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1795, 03-05, t. 15, n. 37-48 (25, 30 mars, 4, 9, 14, 19, 24, 29 avril, 4, 9, 14, 19 mai)
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LIBERTE , EGALITE
( No. 37) 487
Quintidis Ventofe,
l'an troifième de la République.
( Mercredi 25 Mars 1795. vieux Byle.)
MERCURE
FRANÇAIS.
HISTORIQUE , POLITIQUE
ET LITTERAIRE
Le prixde & Abonnement eft de go liv
pous les Départemens &pourParish
CALENDRIER
RÉPUBLICAIN.
GERMINAL.
La Luno du mois a 29 jours. Du premier an 30 , les jours
erolfent mat. & foir de 51 min.
Ere Républicaine.
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MERCURE
FRANÇAIS ,
HISTORIQUE , POLITIQUE
ET LITTERAIRE ;
PAR UNE SOCIÉTÉ DE PATRIOTES.
Du Quintidis Germinal , l'an troisieme
de la République.
( Mercredi 25 Mars 1795 , vieux style. )
TOME X V.
BLATA
MONAGENSIS
A
PARIS ,
Au Bureau du Mercure , rue des Poitevins ,
No, &
4 TABLE des matieres littéraires , depuis le 24 janvier
jusqu'au 20 mars 1795 , vieux style.
STANCES sur J. J. Rousseau au Panthéon ....
Nouvelle Grammaire raisonnée , par une société de gens
de lettres , le citoyen P..... éditeur .
Instruction publiqué . Ecoles normales ,
..
Nécrologie. Annonces de livres nouveaux .
Analyse des travaux de l'Ecole normale ...
Le hameau de l'Agnielas..
page
5 .
9.
16.
20 et suiv.
41.
48.
Recherches sur la nature et les causes des richesses des
nations , traduit de l'anglais , etc ...
Suite des travaux de l'Ecole normale .
74 .
77 .
Ode sur la prise de la Hollande ………. 105 .
De l'état actuel du Panthéon Français . ... 107 .
Premiere Lettre du Polémophile sur les caracteres de
l'opinion.... 118.
Suire de l'état actuel du Panthèow.
146.
Suite des travaux de l'Ecole normale . 253.
Notice sur la vie de Sieyes ..
177 .
Imitation d'une ode d'Horace , par Bambreville ..... 209 .
Suite des travaux de l'Ecole normale,.
219.
Deuxieme Lettre du Polemophile . 219.
Prejet d'une manufacture de végétaux artificiels .
Observations sur la nouvelle Ho lande ..
241 .
244 .
Conseils pratiques sur les libelles .
250.
Fables d'Ant. Vitalis ...
281.
Le Spectateur Français , etc. , par le citoyen Delacroix ...
286 .
Vers à Jacques
**
et à Caroline **
313 .
Géographie de France divisée en 88 départemens .
314.
Revue de quelques écrits sur la révolution .
316 .
Le Voyageur et la Lailiere , anecdote ... 353.
Suite de la revue des écrits sur la révolution ..
Spectacle.....
355.
362 .
Le petit-cousin de Berquin ...
385.
Suite de la revue des écrits sur la révolution. 388.
Bayerische
Staatsbibliothek
München
( No. 37. ) ..
MERCURE FRANÇAIS.
QUINTIDI 5 GERMINAL , l'an troisieme de la République.
( Mercredi 25 Mars 1795 , vieux style . " )
POÉSIE.
La naissance de mon fils Adolphe . ( Stances (1) ).
AIMABLE
enfant ,
précieux gage
De l'hymen le plus fortuné ;
Au bonheur , dès ton premier âge ,
La nature t'a destiné .
A peine un faible jour éclaire
Ton regard encore incertain ,
Chacun t'aime , et ta jeune mere
Ne t'exile pas de son sein .
Jadis , au pied d'un pin sauvage ,
Je me disais , en soupirant :
Si je pouvais sous ce feuillage
Caresser un aimable enfant !
Tu nais , et mon ame ravie
Sent toute sa félicité ;
...
Le plus doux rêve de ma vie
Devient une réalité .
Bientôt d'une claire verdure
Les bosquets seront couronnés ;
Je verrai toute la nature
Sourire à tes yeux étonnés.
( 1 ) Les paroles ont été mises en musique par Mehul , et se
trouvent chez Cousineau , rue de Thionville , n . 1840 .
A
( 4)
^
De l'hirondelle familiere
Le ramage , plein de douceur ,
Appellera sur ta paupiere
Un sommeil pur comme ton coeur.
Jaloux de voir le jour éclore
Le berger fixe l'horison ,
Tel je veux épier l'aurore
Qui précédera ta raison.
Aux jeux naifs de ton enfance
Je me mêlerai quelquefois
J'éclairerai ton ignorance
Au milieu des prés et des bois ,
Ah ! puisses-ta , tendre et sincere
Aimer toujours ta mere et moi !
C'est un devoir d'aimer un pere ;
Que ce soit un plaisir pour toi
J'atteindrai le bonheur suprême
Si tu me chéris à ton tour •
Autant que j'ai chéri moi- même
Gelui qui me donna le jour.
Par L. F. JAUFFRET.
CHARADE.
LECTEUR , to portes mon premier ,
Et Grettry dicte à mon entier
Comment il faut ménager mon dernier .
3
( 3 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
TRIOMPHE DE LA SAINE PHILOSOPHIE , OU LA VRAIB POLI
TIQUE DES FEMMES ; par la C. B*** . Brochure in- 8°.
de 117 pages ., A Paris , chez Debrai , libraire , maison
de l'Egalité.
Le défaut d'un titre trop imposant et trop vague est
de rendre le lecteur plus difficile sur le mérite de l'ouvrage.
Qui croirait , en lisant celui - ci , qu'il n'est ques
tion au fond que de quelques préceptes sur la conduite
que les femmes doivent tenir dans le mariage , présentés
sous la forme d'une espece de roman ?
C'est une correspondance entre deux amies qui , ayant
épousé deux freres d'un caractere tout à - fait opposé
se confient leurs mutuels sentimens . L'une d'elles
Cornelie , après quelques beaux jours d'une union chérie
, éprouve de la froideur de son époux . Eléonore la
console en lui traçant la conduite qu'elle doit tenir
pour s'assurer de sa constance. Une conduite sage ,
lui écrit-elle , peut seule nous mériter l'estime de notre
mari ; c'est un grand point pour conserver sa tendresse ;
mais ce n'est pas tout. Il faut encore mettre nos vertus
nos talens au ton de son caractere . La réflexion nous en
démontre la nécessité , mais ne nous l'apprend pas ; il n'y
a que le sentiment qui peut saisir toutes les nuances ;
lui seul sait parler toutes les langues du coeur et de
l'esprit....
" Ton mari a beaucoup d'orgueil ; entreprendre de
le réformer est au-dessus de tes forces ... Sers la vanité
d'Hyppolite en exerçant envers lui toutes les vertus ...
il se fera gloire alors d'être ton sincere adorateur. ››
Elle lui fait part des soins qu'elle prend à cultiver
son esprit pour offrir à son époux , dans une conver→
sation aussi variée qu'instructive , de nouveaux motifs
pour s'aimer. Elle l'invite à en faire usage. Un homme,
lui dit- elle , qui trouvera toujours dans la conversation
de sa femme un nouveau charme , se plaira à converser
avec elle . Il n'ira pas chercher dans une société étrangere
ce qu'il sera sûr de trouver chez lui ... Oui , ma
Cornelie , avec cette conduite tu os sûre de captiver
A 3
( 6 )
plus que personne l'esprit de ton mari. Il te reste à en
chaîner son coeur. C'est l'ouvrage des vertus .
" Une douceur qui ne se dément jamais est ton partage
; combien elle a de force ! ... L'indulgence pour
autrui est l'apanage de la raison. Nous devons toujours
envisager les choses du bon côté , ne croire au, mal
que quand il est évident. Ne donne pas , ma chere , d'autres
leçons de sagesse à Hyppolite , que ta bonne conduite .
Qu'il ne sorte jamais de ta bouche un seul mot qui
ressemble à la prédication. Ne fais pas de la vertu une
précieuse . Garde pour toi même sa sévérité . Ne montre
à ton mari que la sérénité dont elle te fait jouir intėrieurement
, et tu es sûre de la lui faire aimer.
Ne donne d'avis à ton mari , n'importe sur quoi ,
qu'il ne te les demande . S il s'égare , montre- lui si adroitement
la vérité , qu'il puisse croire l'avoir reconnue luimême
. Rien ne peut nous autoriser à prendre un ton
de supériorité. Toutes les qualités du coeur et de l'esprit
, s'effaceraient à ses yeux par une vanité si déplacée .
N'oublie pas que la modestie est le relief de notre mérite.
La soumission , le respect , sont les devoirs que la
nature et les lois sociales nous imposent envers notre
mari ....
" Tu dois mettie ta gloire à tenir envers ton mari la
conduite d'une amante , et borner tes voeux à devenir
son amie . Pour cela n'exige rien de lui . On est indigne
d'inspirer de l'amour ou de l'amitié quand on
se considere seule. Il faut toujours beaucoup avancer
de son côté : il est noble et satisfaisant de faire tout
pour ce que l'on aime... Montre à Hyppolite jusqu'au
fond de ton ame ; apprends - lui à y lire comme dans un
livre. Ne lui cache que les sujets de chagrin qu'il peut
te donner. La délicatesse te fait une loi de les lui taire .
Sur le reste , la confiance la plus entiere est de devoir.
Tu mériteras la sienne : c'est le lien le plus fort de l'amour
et de l'amitié .... ,,
Après avoir donné ces sages avis sur la conduite
qu'une femme sensée doit tenir dans son ménage , pour
y fixer le bonheur , Eléonore passe à la conduite que
son ami doit tenir dans la société.
Une femme , dit- elle , que l'on voit aller dans la
société sans son mari annonce , qu'elle saits amuser sans
lui ; et donne aux galans de profession le droit de chercher
à en profiter. Aie toujours quelque prétexte honnête
pour te dispenser de sortir lorsque ton mari n'aura
( 7 )
pas le tems ou la volonté de t'accompagner. Tu ne t'en
nuieras pas chez toi ; une femme d'ordre a mille petits
ouvrages à faire qui la distraient . D'ailleurs , de bonnes
lectures sont nécessaires pour l'exercice de ton esprit ;
ainsi tu n'auras pas de tems de reste . Tu ne croirais
combien la reputation tient à peu de choses , et combien
elle est importante pour le bonheur. Lorsque tu
seras en société avec ton mari , aie pour lui les mêmes
égards que pour un étranger. Ecoute-le avec attention
quand il parle . Que tes yeux disent à tout le monde
combien tu l'aimes ; et que tes actions prouvent l'estime
que tu as pour lui . par le respect que tu as pour
toi -même. Sans familiarité , montre de laisance ; sois
ainable avec les femmes ; réservée sans affectation avec
les hommes ; ne laisse appercevoir ton esprit qu'en fai
sant valoir celui des autres . Porte sur ton front l'image
de la candeur ; suis les modes avec décence ; consulte
plus le goût de ton mari que le tien propre ; mets autant
d'ordre dans tes habits que dans ta conduite . Si
tu ne técartes pas de ces principes , tu seras toujours
chere à ton mari ... Crois , ma chere , que la constance
se nourrit du mérite de l'objet aimé : l'homme n'est
volage que parce qu'il cherche le bonheur. S'il le
trouve réellement avec sa femme , il cessera de l'être . ,
En suivant ces sages conseils , Cornelie est heureuse .
Il est peu de femmes à qui ces avis puissent paraître
nouveaux , mais par cela même qu'ils doivent être connus
, et que néanmoins rien n'est plus rare que leur
pratique constante , on doit applaudir à l'auteur de les
retracer. Ce qui est indispensable au bonheur domestique
ne saurait être présenté trop souvent , et sous des
formes trop variées . En considération des intentions
vertueuses qui ont inspiré l'auteur , on oubliera le peu
de chaleur et d'élégance qui regne dans son style. La
simplicité , qui certainement est le premier mérite d'un
ouvrage de morale , n'est pas celui d'un ouvrage d'imagination
. Chaque genre de composition a le sien propre.
Nous terminerons par observer à la C. B*** . qu'en choisissant
le genre de roman , elle s'engageait à mettre plus
de variétés dans les situations et les événemens , plus
de chaleur dans les sentimens . On doit cependant des
éloges et des encouragemens à la citoyenne qui s'est
occupée de rappeller les dévoirs de son sexe . C'est sang
doute sous ce rapport , que le comité d'instruction publique
a souscrit pour cent exemplaires de cet ouvrage .
A 4
( 8 )
"
VARIÉTÉ S.
LETTRE au Rédacteur sur l'Accusateur public.
Dans la revue que vous avez faite de quelques écrits
relatifs aux dernieres époques de la révolution , vous
avez parlé de l'Accusateur public , dans des termes que
ma franche véracité ne pourrait vous pardonner , si je
n'entrevoyais de votre part quelque arriere intention de
persifflage. Quand vous comparez l'auteur de quelques
feuilles à Juvenal , à Tacite , à Lucien , etc. , je suis tenté
de croire qu'il entre un peu de malignité dans ces rapprochemens.
Mais quand vous dites que sa pensée est
toujours en présence de l'INTÉRÊT PUBLIC et des principes.
la malignité s'est montrée toute entiere à mes yeux.
Comme je crains pourtant qu'elle ne soit pas assez transparente
pour tous les autres , et que dans des tems de
révolution , il n'y ait encore bien des gens qui prennent
les choses au sérieux , je viens vous disculper auprès
de ces gens-là , et leur épargner la fatigue du doute ,
bien persuadé que si vous insérez ma lettre dans votre
journal , c'est une preuve que je vous aurai deviné .
"
Avez-vous lu l'Accusateur public ? me disait, il y a quel
que tems , un de mes amis ; ah , lisez l'Accusateur public !
quelle touche ! quelle énergie ! quelle satyre sanglante
des moeurs révolutionnaires ! Je sais , lui répondis- je ,
que cette feuille fait beaucoup de bruit ; et si l'auteur
n'a voulu que se faire lire , il me paraît avoir rempli
son objet. Mais quel rôle sublime que celui d'un
homme irréprochable et vertueux , qui , au milieu des
perils de son pays , ose monter à la tribune de l'opinion ,
pour y faire entendre une voix tonnante contre les scélérats
et les fripons de toute espece , et se déclarer l'auguste
champion de la justice et de la vérité ! S'il remplit
sa tâche dans sa difficile et périlleuse étendue , nul n'aura
mieux mérité de sa patrie . Egalement odieux à tous les
partis , à tous les coquins , à tous les ennemis de la République
, il sera cher aux gens de bien et aura pour
admirateurs tous ceux qui pleurent en larmes de sang
sur les maux de leur pays , et se serrent en phalanges
pour faire triompher la liberté .
J'appris bientôt que l'Accusateur public faisait les dé(
19 )
lices de ceux - là mêmes que j'aurais da compter au
nombre de ses plus implacables ennemis , qu'aristocrates
, royalistes , jacobins , montagnards se disputaient
ses feuilles ; que tous lui pardonnaient la mordicacité
de sa plume , en faveur des traits acérés dont il aiguisait
leurs espérances ; et qu'elles n'étaient pas lues moins
avidemment au café Payen qu'à celui de Chartres . Cette
découverte excita tout à la fois ma surprise et ma défiance.
Je me dis : Il faut donc que tous les partis
trouvent dans ces feuilles de fortes raisons pour les
aimer. Ou elles nourrissent l'esprit de malignité qui malheureusement
plaît encore à trop de gens ; ou elles
cachent des intentions que chaque espece de malveil
lans interprêtent en leur faveur. Si les aristocrates , les
royalistes et tous les ennemis de la constitution répu .
blicaine , avaient formé entre eux un pacte d'alliance
pour attaquer sourdement la liberté , et donner à la
révolution une direction perfide , auraient- ils l'imbécille
mal- adresse de prendre aujourd'hui , le costume des
Royou , des Suleau , des Gauthier, etc. ? Non : ils armeraient
en course sous le pavillon ennemi ; ils viendraient se
mêler parmi les vrais soldats de la liberté , et crieraient
avec eux , et bien plus haut qu'eux , au terrorisme , au
brigandage , aux hommes de sang ; ils frapperaient sur
les excès de la révolution , afin de fournir à ses ennemis
le plaisir de les confondre avec la révolution ellemême
; ils feraient un tableau effrayant des malheurs
de la patrie , et se garderaient bien d'offrir aucun remede.
Tout de feu pour blâmer le mal , ils seraient tout
de glace pour louer le bien , et s'ils brûlaient quelques
grains d'encens pur , devant la majorité de la Convention
nationale , ils mêleraient à leurs parfums quelques
vapeurs infectes et malignes . Sous prétexte de démasquer
les intrigans et de renverser le piedestal des fausses
idoles , ils s'attacheraient à perdre lentement dans l'opinion
publique ceux qui peuvent être utiles à leur pays ;
et après avoir fait des patriotes leurs dupes , ils finiraient
par en faire leurs victimes .
J'ai lu les cinq numéros de l'Accusateur public , et je
l'avouerai , mes craintes ne se sont point dissipées : j'ai
vu successivement se réaliser sur la toile quelques-uns
des traits qui s'étaient présentés à mon imagination . Je
dois le dire , ces feuilles sont écrites avec tout le talent
qui peut les faire lire , mais aussi avec toute la m →
lignité qui peut les rendre dangereuses . On ne saurait
peindre avec plus d'énergie les horreurs des tems me(
10 )
dernes. Les couleurs en sont fortes , mais ne sont- elles
pas exagérées à dessein ? L'effet de ses tableaux est terrible.
C'est l'enfer du Dante ; mais il semble avoir écrit .
comme lui , ici il n'y a plus d'espérance. S'il peint les tempêtes
de la Convention , on dirait qu'il apperçoit déja
les débris du naufrage . S'il parle quelquefois avec gran
deur de la majorité de ses membres , il imprime sur
plusieurs de ses décrets un persiflage amer et une ironie
sanglante . En voulez- vous une preuve , lisez , nº . 2 , ce
qu'il dit sur le décret d'encouragement aux gens de
lettres ; et no. 3 , sur celui qui augmente le traitement
des députés. Voyez dans le n° . 1er , le tableau qu'il fait
des bureaux de la Convention ; ce sont les cachots du
Châtelet ou le bagne de Brest.
14
Et le dialogue entre un Philadelphien et un député
sur les finances , la guerre et notre situation intérieure
où les objections de l'un sont si fortes , si pressantes ,
et les réponses de l'autre si faibles et si dérisoires , et
qui a pour but , en derniere analyse , de prouver que
nos finances sont désespérées , la guerre impossible à
soutenir , l'hypotheque et le crédit des assignats trèsdouteux
, notre position au- dedans plus qu'alarmante ,
et nos succès au dehors fort près des revers ; tout ce
qui est écrit sur ce sujet dans les numeros 3 4 et 5 ,
est- ce le véritable intérêt public qui les a dictés ? Sans
doute il est de grandes , d'utiles vérités à dévoiler ; mais
j'en appelle à tous ceux qui portent au fond de l'ame
le sentiment du bien public , est- ce ainsi qu'ils les auraient
présentées ? Est-on si largement prodigue de cen
sures , et si sobre , si indifférent sur les moyens de réparer
le mal.
9
Et la diatribe si virulente contre la philosophie et les
philosophes , est - elle d'un homme qui a calculé l'influence
des lumieres sur la révolution ? Sont- ce les hommes à
principe et à morale qui ont inondé leur patrie de sang
et de brigandage ? Tout le mal s'est fait par les ignorans ,
les fripons et les scélérats ; tout le bien n'est venu et
ne peut venir que de la raison et de la justice .
Qu'est- ce que ces tables blanches et ces tables noires ,
cet album et će nigrum , où sur les premieres on ne voit
que des pages qui attendent et qui attendront probablement
long-tems que l'auteur daigne y inscrire un
nom , qui puisse , en honorant le mérite et la vertu , inspirer
quelqu'encouragement à l'homme de bien , et ne
pas le faire désespérer de l'espece humaine ; et où sur
les autres on trouve , après des noms justement exécrés ,
2
( 1)
d'autres qui n'avaient pas mérité cette honteuse association.
Nagueres , c'était Target , le plus séparé peutêtre
de toute espece d'intrigues et de partis ; hier , Garat,
aujourd'hui Sieyes , Merlin de Thionville et Ræderer ; demain,
d'autres personnages auront leur tour. Ainsi , un faiseur
de pamphlets peut à son gré attacher successivement au
carcan , pour me servir de ses nobles expressions , tous
ceux que sa plume cynique voudra désigner. Est- ce
envie d'accréditer ses feuilles par l'audace de la satyre ?
C'est la méprisable célébrité du méchant. Est- ce projet
de ravir à des hommes qui peuvent servir la chose
publique , cette estime d'opinion sans laquelle il est
difficile de faire le bien ? C'est la manoeuvre coupable
d'un mauvais citoyen . Heureusement que ses tablettes
noires ne sont pas aussi dangereuses que les tables de
proscription de nos derniers tyrans ; mais si elles rẻ-
jouissent les ennemis de la révolution , et attristent les
gens de bien , c'est déja un grand mal , dans des tems
où les sinceres amis de la liberté n'ont pas trop de leur
sagesse et de leur énergie , pour lutter contre tant de
phalanges d'hommes , passionnés ou pervers.
Il faut avoir dans ses principes connus et dans sa vie
entiere une bien grande caution de soi-même , pour se
revêtir de la robe censoriale de Caton . J'ignore si ce
vertueux costume convient à l'Accusateur public . Si j'en
crois les uns , c'est une poupée royale ; selon d'autres ,
il a orné de quelques paragraphes le journal de Gauthier
et même les Actes des Apôtres. Moi qui suis étranger à
ces petites anecdotes secrettes ou publiques , je ne juge
l'homme que par l'ouvrage , et je déclare que le sien
n'est ni de Caton ni de Brutus. J'en appelle au jury de
tous les francs républicains .
Paris , ce 29 ventôse.
UN DE VOS ABONNÉS .
ANNONCE.
Esquisse, d'un tablean historique des progrès de l'esprit humain ;
ouvrage posthume de CONDORCET . A Paris , chez AGASSE , rae
des Poitevins , nº . 18 : 1 vol . broché in - 80 . de 385 pages . Prix ,
8 liv . Nous reviendrons sur cet ouvrage intéressant sous
tant de rapporis , et que l'on peut regarder comme un des
plus beaux monumens qui aient été élevés jusqu'à présent à
l'esprit humain . On trouve à la même adresse : Réflexions
sur le commerce des blés , par le même ; I vol , in- 8° . Prix , 4 liv .
Cet ouvrage analytique renferme sur cette matiere les principes
dont on n'aurait jamais dû s'écartér.
-
( 12 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 5 mars 1795.
Les papiers de Vienne parlent d'une rupture éclatante entre
la Russie et la Porte comme très - prochaine ; ils se permettent
même d'en déterminer le motif , en disant que c'est au sujet .
de la Pologne qu'elle aura lieu , et ils ajoutent : Il est deja
décidé que nous fournirons en argent , aux Russes , le contingent
stipulé de 30,000 hommes comme ils ont fait à notre
égard depuis le commencement de la guerre actuelle .
Les réflexions qui se présentent naturellement , d'après
cette nouvelle si elle est vraie , c'est qu'il est plus que pros
bable que les Russes n'enverront point une armée sur le
Rhin , comme le bruit en avait couru ; l'impératrice aura
besoin de toutes ses forces contre la Porte Ottomane , sur- tout
si la Suede et le Danemarck prennent le parti de eette derniere
puissance , comme on le presume . Mais on ne peut
s'empêcher de dire aussi que la Turquie s'avise bien tard
porter du secours à la Pologne. de
Ce que ces mêmes papiers de Vienne ne disent pas encore ,
mais ce qu'on apprend par des lettres particulieres , c'est
que l'arriere - ban de la noblesse hongroise , consistant en
50,000 hommes , y compris leurs écuyers , qui étaient prêts à
marcher vers le Rhin , vient de recevoir contre-ordre ; cisconstance
qui annouce de la part du gouvernement autrichien
la crainte d'être attaqué de son côté , en cas que la Porte
se déclare contre la Russie , et l'intention de conserver ses
forces pour couvrir cette partie de ses frontieres contre les
incursions des Tartares .
Au reste , le traité de partage de la Pologne , premiere
cause de cette guerre , si elle a lieu , n'est pas encore réglé , à
ce qu'on mande de Berlin et de Copenhague. Ou écrit
de cette derniere ville qu'on y parle beaucoup de l'armement
des forces maritimes pour le printems prochain . Les Français
sont toujours vus de très - bon oeil du cabinet de Copenhague
et de celui de Stockholm . Ils ont rendu des services
essentiels à ce dernier dans l'incendie de Berghen en
Norwege , et malgré tous les soins et les efforts des équipages
13.)
"
Français qui se trouvaient dans ce port pour en arrêter les ,
progrès , on évalue encore à 200,000 écus le dommage qui sans
eux aurait été bien plus considérable. Ces braves gens ont
refusé une somme considérable qu'on leur offrait ; ils ons
trouvé leur récompense dans les embrassemens des habitans
qui ont conru les leur prodiguer quand l'incendie à été
éteint.
A Gothembourg en Suede , où le commerce fait circuler
beaucoup d'assignats , on en a trouvé de faux : un juif , soup--
çonné de les avoir fabriqués , est incarcéré lui et son complice.
Un camp a dû être établi à Schonen , ce qui donne lieu à
diverses conjectures : si l'on ne connaît pas le véritable motif
de cette mesure , quelques personnes du moins lui ont trouvé
un prétexte assez plausible . Elles disent qu'il n'est question
que de faire manoeuvrer les troupes , et de montrer l'armée
au jeune roi. Le régent son oncle est chargé de l'inspection
immédiate de l'académie militaire , et s'en acquitte comme de
tout ce qu'il fait , c'est- à -dire très - bien .
On mande des frontieres de Pologne que le sort des chefs
de l'insurrection reste encore indécis . Kosciuszko à Schlus
selbourg occupe quelques chambres de la maison du commandant
; on lui laisse son chirurgien et des domestiques ; i
jouit même de la permission de se promener dans l'intérieur
de cette forteresse , où il doit finir ses jours . Catherine II
lui accorde trois ducats pour sa dépense journaliere . Les
motifs d'un traitement si doux sont , à ce qu'on assure , que
le généralissime ne faisait qu'exécuter les plans d'Ignace Po- .
tocki et du chancelier Kollontay.
On ne sait rien de bien positif sur la dispostion actuelle
des esprits dans les provinces conquises par les puissances
co-partageantes ; et si , en cas que les Turcs fissent enfia un
mouvement en faveur des Polonais , ils seraient secondés par
une nouvelle insurrection.
De Francfort-sur-le- Mein , le 14 mars.
La douce espérance d'une paix si nécessaire à l'Europe s'est
évanouie de nouveau . On dit par- tout que les alliés sont décidés
à employer toutes leurs forces , et l'on cite pour exemple
700 valets destinés seulement au service des trains de l'artillerie
qui partent pour l'armée du général de Mollendorf, et
dans la marche de Brandebourg , l'ordre donné à tous les régimens
de se tenir prêts à partir au premier signal.
Ces nouvelles sont du 24 février ; d'autres du 18 , en date
de Vienne , disent que l'empereur a écrit de sa propre main an
général Clairfayt pour l'inviter à garder le commandement
qu'il ne remplissait plus que par interim depuis deux mois
( 4 )
qu'il l'avait résigné ; ces mêmes lettres ajoutent que l'empe
reur se propose de se rendre à l'armée pour assister à l'ouverture
de la campagne , si les négociations ne font pas prendre
une autre tournure aux affaires . Dix jours plus tard , on écrit
que la commission est occupée à faire vérifier dans ce moment
les listes de conscriptions , et å presser le rassemblement des
troupes destinées à renforcer les armées du Rhin qui vont
entamer des opérations militaires Cependant , malgré tous
ces préparatifs , on sait que la paix est singulierement desirée
de tout le corps germanique , et même des grandes puissances
de la coalition qui sont dans un véritable état d'épaisement
. L'empereur à d'ailleurs , pour sa part , des motifs particuliers
de la desirer. Les conspirations qui ont pense éclater
en Hongrie et jusques dans Vienne , les ponts de communication
sur les deux bras les plus considérables du Danube
emportés par la debacle des glaces , la dificulté des approvisionuemens
, la cessation d'une partie du commerce de ses
états , tout semble lui faire une loi de la rechercher ; ajoutez
à celá la retraite de la Toscane de la coalition , dont l'Espagne
ne tardera vraisemblablement pas non plus à se détacher , si
elle consulte ses véritables intérêts , et l'on concluera que la
paix n'est pas encore impossible.
Quinte mille Liégeois vont , dit- on , se réunir aux tronpes
de la République Française , et les aider à conserver la Hollande
ou à se maintenir dans le pays de Cleves. Les Français
y out imposé une contribution de cinq millions sur les provinces
prussiennes ; ils y ont mis aussi en requisition des
vêtemeus , des vivres et effets de tout genre. La plupart des
belles fabriques sont tombées , et une grande mortalité regne
parmi les habitans .
Les choses sont toujours dans le même état à Mayence ;
les Français , dans les premiers jours de mars , ont même
reculé leurs avant - postes , et les Autrichiens se sont établis
dans les îles du Rhin au-dessous de cette place. Il y a cependant
des escármouches journalieres . Mais les Français ont eu
un avantage à Luxembourg , dans la nuit du 8 au 9 ; on n'en
connaît point encore les détails , on sait seulement que l'armée est .
pleine d'ardeur et demande à presser l'attaque de cette forteresse
, dont la garnison a tenté une sortie infructueuse , secondée
par des troupes du dehors avec aussi peu de succès .
Il parait qu'on attend en Westphalie les troupes prussienues
du 19 au 15 mars .
Suivant des lettres de Lingen , du 9 , la surveille il y avait
eu une affaire d'avant- postes entre les Français et les Anglais ,
entre Almelo et Wrieden . Les Anglais y ont essuyé quelque
perte qui les font tenir sur leurs gardes.
( 15. )
ITATI k.
De Rome , le 18 février. L'extrême cherté des vivres a dėja
occasionné des mouvemens populaires dans plusieurs villes
d'halie , sur- tout à Vicence , où pius de vingt personnes ont
peri . Depuis quelques jours ils ont éclate ici d'une maniere
tres -alarmante. Voici quel en a été le prétexte on sait que
les plaisirs du carnaval , les bals , les mascarades sont en
Italie une espece de besoin pour une classe très nombreuse
du peuple. Cependant le pape , depuis trois ans , a cru devoir
interdire les bals et les mascarades , eu motivant cette défense
sur les maux que Thumanité eet la religion éprouvaient.
La noblesse n'a pas laissé que de se livrer à ces plaisirs ,
tandis que les autres habitans ont été astreints à se conformer
rigoureusement à l'ordonnance papale. Caue conduite en a
irrité un grand nombre.
Dès le jeudi gras , les trans-tiberains , et ceux qui occupent
le quartier de la Porte du Peuple , commencerent à se masquer
et à parcourir les rues de Rome . De nombreuses patrouilles
furent bientôt sur pied , et cet évenement n'eut aucune
suite. Mais le lundi suivant ils se montrerent en plus ,
grand nombre , masqués et dansant dans les rues au son des
instrumens . La garde voulut les disperser ; ils firent résistance :
on en arrêta quelques -uns . Ce fut le signal d'une insurrection
qui continua la nuit suivante et toute la journée d'hier
mardi gras. Plus de mille hommes armés de pierres , de bâ onsi
et de couteaux , se jetterent sur les patrouilles et les corpsde-
garde qu'ils mirent en fuite à coups de pierres : deux soidats
furent tués. La troupe voulait faire feu ; mais pour ue
pas accroître le tumulte , le gouvernement ordonna qu'elle se
tiat tranquille elle se retira. La foule se porta le soir à
différens palais , avec des flambeaux et des fascines pour les
escalader. Elle alla d'abord au palais Borghese , où il y
un bal et un souper nombreux , et fit mine de vouloir enfoncer
les portes . On lui distribua quantité d'argent par la
fenêtre ; elle se retira alors et se rendit au palais du duc
Braschi , neveu du pape . Elle entra à force ouverte , pénesia
⚫ dans les salles et même dans l'appartement de la duche se
qui était malade , et qui , dans ce moment d'effroi , fut atta
quée de convulsions dans lesquelles elle faillit expirer . A
force de prières et d'argent ; on parvint à l'éconduire . Elle se
porta de-là au palais du prince Piombino et du prince Chigi ;
mais ayant tenté en vain d'y pénétrer , elle se rendit dans
plusieurs auberges , où elle mit à contribution les étrangers ,
se gorgea de vivres et de vin sans payer , et finit par piller
plusieurs maisons . Le gouvernement parait intimidé , et n'oppose
que beaucoup de modération . Il soupçonne que parmi
( 16 )
ceux qui se livrent à ces excès , il y a des hommes qui
tentent d'opérer une révolution . L'épouvante est ici générale ,
et un grand nombre d'habitans se disposent à quitter la ville ,
si les troubles continuent.
ANGLETERRE. De Londres , le 3 mars 1795 .
Les nouvelles arrivées hier d'Irlande sont de la plus haute
importance. Voici l'extrait des lettres de Dublin .
Le mercredi soir , 25 février , le comte Fitz -William reçut
une dépêche écrite de la propre main de M. Pitt , qui lui
défendait , au nom de sa majesté , de donner aucune suite
au bill en faveur des catholiques , ni à celui qui ordonnait le
rapport du conventionzact . Il lui était de plus enjoint de rétabir
dans leurs fonctions respectives les personnes qui en
avaient été chassées ; et dans le cas où le lord Fitz -William
refuserait d'obéir à ces ordres absolus , les mêmes dépêches
, assure t-on , lui ordonnent de remettre sur-le - champ les
rênes du gouvernement à une commission de lords -juges qui
serait chargée de l'administration jusqu'à l'arrivée de son
successeur. Les lords-juges seraient le lord chancelier , le
chef de justice du banc du roi , l'orateur de la chambre des
communes et le primat d'Irlande tel était le bruit général
dans les cercles de Dublin les plus instruits des mouvemens
politiques. Les amis du comte Fitz-William disent avoir reçu
de M. Pitt des lettres confidentielles , où il les assure que
les motions faites au parlement pour l'introduction de ces
bills , que le renvoi de MM. Resford , Wolfe et Toler , sont
entierement contraires aux conventions faites entre le comte
Fitz -William et lui ; et que sa majesté prévoyant le parti que
prendrait le noble lord de donner sa démission , il avait jugé à
propos de charger une commission de ses fonctions . L'on présume
que le lord Cambden remplacera le comte Fitz - William.
·
Il est impossible d'exprimer l'effet prodigieux que produisit
sur la nation irlandaise une pareille nouvelle . L'étincelle
électrique n'est pas plus rapide. La chambre des
communes s'assembla le 26. L'on proposa sur le champ
une adresse au comte Fitz - William , à l'effet de déclarer
qu'il avait la confiance de la nation et de le prier de
continuer ses fonctions de lord lieutenant. Cette motion fit
naître une discussion extrêmement intéressante . M. Pousonby
déclara que le tems n'était pas venu encore de donner l'explication
des bruits qui circulaient dans le public , mais qu'il
croyait fermement que le tems n'était pas loin où tout serait
expliqué , et , il l'espérait , à la satisfaction de tous les partis .
Il pria cependant qu'on voulût bien retirer la motion , ce qui
fut fait sur- le - champ .
Le lord lieutenant , sans perdre un moment , exprima toute
l'indignation
( 37 )
l'indignation qu'il avait ressentie à la réception de ces dépêches
, fit partir sur- le-champ , pour Londres , un courier qui
annonçait sa démission , et fixait le jour de son depart ; il a
déclare qu'il serait à Londres d'ici à huit jours , à moins que
l'on n'en revit au parti qu'il assure avoir eté convenu entre
le ministere et lui , avant son depart d'Angleterre , et qui a
été l'unique bâse de sa conduite depuis son arrivée ici .
Il ne faut pas regarder cet événement comme une de ces
révolutions ordinaires qui n'entraînent d'autres conséquences
que la victoire d'un parti sur l'autre . S'il faut en crone les
politiques les plus sages et les plus éclairés , le sort de
l'Irlande en dépend . En effet , quoique la derniere coalition
des chefs des Whigs avec le ministre fût aussi absurde en ,
politique , qu'immorale en principes , cependant le caractere
d'honneur et de probité du lord Fitz William était si
bien établi , que l'on ne doutait pas qu'il n'eût fait de la
berté des catholiques irlandais , l'une des principales conditions
de son traite avec M. Pitt ; et cependant de quel
mépris celui - ci vient d'accabler ce corps si puissant et si naltraite
jusqu'ici ! Ainsi , de toutes les flatteuses esperances.
dont ils s'étaieut nourris , il ne leur reste plus qu'un affreux
désespoir. Ceux qui connaissent l'etat de l'irlande peuvent
se former une idée de la confusion qui regne dans ce malheureux
pays .
Débats du Parlement. Chambre des Communes.
Suite de la seance du 5 février.
Emprunt Impérial.
M. Pitt. Je réclame toute l'attention de la chambre sur le
gracieux message de sa majeste. Ce message est principalement
relatif à une alliance infiniment importante dans la
guerre actuelle ..
Je m'étais d'abord proposé de faire précéder cette discussion
par l'exposé des dépenses courantes pour cette année.
Mais les debais qui viennent d'avoir lieu m'ont fait renoncer
à ce dessein , et je demande que la chambre délibere uniquement
sur ce grand objet , en écartaut toutes les autres
questions auxquelles il tiendrait par des rapports plus ou
moins éloigues . Comme sa majesté a déclaré , par son message
, que les négociations étaient entamées , je u'entrerai
dans aucun détail , pour le moment actuel ; je me contenterai
de traiter la question sous un point de vue très- genéral.
La majorité de la chambre a senti que , dans les circons
tances présentes , il était impossible d'etablir la paix sur des
bâses solides et permanentes , et que le vrai moyen de l'obtenir
durable était d'opposer à l'ennemi les mesures les plus vigous ,
Tome XV. B
( 18 )
reuses . C'est par- là seulement que nous assurerons la tranquillité
de l'Europe et la paix de ce pays . Nous avons un
ennemi puissant dans tous les tems par ses grandes ressources
en hommes et en argent ; mais qui , par les requisitions et
autres mesures de cette espece , s'est rendu bien plus redoutable
encore . Il est donc du devoir de la chambre de tirer
tout le parti possible de nos alliances dans le continent ,
pour empêcher cet ennemi d'employer ses grandes ressources
à devenir le maître des mers , lorsque la Grande Bretagne
a mis son ambition et son argent à donner cet élément . Les
grands efforts que la France a faits pour élever sa marine ,
appellent de notre côté les mesures les plus vigoureuses .
Car il ne faut point oublier que cette guerre n'est point
une guerre de notre choix , et que nous y avions été poussés
par l'aggression des Français . Nous devons discuter ici par
quels moyens nous attaquerons ce puissant et formidable
ennemi ; il faut donc examiner et nos ressources et les mesures
à prendre pour maintenir notre supériorité maritime .
caractere
Quant au premier point , nos richesses et notre crédit ont
porté nos finances à un état si respectable , que nous sommes.
à cet égard au- dessus de toutes les autres nations . Mais pour
conserver notre supériorité sur les mers , il faut occuper l'enuemi
par une grande puissance continentale , afin de détourner son
attention de la marine . Et dans les circonstances actuelles , à
qui devons-nous principalement nous attacher , si ce n'est à
la maison d'Autriche ? Quelle est la puissance dont l'alliance
nous soit plus utile ? Si nous considérons son
militaire , sa situation locale , et l'intérêt qu'elle a à continuer
la guerre . Si dans l'état actuel des choses nous ne pouvons
espérer la paix , il faut poursuivre la guerre avec vigueur pour
négocier avec avantage ; il faut opposer une barriere aux irruptions
françaises . Songeons au terrible exemple que nous avons
sous les yeux. La Hollande négociait la paix , et pendant ce
tems on s'emparait de ses provinces . En considérant sur ce
point de vue la situation de l'Europe et de l'Angleterre , il
n'est personne d'entre vous qui ne vit avec douleur l'empereur
se retirer de la coalition .
S'il était besoin d'autres motifs pour continuer la guerre , je
pórterais votre attention sur les événemens qui se sont passés
depuis le commencement de cette session . Voyez les discours
de Tallien à la Convention , vous y rencontrez sans cesse les
preuves de la misere de l'intérieur ; que l'on examine sans passion
l'état de leurs finances , qu'on lise attentivement les
comptes rendus par les meneurs les plus considérés de la Convention
, et l'on se convaincra qu'ils sont reduits à un état
désespéré par l'énorme quantité d'assignats en circulation , dont
ils ne peuvent diminuer la masse : voilà ce qui épouvante les
plus hardis parmi eux .
La suite au numéro prochain. J
( 19 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DI THIBAUDEAU.
Séance de septidi , 27 Ventôse.
Un membre , au nom du comité des secours , fait un rapport
sur la répartition dans les départemens des secours aux
indigens . Lecointre ( de Versailles ) dit que le peuple a été
trop long- tems esclave , et qu'il faut qu'il recouvre sa liberté
et nomme les citoyens qui doivent composer les comités de
bienfaisance. Thuriot et plusieurs autres membres l'appuient.
La Convention décrete , 1 ° . que l'état de répartition de la
somme de dix millions qui , par le décret du 27 pluviôse
dernier , doivent être répartis dans tous les départemens pour
secourir l'indigence , sera imprimé et distribué à chacun de
ses membres ; 20. que les membres du comité de bienfaisance
de Paris seront nommés , suivant les anciens réglemens , par
l'assemblée générale de chaque section ; 3 ° . que le comité
des secours rendra compte de l'exécution des lois sur la sup .
pression de la mendicité .
Lecointre reproduit sa motion relative aux biens des condamnés
injustement . Il dit qu'un représentant du peuple ,
député le matin et journaliste le soir , porte l'exaspération et
le desir des vengeances dans tous les coeurs , en prétendant
que la confiscation des biens des condamnés injustemeut est
une mesure tyrannique , que personne n'achetera ces biens ,
et en insinuant aux fils qu'ils ont le droit d'arracher des
mains des acquereurs les biens de leurs peres condamnés .
Il demande que , pour fixer l'opinion sur cette matiere , les
trois comités examinent si l'on doit ou non restituer les biens
confisqués par suite de jugemens iniques. On demande l'ordre
du jour ; Bourdon ( de l'Oise ) s'y oppose. Il pense, qu'il
faut rendre les biens à ceux qui ne possedent qu'une modique
fortune , et accorder aux autres des indemnites . Les enfans ,
les veuves des coupables eux - mêmes ne sauraient aimer la
révolution , s'ils sont réduits aux larmes. Il propose le renvoi
aux comités ; il est décrété .
Merlin ( de Douai ) , au nom du comité de salut public ,
donne lecture des lettres de créance du comte Carletti , en
qualité d'envoyé extraordinaire du grand - duc de Toscane auprès
de la République Française . Merlin propose et la Convention
décrete que ce ministre sera admis demain dans le
B 2
( 20 )
sein de la Convention nationale , pour être reconnu en cette
qualité.
#
Des citoyens des sections du Finistrere et de l'Observatoire
sont entendus . L'orateur s'exprime en ces termes : Le
pain nous manque et nous sommes à la veille de regretter
tous les sacrifices que nous avons faits pour la révolution . Des
murmures l'interrompent. Il continue : Ne laissez pas flotter
au milieu de nous l'étendard de la famine , déployez tous
les moyens que le peuple a mis dans vos mains , et donnez
nous du pain . Huit cents de nos camarades attendent votre
réponse.
Le président leur répond que la France entiere fait des
sacrifices sans nombre pour l'approvisionnement de Paris ;
qu'il n'y a point de département où le pain ne soit plus
cher et plus rare , et que cependant on ne murmure pas.
Il ajoute que des mouvemens n'auraient d'autre résultat que
d'augmenter la disette ; mais qu'au surplus le courage et
l'énergie de la Convention , seront toujours supérieurs anx
événemens , et que forte de la puissance du peuple elle périra
à son poste plutôt que de rétrograder.
André Dumont demande que la pétition et la réponse du
président soient imprimées et affichées , afin que tous les
citoyens connaissent jusqu'à quel point la perfidie et la scélératesse
poussent leurs manoeuvres . Adopt .
Boissy d'Anglas , au nom du comité de salut public , vienc
rendre compte de l'exécution du décret de la Convention
relatif à la distribution du pain dans Paris . Il existe dans
cette commune six cents trente - six mille habitans , chacun a
reçu sa livre de pain et il en est resté cent soixante deux
mille livres pour ceux à qui le décret accorde une demilivre
de plus , ce qui est beaucoup plus qu'il ne faut , puisque
la moitié des habitans de Paris ne doit pas être considérée
comme vivant du travail de ses mains . Boissy rassure ensuite
l'Assemblée sur les subsistances . Son rapport sera imprimé.
Cambacerès , au nom du même comite , présente la rédaction
du décret relatif à la direction des relations extérieures .
Il est adopté en ces termes :
La Convention nationale , après avoir entendu le rapport de
son comité de salut public , décrete :
« Art. Ier. Le comité de salut publie , chargé par la loi
du 7 fractidor de la direction des relations extérieures ,
négocie , au nom de la République , les traités de paix , de
trêve , d'alliance , de neutralité et de commerce.
" Il en arrête les conditions .
" II. Il prend toutes les mesures nécessaires pour faciliter
et pour accélerer la conclusion de ces traités .
III. Il est autorisé à faire des stipulations préliminaires et
particulieres , telles que des armistices , des neutralisations y
( 21 )
selatives pendant le tems de la négociation et des conventions
secrettes .
" IV. Les engagemens secrets contractés avec des gouvernemens
étrangers ne peuvent avoir pour objet que d'assurer
la défense de la République , ou d'accroître ses moyens de
prospérité .
" V. Dans le cas où les traités renferment des articles
secrets , les dispositions de ces articles ne peuvent ni être
contraires aux articles patens , ni les atténuer.
, VI . Les traités sont signés , soit par les membres du
comité lorsqu'ils ont traité directement avec les envoyés des
puissances étrangeres , soit par les ministres plénipotentiaires
auxquels le comité a délégué à cet effet des pouvoirs .
VII . Les traités ne sont valables qu'après avoir été examinés
, ratifiés et confirmés par la Convention nationale , sur
le rapport du comité de salut publie.
,, VIII. Néanmoins les conditions arrêtées dans les engagemens
secrets , reçoivent leur exécution comme si elles avaient
été ratifiées .
,, IX, Aussitôt que les circonstances permettent de rendre
publiques les opérations politiques qui ont donné lieu à des
conventions secrettes , le comité read compte à la Convention
nationale de l'objet de la négociation et des mesures
qu'il a prises. 19
Cette rédaction est adoptée .
Séance d'octidi , 28 Ventôse.
Marec , an nom du comité de salut public , annonce que
les malveillans ont répandu dans le public le bruit que les
Anglais nous avaient pris un convoi consiserable , tandis
que cette perte se réduit à dix bâtimens ; il ajoute
que
en sommes bien dédommages par la prise de 52 bâtimens entrés
dans nos ports depuis le 27 pluviose , et charges en grande
partie de subsistances . Insertion au bulletin .
nous
Aubry , au nom des comites militaire et de sûreté générale ,
dit que ,
dans ce moment , tous les citoyens ont le même
intérêt au maintien de l'ordre et de la tranquillite publique ,
et qu'ils doivent donc concourir personnellement au service
de la garde nationale . It propose de rapporter l'article de la
loi qui permet aux fonctionnaires publics de se faire remplacer.
Pénieres observe qu'un fonctionnaire à son poste est
comme un soldat dans sa guerite . Tallien adresse la parole
aux Parisiens et leur demande s'ils veulent laisser rétablir le
regne de Robespierre . Il les invite à monter eux - mêmes leur
gaide , et à ne pas se faire remplacer par des hommes qui
en font un métier , parmi lesquels il se trouve peut- être des
malveillàus qui n'attendent que le moment favorable de les
B3
( 22 )
égorger. Le projet est renvoyé à un nouvel examen des
comités .
Les comités civils des sections du Finistere et de l'Obser
vatoire viennent désavouer les pétitions présentées hier au
nom de leurs sections . Ils annoncent qu'aucun citoyen de
leur arrondissement n'a signé cette piece séditieuse et criminelle
.
Pendant que Boissy faisait un rapport sur les subsistances ,
le comte Carletti entrait dans la salle ; le président lui donne
la parole :
66
Citoyens représentans , choisi par le grand-duc de Toscane
pour me rendre auprès de vous , et chercher à rétablir
une neutralité précieuse au gouvernement toscan , que des
circonstances malheureuses l'avaient force de suspendre contre
son voeu et son intérêt , j'ai regardé cette commission publique
, la premiere que j'aie acceptée dans le cours de ma vie ,
comme llaa plus honorable pour un ami de l'humanité , de sa
patrie et de la France . Le jour que j'ai signé un traité de
paix avec la République Française , a été le plus beau de mes
jours , et celui où la nouvelle en est venue en Toscane , celui
d'une joie universelle .
" Organe des sentimens de ma patrie , destinée heureusement
par la nature à ne prendre aucune part aux querelles militaires
et politiques des grandes puissances , il est bien doux
pour mon coeur de pouvoir vous assurer que le gouvernement
et les habitans de la Toscane ont toujours conservé pour vous ,
malgré les évenemens , tous les égards qui sont dûs à votre
puissante nation .
99 Quant à moi , je mettrai tous mes soins à cimenter , de
plus en plus , pendant mon séjour ici , la bonne intelligence
qui doit exister entre les deux états .
" Puisse la paix qui vient de se conclure entre la France
et la Toscane , être l'augure d'autres traités plus importans à
la tranquillité de l'Europe qui en a besoin et puissé-je , après
vous avoir trouvés à mon arrivée couverts de lauriers militaires
, vous voir reposer bientôt à l'ombre salutaire da pacifique
olivier, 19.
Ce discours a été souvent interrompu par les plus vifs
applaudissemens . Le président a répondu :
Le peuple Français a porté chez tous ses ennemis l'étendard
de la victoire . Etre libre , voilà sa volonté ; respecter
les gouvernemens ,voisins , voilà ses principessa , puissance
et son courage , voilà ses garanties . Heureux les peuples dout
les gouvernemens avares du sang humain sentent le besoin
de la paix . La Toscane a été forcée de rompre sa neutralité ,
elle n'a jamais persécuté les Français . La République devait
conclure avec elle un traité conforme aux intérêts communs .
Puisse cette initiative d'une paix générale réaliser cette vérité
( 25 )
éerite dans la nature , et que la barbarie a reléguée dans les
écrits des philosophes ; que les hommes ne sont pas faits
pour se déchirer , mais pour s'aimer et travailler par un échange
de services à se rendre heureux . Le choix que le gouver
nement de Toscane a fait d'un homme connu par ses taler's ,
son amour pour l'humanité et les services qu'il a rendus aux
Français , est un nouveau garant que la bonne intelligence
entre les deux nations ne sera point troublée . "
4
Cette réponse a été aussi fort applaudie . Elle sera imprimée
avec le discours de M. Carletti , et sur la proposition de
Merlin , au nom du comité de salut public , il est reconnu ministre
plénipotentiaire de Toscane auprès de la République
Française. Il monte au bureau , et le président lui donne
l'accolade fraternelle au milieu des eris de vive la République.
Aubry , au nom des comités réunis , fait adopter un projet
de décret relatif au service de la garde nationale à Paris . Il
porte que tous les citoyens sout tenus de faire le service
personnellement. Les fonctionnaires publics qui en sont exempts
sont nommés , des peines contre les défaillans prononcées ,
et les comités présenteront un projet général pour toute la
République .
Séance de nonidi , 19 Ventôse.
Vernier , au nom du comité des finances , fait décréter un
grand nombre d'articles concernant la liquidation des actions
de la compagnie des assurances sur la vie .
Lecointre ( de Versailles ) demande , par motion d'ordre ,
que l'on mette en activité la constitution de 1793 , et qu'on
organise enfin le gouvernement démocratique . Il faut , dit-il ,
que le rameau de la paix soit enté sur l'arbre des lois ; trop
Jong- tems arbitraire a pesé sur nos têtes ; trop long- tems
misere et toutes les passions ont tourmenté les Français ;
il faut un terme aux malheurs publics . Dés ambitieux se sont
tour-à -tour disputés l'empire et le char de l'opinion . A peine
y étaient- ils montés qu'ils en ont été précipités . Le penpie
s'est jetté à travers toutes les factions , il les a toutes écra
sées dans les immortelles journées des 14 juillet , 5 octobre ,
10 août , 31 mai et 9 thermidor . ( Des murmures interrompent
l'orateur . On demande qu'il soit rappelle al'ordre. ) Il est tems ,
dit Bailleul , que l'opinion publique ne soit plus vacillante
sur cette infâme journée du 31 mai. On parle de paix et
d'union , sans doute elles sont nécessaires ; mais pour qu'elles
regnent dans cette enceinte , il ne faut pas que le erime y
trouve des protecteurs et des appuis . Lecointre déclare que
par amour pour la paix , il va rayer de son discours la journée
du 31 mai , et il continue :
La constitution de 1793 ne nous appartient pas . Elle es
la propriété du peuple , la liberté et le bonheur ne s'ajournent
B 4
( 24 )
pas. La constitution démocratique , les droits de l'homme
et du citoyen . Voilà les eris de tous les Français , que l'arche
sainte qui renferme nos plus cheres esperances s'ouvre à nos
regards ..... Hâtons -nous d'aneantir l'affreux gouvernement révolutionnaire
, de décréter des formes protectrices pour l'in
nocence .
Lecointre termine en présentant un projet de décret dont
voici la substance : Le gouvernement révolutionnairc est aboli ,
la constitution décretée en 1793 sera sur- le- champ mise en
activité. La Convention restera à son poste jusqu'à ce qu'elle .
ait déterminé les lois organiques . Le comité de sûreté générale
rendra compte des arrestations qu'il a ordonnées . Il ne pourra
arrêter un citoyen pour ses écrits , opinions et actions ,
moins qu'ils ne soient proscrits par le texte d'une loi précise
. Un citoyen arrêté sera élargi dans les 24 heures , ou
renvoyé devant les tribunaux . Les lois des 17 septembre et
5 ventôse sont rapportées , les jeunes gens de la premiere.
requisition retourneront à leur poste.
Cambacerès presente quelques réflexions sur le danger de
dérouler les maux de la révolution , sans y appliquer le
remede ; il dit que la loi du 17 septembre n'est pas aussi
mauvaise qu'on veut bien le faire croire , et qu'on ne peut
pas rester sans lois de police.
Le discours de Lecointre est renvoyé aux comités .
Séance de décadi , 30 Ventôse.
Gossuin , an nom du comité militaire , fait rendre un décret
concernant les gendarmes de service auprès de la Convention ,
et la gendarmerie à cheval répandue dans les départemens . Leur
sort est amélioré ; mais s'ils quittent leur état sans motif , ou s'ils
vendent leur cheval , ils seront déclarés indignes de servir la
patrie .
Lomont , secrétaire , donne lecture d'une adresse des administrateurs
du Calvados. Ils démentent le bruit qui s'était
répandu que l'arbre de la liberté avait été coupé à Caen. Il
y a eu seulement quelques mouvemens dont les subsistances
ont été le prétexte . Quelques femmes séditieuses ont insulté
la cocarde nationale , mais elles ont été arrêtées . Renvoi
au comité de sûreté générale .
Boissy d'Anglas prononce un discours relatif aux biens des
condamués . Il dit que la Convention a été témoin et victime
du régime de terreur qui a pesé sur toute la France ; mais
que depuis le 9 thermidor , les représentans du peuple ne
peuvent rien rejetter sur personne. Le bien qui s'est fait et
le mal qui pourrait se faire leur appartiennent également. Ils
ne seraient pas dignes de renverser les tyrans s'ils les imitaient ,
ils ne mériteraient pas de fonder la liberté , s'ils violaient les statuts
de la justice. Tous les assassinats juridiques méritent une réparas
à
( 25)
tion authentique. Les confiscations sont des larcins qui ont
réduit à la misere des milliers de famille . On dit que ces
biens sont nécessaires à la fortune publique . L'atmosphere
des tyrans nous envelopperait done encore ? Qu'est - ce que
la richesse publique bâtie, sur la misere des particuliers ? Le
peuple ne veut point de ce tribut de larmes et de sang. Les
assignats sont des billets de confiance dont la garantie repose
sur la loyauté française . Qui pourrait compter sur un gouvernement
qui préférerait l'argent à l'honneur ? Nous avons .
assez conquis de territoire , il faut maintenant conquérir l'estime
des peuples.
Boissy propose un projet de décret qui porte que les jagemens
rendus par le tribunal revolutiounaire , depuis le 22 prairial ,
sont nuls et les confiscations qui en ont été les suites. Le
comité de législation présentera un projet concernant ceux
qui ont été rendus antérieurement pour conspiration de
prisons , et un mode pour la révision de tous les jugemens
révolutionnaires ; en attendant , les ventes des biens des condamnés
sont suspendues , celles qui sont faites sont maintenues
, sauf à indemniser les propriétaires .
Lesage , en appuyant le projet de Boissy , propose d'annuller
les jugemens criminels rendus depuis le 31 juillet 1793 , jusqu'au
9 thermidor , s'ils n'ont pas été précédés des débats ,
si les temoins produits par l'accusé n'ont pas été entendus
et si le jury n'a pas déclaré être suffisamment instrait .
Albite dit que le but de la révolution était de détruire
la puissance royale , la féodalité et la superstition ; l'objet
est rempli . Il demande qu'on traite philosophiquement cette
question . Est- il juste , continue- t-il , de punir des hommes
qui ne sont pas coupables ? que des femmes et des enfans
soient condamnés à la misere , parce que leurs peres ou époux ,
ont été condamnés à la mort ? enfin , les délits ne sont- ils
pas personnels ?
Legendre pense que personne ne voudra acheter le bien
d'une famille innocente dont le pere aura été immolé . S'il
se promene dans son jardin , il doit se dire en voyant ses
pieds mouilles de rosée , ce sont les larmes de sa famille
infortunée. S'il cueille un fruit , qu'il avale le sang du mal
heureux.
Talliens et Thibaut parlent aussi en faveur de la restitution .
La Convention décrete la suspension des ventes des biens
des condamnés , et la confirmation des ventes faites. Le surplus
des propositions faites est renvoyé au comité de législation .
Elle fixe à duodi l'affaire de Barrere , Collot et Billaud .
Le représentant du peuple Ramel écrit que l'armée du Nord
a obtenu de nouveaux succès dans les provinces de Groningue
et de Frise . Après avoir battu les Anglais qu'elle a poussés
jusqu'à la mer , elle s'est emparée de trois isles et d'une forteresse
importante.
( 26 )
Séance de primedi , 1er . Germinal .
Plusieurs citoyens se présentent à la barre pour donner à la
Convention , disent-ils , des renseignemens sur la guerre des
chouans . On demande qu'ils se rendent au comité de salut
public. Levasseur ( de la Sarthe ) dit que si dans les commencemens
on avait accueilli les avis qui arrivaient de toutes parts ,
la guerre de la Vendée n'aurait pas été si terrible , et que celle
des chouans dure encore , qu'ils commettent des horreurs dans
son département. Roussaut et Rollet assurent d'une pacifcation
prochaine. Ce dernier fait part d'une dépêche du général
Hoche qui annouce que plusieurs chefs sont déja réunis à
Rennes pour l'entrevue qui doit avoir lieu le 10 de ce mois ,
et que plus de vingt officiers des chouans parcourent les campagnes
pour faire cesser les hostilités . La Convention passe à
l'ordre du jour.
Deux sections du fauxbourg Antoine se présentent à la barre ;
elles disent que le peuple souffre , que l'agiotage porte les
denrées à un prix auquel il est impossible au pauvre d'atteindre,
et discrédite chaque jour la monnaie républicaine . Elles demandent
que la constitution de 1793 soit promptement organisée
, et que la Convention s'occupe de la modicité de la
ration de pain accordée aux ouvriers . "
Chasles demande que la déclaration des droits et l'acte
constitutionnel soient gravés sur des tables , au sein du corps
législatif et dans les places publiques .
Tallien combat cette proposition . Qui sont ceux , dit - il ,
qui ont enterré la constitution ? ne sont ce pas ces hommes
qui s'en prétendent aujourd'hui les amis les plus chauds ?
Nous voulons tous la constitution ; mais en même tems ,
qu'elle ne soit pas mise en activité sans un gouvernement ferme
et capable de la faire marcher. Tallien proposé de décréter
qu'il n'y aura pas de gouvernement intermédiaire entre celui
que nous avons et le gouvernement définitif.
:
Thibaudeau Il faut dévoiler les jongleries à l'aide desquelles
on a trompé le peuple . Ceux qui demandent que la constitution
soit gravée sur des tables d'airain ont persécuté , pendant
dix -huit mois , ceux qui la réclamaient . Elle ne doit
sortir de l'arche et être publiée que lorsque les lois organiques
seront faites . Il faut empêcher que le vaisseau de la République
ne soit jetté sur une mer orageuse et englouti avant
d'avoir pu sauver les passagers. La proposition de Tallien a
aussi de grands inconvéniens . L'on ne peut se dissimuler
que le gouvernement actuel n'a ni force ni dignité , qu'il a
besoin d'être modifié pour nous conduire jusqu'au moment où
la constitution sera mise en activité .
Legendre dit que la commission des seize n'est pas créée
pour présenter les lois organiques , mais pour donner les
1
( 27 )
moyens de faire marcher le gouvernement actuel . Il demande
qu'on en nomme une nouvelle , chargée uniquement des lois
organiques de la constitution de 1793. Cette proposition est
decrétée .
Sieyes a présenté , au nom des quatre comités de salut
public , sûreté générale , législation et militaire , un projet
de décret de grande police , qui comprime les royalistes et
les anarchistes , et prévoit le cas où , par les manoeuvres des
ennemis de la chose publique , la Convention pourrait se
dissoudre. Il porte qu'alors les membres en mission dans les
départemens , et ceux qui auraient échappés au fer des assassins
, se réuniraient à Châlons -sur- Marne pour y former une
nouvelle Convention , et que des divisions des armées seraient
appellées pour les défendre , et protéger leurs délibérations.
Ce projet , après une assez longue discussion , a été adopté.
Décret de police et de sûreté générale.
1
Art. Ier. Les provocations au pillage des propriétés particulieres
ou publiques , à des actes de violence contre les
personnes , au rétablissement de la royauté , à la révolte contre
les autorités constituées , le gouvernement républicain et la
représentation nationale ; les cris séditieux qu'on se permettrait
de pousser dans les rues et autres lieux publics , contre
la souveraineté du peuple , la république , la constitution de
1793 acceptée par le peuple , et la représentation nationale ,
les tentatives pour s'introduire au Temple et correspondre
avec les prisonniers qui y sont détenus , sont des crimes .
•
9. Les prévenus de ces crimes seront arrêtés , et jugés
par le tribunal criminel ordinaire .
" S'ils sont déclarés coupables par le jury , ils seront condamnés
à la déportation.
1 Néanmoins cette peine sera réduite à deux années de
fers , si le jury déclare qu'il y a dans le délit des circons
tances atténuantes .
d
III . Tout rassemblement qui , à la voix du magistrat ou
du chef de la force armée , ne se dissipe point , devient coupable
par le refus d'obéir.
9, LV. Tout rassemblement où se feraient des provocations
, où se pousseraient des cris séditieux , où se prépareraient
des tentatives de la nature de celles exprimées dans
l'article premier , prend le caractere d'an attroupement séditieux.
" Les bons citoyens qui en sont les témoins arrêteront
les coupables ; ou , s'ils sont trop faibles , ils avertiront la
force armée la plus voisine . Le magistrat revêtu des marques
de ses fonctions ; fera trois sommations préalables aux ci(
43 )
toyens qui composent le rassemblement ; ceux qui , après
la derniere sommation , resteraient auditeurs ou spectateurs
de l'attroupement où se commettraient de tels crimes
rendent enx-mêmes coupables , et , s'ils sont pris , ils seront
punis conformément à l'article II.
se
99 V. Sur l'avis qu'un attroupement séditieux se porte pour
piller les propriétes particulieres , pour piller ou forcer quel
qu'établissement national , ou commettre quelqu'acte de violence
personnel , les propriétés , établissemens et personnes
menaces , seront protegés sans retard par une force armée de .
la section ou des sections voisines .
" VI. Dans le cas où l'attroupement tenterait de forcer
les gardes , il sera repoussé par les moyens de force .
Si l'atroupement , quoiqu'il ne se porte pas à des voies
de fait , refuse de se dissoudre et de se dissiper après les
trois summations du magistrat , tous ceux qui le composent
seront saisis et punis aux termes de l'article II.
S'ils opposent de la résistance à la garde qui se met en
devoir de les arrêter , la résistance sera vaincue .
VII. Tont acte de violence exercé contre les représentans
du peuple hors de leurs fonctions , sera dénoncé au comité
de sûreté génerale , qui , conformément à la loi du 7 fructi
dor , décidera à quel tribunal les coupables doivent être renvoyés.
VIII. Quiconque insulte un représentant du peuple en
fonctions sera puui conformément à l'article II.
,, IX. Quiconque exerce un acle de violence contre la
personne d'un représentant du peuple en fonctions encourt
la peine capitale.
" X. S'il se manifeste quelque part un mouvement séditieux
contre la représentation nationale , la section est tenue
de faire à l'instant cerner et arrêter tous ceux qui y prennent
part , pour être jugés comme dans l'article II.
1
,, XI . Si un attroupement seditieux s'est formé ou se porte
dans l'arrondissement local des séances de la Convention et
'de ses eomités , toutes les sections se tiendront prêtés à envoyer
, à la requisition du comité militaire ou de celui de
sûreté générale , une force armée autour de la Convention et
de ses comités , pour agir comme dans l'article précédent.
" XII. Si cet autroupement séditieux contre la représen
tation nationale est armé , il sera au plutôt repoussé par tous
les moyens que la force armée a à sa disposition .
་
,, XIII. Dans le cas où la garde qui est autour de la Convention
serait ataquée , on simplement menacée , par des
forces qui paraissent supérieures , le comité militaire on celui
de sûreté générale fera sonner le tocsin du pavillon de l'Uaité
, le seul qui doit être à Paris .
" A ce signal , toutes les sections enverront sur- le - champ
( 29 )
une force armée autour de la Convention et de ses comités ,
et augmenteront celles qu'elles ont auprès des établissemen
nationaux de leurs arrondissemens .
XIV. Toute atteinte portée à la liberté des délibérations
de la représentation nationale , est un crime contre la souve
raineté du peuple Français .
" XV. Si des cris séditieux sont poussés dans le sein même
des séances legislatrices , si des mouvemens menaçans s'y
manifestent , les coupables seront arrêtés et punis de la déportation
.
,, XVI. Si ces eris et ces menaces se trouvent avoir été
combinés d'avance , les coupables auront encouru la peine
capitale .
,, XVII. Dans le cas où il serait exécuté contre la représen
tation nationale , en masse , quelqu'acte de violence , tous
ceux qui auront concouru à cette violence , soat , par le seul
fait , mis hors la loi.
,, XVI I. Enfin sí , par une derniere et horrible supposition
qui repugne à l'ame du législateur , mais que l'expérience
met au nombre des attentats possibles , les ennemis du peuple
, royalistes et anarchistes , parvenaient à entamer , oppri
mer ou dissoudre momentanément la représentation nationale ,
le sort de la liberté et de la République Française également
impérissables , prescrit les mesures suivantes , comme loi foudamentale
de salut public. 3
1º. Ceux des représentans que n'aura point atteints, le
poignard parricide , ceux qui sont en mission dans les dépar
temens , ceux qui sont en congé , et les suppléans , se réuniront
au plutôt à Châlons - sur - Marne ; mais les circonstances
les obligeassent elles à se rassembler ailleurs , quelque part
que la majorité délibere , là est la représentetion nationale
avec toute l'autorité qu'elle tient du peuple Français .
» 2º . Ceux des membres de la Convention qui seraient
restés dans la commune où la representation a été violée ,
seront incapables d'y exercer leur mission ni aucunes fonc
tions publiques .
99
30. Le peuple Français dans cette crise passagere sera
calme et trauquille.
" Les autorités constituées , dans toutes les parties de
la République , veilleront en permanence à réprimer les malveillans
et à maintenir l'ordre public.
La garde nationale se tiendra par-tout prête à seconder
les autorités républicaines , et à defendre le dépôt sacré de
la liberté et de la République.
" 4° . La plus grande partie des représentans en mission
près les armées de la République , ne les quitteront point ;
mais de chaque armée seront détachées des colonnes républicaines
pour marcher avec l'un des représentans vers la
( 30 )
Convention , et former auprès d'elle une armée nationale
centrale , en état de venger le peuple souverain outragé dans
sa représentation , et de donner au législateur les moyens
de force capables de l'aider à cimenter sur des bâses indestructibles
la République Française une , indivisible et démo
cratique.
" XIX. Du moment que l'ordre politique sera rétabli et
la loi respectée , les colonnes républicaines rejoindront leurs
armées respectives .
Le présent décret sera publié , affiché dans Paris , et
inséré au bulletin .
PARIS. Quartidi 4 Germinal , l'an 3º . de la République.
Tout le monde avait prévu que l'approche de la discussion
sur les prévenus serait marquée par de grands
mouvemens. Les crimes qu'on leur impute sont ceux de
la derniere tyrannie , et elle a eu tant de complices ,
tant d'instrumens médiats ou immédiats , tant de parties'
prenantes , qu'il fallait bien s'attendre à la réunion de
tous leurs moyens pour sauver les chefs au milieu des
agitations populaires.
On se tremperait fort si l'on ne voyait , dans les causes
de ces mouvemens , que les efforts d'un parti qui cherche
à se resaisir d'un pouvoir qu'il a dirigé d'une maniere
si cruelle pour la République. Ils ont encore pour
moteurs tous ceux qui esperent le rétablissement de la
royauté ; tous les agens d'une coalition perfide qui ,
après avoir fondé ses succès sur nos divisions intestines
qu'elle a fomentées , voudrait y trouver aujourd'hui ,
ou des moyens. de continuer la guerre , ou des moyens
d'obtenir la paix à des conditions moins désavantageuses
. Epiant ou faisant naître toutes les circonstances
qui peuvent servir leur criminel espoir , ils se sont
constamment attachés à la Convention nationale pour la
précipiter dans de fausses mesures , ou pour empoisonner
les bonnes .
Le décret sur la distribution du pain leur a paru
d'abord un texte heureux. Alarmer le peuple sur les
subsistances ; quel mobile pour une insurrection ! La
pétition désavouée par les sections du Finistere et de
1'Observatoire n'avait produit aucun effet ; il fallait la
faire renouveller par une fraction du fauxbourg Saint-
Antoine , et choisir précisément la veille d'une discus(
SI )
sion que l'on savait être aussi nécessaire au salut public
que funeste à leur parti. Il fallait sur -tout y joindre la
demande de l'exécution de la constitution de 93 , qui
a besoin de lois organiques supplémentaires , afin de
pouvoir dire : Ils ne veulent pas de cette constitution ,
parce qu'elle est toute populaire ; ils veulent nous en
donner une autre qui porte atteinte aux droits du
peuple , car c'est toujours en abusant de ce mot qu'on
a cherché à tromper la partie du peuple qui les écoute .
Quelle occasion précieuse de crier au royalisme , à la
trahison ! *
"
J
Le mouvement était préparé et concerté . On a vu
aussi-tôt des membres de la Convention , trop connus
appuyer cette partie de la pétition , et demander que
la constitution fût gravée sur une table , et exposée
dans le lieu des séances de la représentation nationale.
Dans le même tems , des émissaires officieux sont allés
répandre dans tous les groupes , que la députation du
fauxbourg avait été mal reçue . Des hommes se sont
portés au Palais Egalité et aux Tuileries , et ont donné
la chasse à quelques jeunes gens , en ressuscitant la qua- i
lification de muscadins , dont nagueres l'effet était si
puissant. Plusieurs ont été jettés dans les bassins . Le
rappel a battu dans les sections environnantes ; la force
armée s'est bientôt opposée à ses voies de fait ; les ,
jeunes gens à leur tour se sont réunis pour opposer:
un front redoutable à ces provocateurs . C'est dans ces
agitations que s'est passée la soirée du 1er . germinal . Il
est trop évident qu'ils cherchaient à mettre en opposition
ceux qu'ils appellent les sans - culottes , avec ceux
qu'ils appellent muscadins , et préluder ainsi à de plus
grands mouvemens ; c'était les femmes sur-tout qui attisaient
le plus le feu de la discorde ; ces femmes qui se
plaignent de manquer de pain qu'elles ont , et qui
perdent journellement le tems qu'elles pourraient employer
à le gagner , pour aller de groupe en groupe
exciter la sédition , et remplir les tribunes de la Convention
pour en troubler les séances. "
Heureusement , le décret ferme et vigoureux sur la
police et la sûreté générale a jetté l'effroi parmi les
essaims de ces malveillans . L'énergie de la Convention
en a imposé à ses ennemis . En vain ils ont cherché à
égarer une partie du peuple par une fausse interprétation
de cette mesure , en semant le bruit que la Convention
, ne pouvant plus sauver la chose publique ,
( 32 )
J
L
voulait quitter Paris , et se transporter à Châlons - sur-
Marne ; tout ce qu'il y a de bons citoyens n'ont eu
besoin , pour être rassurés , que de lire le décret qui
venait d'être affiché ; et la journée du lendemain a été
calme et tranquille .
La discussion s'est ouverte sur les prévenus . Les tribunes
ont été occupées de maniere que ces femmes
furibondes n'y ont trouvé aucune place ; et si jamais
il en est une qui leur convienne le moins , c'est assurément
celle-là. Qui croirait pourtant qu'il s'est trouvé ,
au sein même de la Convention , des représentans du
peuple qui se sont étonnés de ne les y plus appercevoir
, comme s'ils avaient besoin de ces auxiliaires pour
émettre leur opinion ? Il paraît que le plan était d'alonger
et embrouiller la discussion , de maniere à gagner
du tems , parce que c'est le tems qui manque toujours
au crime. Robert Lindet a parlé pendant 5 heures , pour
justifier les anciens comités de gouvernement , et même
s'est appliqué longuement à faire l'apologie du 31 mai ,
et la séance s'est prolongée jusqu'à 9 heures , sans que
les prévenus aient été entendus le premier jour. Cependant
la a repris sa séance le 3 à 8 heures
du matin , et a résolu d'entendre d'abord les prévenus ,
tous ceux ensuite qui parleraient en leur faveur , et
de ne pas désemparer que cette grande affaire ne soit
eto
terminée.
Le calme a regné durant cette seconde journée . Il
est une vérité dont sont pénétrés tous les bons citoyens ;
c'est qu'il ne peut y avoir de point de ralliement et de
salut que dans la Convention , que celle- ci doit tout
attendre de sa vigueur ; que tout pas rétrograde vers la
faiblesse, en serait un en avant pour les hommes de sang;
qu'entre les royalistes et les égorgeurs , il n'y a plus
qu'une route à tenir , c'est celle du courage et de la
persévérance ; que l'intérêt , le véritable intérêt de Paris
dont on a cherché trop souvent à le détourner , est de
rester inviolablement attaché à la représentation nationale
. Cet intérêt est d'autant plus réel , qu'il paraît
constant que les ennemis de la chose publique avaient
formé le projet , non plus d'égorger la majorité de la
Convention ; ils ne l'oseraient pas , mais de la réduire
à la cruelle nécessité de quitter Paris . Paris en calculera
les conséquences , et Paris déjouera le plan de ses
' ennemis , et les départemens applaudiront à sa sagesse
et à son courage.
P
( No. 38. )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 10 GERMINAL , l'an troisieme de la République,
( Lundi 30 Mars 1795 , vieux style . )
Explication de la Charade du No. 37 .
Le mot de la Charade est Basson.
$
NOUVELLES LITTÉRAIRE s.
LES CHARMES DE L'ENFANCE ET LES PLAISIRS DE L'AMOUR
MATERNEL , par L. F. JAUFFRET , avec six belles gravures
en taille douce ; quatrieme édition , revue et considérablement
augmentée . Un volume in- 12 , 1794. Prix , 3 liv .
broché , et 3 liv . 10 sous pour les départemens . A Paris ,
chez PERLET , libraire , rue André-des - Arts .
Qui
.
ui ne se rapelle avec émotion les souvenirs de son
enfance ! qui dans le cours orageux de la vie , où les
biens et les maux offrent un mélange dont la proportion
n'est pas toujours en faveur des premiers , naime
à se retirer vers ces jours d'innocence où les peines
sont si courtes et les plaisirs si vifs et si purs ! C'est à
cet âge que la nature rapproche tous les êtres par le
premier sentiment de l'égalité , celle des jeux et des
instructions communes. Alors la vie ne se mesure point
encore sur la longue échelle des relations sociales ;
celui qui s'amuse le plus est toujours le plus riche , et
le coeur n'attend pas pour se donner un ami que l'usage
des convenances vienne régler l'ordre de ses affections.
Age heureux ! où le présent est tout , où l'on est sans
regret de la veille , sans inquiétude du lendemain , et
où , si l'imagination entr'ouvre les portes de l'avenir ,
c'est pour le
et l'embelliemer des douces illusions de l'espérance
,
roman du bonheur.
On est toujours sûr d'intéresser , quand on peint les
-charmes de l'Enfance et les plaisirs de l'Amour maternel.
L'auteur a essayé de réunir , dans cet ouvrage , le genre
descriptif au genre dramatique . Ce sont d'abord des
idylles , mais des idylles en prose , et en prose poétique ;
Tome XV.
C
( 34 )
ce qui fait un mélange de style qui n'est véritablement
ni de la poésie ni de la prose ; car on a beau disputer
sur ce genre moyen , la poésie doit parler son langage ;
et lexemple si souvent cite du Télémaque , ne prouve
autre chose si ce n'est qu'un grand talent trouve aisément
son excuse dans son mérite et ses succès .
Gesner a fait des idylles en prose , mais le génie de sa
Jangue pouvait le comporter . Parmi nous , Deshoulieres ,
Léonard et Berquin , que l'auteur aime à citer dans sa préface
, ont embelli ce genre , comme il le dit lui - même , du
charme d une versification brillante et naturelle . En écrivant
ses idylles en prose , l'auteur a eu moins de difficultés à
vaincre; mais par cela même il s'est placé au dessous
de ses modeles , pour le genre , et s'est imposé l'obligation
de les égaler pour l'exécution .
Peut- être la prose convient - elle mieux aux ouvrages
destinés à peindre ou à instruire l'enfance ; et quoique
Ton mette les fables de Lafontaine entre les mains des
enfans , Rousseau a très -bien prouvé qu'il en est peu
qui soient à leur portée . Sous ce rapport ,, l'auteur a
très -bien fait d'écrire en prose ; mais est- ce par des
idylles qu'il pouvait remplir le mieux son objet ? Déja
renfermé dans les limites du genre , il l'a été encore
par celles du sujet. Trente - sept idylles sur les charmes
de l'enfance offrent une suite de tableaux qui fatiguens
à la longue par la monotonie et la répétition presqu'inévitable
des idées , des images et même des expressions.
Pour rompre cette uniformité , il eût fallu plus
de variété dans la composition et les couleurs , discourir
moins sur les charmes de l'enfance , et la faire agir
davantage . Les formes dramatiques produisent plas
d'effet que de simples descriptions ; peut-être n'était- il
pas impossible d'atteindre ce but dans le genre pastoral
; mais du moins la tâche était difficile .
L'auteur éprouvait moins de gêne dans les contes
qu'il a joints à son recueil : cependant on s'apperçoit ,
en les lisant , qu'il y a trop conservé le ton et la maniere
de lidylle . Il aurait pu conner à ses sujets un
fonds plus riche , animer son récit par mille détails que
fournissent si abondamment les plaisirs folâtres de l'enfance
, les mettre plus souvent en scene , et faire pour
ainsi dire les jeux olympiques du premier âge.
Quoiqu'on puisse regretter que l'auteur n'ait pas tiré
de son sujet tout le parti dont il était susceptible , cette
production est néanmoins très - estimable . Elle annonce
un talent facile , une ame douce et beaucoup de sen
( 35 )
21
sibilité. Avec ce fonds , si l auteur , qui est jeune encore,
apprend à se défier de sa facilité , à être plus exigeant
de lui- même , et à méditer davantage ses compositions ,
il peut se promettre des succès dans plus d'un genre ;
le nombre d'éditions qu'a eu cet ouvrage , qu'il a plu
sieurs fois corrigé , est un garant de ceux qu'il peut se
promettre .
Il ne nous reste plus qu'à justifier cette espérance
en citant deux de ses idylles qui serviront à faire connaître
sa maniere .
L'une est intitulée : Les Graces du premier âge.
6.6
Quand une rose n'offre encore qu'un bouton nais
sant , que ses feuilles velontées se dégagent à peine
des langes de pourpre qui les enveloppent , mon ceil
se repose avec plaisir sur elle. J'aime à la voir s'épa
nouir d'une maniere insensible , et se colorer peu- à - peu
d'un incarnat éblouissant .
99
J'aime à voir la source d'un ruisseau jaillir des
flancs d'un rocher escarpé . Couché sur ses bords tapissés
de mousse , du cresson et de beccabunga , sous un
berceau de noisetiers , je respire avec volupté la fraî
cheur du ruispeau naissant.
Un petit agneau qui , plein de joie , bondit sur la
prairie où il vient de naître , réjouit ma vue , et touche
mon coeur. Je prends part à ses aimables jeux , et tout
me plaît cu lui , jusqu'à ses caprices.
" L'aurore , chassant devant elle l'obscure nuit , et
annonçant l'astre brillant de la lumiere , m'enchante et
me ravit. A l'aspect de cette blancheur dont se pare
l'orient , et de cette teinte couleur de rose qui lui succede
, je crois être transporté à la naissance de la nature .
. Mais rien ne me plaît comme un bel enfant . En
lui , je vois le bouton de rose qui s'épanouit , la source
qui sort en bouillonnant des flancs du rocher, l'agneau
qui bondit sur l'herbe , et la brillante aurore entrouvant
les rideaux enflammés du jour.
99
L'autre a pour titre : Les premieres Amours.
Charmans enfans ! prodiguez - vous sous des berceaux
de fleurs d'innocentes caresses . Poursuivez-vous
amoureusement à travers l'herbe touffue des prairies.
Cueillez mille baisers sur vos joues vermeilles . Petits
bergers ! tressez pour vos jeunes bergeres des guirlandes
de rose. Ornez- en leurs heaux cheveux . Conduisez - les
dans des bocages parsemés de prime - veres et de vio-
Jettes. Jettez en riant des fleurs et du gazon dans leur
sein: virginal , et que des baisers ingénus soient vous
C 2
( 36 )
récompense. La nature embellie par vos charmes sourit
vos plaisirs , et une loi sévere ne proscrit point encore
vos jeux innocens .
" Hélas ! il arrivera trop tôt le jour où ces tendres
caresses vous seront interdites ; où l'aimable liberté s'envolera
loin de vous. Bientôt , confuses de leur propre
beauté , vos jeunes bergeres rougiront et chercheront
la solitude . Elles refuseront vos bosquets ..... et si elles
aiment encore
, elles ne pourront
plus vous le
,, Charmans enfans ! jouissez donc du matin de la
vie ! prodiguez- vous les plus tendres caresses , et goûtez
un bonheur doux comme le parfum qu'exhale une jeune
rose aux premiers rayons du jour !
PARLER
BEAUX ARTS.
DU JURY DES ARTS.
ARLER des arts , c'est les protéger , disait un artiste
philosophe. Il avait raison. Les arts comme l'amour
redoutent par dessus toutes choses l'indifférence . Ce
sentiment est leur ennemi le plus mortel. C'est que les
arts comme l'amour se nourrissent d'un peu de vanité .
La révolution , et par ce mot j'entends parler de son
excès , a sur- tout porté aux arts un coup funeste , en
détournant tous les esprits de l'attention qu'ils commençaient
à y porter.
Il fut un tems où l'on se serait reproché jusqu'au
souvenir des douces affections que ces arts consolateurs
avaient autrefois porté dans nos ames. L'on a vu des
artistes se repentir de les avoir éprouvés , parler de
leur ancienne sensibilité comme d'une faiblesse , s'accuser
d'avoir eu de l'enthousiasme pour d'aussi puérila
objets que les chefs - d'oeuvres de l'art , et faire amende
honorable à la liberté de leur ancienne passion pour les
Inimitables produits de limitation du beau.
Quelle liberté que celle qui recevait de semblables
sacrifices ! Devant cette Eumenide les arts devaient fuir ,
se cacher ou changer en hurlemens le son de leur voix .
Ce ne fut en effet qu'avec la sauve -garde d'un masque
bien barbouillé de fange et de sang , bien grimaçant
et grinçant bien des dents qu'ils obtinrent la permission
de brûler aussi quelqu'encens sur l'autel dé Î'idole ,
( 372 )
· Si l'on veut savoir à quel point les connaissances
humaines peuvent rétrograder dans l'espace d'un petie
nombre d'années , ou jusqu'à quel dégré l'empire de la
terreur peut porter la dissimulation chez les uns , et la
faiblesse chez les autres , et ce qui est pire encore faire
douter des hommes de bonne foi ; de l'existence des
vérités les plus sensibles , il faut lire les délibérations du
Jury des arts de l'année derniere .
Il suffirait au reste de faire connaître la composition
de ce tribunal d'arts , où l'on comptait Ronsin , Hébert ,
Fleuriot, et où quelques artistes célebres n'avaient été
placés que pour faire prendre le change à l'opinion
publique.
Mais il suffira de savoir que cette élite révolutionnaire
ne dut l'existence qu'au fanatisme ignorant d'un seul
homme , qui n'avait jusqu'alors parlé de liberté dans
les arts que pour en devenir le tyran , qui ne s'était élevé
contre ce qu'il appellait les víces de l'académie , que
pour s'élever sur l'académie elle - même , qui ne pour
suivit jamais les abus chez les hommes , que pour avoit
l'occasion de poursuivre les hommes par les abus , qui
n osant proscrire d'un coup ses condisciples , ses maîtres,
ses rivaux , s'exerçait d'avance à les avilir , et leur préparait
, en attendant la mort , l'agonie du mépris public
dont il les aurait enveloppés .
Ce sera sans doute , dans l'histoire des égareméns de
l'esprit humain , un monument curieux , que le procès
verbal des séances de ce Jury des arts. L'un ne trouve
pas dans tel tableau une couleur assez patriotique ,
l'autre veut savoir si la révolution a donné aux arts an
caractere qui les distingue , et s'ils sont vraiment révolutionnaires
. Un autre s'inquiette de savoir si l'artiste
est patriote ou non . Mais bientôt on le rassure , en lui
prouvant qu'un aristocrate ne saurait faire passer le feu
de la liberté dans son pinceau. Il était question du prix
à accorder à la sculpture . Un des juges ne trouve point
que le programme soit d'une nature assez concordante
avec le patriotisme , et cependant le sujet était la fustigation
du maître d'école de Falères par ses disciples ;
enfin , le sujet trouve grace comme étant une résistance
à l'oppression. Que dirai -je de celui qui prétend prou
ver que tous les objets de la peinture peuvent être faits
avec la regle et le compas ? Qu'on ne s'étonne pas , dit-il ,
de ce que j'avance , les peintres ne mériteront ce nom que
quand ils rendront l'expression avec le compas.
C 3
( 38 )
Tels étaient les barbarismes de cés hommes qui prétendaient
régénérer les arts . Mais on sait de quelle régéération
il était alors question . G était ici comme dans
le reste du corps politique , la régénération des filles :
d'Eson . Il fallait commencer par tuer ce qu'on prétendait
rajeunir.
Les arts ayant perdu toute espece de centre d'instruc
tion , tous les liens d'organisation en étant rompus , tous
les élémens d'émulation étant détruits ou disseminés
les artistes attendaient qu'au moins l'institution des
concours pour tous les ouvrages publics , vint redonner
quelque ressort à lambition , et replacer sur une base
de justice la répartition des travaux et des monumens
nationaux .
Mais le génie destructeur des arts n'avait autrefois
accueilli cette institution , que comme un moyen de
paralyser l émulation par la jalousie , en présentant aux
artistes l'amour des concours sans en régler le but et
les moyens , c'était moins introduire des combattans
dans une lice réglée , que précipiter dans l'arêne
une foule confuse dont les débats auraient empêché
qu'on ne pût adjuger le prix au vainqueur . Enfin , il
paraît constant qu'on voulait décrier l'institution pour
la détruire , tant on avait pris de soin de n'en prendre
aucun pour la faire réussir.
Tantôt c'est une cumulation de projets jettės parmi ‹
les artistes , sans aucun programme qui regle la mesure
des modeles ou esquisses , le lieu de la destination et
toutes les autres circonstances ou conditions indispensables
à connaître.
- Ailleurs , c'est moins un appel aux talens qu'une
sommation faite au génie , de produire dans un espace.
de tems si court , que les ouvrages devaient être rendus
avant que le programme fût, imprimé .
D'autres fois , on enveloppait dans un vaste programme
des projets privilégiés , déja faits et connus , pour faire
triompher plus sûrement I artiste favorisé . En imposant
aux artistes une grande tâche d'un côté , et abrégeant ,
de lautre le tems du concours , on était bien sûr d'éluder
le combat , et on proclamait un vainqueur sans
qu'il y eût eu de victoire . C'est ce qui est arrivé à l'égard
d Hébert pour les embellissemens du jardin et du palais
ħationial. Un Jory , dit le décret qui le proclame , a prononcé
la supériorité de son projet sur ses concurrens ,
et ce concours est jusqu à présent resté aussi inconnu
( 39 )
qué l'existence du prétendu Jury est demeurée invisible ,
C'est au milieu de toutes ces supercheries , que se
sont effectués les concours nombreux dont le jugement
est actuellement soumis à un nouveau Jury des arts
En voyant la grande quantité d'ouvrages dont ils se
composent , malgré les entraves qu'on y avait mises , i
y aurait sans doute lieu de s'étonner de la crédulité des
artistes , si l'on ne savait que la terreur avait su encore
s'y ménager un piege , où devaient tomber ceux - là même
qui en appercevraient mieux la captieuse intention.
On savait en effet que ces concours n'étaient que des
attrapes , où les concurrens n'étaient appellés que pour!
former le cortège des artistes , ou des projets favorisés
on se doutait bien que , cette parade effectuée , on rejete
terait sur l'institution en elle - même le vice qu on avait
eu soin de faire jaillir d'une exécution mal combinée,
à dessein de produire cet effet , et que l'arbitraire attendait
ce moment pour rejetter un principe dont il aurait
fait avorter les résultats .
Cependant beaucoup d'artistes produisirent des ou
vrages à ces concours , moins par inadvertence du piége ,
que pour ne pas faire croire qu'ils l'eussent soupçonnés.
et heureusement plusieurs habiles gens y parurent , moins
pour y briller comme présens , que pour ne pas être remarqués
comme absens .
Tant de projets d'esquisses , de modeles et d'ouvrages
de toute espece , allaient rentrer dans l'oubli avec l'inse
titution même qui les avait provoqués. Déja même
la volonté toute - puissante du Robespierre des arts avai
prononcé leur arrêt , lorsque le g thermidor sonna pour
le tyran lui -même la derniere heure . Elle devint aussi
la premiere pour les espérances des artistes et des arts .
Ils obtinrent de la Convention que tant d'efforts no
seraient pas payés d'ingratitude , et qu'un nouveau Jury
des arts , nommé par les concurrens eux- mêmes , adjugerait
des prix aux ouvrages qui les mériteraient , et
indiqueraient à la République ceux qui seraient dignes
d'être exécutés à ses flais .
1
Le Jury actuel so composant d'artistes habiles , éclair
rés et dignes de la confiance publique , puisque c'est le
veu libre ' de leur pairs , qui les a appellés à ces fonc
tions , il y a lieu d'attendre de leurs travaux des résultats
heureux pour les arts . Nous nous proposons de les
faire connaître au public , et de lui rendre compte des
discussions utiles , des projets heurepx et des vues sages
C4
( 40 )
que cette assemblée a déja consignés dans son procèsverbal.
En attendant , nous croyons pouvoir donner une idée:
avantageuse de ses travaux , en publiant le jugement
qu
elle a porté sur le concours de la statue de Jean-
Jacques Rousseau.
Extrait du procès - verbal de la séance du Jury des arts , du
´27 pluviôse , l'an 3º . de la République Française .
" L'ordre du jour étant le jugement du concours de
la statue de J. J. Rousseau , on fait une nouvelle lecture
de la lettre du comité d'instruction publique , qui invite
le Jury à lui faire connaître , sous huit jours , si , parmi
les esquisses exposées , il y en a une qui remplisse le
voeu national. „
L'assemblée ayant déclaré d'abord qu'elle était suffisamment
éclairée pour procéder au jugement , elle
passe au scrutin , dont le résultat donne 25 voix au
nº. 54 , et au nº . 59. En conséquence , le président
proclame, comme méritant d'être exécuté aux frais de la .
République , le modele nº. 54 , dont le citoyen Moitte
est auteur. "
Un membre prend la parole et dit :
Vous venez d'adjuger le prix d'exécution à un des
Ouvrages exposés au concours , et par-là vous avez répondu
à l'intention de la Convention nationale et à la demande
que vous a faite le comité d'instruction publique . On
verra donc enfin élever une statue au bienfaiteur de
l'humanité , au précurseur de la révolution , à l'apôtre de
la liberté . "
" Je pense que votre jugement remplit bien aussi les
vues de la Convention nationale , par rapport au local
pour lequel cette statue a été demandée . ",
C'est au milieu des Champs - Elysées , c'est dans ce
rendez- vous des plaisirs innocens de la jeunesse , des
meres de famille et des enfans , que la Convention natiomale
a voulu placer le législateur de l'éducation , le bienfaiteur
de l'enfance . ",
,, La figure à laquelle vous avez décerné la couronne
est bien appropriée à cette destination . L'auteur , en
faisant observer par son philosophe l'enfant qui essaie ses
premiers pas auprès de lui , a rendu cette touchante idée
de la maniere la plus heureuse et la plus vraie . C'est
l'auteur d'Emile qu'il représente particulierement ; et
( 40)
sous ce point de vue , l'artiste a fait un ouvrage vraiment
éloquent, "
Mais l'homme dont les Français sentent le besoin.
de multiplier l'image , pour la substituer aux vils représentations
que la raison vient d'abattre , se présente à la
reconnaissance publique sous le double titre de philan
trope et de législateur , sous les deux rapports d'auteur
d'Emile et d'auteur du Contrat Social .
" La nation française a reconnu ces deux qualités en
cumulant deux couronnes sur la tête de ce grand homme.
Ses cendres , portées au Panthéon , demandent qu'un.
monument consacre son image dans le temple des bienfaiteurs
de la patrie , et ce sera sans doute sous la qualité
de législateur que J. J. Rousseau devra y être représenté.
""
La sculpture demande aussi à traiter ce philosophe
séparément , sous chacun de ces deux rapports . Il serait:
peut-être disconvenant d'exiger de l'art qu'il fondît en
un seul modele ces deux caracteres . L'un n'y serait exprimé
qu'aux dépens de l'autre . L'unité de motif , ce
premier de tous les mérites , sur- tout dans une statue ,
répugnerait à cet alliage de deux pensées. ",
En répondant à l'objet du concours actuel , qui est
de placer l'image de Rousseau dans les Champs - Elysées ,
vous aurez donc l'avantage de répondre aussi au desir
des artistes et aux besoins de l'art , si vous demandez
au comité d'instruction publique , qu'il soit ouvert un
nouveau concours pour la statue de l'auteur du Contrat
Social à placer dans le Panthéon. ,,
" Je demande donc que le Jury arrête qu'il en sera.
fait , au comité d'instruction publique , la proposition
expresse ; que vous l'invitiez à en publier sur- le- champ
le programme , et que vous fixiez vous -mêmes les données
de ce programme , soit quant à la proportion que
devront avoir les modeles nouveaux des concurrens ,
soit quant à l'époque à laquelle ce concours devra être
terminé. "
Après quelques observations de différens membres ,
qui pensent que le terme du concours devrait être fixé à
six mois , et la proportion des esquisses entre 18 et 24
pouces , l'assemblée prend l'arrêté suivant :
Le Jury, considérant que le programme donné pour
représenter J. J. Rousseau , comme auteur d'Emils et
comme auteur du Contrat Social , imposait à l'art une
tache trop difficile à remplir , par la cumulation de deux
( 420)
caractères propres à détruire l'unité , ce mérite principal
de tout ouvrage , sur- tout en sculpture . "
Considérant en outre que le voeu national serait
complettement rempli , si , après l'érection de la statue
de l'auteur d'Emile dans les Champs -Elysées , on pouvait
admirer l'image de cet apôtre de la liberté et des
vrais principes de la législation , dans le temple des
grands hommes , où ses cendres déposées réclament un
monument honorifique .
" Croyant , par conséquent , que le prix d'exécution
qu'il vient de décerner à louvrage du citoyen Moitte ,
destiné à être placé dans les Champs-Elysées , n'empêche
pas qu'il ne reste encore une statue à faire en l'honneur :
de J. J. Rousseau ; et estimant que l intérêt de l'art comme
celui des artistes trouveront également leur compte dans .
la division des deux caracteres de J. J. Rousseau en deux
statues différentes , arrête ce qui suit :
Le comité d'instruction publique sera invité d'ouvrir
incessamment un nouveau concours général sur la
statue de J. J. Rousseau , considéré comme législateur ,
et propre à être placée au Panthéon . ",
Et afin de donner aux artistes tous les moyens de
développer leurs talens , le terme du concours sera fixé
à six mois , à compter du jour de la publication du programme
, et la proportion des modeles sera de 18 à
24 pouces. "10
COURS + GRATUIT.
Un citoyen qui met son bonheur à être utile aux infortunés
propose , en faveur des orphelins dont les parens sont tombés
sous le glaive de la foi , d'ouvrir un concours où il enseignera
la lecture d'après ses procédés , l'ecri ure , les quatre premieres
regles , la langue française, etc. par demonstration sur le tableau,
ding fois par decade , depuis huit heures très précises du matin
jusqu'à neuf heures et demie.
Des enfans de sept ans et des deux sexcs pourront y être
admis ; plus ils seront ignorans , plus l'instituteur répond de
leurs progrès.
Ce cours sera ouvert le 1er , germinal . On voudra bien se
faire inscrire par lettres ( affranchies ) , rue Grange - Bateliere ,
no. 35. Le citoyen Lequeux est chargé de recevoir ces leures .
On y mettra le prénom , le nom , l'âge , la demeure et le nombre
d'enfans que l'on aura à présenter .
Les personnes qui les conduiront pourront rester à la leçon.
( 43 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ON
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 10 mars 1795.
N continue de sentir à Varsovie lá rareté des subsistances
d'une maniere effrayante , et l'on s'occupe soigneusement de
connaître le nombre de bouches à fournir , pour déterminer la
ration qui sera allouée à chaque personne.
Un voile impénétrable couvre toujours le sort futur de la
Pologne. Quelques mille hommes de troupes russes qui se
tenaient à distance de la capitale l'occupent de nouveau ; les
Prussiens restent dans leur ancien quartier le long du Bog et
de Pilist ; pour les Autrichiens ils sont encore dans leur cantonnement
de Viepisk ; cependant le bruit court que le gé
néral prussien de Favrat , ainsi que le conseiller Bacholt ont
reçu des ordres très pressés de se rendre de Posen à Breslau
sans pourtant qu'on assigne les motifs de leur voyage.
Les patriotes polonais sortent en grand nombre des contrées
soumises aux Russes et aux Prussiens ; il paraît qu'ils jugent
le joug de l'Autriche moins insupportable , car on compte
près de 400,000 individus qui se sont retirés en Gallicie ; cette
emigration inquiette beaucoup l'empereur qui sait qu'ils avaient
deja un grand nombre de partisans dans cette partie de ses
étais ; il s'empresse de recruter de force tous ceux qui ont servi .
On les encadre dans des bataillons hongrois et allemands destinés
à marcher vers les bords du Rhin on en Italie . L'empereur
ne se dissimule pas qu'il y aura une grande désertion
chez de pateils seldats ; mais son principal but est de les éloi
gner de la Gallreie .
Parmi ces motifs d'alarmes et de chagrin , le cabinet de-
Vienne a une consolation : il est parvenu à mettre la main sur
une partie des fonds que le chancelier Kollontay avait emportés
de Varsovie , et déposés dans divers lieux . Ilse proposait
de s'en servir dans l'occasion à soutenir de nouveaux mouvemens
révolutionnaires . Ces fonds , qu'on porte 400,000 ducats
, sont le reste de la caisse qui appartenait au gouvernement
polonais , à l'époque où les événemens lui devinrent si
funestes . Le révolutionnaire Kollontay est toujours étroitement
resserré dans la forteresse d'Olmutz ; les cabinets des trois puis-
¿
0441
A
sances copartageantes le regardent comme l'ennemi le plus dangereux
qu'ils puissent avoir parmi les Polonais ; c'est sur tout
lui qu'ils attribuent la révolution de 1794. Ils feront surveiller
plus exactement que jamais leur prisonnier dans un
mement où l'on apprend , par la voie de Venise , que la nouvelle
de l'invasion de la Pologne a singulierement exasperé les
membres du divan .
De Francfort-sur- le-Mein , le 14 / mars .
Des lettres de Berlin , du 5 mars , disent que le 1er, de ce
mois il a été fait , à la maison de plaisance de Bellevue , des
expériences télégraphiques en présence du roi . Voici la maniere
dont elles rendent compte de cette invention qui paraît
perfectionnée. Le télégraphe correspondant était établi sur la
tour de la forteresse de Spandaw , dite Julius Thurm . Là se
trouvait M. Achard , célebre chimiste de l'académie de Berlin ,
imitateur à quelques égards et inventeur à d'autres de cet
instrument , qui est transportable , et differe beaucoup du
télégraphe français . M. Achard a dressé des tables et un dictionnaire
allemand et français , contenant 23,750 mots des
deux langues . Au moyen des tables et du dictionnaire , on
peut , avec cinq caracteres télégraphiques , indiquer tout l'alphabet
, la ponctuation et en outre les 23,750 mots , ou même,
si l'on veut , des phrases entieres : on prétend que le tout
s'exécute avec la plus grande célérité .
1
On a aussi fait des tentatives pour employer utilement les
ballons aërostatiques ; mais il paraît que jusqu'à présent on
n'a pas réussi à partager avec les Français l'avantage de l'application
de cette découverte à la guerre , pour laquelle on
continue de faire des préparatifs , quoique les négociations
bien rallenties ne soient pas entierement rompues , puisque
M. Hardenberg , successeur du baron de Goltz , mert à Bâle
a quitté notre ville de Francfort le 13 de ce mois , pour s'y
rendre et suivre les opérations entainées .
Le quartier général de l'armée prussienne , sous le commaudement
du prince héréditaire de Hohenlohe , doit venir incessamment
chez nous . On dit que ce corps s'attend à aller
se réunir à l'armée du maréchal de Mollendorf.
La halte que les troupes prussiennes avaient faite près de
Limbourg se trouve avoir été occasionnée par quelques difficuités
survenues en Westphalie au sujet de leur passage et de
leur entretien ; mais ces difficultés sont applanies . L'exportation
non-scalement des subsistances , mais même des denrées
d'Amérique , a été défendue dans les pays prassiens
de Westphalie ; ce qui a fait hausser considérablement leur
prix.
Suivant les dernieres nouvelles de ce pays , les Français ont
( 45 )
établi deux batteries sur la côte de Groningue à Delfiziel dans
le golfe d'Embden ; ce qui leur sert à gêner la navigation :
ils paraissent se proposer de gagner du terrein le long des
côtes ; on fait marcher contre eux des troupes de plusieurs
endroits , et la garnison de Hanovre est partie pour le comté
d'Oldembourg . Le comte de Walmoden à renforcé sou aile
droite dans l'Oost-Frise de 6,000 hommes commandés par lek
lord Cathcart, et 10,000 Hauovriens sous les ordres du prince
Ernest de Mecklembourg Streliez devaient arriver incessame
ment pour mieux aider à couvrir l'Ems . Le prince de Rohan
est aussi arrivé à Aurich avec son frere ; mais on ne dit pas
qu'ils aient amené beaucoup de troupes.
Au reste , il paraît que c'est moins dans la partie du Duché
des Cleves qui est sur la rive droite du Rhin , que les
Français ont fait des progrès , que sur la frontiere de l'évéché
de Munster , où leurs avant- postes allerent , le 28 février ,
jusqu'à Bocholt : c'est surtout à l'embouchure de l'Ems qu'ils
en veulent. Dès le g6 , ils étaient deja maîtres du comté
de Bentheim , et ayant battu les Anglais à Windschotten , les
avaient forcés de se replier sur Leers et Embden . Ils ont
quatorze cents hommes de garnison à Groningue , et toute
la province est en leur pouvoir.
On s'accorde à dire que les français veulent se porter dans
l'électorat d'Hanovre , et que la place que les puissances coa
lisées s'attacheront sur tout de défendre est Mayence , qu'elles
regardent comme le rempart de l'Allemagne , et dont la garni
son est portée aujourd'hui à 40,000 hommes ; ces puissances
feront plutôt, s'il le faut , le sacrifice de Luxembourg , et il parais
qu'il le faudra , car on l'attaque avec des mortiers d'une portée
infiniment plus forte que l'ordinaire , et ces pieces sont ser
vies par d'excellens canonniers . D'ailleurs , des déserteurs ont
répandu le bruit que le maréchal de Bender n'avait ordre de
senir que jusqu'au 15. mai .
ITALIE.
Des lettres de Milan , du 28 février , donnent à entendre
qu'il y circule quelques bruits d'une paix prochaine . Au reste
ces conjectures , car ce sont de pures conjectures , s'asseyent
uniquement sur ce que les ministres de ces états , les envoyés
d'Angleterre et ceux de Sardaigne ont ensemble de fréquentes
conférences . Des lettres du Piémont , arrivées dans cette ville ,
disent aussi qu'on se flatte d'avoir bientôt la paix ; mais elles
n'expliquent le comment en aucune maniere. Cependant ces
bruits paraissent démentis par l'activité des préparatifs du roi
de Sardaigne , qui aura une armée de 40 à 42,000 hommes ,
sans compter une vingtaine de mille hommes des milices intérieures
et les auxiliaires . On prépare des magasins pour toutes
( 46 )
ees troupes , dont le général Colli aura définitivement le
commandement en chef. Le pape a autorisé le roi à aliéner
pour 30 millions de biens ecclésiastiques dans ses états
pour fournir aux frais de cette campagne , qui exigera beau,
coup d'argent comptant.
On assure que le roi de Naples , pour completter son contingent
de 15,000 hommes , a expédié des ordres à toutes les
universités : Les individus qui , dans un mouvement de patriotisme
royal , ont offert nn cavalier équipé et monté , et qui
ne pourront réaliser cette offre , seront tenus de servir euxmêmes
en personne . On ajoute que les états de Sicile ont demandé
que le prince royal leur fût envoyé en qualité de vicerei
, et qu'il lui fût adjoint un conseil entierement,composé de
Siciliens , et que cette proposition a été acceptée. Le jeune
prince partira dans peu pour Palerme , mais avec un ministre
de confiance , chargé de la direction des affaires et de la cor- ·
respondance avec le ministere napolita .
Tandis que les autres états d'Italte se préparent à faire la
guerre , la Toscane jouit des bienfaits de la paix . Le due
régnant voulant faire connaître à toute l'Europe et à ses états
en particulier quelles sont les liaisons qui subsistent entre lui
et la nation française , a publié l'edit suivant :
ét sur
S. A. R. ayant considéré , depuis le commencement de
la guerre actuelle , qu'il ne serait ni juste , ni convenable pour
la Toscane , de prendre aucune part aux mouvemens qui
agitent l'Europe ; que la justice et le salut de ce pays ne
doivent pas reposer sur la prépondérance d'aucune des puissances
belligerantes , mais sur le droit sacré des gens ,
Ja foi inviolable des traités qui garantissent la franchise , et en
conséquence la neutralité du port de Livourne , but unique
auquel visent les étrangers ; qu'enfin , toutes les circonstances
d'intérêt et de politique exigent de sa part la conduite la plus
impartiale , elle s'est déterminée, à observer scrupuleusement
la loi de neutralité publiée par son auguste pere , au mois
d'août 1778 , comme loi fondamentale du grand duché .
" Les heureuses conséquences que cette détermination a
produites en Toscane , l'ont rendue agréable à tous ses sujets
qui , profitant du commerce de toutes les nations , sans faite
fort à aucune d'elles , se trouvent libres des diverses charges
que la crainte seule de la guerre occasionne.
99
que
Mais tandis S. A. R. avait la satisfaction de voir que
la Toscane , supérieure pour ainsi dire aux événemens da
tems , se reposait tranquillement sur sa neutralité , toujours
respectée par la République Française , elle s'est trouvée enveloppée
dans le tourbillon des révolutions qui agitent l'Europe.
S. A. R. ne pouvant résister ouvertement à l'orage , crut
devoir se borner à éloigner le ministre résident de cette Répu
(( 2471)
blique , seul acte que les circonstances impétienses du moment
lui arracherent , et qu'on ne pourra jamais alléguer comme'
une dérogation à la neutate constitutionnelle de la Toscane.
" L'exposé sincere de ces faits , qui n'ont besoin ni de
discussion , ni d'explication , et la conduite impartiale que
SA. R. a tenue ensuite envers la République Française et les
individus de cette nation , a rétabli la Toscane dans la jouissance
des avantages qui lui avaient été enlevés .
,, S. A. R. ayant conclu avec la Convention nationale de
France un traité , dont le but est de rétablir son antique neutralité
, pour l'avantage de cet état , et sans lézer les droits
ni les intérêts d'aucune des puissances belligerantes , avec les
quelles elle n'avait contracté aucun engagement , elle a cruen
devoir publier les dispositions .
En conséquence , S. A. R. ordonne à tous ses sujets d'observer
scrupuleusement l'edit de neutralité du 1er août 1778 ,
confirmé de son propre mouvement ,
je 22 mars 1799 , et
publié une seconde is à Livourne le 28 avril 17924; et pour
cet effet il sera communiqué un exemplaire do présent édit
aux consuls des nations étrangerss , résidans à Livourne , et
aux consuls de Toscane résidans dans les divers ports étrang
gers ,
Publié le 1er. mars 1795.
Signé , FERDINAND .:
Les lettres de Gênes , du 5 mars , disent positivement que
les maladies dont les troupes françaises étaient affligées sont
entierement finies . Les hôpitaux d'Oneille sout deja évacués ,
et l'on renvoie les convalescens cà France , pour faire place
aux troupes eu marche de Nice à Oneille . L'artillerie nombreuse
a été transportée de Loano à Bardinette , par
le moyen
de boeufs de charrois ; leur général en chef Scherer a visité
tous les postes , et il complete les régimens avec des troupes
fraîches .
ANGLETERRE. De Londres , le 3 mars 1795.
Débats du Parlement. Chambre des Communes?
Suite et fin de la séance du 5 février . Emprunt impérial .
M. Pitt continue, Si , par nos efforts , nous pouvons détruire la
puissance maritime de nos ennemis , la paix alors pourra être
faite à des termes beaucoup plus honorables qu'aujourd'hui . Le
plan de l'ennemi est de faire des paix particles pour duinuer
ses dépenses , et se mettre en état de résister plus sûremens
aux autres puissances . Mais , en supposant qu'ils puissent derermineria.
Prusse , par exemple , à se relâcher de ses premiers
( 48 )
1
efforts , ce doit être une raison pour redoubler les nôtres
sans cela , comment espérer une paix supportable ? Notre plus
grand intérêt est donc d'empêcher l'empereur de quitter la
coalition , et de lui fournir les moyens de mettre en came
pagne de puissantes armées : autrement , l'ennemi sera en´
état de dicter une paix honteuse , incompatible avec le repos
et le bonheur de l'Europe .
L'on a proposé d'employer cet emprunt aux dépenses de
la marine ; mais j'observerai que cet emprunt n'est pas une
taxe , qu'il est volontaire , et que le refus qu'on ferait de le
garanur , n'augmenterait pas d'un sterling fe tresor publie ,
ni par conséquent nos forces navales . Je pense , au reste
qu'il n'est aucun membre de la chambre , quelles que soient
ses opinions particulieres , qui ne soit convaincu que notre
marine ne soit bientôt portée au plus haut degré de force
et de puissance où elle soit jamais arrivée.
Si vous garantissez cet emprunt , l'empereur s'engage à
opposer à la France 240,000 hommes pendant la prochaine
campagne , et ainsi attaquée sur le continent , elle sera hors
d'état , même avec une requisition , de résister à nos forces
navales. Mais devons-nous placer notre confiance dans l'empereur
? He quoi ! devons- nous nous défier de lui , parce que
le roi de Prusse a manqué à ses engagemens ? Ce n'est rien
prouver , que de couclure ainsi du roi de Prusse aux autres
puissances de l'Allemagne. Les princes allemands et l'empereur
leur chef , n'ont - ils pas des raisons pour être fideles
aux engagemens qu'ils contractent avec les autres puissances ?
N'auront-ils jamais de guerres à l'avenir qui les forcent de
former des alliances et de recevoir des subsides ? Oublieront- ils
leur caractere et leurs intérêts ? leurs intérêts qu'ils ne peuvent
maintenir , quelles que soient leurs ressources , que par un
parfait accord avec les autres puissances ? Peut on même assurer
que la conduite du roi de Prusse sera la même en 95 et 96 ,
qu'en 94. Mais , parce que le roi de Prusse a manqué de
foi , doit- on renoncer à faire des alliances , doit- on se defier
du reste de l'Allemagne ? Doit- on ne plus compter sur la
bonne-foi qui lie les nations , et qui établit ce parfait equilibre
de forces et d'intérêts , où chacun trouve sa puissance
et sa sûreté ? J'observe , au reste , à l'honorable membre qui
est à la tête de l'opposition , et qui dans les circonstances
actuelles contredit sans cesse toutes les mesures du gouver
nement , qu'il a blâme autrefois les ministres de ne point
-faire d'alliances dans le continent , et de ne point operer une
utile diversion qui doublait nos forces , et affaiblissait celles
de nos ennemis.
La seule question qui soit véritablement à examiner , c'est
de savoir si l'empereur doit nous inspirer assez de confiance
pour que nous traitions avec lui . Cette question se reduit- d
celle- ci : /.
( 49 )
celle - ci : Le caractere personnel de l'empereur mérite - t- il
notre confiance ? Pouvons-nous compter sur ses dispositions
présentes ? Son intérêt est-il de traiter avec nous ? Up honorables
membre de l'opposition , M. Sheridan , a dit qu'il regardait
l'empereur comme le plus infidele de tous les princes
allemands . Mais je lui observerai que la maison d'Autriche
n'a jamais mérité cette injure . D'ailleurs , le monarque actuel
a les plus fortes raisons de poursuivre l'ennemi commun.
Consentira - t - il à perdre les Pays - Bas ? Verra-t -il tranquillement
les Français paisibles possesseurs de la Hollande ? Leur
abandonnera -t -il leurs conquêtes d'Espagne et d'Italie ? Peut-il
les contempler sans épouvante , marchant ainsi d'un pas rapide
à la rnine de l'Europe ? Non , il ne peut y avoir de doute.
sur l'intention où est l'empereur , de contribuer de toutes ses
forces à écraser cet ennemi désespéré , cet ennemi qui doit
tomber enfin sous les coups violens et non ralentis que lui
préparent de profondes et puissantes combinaisons . Après
trois ans de guerre , après être parvenu à obtenir à un grand
intérêt un emprunt de six millions sterling , peut - on
présumer qu'il abandonnera ainsi le grand objet qu'il pour
suit depuis si long tems ? Il a coopéré avec nous à la défense
de la Hollande , peut-on penser qu'il sera moins intéressé à
défendre l'Allemagne ? Ces six millions nous donnent toutes
les forces de l'Autriche ; si nous les refusons , nous restous
seuls contre l'ennemi , seuls nous aurons la France à com.
battre.
1
9
Nous avons pour garantie l'engagement solemnel et la
bonne foi de l'Autriche , qui n'a jamais été mise en question.
Vous vous liez dans ce moment avec la puissance la plus respectable
de l'Europe , qui peut devenir à l'avenir notre ressource
la plus assurée . Mais l'empereur cherchera - t- il , pour
six millions sterlings , à ruiner tout son crédit ? N'a- t- il pas
des revenus ? Et d'ailleurs , n'avons - nous pas le quart ou le
iers de l'argent que nous lui fournissons ? Et ne doit- il pas
défendre la banque de Vienne comme ses propres ressources ?
Il n'y a rien d'assuré dans les affaires humaines
moins en politique ; l'on doit , à cet égard , se contenter des
probabilités. S'il est donc probable que les mesures proposées
sont parfaitement conformes à notre intérêt , si elles tendent
à rétablir la paix de l'Europe , nous devons faire les plus
vigoureux efforts pour la défense de nos fortunes et de notre
sûreté .
9 et encore
Je conclus à ce qu'il soit présenté une humble adresse à
sa majesté , à l'effet de s'assurer que la chambre prendra toutes.
les mesures possibles pour l'augmentation des forces navales ,
lorsque cet objet sera soumis à sa discussion , et qu'elle re ,
merciera sa majesté de garantir à l'empereur un traité utile, à
la sûreté nationale et à la tranquillité de l'Europe.
Tome XV.
( 30 )
REPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONA L´E.
PRESIDENCE DE THIBAUDEAU .
Séance de duodi , 2 Germinal.
Un secrétaire fait leuré d'une lettre des représentans du
peuple près l'armée d'Italie , qui porte qu'un détachement da
treizieme régiment de cavalerie a enlevé aux terroristes d'Arles
un étendard couleur de sang , sous lequel ils voulaient se
réunir avec leurs complices de Marseille , pour opérer la
dérniere révolution . On a arrêté leurs chefs .
Ce jour était indiqué pour l'ouverture de la discussion sur
le rapport de la commission des vingt un " concernant les
quatre prévenus , Barrere , Collot , Billaud et Vadier . Le président
annonce qu'ils viennent d'arriver , sauf Vadier qui est
en fuite. La discussion s'ouvre .
Robert Lindet se présente à la tribune . On demande que
ee soient les prévenus qui aient la parole.
Plusieurs membres soutiennent que tous ceux qui composaient
les comités de gouvernement ayant été inculpés , on
ne peut se refuser à entendre ceux qui veulent se justifier .
La parole est accordée à Lindet. Il ouvre un manuscrit volumiueux
. C'est l'histoire des travaux de l'ancien comité de
salut public. Il passe sous silence les crimes qui pendant
quinze mois ont couvert le sol de la France , et ne parle que
de nos victoires dont il fait honneur au comité . Ce n'est pas
une défense qu'il présente en faveur de ceux dont il a eu le
malheur de partager les travaux , c'est leur éloge . La maniere
dont il traite les événemens du 31 mai excite de grands mur.
mures . Isnard s'écrie qu'il ne tardera pas à déchirer le voile
et de démontrer que la journée du 31 mai n'est pas l'ouvrage
du peuple , ni de la Convention , mais d'une minorité face.
tiense en révolte contre la majorité .
Lecointre ( de Versailles ) s'engage à prouver , de son côté ,
que les députés mis hors de la loi avaient fait le serment de
se venger de Paris .
Louvet se charge à son tour d'établir que l'ancien comité
de salut public fit faire des propositions royalistes au général
Wimplen dans le Calvados . Il convient qu'on s'y est armé ,
mais pour defendre la Convention et les Parisiens contre les
conspirateurs qui ont péri le 10 thermidor.
Lindet continue , et parle pendant cinq heures sur le même
( 51 )
ton. Il présente sous le point de vue le plus favorable la derniere
tyrannie . Plusieurs membres disent à- la- fois qu'on ac
peut davantage se moquer du peuple , que sans doute l'orateur
a dessein d'endormir tout le monde , que plus de la moitié des
députés s'en sont allés et qu'il veut les chasser tous .
Gaston demande l'impression de son discours , Dussaux lui
répond qu'il n'est pas juste que la République fasse les frais
d'uue telle impression , et que si l'on veut faire imprimer un
aussi long ouvrage , il faut en prendre les frais sur les indemnités
des membres . André Dumont dit que c'est un tissu
de faits faux et contradictoires .
Robert Lindet se trouvant fatigué , son frere Thomas prend
le manuscrit et en continue la lecture.
On dit que l'ancien comité a organisé un plan de famine .
Pensez-vous qu'un seul Français y croie ? Nous avons fait enrer
en une fois deux millions cinq cent mille quintaux de
blé étranger . Nous avons amélioré le change . En vous faisant
décréter qu'une commission reviserait les lois tyranniques , on
a voulu vous faire ordonner à vous - mêmes votre supplice ;
yous êtes jugés et vous n'avez plus qu'à marcher à l'échafaud .
Vos ennemis n'attendent pour vous frapper que le moment
où ils vous verront assez abattus pour ne pouvoir plus vous.
relever, S'ils n'en choisissent que trois aujourd'hui , ils se
réservent de désigner les autres . " #
Lindet termine en demandant qu'il soit fait un rapport sur
le
gouvernement , où l'on sépare bien ce qui tient au malheur
des tems et aux circonstances , de ce qui ne serait que personnel.
Carnot lui succede à la tribune. Je vais parler , dit- il , pour
les prévenus ; ils sont dans le malbeur , je dois être écouté
favorablement. Je les ai combattus quelquefois , lorsque tout
fléchissait devant eux ; je les défends , lorsque chacun les
accable. Carnot dénonce deux placards où l'on demande
40 têtes , et l'on dévoue à la mort ceux qui prendront la défense
des prévenus . Ces placards entraînent une discussion
sur la liberté de la presse . On ne prononce rien et la séance
se leve.
Séance de tridi , 3 Germinal.
Carnot est à la tribune pour continuer la lecture de son
discours. Il parle des signatures de confiance , et dit que la
signature est une opération purement méchanique et qui ne
sert qu'à prouver que le rapportenr a soumis telle ou telle
mesure au comité. Il invoque à cet égard l'usage des comités
actuels , et prouve la nécessité de cet usage. Il distingue deux
sortes de délits , délits contre - révolutionnaires et délits ultrarévolutionnaires.
On ne peut reprocher aux prévenus que
délits de cette derniere espece ; car , comment qualifierait- on
D 2
( 52 )
de contre - révolutionnaire , celui sur la motion duquel lá Rẻ-
publique a été proclamée ( Collot ) ; celui qui , par son opinion
, détermina le jugement de Capet ( Barrere ) ; mais les
délits ultra - révolutionnaires sont excusables , si l'on se reporte
aux circonstances et au vou populaire si clairement exprimé
dans les adresses . Carnot convient cependant que ces délits .
peuvent conduire à la dissolution de la République , mais
l'intention peut alors n'être pas coupable.
On dit qu'ils n'ont abattu Robespierre que parce que
leur ambition ne pouvait pas s'accorder avec la sienne ; mais
ceux qui leur adressent ce reproche eussent été eux - mêmes
les victimes de Robespierre sans les prévenus . Leurs registres ,
ajoute-t- on , contiennent la preuve de tous leurs abus de pouvoirs
et de leurs crimes. S'ils n'avaient rien voulu prendre
sur leur responsabilite , pour augmenter l'énergie de nos défenseurs
et étendre nos ressources , la République aurait
peut - être succombé et leurs registres seraient en reglé. Ce
procès est un triomphe pour l'aristocratie , puisqu'elle voit
poursuivre ses anciens ennemis ; on prétend que vous n'étiez
pas libres ; un républicain est libre au milieu des fers . Mais
qui vous empêchait de parler? C'était à qui demanderait l'impression
et la traduction de leurs discours dans toutes les
langues . Si vous étiez de mauvaise foi , si , en adoptant telle
ou telle mesure , vous ne lez croyiez pas bonnes , ceux qui
vous les proposaient n'étaient pas plus coupables que vous ;
et vous les puniriez de votre faiblesse ! On veut vous amener
à convenir que vous étiez tous complices de Robespierre ;
les uns par cruauté , les autres par lâcheté. On vent vous
faire faire votre acte d'accusation . Carnot demande qu'il
soit dit qu'il n'y a pas lieu à accusation contre les prévenus .
Prieur ( de la Côte d'or ) , Moyse Bayle et Rhul parlent
dans le même sens ; ils n'ont vu dans les prévenus que l'enthousiasme
de la liberté . Ils déclarent qu'ils ne sépareront
point leur cause de la leur. Ils citent plusieurs faits tendans
à faire rejetter sur les triumvirs morts les principales atrocités
reprochées aux prévenus ; et pour intéresser sans doute à leur
cause les 73 nouvellement rentrés , ils assurent que c'est à
eux à qui ils doivent la vie.
Legendre fait part d'une conversation entre Robespierre et
Danton , dont il a été témoin , qui vient à l'appui de cette
assertion . Robespierre y déclara que la liberté ne pouvait
s'établir que sur la mort des 73 .
Elie Lacoste et Dubarran sont entendus . Ils déclarent être
dans les mêmes principes que Robert Lindet. Vouland partage
leur avis . Amar s'excuse sur ce qu'il n'a été que l'organe
du comité dans le rapport qu'il a fait sur les 21 et les
73. Il dit qu'il a suivi l'impulsion et la direction politiqué
des faits , des événemens et de l'opinion publique , que les
( 53 )
décrets rendus sur son rapport , ont été nécessités par les
circonstances , et approuvés par une foule d'adresses .
Oudot cherche à faire prendre une autre marche à la délibération.
Il dit que la Convention n'a pas le droit de prononcer
sur les prévenus , et qu'il faudrait un tribunal national
pour les juger. Il ne croit pas suffisante la garantie donnée
aux députés . Cependant , si la Convention les juge et que
les faits se trouvent constans , il opine pour qu'on les condamne
au banissement . La discussion est ajournée à la prochaine
séance .
Séance de quartidi , 4 Germinal.
Le représentant du peuple près l'armée de l'Ouest , écrit
que Stoflet sera bientôt obligé de demander à genoux le pardon
qn'il a insolemment refusé . Nous sommes entrés le 15 ventôse
à Chalonne , d'où nous avons poursuivi l'ennemi jusques sur
les hauteurs , et nous n'avons eu personne de tué.
La discussion sur les prévenus continue : Collot d'Herbois
paraît à la tribune , et dit :
C'est un tableau moral et politique que présentent ici
trois hommes longitems obscurs qui de concert avec des
collegues courageux , appuyés de votre puissance , ont soutenu
sans affronts , pendant quinze mois , ane lutte formidable
contre les tyrans de l'Europe , et qui luttent aujourd'hui ,
par un sort contraire , pour écarter loin d'eux de sinistres
accusations . Quel qu'en soit le résultat , les rois humiliés ne
pourront contempler notre situation sans un plaisir secret ;
mais les coups que nous leur avons portés nous dédommagent
et nous consolent . Les amis les plus ardeus de la liberté
sont accusés d'avoir voulu la renverser On feint d'oublier
que les royalistes se sont efforcés de détruire le gouvernement
républicain on feint d'oublier que le Midi a été en
proic aux factieux , que Lyon fut en révolte ouverte contre
la représentation nationale : on feint d'oublier que , dans
les tems difficiles , le salut du peuple est la suprême loi !
" Une paix solide , ou du moins des neutralités sinceres ,
préparées par des victoires . Les métaux méprisés , les assignats
appréciés , les ressources de guerre et d'approvisionnemens
abondantes , les armées sans besoin et pleines d'ardeur
, les tyrans de l'Europe battus et humiliés ; c'est dans
cet état que nous avons laissé les choses . Etiez - vous impuissans
au milieu de tant d'activité ? Comment de si grandes choses
seraient- elles opérées sans vous ? A vous en appartient toute
la gloire . C'est vous qui avez abattu les ennemis du peuple ;
c'est vous qui avez fait disparaître les volcans qui mûrissaient
leurs feux sous la République naissante. Le peuple était là
aussi quand les armées triomphaient. Il était autour de vous
pour bénir vos lois bienfaisantes , et celles qui tendaient à
D 3
( 54 )
réprimer ses ennemis . Si des opérations si glorieuses n'avaient
pas été consommées par le peuple et par vous , il y aurait
donc des effets sans cause et sans principes .
" Nous savons qu'il s'est commis des excès défavorables ,
auxquels nous avons remédié de tout notre pouvoir ; l'on s'en
convaincra si l'on ouvre noire correspondance . Il est des
hotames qui n'ont rien fait pour la révolution , et qui se
présentent pour en profiter pendant deux années ils regretterent
le tyran , et paraissent aujourd'hui aimer la liberté
avec fureur ; ils animent contre nous les passions les plus
violentes .... Vous jugerez comme le peuple fait lui - même :
il ne condamne pas ceux qui l'ont bien servi ; s'ils ont commis
des fautes , il les excuse ; il ne prononce que sur les intentions
. Ainsi , dans les armées nul n'est responsable d'une
mauvaise manoeuvre , quand il n'y a point de perfidie.
" Nous n'avons point conspiré , ou plutôt , oui , nous
avons conspiré sans relâche contre les tyrans , contre les
ennemis de la patrie ; nous avons conspiré pour les succès
des armées , pour le bonheur du peuple . Collot donne
lecture de plusieurs arrêtés pris le 9 thermidor , par la commune
conspiratrice , et qui le frappent de proscription , ainsi
que Barrere , Billaud , Tallien , Fréron , Moyse Bayle , Granet
et plusieurs autres . Il rend compte de ses opérations habituelles
au comité ; elles concernent les objets de bienfaisance nationale ,
Tes secours à accorder aux défenseurs de la patrie , à leurs
veuves et à leurs enfans : il dit qu'il s'en occupait 15 heures
par jour.
" Ce n'est pas nous seuls , ajoute - t - il , que la calomnie veut
perdre . Les rois n'ont point d'amis parmi vous les rois
Vous haïssent ; il faut des victimes à leur haine . De vieux
courtisans , consommés dans l'art de diviser , leur ont dit :
vous ne parviendrez à vaincre qu'en attisant la discorde ; laissez
reposer vos armées vaincues : il s'agit d'une autre guerre, commencez-
la par d'infâmes libelles , continuez - la par des poiguards
, et vous la finirez par des boureaux . Ces conseillers
ont trop bien réussi . L'ombre de Capet est là qui plane et qui
vous dénonce . Vous , qui l'avez jugé , il faut vous attendre
à périr vous , qui ne l'avez point sauvé , vous ne tarderez
pas à suivre les autres . Tuez - les , s'écrient nos ennemis
Tuez-les , coupables ou non et ces cris de mort sont proférés
au nom de l'humanité et de la justice . Depuis six mois
abreuvés d'amertumes , privés en quelque sorte de l'exercice
des droits que le peuple nous a confiés , souvent quelques amis
nous ont conseillés de fuir . Celui qui n'est accusé que pour
avoir rempli ses devoirs ne fuit pas . Nos têtes sont là ,
posez- en , et que ce soit utilement pour la patrie .
" Nous sommes persécutés pour avoir défendu la cause
du peuple ; nous ne déshonorerons pas une si glorieuse infortune.
dis(
55 )
" Collot termine son discours en demandant , au nom de
ses collegues , que la discussion s'ouvre sur les divers articles
d'inculpations. 3
Saladin , rapporteur de la commission , dit qu'elle n'a pas
cru devo distinguer chaque fait séparément. Dans l'affaire
de Carrier on a classé les faits , parce qu'ils n'avaient pas
entr'eux une haison immédiate ; mais dans celle - ci il a fallu
les rapprocher & eu faire decouler des preuves et des consé
quences parce qu'il s'agit d'établir une conspiration de quinze
mois. Il demande la question prealable sur la motion de
Coliot.
Chenier pense qu'on ne doit pas changer l'ordre du travail
de la commission , en laissant aux prévenus toute la latitude
possible dans leur defense , et que si on eût suivi cette marche
le 3 cct be , leurs collegues siégeraient encore parmi eux .
Ce n'est pas lombre de Capet , ajoute- t-il , qui plane dans
cette enceinte , mais celle des Condorcet , des Vergniaud ,
des Camille Desmoulins , des Phelippeaux , qui ont été assas
sines de la maniere la plus horrible . Ce sont les ombres des
milliers de républicains assassinés dans le Midi et dans les
departemens de l'Ouest , sous prétexte du fédéralisme qui
n'exista jamais que dans l'imagination des tyrans .
Cambon denonce un discours de l'abbé Sieyes , prononcé
par lui au moment de la rentrée des députés mis hors de la
loi , et dont la Convention a ordonné l'impression . Sieyes
divise notre session en deux époques , dit Cambon ; depuis.
l'ouverture de l'Assemblée jusqu'au 31 mai , et il y a eu
oppression de la Convention par le peuple trompe ; depuis
le 31 mai jusqu'au 9 thermidor , et il y a eu oppression du
peuple par la Convention asservie . Ainsi d'après ce systême ,
nous n'avons jamais été libres et nos actes sont nuls , Ainsi
c'est en vain que nous avons proclamé la Republique , à tort
que nous avons condamné Capet ; voilà les consequences dia
discours de Sieyes .
Sieyes je dois expliquer une opinion que l'on travestit ,
et de laquelle on tire de fausses conséquences. Je pense que ,
depuis le commencement de notre session jusqu'au 2 juin
on a employé tous les moyens possibles pour égarer le peuple
sur les sentimens de la Convention , et qu on a prepare notre
asservissement en nous entourant de calomaies et de menaces.
Mais il ne s'ensuit pas que dans l'intervalle qui s'est écoulé
entre ces deux époques , nous ayons été sans liberte ; ce n'est
pas mon opinion. Alors la majorité de l'Assemblée luttait
avec succès contre la minorite factieuse , et son oppression
n'a éte consommée que le 2 juin où • par violence ,
conspirateurs enleverent du milieu de nous nos collegues.
Depuis ce jour jusqu'au 9 thermidor , la Convention n'a été ,
Suivant l'expression énergique d'Isnard , qu'une machine à
les
( 56 )
:
décrets . Il ne s'agit d'accuser ni la Convention ni le peuple.
Le peuple est bien intentionné , toujours excellent ; mais on
avait substitué à sa volonté les cris de quelques milliers de
séditieux . On appellait la nation , la portion du peuple qui
parlait , parce qu'on supposait que c'était la seule qui voulût
agir. L'asservissement de la Convention daſant du 2 juin ,
l'établissement de la République et la mort de Capet ne peuvent
être accusés d'illégalité , puisqu'ils sont bien antérieurs à
cette époque quant à ce qui a été fait depuis le 2 juin , il
est aisé de calmer toutes les inquiétudes , en le rectifiant aujourd'hui
que nous sommes libres.
22
Laporte ramene l'état de la question dont on s'était écarté
pour se livrer à des personnalités .
Legendre dit que la République était devenue une vaste
bastille ; le Nord a été décimé , le Midi embrâsé , le Rhône
a rendu la Méditerranée témoin du sang qui y a été répandu
et que la tyrannie siégeait dans la Convention . Qui tenait alors
les rênes du gouvernement ? les prévenus . Qui dirigeait le tribunal
révolutionnaire ? eux ; car nos collegues demandant de
faire entendre à leur décharge plusieurs membres de la Convention
, on vint vous dire qu'ils se révoltaient contre le tri
bunal , et on fit rendre un décret pour les mettre hors des
débats . Legendre ajoute qu'il voit qu'on cherche à éterniser
ce procès , et que des hommes qu'on n'accuse pas viennent
se défendre pour essayer d'embarrasser. Il demande l'ordre
du jour sur la proposition de Collor .
"
Barrere se joint à Collot. Il se flatte de ne laisser aucun
nuage sur sa conduite , et de prouver à la France qu'il n'a été ,
ainsi que ses co - accusés , qu'un bon citoyen et un ami de
la liberté et de la justice . Il a dit le 2 juin à la Convention
que , si elle était esclave , elle ne pouvait délibérer , et il lui
proposa de sortir et de délibérer au milieu des Tuileries . II
a concouru à la journée du 9 thermidor , et s'il avait été
fauteur de l'oppression du peuple , on l'aurait condamné à
cette époque. La discussion est renvoyée au lendemain.
Séance de quintidi , 5 Germinal.;
Il y a eu hier soir une séance pour le renouvellement du
bureau. Pelet a été élu président ; les secrétaires sont , Serres ,
Vilmain et la Réveillere - Lépau .
Le président annonce aujourd'hui que les prévenus sont
dans la salle , et il invite les citoyens au silence .
Saladin fait lecture de la partie du rapport relative au premier
chef d'accusation . Il s'agit des nombreuses bastilles dont
l'ancien gouvernement avait chargé le sol de Paris et de toute
la République.
Barrere répond que le comité n'a destiné qu'une seule maison
de Paris , le collège des Quatre- Nations , à une maison
( 37 )
d'arrêt , et par humanité , pour servir de décharge à la Con
ciergerie , où s'était manifestée une maladie épidémique . Il
ajoute que des prisons nombreuses étaient les suites nécessaires
d'an mode de gouvernement que la Convention avait
établi , d'après le veu du peuple , et que les passions , l'esprit
de vengeance et même le zele révolutionnaire ont causé
ces maux .
Saladin lit le second chef d'accusation : les arrestations
arbitraires et le bureau de police générale .
Collot-d'Herbois y répond et fait l'éloge de son humanité.
Il s'attaché sur tout à justifier un discours prononcé par lui
à la tribune , et dans lequel il dit qu'il faut miner les prisons ,
y mettre de la poudre et tenir la mêche allumee , pour faire
sauter les détenus , s'ils tentent de nouveaux efforts contre la
République . H ajoute que c'était le 17 septembre , au milieu
des dangers de la patrie , lorsque les Autrichiens se trouvaient
sur notre territoire , que ces paroles lui échapperent , et que
ce fut enthousiasme ou délire , Il réclame d'ailleurs la liberté
des opinions .
Choudieu demande que la commission des 21 soit censurée
, pour avoir mis auinombre des chefs d'accusation une
opinion prononcée dans le sein de la Convention . Leblanc
dit que cette opinion n'est pas plus extraordinaire que celle
d'un homme qui du fauteuil annonça la destruction prochaine
de Paris .
Isnard , contre qui ce trait était lancé , déclare qu'il s'honore
de la réponse qu'il fit alors à la commune conspiratrice ,
qu'il lui ft mesurer de l'oeil l'abyme où des perfides voulaient
l'entraîner , et que si elle n'avait pas trouvé des complices
dans l'Assemblée , la France n'aurait pas été baignée dans le
sang.
Bassal annonce qu'il a des pieces qui découvrent la nature
des projets arrêtés dans le Calvados . Il cite le fragment d'une
lettre de Buzot , qui porte que J. J. Rousseau aurait voté pour
la destruction de Paris , s'il avait laissé ses idées sur le gouver
nement fédératif.
Louvet dit qu'il a aussi dans les mains une piece qui prouve
qu'on excite par-tout la calomnie contre les membres rentrés,
qu'on promet des emplois , des honneurs , de l'argent , si l'on
veut la propager . Il assure que les pieces sont fausses .
Lecointre en lit une qui établit que Charles Lahaie , un des
députés mis hors la loi , avait pris parti dans l'armée catholique
et royale.
On demande le dépôt de ces pieces sur le bureau , et qu'elles
soient cotées et paraphées . Cette motion est décrétée .
Séance de sextidi , 6 Germinal.
Billaud-Varennes paraît.à la tribune.
Une accusation , dit-il , doit- être bâsée sur deux points ;
1
( 58 )
*
premierementil faut prouver un délit constant"; secondement
il faut prouver que ceux, qu'on accuse sont coupables de ce
délit . Le premier chef d'accusation contre nous porte que
nous avons convert la France de prisons , et l'on produit
ep preuve de cette allegation , un seul arrêté pris sur la
demande de la commission de police et tribunaux , et auxquels
huit signatures sont apposées. La premiere signature
était ordinairement celle du membre qui provoquait la mesure.
On m'accuse d'avoir dit qu'il fallait mettre la terreur
à Fordre du jour , et ne pas prendre de demi-mesures :
quand j'ai parlé ainsi je n'étais pas membre du comité , c'était
le 5 septembre la patrie était en danger , le peuple slarmait
, je dis qu'il ne fallait pas prendre de demi mesures
et je crois avoir servi la patrie dans cette circonstance. Onnous
accuse d'avoir ordonné des ariestations arbitraires ;
des trois arrêtés que l'on cite en preuve , deux ont été pris
par les deux comités réunis l'autre , qui est le maudat
d'arrêt contre la emme Gabarrus , est écrit en entier de
la main de Robespierre . Je pense d'ailleurs que la citoyenne
Gabarrus était comprise dans la loi du 17 septembre , puisqu'elle
est étrangere et d'un pays en guerre avec la France.
Le bureau de police générale à été créé sur un rapport de
Saint -Just. Si les tyrans en ont abusé , c'est leur crime,
c'est avec ce crime que nous les avons confondus le 9 ther
midor . Aucun de nous n'a travaillé dans ce bureau ; chaque
membre avait son attribution. Cependant Clauzel nous a dé
noncé hier comme les meneurs du comité ; et ce membre st ,
le 6 nivêse , une dénonciation qui a été remise à la commission
des vingt an , et qui implique les deux comités en
masse , sans nous attaquer personnellement . Billaud donne
lecture de cette piece , dans laquelle on dit que Collot et
ElieLacoste avaient connaissance que l'intention de Robespierre
était de suspendre les séances de la Convention .
Collot-d Herbois donne des explications sur les mandats
d'arrêts. déclare avoir signé avec regret celui contre Antonelle
. Quant à la citoyenne Gabarrus , elle était comprise dans
la loi du 17 septembre comme espagnole , et à cause de ses
liaisons avec les membres de l'Assemblée constituante réputés
conspirateurs. Il assure que Robespierre n'a jamais proposé
la suspension des séances de la Convention .
Cambon déclare que deux mois avant le 9 thermidor il avait
ramé la perte de Robespierre au comité de sûreté générale
avec ses collegues . Il avoue qu'il crut qu'ils étaient trahis et
Jeur perte certaine , lorsqu'il entendit Barrere faire , le 8 thermidor
, l'éloge de ce tyran . Il est démontré pour lui que les
prévenus , loin d'avoir conspiré avec lui , conspiraient contre
lui.
Legendre ( de Paris ) : J'ai dit que les tyrans me s'étaient
59 )
brouillés que sur le choix des victimes , et je vais le prouver,
Le 8 thermidor , lorsque Robespierre prononça son fameux
discours aux jacobins , Collot- d'Herbois lui dit : Que fais - tu ?
ñe sommes- nous pas tes amis ? veux - tu nous perdre ? Le 9 ther
midor , lorsque Saint-Just commença son discours , Carnot ,
Barrere et Billaud , étaient présens à la séance . Billaud né
dit autre chose , si- non que Saint Just était un conspirateur ,
parce qu'il avait promis de montrer son discours au comité ,
et qu'il n'en avait rien fait. Les deux autres n'accuserent Robespierre
que d'avoir protégé un commis qui avait volé la
caisse du comité .
Legendre cite un fait dont il a été le témoin , relatif à
Fretean Collot aborde Villatte dans la salle de la Liberté .
et lui dit : Est - il vrai que Freteau soit acquitté ?
:
―
Qui.
C'est un ex- constituant , il sera repris . Il le fut en effet ,
et bientôt guillottiné .
༦ ་
Il en rapporte un second , cité par Villatte . Lorsque Robespierre
eut prononcé son discours aux jacobins , Barrere en
sortit furieux ; Villatte l'accompagna . Barrere lui dit : Je suis
saoul des hommes . Si j'avais un pistolet , je me brûlerais la
cervelle. Mais quelle raison , dit Villatte , peut avoir Robespierre
de t'attaquer ? -Ce Robespierre est insatiable ; parce
qu'on ne fait pas tout ce qu'il voudrait , il rompt la glace.
S'il ne demandait que les têtes de Tallien , de Freron , de
Legendre , Bourdon , Panis et Monestier qui a vexé toute ma
famille , nous nous entendrions . Mais Vouland , Vadier , Granet
, Bayle ; c'est impossible .
3
La discussion est interrompue pour entendre Anguis , au
nom du comité de sûreté générale , qui donne connaissance
d'une dépêche annonçant que de nouveaux complots out
éclaté et ont été déjoués à Toulon . La conduite des représentans
du peuple dans ces contrées a été approuvée.
PARIS . Nonidi , 9 Germinal , 3º . année de la République.
La discussion , sur les trois membres de l'ancien comité
de gouvernement , a pris une tournure qui ne promet
pas de voir cette affaire si - tôt terminée . Si les passions
dormaient quand la justice veille , ces lenteurs n'auraient
aucun danger ; mais l'intrigue fait toujours son
profit du tems , et celui que la justice met à s'éclairer ,
sert aussi les méchans qui ont leurs raisons pour ne pas
aimer la justice .
Tout annonce que cette affaire , loin de s'éclaircir par
les débats , va se noyer dans un cahos inextricable .
( 60 )
Ceux qui ont intérêt de l'obscurcir la présentent d'abord
comme le procès collectif fait à l'ancien gouvernement.
En associant à leur cause tous ceux qui y ont pris une
part plus ou moins directe , et qui redoutent un examen
trop severe de leur conduite , ils esperent qu'en
effrayant la Convention par le nombre des accusables ,
c'est le plus sûr moyen de l'obliger à n'en poursuivre
aucun . Dans une administration qui paraît indivisible
, comment , distinguer , comment choisir ? On a
senti tout l'avantage qui naîtrait de cet embarras , et
ceci explique comment tous les membres des anciens
comités de gouvernement n'ont point voulu séparer
leur position de celle des autres prévenus .
3
D'un autre côté , faire le procès à l'ancien gouverne
ment qui a pris le timon des affaires dans des circonstances
dificiles , qui a procuré à la République de
grands succès au dehors , et étouffé de grandes agitations
au dedans , n'est- ce pas le faire en même tems à
la révolution ? Second motif d'embarras .
En liant cette affaire à la journée du 31 mai , on était
sûr de rallumer un nouveau tison de discorde . Il faut
discuter les causes et les effets de cette révolution . Ceux
qui y ont participé auront intérêt de la défendre . On
réveillera contre d'autres membres les accusations de
royalisme , de fédéralisme ; on produira des pieces tenues
cachées jusqu'à ce moment ; ces pieces donneront lieu
à des discussions . Les anciennes haines se rechaufferont ,
les esprits seront incertains , et de nouveaux incidens
feront perdre de vue l'objet principal qu'il s'agit d'examiner.
Si l'on parvient à faire appréhender des recherches
sur des journées plus anciennes et non moins déplorables
, sur celles des 2 et 3 septembre , on aura de plus ,
pour auxiliaires , tous ceux qui sont intéressés à couvrir
d'un voile épais ces malheureuses époques de la révolution.
Qu'on ajoute maintenant tout ce que les royalistes ,
les mécontens , les voleurs , les fripons , les terroristes ,
tous les agens de l'étranger , peuvent avoir de motifs de
se joindre à ces différentes combinaisons d'intérêts , et
l'on aura une idée de la position critique où se trouve
la Convention , et de la tactique employée pour diriger
contre elle tant de moyens séparés . Si par une fatalité
désastreuse , ou par un calcul raffiné de malveillance ,
la difficulté des subsistances se fait sentir au milieu de
ces conjonctures malheureuses , l'embarras s'augmente(
61 )
1
de l'inquiétude que le peuple peut concevoir sur ses
besoins les plus pressans .
Ce qu'il y a d'étrange , sans qu'on ait cependant le
droit de s'en étonner , c'est que des hommes qui ont
joué le rôle d'accusateurs infatigables , qui ont tourmenté
la Convention de leur acharnement à poursuivre les
prévenus , sont aujourd'hui les premiers à jetter leurs
armes pour fuir avec plus de facilité. Il serait moins
étonnant encore que quelques personnes qui , depuis le
9 thermidor , ont été si opposées , finissent peut- être
par s'entendre . Ce ne serait pas la premiere fois dans la
révolution , que les gens de bonne foi auraient été pris
pour dupes d'intrigues habilement concertées .
Quoi qu'il en soit , il n'y a qu'une constante énergie
de la Convention qui puisse la faire triompher de tous
ces obstacles . Ce n'est ni du sang ni des vengeances
que desirent les vrais amis de la liberté. Que leur importe
que quelques individus soient absous ou punis
qu'ils vivent ou qu'ils soient déportés . Mais ce qui leur
importe , c'est qu'on sauve la chose publique ; c'est qu'on
n'attache pas le sort de la patrie à quelques intérêts
individuels , quelque majeurs qu'ils puissent être ; c'est
que la Convention ne se replonge pas de nouveau dans
ces effroyables discordes qui ont amené la funeste journée
du 31 mai et les désastres qui en ont été la suite .
Il faut calculer les conséquences qui naîtraient du
triomphe des partisans de l'ancien gouvernement sanguinaire.
Il est malheureusement trop vrai qu'il existe
des hommes pour qui les passions sont tout , et la Répu
blique n'est rien , qui sacrifieraient à leurs ressentimens ,
principes , justice , ordre , bien public , liberté , et qui
disent comme Atrée : Périsse l'univers , pourvu que je me
venge . Si ces hommes l'emportent , la Convention va être
en proie à de nouveaux déchiremens ; tout ce qu'il y
a d'ennemis de la chose publique va relever une tête
insolente , tout ce qu'il y a d'amis sinceres de la liberté
va retomber dans le découragement. Ils chercheront dans
la Convention leur appui et leur boussole , et ne retrou
veront plus que deux partis acharnés à leur perte , tantôt
vainqueurs , tantôt vaincus , selon la nature des circons
tances . Hommes passionnés ou corrompus ! ne voyezvous
pas que l'incendie est au vaisseau de l'état, qu'en se
disputant sur la manoeuvre , les flammes gagnent , et que
si vous périssez vous-mêmes , tout l'équipage périt avec
vous .
( 62 )
Est- il donc si difficile de se former une idée juste sur
cette affaire ? Il ne s'agit pas de faire le procès à la
révolution , mais aux crimes exécrables commis sous le
voile de la révolution . Il ne s'agit pas de punir les
hommes qui n'ont été qu'égarés , mais d'atteindre les
chefs qui ont provoqué tant d'excès . Il y a deux vérités
incontestables : l'une , c'est que depuis le 31 mai la Convention
a été sous le joug de la plus horrible tyrannie ;
T'autre , que les crimes des anciens comités de gouvernement
n'ont pas même pour excuse la nécessité et
T'utilité.
On veut que Robespierre et ses deux misérables complices
aient été les seuls auteurs de cette monstrueuse
tyrannie. Mais qu'étaient donc les autres membres des
comités ? Quoiqu'ils se fussent partagé le travail ainsi
que les pouvoirs , et que le département de la police
feur ait été étranger , ignoraient- ils les meurtres et les
horreurs commandés par ces trois brigands ? Tremblaient-
ils à leur tour devant Robespierre ? n'avaient-ils
pas du moins le courage de l'inertie ? ne pouvaient-ils
pas quitter cet affreux repaire , et venir le dénoncer à
la tribune ? Comment justifier cette lacune de 40 jours
pendant lesquels , Robespierre absent , jamais les boucheries
n'ont été plus nombreuses , ni la justice et l'humanité
plus indignement outragées . Comment justifier
ces listes d'assassinats , qui se faisaient dans les prisons ,
par ces hommes désignés sous le nom dérisoire de moutons
, et qui étaient bien plutôt des tigres , envoyés pour
les victimes ? S'il est vrai , comme on l'assure ,
et que les comités actuels en ont la preuve ou peuvent
l'avoir facilement , que ces listes ainsi rédigées passaient
sous le visa des comités , avant d'être envoyées au tribunal
révolutionnaire , comment justifier cette approbation
du meurtre sans aucune forme de procès . Le cours de
ces assassinats a - t-il été suspendu un seul jour ? La voix ,
non pas de la clémence , mais de la seule humanité ,
mais du fantôme même de la justice , s'est- elle fait entendre
une seule fois ? Les comités ont - ils instruit la
Convention de cette oppression de détail qui pesait sur
toute la République ? Ne l'ont-ils pas constamment
trompée , et sur la guerre de la Vendée , où il suffit d'interroger
le premier volontaire , pour savoir jusqu'à quel
point on a sacrifié tant de braves défenseurs , ou à l'impéritie
ou à la perfidie des généraux et sur ces conspirations
nombreuses , créées pour le seul besoin d'égorger
, et sur toutes ces mesures provoquées sur des exposés
marquer
( 69 )
Estucieux , en faisant croire que la moitié de la nation
trahissait l'autre . La Convention avait ordonné la rẻ-
duction d'une ville rebelle ; mais avait elle commandé
à Collot de l'exterminer par le fer et la foudre ?
Veut-on connaître le véritable jury d'accusation dans
cette affaire ? Qu'on appelle de tous les points de la
République , les milliers d'orphelins , de veuves , de
familles désolées qui tous pleurent et redemandent
leurs peres , leurs époux , leurs parens , leurs amis , impitoyablement
livrés au fer des bourreaux . Qu on inter
roge la conscience de tous les citoyens , effrayés , pillés ,
incarcérés , et qui n'ont survécu à la tyrannie , que
parce qu'on ne meurt pas tout-à - coup de douleur et
d'angoisse. Et quels étaient les auteurs de tant de calamités
, si ce n'est ceux qui avaient envahi tous les pou
voirs , et qui tenaient la Convention et la majorité du
peuple sous le glaive de la terreur !
Qu'on cesse de vanter le maintien de la paix inté~
rieure ? c'était la paix des cadavres et des tombeaux .
Qu'on ne parle pas de nos triomphes ? ils ne sont pas
l'ouvrage des prévenus ; ils sont le résultat de plans qui
leur sont étrangers ; ils sont le prix du courage de nos
intrépides guerriers et de leur dévouement sublime à
la liberté de leur pays . Les invoquer , c'est leur faire
outrage. Tandis qu'ils volaient à la mort ou à la victoire ,
les tyrans faisaient égorger leurs peres ou leurs amis , et
livraient à la nation entiere une gguerre mille fois plus
ruelle que celle des despotes coalisés .
Il eût été à desirer sans doute qu'une sage prévoyance
eût calculé tous les effets d'un examen rétrograde des
grands mouvemens de la révolution . Mais aujourd'hui
que la Convention , soit piége , soit sentiment de justice
nationale , a été conduite jusqu'à la nécessité de
prononcer, il ne reste que deux partis à prendre , ou de
jetter un voile politique sur le passé , ou de résoudre
franchement une question que l'opinion a déja résolue ,
Si dans la premiere mesure on trouve l'oubli de toutes
les querelles et la réunion de tous les partis , elle peut
être salutaire ; car tout est bon en révolution , pourvu,
qu'on avance la révolution . Mais si au contraire on y
apperçoit le germe de nouvelles dissentions , si l'on est
convaincu qu'un parti prenne l'indulgence pour un
triomphe , et'ne se prépare à essayer un nouveau des
potisme , et à méditer de nouvelles vengeances , il n'y
a pas à balancer ; de l'énergie , encore de l'éner
gie, et toujours de l'énergie . Il y aurait un troisieme
1
( 64 )
parti ....... Mais quel que soit le parti que prenne
la Convention , il est urgent de le prendre , car les plus
grands intérêts l'appellent ; il s'agit des moyens de subsistance
, du crédit public et des assignats ; il s'agit de
terminer une guerre dont l'Europe entiere est fatiguée ,
et qui entraîne après elle tous les genres d'épuisement.
1
NOUVELLES OFFICIELLES.
Au quartier-général de Groningue , le 12 ventôse , l'an 3º. de la
République. A général Pichegru.
Je t'annonce , général , que nous sommes maîtres de
Stateużyl , Nieuw et Oudechans , la forteresse de Bourtinge
et la partie de l'Ostfrise , depuis la rive gauche du Lemps ,
vis- à - vis Bourtange , jusqu'à l'embouchure .
une
Les brigades des genéraux Jardon et Meynier étaient
arrivées dans leurs positions le 9 , pour attaquer l'ennemi le
lendemain , et le chasser de la position qu'il tenait , ainsi
que des forteresses de Nieuw , Oude chans et Bourtange , après
action assez vive à Beersterryl , avec les découvertes qui
allaient reconnaître l'ennemi . La digne était coupée en plusieurs
endroits , en avant de cette écluse , et il commençait
une redoute pour masquer une batterie de trois pieces . Elle.
était soutenue par l'infauterie des légions de Rohan et Salm .
Deux compagnies de grenadiers , et une du cinquieme des
chasseurs , les ont chassés de ce poste , pris les trois pieces
de canon , deux caissons , quarante chevaux et des prisonniers ..
L'ennemi , en prenant la faite , s'est dispersé des deux côtés
de la digue , et a cherché à se sauver , d'un côté , dans les
inondations ; de l'autre , sur la glace dont est encore couvert
le bord de la mer. Il s'en est noyé un grand nombré. „
> Signé , MACDONAL.
Les lettres de Toulon disent que deux de nos frégates ont
attaqué le vaisseau anglais le Warwick , de 74 , séparé de l'escadre
, et qu'après un combat sanglant et opiniâtre , ce vaisseau
a été pris. Elles ajoutent que notre escadre est à la
poursuite de 11 vaisseaux ennemis , qui ont été séparés des
autres par un coup de vent , et que dans ce moment ces vaisseaux
sont bloques dans la rade de Livourne , de maniere à
ne pouvoir échapper. Quelques bateaux français et ´gênois ,
revenant de ces parages , disent être en état de confirmer cette
grande nouvelle:
P. S. Au moment où nous terminions cet article , nous apprenons
que la Convention s'est déterminée à convoquer les Assemblées
primaires pour se donner des successeurs , et à mettre en
activité la constitution . C'est le troisieme parti que nous laissions
entrevoir. Il pouvait seul mettre fin aux querelles , toute imparfaite
qu'est la constitution ..
( N 39 ; )
ger.135 .
MERCURE FRANÇAIS.
· QUINTIDI 15 GERMINAL , l'an troisieme de la République.
Samedi 4 Avril 1795 , vieux style. )
PHILOSOPHIE POLITIQUE.
FRAGMENT SUR L'ART SOCIAL.
Du PEUPLE. Acceptions de ce mot . Abus qu'on en a fait. Des
vrais et des faux amis du Peuple. Caractere du Peuples
E Cp mot considéré sous le rapport politique , n'a un
sens bien déterminé que dans les constitutions libres.
Il signifie assemblée , réunion de tous les Citoyens qui composent
le corps social . sicuse
Dans les gouvernemens despotiques, il n'y a point de
Peuple ; il n'y a qu'un maître et des esclaves .
circonscrit dans des limites plus étroite Peuple est
MIGLI 20 C
C'est une chose assez remarquable que le mot Peuple
qui est tout dans les républiques , ait une acception si
incertaine et si humiliante dans les monarchies . Aux
your du monarque , tout est Sujet , tout est Peuple.
Après le monarque , tout est Peuple pour les grands
l'état n'est qu'en eux , et pour eux. A mesure que l'on
descend les nombreux échelons des ordres , des classes ,
des dignités , des rangs , des privileges , le Peuple est
la qui
est Peuple pour la supérieure , ne se croit plus Peuple
à l'égard de celle qui est au- dessous , et la Bourgeoisie
avait aussi son échelle de vanité , comme la Noblesse
jusqu'à ce qu'enfin , descendu jusqu'au dernier degré ,
le Peuple n'existait plus que parmi les artisans , les
ouvriers , les hommes de peine , et les journaliers des
campagnes . Ainsi , quand tout le monde s'honore d'être
Peuple dans les états libres , personne ne veut être Peuple
dans les monarchies . Tel est l'état de dégradation et
d'avilissement de l'espece humaine dans la plus grande
partie de l'Europe .
·
La France a lavé cette injure faite à la dignité de
l'homme ; mais tel a été l'empire du préjugé et de l'ha
bitude , que ce changement n'a pu se faire , sans que
les uns n'aient conservé quelques - unes de leurs anciennes
Tome XV. I
661
idées , et que les autres , trop long- tems comptés pour
rien , n'aient fait des droits du Peuple , un attributentierement
exclusif. Les progrès de l'esprit public et une
bonne constitution , peuvent seuls replacer les idées et
l'opinion , dans l'ordre convenable aux choses .
Il ne faut pas croire que cette justesse et cette exactitude
dans l'acception des termes , soit indifférente en
politique car s'il s'agit des droits qui appartiennent au
Peuple , si l'on parle et si l'on agit au nom du Peuple , il
faut savoir ce que c'est que le Peuple.
Combien n'a - t-on pas abusé de ce mot , quand de
misérables perturbateurs l'ont appliqué à des aggrégations
partielles et à des sections du Peuple . S'il suffisait
de former des associations plus ou moins nombreuses
, d'exciter des attroupemens , et d'ameuter
quelques factieux , pour avoir le droit de se dire le
Peuple , il s'ensuivrait , 1º qu'il y aurait dans la même
nation autant de peuples que d'aggregations ou fortuites
ou combinées ; ce qui ne constituerait plus l'unité
du peuple ; 2 ° . que si ces fractions se trouvaient en
contrariété d'idées et de sentimens , le corps social n'of
frirait plus qu'un horrible cahos et une véritable oligarchie
3. que les citoyens qui n'auraient formé aucune
réunion se trouveraient placés hors du Peuple , ce qui
serait pour les uns une véritable aristocratie , et pour
les autres une nullité politique absolue . Dans l'acception
politique , le Peuple est donc et ne peut être autre chose
que la masse entiere des citoyens désignée sous un nom
collectif.
1
Hors de l'ordre politique , ce mot est quelquefois em
ployé dans un sens moins absolu . Il signifie alors mulitude
, assemblée partielle . C'est sous ce rapport que l'on
dit le Peuple des campagnes , le Peuple des cités , pour désigner
les citoyens agricoles , ou ceux qui habitent dans
les villes . Dans les fêtes , dans les cérémonies ou assemblées
publiques , on entend également par Peuple , la
collection des individus qui y assistent . Mais cette dénomination
n est que relative , elle n'emporte avec ellé
qu'une idée bornée aux lieux , à l'objet , aux circonstances
. C'est en généralisant ce qui n'est que particu
lier , en confondant le rapport privé, avec le rapport politique
, que les instigateurs du peuple sont parvenus à lui
persuader que par- tout où il se trouvait un rassemblement
qui n'était souvent que le fruit de leurs intrigues ,
là se trouvait le Peuple ; erreur funeste qui a tant influd
( 167 )
sur les troubles qui ont agité la France pendant la révolution.
Les rois ont des courtisans et des flatteurs ; le Peuple
a aussi les siens . Les uns se montrent aux rois chamarrés
de cordons , de rubans , et de tous les attributs que dis
tribue la vanité royale ; les autres se montrent au Peuple
en bonnet rouge , en pantalons , en carmagnole , et
prennent toutes les formes qui plaisent à la vanité po
pulaire . Les premiers parlent sans cesse aux rois de
leur majesté de leur gloire , de leur toute-puissance . Les
seconds vantent constamment au peuple ses droits , ses
vertus , sa ' souveraineté. Les courtisans ne flattent que
pour tromper. La flatterie est par-tout la même ; elle
ne fait que changer de costume .
Le Peuple doit donc mettre tous ses soins à discerner
ses véritables amis , d'avec ses corrupteurs . Mais comment
se défendre d'un piége qui attaque la faiblesse ,
humaine par l'artifice dont elle aime le moins à se
défier , l'amour- propre et la vanité ? Il n'y a que l'habitude
d'un Peuple qui a déja vieilli en liberté , qui
a acquis l'expérience des hommes et des choses , qui a
vu s'évanouir plusieurs fois de fausses réputations , et
qui a appris à juger ses orateurs , non sur leurs paroles ,
mais sur leurs actions et leur moralité faite ; il n'y a que
cette habitude qui puisse le préserver de la séduction
des flatteurs . Mais un Peuple qui sort à peine d'un long
esclavage , qui s'élance pour la premiere fois à la liberté
, au milieu d'une révolution terrible , et entouré
de la corruption et des vices nés de l'ordre de choses
qu'il vient de quitter , des passions et des intérêts qui
s'opposent au nouveau , un tel peuple est plus facilement
le jouet des charlatans et des hypocrites .
Il est cependant des traits auxquels il peut reconnaître
ses véritables et fideles amis . Ce ne sont pas ceux
qui en prennent orgueilleusement le titre , qui cherchent
à lui inspirer une confiance sans bornes en eux - mêmes ,
et une défiance extrême pour tous les autres ; qui irri - ¡
tent ,sans cesse ses passions par des écrits envenimés ,
ou par des discours pleins de fureur ; qui le poussent ,
avec impétuosité à l'inquiétude , à la sédition , au pillage ,
au meurtre ; qui ne veulent pas souffrir qu'on l'éclaire ,
qui signalent comme ses ennemis les hommes courageux ,
qui osent lui dire la vérité et le rappeller à la morale ,
et qui s'attachent à lui comme des Euménides , pour le
tourmenter sous le fouet des furies .
E &
( 68 )
L'ami du Peuple ne le flatte pas , il l'éclaire . S'il
lui parle de ses droits , il ne néglige pas de l'instruire
de ses devoirs ; il sait que la puissance est.
stoujours plus près de l'abus que de la justice , et
il réprime ses passions au lieu de les exciter. Il ne fait
pas servir le talent de la parole , ce feu électrique qui
agit si puissamment sur la multitude , à embrâser la raison
publique ; il n'oublie jamais que le pouvoir de l'éloquence
, n'est qu'un poison pour la morale du Peuple ,
s'il n'est exercé par l'homme de bien . Moins jaloux de.
quelques vains applaudissemens , qu'il est si aisé de surprendre
à l'enthousiasme , que des succès fondés sur
l'estime et l'intérêt public , il brave les périls , les disgraces
et n'achete point la faveur populaire au prix dẹ
sa conscience ; il fait le bien sans ostentation , comme
sans faiblesse ; il se montre ce qu'il est , et il n'est que
ce que commande le bien de son pays .
Dans les jours
de tempête et d'orage , il nese met point à couvert sous
l'abri dune lâche pusillanimité ; il se jette au milieu
des flots , pour en arrêter la fureur , et s'il est obligé de
dériver pour mieux servir le Peuple , il saisit le premier
moment de calme , pour remettre le vaisseau sur sa route .
Toujours adroit dans ses mesures , parce qu'il connaît
ce qu'il faut accorder à la faiblesse ou à l'impétuosité ,
s'il donne le change aux passions , c'est pour les mieux
maîtriser, et il ne perd jamais de vue ni l'étendue ni la
limite de son devoir.
Voilà quelques-uns des caracteres de l'ami du Peuple.
N'aurais-je tracé qu'un tableau d'imagination et faut- il
désespérer d'en rencontrer si -tôt le modele ? Je sais ce
qu'il faut attendre du tems et des institutions , avant que
F'amour de la patrie et de la liberté ait élevé les ames à
ce degré d'énergie et de vertu , qui fait Fesprit public et
soutient les républiques . Mais le succès de la révolution
a prouvé que le Peuple comptait encore de nombreux
amis. Ils lui auraient épargné bien des maux , s'ils avaient
eu autant de courage que de bonnes intentions . Ce qui
fait l'audace des méchans , c'est la faiblesse des gens de
bien . Gette faute a été la faute commune. Ce n'était
pas au milieu de la terreur organisée , qu'il fallait s'en
appercevoir ; il eût fallu la prévenir . Quelque facile que
soit la satire du passé , tâchons du moins de nous appro
prier l'avenir.
Si le Peuple a , comme les rois , les faiblesses et les
erreurs de la puissance , il a aussi , et bien mieux qu'eux,
1. (169 )
eet instinct moral qui n'a besoin pour devenir vertu ,
que de conserver sa rectitude. Les rois font le mal par
corruption ; le Peuple ne le fait que par. ignorance . Il
veut toujours son intérêt ; s'il agit en sens contraire ..
c'est une erreur de sa raison , jamais de sa volonté . Ayez
de vrais amis du Peuple , et le Peuple saura les écouter ;
car de tous les pouvoirs , celui auquel les hommes
aiment le mieux obéir , clest le pouvoir de la raison , dela
justice et de la vertu.
Ces caracteres , je le sais , ne plairont pas à ces détracteurs
, qui répetent sans cesse que le Peuple est un ramas
d'hommes aveugles et féroces , qu'il faut conduire à la
chaîne , si l'on ne veut en être dévoré . C'est le Peuple
de nos anciennes institutions , mais ce n'est pas le
Peuple de la nature . S'il est dangereux de le supposer
vertueux , quand on fait une constituion , il est plus.
injuste encore de ne voir en lui que des vices , pour se
dispenser de lui donner des vertus . Sans doute que le
Peuple , qui n'est que la collection des individus , doit
participer aux qualités et aux imperfections de la nature
humaine. Il a même de plus toute la dépravation qu'il
reçoit d'un mauvais ordre social. L'homme est bon , a dit
Rousseau , mais les hommes sont méchans ; mot profond
qui faisait bien plus la satire des gouvernemens , qu il ne
calomniait la nature . Oui , ce sont les gouvernemens qui
ont corrompu et déformé l'homme , qui ont dépravé son
instinct moral, et fabriqué sur ses préjugés , son ignorance
et ses passions , la chaîne qui le retient dans l'abaissement
et la servitude .
L'on dit que par- tout le Peuple se ressemble ; qu'on r
le retrouve à Athênes , à Carthage , à Rome , ce qu'il
est aujourd'hui parmi nous. Cette assertion n'est ni
d'une vérité historique , ni d'une vérité morale . Un
Peuple a toujours ces traits distinctifs qui résultent de
ses habitudes politiques , civiles et morales , de l'aisance
ou de la pauvreté , de l'ignorance ou de l'instruction ,
du genre de ses occupations , de la nature de ses idées
religieuses , et sur- tout de celle de son gouvernement.
On ne veut considérer les Peuples que dans ce qu'ils
sont , janais dans ce qu'ils peuvent être . A- t- on encore
fait l'essai d'une bonne constitution , d'une législation
fondée sur les droits et la nature de l'homme , de l'influence
d'une éducation raisonnable , sur les préjugés ,
les moeurs , et les habitudes des Peuples ? A- t - on cherché
jusqu'à présent à éclairer , à perfectionner l'espece
E 3
1 ) 701
humaine , non par des moyens partiels , mais par les
grands instrumens de la politique et de la morale appliqués
en masse à la félicité publique. L'art social a comme
tous les autres , ses principes , ses progrès et sa perfectibilité.
On n'a pas le droit de calomnier les peuples ,
avant d'avoir épuisé les moyens de les rendre meilleurs
et plus heureux .
Il y a une maxime bien plus sûre que celle de tous
ces déclamateurs voyez un Peuple , vous connaîtrez
bientôt son gouvernement. Voyez un gouvernement ;
vous direz bientôt ce qu'est un Peuple , ou ce qu'il sera ,
car la régénération d'un Peuple est l'ouvrage lent et
progressif des bonnes institutions.
BEAUX ARTS. T
AVIS AUX ARTISTES.
Extrait du procès- verbal de la séance du Jury des arts du
29 ventose l'an 3 de la République Française.
LE Jury des arts , voyant approcher le terme de ses
travaux , et considérant que , pour être à portée d'en
rendre compte au comité d'instruction publique , il lui
importe de connaître , avec exactitude , les noms des
artistes qui ont remporté les prix , arrête que la liste des
numéros , auxquels les prix ont été adjugés , soit en
sculpture , soit en peinture , sera insérée dans les papiers
publics , avec invitation aux artistes , auteurs des ouvrages
désignés par ces numéros , de passer au plutôt chez le
citoyen Phelipeaux , concierge de l'école de peinture ,
au Muséum , pour y donner par écrit leurs noms , prénoms
et demeures , et y remettre en même - tems la
reconnaissance qu'ils ont reçue du comité des inspecteurs
de la salle de la Convention nationale , lorsqu'ils
ont déposé leurs ouvrages au salon de la Liberté.
Signé , LÉON DUFOURNY , secrétaire .
Prix de sculpture.
Concours.
Nos , des ouvrages.
Statue colossale du Peuple Français .... 19. 22 , 1 , 11 , 8 ,
3 , 9 , 6 , 12 , 5 .
Statue de la Nature régénérée . ....... 33 , 28.
Statne du Peuple combattant le fédé
ralisme..
Statue de Jean -Jacques Rousseau...
Statue de la Liberté .. •
Prix d'architecture.
Arc de triomphe du 6 octobre...
Colonne pour le Panthéon....
Arênes couvertes ...
"?
1
44 , 40 , 41 .
54 , 59 , 68.
88 , 103 , 105 , 110.
2 , 27 , 11 , 18.
4 , 11 , 8 , 9 , 3.
6.
Monument pour la place des Victoires .. 23 , 6 , 7 , 27.
Temples à l'Egalité ………..
Architecture rurale...
Assemblées primaires ...
Temples décadaires ..
Maisons-Communes .
Tribunaux ...
Justices de Paix.....
3
Prisons et maisons d'arrêt ...
Bains publics.....
Fontaines publiques .....
Embellissemens de Paris .
1 , 2 , 8.
6,7,8,9
.
3 , 6 , lettre C.
2 11 , 9.
4, 3, 6 , lettre B.
1, 3 , lettre A.
3 , 5 , 6 , lettre A.
1,4.
5 .
2 .
2,49
ANNONCES.
*
Les Nuits d'Young , en vers français , avec le texte de Letour
neur; poëme en 24 chants. Quatre volumes in- 12 . Prix , 24 liv .
Télémaque en vers français , avec le texte de Fénélom , citations
des auteurs grecs , latins et français imités , et notes.
Poëme en 24 chants . Six volumes in - 12 . Prix , 48 liv . Presse
de Didot l'aîné ; papier vélin . Seconde édition . On les trouve
chez J. E. Hardouin , auteur et éditeur , rue Antoine , nº . 64 ,
vis -a-vis celle Fourcy ; et chez Bailly , libraire , rue Honoré ,
barriere des Sergens .
Fragmentum ex libro XCI historiarum Titi-Livi , Patavini.
Fragment du livre XCI de l'histoire de Tite- Live , Padquan
traduit en français par J. E. Hardouin , Presse de Didot l'aîné ;
papier vélin , in - 12 . Prix , 3 I. Papier d'Angoulême , 2 l . 10 s .
Chez l'auteur , chez Bailly , demeures susdites ; et chez Brocas,
libraire , rue Jacques , au chef Jean.
E 4
( 72.)
Seconde édition du Spectateur Français pendant le gouvernement
révolutionnaire , par le citoyen Delacroix , ancien professeur
de droit public au Lycée , pout servir de suite à son Ouvrage
intitulé Des Constitutions des principaux états de l'Europe et
des Etats-Unis d'Amérique, 1 vol . in-8°. de. 430 pages , imprimé
sur Caractere de cicero Didot. Prix , 8 liv. 10 sols , broché ,
10 liv . francs de port , par la poste , pour les départemens et
pour les pays conquis . A Paris , chez Fr. Buisson , libraire
rue Hautefeuille , no. 20 ,.
et
Numéro III dujournal de l'Opposition , par P. F. Real in 80.
de 48 pages . A Paris , chez Fr. Buisson , libraire , rue Hautefeuille
, no . 8o . Prix , 1 liv . 10 sols , pour les citoyens qui
ne sont pas abonnés . On affranchit la lettre et le montant.
Les citoyens qui voudront avoir la collection complette enverront
10 liv.; on leur adressera , franç de port , les Nos . å
mesure qu'ils paraîtront , c'est - à - dire , un par dé
décade . Dès que
le service aura completté cette somme , les abonnés seront
prévenus de faire passer de nouveaux fonds , s'ils veulent continuer
leur abonnement.
La Science du bonhomme Richard ', de Benjamin Francklin , précédée
d'une vie abrégée de Francklin , et suivie de son interrogatoire
devant la chambre des communes , avec cette
épigraphe :
Eripuit calo fulmen , sceptrumque prannis.
A Paris , chez le directeur de l'imprimerie des sciences et
arts , rue Thérese , près la rue Helvétius . 1 vol. , caracteres
Didot. Prix , 3 liv . et 3 liv . 10 sols , franc de port par la
poste. Il faut affranchir les lettres et charger les assignats .
toeuvre
Cet ouvrage , chef - d'oeuvre de précision et de bon sens ,
est celui qui renferme tous ces préceptes de conduite politique
et privée qui out rendu Franklin si célebre .
MUSIQUE. 11
Trois Sonates , précédées de préludes ou exercices pour
clavecin ou forte - piano avec accompagnement de violo :
( ad libitum ) , dédiées aux jeunes éleves ; par Bernard Vigueries.
oeuvre 2º . Prix , 9 liv. A Paris , chez l'auteur , rue Grange - Ba-,
teliere , no . 3o . L'auteur a fait cet ouvrage principalement pour
les jeunes enfans de 6 à 8 ans , dont la petite main ne peut.
faire les écarts qui se trouvent dans la musique ordinaire de
piano ; il a toujours choisi des chants simples et agréables , et
des traits propres à leur bien placer les mains , et à former
leurs doigts et leurs oreilleb.
(\73;))
NOUVELLES ETRANGERES.
DIS
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 15 mars 1795 .
ES lettres de Constantinople , du 24 janvier , portent que
le ministre russe a dû écrire à Catherine II, pour lui faire
part du desir que témoignait le grand- seigneur que les affaires
de la Pologne se terminassent , en sorte que l'indépendance
de cette nation fût assurée , et que les choses se trouvassent
au moins rétablies sur l'ancien pied de la constitution da.
3 mai 1791. Get envoyé n'avait point encore reçu de réponse
cathégorique ou du moins jugé à propos de la faire connaître.
C'est là la grande affaire entre la Russie et la Porte ; mais
il s'en est terminé une moins importante , quoique demeurée
en litige depuis la fin de la derniere guerre ; l'exigeante Russie.
voulait que la Porte dédommageât les négocians et autres sujets
russes des confiscations de bâtimens et autres objets , qui
avaient eu lieu à Touverture de la campagne , et réclamait
pour cet article un million et demi de piastres . Ces demandes
exorbitantes étaient restées sans réponse satisfaisante ; l'ambas
sadeur actuel déclara positivement qu'il était chargé de renouveller
les prétentions de ses prédécesseurs au paiement de
cette somme ; il y eut plusieurs delibérations du conseil d'état.
Enfin le 20 janvier , dans une nouvelle conférence avec le
Reis effendi , la Porte consentit à faire remettre à l'ambassadeur
russe, qui douna décharge totale sur - le- champ , la modique
indemuite de 230,000 piastres ; ce qui prouve la justice et la
modération de la cour de Petersbourg , qui ne rougissait pas
de demander cinq à six fois plus .
Ce n'est pas le seul sujet de plainte que la Porte ait contre
la Russie , à laquelle on prétend qu'elle vient de déclarer la
guerre ; il parait que la czarine appuie et soudoie sourdement un
grand nombre de rebelles , qui mettent les environs d'Andrinople
à contribution , et s'entendent avec d'autres troupes de
brigands encore plus nombreuses dont l'Asie est infestée en
ce moment,
( 741)
Il existe une espece de disette dans la capitale de l'Empire
Ses subsistances y sont très - rares , et le gouvernement ne saurait
se montrer trop circonspect , vu la foule de mécontens ou
des mal-intentionnés qui ne s'en tiennent pas à des propos ,
mais même se portent à des désordres dont il pourrait résulter
de plus grands inconvéniens . Divers incendies ont éclaté tout
récemment. Deux eurent lieu à l'Arsenal dans la matinée du
18. Ils auraient pent - être occasionné la destruction entiere
de la flotte si l'on n'avait pas porté des secours à tems .
?
De Francfort-sur-le- Mein , le 24 mars.
Les lettres de Vienne des derniers jours du mois passé
disent qu'on vient d'y mettre en arrestation l'abbé Sabathier
de Cabres , ancien conseiller au parlement de Paris . Le motif
~ de cette mesure de sûreté est que l'abbé entretenait des correspondances
suspectes .
On parle aussi beaucoup d'un prochain voyage du pape et
du grand- duc de Toscane. Il est assez difficile d'assigner les
raisons qui ameneraient ce prince , à moins que ce ne fût l'envie
de voir sa famille et de se justifier de vive voix d'avoir quitté
Ja coalition quant au vicaire de Jésus - Christ , ce qui le détermine
à venir , c'est que n'ayant pas obicnu de S. M. de réponse
à un écrit par lequel il demandait la révocation des prin
cipes de l'empereur Joseph II en matiere de religion , il tâ
chera d'engager François à faire publier dans ses états une bulle
qu'il a falminée à cet effet .
On commence à faire des levées de recrues , et la maniere.
dont on les presse annonce assez que les espérances de paix
s'éloignent : il faut qu'on ait grand besoin d'hommes , puisqu'on
enrôle depuis 17 ans jusqu'à 50 , sans s'embarrasser de
la taille. Il paraît qu'on y met cette activité pour tenir parole
à l'Angleterre , à qui l'empereur a promis d'employer de deux
cents à deux cents quarante mille hommes dans cette campagne
, en reconnaissance des six millions sterlings qui lui ont
été accordés par le parlement d'Angleterre . Le comte de Pergen
va à Londres à ce sujet.
Gependant on s'accorde à dire que l'empereur est épuisé ,
et qu'à moins qu'il ne soit fortement aidé par le corps germa
nique , il lui sera impossible d'achever la campagne , sur - tout
si le roi de Prusse fait sa paix particuliere avec la France .
Les nouvelles suivantes sembleraient indiquer , d'un côté ,
que l'Empire est résolu à soutenir puissamment son parti , et
de l'autre qu'il ne peut plus compter sur la coopération de
la Prusse dont il a si grand besoin ; mais il faut attendre des
renseignemens ultérieurs et plus positifs .
Le protocole des votes émis à la diete le 25 , sur l'objet
( 72 )
6
de la guerre et de la force armée de l'Empire , est impri
On en compte seulement huit de la part des colléges des villes.
Schwernfort seule a abordé directement la question ; les autres
se , sont bornées à dire qu'elles ont fait tout ce qui était en
leur pouvoir, Au college des princes , beaucoup d'états se
sont réservés l'ouverture du protocole , ce qui veut dire qu'ils
ne se sont point expliqués , mais le feront ci -après . Voici ce
qu'on remarque : Dans le college des électeurs , celui de Bao
viere a déclaré avoir rempli parfaitement ses obligations ; celni .
de Brandebourg a déclaré avoir fait agir , pour la défense de..
l'Empire , une armée bien au - delà du contingent qu'il avait à
fournir ; il a ajouté que les cercles du Haut- Rhin , de Franconie
et de Suabe , une partie de celui de Baviere , pourraient prétendre
à quelqu'indulgence ; que les états , à qui leur position
ne permettait pas la levée et l'entretien d'hommes effectifs ,
devaient s'entendre avec d'autres pour eeffectuer la prestation .
Cologne a insisté sur ce que l'empereur fût prië , par un con- ve
clusum , de se charger des moyens coactifs contre les négli
gens , et en les employant , de forcer ceux- ci à prêter ce qui
est de leur contingent . Enfin , Trêves , a soutenu que , nonseulement
il fallait user contre les négligens de tous les moyens
exécutoires sanctionnés par les lois de l'Empire , mais se réserver
encore contr'eux tous recours de droit et toutes demandes de
dommage et intérêts.
On vient de recevoir l'avis que le baron Hardenberg , nommé
ministre plénipotentiaire du roi de Prusse , pour suivre les
négociations de paix avec la France , à la place du comte
Goltz , est déja arrivé à Basle . Des lettres de Suisse du 8 , en
annonçant sa prochaine arrivée , ajoutaient que , deux jours
auparavant , les préliminaires de la paix avaient été signés entre
la République Française et le landgrave de Hesse - Cassel , par
le plénipotentiaire français et ceux que, landgrave y avait envoyé
de Cassel à cet effet.
ITALIE ET ESPAGNE.
Des lettres de Rome , du 28 février , disent que la veille
on avait publié un édit du pape où , après avoir blâmé les
mouvemeus séditieux des Transtéverins , il invite le peuple
à rentrer dans l'ordre : il déclare criminel de leze-nation
quiconque se permettrait des voies de fait contre un soldat ,
mème hors de faction.
La gazette de Madrid , du 7 janvier , rend compte d'une
conspiration qui devait éclater à Mexico , et d'une semblable à
Santafé , capitale du nouveau royaume de Grenade . Elle dit
que ces mouvemens qui ont été prévenus à tems , étaient
dirigés par deux Français ,
( 76 )
Suivant celle du 22 février , le roi a reçu du pape dena
brefs. Par le premier , il est autorisé à lever sur le clergé
séculier et régulier du royaume , un impôt annuel de trentesix
millions de reaux , et un de trente millions sur celui
d'Amérique . Le second déclare que tous les bénéfices qui
vaquent et qui viendront à vaquer , demeureront vacans ,
que leurs revenus seront perçus au profit du trésor royal
jusqu'à l'entiere extinction de la dette publique . Le roi est
en outre autorisé à lever an droit de douze pour cent , sur
les revenus de toutes les commanderies des ordres militaires .
Enfin indépendamment de ces ressources que le clergé va
fournir an fisc , le gouvernement fait enlever de toutes les
églises l'argenterie , pour la convertir en especes . Tout le
riche mobilier des églises de Bilbao est déja arrivé à la
monnaie . On évalue à vingt cinq mille onces l'argent provenant
de ces églises.
Les Catalans continuent leur armement , et doivent lever
quarante mille hommes pour la defense de leurs foyers .
On apprend de Lisbonne qu'on y a reçu la nouvelle , par
la voie de Londres , que des corsaires français de l'Inde ont
enfevé deux vaisseaux portugais richement chargés , dont
l'un nommé l'Auguste , revenait du Bengale , et l'autre allait
à Goa , avec une cargaison de piastres , de fer, et d'acier.
Les Français ont débarqué les équipages sur la côte de Bombay,
et conduit leurs prises à l'isle Maurice .
Les corvettes , la Découverte , et l'Audacieuse et la goulette la
Subtile, parties de Cadix en juillet 1789 , pour reconnaître
les côtes de l'Amérique méridionale et des isles adjacentes ,
depuis la riviere de la Plata jusqu'au cap de Horn ; et celles ,
depuis le cap de Horn jusqu'aux extrêmités nord- ouest de
l'Amérique , sont de retour ici.
La gazette de Madrid a donné , il y a quelque temps , le
précis suivant des découvertes faites dans cette expédition :
on a acquis la certitude qu'il n'existe aucun passage dans l'océan
Atlantique , sur les côtes nord- ouest de l'Amérique , entre les
59 , 60 et 61 degrés de latitude .
Les goulettes la Subtile et la Mexicaine , détachées au commencement
de 1792 des autres bâtimens , ont contribué de
concert , avec les vaisseaux anglais , dirigés par le capitaine
Vancoover , à déterminer la position de l'Archipel immense ,
connu sous le nom de l'amiral Fronte et Jean de Ficca. Les
corvettes ont employé la plus grande partie de cette même
année à l'examen des isles Mariannes , Philippines et Macao
sur les côtes de la Chine . Elles ont navigué ensemble entre
l'isle de Mindanao et celles de la nouvelle . Guinee , et passant
au delà de la ligne , en tirant vers l'Orient , elles ont
parcouru
7
( 77 )
our des mers inconnues un espace de 500 lieues . Elles ont
traversé les nouvelles Hébrides , visité la nouvelle Zélande ,
la nouvelle Hollande et l'Archipel des isles des Amissen
prenant par celles de Babau , qu'aucun navigateur étranger
n'avait encore reconnues ,
Ge voyage , est-il dit dans la gazette de Madrid , a considérablement
augmenté nos connaissances dans la botanique ,
la lithologie et hydrographie.
9
Les expériences faites sur la gravité des corps , répétés
dans diverses latitudes , nous conduiront à des découvertes
importantes sur les irrégularités de la figure de la terre ; déconvertes
qui serviront de base à une mesure universelle , telle
qu'on veut l'établir en Europe , facile à vérifier , et aussi constante
que les lois , dont elle depend.satnya
En étudiant l'histoire civile et politique des nations visitées
, on a suivi l'homme de près , on a rassemblé des monumens
qui répandent du jour sur les différentes émigrations de ces
peuples , ainsi que sur les progrès de leur civilisation.
" La nature a répandu dans l'immense étendue des domaines
espagnols , des productions et des trésors inconnus jusqu'ici ,
qui pourront donner lieu à de nouvelles spéculations capables
d'augmenter la force et la puissance de cette monarchie.
ลด
» Pour comble de bonheur , aucune de ces découvertes
n'a coûté une seule larme au genre humain , ce qui est sans
exemple dans tous les voyages de cette espece , tant auciens
que modernes , toutes les tribus et les peuplades qu'on a
visitées , béniront la mémoire de ceux qui , loin de rongir de
sang leurs rivages , u'y sont venus qhe pour tear donner des
idées nouvelles , des instrumens aratoires et des semences utiles .
}
99 Enfin , des corvettes n'ont pas été moins heureuses quant
à la conservation de la santé de leurs équipages . Leur perte
se réduit à trois ou quatre hommes , sur chacune , quoiqu'elles
aient été exposées assez long- tems aux chaleurs brûlantes de la
zone torride. La mort de dom Antonio de Pineda est le seul
événement malheureux de cette expédition . e
L'histoire de ce voyage sera imprimée , et il va incessamment
être publié un prospectus à ce sujet . Ellera intéressante ,
si l'on doit en juger par le mérite du capitaine Malaspina . Ce
navigateur accompagné des officiers qui ont été employés daus
ecute expédition , a eu l'honneur de baiser la main du roi
Kscurial , de 7 décembre. 370
ANGLETERRE. De Londres , le 3 mars,
Débats du Parlement. Chambre des Communes.
1 29712
1 Suite de la séance du 5 février . Emprunt Impérial:
V
( Nous revenons sur des débats intéressans de la derniere séance . )
M. Fox prend la parole. Il dit que ce qu'il avait préva
( 78 )
est arrivé , que l'énorme subside accordé au roi de Prusse
serait pour l'empereur une excellente occasion de faire une
semblable demande . S'ils a blâmé autrefois les ministres de
ne point faire d'alliances sur le continent , il répondra qu'il
y a des tems pour ces alliances , et que les convenances
changent avec le tems. Le raisonnement de l'honorable membre
, qui a avancé que le roi de Prusse a manqué de foi
ea 1794 , mais qu'il pourra être fidele en 1795 et 1796 , ne
lui semble pas mériter de réponse . Si l'on examine les circonstances
où se trouve l'empereur , on sera convaincu qu'il
est très- probable qu'il ne sera pas plus fidele que son frere
le roi de Prusse . Le ministre se flatte que la majorité de
la chambre est convaincue de son opinion , mais on sait qu'il
a des moyens de la persuader d'être de son opinion ou de
n'en être pas . Le discours de Tailien a été cité comme une
preuve de l'épuisement où la France est réduite , mais on
ne peut avoir de confiance dans de pareils discours , quî
n'ont le plus souvent pour objet que de faire réussir des vues
personnelles.
L'honorable membre continue M. Fox , nous a diuqu'il ne
pouvait entrer dans aucun détail sur le traité avec l'empereur ;
mais en refusant de nous accorder une confiance aussi illimitée
, il aurait dû nous donner certains détails sur la conduite
de ce monarque . Nous a - t - il expliqué pourquoi les
Autrichiens ont abandonné Tournay ? pourquoi , lors de la
retraite du duc d'Yorck , ils ont si honteusement abandonné
Condé et Valenciennes Dans une relation de la derniere campagne
, j'ai vu une lettre du duc d'Yorck , où il declare qu'il
observe les mouvemens des Autrichiens avec autant d'inquiétude
que ceux des ennemis . Ne serait-il pas convenable d'examiner
un peu les choses ? Ne nous donnera-t- on jamais quelques
explications de la très extraordinaire conduite de nos alliés ? Je
ne parle pas de la Prusse , sa conduite est si basse , que
nos ministres même n'osent pas la defendre ; si cependant
ils ne nous ont pas insiuué que nous n'étions pas étrangers
au démembrement de la Pologne . Mais je prie nos ministres
de lire et d'examiner attentivement les déclarations du prince
de Cobourg avant et après la désertion de Dumourier. Certes ,
il y a la autant de perfidie que dans toute la conduite de
la Prusse. Je soutiens que l'on ne peut mettre aucune confiance
dans des puissances qui ont agi contre la Prusse et
l'Autriche.
་ ་
•
་
Lorsque le peuple d'Angleterre demande la paix avec la
France , nos ministres répondent Avec qui voulez - vous que
nous traitions ? est- ce avec un Brissot , un Robespierre , ete Mais
la perfidie des cours de Vienne ne doit - elle pas également
nous détourner de confier , de sacrifier à leur foi les intérêts
fes plus sacrés de ce pays ? L'honorable membre se fache de
('79 )
$
9
que
ce qu'on donne le nom de despotes aux princes allemands
mais tout Anglais doit exécrèr de pareils caracteres , qui déshonorent
non seulement sa majesté , mais l'humanité même ;
oui , les Anglais doivent les exécrer les Anglais dont le
monarque n'a r en de commun avec de pareils hommes
le nom de roi. Le roi de Prusse , nous ne l'ignorons pas
retenait dans les fers des hommes que , par de honteux motifs
il a cédé à l'empereur. La conduite de ces despotes envers
Lafayette les fera , je l'espère , execrer à jamais parmi nouss
et je ne doute pas que l'honorable membre n'agît en sens in◄
verse , s'il était chancelier de l'empereur.
