante , un tiers dans
l'Assemblée législative , et l'autre tiers dans la Convention
même. La jurie ferait elle-même les élections suivantes , en
faisant les choix dans les 250 membres qui sortent , chaque
année , du corps législatif , etc.
La Convention décrete l'impression du discours de Sieyes
et l'ajournement de la discussion à duodi prochain . La commission
des onze annonce en même tems qu'elle a adopté
une partie des plans de Sieyes.
Séance de nonidi , 19 Thermidor.
Henri Lariviere , au nom des trois comités de salut pu
blic , sûreté générale et de législation , expose que l'opinion
( 146 )
A
publique réclamer de toutes parts contre le décret qui orlonne
qu'il sera nommé une commission de 12 membres ,
prise dans le sein de l'Assemblée , pour prononcer sur les
motifs de détention des complices du régime de la terreur .
Si la révolution , dit- il , a extirpe de grands abus , elle en a
fait naître aussi . Ainsi , les biens que nous lui devons , ne
sont pas sans mélange . On connait les fureurs de la
celles de la denonciation calomnieuse , et les effets de la corvengeance
,
ruption des moeurs . Il n'y a donc que la justice et la vertu
qui puissent ramener le triomphe des lois . Ce sont les scules
armes qu'une nation qui se regenere doit employer pour son
bonheur. Depuis le 9 thermidor , la Convention , revenue
aux principes , obtient chaque jour , comme nos armées ,
des
es succes nouveaux . Pourquoi donc nous en écarter à l'égard
des prévenus de complicité du terrorisme ? les coupables
esperent ils donc échapper à la faveur de l'obscurité ? Ceux .
qui redoutent le regne des lois et de l'ordre , sont ceux
qui ont volé , pillé et massacre ; ceux qui , dans les comités
révolutionnaires , ont exercé les plus horribles vexations , qui
alimentaient les échafauds ' de Robespierre , qui étaient acteurs
des boucheries de septembre . Voilà ceux qui trouvent encore
des défenseurs et qu'on appelle patriotes . Mais qu'est - ce
donc
u'un patriote ? C'est celui , selon moi , qui exercé
ession utile
qui est bon pere , bon époux , bon
fis , bon ami , qui respecte les lois , qui les aime et s'y
༔ ༔
une
conforme.
de re
70709
633
1
JG J
Lariviere propose de rapporter le décret dont il s'agit et
le renvoyer les prévenus par devant les tribunaux de district ,
quu'ils décident quels seront ceux qui , seront mis en
liberté et ceux que l'ou traduira devant les tribunaux criminels.
pour
2,9,1 nse :: 9.
Une longue et vive discussion s'engage . Plusieurs membres
demandent la question préalable sur le projet de décret. Lehardy
prétend que l'amour - propre de quelques membres ayant été
blease
བྱ :
ils se sont concertés pour obtenir le rapport de ce
decret, et que le projet de Laiviere est plus dangereux que
celui de Laheye . Lariviere observe que l'Assemblée ne peut
pas violer les principes , et aliaque de front l'opinion publique.
Louvet et Tallien veulent parler . Celui - ci fait sentir que la
Convention s'exposerait à beaucoup de haines , et à s'avilir
si elle maintenait la partie du déciet relative à la commission
prise dans son sein . Louvet cst du même avis ,
il
3
T
mais
pense que es qu'on donne pour l'opinion publique , n'est
qu'une opinion factice dirigée par quelques meneurs . Andre
Dumont , Legendre s'efforcent aussi de se faire entendre. La
discussion se ferme , et la partie du décret portant création
de la commission est rapportée . Le reste est ajourné .
Fermoad , au nom du comitè de salut public , end compte
80 ..
( 147 )
de l'expédition d'une flottile française en Afrique , qui a
brûlé 70 bâtimens à l'ennemi , et en a ramené 4 richement
chargés à Rochefort.
" Lanthenas présente sur la déclaration des droits de l'homme
quelques observations , qui ont renvoyées à la commission
des onze .
Personne ne se présentant à la tribune , un membre demande
qu'on s'occupe du code civil , dont plusieurs articles
sont déja décrétés . Cambacerès , qui en est le rapporteur ,
observe qu'un systême de législation doit être discuté dans
son ensemble et saus interruption . Il croit que la discussion
ne doit être reprise qu'après que celle sur l'acte constitutionnel
sera achevée . Décrété .
Séance de décadi , 20 Thermidor.
Delaunay , au nom des comités de sûreté générale et de
salut public , dit que si Paris n'est pas approvisionné de bois
de chauffage , c'est la faute des ouvriers des ports , qui deman
dent jusqu'à 200 liv. par jour , poar retirer de l'eau celui
dont la riviere est couverte dans ce moment . La Seine en est
tellement remplie , que la navigation en est obstruée . Sans
doute le travail doit nourrir l'ouvrier , mais il ne faut pas
qu'il abuse des circonstances . Le rapporteur propose de faire
nommer par chaque section vingt citoyens pour retiver le bois
de l'ean , et que les comités fixent leur salaire. Décrété.
Jean Debry , au nom du comité de salut public , propose
de ratifier le traité additionnel conclu avec le bey de Tunis
par le consul général de France en cette résidence . Ce traité
a pour objet la fixation des limites de la neutralité sur meri ;
elles sont fixées à la portée du canon des forts . L'impression
de ce traité , et l'ajournement de la discussion à trois jours
sont décrétés .
Ce jour étant consacré aux pétitionnaires , un grand nombre
sont entendus . Une députation de la section du Theatre-
Français est admise : Si l'on en croit certains hommes , dit
l'orateur , les amis des principes sont des brigands ; les défenseurs
de la Convention sont des royalistes , et les terroristes
seuls sont des patriotes .. Encore quelques jours , et
Robespierre et ses complices sont des victimes , et les assas
sins de Féraud des républicains . Défiez- vous , représentans ,
de ses rapports exagérés où l'on vous peint la France Pe
plée de caubibales , d'êtres qui sont tour- d - tour victiales et
bourreaux . Loin de nous de vouloir qu'on jette un voile sur
les assassinats commis ; nous abhorrons les assassinats ; mais
nous ne voulons que des lois justes . Nous demandon's "que
les accusés soient envoyés devant leurs juges naturels afin
que les absous ne soient point considérés comme des protégés
, les juges comme des protecteurs intéressés . Nous de-
C
( 148 )
mandons qu'on ne rende pas aux buveurs de sang la liberté
avec la même facilité qu'on en prive depuis quelques tems
de bons citoyens . Exercez bientôt sur vous- mêmes les foncticas
pénibles , mais nécessaires , que nous avons exercées
par votre ordre dans nos sections . Au 31 mai , la montagne
se rendit justice , en chassant la vertu de cette enceinte . C'est
à vous aujourd'hui à en chasser le crime. ( Applaudissemens . )
Héros du g thermidor , malgré toutes les intrigues pour obscureir
votre gloire , nous conserverons toujours avec reconnaissance
le souvenir de votre courage et du bien que vous
avez fait . Nous apprenons , legislateurs , que vous avez rapporté
hier votre décret du 6 de ce mois . Votre sagesse nous
a prévenus ; que l'amour des bons citoyens soit votre récom .
pense . ( Vifs applaudissemens . )
Le président répond que la Convention nationale , secondee
des sections de Paris et de tous les bons citoyens de la
République , frappera également les terroristes et les roya
listes .
Une députation de la section de l'Unité vient remercier la
Convention de ce qu'elle a écouté l'opinion génerale , en
rapportant le décret du 6 de ce mois .
Le président répond que la volonté générale , exprimée
dans toutes les sections de la France , est la seule opinion
publique à laquelle la Convention nationale se fera toujours
ua devoir d'obéir ; mais que l'opinion de quelques sections
m'est qu'un veu que la Convention adopte ou rejette après
J'avoir examiné.
Ces adresses et les réponses faites par le président seront
insérées au bulletin .
Séance de primedi , 21 Thermidor.
Sévestre , organe du comité de sûreté générale , dénonce
certains journalistes qui se réunissent aux malveillans pour
-propager le systême d'avilissement de la représentation nationale.
Sans doate la presse est libre , mais dans tout gouver
nement les auteurs doivent répondre , devant la loi , de ce
qu'ils écrivent. Il appelle en conséquence la surveillance sur
eux, parce qu'il est bien persuade qu'ils finiront par tout
perdre, et sur sa proposition , la Convention décrete que les
trois comités réunis lui présenteront un projet de loi à cet
.égard.
Dentzel a fait un discours sur les travaux publics , les canaux
et les routes . Il a prouvé que cette branche de prospérité
nationale avait besoin d'encouragement et d'être confiée
à des mains habiles . Renvoyé au comité des travaux publics.
Giraud-Ponzolles , au nom du comité de législation , présente
son rapport sur les députés inculpés. Les dénonciations
( 149 )
sont très nombreuses , mais beaucoup vagues et insignifiantes.
Le comité ne s'est done attaché qu'à celles qui sont graves .
La Convention décrete l'impression du discours de Giraud
Pouzolles , et Bezard donne lecture des pièces envoyées contre
les inculpés .
3
La premiere est celle de la commune de Rochefort et de
plusieurs particuliers , coutre les représentans Laignelot et
Lequinio. I
Ils sont accusés ensemble d'avoir établi à Rochefort un
systême d'oppression et de tyrannie ; de s'être entourés d'agens
sanguinaires ; de s'être permis toutes sortes d'actes arbitraires :
dans leurs orgies , ils disposaient de la vie et de la fortune
des citoyens ; sans motif , ils ont érigé un tribunal révolationnaire
qui a fait couler le sang innocent à flots , ils appelaient
la guillotine , la justice du peuple , et le bourreau le
vengeur du peuple personne ne se présentant pour remplit
ses fonctions , ils prirent un étranger auquel ils donnerent
l'accolade , et qu'ils inviterent à un diner splendide.
On leur reproche aussi plusieurs jugemens iniques ; celui
entr'autres des représentans Dechezeau et Lozeau : le premier
n'avait pas encore fini de lire ses moyens de défense ,
que déja ils avaient commandé les torches de son exécuton.
Lequinio est accusé particulierement d'avoir fait de l'écha
faud une tribuue aux harangues ; d'avoir forcé les jeunes
gens
à y monter , et à Y fouler le sang de leurs parens
d'avoir brûlé la cervelle à un prisonnier ; d'avoir envoye deux
tonnes d'argent à son frere ; dans une lettre qu'il écrivait , it
annonçait qu'il avait ordonné de fusiller sans jugemens les
prisonniers faits dans la Vendée , et ordonné de n'en plus
faire ; il exprimait ensuite le desir de voir étendre cette mesure
à toutes nos armées.
Lequinio n'étant pas dans la salle , le rapporteur litla défense
écrite qu'il a remise au comité de législation : cette défense
ne paraît pas satisfaisante .
On demande l'arrestation de Lequinio , on représente que
la plupart des faits reprochés à Lequiuio sont avoués par lui
et tirés de ses lettres .
Lesage demande qu'on fasse instruire sur-le- champ par le
tribunal de Rochefort contre Lequinio , pour le vol des deux
barils d'argeut; cela est d'autant plus important , que dernierement
vous avez fait arrêter le député Lavallée , et qu'à
la levée des scellés , on a trouvé chez lui les preuves de ses
crimes , telles que calices , patennes , etc.
Un membre rend compte du procès-verbal dressé à Vannes ,
où l'on a saisi les deux barils d'argent que Lequinio envoyait
à son frere . Prieur de la Marne ) fit dans le tems tout ce
qu'il put pour enlever les minutes nous ne sommes pas së
( 150 )
sots que de les lui donner , disait l'agent national ; il voudrait
bien aussi avoir les deux barils d'argent , mais il ne
ies aura pas..
L'arrestation de Lequinio est décrétée ainsi que la propo
sition de Lesage .
Suit Lanot , accusé par la municipalité de Brives de dévastations
et d'excès de toute espece ; en arrivant , il s'était fait
précéder de la guillotine ; il exerçait sur son tribunal la plus
atroce influence ; il a fait exposer pendant 24 heures le
cadavre d'un malheureux vieillard , pere de onze enfans , et
guillotiné de la veille ; sans cesse dans les tavernes , un jour
qu'il était ivre , il voit des creneaux à une maison , et en'
ordonne la démolition : un malheureux ouvrier est écrasé :
bon , dit Lanot , ce n'est rien ; il faut que le peuple s'amuse .
Un autre jour , il aida lui - même à la démolition d'un puits et
d'une grange .
Lauot est absent.
Le rapporteur rend compte qu'il s'est excusé sur l'insurrection
qui avait éciate dans le département de la Correze :
la cocarde avait été foulée aux pieds , ainsi que la statue de
la liberté . Brival parie en faveur de Lanot ; il pense que
sans cette insurrection , Lanot , qui n'a jamais envoyé personne
au tribunal de Robespierre , n'eût pas fait couler le
sang ; d'ailleurs on a mendié ces accusations contre lui .
La gravité des faits détermine l'Assemblée à prononcer
l'arrestation de Lanot .
Le troisieme député dénoncé et arrêté , est Lefiot ; le reste
du rapport est ajourne à demain ; l'Assemblée terminera cette
affaire sans désemparer : Lefiot est accusé d'avoir fait arrêter
un grand nombre de personnes , dont quatre ont été guil
louinées , et cela pour avoir signé une adresse au roi lors.
de l'affaire du 20 juin .
Lefiot s'excuse sur la loi du 17 septembre ; on lui répond
qu'au 20 juin , I attachement pour la royauté n'et.it pas un
crime , puisqu'elle était consacrée par la constitution .
PARIS . Quartidi , 24 Thermidor , 3º . année de la République.
Comme nous l'avions pressenti , l'opinion alarmée
des atteintes portées à la liberté de la presse agglomere
toutes ses forces pour défendre ce premier des droits
du citoyen dans un gouvernement libre , et les écrivains
se sont réunis pour exprimer leurs réclamations pres .
santes contre la violation de ce droit.
Le rédacteur de la Gazette française annonce , dans
( 151 )
1
la feuille du 22 , que les scelles apposés sur les presses
de quelques journalistes ont été leves , et que le rédacteur
de la Gazette universelle ne tardera pas à être mis
en liberté .
On change maintenant à la trésorerie les billets de dix
mille liv. Avant- hier , la foule était immense à peine pouvait-
on passer dans la rue Vivienne .
Une lettre de Gavelier , au représentant du peuple Marec ,
donne de nouveaux détails sur la victoire de Quiberon ; o
y voit que 200 , tant chouans qu'émigrés , y ont été tués
Gooo faits prisonniers , sans compter 1200 femmes et enfans ;
les chasseurs out fait un batin de plus d'un million en louis ,
guinées et bijoux , sans compter environ 30 chevaux , dont plusieur
sont été vendus 50,000 1. La même lettre porte que Hoche
qui a vaincu dans cette journée est un jeune homme de 27 ans
grand , bien fait , d'une physionomie douce et imposante
courageux de sang froid , et connaissant parfaitement son
metier qu'il aime avec passion .
1
.
De Vannes , 10 thermidor. Hier , la commission militaire a
été installée dans cette ville . Sombreui !, l'évêque de Dol et
treize autres , tant ci devant nobles que prêtres , ont été fusillés
aujourd'hui.
Voici un état des prisonniers faits à Quiberon :
Officiers émigrés
Soldats
Habitans de Toulon! ..
Prisonniers français embarqués de force
Emigrés trouvés dans les bles
fem mmes et enfans , environ ..
Chonans
To : al...
278
260.
402 .
1,652.
non compris les
.300 .
3,600 .
6,492.
Suite de l'extrait des lettres trouvées sur les émigrés pris à Quiberon
.
A M. de Vau*** .
. Quant à ce que tu me dis de Paris , je ne le crois
pas ; les papiers du 15 n'en disent rien : et j'en scrais fâché ,
parce que cela prouverait que la Convention aurait eu le
dessus sur le peuple , et que nous ne pouvons attendre notre
salut que de sa destruction ,
( 152 )
}
An même.
...
....
Ta as sans doute appris avec plaisir que dans la derniere
affaire , les Français citoyens ont été completement battus ..
Paris est couvert d'affiches qui annoncent qu'il faut égorger la Convention
, et Lyon est de nouveau en insurrection. . ; mais
remarques- tu que très adroitement les meneurs de la barque
ont fait agir les départemens de l'intérieur et des côtes pour
opérer une plus grande diversion des forces .. Je trouve
sette tactique pas trop mal adroite ; mais juge de ce que je
gouffre en voyant ma femme tenir à son idée de rester dans
eet infâme pays , qui sera bientôt anéanti ..... Quel bonheur ,
mon ami , si nous pouvons parvenir à faire anéautir cette
Convention ! c'est par là qu'il faut commencer : le reste viendra
après.
b.
Autre au même.
...
Le dégoût et le mécontentement augmentent tous les jours ici .
Les mauvais procédés sont à leur comble ..... Il senible que
l'on nous regarde comme une classe inférieure : nous sommes
maintenant les plus mal logés ; l'on nous met toujours dans
les fauxbourgs.... Tous ces procédés sont épouvantables .
a long- tems que je pense que la seule raison qui pou
vait nous retenir ici , était l'attachement qu'on devait avoir pour
le prince de Condé .... A quoi pense til donc ce prince
de Condé ? je ne le conçois pas quels sont ses projets ?
Je suis en vérité tenté de croire qu'il n'en a aucun , et qu'il vit
au jour le jour , sans savoir ni ce qu'il fait , ni tout ce que
cela deviendra .
A M. d'Her*** .
S'il est vrai , comme on me l'a dit , que M. le
prince de Condé ait le pouvoir d'augmenter son armées,
j'espere ne point éprouver de difficultés pour y entrer. J'avoue
cependant que pour y parvenir il fallait discuter moi - même ;
il m'en coûterait trop , car l'on argumentera peut- être de mon
émigration tardive..... Il paraît que l'on juge des sentimens
de l'homme par la date de son émigration mais je compte
à cet égard sur vous , M. le comte ; car vous savez quelle
été ma conduite antérieure.
Que l'on m'interroge sur ce que j'ai fait à Paris , dans les
grandes circonstances , et vous savez que je n'ai rien négligé
servir au- dedans nos amis du dehors ; et d'après ce que pour
j'ai fait , serait-il possible que je ne sois pas admis parmi vous ?
Cette idée seule m'accable de douleur.
Jer : 135
( N. 66. )
MERCURE FRANÇAIS .
DÉCADI 30 THERMIDOR , l'an troisieme de la République.
( Lundi 17 Août 1795 , vieux style . )
Explication de la Charade du n° . 64 .
Le mot de la Charade est Maîtresse.
POÉSIE.
L'hymne du 10 août , par MARIE -JOSEPH CHENIER , représentant
du peuple , musique de CATEL , du conservatoire de
musique.
J.
Un Barde.
EUNES guerriers , troupe immortelle ,
Mêlez vos accens à ma voix :
Français , le Barde vous appelle ;
Avec lui chantez vos exploits .
Célébrous aujourd'hui la fête ,
La fête du peuple vainqueur :
Jamais si brillante conquête
N'a couronné notre valeur.
Le chaur.
Jour de liberté , jour de gloire ,
Qui du peuple a fondé les droits ,
Vingt siecles étonnés chanterofit la victoire
Que tu remportas sur les rois .
Trois guerriers , durant la nuit du 9 au 10 août 1792 .
O nuit paisible , nuit profonde !
Entends nos voeux arme nos bras ;
C'est pour la liberté du monde
Que nous préparons des combats .
Tome XVII. L
''
( 154 )
Demain nous sauverons l'Empire ;
Priez , femmes , vieillards , enfans ;
Demain le Louvre où l'on conspire
Eutendra ces cris triomphans.
Le Chaur.
Jour de liberté , jour de gloire ,
Qui du peuple as fondé les droits ,
Vingt siecles étonnés chanteront la victoire
Que tu remportas sur les rois.
Priere des femmes , des vieillards et des enfans , au son du tocsin ,
à la fin de la nuit.
Si l'homme libre est ton onvrage ,
Grand Dieu , veille sur nos remparts :
Des tyrans et de l'esclavage
Renverse les vils étendarts .
La royauté , dans les tenebres ,
Reçoit d'homicides sermens ;
Mais déja les tocsins funebres :
Ont sonné ses derniers momens.
Le chaur.
Jour de liberté , etc.
Ghant des Bardes après la victoire le matin du 10 août.
Triomphez , liberté , patrie !
Il est tombé le noir cyprès ,
Dont la feuille antique et flétrie
Attristait nos jeunes forêts :
Et , sur le débris monarchique
De ses rameaux contagieux ,
Les palmes de la République
Elevent leur front jusqu'aux cieux.
Le chaur.
Jour de liberté , etc. ,
( 155 )
ÉCRITS POLITIQUES.
Numéro IV du Journal de l'Opposition ; par P. F. Réal.
Prix , 3 liv . broché , et 3 liv . 15 sous , franc de port , pour
les départemens et pays conquis . A Paris , chez Buisson ,
libraire , rue Hautefeuille , no. 20.
Ex donnant à cet écrit le titre un peu vague de Journal
de l'Opposition , Réal a dû prendre avec lui -même l'engagement
de ne censurer que ce qui lui paraîtrait opposé
aux principes et à la justice. Dans les trois premieres
livraisons de cet ouvrage qu'il paraissait avoir
abandonné , on distingue le second numéro écrit
avec beaucoup d'énergie . Celui que nous annonçons
n'est pas moins intéressant. L'auteur semble avoir puisé
de nouvelles forces dans le repos , et c'est d'un air intrépide
qu'il rentre dans la carrière . Ses idées sont
pleines de chaleur , et son style attache par une certaine
éloquence rapide , mais sage , qui annonce des
intentions aussi pures qu'élevées .
Réal a suivi les différentes crises de la révolution ;
peut- être a- t- il participé à quelques - unes . Mais elles
n'ont pu dépraver en lur cet instinct de l'ordre et du
beau moral qui nous passionne pour le bien , même en
égarant nos idées . Les perfidies , les bassesses , les atrocités
dont
so t de la luence a compromis si étrangement le
so t de la liberté , ont étonné la rectitude de son esprit
et la droiture de son coeur , et il n'envisage qu'avec une
douleur amère ces considérations politiques à l'aide
desquelles malheusement on ne s'oppose aux ravages
des maux dus à l'injustice que par des injustices nouvelles
, qui d'ailleurs laissent toujours après elles des
exemples funestes et des maximes pernicieuses . "
Patriote plein de zele , il s'intéresse au triomphe de
la dignité de l'homme dans l'ordre social ; il ne veut
point de la royauté qui dégrade , mais il réclame un
gouvernement fort qui écarte l'anarchie et sache im
primer le respect des lois ; le danger de prolonger les
haines et les discordes publiques par des représailles
sanguinaires lui inspirent ce courage de censure , appanage
de l'homme libre bien intentionné et fort différeni
de cette hardiesse qui dénigre tout , peint le mal
L2
( 156 )
avec une joie perfide , et répand sur le bien tout le
poison d'une critique artificieuse.
Après avoir rappellé avec intérêt la victoire remportée
le 1er. prairial sur les anarchistes , Real s'alarme de
voir subsister trop long - tems des dispositions arbitraires
et illégales . Législateurs de ma patrie ! s'écrie - t-il ,
" si vous étiez des rois j'attendrais votre mort pour
parler de vous . Je vous crois de francs , de sinceres
" républicains , je vais vous dire la vérité ......
29
""
Qu'ai-je vu sous le regne de Robespierre ? dix mille
" maisons d'arrêts , quatre cents mille incarcérés , des
commistions populaires , militaires , des tribunaux
" révolutionnaires , des lois révolutionnaires , la Convention
comprimée , mutilée ; vingt mille Français
égorgés aux applaudissemens d'une troupe de force-
", nes..... J'ai dit que ce regne - là n'était pas bon ,
99 Que vois -je aujourd'hui ? des milliers de maisons
, d'arrêts , des incarcérés dontje ne sais pas le nombre ,
des tribunaux d'attribution remplaçant les tribunaux
? révolutionnaires , des jurés spéciaux remplaçant les
" commissions , une commission militaire à la place du
tribunal Dumas , la Convention mutilée , des milliers
de Français égorgés dans Lyon , dans Aix , dans le
" Jura , etc. etc. Toutes ces mesures applaudies par des
, troupes de forcenés qui demandent du sang , et pus
,, du sang , et toujours du sang ....... Législateurs , ce
" regne - là n'est pas bon !
99
Je sais que les échafauds sont plus rares , je sais
" que le gouvernement d'aujourd'hui se montre aussi
avare du sang français que celui de Robespierre en
,, était prodigue ; je sais qu'entre les assassinats commis
sous ce monstre et ceux qui nous déshonorent ,
, il existe une différence essentielle : le gouvernement
d'alors exubérant de force , commandait les assassinats
; le gouvernement d'aujourd'hui mourant de
faiblesse , n'a pu les empêcher ; mais pour être mauvais
faut-il qu'un gouvernement ressemble en tout à
,, celui de Robespierre ?
" Comment est- il arrivé que deux régimes dont les
vues , dont les intérêts sont si opposés , dont les agens
" offrent une moralité si différente , présentent cependant
tant de ressemblance dans les résultats ?
39
Législateurs , c'est que dans l'un et l'autre régime
on a mis les passions à la place des principes : on a
changé de vues , mais on a conservé les moyens. "
( 157 )
S'adressant ensuite à ses concitoyens , qu'il avertit de
ne pas confondre l'erreur avec la mauvaise foi , ni l'intolérance
politique avec la poursuite nécessaire du
crime , il continue ainsi :
L'impénitence finale était un dogme fondamental
› de la religion de Robespierre . Il ne voulait point
" croire au changement d'opinion , encore moins au
" repentir. Il ne croyait point à l'erreur , il voyait tou-
" jours le crime , et sa vilaine ame cût rejetté comme
" contre- révolutionnaire le sentiment d'un généreux
" pardon . Le besoin de tuer fit naître cette abominable
" doctrine . Le tesoin de s'emparer des fortunes et des
" places étendit ses ravages .
Est- ce le besoin de tuer , est- ce le besoin de vous
" venger qui vous anime , vous tous qui ne voyez au-
" jourd'hui que des cannibales , que des criminels dans
" les instrumens passifs d'un gouvernement affreux qui
" vous eût peut- être fait agir puisqu'il vous a fait taire ?
" Ah ! faites juger les voleurs , les assassins , c'est le
cri de tous les gens de bien ; mais est- ce donc le ,
" besoin de tuer qui vous fait rechercher aujourd'hui
" telle opinion , telle expression , tel sentiment confié
» au secret de l'amitié ? ..... Jeune homme , tu n'as
pas dix- huit ans ; un sang doux circule dans tes veines ,.
" ton coeur doit commencer à s'ouvrir à des sentimens
" d'amour est- ce aussi , dis le moi , le besoin de tuer
" qui te fait hurler comme un algonquin , ce couplet
d'antropophages dans lequel tu demande des héca-
99
.
" tombes ? ,,
Il est à desirer que ces réflexions de Réal puissent être
désormais sans application ; mais voici un rapprochément
qui appelle d'une maniere pressante l'attention
de ceux qui aiment la justice et les formes protectrices
de l'innocence . C'est toujours Réal qui s'exprime :
Vous vous rappellez , lecteurs , de l'audience où
" Camille recusa le juré Renaudin , son ennemi per-
2 sonnel ; vous vous rappellez que Renaudim, se riant
de la recusation , maintenu scandaleusement à son
" poste , a jugé et assassiné froidement le malheureux
" Camille .
" Eh bien ! lecteurs , la même scene se renouvelle
" tous les jours dans la presque totalité des départe-
" mens , on a placé sur la liste des jurés des hommes
» victimes du régime de la terreur ; ils remplissent les
» tribunaux. C'est devant ces hommes innocens , je le
L3
( 158 )
sais , mais ulcérés , mais au moins cruellement prévenus
, qu'on traduit les auteurs présumés des maux
qu'ils ont soufferts ... Et les récusations son rejettées ,
et juges et jurés ont le déplorable , l'affreux courage
de condamner à mort leurs ennemis . "
la ma-
Nous ne pouvons résister au desir d'ajouter aux citations
que nous venons de faire , celle d'un morceau
moins sévere , et qui nous a paru intéressant par
niere dont il est écrit . Le lecteur , en appréciant le mérite
du tableau , aura encore à prononcer sur la justesse
de la comparaison .
Réal rappelle d'abord l'influence de Robespierre aux
jacobins . Il ajoute : Robespierre eut ses dévotes ; et
1 ce serait une histoire bien piquante que celle de ces
19 infatigables tricoteuses qui , depuis le 6 octobre , ont
eu tant de part à la révolution .
" Les tricoteuses sont disparues ; mais nous n'avons
" pas pour cela échappé à la tutelle des femmes . Ce
n'est plus , il est vrai , dans les tribunes que des
" voix enrouées influencent aujourd'hui le législateur ;
, mais dans un joli salon , une aimable fille ,
" comme Pamela , de cette voix qui mit en danger la
99
naïve
philosophie du bon Camille , propose des vues si inté-
" ressantes , la politique est si aimable dans cette jolie
99
bouche , elle sollicite avec tant de graces , elle dénonce
avec une sensibilité si profonde ; on n'a pas
" un coeur de marbre , on se rend , et de - là cette mo-
" bilité , cette versatilité qui affligent certains législa-
" teurs,
" Sous Robespierre , combien de décrets commandés
dans les tribunes ! Aujourd'hui , combien de projets.
soupirés dans les boudoirs !
" Sortons , sortons , législateurs , d'un état de choses
,, trop semblable à celui que vous avez détruit , pour
" qu'il puisse vous convenir. Vous avez changé le ré-
" gime , changez les moyens ; vous avez écrase Robespierre
, enfermez dans sa tombe ses tyranniques institions
; qu'il n'y ait rien de commun entre le regne
des tigres et celui des hommes ; soyez magnanimes
,, et grands comme le 9 thermidor : jusqu'à ce jour ,
" on a gouverné par la crainte ; législateurs , attachez-
" nous au gouvernement par l'amour. "
Dans la seconde partie de son numéro , Réal entreprend
la critique raisonnée de l'organisation du pouvoir
exécutif , et ille trouve d'une faiblesse dangereuse ,
( 159 )
proet
ses idées sur ce point s'accordent parfaitement avec
celles de Roederer ; seulement il les présente sous une
forme plus animée . Pour atteindre le degré de force
qui lui paraît nécessaire , il offre deux moyens : le premier
, d'accorder au pouvoir exécutif la faculté de
poser des lois à la délibération du conseil des 500. Le
second.... faut - il le dire ? Réal , honteux en quelque
sorte , oubliant tout son courage , ses droits de publiciste
, emploie des détours oratoires , atteste la pureté
de son patriotisme , rappelle la soumission de Fénélon .
devant Bossuet , prononce enfin le mot de PRÉSIDENT
mais comme s'il lui était échappé malgré lui ..... Vas
ne crains point Real , on ne s'y trompera pas : tu n'as
pas besoin de ces précautions excessives pour éviter
d'être assimilé à ceux qui verraient avec tant de complaisance
l'unité de l'action exécutive dans la personne
respectable du grand comte d'Artois .
Réal veut donc un président , et en cela son opinion
ne se rapporte pas à celle de Roederer ; il est même
très probable qu'elle ne prévaudra point. Mais enfin
c'est son opinion , et nous la croyons pure.
Les considérations essentielles qui ont , après de .
mûres réflexions , fait rejetter , par la commission des
onze , le systême de la présidence , ont frappé sans doute
aussi l'esprit du citoyen Réal ; et ce n'est que parce
qu'il a cru avoir trouvé dans l'histoire , des considérations
prépondérantes qu'il s'est déterminé en faveur de
l'opinion qu'il expose.
Nous aimerions à faire connaître dans cette analyse
quelques-unes de ces considérations qui ne nous paraissent
que spécieuses . L'espace nous manque , et d'ail
leurs le lecteur suivra avec plus d'intérêt dans l'ouvrage
les raisonnemens qui les lient à l'ensemble du systême
de l'auteur sur cette matiere délicate .
Réal termine son numéro par une critique ingénieuse
d'un auteur polémique , plein de talens , mais qui les
consacre avec un zele infatigable à faire l'apologie de
la superstition monarchique et religieuse.
L 4.
(( 160 )
VARIÉTÉ.
Suite du Dialogue fraternel entre un Républicain et un
Royaliste.
Le Royal . Je pourrais faire le sacrifice des moyens extérieurs
d'opérer en France le rétablissement de la royauté,
qu'on n'y arrivera pas moins par la seule force du
concours des moyens intérieurs. Vous ferez la paix avec
les puissances ; mais il reste au milieu de vous un foyer
de guerre dont l'activité a résisté jusqu'à présent à tous
les efforts ; c'est la Vendée , ce sont les chouans . Qu'a
produit cette belle pacification avec Charette , avec
Stoffet ? Ce n'était qu'un vain simulachre dont ils se
sont joués quand ils ont vu le moment favorable . Vous
traitiez avec les chefs , et dans le même tems leurs cohortes
dispersées par pelotons fusillaient , massacraient ,
interceptaient les communications et se moquaient de
vos accolades fraternelles .
Le Rep. La Vendée a plus de rapports que vous ne
semblez en convenir avec la guerre extérieure, Les
bouches de ce volcan sont dans l'ouest de la France ,
mais son foyer s'étend jasqu'à Londres . L'obstination
à vouloir donner aux habitans de ces contrées des
prêtres appellés alors constitutionnels , a éte la premiere
étincelle de cet embrâsement ; les nobles et les prêtres
insermentés qui n'épiaient qu'un prétexte l'ont attisé
de leur mieux , et Pitt , à qui tous les moyens sont bonst
pourvu qu'ils nuisent , a nouiti ce foyer de toutes les
matieres combustibles . On aurait tout prévenu en laissant
à ces pauvres gens la liberté d'entendre la messe
qui leur plaisait , mais il est inutile de revenir sur les
fautes passées . Cette guerre toujours si mal conduite
et que l'on veut ressusciter , mérite , je le sais , de fixer
sérieusement l'attention du gouvernement ; mais les
moyens de l'extirper ne sont pas hors de sa puissance .
La paix sur le continent , en laissant à la République
la disposition de toutes ses forces , lui en donnera
la facilité . Ne plus se mêler de messes , ne point gêner
les consciences , rassurer tous les habitans qui ne sont
qu'égarés par les principes de douceur et de justice ,
dont le gouvernement actuel est pénétré ; voilà les
( 161 )
moyens insensibles qui agiront sur eux. Quant aux chefs
qui les trompent , et à cet amas de brigands , de voleurs
et d'assassins qui n'ont ni feu , ni lieu , ni patrie , et ne
sont susceptibles d'être ramenés par aucun sentiment ,
par aucun intérêt , pas même celui de l'impunité , c'est
à la force seule à les réduire . Le gouvernement doit
être assez instruit par l'expérience de cette funeste
guerre , pour être convaincu qu'on ne peut la terminer
que par de grands moyens. Il faut qu'une armée de
150 mille hommes , s'il en est besoin , parcoure en tous
sens ces départemens infestés , donne la chasse à ces
brigands , les cerne , les rabatte comme des bêtes fauves ;
il faut désarmer à mesure toutes les communes , établir
par-tout de forts cantonnemens , les y maintenir jusqu'à
ce que le germe de la rebellion soit entierement étouffé,
et que la tranquillité regne sur cette terre désolée . Si
à ces grandes mesures se joint l'heureuse influence d'un
gouvernement ferme et juste , d'une constitution qui
assoupisse toutes les haines , ferme toutes les plaies , et
ramene au milieu de nous le calme , l'espérance et la
douce perspective d'une amélioration dont chaque jour
fera sentir les effets , les habitans de la Vendée fanatisés
et royalisés aujourd'hui , reviendront naturellement de
leur erreur et des suggestions qu'on leur a inspirées .
Les chefs qui les travaillent encore , et tous les aventuriers
qui inondent ces contrées , auxquelles ils sont
étrangers , peuvent trouver leur intérêt à entretenir le
feu de la discorde civile ; mais la masse des habitans
ne peut trouver le sien que dans le rétablissement de
l'ordre , de la paix , de leurs occupations agricoles et
industrielles , et dans l'assurance que leurs propriétés ,
et leur personne seront à l'abri des incursions des voleurs
et des assassins ; car les chouans sont aussi bien .
leurs ennemis qu'ils le sont de toute espece de lois et
de police sociale . Malgré le cri de ralliement , religion
et royauté , qu'ont adopté les chiefs , les habitans de ces
contrées ne seraient nullement disposés à consentir de
payer de nouveau la dime , les droits féodaux , et à recevoir
la gabelle et tout le cortège de l'ancienne fisca
lité . Qu'on les mette à cette épreuve , et l'on verra s'ils.
sont royalistes . D'où je conclus que la guerre de la
Vendée est une dépendance de la guerre extérieure ,
et que celle- ci une fois terminée l'autre le sera bientôt .
Le Royal . Vous parlez sans cesse de constitution et de
gouvernement comme si c'était une chose faite . Je voi
( 162 )
bien un plan rédigé , arrêté par la Convention ; mais
il y a loin d'une vaine théorie à la pratique . Vous faites
une république , et personne n'en veut. De toutes pa ts
l'opinion la repousse . Il y a dans les esprits une marche
lente et retrograde qui vous ramenera insensiblement
et malgré vous à votre ancien gouvernement , la monarchie.
Votre constitution , je vous le dis , ne s'établira
pas ; tout le monde est las de l'état actuel des choses .
Le Rép. Voilà comme vous êtes , messieurs les royalistes
, vous croyez , avoir tout dit , tout prouvé , quand
vous avez ressassé jusqu'au dégoût , le tableau bien
noirci , bien chargé des maux qu'a occasionnés la révolution
sous l'influence de ceux qui ne s'en étaient emparés
que pour la diriger vers des folies où des crimes .
Vous avez la petite mauvaise foi de faire partager aux
vrais amis de la liberté et aux principes qu'ils défendent
les reproches que méritent les scélérats qui les ont dés-
Honorés . Les bons républicains détestent comme vous
toutes ces horreurs ; mais il y a cette différence , qu'ils
en génis nt dans toute l'amertume de leur douleur
et la sincérité de leur patriotisme , tandis que les royalistes
n'affectent de s'apitoyer sur le malheur des tems
que pour s'en réjouir et en profiter en secret . Ils auraient
été bien fâchés de n'avoir pas un prétexte aussi
facile à toutes leurs déclamations , et , s'il faut parler
avec franchise , ils ont eu leur bonne part aux excès
contre lesquels ils ont feint et feignent encore de s'élever
avec tant de force ; cette tactique leur a toujours
été familiere . Terroristes sous Robespierre , thermidoriens
aujourd'hui , ils ont chanté tou - à-tour l'Hymne des .
Marseillais et le Réveil du Peuple , ont porté le bonnet
rouge et les cheveux à la jacobite , et se coeffent maintenant
en victime . On les a vu prendre toutes les formes ,
tous les travers du jour pour avoir le droit de les imputer
à la révolution .
Vous parlez sans cesse de l'état actuel des choses ,
comme si ce devait être un état permanent ! comme
sil me fallait pas en chercher la premiere source dans
cet amas d'intrigues , de perfidies et de manoeuvres pratiquées
par les nobles , les prêtres et les royalistes ! Ontils
voulu un seul instant , je ne dis pas la liberté , mais
le redressement des abus de l'ancien régime ? Ils disent
que la constitution et le gouvernement nouveau ne peuvent
s'établir parce qu'on est las de la révolution . Les
républicains disent au contraire : Il faut établir la consti(
163 )
T
tution et le gouvernement pour sortir de la révolution .
Lesquels , à votre avis , font usage d'une logique plus
juste et mieux intentionnée?
1
1
Vous prétendez que l'esprit public s'attiédit chaque
jour , et vous en attribuez la cause aux progrès que fait
le royalisme je n'y vois , moi , que l'effet naturel de
l'état précaire et de souffrance dans lequel nous avons
vécu jusqu'à présent. Vous prenez pour esprit public ,
ce qui n'est qu'une sorte de lassitude et d'affaissement
commun à tous , si ce n'est que les uns savent le supporter
, parce qu'ils entrevoient un meilleur ordre de
choses très- prochain , et que les autres ne voulant pas
même se donner la peine d'espérer et d'attendre , se
récrient sur le présent pour se dispenser de l'avenir.
Mais ayons la paix et un gouvernement , et vous verrez
l'esprit public changer de face. Vainement la coalition
des journaux royalistes cherche à dépraver l'opinion ,
en se distribuant les rôles avec plus ou moins d'audace
et de perfidie ; il ne restera de ce poison que l'avilissement
de ceux qui se donnent tant de peine pour en
varier la dose et la distribution, A mesure que les den
rées et les objets de premiere nécessité deviendront
moins chers et plus abondans , que le crédit public
renaîtra et que les affaires prendront une tournure
plus satisfaisante , ce qui sera l'effet nécessaire de la
paix et d'un gouvernement , les clameurs de la tourbe
des mécontens que l'on confond à tort avec les vrais
royalistes , s'évanouiront avec la même facilité qu'elles
se sont élevées . J'ai rencontré beaucoup de ces messieurs
qui s'exhalent en plaintes si ameres contre ce
qu'ils appellent les malheurs de la révolution , et qui
ne croient pas mieux que vous , sans trop s'en rendre
raison , à l'affermissement du nouvel ordre de choses ;
j'ai vu que les uns avaient acquis des domaines nationaux
, que les autres spéculaient dans les fonds publics ,
que la fortune de presque tous était liée à cet ordre de
choses contre lequel ils déclament si inconsidérément .
Jai porté mes regards sur les habitans des campagnes ;
je me suis réjoui de les retrouver dans une aisance
qui n'est pas comparable à l'état de misere et d'avilissement
dans lequel ils étaient plongés sous l'heureux ,
sous l'excellent régime de la monarchie. Je me suis
convaincu que de tant de gens qui crient contre la
révolution , le plus grand nombre en avait profité ; je
vous avoue que ce petit calcul m'a un peu rassuré sur
1
( 164 )
cet esprit de royalisme , qui est devenu domme une
affaire de mode , et qui passerá comme tous les hochets
du jour. La peur de la dîme , de la féodalité , de la
gabelle , de la noblesse , des prêtres , des parlemens et
de tout l'attirail d'oppression de l'auguste et antique
monarchie , fera plus de républicains que tous les petits
pamphlets , la conjuration des écrivailleurs et les beaux
discours des sallons ne pourront faire de prosélytes au
royalisme . Il y aurait un tour excellent à jouer à ces
messieurs : ce serait de les laisser se disputer entre eux
sur la forme et le mode de rétablissement de la royauté ;
car les uns la veulent absolue , les autres mitigée ; ceuxci
sont pour les anciens états - généraux séparés en trois
ordres , ceux - là pour la pairie héréditaire et le gouver
nement anglais , d'autres pour la constitution de 1791 .
Les nobles de race n'ont pas les mêmes principes que
les petits gentilhommiers ; chacun voudrait arranger la
monarchie au gré de ses passions ou de son intérêt . De
la division sur la forme de la monarchie , on passerait
à la division sur le choix du futur monarque . Les uns
tiendraient pour Monsieur , les autres pour le prince de
Condé peut- être y en aurait-il pour le fils de d'Or
Féans ; tandis qu'il s'en trouverait pour une dynastie
étrangere . Chaque parti publierait d'abord de beaut
manifestes , puis aux manifestes succéderaient les dissentions
et la guerre civile ; puis le vainqueur voudrait
dicter des lois sur lesquelles les royalistes ne seraient
pas mieux d'accord ; ainsi , de querelle en querelle , de
factions en factions , de vengeances en vengeances , on
ouvrirait une autre révolution mille fois plus terrible que
celle que l'on peut si facilement terminer aujourd'hui.
Si les vrais républicains et la masse du peuple pouvaient
être étrangers à cette expérience , ce serait la peine la
plus forte à infliger aux royalistes , et le meilleur moyen
de les guérir de cette maladie . Dans l'aveuglement où
vous êtes , vous raisonnez , vous calculez toujours comme
si les armées républicaines n'existaient plus , et que vous
fussiez maitres des finances . Sachez donc une fois pour
toutes , que sans tr upes et sans argent toute contrerévolution
royaliste est impossible . Or , allez demander
à nos armées victorieuses si elles veulent un roi , et vous
verrez leun réponse .
H
( 165 )
NOUVELLES ÉTRANGERES..
LES
ALLEMAGNE,
De Hambourg , le 4 août 1795 .
Es nouvelles de Constantinople , du 12 juin , représentent
cette grande ville comme souffrant beaucoup de la pénurie
des subsistances , et le peuple prêt à se porter à des excès ,
si le gouvernement ne se hâte de remédier aux causes de la
disette qui lui inspire un si grand mécontentement . On en
assigne deux principales , l'interception des grains par les
Maltais qui ne laissent rien passer des secours qu'on attendait
d'Alexandrie , et la révolte du pacha d'Acie et de Damas ,
par qui la plus grande partie des grains de la Syrie et des
uibus pecuniaires que cette riche contrée paié à la Porte se
tionvent aujourd'hui retenue . Le divan vient de prendre des
mesures pour donner la chasse aux Maltais et subjuguer le
packa jebele . Ha envoyé dans l'Archipel le capitan - pacha ,
avec deux vaisseaux de ligne de 74 canons , onze frégates
et quelques petits bâtimens . Mais cet officier qui devait partit
le 6 est encore , ajoutent d'autres lettres du 25 , aux Dardanelles
, où il a fait demander de nouveaux renforts , vu l'in
suffisance de son escadre contre une maltaise qui l'attend a
l'embouchure du detroit avec 15 bâtimens , parmi lesquels il
s'en trouve un' de Eo canons et deux de 60. Ce que vient de
faire la fotte ennemie convaincra fin les Turcs de la né
cessit vraiment indispensable d'augmenter leur marine , et
de la mettre sur un pied respectable : elle s'est emparée
pour ainsi dire à la vue de l'escadre turque , de deux navires
dont l'un chargé des contributions des istes de l'Archipel , et
Faure d'un grand nombre de matelots , attendus avec une
impatience proportionnée au besoin qu'on en avait .
On dit que l'incendie de Smyrne , sur les ravages duquel
on n'a pourtant pas encore de enseignemens bien positifs , a
consumé au moins un tiers de cette ville . A Thessalonique
la cherté des vivres a occasionné un soulevement général et
un massacre , où ont piri presque tous ceux qui étaient à la
tête de l'administration. Voici ce qu'ou apprend par des lettres
du 26
Le Reis - Effendi vient d'être déposé. Il a été remplacé par
Rachib Eflendi. C'est le même qui fut envoyé à Vienne pour
( 166 )
complimenter Léopold II , lors de son avénement au trône .
Il avait ici la surintendance des vivres .
Le nouveau ministre de France paraît prendre beaucoup
d'ascendant sur les principaux membres da divan . Il coutinue
d'avoir des conférences avec les ministres de Prusse
et de Suede . L'on observe que ces conferences n'ont lieu
que pendant la nuit , ce qui fait présumer qu'il s'y traite
des objets importans.
II est arrivé ici douze officiers suédois . Ils doivent se
réunir aux officiers français qui sont déja au service de la
Porte , pour instruire les troupes turques nouvellement levées ,
dans l'exercice militaire à l'européenne .
•
Stockholm , le 17 juillet. Entre cette ville et Drottningholm
notre escadre légere a manoeuvré en présence du roi et du
regent toute la journée d'avant -hier . Ses premieres manoeuvies
se sont faites d'après la tactique nouvellement introduite dans
notre marine ; ensuite elle a donné une représentation du
combat de Swansksund . Le colonel de Rosenstein , second
chef de l'escadre de Stockholm , a eu le commandement dans
ces expériences .
•
M. Muradgia d'Ohssen , auteur du superbe ouvrage de la
Statistique de l'empire ottoman a été nommé ministre de
Suede pres la sublime Porte ; M. d'Asp succédera , piès la
cour de Londres , à M. d'Engestroem , qui passe à celle
de Turin ; le baron Schultz d'ascherades , ministre à la diete
générale de l'empire , ira à Berlin remplacer feu M. Carisien ,
et sera remplacé lui - même à Ratisbonne par M. de Bild ,
chargé des affaires de sa majesté suédoise à la cour impériale
de Vienne .
On écrit de Varsovie , en date du 15 juillet , qu'on y attend
le comte Felix Potocki , autrefois maréchal de la cou
fédération de Targowitz : il paraît qu'il ira , trouver le roi à
Grodno , et fera avec lui le voyage d'Italie , si toutefois la
Russie le permet. On ajoute que le roi détrôné a protesté
contre toutes les opérations de cette puissance et des autres
co- partageantes ce ne serait assurement pas le moyen d'obtenir
la permission de voyager. La moisson promet beaucoup
pour le seigle en Pologne ; mais il n'en est pas de
même pour le froment.
De Francfort- sur-le-Mein , le 8 août.
Toute l'Europe se ressent plus ou moins des tristes effets
de la guerre , relativement aux subsistances. Voici ce qu'on
écrit de Berlin , le 15 juillet...
I
Comme le prix des bleds augmente d'une maniere trèssensible
dans les provinces les plus fertiles des états prussiens
, et que ce surhaussement se fait remarquer jusques
dans les pays de Magdebourg et de Halberstadt , qui sout
( 157 )
des greniers d'abondance , notre gouvernement a cru pouvoir
suspecter de la malveillance de la part des proprié
taires , et pour en arrêter les effets , il a été ordonné le 15
que tous ceux qui possedent des provisions en grains seront
tenus de les apporter , avant la récolte prochaine , aux marchés
des villes les plus voisines , après en avoir prélevé ce
qui sera nécessaire pour leur consommation jusqu'au tems de
la récolte , et qu'ils doivent les vendre au prix des marchés.
Les refusans sont menacés de la confiscation de leurs grains
et de toutes autres punitions arbitraires .
Suivant des lettres de Vienne , du 24 , le courier porteur
de la ratification de la triple alliance , a reçu un présent de
1000 ducats et une bague de brillans , et dès que la moisson
sera te mince , on fera de nouvelles et fortes recrues dans
tous les etats héréditaires. Il n'est pourtant gueres coyable
que François II s'obstine à continuer la guerre , comme chef
de la maison d'Autriche , tandis qu'il serait obligé de faire
la paix comme chef du corps Germanique . Car c'est une
affaire qu'on regarde comme conclue , et le baron de Bartenstein
partira définitivement dans les premiers jours d'août , pour
le congrès , où elle doit se terminer , congrès qui se tiendra
véritablement à Augsbourg , du moins est-ce le lieu proposé
par l'empereur , qui a déja fait parvenir à Ratisbonne son
décret de ratification , comme il y était invité par la Prusse
à ce qu'il paraît par la nouvelle suivante :
"
Le 24 juillet , M. le comte de Georiz , ministre de Prusse ,
présenta a la diete une note portant en substance Sa majesté
Prussienne voit avec sensibilité la confiance que l'Empire laj
a témoignée par la proposition contenue dans le conclusume
de la diete du 3 juillet . En conséquence , elle ne manquera
pas d'interposer , d'après le voeu de l'Empire , sa médiation
et coopération pour la conclusion d'une paix générale avec
la France ; et sa majesté fera tout ce qui dépendra d'elle
pour assurer le maintien de la constitution germanique et
l'intégrité absolue de l'Empire. Comme pour atteindre plus
sûrement ce grand but , sa majesté attend avec confiance que
sa majesté impériale , en qualité de chef suprême de l'Emveuille
faire promptement les premieres démarches ,
et qu'elle est sincerement resolue , que c'est même un de
ses voeux les plus ardens , d'aller en tout au devant de sa
majesté impériale avec la bonne volonté la plus entiere , et
de régler dans le plus parfait accord ses démarches sur les
siennes pour le succès de cette opération saluiaire , le roi
pense que dans les délibérations ultérieures de la dicte , il
importe de déterminer au plutôt la députation de l'Empire
demandée par le dééret de commission impériale du 23 mai
·
etc. 19
Des lettres de Basle , du 22 juillet , en annonçant le retour
du baron de Hardenberg , ajoutent :
( 168 )
Voici la liste des autres ministres qui résident dans notre
ville : Barthelemy , ambassadeur de la République Française ;
M. Wais , conseiller - privé du langrave de Hesse - Cassel ; le
conseiller Kappler , de la régence de d'Armstadt, les conseillers
auliques Lang et Grenhm , de Lemingen-Durekheim . Le négociateur
de Brunswick-Wolfenbuttel doit être M. Meisner de
Zurich ; et pour Mecklenbourg , M. Déodati , ci - devant banquier
à Geneve. Le chevalier d'Yriarte est ici pour l'Espagne.
D'autres , du 4 août , disent positivement , la paix que la
France vient de conclure avec l'Espagne , fait tomber les
actions des émigrés , qui commençaient à mircher la tête levée:
maintenant ils se flattent dn vain espoir que l'Espagne ne rati-
Bera pas cette paix , mais ils ne savent pas que suivant toutes
les apparences et probabilités , il y aura de grands changemens
dans le cabinet de Madrid , et que les ministres qui
ont vôté pour la paix et qui la desirent , seront conservés .
HOLLANDE.
De la Maye , le 5 août . Les directeurs de la colonie de Sufiuam
ont reçu ane missive du gouverneur , par laquelle il
apprend qn'il a reçu un ordre du stadthouder , lequel Ini en
joignait de recevoir les troupes et les vaisseaux du roi d'Angleterre
, pour défendre cette colonie contre toute espece
de tentatives de la part des Français . Le gouverneur assure
les états généraux , qu'en homme d'honneur et en bon Hol
landais , il mettra tout en oeuvre pour conserver cette colonie
à l'état , et que , conformément à leurs ordres , il fera ses
efforts pour la mettre dans le meilleur état de défense , et
'opposer à l'ennemi commun .
7
Le 2 de ce mois , les états - généraux s'assemblerent extraor
dinairement le président Pipers fit un discours dans lequel
Hles prévint que la paix venait d'être signée entre la Répa
blique Française et le foi d'Espagne , et que la republique
Batave était comprise dans le traite. Après avoir également
fait part de la nouvelle qu'il avait reçue de Paris de la vic
toire complerte sur les Anglais , les chouans et les émigrés , à
Quiberon , il en félicita la nation batave , puisque l'insidieux
winistre anglais avait encore une fois va déjouer son plan
atroce et sanguinaire pour détruire la liberté. Le président
donna ensuite communication des lettres des ministres Blaauw
et , Meyer qui renfermaient ces détails , et il termina par ces
mots Puisse la lecture de ces pieces ôter aux ennemis de
notre liberté jusqu'à lidée de pouvoir jamais nous être nuisibles
dans l'exercice de cette liberté , et puisset elle mettre
dans vos coeurs la persuasion qui est dans le mien , que les
jours d'esclavage sont passés pour faire place à ceux d'ane
liberté durable et permanente.
Le 29 juillet , il est entré au Texel vingt huit bâtimens
charges de grains , venant de Hambourg et de Dantzick.
RÉPUBLIQUE
$
1
( 169 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
20
PRESIDENGE DE DAUNOV.
Séance du duodi , 22 Thermidor.
Sur le rapport du comité de législation , la Convention
déerete que le délai accordé , par la loi du er, doréal , au
créanciers des émigrés , pour déposer leurs titres , est pro
longé definitivement jusqu'an er vendémiaire prochain. Ce
nouveau délai profitera également aux créanciers des émigrés
portés sur le second supplément à la liste générale dés
émigrés , publiée dans le mois de floréal deruier , a l'egard
desquels il devait expirer le 28 fructidos prochain .
Les sections de la Halle - aux - bles et de l'Observatoire se
présentent à la barre. La premiere se plaint des mises en
liberté des terroristes de son arrondissement , et la seconde
rend compte de l'impression qu'a faite sur les citoyens qui la
composent la provocation de Dubois- Crance . Son orateur
dit qu'elle avait arrêté d'en demander justice ; mais qu'infor
mée de la rétractation de ce représentant , elle avait passé à
l'ordre du jour . Le président lui répond qu'elle devait lui
suffire , et ne pas venir se plaindre , tout en disant qu'elle
ne se plaignait pas . Les petitionnaires des deux sections sont
néanmoins admis aux honneurs de la séance .
Génissieux , au nom du comité de législation , continue
le rapport sur les députés inculpés . Il fait lecture des charges
contre Dupin , que les veuves et les enfans des fermiers - généraux
accusent d'avoir , par un rapport perfide fait sur eux
a la Convention , conduits a l'echafaud , et de s'être approprié
une partie de leurs depouilles. Dopin a fait un mémoire justificatif
, dont Génissieux donne également lecture. Lesage
( d'Eure et Loire ) pense que , comme rapporteur , il ne peut
être inculpé , puisque c'est au nom du comite qu'il a parié
que d'ailleurs son opinion à leur égard rentre dans le domaine
de la pensée , dont il devait avoir la liberté ; mais
qu'il y a des faits précis à sa charge . Il cite celui relatif à
Depinay , fermier- général , homme d'une probité sans tache,
plein de lumieres , bon pere , bon voisin , et jouissant de
T'estime générale. Lors de son arrestation on lui saisit un
porte- feuille contenant 100,000 liv , en assignats et 100 louis
en or. Il fut remis à Dupin , qui le porta à la résorerie ;
mais il ne s'y trouva que 5 louis et point d'assignats . Lesage
Tome XVII. M
( ( 179 )
t
ajoute que la belle- mere de Dupin demeure à Saint Cloud ,
où elle étale un luxe qui insulte à la misere publique' ; que
rien n'égale la richesse de son ameublement , et seul
appartement a coûté plus de 500.000 liv . Il demande son
arrestation et l'apposition des scellés chez lui et sa belle
mere . Ces deux propositions sont décrétéës .
Le rapporteur lit les pieces à la charge de Bô . Il est accusé
d'avoir dit , en passant à Reims , qu'il fallait que le fils
poignardât son pere , le pere son fils , et le frere sen frere ,
s'ils n'étaient pas à la hauteur de la révolution ; d'avòir dit
qu'il y avait assez de douze millions d'habitans en France ,
et qu'il fallait que le reste périt ; d'avoir pris les croix d'or
ades femmes , sous prétexte de Fanatisme. Il est décrété d'ar-
A
restation.old &
La séance est suspendue et reprise à huit heures du soir.
Piory sest accusé d'avoir écrit à une société populaire :
Vous vouliez un bon montagnard ; vous avez Ingrand : avec
Jui vous pouvez tout faire , tout emprisonner , tout déporter ,
tout guillotiner .: Ou demande au rapporteur si la copie de
celte lettre est en forme probante ; il répond qu'oui . L'arrestation
de Piorry est décrétée . £
13
Massieu est prévenu de vols concussions , persécutions
dans le département des Ardennes , complicité avec les assassins
. Les mêmes faits sont imputés , à peu de chose près , à
Chaudron-Rousseau . Leur arrestation est prononcée . Le reste
de la séance à demain get to SU
* ་
Séance de tridi , 23 Thermidor 11
པས །
Laplanche et Fouché ( de Nautes ) sont dénoncés à leur
tour par toutes les autorités constituées de Nevers . Arrestations
arbitraites , dilapidations , i terreurs ; ils érigerent en
morale Lépublicaine la dépravation des moeurs . Laplanche
invitait publiquement les filles à s'abandonner `anx hommes ,
et à faire des enfans dont la République avait besoin . Ce
fut Fouché qui commença à Nevers l'exécution du projet de
moraliser le peuple , en slui rendant la religion odieuse .
Il avait pour, émule Chaumette , né dans cette commune , et avec qui il était en correspondance suivic. Celui ci va à Ne- vers et concerte avec lui le projet d'ôter à la morale sa
base et de supprimer le culte . En conséquence , Fouché fait
démolir les églises et mettre sur les cimetieres cette inscrip- tiou : La mort n'est qu'un sommeil éternel . Une horde de
brigauds par lui choisis et soudoyés parcourent les campagnes
, affubiés de chasubles pillent les vases d'or et d'argent
destinés au culte , mangent les hosties consacrées , etc.
Le rapporteur lit des procès verbaux des arrêtés à la charge
de Fouché. Que la foudre deleve par humanité , écrivait-il
*
( 171 )
an departement de la Nievre. Ayons le courage de marcher
sur des cadavres pour arriver à la liberté.
3
J
Fouché a présenté au comité de législation un mémoire justificatif.
Il est dénoncé sous le regne de la justice , lui qui
ne cessa d'être persécuté sous celui de la terreur . Il a vu
très rarement Chaumette à Nevers ; il ne lui a pas parlé un
instant en particulier . Les arrêtés qu'il a pris pour l'échange de
l'or et de l'argent , etaient motivés par les décrets . Il n'a
exposé que les trésors des citoyens ; tandis que dans ce tems-là
on les embastillait en masse on les conduisait par charretées
a l'achafaud . Il défie qu'on Ini produise un seul mandat d'arrêt
qu'il ait signe. Il n'a point proscrit le culte ; bien loin d'en
avoir persécuté les ministres , il fit mettre en liberté les
réfractaires qui lui parurent seulement égarés , it veilia à ce
que les autres ne reçussent pas de 2 mauvais traitemens , il
Ppllaaççaadans les administrations plusieurs prêtres constitutionnels.
11 y avait des armées révolutionnaires dans tous les dépar
' temens il n'est pas responsable des désordres commis à
son insçu par quelques soldats de l'armée qu'il avait établie .
Il cite une proclamation qu'il adressa aux citoyens des départemens
ou il était en mission , et il oppose les expressions
de cette proclamation au reproche d'avoir protégé les
scélérats."LLooiinn d'avoir favorisé le systême de la terreuri
contribua beaucoup au renversement de ce systême , il fut
toujours moins rigoureux que les décrets , etc. ni allap 16
Le rapporteur cite le fait suivant en faveur de " Fouché :
On lui fait un crime au Comité décemviral d'avoir
dant sa mission à Lyon , destitue un ami de Châlier. Il prouva
que cet ami de Chalier s'était ffendn a - la- fois le dénoncia
teur et le juge de sept citoyens et s'était approprié leurs
dépouilles , au détriment de leurs héritiers . Cependant Robespierre
, furieux de la destitution d'une de ses créatures
tourna vers Fouché , et lui dit avec rage : Apprends que les
patriotes ne volent point , et
è tout leur appartient.
17
2
TC : ST
*
3
$
pen-
9 se
Laurençot accuse Fouché d'avoir favorisé la fainéantise; ea
arrêtant que des indigens seraient entretenus et nourris anx
frais des riches , de n'avoir rendu aucun compte des taxes
revolutionnaires qui , dans la seule commute de Nevers
furent de deux milions , d'avoir donné sa confiance à un
individu qui disait souvent : Prenons dans la poche des riches
pour donner aux sans - culottes , ôtons des places les têtes à
perruque , et mettons y des tailleurs , des cordonniers , des
perruquers ; ils ne seront pas savans , n'importe ? ' ils juge-
Tout en sans culottes , c'est- à - dire selon leur conscience:
Legend: et Tallien parlent e den faveur de Fouche : La Convention
, disent - ils , ne veut pas brigands dans son sein ;
mallieur à qui s'est enrichi aux dépens de Fétat ou des par
ticuliers . Mais le tems est passé où un représentant de pous
3
4
M
(-178 )
ctement
vait sans être accusé de complicité prendre la défense d'an
de ses collegues . Fouché , nominé président des jacobins par
le credit de Robespierre , n'en profta que pour signaler indi-
Robespierre comme un tyran. C'est lui qui démêla
le premier les semences de division qui naissaient parmi les
décemvirs , c'est lui qui chaque jour rendait aux patriotes,
un compte exact des progrès de la révolution qui s'avançait
avec le 9
thermidor. Il doit être regardé comme un des principaux
auteurs de cette révolution salutaire . Il dit la veille aux
patriotes : Il est tems de
de frapper
pper le tyran et le lendemain
Je tyran fat, frappe , Sous ce
pays , et , s'il n'est point
.
Fouche servit bien son
qu'il ait dilapide les deniers
de l'état , on doit passer à l'ordre du jour .
2 :
Après quelques débats , Fouché est décrété d'arrestation.
Les pieces contre Noël Pointe et Francastel sont renvoyées
à un nouvel examen da comité de législation .
La séance d'aujourd hui était destinée à célébrer l'anniver
saire de la memorable journée du 10 août. Les tribunes et
སུས །
la salle de la Convention étaient remplies. Une musique bril
lante annonce la fête.
Fermond profite d'un moment de repos pour donner des
upuvelles des colonies orientales . I annonce qu'elles sont
toujours à pous ; que les Français qui les habitent sont determinés
à petir , plutôt que de recevoir le jong des Anglais,
et qu'ils font à la patrie un don assez considerable.
Le conservatoire de musique exécute , au milieu des plus
vifs applaudissemens , un hymne dont les paroles sont de
Chénier , et la musique de Catel.
4
C
ㄅㄨˊ
sne
Daunou , président , prononce un discours qui est vivement
applandi : Il n'est plus ce gouvernement , dit l'orateur,
ce gouvernement vil autant qu'absurde , sous lequel un peuple
anmense n'etait occupé que de la destinée de ses oppres
sacrifie à une idole.
seurs ! Dans les monarchies tout est
Dans les états libre
libres , les fêtes ne celebrent et ne consacrent
ape les mémorables événemens de la grande famille natio
pale. Le canon du 14 juillet avait éveille la liberté française;
la foudre du 10 août abattit les pouvoirs rivaux de la sou-
Vieille
monarveraineté
du peuple on voit l'édifice de la
shie s'écrouler en un seul jour : les vainqueurs s'étonnerent
de leurs succès , le secret de la
eux mêmes
de la facilit
et
faiblesse des tyrans fut révélé à tous les peuples .
Vous qui voudriez nous ramener à la servitude , despotes
coalisés contre nous , venez , sur les débris d'un trône dont
l'éclat vous éblouissait autrefois , reconnaître la caducité de
Youre empire ; les siecles loin d'en consolider les fondemens
, ne font que les affaiblir . Si vous voulez rendre votre
domination éternelle , arrêtez donc les progrès de la raison
univernelle.
( 373 )
Pour préparer la chute du trône , on s'était élancé beancoup
trop au- delà des bornes de la liberté. La sanguinaire
anarchie ne tarda pas à associer ses fureurs aux élans du
patriotisme des brigands se mêlerent avec les conquérans
de la liberté. Ceux qui ont suivi pendant trois années de suite
le fil de la révolution française , ont vu d'un côté le crime ,
le Brigandage et l'opprobre ; de l'autre , la gloire , les vertus
et la probité. Pendant que le génie de Pitt creusait le tom
beau des républicains , nos braves defenseurs repoussaient
les soldats des rois jusqu'aux pieds de leurs trônes , et leur
gloire était comme un voile qui couvrait les forfaits des conspirateurs
de l'intérieur. Nos braves défenseurs ne counaissaient
d'autre intérêt que celui de la Republique , d'autre
chemin que celui de la victoire ils ont réduit à une égale
impuissance la ligue des rois et celle des amis de la terreur.
Peut-on célébrer la chute de la royauté , sans penser a ceux
qui ont foudroyé les esclaves qui voulaient la retablir ? La
journee du 10 août est trop liec avec celle de Fleurus , de
Jemmappes et de Quiberon , pour qu'il soit permis de les
séparer.
•
C'est un beau spectacle que celui que présente aujourd'hui
la France . La guerre est abrégée et presque finie par nos
continuels triomphes . La Republique nagueres isolée du reste
de l'Europe , en rattache la moitié à ses intérêts et à son
alliance. Le téroce Anglais est réduit à voir , du haut de ses
flottes impuissantes , l'échafaud de ceux qu'il a vomis sur nos
côtes. L'humanité efface les traces de la tyrannie , et l'equite
déchire les pages sanglantes des lois decemvirales. Le peuple
à la veille de jouir des bienfaits de la paix et d'une coustitution
républicaine , dans laquelle chacen de ses représen
tans a déposé le tribut de son patriotisme , de son expé
rience et de ses lumieres .
est
C'est aujourd'hui la premiere fois que nous célébrons vračment
l'anniversaire de l'affranchissement du peuple . En 1793,
cette fête eut l'air d'une fête funebre , parce que des tyrans .
aussi en avaient ordonné les apprêts ; elle fut célébree dans
le silence de l'épouvante , et fut comme le prélude d'un
nouvel esclavage , et Finauguration de la terreur . L'année
derniére , vous étiez encore environnés des complices des
tyrans abattus le 9 thermidor , et la vertu ue pouvait se rés
jouir en présence de tous les crimes . Mais aujourd'hui nous
célébrons cet anniversaire au milieu des trophées et des traités
de paix . C'est la fête du 14 juillet , du 10 août , des victimes
du 31 mai , et des héros du g thermidor, Confondons tous
nos voeux , toutes nos intentions.
Puisse cette journée éteindre le Rambeau des vengeances !
puisse l'équité pardonner à l'erreur , et ue poursuivte que le
crime puissions nous enfiu ne pas retrouver la royauté dans
M 3
((174-))
·
le sein des discordés ! La premiere pierre de l'autel de la
clémence doit être posée en ce jour consacrons enfin à la
République ce palais qui a vu tomber le dernier de nos rois :
que cette tribune , d'où un ttyran plus affreux encore a été
précipité , ne voie désormais, que des amis de la vérité , des
principes , et que des défenseurs des droits du peuple .
La Convention décrete que ce discours sera imprimé et
envoyé aux départemens et aux armées .
Doulcer , au nom du comité de salut public , termine la
fête en lisant une dépêche de Kellermann , général en chef
des armées des Alpes et d'Italie , qui porte que nous avons
remporté plusieurs avantages sur l'armée austro - sarde . Nos
troupes , quoiqu'inférieures en nombre , combattent avec le
plus grand courage . L'ennemi n'a pas gagné un pouce de ,
terrein depuis un mois. L'instant approche où elle recevra
de nombreux renforts : les héros du Rhin et des Pyrénées
se dirigent vers les Alpes , et lui feront reprendre l'attitude
qu'elle doit avoir. Doulcet propose de décréter que l'armée
des Alpes ne cesse de bien mériter de la patrie . Cette proposition
est adoptée .
Séance de quartidi , 24 Thermidor.
Les représentans du peuple près l'armée du Nord et de
Sambre et Meuse, écrivent qu'une compagnie de grenadiers
s'est mise en révolte ouverte qu'elle voulait assassiner, un
chef de brigade . Il a fallu se précipiter au travers des bayon
nettes croisées sur sa poitrine pour le sauver. Onze des principaux
séditieux ont été mis en jugement. Le reste a été licencié
et renvoyé à Givet.¸.
Les commissions on tribunaux révolutionnaires ont aussi
condamné des citoyens innocens à la déportation ou à la
peine des fers . La justice démande la revision de leur jugement.
Boissy- d'Anglas propose de charger le comité de législation
de tracer les formes à suivre pour cette motion . Cette
proposition est adoptée.
Une députation de la section de Bonne -Nouvelle vient demander
des lois repressives de l'agiotage , et le rétablissement
de l'ancien calendrier , le nouveau étant nuisible aux opérations
commerciales . Cette seconde partie de sa pétition entraîne
une discussion . Villers dit que la section est dans l'erreur
à cet égard ; qu'une des puissances les plus commerçantes de
l'Europe , la Russie , a un calendrier tont different de celui
des autres peuples , et que personne n'a entendu dire que
ses spéculations commerciales en souffrissent. Il ajoute qu'il ,
n'est pas étonnant que les sections de Paris viennent dicter
en quelque sorte des lois à la Convention , qu'
u'elles émettent
leur voeu comme si c'était celui de la masse du peuple , puiss
qu'elles ont seules le droit de s'assembler et d'exereer des
$
( 175 )
droits qui sont suspendus dans tous les départemens et con
clut en demandant la suspension des assemblées de decadi
ou du moins que les comités fassent un rapport à cet égard .
L'Assemblée adopte la seconde partie de cete, motion .
Lehardy pense que le calendrier républicain ne peut déplaire
qu'aux ignoraus. Il convient cependant qu'il offre quelques
taches , telles que la denomination des sans - cukottides donnée ,
anx jours complémentaires . Mais il croit qu'elles peuvent être
aisément effacées , et il demande qu'il soit soumis à un nouvel
examen du comité d'instruction publique . Décrété.
Delaunay ( d'Angers ) , au nom frdu comité de sûreté générale
, fait un rapport sur la nécessité de donner plus d'actis
vité et d'énergie à la police de Paris , pour y comprimer les
malveillans de toute espece que cette commune renferme ,
et il fait décréter que la commission administrative de la
police de Paris sera composée de trois membres seulement .
nommés par la Convention sur la présentation des comtés ;
qu'ils opéreront sous la surveillance immédiate du comité de
sûreté générale , et auront le choix de leurs agens. Les maisons
d'arrêt et de justice seront sous leur inspection . Leur traitement
sera de 12,000 liv . chacun , et ils n'exerceront qu'en
Costume.
"
L'on ouvre la discussion sur le projet de jury constitu➡
tionnaire . Berlier , au nom de la commission des onze , annonce
qu'après avoir bien discuté et bien réfléchi sur le plan de
Sieyes , elle, s'est convaincue que son adoption n'était pas
nécessaire pour le maintien de la constitution , et elle
pose de s'en tenir au titre qu'elle a présenté sur sa revision
Plusieurs membres parlent pour et contre . La discussion est
ajournée.
Séance de quintidi, 25 Thermidor.
·pros
Boissy-d'Anglas , au nom des comités de salut public , de
sûreté générale et de législation , expose que la Convention
ayant renvoyé , par son décret d'hier , à ses comités , la ques->
tion de savoir s'il ne faudrait pas suspendre la tenue des
assemblées générales des sections de Paris , comme elles le
sont dans tous les départemens , ils ont reconnu que de n'é -T
tait pas le cas , attendu que la constitution va être mise en
activité , de même qu'un nouveau mode d'administration
il propose l'ordre du jour sur cette motion.
et
Talot s'y oppose , et dit que les sections de Paris ne doi
vent pas être privilégiees ; qu'elles sont maintenant dirigées
par des intrigans , et qu'elles viennent provoquer des troue »
bles et allumer le flambeau de la discorde au milieu de la
Convention.
1
Roux appuie Boissy-d'Anglas , par le motif que les sections I
remplissent les fonctions municipales , Paris n'ayant point de?
?
M
4
( 176 )
municipalité. L'Assemblée adopte le projet de décret présenté
par Boissy.
•
Sur le rapport du comité des finances , la Convention décrete
qu'il est permis de souscrire et mettre en circolation ,
de gré à gré , comme par le passé , les effets et billets au
porteur , et que , dans la prohibition portée par le décret du
8 novembre 1792 , n'est pas comprise la défense de les
émettre , lorsqu ils n'ont pas pour objet de remplacer ou de
suppleer la monnaie."
Le citoyen Ansehne Jordy fait hommage à la Convention
d'un mémoire , contenant des vues pour l'amélioration et la
régénération des moeurs de la République
On ouvre la discussion sur la question de savoir s'il y
aura une jure constitutionnaire , et si l'on adinettra le plan
de son organisation proposé par Sieyes. Eschasseriaux appuie
cette institution , qu'il regarde comme le pallatium de la constitation
. Berlier et Lesage ( d'Eure et Loire ) pensent le contraire.
Ils craignent que ce corps ne se substitué à l'autorité
qu'il surveillera. Its croient que la constitution doit trouver
sa garantie en elle- même , dans la sagesse de ses institutions,
la confiance du peuple , son amour pour les lois , et dans
les moeurs républicaines . Ils demandent la question préalable ;
elle est adoptée.
Les douze premiers articles du titre XII de la révision
de la constitution sout ensuite décrétés , et ceux concernant
les colonies sont renvoyés à l'examen de la commission
des ouze .
Séance de sextidi , 26 Thermidor.
La commune de Versailles soumet à l'Assemblée ses divers
besoins , qui sont nombreux et urgents . André Dumont dit
que peu de communes dans la Republique ont fait des sacrifices
plus etendus . Il demande qu'on renvoie à l'examen de la
commission des onze , la question de savoir , s'il ne convien
drait pas qu'un des couseils siégeât dans une commune différente
, et il pense que Versailles offres à l'un des deux une
résidence vraiment digne de la majesté nationale, Renvoi à
la commission .
Daunou , rapporteur , fait lecture de la déclaration des
droits. Le 1er. article porte que les hommes máissent et demeurent
libres et égaux en droits , Mailhe demande que cet
arucle soit rejetté selon lui , les hommes ne demeurent pas
égaux en droits , puisque la constitution exige des conditions
pour l'exercice des droits de citoyen . Lanjuinais ajoute qu'il
n'y a pas loin de- là aux atteintes à la propriété , et qu'il
n'est pas, sans exemple qu'on ait conclu de l'égalité en droits
qu'on devait être aussi égal en facultés. Garand- Coulon dé(
177 )
fend l'article , ainsi que Bentabolle . Après quelques débats 7
l'article est maintenu.
:
Un autre article en excite encore ; c'est celui qui définit
ainsi l'égalité Elle consiste en ce que la loi est la même
pour tous , etc. Pour concilier les opinions , on y ajoute ces
mots : Elle n'admet aucune distinction de naissance ni héré
dité de pouvoirs. Le reste de la déclaration des droits est
adopté , de même que celle des devoirs . En voici les bâses :
Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on
vous fit. Faites constamment aux autres le bien què vods
voudriez en recevoir.
Suite de l'acte constitutionnel pouvoir judiciaire.
,, XXV. Toute personne saisie et conduite devant l'officier
de police , será examinée sur- le-champ , on au plus tard
dans les vingt- quatre heures.
,, XXVI . S'il résulte de l'examen qu'il n'y a aucun sujet
d'inculpation contre elle , elle sera remise aussi- tôt en liberté ;
on s'il y a lieu , de l'envoyer à la maison d'arrêt , elle y
sera conduite dans le plus bref délai , qui , en aucun cas
ne pourra excéder trois jours .
" XXVII . Nulle personne arrêtée ne peut être retenue
si elle donne caution suffisante , dans tous les cas où la loi
permet de rester libre sous le cautionnement.
,, XXVIII . Nulle personne , dans le cas où sa détention
est autorisce par la loi , ne peut être conduite ou détenue
que dans les lieux légalement et publiquement désignés
pour servir de maison d'arrêt , de maison de justice ou de
détention .
,, XXIX. Nul gardien ou geolier ne peut recevoir ni retenir
aucune personne qu'en vertu d'un mandat d'arrêt , d'une ordonnance
de prise de corps , d'un décret d'accusation ou
d'un jugement de condamnation à prison ou détention correctionnelle
, et sans que la transcription en ait été faite sur
Ason registre .
2
9 XXX. Tout gardien ou geolier est tenu , sans qu'aucun
ordre puisse l'en dispenser , de représenter la personne du
détenu à l'officier civil ayant la police de la maison de détention
toutes les fois qu'il en sera requis par l'officier civil.
,, XXXI , La représentation de la persoane detenue ene
pourra de même être refusée à ses parens et amis , porteurs de
l'ordre de l'officier civil , lequel sera toujours tenu de l'accorder,
à moins que le gardien ou geolier ne représente une ordonnance
du juge , transcrite sur son registre , pour tenir la
personne arrêtée au secret.
XXXII . Tout homme , quelle que soit sa place ou son
emploi , autre que ceux à qui le loi donne le droit d'arres(
178 )
tation , qui donnera , signera , exécutera ou fera exécuter
Fordre d'arrêter un individu , ou quiconque , même dans le
eas d'arrestation autorisée par la loi , conduira , recevra ou
tiendra un individu dans un lieu de detention , non publi-,
quement et légalement désigné , et tous les gardiens ou geoliers
qui contreviendront aux dispositions des articles .......
ci -dessus seront coupables du crime de detention arbitraire . ››
PARIS. Nonidi 29 Thermidor , l'an 3e . de la République.
.99
Le plan d'un jury constitutionnaire présenté par Sieyes
à la Convention nationale , a fait sur l'opinion publique
des impressions bien opposées , selon les différentes dispositions
des esprits et la mesure de leurs lumieres . Dans
le même jour il éprouvait une critique complette , ou
recevait des éloges sans bornes . Tel écrivain regardait
ce projet comme une des plus belles conceptions législatives
qui aient été trouvées depuis long - tems , et
" un grand pas fait vers le perfectionnement du gouvernement
représentatif. Tel autre trouvait au
contraire cette conception tout- à- fait bizarre , et déclarait
qu'après l'avoir bien approfondie il était fort éloigné
de l'admirer. Des publicistes en témoignant la plus
grande estime pour le fonds en ont critiqué la forme ;
mais un censeur , à la vérité le plus pressé de tous
avait affirmé , dès le lendemain que ce projet était ou
le plus perfide ou le plus bete qu'il fût possible de concevoir .
Cependant la commission des onze , à qui ce projet
avait été renvoyé pour l'examiner , a prouvé en l'adop
tant , du moins en partie , après une mûre discussion
qu'il n'était pas de nature à être jugé légerement , encore
moins accueilli avec un mépris aussi avide que
pitoyable. La Convention l'a enfin rejetté ; elle a craint
de confier à l'expérience cette idée neuve et profonde ,
mais il sera toujours honorable pour son auteur de l'avoir
ajoutée à celle de la division du territoire français
en départemens , et aux développemens donnés à la fameuse
question : QU'EST - CE QUE LE TIERS -ÉTAT ?
A mesure que nous avançons vers le terme de la révolution
, vers l'instant si desiré où l'ordre social sera
réorganisé définitivement , les partisans des factions
diverses, qui tendent ou au rétablissement de la monarchie
absolue , ou à fonder la royauté mitigée , multi(
179 )
plient leurs efforts pour alterer la confiance dans le systême
républicain . Ces efforts ont été si audacieux et si
coupables que le gouvernement avait cru devoir employer
des mesures extrêmes pour réprimer une malveillance
qui ne prenait pas même la peine de déguiser
ses intentions ; il a sévi contre des écrivains acharnés
à pervertir l'esprit public de toutes les manieres . Cette
sévérité , quoique justement appliquée , n'en blessait pas
moins les principes , et l'opinion l'a vivement censurée ;
mais déja le moyen que nous indiquions dans notre
avant dernier numéro était mis en usage. Des écrivains
sages et éclairés n'ont pas dédaigné d'entrer en lice et
de se mesurer avec nos zoïles politiques. Mêlant avec
décence la finesse du persiflage polémique à la solidité
du raisonnement , ils les pressent avec vigueur jusques
dans leurs derniers retranchemens , prouvent la turpitude
des uns , la légereté inconsidérée de quelques
autres , et repoussant d'une main sûre les sophismes , et le
machiavelisme éhonté préparent à la vérité et à la rai · ¸
son les avantages qu'on voudrait leur enlever , et leur
rendent cette force et cet éclat qui doivent rallier les
esprits et restituer à l'opinion publique toute sa recti
tude .
L'anniversaire du 14 juillet et du 9 thermidor n'avaient
été célébré que dans l'enceinte de la Convention
nationale. La fête du 10 août a été solemnelle
et publique ; il eût été peu sage de concentrer le souvenir
de cette journée glorieuse et vraiment décisive . La
journée du g thermidor ne l'était pas moins sans doute ,
mais elle fut plus particulierement l'ouvrage de la Convention
, et peut-être que plus d'éclat n eût servi qu'à
rappeller des idées trop funebres , et à réveiller mal - àpropos
des sensations douloureuses. ì
Tous les citoyens ont été appellés à prendre part
à la fête de la République , célébrée le matin dans
l'intérieur de la Convention nationale ; elle s'est répétée
le soir dans le jardin des Tuileries qui était rempli
d'un concours prodigieux de spectateurs. Des hymnes
composés et exécutés par les plus hábiles artistes faisaient
tous les frais de cette fête nationale . On n'y voyait
aucuns monumens qui , en frappant Limagination , auraient
ôté à la pensée républicaine ce qu'ils auraient
fourni au ressentiment et aux préjugés . Un jour , la
République consolidée et heureuse pourra doaner plus
( 180 )
d'étendue´aux´souvenirs publics , et plus d'appareil à
ses solemnités .
-La commission de police administrative de Paris a fait
publier dans différens papiers la lettre suivante , daiée du
24 thermidor : +
:66 Plusieurs journalistes ont annoncé dans leurs feuilles
" que la fille du dernier roi de France n'était plus à Paris ,
99; et qu'elle était à Choisy : le fait est faux , elle est toujours
19. aŭ Temple. "
Signes , les membres de la commission .
DURET , ALLITZ .
L'état actuel dès maisons d'arrêt dans Paris porte le nombre
des prisonniers à 3,418.
Des lettres de Londres annoncent que d'Artois est arrivé
dans cette capitale de la Grande -Bretagne . On ajoute que son
projet était de penetrer en France par la route de Quiberon
si l'expedition avait réussi .
On annonce que le général Wimpfen vient d'obtenir så
liberté.
Détail sur l'événement désastreux arrivé à Nice.
1
« Le 3 , à deux heures de l'après midi , on entendit tontà-
coup un bruit impétueux , répété à deux reprises , le second
beaucoup plus fort que le premier , et une commotion considérable
qui lui succeda ; en même tems des pierres violemment
lancées vinrent écraser le faite de quelques maisous ,
et une grande quantité de vitres rompirent avec fracas . La
terreur se répandit dans les esprits ; les uns fuyaient , les
antres fermaient leurs boutiques , tout le monde était plongé
dans l'incertitude la plus dechirante , lorsqu'on apprit qu'un
atelier situé hors de la ville , et où l'on fabriquait les gargousses
, les cartouches et autres artifices de guerre , venait
de sauter avec un fracas épouvantable. On s'y transporta
avec hâte ; il fut impossible de porter aucun secours aux
infortunés qui étaient renfermés dans cet enclos ; deja ils
n'étaient plus.... Des militaires ayant voulu approcher de
l'incendie , pour accourir au secours de leurs camarades , un
caisson plein de gargousses a crevé tout- à -coup et a tué les
uns et estropiè les autres . On appréhendait que le feu ne se
communiquát à un magasin considérable de poudre qui n'était
qu'à quelque distance ; mais on prit sur-le- champ les précantions
convenables , et on est parvenu à épargner cette perte™
fichease .
Il a eté impossible d'approcher de l'incendie de tout le
jours à mesure qu'il s'étendait , des obus et des bombes qui
( 181 )
taient chargés éclataient avec un bruit terrible. Toutes le
maisons du port , de l'autre côté , duquel cet établissement
était situé , ont essuyé des pertes notables . Les équipages de
plusieurs bâtimens marchands ont été maltraités , et deux
matelots grecs out été tués ; deux factionnaires ont été écrasés
à la porte par les pierres et les décombres que l'explosion
lançait à une distance considérable de son foyer : une femme
qui allaitait son enfant a eu le bras cassé ; l'innocent n'a pas
reçu la plus petite blessure . Les maisons voisines du magasin ont
été renversées ou très- dégradées , des quartiers de pierre ,
d'un poids effrayant , ont été portés à plus de deux mille pas .
Tout le sol des environs a été couvert de débris de balles
et de boulets . Un jeune citoyen , que le desir de soulager
les malheureux avait entraîné dans les endroits où il craignait
d'en trouver , se présente devant une bastide ; il y trouve un
vieillard et un enfant qui pleuraient à chaudes larmes ; il leur
demande le sujet de leur douleur ; il n'en reçoit point de
réponse ; il insiste et leur offre ses services ; ils l'invitent à
se tourner, et il apperçoit le cadavre d'une jeune femme ,
dont la cervelle était répandue sur la muraille .
29 On fait monter le nombre des morts à 150 , parmi lesquels
se trouvent beaucoup de femmes qui étaient occupees à faire
des gargousses et des cartouches . Les troupes qui sont campées
au Lazaret ont aussi éprouvé quelque perte ; la plus
grande partie de leurs tentes ont été renversées ; quelques
soldats out été blessés , mais on ne parle que de deux ou
trois morts .
Si cet accident fût arrivé deux jours plutôt , il anrajt
été bien plus terrible ; une quantité considérable de cartouches
, qu'on ne faisait que d'envoyer à l'armée , auraient
augmenté le désastre. Les dommages qu'a reçu la ville , proprement
dite , sont de peu de conséquence , l'effet , de l'explosion
ayant été absorbé et détourné par la hauteur sur
laquelle est situé le fort et qui a forme comme un mur de
séparation entre nous et le volcan destructeur . 12
Vannes , le 16 thermidor , troisieme année , etc.
Les circonstances sont en résultat des avantages remportés
Quiberon ; tout semble changer de face : les habitans de la
campagne reviennent en foule à la Republique. J'espere qu'avec
des mesures sages et bien exécutées , il sera facile de ramener
la paix .
Les commissions continuent à aller à Vannes , elles ont
terminé leur pénible besogne ; 188 émigrés sont morts en
quatre jours , après un interrogatoire où ils ont eu toute la
latitude qu'ils pouvaient exiger. Plusieurs sopt morts en criant
vive le rai ! d'autres ont montré du courage , mais très- peu
lors de leur interrogatoire.
(( (182 )
Les chouans sont ici au nombre de 2,700 ; ce soir on
Iassure qu'il ca arrive , 1 à 1500. Je crois qu'on va les juger
des demain. On assure qu'ils déclares out leurs chefs et les
mencis qui , dit - on , fourmillent dans les villes
de scaputies
or dall
" Au moment où je vous écris , il est positif que près
d'Auvray , au lieu de Pluvigny , 500 chouans devaient se
rendre et poser les armes . ont donné connaissance d'un
dépôt
A Elevait , 300 , dit on , ont
posé les armes . Un capitaine de colonne mobile , arrivé hier
de Quintin , nous a rapporté que leurs chefs craign: ient beau .
coup que l'armée ne connût au fond l'affaire de Quiberon :
aussi avaient-ils promis que ceux qui Finstruiraient seraient
passés au fil de l'épée et leurs maisons brûlées . Ils n'auront
pas pu empêcher qu'elle ne l'ait bientôt appris . Je ne sais
si je me trompe , mais cela va operer le plus grand bien. Il
me semble que si un décret ordonnait à tout homme de se
rendre dans la commune où il est né ', et que les armes fussent
enlevées aux habitans des départemens insurgés cela rémedirait
à tout le mal que cette révolte a pu causer.
,, M. l'évêque de Dot some frere , son grand- vicaire , Sombreuil
fils , agé de 23 ans ‡ Broglie Charles , fils cadet du maréchal ,
ont le fusillés ici . Ils n'ont pas montré cette fermeté qu ons
-devait attendre .
2011
erg , Beaucoup de chefs des corps , sur- tout du génie , sont
dupinombre des fusilles ; beaucoup de prêtes qui venaient
"prêcher les vrpisades. Si les proclamations de Puisaye n'ont
pas d'autres resultats je lui conseille , s'il veut conserver
Ten nombre sou parti , de le dispenser à l'avenir d'en faire .
593 cOnba strouvé un catéchisone très- curieux ; ensemble le
tableau de leurs operations qui tendaient à faire périr la
-Conventionlet ceux qui la soutiennent . Sans doute ils auraieut
tenté cette odieuse entreprise s'ils avaient pu faire une
"troucendi X
-Sombreuil a dit publiquement qu'on les avait trompés ,
et que le roi d'Angleterie et Poisaye l'avaient assuré que les
departemens qui separaient l'Ocean de Paris , étaient en insurrection'
, et qu'ils se préparaient à marcher contre la Con-
Veinidli
39 On débite qué les Anglais ont jetté sur hos côtes 125
ém grés . Its on laisse sur une des isles les plus près de Quiberon
ufende quantite de prêtres et chouans . Voilà ce genereux
ministere !
$ 9,3uras desiré vous faire passer la lettre de Sombreuil au
Tôi d'Angleterre , dans laquelle il dénonce Puisaye comme
ayaut frahi. Hoche l'a , sans doute ; il en aura donné connaisvance
au tomitė 19
21011
( 183 )
Suite des observations sur les chomans par ROUGET DELISLE.
( Voyez le n° . 64 , page 118. )
homme
Eh bien le croirez vous ? dans ce pays où croît at
e reproduit sans cesse ' vraie de la superstition ; dans ces
deplorables trées où circule avec tant de violence tout ce
que la haine , la vengeance , la rage , l'hypocrisie peuve
distiller du venin le plus acre et le plas subtil ; là , ´ dis je ,
se trouvent des communes entieres qui ont su se maintenir
T'abri de la contagion et repousser les attaques, des brigands ,
et les atteintes du fanatisme ; là se trouvent de simples habitans
de la campagne qui , journellement hargeles par les chouans
isoles , sans autre secours que leur courage et leur industrie ,
on su resister également aux menaces , aux pièges et aux
Sarmes de ces miserables . Parmi ces derniers , nous avons distingué
un paysan des environs de Viure , qui fut représentans par des patriotes de cette ville : cet aux
extrêmement petit , d'une complexion qui paraît très faible
avait long- tems defenda tontre les
harrue et sa
fermé qu'il habitait seul , avec sa femme et un enfant de dix
aus. Un jour l'ennemi vient l'attaquer en les grand nombre
il se hâle de barricader sa porte , et s'elance dans son jardin
avec trois ou quatre fusifs dont il était possesseur : couvert
par les haies , it fait un feu terrible ; sa femme chargeait ses
armes à fur et à mesure ; et pendant ce tems la l'enfant promenait
, dans le jardin , un chapeau qu'il
avait Place au
d'un bâton . Les chouans finissent par croire que cette malheureuse
chaumiere contient un grand nombre de defens
et prennent la fuite après avoir perdu plusieurs hommes
mais le brave villageois fut obligé de venir à Vitré chercher
un asyle contre des persécutions dont il eût tốt outard cte
la victime .
༈ ་
letenseurs
129 11
ab
2515
33855
Et nos volontaires , où prendrai je des couleurs assez
fortes pour peindre leur intrépidite , leur dévouement , leur
résignation héroïque ? C'est une chose à laquelle on le voudra
pas croire , et qui n'en est pas moins de la plus exacte
vérité. Ces hommies étonnans semblent être devenus insensibles
au manque de vivies , au défaut de vêtemens , aux caprices
des saisons , comme ils le sont aux dangers et à la
fatigue . Le besoin de combattre , de vaincre , de voir trioms
pher de tous ses ennemis la cause auguste de la République
et de la liberté , est le seul besoin qui soit digne d'occuper
leurs ames magnanimes. Dans l'intérieur de ces départemens ,
où le moindre courier ne peut s'aventurer sans escorte , nous
les avons vus , quelquefois sans souliers , faire douze , quinze
lieues par jour , arriver le soir dans de miserables hameaux ,
où ils ne trouvaient ni pain ni asyle , et le lendemain être
( 184 )
les premiers à presser notre départ. Cette patience coura
gense qui se roidit contre toute espece de gênes et de pri
vations est le partage de tous aucune distinction à cet
égard entre le robuste habitant de la campagne , façonné dès
l'enfance aux travaux et aux fatigues , et le jeune volontaire
élevé dans les villes au sein de l'opulence et des plaisirs .
Nous avons en pour escorte , pendant quelques jours , 15
jeunes gens de la légion nantaise , qui allaient rejoindre leur
corps à l'armée devant Quiberon , tous fils de négocians ou
de riches propriétaires . Il est impossible de mettre plus de
zele et d'exactitude dans le service , d'avoir une tenue plus
décente , de se conduire avec un dévouement plus vrai et
moins fastueux . Le soir , à la chute du jour , ils ne manquaient
jamais de chanter en cheur quelques - uns de nos
hymnes patriotiques ; leur chant favori est celui qui a pour
refrein
79
"
Mourons pour la patrie,
C'est le sort le plus beau , le plus digne d'envie.
13
"
1
[
"
99 C'était une chose vraiment attendrissante et digne de la
simplicité des tems antiques , que d'entendre , à la lueur de
la lune , ces paroles touchantes retentir au loin dans , les
forêts , et poursuivre jusqu'au fond de leurs repaires les mé
prisables ennemis , dont le seul aspect de cette brave jeunesse
comprimait la rage et les projets sanguinaires . Arrivés
au camp , nous les trouvâmes réunis à leur bataillon , commandé
par le brave Lenormand et qui faisait partie de
l'avant - garde. Ce bataillon s'est distingué dans toutes les
affaires où il s'est
trouvé , et sur- tout dans l'affaire décisive .
Il est un de ceux que le general a désignés comme meritant
une mention honorable. A quelque distance du fort Penthievre
, je rencontrai un de ces jeunes gens qui s'acheminait
vers le camp à petits pas , et en se retournant souvent
du côté de l'ennemi, Où allez- vous , camarade ? lui cria, je :
tes vous blessé ? Oh ce n'est rien : ce n'est qu'un doigt
cassé , me répondit il avec un leger sourire , et en tirant de
sa veste sa main qu'une balle avait traversée. ??
+
--
130 MG
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J. RIDELISLE. 197
C
C I.
とて
ן י
L * ,
VIDE US A
L
Per: 135.
( No. 67. )
MERCURE FRANÇAIS
QUINTIDI FRUCTIDOR , l'an troisieme de la République.
( Samedi 22 Août 1795 , vieux style . )
LÉGISLATION.
ABOLITION DE LAPEINE DE MORT ou dangers d'admettre les
supplices dans un état sagement gouverné. Brochure in- 8 ° .
de 56 pages; par A. LEMAIRE . A Paris , chez
imprimeur- libraire , rue du Cimetiere- Saint- André- des - Arcs,
n° . 6 .
LA question de la peine de mort a souvent occupé
la pensée des philosophes et des amis de l'humanité
et son abolition a été plus d'une fois l'objet des voeux
de leur ame sensible . Les anciens législateurs , sur- tout
chez les peuples libres , ont été extrêmement réservés
sur les cas où cette peine pouvait être infligée. L'exil
ou la déportation étaient la punition la plus ordinaire
des grands délits qui troublaient l'ordre social . Ils
avaient pensé que le plus grand châtiment que pût
éprouver un citoyen , c'était d'être condamné à vivre
loin de sa patrié , et à errer chez des peuples étrangers
sans savoir où reposer sa tête plus dignes de nos éloges
se fussent souvenu que leurs esclaves pour qui ils
avaient gardé la peine de mort , étaient aussi des hommes ,"
et s'ils les eussent compris dans l'application de ce beau
vers de Térence : Homo sum , humani nihil à me alienum
putong pame
"
Ce fut après la chûte de là république romaine , lorsque
ces tyrans soupçonneux et cruels , appellés empe
reurs , crurent ne pouvoir conserver l'autorité qu'ils
avaient usurpée que par le spectacle sans cesse renouvellé
de la terreur , que la peine de mort devint fréquente
à Rome , et passa dans leur code de sang qui
n'était plus l'ouvrage du sénat et du peuple : les hor
ribles persécutions exercées contre les premiers prosélytes
du christianisme , familiariserent les Romains avec
Tome XVII. silly si do
( 186 )
ces affreuses boucheries humaines ; mais lorsque dans
la suite les chrétiens devinrent à leur tour dominateurs
par la protection que leur accorda Constantin les persécutés
jouerent le rôle de persécuteurs , et le fanatisme
religieux alluma par- tout des bûchers , ou éleva des
échafauds. Ainsi , ce fut à la double influence et à la
réunion d'intérêt des tyraus et des prêtres , que l'on
dut en Europe T'établissement de ces lois criminelles
et barbares qui ont effrayé l'humanité pendant plus de
dix siecles .
Montesquieu dans plusieurs chapitres de l'Esprit des
lois , commença à réclamer contre plusieurs abus de
notre jurisprudence criminelle ; il n'osa pas aller jusqu'à
proposer ouvertement l'abolition de la peine de mort ;
mais on voit , au soin qu'il prend de recommander aux
legislateurs la moderation des peines , que ce voeu était
dans son coeur. .. LL''eexxppéérriieennccee ,, ddiitt-iill ,, a fait remarquer
que , dans les pays où les peines sont douces , l'esprit du
citoyen, en est frappé , comme il l'est ailleurs par les
grandes, Pqur qui connaît la maniere de Montesquieu.
ces lignes ne sont pas équivoques.
Le sensible Rousseau , écrivant sous l'oeil de nos gouvernemens
modernes , c'est- à-dire absolus , parut hési
ter sur cette question. Mais quand il dit : Il n'y a
point de méchant qu'on ne pût rendre bon à quelque
chose , on n'a droit de faire mourir , même pour l'exem ,
ple , que celui qu'on ne peut conserver sans danger ; "
il est aisé de juger de ses principes.
་
Un jeune philosophe de Milan osa seul réclamer au
nom de l'humanité contre la peine de mort ; ce fut.
Beccaria . Tout le monde connaît le succès prodigieux,
qu'obtint le Traité des délits et des peines . Cet ouvrage ,
écrit avec chaleur , produisit une véritable révolution
dans les idées sur la jurisprudence criminelle. 11 fut
éloquemment secondé en France par un jeune magistrat
du parlement de Grenoble. Le discours de Servan
sur l'administration de la justice criminelle fut une protestation
immortelle contre les abus et les préjugés , qui
regnaient dans cette partie de la législation. On a beaucoup
écrit depuis sur cette matiere ; mais il est juste.
de remarquer que la gloire des premieres idées appar
tient aux deux auteurs que nous venons d'indiquer.
Celui de la brochure que nous annonçons , croit que
le moment est venu de retracer ces prit pes dictés par
la raison et la philosophie , et de provoquer de nos
1187 )
legislateurs l'abolition de la peine de mort. Témoin
des longs massacres judiciaires qui ont couvert la France
de sang et de deuil , pendant les dernieres années de
notre révolution , son ame sensible s'est soulevée d'indignation
, et dans les transports de sa colere philoso
phique il demande qu'on brise enfin tous ces instrumens
de douleur et de supplice inventés pour mutiler
et égorger l'espece humaine . Plein de l'émotion que lui a
inspirée le tableau de tant de scenes funebres , sa plume
n'a pu se défendre du désordre qu'a dû produire dans ses
idées le genre d'impression et de sentimens dont il a
été affecté . Ce désordre qu'on est disposé bien volontiers
à lui pardonner , ne permet gueies de se livrer à
une analyse méthodique et raisonnée de son ouvrage .
Mais on retrouve l'ensemble de ses idées dans le résumé
qu'il en donne , et ce résumé suffit pour les faire connaître
. :
La peine de mort , dit- il , est injuste par cela seul
qu'on peut en abuser ;
Parce qu'on peut punir un innocent , ce qui devrait
être une calamité publique ;
Parce que la mort n'est pas le seul moyen d'arrêter
le crime ;
Parce qu'elle est immorale , et que sans moeurs , point
de principes ; sans principes , point de bonnes lois ; sans
bonnes lois , point de contrat social ;
119. C
Parce qu'elle place 1 homme au- dessous de la bête
féroce ;
Parce qu'elle a plus servi à faire de mal que de bien ;
Parce qu'elle n'a point corrigé les hommes et qu'elle
n'a servi qu'à les rendre esclaves par la terreur et l'avilissement
, ou barbares par l'exemple trop fréquent des
supplices ;
Parce que le meurtrier juridique est aussi abhorré
que l'assassin qu'il égorge , et que charger légalement
un citoyen d'exercer un métier qui le couvre d'opprobre ,
c'est être injuste ;
Parce qu'elle n'est nécessaire qu'à un gouvernement
faible ouricieux ;
Parce qu'elle sert de spectacle plutôt que d'exemple ,
et qu'elle inspire moins d'effroi que de compassion;
Parce que les grands coupables sont trop peu punis
par une douleur aussi prompte que l'éclair , que beaucoup
affronten , quand sur - tout le désespoir les rend
indifférens sur la vic ;
N :
( 188 )
Parce que , dans tous les tems , il y a eu plus de scélérats
dorés impunis , que d'assassins en guenilles sacri-
Lés ;
Parce qu'enfin , en punissant un assassinat prémédité ,
souvent commis par le désespoir , la misere et la faim ,
la loi en commet un autre avec méthode et de sangfroid.
"
Si l'on veut connaître la maniere de peindre de
l'auteur , on peut jetter les yeux sur l'appareil effrayant
et la description qu'il fait d'un supplice tel que ceux
sur lesquels nous avons eu trop long - tems à gémir
dans ces tems de tyrannie et de calamité .
-
Où va cette foule immense ? où court- elle ? Je la
suis , je m'attends à voir quelque nouveauté surpre
nante. J'arrive dans la place publique , un théâtre est
dresse , les toits sont déja couverts de curieux impatiens
, toutes les fenêtres sont garnies de femmes élégantes
; on rit , on folâtre en attendant les acteurs ; on
se presse pour jouir plus à son aise de la scene qui se
prépare ; des applaudissemens , des cris perçans annoncent
qu'on va jouir du spectacle attendu . Mais que
vois-je ! un chariot sinistre lentement traîné ; des hommes
armés qui précedent ce lugubre convoi , fendent la multitude
entassée ... C'est un vieillard en cheveux blancs ,
c'est une jeune beauté , tous deux déclarés coupables ;
qu'on amene les mains attachées derriere le dos . Un
homme à figure patibulaire tient la corde qui les enchaîne
; la pâleur et l'effroi sont peints sur leurs visages...
Leurs yeux ternes osent à peine se lever vers le ciel ,
tranquille témoin de leur lente agonie. Le silence le
plus profond semble glacer la curiosité tumultueuse ;...
ils arrivent , ils descendent , ils s'embrassent ; .... les dernieres
larmes arrosent leurs joues palpitantes des convulsions
de la mort..... On les porte , ou plutôt on les
traîne au degré fatal qui va les conduire à la nuit éternelle
..... ils se courbent pour ne jamais se redresser ;
un large tranchant tombe , frappe , ils ne sont déja plus ... ~
Je veux fuir ..... la presse me retient. On applaudit , on
crie de nouveau , ce sont leurs têtes mourantes qu'une
main barbare tient par leurs cheveux sanglans ; ...... on
les offre à l'avidité des regards .... Des animaux carnaciers
qu'on appelle des hommes , attirés par l'odeur des
cadavres , dansent autour de l'échafaud ; le sang tombe
goutte à goutte sur leur face hideuse .... ils s'en abreuvent
!...... les bourreaux emportent et dépouillent
( 189 )
leur proie ...... la foule se retire ...... je fuis tout consterné
!...
" Grand dieu ! me disais - je , comment peut- on tuer
des femmes ? Barbares , ne craignez - vous pas d'immolerà
la fois et le fruit et la mere ? Oui , la mere d'une créature
innocente qu'elle aime mieux voir périr dans son
sein que de lui donner une existence odieuse .
" Ce n'est point à un exemple , c'est donc à un spectacle
que tout ce peuple accourt ? Une curiosité dénaturée
l'y conduit. A- t-il été contempler la vengeance
imposante de la loi ? Non. S'est- il pénétré d'une religieuse
horreur pour le crime ? Non. L'homme de bien
en est-il revenu meilleur ? Non. Il a gémi sur les victimes.
L'homme pervers a-t - il abjuré le complot qu'il
méditait ? Non. Il s'est dit : Mais on ne souffre qu'un
instant ; il s'est familiarisé avec cette idée ; il s'est fortifié
dans sa funeste résolution . S'il veut commettre un
meurtre , son instinct , semblable à celui de la bête carnaciere
, s'est réveillé à la vue du sang ; son ame s'est
endurcie davantage ; il n'attend que le moment d'exercer
sa férocité . ,,
L'auteur s'éleve avec énergie contre une de ces inventions
révolutionnaires , connue sous le nom de mise
hors de la loi.
Les rois mettaient la tête à prix ; leurs imitateurs
forcenés n'ont pas manqué de suivre leur exemple.
Législateur atroce et sanguinaire , sais - tu quel excès
de barbarie tu praclames en dévouant la tête d'un
homme qui n'a plus le pouvoir de défendre la plas.
sacrée des propriétés , la vie ? Sais-tu que tes arrêts cruels
constituent tout- à- coup bourreaux tous les citoyens de
P'état , et les transforment en assassins ? Sais - tu que tu
fais un enthousiaste féroce de l'homme simple qui se
confie à ta prétendue sagesse qu'il prend pour guide ?!
Mais , ô rafinement d'horreur ! tu insultes à la nature ; tu
la dévores. Les sentimens les plus chers à l'homme disparaissent
devant ton exécrable anathême. La reconnaissance
, la tendresse , la divine amitié , l'amour filial ,
la charité paternelle , tout est anéanti ! Tu me proscris ,
parce quej'abhorre tes crimes ; je fuis ; ma femme ou mon
ami , mon frere ou mon pere m'ouvrent leurs bras pro
tecteurs , ma mere m'arrose de ses pleurs , je reçois un
asyle dans leurs foyers , on me poursuit , tu m'y trouves ,
tu nous égorges tous !... Famille infortunée de Guadet ,
c'est ta proscription qui m'a fourni cette apostrophe .
(
N3
( 190 )
L'auteur aurait pu ajouter qu'à la gloire de la morale
publique , malgré ces proscriptions légales , il n'y a pas
eu un seul exemple qu'un citoyen ait voulu se charger
du rôle infâme de délateur , ni de bourreau ; tant il est
vrai que des législateurs doivent s'attendre à l'inexécution
des lois , lorsque celles- ci outragent la nature , la
confiance et tous les sentimens moraux .
y
Le cit . Lemaire demande comment il se peut qu'il
ait des bourreaux dans un état libre où l'on ne peut
forcer un citoyen à se charger d'un pareil ministere ?
comment se peut- il qu'il s'organise , en quelque sorte ,
dans un état , une cotterie d'hommes qui se destinent,
à faire l'épouvantable métier d'égorgeur banal ? Mais
ce qu'il y a de plus inconcevable , c'est qu'un bourreau
trouve des valets , et que , s'il est bien salarié par le gouvernement
, il ne soit que l'ordonnateur en chef des supplices
. Des valets de bourreau ! .. quel titre , grand dieu !
Infâme , si la livrée du carnage est de ton goût , si tu
dois vivre de morts et te baigner dans le sang , vas , vas ,
te vautrer sur ta proie en lambeaux , avec les loups tes
confreres , dans le fond des déserts . N'étale pas à nos
yeux ta dévorante adresse et ton industrieuse ragé . Si
ton ame n'était pas dégradée , l'atroce profession que
tu fais n'eût jamais été de ton choix . "
On voit par ces citations que l'auteur s'est plus attaché
à produire des impressions fortes , qu'à traiter son
sujet sous le rapport du raisonnement. Cet abandon
d'une imagination profondement révoltée contre les
atrocités des lois pénales , annonce une sensibilité et
une philantropie dont on n est pas toujours le maître
de modérer l'expression . C'est le reproche que l'on
peut faire à l'auteur de cette brochure . En chargeant
trop les couleurs de ses tableaux , souvent on en affaiblit
l'effet ; au lieu d'exciter l'émotion , on n'inspire
que l'horreur et l'effroi , et il est rare que des expressions
trop exagérées s'accordent avec la juste mesure
qu'exige le goût ; mais on est excusable d'en oublier
les lois séveres , quand on plaide la cause de l'humanité..
Beccaria a traité une question de droit positif que
le cit . Lemaire n'a laissé qu'entrevoir , c'est celle de
savoir si la société a le droit de vie et de mort sur
chacun de ses membres. Le philosophe de Milan soutient
la négative , et il se fonde sur le principe que
nul homme n'ayant le droit de disposer de sa propre
( 191
)
( 191 )
vie , n'a pu le donner à un seul , ou à la société entiere.
Il est vrai qu'un autre auteur italien , infiniment
recommandable , Filangieri , a combattu l'opinion de
Beccaria , dans son ouvrage intitulé : La Science de la
législation . Il prétend que tout homme , dans l'état d'indépendance
, ayant le droit de défense naturelle , et
pouvant tuer l'aggresseur qui l'attaque , la société se
trouve substituée au droit qu'avait celui qui a été injustement
attaqué . Il faut convenir que cette maniere
de raisonner est plus subtile que solide . Car si l'homme,
dans l'état de nature , peut repousser la force par la
force , et même tuer son aggresseur , ce droit ne sau
rait exister que dans le moment même de l'attaque .
Très - certainement celui qui serait parvenu à se débarrasser
des mins de son aggresseur , n'aurait plus le
droit d'aller attendre son ennemi au coin d'un bois et
de le tuer , lorsque sa vie n'est plus en danger. Or ,
que fait la société lorsqu'elle condamne à mort un meurtrier
ou tout autre criminel ? Elle le fait égorger de
sang-froid long-tems après que le crime a été commis ;
le cas instantané de la défense naturelle n'existe plus ;
ce n'est plus qu'une vengeance réfléchie. Il est aisé de
voir que la société n'a exercé dans l'origine le droit
de punir de mort , que pour empêcher les vengeances
particulieres , qui seraient devenues trop fréquentes et
pour ainsi dire héréditaires . Mais dans un état social ,
organisé depuis long- tems , ce motif ne doit plus avoird'influence
. Il ne doit plus s'agir de vengeance ; mais.
seulement d'empêcher le coupable de nuire , et de
rendre son châtiment utile . Or ce double but peut être
rempli sans recourir à la peine de mort. Au reste, dans
quelque gouvernement que ce soit , il serait imprudent
d'abolir la peine de mort , avant d'avoir pris toutes les
mesures législatives qui tendent à perfectionner l'ordre
social et à prévenir les crimes , objet qui malheureusement
a toujours été trop négligé par les législateurs ..
1
Tacb ro
I
06
( 192 )
MÉLANGES.
Suite des maximes détachées de CHAMPFORT , extraites de ses
auvres , actuellement sous presse ( 1) .
JAMAIS le monde n'est connu par les livres ; on l'a dit
autrefois , mais ce qu'on n'a pas dit , c'est la raison ; la
voici. C'est que cette connaissance est un résultat de
mille observations fines dont l'amour- propre n'ose faire
confidence à personne , pas même au meilleur ami . On
craint de se montrer comme un homme occupé de petites
choses , quoique ces petites choses soient très -importantes
au succès des plus grandes affaires .
On peut considérer l'édifice métaphyfique de la société
comme un édifice matériel qui serait composé de
différentes niches ou compartimens d'une grandeur
plus ou moins considérable. Les places avec leurs prérogatives
, lleeuurrss ddrrooiittss ,, eettcc.. ,, forment ces divers compartimens
, ces différentes niches . Elles sont durables et.
les hommes passent . Ceux qui les occupent sont tantôt
grands , tantôt petits , et aucun ou presqu'aucun n'est
fait pour sa place . Là , c'est un géant courbé ou accroupi
dans sa niche ; là , c'est un nain sous une arcade :
rarement la niche est faite pour la stature. Autour de
l'édifice circule une foule d'hommes de différentes
tailles . Ils attendent tous qu'il y ait une niche de vide ,
afin de s'y placer , quelle qu'elle soit . Chacun fait valoir
ses droits , c'est - à- dire sa naissance , ou ses protections
, pour y être admis . On sifflerait celui qui , pour
avoir la préférence , ferait valoir la proportion qui existe
entre la niche et l'homme , entre l'instrument et l'étui .
Les concurrens même s'abstiennent d'objecter à leur
adversaire cette disproportion.
On donne des repas de dix louis ou de vingt à des
gens en faveur de chacun desquels on ne donnerait pas
(1) Ces maximes , ainsi que celles qui ont été rapportées
dans un de nos précédens numéros , sont extraites de la
Decade philosophique.
( 193 )
un petit écu , pour qu'ils fissent une bonne igestion
de ce même dîner de vingt louis.
On n'imagine pas combien il faut d'esprit pour n'être
jamais ridicule.
A la cour tout est courtisan , le prince du sang , le
chapelain de semaine , le chirurgien de quartier , l'apothicaire
.
La société , les cercles , les sallons , ce qu'on appelle
lc monde , est une piece misérable , un mauvais opéra ,
sans intérêt , qui se soutient un peu par les machines et
les décorations.
Quand on veut plaire dans le monde , il faut se résoudre
à se laisser apprendre beaucoup de choses qu'on
sait , par des gens qui les ignorent..
Les conversations ressemblent aux voyages qu'on fait
sur l'eau : on s'écarte de la terre sans presque le sentir ,
et l'on ne s'apperçoit qu'on a quitté le bord que quand
on est déja bien loin.
Les idées du public ne sauraient manquer d'être
presque toujours viles et basses . Comme il ne lui revient
guere que des scandales et des actions d'une indécence
marquée , il teint de ces mêmes couleurs presque tous
les faits ou les discours qui passent jusqu'à lui . Voit-il
une liaison même de la plus noble espece , entre un
grand seigneur et un homme de mérite , entre un homme
en place et un particulier ? Il ne voit dans le premier
cas qu'un protecteur et un client ; dans le second , que
du manége et de l'espionnage , Souvent dans un acte
de générosité , mêlé de circonstances nobles et intéressantes
, il ne voit que de l'argent prêté à un homme
habile par une dupe. Dans le fait qui donne de la publicité
à une passion quelquefois très - intéressante d'une
femme honnête et d'un homme digne d'être , aimé , il
ne voit que du catinisme ou du libertinage. C'est que
ses jugemens sont déterminés d'avance par le grand
nombre de cas où il a dû condamner et mépriser. Il
résulte de ces observations , que ce qui peut arriver de
mieux aux honnêtes gens , c'est de lui échapper.
Quiconque n'a pas de caractere n'est pas un homme ,
c'est une chose .
La calomnie est comme la guêpe qui vous importune
et contre laquelle il ne faut faire aucun mouvement ,
moins qu'on ne soit sûr de la tuer , sans quoi elle revient
à la charge , plus furieuse que jamais .
La pauvreté met le crime au rabais .
( 194 )
Le jansénisme des chrétiens c'est le stoïcisme des
payens , dégradé de figure et mis à la portée d'une populace
chrétienne ; et cette secte a eu des Pascal et des
Arnaud pour défenseurs !
Le monde et la société ressemblent à une bibliotheque
où au premier coup d'oeil tout paraît en regle , parce que
les livres y sont placés suivant le format et la grandeur
deess volumes , mais où dans le fond tout est en désordre,
parce que rien n'y est rangé suivant l'ordre des sciences ,
des matieres , ni des auteurs .
C'est par notre amour propre que l'amour nous séduit ;
hé ! comment résister à un sentiment qui embellit à nos
yeux ce que nous avons , nous rend ce que nous avons
perdu , et nous donne ce que nous n'avons pas ?
Les jeunes femmes ont un malheur qui leur est commun
avec les rois , celui de n'avoir point d'amis . Mais
heureusement elles ne sentent pas ce malheur plus que
les rois eux -mêmes . La grandeur des uns et la vanité des
autres leur en dérobe le sentiment .
Pour qu'une liaison d'homme à femme soit vraiment
interessante , il faut qu'il y ait entre eux jouissance , memoire
ou desir.
Il y a des redites pour l'oreille et pour l'esprit ; il n'y
en a point pour le coeur.
Qu'est-ce que c'est qu'une maîtresse ? Une femme
près de laquelle on ne se souvient plus de ce qu'on
sait par coeur , c'est- à- dire de tous les défauts de son
sexe.
Le tems a fait succéder dans la galanterie le piquant
du scandale au piquant du mysteré .
En amour , tout est vrai , tout est faux ; et c'est la
seule chose sur laquelle on ne puisse pas dire une
absurdité.
Paris , ville d'amusemens , de plaisirs , etc. , où les
quatre cinquiemes des habitans meurent de chagrin.
Les pauvres sont les negres de l'Europe .
Chant de douleur sur la mort d'un adolescent.
JEUNES EUNES GENS , cessez vos ris , cessez vos jeux ; que
VOS têtes se couvrent de deuil , que vos yeux se
mouillent de pleurs ; légal de vos années , le com(
195 )
pagnon de vos plaisirs , un adolescent est mort ! La
nature perd son éleve , la patrie son espoir , vous un
ami , un émule de vos jeux inaocens ! Ne craignez point
que j'interrompe jamais vos délassemens précieux pour
déplorer la perte d'un vieillard décrépit ; celui- ci n'est
pas mort , il a fini. Il a parcouru la carriere , il a atteint
le but , il a dépensé la somme de forces qu'il avait
reçue , et ne s'est éteint qu'après les avoir épuisées .
Mais ce doit être un jour funebre pour la nature entiere
ce jour où meurt un jeune homme devant qui la
barriere allait s'ouvrir , qui ne connaissait encore que
les maux et les peines qu'il en coûte pour être admis
à l'entrée de la lice , et qui n'avait encore vu que dans
l'éloignement les attraits et les charmes de l'existence .
On ne s'afflige pas en parcourant la campagne , à la vue
d'une plante qui s'est désséchée après avoir fourni son
fruit ; mais on éprouve un sentiment de regret et de
douleur , en voyant que la charrue a tranché celle qui
parfumait les lieux voisins . Dans les routes de la
vie la plante desséchée est le vieillard , le jeune
homme est la fleur que le soc a coupée : c'est à ses
contemporains , c'est sur- tout à ceux qui naquirent et
crûrent avec lui , à répandre des larmes sur sa tombe ;
comme eux il avait la vigueur de l'âge , l'ardeur de la
jeunesse , l'expansion de la vie comme eux il croyait
re jamais finir , et cependant la mort , la mort l'a frappé.
Jeunes gens , sa perte est un avertissement de la destinée
qui vous menace ; songez , songez sans cesse que
si un seul jour voit naître et se dissiper le parfum des
fleurs , le plus court espace de tems peut amener la mort
de chacun de vous et la destruction de la jeunesse en
tiere !
A. JOURDAN.
&
ANNON C E.
Élémens d'Histoire Naturelle , à l'usage de la jeunesse , par
A. L. Millin ; volume in - 8° . de près de 500 pages . Prix ,
25 liv . broché pour Paris , et 33 liv . franc de port par la
poste.
A Paris , chez H. Agasse , rue des Poitevins , n° . 18 .
( 196 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 9 août 1795 .
D's lettres de la capitale de l'Empire ottoman , en date
du 1er juillet , représentent le divan comme n'étant pas
éloigné de prendre part à la guerre , pourvu que les puissances
qui le poussent à la faire , lui garantissent les conquêtes
qu'il se promet. Cependant le déployement des forces turques
ne pourra avoir lieu que quand le capitan pacha aura balayé
les mers des corsaires Maltois , et soumis le pacha de Damas
dans le trésor duquel on espere trouver plus de 15 millious
de piastres .
La tranquillité est rétablie dans Belgrade entierement évacué
par les rebelles . Le pacha a promulgué dans toute la Servie
T'ordre qu'il a reçu du grand - seigneur d'exterminer tous les
chefs de la révolte : il paie deux ducats par chaque tête qu'on
lui apporte , et quatre pour toute personne qu'on lui amene en vie.
Le ministre prussien a fait le 19 du mois dernier une visite
avec toute l'étiquette d'usage au ministre de France qui l'a
lui a rendue ; le ministere turc a témoigné sa satisfaction du
rétablissement de la bonne harmonic entre les deux puissances
.
On écrit de Stockholm qu'on travaille sans relâche , dans
le port de Carlscroon , à la construction de nouveaux vaisseaux
de guerre ; on doit en lancer incessamment un de
90 canons et un de 84 : indépendamment de ces vaisseaux
de ligne , on construit près de Calmar et sur l'Eland des
bâtimens de moyenne grandeur , tels que frégates , bricks ,
cutters .
Le nouvel ambassadeur de Suede en Danemarck a en sa
premiere audience du roi et du prince royal ; il en a été reçu
comme l'envoyé d'une cour avec laquelle on a les plus grandes
liaisons d'intérêt et d'amitié .
Suivant des lettres authentiques de Varsovie , le lieutenant
général de sa majesté l'impératrice de toutes les Russies , et
gouverneur général de Minck , d'Izsaskow et Braclaw , a fait
publier le 28 juin dernier un manifeste où sont tracées les
t
1197 )
dernieres limites que la Russie fixe en Pologne. La ligne de
démarcation commence , en partant des anciennes from
›› tieres entre la Russie et la Gallicie , et en suivant l'ancienne
frontiere des possessions autrichiennes jusqu'à la riviere
1 du Bog, d'où l'on descend ensuite la même rivierejusqu'aux
" frontieres de la Lithuanie , extension qui comprend tout
ensemble le reste de la Volhinie et de Chelm , situé sur
99 la rive droite du Bog , de maniere que toutes les terres
9 les districts et les villes , conjointement avec les parties
des palatinats de Beltz et de Russie , appartiendraient à
99 jamais aux états de l'empire russe . Il n'est parlé aucu
nement dans ce manifeste des palatinats de Lublin , de
Sendomir , de Cracovie , non plus que du sort futur de
Varsovie .
1
Le vaisseau de la compagnie danoise des Indes orientales ,
arrivé le 28 juillet dans la rade de Copenhague , a rapporté
des lettres du cap de Bonne- Espérance , qui portent que cette
franpossession
hollandaise avait reçu l'avis que les troupes
çaises avaient occupé la république Batave d'après le voeu du
peuple , et qu'ainsi , l'on défendrait le cap contre les Auglais en
cas d'attaque.
Le bruit court ici , que la paix vient d'être conclue eutre
la France et l'Empire , et on ne croit pas qu'elle tarde à
l'être avec l'Autriche .
On s'accorde aussi à dire que l'escadre russe n'entreprendra
rien contre la France , quoique l'Angleterie lui ait offert deux
millions sterlings .
De Francfort -sur-le-Mein , le 13 août.
En Allemagne , les veux pour la paix n'ont jamais été aussi
ardens qu'ils le sont maintenant. Le poids de la guerre est
insupportable au paysan comme à l'habitant des villes . Il est
à craindre que la moisson , qui est fort abondante cette an
née , ne devienne la proie du soldat . Déja ils se permettent
d'arracher les pommes de terre dans les champs , et sont
imités par les pauvres . Le danger paraît d'autant plus grand ,
que cette année une grande partie de terrein n'a pu être cultivée.
Il se trouve dans ces environs trois régimens prussiens.
On n'a point , il est vrai , à s'en plaindre ; mais il n'en est
pas ainsi des autres rives du Rhin , où les plaintes sont générales
.
On voit marcher continuellement des troupes autrichiennes
par le Haut- Rhin , parmi lesquelles se trouvent plusieurs pon
tonniers. Il est difficile de concevoir quel peut être leur but.
L'armée de Pichegru est très-forte , et il est difficile de sone
( 198 )
ger à rien entreprendre contr'elle . Quelques personnes pré-
-tendent que , pour faire diversion , les Autrichiens doivent
tenter un coup désespéré . Il s'agirait , dans cette hypothese ,
de tenter de pénétrer par la Suisse. Ceux qui sont de cet
avis ajoutent que , dans ce cas , à la tête de l'armée seraient
les émigrés , qu'on sacrifiera , s'il le faut . Et que le cabinet
de Vienne pense , qu'en cas que ce plan ne réussisse point ,
il ne pourra nuire en rien à ses négociations futures ; au lieu
que , s'il venait à être couronné du succès , il mettrait en déroute
le congrès de Bâle , et arrêterait conséquemment la
paix de l'Empire.
On mande de Ratisbonne , en date du 30 juillet , que l'on
continue à recevoir les suffrages relativement à la députation de
l'Empire , au congrès de pacification . La majorité des suffrages
emis jusqu'à ce jour était pour une députation de Mayence ,
Saxe , Autriche , Brême , Augsbourg et Francfort. Des lettres
postérieures apprennent que la ratification de l'empereur du
dervier conclusum de l'Empire , est arrivée à Ratisbonne le 2 de
de mois . On assure que l'empereur a donné sa sanction à tous
Les points , nommément à la médiation du roi de Prusse ; à
l'égard de l'armistice et du lieu du congrès de pacification , il
ée réserve de s'expliquer ultérieurement d'après les circonstances.
Une lettre de Hambourg , du 1er août , s'exprime ainsi :
Le prince Frédéric d'Orange , deuxieme fils du ci - devant
stadthouder , arriva ici samedi dernier et en partit peu après
pour Osnabruck ; on croit qu'il va se mettre à la tête de
20,000 hommes soldés par l'Angleterre , pour tenter la conquête
de la Hollande ; et l'on remarque que la femme du
stadthouder ne cesse de travailler à Berlin pour intéresser le
roi de Prusse , son frere , au sort de sa famille ; mais il n'y
a pas d'apparence qu'elle réussisse , du moins à en juger par
la démarche du cabinet prussien , qui vient de nommer le
comte de Rode ambassadeur auprès de la République Française.
Le duc de Bourbon , venant de Mulheim , est arrivé le
2 goût dans notre ville de Francfort , et est reparti le lendemain
matin; il va , dit- on , s'embarquer pour l'Angleterre..
Le comté d'Artois a écrit au prince de Condé pour l'infarmer
de son départ pour la Bretagne . Il faut qu'il soit bien
mal servi en nouvelles ; car il lui fait part , dans sa lettre ,
du plein succès que M. de Puisaye a obtenu à la premiere descente
; il termine en l'entretenant de ses brillantes espérances
lorsqu'il sera rendu à la tête des royalistes , o un vaisseau
( 199 )
1
anglais et une fregate doivent le porter , comme le lord
Grenville le lui a offert , au nom du roi d'Angleterre.
ITALIE. De Turin , le 22 juillet .
On n'apprend pas que les armées respectives aient changé
de position . Les Français occupent toujours la ligne qui s'étend
d'Albengua à Orméa , delă au col de Tende , d'où elle se
prolonge par le col de Fenestre , jusqu'à l'Argentiere , frontiere
du Piémont , du comté de Nice et de Provence , pris
sur toute la ligne qui sépare la Savoie du Piémont mais
ils ont peu de monde sur cette derniere frontiere où ils occupent
, sur les montagnes , des postes qui peuvent être
défendus par un petit nombre de troupes .
Un rapport du capitaine du vaisseau. anglais l'Agamemnon ,
arrivé à Genes , le 17 , nous apprend que le feu s'était déja
manifesté dans le vaisseau français l'Alcide , lorsque les Anglais
envoyerent deux chaloupes qui sauverent 250 à 300 hommes
de l'équipage français , avant l'explosion qui fit sauter le
vaisseau ; ils ont été faits prisonniers . La flotte anglaise arriva
le 15 à Saint- Florent , elle n'a eu que deux vaisseaux endommagés.
Une flotte anglaise est dans les parages de Vado , depuis
fe 16; on croit qu'elle est à la poursuite d'un convoi génois ,
parti pour les côtes de Provence.
Les choses en étaient là à cette époque ; mais voici
qu'en apprend par des lettres postérieures :
Du 27 juillet . Plusieurs renforts arrivés aux Français
dans la vallée de Queiras , vers le mont Dauphin et le col
Maurin, ont fait penser que leur projet était de faire une
diversion , cu ataquant les postes piémomtals dans les vallées
de Vraita et de Bellino . On a fait aussi - tôt des dispositions
pour faire avancer vers ces vallées et du côté de Saluces divers
corps d'infanterie et de cavalerie .
De Gênes , le 29 juillet . Toutes les lettres annoncent que
les intentions des Français semblent être sérieuses et offens
sives au centre et à la gauche , mais seulement défensives à
la droite , pour tenir l'aimée autrichienne en échec dans notre
riviere. Cependant l'armée de la République conserve toutes
ses positions , d'où il sera mal-aisé de la déloger , attends
qu'elle s'y est bien fortifiée.
Le 27 , les Autrichiens firent une attaque très - vive à Narino,
dans le marquisat de Balestrino ; mais ils furent repoussés
avec une grande perte , et on a va beaucoup de leurs blessés
qu'on a hansportés à Savone. On parle aussi d'une autre
4
( 200 )
action qui eut lien en même tems auprès de Borghetto , endelà
de Loano , où les Français ont eu un avantage.
Il est arrivé à l'armée française de nouveaux représentans ,
qui ont mis en requisition les jeunes gens des departemens
voisins .
:
On avait d'abord été mal instruit sur ce qui s'était passé
en Sardaigne des lettres de Cagliari , du io juillet , fournissent
de nouveaux renseignemens sur l'exactitude desquels
on peut compter.
3
Voici quelques détails des événemens qui ont eu lieu ici :
Le mouvement ne semble point avoir eu pour but le renversement
de l'ordre ou de la tranquillité publique , mais
seulement l'arrestation da général des troupes , et celle, de
l'intendant. Ces deux individus avaient excité , depuis longtems
, un mécontentement universel , et menaçaient la sûreté
d'un grand nombre de personnes honnêtes . Les insurgens ,
au nombre de 800 , se rassemblerent d'abord sure la place
d'armes , et de- là envoyerent trois députés au vice - roi pour
lui demander l'emprisonnement du général, et de l'intendant ,
ainsi que le secrétaire de ce dernier. Le vice roi erut devoir
déférer à cette demande . Aussi-tôt la multitude attroupée courag
pour arrêter elle- même l'intendant. Ce dernier fit mettre en
état de défense tous les hommes de sa maison ; mais il se
rendit sur la menace qui lui fut faite de mettre le feu à son
palais. Il fut tué alors avec son secretaire . On se porta ensuite
chez le général , qui fut conduit d'abord devant le vice roi , et
ensuite en prison . Le vice- roi ayant découvert que , parmi les
projets du général et de l'intendant , il y en avait un pour
faire appeller dans cette ville toutes le milices d'infanterie et
de cavalerie de plusieurs villes , et que ces corps avaient reçu
l'avis de se tenir prêts à marcher au premier ordre , publia
sur-le- champ une proclamation , qui défendait aux capitaines
de la milice des villes et des départemens de se rendre à
Cagliari , ou de s'assembler , sans un ordre signé de lui ou
du gouverneur de Sassari . Il fut ordonné , en outre , d'arrêter
plusieurs mal- intentionnés qui avaient tenté de faire un attronpement
de personnes armées sous prétexte de venir dans
cette capitale apporter des secours au gouvernement.
•
9
HOLLAND E.
La Haye , 20 juillet. Le 15 , les représentans provisoites da
peuple de Hollande ont decrété la convocation d'une con
vention nationale , d'après le plan proposé.
Des ordonnances très -séveres viennent de réprimer l'usure
et d'accapatement des comestibles. Cette mesure était d'autant
plus
( 2013 ))
plus nécessaire qu'un pain de seigle de six livres s'est vendu ,
ces jours passés , au prix d'un demi - florin,
Après l'épreuve faite sur deux régimens , on ne continuera
pas l'organisation de l'armée . Comme on suppose , non sans
vraisemblance , que c'est par l'effet d'un complot que la majeure
partie des soldats a préféré le congé au service de la
république , on leur a retenu la solde arriérée , et on ne leur
a accordé qu'un ducat pour s'en retourner chez eux .
Le 14 d'avril , le cap de Bonne - Espérance était encore au
pouvoir des Hollandais . On vient d'apprendre que le capitaine
Munko Moki , qui fut expedié au cap pour y porter la n
velle de la revolution opérée dans le gouvernemènt , y est arrivé
le 14 ...
nou-
Le différend sur la forme du gouvernement pour la partie
du Brabant , comprise dans le pays des états , est presque
termine . Ce district sera admis l'année prochaine à l'union
générale , à l'instar et avec les mêmes droits que les sept
provinces.
་་་ཚེ
La ville d'Amsterdam a ouvert un emprunt pour son compte,
dans lequel tous ses habitans qui possedent au- delà de
2,000 forins , sont obligés de s'intéresser . On promet trois et
demi pour cent d'intérêts .
La vente des biens du statdhouder a été différée de six semaines.
L'on attribue ce delai à l'arrivée d'un courier anglais
, qui doit avoir apporté une declaration de la cour de
Londres , contenant en substance : Que si les etats -généraux
font vendre les biens du prince d'Orange , le cabinet britaunique
se verra obligé d'user de représailles sur toutes les propriétés
particulieres des sujets hollandais.
Le nombre des Français diminue journellement dans cest
provinces ; tout se porte dans la Vendée .
S Les états généraux ont résolu de congédier , le . 31 août , tous
les Suisses qui se trouvent au service de l'Etat .
Il a été écrit aux ministres bataves à Paris , de faire les
représentations nécessaires pour que les biens que l'électeur
palatin possede dans le marquisat de Berg-op Zoom lui soient
rendas . Il a été aussi arrêté de notifier à la cour de Prusse l'alliance
conclue entre la Hollande et la France .
Tome XVII.
( 202 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRESIDENCE DE DAUN OU.
Séance de septidi , 27 Thermidor .
Lesage d'Eure et Loir ) avait dit que la belle- mere de
Dupin avait à Saint- Cloud une maison magnifique , et qu'elle
affichait un luxe insultant. D'après ces allégations , la Convention
avait décrété que les sceliés seraient apposés chez
elle. Il convient aujourd'hui qu'il a été l'organe du mensonge
et de la calonnie en regardant celui dont il tenait le fait comme
digne de sa confiance . Lesage s'est assuré que la citoyenne
Savin n'est plus la belle -mere de Dupin par le divorce de
sa fille , et que les meubles qui sont dans la maison de cette
citoyenne s'y trouvent depuis douze ans. Il demande le rap
port du décret. Adopté.
Daunou fait la relue de l'acte constitutionnel. Le titre concernant
le corps législatif éprouve quelques changemens.
L'article qui porte que pour être membre du conseil des cing
cents , il faut être marié ou veuf , est rapporté . Celui qui
statue que pour entrer dans ce conseil l'on doit avoir trente ans
accomplis est modifié . Il n'aura d'exécution que l'an sept de la
République , et jusqu'à cette époque l'âge de vingt - cinq ans
suffira .
Garan Coulon observe que la constitution ne parlé point
des suppléans . Il pense qu'il serait important qu'il y en eût.
Boissy d'Anglas est d'un avis contraire , et cite l'exemple du
parlement d'Angleterre , qui dure sept ans , et où il n'y a
pas de suppléans . La commission des onze est chargée de
T'examen de cette question.
Boissy ,, organe de la commission des onze , reproduit les
articles de la constitution , relatifs aux colonies , et dont le ler, a
été décrété. Les autres le sont successivement et sans discussion .
En voici la substance :
Les colonies sont divisées en départemens :
10. Saint- Domingue . Le corps législatif divisera cette isle
en départemens , qui seront au nombre de quatre au moins
et de six au plus.
2º . La Guadeloupe , Marie - Galande et la Desirade.
30. La Martinique.
4° . La Guiane et Cayenne.
5. Sainte- Lucie et Tabago.
( 203 )
60. L'isle de France .
7° . L'isle de la Réunion et les Indes orientales.
Jusqu'à la paix les fonctionnaires publics dans les colonies
seront nommés par le pouvoir exécutif.
Le corps législatif peut autoriser le directoire exécutif à déleguer
dans les colonies un ou plusieurs agens extraordinaires
suivant l'exigence des cas .
On demande que ces agens ne soient jamais délégués que
pour un tems limite , et cette proposition est adoptée .
Le corps législatif determine les rapports commerciaux des
colonies et de la métropole , et en regle les contributions .
On ne fera pas un titre particulier des articles concernans
les colonies ; mais chacun de ces articles sera inséré dans
celui des titres de la constitution auquel il est relatif .
Gouly expose à l'Assemblée la demande qu'il avait faite
à la commission et qu'elle a rejettée , d'un tribunal de cassation
particulier pour les colonies , situées au - delà du cap de
Bonne-Espérance ; il se fonde sur l'éloignement de ces colonies
.
Boissy combat cette proposition , il représente qu'il ne
doit y avoir qu'un seul tribunal de cassation pour toute
la république , que l'éloignement des lieux pourrait aussi
bien autoriser la demande d'un corps législatif particulier.
La demande faite par Gouly est éloignée par la question
préalable .
Suite de l'acte constitutionnel ; pouvoirjadiciaire.
9, XXXIII . Il y a dans chaque département , pour le juge
ment des delits dont la peine n'est ni afflictive , ni infamante ,
trois tribunaux correctionnels au moins , six au plus. Néanmoins
, la connaissance de ceux de ces délits dont la peine
n'excede pas , soit la valeur de trois journées de travail , soit
un emprisonnement de trois jours , est déléguée au juge de
paix , qui prononce en dernier ressort .
,, XXXIV. Chaque tribunal correctionnel est composé
d'un président , de deux juges de paix ou assesseurs de juges
de paix de la commune où il est établi , d'un commissaire
du pouvoir exécutif , nommé et destituable par le directoire
exécutif , et d'un greffier.
,, XXXV . Le président du tribunal correctionnel est pris ,
tous les six mois , et par tour , dans le tribunal civil du département
, les présidens exceptés .
99 XXXVI . Il y a appel des jugemens du tribunal correctionnel
par- devant le tribunal criminel du département. La
loi regle les conditions et les formes de cet appel .
,, XXXVII. Ea matiere de délit emportant peine afflictive
ou infamante , nulle personne ne peut être jugée que sur une
0 &
( 204 )
1
accusation admise par les jures , ou décrétée par le corps
legislatif , dans le cas où il lui appartient de décréter d'accusation
.
„ XXXVIII . Un premier jury déclare si l'accusation doit
être admise ou rejettee ; le fait est reconnu par un second
jury , et la peine déterminée par la loi est appliquée par des
tribunaux criminels .
9, XXXIX . Les jurés ne votent que par scrutin secret .
XL. Il y a daus , chaque departeinent autant de jurys
d'accusation que de tribunaux correctionnels . Les présideus
des tribunaux correctionnels en sont les directeurs , chacun
dans son arrondisssement.
,, LXI. Les fonctions de commissaire du pouvoir exécutif
et de greffier près le directeur du jury d'accusation , sont
rémplies par le commissaire du pouvoir exécutif et par le
greffier du tribunal correctionnel .
", XLII, Chaque directeur du jury d'accusation a la surveillance
immédiate sur tous les officiers de police de son
arrondissement.
,, XLIII . Le directeur du jury poursuit immédiatement
comme officier de police , sur les dénonciations que lui fait
l'accusateur public , soit d'office , soit d'apres les ordres du
directoire exécutif , 1. les attentats contie la liberté individuelle
des citoyens ; 2 ° . ceux commis contre le droit des
gens ; 3. la rebellion à l'exécution soit des jugemens , soit
de tous les actes exécutoires émanés des autorités constituées
; 4° . les troubles occasionnés et les voies de fait commis
pour entraver la perception des contributions , la libre circulation
des subsistances et d'autres objets du commerce .
,, XLIV . Il y a un tribunal criminel pour chaque département.
,, XLV. Le tribunal criminel est composé d'un président ,
d'un accusateur public , de quatre juges pris dans le tribunal
civil , du commissaire du pouvoir exécutif, près le même tribunal
ou de son substitut , et d'un greffier. Il y a dans , le
tribunal criminel du département de la Seine un vice prési
dent et un substitnt de l'accusateur public ce tribunal est
divisé en deux sections ; quatre membres de chacun des uribuuanx
civils y exercent les fonctions de juges .
» XLVI . Les deux présidens du tribunal civil ne peuvent
remplir les fonctions de juges au tribunal criminel.
,, XLVII . Les autres juges y font le service , chacun son
tour pendant six mois , dans l'ordre de leur nomination , et
ils ne peuvent , pendant ce tems , exercer aucune fonction
au tribunal civil,
,, XLVII . L'accusateur public est chargé , 10. de poursuivre
les délits sur les actes d'accusation admis par les. premiers
jurés ; 2 ° . de transmettre aux officiers de police les
( 205 )
dénonciations qui lui sont adressées directement ; 3° . de surveiller
les officiers de police et les directeurs du jury , et
d'agir contr'eux suivant la loi , en cas de négligence ou de
faits plus raves .
,, XLIX . Le commissaire du pouvoir exécutif est chargé ,
19. de requérir dans le cours de l'instruction pour la regularité
des formes , et avant le jogement pour l'application de
la loi ; 2º , de poursuivre l'exécution des jugemens rendus
par le tribunal criminel .
,, L. Les juges ne peuvent proposer aux jurés aucune
question complexe.
1 R
" LI. Le jury de jugment est composé de douze jurés au
moins ; l'accusé a la faculté d'en récuser , sans donner de
motifs , un nombre déterminé par la loi .
" LII. L'instruction devant le jury de jugement est publique
, et l'on ne peut refuser aux accusés le secours d'un
conseil , qu'ils ont la faculté de choisir , ou qui leur est
nommé d'office .
LIII. Toutes rigueurs employées dans les arrestations
on détentions , autres que celles prescrites par la loi , seront
également punies comme outrage fait à l'humanité .
2
99 LIV. Toute personne acquittée par no jury légal ne
peut plus être reprise ni accusée pour le même fait .
Suite de l'acte constitutionnel ; pouvoir judiciaire.
9
2
,, LV. II y a , pour toute la République
, un tribunal de cassation ; il prononce
10. sur les demandes en cassation contre les jugemens en dernier ressort rendus par les tribu- naux ; 20. sur les demandes en renvoi d'un tribunal à un autre
pour cause de suspicion légitime ou de sûreté publique ; 30. sur les réglemens de juges et les prises à partie contre
ua tribunal entier.
" LVI . Le tribunal de cassation ne peut jamais connaître
du fond des affaires ; mais il casse les jugemens rendus sur
des procédures dans lesquelles les formes ont été violées , qa
qui contiennent quelques contraventions expresses à la loi ;
et il renvoie le fond du procès au tribunal qui doit en con-
-naître .
LVII . Lorsqu'apres deux cassations le jugement du trojsieme
tribunal est attaqué par les mêmes moyens que les deux
premiers , la question ne peut plas être agitée au tribunal de
cassation , sans avoir été soumise au corps législatif , qui porte
une loi à laquelle le tribunal de cassation est tenu de se conformer.
h
,, LVIII. Chaque année , le tribunal de cassation est tenu
d'envoyer au corps législatif une députation qui lui présente
l'état des jugemens rendus , avec la notice en marge et le texte
de la loi qui a déterminé le jugement..
0.3
( 206 )
,, LIX. Le nombre des juges du tribunal de cassation ne
peut excéder les deux tiers des départemens .,
LX . Les juges de ce tribunal sont nommés pour cinq ans.
Il est renouvellé par cinquieme tous les aus ; chacun des
juges est nommé par les assemblées électorales de département
, lesquelles nomment en même tems un suppleant .
Séance d'octidi , 28 Thermidor.
Savary , au nom du comité de législation , fait un rapport
sur l'insuffisance et les inconvéniens des lois des 29 nivôse
et 11 pluviôse de l'an III , et il fait décréter que les jugemens
rendus révolutionnairement depuis le 10 mars 93
( vieux style ) , jusqu'au S nivôse de l'an III , contre des
personnes actuellement vivantes , portant peine afflictive ou
infamante , détention ou emprisonnement , sont declarés nonavenus
: que les prévenus sont renvoyes devant les tribunaux
criminels , où ils seront juges dans les formes ordinaires .
sans néanmoins que la peine qu'il y aurait lieu de leur infliger
puisse être plus grave que celle à laquelle ils ont éte deja
condamnés.
Loisel , au nom du comité des finances , soumet à la discussion
, les trois projets sur les monnaies dont l'Assemblee
avait ordonné l'impression et l'ajoarnement. Ils sont adoptés
avec quelques légers amendemens . Nous en avons déja donné
la substance .
Doucet , organe du comité de salut public , lit une lettre
du général Kellermann , qui annonce que l'armée d'Italie ,
quoiqu'inférieure à l'ennemi , se bat journellement avec lui
et reste victorieuse . Le 17 , on lui a fait 36 prisonniers . Il
fait filer des troupes vers la droite de l'armée , pour une
nouvelle attaque , mais les dispositions sont faites pour le bien
recevoir.
Daunou , rapporteur de la commission des onze , dit qu'elle
examiné la question des suppléans et que les articles qu'il
va proposer en sont le résultat . Ils portent que dans le cas
où les deux conseils seraient réduits aux deux tiers , le directoire
exécutif convoquera les assemblées primaires dans les
départemens qui ont des membres à remplacer ; qu'elles nommeront
des corps electoraux qui éliront d'après les formes
prescrites des députés en remplacement. Ces articles sont
adoptés.
Le même membre rend compte de l'examen qu'a fait aussi
la commission de l'opinion d'André Dumont , sur le placement
des deux conseils dans deux communes . Elle persiste à
croire qu'ils doivent résider dans la même commune . Peutêtre
, dit - il , il y aurait quelques avantages à les séparer ,
mais aussi combien d'inconvéniens ? les relations entr'eux
( 207 )
✔ seraient plus difficiles , et dans les cas d'urgence exposeraient
à des retards funestes au salut public ..
"
"
André Dumont persiste dans son sentiment. Il voit des
partis se former , si les deux conseils résident dans la même
commune, et le corps législatif exposé à une dissolution . Mailhe
si on
que les voit éloignés l'un de l'autre ,
ne les regarde comme deux assemblées nationales . La Convention
passe à l'ordre du jour sur la motion d'André
Dumont.
craint on
Daunou lit les articles relatifs au mode de nomination des
membres du directoire exécutif. Il propose une liste triple
du nombre de ces membres qui sera dressée par le conseil
des cinq cents et présentée à celui des anciens . Après quelques
débats , l'on décrete une liste décuple . Les agens généraux
d'exécution nommés par le directoire , seront appellés ministres
, et auront au moins trente ans . L'article qui exclut le
corps législatif de ces places , n'aura son exécution que l'an 5 .;
ainsi , les membres de la Convention pourront être élus .
Séance de nonidi , 29 Thermidor.
Le comité français , hollandais et américain , établi à
Philadelphie , écrit de cette ville , le 3 floréal dernier , qu'il
vient d'y célébrer les nouveaux triomphes de la France , et
l'émancipation de la Hollande . Les Bataves , qui n'aspiraient /
qu'à la liberté , ne pouvaient la recevoir que des Français . Elle
sera le signal de celle de tous les peuples , et bientôt une
paix heureuse ramenera tous les hommes à ces sentimens de
justice et d'humanité qui animent les Français . Mention hono
rable. 1
Il y a près d'un mois que la Convention a fixé provisoi
rement , et pour un mois seulement , le prix de chaque cheval
par poste à 30 liv .
Un membre , au nom du comité des transports , postes et
messageries , propose de continuer ce prix pendant encore
un mois . Plusieurs membres combattent ce projet , et demandent
la réduction à quinze liv . L'Assemblée ajourne la discussion .
Génissieux , au nom du comité de législation , fait part.
des difficultés qui se sont élevées sur la question de savoir
si le tiers arbitre peut prononcer seul , lorsque les avis des
autres arbitres sont contraires . La Conventien passe à l'ordre
dujour motivé sur ce qu'aucune loi n'a autorisé les tiers arbitres
à prononcer seuls et sans le concours des arbitres partagés
d'opinions.
Sur le rapport du comité de salut public et militaire , i
est décrété que l'amnistie accordée par la loi du 10 de ce
mois aux militaires qui avaient abandonnés leurs drapeaux,,
est étendue à ceux qui ayant déserté dans l'intérieur de la
2
( 208 )
République , ont été traduits au tribunal militaire , et condamnes
à la peine portée par la loi.
Toute la séance a été employee à la relue de l'acte constitutionnel.
Un grand nombre de titres ont été adoptés avec de
légers amendemens . Il ne reste plus à relire que les titres
sur les relations extérieures , et celui sur les dispositions générales
Un article portait que le corps législatif pourrait prendre
des vacances . Cette disposition a inspiré la crainte que ses
membres se dispersant dans les départemens n'acquissent une
faveur qui pourrait devenir dangereuse , et Dubois - Crancé
a fait décréter sa permanence , avec la faculté néanmoins de
s'ajourner.
1
Suite de l'acte constitutionnel ; pouvoir judiciaire.
,, LXI . Les assemblées électorales des départemens nomment
successivement et alternativement les juges qui doivent
remplacer ceux qui sortent du tribunal de cassation.
9 LXII . Il y a près du tribunal de cassation un commissaire
et des substituts nommés et destituables par le directoire
execurif.
" I XIII . Le directoire exécutif dénonce au tribunal de
cassation , par la voie de son commissaire , et sans préjudice
des parties intéressées , les actes par lesquels les juges
ont excédé leurs pouvoirs. Le tribunal annulle ces actes ; et
s'ils donnent lieu à la forfaiture , le fait est dénoncé au corps
legislatif , qui rend le decret d'accusation .
,, LXIV . Hors le cas de l'article LVII , le corps législatif
ne peut annuller les jugemens du tribunal de cassation , sauf
à poursuivie personnellement les juges qui auraient encoura
la forfaiture .
,, LXV. Il y a une haute-cour de justice pour juger les
accusations admises par le corps législatif ; elle est composée
de cinq juges et de deux accusateurs nationaux tirés du tribunal
de cassation , et de hauts jurés nommés par les assemblées
électorales des départemens .
LXVI. La haute cour de justice ne se forme qu'après une
proclamation du corps législatif , rédigée et publiée par le
conseil des cinq cents.
›› LXVII. Elle se forme et tient ses séances dans le lien
désigné par la proclamation du conseil des cinq cents . Ce
lieu ne peut être plus près de douze myriamêtres de celui où
réside le corps législatif.
" LXVIII. Lorsque le corps législatif a proclamé la formation
de la baute cour de justice , ie tribunal de cassation tire
au sort quinze de ses membres dans une séance publique ; il
nomme de suite dans la même séance , par la voie du scrutin
secret , cinq de ces quinze : les cinq juges ainsi nommés sout
( 209 )
les juges de la haute-cour de justice ; ils choisissent entr'eux
un président.
,, LXIX . Le tribunal de cassation nomme dans la même
séance , par scrutin , à la majorité absolue , deux de ses membres
pour remplir à la haute- cour de justice les fonctions
d'accusateurs nationaux .
" LXX. Les actes d'accusation sont dressés et rédigés par
le conseil des cinq cents .
" LXXI. Les assemblées électorales de chaque département
nomment , tous les ans , un juré pour la haute- cour de
justice , aux époques et dans les formes déterminées pour les
élections .
,, LXXII . Le directoire exécutif fait imprimer et publier ,
un mois après l'époque des élections , la liste des jurés nommés
pour la hante- cour de justice .
Séance de décadi , 30 Thermidor .
La séance s'ouvre par la lecture de la correspondance et
l'audition de quelques pétitionnaires , dont les demandes sont
renvoyées aux comités qui les concernent . Le rapporteur de
la commission des onze reprend ensuite la lecture de l'acte
constitutionnel , et fait adopter le titre des relations extérieures
.
Hermand obtient la parole , et dit que l'expérience de quelques
années apprend que la Conventinn s'est souvent vue forcée
de rapporter le lendemain ce qu'elle avait décréte la veille ,
et que les amis de la liberté reconnaissent principalement deux
causes de cette versatilité ; l'influence des chefs de factions , et
l'enthousiasme d'une grande assemblée . Hermand en assigne
une troisieme qui aura tout son jeu lorsque la nouvelle constitution
sera en vigueur dans la faiblesse et la dépendance,
du pouvoir exécutif. Il prétend que si ce directoire est réduit
à exécuter aveuglément les lois émanées du corps législatif
il en résultera nécessairement que la loi sera souvent mal exécutée
ou point du tout , et il pense qu'il est de toute nécessité de
mettre dans la constitution un moyen par lequelle corps légis
latif puisse rectifier ou suspendre soit une loi entiere , soit l'une
de ses dispositions . Il ajoute que le moyen qu'il propose est
simple , et a l'avantage d'avoir reçu le sceau de l'expérience
de plusieurs années chez un peuple qui se connaît en liberté .
Les Américains qui l'ont adopté avec empressement , l'exécutent .
Ce moyen consiste en ce que le directoire exécutif aurait
la faculté d'examiner la loi , et de s'assurer si elle est susceptible
d'exécution , et dans le cas auquel il ne la jugerait
pas telle , de la renvoyer à la revision du corps législatif..
Cette opinion excite des murmures . Lanjuinais l'appuie
cependant , et demande en quoi un pareil droit accordé au
directoire exécutif choquerait la liberté.
( 210 )
Roux s'éleve fortement contre elle . I craint qu'en cher
chant à assurer la garantie du pouvoir exécutif , une loi donne
la faculté de tyranniser le corps législatif et de l'entraver : continuellement
dans sa marche . Il opine pour la question prea-
Jable ; elle est adoptée
On lit le titre de la revision de la constitution qui est
décrété . Celui des dispositions générales l'est à son tour . La
questión de la liberté de la presse occupe de nouveau FAssemblée
, et elle se décide à Y mettre une limitation pour
réprimer la calomnie . L'article est ainsi conçu : Nal ne peut
être responsable de ce qu'il a écrit ou publié que dans les cas
prévus par la loi.
Il s'éleve quelques débats sur l'article relatif à la liberté
des cultes , et qui portait : Nul ne peut être empêché d'exercer,
en se conformant aux lois de police , le culte qu'il a choisi .
Un membre dit que les prêtres doivent se soumettre à toutes
les lois , et non pas seulement à celles de police . Lanjuinais
observe qu'on a ajouté le mot police pour n'avoir pas l'air
de porter atteinte à la liberté des cultes qui a été décretée .
On demande la question préalable sur cette addition elle
est adoptée .
Enfin , l'exclusion perpétuelle des émigrés du territoire français
, l'unité des poids et mesures , et le commencement de
l'ère républicaine au 22 septembre , jour de la fondation de
la République , sont décrétés constitutionnellement , et Daunou
annonce que le travail de la commission est achevé , et que
demain elle fera un rapport sur les moyens d'assigner un
terme à la révolution ; il est vivement applaudi .
Séance de primedi , 1er . Fructidor.
Isabean , au nom du comité de sûreté générale , annonce
qu'un espion de l'Angleterre vient d'être arrêté dans le dépar
tement de l'Eure . C'est un prisonnier de guerre qui a surpris
la confiance d'un commissaire des guerres , et qui a profité
de l'autorité que lui donnait sa place pour prendre note de
tout ce que la République a de vivres , d'armes , d'habillemens
, de munitions , d'hommes , chevaux , dans les contrées.
maritimes . Isabeau propose de le faire traduire près le tribunal
militaire de la 17e . division . Adopté.
Thibaut ( du Cantal ) , au nom du comité des finances , fait
décréter que ce comité statuera définitivement sur les réclamations
des fonctionnaires publics relativement à leurs traitemens
.
La section des Tuileries dénonce des employés de l'agence
des subsistances qui commercent pour leur compte , et font
un trafic abominable. Elle dit que sur quarante agioteurs ar
rêtés il s'en trouve dix- sept de cette agence . Elle demande
( 211 )
la régénération de cette partie essentielle de l'administration ,
et qu'il soit établi un bon systême d'approvisionnement .
Renvoyé au comité de salut public.
Un membre rend compte d'un jugement du tribunal criminel
du département des Alpes maritimes , rendu contre un
patriote , et motivé en partie sur ce qu'il a contribué à la suppression
d'une confrérie d'agonisans .
Charlier dit que les fanatiques levent la tête , et qu'ils sont
dirigés par les évêques émigrés.
L'exécution du jogement est sursise , et les observations
renvoyées au comité de sûreté génerale .
Baudin ( des Ardennes ) , au nom de la commission des onze ,
présente le projet de décret sur la maniere de terminer la
révolution , et le fait précéder d'un long rapport dans lequel
il developpe les motifs qui ont déterminé la commission aux
differentes mesures qu'elle propose . Le rapport porte sur deux
bâses ; la premiere , qu'il n'y a plus pour les Français d'espoir
de bonheur que dans un gouvernement républicain ; la seconde
, que la Convention doit rester en partie à son poste ,
et se constituer en corps législatif , et par ce moyen la constitution
s'établira , et obtiendra de la solidité .
La discussion de ce projet est renvoyée au lendemain .
PARIS. Quartidi , 4 Fructidor , 3º . année de la République.
Avons - nous , ou n'avons -nous pas d'esprit public ? Les
républicains comme les royalistes répondent à cette
question par la négative . Mais avant de la résoudre , il
faudrait peut- être convenir de ce que c'est que l'esprit.
public propre aux circonstances dans lesquelles nous
sommes , et s'il faut absolument qu'il soit très - ostensible .
Chaque parti interprête , selon ses craintes ou selon ses
desirs , le calme des citoyens . Les royalistes , à qui le
calme déplaît beaucoup plus qu'on ne pense , feignent
de le prendre pour de l'apathie , et s'empressent de transmettre
cette supposition pour flatter du moins les espé
rances de leurs partisans de l'idée que le peuple n'opposera
aucune résistance , quand l'heure sera venue de
faire une tentative. Mais le but le plus perfide de cette
feinte est d'abuser les républicains, et de les décourager
en leur faisant croire que leurs sentimens ne sont
point partagés. Il faut se défier un peu de ces observateurs
pessimistes trop intéressés à rembrunir leurs
tableaux .
( 212 )
Si l'on entend par esprit public cette exasperation ,
cette ardeur bouillante qui arrache les citoyens à leurs
soins domestiques , à leurs habitudes privées , et les
tiennent continuellement à des objets politiques , il faut
convenir qu'il y a peu d'esprit public. Le peuple a
en effet perdu cette exubérance patriotique devenue
plus dangereuse qu'utile , et se tient dans un état d'observation
, de défiance peut - être...... Il ne veut plus
estimer sur parole : occupé de ses besoins et des moyens
d'y pourvoir , sa patience et sa réserve permettent du
moins à l'autorité constitutive d'achever ses travaux , et
de donner à l'ordre social la consistance nécessaire .
Abusé long- tems par des hommes qui se servaient de
son zele et de son amour pour la liberté , dans des
vues d'ambition personnelle , il n'attache plus de prix
qu'à une bonne organisation du gouvernement . Pour
cela , il laisse agir et attend . Mais si les dispositions de
la masse des citoyens ont pu être modifiées par le tems
et les événemens , les sentimens n'ont point changé ,
et à cet égard ' l'esprit public est le même. Tous ceux
qui ont senti la dignité de l'homme , tous ceux qui ont
été par le coeur et par l'esprit les vrais amis de la liberté.
et de la philosophie , n'ont point renoncé à leurs principes.
Ils le voudraient en vain , ils sont toujours de
très -bons républicains .
Quant à cette gent moutonniere qui , entraînée par
les circonstances , suit , dans chaque crise , par l'intérêt
ou par peur le parti dominant , pourrait - on faire entrer
dans les élémens de l'esprit public ses suffrages versatiles
? D'un autre côté , le silence des opinions com
primées ne put jamais rien ajouter à la force essentielle
de la volonté générale qui doit jouir de toute sa liberté .
Il ne faut donc pas s'étonner , lorsque cette liberté
lui est rendue , si l'on voit naître les divers genres
et les oppositions les plus marquées ; c'est le jeu de
la diversité naturelle des esprits , que rien n'empêche
de paraître ce qu'ils sont . Quand une fois les choses.
en sont revenues à ce point , l'esprit public n'est point
encore dans la ferveur de tel ou tel parti . Il est constamment
dans l'opinion tacite ou prononcée de ceux
qui se rangent sous l'étendard de la justice et de la raison .