Au reste , la maison d'Autriche n'est pas aussi ardente pour
la guerre qu'on l'a prétendu , puisque l'empire a entame des
négociations pour la paix ; si , tand's que l'empereur traite
avec nous d'un emprunt , comme chef de l'empire , il est probablement
à la tête de ces negociations . Si le corps germanique
est dans de pareilles dispositions , il n'est pas très - certain que
l'empereur veuille irrévocablement continuer la guerre . Mais,
en lui supposant cette intention , est - il très - probable qu'il
pourra lever 200,000 hommes ? L'honorable meemmbre prétend
que , si on lui fournissait seulement deux millions de plus ,
il marcherait en France avec 300,000 ; voilà un raisonnement
si extraordinaire que , si on ne connaissait pas toute la logique
de M. Pitt, on pourrait se mocquer de lui . Il s'appuie sur la
bonne-foi et le credit de l'empereur mais sil en est ainsi
pourquoi doné les ministres le laissent-ils payer un si gros
intérêt ? Singon crédit est si bon , pourquoi ne le font- ils pas
traiter avec les prêteurs eux mêmes . Qu'il se serve de son
crédit et de sa royale foi , cela ne regarde en rien le parlement.
Mais je crois que les prêteurs connaissent mieux que
nos ministres de credit de sa majesté imperiale.
Cet emprunt differe en un point essentiel du subside pour
le roi de prusse . On payait celui - ci tous les mois , et en cas
d'infraction à ses engagemens , les ministres pouvaient arrêter
les paiemens , et sauver au moins une partie du subside' ; mais
l'empereur reçoit tout à la fois , et s'il ne remplit pas ses promesses
, l'emprunt en entier sera perdu pour nous . Qu'il lui
-plaise , par exemple , de faire la paix dans deux ou trois
mois , il n'y aura pas de paiement a arrêter , et le peuple en
restera grevé d'un impôt de 450,000 liv sterling pour l'inté
rêt de cet emprunt impérial. L'honorable membre nous a parlé
de la banque de Vienne ; mais peut elle survivre an regne de
l'empereur actuel ? La base de son credit etait dans les Pays-
Bas ; mais ce gage ne lui appartient plus , les Pays - Bas sont
un enjeu qu'il s'agit de retirer ; il n'a donc d'antre garantie à
nous offrir que sa parole d'honneur ; faible motif pour espérer
qu'il sera fidèle à ses promesses . Cet emprunt est donc vicieux ,
essentiellement vicieux. Et quelles suites pouvons - nous nous en
1
(( 80 )
promettre? Les ministres sont-ils certains que la présente cam
pagne finira la guerre , et arrêtera les flots de sang dont l'Europe
est inondee? L'empereur n'aura - t- il pas besoin l'année prochaine
d'un pareil emprunt ? Ce sera donc un revenu annuel que nous
lui ferons. Mais l'Espagne ne suivra - t - elle pas l'exemple de
nos autres fideles allies ? Que la guerre se prolonge encore
une année , quelle sera notre destinée ? Quel sera l'énorme
fardeau qui pesera sur nous ? Nous avons non- seulement nos
dépenses à payer , il faut encore que nous subyenions aux
finances épuisées de la Prusse , de l'Autriche , de la Sardaigne ,
etc. Cherchons plutôt à augmenter nos forces , à doubler notre
marine. Toutes les puissances du continent desireut la paix ;
ce desir est celui de l'Europe entiere , éclairée par une fub
neste et
sur
experience
, Jusqu'à présent mes conjectures
"
ont été justifiées par l'événement , et une foule
de raisons nouvelles m'ont convaincu que ces puissances soupirent
après la paix . Et si elles exécutent ce dessein quel
sera le sort de l'Angleterre ? Quel sera le sort de nos malheureux
soldats , que nous enverrons dans le continent pour y êue
rahis et massacrés ? Les armées de l'empereur se soumettront- -
elles à un commandant anglais ? Ne se mutineraient - elles pas
contre leurs maîtres impérieux si , ce qu'elles regarderaient
comme une indignité , on 1les soumettait à nos ordres ? Je
voudrais car quelque rang où il soit placé aucun Anglais
ne doit être regarde comme supérieur à l'interet de la patric ;
je voudrais , dis je , que le duc d'Yorck fût obligé de compa
aître devant la chambre , et de déclarer, il soit que l'em.
pereur coopérera aux intérêts de sa majestés il ne pense pas
au contraire , qu'il cherchera à faire une paix séparée . I
>
Le caractere de l'empereur , et sa position, particuliere vis
à- vis de la France , ne nous offrent done, que de vagues et
incertaines espérances . Nous n'avons aucune sureté à en attendre
; il est donc uile et nécessaire de ne lui délivrer l'emprunt
qu'à des époques differentes , pour qu'en cas d'infraction
de sa part , les ministres puissent sauver au moins ce qui resterait
à fournir.
*
- M. Fux , en se résumant , annonce que , dans une autre
circonstance , il fera de nouvelles objections contre la mesure
qui est proposée. Il conclnt par un amendement, qui est de
supprimer dans l'adresse tour ce qui suir le mot préserver. -
M. Pulteney dit quelques mots pour répondre à M. Fox.
M. Brandeling veut parler contre l'amendement.
L'appel aux voix est réclamé, de toutes parts.
La chambre se divise sur la question de l'adresse au roi ; il 7
pour , 193 , contre , 58.
RÉPUBLIQUE
( 81 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE PELET.
Séance du septidi , 7 Germinal.
Le président annonce que beaucoup de citoyennes se presenient
aux portes de l'Assemblée pour faire une pétition relative
aux subsistances et à la disette de pain qui se fait sentir
aujourd,hui. Il est décidé qu'on ne les admettra que par dép u
tation mais un huissier vient dire qu'elles veulent entrer en
masse . La Convention décrete qui si elles ne se bo nent pas
à une députation , elles ne seront pas entendues . Vingt d'entr'elles
paraissent et demandent du pain . Elles disent qu'elles
n'en ont reçu qu'une demi -livre , et qu'il est impossible
de subsister avec une ration si modique .
Boissy d'Anglas convient de la rareté actuelle des subsistances
et en assigne les causes : Les malveillans entravent les
arrivages . Les cultivateurs ne deferent point aux requititions .
Un egoisme extrême regne dans les campagnes , et il faut
employer la force pour en obtenir les subsistances . Boissy
assure que si ces citoyennes , qui sont de la section des Gra
villiers , enssent attendu encore quelques instans , elles auraient
reçu leur complément , mais que pour mettre fin aux rassemblemens
qui ont lieu aux portes des boulangers , le comite
a pris des mesures pour que l'on porte à chaque citoyen
son contingent .
Perrin ( des Vosges ) prétend qu'il y a dans Paris cinquante
mille étrangers qui n'y ont rien à faire , et qui sont des
royalistes et des terroristes , et sept ou huit mille militaires
destitués ou suspendus . Il dit que la Convention marche
entre deux écueils , le terrorisme et le royalisme . Il invite
les bons citoyens à faire des sacrifices jusqu'à la récolte prochaine
qui se montre d'une maniere avantageuse .
Lecointre ( de Versailles ) ne doute pas qu'il n'y ait encore
beaucoup de grains en France . Il croit que les laboureurs le
cachent , et il demande des mesures repressives pour arrêter
la cupidité des accapareurs .
Les propositions de Perrin et de Lecointre sont renvoyées
aux comités .
Les trois prévenus paraissent à la tribune Barrere com
mence par donner des explications sur l'affaire de Freteau .
11 explique ses liaisons avec Vilate , ex-juré du tribunal révo-
Tome XV. F
་
( 82 )
lutionnaire . Celui - ci , étant secrétaire d'Isabeau , en mission
dans le département du Bec- d'Ambès , reçut beaucoup d'honnêtetés
de la famille de Barrere , et à son retour il s'attacha
à lui avec importunité , et le suivait par-tout pour l'espionner.
On me reproche , dit - il , d'avoir fait l'éloge de Robespierre
la veille de sa chute , cela est vrai , mais Moyse Bayle a
répondu pour moi , en avouant que c'est lui qui avait conseillé
de flatter le tyrau pour mieux l'abattre . Je ne veux point
récriminer , mais je pourrais aussi accuser Merlin ( de Thionville
) d'avoir fait l'éloge de Couthon , et Legendre d'avoir
dit qu'il ferait à Robespierre un rempart de son corps . J'ai
neutralisé les nuits de Charenton . Le 2 juin , la cour était
pleine de canonniers corrompus et des sicaires d'Henriot ,
lorsque Robespierre me dit Voilà bien du gachis . Je sais ,
lui répondis -je , de quel côté est le gachis. Je connais les
nuits de Charenton . Isnard convient d'avoir entendu ce
propos.
Barrere Nous avons le bonheur d'avoir réani les débris
de la Convention nationale dispersée par la tempête révolutionnaire
; mais sachez quels dangers vous avez courus . Le
29 mai , le club électoral tint , à l'Evêché , une séance pendant
la nuit . Pache y était , ainsi que les présidens des 48 sections
. On proposa de tomber sur la Convention , de prendre
trois cents députés , et de les mettre dans des trous avec de
la chaux vive. Je dois dire qué Pache qui est en prévention
⚫ combattit cette motion de toutes ses forces. Le 31 mai , le
tocsin sonnait. Legendre fit à la Convention la proposition
de mettre en arrestiou tous les appellans au peuple.
Le fait est vrai , dit Legendre .
Barrere rapporte encore un autre fait qu'il tient de Cambon ,
c'est que Danton et Lacroix écrivirent eux-mêmes , sur le
bureau , la pétition des autorités constituées contre les 32 .
Un membre dit que le 2 juin , lorsque la Convention rentrait
, il demanda à Danton de lui expliquer ce que c'était
que tout cela , et qu'il lui répondit que c'était une insurtion
morale pour purger la Convention . Legendre était avec
lui et il était son complice.
Legendre : J'ai pu commettre des erreurs comme un autre ,
peut- être plus qu'un autre , mais personne ne s'est plus opposé
que moi à la journée du 31 mai . J'ai pu être complice
d'une erreur , mais jamais d'une mauvaise action . Si j'ai commis
des crimes , j'appelle sur ma tête toute la sévérité des
lois , je provoque tout le courage que vous montrez aujourd'hui
, et que vous n'aviez pas alors lorsque vous laissiez avilir
la représentation nationale.
Un membre : Nous étions sous les poignards. Sieyes On
vient de prononcer dans le côté gauche de cette salle un
mot bien précieum : Nous étions sous les poignards . J'en prends
( 83 )
acte , et je demande qu'il soit inséré au procès verbal , afin
qu'on sache si la Convention était libre à cette époque .
Legendre termine sa réponse en déclarant qu'il n'a jamais
porté de poignard , ' qu'il lui a suffi de sa conscience pour
se défendre. Il raconte que lorsqu'on proposa aux Cordeliers
de se rassembler sur la place de la Bastille , et de se reudre
ensuite à la Convention pour égorger les députés de la Gironde
, il leur dit : Misérables , prenez garde à ce que vous
allez faire . Vons passerez sur mon cadavre avant d'arriver
à eux.
Après quelques autres détails d'un moindre intérêt , Isabeau
fait un rapport , au nom du comité de sûrcié générale , sur
le rassemblement qui a eu lieu ce matin dans la section des
Gravilliers . Des citoyens égarés ont forcé les portes de la
salle d'assemblée . Un orateur y alu l'article de la déclaration
des droits de l'homme qui porte que lorsqu'il y a
oppression , l'insurrection est le plus saint des devoirs . Le
représentant du peuple Deleroy y a été envoyé , il leur a
parlé fraternellement. Il les a sommés de se retirer , mais
ils ont refusé .
Tallien propose de se mettre en permanence ; mais Isnard
en fait sentir l'inconvénient . On annonce qu'un grand nombre
d'hommes et de femmes s'avancent vers la Convention et
font porter à leur tête le tableau des droits de Thomme.
Mais personne ne se présentant pour être admis à la séance ,
elle est levée.
Séance d'octidi , 8 Germinal.
Pottier , au nom du comité de législation , fait , décreter
que les membres des administrations de district , départe
mens et municipalités qui auraient cessé leurs fonctions par
démission , destitution ou autrement , seront tenus de fendre
compte de leur administration , collectivement dans six décades ,
et individuellement dans quatre , après la publication du
présent décret ceux qui après ce délai ne l'auront pas
rendu , seront poursuivis d'après l'art . VI de la loi du 1g floréal
, an 2 , et suspendus de leurs droits de citoyens jusqu'a
la reddition de leurs comptes .
Un membre fait une motion d'ordre il partage l'opinion
de ceux qui pensent que les représentans du peuple ne sont justi
ciables que du peuple lui-même. Mais il est en même- tems pénétré
de cette vérité , qu'ils doivent faire tous les sacrifices que le
peuple peut exiger d'eux , et que celui qui serait désigné
comme un obstacle à son bonheur , est obligé de s'éloigner de
sa pairie , en faisant , comme Aristide , des voeux pour elfe . Il
propose , en conséquence , un appel nominal de tous les membres
, par l'effet duquel ceux qui seraient accusés à la majorité
des suffrages seraient détenus , en attendant qu'il fût créé un
( 84 )
1
25
jury pour les juger , et ceux qui seraient dans le cas de l'osê
tracisme , sortiraient du territoire de la République , en conservant
leurs propriétés . Ce projet est écarté par l'ordre da
jour.
Merlin ( de Thionville ) monte à la tribune. Il compare le
nation dans son état actuel à une armée qui , en présence de
l'ennemi , se divise , se bat elle- même , et qui , fatiguée de
carnage , et suspendant les hostilités , voit avec étonnement
un abyme affreux prêt à engloutir tous les combattans . Il
suppose que dans cette situation , un soldat sort des rangs et
fait entendre la voix de la vérité .
On vent faire accroire , ajoute Merlin , qu'une portion de
cette Assemblée est liguée avec les royalistes et les émigrés ,
et que l'autre a seule le droit de sauver le peuple . Nous ne
pouvons être à la fois accusateurs , juges et témoins . Nous
sommes composés d'élémens si hétérogènes , de tant de haines
et de fiel , qu'il est impossible que nous arrivions sauver
le peuple. ( Applaudi. ) Vous avez fait une constitution , et
aussi - tôt que vous l'avez eu proclamée , la tranquillité s'est
rétablie ; eh bien ! faites marcher à l'instant cette constitution ,
( Applaudissemens et acclamations . ) et je vous réponds que
bientôt les hordes étrangeres seront poussées jusqu'au-delà
du Danube , et que le crédit renaîtra. Pourquoi ? parce que
l'assemblée qui viendra prendre les rênes de l'état aura la
confiance du peuple . Vifs applaudissemens . )
Merlin demande que les assemblées primaires soient convoquées
pour le 10 floréal prochain . Cette idée universellement
accueillie est développée dans un projet présenté par Merlin
( de Douai )..
و دو
Il croit que le travail auquel il faut se livrer pour mettre la
constitution en activité est peu de chose . Les parties qui
doivent être étayées sont le conseil exécutif , les administra
tions de départemens et de districts , et la justice civile , criminelle
et correctionnelle . Tout le reste peut aller seul . Avant
huit jours . on aura terminé ce qui regarde le pouvoir exécutif.
A l'égard des municipalités et des administrations , il
y a peu de chose à changer , et huit jours suffisent encore .
Le travail sur la justice est tout prêt ; voici les articles du
projet de dééret :
Art. 1er . Les assemblées primaires sont convoquées pour
le 1er. floréal prochain ( aux voix ! aux voix ! s'écrie - t - on de
toutes parts pour nommer les députés à l'assemblée nationale
, et les électeurs chargés du choix des juges et des
administrateurs .
" II. Les députés nommés se réuniront le 1er . prairial au
Palais - national. Aussi - tôt qu'ils se seront constitués , la Congention
nationale cessera ses fonctions .
‚ í III. Les électeurs se formeront en assemblée le 10 prai(
85 )
1
tial , pour nommer les candidats pour le conseil exécutif, las
administrateurs de département , les arbitres publics , les mem
bres des tribunaux criminels .
" IV . La commission des seize présentera dans huit jours ,
un projet de loi sur le conseil exécutif ; le comité de légis
lation présentera aussi , dans le même délai , un travail sur
l'organisation des corps administratifs et judiciaires .
2 V. La Convention nationale décrete comme principe :
10. Au corps législatf appartient la direction de la fores
armée et la police dans la commune où il tient ses séances .
2º. Dans les communes dont la population est de plus de
100 mille ames , l'administration municipale est divisée en au
tant de sections qu'il y a d'arrondissemens de 50 mille ames .
3º. Les sociétés populaires consistent en assemblées de communes
ou de sections de communes , dans lesquelles tous les
citoyens se réunissent pour s'instruire de leurs droits , et s'exhorter
à la haine de la tyrannie et à l'obeissance aux lois . 19
L'Assemblée decrete que ce projet sera imprimé demain ,
distribué le jour suivant , et discute le jour d'après . Elle renvoie
aux comités la proposition de suspendre la discussion
concernant les prévenus .
Barrere obtient la parole , et annonce qu'il va s'occuper de
sa defense personnelle . Il justifie les motions qu'il a faites en
invoquant la liberté des opinions . La liberté de penser est
un domaine sacré. Un député est le représentant de cinquante
mille hommes ; c'est leur pensée qu'il émet , et qui serait
les attaquer pour leurs opinions ? Il est donc impossible de
former un acte d'accusation sur ce qu'ils ont dit par son
organe .
Dubois - Crancé lui répond que Camille Desmoulins et Phelipeaux
ont péri pour avoir écrit contre le comité . Barrere
réplique que les principes sont invariables , mais que quand
on les a violés une fois , il n'y a pas de raison pour qu'on ne
les viole pas une autre . Ils furent attaqués pour la premiere fois
dans la personne de Marat , envoyé au tribunal révolutionnaire .
Ce fut Saint-Just qui proposa le décret d'accusation contre les
vingt- deux. Il eût été à souhaiter qu'alors quelqu'un se levât
pour défendre les principes , et fût appuyé.
Le régime de la terreur à deux sources , continue- t -il ; la
premiere est pure. Les députés des assemblées primaires vinrent
vous le demander . L'autre source , c'est la commune conspiratrice.
Clausel dit que l'intention de la Convention n'est pas de
violer les principes en faisant aux prévenus un crime de leurs
opinions , mais qu'il faut bien en parler , lorsque ces opinions
coïncident avec des crimes . Il rappelle que dans l'affaire dont
Dubois- Crancé vient de parler , Barrere fat celui qui s'opposa
avec le plus d'acharnement à ce que les principes fussent
suivis.
F3
( 86 )
La Reveillere- Lepaux conteste aux députés des assemblées
primaires le droit de demander que la terreur fût mise à l'ordre
du jour. Leur mandat était de porter les procès verbaux de
l'acceptation de la constitution . Ainsi , le voeu de la terteur ne
peut-être qu'individuel . L'on sait de quelle maniere les uns
furent seduits et les autres traités pour n'avoir pas voulu signer
la pétition .
Penieres demande à Barrere pourquoi il a voté pour la suppression
de la commission des douze qui tenait le fil de tous
les crimes et de toutes les intrigues .
Duhem prétend que c'est Rolland et les siens qui ont livré
Lille , laissé les armées sans approvisionnement , et qui se sont
entendus avec Dumourier. C'est dans ces circonstances que les
députées des assemblées primaires out demandé le gouvernement
révolutionnaire .
Bourdon ( de l'Oise ) ramene la discussion à son point ,
en observant que, ce n'est point pour les lois elles - mêmes que
les prévenus sont inculpés , mais pour l'extension qu'ils leur
ont donnée , et pour avoir mis leur volonté à la place de leurs
dispositions .
Séance de nonidi , 9 Germinal.
Levasseur de la Sarthe ) observe que le décret qui a permis
le desséchement des étangs a été funeste à l'agriculture et aux
arts . Des moulins , des usines ont été paralysés , et la naviga
tion de plusieurs canaux interceptée . Il demande le rapport du
décret. La Convention en suspend l'exécution , et renvoie ler
surplus au comité d'agriculture.
Guffroy , au nom des comités de salut public , sûreté générale
et législation , fait un rapport sur la question soumise hier
à ces comités , de savoir si la Convention doit suspendre l'examen
de la conduite des prévenus . Il dit qu'il ne faut pas que
les momens précieux de la Convention soient entierement
absorbés par cette affaire ; que l'on doit peser , d'un côté , ce
qu'exige la justice , et de l'autre la situation politique de la
France , tant intérieure qu'extérieure .
La Convention doit réparer les maux qu'a faits l'ancien gouvernemement
, empêcher la Vendée de renaître , dicter la paix
à nos ennemis , préparer des triomphes pour l'obtenir , rétáblir
notre marine , favoriser les relations commerciales , comprimer
les anarchistes ; elle a encore à satisfaire les créanciers
de la nation , améliorer les finances , retirer des assignats ,
réparer les maux du maximum . Mais il faut aussi se hâter d'achever
l'examen de l'affaire des trois prévenus .
Boudin demande le renvoi de ce projet à un nouvel
examen des comités . Il croit que des souvenirs amers jetteront
toujours le trouble dans ces sortes de délibérations .
Pour l'éviter , il pense que quand il s'agira de prononcer
( 87 )
1
1
sur quelques collégnes , l'Assemblée devrait se borner à déclarer
qu'il y a lieu à examen ou accusation , et renvoyer .
le jugement à l'Assemblée électorale du département des
prévenus. Ce sont leurs commettans , et c'est à eux par conséquent
qu'il appartient de prononcer s'ils ont bien ou mal
rempli leurs mandats . Comme je suis député de la Vendée
, dit Ruamps , ce sera donc Charette qui me jugera .
Je m'apperçois , reprend Boudin , que certains membres parmi
nous redoutent les regards de leurs commettans . Si on voulait
les en croire , ils sont tous des royalistes , des aristocrates
et des federalistes , et il faudrait évacuer le territoire français .
Mais il faudra bien rendre tôt ou tard compte à ce peuple
souverain . Pour moi , je déclare que je ne veux pas me per
pétuer dans ma place. La motion de Boudin n'a pas` do
suite.
Guyton Morveaux déclare qu'il n'y a dans l'Assemblée que
des accusateurs , des complices , ou des victimes , et point de
juges . I demande qu'on anéantisse cette accusation , et qu'on
s'occupe de la constitution . ( Violens murmures . )
Merlin de Thionville ) dit que si en demandant hier l'établissement
de la constitution , il avait proposé une amnistie
pour les prévenus , certaines personnes auraient été de son
avis ; mais parce qu'il a demandé leur renvoi à l'Assemblée
législative , on ne veut plus faire matcher la constitution . De
toutes parts l'on s'écrie , nous la voulons . Merlin insiste sur la
proposition qu'il a faite hier.
La Convention sur la motion de Blad , décrete que les
prévenus seront entendus tous les jours impairs depuis dix
heures du matin jusqu'a six heures du soir.
Barrere prend la parole sur le chef d'accusation relatif à
l'abus de pouvoirs. Il prétend que ce sont des membres étran
gers au comité de salut public qui ont fait donner de l'extension
à leurs pouvoirs , et qu'ils s'y sont constamment opposés .
Quelquefois , ajoute Barrere , l'enthousiasme révolutionnaire a
pu nous faire abandonare l'exactitude geon étrique ; mais quand
nous avons reconnu notre erreur , nous l'avons réparee . Il
cherche ensuite à justifier le comité sur la censure des journaux
, et soutient que cette censure n'a pas existé . Il a seule
ment encouragé deux journaux . Le premier appelle Feuille de
salut public , dont il fit changer le titre , parce que plusieurs
représentans se plaignirent d'y avoir été maltraités , et le second
que redigeaient Fourcade et Payan ..
Collot se disculpe à son tour du reproche qu'on lui a fais
d'avoir menacé un des rédacteurs du Moniteur de la guillotine ,
pour y avoir inséré un de ses rapports qu'il lui avait luimême
remis . Il prétend qu'il se plaignit seulement avec vivacité
de ce qu'il affectait de n'imprimer que deux ou trois signatures
, à la suite des arrêtés du comité , ce qui prêtait a dise
qu'il était mené pár un triumvirat .
FA
( 88 )
1
Les dépenses du mois dernier se sont élevées à 599 milions ;
les recettes rapprochées des dépenses laissent un déficit de
421 millions qui sera comblé par une somme pareille tirée de la
serre à trois clefs .
Séance de décadi , 10 Germinal.
Lakanal , au nom du comité d'instruction publique , propose
de décréter qu'il sera établi à la bibliotheque nationale , une
école publique destinée à l'enseignement des langues orientales
vivantes d'une utilité reconnue pour le commerce . Elle sera
composée de trois professeurs d'arabe , turc , persan et malais ;
ils feront connaître à leurs éleves les rapports politiques et
commerciaux qu'ont avec nous les peuples qui parlent ces
langues. Ce projet de décret est adopté.
Louvet , par motion d'ordre , s'éleve contre la proposition.
qui a été faite de convoquer les assemblées primaires . La liberté ,
dit-il , n'est pas assise encore . Le gouvernement serait remis
en des mains pures sans doute , mais non suffisamment exercées
. Le fil des négociations étant rompa serait mal - aisément
ressaisi par des mains novices . Peut-être qu'en décrétant la
législature , vous décréteriez les funérailles de la République ,
le peuple vous accuserait d'avoir , à l'apparence du péril
oublié vos promesses , et de l'avoir abandonné lui - même .
Non , non , le royalisme n'obtiendra pas cet avantage , ce
n'est pas pour lui que le peuple a fait tant de sacrifices . Vous
tous qui portez la République dans votre coeur , réunissez vous,
il en est tems. Dites au peuple Français qu'on ne relevera jamais
le trône devant ceux qui l'ont abattu , et que fideles à vos sermens
vous ne quitterez votre poste qu'après avoir vu la République
affermie .
Que la postérité qui nous jugera ne dise pas de nous : Cette
Convention nationale , victorieuse des rois coalisés , a reculé
devant les obstacles dont ses tyrans l'avaient circonvenue ; elle
a laissé le peuple dans la misere , le gouvernement dans l'anarchie
, et le crime dans l'impunité.
Louvet demande le rapport du décret qui renvoie aux comités
l'examen de la question tendante à convoquer les assemblées
primaires pour le 1er, floréal prochain.
Pelet dit que la Convention a prouvé au peuple qu'elle était
prête à lui remettre les pouvoirs qu'il lui a confiés , et qu'il
s'agit à présent d'examiner si son intérêt l'exige . Il demande
l'ajournement à trois jours de la motion de Merlin .
Chenier : Vous voulez-vous donner ' des successeurs . Avezvous
rempli ves sermens ? Toutes les plaies des finances sontelles
fermées ? Le commerce ranimé , le fanatisme vaincu , les
espérances des royalistes détruites ? les armées victorieuses
n'ont-elles plus qu'à jouir de leur gloire , et la Convention.
va- t- elle donner la paix à l'aurope ? Je vois au contraire des
((89 )
malheurs à réparer , des devoirs de toute especè à remplir , ee
des crimes à punir. Quoi ! vous avez juré le sauver le peuple ,
et vous partirez avant d'avoir consommé votre ouvrage vous
laisserez à la législature la gloire d'avoir dicté la paix à nos
ennemis , et vous ne garderez pour vous que l'ignominie d'avoir
déposé un fardeau que vous ne pouviez plus porter ! Non ,
vous resterez à votre poste. Chenier demande l'ordre da jour
sur la motion de Merlin .
Gouly l'appuie , et il propose de procéder duodi prochain
à l'appel nominal pour le choix des membres qui compose
ront la commission des seize , chargée de préparer les lois
organiques de la constitution . Décreté.
Cambacérès pense qu'il faut mettre la constitution en activité
d'une maniere partielle , pour ne pas la compromettre .
Cambon dit que la motion de Merlin peut faire croire que
la Convention désespere du salut de la patrie . Il demande
aussi l'ordre du jour.
Merlin de Douai ) : De deux dangers il faut choisir le
moindre. Il est impossible que l'Assemblée fasse le bien de la
patrie au milieu des haines et des divisions qui la déchirent.
Si elle reste encore quatre jours dans cet état , la chose publiqué
est perdue. Il persiste dans son opinion que les préve
nus doivent être renvoyés à l'Assemblée législative . La Con- .
vention passe à l'ordre du jour sur la motion de Merlin , quant
à-présent.
Séance de primedi , 11 Germinal.
:
Un membre , au nom du comité militaire , fait décréter ce
qui suit Les campagnes de guerre et le service hors de l'Europe
seront comptés aux militaires ou marins , d'après les
proportions portées en l'art . V , titre II , de la loi du 22 août
1790 , dans le nombre d'années de service effectif , exigé
pour obtenir une pension par les art . I , IV , titre II , de ladite
loi. Cenx des anciens pensionnaires militaires ou marins
qui , par l'effet de l'application desdits articles de la loi d
22 août , ont obtenu en pension ou secours des sommes inférieures
au montant des pensions dont ils jouissaient en 1789 ,
pourront réclamer contre les dispositions des décrets de liquidation
daus lesquels ils sont compris , et en ce cas ils seront
traités conformément aux dispositions de l'art . Ier. du présent
decret. Il n'est rien inneve à l'égard des pensionnaires qui
jouissent de sommes egales au montant net des pensions qu'ils
avaient en 1789.
La loi du 17 nivôse , sur les successions et donations , a
déja été attaquée plusieurs fois dans la Convention , sur- tout
à cause de l'effet retroactif qui lui a été donné . Une nouvelle
discussion , provoquée par une pétition , s'est élevée à ce
sujet. Plusieurs membres déclarent que , par l'effet rétroac
( 90 )
tif , on a violé les contrats , jetté le trouble dans les familles
et porté atteinte à la déclaration des droits . Le comité de
législation a , dans ses bureaux , une immensité de récla
mations. Ils demandent qu'il fasse enfin un rapport sur cet
objet.
Bourdon ( de l'Oise ) pense que l'effet rétroactif donné à
cette loi est conforme aux lois de la nature , s'il ne l'est pas
aux lois civiles . Il est dans l'ordre de la nature et de la justice
que les enfans d'un même pere partagent également sa
succession .
Le renvoi au comité de législation est d'abord décrété ;
ensuite la Convention rapporte son décret , et ne renvoie au
comité que l'examen de la question si l'effet rétroactif n'aura
lieu pour les pays réunis que de l'époque de leur réunion
en passant à l'ordre du jour sur le reste .
Boursault fait part d'une lettre du commandant de la
force armée dans le département de la Mayenne , qui porte
que quarante chefs des chouans , et onze cents hommes ont
mis bas les armes et reconnu la République . Cette nouvelle
excite de vifs applaudissemens.
La section des Quinze-Vingts présente une pétition pen
réfléchie , quoique délibérée dans l'assemblée générale . Nos
besoins , dit l'orateur , sont pressans , l'abolition du maximum
devait donner l'abondance ; et la misere est à son comble.
La justice est à l'ordre du jour , et les incarcérations con -...
tinuent. Le peuple doit être libre , et il est opprimé . La déclatation
des droits commande la résistance à l'oppression . Pour
quoi Paris est-il sans municipalité , et la jeunesse du palais
Royal y fait- elle la police ? Où sont nos moissons ? Rendeznous
nos droits , nous sommes debouts pour sauver la liberté.
Le président La Convention nationale qui représente les
quatre - vingt-six départemens s'occupe sans relâche du bonheur
et de la gloire du peuple. Elle a repoussé les tyrans
coalisés , écrasé la tyrannie et l'anarchie , abattu l'échafaud
du terrorisme. Vous venez vous plaindre de la disette . Le
gouvernement ne cesse de prendre des mesures pour activer
l'arrivage des subsistances. La Convention qui s'occupe d'or--
ganiser la constitution démocratique , aura le courage et la
puissance de punir les ennemis du peuple .
Tallien demande l'impression de cette pétition et de la
réponse du président , et il pense que les bons citoyens du
fauxbourg Antoine en la lisant n'y reconnaîtront pas leurs
sentimens , parce que ce ne sont pas les bons citoyens qui
regrettent une municipalité conspiratrice et les échafauds . Il
ne voit pas dans la députation les hommes courageux et libres
de ce fauxbourg au milieu desquels il a vécu long - tems . On
a incarcéré quelques hommes comme perturbateurs du repos
public.
( 91 )
Bourdon ( de l'Oise ) dit que dans le tems où la France
était couverte de prisons , on ne montrait pas cette sollicitude
pour les détenus qu'on affecte aujourd'hui ; mais pour
faire cesser ces plaintes , il demande que le comité de sûreté
générale rende compte de ses opérations. Cette proposition
est décrétée .
Comme il était tard , les prévenus n'ont pas été entendus.
PARIS . Quartidi 14 Germinal , l'an 3° . de la République.
Depuis plusieurs jours , l'embarras des subsistances se
faisait sentir d'une maniere pénible . La diminution graduelle
de la ration qu'on délivre à chaque citoyen , avait
inspiré les plus vives inquiétudes . Avant-hier, cette ration
avait été réduite à un quarteron de pain pour
chaque bouche et à une portion de riz très - médiocre .
Il en fallait moins sans doute pour causer de la fermentation
, et l'occasion était favorable à la malveillance
pour donner à cette disposition des esprits une
direction appropriée aux passions et aux vues particu
lieres de ceux que le spectacle de la calamité publique
touche moins que le desir de se ressaisir du pouvoir
ou d'accroître le désordre .
Dès le matin , le bruit s'était répandu dans Paris qu'il
y aurait du mouvement , qu'il fallait se porter à la Convention
pour lui demander du pain . Les propos les plus
inquiétans circulaient parmi le peuple. Les uns disaient
que la Convention voulait affamer Paris ; d'autres , que
le grain ne manquait pas , et que l'on n'avait pas encore
touché à la derniere récolte ; d'autres prétendaient que
les fermiers recelaient leurs grains et ne voulaient plus
le vendre pour des assignats . Au milieu de cette agita
tion , on entendait répéter que du tems de Robespierre.
le peuple ne manquait de rien .
Vers les dix heures , on commença à dire que l'on
fermait les boutiques , et que le peuple se réunissait pour
aller à la Convention . Cependant tout était encore tranquille
dans les principaux quartiers , sur-tout dans la rue
Honoré, au palais Egalité et autour de la Convention ;
il n'y avait pas une boutique de fermée ; mais ces bruits
vagues , semés à l'avance , sont presque toujours les précurseurs
de l'orage.
En effet , vers les deux heures , un rassemblement
tumultueux , dont les femmes ne formaient pas la
3
と
( 92 )
moindre partie , se dirige vers la Convention , force les
portes , et se précipite en foule dans l'enceinte de la
salle , en criant : Du pain ! du pain ! la constitution de 1793 ,
liberté des patriotes , vive la République et la représentation
nationale ! Le président se couvre. La salle et les avenues
se remplissent , et tous ces citoyens se mêlent avec
les représentans du peuple .
Merlin ( de Thionville ) qui s'était porté au milieu d'eux,
demande la parole . Tous ces citoyens , dit-il , viennent
de m'assurer qu'il n'étaient pas ici dans des intentions
malveillantes , qu'ils sont pleins de confiance en la
répresentation nationale , et que , loin de vouloir l'influencer
, ils étaient prêts à lui faire un rempart de leurs
corps. Legendre parle dans le même sens . La foule proteste
de ses bonnes intentions , et répete : Du pain ! du
pain ! la constitution de 1793 , et la liberté des patriotes ! Le
président les invite à faire connaître leur voeu par une
députation.
Alors , un d'entr'eux descend à la barre . Vous
voyez , dit-il , les hommes du 14 juillet , du 10 août
et du 31 mai. Il expose qu'au nom de la section de la
Cité , il vient représenter à l'Assemblée qu'elle doit
rester à son poste , pourvoir aux subsistances , punir
l'égoïste qui resserre ses grains , réprimer les riches et
les marchands , rendre la liberté aux meilleurs patriotes ,
et faire exécuter la constitution de 1793. Puis s'adres
sant à un côté de l'Assemblée : O toi , Montagne ,
s'écrie -t- il , toi qui si souvent as sauvé le peuple, montretoi
dans ce moment de crise , nous sommes là pour
te soutenir et sauver la liberté ! ,, Le président répond
que la Convention s'occupait des subsistances lorsqu'on
est venu l'interrompre dans ses travaux , il invite les
citoyens à se retirer pour que l'Assemblée puisse délibérer
sur leur pétition , et s'occuper des moyens d'assurer
l'approvisionnement de Paris .
Plusieurs autres sections sont venues inviter la Convention
à rester à son poste , et lui ont fait part de
leurs inquiétudes sur les subsistances , mais elles n'ont
point pris les formes tumultueuses du rassemblement
de la Cité , et moins encore se sont- elles exprimées
dans les mêmes termes ; elles ont témoigné , au contraire
, leur haine pour les partisans de la terreur et
de l'anarchie , comme pour les royalistes .
Cependant , les citoyens qui s'étaient mêlés parmi
les représentans du peuple ne se disposaient point à
sortir. Plusieurs membres ont pris successivement la
·
( 93 )
parole pour les inviter à se rendre dans leurs, sections
pour y comprimer le royalisme , et y déjouer tous lea
projets criminels ; insensiblement , la salle s'est évacuée
, et la Convention a pu reprendre le cours paisible
de ses délibérations .
Au dehors , tout était plus calme et plus imposant : à
l'approche du rassemblement , la générale avait battu
dans les sections ; le tocsin du pavillon de l'Unité s'était
fait entendre , et à ce signal , toutes les sections armées
étaient venues entourer la Convention nationale pour
maintenir l'ordre et la tranquillité. Cette contenance
vraiment énergique en a imposé à ceux qui auraient
pu avoir des intentions perfides . Il est à remarquer que
si le sentiment si naturel du besoin . eût été la seule
cause de ce mouvement , ce sentiment n'aurait eu en
se manifestant , d autre objet que les subsistances ; mais
la demande de la mise en liberté de ceux qu'on appelle
les meilleurs patriotes , I apostrophe à la Montagne , l'affec
tion de se désigner comme les hommes du 31 mai , la
forme bruyante de la pétition , et la ton peu mesuré
dont elle était accompagnée , tout porte à croire que le
mouvement avait été préparé par des meneurs , et qu'on
ne se proposait rien moins qu'une nouvelle journée du
31 mai . On verra dans le compte plus détaillé que nous
rendrons de cette séance , que les chefs de parti avaient
essaye d'y reprendre leur prépondérance ; mais la grande
majorité de la Convention , instruite par l'expérience du
passé , et marchant entre le royalisme et les jacobins ,
a évité ces deux ecueils , en se prononçant avec énergie .
La séance a été permanente pendant la nuit. Les
comités de salut public et de sûreté générale ont rendu
compte des causes secrettes de cette agitation immodérée
, et voici le résultat des mesures vigoureuses qui
ont été prises .
1°. La Convention a ordonné l'arrestation de Léonard-
Bourdon , Amar , Choudieu , Foussedoire , Ruamps ,
Duhem , Huguet et Chasles .
2º . La déportation de Billaud , Collot et Barrere hors
la République.
3° . La ville de Paris a été déclarée en état de siége ,
et le commandement en chef de la force armée donné à
Pichegru qui était , depuis quelques jours , à Paris pour
se rendre à l'armée du Rhin ; on lui a donné pour adjoints
Kellermann , Merlin ( de Thionville ) et Barras .
4°. Cinquante hommes par section sont destinés à
protéger les arrivages pour les subsistances .
( 94 )
La mesure de la déportation a éprouvé une forte
opposition de la part de plusieurs membres qui réclamaient
l'appel nominal , et se sont précipités au bureau
pour en signer la demande . La motion a été faite d'imprimer
cette liste , et de l'envoyer à tous les départemens
, et le décret de déportation n'a plus éprouvé
d'obstacle .
Cette attitude ferme , la seule qui puisse sauver la
Convention et la chose publique , a ramené tout- à coup
la tranquillité. La distribution du pain et du riz a été
hier plus abondante . Une force armée considérable a
été mise sur pied pour protéger la Convention . La matinée
aurait été très- calme sans un incident qui a causé
d'abord quelques inquiétudes . Le peuple , qui ignorait
le décret de déportation rendu dans la nuit , a arrêté
la voiture qui transportait Billaud à sa destination , et
l'a ramené à la section du Théâtre- Français , et de là
il a été conduit au comité de sûreté générale ; mais
bientôt le décret a été mis à exécution , et les trois déportés
sont partis sous une forte escorte . La générale
a battu vers les trois heures ; mais cette mesure de
précaution n'a eu d'autre objet que de maintenir l'ordre
et la surveillance , et en ce moment la tranquillité regne.
Telle est la situation actuelle de Paris .
Diverses lettres reçues de Toulon s'accordent à dire que
notre escadre qui était sortie de ce port pour protéger l'arrivage
d'un convoi considérable , a rempli ce but , mais a
été exposée à de grands dangers . Un violent coup de vent
l'a assaillie à la hauteur de la Corse , et quatre de nos vaisseaux
ont été poussés avec impétuosité sur une division de
l'escadre anglaise. Le combat s'est engagé , et a été sanglant .
Notre escadre contrariée par les vents , n'a pu les secourir.
La Victoire , ci- devant l'Anti -fédéraliste , et le Timoléon , ont
été fort maltraités , et ont eu de la peine à rentrer en rade .
mais le Censeur et le Gà- ira ont été pris par l'ennemi . Le
capitaine du Censeur a été tué. On n'avait point d'abord de
nouvelles du Sans- culotte , mais on a appris qu'il était entré à
Gênes , et que le représentant Letourneur n'avait point péri .
Notre escadre est actuellement ralliée dans la rade des isles
d'Hieres au nombre de onze vaisseaux de ligne . Les frégates
la Junon , la Courageuse et l'Abondance qui étaient destinées à
convoyer les bâtimens de transports de l'expédition sur la
Corse , ont reçu ordre d'appareiller pour aller joindre l'escadre
aux isles d'Hieres , et les troupes embarquées ont été
( 95 )
mises à terre et sont parties pour l'Italie avec les générau»
et tous les employés à cette expédition .
On a lancé ici ces jours derniers le vaisseau le Figuieres de
So canons.
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Procès de Fouquier- Thinville et des co- accusés dans cette affaire.
Séance du 9 germinal. L'accusateur public a déclaré , que
du nouvel examen des pieces et déclarations remises , tant à
son prédécesseur qu'à lui , sur Fouquier Thinville , résulte le
paragraphe suivant d'addition à l'acte d'accusation dù 25
frimaire.
1º. En présentant des actes d'accusation remplis de ratures ,
renvois , interlignes , sans approbation , en les signant , et présentant
d'autres en blanc , d'autres où les noms des accusés
avaient été inscrits postérieurement à la rédaction et au moment
de l'audience par une main étrangère et avec une enere différente
de celle du corps des actes , où plusieurs noms écrits en petits
caracteres , ont été tantôt intercalés , tantôt émargés , sans approbation
, et où les noms d'autres accusés se trouvent rayés
et effacés en présentant d'autres actes , dont les énoncés relatifs
au nom des accusés , présentent ceux de certains , dont
il n'est fait aucune mention dans le détail de l'accusation qui
suit le préambule.
2º . En insérant dans un autre acte d'accusation , le nom
d'un individu condamné à mort , et exécuté un mois avant ,
et en le reportant en jugement comme s'il avait encore existé ;
fait qui prouve qu'on jugeait souvent sur les listes , sans
voir les accusés ;
30. En requérant de porter à l'échafaud le cadavre d'un
accusé qui s'était poignardé au moment qu'on lui prononçais
son arrêt de mort ;
4°. En requérant le tribunal d'ordonner l'exécution de plu
sieurs femmes condamnées à mort , mais qui s'étaient déclarées
enceintes , au lieu d'attendre " que les officiers de santé où
autres personnes de l'art , qui avaient déja declaré qu'ils n'avaient
pu connaître ni s'assurer si réellement elles étaient enceintes
, pussent par le laps de tems reconnaître la vérité ou la
fausseté des déclarations de ces femmes en les faisant réellement
exécuter le même jour.
Fouquier-Thinville , à la vérité , dans les réponses par lui
rendues sur les chefs d'accusation qui lui sont imputes dans
l'acte d'accusation du g5 frimaire , a protesté de son huma
( 96 )
C nité , tant envers les détenus que les accusés et condamnés ;
de son exactitude pour le tirage et la convocation des jurés
avec lesquels il soutient de n'avoir eu aucune familiarité marquée
, ni tenu des conversations à dessein d'influencer leurs
opinions , et n'avoir jamais employé aueun moyen de séduction
envers les témoins ;
Qu'il s'est toujours soumis aux ordres rigoureux qu'il res
cevait du gouvernement ; mais il les a exécutés avec un coeur
aussi sensible que peiné , et qu'il s'est même refusé , dans
certaines occasions , aux ordres particuliers de certains membres
de gouvernement , parce qu'il s'appercevait que les ordres
lui étaient donnés par esprit de haine et de vengeance.
Qu'il n'a jamais entretenu aucune intimité ni correspondance
avec les conspirateurs , les ayant toujours poursuivis
avec autant de chaleur que de justice , et n'ayant jamais partagé
leurs opinions ni leurs crimes ; on en trouve la preuve
dans la requisition qu'il fit pour l'application de la loi contre
les conjurés , et dans son refus de se rendre à la commune
rebelle , malgré les invitations que plusieurs émissaires vinreut
lui faire ;
Qu'il n'a jamais conçu ni provoqué , ni participé à l'idée
des prétendues conspirations de prisons , ni porté personne à
faire des listes de proscription ;.
Qu'il ignore même qu'il en eût jamais existé ; qu'à la vérité ,
le comité de salut public lui a adressé des listes , au bas
desquels était écrit l'ordre portant , que les dénommés soient
mis en jugement à l'instant ; qu'il a induit du mot à l'instant
, la dure et pénible nécessité de précipiter les jugemens
et de cumuler les prévenus . "
Qu'il est faux qu'il ait jamais pris , gardé , ni diverti l'argent
et autres effets des détenus ;
Qu'il n'a jamais trafiqué de ses devoirs pour aucune
somme qu'il les a au . contraire remplis avec honneur et
fidélité ;
Qu'il proteste enfin de la fausseté de toutes les inculpations
atroces et révoltantes , que ses ennemis lui font avec
un acharnement qui annonce assez leur haine et leur vengeance.
L'accusateur public observe qu'il résulte d'autant moins
de la défense de Fouquier qu'il eût détruit les inculpations
portées contre lui , que tout annonce au contraire qu'il était
parfaitement secondé par les ex -juges et ex-substituts du tribunal
près lequel ils ont rempli des fonctions avec lui , et dont
la conduite fait le sujet du paragraphe que nous donnerons au
numéro prochain.
( N° 40 ) Jer 138.
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 20 GERMINAL , l'an troisieme de la République.
Jeudi 9 Avril 1795 , vieux style . )
POÉSIE.
VERS présentés par un enfant à son grand -papa , le jour de
sa fete.
ASON papa , si ce petit garçon
N'offre point en ce jour une leur printanniere ;
La faute en est à la saison .
Il lui présente une fleur bien plus chere ,
D'une tige charmante aimable rejetton.
Qele papa sur la tige premiere ,
Dans ses bras , sur son stiu le place avec sa mere ;
Il aura , pour bouquet , la rose et le bouton.
Qui
CHARADE.
ui te charge , Iris ? mon entier.
Qi t'embelli? c'est mon premier ,
Qui te lave ? c'est mon dernier.
Ji'ne
ENIGM E.
E ne fus pas toujours d'usage ;
J'étais inconnue au vieil âge.
Mais par- tout aujourd'hui , cher lecteur , tu me vois ,
Sous le toit du berger , dans I s palais des rois
Quelquefois je suis fiele , et quelquefois solide. )
Pour moi , comme il lui plaît , l'amateur se décidé !
J'offre souvent pour la santé
Un remede assez salutaire ;
Alors je deviens nécessaire .
Je flatte aussi d'un fat la sotte vanité .
Comme dans la couleur , bien souvent je differe ,
Tome XV,
G
( 98 )
Dans la forme et dans la matiere ;
Simple chez le bourgeois , la main de l'artisan
M'enrichit pour le partisan ,
Je suis encor en honneur chez la belle ,
Où la mode souvent m'appelle .
Je donne aussi certain maintien
A quiconque n'a rien à dire,
Dans un cercle où chacun m'admire
Je suis matiere d'entretien ;
Et si quelqu'un par hasard y sommeille ,
Par mon secours on le réveille .
J'égaie enfin la société ;
Vide , j'y suis une inutilité .
Je ne dis plus qu'un mot : j'accompagne sans cesse
Ou mon maître , ou bien ma maîtresse .
Lecteur , peut-être tu me tiens ,
En réfléchissant sur ces riens.
SOIT
LOGO GRIPHE.
OIT comme ajustement , ou bien comme soldat ,
En escadron , ou sur tête femelle ,
Garde-toi bien , lecteur , de me chercher querelles
Car j'en ai mis plus d'un hors de combat ,
Et tourné plus d'une cervelle . !
Mais sur mon nom si tu veux t'exercer ,
Et l'appliquer à différentes choses ,
Tu le peux aisément , et même sans danger.
Huit lettres , dont tu le cómposes ,
Te donneront d'abord , et saus rien déplacer ,
Ce funeste instrument que le chasseur avide ,
Pour exciter au meurtre une meute intrépide ,
Fait souvent résonner en parcourant les bois ,
Et dont le bruit fatal de la fauve timide
Célebre insolemment la prise et les abois ;
Mis à l'envers , un corps dur et solide
Sur lequel tu pourras élever ton château ,
( 99 )
Mais dont tu prendras soin d'éloigner ton bateau ,
Lorsque tu vogueras sur la plaine liquide ;
A Rome , un tribunal ; et la note , et le ton ;
Du corps une noble partie ,
Domaine de l'ame , dit-on ,
Dont elle laisse à la folie
Le soin de régir - le timon
Et la régente à sa façon ;
Formant nos goûts , nos moeurs , notre être et notre vie ,
A fait de Céliante une femme hardie ;
De la blonde Orphise , un oison ,
Et de Lisette , avec son air fripon ,
Sa fraîcheur , son étourderie ,
Son teint , ses graces , son jargon ,
La coquette la plus jolie
Et la plus folle du canton ;
Ce que l'on a , quand on n'a pas raison ;
Un siége qui jamais ne fut pour la mollesse ,
Siege réservé pour les rois ,
Où les soins , les ennuis les assiégent sans cesse ,
Mais les laissent pourtant s'endormir quelquefois ;
De certains animaux l'armare naturelle ;
Ge dont par fois , sans beaucoup d'art ,
La main d'un jeune savoyard
Sait du passant nettoyer la semelle ;
D'un monarque jaloux , d'un amoureux sondan
( Non Saladin , Omar , ni Gengiskan ,
Non le meurtrier de Zaïre ,
Mais dans ta basse- cour ce zélé musulman
Dont les lois font regner l'amour dans son empire) ,
Le diadême , où le turban .
Enfin , ami lecteur , si j'ose ici tout dire
A la suite d'un long diner ,
D'un estomach gourmand l'accident familier ,
1
Et dans sa joyeuse satyre
Ce que Panurge , en belle humeur ,
Nomme en latin déjeûner du docteur.
G
( 100 )
SCIENCES ET ART S.
DESCRIPTION du blanchiment des Toiles et des Fils par
l'Acide muriatique oxigéné , et de quelques autres propriétés
de cette liqueur , relatives aux arts ; par BERTHOLET.
In 8 ° . de 46 pages , broché. Prix , 1 liv. A Paris , chez
Focus , libraire , quai des Augustins , no . 28, L'an 3. de
la République Française ( 1794 ) .
C'EST
' EST dans le traité chymique que nous annonçons
qu'il faut étudier les procédés de l'Acide muriatique oxigéné
, les différentes propriétés de cette liqueur , et
l'usage économique que l'on peut en obtenir pour
les lescives et les teintures . Ce n'est pas seulement par
les frais du nouveau procédé de cet Acide muriatique
oxigéné , comparés rigoureusement avec ceux du blanchiment
ordinaire , qu'il faut juger de ses avantages ; il
en présente de particuliers qui seraient propres à compenser
un prix supérieur . Les toiles et les fils qui , dans
quelques endroits , demandent plusieurs mois pour être
blanchis , peuvent l'être facilement dans cinq à six
jours , même dans un grand établissement ; car une
opération qui ne se fait que sur quelques pieces , peut
sans difficulté se terminer dans deux ou trois jours.
Pendant l'hiver , le nouveau blanchiment peut s'exécuter
aussi bien qu'en été ; seulement la dessication exige plus
de tems.
L'habitant de la campagne , dont la famille occupe
ses intervales de loisir à la filature , est obligé d'attendre
la saison favorable pour envoyer ses fils et ses toiles ,
souvent à une grande distance , où on leur fait subir un
long blanchiment ; cependant ses besoins le pressent ,
il est obligé de les livrer à perte à des commerçans
intermédiaires , qui mettent un impôt sur son indigence .
Mais si des établissemens destinés à la préparation de
l'Acide muriatique oxigéné se multiplient assez, celui qui
aura tissu une toile pourra la blanchir lui - même , et
jouir de tout le fruit de son travail , aussi -tôt qu'il sortira
de ses mains. Le consommateur y trouvera aussi
son avantage , puisque non -seulement il doit en derniere
analyse résulter quelques diminutions sur le prix
des toiles et des fils ; mais encore le nouveau blanchi-
1
( 101 ) ment , administré
comme
il doit l'être , diminue
beau- coup maus la solidité
originaire
du lin et du chanvre
,
que J- s opérations
longues
et multipliées
du blanchi- dire . Il parait même , par de nouvelles
expé- - 1 Acad muriatique
oxigéné , en resserrant
les
pores du coton , lui donne plus de solidité
, et qu'en
même- tems il lui communique
la propriété
de prendre
des couleurs
plus éclatantes
.
ment
Cette dissertation est accompagnée d'une planche
gravée , représentant l'appareil destiné à préparer l'Acide
muriatique oxigéné , et dont on donne une explication
détaillée .
"
GEOGRAPHIE.
Almananch national géographique et portatif , dédié aux
patriotes Français , avec l'instruction du nouveau calendrier
pour la présente année républicaine , rédigé conformément
au décret de la Convention nationale ; oavrege le plus utile
aux gens d'affaires , négocians , militaires , voyageurs et pour
tous états ; en dix cartes enluminées , savoir :
1º. La carte de France divisée en 86 départemens ;
2º . Le tableau indicatif des 86 départemens et des 543 districts
renfermés dans ces départemens ;
30. L'itinéraire de la France , contenant les routes les plus
fréquentées de la République , toutes calculées en lieues de
poste ;
4° . La carte du plan et département de Paris ;
5º. Une table d'escompte utile aux banquiers , caissiers ,
négocians et gens d'affaires ;
量
6º. Une table générale de la distance des principales villes
de France entre elles ;
et
7°. La carte
de toutes
les villes
et places
fortifiées
,
elles
des principales
routes
de la France
, avec le cours des
rivieres
navigables
;
$
8. Enfin , la nouvelle carte militaire du théâtre de la
guerre , pour suivre la marche des armées françaises dans '
l'Allemagne et les Pays- Bas format in - 80 . br . Prix , 12 liv .
A Paris , chez Desnos , ingénieur géographe , rue Jacques ,
au Globe , nº . 254 .
❤
MUSIQUE.
#
Loizerolles , ou le Triomphe de l'amour paternel , romance ;
paroles de L. F. Jauffret , musique et accompagnement du
clavecin par Méhul . A Paris , chez Cousineau , pere et fils ,
luthiers , rue de Thionville , no . 1840. Piix , 1 liv, 5 sols .
G 3
( 102 )
NOUVELLES
ÉTRANGER
ALLEMAGNE
.
De Hambourg , le 20 mars 1795 .
ON à N mande de Pétersbourg que Kosciuszko n'est pas
Schusselbourg, comme on l'avait faussement publié , mais bien
toujours dans la citadelle de Pierre - Paul , où on le traite avec
assez de ménagemens , puisqu'on lui laisse un domestique
pour le servir , et up chirurgien pour le soigner .
-
La conduite de Catherine II avec ce héros malheureux
paraît très - extraordinaire à ceux qui connaissent son carac
tere vindicatif ; mais elle l'est moins pour les observateurs à
qui le desir de faire parler d'elle , qui est sa passion dominante
, n'a point échappé . C'est sur tout les louanges des
hommes de lettres et des savans qu'elle aime à recueillir :
ayant appris que M. de Saussure , de Geneve , était tombé
dans une extrême misere , elle a appellé ce célebre physicien
à remplir une chaire de professeur dans sa capitale ; elle en
a fait autant pour M. Mukel , professeur d'anatomie à Hall .
Les lettres du 2 mars , des frontieres de la Pologne , disent
qu'on a enjoint aux généraux de cette nation qui se trouvaient
à Varsovie de quitter la ville , en exceptant toutefois ceux
qui étaient au service avant la révolution . Les généraux
russes ménagent d'ailleurs un peu plus les habitans ; c'est
contre les Français établis dans cette capitale que la haine de
l'autocratrice se déploie ; ils vont être incessamment forcés
d'en sortir.
•
-
Au reste , par la même raison que l'impératrice persécute
les Français républicains , elle dédommage les Polonais victimes
de leur attachement à ses intérêts . La veuve du prince
Czartorinski , pendu dans le cours de la derniere revolution , a
reçu d'elle une pension de deux mille ducats , et les veuves
des autres magnats ont également obtenu des secours pluts
ou moins considérables . La partialité et l'injustice sont tellement
marquées , qu'un enseigne qui , an terme des dispositions
réglémentaires , pouvait continuer de demeurer à Varsovie
, vient d'en être renvoyé . Son crime est d'avoir fait
quelques caricatures contre les Russes .
Les Russes viennent de vendre aux Prussiens un magasin.
"
( 103 )
T
de vivres considérable , et il se fait parmi leurs troupes des
mouvemens qui indiquent leur marche prochaine vers les
frontieres , sous la direction du général Suwarow.
F
On évalue à quinze mille ducats les frais de transports de
la fameuse bibliotheque de Zaluski .
De Francfort- sur - le -Mein , le 24 mars.
On mande de Vienne que l'empereur a fait remettre à son
ministre de guerre , le comte de Collowrath , des sommes considérables
adressées par plusieurs états d'Allemagne , et que la
ville d'Augsbourg s'est sur-tout distinguée dans cette contri
bution pour la continuation de la guerre contre les Français ,
et l'on ajoute que si la paix n'a pas lien il sera question de demander
l'octuple au lieu du quintuple , contre lequel plusieurs
membres du corps germanique ont déja fait des representalions
.
est
Malgré cette bonne volonté de quelques villes impériales
François Il aura de la peine à se mettre en état de tenir la campagne
car le résultat des lettres de Juliers , du 13 mars ,
qu'on desire par- tout la paix ; qu'une nouvelle campagne ferait
éprouver aux malheureux pays qui en seraient le théâtre la
famine , et par suite les maladies contagieuses et la dévastation
la plus complette . Les armées se ressentent vivement des dernieres
opérations militaires faites pendant la saison la plus rigoureuse
qu'on ait éprouvée de long-tems . Il a péri plus de
trois mille seulement de chevaux de remonte , emportés par la
faim et le froid , et dont la cavalerie autrichienne se trouve
ainsi privce . Les chemins dans la Wetteravie , vers la Lahn et
le Westerwale sont couverts des carcasses de ces animaux . La
perte en hommes est à -peu près dans la même proportion ;
d'un côté la garnison de Mayence est affaiblie par les blessares
, la fatigue et la misere ; de l'autre , le corps prussien
et saxon , établi depuis Caub jusqu'à Gernsheim , qu'on évaluait
à 18,000 hommes , en a perdu le tiers par différentes
causes .
?
Les états du Haut- Rhin , de la Suabe , et même plusieurs
auires cercles , sont si éloignés de fournir un octuple contingent
qu'ils répugnent même au quintuple . Par-tout on desire
ardemment la paix , mais sans trop savoir comment y parvenir.
C'est sur les bords de l'Embs que les Français dirigent
leurs plus vives attaques ; ils avaient été repoussés le 12 auprès
du château et des retranchemens de Bentheim , avec perte
de nombre de tués et de 11 canons ; mais le 13 , ils revinrent
à la charge , et leur corps de 5000 hommes repoussa
les alliés jusqu'à Rhenen . Cette sanglante affaire dura depuis
6 heures du matin jusqu'à 7 heures du soir. Le 14 , ils étaient
G4
( 104 )
maîtres de toute la rive gauche de l'Embs depuis Benthein
jusqu'à la mer ; set lon disai sans canmoins en être bien
sûr que la gan's in avait obtenu la libre sortie du château`
en le rendant aux França's . Le bruit connait à Hamm , le
18 , qu'ils avaien pas Ebs dans l'Oos -Frise, Cependant
il ya des rapports contradictoires des affaires du 15 près de
Lingen . J
L'armée française du Rhin et celle de la Moselle font des
disposition pous pr sser M yence . On annonce qu'au quartier
de Guaver- blunt a ce question de fan passer le Rhin aú
dessus de Mayence à 40.000 hommes que l'armee de Sanbie
et Meuse soutien Irait sur la rive droite du Bas - Rhin qu'il a
passé dans le pays de Clves . Au peste , il ne s'agit pas d'un
siege en forme entre Mayence . Il paraît qe les Fançais
maître des deux rives , se contenteront de les ener
et de l'incommoder exêmoment.
la place ,
ane , reconme
ss'avan vancat,
"
es Pinssieus
Du côte de Munster , les Français firent , le 13 ,
naissance pres de Stadloo , ei le général Ana
dit- on , avec des force majeures vers cei évéché .
et autrichiens qui doivent defendre le pays , ont te retardé
dans lear marche par les mauvais chemins , surtout les prem'es
que les autres doivent attendre pour se foriber de leur
jonction . Ge yu il yen adarrivé es aux environs de Goësveld.
L'électeur de Cologne vient d'arriver à Munster pour y
diriger l'organisation et I emploi des troupes du pays .
L'on dit que l'empereur est dans l'intention de se rendre
à l'armée , et dy aller accompagné da gené al Mack. Ce ne
scroit pas un pronostic de paix ; mais en génégal le pub ic
ne sait plus à quoi s'en tenir à cet egard ; et peut être les
cabinets eux mêmes n'ont- ils encore rien qui puisse servir à
fixer leurs idees flot . ntes . De la vient que les bruits de
guerre succedent aux brits de paix comme ceux de paix
à ceux de guerre . Quand il arrive des couriers de Londres
c'est la queife qui est regardée comme certaine ; lorsqu'il
en ani e d'aut e ' part , c'ési la paix qui fournit aux conversano
s Ju jour C pendant on pirle beaucoup du contenu
très- spfis à saot d'une lettre envoyée ici par estafette , et qui
a ere expede par le b ron de Degelmann , ministre de l'empercar
en Suisse . Cette lettre est du comte de Carletti , qui
a eu à Paris la permission de la mettre dans le paquet adressé
à M. Barthelemy.
et
Les nouvelles d'Italie annoncent que les Français menacent
absolament tous les points et postes de quelqu'importance ;
rais le corps de troupes autrichiennes y sera renforce ,
Je general de Vins y reprendra le commandement en chef.
Le gouvernement de Milan a formellement contredit le
1
( 105 )
bnit d'une demande faite à la republique de Gênes par le géheral
Nalasti , pour le passage de troupes imperiales par le
territoire de cet état.
ITALI E.
Les deux lettres suivantes nous ont páru contenir des
détails importaus sur le combat naval du 14.
Extrait d'une lettre de Sestri ( du Levant ) du 14 mars.
A la pointe du jour , le 13. parurent à notre hauteur ,
à la distance de 12 milles , les deux escadres de Fiance
et d'Angleterie , et nous vimes de notie fenêtre le beau
spectacle ci - après .
L'escadre anglaise , profitant d'un vent d'Afrique
qu'elle avait en poupe , donna la chasse à quelques vais
seaux français pendant plusieurs heures ; ce qui produi
sit divers petits combats : enfin , rangée en demi- cercle ,
elle présenta la bataille à l'escadre française , quoique
plusieurs de ses vaisseaux , éloignés du côté du Levant ,
ne pussent y prendie part. Ce combat général dura
deux heures ; il fut si vit et si obstiné , que bientôt la
fumée nous fit perdre de vue les deux escadres . Le feu
ayant céssé , l'escadre anglaise reparut toujours unie et
tenant le vent ; l'escadre française était plus éparse , et
se réunit seulement au nombre de 22 voiles , deux
heures après .
Aujourd'hui , au point du jour , le feu a recommencé
plus vivement qu hier ; mais la brume nous a dérobé la
vue de cette nouvelle affaire , qui doit avoir été meurtriere
, s'il faut en juger par la vivacité du feu . Ce matin ,
on a trouvé sur notre plage la boëte d'une boussole , sur
laquelle était une inscription anglaise . On a trouvé aussi
une porte de chambre de poupe et deux grands morceaux
de mâts , qu'on a jugé être anglais ; ce qui fait présumer
que quelque vaisseau de cette nation a péri .
De Gênes , le 19 mars.
Nous sommes encore dans l'impatience de savoir les
détails et l'issue du combat du 14 de ce mois . On écrit
de divers endroits de la riviere que les deux escadres
se sont réciproquement maltraitées , et qu'on a vu passer
ensuite trois vaisseaux démâtés , sans savoir s'ils sont français
ou anglais , et que tandis que l'escadre de France
se dirigeait vers le ponent , celle d'Angleterre faisait
( 106 )
4
voile au midi . L'engagement principal a eu lieu à la vue
du cap de Noli . Chacun s'attribue la victoire , mais jusqu'ici
on n'a vu aucune relation authentique , ni de para
ni d'autre .
Le 16 au matin , le vaisseau français le Sans - culotte , à
trois ponts , est entré dans notre port. Il est constant
qu'il n'a eu aucune part au combat ; plusieurs chaloupes
ont essayé de se rendre à bord de ce vaisseau pour ap
prendre des particularités de l'affaire , mais aucune n'a
été admise . On a su seulement d'un Français , qui a
parlé au commissaire- général de l'armée navale française ,
que dans la nuit du 12 au 13 il y avait eu une escarmouche
entre quelques vaisseaux ; que la brume , sur le
matin , empêchait de se voir d'un bord à l'autre , et que
le Sans- culotte , privé de vent , n'avait pu suivre le reste
de l'escadre qui engagea le combat le samedi matin ,
sur le cap Corse , et même , le vent soufflant du levant ,
il ne put entendre le canon .
Le Sans- culotte a 120 canons , 1350 hommes d'équipage,
outre 150 prisonniers anglais du vaisseau le Warwick , et
300 grenadiers avec quelques compagnies de fusiliers ;
il a aussi à bord le général de terre la Harpe .
Avant-hier , dans la nuit , nous eûmes un furieux coup
de vent du midi , qui jetta à la côte une chaloupe de
Sans-culotte , où elle périt. Un cable de ce vaisseau fut
cassé par la violence de la tempête , et lui fit perdre une
de ses ancres ; les autres heureusement tinrent bon , et
hier on l'affourcha de nouveau .
Nous appienons qu'un autre vaisseau français est entré
dans la rade de la Spezzia.
E
ANGLETERRE. De Londres , le 8 mars 1795 .
·
Le vaisseau le Caledonien partide New Brunsvic et destiné
pour Plymouth est tombé entre les mains des Français
et a été conduit à Brest. Il avait une cargaison si riche en
mâtures et autres munitions navales , qu'on croit qu'elle aurait
suffi pour équiper complettement dix vaisseaux de ligue.
John Sawbridge , écuyer , aldermau et représentaat de la
cité de Londres , vient de mourir. Il était du parti de l'opposition
, et a beaucoup insisté , pendant sa vie , sur une réforme
parlementaire. Il y a quelques années qu'il présenta
une motion en faveur des élections annuelles .
Les rapports que nous recevons des pertes que l'armée anglaise
a faites pendant sa retraite sont des plus affligeaus . De
13000 hommes elle a été réduite à 5000.
( 107 )
RÉPUBLIQUE
FRANÇAISE
CONVENTION
NATIONALE
.
PRÉSIDENCE
DE PELET.
Séance du duoar ,
Germinal.
Une députation de la section "Homme - armé vient féliciter
la Convention sur son décret porta qu'il n'y a pas lieu
à délibérer , quant à présent , sur la convocation des assem
blées primaires . Elle dit que si l'abdication des pouvoirs est
en général un témoignage de désintéressement , en serait dans
des momens difficiles an acte de faiblesse . Elle lui trace ce
qui lui reste à faire , soutenir la patience du peuple , nourrir
ses espérances , soulager ses maux , rallier ses forces contre
ses ennemis de toute espece , contenir les fureurs des faux
dévots en patriotisme , ruiner les espérances des royalistes ,
négocier avec les puissances étrangeres , et assurer à la France
et à l'Europe une paix honorable et solide . L'insertion de
cette adresse au bulletin est décrétée .
Lanthenas propose , par motion, d'ordre , de tranquilliser les
bons citoyens , les vrais patriotes qui , ayant été égarés par le
systême du terrorisme , ont pu faire des maux à leur patrie
avec les meilleures intentions .
Thuriot demande le renvoi de cette proposition aux comités
. Grassous veut que l'on mette en liberté tous les patriotes
incarcérés depuis le 9 thermidor . Il prétend que l'aristocratie
se montre par-tout.
Bourgeois déclare que les comités de gouvernement font la
contre révolution , et qu'il est tems de les démasquer.
Ruamps dit que ce sont tous des
On demande que
tyrans .
Bourgeois soit envoyé à l'Abbaye . La plus grande agitation se
manifeste dans l'Assemblée .
Guyomard : La Convention a décrété que les listes des détenus
seraient envoyés aux sections ; ainsi , ceux qui seront
reconnus innocens seront réclamés . Cette mesure doit satisfaire
tout le monde .
Perrin des Vosges ) annonce qu'un grand nombre de
citoyens sont aux portes de la salie .
La section de l'Unité vient demander de juger enfin les
complices de la plus exécrable tyrannie qui ait jamais pesé
sur les hommes . Elle propose un mode d'épuration et de renouvellement
du corps législatif,
Thuriot rend justice à la pureté des intentions de la section;
( 108 )
mais il dit que la
constitution étant faite , la
représentation
nationale ne peut pas être changée par quart ou par moitié l
s'oppose à
l'impression de ia pétition. Elle est néanmoins.
décretee.
Boissy- d'Anglas faisait un rapport sur les subsistances
lorsque des hommes , des femmes et des enfans , après avoir
forcé les gardes de la porte , sont entrés par flots dans la salle
de la Convention, en agitant leurs bonnets , et criant sort
pain du pain ! Les membres de l'extrémité gauemnets et sur
applaudis . Quelques- uns avaient écrit sun 'de 93.
leurs chapeaux , du pain et la conie : A bas , nous n'avons pas
Legendre veut parler
de pain ! Merlin ( de 71 ville ) parle à quelques-uns , et les
embrasse . Bourgeois et quelques autres lui crient de se mettre
à sa place .
Merlin Ma place est au milieu du peuple. Ces citoyens.
mic discut qu'ils n'ont point de mauvaise intention , et qu'ils
ne se sont réunis que pour faire sentir la rigueur de leurs besoins.
Quel est le calomniateur du peuple qui pourrait croire
que les bras vigoureux qui ont détruit la Bastille voudraient
relever le trône ?
Les cris vont en augmentant. La foule qui remplissait la salle
de la liberté se presse pour entrer dans celle de la Convention
. Elle entre en demandant du pain , et les tribunes lui répondent
par le même cri.
André Dumont parvient à faire entendre quelques mots . Il
dit au peuple que son but est sans doute de faire une demande
, mais qu'au milieu d'un si grand tumulte il est impossible
de se faire entendre. Il lui demande de défiler et de
nommer ensuite une députation qui exprime son vau . On lui
répond : Du pain ! du pain !
Huguet Ce mouvement n'est pas une insurrection . Ces
citoyens demandent du pain , mais ils sont encore plus avides
de la liberté de leurs freres opprimés que du pain . Ils demandent
la constitution de 1793. La foule : Oni ! oui !
Huguet fait la motion de la mise en liberté des patriotes .
Un homme paraît à la barre , et parvient à se faire entendre
Vous voyez devant vous les hommes du 14 juillet ,
du 10 août et du 31 mai. ils ont juré de vivre libres ou
de mouyir. Ils maintiendront la constitution de 1793. It
est tems que la classe indigente ne soit plus la victime
de l'égoïsme des riches et de la cupidité des marchands .
La foule Oui oui ! Vifs applaudissemens de l'extrémité
gauche. ) Mettez un terme à vos divisions ; la patrie ne
doit pas souffrir de vos haines . Faites-nous justice de l'armée
de Fréron , de ces messieurs à bâton Les hommes qui ont
renversé la Bastille ne pensaient pas qu'on en éleverait mille
autres pour incarcérer les patriotes . Où sont passés les grains
( 109 )
qu'a produits la récolte abondante de l'année derniere ? On
méprise les assignats , parce que vous avez rendu des décrets
qui en alterent la confiance . Et toi , montague sainte , qui as
tant combattu pour la République , les hommes du 14 juillet ,
du 10 août et du 31 mai te réclament dans ce moment de crise !
Tu les trouveras toujours prêts à te soutenir et à verser leur
sang pour la République ! L'orateur termine en demandant du
pain , la constitution de 93 et la liberté des patriotes. La
Foule : Oui ! oui ! Bravo ! ( L'extémité gauche applaudit vive
ment. )
Un autre orateur parle au nom de la section de la Fidélité .
Il demande que les jeanes gens de la premiere requisition
soient envoyés aux frontieres , et qu'on décrete sans désenaparer
la liberté des pairiones . La section de la Frateruité
paraît ensuite , et réclame aussi des subsistances . Celle du
Bonnet de la Liberté annonce que , décadi dernier , tous ses
choyens ont opéré une reunion franche et sincere. Gelle de
Bonne Nouvelle demande que la Convention lui dise toujours
la vérité , parce qu'elle ne les effrayera pas , quelque
cruelle qu'elle soit. Le président leur répond que le peuple
ne manquera pas de subsistances ; que les royalistes et les
assassins veulent des agitations , et qu'ils ignorent que la foudre
nationale est prête à tomber sur leurs têtes .
-
Cependant le tocsin sonne , la générale bat .
Duhem demande que les citoyens se retirent pour que
la Convention puisse délibérer. Prieur de la Marne ) les in
vite à se rendre dans leurs sections respectives où les appelle
le danger de la patrie. André, Dumont qui préside l'Assem❤
blée déclare qu'il ne peut pas exprimer son vou sans la consulter
, et qu'il est dans l'impossibilité de le faire . La foule
se retire peu- à -peu ; le calme renait dans la salle . On commence
par décréter qu'il sera levé une force armée de cinquante
hommes pár section , destinée à protéger les arrivages
et qu'il sera fait une proclamation . ( Vogez l'article Paris , )
Isabeau , au nom du comité de sûreté générale : Nous n'avons
pu jusqu'à présent vous faire un rapport de tous les événement
de la journée ; toujours le comité de sûreté générale
s'est occupé avec le comité militaire et celui de salut public
à donner les ordres que nécessitaient les circonstances . Tout
notre tems à été employé à sauver la chose publique . Notre
collegae, Anguis , que le comité de sûreté générale avait
chargé de parcourir différens quartiers de Paris pour y ramener
la paix , a été attaqué et blessé ( Un seul cui se fait entendre :
Ak Dieu ! Les membres de l'extrémité gaache restent muets. )
Dans cette journée il a montré un zele infatigable . Ce soir ,
sur la place du Panthéon , une foule de furieux l'out séparé
de ceux qui l'accompagnaient . If a reçu deux blessures , l'une
à la main, l'autre au visage ; et dans ce moment , il est ea(
110 )
core prisonnier dans une section . ( Murmures d'indignation .
Même silence dans l'exiremite gauche. ) Vos trois comités
ont entendu avec douleur un événement aussi affligeant : aussitôt
ils ont donné des ordres à cette portion précieuse de citoyens
de Paris , qui n'ont pas cessé de vous entourer aujourd'hui . Ils
lui ont donné ordre de se porter vers la section rebelle , et
de ramener notre collegue dans le sein de la Convention .
( Vifs applaudissemens . ) Cet événement ne vous étonnera
plus , lorsque vous saurez que ce matin , entre 10 et 11 heures ,
un homme placé à cette tribune en face du président , écrivait
avec un crayon la liste des représentans qui devaient
être proscrits. Deux jeunes gens de 12 à 13 ans , qui étaient
auprès de lui , s'en apperçurent ; il eut pitié de leur jeunesse ;
il leur dit Allez - vous - en , car nous allons tuer tous les
jeunes geus qui sont ici et plusieurs représentans ; nous avons
dans les environs 20,000 hommes qui vont nous seconder. "
Au moment où nous receyions ce matin ces déclarations
au comité de sûreté générale , nous étions loin de prévoir
que cette journée serait aussi dangereuse ; car c'est un jour
de deuil pour la patrie que celui où la liberté des représentans
du peuple est violée .
Le rassemblement de ce matin a commencé comme tous
les autres rassemblemens , dans la section de la Cité , par
des
femmes et des enfans qui se sont portés chez les boulangers ;
ils ont empêché les citoyens paisibles de recevoir la portion
qui leur était destinée . Ils ont obligé les autorites constituées ,
qui du reste ont fait leur devoir , de leur donner une caisse
qu'ils ont battue dans toutes les rues . L'incendie a bientôt
gagné on a répandu mille bruits affreux pour exciter à l'in
surrection . On a dit que la section des Gravilliers avait été
désarmée la nuit derniere , qu'au grand nombre de députés
avaient quitté Paris .
Calomniateurs infâmes , venez voir cette Assemblée , regardez
combien elle est nombreuse , et jugez s'il vous est encore
permis de dire que les représentans du peuple désertent leur
poste . On a encore répandu que les jeunes gens formaient des
rassemblemens . Prenez-garde , citoyens , que depuis trois décades
ce mot sert de prétexte aux plus noires calomnies , il
est le cri de ralliement de ceux qui veulent allumer la guerre
civile , de ceux qui méditent les attentats les plus horribles ,
et cependant depuis huit jours on n'a pas vu trois jeunes
gens réunis ensemble . On avait dit qu'ils s'étaient rassemblés
au bois de Boulogne . Anguis y a été ce matin , il n'y a trouvé.
personne .
On a dit encore qu'on avait rendu un décret qui permettait
de voyager sans passe - port ; cela est encore une fausseté insigne
; on n'a jamais pense à proposer une pareille loi . C'est
par ces calomnies qu'on avait avili la Convention , qu'on
l'avait calomniée dans le peuple ; mais la contenance ferme
qu'elle a montrée , les lois qu'elle a rendues , prouveront au
peuple qu'elle s'occupe de ses subsistances et de son bonheur.
Vos trois comités , pénétrés de l'importance dont il est qu'un
attentat tel que celui d'aujourd'hui me se renouvelle pas
contre la représentation nationale , et que la liberté des délibérations
soit maintenue , m'a chargé de vous proposer le
décret suivant :
1
1º . La Convention nationale déclare au peuple Français
qu'il y a eu aujourd'hui attentat contre la liberté de ses déli
berations .
2º. Le comité de sûreté générale fera rechercher et traduire
devant le tribunal criminel du département de Paris , les
auteurs et instigateurs de cet attentat . 19
Ce projet de décret est adopté .
André Dumont dit qu'il est temas de faire connaître au
peuple ses bouereaux , et il désigne les membres de l'extrémité
gauche. Ils tiennent des conciliabules nocturnes dans
lesquels ils trament des complots . Il déclare que le but du
mouvement d'aujourd'hui a été d'empêcher de prononcer sur
le sort des trois brigands qui ont inondé la République de
sang , et que la preuve de la part qu'ils y ont eue est acquise .
11 propose non pas de les condamner à mort sans les avoir
juges , mais de les chasser du territoire français . ( De vifs
applaudissemens se font entendre de toutes parts , et le decret
est à l'instant rendu . ) Une quarantaine de membres de l'extrémité
gauche réclame l'appel nominal , et se rend au bureau
pour en signer la demande . Bourdon propose que leurs noms
soient envoyés aux départemens ; ce qui est adopté .
་
Boudin , au nom du comité de sûreté générale , annonce
qu'Anguis , qui visitait les maisons d'arrêt de Paris , a été.
arrêté dans la section du Panthéon , et qu'a peine devenu
libre , il a été arrêté de nouveau dans celle des Thermes de
Julien . L'Assemblée se déclare permanente.
Isabeau Nouvel attentat . Dans la section du Panthéon
on a fait feu sur notre collegue Peniefes , et il est peut-être
mort. La Convention témoigne la plus grande douleur et la
plus vive indignation ,
Barras et Bourdon ( de l'Oise ) demandent que Paris soit
déclaré en état de siége , et que le général Pichegru soit
nommé commandant- général de la force armée de Paris . Ces
deux propositions sont décrétées .
Anguis entre dans la salle et rend compte des dangers
qu'il a courus . Les bons citoyens qui l'ont défendu l'accom
pagnent et reçoivent l'accolade fraternelle du président.
La Convention décrete ensuite l'arrestation des représen
tans Chasles , Léonard Bourdon , Choudieu , Huguet , Ruamps,
( 112 )
Foussedoire , Duhem et Amar. Ils seront conduits au château
de Ham. La seance est suspendue.
Séance de la nuit du 12 et de tridi 13 germinal.
Sur le rapport d'un membre , au nom du comité d'instruction
publique , la commission du même nom est autorisée à
acquerir trois mille exemplaire d'un ouvrage , posthume de
Condorcet, intitule Tableau historique des progrès de l'esprit
humain
Plusieurs sections virunent flicter la Convention sur son
énergie . Un membre demande que les comites solent charg's
de fare un rapport sur ceux des représentans du peuple qui
ont abuse de leurs pouvoirs illimites pour faire verser le sang
des citoyens . Renvoye à ces comités . 1
Isabe 11 , au nom du comité de sûreté générale , fait un
reppon sur la sisuasion de Paris . Tout y est calme , la garde
nationale a moitié un zele infatigable . Une seule portion de
section est en révole , c'est celle des Gravi iers ; mais le
genjrd Pchegia va marche sur elle et investir les rebelles.
Les precautions sont prises pour qu'il n'y ait pont de sang
repando.
Marce , au nom du comité de salut public , denne les détails
dan con bar qui a eu lieu entre une partie de noire escadré
eta fuite de l m Ho ham , dans la Mediter auée . Peu de
jours après sa s rtie de Toulon elle rencontra le vaisseau le
Bervick de 74 canons dont elle s'empara , mais un coup de
vent ayant dispers e , cinq de nos vaisseaux ont obliges de
se batte contre tre ze de l'ennemi , et après a plus vigoureuse
résistance deux out succombe et ont ét pris , mais nous en
avons pris un et coule un autre. Le Sans- culožte , vaisseau
amiral que montait le representant du peuple Letourneury,
a donné quelq es inquietudes , mais on sait qu'il est rentré
dans le port d Hyeres ..
sar-
Isabeu , au nom du comite de sûreté générale , annonce
que le representant du peuple Pericètes a été insulte , dis
mé , jeuté à terre , qu'un coup de fen aéte tiré sur lui ; mais .
le génie de la liberte La sauve , Vifs applau Essemeas .
Merlin ( te Thion ille ) dit que la section des Gravilliers
s'est rappellee la part qu'elle avait éne à la chûte du tyran et
les époques mémorables de la revolution où eile , a figuré avec
gloire , et qu'elle a amene elle - même Leonard Bourdon au
comité de sûrete . Par tout le peuple entend la voix de ses réprésentans
, par- tout it reconnaît les fois , et maudit les intrigans
qui ont de
essaye * servir de lui pour relever Deshafaud
du terrorisme..
Penierès ente dans la salle au milieu des plus vifs applaus
dissemens, Votre bienveillance , dit-il , me dedommage des
1
périls
( 113 )
périls que j'ai courus . Je me rendais sur la place du Panthéon
pour sauver Anguis. J'ai trouvé une foule de citoyens qui
ont voulu arrêter mon cheval , je me suis échappé au galop .
On a tiré sur moi un coup de fusil , et j'ai été arrête à la
place Michel. En vain ai -je déclaré que j'étais représentant du
peuple. Des hommes perfides ou égarés ont prétendu que
j'avais tiré un coup de pistolet sur le peuple . J'ai remis mes
pistolets , et l'on a vu qu'ils étaient encore charges . Alors une
députation a été nommée pour me reconduire au milieu de
vous . Le comité civil et le chef de la force armée de la section
de l'Observatoire se sont bien conduits . Je demande mention
honorable de leur zele . Decrété .
Isabeau , au nom du comité de sûreté générale , annonce
que Billaud , Barrere et Collot partaient en exécution du décret
de la Convention . Ils ont été arrêtés dans quelques sections
et amenés au comité de sûreté générale ; mais ils sont
repartis pour leur destination . Il ajoute que la garde nationale
mérite les plus grands éloges , que la tranquillité regne dans
Paris , qu'on ne voit plus de semence de trouble ,
et que la
reconnaissance est dans tous les coeurs . Applaudi .
Chenier , au nom du comité d'instruction publique , demande
la parole pour septidi prochain , afin d'indiquer les
noyens de diriger l'opinion publique et de fépandre les lu
mieres. Adopté.
Un membre , au nom du comité d'agriculture , fait décréter
un très-long projet de décret sur les baux à chetel .
La séance avait été levée tridi à six heures du soir , et elle
est reprise à neuf.
Bourdon ( de l'Oise ) La loi a été violée , nos collègues partaient
pour le château de Ham ; un rassemblement considérable
a arrêté leurs voitures aux Champs-Elisées , et ils ont
été amenés au comité de sûreté générale . Bourdon demande
que le général Pichegru soit chargé de prendre les mesures
convenables pour assurer l'exécution de la loi. Plusieurs
membres remarquent que la montagne est déserte . Ils conjecsurent
que ceux qui y siégent , au lieu d'être à leur poste ,
conspirent avec les factieux . Il demande l'arrestation de Cambon
, de Thuriot , de Fouché ( de Nantes ) et de Lecointre
( de Versailles ) . Cette proposition , quoique vivement appuyée ,
n'est cependant pas décrétée .
Tallien fait la motion que les trois déportés et les huit
détenus soient mis hors de la loi . Il assure qu'il se forme un
parti pour les délivrer . Kovere dit que , dans la section des
Quinze -Vingt neuf cents individus déliberent sur les moyens
de sauver la patrie , et s'efforcent ainsi de mettre en insurrection
le fauxbourg Antoine.
Le comité de sûreté générale annonce que les déportés
Tome XV. H
( 114 )
les détenus se rendent à leur destination sans obstacle . A
cette nouvelle la séance se leve ."
Séance de quartidi , 14 Germinal.
Dornier , représentant du peuple près l'armée de l'Ouest ,
écrit que nos troupes occupent les villes principales qui étaient
encore au pouvoir de Stoffet et des chouans . Les rebelles
fuient de toutes parts , et Stoflet vient d'écrire au général
Canclaux , qu'en attendant le jour de l'entrevue qui doit
avoir lieu à Rennes , il conviendrait qu'il évacuât le pays où
sa présence annonce des intentions hostiles ; il l'assure de
ses intentions pacifiques et de celles de son armée . Le général
lui a répondu qu'il ne sera point question à Rennes de traité ,
mais seulement d'ajouter quelques signatures à celles qui ont
été déja données , et qu'il peut se rendre auprès des représentans
, qui ne parcourent le pays que pour y réparer lec
maux de la guerre civile et répandre des bienfaits . ( Voyez
Nouvelles officielles . )
Cadroy , en mission dans le département des Bouches - du-
Rhône , annonce que beaucoup de grains sont arrivés à
Marseille , du Levant , de Barbarie et des ports d'Italie . Dubois-
Crancé dit aussi que nous avons reçu 59 mille quintaux
de ris . Ces nouvelles sont fort applaudies .
Isabeau donne les details de l'événement des Champs - Elisées.
Le choyen Prévot , chef d'escadron , est le seul qui
ait conservé ses armes . Plusieurs bayonnettes ont été portées
sur sa poitrine . Raffet , commandant temporaire , le concur
rent d'Hanriot dans la place de commandant général de la
garde nationale parisienne , a reçu un coup, de pistolet à
bout portant. La balle a percé les revers de son habit , sa
veste , sa chemise et s'est amortie sur sa chair. Il est resté
encore six heures à cheval . Son assassin est arrêté . Ce dernier
mouvement a eu lieu à six heures du soir. Les voitures
ont été dételées , les chevaux tués et les captifs menés en
triomphe au comité de sûreté générale . Le général Pichegru
à été deux fois cérné par les malveillans , et a montré dans
ceite circonstance le sang-froid qui distingue son courage .
Aubry , au nom du comité militaire , fait un rapport sur
la nomination aux divers grades et emplois de l'armée . Les
articles qui le composent sont successivement soumis à la
discussion et décrétés .
Barrere et Huguet écrivent à la Convention ; leurs lettres
sont renvoyées ; sans être ouvertes , au comité de sûreté générale .
Boissy d'Anglas expose que les membres du comité de
salut public ne peuvent suffire aux travaux que les circons
tances exigent. "Il propose et la Convention decrete que le
nombre en sera porté à seize , et que le lendemain elle nommera
sept membres , au lieu de trois.
( 115 )
Séance du 14 au soir.
Les habitans de Lyon écrivent à la Convention pour lui
exprimer leur attachement , et lui dire que , si leurs freres de
Paris ne suffisent pas pour comprimer les séditieux , elle n'a
qu'à parler , et qu'ils sont prêts à voler à sa défense .
Merlin ( de Thionville ) : Vous avez frappé les coquins ;
vous avez réprimé les faries de guillotine et détruit le gou- ,
vernement affreux qui encourageait les uns et payait les autres .
Maintenez vous donc à ià hauteur des circonstances , et conduisez
le vaisseau de l'état au port fortune du salu , Je
demande l'impression et l'envoi, à tous les départemens de
l'adresse des Lyonnais . Décrété .
Le représentant du peuple Borel , en mission à Lyon , détruit
le bruit répandu des massacres que l'en prétendait se
commettre journellement. Il y a eu cinq ou six meurtres
depuis deux mois ; mais ils sont l'effet des vengeances particulieres
, et il n'est pas une famille qui n'ait quelqu'un à
pleurer ce qui n'empêche pas que les Lyonnais ne soient
prêts à verser leur sang pour la patrie .
Bourdon ( de l'Oise ) : Rien ne peut plus vous arrêter
dans votre marche que l'etat des finances ; c'est le crédit qui
en fait la bâse , et celui que vous avez mis à la tête a perdu
la confiance publique. Je ne crains pas de le nommer , c'est
Cambon , et je m'étonne qu'il n'ait pas senti la nécessite de
donner sa démission . ( Applaudissemens . )
Cambon Des cinq parties qui composent les finances ,
je n'ai surveille qu'une seule , et je suis prêt à en rendre
compte. Je ne sais ce que c'est que d'abandonner mon poste ,
et j'y resterai jusqu'à ce que la Convention en décide autrement.
A l'égard de ma fortune , elle est connue et constatée .
Un membre lui répond qu'il n'est pas question de sa fortune.
Bourdon : Si Cambon ne veut pas donner sa démission ,
je demande qus la Convention décrete qu'il cesse d'être membre
du comité des finances . Décrété .
Bourdon annonce que le mouvement du 12 germinal était
combiné avec les terroristes des prisons , et qu'ils ont été
effrayés de son résultat . La famine est réelle chez nos ennemis
, tandis qu'elle n'est que factice chez nous ; il pense qu'en
organisant le gouvernement républicain , les puissances nous
demanderont la paix.
Penieres propose de décréter que l'on n'admettra jamais à
la barre plus de vingt pétitionnaires ; Merlin ( de Douai )
répond que la loi existe , et que c'est au président à la faire
exécuter.
Les membres qui doivent composer la commission chargée
de présenter le mode d'organisation de la constitution de 1793
H 2
( 116 )
sont : Cambacerès , Merlin ( de Douay ) , Thibeaudeau , Sieyes,
Mathieu , Lesage ( d'Eure et Loir et Creusé-Latouche .
Séance de quintidi , 15 Germinal.
Le général Pichegru se présente à la barre. Arrivé à Paris ,
dit-il , pour conférer avec le comité de salut public sur les
opérations de la campagne prochaine , il allait retourner à son
poste , lorsque la Convention a voulu ajouter une nouvelle
marque de confiance à celles qu'elle lui avait déja données .
Il se felicite d'avoir concouru avec la brave garde nationale
parisienne au rétablissement de l'ordre et de la tranquillité
dans cette grande cité . Il éprouvera une satisfaction bien douce
en faisant part à ses freres d'armes de l'attitude imposante que
la Convention a prise vis-à -vis des complices de la tyrannie
éteinte au 9 thermidor . Il les assurera qu'ils n'ont plus à
craindre que leurs parens périssent sur un échafaud , tandis
qu'ils versent leur sang pour la patrie . Dès qu'elle veut la justice
et la liberté , ils sont sûrs de vaincre les tyrans qui voudraient
l'asservir. Pichegru reçoit du président l'accolade
fraternelle.
On procede à l'appel nominal . Les trois membres sortant
de comité de salut public sont : Dubois- Crancé , Boissy- d'Anglas
et André Dumont. Les sept membres nommés sont : Cambacerès
, Creusé - Latouche , Gilet , Aubry , Roux ( de la Haute-
Marne ) , Lesage ( d'Eure et Loir ) et Tallien .
Séance de sextidi , 16 Germinal.
La séance d'hier soir a été employée au renouvellement par
quart du comité de sûreté générale. Les membres sortant
sont : Lomond , Boudin , Goupilleau ( de Montaigu ) et Legendre
( de Paris ) , Et ceux qui les remplacent : Chenier , Thibau
deau , Courtois et Sévestre .
Les mouvemens du 12 germinal avaient des ramifications
dans plusieurs départemens . La commune de Rouen a été
agitée ; mais les patriotes se serrant et se réunissant en force ,
n'ont pas tardé de disperser une multitude furieuse et égarée
qui criait vive le roi ! La commune d'Amiens a été également
en proie à une sédition dont les auteurs paraissent être les
complices des séditieux de Paris ; dans cettre commune , la
plus tranquille de la République , des scélérats ont outragé
la cocarde nationale , et voulaient déchirer les drapeaux tricolors.
Le représentant du peuple Bô a été maltraité et blessé
par les séditieux .
Saladin et André Dumont font remarquer les rapports qui
existent entre les troubles de Rouen , d'Amiens et ceux de
Paris ; ce sont les mêmes moyens , le même but. La Convention
décrete que les auteurs seront recherchés et punis.
Berlier , au nom du comité de législation , présente un
( 117 )
$
projet de décret tendant à faciliter aux citoyens détenus pous
des causes légeres , et à l'égard desquels les formalités prescrites.
par les lois n'ont pas été observées , les moyens de sortir de
leur captivite , en ayant recours à la voie de l'opposition èt de
la cassation . Ce projet de décret est adopté .
Pémartin vient , au nom du comité de sûreté générale , faire
le rapport sur la conspiration du 12 geiminal . La dénomination
de thermidoriens , donnée aux partisans de la justice , par une
société de députés , soi - disant démocrates , à la tête desquels
se trouvait le prêtre Ghasles ; les bruits répandus par ces
mêmes hommes que la Convention voulait détruire la consti
tution de 1793 ; les correspondances entre les factieux siégeant
dans la section de la Cité , présidés par Vannee et d'Obsent
et ceux qui tenaient un club dans la section des Quinze-Vingts ;
les manoeuvres pour faire rassembler les ouvriers ; les imprécations
contre la cocarde nationale ; les tribunes de la Convention
remplies de gens dévoués aux conspirateurs ; les ap
plaudissemens donnés à l'insolent orateur des séditieux qui demandaient
les uns un roi , les autres les jacobins ; le bruit répa
du que l'Angleterre nous enverrait des subsistances si l'on rétablissait
la royauté ; les liaisons de l'assassin de Raffet avec
Duhem qui lui avait donné de l'argent quelques jours auparavant.
Tels sont les faits qui basent le rapport de Pémartin. Le
comité s'en rapporte à votre énergie , dit le rapporteur en terminant
: ce n'est plus le tems où , à la voix des décemvirs , les
portes de cette salle étaient fermées ; où , sur des indications
vagues , les comités ordounaient des proscriptions . C'est à
vons seuls qu'il appartient de prononcer sur des représentans
du peuple.
Pemartin donne lecture des pieces à l'appui de son rapport.
Ces pieces consistent en depositions de témoins et de
complices.
Etienne Cornille , âgé de 29 ans , né à Clezac , district de
Montignac , département de la Dordogne , serrurier de profession
, demeurant Grande rue de Chaillot , et venu à Paris en
1792 avec le bataillon des fédérés de Marseille , a déclaré avoir
eté sollicité par Duhem à commettre des actes séditieux . Le
jour que des individus attroupės jettaient les jeunes gens dans
le bassin des Tuileries , il rencontra au palais Egalité Duhem
qui lui donna un billet de 25 liv . , en lui disant qu'il serait
coutent de lui : L'été dernier , environ un mois avant la mort
de Robespierre , il reçut au secrétariat des jacobins une somme
de 100 liv . pour assister aux séances de cette société ; il y
assista dix à douze fois . Il a vu beaucoup de personnes recevoir
de l'argent pour le même objet . Il a connu Duhem aux jacobins
; il le rencontra depuis assez souvent , et Duhem lui serrait
la main en disant Bon jour , camarade . Il ne connaît
aucan autre député , si ce n'ést Elie Lacoste qu'il n'a vu qu'une
1.
H3
( 118 )
fois . Le 13 germinal , Huber , ci- devant membre du comité .
révolutionnaire de Chaillot , lui dit qu'on allait transférer
Duhem et qu'il ne fallait pas le laisser passer. Les voitures
arriverent , il se précipita avec beaucoup d'autres pour arrêter
leur marche , et il déchargea son pistolet sur Raffet , commandant
temporaire . Tel est le fonds de la déclaration faite par Cornille.
Il résulte de plusieurs autres déclarations , que Duhem avait
la prétention de diriger les fauxbourgs , et que dans les rassemblemens
on faisait de lui les plus grands cloges .
Le 10
germinal , soixante ouvriers se rendirent au , cafe Payen , et
demanderent Duhem et Ruamps . Ces deux députés injuriaient
Mertin de Thionville ) , en lui disant : Va à Mayence diner
avec le prince héréditaire de Prusse .
Duhem , Lesage - Sénault et Taillefer se rendaient quelque
fois au café du Commerce , rue Saint- Martin , d'où on les voyait
sortir l'un après l'autre par une porte de derriere .
Le 11 germinal , Cambon étant au bureau de comptabilité ,
dit : Oh , la montagne a des c ....... , elle l'a prouve , elle le
prouvera encore nous sommes 275 à la montague ; la majorité
est royaliste ; il fant qu'ils nous tuent , ou que nous
les tuions. Cambon disoit aussi à la trésorerie : On a bien
fait de guillotiner , et il faut qu'on guillotine encore ceux qui
se plaignent de la Convention ...
Le 12 germinal , Taillefer disait : J'espere que nous allons
-être plus hardis ; tachons de faire renouveller les comités de
gouvernement. Le même jour , il dit aussi à un officier de
hussards : Il y a trop long-tems que tu te bats pour cette
c........ de Convention ..
Le même jour , Granet disait dans la salle : j'ai compté par
mes doigts que c'est aujourd'hui le 1er avril : quel poisson
d'avril nous f ....... à la plaine !
Le 20 ventôse , un homme qui marchait avec des béquilles
, était au café des Arts , au coin de la rue de Tournon ,
avec deux autres individus : il dit que ceux qui avaient les
cheveux retroussés avec des peignes courbés , étaient des contre-
Tévolutionnaires ; qu'il y aurait bientôt un grand coup ; qu'il
y avait dans Paris 50 mille hommes qui pensaient comme
lui , et qui meneraient bien les affaires . Cet homme à béquilles
c'était le prêtre Chasles .
Le 11 germinal , Thuriot rencontra sur la terrasse des
Feuillans le général Saint - Martin et un autre officier , tous
deux de Châlons- sur- Marne. I fit au général des reproches
de ce qu'il avait les cheveux nattés et retroussés avec un peigne ;
il dit ensuise les patriotes ont le dessus . Collot , Billaud
ct Barrere ont sauvé la République ; ils ont employé à la
vérité des mesures violentes : il faut leur faire donner leur
démission , et les tenir enfermés jusqu'à la paix . Cambon et
( 119 )
Duroy ont des preuves écrites que les députés qui ont été
dans le Calvados veulent un roi . On a fait venir ici des mili
taires pour assassiner les patriotes .
Une lettre de Marseille porte que Granet trame avec son
frere la révolte du Midi ; qu'il est ami intime de Maignet : que
ces hommes ont des correspondances secretes , et des émis
saires pour catéchiser les armées : ils disent qu'il n'y a'dans
la Convention que 20 représentans tout au plus dignes d'être
épargués .
-
Une autre lettre de Marseille , du 23 ventôse , contient des
avis sur les manoeuvres de Granet et de Moyse Bayle , qui
donnent à leurs correspondans l'affreuse espérance dun massacre
dont les exécuteurs sont leurs affidés .
Quelques uns
des membres inculpés dans ce rapport demandent la parole ,
et s'efforcent de se justifier , mais les dénonciations se multiplient.
De nouveaux faits sont présentés , et la Convention ,
suffisamment éclairée par la discussion , décrete d'arrestation ,
Moyse Bayle , Thuriot , Caa:bon , Granet , Hentz , Maiguet ,
Levasseur ( de la Sarthe ) , Crassous et Lecointre ( de Versailles ) .
PARIS . Nonidi , 19 Germinal , 3º . année de la République.
La confiance et le calme s'accroissent en proportion
des mesures fermes que prend la Convention . Sa contenance
depuis le mouvement du 12 a fortifié les espérances
de tous les amis de la liberté , et promet une
prompte et heureuse issue à la révolution. Il faut rendre
hommage aux sections de Paris ; tandis qu'une foule
égarée par des conspirateurs ennemis de tout ordre
social , troublait et violentait la représentation nationale
, et préparait un nouveau 31 mai, elles ont parfaitement
secondé , par leur activité et leur attitude énergique
, les résolutions des représentans du peuple . Ce
n'était plus cette masse inerte et insouciante qui a fait
pendant si long-tems l'audace des factieux et des scélérats
, c'étaient véritablement les citoyens d'une grande
ville , tous les intéressés au maintien de l'ordre , de la
sûreté et de la fortune publique et particuliere , chacun
craignait de voir reparaître les proscriptions , les échafauds
, le meurtre et le pillage . On avait devant lesyeux
une si longue et si cruelle tyrannie , que personne
ne pouvait être indifférent sur les moyens d'en
prévenir le retour .
Le rapport sur cette nouvelle conspiration a fourni
H 4
( 120 )
la preuve d'un fait dont tous les hommes clairvoyans
avaient la conviction intime , c'est que l'on distribuait
de l'argent pour opérer ces mouvemens insurrectionnels
que les agens de l'anarchie et du crime ont mis pen
dant si long- tems au nombre des droits les plus sacrés
du peuple Il est maintenant bien avéré que cette armée
de brigands et de coupe-jarrets , ces furies de guillotin
qui inondaient constamment les tribunes des jacobins et
celles de la Convention , étaient soudoyés et entretenus
aux frais des conspirateurs . L'assassin de Raffet en
a fait l'aveu . Mais où prenait-on les fonds ? Si l'on se
rappelle l'annonce faite il y a quinze jours , par Merlin
( de Douay ) , au nom du comité de salut public , de
l'envoi de 40 mille louis par la voie de la Suisse ; si
l'on fait attention aux mouvemens qui se sont manifestés
à Amiens , à Rouen , à Rennes , etc. , qui coïncident préci
sément avec ceux que l'on a essayé de produire à Paris ,
il n'est plus douteux que la mise de fonds ne vienne
et de l'Angleterre et des royalistes , et de tous ceux
qui ne vivent plus que le désordre et de crime . Tous
s'entendaient , tous se servaient réciproquement. Tous
travaillaient à la ruire de la République .
Après avoir terrassé les restes de la faction des anarchistes
, la Convention doit diriger maintenant toute
sa surveillance vers les infames partisans de la royauté.
Ils sont plus nombreux qu'on ne pense . Ils ont pris
successivement toutes les formes tévolutionnaires , sans
jamais cesser de garder secrettement leur allure ; mais
depuis quelque tems ils ne prennent plus la peine de
la masquer. Ils ne peuvent contenir leur joie , lorsqu'ils
voient la représentation nationale attaquée , ou avilie ,
le discrédit des assignats s'augmenter , la pénurie des
subsistances devenir plus inquiétante , les embarras de
la révolution se multiplier ; écoutez - les tous ; ils vous
diront ; les choses ne peuvent aller long - tems comme cela ;
sette république est une chimere.
Voilà ceux que la Convention ne doit pas perdre de
vue. Le parti qui vient de succomber accusait la majorité
de favoriser les idées de royalisme . Le moment est
venu pour elle de se laver de cet odieux soupçon .
Rétablir un roi ! peut- on y songer sans frémir ? Non , ce
ne serait pas terminer la révolution ; ce serait la recommencer
sous une forme mille fois plus terrible . Eh !
eroit- on que nos armées victorieuses , n'auraient triomphé
de tant d'ennemis , que pour venir se courber sous
( 121 )
la puissance d'un seul ? Cela est impossible. Il ne peut
y avoir pour elles , comme pour tous les Français , de
maître que la loi , de souverain que la volonté générale.
Quiconque pourrait former d'autre desir doit être impitoyablement
comprimé . La Convention ne peut penser
ni agir autrement , et elle n'a pas renversé toutes les
factions ennemies de la liberté , pour finir par la trahir
elle-même . 1
Les bons effets de sa conduite , se font déja sentir.
Le crédit public se releve ; la confiance renaît. L'argent
a considérablement baissé depuis quelques jours , surtout
depuis que Cambon est démonétisé , mot assez gai ,
par lequel on a exprimé son exclusion du comité des
finances , et ensuite son arrestation .
Les espérances de paix paraissent très- prochaines . Le
bruit général est que les préliminaires sont arrêtés avec
la Prusse et l'Espagne . La tournure des derniers événemens
ne contribuera pas peu à avancer les négociations .
L'avenir s'offre sous un aspect moins orageux. Il est
permis aux bons citoyens de le fixer avec des yeux plus
sereins.
PROCLAMATIONS AUX PARISIENS ET AU PEUPLE FRANÇAIS .
La Convention nationale aux citoyens de Faris .
En applaudissant au courage avec lequel les citoyens de
Paris supportent les privations qui sont la suite d'un embar
Tas momentané dans les arrivages des subsistances ; en applau
dissant au zele républicain de la garde nationale pour le main
tien de la tranquillité publique et la réparation des atteintes
qui lui out été portées , la Convention nationale croit devoir
vous prémunir contre les pieges des méchans et des conspirateurs
dont vous ne devez être ni les dupes ni les victimes .
Elle ne se dissimule pas combien est pénible votre position
combien la masse de vos besoins est pressante ; cile s'associe
à tout ce que vous souffrez , elle éprouve tout ce que vous
ressentez ; di igée par la double impulsion du devoir et de la
sensibilité , bien loin de songer à quitter son poste , comme
l'infatigable et perfide malveillance l'en accuse , elle s'occupe
avec une active sollicitude des moyens de pourvoir aux be
soins de cette grande cité , et ne négligera aucun de ceux
qui peuvent faciliter les arrivages ..
" De votre côté , citoyens , concourez avec tout le zele du
pationisme à maintenir la tranquillité , et à prévenir toutes
les violences qui iraicut bientôt , cxagérées encoié par vos
( 122 )
ennemis , arrêter sur les routes les approvisionnemens qui
vous sont destinés .
Le calme dans Paris est un moyen de l'approvisionner :
l'union fraternelle multiplie les ressources et répare les répar
titions inegales.
" Touchés de votre situation , citoyens , vos freres des
départemens seconderont avec empressement les transports
des denrées qui vous sont nécessaires ; cette crise trompera ,
par ses heureux résultats , le coupable espoir de vos ennemis .
99 En même tems que la représentation nationale , à travers
toutes les difficultés , accomplit avec l'energie et le sentiment
de ses devoirs la tâche que le peuple lui a confiée , elle vous
invite à vous tenir en garde contre les fabuleuses nouvelles
inventées par le génie de la discorde , et suffisamment démenties
par leur invraisemblance , On cherche à les accréditer
pour vous égarer et aggraver par des inquiétudes les maux
réels que votre verta sait adoucir . Fidelle à son poste , la
Convention nationale emploie tous ses instans à satisfaire à
vos besoins ; si elle accomplit un devoir en partageant vos
souffrances , elle satisfera le voeu le plus ardent de son amour
pour le peuple , en ramenant parmi vous l'abondance et le
bonheur. "
La Convention nationale au Peuple Français , sur les événemens
du 12 germinal.
Lorsque la Convention nationale déclare qu'elle a été
opprimée , c'est annoncer au peupie Français qu'elle ne l'est
plus.
" Oui , citoyens , le 12 germinal a failli éclairer le tombeau
de la représentation nationale et de la République . Une
poignée de factieux avait médité cet attentat. Ils organisaient
depuis quelque tems la révolte et la guerre civile ; ils traitaient
de faction thermidoricane la majorité pure et courageuse de la
Convention nationale , qui a renversé les échafauds et les
Bastilles de la terreur pour leur substituer l'invincible puissance
de la justice et de la sagesse . Des besoins trop réels,
fournissaient un prétexte à la malveillance ; l'arrivage des subsistances
destinées pour l'approvisionnement de Paris , éprouvait
de plus en plus des embarras et des obstacles suscités
par ceux même qui affectaient , avec un zele hypocrite , d'accuser
l'imprévoyance du gouvernement .
,, Leurs émissaires , distributeurs gagés de nouvelles alarmantes
, interceptaient par la terreur les approvisionnemens
qu'avait obtenns la confiance . Les misérables ! ils imputaient
à la Convention nationale cette disette momentanée , tandis ques
c'étaient eux seuls qui évoquaient le spectre de la famine , précurseur
sinistre de tous les fléaux qu'ils travaillaient à remettro
en requisition .
1
( 123 )
Depuis deux jours , des mouvenems s'annonçaient ; l'or
de la corruption circulait par-tout , et il n'était pas rare de
rencontrer des individus , gorges de vin et d'assignats , diriger
leurs pas chancelans vers la Convention , et lui demander des.
subsistances. Enfin , après des agitations commandées et sala
riées à grands frais , le terrorisme et le royalisme coalisés ont
levé tout - à - fait le masque . Des pervers avaient imprimé le
mouvement ; des citoyens égarés s'y joignirent . Tous formant
une masse tumultuense , dont les orateurs s'annonçaient pour,
les hommes du 31 mai , ent forcé le poste de la Convention ,
inondé le lieu de ses séanses , et par des clameurs seditieuses ,
accompagnées de merates et d'outrages , ont paralysé pendant
quatre heures l'existence morale de la Convention nationale ,
en lui , ôtant la faculté de delibérer, même sur leurs propres
besoins.
Et dans cet instant , citoyens , où 25 millions d'hommes
auraient vainement cherché dans cette enceinte les traces de
leur représentation , les comités de gouvernement , chargés de
surveiller l'exécution des lois , ont su remplir leurs devoirs ,.
et donner aux bous citoyens de Paris un sigual, auquel leur
patriotisme s'est empressé de répondre. La générale a battu
dans toutes les sections ; le tocsin a sonné , Paris s'est levé
en armes : la représentation nationale , si scandaleusement
apprimée , a relevé un front libre , et ses délibérations ont
repris le caractere de calme , de sagesse et d'énergie qui convenait
à des circonstances aussi graves ainsi nos ennemis
voyaient dans l'aurore de cette journée , et presque dans sou
midi , un nouveau 31 mai ; les amis de la République ont vu
dans ses résultats et dans son couchant la journée du 9 ther- ,
midor .
Pouvait on se méprendre sur le but des conspirateurs ,
lorsque , dans les rassemblemens , on entendait les mêmes
hommes demander , par un étrange contraste , la royauté et
la constitution republicaine de 1793 , du pain , et la dispari
tion de la cocarde nationale , et tout-à - la-fois l'ouverture du
Temple et celle de l'antre des jacobins !
9 Pouvait - on s'y méprendre , lorsque les conspirateurs ,
pour marcher à des attentats nouveaux , osaient commander à
la Convention nationale une loi pour remettre en liberté ,
sous le nom de patriotes opprimés , leurs anciens complices ,
détenus depuis le 9 thermidor ? il ne leur restait plus qu'à
exhumer Robespierre , ou plutôt à reporter sur le trône de
la tyrannie qu'ils avaient exercée avec lui , les hommes dont
la France entiere réclamait le supplice. Ces hommes , quoiqu'accusés
, semblaient , jusques dans leur défense même ,
opprimer encore la Convention , du haut de cette même tribune
d'où naguères ils dictaient , par milliers , des actes de
proscription : elle était devenue pour eux comme un retran(
124 )
1
chement impénétrable , d'où ils insultaient à notre longue pr
tience . Ils avaient appellé autour d'eux tout l'affreux cortege
de leurs propres forfaits , et les crimes auxiliaires de leurs
complices . La justice nationale en a purgé le sanctuaire des
lois ; elle les a vomis pour jamais du sein de la République .
" Pouvait- on s'y méprendre enfin , lorsque la Convention
retrouvait dans les demandes des factieux les mêmes propositions
qui , depuis un certain tems , jettées comme un tison
de discorde par quelques-uns de ses membres au milieu de
ses délibérations , ralliaient autour de ces derniers tous les
ennemis de la République .
De nouveaux attentats se méditaient et s'exécutaient presque
sous les yeux de la Convention nationale . Les têtes de
plusieurs représentans étaient publiquement demandées . Un
membre de la Convention qui , au milieu des tenebres de la
nuit , s'était porté dans un rassemblement , pour y faire respecter
la loi , avait été méconnu , outrage , trappé et détenu
comme ôtage par une troupe de furieux . Un autre avait éprouvé
le même sort , après avoir essuyé un coup de feu à bout portant.
Les barrieres de Paris étaient fermées , afin qu'aucun
représentant ne pût échapper au massacre.
L'opinion publique signalait à la Convention les princi
paux auteurs de ces manoeuvres elle a su jusques dans ses
raugs même les atteindre et les punir. Les coupables seront
par-tout recherchés et punis ; et la justice , comme la fleche
de Guillaume Tell , saura , eu ne frappant que les coupables',
respecter les enfans de la patrie .
" Plus d'une fois , citoyens , votre voix nous accusa de ne
pas déployer contre les ennemis , intérieurs qui paraissaient
nons cerner de plus près , cette énergie nationale qui a poussé
nos conquêtes sur le territoire étranger ; nous repondons à
ce reproche en cessant de le mériter. Les chefs de tant de
complots sont arrêtés , et il ne reste plus à leurs obscurs
complices que le désespoir et l'impuissance .
Ravivifiée par ces grandes mesures dignes du peuple
qu'elle représente , la Convention nationale va reprendre avec
une nouvelle activité le cours de ses travaux commerce
finances , instruction publique , traités de paix , lois organiques
de la constitution républicaine de 1793 , subsistances ,
tout va remplir désormais les discussions de l'Assemblée . La
mesure des périls sera toujours celle de sou courage ; aujourd'hui
que sa marche est dégagée de toute entrave ,
elle ne
parle plus d'abandonner son poste ; elle renouvelle le serment
d'y rester , et elle dépose ce serment entre vos mains .
" Cette journée , en affermissant la révolution , doit affermir
le crédit national . Les assignats vivifiés par la confiance
déplaceront sans efforts ces subsistances enfouies par là terei
que les besoins appellent sur les marchés communs .
reur ,
( 125 )
Eh ! le crédit national pourrait- il chanceler , lorsque la victoire
vient aussi lui prêter son appui ? C'est à vous , braves
défenseurs de la patrie , de poursuivre votre brillante carriere
; et pour vous exciter à l'héroïsme , nous ne pouvons
que vous rappeler vos propres exemples .
1. Peuple Français , la Convention nationale , forte de ton
appui , saura remplir ses engagemens , terrasser toutes les factions
, cicatriser toutes les plaies , consoler toutes les douleurs
, maintenir la liberté et l'égalité , pourvoir à tous les
besoins ; et elle ne doute pas que les départemens de la République
, pour ôter enn tout prétexte à la malveillance ,
sourds aux rumeurs mensongeres qu'on va s'efforcer de répandre
, ne réunissent avec empressement , dans cet instant
de disette , leurs généreux efforts , pour accorder aux habitans
de la grande commune où siége la représentation nationale
, tous les secours de la fraternité . Peuple Français , la
Convention nationale saura encore assurer les fruits de toutes
les victoires du dehors , et comprimer en même.tems , d'un
bras infatigable et toujours leve , quiconque parlerait de redresser
ou le trône des anciens tyrans de la France , ou les
échafauds de la terreur. ››
TRIBUNAL REVOLUTIONNAIRE.
Délits
Suite de la séance du 9 germinal , relative au procès de Fouquier-
Tinville et des co- accusés dans cette affaire.
imputés aux ex-juges et ex - substituts.
à
Qu'il résulte de l'examen des pieces , qu'une partie des délits
dont ils sont prévenus , sont communs
tous , tandis que
d'autres ne sont que particuliers à certains d'entr'eux ;
Que , dans les délits communs à tous par leur nature , on
remarque à leur appui ;
1. Que beaucoup de jugemens ont été signés en blanc ,
tantôt par les uns , tantôt par les autres ; que ces jugemens ,
datés et sigués d'aucuns , donnent lieu de croire qu'ils étaient
préparés avant l'audience , et qu'on ne faisait paraître les
prévenus que pour la forme , et que tantôt Fouquier , tantôt
Liendon , son substitut , assistaient à ces opérations ;
2. Qu'ils ont refusé la parole aux accusés et à leurs dé
fenseurs , sous prétexte que ce n'était pas le moment de présenter
des moyens de défense , en leur promettant la parole
à leur tour , et en la leur refusant ensuite ; de maniere qu'ils
étaient jugés sans avoir pu se défendre ;
Que , dans les délits particuliers à certains d'entr'eux , on
trouvei
( 126 )
1 °. Que Maire , Deliege , Felix , Harny , Sellier et Lonier,
zent ordonné , sur la requisition de Fouquier , l'exécution d'uh
jugement de mort rendu contre des femmes qui s'étaient
ensuite déclarées enceintes , au lieu d'attendré que les gens
de l'art , qui avaient déclaré qu'ils n'avaient pu connaître ni
s'assurer si réellement elles étaient enceintes , pussent ,, par
le laps de tems , reconnaître la vérité ou la fausseté des déclarations
de ces femmes ;
Que Barbier , Deliege et Bravet , ont ordonnancé un acte
-d'accusation présenté par Fouquier , contre 155 individus
accuses de prétendues conspirations des prisons ; acte d'accusation
rempli de ratures , renvois , interlignes , noms intercailes
, saus approbation ; de maniere qu'à côté de quelques
noms , on trouve le mot bis , désignant deux personnes sous
un seul nom ; ce qui porta la totalité à 158 , qui furent
classés comme condamnés dans un premier jugement en
blanc , du 19 messidor , signé de Barbier et Deliege ; que cette
masse fut ensuite subdivisée en trois parties , pour chacune
desquelles fut rendu un jugement particulier , les 10 , 21 et
22 messidor ; que Barbier et Deliege ont signé le premier
jugement de subdivision ; qu'un accusé , nommé Morin , a été
condamné par ce premier jugement , quoique non porté dans
Pacte d'accusation ; que le second jugement de subdivision ,
signe Maire , Garnier , Launay , sans signature de greffier , est
en blanc , ainsi que le procès - verbal d'audience , signé Coffinhal
; que le troisieme jugement , qui paraît régulier pour
la forme est signe Sellier et Foucault ; que Liendon , substig
tut , tenait l'audience lors du second jugement .
L'accusateur publiq ne peut s'empêcher d'observer que lors
du premier jugement de subdivisions , sur la déclaration
d'un témoin entendu à l'audience , prétendant qu'il n'y avait
point existé de conspiration , Fouquier requit , et Barbier
et Deliege ordonnerent que le témoin serait mis en état
d'arrestation , attendu qu'il était constant qu'il avait existé
dans la maison d'arrêt du Luxembourg une conspiration ,
rendante à égorger la Convention nationale , quoique le jury,
n'eût encore en prononcé , et que lui seul pût , par une
declaration affirmative , fixer au moins l'apparence de l'existence
du fait . ,,
Q'enfin le résultat de ces trois jugemens de subdivision
porte la totalité des condamnés à 158 au lieu de 155 , dont
les noms furent d'abord compris dans l'acte d'accusation , sur
la masse , ainsi qu'il a deja été dit :
30 que Maire a signé un procès - verbal d'audience du g thermidor
, où l'on fait parler le nommé Morin , condamné à
mort par un des jugemens précédens , et exécuté depuis environ
un mois , que Fonquier-Thinville tenait l'audience où l'on
fait figurer l'ombre d'un mort ;
( 127 )
Que Maire Deliege et Félix ont signé le jugement du même
jour , rempli de surcharges , ratures , renvois et blancs non
approuvés , ainsi que les questions soumises au jury , et l'acte
d'accusation , dressé par Fonquier , où il fit figurer vingtsept
accusés , dont vingt cinq seulement furent mis en juge
ment , tandis que , même dans ce cas , vingt - trois seulement
devaient être juges , puisqu'il y en avait quatre de rayés dans
les questions soumises au jury ;
49. Que Harny et Bravet ont signé un jugement du 18 mes
sidor , qui condamne à mort un individu qui fut en effet
exécuté , quoiqu'il n'eût pas été compris dans l'acte d'accusation
, ni dans la position des questions soumises au jury ,
et que Liendon , substitut , tenait l'audience ;
5. Que Bravet , Harny et Naullin ont signé un autre acte
d'accusation rempli de ratures non approuvées , présenté
par Fouquier , que Maire , Foucault et Naullin ont signé un
jugement du 26 prairial , intervenu sur cet acte où il y a.
une foule de ratures non approuvées , et où deux accusés
effacés ont néanmoins été mis en jugement , suivant les ques
tions soumises au jury, quoiqu'ils aient été acquittés ensuite ,
il n'en est pas moins contre tous les principes de les avoir
exposés à l'incertitude d'une déclaration de jury et d'une condamnation
;
7
6°. Que Maire , Bravet , Foucault , Garnier , Launay et
Moulin , ont donné leurs signatures en blanc pour un ordonnance
de prises - de- corps , à mettre au bas d'un acte d'accusation
dressé en blanc , le 8 messidor , par Fouquier ,
rempli de ratures non approuvées , où un accusé , qui se
trouve énoncé dans le préambule , ne paraît pas dans le narré
de l'accusation , que Bravet , Garnier , Launay et Naullin ,
out signé le jugement intervenu à la suite , le 9 messidor.
rempli de ratures , surcharges , renvois non approuvés et où
les noms des accusés sont en blanc dans le corps du jugement
, duquel enfin il en résulte qu'une femme a été acquittée ,,
par conséquent jugée , quoique non comprise dans l'acte d'accusation
1
70. Qne Barbier et Foucault ont signé un jugement du
8 thermidor qui condamne le pere pour le fils , quoique le
dernier fût seul énoncé dans l'acte d'accusation et même dans
le jugement , et que la seule présence du pere , âgé de plus
de 60 ans , dût assez mettre à portée les spectateurs de connaître
qu'il était plus âgé que son fils , qui n'avaient que
22 ans , d'après les pieces du procès ;
-8° . Que Lohier et Lamy ont signé un jugement , du premier
thermidor , où le fils est condamné pour le pere , quoique
le fils ne fût compris ni dans l'acte d'accusation , ni dans la
déclaration du jury
9. Qu'un autre jugement du 29 prairial , ainsi que le
( 128 )
procès-verbal d'audience dudit jour , relatif au prétenda
assassinat de Robespierre , constate la condamnation de 5 individus
non compris dans l'acte d'accusation dressé à ce sujet ,
et qu'on mit au rang des accusés comme leurs complices
quoiqu'ils fussent en état d'arrestation avant la possibilité
de ce prétenda assassinat ; qu'ils furent conduits au supplice
en robes rouges , et que ce jugement est signé Harny , Bravet ,
que Liendon , substitut , tenait l'audience ;
10° . Qu'un autre jugement , du 95 messidor , d'abord daté
et signé en blanc , et ensuite rempli du nom des accusés et
autres actes essentiels à sa perfection , se trouvent signés
Launay , Sellier , Garaier et Maire , Liendon assistant à cette
audience ; qu'il existe dans la procédure une note écrite par
Fouquier où il dit qu'il n'a pas besoin de témoins , quoi
qu'il y en eût , et qu'on eût oublié de les faire assigner ;
recommandant , au surplus , de faire tout ce qu'on pourra pour
que les accusés ne soient pas mis hors de débats . Expressionimpropre
sans doute , qui ne peut annoncer autre chose que la
crainte de voir suspendre les défauts à défaut de témoins .
11º . Qu'on trouve encore des vices bien plus grands dans
le jugement en blanc , du 7 messidor , signé Naullin , Barbier ,
Maire , Liendon , substitut ; que ce jugement ne contient ni les
questions soumises aux jurés , ni leurs déclarations , etqui plus
est , ni l'application de la loi , ni par conséquent de condamnation
, que cependant 39 accusés ont péri ;
12 ° . Que Déliege , Sellier , Maire , ont signé un prétendu
jugement du 3 prairial , infecté des mêmes vices que le précédent
;
13° . Que les vices de la même nature regnent dans un
autre jugement du 23 messidor , signé Liporte , Bravet ,
désigue dans le jugement ; que ce jugement annonce 3 accusés
, tandis que le procès -verbal n'en porte que 27 ; variation
qui fait naître une incertitude très alarmante sur le sort
de cinq individus non désignés dans le procès - verbal ;
( La suite au numéro prochain . )
P. S. Dans la nuit du 17 au 18 , quatre députés décrétés
d'arrestation , dont Lecointre , Crassous , Granet et un autre ,
sont partis pour le lieu où ils seront détenus . On croit que
la maison d'arrêt où on les conduit est vers les côtes de Provence
, puisque leurs conducteurs ont dit qu'ils avaient 200
lieues à faire . Les cinq autres députés décrétés d'arrestation
se sont soustraits , par la fuite , aux recherches qu'on a faites
de leurs personnes.
( N°. 41. )
MERCURE FRANÇAIS.
QUINTIDI 25 GERMINAL , l'an troisieme de la République.
( Mardi 14 Avril 1795 , vieux style . )
Explic. des Charade , Enigme et Logogriphe du n°. 40 .
Le mot de las Charade est Fardeau celui de l'Enigme est
Tabatiere ; celui du Logogriphe est Cornelle , où se trouvent
cor , roc , note , ton , lêle , tort , tronc , corne , crotte , crête , rob.
NOUVELLES LITTÉRAIRE S.
SUPPLEMENT AUX CRIMES DES ANCIENS COMITÉS DE GOUVER- '
NEMENT , avec l'histoire des conspirations du 10 mars , des
31 mai et 2 juin 1793 , et de celles qui les ont précédées ;
ET TABLEAU DE LA CONDUITE POLITIQUE d'un représentant
du Peuple, mis hors de la loi . Par J. A. DULAURE , député
à la Convention nationale , par le département du Puy- de-
Dôme. Prix , 5 liv . pour Paris ; et 6 liv . , franc de port
pour les départemens. A Paris , chez le citoyen LoUVET ,
libraire , palais Egalité , galerie neuve , derrière le théâtre
de la République','\ nº. 246
CE fragment historique est ce qu'on a imprimé jusqu'à
présent de plus complet , sur les conspirations de Robespierre
, Marat et autres connus sous le nom de faction
des anarchistes et des désorganisateurs ... Toujours
plus observateur qu'acteur , dit J. A. Dulaure , je fus placé
par le hasard au centre de la révolution parmi les
hommes les plus marquans , dans le fameux district des
Cordeliers , devenu depuis section du Théâtre - Français ,
où figuraient les Danton , les Fabre- d'Eglantine , les Ca
mille- Desmoulins , les Linguet, les Dufourni , les Billaud-
Varennes , les Marat , les Vincent , les Ronsin , les Chaumette
, etc. ete. De ma section j'ai suivi la plupart
d'entre eux à la société des jacobins , puis à la Convention
nationale . J'ai pu les étudier et les apprécier.
Son récit remonte jusqu à l'époque de la scission des
feuillans , et embrasse ce long intervalle de tems , quả
Tome XV. I
( 130 )
+
depuis 1791 , jusqu'au g thermidor , a vu éclorre tant
d'événemens révolutionnaires , et a été marqué par
tant de crimes. On y voit comment Robespierre était
parvenu , bien avant le 10 août , à se rendre maître de
la société des jacobins , et à donner à son parti tous
les caracteres d'une faction : comment s'établit et se
suivit sans relâche le systême des dénonciations , au
moyen duquel tous les meilleurs patriotes furent éconduits
, calomniés , persécutés et livrés à la fureur de la
populace dont les factieux avaient fait leur cortège .
La conduite politique , ou plutôt anarchique et délirante
de Marat , de ce plat et miserable charlatan , y est exposée
dans la plus grande étendue . Aucune de ses folies
féroces , de ses provocations à la dictature , au triumvirat ,
au tribunat , à l'établissement d'un chef , au pillage , au
massacre , n'a échappé aux recherches de l'historien .
Quoiqu'on ait déja recueilli beaucoup d'anecdotes sur
-la vie de ce personnage , dont l'histoire sera malheureusement
obligée de souiller ses annales , on ne sera
pas fâché de connaître ce que l'auteur en dit , d'après
les renseignemens les plus sûrs qu'il s'est procuré . ·
Marat , ne suisse , du comté de Neufchâtel , perdit
de bonne -heure son pere , qui avait soigné sa premiere
éducation . Sans ressource pour sa subsistance , il était
obligé d'intéresser l'humanité de ses concitoyens de
Boudri , et pour cela il employait un singulier moyen.
Il allait , de porte en porte , réciter des prieres qu'il avait
composées . Le plus ou moins de ferveur qu'il mettait
dans son débit , lui attirait le plus ou moins d'accueil.
Plus grand , il composait des lettres pour ses concitoyens ,
des complimens , des épîtres versifiées , qu'il envoyait
aux personnes riches : il demandait l'aumône en vers et
Len prose. Ainsi on voit que , lorsqu'il quêtait 15,000 liv .
par des affiches , il n'était pas étranger à ce genre de
commerce . Son frere , après avoir enseigné les langues
à Neufchâtel à Genève , est passé en Russie , où il a renoncé
à son pays , et s'est fait naturaliser sujet de l'impératrice
. Je tiens ces détails de diverses personnes du
Comté de Neufchâtel , qui ont connu Marat et sa famille .
-En 1775 , il était docteur en médecine , et il publia un
ouvrage en trois volumes , qui n'est connu que par la
critique qu'en a fait Voltaire ; il est intitulé : De l'homme
ou des principes des lois , de l'influence de l'ame sur le corps
et du corps sur l'ame. Voltaire verse le ridicule sur notre
docteur , lui reproche son mépris pour tous les savans ,
( 181 )
anciens et modernes ; son ignorance et sa présomption
Quand on n'a rien de nouveau à dire , si- non quo l'ame est
dans les meninges , on ne doit pas , dit Voltaire , prodi suer le
mépris pour les autres , et l'estime pour soi-même , à un point
qui révolte tous les lectours . Erso Marat était asPatis
il annonça des expériences sur la lumiere , qui firent
rire tous les savans . Märat se vengea des rieurs par une
brochure remplie d injures grossieres , contre les mambres
de l'académie des sciences . Ce fut vers cette époque
qu'il obtint une place de médecin des gardest - com's
de monseigneur comte d'Artois . J'ai eu occasion , en 17873,
de le voir souvent à Paris , sans savoir son nom ; o était
alors un petit-maître , frisé à triple boucles , icchapeau
sous le bras . Il paraissait partisan de la couradas
faire du parlement ; il paraissait extasié de ses connaiss
sances. Camille- Desmoulins, dans ses révolutions de France
et du Brabant , qu'il rédigeait en 1792 , avec Merlin de
Thionville , a fait , dans son numéro 247 un portrait
très - ressemblant de Marat .
Le projet de dissoudre la Convention conçu par une
branche de conspirateurs avant même l'ouverture de sa
session , celui de l'avilir et de la maîtriser , imaginé par
d'autres , les horribles journées de septembre , les atten
tats du 23 octobre , du 10 mars , et sur-tout ceux du
31 mai et dus juin , y sont racontés dans le plus grand
détail et avec plusieurs circonstances dont quelquess
unes n'étaient pas connues .
La France se souviendra long- tems des suites déplo
rables de ces affreuses journées . L'auteur termine par
ce tableau la partie de son ouvrage , relative aux récits
des événemens généraux . Passant ensuite à ceux qui
lui sont purement personnels, il explique comment et
par quelles causes il s'est trouvé compris dans l'acte
d'accusation du 3 octobre , et enveloppé dans la pros
cription , à laquelle il n'a échappé que par la fuite . On
y voit les efforts que Robespierre avait fait pour l'attirer
dans son parti , et le ressentiment implacable que lut
et ses agens avaient conservé du refus obstiné que l'auteur
avait fait de se joindre à eux. Il raconte des anecdotes
très curieuses sur Desfieux , et sur quelques autres
personnages .
Il termine par une esquisse des maux qu'il a souffert
tant qu'a duré sa proscription. Pendant que mes
assassins jouissaient paisiblement du fruit de leurs atten
eats , moi , errant , fugitif, j'étais sans patrie ; car la tyran
I
( 152 )
nie m'avait tué civilement , et ne me laissait d'asyle que
l'échafaud ; chacun de mes concitoyens avait le droit
de m'arracher la vie ; j'étais sans amis , car je ne pouvais
les approcher sans danger pour eux ; je portais avec
moi la contagion de la mort , et tous ceux qui auraient
eu le courage de m'accueillir , pouvaient en être frappés
; j'étais sans épouse , sans parens ; car je ne pouvais
communiquer avec eux sans compromettre leur liberté.
leur vie ; j'existais , mais comme Damoclès , un fer mortel
était suspendu sur ma tête ...... Ma conscience me
consolait. "
Dulaure nous apprend que pendant plus de huit mois
il a vécu en qualité d'ouvrier , sans habit , sans linge
gagnant 20 sous en travaillant onze à douze heures par
jour mais il se console par le souvenir des bienfaits
et de l'hospitalité généreuse qu'il a reçue de quelques
amis.
Pendant que le supplice menaçait également ma
tête et celle des amis qui osaient me recueillir , pendant
que les recherches les plus actives étaient chaque
jour faites dans l'asyle de tous les citoyens , pendant
que les devoirs les plus sacrés de l'amitié étaient punis
de mort , le brave Penieres , mon collegue et mon ami
m'a cherché dans Paris , au milieu des dangers , un asyle
qu'il a partagé avec ma femme et moi. Il s'exposait d'autant
plus , que notre intimité était connue , qu'on savait
qu'avant mon décret d'accusation nous habitions ensemble
; il s'exposait d'autant plus que lui - même était
très-suspect aux dominateurs , et n'a échappé à leurs
coups assassins que par une sorte de phénomene . II
consentit à être avec nous sans domestiques , sans por
tier, pour n'être pas trahis ; son épouse
, aussi courageuse
que belle , partageait
avec son mari ses sentimens
affectueux
, et nos dangers
; elle partageait
avec
ma femme
les soins pénibles
du ménage
. Penieres
pendant
près de deux mois , a , chaque
jour , exposé
sa
vie pour sauver
la mienne
.
" Je quittai enfin cet asyle si cher. Ma présence était
dangereuse à mes amis ; ils le sentaient moins que moi.
Je voulus porter seul tout le poids de ma malheureuse
destinée. Je partis , et livrai ma vie au hasard d'un long,
d'un périlleux voyage . Je mourrai seul , me disais-je , et
en expirant , je n'aurai pas la douleur d'entraîner des amię
généreux dans ma perte !
* Je dois aussi de la reconnaissance au cit. Rechts
( 193 )
, dans les premiers jouts de ma disgrace , ■a montré
beaucoup de courage et de zele pour me procurer un
premier asyle. J'en dois au cit . Ba ... ot qui , dans mon
voyage , m'accueillit ainsi que son estimable épouse
comme un pere tendre reçoit son fils bien - aimé. Ah
qu'au milieu des tristes réflexions qui m'assiégeaient
dans mon douloureux exil , je me rappelais avec délice
les soins empressés , le tendre intérêt , le vertueux courage
de mes amis ; ces souvenirs consolans me fortifiaient
, adoucissaient la rigueur de mon sort , m'empêchaient
de détester les hommes et la vie.
" Et vous aussi , généreux amis , braves Vaucher et
Moyer , pendant que je fuyais la misere et les persécucutions
, pendant que , réduit à cacher mon nom et mes
malheurs , je végétais dans la classe du dernier des
manouvriers , vous avez distingué , vous avez eu le cou
rage d'honorer l'indigence , trop souvent avilie , par
des égards si précieux dans ma situation ; car alors je
craignais encore plus le mépris que la faim . Vous avez
ouvert mon coeur à l'espérance , vous avez avancé mon
bonheur. Le souvenir de vos soins obligeans ne s'effacera
jamais de mon ame. "
ÉCONOMIE POLITIQUI.
DE LA PAIX dans ses rapports avec les finances , l'agriculture
, le commerce et les moyens de prospérité publique.
OxN s'occupe beaucoup en ce moment de la restauration
des finances . On a parlé souvent des moyens de
raviver l'agriculture , le commerce , l'industrie , et de
jetter les fondemens de la prospérité publique. Tous
ces objets sont subordonnés à un moyen général , sans
lequel il est impossible d'effectuer aucun genre d'amé
lioration ; ce moyen est la paix.
Le désordre de nos finances tient à la différence énorme
entre les dépenses et la recette . Tant qu'on sera obligé
de tirer chaque mois , de la caisse à trois clés , trois ou
quatre cents millions , pour combler le déficit , il ne faut
pas espérer qu'on puisse s'occuper d'un bon systême
de finances , dont la premiere bâse est l'économie.
L'appauvrissement de l'agriculture est dû au manque
de bras , à la rareté des bestiaux de labourage , et
18
( 134 )
la difficulté des moyens de transports . Il y aurait bien
d'autres causes à en indiquer , mais dans l'état actuel
des choses , ce sont celles- là dont l influence se fait sentir
d'une maniere plus instantanée. L'agriculture ne peut
languir, sans que les effets ne s'étendent sur le commerce
et l'industrie , qui n existent que par elle . Quand les
matieres premieres sont rares et d s et d'un prix excessif ,
quand les denrées le sont auss quand les ouvriers
manquent aux manufactures , comme les agriculteurs à
la terre ; quand toutes les relations commerciales avec
l'étranger sont rompues, quand les com nications dans
l'intérieur sont plus dispendieuses que les frais même
de fabrication , quand le signe représentatif de toutes
les valeurs est tombe dans un discrédit effrayant, comment
les ateliers , les fabriques , les manufactures peu
vent - ils être en activité ? Comment le commerce et,
l'industrie peuvent- ils prospérer?
de la guerre.provicus
!
@
'b
A son tour , le discredit des assignats provient de
Leny rop grande abondance , et leur ,abondance, de la
nécessité de pouvoir aux besoins toujours renaissans
Il de I inquietude publique
sur l'avenir , de l'incertitude où l'on est de la proportion
du papier , avec le gage des biens nationaux , d'une
confiance encore mal assurée dans le gouvernement , et
de l'absence même d'un gouvernement véritable .
L'effet du discrédit est d'accreitre sans cesse le dis-
9.
L'agriculteur
et
le
fermier
, qui
ont
encore
quelques
denrées dans leurs greniers , ne sachant pas si dans
un mois , si dans deux , elles ne vaudront pas la moitié
plus , ne se pressent point de les vendre , ou les
vendent actuellement plus cher , dans l'objet d'anticiper
sur le bénéfice prochain qu'ils entrevoient. Le marchand
fait le même calcul ; n'ayant plus de base fixe , ni pour
ses profits , ni pour ses achats , il est obligé d'augmenter
les uns , dans l'incertitude où il est de remplacer la
vente par des achats nouveaux , dont le prix va toujours
croissant , et ce surhaussement progressif s'étendant
des marchandises aux denrées , et des denrées aux
marchandises , il résulte de cette double réaction un
mouvement de hausse continuelle dans les prix , et
de baisse dans la valeur du signe représentatif.
Ainsi , en derniere analyse , finances , agriculture ,
commerce et industrie , tout vient se lier au systême
des assignats , et le systême des assignats ne peut s'amé
liorer d une maniere prompte et efficace , que par la paix.
( 135 )
Elle seule peut produire la diminution dans la dépensel
et l'augmentation des moyens dans la recette . Elle seule ,
en ranimant la confiance , en rouvrant les canaux de
communication , en restituant les hommes à la terre et
aux travaux des arts , les chevaux de trait au labourage
et aux charrois , peut faire baisser le prix des denrées
et avec lui celui de la main- d'oeuvre , et par voie de conséquence
celui des productions manufacturées .
Il ne faut à l'agriculture que des bras , des capitaux
et une protection assurée de la part du gouvernement .
Lá guerre nous a privé des uns l'avilissement des
assignats a diminué la valeur des autres, et les mouvemens
prolongés de la révolution , ont rendu la troisieme
presque nulle . Les mêmes raisons et les mêmes effets
s'appliquent aux opérations industrielles et commer
ciales. Jusqu'à ce que les capitaux aient acquis une
valeur fixe et solide , soit par le retour du numéraire ,
soit par le retrait d'une grande partie des assignats ,
et le crédit de l'autre , on ne doit pas songer aux
moyens d'économie et de prospérité générale . Plus
on envisage cette matiere sous tous ses rapports , plus
on remonte aux différentes causes du mal , et plus
on sent la nécessité d'une paix prochaine..
La guerre
etait
indispensable
; il
fallait
repousser
les
armées
des
puissances
coalisées
qui
, non
-seulement
,
refusaient
de
reconnaître
l'indépendance
et les
droits
du
Peuple
Français
, mais
s'obstinaient
à vouloir
repverser
la forme
de
gouvernement
qu'il
avait
choisie
. Il
fallait
donner
à l'Europe
entiere
la mesure
de
nos
forces
et
de
notre
persévérance
; nos
armées
ont
rempli
avec
éclat
cette
tâche
glorieuse
. Nous
avons
vaincu
; nous
avons
conquis
; il est
tems
de
donner
la
paix
à l'Europe
. L'Eurone
entiere
en
a besoin
.
.
Jamais uerre n'a été ni plus active , ni plus san↳
glante ; jamais armées plus nombreuses n'ont été mises
a -la - fois sur pied ; jamais moyens plus extraordinaires
n'ont été employés pour les soutenir. Mais en mêmetems
, jamais la population des états de l'Europe , les
finances , l'agriculture et le commerce , n'ont éprouvé
un épuisement plus général. La guerre a été préparée
par pacte secret de Pilnitz ; mais alors un roi parjure
et conspirateur contre les lois de son pays , l'
l'avait
lui-même provoquée ; ce roi a reçu le prix de sa trahison.
Cette croisade formidable contre la liberté d'un
peuple , a été soutenue par l'orgueil , plus fort encore
le
14
( 136 )
dans les rois que dans les autres individus ; par l'espoir
de réduire ce peuple à la discrétion des vainqueurs , et
il faut le dire aussi , par le besoin qu'ils avaient de garantir
leur propre puissance . Mais alors la France était
livrée à des énergumenes et à des scélérats qui , dans
leur délire , parlaient de révolutionner l'Europe , et qui
travaillaient , par leurs crimes , à dégoûter leur propre
pays de la liberté et de la révolution ces principes
insensés ont disparu avec leurs auteurs. La coalition
fondait ses succès sur le trouble , l'anarchie et la guerre
civile , qu'elle fomentait et stipendiait dans l'intérieur .
La Vendée s'éteint , et les factieux et les anarchistes
ont reçu leur salaire . La Convention a triomphé audedans
, comme nos armées au -dehors ; le gouvernement
dont on l'a sans cesse détourné , elle ya le donner à la
France .
Quelle espérance peut- il donc rester aux puissances
coalisées ? Aucune. Quels fruits ont- elles recueillis de
la guerre ? La disette et la misere de leurs états , la
perte d'une partie de leur territoire , le mécontentement
des peuples . Elles ont donc un intérêt pressant à la
terminer.
Le nôtre n'est pas moins sensible. Si les puissances
réunies contre nous ont beaucoup souffert ; seuls contre
tous , nous avons souffert davantage . Il ne serait ni
magnanime, ni raisonnable de mesurer nos prétentions
sur nos victoires et nos conquêtes ; mais nos conquêtes
et mos victoires nous ont acquis le droit de pacifier
l'Europe , à des conditions dignes de la grandeur et de
la générosité française . Sans doute il faut à la République
un juste dédommagement des maux qu'elle a
soufferts et des dépenses qu'elle a faites. Mais quel que
soit le parti qu'adopte la Gonvention dans sa sagesse ,
le plus grand dédommagement sera toujours dans le
bienfait de la paix et dans l'organisation d'un bon gouvernement.
Les conquêtes sont séduisantes ; . mais elles ressemblent
à ces grandes fortunes qui ruinent souvent les
propriétaires . Les républiques doivent s'en défier. Il
faut les envisager sous le rapport plus vaste et plus
immédiat de la liberté et du gouvernement. N'y a- t- il
pas pour une république naissante et encore mal affermie
, une certaine étendue de territoire au - delà de
laquelle la liberté devient plus difficile à conserver , et
l'action du gouvernement s'affaiblit et s'éteint ? Des
1
( 137 )
peuples nouvellement conquis , avec des moeurs et des
habitudes si diverses , et des idées sur la liberté si peu
avancées , incorporés tout- à - coup à la République Française
, moins par l'identité d'opinions et de sentimens
politiques , que par la force , n'y apporteraient- ils pas
plus d'inconvéniens que d'avantages ? des peuples acquis
par voie de conquêtes , ne conservent- ils pas cette inquiétude
et ce ressentiment qui font que les vaincus
reçoivent avec répugnance les lois du vainqueur , et
s'unissent difficilement à lui ? n'en résulterait- il pas des
tiraillemens et des agitations qu'il faudrait sans cesse
arrêter ou contenir ? la paix serait - elle solide et durable ,
si elle n'était que le fruit d'un épuisement réciproque.
sans être celui de la justice , et si des puissances avaient
à regretter un trop grand démembrement de leurs possessions
.
Voilà des considérations qui méritent d'être pesées ,
pour le bonheur et la tranquillité de la France et de
son nouveau gouvernement. Il est aisé de se laisser
éblouir par des illusions de convenance , de tracer sur
la carte des limites que l'on dit être naturelles ; mais le
Jeculement de ces limites opéré par la force , ressemble
trop au partage du lion , et s'il suffisait d'avoir besoin
de s'arrondir , pour legitimer ses conquêtes , il n'y aurait
point d'état qui ne fût dans le cas d'attaquer les posses
sions de son voisin pour les ajouter aux siennes , če
qui rendrait les guerres interminables , et serait une violation
perpétuelle du droit des gens qui ne doit pas
être moins sacré entre les nations , que le droit des individus
entre eux. Il y aurait encore à examiner si nos
places fortes , qui forment un boulevard inexpugnable
depuis Strasbourg jusqu'à Dunkerque , ne deviendraient
pas inutiles , et s'il ne faudrait pas en établir d'autres
de premiere ligne pour défendre nos nouvelles limites .
ee qui opérerait un surcroît de dépenses énorme .
Les comités de gouvernement et la Convention se
détermineront sans doute par des motifs de sagesse , de
prudence et d'équité . Quelque soit le résultat de leurs
négociations , nous croyons que la paix est indispensable
pour l'amélioration des finances , de l'agriculture , du
commerce et l'affermissement de la République.
( 138 ) 138)
NOUVELLES ETRANGERES.
Des
ALLEMAGNE.
De Francfort-sur-le- Mein , le 3 avril.
Es lettres de diverses parties de l'Allemagne font
pressentir que l'empereur pourrait bien avoir à soutenir
seul , ou presque seul , cette année , tout le poids
d'une nouvelle campagne contre la République Française
, fatiguée , mais victorieuse , mais encore en état
de porter
'des coups terribles et sûrs , pour peu que sa
marine résiste à celle de l'Angleterre ; d'obtenir des
avantages incalculables sur les puissances coalisées , et
de préparer à plusieurs d'entre elles des regrets bien
amers de s'être mêlées d'une guerre dont leurs ifitérêts
bien entendus devaient les écarter.
C'est ce que paraissent avoir particulierement senti ,
et c'est d'après quoi vont probablement se conduire et
le roi de Prusse , qui , selon toutes les vraisemblances ,
entraînera la défection de plusieurs membres du corps
germanique et l'Espagne avertie un peu tard sans
doute , mais encore à tems par exemple du Portugal
du danger de devenir l'esclave de la Grande Bretagne ,
sous le spécieux prétexte d'être l'alliée et l'amie de la
puissance maritime la plus formidable , qui opprime
réellement ceux qu'elle paraît secourir ou qu'elle pétend
protéger.
Une vérité bien incontestable et bien reconnue aujourd'hui
, c'est l'indispensable nécessité pour tous les
états de l'Europe , actuellement industrieux et commerçans
, ou susceptibles de le devenir , de s'opposer
de toutes leurs forces à la suprématie que l'orgueil et
l'insatiable avidité de la Grande - Bretagne lui font affecter
sur des mers qui doivent être libres pour tous les
peuples de l'Europe , parce que tous les peuples de
l'Europe ont également le besoin et le droit d'exiger
qu'elles le soient .
( 139 )
sb
Nous ne pousserons pas plus loin , pour le moment
ces réflexions susceptibles d'un développement fort
étendu , mais que la lecture des ouvrages bien "faits
sur cette matiere ou les méditations de nos lecteurs
leur suggereront sans doute. Nous nous contenterons
de demander si dans l'hypothèse où la Prusse , une
partie du corps germanique et 1 Espagne renonceraient
a coalition il est probable que l'Autriche , I Angle-,
terre et l'Italie veuillent continuer cette guerre : ruineuse
, estellement hors de proportion alors avec leurs
moyens singulierement affaiblis . Nous répondrous.
qu'elles ne le voudroat pas , et cela par la meilleure de
toutes les raisons , parce qu'elles ne le pourraient pas .
Nous ajouterons que si contre toute apparence , parce
que ce serait contre toutes les regles du sens commun ,
Ces puissances, sopiniâtraient à continuer la guerre , il
ne serait pas impossible qu'elles comptassent bientôt
pour ennemis les états plus sages qu'elles auraient cu
Jusqu'alors pour amis , et qui tourneraient leurs armes
contre elles , afin de les forcer , pour leur propre intérêt,
à faire une paix dont toute l'Europe a besoin , puisque
si le fléau de la gguerre continuait à la désoler , même
partiellement , elle serait bientôt menacée de la famines
et de toutes les calamites que cette premiere , la plus
grande de toutes , entraîne nécessairement à sa suite.
T
2
Encore un coup , la paix particuliere de la Prusse avec la
France ne semble plus être une chose douteuse . Elle est nonseulement
connue , mais même favorisée par deux puissances
du Nord qui se fortifient de plus en plus de leur union.
contre les projets d'envahissement de la Russie , qu'elles n'ont
que trop appris à connaitre par ce qu'elle a fait en Pologne.
Voici ce qu'on mande de Copenhague : Les deux cabinets
sont toujours resolus à maintenir leur neatralité . Celui de
Stockholm paraît en outre n'être pas étranger aux négociations
de paix. On écrit de cette capitale que le secrétaire Signeul ,
attaché à la légation du baron de Staël de Holstein , y arriva
le 21 février de Paris , comme courier : il n'y resta que trois
jours , et le 24 reprit la 1oute de France . Le même jour , il
a riva à Stockholm un courier de Pétersbourg : quant au gou
vernement danois , il a décidé d'armer provisoirement quatre
vaisseaux de ligne , trois frégates et quelques bricks , sous les
ordres du commandant Wengel , et la chose est en train .
On écrit aussi des frontieres de la Pologne , que les coalités
attendent la conclusion de la paix , pour terminer plus facilement
, du moins ils s'en flatteut , le partage suspendu . En
attendant , ils sont convenus de ne garder provisoprement que
140 J
les contrées occupées de fait par leurs troupes . Il ne regne
pas la meilleure intelligence entre les futurs co- partageans .
L'Autriche sur-tout est mécontente de ses associés . Le roi de
Pusse , ajoutent ces lettres , ne doit obtenir son lot que sous
la condition expresse de continuer la guerre contre les Francais
; ce à quoi il ne paraît nullement disposé : l'y contraindre
' est pas facile ; aussi le ménage- t- on pour l'amener tout doucement
à ce qu'on exigerait de lui , s'il n'était pas assez fort
Pour résister aux doubles volontés impériales. La Russie avait
voulu eloigner de Varsovie les ministres étrangers ; mais il
leur a été enjoint par leurs couronnes respectives de rester.
Gelai d'Antriche doit même, se rendre à Grodno . L'avenir , et
même un très-prochain , débrouillera tout ceci . Il ne reste
guères, à dire que comme l'almanach de Liège Le tems qui
est un grand maître nous apprendra beaucoup de choses .
·
P
Mais ce qu'on sait déja , c'est que plusieurs puissances ouvrent
les yeux sur l'ambition de la Russie , et ne sont plus d'humeur
à den curer tranquilles spectatrices de ses effets . Elles viennent
d'avoir une nouvelle leçon , s'il la leur fallait . Le de février ,
le duc de Courlande est arrivé à Pétersbourg ; le 12 , il s'est
présenté à l'audience de Catherine II . De nouvelles négocia
tiens doivent y être entamées , puisque des députés de la noblesse
courlandaise s'y sont rendus à cet effet : ces négocia
tions consisteront vraisemblablement à faire les arrangemens
nécessaires pour que la Courlande devienne une province
russe , en stipulant les intérêts de la noblesse de ce pays :
quant ceux du peuple , ils deviendront ce qu'ils pourront.
Il fallait pourtant que les dispositions du roi de Prusse et
de plusieurs membres du corps germanique à faire la paix ,
De fussent pas encore connues de l'Autriche , il y a quelques
jours ; car les lettres de Vienne et celles des états de l'Italie
dépendans ou alliés de l'empereur , la Toscane exceptée , annonçaient
une continuation de préparatifs , poussés même
très-vivement , pour l'ouverture de la campagne . L'Espagne
était censée en faire autant de son côté ; mais les dates de ces
avis ne coïncidaient pas , à cause de l'éloignement ; si bien que
les choses pourraient avoir changé dans l'intervalle des communications
respectives , nécessaires pour mettre de l'ensemble
dans les mouvemens militaires .
Des lettres de Vienue , du 12 mars , s'expriment ainsi : Le
colonel Gometz , apportant du quartier général du duc de
Saxe Teschen à Heidelberg le plan de la prochaine campagne ,
est venu ici ; il est reparti pour l'armée du Rhin avec des
instructions on ignore quel est ce plan , mais on croit qu'il
consiste à se tenir sur la défensive ; les gens du métier donnent
même des détails , qui sont peut-être plutôt ce qu'ils imaginent
devoir être que ce qui est réellement. Une circonstance bien
douteuse , fausse même suivant toute apparence , qui termine
1
( 141 )
po
se plan de défensive , c'est que Hohenlohe restera à la tête
de 10,000 Prussiens en face de Mayence , et recevra lea
ordres de Saxe-Taschen. Ce plan , continuent les mêmes
litiques , a aussi une partie offensive ; et si les calculs étaient
justes , la coalition aurait en Allemagne 400,000 hommes à
opposer aux, Français.
1
On va également renforcer l'armée autrichienne d'Italie.
15,000 hommes d'infanterie , et deux escadrons de cavalerie
sont en marche pour la Lombardie ; le gouvernement de
Milan a ordre de préparer ce qu'il leur faut : il est question
de contraindre les Français d'abandonner les postes qu'ils
occupent dans le Piemont .
Tous ces projets sont fort beaux , mais ils exigent des dépenses
considérables ; aussi pour attirer de l'argent , a-t- on soin
de donner une grande publicité aux dons qui se sont faits
pour la continuation de la guerre . On en étale des listes
fastueuses où l'on voit les noms des bienfaiteurs , et la somme
qu'ils ont sacrifiée . Les prêtres y figurent plus qu'on ne l'aurait
Gru
Nous venons de parler de ce qu'on se propose de faire
nous allons donner quelques renseignemens sur ce qui se
fait les premiers de Wesel , en date du 14 mars ; les seconds
de Dusseldorf , le 26 ; et les derniers d'ici ,
du 30.
en date
On ne voit faire aucuns préparatifs ultérieurs au - dedans
ni au-dehors de cette place . La communication avec l'autre
rive du Rhin est toujours ouverte . Le 15 et le 21 de ce mois
sont les deux termes après lesquels elle sera fermée .
Des nouvelles du pays de Clèves apprennent que , quoique
les Français aient fait remise d'une partie des contributions ,
ils continuent à y faire des requisitions dont le pays souffre
beaucoup. Le manque de vivres et d'objets de premiere nécessité
a néanmoins un peu diminué , depuis que la communication
avec les Provinces- Unies a été rétablie . Les Français.
d'ailleurs ne commettent aucun excès . Il n'a encore été rien
statué à l'égard de la vente des biens des émigrés ; mais ou
a provisoirement mis arrêt sur leurs meubles , et en général ,
on se sert de leurs maisons pour des magasins , des hôpitaux
et des casernes.
La cherté commence à devenir excessive ici . Le corps des
marchands de cette ville a envoyé deux députés à Bremen
pour y acheter des vivres .
L'armée d'Alvingi , qui se trouve en cantonnement du côté
de Wesel , fait place aux Prussiens , et passera sur le derriere
de Dusseldorf, pour se porter vers Muhlheim , vis - a - vis de
Cologne , où elle formera l'aile droite de l'armée impériale
de l'Empire. Les Prussiens et les Palatins vont occuper Dus((
142))
seldorf , où vingt mille rations de fourages sont ordonnées,
pour leur passage . Une artillerie considerable file, vers Muhl
heim et Mayence. Les régimens antrichiens sont au complet.
Le défaut de complément de ceux brabançons fa engage
T'empereur à ordonner la réunion de deux bataillons en uf
ce qui est exécuté dans ce moment . Un ardre arrive de Vienne,
d. fend à tous les lieutenans , sous - tieutenans de l'armée , d'avoir
de voitures pour completter leurs équipages : un seul cheval.
leur est permis . Les Français ne bordent plus le Rhin vers
Dusseldorf & Heuss seulement , il y a 1500 hommes . Tous
les hôpitaux du pays entre la Meuse et le Rhin sout transportés
à Bruxelles, et une grande partie de l'artillerie de Juliers
et autres villes situées entre ces fleuves , est conduite sur la
Meuse.
L'aile droite de l'armée impériale devait entrer dans la posi
tion que les Prussiens occupaient , et qu'ils quittent pour se
rendre dans les contrées voisines du Bas - Rhin . Sax -Teschen ,
commandant en chef des tronpes de l'Empire , leur a donné
l'ordre de se tenir prêtes à marcher pour prendre une posi
tion entre l'armée de Clairfait et celle d'Alvinzi . Aussi -tôt
que l'assemblée des états du cercle de Suabe a été informée
de cette disposition , elle a envoyé ordre au général Stein ,
commandan des troupes du cercle , de ne point quitter sa
position,
Il parait que la paix est certaine entre les Prussiens et les
Français on dit deja les hostilités suspendues . Les troupes
françaises qui s'étaicut portées sur Wesel , pour cerner cette
place et en former le siége , dès que la saison pourrait de
permettre , sont revenues à Emmerick , se rendant à Nimegue.
Elles seront suivies d'autres divisions qui quittent également
le pays de Clèves , pour être employées soit au siége de
Luxembourg, soit à celui de Mayence.
La conduite des Français dans les possessions prussiennes
de Westphalie , semblait indiquer que ces évenemens devaient
avoir lieu . Ils ont , en général , usé de ménagement ,
et ont laissé subsister les aigles prassiennes. Les administra
teurs prussiens ont continué d'exercer leurs fonctions : il n'y
a que les municipalités particulieres qui aient été reformées
sur le modele français. Il s'est fait des requisitions en viande ,
pain , avoine , chemises et habits ; mais les paysans obligés à
ces fournitures , ont été payés en assignats on en reçus ,
pour demander , en tems et lieu , leur remboursement .
Des lettres de Vienne encore plus récentes , non - seulement
Dous préparent à la paix , mais même l'annoncent comme
presque certaine . Voici ce qu'elles disent :
Pendant que l'on s'occupe du récit des préparatifs militaires ,
on vient de recevoir la nouvelle que le général Ruchel , qui
conduisait en Westphalie l'avant - garde des Prussiens , et le
général Kalkreuth ont reçu erdre de faire balte ; le premies
a Limbourg , le second à Wisbaden, Les politiques se flattens
de l'espoir que les négociations de paix sont très- avancées , et
qu'on est arrivé du moins à une suspension d'armes . Il est
counn que le roi de Prusse agit pour cet objet de concert
avec le corps germanique . On assure que l'empereur se montre
" aujourd'hui fort porté à la paix. On ajoute qu'il vient d'êre
expédié un courier au comte de Lerbach , ministre imperial
à Munich , qui lui porte l'ordre de se rendre de suite à
Vieune , où ce ministre doit recevoir des instructions , après
quoi immédiatement il partira pour Basle .
ITALIE ET ESPAGNE. &
Les lettres de Venise , du 16 mars , annoncent la nomination
et le prochain départ du noble Alvise Querini en qualité de
ministre auprès de la République Française . Celui de France
auprès de la République Venitienne n'a que le titre d'envoyé.
On lui aurait donné le nom d'ambassadeur , si M. Querini
l'avait reçu du séval .
2
On écrit de Naples que le roi des Deux - Siciles vient de
donner une amnistie générale pour les crimes contre l'état ,
pourvu que les prévenus n'aient été que séduits , et qu'ils
viennent faire à tems leur déclaration à la junte établie pour
la recevoir. Cette amnistie. n'est pas pour les personnes arrêtées
dernierement et transportées au fort Gaëta . De leur
nombre sont le duc de Midici , l'abbé Caputi , dom Daniel ,
chef des écoles militaires , et une princesse étrangere dont le
bom n'est pas encore conna . On les accuse d'avoir trempé dans
une conspiration contre le roi de Naples et le repos public.
Les patrouilles ont été doublées pendant la nuit , et il s'etais
tenu quelques jours avant l'arrestation un conseil d'état à
Caserta , dont étaient le général Pignatelli , commandant de
Loutes les troupes , le cardinal Ruffo , le duc Gravina ei le
prince Miliano.
A Rome , les troubles ent recommencé depuis le 3 mars .
On a déja mis la main sur un grand nombre de séditieux . Les
troupes ont l'ordre de urer sur le peuple , en cas de résistance .
Livourne , 18 mars. Des lettres de Venise , portent que le
ministre de France a confié au gouvernement que l'armée
.française a ordre de pénétrer , au printems , en Italie ; mais
qu'elle respectera le territoire de la république de Venise.
7
On apprend que l'escadre de Langara qui se radoube au
port Mahon , a reçn ordre de se réunir à l'escadre anglaise
dans la Méditerranée. Il est ajouté que c'est pour prévenir
cette jonction que l'escadre française était sortie de Toulon .
On assure que les équipages anglais ne sont pas complets
( 144 )
et que leurs vaisseaux qui tiennent la mer , depuis deux ans ,
ne sont pas dans le meilleur état .
L'assemblée des négocians de cette place , tant nationaux
qu'étrangers , a présenté le 17 au gouverneur un mémoire
qu'elle l'a engagée à faire passer au grand due . L'objet du
mémoire est de remercier celui - ci du retour à la neutralité
vis-à-vis la République Française. Les juifs ont concouru à
-eet acte avec les autres négocians .
Madrid , 21 février. Presque tous les généraux de l'armée
de Navarre et de Biscaye , viennent d'être appellés . On
compte parmi eux le comte de Celumera , le duc d'Ossuna ,
le marquis Castelar , le duc Granata , celui de Frias et le
colonel des Suisses , Rediorg . L'un d'eux , le duc d'Ossuna ,
sera néanmoins replacé ailleurs . Le commandement en chef
de l'armée de Navarre , est donné au prince Castel Franco .
On assure que D. Joseph Terrussia , général en chef de celle
de Catalogne , a reçu l'ordre de se replier sur Barcelonne ,
pour mettle cette place dans la défense possible , et d'abandonner
le reste du pays aux paysans de cette contrée ,
se sont offerts pour le garder .
qui
Le roi vient de faire entrer au conseil d'état , le comte
Guesmela , qui a été successivement ambassadeur près le
cabinet de Turin , de Prusse et de Florence .
ANGLETERRE . De Londres , le 13 mars.
Le gouvernement a donné ordre aux principaux émigrés
français qui ont des commandemens dans les corps de troupes
levés ici pour une expédition supposée sur les côtes de France ,
de se rendre sur-le-champ à Southampton , et de se tenir
prêts à s'embarquer au premier ordre pour Jersey. Cette isle
est le lieu du rendez-vous d'où l'on partira pour faire une
descente sur les côtes de France , si les circonstances sont
favorables : on doute beaucoup en général , que cette expédition
, si long- tems annoncée et jamais tentée , ait lien cette
campagne plus que les précédentes .
On ecrit de Falmouth que sir John Warren y est arrivé avec
sa petite escadre , conduisant quelques prises faites sur les
Français et l'on mande que , dans sa croisiere devant Rochefort
, il a brûlé plusieurs bâtimens ennemis à la vue de cette
place. On s'attend aussi à recevoir de bonnes nouvelles de
l'escadre de sir Edouard Pellew , qui croise devant Brest avec
quatre frégates: cette force n'est cependant pas bien formidable .
On mande de la Jamaïque que le cap Tiburon , à St. Domingue
, qui était occupé par nos troupes , a été emporté de
vive force par les Français , qui ont tue beaucoup de monde ,
et ont pris ou coulé bas plusieurs de nos bâtimens qui étaient
dans le port.
RÉPUBLIQUE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE BOISSY - D'ANGLAS.
Séance de septidi , 17 Germinal.
Il y a eu hier soir une séance extraordinaire pour le renouvellement
du bureau . Boissy- d Anglas a etc nommé président.
Les secrétaires sont , Bailleul , Saladin et Lantheuas .
La Convention adopte la derniere reduction d'un décret
rendu hier , et conçu en ces termes :
Art. 1er. Tous ceux qui ont été détenus à l'occasion
de la révolution , ou qui se sont soustraits par la fuite à
un mandat d'arrêt décerné contr'eux pour des circonstances
qui y sont relatives , pourrout , dans trois mois , à compter
la publication decret , se pourvoir par la voie
appel ou cassation contre tous jugemens
rendes depuis leur mandat d'arrêt ou leur fuite , sans qu'on
puisse leur opposer aucane prescription , expiration de délai
ou péremption d'instance , acquises ou suiv nues depuis cette
époque , dont ils sont relevés par la présente loi .
de l'odu
présent
9
M:
II. Les personnes designees dans l'article précédent
pourront se pourvoir dans le même délai ,, par la voie de
l'opposition , devant les mêmes juges , contre les jugemens rendus
en dernier ressort , comme s'ils avaient été rendus par defaut.
III. Le cours de la prescription et de tout autre delai dont
l'expiration emporterait fin de non - recevoir contre les citoyens
ci - dessus indiqués , demeure suspendu depuis le mandat d'arrêt
décerné contr'eux jusqu'à la publication du présent decret.
,, IV. Les condamnes qui , pendant l'eur detention ou
depuis auront librement et formellement acquiesce aux
jugemens rendus contr'eteux ne seront pas admis à réclamer
le bénéfice des dispositions contenues dans les deux articles
ci-dessus. .
39
Dussaux par motion d'ordre , prononce un discours rempli
de sentimens , de justice et d'humanite . Le regne des lois ,
s'approche , dit il , la sécurité rehait achevez la resurrecton
morale de la nation française . Que faisaient nos bourreaux ,
que je ne daigne pas même app : ler nos tyrans , quand ils
organisaient le crime et homicide ? ils avaient grand soin
de degrader l'homme pour l'asservir , d alterer son instinct ,
d'éteindre le flambeaeau de sa conscience , et de le ravaler a
dessous des br
brutes les plus severes . Nous qui voulons main
Tome XV. K
#
H
( 146 )
tenir la liberté conquise à de si grands frais , continuons à
marcher dans un seus diametralement contraire au leur , et
ne désespérons point de faire autant de bien que ces monstres
ont fait de mal .... Législateurs magnauimet et bienfaisans ,
depuis long-tems un voeu secret m'agite et me dévore . L'humanité
, de concert avec le génie tutelaire de nos belles contrées
, me crie : Que erains - tu de le déclarer ce voeu que
nous t'avions déja inspiré au milieu des orages , et dans les
tems les plus désastreux ? parle , il est tems ... Des milliers
de bons citoyens ont été massacrés impitoyablement , et leurs
månes ne sont point encore appaisées . Des hommes séduits ,
et plus faibles que méchans , éclairés par vos lois , demandent
s'y soumettre. A ces deux égards , je voudrais , pour réintégrer
la mémoire des uns et consoler leurs familles désolées ,
qu'on se hâtât de transmettre à la postérité l'affliction et lès
regrets de la Nation française ; et pour rallier les autres à
la société fatiguée des discordes renaissantes , et rétablir la
confiance fraternelle , je voudrais qu'en signe d'expiation et
de clémence , il fût consacré un double autel , l'un à l'hu-'
manité gémissant sur les urnes cinéraires de tant de bons
citoyens immolés ; l'autre à la miséricorde qui , de tous les
sentimens naturels , exprime sans doute le plus exquis .
Ce double autel serait posé solemnellement dans l'une
de ces places qu'on ne traverse plus qu'en frémissant , où
tant citoyens vertueux , la fleur et la gloire de la nation ,
ont misérablement fini leur déplorable vie .
,, Sur l'une des faces il serait écrit : Regrets de la Nation
et sur l'autre Miséricorde aux citoyens égares . 99
L'Assemblée applaudit vivement à cette idée conforme aux
sentimens d'humanité qui la dirigent. L'exécution en est appuyée
per plusieurs membres , et le tout est renvoyé aux
comités d'instruction publique et de gouvernement , pour en
faire un prompt rapport.
André Dumont dit qu'il est important de faire connaître
au peuple entier tous les détails de la conspiration du 12 germinal
, que le rapport du comité de sûreté générale n'a pas
satisfait tout le monde , et que ce rapport ne pourrait être
que fort imparfait , à cause du peu de tems employé à sa
redaction , et de l'impatience de la Convention . Il demande
qu'il soit fait un nouveau rapport pour éclairer le peuple
l'abyme où l'on voulait l'entraîner . Décrété.
sur
J
Fréron obtient la parole , et prononce egalement un dis
cours , dans lequel il établit que la force des conséquences
entraîne la Convention vers une mesure qui , si elle ne satis
fait pas la vengeance nationale , satisfera du moins l'humanité
et honorera les révolutions des 10 thermidor et 12 germinal.
La déportation de Barrere , Billaud et Collot , supprime par
le fait la peine de mort. Sur quel coupable en effet , dit-il ,
9336
·
>
( 147 )
pourrait-on appeller le glave , lorsque les plus grands cria
minels ont échappé à ses coups ? qui panirait- on de mort
lorsqu'on laisse la vie aux décemvirs ? quel crime plus grand
peut-on commettre en révolution , que celui d'opprimer
déchirer , ensanglanter un peuple pendant dix - huit mois ?
Sans doute , il eut été plusjuste de mettre ces grands coupables
hors de la loi ; mais puisque la force des circonstances ne
nous a pas permis de le faire , profitons de cet événement
pour briser les poignards des factions ; arrachons le masque
farouche et terrible avec lequel les brigands avaient défiguré
la liberté.
Cependant , que la mort reste toujours en sentinelle sur
la frontiere pour empêcher de revenir parmi nous les lâches
qui ont déserté leur patre , et prêté leurs bras aux tyrans
coalisés ; ils se sont déportés eux- mêmes , et s'ils rentrent sur
notre territoire , ils n'y doivent trouver que l'échafaud . La
mort doit aussi être conservée pour les fabricateurs de faux
assignats , pour les généraux perfides , et pour ceux 'qui entretiendraient
avec l'étranger des correspondances criminelles
eu qui pousseraient un cri en faveur de la royauté.
Fréron propose un projet de décret d'après ces bases . La
Convention en ordonne l'impression et le renvoi aux comités .
Delcloi , au nom du comité de législation , reproduit le
projet de décret que la Convention avait ajourné , tendant à
traduire en état de prévention pardevant le jury d'accusation
du tribunal de district d'Angers , les membres de l'ancien
comité révolutionnaire de Nantes , acquittes par le tribunal révolutionnaire.
L'Assemblée l'ajourne à trois jours.
La tranquillité etant parfaitement rétablie à Paris , Merlin
( de Thiouville ) , Barras et Anguis remettent leurs pouvoirs.
Lasertion au bulletin.
Séance d'octidi , 18 Germinal.
Le représentant du peuple Loiseau , en mission dans les
départemens voisins de Paris pour assurer les subsistances
écrit de Janville dans la ci - devant Beauce , district le plus
fromenteux , qu'il y a trouvé d'abondantes ressources en
grains , que la méfiance et de faux bruits avaient fait cacher ,
mais que l'attitude ferme qu'il a prise fera reparaître.
Les troubles d'Amiens et de Rouen sont appaisés . A Libreval ,
département du Cher , une révolte à aussi éclaté le 12 germinal
. Taveaux cite un fait qui prouve que tous ces mou
vemens co- incidaient parfaitement avec les projets des Anglais .
Des frégates anglaises quiavaient arrêté des pêcheurs du Havre,
les renvoyerent après leur avoir donné du très - beau pain blanequ'ils
ne leur firent payer que cinq liards la livre , etleur avoir
assuré qu'il ne coûtait pas davantage dans leur pays. C'étair
Laur dire , faites comme nous , ayes ungroi et vous aures da
( 248 ))
béan pain et à bon marché. La perfidie est d'autant plus
grande que le pain vant quatre ou cinq sous en Angleterre
et qu'on en manque dans plusieurs parties de l'isle . Lusertions
au bulletin ...
Rouyer demande que les anciens officiers de marine destitués
arbitrairement jouissent de leur traitement . ou du moins?
de la moitié jusqu'à leur réintégration prochaine . Renvoyét
au comité de marine .
Lakanal , au nom du comité d'instruction publique , fait
décréter que pour assurer la prompté exécution des lois rela
tives à l'instruction publique , et notamment aux écoles priat
maires et centrales , il sera envoyé dans les départemens cinq
représentans. L'arrondissement de chacun d'eux sera détermine
par le comité d'instruction publique avec lequel ils auront une
correspondance suivie .
Dupuis presente des réflexions sur les moyens quis luis
semblent les plus sûrs pour améliorer la fortune publique. I
dit que les domaines nationaux sont la bâse réelle de nos fi
nances , mais que le crédit s'appuie moins sur des bâses
réelles sur
que des bâses d'opinion. La France est riche
en domaines et pauvre en credit . Pour rétablir le crédit , c'est
done l'opinion qu'il faut établir. Le crédit d'un état s'appuie
sur l'idée qu'il donne de sa bonne foi , de ses ressources , de
la sagesse de son sdministration et de la stabilité de son gous
vernement. Telles sont les quatre bases de la confiance.
Dupuis remonte ensuite aux causes du discrédit actuel.11 les»
voit dans les dilapidations de tout genre depuis te 31 mai, etdans
le systême actuel de l'impôt , qui fait que le propriétaire reçoit de
l'état pour vingt sous un billet de cent sous qu'il qui rend
pour toute sa valeur en payement de l'impôt. Il propose de
revoir toutes les lois qui ont compromis la bonne toi und
tionale en altérant ses engagemens avec ses créanciers , d'é•
purer les commissions et administrations , d'établir un tribunal
pour faire rendre compte aux agens de la nation , et de donner
à la constitution de 1793 les développemens dont elle a besoin
pour être mise en activité .
7) PLS.
Le discours et le projet de décrét seront imprimés et renvoyés
à l'examen des comités réunis .
Prieur de la Côte- d'or ) , ɛau nom du comité d'instruction
publique , fait adopter un projet de décret en 18 artièles sur
les poids et mésures, c
L'époque prescrite pour l'usage des nouveaux poids et me
sures est prorogée ; cependant les citoyens sont invités à " donmer
une preuve de leur attachement, à la République en ve
servant des as présent des nouvelles mesures . A l'égard du
décret quis rand obligatoire la division décimale du jour er
de ses parties , l'exécution en est suspendue indéfiniment .
compter de la publication du presont décret , tönte
( 149 )
fabrication des anciennes mesures est-interdite at tonte impor
tation de l'étranger.
•
Liste des députées qui le 12 germinal , ont demandé l'appek
nominal daus l'affaire de Barrere , Collot et Billaud , et dont la
Convention a ordonné l'impression et l'envoi aux départemens
et anx armées .
Je déclare sur mon honneur , que moi dénonciateur , je
demande l'appel nominal , la liberté des opinions étant violée.
Signé , LECOINtre.
Viennent ensuite les signatures suivantes .
Châles , P. P. Duhem , Meaulle , Léonard Bourdon
L. Maribon dit Montauty Michaud , Coupé ( de l'Oise ) ,
Armouville Soubrany , Levasseur ( de la Sarthe ) , Boyaval,
Dupuch , Boutroue , Peyffard Lecarpentier , Lesage-Senault,
Charles Deval , Ingrand , Crassous , Geoffe - Durocher
Ruamps , Levasseur ( de la Meurthe ) , Brunelle , Guimbertant ,
Lefiot , Cochet , Lapenre , Javoques , Prieur de la Marne ) ,
Baiba , Dubarran , Guyaveraon , Frécine , Guyardin, Prieur ,
Lanot , Cambon fils aine , Calon , Thirion , Maignet , Brisson
Bourbotte , Alsite , J. B. Edonart , Gelin , G. Romme ,
Escudier , Alard , Fayand , Guyton , Robert ' , { 1-) Voulland ;
Pons ( de Verdun ) entendent inviter les citoyens des tribunes
à seconder la Convention nationale .
Séance de nonidi , 19 Germinal.
Lesage d'ure et Loir ) , a nom du comité de salut pu»
blic , soumet à la discussion un projet de décret relatif an
remboursement des sommes avancées aux communes « pour
achats de grains , èt tendant â les charger de se pourvoir ellesmeines
des sommes dom elles auraient besoin pour cet objet.
D'après ce projet le conseil genéral de chaque commnue
déterminerait la quotité de la somme , et arrêterait la liste
des citoyens notoirement aisés qui devraient y'contribuer ,
Tarreté serait soumis à l'approbation du district et du département
, chaque citoyen deposera son contingent dans la
caisse dn district , et s'it refuse , il y sera contraint par la
saisie de ses biens . Les subsistances seront reparties entre
les citoyens au prix courant. :
Après quelques débats, ce projet est ajourné.
André Duinout -annonce que l'ou cherche encore
opérer un mouvement', et , que l'on se sert du prétexte que
les députés veulent quiuer Paris . Bourdon ( de l'Oise ) qui
avait obtenu un cougé pour aller voir sa mere à Compiegne
a eté arrêté à la porte Martin par le commandant du poste.
Ceux qui l'environnaient disaient qu'il emportait une grosse
somme d'argent. Dumont propose de prendre des mesures
énergiques et l'ajournement des demandes de congé. Décreté.
(1) Robert a déclaré que celle signature n'est pas la siennese
イ
K3
(( 150 )
Pelet présente des observations sur la simation intérieure
et extérieure de la République . Il s'occupe d'abord des motifs
de la coalition. Il lui paraît évident que la Prusse et la Russie n'y
sont entrées que pour s'assurer le partage de la Pologne, et que
l'Autriche ne s'est pas declarée en faveur de ce malheureux
pays , parce qu'elle a été engagée dans la guerre avec la France.
Dès que Kosciuszko fut battu , Varsóvie pris , et la Pologne
anéantie ; l'Autriche ne pouvait plus négocier avec la France ,
elle devait craindre des voisins devenus beaucoup plus puis
sans , elle devait traiter avec l'Angleterre et conserver l'espérance
de rentrer dans les Pays-Bas. Son systême actuel
est de se tenir sur la défensive au Rhin et de garantir ses
états d'Italie . Gagner du tems sur tout , c'est pour elle gagner
des batailles ; nous devons done lui ôter cette deruiere ressource
, en nous emparant de la Lombardie , nous empresser
de traiter avec la Hollande , et nous verrons alors la fin de
cette guerre sanglante, et nous jouirons du bienfait de la paix ,
le cri de tous les coeurs , le cri de la raison et de l'humanité.
L'orateur parle ensuite de la constitution de 1793 , de la
nécessité de la substituer incessamment au régime révolu
tionnaire ; il explique ce que l'on doit entendre par les lois
organiques de la constitution . Il en critique quelques articles
et entr'autres ceux- ci : La représentation nationale n'est basée
que sur la population ; les assemblées primaires s'assembleront
extraordinairement sur la demande d'un cinquieme de ceux
qui les composent ; le conseil exécutif sera formé de vingt-quatre
membres.:
Qu'on ne m'accuse pas , dit l'opinant , de vouloir censurer
l'acte constitutionnel ; je le repete , il a été accepté par le
peuple , mais je peux le discuter ; le peuple m'en a donné le
mandat.
Pelet déclare qu'il veut la constitution de 1793 , mais qu'il
Ja veut fortement organisée ; que le peuple a l'imprescriptible
puissance de reviser sa constitution . Les auteurs de cette
Constitution lui paraissent avoir eu le dessein de se perpétuer ;
il faut done examiner leur ouvrage , et l'organiser , car ils
n'avaient pas le privilège de l'infaillibilité . Pelet présente un
projet de décret qui porte en substance , que les assemblées
primaires se formeront le 1er , prairial prochain pour nommer
les candidats du conseil exécutif , les membres des corps administratifs
et judiciaires , et délibérer , 1º . si la Convention
sera renouvellée par quart ou par moitié ; 2º . si les quarante
quatre mille municipalités seront supprimées pour n'en conserver
qu'une par canton , et s'il n'y aura qu'une administra
tion et qu'un tribunal par département ; 30 , s'il sera assignė
ane hypotheque spéciale aux assignats .
Ce discours qui a prouvé le talent de Pelet , a été souvent
interrompu par de vifs applaudissemens. L'impression et le
( 151
senvoi à la commission des lois organiques en ont été dés
krétés.
Anguis , au nom du comité de sûreté générale , rend compte
de ce qui s'est passé à la barriere Martin , relativement à Bour
don de l'Oise ) . Il confirme ce qu'avait dit André Dumont.
Les auteurs de ce mouvement ont été égarés par le cocher de
la diligence et le commandant du poste qui sont les seuls at
rais coupables ; ils ont été arrêtés . 1
Roux , au nom des comités de sûreté générale et de salut
public , donne lecture de deux lettres , l'une écrite par le
général de l'armée de l'Ouest qui annonce qu'on a répandu
le bruit que la Convention a voulu sortir de Paris avec la
trésorerie , et que le peuple l'en a empêché ; l'autre du rési
dent de la République à Geneve , qui porte qu'il y a eu à
Paris un combat entre les patriotes et les terroristes , où huit
mille hommes ont péri , et que la Convention est presque dissoute
; c'est la nouvelle qui circule à Geneve . Roux observe
que ces détails coincident parfaitement avec les mouvemens
de Paris , et il ajoute qu'en parle d'un nouveau pour primidi
mais que l'énergie de la Convention saura le déjouer . Applaudi.
*
Séance de décadi , 20 Germinal.
Boursaut fait part à la Convention d'une lettre qu'il viena ,
de recevoir de Dunkerque , qui annonce qu'il est entré hier
dans ce port 14 gros bâtimens chargés de bled et de 480 mille
charges de riz , er que de la tour de cette ville on en signale
une grande quantité d'autres qui sont prêts à entrer ; mais les
alarmistes disaient qu'il fallait attendre des nouvelles de
Paris avant de rien laisser sortir du port . Boursaut en prend
occasion d'avertir les journalistes d'être fort circonspects sur
les nouvelles qu'ils impriment relativement à la situation de
Paris. Il dit qu'il faut toujours combiner la vérité avec les effets
qu'elle doit produire.
Plusieurs sections de Paris viennent féliciter la Convention
sur son énergie ; elles demandent le désarmement des terro
ristes.
&
Chasal , au nom du comité de salut públic , fait décréter la
nomination à divers grades supérieurs dans le corps du génie.
Tableau des communes on doivent centrales , instituées par la loi du 7 venêttôrseepdlaecréensilees écoles
Saint-Flour , Angoulême , Cassonne , Rice , Tournon ,
Bourg , Soissons , Moulins , Gap , Digne , Nice , Tournon ,
Mézières , Foix , Troyes , Carcassonne , Rodés , Aix , Caen,
, Bourges , Tulle Dijon ,
Dinan , Guiugan , Aubusson , Périgueux , Besançon , Montelimart
, Evreux , Chartres , Quimper , Nismes , Toulouse ,
Auch , Bordeaux , la Réole , Montpellier , Lodeve , Rennes
Châteaux-Roux , Tours , Grenoble , Dole , Saint - Sever , Blois
K 4
( 152)
1
le Puy , Nantes , Orléans , Cahors Agen , Mende Angers ,
Valogues , Avranches , Châlons - sur-Marne , Laval , Chaumont ,
Nancy Verdun , Chambery Porentruy , Vannes , Meiz
Nevers , Litfe , Cambrai , Maubeuge , Beauvais , Setz , Arias ,
Saint- Omer , Clermont , Tarbes , Pan ' , Perpignan , Golmar ,
Strasbourg , Lyon , Roanne , Vesoul , Chalous-sur- Saône ,
Antun , le Mans , Fontaineblean , Versailles, Rouen , Fécamp ,
Niort , Am eus , Alby , Toulon , Draguignan , Carpentras
Luçon , Poi iers , Limoges , Epinal et Auxerre .
Marec , au nom des comités de législation , de salut publie
et de sûreté générale , propose d'annuller le décret d'accusation
contre Julien de Toulouse , et de décider qu'il rentrera dans
le sein de la Convention , sauf à ces comites , après l'examen
des pieces , de déclarer , en couformité du décret du 8 brumaire
dernier , s'il y a lieu ou non à examen. Il observe que
toutes les formes et les regles les plus sacrées de la justice ont
été violces à son égard .
Plusieurs membres demandent l'ajournement de ce projet .
et s'appuient sur ce que Julien est inculpé de délits graves ,
et d'avoir falsifié un décret.
Rovere observe que c'est à Chabot à qui l'on a fait ce
reproche , et que tout le monde sait qu'il n'était pas fondé ,
parce qu'on a vérifié que ce n'etait qu'un projet auquel il
avait fait des ratures et des , additions au crayon .
Après quelques débats , la Convention décrete seulement
la mise en liberté provisoire de Julien , et renvoie l'examen
de sa conduite aux comités réunis .
Les petitionnaires sont entendus , et occupent l'Assemblée.
de lens intérêts a ticuliers.
Séance de primedi , 21 Germinal .
Rewbell , au nom du comité de salut public : Vous êtes
á la veille de recueillir les fruits de vos travaux . Les puissances
coalisées qui semblaient avoir juré la perte de la République
, se sont empressées de vous demander la paix , depuis
que vous avez prouve que la justice et l'humanité sont véritablement
à l'ordre du jour . Le comité de salut public ne fait
que suivre vos intentions en négociant des paix partielles ; il
offre aujourd'hui à votre ratification celle qu'il vient de conclure
avec le roi de Prusse . ( La salle retentit d'applaudissemens
. Nous n'avons pas oublié un instant que si les voeux ,
du peuple sont pour la paix , c'est pour une paix glorieuse
conforme à la dignité et aux intérêts de la République . Nous
avons cru qu'il importait de rétablir les relations commerciales.
entre la Prusse et la France , et même de les étendre ,
éloiguant du Nord de l'Allemagne le théâtre de la guerre.
Quant à ce qui regarde les limites , nous n'avons rien fait qui
puisse contrarier voire vou ; mais nous avons cru que la puis
сп
( 153 )
sance qui redevenait notre amie , devait jouir dans le corps
germanique d'une préj • dérance qui peut devenir utile à la
Repablique , et il faut observer que , depuis le commencement
de la campagne , les Prussieus n'out laissé échapper aucune
Decasion de nous donner des témoignages d'estime.
Nous avons été sceandés dans cette pacification par le zele
infatigable de notre ambassadeur en Suisse , le citoyen Barthé
lemy. Nous a'avons employé d'autres armes que la franchise et
loyauté. Applaudissemens . )
Cette paix n'est pas la seule qui soit l'objet des méditations
de votre comité. Mais nos plus acharnés ennemis , instruits
des voeux de plusieurs gouvernemens pour la paix , mettent
tout en oeuvre pour entraver les négociations , pour exciter
des mouvemens et faire naître l'anarchie dans notre intérieur.
2 2
Peuple , ne te laisse pas égarer par ces ennemis perfides ;
an seul moment d'impatience de la part , causerait les plus
grands malheurs . Sois calme et ferme ; compte sur le courage
de tes représentans . Ils assureront ton bonheur. ( Vifs applaus
dissemens.
Rewbell lit les pouvoirs donnés par le roi de Prusse à
M. le baron d'Hardenberg pour négocier la paix à Basle
avec le citoyen Barthélemy , ambassadeur de la République.
11 donne lecture ensuite des articles arrêtés par ces deux
ministres plénipotentiaires , et que le comité soumet à l'examen
et à la ratification de la Convention nationale. Voici les principaux
articles du traité :
Art . Ier, Il y aura . paix , amitié , bonne intelligence
entre la République Française et le roi de Prusse , considéré
comme tel , conime électeur de Brandebourg , et co - état de
l'empire germanique.
" II. En conséquence , l'une des deux puissances contrac
tantes ne pourra fournir aux puissances qui seraient en guerre
contre l'autre , aucun secours ni contingent en troupes , argent,
chevaux , vivres et munitions. L'une des puissances n'accor❤
dera point le passage de son territoire à des troupes enncmies
de l'autre .
III. Les troupes républicaines évacueront , dans les
quinze jours de la ratification , la partie des états prussiens
qu'elles occupent sur la rive droite du Rhiu ; elles conti
nueront d'occuper la partie de ces états , située sur la rive
gauche , jusqu'à ce qu'un arrangement définitif soit conclu
relativement au territoire de la rive gauche , lors de la paci
fication entre la République et l'Empire germanique.
,, IV. En attendant qu'il soit conclu entre les deux puis
sances un traité spécial de commerce , les communications
et relations commerciales entre la France et la Prusse seront
rétablies sur le même pied qu'avant la guerre actuelle . Les
( 454
deux paissances s'engagent à travailler de concert pour éloigner
le théâtre de la guerre du nord de l'Allemagne.
" V. On accordera respectivement la main -levée du sé
questre apposé sur les biens et créances des habitans des
deux états contractans . Tous les prisonniers faits respecti
vement , depuis le commencement de la guerre , quelque soit
leur nombre ou la différence de leurs grades , seront rendus
dans les trois mois , au plus tard , sanf à payer les dettes
particulieres qu'ils auraient contractées durant leur captivitė.
Les prisonniers malades seront rendus après leur guérison.
VI. La République Française accueillera les bons offices
du roi de Prusse en faveur des princes de l'Empire qui
desireraient traiter avec elle .
» VII. Le présent traité recévrá son effet après qu'il aura
été ratifié par les puissances contractantes , ce qui aura lieu
dans un mois au plus tard.
Les articles de ce traité excitent des applaudissemens qui
se prolongent long - tems . La discussion est ajournée à quinidi
prochain. '
Chénier , au nom des trois comités réunis de salut publie,
sûreté générale et législation , occupe l'Assemblée des malveillans
dont les manoeuvres perfides ne se ralentissent point ;
pour les déjouer it présente un projet de décret portant que
le comité de sûreté générale prendra les mesures nécessaires
pour faire désarmer tous ceux qui sont conmus pour avoir
participé aux horreurs commises sous la tyrannie qui a pré
cédé le 9 thermidor , et que les représentans en mission dans
les départemens , et à leur défaut les directoires de district ,
y procéderont également à ce désarmement. Ce projet est
adopté.
Roux rend compte du succès étonnant des moyens employés
par le gouvernement pour les approvisionnemens de Paris .
Des achats faits chez l'étranger sont arrivés en six semaines
dans nos ports , mais il faut des mesures séveres contre ceux
qui arrêtent les subsistances autour de Paris. Quidze voitures
Font été à Vernon sous les yeux des autorités constituées
qui ont toléré la distribution des farines . Le comité de salut
public vient d'arrêter le départ de la gendarmerie et des
citoyens de Paris organisés en compagnie pour protéger les
arrivages . L'Assemblée confirme l'arrêté du comité de salut
public.
Beaucoup de sections de Paris sont venues féliciter la Convention
sur son énergie et sa conduite dans la journée du
12 germinal.
( 155 )
PARIS. Quartidi 24 Germinal , l'an 3º. de la République.