Que les opérations politiques ne s'écartent point de
ces båses , elles trouveront pour les appuyer une puissance
morale incalculable . Il est si vrai que le parti
de la raison menace d'une prépondérance accablante ,
( 213 )
que les ennemis des vrais principes employent toutes
sortes de moyens odieux pour résister à cette force du
véritable esprit public ; calomnier sans cesse , décou
rager par des tableaux exagérés de nos malheurs , tendre
des embûches au gouvernement , corrompre les individus
dans des réunions privées , propager , au lieu
de vérités utiles , des sophismes séducteurs et machiavélistės
; ressusciter avec un art perfide les préjugés religieux
; telles sont les ressources que l'on expose à l'empire
de la raison pour tâcher d'entraver l'achevement de
l'organisation républicaine .
Nous avons parlé du citoyen Réal , qui a repris la
plume pour défendre les principes républicains dans
son journal de l'Opposition . Richer Serisy , auteur de
l'Accusateur public , autre écrit interrompu depuis plusieurs
mois , vient de publier à - la - fois trois numéros ,
composant une brochure de 94 pages , qui renferment ,
sous différens titres , d'éternelles et langoureuses déclá- 、
mations contre les hommes et les choses. Dans le dé
:sordre de son imagination délirante , Richer Serisy voit
tous les objets sous un aspect funebre et son génie
accusateur n'épargne pas même ses meilleurs amis . Il
leur reproche leur lâcheté , leur insouciance , leur humeur
versatile . Son imagination n'est raffraîchie que
par le souvenir attrayant des douceurs de l'ancien systême
monarchique , qu'il regrette ; mais dont il n'a pas
même le bonheur d'espérer le retour. Dans les accès .
du lugubre désespoir qui le poursuit , il écarte toute
idée de paix générale . Il voit dans la constitution, un
poison qui doit tout dévorer. Il écrit sur son frontispice ,
comme sur l'enfer du Dante : Ici il n'y a plus d'espérance.
Il ajoute , quelques pages plus loin : Si la France périt ,
elle entraîne l'Europe dans son nauffrage . Que la
République s'établisse , elle fait crouler tous les trônes .
Les rois en sont convaincus ; mais ils savent que
cette brillante chimere ne peut se réaliser. --- Si la
France se divisait d'elle - même en différens
gouver-
" nemens , ou qu'elle fût envahie par les puissances
" victorieuses , l'Europe serait détruite . - Nous tenons
dans nos mains sanglantes la destinée de l'Europe
et de ses habitans . O situation brillante et déplorable
! si nous sauvons la France , nous pouvons tout
sauver... Comment ? .... Mais Richer Serisy n'a -t - il
pas déja prononcé il n'y a plus d'espérance . Avec
99
99
99
--
-
1
( 214 )
quelle douleur touchante il voit les lumieres de la philo
sophie , nous replonger dans l'ignorance et dans le
néant. Nos bibliotheques négligées et les livres du
" génie devenir des hierogliphes inexplicables pour
la génération qui s'éleve . Hélas ! ajoute l'infortunė
" Serisy , daus ma longue prison , j'ai vu un homme
" de lettres distingué demander pardon au ciel des
, écarts de sa raison , répéter chaque jour les sept
" psaumes de la pénitence , et je pleurais en le voy ant !
Tout inexpliquables que peuvent paraître de pareils
hierogliphes , on ne saurait en conclure que l'Accusateur
public soit le Livre du génie . Cependant , nous avons
remarqué un morceau sur Pitt et le gouvernement
anglais qui pourrait être sorti de la plume de l'auteur
dans une intervalle de raison . Le patriotisme le plus
pur et le plus républicain ne le désavouerait pas .
Des lettres de Bâle-annoncent que M. de Rhodes se rend
à Paris , en qualité d'ambassadeur du roi de Prusse , et que
sa suite est composée de dix-huit personnes .
L'armée de la République , sous les ordres du général
Pichegru , à décidément passé le Rhin , le 28 du mois dernier.
Le numéro indicateur sorti au premier tirage de la loterie
de 50 millions est le numéro 1 ; ainsi , les séries favorisées
sont I , 26. 51 , 76 , 101 et ainsi de suite .
Le tribunal criminel de Seine et Oise vient de condamner
à mort quatre individus , convaincus d'avoir contribué , dans
les premiers jours de septembre , à faire massacrer les prisonniers
transportés d'Orléans à Paris .
Quelques papiers ont publié dernierement que Marie- Thérese ,
prisonniere du Temple , était sans vêtemens . Les détails suivans
démentent cette assertion .
Il a été fourni depuis plus d'un mois , par suite des arrêtés
des comités de gouvernement pour Marie Thérese :
Vingt-quatre chemises , toile de Hollande superfine;
Six paires de bas de soie de couleur.
Six paires de souliers.
Deux déshabillés de taffetas de couleur.
Deux déshabillés de péking et cotonnade , avec taffetas de
Florence pour doublure.
Outre les objets fournis en neuf , on a fait réparer tout ce
qui pouvait l'être , et notamment six redingotes de bazin blane
pour le matin.
Pour son instruction et son amusement , il a été fourni
l'Histoire de France , par Vély ; les Mondes , de Fontenelle ;
du papier , des crayons , de l'encre de la Chine et des
pinceaux.
( 215 )
1
Lettres adressées par le général en chef de l'armée des Côtes de
Brest , de Cherbourg et de l'Ouest , au rédacteur du journal de
Rennes.
" Je vous prie , citoyen , d'insérer en entier dans la feuille
que vous rédigez , la lettre , ci- jointe , dont l'original est entre
mes mains , pour être envoyee à son adresse à la premiere.
occasion . Elle ne saurait être trop répandue ; puisse - t - elle
faire rentrer en eux mêmes des misérables auxquels il ne
restera plus bientôt qu'a suivre l'exemple de Puisaye , ou à
se résigner comme Sombreuil . Mais d'un autre côté , je dois
à l'armée de déclarer qu'il y a erreur dans quelques points
de la lettre que je publie : 1 ° . J'étais a la tête de 700 gie.
nadiers qui prirent M. Sombreuii et sa division ; aucun soldat
n'a crié que les émigrés seraient traites comme prisonniers de
guerre , ce que j'aurais démenti sur-le- champ ; 2º . Les eonemis
firent la sortie le 27 messidor , et certes , ce jour- là ,
on avait donné des cartouches aux soldats ; depuis ils ne
brûlerent pas une amorce enfin , ils en manquaient si peu ,
que nos grenadiers jettaient les leurs qui étaient avarices par
le mauvais tems , pour prendre celles que les émigres avaicut
dans leurs gibernes , et qu'ils jettaient sur le rocher du Portaliguen
, au pied duquel 6 à 700 se noyerent , 59
Signé , L. HOCHE .
-
sir John Wahren , commandant la flotle
la Pomone , sous le fort de Quiberon.
1795.
{
anglaise , à bord de
"Aurai , le 22 juillet
Sir , je n'espérais pas avoir à envoyer un rapport où je
dusse détailler les événemens de la malheureuse journée qui
m'a conduit ici , pour demander la plus scrupuleuse recherche
sur la conduite du lâche fourbe qui nous a perdus . M. de
Puisaye m'ayant donné ordre de prendre une position , et de
Py attendre , a eu l'extrême prudence de joindre bien vite
un bateau , abandonnant au hasard le sort des nombreuses
victimes qu'il a sacrifiées. Les gardes du fort ayant eté forcées
, toute l'aile gauche de la position était déja tournée ,
et il ne restait de ressource que dans l'embarquement le plus
précipité , rendu presqu'impossible par la proximité de l'ennemi.
Les régimens d'Hervilly et du Dresney rangerent entierement
vers lui , abandonnant et massacrant leurs officiers.
La majorité des soldats désespérant d'une aussi affreuse position
, s'éparpillerent dans la campagne ; je me trouvais
resserré et cerné au rocher , à l'extrémité de l'isle , avec 2 ou
( 216 )
300 gentilhommes , et le peu d'hommes restés fideles ; mais
sans cartouches , n'ayant pu en obtenir que pour la garde du
fort , malgré mes instances réitérées , sans doute M. de Puisaye
avait eu des raisons qu'il expliquera .
Plusieurs bateaux , encore à la côte , pouvaient me donner
la ressource deshonorante dont a si promptement profité
M. de Puisaye ; l'abandon de mes compagrons d'armes eut
été pire que le sort qui m'attend ( je crois demain matin ) ;
j'en méritais un meilleur ; vous en conviendrez avec tous ceux
qui me connaissent , si le hasard laisse à quelques - uns de mes
compagnons d'infortune les moyens d'éclairer l'univers sur
ceue journée sans égale , sans doute , dans l'histoire . La terteur
d'une bande sans ordre , abandonnée par le chef à qui
l'on a remis toute confiance , et qui dans sa sécurité inepte ,
n'admettait pas même qu'on l'engageât a prendre les mesures
nécessaires à la sûreté générale , qu'il a si bien su prendre
pour lui.
› N'ayant plus de ressources , j'en vins à une capitulation
pour sauver ce qui ne pouvait échapper , et le cri général de
l'armée m'a répondu que tout ce qui était émigré serait prisonnier
, et épargné comme les autres , j'en serais seul excepté .
Beaucoup diront : Que pouvait- il faire ? D'autres répondront :
Il devait périr . Oui , sans doute , je péritai aussi ; mais étant
resté seul charge du sort de ceux qui , la veille , avaient
vingt chefs , je ne pouvais qu'employer les moyens qu'oǹ
m'avait laisses , et ils étaient ùuls . Ceux qui les avaient préparés
pouvaient m'éviter cette responsabilité.
Je ne doute pas que le lâche ne trouve quelqu'excuse
à sa fuite ; mais je vous somme , sur la loi de l'honneur , de
faire connaître cette lettre au public , et M. Windhəm voudra
bien y ajouter celle que je lui ai écrite de Portsmouth .
Adieu , je vous le fais avec le calme que donne seule la pu
reté de la conscience , l'estime de tous les braves gens qui
aujourd'hui partagent mon sort , et le préferent à la fuite du
lâche qui , n'osant combattre parmi nous , aurait au moins
dû me prévenir ; cette estime est pour moi l'immortalité . Je
succombe à sa lâcheté et à la force des armes qui me furent
long-tems heureuses . Dans ce dernier moment , je trouve en- ´
core une jouissance , s'il en peut exister dans ma position ,
l'estime de mes compagnons d'infortune et celle même de
l'ennemi qui nous a vaincus . Adieu , adieu à toute la terre,
Je suis , sir , votre très -humble serviteur , 17
Signé , le comte CHARLES DE SOMBREUIL .
Pour copie conforme à l'original qui est entre mes mains ,
et que je ferai voir aux personnes qui auraient des doutes sur
son existence réelle .
Signé , L. Hocue , général en chef,
( No : 68. )
Jer - 135.
MERCURE FRANÇAIS.
DÉCADI 10 FRUCTIDOR , l'an troisieme de la République.
( Jeudi 27 Août 1795 , vieux style. )
LITTÉRATURE.
RECUEIL DE MORCEAUX DÉTACHÉS , par madame la baronne
STAEL DE HOTSTEIN. Brochure in-8° . de so3 pages.
A Lausanne , chez Durand , Ravanel et compagnie , libraires;
et à Paris , chez Fusch , libraire , quai des Augustins ,
n . $ 7 . em 1795.
C'EST une famille privilégiée pour les lettres que celle
de Necker. Le pere , la mere , la fille , tous ont cultivé ,
à diverses mesures , plusieurs branches des connaissances
humaines , et ont été jaloux de se distribuer les
lauriers de la célébrité. Il fallait moins que cette réu
nion de talens et cette honorable ambition d'occu
per le public de soi , pour exciter l'envie . On sait que
ce qu elle pardonne le moins , est le desir de la supériorité
, en quelque genre que ce soit , et quand ce desir
est justifié par des succès , cet amour généreux de la
gloire irrte son impuissance ; elle le prend pour une
prétention dont elle demande un compte d'autant plus
rigoureux , qu'elle se trouve plus offensée des titres sur
lesquels cette prétention est fondée .
Ceux que madame Staël s'est acquis à la renommée
littéraire sont déjà connus avantageusement du
public. Il n'est personne qui n'ait lu avec intérêt les
lettres qu'elle publia en 1789 , sur les ouvrages et le carac
tere de J. J. Rousseau. Parmi beaucoup d'idées profondes
qui n'appartiennent qu'à un esprit très - exercé aux méditations
philosophiques et morales , on remarqua cette
finesse de jugement et ces tournures heureuses si fami
lieres aux femmes jeunes et sensibles qui éprouvent le
besoin d'exprimer leur admiration pour un écrivain qui
a si bien parlé le langage du coeur , et embelli de son
éloquence les passions ou les sentimens qui font leurs
délices. Les réflexions sur la paix adressées à M. Pitt et à la
Tome XVII.
P
( 718 )
nation française , que madame Staël a fait paraître en
Suisse , et qui on
ont été reimprimées il y a quelques mois
à Pans,sont une preuve que lesmatieres polit.ques ne lui
sont point étrangeres ; on ne peut pas dire , après les
avoir lues , qu'elle ait 1 ame républicaine comme la
citoyenne Roland ; mais om y trouver des observations
très -justes sur la guerre actuelle de 1 En ope et sur la
nécessité de la termine . Il est probable que ces réflexions
seront parvenues à M. Pitt , et que malgré l'impassibilité
connue de son caractere , les considerations d'intérêt politique
et même ministériel qui doivent le toucher ,
n'auront rien perdu de leur vélité pour avoir passé sous
la plume d'une femme spirituelle , jeune et aimable .
, སཙྩཾ
{
11
La brochure qui fait l'objet de cette analyse est sans,
doute de toutes les productions de madame Staël celle
à laquelle elle attache le moins d'importance ; on le
voit aisément au titre modeste qu'elle lui a donné ; , св
n'est qu'un recueil de morceaux détachés . En effet , le pre
mier de ces morceaux est uune épître au malheur. y a
environ trente ans que Thomas hit une épître au Peuple ,
et l'on se souvient du succès qu'elle obtint et qu'elle
méritait ; on pouvait écrire au peuple , parce que , quoique
Fon s'occupât fort peu alors de son existence , elle n'en
était pas moins réelle. Mais une épître au malkeur
madame Staël qui se montre si difficile sur les fictions
comme on le verra bientôt , a dù sentir que la peine
que l'on éprouve à se prêter à l'idée de personnifer un
être aussi abstrait que le malheur , a da jetter nécessairement
de l'embarras et du vague dans la maniere de
traiter ce sujet . Ce n'est pas le malheur considéré dans
son abstraction générale à qui madame Staël adresse son
épître ; c'est le malheur de la révolution française . Dans sa
prose à 1. Pitt , elle l'avait peint deja sous des couleurs
très- rembrunies ; elle a voulu en parler en vers,
Certainement l'époque qu'elle a choisie doit être également
en horreur à toutes les ames sensibles , quelle
sible être éga
que soit d'ailleurs la diversité des opinions politiques .
Mais n'y aurait- il donc qu'une époque et un seul côté
à saisir dans la révolution française , et sans exiger que
madame Staël ne traitât pas un sujet si digne d'emouvoir
sa sensibilité indignée , n'y avait - il aucun correctif
à insérer dans un petit bout d'avertissement ? ' Il y a
une remarque qui n'échappera point aux observateurs
impartiaux , c'est que certaines personnes n'ont jamais
tant parlé des malheurs de la
von
que depuis
1
(<219 )
que les scélérats qui en ont été les auteurs ne sont plus ,
et que les vrais amis de la liberté s'efforcent d'en faire
oublier les atrocités . Mais madame Staël ne veut pas
qu'il nous soit déja permis de ne compter nos douleurs que
parmi nos souvenirs .
}
Le second morceau qui est le plus important du recueil
, est un Essai sur les fictions . Madame Staël les divise
en trois classes , 1 ° . les fictions merveilleuses et
allégoriques ; 2 ° . les fictions historiques ; 3 ° . les fictions
où tout est à la fois inventé et imité , où rien n'est vrai ,
mais où tout est vraisemblable . Ce sujet , dit l'auteur ,
exigerait un traité fort étendu ; il comprendrait la plupart
des ouvrages littéraires ; il attirerait à lui presque
toutes les pensées , parce que le développement complet
dane idée appartient à l'enchaînement de toutes ; mais
j'ai voulu seulement prouver que les romans qui peindraient
la vie telle qu'elle est , avec finesse , éloquence ,
profondeur et moralité , seraient le plus, utile de tous
les gentes de fictions , et j'ai éloigné de cet Essai tout ce
qui n'avait point de rapport à ce but, berig an
et
Malgré les bornes dont s'est entourée madame Staël ,
on lui sait gré de les avoir franchies quelquefois ,
de n'avoir pas toujouis été scrupuleusement fidele à sa
• promesse. Cette fidélité nous aurait privé, d'une infinité
de réflexions générales ties -justes sur les divers gentes
de fiction qu'elle considere.mɛa inssizeb im zwar
D'abord , quant à la fiction purementmerveilleuse ,
elle pense que le plaisir qu'elle cause est très - promptėment
épuisé. Il faut , dit- elle , que les homines se
fassent enfans pour aimer ces tableaux hors de la natures
pour se laisser émouvoir par les sentimens , de
terreur ou de curiosité dont le vrai n'est pas prigine ;
il faut que les philosophes se fassent peuple , pour vouloir
saisir des pensées utilesna tavers le voile de l'allégorie.
Il faut avouer que beaucoup dhommes et
même de philosophes se sont faits enfans , et out trouyé
un grand charme dans ces fictions et cette ingénieuse
mithologie de la Grece que madame Staël juge, avec
une grande sévérité . Celui qui a dit :
Nous sommes tous d'Athene en cepoint set moismême ,
Au moment où je fais cette moralité ,
Si peau d'âne m'était conté ,
J'y prendrais un plaisir extrême .
Le monde est vieux , dit on, je le crois : cependant
Hle faut amuser encor comme un enfant.
Fa
( 2201 )
Celui-là n'aurait pas été entierement de d'avis de
madame Staël. Qui a vécu de plus d'illusions , qui les a
mieux fait aimer , qui a su embellir la morale des traits
heureux de la fiction , que ce bon Lafontaine à qui les
contes de peau d'âne causaient un plaisir si extrême.
Mais quand l'esprit s'est nourri des idées philosophi
ques , quand on a goûté le prix des réalités , il faut le
dire , on est excusable de moins aimer les actions.
Quand on ne veut , dit madame Staël , que des images
qui puissent plaire , il est permis d'éblouir de mille
manieres différentes : on a dit que les yeux étaient toujours
enfans ; c'est à l'imagination que ce mot s'applique;
s'amuser est tout ce qu'elle exige ; son objet est dans
son moyen ; elle sert à tromper la vie , à dérober le tems;
elle peut donner au jour les rêves de la nuit ; son acti
vité légere tient lieu du repos , en suspendant de même
tout ce qui émeut et tout ce qui occupe ; mais lorsque l'on
vent faire servir les plaisirs de cette même imagination à
un but moral et suivi , il faut à la fois plus de consé
quence et plus de simplicité dans le plan. papl
Ce que l'auteur reproche , avec fondement aux poemes
d'Homère et de Virgile , où le merveilleux joue un si
grand rôlé , c'est cette alliance des héros et des dieux ,
des passions des hommes et des dé rets du destin , qui
affaiblit l'intérêt des situations et les grands effets mo
raux qui devraient naturellement en résulter.s
Lorsque Didon aime Enée , parce qu'elle as serré
dans ses bras l'Amour que Vénus avait caché sous les
traits d'Ascagne , on regrette le talent qui aurait expli
qué la naissance de cette passion par la seule peinture
des mouvemens du coeur. Quand les dieux commandent
et la colere et la douleur et les victoires d'Achille , l'admiration
ne s'arrête ni sur jupiter , ni sur le héros ; l'un
est un être abstrait , l'autre un homme asservi par le
destin ; la toute puissance du caractere échappe à tra
vers le merveilleux qui l'environne Il y a aussi dans
ce merveilleux , tour à tour , quelque chose de certain
et d'inattendu , qui ôte tou les plaisirs attachés à craindre
ou à prévoir d'après ses propres sentimens . Lorque
Priam va demander à Achille le corps d Hector , je
voudrais redouter les dangers que son amour paternel
lui fait braver ; trembler en le voyant entrer dans la tente
du terrible Achille , rester ainsi suspendue à toutes les
paroles de ce pere infortuné , et recevoir à la fois par
son éloquence et l'impression des sentimens qu'elle
( 221 )
exprime, et le présage des événemens qu'elle va déci
der ; mais je sais que Mercure conduit Priam à travers
le camp des Grecs ; que Thétis , par l'ordre de Jupiter ,
a commandé à son fils de rendre le corps d Hector ; je
n'ai plus de doute sur l'issue de la démarche de Priam ;
mon ame n'est plus attentive , et sans le nom du divin
Homere , je ne lirais pas un discours qui succede à
la situation , au lieu de l'amener. »
J
Le principe que madame Staël déduit de ses réflexions
et qui nous paraît très -juste , c'est qu'en s'adressant à
l'homme on doit tirer tous les grands effets du caractere
de l'homme ; c'est - là qu'est la source inépuisable
dont le talent doit faire sortir les émotions profondes
et terribles. Ge qu'il y a de vraiment sublime dans les
poemes épiques les plus remarquables par le merveil
leux de leurs fictions , ce sont les beautés tout- à- fait ins
dépendantes de ce merveilleux ; ce qu'on admire dans
le Satan de Milton , c'est un homme. Ce qui reste
d'Achille , c'est son caractere ; ce qu'on veut oublier
dans la passion de Renaud pour Armide , c'est la magie
qui se mêle aux attraits qui l'ont fait naître. Ce qui
frappe dans l'Enéïde , ce sont les sentimens qui appar
tiennent dans tous les tems , à tous les coeurs ; et nos
poëtes tragiques , en prenant des sujets dans les auteurs
anciens , les ont presqu'entierement séparés de la machine
merveilleuse que l'on trouve à côté de toutes les
beautés qui distinguent l'antiquité. ??
Ne perdant jamais de vue que l'imitation du vrai
produit toujours de plus grands effets que les moyens
surnaturels , madame Staël parcourt successivement le
genre des romans de chevalerie , des compositions comiques
ou allégoriques de l'apologue et des fables , et
prouve que ces divers genres perdent de l'intérêt à
mesure que le merveilleux ou l'allégorie s'éloigne de la
mature et des lois de la vraisemblance. En parlant des
fables où l'on fait parler les animaux , il lui était difficile
d'oublier Lafonte. On ne sera pas fâché de trouver
ici le jugement qu'en porte madame Staël : Il a existé
un homme qui devait être unique dans cette carriere ,
parce que son naturel était si parfait qu'il ne pouvait
ni se rencontrer deux fois , ni s'imiter une seule un
homme qui fait parler les animaux comme s'ils étaient
une espece d'êtres pensans , avant le regne de tous les
préjugés et de toutes les affectations. Le talent même de
Lafontaine écarte de ses écrit l'idée d'allégorie en per
:
P3
( 222 )
sonnifiant le caractere de l'espece qu'il peint selon les
convenances qui lui sont propres le comique de ses
fables ressort, non de leurs allusions , mais du tableau
réel des moeurs des animaux qu'il met en scene , Ce
succès avait nécessairement ses bornes , et toutes les
autres fables qu'on a composées dans diverses langues ,
rentrant dans l'allégorie , partagent aussi ses inconvénieus
. 11
Passant ensuite aux fictions historiques , c'est- à- dire au
inventions unies à un fonds de vérité , lauteur fait
sentir le caractere qui distingue ce genre du pur merveilleux.
Ce n'est point une autre nature c'est un
choix dans celle qui existe c'est le travail d'Apelle
qui rassemblait les charmes épais pour en composer la
beauté. Mais parmi ces sortes de fictions , le gene
qu'elle souhaiterait de voir banni , est celui des romans
entés sur l histoire , tels que les anecdotes de la cour de
Philippe - Auguste et plusieurs autres encore. Ce gehre
detruit la moralité de l'histoire , en surchargeant les actions
d'une quantité de motifs qui n'ont jamais existé,
et n'atteint point à la moralité du roman , parce qu'o
bligé de se conformer à un cannevas vrai , le plan n'est
point concerté avec la liberté , et la suité dont un ouvrage
de pure invention est susceptible,
!
the
par
Madame Staël réserve toute sa prédilections pour la
troisieme classe des fictions , celles où tout est à la fois
inventé et imité , où rien n'est viai, mais où tout est
vraisemblable. Laissant à part les productions de l'art
dramatiques qui pourraient être l'objet d'un trai é
ticulier , elle net considere que le genre seul des romans
modenes. Ap ès quelques remarques critiques
sur les romans philosophiques , dont elle ne voudr it
pas que l'on fit une classe à part ; elle se plaint de ce
que l'art d'écrire les romans n'a point: la réputation
qu'il mé ite . Elle en trouve la cause dans cette foule de
mauvaises productions , dans un genre où la perfection
exige le génie le plus relevé , mais où la médiocrité est
à la portée de tout le monde: Mais un roman stel qu'on
peut le concevoir , tel que nous en avons quelques
modeles lui paraît être une des plus belles productions
deal esprit humain , une des plus influentes : sur
la morale des individus , quil doit former ensuite les
moeurs publiques ... :
323027 in
Les romans d'amour n'éloignent - ils: pás: de ce but
morals bien plus qu'ils ne batteignent ? On présume
( 2231)
bien que madame Staël n oublie hi l'objections ni la
réponse . L'amour est absous , mais elle ne veut pas qu'il
soit éternellement et exclusivement l'objet de ce genre
d'ouvrage. Sans doute , dit- elle , on peut penser que
tous les sentimens profonds et tendres sont de la na rets.
ture de l'amour , qu'il n'y a pointhousiasme dans
l'amitié , de dévouement au malheur , de dulte envers
ses parens , de passion pour ses enfans dans les coeurs
qui n'ont pas cornu ou pardonné l'amour ; il peut exister
du respect pour ses devoirs ,, mais jamais de charme ,
jamais d'a andon dans leur accomplissenrent , quand on
n'a pas aimé de toutes les puissances de Fame , quand
une los l'on na pas cessé d'être soi pour vivre tout
entier dans un autre ; la destinée des femmes , le bon:
heur des hommes qui ne sont pas appellés à gouverner
les empires , dépend souvent , pour le reste de leur vie ,
de la part quils ont donnée dans leur jeunesse à l'as
cendant de lamour : mais ils oublient, complettement
à un certain age l'impression qu'ils en ont reçueils
prennent un
un autre caractere ; ils sont entierement lis
viés à d'autres objets , à d'autres passions ; et c'est à
ces nouveaux interêts qu'il faudrait étendre les sujets
des romans . Une carriere nouvelle s'ouvrirait alors ce
me semble , aux auteurs qui possedent le talent ds
peindre , et savent attacher par la connaissance intimé
de tous les mouvemens du coeur humain . L'ambition ,
T'orgue , l'ava ice , la vanité pourraient être l'objet
principal , de romans , dont les incidens seraient plus
neuls et les situations aussi variées que celles qui
nissent de l amour, "
Dira - t- on que ce tableau des passions des hommes
existe dans l'histoire , et que c'est là qu'il vaut bien
mieux l aller chercher ? Madame Staël fait remarquer
avec beaucoup de sagacité , la différence qui se trouve
eatre la morale de histoire et celle qui résulte des
fictions romanesques. La morale pratique , fondée
sur les avantages de la vertu , ne ressort pas toujours
de la lecture de l'histoire . Les grands historiens , et
sur-tout Tacite , essaient certainement d'attacher de la
moralité à tous les événemens qu'ils racontent ; de faire
eavier Germanicus mourant , et détester Tibère au faîte
de la grandeur : mais, cependant ils ne peuvent peindre
que les sentimens attestés par des faits ; et ce qui reste
de la lecture de l'histoire , c'est plutôt l'ascendant de
talent , l'éclat de la gloire , les avantages de la puis-
P
( 944 ).
dance , que la morale tranquille , délicate et douce , don't
dépendent le bonheur des individus et leurs relations
entre eux . ݓ
Elle pense même que les ouvrages didactiques sur
la morale ne sauraient produire la même impression
qu'un bon roman , où les devoirs sont mis en action ,
où toutes les nuances des passions et des vertus de
Thommesont revêtues du charme de l'intérêt dramatique.
Madame Staël cite pour exemple , Tom-Jones , Caleb
William par Goodwin , qui ne nous est pas connu ;
plusieurs contes moraux de Marmontel , quelques cha ›
pitres du voyage sentimental , etc. Elle cite sur-tout
les admirables productions de Richardson. Quel est
le moraliste qui aurait dit : Si votre famille entiere veut
vous contraindre à épouser un homme détestable , et
que vous soyez entraînée par cette persécution à donner
quelques marques de l'intérêt le plus pur à l'homme.
qui vous plaît , vous attirerez sur vous le déshonneur et
la mort? Eh voilà cependant le plan de Clarisse ; voilà
ce qu'on lit avec admiration , sans rien contester à son
auteur qui vous émeut et vous captive . "
Nous ne croyons pas que tel´ait été ni le plan ni le
but de Richardson dans sa Clarisse . Quelle affreuse et
cruelle moralité il résulterait de ce roman , s'il ne fal--
Lait le considérer que sous ce point de vue ! Il fallait
donc que l'infortunée Clarisse , soumise aux volontés
d'une famille absolue , épousât l'homme qu'elle détes
tait , sous peine du déshonneur et de la mort . Certes ,
ce n'est point là le sentiment qu'a voulu inspirer Ri
chardson, Il a voulu prouver , au contraire , que si det
parens étaient assez injustes pour forcer leur fille à
épouser l'homme que son eoeur repousse , ils s'exposent
à attirer sur eux et sur elle des malheurs inévitables. Il a
gulu montrer le péril auquel s'exposait un jeune fille
qui ne saurait point se garantir des pièges d'un séduc
teur , qui couvre d'un masque attrayant ses infâmes
projets. Voilà le double but moral du roman de Claisse
; il est dirigé tour entier et contre les parens et
contre Lovelace , Mais pour l'infortunée Clarisse , elle
inspire un intérêt d'autant plus touchant , que dans la
position désespérée où sa famille l'a réduite , elle conserve
sa vertu au milieu même des faiblesses et der
tendres affections de son coeur. Qu madame Staëel n'a
pas assez développé sa pensée , où elle a mal saisi le plan
moral du roman de Clarisse .
( 193 )
Nous ne pousserons pas plus loin cette analysè. Nous
tegrettons que les bornes qui nous pressent , né nous
permettent pas de citer une foule d'observations fines
ou ingénieuses dont cet essai est semé .
Mais nous dérobérions à nos lecteurs un grand plaisir,
ét à madame Staël an juste sujet d'éloge , si nous nè
rapportions un des morceaux les plus intéressans do
cet essai , et qui le terminé . On n'en sera pas surpris .
lorsqu'on saura que c'est l'Héloïse de Rousseau qui le
lui a inspiré.
;
› Les lecteurs enthousiastes d'un semblable talent
sont en très-petit nombre , et ces ouvrages font toujours
du bien à ceux qui les admirent ; laissez- en jouir les
ames ardentes et sensibles , elles ne peuvent faire entendre
leur langue ; les sentimens dont elles sont agitées
sont à peine compris , et sans céssé condamnés ; elles
se croiraient seules au monde , elles détesteraient bientôt
leur propre nature qui les isole , si quelques ouvrages
passionnés et mélancoliques ne leur faisaient pas
entendre une voix dans le désert de la vie , ne leur
faisaient pas trouver dans la solitude quelques rayons
du bonheur qui leur échappe au milieu du monde
ce plaisir de la retraite les repose des vains efforts des
espérances trompées ; et quand tout l'univers s'agite
foin de l'être infortuné , án écrit éloquent et tendre
reste auprès de lui comme l'ami le plus fidele et célui
qui le connaît le mieux . Oui , il a raison le livre qui
donne seulement un jour de distraction à la douleur ,
il sert aux meilleurs des hommes ; sans doute on peut
trouver des peines qui appartiennent aux défauts du
caractere mais il en est tant qui naissent ou de la
supériorité de l'esprit ou de la sensibilité du coeur , tant
qu'on supporterait mieux si l'on avait des qualités de
moins avant de le connaître , je respecte le coeur qui
souffre , et j'applaudis aux fictions mêmes dont le seul
résultat serait de le soulager en captivant son intérêt.
Dans cette vié , qu'il faut passer plutôt que sentir, celui
qui distrait l'homme de lui -même et des autres , qui suspend
l'action des passions pour y substituer des jouis
sances indépendantes , serait dispensateur du seul veri
table bonheur dont la nature humaine soit susceptible
si l'influence de son talent pouvait se perpétuer. "
A la suite de l'essai sur les fictions sont trois Nouvelles,
Elles nous ont paru faibles de couleur et d'intérêt.
Aussi madame Staël nous apprend- elle qu'elle n'avait
( (¿2 261 )
pas vingt ans quand elle les a écrites , et que la révolution
de France, n'existait point encore. Je veux
croire , ajoute - t - elle , que depuis , mon esprit a acquis
assez de force pour se livrer à des ouvrages plus utiles,
dit de toutes
les facultés morales , quelquefois je crains qu'il ne produise
un effet contraire , qu'il ne jette dans un ahattement
qui détache et de soi- même et des autres . La
grandeur des événemens qui nous entourent fait si bien
sentir le néant des pensées générales , limpuissance
des sentimens individuels , que perdu dans la vie on
ne sait plus quelle route doit suivre l'espérance , quel
mobile doit exciter les efforts , quel pancipe guidera
désormais l'opinion publique , à travers les erreurs de
l'esprit de parti , et marquera de nouveau dans toutes
les carrieres le but éclatant de la véritable gloire ? ",
es
que
le
malheur
hâte
le
développement
def
*
On ne voit pas trop ce que la révolution française
peut avoir de commun avec des Nouvelles écrites avant
qu'elle existât , ni quelle est l'espece de malheur per,
sonnel qui a pu hâier ou retarder le développement
de ses facultés morales . Retirée en Suisse auprès d'un
pere et d'une mere , dignes o jets de son admiration
sa tendresse entourée des connaissances et des
sociétés qui intéressaient le plus à Paris , et qu'elle
a eu le bonheur de etrouver dans sa retraite , elle
a vécu loin des orages et de 1 horrible tourmente de
notre révolution . L'impression éloignée qu'elle en a
teçue a dû sans doute affecter son ame sensible ; on
le voit assez au soin qu'elle prend d'en retiacer sang
céssé le souvenir. Mais enfin n'existerait - il plus pour
elle de motils pour la fie sortir de cet abattement qui
détache et de soi - même et des autres ? Epouse d'un des
membres distingués du corps diplomatique , il semble
qu'elle devrait trouver quelqu'adoucissement dans les
sentimens de bonne intelligence que montre , pour la
France , la cour dont son mari est l'envoyé. Doyée de
talens qui lui promettent toutes les jouissauces de la
gloire littéraire , elle a pour perspective cette estime
Batteuse qui ne peut que s'accroître , si elle veut sur
tout se préserver , dans son style , de l'embarras et de
Fobscurité qu'y jettent trop souvent les méditations
philosophiques dont son esprit aime à se nourrir. Elle
nous pardonnera à - la -fois ces conseils politiques et ces
ébservations critiques , que nous ne nous serions point
ན
( 227 )
permis , si nous n'étions convaincus qu'elle est digne de
les entendre et d'en profiter ( 1) .
NOUVELLES ÉTRANGERES.
It
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 19 août 1795.
Ly a eu , le 7 juillet , un incendie considérable dans la
capitale de l'Empire ottoman , et la difficulté de s'y procurer
des vivres fait craindre que le peuple n'y manifeste encore
son mécontentement de cette terrible maniere , car on ne doute
pas que le feu n'ait été mis exprès . Des lettres du 26 juillet ,"
annoncent que cette semaine même , il avait été encore mis
en differens endroits , mais qu'on avait eu le bonheur de
l'éteindre avant qu'il eût fait des ravages ; ce qui inquiette
sur tout , c'est qu'on croit que les janissaires sont pour beaucoup
dans ces mouvemens ; et qu'ils travaillent même à exciter
une insurrection formelle .
Cependant on espere beaucoup de la nomination du Ratibeffendi
, au poste important de Reis - effendi . Cet ex ambassa
deur à Vienne lors de l'avènement de Léopold II , a deployé
antrefois dans l'inspection générale des subsistances un zele
infatigable et des talens rares ; il a déja réussi dans une année
de disette générale à sauver la capitale de la famine ; il est
d'ailleurs très- versé dans la connaissance des différens intérêts
de l'Europe . Ibrahim -Bey vient de partir en qualité d'envoyé
près de la cour de Vienne.
1
De Francfort-sur- le-Mein , le 15 août....
Des lettres de Vienne du 2 da courant , représentent l'empereur
comme en balance et flottant sur le parti qu'il a à
prendre. Cette incertitude est telle qu'on ne sait pas , et qu'on
ne peut même trop conjecturer si l'on aura la guerre ou
la paix , si vivement desirée par tout le corps germaniques,
et même par les états héréditaires , à qui le besoin s'en fait
( 1 ) On nous assure que l'ouvrage de madame Staël qui vient
d'être rendu public a Paris , a été composé et imprimé en Suisse ,
peu de mois après le 9 thermidor , et qu'elle écrirait aujour
d'hui d'après des impressions plus favorables. Nous devions
celte remarque à nos lecteursel so gostout 12
(( 228 )
1
sentir comme au reste de l'Empire. Voici ce que portent ces
differentes lettres :
L'empereur vient de nommer son frere l'archiduc Joseph
son lieutenant au royaume de Hongrie. I remplira cette
place jusqu'à ce qu'une nouvelle diete des Hongrois le nomme
palatin de Hongrie ; dignité que le voeu général lui destine
depais la mort inopinée de l'archiduc Leopold .
"
Le gouvernement vient de faire publier l'état de notre
armée sur le Rhin. Le général Clairfayt a sous ses ordres 130
mille Autrichiens , et l'armée de l'Empire s'élève à 50 mille ; Parme
en total , 180 mille hommes. Ces troupes sont postées depuis
Siegjusqu'au Mein , et du Mein jusqu'au Vienx Brisac. Les
Français , sur la rive gauche du Rhin , ont des forces con
siderables , qu'on porte à 250 mille hommes , depuis Colo
gne jusques à Huningue , outre 50 , mille qui s'etendem de.
Cologne jusques en Hollande . La rive du Rhin est converte
d'une grande quantité de redoutes , élevées depuis peu , qui
forment une chaîne de postes et de batteries. Cette position
respectable , empêche le général Clairfayt de hasarder aucune
entreprise , qui pourroit causer le sacrifice de nos braves
guerriers.
Ratisbonne , 6 août . Le décret de ratification concernant
Les négociations à entamer pour la paix avec la France , a
été communiqué hier officiellement à la diete . L'empereur
après avoir rapporté le conclusum de la diete du 3 juin, dans toute
son étendue , témoigné sa satisfaction sur la persévérance manifestée
par les états de l'Empire , à ne traiter que d'une paix
générale avec leur shef , et dans la voie de la constitution.
En ratifiant ainsi l'art . II du conclusum , l'empereur annonce
en même tems qu'il a déja fait des disposi ions pour acce
lérer l'objet de la pacification , suivant les vues de la diete ,
et qu'en tout tems , il lui fera part du résultat d'où dépendra
la prompté mission du ministre plenipotentiaire imperial
et de la députation de l'Empire au lieu du congrès . Il pense
que ce ne sera qu'après l'ouverture effective des négociations ,
et lorsqu'elles présenteront une perspective rassurante en
faveur d'une paix juste et honorable , que l'on pourra juger
si , sans nuire aux négociations , il sera possible de convenir
d'un armistice d'où s'ensuit la dure nécessité pour les étais
de l'Empire de ne point rallentir leurs efforts pour la défensé
commune. En attendant cependant l'empereur promet de
s'employer pour faire cesser les requisitions et devastations
dans les pays occupes par bennemi.
Quant à la médiation de la Prusse , l'empereur est d'avis :
Que la situation politique des affaires n'est pas tellement pressante,
qu'il én resulte la nécessité ou un avantage évident de
rechercher la médiation on les bons officess d'un tiers , qui
( 229 )
•
réunisse l'intelligence , la prudence , la probité et l'impar
tialité requises , vu que l'Empire germanique , qui occupe
le premier rang , est assez puissant et considéré , par la
réunion de ses membres avec son chef , pour se procurer par
lui- même une paix juste et honorable . Cependant , attenda
que la diete , snivant la majorité des suffrages cherche à se
rassurer par la coopération des bons offices du roi de Prusse ,
l'empereur veut bien ne pas refuser son agrément au vou manifeste
à cet égard par les états de l'Empire sans néanmoins que
cette médiation puisse porter obstacle , soit aux négociations
immédiates entre le chef de l'Empire , de concert avec les
états députés et le plénipotentiaire français , soit à la maniere
constitutionnelle de traiter. L'empereur termine par engager
les électeurs , princes et états de l'Empire , à ne pas s'ecarter
de la voie constitutionnelle , à s'abstenir des actes arbitraires ,
et à se soumettre aux lois que le chef de l'Empire est obligé
par sa capitulation à maintenir contre toutes les démarches
inconstitutionnelles , de l'exemple desquelles on pourrait dans
la suite conclure un changement tacite dans les lois fondamentales
sur lesquelles reposent la sûreté et la prospérité de
l'Allemagne.
Ce qui aidera pourtant puissamment l'empereur à se déterá
miner pour la paix , c'est l'impossibilité de tenir seul ou
à- peu près seul , contre la France : on croit même voir des
acheminemens à cette paix , dans la démarche suivante , quoique
l'orgueil , oa si l'on veut le sentiment de sa dignité , de la part
de François If mette dans cette affaire quelques obstacles qu'il
cut pu applanir.
On sait que le général Pichegru a communiqué à M. le
comte de Cierfayt , par l'entremise de M. le baron de Stein
commandant des troupes du cercle de Souabe , le décret de
la Convention relatif à la princesse Marie - Thérese Charlotte ,
fille de Louis XVI . M. le général de Clairfayt ayant transmis
cette piece à l'empereur , en a reçu une dépêche dont un de
aos papiers publics garantit l'authenticité , et qui est ainsi
conçue :
" Mon conseil aulique de guerre m'a renda compte de
votre rapport du 15 juillet , et de la piece qui a été remise
au général tein par le général Pichegru , relativement à la
princesse Marie - Thérese , fille de Louis XVI , ma cousine ,
et aux autres princes et princesses de la famille de Bourbon .
Dans toute autre circonstance , les conditions dont on veut
faire dépendre la liberté des membres de cette famille infor
tunée , qui sont restés en France , auraient dû être regardées.
comme entierement inadmissibles ; mais puisqu'il n'est que
trop vrai qu'au milieu des violentes catastrophes qui se suc
cedent les unes aux autres dans la révolution française , je
ne dois consulter que ma tendre affection pour ma cousine ,
( 230 )
et mon vif intérêt pour les princes et princesses de la famille
des Bourbons , et ne songer qu'aux dangers dont ils n'ont cessé
d'être environnés , mon intention est que vous fassiez connaître
au général français , que je veux bien accéder , quant
au fond , à la proposition qui a été faite . Mais il est une
proposition que je juge à propos de lier à celle que renferme
la piece remise au général Stein : elle a pour objet l'échange
respectif des nombreux prisonniers de guerre , dont nonobs
tant mes demandes réitérées , on a toujours opiniâtrément
refusé de s'occuper.
彩
" Quelques soins que , malgré le traitement peu favorable
de mes soldats prisonniers en France , j'aie ordonné de prendre
des prisonniers français dans mes etats quoiqu'ils soient
placés dans des provinces où les vivres sont abondans , qu'on
les paie exactement en numeraire , et qu'on leur donne tous
les secours de la religion , de l'humanité , et tous ceux qui
sont dûs à l'infortune , ils n'en éprouvent, pas moins uecessairement
une foule de maux qui sont inséparables de leur
état , et auxquels se joint encore cette idee qu'ils sont aban
donnés dans des climats éloignés de ceux pour lesquels ils
ont combattu , qu'ils ne reverront plus leurs familles , qu'on
les punit pour les malheurs et les hasards des combats , et
que la qualité de prisonniers , regardee jusqu'ici comme un
Litre de plus pour réclamer l'intérêt de ceux a qui l
l'on s'est
sacrifié , semble n'être à leur égard qu'un motif d'ingratitude.
Je ne veux pas qu'on puisse m'imputer cet oubli du droit
des gens qui perpétue la détention de tant de malheureuses
victimes de la guerre ; et à plus forte raison , dois-je rechercher
tous les moyens de rendre a la liberté mes fideles soldats ,
prisonniers dans un pays où chacun sent qu'ils doivent forcément
partager tous les fléaux dont ses propres habitans
n'ont pu se garantir . Vous me rendrez compte , sans délai ,
de la repouse qui vous parviendra à ce sujet , pour régler
ensuite plus particulierement les détails d'exécution relatifs
à la proposition transmise par le general Pichegru , et qui ,
je pense , ne pourront donner lieu à aucune difficulté . "
"
*
Les dernières lettres de Vienne annoncent positivement que
le général Bellegarde venoit de partir pour l'armée du Rhin ,
avec un nouveau plan d'opérations : elles ajoutent que Warmser
ne tardera pas à le suivre . On attendoit hier ce genéral à l'armée
, à Schwetzingen . On prétend savoir que l'armée autrichienne
sera divisée, en deux corps qui agiront , l'un sur le
Haut- Rhin , aux ordres de Wurmser ; l'autre sur le Bas- Rhin,
aux ordres du général Clair fayt .
Manheim , 16 août . Cette nuit il est encore parti du camp
près de Schwetzingen , un corps considérable de troupes autrichiennes
mais on ignore si elles seront dirigées vers Ras
tad: on vers Mayence.
( 231 )
Une personne arrivée de l'acte côté du Rhin a déclaré que
depuis quelques jours un nombre considerable de troupes
françoises a di filé par Newstadt , se dirigeant vers Landan et
Strasbourg et que les françois n'ont que très - peu de moude
devan Mayence . Par les mouvemens des armees respectives
paroi: que le theatre de la guerre va s'éloigner du Palatinat.
23
Haut Rhin , 12 août. Les dernieres lettres de Basle portent
qu'on y craignoit beaucoup que Farmée ' autrichienne) ,Mayant
en tête le corps de Condé , ne voulût passer et violer le territoife
suisse . On a eu le soin de rassembler un corps de
troupes ; mais celles - ci sont aux environs de Berne , et par
conséquent à une trop grande distance , puisque le passage
poifrou être l'ouvrage d'une seule nuit . On a cependant des
motifs pour se rassurer dans les dispositions de Pichegru Ce
general a fait avancer un si gos corps de troupes contre les
frontières de Suisse , que le passage est presque impossible.
On apprend d'ailleurs que le ministre prussien Hardenberg .
doit metre hout en oeuvre pour que Basle soit déclarée neutre,
et qu'il ne soit coumis aucune hostilité sur son territoire. ?
C
27:43
est avec une extrême defiance pour ne pas dire plus
qu'il faut tire plusieurs feuilles aliemandes . Depuis quelque
tems un de leurs objets favoris est d'établir que les
et
da Nord vivent intenant dans, la meilleure harmonCes
3 point a craindre qun'il éclate aucune
guerre entre
19 19
somo
a act
7
།
&
dans ses troupes
la acue
et la discipu
la
ne de elles . Cependant alors que ces gazetiers
hers dissertent , la Suède
fut de grands rand Préparatifs militaires ;, la Russe envoie des
oupes nombreuses sur la partie de ses frontiel es , Voisine
cette contree . Le roi de Prusse a des forces imposantes dans la
Prusse méridionale ; et le bruit couroit, n'aguerès qu'il avait
rappelle son ministre à Petersbourg. Silon rapproche de ces di-
Veres circonstances les innovations de la Turquie , pour porter
discipline europeeune on peut
croire qu au cas que la guerre n'ait pas
du moins on est
loma de pouvoir dire que les affaires dans
dans le moment actuel
présentent un aspect pacinque . La Russie et l'Angleterre ne sont
pas du moins de l' avis de ces gazetiers ; et conjoncture acnelle
ne leur parois pas indifférente ferente . Ceux qui sont à portée
de connoire le mège diplomatique de la première , disent
'elle se donne des soins infinis pour porter le Danemarck á
rompre les nouvelles liaisons politiques qu'il a contractées
et l'éloigner de la ligue qu'on veut former pour l'opposer à sa
puissance colossale et aux nouveaux
ux
engagemens qu'elle a
contractés de sou côte . Pour le cabinet de Saint - James ,
il cherche unvertement toutes les occasions possibles de
flatter celui de Copenhague . Tous les vaisseaux danois saisis
l'au dernier avec tant de hauteur et de violence , sont rendus
leurs propriétaires avec de fortes indenuites. L'amirante Bilan-
T
ཞ མག །
.
( 232 )
nique a reçu les ordres les plus pressans , de terminer tous çes
procès dans le plus bref délai .
Ce que ces feuilles rapportent de la Hollande paroît aussi mal
fondé. A les entendre , le Danemarck et la Suède prennent en
main la cause du stathonder , qu'il a lui même si mal défendue;
et une armée considerable , composée de déserteurs hollandois
, qu'on a eu soin d'appeller la véritable armée de la Ré
publique , s'assemble en Westphalie et va faire très-incessamment
la conquête de toutes les provinces bataves, Afin de faciliter
le cours de ce torrent , les folliculaires font sortir à- peti.
près toutes les troupes françoises de la Hollande et en éloignent
le représentant du peuple Richard. Malheureusement pour l'o
pinion qu'ils veulent établir , on se rappelle qu'il y a des suipulations
antérieures qui ont déterminé le nombre des troupes
Françoises qui doivent rester en Hollande : non seulement le
représentant du peuple Richard est toujours à la Haye ; mais
on y attend encore le représentant Raniel , On se rappelle
d'ailleurs que les troupes hollandoises , ou plutôt stathoudé
tiennes , qu'on a vu agir lors de l'invasion des français en Hollande
, me semblent pas propres à faire de grandes conquêtes,
Les états généraux paroissent auss redouter fort peu les périls
où les gazetiers les disent exposés , puisqu'ils viennent encore
de licencier tout récemment les régimens suisses qui étoient à
leur solde.
Mais c'est sur-tont en parlant des affaires de France que ces
nouvellistes donnent un libre essor aux talens qu'ils ont pour la
fiction . On voit dans leurs fuilles les armées de la Répu
blique se miner par la désertion . Les corps d'émigrés , qu'on a
été trois ans sans pouvoir completter , en employant tour-dtour
la séduction et la menace , se grossissent au contraire
vue d'oeil depuis que leurs affaires ont pris une tonnure plus
désespérée. Le général Pichegru est tombé dans la disgrace
de comité de salut public ; on insinue même qu'il a
voulu imiter l'exemple de Dumouries. On annonce qu'an
moins le commandement- général de son armée a passé au géné
ral Jourdan , etc. etc. etc. Telle est la manière dont ces véridiques
gazetiers font connoître à leurs lecteurs la situation de
l'Europe.
Des lettres de Bale , de la fin du mois dernier , disent que
la République Française a fait payer en argent comptant
toutes les pensions des officiers de Suisse , retirés et congédiés ,
qui ont rendu leurs commissions , et même que cette mesure
s'est étendue jusques sur les soldats ; ces mêmes lettres ajontent :
M. de Rhode , envoye de Prusse destiné pour Paris , est
parti d'ici le 28 de ce mois , pour s'y rendre . M. de Hardenberg
et plusieurs envoyés des princes d'Allemagne ont de
fréquentes conferences avec M. Barthélemy , et on en conlat
qu'on travaille sérieusement à la paix de l'Empire.
Le
( 233 )
X
Le village situé sur le lac des quatre villes de Bois , appartenant
à Lucerne , nommé Weggis , vient de disparaître . Voici
comment :
Un ruisseau , qui de la montagne de Régis , avait pris son
conrs vers le village susdit , détourna subitement son cours ;
on le suivit , et on s'apperçut qu'il allait se perdre dans un
gouffre profond de la montagne . En même tems on s'apperçut
qu'en plusieurs endroits , près du village , le terrein s'enfonçait
et que la tour de l'église paraissait s'ébranler . Les habitans
ue balancerent pas à emporter leurs effets et à transporter
plus loin leurs pénates. En peu d'heures le terrein sur lequel
était situé le village , s'écroula vers le lac et au même moment
une partie de la montagne s'éboula et engloutit le vil
lage , dont on ne soupçonne plus l'ex'siance .
ANGLETERRE . De Londres , le 6 août.
L'embarquement de cavalerie rassemblée à Southampton se
continue sans relâche ; si l'on joint à cela l'embarquementà Cork,
il faut avouer que nos ministres , malgré le desir du peuple pour
la paix , ne sont gueres dans l'intention d'y satisfaire , a moins
qu'on ne prétendit que pour parvenir à cette paix , l'intérêt
de la Grande - Bretagne serait de frapper de grands coups.
Jusqu'ici leurs combinaisons n'ont pas été fort justes ; le tems
apprendra si elles le seront davantage pour l'avenir.
Lord Howe est décidément à la veille d'aller reprendre le
commandement de la grande flotte . Il fera voile de Portsmouth
la semaine prochaine avec onze vaisseaux de ligne , et ira
relever lord Bridport .
2
Le froment a encore haussé , il y a quelques jours , de
cinq chélins , de maniere que le quarter ( mesure contenant
huit boisseaux ) en coûte aujourd'hui cinq guinées . Le prix
du pain en sera naturellement augmenté à proportion . Aa
marché d'hier , il s'en vendit 8oco quarters tires de l'étranger
et 300 de l'intérieur. L'on avait bien commencé à ne fabriquer
que du pain bis ; mais les meuniers et les boulangers out
déja cessé de nous donner et de cuire de la grosse farine ;
Je peuple n'a point goûté cette économie , et il a prétendu
que le pain fin le nourrissait mieux que l'autre . Le roi , en
faveur des habitavs du voisinage de Windsor , fait moudre et
vendre à plus bas prix des grains qu'il tire de ses propres
magasins. Comme tous les festins et banquets sont suspendus
pendant la disette actuelle , le jour de naissance du prince de
Galles , qui se célébrait d'ailleurs solemnellement à Widsor ,
s'y passera cette fois - ci à petit bruit .
Le cabinet a ordonné qu'on lui envoyât une liste de tous les
prisonniers de guerre qui sont en Grande Bretagne ; ce qui
porte à croire que l'échange s'en fera entre nous et les Français.
Tome XVII ,
ዲ
( 34 ).
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE DAUNOU.
Séance de duodi , 2 Fructidur .
Le représentant du peuple Besson , en mission dans le département
de la Gironde , et accusé d'avoir pris un arrêté par
lequel il abandonnait aux prêtres insermentés exclusivement
l'usage des églises , déclare que ce bruit est calomnieux , et
qu'il a fait traduire devant les tribunaux celui qui l'a répandu
.
Organe du comité d'instruction publique , Portier ( de
l'Oise ) , fait décréter que le cit . Ginguené , adjoint de la
commission exécutive de l'instruction publique , remplira
les fonctions de commissaire national dans cette partie , à l
place du cit . Garat , qui a donné sa démission , et que les
deux places d'adjoint sont supprimées .
Un membre du cemité de législation demande si la Convention
, en excluant , par l'acte constitutionnel , pour jamais
, du territoire français , les émigrés , a entendu s'inter
dire toutes modifications sur les lois rendues à cet égard , et
il observe que le comité se propose de faire incessamment
un rapport sur quelques dispositions de ces lois. Daunou lui
répond que cet article n'aura d'exécution qu'avec la constitution
, et que celle - ci ne datera que du jour de son accepsation
par le peuple.
Daunon fait encore ajouter un article à la constitution . Il
porte que les acquereurs de biens nationaux ne peuvent être
dépossédés , quelle que soit l'origine de ces biens.
On ouvre la discussion sur le projet de décret présenté
par Baudin , au nom de la commission des onze. Lahaye
obtient le premier la parole , et parle contre ce projet. Le
jury de coufiance , pour opérer la réduction d'un tiers dans
la Convention , lui parait une institution dangereuse. Il pense
que les démissions volontaires seront per nombreuses , et
qu'il faudra recourir au sort ; mais ce moyen lui paraît contraire
aux intérêts de la République , et à ceux des membres
qui n'auront pas le bon esprit de donner leur démission. Il
en conclat que c'est au peuple à déterminer quels seront les
membres de la Convention qui entreront dans le corps législatif
, le souverain rentrant dans l'exercice de ses droits , an
moment de la formation de la constitution , et étant seul
( 235 )
compétent pour composer le corps législatif. Lahaye pense
aussi qu'il faudrait provisoirement établir la constitution , et
l'essayer pendant six mois , avant de la présenter à l'acceptation
du peuple . Cette opinion n'est pas entendue sans mur.
mures .
Un membre : Ce n'est pas à ceux qui ont fait la constitution
à la faire marcher. Vous ne pouvez ni changer i modifier
vos pouvoirs sans usurpation ; il faut laisser au peuple
le choix des membres du corps législatif , avec la faculté de
nommer des membres de la Convention , s'il les croit encore
digues de sa coufiance ,
Baudin : Un gouvernement provisoire n'est qu'une tyran
nie provisoire . On craint que le nombre des démissions ne
soit peu cousidérable ; mais sans révéler le secret de personne
, je déclare qu'un grand nombre de membres dignes de
votre estime , sont dans l'intention de donner leur démission .
Lareveillere Lépanx est d'avis qu'une constitution ne peut
être mieux maintenue que par ceux qui l'ont faite , parce
qu'ils sont intéresses à la soutenir. Il ne doute pas qu'elle
ne soit acceptée par tous les Français , à moins qu'ils ne
soient devenus fous.
L'Assemblee renvoie le projet à un nouvel examen de la
commission , et ajouine au lendemain , ainsi que le projet
présenté par Lehardy , qui consiste à obtenir la réduction
aux deux tiers par les démissions , ou par le sort , s'il n'y a
pas assez de démissions . Néanmoins sur la motion de Monnot ,
la Convention décrete que les députés prisonniers en Autriche
feront essentiellement partie du corps législatif.
du
Sieyes annonce que le comité de salut public a reçu
citoyen Barthelemy , ambassadeur de France en Suisse , l'avis
de la ratification du traité de paix par la cour d'Espagne .
Vifs applaudissemens . )
Séance de tridi , 3 Fructidor.
Il y a eu avant - hier soir une séance extraordinaire pour
le renouvellement du bureau. Henri Lariviere avait obtenu
la majorité ; mais comme elle n'était que relative , quelques
mombres ont réclamé le réglement et demandé qu'il fût procédé
à un nouveau scrutin . En vain Legendre a- t - il observé
que la chose s'était présentée déja plus d'une fois , et qu'on
ne s'y était pas arrêté ; pour terminer les débats , il a été
décrété le lendemain au soir on procéderait
1 .
an nou❤
que
veau scrutin . Chénier , concurrent de Lariviere , a eu la majorité
absolue , et il a été proclamé président.
Monnot , au nom des comités des finances et des postes et
messageries , fait décréter un nouveau tarif pour le prix des
chevaux de poste , des diligences et du port des marchan
dises . Il est réduit d'un tiers.
Q2
( 256 ) ,
Baudin , au nom de la commission des onze , dit que deux
sentimens l'ont toujours animée , l'amour de la République
et celui des membres de la Convention ; que le premier leur
a inspire le desir d'en conserver les deux tiers dans je corps .
legislatif , et le second d'écarter d'eux tout ce qui pourrait
avoir les apparences d'une exclusion . Ma's la Convention
n'ayant pas approuve son projet , elle y renouce ,
ainsi qu'au
systême des démissions . Elle n'a paz cu uon plus devoir
adopter le projet de Lehardy , rien n'étant plus aveugle que
le sort . Son avis est que la Convention doit se charger ellemême
de l'élection des 500 menbies qui doivent rester dans
le corps législatif. Ainsi chaque membre sera électeur et
éligible , et se soumeura au jugement de la majoritė ...
Baudin propose un projet de décret conçu en ces termes :
" Art . Ter , Les comites des décrets , procès- verbaux , archives
et des inspecteurs de la salle se réuniront sur- le- champ .
His donneront les ordres nécessaires pour faire imprimer, avee
toute la célérité possible , la liste des députés eu activité.
" II . Me seront pas compris dans cette liste les députés
mis en arrestation ou en accusation depuis le per. germinal
dernier , i les suppléans qui , ayant remplacé des députés
proscrits au 31 mai et rentrés depuis , se trouveront surnuméra
es dans leur députation ,
,, II . Chaque député écrira le mot élu en marge de 500
noms de ceux de ses collegues qu'il voudia poster au corps
législatif. Ces listes seront déposées dans un scrutin , à l'appel
nominal; le relevé en sera fait par le beu.
55 IV. Tous les députés actuellement à Paris seront tenus
de voter.
V. Les listes qui contiendront plus de 500 noms potés
à la inarge , seront rejettées .
- V1 . Les députés non réélus seront rééligibles par les
-assemblées électorales . Ils seront répartis dans les deux conseils
, suivant leur âge et les autres qualités exigées par la
constitution , et ils y resteront ,jusqu'à l'arrivée de leurs suc-
CESSERTS . 19
Un membre dit que ce projet a un inconvénient très-grave ,
celui de laisser plusieurs départemens sans représentans . Il
déclare qu'il n'y a de juste et de conforme à la cousutution
que le node des assemblees électorales . Viltard reproche au
projet de n'être encore qu'un scrutin epuratoire . Guyomard
demande la priorite pour celui de Lebardy , qui lui paraît
encore présenter le moins d'inconvéniens .
Thibaudeau Je ne dirai pas , comme quelques membres ,
que la commission des ouze a en des arriere - pensées . Je ne
le crois pas. Qu'on uomme réduction ou épuration le moyen
proposé , peu iinporte ; toujours faut-il qu'un tiers sorte . Si
ce moyen est le plus utile au peuple , il faut l'adopter.
•
( ( 237 )
"
Nous nous connaissons entre nous quoi qu'on en dise .
Pour moi , je ne récuserai jamais le jugement de la majorité
de mes collegues . Je demande la priorité pour le projet
de la commission . Bailleul et Lonvet appuieni Thibaudeau.
-lis douviennent qu'on ne peut pas se dissimuler que tous
- les membres n'ont pas conservé la confiance . L'Assemblée
écarte par la question préalable , la voie du sort , et journe
au lendemain ..
Seance de quartidi , 4 Fructidor.
La séance s'ouvre par la continuation de la discussion sur
le projet de la commission des onze . Eschasseriaux l'aîné ,
qui parle le premier , dit qu'un moi qu'il a entendu hier ka
éclairé qu'il ne tient ses pouvoirs que de ses commettans ,
et qu'il ne doit et ne veut les remettre qu'à eux .
lesQui nous connaît mieux que nos commettans ; ajoute
Maithe , et qui peut mieux savoir si nous avons conserve ou
perdu leur confiance ?
*
Belville propose d'ouvrir un registré dans lequel s'inscriraient
ceux qui reuenceraient à être menibre du corps légis
latif. Lakanal pense qu'on a demandé l'épuration par serin
ou par jury , moins pour écarter des coupables que pour exclure
quelques hommes qu'on n'aime pas , et qu'on a voulu
sy substituer ensuite les corps électoraux , parce qu'on a craint
ales intrigues de bepuration di adopte le plan de la commission.
L
st
D
Un membre : Nous présentons depuis quelques jours un
singulier spectacle aj la France : Que signifient toutes ces déclamations
par lesquelles quelques membres cherchent à
-échapper au jugement de leurs commettans ? Quei ! il n'y
aurait plús en France d'autres républicains que nous ? C'est
› calomniers étrangement la nation . Que ceux
qui ont fait le
biens.eu, rapportent à leurs concitoyens . On vous parie de
guerre civile ; ce sont là des prétextes pour colorer des
Heraintes , personnelles . Je m'étonne qu'avec de semblables raisonuemens
, on ne vienne pas vous demander aussi de ne
plus reconnaitre d'autres électeurs que vous - mêmes. C'est la
confance du peuple qui doit seule mettre quelque différence
entre nous. Pour moi , je récuse tout autre tribunal que le
sien. C'est de lui que je tiens mes pouvoirs , lui seul a le
droit de me les continuer ou de me les retirer . Je demande
les corps électoraux .
Louvet appuie de, nouveau le projet de la commission.
Peut- on consulter la Vendée , dit-il? Que répondrez vous à
un corps électoral qui vous dira que sur les douze membres
de sa deputation , il y en a huit qui ont perdu sa confiance ?
Baudin : Le moment où chacun doit être récompensé selon
ses oeuvres est venu , Des électeurs feront sans scandale , ce
Q 3
( 238 )
J
que vous ne pourriez faire sans troublés et sans aigreur.
C'est à eux qu'il appartient de délibérer sur les personnes .
Le membre rééla éprouvera une régénération , recevra une
force morale nouvelle dont il a besoin
Presque toutes les opinions étant prononcées pour le systême
des corps électoraux , on demande la clôture de la discussion
; elle est fermée à l'unanimité , et l'Assemblée rapportant
son précédent décret , décide que la réduction aux
deux tiers se fera par les corps électoraux .
J
Séance de quintidi , 5 Fructidor .
L'agent national de Cherbourg écrit que trois chaloupes
anglaises out tenté une descenté sur les côtes ; mais que
quelques commis aux douanes , joints sa plusieurs citoyens .
les ont empêchés d'effectuer leur débarquement.
91 Tallien rappelle à l'Assemblée qu'en rendant compte de la
victoire de Quiberon , il l'a instruite du courage de David ,
qui , après avoir déserté l'armée ennemie , est mis à la tête
d'une colonne contr'elle , la fait passer par des endroits où
-l'on avait de l'eau jusqu'à la ceinture , l'amene près du fort
Penthievre , et ce fort est bientôt en notre pouvoir comme
il l'avait promis . Sur las demande d'un membre , David , qui
rétait à la barre , reçoit l'accolade fraternelle du président , et
la Convention décrete qu'il lui sera donnés une armure et
deux chevaux pour faire son service de sous-lieutenant dans
le 16. régiment de chasseurs .
ཏི
Baudin présente , au nom de la commission ddes onze , le
mode d'exécution du décret rendu hier sur la réduction ,
par les corps électoraux , de la Convention aux deux tiers ,
et l'érection de l'autre tiers ; il est ainsi conçu av 1970
1º . Le corps législatif sera composé de membres de la
Convention nationale et de nouveaux membres élus par les
prochaines assemblées électorales , dans les proportions qui
sont réglées par l'acte constitutionnels >8
.
2º. Les assemblées électorales nommeront les députés an
Scorps législatif prochain , et en prendront les deux tiers parmi
des membres de la Convention en activité . Ne sont pas compris
dans ce nombre , ceux qui sont décrétés d'arrestation depuis
le 1er . germinal dernier.
3º . Chaque député de la Convention remettra par écrit ,
d'ici au 20 fructidor , au comité des procès- verbaux et archives
, sa déclaration sur son âge et les autres qualités requises
par la constitution , pour être membre de l'un ou de
l'autre conseil legislatif.
4° . Les membres absens par mission ou par congé , enverront
la même declaration par écrit , d'ici au 30 fructidor.
Saladin demande la parole pour une motion d'ordre.
Goupilleau : Si Saladin veut parler contre le décret rendu
( 259 )
hier sur les corps électoraux , je m'oppose à ce qu'il soit
entendu .
Saladin Je ne veux point parler contre cet article , mais
contre un article précédemment adopté et relatif au renouvellement
de la Convention par tiers seulement . Je suis
d'avis que ce décret doit être rapporté . ( Violens murmures . )
L'ordre du jour , s'écrie- t- on . La Convention passe à l'ordre
du jour , et refuse la parole à Saladin . Les articles proposés
par Bandin sont adoptés .
Monnot demande que les assemblées électorales renomment
chacune les deux tiers de chaque députation , et non que les
500 membres de la Convention , qui doivent être portés au
corps législatif , soient renommés par la totalité des assemblées
électorales . Renvoi à la commission des onze .
Baudin présente la suite de son projet de décret . Il est
adopté en ces termes :
De la présentation de l'acte constitutionnel aux assemblées primaires.
66 Art. Ier . Aussi- tôt après l'envoi de l'acte constitutionnel
à toutes les communes de la République , les assemblées primaires
seront convoquées à la diligence du procureur- géné.
ral-syndic et de l'administration de chaque département ,
pour être ouvertes au plus tard le 20 fructidor , dans le même
lieu où se sont tenues les dernieres assemblées , sauf les
changemens survenus depuis dans quelques chefs - lieux de
canton .
" II . Tous ceux des citoyens français qui ont voté dans
les dernieres assemblées primaires , y seront admis .
III. Le bureau sera formé par un seul tour de scrutin
de liste simple de cinq membres à la pluralité relative . Parmi
les cinq citoyens qui réuniront le plus de suffrages , les fonctions
de président , de secrétaire et de scrutateurs seront distribuées
suivant l'ordre de pluralité ; et en cas d'égalité de
suffrage entre deux ou plusieurs élus , l'âge decidera du .
rang.
" IV. Dès que le bureau sera formé , il sera donné lecture
de l'acte constitutionnel , à moins que l'assemblée ne
déclare qu'elle se trouve en état de délibérer .
" V. Les assemblées primaires exprimeront leur veu sur
l'ensemble de l'acte constitutionnel , pour l'admettre ou le
rejetter .
VI. Chaque votant donnera son suffrage de la maniere
qui lui sera convenable .
t
19 VII . Le bureau constatera par un procès - verbal le nombre
des votans et le résultat des suffrages .
" VII . Le procès - verbal de chaque assemblée primaire ,
relatif à l'acte constitutionnel , sera mis aussi tôt sa rédaction ,
Q4
( 240 )
par les membres du bureau , sous enveloppe avec cette
adresse : Au comité des décrets , procès- verbaux et archives de la
Convention nationale , à Paris , et contre - signé : Assemblée primairé
du canton d département d Les
directeurs des postes de chaque bureau de départ en char
geront leurs feuilles d'avis .
" IX. Le procureur- général- syndic de chaque département,
concurremment avec l'administration , se feia rendre compte ,
taut par la municipalité de chaque chef- lieu de canton , que
par les directeurs des postes qui auront reçu les paquets
de l'exécution du précédent article , au plus tard le 25 fruc
tidor , et en informera aussi- tôt le comité des décrets , procès
- verbaux et archives .
" X. Immédiatement après la rédaction et l'envoi du procès-
verbal dont il vient d'être parlé , les assemblées primaires
nemmeront le nombre d'electeurs que chacune doit fournir,
d'après l'acte constitutionnel . Il sera fait de cette élection
Lo procès- verbal séparé . La tenne des assemblées électorales
sera indiquee ultérieurement par un nouveau decret.
99, XI : Les députés en mission auprès de chaque armée se
concerteront , dans le plus court délai , avec le général en
chef et les généraux , lant de divisiou que de brigade , pour
assembler tous les défenseurs de la patrie , et leur donner
lecture de l'acte constitutionuel .
" XI . Le jour où chaque armée exprimera son voeil , sera
ensuite fixé par les députés en mission , qui régleront sommairement
la forme de la délibération convenable aux localités
et, aux cùconstauces. <
» XIII . Les députés en mission auprès de chaque armée ,
o le général en chef , ferout passer au comité des decrets ,
¡ procès- verbaux et archives , le voeu de chaque armée , anssi - tât
qu'ils l'auront recueilli .
De la mise en activité de la constitution .
Art, Ier . Le comité des finances , section des domaines ,
est chargé de faire un rapport à la Convention nationale sur
le placement, tam des deux conseils législatifs que du directoire
exécutif.
" II . Le comité des inspecteurs fera pareillement un rapport
sur les distributions et travaux nécessaires dans l'intérieur du
palais national , en se concertant avec le comité des finances ,
section des domaines .
,, III . Le comité d'instruction publique fera un rapport
sur le costame particulier à donner à chacun des deux conseils
législatifs , et à tous les fonctionnaires.
» IV. Ces divers rapports seront faits d'ici au 10 fructidor
au plus tard.
( 241 )
" V. Aussitôt que le comite des décrets , procès- verbaux
et archives aura fait le dépouillement des procès-verbaux des
assemblees primaires , il en fera son rapport à la Convention
nationale.
» VI. La Convention déterminera ensuite le jour de la clôure
de ses travaux comme pouvoir constituant,
VII. Le lendemain , au plus tard de la derniere séance
de la Convention nationale , les deux conseils législatifs
ouvriront leurs séances .
" VIII . Dana qois jours , pour tout děli , le conseil des
einq cents presentera une liste de cinquante candidats pour
former le directoire exécutif ; les cinq menibres qui le composeront
seront nommés par le conseil des ancieus dans les
trois jours qui suivront la présentation de la liste. *
,, IX. Les membres qui , à l'époque de la formation des
deux conseils , composeront les comités de salut publie et
de sûreté générale , continueront provisoirement leurs fonc
tions jusqu'au jour de l'installation du directoire .
" X. A dater du jour de cette installation , les comités ne
pourront preudre ni signer aucun arrêté ils fourniront an
directoire les éclaircissemens dont il aura besoin.
" XI. Toutes les commissions exécutives continueront leurs
fonctions jusqu'à ce que le directoire ait organisé le ministere
; et tous les fonctionnaires publics , jusqu'à ce qu'ils
aient été renouvelles dans la forme prescrite par la constitution
.
,, XII . Les assemblées électorales seront convoquées par
la Convention , immédiatement après le rapport qui lui sera
fait du resultat des suffrages des assemblees primaires , et
avait qu'elle cesse l'exercice du pouvoir coustituant,,
29 XII . Les assemblées tant primaires qu'électorales , qui
vont êue successivement convoquées , le sout par anticipa
tion sur celle de l'an IV , pendant lequel il n'en sera point
tenu .
,, XIV. Les assemblées électorales nommeront le tiers des
députés qui entreront dans l'un ou l'autre conseil , d'après
le tableau qui sera envoyé pour chaque département.
XV. Quinze jours avant la tenue des assemblées primaires
du mois germinal de l'an V , les membres de la Convention
nationale qui auront pris place dans l'un et l'autre conseil ,
tireront au sort la sortie de la moitié d'entr'eux , laquelle
formera le tiers du corps législatif pour le renouvellement
anuuel prescrit par la constitution .
XVI . Ceux qui soitiront alois par la voie du sort , seront
immédiatement réeligibles.
" XVI . Le présent decret sera joint à l'acte constitutionnel ,,
pour être envoyé à toutes les communes de la République
par des courriers extraordinaires .
( 242 )
1
Legendre a la parole pour une motion d'ordre. If porté les
regards de la Convention sur la situation de la République .
Des émigrés sont à Paris et y ont trouvé un asyle ; des publicistes
les représentent comme des fugitifs échappés aux massacres
du 2 septembre . Si les émigrés rentrent en France , dit
Legendre , ils doivent y trouver leur tombeau ou celui de la
Republique. Deja Lafayette passe pour un réfugié et un persé
cuté , ensorte qu'il ne seroit pas étonné de le voir bientôt venir
ici contempler le Champ- de-Mars où il a fait conler le sang des
citoyens . L'opinant demande à l'assemblée de se prononcer
fortement contre les émigrés . Tallien l'appuye , et s'élève
contre ceux qui pervertissent ou éteignent l'esprit public ,
Il fait un appel à tous les partisans de la révolution pour qu'ils
se réanissent et préservent le peuple dans le moment où il va
s'assembler , des pièges de tous les charlatans .
On demande qu'il soit fait une adresse au peuple , Creusé-la-
Touche la présente . Elle est renvoyée à la commission .
Daunon fait adopter les dispositions additionnelles suivantes :
1. la maison du citoyen est un asyle inviolable , on ne peut y
entrer la nuit que dans le cas d'incendie ou de cris au secours ,
qu'en vertu d'ordre des autorités constituées ; 20. les biens des
Emigrés sont invariablement acquis à la nation ; 3º . le directoire
exécutif peut faire des proclamstions pour l'exécuñon des
loix .
Séance de sextidi , 6 Fructidor.
Les représentans du peuple en mission à Lyon , écrivent
que les prêtres insermentés s'agitent dans les communes voisines
pour soulever le peuple et égarer l'esprit public' ; que l'un
d'eux qui se dit curé de Chenevieres , a refusé de connoître la
municipalité , et que la veille du dix août aprés vepres il sorfit
de l'église avec quelques fanatiques ayant à leur tête une
banière portant ces mots union aa pape , et une croix . L'on a pris
des mesures contr'eux . Cette lettre est renvoyée au comité de
sûreté générale.
1
de
Eschasseriaux au nom du comité de législation propose
rayer le nom de Dietrich , maire de Strasbourg de la liste des
'émigrés , ét de rendre ses biens à sa familie . Deville et Char-
Jier demandént l'ajournement du projet . Jean de Bry dit qu'il
connoît parfaitement les faits relatifs à Dietrich , que c'est une
victime de la haine et de la vengeance , qu'il avoit été aquitté
'par le tribunal crintinel du Doubs et qu'il a été condamné pár
le tribunal de Robespierre , non pour émigration , mais pour
Conspiration de prisons . Le projet du comite est adopté .
Mailh , organe des comités de salut public , sûreté générale
et législation , fait un rapport sur les sociétés populaires . Il
'dit que lë royalisme et le terrorisme sont les causes de tous
les maux actuels de la patrie, et qu'en diffétant de nom , ils se
( 943 )
ressemblent par les moyens , par les effets et par les résultats
le despotisme d'un seut . Il leur demande , si c'est le rétablissement
des dîmes , des gabelles , du clergé , l'anéantissement des
assignats , la banqueroute , le pillage , l'incendie et l'assassinat
qu'ils veulent , et si c'est ainsi qu'ils se proclament les amis
de l'humanité ; mais , ajoute l'orateur , vos voeux parricides
ne se réaliseront pas . Les défenseurs de la patrie , ceux qui
ont vaincu la ligue des rois , ne baisseront point devant un
homme leurs fronts couverts de lauriers .
Mailh propose , et la Convention décrete que toutes assóciations
connues sous le nom de clubs ou sociétés populaires
sont dissoutes , que les salles de leurs séances seront fermées ,
et les clefs , registres et papiers , déposés aux greffes des maisons
communes .
J
Berlier , Eschasseriaux , Delville , présentent des projets
d'adresse au peuple . Celle de Berlier óbtient la préférence . La
Voici :
OF CO
Français , après de longs orages , vous allez fixer vos
destinées en prononçant sur votre constitution. Depuis longtems
la patrie appellait à grands cris un gouvernement libre ,
qui trouvât dans la sagesse des principes la garantie de sa
durée ..
" Vos mandataires ont-ils atteint ce but ? Ils le croient ;
ils en ont eu fortement le desir . Citoyens , qui aimez l'ordre
et la tranquillité , acceptez en le gage ; il est dans le gouvernement
qui vous est offert ; lui seul peut , en nous donnant
la paix , ramener par degré l'abondance et le bonheur.
" Français , citoyens de toutes les professions , de toutes
les opinions , ralliez -vous pour l'intérêt de la patrie ; sur-tout
De portez pas des pas rétrogades vers le point du départ.
Des siècles se sont écoulés depuis six ans et si le peuple
français est las de révolution , il ne l'est pas de liberté : vous
souffrez , il est vrai ; mais ce n'est pas en faisant des révolutions
nouvelles , c'est en finissant celle qui est commencée que vous
trouverez le terme de vos maux.
•
" Non . vous n'impurerez point à la République , qui jusqu'à
ce jour ne fut pas organisée , des malheurs qui ne sauraient te
reproduire sous un gouvernement libre sans licence , et ført
sans despotisme.
" Peuple souverain , écoute la voix de tes mandataires ; le
projet de pacte social qu'ils t'offrent leur fut dicté par le desir
de ton bonheur , c'est à toi d'y attacher ton sort ; consulte
ton intérêt et ta gloire , et la patrie est sauvée . ,,
ww
La Convention nationale , après avoir entendu la lecture de
cette adresse , décrete qu'elle sera imprimée , envoyée auk
départemens , aux armées et aux assemblées primaires , avec
le projet de constitution .
ر
( 244 )
PARIS . Nonidig Fructidor , l'an 3. de la République.
La révolution française , cette crise prodigieuse parmi
celles qui , à différentes époques , ont operé de grands
changemens dans la société humaine , approche enfin
de son but politique et moral ; le grand point, est de
Fy fixer ; car tout le succès consiste à ce que ce but
de tant de sacrifices , de malheurs et d'anxiétés , en
puisse être aussi le terme heureux et paisible .
L'impulsion immense souvent aveugle , qui devait
conduire la révolution au centre indiqué par la philo
sophie et la raison , l'en avait tellement écartée , que
c'est aujourd'hui , par une force réactive , qu'elle y
est ramenée , mais non pas sans obstacles et sans résistance.
Aussi l'histoire impartiale saisira nieux que
nous le degré d'estime due à la représentation nationale
depuis la révolution du 9 thermidor : elle aura à
développer comment la Convention républicaine , privée
de la confiance générale , accablée la- fois de ses prospres
erreurs et des torts du peuple , placée entre l'èxaltation
de la démagogie encore puissante , le machiave
slisme très actif des suppôts de la royauté , le débordément
des vengeances individuelles et de tous les préjugés
antiques , a su néanmoins par sa prudence et
T'ascendant des lumieres et des principes , conduire
enfin au port le vaisseau national , malgré tant d'écueils ,
et au milieu d'orages toujours renaissans .