L'esprit public se fortifie de jour en jour , malgré les
tentatives que font les agitateurs pour le faire chanceler et
exciter des mouvemens dont la pénurie des subsistances
est toujours le premier prétexte . On avait annoncé pour
primidi dernier un nouveau coup de ces messieurs . C'est
ordinairement le jour du déc : di ou le lendemain que
l'on choisit pour ces sortes d'expéditions . Une surveil
lance active et de fortes patrouilles ont maintenu la
tranquillité publique , et déconcerté ces nouveaux projets
que l'on s'est vu forcé d'ajourner , comme à l'ordinaire
. L'ajournement ne devait pas être long ; on parlait
seulement de trois jours . Des personnes officieuses
prenaient soin d'indiquer à l'avance que Paris manquerait
tel jour de pain ; quelle que soit l'intention béné
vole de cette prévoyance , la prédiction ne s'est point
réalisée , et les calculs , fondés sur la famine , ont encore
trompé les espérances de ces désastreux prophêtes.
La disette cst grande ; mais on la supporte avec cous
rage , parce qu'on sait que les départemens souffrent
depuis plus long - tems que nous , et nous donnent
Fexemple du patriotisme mis à l'épreuve du besoin . Les
Américains se sont trouvés dans des circonstances plus
difficiles , et ils ont su en triompher.
Cependant l'embarras ne peut être que momentané.
De nombreux bâtimens , chargés de grains , arrivent dans
nos ports ; d'autres sont attendus ; les détachemens
chargés de protéger les arrivages , sont partis pour leur
différente destination . La fraternité n'aura pas à éprou
ver d'obstacles . Nos freres des départemens , qui ont
plus de ressources pour se procurer des subsistances ,
n'oublieront pas que Paris , cette cité si populeuse , ne
peut rien tirer de son propre sein , et que , dans ces
dernieres époques , elle a assez bien mérité de la République
pour espérer quelques sacrifices de la part des
communes environnantes . Tout doit être commun et
solidaire entre les Républicains , la peine comme le
plaisir.
Jamais la position de la France n'a dû être moins
inquietante qu'aujourd'hui. La paix déja conclue avec
le roi de Prusse , et qui sera probablement le signal
( 156 )
d'une paix générale , va fouvrir les relations extérieures ,
favoriser les approvisionnemens et diminuer le nombre
des consommations . Un gouvernement ferme est à la
veille d'être organisé , la Convention forte de sa justice
er le son ensemble va s'occuper sans relâche des moyens
de fire rentrer le numéraire en circulation , de retraire
les assignats et de rehausser le crédit public. Le désarmement
des citoyens qui seront reconnus par
leurs sections
avoir participé à la tyrannie exercée depuis le
31 mai , assure la tranquillité intérieure , et porte le
dernier coup au régime affreux de la terreur. Tout
concourt à présager un avenir plus heureux .
tanecdote suivante est un nouveau trait qui sert à faire
counaître l'esprit , le caractere et le plan de nos derniers
tyraus,
Ces jours derniers Fouquier-Thinville' , en se retirant du
tribunal , dit à Villate , un des co accusés : Si j'avais été plus
Fong- tems accusateur public , beaucoup de têtes queje vois ici seraient
tombées.
Le même jour où la révolte organisée par les anarchistes
éclatait à Paris , à Rouen , à Amiens et dans plusieurs autres
villes de la République , on connaissait à Londres , à Geneve
cette trame infernale. Pitt l'avait annoncée au parlement plusieurs
jours auparavant. Dans le même tems , ses émissaires
ont provoqué un soulevement en Hollande . La faction Orange
s'est livrée à plusieurs excès . Les principaux chefs de cette
révolte ont été arrêtés .
mande de Rennes , sous la date du 11 germinal , que
les Chonans se rendent depuis deux jours , avec leurs chefs
à la reunion convenue . On attend un résultat heureux de ces
couférences.
7
On s'entretient ici avec autant d'intérêt que de curiosité
de l'arrivée du brick anglais armé en parlementaire , et qui
est entre le 8 de ce mois , à six heures du soir , à Roskoff. IL
eu est débarqué deux personnages de distinction avec deux
superbes voitures et un équipage aussi nombreux que brillant ;
tout a pris de suite la route de Paris . Il paraît que ces deux
personnages étaleut attendes . On croit ici que leur mission'
a au moins pour objet l'échange des prisonniers , et on ne
serait pas surpris qu'ils fussent chargés d'une autre mission
encore plus importante..
Le comité de salut public , en présentant à la Convention
nationale le traité de paix conclu le 16 de ce mois entre le
pinistre plénipotentiaire de la République et celui du roi de
( 157 )
Prusse , a annoncé que ses negociations pour le pain n'avaient
commencé avec succès qu'à l'époque où les puissances étran
gerés avaient vu la justice reprendic sur la France l'empire que
Ja erreur y avait exercé précédemment.
Cette assertion nous paraît justifiec par l'article suivant des
instructions , données par le roi de Prusse au comte de Goltz ,
communique à l'ambassadeur de la Republique , Barthelemy
le 5 pluviose dernier,
Extrait de l'artille 11 des instructions de M. Goliz..
3
Il n'aura pas de peine à dissiper l'injuste soupçon dont
le sieur Oche a fit mention vis vis du major de Meyercul ,
comme si l'on ne manifestait des dispositionspacifiques que dans
la vue de faire échoner les négociations et de rejetter ensuite sur
le gouvernerent français , l'odieux de la poursuite de la gueras
La loyauté généralement reconuue du caractere de sa majeste
suffrait scule pourdamoutier le peu de fondement d'une idéc
reille . Le comte de Golz , en s'appliquant à l'écarter , trouvera
Poccasion d'entretenir et d'affermir les sentimens que la façon de
penser du son amour pour ses peuples , son desir de faire
Teur bonheur , out de tout tems inspiré pour lui à la nation fran
çaise , et dont elle a même quelquefois doané des marques
pendant le cours de cette guerre . Il saura leur faire sentir
qu'un prince doué d'une ame de cette trempe , n'avait pa
qu'être évolte des horreurs qui , sur-tout sous le régime
affieux de Robespierre , ont marqué l'époque de la révolu
uon française que loin d'en vouloir à la nation meme
loin d'avoir prétendu la subjuguer ou décider de ses mesures
le roi n'avait désiré que lui voir retrouver le bonheur qu'elle
avait perdu dans des convulsions intestines , dout le triste
spectacle l'avait toujours pr fondement afflige ; que sa majest
charmée du changement décisif qui paraissait être venu dans
sés principes et dans la marche de son gouvernement depuis la chite
du parti jacobin , en tatt le plus heureux augure pour le
rétablissement de sa tranquilite ; qu'elle desirait sincerement
le retour de la paix , et qu'ambitionuant même , si les circonsfances
s'y prêtaient , le beau role de pacificateur d'une grande
partie de l'Europe , auquel elle se croyait appellée par les
sentimens d'équité et de justice impartiale qu'cile trouvait
au fons de son creur ; cette vue salutaire devait seule eie
garante de la réalité de ses dispositions pacifiqu
2
1
ques . 99
Un moi sur le lieu des conferences qui out amené le traite
de paix.
´´'On s'est demandé plusieus fois , pendant le cours des o
gociations , pourquei les conferences ue se tenaient pas à Pari
La réponse à cette question se trouve dans le passage de la
fettre de Barillelemy , au comité de salut public , du 5 pluviose
:
Un de mes premiers soins avait été de faire entendre
i
( 158 )
A M. de Goltz que nos négociations auraient nécessairement
une marche plus rapide et plus efficace , si le siége en était trans
porté à Paris , puisqu'alors chaque article pourrait , en quelque
maniere , se traiter sous vos yeux , ce qui abregerait infiniment
les discussions inséparables d'une affaire aussi épineuse.
Ce ministre plénipotentiaire m'a répondu que , quelque vif
que fût son empressement de retourner à Paris , il me ferait
cependant quelques observations , qu'il me priait de vous soumettre
, dans l'espérance qu'elles vous frapperaient de même
qu'elles avaient fait une grande impression sur le roi de Prusse
et sur son ministere .
La premiere porte sur l'impossibilité de s'isoler à Paris ,
et de s'y prémunir contre l'influence des insinuations et des
intrigues inévitables dans une ville où l'esprit de parti regne
encore .
2º . On ne peut se dissimuler qu'il existe jusqu'à Paris
une queue du comité autrichien qui , quoiqu'elle se soit repliée
sur elle -même , s'agiterait nécessairement dans tous les sens
pour entraver la négociation et la faire échouer.... "
Voilà , ce semble , la elé des agitations qui , depuis quelques
tourmentent Paris . tems
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Suite duprocès de Fouquier-Tinville et des co- accusés dans cette affaire.
Suite des délits imputés aux ex -juges et aux ex- substituts .
14° . Que pareil jugement , du 3 prairial , signé Deliege
Sellier et Maire , annonçant quatorze accusés contient
une irrégularité de plus , attendu qu'il n'existe dans la pro
cédure , ni dans le jugement aucune espeee de déclaration
du jury , sur les questions posées et signées par Sellier ,
accompagné d'un certain espace destiné a inserire la décla
Tation du jury , au bas duquel se trouve la signature isolée
de Coffinhal ;
15. Qu'à la suite d'un acte d'accusation , fait par Fouquier
et non ordonnancée , plusieurs accusés de Port -Malo ont été
écroués et condamnés par jugement du 2 messidor , conte
nant des renvois , et surcharges , non approuvés ; que
Bravet et Foucault ont assisté à ce jugement , et signé ; que les
questions posées présentent les mêmes vices que le jugement ;
16°. Qu'il fut dressé un acte d'accusation par Fouquier , le
8 thermidor , contre 28 accusés , dont les trois derniers sont
portés en marge ; l'on remarque dans eet acte le mot absent
côté de six noms ce qui reduisait le total des présens à 22
tandis que les questions posées en présentent 28 , tous déclarés
9
( 150 )
convaincus , à l'exception d'un seul ; que le jugement dans
lequel on remarque des absens , ratures , ne prononce que sur
le sort des 29 accusés , dont un acquitté , de maniere qu'il n'y
i eu ancune espece de jugement sur les six accusés , quoique;
déclarés convaincus par les jurés. Comment donc les jurés,
ont-ils pu déclarer convaincns 27 accusés et én acquitter un
autre , tandis qu'on n'en avait présenté que 22 à l'audience ?
17°. Que dans la procédure iustruite contre les ci - devans:
fermiers généraux , il n'existe aucune déclaration du jury
quoique plusieurs aient été condamnés ; que le jugement de
condamnation du 9 floréal , signé notamment par Foucault
contient trois lignes raturées non approuvées ; Liendon , substi- ,
tut , tenait l'audience,
Délits imputés aux jurés.
L'accusateur public demandera aux jurés accusés , s'ils ont
rempli les devoirs que leur imposaient leurs sermens .
10. Quand ils coupaient la parole aux accusés et à leurs
défenseurs qui n'avaient encore pu rien dire pour leur dée ,
fense , sous prétexte qu'ils étaient assez instruits , quoique
le simulacre des débats n'eût dure souvent qu'une heure et
demie , malgré qu'il y eût soixante accusés , et quelquefois
plus.
2°. Quand , rentrés dans la chambre de leur délibération
ils y reçoivent Fouquier et d'autres , prévenus d'avoir dirigé
et influencé leurs opinions , ou quand ils en sortaient pour
faire la conversation avec des personnes étrangeres.
30. Quand ils rentraient dans la salle des audiences , cinq
ou six minutes après en être sortis , pour y émettre leurs opi
Diens sur une masse d'accusés , souvent si considérable que lo
tems de l'audience n'avait pas suffi pour les interroger suv
leurs noms , prénoms , âges , professions et demeures.
40. Quand ils donnaient une seule déclaration sur tous
les accusés en masse , sans distinguer le fait d'avec les prévenas
.
5. Quand ils déclaraient convaincus le pere pour le fils
et le fils pour le pere , quoiqu'il fût impossible de se mé
prendre sur la difference des personnes , attendu la grande
différence des âges ;
69. Quand ils déclaraient convaincus plus d'accusés qu'il n'y
en avait à l'audience , et même dans les actes d'accusation
3
7°. Quand il prononçait sur des actes d'accusation , tantôt
remplis de ratures , interlignes et non intercalés , tantôt ne :
contenant que le préambule d'usage dont le narré etait en
blane ; tantôt sans être ordonnance , et souvent sans qu'on
leur ait réuni aucunes pieces et sans avoir entendu aucun
témoin ;
8°. Quand il disaient que quand il n'y avais point de délits ,
fallait en imagines 3.
My
( 100 )
i
* go. Quand ils disaient qu'ils n'avaient besoin , pour les con
vaincre , que de voir les accusés j
10. Quand , dans des orgies qu'ils faisaient avec Fouquier ,
'ils calculaient , avec une joie feroce , le nombre de victimes
qui devait passer chaque decade.
4119 Quand ils dénonçaient , arrêtaient , ou faisaient arrêter,
traduire au tribunal révolutionnaire , ceux dont ils étaient
les ennemis , pour s'en rendre ensuite les juges , malgre les
recusa ons que les accusés pouvaient leur adresser .
120. Quand ils disaient que pour donner leurs declarations ,
ils n'avaicht besoin que de voir la lettre qui était à coté du
from 2
13°. Quand ils se vantaient de n'avoir jamais voté que la
mort , en s'exasperant contre ceux des jurés qui ne les imitaient
pas
ཙྪི་ ཟླའི ? ༩་ " »
14. Quand ils disaient en allant à l'audience , qu'ils aliaient"
faire feu de file ; qu'il fallait que toute la fiuance , les prêtres
et les nobles y passent ;
*** E
15. Quand , désespérés de voir la fermeté des condamnés
qu'on conduisait au supplice , ils disaient que s'ils étaient accusateur
public , ils feraient préalablement faire une saignée aux
condamnés pour qu'ils ne montrassent pas tant de fermeté ;
, 16. Quand enfin le résultat de leurs opérations a envoyé
tant de personnes à la mort , que le nombre n'est pa pas connu
mais daquel on pourta juger quand on verra environ 1300
condamnés dans moins de cinq décades , par 85 jugemess ,
dout la plupart n'en out que le nom , qu'ils ne méritent même pasa .
17. Quand , sans savoir ui lire , ni écrire , ils ont accepté
les places importantes de jurés , dont quelques - uns d'entre
enx ont rempli les fonctions dans un état habituel d'ivresse ;
*189.71Quands, enfin , ils entretenaient des liaisons , des
correspondances avec les conspirateurs tombés sous le glaive
de la loi , qui les avaient fait nommer aux places de jurés .
L'accusateur public doitalajastice eta la vérité, d'annoncer que,
dans les reproches qu'il vient d'établir , quelques- uns paraissent
communs à tous les accusés , tandis que les autres ne sont
applicables qu'à une partie , et quelquefois même à un seul
d'entre eux ; mais qu'il a été force de présenter ces reproches
eu masse par l'impossibilité de pouvoir faire à chacun d'entre
eux l'application qui lui convenait , parce que d'un côté
les procès - verbaux d'audience ne nomment pas souvent les
jurés qui ont vaqué , et que presqu'aucun ne les nomine
toas ; parce que , d'un autre côté , il existe des témoins qui
ont connaissance de plusieurs faits très-gves , mais qui ne
se rappellent pas du nom des jares , et ne pourront les désigner
clairement qu'en les voyant à l'audience .
(Ĺa suite au numéro prochain . Į
( N°. 42. )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 30 GERMINAL , l'an troisieme de la République,
( Dimanche 19 Avril 1795 , vieux style . )
SCIENCE S. MÉDECINE.
DE LA MÉDECINE OPÉRATOIRE OU Traité élémentaire des opérations
de la chirurgie . Deux volumes in- 8 ° . de 1000 pages
avec 7 planches gravées en taille douce ; par PIERRE LASSUS,
professeur public de l'école de santé de Paris. Prix , 17 liv .
broché ; et 21 liv . 15 sous , franc de port , par la poste ,
pour les départemens et les pays conquis . A Paris , chez
BUISSON , libraire , rue Hautefeuille , nº. 20.
Le but de l'auteur est de présenter aux jeunes praticiens
la substance d'un grand nombre de livres , souvent
très-volumineux , obscurs , pénibles à lire , dont la
plupart sont écrits en langues étrangeres , et de leur
donner ce résultat de son travail comme le terme de
nos connaissances actuelles en chirurgie . Ce projet est
sage et conforme à la situation présente des sciences ,
qui offre une disproportion énorme entre la quantité
des écrits qui en traitent , et le nombre des vérités bien
constatées qu'ils contiennent. Le citoyen Lassus l'a déja
exécuté avec succès par rapport à l'anatomie , dans un
discours historique et critique , qui renferme beaucoup de
choses en peu de paroles . Il faut beaucoup de précision
dans les idées , et un discernement sûr pour écrire
ainsi sur les sciences , et c'est ce qu'on trouvera dans
l'ouvrage que nous annonçons . Un recensement exact
de nos véritables connaissances dans tous les genres ,
dégagé du fastidieuxverbiage dans lequel elles sont noyées,
serait ce qu'il y aurait de plus utile pour leur progrès.
On pourrait , par ce moyen, employer à découvrir , ce
qu'on ignore , le tems et les forces qu'on use péniblement
à connaître ce qu'on a su.
L'auteur expose le motif qui l'a déterminé à donner
à son ouvrage le titre de médecine opératoire . C'est , dit-il ,
pour faire sentir que l'arbre de la science ne donne ni fleurs ,
Tome XV. L
#
*
( 162 )
ni fruits , lorsqu'on en arrache les branches . La dénomination
de médecine convient certainement à l'art qui guérit par
Topération de la main , comme à celui qui guérit sans
employer de moyens méchaniques . Ce dernier est à
l'autre comme le genre est à l'espece . Il y a des notions
qui leur sont communes , il Y en a qui sont plus
indispensablement nécessaires à l'un qu'à l'autre . Qui
peut douter , par exemple , que l'anatomic approfondie
ne soit la base de l'art du chirurgien , puisqu'il agit
immédiatement sur les parties du corps humain avec
des instrumens qui peuvent devenir dangereux par
l'ignorance de ces mêmes parties ? La connaissance des
forces qui animent nos organes , celle de leurs déterminations
naturelles selon l'âge , le sexe , le climat ,
les moeurs , les habitudes , la constitution individuelle ,
est une science plus propre au médecin . C'est par là
qu'Hippocrate a brillé plus que par les connaissances
anatomiques , que les moeurs , la religion et les lois de
son pays lui interdisaient . Ceux que leut enthousiasme
porte à croire qu'un homme de génie ne peut rien
ignorer , étendent l'infaillibilité d'Hippocrate sur l'anatomie
comme sur tout le reste . Ils ressemblent à ceux
qui trouvent tout dans la bible ou dans les ouvrages
d'Homere . La vérité est cependant qu'avec un peu moins
de prévention ils trouveraient des erreurs d'anatomie
dans les écrits d'Hippocrate.
L'auteur de cet ouvrage a - t- il prétendu que la médecine
, proprement dite , est inséparable de la chirurgie,
et qu'on ne saurait cultiver l'une sans l'autre avec quelque
fruit ? Nous croyons qu'au contraire par cela même
qu'elles vont
à leur but
par des
moyens
différens
, il
serait
plus
utile
à l'avancement
de toutes
les deux
d'être
considérées
séparément
.
L'attention , quand elle est concentrée dans un seul
objet , parvient à des résultats bien plus sûrs , que lorsqu'elle
entreprend d'en embrasser un grand nombre
-la-fois. S'il fallait , en étudiant la médecine , approfondir
la physique , la chymie , l'histoire naturelle , etc. ,
parce qu'elles ont des rapports plus ou moins intimes
avec celle-là , la capacité humaine ne pourrait point y
suffire . Dans l'enfance de la médecine , bornée à un
petit nombre de notions grossieres et incertaines sur
chacune de ses parties constituantes , elle pouvait sans
peine mener celles - ci de front. Mais lorsque les conmaissances
se sont multipliées , elle a été nécessitée à
( 165 )
9
ཝཱ
une division qui devait accélérer ses progrès. La gloire
est une et elle consiste plus à exceller dans un seul
genre , qu'à être médiocre dans plusieurs. Il ne faut
donc point qu'une vanité mal entendue cherche à réunir
ce que la nature des choses tend à séparer. Le bon sens
semble avoir conduit la chirurgie elle-même à se diviser
, et nous croyons que ce n'est point sans de grands
avantages pour l'art et pour l'humanité , que plusieurs
chirurgiens se sont livrés spécialement à l'étude et à la
pratique de certaines parties de l'art chirurgical . Celur
qui fait tous les jours l'opération de la taille ou de la
cataracte , doit nécessairement acquérir sur ces objets
une supériorité , que ne doit point atteindre un chirur
gien qui pratique indistinctement toutes les opérations ,
et qui , par conséquent , n'a que rarement l'occasion
de s'exercer sur chacune d'elles en particulier. La dextérité
et la promptitude de nos mouvemens ne s'acquierent
qu'en faisant souvent ce qu'on a fait une fois .
Un objet sans cesse offert à la réflexion finit par donner
des vues dont ne se doute point celui qui ne le voit
qu en passant. Cette division , dont la chirurgie se
trouve susceptible , ne serait pas praticable pour la médecine.
Elle fut cependant établie chez les Egyptiens
qui avaient des médecins pour chaque partie du corps .
Quoique Platon ait dit que tous les Egyptiens étaient
médecins , parce qu'en effet leurs législateurs les avaient
assujettis à beaucoup de pratiques diététiques , il y a
lieu de croire que la médecine n'était pas plus avancée
que les autres sciences , chez ce peuple , qui , à l'avan
tage d'être instruit le premier , a joint le malheur de
l'être plus mal que les autres . La médecine , considérant
moins la forme et la structure mécanique des organes
que la nature des forces qui les font agir , forces qui ont
leur source commune dans la racine du systême nerveux ,
il s'ensuit que , sous quelques développemens que s'offrent
nos mouvemens vitaux , l'unité de leur principe
ne permet point d envisager ces développemens comme
des affections isolées ; de sorte que des médecins ne
pourraient point borner leur attention à certaines ar
ties ou maladies exclusives , sans un grand désavantage
pour la science et pour les malades.
La chirurgie est aussi astreinte , mais dans une étendue
plus limitée que la médecine , à la considération des
puissances vitales . Gette force plastique , qui préside à
la cicatrisation des plaies , qui s'offre avec différens de-
I :
( 154 )
grés d'énergie , selon les diverses circonstances de l'âge ,
du tempérament , des lieux , du genre de vie , est aussi ,
pour le chirurgien , un sujet de réflexions aussi importantes
que délicates . Le citoyen Lassus paraît en avoir
senti toute l'étendue , en exposant les questions que doit
se faire un chirurgien , qui se dispose à faire une opération.
Telles sont , entr'autres , lessuivantes : Quel est le
malade ? Est-ce un vieillard , ou un enfant ; est- ce une
" personne faible ou robuste ; d'un bon ou d'un mauvais
tempérament ? Quelle est la maladie ? quel est
1 son caractere , son siége ; est - elle ancienne ou récente,
simple ou compliquée d'accidens? ... Pourquoi fait- on
l'opération ? est- elle d'une nécessité indispensable?
" n'expose-t-on point le malade au danger de perdre
" vie ? ne serait- il pas plus avantageux pour lui de vivre
1 avec sa maladie , que de courir les risques d'une opé
la
ration incertaine ? Ces dernieres questions sont sur
tout intéressantes . Quoi de plus important et de plus
nécessaire que ce calcul de probabilités , où l'on balance
la destinée d'un homme ? Mais le plus souvent ,
ou l'on s'embarrasse peu de le faire , ou la raison , qui
seule devrait l'ordonner , y est consultée la derniere ;
l'impatience ou la pusillanimité du malade , d'une part ;
la légereté ou la confiance présomptueuse de l'opérateur,
d'une autre , en troublent ordinairement le résultat ,
La nature de ce journal ne nous permet point d'entrer
dans le détail des matieres qui sont traitées dans cet ou
vrage . Nous nous bornons à dire que tout y est exposé
avec beaucoup de méthode et de clarté , et qu'il nous
paraît un des plus convenables à la classe des lecteur
auxquels son auteur l'a destiné .
'AI
VARIÉTÉ .
LETTRE AU REDACTEUR.
J'ai lu avec plaisir, citoyen , dans le 3ge . n° . du Mereure,
votre excellent article sur l'abus du mot Peuple , et j'ai
regretté qu'on n'ait pas accueilli la proposition faite il
y a quelques jours dans le corps constituant , de déclarer
attentatoire à la souveraineté nationale cette qualification
, lorsque des communes , districts ou autres
fractions du peuple se l'attribueraient dans leurs péti(
65 )
tions. Je crois qu'il faudrait même défendre par une
loi précise de s'en servit dans aucune assemblée politique
; car , comme vous l'observez très -bien , c'est de la
fausse acception de ce nom que viennent presque tous
les malheurs de la révolution.
Je me suis rappellé à ce sujet un principe très -remar.
quable que j'entendis , dans les premiers tems de la
République , avancer et soutenir par un jacobin - mon•
tagnard - sansculotte , et que j'ai observé avoir été quel
quefois mis en pratique par ses dignes confreres' , qui
n'ont néanmoins jamais osé le proclamer à leur tribune
ou dans leurs écrits . Cet homme , quoiqu'il fût étranger
( piémontais ) , et seulement en France depuis un
année , et qu'il n'eût aucune teinture de l'art militaire ,
avait été fait lieutenant-colonel , au mois d'août 1791 ,
par Danton , Robespierre , etc. , qu'il avait connus aux
jacobins où il s'était faufilé depuis peu de mois . Son
seul mérite était un organe sonore , quelque facilité dans
la parole , et il en avait profité plusieurs fois à la tribune
de la société-mere.
Après un souper que lui donnerent , lors de la prise
de la Savoie , plusieurs de ses connaissances dans une
auberge d'un des fauxbourgs de Chambéri , où nous
étions logės , on lui observa qu'il ne pourrait se faire
ouvrir la porte de la ville , parce qu'on en remettait tous
les soirs les clés au général en chef. Cette sage précau
tion lui parut ridicule , et devoir être proscrite par le
peuple de la ville , pour lequel elle était à la vérité trèsgênante.
On lui observa qu'elle rentrait dans les droits
d'un général d'armée , nécessairement maître de prendie
toutes les mesures utiles à la sûreté de ses troupes.
Il répondit que les pouvoirs d'un général n'étaient
rien devant la volonté du peuple que s'il voulait convo
quer celui de Chambéri , il citerait devant lui le général
pour y rendre compte de sa conduite , l'approuver , le
blâmer ou le punir : que s'il refusait de comparaître on
pourrait le pendre sans qu'il y eût rien à dire , parce que
ce serait un acte de souveraineté .
Nous nous récriâmes sur ces étranges propositions.
Nous lui dîmes que le peuple était l'universalité des citoyens
français dont la volonté était exprimée par l'organe
de ses représentans réunis en assemblée nationale ,
et qu'il ne pouvait être dans une fraction de département
ou de ville , sur-tout n'étant pas légalement rage
Wemblé.
( 166 )
Vous n'êtes point à la hauteur des principes de l'insurrection
, nous répliqua- t-il , et cela n'est I
pas étonnant,
ils ne sont bien connus qu'à Paris . Tout homme qui
juge qu'il y a danger pour la chose publique , a le droit
de convoquer le peuple dans une église par le moyen
du tocsin ; chaque citoyen est le maître d'y venir ; tant
pis pour ceux qui ne s'y rendent pas ; mais les présens
n'en sont pas moins censés composer le peuple , et ont la fasulté
d'en exercer la souveraineté toute puissante .
Voilà bien , citoyen , les principes mis en pratique au
2 septembre , au 31 mai , etc. Des poignées de brigands
se rassemblaient avec ou sans tocsin , entraînaient quelques
hommes faibles , et dans leurs repaires combinaient,
arrêtaient leurs attentats ou leurs, massacres , comme formant
le corps entier du peuple , et exerçant sa souveraineté
. Nous n avons encore point de loi qui détermine
les caracteres de la véritable insurrection , de celle qu'il
est indispensable de réserver au souverain , pour le défendre
contre l'oppression de ses mandataires , mais que
lui seul doit avoir le droit d'employer , et non pas de
turbulentes et séditieuses fractions ; il est essentiel que
les politiques discutent cette matiere importante , dans
ce moment sur- tout où la commission des sept va s'occuper
des lois organiques qui puissent parer aux vices
que la constitution renferme , principalement dans cette
partie .
Avant de finir , je crois devoir revenir au jacobin en
question. Lors du prétendu fédéralisme on le fit venir
dans le département de l'Isere , pour y faire la guerre
(dans les tribunes) aux patriotes zélés et probes qui s'avisaient
de réclamer contre l'oppression qu'on faisait éprouver à la
Convention . Delà il marcha avec Albitte contre les Marseillais
, et il fit le rare exploit de prendre avec un escadron
de dragons cing de leurs officiers qu'ils avaient
envoyés pour parlementer . En récompense , il fut en
moins de deux mois promu aux grades de chef de brigade
, général de brigade , général de division et général en
chef de l'armée des Alpes , puis de celle des Pyrénées
orientales. ( Observez qu'il était simple médecin deux ans
auparavant . Heureusement sa nullité était si complette
que l'ancien comité de salut public fut obligė , malgré
son sans- culottisme , de le remplacer par Dugommier.
( 167 )
ANNONCES.
Appel à l'impartiale postérité ; par la citoyenne Roland , femme
du ministre de l'intérieur , ou recueil des écrits qu'elle a rédigés
pendant sa detention , aux prisons de l'Abbaye et de Sainte-
Pélagie ; imprimé au profit de sa fille unique. Premiere partie ;
prix , 5 liv . pour Paris , et 6 liv . pour les départemens. A Paris ,
ehez Louvet , libraire , maison Egalité , galerie neuve , derriere
le théâtre de la République , nº . 24.
Nous reviendrons sur cet ouvrage qui n'est pas moins intéressant
comine fragment historique , que per le sentiment que
l'on doit à l'innocence égorgée , et par la destination du prix
de l'édition .
Le Fédéraliste ou Collection de quelques écrits en faveur de
la constitution proposée aux Etats -Unis d'Amérique par la
Convention convoquée en 1787 ; publiés dans les Etats - Unis
d'Amerique , par MM. Hamilton , Madisson et Jay , citoyens de
l'état de New- Yorck Seconde édition , deux volumes in - 8° . de
900 pages , sur bean papier. Prix , 18 liv . broché ; et 22 liv . ,
frauc de port , par la poste pour les départemens . A Paris
chez Fr. Buisson , libraire , rue Hautefeuille , nº . 20 .
Point de terrorisme contre les assignats , on Triple union entre
la foi publique et les interêts des finances et du commerce.
( No Ier. ) Brochure in -8° . Frix , 30 sous pour Paris , et 35 sour
pour les départemens . A Paris , chez Buisson , libraire , rue
Hautefeuille n° . 20 ; et chez Petit , libraire , au palais Egalité ,
galerie de bois , no. 250.
Cours complet et suivi de Botanique , rédigé sous les formes
et dans les termes les plus clairs , d'après les diverses méthodes
et les principes adoptés par Tournefort , Linnie , J.J. Rousseau ,
Jussien , Lamarck , Durande , Villars et autres auteurs les plus
illustres , et. Par le cit. J *** naturaliste . Tome Ier . L'ouvrage
entier contiendra six gros volumes in 8*.
Les deuxieme , troisieme et quatrieme volumes seront en
forme de dictionnaire , et traiteront l'histoire naturelle de tous
les genres de plantes designés dans le premier.
Le cinquieme volume traitera de leurs qualités chyniques
relativement aux arts , aux teintures , et de leurs apikudes aux
diverses constructions.
Le sixieme et dernier volume traitera de leu vertus médicales
. On souscrit chez le cit. Reymann , braire à Lyon ,
rue Dominique , nº , 73 ..
-
Le prix de chaque volume sera de 18.pour les libraires,
L 4
( 168 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ALLEMAGNE.
De Francfort-sur-le -Mein , le 8 avril.
La grande nouvelle ici est la paix ; on est presque sûr
qu'elle est conclue entre la Prusse et la France : on ne
sait pas encore quel parti prendra l'Autriche , et si elle
continuera ou non la guerre avec ses seules forces et
celles de l'Angleterre , ou tout au plus de quelques
états du corps germanique ; mais on est généralement.
persuadé que l'empereur sentira la nécessité d'accéder
aussi au traité et de ne pas retarder plus long - tems la
pacification générale de l'Europe , dont il a pour sa part
autant ou plus de besoin qu'aucune des puissances
coalisées .
Sans avoir encore la certitude de la conclusion de
la paix , puisqu'il faut qu'elle soit ratifiée par la Convention
nationale , on en a les plus fortes probabilités et
des indices nombreux.
9
Des lettres de Berlin du 24 mars s'expriment ainsi : Le roi
a quitté Berlin hier et est maintenant à Postdam . Il y a
apparence que S. M. y restera jusqu'à ce qu'il y ait quelque
chose de décidé , soit pour la paix , soit pour l'ouverture
formelle d'une nouvelle campagne . L'attente de la premiere a
pour elle des vraisemblances qui l'emportent de beaucoup sur
celles de l'autre .
On avait d'abord era le contraire, sur ce que M. de Calonne
allant de Russie en Angleterre , et passant par Berlin , avait
été présenté au roi et à la famille royale dont il avait reçu un
assez bon accueil ; mais à cette époque , les négociations
n'étaient pas encore avancées , et d'ailleurs ces sortes de visites
ne significat rien quand l'homme qui les rend n'est point
mandé , et qu'elles n'ont pas le caractère d'une conférence.
Les lettres de Vienne confirment les mêmes pronostics : après
avoir parlé de guerre , elles en reviennent à la paix .
L'ouverture de campagne , disent- elles , s'approche de plus
en plus , et aurait put-être déja lieu si le tems ne s'y fût opposé
. Tous les prépatifs sont faits , on peu s'en faut , of
( 169 )
celles de nos troupes qui ont eu quelque repos brûlent d'end
vie de se signaler de nouveau.
Cependant il y a beaucoup de géns qui paraissent croire
une paix beaucoup plus prochaine que les grandes appa
rences ne l'annoncent : ils regardent comme un acheminement
la pacification générale le traité de neutralité du grand- due
de Toscane , la facilité qu'il a trouvée à le conclure , et la
bonne occasion que le comte Carletti a eue de faire et de
recevoir de salutaires insinuations relativement au plan plus
étendu , plus durable et plus digne , dont les conférences diplomatiques
de Bâle se sont déja occupées . Le citoyen indus
trieux et commerçant fait des voeux pour cet objet , dont l'hu
manité a besoin ; le gouvernement n'en fait pas moins ; mais
si pour l'atteindre plus sûrement et l'asseoir sur des bâses plus
solides il faut encore des sacrifices et des efforts , on verra
que le monarque et les sujets sont d'accord et très - résolus de
les faire .
Dans d'autres lettres de Celle , datées du 18 mars , on parle
assez mal des émigrés , qu'il paraît qu'on rénoncera bientôt à
employer. Au reste , voici ce qu'on en dit :
Plusieurs corps d'émigrés sont arrivés ici et aux environs ,
pour prendre leur quartiers d'hiver. Ce sont les régimens
de Yorck , de 300 hommes; de Salm -Kyrbourg , de 200 ; de
Rohan , de 300 ; de Bauer , de 200 , de Hompesch , de 100 ;
de Beon , de 200 ; de Witgenstein , de 600 ; de Damas
de 200; en tout 2100 hommes , ce qui fait le reste de 15,000
homines. Le corps de Damas était ci- devant la garde noble .
Les officiers de l'état- major sont le colonel Nesbith et le
capitaine Gordon , Anglais ; le colonel Sombreuil et le lieutenant-
colonel de Frais , Français . Mille hommes de ces troupes
devaient être mis à Lunebourg ; mais la ville les a nettement
refusés , tout comme les états de Brême . On a donc été obligé
de loger ces 1000 hommes dans nos fauxbourgs , parce que
les paysans portaient des plaintes sur leur conduite ; il est
vrai qu'ils ont pillé par-tout , et même égorgé un marchand
de chevaux sur le grand chemin. Il n'y a que le régiment
de Damas qu'on lone pour sa belle discipline .
Voici qui vient encore à l'appui des espérances d'une paci
fication prochaine. Le second paragraphe en fait sentir d'ailleurs
l'indispensable nécessité , puisqu'il ne s'agit de rien
moins à présent , pour presque toutes les puissances belligérantes
, que d'aviser à des moyens prompts et sûrs de
des subsistances à leur pays.
procurer
Le 11 de ce mois , l'adjudant- général de Mollendorf passa
par Lingen , se rendant en Ost-Frise. Il partit dans ce dernier
pays par l'ordre exprès du roi de Prusse de ne point percer
les digues de la mer comme les Anglais se proposaient de
le faire. On se flatte aussi que par le moyen de cet office , Is
) 170 )
communication des postes , interceptée jusqu'ici par lès Anglais,
Berz rétablie entre l'Ost-Frise et Lingen.
Dans le pays de Berg , la cherté des vivres est extrême . A
Elberfeld , cette position est devenue d'autant plus sensible ,
que la garaison palatine ne recevant plus de pain , c'est aux
bourgeois à la noar it. Les bourgeois paraissent en outre trèsmécoutens
de plusieurs innovations entreprises par la régence
de Dusseldorf. Ils viennent d'envoyer une députation
Munich.
Il paraîtrait d'après les avis suivans , dont la date est trèsrécente
, puisqu'elle ne remonte pas plus haut que le 27 mars
que les Prussiens , depuis l'acheminement à la paix entre eux
et la France , ne mettent plus le même intérêt à défendre
Mayence.
Le quartier-général de l'armée française de Sambre et Mense ,
qui était à Crevelr , est depuis le 26 à Cologne. L'aile droite
de cette armée s'est portée en avant et a repris sa position à la
droite de la Moselle , près de la rive gauche du Rhin , pour
remplacer les troupes qui ont quitté ces quartiers et marché
vers Mayence . Il paraît maintenant que l'attaque de cette place
va se reprendre sérieusement .
Des récits de combats sont assez superflus quand il est question
d'une paix prochaine , et qui existe peut- être déja . Cependant
on lira avec plaisir la note ci -jointe , précieuse en ce que les
ennemis de la République Française , tout en s'attribuant l'avantage
ou dissimulant leurs pertes , rendent néanmoins justice
aux qualités morales des défenseurs de la liberté .
Le général- major de Scheher a fait un mouvement en avant
avec le corps qui est sous ses ordres , et ce mouvement est
canse que les Français ont évacué le comté de Bentheim . On
doit dire à leur louange que tant qu'ils ont été à Bentheim
ils s'y sout fort bien comportés ,
Dans l'action du 13 , l'avantage des Français a été dû à
leurs forces qui étaient triples de celles des allies ; mais ils
ont incomparablement perdu beaucoup plus de monde que
ces derniers. D'an escadron de dragons hanovriens , pas un
homme ne revint sans avoir son sabre teint de sang ; et ces
braves gens n'ont perda que 16 de leurs camarades . Ils so
sent batus comme des lions , et les officiers se sont si , bien,
montrés , qu'il n'en est pas un qui n'ait été blessé . Les Français
eux- mêmes ont été forcés de faire l'éloge de la bravoure
extraordinaire du lieutenant Duplat , qui , chargé de défendre
avec une poignée de soldats le château de Bentheim , l'a fait
d'une maniere brillante et a obtenu une capitulation hoaÓrable
.
Pendant l'action , un obus a mis le feu à la chancellerie de
Bentheim ; le général Vandame s'est fait donner , par le lieutenant
Duplat, un certificat , pour prouver que cet accident
( 171 )
n'avait point en lieu après la reddition du fort , mais pendant
l'action.
Mais voici quelque chose de plus positif , et qui ne laisan
aucun doute sur la paix .
De Eberfeld , le 27 mars . Toutes les voix annoncent la paix,
jugez vous- même , si la lettre suivante eu donne l'espérance :
Je vous annouce par cet exprès que la paix est conclue .
Les circonstances s'opposent , pour le moment , à sa publi-
63
cation .
99
L'Empire est compris dans le traité . On passe dėja , sans
difficulté , le Rhin sur des canaux . Les troupes françaises ont
aussi l'ordre de repasser sur la rive gauche du Rhin .
" Le 24 du mois courant , il est deja passé une vingtaine
de lettres cachetes , qui s'accordent à annoncer que la paix
entre la France , la Prusse , l'Empire et la Hollande , est deja
conclue. Il passe aussi de la rive gauche des lettres pour les
divers pays prussiens . Seulement on a demandé , jusqu'à présent
, que ces lettres fussent expédiées ouvertes . Le colonel
français , Winter , qui commande encore de ce côté , est né ici ,
durant la guerre de sept ans ; il a toujours témoigné une trèsgrande
envie de revoir son pays . Il parut le 25 courant sur la
rive , et nous cria que dans peu , il entrerait dans nos murs
comme ami. En général , les postes prussiens ont reçu ordre
de ne plus tirer sur les Français . "
De Rees , le 25 mars . L'ennemi diminue ses forces devant
nous ; il fait transporter son artillerie au-delà de l'Yssel , et il
remet à leurs propriétaires les bateaux qu'il avait destinés au
pont près d'Emmerich.
A Emmerich , on a publié dans les églises , qu'aucun Français
ne pouvait exercer la moindre hostilité envers les troupes
prussiennes , sous peine de mort.
Hier est arrivé ici , venant de l'autre rive , un batelier qui
a entendu la même publication dans les églises . Il a rapporté
encore que les Français s'éloiguent peu à - peu de la province
de Clèves , sans commettre la plus petite hostilité , et qu'ils
avaient deja vidé , avec les Prussiens , quelques flacons сп
criant : Vive la paix et la Prusse !
"
Ce qu'il y a aussi de certain , c'est que tonte espece d'hos-
Je tilite est interdite aux Prussiens. crois pouvoir bientôt
vous annoncer la paix.
Je viens d'apprendre que les Français ont quité hier Emme-
´rich ; l'armistice est sûr . Demain un bataillon prussien vient
jci , et les troupes que nous avons nous quittent pour se
1endre à Emmerich.
"
Hier , lorsque les Impériaux se retirerent des environs de
Dinxperloo et de Bucholtz , ils ôterent le pont. Les Français
, qui les suivaient , essayerent de le remettre ; les Impé
( 172 )
rianx tirerent sur eux , et les Français riposterent; mais aussitôt
an officier des hussards prussiens se montra avec quelques
hommes , et aussi- tôt le feu des Français cessa .
1
S'il faut s'en rapporter à des lettres de Vallendar , du
6 mars , le maréchal Bender a effectué , il y a huit jours
ane nouvelle sortie de Luxembourg , dans laquelle il a
quelques avantages , entr'autres celui de se procurer des vivres
pour un mois. Ces lettres ajoutent que la veille de leur date
on avait entendu un bruit sourd , venant du côté de Luxem.
bourg , qui ne pouvait provenir que d'une très -forte canonmade
dont on ignore absolument le résultat.
Mais si les troupes de la République ont quelque désavantage
de ce côté , elles en sont dédommagées d'un autre. Des
lettres de Bonn , du 30 mars , disent qu'il y avait eu , jusqu'à
cette époque , des affaires de poste très chaudes avec
les Autrichiens : ces derniers ont été obligés de se replier
de Gronau , Wessum et Wullen sur Aham. Au départ des
dermieres nouvelles , qui annonçaient l'arrivée de nouveaux
renforts aux alliés dans l'Oost-Frise , les postes avancés des
Français , de ce côte , étaient à Ditsum et Jemmenguen sur la
sive gauche de l'Embs .
D'ailleurs , tout confirme que les troupes françaises vont
presser Mayence , que les généraux impériaux et ceux d'Empire ,
ce qui n'est pas la même chose , se préparent de leur côté
à bien défendre ; ils ont jetté des ponts entre cette ville
et Cassel , et y font passer beaucoup de troupes pour les faire
entrer dans la place.
Des lettres de Neustadt , du 21 mars , annoncent que le
train d'artillerie y est arrivé , ainsi gue 100 vaisseaux de
transport à l'embouchure du Weser pour l'embarquement des
troupes anglaises ; mais on dit qu'elles resteront à l'armée .
Les régimens Royal - Emigrant infanterie , et Choiseul huse
sards , devaient marcher en Westphalie.
ITALIZ.
On sera peut- être curieux d'apprendre ce qu'est devenu le
régent d'un royaume is partibus Reipublice. Voici ce qu'en disent
des lettres de Vérone du 28 février.
Le comte de Provence , qui est depuis neuf mois à Véronne,
sous le nom de comte de Lille , ne prend part à aucun divertissement
public . Pendant le carnaval , il a été invité à une grande
fite par le sénateur Mocenigo et toute la noblesse ; mais il
a répondu que les malheurs de sa patrie ne lui permettaient
pas de s'abandonner à lajoie .Toutefois , pour donner aux nobles
( 173 )
Vénitiens une preuve de son estime , il a consenti å être speci
tateur dans une maison de particulier ; le marquis et la mare
quise de Conossa lui ont offert en conséquence leur palais , où
Monsieur s'est rendu , accompagné des comtes d'Abray , de
Flachstande , de Cossay et des gentilshommes de sa chambre.
Au reste , ces petits détails sont beaucoup moius intéressans
que les suivans venant de deux états , dont l'un n'a
jamais cessé d'être l'ami de la République Française , et l'autre
s'est empressé de le redevenir.
De Gênes , le 16 mars.
La flotte anglaise est entrée dans le golfe de la Spezia. Le
gouverneur a fait rappeler à l'amiral la loi connue , qui veut
qu'il ne puisse entrer ni rester , dans les ports de cette répu
blique , plus de cinq vaisseaux de guerre. La réponse de
l'amiral fut que c'était la nécessité qui l'avait contraint d'entrer
, mais qu'il allait s'empresser de sortir . Cette escadre est
composée de douze vaisseaux de ligne , de dix frégates on
cutters , et de deux vaisseaux français , qui ont été pris. L'amiral
anglais a demandé , en outre , la faculté de débarquer
300 blessés français . Le gouverneur a expédié un courier à
Gênes . Il a été décidé que cette demande devait être accordée
, pourvu qu'il fût convenu que les Français deviendraient
libres , aussi-tôt qu'ils auraient touché le sol de la république.
L'amiral a accepté cette condition , après avoir pris des blessés
leur parole d'honneur qu'ils ne serviraient point contre l'Angleterre
, lors de leur guérison , dans le moment actuel. Le
gouvernement , sur la demande du ministre françai
fait partie
deux bâtimens , sur lesquels se trouvent des chirurgiens et des
servans d'hôpital , pour recevoir les blessés , et les transférer
qu lazaret de cette ville. t
De Livourne , le 20 mars.
Lors du traité du grand-due avec la France , 40 émigrés de
Toulon , qui se trouvaient jei sous la protection de l'Angleierre
, ont reçu ordre de sortir des états de Toscané , dans
l'espace d'un mois.
On mande de Corse , que l'ouverture du parlement de Bastia
a fait voir qu'il existait , dans son sein , deux partis très pro
noncés. D'abord , le buste de Paoli a été placé dans le lieu
des séances , au milieu de vifs applaudissemens ; mais lorsqu'il
' est agi de nommer le président de l'assemblée , un parti
conduit par Buttafuoco , Safforio et Matra , a voulu éloigner
Paoli de cette place ; la majorité s'est néanmoins complue à
'y porter. Porre di Borgo a prétexté que le général ayant
( 174 )
tonjours été le chef de la nation , il ne convenait pas qu'il
remplit un poste subordonné au vice - roi . On a fini par décréter
qu'on enverrait des députés à l'île Reuge , pour engager
Paoli de se rendre à Bastia , afin d'y déclarer s'il veut accepter
ou non la place de président.
D'après toutes les précautions dont les lettres de Naples ,
da 17 mars , rendent compte , il semblerait que la conjuration
qui donne lieu à tant de recherches , n'était point imagi
maire , et que ses auteurs l'avaient même assez bien ourdie ,
pour qu'elle embarrasse encore aujourd'hui la cour et lui donne
des alarmes . Le roi et sa famille sont toujours à Caserte . De fortes
patrouilles continuent de parcourir les rues , pour prévenir
les mouvemens . On arrête sur de simples soupçons ; mais on
emploie la douceur avec les personnes qu'on ne regarde que
comme égarées . Il n'a rien percé jusqu'ici des travaux de la
nouvelle junte , formée pour rétablir la tranquillité . Mais une
chose si étonnante qu'elle en est incroyable , c'est la decla
ration du roi , dans son édit , accordant amnistie à ceux qui
viendraient à resipiscence : il y déclare formellement que le
but des conjurés était de renverser a - la- fois la monarchie et
la religion catholique .
Au reste , les soins à donner à l'intérieur n'ont point rallenti
les préparatifs militaires ; on exerce et incorpore chaque jour
les nouvelles recrues , dont: 14,000 hommes fantassins et
cavaliers marchent vers les frontieres . La marine n'est pas
négligée ; on va envoyer sur les côtes 80 barques bombardieres.
On écrit de Turin , à la même date , que le général Colli
est encore dans cette ville . Il doit commander vers Mondovi ,
Ceva , etc.; le due. d'Aost sera à la tête de l'armée du Pasde-
Suse , et celui de Mont- Ferrat , à la tête de celle de la
vallée d'Aost.
Il paraît que l'intention des Français est de retourner au
Caire on dit que le régiment de Nadasti a demandé à la
république d'entrer sur son territoire , et de se porter sur
Saint-Pierre d'Arena. Les Français , dans ces contrées , se
tiendront sur la défensive , à moins qu'on ne les provoque ;
on assure qu'ils en ont reçu l'ordre .
( 1.75 )
?
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE BOISSY - D'ANG LA 5.
Séance de duodi , 22 Germinal.
Plusieurs sections de Paris et beaucoup d'adresses venues
des départemens , feliciteat la Convention sur son energie
dans la journée du 12 germinal . Un membre en prend occasion
d'observer que les tribunes ne sont plus si fréquentées ,
depuis qu'on a donné l'ordre de ne laisser entrer qu'en présentant
sa carte de sûreté. Il est naturel d'en conclure que la
plupart des individus qui les remplissaient n'en avaient pas.
Salengros , au nom du comité des secours publics , dit
qu'une explosion a eu lieu , sur la fin de nivôse , dans l'arsenal
de Metz . C'est un pur accident ; plusieurs maisons ont
sauté , mais quatre personnes seulement ont été blessées grie
vement , et il propose la distribution de la somme de 2000 1 .
entre les quatre blessés , et la mention honorable de la conduite
des canonniers et pompiers de Metz , qui , par leur
intelligence et leur courage , ont arrêté les progrès de l'incendie
. Cette proposition est décrétée.
Le comité de législation , par l'organe de Saladin , présente
un projet de décret , tendant à généraliser la mesure adopte
pour les habitans da département du Jura , qui avaient été
mis hors de la loi . Ce décret porte Tous les décrets qui
mettent des citoyens hors de la loi , par suite ou à l'occasion
des événemens des 31 mai , 1er et 2 juin , sont rapportés.
Tous jugemens rendus en conformite et en exécution desdits
décrets , tous mandats d'arrêt , arrêtés , actes , procedures et
poursuites , décernés ou dirigés contre lesdits citoyens , sont
et demeurent annuites . Ceux d'entre lesdits citoyens qui
sont soustraits , par la fuite , à l'effet desdits décrets ,
dats d'arrêt ou arrêtés , sont autorisés à rentrer dans leurs
foyers , et tous ceux désignés dans les articles précédens
sont réintégrés dans leurs droits politiques et dans leurs biens:
en conséquence , tous scellés ou séquestres mis sur leurs biens
seront levés sur leur requisition , en vertu du présent décret.
、
man-
Une discussion s'éleve sur ce projet . Viltard dit qu'il y
trouve une disposition qui pourrait être favorable aux émigrés;
Pelet , qu'il y a des articles conçus d'une maniere vague ,
et qui prêteraient à des applications rtop étendues . Ils en
demandent l'ajournement. Lariviere pense qu'ajourner , s'est
( 178 )
mettre en problême si la journée du 31 mai a été funeste à
la patrie. Quand on a été long- tems , dit-il , dans les ténebres
, on n'ose ouvrir les yeux à la lumiere. Un membre desire
que , pour profiter du bénéfice de ce décret , on justifie
d'un certificat de résidence , sans interruption , dans le terri
toire de la République ; mais on lui observe que les 40 députés
proscrits se sont cachés dans des cavernes , ou ont habité
des forêts , et qu'ils ne pourraient jamais prouver leur résidence
. Le projet est mis aux voix article par articlé , et décrété
au milieu des applaudissemens , tel qu'il est rapporté
ci-dessus.
Saladin , au nom du même comité , fait un rapport sur le
fils du représentant du peuple Guadet , assassiné juridiquement
à Bordeaux. Le pere du député , son frere , sa tante , ses amis.
les domestiques de la maison ; en un mot , 13 personnes ont
été condamnées à mort par la commission militaire , pour lui
avoir donné asyle , et il ne reste de cette malheureuse famille
que ce fils , qui n'a échappé que parce qu'il était à Saint-
Domingue , où il versait son sang pour la République , tandis
qu'on égorgeait en France tous ses parens . Le rapporteur présente
un projet de décret , dont voici les principales dispositions
:
Les décrets du 27 mars 1793 et de 23 ventôse , an 8 , sont
rapportés , sans qu'il soit dérogé aux dispositions du code
pénal , à l'égard de ceux qui seraient convaincus , dans les '
formes légales , de crimes contre la liberté . Les citoyens pour
suivis , ou les héritiers des condamnés par suite de ces dé
grets , sont rétablis dans leurs droits ; les procédures annullées ,
les jugemens cassés , et les scelles ou séquestres seront levés .
Les biens des parens et amis de Guadet seront restitués à leurs
héritiers , et il leur sera donné la valeur de ceux qui auraient
été vendus. Ce projet de décret est vivement applaudi et
adopté.
Plusieurs membres demandent que cette mesure s'étende
tous les députés qui ont subi le même sort ; on leur répond
qu'ils y sont compris . Thibaudeau dit qu'il ne faut pas s'oc
cuper seulement des parens de leurs collegues morts victimes
de la tyrannie , et que ce serait insulter aux mânes des autres
citoyens proscrits comme eux , et il propose de renvoyer au
somité de législation , pour faire un rapport à ce sujet . Décrété.
Réveillere- Lépaux lit la rédaction du procès-verbal de la
Journée du 12 germinal. L'Assemblée en ordonne l'impres
sion et l'ajournement , à cause de son importance.
Séance de tridi , 23 Germinal .
Pons ( de Verdun ) , au nom du comité de législation , prés
sente un projet de décret conçu en ces termes ;
Art. 1er. A l'avenir , aucune femme prévenue de crime
emportant
( 177 )
emportant la peine de mort , ne pourra être mise en jugement ,
qu'il n'ait été vérifié , de la maniere ordinaire , qu'elle n'est
pas enceinte.
II. Le sursis provisoire à tout jugement de mort rendu
contre des femmes , dont l'exécution a été suspendue pour
cause de grossesse , est déclaré définitif.
III. Les comités de législation et de sûreté générale sont
autorisés à statuer définitivement sur la mise en liberté ou la'
détention ultérieure desdites condamnées .
IV. Les accusateurs publics près les tribunaux criminels
ordinaires et extraordinaires , sont tenus , en conséquence ,
d'adresser au comité de législation , dans quinzaine , à compter.
du jour de la publication de la présente loi , tous les jugemens
de la nature de ceux ci - dessus , et les procédures et
pieces sur lesquelles ils sont intervenus. "
Après une courte discussion , le projet est adopté , et la
proposition de Viltar , tendante à abolir la peine de mort
pour les femmes , est renvoyée au comité .
Rouyer s'éleve contre les dilapidations de la fortune pu
blique . Tous les bons citoyens , dit- il , gémissent sur les
maux que la tyrannie a versés sur la France ; s'il n'est pas
en votre pouvoir de les réparer tous , vous devez au moins
poursuivre et faire punir les auteurs des brigandages . Il propose
une guerre à mort contre ces sang-sues publiques , et
présente un projet portant que chaque direcoire de district
nommera une commission de sept personnes , pour faire rendre
compte aux municipalités des requisitions en fourages , rations
, etc. Chaque municipalité aura un régistre où les citoyens .
seront tenus de déclarer la quantité des objets requis sur eux
les noms des requisiteurs , l'époque de leurs livraisons et
le prix qu'ils auront reçu. Ils déclareront aussi les noms de
ccux à qui ils auraient payé des taxes arbitraires et l'époque
de ces payemens ou vols .
Les municipalités constateront l'état des effets d'or , d'ar
gent et autres matieres de leurs églises , au moment de la
cessation du culte , et déclareront l'endroit où les effets ont
été déposés , et les noms et demeures de ceux entre les mains
desquels ils ont été remis . Les déclarations des citoyens seront
attestées par leurs signatures sur le registre ; extraits de
ces déclarations seront adressés aux commissions des sept. La
Convention nationale nommera une commission de 12 membres
, avec laquelle correspondront les commissions des sept ,
qui pourront poursuivre les dilapidateurs devant les tribunaux
criminels de départemens . Les comptables qui , appellés par
lesdites commissions , refuseront de comparaitre , seront dénoncés
à l'accusateur public . Si le comptable , n'ayant aucun
domicile connu , est fugitif , ou cherche à se dérober à la
justice , il sera dénoncé à la commission des douze , qui , de
Tome XV. M
( 178 )
concert avec le comité de sûreté générale , les fera rechercher.
dans toute la République .
1.
Le projet de Rouyer est renvoyé aux comités de salut
public et des finances , qui l'examineront et feront aussi un
rapport sur les comptes de Pache et de Bouchotte .
Merlin ( de Douai ) , au nom des comités de salut public ,
sûreté générale et législation , présente un rapport sur le
représentant Lahaye , député du département de la Seine inférieure
, mis hors de la loi , et dont la réintégration avait
été ajournée , parce qu'on l'accusait d'avoir combattu avec
les chouans . Une ressemblance de nom a été la cause de cette
accusation . Il y avait un Lahaye , chef des chouans , qui a
été tué . Le député s'est cache dans les forêts de la ci-devant
Normandie où il a erré. L'Assemblée décrete que Lahaye.
rentrera dans son sein. 1
Merlin fait ensuite une motion d'ordre . Il parle des principes
fondamentaux de l'ordre social et de la République .
Le peuple souverain est en France la collection des citoyens
de tous les départemeus , sans distinction d'état ou de fortune.
Aucune traction de citoyens ne peut se dire le peuple.
L'égalité des citoyens est dans les droits ; mais il y a inéga
lité de talens , de vertus , de fortune . Tout attroupement
devient
séditieux , dès qu'on prêche la révolte contre les autorités
constituées et la desobeissance à la loi . L'insurrection
n'est légitime que lorsque la violation des droits du peuple
est constatée par la majorité des assemblées primaires . Il n'y
a que deux especes de citoyens , les bons et les mauvais .
Lacombe du Tarn ) donne lecture d'une lettre en date du
18 germinal , annonçant un avantage remporté sur les ennemis
auprès de Mayence par les Républicains qui font le siége de
cette place . Cette nouvelle est fort applaudie.
Séance de quartidi , 24 Germinal .
Clausel ,,au nom du ་ཨཱ་ ༔ comité de sûreté générale , rappelle i
la Convention que la commune de Dijon est une de celles
qui a le plus souffert des artisans du terrorisme . Les anarchistes
et les hommes de sang n'avaient pas encore perdu tout espoir ,
et ils le fondaient sur les compagnies de canonniers de la
garde nationale . Le représentant du peuple Mailhe , en mission
dans le département de la Côte -d'or , a recounu que le danger
était pressant , et if s'est déterminé à licencier ces canonniers ;
mais la chose n'a pu se faire sans que les terroristes jettassent
les hauts cris et fissent tous leurs efforts pourexciter des troubles ..
Mailhe les a prévenus par les mesures energiques qu'il a prises .
Gomme sa mission est sur le point de se terminer , et qu'on
espere que son successeur rétablira les choses dans leur premier
état , le rapporteur propose à l'Assemblée d'approuver
les mesures prises par Maille . Décrété.
お
)
( 679 )
Echasseriaux le jeune , au hodes comités des finguces et
de législation , présente un projet de décret que l'intérêt et les
besoins des ricreanciers des émigrés et des condamnés pour
crime descontravention sollicitaient depuis longtems . La base
de ce projet est la reconnaissance par la nation des créanciers
des émigrés et condamnés pour créanciers de la République .
Les différens articles qui le composent contiennent Je mode
de la liquidation de ces créances et droits. Le projet, est divisé
en six titres ; le premier traite des titres de créance, et
de leur admissibilité ; le second , du dépôt des créances ; la
troisieme , de leur liquidation ; le quatrieme , du paiement , et
les cinquième , des biens et droits judividis avec les émigrés
et condamnés. Voici un des principaux articles : Sont reconnus
créanciers des émigrés ceux dont les créances sont fondées
sur des titres ayant une date certaine antérieure à la promulgation
de la loi du 9 février 1792 ou à l'émigration de
leur débiteur , si elle est postérieure à dette époque , La date
certaine sera établie , par l'euregistrement des actes , leur dépôt
public ou des jugemens anterieurs aux époques fixées ; par la
signature des personnes decéd es antérieurement au 9 février
1792 ,, par l'inscription ou meution faite antérieurement auxdites
époques des titres sous signature privée à la charge des
émigrés sur leurs registres trouvés sous les scellés .
37
Ce projet de décret a été adopté . La discussion à occupé
toute la séance .
Séance de quintidi , 25 Germinal .
5. J
Les communes de Bordeaux et d'Orléans félicitent la Convention
de son énergie dans la journée du 12 germinal . La
premiere expose les besoins pressans qu'elle éprouve , et elle
sollicite les moyens les plus prompts de les faire cesser. La
deuxieme déuence les assassinats juridiques commis par Léonard
Bourdon . Ces deux adresses sont renvoyées au comité
de salut public.
Brival dit que les citoyens de Bordeaux se sont toujours
distingués par leur patriotisme , leur attachement à la Convention
nationale , et que trop long-tems les factieux les ont
calomniés . Il demande qu'on rende à ce département son premier
nom de département de la Gironde, Décrété.
Une députation de la commune d'Úsès dénonce le représentant
du peuple Borie , comme ayant tenu une conduite tyran
nique pendant sa mission dans le département du Gard. Elle
l'accuse des faits les plus graves , d'avoir livré une foule de
victimes à un tribunal de sang qu'il avait établi à Nismes , fait
incarcérer les cultivateurs à l'approche , de la récolte , les né
gocians à la veille de la foire de Beaucaire , d'avoir dansé la
fauradale avec ses satellites autour de la guillotine . Borie ,
était présent il dit qu'il ne craint point qu'on porte un oeil
M 2
( 180 )
gévère sur sa conduite . I convient d'avoir pris des mesures
fermes , sur-toût contre ceux qui étaient connus , alors sous le
nom de fédéralistes qu'il accuse d'intrigues , et il invoqué à cet
égard le témoignage de Perrin ( des Vosges ) ison collégue ,
mais il nie d'avoir dansé la fanradole autour de la guillotine ,
ni établi un tribunal révolutionnaire à Nismes ; il avait seulement
investi le tribunal criminel du département du Gard du
droit de juger les crimes révolutionnaires , et il ajoute qu'il a
consulté , dans toutes ses opérations , les sociétés populaires
et la députation du Gard , sans l'aveu desquelles il n'a rien
fait. A
Perrin ( des Vosges ) , dont le témoignage était réclamé , répond
que ceux qu'on appellait fédéralistes étaient les plus
chauds patriotes et dont le civisme remontait à 1789. Il est
applaudi.
La dénonciation est renvoyée au comité de sûreté générale.
Rewbel , aau nom du comité de salut public , donne lecture
des articles du traité de paix conclu avec la Prusse , et les
soumet à la discussion de l'Assemblée. On demande à allor
aux voix . Quelques membres paraissent desirer qu'ils soient
décrétés successivement ; mais ils ne sont pas appuyés . Le
traité est décrété en masse , et ratifié à l'unanimité et au milieu
des plus vifs applaudissemens . Nous l'avons déja donné
textuellement.
1
Anguis , au nom des comités de salut public et de sûreté
générale , fait part d'une lettre de Bernier , représentant du
peuple en mission . Elle porte que 30 voitures de farines , destinées
pour Paris , ont été arrêtées à Evreux par des malveillans
, qui voulaient se les distribuer en payant. Il fi battre
la générale , requit la gendarmerie ; mais il n'avait encore
rassemble que six gendarmes , lorsqu'on l'avertit que plusieurs
voitures étaient déchargées. Il monte à cheval et va droit au
rassemblement. Les femmes déliaient déja les sacs ; dès qu'elles
l'apperçurent , elles coururent à lui , arrêterent son cheval par
la bride , et lui jetterent des pierres . Le sang inondait déja
son visage , lorsqu'il s'échappe et court dans les rues deman
der force à la loi . Les citoyens se rassemblent , et l'on convient
enfin que les voitures partiront , à l'exception de huit
qui resteraient à Evreux , et dont les farines seraient distribuées
aux habitans .
*
1
Bernier ajoute qu'il est des cultivateurs qui ne veulent vendre
leurs grains que pour du numéraire , ou des matieres d'or
ou d'argent. Il a pris un arrêté à ce sujet . Le comité propose
d'approuver la conduite du représentant , de mander à
la barre le maire et l'agent national d'evreux , d'ordonner la
poursuite des auteurs de l'attentat commis contre Bernier , et
la restitution par la commune d'Evreux des farines partagées.
Ce projet de décret est adopté.
1
( 181 )
་
André Dumont dénonce les prêtres réfractaires , qui prê
chent hautement le royalisme . Rewbell dit qu'il ne faut pas
les poursuivre comme prêtres , mais comme mauvais citoyens
et des séditieux qui excitent à la révolte..
Jean-Bon- Saint - André pense que le gouvernement manque
de nerf et d'énergie ; qu'il faut revêtir les comités d'une force
suffisante pour comprimer les malveillans . Tallien craint qu'on
ne ramené le systême inquisitorial de Chaumette et d'Hebert .
Il pense qu'on ne doit pas s'occuper des prêtres , ni de ce
qui se passe dans l'intérieur des maisons , pourvu que l'ordre
public ne soit pas troublé . Il appuie la motion de Jean - Bon .
Chénier répond qu'on ne peut nier que les prêtres réfractaires
prêchent le royalisme , et que des piètres déportés sont rentrés
. Il demande l'établissement des fêtes décadaires .
Toutes les propositions faites sont renvoyées aux comités.
Séance de sextidi , 26 Germinal.
Johannot , au nom des comités des finances , salut publie
et législation , présente le rapport sur l'état actuel du crédit
public et sa restauration . Il dit que la défaite de nos ennemis
doit affermir la confiance , si l'on y joint sur- tout la pers
pective d'une paix prochaine et déja conclue , en partie , avec
une des premieres puissances militaires de l'Europe ; que les
comités ont recherché la cause du discrédit des assignats et
du renchérissement excessif des denrées , qui se paient avec
cette monnaie. Le marc d'argent sert de point de comparaison
à toutes les valeurs . Il faut rétablir la moralité dans les conventions
particulieres ; car dès qu'on veut commander la con.
fiance , elle disparaît . Si l'on veut la rétablir , il ne faut donc
rien de coactif dans les moyens , rien de rétrograde dans les
opérations ; il est nécessaire d'assurer le service des rentes , le
paiement des baux et des perceptions , ne recevoir les assig
ats qu'au cours légal , pour en donner le moins possible.
C'est le discrédit des assignats , continue Johannot , qui a
augmenté considérablement nos dépenses , qui sont sans proportion
avec les recettes . Supprimez tous les agens inutiles :
le gouvernement révolutionnaire nous a conduits à salarier
plus d'agens qu'il n'en faudrait pour régir tous les états de
l'Europe . Dans le tableau que nous avons dressé des biens
nationaux et de leur valeur approximative , nous n'avons pas
compris les biens de ceux qui ont péri sous la hache révolu
tionnaire . Le trésor public ne doit pas se grossir de l'héritage
des victimes de la tyrannie. Cet accroissement odieux nuirait
au crédit , loin de l'affermit ....... La masse des assignats en
circulation est d'environ 7´milliards 500 millions . Il faut décréter
qu'après qu'il en aura été fabriqué trois autres milliards ,
qui probablement ne seront jamais émis , les planches , poinfons
et matrices seront brisés . Pour retirer successivemena
T M 3
( 181 )
les assignats de la circulation vos comités vont vous présenter
plusieurs moyens contenus dans des projets de décret
1º. L'état et la valeur des domaines nationaux , gage des
assignats , seront rendus publics .
go . A tompter de la phbligation du présent décret , tous les
citoyens auront la faculté de stipuler en mare d'argent fin ',
eu en assignats , ou de tel autre maniere qu'ils jugerout conve
nable . Le prix légal du mare d'argent , compare à l'assignat ,
será constaté par une commission qui opérera sous la surveil
lance du gouvernementy Gente opération sera renouvellée tous
zi sing 7501 les mois.
སྡེ་ རྫས་ ན་ བྱོ
30. La bourse de Paris et celle des autres places de commerce
seront ouvertes . Il ne pourra s'y faire aucune négociation
en secret , ni sur signature en blanc.mob P
4°. Il sera pourva aux depenses ordinaires par les revenus
réguliers , et aux dépenses extraordinaires , par le produit
des domaines nationaux . Tout tableau de dépense comprend
la désignation des fonds sardesquels cette dépense sera
payée .
3. La Convention déclare qu'elle garantit aux créanciers
de l'état le paiement des intérêt et des arrerages dus . Les
capitaux des inscriptions dont le remboursement n'est point
exigible , continuerout d'êne admis eu paiement des domaines
nationaux , jusqu'à l'époque fixée par les décrets.
6. Il sera délivré par un préposé appellés conservateur , des
cédules d'hypotheques à tous les citoyens qui vendront
faire constater l'hypotheque territoriale qu'ils peuvent offiir
jusqu'à concurrence des trois quarts de la valeur de la pro
priété hypothequée ; les cedules pourront être transportées
par endossement ; il y aura aussi des cédules d'hypotheques
sur les domaines nationaux .
70. La caisse hypothécaire paiers à tons les citoyens , sur la
présentation des cédules , la valeur desdites cédules , sous
un intérêt de trois pour eent. Nel ne pourra être actionnaire
de cette caisse , s'il n'a une propriété territoriale , titre
de toute hypotheque.
8. Il sera fabriqué , par simple mesure de précaution ,
3 milliards 200 millions en assignats ; et après cette fabrication ,
qui sera la derniere , les formes , poinçons et matrices seront
Erisés publiquement . Les trois milliards fabriqués seront
déposés dans la caisse à trois clés , d'où l'on ne pourra rien
tirer sans décret .
9. Les assignats , tant en circulation que ceux qui seront
fabriqués en vertu de l'article précedent , recevront une
garantie spéciale : en conséquence , il sera remis au coaservateur
des cédules d'hypotheque pour valeur égale.
10º. Les meublés et maisons appartenant àla nation , seront
aliénés successivement par voie d'une loterie , deat chaque
( 183
billet sera ds 50 liv.
mois.
le premier tirage aura lieu dans un
110. A compter du présent décret , les biens nationaux
seront vendus sur l'évaluation du mare d'argent fin , et seront
payés en assignats .
12°. Tous porteurs d'assignats pourront les échanger contre
des cédules , en les payant au taux du mare d'argent.
130. En attendant la fabrication des cédules , il sera délivré
des bons de paiement . Les contributions ariérées de
l'an 2 seront payées en assignats , au cours légal .
14 ° . Il sera mis dans un dépôt des cédules particulieres
de la valeur d'un milliard , pour assurer les récompenses
des défenseurs de la patrie.
150. Les dépenses extraordinaires seront acquittées avec
le produit des domaines nationaux , avec les trois milliards
fabriqués par décret ou avec des cédules mises à la disposition
de la trésorgrie .
16. Il sera fabriqué pour 150 millions en monnaie de
cuivre.
L'Assemblée décrete l'impression da discours et l'ajournement
de tous les projets de décret , sauf le dernier relatif à la
restitution à faire des biens des condamnés aux parens de
ces derniers. Cet article avait d'abord été décrété par acclamation
, mais sur la proposition de Rewbel la Convention a
rapporté son décret et ajourné le tout à nonidi prochain.
Roux ' , au nom du comité de salut public , annonce que
les mesures prises pour faire venir des grains de l'étranger ont
réussi , mais que les arrivages de l'intérieur sont entravés . Il
demande qu'on fasse un appel aux bons citoyens .
Rouyer dit que c'est un appel à la force qu'il faut faire
et que ceux qui gouvernent doivent ou se faire obéir ou
céder leur place. Rouyer est adjoint à Barras pour comman
der la force armée qui doit protéger les arrivages .
Une lettre des représentans du peuple à Marseille annonce
F'entrée à Toulon de six vaisseaux et deux frégates partis de
Brést.
13
PARIS . Nonidi , 29 Germinal , 3. année de la République.
Il ne paraît pas que le projet présenté par Johannot ,
au nom des comités réunis , sur l'état actuel du crédit
public et les moyens de le rétablir , ait produit cette
impression heureuse qui accompagne , au premier apperçu
, tout plan dont chacun peut sentir facilement
les avantages . C'est une matiere si dificile que delle
M 4
( 184 )
des finances , le projet proposé est si compliqué par
lui- même , qu'il était impossible d'en saisir , à une premiere
lecture , les rapports , les détails et l'ensemble.
Ce qu'il y a de certain , c'est que le lendemain
l'argent , qui avait sensiblement baissé , est remonté
tout- à- coup . L'annonce d'une nouvelle émission de
trois milliards d'assignats , était seule de nature à opérer
cette hausse ; tant qu'on n'appercevra au premier abord
qu'une plus grande abondance du signe fictif , ses rapports
avec le signe métallique doivent s'éloigner davantage
. Quoique la paix conclue avec la Prusse , soit le
présage assuré de celle avec le corps germanique , l'Espagne
et l'Italie , il est probable qu'elle ne se fera pas
aussi promptement avec l'Autriche et l'Angleterre ; il
' était donc d'une sage prévoyance de préparer les
moyens de terminer avec ces deux puissances une guerre
aussi dispendieuse . Comment pourrait- on le faire , sans
pourvoir d'avance aux fonds nécessaires pour cet objet .
Cette mesure de précaution est impérieusement dictée
par le desir et le besoin d'accélérer le terme de la
guerre .
Il ne faut pas espérer que le meilleur systême de
finances , puisse produire tout à coup les bons effets que
I on doit en attendre . Le crédit est une affaire de confiance
, et la confiance ne s'obtient que lentement , et
par une longue succession d'opérations sages et bien
combinées . A mesure que la Convention prendra une
marche ferme et soutenue , que la balance entre la dépense
et la recette commencera à s'établir par de grandes
réformes et une sévere économie , et que la masse des
assignats en circulation sera peu- à- peu retirée , soit par
la vente des domaines nationaux , soit par la voie des
cédules hypothécaires ou toute autre , c'est alors que le
crédit des assignats renaîtra d'une maniere sensible , et
que leur valeur nominale se rapprochera de la valeur
monétaire . Le rétablissement du crédit ne saurait être
prompt , mais il sera infaillible ; il y aura peut-être une
premiere secousse qui opérera une plus grande rupture
entre l'assignat et la monnaie ; mais bientôt ces deux
valeurs prendront entr'elles une proportion moins différentielle
, et les assignats , réduits à une quantité
moindre que celle du numéraire , en seront un utile supplément.
Ils feront véritablement fonction de banque , et
peuvent devenir une source de prospérité nationale .
Tout tient donc à la confiance , et celle-ci à une bonne
( 185 )
-
administration , à des pncipes fixes et sur tout à un
gouvernement stable . On parle d'un gouvernement pro
visoire ; c'est bien plutôt d'un gouvernement définitif que
nous avons besoin . La France n'a eu que trop long- tems
une existence précaire . Une bonne constitution n'est
pas , il est vrai , l'ouvrage d'un jour. Nous sommes si
voisins encore d'un si grand désordre dans les idées
et d'une si grande exagération dans les principes , qu'un
systême constitutionnel raisonnable , rencontrera peutêtre
des préventions ; mais si ce systême , sans rien
retrancher des bâses fondamentales de la liberté , posées
dans la déclaration des droits , ne tend au contraire
qu'à l'affermir , et à donner à la forme de gouvernement
représentatif, la seule qui nous convienne , une solidité
plus durable , pourquoi se défierait- on du jugement de
l'opinion ? Ne compte - t- on pour rien le cours expéri
mental que nous avons fait , durant la révolution , et
nous reste-t-il encore une erreur pratique dont nous
n'ayions ressenti le cruel effet , pour n'avoir pas acquis le
droit de nous en garantir à l'avenir ?
L'un de ces jours , à la porte Saint - Martin et à la porte
Saint-Denis , il y avait des rassemblemens : ils étaient composés
d'environ deux cents personnes , divisés en pelotons de
donze ou quinzo , et au milieu desquels était un orateur gé
missant de la détresse publique ; des patrouilles arrivent ,
passent et traversent les rassemblemens ; mais les groupes se
reforment et se joignent aussi- tôt , et les orateurs recommencent.
Vers huit heures , arrive une voix rouillée , criant
à tue tête Journal du soir's grand traite de paix conclu entre la
République Française et le roi de Prusse .... Cette masse que les
patrouilles n'avaient pu dissiper , le journal du soir la dissout
et daus un instant il ne reste plus une personne sur la place .
Les agitateurs n'avaient plus rien à dire ; les bons citoyens
n'avaient plus rien à écouter.
Polverel , l'un des commissaires civils de Saint-Domingue ,
vient de mourir au milieu de la discussion qui avait lieu
entre lui et ses accusateurs . On a ouvert son cadavre , où
il a été trouvé des symptômes d'une mort violente et préméditée
, puisque certains visceres étaient en putréfaction et
les intestins brûlés .
La division de l'escadre de Brest , attendue depuis si
long- tems , est enfin arrivée à Toulon ; elle est composée
de 6 vaisseaux de ligne , 5 frégates et 2 bricks . Ce renfort
nous assure la superiorité dans la Méditerranée ; il y a maintenant
, dans ce port , 20 vaisseaux de ligne prêts à mettre
à la voile.
( 186 )
NOUVELLES OFFICIELLE S.
ARMÉE D U RHIN.
du quartier -général d'Oberalm , le 18 germinal , l'an 3º . de la
République Française .
Chers collegues nous avons tenu notre engagement.
Hier , à neuf heures du matin , l'ennemi nous a attaqués en
force , depuis Bretrentheim jusqu'au bois de Momback , et
particulierement dans ce dernier lieu ; le combat s'est engagé
avec la plus grande vigueur de part et d'autre ; ou s'est tiré
plus de quatre heures à mitrailles , et le feu de la mousqueterie
a duré plus de cinq grandes heures sans interruption.
Un instant nos braves soldats ont été obligés de quitter un
oavrage que nous avions jetté la nuit sur le plateau de
Mayence , dont il voulait nous chasser. L'ennemi y est entré
et deux minutes après , il en a été à son tour chassé à la
bayonnette. Il a été également repoussé à la bayonuette ,
des ravins qui sont au dessous du bois de Momback , où il
a été charge pendant trois fois impétueusement , par notre
infanteric aux ordres du général Saudos .
"
.
Vers les deux heures , l'ennemi a commencé sa retraite
sous le feu des ouvrages avancés de la place , et est rentré
dans Mayence ; nos troupes sont également rentrées elles
occupent toujours les mêmes positions , et ont repris leurs.
travaux avancés . La perte de l'ennemi est considérable , parce
qu'il a dû attaquer de front nos postes qui étaient assez couverts
par la nature du terrain , et par le feu d'une section
de l'artillerie volante , et des batteries du bois de Momback ;
tous ont très - bien fait leur devoir , soldats , officiers , genefaux
méritent beaucoup d'éloges : on en doit à l'officier du ge
nie Fayau , qui à été tué sous mes yeux dans les travaux
et qui est mort en continuant à faire des voeux pour le
triomphe de la République.
*
Cet intéressant officier mérite d'autant plus les regrets de
sa patrie , qu'à beaucoup de courage et d'intelligence , il
joignait les vertus filiales i nourrissait avec ses appoinemens
sa mere et sa famille , qui sout dans le besoin , et
que je vous recommande particulierement. De mon côté je
4pis également quelques larmes à mon ami Dermesin , hussard
au , 7. régiment , qui m'avait suivi toute cette campagne
et qui a été tué à côté de moi d'uu coup de fusil je vous
recommande sa famille . Je vous recommande également les
citoyens Fournier , Roche et Parme , aussi hussards au 7 .
régiment , qui ont été toujours avec moi dans cette action ,
?
( 187 )
où ils ont conra les plus grands dangers. La conduite qu'il
ont tenue avec moi toute cette campagne , et qui est connue de
tous mes collegues et de tous les généraux , leur intelligence
leur moralité et l'ancienneté de leur service , méritent un
avancement que je sollicite pour eux . 5
ལ་
Les généraux Schaul et Renaud ainsi que tous les autres
généraux de l'attaque de gauche et du centre ont été partout',
et leurs ordres ont été si bien donnés que rien n'a
manqué pendant l'action . J'attache à ce succès , quoique peu
conséquent par son objet , beaucoup de prik ; car les genéraux
ennemis avaient fait annoncer et répandre qu'ils viendraient
dîner le jour de Pâques ( v. s . ) à Alzey , ce qui
avait fait considérablement baisser nos assignats , tant la malveillance
se remue en tous sens . Je profite du retour du
courier pourvous faire part de ces nouvelles , que je vous appor
tais moi-même , si mon collegue Cavaignac n'avait été forcé
de se rendre momentanément à Coblenz , pour les objets
dont je vous ai parlé dans ma précédente lettre . Je partirai
dans trois à quatre jours , et j'espere que j'aurai le bon
heur de vous apprendre quelque nouvel avantage , car nous
nous attendous à être de nouveau attaqués.
"
Salut et fraternité .
2
§ X , Signé , J. FERAUD , représentant du peuple.
3
ARMÉE D'ITAL I E.
Extrait du rapport des officiers de santé en chef de l'armée d'Italie .
en date du 18 germinal.
MAVIS .
L'armée française et le peuple génois ont éprouvé depuis
l'hiver des maladies nombreuses, 3
La malveillance toujours active s'est empressée d'annoncer
qu'une épidémie mortelle ravageait les camps des Français.
L'ignorance et la peur ont accrédité ces bruits absurdes , et
les Genois abusés n'ont plus vu dans les Français que des
hommes pestiférés .
C'était précisément l'effet que voulaient produire les lâches
ennemis de la République Française ; ne pouvant la vaincre
à force onverte , et n'ayant pas pu parvenir à rompre les
communications et l'harmonie établies entre les deux répus!
bliques , ils ont espéré y réussir en semant des bruits atroces
et calomnienx , mais leurs efforts seront impuissans .
Pour déjouer les manoeuvres coupables des ennemis communs
des deux républiques , pour ramener la sécurité dans
le coeur des Génois et dissiper leurs préventions et leurs
craintes , il suffira de leur présenter la vérité.
Les officiers de santé en chef de l'armic d'Italie déclarent :
1º. Qu'ils n'ont jamais reconnu de caractere épidémique
dans les maladies de l'armée ;
!
( 188 )
4. Qu'il n'existe aucune ressemblance entre les maladies
des Genois et celles des Français .
30. Qu'a présent même la mortalité est fort au- dessous
des pr babilites reçues , que les maladies diminuent de jour
en jour , de nombre et d'intensité ;
4°. Qu'il est vraisemblable que , les Génois , fatigués par
un hiver rigoureux ( que l'experience a prouvé étre toujours
malfaisans dans leurs contrées ) ont dû être naturellement plus
exposés à des maladies graves que les Français , pour qui l'hiver
n'a rien de redoutable g
5. Que la frayeur dans laquelle on a entretenu les Génois ,
les a de plus en plus rendus susceptibles de contracter des
maladies , et qu'elle a dû en augmenter l'intensité ;
6°. Que tout porte à croire qu'il y a plus d'analogie entre
les maladies des Génois et celles des Piémontais , qu'avec
elle des Français . "
et
7º, Enfin , que le seul møyen , pour les Génois , de se soustraire
aux maladies qu'ils redoutent , c'est de bannir toute
frayeur , de cesser leurs rapports avec les Piémontais ,
d'attendre avec confiance les retour de la belle saison , qui
achevera de dissiper les influences dangereuses d'une hiver
trop rigoureux . î
Signés , BOURDOIN , FRACONARD , COURTOIS , X. BROUNART ,
BOURGME , Brugniere .
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Suite
Suite de la séance du 9 germinal , relative au procès de Fouquier-
Tinville et des co- accusés dans cette affaire.
des délits imputés aux jurés.
"
Mais que plus l'institution des jurés est sacrée , plus on'
doit être sévere dans l'examen de la conduite de ceux qui
ont rempli les fonctions de la maniere dont il vient d'être
parlé , et craindre que l'omission d'un seul des accusés , à
qui Foqquier avait donné le nom de Solide , ne pût empêcher
la découverte de quelques grands crimes et laisser respirer à
l'innocence le souffle impur de la scélératesse .
Que le résultat enfin de leurs opérations , leurs liaisons
avec les conspirateurs , leur immoralité reconnue , leur despotisme
pesant sur la tête de leurs concitoyens par-tout où
ils se trouvaient , ne permet guères de douter qu'ils étaient liés
à la conspiration qui devait asservir la partie du peuple français
qui aurait ééhappé à la mort , et que c'est en vain qu'ils
ont soutenu dans leurs interrogatoires , que tout ce qu'on
leur reproché est, faux , et qu'ils n'ont jamais émis d'autre
( 189 )
voeu que celui de leur conscience ; car ce serait alors le ca
de mettre au moins en doute , si des jurés pouvaient être
recherches et panis comme conspirateurs , pour faits relatifs
à l'exercice de leurs fonctions ; doute qui n'en formera jamais
un dans l'ame des amis de la justice et de la liberté.
D'aprés l'exposé ci -dessus , l'accusateur public a dressé le
présent acte d'accusation .
10. Par addition contre Antoine - Quentin Fouquier , exaccusateur
public près le tribunal révolutionnaire , pour s'être,
méchamment et à dessein , rendu coupable , sous les nouveaux
rapports relates dans le present acte des crimes spécifiés
dans le résumé de l'acte d'accusation du 27 frimaire dernier ;
Contre Deliege , Delaporte , Foucault , Maire Sellier ,
Harny , Garnier- Launay , Naullin , Felix , Bravet , Barbieu ,
Liendon , ex-juges ; Lohier , Trinchard , Lergix dit Dix- doût ,
Renaudin , Pegeot , Villate , Dupley , Prieur , Châtelet ,
Brochet , Chrétien , Didier , Gauthier , Girard , Trey et Ganey ,
ex-jugés pour s'être rendus coupables mechamment et à dessein ,
des crimes imputés à Fouquier - Thinville , soit comme complices
desdits crimes , suivant les circonstances par les faits
et manoeuvres énoncés dans le présent acte .
}
Les débats ont été ouverts sur les conspirations des prisons
déja plusieurs témoins ont été entendus a ce sujet . il en résulte
, jusqu'à présent , qu'il n'a pas existé de couspirations
dans les prisons , notamment au Luxembourg , et qu'elles
n'ont été inventées que pour mettre à exécution le systême
de dépopulation , arrêté par les anciens comités de gouver
nement.
Fouquier répond que ces conspirations avaient été dénoncées
aux comités de salut public et de sûreté générale , et
à la Convention ; que la conspiration de Dillon fut cons
tatée par un jugement du tribunal , en date du 24 germinal i
qu'il n'a agi qu'en vertu des ordres des comités et qu'il n'etait
ni juré ni juge... !
Parmi les témoins qui ont parlé des prétendues conspirations
des prisons , on en entendu un qui a déposé d'un autre fait.
Voici le nom da témoin et sa declaration .
Gasties , employé à la commission d'instruction publique ,
a dit : Dumas demeurait dans la même maison que moi . Pour
sauver l'innocence , il fallait bien quelquefois m'approcher du
crime. Dumas me prevint du jour où les prétendus assassins
de Robespierre devaient être mis en jugement ; je me rendis
au tribunal. J'allai avee men ami voir Dumas dans son cabinet ;
l'infortunee fille Renaud demandait à lui parler on apporta
à Dumas un petit billet , il nous le lut il é
était conçu
à - peu-près en ces termes :
•
Homme de sang , égorgeur , homme abominable , can-
།
( 190 )
xibale infâme , monstre , scélérat , vil et lâche assassin 9
as fait périr ma famille ; tu vas envoyer à l'échafaud ceux
qui paraissent anjourd'hui au tribunal , tu peux me faire subir
le même sort , car je te déclare que je partage leurs opinions
et leurs sentimens .
Signé , le comte DE FLEURY.
Fouquier entra dans le cabinet , Dumas lui dit : Voici un
petit billet bien doux , lis-le . Ce monsieur- là me paraît pressé
dit Fouquier , je vas l'envoyer chercher.
?
J'entrai dans la chambre d'audience , 40 accusés étaient déja
sur les gradins , le substitut requis que cinq autres accusés
leur fussent adjoints . Froidure fut du nombre . Je vis arriver
le ci-devant comie de Fleury avec les quatre autres ; on lui
demanda ses noms et qualités . Voilà tous les débats : Fleury
fat condamné à, mort avec les autres ; il marcha au supplice
avec une chemise rouge , comme complice de l'assassinat de
Robespierre .
Fouquier Je n'ai jamais vu ce témoin ; je n'entrai as
dans le cabinet de Dumas . Le témoin me prend pour un
aatre .
Le témoin Vous êtes Fouquier , je vous reconnais . Mon
ami Goberthier sera entendu .
Louis Lesene , porte - clé à la maison d'arrêt du Luxembourg
déclare , que dans la nuit du 18 au 19 messidor ,
on transféra du Luxembourg à la Conciergerie environ 159
détenus. Appellé le 19 au tribunal , pour donner des reuseignemens
sur la prétendue conspiration du Luxembourg ,
je dis que je n'er, avais aucune connaissance que par les
papiers publics , et que les prisonniers avaient toujours été
tranquilles. :.
Cambon , substitut , a instruit le tribunal que Fonquier
requit alors l'arrestation de Lesene ; il a donné lecture du
jugement intervenu à ce sujet . Il est ainsi conçu
Attendu qu'il est constant qu'il a existé dans la maison
du Luxembourg, une conspiration contre la sûreté du peuple ,
et tendant à égorger la Convention nationale , et qu'il résulte
de la déposition du témoin qu'il est impossible qu'il n'ait
pas eu connaissance de cette conspiration , l'accusateur public
requiert et le tribunal ordonne que Lesene sera mis en état
d'arrestation . 19
Lesene Dumas prétendit que j'étais complice . Le 20 ,
j'adressai un mémoire à Fouquier pour obtenir ma liberté ;
point de réponse je fus détenu qnaraute - trois jours .
Fouquier , interpellé par le président , a répondu : Le
témoin tergiversait dans sa déposition ; je requis son arres- i
tation provisoire , et Dumas fit diriger le jugement en senst
contraire . Alors ce n'est plus ma faute ... T 2 紹
François Brocherieux , porte-clé de Luxembourg , a dit :
1
( 191 )
Appellé en témoignage , le 21 messider , dans l'affaire
les femmes Noailles , j'ai déclaré que je n'avais aucune
connaissance de cette conspiration , qu'elle n'avait pas même
existé , et que les détenus étaient si soumis , qu'ils ne passaient
pas dans la grande cour du Luxembourg , quoiqu'ils n'eussent
pour barriere qu'une simple défensive . On me fit un grand
crime de ne rien déclarer on prétendit qu'un porte - clé.
devait être instruit de tout ce qui se passait. Je ne reçus mon
assignation que dans la salle des témoins .
Nicolas Stral , suisse du Luxembourg , ensuite portier de
cette maison d'arrêt , a dit qu'il n'avait existé aucune cons
piration dans l'intérieur du Luxembourg ; mais que s'il y
avait eu quelque part conspiration , c'était au dehors , dans
les journaux et dans les discours calomnieux que l'on tenait
sur les dénus , ou qu'on leur faisait tenir .
Interpellé s'il avait eu connaissance des listes faites aux
Luxembourg pas beaucoup , a - t - il dit ; mais Boyenval ,
tailleur d'habita et prisonnier , passait pour un des faiseurs.
de listes. Il m'a dit que , sur 8 à 900 détenus au Luxem
bourg , il n'en échapperait pas plus de 30 à 40. Assignépour
déposer dans le procès de Noailles , et interrogé par
le président sur le nombre des prisonniers qui étaient dans
les grands appartements , et s'ils pouvaient être entendus du
dehors , je répondis qu'il y avait 10 à 12 détenus dans chaque
grande chambre ; qu'ils ne pouvaient rien entendre du dehors ;
que tous les prisonniers étaient tranquilles , et j'affirmai qu'il
n'y avait pas eu de conspiration ; que ce qui avait peutêtre
donné lieu à cette rumeur , était peut- être le bruit que
faisaient les détenus en jouant aux barres , comme on fait
dans les colléges , et une querelle , qui s'éleva entre deux
des prisonniers . Sur une déposition , le président me traita
de fourbe , et j'appris en rentrant au Luxembourg que j'étais
sur la liste fatale. Quant à Boyenval , qui passait pour un
des faiseurs de ces listes , je sais qu'il descendait par ordre
de Guyard , qu'il ne rentrait que vers minuit , privilege
accordé à lui seul . Du reste , j'iguore s'il sortait du Luxem.
bourg , et s'il allait au comité de sûreté générale .
Les trois temoins ont déclaré qu'ils n'avaient jamais va
Fouquier au Luxembourg.
Gabriel - Jérôme Senard , homme de loi , âgé de 33 ans ,
a dit : Agent national de Tours , j'avais donné des ren
seignemens précieux sur la guerre de la Vendée , au comité
de sûreté générale on arrêta des complices ; j'apportai les
pieces à Paris , et je fus employé au comité de sûreté gé.
nérale pour y faire des interrogatoires . Chargé de faire le dépouillement
des pieces trouvées chez Santerre , je procédai à
à son interrogatoire , et je trouvai des pieces de complicité ;
je vis qu'il avait injurié le peuple , et sur - tout celui de Paris ,
9
( 192 )
-
mas Santerre avait des amis . Quant je présentai à Fouquier
1 procès- verbal contre Santerre , Fouquier ne fit qu'en rire
et me dit qu'il était rédigé d'une maniere adroite . Je lui fis
sentir qu'il étaitappuyé de pieces matérielles . J'avais des ennemis
, je temoignai mes craintes à Fouquier sut le bruit qui s'était
répandu que je serais traduit an tribunal . Quand Robes--
pierre le voudra , répond- il , et je pourrai te faire monter sur
mes petits gradins ; mais je n'ai rien contre toi. Je tombai évanoui
, lorsqu'il me dit Patriote ou non , lorsque Robespierre
m'a indique quelqu'un , il faut qu'il menre. Il dit à
Héron , qui m'avait accompagné , les fêtes tombent "comine
des ardoises . Oh ! répondit Héron , cela ira encore mieux ,
ne t'inquiete pas
Gabriël-Jérôme Senard continue sa déposition :
Fouquier me dit un jour : Il me faut des écrits et non pas
des paroles . En voici l'occasion :
Des cultivateurs de Bourgueil é aient traduits au tribunal :
ce sont d'honnêtes gens , me dit Ruelle ; il faut les sauver :
mais ils sont riches , me dit Fouquier ; car on leur a trouvé
de l'argent. Je lui représentai que la cupidité les avait dépouillés
, et qu'ils avaient boursillé entr'eux . Alors il me répondit
: Ce sont des écrits et non des paroles qu'il me faut.
J'avais demandé à Fouquier un reçu de sept liasses de pieces
intéressantes que je lui avais remises , concernant 15 brigauls
de la Vendée ; il me dit : Je ne suis pas à mon aise ; je crois
voir les ombres des morts qui me poursuivent , sur- tout celles
des patriotes que je fais guillotiner. Mais il rejetta tout sur la
loi du 22 prairial et sur le comite d'alors .
Ne t'inquiete pas , lui dit Héroa , les expéditions iront
comme de coutume; nous ferons toujours tomber des têtes .
Ce Héron voulait que , par un rapport , je fisse guillotiner
sa femme ; il me disait : Quand cela est emmanché dans une
même affaire , pouf , pout , ça va.
Le tribunal a acquitte Motion , encore déten , malgré les
déclarations des villes de Nantes et d'Orléans . Je présentai à
Fouquier un ordre da comité de sûreté générale en sa faveur ;
il me répondit qu'il ne pouvait le mettre en liberté ,
an ordre du comité de salut public.
tures. 12 , 24 , 30 . -
sans
En messidor , près la chambre du conseil , le domestique
de l'exécuteur demanda à Fouquier combien il fallait de voi-
Trois , répondit - il. Tu comptes
donc les têtes , lui dis -je , effrayé de ce calcul ? Cela ne te
regarde pas , répondit - il ; tu es de la faction des indulgeus .
Je sortis avec Amar .
( Là suite au numéro prochain . )
( N°. 43. >
MERCURE FRANÇAIS .
QUINTIDI 5 FLOREAL , l'an troisieme de la République,
( Vendredi 24 Avril 1795 , vieux style. ) :
LÉGISLATION.
EXAMEN de la Constitution'de 1793 , et de plusieurs questions
relatives à Forganisation du gouvernement .
ON
N parle beaucoup de tois organiques de la constitu
tion . J'avoue que je ne puis me faire une idée bien
nette de ce que l'on entend par ces mots . Il me semble
qu'une constitution doit trouver en elle -même les regles
de son organisation , ou bien elle est incomplette.
Qu'est- ce qu'une constitution , qui pour exister aurait
besoin d'un supplément qui lui est étranger? te sup
plément fera-t-il , ou ne fera- t-il pas partie de la constitution
? Au premier cas , il est plus simple de la refordre.
Dans le second , ces lois organiques on supplémentaires
pouvant être changées , modifiées ou supprimées par
les législatures , la constitution resterait avec ses défauts
et son insuffisance .
2
Il est aisé d'appercevoir la cause de cet étrange em.
barras . D'une part , il y avait dans la Convention un
parti qui croyait ou tâchait de faire croire qu'on ne
pouvait et qu'on ne devait toucher en rien à la constitution
, tandis que l'autre était fermement convaincu
qu'elle ne peut subsister , telle qu'elle est , sans amendement.
Pour ménager ces préventions feintes ou réelles ,
il a fallu recourir à une mésure qui , sans effaroucher
les uns , remplit le voeu des autres , et cette mesure
on l'a enveloppée du nom de lois organiques . Il est tems
de renoncerà ces chemins de traverse, et d'aller franchement
au but: peut- on et doit-on refaire la constitution de 1793 25
Les rigoristes amateurs des formes , et ceux qui préferent
la lettre qui tue , a l'esprit qui vivifie , alleguent
que cette constitution a été sanctionnée et acceptée par
le peuple en assemblées primaires , et que par -la elle
a acquis un caractere d'irrévocabilité .
Il est facile de répondre à cette objection. "
10. J'en appelle à tous les Français de bonne foi ;
Tome XV.
(*194 )
{
2
est - ce bien une acceptation libre , volontaire , complette
et raisonnée , que cette formalité illusoire qu'on ose
présenter comme la sanction du Peuple Français ?
A- t-on oublié qu'elle fut l'ouvrage , non de la Convention
entiere , mais d'une minorité qui venait de violer
la représentation nationale ; qu'elle fut improvisée si
brusquement , qu'elle fut faite , imprimée et adoptée
en moins de quinze jours , sans examen ni , discussion ;
que lorsqu'elle fut envoyée aux assemblées primaires ,
le régime de l'oppression et de la terreur en avait écarté
une foule de bons citoyens qui avaient cependant droit
d'émettre leur vou sur l'acte le plus important qui pût
les intéresser; et que là elle fut adoptée en masse , ou
plutôt, commandée à l'acceptation , sans qu'on permît de
discuter le moindre article ?
2. Si les circonstances qui ont précédé , accompagné
et suivi la rédaction et l'acceptation de l'acte constitutionnel
, ne suffisent pas pour réduire cette formalité à
sa juste valeur, doute- t- on que le peuple n'ait le
pouvoir d'annuller lui - même un consentement si peu
libre et si incomplet ? qu'a- t- on à objecter si des pétitions
nombreuses provoquent la rédaction d'un nouvel
acte constitutionnel , pour laquelle on ne croit pas la
Convention suffisamment autorisée ?
3º . La Convention , en s'occupant de ce projet , qua
ferait-elle autre chose , qu'exercer une simple initiative ?
En derniere analyse , n'est- ce pas toujours les assemblées
primaires qui examineront , ratifieront , ou rejetteront
son projet ?
Rien ne s'oppose donc à ce que la Convention puisse
perfectionner son ouvrage , c'est-à- dire , remplir l'objet
le plus essentiel de sa mission. Mais cette faculté se
change en devoir , s'il est vrai que la constitution de
1793 , loin de donner à la France un gouvernement
solide , ne soit propre au contraire qu'à exposer la libertė
à de continuels orages. Eh ! qui peut mieux apprécier
cette constitution , en marquer les défauts ou les omissions
, que ceux qui , instruits par une longue et périlleuse
expérience , ont appris à connaître le danger des
factions , les fureurs populaires , l'abus des résolutions
trop précipitées , les excès ou les faiblesses du gouver
nement? S'ils ont la conviction que l'acte constitutionnel
est imparfait , par quelle vaine et coupable superstition
n'oseraient-ils pas en présenter un meilleur au
Peuple Français ? Est- ce donc une chose si indifférente
( 195 )
3
au bonheur d'une grande nation , que de chercher
assurer sa liberté par tous les moyens que la prudence
et la raison suggerent.
Avant de jetter un coup-d'oeil sur cette esquisse in-,
forme que l'on a qualifiée de constitution , il importe
de dissiper une erreur que l'on a cherché à accréditer
Par la voie de quelques papiers publics ( 1 ) . On a dit
qu'une constitution était bien moins nécessaire à un
peuple qu'un gouvernement ; et de ce texte longuement
commenté , on a semblé en tirer la conséquence
qu'il fallait peu se soucier de l'une , et s'occuper entierement
de l'autre .
Cette assertion prouve que l'on ne s'est pas formé une
idée bien juste du sens du mot constitution et de celui de
gouvernement. Sans cette soigneuse exactitude dans l'acception
des mots , il est impossible de s'entendre sur
les choses .
Le gouvernement n'est autre chose que l'esprit de la
constitution mis en action . C'est l'instrument dont elle
se sert pour
maintenir , dans toutes les parties du corps
social , l'ordre établi par les lois constitutionnelles . Un
gouvernement sans constitution ne serait qu'un gouvernement
arbitraire ; car s'il n'avait ni régulateur , ni contrepoids
, ni cause impulsive bien organisée , il pourrait
dégénérer en oppression . Les mode du gouvernement
doit donc faire partie de la constitution ; il n'en est.
séparé que par le jeu de ses mouvemens , qui constitue
ce qu'on appelle pouvoir exécutif, mais il doit recevoir
de la constitution son principe de vie , et du corps légis- .
latif son principe d'action . Ce sont des branches qui
partent du même tronc. Il ne peut pas mieux exister ,
dans un état qui veut être libre , de gouvernement sans
constitution , que de constitution sans gouvernement.
Quelquefois il arrive que dans une acception plus
générale , on entend par gouvernement d'un peuple la
forme même de sa constitution. Dans ce sens , moins
précis , moins exact , gouvernement et constitution sont une
même chose . Ce n'est sûrement pas là ce qu'ont voulu
dire ceux qui prétendent qu'on peut se passer de constitution
, pourvu qu'on ait un gouvernement ; car ils auraient
dit une niaiserie politique et ne se seraient pas
apperçus qu'ils avaient la chose sous un nom différent.
* (1 ) Voyez entr'autres Annales patriotiques.
N
( 196 )
La constitution d'un état étant donc la regle , qui doit
fixer et déterminer les rapports que les membres du
corps social ont entr'eux et avec l'état , et les rapports de
l'état avec ses membres , il s'ensuit que , pour qu'une
constitution soit bonne et durable , il faut qu'elle contienne
1º. La garantie des droits civils et politiques de chaque
citoyen ;
2º. La garantie de la liberté publique contre les entreprises
possibles du corps législatif ou du gouvernement
, ou de tous deux conjointement ;
30. La garantie des fonctions du corps législatif , et
de l'action du gouvernement .
Si cette triple garantie n'est pas assurée par la constitution
, celle - ci est imparfaite et vicieuse ; les citoyens
peuvent être opprimés , la liberté publique compromise ,
et le corps social exposé à de fréquentes et terribles :
agitations .
Il s'agit d'examiner si la constitution de 1793 a atteint
ce but de toute bonne organisation : sociale .
f. Ier. De la déclaration des droits .
je lis dans l'art . VII de cette déclaration , que le droit
de s'assembler paisiblement ne peut être interdit . Cette dispo
sition vague et indéterminée n'est jettée en avant , que
pour préparer à l'art . CXXII , de l'acte constitutionnel ,
où il est dit que la constitution garantit à tous les Français.
le droit de se réunir en SOCIÉTÉS POPULAIRES.
Il ne faut pas s'étonner de l'extrême chaleur que tanti
de gens ont mise à demander l'exécution actuelle da
la constitution , dans toute son intégralité. Ils savaient
bien que le jour où elle aurait été mise en activité
aurait été celui de la résurrection des jacobins . Or , nier
que les jacobins n'aient fait beaucoup de mal dans la
République , c'est nier le résultat trop funeste de trois .
ans de trouble et d'anarchie . Le calme n'a commencé à
se rétablir, et l'espérance d'une constitution et dun.
gouvernement ne s'est offerte , que depuis que ces asyles
du délire politique et des factions ont été fermés . Les
rouvrir en ce moment , c'est ouvrir la boëte de Pandore.
Que dans des tems où l'esprit public sera mieux
formé , où les passions seront éteintes , où cette effervescence
révolutionnaire aura fait place à l'amour de
2
(( 197 )
fordre et au respect des lois , où le gouvernement auta
pris une assiette fixe , les citoyens puissent s'assembler
paisiblement, et se réunir en sociétés , il n'y aura sans doute
aucun inconvénient. Mais que cette faculté ne puisse
jamais être interdite, que l'existence des sociétés populaires
soit garantie par la constitution , c'est leur donner un
caractere d'indélébilité qui peut être très - dangereux ;
c'est les placer au dessus des autorités municipales et
administratives ; car celles- ci peuvent être destituées , et
mises même en jugement , dans des cas de prévarication
grave ou de forfaiture .
-
Dans un état bien ordonné , il ne doit Y avoir aucun
homme privé , aucun fonctionnaire public , que la surveillance
de la loi ne puisse atteindre . Une réunion de
citoyens , sous un nom collectif , quels que soient sa
forme et le but de son institution , ne doit pas mieux
s'y soustraire . Supposons qu'à l'époque du 9 thermidor ,
la France eût été régie par la constitution de 93 , com
ment le corps des représentans du peuple aurait - il pu
étouffer la révolte , dont la société des jacobins avait
arboré l'étendard ? N'aurait- elle pas invoqué l'art . de la
constitution qui lui garantissait le droit de s'assembler
et de, délibérer ? Qu'on écoute les leçons de l'expérience
, et si l'exemple du passé ne suffit pas pour
faire craindre les mêmes effets pour l'avenir , que l'on
convienne du moins que la faculté de se réunir en sociétés
populaires , est , comme tous les autres droits ,
susceptible d'être limitée ou suspendue , toutes les fois.
que l'intérêt social , le premier de tous , l'exige . On ne
peut donc laisser subsister , sans restricton , un article "
qui , même dans un ordre de chose plus tranquile , no
serait pas sans inconvénient , et qui , dans les circonstances
présentes , deviendrait la source des plus grands
dangers.
Que tout individu qui usurperait la souveraineté ,
soit à l'instant mis à mort par des hommes libres.
( Art . XXVII . )
L'usurpation de la souveraineté est le plus grand crime
qui puisse être commis envers le corps social. Mais
que veut-on dire par ces mots , qui ont une latitude si
grande ? soit à l'instant mis à mort par des hommes libres .
Est- ce l'assassinat que l'on veut ériger en principes dans
une déclaration des droits ? Est- ce une mise hors de la
i, prononcée d'avance , et encourue par le seul fait,
N 3
( 1981)
sans instruction , sans jugement , sans aucune forme de
procès ? Quelle terrible mesure dans un ordre social !
Qui sont ces hommes libres que l'on invite à tuer l'usurpateur
? Sera- ce le premier rassemblement d'hommes
factieux ou égarés , qui auront jugé , dans leur impétuosité
, ou d'après des suggestions données , que tel
individu usurpe la souveraineté ? C'est livrer la vie du
meilleur citoyen au fer du premier ennemi ou du premier
scélérat qui aura à sa solde une poignée de brigands
.
Brutus immola l'usurpateur de son pays , et fut applaudi
de Tullius et de Caton ; mais il n'y avait point
de décret qui lui enjoignît de poignarder César . Il est
des actions que la liberté peut absoudre , mais que la
morale publique et la loi ne sauraient commander.
Art. XXXI. Les délits des mandataires du peuple et
de ses agens ne doivent jamais être impunis . Nul n'a le
droit de se prétendre plus inviolable que les autres
citoyens.
" "
C
Le but de cet article artificieusement rédigé , est de
porter atteinte à un principe sans lequel il ne peut exister
de gouvernement représentatif , savoir l'inviolabilité
de la représentation nationale. Sans doute il est des délits
qui ne doivent pas être plus impunis à l'égard d'un repré-
-Sentant du peuple , que pour tout autre citoyen . Mais il
est nécessaire de spécifier et de caractériser tellement
ces délits , qu'on ne puisse jamais confondre les actes du
Teprésentant , avec ceux de l'homme privé et du citoyen .
Cette spécification ne saurait se trouver dans une déclaration
des droits ; elle appartient au chapitre de la
constitution qui traite de la représentation nationale .
C'est là qu'il convient d'examiner jusqu'à quel point les
lois peuvent atteindre un citoyen revêtu de la qualité
de représentant du peuple .
D'abord si on la considere dans sa source , elle émane
du peuplé comme souverain ; le peuple ne pouvant
exercer par lui-même la souveraineté , est obligé d'en
confier l'exercice à son délégué . Or , le pouvoir délégué
participe de la nature du pouvoir délégant . Certainement
si le Peuple Français pouvait s'assembler collectivement
pour agir comme souverain , qui oserait prétendre qu'il
n'est pas inviolable pendant la durée des actes de sa
souveraineté . Il faut donc qu'il communique ce même
caractere à ceux qu'il choisit pour le représenter , non
( 199 )
pour le profit des représentans eux -mêmes , mais pour le
sien propre.
Si l'on considere la qualité de représentant dans la
nature et l'objet de ses fonctions , on sent que cette
inviolabilité est indispensable: Sans la garantie de la
liberté et de l'indépendance la plus entiere des opinions
, il n'y a point de représentation nationale . Chaque
membre voyant la responsabilité sur ses levres , n'osera
proférer une parole d'après le sentiment profond de sa
conscience , mais il suivra le torrent du parti qui do
mine . Il ne sera ni de la minorité ni de la majorité , car
il ignorera laquelle en définitive sera jugée infidele et
coupable ; ou s'il a le courage de braver les fureurs
populaires et l'échafaud , il n'aura pas même la consolation
, en mourant , de sauver la dignité de la représen
tation nationale des entreprises d'une poignée de factieux
qui auront juré de la maîtriser ou de la dissoudre .
Ce qui s'est passé au sein de la Convention actuelle
me dispense d'un plus grand développement. Le jour
où elle a souffert que des rassemblemens de séditieux
aient osé usurper la souveraineté du peuple , en accusant,
au gré de leurs passions , des représentans d'infidélité
et de forfaiture , et où elle a eu la faiblesse de les livrer
à la proscription , a été pour elle le jour où la liberté
des opinions a cessé , et pour la nation entiere le commencement
des plus affreux désastres . Le jour où à cette
violation d'un principe sacré , elle a ajouté la réunion
de tous les pouvoirs , a été pour elle l'obligation de se
soumettre , comme corps gouvernant , à une responsabilité
dont elle doit être affranchie comme corps repré
sentatif. On doit peu s'étonner que ceux-là mêmes qui
ont provoque cet attentat à la représentation nationale ,
aient voulu l'ériger en principe dans une déclaration
qui a été leur ouvrage.
Qui sera donc juge entre le représentant du peuple et
lui ? le plus redoutable de tous dans une république ,
l'opinion. Elle flétrira d'une honte et d'une exclusion
éternelle de tous les emplois publics , le citoyen qui
serait reconnu évidemment avoir trahi les droits
du peuple. Qui garantira le peuple de l'infidélité de
son mandataire ? qui le garantira ? L'organisation d'un
bon gouvernement. La garantie est là , ou elle n'ést
nulle part ; mais il faut savoir l'y placer. Rien n'est plus
vague d'ailleurs que cette accusation d'infidélité, ni plus
difficile à caractériser car s'agissant uniquement 3
NA
( 200 )
d'opinions émises dans une assemblée , où est le type
invariable de la vérité et le signe infaillible pour la
reconnaître. J'aurai occasion de reprendre ailleurs ces
réflexions. Il suffit d'avoir montré que cet article , loin
d'être favorable aux droits du peuple , enleverait toute
espece de liberté à ses représentans .
Quel abuse n'a -t-on pas fait de ce mot , résistance à
l'oppression , inséré dans l'art. XXXIII ? Y a - t- il eu ,
depuis le 10 août , un seul mouvement séditieux , que
les brigands , qui le provoquaient , n'aient fondé sur
cette maxime . Il y avait toujours oppression pour eux ,
toutes les fois qu'ils rencontraient quelqu'obstacle dans
l'exécution de leurs projets de brigandage et d'anarchie ,
ou que des chefs de faction voulaient faire triompher
leur parti...
Et cette autre maxime , consignée dans l'art . XXXIV :
Il y a oppression contre le corps social , lorsqu'un SEUL DE
SES MEMBRES est opprimé , à combien de fausses interpretations
ne peut-elle pas donner lieu ? Opprimé , par
qui , de quelle maniere ? qui déterminera les caracteres
de l'oppression ? qui en sera juge ? Sera - ce l'opprimé
lui-même ? sera- ce sa cotterie ? Ne voit- on pas qu'il n'y
aurait pas ùn factieux un peu puissant , dont on pût
réprimer les complots , et qui ne prétendît , lorsque la
loi voudrait l'atteindre , que tout le corps social est
opprimé dans sa personne ; et si , comme cela arrive
fréquemment dans les gouvernemens libres , il étai
appuyé par son peuple , ne compterait - il pas autant
d'opprimés , qu'il aurait de partisans . Dès - lors , quel
vaste champ l'on ouvrirait aux séditions et'à l'impunité !
*
Ces réflexions s'appliquent bien plus directement encore
à l'art . dernier ainsi conçu :
" Quand le gouvernement viole les droits du peuple ,
l'insurrection est pour le peuple , et pour chaque portion
du peuple , le plus sacré des droits et le plus indispensable
des devoirs. 99
A moins qu'on ne veuille organiser constitutionneldent
le trouble et l'anarchie dans le corps social , conçoit-
on que l'on puisse terminer une déclaration des
droits par un article plus subvetsif de tout ordre public
et de tout systême politique. Quoi ! chaque portion
du peuple aura le droit de se mettre en insurrection , toutes
les fois qu'elle jugera que le gouvernement viole les
( 201 )
droits du peuple . A-t- on donc si - tôt perdu de vue l'ef
froyable abîme dans lequel nous ont précipités ces
idées d'insurrection si mal conçues , si faussement appréciées
par des fractions du peuple ? Soit qu on entende
par gouvernement l'action du pouvoir exécutif, soit qu'on
y joigne celle du pouvoir législatif, il est impossible d'imaginer
un gouvernement exerçant son activité sur une
immense population , sans qu'il n'y ait parmi les gouvernés
un certain nombre de mécontens , ne fusse que
les ennemis de toute espece d'ordre et de police sociale ,
les intrigans , les ambitieux , les esprits turbulens et inquiets
qu'il faut sans cesse surveiller et contenir . Ces
hommes sont toujours disposés à soutenir que le gou
vernement viole les droits du peuple , parce qu'il leur fait
sentir le frein des lois . Si chaque portion du peuple a le
droit de s'insurger , à cause de la violation des droits du
peuple , il est clair que chacune de ces portions sera fondée
à se croire le peuple à l'égard du gouvernement , et
à confondre les droits du peuple avec leurs propres in
trigues.
L'expérience du passé n'a que trop justifié la preuve
de cet étrange abus du mot peuple et du droit d'insurrection
. C'est en s'appuyant sur cette commode doctrine
que Robespierre et sa faction ont fait l'insurrection si
désastreuse du 31 mai ; que les Hébert , les Ronsin , les
Vincent ont essayé à leur tour de renverser Robespierre
et le comité de gouvernement d'alors , pour y substituer
leur propre parti ; que les triumvirs aidés des jacobins
et d'une municipalité conspiratrice , se sont mis en pleine
révolte le 9 thermidor , révolte qui heureusement a
échoué , mais qui n'a pas moins exposé la chose pu
blique et la représentation nationale au plus grand
danger ; enfin , c'est toujours d'apiès cette doctrine d'insurrection
partielle , que s'est opéré le dernier mouvement
du 12 germinal. Il n'en est aucun dont la violation
des droits du peuple n'ait été le prétexte.
Tout ordre social qui n'offrira à la liberté politique
et individuelle d'autre garantie que l'insurrection , et qui
sur- tout accordera ce droit à chaque portion du peuple ,
sera éternellement en proie aux convulsions de l'anarchie
, et il n'y aura jamais ni liberté individuelle , ni
liberté publique , ni gouvernement. C'est après lalongue
tourmente d'une révolution orageuse , c'est en fondant
une constitution si long- tems contrariée par des obstacles
, que l'on doit sentir le besoin de la mettre à l'abri
( 202 )
1
du choc de nouvelles passions et des entreprises de
nouveaux agitateurs . Il faut bien plus s'occuper des
moyens d'éteindre jusqu'au dernier tison des dissentions
intestines , que de leur préparer des alimens combustibles
qui ne tarderaient pas à se rallumer. S'il est
vrai , comme il est impossible d'en douter , que l'action
des puissances étrangères , et sur - tout du cabinet de
Londres , ait eu une part si sensible à nos agitations
intérieures , ne serait - ce pas laisser une issue sans cesse
ouverte à leurs intrigues , que d'autoriser , par un article
formel de la déclaration des droits , chaque portion du
peuple à s'insurger contre le gouvernement.
Qu'est-ce donc que le droit d'insurrection , et quelle
ressource reste- t-il au peuple quand le gouvernement
viole ses droits ? L'insurrection est pour le corps social
ce qu'est la défense naturelle pour tout individu . Il n'est
pas besoin de l'écrire dans un code ; la nature l'a gravée
dans le coeur de l'homme , en lui donnant le sentiment
de sa propre conservation . Il en est de même d'un
peuple. Si la tyrannie pese sur lui d'une maniere intolérable
, croyes qu'elle sera universellement sentie , et
que les efforts pour la rompre serontdes efforts communs.
Mais prenez garde en même- tems de fournir à quelques
mécontens et à de simples fractions du peuple , le moyen
de transformer en tyrannie ce qui ne sera souvent que
F'action ferme du gouvernement pour réprimer des
séditions ; car si l'insurrection est un devoir , la rebellion
aussi est un crime .
Qu'arrive- t- il en derniere analyse , dans ces luttes
entre les peuples et le gouvernement qui les opprime ?
Si le gouvernement est le plus fort, les efforts de la liberté
disparaissent devant la tyrannie ; et de quoi aurait servi
l'article impuissant d'une lei contre le formidable pouvoir
de la force ? Si le peuple triomphe , il le devra à
son courage , à la réunion de ses moyens et au vif sentiment
de son oppression. Ca sentiment qui agit avec
d'autant plus d'énergie que l'oppression est plus réelle ,
fera plus sur le peuple , que toutes les maximes écrites
dans une déclaration . D'où il faut conclure que ces
sortes de stipulations n'ajoutent rien aux droits des
peuples , et peuvent devenir souvent le prétexte d'insurrections
partielles et de troubles multipliés . L'insurrection
est un remede si violent , si extrême , si dangereux
par l'ébranlement entier du corps social , qu'il n'est besoin
ni de le prévoir , ni de le prescrire ; l'usage en doit
( 203 )
être abandonné aux circonstances extraordinaires sur
lesquelles un peuple ne doit recevoir ni prendre conseil
que de lui -même et de sa situation .
En voilà sans doute assez pour faire sentir le danger
de laisser subsister , dans cette déclaration , des dispositions
qui sont ou dangereuses , ou superflues , ou contraires
au véritable intérêt de l'ordre social et aux droits
de la souveraineté du peuple.
En général , une déclaration des droits ne doit énoncer
que ceux qui sont évidens , incontestables , imprescriptibles
, tels que la liberté , l'égalité , la sûreté , la
propriété . Elle doit être claire , car toute obscurité ,
toute ambiguité , n'est plus un droit. Elle doit être laconique
, car toute superfluité n'est plus un droit. Elle ne
doit contenir que des choses strictement nécessaires ; car .
de simples maximes de morale appliquées à la politique
ne sont que des conseils ou des principes , et non pas
des droits .
Il importe d'autant plus de se renfermer dans une
énonciation claire , évidente et généralement sentie ,
qu'on a habitué le peuple à regarder la déclaration des
droits cómme indépendante et au- dessus de la constitution
, du gouvernement et des lois ; erreur qui peut
donner lieu à des effets extrêmement dangereux . Il est
bien vrai que la déclaration des droits est la bâse fon- ·
damentale sur laquelle doivent être élevés la constitu-
"
tion , la son et le gouvernement ; mais il ne l'est
pas qu'elle en soit entierement séparée car il n'y a
rien d'absolu dans le systême social , non plus que dans
celui de la nature .
Il n'est pas un des droits naturels , civils et politiques,
qui ne trouve plus ou moins de limite , ou dans les
droits d'autrui , ou dans ceux de la société . La liberté
elle-même n'est autre chose que le pouvoir de faire ce
que la loi et ces mêmes droits ne défendent pas . Le
droit de propriété ne reçoit- il pas quelquefois des modifications
, lorsque la nécessité publique l'exige , A- t- on
pu rédiger une seule déclaration des droits , sans yjoindre
ces formules conditionnelles ou indicatives : Selon les
formes qui sont prescrites par la L01 ; dans les cas déterminés
par la LOI , etc. Il faut donc que la loi intervienne
pour régler l'exercice des droits dont le principe ne peut
être qu'énoncé dans une déclaration .
Ainsi , les droits naturels , civils et politiques ne peu(
204 )
vent être bien spécifiés , bien connus et solidement gàrantis
, que lorsque la déclaration des droits , la constitution
et la législation , se prêtant un mutuel secours et
marchant de concert vers le même but , en auront fixé
et déterminé l'étendue , la limite , le mode et l'usage .
C'est dans ce tout indivisible que consiste l'organisa
tion sociale . Il faut d'autant moins les séparer que
lorsque les anarchistes et les agitateurs ont voulu exciter
quelque mouvement séditieux , ils se sont toujours appuyés
d'un article de la déclaration des droits dont ils
ont pris le principe et rejetté l'esprit et les dispostions
modificatives qui en déterminaient le véritable sens .
( La suite dans un prochain numéro . )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ALLE MAGNE.
De Francfort-sur-le-Mein , le 13 avril .
Les nouvelles du nord de l'Europe ne donnent encore
aucune prise aux politiques pour conjecturer quelle
tournure pourront y prendre les affaires , tant par rapport
au partage de la Pologne , sur lequel il n'y a encore
rien de statué , que relativement aux dispositions
des différentes cours entr'elles , et à l'égard de la Russie ,
cette puissance prépondérante , sur laquelle les états
jaloux de conserver leur liberté , ne cessent de tenir
ouverts des yeux inquiets et surveillans .
Il paraît seulement , ou pour mieux dire , il est certain
, que les deux puissances les plus propres à la tenir
en respect , continuent de vivre dans une union , une
bonne intelligence et même une amitié , une fraternité
qui fait leur force ; et que d'ailleurs les cours observées ,
telles que
la Russie et l'Autriche , et les cours observatrices
, la Suede , le Danemarck et la Prusse , cherchent
à resserrer des liens d'amitié avec la Porte ottomane ,
qui doit pencher davantage du côté des dernieres , puisqu'elles
sont neutres ou bienveillantes envers la Répu(
205 )
blique Française , l'allié le plus naturel , le plus sûr et le
plus puissant que soitsusceptible d'avoir la Turquie , obligée
de se tenir toujours en garde contre l'esprit d'envahissement
dont les cours de Vienne et de Pétersbourg n'ont
que trop montré qu'elles s'étaient fait un systême constamment
suivi depuis long- tems , systême d'après lequel
elles s'entendraient pour partager l'Europe , si elles le
pouvaient , dussent - elles se déchirer ensuite dans une
lutte cruelle et sanglante , pour savoir à qui en resterait
l'empire ; systême dont les premiers effets se feraient
sentir à la Porte ottomane , qu'elles n'ont encore l'air
de ménager que parce qu'elles ne se croient pas assez
fortes pour lever le masque et agir à force ouverte ,
tant que la France , la Prusse , la Suede , le Danemarck
et même la Grande - Bretagne , pour l'intérêt de son
commerce , défendront la Turquie , dont le démembrement
romprait tout- à- fait la balance politique de l'Europe.
Au reste , les nouvelles suivantes de Copenhague , en
date du 24 mars , sont faites pour rassurer sur les entre
prises que pourrait tenter la Russie . On y verra que le
Danemarck et la Suede préparent des forces navales
capables de lui résister.
On arme , dans le moment actuel , les vaisseaux de guerre
quui seront mis en mer cette campagne ; ce sont la Princesse
Marie , de 74 ; la Sophie - Frédérique , de 74 ; les Trois - Cou-
Tonnes , de 60 ; le Dannebrog, de 60.
A ces quatre vaisseaux de ligne seront jointes les frégates
la Thétis , de 40 ; la Ménagere , de 40 ; le Grand -Bell , de 36 ;
le Triton , de 24 ; le brick Laugen , de 16 .
E
1
+ Les derniers avis de Stockholm apprennent que le nou
vean général en chef de l'artillerie , Gederstroem , lui fait faire
chaque jour de nouveaux essais . Il parait qu'on doit s'occuper
de la mettre sur un pied respectable .
D'un autre côté des avis des froutieres de la Turquie
portent qu'un grand nombre de troupes ottomanes , sorties
de la Bulgarie , de la Servie et d'autres provinces , se porient
en Moldavie ,
- Il faut que l'Autriche redoute beaucoup ces voisins ; car
un incendie: considérable s'étant manifesté dernierement dans
la forteresse de Novy , on en ferma soigueusement les portes ,
et l'on braqua même du canon contre beaucoup de Turcs et
de Bosniaques , qui s'étaient présentés pour arrêter les pro
grès du feu . A cette réception hostile , les Turcs éclaterent
en injures et menacerent même d'empioyer la force pour pé-i
métrer dans la citadelle autrichienne . Le feu ne tarda pas à
( 206 )
être éteint ; mais la véritable intention des Turcs n'est pas
encore connue. On ne sait pas s'ils avaient effectivement
envie de porter du secours , et si le refus de profiter de leur
bonne volonté a seul causé leur mauvaise humeur , ou si leurs
offres a étaient qu'un prétexte pour s'emparer de la forteresse
.
Stanislas a fait une chûte très grave d'une des terrasses qui
se trouvent devant son château à Grodno . Il s'est fait mal à'
l'épine du dos et à la main qu'il a voulu employer pour se
soutenir. Cet accident avait donné lieu à un accès de fievre ,
dont il n'y a pourtant pas de suite à craindre .
Le comte de Fersen est parti pour aller passer un an dans
ses terres , ce que l'impératrice lui avait promis.
Toutes les lettres reçues de Varsovie apprennënt que les
Russes , en garnison dans cette ville , s'exercent journellement
à des manoeuvres militaires dans les environs et même dans
les cours du palais de Saxe. Le général Suwarow assiste
communément à ces différens exercices , et les commande
quelquefois lui-même . Il paraît que le but de celles de ces
troupes qui se sont portées du côté de Schochazeezea , était
de recevoir les magasins achetés aux Prussiens .
On mande de Dantzick , que l'exportation des grains pohr
les Prusses orientales et occidentales est de nouveau permise
. Elle se trouvé aussi l'être pour Dantzick . Le commerce
de cette place est d'autant plus satisfait de cette dis-"
position , qu'il a l'espoir d'obtenir la liberté d'exponer les
froments dont il y a encore à Dantzick quelques provisions .
" On écrit de Vienne , en date du 21 mars , que le général
Wurmser va joindre l'armée commandée par le duc Albert
de Saxe - Teschen , auprès duquel il est charge d'une commission
très importante , et l'on ajoute que cette armes doit
essayer de passer le Rhin. Le bruit avait couru , il y
quelque tems , que l'empereur se rendraît à cette armée ; mais
aujourd'hui l'on assure que c'est en Hongrie qu'il ira , d'après
l'avis de ses ministres , qui croient que sa présence ne peut>
que bien faire dans cette partie de ses possessions ', travaillée
d'une fermentation sourde , et qui esperent d'ailleurs que les
hongrois pourront se porter à de nouveaux sacrifices , dont
on a grand besoin pour la contiuuation de la gñerre .
Les armées autrichiennes du Haut et Bas Rhin sout composées
de 71 bataillons d'infanterie , 230 escadrons de cavalerie
et 121 compagnies de chasseurs. Il y a de plus un corps .
de réserve qui doit se tenir dans les environs de notre ville
et qui est de 18 bataillons de grenadiers et de 7 régimens de
cavalerie.
Quant au corps de troupes autrichiennes qui reste en Westphalie
, il recevra ses provision de la Bohême , qui va lui en
envoyer par l'Elbe et par la mer .
( 207 )
Les lettres d'Ulm , du 1er avril , disent que le ministre
d'Autriche proposa , il y a quelque tems , à l'assemblée des
états du cercle de Suabe , de se charger des subsistances des
troupes autrichiennes sur le Rhin ; mais que l'assemblée en
sentant l'impossibilité , se borna à l'offre d'un don gratuit
de 50,009 écus . Il paraît qu'il y a eu des contestations assez
vives etnre ce cercle et le duc de Saxe - Teschen , au sujet de
la marche qui devait éloigner les troupes fournies par la Suabe
des frontieres de ce cercle. Le due a traité , dans sa réponse
du 17 mars , la conduite du cercle de déloyale et anti cons
titutionelle ; mais les états en lui répondant ont démontré le
contraire , ils ont fait voir que dans les circonstances préseutes
les lois et l'observance venaient à l'appui de leurs droits .
Suivant ce qu'on marque de Manheim , en date du 7 avril ,
les Français ont recommencé depuis quelques jours à faire.
sauter le reste du fort du Rhin . Leur général qui commande
à Oggersheim , a écrit qu'il n'est plus permis à aucun habitant
du Palatinat de passer sur la rive gauche du fleuve , et que
ceux qui tenteraient de le faire à la dérobée , s'exposeraient
à des coups de fusil .
Le général Clerfayt qui était ici depuis le 5 , en est parti
le 9 , pour aller visiter les nouvelles positious . Il aura provi
soirement son quartier- général à Drebourg , entre Darmstadt
et Hanau .
Les dernieres lettres de Vienne contiennent quelques
particularités curieuses qu'on sera bien aise de trouver
ici .
Le conseiller Brandstetter , le docteur en droit Jun , et
le pasteur Frick , tous trois atteints et convaincus du crime
de haute trahison , ont été jugés. Leur jugement porte qu'ils
seront mis au carcan pendant trois jours consécutifs ; qu'ils
seront marqués d'une potence sugla jose , et qu'ils seront ren
fermés dans des prisons , le premier pour 99 ans , et les
deux autres , pour 95 années .
A l'issue de ce que nous nommons | Galler - Holtzleis , un
officier du génie , nommé Sartory , a fait aujourd'hui en
présence des commisaires du gouvernement et de S. A. R.
l'archiduc Joseph , une expérience qui a parfaitement réussi ;,
il a mis le feu à un bâtiment en bois , dont le comble était
de même bois que le reste ; les flammes ont tout consumé ,
mais le comble est resté absolument intact . Il avait fait subir
au bois de celui - ci une préparation qui l'a garanti de l'attaque
du feu. Il doit répéter avani peu le même essai ; et si la
réussite en est la même , l'inventeur ne manquera pas la juste
récompense que mérite un secret de cette importance,
On dit que l'affaire du ci- devant baron Armfeldt à été
remise sur le tapis , et met la cour de Naples dans quelqu'embarras.
Celle de Suede , à se qu'on assure , demande cer(
208 )
1
1
taines explications qu'on ne peut attendre que d'un seul
homme qui refuse de les donner. Cependant , on ne doute
guères que cela 1 ne s'applanisse.
Le prince de Moldavie fait imprimer ici une traduction
grecque des oeuvres de Voltaire .
ITALI E.
On a des nouvelles de Bastia par la voie de Milan .
Voici ce que portent les lettres de cette ville du 12 mars :
Le 9 février , le vice - roi , de Corse fu l'ouverture du parlement
; il n'y a qu'une chambre ; elle a un president , nomme
'Giafferi.
*
et
On voit , par les discours prononcés par l'un et par l'autre ,
que la Grande- Bretagne a pris à son compte tous les frais de
défeuse maritime de l'île , et qu'elle fait les avances des autres ;
qu'il a été levé une armée reglee composée de corses ,
qu'il s'agit d'organiser des milices comme en Angleterre ;
quant à la religion , la fixation de vone établissement religieux
a dit le vice -roi , a été réservé , par la constitution
au jugement de la chambre du parlement , de concert avec sa
sainteté le pape. "
66
3
on",
Il fit part à la fin de son discours du mariage du prince de
Galles . La chambre vota , le 19 , une adresse de remercîment
au vice -roi , dans laquelle elle repéta à peu près , comme le
parlement britannique , tous les objets traités dans son discours
.
Suivant des lettres de Livourne da 28 mars , il a été enjoint
à lord Harwey de quitter la cour de Florence . Cet événement
est attribué à quelques discours peu mesurés du ministre anglais.
qui avait déja eu une querelle avec le ministre d'état Corsini ,
au sujet de la neutralité de la Toscane.:- Ces mêmes lettres
ajoutent : H court ici un bruit qui paraît venir de Saint- Florent ,
mais qui mérite confirmation ; c'est que deux vaisseaux de ligne
français , soitis avec beaucoup de troupes de débarquement
pour se rendre maîtres des isles sardes , vers Bonifaccio ,
été jettées sur des banes par une bourasque ; et que , malgre
cet accident , l'équipage , mis à terre , a pris sur ces isles un
poste avantageux , et s'y est fortifié .
1
ont
Il paraît , d'après des nouvelles de Gênes , du 2 avril .
que les corsaires de la Republique Française continuent à
faire beaucoup de torts à l'ennemi ,
et que les troupes de terre
vont maintenir les Français dans la possession du comté de
Nice .
Avant-hier , nous avons vu entrer dans notre port un chebec
français ,
( 209 )
français , conduisant deux prises napolitaines , dont une était
chargée de canons de bronze. Ce chebee a dit avoir rencontré
à la hauteur du cap de Corse quatorze voiles , ensuite cinq
autres , toutes de guerre . On croit qué c'est l'escadre anglaise
qui se porte vers Saint-Florent.
L'escadre française est entrée à Toulon . On dit qu'à la
suite du dernier combat naval , on a mis en arrestation
quelques- uns des principaux commandans de l'escadre.
On dit que le général Kellermann est arrivé à Nice avec
quatre mille hommes .
་
De Turin , le 25 mars . On vient de publier ici la lettre
suivante , du vice-amiral Hotham , à l'envoyé extraordinaire
de S. M. britannique.
A bord du vaisseau la Britannia , en mer , le 16 mars 1795 .
J'ai l'honneur d'informer V. E. que , dans la journée
du 13 , les deux flottes se trouverent en vue l'une de l'autre .
La flotte anglaise commença par donner la chasse à celle des ennemis
. Un de leurs vaisseaux ayant perdu, par un coup de vent,
ses deux mâts , de misaine et d'artimont , il fut obligé de se faire
remorquer par un autre , et dans la matinée suivante , nous
observâmes que ces deux vaisseaux s'étaient assez éloignés ,
dans le cours de la nuit , sous le vent de la flotte , qu'ils
pussent en être séparés entierement . En consequence , nous
profitâmes de l'occasion . Nous fimes force de voile , pour
effectuer ce projet , qui devait réduire l'ennemi à l'alternative ,
ou d'abandonner leurs deux vaisseaux , ou d'en venir au combat.
Le résultat de ce plan fat qu'après une vigoureuse défense
, ces deux vaisseaux furent pris , malgré les efforts que
fit la flotte française pour les sauver . Ces deux vaisseaux le
Ça ira de 80 canons , et le Censeur de 74 .
" Les vaisseaux de notre avant - garde ayant été mali aités
dans cette attaque , et ayant été surpris par un gros tems , nous
ne pûmes faire des progrès ultérieurs contre l'ennemi , qui avait
pris la fuite à force de voile vers le ponent , mais je suis fondé
à croire que quel que soit leur dessein , ils sont actuellement
dans l'impuissance de l'accomplir. "
Tome XV.
( 210 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE .
PRÉSIDENCE DE BOISSY - D'ANGLAS.
Séance du septidi , 27 Germinal.
Tallien , au nom du comité de salut public , présente un
rapport sur les excès commis par des agens de l'ancien gouvernement
dans les provinces espagnoles de Guipuscoa et
de Biscaye . Il annonce qu'il s'agit d'un acte éclatant de justice
nationale , et que le comité a pensé que c'était à la Convention
seule qu'il devait appartenir de l'ordonner. La province
de Guipuséos , qu'occupe l'armée des Pyrénées occidentales
, et celle de Biscaye , qui y est attenante , sont dignes
d'un grand interêt par leurs productions , et plus encore ,
par le caractere de leurs habitans . Au milieu de la servitude
générale , ils ont conservé de grandes traces de liberté , et
leurs lois constitutionnelles ont une ressemblance frappante
avec les nôtres ; leur caractere est énergique comme leurs
lois , et de tous les peuples sur le territoire desquels la
République a porté ses armes , c'est celui qui les a vu approcher
avec moins d'effrei . Le comité ne levera point le
voile qui couvre pour la France les horreurs commises dans
ce pays par des raisons de sagesse ; il vous dira seulement
que la Catalogne , qui en a été témoin , et qui attendait les
Français avec impatience , s'est trouvée évacuée de subsistances
et d'habitans ; qu'à peine sommes-nous entrés dans la ville
de Saint- Sébastien , qui nous avait ouvert ses portes , qu'on
viola la capitulation . On mit en arrestation les membres des
états du pays et les prêtres ; les religieuses furent tirées . de
leurs couvents , entassées sur des charretes et conduites à
Bayonne. Il en résulta que les habitans , fortement attachés
à leurs idees religieuses , abandonnerent leurs foyers , et que,
la France fut menacée de n'avoir conquis que des deserts . Days
la Biscaye , les villes et les bourgs out été brûles , aussi les
Biscayens se sont-ils levés en masse , et nous n'avons pas
d'ennemis plus déclarés . Sans doute que la valeur française
en triomphera , mais la plus belle des causes ne devait pas
être souillée par de pareilles atrocites .
Tallien propose un projet de décret qui est adopté en ces
termes :
La Convention nationale désavoue les cruautés et injustices
commises par les agens de l'ancien gouvernement , dans les
( 211 ).
•
+
pays conquis en Espagne , et notamment dans les provinces
de Guipuscoa et de Biscaye. Le cor ité rédigera une pro .
clamation pour ces pays , dans laquelle seront exposés les
principes d'humanite et de justice qui dirigent la France . Il
fera arrêter , poursuivre et traduire devant les tribunaux les
oppresseurs de ces contrées , et mettre en liberté les habitans
arbitrairement incarcérés .
Charles Delacroix demande que le rapport et le décret soient
imprimés , affichés et traduits en langue espagnole , et que
l'exécution des jugemens qui interviendront contre les coupables
se fasse dans la ville même de Saint- Sébastien . Décrété
au milieu des applaudissemens .
Baunou , au nom des comites d'instruction publique et des
finances , présente un siste de gratifications en faveur des gens
de lettres et artistes , additionnelle à celle qui avait été décrètee
en nivôsé ; il dit que les progrès de la liberté sont liés
indissolublement à ceux des lumieres , que précurseur de la
révolution , le génie des sciences a porté dans ce siecle le
premier coup au despotisme au fanatisme , à l'hypocrisie
et tous les préjugés oppresseurs ; qu'à la philosophie
et à elle seule , peut être , il appartient de combattre avec
avantage les superstitions p pulaires , d'en resserrer gras
duellement le domaine , d'en émousser peu- à - peu les traits homicides
, et d'en extirper un jour les derniers restes ; qu'il importait
de renouer entre la révolution et la philosophie
entre le patriotisme et les sciences , entre la Republique et
les arts , cette alliance antique qui n'avait pu être rompue que
par les excès de la tyrannie , et les fureurs des decemvirss
Daunou propose , un projet de décret qui est adopte ; le
voici :
La Convention nationale , après avoir entendu ses comités
d'instruction publique et des finances , décrete :
Art . Ier. Sur les fonds mis à la disposition de la commission
exécutive de l'instruction publique , une somme de
61,500 liv. sera ajoutée aux 42,000 liv. restant des 300,000 1 .
destinées , par le décret du 17 vendémiaire , à des gratifications
extraordinaires en faveur des savans et artistes .
" II . La somme de 103,500 liv . déterminée par l'article
précédent , sera répartie ainsi qu'il suit :
Trois mille liv . à chacun des citoyens :
Barthélemy , auteur du Voyage du jeune Anacharsis ; Brunck ,
éditeur et traducteur de plusieurs poëtes grecs ; Deparcieux ,
physicien ; Dotteville , traducteur de Tacite et de Salluste ;
Lebas , accoucheur; Lemonnier , astronome ; Moite , sculpteur ;
Naigeon , littérateur ; Paimentier , physicien ; Pancton , auteur
de la Métrologie ; Préville , acteur ; Sédaiue , littérateur ; Sigaud(
212 )
Lafond , physicien ; Vincent , peintre ; Vien , peintre ; Wailly,
grammairien.
Deux mille liv. à chacun des citoyens :
99 Béranger , littérateur ; Bridan , sculpteur ; Castillon ( de
Toulouse ) , littérateur ; Desforges , littérateur ; Fénouillot-
Falbaire , littérateur ; Gastelier , médecin ; Gail , traducteur
de Xénophon , de Théocrite , etc .; Giraud- érundan , mathé
maticien ; Leblanc , poëte ; Leclerc , auteur , de l'Histoire nalurelle
de l'homme malade ; Lemonnier , traducteur de Térence
et de Perse ; Millin , auteur des Antiquités de la France ; Sylvestre-
Sacy , littérateur , savant dans les langues ' orientales ;
Schweig Heuser , littérateur ; Thuillier , géometre .
Quinze cents liv . à chacun des citoyens :
" Beffroy , littérateur ; Brion , géographe ; Desaulnais ,
bibliographe ; Devôges , directeur de l'école de peinture de
Dijon ; Duvaure , agriculteur ; Ferlus , principal de l'école de
Sorreze ; Imbert- Laplatiere , littérateur ; Lieble , bibliographe ;"
Miroir , organiste ; Renou , peintre ; Louis Ribiere , graveur ;
Robert-Vaugondy. , géographe ; Savérien , physicien ; Sejan ,
organiste ; Soulès , historien et traducteur ; Stouf , sculpteur ;
Vanloo , peintre. ››
pas
Lesage d'Eure et Loire ) , au nom des comités de salut
public et de législation , annonce que si le gouvernement n'a
l'action qui lui est nécessaire , si des émigrés et des
prêtres déportes rentrent dans la République , c'est que le
gouvernement révolutionnaire a créé une fule d'autorités subalternes
, sans hiérarchie , sans responsabilité et manquant
d'un centre commun ; c'est que les administrations de département
ont été privées de la plupart de leurs attributions ,
et propose de décreter qu'elles seront rétablies dans l'état
où elles étaient avant le 31 mai . Clausel appuie le projet ,
et assure que les prêtres réfractaires déclarent qu'il n'y a
point de salut pour ceux qui acheteront des domaines nationaux
ou qui porteront la cocarde tricolore . Il demande l'exécution
des lois à leur égard . Charlier y ajoute que les départemens
ressaisis de leurs pouvoirs rendent un compte décadaire
de leurs opérations . Le projet de décret ainsi amendé
est renvoyé au comité pour la rédaction .
Séance d'octidi , 28 Germinal.
Un membre présente un projet de décret tendant à déclarer
que les ventes faites publiquement eusuite d'affiches
et encheres ne seront pas susceptibles de rescision pour
cause de lésion , et il demande un mode de rescinder les
autres ventes . La Convention renvoie ce projet au comité de
législation .
Lesage ( d'Eure et Loire présente la rédaction du décret
( 213 )
relatif aux administrations de département. Elle est adoptée
ainsi qu'il suit :
1º . La loi du 14 frimaire de l'an second est raportée en
ce qui concerne les administrations de départemens et de
districts. Ces administrations reprendront les fonctions qui
leur sont attribuées par les lois antérieures au 31 mai .
2º . Les directoires de départemens seront composés de
huit administrateurs . Les places de vice-présidens et de proreurs
généraux- syndics sont rétablies . Les représentans du
peuple completteront ou réorganiseront ces directoires dans
la decade. Dans les départemens où il n'y a pas de représentans
en mission , les nominations seront faites par le comité
de législation ; et cependant , les directoires pourrent , en
attendant les nominations , désigner provisoirement des citoyens
Four remplir les fonctions de vice- président et de procureurgénéral-
syndic .
30. Le comité de législation présentera dans trois jours ,
le tablean des lois qui devront être rapportées , changées ou
modifiées d'après les dispositions du présent décret.
4°. Les directoires de départemens rendront compte , décade
par décade , des diligences qu'ils auront faites pour l'exécu
tion des lois , et notamment de celles relatives aux émigrés,
aux prêtres réfractaires et au culte .
5. Les comités feront incessamment un rapport sur le
rétablissement des places de procureur syndic dans les administrations
de districts .
Les administrateurs du district d'Orléans demandent dans
une adresse , qu'on livre aux tribunaux les infâmes complices
de Léonard Bourdon et les égorgeurs des prisonniers de
cette commune , enfin cette horde impure de faux dénonciateurs
. Insertion au bulletin .
Thibaud , au nom du comité des finances , dit que la
Convention
a ajouraé le plan général de la restauration
des
finances ; mais qu'il est un article qu'il est urgent de décréter .
c'est celui portant qu'il sera fabriqué pour cent cinquante
millions de monnaie de cuivre ; il assure que les matieres nécessaires
pour ectte fabrication sont préparées . Le décret est
rendu.
Aubry , au nom du comité militaire , soumet à la dicussion
le projet sur la nouvelle organisation de la garde nationale
parisienne . Elle doit être composée d'infanterie et
de cavalerie , et divisée en bataillons . Il y aura dix compagnies
par bataillon ; six de fusilliers , une de canonniers , une de
chasseurs , une de grenadiers er une de piquiers .
Gaston et Maure ne veulent ni grenadiers , ni uniforme ,
ni même de cavalerie . Ils craignent toute distinction entre les
citoyens , et que les aristocrates ne composent la cavalerie ,
parce qu'il faudra être riche pour ce service .
03
( 214 )
Penieres répond que dans le tems où il y avait an trône
à abattre , il fallait detruire les associations militaires qui lui -
servaient d'appui , mais que le trône renversé et la République
affermie , il importe d'assurer l'ordre public en profitant du
zele des citoyens .
D'autres membres observent qu'il est ridicule de placer un
homme de cinq pieds à côte de celui qui a six pouces de
plus. Le projet d'Anbry est adopté.
Gossuin , au non du même comité , fait rendre un décret
portant suppression des divisions de gendarmerie à cheval ,
organisees en guerre , et incorporation des militaires qui en
faisaient partie , s'ils sont bien montes et propres ? ce service
dans les detachemens de gendarmerie employes à la police
des camps .
Eschasseriaux le jeune , au nom du comité de législation ,
présente la suite du projet concernant la quit
:
ου
on des creasces
sur les émigrés
et condamnes
. Voici
les dispositions
principales
Les femmes
des émigrés
qui ont des creances
reprises
a faire
valoir
sur les biens
de leurs
maris
, se pourvoiront
comme
les autres
créanciers
, et seront
payées
d'après
le même
mode
. Celles
qui ont droit à la communauté
déclareront
, en remettant
leurs
titres
, si elles, la reciament
ou si elles
y renoncent
, et à défaut
de declaration
, eles
seront
censées
y avoir
renonce
. Les biens
, meubles
et immeubles
de la communaute
seront
partages
comme
les autres
biens
indivis
avec
les emigres
; les femmes
ne seront
mises
en possession
de la portion
qui leur
revient
, que lorsque
les charges
ou dettes
seront
connues
et acquittées
. Les
liquidations
de droits
, les collocatious
de créances
et les
actes d'exécutions
des séparations
et divorces
faits et prononcés
depuis
le 1er juillet
1789
, entre
maris
et femmes
d'émigrés
ou dont
l'un des deux
serait
emigré
, sont
nuls
et de nul
effet , sauf les droits
des séparés
ou divorcés
, qu'ils
exerceront
sur les biens
de leurs
époux
émigrés
.
Séance de nonidi , 29 Germinal.
Un secrétaire fait lecture de l'extrait d'une lettre du 15 germinal
, écrite par le représentant du peuple Baudran , en mission
à Laval , à ses collegues de la députation , elle porte que nos
braves freres d'armes , au nombre seulement de deux cents ,
ont mis en déroute , le 13 de ce mois , quiuze cents chouans.
Applaudissemens , insertion au bulletin .
André Dumont et Garnier ( de Saintes ) , en mission dans
les pays environnant Paris , instruisent la Convention des
mesures repressives qu'ils ont cru devoir prendre contre les
prètes fanatiques qui se tourmentent de toutes parts pour
amener des troubles , et faire détester le régime républicain .
Villetar invite la Convention à développer enfin un grand
( 215 )
caractere contre les prêtres réfractaires qui abusent du décret
philosophique sur l'exercice des cultes , s'efforcent de rappeller
la superstition et la royauté. Delcloi dit qu'il existe des lois
contr'eux qu'il faut faire exécuter , et que le comité de sûreté
générale a pris des mesures pour réprimer les attentats dont
il s'agit . I demande l'ordre du jour ; il est adopté.
La veuve du représentant du peuple Descheseaux , assassiné
juridiquement par la commision révolutionnaire de Rochefort,
vien : demander la réhabilitation de la mémoire de son époux .
La vie d'une citoyenne éplorée , qui , avec l'accent de la
douleur et du sentiment , plaide en faveur d'un vertueux
mandataire du peuple qui n'a jamais composé avec son devoir ,
et que les tyrans ont trop redouté pour lui laisser la vie , a
intéressé tous les coeurs . Pénieres et Eréard deinandent qu'à
l'instant même on décrete cette propositiou ; mais Louvet
pense que le jour des justices partielles est passé pour faire
place à celui de la justice générale . It desire qu'on ouvre la
discussion sur les biens des condamnés . Les différentes propositions
faites sont renvoyées aux comités.
Cambacérès présente le résultat des travaux de la commission
des sept , chargée , par le décret du 10 germinal , da
présenter on projet sur le mode de préparation des lois orga
niques de la constitution , et sur les moyens de mettre partiellement
et successivement en activité l'acte constitutionnel.
Après avoir démontré combien cet acte serait imparfait , s'il
n'était appuyé de beaucoup de lois qui restent à faire , et qui
doivent lui imprimer le mouvement et la vie , il termine
ainsi L'on a dit avec raison que le secret des lois est daus
le tems ; profitons de cette maxime , et mettons à l'épreuve
nos institutions politiques . Les spéculations éblouissent souvent
les esprits les plus sages ; l'expérience seule dissipe tes
illusions de la theorie ; asons de ses secours ; elle nous a
montré des défauts dans les lois qui d'abord nous avaient
séduits par leurs briliantes apparences ; qu'elle nous apprenne
donc à ne point remplacer des abus par des abus , à écarter
de la route des lois les obstacles qui pourraient en entraver
la marche ; et si nous ne pouvons atteindre à la perfection ,
dn moins rapprochons-nous - en autant que la faiblesse humaine
en est capable , lorsqu'elle ne néglige aucune des précautions
que lai indique la sagesse .
Voici le projet de décret
La Convention nationale , après avoir entenda la com
mission instituée par le décret du 10 gérminal , pour faire un
rapport et présenter un projet de décret sur le mode de préparer
les lois organiques de la constitution , et sur les moyens
de les mettre partiellement et successivement en activité , décrete
ce qui suit :
99. Art. Ier . Il sera formé une commission de 1r membres,
.
04
( 216 )
qui sera chargée, de préparer les lois nécessaires pour mettre,
en activité la constitution .; elle sera nommée dans la séance
da 2 floreal , par bulletin signé .
" II. La commission exécutera et présentera son travail
dans l'ordre suivant :
Les lois sur la composition du territoire de la République
et sa distribution intérieu e ;
Celles sur l'etat politique des citoyens ;
Celles sur l'exercice de la souveraineté da peuple ;
Celles sur les corps municipaux , administratifs et sur les
autorités judiciaires ;
Celles sur le conseil exécutif et ses agens ;
Celles sur les relations extérieures ;
Celles sur les finances ;
Celles sur la force publique ;
Celles sur le corps législatif.
III. Les projets de loi sur chaque partie seront imprimés ,
et la discussion en sera ajournée à une décade après la distribution
.
" IV. La commission est autorisée à prendre par - tout où
elle le jugera convenable , les renseignemens dont elle aura
besoin . A cet effet les comités de la Convention , les commissions
exécutives , les corps administratifs et tous autres
établissemens publics , sont tenus de lui fournir , daus le plus
bref délai , ceux qu'elle leur demandera.
Les citoyens qu'elle appellera auprès d'elle , et dont elle
réglera l'indemnité , conserveront les fonctions et emplois
qu'ils exercent , et y seront provisoirement remplacés.
" V. Tous les citoyens ont le droit et sont invités de communiquer
leurs vues , tant sur les dispositions , le développement
dont la constitution est susceptible , que sur la meilleure
organisation du gouvernement.
14
La commission demeure autorisée à faire imprimer ceux
des projets et mémoires qui lui paraitront devoir être soumis
à l'opinion publique .
" VI . Il n'est fixé aucun terme aux travaux de la commission
, mais il lui est recommandé d'y mettre la plus grande
célérité . "
Ce projet de décret est adopté .
Cambacérès annonce un prochain rapport sur les moyens
de donner de l'intensité au gouvernement actuel ; rapport qui
terminera la mission des sept .
La discussion s'ouvre sur la confiscation des biens des
condamnés . Rewbell prend la parole et dit qu'il ne s'y oppose
pas , mais qu'il lui semble qu'on devrait d'abord s'occuper de
la masse des assignats en circulation , cet objet étant d'un
intérêt général et pressant , et qu'on rendra ensuite justice
aux parens des condamnés . Plusieurs membres insistent pour
( 217 )
que la discussion ait lieu ; la Convention décrete qu'elle s'oc
cupera d'abord de la vente des biens des émigrés par loterie ,
ensuite de la levée du sequestre des parcus des émigrés , enfin
de la question des confiscations.
Rovere , au nom du comité de salut public , annonce que
les malveillans méditent de nouveaux attentats contre la liberté ,
et il propose , pour faire avorter leurs criminelles esperances ,
de décréter que la Convention se réunira ce soir à 7 heures ,
et d'inviter tous les bons citoyens de Paris à se tenir prêts à
employer tous leurs moyens pour maintenir la tranquillité
publique. Décrété .
Séance du 29 germinal au soir .
Dans cette séance , Rovere a fait le rapport des dangers
que couraient la Convention et la commune de Paris . Il
existe , dit- il , un point de contact de Londres à Paris : les
Anglais projettent une descente sur nos côtes , les malveillans
projettent une invasion sur les propriétés , sur les boutiques
des marchands et sur la Convention nationale . Une partie
de vous et des bons citoyens devaient être égorgés . Je viens
vous assurer , au nom de vos deux comités , que jamais projet
ne fut plus artistement combiné , plus secrettement travaillé
que celui qui devait éclater ce soir , ou demain , ou après
demain au plus tard. Nous tenons les renseignemens de
l'un des principaux conjurés , qui a reculé au moment de
l'exécution , qui a faibli sous les remords , et qui a révelé
toute la trame .
L'agence des subsistances générales nous a écrit qu'an commissaire
, accompagné d'une députation de la section du
Panthéon- Français , l'avait prévenu que des malveillans faisaient
courir le bruit que primidi prochain , on distribuerait
une livre et demie de pain aux ouvriers et une livre aux
autres citoyens . Les arrivages ne permettent pas de réaliser
les espérances que l'on donne à dessein . Différentes députations
ont dit aussi à l'agence qu'il y aurait un mouvement
demain et primidi.
11 y a
eu dans les maisons d'arrêt des hommes couverts
de sang , de crimes et de rapines ; ce sont ces hommes que
l'on appelle les patriotes par excellence ; on voulait faire sortir
des prisons ces honnêtes gens ; voici ce qu'ils tramaient :
le 29 de ce mois , il fut remis au concierge de la maison
du Plessis , un petit paquet adressé à Grépin , détenu , et
contenant une livre de fromage de gruyere : comme il sortait
du papier par l'une des surfaces du fromage , on rompit le
morceau , et l'on trouva un billet ainsi conçu :
Mon ami , je te préviens que le jour où tu recevras des
oeufs moitié rouges et moitié blancs , toi et tes camarades
vous coucherez tout habillés , afin d'être prêts à sortir :
1
( 218 )
le nombre des oeufs indiquera le nombre des heures que
Vous aurez encore à rester en prison.
$
On distribue dans quelques lieux publics un signe de ralliement
portant ces mots : Vive la montagne . Une femme
fut sa sie hier , avec une carte octogone où ces mots sont
inserits . Voici la carte :
Les principaux acteurs de la conjuration sont sous la
main de la justice : un nommé Parrein , ex - genéral dans la
Veudée , ex membre de la commission des sept , à Lyon ,
était à leur tête il y a un ingénieur nomme Chevalier ,
que le comité de salut public employa pour des fusées inflammables
; parmi eux se trouve aussi un maréchal- des logis
de la gendarmerie qui , la nuit dernière , a fait entrer dans
Paris douze fusils cachés dans de la paille . On avait des
pinces pour ouvrir les prisons. Des représentans en costume
devaient réclamer les prisonniers , au nom du comité de sûreté
générale . On se serait d'abord porté sur la Bourbe ,
ensuite sur le Plessis ; quelques gens du fauxbourg Antoine
se seraient emparés de l'arsenal : des conjurés du fauxbourg
Germain auraient investi le comité de satut public , tandis
que les comités militaire et de sûreté genérale l'auraient été
par d'autres du fauxbourg Martin . Ou aurait fait assembler .
la Convention pendant la nuit ; on lui aurait demandé la
constitution de 1793 sans modification , la révision du code
pénal , l'arrestation des mis hors la loi et des soixante - treize ,
le renouvellement total des comités de gouvernement , et la
déportation de Tallien , Fréron , Barras , Dubois - Crancé ,
Rovere , Legendre , etc.
Cependant on aurait battu la générale dans les fauxbourgs
Marceau et Martin ; trois coups de canon auraient été tires
au fauxbourg Antoine . Cambon , Thuriot et Montaut se
seraient mis à la tête des rassemblemens ; ils auraient demandé
la reintégration des deputés erétois , et la reprise du procès
de Collot , Billaud et Barrere , pour les déclarer acquittés par
un decret solemnel.
Ces choses devaient se passer pendant la nuit. On avait
distribué de l'argent pour achat de vin et d'eau - devie . On
se proposait de commencer l'exécution , ce soir 29 , ou demain
oa après demain au plus tard . Quelques gendarmes et
quelques canonniers étaient dans le complot . C'est un sous - offi .
cier de gendarmerie qui a distribue de l'argent ; il s'appelle
I'Agréice ; il est sous la main de la loi . Les conjurés comp .
taient sur une compagnie presqu'entiere de la section du
Temple , et sur quelques invalides. Ils devaient couper la
tête à quelques geus à cheveux retroussés , porter leurs têtes
au bout des piques , et arrêter tous les autres . Ils devaient
s'emparer du télégraphe , et donner avis aux terroristes de
tous les départemens par des couriers extraordinaires .
( 219 )
E
1
1
3
Aujourd'hui à deux heures ,, quatre conjurés savoir le
maréchal -des - legis , l'ingenieur Chevalier , un citoyen de
la section du Temple , et le maître de la maison du rassemblement
, ont tenu conseil . L'un d'eux devait se rendre
à Pierrefute y chercher cent hommes ; un autre officier de
gendarmerie etait aujourd'hui de service ; il avait le mot d'ordre,
et l'aurait communiqué aux conjurés . Un linge blanc attaché
à un bâton aurait éle placé à la porte de la maison du rassemblement
; l'adresse de ce local a été inscrite sur des cartes
que l'on devait distribuer. Voici l'ane de ces cartes : Les chefs
du complot croyaient pouvoir soulever facilement quelques
atteliers . Des mandats d'arrêt ont été lancés contre Parrein
Agrêlée et Chevalier .. Le rapporteur propose , au nom
des comités de salut public et de sûreté générale , le projet
suivant :
Art. 1er . Les représentans Cambon , Thuriot , Ruamps
Levasseur de la Sarthe ) , Maiguet , Moyse Bayle et Hentz
décrétés d'accusation , et qui ont pris la fuite , seront tenus
de se constituer prisonniers dans le délai d'une décade ; faute
de quei , ils auront encouru la déportation par leur désobéissance
à la loi..
,, II . Le tribunal révolutionnaire sera en permanence jusqu'au
jugement définitif de Fouquier Thinville et de ses coaccusés
. ( Ce projet excite de vifs applaudissemens . ) ,
Après quelques debats , Montaut , représentant du peuple ,
est décrété d'arrestation sur la demande de plusieurs membres .
Le projet de Rovere est adopté avec cet amendement , qu'au
lieu du delai d'une décade , les représentans fugitifs n'auront
que vingt- quatre heures , à compter de la publication
du décret dans la commune où ils peuvent être caches.
Séance de décadi , 30 Germinal.
François de Neufchâteau adresse un mémoire contenant des
vues sur l'amélioration de l'agriculture . L'Evêque , éleve de
l'école normale , envoie un essai sur la maniere d'étudier et.
d'écrire l'histoire .
Lesage ( d'Eure et Loir , au nom des comités de salut
public et des finances , fait décréter que les communes se
pourvoiront elles-mêmes des sommes dont elles auront besoin
pour achat de subsistances . Le conseil général déterminera ces
sommes , le mode de l'emprunt volontaire , ses conditions
et les époques du témboursement . L'administration du district
donnera son avis , et celle du département rejettera ou con
firmera la délibération . Si elle est confirmée , elle sera provisoirement
éxécutée ; mais les pieces seront envoyées au comité
de salut public pour l'approuver définitivement , s'il y a lieu.
Auguis annonce que les citoyens d'Evreux ont restitué tout.
le bled qu'ils s'étaient partagés . On a arrêté deux femmes qui
( 220 )-
9
s'étaient signalées dans le tumulte ; l'une est la déesse de la
liberté et l'autre celle de l'égalité. La prison d'Evreux est
aujourd'hui leur temple . La Convention suspend le décret qui
mandait à la barre la municipalité d'Evreux .
Rovere , au nom du comité de salut public , rend comptedes
mesures prises pour s'assurer des conspirateurs . On en a
arrêté quatre chez l'Agrêlée . Il se trouvait chez lui des fusils ,
des sabres , des cartouches ; le complot était connu dans les
prisons . Rien n'égalait l'impudence des sarcasmes que Fouquier-
Thinville se permettait hier contre ses juges .
Ce jour était destiné aux pétitionnaires . Ils ont été catendus.
Séance de primedi , 1er . Floréal. 1
Charles Pougens fait hommage à la Convention de la traduction
d'un voyage dans la nouvelle Hollande .
Eschasseriaux le jeune donne lecture de la rédaction définitive
du décret sur la liquidation des créanciers des émigrés .
Elle est adoptée.
Lesage ( d'Eure et Loir ) au nom du comité de salut public ,
dit que des motifs particuliers exigent que les armées des côtes
de Brest et de Cherbourg , qui avaient été réunies sous un chef ,
soient séparées et commandées chacune par un général . Il pense
que la confiance de l'Assemblée en son comité de salut public le
dispensera de dire les raisons qui l'ont déterminé à prendre cette
mesure. Il propose ensuite de décréter que l'armée des côtes
de Brest continuera d'être commandée par le général Hoche ,
et celle de Cherbourg le sera par Aubert Dubaye . Décrété.
Monnel , au nom du comité des decrets , rend compte que
d'après la vérification faite de tous les membres de la Conven
tion il en manque vingt- quatre , et que les suppléans des départemens
de Paris et de la Gironde sont épuisés . Il propose
de décréter que , conformément à la loi du 24 brumaire , il
soit procédé au tirage au sort , parmi les suppléans nommés
dans toute la France à leur remplacement. Ce projet est
adopté.
Merlin de Douai ) , au nom du comité de salut public ,
propose d'envoyer un nouveau représentant près l'armée des
Pyrénées occidentales . Cette demande , dit- il , étonnera sans
doute ceux qui , sur la foi de certaius journaux , eroyent qu'il
y a suspension d'armes entre l'Espagne et nous , et que nous
allons évacuer les provinces que nous avons conquises . Il
serait peut- être utile de remonter à la source de ces bruits ,
parce que ceux qui les répandent sont les mêmes sans doute
qui font arriver de Londres le ford Eden pour négocier
avec la France ; qui viennent de faire battre nos troupes
dans la Frise ; qui la veille de la déclaration de paix avec
la Prusse publiaient que toutes les négociations étaient rom(
221 )
pues ; qui dans le traité avec cette puissance inséraient un
article secret portant évacuation de la Hollande ; qui ont la
perfidie de répandre que la République négocie avec l'impératrice
de Russie contre le Danemarck et la Suede ; qui
ont fait sortir les Anglais victorieux d'un combat où nous
avons résisté avec 5 vaisseaux contre 15, et dans lequel les Anglais
ont fait une perte plus considérable que nous ; qui pousse
enfin la perfidie , jusqu'à imputer à la Convention le dessein
de ramener le peuple sous le jong de la royauté . Il suffit .
ajoute Merlin , de signaler de pareilles manoeuvres pour ies
déjouer. La proposition de Merlin est adoptée .
Le reste de la séance est employée à recevoir les dépu
tations d'un grand nombre de sections de Paris qui viennent
féliciter la Convention , et l'entretiennent des moyens de
rendre le peuple heureux .
Traité de paix entre la République Française et le roi de Prusse .
La République Française et sa majesté le roi de Prusse , également
animés du desir de mettre fin à la guerre qui les divise
, par une paix solide entre les deux nations , ont nommé
pour leurs plénipotentiaires , savoir :
La République Française ,
Le citoyen François Barthelemy, son ambassadeur en Suisse ;
Et le roi de Prusse ,
Son ministre d'état , de guerre et du cabinet , Charles-
Auguste , baron de Hardenberg , chevalier de l'ordre de l'Aiglereuge
, de l'Aigle-blanc et de Saint-Stanislas :
Lesquels , après avoir échangé leurs pleins pouvoirs , ont
arrêté les articles suivans :
Art. ler . Il y aura paix , amitié et bonne intelligence entre
la République Française et le roi de Prusse , tant considére
comme tel qu'en qualité d'électeur de Brandebourg et de
co- état de l'empire germanique.
•
à
" II . En conséquence , toutes hostilités entre les deux puissances
contractantes , cesseront à compter de la ratification
du présent traité , et aucune d'elles ne pourra , compter de
la même époque , fournir contre l'autre , à quelque qualité et
à quelque titre que ce soit , aucun secours ni contingent , soit
en hommes , en chevaux , vivres , argent , munitions de guerre
ou autrement.
III . L'une des puissances contractantes ne pourra accor
der passage sur son territoire à des troupes ennemies de
l'autre .
" IV. Les troupes de la République Française évacueront
dans les quinze jours qui suivront la ratification du présent
·( 222 )
traité , les parties des états prussiens qu'elles pourraient oeeuper
sur la rive droite du Rhin ;
Les contributions , livraisons , fournitur et prestations de.
guerre , cesseront entierement , a compter de quinze jours après
la signature de ce traité ;
Tous les arrérages dus à cette époque , de même que les
billets et promesses donnés ou faits à cet égard , seront de nul
effet ; ee qui aura été pris ou perçu après l'époque susdite ,
sera d'abord rendu gratuitement , ou payé en argent comptant.
22 V. Les troupes de la République Française continueront
d'occuper la partie des états du roi de Prusse , située sur la rive
gauche da Rhin , tout arrangement définitif , à l'égard de ces
provinces , sera renvoyé jusqu a la pacification generale entre
la France et l'Empire germanique.
,, VI . En attendant qu'il ait été fait un traité de commerce
entre les deux puissances contractantes , toutes les commuuications
ct relations commerciales seront rétablies entre la
France et les états prussiens sur le pied où elles étaient avant la
guerre actuelle .
,, VII . Les dispositions de l'article VI ne pouvant avoir
leur plein effet , qu'autant que la liberté du commerce sera
rétablie pour tout le nord de l'Allemagne , les deux puissances
contraciantes prendront des mesures pour en éloigner le
ihéâtre de la guerie .
VIIL Il sera accordé respectivement aux individus des
deux nations la main - levée des effets , revenus ou biens de
quelque genre qu'ils soient , détenus , saisis ou confisqués à
cause de la guerre qui a en lieu entre la France et la Prasse , de
même qu'une prompte justice à l'égard des créances quel
conques que ces individus pourraient avoir dans les étais des
deux puissances contractantes .
,, IX. Tous les prisonniers fait respectivement depuis le
commencement de la guerre , sans égard à la différence du
nombre et du grade,y compris les marins et les matelots prussiens
pris sur des vaisseaux , soit pussiens , soit d'autres nations ,
ainsi qu'en général tous ceux détenus de part et d'aute pour
cause de la guerre , seront rendus , dans l'espace de deux nois
au plus tard , après l'echange des ratifications du présent traité ,
en payant toutes fois les dettes particulieres qu'ils pourraient.
avoir contractées pendant leur captivité . L'on en usera de
même à l'égard des malades et blessés , d'abord après leur
guérison .
,, Il sera incessamment nommé des commissaires de part
et d'autre , pour procéder à l'execution du present article .
", X. Les prisonniers des corps saxons , mayençais , palatins
et hessois , tant de Hesse - Cassel , que de d'Armstadt , qui ont
servi dans l'armée du roi de Prusse , seront également compris
dans l'échange susmcntionné.
( 223 )
XI. La République Française accueillera les bons offices
de sa majesté le roi de Prusse en faveur des princes et états
de l'empire germanique qui desireront entrer directement en
négociation avec elle , et qui , pour cet effet , ont déja réclamé
ou réclameront encore l'intervention du roi .
La République Française , pour donner au roi de Prusse
une premiere preuve de son desir de concourir au rétablisse
ment des anciens liens d'amitie qui ont subsisté entre les
deux nations , consent à ne pas traiter comme pays ennemis
pendant l'espace de trois mois après la ratification du présent
traite , ceux des princes et états dudit empire qui sont
situés sur la rive droite du Rhin , en faveur desquels le roi
s'intéressera .
,, XII . Le présent traité n'aura son effet qu'après avoir été
ratifié par les parties contractantes ; et les ratifications seront
échangées en cette ville de Basle , dans le terme d'un mois ,
ou plutôt s'il est possible , à compter de ce jour.
" En foi de quoi nous soussignés , ministres plénipotentiaires
de la République Française et de sa majesté le roi de
Prusse , en vertu de nos pleins pouvoirs , avons signé le présent
traité de paix et d'amitié , et y avons fait apposer nos
sceanx respectifs . ,,
Fait à Basle , le 16 germinal , l'an 3. de la République
Française ( 5 avril 1795. )
Signés , FRANCOIS BARTHELEMI , et CHARLES-AUGUSTE , baron de
HARDEMBERG.
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Suite de la séance du 9 germinal , relative au procès de Fou-·
quier- Thinville et des co - accusés dans cette affaire.
Gabriel Jérôme Senard ajoute : La maison d'Héron était an
bureau de dénonciations ; on y a dit que Fouquier empêcherait
les témoins d'être entendus à décharge dans l'affaire de
Danton .
Villate a dit à l'hospice que le tribunal révolutionnaire était
un tribunal politique , qui devait sacrifier ceux qui lui étaient
presentés.
Châtelet et Naullin n'ont jamais approuvé les actes de
rigueur.
Fouquier. Il parcourt les faits et dit : Santerre fut arrêté
à Tours ; Héron et Senard m'apporterent le proces - verbal
de son arrestation . Il était rempli d'astuce , Santerre était
patriote , et je dis an témoin qui me sollicitait de le traduire
au tribunal , que la loi me défendait d'y traduire les députés ,
( 224 )
les ministres et les généraux . D'ailleurs , Santerre est patriote
puisqu'il est sorti de prisou la nuit du 9 thermidor.
Fouquier a nié les propos imputés par le témoin , et s'en
est referé à Héron , qui sera entendu. Quant à Motion ,
détenu alors comme suspect , il a dit que cette affaire ne le
regardait pas. Pour ce qui est des voitures , a dit Fouquier ,
j'ai ordonné à l'exécuteur Samson qui me témoignait son
embarras sur la pénurie des chevaux , d'avoir plus que moins
de charettes , parce qu'en floréal les comités ne voulurent
pas qu'on y mit plus de sept à huit personnes , au lieu de
douze à quatorze.
Cambon , substitut. Comment peut-on commander des
charettes le matin , sans savoir , si dans le jour , il y aura
des condamnés ?
-- Fouquier. C'était à cause de la disette des charettes .
Je nie les propos : Amar sera entendu . Le témoin m'en veut
à cause de Santerre , mais d'Ossonville et le témoin du fond
de leur cachot avaient dénoncé Tallien et d'autres ; il en
a même été parlé à la Convention , à qui Cambon , ne jugea
point à propos de présenter cette dénonciation . Le témein
est l'agent de Héron ; c'est lui qui a dénoncé la conspiration
connue sous le nom de Baron de Batz ; c'est lui qui
a fait arrêter Burette , etc.
Le témoin. - Santerre n'était pas alors général de la Vendée ,
mais secrétaire d'un représentant . Le verbal rédigé en floréal ,
est signé Santerre on prit des précautions pour qu'il ne
se poignardât point ; le gendarme qui était présent dira qu'il
voulut me corrompre par argent. Santerre ne doit sa liberté
qu'a la faction thermidorienne .
Fouquier fait observer ces derniers mots ;
Il est faux , a repris le témoin , qu'on m'ait proposé
de traduire Santerre en accusation . Je n'étais pas porteur
du veibal , je l'ai dit à Fouquier , c'était Romainville , juge
de paix de Versailles ; je demande qu'il soit entendu . Le
verbal n'est point serti du comité , qui s'en est emparé. "
Villate. Le témoin était l'agent actif de la tyrannie
décemvirale . Il a dit que Tallien était un scélérat , qu'il y
passerait ; que Cambon se repentirait de n'avoir pas accueilli
a dénonciation ; que Barrere triompherait. Je nie le propos
qui m'est imputé.
-
-- Taleyras , juré , au témoin . Y avait-il quelqu'un avec
vous dans le cabinet de Fouquier , lorsque vous entendites
ces mots : 12 , 24 , 30 , trois voitures .
Le témoin. Il y avait un gendarme
(La suite au numéro prochain. )
( No. 44. )
J24.135.
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 10 FLORÉAL , l'an troisieme de la République,
( Mercredi 29 Avril 1795 , vieux style . )
LITTÉRATURE ANCIENNE.
LEUVRES DE XENOPHON , traduites en français sur les textes
imprimés , et sur quatre manuscrits de la bibliotheque
nationale ; par le citoyen GAIL , professeur de littérature
grecque au collège de France de l'imprimerie de DIDOT
le jeune. A Paris , chez l'auteur , place Cambrai . Ier , volume
in 8. de 374 pages.
$
ONSN se demande souvent pourquoi la lecture des anciens
nous attire par un charme irrésistible ; pourquoi , après
avoir parcouru les ouvrages des modernes , on revient à
eux avec un empressement si vif , et on les quitte avec
un sentiment de regret si profond . C'est qu'indépen
damment de ce qu'ils ont été nos premiers guides , et ,
pour ainsi dire , les compagnons de notre jeunesse , ils
portent dans leurs compositions une empreinte d'originalité
, et un caractere qui les distingue entierement des
modernes . Ils parlaient une langue si belle ! ils peignaient
des mceurs si extraordinaires et si grandes ! ils
n'existent plus que dans leurs écrits , et c'est pour
cela qu'ils sont devenus si précieux pour nous . On
aime à y étudier leurs lois , leur esprit , leur génie ,
leurs habitudes , comme on va encore aujourd'hui dessiner
les débris de leurs monumens , pour y retrouver
les principes de l'art et les idées du beau . L'imagination
refait Athenes , Sparte , Rome ; elle ranime les grands
hommes qu'elles ont produits , et en mettant en mouvement
ces grands peuples qui ont disparu , elle embellit
cette création nouvelle d'un prestige dont le charme
varie au gré de la pensée , qui préfere souvent à là réalite
l'illusion qu'elle imagine .
L'esprit humain a fait sans doute de grands progrès
depuis les anciens ; peut- être savons-nous mieux faire
un livre , en distribuer toutes les parties , et les faire
Tome XV. Р
( 226 )
concourir ensemble au but que l'auteur se propose.
Peut -être abordons -nous plus franchement les questions
que nous avons à traiter , et pénétrons - nous plus avatt
dans les sujets quil s'agit d'approfondir. Mais avonsnous
, comme les anciens , cet art admirable d'intéresser
par les formes , par les détails , par les comparaisons ,
par les rapprochemens moraux ? Possédons - nous au
même degré le secret de faire disparaître la sécheresss
du fond par la variété et la richesse des accessoires , et
de porter dans les ouvrages les plus sérieux et les plus
didactiques , cette vie , ce mouvement , ce dramatique
dont ils savaient les animer ? Ce que nous avons gagné
en précision , en méthode , en profondeur , ne l'avonsnous
pas perdu en agremens , et sur- tout dans ce talent
ai raie d'attacher les lecteurs , et de rendre l'instruction
aimable.
De tous les écrivains de l'antiquité , nul n'a réuni ,
comme Xénophon , cette diversité de talens , et ce genre
d'intérêt dont nous venons de parler. Philosophe , historien
, général , homme d'état , il n'est pas moins connu
par la fameuse Retraite des dix mille , que par les Faits et
dits mémorables de Socrate , la Cyropédie , l'Histoire grecque ,
et une foule d'autres ouvrages non moins recommandables
par l'harmonie , la douceur et la grande perfection
de style , que par une prodigieuse variété de cor
naissances .
Plusieus ouvrages de Xénophon avaient déja été traduits
dans notre langue , par Charpentier , d'Ablancourt ,
Larcher , Dacier et la Luzerne ; mais il nous manquait
une traduction complette de ses OEuvres , faite avec soin,
sur les meilleures éditions du texte grec , et les manuscrits
comparés qui existent dans les principales bibliotheques
. Cette tâche pénible et laborieuse vient d'être
entreprise par le citoyen Gail , professeur de littérature.
grecque , au collège de France , à qui nous sommes
deja redevables de la traduction de Théocrite , d'Anacréon
et des dialogues de Lucien .
Le volume que nous annonçons contient l'Economique,
l'Apologie de Socrate , le Traité d'équitation , et le Maître
de la cavalerie. Ce ne sont pas les productions les plus
célebres de Xénophon , mais ce sont les moins connues
dans notre langue ; 1 Economique surtout est un
morceau extrêmement précieux. C'est , dit le traducteur
lui - même , le plus ancien des écrits en ce genre ;
c'est un chef- d'oeuvre que Scipion l'Africain eut tou
( 227 )
jours dans les mains , que Virgile imita quelquefois , que
Cicéron traduisit. Après qu'on aura pardonné à ce traité
quelques détails, un peu minutieux , sur l'économie
domestique et sur l'agriculture , on reconnaîtra dans des
morceaux pleins de raison , de douceur , d'éloquence ,
toute la sagesse et tout le talent de Xénophon .
99
" Nos modernes , continue le traducteur , si fiers de
leurs découvertes , pour ne pas dire leur rafinement
dans une science dont les élémens sont si simples , verront
, non sans sans surprise , qu'il en avait deviné la
plus grande partie . C'est un ouvrage adressé aux vrais
habitans des campagnes ; c'est une maison rustique animée
par le dialogue , embellie par les charmes de la
diction , et faite pour plaire aux peres , aux meres de
famille , à toutes les ames sensibles , à tous les amis de
la nature et du bonheur conjugal . Ce qui empêche les
habitans de nos campagnes de lire les livres d'agriculture
qui abondent dans nos villes , c'est que les uns
sont , si je puis m'exprimer ainsi , des catéchismes secs
´et rebutans ; les autres , des paradoxes où l'on recourt
trop souvent à la métaphysique , et que tous enfin sont
dénués de cet intérêt qui puisse attacher et guider les
simples enfans de la nature . Xénophon a su éviter l'un
et l'autre écueil . S'il est naïf jusqu'à la bonhommie , il
est aussi très- instructif , et il intéresse jusqu'à l'attendrissement.
Entr'autres j indique à mes lecteurs les conseils
affectueux qu'il veut que l'on donne à une jeune
épouse , et un éloge de la campagne , qui respire le goût
de la belle poésie , et dent Gesner n'aurait pas désavoué
les tableaux . "
Ceux qui liront l'Economique confirmeront sans doute
le jugement du traducteur , et y ajouteront même les
différens genres d'impression dont leur ame aura été
affectée à la lecture de cet ouvrage , car le jugement de
chaque lecteur se modifie suivant la diversité de ses
sensations . Ils remarqueront avec quel art Xénophon
sait faire sortir de son sujet les nuances d'intérêt dont
il est susceptible ; comme il introduit sur la scene
Socrate et Critobule , l'un pauvre de biens , mais riche
d'économie et sobre de desirs ; l'autre opulent , mais
appauvri de besoins et de mauvaise administration ;
comment de la curiosité de Critobule , impatient de
savoir pourquoi Socrate se trouve plus riche que lui , et
des réponses de Socrate qui sait si bien instruire par
ses interrogations et sa méthode si ingénieuse de faire
P &
( 228 )
accoucher les esprits , naît tout le plan et le développement
des principes de Xénophon sur l'économie domestique
et rurale ; comment Socrate , après avoir traité
une partie du sujet , int.oduit à son tour Ischomaque ,
et raconte les entretiens qu'il a eus avec cet homme de
bien et les instructions qu'il en a reçues ; épisode qui
acheve d'éclairer la discussion , et y répand un nouveau
degré d'intérêt et de variété .
L'Economique doit plaire aux hommes de tous les pays
et de tous les états , parce que les leçons qu'il renferme
sont d'une utilité et d'une vérité absolue , et
indépendantes des tems , des lieux et de toutes les circonstances
politiques . Mais ces leçons semblent appropriées
plus particulierement à notre époque ; elles seront
mieux goûtées , mieux senties chez un peuple à qui ses
institutions nouvelles doivent rendre la vie domestique
et agricole plus précieuse et plus chere , et inspirer des
meurs plus séveres et plus simples .
L'apologie de Socrate par Xénophon est moins étendue,
moins touchante et moins belle que celle de Platon .
Xénophon n'était point à Athenes quand Socrate fut
mis en jugement et condamné ; il ne fut pas témoin
comme Platon , et les autres disciples de ce philosophe ,
de toutes les circonstances de cette condamnation qui
fait l'opprobre des juges et la gloire de Socrate , des
discours éloquens et sensibles que celui - ci adresse à ses
juges , non pour les fléchir , ce rôle était indigne de
Socrate , mais pour confondre ses calomniateurs , et
épargner un crime à sa patrie . Il n'est pas étonnant que
Xénophon , écrivant après les autres et sur parole , n'ait
pu donner à son apologie de Socrate , le même intérêt
et la même solemnité , que Platon qui avait tout vù ,
tout entendu . Cependant peut-on parler de Socrate sans
tre sûr d'exciter la plus tendre et la plus douloureuse
émotion ? Telle qu'elle est , l'apologie de Xénophon
contient des détails qui ne se trouvent point dans celle
de Platon , et une simplicité plus conforme au caractere
de Socrate. Là où Xénophon est vraiment supérieur
à Platon, c'est dans ses faits et dits mémorables.Plator ,
dans ses ouvrages , ie montre plus qu'il ne montre
Socrate ; mais dans les faits et dits mémorables , ce n'est
plus Xénophon , c'est Socrate tout entier , on le voit ,
on l'entend , on le retrouve dans ses actions comme dans
ses discours ; et quoique Socrate n'ait jamais rien écrit ,
( 229 )
et qu'on ne puisse le chercher , ni l'observer dans ses
ouvrages , on sent que le portrait qu'en fait Xénophon
doit être plus frappant de vérité et de ressemblance que
celui de Platon.
Nous dirons peu de choses du Traité d'équitation et dy
Maître de la cavalerie. Quelques progrès que l'on ait fait
de nos jours dans ces deux genres de tactique , on sera
étonné de l'infinité d'observations et de préceptes utiles
que l'on y rencontrera , et dont on peut encore aujourd'hui
faire son profit. On voit qu'ici les connaissances
pratiques du grand capitaine servent beaucoup
les talens de l'écrivain ,
Au reste , il est une remarque à faire , en lisant les
ouvrages de Xénophon , et cette remarque est commune
à la plupart des écrits des anciens , de ceux surtout
qui sont de l'école de Socrate , c'est le soin qu'ils
prenaient d'invoquer la divinité , et de mettre leurs
ouvrages , comme leurs actions , sous ses auspices . Ce
soin sera traité , si l'on veut , de faiblesse et de préju
gés ; mais il communiquait à leurs productions je ne
sais quel caractere religieux et grave , qui rendait les
impressions plus profondes , et donnait de leurs principes
une caution qui n'était pas toujours perdue pour
les lecteurs.
L'élégance et l'extrême fidélité de la traduction , le
texte grec placé à côté , le mérite de l'exécution typographique
confiée aux presses de Didot le jeune ; tout
doit rendre cette entreprise recommandable aux amateurs
des anciens , infiniment utile aux jeunes gens ,
pour qui cette édition sera un livre classique , et digne
par conséquent d être encouragée par le gouvernement.
Si ce volume est accueilli , comme il doit l'être , le
citoyen Gail s'engage à completter tout l'ouvrage , dans
l'espace d'une année . Il annonce un autre ouvrage qui
servira d'introduction au sien , c'est l'Histoire de la vie
et des ouvrages de Xénophon , par le citoyen Fortia , savan
modeste , que les lettres disputent aux mathématiques ,
et qui , à ce double titre , était avoué pour ami par le
célebre d'Alembert.
En terminant cet article , il nous reste un voeu à
exprimer. Xénophon reçut en dépôt de Thucydide les
premiers livres de l'Histoire grecque , dont il fut l'éditeur
et le continuateur. Le citoyen Gail ne rendrait- il pas
P 3
( 230 )
un service précieux à la littérature française , s'il faisait
précéder cette partie de l'histoire grecque de Xénophon ,
par celle de Thucydide . Il nous paraît que ces deux
choses sont absolument inséparables , et le citoyen Gail
acquerrait un titre de plus à l'estime et à la reconnaissance
du public .
VOYAGES . HISTOIRE . GÉOGRAPHIE.
NOTICE d'un voyage portugais dans les contrées voisines de
la riviere des Amazones .
Les morceaux suivans soat tirés d'un manuscrit portugais
, appartenant au citoyen Buache , professeur de
géographie à l'école normale , qui nous a permis d'en
faire usage.
Le manuscrit est intitulé : Journal d'un voyage fait dans
les années 1774 et 75 , par Xavier de Veiga et Sam- Paio ,
intendant général de la capitainerie de Rio negro .
Il serait à desirer, que cet ouvrage , qui contient des
notices géographiques et hydrographiques sur le cours
de la riviere des Amazones et les peuplades qui bordent
ce fleuve , fût traduit et enrichi de notes rédigées par
le savant géographe qui nous l'a communiqué.
On y trouverait des choses utiles , relativement à
l'agriculture et au commerce , des possessions portugaises
voisines de la Guiane française ; il contient
aussi quelques renseignemens sur les Amazones d'Amérique
, et sur le fameux Doré ou Lago Dourado.
L'auteur traverse une bouche du Mamia qui se jette
du côté du midi dans la riviere des Amazones' ; il roule
une eau très-vive et ses bords sont fertiles en cacao .
L'auteur s'arrête à Paricatyba , mot qui veut dire où l'on
trouve abondamment l'arbre de Parica , dont le fruit
torréfié et réduit en poudre très-fine sert généralement
de tabac aux Indiens qui en font le plus grand cas .
Aussi l'emploient- ils dans une fête qui dure huit jours ,
et dont la bizarrerie peut piquer la curiosité .
Les Indiens commencent la cérémonie par se fouetter
réciproquement avec des lanieres de cuir de vache marine
, ou à son défaut avec des cordelettes de pite ou
pitre bien tordu , et d'environ une demi - aune de long :
ils attachent à l'extrémité une pierre ou quelqu'autre
( 231 )
j
?
corps dur. Le fouetté se tient debout , les bras étendus ,
tandis que son camarade le déchire avec cet instrument
. Il ne tarde pas à lui rendre le même service.
Pendant cette opération cruelle , à laquelle on consacre
une huitaine de jours , de vieilles femmes préparent le
parica , et les jeunes font avec le fruit de l'ébėju un vin
ou boisson enivrante appellée payavara.
Quand la distribution de coups de fouets est finie ,
on se régale de parica , et voici comment . Chacun.des
gens de la fête asso ié à un compagnon tient une espece
de bâton creux ou tuyau de pipe rempli de poudre de
parica ; il en introduit un bout dans la narine droite
de son camarade , souffle par l'autre de toute sa force ,
et recommence ce singulier jeu en changeant de narine
autant de fois que cela peut plaire de part et d'autre .
Il y en a ordinairement pour tout un jour : on en consacre
la nuit à boire . La violence de cette poudre et
de cette boisson est telle que la majeure partie des
Indiens tombent comme morts . Il arrive même que quel
ques- uns suffoqués par le parica n'en relevent jamais .
Au reste , à peine sont- ils sortis de cette double ivresse
qu'ils recommencent à boire , et cela pendant huit jours .
Par bonheur cette fête n'a lieu qu'une fois l'année .
Parmi les especes très-variées de poissons qui se trou
vent dans la riviere des Amazones , il n'y en a pas de
plus singulier que le boi ou vache marine . La ressemblance
de la tête , des oreilles et de la bouche avec celles
d'une genisse lui a fait donner ce nom. Sa chair ,
et
sur-tout celle du ventre , est de très- bon goût. On en
fait des saucisses que l'on enferme dans les boyaux de
l'animal . Au reste , quoiqu'il passe pour poisson , il a
plutôt le goût et la consistance de la viande sa taille
ordinaire est de trois ou quatre vares , et il est peut-être
encore plus gros que long ; il paît l'herbe qui croît sur
les bords du fleuve , mais seulement en avançant la
tête , car il n'a point de pieds pour se soutenir à terre .
Il a auprès de la tête deux nageoires en forme de
mains en conséquence , on ne saurait le regarder comme
un amphibie , quoi qu'en disent quelques auteurs . La
femelle alaite ses petits qu'elle traîne constamment après
elle .
Après avoir parlé de la salsepareille que l'on tire de
la province de Jurna , appartenante aux Espagnols , le
voyageur poursuit ainsi : La premiere des deux nations
dont je veux parler pour leur singularité est la Cavana ,
P 4
( 832 )
espèce de nains qui n'ont gueres que cinq palmes de
hauteur ; la seconde est la Ug On dit que les Indiens
de cette nation ont des especes de queues de trois à
quatre palmes de longueur ou même davantage . On
attribue son origine à la monstrueuse union des femmes
avec les singes coata ; aussi s'appellent-ils encore coată
tapuia. Cette relation paraîtra une fable ou pour mieux
dire une chimere .
Mais ce qui prouvè que cette origine n'a rien d'im
possible , c'est le témoignage d'un grand nombre d'Indiens
, descendus du Jurua , qui ont connu cette nation.
Un argument encore plus fort , est une attestation par
écrit que j'ai vue entre les mains du visiteur et vicaire
général de cette capitainerie , Joseph Monteiro de
Noronha , signée du pere Joseph de Sainte - Théresè
Ribeiro , religieux carmelite , datée de Castro d'Avelans,
où il était vicaire le 15 d'octobre 1768 , lequel religieux
existe aujourd'hui dans le couvent de Para , comme je
le sais par moi-même , lui ayant parlé cette année près
de la ville de Serpa où il venait se retirer.
Ce religieux dit positivement qu'étant missionnaire
dans le village de Paravari , qu'il quitta depuis pour celui
de Nogueira . il y fit rencontre d'un homme accompagné
de quelques Indiens , parmi lesquels il y en avait un
d'environ 30 ans , qu'on lui assura avoir une queue , et
que ne pouvant le croire le conducteur le fit déshabiller
, sous prétexte de tirer des tortues d'un puits où
on a coutume de les garder , qu'alors il vit bien distinctement
, et sans se tromper , que cet Indien avait en
effet une queue de la grosseur du pouce et d'environ
une palme de longueur , couverte d'une peau unie et
sans poil.
Plus loin , l'auteur parle du samu- umeira . C'est un
arbre d'une hauteur et grosseur prodigieuses , qui porte
horisontalement ses branches à une grande distance ;
le bois n'est point de durée , et ne sert à rien. Mais
ce qui est vraiment admirable , c'est le fruit qui donne
une espece de coton si estimé en Europe pour garnir
des matelas , usage pour lequel on ne saurait rien trouver
d'aussi propre , d abord parce qu'il est très - chaud ,
et ensuite tellement élastique qu'en l'exposant au soleil
il reprend sur- le - champ sa consistance , à quelque point
qu'on l'ait écrasé et qu'on l'ait affaissé , et enfin à cause
de sa blancheur et de sa qualité soyeuse .
Pour cueillir ce fruit , on coupe l'arbre par le pied
( 233 )
on s'empare sur-le- champ du fruit , et on le porte au
lieu où on l'ouvre . Là on en sépare le coton ou la bourre ,
et on le met dans un sac , car si on le néglige il s'envole
à l'instant . Le fruit est de la grosseur d'un petit
melon ; le coton est dans l'intérieur , et en recouvre la
semence il faut abattre beaucoup d'arbres , et se donner
beaucoup de peine pour completter deux ou trois
arrobes .
:
Sa fleur est polypétale , la corolle est composée de` ,
cinq étamines ou pétales de couleur feuille - morte et
d'une bourre très - fine qui ressemble à de la pluche .
Le mangubeira ressemble assez au précédent par son
fruit , avec cette différence que la bourre est de couleur
verte , et qu'on le trouve plus frais à l'usage .
On se sert aussi de l'écorce intérieure du manguba ,
qui est si fibreuse , qu'on en fabrique des cordes pour
les canots .
On peut appeller le tucum le lin de l'Amérique
méridionale . Les Indiens font des fibres intérieures de
ses feuilles des ouvrages du meilleur goût et de la perfection
la plus étonnante , qui leur servent à une foule
d'usages domestiques : ils en font des hamacs ou lits
qu'ils appellent magaïras : ces filets sont entrelacés avec
ua art tout particulier. Le tucum est une espece de
palmier- brave , sans aucune branche , dont tout le tronc
est couvert d'épines très - aiguës ; au haut se trouvent les
feuilles d'une vare et demie de longueur , et relevées .
ANNONCES. GRAVURES.
" Guillaume Tell enlevant à coup de flêche
par ordre de
Grisler , une pomme placée sur la tête du plus jeune de ses
enfans.
- Mort de Grisler tué d'un coup de fleche par Guillaume Tell.
Ces deux estampes faisant pendant , recommandables par Tintérêt
du sujet , la beauté des sites , le mérite de la composition
et du dessin , se trouvent chez Mixelle , гне Christine-Thionville
, no. 5. Le prix de chacune , en bistre ou en noir , est
de 10 liv .; et en couleur , de 20 liv.
( 234 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ALLEMAGNE.
De Francfort-sur- le- Mein , le 18 avril.
SUIVANT les dernieres lettres de Constantinople , le nouveau
Reis- Effendi paraît démentir les espérances qu'on en avait
conçues , en se tenant fidelement au systême pacifique de son
prédécesseur. Qn assigne pour cause de cette inactivité la
disette dont est menacé l'empire ottoman , du moius daus la
partie européane , La viande , portée à un prix excessif , est
de très-mauvaise qualité ; et le pain , le principal aliment da
pauvre , est monté à un prix si haut , que
très - peu de personnes
peuvent s'en procurer du bon , et celui d'une qualité
inférieure est tellement mauvais , qu'il occasionne des maladies
graves , dont quelques-unes même sont mortelles . Les provinces
ne sont guères moins malheureuses que la capitale , et des
villes du premier ordre le sont davantage. A Andrinople , il
y a une véritable famine ; un grand nombre de personnes
meurent de faim dans toute la force du mot . Un fleau d'une
autre espece afflige encore cette malheureuse cité . De nombreuses
troupes de malveillans parcourent ses cavirons , et
pillent les villages et les campagnes . Déja le grand - seigneur
a décidé de faire marcher un corps de troupes considerable
pour réduire ces brigands ; mais on est encore à chercher
un habile officier qui se charge de cette expedition . Le grandseigneur
a de plus ordonné l'armement de dix vaisseaux et
de pareil nombre de fregates . Ces forces escorteront un grand
nombre de bâtimens de transport , qui iront chercher des
grains en Syrie et en Egypte , où l'on assure qu'il s'en trouve
encore abondamment ; ciles empêcheront aussi tous trausports
d'objets de ce genre pour le compte des autres puissances ,
et protegeront les convois contre les pirates dont l'Archipel
est infesté . La République Française sera exceptée de la prohibition
; s'il y a un surplus de grains disponibles , ils seront
pour elle .
Le baron de Herbert , internonce impérial , qui avait de
mandé et obtenu son rappel , a été chargé de prolonger encore
son séjour à Constantinople.
( 235 )
Tous les avis qu'on reçoit de Copenhague et de Stockholm'
annoncent le maintien de l'union la plus étroite entre ces deux
puissances . Le commandement de leur flotte combinée commencera
cette année par les Suédois , et l'on assure que ce
sera le colonel Christierbin qui remplira cette place impor
tante ..
Les dispositions amicales des deux cours pour la République
Française sont bien connues , mais celles de la Suede en particulier
se prononcent encore davantage . Voici ce que portent
des lettres de la capitale , en date du 24 mars : ·
Le 20 , il est arrivé ici un député français qui se nomme
le citoyen Rivals , et prend la qualité d'agent public de la
République Française . Déja il a fait des visites dans la journée
du 22 , et où le dit homme de beaucoup d'esprit . La preuve
qu'il compte prolonger ici son séjour , c'est que , pour le
moment , il s'occupe de l'arrangement et de l'ameublement
d'une maison . Il doit lai venir un secrétaire qu'il attend
sous quinzaine .
Le sénateur comte Kalling est mort dernierement dans la
97. année de son âge ; il servait comme officier sous
Charles XII. Il était fils d'un simple cultivateur fiulandais . Il
a joué en Suede un très - grand rôle , mais la révolution de
1772 y mit fin .
On ne dit plus rien de la Pologne qui mérite d'être connu ,
sinon que les Russes occupent la Volhinie à mesure que les
Autrichiens s'en retiren . Les Prussiens cédent également la
place aux Autrichiens dans le palatinat de Sendomir .
Catherine II fait établr ou du moins triciapher sa religion
d'adoption , la grecque qu'elle a embrasse en montant sur le
trône de Russie , dans la Lithuanie , la Volhinie et la Podolie.
Cette mesure lui offre sans doute un moyen de faire supporter
plus facilement son joug aux contrées conquises .
Suivant les lettres de Vienne du 28 mars , le ministre impérial
à la diete de Ratisbonne est de retour depuis quelques
jours de Pétersbourg , où il était allé pour les négociations
auxquelles tient la décision du sort de la Pologne . Des
lettres antérieures de trois jours disent : Un courier de Londres
nous a apporté le plan des opérations de la campagne pro
chaine c'est vraisemblablement le préliminaire des confé
rences du comte de Pergen et du baron de Lederer , partis il
y a quelque tems pour aller chercher les six millions sterlings
qu'on prête à l'empereur. Ges lettres ajoutent : Notre armée
du Rhin a reçu ordre de passer ce fleuve , et d'aller délivrer
Luxembourg; ( ordre plus facile à donner qu'à exécuter. )
Des lettres d'Osnabruck du 28 mars rendent compte de l'ar-
Tivée en Westphalie de l'armée prussienne , commandée par
(1236 )
le feld-maréchal Mollendorf , qui s'est fait céder les magasins
qu'avaient les Anglais . Ce général était accompagné du prince
Louis de Prusse et des généraux de Knobelsdorff et de Wartensleben
. On lit par post- scriptum :
Le comte d'Artois n'a quitté cette ville que le 25 au matin ,
et il ne l'a fait qu'après en avoir été expressement requis .
Il est allé à Bremen , et tous les émigrés , qui sont encore
parmi nous , doivent également prendre le parti de s'en
éloigner.
On écrit de Bielfedl , le 30 mars : L'Empire germanique ,
à ce que l'on assure , sera compris dans la paix de la Prusse
avec la France , dont sept à huit lettres nous donnent la nouvelle.
La paix ! la paix ! est un cri qui se fait entendre de la
rive gauche du Rhin , et que les habitans de la rive droite répetent
avec satisfaction .
L'Empire sera bien fercé de la faire si les Français s'emparent
de Luxembourg et de Mayence ; elle peut aussi avoir lieu
cette paix si desirée , indépendamment de la prise de ces deux
places , dont la derniere est aussi vigoureustment- défendue
qu'attaquée , s'il en faut croire le bulletin officiel de l'affaire du
6 avril , dont le commandant de Mayence end ainsi compte :
Ce matin , je fus averti que l'ennemi travaillait fort assi
duement , depuis quelques heures , à une distance de 500 pas ,
devant notre nouvelle redoute no . 1 sur Hartenberg ; je m'y
transportai sur- le- champ pour m'en assurer , et je me fis
accompagner du lieutenant- général de Mayence , comte de
Haizfelz ; du commandant des avant-postes , comte de Mer*
gantin ; du commandant de la forteresse , colonel de Comez ,
et des deux directeurs du génie et de l'artillerie . L'ennemi
continua son ouvrage sous nos yeux . Alors il fut résolu de
détruire cet ouvrage , qui pouvait nous être très - préjudiciable
, ou au moins de le dégrader de telle sorte , que l'ennemi
perdit l'espérance de le rétablir . Pour atteindre ce but , M. de
Muller , lieutenant - colonel de l'artillerie , plaça deux pieces
de 8 à droite , en dehors de la nouvelle flêche , et d'une maniere
si avantageuse , que le feu de ces deux pieces , secondé
du feu de l'obus qui était dans la flêche , fit disparaître en no
instant les travailleurs de l'ennemi . Dans le même moment ,
le général Mergantin , à la tête du corps franc de Wurmser
et des tirailleurs de Warasdin , attaqua l'ouvrage même et en
repoussa la garnison . Il fut immédiatement suivi de 200 ou
vriers de Hesse-Darmstadt , conduits par M. Boutiguec , capitaine
des ingénieurs , qui furent soutenus par trois compagnies
d'Olivier-Wallis , commandées par le major baron de
Theyerhoff.
La place fut non- seulement occupée et soutenue par nos
troupes , mais l'ouvrage de l'ennemi fut détruit en grande
partie.
( 237 )
"
99 L'canemi essaya à plusieurs reprises de repouŝker nog
troupes , mais aussi - tôt le major Michanovich du corps franc
de Wurmser , avec deux compagnies de ce corps , avança ,
attaqua la batterie en avant du Hartenberg , ainsi que la maisen
des Dominicains , et emporta l'une et l'autre . Celui - ci fut
soutenu par une demi- compagnie de Hesse - Darmstadi , commandée
par le premier lieutenant de Weller , ce qui procura
cet avantage , que la coupure commencée à la maison des
Dominicains , put être continuée par le premier lieutenant
ingénieur de Grapff.
Cet ouvrage fut couvert par les Séressans qui étaient en
avant et qui escarmouchaient toujours . Ils furent soutenus à
droite par une division d'Olivier Wallis , sons le commandement
du Heutenant de Gall , qui repoussa les tirailleurs ennemis
qui s'étaient trop avances .
,, L'ennemi se forma de nouveau sur le Hartenberg , avança
une seconde fois , et fut une seconde fois repoussé , par la
sage conduite du major de Michanovich , du colonel de Lindau
, de Hesse - Darmstadt , du capitaine Otto , du porte- drapeau
comte de Wittgenstein , et des lieutenans Becker et
Koeniger. J'ai aussi employé avec beaucoup d'avantage le capitaine
Bechtohld .
,, Dans une nouvelle attaque de l'ennemi , qui se montra
en grand nombre sur le Hartenberg et dans les vignes , une
compaguie de grenadiers du régiment mayençais de Hatzfeld ,
sous le commandement du capitaine de Wollskehl , dans le
chemin creux , et ces deux compagnies appuyant l'aîle des
Séressans , l'ennemi fut en peu de tems obligé de céder au
feu de la mousqueterie , et à l'accompagnement de deux pieces
de cavalerie . Dans cette occasion , la perte de l'ennemi fut
considérable .
Il faut dire et publier , à la louange de ces compagnies
mayençaises , qu'elles s'offrirent d'elles-mêmes avec leur brave
major , le baron de Bommelberg.
,, D'abord , après le premier coup tiré , tous les généraux
se trouverent dans le cercle de leurs divisions , m'aiderent ,
par leur coopération efficace , à observer l'ennemi plus exactement
, et à diminuer ses mouvemens par le placement de
leurs troupes .
Le célebre lieutenant - colonel du génie , le marquis de
Chasteler , a montré une prudence et une valeur sans égale
dans la direction de l'ouvrage et le placement des troupes ,
au milieu du feu de l'ennemi . Mais , à mon plus grand regret ,
il a été blessé à la tête par un coup de feu .
,, Plusieurs officiers de tous grades , bas - officiers , cadets
et autres , se sont signalés dans cette journée . ››
On apprend de Wesel que le 4 , le 5 et le 6 , les Français
( 238 )
r
qui occupaient la partie du duché de Clèves , sur la rive droite
du Rhin , ont passé ce fleuve et vont évacuer entierement le
territoire prussien .
La princesse de Galles s'est embarquée à Stade le 28 mars ,
et a fait voile de Cuxhaven , le 29 , avec l'escadre du commos
dore Payne.
ITALIE .
aux
De Gènes , le 26 mars . L'escadre anglaise s'est réfugiée dans
le golfe della Spezia , après le combat du 14. Le gouverneur
a notifié à l'amiral anglais , la loi qui ne permet pas
vaisseaux de guerre , d'entrer au nombre de plus de cinq ,
dans les ports de notre République . L'amiral a répondu que
la nécessité l'a forcé à y entrer , mais qu'il en sortirait incessamment.
Cette escadre est composée de 12 vaisseaux de ligne , de dix ,
tant frégaties que cutters , et de deux vaisseaux français , pis
dans le combat naval.
L'amiral anglais a demandé la permission de débarquer 300
Français blessés . Le gouverneur della Spezia a fait part de
cette demande au gouvernement de Gênes , qui a répondu
qu'elle lui serait accordée , condition que les Français
demeurassent lib : es , aussi -tôt qu'ils auraient touché le sol de
la Republique . L'amiral y a consenti , à condition qu'ils promisseut
, sur leur parole d'honneur , de ne plus servir contre
l'Angleterre.
En conséquence , ce matin , l'envoyé français a expédié
deux bâtimens avec des chirurgiens et des hommes de peine ,
pour recevoir les blessés , et les transporter dans le Lazareth
.
La ville de Sienne a voté des remercimens solemnels au
grand duc de Toscane , à l'occasion de la neutralité vis - à - vis
de la République Française , évenement de la plus haute importance
pour le commerce de ce pays ; et voici ce qu'on
mande , en date du rer . avril , de Livourne :
Un gros bâtiment marchand , toscan , était sorti d'ici pour
se rendre à Marseille , avec une cargaison de grains . Peu de
tems après son départ , un cutter anglais mit lui - même à la
voile de cette plage , lui donna la chasse , l'arrêta et le recon-
Cuisit à la rade . Le cutter anglais donna pour motif que ce
bâtiment était soupçonné de porter des munitions de guerre ;
mais l'examen du bâtiment ayant montré qu'il n'était charge
que de grains , il a été décidé qu'on ne pouvait le considérer
comme de bonne prise , et il a été relâché . Le même cutter
s'était encore emparé d'un bâtiment vénitien , chargé aussi de
1239 )
1
.}
grains pour Marseille ; mais in fu rencontré , chemin faisant,
par un corsaire français ; celui- ci s'est emparé à son tour du
bâtiment , et l'a conduit à Speza .
La nouvelle répandue par quelques feuilles , que deux frégates
françaises claient demeures engravees sur les bancs de
Boniface en Corse , ue s'est point verifice.
Au départ du dernier courier de Milan , le roi de Sardaigne
était malade au lit , de la, fievre .
1
Un officier pié nontais écrit que les efforts de l'armée sarde
se porteront principalement vers Coni , et que l'on abandonnera
aux Piémontais la garde du duché d'Aost et des mouts adjas
cents . Il s'en faut , ajoute t il , que la bonne intelligence si
nécessaire egne entre les Autrichiens et les troupes nationales.
Les premiers ay nt voulu relever la garnison d'Alexandrie ,
les Piémontais qui la composent se sont opiniâtres à occuper
exclusivement ce poste , et la question a été décidée en leur
faveur. Au reste , on croit toujours que le prince de Piémont
travaille à détacher son pays de la Grande - Bretagne , et
à déterminer son pere à faire la paix . Il est secondé dans ce
projet par l'archevêque de Turin ; ce qui vaut à tous deux
les bénédictious du peuple.
-
ANGLETERRE. De Londres , le 28 mars .
Un ordre du conseil enjoint de s'assurer de l'état des gres
niers et magasins de la Grande - Bretagne et de l'Irlande , pour
reconnaitre si l'accroissement considérable du prix da bled
et des autres grains est dû à une disette réelle ou factice .
Il est toujours question de s'occuper du paiement des dettes
du prince de Galles . Les uns proposent de vendre , pour les
acquitter , les domaines du duche de Cornwall ; d'un autre
côté , le rei offre de se charger lui-même des dettes de son
fis , si on veut lui angmenter sa liste civile de 200,000 liv . st.
Il consentirait à augmenter encore le revenu annuel du prince
de Galles de 40 mille liv . Les papiers de l'opposition s'elevent
contre cet arrangement . D'après un premier apperçu , les dettes
s'éleveat à 850,000 I. st . Il semble en effet que le peuple serait
fort lésé si , pour acquitter cette somme , il consentait à l'augmen
tation demandée par Georges III , qui peut durer vingt ans , et
coûter ainsi 4 millious .
La défection du roi de Prusse n'a pas paru faire ici une
bien vive sensation . Ce prince se faisait payer fort cher les
services qu'il promettait sans cesse à la coalition , et qu'il
ne rendait pas . Quelques politiques disent qu'il vaut mieux
en dehors qu'en dedans ; et suivant ce principe répandu avec
( 240 )
adresse par notre ministere , nous nous consolons sans peine
du parti qu'il a pris de nous abandonner.
,
Jamais on ne vit autant d'activité dans nos chantiers . Vous
diriez que le ministere a le dessein de faire transporter la nation
entiere sur un autre hemisphere tant il prépare de vais
seaux de tous les rangs et de toutes les grandeurs . D'un autre
côté , on prend toutes les précautions possibles pour garnir
nos côtes , et les mettre à l'abri de l'invasion de l'ennemi .
La police interieure de la ville de Londres occupe aussi
l'attention de l'administration . On se propose de créer an
corps de milice nationale , destiné à protéger les personnes
et les propriétés dans les deux cités de Londres et de West
minster. Cet établissement se fait par la voie de sonscription
, et deja si l'on en croit les papiers ministeriels ,
liste des souscripteurs est tres - nombreuse .
la
Le principal objet de l'attention du ministere paraît être
d'intercepter tous les convois qui sont destinés pour la France ,
mais c'est une entreprise qui a tant de fois echoué , qu'on
ne peut guères compter sur ses succès . Quoi qu'il en soit ,
le gouvernement vient de donner des ordres à une escadre
de dix vaisseaux de ligne , sous le commandement du contreamiral
Colpoys , de partir sur-le - champ , pour établir une
croisiere sur les côtes de France . On dit même que cet ordre
a deja reçu son entiere exécution .
La Roche Jacquelin , pere de celui qui commandait dans
la Vendée , a été nommé colonel de la légion britannique
du Sud.
Dans le mois prochain , on doit former les camps suivans
dans le voisinage de la côte du Midi .
A Barbom- Dunes.
Le 3. régiment de dragons ,
Le 22c . , idem ,
Lancastrehire , fencibles ,
Rutland , idem .
Un corps de grosse artillerie ,,
Oxford , milice ,
Sud- Devon , idem ,
Dorset , idem .
Sud- Hantz , idem .
Un parc d'artillerie .
Douvres .
! Est-Middlesex ,
Est-Essex ,
Est-Norfolk. ›
Milice .
Brighthelmstone.
West-Essex .
Somerset.
Witheshire.
Dragons du prince de Galles ,
Sud-Gloucester ,
Hereford ,
Cheshire ,
Milice .
Un parc d'artillerie.
On doit , à la même époque , former encore d'autres
camps à Hyte , Dungeness , Est - Bourne , Staford , Chicheszer
, l'isle de Wight , Southampton , Poole , etc.:
RÉPUBLIQUE
A
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
P ÉSIDENCE DE SIEYES.
Séance du duodi , 2 Florial. **
Sieyes , an hom du comité de salut public , annonce que
larégence de Suede vient d'envoyer un ambassadeur extraor
dinaire pour résider auprès de la République Française . Il
lit la lettre de créance . Voyez Nouvelles officielles . )
La Convention nationale décrete que l'ambassadeur de Suede
sera admis à la séance de quintidi prochain à & heures , et
que sa lettre de créance serah inscrée au bulletin .
Un secrétaire donne lecture d'une lettre de la veuve de
Buzot , représentant du peuple , qui expose que , privée
de tout ce qu'elle avait de plus cher , et réduite à manquer
des choses les plus neccessaires à la vie , elle vient intéresser
la Convention sur son sort , et reclame une année
d'indemnités dues à son mari . La Convention decrete que
les inspecteurs du Palais- National feront payer à la veuve
Buzot l'année d'indemnités qui était due à son mari . ***
Denjou , au nom du comité des décrets , fait adopter qu'il
n'y aura d'admis aau concours spar la voie du tirage qui va
se faire parmi les suppléans , pour completter la représen
tation nationale , que le premier en tour d'appel dans chaque
departement ; que le prem en suppléant de chacun des départemens
dont les députations sont et se trouveront plus que
completes , d'un ou de plusieurs membres , ne participera
pas au concours du tage jusqu'à ce que les autrês depu- '
tations aient atteint la méme proportion ; et que les suppléans
da departement de Seine et Marne , dont l'assemblée élec
torale en a nommé un plus grand nombre que celui fixé
par les décrets et adopté par Pusage général , y seront réduits
as quatre suivant l'ordre fixé par l'élection .
J
Bourdon ( de l'Oise ) dit qu'il est démontré pour tous
les bons esprits que la révolution ne peut plus être entravée
que par les finances , et que c'est par conséquent sur cet
objetque l'Assemblée doit fixer son attention . Il ajoute que
le projet de finances qui vient d'être distribué , contient
des choses , extrêmement importantes , dont beaucoup de
ses collegues et lui se proposent de combattre les trois quarts
e dei. Il demande que la discussion sur cet objet soit
Igovoyée à sextidi prochain . Adopté.
Tome XV.
2
Imbert Pierret , au nom des comités d'agriculture et de
Snances , fait décreter l'etablissement de deux écoles d'éco-
Bomie rurale vétérinaire , l'une à Lyon pour le Midi , l'autre &
Versailles pour le Nord . Tous les citoyens qui voudront entrer
dans l'une de ses écoles , seront admis parmi les éleves, et recevront
gratuitement le logement et l'instruction . Chaque dis
trict est autorisé à envoyer un éleve qui sera entretenus aux
frais de la République . Sa dépense est provisoirement fixée
à douze cent lives. Il y aura dans chaque école un direetear
et six professeurs qui se distribueront les leçons ainsi
qu'il suit :
1º. L'anatomie de tous les animaux servant à l'agriculture ;
2º. l'éducation et les maladies du cheval , da mulet et de
F'âne ; 3° . l'éducation et les maladies des bêtes à corne
4º. celles des bêtes à laine ; 50. la pharmacie , la matiere
médicale et la botanique ; 6º. la longe , la ferrure et les opé
rations du pied.
le
Deleloy , au nom du comité de législation , reproduit à la
discussion le projet de décret concernant les membres de
Pancien comité révolutionnaire de Nantes , acquittés par
tribunal révolutionnaire. Rewbell pense que les principes
s'opposent à ce que l'on remette en jugement ces membres ,
que l'on revise celui qui a été rendu en leur faveur , et que
l'on infirme ainsi la declaration du juré. Il craint que ce que
l'on fait aujourd'hui pour des coupables , n'arrive bientôt
pour des innocens . Il regarde cette discussion comme un
scandale public , et s'appuyant sur cette maxime , qu'il vaut
mieux que cent coupables échappent , qu'un seul innocent
périsse. Il demande que le comité de sûreté générale prenne
des mesures contre ces hommes , dont la rentrée dans la so
ciété serait un vrai fléau .
Louvet fait la distinction entre les delits ordinaires et les
délits révolutionnaires. Le tribuual a recounn l'existence des
uns et des autres dans cette affaire ; mais il ne pouvait appliquer
des peines aux premiers ; il ne faut cependant pas qu '
restent impunis. Il en conclut que le projet du comité doit
être adopté.
Oadot dit qu'il y a des déclarations des jurés qui sont con
tradictoires , en ce qu'elles établissent qu'un tel individu est
convaincu d'un crime , mais qu'il ne l'a pas commis dans
une intention criminelle . It demande que ces coupables seuls
soient remis en jugement.
Plusieurs membres appuient la motion d'Oudet. La discussion
se ferme , et sur l'observation de Deleloy , rappor
teur, qu'on ne peut rieu diviser , et que ce sera au tribunal
Aqui l'affaire est renvoyée à prononcer sur cet objet , la
projet du comité est adopté , et les accusés renvoyés par
devant le tribunal criminel de Mayenne et Loire , pour êure
jugés sur les délits ordinaires,
( 243 )
Séance de tridi , 3 Floréal.
Chazal , au nom des comités de législation et des finances ;
présente un projet de décret concernant le séquestre des biena
des parens des émigrés. Il dit que c'est peut- être à cette mesure
que l'on doit la disette qui nous accable . Comme il
n'existe presque pas dans la République de propriétés auxquelles
un émigré ne se trouve , de près ou de loin , appellé
à succéder , il s'ensuit qu'une grande partie du territoire français
est sous le séquestre , que les ventes sont paralysées et
l'agriculture ruinée . Il faut donc se hâter de lever ce séquestre
qui , indépendamment des calamités générales qu'il a produites
, plonge dans le deuil et la misere beaucoup de familles ,
qui ne peuvent être responsables des crimes de leurs membres
que la loi a frappés de réprobation et de mort . Il importe
encore de bien déterminer la quantité de domaines qui appartiennent
à la nation , pour opérer promptement leurs ventes
et retirer des assignats de la circulation . Chazal lit son projet.
La discussion en est ajournée à quintidi prochain .
Un membre , au nom du comité des secours publics , rend
compte de la pétition de la veuve du représentant du peuple
Salles , qui réclame les indemnités dues à son mari . Il expose
que Salles , après avoir été un des premiers et des plus cou
rageux athletes de la révolution , après avoir servi son pays
avec dévoûment , a été proscrit avec beaucoup d'autres hommes
å talent , et a péri sous la hache avec eux , et il propose de
décréter que les indemnités qui lui sont dues jusqu'à sa mort
seront payées à sa veuve. Adoptė.
Les épouses de Collot et Billaud demandent aussi le paiement
des indemnités de leurs maris . Renvoyé au comité de
legislation .
Goupilleau ( de Montaigu ) demande qu'en attendant la discussion
du projet relatif à la restitution des biens des condamnés
à leurs parens , la Convention ordonne provisoirement
la levé du séquestre des biens de tous ceux qui ont
été assassinés sans jugement par le tribunal révolutionnaire .
Il fait lecture d'un extrait figuré des registres de cet ancien
tribunal , présidé par Dumas , duquel il résulte que le 21 méssidor
an 2. , 49 personnes accusées d'athéisme , de fédéra–
lisme et de conspirations de prisons , ont été envoyées le
même jour à l'échafaud , sans jugement.
Perin des Vosges appuie Goupilleau , et dit qu'où il
n'y a pas de jugement il ne peut y avoir de confiscation .
La Convention charge son comité de législation de lui faire un
rapport à ce sujet .
Jean-Bon Saint-André invoque la générosité , la justice même
de la nation , en faveur des petites nieces de Fénelon qui
sent dans la misere , de cet hemme qui a honoré la Françe
( 244
et dont la mémoire sera toujours chere aux amis de la vérité ,
de l'humanité , de la vertu , des arts et du bon goût . Un
rapport sera fait à cet égard par les comités d'instruction et des
secours publics .
Rovere lit une adresse de la société populaire de Marseille ,
Buivie de quarante- cinq pages de signatures , dans laquelle
elle exprime son horreur pour les hommes de aang et son
attachement à la Republique et à la Convention , avec cette
énergie qui caractérise les Marseillais . Mention honorable .
Giraud Pouzols , en mission dans les départemens de l'Hérault
et du Gard , écrit que le 20 germinal la commune de
Montpellier a été fort agitée . Les terroristes insultaient , outra
geaient publiquement les meilleurs citoyens , lls offraient de
l'argent aux ouvriers des fauxbourgs pour les exciter à la revolte ,
et criaient vive la montagne ! vivent les jacobins ! Mais les nouvelles
arrivées de Paris sur la fin de la journée ont décoacerté
les malveillans. On recherche les auteurs du trouble .
Dubois - Crance , au nom du comité militaire , présente le
tableau des promotions aux differeus grades de l'armée . Plusieurs
membres en demandent l'impression et que chaque nom soit
accompagné de notes sur les services , les talens et la mora,
lité des individus . La discussion est ajournee .
Sevestre , au nom des comites de salut public, de sûreté générale
et de la guerie Maigre les calculs de l'avarice et de l'égoïsme
, en dépit des ennemis de la République , il nous est
permis d'espérer que les subsistances ne manqueront pas
Applaudissemens . ) Des grains entrent 'dans nos ports ; ils
couvrent les routes ; ils arrivent ; et nous allons nous trouver
dans un état auquel les puissances coalisées ne pourront at
teindre , quels que soient leurs moyens. Mais pour assurer nos
ressources , il faut prévenir tout désordre , il faut réprimer
des excès qui nous entraîneraient dans les plus grands malheurs ,
il faut maintenir la tranquilité publique . Nou , la malveillance
qui veut affamer Paris et nous donner la guerre civile ,
réussira pas . Comme Bordeaux , Versailles et d'autres grandes
communes , Paris a prouvé qu'il savait faire des sacrifices ; il
lui fallait peut-être cette derniere épreuve pour qu'il passât
avec plus de gloire à la posterité .
це
Les républicains, au milieu de tant de victoites , ne se laisseront
pas vaincre par les malveillans . La Convention saura faire
respecter les personnes et les propriétés . Pour en imposer aux
brigands qui arrêtent et pillent les approvisionnemens destinés
pour Paris , et pour éviter aux citoyens de Paris des courses
pénibles qui les dérangent de leurs travaux , de leurs affaires ,
les comités ont pensé qu'il fallait déployer des moyens de force
dans la 17. division militaire .
Le rapporteur propose de nommer un général en chef de
la 17. division , qui sera en même-tems commandant - général de
( 245 )
da garde parisienne ; de nommer Delmas et Pénières , repre
sentans près de cette force armée ; et d'ouvrir les bourses dans
toutes les communes de commerce .
La Convention renvoie le projet à ses comités pour le représenter
dans la séance de demain.
1
Séance de quartidi , 4 Floréal.
Poultier , représentant du peuple près l'armée d'Italie
écrit de Marseille que la nouvelle de l'arrestation de Cambon
a donné du crédit aux assignats et a fait diminuer le prix
des denrées et marchandises que nous tirons de Gênes . Il
ajoute dans une seconde lettre que Granet est tellement en
horreur à Marseille , qu'il n'y a pas un seul citoyen qui voulût
correspondre avec lui , qu'il n'a jamais eu de relation qu'avec
les voleurs et les égorgeurs . Dans le tems où on le faisait
arrêter , il s'efforçait de rallumer les troubles de cette ville et
de remettre le poignard entre les mains des scélérats . Poultier
termine en disant que la Convention a rendu un grand service
an Midi , d'enchaîner cette bête feroce et son digne ami
Moyse Bayle.
a im-
Merlin de Douai ) , au nom du comité de salut public .
propose de fixer le mode de réception des ambassadeurs.
étrangers, I dit que l'ancien gouvernement ne voulait diplomatiser
qu'à coups de canon ; mais depuis que la justice
et l'humanité sont la règle de notre conduite , l'on a senti
que les nations se devaient des égards réciproques qui ne
servaient pas peu à maintenir la bonne intelligence entre
elles . Jusqu'à présent , ajoute Merlin . il n'a pas été question.
d'étiquete . La fraternité en a fait tous les frais et en
provisé le protocole ; mais il existe dans le caractere des
ministres étrangers des différences qui exigent des distinctions
dans le mode de réception . Un envoyé ou résident
n'est qu'un mandataire chargé des ponvoirs de sou gonver
pement , mais un ambassadeur a un caractere pius relevé . Il
représente la nation qui l'envoie , et c'est en cette qualité
qu'il peut se présenter . Meilin propose un projet de décret
qui est adopté en ces termes : A la réception des envoyés
des, puissances étrangeres dans le sein de la Convention ,
Ceux qui seront revêtus du caractere d'ambassadeur auront
un fauteuil qui sera placé en face du président. Ils parleront
assis ; à droite et à gauche de fauteuil seront placés des banquettes
pour le cortège . Le président leur donnera les mêmes
tires qui leur sont accordés dans leurs lettres de créance .
Le scrutin pour la nomination des membres de la commission
des onze a donné pour résultat les noms suivants
Cambaeérès , Merlin ( de Donai ) , Sieyes , Thibaudeau , La
reveillere Lepaux , Lesage ( d'Eure et Loire ) , Boissy d'Anglas ,
Greusé-Latouche , Louvet ( du Loiret ) , Berlier et Daunou.
Q3
( 146 )
• et
Le président annonce que l'ambassadeur de Suede demande
être introduit. Il entre précédé des membres du comité de
salut public et du commissaire des relations extérieures, et suivi
de plusieurs personnes. Il s'assied , et dit que l'alliance des
Suédois avec la France , consacrée depuis long- tems par des
traitées , n'a reçu aucunes atteintes du choc politique dont
l'Europe est ébranlée , et que la neutralité adoptée par le gou.
vernement suédois est une preuve de l'hommage qu'il rend
aux droits imprescriptibles des nations . Il fait des voeux pour
que les Suédois qu'on appelle les Français du Nord ne fissent
qu'un peuple avec ceux du Midi . Le président lui répond
que les applaudissemens qui dévancent sa réponse lui disent
assez quels sont les sentimens qui animent la Convention
lui prouvent la satisfaction avec laquelle elle accueille dans
sa personne la nation qu'il représente et le plaisir qu'elle
a de le voir choisi par le roi de Suede pour en recevoir le
témoignage qu'il rend à la Suede cette justice qu'elle
n'a pas attendu nos succès pour se déclarer en faveur de
la République Française , et que dans le tems même de nos
désastres , elle appellait par ses voeux secrets les triomphes"
qui ont couronné nos efforts . Le baron de Stael reçoit l'ac
colade fraternelle du président au milieu des plus vifs
applaudissemens , et il est proclamé ministre extraordinaire
du roi de Suède auprès de la République Française . Sen
discours et la réponse du président seront envoyés aux départemens
, aux armées , et traduits dans toutes les langues .
( Voyez Nouvelles officielles. )
Grégoire , par motion d'ordre , prononce un discours sur
le droit des gens et la fraternité qu'il croit possible d'établir
entre tous les peuples . Il répete les principes contenus dans
le projet de paix perpétuelle de l'abbé de Saint-Pierre ; il
eite des traits d'amitié et de bonne foi , puisés dans les histoires
grecque et romaine. Il gémit que pendant si long-tems les
hommes aient versé tant de sang pour de milérables querelles
qui ne doivent exciter que la pitié . Il déclare que la politique
des nations doit reposer toute entiere sur la justice et la loyauté.
Scipion respectant la vertu d'une jeune espagnole , Regulus
retournant à Carthage pour reprendre ses fers ; voilà la politique
des hommes libres . Grégoire lit un projet de décret
appuyé sur ces bâses . On demande l'impression de ce discours .
Rhul prend la parole pour exprimer son étonnement de ce
qu'on va chercher dans l'histoire ancienne des modeles de bonne
foi et de loyauté que nous foumit notre histoire , et il che
l'exemple du roi Jean , prisonnier des Anglais , qui ayant appris
qu'un de ses ôtages était mort , retourna en Angleterre pour
le remplacer. Cet exemple fait rire. La Convention décrete
l'impression du discours de Grégoire.
#47 )
t
0
Béance de quintidi , 5 Floréal."
Lesage d'Eure et Loire ) , au nom du comité de salut
public : Un conrrier extraordinaire vient d'apporter yue bonne
nouvelle. ( Vifs applaudissemens. ) Voici la dépê he que nous
adressent nos collegues les représentans du peuple près les
armées des côtes de Brest , de Cherbourg , de l'Ouest et départemens
environnans. Elle est datée de Rennes , le 1er
Boréal.
Nous vous annonçons , citoyens collegues , l'heureuse issue
nos conferences . La pacification a été signée , ce soir à
six heures , par les chefs des chonans qui ont sonscrit leur
déclaration slemuelle de se soumettre aux lois de la Répu
blique une et indivisible ; et de ne jamais porter les armes con
tr'elle. Vifs applaudissemens. ) Nous sommes rentrés dans
la mabilis , à Rennes , avec tous les chefs , qui ont arboré
la cocarde et le panache tricolores. La garnison était sous les
armes. La musique nous précédait. Les décharges d'artillerie
annonçaient au loin la réunion de tous les Français de ces
départemens , et par-tout , sur notre passage , on criait , vive
la République ! vive la paix ! vive l'union ! Vous recevres
incessamment , par quelqu'un de nos collegues , les arrêtés qui
ont été pris , et les détails uitérieures de ce qui s'est passé :
quelques autres resteront ici pour suivre les mesures d'exéention
. Salat et fraternité. Signés , Defermon , Grenot ; Guezet,
Ruelle , Bollet , Urbell , Guermeur , Jary , Chaillou , Lanjui-
Bais.
On procede au tirage des douze suppléans qui doivent com.
pléter la représentation nationale. Les noms de tous les suppléans
sont mis dans une urne. Le président agite cette urne , et
l'un des secrétaires en tire douze noms que le président
proclame. Les nouveaux députés sont; Almeras de la Tour, du
département de l'Isere ; Dardie , de la Haute-Loire ; Pasro file,
du Puy-de-Dôme ; Degraves , dela Charente inférieure ; Devantie
, du Nord ; Besont , de Seine et Marne ; Guitard , du Haut-
Rhin ; Détriche , de la Mayenne ; Chagniard , du Morbihan ;
Perès, du Gers ; Toudic , des côtes du Nord ; et Sirugue ,
la Côte-d'or.
de
Vernier , au nom du comité des finances , fait un rapport
sur les rentiers viagers. Il fait sentir la nécessité de leur rendre
justice , et de les rétablir dans tous leurs droits . Les engagemens
contractés par la nation doivent , dit Vernier , être in.
violables ; elle ne peut y déroger par aucunes lois ; le faire ,
c'est altérer le crédit public. Il n'y a d'ailleurs rien à gagner
pour la nation , de transformer en rentes perpétuelles la dotte
viagere. Les déclamations contre l'espece de placement connu
sous le nom de trente têtes genevoises , sont destituées de
sont fondement. C'est une seule tête qui a pris_différentes
(( 248 )
•
ehances sur divers particuliers . Cette maniere de placer a été
libre pour tous. Le rapporteur examine trois questions , qui
consistent à savoir , 1º , si on rétablira les créanciers viagers
dans leurs anciens droits ; 2. si l'on étendra cette reintegration
à ceux qui sont déja liquidés ; 30. si l'on admettra la
réversibilité , et il les résout par l'affirmative , conformément
aux principes de la justice . Son projet est rédigé d'après ces
bases. Les créanciers viagers déja liquidés seront terras de
faire leur option d'ici au 20 messidor prochain . L'Assemblée
en ordonne l'impression et la discussion deux jours après sa
* distribution .
Merlin ( de Douai ) , au nom du comité de salut public ,
- demande le rapport du décret d'hier , qui a ordonné l'impression
du discours de Grégoire sur le droit des gens . Il se
fonde sur ce qu'il est dans les principes de la Convention
de ne point s'immiscer dans le gouvernement des autres
peuples , et qu'on ne doit par conséquent souffiir aucune démarche
, aucun acte qui les contrarie . Il rend hommage aux
intentions de son collegne qu'il croit pures , mais il pense
que l'intérêt de la République et le repos de l'Europe demandent
ce rapport . Grégoire , que des motifs si puissaus ne
pouvaient qu'entraîner , s'est rendu sur- le - champ ; il a appuyé
la motion et mênte déclaré qu'il ne ferait pas imprimer son
discours pour son compte. Le rapport a été décrété .
Des pétitionnaires demandeut aussi le rapport de l'effet
rétroactif donné à la loi du 17 nivôse , sur les donations et
successious . Cette pétition , après une coute discussion , est
renvoyée au comité de législation , et sur la proposition de
Tallien , l'exécution de cette loi , quant à l'effet rétroactif ,
est suspendue ."
Séance de sextidi , 6 Floréal.
Un membre du comité de législation fait un rapport sur
une affaire particuliere . Thibaut demande que la Convention
ne s'occupe pas d'intérêts individuels et ne s'érige pas en
tribunal. Il cite un décret qui l'ordonne ainsi , et en réclame
l'exécution , en recommandant à l'Assemblée d'écarter toute
versatilité dans ses opinions . Lehaidi observe qu'elle doit
être versatile , jusqu'à ce qu'elle ait réparé tous les maux de
l'ancien régime , et rapporté tous les décrets qui établissent
l'arbitraire et qui consacrent l'injustice . Durand Maillane dit
que le comité de législation doit faire des rapports à la Convention
de toutes les affaires qui exigent l'interprétation de
la loi , et renvoyer aux corps judiciaires son application .
Viltard propose une exception pour les affaires relatives aux
émigrés . La proposition de Durand-Maillane et l'exception
de Viltard sont décrétées .
t
Sur la demande de Rewbel , l'impression des noms des
( 249 )
t
eitoyens rayés de la liste des émigrés est ordonnée , et la
Convention se réserve de prononcer en définitif sur leur
radiation .
Un membre dit qu'on doit la rentrée des émigrés à la trop
grande facilite , avec laquelle on délivre des certificats de rési
dence. Martin s'eleve contre les preuves testimoniales , et
pense que les témoins sont toujours faciles à corrompre. Il
propose que ceux qui voudront être rayés de la liste des émi
grés soient tenus de prouver , par quelque acte authentique.
qu'ils étaient ouvriers ou cultivateurs avant 1789.
Guyot , pour prouver quels abus se sont introduits dans la
délivrance des certificats de résidence , cite le duc de Croid'Havré
et le marquis de Castries , qui en ont obtenu , quoiqu'ils
eussent réellement émigré . Le premier s'est appuyé sür
ce qu'étant grand d'Espagne , il ne devait pas être considéré
comme Français . Renvoye aux comités réunis .
Lesage ( d'Eure et Loire ) , au nom des comités de salut
public et des fiuances , présente un projet de décret relatif au
commerce de l'argent , qui est adopté en ces termes :
Art. ¡er. L'article premier du décret du 11 avril 1793 ,
portant que le numéraire de la République en or et en argent
n'est pas marchandise , est rapporté.
" II. Cette marchandise ne pourra être exportée qu'en
donnant caution de faire rentrer , pour sa valeur , des den
rées de premiere nécessité , conformément au décret du
13 nivôse.
" III . Le gouvernement est autorisé de continuer à solder
tout ce qui peut ou pourra être dû en or et en argent ,
avec des assignats , à la concurrence de la valeur de cette
marchandise selon le cours .
IV . Tous les lieux connus sous le nom de bourses , oà
se trouvaient les assemblées pour la banque , le commerce
et le change , seront ouverts .
19 V. Le comité des finances est chargé de prendre toutes
les mesures nécessaires pour l'exécution du présent décret.
Chasak, au nom du comité de législation , reproduit le projet
de décret sur la levée du séquestre sur les biens des peres et
meres d'émigrés . Quelques articles en sont adoptés sauf
rédaction.
PARIS. Nonidi , g Floréal , 3e . année de la République.
La pénurie du pain qui continue à se faire sentir dans
cette immense cité , et l'extrême cherté des autres subsistances
, jettent le peuple dans un état de tristesse et
d'abattement qui pourrait devenir inquiétant pour la
( 250 )
tranquillité publique , s'il se prolongeait encore longtems.
Tant de gens étaient accoutumés à faire du pain
la bâse fondamentale et souvent unique de leur nourriture
, que la privation presque subite de cet aliment
a rompu leur habitude , leur ressource , et les a mis
hors de mesure pour le remplacer. Les femmes enceintes ,
Les nourrices , les enfans souffrent véritablement. Au
milieu de cette situation critique , le plus grand nombre
la supporte avec patience ; mais les femmes , si susceptibles
par leur imagination de se porter aux excès ,
passent du murmure à la menace , et de la menace aux
attroupemens et aux provocations ; comme si un mouvement
séditieux pouvait faire arriver un sac de farine
de plus ; mais le besoin ne raisonne pas , et le peuple
ressemble souvent à un malade qui croit alléger ses
souffrances en changeant de position .
On a vu de ces femmes furieuses refuser leur ration
de pain , parce qu'elle était trop modique ; d'autres jetter
leur portion de riz dans la boutique des boulangers ,
parce qu'elles veulent du pain ; ce n'est pas là du besoin
, il est plus soigneux et plus économe ; c'est de la
fureur et de la malveillance . Avant- hier , des femmes
arrêterent des farines destinées pour plusieurs sections ;
non-seulement elles ont refusé de les rendre , mais elles
ont fait la garde à la porte de leur boulanger , jusqu'à
ce que le pain provenant de ces farines leur eût été
distribué. Le comité de salut public a pensé que cette
retenue des subsistances destinées à plusieurs sections
équivaut à un pillage , et produit le même effet ; il à
jugé convenable de faire venir un régiment de chasseurs
à cheval qui se trouvait en garnison à Gonesse ,
afin d'assurer la distribution des farines dans les différentes
sections.
Ces mesures de protection et de sûreté sont trèsbennes
; mais il ne faut pas négliger les mesures morales
qui peuvent agir efficacement sur l'esprit du peuple.
Si les comités de gouvernement faisaient afficher tous
les deux jours le résultat des soins qu'ils se donnent
pour pourvoir aux subsistances , et l'état des arrivages
s'ils y joignaient des proclamations fréquentes
pour exhorter le peuple à la patience , et le prémunir
contre le danger des instigations malveillantes et des
inquiétudes exagérées ; si après deux ou trois jours de
souffrance on faisait en sorte que la distribution de pain
fât un peu plus abondante , toutes ces mesures aide .
1
( 251 )
Y
Taient le peuple à endurer avec moins de peine ses
maux présens , par l'espérance d'un adoucissement prochain
, et écarteraient de lui la défiance , les soupçons
et l'aigreur qu'on cherche à lui inspirer contre la Convention
nationale .
On disserte beaucoup sur les causes de la disette
actuelle , sur les fautes qui ont été commises , sur ce
que l'on n'a pas fait , et sur ce que l'on devait faire .
Tout cela ressemble aux remontrances du maître d'école
qui gourmande l'enfant qui se noie . Ce qui ne contribue
pas peu à augmenter les inquiétudes du peuple
c'est l'assurance qu'on lui a donné tant de fois que les
subsistances allaient être plus abondantes , qu'il en arrivait
une quantité prodigieuse dans nos ports , et que
les routes étaient couvertes de voitures . Le peuple qui
compare ces promesses avec sa situation , est tenté de
croire qu'on l'abuse , ou qu'il y a de la mauvaise volonté
de la part du gouvernement . Tous ces convois sont
réels , mais pourquoi ne pas lui dire franchement que
la plupart étant en grains , il faut les convertir en
farine et les distribuer dans les différens moulins ;
opération qui entraîne des longueurs . Pourquoi ne
pas inviter les citoyens un peu aisés à se procurer
de la farine , et à soulager d'autant la portion du pauvre.
N'est- ce pas une fausse et ruineuse politique que d'avoir
voulu maintenir à Paris le prix du pain à 3 sous ,
tandis que dans les autres villes principales et dans tous
les départemens on le paie 3 ou 4 franes la livre. Il en
est resulté que les fermiers n'ayant pas un intérêt de
porter des grai à Paris, les ont fait refluer dans d'autres
contrées , et aujourd'hui que l'on sent le besoin de
favoriser les approvisionnemens particuliers , les fermiers
profitant des circonstances de la rareté vendent
leur farine le triple de ce qu'ils l'auraient vendue , si
Paris depuis long- tems eût été sur le pied des autres
départemens . L'ouvrier aurait haussé le prix de ses jour
nées en proportion , et il aurait fait alors ce qu'il fait
actuellement , car étant obligé de remplacer le pain pas
d'autres subsistances extrêmement cheres , il hausse ses
salaires , et n'a pas un aliment d'une aussi facile prépa
ration , et d'une nourriture aussi abondante que le
pain.
On ne sait comment et en vertu de quelle autorité on
a publié à son de caisse que tous les citoyens qui auraient
des croutes étaient invités à les porter à l'Hôtel(
252 )
Dicu pour soulager les malades . Cette invitation a parn
si inconvenable et si dérisoire , qu'on a été tenté de
l'attribuer à un esprit de malveillance . En effet , si elle
a été faite de bonne- foi , il était aisé de prévoir que le
peuple la regarderait comme une insulte faiteà ses besoins .
Ce qui semble rendre notre situation plus inquiétante
, c'est qu'on ne peut se dissimuler que tout ce
qu'il y a d'aristocrates , de royalistes , de prêtres réfrac
taires , et d'anciens suppôts de la terreur , se réunissent
pour prêcher ouvertement le rétablissement de la royauté.
Les prêtres sur- tout fanatisent les campagnes ; ils font
rétracter le serment de la liberté et de l'égalité , et
prêchent que tous ceux qui ont acquis des biens na
tionaux doivent les restituer aux anciens propriétaires ;
d'un autre côté , les prêtres déportés et les émigrés
rentrent en foule , et se montrent même jusques dans
les comités de la Convention. Il est tems que celle- ci
prenne des mesures de vigueur. Sans doute , il faut
bannir tout systême arbitraire de terreur ; mais si la
loi ne se fait pas redouter , s'il n'existe pas de terreur
légale pour les scélérats et les ennemis de la liberté
que l'on y prenne garde , il n'y aura bientôt plus de
gouvernement.
1 circule ici une lettre de Suisse qui contient des détails
eurieux sur la situation actuelle des cours et des peuples
du Midi , et sur-tout des emigrés français . Cette lettre est
ainsi conçue :
Extrait d'une lettre de Suisse , du 13 avril .
Les souverains sont toujours très - alarmés sur les disposi
tions que manifestent leurs sujets ; cependant ils ne prennent
aucune des mesures qui pourraient ramener les esprits .
L'archiduc Ferdinand a renoncé à son ancienne affabilité , et
cherche à rétablir dans le Milanais le gouvernement militaire :
il fait ouvertement le monopole des grains , attire à lui tous
les ducats circulant dans le pays , et en fait des pacotilles
qu'il fait passer successivement à Vienne.
Les cours de Parme et de Naples ont envoyé des fonds
considérables à Venise , et des caisses remplies d'effets précieux
ont été transportées dans l'Archipel de cette république..
Le pape attend les évenemens avec courage et résignation ;
il ne relâche rien de sa sévérité pour la police de ses étais ,
il dit qu'il saura mourir , et qu'il recevra les Français , vêtu
pontificalement , sur les marches da Vatican .
253 )
La Toscane sent tout le prix de la paix dont elle est redevable
à la sagesse de son gouvernement et à la loyauté française
; mais les émigrés retires dans ce pays sont furieux contre
le comte de Carletti , qui , à ce qu'ils prétendent , a fait les
plus grands efforts pour les faire renvoyer.
Les actions de la monarchie ne baissent pas moins dans le
Piemont que dans le Milanais ; et quand les émigrés en temorgnent
au peuple leur étonnement et leur affiction , on ne
manque pas de leur répondre : Les ois vous chassent et
vous abreuvent d'humiliation ; ils vous laissent périr de misere
, vous qui souffrez pour leurs causes et vous dévouez à
leur défense : ce sont donc des hommes injustes et ingrats
qui ne meritent pas notre confiance.
9
Venise se soutient dans une sage ueutralité et n'annonce
aucune frayeur ; son gouvernement fait accueil à tous les
hommes et à toutes les opinions ; le royalisté , le démocrate
l'émigré , le patriote , y jouissent de la même hospitalité
pourvu que les aus et les autres ne portent aucune atteinte
la tranquillité du pays , et s'observent en public . Il y a peu
de tems que des émigrés , ci - devant nobles , ayant declame
avec violence contre leur patie , dans un cazin , les inquisiteurs
de l'état les firent comparaître , et leur reprocherent
feur conduite imprudente Des hommes honnêtes , leur
dirent ils doivent se comporter vis - à - vis de leur patrie
même injuste , comme des enfans maltraités par leur mere ;
les plaintes sont permises , mais il faut toujours qu'on y remarque
un fond d'amour et de respect. "
et
"Monsieur est effectivement toujours à Vérone , renfermé
tristement dans un palais avec cinq ou six courtisans , accablés
comme lui sous le poids de l'ennui et de la nullité ; depuis
six mois , l'Espagne s'est chargée de son entretien ,
le roi de ardaigne lui a retiré ses secours ; il touche tous
les premiers du mois 400 piastres ; lorsqu'un émigré demande
à fui être présenté , la premieic question que lui fait l'introducteur
Flakslande , est s'il a besoin d'argent ; s'il se trouve
dans ce cas , la présentation n'a point lieu , et on lui dit :
Bieu vous assiste .
D'Entraigues a cru se donner de la considération à Venise ,
en y prenant le titre de ministre du régent , et en se mettant
en correspondance avec le cabinet de Madrid. Ce noble vit
avec la chanteuse Saint- Huberti , dont on assure qu'il a fait
sa légitime épouse ; il l'a fait décorer par Monsieur du cordoa
de Saint-Michel , qu'il lui a accordé à titre d'artisté célebre ,
et dont elle pare sa large poitrine aux spectacles et aux promenades
; rien n'est si plaisant , disent les voyageurs , que de
voir d'Entraigues donner ses audiences aux emigrés , et leur
promettre sa protection pour les cours d'Espagne et d'italie ;
-nais ce qui outrepasse de ridicule , c'est ce que se permet ce
( 254 )
ministre de nouvelle fabrique , lorsqu'un émigré se laisse mourir
Venise , il se transporte d'autorité à la maison du défùnt ,
fait un bref inventaire de ses effets , s'applique ce qui lui con
vient de mieux , et appose sur le reste le sceau fleurdelisé
de la régence.
On peut joindre à cette lettre le fait suivant que l'on
mande comme étant de toute vérité .
"
Haller , émigré constitutionel , ayant été forcé de quitter
Gênes , s'était retiré à Mondrizio . A peine s'était - il assis
dans sa nouvelle demeure , qu'il y reçut un message du marquis
de la Fare. Le marquis lui mande que chargé de la part des
princes de recueillir des fonds pour la défense de la bonne
cause et ne doutant point que M. Haller n'ait enlevé au
moins dix millions aux patriotes , il lui propose de verser
ses dix millions dans la caisse des princes dont il lui
offre la direction squs le titre d'intendant de leurs finances ;
et il lui représente qu'indépendamment de cette charge honorable,
son argent sera solidement placé , et que les princes
lui offrent pour hypothèque , à son choix , Rambouillet . Saint-
Cloud , ou Fontainebleau.
•
On apprend des frontieres de Suisse que madame de
Stael vient d'adresser à Pitt ses réflexions sur la nécessité
de la paix , dans une brochure qui n'est pas sans intérêt.
Le bruit court qu'elle s'est associé dans ce travail MM. de
Jaucourt et de Narbonne ; mais elle en reçoit tous les honneurs
. Elle prépare même une nouvelle édition , qui sera enrichie
de notes précieuses .
M. Necker est fort malade d'une plaie à la jambe.
NOUVELLES OFFICIELLE S..
Lettre de créance de l'ambassadeur extraordinaire de Suede auprès
de la République Française.
Nous , Gustave Adolphe , par la grace de Dien , roi des
Suédois , des Goths et des Vandales , etc. etc. , héritier de
Danemarck et de la Norwege , duc de Schelewig , Holstein ,
Hormarie et Dithmarsen , comte d'Oldenbourg et de Delmenhorst
,
Aux très -honorables et très - illustres nos amis et alliés , par
nous sincérement chéris , les citoyens représentans de la République
Française , notre salut et l'assurance de nos voeux
pour votre bonheur.
Desirant de vous donner un témoignage de notre amitié et
#35 )
es
hop
le nos sentimens probes envers vous , et de resserrer le plas
étroitement possible les liens de l'amitié qui , depuis nombre
d'années , ont uni la Suede à la France , nous avons en conséquence
, et pour avoir auprès de vous un interprête par
faitement capable de vous exprimer nos sentimens , conféré
la charge de notre ambassadeur extraordinaire au chambellan
de la reine de Suede , et chevalier de notre ordre de l'Epée ,
notre fidele sujet , par nous sincérement chéri , le baron
Eric-Magnus Staël de Holstein , connu par ses talens et par
son intégrité dans la conduite des affaires , et qui depuis
long-tems a résidé dans votre capitale .
Nous espérons avec confiance que vous accueillerez avec
plaisir les efforts qu'il fera pour cimenter l'alliance de notre
amitié mutuelle.
Comme nous ne doutons nullement que cela ne vous soir
agreable , nous vous prions ; avec amitié et cordialité , d'aecorder
un accès facile à notre susdit ambassadeur extraordimaire
, et d'ajouter une foi entiere à tout ce qu'avec son active.
loyanté il vous mandera , en notre nom , et en vertu de nos
ordres , et particulierement toutes les fois qu'il vous assurera
de nos sentimens sinceres envers vous , et de notre zele infatigable
à concourir à nos avantages communs.
Finalement , nous faisons des voeux pour l'augmentation
continuelle de votre prospérité , et vous recommandons de
tout notre coeur à la protection divine .
Donné dans notre château royal à Stockholm , le 19 février
1795 , pendant la minorité du roi , mon très-clément seigneur.
Signé , CHARLES , et plus bas , ROSENHANE.
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Suite de la séance du 9 germinal , relative au procès de Fou
quier- Tinville et des co-accusés dans cette affairs.
P. J. Boyenval , tailleur d'habits , lieutenant d'infanterie
légere , rue des Poulies , avant sa détention au Luxembourg ,
a déclaré que le 19 messidor , Fouquier l'envoya chersher
pour déposer comme témoin forcé , dans l'affaire ,
de la conspiration du Luxembourg. Je parus avec dix de
mes camarades dans la salle des temoins. Parle comme tu
sais , me dit Fouquier. Benoit me déclara qu'il avait quelque
chose à communiquer à Fouquier . Nous paiûmes devant
51 accusés .
La commission des administrations civiles de police et
des tribunaux , sur un ordre des comités de salut public et
de sûreté générale , se tendit au Luxembourg pour connaître
( 1256-)
les alarmistes , ceux qui faisaient des orgies lorsque nous
éprouvions des, revers , etc.
Les membres de cette commission me firent voir une liste
de 80 détenus , sur laquelle se trouvait Antonelle , que j'eu
fis effacer.
Herman , commissaire civil , qui avait auparavant présidé
le ribunal , me proposa de faire une liste des détenus qui
avaient parlé mal de la Convention , des comités , et de ceux
qui faisaient des orgies . Adressez vous , leur dis je , à Beausire,
pour moi je n'ai pas le tems.
On m'avait fait même des propositions pour my engager.
Je fis le même refus le lendemain à Veruet. J'ai dit la verité
ay tribunal , lorsque je déposai . Mais je reproche à Gigard ,
accuse présent , d'avoir fait taire les accuses qui voulaient
se défendre et les témoins à décharge.
Interpelle s'il savait si quelqu'un faisait des listes , it a
répondu qu'on en avait demande une de 200 personnes à
Benoit ; que , le 18 messidor il en fut dressé une de 159 déquas
, qu'on disait des ci-devant nobles ; qu'ils furent extraits
da Luxembourg , sous prétexte de les transférer à Vincennes ,
mais qu'ils furent livrés au tribunal révolutionnaire .
Interrogé s'il y avait eu des conspirations en prison , il a dit :
qu'il avait entendu dire que celle des Grammont , Buffon , etc. ,
avait existé , mais qu'il n'avait pas connu celle de Dilloa . A *
Le président a observé que le témoin avait déclaré que
le tribunal ne permettait pas aux accusés de se defendre.
Sellier a répondu qu'il accordait la parole .
Boyenval a repliqué que Sellier disait aux témoins : il y a
des pieces.
La suite au numéro prochain. L
P. S. Dans la séance du , on a lu une Aettre du général
Scherer , du quartier général de Nice . Il annonce qus l'ennemi
depuis quinze jours n'a cessé d'attaquer nos avant-postes mais
par tout il a été repoussé avec perte .
Les Espagnols ont essayé vainement de tourner notre armée
des Pyrenees occidentales ; nos troupes leur ont enlevé un
poste tout entier .
La Convention a décrété que les cours des écoles normales
seraient terminés à la fin de floréal.
Dans la séance du 8 , on a entendu la lecture de l'acte de
soumission des chefs des chouans à la République nous en
rapporterons la teneur an número prochain , ainsi que celle
des arrêtés des représentans du peuple.
1
( No. 45. )
Jer . 135 .
MERCURE FRANÇAIS.
QUINTIDI 15 FLOREAL , l'an troisieme de la République.
( Lundi 4 Mai 1795 , vieux style . )
LÉGISLATION,
SUITE DE L'EXAMEN de la Constitution de 93 , et de plusieurs
questions relatives à l'organisation du Gouvernement.
APRÈS PRES avoir relevé quelques erreurs graves qui se
trouvent dans la déclaration des droits , et intliqué les
conséquences dangereuses qui en pourraient résulter , il
convient de jetter un coup - d'oeil sur l'acte constitutionnel
, et de chercher s'il contient la garantie qui doit.
assurer la liberté individuelle , la liberté publique , la
force du corps législatif et l'action du gouvernement .
§. II. De l'acte constitutionnel.
Il s'agit moins de le considérer dans ses détails que
dans son esprit , dans ce qu'il offre de nuisible que
dans ce qui lui manque d'essentiel ; car si le principe
qui lui a servi de bâse ne peut s'appliquer à la situation
physique , morale et politique de la France , il est
clair que tous les développemens et les moyens d'exécution
sont défectueux .
depuis
D'abord relativement à l'état des citoyens , il est assez
étrange que l'on accorde à tout étranger , âgé de 21 ans
accomplis , domicilié en une année , et
vivant de son travail , Fexercice des droits de citoyen français
. ( Art. IV. ) Jamais dans aucune république on n'a
prodigué aussi facilement le premier , le plus précieux
des avantages politiques , celui de participer à la souveraineté
d'un peuple . On connaît le haut prix qu'attachaient
les Romains à la qualité de citoyen , et combien
ils se montraient difficiles pour cette admission
à l'égard des étrangers. Un séjour d'un an sur le territoire
français suffirait- il au premier venu pour l'incorporer
à la nation , et lui donner le droit de prendre part
Tome XV. R
( 258 )
toutes les affaires publiques ? Est- ce durant un noviciat
aussi court qu'il peut connaître les lois , les moeurs ,
les habitudes d'un peuple , et prendre l'esprit de son
gouvernement? De son côté , la nation aura- elle acquis ,
dans cet intervalle , une caution assez assurée des bonnes
intentions , des principes et du civisme d'un étranger ?
Ne serait- ce pas exposer la république et son nouveau
gouvernement à tous les moyens d'intrigue et de trouble
que voudrait employer une puissance jalouse ou ennemie
? Elle n'aurait qu'à jetter sur notre territoire une
colonnie d'émissaires qui , au bout d'un an , pourraient
délibérer sur nos lois , concourir à toutes les élections ,
être admis à tous les emplois , et remplir même les fonc
tions de législateurs . A- t - on pu manquer jusqu'à ce
point de prudence et de sagesse ?
Ceux qui viennent de se montrer si complaisans et
si impolitiques envers les étrangers , se montrent injustes
envers les nationaux ; car il est dit , à l'article qui suit ,
que l'exercice des droits de citoyen , se perd par l'acceptation
de FONCTIONS OU FAVEURS émanées d'un gouvernement
NON POPULAIRE. Qu'entend- on par fonctions et parfaveurs ?
Nos savans , nos naturalistes , nos gens de lettres , nos
artistes , nos peintres , dont les connaissances et les ta
lens rendent l'Europe tributaire , qui voyagent pour
s'instruire ou se perfectionner dans leur art , ne pourront
donc recevoir d'aucun gouvernement étranger un
témoignage honorable d'estime et de gratitude , un
encouragement , une récompense ; car tout sera réputé
faveur , pour qui voudra donner à ce mot toute sa latitude.
Avec une pareille loi , Platon , Aristote , Apelle ,
auraient perdu les droits de citoyen . Le premier eut des
relations familieres avec Denis de Syracuse , le second
fut instituteur d'Alexandre , et le troisieme son peintre
exclusif. Gouvernement non populaire ! Y en aurait -il beaucoup
en Europe ? y en aurait - il un seul , même parmi
les républiques existantes , que l'on pût regarder comme
populaire , dans le sens et l'esprit de la constitution
de 93 ?
Cette constitution offre un mélange de gouvernement
représentatif et de gouvernement démocratique , tel qu'il
n'y a véritablement ni démocratie , ni représentation .
En effet , il n'y a pas de démocratie ; car le peuple entier
ne peut se réunir pour délibérer en commun sur
ses propres affaires . On a cru y suppléer par des ré(
259 )
nions partielles. Mais les formes en sont si compliquées
et si embarrassantes , et les attributs si restreints que la
part que l'on accorde à ces réunions à la formation des
actes législatifs , est plutôt une vaine cérémonie que
l'expression d'un voeu raisonné . Il suffit de quelque développement
pour s'en convaincrc .
D'abord quant aux formes , un certain nombre d'assemblées
primaires formant une population de 39 à 41 mille
ames , nomme immédiatement un député pour la représentation
nationale. Chaque assemblée fait le dépouil
lement des suffrages , et envoie un commissaire pour le
recensement général , au lieu désigné comme le plus
central . Si le premier recensement ne donne point de
majorité absolue , il est procédé à un second appel ,
et on vote entre les deux citoyens qui ont réuni le
plus de voix , etc. ( Art. 22 , 23. 25 et 26. )
{
Qui n'apperçoit les difficultés et les longueurs qu'entraînera
une pareille forme d'élection ; combien sera
divergent le résultat du premier scrutin de tant d'assemblées
séparées , dont chacune , aux termes de l'article
12 , ne peut être composée que de 600 citoyens
au plus ; combien absorbera de tems le recensement
général de 40 mille suffrages , dont il faudra reporter le
résultat à chaque assemblée primaire , afin qu'elle recommence
son opération qui donnera lieu à un nouveau
recensement ; combien il y aura d'embarras pour tant
de votans à choisir , au second scrutin , entre deux candidats
, dont la moralité , les principes , les lumieres , et
peut-être le nom , seront inconnus au plus grand nombre,
et combien des choix ainsi faits au hasard peuvent être
nuisibles à la chose publique ? Et s il arrivait quelqu'erreur,
soit dans les scrutins particuliers . soit dans le recensement
général , que l'on juge les interminables lenteurs
qui résulteraient d'un troisieme scrutin et d'un
troisieme recensement .
En second lieu , pour ce qui est des attributs , chaque
assemblée primaire doit délibérer sur les lois . ( Art. 10
et 58. ) Ce ne sera pas une petite affaire si l'on jette les
yeux sur l'art . 54.
Sont compris sous le nom général de loi , les actes
du corps législatif concernant : La législation civile.
et criminelle ; l'administration générale des revenus
et des dépenses ordinaires de la République ; les
domaines nationaux ; le titre , le poids , l'empreinte
et la dénomination des monnaies ; la nature , le
--
R 2
( 260 )
montant et la perception des contributions ; la décla
ration de guerre ; toute nouvelle distribution géne
rale du territoire français ; l'instruction publique ;
-
les honneurs publics à la mémoire des grands
hommes.
Quelle nomenclature d'objets et de lois sur lesquels
on appelle la délibération des assemblées primaires !
Y a - t-il eu parmi les démocraties connues , et le plus
rigoureusement populaires , un seul peuple qui , avec
la facilité de s'assembler collectivement , ait jamais pu
embrasser une aussi vaste étendue de matieres ? A
Athenes , à Rome , à Sparte , dans toutes les républiques
anciennes , le peuple donnait son suffrage sur les lois ,
mais leur territoire était extrêmement circonscrit , et
leurs lois par conséquent peu nombreuses ; mais il y
avait beaucoup de lois que le peuple ne faisait pas ;
mais il avait reconnu la nécessité de créer des magistratures
particulieres qui avaient de grandes attributions ;
mais il y avait un sénat revêtu d'une grande autorité ;
mais il y avait des esclaves pour cultiver les terres , pour
fabriquer les arts , et faire le négoce ; les citoyens libres
de tous ces travaux qui absorbent tant de tems , n'avaient
d'autre affaire que de s'assembler sur la place
publique , et malgré le loisir dont ils jouissaient et le
goût qu'ils avaient pour les discussions politiques , telle
était quelquefois l'indifférence du peuple à se rendre
aux assemblées , qu'à Athenes il avait fallu accorder à
chaque citoyen un droit de présence pour le rendre
plus assidu . Encore les citoyens répandus dans les campagnes
prenaient- ils rarement part aux délibérations publiques
; ce qui laissait une grande influence au peuple
d'Athenes quoique le peuple ne fit qu'accepter ou
rejetter les lois qui lui étaient proposées , il lui était
facile de donner son suffrage en connaissance de cause ,
soit parce que les assemblées étaient indiquées d'avance ,
ainsi que l'objet de la convocation , soit parce que les
lois étaient discutées en sa présence par les magistrats
ou les orateurs .
Le peuple peut- il faire en France ce qu'il faisait assez.
facilement dans les petites républiques ? Une population
de 25 millions d'hommes , et peut - être de 30 , si
l'on y comprend les pays conquis , population dont les
quatre cinquiemes sont composés d'agriculteurs , d'artisans
, d'ouvriers , de journaliers , de marchands , de fabricans
, de négocians , tous appellés à des professions
{ 261 )
qui exigent des travaux assidus , tous occupés du besoin
de nourrir leur famille et de se procurer une existence
plus ou moins commode ; une telle population peut- elle
se réunir en assemblées primaires , pour délibérer sur
toutes les lois dont la longue énumération se trouve
dans l'art . 54 , et de plus sur tous les objets dont la
délibération pourra être provoquée par le cinquieme
des citoyens de chaque assemblée primaire ( art . 34 ) ;
pour élire directement les députés au corps législatif ,
les officiers municipaux dans chaque commune ( art. 79 ) ,
les juges de paix dans chaque arrondissement ( art . 88 ) ;
pour nommer les corps électoraux chargés à leur tour
d'élire les membres du conseil exécutif ( art . 63 ) , les
administrateurs de département et de district ( art . 80 ) ,
les arbitres publics ( art . 91 ) , les juges criminels ( art . 97 ) ,
et les juges du tribunal de cassation ?
Les citoyens seraient donc dans un exercice presque
continuel de leurs droits politiques , et obligés de renoncer
à leurs travaux et à leurs occupations domestiques
. Ils n'y renonceraient pas , car le premier besoin
du peuple est l'emploi bien ménagé du tems pour se
procurer son existence . Ce serait - là l'inconvénient le
plus grave , car lorsque dans un gouvernement démocratique
, le peuple est contraint par la force naturelle
des choses , à ne pouvoir faire ce qui est de l'essence
de la démocratie , la forme de ce gouvernement devient
illusoire . Il en résulterait que les assemblées primaires ,
sur- tout dans les campagnes , les bourgs et les petites
cités , seraient livrées à un petit nombre d'oisifs , de
praticiens , de docteurs de village et d'intrigans , qui finiraient
par concentier en eux seuls l'exercice de la souveraineté
, et se partager le bénéfice des élections , ce
qui constituerait une sorte d'aristocratie au sein même
d'un gouvernement populaire .
1
Supposons maintenant que les citoyens eussent assez
de tems pour se rendre aux assemblées primaires , chaque
fois qu'ils y seraient appellés par le besoin de donner
deur suffrage sur un projet de loi . Qu'y feront-ils ? pourront-
ils discuter chaque projet de loi , soit dans ses parties
, soit dans ses rapports , soit dans son ensemble
en marquer les inconvéniens , adopter ce qui est bon ,
rejetter ce qui est mauvais ? Non ; on a senti que cela
était impossible ; les citoyens ne doivent s'exprimer que
par oui ou par non , voter pour ou contre le projet.
"
R 3
( 262 )
( Art. 19 et 20 ) , qu'est- ce qu'un voeu ainsi réduit à une
simple alternative ? Est- ce délibérer que d'être contraint
d'accepter ou de rejetter en masse ?
·
Si l'on veut avoir un véritable suffrage du peuple ,
il faut qu'il puisse être éclairé ; il faut que le peuple
ait pour juger une loi , les mêmes moyens d'instruction
qu'aura eus le corps législatif pour la proposer.
Or si , dans le sein du corps législatif , aucun projet
de loi ne peut être présenté sans un rapport préparé ,
mûri , arrêté dans un comité , sans une discussion
ouverte quinze jours après le rapport , ( art. 56 et 57 ) ;
comment les assemblées primaires qui n'auront assisté
ni au rapport , ni aux débats , qui ne connaîtront aucun
des motifs qui auront servi de bâse à ce projet , pourront
elles l'adopter ou le rejetter en connaissance
de cause ? C'est en ceci , comme je l'ai déja remarqué ,
que consiste la différence entre la maniere dont le peuple
, soit à Rome , soit à Athenes , donnait son suffrage
sur les lois , et celle dont nos assemblées primaires
peuvent émettre la leur. Tout s agitait , tout se discutait , i
tout se passait sous les yeux du premier , au lieu que
tout ce qui serait débattu dans le corps législatif , resterait
inconnu aux secondes , à moins que le corps
législatif ne fit imprimer avec chaque projet de loi , le
rapport et tous les débats auxquels il aurait donné lieu ,
ce qui serait d'une exécution impraticable , et il faut le
dire franchement , hors de la portée de la majeure
partie des citoyens qui doivent composer les assemblées
primaires .
Si , par cette constitution , on n'a voulu offrir au peuple
qu'un vain simulacre de gouvernement démocratique ,
et réserver de fait toute la prépondérance au corps légis
latif, c'est un leurre indigne de l'un et de l'autre ; c'est
user , envers le peuple , d'une basse flatterie qui , sous
l'apparence de lui conserver un droit qui n'est que
chimérique , le prive des avantages réels que lui procu
rerait un gouvernement purement représentatif.
Concluons donc que la démocratie n'existe point par la
constitution de 1703 ; il s'agit maintenant d'examiner si
elle donne , à la France , un gouvernement vraiment
représentatif.
Il est de la nature et de l'essence du gouvernement
représentatif , que le peuple fasse par ses représentans ,
tout ce qu'il lui est physiquement et moralement
( 265 )
"
impossible de faire par lui- même. Si l'on considere les
représentans sous le premier rapport établi par la consti
tution , ce ne sont que de simples faiseurs de projets , des
commissaires pour la préparation et la rédaction des lois .
Or s'il est vrai , comme je crois l'avoir prouvé , que
13
peuple constitué en 40 ou 50 mille assemblées primaires,
ne peut avoir ni assez de tems , ni assez de moyens , ni
des connaissances suffisamment complettes , pour délibérer
même par oui ou par non , sur l'immense quantité
de lois civiles , criminelles , administratives , financieres ,
domaniales , monétaires , territoriales , morales et poli
tiques , dont la France aura long - tems encore besoin ; à
quoi bon retiendrait-il un droit dont il ne peut faire
un usage utile et raisonné , pour ne déléguer à ses repré
Sentans qu'une simple initiative ; ou bien si on lui sup-
Se tous les moyens nécessaires pour délibérer sur les
pourquoi n'irait-il pas jusqu à les faire lui - même ,
Si l'on considere les représentans sous le second rapport
constitutionnel , il est une infinité de cas indiqués
par l'art. 55 , où ils peuvent fire des décrets ayant force
de loi , sans qu'il soit besoin de la sanction du peuple.
Or qu'est-ce qu'un caractere'de représentation qui tantôt
se communique dans toute sa plénitude du représenté
au représentant , et tantôt ne se communique pas ?
Malgré le soin que l'on a pris de spécifier les cas où le
corps législatif peut faire des lois , et ceux où il ne peut
présenter au peuple que de simples projets , ne sait -on
pas combien il est facile , dans la pratique , de faire
passer sous la forme de décrets définitifs , ce qui devrait
au fond appartenir à la classe de simples propositions
de lois ? Qu'on se rappelle la distinction que
la constitution de 1 avait établie entre les décrets
susceptibles de veto - royal , et les décrets d'u'urgence qui
en étaient dispensés . La législature avait fini par décréter
comme cas urgent , tout ce qu'elle voulait dérober
à la sanction du roi. Qui garantira que le corps
législatif n'usera pas de la même adresse pour éluder
la sanction du peuple. Il ne faut pas mieux exposer
les gouvernemens à la tentation d'abuser des lois
constitutionnelles que les individus à celle d'abuser
des principes et des devoirs de la morale .
L'on est donc fondé à conclure que la constitution
de 1793 ne donne ni gouvernement démocratique , ni
gouvernement représentatif ; mais il y a plus , il ré-
R 4
( 264 )
1
sulte de cet amalgame une absence , et une privation
inévitable de toute action législative.
Plus un état a d'étendue et de population , plus il a
besoin de ressentir promptement l'effet des lois . Je mets
en fait que s'il faut faire passer par les assemblées primaires
, l'immense quantité de lois générales spécifiées
dans l'article 54 , il s'écoulera un tel intervalle
entre l'époque où un projet de loi sera présenté et
celle où il recevra sa ratification , que la France restera
dans une stagnation de lois , dont il est aisé de
calculer les funestes conséquences .
Spe
:
-
En effet préparation du projet de loi dans un comité
et rapport au corps législatif , ( art . 56 ) ; premier tems.
Pélai de quinze jours avant que la discussion puisse
s'ouvrir , (art. 57 ; ) second tems . Discussion du projet
qui peut durer plus ou moins ; troisieme tems . Inpression
et envoi à 40 ou 50 mille communes , ( art . 58 ) ;
quatrieme tems . → Délai de 40 jours , après l'envoi de
la loi proposée , pour que les assemblées primaires.
puissent émettre leur vou expressément ou tacitement ,
(art. 59 ) ; cinquieme tems . Si dans la moitié des départemens
plus un , le dixieme des assemblées primaires
de chacun d'eux réclame , le corps législatif convoque
les assemblées primaires , ( art . id. et 60 ) ; délai du recensement
et de la convocation ; sixieme tems . Ajoutez
maintenant celui qui sera nécessaire pour que , d'après
cette convocation , toutes les assemblées primaires puissent
délibérer ; doublez cette somme totale de tems ,
dans le cas où la majorité des assemblées primaires rejetterait
le projet de loi , et où il faudrait leur en présenter
un nouveau ; faites l'application de ce calcul pour toutes
les lois dont la France aura besoin ; et voyez s'il est
possible d'avoir organisé une forme législative , aussi
législation .
Ces réflexions dispensent de répondre à l'objection
que l'on pourrait faire , que si le peuple peut et doit
délibérer sur l'acceptation de la constitution , il le peut
et il le doit également à l'égard des lois . Tout le monde
sent la différence entre ces deux choses . Une constitu
tion est un acte destiné par sa nature à avoir une longué
durée ; car un peuple qui change fréquemment de constitution
, ne tarde pas à perdre sa liberté . Les lois , au
contraire , embrassent tant d'objets différens , qu'elles
sont, pour une grande nation , d'un usage et d'un besoin
!
( 265 )
presque habituel. Une constitution est d'un intérêt si
majeur , qu'il importe à sa stabilité et au repos du corps
social , qu'elle ait en sa faveur l'assentiment de la majorité
des intéressés ; on obéit mal et l'on n'obéit pas
pas long- tems au gouvernement que l'on n'aime pas .
Un acte constitutionnel ne contenant que la déclaration
des droits , la division et l'organisation des poùvoirs
, le mode régulateur du gouvernement , chacun
peut plus aisément en être juge ; au lieu que les lois ,
par leur multiplicité et leur complication , supposent
des connaissances positives qui sont rarement à la portée
du plus grand nombre . En un mot , il serait absurde
d'imaginer un corps constituant , toujours en permanence ,
tandis qu'il est indispensable qu'il y ait un corps législatif,
toujours prêt à pourvoir , par des lois , aux besoins de
Fordre social. Ces deux caracteres distinctifs expliquent
suffisamment pourquoi une constitution , peut et doit
être acceptée par le peuple , et pourquoi il est impossible
que les lois soient soumises à sa délibération .
( La suite dans un prochain numéro . }
ANNONCES. GRAVUR E.
Leçon d'humanité , gravée , d'après le tableau de Drôling , par
Morel , et terminée par Alexandre Tardieu ; poésie de Person .
Ceue estampe , aussi précieuse par son exécution que par la
composition du sujet , se vend à Paris , chez Crousel , marchand
d'estampes et encadreur , rue Saint-Jacques , no . 284-
Prix , 25 liv .
Les citoyens des départemens ajouteront 5 liv . pour la caisse
qui pourra en contenir telle quantité qu'ils desireront en
feuilles .
#
On en trouvera de toutes montées .
MUSIQUE..
Recueil d'airs avec accompagnement de harpe , par Alexandre
Fritzéri ; Ier , cahier , oeuvre VI . Prix , 10 liv .
Recueil d'ariettes , scenes , et duos périodiques , dédié aux
hommes libres , par le même ; oeuvre VIII . Prix , 7 liv. A Paris ,
chez l'auteur , au café de Fei , jardin Egalité ; et rue Montpensier
, no . 59.
On trouve chez lui le même recueil , petit format , et sans
accompagnement. Prix , 1 liv. 10 sous.
( 266 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
LES
ALLE MAGNE.
De Hambourg , le 10 avril 1795.
Es vaisseaux anglais stationnés dans l'Archipel , se sont
emparés d'un bâtiment français , à l'embouchure du golphe
de Smyrne , sans aucun égard pour les firmans , qui déclarent
que les prises , pour être valables , doivent être faites à la
distance de trois milles des côtes . La Porte , instruite de cette
violation de ses réglemens , a envoyé un ordre au gouverneur
de Smyrne de s'en occuper sur - le - champ , et de mettre d'abord
le bâtiment en séquestre.
Le citoyen Descorches occupe actuellement le palais de
France , à Pera.
Alla Pacha avait forcé , l'année passée , les brigands qui
ravageaient la Romelie , à souscrire à une capitulation , par
laquelle ils s'obligeaient à le suivre en Asie dans son gouvernement
de Kutaya ; arrivés à Gallipoli , huit cents se sont
embarqués , et deux mille ont refusé de partir. La Porte s'occupe
en ce moment des moyens de les faire partir de gré ou
de force.
Le trésor impérial' s'est emparé de tous les ziamets et hiefs
que possédait Jussuph Pacha , ce qui prouve que cet ex-visir
est mort ou disgracié .
·
La Perse continue à être le théâtre des révolutions sanglantes
. Mahumed-Kan , un des prétendans à l'empire , tenait
bloqué , depuis huit mois , dans la ville de Kerman , son com
pétiteur Ali Kan ; cette place , par sa position avantageuse , et
les munitions dont elle était abondamment pourvue , seinblait
devoir tenir encore long - tems ; mais Mahumed Kan
avait sû s'y procurer des intelligences qui en ont ouvert les
portes à ses troupes ; plus de 10,000 hommes des siens y
sont entrés dans les premiers jours d'octobre dernier. Ali-
Kan n'en a été averti que lorsqu'ils étaient déja maitres de la
place ; cependant , avec l'élite de ses troupes , il s'est battu
toute la journée dans les rues et les places publiques ; force
enfin de céder , il sortit de la ville avec 500 hommes qui
ni étaient dévoués , et se retira dans une autre , nommée
1
( 267 )
•
Bost. Le lendemain , Mahumed- San fit son entrée à Kerman.
Pendant trois jours ses soldats ont eu la permission d'exercer
le pillage et les violences de toutes sortes . Cette malheureuse
ville se trouva ainsi en proie à toute la vengeance d'un vainqueur
effrené. Un corps de troupes que Mahmed Pacha
avait eu soin de détacher , parvint à s'emparer de la personae
d'Ali - Kan , le vainqueur lui a fait sur - le - champ crever les
yeux , etla relégué dans un fort. Tous ses trésors sont éga
lement tombes dans les mains de Mahumed Kan , qui est
deveņu ainsi maître de toute la Perse , jusqu'à ce qu'un nouveau
rival vienne lui disputer l'empire , et le traiter peut-être
comme il a traité Ali - Kan .
En attendant que la Porte Ottomane et d'autres puissances
s'opposent efficacement , ainsi que le soin de leur sûreté l'exige,
l'aggrandissement de la Russie, Catherine II , qui ne rencontre
point d'obstacles , poursuit son plan avec succès , comme on
l'apprend par des lettres des frontieres de Pologne , en date du
28 mars .
La diete du duché de Courlande s'est décidément assemblée
le 16 , à Mittau , au nombre de cinquante un députés . On y travaillait
déja å dresser l'acte de soumission à la Russie , ainsi qu'à
rédiger un manifeste pour justifier cette mesure . Les ducs et
les députés de la noblesse qui avaient été envoyés il y a
deux mois à Pétersbourg , étaient incessamment attendus à
Mittau .
C'est un prélude au prochain et dernier partage de la Pologne
qui ne s'effectue pourtant pas encore , et pourrait rencontrer
quelques difficultés , soit de la part de la Turquie , soit
de celle de la Suede et da Danemarck . En effet , plusieurs
lettres de la capitale du pays à démembrer annoncent que les
ministres de ces deux puissances ont déclaré avoir reçu des
ordres de leurs cabinets respectifs de ne point quitter leur
poste.
D'autres politiques vont plus loin , et même trop loin ; ils
font intervenir , en outre , la Porte et la France dans cette
affaire , et disent que ces quatre états ont notifié ministériellement
leur vou pour que Stanislas soit reconduit à Varsovie ,
et la Pologne réintégrée dans le statu que de 1791. Rien de
moins probable que ces assertions . Il y a plus de vraisemblance
dans le bruit qui court , que M. Valentin , chargé d'affaires
de France , qui était resté à Varsovie , a reçu du commandantt
russe l'injonction d'en sortir dans l'espace de huit jours.
Les mêmes nouvelles ajoutent que toute la légation russe fait
de son côté les préparatifs pour se retirer de cette ville , et se
rendre en Russie..
Suivant des avis de Copenhague du 7 avril , les régimens
de cavalerie et d'infanterie de Holstein , et les deux escadrons
( 268 )
·
de hussards du Jutland ont reçu l'ordre positif de rappeller ,
de cette époque au 16 , tous les soldats et officiers absens par
congés , et de se tenir prêts à marcher vers la frontiere à la
( premiere requisition . De plus , il a été défendu au son du tambour
à aucun des matelots classés de prendre du service sur
des bâtimens marchauds , de peur que cela ne nuisît à l'armement
de la lotte : elle doit prendre à bord 600 hommes de
Ja garnison de Copenhague.
La division de la flotte suédoise qui avait ordinairement sa
station à Gothenbourg sera transferée à Calscrona , et la flotte
légere doit se rendre daus le premier de ces ports , pour la
protection des côtes de Suede .
Il s'est élevé quelque mésintelligence entre le cabinet de
Stockholm et celui de Saint -James . La cause paraît en être la
protection ouverte que le gouverneur de Saint Barthelemy accorde
aux Français , au prejudice des Anglais .
De Francfort-sur-le-Mein , le 23 avril .
Malgré tous les préparatifs de l'Autriche , car elle en
fait de considérables pour la campagne qui va s'ouvrir ,
ou pour mieux dire qui est déja ouverte , quelques
indices font présumer qu'elle ne serait pas eloignée de
se prêter à une pacification dont elle a grand besoin ,
et à laquelle la retraite du roi du Prusse , dont l'exemple
sera peut-être bientôt suivi par plusieurs membres du
corps germanique , la forcerait d'ailleurs , avec d'autant
plus de désavantage que ce sera plus tard qu'elle prendra
ce parti , le seul conforme à ses intérêts " bien
entendus.
Au reste , on trouvera dans les paragraphes suivans ,
extraits de plusieurs gazettes et lettres étrangeres , les
indications dont nous venons de parler , et qui font entrevoir
la possibilité d'un rapprochement cutre l'Autriche
et la France , au milieu même de la continuation
des hostilités .
La cour de Vienne , assez certaine aujourd'hui des vues
de la Prusse , soit relativement à la Pologne , soit par rapport
à sa paix particuliere avec la France , s'occupe avec une exarême
activité des préparatifs pour soutenir seule la campagne
prochaine , sur- tout du côté de l'Italie .
L'armée autrichienne en Lombardie va recevoir un renfort
de huit bataillons d'infanterie , dont quatre tirés de la Styrie
et quatre du Brisgau , outre deux divisions de l'Esclavonis ;
de tout faisant un corps de 9 à 10,000 hommes. Le général
269 )
f
de Vins anra le commandement de cette armée ; l'archiduc
Ferdinand me conservera que la présidence de l'administra
tion des vivres , ele commandement des garnisons des villes .
Ontre le subside que l'empereur reçoit de l'Angleterre pour
soutenir le fardeau d'une nouvelle campagne , il a trouvé
parmi ses sujets plus de ressources qu'on n'avait attendu :
l'emprunt qui a été ouvert est devenu attrayant par la lotterie
qui fait partie des conditions : les collecteurs des états ont
eu peine à entendre à tous les amateurs qui se sont présentés ,
plusieurs particuliers s'y sont intéressés pour 25 et même pour
50,000 florins."
Cependant , au milieu de ces dispositions guerrieres , il est
toujours question de paix en parlait beaucoup à Vienne du
contenu très - satisfaisant d'une lettre qui a été envoyée par
estafette , écrite par le comte de Carletti , actuellement ministre
de Toscane à Paris celui- ci avait eu à Paris la permission
de la mettre dans le paquet , adressé an ministre Barthelemy
à Bâle ; et de la Suisse elle avait été expédiée par le baron
de Degelmann , minissre de l'empereur près du corps helvétique
: quaat an contenu , jusqu'à présent l'on ne saurait
former que des conjectures .
35
Extrait d'une autre lettre : D'après l'état des forces militaires
de l'Autriche dans le moment actuel , on estime qu'elles
s'élevent à 342,000 hommes ; savoir , 180,000 hommes sous
les ordres du feld maréchal duc de Saxe- Feschen et du général
comte de Clairfayt ; 42,000 à l'armée d'Italie , 30,000 au cor
dou polonais ; enfin , il s'en trouve gé̟ ,000 à la frontiere de
Fest et dans les garnisons de l'intérieur .
1332
Après trois années de guerre , l'entretien des forces aussi
nombreuses serait encore plus onéreux , si les sujets de tons
les rangs et de tous les ordres ne supportaient le fardeau
avec bonne volonté , et ne contribuaient toujours à soulager
le public par des dons volontaires . Dans les dernieres listes
on trouve un inconnu de Hongrie , qui a donné 3000 florina ;
les négocians de Neusatz et de Péter - Waradin , la même
somme ; la ville d'Oedembourg , 8000 ; l'évêque de Sainte-
Croix d'Augusta , 1000 ; le chapitre de Constance , 3000 , etc.
Cependant , malgré cette patience , on languit de voir la
paix se rétablir , et l'on se flatte même que cette époque
n'est pas si loin que l'on pense ; qu'une négociation de paix
va s'ouvrir , et qu'une suspension d'armes la précédera .
L'on assure que l'empereur lui - même se montre aujour
d'hui fort porté pour la paix , et qu'il a été expédié récemment
un courier an comte de Lehrbach , ministre impérial à
Munich , qui lui porte l'ordre de se rendre au plutôt a
Vienne , où il doit recevoir des instructions , avec lesquelles
il partira immédiatement pour Bâle.
): 270 )
Des lettres d'Osnabruck , du 4 avril , aprèsavoir renda compte
de l'arrivée du feld- maréchal de Mollendorf et du départ du prince
Louis de Prusse , pour aller rejoindre le régiment de Schladen
à Tecklembourg , parlent ainsi des mesures prises contre les
émigrés .
Dès le 31 mars , notre magistrat , à la requisition du comité
ou bureau de police de l'armée prussienne , a rendu au sujet
des étrangers , une ordonnance qui dit : 1 ° . Tous les émi
grés et étrangers , que des affaires pressantes ne retiennent
point ici , auront à s'éloigner de la ville dans l'espace de trois
jours , et les bourgeois chez qui ils sont logés , auront à le
lear signifier , dès que la présente sera parvenue à leur connaissance.
go. Si , après le terme fixé , il se trouve des émigrés et
étrangers qui prolongent encore ici leur séjour , les bourgeois
et habitans en feront leur rapport au bourguemestre en
exercice , afin qu'il en soit pris des mesures en conséquence .
3º. Aucun étranger ne sera reçu , ni dans les auberges , ni
dans d'autres maisons , qu'à la condition d'une annonce qui ,
sous deux heures , en sera faite au bourguemestre , laquelle
annonce dira par écrit le nom et l'état de l'étranger , le lieu
d'où il vient , pourquoi et pour combien de tems il se propose
de rester ici , et où il compte ensuite se rendre tout cela
accompagné du passe -port dont il était muni .
4. Sous la dénomination d'étrangers doivent être compris
tous les militaires appartenans à des puissances étrangeres.
Quiconque ne se conformera pas ponctuellement à la présente
ordonnance , encourra nou- seulement une amende arbitraire
, mais pourra encore , selon les circonstances , être pun i
corporellement.
Ĉes mêmes lettres finissent par dire que trois ministres étran
gers sont attendus dans cette ville , entr'autres M. de Dohm
et qu'on a déja arrêté des logemeus pour eux .
On nous écrit de Vienne une nouvelle que nous avons
peine à croire , et qui si elle était vraie contrarierait un peu
Tes bruits d'une paix prochaine , c'est que le ci - devant prince
de Condé vient d'être appellé par l'empereur dans cette
capitale .
Ces lettres ajoutent encore que la guerre entre la Russie et
la Porte est inevitable ; elles prêtent aux Turcs l'intention de
profiter de la difficulté qu'auraient les Russes de former des
magasins à la suite d'une année si peu abondante que la derniere
; mais la même difficulté existe pour les Turcs , à moins
que leur gouvernement n'ait eu des précautions ou n'ait des
ressources qui manqnent à la Czarine ; ainsi , ce n'est encore
qu'un bruit en l'air , et qui a besoin d'être confirmé . Ce qu'il
9
( 271 )
ya de vrai néanmoins , c'est que l'internonce impérial est
attendu chaque jour de Constantinople , et qu'il vient d'arriver
à Vienne un courier extraordinaire de Pétersbourg. Il a ape
porté des dépêches qui ont donné lieu sur- le.champ à une
longue conférence entre l'Ambassadeur russe et le baron de
Thugut , mais dont on ignore encore le résultat.
Le duc Albert de Saxe- Teschen renonce au commandement
de l'armée impériale , et laisse ce poste difficile à remplir au
général Clairfayt , qui est maintenant à la tête de toutes les
troupes , tant de l'Autriche que des eercles , postées sur la
rive droite du Rhin et en garnison dans Mayence.
Cette place continue de tenir bon contre les efforts des
assiégeans ; l'armée d'observation a même enlevé , dans la
nuit dù 14 au 15 , une redoute que les Français avaient cons
truite entre Weissenau et Laubenheim , sur la montagne
pour gêner la communication par le Rhin . Les capots rouges
la prirent à la suite de plusieurs escarmouches ; ils la démolirent
sur-le-champ. 4000 hommes sont journellement occupés
dans le fort de Cassel à réparer les ouvrages qui tombaiens en ruine.
ANGLETERRE . De Londres , le 28 mars.
э
Le nouveau lord lieutenant d'Irlande , lord Camden , ést
parti aujourd'hui pour aller prendre l'exercice de ses fonctions
. Les ministres font tous leurs efforts pour persuader et
qu'il n'y a rien à craindre de dangereux de la part de l'Irlande
, et qu'ils ont suivi l'esprit de la constitution en agissant
comme ils ont fait. Les papiers à leur disposition sont , depuis
quelques jours , remplis de paragraphes où les affaires ,
d'Irlande sont traitées sons ce double point de vue . M. Gratan
y est présenté comme ayant appelé la guerre civile dans cette
contrée , par sa réponse à l'adresse des catholiques , et jetté
d'ailleurs le brandon de la guerre entre les deux contrées.
Les folliculaires de la trésorerie font tous leurs efforts pour
établir qu'on ne peut , sans danger pour la Grande - Bretagne ,
accorder aux catholiques irlandais l'exercice de leurs droits
politiques , puisque c'est se mettre dans le cas de voir les
catholiques anglais demander à jouir des mêmes avantages.
Enfin les ministres sont parvenus à engager le conseil commun
de Dublin , à adresser au trône une pétition , où il dés
clare que le rapport des lois de rigueur contre les catho
liques lui paraît d'un extrême danger .
Le 25 , M. Pitt instruisit le parlement qu'il avait fait un
nouveau contrat pour la lotterie de 1796 , par lequel l'état
gagnerait un surplus de 258,000 liv . sterl. Suivant un autre
( 272))
report , il a anticipé les revenus de la loterie de 1796 , monrani
à 270,000 liv . sterl . , pour les appliquer aux besoins des
années courantes .
On croit que le parlément sera prorogé , aussi - tôt que le
nouvel établissement da prince de Galles aura été fixé .
La rareté du blé est toujours extrême. Les papiers de la
trésorerie , en voulant disculper les ministres de la disette
qu'on éprouve , conviennent qu'ils ont fait tout ce qu'ils ont
pu pour la prévenir ou la retarder , et ils déclarent qu'on ne
doit point la regarder comme factice , mais bien comme réelle ;
ils ajoutent que le gouvernement a fait acheter du blé en
Amérique et sur les bords de la Baltique ; que 60 mille quarters
de cette denrée ont été acquis à Dantzic , pour le compte
de l'Angleterre , qu'à la vérité , on iguere si le roi de Prusse
consentira à les laisser partir ; qu'entin , des achats considé
rables ont été faits dans le Canada , et arriveront l'été prochain.
1
L'amiral Dancan doit mettre incessamment à la voile avec
son escadre , pour aller protéger le commerce du Nord,
On a appris ici avec beaucoup de peine la prise du paquebot
le King - George , parti le 14 de Cuxhaven ; il avait à bord ,
outre un demi - million de liv . sterl. , toutes les lettres d'Allemagne
, d'Italie et de Russie , qui manquent depuis neuf
ordinaires , et dont la perte cause une saguation absolue dans
le commerce , et la faillite de quelques maisons ,
L'on écrit de Norwich que l'on prépare en cette ville de
vastes casernes et d'immenses bâtimens pour la réception de
l'armée du continent. L'amiral Harvey , avec quatre vaisscat x
de ligne , et un grand nombre de bâtimens de transports ,
est chargé de la pas er iei. On assure mêine que l'embarquement
est déja fait . L'on estime à 6 à 8,000 hommes le
nombre de troupes qui occuperont ces logemens .
Les mouvemens d'Irlande deviennent toujours plus inquiétans.
Dans quelques comités , dit le Times , papier ministériel
, les paysans ont pris les armes ; ces paysans , qui
sont une espece de sauvages barbares et féroces , se sont
donnés le nom de défenseurs ; ils pillent et assassinent leurs
adversaires par- tout où ils les rencontrent.
RÉPUBLIQUE
( 273 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE SIEYES.
Séance de septidi , 7 Floréal.
Laporte , au nom du comité de salut public , donne lecture
de deux lettres . La premiere du général en chef de l'armée
d'Italie aux membres composant le comité de salut public ,
datée de Nice le 25 germinal dernier , et la deuxieme du
vice- consul de la République Française à Salonique , en date
du 2 pluviôse , adressée au citoyen Decorches , euvoye extraor
dinaire de la République près la Porte otomate .
gre
Schérer rend compte de plusieurs avantages remportés sur
les-Piémontais , et qui sont le prélude de la campagne pro
chaine . Au poste du col d'luferne , 400 Piemontais avaient
occupé pendant la nuit la crête de ce col que les neiges
obstruent encore, et y avaient élevé des retranchemens . Nos
nadiers et nos chasseurs ne voulant point les souffrir dans cette
position , les ont attaqués à la pointe du jour le sabre à la
main . Les Piemontais ont été chassés et ont perdu 66 hommes
tant tués que prisonniers , D'un autre côté , 50 républicains ont
attaqué le poste Ste . -Anne , en ont délogé l'ennemi et lui ont fait
prisonni rs . Nous n'avons perdu qu'un grenadier et un de
nos carabiniers a été blessé .
50
Le vice- consul annonce que le capitaine Bertrandon , parti
de Souprac pour Dei , a rencontré , en entrant dans le port
de St.- Georges , un navire vénitien qui est vena périr à sa
vue. Le tems était très - orageux ; mais sans consulter aucun
périls , aidé de son équipage il a sauvé les naufragés au
nombre de 17 , leur a donné des babits et la nouriture pendant
13 jours. Le consul de Venise a voulu lui rembourser ses
frais , ce qu'il a refusé , se regardant bien payé par la douce
satisfaction d'avoir sauvé la vie, à dix - sept hommes.
Les représentans du peuple près les armées de l'Ouest
écrivent au comité de salut public que dans la partie de
la Vendée que commandait Stoflet , les camps et cantonnemens
nous rendent maitres du pays et les communications
libres . La confiance renaît parmi les habitans egares , il n'y
a plus que des bienfaits à répandre.´
Les citoyens d'Arles applaudissent aux travaux de la Convention
; ils annoncent que les patriotes ont repris le dessus
dans le Midi , et que le terrorisme est abattu , ils demandent
Tome XV. S
( 274 )
le rapport du décret qui déclare leur commune en état de
siége . Renvoi au comité de salut public .
ne mur-
La commune de Bordeaux demande des avances pour des
achats de grains . Isabeau dit que depuis deux ans les habitans
sont réduits à un quarteron de pain par jour , et
murent pas. Il appuie la motion ; elle est renvoyée au comité
de salut public.
et
Daunou , au nom du comité d'instruction publique , fait
un rapport sur l'école normale . Il convieat que cette institution
n'a pas rempli le but que l'on s'était proposé
que les frais considérables qu'elle a occasionnés ne sont pas
compensés par les fraits qu'on en a recueillis . Cependant
il pense qu'elle est jugée avec trop de sévérité , et qu'il y
aurait de l'inconvénient à la supprimer subitement , puisqu'elle
est la seule dans la partie de l'instruction qui soit en
activité.
La Convention décrete que les cours de l'école normale
seront terminés le 30 foréal , présent mois . Ceux des éleves
qui voudront retourner dans leurs districts avant la fin du
cours , seront libres de le faire ; les professeurs seront chargés .
de rédiger ou d'indiquer les livres élémentaires destinés aux
écoles primaires. Les professeurs qui n'auront pas fini leur
cours le 30 floréal prochain , donneront le complément del
leur travail dans le journal de l'école normale.
Thibaudeau , par motion d'ordre : De tons les moyens de
réparer les maux passés et de prévenir ceux qui menacent ,
le plus sûr et même le seul c'est de donner un gouverne . ”.
ment à la France . Il n'est aucun de vous sans doute qui
s'il ne consultait que son goût et ses penchaas , ne voulût
déposer la portion de pouvoirs qu'il exerce ; mais il faut
avant tout écouter nos devoirs , il faut solder à livre ouvert'
cette grande comptabilité morale dont le peuple nous
charges . Il faut donc en attendant que la commission des
onze présente son travail renforcer le gouvernement actuel ,
pour empêcher que la République ne devienne la proie
des ennemis de la liberté . Si le pouvoir est tyrannique , quand
il est trop centralisé , il est sans force lorsqu'il est trop
divisé ; l'on doit donc prendre un milieu . Il est tems de re
venir aux principes et de se dépouiller des préjugés de la
révolution , car si elle a détruit des préjugés elle en a ausi
enfanté. Un gouvernement doit être dépendant des lois , mais.
il faut qu'il soit investi d'un pouvoir sukisant pour les faire
exécuter ; qu'il soit entouré de formes imposantes pour le
faire respecter au dedans et an dehors. Treize comités gouvernent
actuellement la République . Ils ont à leur côté autant
de commissions et beaucoup d'agences ; mais il n'y
point de rapports qui lient et en forment un ensemble . It
en résulte des arrêtés incohérens , contradictoires même
a
( 275 )
que prennent ces comités , que ce sont treize gouvernemens
au lieu d'un , qui ne pouvant se concilier ni s'entendre
entravent la marche des affaires au lieu de les accélérer.
Voici le projet de décret présenté par Thibeaudau :
1º. Jusqu'à ce que les lois organiques soient en activité ,
le gouvernement est confié au comité de salut public , et
l'administration , en ce qui concerne l'exécution des lois et des
arrêtés du comite , aux commissions exécutives .
2º . Le comité de salut public est chargé de la police
de Paris et de la direction de la force armée de cette com
mune .
3. Le comité de sûreté générale est supprimé : les autres
comites auront la proposition des lois .
4° . Le comité de salut publie sera composé de vingt - quatre
membres ; on le renouvellora par sixieme chaque mois les
membres sortis ue pourront être réélus qu'après un mois d'intervalle.
Il sera renouvellé en entier le 15 floréal prochain .
Il se divisera en sections pour l'ordre du travail . La section
de police sera composée de six membres ; les mandats d'amener
devront être signés de trois , et les mandats d'arrêt et de
liberté de cinq membres.
5 ° . Les commissious exécutives et la trésorerie nationale
rendront compte aux sections avec lesquelles elles auront des
rapporis.
6. Les commissions exécutives ne pourront envoyer des
agens qu'avec l'autorisation du comité ; elles seront en coriespondance
directe avec les administratious de département : les
autorités constituées ne correspondront avec elles que par la
voie de ces administrations .
70. Il n'y aura qu'un seul commissaire pour chaque commission
les adjoins sont supprimés .
? 8. Il ne sera plus envoyé des représentans en mission
qu'avec des pouvoirs limités à l'objet particulier de leur
mission.
1
9°. Jusqu'à l'organisation de l'acte constitutionnel , les nominations
aux emplois civils se feront , savoir :
aux administrations
départementales , par le comité ; aux administrations
dedistricts , par les administrations départementales , et à celles
de communes et de cantons par les administrations départementales
, sur la présentation de celles de districts
Le discours et le projet de Thibaudean seront imprimés ; la
discussion est ajournée après l'impression .
Séance d'octidi , 8 Floréal.
Chenier , au nom des comités de salut public, sûreté générale
et législation , annonce que ces trois comités s'étant réunis
cette nuit , ont arrêté des mesures importantes , dont il est
chargé de faire le rapport , mais il n'a pas eu le tems de le
$ ;
a
( 276 )
préparer , et comme il doit ene digne de la Convention
du grand peuple qu'elle represente , il demande deux jours
pour le rediger. La Convention decrete que Chenier sera
entendu prime di prochain.
Chasal soumet à la discussion la suite du projet sur le
sequestre des biens des pares des émigrés. Il dénonce deux
Ouvrages imprimés contre ce projet ; l'un est de l'abbé Morellet ,
et a pour titre Le cri de familles. L'auteur prétend que le
rapporteur de cette loi est un brigand plus âpre à la confiscation
que Dauten , Robespierre et Coathon . Chasal l'invite
à s'epargner les frais de nouvelles jérémiades , et sur- tent
ceux du tridu-clergé , parce qu'on ne lui vendra pas ses bénéfices.
Celui qui a fait l'autre ouvrage soutient au contraire
que le plan n'est pas bon , parce qu'il tend à frustrer la
nation d'une partie des biens que lui assuraient les lois précédentes
. Chisal en conclut que son projet doit être bon ,
puisqu'il est attaqué en sens inverse et d'une maniere également
outrée ; la sagesse et le bien ne se trouvant pas dans
les extrêmes , mais dans le milieu , Chasal répond ensuite
aux objections qui lui sont faites . Tous les articles sont successivement
adoptés .
Boissy - d Auglas demande que la grande question de la
restitution des biens des condamnés à leurs parens , soit
mise demain à l'ordre du jour. Thibaut l'appuie , il pense
que nous n'aurons pas de plan de finances tant que cette
question ne sera pas décidée .
L'ajournement au lendemain est décrété .
Lesage ( d'Eure et Loire ) ; au nom du comité de salut public
, apporte une heureuse nouvelle . La guerre des chouans
est terminée ; le comité vient de recevoir l'acte de soumission
de tous les chefs , et les arrêtés pris en conséquence
par les représentans , commissaires à la pacification . Quelques-
uns d'eux se rendent à Nantes pour recevoir la soumission
de Stoflet.
Leur déchiation est ainsi conçue : Nous nous sommes
armés pour échapper à la destruction qui nous menaçait , à
la violence faite à nos consciences et à l'affreuse tyrannie
qui pesait sur nous ; mais depuis que la Convention est libre ,
et que la justice regne , nous formons les vaux les plus ardens
pour la prospérité de la France , et nous invitons à l'oubli du
passé tous ceux qui aiment l'honneur. Nous déclarons nous
soumettre aux lois de la République Française une et indivisible
, et nous prenons l'engagement de ne jamais porter les
armes contre elle .
Les arrêtés des commissaires portent que les chouans qui
l'ont ni profession ni état , seront reçus dans nos armées , ou
organisés en chasseurs à pied jusqu'à la concurrence de deux
mille hommes ; que les jeunes gens de la premiere requisition
( 277 )
14
resteront dans leur pays pour y ramener l'agriculture et le
commerce , et que les bons délivrés par les chefs seront rembourses
jusqu'à concurrence de 1,500,000 liv . Les commissaires
leur garantissent encore la liberté des cultes , la restitution
de leurs biens et des indemnités à ceux qui ont tout
perda .
La Convention approuve ces arrêtés .
Rovers , au nom du comité de sûreté générale , fait décréter
que les auteurs et complices du complot du 29 germinal seront
traduits am tribunal révolutionnaire.
Vernier , au nom du comité des finances , reproduit le
projet de decret qui doit faire rentrer les créanciers viagers
de l'état dans tous les droits qui leur avaient été enlevés par
celui du 23 floreal ; il est adopté.
Séance de nonidi , 9 Floréal,
Monnet , au nom du comité des finances , fait un rapport
sur l'état actuel des finances et des recettes et dépenses du
mois dernier. La Convention considérant que les recetics du
mois dernier s'élevent à 179,175.832 livres , y compris
126 millions provenant des domaines nationaux qui , d'après
la loi du 13 nivôse , doivent entrer dans la recette ordinaire ,
et les dépenses a 817,033,693 livres , et que l'excédent des
dépenses se trouve être de 637,827,826 livres , approuve
l'avance qui a été faite de ladite somme sur les assignats
fabriqués en vertu du décret du .17 nivôse , et autorise le
contrôleur général de la caisse générale de la tresotie , à
retirer de la serre à trois clés jusqu'à concurrence de psreille
somme.
Sur la proposition du comité des inspecteurs de la salle ,
l'Assemblée décrete qu'on paiera à la mere de Barbarous ,
l'un des députés proscrits , les indemnités qui étaient dues
à son fils .
Isoard , représentant du peuple dans les Basses - Pyrénées ,
écrit que des malveillansr pandaient le bruit qu'il devait y arriver
incessamment un paquet cacheté de noir , dans lequel on annoncerait
la dissolution de la Convention et le retablissement
de la royauté. Mais la nouvelle des évenemens du 12 germinal
, et de l'attitade imposante que la Convention a prise
vis - à - vis ses ennemis , a relevé le courage des bous citoyens ,
et fait rentrer dans le néant les royalistes qui , quelques jours
auparavant , affichaient beaucoup d'audace et d'impudence .
Aubry , au nom du comité militaire , fait rendre un décret
très long sur l'arme de l'artillerie .
L'Assemblée improuve et renvoie à son comité de sûreté
générale une adresse des administrateurs du district de Bourg ,
département de l'Ain , qui dénoncent plusieurs représentans
du peuple , et s'élevent avec amertume contre le decret qui
S.. 3
( 278 )
condamne à la déportation Collot , Billaud et Barrere , et
qu'ils regardent comme trop doux . Ils s'appuient sur ce que
le peuple français avait prononcé leur jugement de mort , et
que c'était à la Convention à leur en appliquer la peine . Lefiot
ne voit pas sans douleur le systême de calomnies qu'il croit
organisé de toutes parts contre la Convention nationale . Il
ne suffit pas , dit- il , de dénoncer d'une maniere vague , les
représentans qui ont rempli des missions dans les départemens ,
il faut encore prouver leurs délits , et c'est ce qui ne se fait
pas . Ainsi , l'on flétrit impunément la réputation des hommes
qui ont le mieux servi la révolution . Il demande que pour
leur donner une garantie contre les calomniateurs , ils soient
autorisés à faire imprimer le résultat des opérations qui leur
étaient confiées . L'on passe à l'ordre du jour , motivé sur
le décret qui existe .
pu-
Chasal , au nom des comités de législation et de salut
blic , présente un projet de décret tendant à faire rayer definitivement
de la liste des émigrés Caron Beaumarchais porté
sur cette liste pendant une mission secrete que lui avait
confié l'ancien comité de salut public . Ses pouvoirs ne sont
point encore révoqués . Un membre demande si les comités
ont connaissances de deux transactions passées entre Beau .
marchais et l'ex -ministre Lajarre , et entre le comité et ledit
Garon. S'ils ne les connaissent pas , il demande l'ajournement
du projet ; ce qui est décrété.
Feraud , qui arrive de l'armée du Rhin et de la Moselle ,
rend compte de sa situation . Elle est très - favorable . Nous
pouvons tenter sur la rive droite du Rhin tout ce qu'exigera
L'intérêt de la République , et nous n'avons rien à craindre sur
la rive gauche. Feraud donne les plus grands éloges au zele
et au dévouement des généraux et des officiers supérieurs qui
commandent cette armée aussi courageuse que disciplinée ,
qui en a imposé également à l'ennemi et au pays conquis par
la régularité de sa conduite ; ce qui nous a valu des amis sinceses
dans le Palatinat. Insertion au bulletin.
On accorde à la mere de Baibaroux les indemnités qui
restaient dues à son fils .
La discussion s'ouvre ensuite sur la question de savoir
si la peine de confiscation sera supprimée , et si les biens
des condamnés seront restitués à leurs familles .
Doucet-Pontécoulant parle le premier . Il dit que les crimes
étant personnels , les peines doivent l'ête , que le fils ne
doit pas être puui parce que son pere était criminel . Il invoque
la déclaration des droits . Sylla fut le premier qui ordonna
des confiscations , et Sylla fut un tyran . Qu'on suppose qu'une
poignée de brigands rentrent dans le sein de la Convention
et que le régime des confiscations soit continué , la tyrannie
´est de nouveau établie , car efle a besoin de trésors sans impêts .
( 279 )
Doucet , après avoir tracé un tableau rapide des opérations
décemvirales , ajoute que tous les citoyens condamnés par
des tribunaux révolutionaires ont été assassinés . Il n'en
excepte que Robespierre et ses complices , parce qu'ils ont
été saisis armés contre la représentation nationale . Il n'excepte
pas Hébert , Momoro , Ronsin , Chaumette et autres conspirateurs
. Il convient avec toute la France qu'ils étaient coupables
, mais on ne les a pas fait périr pour leurs crimes ,
mais parce qu'ils avaient osé rivaliser avec les tyrans ; ils
n'ont pas été entendus , ils n'ont pas été jugés . Ils ont subi
la peine qu'ils avaient miile fois méritée , mais leurs enfans
ne sont pas coupables , ils ne doivent donc pas être punis . Doucet
conclut en demandant le rapport de la loi relative aux confiscations
et la restitution des biens des condamnés . Plusieurs
orateurs se préparaient à parler après lui , mais comme l'heure
était avancée , la Convention a ajourné la discussion jusqu'après
celle sur la motion de Thibaudeau pour l'établissement d'un
gouvernement
Séance de décadi 10 Floréal.
Cadroy prend la parole et dit que les terroristes sont
anéantis dans le Midi , la famine chassée . Des bâtimens chargés
de subsistances y arrivent journellement. La France entiere
ne tardera pas à se ressentir de cette abondance . Le neveu
du bey de Tunis , qui veut contribuer pour sa part à la révolution
française , lui écrit qu'il lui est arrivé à Marseille
trois bâtimens , dont deux chargés de blé ; qu'il en attend
deux autres , et qu'il va en partir un grand nombre encore
de Tunis et des autres ports de la Barbarie . Insertion au
bulletin .
Des citoyens présentent une pétition pour le résiliment des
baux à ferme . Thibaut déclare que les fermiers et les cultivateurs
sont aujourd'hui les riches et les aristocrates de la France ,
qu'ils avilissent les assignats tant qu'ils peuvent et ne veulent
livrer leurs grains que pour de l'argent. Il pense qu'il est
tems que, la Convention arrête leur cupidité effrénée ,
faisant un grand acte de justice , et il demande que le projet
de décret pour la résiliation des baux soit présenté dans une
décade au plutard . Décrété .
en
Gauthier , au nom du comité de sûreté générale , annonce
que la section de Montreuil , fauxbourg Antoine , vient de
se déclarer en permanence , et d'envoyer des commissaires.
dans les 47 autres sections pour les inviter à prendre la même,
mesure . Le comité a ordonné l'arrestation de ces commissaites
, et il propose de casser l'arrêté de la section , de lui
enjoindre de se dissoudre , et de mander à la barre le président
et les secrétaires pour rendre compte de leur conduite .
Fermont improuve la derniere mesure . Il demande pour-
S 4
( 280 )
quoi on s'écarterait à cet égard des regles ordinaires de la
justice , et qu'on charge l'accusateur public près le tribunal '
criminel du département de poursuivre les delinquans . Le
projet du comité est adopté avec l'amendement de Fermont.
Un membre attribue les désordres qui se mauif.stent à
l'inexécution des lois que le comite a lui - même provoquées ,
telles que le désarmement des terroristes , le renouvellement
des cartes de sûrete et l'organisation de la garde nationale
parisienne . Persin ( des Vosges ) dit que le comité voyant que
dans quelques sections la passion de la vengeance se mettait à
la place de celle de la justice , a cru devoir suspendre momentanément
le désarmement pour bien definir ce que l'on doit
entendre par un terroriste . Renvoi au comité .
Le même comité annonce que les sections des Piques , de
la Fontaine de Grenelle et des Tuileries , out disapprouvé
l'arrêté de la section de Montreuil , et ont juré de n'avoir
d'autre point de ralliement que la Cenvention .
Les pétitionnaires entretiennent l'Assemblée de leurs intérêts
particuliers.
Séance de primedi , 11 Floréal.
La section des Quinze- vingts , fauxbourg Antoine , felicite
la Convention des mesures qu'elle prend pour maintenir la
tranquillité publique , et demande qu'elle rende enfin aux
assignats le crédit qu'ils n'auraient jamais dû perdre , et fasse
cesser cette disette factice qui ne prend sa source que dans
l'avidité des spéculateurs qui vendent leurs denrées au poids
de l'or. Le président lui répond que les comités ont pris des
mesures qui assureront le nécessaire , si elles ne ramenent point
l'abondance . Dubois- Crancé dit que le cultivateur a bien la
propriété , mais non pas la disposition exclusive de sa récolte ,
et que sa fortune est devenue excessive par les circonstances .
Renvoi au comité de salut public. "
Thibaudeau soumet à la discussion son projet sur le gouvernement
. Lesage d'Eure et Loire ) a le premier la parole ;
il dit que le gouvernement révolutionnaire est sorti du 31 mai ,
et demande si le 12 germinal en amenerait un tyrannique.
Ainsi , un événement heureux donnerait le même résultat
que s'il était désastreux . On parle de la garantie des gouvernés
; mais où serait cette garantie dans un gouvernement
sans responsabilite , ayant le droit de puiser au trésor national
, de disposer de la force armée , de lancer des mandats
d'arrêt , de nommer aux fonctions publiques ? La séduction
du pouvoir n'est elle pas toujours à redouter ? Lesage demande
la question préal ble sur le projet.
Viltard voit dans la centralisation proposée par Thibau
deau trop de moyens d'opprimer , et trop peu pour defendre
la liberté. La Convention serait esclave . Sans doute l'on doit
( 281 )
donner de la force au gouvernement , mais il ne faut lui
donner que celle dont il a besoin et avec précaution . Trop
diviser affaiblit , mais trop cumuler accable . Viltard désirerait
que le gouvernement fût partagé entre les comités de salut
public et de sûreté générale. 1
La discussion est interrompue par Rewbell , qui annonce
que le roi de Prusse a ratifié le traité de paix conclu entre
la République et lui . Vifs applaudissemens . ) Il en montre
le diplôme ; il sera deposé aux archives .
La discussion reprend : Louvet s'éleve aussi contre le projet.
Cette cumulation de pouvoir dans un même comité est si
effrayante , dit il , que si Louis XVI et son conseil vous en
eussent demandé autant , toute la nation aurait couru aux
armes . Le comité de salut public ne serait plus une émanation
de la Convention , mais la Convention elle - même . Le
despotisme est de sa nature très vivace , il est facile à se
reproduire . On avance que votre garantie serait dans votre
courage ; mais pourquoi s'exposer à cette garantie . Votre
courage contre une tyrannie établie a t- il profité à la République
? Il vous a conduits par centaine à l'échafaud et à la
proscription . Voilà les jours qu'il faut empêcher de revenir.
·
Lanjuinais paraît à le tribune . Il est vivement applaudi et
exprime toute sa sensibilité . Il a tout oublié et ne se souvient
que de son devoir et du zele avec lequel il doit défendre la
République . I dit qu'il n'y a point de gouvernement où il
n'y a pas de séparation de pouvoirs , et qu'elle ne peut sortir
que de la constitution ; il en conclut qu'il faut l'organiser
sans délai . Il voudrait que le comité de salut public ne fût
composé que de huit membres .
Cambacérès n'approuve point le projet de Tribaudeau . II
pense qu'il n'est pas politique de dire que nous n'avons pas
de gouvernement , et que c'est faire croire que nous sommes
dans l'anarchie . Ne pouvant suffire à de doubles travaux , il
donne sa démission de membre de la commission des onze .
La Convention renvoie toutes les opinions émises à la commission
des onze , et la charge de présenter de nouvelles
vues .
Chénier devait présenter son rapport sur les circonstances
actuelles . Il paraît à la tribuue et declare qu'il n'a pas eu le
tems de le soumettre aux comités , et qu'il n'y a que le projet
de décret qu'ils aient appronvé . On s'oppose à ce qu'un
membre mette ainsi ses opinions particulieres à la place de
celles des comités . Le rapport est renvoyé à demain , pour
donner le tems à Chénier de le soumettre aux comités.
( 282 )
PARIS. Quartidi 14 Floréal , l'an 3º . de la République.
II n'était plus possible de se dissimuler que depuis
que la Convention avait pris pour regle de sa conduite
des sentimens de justice et de modération , les ennemis
de la liberté avaient pris pour regle de la leur l'audace
et l'impunité . Il n'est pas une bonne chose dont
les mechans n'aient su abuser dans la révolution . On
a fait la déclaration des droits , et soudain les violateurs
de tous les droits l'ont invoquée pour conspirer . On a
permis la liberté des cultes ; aussi - tot les prêtres s'en sout
servi pour fanatiser les consciences et prêcher le royalisme
et l'insurrection , au lieu des maximes de l'évangile.
On a permis la liberté de la presse ; on s'en est
servi pour calomnier les personnes et avilir la Convenzion.
On a fait quelques exceptions de justice en faveur
des personnes que les persécutions et la terreur auraient
contraintes à se cacher , et qui auraient été mises
à tort sur la liste des émigrés. Aussi- tôt les émigrés bien
avérés sont rentrés en foule sur le territoire de la République
. On a éteint par la voie des négociations la guerre
de la Vendée et des chouans ; aussi - tôt les aristocrates
et les royalistes se sont crus en droit d'afficher hautement
leurs opinions et leur vou pour le rétablissement de
la royauté ; enfin , le relâchement des principes republicains
était tel que les vrais amis de la liberté s'effrayaient
de ces progrès contre - révolutionnaires , et ne savaient
qu'augurer de la molle indulgence de la Convention .
Faut- il donc en conclure que la liberté des cultes ,
de la presse et des opinions doit être interdite ; que la
modération et la justice doivent faire place à la persécution
et à la terreur ? Non ; mais il faut faire des lois
contre les calomniateurs , les séditieux , les provocateurs
à la royauté ; il faut que chaque citoyen jouisse de ses
droits , mais qu'il ne puisse en faire usage pour
aux droits d'autrui et à ceux de la sociétt . Il faut que
la surveillance et l'action du gouvernement soit ferme
et vigoureuse , et qu'elle atteigne tous les perturbateurs
et les ennemis de la République et de la liberté .
nuire
C'est ce dont les comités de gouvernement ont été
convaincus , et c'est dans cet esprit qu'ils ont fait , par
l'organe de Chénier , dans la séance d'avant-hier , un
( 283 )
rapport sur la situation actuelle de l'esprit public dans
la République . Nous ferons connaître plus en détail
cette séance ; mais nous croyons devoir rapporter quel
ques- unes des mesures générales qui ont été prises .
Il a été décreté que tout émigré qui sera trouvé sur le
territoire de la Republique , sera traduit , sur- le - champ , devant
les tribunaux , pour être jugé conformément à la loi
du 25 brumaire ; que les individus qui avaient été déportés
et sont rentrés sur le territoire de la République , seront
tenus d'en sortir un mois après la promulgation du decret ;
que les autorités constituées , chargées d'exécuter le décret
du 12 germinal , relatif au désarmement des individas qui ont
pris part à la tyrannie qui a pesé sur la France avant le 9 thermidor
, leur donneront les motifs de leur désarmement et les
Paris seule- transmettrent au comité de sûreté générale , pour
ment ; et pour le reste de la République , aux administrations
départementales qui statueront definitivement sur les réclamations
qui pourraient en être faites .
Il est enjoint au comité de sûreté générale et aux autorités
constituées , de faire traduire au tribunal criminel ceux qui ,
par leurs discours et leurs écrits séditieux , provoqueraient à l'avilissement de la Convention nationale ou au rétablissement
de la royauté.
Les individus , coupables de ces délits , seront bannis à perpétuité
de la République .
Le comité de législation présentera , dans une décade , un
projet de loi contre les calomniateurs .
Le comité d'instruction publique dirigera les théâtres , les
écoles , et généralemeut les sciences et les arts vers l'affermissement
de la République .
Les comités de salut public et de sûreté générale feront , tous
les mois , un rapport sur l'esprit public.
Dans la soirée du 11 , des mouvemens , qui avaient
pour prétexte les subsistances , se sont manifestés dans .
la section du Bonnet- de -la - liberté , ci - devant du Bonnet-
rouge . Le rappel a été battu dans plusieurs sections
entre dix et onze heures du soir. Sur- le- champ la Convention
s'est réunie ; on ne connaît point encore les dér
tails de ce mouvement ; on sait seulement que les
auteurs et provocateurs ont été renvoyés devant le tribunal
criminel du département .
Depuis quelques jours la distribution du pain a été
un peu moins parcimonieuse . Les subsistances arrivent ,
et on espere un peu plus d'abondance .
( 284 )
Les papiers auglais annonçaient depuis long tems de grands
préparatifs pour une descante en France , dont l'exécution
stait confiée au comte de Moira. On ne sait s'ils ont voulu
l'effectuer véritablement , ou seulement faire un essai de leur
tentative ; mais voici ce qu'on mande de Saint - Brieux , le
30 germinal :
Le 24 germinal , une flotille anglaise de 15 à 16 frégates
et corvettes , a osé venir mouiller dans la baie de Port- Brienne,
département des côtes du Nord : elle s'est approchée de la
côte à portée de fusil ; elle a tiré plusieurs coups de canon ,
comme pour avertir de sa présence ceux sur les intelligences
et les secours desquels elle avait sans doute compté. Ces Anglais
croyaient probablement les chouans en force de ce côté ;
ils ont été trompés dans leur attente.
Les troupes républicaines se sont présentées en grand
nombre , sous les ordres du général Vatteau , qui jouit dans
ce pays d'une grande confiance : les gardes nationales des
communes se sont réunies avec empressement , et ont montré
le plus grand zele pour aller combattre ces ennemis communs
de tous les Français .
99
Déconcertés par cet appareil de défense , les Anglais se
sont éloignés de la côte ; et après avoir manoeuvré pendant
quelques jours dans la baie de Port-Brienne , depuis Trevenue
jusqu'aux mêtz de Goetz , toute cette flottille a disparu , et a
repris le 2 ; germinal la route de Jersey et Guernesey . Des
boulets , jettés par elle sur la côte , n'ont fait de mal qu'à
une vache qui a eu une jambe emportée , "
Voici ce qu'on écrit également de l'Orient , de la même
date du 30 germinal :
Enfin , après plus de deux décades d'un blocus opiniâtre
par une division anglaise , dans le golfe et l'entrée de Peruis
, nous sommes parvenus à faire entrer dans les ports de
la ci - devant Bretagne ic riche et précieux convoi , au nombre
de 140 voiles , chargé en partie de comestibles pour les commancs
de Nantes , Noirmoutier , Belle- Isle - en Mier , l'Orient ,
Brest , Landernan , etc. Le convoi était protégé par une division
de l'armée navale de la République , composée du vais
seau le Fougueux , de 74 ; de trois fregates de 36 et de 18 ,
de deux corvettes de 26 , de deux cutters de 18 , d'un aviso
de 12 .
Voilà la rapacité anglaise frustrée dans ses espérances ,
et notre convoi en sûreté .
" La plus grande activité regne dans le port de l'Orient.
Cinq vaisseaux de ligue sont sur les chantiers , ainsi que
trois frégates. Sous quelques décades , le beau vaisseau le
Dix-Août sera lancé. ››
( 285 )
7
Dans le tems que les Anglais cherchaient à effectuer une
descente et se croyaient soutenus par les rebelles de la Vendée
et par les chouans , les chefs de ces derniers traitaient des
moyens de pacification avec les représentans du peuple , et
venaient se ranger sous les lois de la Republique . Voici la
déclaration qu'ils ont signée et remise aux représentans du
peuple , après des conférences qui ont eu lieu sous les murs
de Rennes .
Déclaration des chefs de l'armée catholique et royale de Bretagne.
?
Les causes qui ont donné naissance à la guerre de la Vendée ,
et celles qui en out prolongé la durée , et qui , toutes atroces
ont forte les habitans des pays situés au nord de la Loire ,
à s'armer pour échapper à la destruction dont ils étaient ,
menaces par Tabus execrable et le plus tyrannique du gouvernement
.
Les efforts tentés pour soustraire la France à une domination
aussi odieuse , le renversement et la . punition des chefs
qui l'avaient etablie ; l'amour enfin de tout vrai Français
pour son pays , et le desir d'éteindre les discordes civiles qui
en auraient acccléré la ruine , ont déterminé le conseil et
les chefs de la Vendee à concourir à la pacification des départemens
insurges.
Nos voeux pour la prospérité de la France sont les mêmes
nous desirons également tout ce qui peut rendre à notre pays
l'abondance et la paix , tout ce qui peut garantir la sûreté et
le bonheur de tous les Français .
Ces voeux ont été exprimés dans l'écrit que nous avons
publié , sous le titre de Paroles de paix , et qui a été remis ,
au nom des chouans , au représentant du peuple à Nantes ,
le 12 février 1795.
En conséquence , en invitant tous les habitans de la France
qui chérissent l'honneur , qui aiment la probité et la vertu ,
a un entier oubli du passé , nous déclarons solemnellement
nous soumettre à la République Française , une et indivisible ,
en reconnaître les lois , et prendre l'engagement de ne porter
jamais les armes contr'elle.
Afin que la paix soit complette et qu'il ne reste aucune trace
de ses malheurs , nous prions le représentant du peuple Bollet
et ses collegues , d'indiquer pareillement un rendez - vous au
général Stoffet .
La connaissance que nous avons de ses sentimens , nous
porte à être persuadés qu'il embrassera volontiers tous les
moyens d'assurer la tranquillité au pays qui lui a donné sa
confiance : il serait même à desirer que les représentans qui
ont concouru le plus efficacement à la pacification de la Vendée
, et qui ont obtenu la confiance de ses habitans , vou(
286 )
"
lussent bien se rendre dans le lieu qui sera assigné ; leur
presence ne peut manquer de produire les plus heureux effets
pour la pacification générale , l'objet des voeux de tous les
Français .
Fait et arrêté à la Mabilais , près Rennes , le 1er . floréal ,
l'an 3e . de la République Française , une et indivisible .
Signés , Cormartin , Chantreau , Solilhac , Bois - Hardy ,
Moulé de la Roitrie , Busnel , Bellevue , Gestin , Gourlet ,
Guignard le jeune , Jarry , Terrien , Lefaivre , Demeaulne ,
Defils l'aîné , l'Hermite , Lambert , Lantivy , de Nantois ,
Ganbert , de la Nourray , Dufour .
Elat numératif des détenus dans les différentes maisons d'arrêt de
Paris. - Du 6 floréal.
Bicêtre ...
Dreneux ..
Conciergerie .
Force grande .
Force petite.
Lazare....
Mairie , dépôt .
Magdelonettes.
Pélagie ..
Plessis ..
Port- Libre , supprimé.
Salpêtriere ..
Total...
ز ا ب
582.
34.
34.
493.
148.
333 .
16.
-123.
10S .
364.
67 .
2302. I
TRIBUNAL REVOLUTIONNAIRE.
Suite des délits imputés aux ex-juges et aux ex-jurés.
D. Aubrenet , porte - clés au Luxembourg depuis le commencement
, a déclaré n'avoir aucune connaissance des couspirations
qu'on dit s'y être tramées . Il n'en a oui parler qu'au
dehors , ainsi que des listes dont il ignore les fabricateurs ;
que cependant l'opinion publique en accusait Boyeuval ,,
Meunier , Vernet et les autres ; il en a vu une de 100 prisonniers
, mais c'est un officier de police qui l'a apportée .
Toute la nuit fut employée à ramasser les 100 victimes pour
les conduire à la Conciergerie .
que
J. F. Michelot , commis - greffier de la Force , dit a
l'Ange , administrateur de police , était venu dans cette mai- ,
son d'arrêt , faire le recensement général des prisonniers ,
qu'il n'y avait jamais eu de conspiration entr'eux , et que
( 287 )
ce ne fut qu'après le 9 the midor que cinq de ces prison
niers furent acquittés .
Gastres a raconté un fait , qui a fait frémir d'horreur. Il
apperçut parmi les accusés un jeune homme de 19 ans
nommé Bois Marie , né à Besançon ; il était professeur ;
Renaudin , accusé , descendit de son siege de juré , et deviat
témoin . Il lui reprocha ses liaisons avec Gorsas , puis remonte
à sa place , et déclara que Bois-Marie , qu'il venait d'accuser ,
était convaincu , et Bois . Marie fut conduit à l'échafaud . Cer
infortuné avait été député à Paris pour l'acceptation de la
constitution. Renaudin lai reprocha , pendant les débats ,
les opinious qu'il avait émises aux jacobins .
L. J. Heussee , fabriquant de chocolat , ex-administrateur
de pulice , a declaré que dans le cours de ses visites , il
ne s'est jainais apperçu qu'il y eût eu la moindre trace de
conspiration dans la maison d'ariêt. Itby a vu tous les détenus
constamment résignés à la plus grande soumission et
à la tranquillité. Il a observé le même calme et les mêmes
dispositions dans celle des Carmes .
Lorsqu'il vint partager le sort de ceux qui y étaient dé
tenus , il y a vu ce Benoît , qui avait déja dénoncé la con'spiration
du Luxembourg , entretenir une correspondance !
avec Fouquier et le comite de salut public . I logeait à part
couchait à part , et portait sur son cachet l'inscription : Commissaire
national. remettait ses lettres au greffe ; il
avait plusieurs adressés à Fouquier , huit jours avant le 9ihermidor.
y en
Fouquier a répondu que Benoît n'avait point denoncé la
conspiration des Carmes ; que ce fut Savard qui la' dénonça
à Faro et à Anolier qui s'y transporterent pour recevoir
les déclarations .
Le même Heussée a´rendu un témoignage en faveur de
Naullin. Pendant les deux mois qu'ils ont passé ensemble dans
la même prison , Naullin lui disait qu'il avait gémi de l'amalgame
des accusés , et de la cumulation des jugemens ; que , plus
d'une fois , il avait reproché à Fouquier ses grandes fournées
; que celui -ci lui répondit : Bah ! beh ! tu as peur ;"
n'ai je pas mes ordres ? En effet , Fouquier a soutenu qu'il
avait ses ordies . Enfin , on disait dans le public , tant mieux ,
ajonte Henssée , c'est Naullin qui siege , il n'en ira pas tant
à la boucherie .
Beautre , dans sa déclaration , a parcouru les tems connus
sous la conspiration des Grammont , elc . Conduit au Luxem
bourg le 15 brumaire , au deuxieme , réc amé par une députation
de sa commune , il a vu quatre membres de cette depa
tation arrêtés , comme ils allaient au comité de sûreté générale
; il a passé les deux premiers mois de sa captivité avec
eux . Ils furent mis en liberté dans le cours de pluviôse . La
"
( 288 )
tranquillité avait regné jusqu'alors dans les prisons ; elle fut
troublée par l'arrivée des Grammont , Duroy , l'Anglois , etc.
En suivant leurs démarches et entretiens , il s'apperçut qu'ils
ayaient la tête exaspérée , qu'ils comptaient sur l'appui de
plusieurs membres du comité de sûreté générale ; il entrevit
des projets dangereux ; et pour les déjouer , il s'associa avec
eux , malgré la réputation d'hommes de sang qu'on leur don
nait généralement. :
Le 12 ventôse ils avaient déja marqué leurs victimes , et ils
comptaient beaucoup sur la levée de boucliers qui s'était
faite aux Cordeliers et sur l'appui de Vincent qui était sorti du
Luxembourg la 1age dans le coeur ; enfin , Sava d'annonçait
un grand mouvement dans Paris , comme très- prochain. Le
22 , il y eut tranferement des Grammont, Savard , Lapallu , etc.
Beausire fut assigné le 26 en déclaration secrette. Il dit ce
qu'il savait ; mais rien ne fut consigné sur les registres ; on
ne prit que des notes sur des feuilles volantes . La mise en
jugement ent lieu le 21 germinal . Du reste , il n'a rien appris
de la conspiration attribuée à Dillon que par les papiers
publics.
On faisait courir le bruit que c'était pour délivrer Camille
Desmoulins , Phelippeaux , etc.; mais il n'en apperçat aucune
race dans cette prison qui lui était commune avec eux .
( La suite au numéro "prochain. )
P. S. Diverses lettres écrites de Suisse donnent avis que les
émigrés , sur- tout ceux de la premiere émission , rentrent en
foule sur le territoire français , et parlent hantement du réta
blissement de la royauté , comme d'une affaire arrivée à son
degré de maturité . Sous pen , disent-ils , il y aura un grand
mouvement à Paris. Les départemens qui avoisinent Lyon ,
auront l'air de marcher au secours de la Convention , mais
leur véritable but est de donner un roi de vive force . Ils
ajoutent qu'ils seront très - clémens , qu'on ne fera tomber la
tête que de quelques chefs militaires , et notamment de
Fichegru .
Des lettres de Lyon annoncent qu'en effet Precy est dans
ane maison de campagne proche la ville. Les royalistes ont
remplacé les terroristes . Ils poursuivent et assassinent les
républicains. L'etat- major de Precy est réorganisé ....... Bous
patriotes , amis anciens et invariables de la liberté , reprenez
votre énergie ; le tems presse ; secondez les mesures de la
Convention . Guerre aux royalistes , guerre aux terroristes ; c'est
la même conspiration qu'il s'agit de détruire .
Jer.135 r ∙ 13.
( No. 46. )
MERCURE
FRANÇAIS
DÉCADI 20 FLORÉAL , l'an troisieme de la République.
( Samedi 9 Mai 1795 , vieux style. )
POÉSIE.
L'Orphelin adopté par sa Nourrice. ( Romance. )
L'AIR était calme et pur , les eaux de la riviere
Réfléchissaient l'éclat des derniers feux du jour.
Sous l'ormeau , protecteur de son humble chaumiere ,
Rose'allaitait un fils joli comme l'amour.
Je m'avance aussi - tôt ... d'une main caressante
A l'enfant , qui sourit , je présente une fleur .
Un rien plaît aux enfans ; une fleur les enchante ,
L'auroie de la vie est l'âge du bonheur .
Oh ! comme je voudrais prolonger son enfance !
Me dit Rose ; il sourit aujourd'hui dans mes bras ;
Mais si de son destiu il avait connaissance 1
A l'aspect d'une fleur il ne sourirait pas.
Ses parens habitaient l'asyle solitaire
Que présente à vos yeux ce rivage écarté .
Leurs bienfaits du hameau soulageaient la misere ;
Ils ont fait des heureux , et ne l'ont pas été .
Par le crime bientôt leur vertu poursuivie ,
De la justice envain sollicite l'appui."
A peine cet enfant avait reçu la vie ,
Son pere en un cachot est jetté loin de lui.
Sa mere gémissait ... on l'entraîne , tremblante ...
Elle joint son époux... ils ont péri tous deux ...
Nourrice de leur fils , du sein qui l'alimente
Pouvais- je repousser ce petit malheureux ?
Tome XV.
T
•
८
\ ( age )
Ah ! Ruisse- t-il long-tems ignorer sa misere !
L'abandonner ! hom ! non ! mon coeur me le défend ...
Il me chérit déja comme on chérit sa mere
Et je l'aime à mon tour comme on aime un enfant.
En achevant ces mots , Rose , avec complaisance ,
Embrassait ce cher fils qu'elle avait adopté.
Ravi , je m'écriai : Non , tant de bienfaisance
Au milieu des palais n'a jamais habité !
( ParJ. JAVEFRIT , musique de MEHUL. )
CHARAD I..
LA terreur ne pouvait qu'enfanter mon premier ;
Le Français , peuple né pour être mon dernier ,
Avee elle eût été toujours plas mon entier.
ENIGME.
J'Existe
'EXISTE en tout pays , j'ai ma place marquée
Dans un sérail , ainsi que dans une assemblée.
Sans mon secours , Iris n'aurait point d'agrémens ,
Et se verrait réduite à vivre sans amans .
Je forme le savant , le soldat et l'avare .
Mais comment définir mon caprice bizare ?
Servant dans un orage on m'emploie aux combats.
Je crée les sénateurs , fais naître des débats ,
Et sans mon ministere et ma toute puissance ,
Adieu talens , gaîté , plaisir et jouissance !
( 291 )
PHILOSOPHIE.
CARACTERES PORTRAITS.
NOTE trouvée dans le porte -feuilo d'un homme du monde
qui a vécu avec plusieurs homme célebres de ce siecle.
QUOIQUE
UOIQUE ce morceau ait déja éé imprimé dans un
recueil périodiqué , il nous a paru assez piquant pour
le faire connaître à nos lecteurs . On coit que cette note,
a'été écrite en 1789. Il est aisé de voiraue l'auteur avais
vécu familierement avec les hommes dont il parle . Une ,
grande fortune , un grand état , tous les vantages extérieurs
, et des succès lui avaient donné laccès dans les.
plus brillantes sociétés .
J'ai rencontré dans le monde plusieurs hommes
célebres . Chacun avait une tournure d'esprit dfférenté , et
cette différence se faisait sentir dans leur conversation. Je
les ai beaucoup observés; car je suis entré june dans
la société , et j'ai long- tems fait le rôle d'écoutur. Au
jourd'hui que je me rends compte de ces observations ,
il m'a semblé que l'on aurait un prodigieux avaatage
soit comme homme du monde , soit comme orátetr , si
l'on était venu à bout de réunir :
Le tom , tantôt éloquent et fort , tantôt fin et déké ,
toujours retenu de M. Thomas .
L'air inspiré , l'expression enthousiaste et poétique de
l'abbé Arnaud .
La tournure piquante élégante , académique de
l'abbé Delille.
La voix forte et mâle , le port noble , colere , le geste
majestueux , la beauté , la franchise fiere et bonne de
Larive.
L'affabilité gaie et chevaleresque du comte de Mer...
Je ne sais quoi , mais quelque chose dans la mémoire
effrontée , et le courage honteux de l'abbé Maury.
Les pinces mordicantes de l'esprit de Champfort.
Lá liberté , l'aisance , la grace théâtrale et sociale de
Molé.
Le ton noble et poli , l'esprit de justice de M. Ducis,
T ,
}
( 92 )
$92.
La repartie piquante et soudain de Madame de
Mongl......
L'attitude et la vou politique soutenue , royale , de
Mlle. Clairon .
L'accent bas , calme , prefend , gascon et léger , le ton
de découverte , l'oeil roulant , ou fixe ,la maniere de lever
la tête , de plier le fron, de M. Garat..
La conversation analogique , métaphysique et haute
l'existence rustique , désabusée , maritime , patiente ,
provoquante , à provts ; l'égoïsme littéraire de M. de
la S....
La parole diviseve , précise , vouée à de grands objets ,
soit politiques , sat gracieux de M. Cerutti.
L'air d'un homme à part , isolé , le ton bonhomme qui
conte des histoies etseme les vérités , de M. de Buffon .
Les maniers sensibles , naturelles et . simples de
Gerbier. Sabob
Le silencedu célebre Francklin.
L'audace zerbeuse et brillantée de l'abbé Fauchet.
La facilit intrépide , la voix haute de Bonnieres .
Le coupde gueule dur et ferme de Martin....
Le débi concentré , riche d'inflexions , les éclats sou
dains et serçans du fameux Le Kain.or
Les poumons infatigables et vastes , l'air simple et
Convai cu du P. Beauregard.
La candeur jeune , intéressante de la déclamation de
SaintPhal.
ས ”༈་རྩ་༈་ །
Les beaux gestes , les mains , l'accent paternel , l'éclat
vigoureux et entraînant dans le débit de Brizard. [ 1
Les harangues longues et soudaines , la présence d'esprit
, la voix forte de d'Epresmenil.
La maniere de conter de d'Alembert.
La parole vive et expansive de Lavater?
L'entretien continu et bien français de Marmontel.
Le feu d'artifice , les étincelles piquantes de Barthe.
La tournyre simple , mais supérieure et entierement
exempte de ce qu'on appelle miseres , l'esprit sérieux ,
étendu , calculateur , geometre , instruit dans tous les
genres ; l'habitude constante et l'amour des détails , la
facilité d'y apporter une philosophie saine ; des vues
politiques et administratives , une connaissance du coeur
humain , un peu de malignité même dans les récits de
M. de Condorcet..
Le génie d'analyse , le scepticisme et l'intelligence
hercheuse de M. de la Grange.
( 293 )
•
Il est un autre homme dont la conversation fait sou
vent mon bonheur . Elevée , soutenue , en général calme
et coulante , presque toujours heureuse , piquante , et
même gaie quelquefois , remplie de ces tournures qui
n'appartiennent qu'à l'excellent style , de ces sensations
déliées qui n'appartiennent qu'à un esprit fin et étendu ,
enfin brillante et pure, et par dessus toute claire comme
un rayon du soleil , cette conversation ressemble à une
belle lumiere qui ne demande qu'à être approchée de
beaucoup d'objets , et qui répand un jour enchanteur
sur la vie.
*
Rousseau avouait souvent les obligations qu'il avait à
Diderot celui de tous les hommes qui par la parole
influait le plus puissamment sur ceux qui l'écoutaient ,
celui dont on a dit que la conversation valait mieux
qu'un livre, parce qu'elle instruisait et persuadait , ce que
les livres ne font pas toujours...
Rousseau brillait peu lui -même dans la conversation ,
comme La Fontaine et Corneille , et son entretien ne laissait
pas même soupçonner ce style énergique , impétueux
, ou touchant qui caracterise ses écrits . Il avait
comme on l'a dit , une pesanteur maxilliaire , qui contras
tait avec sa réputation . Mais au défaut de la parole , son
regard était toujours éloquent , et l'on sentait bien en le
voyant que ce regard n'était pas celui d'un homme
- ordinaire .
Dans la conversation même , Rousseau ne se négligeait
jamais. H ponctuait singulierement bien toutes ses paroles
, à moins qu'un sentiment ne l'agitât , et ne le fît
sortir de lui- même.
Rousseau parlait quelquefois avec chaleur. Ce n'était
de la chaleur d'éclat , c'était une chaleur concentrée
qui agitait ses membres.
pas
Lorsque Diderot n'avait à dire que des choses ordinaires
ou de peu d'effet , il prenait un tom doux et
clair.
T3
32
(194 )
VARIÉTÉ.P
OBSERVATIONS Sur le traité des délits et des peines de Becearias
par GAETAN BOLDONI , professeur au Lycée republicain.
BECCARIA®
uhoited
ECCARIA à eu -la gloire d'être le premier à faire sentir
combien la procédure criminelle était absurde dans la
législation moderne.
Son livre fit abolir la question préparatoire en France
et dans une très - grande partie de l'Europe , supplice
qui souvent tourmentait un innocent pour savoir s'il
etait coupable .
་ ་
Ce fut lui qui prouva que la peine de mortvest -injuste
, et qu'au lieu de remplir le but que le législateur
se propose , elle ne sert qu'à démoraliser le peuple ,
en l'accoutumant à savourer le sang et à contempler
avec délice les angoisses et les dernieres contorsions
d'une victime humaine , expirant sous les coups des
bourreaux .
Cependant ce beau génie , cet ami ardent de l'hu
manité est tombé dans une erreur , lorsque , dans son
traité des délits et des peines , il'suppose que les hommes ,
en abandonnant la vie errante et sauvage pour vivre en
société , firent le sacrifice d'une partie de leur liberté ,
pour conserver l'autre , et que de toutes les portions
individuelles de liberté , ainsi sacrifiées , on en forma un
depot que l'on appella le souverain supposition! que
nous croyons fausse ; car les hommes , bien loin de rien
sacrifier de leur liberté , en se réunissant en état de
société , l'ont conquise toute entiere , avantage dont ils
ne jouissaient pas dans l'état de nature où rien ne leur
était garanti (1).
Là , le plus fort s'empare du produit de la chasse du
plus faible ; là , le sommeil n'est pas protégé contre les
attaques de l'ennemi ; là , il n'y a d'autre droit que la
violence.
ľ
(1) L'indépendance n'est pas la liberté ; celle - ei`est le `fruit
d'une société bien organisée ; l'homme jouit de celle- là en état
de pure nature , jusqu'à ce qu'il la perde devant un homme plus
fort que lui.
( 295 )
F
Dans l'état de société , au contraire , tout est réglé par
la raison ( nous entendons parler d'une société bien
constituée) , tout est soumis aux lois de la justice , et
il est permis aux individus qui la composent de faire
pour leur propre bonheur , tout ce qui ne blesse pas
directement ou indirectement leurs concitoyens ; et
certes l'on est parfaitement libre , lorsqu'il n'y a de
puissant que la loi , qui est la sauve - garde des droits
des citoyens , lorsque la liberté civile et politique est
garantie par une bonne constitution , et la licence seule
prescrite. Je dis licence , parce que certaines têtes , confondant
toutes les potions , croient qu'un homme n'est pas
libre , quand il ne lui est pas permis de ravager, de tuer
et de ravir à son gré le fruit du travail d'autrui.
Beccaria n'a fait cette méprise que parce qu'il a voulu
trop prouver que la société n'a pas le droit d'infliger
la peine de mort à ses membres , et trouver les preuves
de son assertion dans l'établissement des sociétés , où ,
sans doute , lorsque les hommes , suivant le systême
établi dans le traité des délits et des peines , en faisant
le sacrifice d'une partie de leur liberté pour jouir de
l'autre , aucun d'eux ne voulut consentir à accorder au
souverain le droit de le priver de la vie .
Comme si , sans aller chercher si loin les preuves
du principe que la société n'a pas le droit d'infliger la
peine de mort , elles n'existaient pas toujours d'une maniere
indestructible dans la raison humaine .
En effet , l'homme tient la vie de la nature ; elle seale
a droit de l'en dépouiller. Lorsque la société condamne
quelqu'un a mort , elle prouve qu'elle est plus forte
que le faible individu qu'elle prive de la vie , et rien
de plus ; et que si ce dernier était plus fort que la
société entiere, il pourrait pareillement lui donner la
mort ; ce qui est absurde , parce que force n'est pas droit
Quelle sublime leçon les législateurs ne peuvent-ils
pas donner aux hommes en défendant par une loi sage
qu'aucun citoyen ne soit mis à mort !
La loi apprendrait à l'homme que personne , hormis
la nature , de qui nous tenons notre être , ne peut priver
l'homme de la vie ; elle lui apprendrait à respecter son
semblable , et à ne jamais tremper des mains meurtrieres
dans le sang de ses concitoyens , et bientôt l'horreur
du sang étant changée en habitude ( tout est habitude
parmi les hommes , même l'exercice de la vertu ) , bientôt
, dis-je , la terre , que l'homme ne doit arroser que
TA
( 296 )
de ses sueurs , ne serait plus trempée du sang humain.
Mais , nous dira - t - on , celui qui arrache la vie à son
frere n'encourt-il pas la peine du talion , et le supplice
de ce malfaiteur ne contiendra - t - il pas ceux qui seraient
tentés de l'imiter ?
Nous répondrons qu'il est atroce , parce qu'un individu
a commis un crime , d'en faire commettre un autre
à la société pour l'effacer.
1. Parce qu'au lieu de contenir les hommes par un
prétendu exemple , cela entretient parmi eux le goût
du sang , que les législateurs doivent s'efforcer de détruire
; et l'expérience nous apprend que là où les lois
sont cruelles , les hommes sont sanguinaires .
2. Parce que , comme nous l'avons établi d'abord ,
personne n'a le droit d'arracher la vie à l'homme , si ce
n'est cette force qui crée et détruit tout .
J'entends que l'on s'écrie , où est ton sublime dévouement,
où est ta vertu , ô Brutus ! Il sera donc permis à
un audacieux d'attenter impunement à la liberté de son
pays ! non; de même que l'on coupe un bras ou une
jambe pour sauver le reste du corps de la gangrene et
d'une mort inévitable , Ton doit retrancher de la société
tout individu dont l'existence compromettrait la sûreté
du corps social . Excepté ce seul cas , la peine de mort
doit être abolie , comme injuste , comme immorale
comme nuisible à la société , comme un outrage fait à
la nature.
Quelques peines douces , établies avec une juste gradation
, accompagnées d'une constitution , qui tende à
améliorer le sort des hommes , à les rendre heureux et
estimables à leurs propres yeux , et sur- tout l'instruction ,
Buffiront pour extirper tous les crimes de la société ,
pour y faire naître des passions qui conspirent au bien
public , et pour faire aimer la vertu.
MUSIQUE.
90 phot
Recueil d'arielles , scenes et duos périodiques , dédié aux hommes
libres ; par Alexandre Fridzeri . OEuvre VIII . Prix , 7 liv . A
Paris , chez l'auteur , au café de Foi , jardin Egalité et rue
Montpensier , nº . 59. is (
On trouve chez lui le même recueil , petit format , et sans
accompagnement . Prix , a liv. 10 sols.
Recueil d'airs avec accompagnement de harpe ; par le même.
Ier, cahier , oeuvre VI. Prix , 10 liv.
( 297 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
3...
LA
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 15 avril 1795.
A Russie continue d'envahir ou d'englober , soit par
la force ouverte , soit par la corruption et les menaces ,
les etats voisins qui se trouvent à sa discrétion elle
devient de jour en jour une puissance plus formidable
sur l'accroissement de laquelle le nord de l'Europe et
la Porte Ottomane devraient bien enfim ouvrir les yeux .
On a reçu de nouveaux détails de Mittau , relatifs
Emaniere dont s'est opéré de vote pour la, réunion de la Courlande
à la Russie . Dans la séance du 17 , l'ordre des chevaliers
vota effectivement pour que ce duché renongât à la
suzeraineté de la Pologne et passat sous celle de la Czarine.
Les grands conseillers , à l'exception de celui de Howen
s'opposerent à ee changement , alléguant qu'en l'absence du
duc il est à Pétersbourg on ne pouvait prendre une
résolution dans une affaire de cette importance. Il y eur à
cette occasion des disputes très -violentes , aux reproches de
trahison succéderent des appels au combat entre les deux
partis. Le gouverneur de Riga qui se trouvait à Mittan
( fort à propos selon les avis , se rendit à l'assemblée , y
rétablit la tranquillité , et la proposition de reconnaitre la
suzeraineté de la Russie fut adoptée.
ཀ ༔་ཀ་།
Voici l'acte même signé le 18 mars , et déja porté à
Pétersbourg, où le duc de Gourlande a peut-être déja yu
artiver les députés chargés de remettre à Gatherine Hla
déclaration par laquelle il est entierement dépouillé:
St Art. Ier . Nous soumettons , pour nous , el notre postérité
, nous et les duches de Courlande et de Semigalle ,
S. M. 1. Catherine II , impératrice de toutes les Russies ,
glorieusement regnante , et à son sceptre souverain
" II. Nous savons par expérience , combien le systême
féodal qui nous attachait à la suzeraineté de la Pologne était
incommode , et combien il était contraire à la prospérité géné
rale de la patrie ; nous imitor's nos ancêtres de la patrie de
la Livonie an-delà de la Dua , qui en 1561 , renonçant à
( 298 ).
suprématie de l'empereur et de l'Empire , par conséquent
su système féodal d'alors , et au gouvernement médiat de l'ordre
teutonique , ssee sonmirent immédiatement à la Pologne s
ous renonçons , pour nous et notre postérite , au systême
feodal qui à subsisté jusqu'ici sous la suprématie polonaise ,
et au gouvernement médiat en résultant ; nous nous soumettoną
immédiatement à S. M. I. de toutes les Russies et à son
scepire ; nous lui abandonnons , avec d'autant plus de con--
fance et de respect , la décision plus particuliere de notre
sort à venir que , jusqu'ici , sadite majesté s'est montrée la
protectrice eteuse et la garanté de tous nos droits , de nos
lois , de nos coutumes , de nos immanités , de nos privileges
et de nos possessions : elle sera certainement disposée , d'a
près sa façon de penser magnanime et bienveillante , à amé
liorer dans sa sollicitade maternelle le sort futur d'un pays
ni se soumet, à elle avec la confiance la plus respectueuse es
Ja plus illimitée,
1
པར?
* III . Une députation de six personnes ira à Péters, ourg
solliciter de 3. M. 1. de toutes les Russies , l'accèption de
notre vonnaission , et, dans le cas d'une acceptation effective ,
elle y prêtera à S. 14. I. le serment de fidélité et d'obéis-
Dance: bro anse al C
Tancais que les choses s'arran vent de cette maniere en
Courlande , on reçoit des frontieres de la Pologne les
nouvelles suivantes , dont la seconde a d'autant plus
besoin de confirmation , qu'elle est d'une plus haute
importance, et pourrait apporter de grands changemens
dans la face des paires de la Russie , ot en général du
nord de Europe. DC 13
2 .
Le commandant, russe qui est Varsovie à continué d'y
exercer tous les actes de la souveraineté. Chaque jour voit
prescrire de nouvelles ordonnances promulguées au nom de
Catherine . Cette ville , au reste , présente le plus triste spectacle
; la misere de ses habitans devient journellement plus
grande , et on craint de voir manquer bientôt entierement
les ™ subsistances au milieu d'un des plus fertiles pays da
Mondeo in
T
3 17
On annonce que la plus grande partie de l'armée russe
qui occupe la Pologne , va marcher vers les frontieres de la
Turquie sous le commandement du feld maréchal Suwarow .
Il parait que la Porte et la Russie , sont eafin prêtes à en venir
asune ruptare ouverte . E
Suivant des lettres de Posen , il s'en faut de beaucoup que
la tranquillité soit entierement rétablie dans la Prusse méri
dionale . Différeus corps parcourent encore cette contrée à
main armée ; s'ils ne sont pas aussi considérables et aussi
( 299 )
7
01
+
égulierement formés que ceux qui s'y trouvaient l'an der
ils ne laissent pas que de donner encore de vives inquiétuds.
Il y a aussi beaucoup de déserteurs prassicas qui ,
n'ayant maintenant ni feu ni lieu , n'ont pour moyen d'exister
que le pillage et se portent sans cesse d'un lieu à l'autre ,
précédés de la terreur et suivis de la désolation.
cod & G
Les lettres de Varsovie ajoutent que la garnison russe y a
été considérablement renforcée au commencement d'avril ,parce
qu'on craignait que l'anniversaire de l'insurrection n'occasionnât
des mouvemens dans le peuple. Le général Buxhowden a fait
&fermer les boutiques et les sabarets . pendant la semaine de
Pâques. Quant à Stanislas il est toujours Grodno. Il com
ence à se remettre des douleurs de la pierre dont il a été fort
tourmenté pendant une quinzaine de jours.25 quos el 5
S'il faut en croire des nouvelles de Rigala Grande-Bretagne
et la Russie viennent de conclure une alliance cffensive ez
défensive , mais dont les conditions ne seront connues qu'a-
Diprès la publication des la paix de Basic entre da Prasse et, lz
France. ansi sulɔuos
D
3
1005
En supposant, cette nouvelle vraje , ainsi que celle qui annonce
une rupture prochaine entre la Russie et la Pone
il paraît , d'après ce qu'on écrit de Banjaluka en
Bosnie , sous la date du 8 mars , que les Tures , qui mettent
plus de prudence qu'on ne le croit dans leur conduite , ne
veulent point avoir à la fois deux ennemis puiisang sur les
bras . En effet , un nouvel ordre émané du divan a défendu
sous peine de mort , de rien dire ou de vien faire quin puisse
mécontenter les voisins sujets de l'empereur d'Allemagne. A
2
2 *20)
+
On était étouné de l'espece de liberté laissée à Kosciuszko
au milieu de sa captivité ; elle n'a pas duré long- tems. On
mande de Pétersbourg qu'ayant été prévenu du dessein d'ea
abuser, l'ex- généralissime a été enfermé de nouveau dans la for
teresse de Schlusselbourg , où il est gardé très étroitement
ainsi que le comte Potocki ;mais on a permis à vingt-deux nobles
polonais et lithuaniens qui avaient pris part à la derniere insur
rection de retourner chez eux . Quant au président du conseil ,
Zakrzewki , c'était faussement qu'on l'avait dit retourné dans
ses terres an palatinat de Sendomir. Il est toujours à Pétersbourg
oùil a été souvent interrogé , par le tribunal des enquêtes,
sur les faits relatifs à la révolution, 320
Suivant les dernieres nouvelles de Stockholm et de Copenhague
, M. Rivals , français , arrivé depuis peu dans la capitale
de la Suede , fut invité dernierement chez le chancelier du
royaume , qui le présenta à la compagnie , comme devant y
séjourner quelque tems.
Les paragraphes qu'on va lire , extraits des mêmes lettres ,
( 300 )
•
sembleraient annoncer qu'on s'attend à être bientôt dans le
cas d'entreprendre quelques opératione militaires . On er
Occupé à fondre pour l'artillerie des canons sur un modete
tout nouveau et à Carlscrone le bureau du grand - amiral fait
vendre une vingtaine de bâtimens de transport hors de service
par vétusté , et passe des contrats pour beaucoup de matieres
dont la marine a besoin , d'où on conclut l'armement d'une
flotte pour l'été prochain. On réunica 4 vaisseaux de ligne et
2 frégates à l'escadre danoise ..
Ces préparatifs sont plus nécessaires et plus urgeas que
jamais , s'il est vrai , comme on l'apprend des ports russes de
la Baltique , qu'on y arme en ce moment 36 vaisseaux de ligne
et plusieurs fregates.
9
༑ ༄
Les ambassadeurs d'Espagne, et de Portugal ont pris congé
de la cour de Suede ; quelques personnes prétendent que le
sbon accueil fait à M. Rivals n'a pas peu contribué à leur faire
hâter leur départ.
Le comte de Bernstorf , premier ministre de Danemarck
reçu de la cour de Suede une superbestabatiere d'or enrichie
de brillans ; c'est à cause de l'alliance conclue l'année derniere.
On, arme encore 2 fregates et a petits bå
bâtimens de
apour exercer les cadets de marine et pour la garde du S
guerre
Sund ;
on a également pris la résolution de renforce d'invalides.
la de
sile d'Helgoland , composée en totalité jusqu'ici d'invalides.
De Francfort-sur-le:Mein , le 28 avril.
ནསནྟི
rr
So On parle déja même à Vienne ,d'une suspension d'armes en
Allemagne , etcela n'a rien d'étonnant , si , comme la nouvelle
' en répand ici , la plupart des princes d'Empire ont nommé
des plénipotentiaires pour traiter également de la paix avec la
République Française sous la médiation du roi de Prusse
Ton ajoute qu'au nombre des négociateurs qui se sont trouvél
récemment à Basle , on doit compter M. Humber , autrefois
résident de l'electorat d'Hanovre a la Haye , lequel a eu plnsieurs
conferences avec le ministre prussien , comte d'Har
denberg.
L'empereur n'a pas encore touché les 6,000000 sterlings ,
prêtés par l'Angleterre sous l'autorisation du parlement , mais
le baron de Lederer doit aller les chercher à Hambourg ; ce
prince a obtenu du cabinet de Dresde , la liberté du passage
par l'Elbe , pour beaucoup de grains que la Bohême doit
verser à l'armée du Rhin. On a frappé , à l'usage de cette armée ,
des pieces de dix et quatre gros , autrement 6 et 12 creutzers.
La fabrication montera à 100,000 florins , et l'on a même
déja envoyé une partie de ces nouvelles especes à leur des
tination . On a été forcé à cette mesure , parce que les pièces
J
( 301 )
14
1
1
de sept et de dix -sept n'étaient pas reçues volontiers dans
Cette partie de l'Allemagne.
Le graud jubilé de quinze jours pour Vienne , et de six
semaines pour le plat-pays , a dû s'ouvrir le 12 avril par une
gratide procession qu'on répetera à la fermeture, Il est destiné à
attirer la protection du ciel aux armées autrichiennes , et pendant
que les catholiques le célébreront , les protestans de Hongrie
etide Transylvanie adresseront des prieres à Dieu , pour qu'il
bénisse les fruits de la terne . L'Europe aurait en effet grand
besoin d'une double récolte , car elle souffre dans toutes les
parties , et notamment en Pologne , ce pays jadis si fertile
en blé . On dit que les glands même , d'une espece à - peu - près
pareilica ceux d'Espagne ; qui sont mangeables , et dont
on faisait du pain , commencent à y manquer.
t
Le ministre impérial Ratisbonne , a repassé par Vienne ,
pour se rendre à Pétersbourg ; on le dit chargé de quelques
négociations relatives à la Pologne. Il est urgent pour les
puissances que les affaires safrangent définitivement d'une maniere
quelconque , car s'il faut en croire des avis de la Prusse
⚫ccidentale , il a fallu envoyer des médecins expérimentés
auprès des troupes prassiennes , affectées d'une épidémie dont
cette contrée est atteinte . Il meurt aussi journellement un
nombre considérable d'hommes parmi les troupes russes qui
ont dévasté le pays où elles devaient séjourner. -}
La Suisse est moins malheureuse , du moins a- t-elle des
espérances fondées d'après des lettres de Bâle , du 24 avril.
Les officiers français et prussiens qui se trouvent à Bâle
se sont réunis dans un banquet fraternel où a éclaté la cor
dialité la plus empressée . On y a porté des toasts aux deux
nations , à la Convention nationale , à la paix générale de
l'Europe .
4
Dans toute la Suisse , & Bâle entr'autres , le blé est extrêmement
cher. Il est question de suspendre les brasseries
et la distillation de grains . La nouvelle de la réussite de la
négociation en Suabe , pour l'acquisition de blé , a causé
un grande joie.
Bak
Il parait que les négociations que la cour de Berlin à ouvertes
a Bale ont été conduites de façon à détacher de la coalition
tous les princes germaniques qui desirent la paix . Des lettres
de Berlin apprennent que la nouvelle de la paix y a causé une
vive satisfication , et qu'on n'y doutait point que plusieurs
membres de l'Empire ne profita ssent de l'occasion que la
Prusse venait de leur procurer de faire une paix séparée avec
la France. D'autres lettres de Vienne confirment cette
jecture. Le ministre du due de Wurtemberg auprès de l'empereur
, a remis aux ministres autrichiens une note , où il
annonce que le dac , dans les circonstances critiques où la
COP
( 302 ).
erre a réduit son pays , a envoyé un ministre & Bale, pour
y traiter avec les commissaires français d'une paix particuliere.
Le landgrave de Hesse- Cassel et le duc de Brunswick ont fait
aussi de semblables déclarations .
D'après cette situation des choses , on ne peut douter que
toutes les délibérations ouvertes à la diete de Ratisbonne
pour la prestation effective du quintuple , et celle sur la proposition
pacificatoire de Mayence , he tombent au néant.
La négociation de la république de Berne, pour les bleda ,
en Suabe , a réussi . Les passages sont ouverts pour 48,000 sacs ,
dont l'arrivage se fera successivement pendant sept mois . Il y at
en outre des souscriptions particulieres , qui se traitent sépa
Tément .
On apprend par la voie de Newied que les Français établissent
en ce moment une nouvelle batterie sur la Nethe
Luxembourg fait toujours la plus courageuse résistance , mais
le général Bender est mort , et remplacé par le général
Schræder , aujourd'hui commandant de la place. A
Quant à Mayence , toutes les nouvelles reçues des environs
de cette ville s'accordent à dire que les armées respectives déploient
tous les moyens que l'art et leurs ressources leur suggerent
pour se disputer la possession de cette importante place.
Lesdeux partis ont rassemblé dans ces contrées des forces formidabies,
qui se menacent mutuellement , sans se céder un pouce de
terrein. S'il s'engage quelqu'affaire , on se bat en désespéré ;
on se sépare ensuite épuisé de fatigue et de carnage , et chaque
parti reprend sa position , en s'attribuant tout le succès du
combat. Telle est ordinairement l'issue des engagemens plus
ou moins sérieux qui ont lieu devant Mayence. Tel aussi a
été le résultat de la sortie vigoureuse que la garnison fit il y
quelques jours , dans la vue de s'emparer des lignes des Franfais
, et qui fut une des plus meurtrieres qu'on ait vue pendant
cette guerre. La nuit seule put mettre fin à une lutte
aussi sanglante ; et cette journée , qui a coûté cher de part
et d'autre , paraît n'avoir été d'aucune utilité réelle ni aux
assiégeans ni aux assiégés.
On apperçoit des hauteurs qui environnent Coblentz , un
camp que les Autrichiens et les troupes de l'Empire occupent
depis le 5 de ce mois , derriere Ehrenbrestein . On peut évaluer
les forces qu'il contient à 18 ou so mille hommes . Les
Autrichiens continuent aussi de travailler à des retranchemens
sur le bord du Rhin .
ESPAGNE.
Extrait d'une lettre de Figuieres en Catalogne du 9 avril.
Il a été question , depuis quelque tems de negociation
entre la France et l'Espagne ; et comme le citoyen Bourgoin
avait déja été employé avec succès à la cour de Madrid
1
( 303 )
1
avant la mort de Louis XVI , et la guerre , qui en fut la suite
immédiate , l'on ne doutait point qu'il ne fait chargé des prémieres
conférences pour cette premiere pacification , dès qu'on
le sut parti de Paris . Il y a déja quelques jours qu'il se trouve
ici , et on le dit tonjours chargé d'une mission secrette par le
gouvernement ; mission qui ne saurait être relative qu'aux
négociations avec l'Espagne.
:
En effet , quoiqu'il ne soit encore connu rien de positi
à cet égard , le rapprochement de plusieurs faits et circons
tances fait espérer que la paix aura bientôt lieu entre les
deux puissances on allait même jusqu'à dire qu'elle était
conclue , mais que l'Espagne ne voulait pas la connaître , dans
la crainte que l'Angleterre n'interceptât ses vaisseaux - tevenant
des Indes. De pareilles suppositions sont trop vagues pour s'y
arrêter .
Ce qu'il y a de certain , c'est que les ordres les plus préont
été donnés , pour envoyer sur les derrieres tous les
équipages , qui ne sont pas d'une nécessité absolue pour
Farmée , ainsi que les prises faites sur les pays ennemis, at
Les Espagnols ayant coutume de faire leurs attaques les
grands jours de fête , l'on s'y attendait ces jours derniers
fêtes de pâques ; mais les pluies considérables ayant grossi
les eaux de la riviere , auront empéché l'exécution de leur
projet , ou peut-être , si les ouvertures de paix sont réelles ;
quelqu'autre mouf y relatif.
ITALIE.
Livorne , 10 avril . Depuis la conclusion da traité de nen
tralité , les Français font ici d'immenses approvisionnemens,
Ils achetent , argent comptant , des denrées de tonte espece ,
qu'ils expédient pour les ports de Toulon et de Marseille.
On mande de Naples que le roi a prohibé absolument l'exportation
des grains de Sicile , pour empêcher que les grains
ne soient portés en France . D'un autre côté , on apprend
qu'il y a une telle abondance de bleds à Ancone , Trieste et
même Cagliary , qu'on n'y souhaite rien d'avantage que la
permission de les exporter on sait qu'il y en a aussi de grandes
provisions en Barbarie . Le dey d'Alger qui épouse les intérêts
de la France , ne permet aucune exportation que pour cette
contrée.
Rome , 10 avril. Le pape doit partir, le 23 de ce mois ,
pour Terracine d'où il ira voir les travaux des marais
Pontins.
•
Le cardinal Dugnani , jadis nonce en France , avait laissé ,
à son départ , à la garde de son maître- d'hôtel , son mobilier
et son argenterie . Tous ces objets avaient été déclarés confis
qués pendant le systême de terreur ; mais le cardinal vient
d'apprendre que le comité de salut public a ordonné qu'ils
fussent restitués,
( 304 )
+
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
CONVENTION NATIONALE.
་
PRBSIDENCE DE SIEVI I.
Stance de duodi , 12 Floréal.
Il s'est tenu hier soir une séance extraordinaire à cause des
mouvemens qui se sont manifestés à Paris dans la section
du Bonnet de la Liberté , et dont les subsistances étaient le
prétexte . A 11 heures , on entendait de toutes parts le
rappel , mais à une heure du matin , la Convention a appris
que tout était rentré dans l'ordre , elle a décrété que les auteurs
et fauteurs du trouble seraient poursuivis par le tribunal
criminel du département , et elle s'est séparée.
La lecture du procès-verbal donne occasion d'ouvrir une
assez longue discussion sur le décret rendu il y a peu de
jours , qui attribue au comité de législation le droit de rayer
définitivement de la liste des émigrés ; mais en Soumettant
néanmoins ses arrêtés à l'approbation de la Convention ,
Plusieurs membres en demandent le rapport. Serres dit que
sous le prétexte du fédéralisme , des patriotes absens de leur
domicile et qui s'étaient cachés , ont été mis sur cette liste
quoiqu'ils ne soient jamais sortis du territoire de la Répu
blique. D'autres veulent qu'avant de prononcer , le comité
soit tenu de faire imprimer les noms et les motifs des réclamans
; enfin , il y en a qui pensent qu'il faudrait rejetter
dorénavant toutes ces réclamations . Les propositious faites
sont renvoyées au comité de législation ..
Isnard est nommé pour aller en mission dans le département
des Bouches- du-Rhône.
Jean-Bon- Saint- André obtient la parole par motion d'ordre.
Il parle de la liberté de la presse . Il établit la nécessité de
la conserver dans toute son étendue , si l'ou ne veut voir
bientôt la tyrannie se relever. Là où cette liberté existe ,
dit-il , le trôme d'un ytan ne peut exister , et là où elle
est comprimée, toutes les portes de la tyrannie sont ouvertes . It
ne veut pas que l'on confie au gouvernement la direction
de l'esprit public dans la crainte qu'il n'en abuse pour le
corrompre et étouffer la liberté , et il cite l'exemple de
Robespierre qui obligeait tout le monde à le louer , sous
peine de proscription ; cependant il convient que quiconque
proposerait un roi, ne commettrait pas une erreur , mais un
exime ; ce qui n'empêche pas de présenter ses vues sur la
meilleure
( 305 )
meilleure organisation sociale . Ce n'est pas comme écrivain
qu'un auteur doit être poursuivi , mais comme perturbateur
de l'ordre public . Jean- Bon propose de décréter que le gouvernement
ne puisse exercer aucune censure sur les écrits
livrés au public par la voie de l'impression . Renvoi à la
commission des onze .
Chenier , au nom des comités de salut public , sûreté générale
et législation , fait le rapport attendu sur la situation
intérieure de la République . Il dit qu'une mollesse anarchique
a succédé à l'énergie despotique du gouvernement révolu
tionnaire . Les autorités constituées déconcertées par des clameurs
que l'on affecte de confondre avec l'opinion publique
ne font pas exécuter les lois . Les tribunaux sont paralyses . ,
Le gouvernement des groupes , qui change d'heure en heure ,
offre le systême le plus effrayant d'anarchie , c'est sur-tout
contre la Convention que les terroristes et les royalistes se
sönt coalisés .
Chenier ne lui dissimule pas qu'ils sont nombreux , et levent
audacieusement la tête . Les émigrés conçoivent un coupable
espoir , ils publient qu'ils ont des amis puissans dans la Répu-"
blique. On écrit de Suisse qu'il en est beaucoup rentré en
France , et de célebres ; mais on a donné des ordres pour les
traduire devant les tribunaux . ( Applaudi . )
On a dit souvent , continue Chenier , qu'il ne faut pas parler
de religion dans la Convention , mais lorsqu'une opinion religieuse
devient un prétexte pour violer la loi , ce n'est pas cette
opinion qu'il faut punir , mais la loi violée. Des hommes
déportés , pour avoir refusé de faire partie du corps social
rentreat journellement , se répandent dans les campagues ,
et abusent de leur influence sur les ames faibles , pour exciter
des passions et des mécontentemens . is poussent l'intolérance
jusqu'à persécuter les prêtres qui ont lié leur sort à
celui de la révolution . Ils enfreignent la loi du 3 ventôse
sur l'exercice des cultes . Ils prêchent la royauté . Ils veulent unë
religion dominante . Sans doute que personne ne veut peser sur
les consciences ; mais les ministres d'une religion quelconque
doivent respecter les lois de la République , ne pas signaler
comme des impies les acquéreurs des biens nationaux et ne
pas scier les arbres de la liberté .
Le rapporteur termine en assurant à la Convention qu'elle
ne sera pas réduite à voiler la statue de la liberté , mais
qu'il n'y a pas un moment à perdre ; que si une excessive
rigueur est tyrannique , trop d'indulgence est anarchique ;
et il propose le projet de décret suivant , au nom des trois
comités réunis :
Art. 1er. Tout émigré trouvé sur le territoire de la Répu
blique sera sur-le - champ traduit devaut les tribunaux pour)
y être jugé conformément aux dispositions de la loi du
25 brumaire dernier.
Tome XV.
V
( 306 )
1
• II. Les individus qui , ayant été déportés , sont rentrés :
fans la Republique , seront tenus de quitter le territone-fran- ,
çais dans espace d un mois : passé ce tems , s'ils sont trouvés ,
apies la publication de la presente loi sur le territoire , ils
seront punis de la même peine que les émigrés .
„ , III . Les autorités constituées , chargées de faire exécuter ,
la loi du 21 germinal dernier sur le désaimement des hommes
qui ont participe à la tyrannie exercée avant le 9 thermidor ,
redigeront par écrit les motifs de désarmement de chaque individu
, les transmettront à l'individu désarmé , et les transmauront
également au comité de sûreté générale pour la commune
de Paris , et aux administrations départementales pour .
toutes les autres communes de la République , à la charge
Ppaarr le comité ou les administrations de statuer definitivement
sui les reclamations qui pourraient survenir.
„ , IV . Il est enjoint au comité de sûreté générale et à toutes ›
les autorites constituées de faire arrêter et traduire devant les
tribunaux criminels les individas qui , par leurs écrits ou
leurs discours séditieux , auront provoqué l'avilissement de
la représentation nationale où le retour de la royauté .
» V. Les individus , convaincus des delits énoncés dans
l'article précédent , seront baunis à perpétuité du territoire
de la Republique . Si toutefois les provocations ont eu lieu
dans un rassemblement , les coupables seront punis confer
mement à la loi du 1er , germinal , sur les assemblemens
séditieux .
VI. Le comité de législation présentera , sous une
décade , un projet de loi contre les calomniateurs.
•
" VII. Le comité d'instruction publique prendra tous les
moyens d'encouragement nécessaires pour diriger les
écoles , les theâtres et généralement les arts et les sciences ,
vers le but unique des travaux de la Convention`nationale ,
celui d'affermir la République. Le comité rendia compte
tous les mois de l'exécution de cet article .
" VIII. Les comités de salut public et de sûreté générale
feront , le premier de chaque mois , à la Convention na
tionale , un rapport de l'esprit public .
IX. Les lois antérieures sont maintenues dans tout ce
qui n'est point contraire au présent décret . „1
La discussion s'ouvre , le premier article est adopté sans
réclamation ; le second , relatif aux déportés , donne lieu à
quelques debats . Il est décrété avec un amendement qui fixe
un mois le délai , passé lequel les déportés rentrés , qui ne
seraient pas sortis , seront traités comme émigrés.
Thibaudeau combat l'art. III . Il déclare qu'un grand nombre
de communes se sont emparés des églises , et que la loi du
3 ventôse , est tellement conçue qu'elles ont
avaient le droit de les reprendre.
cru qu'elles
Un membre dit qu'elles
( 307 )
>
sont des propriétés communales , et qu'en laissant aux citoyens
la liberté du culte , on ne peut pas les priver des moyens de
l'exercice .
१.
Andre Dumont : Ce ne sont pas les communes qui violent
la loi , mais quelques individus de ces communes qui prêchent
qu'il faut se faire rendre les églises , donuer le logement aux
ministres du culte catholique , et payer la dîme a la prochaine
récolte . Ce sont ceux là qu'il faut mettre en détention pendant
six mois .
1 Lanjuinais dit qu'il n'y a pas de loi pire qu'une loi vague ,
et que celle du 3 ventôse est la plus vague de tonies . Qu'elle
demandait des dispositions de détail . Il conclut au renvoi de
cet article aux comités . Décrété .
L'art. IV est adopté avec l'amendement portant qu'on -donnera
au désarmé les motifs de son désarmement.
Les art . V et VI sont combattus par Tallien qui invoque la
liberté de la presse comme le palladium de la liberté publique .
D'ailleurs , quel vague effrayant , quelle épouvant ble latitude
dans ces mots : Provoquer l'avilissement de la représentation nationale
! Celui qui se plaindra de quelques hommes revêtus du
pouvoir sera peut-être accusé de ce crime. Ainsi , cet article
prête à toutes les interprétations qu'on voudra lui donner. il
faut arrêter et punir ceux qui parleraient pour la royauté , mais il
faut que l'article soit précis , que les cas scient déterminés , et
la loi rédigée de maniere qu'elle ne prête pas à l'arbitraire .
Louvet défend ces articles ; il dit que la liberté de la presse
n'emporte pas le droit de ne répondre en aucune façon de
ce qu'on avance ; de même que le droit de porter un sabre
à son côté ne donne pas celui de le passer au travers du corps
du premier venu. Il conclut pour l'adoption . Elle est décrétée .
Les autres le sont également après une légere discussion .
Séance de tridi , 13 Floréal.
Sevestre , au nom du comité de sûreté générale , rend compte
de la situation de Paris . Il est calme , les projets des malveillans
qui voulaient faire piller les subsistances et ensuite les propriétés
sont déjoues . Dans la nuit du 11 , ou a remis à un marchand
de liqueurs , section du Bonnet- rouge , un billet de
400 liv.., pour en distribuer à ceux qui en demanderaient.
Le comité de sûreté générale est à la poursuite de ces agitateurs.
Dentzel : Le discrédit des assignats fait hausser les denrées
avec une rapidité vraiment effrayante , et qui ne permet plus
au peuple de pourvoir à ses besoins . Je demande qu'on ouvrela
discussion sur les finances.
Louvet observe que la premiere question relative aux finances
est celle qui a pour objet les biens des condamnés , parce
qu'avant d'assigner une hypotheque à la monnaie républi
V 2
( 308 )
"
caine , il fant désigner les biens à conserver et ceux qui sont
à vendre. La discussion s'ouvre sur cette question .
1.
Guyomard parle le premier , et dit qu'en proposant dev
rendre les biens des condamnés c'est nue amnistie générale
qu'on demande , car parmi eux il y a des émigrés , des dilapidateurs
et des tyrans . Rendra- t - on la famille d'Orléans ,
nommée Egalité , qui lorgnait le trône , ses biens , à Robespierre
à Henriot , à la commune conspiratrice ? En révolation
, l'on est quelquefois obligé de s'écarter des formes de la
justice. Lés conspirateurs , les traîtres avaient le même but
que les émigrés , celui de tout bouleverse . Faudra - t il aussi
garantir les biens de tous les dilapidateurs ? D'ailleurs , vous
rendrez à ceux qui avaient ; mais ceux qui tiraient leurs subsis
tances des travaux , de l'industrie , du génie de parens qu'ils
ont perdus , que mettrez vous à la place de cette source féconde
de prospérité ? Guyomard propose de créer une commission
qui sera chargée de faire la revision des procédures , d'après
les pieces et renseignemens sur la moralité et le civisme des
condamnés , renseignemens qui seraient puisés dans les divers
cantons . Et dans le cas où l'on jugerait la revision impossible
, Guyomard demande que l'on accorde aux familles ,moyennant
l'exhibition de certificat de civisme , des secours un peu
considérables.
1 Louvet fait un discours éloquent qui produit une grande
sensation et qui est également fort de raisonnement et de sensibilité
. Il peint Robespierre. Le barbare , dit - il , a dévoré
dans sa fureur plus de citoyens que nos armées victorieuses
n'ont détruit d'ennemis . L'orateur retrace l'énergie , le patrio- .,
tisme , les lumieres de Phelippeaux , Camille des Moulins
Valazé , qu'il appelle le Caton de son siecle , et autres victimes
qui ont péri , et il ajoute , on vous crie de ne pas regarder'
en arriere ! N'avez - vous donc pas a rappeller les moeurs
la vertu , la justice ? La tyrannie a bien regardé en arriere'
pour les exiler , regardez aussi en arriere pour les reprendre ,
les ramener en triomphe et les consacrer de nouveau . Mais ,
dit- on , il y a beaucoup de propriétés à restituer. Plût au
cicl qu'il y en cût moins ? qu'on n'eût pas mené les victimes
au supplice par charctées ? S'il y a eu des coupables condamnes
, ils sont punis , ils sont morts ; mais leurs veuves
et leurs enfans vivent , et ils sont dépouillés , et ils sont
innocens. Le royalisme s'agite pour déjouer ses folles espérances
, unissez- vous pour faire aimer la République . Louvet
conclut en demandant que hors le cas d'émigration la confiscation
soit abolie , que les biens des condamnés soient rendus ,
et le prix restitué lorsque les ventes seront faites.
Viltard s'éleve contre le projet de rendre indistinctement
leurs biens à toutes les familles des condamnés . Boissy d'Anglas
soutient au contraire qu'uue revisision est impossible,
La discussion est renvoyée au lendemain .
1
( 30g )
1
Séance de quartidi , 14 Floréal .
Thibaud , 20 nom du comité des finances , dit ene la
malveillance
ne s'occupe qu'à augmenter
le discrédit
det
assignats , et qu'elle a répandu le bruit qu'on avait contrefait
les assignats de cinq cent liv . , et que la trésorerie
en faisait
fabriquer
de vingt - cinq mille liv. Il déclare ces deux faits
également
faux . Insertion
au bulletin .
Feraud qui revient de l'armée devant Mayence dément
aussi le bruit qui s'était répandu d'après un article du Courrier
Républicain , que le 14 avril dernier , nous avons essuyé
nu échec devant cette places I assure que depuis le 6 jusqu'au
23 où il a quitté cette armée , nos troupes ont toujours
été victorieuses . Renvoi au comité de sûreté générale.
Marec , au nom du comité de salut public , fait décreter
l'établissement à Brest d'un jury militaire et d'un couseil
martial pour examiner la conduite des marins détenus par
suite des combats livrés aux Anglais le 9 et le 13 prairial ,
an deux .
Cambacérès , au nom du même comité , présente un projet
de décret tendant à autoriser ce comité à donner une mission
particuliere , dans les cas où il le jugera nécessaire , mission
déterminée par le tems ou la nature de l'affaire à un ou
deux de ses membres . Il dit que c'est à l'Assemblée à juger
dans sa sagesse si elle peut ajouter cette marque de confiance
à toutes celles qu'elle a dounées jusqu'ici au comité ,
Le projet est adopté .
La discussion continue sur les biens des condamnés . Rafron
parle contre la restitution , Graud en faveur. Saint - Martin
sécarté de l'opinion de Louvet en ce qu'il ne pense pas qu'on
doive abolir les confiscations , hors le cas de l'émigration ;
elles ne sont pas injustes par e les - mêmes , mais par l'abus qu'on
en fait et il demande qu'elles soient admises pour les crimes
contre la sûreté intérieure et extérieure de l'état , et que dans
ce cas on réserve néanmoins un tiers des biens pour la veuve
e les enfans des condamnés , et qu'on les réstitue tous sans
distinction aux parens de ceux qui l'ont été sous le régime
affreux de la terieur.
Rewbel dit qu'il y a eu des traîtres dans l'interieur qui ont
péri justement , ne fût-ce que ceux qui ont livré loulon aux
Anglais , et que d'après quelques propositions faites , il serait
plus avantageux d'être paient d'un condamné que d'un défenseur
de la patrie , mort en combattant pour elle ; qu'il sait que la
République ne peut pas fonder sa prospérité sur le sang injus
tement répandu . Mais qu'il se doit tout entier à la patric .
Il demande que l'on maintienne le principe de la confiscation ,
qu'on restitue les biens des condamnés sous la tyrannie , mais
qu'on assigne de quoi vivre à la veuve , qui n'ayant point
1
V 3
( 310 )
d'enfans ne peut pas hériter , et qui a le plus souffert de la
perte du condamné . A l'égard des biens vendas , il propose
d'en restituer la valeur en bons qui ne pourraient être employés
qu'en achat de biens d'emigrés , pour attacher à la
révolution les parens des coudamnés et les y interesser.
Dubois - Crance pense que du jour où la déclaration des
droits a été recounne , les confiscations ont été abolies . Les
cufans ne doivent pas être punis pour les crimes de leurs peres.
A l'égard des biens des emigrés , ils nous sont legitimement
acquis, parce qu'ils ont rompu le pacte social ; mais il faut aussi
fixer le sort de la maison de Bourbon . Dubois- Crancé pense
qu'ils doivent être déportés , leurs biens confisqués , et recevoir
une pension telle qu'ils ne puissent ni donner de l'ombrage
mi se plaindre de notre injustice.
.
等
Berlier, Lanjuinais , Laçioix , Laignelot , Vernier parlent
encore en faveur de la restitution ; la discussion est fermée ,
et sur la rédaction de Tallien la Convention décrete que le
principe de la confiscation est maintenu à l'égard des conspirateurs
, des émigrés , des fabricateurs de faux assignats , de
fausses monnaies et des dilapidateurs de la fortune publique ;
enfin , de la famille de Bourbou ; que les biens des condamnés
depuis le roo mars 1793 jusqu'à ce jour seront restitues , sauf
les exceptions , et sans qu'il soit besoin de révision , et reavoie
au comité de législation , pour présenter la série des exceptions
et le mode de la restitution .
་
Séance de quintidi , 15 Floréal.
[
Un citoyen fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage intitulé :
Histoire des plantes des Pyrénées , et il annonce qu'il est le
fruit de vingt années de recherches et de travail . Roujét dit que
c'est la premiere production de ce genre dont la nation puisse
vraiment se glorifier , et qu'elle n'aura plus rien à envier aux
étrangers de ce côté , et il demande que pour récompenser
J'auteur , chaque bibliotheque publique et chaque école centrale
fassent l'acquisition d'un exemplaire de cet ouvrage . Renvoi
au comité d'instruction publique pour faire un rapport .
La section des Tuileries s'éleve contre l'effet réoactif donné
à la loi du 17 nivôse sur les successions et donnations . Lan.
juinais dit que le comité de legislation l'a chargé de faire
un rapport à ce sujet et qu'il le présentera dans trois jours .