9% 2.0
Cependant , il ne suffisait pas d'avoir organisé la constitution
republicaine , de compter même sur l'acceptation
du peuple ; il s'agissait de faire aller la machine ;
il importait sur- tout que ceux à qui allait être confiée
la direction du nouvel ordre social , ne fussent
point exposés au milieu des influences et des agitations
ultérieures à être saisis de cet esprit d'innovation déja
si naturel à l'homme , et qui a fait naître l'idee fort
sage de ne renouveller que partiellement les membres
du corps législatif et de toutes les administrations .
Pour prévenir un pareil danger dont les suites seraient
si funestes , la commission des onze a pensé qu'il était
indispensable d'appliquer à la Convention nationale le
mode constitutionnel de ne renouveller que partiellement
le corps législatif. Alors se sont présentées plu(
245 )
sieurs questions infiniment délicates , et que les circonstances
rendaient sur- tout plus difficiles à résoudre .
La Convention pouvait- elle , en cessant d'exercer le
pouvoir constitutif, conserver d'autres facultés que celle
d'être individuelleruent rééligible à la législature qui
doit lui succéder ? Les principes rigoureux paraissent
rejetter toute disposition anticipée ; mais la raison , la
nature des choses , l'intérêt suprême du salut public ,
indiquent évidemment que c'eût été compromettre le
sort de la constitution , et s'exposer à tous les malheurs
d'une nouvelle révolution , que de ne pas reporter dans
la législature la plus grande partie de ceux qui ont orga-"
nisé les lois constitutionnelles . La commission des onze ,
convaincue de la nécessité de cette mesure légitimée par
les considérations les plus puissantes et les plus faciles à
sentir , n'a point balancé pour en faire la proposition.
Mais par qui serait faite la réduction du tiers qui doit
faire place aux députés choisis par les corps électoraux ,
pour venir siéger à la législature avec les deux tiers restans
des membres de l'Assemblée conventionnelle ?
Etait- il prudent d'attribuer cette réduction aux assemblées
électorales ? Etait il moins dangereux que la
Convention retint , cette faculté , et s'occupât de la
réduction proposée ? La crainte de faire naître des dissentions
et des déchiremens funestes si les corps électo
aux étaient appellés à discuter sur les représentans
qu'ils auraient à rejetter ou à conserver , et la difficulté
du résultat proportionnel à obtenir par ce mode ,
puisqu'il dépendrait d'une confiance trop incertaine
ont encore déterminé la commission des onze à proposer
que cette réduction fât un acte de la Convention
sur elle - même. Le jury de confiance qu'elle ,
a présenté comme moyen d'exécution , est devenu le
sujet des débats intéressans , où le grand objet de
l'intérêt national a été développé avec autant de sagesse
que de chaleur , et ce que l'intérêt individuel a pu
y faire entrer de motifs particuliers , n'offre du moins
rien que d'honorable , et s'est trouvé heureusement
d'accord avec les pincipes et la raison .
Enfin , la Convention , en adoptant la premiere partie
du projet qui conserve deux tiers de ses membres pour
faire partie de la législature , a cru devoir s'en rapporter
sur le choix aux assemblées électorales, et cette décision,
lors même qu'elle ne serait pas sans quelques inconvéniens
, en présente selon nous de beaucoup moins
( 246 )
graves que ceux qui auraient pu naître de la composition
du corps législatif dérivant de deux sources
différentes. Nous donnerons dans le prochain numéro
quelques développemens à cette réflexion .
Les numéros gagnans de la loterie nationale tireront entre
eux les lots du 12 fruetidor .
On mande de Bordeaux que les marchandises commencent
à baisser dans cette commune. Les vins ont diminué de
3000 liv . par tonneaux : ils ne valent plus que 6000 liv. au
lieu de 9000. ( Le tonneau est de quatre barriques ou poin-
Cons du pays . ) Le blé est diminué de 300 liv . par quintal .
On espere que le reste suivra cette proportion.
On a saisi du côté de Roternen , département des Côtesdu
Nord , treize chefs de chouans qui y délibéraient dans
une maison de campagne. Nos troupes en ont fait à l'instant
justice. Il y avait avec eux une soeur de Bois Hardy.
De Nantes , le 1er . fructidor . On est toujours ici tourmenté
par les chouans . Ils attaquent , par terre et sur la riviere de
Barbit , les marshands qui apportent les denrées et les provisions.
Cette circonstance malheureuse fait que souvent ici
on manque des choses les plus utiles : il y a quelques jours
on eut un bateau pillé et un autre brûlé.
On s'occupe avec activité des moyens de terminer enfin
cette guerre. Déja une partie de l'armée du Nord est entrée
dans la Vendée . Le général Canclaux jouit de toute la confiance
publique , et l'on a lieu d'espérer que n'étant plus
arrêtées de toutes parts par des gens qui voulaient perpétuer
cette guerre affreuse , nous verrons les phalanges républicaines
suivies de la victoire qui les a par- tout accompagnées .
On avait répandu avee affectation la nouvelle d'un débarquement
effectué par les Anglais entre Saint- Gilles et la Barredu-
Morn cette expédition se borne à la mise à terre de
quelques munitions et de quelques émigrés , qui peut - être
ignoraient le sort de ceux de Quiberon .
Voici une proclamation rendue par le général Canclaux :
Les bataillons qui sont revenus de l'expédition de Quiberon
ont apporté à Nantes un grand nombre de faux assignats
, dont les émigrés étaient porteurs . Pour arrêter dans
sa source un mal qui pourrait porter la plus grande atteinte
à la circulation des véritables assignats , le général en chef
de l'armée de l'Ouest , instruit qu'il circule dans la commune
de Nautes des assignats faux , apportés de Quiberon ,
ordonne à tous militaires de cette garnison , qui ont des
( 247 )
assignats , de quelque valeur qu'ils soieut , de les porter chez
le commandant de la place , où , après vérification , ils seront
timbrés du cachet ( en noir ) du général en chef de l'armée.
Tout assignat qui n'aurait pas cette marque , ne pourra être
produit par eux , ni accepte jusqu'à nouvel ordre. Cette vérification
commencera dès ce matin , depuis dix heures jusqu'à
deux , et aura lieu les jours suivans à la même heure. »
Signé , CANCLAUX.
Laval , 2 fructidor . Les routes sont plus que jamais infestées
de brigands . On ne ppeeuutt ssoorrttiirr àà uunn quart de
lieue sans tomber entre leurs mains et sous leurs coups .
Depuis cinq nuits ils viennent faire le coup de fusil avec nos
avant postes .
Le 28 thermidor , il nous est arrivé trois chefs de chouans
pris dans les environs de Mayenne ; l'un est Piquembeure ;
l'autre Coeur- de - Lion , le troisieme est un capucin. Ces
trois hommes sont fameux par les crimes dont ils se sout
couverts et tout le monde attend impatiemment leur jugement.
Notice extraite d'un papier anglais , intitulé : l'Oracle du
24 juillet 1795.
Le général Pichegru est né à Poligny , dans la province
de Franche- Comté ; son pere était un fermier aisé .
A
Sa taille est d'environ 5 pieds 5 pouces ; sa barbe et ses
sourcils sont noirs et épais ; ses yeux de la même couleur ;
son nez gros , sa bouche grande , ses dents assez belles et
son front petit ; sa physionomie mâle et caractérisée exprime
ce penser profond qui , en cherchant à découvrir le secret
des autres cache entierement le sien .
Ayant reçu une très -bonne éducation , il songea d'abord à
entrer dans les ordres , et fut reçu chez les Minimes ; mais
son caractere actif et laborienx ne se trouvant pas d'accord
avec ce nouveau genre de vie , il entra dans le militaire .
Il avait ( en 1783 ) à -peu-près 27 ans , quand il alla d
Strasbourg et s'enrôla dans le régiment de Metz , artillerie ,
alors dans cette ville . Ce fut là qu'il développa une facilité
inouie à acquérir les connaissances de son état , et qu'il l'apprit
à fond en peu de tems .
En 1785 ou 1786 il fut dangereusement blessé à la main
droite en faisant l'exercice ; son pouce fut disloqué , et sa
main presqu'entierement partagée ; comme la blessure fut jugés
( 248 )
incurable , on s'adressa au ministre pour lui obtenir la pension
ordinaire de simple cadounier ; on la refusa , vu le peu de
tems qu'il était dans le service . Mais le major du régiment ,
témoin de la bonne conduite de Pichegan , et voyant qu'il
pourrait être utile à son corps , lui fit obtenir le grade de
sergent.
Dès que sa blessure fut fermée , il se remit à l'étude des
belles -lettres ; il composa même , dit- on , quelques vers passables
, et fut bientôt après placé dans le bureau de l'état major
du régiment , dont il devint le chef en 1792 .
Dans la même année il quitta l'artillerie , afin d'instruire
un bataillon de gardes nationales , qu'il commanda avec distinction
; ce qui lui fit une grande réputation .
Il entra ensuite dans l'état- major de l'armée de Custines :
les services qu'il rendit dans cette nouvelle place , découvrirent
alors son génie militaire , qu'il n'avait pas eu occasion de
déployer plutôt.
Les victoires nombreuses de ce général doivent être attribuées
à son intelligence et à sou exactitude rigoureuse à
exécuter les ordres qui lui sout confiés , tant qu'à ses talens
militaires , comme commandant en chef ; car on n'ignore pas
que les plaus de campagne lui sont envoyés par le comité
militaire , qui est composé de quelques anciens officiers du
premier mérite , et dont les noms sont cependant peu connus .
On couvient généralement que Pichegru possede un coarage
à toute épreuve , une activité infatigable , et que dans
la chaleur du combat , son sang-froid ue le quitte jamais .
C'est un homme de la plus graude humanité , et qui en 2
donué de fréquentes preuves . Ses succès ne l'ont rendu ni
fier , ni orgueilleux ; jamais ses proclamations n'ont été remplies
de ces phrases insolentes , ni ses récits de ces fanfaronnades
ridicules qu'ont tant de fois répétés ses predécesseurs , et
qui n'ont servi qu'à insulter et à irriter les généraux et les
armées qu'ils avaient à combattre .
ERRATA. Dans le dernier numéro , page 212 , ligue 9 da
´second alinéa , au lieu de les divers genres , lisez des divergences .
Page 213 , ligne 9 , lisez oppose au lieu d'expose .
Page 214 , ligne 14 , au lieu de pourrait lisez paraît.
( No.:09
)
Yer. 135.
MERCURE FRANÇAIS
QUINTIDI 15 FRUCTIDOR , l'an troisieme de la République.
( Mardi ier . Septembre 1795 , vieux style . )
1
POÉSI E.
4
LA JUSTICE DU PEUPLE.
Vers composés à Lyon pour arrêter les vengeances
du Peuple.
EL
Sur l'air du Réveil du Peuple.
H quoi toujours de crime en crimes
Veut-on égarer les Français ?
Verrons- nous toujours des victimes
Souiller jusques à nos succès ?
Vous dont les haines implacables
Répandent le sang des humains ,
Même en frappant de grands coupables ,
Vous n'êtes que des assassins . O
Où donc des lois est la puissance ?
Et de quel droit punissez-vous ?
Aux scélérats , point de clémence ;
Mais sont-ils livrés à vos coups ?
Pourquoi prévenir leur supplice ?
Qui vous établit leurs bourreanx ?
Le meurtre est- il une justice ,
Et les prisons des échafauds ?
Effacez des scenes horribles ,
Des fastes de l'humanité ;
Plus que jamais soyez terribles ,
Mais soyez-le avec dignité.
Tome XVII.
R
1
•
( 250 )
1
Massacrer l'homme sans défense ! ...
Du crime servir les fureurs !....
O dieux quelle atroce vengeance
Que celle des septembriseurs !
E: quand ainsi des terroristes
Vous abattez l'affreux pouvoir
Voyez , voyez les royalistes
Lever un front brillant d'espoir.
De leurs complots et de leur nombre
Oscz-vous braver les hasards ?
Et parmi vous , glissés dans l'ombre ,
Ne craignez vous pas leurs poignards ?
Voulez- vous sauver la patrie
Ralliez -vous à son sénat ?
Loin pour jamais la tyrannie
Le pillage et l'assassinat
Battus des flots et de l'orage
Tous menacés du même sort ,
Sauvons le vaisseau du naufrage ,
Nous nous embrasserous au port.
vi villaod
1
Ma
CHARAD E. Sup
A premiere est sans C un mot vide de sens ;
-Elle est avec un C au bord de la riviere :
De ma seconde , ami , les jeux sont innocens ,
Et le berger y joue auprès de sa chaumiere .
La couleur de mon tout vient quelquefois ternir
Le teint vermeil et frais d'une jeune bergere ;
Mais il est des moyens qui le font revenir ,
Et nul ne le sait mieux que l'eufant de Cythere.
a
i.
( 251 )
HISTOIRE ET LEGISLATION.
DES ASSASSINATS ET DES VOLS POLITIQUES ou des proscriptions
et des confiscations ; par GUILLAUME - THOMAS RAYNAL.
In- So . de 96 pages . Il se vend 6 liv . brocké , et 7 liv . 10 sous ,
franc de port par la poste. A Paris , chez F. BUISSON ,
libraire , rue Hautefeuille , nº . 20 .
ONN doit compter G. T. Raynal au nombre des écrivaias
dont les ouvrages ont eu , par leurs principes et
leur succès , quelqu'influence sur la révolution française
. Les tableaux éloquens , les sorties vigoureuses
dont est remplie son histoire philosophique , et contre les
abus du pouvoir des rois , et contre le despotisme de
leurs ministres , et contre les plaies sanglantes causées à
l'espece humaine par le fanatisme et la superstition attisés
de la main des prêtres , semblaient promettre à la
raison et à la liberté un guide sûr et un défenseur armé
de toute la puissance du talent et du courage . Cependant
on se rappelle la lettre que publia Raynal sur la
fin de la session de l'Assemblée constituante. L'énergique
ennemi du régime arbitraire et des calamités sacerdotales
, ne fut plus que l'humble partisan de l'autorité
absolue des rois , et des privileges de la noblesse
et du clergé.
C'est également sur la fin des travaux de la Convention
que Raynal , revenant encore , suivant ses expressions
, comme une ombre de lui-même , nous donne ses pensées
sur les assassinats et les vols politiques , et se ressaisit
de ses pinceaux pour peindre les effets des proscriptions
et des confiscations . S'il y a de la prudence, dans cette
conduite circonspecte et mesurée , les amis francs et
moins timides de la liberte auraient desiré qu'il n'eûtpas
attendu pour prendre la plume , que nos malheurs
passés rendissent pour ainsi dire ses conseils inutiles.
Gourmander un peuple ou ses législateurs sur la fausse
route qu ils ont tenue , s'indigner même des forfaits que
quelques scélérats ont commis , et que beaucoup d'hommes
faibles ont souffert , est un art facile et peu dangeil
suffit d'un sentiment vif et profond et d'un
grand talent pour l'exprimer ; mais tracer dès l'origine
reux ';
R 2
( (252 ))
d'une révolution le plan que l'on devait suivre pour la
rendre utile , prévoir les erreurs et indiquer les moyens
de s'en garantir ; se jetter au milieu des passions et des
crimes pour en arrêter la funeste explosion , faire tonner
la voix de l'humanité , de la raison et de la justice au
moment où elles sont méconnues : voilà le devoir du
citoyen , et la véritable gloire du philosophe . Ce n'est
pas seulement du talent qu'il faut dans de pareilles
conjonctures , c'est un grand courage et un dévouement
héroïque à la patrie . Quelques personnes l'ont eu dans
la révolution , et elles ont péri ; mais du moins la gloire
est sur leur tombe , et la postérité les recueille pour,
les montrer aux siecles à venir. Quant à ceux qui voyant
le vaisseau prêt à se briser contre les écueils , n'ont pas
dit un mot de salut au pilote imprudent ou inhabile ,
il semble qu'il leur appartient moins de peindre les
horreurs de la tempête , et d'accuser les navigateurs
qu'ils n'ont pas daigné avertir du danger.
Quoi qu'il en soit de cette remarque générale , dont
l'application est commune à cette multitude d'écrivains
qui ne savent aujourd'hui retrouver leur indignation
que lorsque tout le monde a calmé la sienne , nous
venons à l'examen du nouvel écrit de G. T. Raynal.'
Qu'il soit véritablement de cet auteur , ou qu'une plume
étrangere ait emprunté son nom , ce n'est pas là ce qui
doit nous occuper. Ces soupçons et ces doutes sur la
paternité de leurs ouvrages out été fréquemment élevés
à l'égard des écrivains les plus célebres . La médiocrité
ou l'envie croit souvent se consoler et souvent avoir
refuté un ouvrage en contestant à son auteur le mérite
ou le tort de l'avoir fait . De toutes les manieres de dis- "
cuter , si c'est la plus facile , ce n'est sûrement pas la"
meilleure , et en cela nous sommes parfaitement de
l'avis de l'éditeur dans son avant- propos. Quand il
s'agit , dit- il , d'un écrit , la premiere et peut- être la seule
question est de savoir s'il est utile , et non s'il est de
tel homme ; il faut examiner ce qu'il peut faire , avant
de chercher qui l'a fait. C'est donc pour nous conformer
aux principes de l'éditeur que nous allons considérer
cet écrit sous le rapport de son utilité et de son
influence.
Pour mettre quelqu'ordre dans cette analyse , nous
tracerons d'abord rapidement ce que l'auteur dit sur'
ce qu'il appelle des assassinats et des vols politiques ,
c'est-à- dire des proscriptions et des confiscations . Nous
I
( 2531 )
ferons ensuite remarquer l'a - propos de Fouvrage et l'intention
de l'auteur. Nous terminerons par quelques réflexions
sur les conséquences et l'application de ses principes.
སྙ 、་
L'auteur commence par faire l'histoire abrégée et raisonnée
des crimes. Les premieres pages de cette histoire
, qu'il n'a le secret d'abréger que parce qu'il la
généralise , datent d'une époque un peu reculée , car
il la fait remonter avant même l'institution de la société
civile. Voici la généalogie et la chronologie qu'il en
donne. Les premiers crimes qui désolerent les sociétés
humaines furent incontestablement les crimes héroïques ,
ceux de la guerre ; ces assassinats qu'on appelle combats
et victoires , et ces vols qui se nomment conquêtes. Après
la civilisation , les combats que se livrerent entre eux ,
dans chaque société , ceux qui étaient les plus forts , et
ceux qui voulaient le devenir , formerent bientôt la
grande branche des crimes politiques , laquelle sort des
crimes héroïques , comme de son véritable tronc, A côté
des plus forts s'éleverent insensiblement les plus fins ;
ce furent les prêtres qui , soit en combattant les autres ,
soit en se combattant entre eux , produisirent avec
abondance tous les crimes théologiques . Les plus forts
et les plus fins s'étant réunis pour gouverner , inven
terent les crimes juridiques.
Il faut avouer que lorsqu'on veut, considérer l'histoire
du genre humain sous ce point de vue , elle doit
être fort abrégée ; mais est-ce là , philosophiquement par
lant , une histoire raisonnée ? Si le crime est aussi ancien
sur la terre , la vertu a la même antiquité , leur origine
est commune ; tous les deux ont leur source dans
la nature de l'homme , et peut- être , n'en déplaise à l'esprit
de boutade et de misantropie de l'auteur , la vertu
est-elle la soeur aînée . Puisque l'auteur a cité Caën
pourquoi ne s'est - il pas souvenu d'Abel ? Ge contraste
qui s'offrait à lui si naturellement l'eût un peu censolé
de ses sombres tableaux ; il aurait vu dans cette his
toire , qui n'est peut- être qu'une ingénieuse allégorie
de l'antiquité , celle même de l'espece humaine , où le
bien est à côté du mal , où la vertu , non moins essentielle
au coeur humain , est une heureuse compensation:
du vice qui le déshonore. Mais cette philosophie vraie
n'entrait point dans le plan de G. T. Raynal ; il avait
bescin de ne peindre que les crimes .
Il explique ce que c'est que les proscriptions et les
4
1
R 3
( 254 )
confiscations , ce que tout le monde savait depuis longtems
; il en marque l'origine , l'étendue , la différence
des anciennes avec les modernes , les prétextes qui ont
toujours été le bien public apparent et les motifs réels
qui sont l'amour du pouvoir et la soif de dominer ses
égaux. Il examine si les proscriptions et confiscations
peuvent jamais être utiles dans quelque société humaine ,
et si ces crimes ne sont pas funestes à ceux - mêmes qui
les ordonnent pour leur unique avantage . S'environnant
à chaque pas des exemples de l'histoire , il fait la
longue énumération de tous les fameux proscripteurs ,
depuis Sylla et Marius jusqu'à Robespierre et Coilet . Il
parcourt les révolutions sanglantes des républiques de
la Grece et de Rome , de l'histoire de France , d'Angleterre
, d'Italie , etc. On doit admirer la patience et le
courage qu'a eu l'auteur de recueillir tous les titres historiques
des passions et de la perversité humaine . Les
conséquences qu'il en tire ne sont pas neuves , il est
vrai , mais elles sont incontestables . Qui ne sait ,
effet, que dans le coeur humain l'injustice produit l'injustice
, la haine est payée par la haine , et la violence
par la violence ? L'ouvrage entier n'est qu'une amplification
de cette idée sous cent formes différentes , même
celle de l'apologue. Vous trouverez , dit- il , que l'histoire
des proscriptions et des confiscations se réduit à
la fable des deux taureaux qui se battirent pour une
genisse le vaincu , malheureux et proscrit , se retire
au fond d'un pâturage désert. Là , dans sa fureur , il
ranime , il augmente ses forces ; il s'exerce sans relâche
à de nouveaux combats , tandis que son rival vainqueur
s'amolit et s'endort. Tout- à- coup le proscrit survient ,
surprend son ennemi , l'attaque , le terrasse et le chasse
à son tour, en attendant qu'un troisieme le bannisse
lui- même , comme il a chassé le premier. Mutato nomine
de re fabula narratur. „
en
Cette image empruntée d'un des beaux tableaux des
Géorgiques , eût produit bien plus d'effet s'il eût rapporté
les vers de Virgile , et si pour la commodité de
ceux qui ne peuvent les lire dans la langue originale
il eût cité les vers de Delille . Cela eût répandu bien
plus de variété dans son ouvrage . On n'attend pas de
nous que nous donnions la moralité de la fable , ni que
nous traduisions le mutate nomine ; qui ne voit que le
taureau vaincu et proscrit , ce sont les émigrés qui doivent
revenir surprendre et terrasser les patriotes et les républi(
235 )
sains lorsqu'ils seront amolis et endormis . Mais ce qui tem
pere un peu ces sinistres présages , c'est que , pour completter
l'application de l'aliégorie , un troisieme taureau
viendra à son tour chasser les émigrés comme ceux- ci
ont chassé les républicains . On sent bien que ces com
bats de taureaux ne finiraient jamais , si une force supérieure
ne venait s'interposer , et cette force , on le devine
sans peine , c'est un roi . L'auteur ne le dit pas expressément
, mais quand on a lu son ouvrage , on voit
que c'est ce qu'il veut dire .
Ce que Raynal n'a laissé qu'entrevoir jusqu'à présent
sur le rappel des émigrés indistinctement , il le dit d une
maniere plus positive dans le paragraphe où il traite
de l'exil des proscrits et s'il est utile ou dangereux , et dans
le reste de son ouvrage qui est terminé par une belle
prosopopée adressée aux Français et à nos Législateurs
sur les devoirs de la justice et de l'humanité. Vous
voulez être puissans , leur dit- il , cessez donc d'être barbares
et de proscrire. Vous ne pouvez ressusciter les
morts , mais vous pouvez rappeller vos freres fugitifs : songez
toujours ( on ne peut trop vous le dire ) que chaque
ennemi qu'on se donne diminue nos forces , et chaque
ami qu'on acquiert les augmente . Voilà , voilà le moyen
d'obtenir la puissance !
" Vous voulez devenir riches : cessez donc de confisquer
et de ravir les biens de vos fretes ; rappellez leurs
véritables maitres ; dites - vous bien qu'on ne s'enrichit
jamais par le vol , et qu'on n'augmente à- la fois la fortuné
de létat et la sienne que par le travail et l'industrie
que dirige la bonne foi."
Vous voulez être libres : je ne veux point examiner
à présent quel gouvernement vous convient ou ne vous convient
pas vous n'êtes plus en état de m'entendre ; les erreurs
et les vérités , agitées par les passions , ont formé dans
vos esprits un cahos impénétrable à la lumiere ; mais je
puis vous dire ce qui convient à tous les gouvernemens
humains , ce qui en fait le vrai fondement et la solide
bâse , c'est la justice , c'est la vertu , ce sont les moeurs ;
et si vous poursuivez une république au milieu des vices
et des crimes , je vous déclare , au nom de tous les
peuples et de tous les siecles , que vous cherchez une
himere , en parcourant des abîmes. Commencez par
être justes , et vous deviendrez libres après . "
Maintenant que l'on connaît l'intention de l'auteur , le
but de l'ouvrage , et sur-tout son d-prepes , lorsque de
R 4
( 256 )
#
toutes parts les royalistes et les aristocrates s'agitent
pour ressusciter la royauté , et que d'ennemis qu'ils
étaient de la souveraineté du peuple , ils en déviennent
aujourd'hui les vils flatteurs , nous allons présenter quelques
réflexions sur les principes contenus dans cet écrit ,
sur ses conséquences et le genre d'utilité que l'auteur
a voulu s'en promettre.
Nous ne ferons pas remarquer le ton d'ironie et de
persifflage qui y regne . Beaucoup de personnes trouveront
peut-être que ce n'était pas celui qui convenait
dans un sujet et si grave et si triste . Mais l'auteur qui
n'est plus qu'éditeur dans l'avant-propos , prétend que
ce ton lui a paru n'être que le produit de l'amertume et du
dépit mêlés de ce mépris profond qu'inspire aux gens de
bien le spectacle des vices du coeur humain égaré. A la bonne
heure ; nous laissons le public et les gens de bien juges
de cette convenance .
Rien n'est plus facile que de se livrer à son goût pour
la déclamation , et de mettre à contribution les faits
historiques Mais il l'est moins de marquer avec justesse
les nuances , et de descendre d'un principe vrai en luimême
, à son application immédiate aux cas particuliers.
Tout ce que dit l'auteur sur les proscriptions, et les
confiscations en général , il n'est personne qui ayant lu
T'histoire , et même de celles qui ne l'ont pas lue , ne
soit profondément indigné de ces crimes de la politique,
ou plutôt de ces actes de vengeance et d'oppression si
communs dans les révolutions des états . Que Guillaume-
Thomas Raynal cite un seul républicain , un seul
patriote de 89 , qui n'ait eu horreur de ces excès de
tyrannie ; l'unique différence , c'est qu'ils'en ont parlé
plutôt que lui , et dans un tems où il y avait quelque
courage à le faire .
Il est bon de ne pas confondre les proscriptions
avec les confiscations , et sur-tout d'attacher une idée
exacte à ces deux mots . Il n'y a eu en France de proscriptions
proprement dites , que les mise hors de la loi ,
et ces meurtres juridiques ordonnés par les triumvirs
et exécutés par cet infâme tribunal quis étaient faits leurs
bourreaux à gages. Sur ce point , la Convention a
rempli tout ce que la justice indignée avait droit
d'attendre . Elle a fait punir les proscripteurs ; elle a
rappellé les proscrits , elle a fait restituer les biens des
condamnés .
"
Mais envelopper sous le nom de proscrits , tous les
( 237 )
émigrés , sans aucune distinction ni d'époque ni
motifs ; mettre sur la même ligne ceux qui n'ont fui
leur patrie que pour lui susciter des ennentis et se
joindre à eux , et ceux qui ne l'ont quittée que
lorsqu'ils ne pouvaient plus y vivre sans péril , et qui
n'ont jamais souillé leur coeur par aucun væeu impic ,
ni leurs mains par aucune entreprise hostile ; vouloir
les rappeller tous indistinctement et leur rendre les
avantages dont ils jouissaient dans un ordre social ,
contre lequel ils n'ont cessé de conspirer , c'est abuser
étrangement des mots et des principes .
.
Puisque l'auteur s'adresse si souvent aux esprits justes
et aux coeurs droits et sensibles , il n'a qu'à leur demander
s'ils ne trouvent aucune différence entre ces
deux especes d'individus . Ils répondront sans hésiter
que ceux- là ne sont dignes ni d'amnistie ni de clémence ,
qui , dès l'origine de la révolution , se sont ligués avec
le thrône pour s'opposer à toute espece de liberté ,
qui constamment attachés à leurs prérogatives et à leurs
priviléges , n'ont cessé d'agir pour leur intérêt personnel
contre l'intérêt national , qui , défenseurs très - actifs des
abus de l'ancien régime , se sont montrés les ennemis
de toutes réformes , et n'ont déserté volontairement
leur pays , que pour appeller sur lui toutes les horreurs
de la guerre , et la honte de l'esclavage , qui de
près comme de loin ont soufflé lincendie de la discorde
et allumé les torches du fanatisme , qui n'ont pas
même la ressource de pouvoir dire qu'ils n'ont combattu
que les factieux et les anarchistes , mais qui ont attaqué
la République entiere dans ses plus généreux défenseurs
, et qui à l'approche des hostilités , sommés par
une loi formelle de rentrer dans leur patrie , sous peine
d'être déclarés ses ennemis , se sont jugés eux- mêmes
en se chargeant du rôle infâme de rebelle . Autant ceux
qui , à des époques postérieures et dans des circonstances
excusables ont cherché à se soustraire à de véritables
proscriptions , méritent d'indulgence ( 1 ) , autant les autres
(1 ) C'est la distinction judicieuse qu'a faite Roederer , dans
l'écrit qu'il vient de publier , intitulé : Des Fugitifs Français
et des Emigrés. Il a prouvé , avec une grande force de
raisonnement , que les fugitifs , connus des 89 par leur patriotisme
et leur amour pour la liberté , étaient les seuls qui
avaient droit d'espérer une réintégration complete .
ན ན ཚན
( 258 )
nt encouru la juste peine qu'ils se sont appliquée .
Quelles considérations peuvent-ils invoquer ? Ont- ils
conservé le moindre intérêt pour leur patrie ? Se sontils
renfermés dans le rôle passif d'une sage et tranquille
expectative ? Nont- ils pas rompu les premiers le pacte
social , en se rangeant dans la classe de ses plus impla
cables adversaires ? Voilà ce que tout esprit juste , ce .
que tout cour droit , pénétré des vrais principes de
justice et de morale politique , ne balancera pas à
leur reprocher. Certainement il n'est aucun Français ,
même parmi ceux qui auraient desiré devoir prendre
une autre marche à la révolution , qui ne se souleve
à la seule idée que M. de Condé , et ceux qui ont
combattu à Quiberon , et tous ces rebelles acharnés à
la solde des puissances ennemies , doivent rentrer en
France , et y aporter avec la soif des vengeances et la
haine de la République , les tisons de la guerre civila
et le desir d'une nouvelle révolution . Il n'y a que des
' ennemis publics et des royalistes effrenés qui puissent
former un pareil væu.
Quant aux confiscations , si l'auteur et voulu traiter
ce sujet , non avec des phrases de rhéteur , mais en
philosophe profond et en ami de la justice , il aurait
distingué les confiscations qui sont la suite d'une com
damnation capitale . Celles- là peuvent paraître rigoureuses
et injustes , quoiqu'elles soient en usage dans
presque toutes les jurisprudences criminelles de l'Europe
; car celui qui paie son crime de sa tête , peut
être regardé comme ayant satisfait à la loi ; le lui faire
expier encore par la porte de ses biens , c'est punir ses
enfans ou ses héritiers d'un crime qu'ils n'ont pas
commis . Mais en est- il de même de ceux qui , renoncant
à leur patrie pour lui déclarer la guerre , se sont
mis dans le cas d'en être traités comme ennemis , et
dont les biens peuvent être considérés comme
indemnité des torts qu'ils lui ont causés? Le corps social
doit-il la garantie de la propriété à ceux qui , ne
possédant que sous la condition inhérente à la nature
d'un tel pacte , de ne pas nuire à la société dont ils
sont membres , ont fait servir leur propriété, à la destruction
du corps social ? Ceite question , en principe
de justice et de droit public , n'est pas aussi facile à
résoudre que l'a fait l'auteur de cet écrit .
une
Au reste , s'il fût remonté à l'origine du droit de confiscation
, et eût consulté les monumens historiques , il
(259 )
aurait vu que ce droit , qu'il qualifie de vol , et contre
lequel il s'éleve avec tant de véhémence , est un des
doux présens de la féodalité et des rois . Ge sont ces
respectables tyrans à donjon pour lesquels son humanité
se réveille , qui , dans les sieclès augustes , où ils
traitaient leurs vassaux en esclaves , ont imaginé de
grossir leur fisc des confiscations des biens de ceux
qu'ils faisaient condamner. C'était un des nobles attri
buts de leur justice ; et quand les rois dans la suite se
sont regardés comme les suzerains en chef et comme
les hauts -justiciers du territoire français , ils n'ont en
garde de ne pas adopter une jurisprudence si prof.
table et si juste . Si l'auteur eût su que les confiscations
avaient une source et si belle et si pure , peut-être aurait-
il pardonné aux effets en faveur d'une aussi glorieuse
cause.
Au moment où l'on achevait l'impression de cet ar
ticle , un journal a publié la lettre suivante :
Une feuille périodique m'apprend qu'il paraît ,
sous mon nom , une brochure intitulée : Des Assassinats
et des Vols politiques , ou des Proscriptions et des Confiscations.
La vérité seule m'oblige à déclarer que je n'ai
aucune part à la composition ou à la publication de
cet écrit.
" A Monthleri , le 10 fructidor.
" Signé , GUILLAUME- THOMAS RAYNAL. "
D'après ce désaveu , dont la liberté entiere de la
presse ne permet pas de suspecter la vérité , tout ce
que nous avons dit dans cette analyse ne doit subsister
que pour l'écrit en lui- même .
( Cet article est du cit . LE NOIR De La Roche. )
ANNONCE.
Du Gouvernement , des maurs et des conditions en France avænt
la révolution , avec le caractere des principaux personnager
du regne de Louis XVI ; par M. Senac de Meilhan , ancien
intendant de Valenciennes . In- 8° . A Hambourg , et se trouve
à Paris , chez les marchands de nouveautés . Prix , 15 liv. et
18 liv. 10 sous , frane de port.
( 260 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
rasie
11.20
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 17 août 1795 .
LA Suéde eule Danemarck , continuent de se tenir en garde
et en mesure , en cas de quelques tentatives hostiles de la
part de la Russie. Suivant des nouvelles de Copenhague , du
11 août , on attendait avec impatience , sur - tout, depuis l'entrée
de l'escadre russe dans la mer du Nord , quelle serait
la destination des forces navales suédoises et danoises . On
sait aujourd'hui qu'une escadre combinée de huit vaisseaux
de ligne et de quatre frégates des deux nations , va mettre à
la mer sons les ordres de l'amiral suédois Palmquist : elle
serait déja partie , si les vents n'y eussent mis obstacle .
Copenhague avait failli , quelques jours auparavant , devenir
ane seconde fois la proie des fiammes . Un domestique du
conseiller de justice Frisch , après avoir vole son maître
pendant son absence , imagina de mettre le feu au toît de la
maison , espérant qu'elle serait consumée , ainsi qu'une cassette
qu'il avait forcée . Heureusement la garde s'apperçut ,
vers les trois heures du matin , des progrès du feu , que
T'on eut
bientôt éteint. Le coupable , voyant que la cassette
dont la fracture pouvait déposer contre lui n'était point brulee
, alla la déposer à la poste , sous prétexte de la sauver
du feu. Le conseiller de retour de la campagne , où le bruit
de l'incendie de sa maison était parvenu , reconnut le vol ,
fit arrêter et interroger le domestique par la police . Le scċlérat
, convaincu du double crime , në tardera pas d'en porter
la peine .
Des lettres de Varsovie , des premiers jours du courant ,
font pressenir que les puissances co- partageantes , ou par
un reste de modération , ou faute de pouvoir s'accorder sur
la portion qui reviendrait à chacune d'elles , consentent à
Laisser subsister un ombre de royaume de Pologne . Voici
comment elles s'expriment :
L'on assure de nouveau que la Pologne n'est pas condamnée
à perdre toute son existence politique . On veut nous persuader
que
le roi reviendra à Varsovie , et que le ministre d'é(
261 )
tat de l'impératrice , M. le comte Bedsboradke , va atriver in
cessamment à Grodno , pour y ' consommer cette importante
affaire . Ceux qui mettent cette nouvelle en circulation s'aten
tachent à montrer un prélude de l'événement dans l'ordre
donné relativement à la levée du séquestre qui avait été mis
sur tous les domaines du roi .
}
·
9
a
La commission de liquidation , établie ici par les Russes ,
encore assigné , le 22 de ce mois , beaucoup de nos ci devant
officiers généraux et autres rendre
à qui elle veut
compte . De ce nombre sont les généraux Mokronowski ,
Zajonezck , Wielohonrski , Sierakowski , Javinski , Haumane ,
etc .; et les colonels Rotembourg , Sokolnicki ,, Wengerski ,
Dembowski etc.
De Francfort - sur- le -Mein , le 20 août.
"
2
eu でしょう
Un papier public , sous la date de Vienne du 1er août ,
porte l'article suivant :
66
Ex Le comte de Provence a notifié à notre cabinet la mort
du dauphin et son avènement áti trône . Mais l'empereur s'est ?
réservé de ne répondre à cette notification , que lorsque
d'autres cours se seront ouvertes à ce sujet. Cependant ,
l'ambassadeur de Russie , ainsi que celui d'Angleterre ont,
déclaré que leurs cours reconnaissent Monsieur comme
Louis XVII. La même feuille ajoute que le ministre prussien
Luchesini a présenté depuis quelques jours au premier ministre
d'état une note , par laquelle il sollicite l'ouverture des négo
ciations pour la paix avec la France , suivant l'esprit du conclusum
de la diete de l'Empire , du 3 juillet.
On voit par la réserve de l'empereur à répondre à cette notiheation
qu'il ne vent pas rendre la paix plus difficile à faire ,
avec lui qu'elle ne l'est deja et enceffet , elle l'est bien assez s
il à le plus à perdre dans cette guerre , et dans les arran .
gemens qui doivent la terminer l'argent . de la Grande - Bre
tagne ne le dédommage pas des hommes qu'il sacrifie , ni des,
Pays-Bas auxquels il faut qu'il renonce . Le résultat néces,
saire d'une pareille position est beaucoup d'incertitudes ,, et,
des démarches qui tantôt semblent tendre à la paix et tantôt
s'en éloigner. Cependant , toutes les conversations ne roulent,
ici que sur les conditions d'une paix générale , à laquelle
l'Angleterre sera bien forcée aussi d'accéder , faute de bras
pour continuer la guerre et tenir en activité ses manufactures
, source principale de sa richesse. En attendant que
cette cessation d'hostillités si nécessaire à toute l'Europe menacée
, sinon de famine , du moins de disette , quelques mouvemens
militaires ont toujours lieu de part et d'autre . Voisi
ce qu'on mande de Carlsruhe , en date du 99:7185
*
( 262 )
Ge main sont arrivés ici , sous le commandement du gé
néral - feld- maréchal lieutenant comte de Staray , trois régimens
hongrois ; trois de Bohême , deux de Silésie et deux bataillons
de grenadiers d'Autriche , ainsi que les deux regimens
de cavalerie Caxannagh , et cuirassiers , et archiduc Joseph ,
hussards . Toutes ces troupes sont campées à Muhlbourg , à
une demi liene d'ici . Elles se mettront eu marche demain de
grind matin pour se rendre à Rastadi , où elle se reposeront.
Leur destination ultérieure n'est pas connue .
A
On n'a pas en de nouvelles de la canonnade qu'on avait
entendu le 6 à Manheim .
Des avis de Heidelberg du 17 disent qquuee l'armée impériale
, n'ayant laissé qu'au detachement près de Schwetzingen
s'est rendue en partie dans le Bisga en partie sur le Rhin
au- dessous de Mayence , pour s'opposer au passage de co fleuve
que l'on craint que les Français ne tentent d'un instant à
l'autre .
Gs pouvemens sont postérieurs à la nouvelle suivante . Les
conjectures qui l'accompagnent ne paraissent pas trop foudées
, du moins la derniere .
S. mogle sa
6
5
A
Les plénipotentiaires' autrichiens pour l'échange des pri .
sonniers de guerre se sont établis à Rihem , gros bourg ,
chef lien d'un bailliage du canton de Bâle et à une liene de
cette ville . L'on‘a des raisons de croire qu'il s'est déja fait
quelques ouvertures pour des négociations de paix entre l'Auuiche
et la France , et qu'il leur sera donne suite dès que les
ministres de l'empereur seront en congrès pour la pacifica- >
tion de l'Empire . Il y a des gens qui prétendent savoir que >
l'empereur veut proposer la ville de Lausanne , au lieu de
celle de Bâle , pour la teque de ce congrès . D'autres , sur les
avis que représentent le barons de Hardemberg et les ministres.
de plusiears princes de l'Empires comme ayant de frequentes :
conferences avec M. Barthelemy : disent l'ouvrage de la pa- ,
cification de l'Empire si bien prépare et en si bon train , que
ce serait chose auée de de soofisommer à Bale , avant même ,
que les délibérations de la dicte de Ratisbonne sur la dépu
tation de l'Empiro fussent terminées . Ces derniers affirment ,
que l'on s'entende deja di baser daupaix future sur le status quo,
tel qYuu'il était avant laguerne.scrb .
ITALI E.
£3
Un corsaire français a enlevé la Spéronara sarde , qui servait
de courier maritime pour la cour de Turin et le reste
de l'Italie avec la Sardaigne . Ce bâtiment avait à bord une
( 263 )
grosse somme d'argent. La valise a été envoyée à Paris , et
la Spéronara a été conduite dans l'isle de Capraya .
On assure que le camp formé dans les plaines de Propano
a pour objet de s'opposer un passage d'un corps de troupes
françaises , qui sont attendues du Dauphiné ; d'autres peutsent
que ce corps est destiné , au contraire , à s'opposer au
passage du Var que les allies veulent tenter du côté de Nice.
Au reste , ce camp est de 4500 hommes de cavalerie , savoir
, les régimens de dragons du roi , de la reine , de Cl-,
biais , de Royal - Piemont , et de Savoie , avec quelques hulaps
et 1500 cavaliers napolitains.
Le 1er août les Autrichiens frent une fausse attaque contre
les Français qui se trouvaient environ 6000 à Borghetto ,
akn de favoriser ainsi le transport d'artillerie qui se fit pendant
ce tems là dans des postes avantageux . On assure que
le lendemain les trois généraux , de Vins , Colli et d'Argen-
' teau , devaient combiner leurs mouvemens pour une attaque
sérieuse par terre , tandis que quatre vaisseaux anglais seconderaient
par mer cette operation.
970
On mande ' d'Albe que le 1º , et le a de ce mois , on
entendu une vive canonnade du côté de la riviere , sans sa
voir quel en était l'objet. On a appris ensuite que le camp
établi dans les plaines de Saluces avait été levé` et que toute la cavalerie avait marché vers Cunenement
,
Ces dispositions
font prémmer qu'il y a eu quelqu'affaire , et que
je centre de l'ardiet française à fait quelque mouvements
offensif
Tour porte & croire que le ministere britannique ne s'entendait
en aucune manière avec le cabinet de Madrid , sur la
paix que celui vient de conclure avec la France . Les μapiers
de la trésorerie contiennenatt de grandes plaintes coutre,
la conduite que les puissances alliées de la Grande Bretagne
ont tgifte dails ( cente guerie ils rettent maintenant presque
sur la même ligne le roi d'Espagne et le roi de Prusses aro
*
D 91
2
Les ministres paraissent fort occupés de leur situation : il se
tient de fréqueas conseils . Des couriers ont été dépêchés à
Vienne et a Pétersbourg ; celui qui est parti pour Vienue
τες l'ordre de faire la plus grande dilig diligence
.
Quelques feuilles de l'opposition parlent de l'effet que doit
avoir la paix avec l'Espagne . Ils en augerent que cet évènezent
doit bientôt amener la paix de la Grande - Bretagne ; il
7en a même qui prétendent savoir qu'il y a déja ici des
commissaires français chargés de traiter avec le cabinet de
Saint -James ; elles annoncent que dans le conseil les avis ent
(, 264 . ) .
été partagés que M. Pitt , lord Grenville et M. Dundas spnt
pour la paix , tandis que le duc de Portland , le comte Spencer
et M. Windham opinent pour la guerre . Quoi qu'il en soit
de ces bruits , au moins très - hasardés , toujours est - il vrai
qp'on parle beaucoup de paix , et que ces bruits font monter
les fonds .
ANGLETERRE. De Londres , le 16 août 1795.
Le parlement d'Irlande qui avait été prorogé jusqu'au 11
de ce mois , l'a été de nouveau jusqu'au 13 octobre.
+
Un ordre du conseil a permis l'exportation des serges pour
la Hollande , par la voie de Hambourg. Un autre ordre défend
eelle dn salpêtre.
Le corps d'armée destiné pour les Indes occidentales , dont
le, énéral Abercromby a le commandement , s'embarque
maintenant à Southampton .
Les ministres allarmes voient par- tout des complots . Il Y
a pen de jours , trois messagers se présenterent chez un trèshonnête
marchand de cette ville , sous prétexte qu'il avait
fait ou fait faire dix mille piques . Celui , ci se récria contre
une maniere d'agir si arbitraire et si vexatoire. On lui rés ,
pondit qu'il était certain qu'il avait fait les manches au moins ,
pour dix mille piques ; que s'il ne voulait pas déclarer les
forgeron qui avait fait les têtes , celui ci le déclarerait de son,
côté ; qu'enfin , c'était par une suite de la connaissance qu'on
avait de son bon caractere qu'on n'avait envoyé chez lui que i
trois messagers et un chef- archer , qu'autrement on l'eût fait
saisir par une troupe de cavalerie . Après que cet alarmant
préambule eut cessé , le marchand fit voir que ce qu'on
prennait pour des manches de piques , n'était autre chose qu'une
certaine quantité de perches de tentes que lui et son frere
avaient faites pour le service public.
་་་
Il y a encore eu de nouvelles émeutes en divers lieux
causées par la cherté des subsistances . Une entr'autres
嘴
7
éclaté à Carnarvan . Elle a été si forte que la force militaire
déployée contr'elle , a été entierement insuffisante. Le duo.
de Portland ayant reçu nouvelle , on a dépêché un
exprès au duc d Yorck à Oatlands , pour qu'il se rendît à un
conseil qui s'est tenu dans Downing Street. Plusieurs régimens
de cavalerie out reçu l'ordre de partir immediatement
pour se rendre à Carnarvan. A Barrow et dans les villages
voisins de Sileby et de Quern , il y a eu également des mou :
Vemens très vifs . Le bled avait sotalement manqué pendanty
plusieurs jours , dBarrow , et les boulangers n'avaient pass
cuit L
n
( 265 )
A On lit dans la gazette de Bombay des détails très - inté
ressaus sur les découvertes faites par le capitaine Hayes , dans
son dernier voyage à la nouvelle Guinée. Parti du Bengale
pour une expédition secrette , il s'avança jusqu'à la terre de
Van-Diemen , que le capitaine Cook avait cru séparée de la
nouvelle Galle méridionnale . Il trouva effectivement que cette
conjecture était fondée . Les détroits auxquels il a donné le
nom du Cap Pruen , ont huit lieues de large , et sont navigables
pour des vaisseaux de toutes grandeurs . Ce pays est
couvert de grands arbres , dont un ressemble au chêne anglais .
Le capitaine Hayes s'avança de la vers la nouvelle Zélande ,
d'où il fit voile vers le nord de la nouvelle Guinée . Y ayant
remarqué des musca les de l'espece ronde , il y débarqua
aussi- tô quelques hommes de son équipage pour former un
petit établissement , et encourager les naturels du pays , soit
à la culture de cette plante , soit à la récolte de l'écorce
d'un arbre qui a un goût très aromatique , et que l'on présume
être la même écorce que celle dont parle le capitaine Thomas
Forese , dans son voyage à la nouvelle Guinée , et qu'il appelle
Masol.
Il paraît depuis peu un prospectus , qui annonce qu'un
prêtre français , résident à Oxfort , doit y former , en faveur
des enfans sourds et muets , un établissement dans le genre
de celui de l'abbé de l'Epée et de l'abbé Sicard .
T
Avant-hier les vaisseaux suivans , composant la flottee russe ,
sous le commandement du vice amiral C. Honniskof , ont
mouillé dans les Dunes : Permete- Ahstaler , 74 ; Eleanter , 74 %
Perer , 84 ; Retvezan , 65 ; . 82 , 65 ; Pinser , 66 ; Jouanno, 66;
Michonnor , 65 ; Parmene , Groff- Orlff , 66 ; Philip , 66 ; Vénus ,
44; Riga , 44 ; Archipelago , 44 ; Cronstad , 44 ; Michael , 44 .
Cette flotte , dit le rédacteur de ce papier , paraît être ve
nue de la Baltique , plutôt dans l'intention de nous faire une
visite de cérémonie , que de nous rendre aucun service important
; car si l'on considere la supériorité de notre marine
sur celle de nos ennemis , il est difficile de deviner à quel
genre de service ces bons alliés pourraient être utilement
employés,
Tome XVII.
( 266 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONAL E.
PRESIDENCE DE CHENIER.
Séance du septidi , Fructidor. 1
Boisty d'Anglas fait un discours sur la situation actuelle
de l'Europe , la politique des puissances et l'embarras du
cabinet britannique , au milieu de nos succès militaires ét
diplomatiques . Si le ministre Pitt a fait de grands mɔux à la
France , il n'a pas porté des coups moins finestes à la prospérité
de sa patrie ; et comme il n'ignore pas que celui qui
à fait la guerre rarement conclut la paxi redouble d'ef
forts mais ils seión: vaius . En së tenant dans là neutralité ,
il eût porté au comble les avantages commerciaux de son
pays , et maintenant les Pays - Bas , la Hollande et l'Espagne
lui echappent ...
Boissy examine ensuite queis effe's doit avoir la triple alliance
de l'Angleterre , de la Russie et de l'Autriche : il
pense que cette alliance n'est pas redoutable , parce qu'elle
est monstrueuse ; que l'impératrice de Russie , dont les projes
ambitieux, la politique raffinée et le caractere aldier sont
assez connus , ne peut servir de bonne - foi ses alliés . Caiherine
, dit-il , ambitionne tous les genres de gloire : long-tems
elle étonna l'Europe , en réunissant sur le trône la philoso
phie et la foree , elle puisa dans Montesquieu les prioripes
de son code ; elle convertit en lois plusieurs pages de Dalembert.
Catherine ne peut avoir une véritable haine conte
une nation qui a mis en pratique cette philosophie qu'elle a
cherie elle- même . La France peut lui offrir un appui contre
les puissances d'Alemagne , qui , en se réunissant contr'eile ,
pourraient la repousser dans les glaces du Nord. Elle a voulu
jouer le rôle de conquérant ; toujours elle a excité par des
promesses les membres de la coalition . Constante dans le
projet d'abaisser le croissant , elle veut avoir le champ libre.
pour marcher à Constantinople , et fait tous ses efforts pour
reculer une pacification qu'elle redoute .
桌
Son disconrs sera imprimé et envoyé aux départemens et
aux armées .
Le citoyen Millin fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage
intitulé : Elémens d'histoire naturelle . Le président lui répond
que c'est avec sensibilité qu'elle accueille en lui un martyr
de la tyrannis décemvirale , sur- tout lorsqu'elle y reconnait
(( 267 )
an des rédacteurs de la Chronique de Paris , un digne coopérateur
de l'ingénieux Rabaut Saint Etienne et du profond
Condorcet , qui a préparé les voies à la révolution . Mention
honorable de l'offre , et renvoi au comité d'instruction publique.
Sur le rapport de Portier ( de l'Oise ) , la Convention décrets
que le concours pour les livres elementaires , qui devait être
fermé au mois de nivôse dernier , l'est aujourd'hui , 7 fructidor
, et qu'il en sera sur-le champ onvert un nouveau.
Delclei , organe du comité de législation , fait décréter
qu'en toutes matieres civiles dont la connaissance appartient
aux tribunaux de district , les témoins seront entendus à
l'audience publique , en présence des parties intéressées qui
auront été appeliées à cet effer ; que le greffer tiendra note
des prestations de serment , depositions et reproches , et
qu'immédiatement après les affaires , serou: jugees , ou du
moins à l'audience suivante.
vu des
Piette appelle de nouveau l'attention de l'Assemblée sur
la hausse des subsistances , qui continue d'une maniere tour
jours plus effrayante . Elle est telle que le citoveu aise autrėfois
, est dans l'aimpossibilité absolue de pourvoir à ses be
solus , s'il est rentier , ou s'il ne se livie pas à quelque
spéculation commercials . L'opinant assuré qu'il a vu
hommes manger Theibe des champs , tandis que d'autres qui
n'avaient rien sont dans une abondance scandaleuse . Il pense
qu'il doit y avoir un terme à ces maux , et qu'il faut que
l'indigent dont la patience est poussée à bout , puisse enfin
atteindre à sa subsistance , I demande la taxation des grains
et une police sévere pour les marchés .
Roux répond , au nom des comités , que le gouvernement
s'occupe sans relâche des subsistances ; qu'il a pris toutes
les mesures nécessaires , mais qu'il importe de ne pas les
divulguer pour en assurer le succès . Il annonce que , dane
quelques décades , on me verra plus dans les marchés publics
des concurrens se disant charges d'acheter pour le gouver
nement , et qui fesaient hausser considérablement le prix
des grains ; que la moisson est abondante et se fait tranquillernent
; eu⤠que l'abondance ne tardera pas de Bous feire
Oublier l'affreuse disette que nous avons éprouvée . Il demande
le renvoi de la proposition de Piette aux comités réunis .
Adopté . Le discours de Roux sera iuséré au bulletin .
sur
Séance d'octidi , 8 Fructidor.
Après la lecture de la correspondance , la discussion s'ouvre
la loi du 17 nivôse,
Lanjuinais , au nom du comité de législation , dit que cette
loi , dont l'objet a été d'établir , d'une maniere uniforme dans
19ute la République , l'ordre des successions , et de régler est
S.
( 268 )
ordre d'après les prinetpes de la plus exacte égalité envissgée
sous ce rapport ne présente rien que la Convention n'ait
fait avec justice ; mais son effet peut- il remonter à une époque
antérieure à sa promulgation ? C'est-là le sujet des réclamations
qui se sont élevées de toutes parts. La paix des familles
troublée , la loi des contrats violée , le droit de propriété
détruit , la garantie sociale devenue illusoire , tels sont , continue
le rapporteur , les inconvéniens funestes que le comité
vous dénonce , qui méritent de votre part une attention sérieuse
, et surtout un prompt retour à la justice , s'il est reconnu
qu'elle a été violée .
Lanjainais repond ensuite aux objections . « On a prétendu
d'abord qu'il n'y avait pas d'effet rétroactif dans les lois nouveiles
; que l'égalité des partages était de droit naturel , et que
ne pouvant y avoir de prescriptions contre le droit naturel ,
on ne pouvait pas accuser de rétroactivité des lois qui n'eu
étaient qu'une simple et nouvelle declaration .
nr.
Ici une premiere réflexion se présente ...... Pourquoi done
faire remonter qu'au 14 juillet 1789 l'effet des lois du
5 brumaire et do 17 nivôse : le droit naturel qu'on invoque ,
ce droit immuable et imprescriptible existait - il moins avant
cette époque ? S'il existait , pourquoi le partage d'une succession
ouverte le 13 juillet 1789 serait -il moins fait d'aprés
ce prétendu droit naturel , que celui d'une succession ouverte
le lendemain ?
Le droit naturel doit être sans doute le principe et le
régulateur de la législation : il n'est cependant pas la loi même ;
et si à la faveur de ce mot vague , de retour au droit naturel ,
il était permis de renverser toutes les lois positives qui jus
qu'aujourd'hui ont dirigé les transactions sociales , réglé
l'ordre des successions , fixé les rapports des citoyens entre
eux , qui de nous ne serait pas effrayé du chaos où nous irions
nous plonger ?
1
,, I y a plus , car il est tems enfin qu'on cesse de substituer
les mois aux choses , et les déclamations aux principes : cn
parle du droit naturel , et on ne fait pas attention que l'ordre
de succéder est l'ouvrage des hommes.
" Il est tout entier l'enfant de la volonté des hommes . C'est
la loi ctvile qui garantit les propriétés ; elle les a seule créécs ,
même pour le premier possesseur , selon une doctrine trèsrépandue
seule aussi elle en a réglé la transmission , elle en
a varié le mode à l'infini même , et en ligne directe chez tous
les peuples de la terre ,
La nation , rétablie dès le 14 juillet en sa souveraineté
en proclama les bâses , en décréta , pour ainsi dire , les chefs
principaux , et laissa au tems le soin de les recueillir tous et
de les développer. Mais de là peut- on conclure que chaque
loi favorable à la liberté , à l'égalité , doive recevoir son exé(
269 )
cution à dater du 14 juillet , et pourriez vous , en adoptant
pour un moment cette hypothese , considerer sans fremir
quelle commotion , quel bouleversement eût produit dans les
familles et dans la société ce changement subit , mouvement
rétrograde de la législation ?
" C'est ici un systême dont on démontre l'absurdité en
la poussant jusqu'à ses derniers termes ; et si l'opinion la
plus hardie n'oserait soutenir que les lois émanées par la
révolution doivent être rapportées pour leur exécution à
l'époque du 14 juillet , convenons qu'il n'y a pas cu plus de
motif pour reporter à cette date celles de 5 brumaire et
17 nivôse.
Votre comité de législation vous présentera , dans son
projet de décrets , toutes les mesures qui peuvent rendre
et plus facile et moins fâcheuse l'exécution de la loi qu'il
vous propose ; des délais pour les restitutions mobiliaires
le maintien des aliénations faites de bonne foi , un juste
adoucissement dans la répartition des frais qui ont été faits
nul -retour sur les fruits perçus , etc.: c'est ainsi que , conciliant
ce que la justice exige et ce que les circonstances font
desirer , accordant aux principes . un retour de devoir , et aux
considérations tous les ménagemens de eonvenance , vous
préviendrez toute commotion et toute secousse .
" Dailleurs , quel motif plus déterminant que celui de la
justice ? qu'y a - i il à opposer , quand la justice commande ?.
Oui , tel est son pouvoir , tel est cet ascendant qu'elle obtient
sur les hommes qui ne sont pas parvenus au dernier degré
de dépravation , que beaucoup de ceux- là même auxquels
l'effet rétroactif de la loi du 17 nivôse a été utile , subitoat sans
se plaindre , et plusieurs avec un juste empêchement , l'appli
cation de la loi qui les dépouillera d'un bien sur lequel ils
n'avaient pas dû compter.
" Ainsi , je ne m'arrêterai pas à ces considérations secondaires
, auxquelles le législateur , fidele aux principes , ne doit
jamais être accessible .
" Je ne m'arrêterai pas à ce qu'on répete avec tant d'affectation
, que c'est ici la cause des aînés contre les cadets :
observation inexacte , puisque dans la plupart des provinces ,
les aînés et les cadets mêlés partageaient également les suc
cessions déférées par la loi , observation dangereuse , qui
tend à propager les divisions et les haines .
" Si dans une discussion dans laquelle il fut ne voir que
les principes , je voulais opposer aux considérations qu'on
fait valoir comme le rapport de l'effet rétroactif des lois da
5 brumaire et du 17 nivôse , les considérations qui militent
pour ce rapport , j'en trouverais de puissantes dans l'intérêt
de la nation , frustrée par les nouveaux partages des successions
ouvertes depaia 1789) , d'une masse importante de bieas
S 3
( 270 )
confisqués sur les émigrés , qui leur étaient acquis par leg
los anciennes , dont les lois nouvelles dépouillent le tresor
public ; daus la position d'une multitude de citoyens qui ,
sans retour sur la succession de leur pere , parce qu'il est
mort dans les six premiers mois de 189 , ont ete obliges
de rapporter , d'après la loi du 17 nivôže , les successions
collatérales qui leur avaient été laissées en dedommagem - nt
et eu compensation ; dans la faveur due à tant de mal ages
faits sous la foi des institutions que la loi autorisait ; et
à ces considérations non mi ins fortes que celles qu'on oppose ,
j'ajouterai que si le rapport des luis du 5 biomaire er da
17 nivôse , quant à l'effet rétroactif . n'etait pas d'une abaniue
justice , an moins il faudrait le decréter quent aux pays
Buis à la République postericurement an 14 juite : 1789 .
parce qu'il n'étai . pas possible que ies lois de la France
aient leur effet dans ce pays à une epoque où ils ne s'etaient
pas encore liés à la Republique.
" Mais ni cette consideration partielie , ni les mo : ifs de
faveur plus généreux qu'on peut faire valoir a l'infui , soit
pour le rapport , soit contre le rapport des dispositions retoactives
, ne doivent vous determiner ; ue voyez que ce qui est
juste , n'écoutez que ce que demandent les principes. "
( Applandi . )
Delleville obrient le premier la parole et demande qu'on
s'occupe d'abord de la quenion de savoir , s'il y a in effet
rétroactif dans retie ini . Priės voudrait qu'on décular d'ubord
la chose , quant sex colateranx. E pense qu'il ne doit pas y
avoir d'heritiers de droit , et il lui parait der que celni qui
n'a pas d'horivers directs ne puisse pas disposer de ses biens
en faveur dan smi , et qu'il soit furcé de les lais er a des
collateranx qu'i¡ ne connait pas quelquefois , on dent il a
à se plaindre. Laboissinte parle en faveur da maiuses de la
loi . Il croit que son rapport causerait beaucoup plus`de desordres
que son exécution .
Laurençot appuie le projet du comité . ! dit que Caligula
lui- même reconnaissait ce principe , qu'une loi n'est obligătoite
que du jour où elle est connne , et il demontre l'injuse
rice de l'effet rétroactit donné à la loi dont il s'agit. Plusieurs
membres parlent encore pour ou contre . La discussion est
ajournée.
Séance de nonidi , 9 Fructidor.
Doulcet , au nom du comité de salut públic , fait part d
divers avantages remportés par l'armée d'italie sur les Piemontais
. Le résultat a été une quantité considérable de fourages
qui leur ont été enlevés.
Un membre demande la création de cinq commissions,
La pere, serait chargée de reviser le code civil'; la 2º. les lois
( 874 )
eriminelles : la 3. s'occuperait de la police rurale ; la 4. de
la police municipale et correctionnelle , et la 5e presenterait
un mode simple de procédure . Renvoi au comité de
legislation.
Devillers : La malveillance qui tire avantage de tout , a profré
de quelques événemens malheureux arrivés à Nantes pour
repandie que la guerre civile crait ouverte dans ceite commune
; mais j'annonce à la Convention que Nantes est trans
quille en ce moment , et que ses habitans , qui out triomphé
de 80,000 brigands , ne se laisseront pas intimider par quelques
assassins . Insertion au bulletin .
La discussion sur la loi da 17 nivôse reprend : Paganel la
regarde comme une simple déclaration du droit naturel centre
lequel il ne peut y avoir de prescription . Il ajoute que si on la
rasporte , on dépouillera de leurs propriétes les cadets qui
out fait la guerre , tandis que les aînés en ont été les spectateurs
oisifs ,
: Maithe Quel parti que vous preniez dans cette discussion ,
yous êtes sûrs de fraisser beaucoup d'intérêts , et de faire par
conséquent des mécontens. C'est une raison de pins pour
écarter tonte consideration politique , et ne vous attacher qu'à
la justice . On prétend que cette loi n'est qu'une déclaration
du droit naturel ; mais le droit de succeder n'est pas dans
Portre de la nature , il est une émanation de l'ordre social .
Un pere est tenu , d'après les lois de la nature , de nourrir
son enfant , mais por d'en faire son heritier . ( Il s'éleve des
murmures. ) Mailh reproduit ensuite les argumens qui ont
elé faits par ceux qui ont opine pour le rapport de l'effet
troactif de cette loi. Il n'est point touche des considerations
présentées en faveur des cadets qui se battent aux frontieres.
Il pense que c'est ternir leur gloire que de leur prêter
de pareils motifs , et quils combatteut pour la liberté et la
justice , et non pour leurs intérêts . Sans doute la République
doit être reconnaissante à leur égard , mais cette reconnaissance
doit être toute nationale .
Bar : L'Assemblée constituante a aboli tous les usages et
toutes les coutumes non consenties par le peuple . La loi du
17 nivôse n'est qu'une conséquence de ce principe ; elle n'a
donc pas d'effet rétroactif.
Saladin fait usage de quelques- uns des moyens déja employés
pour combattre cette loi . Il ajoute qu'il ne suffit pas
d'avoir détruit la tyrannie , qu'il faut aussi détruire tous les
monumens qu'elle a élevés . On demande la clôture de la
discussion : elle est décrétée . Plusieurs membres réclament
Fappel nominal . Bourdon dit que ceux qui le veulent cherchent
à intimider leurs collegues et que ces appels sont
proscrits par la nouvelle constitution . La question se pose
de differentes manieres . Enfin Garan- Coulon fait adopter celle
$ 4
( 272)
qui suit La loi du 17 nivôse an 2º , aura - t- elle son effet å
dater du 14 juillet 1789 , ou seulement du jour de sa promulgation
? La Convention , après de longs débats , décrete
que cette loi n'aura d'effet que du jour de sa promulgation .
Séance de décadi io Fructidor.
9
Berlier , au nom du comité de législation , dit que la loi
du 18 prairial autorise les citoyens qui ont été rayés de la
liste des émigrés , et dont les biens avaient été affermés par
les administrations , à évincer les fermiers en leur remboursant
les semences et frais de culture . Il pense que leur condition
ne doit pas être différente de ceux des biens des condamnés
qui conservent leur jouissance pendant l'année courante , et
qu'on doit rendre commune la loi portée en faveur de ceux- ci ,
et il se borne à demander que le comité propose un projet
de décret à ce sujet . Adopté.
Des citoyens du département de la Manche dénoncent les
manoeuvres des prêtres réfractaires et des émigrés qui cherchent
à soulever ce département . Goupilleau ( de Montaigu ) s'étonne
que les comités réunis , qui étaient chargés de faire un rapport
à ce sujet , ne s'en soient pas occupés . Il demande qu'ils
le presentent incessamment , pour mettre la Convention dans
le cas d'extirper ces pestes publiques . Sa motion est décrétée .
au
Une députation de la commune de Rouen offre plusieurs
plans pour rétablir le crédit public , et faire disparaître la
disette . Elle desire qu'on ne laisse dans la circulation que
pour deux milliards d'assignats , et qu'on échange le reste
contre des billets ou reconnaissances , portant intérêt à quatre
pour cent. Vernier , en applaudissant aux intentions et
veu de la commune de Rouen , annonce que le comité des
finances présentera dans trois jours un plan de restauration
du crédit et du commerce . La Convention décrete que les
comités de salat.public , sûreté générale , législation , commerce
et des finances se réuniront par commissaires , et
concerteront les moyens de diminuer la masse des assignats ; -
ils lui seront soumis dans trois jours .
Vernier , au nom du comité des finances , présente un
projet de loi de police pour les marchés , et pour que les
citoyens soient tenus d'y conduire les grains . L'Assemblee
en ordonne l'impression.
La section de l'Unité présente ses vues sur la loi des patentes.
Elle craint que les agioteurs ne l'éludent encore , et
indique des moyens pour les déjouer. Un de ces moyens
consiste à ne les délivrer qu'en présence de citoyens conuns ,
qui auesteraient que le requérant fait le commerce ..
Defermont , organe du comité de salut public , annonce
de nouveaux succès remportés sur les Anglais par les Républicains
des Antilles . Sainte - Lucie , le Gibraltar de ces isles ,
( 273 )
st par conséquent l'une des plus difficiles à prendre , a été
enlevée à la bayonnette . Les ennemis y ont tout laissé , même
leurs femmes et leurs enfans . Ce que Bouillé et d'Estaing
n'avaient pu faire avec 10,000 hommes et 20 vaisseaux de
ligne , une poignée de Républicains l'a fait avec quelques frégates
. Jamais dans aucune de ses guerres avec la France ,
l'Anglais n'avait fait d'aussi grandes pertes. Seize vaisseaux
richement chargés et beaucoup de munitions de guerre sont
le frait de cette victoire .
Sieyes fait lecture de la ratification donnée par le roi d'Espagne
au traité de paix et d'amitié conclu avec lui . Elle est
datée du 4 août. La Convention en décrete l'impression et le
dépôt aux archives , ainsi que du traité et de la ratification .
Séance de primedi , 11 Fructidor.
Lanjuinais , au nom du comité de législation , présente la
suite de son projet de décret sur la loi du 17 nivôse . L'Assemblée
en ordonne l'impression , et ajourne la discussion à trois jours ."
Une députation de la section du Mail est admise à la
barre. L'orateur : L'amour et la confiance des peuples out
toujours fait la force de ceux qui gouvernent . La cour cessa
d'être puissante , quand elle s'entoura de bayonnettes . L'Assemblée
constituante fit un decret pour empêcher que les
troupes de ligne ne s'approchassent à une certaine distance
da temple des lois ; la liberté jalouse lui dicta cette loi
protectrice. Le secret est une arme de la tyrannie . Dans une
République , le gouvernement populaire se conduirait avec
plus de mystere , que des ministres dans le cabinet des rois ?
Pourquoi ces troupes antour de Paris ? Sommes - nous assiégés ,
ou à la veille de l'être ? Voudrait- on traiter le peuple comme
un lama qu'on adore en Dieu et qu'on enferme en esclave ?
Depuis le 1er . prairial , la nation est rentrée dans ses droits ;
elle a juré de ne pas souffrir l'usurpation . Le 14 juillet , le
penple brisa les bayonnettes des despotes les sermens des
hommes libres ne seront pas vains . On est accusé de vouloir
établir un nouveau terrorisme , parce qu'on demande que les
oppresseurs de la patrie soient poursuivis devant les tribunaux
. On est chouan , parce qu'on porte un collet noir ou
vert. On est royaliste aux yeux de certains pamphlétaires ,
parce qu'on refuse d'être dupe de leurs sollicitudes vision
naires La garde nationale parisienne a - t- elle démérité , pour
qu'on l'environne de troupes ? La Vendée se grossit , dit - on .
Eh bien laissez nos freres d'armes aller ceindre leurs fronts
de nouveaux lauriers , nous veillerons dans l'intérieur. ( Bruit . )
Chénier , président , répond : La Convention nationale
saura triompher de toutes les factions ; elle ne laissera pas
avilir cette puissance qu'elle tient du peuple entier ; elle sera
toujours ce qu'elle était au g thermidor , au 19 germinal , an
:
( 274 )
jer.
et au 4 prairial
; elle
réprimera
l'anarchie
et le roya
lisme
; elle serait
indigue
de sa mission
glorieuse
et des périls
qu'elle
a courus
, si elle se laissait
ébranler
par des craintes
pusilianimes
ou par les calomnies
insolentes
de quelques
amis
de la tyrannie
, Avec
le peuple
, elle a fonde
la République
;
avec
le peuple
, elle saura
la maintenir
. ( Applaudissemens
}
Les
armées
sont
aussi
une
portion
du peuple
; ( Applaudissemens
. et les seuls
ennemis
de la liberté
pourraient
concevoir
des
défiances
contre
des
citoyens
qui ont
remporté
cent
victoires
pour
elle , et qui ont versé
tant
de sang
précieux
sur les frontieres
de la République
. La Convention
vous
permet
d'assister
a sa séance
.
煮
La section des Champs - Elisées lui suecede ; c'est Lacreteile
le jeune oni porte la parole : Un grand jour s'approche ,'
celui où le People Français exercera sa souveraineté , si longleus
mèrquuve , et seminera la révolution ; mais nous ne
t'
as sana alarmes sur des causes qui peuvent la conqu
dépend de vous de faire cesser. Le décret
Endore le renouvellement par tiers seulement de la
envention nationale , est une source d'embarras et de division
. Ceue disposition , si sage quand elle s'applique d'une
législature à une autre , cesse de l'être , lorsqu'elle doit avoir
lien d'un convention à une législature . Comment régler le
choix que vous prescriver ? Il est tei departement dont la
députation ențiere , composée des ennemis des tyrans , a pévi
sous leurs coups , et telle autre qui s'est rangée en totalité
sous leurs drapeaux . Comment , dans ces deux cas , les élec
teurs ne nommeraient- ils pas la totalité de la deputation ? El
ne nous reste plus qu'a exposer nos craintes sur un autre
objet . Des soldats égarés ont fait couter à Nantes le sang
des citoyens que presage un pareil attentat ? Paris est environne
de troupes , Les enseignes de la terreur paraîtront
elles au milieu des deliberations dans lesquelles le peuple va
exercer sa souveraineté .
"
Le président , dans sa réponse , s'est élevé contre les calomnies
qu'on répand contre la Convention et contre l'armée. Il
annonce que l'armée sous Paris a accepté la constitution' ; que ,
comme la Convention , elle a fondé et veut la République , et
que , comme l'armée , la Convention saúra braver tous les dangers
pour la faire triompher.
Tallien dit qu'afin que cette séance ne soit pas perdue pour
la chose publique , il faut faire connaître au peuple les hommes
qui insultent à la représentation nationale , et il demande l'impression
des pétitions et leur envoi aux départemens . Decrété.
Une députation du camp sous Paris apporte le procès - verbal
de l'acceptation de la constitution à l'unanimité par cette
aç . Elle est vivement applaudie .
Heuri Lariviere sommet à la discussion le projet concernant
le jugement des détenus . Il n'y a rien de decide à cet égard.
( 973 )
PARIS . Quartidi , 14 Fructidor, 3. année de la République.
C'est un tableau douloureusement curieux pour l'observateur
patriote que les incohérences et les contrastes
bizarres dont la plupart des écrits politiques sont remplis
depuis quelque tems ; et parmi ces incohérences il
en est de graves qui sont le fit d'hommes assez exercés
pour donner une meilleure idée de la droiture de
leurs jugemens .
Les difficultés que pouvait présenter le décret
qui renvoie aux assemblées électorales le choix des
deux tiers des membres de la Convention , pour faire
partie de la législature , ont été saisies avec avidité par
quelques esprits inquiets et malfaisans , plus jaloux sang
doute d exciter une nouvelle commotion que de concourir
à rapprocher les sentimens . S'ils se sont déchaî
nés avec tant de véhémence contre cette disposition la
plus conforme aux principes , quel n'eût pas été leur
tiomphe si la Convention avait déclaré qu'elle procés
derait elle même aux choix qu'elle ne pouvait s attribuer
legitimement ! Dans l'hypothese actuelle , les opposons
ont été obligés de laisser voir la source de leur
mécontentement , et le sophisme le dispute à la perfidie
de leurs assertions. Il faut les entendre rétablir dans
toute sa latitude la doctrine de la souveraineté du
peuple violée , disent- ils , par le décret ; ils ne se souviennent
plus d'avoir tenu , il y a peu de tems , un tout
autre langage.....
Dans un moment où l'opinion a besoin d'être ramenée
toute entiere vers le centre constitutionnel , d'être
sur- tout parfaitement dégagée de quelques hérésies politiques
qui nous ont tant fait de mal , n'est - il pas déplorable
de voir des publicistes reproduire les maximes
tant prêchées par les intrigans populaires , et les amal
gamer à des erreurs nouvelles propres à redonner à l'aarchie
tous les secours du fanatisme politique ? Cette
marche étoit naturelle sans doute ; ceux qui dans des
écrits et des discours calculés ont eu des desseins secrets
et d'arriere - pensées , ne peuvent voir approcher le mo- ,
ment décisif sans redoubler d'activité ; mais cet effet atteste
d'autant mieux une cause vainement contestée ; le
( 276 )
royalisme menteur se démasque enfin par excès de zele
autant que par ses inconséquences .
Les membres de la Convention , dont les opinions et
le caractere pouvaient inspirer quelques craintes , ont
été écartés et ne sont point éligibles ; les exagérations
insensées de la démocratie n'ont plus d'influence , tous
les gens de bien que le prestige séduisant d'une perfection
plussystématique que possible avait égarés sont désabusés .
Les citoyens en général n'aspirent qu'à un ordre fixe , à un
gouvernement stable ; les anciens flatteurs populaires ,
réduits à la lonte et à la circonspection , ont perdu leur.
dangereux ascendant ; pourquoi donc des écrivains , qui
ont jetté tant de ridicule sur la souveraineté du peuple ,
s'empressent- ils aujourd'hui de reproduire tout ce qui
a fait abuser de la vérité de ce principe ? Ce sont les
mêmes affectations , les mêmes flagorneries , le mot peuple
souverain se rencontre à chacune de leurs phrases ! Citoyens
, ne vous y trompez pas , ceux qui exposent avee
un soin si religieux le tableau des droits du peuple ne
Tauraient flatte qu'aujourd'hui , si demain la royauté
rétablie leur offrait l'individu à qui seul ils voudraient
adresser leurs hommages serviles ; ils peuvent changer
à propos certains points de leur doctrine . Ils ne peuvent
changer leurs dispositions habituelles .
Le droit d'émettre librement sa pensée , de publier
ses opinions politiques pour l'instruction commune, est le
plus précieux de tous ; nous avons été des premiers à
censurer les mesures qui y portaient atteinte ; mais la
pureté des dispositions se fait toujours reconnaître quels
que soient la forme et le degré de force ou de chaleur
du style . Des écrivains bien intentionnés , sinon républicains
, au moins patriotes , savent dire la vérité , et
rappeller les principes sans perdre de vue l'intérêt général
et la difficulté des circonstances . Cette délicatesse
de l'homme droit n'existe pas dans les écrits où l'on
développe tout ce qui peut aigrir les ressentimens , fortifier
l'esprit de parti , aliéner la confiance , et bannis
la paix des réunions politiques qui vont se former,
N'a-t- on pas vu il y a quelques jours des pétitionnaires
indiscrets porter l'égarement de l'orgueil jusqu'à
faire entendre à la barre de la Convention nationale
des injonctions despotiques , ordonner l'éloignement
des défenseurs de la patrie , du ton avec lequel Mirabeau
demanda dans d'autres tems le renvoi des régi
mens étrangers dévoués à la tyrannie , et rappellant
1
-
plutôt ces orateurs révolutionnaires si bien appréciés
depuis le 9 thermidor , croire en exprimant une opinion
presqu'individuelle , dicter au corps représentatifla volonté
du souverain lui- même.
La voix sévere du président de la Convention , et les
discours énergiques de plusieurs représentans ont signalé
cette effervescence qui coïncidait avec les bruits les
plus étranges. Dans le même tems on débitait qu'il y
avait un parc d'artillerie sur les hauteurs de Montmartre,
que les moulins devaient servir de redoutes , que les
habitans du fauxbourg étaient obligés de déménager
pour faire place aux troupes qui venaient pour opprimer
les citoyens. Dans les cafés , on disait que les déte-,
nus avaient été mis la veille en liberté , et qu'ils étaient
allés , coëffés du bonnet rouge , en députation au comité
de sûreté générale où ils avaient été très - bien accueillis .
Tous ces bruits absurdes ont été reconnus faux , mais
l'affectation de les répandre annonce le dessein d'inspirer
des inquiétudes , et de diviser les esprits .
Nous devons à la vérité d'observer qu'il s'est fait depuis
deux ou trois jours un changement dans la rédac
tion de plusieurs journaux ; on y remarque un langage
plus pur et des principes plus raisonnables , et comme
fa circulation des idées par le moyen des papiers publics
est extrêmement rapide , elle a aussi beaucoup d'influence.
On ne peut donc que tirer un hon augure pour
l'acceptation de la constitution et les élections de ce
rapprochement des esprits à l'époque la plus importante.
Quant à la constitution , voici quelques idées que nous
puisons dans le Journal des Patriotes de 89 rédigé par
Réal et Méhée , numéro du 11 fructidor,
cep
Les assemblées primaires sont le souverain ; mais nne
assemblée primaire n'est pas le souverain . Dans une assemblée
primaire , les citoyens exercent leur portion de souverai
neté , en discutant d'abord , ensuite en refusant ou acce
99 tant l'acte constitutionnel , en nommant leurs mandataires .
,, Personne n'a le droit de les gêner dans ces opérations ;
mais quant au refus ou à l'acceptation , il ne peut se prononcer
,, que par Qui
ou non. Des phrases comme Robespierre en faisait
19 au peuple , peuvent l'égarer , mais ne lui feront pas faire
,, ce que la nature des choses ne comporte pas .
7
"
" Une constitution est un ensemble de matériaux adaptés
des uns aux autres ; il faut le prendre tel qu'il est ou le
rejetter. Si l'on veut en défaire une piece pour y en substituer
une autre , il faut examiner si cela est bon d'abord ,
» ensuite si cela est possible .
( 278 )
'"" Si chaque département avait le droit d'amender , restreindre
et modifier la constitution ; aucun ne sachant si les autres
99 approuvent on rejettent ce qu'il veut changer , et chacun
" setirant ce qui lui déplait , il ne resterait plus rien de l'acte
19.constitutionnel lorsqu'il arriverait au corps législatif , tron-
» qué et mutilé par chaque département . ON N'AURAIF JAMAJS
19 DE CONSTITUTION .
"" 11 est tems de finir les angoisses du peuple , et de faire
marcher la constitution ; on n'attente pas à ses drous fors-
42 qu'on lui dit : Vou ez - vous cela ainsi , es qu'il est le maître de
1, dire oui teu nom . 19
Le rédacteur des Annales patriotiques , dans son
numéro du 9 , avait publié un article qui pouvait devenir
le germe de la plus furieuse anarchie . En voici quelques
fragmens : Il cite dabord cette pensée de J. J.