Dannou , au nom de la commission des onze : Le moment
n'est pas loin où le peuple français doit jouir du bienfait
d'une constitution républicaine ; il est même trop prochain
pour que la Convention doive organiser un gouvernement
provisoire ; il suffit de vivifier le gouvernement actuel et de
Fui douner , saus compromettre la liberté publique , l'intensité
nécessaire au maintient de l'ordre social. Sans doute que
le systême actuel de gouvernement n'est pas celui que réclament
( 311 )
+
•
les principes naturels de l'organisation sociale , il n'est pas
même celui qu'ndiquaient les circonstances , soit au commencement
de la session , soit apres leg thermidor . Mais
tel est le malheur attaché aux institutions de ce genre , n'après
qu'il a ere, dangereux de les crse , it devient quelquefois inprudent
de les abolir précipitamment. Si l'on établissait surle-
champ un conseil executif hors de la Convention si
on lui donnait toute l'activite et l'indépendance qui appartient
naturellement à la puissance executive ; qui oscrail promene
que ce pouvoir , etranger aux perila , aux me'heurs , à la
responsabilité de la Convention , ne serait pour un centie
de ralliemeat pour les malveillans , un point d'appui aux
iutrigues , on qu'en butte à la defiance et l'objet habituel des
soupçons , il ne soit pas bientôt placé dans un état de défaveur
qui le rende nul ? Si l'on assujettit ce conseil à la sur
veillance du comité de salut poblic , Pon sert du sentier des
principes , l'on confond les pouvoirs , et l'on brite l'unité
d'action. Ainsi , il ne faut pas detruire , mais ameliorer ce
qui existe . Ce qui n'est pas constitution est toujours plus
ou moins anarchie , plus ou moins dictature . Dans son interregne
, la licence et l'anarchie se dévorent tour- à tour.
Daunou propose . d'après ces principes , de concentrer l'autorité
publique dans les deux comités de salut public et de
sûreté générale , et de ne reserver à celui de legislation que
quelques attributions particulieres , et il presente le projet
de décret suivant :
" Art. Ier Jusqu'à ce que les lois constitutionnelles soient
mises en activité , le gouvernement sera confié aux seuls
comités de salut public et de sûreté générale , sauf les excep
tions et modifications ci -après..
" II. Le comité de sûreté générale conservera ses attributions
actuelles ; il est de plus chargé de la direction de la
force armée dans Paris .
1
" III . Le comité de législation conservera les fonctions
qui lui sont attribuées par la loi du 29 nivôse , relativement
à la révision des jugemens criminets , intervenus pour delits
révolutionnaires , et par celle du 12 foréal , relativement aux
réclamations des prevenus d'émigration .
ཡཾ
,, IV. Le comité des finances conservera ses attributions
excepté la surveillance et la direction de la trésorerie ,
sont attribuées au comité de salut pubic.
qui
Il n'est rien changé aux attributions des comités des
décrets et des inspecteurs du palais national .
202
,, VI. Sauf ees exceptions , le comité de salut public est
chargé exclusivement de la direction et de la surveillance
de toutes les parties de l'administrrtion
VII. Les autres comités demeurent chargés de la préparation
at de la présentation des lois .
V 4
( 312 )
, VHI. Le comité de salut public ne pourra proposer
ancun projet de décret ; il pourra seulement taire des rapports
sur les diverses parties de l'administration .
IX . Les comités de salut public et de sûreté générale
seront composés de douze , membres élus et renouvelles dans
la forme établie .
X. Les commissions exécutives continueront d'exercer
leurs fonctions..
1
" XI . Les nominations pour les administrations de dépar
temens seront faites, par le comité de salut public ; celles
pour les disricts seront faites par les départemens ; et celles
pour les communes , par les départemens , sur l'avis des
districts..
" XII . Le comite de sûreté générale nommera aux comités
révolutionnaires ., 1997. 514
La Convention ordonne l'impression du discours et du
projet de décret .
$ 3 On procede à l'appel nominal pour le renouvellement du
comité de salut public . Il en sort cinq membres , parce que
Lesage ( d'Eure et Loir ) opte pour la commission des onze .
Les autres quatre membres sortans sont ; Marec , Bréard
Creusé Latouche et Chasal ; ceux qui les remplacent sont ;
Treilhard, Vernier , Fermont , Rabant et Doulcet-Pontecoulant.
Séance de sextidi , 16 Floréal.
Il y a eu hier soir une séance extraordinaire
pour renouveller
le comité de sûreté générale . Rovere , Clausel , Guffroy et
Thibaudeau sortent ; Kervélégau , Guyo nard , Bergoin et
Pierret leur succedent...
1
Dupin , après la lecture du procès - verbal , exprime sa
sensibilité sur le bruit qui se repand qu'il est l'auteur du
supplice des ci - devant fermiers - généraux . Il déclare qu'il était
Convaincu de l'innocence de la plupart d'entr'eux , et que son
rapport du 16 floréal an 2 fut rédigé.
3. D'après cette conviction , il a proposé que le séquestre mis
sur leurs biens fût converti en une simple opposition pour
xla sûreté de ce qui peut être dû à la nation . Renvoyé au
comité des finances .
Johannot soumet à la discussion le projet de finances . Il
dit que les cédules d'hypotheque portant sur l'estimation de
la valeur à fonds hypothéqué d'après celle du marc d'argent
fin offriront un gage d'une valeur assurée et invariable , et
que l'établissement d'une banque , qui prêterait sur le dépôt
des cédules , contribuera au succès de ce plan , et qu'on
n'objecte, pas , que c'est substituer un papier à un autre . Un
papier libre ne saurait se comparer à un papier forcé ayant
Cours de monnaie . Gependant , Johannot convient qu'il n'y
a point de plan de finances sans inconvénient ; celui qui
•
( 313 )
prétendrait guérir promptement les plaies profondes que la
France a reçue , ne serait qu'un empirique ; l'état de choses
duquel nous sortons est sans exemple ; la sagesse en cherchant
des remedes ne trouve que des palliatifs plus ou moins
favorables , et il n'y a de veritables espérances de restauration
dans les finances , que dans un gouvernement et la
paix.
Dubois - Crance obtient la parole après Johannot , et attaque
son plan. Son discours est vivement applaudi , et il présente
un projet de décret qui en est le résumé , et qui est conçu
en ces termes :
66 Art. Iér . D'ici au premier fructidor prochain , tous les
assignats de vingt- cinq livres et au - dessus , seront portés au
trésor national , pour y recevoir un timbre , afin de connaître
la quantité circulante , d'écarter les assignats /fax et faciliter
le remplacement de ceux qui sont dégradés . Passé ce terme
les assignats qui n'auront pas été portés au timbre , ne seront
plus reçus dans la circulation , et seront néanmoins admis
en paiement des biens nationaux , jusqu'au 1er germinal de
l'an 4. Les assignats qui rentreront provenant de l'arriéré et
des ventes des beis , seront employés de nouveau . Il ne sera
plus fabriqué de nouveaux assignats ; les formes , poinçons et
matrices seront brûlés dans trois jours . Il sera fabriqué pour
150 millions en monnaie de cuivre . L'assignat en circulation
conservera toute sa valeur nominative , et personne ne sera
forcé de payer en argent plutôt qu'en assignats .
,, II . La contribution fonciere , pendant la guerre , sera perçue
en nature; les terres de grande culture seront divisées en
bonnes , médiocres et mauvaises ; les premieres païeront le
dixieme ; les secondes , le quinzisme ; et les autres, le vingtieme ;
les vignes paieront le vingtieme du produit. Les prés , les bois ,
les chenevieres , les lins , les oliviers , les fruits à cidre paieront
le dixieme ; les légumes , les fruits à couteau et à
payeront aussi le dixieme par estimation . La journée de l'ouvrier
des villes se déterminera de gré à gre ; la journée de
l'ouvrier des campagnes sera fixée sur la valeur de dix livres
de blé par jour , le prix du blé étant calculé sur les mercuriales
de chaque décade , etc. ",
noyau
Le discours et le projet de Dubois- Crancé seront imprimés .
PARIS . Nonidi , 19 Floréal , 3º . année de la République .
La valeur des matieres d'or et d'argent dans ses rapports
avec les assignats a considérablement haussé ces
jours derniers . 24 liv . en numéraire se sont achetés jusqu'à
360 liv. en papier. Il ne faut pas regarder cette
(( 314 )
hausse de l'un et cette baisse de l'autre comme un signe
infalible du discredit de ce dernier. Tout cela tient
un jeu effrené d'agiotage qui , en faisant du crédit
public une affaire de spéculation , lui fait subir malheureusement
toutes les variations de la cupidité. Létablissement
d'une bourse assujett e à un bon réglement
de police , et un systême d'amélioration dans les finances
peuvent seuls mettre un frein à ces calculs , et ramener
Je crédit et la confiance à son véritable tarif. Mais pour
cela il ne faut pas des plans partiels , étroits et incomplets
; il ne faut pas décréter par fractions la restaura
tion des finances. Il faut ne jamais perdre de vue ces
deux données du problême : Reduire le plus possible la
quantité des assignats ; réduire le plus possible les dépenses de
Bitat.
Tant qu'on ne fera pas coïncider ces deux moyens ,
toute espérance de crédit sera vaine , toute mesure de
détails insuffisante , le dernier de ces moyens ne peut
recevoir son effet qu'à la paix . Le premier est d'une exécution
plus immédiate . On peut préparer dès ce moment
les voies de retrait d'une partie de la masse des assignats,
et quand une paix générale aura permis à la France de
connaître sa situation , ses besoins et ses ressources , et
de se donner un gouvernement solide , alors viendront
les moyens d'économie et tous ceux dont l'exécution
pourra se réaliser ; alors le crédit se relevera et marchera
dans la progression de la confiance et des bonnes opé
rations du gouvernement. Jusques - là on ne peut raisonnablement
compter que sur des palliatifs plus ou moins
efficaces. C'est une vérité sentie par tous ceux qui ont
un peu médité sur l'enchaînement des causes des effets.
Que faire donc ! travailler sans relâche à accélérer cette
époque du salut public .
La socité et les lettres viennent de faire une perte irréparable
dans la personne , du ci- devant abbé Barthelemy , garde
du cabinet des médailles , mort le 10 de ce mois , dans un
age très -avancé.
Cet écrivain célebre unissait à une vaste et solide érudi
tion un esprit très-orné , un goût pur , un style élégant et
correct ; i unissait , ce qui est plus précieux encore , aux
connaissances et aux talens , l'améuité des moeurs et les vertus
sociales . It a joui du bonheur , bien rare , d'avoir pour amis
les personnes les plus distinguées de tous les étais , et dé
D'avoir aucun ennemi qu'on puisse nommer.
"
Un grand nombre de mémoires sur les langues anciennes ,
( 313 )
"
les inscriptions et d'autres objets d'antiquité , l'avaient plaed
dès long- tems au premier rang des érudits , lorsqu'à près de
So ans , il publia le Voyage du jeune Anacharsis , tableau précieux
de l'ancienne Grece où les traits les plus fideles de
l'histoire prennent la forme et l'intérêt du roman . Le succès
éclatant et mérité de cet ouvrage aussi intéressant qu'instructif,
nous dispense d'en faire l'éloge ; mais rien ne dispensera
sans doute cenx des amis de Barthelemy qui sont
dignes d'apprécier ses talens et ses travaux , et qui ont connu
tous les détails de sa vie privée , de rendre à sa mémoire un
hommage plus digne de lui que cette esquisse informe , tracée
à la hâte et sans art , par un de ses confreres , et de ses plus .
sinceres admirateurs.
S'il faut en eroire l'extrait d'une lettre de Marenne , dépar
tement de la Charente inférieure , du 30 germinal , les trois
déportés , Billaud , Collot et Barrere sont arrivés à la citadelle
d'Oléron ; nous n'avons pas eu leur visite , on les a embar
qués à la Rochelle pour les y conduire . Ils sont tous trois
fogés dans le même appartement ; chacun un lit ; factionnaire
à la porte. Matin et soir on leur permet de sortir pour prendre
Fair , accompagnés de l'officier de garde . Tu vois que ce serait
mal à -propos s'ils se plaignaient de n'être pas traités avec
égards. La Convention est juste et sévere , mais humaine .
Proclamation des chefs des chouans aux citoyens des campagnes.
du 2 floreal , troisieme année républicaine , ( 21 avril 1795 , v . st. ).
Braves habitans des campagnes , propriétaires et cultivateurs ,
écoutez -nous :/
Alarmés sur votre sûreté personnelle , opprimés dans toutes
les choses qui sont les plus cheres aux hommes , inquiétés sur
vos propriétés , vous nous avez confié vos intérêts que nous
avons pris à coeur plus vivement que les nôtres .
Aux horreurs de la guerre civile , aux désordres innombrables,
qui l'accompagnent , vont succéder la concorde et la
paix ..
Nous avons plaidé vos intérêts . Nous avons de la part des
représentans , les promesses et les assurances les plus fortes et
les moins équivoques ; vous pouvez compter qu'ils vont se
réunir à nous pour rétablir le bonheur , au milieu des campagnes
. Na ka , m
Les prisons ne seront désormais que pour les malfaiteurs
vos propriétés , vos personnes deviennent sacrées par les lois
tous les sacrifices que vous avez faits , auront leur récompense ;
mais le premier de tous , celui qui importe le plus à votre
prospérité , est celui d'étouffer tout sentiment de vengeance.
Oublions les injures , les torts et les atrocités commises.
Quand on fait la paix pour le bonheur de tous , les ressent
( 316 )
1
mens particuliers doivent s'effacer . Par conséquent , plus d'ar
restations sur les grandes routes , plus d'assassinats et plus de
ees violences que la cupidité et l'intérêt dirigent presque ton
jours , et qui confendent ordinairement l'innocent avec le
coupable. L'on ne doit plus songer qu'à l'intérêt comman ,
qui résulte de la libre communication sur toutes les routes ,
de la liberté des marchés , des approvisionnemens et des
échanges.
Après vous avoir assuré tous ces avantages et la tran.
quillité dans vos foyers , nous consentons et nous adhérons
à la paix qui nous est proposée an nom de la justice ee
de l'humanité , afin de laisser aux représentans , qui montrent
une juste horreur pour les crimes qui ont désolé notre patrie ,
les moyens d'y établir un gouvernement stable , qui rende le
bonheur à la France.
1.
Fait au quartier général de la Prévalaye , ce a floréal , l'an
3. de l'ère républicaine , 21 avril 1795 .
Signés , COMARTIN , GHANTREAU , SOLIHAC , BOIS , HARDY ,
MAUTIÉ , ( de la Reitrie ) , BUSNEL , BELLEVUE , GESLIN ,
GOURLET , GUIGNARD le jeune , JARRY , TERRIEN , Lefaivre ;
LIFAIVRE
DEMEAULNE , DESILE l'aîné , L'HERMITE , LAMBERT , LANTIVY ,
( de Nantais ) , GAUBERT ( de la Nourais ) , DureUR.
NOUVELLES OFFICIELLES.
A
Ratification par le roi de Prusse du traité de paix avec la.
République Française .
Nous , Frédéric Guillaume II , par lla grace de Dieu ,
roi de Prusse , margrave de Brandebourg archi- chambellan
et prince électeur du saint empire romain , souverain duc
de Silésie , souverain prince d'Orange , de Neufchâtel et de
Valangin , ainsi que du comté de Giutz , duc de Gueldre ,
de Magdebourg , de Cleves , de Juliers , de Bergues , de
Stettin , de Pomeranie des Gassubes el Vandales , de Mecklenbourg
et de Crossen , bongrave de Nuremberg , prince de
Halberstadt , de Minde , de Vandalie , de Suérin , de Raizbourg
d'Ostfrise et de Meurs , comte de Hohenzollern , de Rupin , de
Lamarck , de Ravensberg , de Hohenstein , de Lucklembourg ,
de Saerin , de Lingue , de Bure et de Leerdam , seigneur de
Ravestein , de Rostock , de Stargard , de Limbourg , de Lunebourg
, de Buton , d'Adtay et de Bréda , ele .
Savoir faisons à quiconque il appartiendra. Les pourparlers
survenus entre nous et le gouvernement français , au
sujet d'un échange de prisonniers de guerre respectifs , ayant
eu l'heureux effet de mettre au jour les dispositions réci(
317 )
preques à rétablir entre les deux puissances la paix et la
bonne harmonie , il en est résulté une négociation tendante
à ce but salutaire , auquel nous étions également appellés
par le double desir de delivrer nos bons et fidelles sujets des
calamités inévitables de la guerre , ´et de contribuer , autant
qu'il dépendait de nous , à en faire cesser les fléaux en
Europe ; et les plenipotentiaires nommés de part et d'autres ,
pour traiter à ce sujet , savoir , de notre côté , le sieur
Charles Auguste , baron de Hardemberg , notre ministre
d'etat , de guerie et du cabinet , chevalier de l'ordre de
F'Aigle- Rouge , de l'Aigle Blanc et de Saint - Stanislas , etc. ; /
et du côte de la République Française , le sieur François
Barthelemy , son ambassadeur en Suisse , etc. , ayant conclu
et signé à Bâle , le 5 du présent mois , un traité de paix.
Suivent les articles que nous avons rapporté .
" Nous , après avoir lu et examiné ce traité , l'avons
trouve conforme à notre volonté , en tout et chacun dés
points et articles qu'il renferme , et les avons en conséquences
accepies , approuvės , ratifiés et confirmés pour nous et nos
successeurs , comme nous les acceptons , ratifions et confir
mons par les présentes ; promettant de les accomplir et observer
sincérement et de bonne foi , et de ne point permettre
qu'il y soit contrevenu de quelque maniere que ce puisse
être
" En foi de quoi , nous avons sigué ces présentes de notre
main et y avous fait apposer notre sceau royal . 1
3.
>
Fait à Berlin , le 15 avril de l'an de grace mil sept cent
quatre-vingt- quinze , et de notre regne le neuvieme.
Signé , FRÉDÉRIC- GUILLAUME , roi de Prusse..
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Suite des délits imputés aux ex-juges et aux ex-jurés.
Parmi les dépositions nombreuses qui ont été entendues
dans cette affaire , on a remarque celle de Robert Wolff ,
commis du tribunal depuis son établissement, « J'ai entendu ,
a-t-il dit , Fouquier à la buvette , calculer froidement le nombre
des victimes jugées dans les décades précédentes , celles qui
devaient l'être dans la suivante ; il y en avait quatre à cinq cents
par décade . Il faut que cela aille , disait il . Je l'ai vu intimement
lié avec le maire Fleuriot. J'ai vu traduire à la bou
cherie nombre d'individus venus de tous les points de là
République dans deux heures , ils étaient envoyés au supplice ;
plusieurs n'avaient jamais reçu leur acte d'accusation , et ceux
qui les recevaient , ne les avaient qu'en montant pour être
jugés. En voici la raison.
( 318 )
On faisait faire au greffe autant de copies de l'acte d'accu
sation qu'il y avait de jurés , une pour le président et une
pour l'accusateur public . Souvent on passait la nuit à ce travail;
les prénoms et les noms souvent étaient en blanc. Pour
les remplir , on attendait qu'on les eût découverts dans les
différentes prisons , on avait un homme payé pour les découvrir
, et à mesure qu'on les trouvait on remplissait leurs noms
dans les actes d'accusation . De - là viennent ces blancs , ces
ratures , ces lacunes , qui font un des chefs d'accusation ;
d'où il suit qu'on se pouvait notifier ces actes que le jour de
la mise en jugement. Il y avait aussi des blancs de trois ou
quatre lignes qu'on remplissait par les prétendus délits
qu'on leur imputait. Souvent cinq ou six charrettes attendaient
, dès midi , les accusés qui n'étaient condamnés qu'à
trois heures.
Quand la fille Renaud fut intérrogée à la chambre du
conseil , on la meuaça d'entraîner avec elle sa famille si elle
persistait à nier le prétendu assassinat de Robespierre ; pour
la forcer à cet ayeu , on lui fit subir un nouvel interrogatoire
à la chambre du conseil , couverte de guenilles salles et dégoûtantes
; espece de question qu'on avait voulu lui faire subir ,
parce qu'étant jeune et assez jolie , elle était assez bien
mise.
Dans cette prétendue conspiration de Collot et de Robes
pierre , il était près de onze heures avant que les soixante neuf
fussent placés , lorsqu'on les mit en jugement . On leur fit à
chacun cette question : Avez - vons eu conuaissance de la conspiration
? Sur la negative , on passait à un autre . Même question
, même réponse . Si quelqu un d'eux insistait. Vous
n'avez pas la parole. A un autre gendarmes , faites votre
devoir. Ainsi , après ces soixante-neuf questions , ils furent condamnés
à mort en moins de quatre heures. C'est ainsi qu'on
procédait dans toutes les grandes fournées . "
Fouquier avait droit de vie et de mort.
-
Fleuriot , après le jugement de Danton , proposa de faire
arrêter le témoin et Tavernier , commis -greffier. Je les mettrai
en jugement si vous voulez , répondit Fouquier en frappant
sur la table. Mais vous désorganisez le greffe ; comment voulez-
vous que je fasse ? Ah ! c'est bien aisé ! J
Fouquier dit à Hurol , l'un des commis- greffiers , qu'il avait
déja fait guillotiner l'un d'eux , Legris , et qu'il les ferait guillotiner
tous , s'ils ne remplissaient pas mieux leur devoir.
Wolff, en parlant des jages , a dit : J'ai remarqué dans
Foucault un caractere sanguinaire , une très- grande dureté
envers les accusés : il trouvait des nobles jusques dans les
savetiers. Lors de l'arrestation de Legris , il me dit en me rencontrant
, sais- tu la nouvelle ? Legris vient d'être arrêté ; il aura
le col coupé.
*
( 319 )
Sellier avait montré d'abord un caractere assez hamain
depuis , il est parvenu à imiter parfaitement Damas dans
la manière de traiter les accuses et de leur refuser la
parole.
Je n'ai jamais connu un homme plus probe et plus hamain
que Hainy; je l'ai vu pleurer et gémir sur les atrocités dont
il était obligé d'être l'instrument .
Je n'ai jamais counu dans Naullin des sentimens inhumains
ni sanguinaires.
Je n'ai jamais remarqué dans Maire , ce éarastere avide de
sang qu'ont mauiteste plusieurs de ses collegues .
J'ai remarqué dans Trinchard un caractere plus sanguïnaire.
Leroy , maire de Coulommiers , est accusé d'avoir fait périr
plus de trente personnes de cette commune , comme dénonciateur
et témoin .
•
Rien de plus sanguinaire que Renaudia .
J'en dis autant de Prieur , qui disait , de ceux qu'il devait
condamner : «Celai- ci , est de l'anisete de Bordeaux' ; celui- la ,
de la liqueur de Mad . Anfoux . Il passait le tems des débats
à faire des caricatures des accusés.
Ce dernier fait est commun à plusieurs des jurés.
Voici quelles ont été les réponses de Fouquier , aux décla–
rations faites par Wolff.
Le témoin , a -t -il dit , Paris et d'autres ont formé une crimi
nelle coalition pour me perdre. La cause en est dans le rèssemtiment
qu'ils ont de la mort de leur ami Danton . Je nie la
premier fait imputé par le témoin . Jazzy
Si j'ai traduit par amalgame plusieurs accusés pour des faits
qui leur étaient étrangers , c'était sur les ordres du comité de
gouvervement. Les accusés recevaient leur acte d'accusation la
veille de leur mise en jugement ; et si quelquefois on a tras
vaillé tard au greffe , on n'y a point passé la nuit.
Les jagemens intervenus sont du fait des jurés et des juges :
j'assistais même rarement aux audiences . ^
J'ignorais le trouble et des mouvemens qui avaient lieu am
fauxbourg Antoine , lorsque Robespierre fut arrêté : ne le
fut d'ailleurs qu'à cinq heures et demie , et il n'en était que›
trois et demie lorsque je dis que rien ne devait différer
l'exécution , parce que rien ne devait arrêter le cours de la
justice.
Je ne mettais personne en jugement sans avoir fait constater
leur état par des officiers de santé ; et d'Ormesson , qui
avait ane attaque de goute , était d'ailleurs sain de corps et
d'esprit.
Le huitieme fait ne me regarde pas , et je n'étais pas
l'audience .
Les deux femmes Biron devaient être mises en jugement s
(1320 )
j'ignoras où était l'une d'elles : j'ai donc dû dire à l'huissier
qui me l'apprit de les amener toutes deux .
Je, n'ai pas dit qu'on mît le prisonnier au cachot ; s'il fut
guilioné , ce fut pour cause de conspiration .
Si je me suis mis à la fenêtre de la Conciergerie , c'est que
je ne pouvais sortir , parce que les accusés sortaient pour
monter dans leurs charrettes : mais je n'ai pas tenu le propos
qui m'est indiqué.
Macé , curé de Saint -Brice , s'était caché , parce qu'il´avait
appris. la démarche de l'huissier.
Je ne me souviens pas d'avoir oublié d'ouvrir des paquets ,
à décharges ; s'il y en a eu a charge qui n'ont pas été ouverts
c'est qu'il y avait d'autres preuves pour motiver la condamnation
des accuses.
Dans ' affaire de Danton et autres députés , je suis bien loin
d'avoir dit que les accusés étaient en révolte . Saint-Just , pour
surprendre ce décret , ne fit pas voir ma lettre à la Convention ,
mais on y lut celle de Laflotte , qui dénonçait la conspiration
du Luxembourg. Les accusés ont eu la parole pour se défendre ;
les jurés ont déclaré , le quatrieme jour , qu'ils étaient suffisamment
instruits ; ni moi ni personne ne pouvaient et ne devaient
parler aux termes de la loi .
Précis des dernieres séances .
--
Bu 14 au soir. Garnier de Launay , Laporte , Trinchard ,
Dupommier , ont parlé dans leur défense générale .
.
Guyard et Verney , aussi accusés , ont déclaré qu'ils s'ea
réferaient à la défense qui sera administrée par leur défenseurs .
Fouquier-Thinville a dit qu'il manquait un complément à
sa défense , les trois déportés et les membres des anciens comités
de gouvernement actuellement incarcérés . Ce n'est pas moi ,
ast- il dit , qui devrait êtte traduit ici ; mais les chefs dont j'ai
exécuté les ordres . Je n'ai agi qu'en vertu des lois du 14 fri .
maire et 23 ventôse , lois portées par une Convention investie
de tous les pouvoirs ; par l'absence de ces membres , je
me trouve le chef d'une conspiration que je n'ai jamais connue,
me volla en buite à la calomnie , à un public toujours avide
de trouver des coupables . ( Violens murmures . ) Il n'y a que
des malveillans qui puissent trouver mauvais ce que je dis .
Fouquier a ensuite repondu à plusieurs faits à lui imputes .
D 15. Caillard de la Ferriere a parlé pour Fouquier ;
Cressend , pour Boyenval et Verwey ; Viliain , pour Benoît et
Valagnose ; Boutrone , pour les juges et les jurés en masse ;
Gobert , pour Hermann , Lanne et Beausire , Domanget a
parlé dans la cause de chacun des ex-jnges et des ex jurés .
Après une instruction longue et solemnele , le tribunal a
condamné Fouquier- Thinville et 16 autres juges ou jurés , à
la peine de mort.
*
*
Le jugement a été exécuté en place de Grêve le 18 au matin .
( No. 47. )
MERCURE
FRANÇAIS.
QUINTIDI 25 FLORÉAL , l'an troisieme de la République.
( Feudi 14 Mai 1795 , vieux style. )
Explication des Charade et Enigme du No. 46.
Le mot de la Charade est Malheureux ; celui de l'Enigme est
la lettre A.
LÉGISLATION.
SUITE DE L'EXAMEN de la Constitution de 93 , et de plusieurs
questions relatives à l'organisation du Gouvernement.
III. Que la Constitution de 93 n'offre ni garantie pour la
liberté publique , ni garantie pour le Corps législatif et le
Gouvernement.
ANS les gouvernemens populaires la chose dont le
peuple doit le plus se garantir , c'est de l'abus de sa
puissance ; dans les gouvernemens représentatifs , c'est
de l'abus du pouvoir des représentans .
Je crois avoir démontré que ce qu'il y a de démocratique
dans la constitution de 93 ne donne au peuple
qu'une apparence de pouvoir dont l'exercice est même
impraticable. Mais le peu qui lui en est accordé , insuffisant
pour caractériser une véritable démocratie ,
encore devenir nuisible à l'intérêt général qui doit répeut
sulter d'une bonne législation . S il y avait dans le corps
législatif ( ce qu'il ne serait pas imprudent de prévoir) ,
un parti qui voulût faire rejetter par le peuple un projet
de loi arrêté par la majorité , ne pourrait-il pas intriguer
auprès des assemblées primaires ? L'expérience ne nous
a-t- elle pas appris ce que l'on doit craindre et de
l'esprit de parti qui s'irrite et se fortifie par les contra
dictions , et de l'esprit d'amour- propre qui sacrifie tout ,
jusqu'à la liberté publique , pour s'assurer d'un succès,
Tome XV X
( 32 )
J
Le foyer de toutes les passions et de toutes les influences
ne sera- t- il pas toujours au centre où se préparent et
se discutent les grandes affaires , et d'où il peut communiquer
ses étincelles dans les départemens ? Des ambitieux
accrédités et puissans , des agens de puissances
ennemies , ces restes épars , mais encore nombreux et
redoutables d'anciens nobles , de prêtres , de privilégiés
et de royalistes , n'auraient-ils pas des moyens d'agiter
les assemblées primaires , et d'entraver l'activité si nécessaire
de la législation ? On ne corrompt pas cinquante
mille communes ! Non ; mais ignore - t - on qu'il
suffit de quelques centaines de meneurs disséminés dans
les départemens pour exercer une influence dangereuse
et d'autant plus facile qu'elle agit sur des esprits peu
éclairés , et qui de long-tems ne sauront se garantir des
impressions qu'on voudra leur donner ? Rien ne pour
rait donc mettre le peuplé à l'abri des abus et des
erreurs de sa propre puissance ?
2
Si l'on considere l'organisation et les fonctions du
corps législatif , on voit qu'il est un et indivisible ( art . 3g ) ,
et que pour toute barriere à la précipitation de ses résolutions
l'on n'oppose qu'un intervalle de quinze jours
entre le rapport d'une loi et la discussion ( art . 57. ) .
Sont - ce la des mesures suffisantes pour garantir la
liberté publique des entreprises des représentans , et les
représentans eux mêmes de celles des factieux qui voudraient
les dominer ? Quinze jours peuvent suffire pour
laisser à chaque membre le tems de fixer son opinion
sur un projet de loi ; mais suffiront - ils pour changer
l'esprit du corps législatif lui- même , si cet esprit est
subjugué par des dominateurs ou égaré par des hommes
éloquens ? N'est - ce pas fournir au contraire à l'intrigue
tous les moyens de dresser ses plans , de préparer ses
saccès et d'arracher par l'influence l'adoption d'un
projet de loi à laquelle devrait se refuser la sagesse ?
Si malheureusement le corps législatif était divisé entre
deux partis , que ferait- on autre chose que d'ouvrir un
champ plus vaste aux passions , en leur donnant le loisir
d'aiguiser leurs armes , et de s'attaquer avec toute la
fureur qu'aurait accrue la combinaison des moyens ? Cet
intervalle de quinze jours n'a lieu que pour les projets
de loi qui doivent être présentés à l'acceptation du
peuple. Mais il ne paraît pas qu'il soit nécessaire pour
les décrets ; et dès-lors n'est-ce pas se replacer, pour une
infinité dẹ cas qui intéressent l'état ou les individus , sous
1
( 323 )
• Pactivité si funeste de l'enthousiasme ou de la précipi
tation .
On a cru tempérer ces inconvéniens par le renouvellement
annuel du corps législatif , ( art . 40 ) . C'est remplacer
un mal par un autre. Qu'est - ce qu'une session.
d'un an , dont les premiers mois s'écoulent en formation
de comités , en tâtonnemens , en interrogations
de l'esprit et des moyens d'une grande assemblée , pour
la mettre en état de connaître la situation civile et politique
d'une vaste république , et de pourvoir aux besoins
multipliés de sa législation ? S'il est dangereux
pour la liberté publique de prolonger trop la durée
des pouvoirs des représentans , il importe en même tems
d'avoir de bonnes lois ; et de bonnes lois ne peuvent se
faire sans méditation , sans esprit de suite , sans une
connaissance approfondie des lois existantes et susceptibles
d'être corrigées , et des lois qui sont à faire . Que
résultera- t-il d'une circonscription si bornée ? Les représentans
voudront marquer leur session par des choses
d'éclat et négligeront les choses utiles , les seules pourtant
qui laissent après elles des traces durables , et préparent
lentement la félicité des peuples.
"
La question de l'unité ou de la division du corps
législatif n'a jamais été discutée d'une maniere calme
et profonde dans aucune assemblée nationale . Une
prévention excusable ne permit pas à la constituantede
l'aborder. Frappées des inconvéniens de la délibération
par ordres , les communes ne virent et ne durent
voir de salut pour la France que dans la réunion des
parties qui constituaient les états généraux . Cette réunion
effectuée toute idée de division en chambre
haute, et en chambre basse , ne parut être que le rétablis
sement , sous une autre forme , de la délibération par
ordres. Les Mounier , les Lally , les Bergasse essayerent
en vain leurs variantes de la chambre haute ; c'étaient
toujours la noblesse et le clergé que l'on appercevait sous
ces déguisemens , et avec eux l'éternelle alliance du
pouvoir royal . L'unité du corps législatif fut plutôs
proclamée que discutée , et lorsque sur la fin de la session
, Buzot voulut proposer de diviser le corps législatif
en deux sections , toutes les anciennes craintes
se réveillerent , et l'on entrevit encore la résurrection
de la noblesse et du clergé que l'on venait d'effacer
de l'organisation sociale .
X
( 324 )
ne
Lorsqu'après l'établissement de la république il fut
question de rédiger une constitution nouvelle , le co-
-mité , dans son rapport fait par l'organe de Gondorcet ,
se dissimula point les dangers que couraient la
liberté publique et les droits individuels , si on ne les
mettait à l'abri des erreurs dans lesquelles une asscmbiée
nombreuse pourrait être entraînée par la précipi
tation , par la prévention , ou même par l'excès de son
zele .
On a plus d'une fois proposé , dit le rapporteur
( page 21 ) , pour remédier à ce danger qui a frappé tous
les esprits , de partager une assemblée unique en deux
sections permanentes qui délibéreraient séparément ..
Dans le cas où les opinions seraient divisées , ces sections
se réuniraient pour prendre une détermination
finale , ou bien on obtiendrait le résultat du voeu général
de la majorité , en comptant les voix pour ou contre
dans l'une et l'autre section . On a proposé encore daccorder
à un corps séparé , le droit d'examiner les décisions
de l'assemblée des représentans , et d'exposer les motifs
de son refus d'adhésion dans un tems déterminé , après
lequel , sur une nouvelle discussion , lassemblée donnerait
une décision définitive . "
Condorcet , ou plutôt le comité par sa bouche , convient
que ces moyens n'ont rien de contraire à la liberté,
ni même à l'UNITE entiere du pouvoir. Cependant le comité
n'osa proposer ni l'un ni l'autre . C'était l'époque
où les passions avaient acquis le dernier degré d'effervescence
, et où les partis qui déchiraient la Convention
, enfermés en champ clos , n'attendaient plus que
le moment de se porter le dernier coup . Il semblait que
l'expérience de ce qui se passait , aurait dû convaincre
plus que jamais le comité des dangers de l'unité du
corps législatif et de la nécessité d'élever à l'avenir une
barriere à la fureur des partis et à l'impétuosité des résolutions
. Mais les préventions étaient extrêmes ; le comité.
lui - même était composé de membres qui appartenaient
à cette majorité que l esprit de faction signalait comme
traître , et sur laquelle il appellait les violences populaires
et le poignard des assassins. On se contenta d'entourer
la formation de la loi de quelques entraves , dè
la soumettre à des conditions et à des formules qui
ralentissaient la marche du corps législatif, sans la rendre
plus assurée . Tous ces vains ménagemens , accordés à
la crainte par la faiblesse , ne purent sauver le projet
1
( 395 )
de constitution . Il succomba avec ses auteurs sous l'attentat
séditieux du 2 juin .
Ainsi , la question la plus importante à la liberté publique
et individuelle , au repos et à la stabilité du
gouvernement et de l'ordre social , n'a pu trouver encore
de circonstances favorables pour être envisagée froidement
sous le rapport de ses avantages et de ses inconvéniens.
Il a fallu que ces épreuves terribles de l'anarchie
et des excès populaires , nous aient ramené à cette
situation , où débarrassés des agitateurs et des tyrans ,
après en avoir été victimes , nous n'avons plus à écouter
que l'intérêt et le bonheur de la patrie.
On a cru long- tems qu il y avait séparation effective
et suffisante des pouvoirs , lorsque la puissance qui fait
les lois et celle qui les exécute , ne se trouvaient pas réunies
dans le même individu ou dans le même corps .
C'est une erreur : il est bien vrai , que ces pouvoirs
agissent séparément , mais il s'en faut que leur force
soit égale, Dans tout gouvernement , l'autorité qui veut
sera toujours supérieure à celle qui obéit , et qui est
chargée de faire obéir les autres . La véritable puissance
réside dans le corps législatif. C'est de lui qu'émanent
tous les mouvemens de la puissance exécutrice ; celle - ci
ne peut être considérée comme puissance que relativement
à l'action qu'elle exerce sur les gouvernés , maist
dans ses rapports avec le corps législatif elle n'a qu'une
existence subordonnée ; et si l'action qu'elle reçoit et
qu'elle transmet , lui arrive avec une direction fausse cu
oppressive , elle n'a par devers elle aucun moyen de la
redresser , où d'en arrêter les effets .
Il y a autorité arbitraire , absolue , et par consé .
quent susceptible de dégénérer en tyrannie , toutes les
fois que les pouvoirs sont concentrés dans les mains
d'un seul , et que son bon plaisir est la regle unique de
sa volonté ; il y a autorité arbitraire , absolue , et susceptible
de tyrannie , toutes les fois que le plus dangereux
des pouvoirs est dans les mains d'un seul corps ,
qui peut dire aussi tel est notre bon plaisir.
Les partisans de l'unité du corps législatif , alléguent
contre le systême de division , que deux sections
permanentes , et qu'un corps d'examinateurs partageraient
nécessairement les esprits , deviendraient des
points de ralliement , des objets d'inquiétude pour les
d'enthousiasme pour les autres . Le passage rapide
du despotisme à la liberté , le passage non moins rapide
uns ,
-
X3
( 326 )
d'une royauté appellée constitutionnelle à la république ;
l'agitation causée par ces révolutions successives , l'esprit
de déhance , suite nécessaire des erreurs et des
fautes où tant d'hommes ont été entraînés , tout rend
ces moyens impraticables pour nous car des dissentimens
et des combats d'opinion entre des corps investis
de l'autorité publique , ne peuvent se concilier
avec la tranquillité des citoyens , si on ne suppose dans
le peuple assez de calme et de confiance pour consentir
à n'en être que le paisible spectateur , et à ne
les juger qu'avec sa raison.
Voilà tout ce que Condorcet a pu réunir de considérations
pour combattre l'établissement d'une législature
en deux branches. ( Page 22 du rapport. ) Qui
ne s'apperçoit , à ce langage , que c'était la toute puissance
des jacobins et des factieux qui les maîtrisaient ,
qui faisait sacrifier à la terreur et à la contrainte , lin-.
térêt et le repos d'une grande nation ? Le systême
de division n'était pas mauvais en soi , il n'était qu'impraticable
dans les circonstances ; et sur ce point , on
est d'accord avec Condorcet . Mais cet empire des circonstances
est par lui -même la plus forte preuve que
l'on puisse fournir des avantages et de la supériorité
de la division du corps législatif sur son unite ; car
si l'on observe avec attention les causes des dissentions
et des troubles qui , pendant cinq ans , ont agité la
France , on les trouvera toutes dans la facilité qu'ont
que les différentes factions pour influencer une seule
assemblée , et dans l'impuissance de celle - ci , à résisser
à leurs attaques , et à triompher de ses propres partis.
Or , ce que n'a pu empêcher l'autorité d'une assemblée
unique , le pourra- t - elle mieux à l'avenir , si des .
circonstances semblables viennent à se reproduire ? L'ėpuisement
et la lassitude du corps politique le maintiendront
quelque tems dans une sorte de repos ; mais
que de nouveaux agitateurs reparaissent au sein d'une
législature ; qu'un ambitieux d'autant plus à craindre
qu'il aura su couvrir son ambition de l'éclat des talens
et des dehors d'une vertu mensongere , soutenus peutêtre
par de grands services rendus à la République ,
veuille mettre à profit sa renommée , pour se créer un
parti et dominer par lui l'assemblée législative ; qui
pourra garantir la liberté publique et les droits individuels
de l'usurpation et de la tyrannie ? Sera- ce le corps
Législatif ? Il est opprimé ou oppresseur. Sera-ce la for
73271
3
malité illusoire de quelques lenteurs dans les délibérations
? de quoi servira - t-elle si la séduction ou la ter
reur entraîne ou commande les résolutions ? Robespierre
et ses complices auraient- ils rencontré plus d'obstacles
s'il n'eût fallu que quelques jours de plus pour chan
ger leurs volontés en lois ? Sera ce la constitution ,
où est le corps chargé de prendre sa défense ? La
constitution de 1791 était en vigueur durant la légis
lature ; a - t - elle pu résister une année au choc qui
l'a détruite ? Sera-ce l'insurrection ? Quoi ! toujours recourir
au renversement du corps social , pour la réta
blir dans son ordre naturel . L'insurrection ! comme si
ce moyen , presque toujours partiel , si difficile à distinguer
de la sédition , n'était pas souvent dirigé contre
la liberté publique ; comme si ceux qui seraient assez
puissans pour opprimer le corps législatif, ne le seraient
pas assez pour se faire appuyer par une populace égarée !
Mais sans prévoir même ces secousses terribles , ny
a- t - il pas des voies plus lentes et plus détournées
pour porter atteinte aux droits des citoyens ? C'est avoir
beaucoup fait sans doute pour les progrès de l'art social ,
que d'avoir fixé ces droits à des termes simples et incontestables
. Mais ignore - t - on combien il est facile d'atténuer
la déclaration qui les énonce , et la constitution
qui promet de les garantir , par l'influence d'une mauvaise
législation ? Les droits naturels et civils qui sont
d'un besoin et d'un usage habituel pour le citoyen ,
sont tous à la discrétion des lois . Celles- ci peuvent
attaquer en détail et par cent moyens indirects ,, la
liberté , la sûreté , la propriété , sans heurter avec violence
la constitution , et en ayant même l'air de la respecter.
L'expérience de plus d'un peuple a prouvé que toutes
les pieces de leur constitution étaient encore debout ,
que déja leur liberté avait disparu sous des lois et des
institutions vicieuses.
Ainsi , tant que l'autorité législatrice ne sera exercée
que par un seul corps , qui pourra tout ce qu'il voudra ,
il n'est aucun obstacle qui puisse l'empêcher de faire
des lois mauvaises , arbitraires et oppressives . Il n'en
est aucun non plus , qui ne l'empêche de violer la constitution
, de la changer , ou d'en susprendre l'effet. Car
n'ayant aucun contre-poids , aucune puissance qui le
surveille ou le réprime , rien ne s'oppose à ce qu'il
usurpe les fonctions d'une Convention , qu'il ne refasse
les lois constitutionnelles chaque fois qu'un, parti assez
X 4
( 328 )
puissant voudra faire prévaloir un nouveau système d'organisation
sociale , et que même il ne finisse par enva
hir tous les pouvoirs et se constituer en permanence .
Il suffira de quelque moment de crise que l'on saura
bien faire naître s'il n'existe pas. Les clameurs , les
défiances les dénonciations entourront et poursuivront
les ministres. On les peindra comme des traîtres ;
on fera une révolution contre le gouvernement , et ces
grands mots si souvent employés , il faut sauver le
peuple , les mesures révolutionnaires l'exigent , serviront de
piege à la crédulité publique et d'instrument à lambition
des usurpateurs et à l'établissement de la tyrannie
.
Qu'on n'allegue pas la puissance et le contre - poids
de l'opinion . Hélas ! l'opinion de la majorité des Français
désavouait les horreurs dont ils étaient par milliers
les victimes , et les tyrans n'en poursuivaient pas moins
le cours de leurs assassinats ; et ils prétendaient avoir
pour eux l'opinion , et ils se faisaient applaudir , féliciter
par d'autres brigands leurs complices . L'opinion !
il n'y en a plus quand la terreur comprime toutes les
pensées ; quand les oppresseurs ont des prédicateurs à
leurs gages et des bourreaux pour l'homme courageux
qui ose les démasquer. Dans ces affreux momens , ce
ne sont plus de vains discours qu'il faut ; ce sont des
poignards et des Brutus .
Supposez maintenant que la Convention eût été divisée
en deux branches , dont chacune n'eût rien pu faire
sans le concours et le voeu de l'autre , et voyez si ces
factions , ces déchiremens , cette audace des usurpateurs
et cet envahissement de tous les pouvoirs , auraient pu
élever la tyrannie dans son sein et la répandre avec
ses fureurs sur la France désolée . Ce serait ici le moment
de faire ressortir les avantages de la division de
la légistature ; mais cet objet appartient plus naturellement
à la seconde partie où je traite de l'esprit de la
constitution qui peut convenir à la France . Il me suffit
d'avoir montre que celle de 93 , en instituant un corps
législatif un et indivisible , n'offre aucune garantie ni pour
lui- même , ni pour la liberté publique , ni pour les
droits des citoyens .
Cette garantie n'est pas mieux assurée , vis -à- vis du
conseil exécutif , dépositaire de l'action du gouvernement.
Ce conseil composé de 24 membres , est nommé
( 329 )
-5
par le corps législatif sur une liste générale de candidats
présentés par les assemblées électorales , à raison d'un
par département ; et en cas de prévarication , les
membres de ce conseil sont accusés par le corps législatif.
( Art . 63 et 71. )
Il est aisé de voir qu'un conseil exécutif ainsi formé ,
sera sans cesse à la dévotion du corps législatif , ou bien
il ne restera pas long- tems en place.
Il sera à sa dévotion ; car rien ne sera plus facile au
parti qui dominera dans la législature , de faire comprendre
dans la liste des candidats , que doivent présenter
les assemblées électorales , les membres dont il
voudra composer le conseil.
Si celui - ci ne seconde pas toutes les vues du corps
législatif , il est évident qu'il ne restera pas long- tems
en place . Le pouvoir terrible d'accuser s'exercera dans'
son infatigable activité . Qu'on se rappelle la guerre
faite aux ministres , par le parti qui a si long - tems
dominé la Convention . Quel est le conseil exécutif
dont les membres pourront résister aux contrariétés .
aux dénonciations , aux mander- venir à la barre , à tous
les genres de dégoût dont on saura les abreuver.
Mais , dira -t- on , le conseil exécutif est essentiellement,
obéissant . Oui , îl l'est dans ce sens , qu'il doit faire
exécuter sans délai et sans contradiction les lois que
lui transmet le corps législatif. Ma
il ne doit pas l'être
dans le sens où un parti dominant , contraire à la liberté,
voudrait lui faire partager ses opinions et ses desseins ,
Il est une infinité de cas où le conseil exécutif sort de
la simple exécution des lois , pour agir directement par
lui-même. La constitution de 93 lui attribue la direction "
et la surveillance de l'administration générale , la nomination
et révocation de tous ses agens , soit intérieurs ,
soit extérieurs , et la négociation des traités . ( Art . 65 ,
66 , 70. )
Or , c'est dans l'exercice de cette action particuliere
que les membres du gouvernement doivent être independans
de toute crainte , de toute influence étrangere."
Le seraient- ils si le corps législatif , ou plutôt la faction
qui l'aurait subjugué , pouvait et voulait leur faire partager
ses principes et ses vues ? L'infortuné Roland et
tous les ministres que l'on a voulu perdre faisaient exécuter
scrupuleusement les lois ; ils n'ont pas moins été
sacrifiés par le parti devenu le plus fort , pour n'avoir pas
fléchi devant les usurpateurs. Qu'on ne s'y trompe pas , if
( 330 )
en serait de même de tous les dépositairesdu gouverne
ment dont l'inflexible austérité ne servirait pas docilement
les passions du corps législatif.
Ainsi , admettez l'unité et l'indivisibilité du corps des
représentans et l'organisation donnée du conseil exécutif
, il arrivera infailliblement de ces deux choses
Tune ; ou le conseil exécutif sera l'instrument servile
et Tallié perpétuel de la puissance législatrice ; ou s'il
se refuse à son influence absolue , il sera brisé jusqu'à
ce qu'un autre subisse le joug de l'obéissance . Bien
plus , il n'y aura pas véritablement de gouvernement.
Que sera-ce en effet qu'un conseil exécutif composé
de vingt-quaire membres qui useront en délibérations , en
dispute , en mésintelligence , le tems nécessaire pour
agir ? car c'est dans l'action prompte et ferme que consiste
tout le jeu du gouvernement. Quelle affreuse perspective
pour la liberté civile et politique , qu'un ordre de.
choses qui menerait à l'oppression par le despotisme
ou à l'anarchie par la faiblesse !
1
Enfin , le corps législatif lui -même ne trouverait point.
dans cette constitution de garantie solide de sa liberté
et de sa propre existence. L'histoire entiere de la révolution
en fournit la preuve. Y a-t-il eu aucune assemblée
nationale , je n'en excepte pas même la constituante
, en plus d'une circonstance , qui ait joui , dans
toute l'intégrité de la représentation , et pendant la durée
de leur session , de la sûreté , de l'indépendance , de
la liberté d'opinion et de volonté , sans lesquelles il est
impossible à chaque membre de délibérer d'après le
sentiment de sa conscience , ni à l'assemblée entiere de
former des résolutions non influencées ? Retracerai - je
ici les tristes événemens dont chacun de nous a été
tempi rappellerai- je ce système de dénonciations et
de calomnie qui servait d'avant- coureur aux projets des
factieux , ces pamphlets incendiaires lancés pour cor
rompre et préparer l'opinion , cette association de clubs
rivaux de la représentation nationale , ces atteliers de
trouble et d'insurrection . ces nuées d'adresses suggċrées
, ces conspirations municipales , ces députations ,
ces pétitions hautaines où l'on semblait bien plus commander
que demander , les bons citoyens chassés de
leurs sections , et une poignée d'intrigans et de séditieux
s'établissant à leur place et usurpant audacieuse.
ment la souveraineté du peuple ; enfin , ces violences exer
( 331 )
"
cées tant de fois envers le corps des rep.esentans ?
Tout cela n'existera plus à l'avenir ! Il n'y a plus de
jacobins , plus de municipalité turbulente et rivale ! de
bonnes mesures de police peuvent prévenir tous ces
abus ! Je veux croire que les leçons de l'expérience ne
seront pas entierement perdues , et que les événemens
passés ne se reproduiront plus sous les mêmes formes .
Mais n'y aura- t- il pas d'autres combinaisons pour influencer
le corps législatif ? l'esprit de faction si adroit
et si fécond en ressources en restera - t-il dépourvu dans
une ville immense où tant d'intrigues peuvent s'ourdir
dans le secret , où la classe des mal- aises , des ouvriers ,
des hommes faibles et peu instruits est si nombreuse ,
où des circonstances critiques peuvent si aisément exciter
des alarmes et produire des mouvemens , et où l'esprit
du peuple est si crédule , si susceptible d'être égaré , et
si enclin à la défiance contre ceux qui gouvernent ?
Ce ne sera plus , si l'on veut , la conspiration des scélérats
ineptes dont nous venons de ressentir d'aussi
cruels effets , mais ce pourra être une conspiration bien
plus dangereuse , celle d'hommes puissans en moyens
et en renommée , jouissant des faveurs de l'opinion , et
couronnés peut- être des mains de la victoire . C'est dans
les occasions périlleuses où il s'agit de s'opposer à l'opinion
égarée , qu'un corps législatif lutte avec désavantage;"
on est disposé à le regarder comme suspect de trahison et
indigne de la confiance . Paris offre une masse de popu
lation si grande , il est si aisément porté , par sa propre
consistance , à se regarder comme le centre de la répu
blique , et à regarder le corps législatif comme ne devant
exister que pour lui , qu'une assemblée qui n'aura
d'autre garantie que son unité , et qui sera déja affaiblie
dans l'opinion , par la seule idée qu'elle n'a qu'une
simple initiative en législation , sera exposée , ou à des
condescendances qui nuiront à l'intérêt général de la
république , ou à des réactions qui compromettront sa
force , sa liberté et son existence,
I
Ainsi , sous quelque point de vue qu'on envisage la
constitution de 93 , soit dans le principe qui lui sert de.
bâse , soit dans la formation de la loi , soit dans Forganisation
du corps législatif et du gouvernement ; elle
est impraticable dans son exécution , et impuissante à
protéger la liberté civile et politique .
( Ces articles sont du C. LENOIR-LAROCHE. }
( 332 )
ANNONCE S.
Bases fondamentales de l'instruction publique et de toute censti
tution libre , ou meyens de lier l'opinion publique , la morale ,
Peducation , l'enseignement , l'instruction , les fêtes , la propagation
des lumieres , et le progrès de toutes les connaissances
au gouvernement national républicain ; par F. Lenthenas ,
membre de la representation nationale . Seconde édition , que la
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Un volume in-8° . de 656 pages . A Paris , chez les marchands de
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Prix , 2 liv . A Paris , chez Perlet , rue des Arts.
Voyages de la Chine à la côte nord- ouest d'Amérique , faits pendant
les années 1788 et 1789 , précédés de la relation d'un
autre voyage exécuté en 1786 sur le vaisseau de Nootka , parti
du Bengale ; d'un recueil d'observations sur la probabilité d'un,
passage nord - ouest , et d'un traité abrégé du commerce entre
la côte nord - quest et la Chine , etc. , etc. Par le capitaine
J. Meures , commandant le vaisseau la Felice . Traduit de l'anglais
par J. B. L. J. Billecocq , citoyen français .
121
Trois volumes in 80. formant 1280 pages , imprimés sur
caractère de Cicero Bidot , papier carre fin , avec un volume
format grand in 4. , contenant vingt- huit vues , marines , tartes
géographiques , plans , costumes et portraits graves en tailledouce
; par Nee , graveur des Vues de la Suisse . Prix , 50 liv.
broché , et 58 liv. , franc de port par la poste , pour les départermens
. A Paris , chez Buisson , libraire , rue Haute- feuille ,
1º.201 t
Appel à l'impartiale postérité , par la citoyenne Roland , fenime
do ministre de l'intérieur , ou Recueil des écrits qu'elle a rédigés
pendant sa détention ; imprimé au profit de sa fille unique
Seconde partie. A Paris , chez Louvet , libraire , maison Egalité
, galerie neuve , 1º . 24.
1
( 335 )
!
NOUVELLES ÉTRANGERES.
5
1
ALLE MAGNE.
De Francfort-sur-le-Mein , le a mai.
LES lettres de Berlin annoncent que la nouvelle de la paix
y a été reçue avec des transports de joie . Ce fut le majör
Myrineck qui apporta , le 12 avril , le traité au roi qui se
trouvait à Potsdam . On donnait ce jour- là au spectacle Âtaliba
ou le Pere de sou Peuple. Les moindres allusions furent avidemment
saisies et couvertes d'applaudissemens .
་
Tous les gens qui desirent sincerement la pacification générale
de l'Europe , et il y en a beaucoup , se flattent que la
retraite d'une puissance telle que la Prusse forcera bientôt la
coalition à se dissoudre . Déja même on annonce qué lès
does de Wirtemberg et de Brunswick , le landgrave de Hesse-
Cassel et l'électeur de Hanovre songent à imiter cet exemple :
cela sera bien difficile pour ce dernier , dans lequel la Republique
Française verra toujours un de ses plus cruels ennemis ,
le rei d'Angleterre ; car enfin il est presqu'impossible de
séparer les deux personnes politiqnes réunies dans le même
individu , et de s'accoutumer à regarder Geo : ges III , électeur
de Hanovre , comme ami , tandis que Georges III , rei d'An
gleterre , qui de plus prend le titre de roi de France , demandera
des secours à son parlement , et en fournira à l'Autriche
pour continuer la guerre coutre la Frauce .
En outre , le prince- évêque de Spire et le cercle de Souabe
ne sont pas éloignés de se retirer aussi de la coalition . Le
8 avril , le premier a reporté de nouvelles plaintes à la dictature
des excès que le corps de Condé ne cesse de commettre
dans ses possessions , et a demande qu'ils fissent réprimés.
Le cercle a décidément refusé de satisfaire à la requisition
de l'empereur pour l'approvisionnement de l'armée
autrichienne du Rhin , en se bornant à offrir en échange
50 mille ecus à prendre ou à laisser. Ce cercle avait deja
défendu au commandant de ses troupes d'abandonner sa pósition
, comme le lui ordonnait le duc de Saxe-Teschen , sams
égard au motif de la nécessité de pourvoir à sa propre sûreté •
allégué par le cercle . Le général de l'Empire a fait mettre
(( 534 )
le commandant aux arrêts , ce qui ne manquera pas d'aigrir et
d'augmenter la mésintelligence. Si l'on joint à cela l'extrême
probabilité que la paix ne tardera pas à se conclure entre
T'Espagne et la France , en imagine bien que l'Angleterre , et
sar- tout l'Autriche , et la Sardaigne influencée par elle ,
puisqu'elle en occupe les possessions en les défendant , se verront
bientôt contraintes particulierement les deux derniers
états , de souscrire à une paix qu'il est de leur intérêt de conclure
le plutôt possible.
Cependant il y a toujours beaucoup d'incertitude et de variations
dans les lettres qui viennent des différens pays en
guerre contre la France . On le verra par quelques paragraphes
de celles de Vienne du 11 avril , qui s'expriment ainsi
Le ministre de Hollande , qui se trouve dans cette résidence ,
déclaré que la révolution étant faite dans son pays , les
états-généraux desiraient rétablir les anciens rapports qui existaient
entre les deux puissances . Il a annoncé qu'il avait reçu
en conséquence l'ordre de traiter comme ministre avec le
gouvernement.
Un courier de Londres est arrivé ici avec le plan d'opération
que l'Angleterre se propose d'exécuter dans la campague prochaine.
On annonce aussi que le cabinet a enjoint aux géné
raux de tenter le passage du Rhin , pour débloquer Luxem
bourg.
On a de nouveau arrêté plusieurs personnes soupçonnées
de conjuration , entr'autres deux jeunes médecins , chez qui
l'on dit avoir trouvé des correspondances criminelles ,
Le chargé d'affaires de l'empereur à Varsovie , M. Caché ,
est de retour ici depuis quelques jours . On y voit égale
ment deux officiers russes qui viennent acheter des subsis
tances.
Les gazettes allemandes ne parlent que de la marche des
troupes qui vont renforcer les divers corps d'armée de l'empereur
; elles prétendent même que celle sur le Rhin sera
portée à 200 et peut- être 240 mille hommes. Voici ce qu'elles
appellent l'état exact des forces militaires de l'Autriche pour
l'année 1795. Il y aura sûrement beaucoup à en rabattre :
armée d'Italie , 42 mille hommes ; armée du Rhin , 340 mille
hommes ; cordon de Pologne , 30 mille ; garnison dans l'inté
rieur, go mille . Total , 402 mille .
Malgré toutes ces forces , en supposant que l'empereur les
ait, depuis quelques tems , un certain nombre de feuilles allemandes
regardent une paix entre l'Autriche et la République
Française , qui pourrait lui opposer un nombre d'hommes égal,
ou même plus considérable , comme une chose très - prochaine.
Suivant quelques papiers , les deux puissances doivent s'y
acheminer , d'abord par une suspension d'armes qu'on a même
annoncée et qui s'est trouvée démente ? . Suivant d'autres ,
( 335 )
l'empereur a fait notifier à Londres que la raison lui dictaif
de ne pas se refuser à une conciliation . On parle en outre de
l'arrivée très -prochaine de trois ministres étrangers à Osnabruck
, et d'une espece de congrès qui se tiendra dans cette
ville.
Tout ce qu'il y a de certain , c'est le départ pour Basle du
baron de Lehrbach , chargé de suivre les négociations ; ce qui
donne lieu à beaucoup de conjectures parmi les politiques allemands
, et plus encore parmi les émigrés français.
Un de leurs chefs , le comte d'Artois , s'était retiré aux eaux
de Pyrmont dans le comté de Waldeck , le gouvernement l'a
éconduit d'une maniere polie , en lui faisant dire que sa sûreté
personnelle exigeait qu'il choisit un sejour où il serait moins
exposé .
Il y a en des mouvemens insurrectionnels à Nuremberg“,
et même dans notre ville de Francfort , qui ont eu pour catise
la disette et la cherté des subsistances . Dans la premiere de
es villes , plusieurs maisons de boulangers ont été fort en
dommagées , et l'on n'est pas encore sûr que le tumulte soit
entierement appaisé ; il l'est chez nous , où la milice e la
bourgeoisie armées ont eu beaucoup de peine à sétablir le
calme .
Le bruit court que les cabinets de Vienne et de Berlin sont
à la veille de se brouiller ; la division s'est déja manifestée au
sujet de la nomination au riche evêché de Bamberg. Les mil
nistres autrichiens et prussiens ont fait tous leurs efforts pour
porter à cette dignité une créature de leurs cours . Au milieu
de ces concurrens est survenu l'électeur de Mayence , qui demande
pour lui-même cet évêché , en promettant expressément
de se contenter d'un revenu de 60 mille florins . Les suffrages
des chanoines , qui partageaient le surplus, sont encore indécis .
.
Les dernieres lettres de Dantzick , du 12 avril , contiennent
des nouvelles de la plus haute importance , et qui paraissent
certaines .
L'exportation des grains vient d'être défendue ; la défense
est arrivée précisément dans le tems que des parties énormes
étaient achetées pour le compte de l'Angleterre .
Dans le moment que l'horison politique cherche à se dégager
à l'occident de l'Europe , des vapeurs qui l'obscurcissent ,
des nnages semblent préparer des orages au Nord . D'après les
derniers avis de Pétersbourg , on y fait d'immenses préparatifs
de guerre.
on tra- Dans toutes les villes maritimes de l'empire russe
vaille avec la plus grande activité . Vers la fiu de mai , unc
flotte de 45 vaisseaux de ligne doit être prête à mettre à la
voile.
( 936 )
De nombreux renforts de troupes se rendent en Pologne
et sur les frontieres de la Turquie , pour y grossir les forces
de la fortunée Catherine , et déja ses forces dans ces contrées
' élevent à 160 mille hommes .
Ces dispositions de l'impératrice , et particuliement ce qui
se passe en Pologne , n'ont pas manqué d'inspirer de vives
inquiétudes aux cours de Copenhague et de Stockholm , et les
mêmes avis portent que ces deux cours font de leur côté des
préparatifs formidables.
Elles sont occupées de l'armemeur d'une flotte qui sera composée
de 32 vaisseaux de ligne , dont 12 sous le commandement
d'un amiral dauois , doivent faire voile le mois prochain pour
les mers du Nord.
Les 20 autres vaisseaux , ainsi que 8 fregates , doivent servir
de flotte d'observation dans la mer Baltique . On s'occupe
avec la même activité à completier les armées de terre des
deux royaumes. Tant de dispositions annoncent de grands
événcineas.
ESPAGNE.
Suivant des lettres de Madrid da 18 mars , le roi venait de
donner l'ordre exprès de ragure un embargo sur tous les vaisscaux
hollandais qui pouvaient se trouver dans les ports d'Es
pagne. Cependant l'edit explique cette disposition , et n'en
eut faire qu'une mesure de représailles contre la France ; il
porte que c'est seulement pour assurer aux proprietaires
espagnols , qui ont des vaisseaux dans les ports de la Hollande
, le retour de leurs effets et marchandises , et que l'embargo
sera levé dès qu'on aura connaissance du sort que le
commerce espagnol aura éprouvé dans ce pays .
Ces mêmes lettres donnent des détails assez importans sur
l'état intérieur de l'Espague et ses ressources pour continuer la
guerre ; elles laissent pourtant entrevoir dans un paragraphe
quelques dispositions à la paix .
Il vient d'y avoir de nombreuses promotions à des emplois
militaires et civils . Le lieutenant général Courten a été nommé
capitaine général d'Arragon. Le marquis Rubi , gouverneur et
capitaine -général d'Andalousie. Le prieur Castel -Franco est
nommé général en chef de l'armée de Navarre . Bernardo del
Campo , ambassadeur à Vienne : Dom Simon Las Casas passe
Londres en la même qualité.
Une dépêche royale adressée à l'archevêque de Tolęde ,
expose que le trésor public ne peut suffire à toutes les dépenses
qui sont nécessaires pour soutenir la guerre actuelle .
Les archevêques et évêques du royaume , sout invités à offrir
au gouvernement tonte l'argenterie des cglises qui n'est
pas nécessaire pour le culte. Cette dépêche au reste entre
dans
( 837 )
dans de grands développemens pour établir que cette demande
n'est en soi , ni un acte de violence , ai une irrévérence contre
la religion. L'archevêque a de suite adressé une circulaire à
son chapitre et aux églises de son diocese , pour justifier
cette mesure , et presser le clergé d'y concourir de tous ses
moyens.
On commence à mettre à exécution le décret de la levée
de quatre- vingt mille hommes , qui doivent se completter
en prenant un individu , par chaque cinquantaine d'habitans.
Ces nouvelles recrues serviront à completter les armées ,
dont , dans ce moment , en n'a aucunes nouvelles particulieres
.
Le département de la surintendance du trésor ( Hazien
da ) vient d'être supprimé . Il paraît qu'on a été porté à cet
arrangement par des vues économiques , et l'on parle d'un
grand nombre d'autres réformes , qui doivent avoir également
lieu .
Le nouveau gouverneur du conseil , l'évêque de Salamanque ,
semble gagner chaque jour , de plus en plus , la confiance
du roi. Le 5 de ce mois , il fut en personne visiter les prisons
, s'informa des causes de la détention de chacun de ceux
qui s'y trouvaient il fit ôter les ceps et les chaînes à un
grand nombre de malheureux qui languissaient depuis nombre
d'années dans les cachots , et en mit sur- le - champ plusieurs
en liberté , contre lesquels il ne trouva pas de raisons
Saffisantes pour les tenir en captivité. L'évêque fit eusaite de
fortes réprimandes à plusieurs des ministres , à qui il reprocha
l'arbitraire et le défaut d'humanité qu'ils mettent dans l'exercice
de leurs fonctions , et qui les porte à laisser languir , pendant
de si longues années dans ces horribles lieux , l'humanité
maiheureuse.
On remarque que depuis quelque tems , les papiers publics
espagnols parlent avec de grands égards du gouvernement fran
çais.
On a permis à d'Aranda de se rendre à Saint- Lucar pour
raison de santé. Il y a une commission nommée pour lui faire
son procès. Le comte Fernando Nunès en est nommé président.
D'Aranda refuse de reconnaître Alcadia pour un de ses
juges .
Des lettres de Lisbonne , du 3 mars , portent que l'escadre
portugaise est rentrée dans ce port : elle a laissé la flotte
anglaise à la hauteur du Finistere. Cette flotte avait avec elle
an convoi considérable destiné pour les Indes Orientales .
Tome XV.
Y
1
( 338 )
ANGLETERRE . De Londres , le 28 mars .
Madame de Fitz-Herbert , veuve , d'un homme qui n'est pas
mort , du prince de Galles qu'elle avait épousé suivant le
double rit catholique et anglican , vit dans la retraite dans
une maison de campagne près de Richem nt .
Le parlement a felicite le roi sur le mariage du prince de
Galles , et passé le bill de naturalisation de la princesse de
Brunswick son épouse .
MM . de Calonne , de Damas , de Conflans , le général
Abercrombie et lord Fitz Gerald , ci-devant ministre d'Angleterre
en Suisse , sont arrivés du continent.
Le jugement définitif de M. Hastings ne saurait tarder
d'être rendu . Deja cet ex - gouverneur des possessions anglaises
dans l'Inde a été acquitté en détail sur tous les chefs d'accusation
portés contre lui.
Il paraît qu'il est survenu des difficultés dans la négociation.
de l'emprunt impérial : le comte de Pergen a été obligé d'envoyer
à Vienne un courier dont il attend le retour pour
achever sa mission et en tirer tout le parti que son maître en
attend.
Le comte de Bute va à Madrid en qualité de plénipotentiaire
, et M. Drake retourne à Gênes reprendre ses fonc
tions d'envoyé.
Deux nouveaux commissaires hollandais ont débarqué à
Harwich , mais le gouvernement n'est pas plus disposé à entrer
en négociation avec eux qu'avec les premiers .
La laine d'Espagne , indispensable pour la fabrication des
draps fins , coûte si cher depuis quelques jours qu'on l'avait
meilleur marché , même dans la derniere guerre de l'Angleterre
contre l'Espagne , quoiqu'elle ne pût arriver que par
des bâtimens danois et portugais ; au reste cela n'est pas fort
étonnant , les Français étant en grande partie maîtres des ports
espagnols de la baye de Biscaye , où se faisaient les chargemens
les plus considérables de cet article important ; la conséquence
nécessaire est que si la paix n'a pas bientôt lieu ,
les draps fins deviendront d'une cherté énorme. Ces jours - ci
deux grandes maisons ont cessé leurs paiemens , et l'on craint
bien de voir les gazettes surchargées de listes de banqueroutes
.
Mais une chose plus fâcheuse encore , c'est la diseite de
grains presque générale en Europe . Elle ne se fait pas moins
sentir en Angleterre que par- tout ailleurs , la livre de pain
dont le prix ordinaire était, de six sols , en coûte aujourd'hui
neuf et demi , et en coûtera bientôt douze en argent d'après
la différence de la monnaie anglaise et l'évaluation du taux
( 339 )
du change , ce prix se rapproche assez de celui auquel on paie
généralement le pain en France , Paris excepté , où il est beaucoup
plus cher.
Le manque de matieres premieres pour les fabriques , les
banqueroutes et la disette du pain sont le résultat d'une guerre
qui , en armant tant de milliers de bras dans tous les pays ,
a forcé de negliger l'agriculture . On compte , il est vrai ,
sur les bleds de Hambourg et de Dautzick ; mais la conquête
de la Hollande par les Français et leurs forces dans la mer
du Nord ne pourront manquer de rendre les arrivages trèsdifficil
. On ne recevra non plus que très - lentement les
grains demandés dans les Etats - Unis et le Canada , qui d'ailleurs
sont exposés à être pris par les frégates françaises . Aussi tous
les veus appellent- ils la paix que le ministere seul s'obstine
refuser à de fréquentes petitions revêtues quelquefois de
quatre à cinq mille signatures . Le gouvernement est pourtant
effrayé de la disette ; il vient d'exhorter tous les propriétaires
à favoriser la culture des patates .
Une chose étonnante , au milieu de tout cela , c'est que
le crédit public . se soutient mieux qu'on n'aurait osé s'en
flatter , et la preuve s'en trouve dans la facilité avec laquelle
le denier emprunt de dix-huit millions a été rempli ; il n'a
fallu qu une semaine pour completter cette opération de finances ;
malgré cela , ce crédit ne saurait tenir long- tems coutre la
surcharge de dépenses qu'entraînerait la continuation de la
guerre , sur-tout dans un moment où il faut pourvoir à
beaucoup d'autres dépenses ; par exemple , il est question
d'acquitter les dettes de l'héritier présomptif de la couronne ;
elles s'élevent a hot cent cinquante mille liv. sterlings , c'est-
-dire à - peu-près vingt-trois fois cette somme en monnaie de
France , qu'en derniere analyse il faudra que le peuple paie
pour son futur roi , qui lui coûtera peut- être bien plus cher
quand il le sera réellement.
Les papiers ministériels entretiennent toujours dans la partie
du public , assez insensée pour ne pas vouloir la paix , la
folle espérance d'un débarquement sur les côtes de Bretagne
pour lequel on rassemble , organise et transporte à de grands
frais des légions de pieux émigrés à Jersey et Guernesay ;
mais les gens qui savent calculer prétendent que c'est , de
l'argent perdu , et qu'on ne fera rien avec quelques poi
gnées de chouans , contre une masse imposante de républicains
, dans une province qui a ete le berceau de la révo
lution , et où , par conséquent , les émigrés doivent être
en horreur .
La fourniture de quarante mille hommes et de douze vais
seaux de ligne contre les Français , par la Russie , ne se
confirme pas . L'impératrice n'aura pas trop de ses forces pour
elle-même.
Y &
( 34s
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
CONVENTION NATIONALE.
f
PRÉSIDENCE DI VERNIER.
Séance du septidi , 17 Floréal .
Il y a en hier soir une séance extraordinaire pour le renouvellement
du bureau .Vernier a été nommé president. Mollevaux ,
Peyre et Saint-Martin , secrétaires .
Delcher , représentant du peuple près l'armée des Pyré
nées occidentales , et qui arrive de cette armée , rend compte
de l'exécution du décret qui ordonne la réparation des excès
commis à Guipuscoa et dans la Biscaye , et la punition des
auteurs. Cette mesure nous a rendu les coeurs des habitans
qui bénissent la Convention , et desirent une constitution
comme la nôtre. Insertion au bulletin .
Dussanx demande la parole : Il fait l'éloge de Barthelemy ,
l'auteur d'Auacharsis , qui vient de mourir. Il dit que ceux
qui l'ont connu ne savent qu'admirer le plus de son immortel
Ouvrage ou de l'ensemble de sa vie . Un seul trait peint son
caractere. Que n'est- il donné , disait- il souvent , de pouvoir
léguer le bonheur aux hommes ? Barthelemy a été persécuté
par la tyrannie décemvirale , comme tous les citoyens vertueux
et éclairés ; mais il a porté dans sa prison la constance
et la sérénité de Sperate , et il donnait , à l'âge de plas
de quatre vingt ans , le spectacle à ses compagnons d'infortune
, de la vertu aux prises avec l'adversité . Dussaux
termine en demaudant que son neveu qui , depuis 25 ans
remplissait tous les devoirs dun fils tendre et respectueux ,
lui succede dans sa place de garde des médailles et antiques
du cabinet national . Renvoyé au comité d'instruction publique ,
et insertion au bulletin .
?
La discussion sur les finances reprend . Vernier a le premier
la parole , il s'éleve contre cette foule d'agioteurs qui
semblent s'être coalisés pour faire hausser tous les jours le
prix des denrées , et avilir les assignats ; il attaque ensuite
le plan de Dubois - Crancé. C'est la surabondance du gage qui
en opere le discrédit ; le comité des finances , après les recherches
les plus scrupuleuses , s'est assuré que la quantité
d'assignats créés s'éleve à onze milliards huit cent millions ; de
ceux qui ont été brûlés , à près de trois milliards , et par consé.
il s'en trouve dans la circulation quent pour huit milliards ,
y comprenant ce qui reste à fabriquer. Pour en restaurer le
crédit , et en retirer le plus qu'il sera possible , il est néces
са
( 341 )
1
saire d'établir des hypotheques spéciales qui fassent reposer
la confiance sur des bases matérielles et généralement connues .
Vernier ajoute que le systême de l'impôt en nature proposé
par Dubois - Crancé , et qui a été publié il y a plus d'un
siecle par le général Vauban sous le titre de dîme royale ,
est d'une exécution presqu'impossible . Construction ou établissement
de greniers dans cinquante mille municipalités ,
difficulté de la conservation , des transports , de la vente des
produits , multiplicité des ageus , travaux immenses de répar
tition , tels sont les obstacles nombreux qu'il présente ; mais
on pouvait objecter à Vernier que le clergé avait su vaincre
tous ces obstacles et retirer un bénéfice immense des dimes
et qu'on ne voit pas comment ce qui lui était facile deviendrait
tout-à- coup impossible à l'etat .
Laporte , au nom du comité de salut public , propose
d'envoyer Cadroy près les armées des Alpes et d'Italie pour
ane mission particuliere . Adopté .
Roux , au nom du même comité , se plaint des lentenrs
des districts de Chartres et de Janville , à remplir les requisitions
qui lai sont faites pour l'approvisionnement de Paris ,
et il fait décréter qu'ils fourniront d'ici à un mois soixante
mille quintaux de grains , dont le sixieme sera réservé à la
commune de Chartres .
Séance d'octidi , 18 Floréal.
La démission de trois membres de la commission des onze
qui sont , Cambacérès , Sieyes et Merlin ( de Douai ) , néces
sitait leur remplacement. Ils ont pour successeurs Lanjuinais ,
Baudin des Ardennes ) er Durand - Maillanne.
Auby , au nom du comité de salut publie , fait restreindre
les pouvoirs des représentans du peuple près les armées , et
des généraux , relativement aux officiers . Ils ne pourront que
les suspendre provisoirement de leurs fonctions , et à la charge
d'en rendre sur- le-champ compte au comité de salut public .
Tout militaire qui n'obéira pas aux ordres émanés de ce comité,
ou de commissions exécutives , sera destitué sur-le-champ,
et mis en état d'arrestation . Si sa désobéissance a compromis
la chose publique , il sera traduit au tribunal compétent pour
y être jugé.
Lhomont , organe des comités réunis , annonce qu'examen
fait des pieces à la charge de Joseph Lebon , il est constant
qu'il y a lieu à examcu. La Convention décrete qu'il sera
nommé , le soir , une commission des vingt- un .
Gentil , au nom des comités de législation , des finauces
et d'agriculture , occupe la Convention des pertes immenses
que font les propriétaires qui ont affermé leurs biens en
argent , et le profit exorbitant des fermiers , par la cherté
excessive à laquelle ils ont porté leurs denrées , et il présente
un projet de décret tendant à faire payer le prix des
Y 3
7
( 342 )
baux à ferme , à raison d'une quantité de mesures de blé
selon le prix courant à l'époque où les baux auront été passés ,
L'impression et l'ajournement en sout decrétés .
La discussion sur les finances continue . Bourdon ( de l'Oise )
prétend que la France à une circulation de dix milliards ,
parce qu'il y reste la moitié de son numéraire ou les trois
quarts ; il pense que le plan de Dubois - Crancé peut produire
da bien , mais on n'en ressentirait les effets que dans
dix - huit mois , tandis qu'il est impossible d'aller encore six
mois comme nous sommes . Il annonce un mode simple et
juste , de retirer une grande quantité d'assignats de la circulation
, qu'il a communiqué à plusieurs de ses collegues ,
et il dit quest on ne l'adopte pas , nous serons entraînés
dans la banqueroute , le seul espoir qui reste aux malveillans
pour la contre - révolution ,
Charles Delacroix pense que l'évaluation de l'assignat sur
le pied de marc d'argent ne fait que hârer son discredit.
Il demande que pour accélérer la vente des biens nationaux ,
la valeur de l'assignat baisse d'un demi pour cent par mois .
Rafron propose deux pour cent , mais Bourdon s'écrie que
c'est une banqueroute , et il fait décréter que la parole sera
refusée à ceux qui proposeraient l'altération du papier- monnaie ,
Séance de nonidi , 19 Floréal.
Dans la séance extraordinaire teane hier soir et destinée à
la nomination de la commission des vingt-un , chargée d'exa
miner la conduite de Joseph Lebon , les membres qui ont
été nommés sont , Siblet , Christiaui , Karcher , Lambert ,
Giraud , Claverie , Quirot , Thabaut , Marin , Bordas , Bréguis ,
Lemane Dubusc , Thirion , Roux de l'Aveiron ) , Finot ,
Arrighi , Girard ( de l'Aude ) , Moreau ( de Saône et Loire ) ,
Michaud et Letourneur ( de la Sarthe . )
Tallien , au nom du comité de salut public , fait décréter
qu'Isnard , envoyé en mission dans le département des Bouchesdu-
Rhône.y surveillera les approvisionnemens et les opérations
relatives au commerce ,
Treilhard , au nom du même comité et décelui des finances ,
expose que les députés en mission tirent tous les jours sur
les caisses nationales des mandats pour des paiemens et des
avances qui ne sont pas toujours nécessaires ; qu'ils font aussi
des marchés sur des apperçus avantageux et qui ne se réalisent
pas , et que toutes ces mesures absorbent les fonds de la nation .
Le tems n'est pas éloigné , ajoute - t - il , où vous n'aurez plus
de représentans en mission , et il propose en attendant de
décréter qu'ils ne pourront délivrer aucuns mandats sur leš
payeurs , ne ratifier aucun marché sans l'autorisation des
comités de salut public et des finances . Adopté.
L'ordre du jour était la discussion du projet de décret de
la commission des onze , tendant à donner de l'intensité au
( 343 )
gouvernement actuel ; mais le président annonce que les
membres qui la composent demandent cette journée pour revoir
leur travail . Thibaut propose de s'occuper des finances , et
Roussel obtient la parole sur cet objet , et annonce qu'il s'est
occupé d'un projet pour retirer d'une maniere simple et
facile les assignats de la circulation . Il voudrait que les comités
chargés de faire un rapport sur la perception de l'impôt en
mature, proposé par Dubois- Grancé , examinassent en même-tems
s'il ne conviendrait pas de conserver une certaine quantité
de domaines nationaux pour en avoir les productions en
nature .
2 par
la
Charlier assigne les deux causes principales du renchérissement
des denrées , la concurrence du numéraire avec l'assignat
et la trop grande quantité de celui ci . Il est impossible
, dit il , que ces deux monnaies existent ensemble ,
l'une fait nécessairement la guerre à l'autre et finira
dévorer . L'or et l'argent qui ont une valeur intrinseque doivent
détruire le papier qui n'en obtient que par la confiance. Charlier
desire que ces métaux restent marchandise et servent pour
les échanges avec l'étranger , mais qu'ils ne soient pas convertis
en mangaie .
Ricord est d'avis que la réduction de l'assignat au mare
d'argent , achevera son discrédit ; il propose de les échanger
pour des contrais territoriaux qui n'auraient pas de cours
force , e qui pourraient être employés au paiement des domaines
nationaux..
Hoffman opine pour la démonétisation des assignats . I
demande qu'on ne laisse dans la circulation que ceux de
cent sous et au- dessous , et que pour employer les autres on
établisse nne caisse d'amortissement , des loteries , qu'on donne
des inscriptions , enfin , qu'on les reçoive en paiement des
domaines nationaux et des impositions . Rousseau le combat.
Selon lui , les billets de banque pourraient être substitués aux
assignats , et pour les accréditer ils porteraient intérêt . La
discussion est ajournée .
Séance de décadi , 20 Floréal.
Plus de la moitié des communes du département du Jura
se sont réunies pour demander à la Convention le rapport
du décret du 17 nivôse , sur les donations et les successions ;
quant à l'effet rétroactif elles taxent de déshonorante pour la
nation et de criminelle cette disposition , et croient que sa retractation
est le seul moyen de ramener la paix dans les familles .
Leur pétition est renvoyée au comité de législation ,
La Convention avait décrété qu'elle n'entendrait aujourd'hui
les pétitionnaires que jusqu'à une heure , pour discuter ensuïte
le plan de gouvernement de la commission des onze . Quelquesuns
ayant été entendus , Vittard parle le premier et se déclare
contre le projet de la commission . Il attaque sur- tout l'attri
Y 4
( 344 )
bution au comité de salut publie de la nomination aux places
administratives , et à celui de législation , de l'examen des inculpations
faites contre les députés .
Lesage d'Eure et Loire ) : On veut placer la confiance
dans les hommes , et moi je ne peux en avoir que dans les
lois . La garantie des droits des citoyens est dans la division
des pouvoirs . Adopter le projet de la commission ce serait
créer un comité de tyrannie . Il faut enfin revenir aux priucipes
et ne pas croire qu'en continuant de faire mal , on puiste
Jamais opérer le bien. La position des Américains a été la
même que la nôtre , ils ont eu les mêmes obstacles à vaincre ,
les mêmes ennemis à combattre au dedans et au dehors . Ils
avaient aussi une Convention , mais à côté d'elle se trouvait
une autorité exécutive très - distincte. L'Angleterre , pendant sa
révolution , eut un parlement qui goaverna , et il s'éleva un
Cromwel qui fraya le chemin du trône à Charles . Nous avons
eu notre Cromwel , prenons garde d'avoir un Charles II. Lesage
conclut en demandant l'établissement d'un conseil exécutif
composé de sept membres et subordonné au comité de salut
public . La discussion est interrompue par la lecture que donne
an des secrétaires de la lettre des représentants du people près
les armées de l'Ouest et des côtes de Brest et de Cherbourg ,
qui annoncent que la Vendée est entierement pacifice . Stoflet
et les chefs de son armée se sont soumis à la République ,
ont promis de ne plus porter les armes contr'elle , et de remettre
dans le plus bref délai , l'artillerie qui est en leur possession . ( Applaudi. ) ( Voyez Nouvelles en leur possession.
)
Mathieu , au nom du comité de générale , fait un
rapport sur les événemens arrivés à Lyon le 15 floréal . Les
citoyens de cette commune, indignés de l'inaction de la justice
contre les égorgeurs de leurs parens et de leurs amis , se sont
rendus aux prisons et vengés eux - mêmes sur les assassins détenus
dans les prisons de Roanne. Les prisonniers de la maison
des Recluses ayant appris qu'un rassemblement se portait sur
eux , ont mis le feu à la prison. Il a été éteint après 4 heures
de peines . Les représentans et les autorités constituées ne
pouvaient modérer la fureur du peuple. Il y a eu 70 personnes
inées .
Séance de primedi , 21 Floréal.
La section du Mont-Blanc demande le rapport de l'art. IV
de la loi du 12 floréal qui viole la liberté de peaser et d'écrire
en faisant poursuivre par les tribunaux criminels ceux qui
par des écrits ou des discours séditieux , provoqueraient l'avis
lissement de la représentation nationale . Vous n'oubliez pas ,
dit-elle , les services rendus à la liberté publique par celle
de la presse on semble redouter l'avilissement de la Convention
un corps ne peut être avili que par ses propres
actions. Votre credit repose sur la moralité de chacun de
( 345 )
1
vons ; bravez la calomnie , triomphez de la médisance , et.
soyez toujours justes .
Chenier , sur le rapport daquel a été rendu le décret contre
lequel s'elevent de fréquentes réclamations , demande la
parole . Il s'occupe à justifier son rapport. Il demande pour
quoi ce débordement d'injures contre lui , lorsqu'il n'a été
que l'organe des comités réanis ? pourqasi on veut faire
passer pour terroristes ceux qui se plaignent du systême de
diffamation qui s'établit ? Il cite Rabant St. Etienne qui, dans des
circonstances pareilles , compara la liberté de la presse à la
liberté de la parole . Il observa que n'étant pas permis d'insulter
un citoyen parparoles , il ne devait pas être plus permis
de l'insulter par écrit. La Convention charge son comité de
législation de lui présenter un projet dans lequel seront précisés
les cas d'avilissement et de provocation qui doivent
appeller l'animadversion des lois .
On rouvre la discussion sur le plan de la commission
des onze.
Fréren , dans un discours vivement applaudi , le combat
de même que celui de Thibaudean . Il prouve que ces projets
en donnant au gouvernement plus d'intensité et de force ,
lui donneraient aussi plus de moyens de tyrannie que n'en
eut jamais l'ancien comité de salut public . I demande que
sextidi prochain , la discussion s'ouvre sur la question de
savoir s'il sera nommé un conseil exécutif provisoire , que
le comité de salut public surveillera . Il vent qu'on ne donne
que deux mois de délai à la commission des onse pour présenter
son travail sur les lois organiques , qu'au mois après
ces lois soient soumises à la sanction du peuple , et que la
Convention après avoir demeuré encore six mois à son poste
pour s'assurer de la marche du gouvernement , soft remplacée
par le corps législatif .
1
Des débats s'élevent sur celui des projets auquel on donnera
la priorité . Cambacérès l'obtient pour le sien , et il est décreté
en ces termes :
Art. Ier . Les attributions données aux différens comités ,
par la loi du 7 fructidor , sont maintenues , et cette loi continncia
d'être exécutée dans toutes les dispositions auxquelles
il ne sera pas dérogé par le présent décier.
II. Le comité de salut public prendra seul tous les
arrêtes relatifs aux mesures d'exécution sur les matieres qui
forment ses attributions actuelles , et les divers comités con
serveront la proposition des lois à faire sur les mêmes matieres.
" III. Les dépenses seront ordonnancées par les comités
de salut public et des finances . H y aura pour cet effet une
section composés de trois membres du comite des finances
et de trois membres du comité de salut public .
» IV. Les réunions des comités se feront dorénavant pær
( 346 )
quatre commissaires de chaque comité ; néanmoins la réunion
avec le comité de sûreté générale sera entiere dans tous les cas .
" V. Le comité de salut public se divisera en sections qui
se partageront la correspondance des commissions exécutives ,
présentera sous trois jours le plan de son organisation .
Cambacerès proposait de maintenir la réunion en entier
des trois comités de législation , de sûreté générale et de
salut public , dans les cas de la loi du 8 brumaire , sur la
garantie de la représentation nationale ; mais Louver demande.
que le comité de législation soit chargé de présenter un
autre mode sur cette garantie.
La motion de Louvet est décrétée .
Sur le rapport du comité de sûreté générale , la Convention
décrete que le représentant Garnier ( de Saintes ) , envoyé
dans les envirous de Paris , reviendra sur - le- champ , à Paris
pour donner des renseignemens dont on a besolu .
PARIS . Quartidi 24 Floréal , l'an 3º . de la République .
L'agiotage continue plus que jamais son jeu infernal
au palais Egalité . A mesure que l'on discute sur la șituation
des finances , et qu'on présente quelque nouveau
systême sur les assignats , les spéculateurs sur le crédit
et la fortune publique , épient la moindre opinion qui
peut influer sur le discrédit pour faire hausser précipitamment
les denrées , ainsi que l'argent . Le louis est
monté au- dessus de 400 liv . Tant qu'on se contentera
de discourir vaguement sur cette matiere si délicate et
si importante , tant qu'on n'embrassera pas un plan
suivi , on ne fera qu'exciter les inquiétudes et augmenter
la défiance .'
Cependant on s'occupe de la formation du jury
chargé de faire choix de soixante agens -courtiers de
banque de Paris , pour mettre un frein à l'agiotage . Voici
les noms des citoyens qui doivent composer ce jury :
Rousseau , Bagnenault , banquier ; Revil , marchand ; Falchiron
, banquier ; Bernier , marchand ; Lesguillers , marchand
épicier ; Mailer fils ainé , banquier ; Carnier , marchand ,
Lang , banquier ; Delondres ; Perregaux , banquier ; Morliere ,
marchand ; Millot , marchand ; Pochet , négociant ; Enfuntin ,
bauquier : Gerbet , négociant ; Lemoine , marchand , Dufayer ,
négociant ; Olivier ; Louis Monneron ; Lecouteux - Canteleux ;
Boursier ; Abeille ; Decretot , fabricant ; Goudard , fabricant ;
Brochan . f
Le jury se rassemblera sans délai , et fera son choix parm
les citoyens les plus probes et les plus incelligens , en éloii
guant tous ceux connus jusqu'à ce jour per le jeu des effeta
et marchandises .
( 347 )
Les papiers de Hollande et des lettres particulieres rapportent
le traité d'alliance qui vient d'être arrêté entre la République
Française et celle des Provinces- Unies . En voici la teneur :
Art. Ier. La république batave est libre et indépendante .
,, II . Alliance defensive et offensive entre les deux répu
bliques .
III. Il ne sera pas au pouvoir d'aucune des deux puissances
de faire une paix exclusive .
IV. La république batave entretiendra , durant la campagne
prochaine , 12 vaisseaux de ligne et 18 frégates ; ce nombre
sera augmenté s'il estnecessaire de faire une seconde campagne.
9 V. Durant la guerre , les forces navales et les forces de
terre de la république batave , destinées à agir contre l'ennemi,
seront sous le commandement des généraux français .
" V1I. La république française rend , sans différer , à la répu
blique batave , tous les pays au- delà du Rhin et du Waal
ayant appartenus aux Provinces - Unies qu'elle a subjugués
dont elle est en possession .
sera
9 VII. Le pays situé en- deçà du Waal et du Rhin , à l'exception
de celui dont il sera parlé dans l'article VIII ,
occupé par des troupes françaises jusqu'à ce qu'à la paix il en
soit disposé ulterieurement.
,, VIII. Sont exceptées les villes et territoires suivans ; savoir
, Maëstricht , Venlo , Breda , Bergop - Zoom , et le reste du
pays , depuis cette derniere ville jusqu'au marquisat d'Anvers ,
ainsi que les districts formant les deux bords du Hond ; savoir,
à la droite , des isles de Zud - Beveland et Walcheren ; et la
gauche , de la Flandre hollandaise ; ces villes et territoires
resteront au pouvoir des Français jusqu'au moment où le sort
de la Belgique sera décidé ,
IX. La république française aura la faculté de mettre garnison
, jusqu'à la paix dans telle place forte qu'elle jugera
nécessaire pour couviir le pays.
›› X. La navigation sur le Rhin , la Meuse et l'Escaut , ainsi
que toutes lears branches , jusqu'à la mer sera libre aux deux
nations .
,, XI . La république batave paiera à la république française
les frais de la guerre qu'elle a été obligée de soutenir contre
elle. La république batave pourra s'en libérer moyennant une
indemnisation équivalente , et qui pourra se régler à l'amiable
entre les deux républiques ; il devra se payer sans delai un à
compte , qui ne pourra être moins de vingt millions de florins
de Hollande , en argent on lettres - de - change sur la France ou
pays neutre. "
NOUVELLES OFFICIELLES.
Déclaration des chefs de l'armée catholique et royale d'Anjou et
#
du Haut-Peitou .
Nous général en chef es, officiers de l'armée catholique et
( 348 )
า
royale de l'Anjos et du Haut - Poiton , déclarons qu'animés
de desir de la paix , nous n'en avons retardé la conclusion
jusqu'à ce jour que pour consulter les veux du peuple , dont
les intérêts nous étaient confiés , et celui des chefs de l'armée
catholique et royale de Bretagne ; aujourd'hui que ce voeu est
prononeé , tant dans l'écrit en date du 13 février 1795 , intitulé
, Paroles de paix , que dans la déclaration du per , floréal ,
mous adhérons aux mesures prises par les représentans pour la
pacification des département insurgés , en nous soumettant aux
fois de la République uae et indivisible , promettant de ne
jamais porter les armes contre elle , de remettre dans le plus
bref délai notre artillerie .
9
Eh ! puisse cette démarche de notre part éteindre le flambeau
des discordes civiles et montrer aux nations étran
geres que la France n'offre plus qu'un peuple de freres , comme
Dous desirous qu'elles ne forment bientôt avec elle qu'une
société d'amis.
Nous invitons les représentans du peuple , qui ont concouru
à la pacification , à se transporter à la Convention nationale
pour y exprimer la sincérité de nos voeux , et détruire les
soupçons qu'eleveront les malveillans sur la loyauté de nos
intentions.
Signés , Stofflet , de Beauvais , Monnier , Launay , Cesbron ,
Michelin , Caris , Guichard , Lhaillier , Jouselin , Nicolas ,
Cocu , Marné , Perere , Dupouet , Legosi , C. Fongeray ,
Dumenil , Palierne , Cheton , Cody , Forestier , Thibaut
3. Châlon , Girault , Bobert , Barré , secrétaire -général ; par
adhesion , Bernier .
Copiede la lettre écrite , le 16 féréal , au comité de sûreté générale ,
par le représentant du peuple Boisset , en mission dans les dépar
temens de l'Ain , l'Isere , Rhône , Loire , Saône et Loire...
"
Combien je vais affliger vos coeurs , citoyens collegues ,
en vous retraçant le funeste événement qui vient d'avoir lieu
en cette ville ! Je vous prévenais , par ma lettre du 5 de
ee mois , de l'état de Lyon , du peu de force qui était
notre disposition , des rassemblemens qui se formaient autour
des prisous , de l'impuissance où je serais d'arrêter des malheurs
s'il y avoit un mouvement je vous demandais aussi des
forces ou des mesures répressives contre les hommes de sang ;
mes fettres qui ont succédé à celle du 5 , vous annonçaient
et le calme et mes craintes : déja sévissant contre les émigrés ,
j'étais parvenu à les faire rétrograder ; tout m'annonçait la tranquillité
.
,, Hier on jugeait un nommé Bonnard , dénonciateur
sonny ; le people s'est pouté en foule pour être témoin de
son jugement : le président voulut faire évacuer le parquet ;
les esprits étaient échauffés ; un sergent donna , dans le tumulte ,
l'ordre de parter les armes ; on crut entendre celui de charger lep
( 549 1
1
1
1
1
!
armes ; plusieurs soldats , dit- on , chargerent. Co mal- entenda
pensa faire naître un massacre horrible : les rassemblemens sé
porterent à la prison de Roanne , qui est située à côté de la
salle du tribunal. A sept heures et demie je fus informé , par
un officier municipal , de ces mouvemens ; un moment après
le général de brigade Cesar m'envoya ua hussard pour m'avertir
que toute la garnison se portait à cette prison , mais qu'elle
serait insuffisante . Je fis aussitôt seller un cheval , et seul ,
accompagne de moa secrétaire , je me transportal à certa
prison ; il n'était plus tems , les victimes desiguées n'étaient
dėja plus.
:
..
" Je parlai au peuple ; je parvios le calmer des cris de
vive la Convention se sout fal, entendre ; une foule iunombrable
m'entoure , et saisit la bride de mon cheval . Je ne sus
dans le premier instant , ce que cela deviendrait ; mais des
torrens de larmes inonderent mes mains ; tout le peuple criait :
Les monstres ont fait assassiner mon père ; celui-ci a fait égorger
mon frere ; celui - là m'a privé de toute ma famille , et la Convention
se tail sur ces scélérats ! Je partai jusqu'à extinction de
voix ; le tumulte se prolongeait dans les tenebres ; le peuplo
était furieux contre le batailion de l'Isere ; un combat allait
s'engager j'ouvris les yeux au peuple ; tout s'appaisa er ja
me rendis à la commune pour donner des ordres , pour que
les autres prisons fussent investies par une force respectable.
Un rappel fut battu dans tous les quartiers ; les citoyens se
rassemblerent ; dix mille hommes , mais la majeure partie sana
armes , se porterent aux autres prisons pour en défendre l'entrée .
Les magistrats se rendirent par- tout ; la force et leur voir
farent impuissantes , les détenus mirent le feu à la prison dite
des Recluses ; il fit des progrès ; malgré tous les efforts , le
feu et les mouvemens ne furent appaisés qu'au bout de 4 heures .
Des rapports qui me fatent faits par l'état major de la place ,
m'annonçaient que plusieurs des prisonniers étaient armes .
Plusieurs causes ont fait naître cette sanglante catastrophe :
le silence de la Convention , l'audace des partisans du systême
de terrear , les derniers événemens qui ont eu lieu à Paris ,
et l'arrivée des journaux qui apprirent et les danges que la
Convention conrait sans cesse , et les nouvelles tentatives de
la section de Montreuil. Je vous ai dit toujours la vérité , et je
vous la dirai toujours si vous ne prenez des mesures géné
fales pour punir les oppresseurs , si vous ne vous occupez du
sort de ceux qui furent opprimés , il naîtra des maux incal
culables .
" Les autorités constituées rédigent les procès - verbaux de
cette affligeante nuit ; des qu'ils me seront parvenus , je vous
les enverrai . Je ne puis vous donner de grands détails sur le
embre des personnes tuées ; il peut se porter de soixante
à soixante-dix : tous les autres prisonniers ont été respectés.
Ca que je puis vous dire , mea chers collegues , c'est que la
( $50 )
force armée de cette ville a ete paralysée par le peuple en
masse .
Je prends tous les renseignemens nécessaires pour décoùvrir
les chefs de cet attroupement ; deux hommes marqués
avaient été arrêtés par ordre du maire , et remis entre les
mains de la garde nationale ; mais ils se sont échappés . Défiezvous
des rapports mensongers qu'on pourrait vous faire ; sans
doute on va les exagérer ; soyez certains quej'ai fait tout ce qui
á été en mon pouvoir pour que la représentation nationale
fût respectée , et que j'ai fait mon devoir. Tout est calme en
ce moment . "
Salut et fraternité . 1 Signé , BOISSET .
F. S. Dans ma lettre du 14 , je vous prévenais que j'avais
donné des ordres à Mâcon et à Roanne pour arrêter la marche
de l'ex- commission temporaire. J'apprends à l'instant , par
un courier , que le district a reçu , deux heures après mes dés
pêches , les vôtres sur le même objet , et que les six prévenus
sont constitués dans les prisons de Roanne.
TRIBUNAL REVOLUTIONNAIRE.
Jugement renda contre Fouquier- Thinville at ses complices.
Vá
par le tribunal
la déclaration
du jury
, portant
:
1º. Qu'il
a été pratiqué
an tribunal
révolutionnaire
, séant
à Paris
, dans
le courant
de l'an
s * . de la République
Française
,
des
maneuvres
ou complots
tendans
à favoriser
les projets
liberticides
des
ennemis
du
peuple
et de la République
, à
provoquer
la dissolution
de la représentation
nationale
et le
renversement
du régime
républicain
, et à exciter
l'armement
des
citoyens
les uns
contre
les autres
;
Notamment , en faisant périr , sous la forme déguisée d'un
jugement , une foule innombrable de Français , de tout âge et
de tout sexe , en imaginant , à cet effet , des projets de conspiration
dans les diverses maisons d'arrêt de Paris ;.
En dressant ou faisant dresser , dans ces différentes maisons
, des listes de proscription ;
En rédigeant , de concert avee certains membres des anciens
comités de gouvernement , des projets de rapport sur ces prétendues
conspirations , propres à surprendre la religion de ces
comités et de la Convention nationale, et à leur arracher dei
arrêtés et des décrets sanguinires ;
En amalgamant dans le même aute d'accusation , mettant
en jugement , faisant traduire à l'audience et au supplice plusieurs
personnes de tout âge , de tout saxe , de tout pays , et
absolument inconnues les unes aux autres ;
En requerant et ordonnant l'exécution de certaines femmes
qui s'étaient dites enceintes , et dont les gens de l'art avaient
declaré ne pouvoir par constater l'état de grossesse ; {
( 351 )
En jugeant , dans deux , trois ou quatre heures au plus
30 , 40 , 50 , et jusqu'à 60 individus a - la - fois ;
En encombrant sur des charrettes , destinées pour l'exécu
tion du supplice , des hommes , des femmes , des jeunes gens ,
des vieillards , des sourds , des aveugles , des malades et des
infirmes ;
La faisant préparer des charrettes dès le matin , et longtems
avant la traduction des accusés à l'audience ;
En ne désiguant pas dans les actes d'accusation , les qualités
des accusés d'une maniere précise , de sorte que , pat
cette confusion , le pere a péri pour le fils , et le fils pour
le pere ;
་ ་
En ne donnant pas aux accusés connaissance de leur acte
d'accusation , ou la leur donnant au moment où ils entraient
à l'audience ;
En livrant , avant la rédaction des jugemens , la signature au
greffier , sur des papiers blancs , de sorte qu'il s'en trouve encore
plusieurs dans le préambule et le vu desquels se trouvent
rappelées grand nombre de personnes qui toutes sont exééutées
, mais contre, lesquelles ces jugemens ne renferment aneuve
déposition ;
En n'écrivant pas , on en ne faisant pas écrire la déclara
tion de jury au bas des questions qui lui étaient soumises ;
Lesquelles deux dernieres prévarications , suite nécessaire
de la prevarication criminelle des jages dans l'exercice de
leurs fonctions , ont pu donner lieu à cette foule d'erreurs et
de méprises , dont une se trouve parfaitement constatée dans
la personne de l'infortuné Perès ;
}
En refusant la parole aux accusés , à leurs défensears , en
se contentant d'appeler les accusés par leurs noms , âges et
qualités , et leur interdisant toute défense ;
En faisant rendre , sous prétexte d'une révolte qui n'exista
jamais , des deereis pour les mettre hors des débats ;
En ne posant pas les questions soumises au jury , en présence
des accusés ;
ba choisissant le juré , au lieu de les prendre par la voie
du sort;
En substituant aux jares de service d'autres jurés de choix
En jugeant et condamnant des accuses sans témoins et sans
pieces ;
En n'ouvrant pas celles qui étaient envoyées pour leur
conviction ou leur justification , et ne voulant pas écouter les
temoins qui étaient assignés ;
En mettant en jugement des personnes qui ont été condamnées
, exécutées avant la comparution des témoins et l'ap
port des pieces demandées et jugées nécessaires pour effectuer
leur mise en jugement ;
En faisant conduire sur le lieu destiné au supplice un grand
nombre d'accusés , et rester exposé pendant le tems de leur
Y
( 352 )
exécution , de cadavre d'un de leurs co-accusés , qui s'était
poignardé pendant la prononciation du jugement ;
En donnant une seule déclaration sur tous les accusés en
masse ;
En proposant de saigner les condamnés , pour affaiblir lé
courage qui les accompagnait jusqu'à la mort ;
$
En corrompaut la morale publique par les propos les plus
atrocés et les discours les plas sanguinaires ;
En entretenant des liaisons , des correspondances et des
intelligences avec les conspirateurs deja frappés du glaive de
la loi ;
29. Que Fouquier est auteur de ces manoeuvres et complots ,
et qu'il a agi avec de mauvaises intentions ;
3. Qu'Etienne Foucault , ex -juge ;
Gabriel-Toussaint Scellier , ex président ;
François - Pierre Garnier Delaunay , ex-juge ;
Pierre- Nicolas -Louis Lerei , dit Dix-doût , ex-juré ;
Léopold Renaudin , ex- juré ;
Joachim Villatte , ex-juré ;
Jean Louis Prieur , ex juré ;
Claude-Louis Châtelet , ex-juré ;
François Girard , ex-juré;.
Pierre Joseph Boyenval , tailleur d'habits ;
Pierre-Guillaume Benoit , ci- devant agent du pouvoir exé .
catif;
Marie-Joseph-Emanuel Laane , adjoint à la commission
des administrations civiles , police et tribunaux , ex-juge ;
Joseph Verney , ci - devant porte clés au Luxembourg :
François Dupommier , ex administrateur de police ;
A. M. J. Hermanu , commissaire des adininistrations civiles ,
police et tribunaux , ex- président , ue sont pas auteurs , mais
qu'ils sont complices de ces maneuvres et complots , et qu'ils
ont agi avec de mauvaises intentions , le tribunal a condamné
les susnommés à la peine de mort .
4°. Qu'Antoine maire , ex-juge ; Gabriel Deliege , ex- président
; Marie-Claude Naulin , substitut , ex-président ; Fran-
Fois-Marie Delaporte , ex-juge ; Jean-Baptiste Lohier , ex-juge ;
François Trinchard , ex-juré ; Jean- Etienne Brochet , ex-juré ;
Pierre -Nicolas Chrétien , ex-juré ; George Gauney , ex-juré ;
Benoît Trey , ex - juré ; Jean Guyard , ancien concierge du
Luxembourg J. L. Valuguose , peintre ea bâtimens , ne sont
poiut auteurs , mais qu'ils sont complices de ees maneuvres
et complets , mais qu'ils n'ont pas agi avec des mauvaises intentions
, le tribunal les a acquittés .
5°. Que Jean - Baptiste- Toussaint Beausire , vivant de son
bien ; Maurice Lupray , ex -jūrė , ne sont ni auteurs ni complices
de ces manoeuvres et complots , le tribunal les a également
acquittés ,
( N ° 48. )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 30 FLORÉAL , l'an troisieme de la République .
( Mardi 19 Mai 1795 , vieux style . )
HISTOIRE POLITIQUE .
APPEL à l'impartiale postérité , par la citoyenne ROLAND ,
femme du ministre de l'intérieur , ou Recueil des écrits
qu'elle a rédigés pendant sa détention aux prisons de l'Abbaye
et de Sainte - Pélagie ; imprimé au profit de sa fille
unique , privée de la fortune de ses pere et mere , dont les
biens sont toujours séquestrés . Premiere et seconde partie ,
avec cette épigraphe : Que ma derniere lettre à ma fille
fixe son attention sur l'objet qui paraît être son devoir
essentiel , et que le souvenir de sa mere l'attache
aux vertus qui consolent de tout ; tirée de
l'écrit intitulé : Mes dernieres pensées . A Paris , chez
LOUVET, libraire , maison d'Egalité , galerie neuve , der
riere le théâtre de la République , no . 24.
PREMIER EXTRAIT.
C'EST à la révolution et aux calamités qui en ont été
la suite que nous devons l'avantage de connaît.e un
de ces grands caracteres , dont le spectacle ne manque
jamais de nous causer un ravissement délicieux , que
notre ame se plaît d'autant plus à contempler , que la
nature n'en produit que rarement , et comme pour co
soler l'espece humaine de sa faiblesse , en lui montrant
la mesure de la grandeur où elle peut atteindre . Ce
caractere est celui d'une femme , de la citoyenne Roland ,
qui par son éducation et ses principes était destinée à
vivre dans une obscurité dont'elle s'honorait , et qui l'é
levait à ses propres yeux . Mais dans ces mouvemens
extraordinaires et terribles des sociétés , où le voile uniforme
qui les couvre ordinairement est déchiré , où les
lois et tous les liens artificiels destinés à comprimer les
passions sont brisés , presque tout ce qu'elles renferment
de bon et de mauvais est forcé de se montrer , par
Tome XV. Z
( 354 )
l'effet d'un bouleversement qui ne laisse rien à sa place.
Dans cette fermentation du corps politique , dans ce
mouvement impétueux des élémens qui le composent,
parmi la lie qui s'éleve à sa surface , parmi ces objets
vils et hideux et ces monstres dégoûtans nés de la corruption
sociale , paraissent quelques êtres distingués par
leur génie et leurs vertus , comme des plantes bienfaisantes
parmi des poisons . Ces qualités qui les font remarquer
sont un danger de plus pour eux , et ils pont
bientôt engloutis par le débordement populaire avec
le limen et les nombreux débris qu'il entraîne.
Tel a été le sort de la citoyenne Roland , une des
victimes sur lesquelles le crime a exercé ses fureurs . Un
esprit vif et pénétrant , et le goût des lettres puisé dans
des lectures précoces , l'avaient rendue capable d'écrire
avec succès . Elle avait cultivé ce talent sans aucune
prétention à la célébrité , sans but , sans dessein , et par
le seul effet de ce besoin de s'exercer qui poursuit une
ame active . Unie à un homme qui écrivait sur les arts ,
le commerce et l'économie politique , elle partageait
ses travaux littéraires , comme la femme d'un artisan
partage quelquefois ses travaux méchaniques . Lorsque
Roland fut élevé à la place de ministre , la même association
de travail eut lieu entre lui et son épouse , et
par la lecture des écrits de celle - ci , on sera convaincu
que ce n'était pas sans un grand avantage pour l'homme
public. Ils devinrent bientôt l'un et l'autre les objets
de la calomnie . C'est pour la confondre que la citoyenne
Roland a composé dans sa prison l'ouvrage que nous
annonçons. Elle pouvait se passer de ce secours qui ,
inutile à sa justification , servira beaucoup à sa gloire et
au plaisir de ses lecteurs. La citoyenne Roland était
sans doute pénétrée de l'impuissance des efforts du
crime contre la vertu . Mais elle a cédé peut - être à cet
instinct moral qui a tant de pouvoir sur la femme , qui
la soumet plus particulierement à l'opinión , et lui rend
l'estime d'autrui plus nécessaire . Prête à monter à l'échafaud
, elle a vu les yeux de la postérité fixés sur elle ,
elle n'a voulu laisser aucun nuage sur sa réputation ;
c'est Thisbé , qui en tombant et prête d'expirer , s'oc、
cupe des derniers soins de la pudeur , et arrange ses
vêtemens .
En lisant les écrits de la citoyenne Roland , on trouve
en elle une vigueur d'esprit , une élévation de sentimens
et des formes originales qui n'ont rien de ce caracters
( 355 )
monotone, froid et sans consistance que donnent aux ames
T'éducation et les gouvernemens modernes. On ne sera
point surpris de cette singularité , lorsqu'on apprendra
d'elle -même , qu'à l'âge de huit ans elle portait à l'église ,
au lieu d'une semaine sainte , les vies des hommes illustres de
Plutarque.... Que dans les premiers élans de son jeune caur ,
elle pleurait , à douze ans , de n'être pas née spartiate ou
romaine . Elle est un exemple propre à faire sentir combien
est important le choix des premieres impressions
à donner aux hommes. Uu de ces hasards , qui quelquefois
ne président pas moins à notre éducation qu'à
notre naissance , une lecture fortuite faite à l'âge où
notre ame reçoit sa premiere forme , avait peut-être.
donné à celle de la citoyenne Roland une empreinte
tout- à- fait étrangere à son siecle et à son pays . Lorsque
la révolution française arriva , elle crut recevoir une
nouvelle existence , une nouvelle patrie , et les seules
qui convenaient à ses sentimens , J'ai cru , dit - elle , y
voir l'application inespérée des principes dont je m'étais
nourrie . Hélas ! tous les esprits n'étaient pas préparés ,
comme le sien , à cette nouvelle, maniere d'être . Nous
avons trop éprouvé que l'air de la liberté ne va pas à
tous les tempéramens . C'était, le véritable élément de
la citoyenne Roland . Elle y yoyait la source du bonheur
et de la perfection de l'espece humaine . Pour être
frappée , comme elle l'avait été au sortir de l'enfance
de ce que l'histoire des peuples libres de l'antiquité
présente de sublime et de grand , il fallait peut - être
aussi que la nature lui eût donné une organisation forte
et une sensibilité profonde , capables de disposer son
ame à recevoir les impressions du beau . Quoi qu'il en
soit , ayant vu que la liberté avait donné la vie aux
gouvernemens anciens qu'elle admirait , et qu'elle y
avait été le principe des actions et des vertus qui étonnent
encore notre faiblesse , elle s'était fortement pénétrée
du sentiment qui les avait produites , et qui , transformée
en passion chez elle , ne lui laissait envisager
qu'avilissement et misere par- tout où la liberté n'était
pas. La citoyenne Roland existait fictivement à Athenes ,
à Rome , à Sparte , en attendant que la France devenue
libre , lui offrit une patrie plus réelle et digne d'elle.
Les ouvrages des anciens , dans lesquels si peu de
gens savent lire , n'avaient pas moins influé sur son
esprit que sur son caractere . Ils avaient donné sans
doute à son style une teinte particuliere qui semble la
Z &
Cup ( 356 )
1
et
distinguer des femmes qui jusqu'à présent avaient écrit
parmi nous. En contemplant ces divins modeles ,
s'identifiant avec eux , elle s'était sans doute rendu
propre le secret de cet art , qui dans leurs écrits produit
d'autant plus d'effet qu'il se montre moins ; cette
simplicité qui s'allie avec la plus grande élévation ; ce
goût pur qui rejette ce qui n'est qu'ornement frivole et
vaine enflure , et ne dédaigne rien de ce qui rappelle
la nature . Aucune fausse délicatesse ne retenait les anciens
. Tout ce qui sous la plume peut réveiller un sentiment
, ou peindre un caractere , était recueilli et présenté
par eux , sans affectation et avec un charme inattendu
pour les lecteurs . C'est par les détails qu'ils intéressaient
principalement. On en trouvera dans les
écrits de la citoyenne Roland qui ne dépareraient point
les dialogues de Platon . C'est ainsi qu'elle rapporte la
rencontre qu'elle fait d'un chien dans un des momens les
plus importans de sa vie . Un des plus beaux poëmes de
l'antiquité est embelli par un trait qu'a fourni au pinceau
d'Homere l'aimable instinct de cet animal . Les
détails sont assez du ressort de l'esprit des femmes , qui
apperçoit rapidement et saisit les nuances des objets.
Mais parmi les esprits capables de voir beaucoup de
choses , il en est peu qui les voient dans leurs vrais .
rapports . La justesse de celui de la citoyenne Roland
égale sa pénétration ; il se porte sans efforts vers tous
les sujets , et n'en rapporte que des impressions vraies
qu'elle rend avec energie , et non- seulement avec cette
grace particuliere à son sexe , mais encore avec celle
qui naît de cette supériorité qui s'ignore elle - même , et
que pour cela on nomme quelquefois génie ou talent.
L'éditeur des écrits de la citoyenne Roland dit , dans l'avertissement
mis à la tête de la premiere partie , qu'elle
était supérieure à quelques égards , aux Sevigné et aux
Maintenon , parce qu'elle était beaucoup plus instruite que
ces deux femmes célebres . Ce jugement n'étonnera point
ceux qui savent que ces femmes vivaient dans un siecle
où le despotisme politique et le despotisme religieux
retenaient les esprits dans un cercle d'idées très - limité.
Dans une pareille situation , les imaginations ne peuvent
s'exercer que sur un petit nombre de pensées qui reviennent
toujours , et qui par cela même se subtilisent
sans cesse . Par cette espece de volatilisation , que le
besoin de la variété rend nécessaire , elles deviennent
plus agréables à mesure qu'elles acquierent plus de
( 557 )
légereté. On se pique donc de briller par de certaines
qualités déliées , et ceux qui ne les ont point lès
affectent . A la vérité , les arts qui s'accommodent assez
de la servitude , et qui en déguisént les chaînes, répandeut
alors un certain goût de grandeur qui n'a rien d'alarmant
pour le desposte , puisque ce goût ne se porte que
sur des objets frivoles . D'ailleurs , ceux qui se bornent
à jouir de ces arts ou à les juger , se concentrent dans
de petits intérêts de société , auxquels on s'efforce vainement
de donner de l'importance. La politesse qui supplée
à la véritable dignité , ôte à toutes les ames leur forme
originale , pour y substituer un masque uniforme , et
les habitue à toute la froideur des formules . Comme
dans cet état des choses aucun sentiment n'est profond ,
celui de l'amour même semble perdre de sa force naturelle
, et prend , sous le nom de galanterie , ce caractere
léger qui retrace bien plus un besoin d'intriguer
et de s'occuper , que celui de sentir . La galanterie , ainsi
que les affections de famille ou de liaison , devient donc
le sujet dominant des ouvrages des femmes capables
d'écrire . La stérilité de la matiere les force à employer
une variété de tours et d'expressions qui a bien quelque
charme , mais qui ne parvient jamais à corriger la monotonie
du fond. Leur style froid et sec , conforme aux
objets qui les occupent habituellement , ne sait plus
se proportionner à ceux qui demanderaient de la chaleur
, de la noblesse et de l'élévation. Il a fallu la grande
ame de Turenne pour donner un moment un peu d'expansion
à celle de M. de Sevigné . L'esprit de la cit.
Roland a bien plus d'étendue , une trempe bien plus
forte , et bien plus de moyens de plaire et d'intéresser .
Le goût simple et noble qu'elle avait puisé dans les
anciens , joint aux connaissances et à la raison perfectionnée
des modernes , l'avaient mise au niveau de la
plupart des grands objets qui sont dignes d'occuper
l'intelligence humaine. L'érudition chez elle s'aflic
agréablement et sans pédanterie aux principes les plus
graves de la morale et de la politique . Une philosophie
qui affranchit son ame des préjugés vulgaires , et qui
semble l'élever au-dessus de la fortune et de la nature ,
bien loin de lui donner de la sécheresse et de la dureté
, augmente sa grace en lui imprimant un mouvement
plus libre et plus indépendant ; et ce qu'on admire
le plus en elle , c'est un mélange touchant du
Z 3
( 358 )
sévere stoïcisme pour elle-même , et de la plus douce
sensibilité pour les autres.
Mais la philosophie de la citoyenne Roland ne consiste
point en paroles et en maximes faites pour décorer
les pages d'un livre . Sa morale est en action ; et sur
quel théâtre ? sur le même où la vertu de Socrate reçut
le sceau de l'immortalité , en prison . On voudrait pouvoir
rapporter tout ce qu'elle y a fait , tout ce qu'elle
y a dit. Voici quelques passages de son écrit , propres
à donner une idée de son caractere . Lorsque j'entrai
entre quatre murs assez sales , au milieu desquels
99 était un grabat sans rideaux , que j'apperçus une fenêtre
à double grille , et que je fus frappée de cette
,, odeur qu'une personne accoutumée à un appartement
très- propre trouve toujours dans ceux qui ne le sont
pas , je jugeai que c'était bien une prison qu'il s'agissait
d'habiter , et que ce n'était pas du local qu'il
me fallait attendre quelqu'agrément. Cependant l'espace
était assez grand , il y avait une cheminée ,
,, couverture du lit était passable ; on me donna un
oreiller , et en appréciant les choses , sans faire de
comparaison , j'estimai que je n'étais point mal . Je
me couchai , bien résolue de demeurer au lit tant que
" je m'y trouverais bien . J'y étais encore à dix heures du
,, lendemain , lorsque Grandpré arriva ; il avait l'air non
,, moins touché , mais plus inquiet que la veille ; il
" promenait ses regards dans cette vilaine chambre qui
93
99
" " à
la
me paraissait déja passable , car j'y avais dormi. Il
" y avait une grande agitation , le rappel battait à
chaque instant , et j'ignorais ce que ce pouvait être . Ils
ne m'empêcheront point de vivre jusqu'au dernier
instant , me disais -je ; plus heureuse de ma conscience
qu'ils ne seront animés de leur fureur , s'ils viennent
" je vais à eux , et je sors de la vie comme on entre
,, dans le repos. La femme du concierge vient m'inviter
passer chez elle où elle avait fait mettre mon cou-
" vert , pour que j'y dinasse en meilleur air. Je m'y
,, rendis , j'y vis ma fidelle bonne ; lorsqu'elle se jetta
,, dans mes bras , baignée de pleurs , oppressée de
sanglots , l'attendrissement et la tristesse me saisirent ;
je me reprochai presque d'être paisible , en songeant
,, à l'inquiétude de ceux qui m'étaient attachés , et me
" représentant les angoisses de tel et tel , je sentis un
" serrement de coeur inexprimable . Pauvre fille ! que
" de pleurs je lui ai fait verser , et que ne rachetc point
99
( 359 )
*
39
" un attachement semblable au sien ! .... Je lui prouvai
" qu'à tout prendre je n'étais pas si malheureuse qu'elle
l'imaginait, et cela est vrai . J'ai expérimenté , toutes
" les fois que j'ai été malade , une sorte de calme tout
particulier , et qui tient sans doute à une façon de
voir , ainsi qu'à la loi que je me suis faite d'adoucir
toujours la nécessité , loin de me révolter contre elle .
Du moment que je me mets au lit , il me semble que
tout devoir cesse , et qu'aucune sollicitude n'a de
" prise sur moi ; je ne suis plus tenue qu'à être là , et à
y demeurer avec résignation ; ce que je fais de bonne
grace . Je donne carriere à mon imagination , j'appelle
" les impressions douces , les souvenirs agréables , les
" sentimens heureux ; plus d'efforts , plus de calculs ,
" plus de raison ; toute à la nature et paisible comme
elle , je souffre sans impatience , ou me repose et m'é-
" gaie ; je trouve que la prison produit sur moi le même
19 effet que la maladie ; je ne suis tenue aussi qu'à être
,, là , et qu'est - ce que cela me coûte ? ,, Qui ne croirait
lire un morceau de Montaigne ? Mais il n'a pas cu le
bonheur de philosopher en prison.
95
93
66
Je n'aime point à faire une grande dépense pour
ma personne , et j'ai quelque plaisir à exercer mes
forces dans les privations . L'envie m'a pris de faire une
expérience , et de voir jusqu'où la volonté humaine
" peut réduire les besoins ; mais il faut procéder par
" gradation , c'est la seule maniere d'aller loin . j'ai
" commencé au bout de quatre jours par retrancher les
,, déjeûners , et substituer au café , au chocolat , du
" pain et de l'eau ; j'ai établi qu'on ne me servirait
qu'un plat de viande commune avec quelque herbage
à mon dîner ; le soir un peu de légumes ,
" point de dessert : j'ai bu de la bierre pour me désha-
" bituer du vin , puis , je l'ai quitté elle - même . Cependant
, comme ce régime a un but moral , et que
j'aurais autant d'aversion que de mépris pour une
" économie inutile , j'ai commencé par donner une
" somme pour les malheureux à la paille , afin d'avoir
le plaisir , en mangeant le matin mon pain sec , de
" songer que de pauvres diables me devront de joindre
quelque chose avec le leur pour leur dîner. Si je
, reste ici six mois , je veux en sortir grasse et fraîche ,
n'ayant plus besoin que de soupe et de pain , et
,, ayant mérité quelques bénédictions incognito . J'ai fait
" aussi , mais dans un autre esprit , quelques présens
29
99
Z 4
( 360 )
P
99
aux gens de service de la prison quand on est ,
" ou paraît séverement économe dans sa dépense , il
faut être généreux à l'égard d'autrui pour se le faire
pardonner , sur- tout dans une situation où ceux qui
" vous entourent comptent leur gain sur cette dépense .
Je ne demande ni soins ni marchandises ; je ne fais
rien venir ; je n'emploie personne : il est clair que
" je serai la plus maussade prisonniere pour les domestiques
qui établissent leurs petits profits sur les commissions
et les fournitures dont on les charge ; il
" convient que j'achete l'indépendance où je me mets
d'eux ; c'est la rendre plus parfaite , et me faire
9, aimer en sus . " Que de grandeur et de facilité ! c'est
l'ame d'Epictete avec la délicatesse d'une femme sensible
.
La citoyenne Roland raconte comment son mari ,
par les mouvemens brusques et inattendus de la révolution
, de la place d'inspecteur des manufactures de
Lyon , fut porté au ministere. Elle fait les portraits
de plusieurs individus qui ont joué un rôle considérable
, ou qui se sont trouvés en relation avec lui ,
ceux de ses amis intimes , ainsi que ceux des ministres
qui étaient en place dans le même tems . Parmi ces
portraits , on en trouvera qui sont dignes de Salluste
et de Tacite. A cette pénétration vive et prompte
qui est propte à son
sexe pour démêler le caractere
des hommes sur leur physionomie , et à cette connaissance
du coeur humain qui fait voir dans leurs actions
les motifs qui les détermine , elle joint le talent de
les exprimer avec force et avec vérité .
Cependant , elle est tombée dans un piége dont sa
sagacité semblait devoir la garantir , mais on est bien
excusable quand c'est l'amitié qui nous égare . Elle accorde
à ses amis avec une facilité qui fait sourire , une supériorité
en talens et en vertus qui lui appartenait à
elle-même à bien plus juste titre ; elle pouvait même ,
sans blesser la modestie , les appercevoir bien loin
au-dessous d'elle . Avec des talens qui cependant
ne s'élevaient point au- dessus du médiocre , ils avaient
sans doute ces qualités qui font les honnêtes gens ordinaires
; mais il y avait trop de disproportion entre tout
cela et les circonstances où ils étaient placés , entre leur but
et leurs moyens . Considérés sous ce rapport , ils avaient
une ame petite et une courte vue . On suppose ici
qu'aucun de ces mouvemens personnels qui nous agitent
( 361 )
secrettement , ou qu'on se pardonne parce qu'ils se
trouvent joints à des motifs louables , n'ont point influe
sur leur conduite ; car les passions nous jouent souvent
ce tour , de se mettre à côté de quelque objet qui
leur serve de voile ou d'excuse . Le desir d'attacher
son nom à de grands évenemens , et pour cela de les faire
naître , a porté plus d'une fois trop légerement à se
charger de la destinée des hommes, Des idées de fortune
ne trouveraient pas même grace aux yeux de ceux
qui pardonnent tout à l'amour de la gloire . Celui qui ,
sans trembler , porte la main à l'édifice social est un
aveugle , qui bien loin d'en soupçonner les fondemens ,
n'en connaît pas même la surface . Caton eût vu périr
l'univers , si pour le maintenir il lui avait fallu violer
les lois ; l'un n'eût été à ses yeux qu'une nécessité
physique , l'autre lui eût paru un renversement de tout
l'ordre moral .
9
C'est par une suite de cette prévention excusable
pour ses amis qu'elle dit de Brissot : Savant publiciste
livré dès sa jeunesse à l'étude des rapports sociaux et des
moyens de bonheur pour l'espece humaine , il juge bien
l'homme , et ne connaît pas du tout les hommes. C'était
pourtant ceux-ci qu'il prétendait diriger , c'est avec
cet admirable fonds de science et de logique , et
quelques adages banaux empruntés des constitutions
américaines , pour les appliquer à la république universelle
, qu'il se croyait appellé à changer la face
et le sort du genre humain. Il en coûte cher aux
peuples qui ont le malheur de prêter l'oreille à de
pareils charlatans ou à de tels visionnaires . Avec beaucoup
de connaissances il a le travail extrêmement facile , et
il compose un traité , comme un autre copie une chanson ;
en effet , ceux qui ont iu les productions de cette
facilité fatrassiere de Erissot qui caractérise la nullité
du talent , s'apperçoivent aisément qu'elles n'ont pas
dû coûter beaucoup de peine à leur auteur. Indépendamment
des illusions de l'amitié qui la portent à
souscrire avec tant de condescendance à la prétendue
supériorité de certaines gens , le jugement qu'elle en
porte tient peut- être aussi à un certain respect conforme
à son caractere et à ses principes , pour ces rapports
de subordination établis par la nature entre les sexes ,
et par la société , entre l'homme et la femme . Elle
marque beaucoup de déférence pour sen mari , et dans
l'idée qu'elle s'est faité de ses connaissances adminis
( 362 )
tratives , elle ne manque pas de faire entre lui et l'homme
quile remplaça au ministere , un parallele désavantageux
à ce dernier ; parallele où l'on voit qu'il entre un peu
d'humeur échappé à sa grande ame , et bien justifié
par la situation cruelle où elle se trouvait , puisqu'elle
n'accorde que le titre d'aimable homme de société à un
des hommes les plus distingués parmi les gens de
lettres .
A cela près , elle ne porte que des regards assurés
et justes sur les personnes et sur les évenemens . Eile
voit les fautes de son parti et les avoue , elle le blâme ,
et avec raison , d'avoir cru pouvoir sans danger employer
des instrumens vils dans une entreprise qui avait -
pour objet la régénération d'un grand état. En effet ,
la liberté est trop pure , trop sainte pour comporter
l'alliance du crime. Elle n'a rien de bon à attendre ,
et a tout à craindre de ces hommes qui font un trafic
de leur prétendu patriotisme , qui ne jouent un moment
le rôle de libérateurs que pour prendre bientôt celui de
tyrans.
En voyant l'étendue des connaissances , le talent
supérieur , et le caractere sublime qui élevaient si haut
la citoyenne Roland , on sentira qu'il n'y avait que
la mort et la maniere dont elle l'a subie qui pussent
l'élever encore davantage . Mais on déplorera la perte
qu'on à faite , à la fleur de son âge , d'une femme extraor
dinaire , capable d'honorer la nation qui lui a donné
le jour , et de devenir pour elle un titre de gloire
aux yeux de la postérité . Nos descendans chercheront
parmi nous la statue de la citoyenne Roland , comme
les voyageurs cherchent la statue de Télésille parmi les
ruines d'Argos .
ANNONCÉ.
Journal des arts et manufactures , publié sous la direction de la
commission exécutive d'agriculture et des arts .
Il paraîtra tous les mois un numéro de ce journal qui sera
composé de huit à dix feuilles in - 8 ° . , avec des planches .
Prix , pour Paris , 40 liv . pour un an , et 22 liv . pour six mois ;
pour les départemens , 45 1. pour un an , et 24 1. pour six mois .
On souscrit chez Lefbore , rue des Fossés - Victor , nº . 12 ; chez
Lefbure , marchand , rue de Roban , n° . 23 , et chez tous les
libraires des départemens .
Nous nous proposons d'extraire quelquefois de ce journal des
morceaux intéressans qui serviront à faire connaître son utilité .
( 365 )
NOUVELLES ÉTRANGERES
7
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 25 avril 1795.
It paraît d'après des nouvelles de Constantinople , qui passent
pour authentiques , qu'il n'y a plus de projet de guerre sur
le tapis . Le grand- seigneur est attaqué d'une hydropisie de
poitrine ; il éprouve toute la langueur dans laquelle jette nécessairement
une maladie de consomption , et d'ailleurs le
divan rest assez occupé à pacifier les troubles occasionnés
dans plusieurs provinces par la disette des subsistances : Le
gouvernement a donné des ordres pour tirer de l'Egypte les
grains qui par bonheur s'y trouvent en abondance , et à cet
effet il a fait partir , sous l'escorte de vingt vaisseaux de guerre ,
un grand nombre de navires marchands pour Alexandrie ; d'un
autre côté , il rassemble des troupes pour disperser les bandits
dont les provinces d'Europe sont iofestés . Andrinople est dans
la situation la plus horrible . Bloquée en quelque sorte par une
armée de brigands , elle est en outre en proie à la famine
qui a déja moissonné un grand nombre d'habitans . On imagine
bien que , dans une pareille position , l'empire tare doit plus
songer à sa conservation ` qu'à sa vengeance ou à son aggrandissement.
de
Sa redoutable rivale profite de sa détresse pour s'occuper
da sien . Catherine II envoie des troupes en forces du côté
de Volhinie ; déja dans d'autres contrées nouvellement euvahies ,
elle a ordonné deux recrutemens ; le premier , d'un soldat par
200 habitans ; le second , d'un sur cent ; elle exige que
chaque recrue soit pourvue de 50 florins polonais , de 4
paires de bottes , de 4 à 6 chemises , d'une pelisse de peau
mouton ; enfin , d'un habit et d'un bonnet. On peut aisément
juger par- là du parti que la Russie doit tirer de ses usurpa
tions en Pologue , et sur-tout de l'excédent de supériorité
qu'elle acquiert sur plusienrs de ses voisins , s'ils ni laissent
tranquillement opérer cette grande réunion ; et c'est ce que
ses voisins mal avises out l'air d'être disposés à souffrir , du moins
l'Autriche car on mande des fronteres de Volhiniz , que
troupes de l'empereur se retirent pour faire place aux Ausses .
Les caisses du pays sont déja en la possession de cea derniers
. On croit que les Autrichiens se porteront vers la Vistule.
les
(
( 364 )
Le commissaire de guerre qui était à Lemberg a reçu ordre
de se rendre à Zamosc , où le quartier du général Harnoncourt
ne doit pas tarder de se porter. De plus , les troupes
Russes en Lithuanic ont reçu des renforts et sont en mouvement.
sorte
La célébration des pâques suivant le rit grec , c'est-à- dire ,
suivant la religion du conquérant qu'il essaie par une
de persécution de rendre la dominante , a commencé dans la
capitale le 12 avril . Des carousels et d'autres divertissemens
ont singulierement contrasté avec la profonde miscre des
vaincus . Le feld -maréchal Suwarow , accompagné de plusieurs
Russes et Polonais de distinction , a pris part , le soir , à ces fêtes ,
un peu moins tristes , parce qu'on commençait à recevoir des
vivres et qu'on en attendait encore par la Vistule . La province
où la disette se fait sentir le plus cruellement est la Lithuanie .
De Francfort-sur- le -Mein , le 6 mai .
On mande de Berlin que le cabinet n'a jamais eu tant
d'occupation que depuis la nouvelle de la paix ; les ministres
se rendent successivement à Postdam où le roi continue de
faire sa résidence . La Russie vient , dit-on , de renoncer à
l'acte de garantie des états prussiens dans la Silésie , et de
plus , elle a fait la déclaration formelle qu'elle ne souffrirait
plus l'existence d'un staidhouder ou d'une république dans les
Provinces- Unies dont elle veut le démembrement. L'Angleterre
passe toujours pour devoir être l'allie offensif et de feusif, de
la Russie ; on ne sait pas encore ce que fera l'Autriche si
la guerre éclate dans le Nord ; mais on répand le bruit qu'elle
'est entrée en négociation de paix avec la France par le moyeu
du comte Carletti , ministre de Toscane , à Paris , et qu'elle
a prévenu l'Angleterre qu'elle n'asistait plus sur l'emprunt de
6 millions sterling , puisqu'elle ne se proposait pas de continuer
la guerre .
Cependant , la plupart de ces nouvelles , ou plu ôt des
conséquences qu'on tire de quelques faits , sont vagues et ont
besoin d'être confrmées par des avis ultérieurs . On ne peut
hier néanmoins qu'il n'existe des indices d'une paix prochaine
du corps germanique avec la France , puis qu'on sait très - positivement
que plusieurs états assez marquans ont entamé leurs
négociations.
De ce nombre est le duc de Virtemberg qui a fait remettre
au ministere autrichien une note portant en substance que les
évenemens de la guerre , et les inconvéniens majeurs qui en
résultaient pour son pays , l'ont déterminé à se serrer
quelques autres anciennes maisons princieres d'Allemagne autour
du roi de Prusse pour traiter avec la France . Le duc ajoute
qu'il espere qu'on ne donnera à cette démarché aucune autre
avec
90971 ( 365 )
interprétation
que celle qui se présente naturellement
, c'est à dire , qu'elle est en lui l'effet nécessaire de ce qu'il doit au bien- être de ses sujets.
NHOS I
On n'est point etonne de cet empressement à s'arrangez
avec un ennemi aussi redoutable que la République Française ,
lorsqu'on lit dans les papiers allemands la notice détaillée des
contributions et requisitions exigées par les Français dans les
pays situés sur la rive gauche du Rhin , y compris les pays- bas
autrichiens ; le total est de près de 179 millions de florins ,
à 42 sous le florin , non compris ce qui a été enlevé dans les
forêts , les biens des princes , des communautés et des parti
culiers ; ce relevé paraît exact puisqu'il est le resultat des
rapports officiels envoyés à la diete de Ratisbonne .
J
། * །༩ J 291 100
Aussi ,
La désertion des co-états finira par entrainer l'Autriche
si la chose n'est déja faite. Elle renoncera sans
doute à soutenir
seulecon presque seule le fardeau de la guerre..
les dernieres nouvelles de Vienne du 22 avril , après avoir
parlé de l'ouverture solemnelle du jubilé , à une partie des
cérémonies duquel l'empereur a assisté , disent elles que l'annonce
de la signature de la paix entre la République Française
et le roi de Prusse , envoyée par le duc de Saxe- Teschen ,
Ja donné beaucoup d'humeur , et a été suivie de la tenue d'un
conseil d'état qui a duré depuis cinq heures du soir , jusqu'au
lendemain sept heures du matin ; qu'on avait d'abord pensé
à envoyer un ministre à Paris , qu'on avait même commencé
à travailler à ses instructions ; mais qu'ensuite on s'était ravisé
sur cette démarche , en se contentant de la médiation de la
Toscane . Plusieurs circonstances viennent à l'appui de ce qu'on
avance des dispositions de l'Autriche à la paix . Un grand
nombre de personnes reprennent les projets de bâtimens
suspendus pendant la guerre , et le papier de l'état a obtenu
ane hausse sensible que l'on se flatte de voir encore augmenter .
Néanmoins les dispositions , et même les mauvemens militaires
continuent , et cela n'est point étonnant d'après la sage
maxime : Si vis pacem , para bellum . Les nouvelles des environs
de notre ville , en date du 26 avril , disaient : L'élite des troupes
autrichiennes et de l'empire , se rassemblent entre le Mein et
le Necker. Cette armée présente une masse de 60,000 hommes ,
divisée en trois corps ; dont l'un est entre Le Mein , Grosgerau
et d'Armstadt ; le second , eutre d'Armstadt , Gernsheim et
Lampenstheim ; le troisieme , entre ce dernier endroit , Wemheim
et Heidelberg. 6
On croit , d'après la disposition de ces troupes , que Clairfait
dot tenter de passer le Rhin près d'Oppenheim , de Worms
et de Mayence , en même tems qu'il jouerait r0,000 hommes
dans Cassel , pour appuyer la garnison de Mayence . On ajoute
que le passage du Rhin , dans la vue de dégager Luxembourg ,
( 366 )
dépend de la réponse que Clairfayt attend de Vienne , où if
a envoyé un courrier .
Clerfayt commande le centre de toute l'armée autrichienne
sur le Rhin le général Wartensleben en commande l'aîle
droite , qui s'étend jusqu'à Dusseldorf ; le géneral Melas a
le commandement de la gauche , qui va du Necker jusqu'à
Loerrach.
Le passage continuel des troupes autrichiennes par cette
ville a fait tellement hausser le prix des subsistances , que
si la paix ne le fait diminuer avant peu , on doit s'attendre
à une grande misere .
Il y a eu en effet depuis une action devant Mayence , qui
a eu lieu le 30 , dont les papiers allemands ont exageré
l'avantage pour les troupes autrichiennes ; la vérité est qu'elle
a coûté beaucoup de monde de part et d'autre ; mais d'après
des renseignemens exacts , les Français n'ont perdu qu'ane
de leurs positions . La plus importante , celle de Monbach , leur
est restée.
, ་ ,
$ ་
ANGLETERRE. De Londres , le 25 avril 1795.
Les deux chambres se rendirent processionnellement , mereredi
dernier , à Saint -James ; pour y féliciter non seulement
le rói , mais encore la reine , le princel de Galles et la princesse
même , à l'occasion de mariage de l'héritier présompik
de la couronne : elles présentérent à toute la famille des
adresses votées à l'unanimité.
Les cités de Londres et de Westminster réunies ont suivi
cet exemple. '.
༧། ༴ ༣ !
Vendredi dernier , le comte de Mansfield rapporte à la chambre
des pairs la réponse du roi , conçue en ces mots , dont
s'était aussi servi la reine pour répondre à l'adresse particuliere
qui lui avait été présentée de la part de cette chambre .
"
Mylords Je vous remercie des voeux que vous faites à
l'occasion du mariage de mon fils le prince de Galles , Je
jouis avec la plus vive satisfaction des preuves réitérées de
fidélité attentive et d'attachement à ma personne et à ma
famille .
Le 24 , l'orateur des communes y fit lecture de la réponse
du roi à l'adresse de sa fidele Chambre -Basse . C'est le même .
thême fait en deuxf çons .
Tandis que fes trois branches de la législature se félicitent
ainsi réciproquement, le peuple manque de pain . Les avis de l'intérieur s'accordent à représenter comme allant en augmentant
les mouvemens séditieux qui ont lieu en plusieurs villes ,
sur-tout dans celles où il y a des soldats .
La société pour l'encouragement des manufactures et des
arts a propose un prix de cinquante guinées à qui défrichera ,
( 367 )
cet été , vingt acres de terrein , et les consacrera à la culture
de la pomme de terre , supplément au pain trop vanté peut
être , puisque la nature ne donne pas si libéralement et sans
peine les substances nourrissantes de bonne qualité , mais
supplément nécessaire dans les années de disette et qu'on est
trop heureux alors de trouver.
Au reste , ce qui console un pen c'est que les apparences
annoncent une récolte très-abondante , mais qu'il faut pouvoir
attendre ; on se fatte d'y réussir par le moyen des
grains achetés à Dantziek on a passé contrat avec plusieurs
bâtimens qui doivent les aller chercher.
Il est instant qu'ils arrivent , car à Lancaster , à Portsmouth
, à Porchester , il y a eu des rassemblemens cons
sidérables , qui malgré la présence de la milice ont pris de
force et vendu au prix qu'ils avaient fixé le pain et la viande .
Dans la derniere de ces villes la milice elle- même a ménacé
de mettre en liberté 5000 prisonniers Français qui s'y trouvent
si on ne baissait le prix des denrées . Ce qu'il a de sûr , c'est
que beaucoup de manufactures anglaises ne faisant rien ou
presque rien aujourd'hui , le plus grand nombre d'ouvriers
qu'elles occuparent souffrent infiniment. Quand même ĉes
manufactures voudraieut faire travailler les ouvriers , elles ne le
pourraient pas , parée qu'elles se sont épuisées de leurs fonds ,
en entassant des marchandises dans leurs magasins , qui depuis
quelque tems sont encombrés .
On lit dans les papiers , à l'article de Madrid , une chose
peut- être vrai , maise qui paraît for douteuse , c'est que le
gouvernement a découvert un complot qui avait pour but
de le renversér. Dix mille individus étaient , dit- on , gagnés
pour entourer le palais du roi , arrêter les ministres et les
mettre à mort. Les chefs de cette trame ont été saisis et mis
en lieu de sûreté.
I
•
La fregate l'Aquilon a repris et amené à Portsmouth un
vaisseau de registre, espagnol , dont les Français s'étaient emparés
lorsqu'il faisait route ponr l'Amérique.
Le capitaine Antoine Deane a eu le bonheur de se sauver
de Dunkerque sur un bâtiment américain arrivé à Harwich ;
mais messieurs de Choiseuil et de Damas , qui étaient à bord
du paquebot la Princesse Royale que commandait cet officier ,
doivent avoir été conduits à Paris . 1
On compte actuellement dans la marine britannique 87 offi.
eiers de pavillon , 438 capitaines , 210 maîtres et commandeurs
, 1831 lieutenans ; les vice - amiraux du pavillon rouge ,
Hughes , Elliot et Hotham , ont été nommés amiraux du bleu.
On trouve dans une feuille l'état qui suit de´la distribution
Mes forces navales au 1er avril .
Dans cet état ne sont point compris les vaisseaux armés
( 368 )
engagés , lesquels sont spécialement destinés à protéger le
commerce côtier de la Grande Bretagne..
Dans les ports , et en état , 48 vaisseaux de ligne , 3 de
50 canons , 34 frégates , 50 sloops . Total , 143,
Bâtimens de garde , servant de prisons , d'hôpitaux dans les
différens ports , 9 de ligne , a de 50 canons , frégates.
Total , 13.
⚫
1
Dans le canal d'Angleterre et dans celui d'Irlande , 7 de
ligne , 1 de 50 can . , 29 frégates , 27 sloops . Total , 64. 5
Dans les dunes et dans les mers du Nord , 5 de ligne , un de
50 can. , 17 frégates , 12 sloops . Total , 35 .
Iz
• Dans les Indes occidentales et sur le passage , 9 de ligne
3 de 50 can. , 13 fregates , 9 sloops . Total , 34.5
A la Jamaïque , de ligne , 1 de 50 can. , 4 frégates , 5 sl ,
Total , 12 . 3 .
En Amérique et à Terre-neuve , a, de ligne , 9 frégates , 7 sl ,
Total , 18.Iusas
Indes orion ales et sur le passage 8 de ligne , 1 de 50 can ..
3 fregates , 5 sloops . Total , 17bdoncia ob
Côtes d'Afrique , 1 frégate , Total 1.
Gibraltar et la Méditerranée , 16 de ligne , 24 frégates , 6 sl.
Total , 46.
Total ea commission , 106 de ligne , 12 de 50 can. , 136 fré
gates , 129 sloops . Total général , 383 ,
Vaisseaux reçus , 9 de ligne , 1 de 50 can.
Total , 12 .
1 frégate , 1 sl.
En état de service ou en réparation pour servir , 7 de ligne .
I de 50 can. , 2 frégates , 3 sloops . Total , 13 .
En ordinaire , 23 de ligne , 7 de 50 can. , 31 frégates , 26 sl .
Total , 83.
In construction , 12 de ligne , 3 de 50 can . , 12 frégates.
Total , 87 .
Total , 157 de ligne , 24 de 50 can . , 182 frégates , 160 st.
Total général , 523.
13
#
&
Elat de l'ordinaire de chaque port , au 1er avril.
Porsmouth , 22 de ligne , 3 de 50 can. , 16 frégates , 13 sl
Total , 54.
A
鲨
Plymouth , 11 de ligne , 2 frégates , 2 sl . Total , 15 .
Chatam , 5 de ligne , 3 de 50 can . , 6 frég . , 1 sl . Tot. 15.
Sheerness , 1 de 50 can. , 3 fregates , 11 sl . Total , 15 .
River , 1 de lig. , 2 de 50 can . , 8 frég. , 4 sl . Total , 15.
Total , 39 de ligne , 9 de 50 can . , 35 frégates , 31 sloops .
Total général, 114..
Indépendamment des barques canonnieres et barques de riviere
, ete,, qui se trouvent transportées dans cet état , on
annonce qu'il y en a encore 4º de plus sur la liste , de la disposition
desquelles on ne peut pour le moment donner un
compte exaci.
RÉPUBLIQUE
1
( 369 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE .
PRÉSIDENCE DE VERNIER,
Séance du duodi , 22 Floréal .
Hardy recherche les moyens de remédier à l'agiotage dont le
Héau occasionne une progression journaliere vraiment effrayante
dans le prix des denrées et marchandises . Tout le talent
des agioteurs , dit- il , se réduit à ces deux points : 1 ° . vendre
et acheter à marché ferme , c'est -à - dire , avec obligation au vendeur
de livrer telle ou telle marchandise au prix convenu ,
quel que soit son prix ou le cours du change à l'époque de
la livraison : 26. vendre et acheter à marché libre , c'est - à - dire ,
que le vendeur , avec une prime qu'il paie d'avance , est libre
de délivrer ou non l'objet vendu . Il en découle trois especes
d'agiotages , savoir sur les subsistances , les matieres d'or et
d'argent , delà les joueurs à la hausse et à la baisse , et sur
les marchandises . Hardy présente un projet de décret tendant
à le réprimer. Un des articles porte qu'il n'est pas permis
de vendre une marchandise qui n'est pas dans le magasin
du vendeur , ou qui ne provient pas de sa culture , ou de
son industrie , sous peine d'une amende égale an prix de cette
marchandise ..
1
Bar combat cette mesure comme destructive du commerce.
Il observe qu'en anéantissant ces vampires , il faut encourager
le négoce ; que Rouen , Nantes et Bordeaux , ne font rouler
souventleur commerce que sur des objets qui ne se trouvent pas
actuellement dans leur magasin ; mais il demande l'impression
du discours de Hardy , parce qu'il contient des faits qui peuvent
servir de bâse à d'excellentes mesures pour réprimer
lagiotage . Le discours et le projet de décret de Hardy seront
imprimés .
La discussion est reprise sur les finances . Engerrand parle
le premier sur cette matiere . Il établit l'impossibilité de mettre
à exécution dans son entier le projet de Dubois - Crancé sur
l'impôt en nature . I propose ensuite un projet de décret
portant démonétisation des assignats au - dessus de a5 liv. ,
et leur conversion en cédules d'hypothêque pour les trois quarts
de leur valeur , l'autre quart sera échangé en assignats de
nouvelles créations .
Bourdon de l'Oise ) dit que la trop grande abondance
du signe des échanges ameue toujours le discredit de ce signe
Tome XV.
Аа
( 370 )
et la hausse des denrées ; mais qu'à cette capse se joint une
autre l'inquiétude et la defiance . Il ne faut que trois milliards
d'assignats en circulation pour les mettre au pair du numéraive
métallique . Il pense que le comité des finances fait une
grande faute d'avoir pris pour type de ses opérations la valeur
des métaux . Beaucoup d'hommes instruits sont persuadés que le
numéraire a diminué en France de près de deux milliards ; `ainsi
l'Angleterre qui en a beaucoup plus qu'elle avilica l'assignat et
ruinera infailliblement le systême de finances , si on le fait
porter sur une base métallique . C'est donc un bon systême
de démonétisation qu'il faut adopter , mais non une demonėtisation
telle que celle de Cambon , qui ne fut qu'un vol et
une violence ; elle doit être fondée sur des principes de justice .
Bourdon ne dissimule pas que son projet , quand il va être
publié , fera d'abord monter le louis à 500 1 , parce que quand
on frappe le coquia il doit crier , mais que ces aginteurs ;
ces vampires de l'état seront bientôt mis à leur place en
vertu des moyens qu'il prepose et qu'il regarde comme les
seuls qui puissent sauver la patrie . Il est applaudi .
Voici les bases de son projet .
1º . Il sera dressé un état des biens nationaux invendus ,
non compris les biens des condamnés , et des annuités due's
par les acquéreurs . Les résultats , avec les dettes des estimations
, seront signés de tous les membres du comité des
finances , et soumis à l'approbation de la Convention
résultats seront imprimés et affichés .
ces
2º . Dans le délai de six décades , tous les propriétaires
d'assignats seront tenus de les apporter à des bureaux établis
dans chaque district , où ils seront échangés , pour les cinq
huitiemes de leur valeur , contre des bons admissibles en paiement
de biens nationaux , et pour les trois autres huitiemes
de leur valeur , contre des assignats qui , timbrés , numérotés
et enregistrés , auront seuls cours de monnaie. Les bons por-
-teront un et demi pour cent d'intérêt , et ne seront jamais
annallés . Les assignats de 5 livres et au - dessous ne seront pas
soumis à cette opération d'échange , et continueront d'avoir
cours de monnaie.
8
30. Les assignats à face , démonétisés par décret du ......
seront reçus seulement en paiement des biens nationaux ȧ
vendre , provenans des émigrés . Ce dernier article est adopté
sur- le - champ .
Jean Bon-Saint- André croit qu'il y a des parties excellentes
dans le plan de Bourdon , mais qu'il offre aussi des inconvéniens
. Par exemple , l'ouvrier qui ne recevra que les trois
huitièmes de son assignat de cent livres , ne sera- t - il pas ruiné ?
Bourdon répond qu'il en sera plus riche , parce que les marchandises
au lieu de fuir l'assignat viendront le chercher ,
étant plus abondantes que le sigue , et qu'ainsi il achètera plus
( 371 )
de choses avec les trois huitiemes de son assignat , qu'il n'aurait
fait avec la totalité .
Après quelques débats sur le projet de Bourdon , l'article 6
est décreté à l'unanimité ; il est conçu en ces termes : La
Convention nationale fidele aux principes de loyauté proclamés
dès l'année de 1789 , décrete que les assignats dont la déchéance
a été prononcée par décret du ….. , seront reçu's en païe-'
ment des biens nationaux provenant des émigres . Le reste est
renvoyé au comité des finances .
et
que
mar-
Chambord veut que la monnaie de billon et les assignats
soient à l'avenir la seule monnaie nationale , la monnaie
d'or et d argent soit considérée uniquement comme
chandise , et ait plus de cours dans les paiemens . La discussion
est renvoyée au lendemain .
11
Séance de tridi , 23 Floréal .
Monnot , au nom du comité des finances , observe à l'Assemblée
que son intention n'a sans doute pas été de donner
aux émigrés qui possedent des ass gnats demonétisés , la facilité
de les donner en paiement des biens nationaux par l'entremise
de leurs parens ou amis , en décrétant hier qu'ils seraient
reçus pour cet objet. I propose un article additionnel qui
est adopté , et qui porte qu'ils ne seront par reçus s'ils n'ont
pas été enregistrés suivant la loi , ou si le porteur ne justifie
pas par une petition anterieure au décret , que par quelqu'événement
ou force majeure , il lui a été impossible de les faire
enregistrer dans les délais prescrits.
Sur le rapport du comite d'instruction public , la Convention
decrete que les éleves de l'école normale recevront ,
pour les frais de leur retour , une indemnité à raison de 5 liv.
par lieue .
Dubois Crancé , au nom des comités des finances et de salut
public , présente les moyens d'exécution de son projet d'impôt
en nature . Parmi les avantages qui en sortent se trouve celui
de connaître le produit des recoltes dans toute la République.
Le clergé qui ne percevait la dime que du 13. au 30e . , et
sur un petit nombre de productions , en retirait 80 millions
par an , indépendamment des pots de vin , et les fermiers
faisaient des gains excessifs . On n'exagere donc pas d'en porter
le produit à 300 millions , qui , évalues au prix actuel du mare
d'argent équivaudraient à 3 ou 4 milliards .
Dubois- Crance propose le projet de décret suivant :
19. outes requisitions de deurées sur la recolte prochaine
sont abolies . Dans le cas où le gouvernement serait obligé
de requerir , la requisition ne pourrra s'élever que jusqu'a'
la concurrence du tiers de la contribution , et sera impusé
à valoir sur cette contribution.
A ag
( 372 )
2º. La contribution sera acquittée à raison du douzieme
du produit des récoltes sur toutes les denrées ,
30. Les jardins , enclos et autres terreins qui sont objets
de pur agrément , paieront , soit en assignats , soit en blé ,
sur le pied des meilleures terres du canton , à quantité égale
da terrein .
4º . Les bâtimens des campagnes servant à l'exploitation
des terres , seront imposés , à raison de leur superficie , de
la même maniere que les jardins et enclos .
5. Les maisons des villes et celles des bourgs qui ne servent
point à l'exploitation des terres , seront impostes en assignats
au dixieme de leur valeur locative .
6º . Les fabriques , manufactures , moulins , forges , usines ,
seront cotisés aux deux tiers de leur valeur locative , en
nature , d'après les valeurs de 1790 .
70. Les pâcages , herbages et autres terreins destinés à la
pâture des bestiaux , seront imposés en nature , au pied
de 1790 .
8. Les mines et carrieres seront imposées d'après l'évaluation
du 23 novembre .
9 ° . Les exceptions en faveur des marais , terres vaines
et vagues ou récemment défrichées , sont maintenues .
1oo. Les mûriers seront imposés en assignats au cinquieme
de la valeur locative .
11º . Il sera nommé par l'administration du département
un commissaire par canton , qui , aidé de trois experts , fera ,
dans chaque commune , la vérification de toutes les terres
qui doivent tomber en récolte dans l'année .
12º . Ce commissaire fera indiquer par affiches le jour
auquel se fera l'adjudication de la contribution fonciere . Les
adjudications se feront pour chaque commune séparément ,
au plus offrant et dernier enchérisseur , comme pour la vente
des biens nationaux . L'adjudicataire fournira caution . II
pourra y avoir pour chaque commuue , autant d'adjudications
qu'il y aura de productions différentes à récolter , ou de cantons
à exploiter. La contribution spécifiée payable en denrées , pourra
être acquittée avec d'autres denrées par arrangemens déterminés
par les convenances .
13. Les fermiers seront chargés de tous les frais de perception
, d'entretien , d'emmagasinement et de versement dans
les lieux désignés par les administrations de département.
14. Le paiement de la contribution fonciere en grains et
fouages , se paiera par tiers le premier tiers avant la fin
de vendémiaire ; le second , avant la fin de pluviôse : et le
troisieme , avant la fin de prairial . Le fermier pourra s'abonner
avec les contribuables .
15° . Les champs dont la dépouille aurait été enlevée sans
que sa contribution eût été payée , contribueront sur le pied
1
( 373 )
de la meilleure récolte de la commune . Dans les vingt-quatre
heures de l'avertissement , le 12 ° . devra être laissé sur le
terrrein ; s'il n'est pas laissé , la contribution sera pareillement
évaluée sur le pied de la meilleure récolte .
16. Toutes contestations sur le paiement de la contribution
, seront terminées définitivement par le juge de paix
du canton , etc.
Le projet de Dubois - Crancé sera imprimé et distribué .
Plusieurs membres demandent que tous ceux qui ont présenté
des plans de finances se réunissent au comité de ce
nom pour se concerter et offrir un résultat satifaisant. Bourdon
regarde comme impossible de réunir dans un seul faisscau de
lumiere des rayons si divergens . Une voix s'écrie : vous disputez
ici , et la patrie est dans le plus grand danger ; si vous n'y
prenez garde , dans huit jour Paris sera réduit à la famine la
plus affreuse . Les tribanes se levent spontanément et s'écrient :
Nous mourons de faim . Un membre : Vous frémirez en apprenant
qu'il est des monstres assez dénaturés pour vendre la
livre de pain vingt- deux livres , et c'est au palais Egalite que
se fait cet infâme commerce .
:
Jean - Bon Saint- André L'audace des agio eurs vient de
la faiblessse du gouvernement . Si vous le vouliez , ces odieuses
manoeuvres cesseraient sur- le - champ . Peignez -vous ces êtres
immoraux , qu'on doit appeller l'écume du genre humain ,
ces monstres pétris de la lie de tous les crimes infectant l'air
de la liberté comme autrefois les harpies ; se passant de main
en main un effet d'or ou d'argent , et le triplant de valeur
avant qu'il soit parvenu à l'extrémité de la chaîne . Prononcezvous
donc contre l'agiotage , et réprimez - le au plus vite .
La Convention décrete que le comité de législation se
réunira à celui des finances , et qu'ils ne désempareront pas
sans avoir pris des mesures définitives pour réprimer l'agiotage.
Dans la suite de la discussion sur les finances , elle n'eaten dra
plus que les projets de décrets relatifs à cette matiere .
Thibaut , au nom des trois comités réunis , fait autoriser
à prendre les mesures relatives à la déportation de Collor ,
Barrere et Billand..
1
Roux , au nom du comité de salut public , dénonce des
mariniers qui ont demandé 40,000 liv. pour la remonte d'un
gros bateau par le passage de Pô - sur Seine en deça de Rouen ,
ce qu'ils faisaient le mois précédent pour 300 liv , Duroy dit
que nous n'avons pas de gouvernement , que ceux qui le
composent ant la volonté de faire le bien , mais n'en ont
pas le courage . Bourdon veut que les représentans ' en mission
taxent le prix du passage . Jean - Bon , que les mariniers soient
envoyés sur les vaisseaux de la République . La Convention
passe à l'ordre du jour , motivé sur ce que le comité est
iuvesti de pouvoirs suffisans pour réprimer cet abus .
A & 3
( 374 )
1
Séance de quartidi , 24 Floréal .
Durand- Maillane , au nom des comités de législation et des
finances , fait un rapport sur les moyens de rendre les prisons
sûres et saines . Tous les bons citoyens , dit-il , tous les amis
de la justice et de l'humanité , ont gémi des massacres commis
Lyon le 15 de ce mois. Les prisonniers étaient à la verité
prévenus d'avoir participé au systême de terreur et de depopulation
qui a devasté cette grande commune , mais personne
n'a le droit de se faire justice , sans se rendie coupable aux
yeux de la loi . La violation des prisons tient en partie aux
vices de leur construction , et l'obligation où l'on est souvent
de reunit dans la même enceinte des hommes qui ne
sout qu'inculpés avec de grands coupables déja condamnés .
Le rapporteur propose d'etablir des prisons séparces , sous les
dénominations de inaisons de justice , de repression , d'arrêt ,
de correction et de détention temporaire . Son projet est ajourné
à trois jours.
4
Corenfustier , au nom des comités des finances et de législation
, présente un projet de decret relatif au paiement des
domaines nationaux vendus , et dont voici les dispositions .
1º. Les acquereurs des domaines nationaux dont les adju
dications sont anterieures à la présente loi , et qui n'auraient
pas fait encore le paiement du premier a - compte , seront tenus
de le faire dans la decade qui suivra la publication de ladite
présente loi ; a défaut de quoi , ils sont dès - a -présent déclarés
déchus de leurs acquisitions .
2º. Pour les adjudications postérieures à la présente loi , le
paiement du premier à compte devra se faire dans le mois ,
à peine de déchéance de l'acquisition .
A
Plusieurs membres s'écrient que ce projet favorise les agioteurs
et les accapareurs : ils observent qu'il y a des acquéreurs
qui jouissent depuis trois ans , et qui , n'ayant rien payé ,
pourraient aujourd'hui s'acquitter en totalité avec le revenu
d'une année ces membres demandent que ceux qui n'ont
pas payé le premier à compte soient déclarés déchus , conformément
aux lois antérieures . Après d'assez longs debats
, le premier article est adopté avec l'amendement que ceux
qui n'ont pas paye le premier terme , seront tenus de rendre
compte de clerc - à- maître des fruits dont ils ont eu la jouissance.
Les autres articles du projet sontadopés avec quelques
modifications la rédaction doit en être présentée dans la
prochaine séance ,
On reprend la discussion sur les finances Génissieux demande
à l'Assemblée de se déterminer promptement pour un des
plans présentés . Nous délibérons , dit- il , et nos ennemis
agissent . Le mal devient très -pressant . Chaque jour , chaque
heure voit augmenter le prix des denrées de premiere néces
( 375 )
sité , et il sera bientôt porte à un point tel que personne
ne pourra y atteindre . Il faut donc prendre un parti prompt ,
le salut de la paurie le demande . Le plan de Bourdon luf
paraît convenable aux circonstances , et il opine pour qu'on.
lui donne la priorité.
Bourdon déclare que le comité des finances , auquel son
plan a été renvoye , en a adopté les bases , et que dans trois
jours il sera fait un rapport.
1900
Fermont , au nom du comité de salut public , annonce que
les bles qui sont arrivés aux environs de Paris , et ceux qui
arrivent journellement , assurent les subsistances , et mettront
dans le cas de faire des distributions plus fortes que les précé
dentes ; mais il repete que la malveillance s'agite dans tous
les sens pour arrêter les arrivages , et que les boulangers et
même les commissaires-distributeurs spéculent sur les besoins
et la misere du peuple . Tout le monde sait qu'il y a une
grande différence entre le pain , fait chez tel ou tel Boulanger ,
et que la distribution n'est pas la même chez tous , quoiqu'on
délivre à chacun la même quantité de farine et de la même
qualité . Quelques prevaricateurs ont été arrêtés . ( Vifs applau
dissemens. ) Fermont fait décréter que les peines prononcées
contre les agens infideles de la République seront applicables ,
aux boulangers , commissaires et à tous autres , chargés de
surveiller ou de faire la distribution des denrées acquises
par elle , et qui en détourneraient où en dénatureraient une
partie,
Barras annonce également que beaucoup de subsistances
sont en route pour Paris . Il est parti du seul port d'Ostende
25 mille quintaux de farine destinés à cette commune .
Ruelle donne des détails sur la pacification avec les Chouans .
La réunion avec Stoflet s'est faite le 13 de ce mois à Saint-
Florent sur la rive gauche de la Loire . Il était environné de
ses troupes . Les chefs et lui se décorant de pauaches et de
cocardes tricolors passerent avec les représentans , la Loire ,
se rendirent à Vavades , au milieu d'une immensité de citoyens
qui tous exprimaient leur satisfaction et leer reconnaissance ,
et où un repas frugal et fraternel termina cette heureuse journée .
Stoflet avait aussi fait rassembler les habitans de la Vendée
pour leur communiquer les paroles de paix des commissaires .
lis se livrerent à une joie sincere et benirent le moment qui
les délivrait du fléau de la guerre et leur permettait de se
retirer chez eux et d'y jouir de la tranquilité .
Ruelle prévient que quelque générale et stable que puisse
être, cette paix , nous aurons à gemir encore sur quelques
malheurs particuliers , suite inévitable de la guerre civile . Le
tems senl peut détruire les ressentimens et les haines privées .
Il reste une horde de brigands pour lesquels l'insurrection
n'était qu'un prétexte , et sur qui la paix ne saurait influer.
A a 4
. ( 376 )
Ils ne cesseront d'être criminels qu'en cessant d'exister ; mais
une surveillance active et une grande sévérité en feront
justice.
Ruelle termine en rendant justice à la bonne conduite de
l'armée . Les officiers et les soldats se sont distingués par une
subordination et une patience sans bornes. Ils n'ont cessé de
donner des preuves de dévouement et de désintéressement , et
de sacrifier leur gloire à l'amour de la paix .
Séance de quintidi , 25 Floréal.
La veuve du représentant du peuple Grangeneuve réclame
les indemnités dues à son mari jusqu'à sá mort. La Convention
decrete qu'elles lui seront payees .
Un député de la commune de Montbrison , porteur d'une
dénonciation contre le député Javoques , signé d'un grand
nombre de citoyens , se présente à la barre ; il lit : Tous
les crimes sont accumulés dans cette piece ; dilapidation de
la fortune publique , déréglement des meurs , barbarie , vengeance
personnelle. Le pétitionnaire déclare que Javoques
a dit que le sang coulerait dans Montbrison comme l'eau dans
les rues après une grande pluie qu'il envoyait le sort des
juges de son tribunal révolutionnaire pour savourer le plaisir
de faire guillotiner ; qu'il ne reconnaissait de vrais patriotes
que ceux qui pouvaient boire un verre de sang. Qu'il avait
fait apporter dans sa chambre un paquet de cordes destinées
à lier les détenus ; qu'il les baisait avec transport et les faisait
baiser à ceux qui venaient chez lui , en les assurant qu'elles
étaient plus précieuses pour lui que des trésors ; qu'il publiait
enfin que pour terminer la révolution , il fallait deux
millions de têtes . Renvoi aux comités de sûreté générale et
de législation
La commune de Coutances dénonce à son tour le représentant
du peuple Lecarpentier. Elle l'accusé d'avoir assassiné
les peres , les meres , les amis des bons citoyens , et appelle
sur sa tête la vengeance des lois .
>
Lecarpentier était présent . Il se plaint vivement de la calomnie
qui le poursuit et qui est dirigée par la malveillance et
I'aristocratie . Il assure que ceux qu'il a fait traduire au tribunal
révolutionnaire étaient accusés d'aristocratie , d'incivisme , de
royalisme et d'intelligence avec les ennemis ; que ce n'est
pas lui qui les a jugés . Il croyait le tribunal juste étant
institué par la Convention ; qu'au.surplus , toutes ses opérations
sont marquées au coin de la pureté , et que si l'on écoute
Y'esprit de vengeance , la Convention recevra des dénonciations
contre tous les membres . Renvoyé aux mêmes
comités.
La section de la République vient demander le rapport
de l'art . IV de la loi du 12 de ce mois , comme attentatoire
(377 )
à la liberté des opinions et de la presse . Elle dit que le do
maine de la pensée est inaliénable , inviolable et sacré ; que
le mot avilissement est vague , et que la Convention seule peut
s'avilir elle - même . Elle qualifie de décemvirale la constitution
de 1793. Il se fait beaucoup de bruit . Romme demande.
que l'orateur soit rappellé à l'ordre ; Renaud , qu'il soit
envoyé au comité de sûreté générale , parce qu'il n'y a qu'un
royaliste qui puisse parler ainsi , Devau , qu'il n'y a qu'un
impudent qui se croie permis d'outrager la constitution que
le peuple s'est donnée.
Henri Lariviere Renvoyer le pétitionnaire au comité de
sûreté générale , c'est violer tous les principes . Il ne faut
pas avoir deux poids et deux mesures . Lorsque la section
de la Butte- des - Moulins vous a dit des vérités fortement énoncées
sur l'acte constitutionnel , vous avez récompensé son
courage par la mention honorable , et vous voulez aujourd'hui
sévir contre celle de la République qui suit ses traces .
La constitution de 1793 , continue Lariviere , renferme d'excellentes
choses , mais elle contient aussi des erreurs , et cela
est si vrai que vous avez nommé une commission pour lui
donner des bras et des jambes , et puisqu'il faut le dire elle a
été volé sous les auspices des poignards et des bourreaux .
Legendre dit que la déclaration des droits garantit le droit
de petition , que si chaque membre a la faculté d'émettre son
opinion , le peuple est libre aussi de faire connaître la sienne
à la barre , et qu'il ne saurait supporter la pensée qu'elle pût
devenir un guichet.
L'orateur continue et invite la Convention à se défer de
ces mouvemens d'enthousiasme à la faveur desquels on lui
surprend des décrets qui blessent la liberté . Le président
en rendant hommage au principe de la liberté de la presse ,
déclare que la calomuie n'en est pas moins un erime qui
doit être puni .
Plusieurs membres demandent le renvoi de la pétition au
comité de sûreté générale ; d'autres , l'ordre du jour . Louvet
appuie ces derniers . I ignore si la constitution est une arche
sainte , mais il sait que la liberté de la presse n'est pas l'impunité
des crimes , et qu'il y a une coalition pour en obtenir
le brevet en faveur des royalistes. L'on passe à l'ordre du
jour.
Séance de sextidi , 26 Floréal.
Un membre présente un projet de décret sur la partie administrative
des postes et messageries . Il est ajourné jusqu'à la
discussion sur le plan général des finances .
Génissieux , au nom du comité de législation , soumet un
projet de décret en interprétation de la loi du 22 germinal ,
qui concerne les citoyens mis hors de la loi , ou persécutés
( 348 )
pour cause des événement des 31 mai , 1er . et 2 juin ; il a
pour objet les forpaktes a remplix par ceux qui ont abandonne
lar domicie pour sa voustraire à des mandats d'arrêtou
des mises hors de la loi , pour rentrer dans leer , biens ..
Legendre red hommage aux intentions de son collegue ; /
il voit qu'il a voula empêcher que les véritables, émigrés ne
profitassent du bénéfice de cette lei , mais il erzint qu'il n'ait
pas atteint son bat , et il demande l'ajournemout.
Charlier dit que ceux qui out livré Toulou sont des
traîtres bien averes , et que d'après le décret du 23 germinal
ils pourraient rentrer en France parce qu'ils n'eur émigré
qu'après le 31 mai.
Escudier assure qu'il rentre dans cette commune beaucoup
d'émigres ; qu'ils disent que le gouvernement républicain ne
saurait subsister ; qu'ils prêtent même à la Convention Podiaux
dessein de rétablir la royauté . Il termine en annonçant que si
on ne se hâte de chasser les émigrés des départemens du Var et
des Bouches- du-Rhône , Toulon sera de nouveau livré aux
Anglais .
On demande le dépôt des pieces sur lesquelles s'appuie
Escudier. Cette proposition est décrétée .
1 Bourdon : Personne de nous ne veut faire rentrer les émigrés
, parce qu'aucun n'est assez fou pour vouloir se faire
couper le cou ; nous devons par conséquent veiller tous à ce
que les lois contre les émigrés soient exécutées . Que ceux
qui en connaissent qui soient rentrés , ailient au comité de
sûreté générale les déclarer pour leur faire subir la peine de
leurs forfaits .
Sur la proposition de Génissieux , la Convention décrete
la partie de son projet qui tend à donner au comité de
législation le droit de prononcer avec certaines fórmalités les
radiations des listes des émigrés .
Plusieurs veuves de représentans , morts victimes de la
tyrannie , réclament les indemnités, dues à leurs mais . Bréard
demande qu'elles soient payées jusqu'au rer. du mois prochain
. Boissy- d'Anglas , jusqu'à la fin de la session de la Convention
. Thibaudeau et Berlier observent qu'avant d'être généreux
pour sa famille , il faut l'être pour les autres , et que leurs
collegnes ne sont pas les seules victimes . Ils voudraient qu'on
se bornât à accorder des secours à leurs veuves ou enfans .
#
Chénier dit que la tyrannie a été plus active contre les
députés morts ; qu'elle a moissonné les plus chauds amis de
la liberté ; que des honneurs , des hommages sont dus aux
manes des Barnevelt et des Sydney de la république ; que leurs
familles doivent recevoir des indemnités qu'ils n'auraient jamais
du perdre , parce qu'ils n'auraient jamais dû disparaître de la
Convention , où leurs talens et leurs vertus seraient aujourd'hui
( 379 )
si nécessaires . Il appuie la proposition de Boissy , qui est
décrétée .
Gélet , au nom du comité de salut public , détruit le bruit
qui s'est repandu que nous avons essuyé un échec devant
Mayence ; le fait est que nos défenseurs ont combattu avec
autant de gloire que de succès . L'ennemi est resté le maître
d'un poste indifferent , mais nous avons repris la position
importante du Montbach . Sa perte est considerable et s'éleve
à plus de 600 hommes . Un bateau chargé de soldats à été
coulé bas par le feu de notre artillerie . Voyez les Nouvelles
officielles . )
•
Jean-Bon- Saint- André présente un nouveau plan de finances ;
les deux bâses sont que le quintal de froment sera l'unité
monétaire de la République , et que l'or et l'argent cesseront
d'être employés comme monnaie . Renvoyé au comité des
finances.
PARIS. Nonidi , 29 Floréal , 3º . année de la République..
La diversité des projets et les différentes variations
des idées sur les moyens de réparer nos finances ,
prouvent de plus en plus combien cette matiere est
embarrassante et délicate . C'est aux finances que l'on
doit le principe de la révolution , c'est par les finances
que le mal s'est aggravé . Depuis l'Assemblée constituante
jusqu'à ce jour on n'a vu encore aucun plan
vaste et bien combiné sur les finances ; les circonstances ,
il faut l'avouer , ne se sont jamais prêtées à cette possibilité.
Indépendamment des connaissances approfondies
dans les différentes parties de l'économie politique ,
il faut deux choses dont on n'a pas encore joui , la paix
et un gouvernement. On a établi des jurys des arts , des
jurys de commerce , des jurys d'instruction publique .
Fourquoi n'avoir pas songé encore à un jury de finances ?
Plus cette matiere est obscure et compliquée , et plus
il semble qu'on doive réunir de lumieres pour l'éclairer.
*
Le projet de Bourdon ( de l'Oise ) avait paru cbtenir
l'assentiment général de la Convention , malgré ses inconvéniens
non discutés . Celui que Vernier vient de
présenter au nom des comités réunis , a produit la même
impression , quoique bien différent dans les moyens ;
et l'on s'est hâté d'en décréter un article , savoir la démonétisation
des assignats portant empreinte de la
oyauté depuis 5 liv. inclusivement et au-dessus . Cette
( 380 )
mesure peut être bonne , mais encore fallait - il ne
l'adopter qu'après en avoir pesé les avantages et les
inconvéniens , afin de s'épargner le désagrément des
modifications , interprétations , et peut-être même d'un
rapport.
Par exemple , s'il y avait une grande quantité d'assignats
royaux dans la Vendée , serait- il bien prudent
de les démonétiser précipitamment , sans avoir calcule
la réaction que cette opération peut causer sur des gens
égarés , et nouvellement rentrés sous les lois de la République
? Le délai de trois mois , fixé pour l'admission
des assignats démonétisés en paiement de bien nationaux
ou pour leur échange avec des billets de loterie ,
est- il suffisant ? et cette mesure n'ouvre- t- elle pas la
porte à un nouveau genre d'agiotage ? Ce même délai
de trois mois peut- il suffire pour employer les assignats
de 5 liv . à l'acquittement des contributions arriérées . Le
contribuable peut bien avoir la volonté de se libérer ;
mais où est la possibilité ? Le rôle de 93 n'est pas encore
en recouvrement ? Faudra- t- il que le débiteur soit
la victime des négligences et des lenteurs mises dans la
perception ? On sent qu'il faudra revenir nécessairement
sur ce délai . Espere- t- on que le fermier et le cultivateur,
que le marchand qui verront des assignats paralysés
dans leurs mains , vendront leurs denrées ou leurs
marchandises moins cher ? Ceux qui n'auront que pour
3 ou 4 mille 1. d'assignats démonétisés pourront- ils acheter
avec ces modiques sommes des biens nationaux . Il
faut donc ouvrir en même tems des caisses sociétaires ,
des dépôts , où , sous l'autorisation et la surveillance du
gouvernement , on puisse échanger ces sommes avec des
assignats républicains , autrement les porteurs passeront
sous la barre de la cupidité des spéculateurs . Il est aisé
de juger, sur ce simple apperçu , combien toute opération
de finance , qui touche à la fortune particuliere ,
a besoin d'être méditée et discutée , et combien il importe
de ne point scinder un plan de ses autres parties.
Le régiment de chasseurs que le gouvernement avait
fait venir à Paris pour protéger les convois de subsistance
, a été remplacé par un régiment de carabiniers .
L'arrivée et le séjour de M. Eden à Dieppe a occupé
peu de place dans nos papiers nouvelles . Rien n'a
( 381 )
!
transpiré des conférences qu'il a eues avec le citoyen
Commeyras , commissaire envoyé par notre gouvernementpour
écouter ses propositions, que l'on présume ne
s'être pas bornées à un simple cartel d'échange de prisonniers.
On sait seulement que M. Eden est déja retourné
en Angleterre . On a lieu de présumer que le
cabinet de Londres n'est point éloigné d'une pacification.
On avait d'abord annoncé que la paix était arrêtée
avec l'Espagne ; aujourd'hui , on débite qu'elle est retardée.
S'il faut en croire des données plus probables
c'est que l'Espagne n'a pas moins besoin de la paix que
les autres membres de la coalition.
On écrit de Toulon que le général Kellermann a fait le
revue de toutes les troupes de la garnison , en présence de
quatre représentans du peuple . On croit qu'il va prendre le
commandement de l'armée d'Italie .
Une division de six vaisseaux et quelques frégates doit mettre
incessamment à la voile pour une expédition secrette . Cependant
bien des personnes croient qu'elle va escorter jusqu'à
Tunis deux avisos chargés de plusieurs millions en numéraire
pour un achat de blé , et ramener ensuite an convoi qui languit
dans ce port depuis long - tems , et n'ose partir dans la crainte de
tomber au pouvoir des Anglais . D'après les proclamations et
les ordres vigoureux qui ont été portés pour faire rendre les
équipages à leur bord, ou croit que toute l'escadre ne tardera pas
de mettre à la voile ; son but est sur - tout d'assurer la liberté
de la Méditerranée , de protéger le passage de fréquens couvois
qui nous arrivent , et de combattre les Anglais ,
Voici ce que porte une lettre de Marseille , en date du 16 floréal
:
Depuis vingt- cinq jours nous avons suspendu nos achats ,
pour ne pas alimenter la cupidité des vendeurs - agioteurs . La
nouvelle de la paix , jointe à 300 bâtimens richement chargés
arrivés dans le port , ont mis les vendeurs beaucoup plus mal
à leur aise que les acheteurs . 99
Lettre écrite de Lyon , le 20 floréal , par un'ex- député de l'Assemblée
législative.
Si je n'avais appris dans ma route ce qui s'est passé ici ,
ees jours passés , je l'aurais absolument ignoré car je n'en
ai oui ouvrir la bouche à personne , tant la ville est tranquille
, et présente un aspect satisfaisant en comparaison de
la triste position où je l'avais vue. Les affaires y reprennent
autant qu'il ´est possible ; les atteliers recommencent à tra(
382 )
; •
vailler , et plusieurs négocians m'ont dit que si le gouverne
ment reprend sa force protectrice , avec un bon systême de
finances , et spr-tout , si nous avons la paix , les malheurs
de Lyon seront réparés plutôt qu'on ne pense ; car il regne
un bon esprit parmi les ouviers qui ne demandent qu'à
reprendre vigoureusement leurs travaux , et qui ne soupirent
qu'aprés l'instant où l'abondance des matieres premieres leur.
permettra de s'y livrer de toutes leurs forces . On est convaincu
ici que les matheurs de Lyon doivent être essentiellement attribués
à l'influence corruptriee et jalouse de l'Angleterre ,
et je le crois tout comme je suis , d'après ce que je vois
dans la douce conviction que les efforts de nos ennemis
pour profiter de nos dépouilles , seront vains , et que Lyonsera
toujours la premiere ville du monde pour le commerce
industriel . D'après ces données , je forme un desir de bon .
citoyen , fondé sur la saine politique et l'intérêt de la Repablique
, c'est que la Convestion trouve le moyen de plâtrer
sans secousse les derniers événemens dont on ne peut pas
approuver la forme ( 1 ) , quoiqu'on m'assure qu'elle n'ait
été appliquée qu'à des bêtes feroces ; car , au surplus , quant
au fond , il n'est pas de bon citoyen , de vrai républicain qui
ne soit sûr de trouver ici des milliers de freres.
Une chose , sur -tout bien essentielle et digne de remarque ,
c'est que le fanatisme ne peut rien ici ; pour tâter , j'ai demandé
à des citoyennes , si je pouvais aller à la messe demain di
manche , on s'est moqué de moi , jamais je n'ai été bafoué
avec autant de plaisir .
Cependant en m'en allant , je me suis retourné em riant ,
et je les ai vues aussi rire de maniere à me faire juger qu'elles
ne m'ont pas trouvé l'air absolument dévôt .
Les subsistances abondent ici , quoiqu'à des prix très- élevés ;
dans les places publiques et dans toutes les rues , vous voyez
des étalages de pain de differentes qualités , à 6 liv. , 5 liv . ,
4 liv. plus ou moins beau , à 3 Ev. très bou . Il y en a d'in
férieur à moindre prix . Des pâtisseries de toute espece , des
croquantes , des especes de brioches , bien moins cheres qu'à
Paris. ノ
Dans ma route , j'ai trouvé du pain en abondance ; à
Pouilli j'en achetai dix liv. de superbe , à 50 sous la livre ,
et des citoyennes avec lesquelles je fis la conversation pendant
qu'on mettait les chevaux , me firent l'offre d'un mor-
( 1 ) Ni le fonds , sans doute , car une assurance parente ne
suffit pas pour tranquilliser les vrais républicains , lorsqu'ils
voient , après le g thermidor et le 12 germinal , la loi violee et
les prisons ensanglantées par les moyens qu'employait la ty
rannie des révolutionnaires du g septembre et du 31 mai .
( 383 )
ccau de pain de maage d'une qualité supérieure , et me
dirent que es als que depuis jusques jours que le prix ,
avait doublé , par la quad ie qu'on en achetait pour Paris , ets ,
NOUVELLES OFFICIELLE S.
ARMÉE DU HAUT - RHIN.
Rapport des événemens militaires arrivés le 11 floréal .
Le 11 floréal , à quatre heures du matin , l'ennemi fit
faire un mouvement , après lequel toutes les batteries des
isles , celles de la redoute dans les Caricfeld ; celles du fort en
avant de Hampstein , commencereat en même-tems un feu
tres- vif. Une auee de tirailleurs , soutenus par quelques escadrons
de hussards , forcerent nos grands - gardes placees au
revers du plateau en avant du bois de Montback , de la Maisonblanche
et du Moulin à la pointe du plateau , de se replier
dans les lignes . Deux colonnes d'infanterie déboucherent ,
l'une par le grand chemin au revers du plateau , et la seconde
longeant les bords du Rhin jusqu'à la Tuilerie ; l'avant- troupe
de ces colonnes tomba avec vivacité sur une batterie de deux
pieces de huit , établie en avant des lignes de Montback , et
parvint à s'en emparer . Les colonnes ennemies avancerent
sous la protection de leurs batteries , et tenterent , en chargeant
trois fois , de forcer les lignes de Montback . Il s'engagea
un combat très vif et très - meurtrier de mousqueterie ;
mais l'opiniâtreté , l'extrême bravoure et la valeur des troupes
républicaines forgerent l'ennemi , après avoir essuyé une grande
perte , à la retraite le reste de la matinée se passa en une
canonnade très -vive de part et d'autre .
" Pendant que cette action se passa sur la gauche , l'ennemi
montra beaucoup de cavalerie sur le plateau et des têtes de
colonnes d'infanterie à la sortie de la gorge de Salbach. J'y
ai fait porter le huitiene, régiment de dragons pour observer
les mouvemens de l'ennemi , en attendant l'arrivée des secours
en cavalerie et artillerie à cheval , que m'envoyerent les généraux
Desaix et Saint- Cyr , lesquelles en imposerent bientôt
à l'ennemi , qui fit un mouvement rétrograde . L'ennemi voulut
aussi , vers cinq heures du matin , nous inquiéter , sur nos
derrieres , et tenta de passer le Rhin près de Budenheim , avec
trois grands bateaux , portant environ chacun 50 hommes et
une piece de canon de 7. Une batterie de deux pieces de 4 ,
placée sur les bords du Rhin , les força à la prompte retraite ,
( 384 )
1
en coulant bas , du premier coup de canon , un de ces bateaux
.
" Vers deux heures après - midi , j'ai reçu l'ordre d'essayer
d'enlever les batteries que l'ennemi a établies derriere les haies
et à la pointe du plateau en avant du bois de Montbach : le général
Argosh a été charge d'attaquer le plateau par la droite avec
une brigade d'infanterie , et le chef du bataillon , Boursette ,
fut charge de l'ataquer avec dix - huit compagnies de grenadiers ,
par la gauche en tournant le moulin ; il a été convenu que
le général Argousth devait longer avec sa colonne le revers
de la gorge de Gontzeinheim jusqu'au point le plus rapproché
des haies , en se mettant à couvert du feu de la batterie
sur le plateau en avant du fort de Haupstin ; la cent trenteneuvieme
demi-brigade était destinée à tomber avec impétuosité
en tirailleurs sur les batteries ; un bataillon de chasseurs
de la onzieme demi brigade devait se répandre en tirailleurs
sur la droite , pour protéger l'action qui devait être soutenue
par deux bataillons commandés par le général Dusirac ; le
général Argousth et le brave général de brigade Robert ayaut
été blessés et mis hors de combat , et deux autres chefs de
bataillon , les dispositions pour l'attaque ont été mal suivies ,
et les grenadiers n'ayant pu percer de leur côté , la cent trenteneuvieme
demi- brigade et le bataillon de chasseurs furent obli
gés de se replier , après avoir essayé , avec le plus grand courage
, un feú de mitraille et de mousqueterie très - vif ; ces
bataillons furent chargés dans leur retraité par la cavalerie ,
ennemie.
Le général Dusirac se porta lestement en avant , au pas
de charge , avec les bataillons de réserve , le troisieme de
la sixieme demi - brigade , et le troisieme de la quatre- vingtonzieme
, lesquels , avec une intrépidité admirable , firent un
feu de file parfaitement bien dirige , qui tua beaucoup de
cavalerie , et la força de fuir dans le plus grand désordre ,
protegea la retraite. eL
Le général commandant l'armée devant Mayence , a été
à portée de voir par lui même que les volontaires , officiers ,
généraux se sont conduits avec leur courage et leur bravoure
ordinaires . Les généraux des attaques de droite et du centre ,
ont fait tous leurs efforts pour seconder et secourir l'attaque
de gauche . Les combats ont été très vifs et très - sanglans .
L'ennemi éprouvé une perte considérable , sur- tout en ca- .
valerie. La noire est d'environ six cents hommes en tout ,
hors de combat , dont deux cents tués ou prisonniers ,
quatre cents blessés , parmi lesquels se trouvent beaucoup de
braves officiers et chefs . " "
-
Signé , RENAUD , général de division.
et
NOUVEL AVIS AUX 8GUSCAITEURS.
Los partie littéraire . subordonnés fusqu'à prisons aux busty
momens de la révolution et aux grands intérêts politiques ,
essentiellement liés à son succès , we reprendre l'étendue et
degré d'importance qu'ells a toujours ou dans ce Journal
qui s'est fais estimer par sa warilté et par l'esprit de critiqua
amine et impartiale de ses coopérateurs. Elle viens ditre cons
fiée aux soins d'une société de peus de lettres qui, sous l'herorouse
influence de la liberté de la presse, ne négligerent tim
de ce qui peut intéresser la république des lettres , sail souca
Bes rapports du goût et de la littérature proprement dite , so
pous ceux de l'économie politique , des sciences , des braun arti
de la morale et de l'instruction publique. Lo regne de la ban
barie et du sandalisme n'a jamais até que celui de la tyrannia
Les encouragemens que la Convention vient d'accorder num
@GUMAS, GUM gens de lettres et aux artistes, sont une nouvelle
preuve de la nécessité de l'alliance inséparable des lustiaros doma
Liberti,
Les changemens et les améliorations que nous nous proposo
me se horment pas seulement à l'istirit de la rédaction. La
aractere petit - romain que nous avons employé jusqu'à ce
jour , avait l'inconvénient de fatiguer entrêmement à la los
kure , nous lui avons substitul un caractere plus agricbis
fail ; convaincus que nous sommes que les formes sypogra
phiques influent plus qu'on ne pense sur le guccis d'un ou
wrage. Nous continuerons de faire usage du petit caracters
pour les nouvelles politiques , les pieces officielles et tous lex
abjets qui sont purement de détail , mais on mm - ms , je
les supplémens que veur donnerous , ce journal acquerra ma
plus grande étendue de matere.
dem Bits ne cena changt dans les petra jardim qui empat
ce Journal : for newvelles pakitiones & for newvelles paličioxat les débats et les dieren
majenis Ma Convention , les nouvellos de Paris et de l'in="
dérieur to tribunal , révolutionnaire , et les opérations impersantes
de nos armies , continuerant & occuper se plass d'y
eventiekio.
Il paraitra Majours deux fois par décade , ce qui le z
niveau desfeuilles du jour dans la plus grande partie
departemens , on la service des postes m'est pas journalier
Ainsi la Mercure , le plus ancien des journaux , celui dont
la collection est la plus recherchée , aura toujours sur les
mutras de même gcare , l'avantage de paraître plus fréquemment,
of de réunir avec le même intérêt et la méme variété plus
de matieres.
La charti excessive du papier qui a plus que triplé, vello de
du main-d'oensore qui s'est mecrue dans la même proportion , st
L'augmentation de moitié dans lesfrais de port, qui vient d'imre
décrite par la Convention , nous obligent de porter le prim
de l'abonnement à compter du 1º , pluviose à 56 liu, pour &mas
mée 25 liv . pour sin mois , franc de port pour Paris at log
departemens . Aussitôt que ces objets auront subi quelque dimin
nous nous ombresserons d'en faire jouir mer so
Loans , lis artistas et des libraires qui nouirons faine
minancer leurs productions , voudrant bien les adroner
richpen Gaik direstour de MercUES ,THE
gui reguit également les sensorioplane.
( No. 37) 487
Quintidis Ventofe,
l'an troifième de la République.
( Mercredi 25 Mars 1795. vieux Byle.)
MERCURE
FRANÇAIS.
HISTORIQUE , POLITIQUE
ET LITTERAIRE
Le prixde & Abonnement eft de go liv
pous les Départemens &pourParish
CALENDRIER
RÉPUBLICAIN.
GERMINAL.
La Luno du mois a 29 jours. Du premier an 30 , les jours
erolfent mat. & foir de 51 min.
Ere Républicaine.
Fre
Valgaire
PHASES Tes moyen
au mudi
del de la
L.LUN E
I duodi
3 tridi
1 primedi tre Décado. 21 sama .
23flundi. 3
4 quartidi .
quintidi
6 fextidi.
feptidi ....
octidi
9 nonidi
10 Decadi.
22 Dim.
H. M.
985
1978
970
24 mardi
zymerc.s
26jeudi . 6
27 vend .
28 fam.
m.
40
29
29 Dim. du for. 17
7
30llundi, To
75
P. L.
99
11 primedi He Décade . 31 mardi
12 duodi...
13 tridi.
14 quartidi .
merc. 12115 à 4
zjeudi 131. 18m. u
3 vend. 14 du mat. ff
8
62
As quintidi .
16 fextidi .
17 feptidi.
18 octidi
19 nonidi..
20 Decadi...
32
4Cams
Dim 116.
58 16
57.99
lundi.7
5782
Zmardi 17
le 23 291
5765
jeudi. 20 du foir.
N.L.
29
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merc.90 33. S 7 42
21 primedi IIlIlIee Décad . 19 vend.
22 duadi
23 tridi
quareidi
25 quintidi
26 fextii .
27 feptidi .
28 odidi
nerdi
fam . 22 N.
12 Dim. 23 le 30 à 31
S
rundi. 24 h . 57 m. £.
14mardi du mat.
1senere. S
6
rheudi .
S
17 read.
18 fam. 29
28
S
5 550
19 Dim. 5.29
MERCURE
FRANÇAIS ,
HISTORIQUE , POLITIQUE
ET LITTERAIRE ;
PAR UNE SOCIÉTÉ DE PATRIOTES.
Du Quintidis Germinal , l'an troisieme
de la République.
( Mercredi 25 Mars 1795 , vieux style. )
TOME X V.
BLATA
MONAGENSIS
A
PARIS ,
Au Bureau du Mercure , rue des Poitevins ,
No, &
4 TABLE des matieres littéraires , depuis le 24 janvier
jusqu'au 20 mars 1795 , vieux style.
STANCES sur J. J. Rousseau au Panthéon ....
Nouvelle Grammaire raisonnée , par une société de gens
de lettres , le citoyen P..... éditeur .
Instruction publiqué . Ecoles normales ,
..
Nécrologie. Annonces de livres nouveaux .
Analyse des travaux de l'Ecole normale ...
Le hameau de l'Agnielas..
page
5 .
9.
16.
20 et suiv.
41.
48.
Recherches sur la nature et les causes des richesses des
nations , traduit de l'anglais , etc ...
Suite des travaux de l'Ecole normale .
74 .
77 .
Ode sur la prise de la Hollande ………. 105 .
De l'état actuel du Panthéon Français . ... 107 .
Premiere Lettre du Polémophile sur les caracteres de
l'opinion.... 118.
Suire de l'état actuel du Panthèow.
146.
Suite des travaux de l'Ecole normale . 253.
Notice sur la vie de Sieyes ..
177 .
Imitation d'une ode d'Horace , par Bambreville ..... 209 .
Suite des travaux de l'Ecole normale,.
219.
Deuxieme Lettre du Polemophile . 219.
Prejet d'une manufacture de végétaux artificiels .
Observations sur la nouvelle Ho lande ..
241 .
244 .
Conseils pratiques sur les libelles .
250.
Fables d'Ant. Vitalis ...
281.
Le Spectateur Français , etc. , par le citoyen Delacroix ...
286 .
Vers à Jacques
**
et à Caroline **
313 .
Géographie de France divisée en 88 départemens .
314.
Revue de quelques écrits sur la révolution .
316 .
Le Voyageur et la Lailiere , anecdote ... 353.
Suite de la revue des écrits sur la révolution ..
Spectacle.....
355.
362 .
Le petit-cousin de Berquin ...
385.
Suite de la revue des écrits sur la révolution. 388.
Bayerische
Staatsbibliothek
München
( No. 37. ) ..
MERCURE FRANÇAIS.
QUINTIDI 5 GERMINAL , l'an troisieme de la République.
( Mercredi 25 Mars 1795 , vieux style . " )
POÉSIE.
La naissance de mon fils Adolphe . ( Stances (1) ).
AIMABLE
enfant ,
précieux gage
De l'hymen le plus fortuné ;
Au bonheur , dès ton premier âge ,
La nature t'a destiné .
A peine un faible jour éclaire
Ton regard encore incertain ,
Chacun t'aime , et ta jeune mere
Ne t'exile pas de son sein .
Jadis , au pied d'un pin sauvage ,
Je me disais , en soupirant :
Si je pouvais sous ce feuillage
Caresser un aimable enfant !
Tu nais , et mon ame ravie
Sent toute sa félicité ;
...
Le plus doux rêve de ma vie
Devient une réalité .
Bientôt d'une claire verdure
Les bosquets seront couronnés ;
Je verrai toute la nature
Sourire à tes yeux étonnés.
( 1 ) Les paroles ont été mises en musique par Mehul , et se
trouvent chez Cousineau , rue de Thionville , n . 1840 .
A
( 4)
^
De l'hirondelle familiere
Le ramage , plein de douceur ,
Appellera sur ta paupiere
Un sommeil pur comme ton coeur.
Jaloux de voir le jour éclore
Le berger fixe l'horison ,
Tel je veux épier l'aurore
Qui précédera ta raison.
Aux jeux naifs de ton enfance
Je me mêlerai quelquefois
J'éclairerai ton ignorance
Au milieu des prés et des bois ,
Ah ! puisses-ta , tendre et sincere
Aimer toujours ta mere et moi !
C'est un devoir d'aimer un pere ;
Que ce soit un plaisir pour toi
J'atteindrai le bonheur suprême
Si tu me chéris à ton tour •
Autant que j'ai chéri moi- même
Gelui qui me donna le jour.
Par L. F. JAUFFRET.
CHARADE.
LECTEUR , to portes mon premier ,
Et Grettry dicte à mon entier
Comment il faut ménager mon dernier .
3
( 3 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
TRIOMPHE DE LA SAINE PHILOSOPHIE , OU LA VRAIB POLI
TIQUE DES FEMMES ; par la C. B*** . Brochure in- 8°.
de 117 pages ., A Paris , chez Debrai , libraire , maison
de l'Egalité.
Le défaut d'un titre trop imposant et trop vague est
de rendre le lecteur plus difficile sur le mérite de l'ouvrage.
Qui croirait , en lisant celui - ci , qu'il n'est ques
tion au fond que de quelques préceptes sur la conduite
que les femmes doivent tenir dans le mariage , présentés
sous la forme d'une espece de roman ?
C'est une correspondance entre deux amies qui , ayant
épousé deux freres d'un caractere tout à - fait opposé
se confient leurs mutuels sentimens . L'une d'elles
Cornelie , après quelques beaux jours d'une union chérie
, éprouve de la froideur de son époux . Eléonore la
console en lui traçant la conduite qu'elle doit tenir
pour s'assurer de sa constance. Une conduite sage ,
lui écrit-elle , peut seule nous mériter l'estime de notre
mari ; c'est un grand point pour conserver sa tendresse ;
mais ce n'est pas tout. Il faut encore mettre nos vertus
nos talens au ton de son caractere . La réflexion nous en
démontre la nécessité , mais ne nous l'apprend pas ; il n'y
a que le sentiment qui peut saisir toutes les nuances ;
lui seul sait parler toutes les langues du coeur et de
l'esprit....
" Ton mari a beaucoup d'orgueil ; entreprendre de
le réformer est au-dessus de tes forces ... Sers la vanité
d'Hyppolite en exerçant envers lui toutes les vertus ...
il se fera gloire alors d'être ton sincere adorateur. ››
Elle lui fait part des soins qu'elle prend à cultiver
son esprit pour offrir à son époux , dans une conver→
sation aussi variée qu'instructive , de nouveaux motifs
pour s'aimer. Elle l'invite à en faire usage. Un homme,
lui dit- elle , qui trouvera toujours dans la conversation
de sa femme un nouveau charme , se plaira à converser
avec elle . Il n'ira pas chercher dans une société étrangere
ce qu'il sera sûr de trouver chez lui ... Oui , ma
Cornelie , avec cette conduite tu os sûre de captiver
A 3
( 6 )
plus que personne l'esprit de ton mari. Il te reste à en
chaîner son coeur. C'est l'ouvrage des vertus .
" Une douceur qui ne se dément jamais est ton partage
; combien elle a de force ! ... L'indulgence pour
autrui est l'apanage de la raison. Nous devons toujours
envisager les choses du bon côté , ne croire au, mal
que quand il est évident. Ne donne pas , ma chere , d'autres
leçons de sagesse à Hyppolite , que ta bonne conduite .
Qu'il ne sorte jamais de ta bouche un seul mot qui
ressemble à la prédication. Ne fais pas de la vertu une
précieuse . Garde pour toi même sa sévérité . Ne montre
à ton mari que la sérénité dont elle te fait jouir intėrieurement
, et tu es sûre de la lui faire aimer.
Ne donne d'avis à ton mari , n'importe sur quoi ,
qu'il ne te les demande . S il s'égare , montre- lui si adroitement
la vérité , qu'il puisse croire l'avoir reconnue luimême
. Rien ne peut nous autoriser à prendre un ton
de supériorité. Toutes les qualités du coeur et de l'esprit
, s'effaceraient à ses yeux par une vanité si déplacée .
N'oublie pas que la modestie est le relief de notre mérite.
La soumission , le respect , sont les devoirs que la
nature et les lois sociales nous imposent envers notre
mari ....
" Tu dois mettie ta gloire à tenir envers ton mari la
conduite d'une amante , et borner tes voeux à devenir
son amie . Pour cela n'exige rien de lui . On est indigne
d'inspirer de l'amour ou de l'amitié quand on
se considere seule. Il faut toujours beaucoup avancer
de son côté : il est noble et satisfaisant de faire tout
pour ce que l'on aime... Montre à Hyppolite jusqu'au
fond de ton ame ; apprends - lui à y lire comme dans un
livre. Ne lui cache que les sujets de chagrin qu'il peut
te donner. La délicatesse te fait une loi de les lui taire .
Sur le reste , la confiance la plus entiere est de devoir.
Tu mériteras la sienne : c'est le lien le plus fort de l'amour
et de l'amitié .... ,,
Après avoir donné ces sages avis sur la conduite
qu'une femme sensée doit tenir dans son ménage , pour
y fixer le bonheur , Eléonore passe à la conduite que
son ami doit tenir dans la société.
Une femme , dit- elle , que l'on voit aller dans la
société sans son mari annonce , qu'elle saits amuser sans
lui ; et donne aux galans de profession le droit de chercher
à en profiter. Aie toujours quelque prétexte honnête
pour te dispenser de sortir lorsque ton mari n'aura
( 7 )
pas le tems ou la volonté de t'accompagner. Tu ne t'en
nuieras pas chez toi ; une femme d'ordre a mille petits
ouvrages à faire qui la distraient . D'ailleurs , de bonnes
lectures sont nécessaires pour l'exercice de ton esprit ;
ainsi tu n'auras pas de tems de reste . Tu ne croirais
combien la reputation tient à peu de choses , et combien
elle est importante pour le bonheur. Lorsque tu
seras en société avec ton mari , aie pour lui les mêmes
égards que pour un étranger. Ecoute-le avec attention
quand il parle . Que tes yeux disent à tout le monde
combien tu l'aimes ; et que tes actions prouvent l'estime
que tu as pour lui . par le respect que tu as pour
toi -même. Sans familiarité , montre de laisance ; sois
ainable avec les femmes ; réservée sans affectation avec
les hommes ; ne laisse appercevoir ton esprit qu'en fai
sant valoir celui des autres . Porte sur ton front l'image
de la candeur ; suis les modes avec décence ; consulte
plus le goût de ton mari que le tien propre ; mets autant
d'ordre dans tes habits que dans ta conduite . Si
tu ne técartes pas de ces principes , tu seras toujours
chere à ton mari ... Crois , ma chere , que la constance
se nourrit du mérite de l'objet aimé : l'homme n'est
volage que parce qu'il cherche le bonheur. S'il le
trouve réellement avec sa femme , il cessera de l'être . ,
En suivant ces sages conseils , Cornelie est heureuse .
Il est peu de femmes à qui ces avis puissent paraître
nouveaux , mais par cela même qu'ils doivent être connus
, et que néanmoins rien n'est plus rare que leur
pratique constante , on doit applaudir à l'auteur de les
retracer. Ce qui est indispensable au bonheur domestique
ne saurait être présenté trop souvent , et sous des
formes trop variées . En considération des intentions
vertueuses qui ont inspiré l'auteur , on oubliera le peu
de chaleur et d'élégance qui regne dans son style. La
simplicité , qui certainement est le premier mérite d'un
ouvrage de morale , n'est pas celui d'un ouvrage d'imagination
. Chaque genre de composition a le sien propre.
Nous terminerons par observer à la C. B*** . qu'en choisissant
le genre de roman , elle s'engageait à mettre plus
de variétés dans les situations et les événemens , plus
de chaleur dans les sentimens . On doit cependant des
éloges et des encouragemens à la citoyenne qui s'est
occupée de rappeller les dévoirs de son sexe . C'est sang
doute sous ce rapport , que le comité d'instruction publique
a souscrit pour cent exemplaires de cet ouvrage .
A 4
( 8 )
"
VARIÉTÉ S.
LETTRE au Rédacteur sur l'Accusateur public.
Dans la revue que vous avez faite de quelques écrits
relatifs aux dernieres époques de la révolution , vous
avez parlé de l'Accusateur public , dans des termes que
ma franche véracité ne pourrait vous pardonner , si je
n'entrevoyais de votre part quelque arriere intention de
persifflage. Quand vous comparez l'auteur de quelques
feuilles à Juvenal , à Tacite , à Lucien , etc. , je suis tenté
de croire qu'il entre un peu de malignité dans ces rapprochemens.
Mais quand vous dites que sa pensée est
toujours en présence de l'INTÉRÊT PUBLIC et des principes.
la malignité s'est montrée toute entiere à mes yeux.
Comme je crains pourtant qu'elle ne soit pas assez transparente
pour tous les autres , et que dans des tems de
révolution , il n'y ait encore bien des gens qui prennent
les choses au sérieux , je viens vous disculper auprès
de ces gens-là , et leur épargner la fatigue du doute ,
bien persuadé que si vous insérez ma lettre dans votre
journal , c'est une preuve que je vous aurai deviné .
"
Avez-vous lu l'Accusateur public ? me disait, il y a quel
que tems , un de mes amis ; ah , lisez l'Accusateur public !
quelle touche ! quelle énergie ! quelle satyre sanglante
des moeurs révolutionnaires ! Je sais , lui répondis- je ,
que cette feuille fait beaucoup de bruit ; et si l'auteur
n'a voulu que se faire lire , il me paraît avoir rempli
son objet. Mais quel rôle sublime que celui d'un
homme irréprochable et vertueux , qui , au milieu des
perils de son pays , ose monter à la tribune de l'opinion ,
pour y faire entendre une voix tonnante contre les scélérats
et les fripons de toute espece , et se déclarer l'auguste
champion de la justice et de la vérité ! S'il remplit
sa tâche dans sa difficile et périlleuse étendue , nul n'aura
mieux mérité de sa patrie . Egalement odieux à tous les
partis , à tous les coquins , à tous les ennemis de la République
, il sera cher aux gens de bien et aura pour
admirateurs tous ceux qui pleurent en larmes de sang
sur les maux de leur pays , et se serrent en phalanges
pour faire triompher la liberté .
J'appris bientôt que l'Accusateur public faisait les dé(
19 )
lices de ceux - là mêmes que j'aurais da compter au
nombre de ses plus implacables ennemis , qu'aristocrates
, royalistes , jacobins , montagnards se disputaient
ses feuilles ; que tous lui pardonnaient la mordicacité
de sa plume , en faveur des traits acérés dont il aiguisait
leurs espérances ; et qu'elles n'étaient pas lues moins
avidemment au café Payen qu'à celui de Chartres . Cette
découverte excita tout à la fois ma surprise et ma défiance.
Je me dis : Il faut donc que tous les partis
trouvent dans ces feuilles de fortes raisons pour les
aimer. Ou elles nourrissent l'esprit de malignité qui malheureusement
plaît encore à trop de gens ; ou elles
cachent des intentions que chaque espece de malveil
lans interprêtent en leur faveur. Si les aristocrates , les
royalistes et tous les ennemis de la constitution répu .
blicaine , avaient formé entre eux un pacte d'alliance
pour attaquer sourdement la liberté , et donner à la
révolution une direction perfide , auraient- ils l'imbécille
mal- adresse de prendre aujourd'hui , le costume des
Royou , des Suleau , des Gauthier, etc. ? Non : ils armeraient
en course sous le pavillon ennemi ; ils viendraient se
mêler parmi les vrais soldats de la liberté , et crieraient
avec eux , et bien plus haut qu'eux , au terrorisme , au
brigandage , aux hommes de sang ; ils frapperaient sur
les excès de la révolution , afin de fournir à ses ennemis
le plaisir de les confondre avec la révolution ellemême
; ils feraient un tableau effrayant des malheurs
de la patrie , et se garderaient bien d'offrir aucun remede.
Tout de feu pour blâmer le mal , ils seraient tout
de glace pour louer le bien , et s'ils brûlaient quelques
grains d'encens pur , devant la majorité de la Convention
nationale , ils mêleraient à leurs parfums quelques
vapeurs infectes et malignes . Sous prétexte de démasquer
les intrigans et de renverser le piedestal des fausses
idoles , ils s'attacheraient à perdre lentement dans l'opinion
publique ceux qui peuvent être utiles à leur pays ;
et après avoir fait des patriotes leurs dupes , ils finiraient
par en faire leurs victimes .
J'ai lu les cinq numéros de l'Accusateur public , et je
l'avouerai , mes craintes ne se sont point dissipées : j'ai
vu successivement se réaliser sur la toile quelques-uns
des traits qui s'étaient présentés à mon imagination . Je
dois le dire , ces feuilles sont écrites avec tout le talent
qui peut les faire lire , mais aussi avec toute la m →
lignité qui peut les rendre dangereuses . On ne saurait
peindre avec plus d'énergie les horreurs des tems me(
10 )
dernes. Les couleurs en sont fortes , mais ne sont- elles
pas exagérées à dessein ? L'effet de ses tableaux est terrible.
C'est l'enfer du Dante ; mais il semble avoir écrit .
comme lui , ici il n'y a plus d'espérance. S'il peint les tempêtes
de la Convention , on dirait qu'il apperçoit déja
les débris du naufrage . S'il parle quelquefois avec gran
deur de la majorité de ses membres , il imprime sur
plusieurs de ses décrets un persiflage amer et une ironie
sanglante . En voulez- vous une preuve , lisez , nº . 2 , ce
qu'il dit sur le décret d'encouragement aux gens de
lettres ; et no. 3 , sur celui qui augmente le traitement
des députés. Voyez dans le n° . 1er , le tableau qu'il fait
des bureaux de la Convention ; ce sont les cachots du
Châtelet ou le bagne de Brest.
14
Et le dialogue entre un Philadelphien et un député
sur les finances , la guerre et notre situation intérieure
où les objections de l'un sont si fortes , si pressantes ,
et les réponses de l'autre si faibles et si dérisoires , et
qui a pour but , en derniere analyse , de prouver que
nos finances sont désespérées , la guerre impossible à
soutenir , l'hypotheque et le crédit des assignats trèsdouteux
, notre position au- dedans plus qu'alarmante ,
et nos succès au dehors fort près des revers ; tout ce
qui est écrit sur ce sujet dans les numeros 3 4 et 5 ,
est- ce le véritable intérêt public qui les a dictés ? Sans
doute il est de grandes , d'utiles vérités à dévoiler ; mais
j'en appelle à tous ceux qui portent au fond de l'ame
le sentiment du bien public , est- ce ainsi qu'ils les auraient
présentées ? Est-on si largement prodigue de cen
sures , et si sobre , si indifférent sur les moyens de réparer
le mal.
9
Et la diatribe si virulente contre la philosophie et les
philosophes , est - elle d'un homme qui a calculé l'influence
des lumieres sur la révolution ? Sont- ce les hommes à
principe et à morale qui ont inondé leur patrie de sang
et de brigandage ? Tout le mal s'est fait par les ignorans ,
les fripons et les scélérats ; tout le bien n'est venu et
ne peut venir que de la raison et de la justice .
Qu'est- ce que ces tables blanches et ces tables noires ,
cet album et će nigrum , où sur les premieres on ne voit
que des pages qui attendent et qui attendront probablement
long-tems que l'auteur daigne y inscrire un
nom , qui puisse , en honorant le mérite et la vertu , inspirer
quelqu'encouragement à l'homme de bien , et ne
pas le faire désespérer de l'espece humaine ; et où sur
les autres on trouve , après des noms justement exécrés ,
2
( 1)
d'autres qui n'avaient pas mérité cette honteuse association.
Nagueres , c'était Target , le plus séparé peutêtre
de toute espece d'intrigues et de partis ; hier , Garat,
aujourd'hui Sieyes , Merlin de Thionville et Ræderer ; demain,
d'autres personnages auront leur tour. Ainsi , un faiseur
de pamphlets peut à son gré attacher successivement au
carcan , pour me servir de ses nobles expressions , tous
ceux que sa plume cynique voudra désigner. Est- ce
envie d'accréditer ses feuilles par l'audace de la satyre ?
C'est la méprisable célébrité du méchant. Est- ce projet
de ravir à des hommes qui peuvent servir la chose
publique , cette estime d'opinion sans laquelle il est
difficile de faire le bien ? C'est la manoeuvre coupable
d'un mauvais citoyen . Heureusement que ses tablettes
noires ne sont pas aussi dangereuses que les tables de
proscription de nos derniers tyrans ; mais si elles rẻ-
jouissent les ennemis de la révolution , et attristent les
gens de bien , c'est déja un grand mal , dans des tems
où les sinceres amis de la liberté n'ont pas trop de leur
sagesse et de leur énergie , pour lutter contre tant de
phalanges d'hommes , passionnés ou pervers.
Il faut avoir dans ses principes connus et dans sa vie
entiere une bien grande caution de soi-même , pour se
revêtir de la robe censoriale de Caton . J'ignore si ce
vertueux costume convient à l'Accusateur public . Si j'en
crois les uns , c'est une poupée royale ; selon d'autres ,
il a orné de quelques paragraphes le journal de Gauthier
et même les Actes des Apôtres. Moi qui suis étranger à
ces petites anecdotes secrettes ou publiques , je ne juge
l'homme que par l'ouvrage , et je déclare que le sien
n'est ni de Caton ni de Brutus. J'en appelle au jury de
tous les francs républicains .
Paris , ce 29 ventôse.
UN DE VOS ABONNÉS .
ANNONCE.
Esquisse, d'un tablean historique des progrès de l'esprit humain ;
ouvrage posthume de CONDORCET . A Paris , chez AGASSE , rae
des Poitevins , nº . 18 : 1 vol . broché in - 80 . de 385 pages . Prix ,
8 liv . Nous reviendrons sur cet ouvrage intéressant sous
tant de rapporis , et que l'on peut regarder comme un des
plus beaux monumens qui aient été élevés jusqu'à présent à
l'esprit humain . On trouve à la même adresse : Réflexions
sur le commerce des blés , par le même ; I vol , in- 8° . Prix , 4 liv .
Cet ouvrage analytique renferme sur cette matiere les principes
dont on n'aurait jamais dû s'écartér.
-
( 12 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 5 mars 1795.
Les papiers de Vienne parlent d'une rupture éclatante entre
la Russie et la Porte comme très - prochaine ; ils se permettent
même d'en déterminer le motif , en disant que c'est au sujet .
de la Pologne qu'elle aura lieu , et ils ajoutent : Il est deja
décidé que nous fournirons en argent , aux Russes , le contingent
stipulé de 30,000 hommes comme ils ont fait à notre
égard depuis le commencement de la guerre actuelle .
Les réflexions qui se présentent naturellement , d'après
cette nouvelle si elle est vraie , c'est qu'il est plus que pros
bable que les Russes n'enverront point une armée sur le
Rhin , comme le bruit en avait couru ; l'impératrice aura
besoin de toutes ses forces contre la Porte Ottomane , sur- tout
si la Suede et le Danemarck prennent le parti de eette derniere
puissance , comme on le presume . Mais on ne peut
s'empêcher de dire aussi que la Turquie s'avise bien tard
porter du secours à la Pologne. de
Ce que ces mêmes papiers de Vienne ne disent pas encore ,
mais ce qu'on apprend par des lettres particulieres , c'est
que l'arriere - ban de la noblesse hongroise , consistant en
50,000 hommes , y compris leurs écuyers , qui étaient prêts à
marcher vers le Rhin , vient de recevoir contre-ordre ; cisconstance
qui annouce de la part du gouvernement autrichien
la crainte d'être attaqué de son côté , en cas que la Porte
se déclare contre la Russie , et l'intention de conserver ses
forces pour couvrir cette partie de ses frontieres contre les
incursions des Tartares .
Au reste , le traité de partage de la Pologne , premiere
cause de cette guerre , si elle a lieu , n'est pas encore réglé , à
ce qu'on mande de Berlin et de Copenhague. Ou écrit
de cette derniere ville qu'on y parle beaucoup de l'armement
des forces maritimes pour le printems prochain . Les Français
sont toujours vus de très - bon oeil du cabinet de Copenhague
et de celui de Stockholm . Ils ont rendu des services
essentiels à ce dernier dans l'incendie de Berghen en
Norwege , et malgré tous les soins et les efforts des équipages
13.)
"
Français qui se trouvaient dans ce port pour en arrêter les ,
progrès , on évalue encore à 200,000 écus le dommage qui sans
eux aurait été bien plus considérable. Ces braves gens ont
refusé une somme considérable qu'on leur offrait ; ils ons
trouvé leur récompense dans les embrassemens des habitans
qui ont conru les leur prodiguer quand l'incendie à été
éteint.
A Gothembourg en Suede , où le commerce fait circuler
beaucoup d'assignats , on en a trouvé de faux : un juif , soup--
çonné de les avoir fabriqués , est incarcéré lui et son complice.
Un camp a dû être établi à Schonen , ce qui donne lieu à
diverses conjectures : si l'on ne connaît pas le véritable motif
de cette mesure , quelques personnes du moins lui ont trouvé
un prétexte assez plausible . Elles disent qu'il n'est question
que de faire manoeuvrer les troupes , et de montrer l'armée
au jeune roi. Le régent son oncle est chargé de l'inspection
immédiate de l'académie militaire , et s'en acquitte comme de
tout ce qu'il fait , c'est- à -dire très - bien .
On mande des frontieres de Pologne que le sort des chefs
de l'insurrection reste encore indécis . Kosciuszko à Schlus
selbourg occupe quelques chambres de la maison du commandant
; on lui laisse son chirurgien et des domestiques ; i
jouit même de la permission de se promener dans l'intérieur
de cette forteresse , où il doit finir ses jours . Catherine II
lui accorde trois ducats pour sa dépense journaliere . Les
motifs d'un traitement si doux sont , à ce qu'on assure , que
le généralissime ne faisait qu'exécuter les plans d'Ignace Po- .
tocki et du chancelier Kollontay.
On ne sait rien de bien positif sur la dispostion actuelle
des esprits dans les provinces conquises par les puissances
co-partageantes ; et si , en cas que les Turcs fissent enfia un
mouvement en faveur des Polonais , ils seraient secondés par
une nouvelle insurrection.
De Francfort-sur-le- Mein , le 14 mars.
La douce espérance d'une paix si nécessaire à l'Europe s'est
évanouie de nouveau . On dit par- tout que les alliés sont décidés
à employer toutes leurs forces , et l'on cite pour exemple
700 valets destinés seulement au service des trains de l'artillerie
qui partent pour l'armée du général de Mollendorf, et
dans la marche de Brandebourg , l'ordre donné à tous les régimens
de se tenir prêts à partir au premier signal.
Ces nouvelles sont du 24 février ; d'autres du 18 , en date
de Vienne , disent que l'empereur a écrit de sa propre main an
général Clairfayt pour l'inviter à garder le commandement
qu'il ne remplissait plus que par interim depuis deux mois
( 4 )
qu'il l'avait résigné ; ces mêmes lettres ajoutent que l'empe
reur se propose de se rendre à l'armée pour assister à l'ouverture
de la campagne , si les négociations ne font pas prendre
une autre tournure aux affaires . Dix jours plus tard , on écrit
que la commission est occupée à faire vérifier dans ce moment
les listes de conscriptions , et å presser le rassemblement des
troupes destinées à renforcer les armées du Rhin qui vont
entamer des opérations militaires Cependant , malgré tous
ces préparatifs , on sait que la paix est singulierement desirée
de tout le corps germanique , et même des grandes puissances
de la coalition qui sont dans un véritable état d'épaisement
. L'empereur à d'ailleurs , pour sa part , des motifs particuliers
de la desirer. Les conspirations qui ont pense éclater
en Hongrie et jusques dans Vienne , les ponts de communication
sur les deux bras les plus considérables du Danube
emportés par la debacle des glaces , la dificulté des approvisionuemens
, la cessation d'une partie du commerce de ses
états , tout semble lui faire une loi de la rechercher ; ajoutez
à celá la retraite de la Toscane de la coalition , dont l'Espagne
ne tardera vraisemblablement pas non plus à se détacher , si
elle consulte ses véritables intérêts , et l'on concluera que la
paix n'est pas encore impossible.
Quinte mille Liégeois vont , dit- on , se réunir aux tronpes
de la République Française , et les aider à conserver la Hollande
ou à se maintenir dans le pays de Cleves. Les Français
y out imposé une contribution de cinq millions sur les provinces
prussiennes ; ils y ont mis aussi en requisition des
vêtemeus , des vivres et effets de tout genre. La plupart des
belles fabriques sont tombées , et une grande mortalité regne
parmi les habitans .
Les choses sont toujours dans le même état à Mayence ;
les Français , dans les premiers jours de mars , ont même
reculé leurs avant - postes , et les Autrichiens se sont établis
dans les îles du Rhin au-dessous de cette place. Il y a cependant
des escármouches journalieres . Mais les Français ont eu
un avantage à Luxembourg , dans la nuit du 8 au 9 ; on n'en
connaît point encore les détails , on sait seulement que l'armée est .
pleine d'ardeur et demande à presser l'attaque de cette forteresse
, dont la garnison a tenté une sortie infructueuse , secondée
par des troupes du dehors avec aussi peu de succès .
Il parait qu'on attend en Westphalie les troupes prussienues
du 19 au 15 mars .
Suivant des lettres de Lingen , du 9 , la surveille il y avait
eu une affaire d'avant- postes entre les Français et les Anglais ,
entre Almelo et Wrieden . Les Anglais y ont essuyé quelque
perte qui les font tenir sur leurs gardes.
( 15. )
ITATI k.
De Rome , le 18 février. L'extrême cherté des vivres a dėja
occasionné des mouvemens populaires dans plusieurs villes
d'halie , sur- tout à Vicence , où pius de vingt personnes ont
peri . Depuis quelques jours ils ont éclate ici d'une maniere
tres -alarmante. Voici quel en a été le prétexte on sait que
les plaisirs du carnaval , les bals , les mascarades sont en
Italie une espece de besoin pour une classe très nombreuse
du peuple. Cependant le pape , depuis trois ans , a cru devoir
interdire les bals et les mascarades , eu motivant cette défense
sur les maux que Thumanité eet la religion éprouvaient.
La noblesse n'a pas laissé que de se livrer à ces plaisirs ,
tandis que les autres habitans ont été astreints à se conformer
rigoureusement à l'ordonnance papale. Caue conduite en a
irrité un grand nombre.
Dès le jeudi gras , les trans-tiberains , et ceux qui occupent
le quartier de la Porte du Peuple , commencerent à se masquer
et à parcourir les rues de Rome . De nombreuses patrouilles
furent bientôt sur pied , et cet évenement n'eut aucune
suite. Mais le lundi suivant ils se montrerent en plus ,
grand nombre , masqués et dansant dans les rues au son des
instrumens . La garde voulut les disperser ; ils firent résistance :
on en arrêta quelques -uns . Ce fut le signal d'une insurrection
qui continua la nuit suivante et toute la journée d'hier
mardi gras. Plus de mille hommes armés de pierres , de bâ onsi
et de couteaux , se jetterent sur les patrouilles et les corpsde-
garde qu'ils mirent en fuite à coups de pierres : deux soidats
furent tués. La troupe voulait faire feu ; mais pour ue
pas accroître le tumulte , le gouvernement ordonna qu'elle se
tiat tranquille elle se retira. La foule se porta le soir à
différens palais , avec des flambeaux et des fascines pour les
escalader. Elle alla d'abord au palais Borghese , où il y
un bal et un souper nombreux , et fit mine de vouloir enfoncer
les portes . On lui distribua quantité d'argent par la
fenêtre ; elle se retira alors et se rendit au palais du duc
Braschi , neveu du pape . Elle entra à force ouverte , pénesia
⚫ dans les salles et même dans l'appartement de la duche se
qui était malade , et qui , dans ce moment d'effroi , fut atta
quée de convulsions dans lesquelles elle faillit expirer . A
force de prières et d'argent ; on parvint à l'éconduire . Elle se
porta de-là au palais du prince Piombino et du prince Chigi ;
mais ayant tenté en vain d'y pénétrer , elle se rendit dans
plusieurs auberges , où elle mit à contribution les étrangers ,
se gorgea de vivres et de vin sans payer , et finit par piller
plusieurs maisons . Le gouvernement parait intimidé , et n'oppose
que beaucoup de modération . Il soupçonne que parmi
( 16 )
ceux qui se livrent à ces excès , il y a des hommes qui
tentent d'opérer une révolution . L'épouvante est ici générale ,
et un grand nombre d'habitans se disposent à quitter la ville ,
si les troubles continuent.
ANGLETERRE. De Londres , le 3 mars 1795 .
Les nouvelles arrivées hier d'Irlande sont de la plus haute
importance. Voici l'extrait des lettres de Dublin .
Le mercredi soir , 25 février , le comte Fitz -William reçut
une dépêche écrite de la propre main de M. Pitt , qui lui
défendait , au nom de sa majesté , de donner aucune suite
au bill en faveur des catholiques , ni à celui qui ordonnait le
rapport du conventionzact . Il lui était de plus enjoint de rétabir
dans leurs fonctions respectives les personnes qui en
avaient été chassées ; et dans le cas où le lord Fitz -William
refuserait d'obéir à ces ordres absolus , les mêmes dépêches
, assure t-on , lui ordonnent de remettre sur-le - champ les
rênes du gouvernement à une commission de lords -juges qui
serait chargée de l'administration jusqu'à l'arrivée de son
successeur. Les lords-juges seraient le lord chancelier , le
chef de justice du banc du roi , l'orateur de la chambre des
communes et le primat d'Irlande tel était le bruit général
dans les cercles de Dublin les plus instruits des mouvemens
politiques. Les amis du comte Fitz-William disent avoir reçu
de M. Pitt des lettres confidentielles , où il les assure que
les motions faites au parlement pour l'introduction de ces
bills , que le renvoi de MM. Resford , Wolfe et Toler , sont
entierement contraires aux conventions faites entre le comte
Fitz -William et lui ; et que sa majesté prévoyant le parti que
prendrait le noble lord de donner sa démission , il avait jugé à
propos de charger une commission de ses fonctions . L'on présume
que le lord Cambden remplacera le comte Fitz - William.
·
Il est impossible d'exprimer l'effet prodigieux que produisit
sur la nation irlandaise une pareille nouvelle . L'étincelle
électrique n'est pas plus rapide. La chambre des
communes s'assembla le 26. L'on proposa sur le champ
une adresse au comte Fitz - William , à l'effet de déclarer
qu'il avait la confiance de la nation et de le prier de
continuer ses fonctions de lord lieutenant. Cette motion fit
naître une discussion extrêmement intéressante . M. Pousonby
déclara que le tems n'était pas venu encore de donner l'explication
des bruits qui circulaient dans le public , mais qu'il
croyait fermement que le tems n'était pas loin où tout serait
expliqué , et , il l'espérait , à la satisfaction de tous les partis .
Il pria cependant qu'on voulût bien retirer la motion , ce qui
fut fait sur- le - champ .
Le lord lieutenant , sans perdre un moment , exprima toute
l'indignation
( 37 )
l'indignation qu'il avait ressentie à la réception de ces dépêches
, fit partir sur- le-champ , pour Londres , un courier qui
annonçait sa démission , et fixait le jour de son depart ; il a
déclare qu'il serait à Londres d'ici à huit jours , à moins que
l'on n'en revit au parti qu'il assure avoir eté convenu entre
le ministere et lui , avant son depart d'Angleterre , et qui a
été l'unique bâse de sa conduite depuis son arrivée ici .
Il ne faut pas regarder cet événement comme une de ces
révolutions ordinaires qui n'entraînent d'autres conséquences
que la victoire d'un parti sur l'autre . S'il faut en crone les
politiques les plus sages et les plus éclairés , le sort de
l'Irlande en dépend . En effet , quoique la derniere coalition
des chefs des Whigs avec le ministre fût aussi absurde en ,
politique , qu'immorale en principes , cependant le caractere
d'honneur et de probité du lord Fitz William était si
bien établi , que l'on ne doutait pas qu'il n'eût fait de la
berté des catholiques irlandais , l'une des principales conditions
de son traite avec M. Pitt ; et cependant de quel
mépris celui - ci vient d'accabler ce corps si puissant et si naltraite
jusqu'ici ! Ainsi , de toutes les flatteuses esperances.
dont ils s'étaieut nourris , il ne leur reste plus qu'un affreux
désespoir. Ceux qui connaissent l'etat de l'irlande peuvent
se former une idée de la confusion qui regne dans ce malheureux
pays .
Débats du Parlement. Chambre des Communes.
Suite de la seance du 5 février.
Emprunt Impérial.
M. Pitt. Je réclame toute l'attention de la chambre sur le
gracieux message de sa majeste. Ce message est principalement
relatif à une alliance infiniment importante dans la
guerre actuelle ..
Je m'étais d'abord proposé de faire précéder cette discussion
par l'exposé des dépenses courantes pour cette année.
Mais les debais qui viennent d'avoir lieu m'ont fait renoncer
à ce dessein , et je demande que la chambre délibere uniquement
sur ce grand objet , en écartaut toutes les autres
questions auxquelles il tiendrait par des rapports plus ou
moins éloigues . Comme sa majesté a déclaré , par son message
, que les négociations étaient entamées , je u'entrerai
dans aucun détail , pour le moment actuel ; je me contenterai
de traiter la question sous un point de vue très- genéral.
La majorité de la chambre a senti que , dans les circons
tances présentes , il était impossible d'etablir la paix sur des
bâses solides et permanentes , et que le vrai moyen de l'obtenir
durable était d'opposer à l'ennemi les mesures les plus vigous ,
Tome XV. B
( 18 )
reuses . C'est par- là seulement que nous assurerons la tranquillité
de l'Europe et la paix de ce pays . Nous avons un
ennemi puissant dans tous les tems par ses grandes ressources
en hommes et en argent ; mais qui , par les requisitions et
autres mesures de cette espece , s'est rendu bien plus redoutable
encore . Il est donc du devoir de la chambre de tirer
tout le parti possible de nos alliances dans le continent ,
pour empêcher cet ennemi d'employer ses grandes ressources
à devenir le maître des mers , lorsque la Grande Bretagne
a mis son ambition et son argent à donner cet élément . Les
grands efforts que la France a faits pour élever sa marine ,
appellent de notre côté les mesures les plus vigoureuses .
Car il ne faut point oublier que cette guerre n'est point
une guerre de notre choix , et que nous y avions été poussés
par l'aggression des Français . Nous devons discuter ici par
quels moyens nous attaquerons ce puissant et formidable
ennemi ; il faut donc examiner et nos ressources et les mesures
à prendre pour maintenir notre supériorité maritime .
caractere
Quant au premier point , nos richesses et notre crédit ont
porté nos finances à un état si respectable , que nous sommes.
à cet égard au- dessus de toutes les autres nations . Mais pour
conserver notre supériorité sur les mers , il faut occuper l'enuemi
par une grande puissance continentale , afin de détourner son
attention de la marine . Et dans les circonstances actuelles , à
qui devons-nous principalement nous attacher , si ce n'est à
la maison d'Autriche ? Quelle est la puissance dont l'alliance
nous soit plus utile ? Si nous considérons son
militaire , sa situation locale , et l'intérêt qu'elle a à continuer
la guerre . Si dans l'état actuel des choses nous ne pouvons
espérer la paix , il faut poursuivre la guerre avec vigueur pour
négocier avec avantage ; il faut opposer une barriere aux irruptions
françaises . Songeons au terrible exemple que nous avons
sous les yeux. La Hollande négociait la paix , et pendant ce
tems on s'emparait de ses provinces . En considérant sur ce
point de vue la situation de l'Europe et de l'Angleterre , il
n'est personne d'entre vous qui ne vit avec douleur l'empereur
se retirer de la coalition .
S'il était besoin d'autres motifs pour continuer la guerre , je
pórterais votre attention sur les événemens qui se sont passés
depuis le commencement de cette session . Voyez les discours
de Tallien à la Convention , vous y rencontrez sans cesse les
preuves de la misere de l'intérieur ; que l'on examine sans passion
l'état de leurs finances , qu'on lise attentivement les
comptes rendus par les meneurs les plus considérés de la Convention
, et l'on se convaincra qu'ils sont reduits à un état
désespéré par l'énorme quantité d'assignats en circulation , dont
ils ne peuvent diminuer la masse : voilà ce qui épouvante les
plus hardis parmi eux .
La suite au numéro prochain. J
( 19 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DI THIBAUDEAU.
Séance de septidi , 27 Ventôse.
Un membre , au nom du comité des secours , fait un rapport
sur la répartition dans les départemens des secours aux
indigens . Lecointre ( de Versailles ) dit que le peuple a été
trop long- tems esclave , et qu'il faut qu'il recouvre sa liberté
et nomme les citoyens qui doivent composer les comités de
bienfaisance. Thuriot et plusieurs autres membres l'appuient.
La Convention décrete , 1 ° . que l'état de répartition de la
somme de dix millions qui , par le décret du 27 pluviôse
dernier , doivent être répartis dans tous les départemens pour
secourir l'indigence , sera imprimé et distribué à chacun de
ses membres ; 20. que les membres du comité de bienfaisance
de Paris seront nommés , suivant les anciens réglemens , par
l'assemblée générale de chaque section ; 3 ° . que le comité
des secours rendra compte de l'exécution des lois sur la sup .
pression de la mendicité .
Lecointre reproduit sa motion relative aux biens des condamnés
injustement . Il dit qu'un représentant du peuple ,
député le matin et journaliste le soir , porte l'exaspération et
le desir des vengeances dans tous les coeurs , en prétendant
que la confiscation des biens des condamnés injustemeut est
une mesure tyrannique , que personne n'achetera ces biens ,
et en insinuant aux fils qu'ils ont le droit d'arracher des
mains des acquereurs les biens de leurs peres condamnés .
Il demande que , pour fixer l'opinion sur cette matiere , les
trois comités examinent si l'on doit ou non restituer les biens
confisqués par suite de jugemens iniques. On demande l'ordre
du jour ; Bourdon ( de l'Oise ) s'y oppose. Il pense, qu'il
faut rendre les biens à ceux qui ne possedent qu'une modique
fortune , et accorder aux autres des indemnites . Les enfans ,
les veuves des coupables eux - mêmes ne sauraient aimer la
révolution , s'ils sont réduits aux larmes. Il propose le renvoi
aux comités ; il est décrété .
Merlin ( de Douai ) , au nom du comité de salut public ,
donne lecture des lettres de créance du comte Carletti , en
qualité d'envoyé extraordinaire du grand - duc de Toscane auprès
de la République Française . Merlin propose et la Convention
décrete que ce ministre sera admis demain dans le
B 2
( 20 )
sein de la Convention nationale , pour être reconnu en cette
qualité.
#
Des citoyens des sections du Finistrere et de l'Observatoire
sont entendus . L'orateur s'exprime en ces termes : Le
pain nous manque et nous sommes à la veille de regretter
tous les sacrifices que nous avons faits pour la révolution . Des
murmures l'interrompent. Il continue : Ne laissez pas flotter
au milieu de nous l'étendard de la famine , déployez tous
les moyens que le peuple a mis dans vos mains , et donnez
nous du pain . Huit cents de nos camarades attendent votre
réponse.
Le président leur répond que la France entiere fait des
sacrifices sans nombre pour l'approvisionnement de Paris ;
qu'il n'y a point de département où le pain ne soit plus
cher et plus rare , et que cependant on ne murmure pas.
Il ajoute que des mouvemens n'auraient d'autre résultat que
d'augmenter la disette ; mais qu'au surplus le courage et
l'énergie de la Convention , seront toujours supérieurs anx
événemens , et que forte de la puissance du peuple elle périra
à son poste plutôt que de rétrograder.
André Dumont demande que la pétition et la réponse du
président soient imprimées et affichées , afin que tous les
citoyens connaissent jusqu'à quel point la perfidie et la scélératesse
poussent leurs manoeuvres . Adopt .
Boissy d'Anglas , au nom du comité de salut public , vienc
rendre compte de l'exécution du décret de la Convention
relatif à la distribution du pain dans Paris . Il existe dans
cette commune six cents trente - six mille habitans , chacun a
reçu sa livre de pain et il en est resté cent soixante deux
mille livres pour ceux à qui le décret accorde une demilivre
de plus , ce qui est beaucoup plus qu'il ne faut , puisque
la moitié des habitans de Paris ne doit pas être considérée
comme vivant du travail de ses mains . Boissy rassure ensuite
l'Assemblée sur les subsistances . Son rapport sera imprimé.
Cambacerès , au nom du même comite , présente la rédaction
du décret relatif à la direction des relations extérieures .
Il est adopté en ces termes :
La Convention nationale , après avoir entendu le rapport de
son comité de salut public , décrete :
« Art. Ier. Le comité de salut publie , chargé par la loi
du 7 fractidor de la direction des relations extérieures ,
négocie , au nom de la République , les traités de paix , de
trêve , d'alliance , de neutralité et de commerce.
" Il en arrête les conditions .
" II. Il prend toutes les mesures nécessaires pour faciliter
et pour accélerer la conclusion de ces traités .
III. Il est autorisé à faire des stipulations préliminaires et
particulieres , telles que des armistices , des neutralisations y
( 21 )
selatives pendant le tems de la négociation et des conventions
secrettes .
" IV. Les engagemens secrets contractés avec des gouvernemens
étrangers ne peuvent avoir pour objet que d'assurer
la défense de la République , ou d'accroître ses moyens de
prospérité .
" V. Dans le cas où les traités renferment des articles
secrets , les dispositions de ces articles ne peuvent ni être
contraires aux articles patens , ni les atténuer.
, VI . Les traités sont signés , soit par les membres du
comité lorsqu'ils ont traité directement avec les envoyés des
puissances étrangeres , soit par les ministres plénipotentiaires
auxquels le comité a délégué à cet effet des pouvoirs .
VII . Les traités ne sont valables qu'après avoir été examinés
, ratifiés et confirmés par la Convention nationale , sur
le rapport du comité de salut publie.
,, VIII. Néanmoins les conditions arrêtées dans les engagemens
secrets , reçoivent leur exécution comme si elles avaient
été ratifiées .
,, IX, Aussitôt que les circonstances permettent de rendre
publiques les opérations politiques qui ont donné lieu à des
conventions secrettes , le comité read compte à la Convention
nationale de l'objet de la négociation et des mesures
qu'il a prises. 19
Cette rédaction est adoptée .
Séance d'octidi , 28 Ventôse.
Marec , an nom du comité de salut public , annonce que
les malveillans ont répandu dans le public le bruit que les
Anglais nous avaient pris un convoi consiserable , tandis
que cette perte se réduit à dix bâtimens ; il ajoute
que
en sommes bien dédommages par la prise de 52 bâtimens entrés
dans nos ports depuis le 27 pluviose , et charges en grande
partie de subsistances . Insertion au bulletin .
nous
Aubry , au nom des comites militaire et de sûreté générale ,
dit que ,
dans ce moment , tous les citoyens ont le même
intérêt au maintien de l'ordre et de la tranquillite publique ,
et qu'ils doivent donc concourir personnellement au service
de la garde nationale . It propose de rapporter l'article de la
loi qui permet aux fonctionnaires publics de se faire remplacer.
Pénieres observe qu'un fonctionnaire à son poste est
comme un soldat dans sa guerite . Tallien adresse la parole
aux Parisiens et leur demande s'ils veulent laisser rétablir le
regne de Robespierre . Il les invite à monter eux - mêmes leur
gaide , et à ne pas se faire remplacer par des hommes qui
en font un métier , parmi lesquels il se trouve peut- être des
malveillàus qui n'attendent que le moment favorable de les
B3
( 22 )
égorger. Le projet est renvoyé à un nouvel examen des
comités .
Les comités civils des sections du Finistere et de l'Obser
vatoire viennent désavouer les pétitions présentées hier au
nom de leurs sections . Ils annoncent qu'aucun citoyen de
leur arrondissement n'a signé cette piece séditieuse et criminelle
.
Pendant que Boissy faisait un rapport sur les subsistances ,
le comte Carletti entrait dans la salle ; le président lui donne
la parole :
66
Citoyens représentans , choisi par le grand-duc de Toscane
pour me rendre auprès de vous , et chercher à rétablir
une neutralité précieuse au gouvernement toscan , que des
circonstances malheureuses l'avaient force de suspendre contre
son voeu et son intérêt , j'ai regardé cette commission publique
, la premiere que j'aie acceptée dans le cours de ma vie ,
comme llaa plus honorable pour un ami de l'humanité , de sa
patrie et de la France . Le jour que j'ai signé un traité de
paix avec la République Française , a été le plus beau de mes
jours , et celui où la nouvelle en est venue en Toscane , celui
d'une joie universelle .
" Organe des sentimens de ma patrie , destinée heureusement
par la nature à ne prendre aucune part aux querelles militaires
et politiques des grandes puissances , il est bien doux
pour mon coeur de pouvoir vous assurer que le gouvernement
et les habitans de la Toscane ont toujours conservé pour vous ,
malgré les évenemens , tous les égards qui sont dûs à votre
puissante nation .
99 Quant à moi , je mettrai tous mes soins à cimenter , de
plus en plus , pendant mon séjour ici , la bonne intelligence
qui doit exister entre les deux états .
" Puisse la paix qui vient de se conclure entre la France
et la Toscane , être l'augure d'autres traités plus importans à
la tranquillité de l'Europe qui en a besoin et puissé-je , après
vous avoir trouvés à mon arrivée couverts de lauriers militaires
, vous voir reposer bientôt à l'ombre salutaire da pacifique
olivier, 19.
Ce discours a été souvent interrompu par les plus vifs
applaudissemens . Le président a répondu :
Le peuple Français a porté chez tous ses ennemis l'étendard
de la victoire . Etre libre , voilà sa volonté ; respecter
les gouvernemens ,voisins , voilà ses principessa , puissance
et son courage , voilà ses garanties . Heureux les peuples dout
les gouvernemens avares du sang humain sentent le besoin
de la paix . La Toscane a été forcée de rompre sa neutralité ,
elle n'a jamais persécuté les Français . La République devait
conclure avec elle un traité conforme aux intérêts communs .
Puisse cette initiative d'une paix générale réaliser cette vérité
( 25 )
éerite dans la nature , et que la barbarie a reléguée dans les
écrits des philosophes ; que les hommes ne sont pas faits
pour se déchirer , mais pour s'aimer et travailler par un échange
de services à se rendre heureux . Le choix que le gouver
nement de Toscane a fait d'un homme connu par ses taler's ,
son amour pour l'humanité et les services qu'il a rendus aux
Français , est un nouveau garant que la bonne intelligence
entre les deux nations ne sera point troublée . "
4
Cette réponse a été aussi fort applaudie . Elle sera imprimée
avec le discours de M. Carletti , et sur la proposition de
Merlin , au nom du comité de salut public , il est reconnu ministre
plénipotentiaire de Toscane auprès de la République
Française. Il monte au bureau , et le président lui donne
l'accolade fraternelle au milieu des eris de vive la République.
Aubry , au nom des comités réunis , fait adopter un projet
de décret relatif au service de la garde nationale à Paris . Il
porte que tous les citoyens sout tenus de faire le service
personnellement. Les fonctionnaires publics qui en sont exempts
sont nommés , des peines contre les défaillans prononcées ,
et les comités présenteront un projet général pour toute la
République .
Séance de nonidi , 19 Ventôse.
Vernier , au nom du comité des finances , fait décréter un
grand nombre d'articles concernant la liquidation des actions
de la compagnie des assurances sur la vie .
Lecointre ( de Versailles ) demande , par motion d'ordre ,
que l'on mette en activité la constitution de 1793 , et qu'on
organise enfin le gouvernement démocratique . Il faut , dit-il ,
que le rameau de la paix soit enté sur l'arbre des lois ; trop
Jong- tems arbitraire a pesé sur nos têtes ; trop long- tems
misere et toutes les passions ont tourmenté les Français ;
il faut un terme aux malheurs publics . Dés ambitieux se sont
tour-à -tour disputés l'empire et le char de l'opinion . A peine
y étaient- ils montés qu'ils en ont été précipités . Le penpie
s'est jetté à travers toutes les factions , il les a toutes écra
sées dans les immortelles journées des 14 juillet , 5 octobre ,
10 août , 31 mai et 9 thermidor . ( Des murmures interrompent
l'orateur . On demande qu'il soit rappelle al'ordre. ) Il est tems ,
dit Bailleul , que l'opinion publique ne soit plus vacillante
sur cette infâme journée du 31 mai. On parle de paix et
d'union , sans doute elles sont nécessaires ; mais pour qu'elles
regnent dans cette enceinte , il ne faut pas que le erime y
trouve des protecteurs et des appuis . Lecointre déclare que
par amour pour la paix , il va rayer de son discours la journée
du 31 mai , et il continue :
La constitution de 1793 ne nous appartient pas . Elle es
la propriété du peuple , la liberté et le bonheur ne s'ajournent
B 4
( 24 )
pas. La constitution démocratique , les droits de l'homme
et du citoyen . Voilà les eris de tous les Français , que l'arche
sainte qui renferme nos plus cheres esperances s'ouvre à nos
regards ..... Hâtons -nous d'aneantir l'affreux gouvernement révolutionnaire
, de décréter des formes protectrices pour l'in
nocence .
Lecointre termine en présentant un projet de décret dont
voici la substance : Le gouvernement révolutionnairc est aboli ,
la constitution décretée en 1793 sera sur- le- champ mise en
activité. La Convention restera à son poste jusqu'à ce qu'elle .
ait déterminé les lois organiques . Le comité de sûreté générale
rendra compte des arrestations qu'il a ordonnées . Il ne pourra
arrêter un citoyen pour ses écrits , opinions et actions ,
moins qu'ils ne soient proscrits par le texte d'une loi précise
. Un citoyen arrêté sera élargi dans les 24 heures , ou
renvoyé devant les tribunaux . Les lois des 17 septembre et
5 ventôse sont rapportées , les jeunes gens de la premiere.
requisition retourneront à leur poste.
Cambacerès presente quelques réflexions sur le danger de
dérouler les maux de la révolution , sans y appliquer le
remede ; il dit que la loi du 17 septembre n'est pas aussi
mauvaise qu'on veut bien le faire croire , et qu'on ne peut
pas rester sans lois de police.
Le discours de Lecointre est renvoyé aux comités .
Séance de décadi , 30 Ventôse.
Gossuin , an nom du comité militaire , fait rendre un décret
concernant les gendarmes de service auprès de la Convention ,
et la gendarmerie à cheval répandue dans les départemens . Leur
sort est amélioré ; mais s'ils quittent leur état sans motif , ou s'ils
vendent leur cheval , ils seront déclarés indignes de servir la
patrie .
Lomont , secrétaire , donne lecture d'une adresse des administrateurs
du Calvados. Ils démentent le bruit qui s'était
répandu que l'arbre de la liberté avait été coupé à Caen. Il
y a eu seulement quelques mouvemens dont les subsistances
ont été le prétexte . Quelques femmes séditieuses ont insulté
la cocarde nationale , mais elles ont été arrêtées . Renvoi
au comité de sûreté générale .
Boissy d'Anglas prononce un discours relatif aux biens des
condamués . Il dit que la Convention a été témoin et victime
du régime de terreur qui a pesé sur toute la France ; mais
que depuis le 9 thermidor , les représentans du peuple ne
peuvent rien rejetter sur personne. Le bien qui s'est fait et
le mal qui pourrait se faire leur appartiennent également. Ils
ne seraient pas dignes de renverser les tyrans s'ils les imitaient ,
ils ne mériteraient pas de fonder la liberté , s'ils violaient les statuts
de la justice. Tous les assassinats juridiques méritent une réparas
à
( 25)
tion authentique. Les confiscations sont des larcins qui ont
réduit à la misere des milliers de famille . On dit que ces
biens sont nécessaires à la fortune publique . L'atmosphere
des tyrans nous envelopperait done encore ? Qu'est - ce que
la richesse publique bâtie, sur la misere des particuliers ? Le
peuple ne veut point de ce tribut de larmes et de sang. Les
assignats sont des billets de confiance dont la garantie repose
sur la loyauté française . Qui pourrait compter sur un gouvernement
qui préférerait l'argent à l'honneur ? Nous avons .
assez conquis de territoire , il faut maintenant conquérir l'estime
des peuples.
Boissy propose un projet de décret qui porte que les jagemens
rendus par le tribunal revolutiounaire , depuis le 22 prairial ,
sont nuls et les confiscations qui en ont été les suites. Le
comité de législation présentera un projet concernant ceux
qui ont été rendus antérieurement pour conspiration de
prisons , et un mode pour la révision de tous les jugemens
révolutionnaires ; en attendant , les ventes des biens des condamnés
sont suspendues , celles qui sont faites sont maintenues
, sauf à indemniser les propriétaires .
Lesage , en appuyant le projet de Boissy , propose d'annuller
les jugemens criminels rendus depuis le 31 juillet 1793 , jusqu'au
9 thermidor , s'ils n'ont pas été précédés des débats ,
si les temoins produits par l'accusé n'ont pas été entendus
et si le jury n'a pas déclaré être suffisamment instrait .
Albite dit que le but de la révolution était de détruire
la puissance royale , la féodalité et la superstition ; l'objet
est rempli . Il demande qu'on traite philosophiquement cette
question . Est- il juste , continue- t-il , de punir des hommes
qui ne sont pas coupables ? que des femmes et des enfans
soient condamnés à la misere , parce que leurs peres ou époux ,
ont été condamnés à la mort ? enfin , les délits ne sont- ils
pas personnels ?
Legendre pense que personne ne voudra acheter le bien
d'une famille innocente dont le pere aura été immolé . S'il
se promene dans son jardin , il doit se dire en voyant ses
pieds mouilles de rosée , ce sont les larmes de sa famille
infortunée. S'il cueille un fruit , qu'il avale le sang du mal
heureux.
Talliens et Thibaut parlent aussi en faveur de la restitution .
La Convention décrete la suspension des ventes des biens
des condamnés , et la confirmation des ventes faites. Le surplus
des propositions faites est renvoyé au comité de législation .
Elle fixe à duodi l'affaire de Barrere , Collot et Billaud .
Le représentant du peuple Ramel écrit que l'armée du Nord
a obtenu de nouveaux succès dans les provinces de Groningue
et de Frise . Après avoir battu les Anglais qu'elle a poussés
jusqu'à la mer , elle s'est emparée de trois isles et d'une forteresse
importante.
( 26 )
Séance de primedi , 1er . Germinal .
Plusieurs citoyens se présentent à la barre pour donner à la
Convention , disent-ils , des renseignemens sur la guerre des
chouans . On demande qu'ils se rendent au comité de salut
public. Levasseur ( de la Sarthe ) dit que si dans les commencemens
on avait accueilli les avis qui arrivaient de toutes parts ,
la guerre de la Vendée n'aurait pas été si terrible , et que celle
des chouans dure encore , qu'ils commettent des horreurs dans
son département. Roussaut et Rollet assurent d'une pacifcation
prochaine. Ce dernier fait part d'une dépêche du général
Hoche qui annouce que plusieurs chefs sont déja réunis à
Rennes pour l'entrevue qui doit avoir lieu le 10 de ce mois ,
et que plus de vingt officiers des chouans parcourent les campagnes
pour faire cesser les hostilités . La Convention passe à
l'ordre du jour.
Deux sections du fauxbourg Antoine se présentent à la barre ;
elles disent que le peuple souffre , que l'agiotage porte les
denrées à un prix auquel il est impossible au pauvre d'atteindre,
et discrédite chaque jour la monnaie républicaine . Elles demandent
que la constitution de 1793 soit promptement organisée
, et que la Convention s'occupe de la modicité de la
ration de pain accordée aux ouvriers . "
Chasles demande que la déclaration des droits et l'acte
constitutionnel soient gravés sur des tables , au sein du corps
législatif et dans les places publiques .
Tallien combat cette proposition . Qui sont ceux , dit - il ,
qui ont enterré la constitution ? ne sont ce pas ces hommes
qui s'en prétendent aujourd'hui les amis les plus chauds ?
Nous voulons tous la constitution ; mais en même tems ,
qu'elle ne soit pas mise en activité sans un gouvernement ferme
et capable de la faire marcher. Tallien proposé de décréter
qu'il n'y aura pas de gouvernement intermédiaire entre celui
que nous avons et le gouvernement définitif.
:
Thibaudeau Il faut dévoiler les jongleries à l'aide desquelles
on a trompé le peuple . Ceux qui demandent que la constitution
soit gravée sur des tables d'airain ont persécuté , pendant
dix -huit mois , ceux qui la réclamaient . Elle ne doit
sortir de l'arche et être publiée que lorsque les lois organiques
seront faites . Il faut empêcher que le vaisseau de la République
ne soit jetté sur une mer orageuse et englouti avant
d'avoir pu sauver les passagers. La proposition de Tallien a
aussi de grands inconvéniens . L'on ne peut se dissimuler
que le gouvernement actuel n'a ni force ni dignité , qu'il a
besoin d'être modifié pour nous conduire jusqu'au moment où
la constitution sera mise en activité .
Legendre dit que la commission des seize n'est pas créée
pour présenter les lois organiques , mais pour donner les
1
( 27 )
moyens de faire marcher le gouvernement actuel . Il demande
qu'on en nomme une nouvelle , chargée uniquement des lois
organiques de la constitution de 1793. Cette proposition est
decrétée .
Sieyes a présenté , au nom des quatre comités de salut
public , sûreté générale , législation et militaire , un projet
de décret de grande police , qui comprime les royalistes et
les anarchistes , et prévoit le cas où , par les manoeuvres des
ennemis de la chose publique , la Convention pourrait se
dissoudre. Il porte qu'alors les membres en mission dans les
départemens , et ceux qui auraient échappés au fer des assassins
, se réuniraient à Châlons -sur- Marne pour y former une
nouvelle Convention , et que des divisions des armées seraient
appellées pour les défendre , et protéger leurs délibérations.
Ce projet , après une assez longue discussion , a été adopté.
Décret de police et de sûreté générale.
1
Art. Ier. Les provocations au pillage des propriétés particulieres
ou publiques , à des actes de violence contre les
personnes , au rétablissement de la royauté , à la révolte contre
les autorités constituées , le gouvernement républicain et la
représentation nationale ; les cris séditieux qu'on se permettrait
de pousser dans les rues et autres lieux publics , contre
la souveraineté du peuple , la république , la constitution de
1793 acceptée par le peuple , et la représentation nationale ,
les tentatives pour s'introduire au Temple et correspondre
avec les prisonniers qui y sont détenus , sont des crimes .
•
9. Les prévenus de ces crimes seront arrêtés , et jugés
par le tribunal criminel ordinaire .
" S'ils sont déclarés coupables par le jury , ils seront condamnés
à la déportation.
1 Néanmoins cette peine sera réduite à deux années de
fers , si le jury déclare qu'il y a dans le délit des circons
tances atténuantes .
d
III . Tout rassemblement qui , à la voix du magistrat ou
du chef de la force armée , ne se dissipe point , devient coupable
par le refus d'obéir.
9, LV. Tout rassemblement où se feraient des provocations
, où se pousseraient des cris séditieux , où se prépareraient
des tentatives de la nature de celles exprimées dans
l'article premier , prend le caractere d'an attroupement séditieux.
" Les bons citoyens qui en sont les témoins arrêteront
les coupables ; ou , s'ils sont trop faibles , ils avertiront la
force armée la plus voisine . Le magistrat revêtu des marques
de ses fonctions ; fera trois sommations préalables aux ci(
43 )
toyens qui composent le rassemblement ; ceux qui , après
la derniere sommation , resteraient auditeurs ou spectateurs
de l'attroupement où se commettraient de tels crimes
rendent enx-mêmes coupables , et , s'ils sont pris , ils seront
punis conformément à l'article II.
se
99 V. Sur l'avis qu'un attroupement séditieux se porte pour
piller les propriétes particulieres , pour piller ou forcer quel
qu'établissement national , ou commettre quelqu'acte de violence
personnel , les propriétés , établissemens et personnes
menaces , seront protegés sans retard par une force armée de .
la section ou des sections voisines .
" VI. Dans le cas où l'attroupement tenterait de forcer
les gardes , il sera repoussé par les moyens de force .
Si l'atroupement , quoiqu'il ne se porte pas à des voies
de fait , refuse de se dissoudre et de se dissiper après les
trois summations du magistrat , tous ceux qui le composent
seront saisis et punis aux termes de l'article II.
S'ils opposent de la résistance à la garde qui se met en
devoir de les arrêter , la résistance sera vaincue .
VII. Tont acte de violence exercé contre les représentans
du peuple hors de leurs fonctions , sera dénoncé au comité
de sûreté génerale , qui , conformément à la loi du 7 fructi
dor , décidera à quel tribunal les coupables doivent être renvoyés.
VIII. Quiconque insulte un représentant du peuple en
fonctions sera puui conformément à l'article II.
,, IX. Quiconque exerce un acle de violence contre la
personne d'un représentant du peuple en fonctions encourt
la peine capitale.
" X. S'il se manifeste quelque part un mouvement séditieux
contre la représentation nationale , la section est tenue
de faire à l'instant cerner et arrêter tous ceux qui y prennent
part , pour être jugés comme dans l'article II.
1
,, XI . Si un attroupement seditieux s'est formé ou se porte
dans l'arrondissement local des séances de la Convention et
'de ses eomités , toutes les sections se tiendront prêtés à envoyer
, à la requisition du comité militaire ou de celui de
sûreté générale , une force armée autour de la Convention et
de ses comités , pour agir comme dans l'article précédent.
" XII. Si cet autroupement séditieux contre la représen
tation nationale est armé , il sera au plutôt repoussé par tous
les moyens que la force armée a à sa disposition .
་
,, XIII. Dans le cas où la garde qui est autour de la Convention
serait ataquée , on simplement menacée , par des
forces qui paraissent supérieures , le comité militaire on celui
de sûreté générale fera sonner le tocsin du pavillon de l'Uaité
, le seul qui doit être à Paris .
" A ce signal , toutes les sections enverront sur- le - champ
( 29 )
une force armée autour de la Convention et de ses comités ,
et augmenteront celles qu'elles ont auprès des établissemen
nationaux de leurs arrondissemens .
XIV. Toute atteinte portée à la liberté des délibérations
de la représentation nationale , est un crime contre la souve
raineté du peuple Français .
" XV. Si des cris séditieux sont poussés dans le sein même
des séances legislatrices , si des mouvemens menaçans s'y
manifestent , les coupables seront arrêtés et punis de la déportation
.
,, XVI. Si ces eris et ces menaces se trouvent avoir été
combinés d'avance , les coupables auront encouru la peine
capitale .
,, XVII. Dans le cas où il serait exécuté contre la représen
tation nationale , en masse , quelqu'acte de violence , tous
ceux qui auront concouru à cette violence , soat , par le seul
fait , mis hors la loi.
,, XVI I. Enfin sí , par une derniere et horrible supposition
qui repugne à l'ame du législateur , mais que l'expérience
met au nombre des attentats possibles , les ennemis du peuple
, royalistes et anarchistes , parvenaient à entamer , oppri
mer ou dissoudre momentanément la représentation nationale ,
le sort de la liberté et de la République Française également
impérissables , prescrit les mesures suivantes , comme loi foudamentale
de salut public. 3
1º. Ceux des représentans que n'aura point atteints, le
poignard parricide , ceux qui sont en mission dans les dépar
temens , ceux qui sont en congé , et les suppléans , se réuniront
au plutôt à Châlons - sur - Marne ; mais les circonstances
les obligeassent elles à se rassembler ailleurs , quelque part
que la majorité délibere , là est la représentetion nationale
avec toute l'autorité qu'elle tient du peuple Français .
» 2º . Ceux des membres de la Convention qui seraient
restés dans la commune où la representation a été violée ,
seront incapables d'y exercer leur mission ni aucunes fonc
tions publiques .
99
30. Le peuple Français dans cette crise passagere sera
calme et trauquille.
" Les autorités constituées , dans toutes les parties de
la République , veilleront en permanence à réprimer les malveillans
et à maintenir l'ordre public.
La garde nationale se tiendra par-tout prête à seconder
les autorités républicaines , et à defendre le dépôt sacré de
la liberté et de la République.
" 4° . La plus grande partie des représentans en mission
près les armées de la République , ne les quitteront point ;
mais de chaque armée seront détachées des colonnes républicaines
pour marcher avec l'un des représentans vers la
( 30 )
Convention , et former auprès d'elle une armée nationale
centrale , en état de venger le peuple souverain outragé dans
sa représentation , et de donner au législateur les moyens
de force capables de l'aider à cimenter sur des bâses indestructibles
la République Française une , indivisible et démo
cratique.
" XIX. Du moment que l'ordre politique sera rétabli et
la loi respectée , les colonnes républicaines rejoindront leurs
armées respectives .
Le présent décret sera publié , affiché dans Paris , et
inséré au bulletin .
PARIS. Quartidi 4 Germinal , l'an 3º . de la République.
Tout le monde avait prévu que l'approche de la discussion
sur les prévenus serait marquée par de grands
mouvemens. Les crimes qu'on leur impute sont ceux de
la derniere tyrannie , et elle a eu tant de complices ,
tant d'instrumens médiats ou immédiats , tant de parties'
prenantes , qu'il fallait bien s'attendre à la réunion de
tous leurs moyens pour sauver les chefs au milieu des
agitations populaires.
On se tremperait fort si l'on ne voyait , dans les causes
de ces mouvemens , que les efforts d'un parti qui cherche
à se resaisir d'un pouvoir qu'il a dirigé d'une maniere
si cruelle pour la République. Ils ont encore pour
moteurs tous ceux qui esperent le rétablissement de la
royauté ; tous les agens d'une coalition perfide qui ,
après avoir fondé ses succès sur nos divisions intestines
qu'elle a fomentées , voudrait y trouver aujourd'hui ,
ou des moyens. de continuer la guerre , ou des moyens
d'obtenir la paix à des conditions moins désavantageuses
. Epiant ou faisant naître toutes les circonstances
qui peuvent servir leur criminel espoir , ils se sont
constamment attachés à la Convention nationale pour la
précipiter dans de fausses mesures , ou pour empoisonner
les bonnes .
Le décret sur la distribution du pain leur a paru
d'abord un texte heureux. Alarmer le peuple sur les
subsistances ; quel mobile pour une insurrection ! La
pétition désavouée par les sections du Finistere et de
1'Observatoire n'avait produit aucun effet ; il fallait la
faire renouveller par une fraction du fauxbourg Saint-
Antoine , et choisir précisément la veille d'une discus(
SI )
sion que l'on savait être aussi nécessaire au salut public
que funeste à leur parti. Il fallait sur -tout y joindre la
demande de l'exécution de la constitution de 93 , qui
a besoin de lois organiques supplémentaires , afin de
pouvoir dire : Ils ne veulent pas de cette constitution ,
parce qu'elle est toute populaire ; ils veulent nous en
donner une autre qui porte atteinte aux droits du
peuple , car c'est toujours en abusant de ce mot qu'on
a cherché à tromper la partie du peuple qui les écoute .
Quelle occasion précieuse de crier au royalisme , à la
trahison ! *
"
J
Le mouvement était préparé et concerté . On a vu
aussi-tôt des membres de la Convention , trop connus
appuyer cette partie de la pétition , et demander que
la constitution fût gravée sur une table , et exposée
dans le lieu des séances de la représentation nationale.
Dans le même tems , des émissaires officieux sont allés
répandre dans tous les groupes , que la députation du
fauxbourg avait été mal reçue . Des hommes se sont
portés au Palais Egalité et aux Tuileries , et ont donné
la chasse à quelques jeunes gens , en ressuscitant la qua- i
lification de muscadins , dont nagueres l'effet était si
puissant. Plusieurs ont été jettés dans les bassins . Le
rappel a battu dans les sections environnantes ; la force
armée s'est bientôt opposée à ses voies de fait ; les ,
jeunes gens à leur tour se sont réunis pour opposer:
un front redoutable à ces provocateurs . C'est dans ces
agitations que s'est passée la soirée du 1er . germinal . Il
est trop évident qu'ils cherchaient à mettre en opposition
ceux qu'ils appellent les sans - culottes , avec ceux
qu'ils appellent muscadins , et préluder ainsi à de plus
grands mouvemens ; c'était les femmes sur-tout qui attisaient
le plus le feu de la discorde ; ces femmes qui se
plaignent de manquer de pain qu'elles ont , et qui
perdent journellement le tems qu'elles pourraient employer
à le gagner , pour aller de groupe en groupe
exciter la sédition , et remplir les tribunes de la Convention
pour en troubler les séances. "
Heureusement , le décret ferme et vigoureux sur la
police et la sûreté générale a jetté l'effroi parmi les
essaims de ces malveillans . L'énergie de la Convention
en a imposé à ses ennemis . En vain ils ont cherché à
égarer une partie du peuple par une fausse interprétation
de cette mesure , en semant le bruit que la Convention
, ne pouvant plus sauver la chose publique ,
( 32 )
J
L
voulait quitter Paris , et se transporter à Châlons - sur-
Marne ; tout ce qu'il y a de bons citoyens n'ont eu
besoin , pour être rassurés , que de lire le décret qui
venait d'être affiché ; et la journée du lendemain a été
calme et tranquille .
La discussion s'est ouverte sur les prévenus . Les tribunes
ont été occupées de maniere que ces femmes
furibondes n'y ont trouvé aucune place ; et si jamais
il en est une qui leur convienne le moins , c'est assurément
celle-là. Qui croirait pourtant qu'il s'est trouvé ,
au sein même de la Convention , des représentans du
peuple qui se sont étonnés de ne les y plus appercevoir
, comme s'ils avaient besoin de ces auxiliaires pour
émettre leur opinion ? Il paraît que le plan était d'alonger
et embrouiller la discussion , de maniere à gagner
du tems , parce que c'est le tems qui manque toujours
au crime. Robert Lindet a parlé pendant 5 heures , pour
justifier les anciens comités de gouvernement , et même
s'est appliqué longuement à faire l'apologie du 31 mai ,
et la séance s'est prolongée jusqu'à 9 heures , sans que
les prévenus aient été entendus le premier jour. Cependant
la a repris sa séance le 3 à 8 heures
du matin , et a résolu d'entendre d'abord les prévenus ,
tous ceux ensuite qui parleraient en leur faveur , et
de ne pas désemparer que cette grande affaire ne soit
eto
terminée.
Le calme a regné durant cette seconde journée . Il
est une vérité dont sont pénétrés tous les bons citoyens ;
c'est qu'il ne peut y avoir de point de ralliement et de
salut que dans la Convention , que celle- ci doit tout
attendre de sa vigueur ; que tout pas rétrograde vers la
faiblesse, en serait un en avant pour les hommes de sang;
qu'entre les royalistes et les égorgeurs , il n'y a plus
qu'une route à tenir , c'est celle du courage et de la
persévérance ; que l'intérêt , le véritable intérêt de Paris
dont on a cherché trop souvent à le détourner , est de
rester inviolablement attaché à la représentation nationale
. Cet intérêt est d'autant plus réel , qu'il paraît
constant que les ennemis de la chose publique avaient
formé le projet , non plus d'égorger la majorité de la
Convention ; ils ne l'oseraient pas , mais de la réduire
à la cruelle nécessité de quitter Paris . Paris en calculera
les conséquences , et Paris déjouera le plan de ses
' ennemis , et les départemens applaudiront à sa sagesse
et à son courage.
P
( No. 38. )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 10 GERMINAL , l'an troisieme de la République,
( Lundi 30 Mars 1795 , vieux style . )
Explication de la Charade du No. 37 .
Le mot de la Charade est Basson.
$
NOUVELLES LITTÉRAIRE s.
LES CHARMES DE L'ENFANCE ET LES PLAISIRS DE L'AMOUR
MATERNEL , par L. F. JAUFFRET , avec six belles gravures
en taille douce ; quatrieme édition , revue et considérablement
augmentée . Un volume in- 12 , 1794. Prix , 3 liv .
broché , et 3 liv . 10 sous pour les départemens . A Paris ,
chez PERLET , libraire , rue André-des - Arts .
Qui
.
ui ne se rapelle avec émotion les souvenirs de son
enfance ! qui dans le cours orageux de la vie , où les
biens et les maux offrent un mélange dont la proportion
n'est pas toujours en faveur des premiers , naime
à se retirer vers ces jours d'innocence où les peines
sont si courtes et les plaisirs si vifs et si purs ! C'est à
cet âge que la nature rapproche tous les êtres par le
premier sentiment de l'égalité , celle des jeux et des
instructions communes. Alors la vie ne se mesure point
encore sur la longue échelle des relations sociales ;
celui qui s'amuse le plus est toujours le plus riche , et
le coeur n'attend pas pour se donner un ami que l'usage
des convenances vienne régler l'ordre de ses affections.
Age heureux ! où le présent est tout , où l'on est sans
regret de la veille , sans inquiétude du lendemain , et
où , si l'imagination entr'ouvre les portes de l'avenir ,
c'est pour le
et l'embelliemer des douces illusions de l'espérance
,
roman du bonheur.
On est toujours sûr d'intéresser , quand on peint les
-charmes de l'Enfance et les plaisirs de l'Amour maternel.
L'auteur a essayé de réunir , dans cet ouvrage , le genre
descriptif au genre dramatique . Ce sont d'abord des
idylles , mais des idylles en prose , et en prose poétique ;
Tome XV.
C
( 34 )
ce qui fait un mélange de style qui n'est véritablement
ni de la poésie ni de la prose ; car on a beau disputer
sur ce genre moyen , la poésie doit parler son langage ;
et lexemple si souvent cite du Télémaque , ne prouve
autre chose si ce n'est qu'un grand talent trouve aisément
son excuse dans son mérite et ses succès .
Gesner a fait des idylles en prose , mais le génie de sa
Jangue pouvait le comporter . Parmi nous , Deshoulieres ,
Léonard et Berquin , que l'auteur aime à citer dans sa préface
, ont embelli ce genre , comme il le dit lui - même , du
charme d une versification brillante et naturelle . En écrivant
ses idylles en prose , l'auteur a eu moins de difficultés à
vaincre; mais par cela même il s'est placé au dessous
de ses modeles , pour le genre , et s'est imposé l'obligation
de les égaler pour l'exécution .
Peut- être la prose convient - elle mieux aux ouvrages
destinés à peindre ou à instruire l'enfance ; et quoique
Ton mette les fables de Lafontaine entre les mains des
enfans , Rousseau a très -bien prouvé qu'il en est peu
qui soient à leur portée . Sous ce rapport ,, l'auteur a
très -bien fait d'écrire en prose ; mais est- ce par des
idylles qu'il pouvait remplir le mieux son objet ? Déja
renfermé dans les limites du genre , il l'a été encore
par celles du sujet. Trente - sept idylles sur les charmes
de l'enfance offrent une suite de tableaux qui fatiguens
à la longue par la monotonie et la répétition presqu'inévitable
des idées , des images et même des expressions.
Pour rompre cette uniformité , il eût fallu plus
de variété dans la composition et les couleurs , discourir
moins sur les charmes de l'enfance , et la faire agir
davantage . Les formes dramatiques produisent plas
d'effet que de simples descriptions ; peut-être n'était- il
pas impossible d'atteindre ce but dans le genre pastoral
; mais du moins la tâche était difficile .
L'auteur éprouvait moins de gêne dans les contes
qu'il a joints à son recueil : cependant on s'apperçoit ,
en les lisant , qu'il y a trop conservé le ton et la maniere
de lidylle . Il aurait pu conner à ses sujets un
fonds plus riche , animer son récit par mille détails que
fournissent si abondamment les plaisirs folâtres de l'enfance
, les mettre plus souvent en scene , et faire pour
ainsi dire les jeux olympiques du premier âge.
Quoiqu'on puisse regretter que l'auteur n'ait pas tiré
de son sujet tout le parti dont il était susceptible , cette
production est néanmoins très - estimable . Elle annonce
un talent facile , une ame douce et beaucoup de sen
( 35 )
21
sibilité. Avec ce fonds , si l auteur , qui est jeune encore,
apprend à se défier de sa facilité , à être plus exigeant
de lui- même , et à méditer davantage ses compositions ,
il peut se promettre des succès dans plus d'un genre ;
le nombre d'éditions qu'a eu cet ouvrage , qu'il a plu
sieurs fois corrigé , est un garant de ceux qu'il peut se
promettre .
Il ne nous reste plus qu'à justifier cette espérance
en citant deux de ses idylles qui serviront à faire connaître
sa maniere .
L'une est intitulée : Les Graces du premier âge.
6.6
Quand une rose n'offre encore qu'un bouton nais
sant , que ses feuilles velontées se dégagent à peine
des langes de pourpre qui les enveloppent , mon ceil
se repose avec plaisir sur elle. J'aime à la voir s'épa
nouir d'une maniere insensible , et se colorer peu- à - peu
d'un incarnat éblouissant .
99
J'aime à voir la source d'un ruisseau jaillir des
flancs d'un rocher escarpé . Couché sur ses bords tapissés
de mousse , du cresson et de beccabunga , sous un
berceau de noisetiers , je respire avec volupté la fraî
cheur du ruispeau naissant.
Un petit agneau qui , plein de joie , bondit sur la
prairie où il vient de naître , réjouit ma vue , et touche
mon coeur. Je prends part à ses aimables jeux , et tout
me plaît cu lui , jusqu'à ses caprices.
" L'aurore , chassant devant elle l'obscure nuit , et
annonçant l'astre brillant de la lumiere , m'enchante et
me ravit. A l'aspect de cette blancheur dont se pare
l'orient , et de cette teinte couleur de rose qui lui succede
, je crois être transporté à la naissance de la nature .
. Mais rien ne me plaît comme un bel enfant . En
lui , je vois le bouton de rose qui s'épanouit , la source
qui sort en bouillonnant des flancs du rocher, l'agneau
qui bondit sur l'herbe , et la brillante aurore entrouvant
les rideaux enflammés du jour.
99
L'autre a pour titre : Les premieres Amours.
Charmans enfans ! prodiguez - vous sous des berceaux
de fleurs d'innocentes caresses . Poursuivez-vous
amoureusement à travers l'herbe touffue des prairies.
Cueillez mille baisers sur vos joues vermeilles . Petits
bergers ! tressez pour vos jeunes bergeres des guirlandes
de rose. Ornez- en leurs heaux cheveux . Conduisez - les
dans des bocages parsemés de prime - veres et de vio-
Jettes. Jettez en riant des fleurs et du gazon dans leur
sein: virginal , et que des baisers ingénus soient vous
C 2
( 36 )
récompense. La nature embellie par vos charmes sourit
vos plaisirs , et une loi sévere ne proscrit point encore
vos jeux innocens .
" Hélas ! il arrivera trop tôt le jour où ces tendres
caresses vous seront interdites ; où l'aimable liberté s'envolera
loin de vous. Bientôt , confuses de leur propre
beauté , vos jeunes bergeres rougiront et chercheront
la solitude . Elles refuseront vos bosquets ..... et si elles
aiment encore
, elles ne pourront
plus vous le
,, Charmans enfans ! jouissez donc du matin de la
vie ! prodiguez- vous les plus tendres caresses , et goûtez
un bonheur doux comme le parfum qu'exhale une jeune
rose aux premiers rayons du jour !
PARLER
BEAUX ARTS.
DU JURY DES ARTS.
ARLER des arts , c'est les protéger , disait un artiste
philosophe. Il avait raison. Les arts comme l'amour
redoutent par dessus toutes choses l'indifférence . Ce
sentiment est leur ennemi le plus mortel. C'est que les
arts comme l'amour se nourrissent d'un peu de vanité .
La révolution , et par ce mot j'entends parler de son
excès , a sur- tout porté aux arts un coup funeste , en
détournant tous les esprits de l'attention qu'ils commençaient
à y porter.
Il fut un tems où l'on se serait reproché jusqu'au
souvenir des douces affections que ces arts consolateurs
avaient autrefois porté dans nos ames. L'on a vu des
artistes se repentir de les avoir éprouvés , parler de
leur ancienne sensibilité comme d'une faiblesse , s'accuser
d'avoir eu de l'enthousiasme pour d'aussi puérila
objets que les chefs - d'oeuvres de l'art , et faire amende
honorable à la liberté de leur ancienne passion pour les
Inimitables produits de limitation du beau.
Quelle liberté que celle qui recevait de semblables
sacrifices ! Devant cette Eumenide les arts devaient fuir ,
se cacher ou changer en hurlemens le son de leur voix .
Ce ne fut en effet qu'avec la sauve -garde d'un masque
bien barbouillé de fange et de sang , bien grimaçant
et grinçant bien des dents qu'ils obtinrent la permission
de brûler aussi quelqu'encens sur l'autel dé Î'idole ,
( 372 )
· Si l'on veut savoir à quel point les connaissances
humaines peuvent rétrograder dans l'espace d'un petie
nombre d'années , ou jusqu'à quel dégré l'empire de la
terreur peut porter la dissimulation chez les uns , et la
faiblesse chez les autres , et ce qui est pire encore faire
douter des hommes de bonne foi ; de l'existence des
vérités les plus sensibles , il faut lire les délibérations du
Jury des arts de l'année derniere .
Il suffirait au reste de faire connaître la composition
de ce tribunal d'arts , où l'on comptait Ronsin , Hébert ,
Fleuriot, et où quelques artistes célebres n'avaient été
placés que pour faire prendre le change à l'opinion
publique.
Mais il suffira de savoir que cette élite révolutionnaire
ne dut l'existence qu'au fanatisme ignorant d'un seul
homme , qui n'avait jusqu'alors parlé de liberté dans
les arts que pour en devenir le tyran , qui ne s'était élevé
contre ce qu'il appellait les víces de l'académie , que
pour s'élever sur l'académie elle - même , qui ne pour
suivit jamais les abus chez les hommes , que pour avoit
l'occasion de poursuivre les hommes par les abus , qui
n osant proscrire d'un coup ses condisciples , ses maîtres,
ses rivaux , s'exerçait d'avance à les avilir , et leur préparait
, en attendant la mort , l'agonie du mépris public
dont il les aurait enveloppés .
Ce sera sans doute , dans l'histoire des égareméns de
l'esprit humain , un monument curieux , que le procès
verbal des séances de ce Jury des arts. L'un ne trouve
pas dans tel tableau une couleur assez patriotique ,
l'autre veut savoir si la révolution a donné aux arts an
caractere qui les distingue , et s'ils sont vraiment révolutionnaires
. Un autre s'inquiette de savoir si l'artiste
est patriote ou non . Mais bientôt on le rassure , en lui
prouvant qu'un aristocrate ne saurait faire passer le feu
de la liberté dans son pinceau. Il était question du prix
à accorder à la sculpture . Un des juges ne trouve point
que le programme soit d'une nature assez concordante
avec le patriotisme , et cependant le sujet était la fustigation
du maître d'école de Falères par ses disciples ;
enfin , le sujet trouve grace comme étant une résistance
à l'oppression. Que dirai -je de celui qui prétend prou
ver que tous les objets de la peinture peuvent être faits
avec la regle et le compas ? Qu'on ne s'étonne pas , dit-il ,
de ce que j'avance , les peintres ne mériteront ce nom que
quand ils rendront l'expression avec le compas.
C 3
( 38 )
Tels étaient les barbarismes de cés hommes qui prétendaient
régénérer les arts . Mais on sait de quelle régéération
il était alors question . G était ici comme dans
le reste du corps politique , la régénération des filles :
d'Eson . Il fallait commencer par tuer ce qu'on prétendait
rajeunir.
Les arts ayant perdu toute espece de centre d'instruc
tion , tous les liens d'organisation en étant rompus , tous
les élémens d'émulation étant détruits ou disseminés
les artistes attendaient qu'au moins l'institution des
concours pour tous les ouvrages publics , vint redonner
quelque ressort à lambition , et replacer sur une base
de justice la répartition des travaux et des monumens
nationaux .
Mais le génie destructeur des arts n'avait autrefois
accueilli cette institution , que comme un moyen de
paralyser l émulation par la jalousie , en présentant aux
artistes l'amour des concours sans en régler le but et
les moyens , c'était moins introduire des combattans
dans une lice réglée , que précipiter dans l'arêne
une foule confuse dont les débats auraient empêché
qu'on ne pût adjuger le prix au vainqueur . Enfin , il
paraît constant qu'on voulait décrier l'institution pour
la détruire , tant on avait pris de soin de n'en prendre
aucun pour la faire réussir.
Tantôt c'est une cumulation de projets jettės parmi ‹
les artistes , sans aucun programme qui regle la mesure
des modeles ou esquisses , le lieu de la destination et
toutes les autres circonstances ou conditions indispensables
à connaître.
- Ailleurs , c'est moins un appel aux talens qu'une
sommation faite au génie , de produire dans un espace.
de tems si court , que les ouvrages devaient être rendus
avant que le programme fût, imprimé .
D'autres fois , on enveloppait dans un vaste programme
des projets privilégiés , déja faits et connus , pour faire
triompher plus sûrement I artiste favorisé . En imposant
aux artistes une grande tâche d'un côté , et abrégeant ,
de lautre le tems du concours , on était bien sûr d'éluder
le combat , et on proclamait un vainqueur sans
qu'il y eût eu de victoire . C'est ce qui est arrivé à l'égard
d Hébert pour les embellissemens du jardin et du palais
ħationial. Un Jory , dit le décret qui le proclame , a prononcé
la supériorité de son projet sur ses concurrens ,
et ce concours est jusqu à présent resté aussi inconnu
( 39 )
qué l'existence du prétendu Jury est demeurée invisible ,
C'est au milieu de toutes ces supercheries , que se
sont effectués les concours nombreux dont le jugement
est actuellement soumis à un nouveau Jury des arts
En voyant la grande quantité d'ouvrages dont ils se
composent , malgré les entraves qu'on y avait mises , i
y aurait sans doute lieu de s'étonner de la crédulité des
artistes , si l'on ne savait que la terreur avait su encore
s'y ménager un piege , où devaient tomber ceux - là même
qui en appercevraient mieux la captieuse intention.
On savait en effet que ces concours n'étaient que des
attrapes , où les concurrens n'étaient appellés que pour!
former le cortège des artistes , ou des projets favorisés
on se doutait bien que , cette parade effectuée , on rejete
terait sur l'institution en elle - même le vice qu on avait
eu soin de faire jaillir d'une exécution mal combinée,
à dessein de produire cet effet , et que l'arbitraire attendait
ce moment pour rejetter un principe dont il aurait
fait avorter les résultats .
Cependant beaucoup d'artistes produisirent des ou
vrages à ces concours , moins par inadvertence du piége ,
que pour ne pas faire croire qu'ils l'eussent soupçonnés.
et heureusement plusieurs habiles gens y parurent , moins
pour y briller comme présens , que pour ne pas être remarqués
comme absens .
Tant de projets d'esquisses , de modeles et d'ouvrages
de toute espece , allaient rentrer dans l'oubli avec l'inse
titution même qui les avait provoqués. Déja même
la volonté toute - puissante du Robespierre des arts avai
prononcé leur arrêt , lorsque le g thermidor sonna pour
le tyran lui -même la derniere heure . Elle devint aussi
la premiere pour les espérances des artistes et des arts .
Ils obtinrent de la Convention que tant d'efforts no
seraient pas payés d'ingratitude , et qu'un nouveau Jury
des arts , nommé par les concurrens eux- mêmes , adjugerait
des prix aux ouvrages qui les mériteraient , et
indiqueraient à la République ceux qui seraient dignes
d'être exécutés à ses flais .
1
Le Jury actuel so composant d'artistes habiles , éclair
rés et dignes de la confiance publique , puisque c'est le
veu libre ' de leur pairs , qui les a appellés à ces fonc
tions , il y a lieu d'attendre de leurs travaux des résultats
heureux pour les arts . Nous nous proposons de les
faire connaître au public , et de lui rendre compte des
discussions utiles , des projets heurepx et des vues sages
C4
( 40 )
que cette assemblée a déja consignés dans son procèsverbal.
En attendant , nous croyons pouvoir donner une idée:
avantageuse de ses travaux , en publiant le jugement
qu
elle a porté sur le concours de la statue de Jean-
Jacques Rousseau.
Extrait du procès - verbal de la séance du Jury des arts , du
´27 pluviôse , l'an 3º . de la République Française .
" L'ordre du jour étant le jugement du concours de
la statue de J. J. Rousseau , on fait une nouvelle lecture
de la lettre du comité d'instruction publique , qui invite
le Jury à lui faire connaître , sous huit jours , si , parmi
les esquisses exposées , il y en a une qui remplisse le
voeu national. „
L'assemblée ayant déclaré d'abord qu'elle était suffisamment
éclairée pour procéder au jugement , elle
passe au scrutin , dont le résultat donne 25 voix au
nº. 54 , et au nº . 59. En conséquence , le président
proclame, comme méritant d'être exécuté aux frais de la .
République , le modele nº. 54 , dont le citoyen Moitte
est auteur. "
Un membre prend la parole et dit :
Vous venez d'adjuger le prix d'exécution à un des
Ouvrages exposés au concours , et par-là vous avez répondu
à l'intention de la Convention nationale et à la demande
que vous a faite le comité d'instruction publique . On
verra donc enfin élever une statue au bienfaiteur de
l'humanité , au précurseur de la révolution , à l'apôtre de
la liberté . "
" Je pense que votre jugement remplit bien aussi les
vues de la Convention nationale , par rapport au local
pour lequel cette statue a été demandée . ",
C'est au milieu des Champs - Elysées , c'est dans ce
rendez- vous des plaisirs innocens de la jeunesse , des
meres de famille et des enfans , que la Convention natiomale
a voulu placer le législateur de l'éducation , le bienfaiteur
de l'enfance . ",
,, La figure à laquelle vous avez décerné la couronne
est bien appropriée à cette destination . L'auteur , en
faisant observer par son philosophe l'enfant qui essaie ses
premiers pas auprès de lui , a rendu cette touchante idée
de la maniere la plus heureuse et la plus vraie . C'est
l'auteur d'Emile qu'il représente particulierement ; et
( 40)
sous ce point de vue , l'artiste a fait un ouvrage vraiment
éloquent, "
Mais l'homme dont les Français sentent le besoin.
de multiplier l'image , pour la substituer aux vils représentations
que la raison vient d'abattre , se présente à la
reconnaissance publique sous le double titre de philan
trope et de législateur , sous les deux rapports d'auteur
d'Emile et d'auteur du Contrat Social .
" La nation française a reconnu ces deux qualités en
cumulant deux couronnes sur la tête de ce grand homme.
Ses cendres , portées au Panthéon , demandent qu'un.
monument consacre son image dans le temple des bienfaiteurs
de la patrie , et ce sera sans doute sous la qualité
de législateur que J. J. Rousseau devra y être représenté.
""
La sculpture demande aussi à traiter ce philosophe
séparément , sous chacun de ces deux rapports . Il serait:
peut-être disconvenant d'exiger de l'art qu'il fondît en
un seul modele ces deux caracteres . L'un n'y serait exprimé
qu'aux dépens de l'autre . L'unité de motif , ce
premier de tous les mérites , sur- tout dans une statue ,
répugnerait à cet alliage de deux pensées. ",
En répondant à l'objet du concours actuel , qui est
de placer l'image de Rousseau dans les Champs - Elysées ,
vous aurez donc l'avantage de répondre aussi au desir
des artistes et aux besoins de l'art , si vous demandez
au comité d'instruction publique , qu'il soit ouvert un
nouveau concours pour la statue de l'auteur du Contrat
Social à placer dans le Panthéon. ,,
" Je demande donc que le Jury arrête qu'il en sera.
fait , au comité d'instruction publique , la proposition
expresse ; que vous l'invitiez à en publier sur- le- champ
le programme , et que vous fixiez vous -mêmes les données
de ce programme , soit quant à la proportion que
devront avoir les modeles nouveaux des concurrens ,
soit quant à l'époque à laquelle ce concours devra être
terminé. "
Après quelques observations de différens membres ,
qui pensent que le terme du concours devrait être fixé à
six mois , et la proportion des esquisses entre 18 et 24
pouces , l'assemblée prend l'arrêté suivant :
Le Jury, considérant que le programme donné pour
représenter J. J. Rousseau , comme auteur d'Emils et
comme auteur du Contrat Social , imposait à l'art une
tache trop difficile à remplir , par la cumulation de deux
( 420)
caractères propres à détruire l'unité , ce mérite principal
de tout ouvrage , sur- tout en sculpture . "
Considérant en outre que le voeu national serait
complettement rempli , si , après l'érection de la statue
de l'auteur d'Emile dans les Champs -Elysées , on pouvait
admirer l'image de cet apôtre de la liberté et des
vrais principes de la législation , dans le temple des
grands hommes , où ses cendres déposées réclament un
monument honorifique .
" Croyant , par conséquent , que le prix d'exécution
qu'il vient de décerner à louvrage du citoyen Moitte ,
destiné à être placé dans les Champs-Elysées , n'empêche
pas qu'il ne reste encore une statue à faire en l'honneur :
de J. J. Rousseau ; et estimant que l intérêt de l'art comme
celui des artistes trouveront également leur compte dans .
la division des deux caracteres de J. J. Rousseau en deux
statues différentes , arrête ce qui suit :
Le comité d'instruction publique sera invité d'ouvrir
incessamment un nouveau concours général sur la
statue de J. J. Rousseau , considéré comme législateur ,
et propre à être placée au Panthéon . ",
Et afin de donner aux artistes tous les moyens de
développer leurs talens , le terme du concours sera fixé
à six mois , à compter du jour de la publication du programme
, et la proportion des modeles sera de 18 à
24 pouces. "10
COURS + GRATUIT.
Un citoyen qui met son bonheur à être utile aux infortunés
propose , en faveur des orphelins dont les parens sont tombés
sous le glaive de la foi , d'ouvrir un concours où il enseignera
la lecture d'après ses procédés , l'ecri ure , les quatre premieres
regles , la langue française, etc. par demonstration sur le tableau,
ding fois par decade , depuis huit heures très précises du matin
jusqu'à neuf heures et demie.
Des enfans de sept ans et des deux sexcs pourront y être
admis ; plus ils seront ignorans , plus l'instituteur répond de
leurs progrès.
Ce cours sera ouvert le 1er , germinal . On voudra bien se
faire inscrire par lettres ( affranchies ) , rue Grange - Bateliere ,
no. 35. Le citoyen Lequeux est chargé de recevoir ces leures .
On y mettra le prénom , le nom , l'âge , la demeure et le nombre
d'enfans que l'on aura à présenter .
Les personnes qui les conduiront pourront rester à la leçon.
( 43 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ON
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 10 mars 1795.
N continue de sentir à Varsovie lá rareté des subsistances
d'une maniere effrayante , et l'on s'occupe soigneusement de
connaître le nombre de bouches à fournir , pour déterminer la
ration qui sera allouée à chaque personne.
Un voile impénétrable couvre toujours le sort futur de la
Pologne. Quelques mille hommes de troupes russes qui se
tenaient à distance de la capitale l'occupent de nouveau ; les
Prussiens restent dans leur ancien quartier le long du Bog et
de Pilist ; pour les Autrichiens ils sont encore dans leur cantonnement
de Viepisk ; cependant le bruit court que le gé
néral prussien de Favrat , ainsi que le conseiller Bacholt ont
reçu des ordres très pressés de se rendre de Posen à Breslau
sans pourtant qu'on assigne les motifs de leur voyage.
Les patriotes polonais sortent en grand nombre des contrées
soumises aux Russes et aux Prussiens ; il paraît qu'ils jugent
le joug de l'Autriche moins insupportable , car on compte
près de 400,000 individus qui se sont retirés en Gallicie ; cette
emigration inquiette beaucoup l'empereur qui sait qu'ils avaient
deja un grand nombre de partisans dans cette partie de ses
étais ; il s'empresse de recruter de force tous ceux qui ont servi .
On les encadre dans des bataillons hongrois et allemands destinés
à marcher vers les bords du Rhin on en Italie . L'empereur
ne se dissimule pas qu'il y aura une grande désertion
chez de pateils seldats ; mais son principal but est de les éloi
gner de la Gallreie .
Parmi ces motifs d'alarmes et de chagrin , le cabinet de-
Vienne a une consolation : il est parvenu à mettre la main sur
une partie des fonds que le chancelier Kollontay avait emportés
de Varsovie , et déposés dans divers lieux . Ilse proposait
de s'en servir dans l'occasion à soutenir de nouveaux mouvemens
révolutionnaires . Ces fonds , qu'on porte 400,000 ducats
, sont le reste de la caisse qui appartenait au gouvernement
polonais , à l'époque où les événemens lui devinrent si
funestes . Le révolutionnaire Kollontay est toujours étroitement
resserré dans la forteresse d'Olmutz ; les cabinets des trois puis-
¿
0441
A
sances copartageantes le regardent comme l'ennemi le plus dangereux
qu'ils puissent avoir parmi les Polonais ; c'est sur tout
lui qu'ils attribuent la révolution de 1794. Ils feront surveiller
plus exactement que jamais leur prisonnier dans un
mement où l'on apprend , par la voie de Venise , que la nouvelle
de l'invasion de la Pologne a singulierement exasperé les
membres du divan .
De Francfort-sur- le-Mein , le 14 / mars .
Des lettres de Berlin , du 5 mars , disent que le 1er, de ce
mois il a été fait , à la maison de plaisance de Bellevue , des
expériences télégraphiques en présence du roi . Voici la maniere
dont elles rendent compte de cette invention qui paraît
perfectionnée. Le télégraphe correspondant était établi sur la
tour de la forteresse de Spandaw , dite Julius Thurm . Là se
trouvait M. Achard , célebre chimiste de l'académie de Berlin ,
imitateur à quelques égards et inventeur à d'autres de cet
instrument , qui est transportable , et differe beaucoup du
télégraphe français . M. Achard a dressé des tables et un dictionnaire
allemand et français , contenant 23,750 mots des
deux langues . Au moyen des tables et du dictionnaire , on
peut , avec cinq caracteres télégraphiques , indiquer tout l'alphabet
, la ponctuation et en outre les 23,750 mots , ou même,
si l'on veut , des phrases entieres : on prétend que le tout
s'exécute avec la plus grande célérité .
1
On a aussi fait des tentatives pour employer utilement les
ballons aërostatiques ; mais il paraît que jusqu'à présent on
n'a pas réussi à partager avec les Français l'avantage de l'application
de cette découverte à la guerre , pour laquelle on
continue de faire des préparatifs , quoique les négociations
bien rallenties ne soient pas entierement rompues , puisque
M. Hardenberg , successeur du baron de Goltz , mert à Bâle
a quitté notre ville de Francfort le 13 de ce mois , pour s'y
rendre et suivre les opérations entainées .
Le quartier général de l'armée prussienne , sous le commaudement
du prince héréditaire de Hohenlohe , doit venir incessamment
chez nous . On dit que ce corps s'attend à aller
se réunir à l'armée du maréchal de Mollendorf.
La halte que les troupes prussiennes avaient faite près de
Limbourg se trouve avoir été occasionnée par quelques difficuités
survenues en Westphalie au sujet de leur passage et de
leur entretien ; mais ces difficultés sont applanies . L'exportation
non-scalement des subsistances , mais même des denrées
d'Amérique , a été défendue dans les pays prassiens
de Westphalie ; ce qui a fait hausser considérablement leur
prix.
Suivant les dernieres nouvelles de ce pays , les Français ont
( 45 )
établi deux batteries sur la côte de Groningue à Delfiziel dans
le golfe d'Embden ; ce qui leur sert à gêner la navigation :
ils paraissent se proposer de gagner du terrein le long des
côtes ; on fait marcher contre eux des troupes de plusieurs
endroits , et la garnison de Hanovre est partie pour le comté
d'Oldembourg . Le comte de Walmoden à renforcé sou aile
droite dans l'Oost-Frise de 6,000 hommes commandés par lek
lord Cathcart, et 10,000 Hauovriens sous les ordres du prince
Ernest de Mecklembourg Streliez devaient arriver incessame
ment pour mieux aider à couvrir l'Ems . Le prince de Rohan
est aussi arrivé à Aurich avec son frere ; mais on ne dit pas
qu'ils aient amené beaucoup de troupes.
Au reste , il paraît que c'est moins dans la partie du Duché
des Cleves qui est sur la rive droite du Rhin , que les
Français ont fait des progrès , que sur la frontiere de l'évéché
de Munster , où leurs avant- postes allerent , le 28 février ,
jusqu'à Bocholt : c'est surtout à l'embouchure de l'Ems qu'ils
en veulent. Dès le g6 , ils étaient deja maîtres du comté
de Bentheim , et ayant battu les Anglais à Windschotten , les
avaient forcés de se replier sur Leers et Embden . Ils ont
quatorze cents hommes de garnison à Groningue , et toute
la province est en leur pouvoir.
On s'accorde à dire que les français veulent se porter dans
l'électorat d'Hanovre , et que la place que les puissances coa
lisées s'attacheront sur tout de défendre est Mayence , qu'elles
regardent comme le rempart de l'Allemagne , et dont la garni
son est portée aujourd'hui à 40,000 hommes ; ces puissances
feront plutôt, s'il le faut , le sacrifice de Luxembourg , et il parais
qu'il le faudra , car on l'attaque avec des mortiers d'une portée
infiniment plus forte que l'ordinaire , et ces pieces sont ser
vies par d'excellens canonniers . D'ailleurs , des déserteurs ont
répandu le bruit que le maréchal de Bender n'avait ordre de
senir que jusqu'au 15. mai .
ITALIE.
Des lettres de Milan , du 28 février , donnent à entendre
qu'il y circule quelques bruits d'une paix prochaine . Au reste
ces conjectures , car ce sont de pures conjectures , s'asseyent
uniquement sur ce que les ministres de ces états , les envoyés
d'Angleterre et ceux de Sardaigne ont ensemble de fréquentes
conférences . Des lettres du Piémont , arrivées dans cette ville ,
disent aussi qu'on se flatte d'avoir bientôt la paix ; mais elles
n'expliquent le comment en aucune maniere. Cependant ces
bruits paraissent démentis par l'activité des préparatifs du roi
de Sardaigne , qui aura une armée de 40 à 42,000 hommes ,
sans compter une vingtaine de mille hommes des milices intérieures
et les auxiliaires . On prépare des magasins pour toutes
( 46 )
ees troupes , dont le général Colli aura définitivement le
commandement en chef. Le pape a autorisé le roi à aliéner
pour 30 millions de biens ecclésiastiques dans ses états
pour fournir aux frais de cette campagne , qui exigera beau,
coup d'argent comptant.
On assure que le roi de Naples , pour completter son contingent
de 15,000 hommes , a expédié des ordres à toutes les
universités : Les individus qui , dans un mouvement de patriotisme
royal , ont offert nn cavalier équipé et monté , et qui
ne pourront réaliser cette offre , seront tenus de servir euxmêmes
en personne . On ajoute que les états de Sicile ont demandé
que le prince royal leur fût envoyé en qualité de vicerei
, et qu'il lui fût adjoint un conseil entierement,composé de
Siciliens , et que cette proposition a été acceptée. Le jeune
prince partira dans peu pour Palerme , mais avec un ministre
de confiance , chargé de la direction des affaires et de la cor- ·
respondance avec le ministere napolita .
Tandis que les autres états d'Italte se préparent à faire la
guerre , la Toscane jouit des bienfaits de la paix . Le due
régnant voulant faire connaître à toute l'Europe et à ses états
en particulier quelles sont les liaisons qui subsistent entre lui
et la nation française , a publié l'edit suivant :
ét sur
S. A. R. ayant considéré , depuis le commencement de
la guerre actuelle , qu'il ne serait ni juste , ni convenable pour
la Toscane , de prendre aucune part aux mouvemens qui
agitent l'Europe ; que la justice et le salut de ce pays ne
doivent pas reposer sur la prépondérance d'aucune des puissances
belligerantes , mais sur le droit sacré des gens ,
Ja foi inviolable des traités qui garantissent la franchise , et en
conséquence la neutralité du port de Livourne , but unique
auquel visent les étrangers ; qu'enfin , toutes les circonstances
d'intérêt et de politique exigent de sa part la conduite la plus
impartiale , elle s'est déterminée, à observer scrupuleusement
la loi de neutralité publiée par son auguste pere , au mois
d'août 1778 , comme loi fondamentale du grand duché .
" Les heureuses conséquences que cette détermination a
produites en Toscane , l'ont rendue agréable à tous ses sujets
qui , profitant du commerce de toutes les nations , sans faite
fort à aucune d'elles , se trouvent libres des diverses charges
que la crainte seule de la guerre occasionne.
99
que
Mais tandis S. A. R. avait la satisfaction de voir que
la Toscane , supérieure pour ainsi dire aux événemens da
tems , se reposait tranquillement sur sa neutralité , toujours
respectée par la République Française , elle s'est trouvée enveloppée
dans le tourbillon des révolutions qui agitent l'Europe.
S. A. R. ne pouvant résister ouvertement à l'orage , crut
devoir se borner à éloigner le ministre résident de cette Répu
(( 2471)
blique , seul acte que les circonstances impétienses du moment
lui arracherent , et qu'on ne pourra jamais alléguer comme'
une dérogation à la neutate constitutionnelle de la Toscane.
" L'exposé sincere de ces faits , qui n'ont besoin ni de
discussion , ni d'explication , et la conduite impartiale que
SA. R. a tenue ensuite envers la République Française et les
individus de cette nation , a rétabli la Toscane dans la jouissance
des avantages qui lui avaient été enlevés .
,, S. A. R. ayant conclu avec la Convention nationale de
France un traité , dont le but est de rétablir son antique neutralité
, pour l'avantage de cet état , et sans lézer les droits
ni les intérêts d'aucune des puissances belligerantes , avec les
quelles elle n'avait contracté aucun engagement , elle a cruen
devoir publier les dispositions .
En conséquence , S. A. R. ordonne à tous ses sujets d'observer
scrupuleusement l'edit de neutralité du 1er août 1778 ,
confirmé de son propre mouvement ,
je 22 mars 1799 , et
publié une seconde is à Livourne le 28 avril 17924; et pour
cet effet il sera communiqué un exemplaire do présent édit
aux consuls des nations étrangerss , résidans à Livourne , et
aux consuls de Toscane résidans dans les divers ports étrang
gers ,
Publié le 1er. mars 1795.
Signé , FERDINAND .:
Les lettres de Gênes , du 5 mars , disent positivement que
les maladies dont les troupes françaises étaient affligées sont
entierement finies . Les hôpitaux d'Oneille sout deja évacués ,
et l'on renvoie les convalescens cà France , pour faire place
aux troupes eu marche de Nice à Oneille . L'artillerie nombreuse
a été transportée de Loano à Bardinette , par
le moyen
de boeufs de charrois ; leur général en chef Scherer a visité
tous les postes , et il complete les régimens avec des troupes
fraîches .
ANGLETERRE. De Londres , le 3 mars 1795.
Débats du Parlement. Chambre des Communes?
Suite et fin de la séance du 5 février . Emprunt impérial .
M. Pitt continue, Si , par nos efforts , nous pouvons détruire la
puissance maritime de nos ennemis , la paix alors pourra être
faite à des termes beaucoup plus honorables qu'aujourd'hui . Le
plan de l'ennemi est de faire des paix particles pour duinuer
ses dépenses , et se mettre en état de résister plus sûremens
aux autres puissances . Mais , en supposant qu'ils puissent derermineria.
Prusse , par exemple , à se relâcher de ses premiers
( 48 )
1
efforts , ce doit être une raison pour redoubler les nôtres
sans cela , comment espérer une paix supportable ? Notre plus
grand intérêt est donc d'empêcher l'empereur de quitter la
coalition , et de lui fournir les moyens de mettre en came
pagne de puissantes armées : autrement , l'ennemi sera en´
état de dicter une paix honteuse , incompatible avec le repos
et le bonheur de l'Europe .
L'on a proposé d'employer cet emprunt aux dépenses de
la marine ; mais j'observerai que cet emprunt n'est pas une
taxe , qu'il est volontaire , et que le refus qu'on ferait de le
garanur , n'augmenterait pas d'un sterling fe tresor publie ,
ni par conséquent nos forces navales . Je pense , au reste
qu'il n'est aucun membre de la chambre , quelles que soient
ses opinions particulieres , qui ne soit convaincu que notre
marine ne soit bientôt portée au plus haut degré de force
et de puissance où elle soit jamais arrivée.
Si vous garantissez cet emprunt , l'empereur s'engage à
opposer à la France 240,000 hommes pendant la prochaine
campagne , et ainsi attaquée sur le continent , elle sera hors
d'état , même avec une requisition , de résister à nos forces
navales. Mais devons-nous placer notre confiance dans l'empereur
? He quoi ! devons- nous nous défier de lui , parce que
le roi de Prusse a manqué à ses engagemens ? Ce n'est rien
prouver , que de couclure ainsi du roi de Prusse aux autres
puissances de l'Allemagne. Les princes allemands et l'empereur
leur chef , n'ont - ils pas des raisons pour être fideles
aux engagemens qu'ils contractent avec les autres puissances ?
N'auront-ils jamais de guerres à l'avenir qui les forcent de
former des alliances et de recevoir des subsides ? Oublieront- ils
leur caractere et leurs intérêts ? leurs intérêts qu'ils ne peuvent
maintenir , quelles que soient leurs ressources , que par un
parfait accord avec les autres puissances ? Peut on même assurer
que la conduite du roi de Prusse sera la même en 95 et 96 ,
qu'en 94. Mais , parce que le roi de Prusse a manqué de
foi , doit- on renoncer à faire des alliances , doit- on se defier
du reste de l'Allemagne ? Doit- on ne plus compter sur la
bonne-foi qui lie les nations , et qui établit ce parfait equilibre
de forces et d'intérêts , où chacun trouve sa puissance
et sa sûreté ? J'observe , au reste , à l'honorable membre qui
est à la tête de l'opposition , et qui dans les circonstances
actuelles contredit sans cesse toutes les mesures du gouver
nement , qu'il a blâme autrefois les ministres de ne point
-faire d'alliances dans le continent , et de ne point operer une
utile diversion qui doublait nos forces , et affaiblissait celles
de nos ennemis.
La seule question qui soit véritablement à examiner , c'est
de savoir si l'empereur doit nous inspirer assez de confiance
pour que nous traitions avec lui . Cette question se reduit- d
celle- ci : /.
( 49 )
celle - ci : Le caractere personnel de l'empereur mérite - t- il
notre confiance ? Pouvons-nous compter sur ses dispositions
présentes ? Son intérêt est-il de traiter avec nous ? Up honorables
membre de l'opposition , M. Sheridan , a dit qu'il regardait
l'empereur comme le plus infidele de tous les princes
allemands . Mais je lui observerai que la maison d'Autriche
n'a jamais mérité cette injure . D'ailleurs , le monarque actuel
a les plus fortes raisons de poursuivre l'ennemi commun.
Consentira - t - il à perdre les Pays - Bas ? Verra-t -il tranquillement
les Français paisibles possesseurs de la Hollande ? Leur
abandonnera -t -il leurs conquêtes d'Espagne et d'Italie ? Peut-il
les contempler sans épouvante , marchant ainsi d'un pas rapide
à la rnine de l'Europe ? Non , il ne peut y avoir de doute.
sur l'intention où est l'empereur , de contribuer de toutes ses
forces à écraser cet ennemi désespéré , cet ennemi qui doit
tomber enfin sous les coups violens et non ralentis que lui
préparent de profondes et puissantes combinaisons . Après
trois ans de guerre , après être parvenu à obtenir à un grand
intérêt un emprunt de six millions sterling , peut - on
présumer qu'il abandonnera ainsi le grand objet qu'il pour
suit depuis si long tems ? Il a coopéré avec nous à la défense
de la Hollande , peut-on penser qu'il sera moins intéressé à
défendre l'Allemagne ? Ces six millions nous donnent toutes
les forces de l'Autriche ; si nous les refusons , nous restous
seuls contre l'ennemi , seuls nous aurons la France à com.
battre.
1
9
Nous avons pour garantie l'engagement solemnel et la
bonne foi de l'Autriche , qui n'a jamais été mise en question.
Vous vous liez dans ce moment avec la puissance la plus respectable
de l'Europe , qui peut devenir à l'avenir notre ressource
la plus assurée . Mais l'empereur cherchera - t- il , pour
six millions sterlings , à ruiner tout son crédit ? N'a- t- il pas
des revenus ? Et d'ailleurs , n'avons - nous pas le quart ou le
iers de l'argent que nous lui fournissons ? Et ne doit- il pas
défendre la banque de Vienne comme ses propres ressources ?
Il n'y a rien d'assuré dans les affaires humaines
moins en politique ; l'on doit , à cet égard , se contenter des
probabilités. S'il est donc probable que les mesures proposées
sont parfaitement conformes à notre intérêt , si elles tendent
à rétablir la paix de l'Europe , nous devons faire les plus
vigoureux efforts pour la défense de nos fortunes et de notre
sûreté .
9 et encore
Je conclus à ce qu'il soit présenté une humble adresse à
sa majesté , à l'effet de s'assurer que la chambre prendra toutes.
les mesures possibles pour l'augmentation des forces navales ,
lorsque cet objet sera soumis à sa discussion , et qu'elle re ,
merciera sa majesté de garantir à l'empereur un traité utile, à
la sûreté nationale et à la tranquillité de l'Europe.
Tome XV.
( 30 )
REPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONA L´E.
PRESIDENCE DE THIBAUDEAU .
Séance de duodi , 2 Germinal.
Un secrétaire fait leuré d'une lettre des représentans du
peuple près l'armée d'Italie , qui porte qu'un détachement da
treizieme régiment de cavalerie a enlevé aux terroristes d'Arles
un étendard couleur de sang , sous lequel ils voulaient se
réunir avec leurs complices de Marseille , pour opérer la
dérniere révolution . On a arrêté leurs chefs .
Ce jour était indiqué pour l'ouverture de la discussion sur
le rapport de la commission des vingt un " concernant les
quatre prévenus , Barrere , Collot , Billaud et Vadier . Le président
annonce qu'ils viennent d'arriver , sauf Vadier qui est
en fuite. La discussion s'ouvre .
Robert Lindet se présente à la tribune . On demande que
ee soient les prévenus qui aient la parole.
Plusieurs membres soutiennent que tous ceux qui composaient
les comités de gouvernement ayant été inculpés , on
ne peut se refuser à entendre ceux qui veulent se justifier .
La parole est accordée à Lindet. Il ouvre un manuscrit volumiueux
. C'est l'histoire des travaux de l'ancien comité de
salut public. Il passe sous silence les crimes qui pendant
quinze mois ont couvert le sol de la France , et ne parle que
de nos victoires dont il fait honneur au comité . Ce n'est pas
une défense qu'il présente en faveur de ceux dont il a eu le
malheur de partager les travaux , c'est leur éloge . La maniere
dont il traite les événemens du 31 mai excite de grands mur.
mures . Isnard s'écrie qu'il ne tardera pas à déchirer le voile
et de démontrer que la journée du 31 mai n'est pas l'ouvrage
du peuple , ni de la Convention , mais d'une minorité face.
tiense en révolte contre la majorité .
Lecointre ( de Versailles ) s'engage à prouver , de son côté ,
que les députés mis hors de la loi avaient fait le serment de
se venger de Paris .
Louvet se charge à son tour d'établir que l'ancien comité
de salut public fit faire des propositions royalistes au général
Wimplen dans le Calvados . Il convient qu'on s'y est armé ,
mais pour defendre la Convention et les Parisiens contre les
conspirateurs qui ont péri le 10 thermidor.
Lindet continue , et parle pendant cinq heures sur le même
( 51 )
ton. Il présente sous le point de vue le plus favorable la derniere
tyrannie . Plusieurs membres disent à- la- fois qu'on ac
peut davantage se moquer du peuple , que sans doute l'orateur
a dessein d'endormir tout le monde , que plus de la moitié des
députés s'en sont allés et qu'il veut les chasser tous .
Gaston demande l'impression de son discours , Dussaux lui
répond qu'il n'est pas juste que la République fasse les frais
d'uue telle impression , et que si l'on veut faire imprimer un
aussi long ouvrage , il faut en prendre les frais sur les indemnités
des membres . André Dumont dit que c'est un tissu
de faits faux et contradictoires .
Robert Lindet se trouvant fatigué , son frere Thomas prend
le manuscrit et en continue la lecture.
On dit que l'ancien comité a organisé un plan de famine .
Pensez-vous qu'un seul Français y croie ? Nous avons fait enrer
en une fois deux millions cinq cent mille quintaux de
blé étranger . Nous avons amélioré le change . En vous faisant
décréter qu'une commission reviserait les lois tyranniques , on
a voulu vous faire ordonner à vous - mêmes votre supplice ;
yous êtes jugés et vous n'avez plus qu'à marcher à l'échafaud .
Vos ennemis n'attendent pour vous frapper que le moment
où ils vous verront assez abattus pour ne pouvoir plus vous.
relever, S'ils n'en choisissent que trois aujourd'hui , ils se
réservent de désigner les autres . " #
Lindet termine en demandant qu'il soit fait un rapport sur
le
gouvernement , où l'on sépare bien ce qui tient au malheur
des tems et aux circonstances , de ce qui ne serait que personnel.
Carnot lui succede à la tribune. Je vais parler , dit- il , pour
les prévenus ; ils sont dans le malbeur , je dois être écouté
favorablement. Je les ai combattus quelquefois , lorsque tout
fléchissait devant eux ; je les défends , lorsque chacun les
accable. Carnot dénonce deux placards où l'on demande
40 têtes , et l'on dévoue à la mort ceux qui prendront la défense
des prévenus . Ces placards entraînent une discussion
sur la liberté de la presse . On ne prononce rien et la séance
se leve.
Séance de tridi , 3 Germinal.
Carnot est à la tribune pour continuer la lecture de son
discours. Il parle des signatures de confiance , et dit que la
signature est une opération purement méchanique et qui ne
sert qu'à prouver que le rapportenr a soumis telle ou telle
mesure au comité. Il invoque à cet égard l'usage des comités
actuels , et prouve la nécessité de cet usage. Il distingue deux
sortes de délits , délits contre - révolutionnaires et délits ultrarévolutionnaires.
On ne peut reprocher aux prévenus que
délits de cette derniere espece ; car , comment qualifierait- on
D 2
( 52 )
de contre - révolutionnaire , celui sur la motion duquel lá Rẻ-
publique a été proclamée ( Collot ) ; celui qui , par son opinion
, détermina le jugement de Capet ( Barrere ) ; mais les
délits ultra - révolutionnaires sont excusables , si l'on se reporte
aux circonstances et au vou populaire si clairement exprimé
dans les adresses . Carnot convient cependant que ces délits .
peuvent conduire à la dissolution de la République , mais
l'intention peut alors n'être pas coupable.
On dit qu'ils n'ont abattu Robespierre que parce que
leur ambition ne pouvait pas s'accorder avec la sienne ; mais
ceux qui leur adressent ce reproche eussent été eux - mêmes
les victimes de Robespierre sans les prévenus . Leurs registres ,
ajoute-t- on , contiennent la preuve de tous leurs abus de pouvoirs
et de leurs crimes. S'ils n'avaient rien voulu prendre
sur leur responsabilite , pour augmenter l'énergie de nos défenseurs
et étendre nos ressources , la République aurait
peut - être succombé et leurs registres seraient en reglé. Ce
procès est un triomphe pour l'aristocratie , puisqu'elle voit
poursuivre ses anciens ennemis ; on prétend que vous n'étiez
pas libres ; un républicain est libre au milieu des fers . Mais
qui vous empêchait de parler? C'était à qui demanderait l'impression
et la traduction de leurs discours dans toutes les
langues . Si vous étiez de mauvaise foi , si , en adoptant telle
ou telle mesure , vous ne lez croyiez pas bonnes , ceux qui
vous les proposaient n'étaient pas plus coupables que vous ;
et vous les puniriez de votre faiblesse ! On veut vous amener
à convenir que vous étiez tous complices de Robespierre ;
les uns par cruauté , les autres par lâcheté. On vent vous
faire faire votre acte d'accusation . Carnot demande qu'il
soit dit qu'il n'y a pas lieu à accusation contre les prévenus .
Prieur ( de la Côte d'or ) , Moyse Bayle et Rhul parlent
dans le même sens ; ils n'ont vu dans les prévenus que l'enthousiasme
de la liberté . Ils déclarent qu'ils ne sépareront
point leur cause de la leur. Ils citent plusieurs faits tendans
à faire rejetter sur les triumvirs morts les principales atrocités
reprochées aux prévenus ; et pour intéresser sans doute à leur
cause les 73 nouvellement rentrés , ils assurent que c'est à
eux à qui ils doivent la vie.
Legendre fait part d'une conversation entre Robespierre et
Danton , dont il a été témoin , qui vient à l'appui de cette
assertion . Robespierre y déclara que la liberté ne pouvait
s'établir que sur la mort des 73 .
Elie Lacoste et Dubarran sont entendus . Ils déclarent être
dans les mêmes principes que Robert Lindet. Vouland partage
leur avis . Amar s'excuse sur ce qu'il n'a été que l'organe
du comité dans le rapport qu'il a fait sur les 21 et les
73. Il dit qu'il a suivi l'impulsion et la direction politiqué
des faits , des événemens et de l'opinion publique , que les
( 53 )
décrets rendus sur son rapport , ont été nécessités par les
circonstances , et approuvés par une foule d'adresses .
Oudot cherche à faire prendre une autre marche à la délibération.
Il dit que la Convention n'a pas le droit de prononcer
sur les prévenus , et qu'il faudrait un tribunal national
pour les juger. Il ne croit pas suffisante la garantie donnée
aux députés . Cependant , si la Convention les juge et que
les faits se trouvent constans , il opine pour qu'on les condamne
au banissement . La discussion est ajournée à la prochaine
séance .
Séance de quartidi , 4 Germinal.
Le représentant du peuple près l'armée de l'Ouest , écrit
que Stoflet sera bientôt obligé de demander à genoux le pardon
qn'il a insolemment refusé . Nous sommes entrés le 15 ventôse
à Chalonne , d'où nous avons poursuivi l'ennemi jusques sur
les hauteurs , et nous n'avons eu personne de tué.
La discussion sur les prévenus continue : Collot d'Herbois
paraît à la tribune , et dit :
C'est un tableau moral et politique que présentent ici
trois hommes longitems obscurs qui de concert avec des
collegues courageux , appuyés de votre puissance , ont soutenu
sans affronts , pendant quinze mois , ane lutte formidable
contre les tyrans de l'Europe , et qui luttent aujourd'hui ,
par un sort contraire , pour écarter loin d'eux de sinistres
accusations . Quel qu'en soit le résultat , les rois humiliés ne
pourront contempler notre situation sans un plaisir secret ;
mais les coups que nous leur avons portés nous dédommagent
et nous consolent . Les amis les plus ardeus de la liberté
sont accusés d'avoir voulu la renverser On feint d'oublier
que les royalistes se sont efforcés de détruire le gouvernement
républicain on feint d'oublier que le Midi a été en
proic aux factieux , que Lyon fut en révolte ouverte contre
la représentation nationale : on feint d'oublier que , dans
les tems difficiles , le salut du peuple est la suprême loi !
" Une paix solide , ou du moins des neutralités sinceres ,
préparées par des victoires . Les métaux méprisés , les assignats
appréciés , les ressources de guerre et d'approvisionnemens
abondantes , les armées sans besoin et pleines d'ardeur
, les tyrans de l'Europe battus et humiliés ; c'est dans
cet état que nous avons laissé les choses . Etiez - vous impuissans
au milieu de tant d'activité ? Comment de si grandes choses
seraient- elles opérées sans vous ? A vous en appartient toute
la gloire . C'est vous qui avez abattu les ennemis du peuple ;
c'est vous qui avez fait disparaître les volcans qui mûrissaient
leurs feux sous la République naissante. Le peuple était là
aussi quand les armées triomphaient. Il était autour de vous
pour bénir vos lois bienfaisantes , et celles qui tendaient à
D 3
( 54 )
réprimer ses ennemis . Si des opérations si glorieuses n'avaient
pas été consommées par le peuple et par vous , il y aurait
donc des effets sans cause et sans principes .
" Nous savons qu'il s'est commis des excès défavorables ,
auxquels nous avons remédié de tout notre pouvoir ; l'on s'en
convaincra si l'on ouvre noire correspondance . Il est des
hotames qui n'ont rien fait pour la révolution , et qui se
présentent pour en profiter pendant deux années ils regretterent
le tyran , et paraissent aujourd'hui aimer la liberté
avec fureur ; ils animent contre nous les passions les plus
violentes .... Vous jugerez comme le peuple fait lui - même :
il ne condamne pas ceux qui l'ont bien servi ; s'ils ont commis
des fautes , il les excuse ; il ne prononce que sur les intentions
. Ainsi , dans les armées nul n'est responsable d'une
mauvaise manoeuvre , quand il n'y a point de perfidie.
" Nous n'avons point conspiré , ou plutôt , oui , nous
avons conspiré sans relâche contre les tyrans , contre les
ennemis de la patrie ; nous avons conspiré pour les succès
des armées , pour le bonheur du peuple . Collot donne
lecture de plusieurs arrêtés pris le 9 thermidor , par la commune
conspiratrice , et qui le frappent de proscription , ainsi
que Barrere , Billaud , Tallien , Fréron , Moyse Bayle , Granet
et plusieurs autres . Il rend compte de ses opérations habituelles
au comité ; elles concernent les objets de bienfaisance nationale ,
Tes secours à accorder aux défenseurs de la patrie , à leurs
veuves et à leurs enfans : il dit qu'il s'en occupait 15 heures
par jour.
" Ce n'est pas nous seuls , ajoute - t - il , que la calomnie veut
perdre . Les rois n'ont point d'amis parmi vous les rois
Vous haïssent ; il faut des victimes à leur haine . De vieux
courtisans , consommés dans l'art de diviser , leur ont dit :
vous ne parviendrez à vaincre qu'en attisant la discorde ; laissez
reposer vos armées vaincues : il s'agit d'une autre guerre, commencez-
la par d'infâmes libelles , continuez - la par des poiguards
, et vous la finirez par des boureaux . Ces conseillers
ont trop bien réussi . L'ombre de Capet est là qui plane et qui
vous dénonce . Vous , qui l'avez jugé , il faut vous attendre
à périr vous , qui ne l'avez point sauvé , vous ne tarderez
pas à suivre les autres . Tuez - les , s'écrient nos ennemis
Tuez-les , coupables ou non et ces cris de mort sont proférés
au nom de l'humanité et de la justice . Depuis six mois
abreuvés d'amertumes , privés en quelque sorte de l'exercice
des droits que le peuple nous a confiés , souvent quelques amis
nous ont conseillés de fuir . Celui qui n'est accusé que pour
avoir rempli ses devoirs ne fuit pas . Nos têtes sont là ,
posez- en , et que ce soit utilement pour la patrie .
" Nous sommes persécutés pour avoir défendu la cause
du peuple ; nous ne déshonorerons pas une si glorieuse infortune.
dis(
55 )
" Collot termine son discours en demandant , au nom de
ses collegues , que la discussion s'ouvre sur les divers articles
d'inculpations. 3
Saladin , rapporteur de la commission , dit qu'elle n'a pas
cru devo distinguer chaque fait séparément. Dans l'affaire
de Carrier on a classé les faits , parce qu'ils n'avaient pas
entr'eux une haison immédiate ; mais dans celle - ci il a fallu
les rapprocher & eu faire decouler des preuves et des consé
quences parce qu'il s'agit d'établir une conspiration de quinze
mois. Il demande la question prealable sur la motion de
Coliot.
Chenier pense qu'on ne doit pas changer l'ordre du travail
de la commission , en laissant aux prévenus toute la latitude
possible dans leur defense , et que si on eût suivi cette marche
le 3 cct be , leurs collegues siégeraient encore parmi eux .
Ce n'est pas lombre de Capet , ajoute- t-il , qui plane dans
cette enceinte , mais celle des Condorcet , des Vergniaud ,
des Camille Desmoulins , des Phelippeaux , qui ont été assas
sines de la maniere la plus horrible . Ce sont les ombres des
milliers de républicains assassinés dans le Midi et dans les
departemens de l'Ouest , sous prétexte du fédéralisme qui
n'exista jamais que dans l'imagination des tyrans .
Cambon denonce un discours de l'abbé Sieyes , prononcé
par lui au moment de la rentrée des députés mis hors de la
loi , et dont la Convention a ordonné l'impression . Sieyes
divise notre session en deux époques , dit Cambon ; depuis.
l'ouverture de l'Assemblée jusqu'au 31 mai , et il y a eu
oppression de la Convention par le peuple trompe ; depuis
le 31 mai jusqu'au 9 thermidor , et il y a eu oppression du
peuple par la Convention asservie . Ainsi d'après ce systême ,
nous n'avons jamais été libres et nos actes sont nuls , Ainsi
c'est en vain que nous avons proclamé la Republique , à tort
que nous avons condamné Capet ; voilà les consequences dia
discours de Sieyes .
Sieyes je dois expliquer une opinion que l'on travestit ,
et de laquelle on tire de fausses conséquences. Je pense que ,
depuis le commencement de notre session jusqu'au 2 juin
on a employé tous les moyens possibles pour égarer le peuple
sur les sentimens de la Convention , et qu on a prepare notre
asservissement en nous entourant de calomaies et de menaces.
Mais il ne s'ensuit pas que dans l'intervalle qui s'est écoulé
entre ces deux époques , nous ayons été sans liberte ; ce n'est
pas mon opinion. Alors la majorité de l'Assemblée luttait
avec succès contre la minorite factieuse , et son oppression
n'a éte consommée que le 2 juin où • par violence ,
conspirateurs enleverent du milieu de nous nos collegues.
Depuis ce jour jusqu'au 9 thermidor , la Convention n'a été ,
Suivant l'expression énergique d'Isnard , qu'une machine à
les
( 56 )
:
décrets . Il ne s'agit d'accuser ni la Convention ni le peuple.
Le peuple est bien intentionné , toujours excellent ; mais on
avait substitué à sa volonté les cris de quelques milliers de
séditieux . On appellait la nation , la portion du peuple qui
parlait , parce qu'on supposait que c'était la seule qui voulût
agir. L'asservissement de la Convention daſant du 2 juin ,
l'établissement de la République et la mort de Capet ne peuvent
être accusés d'illégalité , puisqu'ils sont bien antérieurs à
cette époque quant à ce qui a été fait depuis le 2 juin , il
est aisé de calmer toutes les inquiétudes , en le rectifiant aujourd'hui
que nous sommes libres.
22
Laporte ramene l'état de la question dont on s'était écarté
pour se livrer à des personnalités .
Legendre dit que la République était devenue une vaste
bastille ; le Nord a été décimé , le Midi embrâsé , le Rhône
a rendu la Méditerranée témoin du sang qui y a été répandu
et que la tyrannie siégeait dans la Convention . Qui tenait alors
les rênes du gouvernement ? les prévenus . Qui dirigeait le tribunal
révolutionnaire ? eux ; car nos collegues demandant de
faire entendre à leur décharge plusieurs membres de la Convention
, on vint vous dire qu'ils se révoltaient contre le tri
bunal , et on fit rendre un décret pour les mettre hors des
débats . Legendre ajoute qu'il voit qu'on cherche à éterniser
ce procès , et que des hommes qu'on n'accuse pas viennent
se défendre pour essayer d'embarrasser. Il demande l'ordre
du jour sur la proposition de Collor .
"
Barrere se joint à Collot. Il se flatte de ne laisser aucun
nuage sur sa conduite , et de prouver à la France qu'il n'a été ,
ainsi que ses co - accusés , qu'un bon citoyen et un ami de
la liberté et de la justice . Il a dit le 2 juin à la Convention
que , si elle était esclave , elle ne pouvait délibérer , et il lui
proposa de sortir et de délibérer au milieu des Tuileries . II
a concouru à la journée du 9 thermidor , et s'il avait été
fauteur de l'oppression du peuple , on l'aurait condamné à
cette époque. La discussion est renvoyée au lendemain.
Séance de quintidi , 5 Germinal.;
Il y a eu hier soir une séance pour le renouvellement du
bureau. Pelet a été élu président ; les secrétaires sont , Serres ,
Vilmain et la Réveillere - Lépau .
Le président annonce aujourd'hui que les prévenus sont
dans la salle , et il invite les citoyens au silence .
Saladin fait lecture de la partie du rapport relative au premier
chef d'accusation . Il s'agit des nombreuses bastilles dont
l'ancien gouvernement avait chargé le sol de Paris et de toute
la République.
Barrere répond que le comité n'a destiné qu'une seule maison
de Paris , le collège des Quatre- Nations , à une maison
( 37 )
d'arrêt , et par humanité , pour servir de décharge à la Con
ciergerie , où s'était manifestée une maladie épidémique . Il
ajoute que des prisons nombreuses étaient les suites nécessaires
d'an mode de gouvernement que la Convention avait
établi , d'après le veu du peuple , et que les passions , l'esprit
de vengeance et même le zele révolutionnaire ont causé
ces maux .
Saladin lit le second chef d'accusation : les arrestations
arbitraires et le bureau de police générale .
Collot-d'Herbois y répond et fait l'éloge de son humanité.
Il s'attaché sur tout à justifier un discours prononcé par lui
à la tribune , et dans lequel il dit qu'il faut miner les prisons ,
y mettre de la poudre et tenir la mêche allumee , pour faire
sauter les détenus , s'ils tentent de nouveaux efforts contre la
République . H ajoute que c'était le 17 septembre , au milieu
des dangers de la patrie , lorsque les Autrichiens se trouvaient
sur notre territoire , que ces paroles lui échapperent , et que
ce fut enthousiasme ou délire , Il réclame d'ailleurs la liberté
des opinions .
Choudieu demande que la commission des 21 soit censurée
, pour avoir mis auinombre des chefs d'accusation une
opinion prononcée dans le sein de la Convention . Leblanc
dit que cette opinion n'est pas plus extraordinaire que celle
d'un homme qui du fauteuil annonça la destruction prochaine
de Paris .
Isnard , contre qui ce trait était lancé , déclare qu'il s'honore
de la réponse qu'il fit alors à la commune conspiratrice ,
qu'il lui ft mesurer de l'oeil l'abyme où des perfides voulaient
l'entraîner , et que si elle n'avait pas trouvé des complices
dans l'Assemblée , la France n'aurait pas été baignée dans le
sang.
Bassal annonce qu'il a des pieces qui découvrent la nature
des projets arrêtés dans le Calvados . Il cite le fragment d'une
lettre de Buzot , qui porte que J. J. Rousseau aurait voté pour
la destruction de Paris , s'il avait laissé ses idées sur le gouver
nement fédératif.
Louvet dit qu'il a aussi dans les mains une piece qui prouve
qu'on excite par-tout la calomnie contre les membres rentrés,
qu'on promet des emplois , des honneurs , de l'argent , si l'on
veut la propager . Il assure que les pieces sont fausses .
Lecointre en lit une qui établit que Charles Lahaie , un des
députés mis hors la loi , avait pris parti dans l'armée catholique
et royale.
On demande le dépôt de ces pieces sur le bureau , et qu'elles
soient cotées et paraphées . Cette motion est décrétée .
Séance de sextidi , 6 Germinal.
Billaud-Varennes paraît.à la tribune.
Une accusation , dit-il , doit- être bâsée sur deux points ;
1
( 58 )
*
premierementil faut prouver un délit constant"; secondement
il faut prouver que ceux, qu'on accuse sont coupables de ce
délit . Le premier chef d'accusation contre nous porte que
nous avons convert la France de prisons , et l'on produit
ep preuve de cette allegation , un seul arrêté pris sur la
demande de la commission de police et tribunaux , et auxquels
huit signatures sont apposées. La premiere signature
était ordinairement celle du membre qui provoquait la mesure.
On m'accuse d'avoir dit qu'il fallait mettre la terreur
à Fordre du jour , et ne pas prendre de demi-mesures :
quand j'ai parlé ainsi je n'étais pas membre du comité , c'était
le 5 septembre la patrie était en danger , le peuple slarmait
, je dis qu'il ne fallait pas prendre de demi mesures
et je crois avoir servi la patrie dans cette circonstance. Onnous
accuse d'avoir ordonné des ariestations arbitraires ;
des trois arrêtés que l'on cite en preuve , deux ont été pris
par les deux comités réunis l'autre , qui est le maudat
d'arrêt contre la emme Gabarrus , est écrit en entier de
la main de Robespierre . Je pense d'ailleurs que la citoyenne
Gabarrus était comprise dans la loi du 17 septembre , puisqu'elle
est étrangere et d'un pays en guerre avec la France.
Le bureau de police générale à été créé sur un rapport de
Saint -Just. Si les tyrans en ont abusé , c'est leur crime,
c'est avec ce crime que nous les avons confondus le 9 ther
midor . Aucun de nous n'a travaillé dans ce bureau ; chaque
membre avait son attribution. Cependant Clauzel nous a dé
noncé hier comme les meneurs du comité ; et ce membre st ,
le 6 nivêse , une dénonciation qui a été remise à la commission
des vingt an , et qui implique les deux comités en
masse , sans nous attaquer personnellement . Billaud donne
lecture de cette piece , dans laquelle on dit que Collot et
ElieLacoste avaient connaissance que l'intention de Robespierre
était de suspendre les séances de la Convention .
Collot-d Herbois donne des explications sur les mandats
d'arrêts. déclare avoir signé avec regret celui contre Antonelle
. Quant à la citoyenne Gabarrus , elle était comprise dans
la loi du 17 septembre comme espagnole , et à cause de ses
liaisons avec les membres de l'Assemblée constituante réputés
conspirateurs. Il assure que Robespierre n'a jamais proposé
la suspension des séances de la Convention .
Cambon déclare que deux mois avant le 9 thermidor il avait
ramé la perte de Robespierre au comité de sûreté générale
avec ses collegues . Il avoue qu'il crut qu'ils étaient trahis et
Jeur perte certaine , lorsqu'il entendit Barrere faire , le 8 thermidor
, l'éloge de ce tyran . Il est démontré pour lui que les
prévenus , loin d'avoir conspiré avec lui , conspiraient contre
lui.
Legendre ( de Paris ) : J'ai dit que les tyrans me s'étaient
59 )
brouillés que sur le choix des victimes , et je vais le prouver,
Le 8 thermidor , lorsque Robespierre prononça son fameux
discours aux jacobins , Collot- d'Herbois lui dit : Que fais - tu ?
ñe sommes- nous pas tes amis ? veux - tu nous perdre ? Le 9 ther
midor , lorsque Saint-Just commença son discours , Carnot ,
Barrere et Billaud , étaient présens à la séance . Billaud né
dit autre chose , si- non que Saint Just était un conspirateur ,
parce qu'il avait promis de montrer son discours au comité ,
et qu'il n'en avait rien fait. Les deux autres n'accuserent Robespierre
que d'avoir protégé un commis qui avait volé la
caisse du comité .
Legendre cite un fait dont il a été le témoin , relatif à
Fretean Collot aborde Villatte dans la salle de la Liberté .
et lui dit : Est - il vrai que Freteau soit acquitté ?
:
―
Qui.
C'est un ex- constituant , il sera repris . Il le fut en effet ,
et bientôt guillottiné .
༦ ་
Il en rapporte un second , cité par Villatte . Lorsque Robespierre
eut prononcé son discours aux jacobins , Barrere en
sortit furieux ; Villatte l'accompagna . Barrere lui dit : Je suis
saoul des hommes . Si j'avais un pistolet , je me brûlerais la
cervelle. Mais quelle raison , dit Villatte , peut avoir Robespierre
de t'attaquer ? -Ce Robespierre est insatiable ; parce
qu'on ne fait pas tout ce qu'il voudrait , il rompt la glace.
S'il ne demandait que les têtes de Tallien , de Freron , de
Legendre , Bourdon , Panis et Monestier qui a vexé toute ma
famille , nous nous entendrions . Mais Vouland , Vadier , Granet
, Bayle ; c'est impossible .
3
La discussion est interrompue pour entendre Anguis , au
nom du comité de sûreté générale , qui donne connaissance
d'une dépêche annonçant que de nouveaux complots out
éclaté et ont été déjoués à Toulon . La conduite des représentans
du peuple dans ces contrées a été approuvée.
PARIS . Nonidi , 9 Germinal , 3º . année de la République.
La discussion , sur les trois membres de l'ancien comité
de gouvernement , a pris une tournure qui ne promet
pas de voir cette affaire si - tôt terminée . Si les passions
dormaient quand la justice veille , ces lenteurs n'auraient
aucun danger ; mais l'intrigue fait toujours son
profit du tems , et celui que la justice met à s'éclairer ,
sert aussi les méchans qui ont leurs raisons pour ne pas
aimer la justice .
Tout annonce que cette affaire , loin de s'éclaircir par
les débats , va se noyer dans un cahos inextricable .
( 60 )
Ceux qui ont intérêt de l'obscurcir la présentent d'abord
comme le procès collectif fait à l'ancien gouvernement.
En associant à leur cause tous ceux qui y ont pris une
part plus ou moins directe , et qui redoutent un examen
trop severe de leur conduite , ils esperent qu'en
effrayant la Convention par le nombre des accusables ,
c'est le plus sûr moyen de l'obliger à n'en poursuivre
aucun . Dans une administration qui paraît indivisible
, comment , distinguer , comment choisir ? On a
senti tout l'avantage qui naîtrait de cet embarras , et
ceci explique comment tous les membres des anciens
comités de gouvernement n'ont point voulu séparer
leur position de celle des autres prévenus .
3
D'un autre côté , faire le procès à l'ancien gouverne
ment qui a pris le timon des affaires dans des circonstances
dificiles , qui a procuré à la République de
grands succès au dehors , et étouffé de grandes agitations
au dedans , n'est- ce pas le faire en même tems à
la révolution ? Second motif d'embarras .
En liant cette affaire à la journée du 31 mai , on était
sûr de rallumer un nouveau tison de discorde . Il faut
discuter les causes et les effets de cette révolution . Ceux
qui y ont participé auront intérêt de la défendre . On
réveillera contre d'autres membres les accusations de
royalisme , de fédéralisme ; on produira des pieces tenues
cachées jusqu'à ce moment ; ces pieces donneront lieu
à des discussions . Les anciennes haines se rechaufferont ,
les esprits seront incertains , et de nouveaux incidens
feront perdre de vue l'objet principal qu'il s'agit d'examiner.
Si l'on parvient à faire appréhender des recherches
sur des journées plus anciennes et non moins déplorables
, sur celles des 2 et 3 septembre , on aura de plus ,
pour auxiliaires , tous ceux qui sont intéressés à couvrir
d'un voile épais ces malheureuses époques de la révolution.
Qu'on ajoute maintenant tout ce que les royalistes ,
les mécontens , les voleurs , les fripons , les terroristes ,
tous les agens de l'étranger , peuvent avoir de motifs de
se joindre à ces différentes combinaisons d'intérêts , et
l'on aura une idée de la position critique où se trouve
la Convention , et de la tactique employée pour diriger
contre elle tant de moyens séparés . Si par une fatalité
désastreuse , ou par un calcul raffiné de malveillance ,
la difficulté des subsistances se fait sentir au milieu de
ces conjonctures malheureuses , l'embarras s'augmente(
61 )
1
de l'inquiétude que le peuple peut concevoir sur ses
besoins les plus pressans .
Ce qu'il y a d'étrange , sans qu'on ait cependant le
droit de s'en étonner , c'est que des hommes qui ont
joué le rôle d'accusateurs infatigables , qui ont tourmenté
la Convention de leur acharnement à poursuivre les
prévenus , sont aujourd'hui les premiers à jetter leurs
armes pour fuir avec plus de facilité. Il serait moins
étonnant encore que quelques personnes qui , depuis le
9 thermidor , ont été si opposées , finissent peut- être
par s'entendre . Ce ne serait pas la premiere fois dans la
révolution , que les gens de bonne foi auraient été pris
pour dupes d'intrigues habilement concertées .
Quoi qu'il en soit , il n'y a qu'une constante énergie
de la Convention qui puisse la faire triompher de tous
ces obstacles . Ce n'est ni du sang ni des vengeances
que desirent les vrais amis de la liberté. Que leur importe
que quelques individus soient absous ou punis
qu'ils vivent ou qu'ils soient déportés . Mais ce qui leur
importe , c'est qu'on sauve la chose publique ; c'est qu'on
n'attache pas le sort de la patrie à quelques intérêts
individuels , quelque majeurs qu'ils puissent être ; c'est
que la Convention ne se replonge pas de nouveau dans
ces effroyables discordes qui ont amené la funeste journée
du 31 mai et les désastres qui en ont été la suite .
Il faut calculer les conséquences qui naîtraient du
triomphe des partisans de l'ancien gouvernement sanguinaire.
Il est malheureusement trop vrai qu'il existe
des hommes pour qui les passions sont tout , et la Répu
blique n'est rien , qui sacrifieraient à leurs ressentimens ,
principes , justice , ordre , bien public , liberté , et qui
disent comme Atrée : Périsse l'univers , pourvu que je me
venge . Si ces hommes l'emportent , la Convention va être
en proie à de nouveaux déchiremens ; tout ce qu'il y
a d'ennemis de la chose publique va relever une tête
insolente , tout ce qu'il y a d'amis sinceres de la liberté
va retomber dans le découragement. Ils chercheront dans
la Convention leur appui et leur boussole , et ne retrou
veront plus que deux partis acharnés à leur perte , tantôt
vainqueurs , tantôt vaincus , selon la nature des circons
tances . Hommes passionnés ou corrompus ! ne voyezvous
pas que l'incendie est au vaisseau de l'état, qu'en se
disputant sur la manoeuvre , les flammes gagnent , et que
si vous périssez vous-mêmes , tout l'équipage périt avec
vous .
( 62 )
Est- il donc si difficile de se former une idée juste sur
cette affaire ? Il ne s'agit pas de faire le procès à la
révolution , mais aux crimes exécrables commis sous le
voile de la révolution . Il ne s'agit pas de punir les
hommes qui n'ont été qu'égarés , mais d'atteindre les
chefs qui ont provoqué tant d'excès . Il y a deux vérités
incontestables : l'une , c'est que depuis le 31 mai la Convention
a été sous le joug de la plus horrible tyrannie ;
T'autre , que les crimes des anciens comités de gouvernement
n'ont pas même pour excuse la nécessité et
T'utilité.
On veut que Robespierre et ses deux misérables complices
aient été les seuls auteurs de cette monstrueuse
tyrannie. Mais qu'étaient donc les autres membres des
comités ? Quoiqu'ils se fussent partagé le travail ainsi
que les pouvoirs , et que le département de la police
feur ait été étranger , ignoraient- ils les meurtres et les
horreurs commandés par ces trois brigands ? Tremblaient-
ils à leur tour devant Robespierre ? n'avaient-ils
pas du moins le courage de l'inertie ? ne pouvaient-ils
pas quitter cet affreux repaire , et venir le dénoncer à
la tribune ? Comment justifier cette lacune de 40 jours
pendant lesquels , Robespierre absent , jamais les boucheries
n'ont été plus nombreuses , ni la justice et l'humanité
plus indignement outragées . Comment justifier
ces listes d'assassinats , qui se faisaient dans les prisons ,
par ces hommes désignés sous le nom dérisoire de moutons
, et qui étaient bien plutôt des tigres , envoyés pour
les victimes ? S'il est vrai , comme on l'assure ,
et que les comités actuels en ont la preuve ou peuvent
l'avoir facilement , que ces listes ainsi rédigées passaient
sous le visa des comités , avant d'être envoyées au tribunal
révolutionnaire , comment justifier cette approbation
du meurtre sans aucune forme de procès . Le cours de
ces assassinats a - t-il été suspendu un seul jour ? La voix ,
non pas de la clémence , mais de la seule humanité ,
mais du fantôme même de la justice , s'est- elle fait entendre
une seule fois ? Les comités ont - ils instruit la
Convention de cette oppression de détail qui pesait sur
toute la République ? Ne l'ont-ils pas constamment
trompée , et sur la guerre de la Vendée , où il suffit d'interroger
le premier volontaire , pour savoir jusqu'à quel
point on a sacrifié tant de braves défenseurs , ou à l'impéritie
ou à la perfidie des généraux et sur ces conspirations
nombreuses , créées pour le seul besoin d'égorger
, et sur toutes ces mesures provoquées sur des exposés
marquer
( 69 )
Estucieux , en faisant croire que la moitié de la nation
trahissait l'autre . La Convention avait ordonné la rẻ-
duction d'une ville rebelle ; mais avait elle commandé
à Collot de l'exterminer par le fer et la foudre ?
Veut-on connaître le véritable jury d'accusation dans
cette affaire ? Qu'on appelle de tous les points de la
République , les milliers d'orphelins , de veuves , de
familles désolées qui tous pleurent et redemandent
leurs peres , leurs époux , leurs parens , leurs amis , impitoyablement
livrés au fer des bourreaux . Qu on inter
roge la conscience de tous les citoyens , effrayés , pillés ,
incarcérés , et qui n'ont survécu à la tyrannie , que
parce qu'on ne meurt pas tout-à - coup de douleur et
d'angoisse. Et quels étaient les auteurs de tant de calamités
, si ce n'est ceux qui avaient envahi tous les pou
voirs , et qui tenaient la Convention et la majorité du
peuple sous le glaive de la terreur !
Qu'on cesse de vanter le maintien de la paix inté~
rieure ? c'était la paix des cadavres et des tombeaux .
Qu'on ne parle pas de nos triomphes ? ils ne sont pas
l'ouvrage des prévenus ; ils sont le résultat de plans qui
leur sont étrangers ; ils sont le prix du courage de nos
intrépides guerriers et de leur dévouement sublime à
la liberté de leur pays . Les invoquer , c'est leur faire
outrage. Tandis qu'ils volaient à la mort ou à la victoire ,
les tyrans faisaient égorger leurs peres ou leurs amis , et
livraient à la nation entiere une gguerre mille fois plus
ruelle que celle des despotes coalisés .
Il eût été à desirer sans doute qu'une sage prévoyance
eût calculé tous les effets d'un examen rétrograde des
grands mouvemens de la révolution . Mais aujourd'hui
que la Convention , soit piége , soit sentiment de justice
nationale , a été conduite jusqu'à la nécessité de
prononcer, il ne reste que deux partis à prendre , ou de
jetter un voile politique sur le passé , ou de résoudre
franchement une question que l'opinion a déja résolue ,
Si dans la premiere mesure on trouve l'oubli de toutes
les querelles et la réunion de tous les partis , elle peut
être salutaire ; car tout est bon en révolution , pourvu,
qu'on avance la révolution . Mais si au contraire on y
apperçoit le germe de nouvelles dissentions , si l'on est
convaincu qu'un parti prenne l'indulgence pour un
triomphe , et'ne se prépare à essayer un nouveau des
potisme , et à méditer de nouvelles vengeances , il n'y
a pas à balancer ; de l'énergie , encore de l'éner
gie, et toujours de l'énergie . Il y aurait un troisieme
1
( 64 )
parti ....... Mais quel que soit le parti que prenne
la Convention , il est urgent de le prendre , car les plus
grands intérêts l'appellent ; il s'agit des moyens de subsistance
, du crédit public et des assignats ; il s'agit de
terminer une guerre dont l'Europe entiere est fatiguée ,
et qui entraîne après elle tous les genres d'épuisement.
1
NOUVELLES OFFICIELLES.
Au quartier-général de Groningue , le 12 ventôse , l'an 3º. de la
République. A général Pichegru.
Je t'annonce , général , que nous sommes maîtres de
Stateużyl , Nieuw et Oudechans , la forteresse de Bourtinge
et la partie de l'Ostfrise , depuis la rive gauche du Lemps ,
vis- à - vis Bourtange , jusqu'à l'embouchure .
une
Les brigades des genéraux Jardon et Meynier étaient
arrivées dans leurs positions le 9 , pour attaquer l'ennemi le
lendemain , et le chasser de la position qu'il tenait , ainsi
que des forteresses de Nieuw , Oude chans et Bourtange , après
action assez vive à Beersterryl , avec les découvertes qui
allaient reconnaître l'ennemi . La digne était coupée en plusieurs
endroits , en avant de cette écluse , et il commençait
une redoute pour masquer une batterie de trois pieces . Elle.
était soutenue par l'infauterie des légions de Rohan et Salm .
Deux compagnies de grenadiers , et une du cinquieme des
chasseurs , les ont chassés de ce poste , pris les trois pieces
de canon , deux caissons , quarante chevaux et des prisonniers ..
L'ennemi , en prenant la faite , s'est dispersé des deux côtés
de la digue , et a cherché à se sauver , d'un côté , dans les
inondations ; de l'autre , sur la glace dont est encore couvert
le bord de la mer. Il s'en est noyé un grand nombré. „
> Signé , MACDONAL.
Les lettres de Toulon disent que deux de nos frégates ont
attaqué le vaisseau anglais le Warwick , de 74 , séparé de l'escadre
, et qu'après un combat sanglant et opiniâtre , ce vaisseau
a été pris. Elles ajoutent que notre escadre est à la
poursuite de 11 vaisseaux ennemis , qui ont été séparés des
autres par un coup de vent , et que dans ce moment ces vaisseaux
sont bloques dans la rade de Livourne , de maniere à
ne pouvoir échapper. Quelques bateaux français et ´gênois ,
revenant de ces parages , disent être en état de confirmer cette
grande nouvelle:
P. S. Au moment où nous terminions cet article , nous apprenons
que la Convention s'est déterminée à convoquer les Assemblées
primaires pour se donner des successeurs , et à mettre en
activité la constitution . C'est le troisieme parti que nous laissions
entrevoir. Il pouvait seul mettre fin aux querelles , toute imparfaite
qu'est la constitution ..
( N 39 ; )
ger.135 .
MERCURE FRANÇAIS.
· QUINTIDI 15 GERMINAL , l'an troisieme de la République.
Samedi 4 Avril 1795 , vieux style. )
PHILOSOPHIE POLITIQUE.
FRAGMENT SUR L'ART SOCIAL.
Du PEUPLE. Acceptions de ce mot . Abus qu'on en a fait. Des
vrais et des faux amis du Peuple. Caractere du Peuples
E Cp mot considéré sous le rapport politique , n'a un
sens bien déterminé que dans les constitutions libres.
Il signifie assemblée , réunion de tous les Citoyens qui composent
le corps social . sicuse
Dans les gouvernemens despotiques, il n'y a point de
Peuple ; il n'y a qu'un maître et des esclaves .
circonscrit dans des limites plus étroite Peuple est
MIGLI 20 C
C'est une chose assez remarquable que le mot Peuple
qui est tout dans les républiques , ait une acception si
incertaine et si humiliante dans les monarchies . Aux
your du monarque , tout est Sujet , tout est Peuple.
Après le monarque , tout est Peuple pour les grands
l'état n'est qu'en eux , et pour eux. A mesure que l'on
descend les nombreux échelons des ordres , des classes ,
des dignités , des rangs , des privileges , le Peuple est
la qui
est Peuple pour la supérieure , ne se croit plus Peuple
à l'égard de celle qui est au- dessous , et la Bourgeoisie
avait aussi son échelle de vanité , comme la Noblesse
jusqu'à ce qu'enfin , descendu jusqu'au dernier degré ,
le Peuple n'existait plus que parmi les artisans , les
ouvriers , les hommes de peine , et les journaliers des
campagnes . Ainsi , quand tout le monde s'honore d'être
Peuple dans les états libres , personne ne veut être Peuple
dans les monarchies . Tel est l'état de dégradation et
d'avilissement de l'espece humaine dans la plus grande
partie de l'Europe .
·
La France a lavé cette injure faite à la dignité de
l'homme ; mais tel a été l'empire du préjugé et de l'ha
bitude , que ce changement n'a pu se faire , sans que
les uns n'aient conservé quelques - unes de leurs anciennes
Tome XV. I
661
idées , et que les autres , trop long- tems comptés pour
rien , n'aient fait des droits du Peuple , un attributentierement
exclusif. Les progrès de l'esprit public et une
bonne constitution , peuvent seuls replacer les idées et
l'opinion , dans l'ordre convenable aux choses .
Il ne faut pas croire que cette justesse et cette exactitude
dans l'acception des termes , soit indifférente en
politique car s'il s'agit des droits qui appartiennent au
Peuple , si l'on parle et si l'on agit au nom du Peuple , il
faut savoir ce que c'est que le Peuple.
Combien n'a - t-on pas abusé de ce mot , quand de
misérables perturbateurs l'ont appliqué à des aggrégations
partielles et à des sections du Peuple . S'il suffisait
de former des associations plus ou moins nombreuses
, d'exciter des attroupemens , et d'ameuter
quelques factieux , pour avoir le droit de se dire le
Peuple , il s'ensuivrait , 1º qu'il y aurait dans la même
nation autant de peuples que d'aggregations ou fortuites
ou combinées ; ce qui ne constituerait plus l'unité
du peuple ; 2 ° . que si ces fractions se trouvaient en
contrariété d'idées et de sentimens , le corps social n'of
frirait plus qu'un horrible cahos et une véritable oligarchie
3. que les citoyens qui n'auraient formé aucune
réunion se trouveraient placés hors du Peuple , ce qui
serait pour les uns une véritable aristocratie , et pour
les autres une nullité politique absolue . Dans l'acception
politique , le Peuple est donc et ne peut être autre chose
que la masse entiere des citoyens désignée sous un nom
collectif.
1
Hors de l'ordre politique , ce mot est quelquefois em
ployé dans un sens moins absolu . Il signifie alors mulitude
, assemblée partielle . C'est sous ce rapport que l'on
dit le Peuple des campagnes , le Peuple des cités , pour désigner
les citoyens agricoles , ou ceux qui habitent dans
les villes . Dans les fêtes , dans les cérémonies ou assemblées
publiques , on entend également par Peuple , la
collection des individus qui y assistent . Mais cette dénomination
n est que relative , elle n'emporte avec ellé
qu'une idée bornée aux lieux , à l'objet , aux circonstances
. C'est en généralisant ce qui n'est que particu
lier , en confondant le rapport privé, avec le rapport politique
, que les instigateurs du peuple sont parvenus à lui
persuader que par- tout où il se trouvait un rassemblement
qui n'était souvent que le fruit de leurs intrigues ,
là se trouvait le Peuple ; erreur funeste qui a tant influd
( 167 )
sur les troubles qui ont agité la France pendant la révolution.
Les rois ont des courtisans et des flatteurs ; le Peuple
a aussi les siens . Les uns se montrent aux rois chamarrés
de cordons , de rubans , et de tous les attributs que dis
tribue la vanité royale ; les autres se montrent au Peuple
en bonnet rouge , en pantalons , en carmagnole , et
prennent toutes les formes qui plaisent à la vanité po
pulaire . Les premiers parlent sans cesse aux rois de
leur majesté de leur gloire , de leur toute-puissance . Les
seconds vantent constamment au peuple ses droits , ses
vertus , sa ' souveraineté. Les courtisans ne flattent que
pour tromper. La flatterie est par-tout la même ; elle
ne fait que changer de costume .
Le Peuple doit donc mettre tous ses soins à discerner
ses véritables amis , d'avec ses corrupteurs . Mais comment
se défendre d'un piége qui attaque la faiblesse ,
humaine par l'artifice dont elle aime le moins à se
défier , l'amour- propre et la vanité ? Il n'y a que l'habitude
d'un Peuple qui a déja vieilli en liberté , qui
a acquis l'expérience des hommes et des choses , qui a
vu s'évanouir plusieurs fois de fausses réputations , et
qui a appris à juger ses orateurs , non sur leurs paroles ,
mais sur leurs actions et leur moralité faite ; il n'y a que
cette habitude qui puisse le préserver de la séduction
des flatteurs . Mais un Peuple qui sort à peine d'un long
esclavage , qui s'élance pour la premiere fois à la liberté
, au milieu d'une révolution terrible , et entouré
de la corruption et des vices nés de l'ordre de choses
qu'il vient de quitter , des passions et des intérêts qui
s'opposent au nouveau , un tel peuple est plus facilement
le jouet des charlatans et des hypocrites .
Il est cependant des traits auxquels il peut reconnaître
ses véritables et fideles amis . Ce ne sont pas ceux
qui en prennent orgueilleusement le titre , qui cherchent
à lui inspirer une confiance sans bornes en eux - mêmes ,
et une défiance extrême pour tous les autres ; qui irri - ¡
tent ,sans cesse ses passions par des écrits envenimés ,
ou par des discours pleins de fureur ; qui le poussent ,
avec impétuosité à l'inquiétude , à la sédition , au pillage ,
au meurtre ; qui ne veulent pas souffrir qu'on l'éclaire ,
qui signalent comme ses ennemis les hommes courageux ,
qui osent lui dire la vérité et le rappeller à la morale ,
et qui s'attachent à lui comme des Euménides , pour le
tourmenter sous le fouet des furies .
E &
( 68 )
L'ami du Peuple ne le flatte pas , il l'éclaire . S'il
lui parle de ses droits , il ne néglige pas de l'instruire
de ses devoirs ; il sait que la puissance est.
stoujours plus près de l'abus que de la justice , et
il réprime ses passions au lieu de les exciter. Il ne fait
pas servir le talent de la parole , ce feu électrique qui
agit si puissamment sur la multitude , à embrâser la raison
publique ; il n'oublie jamais que le pouvoir de l'éloquence
, n'est qu'un poison pour la morale du Peuple ,
s'il n'est exercé par l'homme de bien . Moins jaloux de.
quelques vains applaudissemens , qu'il est si aisé de surprendre
à l'enthousiasme , que des succès fondés sur
l'estime et l'intérêt public , il brave les périls , les disgraces
et n'achete point la faveur populaire au prix dẹ
sa conscience ; il fait le bien sans ostentation , comme
sans faiblesse ; il se montre ce qu'il est , et il n'est que
ce que commande le bien de son pays .
Dans les jours
de tempête et d'orage , il nese met point à couvert sous
l'abri dune lâche pusillanimité ; il se jette au milieu
des flots , pour en arrêter la fureur , et s'il est obligé de
dériver pour mieux servir le Peuple , il saisit le premier
moment de calme , pour remettre le vaisseau sur sa route .
Toujours adroit dans ses mesures , parce qu'il connaît
ce qu'il faut accorder à la faiblesse ou à l'impétuosité ,
s'il donne le change aux passions , c'est pour les mieux
maîtriser, et il ne perd jamais de vue ni l'étendue ni la
limite de son devoir.
Voilà quelques-uns des caracteres de l'ami du Peuple.
N'aurais-je tracé qu'un tableau d'imagination et faut- il
désespérer d'en rencontrer si -tôt le modele ? Je sais ce
qu'il faut attendre du tems et des institutions , avant que
F'amour de la patrie et de la liberté ait élevé les ames à
ce degré d'énergie et de vertu , qui fait Fesprit public et
soutient les républiques . Mais le succès de la révolution
a prouvé que le Peuple comptait encore de nombreux
amis. Ils lui auraient épargné bien des maux , s'ils avaient
eu autant de courage que de bonnes intentions . Ce qui
fait l'audace des méchans , c'est la faiblesse des gens de
bien . Gette faute a été la faute commune. Ce n'était
pas au milieu de la terreur organisée , qu'il fallait s'en
appercevoir ; il eût fallu la prévenir . Quelque facile que
soit la satire du passé , tâchons du moins de nous appro
prier l'avenir.
Si le Peuple a , comme les rois , les faiblesses et les
erreurs de la puissance , il a aussi , et bien mieux qu'eux,
1. (169 )
eet instinct moral qui n'a besoin pour devenir vertu ,
que de conserver sa rectitude. Les rois font le mal par
corruption ; le Peuple ne le fait que par. ignorance . Il
veut toujours son intérêt ; s'il agit en sens contraire ..
c'est une erreur de sa raison , jamais de sa volonté . Ayez
de vrais amis du Peuple , et le Peuple saura les écouter ;
car de tous les pouvoirs , celui auquel les hommes
aiment le mieux obéir , clest le pouvoir de la raison , dela
justice et de la vertu.
Ces caracteres , je le sais , ne plairont pas à ces détracteurs
, qui répetent sans cesse que le Peuple est un ramas
d'hommes aveugles et féroces , qu'il faut conduire à la
chaîne , si l'on ne veut en être dévoré . C'est le Peuple
de nos anciennes institutions , mais ce n'est pas le
Peuple de la nature . S'il est dangereux de le supposer
vertueux , quand on fait une constituion , il est plus.
injuste encore de ne voir en lui que des vices , pour se
dispenser de lui donner des vertus . Sans doute que le
Peuple , qui n'est que la collection des individus , doit
participer aux qualités et aux imperfections de la nature
humaine. Il a même de plus toute la dépravation qu'il
reçoit d'un mauvais ordre social. L'homme est bon , a dit
Rousseau , mais les hommes sont méchans ; mot profond
qui faisait bien plus la satire des gouvernemens , qu il ne
calomniait la nature . Oui , ce sont les gouvernemens qui
ont corrompu et déformé l'homme , qui ont dépravé son
instinct moral, et fabriqué sur ses préjugés , son ignorance
et ses passions , la chaîne qui le retient dans l'abaissement
et la servitude .
L'on dit que par- tout le Peuple se ressemble ; qu'on r
le retrouve à Athênes , à Carthage , à Rome , ce qu'il
est aujourd'hui parmi nous. Cette assertion n'est ni
d'une vérité historique , ni d'une vérité morale . Un
Peuple a toujours ces traits distinctifs qui résultent de
ses habitudes politiques , civiles et morales , de l'aisance
ou de la pauvreté , de l'ignorance ou de l'instruction ,
du genre de ses occupations , de la nature de ses idées
religieuses , et sur- tout de celle de son gouvernement.
On ne veut considérer les Peuples que dans ce qu'ils
sont , janais dans ce qu'ils peuvent être . A- t- on encore
fait l'essai d'une bonne constitution , d'une législation
fondée sur les droits et la nature de l'homme , de l'influence
d'une éducation raisonnable , sur les préjugés ,
les moeurs , et les habitudes des Peuples ? A- t - on cherché
jusqu'à présent à éclairer , à perfectionner l'espece
E 3
1 ) 701
humaine , non par des moyens partiels , mais par les
grands instrumens de la politique et de la morale appliqués
en masse à la félicité publique. L'art social a comme
tous les autres , ses principes , ses progrès et sa perfectibilité.
On n'a pas le droit de calomnier les peuples ,
avant d'avoir épuisé les moyens de les rendre meilleurs
et plus heureux .
Il y a une maxime bien plus sûre que celle de tous
ces déclamateurs voyez un Peuple , vous connaîtrez
bientôt son gouvernement. Voyez un gouvernement ;
vous direz bientôt ce qu'est un Peuple , ou ce qu'il sera ,
car la régénération d'un Peuple est l'ouvrage lent et
progressif des bonnes institutions.
BEAUX ARTS. T
AVIS AUX ARTISTES.
Extrait du procès- verbal de la séance du Jury des arts du
29 ventose l'an 3 de la République Française.
LE Jury des arts , voyant approcher le terme de ses
travaux , et considérant que , pour être à portée d'en
rendre compte au comité d'instruction publique , il lui
importe de connaître , avec exactitude , les noms des
artistes qui ont remporté les prix , arrête que la liste des
numéros , auxquels les prix ont été adjugés , soit en
sculpture , soit en peinture , sera insérée dans les papiers
publics , avec invitation aux artistes , auteurs des ouvrages
désignés par ces numéros , de passer au plutôt chez le
citoyen Phelipeaux , concierge de l'école de peinture ,
au Muséum , pour y donner par écrit leurs noms , prénoms
et demeures , et y remettre en même - tems la
reconnaissance qu'ils ont reçue du comité des inspecteurs
de la salle de la Convention nationale , lorsqu'ils
ont déposé leurs ouvrages au salon de la Liberté.
Signé , LÉON DUFOURNY , secrétaire .
Prix de sculpture.
Concours.
Nos , des ouvrages.
Statue colossale du Peuple Français .... 19. 22 , 1 , 11 , 8 ,
3 , 9 , 6 , 12 , 5 .
Statue de la Nature régénérée . ....... 33 , 28.
Statne du Peuple combattant le fédé
ralisme..
Statue de Jean -Jacques Rousseau...
Statue de la Liberté .. •
Prix d'architecture.
Arc de triomphe du 6 octobre...
Colonne pour le Panthéon....
Arênes couvertes ...
"?
1
44 , 40 , 41 .
54 , 59 , 68.
88 , 103 , 105 , 110.
2 , 27 , 11 , 18.
4 , 11 , 8 , 9 , 3.
6.
Monument pour la place des Victoires .. 23 , 6 , 7 , 27.
Temples à l'Egalité ………..
Architecture rurale...
Assemblées primaires ...
Temples décadaires ..
Maisons-Communes .
Tribunaux ...
Justices de Paix.....
3
Prisons et maisons d'arrêt ...
Bains publics.....
Fontaines publiques .....
Embellissemens de Paris .
1 , 2 , 8.
6,7,8,9
.
3 , 6 , lettre C.
2 11 , 9.
4, 3, 6 , lettre B.
1, 3 , lettre A.
3 , 5 , 6 , lettre A.
1,4.
5 .
2 .
2,49
ANNONCES.
*
Les Nuits d'Young , en vers français , avec le texte de Letour
neur; poëme en 24 chants. Quatre volumes in- 12 . Prix , 24 liv .
Télémaque en vers français , avec le texte de Fénélom , citations
des auteurs grecs , latins et français imités , et notes.
Poëme en 24 chants . Six volumes in - 12 . Prix , 48 liv . Presse
de Didot l'aîné ; papier vélin . Seconde édition . On les trouve
chez J. E. Hardouin , auteur et éditeur , rue Antoine , nº . 64 ,
vis -a-vis celle Fourcy ; et chez Bailly , libraire , rue Honoré ,
barriere des Sergens .
Fragmentum ex libro XCI historiarum Titi-Livi , Patavini.
Fragment du livre XCI de l'histoire de Tite- Live , Padquan
traduit en français par J. E. Hardouin , Presse de Didot l'aîné ;
papier vélin , in - 12 . Prix , 3 I. Papier d'Angoulême , 2 l . 10 s .
Chez l'auteur , chez Bailly , demeures susdites ; et chez Brocas,
libraire , rue Jacques , au chef Jean.
E 4
( 72.)
Seconde édition du Spectateur Français pendant le gouvernement
révolutionnaire , par le citoyen Delacroix , ancien professeur
de droit public au Lycée , pout servir de suite à son Ouvrage
intitulé Des Constitutions des principaux états de l'Europe et
des Etats-Unis d'Amérique, 1 vol . in-8°. de. 430 pages , imprimé
sur Caractere de cicero Didot. Prix , 8 liv. 10 sols , broché ,
10 liv . francs de port , par la poste , pour les départemens et
pour les pays conquis . A Paris , chez Fr. Buisson , libraire
rue Hautefeuille , no. 20 ,.
et
Numéro III dujournal de l'Opposition , par P. F. Real in 80.
de 48 pages . A Paris , chez Fr. Buisson , libraire , rue Hautefeuille
, no . 8o . Prix , 1 liv . 10 sols , pour les citoyens qui
ne sont pas abonnés . On affranchit la lettre et le montant.
Les citoyens qui voudront avoir la collection complette enverront
10 liv.; on leur adressera , franç de port , les Nos . å
mesure qu'ils paraîtront , c'est - à - dire , un par dé
décade . Dès que
le service aura completté cette somme , les abonnés seront
prévenus de faire passer de nouveaux fonds , s'ils veulent continuer
leur abonnement.
La Science du bonhomme Richard ', de Benjamin Francklin , précédée
d'une vie abrégée de Francklin , et suivie de son interrogatoire
devant la chambre des communes , avec cette
épigraphe :
Eripuit calo fulmen , sceptrumque prannis.
A Paris , chez le directeur de l'imprimerie des sciences et
arts , rue Thérese , près la rue Helvétius . 1 vol. , caracteres
Didot. Prix , 3 liv . et 3 liv . 10 sols , franc de port par la
poste. Il faut affranchir les lettres et charger les assignats .
toeuvre
Cet ouvrage , chef - d'oeuvre de précision et de bon sens ,
est celui qui renferme tous ces préceptes de conduite politique
et privée qui out rendu Franklin si célebre .
MUSIQUE. 11
Trois Sonates , précédées de préludes ou exercices pour
clavecin ou forte - piano avec accompagnement de violo :
( ad libitum ) , dédiées aux jeunes éleves ; par Bernard Vigueries.
oeuvre 2º . Prix , 9 liv. A Paris , chez l'auteur , rue Grange - Ba-,
teliere , no . 3o . L'auteur a fait cet ouvrage principalement pour
les jeunes enfans de 6 à 8 ans , dont la petite main ne peut.
faire les écarts qui se trouvent dans la musique ordinaire de
piano ; il a toujours choisi des chants simples et agréables , et
des traits propres à leur bien placer les mains , et à former
leurs doigts et leurs oreilleb.
(\73;))
NOUVELLES ETRANGERES.
DIS
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 15 mars 1795 .
ES lettres de Constantinople , du 24 janvier , portent que
le ministre russe a dû écrire à Catherine II, pour lui faire
part du desir que témoignait le grand- seigneur que les affaires
de la Pologne se terminassent , en sorte que l'indépendance
de cette nation fût assurée , et que les choses se trouvassent
au moins rétablies sur l'ancien pied de la constitution da.
3 mai 1791. Get envoyé n'avait point encore reçu de réponse
cathégorique ou du moins jugé à propos de la faire connaître.
C'est là la grande affaire entre la Russie et la Porte ; mais
il s'en est terminé une moins importante , quoique demeurée
en litige depuis la fin de la derniere guerre ; l'exigeante Russie.
voulait que la Porte dédommageât les négocians et autres sujets
russes des confiscations de bâtimens et autres objets , qui
avaient eu lieu à Touverture de la campagne , et réclamait
pour cet article un million et demi de piastres . Ces demandes
exorbitantes étaient restées sans réponse satisfaisante ; l'ambas
sadeur actuel déclara positivement qu'il était chargé de renouveller
les prétentions de ses prédécesseurs au paiement de
cette somme ; il y eut plusieurs delibérations du conseil d'état.
Enfin le 20 janvier , dans une nouvelle conférence avec le
Reis effendi , la Porte consentit à faire remettre à l'ambassadeur
russe, qui douna décharge totale sur - le- champ , la modique
indemuite de 230,000 piastres ; ce qui prouve la justice et la
modération de la cour de Petersbourg , qui ne rougissait pas
de demander cinq à six fois plus .
Ce n'est pas le seul sujet de plainte que la Porte ait contre
la Russie , à laquelle on prétend qu'elle vient de déclarer la
guerre ; il parait que la czarine appuie et soudoie sourdement un
grand nombre de rebelles , qui mettent les environs d'Andrinople
à contribution , et s'entendent avec d'autres troupes de
brigands encore plus nombreuses dont l'Asie est infestée en
ce moment,
( 741)
Il existe une espece de disette dans la capitale de l'Empire
Ses subsistances y sont très - rares , et le gouvernement ne saurait
se montrer trop circonspect , vu la foule de mécontens ou
des mal-intentionnés qui ne s'en tiennent pas à des propos ,
mais même se portent à des désordres dont il pourrait résulter
de plus grands inconvéniens . Divers incendies ont éclaté tout
récemment. Deux eurent lieu à l'Arsenal dans la matinée du
18. Ils auraient pent - être occasionné la destruction entiere
de la flotte si l'on n'avait pas porté des secours à tems .
?
De Francfort-sur-le- Mein , le 24 mars.
Les lettres de Vienne des derniers jours du mois passé
disent qu'on vient d'y mettre en arrestation l'abbé Sabathier
de Cabres , ancien conseiller au parlement de Paris . Le motif
~ de cette mesure de sûreté est que l'abbé entretenait des correspondances
suspectes .
On parle aussi beaucoup d'un prochain voyage du pape et
du grand- duc de Toscane. Il est assez difficile d'assigner les
raisons qui ameneraient ce prince , à moins que ce ne fût l'envie
de voir sa famille et de se justifier de vive voix d'avoir quitté
Ja coalition quant au vicaire de Jésus - Christ , ce qui le détermine
à venir , c'est que n'ayant pas obicnu de S. M. de réponse
à un écrit par lequel il demandait la révocation des prin
cipes de l'empereur Joseph II en matiere de religion , il tâ
chera d'engager François à faire publier dans ses états une bulle
qu'il a falminée à cet effet .
On commence à faire des levées de recrues , et la maniere.
dont on les presse annonce assez que les espérances de paix
s'éloignent : il faut qu'on ait grand besoin d'hommes , puisqu'on
enrôle depuis 17 ans jusqu'à 50 , sans s'embarrasser de
la taille. Il paraît qu'on y met cette activité pour tenir parole
à l'Angleterre , à qui l'empereur a promis d'employer de deux
cents à deux cents quarante mille hommes dans cette campagne
, en reconnaissance des six millions sterlings qui lui ont
été accordés par le parlement d'Angleterre . Le comte de Pergen
va à Londres à ce sujet.
Gependant on s'accorde à dire que l'empereur est épuisé ,
et qu'à moins qu'il ne soit fortement aidé par le corps germa
nique , il lui sera impossible d'achever la campagne , sur - tout
si le roi de Prusse fait sa paix particuliere avec la France .
Les nouvelles suivantes sembleraient indiquer , d'un côté ,
que l'Empire est résolu à soutenir puissamment son parti , et
de l'autre qu'il ne peut plus compter sur la coopération de
la Prusse dont il a si grand besoin ; mais il faut attendre des
renseignemens ultérieurs et plus positifs .
Le protocole des votes émis à la diete le 25 , sur l'objet
( 72 )
6
de la guerre et de la force armée de l'Empire , est impri
On en compte seulement huit de la part des colléges des villes.
Schwernfort seule a abordé directement la question ; les autres
se , sont bornées à dire qu'elles ont fait tout ce qui était en
leur pouvoir, Au college des princes , beaucoup d'états se
sont réservés l'ouverture du protocole , ce qui veut dire qu'ils
ne se sont point expliqués , mais le feront ci -après . Voici ce
qu'on remarque : Dans le college des électeurs , celui de Bao
viere a déclaré avoir rempli parfaitement ses obligations ; celni .
de Brandebourg a déclaré avoir fait agir , pour la défense de..
l'Empire , une armée bien au - delà du contingent qu'il avait à
fournir ; il a ajouté que les cercles du Haut- Rhin , de Franconie
et de Suabe , une partie de celui de Baviere , pourraient prétendre
à quelqu'indulgence ; que les états , à qui leur position
ne permettait pas la levée et l'entretien d'hommes effectifs ,
devaient s'entendre avec d'autres pour eeffectuer la prestation .
Cologne a insisté sur ce que l'empereur fût prië , par un con- ve
clusum , de se charger des moyens coactifs contre les négli
gens , et en les employant , de forcer ceux- ci à prêter ce qui
est de leur contingent . Enfin , Trêves , a soutenu que , nonseulement
il fallait user contre les négligens de tous les moyens
exécutoires sanctionnés par les lois de l'Empire , mais se réserver
encore contr'eux tous recours de droit et toutes demandes de
dommage et intérêts.
On vient de recevoir l'avis que le baron Hardenberg , nommé
ministre plénipotentiaire du roi de Prusse , pour suivre les
négociations de paix avec la France , à la place du comte
Goltz , est déja arrivé à Basle . Des lettres de Suisse du 8 , en
annonçant sa prochaine arrivée , ajoutaient que , deux jours
auparavant , les préliminaires de la paix avaient été signés entre
la République Française et le landgrave de Hesse - Cassel , par
le plénipotentiaire français et ceux que, landgrave y avait envoyé
de Cassel à cet effet.
ITALIE ET ESPAGNE.
Des lettres de Rome , du 28 février , disent que la veille
on avait publié un édit du pape où , après avoir blâmé les
mouvemeus séditieux des Transtéverins , il invite le peuple
à rentrer dans l'ordre : il déclare criminel de leze-nation
quiconque se permettrait des voies de fait contre un soldat ,
mème hors de faction.
La gazette de Madrid , du 7 janvier , rend compte d'une
conspiration qui devait éclater à Mexico , et d'une semblable à
Santafé , capitale du nouveau royaume de Grenade . Elle dit
que ces mouvemens qui ont été prévenus à tems , étaient
dirigés par deux Français ,
( 76 )
Suivant celle du 22 février , le roi a reçu du pape dena
brefs. Par le premier , il est autorisé à lever sur le clergé
séculier et régulier du royaume , un impôt annuel de trentesix
millions de reaux , et un de trente millions sur celui
d'Amérique . Le second déclare que tous les bénéfices qui
vaquent et qui viendront à vaquer , demeureront vacans ,
que leurs revenus seront perçus au profit du trésor royal
jusqu'à l'entiere extinction de la dette publique . Le roi est
en outre autorisé à lever an droit de douze pour cent , sur
les revenus de toutes les commanderies des ordres militaires .
Enfin indépendamment de ces ressources que le clergé va
fournir an fisc , le gouvernement fait enlever de toutes les
églises l'argenterie , pour la convertir en especes . Tout le
riche mobilier des églises de Bilbao est déja arrivé à la
monnaie . On évalue à vingt cinq mille onces l'argent provenant
de ces églises.
Les Catalans continuent leur armement , et doivent lever
quarante mille hommes pour la defense de leurs foyers .
On apprend de Lisbonne qu'on y a reçu la nouvelle , par
la voie de Londres , que des corsaires français de l'Inde ont
enfevé deux vaisseaux portugais richement chargés , dont
l'un nommé l'Auguste , revenait du Bengale , et l'autre allait
à Goa , avec une cargaison de piastres , de fer, et d'acier.
Les Français ont débarqué les équipages sur la côte de Bombay,
et conduit leurs prises à l'isle Maurice .
Les corvettes , la Découverte , et l'Audacieuse et la goulette la
Subtile, parties de Cadix en juillet 1789 , pour reconnaître
les côtes de l'Amérique méridionale et des isles adjacentes ,
depuis la riviere de la Plata jusqu'au cap de Horn ; et celles ,
depuis le cap de Horn jusqu'aux extrêmités nord- ouest de
l'Amérique , sont de retour ici.
La gazette de Madrid a donné , il y a quelque temps , le
précis suivant des découvertes faites dans cette expédition :
on a acquis la certitude qu'il n'existe aucun passage dans l'océan
Atlantique , sur les côtes nord- ouest de l'Amérique , entre les
59 , 60 et 61 degrés de latitude .
Les goulettes la Subtile et la Mexicaine , détachées au commencement
de 1792 des autres bâtimens , ont contribué de
concert , avec les vaisseaux anglais , dirigés par le capitaine
Vancoover , à déterminer la position de l'Archipel immense ,
connu sous le nom de l'amiral Fronte et Jean de Ficca. Les
corvettes ont employé la plus grande partie de cette même
année à l'examen des isles Mariannes , Philippines et Macao
sur les côtes de la Chine . Elles ont navigué ensemble entre
l'isle de Mindanao et celles de la nouvelle . Guinee , et passant
au delà de la ligne , en tirant vers l'Orient , elles ont
parcouru
7
( 77 )
our des mers inconnues un espace de 500 lieues . Elles ont
traversé les nouvelles Hébrides , visité la nouvelle Zélande ,
la nouvelle Hollande et l'Archipel des isles des Amissen
prenant par celles de Babau , qu'aucun navigateur étranger
n'avait encore reconnues ,
Ge voyage , est-il dit dans la gazette de Madrid , a considérablement
augmenté nos connaissances dans la botanique ,
la lithologie et hydrographie.
9
Les expériences faites sur la gravité des corps , répétés
dans diverses latitudes , nous conduiront à des découvertes
importantes sur les irrégularités de la figure de la terre ; déconvertes
qui serviront de base à une mesure universelle , telle
qu'on veut l'établir en Europe , facile à vérifier , et aussi constante
que les lois , dont elle depend.satnya
En étudiant l'histoire civile et politique des nations visitées
, on a suivi l'homme de près , on a rassemblé des monumens
qui répandent du jour sur les différentes émigrations de ces
peuples , ainsi que sur les progrès de leur civilisation.
" La nature a répandu dans l'immense étendue des domaines
espagnols , des productions et des trésors inconnus jusqu'ici ,
qui pourront donner lieu à de nouvelles spéculations capables
d'augmenter la force et la puissance de cette monarchie.
ลด
» Pour comble de bonheur , aucune de ces découvertes
n'a coûté une seule larme au genre humain , ce qui est sans
exemple dans tous les voyages de cette espece , tant auciens
que modernes , toutes les tribus et les peuplades qu'on a
visitées , béniront la mémoire de ceux qui , loin de rongir de
sang leurs rivages , u'y sont venus qhe pour tear donner des
idées nouvelles , des instrumens aratoires et des semences utiles .
}
99 Enfin , des corvettes n'ont pas été moins heureuses quant
à la conservation de la santé de leurs équipages . Leur perte
se réduit à trois ou quatre hommes , sur chacune , quoiqu'elles
aient été exposées assez long- tems aux chaleurs brûlantes de la
zone torride. La mort de dom Antonio de Pineda est le seul
événement malheureux de cette expédition . e
L'histoire de ce voyage sera imprimée , et il va incessamment
être publié un prospectus à ce sujet . Ellera intéressante ,
si l'on doit en juger par le mérite du capitaine Malaspina . Ce
navigateur accompagné des officiers qui ont été employés daus
ecute expédition , a eu l'honneur de baiser la main du roi
Kscurial , de 7 décembre. 370
ANGLETERRE. De Londres , le 3 mars,
Débats du Parlement. Chambre des Communes.
1 29712
1 Suite de la séance du 5 février . Emprunt Impérial:
V
( Nous revenons sur des débats intéressans de la derniere séance . )
M. Fox prend la parole. Il dit que ce qu'il avait préva
( 78 )
est arrivé , que l'énorme subside accordé au roi de Prusse
serait pour l'empereur une excellente occasion de faire une
semblable demande . S'ils a blâmé autrefois les ministres de
ne point faire d'alliances sur le continent , il répondra qu'il
y a des tems pour ces alliances , et que les convenances
changent avec le tems. Le raisonnement de l'honorable membre
, qui a avancé que le roi de Prusse a manqué de foi
ea 1794 , mais qu'il pourra être fidele en 1795 et 1796 , ne
lui semble pas mériter de réponse . Si l'on examine les circonstances
où se trouve l'empereur , on sera convaincu qu'il
est très- probable qu'il ne sera pas plus fidele que son frere
le roi de Prusse . Le ministre se flatte que la majorité de
la chambre est convaincue de son opinion , mais on sait qu'il
a des moyens de la persuader d'être de son opinion ou de
n'en être pas . Le discours de Tailien a été cité comme une
preuve de l'épuisement où la France est réduite , mais on
ne peut avoir de confiance dans de pareils discours , quî
n'ont le plus souvent pour objet que de faire réussir des vues
personnelles.
L'honorable membre continue M. Fox , nous a diuqu'il ne
pouvait entrer dans aucun détail sur le traité avec l'empereur ;
mais en refusant de nous accorder une confiance aussi illimitée
, il aurait dû nous donner certains détails sur la conduite
de ce monarque . Nous a - t - il expliqué pourquoi les
Autrichiens ont abandonné Tournay ? pourquoi , lors de la
retraite du duc d'Yorck , ils ont si honteusement abandonné
Condé et Valenciennes Dans une relation de la derniere campagne
, j'ai vu une lettre du duc d'Yorck , où il declare qu'il
observe les mouvemens des Autrichiens avec autant d'inquiétude
que ceux des ennemis . Ne serait-il pas convenable d'examiner
un peu les choses ? Ne nous donnera-t- on jamais quelques
explications de la très extraordinaire conduite de nos alliés ? Je
ne parle pas de la Prusse , sa conduite est si basse , que
nos ministres même n'osent pas la defendre ; si cependant
ils ne nous ont pas insiuué que nous n'étions pas étrangers
au démembrement de la Pologne . Mais je prie nos ministres
de lire et d'examiner attentivement les déclarations du prince
de Cobourg avant et après la désertion de Dumourier. Certes ,
il y a la autant de perfidie que dans toute la conduite de
la Prusse. Je soutiens que l'on ne peut mettre aucune confiance
dans des puissances qui ont agi contre la Prusse et
l'Autriche.
་ ་
•
་
Lorsque le peuple d'Angleterre demande la paix avec la
France , nos ministres répondent Avec qui voulez - vous que
nous traitions ? est- ce avec un Brissot , un Robespierre , ete Mais
la perfidie des cours de Vienne ne doit - elle pas également
nous détourner de confier , de sacrifier à leur foi les intérêts
fes plus sacrés de ce pays ? L'honorable membre se fache de
('79 )
$
9
que
ce qu'on donne le nom de despotes aux princes allemands
mais tout Anglais doit exécrèr de pareils caracteres , qui déshonorent
non seulement sa majesté , mais l'humanité même ;
oui , les Anglais doivent les exécrer les Anglais dont le
monarque n'a r en de commun avec de pareils hommes
le nom de roi. Le roi de Prusse , nous ne l'ignorons pas
retenait dans les fers des hommes que , par de honteux motifs
il a cédé à l'empereur. La conduite de ces despotes envers
Lafayette les fera , je l'espère , execrer à jamais parmi nouss
et je ne doute pas que l'honorable membre n'agît en sens in◄
verse , s'il était chancelier de l'empereur.