Rousseau dans son Contrat social.
A l'inst en que le peuple est légitimement assemblé en
corps souverain , toute jurisdiction du gouvernement cesse ,
" la
la puissance exécutive est suspendue , et la personne
5 du dernier citoyen est aussi sacrée et inviolable que celle
99 du premier magistrat , parce que où se trouve le représente
, il n'y a plus de représentant. "
Dans le développement de ce texte , on trouve les
idées que voici :
tas
Le peuple légitimement assemblé exerce toute la
plénitude de la souveraineté , il peut examiner ,
discuter , approfondir l'acte constitutionnel , l'approuver
, le rejetter , le restreindre , le modifier , il peut
choisir le gouvernement qu'il croira convenable à
" son intérêt et à son bonheur. Tout corps où tout
particulier qui voudrait détruire , limiter , fixer la
souveraineté cu peuple , exercerait une tyrannie exé-
', crable , et serait coupable de conspiration ,
17
C'est un grand point sans doute et une vérité précieuse
, que la souveraineté du peuple dans aucun état
de choses ne peut être détruite , limitée , ni fixée par
Aucun corps , ni aucun particulier ; mais ne perdons
pas de vue que dans le systême représentatif l'exercice
de la souveraineté est nécessairement modifié par la
raison et la nature des choses , et qu'à Rome même ,
le peuple quoique réuni tout entier au Forum ou au
Champ- de-Mars , ne faisait qu'accepter ou rejetter les
fois qui lui étaient proposées . Pour réfuter la citation
( 279 )
1
la citation de l'idée de J.-J. Rousseau , nous laisseront
parler le Journal des Patriotes de 89 .
""
“ Rousseau parlait de Rome , et à Rome cela était vrai
» parce que le peuple pouvait s'assembler en corps souverain ;
mais quelle application cela peut- il avoir à notre situation ?
Quoi ! nos assemblees primaires divisées en plus de quatre-
" vingt departemens , s'étendront sur plusieurs mille lieues
" quarrées , ♦ vous voulez que toute jurisdiction du gouver-
19 nement cesso , et que la puissance exécutive soit suspendue ! ... Et
» qui pendant ce tems- là defendra vos propriétés ?qui réprimera
les desordres inséparables d'un pareil état de choses ? Gardous-
» nous donc bien d'appliquer à la République Française
ee que Jean -Jacques disait de Roms ou de Geneve , et invi-
» tons bien plutôi le gouvernement à protéger de tous ses
» moyens , daus ces jours d'orage , le droit qu'a chaque
" choyen d'énoncer son voeu dans les assemblées primaires .
›› Souvenons- ons que nos droits ne peuvent être respectés
" qu'aniant que nous ferous respecter ceux des autres
" loin de voir avec chagen cent de no freres d'armes qui
" se trouvent ici en ce moment , félicitons nous d'être entourés
" de paniotes , devant lesquels les royalistes pourront bien
» dire leur avis , mais n'oseront mettre en évidence leurs projets
libertides.
et
On peut encore ajouter que la suspension de la puis
sance exécutive n'avait lieu que relativement à l'assem
blée souveraine , et si dans le reste de la ville de Rome
et les environs il s'était commis quelques désordres de
la part des étrangers , des esclaves , des prolétaires ou
même des citoyens qui n'auraient point assisté à l'assemblée
, la surveillance et l'action du gouvernement
devenait encore plus essentielle , et ne pouvait certai
nement être suspendue. C'est ainsi qu'en interprêtant
son gré un auteur , et déplaçant sa pensée on peut
tromper ceux qui ne peuvent ou ne voudraient pas réfléchir.
Mais le desir d'être justes et de répandre en
même tems des idées vraiment utiles , nous engage
citer un autre article des Annales patriotiques du 12 fructidor.
Le voici :
" On expose , en faveur de l'article constitutionnel , quí
" conserve- une partre des membres de la Convention
dans le corps législatif , combien il serait dangereux
" de confier à des mains inexpérimentées les rênes du
" gouvernement dans un tems où l'habileté la plus con-
" sommée serait à peine au niveau des besoins , dans
" tems où nous avons une guerre glorieuse , mais terrible
» à terminer ; des désordres affreux à réparer ; tous les cangus
un
( 280 )
9 de l'industrie à vivifier ; la morale publique à rétablir
l'esprit public anéanti oa perverti à faire renaître ou à
" ramener aux vrais principes ; enfin , la constitution nouvelle
à défendre des attentats de l'ambition ou des fureurs
sacrileges de l'anarchie . Si l'on craint la prolongation du
" pouvoir dans ceux qui l'ont déja exercé , n'a - t - on pas à
redouter les premiers essais de ce pouvoir dans des hom nes
9 nouveaux , cette ardeur d'innover , de détruire , de tout sacrifier
à ses conceptions bisarres , de vouloir s'écarter de ce qui
existe , mais dont notre révolution n'offre que trop d'exem.
ples ? Les membres de la Convention , au contraire , éclairés
55 par l'expérience , et beaucoup d'entr'eux fortifiés par les
" leçons du malheur , sauront mettre un frein à l'effervescence
de l'ambition , à la folle ardeur des nouveautés .
Depuis quelque tems , dans la donce habitude de réparer
le mal , de consoler l'infortune , de réédifier au milieu des
" ruines , ils continueront avec ardeur un ouvrage bien
, commencé , ils s'efforceront d'effacer tout ce qui peut leur
rappeller les tems affreux sous lesquels ils ont gemi , et
les crimes de leurs oppresseurs et de ceux de la France
entiere ; ils travailleront enfin à prouver qu'ils n'ont été jaloux
" de se maintenir dans un poste si long tems pour eux le
siége de l'amertume , du chagrin , des dégoûts , que pour
99 s'acquérir de nouveaux droits à l'affection de leurs contemporains
et à l'estime de la postérité . L'article consti
tutionnel est donc dicté par la prudence , par la sagesse
et par une politique prévoyante .
** . % ( Cet article , commencé dans le précédent numéro , est du
citoyen LACHAPELLE. )
Tous les journaux publient que la ci- devant duchesse d'Or
léans , le ci - devant prince de Conti , et la ci - devant duchesse
de Bourbon , qui étaient l'un et l'autre prisonniers à Marseille ,
ont été mis en liberté . Les deux derniers doivent se rendre ,
à ce qu'on assure , l'un à Autun , l'autre à Sens , jusqu'à
nouvel ordre .
Suivant les lettres de Londres , M. d'Yeiarte , qui a signé
le traité de paix conclu entre l'Espagne et la France , est
nommé ambassadeur à Paris ..
Gette guerre a coûté fort cher à l'Espagne . Sa dette était
avant la guerre de 260 millions de piastres . Elle s'est augmentée
, depuis le mois de mars dernier , de 200 milions
de piastres . Sa perte en hommes est évaluée à 60,000 hommes .
1
( No. 70. ) Jen .135 .
MERCURE FRANÇAIS.
DÉCADI 20 FRUCTIDOR , l'an troisieme de la République.
( Dimanche 6 Septembre 1795 , vieux style . )
Explication de la Charade du nº . 69.
Le mot de la Charade est Jonquille.
LITTÉRATURE ANCIENNE.
ODES D'ANACREON ; traduction nouvelle en vers : petit in-8°.
Jolie édition . A Paris , chez DUPONT , libraire , rue de la
Loi , n° . 1232. ( 1795 , vieux style ) .
ANACREON est peut-être de tous les poëtes de
l'antiquité le plus difficile à être traduit dans notre
langue et sur-tout à l'être en vers . Comment rendre
ce mélange heureux de douceur , de délicatesse , de
philosophie , de na veté et de graces qui caractérise les
poésies du chantre de Teos ? Comment saisir dans une
langue si féconde et si ichc d'expressions , de couleurs
et d'idées , ces traits brillans . ces pensées fines et fugitives
qui tantôt se dérobent sous le voile d'une ingénieuse
allégo ie , tantôt sont l'effet d'un sentiment subit
inspiré par le plus aimable délire , et qui prennent
toujours une forme nouvelle , lors même qu'il a l'air de
revenir sur le même sujet ?
Le nouveau traducteur ne s'est point dissimulé les
difficultés qu'il avait à vaincre. . La perfection du style
d Anacréon , dit - il , est si étonnante , au milieu des
charmes de sa négligence . qu'il faut renoncer à faire
passer ce genre de beauté dans une langue , dont le
génie est très - différent de celui de la sienne . Tous les
composés grecs , si riches . si harmonieux , si commodes
pour le poëte , ne peuvent être exprimés en français
que par des périphrases . D'un autre côté , la simplicité
des anciens les conduisait naturellement à une préci
sion à laquelle se refusent notre langue , nos goûts
Tome XVII. T
1
( 282 )
nos moeurs , et notre méthode sur-tout qui exerce son
empire un peu trop durement jusques dans la poésie .
La langue française a de grandes beautés ; elle possede
la clarté , l'élégance , la grace et la móllesse ; mais elle
est un peu parleuse , comme ceux qui l'ont formée successivement
; elle aime à tout dire , elle ne sait rien
sous - entendre . Elle veut , jusques dans une chanson ,
une petite exposition , un noeud , et une pensée finale
qui en forme le dénouement : trois couplets sont trois
petits actes. Anacreon ne compose pas ainsi ; une pensée
le frappe , une image le séduit , elle est aussi - tôt
chantée sur sa lyre .: elle charme , elle ravit ; mais il faut
quelquefois l'entendre à demi - mot , il ne se donne nullement
la peine de l'amener : il faut , pour ainsi dire ,
la saisir au vol . Tel est le genre d'une partie de ses
compositions , et par conséquent telle est une des principales
difficultés à vaincre par un traducteur français ,
qui ne veut être ni moins concis , ni moins rapide , mais
qui veut cependant être clair et élégant.
Plusieurs poëtes français ont plutôt imité que traduit
quelques odes d'Anacreon ; il nous manquait une traduction
complette rapprochée le plus possible du texte øriginal
. On doit savoir gré à l'auteur de l'avoir entreprise ;
on doit aussi lui savoir gré de l'exécution . Après avoir
rendu compte des lois séveres qu'il s'est imposées en
traduisant Anacréon , il parle de lui - même et de son
travail avec une franchise si peu présomptueuse , que
ce ton modeste lui concilie déja la bienveillance du
lecteur.
Si l'on remarquait , dit- il , de la dureté dans mes
vers , je serais bien malheureux ; car en traduisant Anacréon
ce serait un grand crime ; mais , je l'avoue franchement
, je crains moins ce reproche que celui de la
faiblesse et de la négligence . Quant à la faiblesse , c'est
un délit anti - poétique que je n'entreprendrai point d'excuser
; mais sur la négligence , il faut s'entendre . Si l'on
définit par ce mot l'incorrection , sans doute elle est
inadmissible ; mais si la négligence est la douce gaieté ,
la simplicité , l'absence de toute recherche , et même
de la paure , j'avoue que je la crois souvent dictée par
Anacréon lui - même ; je crois aussi que le genre de ses
compositions admet plus qu'un autre de la négligence
dans les rimes . Anacreon n'eût pas trouvé mauvais que
Chaulieu traduisit plusieurs de ses odes aussi négligemment
qu'il a composé ses pieces légeres : quand Chaulieu
( 283 )
1
est incorrect , ce qui lui arrive un peu trop souvent ,
il a tort ; mais quand il n'est que négligé , il est charmant.
"
sur
Les odes d'Anacréon roulent presque toutes
Bacchus et sur l'Amour. Il semble que ces deux sujets
devraient être bientôt épuisés ; mais sous la lyre d'un
poëte plein d'imagination et de fécondité , qui trouvait
un champ si vaste dans une mythologie si iante , qui
vivait sous un ciel si beau et au milieu d'une nature
si parfaite , et qui savait mêler à une délicate volupté
les leçons de la sagesse , combien ces deux , sujets acquierent-
ils de variété et de charme ? Cependant , remarque
très -judicieusement le traducteur , il serait à
desirer qu'un lecteur n'entreprit pas la lecture d'Ana-
, créon de suite : c'est dénaturer , pour ainsi dire , ses ouvrages
, que de les lire ainsi ; il n'a pas composé de suite.
O se prive d'un grand plaisir en parcourant trop vite
et trop superficiellement ses poésies ; il faut le goûter
en détail et par parties , comme faisait , pour ses jouis
sances , ce poëte voluptueux . Un jour il chantait l'Amour,
un autre fois il célébrait Bacchus ; ou s'il les réunissait
quelquefois , il n'accumulait point trop les voluptés ;
ii goûtat , dans toute sa plénitude , celui de ses plaisirs
auquel il consacrait sa journée ; il faudrait faire de même
en le lisant . "
Il ne nous reste plus , pour faire connaître la maniere
dont l'auteur a traduit Anacréon , qu'à choisir , parmi
les 60 odes qui composent ce recucil , celles qui nous
paraissent réunir le plus de variété . Anacréon veut- il
peindre l'invincible pouvoir dont la nature arma la
beauté , voyez avec quelle adresse et quelle magnificence
il fait dans l'ode deuxieme l'énumération des dons
que tous les êtres vivans ont reçus en partage , pour les
faire contraster avec , les charmes d'une belle !
66 Quand de la corne la plus dure
Les pieds du conrsier pélaut ,.
Et le front du taureau pesant ,
Farent armés par la nature ;
Le lion , tyran redouté ,.
Fat poursu de dents menaçantes ;
Le livre eut la légereté ; ..
L'oisean , des ailes diligentes ;
Le poisson nagea suus les eaux ;
( 284 )
Le monarque des animaux ,
L'homme , eut la prudence en partage.
A la femme qu'est- il festé ?
La nature prodigue et sage ,
•
Lui fit présent de la beauté ,
Sans créer d'autre arme pour elle .
Unissez les quatre élémens ,
Leurs efforts seront impuissans
Contre les charmes d'une belle . "
L'ode 3. sur une visite nocturne de l'Amour est trèsconnue
, et a été souvent imitée : c'est par cette raison
que nous allons rapporter la traduction nouvelle . En
la comparant aux autres imitations qui ont obtenu le
plus de célébrité , et en prenant le texte pour modele
, les hommes de goût , à qui les deux langues sont
familieres , pourront plus aisément juger qui a le mieux
saisi l'esprit et la lettre de l'original.
Déja les astres de la nuit ,
Qu'une invisible main balance ,
Parcouraient les cieux en silence ;
Le repos succédait au bruit
Que font les mortels sur la terre ;
J'entends une voix étrangere
A la porte de ma maison .
Un instant je prête l'oreille :
Qui donc ainsi frappe et m'éveille ?
Ne redoute rien , me dit- on ;
Je suis un enfant , je te jure ,
Bien mouillé ; dans la nuit obscure
Je ne puis trouver mon chemin.
Touché de ce on enfantin ,
Bientôt ma lampe est allumée ;
Je cours , et j'ouvre. J'apperçois
Un enfant aîlé ; son carquois ,
Get arc , dont sa main est armée ,
Tout dit à mon ame charmée :
C'est l'Amour même que tu vois.
Je réchauffe alors dans mes doigts
( 285 )
Ses petites mains que j'essuie ;
Je presse ses longs cheveux blonds ,
J'en exprime l'eau de la pluie .
Je n'ai plus froid , dit- il ; voyons
Comment est mon arc ; essayons
Si sa corde est encore humide .
A peine elle a touché sa main
Que je me sens percer le sein
Par un trait brûlant et rapide .
Mon cher hôte , réjonis-toi ,
Mon arc n'éprouve aucun dommage ,
Dit-il , en se moquant de moi ;
Ton coeur souffrira davantage . ››
Il y a sûrement dans ces vers beaucoup de précision,
de délicatesse et de graces , et l'on sait gré à l'auteur
d'avoir évité toute vaine parure , et d'avoir su conserver
la simplicité antique qui fait le charme de ce
morceau .
S'agit- il de faire connaître les peines qui accompagnent
trop souvent l'amour , lisez la 7. ode. Y a-t- il
rien de plus ingénieux que cette fiction ?
" L'Amour , un lis à la main ,
Me fit signe de le suivre
Dans un fort mauvais chemin.
A ce guide je me livre ;
Je parcours , en le suivant ,
Plus d'un bois , plus d'un torrent ,
Des ronces , des précipices ;
Mais , piqué par un serpent ,
Je souffre mille supplices ,
Je me meurs . L'aimable enfant
Par un léger mouvement
De ses aîles m'encourage ;
Et , soufflant sur mon visage ,
Me dit d'un ton plein d'appas :
Ami , ne veux - tu donc pas
Faire ton apprentissage ?
T3
( 286 )
21
On sait que c'est dans les chansons de table qu'excellait
le plus Anacreon . Peut- on rien lire de plus joli
que les deux odes suivantes , la 18 , et la 1 , la premiere
est sur une coupe que le poëte commande à un
artiste.
Allons , Artiste incomparable ,
Je viens exercer tes alens ;
Je veux une coupe agréable .
Orne la des fleurs du printems ,
Des roses , que toujours j'admire.
Plus bas que ce métal respire
La douce ivresse des festips .
Ne vas pas y placer l'image
bés sacrifives 4nkunfain's 2935
De quelque peuptate savage .
Grave plutôt le grand Bacchus ;
Qu'il soit guidé par le mystere
Auprès de Paimable Verrus ;
Que la déesse de Cytherea
气
A l'Hymen fisse un peu la guerre ;
Que les Amours solent désarmes ;
Que le trio charmant des Grâces
Danse , voltige sait leurs traces ;
Que , sous les berceaux parfumés
D'une vigne en grappés féconde ,
Les plus jolle enfaws du monde
Se mélent gaiment à leurs jeux ; * ')
Que Phebus daigne au milieu d'eux
Jouer sur sa lyre une ronde. 9 .
L'autre a pour objet de justifier le culte de Bacchus ,
car tout boit dans la nature .
❝ Ne vois - tu donc pás lá terre
S'abreuver de l'eau des cieux ;
L'arbre , dont elle est la mere ,
Boire ses sucs précieux ?
L'Océan boit l'atmosphere
Que pompe l'astre du jour ,
( 287
Dont Phébé bolt la lumiere .
7
Pourquoi me fais - tu la guerre ,
Quand je veux boite on tour ? 19
1
9
Il n'est personne qui ne se rappelle ce billet brûlant
qu'écrit St. - Preux en entrant dans le cabinet de Julie
à l'aspect de ses vêtemens . Anacreon avait traité le même
sujet dans l'ode 20 ° . , mais il l'a traité en počte délicat
et tendre qui sait s'arrêter pour mieux faire deviner ce
qu'il cache .
Jadis la fille de Tantale
1
f
Devint un rocher de la mer ;
Procné de sa couche fatale.
S'élance , et voltige dans l'air .
Que j'aime les métamorphoses !.
Je voudrais être ton miroir ;
Sans cesse tu viendrais me voir
Me consulter sur mille choses.
Que ne suis-je ce vêtement
Dans lequel la nuit tu reposes !
Tu me porterais constamment.
Que ne suis -je cette onde heureuse
Qui baigne tes traits naissans !
Cette essence voluptueuse ,
Dont le parfum ravit tes sens !
Ce collier , ta simple parure !
Ce ruban sur ton sein placé !
Si j'étais au moins ta chaussure !
De ton pied je serais pressé....
Et les scholiastes , les commentateurs sont venus après
trois mille ans accuser Anacreon d'avoir été trop licencieux
dans ses vers ! Ce n'est pas en lisant core charmante
piece qu'on lui fera ce reproche . Il est impossible
de peindre avec une volupté plus mystérieuse et plus
discrete . Voyez encore l'ode 23 , où il fait le portrait de
sa maîtresse. Quelle occasion pour un poëte de se livrer
au besoin des descriptions ! et cependant quelle aimable
pudeur respire dans cette ode ! On va en juger.
Peintre célebre dans la Grece ,
Viens ajouter à tes succes
T 4
( 288 )
#
Celui d'avoir peint ma maîtresse.
Pour en dessiner tous les traits ;
Qu'est il besoin de sa présence ?
Je saurai guider ton pinceau .
Point de profit dans ce tableau
Renda d'abord avec élégance
L'ébene de ses longs cheveux ;
Que de leurs parfums , si tu peux ,
S'évapore à nos yeux l'essence.
Que sur l'ivoire de son front
De deux sourcils bruns la souplesse
Se courbe avec délicatesse ;
Que la trace , qui les confond ,
Soit divisée avec adresse ;
Représente - les .... tels qu'ils sont.
Ses longues et noires paupieres
Seront le cadre de ses yeux ;
Aussi bleus , aussi grands que ceux
De Pallas aux regards séveres ,
Ils ont cette humide langueur
Que Vénus porte en ses mysteres .
Pour tracer un nez séducteur ,
De son teint pour peindre la fleur ,
Mêle quelques lys à des roses .
Sur ce beau col il faut pourtant
Que séparément tu déposes
De tes lys le plus éclatant.
Qu'autour de son menton charmant
Toutes les Grâces soient errantes
Pour ne venir se reposer
Que sur ses levres attrayantes ,
Et pour appeller le baiser.
Je choisirais sur ta palette
Cette teinte de violette ,
En colorant son vêtement ;
Je le veux modeste et décent ;
Mais entr'ouvre un peu cette robe ,
( 289 )
Et qu'elle offre à l'oeil curieux
L'échantillon voluptueux
Des charmes qu'elle nous dérobe.
C'est elle- même ; je la vois ;
Ton art vient de faire un prodige
O toi , quel est ton prestige !
Nous allons entendre sa voix . "
Qu'on lise encore l'ode 51. sur un disque d'argent
représentant Vénus ; Anacréon se garde bien de lui ôter
sa ceinture ; nous n'en citerons qu'un fragment , et ce
fragment suffit pour justifier le poëte ; il s'adresse à
l'artiste :
O toi , qui tentas cet ouvrage ,
As- tu dérobé dans les cieux
Cet art qui place sous nos yeux
De Vénus l'adorable image ?
Vénus qui charme tous les Dieux !
Vénus l'ame de la nature !
Ta main téméraire , mais pure ,
Rend modestement sa beauté ;
Elle est décente , quoique nue ;
Et l'onde cache à notre vue
Ce que l'artiste a respecté .
La déesse paraît se plaire
A fendre l'écume légere ,
A se promener lentement ;
Les flots paisibles la soulevent ,
Ils la balancent mollement ;
Aucuns de ces flots ,ne s'élevent
Jusques aux roses de son sein.
A ce col ravissant , divin ,
Ne touchez pas , vagues discretes ;
C'est bien assez que sans pitié
De tant de beautés si parfaites
Vous vous réserviez la moitié . "
Voici un tableau d'un autre genre , et c'est par- là
que nous terminerons nos citations ; c'est un tableau
du printems . Les objets ne sont qu'indiqués comme il
$
convient dans une chanson (car on sait que les odes d'Anacréon
étaient chantées comme tous les poëmes anciens ) ;
mais que de choses en si peu de vers , et que d'idées
accessoires naissent des idées principales ! Seulement
on est un peu fâché qu'Anacreon n'ait pas terminé son
tableau du printems par quelques traits qui rappellassent
les doux plaisirs du printems de la vie .
}
*
Les jours deviennent plus sereins ;
r
Du printems, j'apperçois les traces ;
EtEt la rose nait sous les mains 20
Des nymphes , de Floreletades Grâces .
Le calme regne sur les mers .
Vous voyez l'oiseau qui voyage ;
Il traverse déja les airs.
Le cygne étale son plumage
Sur ce fleuve majestueux.
Le soleil lance plus de feux .
L'ombre mobile du nuage
Se promene sur les côteaux .
L'homme a repris tous ses travaux ;
Deja s'élevent de la terre
Les semences des végétaux .
La seve active et nourriciere
Fait éclore près des rameaux
Du fruit la tendre avant- couriere .
Les oliviers et les ormeaux
Vont entrelacer leur verdure ;
Couronné de pampres nouveaux
Bacchus sourit à la Nature .
On peut juger maintenant du mérite de cette traduction
nouvelle. Ceux qui sontià portée de la comparer à
l'original , ce que l'auteur desire , afin dit ik , qu'au
moins ses efforts ne soient pas tout - à -fait perdus verront
s'il a su se pénétrer de l'esprit de son modele . Ce qui
distingue Anacréon , c'est principalement la simplicité ,
T'élégance et la grace . C'est ce doux épicnrisme , cette
gaité spirituelle et aimable , ce goût pur et délicat , quelquefois
même cet abandon que l'on prendrait pour de la
négligence , s'il n'était un charme de plus ajouté à
la perfection . Si parmi les poëtes modernes il en est
un qu'on puisse lui comparer , à bien d'égards , c'est
( 291 )
Lafontaine . C'est le talent de la nature , embelli de
tout le sentiment des beautés antiques . Point de bel
esprit , point de parure recherchée , même abandon ,
même naïveté , seulement un peu moins de ce fini et
de cette correction qui tient à la différence des langues .
C'est aussi le caractère qui nous paraît avoir été saisi
par le nouveau traducteur . Ceux qui sont accoutumés
à lire nos poëtes du jour auraient desiré peut- être
qu'il eût mis plus d'éclat , plus de brillant dans sa
poésie ; mais ce n'eût plus été Anacreon . Ce n'est
d'avoir pas , selon nous , un ' mérite médiocre. , que
su se défendre de ce papillotage , et de ce coloris
ambitieux et forcé qui n'est le plus souvent que la
charge , plutôt que l'imitation de la nature ,
Dans un discours que le traducteur a mis à la tête
de son ouvrage ; et qui a pour épigraphe ce mot d Elien :
Au nom des Dieux , que nul ne calomnie te chantre de Téos ♣
il s'est attaché à laver Anacréon d'un soup qui tient
aux moeurs grecques , et dont Socrate lui-même n'a pas
été à l'abri . Nous n'entrerons point dans l'examen de
cette apologie . Anacreon a si bien chanté les femmes
et l'amour , que l'on croirait qu'il n'a jamais eu d'autre
culte .
On ne sera pas fâché de savoir à quelle époque vivait
Anacreon. Il paraît qu'il était contemporain et parent
de Solon . Il a écrit environ trois cents ans après Hesiode
et Homere . Il a précédé Pindare , Eschyle , Sophocle ,
Euripide , et de plus de cinq cents ans le siecle d'Auguste.
Il était de Téos , ville d'Ionie ; voila tout ce que l'on
sait de ce poëte.
La traduction que nous annoncons est du même aureut
qui vient de publier celle des Lettres de mita y Montague,
dont nous avons parlé dans un de nos précédéns numé
ros . Caché au fonds d'une retraite pour se dérober à
l'oeil des tyrans , il s'occupait de la culture des lettres ,
tandis que ces monstres n'étaient occupés qu'à les détruire
, et à verser le sang de leurs semblables . Une
remarque qui ne rendrait pas ces deux ouvrages meil
leurs , mais qui peut ajouter au mérite qu'ils renfer
ment, c'est que l'auteur a passé sa vie à cultiver des
connaissances bien opposées . Sa modestie ne lui a pes
mis de se faire connaître que par la lettre initiale de
son nom . Nous croyons satisfaire à l'estime publique
en le nommant ; c'est le citoyen Anson , ancien receveur
général des finances , et membre de 1 Assemblée constituante
.
"
( Cet article est du cit . LE NOIR DE LA ROCHE . )
( 292 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ALLE MAGNE.
De Hambourg , le 22 août 1795.
De
Constantinople ,
terrible incendie qui vient de réduire en
le 12 juillet. E
cendres une partie de cette capitale , est peut- être un des plus
désastreux de tous ceux dont elle a été si souvent la proie . Il se
manifesta le 8 , à neuf heures du soir dans un magasia près du
canal . Un vent frais qui s'éleva malheureusement , repandit
an loin les flammes , et dès les premieres heures de l'incendie ,
rendit inutiles toutes les mesures prises pour l'éteindre , A
minait , il communiqua aux magasins tres considérables
d'huile , de beurre et de suif. C'était un spectacle épouvantable
de voir toutes ces matieres couler dans les rues comme une
lave enflammée , répandre le feu et la désolation ; et arrêter
par un obstacle invincible les malheureux qui cherchaient à
se sauver , ou à sauver leurs parens et leurs amis . Bientôt cette
flamme ambulante parvint aux magasins de bois et de chatban.
Ce fut alors que le malheur fut à son comble ; l'ardeur brùlante
de l'atmosphere embrâsait au loin toutes les matieres combustibles
, tous les magasins de iz , d'orge , de tabac , et
sur-tout ceux de café , dont il était arrivé récemment une
quantité considérable , devinrent la proie des flammes , et
par leur embrâsement en étendirent au loin les ravages . L'incendie
dura 36 heures , et ne cessa que lorsqu'il ne trouva
plus rien à dévorer dans la direction qu'il avait prise . On
estime à plus de cinq ou six mille le nombre des maisons
brûlées , sans compter les édifices publics , ni les boutiques ,
parmi lesquelles on regrette cinquante ateliers d'ouvriers en
ambre.
Des renseignemens ultérieurs font évaluer à plus de douze
millions de piastres la perte qui résulte de cet incendie . On
en outre aujourd'hui la triste certitude qu'il est l'effet da
mécontentement du peuple , causé par l'excessive cherté des
denrées . Les jarnissaires ordinairement si empressés de porter
des secours dans ces malheureuses circonstances , sont restés
tranquilles spectateurs des 1avages du feu ; ce que l'on attribue
à la mauvaise humeur que leur ont inspirée les innovations
sages etutiles , introduites dans la tactique et la discipline turque
qu'on a voulu rapprocher de celles de l'Europe . Point de
( 293 )
doute au reste que ce ma heur n'ait contribué à faciliter les
arrangemens entre la Porte et l'Autriche , dont une lettre de
la capitale rend compte de la maniere suivante :
Le baron de Herbert a enfin réussi à terminer le différend qui
subsistait entre la Porte et le cabinet de Vienne , depuis le
traité de Belgrade , sur la ligne de démarcation dans la Croatie.
Cette ligne sera tirée suivaus le texte de l'article de ce traité
qui y est relatif , et en outre d'après l'explication plus éiendue
qui se trouve dans le traité de Szistowe . C'est la riviere
d'Unna qui doit former la division des deux empires . Cepen
dant il est à craindre que l'exécution de ce nouvel arrangement
ne rencontre de grandes difficultés . Les Bosniaques
qui sont propriétaires du territoire qui se trouve ainșî cedo ,
ont toujours refusé de passer sous la domination de l'Autriche.
Le cabinet de Pétersbourg ne semble aucunement disposé
à ménager celui de Stockholm : Catherine vient de défendre
en Courlande l'exportation de tout autre fer que celui de sés
possessions. Ainsi les puissances du Nord ne devaient pas
tarder à sentir combien il importait à leur intérêt que la
Pologne demeurât indépendante.
On mande de Copenhague que le ministre de Danemarck
à la Haye , a donné connaissance aux états - généraux que le
chevalier Kinsbergen avait été nommé amiral en chef de la
marine danoise . Il a ajouté que leurs hautes puissances verraient
sans doute avec plaisir un homme qui a servi la république
batave d'une maniere si distinguée , obtenir un des
premiers postes chez une nation alliée , et qu'il se flattait
qu'on donnerait à cet officier toutes les facilités nécessaires
pour qu'il puisse se rendre au lieu de sa destination . L'amiral
Kinsbergen d'ailleurs , en acceptant le poste nouveau auquel
il vient d'être appelé , s'est expressément réservé de ne jamais
servir contre sa patrie .
Suivant des lettres des frontieres de la Pologne , le partage
définitif de cette malheureuse contrée est enfin décidé . Le lot
le plus considérable sera comme de raison pour l'impératrice.
Une ukase émanée d'elle , en date du 28 juillet , déclare qu'elle
veut réunir à ses domaines toute la partie actuellement occupée
par ses troupes , arrangement que s'il s'effectue , lui donnera
outre la Lithuanie , le palatinat de Volhynie et la partie de
celui de Chelme qui est à la droite de la riviere de Bag , et
qui confine à la Volhynie , et enfin une petite portion de
Bielka. L'Autriche reçoit la ville et le palatinat de Cracovie
et ceux de Sendomir , Lublin , Chelm et Masovie , tous cinq
sur la rive gauche de la Vistule. Prag , fauxbourg de Varsovie ,
fait partie de cette attribution. Le reste serait pour le roi de
( 294 )
Prusse quant à celui de Pologne , à qui il ne resterait
tien ou presque rien dans cet arrangement , os assure qu'il
ira finir ses jours à Pétersbourg. On mande de cette derniere
ville que Kosciuszko vient d'y mourir des suites
blessures , et que Catherine a payé un ribut de quelques
larmes à la mémoire de ce grand homme.
de ses
Les Polonais qui ne voudront pas prêter serment de fidelité
et de soumission à l'impératrice , seront tenus de vider
le territoire dans l'espace de trois mois . Mais il leur est permis
de vendre leurs biens . Tout porte croire que , l'émigration
sera considérable : un grand nombre passeront à ce qu'on
prétend , les uns en France , les autres dans les Etats Unis de
l'Amérique.
De Francfort-sur-le-Mein , le 25 août.
Suivant des leunes de la capitale de l'Autriche , en date du
13 août , le général Wurmser a été promu par l'empereur au
commandement d'une armée d : 50,000 hommes , destinée a
agir de concert avec celle de Condé , tandis que le général
Clairfayt restera à la tête d'un corps d'observation . C'était
vers le 20 que le général Wurser devatt se meure à la tête
de cette armée , dont M. Kinglia est nommé général major.
Au restes, le corps de Conde , sur lequel l'empereur paraît
fonder ses dernieres espérances , a beaucoup de peine à se
recruter ; il n'est encore composé que de 7200 hommes ,, ce
qui est un peu loin des 100,000 auxquels quelques papiers
exagérateurs avaient annoncé , qu'il serait infailliblement porté.
On apprend d'ailleurs que les Français , sont en marche pour
tenter le passage du Rhin , et qu'ils vont prévenir , avec leur
prestesse accoutumée , leurs ennemis ,, sans leur laisser le tems
de se reconnaître . Leur camp principal est vis - à - vis de Gelb ,
où ils ont rassemblé au moins 30,000 homnes , qui vont être
renforcés au premier moment de quinze regimens .
Les choses en étaient là , lorsqu'on vient de recevoir la
nouvelle que M. de Warmser , déja en marche , a reçu , à
quelques lienes de Vienne , une estafette qui lui portait l'ordre
de retouiner.
Les corps d'émigrés rassemblés à Bremerlohe , où ils devaient
s'embarquer , ont également reçu contre- ordre , On
ajoute que ce contre- ordre a aussi été donné à ceux même
qui étaient déja arrivés à Portsmouth pour la même destination..
On s'accorde à dire que c'est l'affaire de Quiberon, et la
pax avec l'Espagne qui ont produit ces changemens dans les
operations militaires et diplomatiques des principales cours .
Cependant , M. Fraser , ministre anglais près le cercle de Basse-
Saxe , a notifié au sénat de Hambourg le nouveau traité d'alliance
défenfive conclu entre sa cour et celles d'Autriche et
( 295 )
de Russie ; et l'on ajoute vaguement qu'un courier , expédié
de Bâle à la Haye , y a remis une invitation sérieuse aux
états - généraux de s'abstenir de toute vente du mobilier du
stadthouder.
2
Le prince Frédéric d'Orange éta , depuis le 9 d'acût , à
Osnabruck , où il se formait des rassemblemens d'émigrés
hollandais . Les deux républiques alliées en ont conçu de
T'ombrage , et voici ce qu'on mande de Leyde , en date
du 22":
Le chargé d'affaires de la République Française près de
celle des Provinces- Unies , vient de remettre au greffier des
états - généraux une note , à laquelle se trouve jointe une autre
note à lui adressée par le secrétaire de légation prussienne ,
au nom du roi de Prusse , dont voici le contenu :
硬
t
Le rassemblement de militaires hollandais emigrés , qui
se fait actuellement dans le duché d'Osnabruck , devant exciter
à juste titre l'attention du gouvernement français dans les
circonstances présentes , le soussigné s'empresse de communiquer
à M. le chargé d'affaires , Pinsot , les explications officielles
qu'il vient de recevoir à ce sujet par les dernieres
dépêches de sa cour.
Sa majesté prussienne n'a pu considérer un rassemblement
armé dans cette contrée , que comme absolument incompatible
avec les stipulations de la convention additionnelle du
traits de Bâle , et avec la tranquillité de la partie de l'empire
-convente par la ligue de la neutralité . Une considération aussi
importante ne lui permettant donc en aucune maniere de conuiver
aux mesures de ces émigrés , elle a donné ordre aux commandans
de ses troupes et de ses villes de garnison de ne point faci
liver le passage des transfuges hollandais , et elle a fait écrire en
même tems aux régences d'Hanovre et d'Osnabruck , pour
leur dire qu'elle ne pouvait tolérer de pareilles entreprises
dans les limites de la ligne de démarcation , et qu'elle leur conseillait
d'obvier promptement aux suites fâcheuses qui devaient
en résulter.
9 Le soussigné prie M. le chargé d'affaires , Pinsot , de
faire de cette communication l'usage qu'il jugera le plus
propre à détruire les impressions défavorables que pourrait
produire le rassemblement en question. It se flatte que les
démarches du roi , son maître , pour le dissiper , ne laisse-
Tont aucun doute sur la sincérité du desir de sa majesté de
prévenir par une exécution aussi scrupuleuse que loyale
i des engagemens contractés par le traite de Bâle , tout ce qui
pourrait alterer la bonne intelligence établie entre elle et la
: Republique Française . "
La Haye , 17 août.
Signé , BIELFELD , secrétaire de légation de S. M. Prussienne.
4
( 296 )
ITALI E.
De Gênes , le 13 août. Il s'est élevé de vives difficultés
entre le ministre français et le gouvernement génois ; en voici
l'origine et le développement :
Le citoyen Villars , voyant que le g uvernement ne rece- .
vait aucune détermination relativement aux violences exercées
chaque jour , par les ennemis de sa nation , contre les
bâtimens neutres qui apportaient des vivres aux troupes fran
çaises , a provisoirement autorisé les bâtimens et corsaires
français à arrêter les marchandises appartenantes aux coalisés ,
qui se trouveraient sur des bâtimens génois , ou des corsaires
de Capré de Corse ; il a arrêté , en outre , que ces prises demeureraient
en séquestre dans les ports où elles seraient con+
duites , jusqu'à ce qu'il fût pris une décision sur leur validité
.
Par suite de cette division , deux corsaires français ont
pris et conduit dans le Môle , quatre bâtimens génois , char
gés de vivres , et destinés pour Savone . Le magistrat a ordonné
de reprendre les bâtimens dans le Môle , et les équipages
ayant été rembarqués , ils furent conduits dans l'intérieur du
port. Le citoyen Villars a fait de vives remontrances contre
ces voies de fait ; et les bâtimens ont été reconduits dans
le lieu où ils étaient d'abord . Dans la soirée du 5 , les corsaires
français se disposaient à mettre de nouveau en mer ,
lorsqu'ils en furent empêchés par les signaux des batteries ,
qui menacerent de faire feu. Le ministre français presenta
une nouvelle note qui contenait sa plainte , et dans laquelle
il disait entr'autres qu'il avait ordonné à un corsaire de sortir
dans la soirée du 6 , malgré les obstacles qu'on voudrait lui
opposer , parce que cette mesure était nécessaire à l'armée
française ; qu'elle était conforme à la justice , et que l'intérêt
des Génois eux mêmes l'exigeait ; il déclarait au surplus ,
que les conservateurs de la mer seraient personnellement
responsables de l'inexécution de son ordre , et qu'il allait
informer immédiatement la Convention nationale et l'armée
de ce nouvel acte d'hostilité . Le corsaire tenta effectivement
de sortir , malgré les signaux que lui firent les batteries du
Môle de s'arrêter : alors un coup de canon à mitraille blessa
plusieurs hommes sur le corsaire , et en tua un . Le ministre
français se transporta de suite chez le secrétaire d'état , lui
fit les plus fortes remontrances , et remit une troisieme note ,
à laquelle il ne fut fait aucune réponse . Le 7 , il écrivit au
་
secrétaire d'état la lettre suivante :
Il ne m'est plus possible de réprimer l'indignation de
tous les Français qui sont à Gênes , après le vil assassinat qui
s'est commis hier . J'en donne avia à Moulins , le secrétaire
d'état
1
( 297 ))
L
Pétat, pour n'avoit point à me reprocher les conséquences
incalculables que cette affaire doit avoir nécessairement. Les
officiers qui commandaient hier à la porie de la Lanterne et
au Môle , sont encore à leur poste ; ainsi il est clair que le
gouvernement génois est de connivence avec eux et avec le
magistrat das conservateurs de la mer , qui ont tous coucourw
cet ordre infâme , en vertu du quet des Français ont été
assassinės. Dėja le soussigué n'avait pu réussir à faire goûter
au sénat lessjustes réelamations qu'il a faites dans la soirée
d'hier. Déjasa note était demeurée sans réponse ; il déclare ,
9. qo'il regarde comme acte d'hostilité envers la République
Française, tout ce qui a eu lieu depuis un mois dans les
ports de la république de: Gênes et notamment l'asyassinar
commis hier à la vae de tout le peuplé génois ; ºº . qu'en
indiquant au serenissime gouvernement les moyens propres
à calmer la juste indignation dont seront pénétrés da Convention
nationale , les armées de terre et de mer , il n'a pas
prétendu satisfaire pleinement à la vengeance que la nation
qu'il représente doit réclamer , à l'occasion de l'outrage qui
a eu lieu deux fois dans ce port , au grand scandale de tous ;
39. qu'en demandant une pension pour la veuve et les enfans
du Français assassiné , parce qu'il exécute les ordres de
son ministre , il n'a pas entendu qu'il serait de cette sorte
poarvu à l'existence de cette famille malheureuse , parce que
la Convention nationale doit seule avoir l'honneur de
voir à ses besoins ; mais qu'il a voulu fournir au sérénissime pourgouvernement
l'occasion de donner une preuve particuliere
de sa douleur , et arrêter , s'il est possible , dans le sein de
cette famille , les cris de vengeance qui vont retentir dans
tous les coeurs français.
Le soussigné demande une réponse prompte et eathégo
rique à cette note et à celle d'hier. Les moyens et prétextes
dilatoires sont hors de saison . Il convient que le gouverne
ment génois s'explique dans le jour d'une maniere franche et
nette , afin que la République Française sache positivement
no, si le mot neutralité , dont il a déja été abusé depuis un
long- tems n'est pas un moyen déguisé , employé pour servic
les ennemis de la France , en feignant de prendre les inté
rêts de cette derniere ; 2 °. si le
serenissime
gouvernement
veut que quelques Génois , ennemis du Peuple Français et du
régime qu'il a adopté , se réunissent pour sacrifier les véritables
interêts de la république de Gênes à leur orgueil et à leur
cupidité ; 3°. tufin , si l'amitié que le
sérénissime gouvernemeut
dit avoir pour la France est feinte , ou est au contraire
un sentiment veritable auquel la nation française peut se
fier. 99
Le colonel ,
commandant à la porte de la Lanterne , et l'offcier
des garde aux batteries du môle , ont été d'abord mis
Tome XVII .
V
((298 )
arrestation à la tour. Le moif qui a décidé les conservateurs
de la mer à s'opposer à la sortie des corsaires français est
maintenant connu . C'est que ceux ci , après la violation de la
neutralité par les Austro Sardes , avaient réfusé de donner leur
parole d'honneur de respecter la neutralité . Le gouvernement
fait entendre au ministre français qu'il avait fait arrêter celui
qui commandait à la porte de la Lanterne , lofficier de garde
su môle et le canonnier , pour savoir qui avait donné l'ordre
de tirer à mitraille ; que les corsaires pouvaient librement
sortir , qu'ensuite il aurait répondu aux demandes faites par
le ministre dans sa derniere note. Le secrétaire- d'état a donné
en outre communication au citoyen Villars que le consul anglais
ayant demandé au gouvernement si les bâtimens anglais
seraient en sûreté dans le port de Gênes , il avait répondu
que les vaisseaux de guerre français avaient donné leur parole
d'honneur de respecter le port.
Cette nuit , vers deux heures , on a entendu une vive canonade
du côté de la riviere de Pouent ; on ignore encore
quelle on a été l'objet et l'issue.
P. S. On eutend dans ce moment une nouvelle canonade :
une felouque , arrivée de Finale , rapporte que les Français , au
nombre de six mille , étant parvenus à Garessio , sont ensuite
descendus à St.-Jacques , et tentent de chasser les Autrichiens
de Vado , Savone , etc.
ANGLETERRE. De Londres , le 22 août.
Des ordres ont été donnés hier pour l'embarquement immédiat
des 17. , 32e. et 67º . régimens d'infanterie ; on dit que
leur destination est pour Cork , et qu'ils y seront conduits
dans sept vaisseaux de transport , qui , samedi dernier , arriverent
d'Irlande : il a été aussi donné des ordres pour l'embarquement
des 25e . , 31º . et 18. régimens d'infanterie . Leur
destination est pour Portsmouth , et ils y seront transportés
dans des vaisseaux de guerre .
Le chevalier Smith , commandant de la frégate le Diamant ,
fera voile demain avec six barques canonnieres , pour les côtes
de France.
Les chevaux qui ont été long- tems à bord des vaisseaux de
transport dans les ports de Portsmouth et Southampton ,
meurent avec beaucoup de célérité . Il ne se passe point de
jour, qu'on n'en jette un grand nombre à la mer .
Il a été expédié hier , pour Portsmouth , un courier perteur
de dépêches adressées au gouverneur de Gibraltar.
Il est question d'on traité de commerce , qu'on assure déja
étre très avancé , entre la Russie et la Grande Bretagne.
Depuis le commencement de la semaine , on a expedié de
la capitale , pour les émigrés , plusieurs milliers d'uniformes
rouges , revers jaunes , boutons fleur-de lysés.
( 299 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
L
1
PRESIDENCE DE CHÉNIER.
Séance du duodi , 12 Fructidor.
Un secrétaire lit une adresse des réfugiés des départemens
de l'Ouest , dans laquelle ils expriment leur reconnaissance à la
Gonvention pour la constitution républicaine qu'elle vient de
donner à la France , et le desir de concourir à son acceptation
; et sur la notion de Lareveillere Lepaux la Convention
décrete qu'ils seront admis dans les communes où ils font leur
résidence actuelle à voter dans les assemblées primaires sur
l'acceptation de la constitution et pour la formation des assem
blées électorales.
Henri Lariviere , au nom du comité de législation , reproduit
à la discussion le projet de décret sur les détenus. Il dit
que le desir de soustraire les opprimés à la vengeance de leurs
oppresseurs avait d'abord inspiré aux comités réunis le premier
projet de décret qui avait été présenté à la Convention ;
mais que les observations qui ont été faites , la discussion qui
a eu lieu les ont déterminés à trois articles dont il va leur
donner lecture..
Art , Ier. Toutes personnes actuellement détenues en verto
d'ordres , autres que ceux des officiers de police , seront traduites
devant les officiers de police de sûreté de leur arron.
dissement .
11. Il sera procédé contre elles d'après la loi du 16 septembre
1791 .
III. Il sera libre aux détenus contre lesquels il y aura lieu
à accusation d'opter entre le tribunal criminel du lieu du
délit et les deux tribunaux criminels les plus voisins .
Ce projet de décret est accueilli et adopté.
Letourneur , organe des comités de salut publie et sûreté
générale , expose qu'aucun décret n'a réglé la maniere dont
les représentans du peuple près l'armée sous Paris correspondront
avec le comité de sûreté générale , et il fait sentir la
nécessité de fixer ce mode. La Convention décrete qu'ils se
concerteront journellement , soit en reunion générale , soir
par l'organe de ceux d'entr'eux qu'ils designeront à cet effet
pour convenir de toutes les mesures militaires que les circons
sances exigeront ; que le comité de sûreté générale , qui a
le droit de requisition de la force armée , prendra les arrêtés ,
9
V
( 300 )
etles représentans les exécuteront , et que dans les cas urgens
où la réunion ne pourrait pas s'effectuer, les représentans prendront
les mesures d'exécution , à la charge d'en rendre sur- lechamp
compte au comité d'exécution .
Une députation de la section de Montmartre paraît à la
barre :
L'oiateur : D'après l'accueil fait hier à plusieurs sections
nous avons hésité à nous présenter à cette barre ; mais
nous avons pensé que honores de la confiance des citoyens
de motre arrondissement , nous ne pouvions nous dispenser
de la justifier , en vous présentant leur veeu qui , quoi qu'on
en dise , n'est pas le fruit de l'intrigue . Nous ne vous manifesterons
aucune inquiétude sur les troupes qui sont aux
environs de cette commune . Nous sommes sûrs de cette loyauté.
La constitution républicaine est faite , elle doit être acceptée
elle le sera , et nous n'avons jamais done que vous ne
voulussiez qu'elle le fût avec une liberté indéfinie ; mais nous,
ne pensons pas que le décret relatif au renouvellement de la
Convention par tiers seulement puisse être maintenu ,
,, En vain dira - t- on qu'il ne faut pas une constitution nouvelle
une assemblée entierement neuve. Le peuple français
aura accepté librement la constitution : il ne souffrira pas qu'il
lui soit porté la moindre atteinte. Qui de vous d'ailleurs osera
Lester içi s'il n'a pas la confiance de ses commettans ? Consacrez
les principes de la liberté et de la souveraineté du peuple en,
rapportant le décret qui restreint ses droits , et en décrétant
que les assemblées électorales, procéderont à la nomination de
la totalité du corps législatif , mais que les membres qui composent
la Convention seront rééligibles . "
Le président répond : Attendez la décision de la majorité
du peuple , elle sera dictée par la sagesse et l'amour de
la patrie. Des intrigans de toute espece vont vous agiter dans
ce moment décisif où la constitution républicaine sera présentée
à la sanction nationale .
Songez que tous les ennemis de la République sont les
ennemis de la Convention nationale. L'énergie des représen
tans du peuple a terrassé les tyrans au 9 thermidor , et jamais,
leur joug odieux n'aurait pesé sur la République si , au nom
des sections de Paris , des agitateurs forcenés n'étaient venus
tyranniser la Convention nationale . Souvenez-vous du 31 mai
et du 2 juin . Dites aux hommes qui voudraient vous égarer :
Le tems n'est plus où l'influence d'une commune gouvernait
13 République , en exerçant une initiative illégale sur toutes
Les communes et un vélo monstrueux sur les lois rendues . 1
Un membre demande un sursis en faveur de quelques citoyens
de Besançon qu'il dit être poursuivis par des royalistes.
Ce sursis est accordé. Lariviere s'y oppose , et observe qu'on
ne peut ainsi paralyser les tribunaux .
1
( 301 )
Un autre membre dit que ces patriotes ont crié ! Vivent les
Jacobins vive la Montagne !
Les débats deviennent vifs et se prolongent. Enfin le sursis
est rapporté , et le comité de sûreté générale est chargé de
faire un rapport.
Séance de tridi , 13 Fructidor.
Le général Montesquiou écrit à la Convention qu'il n'a
cesse de faire des voeux dans son exil pour la liberté et la
prospérité de la France , et qu'il s'estimerait heureux dé pouvoir
encore la servir. Il réclamé contre le décret d'accusation
rendu contre lui qui l'a forcé dé s'e £patrier .
Treilhard demande le renvoi de sa pétition aux comités
Tennis . Si Montesquiou est coupable , dit- il , il doit être punf ;
mais s'il est resté fidele à la Républiqué , mettre un terme à
sa proscription est un acte de justice que nous ne devons pas
laisser à faire à nos successeurs .
Renvoyé aux comités .
Boissy d'Anglas , au nom des comités de salut public , sûreté
générale et des finances , dit que la France est l'asyle des
hommes res sont qu'elle doit des secours à tous ceux qui se
sont soustraits au despotisme britannique . Beaucoup de Corses
se sont réfugiés dans les départemens méridionaux
besoin de secourt . Ils ne seront pas de longue durée , parce
que le tems où nous rentrerons dans ce département n'est pas
éloigné . Les divisions ý čclatant de toutes parts , et la majorité
des habitans supporte impatiemment le joug des Anglaiš.797
Renvoyé du comité des secours publics."
Gamond : Je suis chargé , par les comités de salut publie ,
sûreté générale , législation et financès réunis , de vous proposer
un moyen sat et facile de fetirer à l'instant plusieurs
milliards d'assignats de la e'rculation . ( Applaudissemet :)
Les malions nationales sinees a Paris dépérissent entre vos
mains , et sont plutôt onereuses que profitables à la République.
Nous avons pense qu'il fallait fournir des asyles
commodes aux habitans de cette grande cité , et des attacher
par des propriétés à la constitution nouvelle . Le moyen que
je vais proposer achèveta d'ôter tout espoir aux emigret ,
( Bourdon de l'Oise s'écrie : On les raié tous les jours . ) et
ferd disparaître un papier trop abondant . Voici les disposi
tions principales du projet présenté par Gamond :
1º . Les maisons dationales situées dans l'enceinte des murs
de Paris , seront acquises dans le courant d'une décade .
20. Tout citoyen poufra se présenter chez le receveur
d'enregistrement de son arrondissement , et y inscrire sa
soumission ' d'acquitter telle ou telle maison au denier 150
du revenu .
36. Le révenu séra évalué d'après le prix du bail en 1792 .
V 3
( 302 )
4
sans diminution de charges ; on , à défaut de bail , d'après la
contribution fonciere de la même année , estimée le dixieme
du revenu .
4° . S'il se présente plusieurs concurrens
il sera libre à
l'un d'eux de couvrir la soumission par une enchere du
sixieme. Nul ne sera admis à faire de nouvelles soumissions ,
passé l'heure précise de midi du 4. jour , à compter de la
premiere sonmission .
Bourdon ( de l'Oise ) : Ce projet de décret n'est pas neuf.
La question avait été amplement discutée , il y a trois mois ,
et la discussion avait été suivie d'un décret général dans le
même sens que celui qu'on vous présente. Je suis bien aise
de voir que les comités reviennent à une mesure qu'ils firent
rejeter. C'est le vrai moyen de mettre fin à ces radiations
scandaleuses dont j'ai la preuve en main . Voulez - vous clouer
la révolution ? jettez enfin les yeux sur les finances , retirez
autant d'assignats que vous pourrez de la circulation , vendez
les biens d'émigrés . ( Applaudissemens . )
Un membre demande qu'on suspende provisoirement toute
radiation de la liste des emigrés .
Tallien pense que ces radiations s'operent avec trop de faci
lité. Cependant il desire qu'on distingue parmi eux les vrais
amis de la révolution , tels que l'ancien évêque d'Autur .
Lanjuinais dit qu'il y a au comité de législation plus de
vingt mille réclamations , et que la plupart des réclamaus
sont des victimes du 31 mai . Il demande une exception en
leur faveur.
:
Lecointe Puyravaux i on la faisait , tous les émigrés
seraient des victimes du 31 mai , La Convention décrete la
suspension de toute radiation de la liste des émigrés , et
charge les comités réunis de reviser les lois sur le mode
établi pour obtenir ces radiations.
Sur le rapport de Baudin , organe de la commission des
onze , l'Assemblée a décrété le mode d'exécution du décret
qui veut que 500 membres de la Convention catrent dans le
corps législatif, Les assemblées électorales nommeront d'abord
un nombre suffisant de membres de la Convention pour composer
les deux tiers de leur députation , et ensuite un nombre
triple de suppléans pour remplacer ceux qui pourraient
l'avoir déja été ailleurs . Si cependant le nombre de 500 n'était
pas encore complet par ce moyen , les membres de la
Convention renommés se completteront par le choix qu'ils
feront eux- mêmes parmi leurs collegues .
Bailleul , ap nom des comités réunis , fait décréter qu'il
est défendu de vendre à Paris , dans tout autre endroit que
la Bourse , de l'or ou de l'argent monnayé , en lingot ou
oeuvré , ni aucune espece de marchandise qui ne serait pas
exposée en vente dans le lieu même où se fait le marché. .
( 303 )
Les contrevenaus , acheteurs et vendeurs , seront punis da
deux ans fer , de la confiscation et de plusieurs heures d'exposition
, avec un écriteau portant ce mot : Agioteur . On demaude
que ce décret soit rendu commun à toutes les villes
de commerce de la République . Déciété.
Séance de quartidi , 14 Fructidor.
Pierret , au nom du comité de sûreté générale , fait son rapport
sur les citoyens de Besançon accusés . Il résulte de deux
lettres des autorités constituées que les prévenus avaient levé
l'étendard de la révolte fait entendre les cris séditieux de
vive la Montagne ! vivent les Jacobins et mis les citoyens dans
l'alternative de les faire périr ou de périr eux-mêmes .
L'Assemblée passe à l'ordre du jour,
Onze cultivateurs , prévenus d'avoir maltraité , ily a trois
ans , des femmes qui revenaient de la messe d'un prêtre insermenté
, et qui n'avaient formé ancune plainte , viennent
d'être condamnés pour ce fait à une amende de mille livres et
à une année de détention .
ip
Un membre demande un sursis à ce jugement.
Tureau dit que les persécutious catholiques se propagent de
toutes piris. Le sursis est accordé, k
Une députation du département de Jemmappes et de la ville
de Gand vient demander la réunion définitive de la Belgique
à la République Française , et la faculté sux Belges de
(voter sur l'acte ' constitutionnel. Pelet appuie la demande des
pétitionnaires , er dit , que la gloire de la France , 03 sûreté
et le gage des assignats exigent que tout le pays en deçi
du Rhin lui soit reuni. Boissy assure que le comité de
salui public ne perd pas de vue les intérêts de la nation ,
et il demande le renvoi de cette pétition à ce comité. Décrite.
La seconde division de gendarmerie , en garuison à Fontainebleap
, envoie le procès verbal de son acceptation de la
constitution . ( Applaud . ) 1
Letourneur , organe du comité de salut public , expose qu'il
est convenable de faire quelques changeme-us dans le commendement
des armées. I propose et la Convention décrete ,
que l'armée des Alpes et d'Italie sera divisée en deux armées.
Celle des Alpes , sera commandée par Kellermann , et celle
d'Italie , par Scherer. Hoche , commandera l'armée, de l'Ouest ,
Moucey , celle des côtes de Brest , et Canciaux celle du
Midi.
"
Lehardi présente un projet sur le moyen de faire égorger
les agioteurs et payer par les communes les avances qui
leur ont été faites , qu'il évalue à près de trois milliards. I
consiste en partie à établir sur les premiers une taxe à raison
des trois quarts de leurs bénéficis. Cene taxe s'étendrait
+
V 4
( 304 )
aussi sur ceux qui ont abusé des fonds de la République
Lehardi pense et avec raison qu'on n'atteindra jamais le
but qu'on se propose , celui de faire baisser le prix des
denrées , si l'on ne fixe pas le prix du bled ', qui est la bâse
du prix des autres objets de premiere nécessité . Son projet
est renvoyé aux comites réunis .
Sur le rapport de Lanjuinais , au nom du comité de législation
, la Convention suspend toute action en rescision de
vente pour cause de lésion d'outre-moitié , et elle l'abolic pour
l'avenm.
Séance de quintidi,, 15 Fructidor,
Roger Ducos prévient la Convention que , dans plusieurs
sections de Paris , on agite la question de savoir si les citoyens
desarmés pourront voter dans les assemblées primaires sur
l'acceptation .
at all !
Un autre membre dit qu'on est partagé également dans
les départemens sur une question qui a beaucoup d'analogie
à la précédente , et qui est celle de savoir si les fonctionnaires
publics destitues ou suspendus depuis le 9 thermidor ,
et mis sous la surveillance de leurs municipalités respectives ,
peuvent émettre leur voeu sur la constitution . Il demande que
l'Assemblée prononce en même- tems sur les deux . La Convention
passe à l'ordre du jour sur l'une et l'autre question ,
motivé sur ce que nul ne peut être exclu des assemblées pri
maires , à moins qu'il ne soit privé de ce droit par une loi
*expresse.
Monnot , au nom des comités des finances et de salut
public , présente un projet de décret tendant a sopprimer la
commission de commerce et approvisionnemens , et a répartir
sur les commissions exécutives de la guerre et de la marine ,
les attributions dont elle était investie . Il dit que le moment
est venu où l'on peut supprimer sans danger celle des institutions
de Robespierre qui a fait le plus de mal , après lés
tribunaux révolutionnaires ; que la politique et la prudence
n'ont pas permis de le faire plutôt , parce qu'il fallait la remplacer
de maniere que les approvisionnemens des armées et
ceux de Paris n'en souffrissent pas , et que le vice radical de
cet établissement était que chacun de ses agens faisait un bénéfice
immense sur les achats .
Barras assure que c'est à lui que nous devons la famine
qui nous a affligés et nous afflige encore ; que- c'est l'armér
de brigands que cette commission a employés dans toute la
République , qui a causé tous nos maux . Le sac de blé qu'elle
achetait 400 liv . était vendu par elle à la nation jusqu'à
3000 liv. Depuis six mois que Barras est chargé de la partie
des subsistanees. , il n'a pu venir à bout de connaître les
marchés. Il demande l'arrestation de ceps qui la composent.
( 365 ).
C
Plusieurs membres dénoncent unețmultitude de friponderies
commises par elle . A Poissy , ses agens ont mis du sable
dans la farine . A Charenton , de la farine de poix qu'ils
ont fait payer au gouvernement pour du froment. La propos
sition de Barras n'a pas été adoptée ; la Convention s'est
bornée à décréter la suppression de la commission , et la
creation d'une nouvelle pour examiner la conduite et les
comptes de la premiere .
Boissy - d'Anglas , organe du comité de salut public , annonce
que la médiation du roi de Prusse en faveur du land.
grave de Hesse Cassel a été acceptée , et qu'en conséquence
un traité de paix entre la France et lut vient d'être conclu .
Le landgrave renonce au subside que lui payait l'Angleterie ,
et nous continuerons d'occuper le fort de Rinfeld et autres
parties du territoire de ce souverain , situées sur la rive
gauche du Rhin , jusqu'à la pacification générale de l'Allemague
, époque à laquelle il sera pris une détermination défi
nitive à cet égard .
1
On procede au renouvellement par quart du comité de
salut public. Les membres sorraus sont , Donleet , Defermont
, Vernier er Rabaut. Ceux qui les remplacent soht ,
Cambacérès , Berlier , Daunou et Laréveillete - Lépaux .
~ *~ * Prieur ( de la Côte d'or ) présente u e hourelle organisation
de l'école centrale des travaux publics . Elle sera com
posée de 300 jeunes gens . Les connaissantes exigées d'enz
pour y entrer seront l'arithmétique , l'algebré et la théorie
des suites ; la géométrie comprenant la trigonométrie ; l'application
de l'algebre à la géométrie , et les sections coniques .
31Décret sur le mode de réélection des deux tiers de la Convention .
... Xu སྙན ཏི ཚཉྩནོ
Art. 1er . Les prochaines assemblées électorales , en exésention
des articles et II du titre " premiet de la loi du 5 de
sée -mois pluönimeront - d'abord les deux tiers des membres
que chacune d'elles doit fournir au corps législatif , et les
choisirant , soit dans la députation betielle de leul dépar-
-rement , soit parmi tous les autres membres de la Convention
si ce' p'est ceux qui sont exceptés par l'article I de
la même loiun mues
" II . Il sera en conséquence adressé à chaque assemblée
électorale , lors de la convocation prescrite par l'article X
du titre II, des exemplaires de la liste des membres qui sont
en activité dans la Convention . Les exemplaires seront cethés
par le comité des décrets , preces verbaux et archives .
" I !! . Chaque assemblée électorale , indépendamment des
deux tiers qu'elle doit nommer d'abord , fóraréta une liste
supplémentaire de la première et composée de membres
également pris sur la totalité de la Convention ; en sorte .
4
( 305 )
•
par exemple , qu'en supposant une députation de 9 membres
dans sa totalité , il en sesa avant tout choisi 6 pour former
la liste des deux tiers , et 18 autres pour la liste supplemen-
3
taire.
" IV. Il sera procédé successivement et séparément à chaeune
de ces deux élections . Elles seront faites I une et l'autre
au scrutin de liste simple , à la pluralité absolue aux deux
premiers tours , et à la pluralité relative au troisieme tour ,
si l'on est obligé d'y recourir . Après chaque tour de scrutin ,
le bureau en publiera le resultat en annonçant les élections
consommées , s'il y en a , et en proclamant les noms de ceux
qui n'étant pas encore elus , auront obtenn des - suffrages ,
ainsi que le nombre des voix données à chacun d'eux .
» V. L'élection du dernier tiers qui sera pris , soit dans
la Convention , soit au dehors , ne pourra se faire qu'après
avoir achevé celles qui sont prescrites par les articles précédens.
,, VI . En cas d'insuffisance du résultat des scrutins de toutes
les assemblées électorales , pour la réélection de 500 membres
de la Convention , ce nombre sera complete par ceux qui
auront été réélus dans son sein , pour composer les deux
tiers du corps législat f.
» VII. Cette opération suivra immédiatement la vérification
des pouvoirs , et se fera par scrutin de liste , en observant
les conditious prescrites par l'article IV.
" VIII . Il sera envoyé à chaque assemblée électorale un
tableau du nombre de députés qu'elle doit fourus , d après les
états de population ...
99 IX. La distribution des députés entre le conseil des
cinq cents et le conseil des anciens , sera faite pour cette
fois par la totalité de ceux qui seront éins pour former le
corps législatif. dist se
*
" X. Aucun député en mission ou en congé ne sera éligible
dans le département où il se trouvera pendant la tenue de
I'assemblée électorale, the
299 XI. Le présent décret sera sur le champ imprimé et
envoyé par l'agence de l'envoi des lois à tous les départemens
, jusqu'à concurrence du nombre d'exemplaires necessaires
pour les assemblées primaires et les communes. ››
Séance de sextidi , 16 Fructidor.
Il y a eu hier soir une séance extraordinaire pour le renouvellement
par quart du comité de sûreté générale . Les
membres qui ont réuni le plus de suffrages sout , Quirot ,
Montmayou , Lehardi , Colombel ct Barras.
Eschasseriaux , au nom du comité de législation , présente
quelques articles additionnels relatifs au décret qui suspend
provisoirement les remboursemens de toutes les rentes crééos
( 307 )
<
avant le 1er janvier 1792 , quelles que soient leur nature et
la cause dont elles procedent. La discussion est ajournée .
Delville , organe du comité des inspecteurs de la salle ,
fait un rapport sur les divers emplacemens que doivent occu
per le conseil des anciens , celui des 500 et le directoire
exécutif. Suivant ce projet , le premier tiendrait ses séances
dans la salle occupée en ce moment par la Convention ; le
deuxieme , dans le palais Bourbon , et le troisieme occuperait
le grand et le petit Luxembourg. Le rapporteur présente dans
son discours tous les avantages qui doivent résulter de cés
placemens . Il est vivement applaadi. Le plan du comité sera
affiché dans la salle de la Liberté , et la discussion est
ajournée.
Grégoire , au nom du comité d'instruction publique , expose
les inconvéniens qui résultent , pour les artistes et les
savans , de la loi qui défeud de cumuler plusieurs traitemens ,
et la triste situation de plusieurs qui sont plongés dans la
misere par la hausse excessive de toutes les denrées. Les
artisans , dit- il , élevent leur salaire dans la proportion du prix
des subsistances , et des hommes à talens sont obligés d'opter
entre deux modiques traitemens dont la réunion suffiraient à
peine pour subsister . Le rapporteur cite l'exemple de Mauduit
forcé de choisir entre le traitement de 1500 liv . de
professeur de mathématiques , et celui de 800 liv. de professeur
d'architecture ; et it demande que la Convention dêcrete
que les savans et les artistes qui réuniront deux' places
auront la faculté d'ea' cumuler les traitemens.
Quelques membres s'opposent à cette dérogation à la loi
générale , comine contraire à l'égalité qui doit exister entre
tous les citoyens . Beaucoup de membres parlent pour êt
contre. La Convention renvoie le projet de décret aux comités
réunis .
Daunou , au nom de la commission des onze , soumet à la
discussion quelques articles qui doivent faire parsie des lois
organiques de la constitution . Nous les dounerous lorsque
la rédaction en aura été définitivement adoptée .
Une députation de la section Lepelletier parait à la barre :
elle dit que si la formation d'un camp sous Paris a jetté l'alarme ,
ce n'est point fiance pour nos freies d'armes , mais
parce qu'on est agité du sentiment douloureux de voir que
la Convention ne compte plus sur les braves choyens de
Paris . Ne sont-ils plus , continue l'orateur , les vengcups de
la représentation nationale outragée ? N'est ce pas dans cette
même salle qu'ils ont , au peril de leur vie , rétabli la liberté
de vos délibérations ? La garde nationale est plus forte ct
mieux organisée qu'elle n'a jamais été , et l'on semble craindre
de les employer ? Quelle foule de réflexions douloureuses
fait naître la joie feroce du jacobinisme à l'approche des
( 308 )
troupes ; joie plus insultante pour nos braves freres d'armes,
que toute la défiance qu'on nous impute . L'orateur termine
en demandant justice contre les terroristes de sa section , qni
viennent d'être mis en liberté et qu'il nomme .
Le président répond que ceux qui cherchent à les séparer
de leurs freres d'armes , sont les mêmes qui , à cette ba re ,
voyaient les enseignes de la terreur dans les drapeaux do patriotisme
; qu'à l'égard des hommes qu'ils désignent comme
coupables , les tribunaux sont là pour les juger , et que l'a
Convention ne transigera jamais avec aucun d'eux . L'adresse
et la réponse seront insérées au bulletin .
PARIS . Nonidi 19 Fructidor , l'an 3º , de la République.
Les comités de salut public et de sûreté générale de
la Convention, et les représentans chargés de la surveillance
et de la direction de la force armée ont pris , le
115 fructidor, un arrêté en XVI articles concernant les
mesures à suivre pour faire rejoindre les jeunes gens
de la premiere requisition qui se trouvent actuellement
à Paris , ou qui pourront y artiver .
Ils sont distingues en quatre classes. Ceux qui sont
employés dans les comites de la Convention nationale ,
dans les commissions , agences , administrations ou entreprises
quelconques ; les malades blessés ou convalescens
; ceux qui sont retenus par des requisitions particulieres
rel tives aux arts et métiers , et ceux qui n'ont
aucun titre dégal : susceptible de justifier leur résidence .
Les jeunes gens compris dans les trois premieres classes
seront tenus de présenter leurs titres aux autorités désignées
sous peine d'arrestation . Ceux de la quatrieme
classe qui ne rejoindront pas volontairement seront
arrêtés et reconduits de suite à leurs corps respectifs .
Toutes sortes de moyens sont employes en ce moment
pour exciter de l'agitation parmi les citoyens . Il peut
paraître naturel qu'au moment des élections , l'ambition
d'une part et les ressentimens d'un autre produisent
une certaine fermentation polémique , et des écrits raisonnés
où les opinions diverses sont exposées librement
et avec des nuances plus ou moins prononcées d'esprit
de parti . Mais ce qui , sans être moins naturel , justifie
les inquiétudes civiques des Républicains , ce sont les
mouvemens que se donne l'intrigue pour organiser le
( 309 )
désordre. Ces jours derniers on jettait dans des boutiques
de libraires un grand nombre d'exemplaires d'un
manifeste attribué à Charette , et l'on affichait pendant.
la nuit une proclamation de Louis XVIII , dans elle
le peuple est invité à se jetter aux pieds du trône . Il serait
difficile de voir dans de tels écrits la pensée pure
d'hommes qui expriment simplement leur opinion politique
, et ces actes furtifs et clandestins doivent prou
ver aux incrédules qu'il existe , non pas seulement des
partisans de la royauté , mais bien aussi une faction de
royalistes.
On mande de Fribourg en Suisse , que l'on perte y publiquement
le deuil de Louis XVIE ; l'on y a également proclamé
Louis XVIII dans un conseil secret , composé d'ex - évêques
français et de nobles émigrés , à la suite de ce conseil , les
prêtres et leurs partisans l'annoncerent dans la ville et dans
le canton . Les recrues pour l'Angleterre vont leur train
l'on compte déja 500 hommes partis du canton de Fribourg
pour ce service , sans compter les soldats qui ont été retirés du
service de France , et qu'on envoie à Constance un à un , de,
sorte qu'il n'en reste pius qu'une cinquantaine cantonués à
Romont et à Eslava .
L'agiotage continue toujours ses funestes spéculations ; les
marchandises sont remontees à un prix excessif, et le louis
était le 17 à 1125 liv . En vain , l'opinion se prononce - t elle
contre l'immoralité des agioteurs ; en vain , la sévérité des lois
voudratlie les poursuivre , la loi ne saurait les atteindre
et lors même que quelques individus seraient justement punis
de leur honteux coinmerce , le plus grand nombre saura tous
jours échapper. Le mal augmente par l'effet mêine des dangers
qui l'envirounen , C'est l'attrait de la cupidité qu'i¡ faudrait
pouvoir détruire , et ce ne peut être que l'ouvrage de la confance
, de l'établissement fixe de l'ordre de choses qui se prés
pare , enfin du retour de cette pudeur sociale que la confusion
de l'anarchie , la lutte de la cupidité et du besoin ont entiés
rement bannie de toutes les classes , de celles même autrefois
les plus scrupuleusement dociles à la voix de l'honnêteté
publique .
Le directoire du département de Paris vient d'annoncer
par une proclamation affichée , la convocation des assemblées
primaires pour le 20 fructidor , à l'effet de délibérer sur l'ensemble
de l'acte constitutionnel ,
Bouche , membre de l'Assemblée constituante , vient de
mourir à Paris . Un de ses amis a publié des conseils trèssages
sur la nécessité de finir la révolution ; il assure , que ce
sont les dernieres paroles de cet ex- député.
( 310 )
Détails communiqués par les officiers municipaux de Nort , dépar
tement de la Loire inferieure.
Le 25 thermidor , un convoi chargé de onze cents cinquante
mille livres en assignats , vingt cinq mille livres en
numéraire , six voitures chargées de farine , deux de hum
et d'eau- de- vie , etc. a été pris par les chouans , entre Carquefou
et Petit- lars , en allant à Château Briand , lieu de sa destination.
Il est impossible de se faire une idée des cruautés
qu'ont exercées ces scelerats sur nos braves freres d'armes
du bataillon d'Arras , l'un des plus beaux et des mieux disci
plinés de la République ; en un mot , celui qui , le premier ,
est entré avec la légion nantaise dans le fort Penthievre à
Quiberon . Ces malheureux , au nombre d'environ trois cents ,
ont été assaillis par quatre à cinq mille chouans , qui les out
entourés de toutes parts à la sortie de Carqueiou , où ,
pour leur malheur , quelque , uns d entr'eux ayant eu soit ,
demanderent aux hab tans de l'eau pour boije : une femme, on
plutôt un monstre , feignant de l'humanité , dit que l'eau leur
ferait mal , et qu'elle allait leur donner une boisson plus
salutaire ; elle alla chercher une cruche dans laquelle il pou
wait y avoir vingt bouteilles de vin qu'on dit empoisonne
tous ceux qui avaient soif en burent , et le nombre fut grand
fil faisait une chaleur excessive ) . La troupe se mit en marche,
et , après avoir fait un quart de lieue , plusieurs volontaires
furent contraints de s'arrêter par les douleurs inouies qu'ils
ressentirent ; beaucoup d'entr'eux expirerent même de suite ,
après avoir considérablement enflé . Ce fut alors que la troupe
entendi: la corue fatale , signal du ralliement des chouans ,
et des femmes criant à tue tête : A nous les gas , à nous, !
Presque au même instant , toute la troupe republicaine se
trouva cernée : le feu fut vif de part et d'autre , et malgré
l'inégalité d'armes , le bataillon d'Arras s'est battu avec le
courage et l'intrépidité des défenseurs de la liberté , jusqu'à
extinction de forces , et ce n'est qu'après avoir brûlé toutes
les cartouches qu'ils avaient , au nombre de cinq paquets
chacun , qu'ils ont été contraints de s'ouvrir un passage au
travers de cette horde de cannibales , la bayonneue en avant.
,, Sur la sommation qui leur fut faite de rendre leur drapeau
, ils répondirent que , tant qu'un seul homme du baaillon
existerait , sa vie serait employee à la deteuse de cet
étendard de la liberté ; que le soldat français , vrai řepublicain
, ne saurait pas survivre à son horreur . Cette reponse
sublime est bien digue des vainqueurs de Quiberon ! Ils
chargerent ensuite les chauans , et parvinrent presque mira..
( Six )
ouleusement à se rendre à Nort ( cinq lieues de Nantes ) . Ox
ne sait pas au juste le nombre des hommes que nous avons
perdus dans cette affligeante affaire , mais il en a manqué
plus de 200 à l'appel.
" Trente blessés sont arrivés hier , par eau , de Nort ;
c'est d'eux que nous tenons les détails précédens , ainsi que
les suivans , qui feront sans doute frissonner d'horreur .
:
" Ceux de nos infortunés freres d'armes tombés sous leurs
coups étaient aussitôt entourés de femmes , ou plutôt de
furies , armées de faucilles , avec lesquelles elles sciaient impitoyablement
la tête des blessés , à ceux qui n'avaient pas la
force de s'y opposer , et entr'autres les jarrêts , pour les
empêcher de fuir et d'échapper aux tourmens inouis qu'elles
leur ont ensuite fait endurer les uns ont été ouverts vifs , les
autres ont eu les bras et les jambes coupés ; en uite existant encore
, leur chemise a été remplie de paille à laquelle on a mis le
feu , et ils ont expiré dans cet horrible état d'autres ont eté
brûlés vifs , entr'autres le capitaine de la 4. compagnie . un
#des plus beaux et des plus braves hommes du bataillon , à
qui les chouans offrirent la vie , s'il voulait accepter la place
de capitaine de cavalerie parmi eux . I repondit : Qu'il ai
mait mieux mourir républicain que de faire partie de lu horde
assassine ; et de suite il fut livré aux flammes . Le croira - t - on ?
les enfans de ces scélérats ont partagé le crime de leurs peres ;
ils se sont approchés des cadavres de nos freres d'armes ex
pirans , et ils leur ont enfoncé le couteau dans le coeur . ››
Arrêté du comité de salut public.
Le comité de salut public de la Convention nationale , va
la lettre du général Pichegru , commandant en chef l'armée
de la Moselle et du Rhin , en date du 23 thermidor , relative
à l'exécution du décret de la Convention nationale du 12 messidor
dernier , concernant les cinq représentans du peuple ,
les ministres , les ambassadeurs français et les personnes de
leur suite , livrés à l'Autriche ou arrêtés et détenus par ses
ordres , arrête ce qui suit :
Art. 1er . Le citoyen Bacher , premier secrétaire interprête
de l'ambassade de la République Française en Suisse , est
nommé commissaire , à l'effet de négocier l'échange des mili
taires au service de la République Française , faits prisonniers
de guerre par les troupes autrichiennes , contre les militaires
au service de la maison d'Autriche , faits prisonniers de guerre
par les troupes de la République Française .
II. Le citoyen Bacher se conformera daus cette négociation,
( 312 )
aux dispositions des lois relatives aux cartels d'échange des
prisonniers de guerre.
at
HI. supulera formellement, comme condition préliminaire
, sine quâ non , que les cinq représentans du peuple
le ministre , les ambassadeurs français et les personnes de
leur suite , livrés à l'Autriche ou arrêtes et détenus par ses
ordres , seront sur- le- champ rendus à la liberté et remis à
Bâle , la charge que le gouvernement français fera au même
instant remettre à Bâle la fille du dernier roi des Français à
la personne que le gouvernement autrichien déléguera pour
la recevoir , et que les autres membres de la famille de Bourbon ,
actuellement détenus en France , pourront aussi sortir du
territoire de la République , le tout en conformite du décret
de la Convention nationale du 12 messidor dernier.
Expeditions du present aftêre seront adressées au ' général
Pichegru et au citoyen Bacher.
Signés à la minute , Meriin ( de Douay ) Jean de Bry ,
Letourneur de la Manche ) , Vernier , Marec , Gamont ,
Doulcet , Rabaut , Defermon.
Louis ..
Or fin .
Cours des changes du 18 fructidor...
I uvecky2
4400 , 210
3e007 :
Or en barres ..
Lingot d'argent .
Argent marqué ..
Numéraire ...
Inscriptions
Hambourg .
Amsterdam .
Bâle....
2150 .
1850 .
4300 à 400.
23 , 24, 25 , 26 .
7900 .
" I
Gênes ...
Livourne ..
2 16
4000 .
4800 )
Prix des marchandises .
i
Café Saint- Domingue ..
Sucre d'Hambourg..
Sucre d'Orléans .
Café Martinique .......
Savon de Marseille .
De fabrique...
Chandelle..
Cassonade...
Riz ...
52 a 54 liv.
6068
54 à 56.
.. 45 .
40 8.41.
52 à 33 .
40 a 41 .
40 à 480
15.
( N° 71. )
Jer . 135. ден
MERCURE FRANÇAIS
QUINTIDI 25 FRUCTIDOR , l'an troisieme de la République.
( Vendredi 11 Septembre 1795 , vieux style . )
LITTÉRATURE. HISTOIRE.