Au reste , la maison d'Autriche n'est pas aussi ardente pour
la guerre qu'on l'a prétendu , puisque l'empire a entame des
négociations pour la paix ; si , tand's que l'empereur traite
avec nous d'un emprunt , comme chef de l'empire , il est probablement
à la tête de ces negociations . Si le corps germanique
est dans de pareilles dispositions , il n'est pas très - certain que
l'empereur veuille irrévocablement continuer la guerre . Mais,
en lui supposant cette intention , est - il très - probable qu'il
pourra lever 200,000 hommes ? L'honorable meemmbre prétend
que , si on lui fournissait seulement deux millions de plus ,
il marcherait en France avec 300,000 ; voilà un raisonnement
si extraordinaire que , si on ne connaissait pas toute la logique
de M. Pitt, on pourrait se mocquer de lui . Il s'appuie sur la
bonne-foi et le credit de l'empereur mais sil en est ainsi
pourquoi doné les ministres le laissent-ils payer un si gros
intérêt ? Singon crédit est si bon , pourquoi ne le font- ils pas
traiter avec les prêteurs eux mêmes . Qu'il se serve de son
crédit et de sa royale foi , cela ne regarde en rien le parlement.
Mais je crois que les prêteurs connaissent mieux que
nos ministres de credit de sa majesté imperiale.
Cet emprunt differe en un point essentiel du subside pour
le roi de prusse . On payait celui - ci tous les mois , et en cas
d'infraction à ses engagemens , les ministres pouvaient arrêter
les paiemens , et sauver au moins une partie du subside' ; mais
l'empereur reçoit tout à la fois , et s'il ne remplit pas ses promesses
, l'emprunt en entier sera perdu pour nous . Qu'il lui
-plaise , par exemple , de faire la paix dans deux ou trois
mois , il n'y aura pas de paiement a arrêter , et le peuple en
restera grevé d'un impôt de 450,000 liv sterling pour l'inté
rêt de cet emprunt impérial. L'honorable membre nous a parlé
de la banque de Vienne ; mais peut elle survivre an regne de
l'empereur actuel ? La base de son credit etait dans les Pays-
Bas ; mais ce gage ne lui appartient plus , les Pays - Bas sont
un enjeu qu'il s'agit de retirer ; il n'a donc d'antre garantie à
nous offrir que sa parole d'honneur ; faible motif pour espérer
qu'il sera fidèle à ses promesses . Cet emprunt est donc vicieux ,
essentiellement vicieux. Et quelles suites pouvons - nous nous en
1
(( 80 )
promettre? Les ministres sont-ils certains que la présente cam
pagne finira la guerre , et arrêtera les flots de sang dont l'Europe
est inondee? L'empereur n'aura - t- il pas besoin l'année prochaine
d'un pareil emprunt ? Ce sera donc un revenu annuel que nous
lui ferons. Mais l'Espagne ne suivra - t - elle pas l'exemple de
nos autres fideles allies ? Que la guerre se prolonge encore
une année , quelle sera notre destinée ? Quel sera l'énorme
fardeau qui pesera sur nous ? Nous avons non- seulement nos
dépenses à payer , il faut encore que nous subyenions aux
finances épuisées de la Prusse , de l'Autriche , de la Sardaigne ,
etc. Cherchons plutôt à augmenter nos forces , à doubler notre
marine. Toutes les puissances du continent desireut la paix ;
ce desir est celui de l'Europe entiere , éclairée par une fub
neste et
sur
experience
, Jusqu'à présent mes conjectures
"
ont été justifiées par l'événement , et une foule
de raisons nouvelles m'ont convaincu que ces puissances soupirent
après la paix . Et si elles exécutent ce dessein quel
sera le sort de l'Angleterre ? Quel sera le sort de nos malheureux
soldats , que nous enverrons dans le continent pour y êue
rahis et massacrés ? Les armées de l'empereur se soumettront- -
elles à un commandant anglais ? Ne se mutineraient - elles pas
contre leurs maîtres impérieux si , ce qu'elles regarderaient
comme une indignité , on 1les soumettait à nos ordres ? Je
voudrais car quelque rang où il soit placé aucun Anglais
ne doit être regarde comme supérieur à l'interet de la patric ;
je voudrais , dis je , que le duc d'Yorck fût obligé de compa
aître devant la chambre , et de déclarer, il soit que l'em.
pereur coopérera aux intérêts de sa majestés il ne pense pas
au contraire , qu'il cherchera à faire une paix séparée . I
>
Le caractere de l'empereur , et sa position, particuliere vis
à- vis de la France , ne nous offrent done, que de vagues et
incertaines espérances . Nous n'avons aucune sureté à en attendre
; il est donc uile et nécessaire de ne lui délivrer l'emprunt
qu'à des époques differentes , pour qu'en cas d'infraction
de sa part , les ministres puissent sauver au moins ce qui resterait
à fournir.
*
- M. Fux , en se résumant , annonce que , dans une autre
circonstance , il fera de nouvelles objections contre la mesure
qui est proposée. Il conclnt par un amendement, qui est de
supprimer dans l'adresse tour ce qui suir le mot préserver. -
M. Pulteney dit quelques mots pour répondre à M. Fox.
M. Brandeling veut parler contre l'amendement.
L'appel aux voix est réclamé, de toutes parts.
La chambre se divise sur la question de l'adresse au roi ; il 7
pour , 193 , contre , 58.
RÉPUBLIQUE
( 81 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE PELET.
Séance du septidi , 7 Germinal.
Le président annonce que beaucoup de citoyennes se presenient
aux portes de l'Assemblée pour faire une pétition relative
aux subsistances et à la disette de pain qui se fait sentir
aujourd,hui. Il est décidé qu'on ne les admettra que par dép u
tation mais un huissier vient dire qu'elles veulent entrer en
masse . La Convention décrete qui si elles ne se bo nent pas
à une députation , elles ne seront pas entendues . Vingt d'entr'elles
paraissent et demandent du pain . Elles disent qu'elles
n'en ont reçu qu'une demi -livre , et qu'il est impossible
de subsister avec une ration si modique .
Boissy d'Anglas convient de la rareté actuelle des subsistances
et en assigne les causes : Les malveillans entravent les
arrivages . Les cultivateurs ne deferent point aux requititions .
Un egoisme extrême regne dans les campagnes , et il faut
employer la force pour en obtenir les subsistances . Boissy
assure que si ces citoyennes , qui sont de la section des Gra
villiers , enssent attendu encore quelques instans , elles auraient
reçu leur complément , mais que pour mettre fin aux rassemblemens
qui ont lieu aux portes des boulangers , le comite
a pris des mesures pour que l'on porte à chaque citoyen
son contingent .
Perrin ( des Vosges ) prétend qu'il y a dans Paris cinquante
mille étrangers qui n'y ont rien à faire , et qui sont des
royalistes et des terroristes , et sept ou huit mille militaires
destitués ou suspendus . Il dit que la Convention marche
entre deux écueils , le terrorisme et le royalisme . Il invite
les bons citoyens à faire des sacrifices jusqu'à la récolte prochaine
qui se montre d'une maniere avantageuse .
Lecointre ( de Versailles ) ne doute pas qu'il n'y ait encore
beaucoup de grains en France . Il croit que les laboureurs le
cachent , et il demande des mesures repressives pour arrêter
la cupidité des accapareurs .
Les propositions de Perrin et de Lecointre sont renvoyées
aux comités .
Les trois prévenus paraissent à la tribune Barrere com
mence par donner des explications sur l'affaire de Freteau .
11 explique ses liaisons avec Vilate , ex-juré du tribunal révo-
Tome XV. F
་
( 82 )
lutionnaire . Celui - ci , étant secrétaire d'Isabeau , en mission
dans le département du Bec- d'Ambès , reçut beaucoup d'honnêtetés
de la famille de Barrere , et à son retour il s'attacha
à lui avec importunité , et le suivait par-tout pour l'espionner.
On me reproche , dit - il , d'avoir fait l'éloge de Robespierre
la veille de sa chute , cela est vrai , mais Moyse Bayle a
répondu pour moi , en avouant que c'est lui qui avait conseillé
de flatter le tyrau pour mieux l'abattre . Je ne veux point
récriminer , mais je pourrais aussi accuser Merlin ( de Thionville
) d'avoir fait l'éloge de Couthon , et Legendre d'avoir
dit qu'il ferait à Robespierre un rempart de son corps . J'ai
neutralisé les nuits de Charenton . Le 2 juin , la cour était
pleine de canonniers corrompus et des sicaires d'Henriot ,
lorsque Robespierre me dit Voilà bien du gachis . Je sais ,
lui répondis -je , de quel côté est le gachis. Je connais les
nuits de Charenton . Isnard convient d'avoir entendu ce
propos.
Barrere Nous avons le bonheur d'avoir réani les débris
de la Convention nationale dispersée par la tempête révolutionnaire
; mais sachez quels dangers vous avez courus . Le
29 mai , le club électoral tint , à l'Evêché , une séance pendant
la nuit . Pache y était , ainsi que les présidens des 48 sections
. On proposa de tomber sur la Convention , de prendre
trois cents députés , et de les mettre dans des trous avec de
la chaux vive. Je dois dire qué Pache qui est en prévention
⚫ combattit cette motion de toutes ses forces. Le 31 mai , le
tocsin sonnait. Legendre fit à la Convention la proposition
de mettre en arrestiou tous les appellans au peuple.
Le fait est vrai , dit Legendre .
Barrere rapporte encore un autre fait qu'il tient de Cambon ,
c'est que Danton et Lacroix écrivirent eux-mêmes , sur le
bureau , la pétition des autorités constituées contre les 32 .
Un membre dit que le 2 juin , lorsque la Convention rentrait
, il demanda à Danton de lui expliquer ce que c'était
que tout cela , et qu'il lui répondit que c'était une insurtion
morale pour purger la Convention . Legendre était avec
lui et il était son complice.
Legendre : J'ai pu commettre des erreurs comme un autre ,
peut- être plus qu'un autre , mais personne ne s'est plus opposé
que moi à la journée du 31 mai . J'ai pu être complice
d'une erreur , mais jamais d'une mauvaise action . Si j'ai commis
des crimes , j'appelle sur ma tête toute la sévérité des
lois , je provoque tout le courage que vous montrez aujourd'hui
, et que vous n'aviez pas alors lorsque vous laissiez avilir
la représentation nationale.
Un membre : Nous étions sous les poignards. Sieyes On
vient de prononcer dans le côté gauche de cette salle un
mot bien précieum : Nous étions sous les poignards . J'en prends
( 83 )
acte , et je demande qu'il soit inséré au procès verbal , afin
qu'on sache si la Convention était libre à cette époque .
Legendre termine sa réponse en déclarant qu'il n'a jamais
porté de poignard , ' qu'il lui a suffi de sa conscience pour
se défendre. Il raconte que lorsqu'on proposa aux Cordeliers
de se rassembler sur la place de la Bastille , et de se reudre
ensuite à la Convention pour égorger les députés de la Gironde
, il leur dit : Misérables , prenez garde à ce que vous
allez faire . Vons passerez sur mon cadavre avant d'arriver
à eux.
Après quelques autres détails d'un moindre intérêt , Isabeau
fait un rapport , au nom du comité de sûrcié générale , sur
le rassemblement qui a eu lieu ce matin dans la section des
Gravilliers . Des citoyens égarés ont forcé les portes de la
salle d'assemblée . Un orateur y alu l'article de la déclaration
des droits de l'homme qui porte que lorsqu'il y a
oppression , l'insurrection est le plus saint des devoirs . Le
représentant du peuple Deleroy y a été envoyé , il leur a
parlé fraternellement. Il les a sommés de se retirer , mais
ils ont refusé .
Tallien propose de se mettre en permanence ; mais Isnard
en fait sentir l'inconvénient . On annonce qu'un grand nombre
d'hommes et de femmes s'avancent vers la Convention et
font porter à leur tête le tableau des droits de Thomme.
Mais personne ne se présentant pour être admis à la séance ,
elle est levée.
Séance d'octidi , 8 Germinal.
Pottier , au nom du comité de législation , fait , décreter
que les membres des administrations de district , départe
mens et municipalités qui auraient cessé leurs fonctions par
démission , destitution ou autrement , seront tenus de fendre
compte de leur administration , collectivement dans six décades ,
et individuellement dans quatre , après la publication du
présent décret ceux qui après ce délai ne l'auront pas
rendu , seront poursuivis d'après l'art . VI de la loi du 1g floréal
, an 2 , et suspendus de leurs droits de citoyens jusqu'a
la reddition de leurs comptes .
Un membre fait une motion d'ordre il partage l'opinion
de ceux qui pensent que les représentans du peuple ne sont justi
ciables que du peuple lui-même. Mais il est en même- tems pénétré
de cette vérité , qu'ils doivent faire tous les sacrifices que le
peuple peut exiger d'eux , et que celui qui serait désigné
comme un obstacle à son bonheur , est obligé de s'éloigner de
sa pairie , en faisant , comme Aristide , des voeux pour elfe . Il
propose , en conséquence , un appel nominal de tous les membres
, par l'effet duquel ceux qui seraient accusés à la majorité
des suffrages seraient détenus , en attendant qu'il fût créé un
( 84 )
1
25
jury pour les juger , et ceux qui seraient dans le cas de l'osê
tracisme , sortiraient du territoire de la République , en conservant
leurs propriétés . Ce projet est écarté par l'ordre da
jour.
Merlin ( de Thionville ) monte à la tribune. Il compare le
nation dans son état actuel à une armée qui , en présence de
l'ennemi , se divise , se bat elle- même , et qui , fatiguée de
carnage , et suspendant les hostilités , voit avec étonnement
un abyme affreux prêt à engloutir tous les combattans . Il
suppose que dans cette situation , un soldat sort des rangs et
fait entendre la voix de la vérité .
On vent faire accroire , ajoute Merlin , qu'une portion de
cette Assemblée est liguée avec les royalistes et les émigrés ,
et que l'autre a seule le droit de sauver le peuple . Nous ne
pouvons être à la fois accusateurs , juges et témoins . Nous
sommes composés d'élémens si hétérogènes , de tant de haines
et de fiel , qu'il est impossible que nous arrivions sauver
le peuple. ( Applaudi. ) Vous avez fait une constitution , et
aussi - tôt que vous l'avez eu proclamée , la tranquillité s'est
rétablie ; eh bien ! faites marcher à l'instant cette constitution ,
( Applaudissemens et acclamations . ) et je vous réponds que
bientôt les hordes étrangeres seront poussées jusqu'au-delà
du Danube , et que le crédit renaîtra. Pourquoi ? parce que
l'assemblée qui viendra prendre les rênes de l'état aura la
confiance du peuple . Vifs applaudissemens . )
Merlin demande que les assemblées primaires soient convoquées
pour le 10 floréal prochain . Cette idée universellement
accueillie est développée dans un projet présenté par Merlin
( de Douai )..
و دو
Il croit que le travail auquel il faut se livrer pour mettre la
constitution en activité est peu de chose . Les parties qui
doivent être étayées sont le conseil exécutif , les administra
tions de départemens et de districts , et la justice civile , criminelle
et correctionnelle . Tout le reste peut aller seul . Avant
huit jours . on aura terminé ce qui regarde le pouvoir exécutif.
A l'égard des municipalités et des administrations , il
y a peu de chose à changer , et huit jours suffisent encore .
Le travail sur la justice est tout prêt ; voici les articles du
projet de dééret :
Art. 1er . Les assemblées primaires sont convoquées pour
le 1er. floréal prochain ( aux voix ! aux voix ! s'écrie - t - on de
toutes parts pour nommer les députés à l'assemblée nationale
, et les électeurs chargés du choix des juges et des
administrateurs .
" II. Les députés nommés se réuniront le 1er . prairial au
Palais - national. Aussi - tôt qu'ils se seront constitués , la Congention
nationale cessera ses fonctions .
‚ í III. Les électeurs se formeront en assemblée le 10 prai(
85 )
1
tial , pour nommer les candidats pour le conseil exécutif, las
administrateurs de département , les arbitres publics , les mem
bres des tribunaux criminels .
" IV . La commission des seize présentera dans huit jours ,
un projet de loi sur le conseil exécutif ; le comité de légis
lation présentera aussi , dans le même délai , un travail sur
l'organisation des corps administratifs et judiciaires .
2 V. La Convention nationale décrete comme principe :
10. Au corps législatf appartient la direction de la fores
armée et la police dans la commune où il tient ses séances .
2º. Dans les communes dont la population est de plus de
100 mille ames , l'administration municipale est divisée en au
tant de sections qu'il y a d'arrondissemens de 50 mille ames .
3º. Les sociétés populaires consistent en assemblées de communes
ou de sections de communes , dans lesquelles tous les
citoyens se réunissent pour s'instruire de leurs droits , et s'exhorter
à la haine de la tyrannie et à l'obeissance aux lois . 19
L'Assemblée decrete que ce projet sera imprimé demain ,
distribué le jour suivant , et discute le jour d'après . Elle renvoie
aux comités la proposition de suspendre la discussion
concernant les prévenus .
Barrere obtient la parole , et annonce qu'il va s'occuper de
sa defense personnelle . Il justifie les motions qu'il a faites en
invoquant la liberté des opinions . La liberté de penser est
un domaine sacré. Un député est le représentant de cinquante
mille hommes ; c'est leur pensée qu'il émet , et qui serait
les attaquer pour leurs opinions ? Il est donc impossible de
former un acte d'accusation sur ce qu'ils ont dit par son
organe .
Dubois - Crancé lui répond que Camille Desmoulins et Phelipeaux
ont péri pour avoir écrit contre le comité . Barrere
réplique que les principes sont invariables , mais que quand
on les a violés une fois , il n'y a pas de raison pour qu'on ne
les viole pas une autre . Ils furent attaqués pour la premiere fois
dans la personne de Marat , envoyé au tribunal révolutionnaire .
Ce fut Saint-Just qui proposa le décret d'accusation contre les
vingt- deux. Il eût été à souhaiter qu'alors quelqu'un se levât
pour défendre les principes , et fût appuyé.
Le régime de la terreur à deux sources , continue- t -il ; la
premiere est pure. Les députés des assemblées primaires vinrent
vous le demander . L'autre source , c'est la commune conspiratrice.
Clausel dit que l'intention de la Convention n'est pas de
violer les principes en faisant aux prévenus un crime de leurs
opinions , mais qu'il faut bien en parler , lorsque ces opinions
coïncident avec des crimes . Il rappelle que dans l'affaire dont
Dubois- Crancé vient de parler , Barrere fat celui qui s'opposa
avec le plus d'acharnement à ce que les principes fussent
suivis.
F3
( 86 )
La Reveillere- Lepaux conteste aux députés des assemblées
primaires le droit de demander que la terreur fût mise à l'ordre
du jour. Leur mandat était de porter les procès verbaux de
l'acceptation de la constitution . Ainsi , le voeu de la terteur ne
peut-être qu'individuel . L'on sait de quelle maniere les uns
furent seduits et les autres traités pour n'avoir pas voulu signer
la pétition .
Penieres demande à Barrere pourquoi il a voté pour la suppression
de la commission des douze qui tenait le fil de tous
les crimes et de toutes les intrigues .
Duhem prétend que c'est Rolland et les siens qui ont livré
Lille , laissé les armées sans approvisionnement , et qui se sont
entendus avec Dumourier. C'est dans ces circonstances que les
députées des assemblées primaires out demandé le gouvernement
révolutionnaire .
Bourdon ( de l'Oise ) ramene la discussion à son point ,
en observant que, ce n'est point pour les lois elles - mêmes que
les prévenus sont inculpés , mais pour l'extension qu'ils leur
ont donnée , et pour avoir mis leur volonté à la place de leurs
dispositions .
Séance de nonidi , 9 Germinal.
Levasseur de la Sarthe ) observe que le décret qui a permis
le desséchement des étangs a été funeste à l'agriculture et aux
arts . Des moulins , des usines ont été paralysés , et la naviga
tion de plusieurs canaux interceptée . Il demande le rapport du
décret. La Convention en suspend l'exécution , et renvoie ler
surplus au comité d'agriculture.
Guffroy , au nom des comités de salut public , sûreté générale
et législation , fait un rapport sur la question soumise hier
à ces comités , de savoir si la Convention doit suspendre l'examen
de la conduite des prévenus . Il dit qu'il ne faut pas que
les momens précieux de la Convention soient entierement
absorbés par cette affaire ; que l'on doit peser , d'un côté , ce
qu'exige la justice , et de l'autre la situation politique de la
France , tant intérieure qu'extérieure .
La Convention doit réparer les maux qu'a faits l'ancien gouvernemement
, empêcher la Vendée de renaître , dicter la paix
à nos ennemis , préparer des triomphes pour l'obtenir , rétáblir
notre marine , favoriser les relations commerciales , comprimer
les anarchistes ; elle a encore à satisfaire les créanciers
de la nation , améliorer les finances , retirer des assignats ,
réparer les maux du maximum . Mais il faut aussi se hâter d'achever
l'examen de l'affaire des trois prévenus .
Boudin demande le renvoi de ce projet à un nouvel
examen des comités . Il croit que des souvenirs amers jetteront
toujours le trouble dans ces sortes de délibérations .
Pour l'éviter , il pense que quand il s'agira de prononcer
( 87 )
1
1
sur quelques collégnes , l'Assemblée devrait se borner à déclarer
qu'il y a lieu à examen ou accusation , et renvoyer .
le jugement à l'Assemblée électorale du département des
prévenus. Ce sont leurs commettans , et c'est à eux par conséquent
qu'il appartient de prononcer s'ils ont bien ou mal
rempli leurs mandats . Comme je suis député de la Vendée
, dit Ruamps , ce sera donc Charette qui me jugera .
Je m'apperçois , reprend Boudin , que certains membres parmi
nous redoutent les regards de leurs commettans . Si on voulait
les en croire , ils sont tous des royalistes , des aristocrates
et des federalistes , et il faudrait évacuer le territoire français .
Mais il faudra bien rendre tôt ou tard compte à ce peuple
souverain . Pour moi , je déclare que je ne veux pas me per
pétuer dans ma place. La motion de Boudin n'a pas` do
suite.
Guyton Morveaux déclare qu'il n'y a dans l'Assemblée que
des accusateurs , des complices , ou des victimes , et point de
juges . I demande qu'on anéantisse cette accusation , et qu'on
s'occupe de la constitution . ( Violens murmures . )
Merlin de Thionville ) dit que si en demandant hier l'établissement
de la constitution , il avait proposé une amnistie
pour les prévenus , certaines personnes auraient été de son
avis ; mais parce qu'il a demandé leur renvoi à l'Assemblée
législative , on ne veut plus faire matcher la constitution . De
toutes parts l'on s'écrie , nous la voulons . Merlin insiste sur la
proposition qu'il a faite hier.
La Convention sur la motion de Blad , décrete que les
prévenus seront entendus tous les jours impairs depuis dix
heures du matin jusqu'a six heures du soir.
Barrere prend la parole sur le chef d'accusation relatif à
l'abus de pouvoirs. Il prétend que ce sont des membres étran
gers au comité de salut public qui ont fait donner de l'extension
à leurs pouvoirs , et qu'ils s'y sont constamment opposés .
Quelquefois , ajoute Barrere , l'enthousiasme révolutionnaire a
pu nous faire abandonare l'exactitude geon étrique ; mais quand
nous avons reconnu notre erreur , nous l'avons réparee . Il
cherche ensuite à justifier le comité sur la censure des journaux
, et soutient que cette censure n'a pas existé . Il a seule
ment encouragé deux journaux . Le premier appelle Feuille de
salut public , dont il fit changer le titre , parce que plusieurs
représentans se plaignirent d'y avoir été maltraités , et le second
que redigeaient Fourcade et Payan ..
Collot se disculpe à son tour du reproche qu'on lui a fais
d'avoir menacé un des rédacteurs du Moniteur de la guillotine ,
pour y avoir inséré un de ses rapports qu'il lui avait luimême
remis . Il prétend qu'il se plaignit seulement avec vivacité
de ce qu'il affectait de n'imprimer que deux ou trois signatures
, à la suite des arrêtés du comité , ce qui prêtait a dise
qu'il était mené pár un triumvirat .
FA
( 88 )
1
Les dépenses du mois dernier se sont élevées à 599 milions ;
les recettes rapprochées des dépenses laissent un déficit de
421 millions qui sera comblé par une somme pareille tirée de la
serre à trois clefs .
Séance de décadi , 10 Germinal.
Lakanal , au nom du comité d'instruction publique , propose
de décréter qu'il sera établi à la bibliotheque nationale , une
école publique destinée à l'enseignement des langues orientales
vivantes d'une utilité reconnue pour le commerce . Elle sera
composée de trois professeurs d'arabe , turc , persan et malais ;
ils feront connaître à leurs éleves les rapports politiques et
commerciaux qu'ont avec nous les peuples qui parlent ces
langues. Ce projet de décret est adopté.
Louvet , par motion d'ordre , s'éleve contre la proposition.
qui a été faite de convoquer les assemblées primaires . La liberté ,
dit-il , n'est pas assise encore . Le gouvernement serait remis
en des mains pures sans doute , mais non suffisamment exercées
. Le fil des négociations étant rompa serait mal - aisément
ressaisi par des mains novices . Peut-être qu'en décrétant la
législature , vous décréteriez les funérailles de la République ,
le peuple vous accuserait d'avoir , à l'apparence du péril
oublié vos promesses , et de l'avoir abandonné lui - même .
Non , non , le royalisme n'obtiendra pas cet avantage , ce
n'est pas pour lui que le peuple a fait tant de sacrifices . Vous
tous qui portez la République dans votre coeur , réunissez vous,
il en est tems. Dites au peuple Français qu'on ne relevera jamais
le trône devant ceux qui l'ont abattu , et que fideles à vos sermens
vous ne quitterez votre poste qu'après avoir vu la République
affermie .
Que la postérité qui nous jugera ne dise pas de nous : Cette
Convention nationale , victorieuse des rois coalisés , a reculé
devant les obstacles dont ses tyrans l'avaient circonvenue ; elle
a laissé le peuple dans la misere , le gouvernement dans l'anarchie
, et le crime dans l'impunité.
Louvet demande le rapport du décret qui renvoie aux comités
l'examen de la question tendante à convoquer les assemblées
primaires pour le 1er, floréal prochain.
Pelet dit que la Convention a prouvé au peuple qu'elle était
prête à lui remettre les pouvoirs qu'il lui a confiés , et qu'il
s'agit à présent d'examiner si son intérêt l'exige . Il demande
l'ajournement à trois jours de la motion de Merlin .
Chenier : Vous voulez-vous donner ' des successeurs . Avezvous
rempli ves sermens ? Toutes les plaies des finances sontelles
fermées ? Le commerce ranimé , le fanatisme vaincu , les
espérances des royalistes détruites ? les armées victorieuses
n'ont-elles plus qu'à jouir de leur gloire , et la Convention.
va- t- elle donner la paix à l'aurope ? Je vois au contraire des
((89 )
malheurs à réparer , des devoirs de toute especè à remplir , ee
des crimes à punir. Quoi ! vous avez juré le sauver le peuple ,
et vous partirez avant d'avoir consommé votre ouvrage vous
laisserez à la législature la gloire d'avoir dicté la paix à nos
ennemis , et vous ne garderez pour vous que l'ignominie d'avoir
déposé un fardeau que vous ne pouviez plus porter ! Non ,
vous resterez à votre poste. Chenier demande l'ordre da jour
sur la motion de Merlin .
Gouly l'appuie , et il propose de procéder duodi prochain
à l'appel nominal pour le choix des membres qui compose
ront la commission des seize , chargée de préparer les lois
organiques de la constitution . Décreté.
Cambacérès pense qu'il faut mettre la constitution en activité
d'une maniere partielle , pour ne pas la compromettre .
Cambon dit que la motion de Merlin peut faire croire que
la Convention désespere du salut de la patrie . Il demande
aussi l'ordre du jour.
Merlin de Douai ) : De deux dangers il faut choisir le
moindre. Il est impossible que l'Assemblée fasse le bien de la
patrie au milieu des haines et des divisions qui la déchirent.
Si elle reste encore quatre jours dans cet état , la chose publiqué
est perdue. Il persiste dans son opinion que les préve
nus doivent être renvoyés à l'Assemblée législative . La Con- .
vention passe à l'ordre du jour sur la motion de Merlin , quant
à-présent.
Séance de primedi , 11 Germinal.
:
Un membre , au nom du comité militaire , fait décréter ce
qui suit Les campagnes de guerre et le service hors de l'Europe
seront comptés aux militaires ou marins , d'après les
proportions portées en l'art . V , titre II , de la loi du 22 août
1790 , dans le nombre d'années de service effectif , exigé
pour obtenir une pension par les art . I , IV , titre II , de ladite
loi. Cenx des anciens pensionnaires militaires ou marins
qui , par l'effet de l'application desdits articles de la loi d
22 août , ont obtenu en pension ou secours des sommes inférieures
au montant des pensions dont ils jouissaient en 1789 ,
pourront réclamer contre les dispositions des décrets de liquidation
daus lesquels ils sont compris , et en ce cas ils seront
traités conformément aux dispositions de l'art . Ier. du présent
decret. Il n'est rien inneve à l'égard des pensionnaires qui
jouissent de sommes egales au montant net des pensions qu'ils
avaient en 1789.
La loi du 17 nivôse , sur les successions et donations , a
déja été attaquée plusieurs fois dans la Convention , sur- tout
à cause de l'effet retroactif qui lui a été donné . Une nouvelle
discussion , provoquée par une pétition , s'est élevée à ce
sujet. Plusieurs membres déclarent que , par l'effet rétroac
( 90 )
tif , on a violé les contrats , jetté le trouble dans les familles
et porté atteinte à la déclaration des droits . Le comité de
législation a , dans ses bureaux , une immensité de récla
mations. Ils demandent qu'il fasse enfin un rapport sur cet
objet.
Bourdon ( de l'Oise ) pense que l'effet rétroactif donné à
cette loi est conforme aux lois de la nature , s'il ne l'est pas
aux lois civiles . Il est dans l'ordre de la nature et de la justice
que les enfans d'un même pere partagent également sa
succession .
Le renvoi au comité de législation est d'abord décrété ;
ensuite la Convention rapporte son décret , et ne renvoie au
comité que l'examen de la question si l'effet rétroactif n'aura
lieu pour les pays réunis que de l'époque de leur réunion
en passant à l'ordre du jour sur le reste .
Boursault fait part d'une lettre du commandant de la
force armée dans le département de la Mayenne , qui porte
que quarante chefs des chouans , et onze cents hommes ont
mis bas les armes et reconnu la République . Cette nouvelle
excite de vifs applaudissemens.
La section des Quinze-Vingts présente une pétition pen
réfléchie , quoique délibérée dans l'assemblée générale . Nos
besoins , dit l'orateur , sont pressans , l'abolition du maximum
devait donner l'abondance ; et la misere est à son comble.
La justice est à l'ordre du jour , et les incarcérations con -...
tinuent. Le peuple doit être libre , et il est opprimé . La déclatation
des droits commande la résistance à l'oppression . Pour
quoi Paris est-il sans municipalité , et la jeunesse du palais
Royal y fait- elle la police ? Où sont nos moissons ? Rendeznous
nos droits , nous sommes debouts pour sauver la liberté.
Le président La Convention nationale qui représente les
quatre - vingt-six départemens s'occupe sans relâche du bonheur
et de la gloire du peuple. Elle a repoussé les tyrans
coalisés , écrasé la tyrannie et l'anarchie , abattu l'échafaud
du terrorisme. Vous venez vous plaindre de la disette . Le
gouvernement ne cesse de prendre des mesures pour activer
l'arrivage des subsistances. La Convention qui s'occupe d'or--
ganiser la constitution démocratique , aura le courage et la
puissance de punir les ennemis du peuple .
Tallien demande l'impression de cette pétition et de la
réponse du président , et il pense que les bons citoyens du
fauxbourg Antoine en la lisant n'y reconnaîtront pas leurs
sentimens , parce que ce ne sont pas les bons citoyens qui
regrettent une municipalité conspiratrice et les échafauds . Il
ne voit pas dans la députation les hommes courageux et libres
de ce fauxbourg au milieu desquels il a vécu long - tems . On
a incarcéré quelques hommes comme perturbateurs du repos
public.
( 91 )
Bourdon ( de l'Oise ) dit que dans le tems où la France
était couverte de prisons , on ne montrait pas cette sollicitude
pour les détenus qu'on affecte aujourd'hui ; mais pour
faire cesser ces plaintes , il demande que le comité de sûreté
générale rende compte de ses opérations. Cette proposition
est décrétée .
Comme il était tard , les prévenus n'ont pas été entendus.
PARIS . Quartidi 14 Germinal , l'an 3° . de la République.
Depuis plusieurs jours , l'embarras des subsistances se
faisait sentir d'une maniere pénible . La diminution graduelle
de la ration qu'on délivre à chaque citoyen , avait
inspiré les plus vives inquiétudes . Avant-hier, cette ration
avait été réduite à un quarteron de pain pour
chaque bouche et à une portion de riz très - médiocre .
Il en fallait moins sans doute pour causer de la fermentation
, et l'occasion était favorable à la malveillance
pour donner à cette disposition des esprits une
direction appropriée aux passions et aux vues particu
lieres de ceux que le spectacle de la calamité publique
touche moins que le desir de se ressaisir du pouvoir
ou d'accroître le désordre .
Dès le matin , le bruit s'était répandu dans Paris qu'il
y aurait du mouvement , qu'il fallait se porter à la Convention
pour lui demander du pain . Les propos les plus
inquiétans circulaient parmi le peuple. Les uns disaient
que la Convention voulait affamer Paris ; d'autres , que
le grain ne manquait pas , et que l'on n'avait pas encore
touché à la derniere récolte ; d'autres prétendaient que
les fermiers recelaient leurs grains et ne voulaient plus
le vendre pour des assignats . Au milieu de cette agita
tion , on entendait répéter que du tems de Robespierre.
le peuple ne manquait de rien .
Vers les dix heures , on commença à dire que l'on
fermait les boutiques , et que le peuple se réunissait pour
aller à la Convention . Cependant tout était encore tranquille
dans les principaux quartiers , sur-tout dans la rue
Honoré, au palais Egalité et autour de la Convention ;
il n'y avait pas une boutique de fermée ; mais ces bruits
vagues , semés à l'avance , sont presque toujours les précurseurs
de l'orage.
En effet , vers les deux heures , un rassemblement
tumultueux , dont les femmes ne formaient pas la
3
と
( 92 )
moindre partie , se dirige vers la Convention , force les
portes , et se précipite en foule dans l'enceinte de la
salle , en criant : Du pain ! du pain ! la constitution de 1793 ,
liberté des patriotes , vive la République et la représentation
nationale ! Le président se couvre. La salle et les avenues
se remplissent , et tous ces citoyens se mêlent avec
les représentans du peuple .
Merlin ( de Thionville ) qui s'était porté au milieu d'eux,
demande la parole . Tous ces citoyens , dit-il , viennent
de m'assurer qu'il n'étaient pas ici dans des intentions
malveillantes , qu'ils sont pleins de confiance en la
répresentation nationale , et que , loin de vouloir l'influencer
, ils étaient prêts à lui faire un rempart de leurs
corps. Legendre parle dans le même sens . La foule proteste
de ses bonnes intentions , et répete : Du pain ! du
pain ! la constitution de 1793 , et la liberté des patriotes ! Le
président les invite à faire connaître leur voeu par une
députation.
Alors , un d'entr'eux descend à la barre . Vous
voyez , dit-il , les hommes du 14 juillet , du 10 août
et du 31 mai. Il expose qu'au nom de la section de la
Cité , il vient représenter à l'Assemblée qu'elle doit
rester à son poste , pourvoir aux subsistances , punir
l'égoïste qui resserre ses grains , réprimer les riches et
les marchands , rendre la liberté aux meilleurs patriotes ,
et faire exécuter la constitution de 1793. Puis s'adres
sant à un côté de l'Assemblée : O toi , Montagne ,
s'écrie -t- il , toi qui si souvent as sauvé le peuple, montretoi
dans ce moment de crise , nous sommes là pour
te soutenir et sauver la liberté ! ,, Le président répond
que la Convention s'occupait des subsistances lorsqu'on
est venu l'interrompre dans ses travaux , il invite les
citoyens à se retirer pour que l'Assemblée puisse délibérer
sur leur pétition , et s'occuper des moyens d'assurer
l'approvisionnement de Paris .
Plusieurs autres sections sont venues inviter la Convention
à rester à son poste , et lui ont fait part de
leurs inquiétudes sur les subsistances , mais elles n'ont
point pris les formes tumultueuses du rassemblement
de la Cité , et moins encore se sont- elles exprimées
dans les mêmes termes ; elles ont témoigné , au contraire
, leur haine pour les partisans de la terreur et
de l'anarchie , comme pour les royalistes .
Cependant , les citoyens qui s'étaient mêlés parmi
les représentans du peuple ne se disposaient point à
sortir. Plusieurs membres ont pris successivement la
·
( 93 )
parole pour les inviter à se rendre dans leurs, sections
pour y comprimer le royalisme , et y déjouer tous lea
projets criminels ; insensiblement , la salle s'est évacuée
, et la Convention a pu reprendre le cours paisible
de ses délibérations .
Au dehors , tout était plus calme et plus imposant : à
l'approche du rassemblement , la générale avait battu
dans les sections ; le tocsin du pavillon de l'Unité s'était
fait entendre , et à ce signal , toutes les sections armées
étaient venues entourer la Convention nationale pour
maintenir l'ordre et la tranquillité. Cette contenance
vraiment énergique en a imposé à ceux qui auraient
pu avoir des intentions perfides . Il est à remarquer que
si le sentiment si naturel du besoin . eût été la seule
cause de ce mouvement , ce sentiment n'aurait eu en
se manifestant , d autre objet que les subsistances ; mais
la demande de la mise en liberté de ceux qu'on appelle
les meilleurs patriotes , I apostrophe à la Montagne , l'affec
tion de se désigner comme les hommes du 31 mai , la
forme bruyante de la pétition , et la ton peu mesuré
dont elle était accompagnée , tout porte à croire que le
mouvement avait été préparé par des meneurs , et qu'on
ne se proposait rien moins qu'une nouvelle journée du
31 mai . On verra dans le compte plus détaillé que nous
rendrons de cette séance , que les chefs de parti avaient
essaye d'y reprendre leur prépondérance ; mais la grande
majorité de la Convention , instruite par l'expérience du
passé , et marchant entre le royalisme et les jacobins ,
a évité ces deux ecueils , en se prononçant avec énergie .
La séance a été permanente pendant la nuit. Les
comités de salut public et de sûreté générale ont rendu
compte des causes secrettes de cette agitation immodérée
, et voici le résultat des mesures vigoureuses qui
ont été prises .
1°. La Convention a ordonné l'arrestation de Léonard-
Bourdon , Amar , Choudieu , Foussedoire , Ruamps ,
Duhem , Huguet et Chasles .
2º . La déportation de Billaud , Collot et Barrere hors
la République.
3° . La ville de Paris a été déclarée en état de siége ,
et le commandement en chef de la force armée donné à
Pichegru qui était , depuis quelques jours , à Paris pour
se rendre à l'armée du Rhin ; on lui a donné pour adjoints
Kellermann , Merlin ( de Thionville ) et Barras .
4°. Cinquante hommes par section sont destinés à
protéger les arrivages pour les subsistances .
( 94 )
La mesure de la déportation a éprouvé une forte
opposition de la part de plusieurs membres qui réclamaient
l'appel nominal , et se sont précipités au bureau
pour en signer la demande . La motion a été faite d'imprimer
cette liste , et de l'envoyer à tous les départemens
, et le décret de déportation n'a plus éprouvé
d'obstacle .
Cette attitude ferme , la seule qui puisse sauver la
Convention et la chose publique , a ramené tout- à coup
la tranquillité. La distribution du pain et du riz a été
hier plus abondante . Une force armée considérable a
été mise sur pied pour protéger la Convention . La matinée
aurait été très- calme sans un incident qui a causé
d'abord quelques inquiétudes . Le peuple , qui ignorait
le décret de déportation rendu dans la nuit , a arrêté
la voiture qui transportait Billaud à sa destination , et
l'a ramené à la section du Théâtre- Français , et de là
il a été conduit au comité de sûreté générale ; mais
bientôt le décret a été mis à exécution , et les trois déportés
sont partis sous une forte escorte . La générale
a battu vers les trois heures ; mais cette mesure de
précaution n'a eu d'autre objet que de maintenir l'ordre
et la surveillance , et en ce moment la tranquillité regne.
Telle est la situation actuelle de Paris .
Diverses lettres reçues de Toulon s'accordent à dire que
notre escadre qui était sortie de ce port pour protéger l'arrivage
d'un convoi considérable , a rempli ce but , mais a
été exposée à de grands dangers . Un violent coup de vent
l'a assaillie à la hauteur de la Corse , et quatre de nos vaisseaux
ont été poussés avec impétuosité sur une division de
l'escadre anglaise. Le combat s'est engagé , et a été sanglant .
Notre escadre contrariée par les vents , n'a pu les secourir.
La Victoire , ci- devant l'Anti -fédéraliste , et le Timoléon , ont
été fort maltraités , et ont eu de la peine à rentrer en rade .
mais le Censeur et le Gà- ira ont été pris par l'ennemi . Le
capitaine du Censeur a été tué. On n'avait point d'abord de
nouvelles du Sans- culotte , mais on a appris qu'il était entré à
Gênes , et que le représentant Letourneur n'avait point péri .
Notre escadre est actuellement ralliée dans la rade des isles
d'Hieres au nombre de onze vaisseaux de ligne . Les frégates
la Junon , la Courageuse et l'Abondance qui étaient destinées à
convoyer les bâtimens de transports de l'expédition sur la
Corse , ont reçu ordre d'appareiller pour aller joindre l'escadre
aux isles d'Hieres , et les troupes embarquées ont été
( 95 )
mises à terre et sont parties pour l'Italie avec les générau»
et tous les employés à cette expédition .
On a lancé ici ces jours derniers le vaisseau le Figuieres de
So canons.
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Procès de Fouquier- Thinville et des co- accusés dans cette affaire.
Séance du 9 germinal. L'accusateur public a déclaré , que
du nouvel examen des pieces et déclarations remises , tant à
son prédécesseur qu'à lui , sur Fouquier Thinville , résulte le
paragraphe suivant d'addition à l'acte d'accusation dù 25
frimaire.
1º. En présentant des actes d'accusation remplis de ratures ,
renvois , interlignes , sans approbation , en les signant , et présentant
d'autres en blanc , d'autres où les noms des accusés
avaient été inscrits postérieurement à la rédaction et au moment
de l'audience par une main étrangère et avec une enere différente
de celle du corps des actes , où plusieurs noms écrits en petits
caracteres , ont été tantôt intercalés , tantôt émargés , sans approbation
, et où les noms d'autres accusés se trouvent rayés
et effacés en présentant d'autres actes , dont les énoncés relatifs
au nom des accusés , présentent ceux de certains , dont
il n'est fait aucune mention dans le détail de l'accusation qui
suit le préambule.
2º . En insérant dans un autre acte d'accusation , le nom
d'un individu condamné à mort , et exécuté un mois avant ,
et en le reportant en jugement comme s'il avait encore existé ;
fait qui prouve qu'on jugeait souvent sur les listes , sans
voir les accusés ;
30. En requérant de porter à l'échafaud le cadavre d'un
accusé qui s'était poignardé au moment qu'on lui prononçais
son arrêt de mort ;
4°. En requérant le tribunal d'ordonner l'exécution de plu
sieurs femmes condamnées à mort , mais qui s'étaient déclarées
enceintes , au lieu d'attendre " que les officiers de santé où
autres personnes de l'art , qui avaient déja declaré qu'ils n'avaient
pu connaître ni s'assurer si réellement elles étaient enceintes
, pussent par le laps de tems reconnaître la vérité ou la
fausseté des déclarations de ces femmes en les faisant réellement
exécuter le même jour.
Fouquier-Thinville , à la vérité , dans les réponses par lui
rendues sur les chefs d'accusation qui lui sont imputes dans
l'acte d'accusation du g5 frimaire , a protesté de son huma
( 96 )
C nité , tant envers les détenus que les accusés et condamnés ;
de son exactitude pour le tirage et la convocation des jurés
avec lesquels il soutient de n'avoir eu aucune familiarité marquée
, ni tenu des conversations à dessein d'influencer leurs
opinions , et n'avoir jamais employé aueun moyen de séduction
envers les témoins ;
Qu'il s'est toujours soumis aux ordres rigoureux qu'il res
cevait du gouvernement ; mais il les a exécutés avec un coeur
aussi sensible que peiné , et qu'il s'est même refusé , dans
certaines occasions , aux ordres particuliers de certains membres
de gouvernement , parce qu'il s'appercevait que les ordres
lui étaient donnés par esprit de haine et de vengeance.
Qu'il n'a jamais entretenu aucune intimité ni correspondance
avec les conspirateurs , les ayant toujours poursuivis
avec autant de chaleur que de justice , et n'ayant jamais partagé
leurs opinions ni leurs crimes ; on en trouve la preuve
dans la requisition qu'il fit pour l'application de la loi contre
les conjurés , et dans son refus de se rendre à la commune
rebelle , malgré les invitations que plusieurs émissaires vinreut
lui faire ;
Qu'il n'a jamais conçu ni provoqué , ni participé à l'idée
des prétendues conspirations de prisons , ni porté personne à
faire des listes de proscription ;.
Qu'il ignore même qu'il en eût jamais existé ; qu'à la vérité ,
le comité de salut public lui a adressé des listes , au bas
desquels était écrit l'ordre portant , que les dénommés soient
mis en jugement à l'instant ; qu'il a induit du mot à l'instant
, la dure et pénible nécessité de précipiter les jugemens
et de cumuler les prévenus . "
Qu'il est faux qu'il ait jamais pris , gardé , ni diverti l'argent
et autres effets des détenus ;
Qu'il n'a jamais trafiqué de ses devoirs pour aucune
somme qu'il les a au . contraire remplis avec honneur et
fidélité ;
Qu'il proteste enfin de la fausseté de toutes les inculpations
atroces et révoltantes , que ses ennemis lui font avec
un acharnement qui annonce assez leur haine et leur vengeance.
L'accusateur public observe qu'il résulte d'autant moins
de la défense de Fouquier qu'il eût détruit les inculpations
portées contre lui , que tout annonce au contraire qu'il était
parfaitement secondé par les ex -juges et ex-substituts du tribunal
près lequel ils ont rempli des fonctions avec lui , et dont
la conduite fait le sujet du paragraphe que nous donnerons au
numéro prochain.
( N° 40 ) Jer 138.
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 20 GERMINAL , l'an troisieme de la République.
Jeudi 9 Avril 1795 , vieux style . )
POÉSIE.
VERS présentés par un enfant à son grand -papa , le jour de
sa fete.
ASON papa , si ce petit garçon
N'offre point en ce jour une leur printanniere ;
La faute en est à la saison .
Il lui présente une fleur bien plus chere ,
D'une tige charmante aimable rejetton.
Qele papa sur la tige premiere ,
Dans ses bras , sur son stiu le place avec sa mere ;
Il aura , pour bouquet , la rose et le bouton.
Qui
CHARADE.
ui te charge , Iris ? mon entier.
Qi t'embelli? c'est mon premier ,
Qui te lave ? c'est mon dernier.
Ji'ne
ENIGM E.
E ne fus pas toujours d'usage ;
J'étais inconnue au vieil âge.
Mais par- tout aujourd'hui , cher lecteur , tu me vois ,
Sous le toit du berger , dans I s palais des rois
Quelquefois je suis fiele , et quelquefois solide. )
Pour moi , comme il lui plaît , l'amateur se décidé !
J'offre souvent pour la santé
Un remede assez salutaire ;
Alors je deviens nécessaire .
Je flatte aussi d'un fat la sotte vanité .
Comme dans la couleur , bien souvent je differe ,
Tome XV,
G
( 98 )
Dans la forme et dans la matiere ;
Simple chez le bourgeois , la main de l'artisan
M'enrichit pour le partisan ,
Je suis encor en honneur chez la belle ,
Où la mode souvent m'appelle .
Je donne aussi certain maintien
A quiconque n'a rien à dire,
Dans un cercle où chacun m'admire
Je suis matiere d'entretien ;
Et si quelqu'un par hasard y sommeille ,
Par mon secours on le réveille .
J'égaie enfin la société ;
Vide , j'y suis une inutilité .
Je ne dis plus qu'un mot : j'accompagne sans cesse
Ou mon maître , ou bien ma maîtresse .
Lecteur , peut-être tu me tiens ,
En réfléchissant sur ces riens.
SOIT
LOGO GRIPHE.
OIT comme ajustement , ou bien comme soldat ,
En escadron , ou sur tête femelle ,
Garde-toi bien , lecteur , de me chercher querelles
Car j'en ai mis plus d'un hors de combat ,
Et tourné plus d'une cervelle . !
Mais sur mon nom si tu veux t'exercer ,
Et l'appliquer à différentes choses ,
Tu le peux aisément , et même sans danger.
Huit lettres , dont tu le cómposes ,
Te donneront d'abord , et saus rien déplacer ,
Ce funeste instrument que le chasseur avide ,
Pour exciter au meurtre une meute intrépide ,
Fait souvent résonner en parcourant les bois ,
Et dont le bruit fatal de la fauve timide
Célebre insolemment la prise et les abois ;
Mis à l'envers , un corps dur et solide
Sur lequel tu pourras élever ton château ,
( 99 )
Mais dont tu prendras soin d'éloigner ton bateau ,
Lorsque tu vogueras sur la plaine liquide ;
A Rome , un tribunal ; et la note , et le ton ;
Du corps une noble partie ,
Domaine de l'ame , dit-on ,
Dont elle laisse à la folie
Le soin de régir - le timon
Et la régente à sa façon ;
Formant nos goûts , nos moeurs , notre être et notre vie ,
A fait de Céliante une femme hardie ;
De la blonde Orphise , un oison ,
Et de Lisette , avec son air fripon ,
Sa fraîcheur , son étourderie ,
Son teint , ses graces , son jargon ,
La coquette la plus jolie
Et la plus folle du canton ;
Ce que l'on a , quand on n'a pas raison ;
Un siége qui jamais ne fut pour la mollesse ,
Siege réservé pour les rois ,
Où les soins , les ennuis les assiégent sans cesse ,
Mais les laissent pourtant s'endormir quelquefois ;
De certains animaux l'armare naturelle ;
Ge dont par fois , sans beaucoup d'art ,
La main d'un jeune savoyard
Sait du passant nettoyer la semelle ;
D'un monarque jaloux , d'un amoureux sondan
( Non Saladin , Omar , ni Gengiskan ,
Non le meurtrier de Zaïre ,
Mais dans ta basse- cour ce zélé musulman
Dont les lois font regner l'amour dans son empire) ,
Le diadême , où le turban .
Enfin , ami lecteur , si j'ose ici tout dire
A la suite d'un long diner ,
D'un estomach gourmand l'accident familier ,
1
Et dans sa joyeuse satyre
Ce que Panurge , en belle humeur ,
Nomme en latin déjeûner du docteur.
G
( 100 )
SCIENCES ET ART S.
DESCRIPTION du blanchiment des Toiles et des Fils par
l'Acide muriatique oxigéné , et de quelques autres propriétés
de cette liqueur , relatives aux arts ; par BERTHOLET.
In 8 ° . de 46 pages , broché. Prix , 1 liv. A Paris , chez
Focus , libraire , quai des Augustins , no . 28, L'an 3. de
la République Française ( 1794 ) .
C'EST
' EST dans le traité chymique que nous annonçons
qu'il faut étudier les procédés de l'Acide muriatique oxigéné
, les différentes propriétés de cette liqueur , et
l'usage économique que l'on peut en obtenir pour
les lescives et les teintures . Ce n'est pas seulement par
les frais du nouveau procédé de cet Acide muriatique
oxigéné , comparés rigoureusement avec ceux du blanchiment
ordinaire , qu'il faut juger de ses avantages ; il
en présente de particuliers qui seraient propres à compenser
un prix supérieur . Les toiles et les fils qui , dans
quelques endroits , demandent plusieurs mois pour être
blanchis , peuvent l'être facilement dans cinq à six
jours , même dans un grand établissement ; car une
opération qui ne se fait que sur quelques pieces , peut
sans difficulté se terminer dans deux ou trois jours.
Pendant l'hiver , le nouveau blanchiment peut s'exécuter
aussi bien qu'en été ; seulement la dessication exige plus
de tems.
L'habitant de la campagne , dont la famille occupe
ses intervales de loisir à la filature , est obligé d'attendre
la saison favorable pour envoyer ses fils et ses toiles ,
souvent à une grande distance , où on leur fait subir un
long blanchiment ; cependant ses besoins le pressent ,
il est obligé de les livrer à perte à des commerçans
intermédiaires , qui mettent un impôt sur son indigence .
Mais si des établissemens destinés à la préparation de
l'Acide muriatique oxigéné se multiplient assez, celui qui
aura tissu une toile pourra la blanchir lui - même , et
jouir de tout le fruit de son travail , aussi -tôt qu'il sortira
de ses mains. Le consommateur y trouvera aussi
son avantage , puisque non -seulement il doit en derniere
analyse résulter quelques diminutions sur le prix
des toiles et des fils ; mais encore le nouveau blanchi-
1
( 101 ) ment , administré
comme
il doit l'être , diminue
beau- coup maus la solidité
originaire
du lin et du chanvre
,
que J- s opérations
longues
et multipliées
du blanchi- dire . Il parait même , par de nouvelles
expé- - 1 Acad muriatique
oxigéné , en resserrant
les
pores du coton , lui donne plus de solidité
, et qu'en
même- tems il lui communique
la propriété
de prendre
des couleurs
plus éclatantes
.
ment
Cette dissertation est accompagnée d'une planche
gravée , représentant l'appareil destiné à préparer l'Acide
muriatique oxigéné , et dont on donne une explication
détaillée .
"
GEOGRAPHIE.
Almananch national géographique et portatif , dédié aux
patriotes Français , avec l'instruction du nouveau calendrier
pour la présente année républicaine , rédigé conformément
au décret de la Convention nationale ; oavrege le plus utile
aux gens d'affaires , négocians , militaires , voyageurs et pour
tous états ; en dix cartes enluminées , savoir :
1º. La carte de France divisée en 86 départemens ;
2º . Le tableau indicatif des 86 départemens et des 543 districts
renfermés dans ces départemens ;
30. L'itinéraire de la France , contenant les routes les plus
fréquentées de la République , toutes calculées en lieues de
poste ;
4° . La carte du plan et département de Paris ;
5º. Une table d'escompte utile aux banquiers , caissiers ,
négocians et gens d'affaires ;
量
6º. Une table générale de la distance des principales villes
de France entre elles ;
et
7°. La carte
de toutes
les villes
et places
fortifiées
,
elles
des principales
routes
de la France
, avec le cours des
rivieres
navigables
;
$
8. Enfin , la nouvelle carte militaire du théâtre de la
guerre , pour suivre la marche des armées françaises dans '
l'Allemagne et les Pays- Bas format in - 80 . br . Prix , 12 liv .
A Paris , chez Desnos , ingénieur géographe , rue Jacques ,
au Globe , nº . 254 .
❤
MUSIQUE.
#
Loizerolles , ou le Triomphe de l'amour paternel , romance ;
paroles de L. F. Jauffret , musique et accompagnement du
clavecin par Méhul . A Paris , chez Cousineau , pere et fils ,
luthiers , rue de Thionville , no . 1840. Piix , 1 liv, 5 sols .
G 3
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NOUVELLES
ÉTRANGER
ALLEMAGNE
.
De Hambourg , le 20 mars 1795 .
ON à N mande de Pétersbourg que Kosciuszko n'est pas
Schusselbourg, comme on l'avait faussement publié , mais bien
toujours dans la citadelle de Pierre - Paul , où on le traite avec
assez de ménagemens , puisqu'on lui laisse un domestique
pour le servir , et up chirurgien pour le soigner .
-
La conduite de Catherine II avec ce héros malheureux
paraît très - extraordinaire à ceux qui connaissent son carac
tere vindicatif ; mais elle l'est moins pour les observateurs à
qui le desir de faire parler d'elle , qui est sa passion dominante
, n'a point échappé . C'est sur tout les louanges des
hommes de lettres et des savans qu'elle aime à recueillir :
ayant appris que M. de Saussure , de Geneve , était tombé
dans une extrême misere , elle a appellé ce célebre physicien
à remplir une chaire de professeur dans sa capitale ; elle en
a fait autant pour M. Mukel , professeur d'anatomie à Hall .
Les lettres du 2 mars , des frontieres de la Pologne , disent
qu'on a enjoint aux généraux de cette nation qui se trouvaient
à Varsovie de quitter la ville , en exceptant toutefois ceux
qui étaient au service avant la révolution . Les généraux
russes ménagent d'ailleurs un peu plus les habitans ; c'est
contre les Français établis dans cette capitale que la haine de
l'autocratrice se déploie ; ils vont être incessamment forcés
d'en sortir.
•
-
Au reste , par la même raison que l'impératrice persécute
les Français républicains , elle dédommage les Polonais victimes
de leur attachement à ses intérêts . La veuve du prince
Czartorinski , pendu dans le cours de la derniere revolution , a
reçu d'elle une pension de deux mille ducats , et les veuves
des autres magnats ont également obtenu des secours pluts
ou moins considérables . La partialité et l'injustice sont tellement
marquées , qu'un enseigne qui , an terme des dispositions
réglémentaires , pouvait continuer de demeurer à Varsovie
, vient d'en être renvoyé . Son crime est d'avoir fait
quelques caricatures contre les Russes .
Les Russes viennent de vendre aux Prussiens un magasin.
"
( 103 )
T
de vivres considérable , et il se fait parmi leurs troupes des
mouvemens qui indiquent leur marche prochaine vers les
frontieres , sous la direction du général Suwarow.
F
On évalue à quinze mille ducats les frais de transports de
la fameuse bibliotheque de Zaluski .
De Francfort- sur - le -Mein , le 24 mars.
On mande de Vienne que l'empereur a fait remettre à son
ministre de guerre , le comte de Collowrath , des sommes considérables
adressées par plusieurs états d'Allemagne , et que la
ville d'Augsbourg s'est sur-tout distinguée dans cette contri
bution pour la continuation de la guerre contre les Français ,
et l'on ajoute que si la paix n'a pas lien il sera question de demander
l'octuple au lieu du quintuple , contre lequel plusieurs
membres du corps germanique ont déja fait des representalions
.
est
Malgré cette bonne volonté de quelques villes impériales
François Il aura de la peine à se mettre en état de tenir la campagne
car le résultat des lettres de Juliers , du 13 mars ,
qu'on desire par- tout la paix ; qu'une nouvelle campagne ferait
éprouver aux malheureux pays qui en seraient le théâtre la
famine , et par suite les maladies contagieuses et la dévastation
la plus complette . Les armées se ressentent vivement des dernieres
opérations militaires faites pendant la saison la plus rigoureuse
qu'on ait éprouvée de long-tems . Il a péri plus de
trois mille seulement de chevaux de remonte , emportés par la
faim et le froid , et dont la cavalerie autrichienne se trouve
ainsi privce . Les chemins dans la Wetteravie , vers la Lahn et
le Westerwale sont couverts des carcasses de ces animaux . La
perte en hommes est à -peu près dans la même proportion ;
d'un côté la garnison de Mayence est affaiblie par les blessares
, la fatigue et la misere ; de l'autre , le corps prussien
et saxon , établi depuis Caub jusqu'à Gernsheim , qu'on évaluait
à 18,000 hommes , en a perdu le tiers par différentes
causes .
?
Les états du Haut- Rhin , de la Suabe , et même plusieurs
auires cercles , sont si éloignés de fournir un octuple contingent
qu'ils répugnent même au quintuple . Par-tout on desire
ardemment la paix , mais sans trop savoir comment y parvenir.
C'est sur les bords de l'Embs que les Français dirigent
leurs plus vives attaques ; ils avaient été repoussés le 12 auprès
du château et des retranchemens de Bentheim , avec perte
de nombre de tués et de 11 canons ; mais le 13 , ils revinrent
à la charge , et leur corps de 5000 hommes repoussa
les alliés jusqu'à Rhenen . Cette sanglante affaire dura depuis
6 heures du matin jusqu'à 7 heures du soir. Le 14 , ils étaient
G4
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maîtres de toute la rive gauche de l'Embs depuis Benthein
jusqu'à la mer ; set lon disai sans canmoins en être bien
sûr que la gan's in avait obtenu la libre sortie du château`
en le rendant aux França's . Le bruit connait à Hamm , le
18 , qu'ils avaien pas Ebs dans l'Oos -Frise, Cependant
il ya des rapports contradictoires des affaires du 15 près de
Lingen . J
L'armée française du Rhin et celle de la Moselle font des
disposition pous pr sser M yence . On annonce qu'au quartier
de Guaver- blunt a ce question de fan passer le Rhin aú
dessus de Mayence à 40.000 hommes que l'armee de Sanbie
et Meuse soutien Irait sur la rive droite du Bas - Rhin qu'il a
passé dans le pays de Clves . Au peste , il ne s'agit pas d'un
siege en forme entre Mayence . Il paraît qe les Fançais
maître des deux rives , se contenteront de les ener
et de l'incommoder exêmoment.
la place ,
ane , reconme
ss'avan vancat,
"
es Pinssieus
Du côte de Munster , les Français firent , le 13 ,
naissance pres de Stadloo , ei le général Ana
dit- on , avec des force majeures vers cei évéché .
et autrichiens qui doivent defendre le pays , ont te retardé
dans lear marche par les mauvais chemins , surtout les prem'es
que les autres doivent attendre pour se foriber de leur
jonction . Ge yu il yen adarrivé es aux environs de Goësveld.
L'électeur de Cologne vient d'arriver à Munster pour y
diriger l'organisation et I emploi des troupes du pays .
L'on dit que l'empereur est dans l'intention de se rendre
à l'armée , et dy aller accompagné da gené al Mack. Ce ne
scroit pas un pronostic de paix ; mais en génégal le pub ic
ne sait plus à quoi s'en tenir à cet egard ; et peut être les
cabinets eux mêmes n'ont- ils encore rien qui puisse servir à
fixer leurs idees flot . ntes . De la vient que les bruits de
guerre succedent aux brits de paix comme ceux de paix
à ceux de guerre . Quand il arrive des couriers de Londres
c'est la queife qui est regardée comme certaine ; lorsqu'il
en ani e d'aut e ' part , c'ési la paix qui fournit aux conversano
s Ju jour C pendant on pirle beaucoup du contenu
très- spfis à saot d'une lettre envoyée ici par estafette , et qui
a ere expede par le b ron de Degelmann , ministre de l'empercar
en Suisse . Cette lettre est du comte de Carletti , qui
a eu à Paris la permission de la mettre dans le paquet adressé
à M. Barthelemy.
et
Les nouvelles d'Italie annoncent que les Français menacent
absolament tous les points et postes de quelqu'importance ;
rais le corps de troupes autrichiennes y sera renforce ,
Je general de Vins y reprendra le commandement en chef.
Le gouvernement de Milan a formellement contredit le
1
( 105 )
bnit d'une demande faite à la republique de Gênes par le géheral
Nalasti , pour le passage de troupes imperiales par le
territoire de cet état.
ITALI E.
Les deux lettres suivantes nous ont páru contenir des
détails importaus sur le combat naval du 14.
Extrait d'une lettre de Sestri ( du Levant ) du 14 mars.
A la pointe du jour , le 13. parurent à notre hauteur ,
à la distance de 12 milles , les deux escadres de Fiance
et d'Angleterie , et nous vimes de notie fenêtre le beau
spectacle ci - après .
L'escadre anglaise , profitant d'un vent d'Afrique
qu'elle avait en poupe , donna la chasse à quelques vais
seaux français pendant plusieurs heures ; ce qui produi
sit divers petits combats : enfin , rangée en demi- cercle ,
elle présenta la bataille à l'escadre française , quoique
plusieurs de ses vaisseaux , éloignés du côté du Levant ,
ne pussent y prendie part. Ce combat général dura
deux heures ; il fut si vit et si obstiné , que bientôt la
fumée nous fit perdre de vue les deux escadres . Le feu
ayant céssé , l'escadre anglaise reparut toujours unie et
tenant le vent ; l'escadre française était plus éparse , et
se réunit seulement au nombre de 22 voiles , deux
heures après .
Aujourd'hui , au point du jour , le feu a recommencé
plus vivement qu hier ; mais la brume nous a dérobé la
vue de cette nouvelle affaire , qui doit avoir été meurtriere
, s'il faut en juger par la vivacité du feu . Ce matin ,
on a trouvé sur notre plage la boëte d'une boussole , sur
laquelle était une inscription anglaise . On a trouvé aussi
une porte de chambre de poupe et deux grands morceaux
de mâts , qu'on a jugé être anglais ; ce qui fait présumer
que quelque vaisseau de cette nation a péri .
De Gênes , le 19 mars.
Nous sommes encore dans l'impatience de savoir les
détails et l'issue du combat du 14 de ce mois . On écrit
de divers endroits de la riviere que les deux escadres
se sont réciproquement maltraitées , et qu'on a vu passer
ensuite trois vaisseaux démâtés , sans savoir s'ils sont français
ou anglais , et que tandis que l'escadre de France
se dirigeait vers le ponent , celle d'Angleterre faisait
( 106 )
4
voile au midi . L'engagement principal a eu lieu à la vue
du cap de Noli . Chacun s'attribue la victoire , mais jusqu'ici
on n'a vu aucune relation authentique , ni de para
ni d'autre .
Le 16 au matin , le vaisseau français le Sans - culotte , à
trois ponts , est entré dans notre port. Il est constant
qu'il n'a eu aucune part au combat ; plusieurs chaloupes
ont essayé de se rendre à bord de ce vaisseau pour ap
prendre des particularités de l'affaire , mais aucune n'a
été admise . On a su seulement d'un Français , qui a
parlé au commissaire- général de l'armée navale française ,
que dans la nuit du 12 au 13 il y avait eu une escarmouche
entre quelques vaisseaux ; que la brume , sur le
matin , empêchait de se voir d'un bord à l'autre , et que
le Sans- culotte , privé de vent , n'avait pu suivre le reste
de l'escadre qui engagea le combat le samedi matin ,
sur le cap Corse , et même , le vent soufflant du levant ,
il ne put entendre le canon .
Le Sans- culotte a 120 canons , 1350 hommes d'équipage,
outre 150 prisonniers anglais du vaisseau le Warwick , et
300 grenadiers avec quelques compagnies de fusiliers ;
il a aussi à bord le général de terre la Harpe .
Avant-hier , dans la nuit , nous eûmes un furieux coup
de vent du midi , qui jetta à la côte une chaloupe de
Sans-culotte , où elle périt. Un cable de ce vaisseau fut
cassé par la violence de la tempête , et lui fit perdre une
de ses ancres ; les autres heureusement tinrent bon , et
hier on l'affourcha de nouveau .
Nous appienons qu'un autre vaisseau français est entré
dans la rade de la Spezzia.
E
ANGLETERRE. De Londres , le 8 mars 1795 .
·
Le vaisseau le Caledonien partide New Brunsvic et destiné
pour Plymouth est tombé entre les mains des Français
et a été conduit à Brest. Il avait une cargaison si riche en
mâtures et autres munitions navales , qu'on croit qu'elle aurait
suffi pour équiper complettement dix vaisseaux de ligue.
John Sawbridge , écuyer , aldermau et représentaat de la
cité de Londres , vient de mourir. Il était du parti de l'opposition
, et a beaucoup insisté , pendant sa vie , sur une réforme
parlementaire. Il y a quelques années qu'il présenta
une motion en faveur des élections annuelles .
Les rapports que nous recevons des pertes que l'armée anglaise
a faites pendant sa retraite sont des plus affligeaus . De
13000 hommes elle a été réduite à 5000.
( 107 )
RÉPUBLIQUE
FRANÇAISE
CONVENTION
NATIONALE
.
PRÉSIDENCE
DE PELET.
Séance du duoar ,
Germinal.
Une députation de la section "Homme - armé vient féliciter
la Convention sur son décret porta qu'il n'y a pas lieu
à délibérer , quant à présent , sur la convocation des assem
blées primaires . Elle dit que si l'abdication des pouvoirs est
en général un témoignage de désintéressement , en serait dans
des momens difficiles an acte de faiblesse . Elle lui trace ce
qui lui reste à faire , soutenir la patience du peuple , nourrir
ses espérances , soulager ses maux , rallier ses forces contre
ses ennemis de toute espece , contenir les fureurs des faux
dévots en patriotisme , ruiner les espérances des royalistes ,
négocier avec les puissances étrangeres , et assurer à la France
et à l'Europe une paix honorable et solide . L'insertion de
cette adresse au bulletin est décrétée .
Lanthenas propose , par motion, d'ordre , de tranquilliser les
bons citoyens , les vrais patriotes qui , ayant été égarés par le
systême du terrorisme , ont pu faire des maux à leur patrie
avec les meilleures intentions .
Thuriot demande le renvoi de cette proposition aux comités
. Grassous veut que l'on mette en liberté tous les patriotes
incarcérés depuis le 9 thermidor . Il prétend que l'aristocratie
se montre par-tout.
Bourgeois déclare que les comités de gouvernement font la
contre révolution , et qu'il est tems de les démasquer.
Ruamps dit que ce sont tous des
On demande que
tyrans .
Bourgeois soit envoyé à l'Abbaye . La plus grande agitation se
manifeste dans l'Assemblée .
Guyomard : La Convention a décrété que les listes des détenus
seraient envoyés aux sections ; ainsi , ceux qui seront
reconnus innocens seront réclamés . Cette mesure doit satisfaire
tout le monde .
Perrin des Vosges ) annonce qu'un grand nombre de
citoyens sont aux portes de la salie .
La section de l'Unité vient demander de juger enfin les
complices de la plus exécrable tyrannie qui ait jamais pesé
sur les hommes . Elle propose un mode d'épuration et de renouvellement
du corps législatif,
Thuriot rend justice à la pureté des intentions de la section;
( 108 )
mais il dit que la
constitution étant faite , la
représentation
nationale ne peut pas être changée par quart ou par moitié l
s'oppose à
l'impression de ia pétition. Elle est néanmoins.
décretee.
Boissy- d'Anglas faisait un rapport sur les subsistances
lorsque des hommes , des femmes et des enfans , après avoir
forcé les gardes de la porte , sont entrés par flots dans la salle
de la Convention, en agitant leurs bonnets , et criant sort
pain du pain ! Les membres de l'extrémité gauemnets et sur
applaudis . Quelques- uns avaient écrit sun 'de 93.
leurs chapeaux , du pain et la conie : A bas , nous n'avons pas
Legendre veut parler
de pain ! Merlin ( de 71 ville ) parle à quelques-uns , et les
embrasse . Bourgeois et quelques autres lui crient de se mettre
à sa place .
Merlin Ma place est au milieu du peuple. Ces citoyens.
mic discut qu'ils n'ont point de mauvaise intention , et qu'ils
ne se sont réunis que pour faire sentir la rigueur de leurs besoins.
Quel est le calomniateur du peuple qui pourrait croire
que les bras vigoureux qui ont détruit la Bastille voudraient
relever le trône ?
Les cris vont en augmentant. La foule qui remplissait la salle
de la liberté se presse pour entrer dans celle de la Convention
. Elle entre en demandant du pain , et les tribunes lui répondent
par le même cri.
André Dumont parvient à faire entendre quelques mots . Il
dit au peuple que son but est sans doute de faire une demande
, mais qu'au milieu d'un si grand tumulte il est impossible
de se faire entendre. Il lui demande de défiler et de
nommer ensuite une députation qui exprime son vau . On lui
répond : Du pain ! du pain !
Huguet Ce mouvement n'est pas une insurrection . Ces
citoyens demandent du pain , mais ils sont encore plus avides
de la liberté de leurs freres opprimés que du pain . Ils demandent
la constitution de 1793. La foule : Oni ! oui !
Huguet fait la motion de la mise en liberté des patriotes .
Un homme paraît à la barre , et parvient à se faire entendre
Vous voyez devant vous les hommes du 14 juillet ,
du 10 août et du 31 mai. ils ont juré de vivre libres ou
de mouyir. Ils maintiendront la constitution de 1793. It
est tems que la classe indigente ne soit plus la victime
de l'égoïsme des riches et de la cupidité des marchands .
La foule Oui oui ! Vifs applaudissemens de l'extrémité
gauche. ) Mettez un terme à vos divisions ; la patrie ne
doit pas souffrir de vos haines . Faites-nous justice de l'armée
de Fréron , de ces messieurs à bâton Les hommes qui ont
renversé la Bastille ne pensaient pas qu'on en éleverait mille
autres pour incarcérer les patriotes . Où sont passés les grains
( 109 )
qu'a produits la récolte abondante de l'année derniere ? On
méprise les assignats , parce que vous avez rendu des décrets
qui en alterent la confiance . Et toi , montague sainte , qui as
tant combattu pour la République , les hommes du 14 juillet ,
du 10 août et du 31 mai te réclament dans ce moment de crise !
Tu les trouveras toujours prêts à te soutenir et à verser leur
sang pour la République ! L'orateur termine en demandant du
pain , la constitution de 93 et la liberté des patriotes. La
Foule : Oui ! oui ! Bravo ! ( L'extémité gauche applaudit vive
ment. )
Un autre orateur parle au nom de la section de la Fidélité .
Il demande que les jeanes gens de la premiere requisition
soient envoyés aux frontieres , et qu'on décrete sans désenaparer
la liberté des pairiones . La section de la Frateruité
paraît ensuite , et réclame aussi des subsistances . Celle du
Bonnet de la Liberté annonce que , décadi dernier , tous ses
choyens ont opéré une reunion franche et sincere. Gelle de
Bonne Nouvelle demande que la Convention lui dise toujours
la vérité , parce qu'elle ne les effrayera pas , quelque
cruelle qu'elle soit. Le président leur répond que le peuple
ne manquera pas de subsistances ; que les royalistes et les
assassins veulent des agitations , et qu'ils ignorent que la foudre
nationale est prête à tomber sur leurs têtes .
-
Cependant le tocsin sonne , la générale bat .
Duhem demande que les citoyens se retirent pour que
la Convention puisse délibérer. Prieur de la Marne ) les in
vite à se rendre dans leurs sections respectives où les appelle
le danger de la patrie. André, Dumont qui préside l'Assem❤
blée déclare qu'il ne peut pas exprimer son vou sans la consulter
, et qu'il est dans l'impossibilité de le faire . La foule
se retire peu- à -peu ; le calme renait dans la salle . On commence
par décréter qu'il sera levé une force armée de cinquante
hommes pár section , destinée à protéger les arrivages
et qu'il sera fait une proclamation . ( Vogez l'article Paris , )
Isabeau , au nom du comité de sûreté générale : Nous n'avons
pu jusqu'à présent vous faire un rapport de tous les événement
de la journée ; toujours le comité de sûreté générale
s'est occupé avec le comité militaire et celui de salut public
à donner les ordres que nécessitaient les circonstances . Tout
notre tems à été employé à sauver la chose publique . Notre
collegae, Anguis , que le comité de sûreté générale avait
chargé de parcourir différens quartiers de Paris pour y ramener
la paix , a été attaqué et blessé ( Un seul cui se fait entendre :
Ak Dieu ! Les membres de l'extrémité gaache restent muets. )
Dans cette journée il a montré un zele infatigable . Ce soir ,
sur la place du Panthéon , une foule de furieux l'out séparé
de ceux qui l'accompagnaient . If a reçu deux blessures , l'une
à la main, l'autre au visage ; et dans ce moment , il est ea(
110 )
core prisonnier dans une section . ( Murmures d'indignation .
Même silence dans l'exiremite gauche. ) Vos trois comités
ont entendu avec douleur un événement aussi affligeant : aussitôt
ils ont donné des ordres à cette portion précieuse de citoyens
de Paris , qui n'ont pas cessé de vous entourer aujourd'hui . Ils
lui ont donné ordre de se porter vers la section rebelle , et
de ramener notre collegue dans le sein de la Convention .
( Vifs applaudissemens . ) Cet événement ne vous étonnera
plus , lorsque vous saurez que ce matin , entre 10 et 11 heures ,
un homme placé à cette tribune en face du président , écrivait
avec un crayon la liste des représentans qui devaient
être proscrits. Deux jeunes gens de 12 à 13 ans , qui étaient
auprès de lui , s'en apperçurent ; il eut pitié de leur jeunesse ;
il leur dit Allez - vous - en , car nous allons tuer tous les
jeunes geus qui sont ici et plusieurs représentans ; nous avons
dans les environs 20,000 hommes qui vont nous seconder. "
Au moment où nous receyions ce matin ces déclarations
au comité de sûreté générale , nous étions loin de prévoir
que cette journée serait aussi dangereuse ; car c'est un jour
de deuil pour la patrie que celui où la liberté des représentans
du peuple est violée .
Le rassemblement de ce matin a commencé comme tous
les autres rassemblemens , dans la section de la Cité , par
des
femmes et des enfans qui se sont portés chez les boulangers ;
ils ont empêché les citoyens paisibles de recevoir la portion
qui leur était destinée . Ils ont obligé les autorites constituées ,
qui du reste ont fait leur devoir , de leur donner une caisse
qu'ils ont battue dans toutes les rues . L'incendie a bientôt
gagné on a répandu mille bruits affreux pour exciter à l'in
surrection . On a dit que la section des Gravilliers avait été
désarmée la nuit derniere , qu'au grand nombre de députés
avaient quitté Paris .
Calomniateurs infâmes , venez voir cette Assemblée , regardez
combien elle est nombreuse , et jugez s'il vous est encore
permis de dire que les représentans du peuple désertent leur
poste . On a encore répandu que les jeunes gens formaient des
rassemblemens . Prenez-garde , citoyens , que depuis trois décades
ce mot sert de prétexte aux plus noires calomnies , il
est le cri de ralliement de ceux qui veulent allumer la guerre
civile , de ceux qui méditent les attentats les plus horribles ,
et cependant depuis huit jours on n'a pas vu trois jeunes
gens réunis ensemble . On avait dit qu'ils s'étaient rassemblés
au bois de Boulogne . Anguis y a été ce matin , il n'y a trouvé.
personne .
On a dit encore qu'on avait rendu un décret qui permettait
de voyager sans passe - port ; cela est encore une fausseté insigne
; on n'a jamais pense à proposer une pareille loi . C'est
par ces calomnies qu'on avait avili la Convention , qu'on
l'avait calomniée dans le peuple ; mais la contenance ferme
qu'elle a montrée , les lois qu'elle a rendues , prouveront au
peuple qu'elle s'occupe de ses subsistances et de son bonheur.
Vos trois comités , pénétrés de l'importance dont il est qu'un
attentat tel que celui d'aujourd'hui me se renouvelle pas
contre la représentation nationale , et que la liberté des délibérations
soit maintenue , m'a chargé de vous proposer le
décret suivant :
1
1º . La Convention nationale déclare au peuple Français
qu'il y a eu aujourd'hui attentat contre la liberté de ses déli
berations .
2º. Le comité de sûreté générale fera rechercher et traduire
devant le tribunal criminel du département de Paris , les
auteurs et instigateurs de cet attentat . 19
Ce projet de décret est adopté .
André Dumont dit qu'il est temas de faire connaître au
peuple ses bouereaux , et il désigne les membres de l'extrémité
gauche. Ils tiennent des conciliabules nocturnes dans
lesquels ils trament des complots . Il déclare que le but du
mouvement d'aujourd'hui a été d'empêcher de prononcer sur
le sort des trois brigands qui ont inondé la République de
sang , et que la preuve de la part qu'ils y ont eue est acquise .
11 propose non pas de les condamner à mort sans les avoir
juges , mais de les chasser du territoire français . ( De vifs
applaudissemens se font entendre de toutes parts , et le decret
est à l'instant rendu . ) Une quarantaine de membres de l'extrémité
gauche réclame l'appel nominal , et se rend au bureau
pour en signer la demande . Bourdon propose que leurs noms
soient envoyés aux départemens ; ce qui est adopté .
་
Boudin , au nom du comité de sûreté générale , annonce
qu'Anguis , qui visitait les maisons d'arrêt de Paris , a été.
arrêté dans la section du Panthéon , et qu'a peine devenu
libre , il a été arrêté de nouveau dans celle des Thermes de
Julien . L'Assemblée se déclare permanente.
Isabeau Nouvel attentat . Dans la section du Panthéon
on a fait feu sur notre collegue Peniefes , et il est peut-être
mort. La Convention témoigne la plus grande douleur et la
plus vive indignation ,
Barras et Bourdon ( de l'Oise ) demandent que Paris soit
déclaré en état de siége , et que le général Pichegru soit
nommé commandant- général de la force armée de Paris . Ces
deux propositions sont décrétées .
Anguis entre dans la salle et rend compte des dangers
qu'il a courus . Les bons citoyens qui l'ont défendu l'accom
pagnent et reçoivent l'accolade fraternelle du président.
La Convention décrete ensuite l'arrestation des représen
tans Chasles , Léonard Bourdon , Choudieu , Huguet , Ruamps,
( 112 )
Foussedoire , Duhem et Amar. Ils seront conduits au château
de Ham. La seance est suspendue.
Séance de la nuit du 12 et de tridi 13 germinal.
Sur le rapport d'un membre , au nom du comité d'instruction
publique , la commission du même nom est autorisée à
acquerir trois mille exemplaire d'un ouvrage , posthume de
Condorcet, intitule Tableau historique des progrès de l'esprit
humain
Plusieurs sections virunent flicter la Convention sur son
énergie . Un membre demande que les comites solent charg's
de fare un rapport sur ceux des représentans du peuple qui
ont abuse de leurs pouvoirs illimites pour faire verser le sang
des citoyens . Renvoye à ces comités . 1
Isabe 11 , au nom du comité de sûreté générale , fait un
reppon sur la sisuasion de Paris . Tout y est calme , la garde
nationale a moitié un zele infatigable . Une seule portion de
section est en révole , c'est celle des Gravi iers ; mais le
genjrd Pchegia va marche sur elle et investir les rebelles.
Les precautions sont prises pour qu'il n'y ait pont de sang
repando.
Marce , au nom du comité de salut public , denne les détails
dan con bar qui a eu lieu entre une partie de noire escadré
eta fuite de l m Ho ham , dans la Mediter auée . Peu de
jours après sa s rtie de Toulon elle rencontra le vaisseau le
Bervick de 74 canons dont elle s'empara , mais un coup de
vent ayant dispers e , cinq de nos vaisseaux ont obliges de
se batte contre tre ze de l'ennemi , et après a plus vigoureuse
résistance deux out succombe et ont ét pris , mais nous en
avons pris un et coule un autre. Le Sans- culožte , vaisseau
amiral que montait le representant du peuple Letourneury,
a donné quelq es inquietudes , mais on sait qu'il est rentré
dans le port d Hyeres ..
sar-
Isabeu , au nom du comite de sûreté générale , annonce
que le representant du peuple Pericètes a été insulte , dis
mé , jeuté à terre , qu'un coup de fen aéte tiré sur lui ; mais .
le génie de la liberte La sauve , Vifs applau Essemeas .
Merlin ( te Thion ille ) dit que la section des Gravilliers
s'est rappellee la part qu'elle avait éne à la chûte du tyran et
les époques mémorables de la revolution où eile , a figuré avec
gloire , et qu'elle a amene elle - même Leonard Bourdon au
comité de sûrete . Par tout le peuple entend la voix de ses réprésentans
, par- tout it reconnaît les fois , et maudit les intrigans
qui ont de
essaye * servir de lui pour relever Deshafaud
du terrorisme..
Penierès ente dans la salle au milieu des plus vifs applaus
dissemens, Votre bienveillance , dit-il , me dedommage des
1
périls
( 113 )
périls que j'ai courus . Je me rendais sur la place du Panthéon
pour sauver Anguis. J'ai trouvé une foule de citoyens qui
ont voulu arrêter mon cheval , je me suis échappé au galop .
On a tiré sur moi un coup de fusil , et j'ai été arrête à la
place Michel. En vain ai -je déclaré que j'étais représentant du
peuple. Des hommes perfides ou égarés ont prétendu que
j'avais tiré un coup de pistolet sur le peuple . J'ai remis mes
pistolets , et l'on a vu qu'ils étaient encore charges . Alors une
députation a été nommée pour me reconduire au milieu de
vous . Le comité civil et le chef de la force armée de la section
de l'Observatoire se sont bien conduits . Je demande mention
honorable de leur zele . Decrété .
Isabeau , au nom du comité de sûreté générale , annonce
que Billaud , Barrere et Collot partaient en exécution du décret
de la Convention . Ils ont été arrêtés dans quelques sections
et amenés au comité de sûreté générale ; mais ils sont
repartis pour leur destination . Il ajoute que la garde nationale
mérite les plus grands éloges , que la tranquillité regne dans
Paris , qu'on ne voit plus de semence de trouble ,
et que la
reconnaissance est dans tous les coeurs . Applaudi .
Chenier , au nom du comité d'instruction publique , demande
la parole pour septidi prochain , afin d'indiquer les
noyens de diriger l'opinion publique et de fépandre les lu
mieres. Adopté.
Un membre , au nom du comité d'agriculture , fait décréter
un très-long projet de décret sur les baux à chetel .
La séance avait été levée tridi à six heures du soir , et elle
est reprise à neuf.
Bourdon ( de l'Oise ) La loi a été violée , nos collègues partaient
pour le château de Ham ; un rassemblement considérable
a arrêté leurs voitures aux Champs-Elisées , et ils ont
été amenés au comité de sûreté générale . Bourdon demande
que le général Pichegru soit chargé de prendre les mesures
convenables pour assurer l'exécution de la loi. Plusieurs
membres remarquent que la montagne est déserte . Ils conjecsurent
que ceux qui y siégent , au lieu d'être à leur poste ,
conspirent avec les factieux . Il demande l'arrestation de Cambon
, de Thuriot , de Fouché ( de Nantes ) et de Lecointre
( de Versailles ) . Cette proposition , quoique vivement appuyée ,
n'est cependant pas décrétée .
Tallien fait la motion que les trois déportés et les huit
détenus soient mis hors de la loi . Il assure qu'il se forme un
parti pour les délivrer . Kovere dit que , dans la section des
Quinze -Vingt neuf cents individus déliberent sur les moyens
de sauver la patrie , et s'efforcent ainsi de mettre en insurrection
le fauxbourg Antoine.
Le comité de sûreté générale annonce que les déportés
Tome XV. H
( 114 )
les détenus se rendent à leur destination sans obstacle . A
cette nouvelle la séance se leve ."
Séance de quartidi , 14 Germinal.
Dornier , représentant du peuple près l'armée de l'Ouest ,
écrit que nos troupes occupent les villes principales qui étaient
encore au pouvoir de Stoffet et des chouans . Les rebelles
fuient de toutes parts , et Stoflet vient d'écrire au général
Canclaux , qu'en attendant le jour de l'entrevue qui doit
avoir lieu à Rennes , il conviendrait qu'il évacuât le pays où
sa présence annonce des intentions hostiles ; il l'assure de
ses intentions pacifiques et de celles de son armée . Le général
lui a répondu qu'il ne sera point question à Rennes de traité ,
mais seulement d'ajouter quelques signatures à celles qui ont
été déja données , et qu'il peut se rendre auprès des représentans
, qui ne parcourent le pays que pour y réparer lec
maux de la guerre civile et répandre des bienfaits . ( Voyez
Nouvelles officielles . )
Cadroy , en mission dans le département des Bouches - du-
Rhône , annonce que beaucoup de grains sont arrivés à
Marseille , du Levant , de Barbarie et des ports d'Italie . Dubois-
Crancé dit aussi que nous avons reçu 59 mille quintaux
de ris . Ces nouvelles sont fort applaudies .
Isabeau donne les details de l'événement des Champs - Elisées.
Le choyen Prévot , chef d'escadron , est le seul qui
ait conservé ses armes . Plusieurs bayonnettes ont été portées
sur sa poitrine . Raffet , commandant temporaire , le concur
rent d'Hanriot dans la place de commandant général de la
garde nationale parisienne , a reçu un coup, de pistolet à
bout portant. La balle a percé les revers de son habit , sa
veste , sa chemise et s'est amortie sur sa chair. Il est resté
encore six heures à cheval . Son assassin est arrêté . Ce dernier
mouvement a eu lieu à six heures du soir. Les voitures
ont été dételées , les chevaux tués et les captifs menés en
triomphe au comité de sûreté générale . Le général Pichegru
à été deux fois cérné par les malveillans , et a montré dans
ceite circonstance le sang-froid qui distingue son courage .
Aubry , au nom du comité militaire , fait un rapport sur
la nomination aux divers grades et emplois de l'armée . Les
articles qui le composent sont successivement soumis à la
discussion et décrétés .
Barrere et Huguet écrivent à la Convention ; leurs lettres
sont renvoyées ; sans être ouvertes , au comité de sûreté générale .
Boissy d'Anglas expose que les membres du comité de
salut public ne peuvent suffire aux travaux que les circons
tances exigent. "Il propose et la Convention decrete que le
nombre en sera porté à seize , et que le lendemain elle nommera
sept membres , au lieu de trois.
( 115 )
Séance du 14 au soir.
Les habitans de Lyon écrivent à la Convention pour lui
exprimer leur attachement , et lui dire que , si leurs freres de
Paris ne suffisent pas pour comprimer les séditieux , elle n'a
qu'à parler , et qu'ils sont prêts à voler à sa défense .
Merlin ( de Thionville ) : Vous avez frappé les coquins ;
vous avez réprimé les faries de guillotine et détruit le gou- ,
vernement affreux qui encourageait les uns et payait les autres .
Maintenez vous donc à ià hauteur des circonstances , et conduisez
le vaisseau de l'état au port fortune du salu , Je
demande l'impression et l'envoi, à tous les départemens de
l'adresse des Lyonnais . Décrété .
Le représentant du peuple Borel , en mission à Lyon , détruit
le bruit répandu des massacres que l'en prétendait se
commettre journellement. Il y a eu cinq ou six meurtres
depuis deux mois ; mais ils sont l'effet des vengeances particulieres
, et il n'est pas une famille qui n'ait quelqu'un à
pleurer ce qui n'empêche pas que les Lyonnais ne soient
prêts à verser leur sang pour la patrie .
Bourdon ( de l'Oise ) : Rien ne peut plus vous arrêter
dans votre marche que l'etat des finances ; c'est le crédit qui
en fait la bâse , et celui que vous avez mis à la tête a perdu
la confiance publique. Je ne crains pas de le nommer , c'est
Cambon , et je m'étonne qu'il n'ait pas senti la nécessite de
donner sa démission . ( Applaudissemens . )
Cambon Des cinq parties qui composent les finances ,
je n'ai surveille qu'une seule , et je suis prêt à en rendre
compte. Je ne sais ce que c'est que d'abandonner mon poste ,
et j'y resterai jusqu'à ce que la Convention en décide autrement.
A l'égard de ma fortune , elle est connue et constatée .
Un membre lui répond qu'il n'est pas question de sa fortune.
Bourdon : Si Cambon ne veut pas donner sa démission ,
je demande qus la Convention décrete qu'il cesse d'être membre
du comité des finances . Décrété .
Bourdon annonce que le mouvement du 12 germinal était
combiné avec les terroristes des prisons , et qu'ils ont été
effrayés de son résultat . La famine est réelle chez nos ennemis
, tandis qu'elle n'est que factice chez nous ; il pense qu'en
organisant le gouvernement républicain , les puissances nous
demanderont la paix.
Penieres propose de décréter que l'on n'admettra jamais à
la barre plus de vingt pétitionnaires ; Merlin ( de Douai )
répond que la loi existe , et que c'est au président à la faire
exécuter.
Les membres qui doivent composer la commission chargée
de présenter le mode d'organisation de la constitution de 1793
H 2
( 116 )
sont : Cambacerès , Merlin ( de Douay ) , Thibeaudeau , Sieyes,
Mathieu , Lesage ( d'Eure et Loir et Creusé-Latouche .
Séance de quintidi , 15 Germinal.
Le général Pichegru se présente à la barre. Arrivé à Paris ,
dit-il , pour conférer avec le comité de salut public sur les
opérations de la campagne prochaine , il allait retourner à son
poste , lorsque la Convention a voulu ajouter une nouvelle
marque de confiance à celles qu'elle lui avait déja données .
Il se felicite d'avoir concouru avec la brave garde nationale
parisienne au rétablissement de l'ordre et de la tranquillité
dans cette grande cité . Il éprouvera une satisfaction bien douce
en faisant part à ses freres d'armes de l'attitude imposante que
la Convention a prise vis-à -vis des complices de la tyrannie
éteinte au 9 thermidor . Il les assurera qu'ils n'ont plus à
craindre que leurs parens périssent sur un échafaud , tandis
qu'ils versent leur sang pour la patrie . Dès qu'elle veut la justice
et la liberté , ils sont sûrs de vaincre les tyrans qui voudraient
l'asservir. Pichegru reçoit du président l'accolade
fraternelle.
On procede à l'appel nominal . Les trois membres sortant
de comité de salut public sont : Dubois- Crancé , Boissy- d'Anglas
et André Dumont. Les sept membres nommés sont : Cambacerès
, Creusé - Latouche , Gilet , Aubry , Roux ( de la Haute-
Marne ) , Lesage ( d'Eure et Loir ) et Tallien .
Séance de sextidi , 16 Germinal.
La séance d'hier soir a été employée au renouvellement par
quart du comité de sûreté générale. Les membres sortant
sont : Lomond , Boudin , Goupilleau ( de Montaigu ) et Legendre
( de Paris ) , Et ceux qui les remplacent : Chenier , Thibau
deau , Courtois et Sévestre .
Les mouvemens du 12 germinal avaient des ramifications
dans plusieurs départemens . La commune de Rouen a été
agitée ; mais les patriotes se serrant et se réunissant en force ,
n'ont pas tardé de disperser une multitude furieuse et égarée
qui criait vive le roi ! La commune d'Amiens a été également
en proie à une sédition dont les auteurs paraissent être les
complices des séditieux de Paris ; dans cettre commune , la
plus tranquille de la République , des scélérats ont outragé
la cocarde nationale , et voulaient déchirer les drapeaux tricolors.
Le représentant du peuple Bô a été maltraité et blessé
par les séditieux .
Saladin et André Dumont font remarquer les rapports qui
existent entre les troubles de Rouen , d'Amiens et ceux de
Paris ; ce sont les mêmes moyens , le même but. La Convention
décrete que les auteurs seront recherchés et punis.
Berlier , au nom du comité de législation , présente un
( 117 )
$
projet de décret tendant à faciliter aux citoyens détenus pous
des causes légeres , et à l'égard desquels les formalités prescrites.
par les lois n'ont pas été observées , les moyens de sortir de
leur captivite , en ayant recours à la voie de l'opposition èt de
la cassation . Ce projet de décret est adopté .
Pémartin vient , au nom du comité de sûreté générale , faire
le rapport sur la conspiration du 12 geiminal . La dénomination
de thermidoriens , donnée aux partisans de la justice , par une
société de députés , soi - disant démocrates , à la tête desquels
se trouvait le prêtre Ghasles ; les bruits répandus par ces
mêmes hommes que la Convention voulait détruire la consti
tution de 1793 ; les correspondances entre les factieux siégeant
dans la section de la Cité , présidés par Vannee et d'Obsent
et ceux qui tenaient un club dans la section des Quinze-Vingts ;
les manoeuvres pour faire rassembler les ouvriers ; les imprécations
contre la cocarde nationale ; les tribunes de la Convention
remplies de gens dévoués aux conspirateurs ; les ap
plaudissemens donnés à l'insolent orateur des séditieux qui demandaient
les uns un roi , les autres les jacobins ; le bruit répa
du que l'Angleterre nous enverrait des subsistances si l'on rétablissait
la royauté ; les liaisons de l'assassin de Raffet avec
Duhem qui lui avait donné de l'argent quelques jours auparavant.
Tels sont les faits qui basent le rapport de Pémartin. Le
comité s'en rapporte à votre énergie , dit le rapporteur en terminant
: ce n'est plus le tems où , à la voix des décemvirs , les
portes de cette salle étaient fermées ; où , sur des indications
vagues , les comités ordounaient des proscriptions . C'est à
vons seuls qu'il appartient de prononcer sur des représentans
du peuple.
Pemartin donne lecture des pieces à l'appui de son rapport.
Ces pieces consistent en depositions de témoins et de
complices.
Etienne Cornille , âgé de 29 ans , né à Clezac , district de
Montignac , département de la Dordogne , serrurier de profession
, demeurant Grande rue de Chaillot , et venu à Paris en
1792 avec le bataillon des fédérés de Marseille , a déclaré avoir
eté sollicité par Duhem à commettre des actes séditieux . Le
jour que des individus attroupės jettaient les jeunes gens dans
le bassin des Tuileries , il rencontra au palais Egalité Duhem
qui lui donna un billet de 25 liv . , en lui disant qu'il serait
coutent de lui : L'été dernier , environ un mois avant la mort
de Robespierre , il reçut au secrétariat des jacobins une somme
de 100 liv . pour assister aux séances de cette société ; il y
assista dix à douze fois . Il a vu beaucoup de personnes recevoir
de l'argent pour le même objet . Il a connu Duhem aux jacobins
; il le rencontra depuis assez souvent , et Duhem lui serrait
la main en disant Bon jour , camarade . Il ne connaît
aucan autre député , si ce n'ést Elie Lacoste qu'il n'a vu qu'une
1.
H3
( 118 )
fois . Le 13 germinal , Huber , ci- devant membre du comité .
révolutionnaire de Chaillot , lui dit qu'on allait transférer
Duhem et qu'il ne fallait pas le laisser passer. Les voitures
arriverent , il se précipita avec beaucoup d'autres pour arrêter
leur marche , et il déchargea son pistolet sur Raffet , commandant
temporaire . Tel est le fonds de la déclaration faite par Cornille.
Il résulte de plusieurs autres déclarations , que Duhem avait
la prétention de diriger les fauxbourgs , et que dans les rassemblemens
on faisait de lui les plus grands cloges .
Le 10
germinal , soixante ouvriers se rendirent au , cafe Payen , et
demanderent Duhem et Ruamps . Ces deux députés injuriaient
Mertin de Thionville ) , en lui disant : Va à Mayence diner
avec le prince héréditaire de Prusse .
Duhem , Lesage - Sénault et Taillefer se rendaient quelque
fois au café du Commerce , rue Saint- Martin , d'où on les voyait
sortir l'un après l'autre par une porte de derriere .
Le 11 germinal , Cambon étant au bureau de comptabilité ,
dit : Oh , la montagne a des c ....... , elle l'a prouve , elle le
prouvera encore nous sommes 275 à la montague ; la majorité
est royaliste ; il fant qu'ils nous tuent , ou que nous
les tuions. Cambon disoit aussi à la trésorerie : On a bien
fait de guillotiner , et il faut qu'on guillotine encore ceux qui
se plaignent de la Convention ...
Le 12 germinal , Taillefer disait : J'espere que nous allons
-être plus hardis ; tachons de faire renouveller les comités de
gouvernement. Le même jour , il dit aussi à un officier de
hussards : Il y a trop long-tems que tu te bats pour cette
c........ de Convention ..
Le même jour , Granet disait dans la salle : j'ai compté par
mes doigts que c'est aujourd'hui le 1er avril : quel poisson
d'avril nous f ....... à la plaine !
Le 20 ventôse , un homme qui marchait avec des béquilles
, était au café des Arts , au coin de la rue de Tournon ,
avec deux autres individus : il dit que ceux qui avaient les
cheveux retroussés avec des peignes courbés , étaient des contre-
Tévolutionnaires ; qu'il y aurait bientôt un grand coup ; qu'il
y avait dans Paris 50 mille hommes qui pensaient comme
lui , et qui meneraient bien les affaires . Cet homme à béquilles
c'était le prêtre Chasles .
Le 11 germinal , Thuriot rencontra sur la terrasse des
Feuillans le général Saint - Martin et un autre officier , tous
deux de Châlons- sur- Marne. I fit au général des reproches
de ce qu'il avait les cheveux nattés et retroussés avec un peigne ;
il dit ensuise les patriotes ont le dessus . Collot , Billaud
ct Barrere ont sauvé la République ; ils ont employé à la
vérité des mesures violentes : il faut leur faire donner leur
démission , et les tenir enfermés jusqu'à la paix . Cambon et
( 119 )
Duroy ont des preuves écrites que les députés qui ont été
dans le Calvados veulent un roi . On a fait venir ici des mili
taires pour assassiner les patriotes .
Une lettre de Marseille porte que Granet trame avec son
frere la révolte du Midi ; qu'il est ami intime de Maignet : que
ces hommes ont des correspondances secretes , et des émis
saires pour catéchiser les armées : ils disent qu'il n'y a'dans
la Convention que 20 représentans tout au plus dignes d'être
épargués .
-
Une autre lettre de Marseille , du 23 ventôse , contient des
avis sur les manoeuvres de Granet et de Moyse Bayle , qui
donnent à leurs correspondans l'affreuse espérance dun massacre
dont les exécuteurs sont leurs affidés .
Quelques uns
des membres inculpés dans ce rapport demandent la parole ,
et s'efforcent de se justifier , mais les dénonciations se multiplient.
De nouveaux faits sont présentés , et la Convention ,
suffisamment éclairée par la discussion , décrete d'arrestation ,
Moyse Bayle , Thuriot , Caa:bon , Granet , Hentz , Maiguet ,
Levasseur ( de la Sarthe ) , Crassous et Lecointre ( de Versailles ) .
PARIS . Nonidi , 19 Germinal , 3º . année de la République.
La confiance et le calme s'accroissent en proportion
des mesures fermes que prend la Convention . Sa contenance
depuis le mouvement du 12 a fortifié les espérances
de tous les amis de la liberté , et promet une
prompte et heureuse issue à la révolution. Il faut rendre
hommage aux sections de Paris ; tandis qu'une foule
égarée par des conspirateurs ennemis de tout ordre
social , troublait et violentait la représentation nationale
, et préparait un nouveau 31 mai, elles ont parfaitement
secondé , par leur activité et leur attitude énergique
, les résolutions des représentans du peuple . Ce
n'était plus cette masse inerte et insouciante qui a fait
pendant si long-tems l'audace des factieux et des scélérats
, c'étaient véritablement les citoyens d'une grande
ville , tous les intéressés au maintien de l'ordre , de la
sûreté et de la fortune publique et particuliere , chacun
craignait de voir reparaître les proscriptions , les échafauds
, le meurtre et le pillage . On avait devant lesyeux
une si longue et si cruelle tyrannie , que personne
ne pouvait être indifférent sur les moyens d'en
prévenir le retour .
Le rapport sur cette nouvelle conspiration a fourni
H 4
( 120 )
la preuve d'un fait dont tous les hommes clairvoyans
avaient la conviction intime , c'est que l'on distribuait
de l'argent pour opérer ces mouvemens insurrectionnels
que les agens de l'anarchie et du crime ont mis pen
dant si long- tems au nombre des droits les plus sacrés
du peuple Il est maintenant bien avéré que cette armée
de brigands et de coupe-jarrets , ces furies de guillotin
qui inondaient constamment les tribunes des jacobins et
celles de la Convention , étaient soudoyés et entretenus
aux frais des conspirateurs . L'assassin de Raffet en
a fait l'aveu . Mais où prenait-on les fonds ? Si l'on se
rappelle l'annonce faite il y a quinze jours , par Merlin
( de Douay ) , au nom du comité de salut public , de
l'envoi de 40 mille louis par la voie de la Suisse ; si
l'on fait attention aux mouvemens qui se sont manifestés
à Amiens , à Rouen , à Rennes , etc. , qui coïncident préci
sément avec ceux que l'on a essayé de produire à Paris ,
il n'est plus douteux que la mise de fonds ne vienne
et de l'Angleterre et des royalistes , et de tous ceux
qui ne vivent plus que le désordre et de crime . Tous
s'entendaient , tous se servaient réciproquement. Tous
travaillaient à la ruire de la République .
Après avoir terrassé les restes de la faction des anarchistes
, la Convention doit diriger maintenant toute
sa surveillance vers les infames partisans de la royauté.
Ils sont plus nombreux qu'on ne pense . Ils ont pris
successivement toutes les formes tévolutionnaires , sans
jamais cesser de garder secrettement leur allure ; mais
depuis quelque tems ils ne prennent plus la peine de
la masquer. Ils ne peuvent contenir leur joie , lorsqu'ils
voient la représentation nationale attaquée , ou avilie ,
le discrédit des assignats s'augmenter , la pénurie des
subsistances devenir plus inquiétante , les embarras de
la révolution se multiplier ; écoutez - les tous ; ils vous
diront ; les choses ne peuvent aller long - tems comme cela ;
sette république est une chimere.
Voilà ceux que la Convention ne doit pas perdre de
vue. Le parti qui vient de succomber accusait la majorité
de favoriser les idées de royalisme . Le moment est
venu pour elle de se laver de cet odieux soupçon .
Rétablir un roi ! peut- on y songer sans frémir ? Non , ce
ne serait pas terminer la révolution ; ce serait la recommencer
sous une forme mille fois plus terrible . Eh !
eroit- on que nos armées victorieuses , n'auraient triomphé
de tant d'ennemis , que pour venir se courber sous
( 121 )
la puissance d'un seul ? Cela est impossible. Il ne peut
y avoir pour elles , comme pour tous les Français , de
maître que la loi , de souverain que la volonté générale.
Quiconque pourrait former d'autre desir doit être impitoyablement
comprimé . La Convention ne peut penser
ni agir autrement , et elle n'a pas renversé toutes les
factions ennemies de la liberté , pour finir par la trahir
elle-même . 1
Les bons effets de sa conduite , se font déja sentir.
Le crédit public se releve ; la confiance renaît. L'argent
a considérablement baissé depuis quelques jours , surtout
depuis que Cambon est démonétisé , mot assez gai ,
par lequel on a exprimé son exclusion du comité des
finances , et ensuite son arrestation .
Les espérances de paix paraissent très- prochaines . Le
bruit général est que les préliminaires sont arrêtés avec
la Prusse et l'Espagne . La tournure des derniers événemens
ne contribuera pas peu à avancer les négociations .
L'avenir s'offre sous un aspect moins orageux. Il est
permis aux bons citoyens de le fixer avec des yeux plus
sereins.
PROCLAMATIONS AUX PARISIENS ET AU PEUPLE FRANÇAIS .
La Convention nationale aux citoyens de Faris .
En applaudissant au courage avec lequel les citoyens de
Paris supportent les privations qui sont la suite d'un embar
Tas momentané dans les arrivages des subsistances ; en applau
dissant au zele républicain de la garde nationale pour le main
tien de la tranquillité publique et la réparation des atteintes
qui lui out été portées , la Convention nationale croit devoir
vous prémunir contre les pieges des méchans et des conspirateurs
dont vous ne devez être ni les dupes ni les victimes .
Elle ne se dissimule pas combien est pénible votre position
combien la masse de vos besoins est pressante ; cile s'associe
à tout ce que vous souffrez , elle éprouve tout ce que vous
ressentez ; di igée par la double impulsion du devoir et de la
sensibilité , bien loin de songer à quitter son poste , comme
l'infatigable et perfide malveillance l'en accuse , elle s'occupe
avec une active sollicitude des moyens de pourvoir aux be
soins de cette grande cité , et ne négligera aucun de ceux
qui peuvent faciliter les arrivages ..
" De votre côté , citoyens , concourez avec tout le zele du
pationisme à maintenir la tranquillité , et à prévenir toutes
les violences qui iraicut bientôt , cxagérées encoié par vos
( 122 )
ennemis , arrêter sur les routes les approvisionnemens qui
vous sont destinés .
Le calme dans Paris est un moyen de l'approvisionner :
l'union fraternelle multiplie les ressources et répare les répar
titions inegales.
" Touchés de votre situation , citoyens , vos freres des
départemens seconderont avec empressement les transports
des denrées qui vous sont nécessaires ; cette crise trompera ,
par ses heureux résultats , le coupable espoir de vos ennemis .
99 En même tems que la représentation nationale , à travers
toutes les difficultés , accomplit avec l'energie et le sentiment
de ses devoirs la tâche que le peuple lui a confiée , elle vous
invite à vous tenir en garde contre les fabuleuses nouvelles
inventées par le génie de la discorde , et suffisamment démenties
par leur invraisemblance , On cherche à les accréditer
pour vous égarer et aggraver par des inquiétudes les maux
réels que votre verta sait adoucir . Fidelle à son poste , la
Convention nationale emploie tous ses instans à satisfaire à
vos besoins ; si elle accomplit un devoir en partageant vos
souffrances , elle satisfera le voeu le plus ardent de son amour
pour le peuple , en ramenant parmi vous l'abondance et le
bonheur. "
La Convention nationale au Peuple Français , sur les événemens
du 12 germinal.
Lorsque la Convention nationale déclare qu'elle a été
opprimée , c'est annoncer au peupie Français qu'elle ne l'est
plus.
" Oui , citoyens , le 12 germinal a failli éclairer le tombeau
de la représentation nationale et de la République . Une
poignée de factieux avait médité cet attentat. Ils organisaient
depuis quelque tems la révolte et la guerre civile ; ils traitaient
de faction thermidoricane la majorité pure et courageuse de la
Convention nationale , qui a renversé les échafauds et les
Bastilles de la terreur pour leur substituer l'invincible puissance
de la justice et de la sagesse . Des besoins trop réels,
fournissaient un prétexte à la malveillance ; l'arrivage des subsistances
destinées pour l'approvisionnement de Paris , éprouvait
de plus en plus des embarras et des obstacles suscités
par ceux même qui affectaient , avec un zele hypocrite , d'accuser
l'imprévoyance du gouvernement .
,, Leurs émissaires , distributeurs gagés de nouvelles alarmantes
, interceptaient par la terreur les approvisionnemens
qu'avait obtenns la confiance . Les misérables ! ils imputaient
à la Convention nationale cette disette momentanée , tandis ques
c'étaient eux seuls qui évoquaient le spectre de la famine , précurseur
sinistre de tous les fléaux qu'ils travaillaient à remettro
en requisition .
1
( 123 )
Depuis deux jours , des mouvenems s'annonçaient ; l'or
de la corruption circulait par-tout , et il n'était pas rare de
rencontrer des individus , gorges de vin et d'assignats , diriger
leurs pas chancelans vers la Convention , et lui demander des.
subsistances. Enfin , après des agitations commandées et sala
riées à grands frais , le terrorisme et le royalisme coalisés ont
levé tout - à - fait le masque . Des pervers avaient imprimé le
mouvement ; des citoyens égarés s'y joignirent . Tous formant
une masse tumultuense , dont les orateurs s'annonçaient pour,
les hommes du 31 mai , ent forcé le poste de la Convention ,
inondé le lieu de ses séanses , et par des clameurs seditieuses ,
accompagnées de merates et d'outrages , ont paralysé pendant
quatre heures l'existence morale de la Convention nationale ,
en lui , ôtant la faculté de delibérer, même sur leurs propres
besoins.
Et dans cet instant , citoyens , où 25 millions d'hommes
auraient vainement cherché dans cette enceinte les traces de
leur représentation , les comités de gouvernement , chargés de
surveiller l'exécution des lois , ont su remplir leurs devoirs ,.
et donner aux bous citoyens de Paris un sigual, auquel leur
patriotisme s'est empressé de répondre. La générale a battu
dans toutes les sections ; le tocsin a sonné , Paris s'est levé
en armes : la représentation nationale , si scandaleusement
apprimée , a relevé un front libre , et ses délibérations ont
repris le caractere de calme , de sagesse et d'énergie qui convenait
à des circonstances aussi graves ainsi nos ennemis
voyaient dans l'aurore de cette journée , et presque dans sou
midi , un nouveau 31 mai ; les amis de la République ont vu
dans ses résultats et dans son couchant la journée du 9 ther- ,
midor .
Pouvait on se méprendre sur le but des conspirateurs ,
lorsque , dans les rassemblemens , on entendait les mêmes
hommes demander , par un étrange contraste , la royauté et
la constitution republicaine de 1793 , du pain , et la dispari
tion de la cocarde nationale , et tout-à - la-fois l'ouverture du
Temple et celle de l'antre des jacobins !
9 Pouvait - on s'y méprendre , lorsque les conspirateurs ,
pour marcher à des attentats nouveaux , osaient commander à
la Convention nationale une loi pour remettre en liberté ,
sous le nom de patriotes opprimés , leurs anciens complices ,
détenus depuis le 9 thermidor ? il ne leur restait plus qu'à
exhumer Robespierre , ou plutôt à reporter sur le trône de
la tyrannie qu'ils avaient exercée avec lui , les hommes dont
la France entiere réclamait le supplice. Ces hommes , quoiqu'accusés
, semblaient , jusques dans leur défense même ,
opprimer encore la Convention , du haut de cette même tribune
d'où naguères ils dictaient , par milliers , des actes de
proscription : elle était devenue pour eux comme un retran(
124 )
1
chement impénétrable , d'où ils insultaient à notre longue pr
tience . Ils avaient appellé autour d'eux tout l'affreux cortege
de leurs propres forfaits , et les crimes auxiliaires de leurs
complices . La justice nationale en a purgé le sanctuaire des
lois ; elle les a vomis pour jamais du sein de la République .
" Pouvait- on s'y méprendre enfin , lorsque la Convention
retrouvait dans les demandes des factieux les mêmes propositions
qui , depuis un certain tems , jettées comme un tison
de discorde par quelques-uns de ses membres au milieu de
ses délibérations , ralliaient autour de ces derniers tous les
ennemis de la République .
De nouveaux attentats se méditaient et s'exécutaient presque
sous les yeux de la Convention nationale . Les têtes de
plusieurs représentans étaient publiquement demandées . Un
membre de la Convention qui , au milieu des tenebres de la
nuit , s'était porté dans un rassemblement , pour y faire respecter
la loi , avait été méconnu , outrage , trappé et détenu
comme ôtage par une troupe de furieux . Un autre avait éprouvé
le même sort , après avoir essuyé un coup de feu à bout portant.
Les barrieres de Paris étaient fermées , afin qu'aucun
représentant ne pût échapper au massacre.
L'opinion publique signalait à la Convention les princi
paux auteurs de ces manoeuvres elle a su jusques dans ses
raugs même les atteindre et les punir. Les coupables seront
par-tout recherchés et punis ; et la justice , comme la fleche
de Guillaume Tell , saura , eu ne frappant que les coupables',
respecter les enfans de la patrie .
" Plus d'une fois , citoyens , votre voix nous accusa de ne
pas déployer contre les ennemis , intérieurs qui paraissaient
nons cerner de plus près , cette énergie nationale qui a poussé
nos conquêtes sur le territoire étranger ; nous repondons à
ce reproche en cessant de le mériter. Les chefs de tant de
complots sont arrêtés , et il ne reste plus à leurs obscurs
complices que le désespoir et l'impuissance .
Ravivifiée par ces grandes mesures dignes du peuple
qu'elle représente , la Convention nationale va reprendre avec
une nouvelle activité le cours de ses travaux commerce
finances , instruction publique , traités de paix , lois organiques
de la constitution républicaine de 1793 , subsistances ,
tout va remplir désormais les discussions de l'Assemblée . La
mesure des périls sera toujours celle de sou courage ; aujourd'hui
que sa marche est dégagée de toute entrave ,
elle ne
parle plus d'abandonner son poste ; elle renouvelle le serment
d'y rester , et elle dépose ce serment entre vos mains .
" Cette journée , en affermissant la révolution , doit affermir
le crédit national . Les assignats vivifiés par la confiance
déplaceront sans efforts ces subsistances enfouies par là terei
que les besoins appellent sur les marchés communs .
reur ,
( 125 )
Eh ! le crédit national pourrait- il chanceler , lorsque la victoire
vient aussi lui prêter son appui ? C'est à vous , braves
défenseurs de la patrie , de poursuivre votre brillante carriere
; et pour vous exciter à l'héroïsme , nous ne pouvons
que vous rappeler vos propres exemples .
1. Peuple Français , la Convention nationale , forte de ton
appui , saura remplir ses engagemens , terrasser toutes les factions
, cicatriser toutes les plaies , consoler toutes les douleurs
, maintenir la liberté et l'égalité , pourvoir à tous les
besoins ; et elle ne doute pas que les départemens de la République
, pour ôter enn tout prétexte à la malveillance ,
sourds aux rumeurs mensongeres qu'on va s'efforcer de répandre
, ne réunissent avec empressement , dans cet instant
de disette , leurs généreux efforts , pour accorder aux habitans
de la grande commune où siége la représentation nationale
, tous les secours de la fraternité . Peuple Français , la
Convention nationale saura encore assurer les fruits de toutes
les victoires du dehors , et comprimer en même.tems , d'un
bras infatigable et toujours leve , quiconque parlerait de redresser
ou le trône des anciens tyrans de la France , ou les
échafauds de la terreur. ››
TRIBUNAL REVOLUTIONNAIRE.
Délits
Suite de la séance du 9 germinal , relative au procès de Fouquier-
Tinville et des co- accusés dans cette affaire.
imputés aux ex-juges et ex - substituts.
à
Qu'il résulte de l'examen des pieces , qu'une partie des délits
dont ils sont prévenus , sont communs
tous , tandis que
d'autres ne sont que particuliers à certains d'entr'eux ;
Que , dans les délits communs à tous par leur nature , on
remarque à leur appui ;
1. Que beaucoup de jugemens ont été signés en blanc ,
tantôt par les uns , tantôt par les autres ; que ces jugemens ,
datés et sigués d'aucuns , donnent lieu de croire qu'ils étaient
préparés avant l'audience , et qu'on ne faisait paraître les
prévenus que pour la forme , et que tantôt Fouquier , tantôt
Liendon , son substitut , assistaient à ces opérations ;
2. Qu'ils ont refusé la parole aux accusés et à leurs dé
fenseurs , sous prétexte que ce n'était pas le moment de présenter
des moyens de défense , en leur promettant la parole
à leur tour , et en la leur refusant ensuite ; de maniere qu'ils
étaient jugés sans avoir pu se défendre ;
Que , dans les délits particuliers à certains d'entr'eux , on
trouvei
( 126 )
1 °. Que Maire , Deliege , Felix , Harny , Sellier et Lonier,
zent ordonné , sur la requisition de Fouquier , l'exécution d'uh
jugement de mort rendu contre des femmes qui s'étaient
ensuite déclarées enceintes , au lieu d'attendré que les gens
de l'art , qui avaient déclaré qu'ils n'avaient pu connaître ni
s'assurer si réellement elles étaient enceintes , pussent ,, par
le laps de tems , reconnaître la vérité ou la fausseté des déclarations
de ces femmes ;
Que Barbier , Deliege et Bravet , ont ordonnancé un acte
-d'accusation présenté par Fouquier , contre 155 individus
accuses de prétendues conspirations des prisons ; acte d'accusation
rempli de ratures , renvois , interlignes , noms intercailes
, saus approbation ; de maniere qu'à côté de quelques
noms , on trouve le mot bis , désignant deux personnes sous
un seul nom ; ce qui porta la totalité à 158 , qui furent
classés comme condamnés dans un premier jugement en
blanc , du 19 messidor , signé de Barbier et Deliege ; que cette
masse fut ensuite subdivisée en trois parties , pour chacune
desquelles fut rendu un jugement particulier , les 10 , 21 et
22 messidor ; que Barbier et Deliege ont signé le premier
jugement de subdivision ; qu'un accusé , nommé Morin , a été
condamné par ce premier jugement , quoique non porté dans
Pacte d'accusation ; que le second jugement de subdivision ,
signe Maire , Garnier , Launay , sans signature de greffier , est
en blanc , ainsi que le procès - verbal d'audience , signé Coffinhal
; que le troisieme jugement , qui paraît régulier pour
la forme est signe Sellier et Foucault ; que Liendon , substig
tut , tenait l'audience lors du second jugement .
L'accusateur publiq ne peut s'empêcher d'observer que lors
du premier jugement de subdivisions , sur la déclaration
d'un témoin entendu à l'audience , prétendant qu'il n'y avait
point existé de conspiration , Fouquier requit , et Barbier
et Deliege ordonnerent que le témoin serait mis en état
d'arrestation , attendu qu'il était constant qu'il avait existé
dans la maison d'arrêt du Luxembourg une conspiration ,
rendante à égorger la Convention nationale , quoique le jury,
n'eût encore en prononcé , et que lui seul pût , par une
declaration affirmative , fixer au moins l'apparence de l'existence
du fait . ,,
Q'enfin le résultat de ces trois jugemens de subdivision
porte la totalité des condamnés à 158 au lieu de 155 , dont
les noms furent d'abord compris dans l'acte d'accusation , sur
la masse , ainsi qu'il a deja été dit :
30 que Maire a signé un procès - verbal d'audience du g thermidor
, où l'on fait parler le nommé Morin , condamné à
mort par un des jugemens précédens , et exécuté depuis environ
un mois , que Fonquier-Thinville tenait l'audience où l'on
fait figurer l'ombre d'un mort ;
( 127 )
Que Maire Deliege et Félix ont signé le jugement du même
jour , rempli de surcharges , ratures , renvois et blancs non
approuvés , ainsi que les questions soumises au jury , et l'acte
d'accusation , dressé par Fonquier , où il fit figurer vingtsept
accusés , dont vingt cinq seulement furent mis en juge
ment , tandis que , même dans ce cas , vingt - trois seulement
devaient être juges , puisqu'il y en avait quatre de rayés dans
les questions soumises au jury ;
49. Que Harny et Bravet ont signé un jugement du 18 mes
sidor , qui condamne à mort un individu qui fut en effet
exécuté , quoiqu'il n'eût pas été compris dans l'acte d'accusation
, ni dans la position des questions soumises au jury ,
et que Liendon , substitut , tenait l'audience ;
5. Que Bravet , Harny et Naullin ont signé un autre acte
d'accusation rempli de ratures non approuvées , présenté
par Fouquier , que Maire , Foucault et Naullin ont signé un
jugement du 26 prairial , intervenu sur cet acte où il y a.
une foule de ratures non approuvées , et où deux accusés
effacés ont néanmoins été mis en jugement , suivant les ques
tions soumises au jury, quoiqu'ils aient été acquittés ensuite ,
il n'en est pas moins contre tous les principes de les avoir
exposés à l'incertitude d'une déclaration de jury et d'une condamnation
;
7
6°. Que Maire , Bravet , Foucault , Garnier , Launay et
Moulin , ont donné leurs signatures en blanc pour un ordonnance
de prises - de- corps , à mettre au bas d'un acte d'accusation
dressé en blanc , le 8 messidor , par Fouquier ,
rempli de ratures non approuvées , où un accusé , qui se
trouve énoncé dans le préambule , ne paraît pas dans le narré
de l'accusation , que Bravet , Garnier , Launay et Naullin ,
out signé le jugement intervenu à la suite , le 9 messidor.
rempli de ratures , surcharges , renvois non approuvés et où
les noms des accusés sont en blanc dans le corps du jugement
, duquel enfin il en résulte qu'une femme a été acquittée ,,
par conséquent jugée , quoique non comprise dans l'acte d'accusation
1
70. Qne Barbier et Foucault ont signé un jugement du
8 thermidor qui condamne le pere pour le fils , quoique le
dernier fût seul énoncé dans l'acte d'accusation et même dans
le jugement , et que la seule présence du pere , âgé de plus
de 60 ans , dût assez mettre à portée les spectateurs de connaître
qu'il était plus âgé que son fils , qui n'avaient que
22 ans , d'après les pieces du procès ;
-8° . Que Lohier et Lamy ont signé un jugement , du premier
thermidor , où le fils est condamné pour le pere , quoique
le fils ne fût compris ni dans l'acte d'accusation , ni dans la
déclaration du jury
9. Qu'un autre jugement du 29 prairial , ainsi que le
( 128 )
procès-verbal d'audience dudit jour , relatif au prétenda
assassinat de Robespierre , constate la condamnation de 5 individus
non compris dans l'acte d'accusation dressé à ce sujet ,
et qu'on mit au rang des accusés comme leurs complices
quoiqu'ils fussent en état d'arrestation avant la possibilité
de ce prétenda assassinat ; qu'ils furent conduits au supplice
en robes rouges , et que ce jugement est signé Harny , Bravet ,
que Liendon , substitut , tenait l'audience ;
10° . Qu'un autre jugement , du 95 messidor , d'abord daté
et signé en blanc , et ensuite rempli du nom des accusés et
autres actes essentiels à sa perfection , se trouvent signés
Launay , Sellier , Garaier et Maire , Liendon assistant à cette
audience ; qu'il existe dans la procédure une note écrite par
Fouquier où il dit qu'il n'a pas besoin de témoins , quoi
qu'il y en eût , et qu'on eût oublié de les faire assigner ;
recommandant , au surplus , de faire tout ce qu'on pourra pour
que les accusés ne soient pas mis hors de débats . Expressionimpropre
sans doute , qui ne peut annoncer autre chose que la
crainte de voir suspendre les défauts à défaut de témoins .
11º . Qu'on trouve encore des vices bien plus grands dans
le jugement en blanc , du 7 messidor , signé Naullin , Barbier ,
Maire , Liendon , substitut ; que ce jugement ne contient ni les
questions soumises aux jurés , ni leurs déclarations , etqui plus
est , ni l'application de la loi , ni par conséquent de condamnation
, que cependant 39 accusés ont péri ;
12 ° . Que Déliege , Sellier , Maire , ont signé un prétendu
jugement du 3 prairial , infecté des mêmes vices que le précédent
;
13° . Que les vices de la même nature regnent dans un
autre jugement du 23 messidor , signé Liporte , Bravet ,
désigue dans le jugement ; que ce jugement annonce 3 accusés
, tandis que le procès -verbal n'en porte que 27 ; variation
qui fait naître une incertitude très alarmante sur le sort
de cinq individus non désignés dans le procès - verbal ;
( La suite au numéro prochain . )
P. S. Dans la nuit du 17 au 18 , quatre députés décrétés
d'arrestation , dont Lecointre , Crassous , Granet et un autre ,
sont partis pour le lieu où ils seront détenus . On croit que
la maison d'arrêt où on les conduit est vers les côtes de Provence
, puisque leurs conducteurs ont dit qu'ils avaient 200
lieues à faire . Les cinq autres députés décrétés d'arrestation
se sont soustraits , par la fuite , aux recherches qu'on a faites
de leurs personnes.
( N°. 41. )
MERCURE FRANÇAIS.
QUINTIDI 25 GERMINAL , l'an troisieme de la République.
( Mardi 14 Avril 1795 , vieux style . )
Explic. des Charade , Enigme et Logogriphe du n°. 40 .
Le mot de las Charade est Fardeau celui de l'Enigme est
Tabatiere ; celui du Logogriphe est Cornelle , où se trouvent
cor , roc , note , ton , lêle , tort , tronc , corne , crotte , crête , rob.
NOUVELLES LITTÉRAIRE S.
SUPPLEMENT AUX CRIMES DES ANCIENS COMITÉS DE GOUVER- '
NEMENT , avec l'histoire des conspirations du 10 mars , des
31 mai et 2 juin 1793 , et de celles qui les ont précédées ;
ET TABLEAU DE LA CONDUITE POLITIQUE d'un représentant
du Peuple, mis hors de la loi . Par J. A. DULAURE , député
à la Convention nationale , par le département du Puy- de-
Dôme. Prix , 5 liv . pour Paris ; et 6 liv . , franc de port
pour les départemens. A Paris , chez le citoyen LoUVET ,
libraire , palais Egalité , galerie neuve , derrière le théâtre
de la République','\ nº. 246
CE fragment historique est ce qu'on a imprimé jusqu'à
présent de plus complet , sur les conspirations de Robespierre
, Marat et autres connus sous le nom de faction
des anarchistes et des désorganisateurs ... Toujours
plus observateur qu'acteur , dit J. A. Dulaure , je fus placé
par le hasard au centre de la révolution parmi les
hommes les plus marquans , dans le fameux district des
Cordeliers , devenu depuis section du Théâtre - Français ,
où figuraient les Danton , les Fabre- d'Eglantine , les Ca
mille- Desmoulins , les Linguet, les Dufourni , les Billaud-
Varennes , les Marat , les Vincent , les Ronsin , les Chaumette
, etc. ete. De ma section j'ai suivi la plupart
d'entre eux à la société des jacobins , puis à la Convention
nationale . J'ai pu les étudier et les apprécier.
Son récit remonte jusqu à l'époque de la scission des
feuillans , et embrasse ce long intervalle de tems , quả
Tome XV. I
( 130 )
+
depuis 1791 , jusqu'au g thermidor , a vu éclorre tant
d'événemens révolutionnaires , et a été marqué par
tant de crimes. On y voit comment Robespierre était
parvenu , bien avant le 10 août , à se rendre maître de
la société des jacobins , et à donner à son parti tous
les caracteres d'une faction : comment s'établit et se
suivit sans relâche le systême des dénonciations , au
moyen duquel tous les meilleurs patriotes furent éconduits
, calomniés , persécutés et livrés à la fureur de la
populace dont les factieux avaient fait leur cortège .
La conduite politique , ou plutôt anarchique et délirante
de Marat , de ce plat et miserable charlatan , y est exposée
dans la plus grande étendue . Aucune de ses folies
féroces , de ses provocations à la dictature , au triumvirat ,
au tribunat , à l'établissement d'un chef , au pillage , au
massacre , n'a échappé aux recherches de l'historien .
Quoiqu'on ait déja recueilli beaucoup d'anecdotes sur
-la vie de ce personnage , dont l'histoire sera malheureusement
obligée de souiller ses annales , on ne sera
pas fâché de connaître ce que l'auteur en dit , d'après
les renseignemens les plus sûrs qu'il s'est procuré . ·
Marat , ne suisse , du comté de Neufchâtel , perdit
de bonne -heure son pere , qui avait soigné sa premiere
éducation . Sans ressource pour sa subsistance , il était
obligé d'intéresser l'humanité de ses concitoyens de
Boudri , et pour cela il employait un singulier moyen.
Il allait , de porte en porte , réciter des prieres qu'il avait
composées . Le plus ou moins de ferveur qu'il mettait
dans son débit , lui attirait le plus ou moins d'accueil.
Plus grand , il composait des lettres pour ses concitoyens ,
des complimens , des épîtres versifiées , qu'il envoyait
aux personnes riches : il demandait l'aumône en vers et
Len prose. Ainsi on voit que , lorsqu'il quêtait 15,000 liv .
par des affiches , il n'était pas étranger à ce genre de
commerce . Son frere , après avoir enseigné les langues
à Neufchâtel à Genève , est passé en Russie , où il a renoncé
à son pays , et s'est fait naturaliser sujet de l'impératrice
. Je tiens ces détails de diverses personnes du
Comté de Neufchâtel , qui ont connu Marat et sa famille .
-En 1775 , il était docteur en médecine , et il publia un
ouvrage en trois volumes , qui n'est connu que par la
critique qu'en a fait Voltaire ; il est intitulé : De l'homme
ou des principes des lois , de l'influence de l'ame sur le corps
et du corps sur l'ame. Voltaire verse le ridicule sur notre
docteur , lui reproche son mépris pour tous les savans ,
( 181 )
anciens et modernes ; son ignorance et sa présomption
Quand on n'a rien de nouveau à dire , si- non quo l'ame est
dans les meninges , on ne doit pas , dit Voltaire , prodi suer le
mépris pour les autres , et l'estime pour soi-même , à un point
qui révolte tous les lectours . Erso Marat était asPatis
il annonça des expériences sur la lumiere , qui firent
rire tous les savans . Märat se vengea des rieurs par une
brochure remplie d injures grossieres , contre les mambres
de l'académie des sciences . Ce fut vers cette époque
qu'il obtint une place de médecin des gardest - com's
de monseigneur comte d'Artois . J'ai eu occasion , en 17873,
de le voir souvent à Paris , sans savoir son nom ; o était
alors un petit-maître , frisé à triple boucles , icchapeau
sous le bras . Il paraissait partisan de la couradas
faire du parlement ; il paraissait extasié de ses connaiss
sances. Camille- Desmoulins, dans ses révolutions de France
et du Brabant , qu'il rédigeait en 1792 , avec Merlin de
Thionville , a fait , dans son numéro 247 un portrait
très - ressemblant de Marat .
Le projet de dissoudre la Convention conçu par une
branche de conspirateurs avant même l'ouverture de sa
session , celui de l'avilir et de la maîtriser , imaginé par
d'autres , les horribles journées de septembre , les atten
tats du 23 octobre , du 10 mars , et sur-tout ceux du
31 mai et dus juin , y sont racontés dans le plus grand
détail et avec plusieurs circonstances dont quelquess
unes n'étaient pas connues .
La France se souviendra long- tems des suites déplo
rables de ces affreuses journées . L'auteur termine par
ce tableau la partie de son ouvrage , relative aux récits
des événemens généraux . Passant ensuite à ceux qui
lui sont purement personnels, il explique comment et
par quelles causes il s'est trouvé compris dans l'acte
d'accusation du 3 octobre , et enveloppé dans la pros
cription , à laquelle il n'a échappé que par la fuite . On
y voit les efforts que Robespierre avait fait pour l'attirer
dans son parti , et le ressentiment implacable que lut
et ses agens avaient conservé du refus obstiné que l'auteur
avait fait de se joindre à eux. Il raconte des anecdotes
très curieuses sur Desfieux , et sur quelques autres
personnages .
Il termine par une esquisse des maux qu'il a souffert
tant qu'a duré sa proscription. Pendant que mes
assassins jouissaient paisiblement du fruit de leurs atten
eats , moi , errant , fugitif, j'étais sans patrie ; car la tyran
I
( 152 )
nie m'avait tué civilement , et ne me laissait d'asyle que
l'échafaud ; chacun de mes concitoyens avait le droit
de m'arracher la vie ; j'étais sans amis , car je ne pouvais
les approcher sans danger pour eux ; je portais avec
moi la contagion de la mort , et tous ceux qui auraient
eu le courage de m'accueillir , pouvaient en être frappés
; j'étais sans épouse , sans parens ; car je ne pouvais
communiquer avec eux sans compromettre leur liberté.
leur vie ; j'existais , mais comme Damoclès , un fer mortel
était suspendu sur ma tête ...... Ma conscience me
consolait. "
Dulaure nous apprend que pendant plus de huit mois
il a vécu en qualité d'ouvrier , sans habit , sans linge
gagnant 20 sous en travaillant onze à douze heures par
jour mais il se console par le souvenir des bienfaits
et de l'hospitalité généreuse qu'il a reçue de quelques
amis.
Pendant que le supplice menaçait également ma
tête et celle des amis qui osaient me recueillir , pendant
que les recherches les plus actives étaient chaque
jour faites dans l'asyle de tous les citoyens , pendant
que les devoirs les plus sacrés de l'amitié étaient punis
de mort , le brave Penieres , mon collegue et mon ami
m'a cherché dans Paris , au milieu des dangers , un asyle
qu'il a partagé avec ma femme et moi. Il s'exposait d'autant
plus , que notre intimité était connue , qu'on savait
qu'avant mon décret d'accusation nous habitions ensemble
; il s'exposait d'autant plus que lui - même était
très-suspect aux dominateurs , et n'a échappé à leurs
coups assassins que par une sorte de phénomene . II
consentit à être avec nous sans domestiques , sans por
tier, pour n'être pas trahis ; son épouse
, aussi courageuse
que belle , partageait
avec son mari ses sentimens
affectueux
, et nos dangers
; elle partageait
avec
ma femme
les soins pénibles
du ménage
. Penieres
pendant
près de deux mois , a , chaque
jour , exposé
sa
vie pour sauver
la mienne
.
" Je quittai enfin cet asyle si cher. Ma présence était
dangereuse à mes amis ; ils le sentaient moins que moi.
Je voulus porter seul tout le poids de ma malheureuse
destinée. Je partis , et livrai ma vie au hasard d'un long,
d'un périlleux voyage . Je mourrai seul , me disais-je , et
en expirant , je n'aurai pas la douleur d'entraîner des amię
généreux dans ma perte !
* Je dois aussi de la reconnaissance au cit. Rechts
( 193 )
, dans les premiers jouts de ma disgrace , ■a montré
beaucoup de courage et de zele pour me procurer un
premier asyle. J'en dois au cit . Ba ... ot qui , dans mon
voyage , m'accueillit ainsi que son estimable épouse
comme un pere tendre reçoit son fils bien - aimé. Ah
qu'au milieu des tristes réflexions qui m'assiégeaient
dans mon douloureux exil , je me rappelais avec délice
les soins empressés , le tendre intérêt , le vertueux courage
de mes amis ; ces souvenirs consolans me fortifiaient
, adoucissaient la rigueur de mon sort , m'empêchaient
de détester les hommes et la vie.
" Et vous aussi , généreux amis , braves Vaucher et
Moyer , pendant que je fuyais la misere et les persécucutions
, pendant que , réduit à cacher mon nom et mes
malheurs , je végétais dans la classe du dernier des
manouvriers , vous avez distingué , vous avez eu le cou
rage d'honorer l'indigence , trop souvent avilie , par
des égards si précieux dans ma situation ; car alors je
craignais encore plus le mépris que la faim . Vous avez
ouvert mon coeur à l'espérance , vous avez avancé mon
bonheur. Le souvenir de vos soins obligeans ne s'effacera
jamais de mon ame. "
ÉCONOMIE POLITIQUI.
DE LA PAIX dans ses rapports avec les finances , l'agriculture
, le commerce et les moyens de prospérité publique.
OxN s'occupe beaucoup en ce moment de la restauration
des finances . On a parlé souvent des moyens de
raviver l'agriculture , le commerce , l'industrie , et de
jetter les fondemens de la prospérité publique. Tous
ces objets sont subordonnés à un moyen général , sans
lequel il est impossible d'effectuer aucun genre d'amé
lioration ; ce moyen est la paix.
Le désordre de nos finances tient à la différence énorme
entre les dépenses et la recette . Tant qu'on sera obligé
de tirer chaque mois , de la caisse à trois clés , trois ou
quatre cents millions , pour combler le déficit , il ne faut
pas espérer qu'on puisse s'occuper d'un bon systême
de finances , dont la premiere bâse est l'économie.
L'appauvrissement de l'agriculture est dû au manque
de bras , à la rareté des bestiaux de labourage , et
18
( 134 )
la difficulté des moyens de transports . Il y aurait bien
d'autres causes à en indiquer , mais dans l'état actuel
des choses , ce sont celles- là dont l influence se fait sentir
d'une maniere plus instantanée. L'agriculture ne peut
languir, sans que les effets ne s'étendent sur le commerce
et l'industrie , qui n existent que par elle . Quand les
matieres premieres sont rares et d s et d'un prix excessif ,
quand les denrées le sont auss quand les ouvriers
manquent aux manufactures , comme les agriculteurs à
la terre ; quand toutes les relations commerciales avec
l'étranger sont rompues, quand les com nications dans
l'intérieur sont plus dispendieuses que les frais même
de fabrication , quand le signe représentatif de toutes
les valeurs est tombe dans un discrédit effrayant, comment
les ateliers , les fabriques , les manufactures peu
vent - ils être en activité ? Comment le commerce et,
l'industrie peuvent- ils prospérer?
de la guerre.provicus
!
@
'b
A son tour , le discredit des assignats provient de
Leny rop grande abondance , et leur ,abondance, de la
nécessité de pouvoir aux besoins toujours renaissans
Il de I inquietude publique
sur l'avenir , de l'incertitude où l'on est de la proportion
du papier , avec le gage des biens nationaux , d'une
confiance encore mal assurée dans le gouvernement , et
de l'absence même d'un gouvernement véritable .
L'effet du discrédit est d'accreitre sans cesse le dis-
9.
L'agriculteur
et
le
fermier
, qui
ont
encore
quelques
denrées dans leurs greniers , ne sachant pas si dans
un mois , si dans deux , elles ne vaudront pas la moitié
plus , ne se pressent point de les vendre , ou les
vendent actuellement plus cher , dans l'objet d'anticiper
sur le bénéfice prochain qu'ils entrevoient. Le marchand
fait le même calcul ; n'ayant plus de base fixe , ni pour
ses profits , ni pour ses achats , il est obligé d'augmenter
les uns , dans l'incertitude où il est de remplacer la
vente par des achats nouveaux , dont le prix va toujours
croissant , et ce surhaussement progressif s'étendant
des marchandises aux denrées , et des denrées aux
marchandises , il résulte de cette double réaction un
mouvement de hausse continuelle dans les prix , et
de baisse dans la valeur du signe représentatif.
Ainsi , en derniere analyse , finances , agriculture ,
commerce et industrie , tout vient se lier au systême
des assignats , et le systême des assignats ne peut s'amé
liorer d une maniere prompte et efficace , que par la paix.
( 135 )
Elle seule peut produire la diminution dans la dépensel
et l'augmentation des moyens dans la recette . Elle seule ,
en ranimant la confiance , en rouvrant les canaux de
communication , en restituant les hommes à la terre et
aux travaux des arts , les chevaux de trait au labourage
et aux charrois , peut faire baisser le prix des denrées
et avec lui celui de la main- d'oeuvre , et par voie de conséquence
celui des productions manufacturées .
Il ne faut à l'agriculture que des bras , des capitaux
et une protection assurée de la part du gouvernement .
Lá guerre nous a privé des uns l'avilissement des
assignats a diminué la valeur des autres, et les mouvemens
prolongés de la révolution , ont rendu la troisieme
presque nulle . Les mêmes raisons et les mêmes effets
s'appliquent aux opérations industrielles et commer
ciales. Jusqu'à ce que les capitaux aient acquis une
valeur fixe et solide , soit par le retour du numéraire ,
soit par le retrait d'une grande partie des assignats ,
et le crédit de l'autre , on ne doit pas songer aux
moyens d'économie et de prospérité générale . Plus
on envisage cette matiere sous tous ses rapports , plus
on remonte aux différentes causes du mal , et plus
on sent la nécessité d'une paix prochaine..
La guerre
etait
indispensable
; il
fallait
repousser
les
armées
des
puissances
coalisées
qui
, non
-seulement
,
refusaient
de
reconnaître
l'indépendance
et les
droits
du
Peuple
Français
, mais
s'obstinaient
à vouloir
repverser
la forme
de
gouvernement
qu'il
avait
choisie
. Il
fallait
donner
à l'Europe
entiere
la mesure
de
nos
forces
et
de
notre
persévérance
; nos
armées
ont
rempli
avec
éclat
cette
tâche
glorieuse
. Nous
avons
vaincu
; nous
avons
conquis
; il est
tems
de
donner
la
paix
à l'Europe
. L'Eurone
entiere
en
a besoin
.
.
Jamais uerre n'a été ni plus active , ni plus san↳
glante ; jamais armées plus nombreuses n'ont été mises
a -la - fois sur pied ; jamais moyens plus extraordinaires
n'ont été employés pour les soutenir. Mais en mêmetems
, jamais la population des états de l'Europe , les
finances , l'agriculture et le commerce , n'ont éprouvé
un épuisement plus général. La guerre a été préparée
par pacte secret de Pilnitz ; mais alors un roi parjure
et conspirateur contre les lois de son pays , l'
l'avait
lui-même provoquée ; ce roi a reçu le prix de sa trahison.
Cette croisade formidable contre la liberté d'un
peuple , a été soutenue par l'orgueil , plus fort encore
le
14
( 136 )
dans les rois que dans les autres individus ; par l'espoir
de réduire ce peuple à la discrétion des vainqueurs , et
il faut le dire aussi , par le besoin qu'ils avaient de garantir
leur propre puissance . Mais alors la France était
livrée à des énergumenes et à des scélérats qui , dans
leur délire , parlaient de révolutionner l'Europe , et qui
travaillaient , par leurs crimes , à dégoûter leur propre
pays de la liberté et de la révolution ces principes
insensés ont disparu avec leurs auteurs. La coalition
fondait ses succès sur le trouble , l'anarchie et la guerre
civile , qu'elle fomentait et stipendiait dans l'intérieur .
La Vendée s'éteint , et les factieux et les anarchistes
ont reçu leur salaire . La Convention a triomphé audedans
, comme nos armées au -dehors ; le gouvernement
dont on l'a sans cesse détourné , elle ya le donner à la
France .
Quelle espérance peut- il donc rester aux puissances
coalisées ? Aucune. Quels fruits ont- elles recueillis de
la guerre ? La disette et la misere de leurs états , la
perte d'une partie de leur territoire , le mécontentement
des peuples . Elles ont donc un intérêt pressant à la
terminer.
Le nôtre n'est pas moins sensible. Si les puissances
réunies contre nous ont beaucoup souffert ; seuls contre
tous , nous avons souffert davantage . Il ne serait ni
magnanime, ni raisonnable de mesurer nos prétentions
sur nos victoires et nos conquêtes ; mais nos conquêtes
et mos victoires nous ont acquis le droit de pacifier
l'Europe , à des conditions dignes de la grandeur et de
la générosité française . Sans doute il faut à la République
un juste dédommagement des maux qu'elle a
soufferts et des dépenses qu'elle a faites. Mais quel que
soit le parti qu'adopte la Gonvention dans sa sagesse ,
le plus grand dédommagement sera toujours dans le
bienfait de la paix et dans l'organisation d'un bon gouvernement.
Les conquêtes sont séduisantes ; . mais elles ressemblent
à ces grandes fortunes qui ruinent souvent les
propriétaires . Les républiques doivent s'en défier. Il
faut les envisager sous le rapport plus vaste et plus
immédiat de la liberté et du gouvernement. N'y a- t- il
pas pour une république naissante et encore mal affermie
, une certaine étendue de territoire au - delà de
laquelle la liberté devient plus difficile à conserver , et
l'action du gouvernement s'affaiblit et s'éteint ? Des
1
( 137 )
peuples nouvellement conquis , avec des moeurs et des
habitudes si diverses , et des idées sur la liberté si peu
avancées , incorporés tout- à - coup à la République Française
, moins par l'identité d'opinions et de sentimens
politiques , que par la force , n'y apporteraient- ils pas
plus d'inconvéniens que d'avantages ? des peuples acquis
par voie de conquêtes , ne conservent- ils pas cette inquiétude
et ce ressentiment qui font que les vaincus
reçoivent avec répugnance les lois du vainqueur , et
s'unissent difficilement à lui ? n'en résulterait- il pas des
tiraillemens et des agitations qu'il faudrait sans cesse
arrêter ou contenir ? la paix serait - elle solide et durable ,
si elle n'était que le fruit d'un épuisement réciproque.
sans être celui de la justice , et si des puissances avaient
à regretter un trop grand démembrement de leurs possessions
.
Voilà des considérations qui méritent d'être pesées ,
pour le bonheur et la tranquillité de la France et de
son nouveau gouvernement. Il est aisé de se laisser
éblouir par des illusions de convenance , de tracer sur
la carte des limites que l'on dit être naturelles ; mais le
Jeculement de ces limites opéré par la force , ressemble
trop au partage du lion , et s'il suffisait d'avoir besoin
de s'arrondir , pour legitimer ses conquêtes , il n'y aurait
point d'état qui ne fût dans le cas d'attaquer les posses
sions de son voisin pour les ajouter aux siennes , če
qui rendrait les guerres interminables , et serait une violation
perpétuelle du droit des gens qui ne doit pas
être moins sacré entre les nations , que le droit des individus
entre eux. Il y aurait encore à examiner si nos
places fortes , qui forment un boulevard inexpugnable
depuis Strasbourg jusqu'à Dunkerque , ne deviendraient
pas inutiles , et s'il ne faudrait pas en établir d'autres
de premiere ligne pour défendre nos nouvelles limites .
ee qui opérerait un surcroît de dépenses énorme .
Les comités de gouvernement et la Convention se
détermineront sans doute par des motifs de sagesse , de
prudence et d'équité . Quelque soit le résultat de leurs
négociations , nous croyons que la paix est indispensable
pour l'amélioration des finances , de l'agriculture , du
commerce et l'affermissement de la République.
( 138 ) 138)
NOUVELLES ETRANGERES.
Des
ALLEMAGNE.
De Francfort-sur-le- Mein , le 3 avril.
Es lettres de diverses parties de l'Allemagne font
pressentir que l'empereur pourrait bien avoir à soutenir
seul , ou presque seul , cette année , tout le poids
d'une nouvelle campagne contre la République Française
, fatiguée , mais victorieuse , mais encore en état
de porter
'des coups terribles et sûrs , pour peu que sa
marine résiste à celle de l'Angleterre ; d'obtenir des
avantages incalculables sur les puissances coalisées , et
de préparer à plusieurs d'entre elles des regrets bien
amers de s'être mêlées d'une guerre dont leurs ifitérêts
bien entendus devaient les écarter.
C'est ce que paraissent avoir particulierement senti ,
et c'est d'après quoi vont probablement se conduire et
le roi de Prusse , qui , selon toutes les vraisemblances ,
entraînera la défection de plusieurs membres du corps
germanique et l'Espagne avertie un peu tard sans
doute , mais encore à tems par exemple du Portugal
du danger de devenir l'esclave de la Grande Bretagne ,
sous le spécieux prétexte d'être l'alliée et l'amie de la
puissance maritime la plus formidable , qui opprime
réellement ceux qu'elle paraît secourir ou qu'elle pétend
protéger.
Une vérité bien incontestable et bien reconnue aujourd'hui
, c'est l'indispensable nécessité pour tous les
états de l'Europe , actuellement industrieux et commerçans
, ou susceptibles de le devenir , de s'opposer
de toutes leurs forces à la suprématie que l'orgueil et
l'insatiable avidité de la Grande - Bretagne lui font affecter
sur des mers qui doivent être libres pour tous les
peuples de l'Europe , parce que tous les peuples de
l'Europe ont également le besoin et le droit d'exiger
qu'elles le soient .
( 139 )
sb
Nous ne pousserons pas plus loin , pour le moment
ces réflexions susceptibles d'un développement fort
étendu , mais que la lecture des ouvrages bien "faits
sur cette matiere ou les méditations de nos lecteurs
leur suggereront sans doute. Nous nous contenterons
de demander si dans l'hypothèse où la Prusse , une
partie du corps germanique et 1 Espagne renonceraient
a coalition il est probable que l'Autriche , I Angle-,
terre et l'Italie veuillent continuer cette guerre : ruineuse
, estellement hors de proportion alors avec leurs
moyens singulierement affaiblis . Nous répondrous.
qu'elles ne le voudroat pas , et cela par la meilleure de
toutes les raisons , parce qu'elles ne le pourraient pas .
Nous ajouterons que si contre toute apparence , parce
que ce serait contre toutes les regles du sens commun ,
Ces puissances, sopiniâtraient à continuer la guerre , il
ne serait pas impossible qu'elles comptassent bientôt
pour ennemis les états plus sages qu'elles auraient cu
Jusqu'alors pour amis , et qui tourneraient leurs armes
contre elles , afin de les forcer , pour leur propre intérêt,
à faire une paix dont toute l'Europe a besoin , puisque
si le fléau de la gguerre continuait à la désoler , même
partiellement , elle serait bientôt menacée de la famines
et de toutes les calamites que cette premiere , la plus
grande de toutes , entraîne nécessairement à sa suite.
T
2
Encore un coup , la paix particuliere de la Prusse avec la
France ne semble plus être une chose douteuse . Elle est nonseulement
connue , mais même favorisée par deux puissances
du Nord qui se fortifient de plus en plus de leur union.
contre les projets d'envahissement de la Russie , qu'elles n'ont
que trop appris à connaitre par ce qu'elle a fait en Pologne.
Voici ce qu'on mande de Copenhague : Les deux cabinets
sont toujours resolus à maintenir leur neatralité . Celui de
Stockholm paraît en outre n'être pas étranger aux négociations
de paix. On écrit de cette capitale que le secrétaire Signeul ,
attaché à la légation du baron de Staël de Holstein , y arriva
le 21 février de Paris , comme courier : il n'y resta que trois
jours , et le 24 reprit la 1oute de France . Le même jour , il
a riva à Stockholm un courier de Pétersbourg : quant au gou
vernement danois , il a décidé d'armer provisoirement quatre
vaisseaux de ligne , trois frégates et quelques bricks , sous les
ordres du commandant Wengel , et la chose est en train .
On écrit aussi des frontieres de la Pologne , que les coalités
attendent la conclusion de la paix , pour terminer plus facilement
, du moins ils s'en flatteut , le partage suspendu . En
attendant , ils sont convenus de ne garder provisoprement que
140 J
les contrées occupées de fait par leurs troupes . Il ne regne
pas la meilleure intelligence entre les futurs co- partageans .
L'Autriche sur-tout est mécontente de ses associés . Le roi de
Pusse , ajoutent ces lettres , ne doit obtenir son lot que sous
la condition expresse de continuer la guerre contre les Francais
; ce à quoi il ne paraît nullement disposé : l'y contraindre
' est pas facile ; aussi le ménage- t- on pour l'amener tout doucement
à ce qu'on exigerait de lui , s'il n'était pas assez fort
Pour résister aux doubles volontés impériales. La Russie avait
voulu eloigner de Varsovie les ministres étrangers ; mais il
leur a été enjoint par leurs couronnes respectives de rester.
Gelai d'Antriche doit même, se rendre à Grodno . L'avenir , et
même un très-prochain , débrouillera tout ceci . Il ne reste
guères, à dire que comme l'almanach de Liège Le tems qui
est un grand maître nous apprendra beaucoup de choses .
·
P
Mais ce qu'on sait déja , c'est que plusieurs puissances ouvrent
les yeux sur l'ambition de la Russie , et ne sont plus d'humeur
à den curer tranquilles spectatrices de ses effets . Elles viennent
d'avoir une nouvelle leçon , s'il la leur fallait . Le de février ,
le duc de Courlande est arrivé à Pétersbourg ; le 12 , il s'est
présenté à l'audience de Catherine II . De nouvelles négocia
tiens doivent y être entamées , puisque des députés de la noblesse
courlandaise s'y sont rendus à cet effet : ces négocia
tions consisteront vraisemblablement à faire les arrangemens
nécessaires pour que la Courlande devienne une province
russe , en stipulant les intérêts de la noblesse de ce pays :
quant ceux du peuple , ils deviendront ce qu'ils pourront.
Il fallait pourtant que les dispositions du roi de Prusse et
de plusieurs membres du corps germanique à faire la paix ,
De fussent pas encore connues de l'Autriche , il y a quelques
jours ; car les lettres de Vienne et celles des états de l'Italie
dépendans ou alliés de l'empereur , la Toscane exceptée , annonçaient
une continuation de préparatifs , poussés même
très-vivement , pour l'ouverture de la campagne . L'Espagne
était censée en faire autant de son côté ; mais les dates de ces
avis ne coïncidaient pas , à cause de l'éloignement ; si bien que
les choses pourraient avoir changé dans l'intervalle des communications
respectives , nécessaires pour mettre de l'ensemble
dans les mouvemens militaires .
Des lettres de Vienue , du 12 mars , s'expriment ainsi : Le
colonel Gometz , apportant du quartier général du duc de
Saxe Teschen à Heidelberg le plan de la prochaine campagne ,
est venu ici ; il est reparti pour l'armée du Rhin avec des
instructions on ignore quel est ce plan , mais on croit qu'il
consiste à se tenir sur la défensive ; les gens du métier donnent
même des détails , qui sont peut-être plutôt ce qu'ils imaginent
devoir être que ce qui est réellement. Une circonstance bien
douteuse , fausse même suivant toute apparence , qui termine
1
( 141 )
po
se plan de défensive , c'est que Hohenlohe restera à la tête
de 10,000 Prussiens en face de Mayence , et recevra lea
ordres de Saxe-Taschen. Ce plan , continuent les mêmes
litiques , a aussi une partie offensive ; et si les calculs étaient
justes , la coalition aurait en Allemagne 400,000 hommes à
opposer aux, Français.
1
On va également renforcer l'armée autrichienne d'Italie.
15,000 hommes d'infanterie , et deux escadrons de cavalerie
sont en marche pour la Lombardie ; le gouvernement de
Milan a ordre de préparer ce qu'il leur faut : il est question
de contraindre les Français d'abandonner les postes qu'ils
occupent dans le Piemont .
Tous ces projets sont fort beaux , mais ils exigent des dépenses
considérables ; aussi pour attirer de l'argent , a-t- on soin
de donner une grande publicité aux dons qui se sont faits
pour la continuation de la guerre . On en étale des listes
fastueuses où l'on voit les noms des bienfaiteurs , et la somme
qu'ils ont sacrifiée . Les prêtres y figurent plus qu'on ne l'aurait
Gru
Nous venons de parler de ce qu'on se propose de faire
nous allons donner quelques renseignemens sur ce qui se
fait les premiers de Wesel , en date du 14 mars ; les seconds
de Dusseldorf , le 26 ; et les derniers d'ici ,
du 30.
en date
On ne voit faire aucuns préparatifs ultérieurs au - dedans
ni au-dehors de cette place . La communication avec l'autre
rive du Rhin est toujours ouverte . Le 15 et le 21 de ce mois
sont les deux termes après lesquels elle sera fermée .
Des nouvelles du pays de Clèves apprennent que , quoique
les Français aient fait remise d'une partie des contributions ,
ils continuent à y faire des requisitions dont le pays souffre
beaucoup. Le manque de vivres et d'objets de premiere nécessité
a néanmoins un peu diminué , depuis que la communication
avec les Provinces- Unies a été rétablie . Les Français.
d'ailleurs ne commettent aucun excès . Il n'a encore été rien
statué à l'égard de la vente des biens des émigrés ; mais ou
a provisoirement mis arrêt sur leurs meubles , et en général ,
on se sert de leurs maisons pour des magasins , des hôpitaux
et des casernes.
La cherté commence à devenir excessive ici . Le corps des
marchands de cette ville a envoyé deux députés à Bremen
pour y acheter des vivres .
L'armée d'Alvingi , qui se trouve en cantonnement du côté
de Wesel , fait place aux Prussiens , et passera sur le derriere
de Dusseldorf, pour se porter vers Muhlheim , vis - a - vis de
Cologne , où elle formera l'aile droite de l'armée impériale
de l'Empire. Les Prussiens et les Palatins vont occuper Dus((
142))
seldorf , où vingt mille rations de fourages sont ordonnées,
pour leur passage . Une artillerie considerable file, vers Muhl
heim et Mayence. Les régimens antrichiens sont au complet.
Le défaut de complément de ceux brabançons fa engage
T'empereur à ordonner la réunion de deux bataillons en uf
ce qui est exécuté dans ce moment . Un ardre arrive de Vienne,
d. fend à tous les lieutenans , sous - tieutenans de l'armée , d'avoir
de voitures pour completter leurs équipages : un seul cheval.
leur est permis . Les Français ne bordent plus le Rhin vers
Dusseldorf & Heuss seulement , il y a 1500 hommes . Tous
les hôpitaux du pays entre la Meuse et le Rhin sout transportés
à Bruxelles, et une grande partie de l'artillerie de Juliers
et autres villes situées entre ces fleuves , est conduite sur la
Meuse.
L'aile droite de l'armée impériale devait entrer dans la posi
tion que les Prussiens occupaient , et qu'ils quittent pour se
rendre dans les contrées voisines du Bas - Rhin . Sax -Teschen ,
commandant en chef des tronpes de l'Empire , leur a donné
l'ordre de se tenir prêtes à marcher pour prendre une posi
tion entre l'armée de Clairfait et celle d'Alvinzi . Aussi -tôt
que l'assemblée des états du cercle de Suabe a été informée
de cette disposition , elle a envoyé ordre au général Stein ,
commandan des troupes du cercle , de ne point quitter sa
position,
Il parait que la paix est certaine entre les Prussiens et les
Français on dit deja les hostilités suspendues . Les troupes
françaises qui s'étaicut portées sur Wesel , pour cerner cette
place et en former le siége , dès que la saison pourrait de
permettre , sont revenues à Emmerick , se rendant à Nimegue.
Elles seront suivies d'autres divisions qui quittent également
le pays de Clèves , pour être employées soit au siége de
Luxembourg, soit à celui de Mayence.
La conduite des Français dans les possessions prussiennes
de Westphalie , semblait indiquer que ces évenemens devaient
avoir lieu . Ils ont , en général , usé de ménagement ,
et ont laissé subsister les aigles prassiennes. Les administra
teurs prussiens ont continué d'exercer leurs fonctions : il n'y
a que les municipalités particulieres qui aient été reformées
sur le modele français. Il s'est fait des requisitions en viande ,
pain , avoine , chemises et habits ; mais les paysans obligés à
ces fournitures , ont été payés en assignats on en reçus ,
pour demander , en tems et lieu , leur remboursement .
Des lettres de Vienne encore plus récentes , non - seulement
Dous préparent à la paix , mais même l'annoncent comme
presque certaine . Voici ce qu'elles disent :
Pendant que l'on s'occupe du récit des préparatifs militaires ,
on vient de recevoir la nouvelle que le général Ruchel , qui
conduisait en Westphalie l'avant - garde des Prussiens , et le
général Kalkreuth ont reçu erdre de faire balte ; le premies
a Limbourg , le second à Wisbaden, Les politiques se flattens
de l'espoir que les négociations de paix sont très- avancées , et
qu'on est arrivé du moins à une suspension d'armes . Il est
counn que le roi de Prusse agit pour cet objet de concert
avec le corps germanique . On assure que l'empereur se montre
" aujourd'hui fort porté à la paix. On ajoute qu'il vient d'êre
expédié un courier au comte de Lerbach , ministre imperial
à Munich , qui lui porte l'ordre de se rendre de suite à
Vieune , où ce ministre doit recevoir des instructions , après
quoi immédiatement il partira pour Basle .
ITALIE ET ESPAGNE. &
Les lettres de Venise , du 16 mars , annoncent la nomination
et le prochain départ du noble Alvise Querini en qualité de
ministre auprès de la République Française . Celui de France
auprès de la République Venitienne n'a que le titre d'envoyé.
On lui aurait donné le nom d'ambassadeur , si M. Querini
l'avait reçu du séval .
2
On écrit de Naples que le roi des Deux - Siciles vient de
donner une amnistie générale pour les crimes contre l'état ,
pourvu que les prévenus n'aient été que séduits , et qu'ils
viennent faire à tems leur déclaration à la junte établie pour
la recevoir. Cette amnistie. n'est pas pour les personnes arrêtées
dernierement et transportées au fort Gaëta . De leur
nombre sont le duc de Midici , l'abbé Caputi , dom Daniel ,
chef des écoles militaires , et une princesse étrangere dont le
bom n'est pas encore conna . On les accuse d'avoir trempé dans
une conspiration contre le roi de Naples et le repos public.
Les patrouilles ont été doublées pendant la nuit , et il s'etais
tenu quelques jours avant l'arrestation un conseil d'état à
Caserta , dont étaient le général Pignatelli , commandant de
Loutes les troupes , le cardinal Ruffo , le duc Gravina ei le
prince Miliano.
A Rome , les troubles ent recommencé depuis le 3 mars .
On a déja mis la main sur un grand nombre de séditieux . Les
troupes ont l'ordre de urer sur le peuple , en cas de résistance .
Livourne , 18 mars. Des lettres de Venise , portent que le
ministre de France a confié au gouvernement que l'armée
.française a ordre de pénétrer , au printems , en Italie ; mais
qu'elle respectera le territoire de la république de Venise.
7
On apprend que l'escadre de Langara qui se radoube au
port Mahon , a reçn ordre de se réunir à l'escadre anglaise
dans la Méditerranée. Il est ajouté que c'est pour prévenir
cette jonction que l'escadre française était sortie de Toulon .
On assure que les équipages anglais ne sont pas complets
( 144 )
et que leurs vaisseaux qui tiennent la mer , depuis deux ans ,
ne sont pas dans le meilleur état .
L'assemblée des négocians de cette place , tant nationaux
qu'étrangers , a présenté le 17 au gouverneur un mémoire
qu'elle l'a engagée à faire passer au grand due . L'objet du
mémoire est de remercier celui - ci du retour à la neutralité
vis-à-vis la République Française. Les juifs ont concouru à
-eet acte avec les autres négocians .
Madrid , 21 février. Presque tous les généraux de l'armée
de Navarre et de Biscaye , viennent d'être appellés . On
compte parmi eux le comte de Celumera , le duc d'Ossuna ,
le marquis Castelar , le duc Granata , celui de Frias et le
colonel des Suisses , Rediorg . L'un d'eux , le duc d'Ossuna ,
sera néanmoins replacé ailleurs . Le commandement en chef
de l'armée de Navarre , est donné au prince Castel Franco .
On assure que D. Joseph Terrussia , général en chef de celle
de Catalogne , a reçu l'ordre de se replier sur Barcelonne ,
pour mettle cette place dans la défense possible , et d'abandonner
le reste du pays aux paysans de cette contrée ,
se sont offerts pour le garder .
qui
Le roi vient de faire entrer au conseil d'état , le comte
Guesmela , qui a été successivement ambassadeur près le
cabinet de Turin , de Prusse et de Florence .
ANGLETERRE . De Londres , le 13 mars.
Le gouvernement a donné ordre aux principaux émigrés
français qui ont des commandemens dans les corps de troupes
levés ici pour une expédition supposée sur les côtes de France ,
de se rendre sur-le-champ à Southampton , et de se tenir
prêts à s'embarquer au premier ordre pour Jersey. Cette isle
est le lieu du rendez-vous d'où l'on partira pour faire une
descente sur les côtes de France , si les circonstances sont
favorables : on doute beaucoup en général , que cette expédition
, si long- tems annoncée et jamais tentée , ait lien cette
campagne plus que les précédentes .
On ecrit de Falmouth que sir John Warren y est arrivé avec
sa petite escadre , conduisant quelques prises faites sur les
Français et l'on mande que , dans sa croisiere devant Rochefort
, il a brûlé plusieurs bâtimens ennemis à la vue de cette
place. On s'attend aussi à recevoir de bonnes nouvelles de
l'escadre de sir Edouard Pellew , qui croise devant Brest avec
quatre frégates: cette force n'est cependant pas bien formidable .
On mande de la Jamaïque que le cap Tiburon , à St. Domingue
, qui était occupé par nos troupes , a été emporté de
vive force par les Français , qui ont tue beaucoup de monde ,
et ont pris ou coulé bas plusieurs de nos bâtimens qui étaient
dans le port.
RÉPUBLIQUE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE BOISSY - D'ANGLAS.
Séance de septidi , 17 Germinal.
Il y a eu hier soir une séance extraordinaire pour le renouvellement
du bureau . Boissy- d Anglas a etc nommé président.
Les secrétaires sont , Bailleul , Saladin et Lantheuas .
La Convention adopte la derniere reduction d'un décret
rendu hier , et conçu en ces termes :
Art. 1er. Tous ceux qui ont été détenus à l'occasion
de la révolution , ou qui se sont soustraits par la fuite à
un mandat d'arrêt décerné contr'eux pour des circonstances
qui y sont relatives , pourrout , dans trois mois , à compter
la publication decret , se pourvoir par la voie
appel ou cassation contre tous jugemens
rendes depuis leur mandat d'arrêt ou leur fuite , sans qu'on
puisse leur opposer aucane prescription , expiration de délai
ou péremption d'instance , acquises ou suiv nues depuis cette
époque , dont ils sont relevés par la présente loi .
de l'odu
présent
9
M:
II. Les personnes designees dans l'article précédent
pourront se pourvoir dans le même délai ,, par la voie de
l'opposition , devant les mêmes juges , contre les jugemens rendus
en dernier ressort , comme s'ils avaient été rendus par defaut.
III. Le cours de la prescription et de tout autre delai dont
l'expiration emporterait fin de non - recevoir contre les citoyens
ci - dessus indiqués , demeure suspendu depuis le mandat d'arrêt
décerné contr'eux jusqu'à la publication du présent decret.
,, IV. Les condamnes qui , pendant l'eur detention ou
depuis auront librement et formellement acquiesce aux
jugemens rendus contr'eteux ne seront pas admis à réclamer
le bénéfice des dispositions contenues dans les deux articles
ci-dessus. .
39
Dussaux par motion d'ordre , prononce un discours rempli
de sentimens , de justice et d'humanite . Le regne des lois ,
s'approche , dit il , la sécurité rehait achevez la resurrecton
morale de la nation française . Que faisaient nos bourreaux ,
que je ne daigne pas même app : ler nos tyrans , quand ils
organisaient le crime et homicide ? ils avaient grand soin
de degrader l'homme pour l'asservir , d alterer son instinct ,
d'éteindre le flambeaeau de sa conscience , et de le ravaler a
dessous des br
brutes les plus severes . Nous qui voulons main
Tome XV. K
#
H
( 146 )
tenir la liberté conquise à de si grands frais , continuons à
marcher dans un seus diametralement contraire au leur , et
ne désespérons point de faire autant de bien que ces monstres
ont fait de mal .... Législateurs magnauimet et bienfaisans ,
depuis long-tems un voeu secret m'agite et me dévore . L'humanité
, de concert avec le génie tutelaire de nos belles contrées
, me crie : Que erains - tu de le déclarer ce voeu que
nous t'avions déja inspiré au milieu des orages , et dans les
tems les plus désastreux ? parle , il est tems ... Des milliers
de bons citoyens ont été massacrés impitoyablement , et leurs
månes ne sont point encore appaisées . Des hommes séduits ,
et plus faibles que méchans , éclairés par vos lois , demandent
s'y soumettre. A ces deux égards , je voudrais , pour réintégrer
la mémoire des uns et consoler leurs familles désolées ,
qu'on se hâtât de transmettre à la postérité l'affliction et lès
regrets de la Nation française ; et pour rallier les autres à
la société fatiguée des discordes renaissantes , et rétablir la
confiance fraternelle , je voudrais qu'en signe d'expiation et
de clémence , il fût consacré un double autel , l'un à l'hu-'
manité gémissant sur les urnes cinéraires de tant de bons
citoyens immolés ; l'autre à la miséricorde qui , de tous les
sentimens naturels , exprime sans doute le plus exquis .
Ce double autel serait posé solemnellement dans l'une
de ces places qu'on ne traverse plus qu'en frémissant , où
tant citoyens vertueux , la fleur et la gloire de la nation ,
ont misérablement fini leur déplorable vie .
,, Sur l'une des faces il serait écrit : Regrets de la Nation
et sur l'autre Miséricorde aux citoyens égares . 99
L'Assemblée applaudit vivement à cette idée conforme aux
sentimens d'humanité qui la dirigent. L'exécution en est appuyée
per plusieurs membres , et le tout est renvoyé aux
comités d'instruction publique et de gouvernement , pour en
faire un prompt rapport.
André Dumont dit qu'il est important de faire connaître
au peuple entier tous les détails de la conspiration du 12 germinal
, que le rapport du comité de sûreté générale n'a pas
satisfait tout le monde , et que ce rapport ne pourrait être
que fort imparfait , à cause du peu de tems employé à sa
redaction , et de l'impatience de la Convention . Il demande
qu'il soit fait un nouveau rapport pour éclairer le peuple
l'abyme où l'on voulait l'entraîner . Décrété.
sur
J
Fréron obtient la parole , et prononce egalement un dis
cours , dans lequel il établit que la force des conséquences
entraîne la Convention vers une mesure qui , si elle ne satis
fait pas la vengeance nationale , satisfera du moins l'humanité
et honorera les révolutions des 10 thermidor et 12 germinal.
La déportation de Barrere , Billaud et Collot , supprime par
le fait la peine de mort. Sur quel coupable en effet , dit-il ,
9336
·
>
( 147 )
pourrait-on appeller le glave , lorsque les plus grands cria
minels ont échappé à ses coups ? qui panirait- on de mort
lorsqu'on laisse la vie aux décemvirs ? quel crime plus grand
peut-on commettre en révolution , que celui d'opprimer
déchirer , ensanglanter un peuple pendant dix - huit mois ?
Sans doute , il eut été plusjuste de mettre ces grands coupables
hors de la loi ; mais puisque la force des circonstances ne
nous a pas permis de le faire , profitons de cet événement
pour briser les poignards des factions ; arrachons le masque
farouche et terrible avec lequel les brigands avaient défiguré
la liberté.
Cependant , que la mort reste toujours en sentinelle sur
la frontiere pour empêcher de revenir parmi nous les lâches
qui ont déserté leur patre , et prêté leurs bras aux tyrans
coalisés ; ils se sont déportés eux- mêmes , et s'ils rentrent sur
notre territoire , ils n'y doivent trouver que l'échafaud . La
mort doit aussi être conservée pour les fabricateurs de faux
assignats , pour les généraux perfides , et pour ceux 'qui entretiendraient
avec l'étranger des correspondances criminelles
eu qui pousseraient un cri en faveur de la royauté.
Fréron propose un projet de décret d'après ces bases . La
Convention en ordonne l'impression et le renvoi aux comités .
Delcloi , au nom du comité de législation , reproduit le
projet de décret que la Convention avait ajourné , tendant à
traduire en état de prévention pardevant le jury d'accusation
du tribunal de district d'Angers , les membres de l'ancien
comité révolutionnaire de Nantes , acquittes par le tribunal révolutionnaire.
L'Assemblée l'ajourne à trois jours.
La tranquillité etant parfaitement rétablie à Paris , Merlin
( de Thiouville ) , Barras et Anguis remettent leurs pouvoirs.
Lasertion au bulletin.
Séance d'octidi , 18 Germinal.
Le représentant du peuple Loiseau , en mission dans les
départemens voisins de Paris pour assurer les subsistances
écrit de Janville dans la ci - devant Beauce , district le plus
fromenteux , qu'il y a trouvé d'abondantes ressources en
grains , que la méfiance et de faux bruits avaient fait cacher ,
mais que l'attitude ferme qu'il a prise fera reparaître.
Les troubles d'Amiens et de Rouen sont appaisés . A Libreval ,
département du Cher , une révolte à aussi éclaté le 12 germinal
. Taveaux cite un fait qui prouve que tous ces mou
vemens co- incidaient parfaitement avec les projets des Anglais .
Des frégates anglaises quiavaient arrêté des pêcheurs du Havre,
les renvoyerent après leur avoir donné du très - beau pain blanequ'ils
ne leur firent payer que cinq liards la livre , etleur avoir
assuré qu'il ne coûtait pas davantage dans leur pays. C'étair
Laur dire , faites comme nous , ayes ungroi et vous aures da
( 248 ))
béan pain et à bon marché. La perfidie est d'autant plus
grande que le pain vant quatre ou cinq sous en Angleterre
et qu'on en manque dans plusieurs parties de l'isle . Lusertions
au bulletin ...
Rouyer demande que les anciens officiers de marine destitués
arbitrairement jouissent de leur traitement . ou du moins?
de la moitié jusqu'à leur réintégration prochaine . Renvoyét
au comité de marine .
Lakanal , au nom du comité d'instruction publique , fait
décréter que pour assurer la prompté exécution des lois rela
tives à l'instruction publique , et notamment aux écoles priat
maires et centrales , il sera envoyé dans les départemens cinq
représentans. L'arrondissement de chacun d'eux sera détermine
par le comité d'instruction publique avec lequel ils auront une
correspondance suivie .
Dupuis presente des réflexions sur les moyens quis luis
semblent les plus sûrs pour améliorer la fortune publique. I
dit que les domaines nationaux sont la bâse réelle de nos fi
nances , mais que le crédit s'appuie moins sur des bâses
réelles sur
que des bâses d'opinion. La France est riche
en domaines et pauvre en credit . Pour rétablir le crédit , c'est
done l'opinion qu'il faut établir. Le crédit d'un état s'appuie
sur l'idée qu'il donne de sa bonne foi , de ses ressources , de
la sagesse de son sdministration et de la stabilité de son gous
vernement. Telles sont les quatre bases de la confiance.
Dupuis remonte ensuite aux causes du discrédit actuel.11 les»
voit dans les dilapidations de tout genre depuis te 31 mai, etdans
le systême actuel de l'impôt , qui fait que le propriétaire reçoit de
l'état pour vingt sous un billet de cent sous qu'il qui rend
pour toute sa valeur en payement de l'impôt. Il propose de
revoir toutes les lois qui ont compromis la bonne toi und
tionale en altérant ses engagemens avec ses créanciers , d'é•
purer les commissions et administrations , d'établir un tribunal
pour faire rendre compte aux agens de la nation , et de donner
à la constitution de 1793 les développemens dont elle a besoin
pour être mise en activité .
7) PLS.
Le discours et le projet de décrét seront imprimés et renvoyés
à l'examen des comités réunis .
Prieur de la Côte- d'or ) , ɛau nom du comité d'instruction
publique , fait adopter un projet de décret en 18 artièles sur
les poids et mésures, c
L'époque prescrite pour l'usage des nouveaux poids et me
sures est prorogée ; cependant les citoyens sont invités à " donmer
une preuve de leur attachement, à la République en ve
servant des as présent des nouvelles mesures . A l'égard du
décret quis rand obligatoire la division décimale du jour er
de ses parties , l'exécution en est suspendue indéfiniment .
compter de la publication du presont décret , tönte
( 149 )
fabrication des anciennes mesures est-interdite at tonte impor
tation de l'étranger.
•
Liste des députées qui le 12 germinal , ont demandé l'appek
nominal daus l'affaire de Barrere , Collot et Billaud , et dont la
Convention a ordonné l'impression et l'envoi aux départemens
et anx armées .
Je déclare sur mon honneur , que moi dénonciateur , je
demande l'appel nominal , la liberté des opinions étant violée.
Signé , LECOINtre.
Viennent ensuite les signatures suivantes .
Châles , P. P. Duhem , Meaulle , Léonard Bourdon
L. Maribon dit Montauty Michaud , Coupé ( de l'Oise ) ,
Armouville Soubrany , Levasseur ( de la Sarthe ) , Boyaval,
Dupuch , Boutroue , Peyffard Lecarpentier , Lesage-Senault,
Charles Deval , Ingrand , Crassous , Geoffe - Durocher
Ruamps , Levasseur ( de la Meurthe ) , Brunelle , Guimbertant ,
Lefiot , Cochet , Lapenre , Javoques , Prieur de la Marne ) ,
Baiba , Dubarran , Guyaveraon , Frécine , Guyardin, Prieur ,
Lanot , Cambon fils aine , Calon , Thirion , Maignet , Brisson
Bourbotte , Alsite , J. B. Edonart , Gelin , G. Romme ,
Escudier , Alard , Fayand , Guyton , Robert ' , { 1-) Voulland ;
Pons ( de Verdun ) entendent inviter les citoyens des tribunes
à seconder la Convention nationale .
Séance de nonidi , 19 Germinal.
Lesage d'ure et Loir ) , a nom du comité de salut pu»
blic , soumet à la discussion un projet de décret relatif an
remboursement des sommes avancées aux communes « pour
achats de grains , èt tendant â les charger de se pourvoir ellesmeines
des sommes dom elles auraient besoin pour cet objet.
D'après ce projet le conseil genéral de chaque commnue
déterminerait la quotité de la somme , et arrêterait la liste
des citoyens notoirement aisés qui devraient y'contribuer ,
Tarreté serait soumis à l'approbation du district et du département
, chaque citoyen deposera son contingent dans la
caisse dn district , et s'it refuse , il y sera contraint par la
saisie de ses biens . Les subsistances seront reparties entre
les citoyens au prix courant. :
Après quelques débats, ce projet est ajourné.
André Duinout -annonce que l'ou cherche encore
opérer un mouvement', et , que l'on se sert du prétexte que
les députés veulent quiuer Paris . Bourdon ( de l'Oise ) qui
avait obtenu un cougé pour aller voir sa mere à Compiegne
a eté arrêté à la porte Martin par le commandant du poste.
Ceux qui l'environnaient disaient qu'il emportait une grosse
somme d'argent. Dumont propose de prendre des mesures
énergiques et l'ajournement des demandes de congé. Décreté.
(1) Robert a déclaré que celle signature n'est pas la siennese
イ
K3
(( 150 )
Pelet présente des observations sur la simation intérieure
et extérieure de la République . Il s'occupe d'abord des motifs
de la coalition. Il lui paraît évident que la Prusse et la Russie n'y
sont entrées que pour s'assurer le partage de la Pologne, et que
l'Autriche ne s'est pas declarée en faveur de ce malheureux
pays , parce qu'elle a été engagée dans la guerre avec la France.
Dès que Kosciuszko fut battu , Varsóvie pris , et la Pologne
anéantie ; l'Autriche ne pouvait plus négocier avec la France ,
elle devait craindre des voisins devenus beaucoup plus puis
sans , elle devait traiter avec l'Angleterre et conserver l'espérance
de rentrer dans les Pays-Bas. Son systême actuel
est de se tenir sur la défensive au Rhin et de garantir ses
états d'Italie . Gagner du tems sur tout , c'est pour elle gagner
des batailles ; nous devons done lui ôter cette deruiere ressource
, en nous emparant de la Lombardie , nous empresser
de traiter avec la Hollande , et nous verrons alors la fin de
cette guerre sanglante, et nous jouirons du bienfait de la paix ,
le cri de tous les coeurs , le cri de la raison et de l'humanité.
L'orateur parle ensuite de la constitution de 1793 , de la
nécessité de la substituer incessamment au régime révolu
tionnaire ; il explique ce que l'on doit entendre par les lois
organiques de la constitution . Il en critique quelques articles
et entr'autres ceux- ci : La représentation nationale n'est basée
que sur la population ; les assemblées primaires s'assembleront
extraordinairement sur la demande d'un cinquieme de ceux
qui les composent ; le conseil exécutif sera formé de vingt-quatre
membres.:
Qu'on ne m'accuse pas , dit l'opinant , de vouloir censurer
l'acte constitutionnel ; je le repete , il a été accepté par le
peuple , mais je peux le discuter ; le peuple m'en a donné le
mandat.
Pelet déclare qu'il veut la constitution de 1793 , mais qu'il
Ja veut fortement organisée ; que le peuple a l'imprescriptible
puissance de reviser sa constitution . Les auteurs de cette
Constitution lui paraissent avoir eu le dessein de se perpétuer ;
il faut done examiner leur ouvrage , et l'organiser , car ils
n'avaient pas le privilège de l'infaillibilité . Pelet présente un
projet de décret qui porte en substance , que les assemblées
primaires se formeront le 1er , prairial prochain pour nommer
les candidats du conseil exécutif , les membres des corps administratifs
et judiciaires , et délibérer , 1º . si la Convention
sera renouvellée par quart ou par moitié ; 2º . si les quarante
quatre mille municipalités seront supprimées pour n'en conserver
qu'une par canton , et s'il n'y aura qu'une administra
tion et qu'un tribunal par département ; 30 , s'il sera assignė
ane hypotheque spéciale aux assignats .
Ce discours qui a prouvé le talent de Pelet , a été souvent
interrompu par de vifs applaudissemens. L'impression et le
( 151
senvoi à la commission des lois organiques en ont été dés
krétés.
Anguis , au nom du comité de sûreté générale , rend compte
de ce qui s'est passé à la barriere Martin , relativement à Bour
don de l'Oise ) . Il confirme ce qu'avait dit André Dumont.
Les auteurs de ce mouvement ont été égarés par le cocher de
la diligence et le commandant du poste qui sont les seuls at
rais coupables ; ils ont été arrêtés . 1
Roux , au nom des comités de sûreté générale et de salut
public , donne lecture de deux lettres , l'une écrite par le
général de l'armée de l'Ouest qui annonce qu'on a répandu
le bruit que la Convention a voulu sortir de Paris avec la
trésorerie , et que le peuple l'en a empêché ; l'autre du rési
dent de la République à Geneve , qui porte qu'il y a eu à
Paris un combat entre les patriotes et les terroristes , où huit
mille hommes ont péri , et que la Convention est presque dissoute
; c'est la nouvelle qui circule à Geneve . Roux observe
que ces détails coincident parfaitement avec les mouvemens
de Paris , et il ajoute qu'en parle d'un nouveau pour primidi
mais que l'énergie de la Convention saura le déjouer . Applaudi.
*
Séance de décadi , 20 Germinal.
Boursaut fait part à la Convention d'une lettre qu'il viena ,
de recevoir de Dunkerque , qui annonce qu'il est entré hier
dans ce port 14 gros bâtimens chargés de bled et de 480 mille
charges de riz , er que de la tour de cette ville on en signale
une grande quantité d'autres qui sont prêts à entrer ; mais les
alarmistes disaient qu'il fallait attendre des nouvelles de
Paris avant de rien laisser sortir du port . Boursaut en prend
occasion d'avertir les journalistes d'être fort circonspects sur
les nouvelles qu'ils impriment relativement à la situation de
Paris. Il dit qu'il faut toujours combiner la vérité avec les effets
qu'elle doit produire.
Plusieurs sections de Paris viennent féliciter la Convention
sur son énergie ; elles demandent le désarmement des terro
ristes.
&
Chasal , au nom du comité de salut públic , fait décréter la
nomination à divers grades supérieurs dans le corps du génie.
Tableau des communes on doivent centrales , instituées par la loi du 7 venêttôrseepdlaecréensilees écoles
Saint-Flour , Angoulême , Cassonne , Rice , Tournon ,
Bourg , Soissons , Moulins , Gap , Digne , Nice , Tournon ,
Mézières , Foix , Troyes , Carcassonne , Rodés , Aix , Caen,
, Bourges , Tulle Dijon ,
Dinan , Guiugan , Aubusson , Périgueux , Besançon , Montelimart
, Evreux , Chartres , Quimper , Nismes , Toulouse ,
Auch , Bordeaux , la Réole , Montpellier , Lodeve , Rennes
Châteaux-Roux , Tours , Grenoble , Dole , Saint - Sever , Blois
K 4
( 152)
1
le Puy , Nantes , Orléans , Cahors Agen , Mende Angers ,
Valogues , Avranches , Châlons - sur-Marne , Laval , Chaumont ,
Nancy Verdun , Chambery Porentruy , Vannes , Meiz
Nevers , Litfe , Cambrai , Maubeuge , Beauvais , Setz , Arias ,
Saint- Omer , Clermont , Tarbes , Pan ' , Perpignan , Golmar ,
Strasbourg , Lyon , Roanne , Vesoul , Chalous-sur- Saône ,
Antun , le Mans , Fontaineblean , Versailles, Rouen , Fécamp ,
Niort , Am eus , Alby , Toulon , Draguignan , Carpentras
Luçon , Poi iers , Limoges , Epinal et Auxerre .
Marec , au nom des comités de législation , de salut publie
et de sûreté générale , propose d'annuller le décret d'accusation
contre Julien de Toulouse , et de décider qu'il rentrera dans
le sein de la Convention , sauf à ces comites , après l'examen
des pieces , de déclarer , en couformité du décret du 8 brumaire
dernier , s'il y a lieu ou non à examen. Il observe que
toutes les formes et les regles les plus sacrées de la justice ont
été violces à son égard .
Plusieurs membres demandent l'ajournement de ce projet .
et s'appuient sur ce que Julien est inculpé de délits graves ,
et d'avoir falsifié un décret.
Rovere observe que c'est à Chabot à qui l'on a fait ce
reproche , et que tout le monde sait qu'il n'était pas fondé ,
parce qu'on a vérifié que ce n'etait qu'un projet auquel il
avait fait des ratures et des , additions au crayon .
Après quelques débats , la Convention décrete seulement
la mise en liberté provisoire de Julien , et renvoie l'examen
de sa conduite aux comités réunis .
Les petitionnaires sont entendus , et occupent l'Assemblée.
de lens intérêts a ticuliers.
Séance de primedi , 21 Germinal .
Rewbell , au nom du comité de salut public : Vous êtes
á la veille de recueillir les fruits de vos travaux . Les puissances
coalisées qui semblaient avoir juré la perte de la République
, se sont empressées de vous demander la paix , depuis
que vous avez prouve que la justice et l'humanité sont véritablement
à l'ordre du jour . Le comité de salut public ne fait
que suivre vos intentions en négociant des paix partielles ; il
offre aujourd'hui à votre ratification celle qu'il vient de conclure
avec le roi de Prusse . ( La salle retentit d'applaudissemens
. Nous n'avons pas oublié un instant que si les voeux ,
du peuple sont pour la paix , c'est pour une paix glorieuse
conforme à la dignité et aux intérêts de la République . Nous
avons cru qu'il importait de rétablir les relations commerciales.
entre la Prusse et la France , et même de les étendre ,
éloiguant du Nord de l'Allemagne le théâtre de la guerre.
Quant à ce qui regarde les limites , nous n'avons rien fait qui
puisse contrarier voire vou ; mais nous avons cru que la puis
сп
( 153 )
sance qui redevenait notre amie , devait jouir dans le corps
germanique d'une préj • dérance qui peut devenir utile à la
Repablique , et il faut observer que , depuis le commencement
de la campagne , les Prussieus n'out laissé échapper aucune
Decasion de nous donner des témoignages d'estime.
Nous avons été sceandés dans cette pacification par le zele
infatigable de notre ambassadeur en Suisse , le citoyen Barthé
lemy. Nous a'avons employé d'autres armes que la franchise et
loyauté. Applaudissemens . )
Cette paix n'est pas la seule qui soit l'objet des méditations
de votre comité. Mais nos plus acharnés ennemis , instruits
des voeux de plusieurs gouvernemens pour la paix , mettent
tout en oeuvre pour entraver les négociations , pour exciter
des mouvemens et faire naître l'anarchie dans notre intérieur.
2 2
Peuple , ne te laisse pas égarer par ces ennemis perfides ;
an seul moment d'impatience de la part , causerait les plus
grands malheurs . Sois calme et ferme ; compte sur le courage
de tes représentans . Ils assureront ton bonheur. ( Vifs applaus
dissemens.
Rewbell lit les pouvoirs donnés par le roi de Prusse à
M. le baron d'Hardenberg pour négocier la paix à Basle
avec le citoyen Barthélemy , ambassadeur de la République.
11 donne lecture ensuite des articles arrêtés par ces deux
ministres plénipotentiaires , et que le comité soumet à l'examen
et à la ratification de la Convention nationale. Voici les principaux
articles du traité :
Art . Ier, Il y aura . paix , amitié , bonne intelligence
entre la République Française et le roi de Prusse , considéré
comme tel , conime électeur de Brandebourg , et co - état de
l'empire germanique.
" II. En conséquence , l'une des deux puissances contrac
tantes ne pourra fournir aux puissances qui seraient en guerre
contre l'autre , aucun secours ni contingent en troupes , argent,
chevaux , vivres et munitions. L'une des puissances n'accor❤
dera point le passage de son territoire à des troupes enncmies
de l'autre .
III. Les troupes républicaines évacueront , dans les
quinze jours de la ratification , la partie des états prussiens
qu'elles occupent sur la rive droite du Rhiu ; elles conti
nueront d'occuper la partie de ces états , située sur la rive
gauche , jusqu'à ce qu'un arrangement définitif soit conclu
relativement au territoire de la rive gauche , lors de la paci
fication entre la République et l'Empire germanique.
,, IV. En attendant qu'il soit conclu entre les deux puis
sances un traité spécial de commerce , les communications
et relations commerciales entre la France et la Prusse seront
rétablies sur le même pied qu'avant la guerre actuelle . Les
( 454
deux paissances s'engagent à travailler de concert pour éloigner
le théâtre de la guerre du nord de l'Allemagne.
" V. On accordera respectivement la main -levée du sé
questre apposé sur les biens et créances des habitans des
deux états contractans . Tous les prisonniers faits respecti
vement , depuis le commencement de la guerre , quelque soit
leur nombre ou la différence de leurs grades , seront rendus
dans les trois mois , au plus tard , sanf à payer les dettes
particulieres qu'ils auraient contractées durant leur captivitė.
Les prisonniers malades seront rendus après leur guérison.
VI. La République Française accueillera les bons offices
du roi de Prusse en faveur des princes de l'Empire qui
desireraient traiter avec elle .
» VII. Le présent traité recévrá son effet après qu'il aura
été ratifié par les puissances contractantes , ce qui aura lieu
dans un mois au plus tard.
Les articles de ce traité excitent des applaudissemens qui
se prolongent long - tems . La discussion est ajournée à quinidi
prochain. '
Chénier , au nom des trois comités réunis de salut publie,
sûreté générale et législation , occupe l'Assemblée des malveillans
dont les manoeuvres perfides ne se ralentissent point ;
pour les déjouer it présente un projet de décret portant que
le comité de sûreté générale prendra les mesures nécessaires
pour faire désarmer tous ceux qui sont conmus pour avoir
participé aux horreurs commises sous la tyrannie qui a pré
cédé le 9 thermidor , et que les représentans en mission dans
les départemens , et à leur défaut les directoires de district ,
y procéderont également à ce désarmement. Ce projet est
adopté.
Roux rend compte du succès étonnant des moyens employés
par le gouvernement pour les approvisionnemens de Paris .
Des achats faits chez l'étranger sont arrivés en six semaines
dans nos ports , mais il faut des mesures séveres contre ceux
qui arrêtent les subsistances autour de Paris. Quidze voitures
Font été à Vernon sous les yeux des autorités constituées
qui ont toléré la distribution des farines . Le comité de salut
public vient d'arrêter le départ de la gendarmerie et des
citoyens de Paris organisés en compagnie pour protéger les
arrivages . L'Assemblée confirme l'arrêté du comité de salut
public.
Beaucoup de sections de Paris sont venues féliciter la Convention
sur son énergie et sa conduite dans la journée du
12 germinal.
( 155 )
PARIS. Quartidi 24 Germinal , l'an 3º. de la République.