VOYAGE à Montbart en 1785 , þar HERAULT- SECHELLE ( 1 ) .
J'AVAIS eu une extrême envie de connaître M. de
Buffon. Instruit de ce desir , il voulut bien m'écrire une
lettre très -honnête , où il allait lui-même au - devant de
mon impatience , et m'invitait à passer dans son château
le plus de tems qu'il me serait possible .
Il est à propos , comme on le verrà dans un moment ,
que je fasse iei mention de la lettre que je lui répondis .
Elle finissait par ces mots : Mais quelle que soit mon
97.
le
avidité , M. le comte , de vous voir et de vous en-
,, tendre , je respecterai vos occupations , c'est - à- dire
,, une grande partie de votre journée . Je sais que , tout
couvert de gloire , vous travaillez encore ; que
génie de la nature monte avec le lever du soleil au
,, haut de la tour de Montbart , et n'en descend sour
vent que le soir. Ce n'est qu'à cet instant que j'ose
,, solliciter l'honneur de vous entretenir et de vous
consulter. Je regarderai cette époque comme la plus
" glorieuse de ma vie , si vous voulez bien m'honorer
" d'un peu d'amitié , si l'interprete de la nature daigne
quelquefois communiquer ses pensées à celui qui
devrait être l'interprete de la société.
Je me rendis en effet à Montbart ; mais à mon passage
à Sémur , qui n'en est distant que de trois lieues ,
j'appris que M. de Buffon endurait des douleurs de
pierre excessives , qu'il grinçait les dents et frappait du
(1) Ce voyage , également intéressant par celui qui en fut
L'objet et par celui qui l'a écrit , est extrait du Magasin Ency
clopedique!
Tome XVII. X
( 314 )
1
7
pied , lui qui a toujours affecté d'être plus fort que la
douleur , qu'il était enfermé dans sa chambre , et ne
voulait voir absolument personne , pas même ses gens ;
qu'il ne souffrait auprès de lui aucun de ses parens , ni
sa soeur , ni son beau- frere ; et qu'il permettait tout
au plus à son fils d'entrer pendant quelques minutes . Je
pris donc le parti de rester quelques jours à Sémur ',
n'osant pas même envoyer savoir des nouvelles du malade
, de peur d'être importun en lui annonçant mon
arrivée .
Malgré mes précautions , je ne restai que trois jours
à Sémur. M. de Buffon apprit , par une lettre de Paris ,
que j'étais parti pur sa terre ; il eut aussi- tôt , au milieu
même de ses douleurs , l'attention de m'envoyer un
exprès , de me faire dire que , quoiqu'il ne vit personne,
il voulait me voir ; qu'il m'attendait chez lui , et me
recevrait dans l'intervalle de ses souffrances . Je partis
à l'instant. Quelle palpitation de joie me saisit , lorsque
j'apperçus de loin la tour de Montbart , les terrasses
et les jardins qui l'environnent ! J'observais la position
des lieux , la colline sur laquelle cette tour s'élevé ,
les montagnes et les coteaux qui la dominent , les cieux
qui la couvrent. Je cherchais le château de tous mes
yeux . Je n'en avais pas assez pour voir la demeuré de
l'homme célebre auquel j'allais parler. On ne peut découvrir
le château que lorsqu'on y est ; mais au lieu
d'un château , vous vous imagineriez entrer dans quelque
maison de Paris . Celle de M. de Buffon n'est annoncée
par rien ; elle est située dans une rue de Montbart '
qui est une petite ville. Au reste , elle a une très - beile
apparence.
En arrivant , je trouvai M. le comté de Buffon fils ,
jeune officier aux gardes , qui vint à ma rencontre et
me conduisit chez son pere ( 1 ) . De quelle vive émotion
j'étais pénétré en montant les escaliers , en traversant
( 1 ) Il a péri sur l'échafaud , quelques jours avant le 9 thermidor
, en prononçant avec calme et avec dignité , ces mois z
Citoyens , je me nomme Buffon . Quoiqu'il pût dire avec Hyppolite
:
Et moi fila inconnu d'un si glorieux pere."
Ces mots prouvent qu'il avait l'ame élevée et la conscience
du respect que son nom devait inspirer à tout autre qu'a
des assassins et à dea bourreaux .
1
( 315 )
le salon , ornés de tous les oiseaux enluminés , tels qu'on
les voit dans la grande édition de l'Histoire Naturelle !
Me voici maintenaut dans la chambre de Buffon : il
sortit d'une autre piece ; et je ne dois pas omettre une
circonstance qui m'a frappé , parce qu'elle marque son
caractere il ouvrit la porte , et quoiqu il sût qu'il y
avait un étranger dans son appartement , il se retourna
fort tranquillement et fort long- tems pour la fermer
ensuite il vint à moi. Serait- ce un esprit d'ordre qui
met dans tout la même exactitude ? C'est la tournure
de M. de Buffon . Serait- ce le peu d'empressement d'un
homme qui , rassasie d'hommages , les attend plutôt
qu'il ne les recherche ? On peut aussi le supposer.
Serait- ce enfin la petite ad esse d'un homme celebre ,
qui , flatté de l'avidité qu'on témoigne de le connaître ,
augmente encore avec art cette avidité en reculant , ne
fût- ce que d'une minute , cette même minute où il satisfait
votre desir , et se prodigue d'autant moins que vous
le poursuivez davantage ? Cet artifice ne serait pas toutà
- fait invraisemblable dans M. de Buffon . Il vint à moi
majestueusement , en ouvrant ses deux bras ; je lui balbutiai
quelques mots , avec l'attention de dire toujours ,
M. le comte ; car c est à quoi il ne faut pas manquer on
m'avait prévenu qu'il ne haissait pas cette maniere de
lui adresser la parole ; il me répondit , en m'embrassant
: Je dois vous regarder comme une ancienne con-
" naissance , car vous avez marqué du desir de me
" voir , et j'en avais aussi de vous connaître . Il y a
déja du terus que nous nous cherchons . "
Je vis une belle figure , noble et calme . Malgré son
âge de 78 ans , on ne lui en donnerait que 60 ; et ce
qu'il y a de plus singulier , c'est que , venant de passer
seize nuits sans fermer l'oeil , et dans des souffrances
inouies qui duraient encore , il était frais comme un
enfant , et tranquille comme en santé . On m'assura que
tel était son caractere . Toute sa vie il s'est efforcé de
paraître supérieur à ses propres affections. Jamais d'humeur
, jamais d'impatience. Son buste , par Houdon , est
celui qui me paraît le plus ressemblant ; mais le sculpteur
n'a pu rendre sur la pierre ces sourcils noirs qui
ombragent des yeux noirs très - actifs , sous de beaux
cheveux blancs . Il était frisé lorsque je le vis , quoiqu'il
fût malade . C'est là une de ses manies , et il en convient.
Il se fait mettre tous les jours des papillottes ,
qu'on lui passe au fer plutôt deux fois qu'une ; du
( 316 )
moins autrefois , après s'être fait friser le matin , il lui
arrivait très - souvent de se faire encore friser pour souper.
On le coeffe à cinq petites boucles flottantes ; ses
cheveux , attachés par derriere , pendaient au milieu de
son dos . Il avait une robe - de - chambre jaune , parsemée
de rayes blanches et de fleurs bleues . Il me fit
asseoir , me parla de son état , me fit des complimens
sur le peu d'indulgence dont il prétendit que le public
me favorisait , sur l'éloquence , sur les discours oratoires
. Pour moi , je l'entretenais de sa gloire , et ne
me lassais point d'observer ses traits . La conversation
étant tombée sur le bonheur de connaître jeune l'état
auquel on se destine , il me récita sur - le - champ deux
pages qu'il avait composées sur ce sujet , dans un de
ses ouvrages . Sa maniere de féciter est infiniment simple.
et commune , le ton d'un bonhomme , nul apprêt , levant
lentement tantôt une main , tantôt une autre ,
disant comme les choses lui viennent , mêlant seulement
quelques réflexions . Sa voix est assez forte pour son
âge , elle est d'une extrême familiarité ; et en général ,
quand il parle , ses yeux ne fixent rien , ils errent au
hasard , soit parce qu'il a la vue basse , soit plutôt parce
que c'est sa maniere . Ses mots favoris sont tout çà et
pardieu , qui reviennent continuellement ; sa conversation
paraît n'avoir rien de saillant , mais , quand on y
fait attention , on remarque qu'il pirle bien , qu'il y a
même des choses très -bien exprimées , et que , de tems
en tems , il y seme des vues intéressantes . Un des premiers
traits de son caractere , c'est sa vanité . Elle est complette
, mais franche et de bonne foi . Un voyageur
( M. Target ) disait de lui : Veilà un homme qui a beaucoup
de vanité au service de son orgueil.
― ›› --
On sera curieux d'en connaître quelques traits . Je lui
disais qu'en venant le voir j'avais beaucoup lu ses ouvrages
. 66 Que lisiez - vous ? me dit- il . Je répondis
Les Vues sur la nature. Il y a là . répliqua - t il
à l'instant , des morceaux de la plus haute éloquence ! "
Ensuite il parla nouvelles et politique , contre son ordinaire
, ce qui lui donna occasion de me faire lire une
lettre qu'il venait de recevoir de M. le comte de
Maillebois , sur les événemens de la Hollande . Il en vint
un moment après à la mort du pauvre M. Thamas , pour
me faire lire une lettre que son fils avait reçue de
madame Necker , lettre étrange , où madame Necker paraît
déja consolée de la perte de son ami intime , malgré
( 317 )
l'emphase et l'enthousiasme qu'elle met à la décrire
en s'appuyant sur M. de Buffon qu'elle célebre avec
plus d'emphase encore . Il y a une phrase qu'il me fit .
remarquer avec complaisance . Madame Necker , mettant.
un moment en parallele ses deux amis , dit , en parlant
de M. Thomas : L'homme de ce siecle ; en parlant de M. de
Buffon : L'homme de tous les siecles .
.
Le comte de Buffon fils venait d'élever un monument
à son pere, dans les jardins de Montbart ; auprès de la
tour , qui est d'une grande élévation , il avait fait placer
une colonne , avec cette inscription :
Excelse turri , humilis columna.
Parenti su , filius Buffon , 1785.
A la haute tour , l'humble colonne .
A son pere , Buffon fils , 1785 .
7
On m'a dit que le pare avait été attendri jusqu'aux
larmes de cet hommage. Il disait à son fils : Mon fils
cela te fera konneur.
Il termina notre premiere entrevue , parce que ses
douleurs de pierre lui reprirent ; il m'ajouta que son
fils allait me mener par- tout , et me ferait voir les jardins
et la colonne . Le jeune comte de Buffon me conduisit
d'abord dans toute la maison , qui est très- bien
tenue , fort bien meublée ; on y compte douze appartemens
complets ; mais elle est bâtie sans régularité ,
et quoique ce défaut dût la rendre plutôt commode que
belle , elle a encore de la beauté . De la maison , nous
parcourâmes les jardins qui s'élevent au- dessus . Ils sont
composés de treize terrasses , aussi irrégulieres dans leur
genre que la maison , mais d'où l'on découvre uno vue
immense de magnifiques aspects , des prairies coupées
par des rivieres , des vignobles , des côteaux brillans
de culture , et toute la ville de Montbart ; ces jardins
sont mêlés de plantations de quinconces de pins , de
platanes , de sycomores , de charmilles , et toujours des
fleurs parmi les arbres . Je vis de grandes volieres où
Buffon élevait des oiseaux étrangers , qu'il voulait étudier
et décrire ; je vis aussi la place d'une grande fosse
qu'il avait comblée , et où il avait nourri long - tems des
lions et des ours . Je vis enfin ce que j'avais tant desiré
de connaître , le cabinet où travaille ce grand homme ;
il est dans un pavillon que l'on nomme la tour de
Saint- Louis. On monte un escalier , on entre par
X 3
( 3.18 )
9
une porte verte à deux battans , mais on est fort éronné
de voir la simplicite du laboratoire . Sous une voûte
assez haute , à - peu- près semblable aux voutes des
églises et des anciennes chapelles , dont les murailles
sont peintes en vert , il a fait porter un mauvais secrétaire
de bois au milieu de la salle qui est carrelée , et
devant le secrétaire est un fauteuil , voilà tout . Pas un
livre , pas un papier. Mais ne trouvez -vous pas que
cette nudité a quelque chose de frappant ? On la revêt
des belles pages de Buffon , de la magnificence de son
style et de l'admiration quil inspire. Cependant se
n'est pas là le cabinet où il a le plus travaille ; il n'y
va guere que dans la grande chaleur de l'été , parce
que l'endroit est extrêmement froid . Il est un autre
sanctuaire où il a composé presque tous ses ouvrages ,
le berceau de l'Histoire Naturelle , comme disait le prince
Henri qui voulut l'aller voir , et où Jean-Jacques Rousseau
se mit à genoux et baisa le seuil de la porte .J'en parlais à
M. de Buffon . Oui , me dit-il , Rousseau y fit un homme.
Ce cabinet a comme le premier, une porte verte
deux battans . Il y a intérieurement un paravent à chaque
côté de la porte . Le cabinet est carrelé , boisé et tapissé
des images des oiseaux et de quelques quadrupedes de
l'Histoire Naturelle. On y trouve un canapé , quelques
chaises antiques couvertes de cuir noir , une taple sur
laquelle sont des manuscrits , une petite table noire ;
voilà tous les meubles. Le secrétaire où il travaille est
dans le fond de l'appartement auprès de la cheminée .
C'est une piece grossiere de bois de noyer : il était ouvert
; on ne voyoit que le manuscrit cont Buffon s occupait,
alors , c'et it un Traité sur l'aimant , à coté était
sa plume , au- dessus du secrétaire tait un bonnet de
soie grise , dont il se couvre . En face , le fauteuil où il
s'assied , antique et mauvais fauteuil sur lequel est jettée
une rose- de- chambre rouge à rayes blanches . Devant
lui , sur la muraille , la gravure de Newton. Là , Buffon
a passé la plus grande et la plus belle portion de sa vie .
Là , ont été enfantés presque tous ses ouvrages . En effet ,
il a beaucoup habité Montbart , et il y restait huit mois
de l'annéc ; c'est ainsi qu'il a vécu pendant plus de quarante
ans . Il allait passer quatre mois à Paris • pour
expédier ses affaires et celles du Jardin - du- roi , et venait
se jetter dans l'étude . Il m'a dit lui - même que
c'était son plus grand plaisir , son goût dominant , joint
à une passion eexxttrrêêmmee pour la gloire.
( 319 )
Son exemple et ses discours m'ont confirmé , que qui
veut la gloire passionnément finit par l'obtenir , ou du
moins en approche de bien près . Mais il faut vouloir ,
et non pas une fois ; il faut vouloir tous les jours . J'ai
oui dire qu'un homme qui a été maréchal de France et
grand général , se promenait tous les matins un quart
d'heure dans sa chambre , et qu'il employait ce tems à
ase due à lui - même : Je veux étre maréchal de France et
grand général (1 ) . M. de Button me dit à ce sujet un mot
bien frappant , un de ces mots capables de prosuire un
homme tout entier. Le génie n'est qu'une plus grande aptitude
à la patience. Il suffit en effet d avoir reçu cette
qualité de la nature avec elle on regarde long- tems
les objets , et l'on parvient à les pénétrer. Cela revient
tau , mot de Newton. On disait à ce dernier : Comment
avez-vous fait tant de découvertes ? En cherchant toujours
, répondit - il , et cherchant patiemment . Remarquez
que le mot patience doit s'appliquer à tout : patience
pour chercher son objet , patience pour résister à tout
ce qui s'en écarte , patience pour souffrir tout ce qui
accablerait un homme ordinaire.
Je tirerai mes exemples de M. de Buffon lui - même .
Hentrait queiquefois des soupers de Paris à deux heures
après minuit , lorsqu'il était jeune , et à cinq heu.es du
matin un savoyard venait le tirer par les pieds , et le
mettre sur le carreau , avec ordre de lui faire violence ,
dût- il se fâcher contre lui . Il m'a dit encore qu'il travaillait
jusqu'à six heures du soir. J'avais alors , me
dit -il , une petite maîtresse que j'adorais ; eh bien , je
'me forçais d'attendre que six heures fussent sonnées.
pour l'aller voir , souvent même au risque de ne plus
la trouver. A Montbart , après son travail , il faisait venir
une petite fille , car il les a toujours beaucoup aimées
, mais il se relevait exactement à cinq heures . Il
ne voyait que des petites filles , ne voulant pas avoir
de femmes qui lui dépensassent son tems (2) .
( 1 ) Ne serait- ce pas M. de Belle Isle . ( Note de l'éditeur. )
(2 ) M. de Buffon a toujours été foriement occupé de luimême
, et préférablement à tout le reste . Comme je savais
que beaucoup de femmes avaieus reçu son hommage , je demandais
si elles ne lui avaient pas fait perdre de tems . Quelqu'an
qui le connaissait parfaitement , me répondit : M. de
Buffon av a vu constamment trois choses avant toutes les autics ;
X 4
( 320 ).
Voici maintenant comment il distribuait sa journée ,
et on peut même dire comment il la distribue encore.
A cinq heures il se leve , s'habille , se coeffe , dicte ses
lettres , regle ses affaires . A six heures il monte à son
cabinet qui est à l'extrémité de ses jardins , ce qui fait
presque un demi - quart de lieue , et la distance est d'autant
plus pénible qu'il faut toujours ouvrir des grilles ,
et monter de terrasses en terrasses . Là , ou il écrit dans
son cabinet , ou il se promene dans les allées qui l'environnent.
Défense à qui que ce soit de l'approcher : il
renverrait celui de ses gens qui viendrait le troubler.
Sa maniere est de relire souvent ce qu il a fait , de le
Jaisser dormir pendant quelques jours ou pendant quelque
tems. Il importe , me disait - il , de ne pas se presser:
Son revoit alors les objets avec des yeux plus, frais , et
l'on y ajoute , ou l'on y change toujours . Il écrit d'abord :
quand son manuscrit est trop chargé de ratures il le
donne à copier à son secrétaire jusqu'à ce qu'il en soit
content . C'est ainsi qu'il a avoué au théologal de Sémur ,
homme d'esprit et son ami , qu'il avait écrit dix - huit fois
ses Epoques de la Nature , ouvrage qu'il méditait depuis
50 ans. Je ne dois pas oublier de dire que M. de
Buffon , qui a beaucoup d'ordre , a placé ainsi son cabinet
loin de sa maison , non- seulement pour n'être
pas distrait ( 1) , mais parce qu'il aime à séparer ses tra
"
sa gloire , sa fortune et ses aises . Il a presque toujours réduit
l'amour au physique seul . Voyez un de ses discours sur la
nature des animaux , où , après un pertrait pompeux de l'amour,
il l'anéantit d'un seul trait et le degrade en prétendant prouver
qu'il n'y a que du physique , de la vanité , de l'amour - propie
dans la jouissance . C'est- là qu'est son invocation à l'amour.
On l'a mise à côté de celle de Lucrècé , me' dit- il , un jour . Les
femmes lui en ont voula à la mort de cet effort ' dh de cet
abus de raison . Madame de Pompadour lai dit à Versailles
Vous êtes un joli garçon.
(1 ) A l'égard de ses complaisans , de ses courtisans , de ses
adorateurs , j'ai une réflexion à faire, que je n'ai trouvée nulle
part. Outre qu'il est bien difficile à un grand homme de vivre
sans cette espece de cercle qui s'attache à lui naturellement ,
soir par la curiosité , par l'admiration , par Penvie de l'imiter,
comme fout les jeunes gens , soit par la vanité et l'idée que
l'on est quelque chose lorsque l'on tient du moins à un grand
homme , ne pouvant l'être soi- même ; pour moi , je ne suis
pas sévolté de voir un tel homme aimer à être entouré. Je ne
( 321 )
1
ง
vaux de ses affaires . « Je brûle tout , me disait- il ; on
"" ne me trouvera pas un papier quand je mourrai .
" J'ai pris ce parti -là , en considérant qu'autrement je
,, ne m'en tirerai jamais . On s'ensevelirait sous ses
papiers. Il ne conserve que les vers à sa louange
dont j'aurai occasion de parler dans un moment . Aussi ,
dans sa chambre à coucher , on ne trouve que son lit
qui est , comme la tapisserie , de satin blanc avec un
dessin de fleurs. Auprès de la cheminée est un secré
taire , où l'on ne voit auprès du tiroir d'en - haut qu'un
livre , qui est apparemment son livre de pensées . Auprès
de son secrétaire , qui est toujours ouvert , est le fauteuil
sur lequel il est toujours assis , et dans un coin de
la chambre est une petite table noire pour son copiste .
Il ne prend la pfume que lorsqu'il a long-tems mé
dité son sujet et encore une fois n'a guere d'autre
papier que celui sur lequel il écrit. Cet ordre de papiers
est plus nécessaire qu'on ne croit ; M. Necker le recom
mande avec soin dans son livre ; l'abbé Terray le pratiquait
de même . L'ordre que l'on contemple autour de
sor se répand en effet sur nos productions . Si un écri
vain aussi célébré , et sur- tout si deux contrôleurs -généraux
aussi laborieux ont donné un pareil exemple , il
serait bien difficile qu'il restât des prétextes pour ne
point l'imiter.
n
2130
( La suite au prochain numéro . )
dirai pas seulement , c'est une consolation de ses efforts , un
adoucissement à ses fatigues , une ressource qui lui rappelle
sans cesse la gloire au milieu même de ses maux et de ses
souffrances ; je dirai de plus , c'est un encouragement même
pour ses études , et il serait possible qu'il en reçût une nou
velle facilité . Ces admirateurs vous rappellent sans cesse la
présence de votre génie et de votre grandeur . D'ailleurs , il est
de fait que l'on a plus de supériorité avec ses inférieurs euxmêmes
; on a remarqué que la conversation devenait plus
riche , plus libre , plus abondante ; if y'a plus d'aisance dans
les manieres , et la liberté y fait beaucoup . Ainsi , loin dè
trouver une petitesse dans le cortege qui peut environner un
homme célebre , j'y découvre souvent une excuse , et dà
moyen d'êne fidele à sa renommér . “
A F
( 322 )
1
ANNONCES.
Introduction familiere à la connaissance de la nature , tradus
tion libre de l'anglais , de Timer ; par Berquin 2 volumes
in- 18 , avec toutes les figures qui représentent au naturel les
principaux quadrupedes , les oiseaux , les mineraux , les poissous
, les coquillages , les astres , etc. etc. Prix , 40 liv . et
50 liv. franç de port par la poste .
"
Des Tropes , ou des differens sens dans lesquels on peut prendre
an même mot dans une meme langue , pour servir d'introduction
à la réthorique et a la logique ; par Dumarsais : 2 vol , in - 18 .
Prix , 20 liv. et 30 liv. franc de port.
Euvres de Boufflers , nouvelle édition ornée de quatre jo-
Jies figures. Prix , 15 liv. et 20 liv . franc de port.
Les Amours de Psiche et de Cupiden ; par Lafontaine : 9 vol .
1-18 , nouvelle édition ornée de quatre jolies figures . Prix
15 liv . et 20 liv . franc de port.
£
L'Ami de l'Enfance , ou Contes moraux à la portée des enfans
et des adolescens de lun et de l'autre sexe : in- 18 aves
quatre jolies figures . Prix , 12 liv . et 15 liv . frauc de port .
Le Petit - Grandissan , traduction libre du hollandais ; par
Berquin a yol . i - 18 , nouvelle edition ornée de quatre jolies
figures . Prix , 20 liv . et 30 lv . fianc de port.
Le prix des six articles ci - dessus sera invariable jusqu'à la
fin de vetidémiaire prochain , chez Fr. Dufart , imprimeurlibraire
, rue Honore , nº . 100 , section des Tuileries , pies
Saint - Roch , Paris .
16
Précis de la langue française , par J. N. Blondin ; seconde
édition , 48 pages in- 89 . Prix , 5 liv. et 6 liv , franc de port.
Précis de la langue anglaise , par le même ; 50 pages in 8o .
Prix , 5 liv . et 6 liv. frauc de port .
Pieces on various subjects from the Best english authors , both
in prose and poetry by J. N. Blandin ' : ouvrage classique en
anglais , 140 pages in - 8 ° . Prix , 10 liv . et 12 liv . franc de port.
Précis de la langue italienne , sous presse ; chez l'auteur ,
cloître Saint- Benoit , n . 363 , et chez les braises .
1
Le citoyen Blondin a déja ouvert successivement plusieurs
cours publics pour l'enseignement des langues modernes par
démonstration sur tableau ; et les citoyens Cr.goire et Thi
baudot , commissaires nommés par le comité " d'instruction
publique pour examiner cette methode , en ont rendu un
compte très favorable , qui se trouve consigné en tête du
precis de la langue française .
( 323 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ON
ALLEMAGN L
De Francfort-sur - le - Mein , le 30 août.
#
t
~ mande de Hambourg que , suivant les dernieres lettres
de Varsovie , en date du 8 août , le comte de Sowarow va
partir pour faire l'inspection de toutes les troupes russes qui
se trouvent répandues sur le territoire de la Pologne on
ajoute qu'il reviendra dans le courant du mois prochain oceuper
le palais du primat , et qu'à cette époque les troupes qu'il
commande commenceront à prendre leurs quartiers d'hiver :
il a été exécuté ces jours derniers , disent les mêmes lettres ,
différentes manoeuvres militaires par celles qui sont campées
aux environs de la capitale . Elles se sont séparées en deux
corps , et ont figuré l'attaque et la défense des retranchement ..
Les généraux Arseniew et Baxhowden faisaient exécuter ces
simulacres de guerre. Le dernier a toujours le gouvernement
de Varsovie : cette ville lui a l'obligation essentielle de souffrit
beaucoup moins de la disette à laquelle il est parvenu
apporter du renede, essaie de plus de rétablir l'instruction
publique à la tête de laquelle il a mis le chanoine
Albertrandi , avec le titre d'inspecteur général des écoles .
Quant aux cours de justice , l'ouverture en a été prorogée
jusqu'au 1er septembre , afin de laisser aux cultivateurs le
tems de s'occuper de leurs moissons , et même des semailles ,
qui n'avaient été que trop négligées pendant la derniere sampagne.
•
Voici la formule du serment que le général Tutolmia exige ,
au nom de Catherine II , des Polonais qui veulent rester sur
le territoire passé sous la domination des Russes ;
Je soussigné , jure devant Dieu que je promets fidellement
servir , ainsi qu'il , convient à tout sujet obéissant , sa majesté
l'impératrice de toutes les Russies , ainsi que son fils et
heritier du trône de Russie et leurs descendans à perpétuitë ,
et je déclare que le présent serment est un acte spontanée de
ma volonté , Ainsi , Dieu me soit en aide , etc.
François I accede bien , en qualité de chef du corps ger
manique , la paix proposée par l'Empire sous la médiation
du roi de Prusse ; mais il paraît que , comme roi de Bohême
e de Hongrie , et duc d'Autriche , il veut continuer la
1
( 324 )
guerre. C'est da moins ce que semblent indiquer les para
graphes suivans :
De Vienne , le 14 août . Il est arrivé ici , il y a deja quelques
jours , un courier au chevalier Eden , ministre plénipotentiaire
d'Angleterre auprès de ce cabinet . Le chevalier Eden se transporta
sur-le-champ au palais impérial , et eut une audience particuliere
de l'empereur. Le bruit couri qu'il a demandé au nom du
cabinet de Saint James , que l'armée autrichienne tentele passage
du Rhin , pour faire une diversion dans le moment où la
France doit éprouver beaucoup d'embarras du côté de la Bretagne
, et où le gouvernement a dû détacher des corps considérables
de l'armée du Rhin pour se porter dans cette contrée
. On ignore encore quelles sont les déterminations da
conseil imperial ; on a seulement remarqué qu'aussi tôt après
T'audience donnée par l'empereur , il y a eu un conseil d'état ,
qu'ensuite le général Bellegarde , qui se trouvait encore
ici , a été envoyé au général , Clairfayt.
CL.
On assure que l'empereur a ordonné qu'à l'avenir on ferait.
partir tous les mois de la Bohême , pour l'armée du Rhin ,
10,000 muids de seigle , 5000 quintaux de froment ,
baisseaux de pois , et 6000 boisseaux de lentilles. Ces transports
prendront leur route par la Franconie .
Suivant des avis de Cologue , l'armée française n'avait pas
encore passé le Rhin , et il n'y avait rien eu d'important , à
l'exception de quelques canonnades pour empêcher le transport
des munitions . On s'accorde à dire que les Autrichiens ,
se fortident de plus en plus à Kartenswerth , Mulheim , Deniz ,
Mondorf et Vallendar . Le prince Ferdinand a toujours son
quartier- général à Mulheim , et le général Wurmees a passé
le 20 à Ulm en Souabe , d'où il a continué sa route pour le
Brisgaw.
On écrit de Bâle , en date du 15 , que le gouvernement
français a refusé la suspension d'armes pour l'Empire , proposée
par la ministre prassien , M. de Hardemberg , et que
les troupes de la République sont disposées à pousser, vivement
les opérations de cette campagne . Un nombre considérable
de troupes allemandes remontent vers Fribourg ;
mais on s'attend que plusieurs princes de Empire feront
1out leur possible pour applanir loeuvre desirable de la pacification
, entr'autres le duc de Deux -Ponts , dont les états se
trouvent entre les mains des Français . Un ministre de sa part
a passé dernierement par Rastadt , pour se rendre au cougrès .
de Bâle.
HOLLANDE . Amsterdam , le 26 août.
On avait par des avis dn Texel que l'escadre hollandaise ,'
su nombre de 13 ou de 14 navires armés , gros et petits , y
( 325 )
était rentrée le 21 de ce mois , et que peu après il s'était
montré , à l'ouverture de la rade , 24 ou 25 gros navires ,
qu'on supposait être des vaisseaux de guerre étrangers . La
conjecture s'est pleinement confirmée . On vient de rendre
publique une lettre , datée du Texel le 24 août ; on y voit :
Qu'après que deux vaisseaux de ligne , un de 59 canons ,
trois fregates , quelques bricks et avisos , furent sortis de ce
port le 13 août , ils s'étaient heureusement réunis aux divisions
sorties de la Meuse et de la Zélande , faisant alors une
escadre de cinq vaisseaux de ligne , huit frégates et quelques
autres bâtimens plus petits , faisant en tout un nombre de 21 navires
armés , de differens rangɛ.
Le 1S , ayant été presque séparés la nuit par un gros
vent , ils virent le matin parmi eux cinq autres voiles , dont
trois parnrent être des vaisseaux de 74 canons , avec déux
cutters is tâchaient de couper la fregate le Brave du reste
de l'escadre . Celle- ci se forma en ligne , mais les vaisseaux
en question conservaient le vent , et détacherent les deux
cutters , sans doute pour avertir le reste de l'escadre , dont
on avait lieu de croire qu'ils formaient l'avant- garde ; l'escadre
hollandaise se jigea trop faible pour l'attendre , et à 6 heures
du soir elle jeuta l'ancre à l'ouverture du Texel .
99 Le 21 , elle est sortie de nouveau pour une reconnais
sance ; on crut entendre des signaux , et l'escadre rentra
effectivement peu d'heures après on apperçut , à la haujeur
du port , une flotte de 30 vaisseaux , dont au moins go sont
des vaisseaux de ligne , qu'on suppose être les escadres an
glaise et russe réunies , séparées de la nôtre par le banc de
Haax . "
Ces escadres sont restées à la vue da port depuis ce tems
et le 24 , on a vu rentrer dans le Texel même le vice- amiral
de Winter , montant le vaisseau l'Amiral Ruiter , avec plusieurs
vaisseaux les plus gros de l'escadre .
Les nouvelles de Londres , du 14 , que nous avons reçues
par la voie de Hambourg , confirment l'enlevement de huit
navires de la compagnie des Indes hollandaise , par le vaissean
de guerre le Sceptre , et un armement sorti de Sainte-
Helene ; ils faisaient partie d'une flotte de la compagnie ,
partie du cap de Bonne-Espérance le 18 mai , pour retourner
en Hollande sous l'escorte des frégates de guerre le Scipion
et la Comete.
De Leyde , le 22 août . Il regne toujours une fermentation
dans les esprits , qui se manifeste quelquefois par des éclats
violens. Il y a peu de tems , la maltitude s'étant attroupée
dans la nuit , à Amsterdam , attaqua la garde et commit divers
excès envers les personnes soupçonnées d'être orangistes.
Le tumulte recommença à midi , et l'on poursuivit jusques
12
( 326 )
dans l'église plusieurs individus qu'on voulut y maltraiter pendant
la célébration des offices . La cherté des subsistances et
l'embarras des finances ajoutent aux causes d'agitation à laquelle
un trap grand nombre d'individus parait enclin,"
Dans cet état de choses , les généraux français fout observer
la meilleure discipline aux troapes , et il est vrai de dire
que , si la tranquillité publique n'est pas plus souvent et plus
fortement troublée , c'est à la présence des Français que les
Hollandais le doivent. Quelques individus de l'armée s'étaient
néanmoins permis une coudaite déplacée envers des babitans
et les differentes autorités . Le représentant du peuple
Richard a écrit au général Moreau une lettre qui a été rendue
publique , où il lui recommande de prevenir et de punir de
pareils excès .
ITALIE.
Suivant des lettres de Cagliari , da 7 , le marquis Pagliaccio ,
général , qui était en prison comme coupable envers le peuple,
a été subitement arraché de sa prison par une populace furieuse
, qui , l'ayant revêtu de son habit de général , Ini a
tiré onze coups de fusil et da ensuite achevé à coups de sabre ,
sans vouloir lui accorder le tems de st coufesser. Les mêmés
lettres ajoutent qu'il existe dans toute la Sardaigne des principes
d'insurrection et de guerre civile . On a déja envoyé à
la cour de Turin deux memoires tendans à obtenir le rétablissément
des anciens priviléges d: l'isle , que les habitans
font consister à se gouverner enx- mêmes comme
tributaire du roi , et non à être gouvernés par les Piémontais
. Ces prétentions fermentent dans les esprits , et l'on
craint qu'il n'en résulté quelques terribles événemens contre
les partisans du gouvernement actuel .
un pays
De Gênes , le go dot. Voici la cause de la canonnade entendue
le 13 d'Alassio il y avait à l'ancre dans ce lieu
7 bâtimens génois qui furent pris par des chaloupes anglaises ;
mais deux tartanes de gueire françaises , sorties de Lingnegira ,
s'étant approchées des chaloupes , les obligerent de rendre
six de ces bâtimens . Un seul de ces bâtimens , qui était déja
sous la protection des frégates anglaises , est demeuré en leur
pouvoir dans cette occasion , les tartanes françaises et les
anglaises firent feu les unes sur les autres , et c'est leur fen
qui a été entendu ici ,
:
Jusqu'à ce moment il n'est point encore arrivé à l'armée
française des renforts de grande considération . On apprend
seulement qu'il est entré à Viotimille 600 Français , avec
une grande quantité de poudre et de cartouches au port
Maurice il est égalemerit arrivé mille grenadiers , qui , après
un court séjour , ont continué leur marche le long de la
riviere:
++
Ou voit chaque jour plus ou moins de vaisseaux de ligne
( 327 )
anglais , qui empêchent toute espece de commerce . On dit
néanmoins aujourd'hui que le général de Wins a permis de faire
entrer dans les pays de la Riviere , la quantité de grains
nécessaires pour leurs besoins ; mais les bâtimens chargés de
ce transport doivent venir d'abord à Vado prendre un passeport.
Les Autrichiens ont élevé deux redoutes à la portée du
mousquet , contre la forteresse de Savone ; sé qui donne de
grandes inquiétudes aux génois .
Le gouvernement n'a point encore donné de réponse aux
demandes contenues dans la note du ministre français . Le
patricien Durazzo a été nommé pour conférer avec le citoyen
Villars .
Il y a eu en Corse ane insurrection considérable : le viceroi
a publié une proclamation : on ne sait pas précisément à
quel point en sont les choses ; quelques lettres portent que
Paoli est à la tête des insurgés , et que ceux - ci se sont emparés
de Bastia , de Calvi , et marchent contre Saint- Florent .
Malgré le décret.constitutionnel , des bandes perpétuelles
d'émigrés se rendent en France . Ces jours derniers , il en
est parti plus de soixante . ( Extrait d'une gazette italienne . )
ANGLETERRE. De Londres , le 16 août 1795 .
Hier on a reçu des dépêches envoyées par terre des Indes
orientales . Ces dépêches portent que dans les différens ports
de cette presga' isle , on arme en flûte un trés grand nombre
de vaisseaux pour intercepter les bâtimens français et hol-
Tandais qui paraîtront sur ces parages . L'amirauté vient d'expédier
des ordres pour l'équipement de deux vaisseaux de ligne ,
avec des vivres pour douze mois . On croit qu'ils sont destinés
pour les Indes orientales ,
Indépendamment des vaisseaux de la compagnie des Indes ,
que le gouvernement à pris pour les armer en course ; il
en a pris encore dix sept pour transporter des troupes aux
Indes occidentales . Pour cet effet , ils se rendront tous à
Gravesend dans la seconde semaine de septembre.
De Portsmouth , le x6 août.
Il est arrivé ce matin la frégate l'Alcmene et le sloop te
Howhe , ayant sous escorte environ 50 bâtimens de transport
venant de Bremeriee , avec des émigrés à bord. Dans l'après,
midi , ces bâtimens , accompagnés d'un grand nombre d'autres
de transport , portant des troupes britanniques , en tout
environ 200 , sont repartis pour les côtes de France , sous
Pescorte des vaisseaux de gu fie suivans :
Le Prince de-Galies ↑ de 98 cauons ; la Reine- Charlotté , đe
100 ; le Prince ; de 98 ; le Rüssel , de 74 ; le Colossus , de
74 et les fregates lé Jason et FAréthuse . Le comte d'Artois
ast à bord du vaisseau la Reine -Charlotte.
)
( 328 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRESIDENCE DE BERLIER.
f
Séance de septidi , 17 Fructidor.
Il y a eu hier soir une séance extraordinai e pour le renou
vellement du bureau . Berlier a été nommé president. Les nouveaux
secrétaires sont Gareau , Gourdan et Poinset.
commé
Giraud Pouzolles , au nom du comité de legislation , fait
le rapport d'une pétition présentée par la famille de Perrin ,
depute de l'Aube , tendante à obtenir le rapport du décret
d'accusation rendu contre lui , en vertu duquel il a été condamné
à vingt ans de fer avec exposition préalable ,
dilapidateur de la fortune publique. Perrin n'a pas pu supporter
l'infâmie de ce jugement , il est mort dans la route de
Paris à Toulon . Il résulte du rapport que le jugement a été
aussi inique que l'accusation mal fondée , que la prévention et
la haine l'ont dicté , et que dans une affaire de comptabilité
l'on a demandé au prévenu qu'elle avait été son opinion sur
Marat et sa conduite lors du 31 mai . Le rapporteur ajoute que
Perrin , au lieu d'avoir dilapide les deniers publics , se trouve
par l'apurement de ses comptes créancier d'une somme de
6 mille livres. Il propose en conséquence de rapporter le
décret d'accusation , et d'ordonner que sa famille touchera ses
indemnités . Adopté .
Un membre demande qu'il soit fait lecture d'une lettre d'un
suppléant du département de l'Aube , qui se trouvant alors
juré au tribunal révolutionnaire exprimait le desir de le juger
et l'espoir de le remplacer.
Giraud n'ayant pas sur lui la lettre a promis de la lire le lendemain
à l'Assemblée.
Un autre membre demande que le rapporteur de cette affaire
denne sa motifs ..
Charlier déclare qu'il a basé son rapport sur deux faits ; le
premier , que Perrin prenait deux et demi pour cent pour commission
; et le second , qu'il avait fait des accaparemens de
toile.
t
Pierret et d'autres nient ces faits . Le premier assure que
' était un membre du côté droit qu'on poursuivait en lui , qu'on
cherchait à prouver au peuple qu'il y avait des fripons et des
voleurs dans ce côté , et qu'on sacrifia Perrin .
Doucet ,
, organe des comites de salut public , sûreté générale
et
( 329 )
et législation , entretient ensuite l'Assemblée du général Mons
tesquiou ; il rappelle qu'il commandait l'armée des Alpes , entrait
en vainqueur dans Chambéri , et prenait possession de la
Savoye , lorsque sur des soupçons vagues on le suspendait de
ses fonctions , et qu'il n'a fui que parce qu'il ne lui restait pas
d'autre moyen d'échapper à la fureur de ses ennemis .
Doucet regrette que le malheureux Beauharnais n'ait pas
imité sou exemple. La France aurait un bon citoyen de moins
à pleurer et un habile officier de plus à opposer à ses ennemis.
Le rapporteur prouve que la position de Montesquiou est
la même que celle de Dietricht. Il propose en conséqence de
rapporter le décret d'accusation rendu contre lui , de le rayer
de la liste des émigrés , et de lui accorder la main - levée du séquestre
mis sur ses biens .
Plusieurs membres s'y opposent , et citent des faits à sa
charge ; le rapporteur repond qu'il s'en justifie dans le mémoire
qu'il a présenté. Thureau réclame l'ajournement ; Fermond ,
la division . Bourdon : Montesquiou a fui la proscription sous
le regne des décemvirs , Il demande à être jugé sous celui
de la justice. On ne peut le lui refuser . Bourdon appuie la
motion de Fermond ; la discussion se prolonge et l'Assemblée
termine en décrétant qu'il sera formé un conseil de guerre
pour juger la conduite de ce général , et qu'il pourra se rendre
en Fiance pour s'y présenter.
Delville soumet à la discusion le projet de décret qu'il
a présenté hier . Il est ajourné de nouveau .
Séance d'octidi , 18 Fructidor.
Après la lecture de la correspondance , Gossuin demande
à lire une adresse des administrateurs du département du
Nord à leurs concitoyens ; elle est ainsi conçue :
Les rayons de l'espérance s'ouvrent enfin à nos yeux.
Nous touchons au terme de nos maux ; nous voyons près de
nous le moment heureux de terminer notre révolution , pour
ne plus jouir que des douceurs de la liberté et de l'égalité.
Une constitution sage , fondée sur les principes d'une
démocratie praticable , est offerte à notre acceptation . Il dépend
de nous de la sanctionner ; il dépend de nous de la
rejetter. Tels sont les droits long tems méconnus du peuple
souverain , que nos législateurs ont conquis sur la tyrannie ,
et que jamais ils violeront.
ne
Mais quel est l'usage , citoyens , que nous allons faire
aujourd'hui de ces droits précieux ? Admettrons nous , rejet
terons - nous la constitution qui nous est présentée ? Réfléchissons-
y bien ; de- là dépend notre sort , à cet acte seul
sont liées toutes nos destinées .
,, Aussi , n'en doutons pas ; mille ennemis de notre patrie ,
mille ennemis de notre félicité commune vont intriguer ea
Tome XVII.
Y
( 330 )
tout sens , pour empêcher que nous ne mettions le sceau
notre bonheur. Ils ne peuvent avoir d'espoir , ces ennemis ,
que dans l'anarchie. Et comme ils sentent qu'elle n'existe
jamais mieux que dans l'absence d'un gouvernement stable ,
ils réunissent tons leurs efforts pour obtenir de vous la réjection
de votre constitution .
" On les entend déja dire par - tout qu'elle est vicieuse ,
imparfaite.
Imparfaite , citoyens ! Eh ! les ouvrages des hommes
réunissent- ils jamais une entiere perfection ? N'est - ce point
assez , pour juger un ouvrage , d'en examiner l'ensemble , et
de voir si les différens ressorts qui composent la machine ,
ne sont point de nature à s'obstruer les uns et les autres et
à gêner, son jeu .
Et dites- le-nous , si vous êtes de bonne - foi , cet ensemble
n'existe - t- il pas dans le projet de constitution soumis
à votre sanction ! Ne voyez vous point dans ce projet nae
juste division de pouvoirs et tout- à - la-fois l'exposé des principes
qui doivent fonder votre liberté , diriger la morale
publique vers le plus grand bien , et servir de bâse à une
législation sage?
Mais ce n'est point encore là tout ce que vos ennemis
mettent en avant. Ils crient au despotisme , à l'usurpation ,
parce qu'ils voient que nos législateurs ont conçu l'idée de
consolider eux -mêmes leur ouvrage , en restant en partie à
leur poste . Eh ! citoyens , y a- t- il usurpation , quand on
demande l'assentiment du souverain ? Est - ce sans votre permission
que vos représentans veulent continuer des fonctions
législatives ? Vous voyez bien le contraire ; car ils vous consultent
; car , quoique le bien public commande imperativement
cette mesure , ils ne veulent point la prendre sans
votre participation expresse .
• " Non , non citoyens , la malveillance seule dicte et
propage ces observations captieuses , dont l'unique but est
encore de vous traîner de révolations en révolutions , et de
vous replonger par conséquent dans un nouveau gouffre de
malheurs .
,, Mais , ô vous ! qui aimez l'ordre , la paix , la tranquil
lité de votre pays , vous ne vous laisserez point éblouir par
ces sophismes ; vous ne consulteres que l'intérêt de votre
patric , et votre plus grande gloire sera d'assurer sa prospérité.
,, Nous nous adressons aussi à vous , et principalement à
vous , patriotes purs , qui avez si courageusement soutenu la
révolution depuis son aurore ; réunissez - vous encore nous
vous en conjurons au nom du bien public , au nom de la
liberté qui toujours vous fat si chere , pour déjouer toutes
les trames que l'on ourdismit contre la patie , Si l'opinion
1
( 331 )
publique chancelle un instant , ramenez-la par la voie de la
persuasion et par votre influence républicaine. Si des malveillans
la corrompent ; alors , citoyens , alors reprenez votre
premiere énergie . La malveillance est un crime ; dans les
circonstances où nous nous trouvons , elle tient de près à la
conspiration ; et dès qu'elle existe , elle doit être à l'instant
réprimée par les tribunaux ; votre devoir est de l'y placer .
Le nôtre est de vous indiquer d'avance quels sont ceux sur
qui votre surveillance doit porter.
" Ainsi , s'il existe parmi vous des hommes dont le bannissement
est consacré à jamais par l'acte constitutionnel
défiez- vous de leurs insinuations perfides , de leurs trames
secrettes , surveillez specialement ces émigrés , dont la rentrée
n'est point autorisce par la loi ; il n'est point d'efforts
qu'ils ne feront pour renverser le gage de votre bonheur , et
vous replonger dans l'anarchie .
Nous ne vous parlerons pas des ministres des cultes . A
la vérité , ils essayent encore par fois de rallumer le flambeau
du fanatisme ; mais le moment est venu , où , convaincus
que leur repos est essentiellement inhérent à la marche
solide d'un gouvernement stable , ils exerceront eux- mêmes
leur influence pour maintenir la tranquillité dans l'état , et
l'union parmi tous les citoyens . Tel est notre espoir , tel est
notre væu.
1
1
en est tems enfin , citoyens , sachons tous nous rallier
aux doux sentimens de la fraternité ; élevons des temples
à la concorde ; que le calme de l'union soit sans cesse dans
nos ames , et n'aspirous qu'au bonheur de resserrer les liens
de la grande famille , par ceux d'une amitié constante et
reciproque. Ne formons tous qu'un peuple de désormais pour la liberté , l'égalité , pour
vivons
les vertus
sociales , pour la république française , une et indivisible . 9
Fait en séance publique du directoire du département du
Nord présens les citoyens Duhot , président ; Devinck--
Thiéry , Deketspotter , administrateurs ; Delaetre , substitut
du procureur général syndic , et Gauthier , secrétaire général.
A Douai , le 13 fructidor , l'an 3e, de la République Française
, une ét indivisible .
Villars , au nom du comité d'instruction publique , propose
la distribution d'une somme de 240,000 liv. , à titre
d'encouragement à divers savans , artistes et hommes de lettres .
Un membre dit qu'apparemment le comité à une planche aux
assignats pour être si généreux. Le projet est néanmoins adopté.
Nous ferons connaître les noms de ces citoyens dès qu'ils
seront imprimés.
Gamond , an nom du comité de salut public , présente un
projet de décret tendant à la suppression de la commission
des armes et poudres , et la répartition de ses diverses attri
( 332 )
butions entre les commissions des revenus nationaux , des
travaux publics et de la guerre . Il dit que les douze commissions
doivent être réduites à six départemens , et qu'il
faut préparer cette réduction à l'avance et peu à peu , afin
qu'elle soit moins sensible , et que la marche des affaires
n'en soit pas entravée . Il fait l'éloge de la commission des
armes . Le projet est adopté.
Lesage ( d'Eure et Loir ) prononce le discours pour lequel il
avait demandé la parole la veille , où il recherche les causes de
la dieette qui nous tourmente depuis long-tems . Il remonte jusqu'aux
premiers jours de la revolution ; d'Orléans fut seion
lui le premier qui fit usage de ce moyen desastreux pour
se frayer un chemin au trône , et qui fit naître les journées .
des 5 et 6 octobre . La loi du maximum , les requisitions , les
incarcérations , les dilapidations , tous ces fléaux ravagerent
ensuite la campagne et aggraverent nos maux , et les porterent
au terme où ils sont arrivés. Lesage propose ensuite des
remedes . Ils consistent en un recensement général des grains ,
l'approvisionnement des halles et marchés , et une police
intelligente et active à exercer sur cette partie du commerce .
On demande le renvoi du projet aux comités réunis . Il
est décrété.
Chénier La justice que vous avez rendue hier au général
Montesquiou ne me permet plus de différer de vous proposer
de la rendre également à un ami de la révolution ,
un philosophe que la postérité comptera au nombre des fondateurs
de la République Française , Talleyrand- Périgord ,
ancien évêque d'Autun . Patriote avant 1789 , et honoré de
la haine des tyrans et de leurs esclaves , il n'a point abandonné
la République et n'en est sorti que pour aller à Londres
remplir une mission ; et dans le tems qu'on le décrétait
ici d'accusation sans motif , et sans que le rapporteur en
ait jamais pu rédiger l'acte , il s'occupait à consolider la
République , et rédigeait un mémoire qui s'est trouvé dans
Jes papiers de Danton . Républicain par fierté d'ame et par
principes , la persécution de Pitt le décida , se rendre en
Amérique pour y jouir du spectacle d'un peuple libre , et
il y est encore .
Chénier demande pour lui la faculté de rentrér en France ,
at sa radiation de la liste des émigrés .
Brival l'appuie et rappelle que , dans l'Assemblée constituante
, Talleyrand oublia tous ses titres pour se ranger dans
le tiers - Etat , dont il défendit les droits avec courage .
Legendre ne veut pas qu'on rende un décret d'enthousiasme
, et propose le renvoi au comité de législation .
Boissy-d'Anglas dit que la justice ne s'ajourne pas . L'Assemblée
rapporte le décret d'accusation rendu contre Taldeyrand
, et adopte le projet de Chénier . Vifs applaudissemens .)
( 333 )
Boissy donne une seconde lecture du traité de paix con--
elu à Bâle entre la France et le landgrave de Hesse - Cassel .
La Convention en décrete la ratification .
Séance de nonidi , 19 Fructidor.
Lanjuinais lit une pétition des administrateurs du dépar
tement de Saône et Loire , tendante , à savoir si ceux qui n'ont
obtenu qu'une radiation provisoire de la liste des émigrés ,
seront admis à voter dans les assemblées primaires pour l'acceptation
de la constitution . Lanjninais pense que cette demande
ne doit souffrir aucune difficulté ; il propose l'affirmative' ,
mais plusieurs membres le combattent.
Guyomard : Les traitres du Midi , ceux qui ont livré
Toulon , seront donc admis à voter .
Legendre : Consultez la correspondance du comité de sûreté
générale , elle vous apprendra que les émigres inondent le
Midi . Je voudrais que Lanjuinais consultât plus son coeur que
sa tête . Ne faisons pas de loi générale qui favorise la rentrée des
émigrés . Après des débats bruyans , la proposition de Lanjuinais
est écartée . Mais sur la motion d'un membre , la Convention
décrete que les citoyens qui , pour se soustraire à la tyrannie ,
s'étaient enfuis ou cachés , et qui depuis le 9 thermidor ont
été nommés fonctionnaires publics , seront admis à voter
dans les assemblées primaires et électorales , quoiqu'ils ne
soient pas encore rayés définitivement de la liste des émi
grés.
Un pétitionnaire paraît à la barre. C'est un des vainqueurs
de Toulon ; il se plaint de ne pouvoir pas jouir d'une propriété
nationale qu'il a acquise , parce que l'émigré à qui elle
a appartenu la lui dispute .
Fréron en prend occasion de lire à l'Assemblée des ren
seignemens qu'il a reçus sur les départemens du Midi . Les
émigrés citent les acquéreurs de biens nationaux devant les
jages de paix . Les prêtres en ordonnent la restitution an nom
de Dieu , on sonne les cloches . Tous ceux qui ont servi sug
la flotte anglaise sont rentrés . Fréron ajoute qu'il ne faut pas
que la Convention se déguise sa situation . Il propose en conséquence
un projet de décret portant : 1 ° . Que ceux qui
ont livré Toulon et fui avec les Anglais , ne sont pas compris
ans le décret relatif aux fugitifs du 31 mai . 2 ° . Que les certificats
de résidence délivrés par les départemens du Var et des
Bouches - du- Rhône sont annullés . 3° . Que les acquéreurs des
biens nationaux seront maintenus dans leurs possessions.
Lanjainais dit que le décret que propose Frèron , est une
loi pénale qui doit être mûrie , et il en demande le renvoi
au comité de législation.
Tallien s'éleve avec force contre les trames qui s'ourdissent
de toutes parts pour perdre la Convention et la liberté . Us
Y 3
( 334 )
A
grande agitation se manifeste dans l'Assemblée . Cependant
le projet de Fréron est discuté et adopté avec quelques modifications
.
Thibaudeau demande que les juges qui ne rendront pas
justice aux acquéreurs expulsés , payent de leurs têtes leurs
prévarications. Decrété.
Sur la motion d'un membre , la Convention renvoie au
comite de legislation , pour presenter ses vues sur la ques
tion de savoir si des legataires auxquels on a donné l'usufruit
d'un domaine ou une rente viagere pour en tenir lieu ,
ne doivent pas profiter du benéfice de la loi qui porte que
les fermages et rentes foncieres seront payés moitié en assignats
valeur nominale , et moitié en grains d'après l'évaluation
de 1790.
Isabeau , au nom du comité de sûreté générale , annonce
an rapport sur la situation actuelle de la République . Les
émigrés et les prêtres réfractaires sont les deux plaies de .
l'état . Une assez longue discussion s'engage sur le mal qu'ils
font.
Cornillon demande l'arrestation de ces prêtres .”
Bailly dit qu'il ne faut pas généraliser la mesure .
Lanjuinais et Lariviere déclarent que c'est ainsi qu'on exas ,
pere les esprits et qu'on organise la guerre civile . La Con
vention termine ces débats en décrétant que les comités réunis
lui feront demain un rapport sur cet objet.
Liste des noms des savans et artistes qui viennent d'obtenir
des encouragemens.
La Convention nationale après avoir entendu le rapport de
son comité d'instruction publique , décrete : La trésorerie.
nationale tiendra à la disposition de la commission exécutive
d'instruction publique , une somme de deux cents quarantequatre
mille livres pour être réparti conformément à l'état cijoint.
PREMI CLASSE.
Trois mille livres à chacun des citoyens :
Abeille , homme de lettres ; Agus , compositeur de musique ;
Anquetil- Duperon , auteur de la Législation orientale ; Arnould
anteur de la Balance du commercé ; Charpentier , mécanicien ;
Desaudrais , membre du bureau de consultation des arts ;
Dewailly , architecte ; Doublet , chirurgien , dans la personne
de sa veuve ; Durival , anteur d'une Description de la Lorraine ;
Gawnvard , rédacteur de la Gazette salutaire ; Guy , mathematicien
; Guillard , auteur dramatique , Cayard ( la citoyenne )
peintre ; Hubert , graveur en taille-douce ; Labonne , auteur
´d'un ouvrage sur l'Education ; Lachaussiere , homme de lettres,
( 335 )
Laire,homme de lettres ; Lamettrie , physicien ; Laroumeguerre,
auteur d'un Essai sur la métaphysique ; Lasaigne , géographe ;
Lavallée , homme de lettres ; Leclere , dessinateur , à Lyon ;
Lemasson Legolf ( citoyenne ) artiste ; Lesuire , homme de
lettres ; Loaisel - Tréogate , auteur dramatique ; Lucas , conservateur
dn muséum de Toulouse ; Malherbe , historigraphe
des états de Languedoc ; Martini , musicien ; Montigny ,
musicien ; Malot , homme de lettres ; Nougaret , homme de
lettres ; Palombat , traducteur italien ; Pasumot , ingénieurgéographe
Picard , auteur dramatique ; Pingeron , homme
de lettres ; Ponteau musicien ; Plysieux ( la citoyenne ) auteur
de plusieurs Lettres ; Ranson , dessinateur aux Gobelins ;
Requier , traducteur ; Toutain , homme de lettres ; Vaillant
pere , rédacteur du Voyage de son fils chez les Caffres et les
Hottentots ; Vigée , homme de lettres ;
Cinquante-deux noms à 2,000 liv . , fait .... 104,000 liv.
s ;
Digard , professeur de mathématiques , à Orléans ; Ducreux
peintre , Darieu , auteur d'une Méthode élémentaire de musique s
Davillard , mathématicien ; Gérard ( Théodore ) , auteur da
Tableau social; Gibrat , géographe ; Gourdin , homme de
lettres ; Elirman ( de Strasbourg ) , homme de lettres ; Fénelon ,
dans la personne de ses nieces ; Fontane , homme de lettres
Gavigné , musicien ; Giroust , musicien ; Gonan (de Montpellier) ,
botaniste ; Hondon , scalpteur Lesure , ancien consul de
France ; Lebrun ( Ch. ), peintre , dans la personne de sa
petite-fille ; Pajou , sculpteur ; Peyron , peintre ; Rodolphe
masicien ; Roubo , architecte , dans la personne de sa veuve ;
Roucher , homme de lettres , dans la personne de sa veuve ;
Sabbathier ( de Châlons ) , homme de lettres .
Vengt-huit noms à 3,000 , fait..... 84,000 liv.
*
DEUXIME CLASS X.
Deux mille livres à chacun des citoyens :
༣ ན
Anselin , graveur ; Bertholon , professeur de physique expérimentale
, à Montpellier ; Blondin , professeur de langues
française et étrangeres ; Bonneville , homme de lettres ; Berruer,
sculpteur ; Caraccioli , homme de lettres ; Carbo Flins
homme de lettres , auteur du Réveil d'Epimenide ; Clodion
sculpteur ; Cordier-Desgranges , auteur de plusieurs ouvrages,
d'économie politique ; Defontaines , homme de lettres
Desgraces , ancien secrétaire de la ci- devant académie des
inscriptions et belles lettres ; Desodoards ( Fantin ) , continuateur
du président Hinault ; Desoria , peintre.
Douse noms 2,000 liv. , feit ......... 24.000 fiv
213 "T 7 Y
( 336 )
TROISIEME CLASSI.
Quinze cents livres à chacun des citoyens :
André , rédacteur de différens journaux ; Arnau , auteur de
Marius à Minturne ; Baillot ( Pierre ) , de Dijon ; Beaumier
( de Rennes ) , auteur d'un Tableau des moeurs du siecle ; Bertin
traducteur Brignieres , ancien ingénieur invalide ; Boisjolin´,
homme de lettres ; Castex , sculpteur; Charpentier - Longchamps ,
home de leitres ; Clary , homme de lettres ; Courtalon ,
auteur d'un Atlas d'Allemagne ; Duhamel , homme de lettres ;
Famin , professeur de physique ; Gadbled , mathématicien , dans
la personne de la citoyenne Riber , sa niece ; Goussu , grammairien
; Gilbal , homme de lettres ; Henriquet , graveur ; Lacombe,
auteur d'un Diionnaire du vieux langage , et dans la personne
de sa veuve ; Lambert , peintre d'histoire ; Laville- Léroux
( citoyenne ) , peintre , Lefebvre , auteur dramatique ; Marchai ,
peintre d'histoire ; Mercier ( de Compiegne ) homme de lettres ;
Messier , peintre d'histoire ; Miger , auteur de la Morale des
Orientaux ; Montjoie , peintre ; Paraud , traducteur de plusieurs
ouvrages ; Perny , astronome ; Porquet , homme de lettres ;
Prévôt , auteur dramatique ; Restout ? peintre ; Robert
( de Dijon ) , géographe : Rose , auteur d'Elémens de morale ;
Rosier ( Hubert ) , armurier , à Maubeuge , et ancien contrôleur
de la manufacture d'armes ; Serieys , homme de lettres ;
Soulaire , auteur de l'Histoire du Languedoc ; Touroude ,
mécanicien ; Viel , graveur.
Trente-huit noms à 1,500 liv . , fait ...
Le total fait ...
Séance de décadi 20 fructider.
1
57,000 liv .
244,000 liv .
Letourneur , au nom du comité de salut public , annonce
que les Piémontais s'efforcent tous les jours de profiter de
leur supériorité actuelle ; mais par-tout ils ne trouvent que
des défaites et de la honte . Applaudi ,
Un citoyen de la section du Théâtre-Français se plaint de
ce qu'on lui a refusé l'entrée de l'assemblée primaire de la
section , parce qu'il n'était pas muni d'une carte particuliere
qui a été distribuée pour exclure les citoyens désarmés . L'Assemblée
décrete que les cartes anciennes et nouvelles des sec- —
tions suffisent pour étre admis dans les assemblées primaires.
Fréron présente la rédaction du décret qu'il avait proposé
hier ; elle est adoptée . Nous la donneron .
Isabeau , organe des comités de sûreté générale et législa
tion , fait le rapport concernant les manoeuvres des prêtres
xéfractaires et des émigrés pour troubler l'ordre public , et
( 337 )
la Convention décrete que les lois précédemment rendues
contre eux seront exécutées . Les prêtres ont quinze jours pour
sortir , s'ils sont rentres ; ils sont bannis à perpétuité ; et s'ils
rentrent de nouveau , on les traitera comme émigrés. Trois
jours après la publication du présem décret , tous les ministres
des cultes qui , ayant refusé l'acte de sonmission exigé par la loi
du 11 prairial , on ayant ajouté des restrictions à cet acte ou l'ayant
rétracté, exerceront encore un culte quelconque dans les édifices
publics , ou dans les maisons particulieres , ou par- tout ail--
leurs , seront sur- le - champ arrêtés et conduits dans la maison
de détention d'un des départemens les plus voisins de celui
de leur domicile. Les propriétaires ou locataires des maisons
dans lesquelles le culte serait exercé , en contravention à l'article
précédent , seront condamnés à une amende de 1000 l ..
et en cas de récidive , à une détention de six mois , le tout
par forme de police correctionnelle et sans appel . Les juges
de paix informeront contre ceux des ministres des cultes qui
se permettraient des discours , des écrits , des actions contraires
aux lois de la République , on provoqueraient au rétablissement
de la royauté. Ils seront punis conformément
aux lois pénales .
La Convemion décrete en principe que les biens des prêtres,
déportés , dont la confiscation avait été prononcée par
les précédentes lois au profit de la République , seront restitués
à leurs familles.
Les comités doivent présenter incessamment un code complet
sur la police des cultes .
Sur la proposition d'un membre , la Convention renvoie à
son comité de législation , l'examen de la question de savoir ,
s'il ne convient pas de destituer les prêtres insermentis non
déportés , ainsi que les parens d'émigrés qui occupent des
fonctions publiques , ou de prendre à leur égard telle autre
mesure que la sûreté publique peut exiger.
Les habitans du département de Gemmapes , quoiqu'ils ne
soient pas encore citoyens français , ont accepté la constitution
, et manifesté le plus vif desir d'être régis par ses loir.
Un membre demande que les coclésiastiques connus sous
lá dénomination de prêtres assermentes , et qui n'ont pas
rétracté leur serment , continuent à être payés de leurs ' indemnités
. L'Assemblée passe à l'ordre du jour , motivé sur
l'existence des lois à cet sujet.
La discussion du projet de décret relatif au placement des
deux conseils du corps législatif et du directoire exécutif ,
est ajourné à tridi prochain .
( 338 )
1
Séance de primedi , 21 Fructidor.
Rédaction du décret rendu´ sur la proposition de Fréron , contre
les émigrés de Toulon rentrés sur le territoire français .
4 La Convention nationale décrete :
99 Art. Ier, Ceux qui , après avoir livré le port de Toulon
aux Anglais , incendie neuf vaisseaux de ligne et une partie
das magasins de l'arsenal , proclamé Louis XVII , combattu
pendant quatre mois de siége contre les troupes de la Répu
blique , se sont retirés sur l'escadre anglaise , et qui seraient
rentrés sur le territoire français.
Ne sont point compris dans les dispositions du décret
en faveur des citoyens qui ont quitté leur patrie par suite.
des événemens du 31 mai .
tels.
Ils sont déclarés émigrés et seront poursuivis comme
II. Sont pareillement déclarés émigrés ceux qui , depuis
le 28 août 1793 ( vieux style ) , jour où Toulon a été livré
aux Anglais , jusqu'au 18 frimaire de la ge . année républi- '|
caine , jour de sa reddition , s'y sont réfugiés , y ont pris les
armes pour les puissances coalisées ou y ont exercé des
fonctions au nom de Louis XVII , et qui se seraient également
zetirés sur l'escadre anglaise.
จ
III. Les autorités constituées du département du Var et
de tous les départemens , sont tenues , sous leur responsabilité
de réintégrer et maintenir dans les domaines nationaux
qu'ils out acquis , les citoyens qui en auraient été dépossédés
par menaces ou violences de la part desdits émigrés . Toutes ·
poursuites intentées ou tout jugement rendu à ce sujet , sont
cassés par le présent décret .
" IV. Tous arrêtés des représentans du peuple , tendant å
favoriser la rentrée desdits émigrés dans les départemens méridionaux
et de tous les autres départemens de la République,
sont annullés ; ceux qui ies auraient obtenus sont tenus d'éva
euer le territoire de la République dans le délai de trois
jours , après la publication du présent décret.
" V. Le présent décret sera envoyé dans les départemens
méridionaux par des couriers extraordinaires . "
Des militaires qui se trouvent à Paris demandent à voter
dans les assemblées primaires des sections de cette commune.
Aubry s'étonne que des militaires non employés ne soient
pas , aux termes des lois , rentrés dans leurs communes. Leur
pétition est renvoyée au comité de salut public.
Colombel , au nom du comité de sûreté générale : Nous
ne pouvons vous dissimuler que la malveillance emploie toutes
sortes de manoeuvres pour agiter cette commune . Pour vous,
en convaincre , il safira de vous dire que l'assemblée pri
( 339 )
maire de la section Lepelletier , vient de prendre un arrêté
qu'elle a fait afficher et qu'elle a envoyé aux 47 ' autres' secados
tions , et qui est ainsi conçu :
Les citoyens de la section Lepelletier , rénnis en assemblée
primaire , ont arrêté et arrêtent d'adopter pour eux , et de
communiquer aux quarante - sept autres assemblées primaires
de Paris , l'acte de garantie qui suit :
Les citoyens de Paris , réunis en assemblées primaires .
considérant qu'à l'instant où un peuple ressaisit les droits de
la souveraineté dont il avait été dépouillé par une longue
tyrannie , le premier devoir de chacun envers tous , est d'émettre
, sans aucune espece de crainte , son opinion sur les
moyens de salut public , et que le premier devoir de tous envers
chacun , est de lui garantir de toutes leurs forces morales et
physiques , ce droit imprescriptible et inviolable de la liberté
la plus absolue d'opinion .
Considérant
que le peuple assemblé pour délibérer sur
ses lois et son gouvernement , ne peut et ne doit être influencé
par aucune espece d'autorité ; que les pouvoirs (dem
tout corps constituant cessent en sa présence ; qu'attaquer en.”
quelque tems que ce soit un seul citoyen pour son opinion ,
c'est un attentat à la souveraineté du peuple .
* Considérant que tout droit est dérisoire et inutile , s'il n'est ?
garanti par tous envers chacun ; qu'une expérience faneste ! a
trop appris avec quelle impudeur les tyrans savent se jouer
de l'honneur , de la liberté et de la vie des citoyens ; que
tous les crimes qui ont ensanglanté le sol français depuis les
journées de septembre 1798 , sont dus en partie à la mollesse
des gouvernés , qui se sont trop légerement confiés à la vertu
de gouvernans , et qu'ils résultent sur tout de l'isolement
où chacun s'est placé dans la fausse espérance d'échapper aus
coup qui frappait son voisin ..
Considérant enfin que le premier besoin de tout homme
en société est la sûreté de sa personne .
Ont arrêté et arrêtent ce qui suit :
Tout citoyen a droit d'émettre librement son¹ opinion sur
la constitution présentée à l'acceptation du peuple , comme à
l'égard du décret du 5 fructidor , concernant la réélection de
cinq cents des membres de la Convention , et généralement
sur toutes les mesures de salut públic .
A cet effet , chaque citoyen en particulier , et tous les
citoyens de Paris , en général , sont placés sous la sauve- garde
spéciale et immédiate de leurs assemblées primaires et respec
tives , et des 47 autres assemblées primaires de cette cité .
Arrêtent en outre que le présent sera imprimé et affiché.
Pour extrait conforme , signés , GERARD DE BURY , président.
SAINT-JULIEN , secrétaire.
Il y a des principes vrais dans cet arrêté , dit le rappor
( 340 )
teur , mais il renferme aussi une maxime dangereuse . On dit
que devant le peuple assemblé , tout ponvoir constituant cesse .
Rien de plus vrai si le peuple pouvait se réunir en masse
dans une seule commune .
Colombel propose à l'Assemblée de se déclarer permapente
.
Isabeau est d'avis qu'il soit fait une adresse au peuple pour
l'éclairer.
Thibeaudeau pense qu'il ne faut pas ouvrir un procès entre
elle et une section .
Tallien demande une séance extraordinaire pour le soir , et
annonce qu'il réserve son énergie pour les circonstances graves
les patriotes vont peut- être se trouver,
Bailleul déclare que les assemblées primaires déliberent avec
calme ei tranquillité.
Chenier appuie la motion de Tallien . Elle est décrétée .
Une députation de l'armée du Nord et de celle de Sambre .
et Meuse , apporte , le procès - verbal de son acceptation de la
constitution ; elie demande la permission d'aller fraterniser
avec le camp sous Paris .
Tallien : Cette demande contraste avec les efforts de ceux
qui veulent non pas fraterniser , mais corrompre. Au surplus ,
si l'on conspire contre la Conventio , tremblez ennemis de
la chose publique , nous conspirerous contre vous .
PARIS. Quartidi , 24 Fructidor, 3 ° . année de la République.
Les assemblées primaires ont été ouvertes décadì. La premiere
seance , consacrée à l'organisation des bureaux , a
été parfaitement calme . La discussion s'est ouverte le lendedemain
sur le décret adjoint à l'acte constitutionnel . Les dispositions
qu'il contient ont été vigoureusement combattus
dans la plupart des sections. Dans celle du Théâtre- Français ,
l'adresse de la Gonvention a de plus été critiquée avec une
sagacité d'analyse et une chaleur d'expression qui ont attiré
à l'orateur les plus vifs applaudissemens .
Cette assemblée , ainsi que plusieurs autres , se sont déclarées
permanentes jusqu'au moment de l'installation du corps législatif.
Quelques- unes ont décidé qu'elles ne s'assujettiraient
point au terme fixé pour leurs opérations . Sur l'avis de l'assemblée
de la section Lepelletier , la plupart out arrêté et proclamé
un acte tendant à garantir à tout eitoyen le droit d'exprimer
librement , sans aucun danger actuel , ni à venir , sa
pensée sur les questions politiques .
On pourrait dire en effet que tous les citoyens expriment ,
comme ils en ont le droit sans l'intervention de cet acte ,
' ers sentimens avec autant de liberté que d'énergie , si ceux
draient exposer des opinions opposées à celles qui
-( 341 )
paraissent l'emporter n'étaient pas faccueillis avec la plus
grande défaveur , et quelquefois menacés d'être chassés ( 1 ) .
Mais cette exaspération qui déterminait l'ascendant d un parti
sur l'autre , dans des circonstances semblables , exerce aujour
d'hui la même influence , et comme alors par le secours puissant
du fanatisme politique .
La phrase de Jean -Jacques Rousseau , dont nous , avons réfuté
l'interprétation dangereuse dans notre avant dernier numéro
, n'a été que trop goûtée ; ellè retentit dans toutes les
assemblées , et ce que n'avait point songé à admettre le délire
de souveraineté qui égara si long - tems ceux qu'on appellait
sans -culottes , a été saisi avec un empressement extraordinaire ,
même par des hommes éclairés . Certes , ceux qui ont mis si
à propos cette maxime en avant , étaient bien sûrs de l'impression
rapide qu'elle devait produire on persuade si aisément
ce qui flatte l'amour- propre ! Aussi , de toutes parts on
entend les citoyens instruits , comme les plus ignorans , répéter
, avec l'air de la plus intime conviction : 6 Il n'y a plus
99 de gouvernement ; la Convention n'est plus rien ; elle ne peut
99 plus faire aucuns décrets . "
Cette derniere assertion paraîtrait moins ridicule sans donte ,
si l'état des choses était assez calme , si les moeurs et les
lumieres avaient fait parmi nous assez de progrès pour que
l'autorité législatice pût demeurer un moment passive devant
les délibérations du peuple ; mais dire Il n'y a plus de gouvernement.....
Que faut- il penser , lorsque des principes aussi
erronés sont pourtant soutenus par ceux - là même qui ent
justement déploré les égaremens de l'ignorance populaire !
D'après de semblables dispositions , il est aisé de concevoir
comment la plupart des assemblées primaires ont cru pouvoir
établir entr'elles l'influence des communications , qui avaient
si bien réussi du tems de Robespierre , et ont ainsi abusé ,
au lieu de profiter des leçons de l'expétience . Plusieurs même,
onbliant l'objet réel et les limites dans lesquelles les circonscrit
l'exercice de leur portion de souveraineté , ont arrêté
communiquer avec les autres communes de la République ,
ainsi qu'avec les armées . Il y a eu aussi des propositions de
chasser la Convention nationale , d'établir à sa place une
commission.exécutive , etc. etc.
( 1 ) Nous pouvons attester qu'au moment même où l'on àrrêtait
l'acte de garantie , de bons et très - purs citoyens étaient
obligés de prendre l'attitude la plus suppliante d'employer les
tournures les plus souples et les plus adroites pour pouvoir
être entendus quelques instans . Dans la section du Théâtre-
Français , le censeur de l'adresse de la Convention osa proposer
qu'on n'entendît que ceux qui parleraient contre le décret.
Cette motion a été rejettée.
( 842 )
K
Nous pourrions publier comme d'autres que les réunions
politiques de cette ville sont graves , majestueuses et qu'il y
regne la plus parfaite harmonie ; mais nous voulons être vrais ,
nous devons faire connaitre en conséquence de quel espris
elles ont paru animées ; ce n'est pas qu'elles offrent par-tout
le même degré d'exasperation . Quelques- unes ou même donné
l'exemple de la sagesse , plus convenable à l'exercice de la souveraineté
que cette énergie vantée dans quelques feuilles . Nous
devons encore rendre justice au courage de quelques patriotes
qui , dans plusieurs sections , ont fait entendre le langage de
la raison , et par une perseverance vraiment civique , ont
Burmonté l'effervescence genérale , brave les menaces individuelies
, et sont parvenus à faire rejetter les propositions les
plus dangereuses . Combien d'hommes sages , mais décourages
par cette prevonios despotique qui passe pour énègie , et
qui réduisit tant de fois la raison au silence , n'ont pas la
force d'élever la voix , tenuent les meilleures objections
secrettes , et entraînés à leur insu par une majorité factice ,
concourrent à un résultat contradictoire à leur propre pensée !
Pendant le regne des demagogues , celui qui , ramenaut
les vérités politiques à leur véritable point , otait s'exprimer
ainsi : « C'est la collection entiere des citoyens français qui
compose le peuple souverain ; ne pouvant se rassembler
tops en un même lieu , ils sont bien obligés de se former
» en reunious partielles . Ces réunions , appellées assemblées
" primaires , ne sout absolument que des fractions de la sou
39 veraineté . Il ne peut jamais résulter d'une ou de plusieurs
a de ces assemblées aucune décision politique. La volonté
" générale et souveraine n'a d'existence qu'au moment où
toutes les décisions particulieres recensées et comparees ont
" établi une majorité entre elles . Alors seulement il y a une
• volonté reconnue ; alors seulement elle peut prendre un
99 caractere positif, et devenir une volonté imperative. » Celui .
là , dis-je , qui osait exposer cette verité incontestable n'était
pas entendu , et on le tatait d'ennemi du peuple.
Aujourd'hui , que ll''oonn expose les mêmes principes , ´en y
ajoutent les réflexions suivantes : 6 Quand la volonté sou-
99 veraine est cousultée, sur la constitution et sur un décret
qui y est joint , une assemblée primaire seule qui n'est pas
" le souverain s'en sépare , et n'exerce plus sa porcion de sou- 、
» veraineté lorsqu'elle s'occupe individuellement d'une
chose sur laquelle le souverain n'est pas consulté ; les
9 décisions qu'elle prend ne sont plus que des acies particuliers
, sur lesquels les mandataires du peuple auront
9 à prouoncer. Toute manoeuvre ayant pour but de dé-
91 tourner les autres assemblées de leur objet direct ; toutes
• démarches et tentatives de communication , d'influence , de
s coalition , sont contraires à l'ordre public , à la justice et à
», la liberté qui entrent »
mens de la souveraif
( 343 )
*
99 neté du peuple . 99 Ce langage serait-il mieux compris ? Oni ,
sans doute , car il frapperait des oreilles plus instruites
cependant des voix s'écrieraient qu'il anéantit les droits do
peuple souverain , et l'impression de l'amour propre public
l'emporterait sur la raison publique . Il n'en est pas mone
vrai , que violer les lois essentielles du systême représentatif ,
transformer en démocratie absolue la République réprésenta
tive , par la nature même des choses , par l'étendue de son
territoire et l'immensité de sa population , ce serait réduire
l'anarchie en principes , et les conseils qui renchérissent sur
les folies du sans-culottisme le plus outré , doivent inspirer
plus d'inquiétudes que de confiance à ceux qui soupirent après
le retour de la tranquillité intérieure , et ne veulent plus de
3
révolutions .
du Noyens
composant
l'assemblée
primaire
de la section
ont arrête que les lois et tous ordres qui seraient
adressés soit à son comité civil , soit à l'état-major , seront
communiqués avant tout à l'assemblée primaire , qui prendra
sur ces actes le parti que lui dictera sa prudence .
Plusieurs autres sections out adhéré à cette décision .
Le 22 au soir , la section Lepelletier a donné une explication
à son arrêté , par lequel elle avait nommé des commissaires
pour former un comité central . I résulte de cette
explication que , si ce comite central pouvait devenir un centre
d'insurrection , comme cela est déjà arrivé , ce n'était nullement
le but de l'arrêté . Il ne s'agissait , déclare la section Lepelletier
, que de procéder à la redaction d'une adresse , pour
repousser les calomnies dirigées contre Paris .
ا ر
Le décret du 5 fructidor et celui additionnel de la nuit da
21 au 29 ont été rejettes par le plus grand nombre des 48 assemblées
primaires.
Articles du traité de paix entre la République Française et le
Landgrave de Hesse- Cassel , passé à Basle le 11 fructider ,
T'an 3. de la République Française.
Art . Ier. Il y aura paix , amitié et bonne intelligence entre
la République Française et le landgrave de Hesse- Čassel .
,, II. En conséquence , toutes hostilités entre les deux par
ties contractantes cesseront à compter de l'échange des ratifications
du présent traité , et aucunes d'elles ne pourra à
compter de la même époque , fournir contre l'autre , en quelque
qualité et à quelque titre que ce soit , aucun secours ni
contingent , soit en hommes , en chevaux , vivres , argent ,
munitions de guerre ou autrement.
,, III. Le landgrave de Hessé- Cassel ne pourra , tant qu'il
y aura guerre entre la République Française et l'Angleterre
ni proroger , ni renouveller les deux traités de subsides exise
tans entre lui e l'Angleterre.
( 344 )
Cette disposition aura son effet à compter du jour de la
date du présent traité ,
IV. Le landgrave se conformera strictement , à l'égard du
passage de troupes quelconques par ses états , aux dispositions
stipulées dans la convention conclue à Basle le 28 floréal dernier
( 17 mai 1795 ) , entre la République Française et le roi
de Prusse.
" V. La République Française continuera d'occuper la forteresse
de Rhinfels , la ville de Saint - Goar et la partie du
comté de Catzenellenbogen , située sur la rive gauche du Rhin.
Tout arrangement définitif à l'égard de ces pays sera senvoyé
jusqu'à la pacification entre la République Française et les parties
de l'Allemagne encore en guerre avec elle.
" VI . Toutes les communications et relations commerciales
seront rétablies entre la France et les états du landgrave de
Hesse-Cassel sur le pied où elles étaient avant la guerre
actuelle .
,, VII. Il sera accordé respectivement aux gouvernemens et
individus des deux nations , la ' main - levée des effets , revenus
on biens de quelque genre qu'ils soient , détenus , saisis ou
confisqués , à cause de la guerre qui a eu lieu entre la France
et la Hesse , de même qu'une prompte justice à l'égard des
créances quelconques qu'ils pourraient avoir dans les états des
parties contractantes .
99 VIII . Tous les prisonniers faits respectivement depuis le
commencement de la guerre , sans égard à la différence da
nombre et des grades , seront rendus , dans l'espace de deux
mois au plutard , après l'échange des ratifications du présent
raité , sans répétition quelconque , en payant toutefois les
dettes particulieres qu'ils pourraient avoir contractées pendant
leur captivité . On en usera de même à l'égard des malades et
blessés , d'abord après leur guérison .
" Il sera incessamment nommé de part et d'autre des commissaires
pour procéder à l'exécution du présent article , dont
les dispositions ne pourront être appliquées aux troupes hessoises
au service de l'Angleterre faites prisonnieres de guerre.
,, IX. Le présent traité n'aura son effet qu'après avoir été
ratifié par les parties contractantes , et les ratifications seront
échangées en cette ville de Basle dans le terme d'un mois , ou
plutôt s'il est possible , à compter de ce jour.
En foi de quoi , nous soussignés plénipotentiaires de la
RépubliqueFrançaise et de son altesse sérénissime le landgrave
de Hesse-Cassel , en vertu de nos pouvoirs avons signé le présent
traité de paix , et y avons fait apposer nos sceaux respectifs
. "
Fait à Basle le onzieme du mois de fructidor de l'an troisieme
de la République Française ( 28 août 1795 ) .
Signés , FRANÇOIS BARTHÉLEMY ; FRÉDÉRIC- SICISMOND , baren DE
WEITZ D'ESCHEN.
Jen. 135.
( No. 72.- )
MERCURE
FRANÇAIS.
DÉCADI 30 FRUCTIDOR , l'an troisieme de la République.
( Mercredi 16 Septembre 1795 , vieux style . ) .
LITTERATURE HISTOIRE.
Suite du Voyage à Montbarten 1785, par HERAULT- SECHELLE .
JE reprends la journée de Buffon. A neuf heures , on
lui apporte à déjeûner dans son cabinet , où quelque
fois il le prend en s'habillant , Ce déjeûner est composé
de deux verres de vin et d'un morceau de pain ,
il travaille ensuite jusqu'à une ou deux heures. Il revient
alors dans sa maison . Il dine , il aime à dîner long - tems ;
c'est à dîner qu'il met son esprit et son génie de côté ;
là , il s'abandonne à toutes les gaietés , à toutes les
folies qui lui passent par la tête . Son grand plaisir est
de dire des polissonneries , d'autant plus plaisantes qu'il
reste toujours dans le calme de son caractere , que son
rire , sa vieillesse forment un contraste piquant avec le
sérieux et la gravité qui lui sont naturelles et ces plaisanteries
sont souvent si fortes que les femmes sont
obligées de déserter . En général , la conversation de
Buffon est très - negligée ( 1) . On le lui a dit , et il a rés
"
( 1 ) Sa maniere est ordinairement pen de suite ; ibaine mienx
les conversations coupées. Il est une raison de cette maniere
de converser que l'on peut alléguer en faveur des gens de
lettres . Premierement , ils n'ont plus , comme autrefois , cette
habitude qu'avaient les philosophes de converser sons des
platanes avec leurs disciples , et de rendre compte de leurs
idées . En second lie , leurs idées sont bien plus combinées
et plus réfléchies que celles des philosophes antiens . On a
besoin de pensées neuves ; le lecteur et les auditeurs le demandent
, l'homme de génie inexorable pour lui m me , ne se
permet donc qu'un petit nombre de phrases qu'il place de
tems à autre dans sa conversation , à moins qu'il ne soit frappé ,
entraîné par l'attrait de quelque vue soudaine qui le domine ,
et dont il ne puisse éluder l'ascendant. de arba Soeding gea
Tome XVII. Z
( 346 )
pondu que c'était le moment de son repos , et qu'il im
portait peu que ses paroies fussent soignées ou non.
Ce n'est pas qu'il ne dise d'excellentes choses , quand
on le met sur l'article du style ou sur l'histoire naturelle
; il est encore très - intéressant quand il parle de
lui , il en parle souvent avec de grands éloges . Pour
moi , qui ai été témoin de ses discours , je vous assure
que loin d en être choque j'y trouve du plaisir. Ce n'est
point orgueil , ce n'est point vanité ; c'est sa conscience
que l'on entend , il se sent , et se rend justice . Consentons
donc quelquefois d'avoir de grands hommes à ce
prix ; tout homme qui n'aurait pas le sentiment de ses
forces ne serait pas fort. N'exigeons pas des êtres supérieurs
une modestie qui ne pourrait être que fausse. Il y
a peut-être plus d esprit et d'adresse à cacher , à voiler
son mérite ; il y a plus de bonhomie et d'intérêt à le
montrer.
*
2
Au reste , il ne se loue pas , il se juge ; il se juge
eomme fera la postérité , avec cette différence qu'un auteur
a plus que qui ce soit le secret de ses productions.
Il me disait : Japprends tous les jours à écrire ; il y
a , dans mes derniers ouvrages infiniment plus de per
fection que dans les premiers . Souvent je me fais
relire mes ouvrages , et je trouve alors des idées que
je changerai , ou auxquelles j'ajouterai . Il est d'autres
morceaux que je ne ferais pas mieux. Cette bonne
foi a quelque chose de précieux , d'original , d'antique
et de séduisant. On peut d'ailleurs s'en rapporter à
M. de Buffon , personne n'est plus sévere que lui sur le
style , sur la précision des idées qu'il regarde comme
Je premier caractere du grand écrivain , sur la justesse
et fa correspondance exacte des contrastes que les idées
demandent entre elles pour se faire valoir , ou des développemens
qu'elles exigent pour se manifester. Je
lui ai entendu discuter des pages entieres , avec une raison
, un sens admirable ; mais en même tems avec un
sens inexorable. J'ai été obligé , me disait - il , de
" prendre tous les tons dans mon ouvrage ; il importe,
de savoir à quel degré de l'échelle il faut monter.
Par une suite naturelle , il exige dans un auteur de la
bonne foi , de la bienséance dans la suite de ses opinions,
et sur-tout qu'il soit conséquent. Il ne pardonne
pas à Rousseau ses contradictions ; ainsi , l'on peut dire
qu'il calcule sa phrase et sa pensée comme il calcule
tout ; qualité remarquable qui a pu maître de ses com(
347 )
naissances dans les mathématiques , et de l'habitude da
les expliquer. Il m'a dit qu'il les avait étudiées avec soin
et de bonne heure ; d'abord , dans les écrits d'Euclide
et ensuite dans ceux du marquis de l'Hôpital ; à 20 ans 、
il avait découvert le binome de Newton , sans savoir qu il
eût été trouvé par Newton , et cet homme si vain në l'a
imprimé nulle part , j'étais bien aise d'en savoir la raison.
C'est , me répondit- il , que personne n'est obligé
", de m'en croire . Il y a donc cette différence entre
sa vanité et celle des autres , que la sienne a fait ses
preuves , si l'on peut s exprimer ainsi. Cette différence
vient de la trempe de son ame ; ame droite , qui veut
par- tout la bonne foi , et proscrit 1 inconséquence .
Il me disait , en parlant de Rousseau : (6 Je l'aimais
assez ; mais lorsque j'ai vu ses confessions , j'ai cesse
de l'estimer. Son ame m'a révolté ; et il m'est arrivé
" pour Jean-Jacques le contraire de ce qui arrive ordi-
" nairement. Après sa mort , j ai commencé à le méses-
" timer. " Jugement sévere , je dirai même injuste , car
j'avoue que les confessions de Jean -Jacques n'ont pas
produit sur moi cet effet , et cependant j'ose penser
que je suis tout aussi susceptible qu'un autre de l'indignation
qu'excite la malhonnêteté . Mais il se pourrait
que M. de Buffon n'eût pas dans son coeur l'élément
par lequel on doit juger Rousseau ; je serais tenté de
croire que la nature ne lui a pas donné le genre de
sensibilité nécessaire pour connaître le charme , ou plu-
-
cette
existence
tôt le piquant de cette vie errante , de
abandonnée au hasard et aux passions . Cette sévérité ,
ou plutôt ce défaut qui se trouve peut- être dans l'ame
de M. de Buffon , en annonce , sous un autre rapport
la beauté et même la simplicité. Aussi , par une suite
naturelle , il est facile à tromper , quel que soit lördre
extrême qu'il met dans ses affaires , et on vient d en
avoir la preuve .
Il y a un an que le directeur de ses forges lui a fait
perdre 120,000 liv . M. de Buffon , depuis trois ans , avait
consenti à n'en être pas payé , et s'était abandonné à
tous les prétextes et tous les subterfuges dont la fraude
se colorait. Heureusement cet événement n'a point
altéré sa sérénité , ni influé en rien sur sa dépense et sur
l'état qu'il en tient : il a dit à son fils Je n'en suis
,, fâché que pour vous , je voulais vous acheter une
terre , et il faudra que je differe encore quelque
» tems . " , Il a toujours une année de son revenu devans
Za
( 348 )
•
lui. On croit qu'il a cinquante mille écus de rentes :
ses forges ont dû beaucoup l'enrichir. Il en sortait tous
les ans huit cents milliers de fer ; mais il y a fait d'un
autre côté des dépenses énormes . Cet établissement
considérable lui à coûté cent mille écus à créer; elles
languissent aujourd'hui à cause du procès qu'il a avec
ce directeur, Mais lorsqu'elles sont en activité , onny
compte quatie cents ouvriers .
Il n'est pas étonnant que M. de Buffon , avec une ame
aussi simple , croie tout ce qu'on lui dit'; il y a plus ,
il aime à écouter les rapports et les propos. Ce grand
homme est quelquefois un peu commere ; du moins
une heure par jour , il en faut convenit. Pendant le
tems de sa toilette , il se fait raconter , par son perruquier
et par ses gens , tout ce qui se passe dahs Montbart
, toutes les histoires de sa maison. Quoiqu'il paraisse
livré à ses hautés pensées . personne ne sait mieux
que lui les petits événemens qui l'entouren . Cela tient
aussi peut-être au goût qu'il a eu toujours pour les
femmes , ou plutôt pour les petites filles ; il aime la
ohronique scandaleuse ; et se faire instruire de cette
chronique dans un petit pays , c'est en apprendre presque
toute l'histoire.
Cette habitude de petites filles , ou bien aussi la
crainte d'être gouverné , a fait aussi qu'il a mis toute
sa confiance dans une paysanne de Montbart , qu'il a
érigée en gouvernante , et qui a fini par le gouverner ;
elie se nomme mademoiselle Blesseau : c'est une bille
de 40 ans , bien faite , et qui a dû être assez jolie . Elle
est depuis près de 20 ans auprès de M. de Buffon . Elle
le soigne avec beaucoup de zele . Elle participe à l'ad
ministration de sa maison , et , comme il arrive en påreil
cas , elle est détestée des gens . Ils racontent que
son tempérament et sa santé sont usés , parce que
M. de Buffon lui a souvent donné des drogues pour
- éluder la fécondité . Madame de Buffon , moite depuis
beaucoup d'années , n aimait pas non plus cette fille ;
elle adorait son mari , et l'on prétend qu'elle en était
d'une jalousie extrême . Mademoiselle Blesseau n'est pas
la seule qui commande à ce grand homme.
Il est un autre original qui partage l'empire , c'est un
capucin il se nomme le pere Ignace. Je veux m'arrêter
un instant sur l'histoire d'Ignace Prouzot , né à Dijon. Ce
moine possede éminemment l'art , précieux dans son
ordre , de se faire donner , si bien que celui qui donne
( 349 )
semble devoir lui en être bien obligé. Ne me donne pas
qui veut , dit souvent le pete Ignace . Avec ce talent. il
est parvenu à faire rebâtir la capucinière de Sémur. Ge;
mérité est assez ordinairement celui des gens d'église .
J'ai vu un curé , rival d'Ignace , dans ce genie de guenserie
; il ensorcelait de vieilles femmes , aupoint qu'elles
se croyaient trop heureuses de lui donner ce qu'elles
avaient , et souvent plus qu'elles n'avaient . Les gens
d'un caractere semblable ont aussi de l'intelligence , Ils
aiment à se mêler , ils ont de l'exactitude pour les affaires
et pour les commissions ; l'activité ne leur est pas étran
gere ; ils sont aussi attentifs à ne pas déplaire aux la
quais , parce qu'ils ont besoin de se faire pardonner
les profits qu'ils leur dérobent , qu'à plaire aux maîtres
dont ils s'occupent à capter les faveurs : tel est Ignace….…
Si vous voulez vous faire une idée de sa personne
vous vous représenterez un gros homme à tête ronde ,
à - peu-près semblable à un masque d'Arlequin de la comédie
italienne , et cette comparaison me paraît d'au .
tant plus juste , qu'il parle précisément comme parlait
Carlin . Meme accent , même patelinage . C'est à ce lévérend
pere , curé de Buffon , village à deux lieues de
Montbait , que M. de Buffon abandonne une grande
partie de sa confiance , et même sa conscience , sil suf
fisait de s'en rapporter à l'extérieur . En effet , Ignace est
le confesseur de M. de Buffon , il est tout chez lui , il
sintitule Capucin de M. de Buffon . Il vous dira , quand
vous voudrez , qu'un jour M. de Buffon le mena à l'académie
française , qu'il y attira tous les regards , qu'on
le plaça dans un fauteuil des quarante , que M. de
Buffon , après avoir prononcé le discours , le ramena
dans sa voiture aux yeux de tout le public , qui n'avait
des yeux que pour lui. M. de Buffon la citée comme
son ami dans l'article du Serin , il est aussi son laquais ;
je l'ai vu le suivre en promenade , tout en clopinant derriere
lui , parce qu'il est boîteux , ce qui faisait un ta
bleau à peindre , tandis que l'auteur de l'Histoire Naturelle
marchait fierement , la tête haute ,, le chapeau en
Fair , toujours seul , daignant à peine regarder Li terre
absorbé dans ses pensées , semblable à l'homme qu'il a
dépeint dans son histoire de l'Homme , sans doute d'après
lui- même , tenant une canne dans sa main droite , et
appuyant avec majesté l'autre main sur sa hanche
gauche . Je l'ai vu , lorsque les valets étaient, absens ,
êter la serviette à son maître et la petite table sur
22
Z3
( 350 )
laquelle il venait de diner. Buffon lui repondait : Je
e remercie mon cher enfant ; et Ignace , prenant une humble
attitude , avait l'air plus domestique que les domestiques
eux - mêmes .
Ce même Ignace , capucin-laquais , est encore le la quais
confesseur de M. de Buffon . Il m'a conté qu'il y a So ans ,
T'auteur des Epoques de la Nature , sachant qu il prêchait
un carême à Montbart , le fit venir au teins de Pâques ,
et se fit confesser par lui dans son laboratoire ,
dans ce
même lieu où il développait le matérialisme ; dans ce
même lieu où fean-Jacques devait venir , quelques années
après , baiseriespectueusement le seuil de la porte . Ignace
me contait que M. de Buffon , en se soumettant à cette célé
monie , avait reculé d'un moment , effet de la faiblesse
humaine , ajoute - t- il , et qu'il avait voulu
faire confesser son valet- de - chambre avant lui . Tout
ce que je viens de dire vous étonne peut - être . Qui ,
Buffon , lorsqu'il est à Montbart , communie à Pâques ,
tous les ans , dans la chapelle seigneuriale ; tous les dimanches
, il va à la grand'messe , pendant laquelle il
sort quelquefois pour se promener dans les jardins qui
sont auprès et revient se montrer aux endroits inté
ressans . Tous les dimanches , il donne la valeur d'un
louis aux différentes quêteuses.
C'est dans cette chapelle qu'est enterrée sa femme ,
femme charmante , qu'il a épousée à 45 ans par inclination
, et dont il a toujours été adoré , malgré les nombreuses
infidélités qu'il lui faisait . Elle était reléguée
dans un couvent de Montbart ; de bonne naissance ,
mais sans fortune , il lui fit.la cour pendant deux ans , )
et au bout de ce tems il l'épousa malgré son pere qui'
vivait encore , et qui étant ruiné s'opposait au mariage
de son fils par des vues d'intérêt . Elle se nommait mademoiselle
de Saint- Blin .
Je tiens de M. de Buffon qu'il a pour principe de
respecter la religion , qu'il en fut une au peuple , que
dans les petites villes on est observé de tout le monde.
et qu'il ne faut choquer personne . « Je suis persuadé
me disait - il , que dans vos discours vous avez soin
de ne rien avancer qui puisse être remarqué à cet
,, égard. J'ai toujours eu la même attention dans mes
livres ; je ne les ai fait paraître que les úns après les ·
autres,, afin que les hommes ordinaires ne pussent
pas saisir la chaîne de mes idées . J'ai toujours nommé
2 le créateur ; mais il n'y a qu'à ôter ce mot , et mettre
( 351 )
» mentalement à la place , la puissance de la nature qui
» résulte des deux grandes lois , l'attraction et l'impulsion.
Quand la Sorbonne m'a fait des chicanes , je
n'ai fait aucune difficulté de lui donner toutes les
satisfactions qu'elle a pu desirer ; ce n'est qu'un per-
» sifflage , mais les hommes sont assez sots pour s'en
" contenter. Par la même raison , quand je tomberai
" dangereusement malade , et que je sentirai ma fin
" s'approcher , je ne balancerai point à envoyer cher
" cherlessacremens . On le doit au culte public. Ceux qui
en agissent autrement , sont des fous. Il ne faut ja
» mais heurter de front , comme faisaient Voltaire
" Diderot , Helvétius . Ce dernier était mon ami , il a
" passé plus de quatre ans à Montbart , en différentes fois
" je lui recommandais cette modération , et s'il m'avait
" cru il eût été plus heureux . "
On peut juger , en effet , si cette méthode a réussi à
M. de Buffon. Il est clair que ses ouvrages démontrent
le matérialisme , et cependant c'est à l'imprimerie royale
qu'ils se publient.
V
Mes premiers yolumes parurent , m'ajoutait -il , en
même- tems que l'Esprit des Lois ; nous fûmes tour-
" mentés par la Sorbonne , M. de Montesquieu et moi ;
» de plus , nous nous vimes en buite au déchaînement
" de la critique. Le président était furieux : Qu'allez-
" vous répondre , me disait - il ? rien du tout , président ,
" et il ne pouvait concevoir mon sang -froid . "
Lorsque M. de Buffon se trouve à Montbart , au tems
de Pâques , il communie à la paroisse , dans sa chapelle.
Je lui lisais un soir des vers de M. Thomas , sur l'immor
talité de l'ame , il riait : Pardieu , la religion nous
" ferait un beau présent , si tout çà était vrai ! » Il critiquait
ces vers séverement , mais avec justice , car ik
est inexorable pour le style , et sur- tout pour la poésie
qu'il n'aime pas. Il prétend qu'il est impossible dans
notre langue d'écrire quatre vers de suite sans y faire
une faute , sans blesser ou la propriété des termes , ou
la justesse des idées . Il me recommandait de ne jamais
faire de vers. J'en aurais fait tout comme un autre
", me disait- il ; mais j'ai bien vîte abandonné un genre
où la raison ne porte que des fers. Elle en a bien
", assez d'autres , sans lui en imposer encore de nou,
99 veaux . 99
Ces vers me rappellent un petit mouvement de va
mité , plaisant , qui les suivi . Le matin du jour dont je
74
((35€ ))
parler M. de Buffon , sous le prétexté de sa santé, qui
ne lui permettait pas de se fatiguer à parcourir des
papiers , m'avait prié de lui frire la lecture d'une multitude
de vers qu'on lui avait adressés ; il les consere :
vait presque tous , quoique presque tous fussent médigeres.
Quand on lappellait génie créateur , esprit subling
an Eu ! eh disait- il avec complaisance , ily a des
l'idée il y a quelque chose la. Le soir , en écou
tant les vers de : M. Thomas , il me dit , aver une naïveté
charmante seTout ça ne vaut pas les vers de ce matin. ,,
Je veux joindre ici un autre trait du même genre : Un
joury me disait- il , que j'avais travaillé long - tems et
que j'avais découvert un systême très - ingénieux sur la
" génération , j'ouvre Aristote , et ne voilà, il pas que
Je trouve toutes mes idées dans ce malheureux Aris-
" tote ? Aussi , pardieu c'est ce qu'Aristote a fait de
s mieux , home intan * D
Le premier dimanche que je me trouvai à Montbart ,
L'auteur de l'Histoire Naturelle demanda son fils la veille .
au soir ; il eut avec lui une longue conférence , et je sus
que c'était pour obtenir de moi queTallasse le lendemain
à la messe. Lorsque son fils m'en parla , je lui répondiso
que je m'emmesserais très-volontiers et que ce.
n'était pas la peine de tant comploter pour me déter .
miner à une action de la vie civile . Cette réponse
chama M. de Buffon . Lorsque je revins de la grand'.
messe où ses douleurs de pierre l'avaient empêché d aller
, il me fit un million de remercîméns de ce que
j'avais pu supporter trois quarts d'heure d'ennui ; il
me répéta que dans une petite ville , comme Montbart ,
la messe était d'obligation.
Quand Buffon sort de l'office , il aime à se promener.
sur la place , escorté de son fils , et entouré de sess
paysans. Il se plait sur tout à paraître au milien d'euxi
en habit galonné. Il fait le plus grand cas de la parure ,
da lavfrisure , des beaux habits , lui- même il est tou- .
jours mis comme un vieux seignour, et gronde son 'fils ,
lorsqu'il ne porte qu'un trac à la mode ; je savais cette
manie , et je m'étais muni pour m introduite chez lui ,
d'un habit galonné pavec une veste chargée d'or. J'ai.
appris que ma précaution avait réussi à merveille ; ilma
cita pour exemple à son his voilà un homme s'écriait-
il ; et son fils avait beau dire que la mode en était
passée , il n'écoutait tien . En effet , c'est lui qui a imprimé
, au commencement de son Traité sur l'Homme ,
ཝཱ་
*
( 353 )
que nos habits font partie de nous - mêmes . Notre machine
est tellement construite que nous commençons
par nous prévenir en faveur de celui qui brille à nos
yeux ; on ne le sépare pas d'abord de son habit , l'esprit
saisit ensemble le vêtement et la personne , et juge
par le premier du mérite de la seconde . Cela est si
vrai que M. de Baffon a fini par s'y prendre lui-même ,
et j'ai opéré sur lui avec mon habit l'illusion qu'il voulait
communiquer aux autres . Que sera ce surtout si
mons connaissons déja le personnage dont nous approchons
, si nous sommes instruits de sa gloire de ses
talens ? Alors le génie et lor conspirent ensemble à
nous éblouir et l'or semble l'éclat du génie même .
Buffon's'est tellement accoutumé à cette magnificence ,
qu'il disait un jour qu'il ne pouvait travailler que lårsqu'il
se sentait bien propre et bien arrangé . Un grand
écrivain s'assied à sa table d'étude , comme pour paraître,
dans nos actions solemnelles nous produisons nos plus
belles parures. Il est seul , mais il devant lui l'univers
et la postérité . Ainsi , les Gorgias et les Sophistes de
la Grece qui étonnaient des peuples frivoles par l'éloquence
de deurs discours , ne se montraient Jamais en
public que parés d'une robe de pourpre .
Il me reste à terminer la journée de M. de Buffon .
Après son dîner il ne s'embarrasse guere de ceux qui
habitent són château , ou des étrangers qui sont venus
le voir. Il s'en va dormir une demi- heute dans sa
chambre , puis ilfait un tour de promenade toujours seul ,
et à cinq lieure , il retourne à son cabinet se remettre
à l'étude 'jusqu'à sept heures ; alors
fait lire ses ouvrages , les explique , revient au sallon ,
admife , se plaît
à corriger les productions qu'on lui présente , et sur
lesquelles on le consulte . Telle a été sa vie pendant
50 ans . disait à quelqu'un qui s'étonnait de sa renommée
, j'ai passé- 50 ans à mon bureau : à neuf heures du
soir il va se coucher et il ne soupe jamais . Cet infatigable
écrivain menait encore cette vie laborieuse jus- "
qu'au moment où je suis arrivé à Montbart , c'est- à- dire
à78 ans mais de vives douleurs de pierre lui étant
survenues , il a été obligé de suspendre ses travaux.
Alors pendant quelques jours il s'est enfermé dans sa
chambre seul , se promenant de tems en tems , ne recevant
qui que ce soit de sa famille , pas même sa soeur
et n'accordant à son fils qu'une minute dans la journée .
J'étais le soul qu'il voulût bien admettre auprès de lui ;
( 354 )
Je Je trouvais toujours beau et calme dans les souffrances, frisé , paré même ; il se plaignait doucement
de sa santé , il prétendait
prouver par les plus forts raisonnemens que la douleur affaiblissait
ses idées . Comme les maux étaient continus , ainsi que l'imitation
des besoins , il me priait souvent de me retirer au bout d'un quart d'heure , puis il me faisait rappeller quelques momens après. Peu à - peu les quart d'heures devinrent
des heures entieres . Ce bon vieillard m'ouvrait
son coeur avec tendresse ; tantôt il me faisait lire le dernier ou vrage qu'il compose , c'est un Traité de l'aimant , et en m'écoutant
il retravaillait
intérieurement
toutes ses idées , auxquelles
il donnait de nouveaux
développe- mens , ou changeait
leur ordre , ou retranchait
quelques
détails superflus ; tantôt il envoyait chercher un volume de ses ouvrages , et me faisait lire les beaux morceaux
de style , tels que le discours du premier homme , lorsqu'il
décrit l'histoire
de ses sens , ou la peinture du désert de l'Arabie dans l'article du Cha- meau , ou une autre peinture plus belle encore , selon
lui , dans l article du Kamichi ; tantôt il m'expliquait
son Systême sur la formation du monde , sur la génération des êtres , sur les moules intérieurs , etc , etc .; tantôt il me récitait des lambeaux
entiers de ses ouvrages
, car il
sait par coeur tout ce qu'il a fait , et c'est une preuve de la puissance de sa mémoire , ou plutôt du soin ex«. trême avec lequel il travaille ses compositions
, Il écoute toutes les objections
qu'on peut lui faire , les apprécie , et s'y rend quand il les approuve . Il a encore une ma- niere assez bonne de juger si ses écrits doivent réussir. C'est de les faire lire de tems en tems sur son manus
crit même , alors , si malgré les rtures le lecteur n'est point arrêté , il en conclut que l'ouvrage se suit bien. Sa principale
attention pour le style , c'est la précision des idées , et leur correspondance
ensuite , il s'applique
,
comme il le recommande
dans son excellent discours de réception à l'académie
française , à nommer les choses par les termes les plus généraux
ensuite vient l'har monie , qu'il est bien essentiel de ne pas négliger ; mais, elle doit être la derniere attention
du style .
La suite au prochain numéro. )
( 955 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
DES
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 2 Septembre 1795 .
Es lettres de la capitale du Danemarck , en date du
ge août , disent que le gouvernement s'occupe de soulager les
habitans de cette ville qui ont souffert du dernier incendie : on
a fait remise à ces inforinės , devenus pauvres eux - mêmes ,
de la taxe des pauvres et de trois mois de capitation . Ces
leures , après avoir assuré que l'escadre combinée se borne a
à la protection de la navigation neutre , ajoutent :
Le cabinet de Saint- James fait toujours de grandes avances
à celui de Copenhague . Tout récemment encore le tribunal
de l'amirauté britannique a déclaré libres cinq bâtimens danois ,
avec indemnité de frêt et des dommages causés par ce retard
et cinq autres sans indemnité . Dans le même tems , les commissaires
de revision ont adjugé le remboursement du prix
de la cargaison de onze navires enlevés l'année derniere , et?
dont la valeur est estimée ensemble à quinze mille livres.
sterling.
Quant à la Pologne , son sort futur n'est pas encore parfai- ‡
tement connu , et l'on continue de varier dans les conjectures
à cet égard. Il n'est pas douteux qu'elle sera partagée ; mais
comment ? dans quelle proportion ? C'est ce que le temps seul
apprendra ; en attendant , voici ce que portent des leures de
Varsovie du 15 août :
Le ministre d'état russe , comte de Pesborodko , est en
route , dit on , pour se rendre à Grodno. Le bruit se renouvelle
gne le roi arrivera ici dans les premiers jours da mois
prochain , et que S. M. y fera quelque séjour.
L'ou dit que la cour de Pétersbourg déclarera la ville de
Varsovie , ville-libre impériale ; mais que cependant elle restera
soumise à perpétuité à l'Empire russe.... Le roi , ajoute-t - on ,
recevra de chacune des puissances voisines une somme annuelle ,
avec laquelle il pourra vivre d'une maniere convenable à sa
dignité et résider où il voudra.
D'autres lettres parlent de la tenue d'un congrès dans cette
ville , pour statuer définitivement sur cette malheureuss con,
( 356 )
trée : elles s'accordent assez avec les précédentes , sur le long
séjour que feront probablement les troupes russes dans Varsovie
; ce qui le leur fait augurer, est une mesure administrative
prise par le général Buxhoweden , qui vient d'afferider pour
deux ans , non seulement les produits de la loterie , mais mêmig
plusieurs autres parties des revenus publics , et le soin qu'il a
eu de faire parvenir à Catherine II les représentations, des
habitans sur l'enorme contribution de 600milie forins qui
leur a été imposte et qu'ils sont encore loin d'avoir acquittée.
De Francfort-sur-le-Mein , le 7 Septembre.
De Mayence , le 30 août. Les hostilités ont recommencé
anjourd'hui , après trois ou quatre mois de parfaite iranquillité..
Les Français , au nombre de cinq cents hommes d'infanterie .
et deux cents de cavalerie , out attaqué , à 2 heures du matin ,
les avant - postes allemands près de Veisseneau , et les ont
repoussés à travers le village . Ils ont été ensuite , arrêtés par
des ouvrages pratiques sur ce point , et par le feu des chaloupes
canonnieres . Après un feu très - vil de mousqueterie ,
les Français se sont décidés à la retraite . Les feuilles alle .
mandes portent que leurs troupes n'ont eu que deux tués et
cinq blessés..
Depuis , on a appris que les troupes de la République s'étaient
emparées , sans coup ferir , de la petite isle en face de
Neuwied , qu'ainsi ils avaient traversé les deux tiers du Rhin ,
avant que les Autrichiens s'en fassent apperçus . A une heure
du matin , dans la nuit du 30 au 31 , toutes les batteries de la
forteresse d'Ehrenbreitstein et les autres batteries environnantes
vomissaient un feu terrible tont de long du Rhis , et
jusqu'à Neuwied ; à quatre heures , deux des ponts volans des
Français arrivérent à Weissen-Thurm ( la Tour-Blanche ) ; après
avoir essayé le feu d'au moins 500 coups de canons , et chose
presque miraculeuse , sans aucun dommage considérable . Ou
attendait les trois ponts restans pour la nuit. Les batteries de
la forteresse autrichienne mal dirigées out endominagé une
trentaine de maisons à Coblentz Les Français amete forces
de prendre le parti de brûler Neuwied quand ils ont vu les
Autrichiens établir une batterie qui cufilait la grande rue .
An reste , les préparatifs avaient été supérieurement faits de
leur part. Après s'être emparés , le 19 , de Piste situce vis - àvis
d'Engenheim , ils avaient établi vis- à- vis de cet endrois
une batterie très - élevée où ils avaient conduit , dans la matinée
du 24 , une trentaine de pieces de canon . D'ailleurs . its
tenaient deux cents pontons prêts à Kayserswerth . De leur
cbié , lears ennemis s'étient mis en défense depuis les ciats
pitasicus jusqu'au- delà de bette derniere place. On comptait
(( 857 )
de mille pas en mille pas des retranchemens avec six
huit canons .
ITALIE.
De Turin , le 19 août . Il n'y a point de nouvelle de l'armée.
piemontaise .
:
Un Sarde arrivé de son pays qu'il a quitté dernierement ,
a eu audience du roi . On apprend par lui qu'il y a toujonra
des desordres dans cette iste dans le moment actuel .
y a un nouveau sujet de troubles de plus ; il s'est élevé and
forte dispute entre les départemens de Cagliari et de Sassari
le second vent être entierement indépendant du premier.
Le roi a fait comte le consul anglais en Sardaigne , pour
l'intérêt , est il dit , qu'il a pris aux affaires de cette contrée.
De Gênes , le 29 août. Une tartane française vient de debarquer
à Vintimille 3000 hommes on en attend très - prochainement
un nombre égal . Toutes les lettres de France
annoncent que 16,000 hom nes ont été détachés de l'armée
des Pyrénées Orientales , pour venir en Italie .
Le blocus du côté de la mer par les corsaires et les obstacles
mis à la communication par terre ,
réduisent les pays
de la Riviere à un désespoir qui peut d'un instant à l'autre
se manifester par de grands éclats . Le général de Wins persiste
néanmoins dans ses mesures rigoureuses : il vient d'écrire
la lettre suivante au gouvernement génois :-
OL
La détresse qu'éprouvent les habitans de la Riviere da
Ponent , ne provient point de la volonté des armées des coslisés
, mais bien de la sérénissime république elle - même ,
au moins de ceux qui ont donné le conseil de laisser entrer
les Français dans la Riviere . Les attaques , au moyen desquelles
on a chassé ceux - ci de plusieurs lieux , ont coûté
da sáng à l'armée de l'empereur , et par cette raison , tout le
terreiu qu'occupe l'armée imperiale pourrait être regardé
comme une conquête faite sur l'ennemi , et non comme pays
appartenant à la serenissime république , laquelle ne s'est pas
donnée la peine de le , conserver contre l'ennemi : mais la république
doit à la bonté de sa majesté impériale , de lui en
avoir laissé les droits de souveraineté , quoique sa condunte ait
fourni des motifs de la traiter de la même maniere qu'elle a
agi à l'égard de l'armée impériale . Il est de fait que plusieurs
personnes ont été arrêtées pour cela seulement qu'elles avaient
eu la curiosité de venir voir l'arme impériale à Dego .
Â
99 Il a été en outre donné refuge dans le chemin couvert
aux Français , repoussés par nos troupes , quoique les premiers
eussent les armes à la main , et l'on a fait feu sur les
( 358 )
troupes autrichiennes , au moment qu'elles approchaient . En
me conformant aux ordres de mon souverain , je fais observer
la discipline militaire la plus rigoureuse , et payer tout en
bons deniers compians . Mais le devoir militaire m'oblige de
traiter ce terrein militairement , comme pays conquis sur
l'ennemi , et de regarder le pays encore occupé par les Français
, comme pays ennemi . Je regarde donc le reste de la
riviere du Poneut , à commencer de Borghetto , comme s'il
était enclavé dans les frontieres de la France : par suite toute
correspondance doit être interrompue avec un pays ennemi ;
et comme l'armée française se soutient depuis trois ans par le
moyen du commerce avec is sérénissime république , cette
circonstance exige une rigueur plus qu'ordinaire , afin que
les provisions que l'ennemi a tirées , à l'aide de divers times
ou frandes , soient totalement interrompues . Je sais que les
Français vont de maisons en maisons prendre les farines et
comestibles . Si donc j'en envoyais aux habitans de
trée , ce serait en envoyer aux Français même , et nourrir
lennemi , lequel sera sous peu réduit à manquer de tout ,
et à abandonner un pays dans lequel on n'eûi jamais dû le
laisser entrer. Les Français acheient des grains à Gênes et
ailleurs , en payant en marchandises de toute espece : laisser
passer ces marchandises , serait donc stimuler les négocians à
courir quelque risque pour faire passer des grains . L'arrestation
des couriers est encore une suite des précautions né
cessaires pour notre propre sûreté .
&
cette con-
1 Les discours insensés de divers particuliers de Gênes,
qui veulent porter à armer le peuple contre les armées impériales
, sont la cause qui rend nécessaire la précaution d examiner
les correspondances réciproques . Les plaintes et les
malédictions du peuple , qui souffre de ces lois nécessaires ,
ne peuvent être dirigées contre moi , mais bien contre ceux
qui ont donné le conseil à la sérénissime république de laisser
entrer les Français dans la riviere , etc. ››
Reponse du gouvernement génois au mémoire du général de Vins.
L'improbation contenue dans le mémoire de M. le général
baron de Vins , à l'accès donné par la sérénissime république
dans son état aux troupos françaises , est manifesté
précisément par les Français , parce que la République a laissé
entrer l'armée autrichienne . Dans la vérité , cette improbat'on
n'est ni raisonnable ni méritée d'aucune part. Ç'eût été
en vain qu'on se fût opposé à l'entrée de M. le général ,
ainsi qu'à celles des troupes françaises . Il suit de là qu'on
doit abandonner les conséquences qu'on induit d'un pays
conquis , es l'idée de regarder la riviere , à commencer de
( 358 )
Borghetto , comme un pays fiançais . La conduite du gouvernement
ne peut point non plus recevoir aucune defaveur des
discours indiscrets qui , dans un pays libre , peuvent émaner
indifferemment d'un parti ou de l'autre , et les opinions particulieres
n'influent point sur celle du gouvernement , toujours
attaché aux mesures promises à toutes les puissances , et qui
sont religieusement observées.
" Quant à l'arrestation de quelques personnes qui étaient
allées voir l'armee autrichienne , cile a été la suite de l'indiserétion
de deux chapelains de la forteresse , et d'un de leurs
freres séculiers , parce qu'en se portant aux postes avancés
Butrichiens, une telie visite , étrangere à leur institat , devait être
remarquée par les ennemis des Autrichiens , et compromettre
les regards toujours jaloux de la neutralité.
" Le gouvernement n'a pu être indifferent à l'arrestation
de ses propres couriers , d'ailleurs revêtus d'une marque
publique , ainsi qu'il avait été suggéré par un des généraux
autrichiens. Le gouvernement ne peut exprimer combien il
a à coeur de pourvoir aux besoins d'un peuple innocent ;
il renouvelle pour cet objet ses plus vives remontrances , observant
qu'il n'y a pas un seul jour à perdre . Une telle condesendance
de la part du général en chef sera une conséquence des
sentimens d'humanité exprimés par lui , et de la justice des
son auguste souverain ; elle sera cohérente aux principes
publiés dans son manifeste d'entrée , où il exposa qu il respecterait
exactement la neutralité du territoire . ››
1
Le représentant français Chiappe vient de déclarer à tous
les matelots des puissances neutres ou amies , qu'ou puni it
séverement tous ceux qui , pés en pays neutre , et n'ayant
jamais servi aucune puissance actuellement en guerre contre
Ja France , armeraient ou recevraient des commissions des
Corsaires autrichiens , sardes ou napolitains . Seront traités
avec la même rigueur les capitaines et individus formant l'équi
page des corsaires qui n'auraient pas été armés en pays ou
ports ennemis , et qui n'auraient pas au moins les deux tiers
d'équipage de la nation , sous pavillon de laquelle ils feraient
Ja course. Le représentant français ajoute qu'il se flatte que
les gouvernemens de Gênes , de Toscane , et en général tous
les gouvernemens neutres , refuseront asyle aux corsaires
toutes les fois qu'ils conduiront dans leurs ports des prises
françaises faites au détriment du commerce des puissances
neutres avec la France , et qu'ils feront relâcher toutes celles
qui seraient reconnues comme ayant été faites coutre les
regles de la guerre et le droit des uations .
On avait répandu la nouvelle que les insurgés en Corse
´s'étaient emparés de Bastia , de Calvi : elle ne s'est pas con(
(-36α )
Armée. Mais l'animosité est extrême en beaucoup de dieux
contre le gouvernement anglais . On a brûlé publiquement
Jes lois du nouveau parlement , sanctionnées par le roi d'Angleterre
. Le gouvernement fait marcher des troupes centre
lés insurgés .
HOLLANDE.
De la Haye , le 29 août 11 paraît que les apparences d'une
attaque ou du moins de quelqu entreprise à craindre contre les
Frontieres de la république bataye , du côté de la Westphalie
, ne sont pas entierement vaines . Une partie des troupes
françaises passées à sa solde , se sont mises en marche de ce
côté .
Après le rapport fait le 26 anx états- généraux de la lettre
du représentant du peuple Richard , relative aux ordres qu'il
a reçus du comité de salut public , de se concerter avec le
général Moreau pour mettre la Républiqué en état de défense .
le comité a proposé de statuer les peines les plus séveres contre
tous les militaires qui seraient pris les armes à la main . Les
états - généraux ont arrêté une proclamation adressée aux militaires
actuellement au service , pour les mettre en garde
contre un libelle imprimé , où on les invite à aller rejoindre
le corps d'armée que le prince Frédéric d'Orange rassemble
au pays d'Osnabruck , pour être employés à la solde de la
Grande Bretagne .
Le 18 , l'assemblée de Hollande a chargé ses députés aux
états-généraux d'y effectuer que les troupes suisses à leur service
seient encore retenues à la solde de la république batave
jusqu'à la fin du mois de septembré prochain .
Le bey de Tunis a fait part , par une lettre , aux états généraux
qu'un des ports du territoire tunisain était fort déchu ,
et avait besoin d'être réparé et même amélioré : il demande
en conséquence , d'une maniere amicale , qu'on lui envoie un
ingénieur et deux architectes hydrauliques et quelques habiles
intendans des travaux , pour prendre connaissance de la
sitnation des lieux , et diriger les travaux , s'il y a lieu à les
entreprendre . Le bey demande aussi un certain nombre d'ou
vriers , plus ou moins fans à ces sortes de travaux . Les étaisgénéraux
ont rendu publique cette demande , et autorisent
le départ de ceux qui voudront se rendre sur le territoire
barbaresque.
RÉPUBLIQUE
( 361 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE BERLIER.
Séance de primedi au soir , 21 fructidor .
Delaunay ( d'Angers ) , au nom du comité de sûreté générale
, dit que l'état des assemblées primaires de Paris continue
d'être bon , mais que les intrigans qui veulent les , agiter
ne perdent pas l'espérance de le faire ; que les comités respectant
la souveraineté que le peuple exerce en ce moment ,
ne gêneront point la liberté des opinions , sans néanmoins
soufrir que les malveillans troublent cette grande commune .
Il demande à l'Assemblée de ne point désemparer sans avoir
entendu le rapport que les comités réunis ont à lui faire , et
il invite les membres de ees comités à s'y rendre .
Bréard annonce que les dix - huit communes qui composent
le canton de Lian court out accepté la constitution et le décret
du 5 fructidor.
Un membre dit que la commune de Langres a aussi accepté
l'un et l'autre .
La section des Arcis vient se plaindre de ceux qui accus
sent les citoyens de Paris réunis en assemblées primaires de
ne pas respecten les droits de la Convention , et elle proteste
qu'en toute occasion elle sera investie de son respect , entourée
de ses forces et défendue par son courage . Le président
lui répond que nulle section du peuple n'a le droit de
parler au nom du peuple entier . Chaque commune émet un
væu , et la réunion des voeux de toutes produit la volonté gé
nérale.
-7.Daunou , organe des comités réunis , prend la parole . La
République et la Liberté , dit - il , out le plus grand intérêt
ce que les citoyens réunis en assemblées primaires puissent
délibérer sans gêne , et exprimer leur vou sur la constitu
tion . Mais autant vous devez respecter ce droit sacré , autanţ
il vous importe que nulle section du peuple n'usurpe la squ
veraineté nationale , et que cinq à six assemblées primaires
nes forment pas un rassemblement central contraire à l'unité
des tout.
* Un pareil rassemblement ne servirait qu'à faire renaître de
nouveaux 2 septembre et de nouveaux 31 mai ; il menacerait
les droits civils et la liberté des citoyens .
Le peuple français ne veut pas que le moment où il
Tome XVII.
A a
pro(
362 )
nonce sur sa constitution , soit déshonoré par la sédition .
Tous ses maux ne viennent qquue de l'anarchie , et il ne souffrira
pas qu'elle renaisse. La Convention exprimera la volonté
de tous les Français , quand elle réprimera les mouvemens de
la licence . Il n'est pas étonnant que dans l'effervescence
d'une révolution , quelques hommes libres se laissent entraîner
dans l'erreur .
La conduite de la section Lepelletier en est une preuve ;
l'assemblée primaire de cette section a pris un arrêté , dans
lequel elle invite les autres assemblées primaires à nommer
chacune un commissaire , qui tous se réuniront pour rédiger
tine declaration qui passerait pour le résultat du voeu de
leurs commettans .
Cet arrêté peut bien être adopté d'enthousiasme dans une
assemblée de bons citoyens ; mais il ne peut être exécuté
que par des factieux. Il n'appartiendrait qu'à des successeurs
d'Hébert , Gusman et Proly , d'accepter la mission de commissaires
. Ils se rendraient coupables d'attenter à la sûreté
intérieure , ceux qui , sous le nom de délégués des assemblées
primaires , se formeraient en comité illegal , ou qui
porteraient dans les départemens les tisons de la discorde.
Représentans , vous transmettrez à vos successeurs , non
l'anarchie , mais la fermeté qui maintient l'ordre public.
Vous êtes responsables du pouvoir que vous avez reçu du
peuple , il ne doit s'arrêter que devant le résultat des opinions
libres de tous les citoyens . Voici le projet de décret
que je suis chargé de vous présenter :
La Convention nationale voulant assurer la liberté des
opinions dans les assemblées primaires , maintenir la souveraineté
du peuple et l'autorité du gouvernement , décrete ce
qui suit :
* ,, Art. 1er . Les citoyens qui se réuniraient en comité cen
tral , composé de commissaires nommés par les assemblées
Primaires , sont déclarés coupables d'attentat contre la souveraineté
du peuple et la sûrete de l'état ; ils seront à ce
titre poursuivis à la diligence de l'accusateur public du département
où le délit aura été commis .
3 ,, II. Sont déclarés coupables des mêmes délits , les citoyens
qui , se disant envoyés d'une assemblée primaire , se
rendraient d'une commune dans une autre on près des corps
militaires. Décrété au milieu des plus vifs applaudissemens .
Baudin termine la séance , en faisant part à la Convention
des reproches qu'on lui fait dans les assemblées primaires ,
et en particulier sur les massacres du 2 septembre . Il declare
qu'on veut la faire passer pour complice de Robespierre , et
la rendre responsable du sang innocent qui a été verse pendant
dix huit mois ; mais qu'on oublie que , sans le 31 mai ,
tous ces crimes n'auraient pas eu lieu , et que si les Pari(
363 )
siens avaient montré de l'énergie , ces pages sanglantes no
souilleraient pas l'histoire .
Séance de duodi , 22 Fructidur .
Berlier , au nom de la commission des onze , fait un rapport
sur la pétition des militaires actuellement à Paris , qui
demandent à voter sur la constitution . Il propose de decrèter
qu'après s'être présentés au commissaire des guerres qui leur
sera indiqué et leur délivrera une carte d'admission , ils se
rendront le 24 à l'hôtel des Invalides , où ils exprimeront leur
vau. Ce projet de décret est adopté .
Onze communes formant un canton du district de Senlis ,
ont accepté l'acte constitutionnel .
Legendre obtient la parole pour une motion d'ordre . Il
déclare que ce qu'il va dire ne s'adresse point à et e masse
d'hommes honaêtes qui sont dans les assemblées primaites ,
mais à cette petite portion de meneurs qui les agitent ; à
ees intrigans qui n'ont d'autre élément que le desordre , et
il dit que , dans plusieurs assemblees primaires , on a invectivé
, injurié des patriotes honnêtes qui s'en sont retisés pour
qu'on ne les fit pas auteur d'ane insurrection qu'on desire ;
que les mencurs de ces assemb ces sont d auciens aristocrates
qui ont peur , mais que si le royalisme fait un mouvement ,
il est perdu. Legendre invite les patriotes à serrer les angs ,
à employ les armes de la raison , et si elles ne suffisent pas ,
il pense qu'on en emploiera d'autres .
Des citoyens desarmés de la section de la Place Vendôme
disent que deux fois ils ont été incarcérés comme terroristes ,
et que deux fois on leur a rendu la liberté ; que leur section
les a néanmoins invités de séloigner de l'assemblee , en
leur annonçant que s'ils ne le faisaient pas , on prendial des
mesures pour les y fo cer. Ils demandent à la Convention
si elle souffrira que les fondateurs de la liberté , les hommes
du 14 juillet et du 10 aoû , vi ent dans la ibssment et
dans l'opprobre , tandis que les royalistes et leurs valets sierent
dans l'assemblée prime. I terminent en declaron qu'ils
acceptent la constitution ; que les contemporains pourous être
ingrats envers la Convention , mais de la postcrite sei « itconnaissante
.
que
Le president leur répond que les hommes do 9 thereidor
n'abandonneront point ceux du 14 juillet et di 10 août ,
et que leur pétition sera prise en considération .
Séance de duodi au soir , 22 Fructidor.
Le comité des décrets aunonce la réception de 155 procèsverbaux
d'assemblées primaires La caus itution y a éie acceptée
par-tout presqu'à l'unanimite , et le decret du 5 fructidor à
nue grande majorité.
A a 2
( 304 )
Plusicars citoyens de la section de Bon - Conseil viennent
faire les mêmes plaintes que ceux de la Plac -Vendôme , etfont
usage des mêmes moyens . Ils réclament un lieu où ils
puissent se prononcer en liberté , bien persuades que tous
les amis de la liberté et les patriotes de 1789 y accourrout
pour ne pas se laisser influencer par les meneurs des sections .
Leur pétition sera examinée .
D'autres pétitionnaires leur succedent et entretiennent l'Assemblée
des mêmes objets , ce qui occupe la séance.
Séance de tridi , 23 Fructidor.
Thibaudeau , au nom de la commission des onze , fait un
rapport sur l'organisation du ministere . Il y aura six miuistres
, savoir , de la justice , des finances , de l'interieur , de
la guerre , de la marine et des relations extérieures . Ces
ministres chargés de l'exécution des lois , chacun dans sa
partie , seront responsables de leur infraction et de toute atteinte
portée à la sûreté intérieure ou extérieure de l'état ; le directoire
exécutif aura seul le droit de les mettre en jugement ;
leur traitement sera la moitié de celui des directeurs , excepté
le ministre des relations extérieures qui aura les deux t'ers .
Ils seront tous logés et meublés aux frais de la République .
Le projet est ajourne.
Monnot , au nom du comité des finances , fait décréter que
les bons au porteur provenans de la premiere loterie , et les
assignats démonétisés , seront admis dans la loterie prochaine .
Genissieux appelle l'attention de l'Assemblée sur la nécessité
de s'occuper du code civil . Renvoyé au comité de législation .
Marec , organe du comité de salut public , présente un projet
de décret tendant à faire payer par à - compte la partie de
l'impôt foncier qui doit être payé en nature . La discussion
est renvoyée au lendemain .
Des petitionnaires viennent encore s'élever contre les meneurs
des assemblees primaires . I's dénoncent en même tems quelques
auteurs et journalistes ; ils nomment Laharpe , Redeier ,
Serisy et Rhenaut ( de Saint Jean - d'Angely ) .
Talien se plaint aussi d'eux . Il les accuse de lui avoir fait
dise que la Convention conspirerait contre le peuple , tandis
qu'il a dit qu'elle conspirerait pour le peuple contre ses ennemis .
Legendre est dans le même cas . On a aussi donné un sené
perfide à ses paroles . Leurs déclarations seront insérées au
bulletin .
7
Daunou soumet à la discussion un projet de décret sur
les élections.Le 1er . titre sur la tenue et la police des assemblées
primaires a été adopté . Nous le donnerons lorsque la rédaction
en aura été définitivement arrêtée.
( 365 )
1
Séance de tridi au soir , 23 Fructidor .
Monnel annonce que le comité des décrets a reçu 476 procès-
verbaux d'assemblées primaires ; dans le département des
Ardennes , dix - huit communes ont accepté la constitution et
le décret du 5 ; deux communes ont rejetté ce dernier décret.
Dans le département de l'Aisne , une seule communé à
rejetté ce même décret ; toutes les autres ont accepté la constitution
et le décret.
Dans le département de l'Aube , Troyes , Bar sur Seine et
plusieurs autres , ont accepté la constitution et le décret : le
district de Pont- l'Evêque a également accepté l'une et l'autre ;
on n'y nomme pour électeurs que des patriotes de 89 .
Poultier dit que le district de Montreuil - sur- mer a aussi
accepté la constitution et le décret , nommé pour électeurs
de vieu patriotes , chassé les royalistes ; Gossuin en dit an
tant de la commune de Gravelines ; Taleau , de celle d'Honfleur
; Bourgoing , de 64 communes de la Manche et de celle
de Verdun .
Un membre dit qu'un grand nombre de communes da
Pas - de - Calais ont également accepté à l'unanimité . — Quoi ?
lui crient plusieurs voix . Il lit les procès - verbaux ; l'un
porte qu'une assemblée a accepté à l'unanimité , au nombre
de 96 volans. de On murmure de nouveau.
Bourgoing annonce que 54 communes de département ont
accepté la constitution à l'unanimité , et les trois quarts le
décret.
Thibaudeau demande que le comité des décrets adopte un
mode uniforme de rendre compte des voeux des assemblées
primaires , et emploie le tems nécessaire pour faire connaître
ces voeux avec la plus grande exactitude .
•
Baudin , au nom des comités réunis , dit qu'ils ne peuvent
pas encore faire leur rapport sur la situation de Paris , et il
se borne à rendre compte de deux faits qui prouvent les
efforts que font les malveillans pour troubler cette commune.
L'on a planté hier des poteaux pour soutenir dans la rue du
Roule des réverberes ; ils ont sur le champ répandu que
c'étaient des potences destinées à ceux qui n'accepteraient
pas la constitution. Les militaires qui se sont réunis aux Invalides
pour voter sur la constitution , se sont rendus aux
Tuileries après l'avoir acceptée , en chantant des hymnes.
patriotiques . Leur présence y a jetté des inquiétudes . On les
a invités à se retirer , et ils se sont séparés aussi - tôt .
Séance de quartidi , 24 Fructidor .
Cambacérès , au nom du comité de salut públic , donne
lecture d'une lettre du seprésentant du peuple Gillet , qui
A a 3
( 366 )
annonce que le 20 de ce mois , l'aile gauche de l'armée de
Sambre et Meuse a forcé le passage do Rhin entre Duisbourg
et Dusseldorff , en présence d'une armée formidable ; l'ennemi
a té mis en pleine déroute ; nous sommes maîtres de
la totalite du duché de Bergue ; la citadelle de Dusseldorff
a éte prise d'assaut , et la ville a capitulé sur le champ on
a pris beaucoup d'artillerie et de munitions aux ennemis .
Ceue expédition est cause que cette partie de l'armée n'a
pas encore accepté la constitution ; elle lui sera présentée le
premier jour ou che pourra prendre du repos : Gille ! répond
d'avance de son væu , et que jamais nos braves soldats ne
souffriront de tyran .
Cette nouvelle excite , à plusieurs reprises , les plus vifs
transports d'enthousiasme : l'Assemblee décrete l'armée
que
de Sambre et Meuse ne cesse de bien meriter de la patrie.
Je demande , dit Merlin de Douai 1 ) ,
, que cette brillante
réponse aux affiches , dont les amis de l'Angleterre tapissent
les murs de Paris , soit imprimée et placardée dans cette commune
; et envoyée , dit Delleville , à tous les départemens
et aux armées . Toutes ces propositions sont applaudies et
décrétées .
Un secrétaire annonce que les districts d'Areis - sur- Aube ,
ceux de Tonne re , de Quarantan , et plusieurs autres communes
dout il a lu les noms , ont accepté la constitution et
le décret du 5 fructidor à l'unanimité . ( Applaudissemens . )
Les veterans invalides ont accepté hier la constitution et
le decret du 5 de ce mois . ( Applaudissemens . )
Une députation de la section des Quinze - Vingts vient annoncer
que cette section a aussi accepté la constitution et le
décret du 5 à la presqu'unanimité . ( On applaudit . )
Maragon , organe du comite de commerce , fait un rapport
sur la navigation intérieure . Il sera imprimé , distribué , et la
discussion est ajournee .
Montmayou , au nom du comité de sûreté générale , fait
décréter la suppression de la commission militaire établie à
Marseille . Les prévenus seront juges par les tribunaux ordinaires
.
Sur la proposition d'un membre , la Convention décrete
que la commission des onze présentera incessamment son
travail sur la police correctionnelle et sur la police de sûreté .
Un autre membre propose de décréter , 1º . que les héri
tiers bénéficiaires ne pourront anticiper les termes de paiement
portés dans les titres de créances qui existeront contre
eux en ladite qualité , lorsqu'il sera prouvé que la valeur ou
le montant de la succession excede le montant des dettes ;
2. que les debiteurs ne pourront également anticiper les
termes de leurs paiemens , sons prétexte que leurs créanciers
à terme se sont rendus opposans aux lettres de ratification
( 367 )
des ventes des biens de leurs débiteurs , lorsque ces biens
ne seront pas vendus , et qu'il ne sera pas question d'en
distribuer le prix . Ces deux propositions sont renvoyées au
comite de legislation .
Le comité des finances fait décréter qu'avant la fin de brumaire
prochain , chaque contribuable paiera , d'après le rôle
de 1793 , les trois quarts de sa contribution fonciere qu'il
doit en grains ou en équivalent , aux termes de la loi du
2 thermidor dernier .
Séance de quintidi , 25 Fructidor.
Berlier annonce que les sept sections de la commune de
Dijon ont accepté la constitution et le décret du 5 fructider . Un
autre membre dit que la commune de Toul a également accepté
l'un et l'autre . Il en est de même de celle de Gray .
Les citoyens désarmés continuent d'occuper l'Assemblée .
Ceux de Gray sont appuyés du suffrage de la commune et de
celui de Guirot . La Convention renvoie leur pétion aux comités .
Prieur de la Côte- d'Or ) , au nom du comité de salut public ,
presente un rapport sur l'achevement des travaux relatifs à l'uniformité
des poids et mesures . L'impression et l'ajournement
en sont décrétés .
Le représentant du peuple , en mission pour surveiller les
approvisionnemens de Paris , écrit que les garnisons du Havre ,
Honfleur et Joinville ont accepté l'acte constitutionnel .
Merlin ( de Douay ) , organe du comité de salut public , fait
lecture de la dépêche de Jourdan , général en chef de l'armée
de Sambre et Meuse . Elle contient les détails de la célebre
journée du 20 de ce mois . Le passage du Rhin s'est effectué sur
trois points. Nous avons trouvé 168 pieces de canon dans la
place de Dusseldolf qui s'est rendue sur la sommation qui
lui en a été faite . Le général de division Kleber , qui était
chargé de cette expédition , a déployé les plus rares talens
militaires et nos défenseurs ont montré une bravoure et
une intrépidité au- dessus de tout éloge .. ( Voyez les Nouvelles
officielles . )
9
La section de l'Unité paraît à la barre . Elle expose que
pénétrée de ses droits elle en a usé avec la liberté qui convient
à de vrais républicains ; qu'elle est persuadée que le peuple.
ne doit point être gêné dans le choix de ses mandataires
et qu'il ne manquera pas de réélire ceux des membres de la
Convention qui sont restés pars au milieu du débordement
des crimes et de l'oubli des principes , et qu'en conséquence
elle a rejetté le décret du 5 fructidor , et acceptée à la presque
unanimité la constitution . Le président lui répond que c'est
au peuple tout entier à juger la Convention et les évenemens
de la révolution.
Ax
( 368 )
Séance de sextidi , 26 Fructidor.
Cette séanee n'a été employée qu'à entendre des députations
des sections de Paris , des armées et les nouvelles du
résultat des délibérations des assemblées primaires de la
République .
Lss communes de Grenoble et Valenciennes ont accepté
la constitution et le décret da 5 fructidor . Celle de Rouen
composée de 23 sections a aussi accepté l'un et l'autre , à
l'exception de deux sections.
Une députation des militaires invalides , demeurant à l'hôtel ,
apporte le procès verbal de l'acceptanion qu'ils ont faite de
la constitution et du décret . Ils disent que la Convention
n'a rempli que la moitié de sa tâche en donnant une cons,
titution ; qu'il faut maintenant en assurer l'exécution ; que
ceux qui veulent détruire la Convention et l'accusent se taisaient
sous la tyrannie ; mais que les défenseurs de la patrie ne
craignent pas les intrigans , et que s'ils levent l'étendard de
la révolte , il ne sera pas plus difficile de les détruire que
de passer le Rhin .
L'armée du camp sous Anvers , envoie aussi son procèsverbal
d'acceptation de la constitution et du décret .
La section du Mont-blane vient sa plaindre de l'adresse
de l'armée de Sambre et Meuse , qui fait Paris auteur des
affreuses journées de septembre , mai et juin . Elle demande
si l'on veut allumer la guerre civile en provoquant les armées
contre Paris ; et elle accuse plusieurs membres de la Convention
de jetter ces brandons de discorde .
Le président lui répond que la Convention ne reconnaîtra
jamais de suprématie de section , et qu'elle obéira à la volonté
nationale , et saura la faire respecter quand elle lui sera
connue . La députation n'est point invitée aux honneurs de
la séance .
Beaudin demande le renvoi de cette adresse au comité de
sûreté générale , et se charge de faire connaître les auteurs
de tous les maux que l'on attribue à présent à la Convention
.
Bourdon ( de l'Oise ) : Qui ne sait que ce sont des royalistes
et des intrigans qui menent les sections de Paris et qui vous
y font diffamer ? Bourdon réclame l'ordre du jour . Il est
adopté.
La gendarmerie nationale de Pontoise annonce son acceptasion
de la constitution et du décret , et elle invite la Convention
à venir délibérer au milieu de ses phalanges républicaines
, et si la route lui en est fermée , de marcher au pas de
charge.
L'assemblée primaire de la section de la Place -Vendôme
en annonçant son acceptation de la constitution et sʊn rèfus
( 369 )
du décret du 5 , dit , qu'en vain on cherche à ressusciter la
terreur , qu'elle ne renaîtra pas , et s'adressant à l'armée de
Sambre et Meuse : On vous insulte , on vous calomnie , dit elle ,
en vous confondant avec les armées révolutionnaires qui ont
fait couler le sang par torrens , et en nous menaçant en votre
nom. Rassurez- vous , le Peuple Français admire vos vertus ,
s'enorgueillit de votre gloire , et méprise vos lâches calomniaters
. Cette députation n'est point admise aux honneurs de
la séance .
Les sections du Nord et de la Cité viennent faire part
du même résultat et reçoivent le même accueil .
Décret sur les élections .
La Convention nationale , après avoir entendu le rapport
de sa commission des onze , décrete :
› Art. Ier . Dans les assemblées primaires et électorales qui
auront lieu jusqu'au jour où la Convention nationale terminera
sa session , on suivra les regles établies par les lois précédemment
rendues.
" II. A compter du jour où le corps législatif sera constitué
en deux conseils , on se conformera , dans toute assemblée
publique et pour toute élection , aux dispositions qui
vont être établies par la présente loi .
TITRE PREMIER. Tenue et police des assemblées .
" Art . Ier . Il séra dressé chaque année , avant la fin du
mois de pluviôse , par chaque municipalité , un tableau des
citoyens ayant droit de voter dans le canton , suivant la
constitution .
" II . Lorsque le nombre des citoyens ayant droit de voter
dans un canton ne s'élevera pas à plus de goo , il n'y aura
qu'une assemblée primaire par canton ; mais au- dessus de ce
nombre , il s'en formera au moins deux .
lil. Chaque assemblée primaire doit tendre à se former
de 600 membies ; s'il y a plusieurs assemblées dans un canton
, la moins nombreuse doit être de 450 citoyens .
,, IV. Lorsqu'il y aura plusieurs assemblées primaires dans
un canton , l'administration departementale fixera l'arrondissement
et le lieu de ces assemblées .
V. Les peines les plus graves qu'une assemblée primaire ,
communale ou électorale , puisse infliger à l'un de ses mem
bres , sont après le rappel à l'ordre et la censure préalablement
prononcés , l'exclusion de la séance , ou même de l'assemblée
, durant tout le tems de sa session .
( 370 )
,, VI . En cas de voies de tait , d'excès graves ou de délits
commis dans l'intérieur des seances d'une assemblee primaire ,
communale ou electorale , le president pourra , apres y avoir
été autorise par l'assemblée , faire saisir le prévenu , et l'envoyer
sur - le - champ devant l'officier de police du lieu .
VII . Les presidens , secretaires et scrutateurs sont per
sonnellement responsables de tout ce qui se ferait dans les
assemblées primaires , communales ou électorales , d'etranger
à l'objet de leur convocation , ou de contraire à la constitution
et à la loi.
" VIII. Lorsque le corps législatif aura déclaré illégal un
acte d'une assemblée primaire , communale ou electorale , il
prononcera sur la question de savoir si les président , secrétaires
et scrutateurs de cette assemblée devront être poursuivis
criminellement.
" IX . Le president doit déclarer que l'assemblée est dissoute
, aussi - tôt qu'elle a terminé les operations pour lesquelles
elle était convoquée.
et il
Dans toute élection , chaque votant est appelé nominativement
par le secretaire ou par l'un des scrutateurs
dispose ostensiblement un bulletin fermé et non signé :
" XI. Les suffrages qui ne sont point donnés conformé
ment à la loi , sont supprimés dans les recensemens .
,, XII . Dans toute élection , lorsqu'il y a egalité de suf
frages , le plus ancien d'âge est prefere ; dans le cas d'ega.ité
d'âge , le sort decidera .
TITRE II . Election des présidens , secrétaires et scrutaleurs
" Art. ker. Toute assemblée publique se forme sous la
présidénce provisoire du plus ancien d'âge ; les plus âges après
lui remplissent provisoirement les fonctions de scrutateurs ,
et le plus jeune celles de secrétaire .
scruta-
II. Les fonctions de président , secrétaires et
teurs , soit provisoires , soit définitifs , ne peuvent être exercées
que par des citoyens sachant lire et écrire .
" III. Dès que les officiers provisoires ont pris leur place ,
on procede immédiatement à l'exécution d'un président ,
d'un secrétaire et de trois scrutateurs définitifs .
IV. Cette élection se fait par un seul scrutin de liste ,
et à la pluralité relative .
" Chaque votant écrit sur son bulletin , ou y fait écrire
par l'un des scrutateurs autant de noms qu'il y a d'officiers
à nommer.
,, Celui des citoyens presens qui obtient le plus de suffrages ,
est président , le suivant est secrétaire , et les trois autres scrotateurs.
,, Le bureau de l'assemblée une fois formé ne peut plus
( 571 )
être renouvellé durant la même session d'une assemblée primaire
, communale ou électorale .
" VI . En cas d'absence , démission ou destitution , le président
est suppléé par le secrétaire ; celui - ci , par le premier
scrntateur , et les scrutateurs par les membres de l'assemblée
qui ont obtenu le plus de voix après eux .
99 VII . Toute assemblée primaire , communale on électorale
, composée de plus de 200 membres présens , doit , après
la nomination du bureau général , se diviser en plusieurs bu
reaux particuliers .
,, VIII . La répartition des membres de l'assemblée en bureaux
particuliers se fait par le sort ; de telle sorte qu'il y
ait pour chacun de ces bureaux 100 votans au moins 200
au plus .
9
IX. Le bureau général fait l'office de bureau particulier
pour l'une des sections de l'assemblée .
,, X. Les votans attachés à chacun des autres bureaux
particuliers se nomment entr'eux un président , un secrétaire
et trois scrutatears , dans les mêmes formes que celles prescrites
ci-dessus pour la nomination des officiers du bureau
général.
" XI . Les suffrages pour l'élection des fonctionnaires pu
blics seront reçus par les officiers des bureaux particuliers .
" Les recensemens partiels faits en chacun de ces bureaux
sont portés au bureau général , où se fait le recensement
universel.
" XII . Lorsqu'il y a dans un canton plusieurs assemblées
primaires concourant à l'élection des mêmes fonctionnaires
publics , le bureau général de chacune de ces assemblées envoie
deux de ses membres pour porter le recensement qu'il
a fait à l'administration municipale , où se fait le recensement
définitif auquel ils assistent.
( La fin au numéro prochain . )
PARIS . Nonidi 29 Fructidor , l'an 3º . de la République.
Dans la comparaison que nous avons faite des intri
gans démagogues avec celle des intrigans royalistes ,
quoique nous ayons fait remarquer la similitude des
- moyens , nous ne pensons pas que le blâme doive être
dispensé avec la même mesure aux uns et aux autres ;
on peut supposer au moins que déçus par leur énergie
ambitieuse , les premiers ont cru un peu ce qu'ils ont
tâché de faire croire . Les dispositions des esprits , d'ailleurs
, favorisaient les exagérations de principes ; l'élan
( 372 )
rapide et enthousiaste du peuple vers la liberté était
une puissante amorce pour des hommes que fiattait la
gloire populaire ; l'interprétation erronée des maximes
des grands publicistes et leur applicauon pernicieuse
concordait assez bien avec l'exaltation inconsidérée de
tous les cerveaux . Nulle expérience assez prochaine ne
venait au secours des illusions du patriotisme . Mais
aujourd'hui que les censeurs les plus acharnés des folies
révolutionnaires , que ceux qui ont accumulé tant de
raisonnemens pour infirmer la réalité des droits du
peuple , même en théorie , et réfuté avec tant de force
les sophismes qui s étaient mêlés à l'ivresse d'une liberté
naissante , que ce soient ces mêmes censeurs qui renchérissent
sur des abus si amerement reprochés , c'est ce
que l'on ne pourrait croire , si cette honteuse inconséquence
n'était pas aussi multipliée qu'elle est publique !
Il n'y a plus.ici d'excuse à l'erreur , elle est volontaire
et méditée . Par exemple , qui plus que certains écrivains
s'est récrié contre l'usage d'extraire des ouvrages philosophiques
des maximes propres à abuser l'esprit des
citoyens ? Eh bien ! nous lisons dans un journal , dont
les auteurs ont le plus déclamé contre les philosophes
publicistes , une longue serie de sentences détachées ,
tirées des ouvrages de Jean Jacques et d'autres écrivains
, et qui ne sont rassemblés avec un soin perfide
que pour faire prendre au peuple de fausses idées de
ses droits et de ses attributions . On peut dire à des
hommes qui rédigent de pareils catéchismes : Vous semez
à votre tour l'anarchie , que prétendez-vous recueillir
?
L'assemblée primaire de la section des Champs-Elysées
a déclaré en principe que le droit de se communiquer
leurs voeux , leurs pensées et leurs actions ne peut être
interdit aux assemblées primaires sans que la souveraineté
n'en soit blessée dans ses bâses les plus essentielles
, et que l'ensemble qu'exige le concours à la même
souveraineté n'en soit dérangé . Cette déclaration porte
en outre Si lorsque la constitution est en activité ,
" les assemblées primaires n'ont que les droits qu'elles
" se sont réservés elles - mêmes en adoptant cette consti-
" tution , dont leur volonté seule a fait leur loi , il n'en
" est pas ainsi au moment où le pacte social n'étant
" point formé le peuple n'a pas renoncé encore à l'exercice
de ses droits tout entiers, et à délibére sur le pacte
social lui - même . »
( 373 )
Les erreurs que renferme cette déclaration sont de
nature à entraîner facilement et l'ignorant et l'homme
instruit qui ne se défierait pas de la premiere impression
d'une idée captieuse ; il mérite donc une réfutation aussi
précise que l'assertion elle - même .
Il paraît que les meneurs de la section des Champs-
Elysées . sentant la faiblesse d'un voeu isolé , voudraient
augmenter de toute l'influence des communications
collectives , celle que quelques individus n'exercent pas
avec assez de fruit , et , par un sophisme adroit , présentent
ces communications comme un concours essentiel
des parties pour produire un ensemble plus harmonique
et plus parfait . Mais ce n'est point un accord factice qui
constitue la volonté générale ; c'est le vou libre et
spontané de la plus ou moins grande majorité des citoyens
, livrés , autant qu'il est possible , à leur seule
conscience morale et intellectuelle . De bonne foi , une
masse de délibérans qui agirait sur une autre masse , et ,
d'après les lois de la progression , un grand nombre de
masses réunies , agissant ensuite a - la- fois sur un trèspetit
nombre , peuvent - elles offrir , dans leur mouvement
, un tableau vrai de l'action d'une seule assemblée
sur elle - même , par les communications individuelles
de ceux qui la composent ? et dans l'espece d'attraction
que nous venons de peindre , qui garantirait sur- tout
la pureté de la premiere impulsion ? Jy vois bien les
mêmes élémens , mais ils sont combines d'une maniere
trop différente pour tendre en effet à cette unité , à ce
véritable ensemble de délibérations qui résulterait de la
réunion totale des individus du corps politique en une
seule assemblée , si elle était possible .
En vain a - t - on soin dans cette déclaration de réclamer
l'exercice des droits tout entiers du peuple . Les
droits du peuple sont à son intérêt conservateur , ce
qu'est la liberté absolue de l'homme au maintien des
droits de chacun . Les droits du peuple sont limités par
la raison publique , comme la liberté a pour borne la
justice et les lois.
Au reste , à une époque où l'art typographique propage
avec tant de rapidité les idées et les opinions , la
communication des lumieres , la seule nécessaire pour
produire un voeu sage , a eu lieu à l'avance . Toute autre
communication , lorsque le souverain prononce , au moment
précis du scrutin , ne pourrait avoir qu'une influence
destructive de la liberté comme de la pureté des
ffrages.
( 374 )
1
L'acte constitutionnel a été accepté par les assemblées
primaires de Paris à la presqu'unanimité . Le choix
libre du scrutin ouvert ou du scrutin secret ne laisse
aucun doute sur le voeu général . On compte dans cette
immense cité de 4 jusqu'à 12. suffrages seulement , par
/ section , pour la royauté ; ce qui ne dit pas que les
agens de ce systême puissent en tirer avantage pour
couvrir leurs menées . L'exiguité du nombre de ceux
dont l'opinion était fortement prononcée pour cette
forme de gouvernement , donne la raison des efforts
employés pour influencer les esprits ; il est à croire que
ces agens en avaient séduits beaucoup qui ne se sont
point déclarés , que le mécontentement seul leur en
avait offert de tout gagnés ; mais au moment de prononcer
sur l'organisation politique et le sort de son
pays , l'homme de bien qui serait travaillé par les insinuations
de l'esprit de parti ou par ses propres incertitudes
, se recueille et se pénetre de limportance
de l'acte qu'il va faire . Le méchant même n'est pas
inaccessible à cet instinct moral , qui arrête quelque
fois le cours d'une mauvaise action . Celui qui tiendra
peut- être encore , par amour- propre , à l'opinion qu'il
avait embrassée , le plus souvent sans trop s'en rendie
compte , ne veut pas se charger du remords d'avoir
compromis la destinée de 25 millions d'hommes et la
portion d'intérêt individuel qu'on y a soi -même .
Les décrets sur la réélection des deux tiers ont été
refusés à une très - grande majoritė . Ici l'impression dent
nous venons de parler est bien moins sensible , et c'est
en sens contraire qu'agit l'amour- propre . Tout- à-l'heure ,
il ne fallait qu'adopter l'ouvrage . S'agit- il ensuite de
conserver les ouvriers ? Que de passions viennent à
la traverse et empêchent de bien juger ! C est alors
que l'intrigue trouve mille ressources pour se rendre
recommandable , et qu'elle abonde en motifs qui flattent
tous les ressentimens , qui caressent l'ambition et l'envie,
et auxquelles donnent du poids quelques considérations
fondées en raison mème pour les esprits les mieux
disposés.
Cet inconvénient , inévitable dans toutes les délibé
rations populaires , ne peut infirmer les décisions qu'elles
ont produites. Il faut faire en sorte que le voeu général
soit le plus pur , c'est-à - dire le plus libre possible.
Une fois émis , il enchaîne toutes les volontés sans retour
pour le tems , et les objets auxquels il est appliqué ; !
autrement , l'état social a'offrirait perpétuellement que
( 375 )
désordre et confusion . C'est ce respect religieux pour
la volonté générale qu'il est bien nécessaire d imprimer
dans les ames , et qui doit faire partie essentielle des
moeurs républicaines . Non- seulement la volonté seuveraine
doit être sacrée pour toutes les parties organiques de
l'administration et pour tous les citoyens , les assemblées
du souverain doivent elles mêmes respecter leurs propres
décisions, et il n'appartient qu'à une immoralité profonde
de répandre la doctrine funeste des rétractations appliquées
aux actes de la souveraineté .
Telle est en effet la derniere ressource de cette intrigue
que nous poursuivons avec franchise , et sans y
être déterminés par d'autre impulsion que celle d'une
conscience pure , et l'on ne peut s'y méprendre . Ainsi
la sainteté du voeu national serait souillée par une versatilité
qui deviendrait la source de tous les maux !
Non , la raison publique repoussera cette insinuation
perverse et qui doit faire frémir tous les bons citoyens .
Les journalistes dévoués au mal ne peuvent dissimuler
leur joie de l'espérance qu'ils fondent sur cette
doctrine. Il est à croire , dit l'un d'eux , que des
" communes qui auraient accepté , même expressément ,
" les deux décrets , ou par crainte ou par surprise , reti-
" reraient volontiers , et même avec joie et empressement ,
leur assentiment à ces deux décrets si elles savaient
le refus formel qui en a été fait , notamment ici . »
Quelle profonde scélératesse ! quelle abnégation de principes
et d'honneur ! Voilà donc le but de ces communications
collectives si desirées . Convention nationale soyez
grande, juste et sévére , faites respecter la volonté générale
et soyez les conservateurs de la morale publique ; et vous
représentans , qui publiez hors de la tribune vos opinions
individuelles dans la lutte que le civisme est
forcé de soutenir contre la malveillance sans pudeur ,
sachez vous garantir des égaremens de l'amour-propre ;
montrez- vous toujours dignes de la cause que vous défendez
: c'est la sagesse seule qui fait la force . L'intrigue
a besoin de grandes fautes pour triompher , voudriezvous
lui fournir des succès ?
Ser 1669 procès- verbaux parvenus hier , 1364 portent l'ac
ceptation de la constitution et des décrets additionnels ; 293 refusent
les décrets .
NOUVELLES OFFICIELLES.
Copie de la capitulation de la ville de Dusseldorff.
Nous soussignés fondés de pouvoirs pour traiter de la capimulation
de la ville et place de Dusseldorff , c'est - à - dire 2
( 376 )
1
moi , Louis Denisot , adjoint aux adjudans - généraux pour
la République Française , et le ministre dirigeant Hompesche ,
ayant les pouvoirs civils et militaires de ia part de l'électeur
Palatin pour ces pays -ci , le lieutenant général et commandant
de la province Zedvitz , et le général - major commandant
de la ville Duivigk , avons arêté ce qui suit :
Art . Ier . La garnison sortira sur le- champ avec armes et
bagages et tous les honneurs de la guerre , et sera libre de
se retirer où elle jugera à propos , à condition qu'elle ne
portera point les aimes , pendant un an et un jour , contre
les armées de la République et celles de ses alliés .
II . Il sera accordé à la garnison 46 chevaux de cavalerie ,
de ceux qui existent dans la place ; les autres seront remis
aux Français , à l'exception de ceux des officiers et ceux de
la maréchaussée du pays , pourvu toutefois que ces derniers
n'excedent pas le nombre de 15 .
III. Tous les canous et pieces d'artillerie quelconques" ,
les munitions de guerre , ainsi que les barques et post-volans
qui peuvent exister dans le port , seront remis au pouvoir
des Français .
IV. Le gouverneur désignera un officier qui sera chargé
de remettre à l'agent de la République Française , un état
exact de tous les magasins , munitions militaires et bouches
à feu existant dans la place au moment de sa reddition , des
mines et ouvrages souieirains , des cartes et plans relatifs à
la défense de la place , etde la force de la garnison actuelle.
V. Le gouverneur de Dusseldorff laissera un agent par chaque
corps , qui fera suivre les équipages lorsque l'armée autrichienne
se sera retirée derri re la Fieg. Il sera cependant
accordé deux voitures non couvertes aux généraux conduisant
les troupes.
VI . Tous les individus militaires autrichiens qui , existant
dans la ville , ne sont point compris dans la présente capitulation
, sont réputés dès ce moment prisonniers de guerre.-
VII. Le gouverneur de Dusseldorff déclarera et remettra au
pouvoir des Français tous les émigres français qui pourraient
être dans la ville .
VIII . La sûreté des propriétés et des personnes des habitans
de la ville de Dusseldorf est remise sous la sanve- garde de la
loyanté fi uçaise .
1
IX. Il est accordé au ministre dirigeant , ci - dessus nommé ,
la berté de demeurer avec sa famille à Dusseldorff , oude
sortir de la ville et du pays quand bou lui semblera .
Fait à Dusseldorff , le 20 fructidor , ère de la République
Française , et le 6 septembre 1795 .
Signės , L. DENISOT , HOMPESCHE . ZEDWITZ , lieutenant -gen éral
et commandant de la province ; DULVICK , général - major et
commandant de la place .
Pour copie conforme . L'adjudant- général du général Jourdan .
Signé , N. DUCHEISZON .
( N ° 73. )
MERCURE FRANÇAIS
CINQUIEME JOUR COMPLÉMENTAIRE , l'an 3. de la Rép.
( Lundi 21 Septembre 1795 , vieux style . )
LITTÉRATURE. HISTOIRE.
Fin du Voyage à Montbart en 1785 , par HERAULT- SECHELLE .