L'esprit public se fortifie de jour en jour , malgré les
tentatives que font les agitateurs pour le faire chanceler et
exciter des mouvemens dont la pénurie des subsistances
est toujours le premier prétexte . On avait annoncé pour
primidi dernier un nouveau coup de ces messieurs . C'est
ordinairement le jour du déc : di ou le lendemain que
l'on choisit pour ces sortes d'expéditions . Une surveil
lance active et de fortes patrouilles ont maintenu la
tranquillité publique , et déconcerté ces nouveaux projets
que l'on s'est vu forcé d'ajourner , comme à l'ordinaire
. L'ajournement ne devait pas être long ; on parlait
seulement de trois jours . Des personnes officieuses
prenaient soin d'indiquer à l'avance que Paris manquerait
tel jour de pain ; quelle que soit l'intention béné
vole de cette prévoyance , la prédiction ne s'est point
réalisée , et les calculs , fondés sur la famine , ont encore
trompé les espérances de ces désastreux prophêtes.
La disette cst grande ; mais on la supporte avec cous
rage , parce qu'on sait que les départemens souffrent
depuis plus long - tems que nous , et nous donnent
Fexemple du patriotisme mis à l'épreuve du besoin . Les
Américains se sont trouvés dans des circonstances plus
difficiles , et ils ont su en triompher.
Cependant l'embarras ne peut être que momentané.
De nombreux bâtimens , chargés de grains , arrivent dans
nos ports ; d'autres sont attendus ; les détachemens
chargés de protéger les arrivages , sont partis pour leur
différente destination . La fraternité n'aura pas à éprou
ver d'obstacles . Nos freres des départemens , qui ont
plus de ressources pour se procurer des subsistances ,
n'oublieront pas que Paris , cette cité si populeuse , ne
peut rien tirer de son propre sein , et que , dans ces
dernieres époques , elle a assez bien mérité de la République
pour espérer quelques sacrifices de la part des
communes environnantes . Tout doit être commun et
solidaire entre les Républicains , la peine comme le
plaisir.
Jamais la position de la France n'a dû être moins
inquietante qu'aujourd'hui. La paix déja conclue avec
le roi de Prusse , et qui sera probablement le signal
( 156 )
d'une paix générale , va fouvrir les relations extérieures ,
favoriser les approvisionnemens et diminuer le nombre
des consommations . Un gouvernement ferme est à la
veille d'être organisé , la Convention forte de sa justice
er le son ensemble va s'occuper sans relâche des moyens
de fire rentrer le numéraire en circulation , de retraire
les assignats et de rehausser le crédit public. Le désarmement
des citoyens qui seront reconnus par
leurs sections
avoir participé à la tyrannie exercée depuis le
31 mai , assure la tranquillité intérieure , et porte le
dernier coup au régime affreux de la terreur. Tout
concourt à présager un avenir plus heureux .
tanecdote suivante est un nouveau trait qui sert à faire
counaître l'esprit , le caractere et le plan de nos derniers
tyraus,
Ces jours derniers Fouquier-Thinville' , en se retirant du
tribunal , dit à Villate , un des co accusés : Si j'avais été plus
Fong- tems accusateur public , beaucoup de têtes queje vois ici seraient
tombées.
Le même jour où la révolte organisée par les anarchistes
éclatait à Paris , à Rouen , à Amiens et dans plusieurs autres
villes de la République , on connaissait à Londres , à Geneve
cette trame infernale. Pitt l'avait annoncée au parlement plusieurs
jours auparavant. Dans le même tems , ses émissaires
ont provoqué un soulevement en Hollande . La faction Orange
s'est livrée à plusieurs excès . Les principaux chefs de cette
révolte ont été arrêtés .
mande de Rennes , sous la date du 11 germinal , que
les Chonans se rendent depuis deux jours , avec leurs chefs
à la reunion convenue . On attend un résultat heureux de ces
couférences.
7
On s'entretient ici avec autant d'intérêt que de curiosité
de l'arrivée du brick anglais armé en parlementaire , et qui
est entre le 8 de ce mois , à six heures du soir , à Roskoff. IL
eu est débarqué deux personnages de distinction avec deux
superbes voitures et un équipage aussi nombreux que brillant ;
tout a pris de suite la route de Paris . Il paraît que ces deux
personnages étaleut attendes . On croit ici que leur mission'
a au moins pour objet l'échange des prisonniers , et on ne
serait pas surpris qu'ils fussent chargés d'une autre mission
encore plus importante..
Le comité de salut public , en présentant à la Convention
nationale le traité de paix conclu le 16 de ce mois entre le
pinistre plénipotentiaire de la République et celui du roi de
( 157 )
Prusse , a annoncé que ses negociations pour le pain n'avaient
commencé avec succès qu'à l'époque où les puissances étran
gerés avaient vu la justice reprendic sur la France l'empire que
Ja erreur y avait exercé précédemment.
Cette assertion nous paraît justifiec par l'article suivant des
instructions , données par le roi de Prusse au comte de Goltz ,
communique à l'ambassadeur de la Republique , Barthelemy
le 5 pluviose dernier,
Extrait de l'artille 11 des instructions de M. Goliz..
3
Il n'aura pas de peine à dissiper l'injuste soupçon dont
le sieur Oche a fit mention vis vis du major de Meyercul ,
comme si l'on ne manifestait des dispositionspacifiques que dans
la vue de faire échoner les négociations et de rejetter ensuite sur
le gouvernerent français , l'odieux de la poursuite de la gueras
La loyauté généralement reconuue du caractere de sa majeste
suffrait scule pourdamoutier le peu de fondement d'une idéc
reille . Le comte de Golz , en s'appliquant à l'écarter , trouvera
Poccasion d'entretenir et d'affermir les sentimens que la façon de
penser du son amour pour ses peuples , son desir de faire
Teur bonheur , out de tout tems inspiré pour lui à la nation fran
çaise , et dont elle a même quelquefois doané des marques
pendant le cours de cette guerre . Il saura leur faire sentir
qu'un prince doué d'une ame de cette trempe , n'avait pa
qu'être évolte des horreurs qui , sur-tout sous le régime
affieux de Robespierre , ont marqué l'époque de la révolu
uon française que loin d'en vouloir à la nation meme
loin d'avoir prétendu la subjuguer ou décider de ses mesures
le roi n'avait désiré que lui voir retrouver le bonheur qu'elle
avait perdu dans des convulsions intestines , dout le triste
spectacle l'avait toujours pr fondement afflige ; que sa majest
charmée du changement décisif qui paraissait être venu dans
sés principes et dans la marche de son gouvernement depuis la chite
du parti jacobin , en tatt le plus heureux augure pour le
rétablissement de sa tranquilite ; qu'elle desirait sincerement
le retour de la paix , et qu'ambitionuant même , si les circonsfances
s'y prêtaient , le beau role de pacificateur d'une grande
partie de l'Europe , auquel elle se croyait appellée par les
sentimens d'équité et de justice impartiale qu'cile trouvait
au fons de son creur ; cette vue salutaire devait seule eie
garante de la réalité de ses dispositions pacifiqu
2
1
ques . 99
Un moi sur le lieu des conferences qui out amené le traite
de paix.
´´'On s'est demandé plusieus fois , pendant le cours des o
gociations , pourquei les conferences ue se tenaient pas à Pari
La réponse à cette question se trouve dans le passage de la
fettre de Barillelemy , au comité de salut public , du 5 pluviose
:
Un de mes premiers soins avait été de faire entendre
i
( 158 )
A M. de Goltz que nos négociations auraient nécessairement
une marche plus rapide et plus efficace , si le siége en était trans
porté à Paris , puisqu'alors chaque article pourrait , en quelque
maniere , se traiter sous vos yeux , ce qui abregerait infiniment
les discussions inséparables d'une affaire aussi épineuse.
Ce ministre plénipotentiaire m'a répondu que , quelque vif
que fût son empressement de retourner à Paris , il me ferait
cependant quelques observations , qu'il me priait de vous soumettre
, dans l'espérance qu'elles vous frapperaient de même
qu'elles avaient fait une grande impression sur le roi de Prusse
et sur son ministere .
La premiere porte sur l'impossibilité de s'isoler à Paris ,
et de s'y prémunir contre l'influence des insinuations et des
intrigues inévitables dans une ville où l'esprit de parti regne
encore .
2º . On ne peut se dissimuler qu'il existe jusqu'à Paris
une queue du comité autrichien qui , quoiqu'elle se soit repliée
sur elle -même , s'agiterait nécessairement dans tous les sens
pour entraver la négociation et la faire échouer.... "
Voilà , ce semble , la elé des agitations qui , depuis quelques
tourmentent Paris . tems
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Suite duprocès de Fouquier-Tinville et des co- accusés dans cette affaire.
Suite des délits imputés aux ex -juges et aux ex- substituts .
14° . Que pareil jugement , du 3 prairial , signé Deliege
Sellier et Maire , annonçant quatorze accusés contient
une irrégularité de plus , attendu qu'il n'existe dans la pro
cédure , ni dans le jugement aucune espeee de déclaration
du jury , sur les questions posées et signées par Sellier ,
accompagné d'un certain espace destiné a inserire la décla
Tation du jury , au bas duquel se trouve la signature isolée
de Coffinhal ;
15. Qu'à la suite d'un acte d'accusation , fait par Fouquier
et non ordonnancée , plusieurs accusés de Port -Malo ont été
écroués et condamnés par jugement du 2 messidor , conte
nant des renvois , et surcharges , non approuvés ; que
Bravet et Foucault ont assisté à ce jugement , et signé ; que les
questions posées présentent les mêmes vices que le jugement ;
16°. Qu'il fut dressé un acte d'accusation par Fouquier , le
8 thermidor , contre 28 accusés , dont les trois derniers sont
portés en marge ; l'on remarque dans eet acte le mot absent
côté de six noms ce qui reduisait le total des présens à 22
tandis que les questions posées en présentent 28 , tous déclarés
9
( 150 )
convaincus , à l'exception d'un seul ; que le jugement dans
lequel on remarque des absens , ratures , ne prononce que sur
le sort des 29 accusés , dont un acquitté , de maniere qu'il n'y
i eu ancune espece de jugement sur les six accusés , quoique;
déclarés convaincus par les jurés. Comment donc les jurés,
ont-ils pu déclarer convaincns 27 accusés et én acquitter un
autre , tandis qu'on n'en avait présenté que 22 à l'audience ?
17°. Que dans la procédure iustruite contre les ci - devans:
fermiers généraux , il n'existe aucune déclaration du jury
quoique plusieurs aient été condamnés ; que le jugement de
condamnation du 9 floréal , signé notamment par Foucault
contient trois lignes raturées non approuvées ; Liendon , substi- ,
tut , tenait l'audience,
Délits imputés aux jurés.
L'accusateur public demandera aux jurés accusés , s'ils ont
rempli les devoirs que leur imposaient leurs sermens .
10. Quand ils coupaient la parole aux accusés et à leurs
défenseurs qui n'avaient encore pu rien dire pour leur dée ,
fense , sous prétexte qu'ils étaient assez instruits , quoique
le simulacre des débats n'eût dure souvent qu'une heure et
demie , malgré qu'il y eût soixante accusés , et quelquefois
plus.
2°. Quand , rentrés dans la chambre de leur délibération
ils y reçoivent Fouquier et d'autres , prévenus d'avoir dirigé
et influencé leurs opinions , ou quand ils en sortaient pour
faire la conversation avec des personnes étrangeres.
30. Quand ils rentraient dans la salle des audiences , cinq
ou six minutes après en être sortis , pour y émettre leurs opi
Diens sur une masse d'accusés , souvent si considérable que lo
tems de l'audience n'avait pas suffi pour les interroger suv
leurs noms , prénoms , âges , professions et demeures.
40. Quand ils donnaient une seule déclaration sur tous
les accusés en masse , sans distinguer le fait d'avec les prévenas
.
5. Quand ils déclaraient convaincus le pere pour le fils
et le fils pour le pere , quoiqu'il fût impossible de se mé
prendre sur la difference des personnes , attendu la grande
différence des âges ;
69. Quand ils déclaraient convaincus plus d'accusés qu'il n'y
en avait à l'audience , et même dans les actes d'accusation
3
7°. Quand il prononçait sur des actes d'accusation , tantôt
remplis de ratures , interlignes et non intercalés , tantôt ne :
contenant que le préambule d'usage dont le narré etait en
blane ; tantôt sans être ordonnance , et souvent sans qu'on
leur ait réuni aucunes pieces et sans avoir entendu aucun
témoin ;
8°. Quand il disaient que quand il n'y avais point de délits ,
fallait en imagines 3.
My
( 100 )
i
* go. Quand ils disaient qu'ils n'avaient besoin , pour les con
vaincre , que de voir les accusés j
10. Quand , dans des orgies qu'ils faisaient avec Fouquier ,
'ils calculaient , avec une joie feroce , le nombre de victimes
qui devait passer chaque decade.
4119 Quand ils dénonçaient , arrêtaient , ou faisaient arrêter,
traduire au tribunal révolutionnaire , ceux dont ils étaient
les ennemis , pour s'en rendre ensuite les juges , malgre les
recusa ons que les accusés pouvaient leur adresser .
120. Quand ils disaient que pour donner leurs declarations ,
ils n'avaicht besoin que de voir la lettre qui était à coté du
from 2
13°. Quand ils se vantaient de n'avoir jamais voté que la
mort , en s'exasperant contre ceux des jurés qui ne les imitaient
pas
ཙྪི་ ཟླའི ? ༩་ " »
14. Quand ils disaient en allant à l'audience , qu'ils aliaient"
faire feu de file ; qu'il fallait que toute la fiuance , les prêtres
et les nobles y passent ;
*** E
15. Quand , désespérés de voir la fermeté des condamnés
qu'on conduisait au supplice , ils disaient que s'ils étaient accusateur
public , ils feraient préalablement faire une saignée aux
condamnés pour qu'ils ne montrassent pas tant de fermeté ;
, 16. Quand enfin le résultat de leurs opérations a envoyé
tant de personnes à la mort , que le nombre n'est pa pas connu
mais daquel on pourta juger quand on verra environ 1300
condamnés dans moins de cinq décades , par 85 jugemess ,
dout la plupart n'en out que le nom , qu'ils ne méritent même pasa .
17. Quand , sans savoir ui lire , ni écrire , ils ont accepté
les places importantes de jurés , dont quelques - uns d'entre
enx ont rempli les fonctions dans un état habituel d'ivresse ;
*189.71Quands, enfin , ils entretenaient des liaisons , des
correspondances avec les conspirateurs tombés sous le glaive
de la loi , qui les avaient fait nommer aux places de jurés .
L'accusateur public doitalajastice eta la vérité, d'annoncer que,
dans les reproches qu'il vient d'établir , quelques- uns paraissent
communs à tous les accusés , tandis que les autres ne sont
applicables qu'à une partie , et quelquefois même à un seul
d'entre eux ; mais qu'il a été force de présenter ces reproches
eu masse par l'impossibilité de pouvoir faire à chacun d'entre
eux l'application qui lui convenait , parce que d'un côté
les procès - verbaux d'audience ne nomment pas souvent les
jurés qui ont vaqué , et que presqu'aucun ne les nomine
toas ; parce que , d'un autre côté , il existe des témoins qui
ont connaissance de plusieurs faits très-gves , mais qui ne
se rappellent pas du nom des jares , et ne pourront les désigner
clairement qu'en les voyant à l'audience .
(Ĺa suite au numéro prochain . Į
( N°. 42. )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 30 GERMINAL , l'an troisieme de la République,
( Dimanche 19 Avril 1795 , vieux style . )
SCIENCE S. MÉDECINE.
DE LA MÉDECINE OPÉRATOIRE OU Traité élémentaire des opérations
de la chirurgie . Deux volumes in- 8 ° . de 1000 pages
avec 7 planches gravées en taille douce ; par PIERRE LASSUS,
professeur public de l'école de santé de Paris. Prix , 17 liv .
broché ; et 21 liv . 15 sous , franc de port , par la poste ,
pour les départemens et les pays conquis . A Paris , chez
BUISSON , libraire , rue Hautefeuille , nº. 20.
Le but de l'auteur est de présenter aux jeunes praticiens
la substance d'un grand nombre de livres , souvent
très-volumineux , obscurs , pénibles à lire , dont la
plupart sont écrits en langues étrangeres , et de leur
donner ce résultat de son travail comme le terme de
nos connaissances actuelles en chirurgie . Ce projet est
sage et conforme à la situation présente des sciences ,
qui offre une disproportion énorme entre la quantité
des écrits qui en traitent , et le nombre des vérités bien
constatées qu'ils contiennent. Le citoyen Lassus l'a déja
exécuté avec succès par rapport à l'anatomie , dans un
discours historique et critique , qui renferme beaucoup de
choses en peu de paroles . Il faut beaucoup de précision
dans les idées , et un discernement sûr pour écrire
ainsi sur les sciences , et c'est ce qu'on trouvera dans
l'ouvrage que nous annonçons . Un recensement exact
de nos véritables connaissances dans tous les genres ,
dégagé du fastidieuxverbiage dans lequel elles sont noyées,
serait ce qu'il y aurait de plus utile pour leur progrès.
On pourrait , par ce moyen, employer à découvrir , ce
qu'on ignore , le tems et les forces qu'on use péniblement
à connaître ce qu'on a su.
L'auteur expose le motif qui l'a déterminé à donner
à son ouvrage le titre de médecine opératoire . C'est , dit-il ,
pour faire sentir que l'arbre de la science ne donne ni fleurs ,
Tome XV. L
#
*
( 162 )
ni fruits , lorsqu'on en arrache les branches . La dénomination
de médecine convient certainement à l'art qui guérit par
Topération de la main , comme à celui qui guérit sans
employer de moyens méchaniques . Ce dernier est à
l'autre comme le genre est à l'espece . Il y a des notions
qui leur sont communes , il Y en a qui sont plus
indispensablement nécessaires à l'un qu'à l'autre . Qui
peut douter , par exemple , que l'anatomic approfondie
ne soit la base de l'art du chirurgien , puisqu'il agit
immédiatement sur les parties du corps humain avec
des instrumens qui peuvent devenir dangereux par
l'ignorance de ces mêmes parties ? La connaissance des
forces qui animent nos organes , celle de leurs déterminations
naturelles selon l'âge , le sexe , le climat ,
les moeurs , les habitudes , la constitution individuelle ,
est une science plus propre au médecin . C'est par là
qu'Hippocrate a brillé plus que par les connaissances
anatomiques , que les moeurs , la religion et les lois de
son pays lui interdisaient . Ceux que leut enthousiasme
porte à croire qu'un homme de génie ne peut rien
ignorer , étendent l'infaillibilité d'Hippocrate sur l'anatomie
comme sur tout le reste . Ils ressemblent à ceux
qui trouvent tout dans la bible ou dans les ouvrages
d'Homere . La vérité est cependant qu'avec un peu moins
de prévention ils trouveraient des erreurs d'anatomie
dans les écrits d'Hippocrate.
L'auteur de cet ouvrage a - t- il prétendu que la médecine
, proprement dite , est inséparable de la chirurgie,
et qu'on ne saurait cultiver l'une sans l'autre avec quelque
fruit ? Nous croyons qu'au contraire par cela même
qu'elles vont
à leur but
par des
moyens
différens
, il
serait
plus
utile
à l'avancement
de toutes
les deux
d'être
considérées
séparément
.
L'attention , quand elle est concentrée dans un seul
objet , parvient à des résultats bien plus sûrs , que lorsqu'elle
entreprend d'en embrasser un grand nombre
-la-fois. S'il fallait , en étudiant la médecine , approfondir
la physique , la chymie , l'histoire naturelle , etc. ,
parce qu'elles ont des rapports plus ou moins intimes
avec celle-là , la capacité humaine ne pourrait point y
suffire . Dans l'enfance de la médecine , bornée à un
petit nombre de notions grossieres et incertaines sur
chacune de ses parties constituantes , elle pouvait sans
peine mener celles - ci de front. Mais lorsque les conmaissances
se sont multipliées , elle a été nécessitée à
( 165 )
9
ཝཱ
une division qui devait accélérer ses progrès. La gloire
est une et elle consiste plus à exceller dans un seul
genre , qu'à être médiocre dans plusieurs. Il ne faut
donc point qu'une vanité mal entendue cherche à réunir
ce que la nature des choses tend à séparer. Le bon sens
semble avoir conduit la chirurgie elle-même à se diviser
, et nous croyons que ce n'est point sans de grands
avantages pour l'art et pour l'humanité , que plusieurs
chirurgiens se sont livrés spécialement à l'étude et à la
pratique de certaines parties de l'art chirurgical . Celur
qui fait tous les jours l'opération de la taille ou de la
cataracte , doit nécessairement acquérir sur ces objets
une supériorité , que ne doit point atteindre un chirur
gien qui pratique indistinctement toutes les opérations ,
et qui , par conséquent , n'a que rarement l'occasion
de s'exercer sur chacune d'elles en particulier. La dextérité
et la promptitude de nos mouvemens ne s'acquierent
qu'en faisant souvent ce qu'on a fait une fois .
Un objet sans cesse offert à la réflexion finit par donner
des vues dont ne se doute point celui qui ne le voit
qu en passant. Cette division , dont la chirurgie se
trouve susceptible , ne serait pas praticable pour la médecine.
Elle fut cependant établie chez les Egyptiens
qui avaient des médecins pour chaque partie du corps .
Quoique Platon ait dit que tous les Egyptiens étaient
médecins , parce qu'en effet leurs législateurs les avaient
assujettis à beaucoup de pratiques diététiques , il y a
lieu de croire que la médecine n'était pas plus avancée
que les autres sciences , chez ce peuple , qui , à l'avan
tage d'être instruit le premier , a joint le malheur de
l'être plus mal que les autres . La médecine , considérant
moins la forme et la structure mécanique des organes
que la nature des forces qui les font agir , forces qui ont
leur source commune dans la racine du systême nerveux ,
il s'ensuit que , sous quelques développemens que s'offrent
nos mouvemens vitaux , l'unité de leur principe
ne permet point d envisager ces développemens comme
des affections isolées ; de sorte que des médecins ne
pourraient point borner leur attention à certaines ar
ties ou maladies exclusives , sans un grand désavantage
pour la science et pour les malades.
La chirurgie est aussi astreinte , mais dans une étendue
plus limitée que la médecine , à la considération des
puissances vitales . Gette force plastique , qui préside à
la cicatrisation des plaies , qui s'offre avec différens de-
I :
( 154 )
grés d'énergie , selon les diverses circonstances de l'âge ,
du tempérament , des lieux , du genre de vie , est aussi ,
pour le chirurgien , un sujet de réflexions aussi importantes
que délicates . Le citoyen Lassus paraît en avoir
senti toute l'étendue , en exposant les questions que doit
se faire un chirurgien , qui se dispose à faire une opération.
Telles sont , entr'autres , lessuivantes : Quel est le
malade ? Est-ce un vieillard , ou un enfant ; est- ce une
" personne faible ou robuste ; d'un bon ou d'un mauvais
tempérament ? Quelle est la maladie ? quel est
1 son caractere , son siége ; est - elle ancienne ou récente,
simple ou compliquée d'accidens? ... Pourquoi fait- on
l'opération ? est- elle d'une nécessité indispensable?
" n'expose-t-on point le malade au danger de perdre
" vie ? ne serait- il pas plus avantageux pour lui de vivre
1 avec sa maladie , que de courir les risques d'une opé
la
ration incertaine ? Ces dernieres questions sont sur
tout intéressantes . Quoi de plus important et de plus
nécessaire que ce calcul de probabilités , où l'on balance
la destinée d'un homme ? Mais le plus souvent ,
ou l'on s'embarrasse peu de le faire , ou la raison , qui
seule devrait l'ordonner , y est consultée la derniere ;
l'impatience ou la pusillanimité du malade , d'une part ;
la légereté ou la confiance présomptueuse de l'opérateur,
d'une autre , en troublent ordinairement le résultat ,
La nature de ce journal ne nous permet point d'entrer
dans le détail des matieres qui sont traitées dans cet ou
vrage . Nous nous bornons à dire que tout y est exposé
avec beaucoup de méthode et de clarté , et qu'il nous
paraît un des plus convenables à la classe des lecteur
auxquels son auteur l'a destiné .
'AI
VARIÉTÉ .
LETTRE AU REDACTEUR.
J'ai lu avec plaisir, citoyen , dans le 3ge . n° . du Mereure,
votre excellent article sur l'abus du mot Peuple , et j'ai
regretté qu'on n'ait pas accueilli la proposition faite il
y a quelques jours dans le corps constituant , de déclarer
attentatoire à la souveraineté nationale cette qualification
, lorsque des communes , districts ou autres
fractions du peuple se l'attribueraient dans leurs péti(
65 )
tions. Je crois qu'il faudrait même défendre par une
loi précise de s'en servit dans aucune assemblée politique
; car , comme vous l'observez très -bien , c'est de la
fausse acception de ce nom que viennent presque tous
les malheurs de la révolution.
Je me suis rappellé à ce sujet un principe très -remar.
quable que j'entendis , dans les premiers tems de la
République , avancer et soutenir par un jacobin - mon•
tagnard - sansculotte , et que j'ai observé avoir été quel
quefois mis en pratique par ses dignes confreres' , qui
n'ont néanmoins jamais osé le proclamer à leur tribune
ou dans leurs écrits . Cet homme , quoiqu'il fût étranger
( piémontais ) , et seulement en France depuis un
année , et qu'il n'eût aucune teinture de l'art militaire ,
avait été fait lieutenant-colonel , au mois d'août 1791 ,
par Danton , Robespierre , etc. , qu'il avait connus aux
jacobins où il s'était faufilé depuis peu de mois . Son
seul mérite était un organe sonore , quelque facilité dans
la parole , et il en avait profité plusieurs fois à la tribune
de la société-mere.
Après un souper que lui donnerent , lors de la prise
de la Savoie , plusieurs de ses connaissances dans une
auberge d'un des fauxbourgs de Chambéri , où nous
étions logės , on lui observa qu'il ne pourrait se faire
ouvrir la porte de la ville , parce qu'on en remettait tous
les soirs les clés au général en chef. Cette sage précau
tion lui parut ridicule , et devoir être proscrite par le
peuple de la ville , pour lequel elle était à la vérité trèsgênante.
On lui observa qu'elle rentrait dans les droits
d'un général d'armée , nécessairement maître de prendie
toutes les mesures utiles à la sûreté de ses troupes.
Il répondit que les pouvoirs d'un général n'étaient
rien devant la volonté du peuple que s'il voulait convo
quer celui de Chambéri , il citerait devant lui le général
pour y rendre compte de sa conduite , l'approuver , le
blâmer ou le punir : que s'il refusait de comparaître on
pourrait le pendre sans qu'il y eût rien à dire , parce que
ce serait un acte de souveraineté .
Nous nous récriâmes sur ces étranges propositions.
Nous lui dîmes que le peuple était l'universalité des citoyens
français dont la volonté était exprimée par l'organe
de ses représentans réunis en assemblée nationale ,
et qu'il ne pouvait être dans une fraction de département
ou de ville , sur-tout n'étant pas légalement rage
Wemblé.
( 166 )
Vous n'êtes point à la hauteur des principes de l'insurrection
, nous répliqua- t-il , et cela n'est I
pas étonnant,
ils ne sont bien connus qu'à Paris . Tout homme qui
juge qu'il y a danger pour la chose publique , a le droit
de convoquer le peuple dans une église par le moyen
du tocsin ; chaque citoyen est le maître d'y venir ; tant
pis pour ceux qui ne s'y rendent pas ; mais les présens
n'en sont pas moins censés composer le peuple , et ont la fasulté
d'en exercer la souveraineté toute puissante .
Voilà bien , citoyen , les principes mis en pratique au
2 septembre , au 31 mai , etc. Des poignées de brigands
se rassemblaient avec ou sans tocsin , entraînaient quelques
hommes faibles , et dans leurs repaires combinaient,
arrêtaient leurs attentats ou leurs, massacres , comme formant
le corps entier du peuple , et exerçant sa souveraineté
. Nous n avons encore point de loi qui détermine
les caracteres de la véritable insurrection , de celle qu'il
est indispensable de réserver au souverain , pour le défendre
contre l'oppression de ses mandataires , mais que
lui seul doit avoir le droit d'employer , et non pas de
turbulentes et séditieuses fractions ; il est essentiel que
les politiques discutent cette matiere importante , dans
ce moment sur- tout où la commission des sept va s'occuper
des lois organiques qui puissent parer aux vices
que la constitution renferme , principalement dans cette
partie .
Avant de finir , je crois devoir revenir au jacobin en
question. Lors du prétendu fédéralisme on le fit venir
dans le département de l'Isere , pour y faire la guerre
(dans les tribunes) aux patriotes zélés et probes qui s'avisaient
de réclamer contre l'oppression qu'on faisait éprouver à la
Convention . Delà il marcha avec Albitte contre les Marseillais
, et il fit le rare exploit de prendre avec un escadron
de dragons cing de leurs officiers qu'ils avaient
envoyés pour parlementer . En récompense , il fut en
moins de deux mois promu aux grades de chef de brigade
, général de brigade , général de division et général en
chef de l'armée des Alpes , puis de celle des Pyrénées
orientales. ( Observez qu'il était simple médecin deux ans
auparavant . Heureusement sa nullité était si complette
que l'ancien comité de salut public fut obligė , malgré
son sans- culottisme , de le remplacer par Dugommier.
( 167 )
ANNONCES.
Appel à l'impartiale postérité ; par la citoyenne Roland , femme
du ministre de l'intérieur , ou recueil des écrits qu'elle a rédigés
pendant sa detention , aux prisons de l'Abbaye et de Sainte-
Pélagie ; imprimé au profit de sa fille unique. Premiere partie ;
prix , 5 liv . pour Paris , et 6 liv . pour les départemens. A Paris ,
ehez Louvet , libraire , maison Egalité , galerie neuve , derriere
le théâtre de la République , nº . 24.
Nous reviendrons sur cet ouvrage qui n'est pas moins intéressant
comine fragment historique , que per le sentiment que
l'on doit à l'innocence égorgée , et par la destination du prix
de l'édition .
Le Fédéraliste ou Collection de quelques écrits en faveur de
la constitution proposée aux Etats -Unis d'Amérique par la
Convention convoquée en 1787 ; publiés dans les Etats - Unis
d'Amerique , par MM. Hamilton , Madisson et Jay , citoyens de
l'état de New- Yorck Seconde édition , deux volumes in - 8° . de
900 pages , sur bean papier. Prix , 18 liv . broché ; et 22 liv . ,
frauc de port , par la poste pour les départemens . A Paris
chez Fr. Buisson , libraire , rue Hautefeuille , nº . 20 .
Point de terrorisme contre les assignats , on Triple union entre
la foi publique et les interêts des finances et du commerce.
( No Ier. ) Brochure in -8° . Frix , 30 sous pour Paris , et 35 sour
pour les départemens . A Paris , chez Buisson , libraire , rue
Hautefeuille n° . 20 ; et chez Petit , libraire , au palais Egalité ,
galerie de bois , no. 250.
Cours complet et suivi de Botanique , rédigé sous les formes
et dans les termes les plus clairs , d'après les diverses méthodes
et les principes adoptés par Tournefort , Linnie , J.J. Rousseau ,
Jussien , Lamarck , Durande , Villars et autres auteurs les plus
illustres , et. Par le cit. J *** naturaliste . Tome Ier . L'ouvrage
entier contiendra six gros volumes in 8*.
Les deuxieme , troisieme et quatrieme volumes seront en
forme de dictionnaire , et traiteront l'histoire naturelle de tous
les genres de plantes designés dans le premier.
Le cinquieme volume traitera de leurs qualités chyniques
relativement aux arts , aux teintures , et de leurs apikudes aux
diverses constructions.
Le sixieme et dernier volume traitera de leu vertus médicales
. On souscrit chez le cit. Reymann , braire à Lyon ,
rue Dominique , nº , 73 ..
-
Le prix de chaque volume sera de 18.pour les libraires,
L 4
( 168 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ALLEMAGNE.
De Francfort-sur-le -Mein , le 8 avril.
La grande nouvelle ici est la paix ; on est presque sûr
qu'elle est conclue entre la Prusse et la France : on ne
sait pas encore quel parti prendra l'Autriche , et si elle
continuera ou non la guerre avec ses seules forces et
celles de l'Angleterre , ou tout au plus de quelques
états du corps germanique ; mais on est généralement.
persuadé que l'empereur sentira la nécessité d'accéder
aussi au traité et de ne pas retarder plus long - tems la
pacification générale de l'Europe , dont il a pour sa part
autant ou plus de besoin qu'aucune des puissances
coalisées .
Sans avoir encore la certitude de la conclusion de
la paix , puisqu'il faut qu'elle soit ratifiée par la Convention
nationale , on en a les plus fortes probabilités et
des indices nombreux.
9
Des lettres de Berlin du 24 mars s'expriment ainsi : Le roi
a quitté Berlin hier et est maintenant à Postdam . Il y a
apparence que S. M. y restera jusqu'à ce qu'il y ait quelque
chose de décidé , soit pour la paix , soit pour l'ouverture
formelle d'une nouvelle campagne . L'attente de la premiere a
pour elle des vraisemblances qui l'emportent de beaucoup sur
celles de l'autre .
On avait d'abord era le contraire, sur ce que M. de Calonne
allant de Russie en Angleterre , et passant par Berlin , avait
été présenté au roi et à la famille royale dont il avait reçu un
assez bon accueil ; mais à cette époque , les négociations
n'étaient pas encore avancées , et d'ailleurs ces sortes de visites
ne significat rien quand l'homme qui les rend n'est point
mandé , et qu'elles n'ont pas le caractère d'une conférence.
Les lettres de Vienne confirment les mêmes pronostics : après
avoir parlé de guerre , elles en reviennent à la paix .
L'ouverture de campagne , disent- elles , s'approche de plus
en plus , et aurait put-être déja lieu si le tems ne s'y fût opposé
. Tous les prépatifs sont faits , on peu s'en faut , of
( 169 )
celles de nos troupes qui ont eu quelque repos brûlent d'end
vie de se signaler de nouveau.
Cependant il y a beaucoup de géns qui paraissent croire
une paix beaucoup plus prochaine que les grandes appa
rences ne l'annoncent : ils regardent comme un acheminement
la pacification générale le traité de neutralité du grand- due
de Toscane , la facilité qu'il a trouvée à le conclure , et la
bonne occasion que le comte Carletti a eue de faire et de
recevoir de salutaires insinuations relativement au plan plus
étendu , plus durable et plus digne , dont les conférences diplomatiques
de Bâle se sont déja occupées . Le citoyen indus
trieux et commerçant fait des voeux pour cet objet , dont l'hu
manité a besoin ; le gouvernement n'en fait pas moins ; mais
si pour l'atteindre plus sûrement et l'asseoir sur des bâses plus
solides il faut encore des sacrifices et des efforts , on verra
que le monarque et les sujets sont d'accord et très - résolus de
les faire .
Dans d'autres lettres de Celle , datées du 18 mars , on parle
assez mal des émigrés , qu'il paraît qu'on rénoncera bientôt à
employer. Au reste , voici ce qu'on en dit :
Plusieurs corps d'émigrés sont arrivés ici et aux environs ,
pour prendre leur quartiers d'hiver. Ce sont les régimens
de Yorck , de 300 hommes; de Salm -Kyrbourg , de 200 ; de
Rohan , de 300 ; de Bauer , de 200 , de Hompesch , de 100 ;
de Beon , de 200 ; de Witgenstein , de 600 ; de Damas
de 200; en tout 2100 hommes , ce qui fait le reste de 15,000
homines. Le corps de Damas était ci- devant la garde noble .
Les officiers de l'état- major sont le colonel Nesbith et le
capitaine Gordon , Anglais ; le colonel Sombreuil et le lieutenant-
colonel de Frais , Français . Mille hommes de ces troupes
devaient être mis à Lunebourg ; mais la ville les a nettement
refusés , tout comme les états de Brême . On a donc été obligé
de loger ces 1000 hommes dans nos fauxbourgs , parce que
les paysans portaient des plaintes sur leur conduite ; il est
vrai qu'ils ont pillé par-tout , et même égorgé un marchand
de chevaux sur le grand chemin. Il n'y a que le régiment
de Damas qu'on lone pour sa belle discipline .
Voici qui vient encore à l'appui des espérances d'une paci
fication prochaine. Le second paragraphe en fait sentir d'ailleurs
l'indispensable nécessité , puisqu'il ne s'agit de rien
moins à présent , pour presque toutes les puissances belligérantes
, que d'aviser à des moyens prompts et sûrs de
des subsistances à leur pays.
procurer
Le 11 de ce mois , l'adjudant- général de Mollendorf passa
par Lingen , se rendant en Ost-Frise. Il partit dans ce dernier
pays par l'ordre exprès du roi de Prusse de ne point percer
les digues de la mer comme les Anglais se proposaient de
le faire. On se flatte aussi que par le moyen de cet office , Is
) 170 )
communication des postes , interceptée jusqu'ici par lès Anglais,
Berz rétablie entre l'Ost-Frise et Lingen.
Dans le pays de Berg , la cherté des vivres est extrême . A
Elberfeld , cette position est devenue d'autant plus sensible ,
que la garaison palatine ne recevant plus de pain , c'est aux
bourgeois à la noar it. Les bourgeois paraissent en outre trèsmécoutens
de plusieurs innovations entreprises par la régence
de Dusseldorf. Ils viennent d'envoyer une députation
Munich.
Il paraîtrait d'après les avis suivans , dont la date est trèsrécente
, puisqu'elle ne remonte pas plus haut que le 27 mars
que les Prussiens , depuis l'acheminement à la paix entre eux
et la France , ne mettent plus le même intérêt à défendre
Mayence.
Le quartier-général de l'armée française de Sambre et Mense ,
qui était à Crevelr , est depuis le 26 à Cologne. L'aile droite
de cette armée s'est portée en avant et a repris sa position à la
droite de la Moselle , près de la rive gauche du Rhin , pour
remplacer les troupes qui ont quitté ces quartiers et marché
vers Mayence . Il paraît maintenant que l'attaque de cette place
va se reprendre sérieusement .
Des récits de combats sont assez superflus quand il est question
d'une paix prochaine , et qui existe peut- être déja . Cependant
on lira avec plaisir la note ci -jointe , précieuse en ce que les
ennemis de la République Française , tout en s'attribuant l'avantage
ou dissimulant leurs pertes , rendent néanmoins justice
aux qualités morales des défenseurs de la liberté .
Le général- major de Scheher a fait un mouvement en avant
avec le corps qui est sous ses ordres , et ce mouvement est
canse que les Français ont évacué le comté de Bentheim . On
doit dire à leur louange que tant qu'ils ont été à Bentheim
ils s'y sout fort bien comportés ,
Dans l'action du 13 , l'avantage des Français a été dû à
leurs forces qui étaient triples de celles des allies ; mais ils
ont incomparablement perdu beaucoup plus de monde que
ces derniers. D'an escadron de dragons hanovriens , pas un
homme ne revint sans avoir son sabre teint de sang ; et ces
braves gens n'ont perda que 16 de leurs camarades . Ils so
sent batus comme des lions , et les officiers se sont si , bien,
montrés , qu'il n'en est pas un qui n'ait été blessé . Les Français
eux- mêmes ont été forcés de faire l'éloge de la bravoure
extraordinaire du lieutenant Duplat , qui , chargé de défendre
avec une poignée de soldats le château de Bentheim , l'a fait
d'une maniere brillante et a obtenu une capitulation hoaÓrable
.
Pendant l'action , un obus a mis le feu à la chancellerie de
Bentheim ; le général Vandame s'est fait donner , par le lieutenant
Duplat, un certificat , pour prouver que cet accident
( 171 )
n'avait point en lieu après la reddition du fort , mais pendant
l'action.
Mais voici quelque chose de plus positif , et qui ne laisan
aucun doute sur la paix .
De Eberfeld , le 27 mars . Toutes les voix annoncent la paix,
jugez vous- même , si la lettre suivante eu donne l'espérance :
Je vous annouce par cet exprès que la paix est conclue .
Les circonstances s'opposent , pour le moment , à sa publi-
63
cation .
99
L'Empire est compris dans le traité . On passe dėja , sans
difficulté , le Rhin sur des canaux . Les troupes françaises ont
aussi l'ordre de repasser sur la rive gauche du Rhin .
" Le 24 du mois courant , il est deja passé une vingtaine
de lettres cachetes , qui s'accordent à annoncer que la paix
entre la France , la Prusse , l'Empire et la Hollande , est deja
conclue. Il passe aussi de la rive gauche des lettres pour les
divers pays prussiens . Seulement on a demandé , jusqu'à présent
, que ces lettres fussent expédiées ouvertes . Le colonel
français , Winter , qui commande encore de ce côté , est né ici ,
durant la guerre de sept ans ; il a toujours témoigné une trèsgrande
envie de revoir son pays . Il parut le 25 courant sur la
rive , et nous cria que dans peu , il entrerait dans nos murs
comme ami. En général , les postes prussiens ont reçu ordre
de ne plus tirer sur les Français . "
De Rees , le 25 mars . L'ennemi diminue ses forces devant
nous ; il fait transporter son artillerie au-delà de l'Yssel , et il
remet à leurs propriétaires les bateaux qu'il avait destinés au
pont près d'Emmerich.
A Emmerich , on a publié dans les églises , qu'aucun Français
ne pouvait exercer la moindre hostilité envers les troupes
prussiennes , sous peine de mort.
Hier est arrivé ici , venant de l'autre rive , un batelier qui
a entendu la même publication dans les églises . Il a rapporté
encore que les Français s'éloiguent peu à - peu de la province
de Clèves , sans commettre la plus petite hostilité , et qu'ils
avaient deja vidé , avec les Prussiens , quelques flacons сп
criant : Vive la paix et la Prusse !
"
Ce qu'il y a aussi de certain , c'est que tonte espece d'hos-
Je tilite est interdite aux Prussiens. crois pouvoir bientôt
vous annoncer la paix.
Je viens d'apprendre que les Français ont quité hier Emme-
´rich ; l'armistice est sûr . Demain un bataillon prussien vient
jci , et les troupes que nous avons nous quittent pour se
1endre à Emmerich.
"
Hier , lorsque les Impériaux se retirerent des environs de
Dinxperloo et de Bucholtz , ils ôterent le pont. Les Français
, qui les suivaient , essayerent de le remettre ; les Impé
( 172 )
rianx tirerent sur eux , et les Français riposterent; mais aussitôt
an officier des hussards prussiens se montra avec quelques
hommes , et aussi- tôt le feu des Français cessa .
1
S'il faut s'en rapporter à des lettres de Vallendar , du
6 mars , le maréchal Bender a effectué , il y a huit jours
ane nouvelle sortie de Luxembourg , dans laquelle il a
quelques avantages , entr'autres celui de se procurer des vivres
pour un mois. Ces lettres ajoutent que la veille de leur date
on avait entendu un bruit sourd , venant du côté de Luxem.
bourg , qui ne pouvait provenir que d'une très -forte canonmade
dont on ignore absolument le résultat.
Mais si les troupes de la République ont quelque désavantage
de ce côté , elles en sont dédommagées d'un autre. Des
lettres de Bonn , du 30 mars , disent qu'il y avait eu , jusqu'à
cette époque , des affaires de poste très chaudes avec
les Autrichiens : ces derniers ont été obligés de se replier
de Gronau , Wessum et Wullen sur Aham. Au départ des
dermieres nouvelles , qui annonçaient l'arrivée de nouveaux
renforts aux alliés dans l'Oost-Frise , les postes avancés des
Français , de ce côte , étaient à Ditsum et Jemmenguen sur la
sive gauche de l'Embs .
D'ailleurs , tout confirme que les troupes françaises vont
presser Mayence , que les généraux impériaux et ceux d'Empire ,
ce qui n'est pas la même chose , se préparent de leur côté
à bien défendre ; ils ont jetté des ponts entre cette ville
et Cassel , et y font passer beaucoup de troupes pour les faire
entrer dans la place.
Des lettres de Neustadt , du 21 mars , annoncent que le
train d'artillerie y est arrivé , ainsi gue 100 vaisseaux de
transport à l'embouchure du Weser pour l'embarquement des
troupes anglaises ; mais on dit qu'elles resteront à l'armée .
Les régimens Royal - Emigrant infanterie , et Choiseul huse
sards , devaient marcher en Westphalie.
ITALIZ.
On sera peut- être curieux d'apprendre ce qu'est devenu le
régent d'un royaume is partibus Reipublice. Voici ce qu'en disent
des lettres de Vérone du 28 février.
Le comte de Provence , qui est depuis neuf mois à Véronne,
sous le nom de comte de Lille , ne prend part à aucun divertissement
public . Pendant le carnaval , il a été invité à une grande
fite par le sénateur Mocenigo et toute la noblesse ; mais il
a répondu que les malheurs de sa patrie ne lui permettaient
pas de s'abandonner à lajoie .Toutefois , pour donner aux nobles
( 173 )
Vénitiens une preuve de son estime , il a consenti å être speci
tateur dans une maison de particulier ; le marquis et la mare
quise de Conossa lui ont offert en conséquence leur palais , où
Monsieur s'est rendu , accompagné des comtes d'Abray , de
Flachstande , de Cossay et des gentilshommes de sa chambre.
Au reste , ces petits détails sont beaucoup moius intéressans
que les suivans venant de deux états , dont l'un n'a
jamais cessé d'être l'ami de la République Française , et l'autre
s'est empressé de le redevenir.
De Gênes , le 16 mars.
La flotte anglaise est entrée dans le golfe de la Spezia. Le
gouverneur a fait rappeler à l'amiral la loi connue , qui veut
qu'il ne puisse entrer ni rester , dans les ports de cette répu
blique , plus de cinq vaisseaux de guerre. La réponse de
l'amiral fut que c'était la nécessité qui l'avait contraint d'entrer
, mais qu'il allait s'empresser de sortir . Cette escadre est
composée de douze vaisseaux de ligne , de dix frégates on
cutters , et de deux vaisseaux français , qui ont été pris. L'amiral
anglais a demandé , en outre , la faculté de débarquer
300 blessés français . Le gouverneur a expédié un courier à
Gênes . Il a été décidé que cette demande devait être accordée
, pourvu qu'il fût convenu que les Français deviendraient
libres , aussi-tôt qu'ils auraient touché le sol de la république.
L'amiral a accepté cette condition , après avoir pris des blessés
leur parole d'honneur qu'ils ne serviraient point contre l'Angleterre
, lors de leur guérison , dans le moment actuel. Le
gouvernement , sur la demande du ministre françai
fait partie
deux bâtimens , sur lesquels se trouvent des chirurgiens et des
servans d'hôpital , pour recevoir les blessés , et les transférer
qu lazaret de cette ville. t
De Livourne , le 20 mars.
Lors du traité du grand-due avec la France , 40 émigrés de
Toulon , qui se trouvaient jei sous la protection de l'Angleierre
, ont reçu ordre de sortir des états de Toscané , dans
l'espace d'un mois.
On mande de Corse , que l'ouverture du parlement de Bastia
a fait voir qu'il existait , dans son sein , deux partis très pro
noncés. D'abord , le buste de Paoli a été placé dans le lieu
des séances , au milieu de vifs applaudissemens ; mais lorsqu'il
' est agi de nommer le président de l'assemblée , un parti
conduit par Buttafuoco , Safforio et Matra , a voulu éloigner
Paoli de cette place ; la majorité s'est néanmoins complue à
'y porter. Porre di Borgo a prétexté que le général ayant
( 174 )
tonjours été le chef de la nation , il ne convenait pas qu'il
remplit un poste subordonné au vice - roi . On a fini par décréter
qu'on enverrait des députés à l'île Reuge , pour engager
Paoli de se rendre à Bastia , afin d'y déclarer s'il veut accepter
ou non la place de président.
D'après toutes les précautions dont les lettres de Naples ,
da 17 mars , rendent compte , il semblerait que la conjuration
qui donne lieu à tant de recherches , n'était point imagi
maire , et que ses auteurs l'avaient même assez bien ourdie ,
pour qu'elle embarrasse encore aujourd'hui la cour et lui donne
des alarmes . Le roi et sa famille sont toujours à Caserte . De fortes
patrouilles continuent de parcourir les rues , pour prévenir
les mouvemens . On arrête sur de simples soupçons ; mais on
emploie la douceur avec les personnes qu'on ne regarde que
comme égarées . Il n'a rien percé jusqu'ici des travaux de la
nouvelle junte , formée pour rétablir la tranquillité . Mais une
chose si étonnante qu'elle en est incroyable , c'est la decla
ration du roi , dans son édit , accordant amnistie à ceux qui
viendraient à resipiscence : il y déclare formellement que le
but des conjurés était de renverser a - la- fois la monarchie et
la religion catholique .
Au reste , les soins à donner à l'intérieur n'ont point rallenti
les préparatifs militaires ; on exerce et incorpore chaque jour
les nouvelles recrues , dont: 14,000 hommes fantassins et
cavaliers marchent vers les frontieres . La marine n'est pas
négligée ; on va envoyer sur les côtes 80 barques bombardieres.
On écrit de Turin , à la même date , que le général Colli
est encore dans cette ville . Il doit commander vers Mondovi ,
Ceva , etc.; le due. d'Aost sera à la tête de l'armée du Pasde-
Suse , et celui de Mont- Ferrat , à la tête de celle de la
vallée d'Aost.
Il paraît que l'intention des Français est de retourner au
Caire on dit que le régiment de Nadasti a demandé à la
république d'entrer sur son territoire , et de se porter sur
Saint-Pierre d'Arena. Les Français , dans ces contrées , se
tiendront sur la défensive , à moins qu'on ne les provoque ;
on assure qu'ils en ont reçu l'ordre .
( 1.75 )
?
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE BOISSY - D'ANG LA 5.
Séance de duodi , 22 Germinal.
Plusieurs sections de Paris et beaucoup d'adresses venues
des départemens , feliciteat la Convention sur son energie
dans la journée du 12 germinal . Un membre en prend occasion
d'observer que les tribunes ne sont plus si fréquentées ,
depuis qu'on a donné l'ordre de ne laisser entrer qu'en présentant
sa carte de sûreté. Il est naturel d'en conclure que la
plupart des individus qui les remplissaient n'en avaient pas.
Salengros , au nom du comité des secours publics , dit
qu'une explosion a eu lieu , sur la fin de nivôse , dans l'arsenal
de Metz . C'est un pur accident ; plusieurs maisons ont
sauté , mais quatre personnes seulement ont été blessées grie
vement , et il propose la distribution de la somme de 2000 1 .
entre les quatre blessés , et la mention honorable de la conduite
des canonniers et pompiers de Metz , qui , par leur
intelligence et leur courage , ont arrêté les progrès de l'incendie
. Cette proposition est décrétée.
Le comité de législation , par l'organe de Saladin , présente
un projet de décret , tendant à généraliser la mesure adopte
pour les habitans da département du Jura , qui avaient été
mis hors de la loi . Ce décret porte Tous les décrets qui
mettent des citoyens hors de la loi , par suite ou à l'occasion
des événemens des 31 mai , 1er et 2 juin , sont rapportés.
Tous jugemens rendus en conformite et en exécution desdits
décrets , tous mandats d'arrêt , arrêtés , actes , procedures et
poursuites , décernés ou dirigés contre lesdits citoyens , sont
et demeurent annuites . Ceux d'entre lesdits citoyens qui
sont soustraits , par la fuite , à l'effet desdits décrets ,
dats d'arrêt ou arrêtés , sont autorisés à rentrer dans leurs
foyers , et tous ceux désignés dans les articles précédens
sont réintégrés dans leurs droits politiques et dans leurs biens:
en conséquence , tous scellés ou séquestres mis sur leurs biens
seront levés sur leur requisition , en vertu du présent décret.
、
man-
Une discussion s'éleve sur ce projet . Viltard dit qu'il y
trouve une disposition qui pourrait être favorable aux émigrés;
Pelet , qu'il y a des articles conçus d'une maniere vague ,
et qui prêteraient à des applications rtop étendues . Ils en
demandent l'ajournement. Lariviere pense qu'ajourner , s'est
( 178 )
mettre en problême si la journée du 31 mai a été funeste à
la patrie. Quand on a été long- tems , dit-il , dans les ténebres
, on n'ose ouvrir les yeux à la lumiere. Un membre desire
que , pour profiter du bénéfice de ce décret , on justifie
d'un certificat de résidence , sans interruption , dans le terri
toire de la République ; mais on lui observe que les 40 députés
proscrits se sont cachés dans des cavernes , ou ont habité
des forêts , et qu'ils ne pourraient jamais prouver leur résidence
. Le projet est mis aux voix article par articlé , et décrété
au milieu des applaudissemens , tel qu'il est rapporté
ci-dessus.
Saladin , au nom du même comité , fait un rapport sur le
fils du représentant du peuple Guadet , assassiné juridiquement
à Bordeaux. Le pere du député , son frere , sa tante , ses amis.
les domestiques de la maison ; en un mot , 13 personnes ont
été condamnées à mort par la commission militaire , pour lui
avoir donné asyle , et il ne reste de cette malheureuse famille
que ce fils , qui n'a échappé que parce qu'il était à Saint-
Domingue , où il versait son sang pour la République , tandis
qu'on égorgeait en France tous ses parens . Le rapporteur présente
un projet de décret , dont voici les principales dispositions
:
Les décrets du 27 mars 1793 et de 23 ventôse , an 8 , sont
rapportés , sans qu'il soit dérogé aux dispositions du code
pénal , à l'égard de ceux qui seraient convaincus , dans les '
formes légales , de crimes contre la liberté . Les citoyens pour
suivis , ou les héritiers des condamnés par suite de ces dé
grets , sont rétablis dans leurs droits ; les procédures annullées ,
les jugemens cassés , et les scelles ou séquestres seront levés .
Les biens des parens et amis de Guadet seront restitués à leurs
héritiers , et il leur sera donné la valeur de ceux qui auraient
été vendus. Ce projet de décret est vivement applaudi et
adopté.
Plusieurs membres demandent que cette mesure s'étende
tous les députés qui ont subi le même sort ; on leur répond
qu'ils y sont compris . Thibaudeau dit qu'il ne faut pas s'oc
cuper seulement des parens de leurs collegues morts victimes
de la tyrannie , et que ce serait insulter aux mânes des autres
citoyens proscrits comme eux , et il propose de renvoyer au
somité de législation , pour faire un rapport à ce sujet . Décrété.
Réveillere- Lépaux lit la rédaction du procès-verbal de la
Journée du 12 germinal. L'Assemblée en ordonne l'impres
sion et l'ajournement , à cause de son importance.
Séance de tridi , 23 Germinal .
Pons ( de Verdun ) , au nom du comité de législation , prés
sente un projet de décret conçu en ces termes ;
Art. 1er. A l'avenir , aucune femme prévenue de crime
emportant
( 177 )
emportant la peine de mort , ne pourra être mise en jugement ,
qu'il n'ait été vérifié , de la maniere ordinaire , qu'elle n'est
pas enceinte.
II. Le sursis provisoire à tout jugement de mort rendu
contre des femmes , dont l'exécution a été suspendue pour
cause de grossesse , est déclaré définitif.
III. Les comités de législation et de sûreté générale sont
autorisés à statuer définitivement sur la mise en liberté ou la'
détention ultérieure desdites condamnées .
IV. Les accusateurs publics près les tribunaux criminels
ordinaires et extraordinaires , sont tenus , en conséquence ,
d'adresser au comité de législation , dans quinzaine , à compter.
du jour de la publication de la présente loi , tous les jugemens
de la nature de ceux ci - dessus , et les procédures et
pieces sur lesquelles ils sont intervenus. "
Après une courte discussion , le projet est adopté , et la
proposition de Viltar , tendante à abolir la peine de mort
pour les femmes , est renvoyée au comité .
Rouyer s'éleve contre les dilapidations de la fortune pu
blique . Tous les bons citoyens , dit- il , gémissent sur les
maux que la tyrannie a versés sur la France ; s'il n'est pas
en votre pouvoir de les réparer tous , vous devez au moins
poursuivre et faire punir les auteurs des brigandages . Il propose
une guerre à mort contre ces sang-sues publiques , et
présente un projet portant que chaque direcoire de district
nommera une commission de sept personnes , pour faire rendre
compte aux municipalités des requisitions en fourages , rations
, etc. Chaque municipalité aura un régistre où les citoyens .
seront tenus de déclarer la quantité des objets requis sur eux
les noms des requisiteurs , l'époque de leurs livraisons et
le prix qu'ils auront reçu. Ils déclareront aussi les noms de
ccux à qui ils auraient payé des taxes arbitraires et l'époque
de ces payemens ou vols .
Les municipalités constateront l'état des effets d'or , d'ar
gent et autres matieres de leurs églises , au moment de la
cessation du culte , et déclareront l'endroit où les effets ont
été déposés , et les noms et demeures de ceux entre les mains
desquels ils ont été remis . Les déclarations des citoyens seront
attestées par leurs signatures sur le registre ; extraits de
ces déclarations seront adressés aux commissions des sept. La
Convention nationale nommera une commission de 12 membres
, avec laquelle correspondront les commissions des sept ,
qui pourront poursuivre les dilapidateurs devant les tribunaux
criminels de départemens . Les comptables qui , appellés par
lesdites commissions , refuseront de comparaitre , seront dénoncés
à l'accusateur public . Si le comptable , n'ayant aucun
domicile connu , est fugitif , ou cherche à se dérober à la
justice , il sera dénoncé à la commission des douze , qui , de
Tome XV. M
( 178 )
concert avec le comité de sûreté générale , les fera rechercher.
dans toute la République .
1.
Le projet de Rouyer est renvoyé aux comités de salut
public et des finances , qui l'examineront et feront aussi un
rapport sur les comptes de Pache et de Bouchotte .
Merlin ( de Douai ) , au nom des comités de salut public ,
sûreté générale et législation , présente un rapport sur le
représentant Lahaye , député du département de la Seine inférieure
, mis hors de la loi , et dont la réintégration avait
été ajournée , parce qu'on l'accusait d'avoir combattu avec
les chouans . Une ressemblance de nom a été la cause de cette
accusation . Il y avait un Lahaye , chef des chouans , qui a
été tué . Le député s'est cache dans les forêts de la ci-devant
Normandie où il a erré. L'Assemblée décrete que Lahaye.
rentrera dans son sein. 1
Merlin fait ensuite une motion d'ordre . Il parle des principes
fondamentaux de l'ordre social et de la République .
Le peuple souverain est en France la collection des citoyens
de tous les départemeus , sans distinction d'état ou de fortune.
Aucune traction de citoyens ne peut se dire le peuple.
L'égalité des citoyens est dans les droits ; mais il y a inéga
lité de talens , de vertus , de fortune . Tout attroupement
devient
séditieux , dès qu'on prêche la révolte contre les autorités
constituées et la desobeissance à la loi . L'insurrection
n'est légitime que lorsque la violation des droits du peuple
est constatée par la majorité des assemblées primaires . Il n'y
a que deux especes de citoyens , les bons et les mauvais .
Lacombe du Tarn ) donne lecture d'une lettre en date du
18 germinal , annonçant un avantage remporté sur les ennemis
auprès de Mayence par les Républicains qui font le siége de
cette place . Cette nouvelle est fort applaudie.
Séance de quartidi , 24 Germinal .
Clausel ,,au nom du ་ཨཱ་ ༔ comité de sûreté générale , rappelle i
la Convention que la commune de Dijon est une de celles
qui a le plus souffert des artisans du terrorisme . Les anarchistes
et les hommes de sang n'avaient pas encore perdu tout espoir ,
et ils le fondaient sur les compagnies de canonniers de la
garde nationale . Le représentant du peuple Mailhe , en mission
dans le département de la Côte -d'or , a recounu que le danger
était pressant , et if s'est déterminé à licencier ces canonniers ;
mais la chose n'a pu se faire sans que les terroristes jettassent
les hauts cris et fissent tous leurs efforts pourexciter des troubles ..
Mailhe les a prévenus par les mesures energiques qu'il a prises .
Gomme sa mission est sur le point de se terminer , et qu'on
espere que son successeur rétablira les choses dans leur premier
état , le rapporteur propose à l'Assemblée d'approuver
les mesures prises par Maille . Décrété.
お
)
( 679 )
Echasseriaux le jeune , au hodes comités des finguces et
de législation , présente un projet de décret que l'intérêt et les
besoins des ricreanciers des émigrés et des condamnés pour
crime descontravention sollicitaient depuis longtems . La base
de ce projet est la reconnaissance par la nation des créanciers
des émigrés et condamnés pour créanciers de la République .
Les différens articles qui le composent contiennent Je mode
de la liquidation de ces créances et droits. Le projet, est divisé
en six titres ; le premier traite des titres de créance, et
de leur admissibilité ; le second , du dépôt des créances ; la
troisieme , de leur liquidation ; le quatrieme , du paiement , et
les cinquième , des biens et droits judividis avec les émigrés
et condamnés. Voici un des principaux articles : Sont reconnus
créanciers des émigrés ceux dont les créances sont fondées
sur des titres ayant une date certaine antérieure à la promulgation
de la loi du 9 février 1792 ou à l'émigration de
leur débiteur , si elle est postérieure à dette époque , La date
certaine sera établie , par l'euregistrement des actes , leur dépôt
public ou des jugemens anterieurs aux époques fixées ; par la
signature des personnes decéd es antérieurement au 9 février
1792 ,, par l'inscription ou meution faite antérieurement auxdites
époques des titres sous signature privée à la charge des
émigrés sur leurs registres trouvés sous les scellés .
37
Ce projet de décret a été adopté . La discussion à occupé
toute la séance .
Séance de quintidi , 25 Germinal .
5. J
Les communes de Bordeaux et d'Orléans félicitent la Convention
de son énergie dans la journée du 12 germinal . La
premiere expose les besoins pressans qu'elle éprouve , et elle
sollicite les moyens les plus prompts de les faire cesser. La
deuxieme déuence les assassinats juridiques commis par Léonard
Bourdon . Ces deux adresses sont renvoyées au comité
de salut public.
Brival dit que les citoyens de Bordeaux se sont toujours
distingués par leur patriotisme , leur attachement à la Convention
nationale , et que trop long-tems les factieux les ont
calomniés . Il demande qu'on rende à ce département son premier
nom de département de la Gironde, Décrété.
Une députation de la commune d'Úsès dénonce le représentant
du peuple Borie , comme ayant tenu une conduite tyran
nique pendant sa mission dans le département du Gard. Elle
l'accuse des faits les plus graves , d'avoir livré une foule de
victimes à un tribunal de sang qu'il avait établi à Nismes , fait
incarcérer les cultivateurs à l'approche , de la récolte , les né
gocians à la veille de la foire de Beaucaire , d'avoir dansé la
fauradale avec ses satellites autour de la guillotine . Borie ,
était présent il dit qu'il ne craint point qu'on porte un oeil
M 2
( 180 )
gévère sur sa conduite . I convient d'avoir pris des mesures
fermes , sur-toût contre ceux qui étaient connus , alors sous le
nom de fédéralistes qu'il accuse d'intrigues , et il invoqué à cet
égard le témoignage de Perrin ( des Vosges ) ison collégue ,
mais il nie d'avoir dansé la fanradole autour de la guillotine ,
ni établi un tribunal révolutionnaire à Nismes ; il avait seulement
investi le tribunal criminel du département du Gard du
droit de juger les crimes révolutionnaires , et il ajoute qu'il a
consulté , dans toutes ses opérations , les sociétés populaires
et la députation du Gard , sans l'aveu desquelles il n'a rien
fait. A
Perrin ( des Vosges ) , dont le témoignage était réclamé , répond
que ceux qu'on appellait fédéralistes étaient les plus
chauds patriotes et dont le civisme remontait à 1789. Il est
applaudi.
La dénonciation est renvoyée au comité de sûreté générale.
Rewbel , aau nom du comité de salut public , donne lecture
des articles du traité de paix conclu avec la Prusse , et les
soumet à la discussion de l'Assemblée. On demande à allor
aux voix . Quelques membres paraissent desirer qu'ils soient
décrétés successivement ; mais ils ne sont pas appuyés . Le
traité est décrété en masse , et ratifié à l'unanimité et au milieu
des plus vifs applaudissemens . Nous l'avons déja donné
textuellement.
1
Anguis , au nom des comités de salut public et de sûreté
générale , fait part d'une lettre de Bernier , représentant du
peuple en mission . Elle porte que 30 voitures de farines , destinées
pour Paris , ont été arrêtées à Evreux par des malveillans
, qui voulaient se les distribuer en payant. Il fi battre
la générale , requit la gendarmerie ; mais il n'avait encore
rassemble que six gendarmes , lorsqu'on l'avertit que plusieurs
voitures étaient déchargées. Il monte à cheval et va droit au
rassemblement. Les femmes déliaient déja les sacs ; dès qu'elles
l'apperçurent , elles coururent à lui , arrêterent son cheval par
la bride , et lui jetterent des pierres . Le sang inondait déja
son visage , lorsqu'il s'échappe et court dans les rues deman
der force à la loi . Les citoyens se rassemblent , et l'on convient
enfin que les voitures partiront , à l'exception de huit
qui resteraient à Evreux , et dont les farines seraient distribuées
aux habitans .
*
1
Bernier ajoute qu'il est des cultivateurs qui ne veulent vendre
leurs grains que pour du numéraire , ou des matieres d'or
ou d'argent. Il a pris un arrêté à ce sujet . Le comité propose
d'approuver la conduite du représentant , de mander à
la barre le maire et l'agent national d'evreux , d'ordonner la
poursuite des auteurs de l'attentat commis contre Bernier , et
la restitution par la commune d'Evreux des farines partagées.
Ce projet de décret est adopté.
1
( 181 )
་
André Dumont dénonce les prêtres réfractaires , qui prê
chent hautement le royalisme . Rewbell dit qu'il ne faut pas
les poursuivre comme prêtres , mais comme mauvais citoyens
et des séditieux qui excitent à la révolte..
Jean-Bon- Saint - André pense que le gouvernement manque
de nerf et d'énergie ; qu'il faut revêtir les comités d'une force
suffisante pour comprimer les malveillans . Tallien craint qu'on
ne ramené le systême inquisitorial de Chaumette et d'Hebert .
Il pense qu'on ne doit pas s'occuper des prêtres , ni de ce
qui se passe dans l'intérieur des maisons , pourvu que l'ordre
public ne soit pas troublé . Il appuie la motion de Jean - Bon .
Chénier répond qu'on ne peut nier que les prêtres réfractaires
prêchent le royalisme , et que des piètres déportés sont rentrés
. Il demande l'établissement des fêtes décadaires .
Toutes les propositions faites sont renvoyées aux comités.
Séance de sextidi , 26 Germinal.
Johannot , au nom des comités des finances , salut publie
et législation , présente le rapport sur l'état actuel du crédit
public et sa restauration . Il dit que la défaite de nos ennemis
doit affermir la confiance , si l'on y joint sur- tout la pers
pective d'une paix prochaine et déja conclue , en partie , avec
une des premieres puissances militaires de l'Europe ; que les
comités ont recherché la cause du discrédit des assignats et
du renchérissement excessif des denrées , qui se paient avec
cette monnaie. Le marc d'argent sert de point de comparaison
à toutes les valeurs . Il faut rétablir la moralité dans les conventions
particulieres ; car dès qu'on veut commander la con.
fiance , elle disparaît . Si l'on veut la rétablir , il ne faut donc
rien de coactif dans les moyens , rien de rétrograde dans les
opérations ; il est nécessaire d'assurer le service des rentes , le
paiement des baux et des perceptions , ne recevoir les assig
ats qu'au cours légal , pour en donner le moins possible.
C'est le discrédit des assignats , continue Johannot , qui a
augmenté considérablement nos dépenses , qui sont sans proportion
avec les recettes . Supprimez tous les agens inutiles :
le gouvernement révolutionnaire nous a conduits à salarier
plus d'agens qu'il n'en faudrait pour régir tous les états de
l'Europe . Dans le tableau que nous avons dressé des biens
nationaux et de leur valeur approximative , nous n'avons pas
compris les biens de ceux qui ont péri sous la hache révolu
tionnaire . Le trésor public ne doit pas se grossir de l'héritage
des victimes de la tyrannie. Cet accroissement odieux nuirait
au crédit , loin de l'affermit ....... La masse des assignats en
circulation est d'environ 7´milliards 500 millions . Il faut décréter
qu'après qu'il en aura été fabriqué trois autres milliards ,
qui probablement ne seront jamais émis , les planches , poinfons
et matrices seront brisés . Pour retirer successivemena
T M 3
( 181 )
les assignats de la circulation vos comités vont vous présenter
plusieurs moyens contenus dans des projets de décret
1º. L'état et la valeur des domaines nationaux , gage des
assignats , seront rendus publics .
go . A tompter de la phbligation du présent décret , tous les
citoyens auront la faculté de stipuler en mare d'argent fin ',
eu en assignats , ou de tel autre maniere qu'ils jugerout conve
nable . Le prix légal du mare d'argent , compare à l'assignat ,
será constaté par une commission qui opérera sous la surveil
lance du gouvernementy Gente opération sera renouvellée tous
zi sing 7501 les mois.
སྡེ་ རྫས་ ན་ བྱོ
30. La bourse de Paris et celle des autres places de commerce
seront ouvertes . Il ne pourra s'y faire aucune négociation
en secret , ni sur signature en blanc.mob P
4°. Il sera pourva aux depenses ordinaires par les revenus
réguliers , et aux dépenses extraordinaires , par le produit
des domaines nationaux . Tout tableau de dépense comprend
la désignation des fonds sardesquels cette dépense sera
payée .
3. La Convention déclare qu'elle garantit aux créanciers
de l'état le paiement des intérêt et des arrerages dus . Les
capitaux des inscriptions dont le remboursement n'est point
exigible , continuerout d'êne admis eu paiement des domaines
nationaux , jusqu'à l'époque fixée par les décrets.
6. Il sera délivré par un préposé appellés conservateur , des
cédules d'hypotheques à tous les citoyens qui vendront
faire constater l'hypotheque territoriale qu'ils peuvent offiir
jusqu'à concurrence des trois quarts de la valeur de la pro
priété hypothequée ; les cedules pourront être transportées
par endossement ; il y aura aussi des cédules d'hypotheques
sur les domaines nationaux .
70. La caisse hypothécaire paiers à tons les citoyens , sur la
présentation des cédules , la valeur desdites cédules , sous
un intérêt de trois pour eent. Nel ne pourra être actionnaire
de cette caisse , s'il n'a une propriété territoriale , titre
de toute hypotheque.
8. Il sera fabriqué , par simple mesure de précaution ,
3 milliards 200 millions en assignats ; et après cette fabrication ,
qui sera la derniere , les formes , poinçons et matrices seront
Erisés publiquement . Les trois milliards fabriqués seront
déposés dans la caisse à trois clés , d'où l'on ne pourra rien
tirer sans décret .
9. Les assignats , tant en circulation que ceux qui seront
fabriqués en vertu de l'article précedent , recevront une
garantie spéciale : en conséquence , il sera remis au coaservateur
des cédules d'hypotheque pour valeur égale.
10º. Les meublés et maisons appartenant àla nation , seront
aliénés successivement par voie d'une loterie , deat chaque
( 183
billet sera ds 50 liv.
mois.
le premier tirage aura lieu dans un
110. A compter du présent décret , les biens nationaux
seront vendus sur l'évaluation du mare d'argent fin , et seront
payés en assignats .
12°. Tous porteurs d'assignats pourront les échanger contre
des cédules , en les payant au taux du mare d'argent.
130. En attendant la fabrication des cédules , il sera délivré
des bons de paiement . Les contributions ariérées de
l'an 2 seront payées en assignats , au cours légal .
14 ° . Il sera mis dans un dépôt des cédules particulieres
de la valeur d'un milliard , pour assurer les récompenses
des défenseurs de la patrie.
150. Les dépenses extraordinaires seront acquittées avec
le produit des domaines nationaux , avec les trois milliards
fabriqués par décret ou avec des cédules mises à la disposition
de la trésorgrie .
16. Il sera fabriqué pour 150 millions en monnaie de
cuivre.
L'Assemblée décrete l'impression da discours et l'ajournement
de tous les projets de décret , sauf le dernier relatif à la
restitution à faire des biens des condamnés aux parens de
ces derniers. Cet article avait d'abord été décrété par acclamation
, mais sur la proposition de Rewbel la Convention a
rapporté son décret et ajourné le tout à nonidi prochain.
Roux ' , au nom du comité de salut public , annonce que
les mesures prises pour faire venir des grains de l'étranger ont
réussi , mais que les arrivages de l'intérieur sont entravés . Il
demande qu'on fasse un appel aux bons citoyens .
Rouyer dit que c'est un appel à la force qu'il faut faire
et que ceux qui gouvernent doivent ou se faire obéir ou
céder leur place. Rouyer est adjoint à Barras pour comman
der la force armée qui doit protéger les arrivages .
Une lettre des représentans du peuple à Marseille annonce
F'entrée à Toulon de six vaisseaux et deux frégates partis de
Brést.
13
PARIS . Nonidi , 29 Germinal , 3. année de la République.
Il ne paraît pas que le projet présenté par Johannot ,
au nom des comités réunis , sur l'état actuel du crédit
public et les moyens de le rétablir , ait produit cette
impression heureuse qui accompagne , au premier apperçu
, tout plan dont chacun peut sentir facilement
les avantages . C'est une matiere si dificile que delle
M 4
( 184 )
des finances , le projet proposé est si compliqué par
lui- même , qu'il était impossible d'en saisir , à une premiere
lecture , les rapports , les détails et l'ensemble.
Ce qu'il y a de certain , c'est que le lendemain
l'argent , qui avait sensiblement baissé , est remonté
tout- à- coup . L'annonce d'une nouvelle émission de
trois milliards d'assignats , était seule de nature à opérer
cette hausse ; tant qu'on n'appercevra au premier abord
qu'une plus grande abondance du signe fictif , ses rapports
avec le signe métallique doivent s'éloigner davantage
. Quoique la paix conclue avec la Prusse , soit le
présage assuré de celle avec le corps germanique , l'Espagne
et l'Italie , il est probable qu'elle ne se fera pas
aussi promptement avec l'Autriche et l'Angleterre ; il
' était donc d'une sage prévoyance de préparer les
moyens de terminer avec ces deux puissances une guerre
aussi dispendieuse . Comment pourrait- on le faire , sans
pourvoir d'avance aux fonds nécessaires pour cet objet .
Cette mesure de précaution est impérieusement dictée
par le desir et le besoin d'accélérer le terme de la
guerre .
Il ne faut pas espérer que le meilleur systême de
finances , puisse produire tout à coup les bons effets que
I on doit en attendre . Le crédit est une affaire de confiance
, et la confiance ne s'obtient que lentement , et
par une longue succession d'opérations sages et bien
combinées . A mesure que la Convention prendra une
marche ferme et soutenue , que la balance entre la dépense
et la recette commencera à s'établir par de grandes
réformes et une sévere économie , et que la masse des
assignats en circulation sera peu- à- peu retirée , soit par
la vente des domaines nationaux , soit par la voie des
cédules hypothécaires ou toute autre , c'est alors que le
crédit des assignats renaîtra d'une maniere sensible , et
que leur valeur nominale se rapprochera de la valeur
monétaire . Le rétablissement du crédit ne saurait être
prompt , mais il sera infaillible ; il y aura peut-être une
premiere secousse qui opérera une plus grande rupture
entre l'assignat et la monnaie ; mais bientôt ces deux
valeurs prendront entr'elles une proportion moins différentielle
, et les assignats , réduits à une quantité
moindre que celle du numéraire , en seront un utile supplément.
Ils feront véritablement fonction de banque , et
peuvent devenir une source de prospérité nationale .
Tout tient donc à la confiance , et celle-ci à une bonne
( 185 )
-
administration , à des pncipes fixes et sur tout à un
gouvernement stable . On parle d'un gouvernement pro
visoire ; c'est bien plutôt d'un gouvernement définitif que
nous avons besoin . La France n'a eu que trop long- tems
une existence précaire . Une bonne constitution n'est
pas , il est vrai , l'ouvrage d'un jour. Nous sommes si
voisins encore d'un si grand désordre dans les idées
et d'une si grande exagération dans les principes , qu'un
systême constitutionnel raisonnable , rencontrera peutêtre
des préventions ; mais si ce systême , sans rien
retrancher des bâses fondamentales de la liberté , posées
dans la déclaration des droits , ne tend au contraire
qu'à l'affermir , et à donner à la forme de gouvernement
représentatif, la seule qui nous convienne , une solidité
plus durable , pourquoi se défierait- on du jugement de
l'opinion ? Ne compte - t- on pour rien le cours expéri
mental que nous avons fait , durant la révolution , et
nous reste-t-il encore une erreur pratique dont nous
n'ayions ressenti le cruel effet , pour n'avoir pas acquis le
droit de nous en garantir à l'avenir ?
L'un de ces jours , à la porte Saint - Martin et à la porte
Saint-Denis , il y avait des rassemblemens : ils étaient composés
d'environ deux cents personnes , divisés en pelotons de
donze ou quinzo , et au milieu desquels était un orateur gé
missant de la détresse publique ; des patrouilles arrivent ,
passent et traversent les rassemblemens ; mais les groupes se
reforment et se joignent aussi- tôt , et les orateurs recommencent.
Vers huit heures , arrive une voix rouillée , criant
à tue tête Journal du soir's grand traite de paix conclu entre la
République Française et le roi de Prusse .... Cette masse que les
patrouilles n'avaient pu dissiper , le journal du soir la dissout
et daus un instant il ne reste plus une personne sur la place .
Les agitateurs n'avaient plus rien à dire ; les bons citoyens
n'avaient plus rien à écouter.
Polverel , l'un des commissaires civils de Saint-Domingue ,
vient de mourir au milieu de la discussion qui avait lieu
entre lui et ses accusateurs . On a ouvert son cadavre , où
il a été trouvé des symptômes d'une mort violente et préméditée
, puisque certains visceres étaient en putréfaction et
les intestins brûlés .
La division de l'escadre de Brest , attendue depuis si
long- tems , est enfin arrivée à Toulon ; elle est composée
de 6 vaisseaux de ligne , 5 frégates et 2 bricks . Ce renfort
nous assure la superiorité dans la Méditerranée ; il y a maintenant
, dans ce port , 20 vaisseaux de ligne prêts à mettre
à la voile.
( 186 )
NOUVELLES OFFICIELLE S.
ARMÉE D U RHIN.
du quartier -général d'Oberalm , le 18 germinal , l'an 3º . de la
République Française .
Chers collegues nous avons tenu notre engagement.
Hier , à neuf heures du matin , l'ennemi nous a attaqués en
force , depuis Bretrentheim jusqu'au bois de Momback , et
particulierement dans ce dernier lieu ; le combat s'est engagé
avec la plus grande vigueur de part et d'autre ; ou s'est tiré
plus de quatre heures à mitrailles , et le feu de la mousqueterie
a duré plus de cinq grandes heures sans interruption.
Un instant nos braves soldats ont été obligés de quitter un
oavrage que nous avions jetté la nuit sur le plateau de
Mayence , dont il voulait nous chasser. L'ennemi y est entré
et deux minutes après , il en a été à son tour chassé à la
bayonnette. Il a été également repoussé à la bayonuette ,
des ravins qui sont au dessous du bois de Momback , où il
a été charge pendant trois fois impétueusement , par notre
infanteric aux ordres du général Saudos .
"
.
Vers les deux heures , l'ennemi a commencé sa retraite
sous le feu des ouvrages avancés de la place , et est rentré
dans Mayence ; nos troupes sont également rentrées elles
occupent toujours les mêmes positions , et ont repris leurs.
travaux avancés . La perte de l'ennemi est considérable , parce
qu'il a dû attaquer de front nos postes qui étaient assez couverts
par la nature du terrain , et par le feu d'une section
de l'artillerie volante , et des batteries du bois de Momback ;
tous ont très - bien fait leur devoir , soldats , officiers , genefaux
méritent beaucoup d'éloges : on en doit à l'officier du ge
nie Fayau , qui à été tué sous mes yeux dans les travaux
et qui est mort en continuant à faire des voeux pour le
triomphe de la République.
*
Cet intéressant officier mérite d'autant plus les regrets de
sa patrie , qu'à beaucoup de courage et d'intelligence , il
joignait les vertus filiales i nourrissait avec ses appoinemens
sa mere et sa famille , qui sout dans le besoin , et
que je vous recommande particulierement. De mon côté je
4pis également quelques larmes à mon ami Dermesin , hussard
au , 7. régiment , qui m'avait suivi toute cette campagne
et qui a été tué à côté de moi d'uu coup de fusil je vous
recommande sa famille . Je vous recommande également les
citoyens Fournier , Roche et Parme , aussi hussards au 7 .
régiment , qui ont été toujours avec moi dans cette action ,
?
( 187 )
où ils ont conra les plus grands dangers. La conduite qu'il
ont tenue avec moi toute cette campagne , et qui est connue de
tous mes collegues et de tous les généraux , leur intelligence
leur moralité et l'ancienneté de leur service , méritent un
avancement que je sollicite pour eux . 5
ལ་
Les généraux Schaul et Renaud ainsi que tous les autres
généraux de l'attaque de gauche et du centre ont été partout',
et leurs ordres ont été si bien donnés que rien n'a
manqué pendant l'action . J'attache à ce succès , quoique peu
conséquent par son objet , beaucoup de prik ; car les genéraux
ennemis avaient fait annoncer et répandre qu'ils viendraient
dîner le jour de Pâques ( v. s . ) à Alzey , ce qui
avait fait considérablement baisser nos assignats , tant la malveillance
se remue en tous sens . Je profite du retour du
courier pourvous faire part de ces nouvelles , que je vous appor
tais moi-même , si mon collegue Cavaignac n'avait été forcé
de se rendre momentanément à Coblenz , pour les objets
dont je vous ai parlé dans ma précédente lettre . Je partirai
dans trois à quatre jours , et j'espere que j'aurai le bon
heur de vous apprendre quelque nouvel avantage , car nous
nous attendous à être de nouveau attaqués.
"
Salut et fraternité .
2
§ X , Signé , J. FERAUD , représentant du peuple.
3
ARMÉE D'ITAL I E.
Extrait du rapport des officiers de santé en chef de l'armée d'Italie .
en date du 18 germinal.
MAVIS .
L'armée française et le peuple génois ont éprouvé depuis
l'hiver des maladies nombreuses, 3
La malveillance toujours active s'est empressée d'annoncer
qu'une épidémie mortelle ravageait les camps des Français.
L'ignorance et la peur ont accrédité ces bruits absurdes , et
les Genois abusés n'ont plus vu dans les Français que des
hommes pestiférés .
C'était précisément l'effet que voulaient produire les lâches
ennemis de la République Française ; ne pouvant la vaincre
à force onverte , et n'ayant pas pu parvenir à rompre les
communications et l'harmonie établies entre les deux répus!
bliques , ils ont espéré y réussir en semant des bruits atroces
et calomnienx , mais leurs efforts seront impuissans .
Pour déjouer les manoeuvres coupables des ennemis communs
des deux républiques , pour ramener la sécurité dans
le coeur des Génois et dissiper leurs préventions et leurs
craintes , il suffira de leur présenter la vérité.
Les officiers de santé en chef de l'armic d'Italie déclarent :
1º. Qu'ils n'ont jamais reconnu de caractere épidémique
dans les maladies de l'armée ;
!
( 188 )
4. Qu'il n'existe aucune ressemblance entre les maladies
des Genois et celles des Français .
30. Qu'a présent même la mortalité est fort au- dessous
des pr babilites reçues , que les maladies diminuent de jour
en jour , de nombre et d'intensité ;
4°. Qu'il est vraisemblable que , les Génois , fatigués par
un hiver rigoureux ( que l'experience a prouvé étre toujours
malfaisans dans leurs contrées ) ont dû être naturellement plus
exposés à des maladies graves que les Français , pour qui l'hiver
n'a rien de redoutable g
5. Que la frayeur dans laquelle on a entretenu les Génois ,
les a de plus en plus rendus susceptibles de contracter des
maladies , et qu'elle a dû en augmenter l'intensité ;
6°. Que tout porte à croire qu'il y a plus d'analogie entre
les maladies des Génois et celles des Piémontais , qu'avec
elle des Français . "
et
7º, Enfin , que le seul møyen , pour les Génois , de se soustraire
aux maladies qu'ils redoutent , c'est de bannir toute
frayeur , de cesser leurs rapports avec les Piémontais ,
d'attendre avec confiance les retour de la belle saison , qui
achevera de dissiper les influences dangereuses d'une hiver
trop rigoureux . î
Signés , BOURDOIN , FRACONARD , COURTOIS , X. BROUNART ,
BOURGME , Brugniere .
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Suite
Suite de la séance du 9 germinal , relative au procès de Fouquier-
Tinville et des co- accusés dans cette affaire.
des délits imputés aux jurés.
"
Mais que plus l'institution des jurés est sacrée , plus on'
doit être sévere dans l'examen de la conduite de ceux qui
ont rempli les fonctions de la maniere dont il vient d'être
parlé , et craindre que l'omission d'un seul des accusés , à
qui Foqquier avait donné le nom de Solide , ne pût empêcher
la découverte de quelques grands crimes et laisser respirer à
l'innocence le souffle impur de la scélératesse .
Que le résultat enfin de leurs opérations , leurs liaisons
avec les conspirateurs , leur immoralité reconnue , leur despotisme
pesant sur la tête de leurs concitoyens par-tout où
ils se trouvaient , ne permet guères de douter qu'ils étaient liés
à la conspiration qui devait asservir la partie du peuple français
qui aurait ééhappé à la mort , et que c'est en vain qu'ils
ont soutenu dans leurs interrogatoires , que tout ce qu'on
leur reproché est, faux , et qu'ils n'ont jamais émis d'autre
( 189 )
voeu que celui de leur conscience ; car ce serait alors le ca
de mettre au moins en doute , si des jurés pouvaient être
recherches et panis comme conspirateurs , pour faits relatifs
à l'exercice de leurs fonctions ; doute qui n'en formera jamais
un dans l'ame des amis de la justice et de la liberté.
D'aprés l'exposé ci -dessus , l'accusateur public a dressé le
présent acte d'accusation .
10. Par addition contre Antoine - Quentin Fouquier , exaccusateur
public près le tribunal révolutionnaire , pour s'être,
méchamment et à dessein , rendu coupable , sous les nouveaux
rapports relates dans le present acte des crimes spécifiés
dans le résumé de l'acte d'accusation du 27 frimaire dernier ;
Contre Deliege , Delaporte , Foucault , Maire Sellier ,
Harny , Garnier- Launay , Naullin , Felix , Bravet , Barbieu ,
Liendon , ex-juges ; Lohier , Trinchard , Lergix dit Dix- doût ,
Renaudin , Pegeot , Villate , Dupley , Prieur , Châtelet ,
Brochet , Chrétien , Didier , Gauthier , Girard , Trey et Ganey ,
ex-jugés pour s'être rendus coupables mechamment et à dessein ,
des crimes imputés à Fouquier - Thinville , soit comme complices
desdits crimes , suivant les circonstances par les faits
et manoeuvres énoncés dans le présent acte .
}
Les débats ont été ouverts sur les conspirations des prisons
déja plusieurs témoins ont été entendus a ce sujet . il en résulte
, jusqu'à présent , qu'il n'a pas existé de couspirations
dans les prisons , notamment au Luxembourg , et qu'elles
n'ont été inventées que pour mettre à exécution le systême
de dépopulation , arrêté par les anciens comités de gouver
nement.
Fouquier répond que ces conspirations avaient été dénoncées
aux comités de salut public et de sûreté générale , et
à la Convention ; que la conspiration de Dillon fut cons
tatée par un jugement du tribunal , en date du 24 germinal i
qu'il n'a agi qu'en vertu des ordres des comités et qu'il n'etait
ni juré ni juge... !
Parmi les témoins qui ont parlé des prétendues conspirations
des prisons , on en entendu un qui a déposé d'un autre fait.
Voici le nom da témoin et sa declaration .
Gasties , employé à la commission d'instruction publique ,
a dit : Dumas demeurait dans la même maison que moi . Pour
sauver l'innocence , il fallait bien quelquefois m'approcher du
crime. Dumas me prevint du jour où les prétendus assassins
de Robespierre devaient être mis en jugement ; je me rendis
au tribunal. J'allai avee men ami voir Dumas dans son cabinet ;
l'infortunee fille Renaud demandait à lui parler on apporta
à Dumas un petit billet , il nous le lut il é
était conçu
à - peu-près en ces termes :
•
Homme de sang , égorgeur , homme abominable , can-
།
( 190 )
xibale infâme , monstre , scélérat , vil et lâche assassin 9
as fait périr ma famille ; tu vas envoyer à l'échafaud ceux
qui paraissent anjourd'hui au tribunal , tu peux me faire subir
le même sort , car je te déclare que je partage leurs opinions
et leurs sentimens .
Signé , le comte DE FLEURY.
Fouquier entra dans le cabinet , Dumas lui dit : Voici un
petit billet bien doux , lis-le . Ce monsieur- là me paraît pressé
dit Fouquier , je vas l'envoyer chercher.
?
J'entrai dans la chambre d'audience , 40 accusés étaient déja
sur les gradins , le substitut requis que cinq autres accusés
leur fussent adjoints . Froidure fut du nombre . Je vis arriver
le ci-devant comie de Fleury avec les quatre autres ; on lui
demanda ses noms et qualités . Voilà tous les débats : Fleury
fat condamné à, mort avec les autres ; il marcha au supplice
avec une chemise rouge , comme complice de l'assassinat de
Robespierre .
Fouquier Je n'ai jamais vu ce témoin ; je n'entrai as
dans le cabinet de Dumas . Le témoin me prend pour un
aatre .
Le témoin Vous êtes Fouquier , je vous reconnais . Mon
ami Goberthier sera entendu .
Louis Lesene , porte - clé à la maison d'arrêt du Luxembourg
déclare , que dans la nuit du 18 au 19 messidor ,
on transféra du Luxembourg à la Conciergerie environ 159
détenus. Appellé le 19 au tribunal , pour donner des reuseignemens
sur la prétendue conspiration du Luxembourg ,
je dis que je n'er, avais aucune connaissance que par les
papiers publics , et que les prisonniers avaient toujours été
tranquilles. :.
Cambon , substitut , a instruit le tribunal que Fonquier
requit alors l'arrestation de Lesene ; il a donné lecture du
jugement intervenu à ce sujet . Il est ainsi conçu
Attendu qu'il est constant qu'il a existé dans la maison
du Luxembourg, une conspiration contre la sûreté du peuple ,
et tendant à égorger la Convention nationale , et qu'il résulte
de la déposition du témoin qu'il est impossible qu'il n'ait
pas eu connaissance de cette conspiration , l'accusateur public
requiert et le tribunal ordonne que Lesene sera mis en état
d'arrestation . 19
Lesene Dumas prétendit que j'étais complice . Le 20 ,
j'adressai un mémoire à Fouquier pour obtenir ma liberté ;
point de réponse je fus détenu qnaraute - trois jours .
Fouquier , interpellé par le président , a répondu : Le
témoin tergiversait dans sa déposition ; je requis son arres- i
tation provisoire , et Dumas fit diriger le jugement en senst
contraire . Alors ce n'est plus ma faute ... T 2 紹
François Brocherieux , porte-clé de Luxembourg , a dit :
1
( 191 )
Appellé en témoignage , le 21 messider , dans l'affaire
les femmes Noailles , j'ai déclaré que je n'avais aucune
connaissance de cette conspiration , qu'elle n'avait pas même
existé , et que les détenus étaient si soumis , qu'ils ne passaient
pas dans la grande cour du Luxembourg , quoiqu'ils n'eussent
pour barriere qu'une simple défensive . On me fit un grand
crime de ne rien déclarer on prétendit qu'un porte - clé.
devait être instruit de tout ce qui se passait. Je ne reçus mon
assignation que dans la salle des témoins .
Nicolas Stral , suisse du Luxembourg , ensuite portier de
cette maison d'arrêt , a dit qu'il n'avait existé aucune cons
piration dans l'intérieur du Luxembourg ; mais que s'il y
avait eu quelque part conspiration , c'était au dehors , dans
les journaux et dans les discours calomnieux que l'on tenait
sur les dénus , ou qu'on leur faisait tenir .
Interpellé s'il avait eu connaissance des listes faites aux
Luxembourg pas beaucoup , a - t - il dit ; mais Boyenval ,
tailleur d'habita et prisonnier , passait pour un des faiseurs.
de listes. Il m'a dit que , sur 8 à 900 détenus au Luxem
bourg , il n'en échapperait pas plus de 30 à 40. Assignépour
déposer dans le procès de Noailles , et interrogé par
le président sur le nombre des prisonniers qui étaient dans
les grands appartements , et s'ils pouvaient être entendus du
dehors , je répondis qu'il y avait 10 à 12 détenus dans chaque
grande chambre ; qu'ils ne pouvaient rien entendre du dehors ;
que tous les prisonniers étaient tranquilles , et j'affirmai qu'il
n'y avait pas eu de conspiration ; que ce qui avait peutêtre
donné lieu à cette rumeur , était peut- être le bruit que
faisaient les détenus en jouant aux barres , comme on fait
dans les colléges , et une querelle , qui s'éleva entre deux
des prisonniers . Sur une déposition , le président me traita
de fourbe , et j'appris en rentrant au Luxembourg que j'étais
sur la liste fatale. Quant à Boyenval , qui passait pour un
des faiseurs de ces listes , je sais qu'il descendait par ordre
de Guyard , qu'il ne rentrait que vers minuit , privilege
accordé à lui seul . Du reste , j'iguore s'il sortait du Luxem.
bourg , et s'il allait au comité de sûreté générale .
Les trois temoins ont déclaré qu'ils n'avaient jamais va
Fouquier au Luxembourg.
Gabriel - Jérôme Senard , homme de loi , âgé de 33 ans ,
a dit : Agent national de Tours , j'avais donné des ren
seignemens précieux sur la guerre de la Vendée , au comité
de sûreté générale on arrêta des complices ; j'apportai les
pieces à Paris , et je fus employé au comité de sûreté gé.
nérale pour y faire des interrogatoires . Chargé de faire le dépouillement
des pieces trouvées chez Santerre , je procédai à
à son interrogatoire , et je trouvai des pieces de complicité ;
je vis qu'il avait injurié le peuple , et sur - tout celui de Paris ,
9
( 192 )
-
mas Santerre avait des amis . Quant je présentai à Fouquier
1 procès- verbal contre Santerre , Fouquier ne fit qu'en rire
et me dit qu'il était rédigé d'une maniere adroite . Je lui fis
sentir qu'il étaitappuyé de pieces matérielles . J'avais des ennemis
, je temoignai mes craintes à Fouquier sut le bruit qui s'était
répandu que je serais traduit an tribunal . Quand Robes--
pierre le voudra , répond- il , et je pourrai te faire monter sur
mes petits gradins ; mais je n'ai rien contre toi. Je tombai évanoui
, lorsqu'il me dit Patriote ou non , lorsque Robespierre
m'a indique quelqu'un , il faut qu'il menre. Il dit à
Héron , qui m'avait accompagné , les fêtes tombent "comine
des ardoises . Oh ! répondit Héron , cela ira encore mieux ,
ne t'inquiete pas
Gabriël-Jérôme Senard continue sa déposition :
Fouquier me dit un jour : Il me faut des écrits et non pas
des paroles . En voici l'occasion :
Des cultivateurs de Bourgueil é aient traduits au tribunal :
ce sont d'honnêtes gens , me dit Ruelle ; il faut les sauver :
mais ils sont riches , me dit Fouquier ; car on leur a trouvé
de l'argent. Je lui représentai que la cupidité les avait dépouillés
, et qu'ils avaient boursillé entr'eux . Alors il me répondit
: Ce sont des écrits et non des paroles qu'il me faut.
J'avais demandé à Fouquier un reçu de sept liasses de pieces
intéressantes que je lui avais remises , concernant 15 brigauls
de la Vendée ; il me dit : Je ne suis pas à mon aise ; je crois
voir les ombres des morts qui me poursuivent , sur- tout celles
des patriotes que je fais guillotiner. Mais il rejetta tout sur la
loi du 22 prairial et sur le comite d'alors .
Ne t'inquiete pas , lui dit Héroa , les expéditions iront
comme de coutume; nous ferons toujours tomber des têtes .
Ce Héron voulait que , par un rapport , je fisse guillotiner
sa femme ; il me disait : Quand cela est emmanché dans une
même affaire , pouf , pout , ça va.
Le tribunal a acquitte Motion , encore déten , malgré les
déclarations des villes de Nantes et d'Orléans . Je présentai à
Fouquier un ordre da comité de sûreté générale en sa faveur ;
il me répondit qu'il ne pouvait le mettre en liberté ,
an ordre du comité de salut public.
tures. 12 , 24 , 30 . -
sans
En messidor , près la chambre du conseil , le domestique
de l'exécuteur demanda à Fouquier combien il fallait de voi-
Trois , répondit - il. Tu comptes
donc les têtes , lui dis -je , effrayé de ce calcul ? Cela ne te
regarde pas , répondit - il ; tu es de la faction des indulgeus .
Je sortis avec Amar .
( Là suite au numéro prochain . )
( N°. 43. >
MERCURE FRANÇAIS .
QUINTIDI 5 FLOREAL , l'an troisieme de la République,
( Vendredi 24 Avril 1795 , vieux style. ) :
LÉGISLATION.
EXAMEN de la Constitution'de 1793 , et de plusieurs questions
relatives à Forganisation du gouvernement .
ON
N parle beaucoup de tois organiques de la constitu
tion . J'avoue que je ne puis me faire une idée bien
nette de ce que l'on entend par ces mots . Il me semble
qu'une constitution doit trouver en elle -même les regles
de son organisation , ou bien elle est incomplette.
Qu'est- ce qu'une constitution , qui pour exister aurait
besoin d'un supplément qui lui est étranger? te sup
plément fera-t-il , ou ne fera- t-il pas partie de la constitution
? Au premier cas , il est plus simple de la refordre.
Dans le second , ces lois organiques on supplémentaires
pouvant être changées , modifiées ou supprimées par
les législatures , la constitution resterait avec ses défauts
et son insuffisance .
2
Il est aisé d'appercevoir la cause de cet étrange em.
barras . D'une part , il y avait dans la Convention un
parti qui croyait ou tâchait de faire croire qu'on ne
pouvait et qu'on ne devait toucher en rien à la constitution
, tandis que l'autre était fermement convaincu
qu'elle ne peut subsister , telle qu'elle est , sans amendement.
Pour ménager ces préventions feintes ou réelles ,
il a fallu recourir à une mésure qui , sans effaroucher
les uns , remplit le voeu des autres , et cette mesure
on l'a enveloppée du nom de lois organiques . Il est tems
de renoncerà ces chemins de traverse, et d'aller franchement
au but: peut- on et doit-on refaire la constitution de 1793 25
Les rigoristes amateurs des formes , et ceux qui préferent
la lettre qui tue , a l'esprit qui vivifie , alleguent
que cette constitution a été sanctionnée et acceptée par
le peuple en assemblées primaires , et que par -la elle
a acquis un caractere d'irrévocabilité .
Il est facile de répondre à cette objection. "
10. J'en appelle à tous les Français de bonne foi ;
Tome XV.
(*194 )
{
2
est - ce bien une acceptation libre , volontaire , complette
et raisonnée , que cette formalité illusoire qu'on ose
présenter comme la sanction du Peuple Français ?
A- t-on oublié qu'elle fut l'ouvrage , non de la Convention
entiere , mais d'une minorité qui venait de violer
la représentation nationale ; qu'elle fut improvisée si
brusquement , qu'elle fut faite , imprimée et adoptée
en moins de quinze jours , sans examen ni , discussion ;
que lorsqu'elle fut envoyée aux assemblées primaires ,
le régime de l'oppression et de la terreur en avait écarté
une foule de bons citoyens qui avaient cependant droit
d'émettre leur vou sur l'acte le plus important qui pût
les intéresser; et que là elle fut adoptée en masse , ou
plutôt, commandée à l'acceptation , sans qu'on permît de
discuter le moindre article ?
2. Si les circonstances qui ont précédé , accompagné
et suivi la rédaction et l'acceptation de l'acte constitutionnel
, ne suffisent pas pour réduire cette formalité à
sa juste valeur, doute- t- on que le peuple n'ait le
pouvoir d'annuller lui - même un consentement si peu
libre et si incomplet ? qu'a- t- on à objecter si des pétitions
nombreuses provoquent la rédaction d'un nouvel
acte constitutionnel , pour laquelle on ne croit pas la
Convention suffisamment autorisée ?
3º . La Convention , en s'occupant de ce projet , qua
ferait-elle autre chose , qu'exercer une simple initiative ?
En derniere analyse , n'est- ce pas toujours les assemblées
primaires qui examineront , ratifieront , ou rejetteront
son projet ?
Rien ne s'oppose donc à ce que la Convention puisse
perfectionner son ouvrage , c'est-à- dire , remplir l'objet
le plus essentiel de sa mission. Mais cette faculté se
change en devoir , s'il est vrai que la constitution de
1793 , loin de donner à la France un gouvernement
solide , ne soit propre au contraire qu'à exposer la libertė
à de continuels orages. Eh ! qui peut mieux apprécier
cette constitution , en marquer les défauts ou les omissions
, que ceux qui , instruits par une longue et périlleuse
expérience , ont appris à connaître le danger des
factions , les fureurs populaires , l'abus des résolutions
trop précipitées , les excès ou les faiblesses du gouver
nement? S'ils ont la conviction que l'acte constitutionnel
est imparfait , par quelle vaine et coupable superstition
n'oseraient-ils pas en présenter un meilleur au
Peuple Français ? Est- ce donc une chose si indifférente
( 195 )
3
au bonheur d'une grande nation , que de chercher
assurer sa liberté par tous les moyens que la prudence
et la raison suggerent.
Avant de jetter un coup-d'oeil sur cette esquisse in-,
forme que l'on a qualifiée de constitution , il importe
de dissiper une erreur que l'on a cherché à accréditer
Par la voie de quelques papiers publics ( 1 ) . On a dit
qu'une constitution était bien moins nécessaire à un
peuple qu'un gouvernement ; et de ce texte longuement
commenté , on a semblé en tirer la conséquence
qu'il fallait peu se soucier de l'une , et s'occuper entierement
de l'autre .
Cette assertion prouve que l'on ne s'est pas formé une
idée bien juste du sens du mot constitution et de celui de
gouvernement. Sans cette soigneuse exactitude dans l'acception
des mots , il est impossible de s'entendre sur
les choses .
Le gouvernement n'est autre chose que l'esprit de la
constitution mis en action . C'est l'instrument dont elle
se sert pour
maintenir , dans toutes les parties du corps
social , l'ordre établi par les lois constitutionnelles . Un
gouvernement sans constitution ne serait qu'un gouvernement
arbitraire ; car s'il n'avait ni régulateur , ni contrepoids
, ni cause impulsive bien organisée , il pourrait
dégénérer en oppression . Les mode du gouvernement
doit donc faire partie de la constitution ; il n'en est.
séparé que par le jeu de ses mouvemens , qui constitue
ce qu'on appelle pouvoir exécutif, mais il doit recevoir
de la constitution son principe de vie , et du corps légis- .
latif son principe d'action . Ce sont des branches qui
partent du même tronc. Il ne peut pas mieux exister ,
dans un état qui veut être libre , de gouvernement sans
constitution , que de constitution sans gouvernement.
Quelquefois il arrive que dans une acception plus
générale , on entend par gouvernement d'un peuple la
forme même de sa constitution. Dans ce sens , moins
précis , moins exact , gouvernement et constitution sont une
même chose . Ce n'est sûrement pas là ce qu'ont voulu
dire ceux qui prétendent qu'on peut se passer de constitution
, pourvu qu'on ait un gouvernement ; car ils auraient
dit une niaiserie politique et ne se seraient pas
apperçus qu'ils avaient la chose sous un nom différent.
* (1 ) Voyez entr'autres Annales patriotiques.
N
( 196 )
La constitution d'un état étant donc la regle , qui doit
fixer et déterminer les rapports que les membres du
corps social ont entr'eux et avec l'état , et les rapports de
l'état avec ses membres , il s'ensuit que , pour qu'une
constitution soit bonne et durable , il faut qu'elle contienne
1º. La garantie des droits civils et politiques de chaque
citoyen ;
2º. La garantie de la liberté publique contre les entreprises
possibles du corps législatif ou du gouvernement
, ou de tous deux conjointement ;
30. La garantie des fonctions du corps législatif , et
de l'action du gouvernement .
Si cette triple garantie n'est pas assurée par la constitution
, celle - ci est imparfaite et vicieuse ; les citoyens
peuvent être opprimés , la liberté publique compromise ,
et le corps social exposé à de fréquentes et terribles :
agitations .
Il s'agit d'examiner si la constitution de 1793 a atteint
ce but de toute bonne organisation : sociale .
f. Ier. De la déclaration des droits .
je lis dans l'art . VII de cette déclaration , que le droit
de s'assembler paisiblement ne peut être interdit . Cette dispo
sition vague et indéterminée n'est jettée en avant , que
pour préparer à l'art . CXXII , de l'acte constitutionnel ,
où il est dit que la constitution garantit à tous les Français.
le droit de se réunir en SOCIÉTÉS POPULAIRES.
Il ne faut pas s'étonner de l'extrême chaleur que tanti
de gens ont mise à demander l'exécution actuelle da
la constitution , dans toute son intégralité. Ils savaient
bien que le jour où elle aurait été mise en activité
aurait été celui de la résurrection des jacobins . Or , nier
que les jacobins n'aient fait beaucoup de mal dans la
République , c'est nier le résultat trop funeste de trois .
ans de trouble et d'anarchie . Le calme n'a commencé à
se rétablir, et l'espérance d'une constitution et dun.
gouvernement ne s'est offerte , que depuis que ces asyles
du délire politique et des factions ont été fermés . Les
rouvrir en ce moment , c'est ouvrir la boëte de Pandore.
Que dans des tems où l'esprit public sera mieux
formé , où les passions seront éteintes , où cette effervescence
révolutionnaire aura fait place à l'amour de
2
(( 197 )
fordre et au respect des lois , où le gouvernement auta
pris une assiette fixe , les citoyens puissent s'assembler
paisiblement, et se réunir en sociétés , il n'y aura sans doute
aucun inconvénient. Mais que cette faculté ne puisse
jamais être interdite, que l'existence des sociétés populaires
soit garantie par la constitution , c'est leur donner un
caractere d'indélébilité qui peut être très - dangereux ;
c'est les placer au dessus des autorités municipales et
administratives ; car celles- ci peuvent être destituées , et
mises même en jugement , dans des cas de prévarication
grave ou de forfaiture .
-
Dans un état bien ordonné , il ne doit Y avoir aucun
homme privé , aucun fonctionnaire public , que la surveillance
de la loi ne puisse atteindre . Une réunion de
citoyens , sous un nom collectif , quels que soient sa
forme et le but de son institution , ne doit pas mieux
s'y soustraire . Supposons qu'à l'époque du 9 thermidor ,
la France eût été régie par la constitution de 93 , com
ment le corps des représentans du peuple aurait - il pu
étouffer la révolte , dont la société des jacobins avait
arboré l'étendard ? N'aurait- elle pas invoqué l'art . de la
constitution qui lui garantissait le droit de s'assembler
et de, délibérer ? Qu'on écoute les leçons de l'expérience
, et si l'exemple du passé ne suffit pas pour
faire craindre les mêmes effets pour l'avenir , que l'on
convienne du moins que la faculté de se réunir en sociétés
populaires , est , comme tous les autres droits ,
susceptible d'être limitée ou suspendue , toutes les fois.
que l'intérêt social , le premier de tous , l'exige . On ne
peut donc laisser subsister , sans restricton , un article "
qui , même dans un ordre de chose plus tranquile , no
serait pas sans inconvénient , et qui , dans les circonstances
présentes , deviendrait la source des plus grands
dangers.
Que tout individu qui usurperait la souveraineté ,
soit à l'instant mis à mort par des hommes libres.
( Art . XXVII . )
L'usurpation de la souveraineté est le plus grand crime
qui puisse être commis envers le corps social. Mais
que veut-on dire par ces mots , qui ont une latitude si
grande ? soit à l'instant mis à mort par des hommes libres .
Est- ce l'assassinat que l'on veut ériger en principes dans
une déclaration des droits ? Est- ce une mise hors de la
i, prononcée d'avance , et encourue par le seul fait,
N 3
( 1981)
sans instruction , sans jugement , sans aucune forme de
procès ? Quelle terrible mesure dans un ordre social !
Qui sont ces hommes libres que l'on invite à tuer l'usurpateur
? Sera- ce le premier rassemblement d'hommes
factieux ou égarés , qui auront jugé , dans leur impétuosité
, ou d'après des suggestions données , que tel
individu usurpe la souveraineté ? C'est livrer la vie du
meilleur citoyen au fer du premier ennemi ou du premier
scélérat qui aura à sa solde une poignée de brigands
.
Brutus immola l'usurpateur de son pays , et fut applaudi
de Tullius et de Caton ; mais il n'y avait point
de décret qui lui enjoignît de poignarder César . Il est
des actions que la liberté peut absoudre , mais que la
morale publique et la loi ne sauraient commander.
Art. XXXI. Les délits des mandataires du peuple et
de ses agens ne doivent jamais être impunis . Nul n'a le
droit de se prétendre plus inviolable que les autres
citoyens.
" "
C
Le but de cet article artificieusement rédigé , est de
porter atteinte à un principe sans lequel il ne peut exister
de gouvernement représentatif , savoir l'inviolabilité
de la représentation nationale. Sans doute il est des délits
qui ne doivent pas être plus impunis à l'égard d'un repré-
-Sentant du peuple , que pour tout autre citoyen . Mais il
est nécessaire de spécifier et de caractériser tellement
ces délits , qu'on ne puisse jamais confondre les actes du
Teprésentant , avec ceux de l'homme privé et du citoyen .
Cette spécification ne saurait se trouver dans une déclaration
des droits ; elle appartient au chapitre de la
constitution qui traite de la représentation nationale .
C'est là qu'il convient d'examiner jusqu'à quel point les
lois peuvent atteindre un citoyen revêtu de la qualité
de représentant du peuple .
D'abord si on la considere dans sa source , elle émane
du peuplé comme souverain ; le peuple ne pouvant
exercer par lui-même la souveraineté , est obligé d'en
confier l'exercice à son délégué . Or , le pouvoir délégué
participe de la nature du pouvoir délégant . Certainement
si le Peuple Français pouvait s'assembler collectivement
pour agir comme souverain , qui oserait prétendre qu'il
n'est pas inviolable pendant la durée des actes de sa
souveraineté . Il faut donc qu'il communique ce même
caractere à ceux qu'il choisit pour le représenter , non
( 199 )
pour le profit des représentans eux -mêmes , mais pour le
sien propre.
Si l'on considere la qualité de représentant dans la
nature et l'objet de ses fonctions , on sent que cette
inviolabilité est indispensable: Sans la garantie de la
liberté et de l'indépendance la plus entiere des opinions
, il n'y a point de représentation nationale . Chaque
membre voyant la responsabilité sur ses levres , n'osera
proférer une parole d'après le sentiment profond de sa
conscience , mais il suivra le torrent du parti qui do
mine . Il ne sera ni de la minorité ni de la majorité , car
il ignorera laquelle en définitive sera jugée infidele et
coupable ; ou s'il a le courage de braver les fureurs
populaires et l'échafaud , il n'aura pas même la consolation
, en mourant , de sauver la dignité de la représen
tation nationale des entreprises d'une poignée de factieux
qui auront juré de la maîtriser ou de la dissoudre .
Ce qui s'est passé au sein de la Convention actuelle
me dispense d'un plus grand développement. Le jour
où elle a souffert que des rassemblemens de séditieux
aient osé usurper la souveraineté du peuple , en accusant,
au gré de leurs passions , des représentans d'infidélité
et de forfaiture , et où elle a eu la faiblesse de les livrer
à la proscription , a été pour elle le jour où la liberté
des opinions a cessé , et pour la nation entiere le commencement
des plus affreux désastres . Le jour où à cette
violation d'un principe sacré , elle a ajouté la réunion
de tous les pouvoirs , a été pour elle l'obligation de se
soumettre , comme corps gouvernant , à une responsabilité
dont elle doit être affranchie comme corps repré
sentatif. On doit peu s'étonner que ceux-là mêmes qui
ont provoque cet attentat à la représentation nationale ,
aient voulu l'ériger en principe dans une déclaration
qui a été leur ouvrage.
Qui sera donc juge entre le représentant du peuple et
lui ? le plus redoutable de tous dans une république ,
l'opinion. Elle flétrira d'une honte et d'une exclusion
éternelle de tous les emplois publics , le citoyen qui
serait reconnu évidemment avoir trahi les droits
du peuple. Qui garantira le peuple de l'infidélité de
son mandataire ? qui le garantira ? L'organisation d'un
bon gouvernement. La garantie est là , ou elle n'ést
nulle part ; mais il faut savoir l'y placer. Rien n'est plus
vague d'ailleurs que cette accusation d'infidélité, ni plus
difficile à caractériser car s'agissant uniquement 3
NA
( 200 )
d'opinions émises dans une assemblée , où est le type
invariable de la vérité et le signe infaillible pour la
reconnaître. J'aurai occasion de reprendre ailleurs ces
réflexions. Il suffit d'avoir montré que cet article , loin
d'être favorable aux droits du peuple , enleverait toute
espece de liberté à ses représentans .
Quel abuse n'a -t-on pas fait de ce mot , résistance à
l'oppression , inséré dans l'art. XXXIII ? Y a - t- il eu ,
depuis le 10 août , un seul mouvement séditieux , que
les brigands , qui le provoquaient , n'aient fondé sur
cette maxime . Il y avait toujours oppression pour eux ,
toutes les fois qu'ils rencontraient quelqu'obstacle dans
l'exécution de leurs projets de brigandage et d'anarchie ,
ou que des chefs de faction voulaient faire triompher
leur parti...
Et cette autre maxime , consignée dans l'art . XXXIV :
Il y a oppression contre le corps social , lorsqu'un SEUL DE
SES MEMBRES est opprimé , à combien de fausses interpretations
ne peut-elle pas donner lieu ? Opprimé , par
qui , de quelle maniere ? qui déterminera les caracteres
de l'oppression ? qui en sera juge ? Sera - ce l'opprimé
lui-même ? sera- ce sa cotterie ? Ne voit- on pas qu'il n'y
aurait pas ùn factieux un peu puissant , dont on pût
réprimer les complots , et qui ne prétendît , lorsque la
loi voudrait l'atteindre , que tout le corps social est
opprimé dans sa personne ; et si , comme cela arrive
fréquemment dans les gouvernemens libres , il étai
appuyé par son peuple , ne compterait - il pas autant
d'opprimés , qu'il aurait de partisans . Dès - lors , quel
vaste champ l'on ouvrirait aux séditions et'à l'impunité !
*
Ces réflexions s'appliquent bien plus directement encore
à l'art . dernier ainsi conçu :
" Quand le gouvernement viole les droits du peuple ,
l'insurrection est pour le peuple , et pour chaque portion
du peuple , le plus sacré des droits et le plus indispensable
des devoirs. 99
A moins qu'on ne veuille organiser constitutionneldent
le trouble et l'anarchie dans le corps social , conçoit-
on que l'on puisse terminer une déclaration des
droits par un article plus subvetsif de tout ordre public
et de tout systême politique. Quoi ! chaque portion
du peuple aura le droit de se mettre en insurrection , toutes
les fois qu'elle jugera que le gouvernement viole les
( 201 )
droits du peuple . A-t- on donc si - tôt perdu de vue l'ef
froyable abîme dans lequel nous ont précipités ces
idées d'insurrection si mal conçues , si faussement appréciées
par des fractions du peuple ? Soit qu on entende
par gouvernement l'action du pouvoir exécutif, soit qu'on
y joigne celle du pouvoir législatif, il est impossible d'imaginer
un gouvernement exerçant son activité sur une
immense population , sans qu'il n'y ait parmi les gouvernés
un certain nombre de mécontens , ne fusse que
les ennemis de toute espece d'ordre et de police sociale ,
les intrigans , les ambitieux , les esprits turbulens et inquiets
qu'il faut sans cesse surveiller et contenir . Ces
hommes sont toujours disposés à soutenir que le gou
vernement viole les droits du peuple , parce qu'il leur fait
sentir le frein des lois . Si chaque portion du peuple a le
droit de s'insurger , à cause de la violation des droits du
peuple , il est clair que chacune de ces portions sera fondée
à se croire le peuple à l'égard du gouvernement , et
à confondre les droits du peuple avec leurs propres in
trigues.
L'expérience du passé n'a que trop justifié la preuve
de cet étrange abus du mot peuple et du droit d'insurrection
. C'est en s'appuyant sur cette commode doctrine
que Robespierre et sa faction ont fait l'insurrection si
désastreuse du 31 mai ; que les Hébert , les Ronsin , les
Vincent ont essayé à leur tour de renverser Robespierre
et le comité de gouvernement d'alors , pour y substituer
leur propre parti ; que les triumvirs aidés des jacobins
et d'une municipalité conspiratrice , se sont mis en pleine
révolte le 9 thermidor , révolte qui heureusement a
échoué , mais qui n'a pas moins exposé la chose pu
blique et la représentation nationale au plus grand
danger ; enfin , c'est toujours d'apiès cette doctrine d'insurrection
partielle , que s'est opéré le dernier mouvement
du 12 germinal. Il n'en est aucun dont la violation
des droits du peuple n'ait été le prétexte.
Tout ordre social qui n'offrira à la liberté politique
et individuelle d'autre garantie que l'insurrection , et qui
sur- tout accordera ce droit à chaque portion du peuple ,
sera éternellement en proie aux convulsions de l'anarchie
, et il n'y aura jamais ni liberté individuelle , ni
liberté publique , ni gouvernement. C'est après lalongue
tourmente d'une révolution orageuse , c'est en fondant
une constitution si long- tems contrariée par des obstacles
, que l'on doit sentir le besoin de la mettre à l'abri
( 202 )
1
du choc de nouvelles passions et des entreprises de
nouveaux agitateurs . Il faut bien plus s'occuper des
moyens d'éteindre jusqu'au dernier tison des dissentions
intestines , que de leur préparer des alimens combustibles
qui ne tarderaient pas à se rallumer. S'il est
vrai , comme il est impossible d'en douter , que l'action
des puissances étrangères , et sur - tout du cabinet de
Londres , ait eu une part si sensible à nos agitations
intérieures , ne serait - ce pas laisser une issue sans cesse
ouverte à leurs intrigues , que d'autoriser , par un article
formel de la déclaration des droits , chaque portion du
peuple à s'insurger contre le gouvernement.
Qu'est-ce donc que le droit d'insurrection , et quelle
ressource reste- t-il au peuple quand le gouvernement
viole ses droits ? L'insurrection est pour le corps social
ce qu'est la défense naturelle pour tout individu . Il n'est
pas besoin de l'écrire dans un code ; la nature l'a gravée
dans le coeur de l'homme , en lui donnant le sentiment
de sa propre conservation . Il en est de même d'un
peuple. Si la tyrannie pese sur lui d'une maniere intolérable
, croyes qu'elle sera universellement sentie , et
que les efforts pour la rompre serontdes efforts communs.
Mais prenez garde en même- tems de fournir à quelques
mécontens et à de simples fractions du peuple , le moyen
de transformer en tyrannie ce qui ne sera souvent que
F'action ferme du gouvernement pour réprimer des
séditions ; car si l'insurrection est un devoir , la rebellion
aussi est un crime .
Qu'arrive- t- il en derniere analyse , dans ces luttes
entre les peuples et le gouvernement qui les opprime ?
Si le gouvernement est le plus fort, les efforts de la liberté
disparaissent devant la tyrannie ; et de quoi aurait servi
l'article impuissant d'une lei contre le formidable pouvoir
de la force ? Si le peuple triomphe , il le devra à
son courage , à la réunion de ses moyens et au vif sentiment
de son oppression. Ca sentiment qui agit avec
d'autant plus d'énergie que l'oppression est plus réelle ,
fera plus sur le peuple , que toutes les maximes écrites
dans une déclaration . D'où il faut conclure que ces
sortes de stipulations n'ajoutent rien aux droits des
peuples , et peuvent devenir souvent le prétexte d'insurrections
partielles et de troubles multipliés . L'insurrection
est un remede si violent , si extrême , si dangereux
par l'ébranlement entier du corps social , qu'il n'est besoin
ni de le prévoir , ni de le prescrire ; l'usage en doit
( 203 )
être abandonné aux circonstances extraordinaires sur
lesquelles un peuple ne doit recevoir ni prendre conseil
que de lui -même et de sa situation .
En voilà sans doute assez pour faire sentir le danger
de laisser subsister , dans cette déclaration , des dispositions
qui sont ou dangereuses , ou superflues , ou contraires
au véritable intérêt de l'ordre social et aux droits
de la souveraineté du peuple.
En général , une déclaration des droits ne doit énoncer
que ceux qui sont évidens , incontestables , imprescriptibles
, tels que la liberté , l'égalité , la sûreté , la
propriété . Elle doit être claire , car toute obscurité ,
toute ambiguité , n'est plus un droit. Elle doit être laconique
, car toute superfluité n'est plus un droit. Elle ne
doit contenir que des choses strictement nécessaires ; car .
de simples maximes de morale appliquées à la politique
ne sont que des conseils ou des principes , et non pas
des droits .
Il importe d'autant plus de se renfermer dans une
énonciation claire , évidente et généralement sentie ,
qu'on a habitué le peuple à regarder la déclaration des
droits cómme indépendante et au- dessus de la constitution
, du gouvernement et des lois ; erreur qui peut
donner lieu à des effets extrêmement dangereux . Il est
bien vrai que la déclaration des droits est la bâse fon- ·
damentale sur laquelle doivent être élevés la constitu-
"
tion , la son et le gouvernement ; mais il ne l'est
pas qu'elle en soit entierement séparée car il n'y a
rien d'absolu dans le systême social , non plus que dans
celui de la nature .
Il n'est pas un des droits naturels , civils et politiques,
qui ne trouve plus ou moins de limite , ou dans les
droits d'autrui , ou dans ceux de la société . La liberté
elle-même n'est autre chose que le pouvoir de faire ce
que la loi et ces mêmes droits ne défendent pas . Le
droit de propriété ne reçoit- il pas quelquefois des modifications
, lorsque la nécessité publique l'exige , A- t- on
pu rédiger une seule déclaration des droits , sans yjoindre
ces formules conditionnelles ou indicatives : Selon les
formes qui sont prescrites par la L01 ; dans les cas déterminés
par la LOI , etc. Il faut donc que la loi intervienne
pour régler l'exercice des droits dont le principe ne peut
être qu'énoncé dans une déclaration .
Ainsi , les droits naturels , civils et politiques ne peu(
204 )
vent être bien spécifiés , bien connus et solidement gàrantis
, que lorsque la déclaration des droits , la constitution
et la législation , se prêtant un mutuel secours et
marchant de concert vers le même but , en auront fixé
et déterminé l'étendue , la limite , le mode et l'usage .
C'est dans ce tout indivisible que consiste l'organisa
tion sociale . Il faut d'autant moins les séparer que
lorsque les anarchistes et les agitateurs ont voulu exciter
quelque mouvement séditieux , ils se sont toujours appuyés
d'un article de la déclaration des droits dont ils
ont pris le principe et rejetté l'esprit et les dispostions
modificatives qui en déterminaient le véritable sens .
( La suite dans un prochain numéro . )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ALLE MAGNE.
De Francfort-sur-le-Mein , le 13 avril .
Les nouvelles du nord de l'Europe ne donnent encore
aucune prise aux politiques pour conjecturer quelle
tournure pourront y prendre les affaires , tant par rapport
au partage de la Pologne , sur lequel il n'y a encore
rien de statué , que relativement aux dispositions
des différentes cours entr'elles , et à l'égard de la Russie ,
cette puissance prépondérante , sur laquelle les états
jaloux de conserver leur liberté , ne cessent de tenir
ouverts des yeux inquiets et surveillans .
Il paraît seulement , ou pour mieux dire , il est certain
, que les deux puissances les plus propres à la tenir
en respect , continuent de vivre dans une union , une
bonne intelligence et même une amitié , une fraternité
qui fait leur force ; et que d'ailleurs les cours observées ,
telles que
la Russie et l'Autriche , et les cours observatrices
, la Suede , le Danemarck et la Prusse , cherchent
à resserrer des liens d'amitié avec la Porte ottomane ,
qui doit pencher davantage du côté des dernieres , puisqu'elles
sont neutres ou bienveillantes envers la Répu(
205 )
blique Française , l'allié le plus naturel , le plus sûr et le
plus puissant que soitsusceptible d'avoir la Turquie , obligée
de se tenir toujours en garde contre l'esprit d'envahissement
dont les cours de Vienne et de Pétersbourg n'ont
que trop montré qu'elles s'étaient fait un systême constamment
suivi depuis long- tems , systême d'après lequel
elles s'entendraient pour partager l'Europe , si elles le
pouvaient , dussent - elles se déchirer ensuite dans une
lutte cruelle et sanglante , pour savoir à qui en resterait
l'empire ; systême dont les premiers effets se feraient
sentir à la Porte ottomane , qu'elles n'ont encore l'air
de ménager que parce qu'elles ne se croient pas assez
fortes pour lever le masque et agir à force ouverte ,
tant que la France , la Prusse , la Suede , le Danemarck
et même la Grande - Bretagne , pour l'intérêt de son
commerce , défendront la Turquie , dont le démembrement
romprait tout- à- fait la balance politique de l'Europe.
Au reste , les nouvelles suivantes de Copenhague , en
date du 24 mars , sont faites pour rassurer sur les entre
prises que pourrait tenter la Russie . On y verra que le
Danemarck et la Suede préparent des forces navales
capables de lui résister.
On arme , dans le moment actuel , les vaisseaux de guerre
quui seront mis en mer cette campagne ; ce sont la Princesse
Marie , de 74 ; la Sophie - Frédérique , de 74 ; les Trois - Cou-
Tonnes , de 60 ; le Dannebrog, de 60.
A ces quatre vaisseaux de ligne seront jointes les frégates
la Thétis , de 40 ; la Ménagere , de 40 ; le Grand -Bell , de 36 ;
le Triton , de 24 ; le brick Laugen , de 16 .
E
1
+ Les derniers avis de Stockholm apprennent que le nou
vean général en chef de l'artillerie , Gederstroem , lui fait faire
chaque jour de nouveaux essais . Il parait qu'on doit s'occuper
de la mettre sur un pied respectable .
D'un autre côté des avis des froutieres de la Turquie
portent qu'un grand nombre de troupes ottomanes , sorties
de la Bulgarie , de la Servie et d'autres provinces , se porient
en Moldavie ,
- Il faut que l'Autriche redoute beaucoup ces voisins ; car
un incendie: considérable s'étant manifesté dernierement dans
la forteresse de Novy , on en ferma soigueusement les portes ,
et l'on braqua même du canon contre beaucoup de Turcs et
de Bosniaques , qui s'étaient présentés pour arrêter les pro
grès du feu . A cette réception hostile , les Turcs éclaterent
en injures et menacerent même d'empioyer la force pour pé-i
métrer dans la citadelle autrichienne . Le feu ne tarda pas à
( 206 )
être éteint ; mais la véritable intention des Turcs n'est pas
encore connue. On ne sait pas s'ils avaient effectivement
envie de porter du secours , et si le refus de profiter de leur
bonne volonté a seul causé leur mauvaise humeur , ou si leurs
offres a étaient qu'un prétexte pour s'emparer de la forteresse
.
Stanislas a fait une chûte très grave d'une des terrasses qui
se trouvent devant son château à Grodno . Il s'est fait mal à'
l'épine du dos et à la main qu'il a voulu employer pour se
soutenir. Cet accident avait donné lieu à un accès de fievre ,
dont il n'y a pourtant pas de suite à craindre .
Le comte de Fersen est parti pour aller passer un an dans
ses terres , ce que l'impératrice lui avait promis.
Toutes les lettres reçues de Varsovie apprennënt que les
Russes , en garnison dans cette ville , s'exercent journellement
à des manoeuvres militaires dans les environs et même dans
les cours du palais de Saxe. Le général Suwarow assiste
communément à ces différens exercices , et les commande
quelquefois lui-même . Il paraît que le but de celles de ces
troupes qui se sont portées du côté de Schochazeezea , était
de recevoir les magasins achetés aux Prussiens .
On mande de Dantzick , que l'exportation des grains pohr
les Prusses orientales et occidentales est de nouveau permise
. Elle se trouvé aussi l'être pour Dantzick . Le commerce
de cette place est d'autant plus satisfait de cette dis-"
position , qu'il a l'espoir d'obtenir la liberté d'exponer les
froments dont il y a encore à Dantzick quelques provisions .
" On écrit de Vienne , en date du 21 mars , que le général
Wurmser va joindre l'armée commandée par le duc Albert
de Saxe - Teschen , auprès duquel il est charge d'une commission
très importante , et l'on ajoute que cette armes doit
essayer de passer le Rhin. Le bruit avait couru , il y
quelque tems , que l'empereur se rendraît à cette armée ; mais
aujourd'hui l'on assure que c'est en Hongrie qu'il ira , d'après
l'avis de ses ministres , qui croient que sa présence ne peut>
que bien faire dans cette partie de ses possessions ', travaillée
d'une fermentation sourde , et qui esperent d'ailleurs que les
hongrois pourront se porter à de nouveaux sacrifices , dont
on a grand besoin pour la contiuuation de la gñerre .
Les armées autrichiennes du Haut et Bas Rhin sout composées
de 71 bataillons d'infanterie , 230 escadrons de cavalerie
et 121 compagnies de chasseurs. Il y a de plus un corps .
de réserve qui doit se tenir dans les environs de notre ville
et qui est de 18 bataillons de grenadiers et de 7 régimens de
cavalerie.
Quant au corps de troupes autrichiennes qui reste en Westphalie
, il recevra ses provision de la Bohême , qui va lui en
envoyer par l'Elbe et par la mer .
( 207 )
Les lettres d'Ulm , du 1er avril , disent que le ministre
d'Autriche proposa , il y a quelque tems , à l'assemblée des
états du cercle de Suabe , de se charger des subsistances des
troupes autrichiennes sur le Rhin ; mais que l'assemblée en
sentant l'impossibilité , se borna à l'offre d'un don gratuit
de 50,009 écus . Il paraît qu'il y a eu des contestations assez
vives etnre ce cercle et le duc de Saxe - Teschen , au sujet de
la marche qui devait éloigner les troupes fournies par la Suabe
des frontieres de ce cercle. Le due a traité , dans sa réponse
du 17 mars , la conduite du cercle de déloyale et anti cons
titutionelle ; mais les états en lui répondant ont démontré le
contraire , ils ont fait voir que dans les circonstances préseutes
les lois et l'observance venaient à l'appui de leurs droits .
Suivant ce qu'on marque de Manheim , en date du 7 avril ,
les Français ont recommencé depuis quelques jours à faire.
sauter le reste du fort du Rhin . Leur général qui commande
à Oggersheim , a écrit qu'il n'est plus permis à aucun habitant
du Palatinat de passer sur la rive gauche du fleuve , et que
ceux qui tenteraient de le faire à la dérobée , s'exposeraient
à des coups de fusil .
Le général Clerfayt qui était ici depuis le 5 , en est parti
le 9 , pour aller visiter les nouvelles positious . Il aura provi
soirement son quartier- général à Drebourg , entre Darmstadt
et Hanau .
Les dernieres lettres de Vienne contiennent quelques
particularités curieuses qu'on sera bien aise de trouver
ici .
Le conseiller Brandstetter , le docteur en droit Jun , et
le pasteur Frick , tous trois atteints et convaincus du crime
de haute trahison , ont été jugés. Leur jugement porte qu'ils
seront mis au carcan pendant trois jours consécutifs ; qu'ils
seront marqués d'une potence sugla jose , et qu'ils seront ren
fermés dans des prisons , le premier pour 99 ans , et les
deux autres , pour 95 années .
A l'issue de ce que nous nommons | Galler - Holtzleis , un
officier du génie , nommé Sartory , a fait aujourd'hui en
présence des commisaires du gouvernement et de S. A. R.
l'archiduc Joseph , une expérience qui a parfaitement réussi ;,
il a mis le feu à un bâtiment en bois , dont le comble était
de même bois que le reste ; les flammes ont tout consumé ,
mais le comble est resté absolument intact . Il avait fait subir
au bois de celui - ci une préparation qui l'a garanti de l'attaque
du feu. Il doit répéter avani peu le même essai ; et si la
réussite en est la même , l'inventeur ne manquera pas la juste
récompense que mérite un secret de cette importance,
On dit que l'affaire du ci- devant baron Armfeldt à été
remise sur le tapis , et met la cour de Naples dans quelqu'embarras.
Celle de Suede , à se qu'on assure , demande cer(
208 )
1
1
taines explications qu'on ne peut attendre que d'un seul
homme qui refuse de les donner. Cependant , on ne doute
guères que cela 1 ne s'applanisse.
Le prince de Moldavie fait imprimer ici une traduction
grecque des oeuvres de Voltaire .
ITALI E.
On a des nouvelles de Bastia par la voie de Milan .
Voici ce que portent les lettres de cette ville du 12 mars :
Le 9 février , le vice - roi , de Corse fu l'ouverture du parlement
; il n'y a qu'une chambre ; elle a un president , nomme
'Giafferi.
*
et
On voit , par les discours prononcés par l'un et par l'autre ,
que la Grande- Bretagne a pris à son compte tous les frais de
défeuse maritime de l'île , et qu'elle fait les avances des autres ;
qu'il a été levé une armée reglee composée de corses ,
qu'il s'agit d'organiser des milices comme en Angleterre ;
quant à la religion , la fixation de vone établissement religieux
a dit le vice -roi , a été réservé , par la constitution
au jugement de la chambre du parlement , de concert avec sa
sainteté le pape. "
66
3
on",
Il fit part à la fin de son discours du mariage du prince de
Galles . La chambre vota , le 19 , une adresse de remercîment
au vice -roi , dans laquelle elle repéta à peu près , comme le
parlement britannique , tous les objets traités dans son discours
.
Suivant des lettres de Livourne da 28 mars , il a été enjoint
à lord Harwey de quitter la cour de Florence . Cet événement
est attribué à quelques discours peu mesurés du ministre anglais.
qui avait déja eu une querelle avec le ministre d'état Corsini ,
au sujet de la neutralité de la Toscane.:- Ces mêmes lettres
ajoutent : H court ici un bruit qui paraît venir de Saint- Florent ,
mais qui mérite confirmation ; c'est que deux vaisseaux de ligne
français , soitis avec beaucoup de troupes de débarquement
pour se rendre maîtres des isles sardes , vers Bonifaccio ,
été jettées sur des banes par une bourasque ; et que , malgre
cet accident , l'équipage , mis à terre , a pris sur ces isles un
poste avantageux , et s'y est fortifié .
1
ont
Il paraît , d'après des nouvelles de Gênes , du 2 avril .
que les corsaires de la Republique Française continuent à
faire beaucoup de torts à l'ennemi ,
et que les troupes de terre
vont maintenir les Français dans la possession du comté de
Nice .
Avant-hier , nous avons vu entrer dans notre port un chebec
français ,
( 209 )
français , conduisant deux prises napolitaines , dont une était
chargée de canons de bronze. Ce chebee a dit avoir rencontré
à la hauteur du cap de Corse quatorze voiles , ensuite cinq
autres , toutes de guerre . On croit qué c'est l'escadre anglaise
qui se porte vers Saint-Florent.
L'escadre française est entrée à Toulon . On dit qu'à la
suite du dernier combat naval , on a mis en arrestation
quelques- uns des principaux commandans de l'escadre.
On dit que le général Kellermann est arrivé à Nice avec
quatre mille hommes .
་
De Turin , le 25 mars . On vient de publier ici la lettre
suivante , du vice-amiral Hotham , à l'envoyé extraordinaire
de S. M. britannique.
A bord du vaisseau la Britannia , en mer , le 16 mars 1795 .
J'ai l'honneur d'informer V. E. que , dans la journée
du 13 , les deux flottes se trouverent en vue l'une de l'autre .
La flotte anglaise commença par donner la chasse à celle des ennemis
. Un de leurs vaisseaux ayant perdu, par un coup de vent,
ses deux mâts , de misaine et d'artimont , il fut obligé de se faire
remorquer par un autre , et dans la matinée suivante , nous
observâmes que ces deux vaisseaux s'étaient assez éloignés ,
dans le cours de la nuit , sous le vent de la flotte , qu'ils
pussent en être séparés entierement . En consequence , nous
profitâmes de l'occasion . Nous fimes force de voile , pour
effectuer ce projet , qui devait réduire l'ennemi à l'alternative ,
ou d'abandonner leurs deux vaisseaux , ou d'en venir au combat.
Le résultat de ce plan fat qu'après une vigoureuse défense
, ces deux vaisseaux furent pris , malgré les efforts que
fit la flotte française pour les sauver . Ces deux vaisseaux le
Ça ira de 80 canons , et le Censeur de 74 .
" Les vaisseaux de notre avant - garde ayant été mali aités
dans cette attaque , et ayant été surpris par un gros tems , nous
ne pûmes faire des progrès ultérieurs contre l'ennemi , qui avait
pris la fuite à force de voile vers le ponent , mais je suis fondé
à croire que quel que soit leur dessein , ils sont actuellement
dans l'impuissance de l'accomplir. "
Tome XV.
( 210 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE .
PRÉSIDENCE DE BOISSY - D'ANGLAS.
Séance du septidi , 27 Germinal.
Tallien , au nom du comité de salut public , présente un
rapport sur les excès commis par des agens de l'ancien gouvernement
dans les provinces espagnoles de Guipuscoa et
de Biscaye . Il annonce qu'il s'agit d'un acte éclatant de justice
nationale , et que le comité a pensé que c'était à la Convention
seule qu'il devait appartenir de l'ordonner. La province
de Guipuséos , qu'occupe l'armée des Pyrénées occidentales
, et celle de Biscaye , qui y est attenante , sont dignes
d'un grand interêt par leurs productions , et plus encore ,
par le caractere de leurs habitans . Au milieu de la servitude
générale , ils ont conservé de grandes traces de liberté , et
leurs lois constitutionnelles ont une ressemblance frappante
avec les nôtres ; leur caractere est énergique comme leurs
lois , et de tous les peuples sur le territoire desquels la
République a porté ses armes , c'est celui qui les a vu approcher
avec moins d'effrei . Le comité ne levera point le
voile qui couvre pour la France les horreurs commises dans
ce pays par des raisons de sagesse ; il vous dira seulement
que la Catalogne , qui en a été témoin , et qui attendait les
Français avec impatience , s'est trouvée évacuée de subsistances
et d'habitans ; qu'à peine sommes-nous entrés dans la ville
de Saint- Sébastien , qui nous avait ouvert ses portes , qu'on
viola la capitulation . On mit en arrestation les membres des
états du pays et les prêtres ; les religieuses furent tirées . de
leurs couvents , entassées sur des charretes et conduites à
Bayonne. Il en résulta que les habitans , fortement attachés
à leurs idees religieuses , abandonnerent leurs foyers , et que,
la France fut menacée de n'avoir conquis que des deserts . Days
la Biscaye , les villes et les bourgs out été brûles , aussi les
Biscayens se sont-ils levés en masse , et nous n'avons pas
d'ennemis plus déclarés . Sans doute que la valeur française
en triomphera , mais la plus belle des causes ne devait pas
être souillée par de pareilles atrocites .
Tallien propose un projet de décret qui est adopté en ces
termes :
La Convention nationale désavoue les cruautés et injustices
commises par les agens de l'ancien gouvernement , dans les
( 211 ).
•
+
pays conquis en Espagne , et notamment dans les provinces
de Guipuscoa et de Biscaye. Le cor ité rédigera une pro .
clamation pour ces pays , dans laquelle seront exposés les
principes d'humanite et de justice qui dirigent la France . Il
fera arrêter , poursuivre et traduire devant les tribunaux les
oppresseurs de ces contrées , et mettre en liberté les habitans
arbitrairement incarcérés .
Charles Delacroix demande que le rapport et le décret soient
imprimés , affichés et traduits en langue espagnole , et que
l'exécution des jugemens qui interviendront contre les coupables
se fasse dans la ville même de Saint- Sébastien . Décrété
au milieu des applaudissemens .
Baunou , au nom des comites d'instruction publique et des
finances , présente un siste de gratifications en faveur des gens
de lettres et artistes , additionnelle à celle qui avait été décrètee
en nivôsé ; il dit que les progrès de la liberté sont liés
indissolublement à ceux des lumieres , que précurseur de la
révolution , le génie des sciences a porté dans ce siecle le
premier coup au despotisme au fanatisme , à l'hypocrisie
et tous les préjugés oppresseurs ; qu'à la philosophie
et à elle seule , peut être , il appartient de combattre avec
avantage les superstitions p pulaires , d'en resserrer gras
duellement le domaine , d'en émousser peu- à - peu les traits homicides
, et d'en extirper un jour les derniers restes ; qu'il importait
de renouer entre la révolution et la philosophie
entre le patriotisme et les sciences , entre la Republique et
les arts , cette alliance antique qui n'avait pu être rompue que
par les excès de la tyrannie , et les fureurs des decemvirss
Daunou propose , un projet de décret qui est adopte ; le
voici :
La Convention nationale , après avoir entendu ses comités
d'instruction publique et des finances , décrete :
Art . Ier. Sur les fonds mis à la disposition de la commission
exécutive de l'instruction publique , une somme de
61,500 liv. sera ajoutée aux 42,000 liv. restant des 300,000 1 .
destinées , par le décret du 17 vendémiaire , à des gratifications
extraordinaires en faveur des savans et artistes .
" II . La somme de 103,500 liv . déterminée par l'article
précédent , sera répartie ainsi qu'il suit :
Trois mille liv . à chacun des citoyens :
Barthélemy , auteur du Voyage du jeune Anacharsis ; Brunck ,
éditeur et traducteur de plusieurs poëtes grecs ; Deparcieux ,
physicien ; Dotteville , traducteur de Tacite et de Salluste ;
Lebas , accoucheur; Lemonnier , astronome ; Moite , sculpteur ;
Naigeon , littérateur ; Paimentier , physicien ; Pancton , auteur
de la Métrologie ; Préville , acteur ; Sédaiue , littérateur ; Sigaud(
212 )
Lafond , physicien ; Vincent , peintre ; Vien , peintre ; Wailly,
grammairien.
Deux mille liv. à chacun des citoyens :
99 Béranger , littérateur ; Bridan , sculpteur ; Castillon ( de
Toulouse ) , littérateur ; Desforges , littérateur ; Fénouillot-
Falbaire , littérateur ; Gastelier , médecin ; Gail , traducteur
de Xénophon , de Théocrite , etc .; Giraud- érundan , mathé
maticien ; Leblanc , poëte ; Leclerc , auteur , de l'Histoire nalurelle
de l'homme malade ; Lemonnier , traducteur de Térence
et de Perse ; Millin , auteur des Antiquités de la France ; Sylvestre-
Sacy , littérateur , savant dans les langues ' orientales ;
Schweig Heuser , littérateur ; Thuillier , géometre .
Quinze cents liv . à chacun des citoyens :
" Beffroy , littérateur ; Brion , géographe ; Desaulnais ,
bibliographe ; Devôges , directeur de l'école de peinture de
Dijon ; Duvaure , agriculteur ; Ferlus , principal de l'école de
Sorreze ; Imbert- Laplatiere , littérateur ; Lieble , bibliographe ;"
Miroir , organiste ; Renou , peintre ; Louis Ribiere , graveur ;
Robert-Vaugondy. , géographe ; Savérien , physicien ; Sejan ,
organiste ; Soulès , historien et traducteur ; Stouf , sculpteur ;
Vanloo , peintre. ››
pas
Lesage d'Eure et Loire ) , au nom des comités de salut
public et de législation , annonce que si le gouvernement n'a
l'action qui lui est nécessaire , si des émigrés et des
prêtres déportes rentrent dans la République , c'est que le
gouvernement révolutionnaire a créé une fule d'autorités subalternes
, sans hiérarchie , sans responsabilité et manquant
d'un centre commun ; c'est que les administrations de département
ont été privées de la plupart de leurs attributions ,
et propose de décreter qu'elles seront rétablies dans l'état
où elles étaient avant le 31 mai . Clausel appuie le projet ,
et assure que les prêtres réfractaires déclarent qu'il n'y a
point de salut pour ceux qui acheteront des domaines nationaux
ou qui porteront la cocarde tricolore . Il demande l'exécution
des lois à leur égard . Charlier y ajoute que les départemens
ressaisis de leurs pouvoirs rendent un compte décadaire
de leurs opérations . Le projet de décret ainsi amendé
est renvoyé au comité pour la rédaction .
Séance d'octidi , 28 Germinal.
Un membre présente un projet de décret tendant à déclarer
que les ventes faites publiquement eusuite d'affiches
et encheres ne seront pas susceptibles de rescision pour
cause de lésion , et il demande un mode de rescinder les
autres ventes . La Convention renvoie ce projet au comité de
législation .
Lesage ( d'Eure et Loire présente la rédaction du décret
( 213 )
relatif aux administrations de département. Elle est adoptée
ainsi qu'il suit :
1º . La loi du 14 frimaire de l'an second est raportée en
ce qui concerne les administrations de départemens et de
districts. Ces administrations reprendront les fonctions qui
leur sont attribuées par les lois antérieures au 31 mai .
2º . Les directoires de départemens seront composés de
huit administrateurs . Les places de vice-présidens et de proreurs
généraux- syndics sont rétablies . Les représentans du
peuple completteront ou réorganiseront ces directoires dans
la decade. Dans les départemens où il n'y a pas de représentans
en mission , les nominations seront faites par le comité
de législation ; et cependant , les directoires pourrent , en
attendant les nominations , désigner provisoirement des citoyens
Four remplir les fonctions de vice- président et de procureurgénéral-
syndic .
30. Le comité de législation présentera dans trois jours ,
le tablean des lois qui devront être rapportées , changées ou
modifiées d'après les dispositions du présent décret.
4°. Les directoires de départemens rendront compte , décade
par décade , des diligences qu'ils auront faites pour l'exécu
tion des lois , et notamment de celles relatives aux émigrés,
aux prêtres réfractaires et au culte .
5. Les comités feront incessamment un rapport sur le
rétablissement des places de procureur syndic dans les administrations
de districts .
Les administrateurs du district d'Orléans demandent dans
une adresse , qu'on livre aux tribunaux les infâmes complices
de Léonard Bourdon et les égorgeurs des prisonniers de
cette commune , enfin cette horde impure de faux dénonciateurs
. Insertion au bulletin .
Thibaud , au nom du comité des finances , dit que la
Convention
a ajouraé le plan général de la restauration
des
finances ; mais qu'il est un article qu'il est urgent de décréter .
c'est celui portant qu'il sera fabriqué pour cent cinquante
millions de monnaie de cuivre ; il assure que les matieres nécessaires
pour ectte fabrication sont préparées . Le décret est
rendu.
Aubry , au nom du comité militaire , soumet à la dicussion
le projet sur la nouvelle organisation de la garde nationale
parisienne . Elle doit être composée d'infanterie et
de cavalerie , et divisée en bataillons . Il y aura dix compagnies
par bataillon ; six de fusilliers , une de canonniers , une de
chasseurs , une de grenadiers er une de piquiers .
Gaston et Maure ne veulent ni grenadiers , ni uniforme ,
ni même de cavalerie . Ils craignent toute distinction entre les
citoyens , et que les aristocrates ne composent la cavalerie ,
parce qu'il faudra être riche pour ce service .
03
( 214 )
Penieres répond que dans le tems où il y avait an trône
à abattre , il fallait detruire les associations militaires qui lui -
servaient d'appui , mais que le trône renversé et la République
affermie , il importe d'assurer l'ordre public en profitant du
zele des citoyens .
D'autres membres observent qu'il est ridicule de placer un
homme de cinq pieds à côte de celui qui a six pouces de
plus. Le projet d'Anbry est adopté.
Gossuin , au non du même comité , fait rendre un décret
portant suppression des divisions de gendarmerie à cheval ,
organisees en guerre , et incorporation des militaires qui en
faisaient partie , s'ils sont bien montes et propres ? ce service
dans les detachemens de gendarmerie employes à la police
des camps .
Eschasseriaux le jeune , au nom du comité de législation ,
présente la suite du projet concernant la quit
:
ου
on des creasces
sur les émigrés
et condamnes
. Voici
les dispositions
principales
Les femmes
des émigrés
qui ont des creances
reprises
a faire
valoir
sur les biens
de leurs
maris
, se pourvoiront
comme
les autres
créanciers
, et seront
payées
d'après
le même
mode
. Celles
qui ont droit à la communauté
déclareront
, en remettant
leurs
titres
, si elles, la reciament
ou si elles
y renoncent
, et à défaut
de declaration
, eles
seront
censées
y avoir
renonce
. Les biens
, meubles
et immeubles
de la communaute
seront
partages
comme
les autres
biens
indivis
avec
les emigres
; les femmes
ne seront
mises
en possession
de la portion
qui leur
revient
, que lorsque
les charges
ou dettes
seront
connues
et acquittées
. Les
liquidations
de droits
, les collocatious
de créances
et les
actes d'exécutions
des séparations
et divorces
faits et prononcés
depuis
le 1er juillet
1789
, entre
maris
et femmes
d'émigrés
ou dont
l'un des deux
serait
emigré
, sont
nuls
et de nul
effet , sauf les droits
des séparés
ou divorcés
, qu'ils
exerceront
sur les biens
de leurs
époux
émigrés
.
Séance de nonidi , 29 Germinal.
Un secrétaire fait lecture de l'extrait d'une lettre du 15 germinal
, écrite par le représentant du peuple Baudran , en mission
à Laval , à ses collegues de la députation , elle porte que nos
braves freres d'armes , au nombre seulement de deux cents ,
ont mis en déroute , le 13 de ce mois , quiuze cents chouans.
Applaudissemens , insertion au bulletin .
André Dumont et Garnier ( de Saintes ) , en mission dans
les pays environnant Paris , instruisent la Convention des
mesures repressives qu'ils ont cru devoir prendre contre les
prètes fanatiques qui se tourmentent de toutes parts pour
amener des troubles , et faire détester le régime républicain .
Villetar invite la Convention à développer enfin un grand
( 215 )
caractere contre les prêtres réfractaires qui abusent du décret
philosophique sur l'exercice des cultes , s'efforcent de rappeller
la superstition et la royauté. Delcloi dit qu'il existe des lois
contr'eux qu'il faut faire exécuter , et que le comité de sûreté
générale a pris des mesures pour réprimer les attentats dont
il s'agit . I demande l'ordre du jour ; il est adopté.
La veuve du représentant du peuple Descheseaux , assassiné
juridiquement par la commision révolutionnaire de Rochefort,
vien : demander la réhabilitation de la mémoire de son époux .
La vie d'une citoyenne éplorée , qui , avec l'accent de la
douleur et du sentiment , plaide en faveur d'un vertueux
mandataire du peuple qui n'a jamais composé avec son devoir ,
et que les tyrans ont trop redouté pour lui laisser la vie , a
intéressé tous les coeurs . Pénieres et Eréard deinandent qu'à
l'instant même on décrete cette propositiou ; mais Louvet
pense que le jour des justices partielles est passé pour faire
place à celui de la justice générale . It desire qu'on ouvre la
discussion sur les biens des condamnés . Les différentes propositions
faites sont renvoyées aux comités.
Cambacérès présente le résultat des travaux de la commission
des sept , chargée , par le décret du 10 germinal , da
présenter on projet sur le mode de préparation des lois orga
niques de la constitution , et sur les moyens de mettre partiellement
et successivement en activité l'acte constitutionnel.
Après avoir démontré combien cet acte serait imparfait , s'il
n'était appuyé de beaucoup de lois qui restent à faire , et qui
doivent lui imprimer le mouvement et la vie , il termine
ainsi L'on a dit avec raison que le secret des lois est daus
le tems ; profitons de cette maxime , et mettons à l'épreuve
nos institutions politiques . Les spéculations éblouissent souvent
les esprits les plus sages ; l'expérience seule dissipe tes
illusions de la theorie ; asons de ses secours ; elle nous a
montré des défauts dans les lois qui d'abord nous avaient
séduits par leurs briliantes apparences ; qu'elle nous apprenne
donc à ne point remplacer des abus par des abus , à écarter
de la route des lois les obstacles qui pourraient en entraver
la marche ; et si nous ne pouvons atteindre à la perfection ,
dn moins rapprochons-nous - en autant que la faiblesse humaine
en est capable , lorsqu'elle ne néglige aucune des précautions
que lai indique la sagesse .
Voici le projet de décret
La Convention nationale , après avoir entenda la com
mission instituée par le décret du 10 gérminal , pour faire un
rapport et présenter un projet de décret sur le mode de préparer
les lois organiques de la constitution , et sur les moyens
de les mettre partiellement et successivement en activité , décrete
ce qui suit :
99. Art. Ier . Il sera formé une commission de 1r membres,
.
04
( 216 )
qui sera chargée, de préparer les lois nécessaires pour mettre,
en activité la constitution .; elle sera nommée dans la séance
da 2 floreal , par bulletin signé .
" II. La commission exécutera et présentera son travail
dans l'ordre suivant :
Les lois sur la composition du territoire de la République
et sa distribution intérieu e ;
Celles sur l'etat politique des citoyens ;
Celles sur l'exercice de la souveraineté da peuple ;
Celles sur les corps municipaux , administratifs et sur les
autorités judiciaires ;
Celles sur le conseil exécutif et ses agens ;
Celles sur les relations extérieures ;
Celles sur les finances ;
Celles sur la force publique ;
Celles sur le corps législatif.
III. Les projets de loi sur chaque partie seront imprimés ,
et la discussion en sera ajournée à une décade après la distribution
.
" IV. La commission est autorisée à prendre par - tout où
elle le jugera convenable , les renseignemens dont elle aura
besoin . A cet effet les comités de la Convention , les commissions
exécutives , les corps administratifs et tous autres
établissemens publics , sont tenus de lui fournir , daus le plus
bref délai , ceux qu'elle leur demandera.
Les citoyens qu'elle appellera auprès d'elle , et dont elle
réglera l'indemnité , conserveront les fonctions et emplois
qu'ils exercent , et y seront provisoirement remplacés.
" V. Tous les citoyens ont le droit et sont invités de communiquer
leurs vues , tant sur les dispositions , le développement
dont la constitution est susceptible , que sur la meilleure
organisation du gouvernement.
14
La commission demeure autorisée à faire imprimer ceux
des projets et mémoires qui lui paraitront devoir être soumis
à l'opinion publique .
" VI . Il n'est fixé aucun terme aux travaux de la commission
, mais il lui est recommandé d'y mettre la plus grande
célérité . "
Ce projet de décret est adopté .
Cambacérès annonce un prochain rapport sur les moyens
de donner de l'intensité au gouvernement actuel ; rapport qui
terminera la mission des sept .
La discussion s'ouvre sur la confiscation des biens des
condamnés . Rewbell prend la parole et dit qu'il ne s'y oppose
pas , mais qu'il lui semble qu'on devrait d'abord s'occuper de
la masse des assignats en circulation , cet objet étant d'un
intérêt général et pressant , et qu'on rendra ensuite justice
aux parens des condamnés . Plusieurs membres insistent pour
( 217 )
que la discussion ait lieu ; la Convention décrete qu'elle s'oc
cupera d'abord de la vente des biens des émigrés par loterie ,
ensuite de la levée du sequestre des parcus des émigrés , enfin
de la question des confiscations.
Rovere , au nom du comité de salut public , annonce que
les malveillans méditent de nouveaux attentats contre la liberté ,
et il propose , pour faire avorter leurs criminelles esperances ,
de décréter que la Convention se réunira ce soir à 7 heures ,
et d'inviter tous les bons citoyens de Paris à se tenir prêts à
employer tous leurs moyens pour maintenir la tranquillité
publique. Décrété .
Séance du 29 germinal au soir .
Dans cette séance , Rovere a fait le rapport des dangers
que couraient la Convention et la commune de Paris . Il
existe , dit- il , un point de contact de Londres à Paris : les
Anglais projettent une descente sur nos côtes , les malveillans
projettent une invasion sur les propriétés , sur les boutiques
des marchands et sur la Convention nationale . Une partie
de vous et des bons citoyens devaient être égorgés . Je viens
vous assurer , au nom de vos deux comités , que jamais projet
ne fut plus artistement combiné , plus secrettement travaillé
que celui qui devait éclater ce soir , ou demain , ou après
demain au plus tard. Nous tenons les renseignemens de
l'un des principaux conjurés , qui a reculé au moment de
l'exécution , qui a faibli sous les remords , et qui a révelé
toute la trame .
L'agence des subsistances générales nous a écrit qu'an commissaire
, accompagné d'une députation de la section du
Panthéon- Français , l'avait prévenu que des malveillans faisaient
courir le bruit que primidi prochain , on distribuerait
une livre et demie de pain aux ouvriers et une livre aux
autres citoyens . Les arrivages ne permettent pas de réaliser
les espérances que l'on donne à dessein . Différentes députations
ont dit aussi à l'agence qu'il y aurait un mouvement
demain et primidi.
11 y a
eu dans les maisons d'arrêt des hommes couverts
de sang , de crimes et de rapines ; ce sont ces hommes que
l'on appelle les patriotes par excellence ; on voulait faire sortir
des prisons ces honnêtes gens ; voici ce qu'ils tramaient :
le 29 de ce mois , il fut remis au concierge de la maison
du Plessis , un petit paquet adressé à Grépin , détenu , et
contenant une livre de fromage de gruyere : comme il sortait
du papier par l'une des surfaces du fromage , on rompit le
morceau , et l'on trouva un billet ainsi conçu :
Mon ami , je te préviens que le jour où tu recevras des
oeufs moitié rouges et moitié blancs , toi et tes camarades
vous coucherez tout habillés , afin d'être prêts à sortir :
1
( 218 )
le nombre des oeufs indiquera le nombre des heures que
Vous aurez encore à rester en prison.
$
On distribue dans quelques lieux publics un signe de ralliement
portant ces mots : Vive la montagne . Une femme
fut sa sie hier , avec une carte octogone où ces mots sont
inserits . Voici la carte :
Les principaux acteurs de la conjuration sont sous la
main de la justice : un nommé Parrein , ex - genéral dans la
Veudée , ex membre de la commission des sept , à Lyon ,
était à leur tête il y a un ingénieur nomme Chevalier ,
que le comité de salut public employa pour des fusées inflammables
; parmi eux se trouve aussi un maréchal- des logis
de la gendarmerie qui , la nuit dernière , a fait entrer dans
Paris douze fusils cachés dans de la paille . On avait des
pinces pour ouvrir les prisons. Des représentans en costume
devaient réclamer les prisonniers , au nom du comité de sûreté
générale . On se serait d'abord porté sur la Bourbe ,
ensuite sur le Plessis ; quelques gens du fauxbourg Antoine
se seraient emparés de l'arsenal : des conjurés du fauxbourg
Germain auraient investi le comité de satut public , tandis
que les comités militaire et de sûreté genérale l'auraient été
par d'autres du fauxbourg Martin . Ou aurait fait assembler .
la Convention pendant la nuit ; on lui aurait demandé la
constitution de 1793 sans modification , la révision du code
pénal , l'arrestation des mis hors la loi et des soixante - treize ,
le renouvellement total des comités de gouvernement , et la
déportation de Tallien , Fréron , Barras , Dubois - Crancé ,
Rovere , Legendre , etc.
Cependant on aurait battu la générale dans les fauxbourgs
Marceau et Martin ; trois coups de canon auraient été tires
au fauxbourg Antoine . Cambon , Thuriot et Montaut se
seraient mis à la tête des rassemblemens ; ils auraient demandé
la reintégration des deputés erétois , et la reprise du procès
de Collot , Billaud et Barrere , pour les déclarer acquittés par
un decret solemnel.
Ces choses devaient se passer pendant la nuit. On avait
distribué de l'argent pour achat de vin et d'eau - devie . On
se proposait de commencer l'exécution , ce soir 29 , ou demain
oa après demain au plus tard . Quelques gendarmes et
quelques canonniers étaient dans le complot . C'est un sous - offi .
cier de gendarmerie qui a distribue de l'argent ; il s'appelle
I'Agréice ; il est sous la main de la loi . Les conjurés comp .
taient sur une compagnie presqu'entiere de la section du
Temple , et sur quelques invalides. Ils devaient couper la
tête à quelques geus à cheveux retroussés , porter leurs têtes
au bout des piques , et arrêter tous les autres . Ils devaient
s'emparer du télégraphe , et donner avis aux terroristes de
tous les départemens par des couriers extraordinaires .
( 219 )
E
1
1
3
Aujourd'hui à deux heures ,, quatre conjurés savoir le
maréchal -des - legis , l'ingenieur Chevalier , un citoyen de
la section du Temple , et le maître de la maison du rassemblement
, ont tenu conseil . L'un d'eux devait se rendre
à Pierrefute y chercher cent hommes ; un autre officier de
gendarmerie etait aujourd'hui de service ; il avait le mot d'ordre,
et l'aurait communiqué aux conjurés . Un linge blanc attaché
à un bâton aurait éle placé à la porte de la maison du rassemblement
; l'adresse de ce local a été inscrite sur des cartes
que l'on devait distribuer. Voici l'ane de ces cartes : Les chefs
du complot croyaient pouvoir soulever facilement quelques
atteliers . Des mandats d'arrêt ont été lancés contre Parrein
Agrêlée et Chevalier .. Le rapporteur propose , au nom
des comités de salut public et de sûreté générale , le projet
suivant :
Art. 1er . Les représentans Cambon , Thuriot , Ruamps
Levasseur de la Sarthe ) , Maiguet , Moyse Bayle et Hentz
décrétés d'accusation , et qui ont pris la fuite , seront tenus
de se constituer prisonniers dans le délai d'une décade ; faute
de quei , ils auront encouru la déportation par leur désobéissance
à la loi..
,, II . Le tribunal révolutionnaire sera en permanence jusqu'au
jugement définitif de Fouquier Thinville et de ses coaccusés
. ( Ce projet excite de vifs applaudissemens . ) ,
Après quelques debats , Montaut , représentant du peuple ,
est décrété d'arrestation sur la demande de plusieurs membres .
Le projet de Rovere est adopté avec cet amendement , qu'au
lieu du delai d'une décade , les représentans fugitifs n'auront
que vingt- quatre heures , à compter de la publication
du décret dans la commune où ils peuvent être caches.
Séance de décadi , 30 Germinal.
François de Neufchâteau adresse un mémoire contenant des
vues sur l'amélioration de l'agriculture . L'Evêque , éleve de
l'école normale , envoie un essai sur la maniere d'étudier et.
d'écrire l'histoire .
Lesage ( d'Eure et Loir , au nom des comités de salut
public et des finances , fait décréter que les communes se
pourvoiront elles-mêmes des sommes dont elles auront besoin
pour achat de subsistances . Le conseil général déterminera ces
sommes , le mode de l'emprunt volontaire , ses conditions
et les époques du témboursement . L'administration du district
donnera son avis , et celle du département rejettera ou con
firmera la délibération . Si elle est confirmée , elle sera provisoirement
éxécutée ; mais les pieces seront envoyées au comité
de salut public pour l'approuver définitivement , s'il y a lieu.
Auguis annonce que les citoyens d'Evreux ont restitué tout.
le bled qu'ils s'étaient partagés . On a arrêté deux femmes qui
( 220 )-
9
s'étaient signalées dans le tumulte ; l'une est la déesse de la
liberté et l'autre celle de l'égalité. La prison d'Evreux est
aujourd'hui leur temple . La Convention suspend le décret qui
mandait à la barre la municipalité d'Evreux .
Rovere , au nom du comité de salut public , rend comptedes
mesures prises pour s'assurer des conspirateurs . On en a
arrêté quatre chez l'Agrêlée . Il se trouvait chez lui des fusils ,
des sabres , des cartouches ; le complot était connu dans les
prisons . Rien n'égalait l'impudence des sarcasmes que Fouquier-
Thinville se permettait hier contre ses juges .
Ce jour était destiné aux pétitionnaires . Ils ont été catendus.
Séance de primedi , 1er . Floréal. 1
Charles Pougens fait hommage à la Convention de la traduction
d'un voyage dans la nouvelle Hollande .
Eschasseriaux le jeune donne lecture de la rédaction définitive
du décret sur la liquidation des créanciers des émigrés .
Elle est adoptée.
Lesage ( d'Eure et Loir ) au nom du comité de salut public ,
dit que des motifs particuliers exigent que les armées des côtes
de Brest et de Cherbourg , qui avaient été réunies sous un chef ,
soient séparées et commandées chacune par un général . Il pense
que la confiance de l'Assemblée en son comité de salut public le
dispensera de dire les raisons qui l'ont déterminé à prendre cette
mesure. Il propose ensuite de décréter que l'armée des côtes
de Brest continuera d'être commandée par le général Hoche ,
et celle de Cherbourg le sera par Aubert Dubaye . Décrété.
Monnel , au nom du comité des decrets , rend compte que
d'après la vérification faite de tous les membres de la Conven
tion il en manque vingt- quatre , et que les suppléans des départemens
de Paris et de la Gironde sont épuisés . Il propose
de décréter que , conformément à la loi du 24 brumaire , il
soit procédé au tirage au sort , parmi les suppléans nommés
dans toute la France à leur remplacement. Ce projet est
adopté.
Merlin de Douai ) , au nom du comité de salut public ,
propose d'envoyer un nouveau représentant près l'armée des
Pyrénées occidentales . Cette demande , dit- il , étonnera sans
doute ceux qui , sur la foi de certaius journaux , eroyent qu'il
y a suspension d'armes entre l'Espagne et nous , et que nous
allons évacuer les provinces que nous avons conquises . Il
serait peut- être utile de remonter à la source de ces bruits ,
parce que ceux qui les répandent sont les mêmes sans doute
qui font arriver de Londres le ford Eden pour négocier
avec la France ; qui viennent de faire battre nos troupes
dans la Frise ; qui la veille de la déclaration de paix avec
la Prusse publiaient que toutes les négociations étaient rom(
221 )
pues ; qui dans le traité avec cette puissance inséraient un
article secret portant évacuation de la Hollande ; qui ont la
perfidie de répandre que la République négocie avec l'impératrice
de Russie contre le Danemarck et la Suede ; qui
ont fait sortir les Anglais victorieux d'un combat où nous
avons résisté avec 5 vaisseaux contre 15, et dans lequel les Anglais
ont fait une perte plus considérable que nous ; qui pousse
enfin la perfidie , jusqu'à imputer à la Convention le dessein
de ramener le peuple sous le jong de la royauté . Il suffit .
ajoute Merlin , de signaler de pareilles manoeuvres pour ies
déjouer. La proposition de Merlin est adoptée .
Le reste de la séance est employée à recevoir les dépu
tations d'un grand nombre de sections de Paris qui viennent
féliciter la Convention , et l'entretiennent des moyens de
rendre le peuple heureux .
Traité de paix entre la République Française et le roi de Prusse .
La République Française et sa majesté le roi de Prusse , également
animés du desir de mettre fin à la guerre qui les divise
, par une paix solide entre les deux nations , ont nommé
pour leurs plénipotentiaires , savoir :
La République Française ,
Le citoyen François Barthelemy, son ambassadeur en Suisse ;
Et le roi de Prusse ,
Son ministre d'état , de guerre et du cabinet , Charles-
Auguste , baron de Hardenberg , chevalier de l'ordre de l'Aiglereuge
, de l'Aigle-blanc et de Saint-Stanislas :
Lesquels , après avoir échangé leurs pleins pouvoirs , ont
arrêté les articles suivans :
Art. ler . Il y aura paix , amitié et bonne intelligence entre
la République Française et le roi de Prusse , tant considére
comme tel qu'en qualité d'électeur de Brandebourg et de
co- état de l'empire germanique.
•
à
" II . En conséquence , toutes hostilités entre les deux puissances
contractantes , cesseront à compter de la ratification
du présent traité , et aucune d'elles ne pourra , compter de
la même époque , fournir contre l'autre , à quelque qualité et
à quelque titre que ce soit , aucun secours ni contingent , soit
en hommes , en chevaux , vivres , argent , munitions de guerre
ou autrement.
III . L'une des puissances contractantes ne pourra accor
der passage sur son territoire à des troupes ennemies de
l'autre .
" IV. Les troupes de la République Française évacueront
dans les quinze jours qui suivront la ratification du présent
·( 222 )
traité , les parties des états prussiens qu'elles pourraient oeeuper
sur la rive droite du Rhin ;
Les contributions , livraisons , fournitur et prestations de.
guerre , cesseront entierement , a compter de quinze jours après
la signature de ce traité ;
Tous les arrérages dus à cette époque , de même que les
billets et promesses donnés ou faits à cet égard , seront de nul
effet ; ee qui aura été pris ou perçu après l'époque susdite ,
sera d'abord rendu gratuitement , ou payé en argent comptant.
22 V. Les troupes de la République Française continueront
d'occuper la partie des états du roi de Prusse , située sur la rive
gauche da Rhin , tout arrangement définitif , à l'égard de ces
provinces , sera renvoyé jusqu a la pacification generale entre
la France et l'Empire germanique.
,, VI . En attendant qu'il ait été fait un traité de commerce
entre les deux puissances contractantes , toutes les commuuications
ct relations commerciales seront rétablies entre la
France et les états prussiens sur le pied où elles étaient avant la
guerre actuelle .
,, VII . Les dispositions de l'article VI ne pouvant avoir
leur plein effet , qu'autant que la liberté du commerce sera
rétablie pour tout le nord de l'Allemagne , les deux puissances
contraciantes prendront des mesures pour en éloigner le
ihéâtre de la guerie .
VIIL Il sera accordé respectivement aux individus des
deux nations la main - levée des effets , revenus ou biens de
quelque genre qu'ils soient , détenus , saisis ou confisqués à
cause de la guerre qui a en lieu entre la France et la Prasse , de
même qu'une prompte justice à l'égard des créances quel
conques que ces individus pourraient avoir dans les étais des
deux puissances contractantes .
,, IX. Tous les prisonniers fait respectivement depuis le
commencement de la guerre , sans égard à la différence du
nombre et du grade,y compris les marins et les matelots prussiens
pris sur des vaisseaux , soit pussiens , soit d'autres nations ,
ainsi qu'en général tous ceux détenus de part et d'aute pour
cause de la guerre , seront rendus , dans l'espace de deux nois
au plus tard , après l'echange des ratifications du présent traité ,
en payant toutes fois les dettes particulieres qu'ils pourraient.
avoir contractées pendant leur captivité . L'on en usera de
même à l'égard des malades et blessés , d'abord après leur
guérison .
,, Il sera incessamment nommé des commissaires de part
et d'autre , pour procéder à l'execution du present article .
", X. Les prisonniers des corps saxons , mayençais , palatins
et hessois , tant de Hesse - Cassel , que de d'Armstadt , qui ont
servi dans l'armée du roi de Prusse , seront également compris
dans l'échange susmcntionné.
( 223 )
XI. La République Française accueillera les bons offices
de sa majesté le roi de Prusse en faveur des princes et états
de l'empire germanique qui desireront entrer directement en
négociation avec elle , et qui , pour cet effet , ont déja réclamé
ou réclameront encore l'intervention du roi .
La République Française , pour donner au roi de Prusse
une premiere preuve de son desir de concourir au rétablisse
ment des anciens liens d'amitie qui ont subsisté entre les
deux nations , consent à ne pas traiter comme pays ennemis
pendant l'espace de trois mois après la ratification du présent
traite , ceux des princes et états dudit empire qui sont
situés sur la rive droite du Rhin , en faveur desquels le roi
s'intéressera .
,, XII . Le présent traité n'aura son effet qu'après avoir été
ratifié par les parties contractantes ; et les ratifications seront
échangées en cette ville de Basle , dans le terme d'un mois ,
ou plutôt s'il est possible , à compter de ce jour.
" En foi de quoi nous soussignés , ministres plénipotentiaires
de la République Française et de sa majesté le roi de
Prusse , en vertu de nos pleins pouvoirs , avons signé le présent
traité de paix et d'amitié , et y avons fait apposer nos
sceanx respectifs . ,,
Fait à Basle , le 16 germinal , l'an 3. de la République
Française ( 5 avril 1795. )
Signés , FRANCOIS BARTHELEMI , et CHARLES-AUGUSTE , baron de
HARDEMBERG.
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Suite de la séance du 9 germinal , relative au procès de Fou-·
quier- Thinville et des co - accusés dans cette affaire.
Gabriel Jérôme Senard ajoute : La maison d'Héron était an
bureau de dénonciations ; on y a dit que Fouquier empêcherait
les témoins d'être entendus à décharge dans l'affaire de
Danton .
Villate a dit à l'hospice que le tribunal révolutionnaire était
un tribunal politique , qui devait sacrifier ceux qui lui étaient
presentés.
Châtelet et Naullin n'ont jamais approuvé les actes de
rigueur.
Fouquier. Il parcourt les faits et dit : Santerre fut arrêté
à Tours ; Héron et Senard m'apporterent le proces - verbal
de son arrestation . Il était rempli d'astuce , Santerre était
patriote , et je dis an témoin qui me sollicitait de le traduire
au tribunal , que la loi me défendait d'y traduire les députés ,
( 224 )
les ministres et les généraux . D'ailleurs , Santerre est patriote
puisqu'il est sorti de prisou la nuit du 9 thermidor.
Fouquier a nié les propos imputés par le témoin , et s'en
est referé à Héron , qui sera entendu. Quant à Motion ,
détenu alors comme suspect , il a dit que cette affaire ne le
regardait pas. Pour ce qui est des voitures , a dit Fouquier ,
j'ai ordonné à l'exécuteur Samson qui me témoignait son
embarras sur la pénurie des chevaux , d'avoir plus que moins
de charettes , parce qu'en floréal les comités ne voulurent
pas qu'on y mit plus de sept à huit personnes , au lieu de
douze à quatorze.
Cambon , substitut. Comment peut-on commander des
charettes le matin , sans savoir , si dans le jour , il y aura
des condamnés ?
-- Fouquier. C'était à cause de la disette des charettes .
Je nie les propos : Amar sera entendu . Le témoin m'en veut
à cause de Santerre , mais d'Ossonville et le témoin du fond
de leur cachot avaient dénoncé Tallien et d'autres ; il en
a même été parlé à la Convention , à qui Cambon , ne jugea
point à propos de présenter cette dénonciation . Le témein
est l'agent de Héron ; c'est lui qui a dénoncé la conspiration
connue sous le nom de Baron de Batz ; c'est lui qui
a fait arrêter Burette , etc.
Le témoin. - Santerre n'était pas alors général de la Vendée ,
mais secrétaire d'un représentant . Le verbal rédigé en floréal ,
est signé Santerre on prit des précautions pour qu'il ne
se poignardât point ; le gendarme qui était présent dira qu'il
voulut me corrompre par argent. Santerre ne doit sa liberté
qu'a la faction thermidorienne .
Fouquier fait observer ces derniers mots ;
Il est faux , a repris le témoin , qu'on m'ait proposé
de traduire Santerre en accusation . Je n'étais pas porteur
du veibal , je l'ai dit à Fouquier , c'était Romainville , juge
de paix de Versailles ; je demande qu'il soit entendu . Le
verbal n'est point serti du comité , qui s'en est emparé. "
Villate. Le témoin était l'agent actif de la tyrannie
décemvirale . Il a dit que Tallien était un scélérat , qu'il y
passerait ; que Cambon se repentirait de n'avoir pas accueilli
a dénonciation ; que Barrere triompherait. Je nie le propos
qui m'est imputé.
-
-- Taleyras , juré , au témoin . Y avait-il quelqu'un avec
vous dans le cabinet de Fouquier , lorsque vous entendites
ces mots : 12 , 24 , 30 , trois voitures .
Le témoin. Il y avait un gendarme
(La suite au numéro prochain. )
( No. 44. )
J24.135.
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 10 FLORÉAL , l'an troisieme de la République,
( Mercredi 29 Avril 1795 , vieux style . )
LITTÉRATURE ANCIENNE.
LEUVRES DE XENOPHON , traduites en français sur les textes
imprimés , et sur quatre manuscrits de la bibliotheque
nationale ; par le citoyen GAIL , professeur de littérature
grecque au collège de France de l'imprimerie de DIDOT
le jeune. A Paris , chez l'auteur , place Cambrai . Ier , volume
in 8. de 374 pages.
$
ONSN se demande souvent pourquoi la lecture des anciens
nous attire par un charme irrésistible ; pourquoi , après
avoir parcouru les ouvrages des modernes , on revient à
eux avec un empressement si vif , et on les quitte avec
un sentiment de regret si profond . C'est qu'indépen
damment de ce qu'ils ont été nos premiers guides , et ,
pour ainsi dire , les compagnons de notre jeunesse , ils
portent dans leurs compositions une empreinte d'originalité
, et un caractere qui les distingue entierement des
modernes . Ils parlaient une langue si belle ! ils peignaient
des mceurs si extraordinaires et si grandes ! ils
n'existent plus que dans leurs écrits , et c'est pour
cela qu'ils sont devenus si précieux pour nous . On
aime à y étudier leurs lois , leur esprit , leur génie ,
leurs habitudes , comme on va encore aujourd'hui dessiner
les débris de leurs monumens , pour y retrouver
les principes de l'art et les idées du beau . L'imagination
refait Athenes , Sparte , Rome ; elle ranime les grands
hommes qu'elles ont produits , et en mettant en mouvement
ces grands peuples qui ont disparu , elle embellit
cette création nouvelle d'un prestige dont le charme
varie au gré de la pensée , qui préfere souvent à là réalite
l'illusion qu'elle imagine .
L'esprit humain a fait sans doute de grands progrès
depuis les anciens ; peut- être savons-nous mieux faire
un livre , en distribuer toutes les parties , et les faire
Tome XV. Р
( 226 )
concourir ensemble au but que l'auteur se propose.
Peut -être abordons -nous plus franchement les questions
que nous avons à traiter , et pénétrons - nous plus avatt
dans les sujets quil s'agit d'approfondir. Mais avonsnous
, comme les anciens , cet art admirable d'intéresser
par les formes , par les détails , par les comparaisons ,
par les rapprochemens moraux ? Possédons - nous au
même degré le secret de faire disparaître la sécheresss
du fond par la variété et la richesse des accessoires , et
de porter dans les ouvrages les plus sérieux et les plus
didactiques , cette vie , ce mouvement , ce dramatique
dont ils savaient les animer ? Ce que nous avons gagné
en précision , en méthode , en profondeur , ne l'avonsnous
pas perdu en agremens , et sur- tout dans ce talent
ai raie d'attacher les lecteurs , et de rendre l'instruction
aimable.
De tous les écrivains de l'antiquité , nul n'a réuni ,
comme Xénophon , cette diversité de talens , et ce genre
d'intérêt dont nous venons de parler. Philosophe , historien
, général , homme d'état , il n'est pas moins connu
par la fameuse Retraite des dix mille , que par les Faits et
dits mémorables de Socrate , la Cyropédie , l'Histoire grecque ,
et une foule d'autres ouvrages non moins recommandables
par l'harmonie , la douceur et la grande perfection
de style , que par une prodigieuse variété de cor
naissances .
Plusieus ouvrages de Xénophon avaient déja été traduits
dans notre langue , par Charpentier , d'Ablancourt ,
Larcher , Dacier et la Luzerne ; mais il nous manquait
une traduction complette de ses OEuvres , faite avec soin,
sur les meilleures éditions du texte grec , et les manuscrits
comparés qui existent dans les principales bibliotheques
. Cette tâche pénible et laborieuse vient d'être
entreprise par le citoyen Gail , professeur de littérature.
grecque , au collège de France , à qui nous sommes
deja redevables de la traduction de Théocrite , d'Anacréon
et des dialogues de Lucien .
Le volume que nous annonçons contient l'Economique,
l'Apologie de Socrate , le Traité d'équitation , et le Maître
de la cavalerie. Ce ne sont pas les productions les plus
célebres de Xénophon , mais ce sont les moins connues
dans notre langue ; 1 Economique surtout est un
morceau extrêmement précieux. C'est , dit le traducteur
lui - même , le plus ancien des écrits en ce genre ;
c'est un chef- d'oeuvre que Scipion l'Africain eut tou
( 227 )
jours dans les mains , que Virgile imita quelquefois , que
Cicéron traduisit. Après qu'on aura pardonné à ce traité
quelques détails, un peu minutieux , sur l'économie
domestique et sur l'agriculture , on reconnaîtra dans des
morceaux pleins de raison , de douceur , d'éloquence ,
toute la sagesse et tout le talent de Xénophon .
99
" Nos modernes , continue le traducteur , si fiers de
leurs découvertes , pour ne pas dire leur rafinement
dans une science dont les élémens sont si simples , verront
, non sans sans surprise , qu'il en avait deviné la
plus grande partie . C'est un ouvrage adressé aux vrais
habitans des campagnes ; c'est une maison rustique animée
par le dialogue , embellie par les charmes de la
diction , et faite pour plaire aux peres , aux meres de
famille , à toutes les ames sensibles , à tous les amis de
la nature et du bonheur conjugal . Ce qui empêche les
habitans de nos campagnes de lire les livres d'agriculture
qui abondent dans nos villes , c'est que les uns
sont , si je puis m'exprimer ainsi , des catéchismes secs
´et rebutans ; les autres , des paradoxes où l'on recourt
trop souvent à la métaphysique , et que tous enfin sont
dénués de cet intérêt qui puisse attacher et guider les
simples enfans de la nature . Xénophon a su éviter l'un
et l'autre écueil . S'il est naïf jusqu'à la bonhommie , il
est aussi très- instructif , et il intéresse jusqu'à l'attendrissement.
Entr'autres j indique à mes lecteurs les conseils
affectueux qu'il veut que l'on donne à une jeune
épouse , et un éloge de la campagne , qui respire le goût
de la belle poésie , et dent Gesner n'aurait pas désavoué
les tableaux . "
Ceux qui liront l'Economique confirmeront sans doute
le jugement du traducteur , et y ajouteront même les
différens genres d'impression dont leur ame aura été
affectée à la lecture de cet ouvrage , car le jugement de
chaque lecteur se modifie suivant la diversité de ses
sensations . Ils remarqueront avec quel art Xénophon
sait faire sortir de son sujet les nuances d'intérêt dont
il est susceptible ; comme il introduit sur la scene
Socrate et Critobule , l'un pauvre de biens , mais riche
d'économie et sobre de desirs ; l'autre opulent , mais
appauvri de besoins et de mauvaise administration ;
comment de la curiosité de Critobule , impatient de
savoir pourquoi Socrate se trouve plus riche que lui , et
des réponses de Socrate qui sait si bien instruire par
ses interrogations et sa méthode si ingénieuse de faire
P &
( 228 )
accoucher les esprits , naît tout le plan et le développement
des principes de Xénophon sur l'économie domestique
et rurale ; comment Socrate , après avoir traité
une partie du sujet , int.oduit à son tour Ischomaque ,
et raconte les entretiens qu'il a eus avec cet homme de
bien et les instructions qu'il en a reçues ; épisode qui
acheve d'éclairer la discussion , et y répand un nouveau
degré d'intérêt et de variété .
L'Economique doit plaire aux hommes de tous les pays
et de tous les états , parce que les leçons qu'il renferme
sont d'une utilité et d'une vérité absolue , et
indépendantes des tems , des lieux et de toutes les circonstances
politiques . Mais ces leçons semblent appropriées
plus particulierement à notre époque ; elles seront
mieux goûtées , mieux senties chez un peuple à qui ses
institutions nouvelles doivent rendre la vie domestique
et agricole plus précieuse et plus chere , et inspirer des
meurs plus séveres et plus simples .
L'apologie de Socrate par Xénophon est moins étendue,
moins touchante et moins belle que celle de Platon .
Xénophon n'était point à Athenes quand Socrate fut
mis en jugement et condamné ; il ne fut pas témoin
comme Platon , et les autres disciples de ce philosophe ,
de toutes les circonstances de cette condamnation qui
fait l'opprobre des juges et la gloire de Socrate , des
discours éloquens et sensibles que celui - ci adresse à ses
juges , non pour les fléchir , ce rôle était indigne de
Socrate , mais pour confondre ses calomniateurs , et
épargner un crime à sa patrie . Il n'est pas étonnant que
Xénophon , écrivant après les autres et sur parole , n'ait
pu donner à son apologie de Socrate , le même intérêt
et la même solemnité , que Platon qui avait tout vù ,
tout entendu . Cependant peut-on parler de Socrate sans
tre sûr d'exciter la plus tendre et la plus douloureuse
émotion ? Telle qu'elle est , l'apologie de Xénophon
contient des détails qui ne se trouvent point dans celle
de Platon , et une simplicité plus conforme au caractere
de Socrate. Là où Xénophon est vraiment supérieur
à Platon, c'est dans ses faits et dits mémorables.Plator ,
dans ses ouvrages , ie montre plus qu'il ne montre
Socrate ; mais dans les faits et dits mémorables , ce n'est
plus Xénophon , c'est Socrate tout entier , on le voit ,
on l'entend , on le retrouve dans ses actions comme dans
ses discours ; et quoique Socrate n'ait jamais rien écrit ,
( 229 )
et qu'on ne puisse le chercher , ni l'observer dans ses
ouvrages , on sent que le portrait qu'en fait Xénophon
doit être plus frappant de vérité et de ressemblance que
celui de Platon.
Nous dirons peu de choses du Traité d'équitation et dy
Maître de la cavalerie. Quelques progrès que l'on ait fait
de nos jours dans ces deux genres de tactique , on sera
étonné de l'infinité d'observations et de préceptes utiles
que l'on y rencontrera , et dont on peut encore aujourd'hui
faire son profit. On voit qu'ici les connaissances
pratiques du grand capitaine servent beaucoup
les talens de l'écrivain ,
Au reste , il est une remarque à faire , en lisant les
ouvrages de Xénophon , et cette remarque est commune
à la plupart des écrits des anciens , de ceux surtout
qui sont de l'école de Socrate , c'est le soin qu'ils
prenaient d'invoquer la divinité , et de mettre leurs
ouvrages , comme leurs actions , sous ses auspices . Ce
soin sera traité , si l'on veut , de faiblesse et de préju
gés ; mais il communiquait à leurs productions je ne
sais quel caractere religieux et grave , qui rendait les
impressions plus profondes , et donnait de leurs principes
une caution qui n'était pas toujours perdue pour
les lecteurs.
L'élégance et l'extrême fidélité de la traduction , le
texte grec placé à côté , le mérite de l'exécution typographique
confiée aux presses de Didot le jeune ; tout
doit rendre cette entreprise recommandable aux amateurs
des anciens , infiniment utile aux jeunes gens ,
pour qui cette édition sera un livre classique , et digne
par conséquent d être encouragée par le gouvernement.
Si ce volume est accueilli , comme il doit l'être , le
citoyen Gail s'engage à completter tout l'ouvrage , dans
l'espace d'une année . Il annonce un autre ouvrage qui
servira d'introduction au sien , c'est l'Histoire de la vie
et des ouvrages de Xénophon , par le citoyen Fortia , savan
modeste , que les lettres disputent aux mathématiques ,
et qui , à ce double titre , était avoué pour ami par le
célebre d'Alembert.
En terminant cet article , il nous reste un voeu à
exprimer. Xénophon reçut en dépôt de Thucydide les
premiers livres de l'Histoire grecque , dont il fut l'éditeur
et le continuateur. Le citoyen Gail ne rendrait- il pas
P 3
( 230 )
un service précieux à la littérature française , s'il faisait
précéder cette partie de l'histoire grecque de Xénophon ,
par celle de Thucydide . Il nous paraît que ces deux
choses sont absolument inséparables , et le citoyen Gail
acquerrait un titre de plus à l'estime et à la reconnaissance
du public .
VOYAGES . HISTOIRE . GÉOGRAPHIE.
NOTICE d'un voyage portugais dans les contrées voisines de
la riviere des Amazones .
Les morceaux suivans soat tirés d'un manuscrit portugais
, appartenant au citoyen Buache , professeur de
géographie à l'école normale , qui nous a permis d'en
faire usage.
Le manuscrit est intitulé : Journal d'un voyage fait dans
les années 1774 et 75 , par Xavier de Veiga et Sam- Paio ,
intendant général de la capitainerie de Rio negro .
Il serait à desirer, que cet ouvrage , qui contient des
notices géographiques et hydrographiques sur le cours
de la riviere des Amazones et les peuplades qui bordent
ce fleuve , fût traduit et enrichi de notes rédigées par
le savant géographe qui nous l'a communiqué.
On y trouverait des choses utiles , relativement à
l'agriculture et au commerce , des possessions portugaises
voisines de la Guiane française ; il contient
aussi quelques renseignemens sur les Amazones d'Amérique
, et sur le fameux Doré ou Lago Dourado.
L'auteur traverse une bouche du Mamia qui se jette
du côté du midi dans la riviere des Amazones' ; il roule
une eau très-vive et ses bords sont fertiles en cacao .
L'auteur s'arrête à Paricatyba , mot qui veut dire où l'on
trouve abondamment l'arbre de Parica , dont le fruit
torréfié et réduit en poudre très-fine sert généralement
de tabac aux Indiens qui en font le plus grand cas .
Aussi l'emploient- ils dans une fête qui dure huit jours ,
et dont la bizarrerie peut piquer la curiosité .
Les Indiens commencent la cérémonie par se fouetter
réciproquement avec des lanieres de cuir de vache marine
, ou à son défaut avec des cordelettes de pite ou
pitre bien tordu , et d'environ une demi - aune de long :
ils attachent à l'extrémité une pierre ou quelqu'autre
( 231 )
j
?
corps dur. Le fouetté se tient debout , les bras étendus ,
tandis que son camarade le déchire avec cet instrument
. Il ne tarde pas à lui rendre le même service.
Pendant cette opération cruelle , à laquelle on consacre
une huitaine de jours , de vieilles femmes préparent le
parica , et les jeunes font avec le fruit de l'ébėju un vin
ou boisson enivrante appellée payavara.
Quand la distribution de coups de fouets est finie ,
on se régale de parica , et voici comment . Chacun.des
gens de la fête asso ié à un compagnon tient une espece
de bâton creux ou tuyau de pipe rempli de poudre de
parica ; il en introduit un bout dans la narine droite
de son camarade , souffle par l'autre de toute sa force ,
et recommence ce singulier jeu en changeant de narine
autant de fois que cela peut plaire de part et d'autre .
Il y en a ordinairement pour tout un jour : on en consacre
la nuit à boire . La violence de cette poudre et
de cette boisson est telle que la majeure partie des
Indiens tombent comme morts . Il arrive même que quel
ques- uns suffoqués par le parica n'en relevent jamais .
Au reste , à peine sont- ils sortis de cette double ivresse
qu'ils recommencent à boire , et cela pendant huit jours .
Par bonheur cette fête n'a lieu qu'une fois l'année .
Parmi les especes très-variées de poissons qui se trou
vent dans la riviere des Amazones , il n'y en a pas de
plus singulier que le boi ou vache marine . La ressemblance
de la tête , des oreilles et de la bouche avec celles
d'une genisse lui a fait donner ce nom. Sa chair ,
et
sur-tout celle du ventre , est de très- bon goût. On en
fait des saucisses que l'on enferme dans les boyaux de
l'animal . Au reste , quoiqu'il passe pour poisson , il a
plutôt le goût et la consistance de la viande sa taille
ordinaire est de trois ou quatre vares , et il est peut-être
encore plus gros que long ; il paît l'herbe qui croît sur
les bords du fleuve , mais seulement en avançant la
tête , car il n'a point de pieds pour se soutenir à terre .
Il a auprès de la tête deux nageoires en forme de
mains en conséquence , on ne saurait le regarder comme
un amphibie , quoi qu'en disent quelques auteurs . La
femelle alaite ses petits qu'elle traîne constamment après
elle .
Après avoir parlé de la salsepareille que l'on tire de
la province de Jurna , appartenante aux Espagnols , le
voyageur poursuit ainsi : La premiere des deux nations
dont je veux parler pour leur singularité est la Cavana ,
P 4
( 832 )
espèce de nains qui n'ont gueres que cinq palmes de
hauteur ; la seconde est la Ug On dit que les Indiens
de cette nation ont des especes de queues de trois à
quatre palmes de longueur ou même davantage . On
attribue son origine à la monstrueuse union des femmes
avec les singes coata ; aussi s'appellent-ils encore coată
tapuia. Cette relation paraîtra une fable ou pour mieux
dire une chimere .
Mais ce qui prouvè que cette origine n'a rien d'im
possible , c'est le témoignage d'un grand nombre d'Indiens
, descendus du Jurua , qui ont connu cette nation.
Un argument encore plus fort , est une attestation par
écrit que j'ai vue entre les mains du visiteur et vicaire
général de cette capitainerie , Joseph Monteiro de
Noronha , signée du pere Joseph de Sainte - Théresè
Ribeiro , religieux carmelite , datée de Castro d'Avelans,
où il était vicaire le 15 d'octobre 1768 , lequel religieux
existe aujourd'hui dans le couvent de Para , comme je
le sais par moi-même , lui ayant parlé cette année près
de la ville de Serpa où il venait se retirer.
Ce religieux dit positivement qu'étant missionnaire
dans le village de Paravari , qu'il quitta depuis pour celui
de Nogueira . il y fit rencontre d'un homme accompagné
de quelques Indiens , parmi lesquels il y en avait un
d'environ 30 ans , qu'on lui assura avoir une queue , et
que ne pouvant le croire le conducteur le fit déshabiller
, sous prétexte de tirer des tortues d'un puits où
on a coutume de les garder , qu'alors il vit bien distinctement
, et sans se tromper , que cet Indien avait en
effet une queue de la grosseur du pouce et d'environ
une palme de longueur , couverte