C'est de l'histoire naturelle et du style qu'il aime le
99
' EST
mieux à s'entretenir . Je ne sais même si le style n'aurait
pas la préférence . Nul homme n'en a micux senti la
métaphysique , si ce n'est peut- être Beccaria ; mais Biccaria
, en donnant le précepte , n'en a pas également.
donné l'exemple comme M. de Buffon . Le style est
,, l'homme même , me répétait - il souvent . Les poëtes
n'ont pas de style parce qu'ils sont gênés par la me-
,, suré du vers qui fait d'eux des esclaves . Aussi , quand
on vante devant moi un homme , je dis toujours :
Voyons ses papiers . Comment trouvez- vous le style de-
,, M. Thomas , lui demandai -je ? Assez bon , me répon
, dit- il , mais trop tendu , trop enflé. Et le style de
Rousseau ? Beaucoup meilleur ; mis Rousseau à tous
, les défauts de la mauvaise éducation ; il a l'inter
jection , l'exclamation en avant , l'apostrophe continúelle
.
,, Donnez - moi donc vos principales idées sur le style .
,, Elles sont dans mon discours à l'académie ; au reste ,
,, en deux mots : il y a deux choses qui forment le
, style , l'invertion et l'expression . L'invention dépend
de la patience ; il faut voir , regarder long- tems son
,, sujet , alors il se déroule et se développe peu- à-peu ,
", vous sentez comme un petit coup d'électricité qui
vous frappe la tête , et en même tems vous saisit le
,, coeur ; voilà le moment du génie , c'est alors qu'on
, éprouve le plaisir de travailler , plaisir si grand que
" je passais 12 heures , 14 heures à l'étude , c'était
" tout mon plaisir. En vérité , je m'y livrais bien plus
" que je ne m'occupais de la gloire , la gloire vient
Tome XVII .. Bb
( 378 )
99
99
99
après si elle peut , et elle vient presque toujours.
,, Mais voulez- vous augmenter le plaisir , et en même
tems être original ? Quand vous aurez un sujet à
,, traiter , n'ouvrez aucun livre , tirez tout de votre tête ,
ne consultez les auteurs que lorsque vous sentirez que
vous ne pouvez plus rien produire de vous- même .
,, C'est ainsi que j'en ai toujours usé ; on jouit véritablement
par ce moyen quand on lit les auteurs ; on
,, se trouve à leur niveau , ou au- dessus deux , on les
,, juge , on les devine , on les lit plus vite . A l'égard
,, de l'expression , il faut toujours joindre l'image à
l'idée . Il faut même que l'image précede l'idée pour.
,, y préparer l'esprit ; on ne doit pas toujours employer
le mot propre , parce qu'il est souvent trivial , mais
,, on doit se servir du mot auprès ; en général , une
,, comparaison est ordinairement nécessaire pour faire.
sentir l'idée ; et , pour me servir moi - même d'une
,, comparaison , je me représenterai le style sus l'image
d'une découpure qu'il faut rogner , nettoyer dans
tous les sens , afin de lui donner la forme qu'on lui
,, desire. Lorsque vous écrivez , écoutez le premier mou-
,, vement , c'est en général le meilleur , puis laissez re-
,, poser quelques jours ou même quelque tems ce que
vous avez fait. La nature ne produit pas de suite , ce
n'est que peu - à - peu qu'elle opere , après le repos et
,, avec des forces rafraîchies ; il faut seulement s'occu-
,, per de suite du même objet , le suivre , ne pas se
,, livrer à plusieurs genres ; quand je faisais un ouvrage
je ne songeais pas à autre chose . J excepte cependant
,, votre état , me dit M. de Buffon , vous avez souvent
plusieurs plaidoyers à composer à- la- fois , et dans des
,, matieres peu
intéressantes ; le tems yous manque
39
99
99
93
99
จ
vous ne pouvez parler que sur des notes ; dans ces
,, cas , au lieu de correction , il faut donner davantage
à l'éloquence des paroles , c'en est assez pour des
,, auditeurs . Pardieu , pardieu , la lettre que vous m'avez
,, écrite ( j'en ai cité la fin au commencement de cet
" article , pour avoir occasion d'en parler maintenant )
fournirait un beau parallele entre interprete de la
nature et l'interpréte de la société. Faites cela dans quelques
discours ; ce morceau produirait un effet superbe.
Il serait curieux de considérer les bâses des
opinions , et de montrer combien elles sont flottantes
dans la société . ""
Je demandai ensuite à M. de Buffon quelle serait la
( 379 )
i
meilleure maniere de se former ? Il me répondit qu'il
ne fallait lire que les ouvrages principaux , mais les lire
dans tous les genres et dans toutes les sciences . parce
qu'elles sont parentes , comme dit Cicéron , parce que
les vues de lune peuvent s'appliquer à l autre , quoiqu'on
ne soit pas destiné à les exercer toutes . Ainsi ,
même pour un ju isconsulte , la connaissance de l'art
militaire et de ses principales opérations ne serait pas
inutile . C'est ce que j ai fait , me disait l'auteur de l'Histoire
Naturelle. Au fond , l'abbé de Condillac a fort bien
'dit , à la tête de son quatrieme volume du Cours d'éducation
, si je ne me trompe , qu'il n'y a qu'une seule
science , la science de la nature . M. de Buffon était du
même avis , sans citer l'abbé de Condillac , qu'il n'aime
pas , ayant eu jadis des discussions polémiques avec
lui ; mais il pense que toutes nos divisions et classifications
sont arbitraires , que les mathématiques ellesmêmes
ne sont que des arts qui ten lent au même but ,
celui de s'appliquer à la nature et de la faire connaître .
Que cela ne nous effraie point au surpius . Les livres
capitaux dans chaque genre sont rares ; et au total , ils
pourraient peut - être se réduire à une cinquantaine d ouvages
qu'il suffirait de bien méditer..
""
peu
G'est surtout la lecture assidue des plus grands génies
que me recommandait M. de Buffon . Il en trouvait
bien dans le moude . « Il n'y en a guere que cinq ,
1 me disait- 1 ; Newton , Bacon , Leibnitz , Montesquieu , et
MOI . A l'égard de Newton , il a découvert un grand
principe , mais il a passé toute sa vie à faire des calculs
pour le démontrer , et par rapport au style il ne
peut pas être d'une grande utilité . Il faisait plus
de cas de Leibnitz que de Bacon lui- même ; il prétendait
que Leibnitz emportait les choses à la pointe de son
génie , au lieu que chez Bacon les découvertes ne naisseut
qu'apies de profondes réflexions ; mais il disait en
même tems que ce qui montrait mieux le génie de
Leibnitz , n'était peut- être pas dans la collection de ses
ouvrages , qu'il fallait le chercher dans les mémoires de
l'academie de Berlin. En citant Montesquieu , il parlait
de son génie , et non pas de son style qui n'est pas
toujours parfait , qui est trop écouté , qui manque de
développement . Je l'ai beaucoup connu , me disait-i
" et ce défaut tenait à son physique . Le président ét it
presque aveugle , et il était si vif que la plupart da
,, tems il oubliait ce qu'il voulait di ter , ensorte qu'il
Bb 2
( 380 )
était obligé de se resserrer dans le moindre espace
" possible. Enfin , j'étais bien aise de savoir ce que
M. de Buffon me dirait de lui -même , comment il s'appréciait
, et voici le tour dont je m'avisai .
Il m'avait deniandé à voir de mon style ; je craignais
ce moment ; cependant l'extrême envie d'entendre ses
observations et de me former par ses critiques , me fit
oublier les intérêts de mon amour- propre . Je lui récitai
dont la seule chose dont je me souvinsse pour lors ;
je vis avec plaisir qu'il ne corrigea qu'un seul mot , qu'il
critiqua avec rigueur , mais avec raison , et il me dit ,
avec sa franchise accoutumée Voilà une page que je
n'écrirais pas mieux . " Enhardi par cette premiere
réussite . il me parut plaisant d'écrire une autre page
sur lui-même , et de la lui présenter . Il était téméraire
d'oser ainsi juger le génie en présence du génie même.
Je pris le parti de comparer l'invention
de M. de
Buffon avec celle de Rousseau , me doutant pour qui ,
sans injustice , pencherait la balance . Voilà donc que
je m'enferme le soir dans ma chambre , je prends l'Emile
et le volume des Pues sur la Nature , je me mets à lire
alternativement
une page de l'un , une page de l'autre ;
j'écoutais ensuite les impressions
que je ressentais intérieurement.
J'en comptais les différentes especes ; au
bout d'une heure , je parvins à les réaliser et à les écrire .
Le lendemain , je pottai cette page à M. de Buffon. Je
puis dire qu'il en fut prodigieusement
satisfait. A mesure
que je la lui lisals , it se récriait ou bien il corrigeait
quelques mots ; enfin , il passa , cinq jours à relire,
à retoucher lui - même ce morceau ( 1 ) . Continuellement
(1 ) Voici ce morceau :
Parallele de J. J. Rousseau et de M. de Buffon , considérés sous
le rapport de la pensée.
93
En lisant , dans le dessein de comparer , les morceaux philosophiques
du célebre Rousseau et de Pillustre auteur de
1'Histoire Naturelle , voici le parallele que j'ai cru pouvoir établir
entre ces deux grands écrivains
Rousseau a l'éloquence des passions ; Buffon , la parole da
genie .
Rousseau analyse chaque idée ; Buffon généralise la siennne ,
ne daigne particulariser que l'expression.
Rousseau démêle et réunit les sensations qu'un objet ' fait
( 381 )
1
il me faisait appeller pour me demander si j'adhérais
à tel changement , je le combattais quelquefois , je me.
rendais presque toujours . M. de Buffon , depuis ce
tems , ne mit plus de bornes à son affection pour moi .
Tantôt il s'écriait Voilà une haute conception ; par- ,
dieu ! pardieu ! on ne peut pas faire mieux une com-
" paraison , c'est une page à mettre entre Rousseau et
» moi . " " Tantôt il me conjurait de la mettre au net de
ma main et de la signer , et de permettre qu'il l'envoyât
à monsieur et madame Necker. Tantôt il m'enga
geait à la faire insérer , sans me nommer , dans le fournal
de Paris , ou dans le Mercure. Voulant me divertir
un peu de la bonne et franche vanité du personnage
je lui demandai si je ne ferais pas bien d'envoyer en
même tems aux journaux l'inscription que son fils venait
naître ; Buffon ne choisit que les plus grandes et combine pour
en comparer de nouvelles .
"
Rousseau n'a rien écrit que pour des auditeurs ; Buffon , que
pour des lecteurs .
Dans les belles amplifications auxquelles s'est livré Rousseau
, on voit qu'il s'enivre de sa pensée ; il s'y complaît , et
tourne autour d'elle jusqu'à ce qu'il l'ait épuisée dans les plus
petites nuances ; c'est un cercle qui dans l'onde la plus pure
s'élargit souvent au point de disparî re Buffon , lorsqu'il
présente une vue générale , doune à ses conceptions le mou
vement qui naît de l'ordre , et ce mouvement , plus il est me
suré , plus il est rapide ; semblable à une pyramide, immense
dout là bâse couvre la terre , et dont le sommet va te perdre,
dans le ciel , sa pensée audacieuse et assurée recueille les faits ,
saisit leur chaine invisible , les suspend à leurs origines , éleve
toutes ces origines les unes sur les autres , et se resserrant au
lieu de croître s'accélere en moutant , et ne s'arrête qu'au point
d'où elle embrasse et domine tout.
Rousseau , par une suite de son caractere , se fait presque
toujours le centre de ses idées ; elles lui sont plus personnelles
qu'elles ne sont propres au sujet , et l'ouvrage ne produit , on
plutôt ne presente que l'ouvrier : Buffon , par une connaissance
de plus et du sujet et de l'art d'écrire , rassemble toutes les
opérations de l'esprit pour révéler les mysteres et développer
les oeuvres de la nature ; son siyle , formé d'une combinaison
da rapports , devient alors un style nécessaire , il grave tout ce
qu'il peint , et il feconde en décrivant.. DAVC S AT
༞ ་་་
semble
Enfu , Rousseau a mis en activité toys Le sens que donne
La nature ; et Buffon , par une plus grande
B'être créé un sens de plus .
activite ,
Bb 3
( 382 )
de lui dédier au pied de la colonne qu'il lui avait élevée.
Pour une autre fois , me répondit- il , il ne faut
pas diviser l'attention . Ce sera le sujet de deux
lettres.
Enfin , ne sachant quelle fête me faire , ni comment
me témoigner sa joie , voici ce qu'il me dit un jour. Je
ne devrais pas le dire , carje vais tomber dans un amourpropre
bien plus ridicule , et bien moins fondé que le
sien ; mais la fidélité de la narration exige que je dise
tout ; je parlerais même contre moi , si cette même narration
l'exigeait . J'entendis donc un matin sa sonnette ,
dont il sonne toujours trois coups , et linstant d après
son valet - de - chambre vint me dire : M. de Buffon vous
demande. Je monte , il vient à moi , m'embrasse , et me
dit Permettez - moi de vous donner un conseil ?
ne savais où il en voulait venir ; je lui promis que tout
ce qu'il voudrait bien me dire serait reçu avec une entiere
reconnaissance . Vous avez deux noms , me dit- il ;
on vous donne dans le monde , tantôt l'un , tantôt
l'autre , et quelquefois tous les deux ensemble . Croyez-
,, moi , tenez- vous - en à un seul ; il ne faut pas que
, l'étranger puisse s'y méprendre .
99
99
Je
Il me parla ensuite avee passion de l'étude , du bonheur
qu'elle assure . Il me dit qu'il s'était toujours placi
hors de la société , que souvent il avait recherché des
savans , croyant gagner beaucoup dans leur entretien ,
qu'avait vu que pour une phrase , quelquefois utile ,
qu'il en recueillant , ce n'était pas la peine de perdre
une soirée entiere ; que le travail était devenu pour lui
un besoin , qu'il espérait s y livrer encore pendant trois
ou quatre ans qui lui restzient à vivre , qu'il n'avait
aucune crainte de la mort ; que l'idée d'une renommée
immortelle le consolait ; que s'il avait pu chercher des
dédommagemens de tout ce qu'on appelle des sacrifices
au travail , il en aurait trouvé d'abondans dans l'estime
de l Europe et les lettres flatteuses des principales têtes
couronnées . Ce veillard ouvrit alors un tiroir , et me
montra une lettre magnifique du prince Henri , qui était
venu passer un jour à Montbart , qui l'avait traité avec
une sorte de respect , qui , sachant qu'après son dîner
il avait coutume de dormir , s'était assujetti à ses heures ;
qui venait de dui envoyer un service de porcelaine ,
dont lui -même avait donné les dessins , et où des cignes
sont représentés dans toutes leurs attitudes , en mémoire
de l'histoire du Cigne que M. de Buffon lui avait lue à
73
( 383 )
son passage ; enfin , qui lui écrivait ces paroles remarquables
Si j'avais besoin d'un ami , ce serait lui ;
dun pere , encore lui ; d'une intelligence pour m'éclairer
, eh ! quelle autre que lui !
M. de Buffon me montra ensuite plusieurs lettres de
l'impératrice de Russie , écrites de sa propre main , pleines
de génie , où cette grande femme le loue de la maniere
qui lui a été la plus sensible , puisqu'il est clair qu'elle
a lu ses ouvrages , et qu'elle les a compris en savant.
Elle lui mandait : Newton avait fait un pas , vous avez
fait le second . En effet , Newton a découvert la loi
de l'attraction , Buffon a démontré celle de l'impulsion ,
qui , à l'aide de la précédente , semble expliquer toute
la nature . Elle ajoutait : Vous n'avez pas encore vidé
9 votre sac au sujet de l'homme. " Faisant allusion
par-là au systême de la génération , et Buffon s'applaudissait
d'avoir été plus entendu par une souveraine que
par une académie . Il me montra aussi des questions
très- épineuses que lui proposait l'impératrice sur les
pognes de la nature; il me confia les réponses qu'il y faisait
. Dans cette haute correspondance de la puissance
et du génie , mais où le génie exerçait la véritable puissance
, je sentais mon ame attendrie , élevée ; la gloire
paraissait se personnifier à mes yeux ; je m'imaginais la
toucher , la saisir , et cette admiration des souverains ,
forcés de s'humilier ainsi eux - mêmes devant une grandeur
réelle , touchait mon coeur comme un hommage
bien au- dessus de tous les honneurs qu'ils cussent pu
décerner dans leur empire .
Je quittai , peu de jours après , ce bon et grand homme ,
emportant dans mon coeur un souvenir profond et immortel
de tout ce que j'avais vu , de tout ce que j'avais
entendu. Je me récitais , en m'éloignant , ces deux beaux
vers de l'Edipe de Voltaire :
L'amitié d'un grand homme est un bienfait des Dieux ,
Je lisais mon devoir et mon sort dans ses yeux .
Il était dit que j'aurais encore une fois le bonheur
de le voir. En quittant Semur , pour retourner à Paris ,
la poste me ramena par Montbart contre mon attente .
Je ne pus m'empêcher , quoiqu'il fût sept heures du
matin , d'envoyer mon valet-de - chambre savoir des nouvelles
de M. de Bufion . Il me fu dire qu'il voulait absolument
me voir. Lorsque je le revis , je me jetrai dans
ses bras , et ce bon vieillard me serra long - tems contre
Bb 4
?
( 384 )
•
son sein avec une tendresse paternelle . Il voulut déjeůner
avec moi , remplit ma voiture de provisions , et me
parla pendant trois heures avec plus de chaleur et d'activité
que jamais . Il semblait m'ouvrir son ame , et m'y
laisser pénétrer à loisir . L'amour de l'étude ne fut point
oublié dans cet entretien .
Je consultai M. de Buffon sur un projet d'ouvrage que
j'ai formé , ouvrage sur la législation , qui occuperait ,
il est vrai , une grande partie de la vie , et peut- être la
vie toute entiere . Mais quel plus beau monument pourrait
laisser un magistrat ? Nous en raisonnâmes longtems
. Il s'agirait de faire une revue générale de tous les
droits des hommes et de toutes leurs lois , de les comparer
, de les juger , et d'élever ensuite un nouvel edifice .
Il approuva mes vues , m'encouragea . Il augmenta mon
plan , et en fixa la mesure . Il me persuada , comme c'était
mon projet , de ne prendre que les sommités des
choses , capita rerum , mais de les bien dévolopper quoique
sans longueur, de resserrer l'ouvrage en un volume
in - 4° . ou deux tout au plus , de le travailler sur quatre
parties 1. morale universelle , ce qu'elle doit être dans
tous les tems et dans tous les lieux ; 2 ° . législation universelle
, prendre l'esprit de toutes les lois qui existent
dans l'univers : comme je lui disais qu'il y aurait
un bel ouvrage à faire sur la maniere de rédiger une
loi , en suivant toutes les circonstances possibles ou la
raison humaine pourrait avoir à s'exercer , il me dit
que ce serait la troisieme partie de mon ouvrage ;
3. d'une réforme qu'il faudrait introduire dans les différentes
lois du globe ; 4° . enfin , il m'ajouta qu'il y
rait une magnifique conclusion , qui serait déterminée
par un grand chapitre sur la nécessité et sur l'abus des
formes . Par ce, moyen , on embrasserait tous les objets
possibles qui peuvent concerner la légisi : tion . Ce plan ,
quoiqu'immense dans le détail , m'a paru très - satisfaisant
, et je me suis proposé de l'exécuter. Je sais tout
ce qu'il m'en coûtera ; mais un grand plan et un grand
but laissent du bonheur dans l'ame , chaque jour qu'on
se met à l'oeuvre , M. de Buffon ne me cacha point , et
je le sentais bien , que j'aurais plus à travailler qu'un
autre , ayant en outre à remplir les devoirs de ma charge
qui suffisaient pour absorber un homme . Mais quelle
upériorité une pareille étude constamment suivie ne
me donnerait- elle pas , même pour remplir ces mêmes
devoin ? Il me contella done de ne les point négliger ;
( 385 )
mais il m'avertit qu'avec de la patience et de la méthode
je m'appercevrais chaque jour du progrès et de la
vigueur de mon intelligence . Il m'exhorta à faire comme
lui , à prendre un secrétaire uniquement pour ce travail
. En effet , M. de Buffon s'est toujours beaucoup fait
aider ; on lui fournissait des observations , des expériences
, des mémoires , et il combinait tout cela avec
la puissance de son génie . J'en ai trouvé une fois la
preuve dans le peu de papiers qu'il avait laissés dans
un carton . Je vis un mémoire sur l'aimant , auquel il
travaille , envoyé par le comte de Lacepède , jeune homme
plein d'ardeur et de connaissances .
Buffon a raison ; il y a mille choses qu'il faut laisser
à des manoeuvres , autrement on serait écrasé , et on
n'arriverait jamais à son but. Il me dit que , dans le tems
de ses plus grands travaux , il avait une chambre remplie
de cartons , qu'il a depuis brûlés . Il me fortifia dans
la résolution de ne point consulter les livres , de tirer
tout de moi-même , de ne les ouvrir que quand je ne
pourrais plus aller plus loin que le point où je me trouvais
. Encore , parmi les livres , il me conseilla de ne lire
que l'Histoire Naturelle , l'Histoire et les Voyages ; il avait
bien raison . La plupart des hommes manquent de génie
parce qu'ils n'ont pas la force ni la patience de
prendre les choses de haut ; ils partent de trop bas ; et
cependant tout doit se trouver dans les origines . Quand
on connaît l'histoire naturelle de l'homme et ensuite
T'histoire naturelle d'un peuple , on doit trouver sans
peine quelles sont ses moeurs , quelles sont ses lois . On
trouverait presque son histoire civile toute entiere .
Mais quand on connaît de plus son histoire civile , on
doit encore plus aisément découvrir et juger ses lois ,
en les combinant , soit avec sa constitution , soit avec
les événemens .
66
Je ne suis pas en peine de vous , me disait M. de
" Buffon , pour la premiere partie , savoir , pour la morale
universelle . Vous vous en tirerez bien . Il suffit
,, d'avoir une ame droite et un esprit pénétrant et juste ;
mais c'est lorsqu'il s'agira de découvrir et de classer
" cette multitude innombrable d'institutions et de lois :
,, voilà un grand effort et digne de tout le courage hu-
" main . " Je ne pus m'empêcher de lui faire une observation
délicate . Et la religion ? Monsieur , comment
,, nous en tirerons - nous ? ,, Il me répondit : « Il y a
moyen de tout dire ' ; vous remarquerez que c'est un
( 886 )
99
99
" objet à part ; vous vous envelopperez dans tout le
respect qu'on lui doit , à cause du peuple . Il vaut
" mieux être compris d'un petit nombre d'intelligens ,
" et leur suffrage seul vous dédommage de n'être point
point compris par la multitude . Quant à moi , je traiterais
avec un égal respect le christianisme et le ma-
,, hométisme . Ainsi s'écoulaient les heures dans ces
entretiens de gloire et d'espérance : je ne pouvais m'arracher
du sein de ce nouveau pere que la science et le
génie m'avaient donné . Il fallut enfin le quitter : ce ne
fut pas sans être resté long - tems dans les plus étroits
embrassemens , et sans une promesse réitérée de me
nourrir beau oup de ses ouvrages qui contiennent toute
la philosophie naturelle , et de le cultiver en même
tems avec une assiduité filiale , le reste de sa vie . Voilà
tout ce que je sais sur M. de Buffon . Comme ces détails
ne sont que pour moi , je m'y suis étendu avec complaisance
et avec une sorte de vénération .
N. B. Ce voyage est tiré d'un manuscrit dont nous avons
déja publié plusieurs articles . Il a été imprimé en partie , mais
distribué seulement à quelques amis de l'auteur . Ceux qui en
ont eu des exemplaires verront qu'il avait omis beaucoup de
traits qui se retrouvent ici . Tout ce qui sert à faire connaître
Ja vie privée des hommes célebres , intéresse trop vivement
toutes les classes de lecteurs , pour que nous ne soyons pas
assurés que ces anecdotes biographiques , sur l'immortel Buffon ,
seront bien accueillies .
ANNONCES.
Principes raisonnés de l'agriculture , ou l'agriculture démontrée
par les principes de la chimie économique , d'après les
observations de plasicurs savans ; ouvrage traduit en français ,
sur la version latine du suedois Jean Gottschalls Valerius ;
par J. F. Fontalard : vol . de 192 pages in - 8 ° . broche , besu
papier et d'une exécution soignée . Prix , 15 liv . port frauc .
A Paris , chez Chemin fils , libraire et directeur du courier
de la librairie , rue du Marché Neuf , vis -à - vis celle Notre-
Dame.
Les Veillées philosophiques , ou essais sur la morale expérimentale
et la physique systématique ; par A. L. Villeterque
vol. in 8 °. Prix , 6o liv. et 72 liv . frane de port. a Paris ,
shez Fuchs , fibraire , quai des Augustins , no. 23.
( 387 )
$
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE BERLIER.
Séance du septidi , 27 Fructidor.
Perrin ( des Vosges ) rend compte de sa mission dans les
depanemens de la Somme et du Pas-de Calais . Le meilleur
esprit y regne . Le prix des bieds y est baissé considérablement
, la constitution acceptée par- tout . Les décrets des 5 et
15 fructidor sont rejettés par quelques a semblees primaires ,
mais les dix -nenf vingriemes les accepterout , et celles qui
les auront refusés s'empresseront de se soumettre au voeu
général , s'il est contraire au leur .
Pertin annonce encore que nos côtes sont dans un état respectable
de défense , et qu'on dit publiquement en Angle.cire
que si l'on cherche à debarquer quelques milliers d'emigrés
c'est pour s'en débarrasser.
La commune de Port- Malo a accepté la constitution et
les décsets .
La section de l'Ouest fait part de son acceptation de la
constitution ; à l'égard des décrets des 5 et 13 fructidor , ne
les regardant que comme réglementaires , elle se réserve de
prescrive à ses électeurs le mode qu'elle croisa le plus utile .
a
L'orateur de la section de Bonne Nouvelle , en annonçant
l'acceptation de la constitution par son assemblée primaire ,
ajoute qu'elle rejeté les décrets comme attentatoires à la
souveraineté du peuple , mais qu'elle donnera l'exemple de
la soumission à la volonté genérale quand elle lui sera eounge ,
Elle se plaint de ce que le secret des leues est violé et les
communications entre Paris et les départemeus interrompues ,
et invite les membres de la Convention qui sont restés purs
à s'opposer à ce nouveau genre de domination . Le président
répond que la Convention est trop grande pour souffrir qu'on
viole jamais le secret des lettres .
Bailleul déciare , au nom du comité de sûreté générale ,
que le service des postes se fait comme à l'ordinaire .
Baudin donne lecture d'une lettre des administrateurs des
postes qui démentent ces bruits calomnieux .
་
Laréveillere-Lépaux : On accuse le gouvernement d'empêcher
la communication entre les differentes parties de la République.
Le fait est faux ; mais c qui est vrai , c'est qu'on a
fait insurger les ouvriers imprimeurs de l'agence des lois .
1
( 388 )
pour que le bulletin ne pût pas partir . Si les citoyens de Paris
continuent de se laisser mener ; de violens murmures partent
d'une tribune . Chenier l'apostrophe ; les clameurs des royalistes
, reprend Lépaux , ne m'intimident pas . Les meneurs
des sections de Paris peuvent bien me proscrire une seconde
fois , mais ne me rendront pas infidele à mon devoir . Ce
n'est pas calomnier Paris que de s'élever contre ses meneurs
qui voudraient concentrer dans cette commune la souverai .
neté du peuple. Le discours de Laréveillere sera inséré au
bulletin .
La section de l'Observatoire vient aussi annoncer son acce
ceptation
de la constitution et le rejet des décrets . Les motifs
qui les ont dictés ne lui ont pas paru , dit- elle , balancer
les avantages qui résulteront de la liberté des choix . Elle
rend à la Convention la justice de penser qu'elle a
bonnes intentions , et elle espere qu'elle n'attribuera pas sen
refus à la malveillance . L'orateur est universellement applaudi .
eu de
Gomer , au nom du comité des décrets , fait part du résultat
des suffrages des assemblées primaires de tous les départemens.
Il dit que le même esprit anime l'immense majorité
des Français . Qu'il se remarque quelquefois des hommes impregnés
d'aristocratie ; qu'on observe les effets des insinuations
sanguinaires du fanatisme , d'autant plus acharné , qu'il vient
de recevoir plus de marques d'indulgence ; mais que ce n'est
qu'une légere portion d'ivraie semée par des mains ennemies
que la prudence u'a pas dû étouffer ; que le bien public n'en
souffrira point , et que jamais le gouvernement républicain n'a
compté plus d'appuis , plus de partisans , plus de défenseurs .
Suite de l'acceptation de l'acte constitutionnel.
Département de la Charente inférieure. Vingt huit assemblées
primaires , dans lesquelles sont comprises les communes de la
Rochelle , Rochefort , Pons , Xaintes et Saint-Jean - d'Angely
ont à l'unanimité accepté les décrets des 5 et 13 , et aux cris mille
fois répétés de Vive la République !
Département de la Haute- Marne. Quarante- sept assemblées
primaires : dix- sept acceptent la constitution sans réclamer contre
les décrets des 5 et 13 fructidor : huit acceptent la constita,
tion et les decrets : quatorze acceptent la constitution et
refusent les décrets : six refusent la constitution .
Département de la Marne . Soixante - onze assemblées primales
: trente - six acceptent l'acte constitutionnel sans réclamer
contre les decrets : dix acceptent la constitution et les décrets :
vingt- un acceptent la constitution seulement quatre la refusent.
*
Département de Maine et Lol.. Trente six assemblées pri(
389 )
maires trente- quatre ont accepté à l'unanimité la constitu
tion , sans réclamer contre les décrets des 5 et 13 fructidor :
deux ont accepté la constitution et les décrets des 5 et 13.
Département du Doubs . Vingt - trois assemblées primaires : [
Onze acceptent la constitution et le décret : douze rejettent
le décret.
Département de la Correze. Une assemblée de Tulle accepte
tout à l'unanimité ..
Département de la Côte- d'Or. Cinquante- cinq procès - verbaux :
quarante - neuf acceptent la constitution et la loi : six refusent le
décret du 5 .
Département du Cantal . Un procès- verbal qui accepte tout.
Département du Cher. Vingt- trois procès-verbaux : quinze
accepte le constitution et la loi huit refusent .
Département de la Creuze. Trente- deux procès - verbaux qui
tous acceptent la constitution sans restriction ni réclamation . 3
Département de la Sarthe. Cinquante-deux procès - verbaux :
quarante neuf acceptent la constitution et le décret trois re
fusent le décret .
:
Département de la Drôme. Douze procès-verbaux onze acceptations
: un refus ..
Département de la Haute - Vienne. Dix - neuf assemblées ont
accepté presque à l'unanimité , les unes sans réclamations
les autres de tout dans son ensemble .
1
Département des Vosges . Dix assemblees primaires acceptent
la constitution sans réclamation contre les décrets ; une rejette
et la constitution et les décrets , une accepte la constitution
et rejette les décrets .
Département de la Vienne . Vingt- deux assemblées primaires
ont accepté la constitution sans restriction ni réclamation .
Département de Seine inférieure. Cinquante - quatre procèsverbaux
constatent l'acceptation de la constitution et des décrets
des 5 et 13 treize ont accepté la constitution et rejetté le
décret cinq ont tout rejetté.
:
Département du Rhône. Quatorze assemblées primaires , dans
lesquelles sont comprises quelques sections de Lyon , ont
accepté la constitution et les décrets des 5 et 13 fructidor.
31
5. Département de Seine et Oise. Quarante assemblées ont accepté
l'acte constitutionnal et les décrets : vingt- six ont rejetté les
décrets des 5 et 13 fructidor : quaire ont tout rejetté .
Département de Saône et Loire . Treize assemblées primaires ont
accepté la constitution et les décrets des 5 et 13 fructior.
Département de la Manche. Quatre -vingt-quatorze assemblées
( 300 )
primaires soixante quinze ont accepté la constitution sans
réclamer contre les décrets des 5 et 13 fructidor qui ont
éte lus : dix - pt ont accepté la constitution et les decrets :
deux ont accepté la constitution et refusé les décret
Departement du Mont - Terrible. Sur trois procès - verbaux , un
d'acceptation et deux de rejets de la constitution .
Département du Mont-Blanc. Dix- sept d'acceptation ,
Département de l'Oise . Sur seize procès verb.ux , quinze acceptations
: un rejet d la constitution : septrejus des décrets des
5 et 13 fructidor .
Département de la Nievre. Sur negte trois procès- verbaux :
trente acceptations : trois rejets de la constitution : quatorze
reje's des decre s des 5 et 13.
Département du Haut-Rhin. Vingi une assemblées primaires
on accepte la constitution et les decrets des 5 et 1 : une
scule a tout rejesté .
· Département du Nord. Sur soixante- trois procès - verbaux ,
soixante - deux acceptatione ; ná reber de la constituijou : quatorze
rejets des décrets des 5 et 13 fructidor.
Département de l'Orne . Sur quarante huit procès - verbaux :
quarante- six acceptation : deux rejets de la co stitution : deux
des décrets des 5 et 13.
Département du Bas- shin. Cinquante - neuf procès - verbaux
d'acceptation , dout sept rejettent les décrets des 5 et 13 fructidor.
Département du Pas- de- Calais . Vingt neuf procès- verbaux d'acceptation
, dont six rejettent les décrets des 5 et 13 fractidor.
Département du Puy - de - Dôme. So ving trois procès - verbaux ':
ving acceptations : trois rejets de la constitution .
Département de Yonne Soi auté trois assemblées primaires
acceptent a constitution sans réclamation contre le décret
du 5 dix- ne f réjettent le décret du 5 .
Département de l'Ain . Dix- huitprocès - verbaux : douze acceptent
la constitution sans restriction ni reclamation contre les décrets ' :
trois acceptent formellement la constitution et les décrets :
trois acceptent la constitution et rejettent les décrets .
Département de l'Aisne . Vingt quatre procès verbaux : treize
accepten la constitution sans restriction ni réclamation contre
les décrets deux acceptent formaliement la constitution et
les décrets six acceptent la constitution et rejettent les décrets :
denx rejettent la constitution : nn n'offre aucun resultat .
:
On lit des détails de la derniere victoire remportée par
l'armée d'Italie . Il en résulte que ceue victoire a ete complette
et des plus avantageuses .
† 391 )
Séance d'octidi , 98 Fructidor .
Sur le rapport des commés de législation , finances et liquidation
la Convention rend un decret additionnel à la loi
du er, floreal , an III , relatif à la liquidation des créances
sur les biens indivis avec des émigrés . Il porte qu'avant de
procéder à la liquidation de ces créances , les administrations
de départemens convoqueront les co propriétai es pour prendre
communications es tires et demandes des créanciers ,
proposer 1:zurs moyens contre ces t tres . Le surplus des articles
n'est que le réglement qui se su vra dans cette opération .
et
La commune de Bailleul demande si les citoyens qui n'ont
pas émis leur va sur l'acte constitutionnel
peuvent être
admis à nommer les électeurs .
Le juge de paix de Charolles consulte aussi la Convention
sur la conduite qu'il doit tenir à l'égard de quelques particuliers
qui , ayant demandé un roi et le rétablissement de la
religion catholique , dans l'assemblée primaire de cette commune
, ont excite le plus grand désordre et ont même causé
la dissolution de cette assemblée . Renvoyé au comité de sûreté
générale.
Les representans annoncent les nombreuses acceptations qui
se font , dans les départemens , de la constitution et des décrets
.
les armées des Alpes , d'Italie et des Pyrénées occidentales
ont accepté l'acte constitutionnel .
Les assemblées primaires des sections de la Réunion , des
Marchés , des Droits de FHomme et des Arcis annoucent
qu'elles ont accepté la constitution et rejetté les décrets.
Lareve : llare soumet à la discussion le projet de décret re.
Latif à l'ordre des deliberations et à la police du corps légis
kari . dit que cet objet paraîtra de peu d'importance aux
esprits , superficiels , mais que la Convention n'en jugera pas
ainsi que de tous les sentimens celui qui s'imprime le pus
yeux , c'est le respect , suivant l'auteur du Contrat-
Social , et que la commission , frappée de cette vérité , va
leur proposer un ordre de délibérations et une police dans
le corps législatif qui puissent limprimer. Le projet de decret
est adopté. ( Nous ie donnerons dans un n ° . prochain . )
par les
Séance de nonidi , 29 Fructidor.
Plusieurs membres annoncent que les communes de Lyon ,
Telouse , Saint- Quentin , et la presque totalité des assemblees
primaires des départemens du Lot et de l'Arriege , ont
accepté la constitution et les décrets des 5 et 13 fruetidor.
bezard , au nom du comité de législation , expose que plu
sieurs représentans du peuple en mission ont pris des arrêtés
qui investissent les tribunaux du droit de juger en dernier
( 892 )
ressort . I demande que ces arrêtés soient annullés , et que
les parties intéressées aient la faculté de se pourvoir par la
voie de l'appel . Décrété .
.
Merlin , au nom du comité de salut public , fait décréter
que les officiers de tous grades recevront , par mois , un supplément
de solde de 8 liv . en numéraire .
Delville obtient la parole pour une motion d'ordre . Le
-peuple , dit- il , nous avait chargés de lui donner une constitution
; notre mission est remplie . C'est à lui à juger si nous
avons répondu à son attente . La constitution n'est plus à
nous ; elle est à lui . A genoux , royalistes ! Les plus vifs
applaudissemens éclatent dans la salle . ) A genoux ,
chistes ( Les mêmes applaudissemens recommencent. ) Tremblez
, assassins et voleurs ! ( Nouveaux applaudissemens . )
Rassurez - vous , citoyens égarés ; le regne des lois est arrivé ;
le gouvernement républicain en assure à jamais l'empire ;
elles punissent le crime , mais elles pardonnent à l'erreur .
anar-
Quant à vous , mes collegues , qui devez le premier exemple
de la soumission à l'acte constitutionnel , déposez le faisceau
terrible de la toute - puissance , hâtez - vous d'appeller la législature
; c'est la meilleure , c'est la seule réponse que vous
deviez à la calomnie qui vous accuse de vouloir , comme les
tyrans de 93 , propager et révolutionner vos pouvoirs .
Elle est finie pour jamais la révolution ! ( Vif applaudissemens.
) Prouvez - le à toute la terre , en convoquant sur - lechamp
les assemblées électorales à jour fixe . On applaudit
long - tems . )
Je sais que le décret des denx tiers , auquel je me suis
renda moi même avec répugnance ; mais depuis que j'ai vu
glacer d'effroi tous nos ennemis , saus exception , je sais que
ce décret n'est pas encore assez universellement approuvé
pour faire loi ; mais je sais aussi que cette circonstance ne
peut apporter d'obstacle à la convocation des électeurs . Ils
anrout le tems d'apprendre l'acceptation ou la réjection du
décret , avant le jour que vous allez fixer pour leur réunion ,
laquelle doit avoir lieu dans tous les cas .
Je propose le décret suivant , en vous adjurant d'y donner
toute l'attention que commande le salut public , et en mon
ame et conscience , je le crois attaché à la mesure que je
vous propose :
La Convention nationale décrète que ce soir la commission
des onze vérifiera , au comité des décrets , procès - verbaux
et archives , le nombre des suffrages des assemblées
primaires pour l'acceptation de la constitution , et s'ils se
trouvent faire la majorité absolue , la commission présentera
demain un projet de décret pour la convocation , dans le
plus bref délai , des assemblées électorales .
Le
( 393 )
Le projet de Delville est renvoyé à la commission des
Onze .
Eschassériaux jeune , au nom du comité de législation ,
présente un projet de décret qui est adopté et qui concerne
les émigrés du ci - devant comtat d'Avignon .
Des députations , des sections de Paris viennent faire part
de l'acceptation qu'elles ont faite de la constitution et de la
rijection des décrets . Celle de la Halle aux Biés annonce
qu'elle s'est déclarée eu permanence jusqu'à l'installation du
nouveau corps législatif.
Bourdon ( de l'Oise ) : La liberté doit sans doute exister
dans les assemblées primaires ; mais je pense que la Convention
a souffert un peu plus que la liberte . Il ne faut pas
laisser porter atteinte au gouvernement , qui doit tenir les
rênes jusqu'à l'installation du nouveau . Je demande le renvoi
des adresses des sections à la commission des onze . L'Assemblée
passe à Fordre du jour sur cette proposition .
Le général Aubert Dubayet fait passer le procès verbal de
l'acceptation de la constitution et des décrets par l'armée des
côtes de Cherbourg .
Organe du comité d'instruction publique , Grégoire fait
un rapport sur les costumes des membres du conseil exécutif
, du corps legislatif , des ministres , des messagers d'état
et de tous les fonctionnaires publics .. Le rapport et le projet
seront imprimés et distribués .
Séance de décadi , 30 Fructidor.
Les sections Poissonniere , du Temple et des Thermes
viennent faire connaître le voeu de leurs assemblées primaires .
Eiles acceptent la constitution et rejettent les décrets .
La commane de Pontarlier , département du Doubs , accepte
l'un et l'autre , et remercie l'assemblee de les avoir rendas .
Les administrateurs de Montargis démentent le Courrier-
Universel qui a annoncé que les decrets y avaient été rejettes .
Ils y ont au contraire été acceptés à une grande majorité.
Delville propose un moyen de donner la plus grande pu
blicité aux votes de toutes les assemblées primaires ; et sur
sa motion , la Convention décrete que le résultat de tous
les votes sera imprime en tableau avec designation des dépar-
3.stemens et des cantons . Ce tableau sera distribué aux membres
et envoyé aux départemens et aux armées par la voie du
bulletin .
Un membre du comité des décrets annonce que l'opinion
publique se soutient , qu'on accepte par- tout la constitution
à la presqu'unanimité , et les decrets à une ande majorité.
Thibaudeau , organe de la commission des onze , soumet
a la discussion le projet de décret sur l'organisation du ministere
.
Tome XVII .
Сс
( 394 )
Le rapporteur lit article par article ce projet ; les deux premiers
sont adoptés , les voici :
Il y a six ministres , savoir un ministre de la justice , un
ministre de l'intérieur , un ministre des finances , un ministre
de la guerre , un ministre de la marine et un ministre des
- relations extérieures .
Les ministres auront , sous les ordres du directoire exécutif
, les attributions déterminées par les articles ci-après .
Le III . article fixe les attributions du ministre de la justice ;
ces attributions sont :
L'impression et l'envoi des lois et des arrêtés ou instructions
du directoire exécutif aux autorités administratives et
judiciaires .
Il correspond habituellement avec les tribunaux et avec les
commissaires du directoire près les tribunaux.
donne aux juges tous les avertissemens nécessaires ; il
les rappelle à la regle , et veille à ce que la justice soit bien
administrée .
Il soumet au directoire exécutif les questions qui lui sont
proposées relativement à l'ordre judiciaire et qui exigent une
interprétation de la loi.
Cet article a donné lieu à deux observations : un membre
a trouvé dangereuse l'attribution donnée au ministre de la
justice de rappeller les juges à la regle ; il pensait qu'il
fallait préserver les tribunaux de toute influence étrangere.
Un autre membre a représenté qu'il n'était pas exprimé
assez clairement dans l'article , que les questions en interpréta.
tion de la loi ne doivent être soumises au directoire qu'à
la charge par lui de les soumettre à son tour au corps législatif.
Le rapporteur a adopté les deux amendemens qui ont été
décrétés avec l'article , sauf rédaction .
Voici l'article IV sur les attributions du ministre de l'intérieur
:
La correspondance avec les autorités administratives et
avec les commissaires du directoire exécutif auprès desdites
autorités .
Le maintien du régime constitutionnel et des lois touchant
les assemblées communales , primaires et électorales .
L'execution des lois relatives à la police génerale , à la sûreté
et à la tranquilité intérieure de la République.
La garde nationale sédentaire .
Le service de la gendarmerie.
Les prisons , maisons d'arrêt , de justice et de réclusion .
Les hôpitaux , les établissemens et atteliers de charité , la
repression de la mendicité et du vagabondage , les secours
civils , les sourds muets .
1
( 595 )
La confection et entretien des routes , ponts , canauż ,
de commerce et autres travaux publics .
Les mines , minieres et carrieres .
La navigation intérieure , le flottage , le hallage.
L'agriculture , les desséchemens et défrichemens.
Le commerce .
ports
Les produits des pêches sur les côtes et des grandes pêches
maritimes .
L'industrie , les arts et inventions , les fabriques , les manufactures
, les aciéreries .
Les primes et encouragemens sur ces divers objets .
La surveillance , la conservation et la distribution du produit
des contributions en naturé .
L'instruction publique , les musées et autres collections nas
tionales , les ecoles , les fêtes nationales .
Les poids et mesures.
La formation des tableaux de population et d'économie poli
tique , des produits territoriaux , des importations et exportations
, et de la balance du commerce.
Cet article a donné lieu à quelques débats .
Eschasseriaux demandait que les objets de ce ministere
fussent partagés entre deux ministres ; il lui paraissait que les
forces d'un seul homme ne pouvaient pas suffire à tant de
choses , et à des choses sur tout d'ane nature si différente ;
#demandait donc qu'il y eût un ministre particulier pour
l'industrie , le commerce , les arts et l'agriculture.
Plusieurs membres ont combatiu cette idée ; il leur a paru
très -dangereux de créer un ministre pour l'agriculture , les arts
et le commerce il voudrait réglementer , et les réglemens
tuent les arts , le commerce et l'agriculture . Que leur faut- il ?
Encouragement , protection et liberté ..
On a demande ensuite de distraire de ce ministere la gendar
merie et la disposition relative au maintien du régime consti
tutionnel.
Toutes ces dispositions ont été écartées , et cet article
ainsi que les autres , a été adopté avec de très - légers amendemens
.
Les ministres sont responsables :
1º . De tous delits par eux commis contre la sûreté génés
tale et la constitution ;
2º. De tout attentat à la liberté et à la propriété indivis
dualle ;
30. De tout emploi de fonds publics , sans un décret du
corps législatif et une décision du directoire exécutif , et de
toutes dissipations de deniers publics qu'ils auraient faites ou
favorisées . 17
Le traitement des ministres , par année et pour chacun d'eux ,
est fixé à la moitié de celui des membres du directoire exé
Ce i
( 396 )
catif , et celui du ministre des relations extérieures aux troisquarts,
Les garnisons de Toulon et de Rochefort ont accepté la cons-
4titution et les décrets .
Beard , au nom du comité de législation , fait décréter que
le fils de Salm - Kirbourg , condamué par le tribunal révolutionnaire
, entrera en possession de ses bieus , parce que son
pere avait refusé d'acceder au conclusum de la diete de Ratisbonne
pour la guerre contre la France .
Séance du premier jour complémentaire ..
Le coutre amiral Veurtabel écrit que sa flotte a accepté la
constitution.
Merlin ( de Thionville ) envoie les procès - verbaux de l'acceptation
de la constitution par l'aimée du Rhin et de la
Moselle , et il s'écrie : Tu triomphes , ô ma patrie ! ô France !
heureuse France ! aujourd'hui seulement tu as terrassé
toutes les tyrannies . L'armée du Rhin et de la Moselle a
donné avec enthousiasme son assentiment à ce pacte sacré ,
et juré de le défendre contre tous les ennemis de la liberté
ei de l'égalité . Représentans , ajoute Merlin , ce serment est
le gage de la durée et de la solidité de ce contrat social, Car
le soldat sur- tout est homme de parole . Il ne verra désormais
dans l'intrigant et le royaliste qu'un Autrichien , un émigré
ou un Anglais à combattre. Ce sera son ouvrage et la sauvegarde
de ses droits qu'il défendra . ( Vifs applaudissemens . )
Lakanal , au nom du comité d'instruction publique , expose
qu'une compagnie de libraires se proposant de donner une
édition plus complette du dictionnaire de l'Académie française
, s'est adressée à ce comité pour lui demander commu
nication d'un exemplaire dudit dictionnaire déposé à sa
bibliotheque , et accompagné d'un grand nombre d'additions
et de corrections manuscrites , faites par des membres distir .
gués de la ci -devant académie . Ces libraires se sont engagés
à se concerter avec des gens - de- lettres connus pour achever
le travail commencé . Comme le comité n'a pu prendre sur
lai de déplacer cet exemplaire , le rapporteur consulte l'Assemblée
. Elle décrete que l'exemplaire du dictionnaire de
l'Academie française , avec des notes et additions manuscrites
a la marge , déposé à la bibliotheque du comité d'instruction
publique , sera remis entre les mains des citoyens Maradan ,
Smith et compagnie , qui se chargent d'en surveiller la reimpression
, et qui seront tenus de le rendre après son achevement.
L'ouvrage sera tire à 15.000 exemplaires , dont 100
seront déposés au comité par ladite compagnie , pour être
répartis dans les bibliotheques nationales de Paris et les ·
écoles centrales des départemens . Les entrepreneurs ont
formé à cet effet un fonds de 5 millions.
( 397 )
恕
Des citoyens de la section du faubourg Montmartre apportent
leur voeu individuel sur les décrets des 5 et 13 fructidor.
Tant de discours bruyans , tant de déclamations tumultueuses
nous présagent , disent ils , une scission funeste et des haines
immortelles on emploie l'astuce de l'eloquence pour égarer
les hommes simples ; on déclame contre le gouvernement
oppresseur qui a si long - tems pesé sur la France , et même
beaucoup plus sur les membres de la Convention que sur
les autres citoyens , et l'on compte pour rien le rétablissement
de la liberté et de la justice , les triomphes glorienx
qui ont signalé votre carriere depuis le 9 thermidor. On
s'éleve contre les décrets des 5 et 13 fructidor , parce que ,
avide de pouvoirs , on veut entrer à tout prix dans le corps
législatif ; et quels sont les hommes qui vous calomnient ?
Ce sont les suppôts des anciennes castes , des hypocrites
politiques , des agioteurs qui toujours ent entravé la marche
de la révolution . Otez les décrets des 5 et 13 fructidor , et
la constitution n'est qu'un corps inanimé ces décrets sont
la base essentielle des moyens de terminer la révolution .
Un membre demandé le renvoi de cette déclaration à la
commission des onze . X
{
Thibaudeau Nous ne pouvons pas reconnaître une opiniou
individuelle sur les actes qui sont soumis à l'acceptation
des assemblées primaires ; il faut respecter ce qui se
fait dans l'intérieur de ces assemblées : si nous acceptons des
voeux isolés , on ne manquerait pas de dire que nous recrutons
des suffrages . Le voeu national va bientôt être prononcé ;
tous s'y conformeront. Je demande l'ordre du jour . (Applau
dissemens. ) L'ordre du jour est adopté.
1
Les sections du Mail et de la Fontaine - de - Grenelle annoncent
qu'elles ont accepté la constitution et rejeté les décrets
des 5 et 13 fructidor .
Li
Blutel , au nom du comité de commerce , de celui de marine
et des colonies , fait adopter un projet de décret sur le
'mode ' de liquidation des prises faites par les bâtimens de la
République .
19 2 2012-0
Rouzet , organe de celui des finances , en présente un
tendant à supprimer le droit du timbre , et à augmenter delui
de l'enregistrement .
T 15225 2 :
L'Assemblée en ordenae l'impression et ajourne la discussion.
290 } I
Un membre fait renvoyer au comité des domaines la question
de savoir , s'il ne serait pas convenable de suspendre la
vente des biens nationaux dans la Vendée , la crainte des
cholians éloiguant les acheteurs , et faisant ainsi que
biens sont vendus fort au -dessous de leur valeur .
1.3.3)
ེ་་
Cc 3
cés
( 398 )
Suite du décret sur les élections .
TITRE III . Election des fonctionnaires publics par les
assemblées primaires , communales et électorales .
Art. 1. Durant le mois de nivôse , chaque citoyen a le
droit de se faire inscrire lui- même , ou de faire inscrire ceux
de ses concitoyens qu'il juge à propos , sur la liste des candidats
, et de s'y désigner lui même , ou de désigner les autres
pour une ou plusieurs des fonctions qui sont à remplir , dans
le mois de germinal suivant.
II. Ges inscriptions se font à l'administration municipale,
qui n'en peut refuser aucune , et qui en donne des récépissés .
› III . L'administration municipale est tenue de publier ,
dans son ressort , dans les cinq premiers jours de pluviose ,
la liste des candidats inscrits pour toutes les fonctions dont
la nomination appartient aux assemblées primaires et com
munales.
" Elle doit placer sur cette liste , mais séparément , les
candidats qu'elle croit manquer des caracteres d'éligibilité
exigés par la constitution . L'avis de l'administration sur cette
non- éligibilité doit être motivé dans des notes sommaires.
IV. L'administration municipale fait parvenir à l'admi
nistration de département , les listes des candidats inscrits
pour les fonctions dont l'élection appartient aux assemblées
électorales.
V. L'administration de département est tenue de publier
dans son ressort , du 20 au 25 pluviôse , les listes des candidats
inscrits pour les fonctions auxquelles les assemblées
électorales doivent nommer.
Les candidats que l'administration départementale croit
manquer des caracteres d'éligibilité exigés par la constitution ,
sont inscrits sur les listes , mais séparément et avec des notes
sommaires et explicatives .
212
13 VI . Les listes des candidats sont affichées et lues dans
les assemblées primaires , communales ou électorales , aussi- tôt
après la formation des bureaux .
Les suffrages peuvent être donnés à des citoyens nop
inscrits sur ces listes .
,, VII . On procede à un premier scrutin ; il est individuel ,
s'il s'agit de l'élection d'un seul fonctionnaire ; il est de liste ,
'il s'agit de l'élection de plusieurs fonctionnaires du même
genre et du même nom .
VIII, Si ce premier scrutin donne la majorité absolue à
un on à plusieurs candidats , ils sont élus selon l'ordre du
pombre des suffrages qu'ils ont réupis .
( 399 )
,, IX. Si un nombre suffisant de candidats n'a point obtenu
la majorité absolue , on forme une liste de ceux qui ont obtenu
la plus forte pluralité relative cette liste a pour limite
un nombre de noms égal à dix fois le nombre des fonctionnaires
à élire dans le même scrutin .
" X. On procede ensuite à un second scrutin , dans lequel
on ne peut donner de suffrages qu'aux candidats inscrits sur
la liste mentionnée dans l'article précédent.
XI. Pour le scrutin définitif , chaque votant dépose à - lafois
, en deux vases différens , deux billets , l'un de nomina .
tion , l'autre de réduction .
Sur le premier bulletin , il inscrit autant de noms qu'il
.ya de fonctionnaires à élire.
Sur le second bulletin , il inscrit les noms des citoyens
qu'il entend retrancher de la liste des concurrens ; ce bulletin
peut ne contenir aucun nom ; il peut en contenir un nombre
indéterminé , mais toujours au-dessous de la moitié du nombre
de ceux portés sur la liste mentionnée en l'art . IX du pré
sent titre .
,, XII. On fait d'abord le recensement universel des billets
de réduction ; et les candidats qui ont été inscrits sur ces
billets par la majorité absolue des votans , ne peuvent être
élus , quel que soit le nombre des suffrages positifs déposés
en leur faveur dans le vase de nomination ,
19 XIII. On dépouille ensuite les bulletins de nomination ,
et les élus sont ceux qui , n'étant point dans le cas de l'article
précédent , réunissent la pluralité relative des suffrages
positifs .
TITRE IV. Elections par le corps législatif , par le direc
toire exécutif, par les corps administratifs et judiciaires.
Art. ler. Les présentations attribuées par la constitution
au conseil des . 500 se font au scrutin de liste et à la pluralité
relative .
II . Les nominations attribuées par la constitution au
conseil des anciens se font dans les formes prescrites , par les
articles XI , XII et XIII du titre précédent,
,, III . Les élections que la constitution attribue au direetoire
exécutif , aux corps administratifs et judiciaires ,
se font
dans les formes prescrites par les articles VII , VIII , IX , X,
XI, XII et XIII du titre précédent mais si , après le dépouillement
ordonné par l'art. XIII , un nombre suffisant de
candidats n'a pas réuni la majorité absolue des suffrages positifs
, on procede , par scrutin individuel , à l'option , entre
les deux candidats qui ont obtenu le plus de voix . "
Collationné conforme aux originaux remis sur le bureau de la
Convention nationale .
Signé , GOURDAN , secrétaire ,
* CC 4
( 400 )
PARIS . Quatriemejour complémentaire , 3. année de la Rép .
Nous avons déja fait connaître notre sentiment sur lę
décret pour la réélection des deux tiers , qu'on ne nous
accusera pas d'avoir adopté d'enthousiasme ; on ne cesse
de dire et d'imprimer quil porte atteinte à la liberté
des choix , et par conséquent à la souveraineté du
peuple : quant à nous , il nous paraîtrait blesser tout au
plus les convenances , mais non le principe de la souveraineté
à laquelle même il rend hommage . Peut - être
que dans un état de choses , exempt de dangers et d'intrigues
où l'amour de la patrie serait mieux et plus géné
ralement senti , la Convention aurait dû par modestie
se borner à une simple invitation , au lieu de proposer
aux assemblées primaires , par un décret , de lui
appliquer l'article constitutionnel relatif au renouvellement
par tiers . Mais il est ridicule de supposer que ce
décret blesse la souveraineté . N'est- il pas soumis à l'acceptation
du peuple aussi bien que l'acte constitutionnel
? Le rejet de la mesure proposée par la majorité , ne
deviendrait- il pas pour la Convention une loi irrévocable
et une nécessité de s'y soumettre ? L'acceptation
'serait - elle un acte de souveraineté moins réel ? Enfin ,
les choix qui seraient faits conformément à cette mesure
sanctionnée par la volonté générale seraient - ils
autre chose que l'effet nécessaire de cette volonté suprême
consultée par le corps représentatif ? Donc les
electeurs , quoiqu'obligés de restreindre leur liberté
illimitée pour une partie de leur choix , ne seraient point
lésés dans leurs droits , à moins qu'ils ne prétendissent
mettre leur liberté au- dessus du vou national solemellement
exprimé . Il importe que chaque organe, du
orps social juge sainement de l'objet précis auquel il
st consacré , et sache s'en tenir à ses attributions essentielles.
Quelle que soit la décision du peuple sur le décret ,
tout ce qui s'est passé , tout ce que la malveillance a
laissé paraître , les sentimens d'un très - grand nombre
d'excellens citoyens , amis de la paix et des principes ,
prouvent que la Convention a rempli son devoir en le
proposant , malgré la défaveur qu'il pourrait lui mẻ-
riter de la part de l'esprit de parti. On ne connaît
( 401 )
point encore le résultat des votes ; mais d'après les rapports
, la majorité paraît toujours se prononcer pour l'ac
ceptation de la constitution et des décrets .
En général , la mesure en question a été blâmée ou
applaudie avec plus de passion que de franchise ; peu
l'ont appliquée froidement et sans partiali é à l'intérêt
national ; la plupart de ses adversaires ne lui ont opposé
que le bouclier bannal de la souveraineté du
peuple ; d'autres y ont mêlé des assertions perfides .
Roederer , quoiqu'un peu taid , est aussi intervenu dans
ce débat . On pouvait s attendre à trouver dans ses observations
cette force de logique , cette précision lumineuse
qui dans une occasion assez délicate auraient aidé
à bien juger , auraient sur- tout combattu avec succès,
des sophismes dangereux . Mais on y remarque avec
surprise une méchanceté raffinée , une tergiversation
bizarre , substituées au zele et à la sagesse que cet écrivain
précieux montrait depuis quelque tems pour le
soutien d'une cause digne de plus de constance . La
recherche de certaines tournures de phrases menaçantes ,
l'affectation du mépris le moins utile au triomphe du
républicanisme , se reproduisent d'un bout à l'autre de
cet écrit , où l'auteur semble plutôt occupé de quelque
ressentiment personnel dont on ignore la cause , qu'à
peser , comme il sait si bien le faire , les avantages et
les inconvéniens du projet qu'il s'était proposé d'examiner.
251
Ceux qui après la journée du 9 thermidor espéraient
voir la Convention agir contre l'intérêt du systême républicain
, et se réservaient de la détruire dans l'opinion
comme à force ouverte , si les travaux ne répondaient
point à leur attente , affectent de demander ce qu'elle a
tant fait depuis cette journée ; quel bien elle peut offrir
au Peuple Français en réparation de tant de maux qu'
a souffert. Voici la réponse :
La chûte du tyran, et de ses complices ;
L'ouverture de cent mille bastilles ;
La fermeture des jacobins ;
C
il
La liberté de la presse , des opinions , du culte et du
Commerce ;
La suppression du maximum , du gouvernement révo
lutionnaire et des piques ;
Le désarmement des scélérats ;
L'organisation de la garde nationale ;
La suspension du divorce ;
+ ( 402 )
Le rapport du décret qui permet le remboursement
des rentes foncieres ;
La suspension des lois contre les émigrés ;
La liberté des Bourbons ;
La reddition du bien des condamnés ;
La paix avec la Hollande , la Prusse , 1 Espagne et une
partie de l'Empire ;
Une constitution dégagée des préjugés révolutionnaires
;
La convocation des assemblées primaires .
Voilà ce qu'elle a fait pour toute la République .
Et pour Paris particulierement elle a , avec autant de
soin que de sagesse , alimenté tous ses habitans ; elle
leur a procuré et leur procure encore le pain et la
viande à un prix qui n'est point en rapport avec le
cours commercial ; et ce sacrifice , supporté par la République
entiere , Paris seul en a l'avantage . Mais ce
n'est point par une prodigalité repréhensible qu'elle a
veillé à la subsistance de son immense population , elle
a su éviter le reproche d'une prédilection injuste et
intéressée. Afin de rendre les sacrifices qu'elle a été forcée
de faire moins onéreux , elle a dû réduire la distribution
comme elle l'a fait . Cette réduction lui était aussi
conseillée par les principes d'une sage économie , outre
qu'en accordant aux Parisiens la quantité ordinaire , cette
abondance eût été toute au détriment de la consommation
des autres parties de la République , et même du
trésor national , elle eût épuisé en peu de tems les ressources
, qui ménagées avec scrupule en ont rendu possible
la continuation . Pendant l'hiver le plus rigoureux
de mémoire d'homme , cette réduction eût été trop
cruelle , sans cela elle eût dû commencer plutôt ; mais
à peine la saison s'est montrée moins sévere que la Convention
a eu le courage d'annoncer et d'exécuter cette
mesure , sans être arrêtée par la crainte du parti qu'elle
savait bien que ne manqueraient pas d'en tirer les factieux
de toutes les especes , pour aigrir contre elle les
citoyens indigens . Cette levée formidable , opérée par
les plus perfides insinuations du terrorisme et du royalisme
réunis , les préliminaires menaçans , antérieurs à
T'insurrection , n'ont point fait fléchir les dispositions de
la Convention nationale. Cependant la faim était le
motif sacré comme le prétexte du trouble , et les cris en
faveur d'une constitution impossible , mais chere au sansculotisme
, le véhicule puissant.
"
( 403 )
La violence , les outrages , la mort même ont pénétré
dans l'enceinte de la représentation nationale ; au - dehors
, des royalistes se frottaient les mains dans les transports
indiscrets de leur joie homicide. Des royalistes
coupaient la tête du généreux Ferraud , et la portaient
au bout d'une pique . Le terrorisme , mieux servi par
les circonstances et sa position , décrétait les visites domiciliaires
, réorganisait un systême terrible , et frappait
d'épouvante les royalistes eux - mêmes , dont les projets
tendaient à la destruction , ou du moins à une dispersion
totale des représentans du peuple .
Le besoin de se sauver par la perte du terrorisme
triomphant inspire des résolutions salutaires et
plus généreuses , la bonne cause trouve des défenseurs
dans les ennemis même de la Convention , comme dans
les bons citoyens ; cet orage factice est bientôt dissipé ;
un accord de mesures de prudence et de sévérité rétablit
enfin le calme , sans consommer la perte d'un fauxbourg
égaré , que les voeux les plus cruels voyaient déja
livré aux flammes et au carnage . On n'a pas sans doute
oublié la conduite respectable de Boissy - d'Anglas , président
, et sa vertueuse persévérance au milieu des périls
et des hideux et dégoûtan's tableaux dont ses regards
ont été frappés lorsqu'il concentrait en lui seul la représentation
républicaine ; on n'a pas oublié l'extirpation
rigoureuse , mais nécessaire , de tous les députés qui
avaient adhéré à la sédition , la condamnation à mort
des plus coupables , la détention et la mort politique des
autres ; la discussion sage , honorable et désintéressée
du projet sur la réélection des deux tiers , et son résultat
conforme aux principes ; voilà ce qu'a fait la Convention
nationale depuis le 9 thermido , et ses titres à l'estime
et à la confiance , comme à l'oubli de ses erreurs .
Le représentant du peuple Tellier ayant été envoyé dans le
département d'Eure et Loir , pour faciliter la libre circulation
des grains et appaiser quelques troubles qui s'étaient élevés
dans ce pays . Les assemblées primaires venaient de s'ouvrir ;
celle du canton de Châteauneuf , district de Chartres , était
viveme agitée . Des pamphlets et des brochures , venus de
Paris , ne servaient qu'à échauffer les esprits et augmenter le
trouble . Des députés que, cette assemblée avait envoyés pour
fraterniser avec les sections de la grande ville , firent un rapport
de leur mission , dans lequel ils représentaient la Convention
comme tremblante devant les sections de Paris ; comme avilie ,
déshonorée et abandonnée de tout le monde .
( 404 )
1
On s'imagina que l'autorité n'existait plus , et dès - lors on
crut pouvoir se livrer aux excès , dans la certitude où Ton
était qu'il n'y avait plus de pouvoir pour les réprimer et
pour en punir les auteurs . Une nuée de femmes qu'on mit en
avant , se transporta à Chartres chez le représentant du peuple
Tellier , demandant du pain . Elles le forcerent de se rendre'
avec elles à la Maison- commune , où , après quatre heures de
eris , d'injures et de menaces , on l'obligea de taxer le pain
à trois sous la livre , d'ordonner des visites chez les cultivateurs
, pour les forcer de donner des grains , etc. On exigea
ensuite que ces arretés fussent proclamés aussi - tôt . A peine la
proclamation était - elle achevée , que des cris de vive le roi se
frent entendre .
Tellier ne pouvant se pardonner à lui-même l'acte de faiblesse
qu'il n'avait commis que pour empêcher un attentat à la représentation
nationale et épargner le sang des administrateurs qui
l'accompagnaient , après avoir rétracté ses arrêtés , le soir même ,
s'est brûle la cervelle.
$
Voilà un premier fruit de ces communications si contraires à
l'exercice légal de la souveraineté . Tellier était généralement
estimé par sa probité et la pureté de son civisme ,
Des bords du Rhin , le 21 fructider. Le passage du Rhin
s'est effectué hier sur trois points. L'armée du général Kieber
a été chargée de cette expédition . L'attaque de la gauche
commandée par le général de division Lefevre , a passé à
Elcklamp . Celle du centre , commandée par le general de
division Grenier , a effectué le passage à Ordingen , et le
général Championet , commandant l'aile droite , a passé ce
fleuve à Hamm , au - dessus de Dusseldorf.
Tous ces généraux ont exécuté avec autant de précision
que
de célérité et de courage les ordres qu'ils avaient reçus
à cet égard du général en chef Jourdan . La prise de Dusseldoffr ,
où nous avons trouvé 168 pieces de canon , a été la suite de
ce succès.
De Cologne . Le coup est frappé ; le général Championet
a fait une audacieuse entreprise. Ce général ordonna hier à
Neufs , une lieue de Dusseldorf de ne faire sonner ni heure
ni cloches , de n'ouvrir aucune porte et de ne laisser entrer
ni sortir personne de la ville ; il avait fait préparer des bateaux
dans la riviere d'Erff , qu'il fit passer le soir dans le
Rhin ; il y embarqua 6,000 hommes , ainsi que tous les musiciens
et tambours , qui , après les avoir fait débarquer à
Pautre côté du Rhin , s'avancerent dans le plus profond silence
sur les avant-postes des Autrichiens , les massacrerent à coup's
de bayonnettes , et se rendirent maîtres de leurs redoutes
་་་་་་ གཏུ
( 405 )
sans bruler
une amorce ; après cela ils marcherent
directement
sur Dusseldorff
, en faisant jouer les musiciens
et les tambours de toutes leurs forces ; les Autrichiens
furent effrayés par ce
bruit énorme et inattendu
, et tremblerent
, croyant voir dėja
devant eux toute l'armée française
; une partie prit la faite ,
une autre partie fut faite prisonnierre
, et le reste fut massacré
, et c'est de cette maniere
que les héros français arriverent
à Dusseldorff
.
་
Aujourd'hui nous ne voyons à l'autre côté du Rhin que
des retraites et bagages , chariots ' , etc .; et nous espérons
aller fraterniser daus peu avec nos braves freres d'armes à
Deutz.
Chassillé , le 25 fructidor. Le nombre des chouans s'accroît
insensiblement . Il n'est pas de jour que les cantonnemens
républicains , disséminés dans les communes , ne soient attaqués
par un nombre supérieur. Le 26 de ce mois , 1000 à
1200 chonans ont attaqué le poste de Chassillé . La fusillade a
été très - vive et a duré près de six heures . Les cantonnemens
de Vallon , Loué , Saint - Denis- d'Orques et Saint-Symphorien
sont accourus au secours de Chassillé , et ont mis en déroute
complette les chouans , qui ont perdu un nombre considérable
d'hommes , qui ne peut être évalué , parce qu'aussi- tôt
qu'un des leurs est tué , ils l'enlevent et le cachent , pour dérober
leur perte à la connaissance des habitans . On dit que
les républicains n'en ont pas perdu un seul .
Coulans. Le 29 , vers huit heures du matin , 30 éclaireurs
d'une coloune republicaine , qui marchait sur la route de
Laval , ont attaqué 3 à 400 shouaus qui faisaient leurs orgies
dans le ci-devant château de Coulans . Après un quart- d'heure
de combat , les éclaireurs ayant été secouros par une partie
de la colonne , les chouans ont eu une déroute complette ,
fuyant dans les bois , les hameaux et les champs , sans qu'il
ait été possible de les trouver. Op ignore combien ils ont
perdu d'hommes , par la raison que nous avons déja exposée ;
mais on en a vu tomber 13 ou 14 , qui ont été aussi - tôt emportés
par leurs gens . Nous avons eu deux hommes blessés , dont
un légerement ; l'autre est mort le troisieme jour . On a trouvé
au château leur bureau d'état-major , un attelier où ils faisaient
des balles et des cartouches , plusieurs sacs de munitions
des images et une grande chaudiere pleine de café qui bouillait
au fen.
2
Ils font partir de force avec eux tous les hommes non - mariés ,
depuis seize jusqu'à cinquante ans . Il leur en a bien déserte hier
25 de Coulans et environs : ces communes ne sont éloignées
du Mans que de trois à quatre lieues . Des affaires journa
( 406 )
lieres de poste à poste , nous font craindre des combats plus
sanglans.
Les administrateurs du département de la Loire inférieure
out écrit au comité de salut public , pour lui faire part de
leurs inquiétudes , au moment où un armement se préparé
en Angleterre . La flotte anglaise était toujours en station sur
les côtes ; elle venait , quelques jours avant la date de la
lettre , 13 fructidor , d'être renforcée par une division de
neuf vaisseaux , dont trois à trois ponts. On remarque des
mouvemens et une grande audace dans Charette et les vendéens
; les chouans redoublent de menaces et de jactances
et les royalistes de Nantes ont un air de triomphe .
Des poudres , destinées pour les ports de la République ,
ont été livrées aux vendéens par des traîtres . On a acquis
la certitude par les déclarations des prisonniers chouans , qu'un
nombre prodigieux d'agens des rebelles existent à Nantes ,
et qu'ils y achetent des armes et des munitiont , et les font
passer avec la plus grande facilité à leurs commettans . Les
brigands trouvent tous les moyens possibles de s'approvisionner ,
parce qu'ils paient en argent et en denrées .
Des volontaires sont venus , le 13 , appoiter des cartouches qui
ne peuvent leur être d'aucune utilité ; elles sont composées de
beaucoup de poudre fine et de quatre petites balles , grosses
comme un petit pois. Aussi , un des jours précédens , ud
détachement était- il étonné qu'en tirant presqu'à bout por
tant sur les vendéens , il n'eu blessait aucun . Ce détachement
fut battu et perdit plusieurs hommes , voitures et chevaux .
L'administration presse le comité de prendre des mesures
pour faire cesser les dangers où se trouve la commune de
Nantes , la seule qui , jusqu'ici dans les départemens de l'Ouest ,
puisse s'opposer aux progrès , à l'organisation et à la propas
gation de la révolte .
Rennes , le 23 fructidor . Les chouans poursuivent toujours
l'horrible cours de leurs atrocités . Le courier de Nantes a été
arrêté , et obligé de se replier vers Rennes ainsi que l'escorte
dont il était accompagné. Les volontaires ont eu un échec
certaines gens ne manqueront pas sans doute d'exagérer .
que
Dans le district de Pontivy à Talonet , les chouans ont assas
siné le citoyen Desnevall , adjudant- général attaché à l'armée
des côtes de Cherbourg. Ce républicain était allé se promes
mer avec son épouse , il est surpris par an parti . Embrasse
ton mari , disent ces cannibales à la malheureuse Desnevall ; ' et
à l'instant son mari est fusillé dans ses bras .
-
Le 16 , dans le district d'Auray à trois quarts de lieue de cette
commuue , sur la route de Randevau , le tambour - major et
( 407 )
deux soldats du 45. régiment sout saisis par les chouans . Ceuxci
les pendent par les pied ,, et leur font souffrir mille morts
avant de les tuer. On a trouvé les trois cadavres mutilés
rôtis à moitié .
NOUVELLES OFFICIELLES.
ARMÉE D'ITAL Ì E.
་
Relatian de la défense contre l'expédition des ennemis sur St.-Martinde-
Lantoscoa , la nuit du 14 an 15 ; état -major-général : au
quartier-général , à Nice , le 18 fructidor.
A la faveur d'un très - mauvais tems , les ennemis ont entrepris
de faire passer le col de Pierre- Etroite à un corps de
1500 hommes de troupes choisies . La pluie , la neige , le
brouillard , leur ont facilité l'approche du poste de la Cerise ,
qui n'a pu leur résister.
" Vers minait et demi , on a su à St. Martin -de- Lantoscoa
que l'ennemi s'avançait avec une force considérable . J'ai ordonné
la générale , et rassemblé 318 hommes , total de la
force de ce cantonnement , déduction faite des gardes et
détachemens.
" Les premiers hommes rassemblés se sont portés au plutôt
où était le danger : c'était à l'entrée du village où l'en
nemi était deja parvenu . Ils y ont été compromis par leur
trop grande faiblesse ; quelques - uns ont été tués , dix faits
prisonniers ; néanmoins ils l'ont arrêté . Enfin , la totalité de
la troupe rassemblée s'est portée sur lui . Il était alors aux
tentes des canonniers , placées dans l'enceinte du village .
" Le combat a été vif et long en même-tems ; le Français
était en quelque sorte obligé de se multiplier pour résister
au grand nombre qui était prêt à l'accabler ; néanmoins la
constance et la bravoure républicaine l'ont emporté , et l'ennemi
a été forcé à la retraite vers six heures du matin . Mais
alors se sont multipliés les obstacles , parce qu'il occupait
les hauteurs qui favorisaient sa retraite et pouvaient lui procurer
un nouveau moyen de revenir à la charge . Rien n'a
arrêté l'impétuosité de nos soldats ; ils ont été vainqueurs
sur la montagne comme dans la gorge. L'ennemi s'est retiré
en bon ordre et lentement jusqu'au poste de la Cerise , poste
qui lai était bien avantagenx , s'il n'avait eu affaire à des Français
. L'attaque en a été faite en ordre , et il n'a pu résister ;
il s'est retiré par la même route où il était venu . Pendant
( 408 )
•
1
с
l'action , nous avons fait 150 prisonniers environ ; depuis on
en a ramassé à - peu - près autant , de maniere que j'ai le nom
de 310 prisonniers ou déserteurs , compris 10 officiers de
différens grades . On a ramassé et l'on ramasse encore une si
grande quantité de fusils , que je ne puis en savoir le nombre .
Il y a eu 22 Piémontais tués aux environs de Saint-
Martin ; il en a péri beaucoup plus - jusqu'au lieu où nous les
avons abandonnés . Le reste de cette troupe ne doit son salut
qu'à la trop grande faiblesse où nous nous trouvions relati
vement au nombre. Parmi les morts se trouve M. Bonnau ,
commandant l'expédition , qui , blessé et sentant qu'il ne
pouvait plus nous échapper , a préféré se brûler la cervelle .
Pourquoi le jour n'ai pas éclairé les belles actions
qui se sout faites pendant un combat si extraordinaire ? Au
reste , chacun a fait son devoir ; sans cela , nous succombions
sous le nombre.
" L'adjudant général Rambard s'est trouvé par tout , a tout
dirigé , et je dois dire qu'il a beaucoup contribué à l'avantage
de cette journée . Le citoyen Lespinasse , chef de la 84 .
demi- brigade , n'a pas quitté la tête de la colonne , et , par
son exemple , a aidé au succès de cette affaire . Qu'auraitut
pu 300 hommes contre 1500 ?
Une action aussi vigourense et aussi longue a coûté du
sang a la Republique : dix hommes out été faits prisonniers ,
dont deux officiers ; seize hommes blessés , dont trois offi
ciers et l'aide -de - camp du general Verne ; enfia , treize out
péri pendant l'action .
" Le general de brigade Charton me rend compte que ,
dans l'après - midi de cette journée , le col de Fenestre a ete
attaqué par un corps de 600 hommes , mais que la bonne
contenance de nos troupes soutenues de quelques coups de
canon , ont eu bientôt terminé l'affaire , et que les ennemis
se sont retirés . " ,
Signé , SERRURIER , général de division .
Pour capie conforme à l'original , le général d'armée des
Alpes et d'Italie .
Signé , KELLERMANN , général en chef.
P. S. A l'instant où j'allais fermer ma lettre , il arrive 50
prisouniers des chasseurs de Nice ; on m'eu aunoace d'autres ,
de manière que de corps est entierement detruit , soit par les
prisonniers , deseiteurs ou les morts .
LBS
NOUVEL AVIS AUX SOUSCRIPTEURS .
Bs partie littéraire . subordonnée jusqu'à présent aux éal.
nemens de la révolution et aux grands intérêts politiques.
essentiellement liés à son succès , va reprendre l'étendue et la
degré d'importance qu'elle a toujours eu dans ce Journal
qui s'est fait estimer par sa variété et par l'esprit de critique
saine et impartiale de ses coopérateurs . Elle vient d'être confiée
aux soins d'une société de gens de lettres qui , sous l'heureuse
influence de la liberté de la presse , ne négligeront rien
de ce qui peut intéresser la république des lettres , soit sous
les rapports du goût et de la littérature proprement dite , soit
sous ceux de l'économie politique , des sciences , des beaux arts,
de la morale et de l'instruction publique. Le regne de la baz
barie et du vandalisme n'a jamais été que celui de la tyrannie.
Les encouragemens que la Convention vient d'accorder aus
savans , aux gens de lettres et aux artistes, sont une nouvelle
preuve de la nécessité de l'alliance inséparable des fumierzi otme
la Liberté.
Les changemens et les améliorations que nous nous proposons
ne se bornent pas seulement à l'intérêt de la rédaction. Le·
caractere petit - romain que nous avons employé jusqu à es
jour , avait l'inconvénient de fatiguer extrêmement à la lec
ture , nous lui avons substitué un caractere plus agréable à
l'ail ; convaincus que nous sommes que les formes impogra
phiques influent plus qu'on ne pense sur le succès d'un quvrage.
Nous continuerons de faire usage du petit Caracteres
pour les nouvelles politiques , les pieces officielles et tous les
objets qui sont purement de détail mais en mms - tems , par
les supplémens que nous donnerons , ce Journal acquerra que
plus grande elendue in matiere.
Bién me sera changé dans les autres partes qui composent
or Journal : les nouvelles politiques les débats et les décrets
majeurs de la Convention , les nouvelles de Paris et de l'intérieur
le tribunal , révolutionnaire , et les opérations/ importantes
de nos armies , continueront d'y occuper une place
essentielle.
Il paraîtra toujours deux fois par décade , ce qui le mes
au niveau des feuilles du jour dans la plus grande partie dey
départemens , où le service des postes n'est pas journalier
Ainsi le Mercure , le plus ancien des journaux , celui dont
la collection est la plus recherchée , aura toujours sur les
autres du même genre , l'avantage de paraître plus fréquemment,
et de réunir avec le même intérêt et la même variété plus
de matieres.
La cherté excessive du papier qui a plus que triplé, celle de
la main-d'auvre qui s'est accrue dans la même proportion , es
raugmentation de moitié dans les frais de port , qui vient d'être
dicritic par la Convention , nous obligent de porter le prix
de l'abonnement à compter du 15. pluviose à 50 liv . pour l'anmie
, 25 liv . pour sin mois , frane de port pour Paris et ies
départemens. Aussi-tôt que ces objets auront subi quelque diminution
, nous nous empresserons d'en faire jouir nos som
Gripteurs.
Les auteurs , les artistes et les libraires qui voudront faire
noncer leurs praductions , voudront bien les adresser au
aitoyen Guth directeur du Mercure , rue des Poitevins,, nº 1
qui reçoit également les semseriptions.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères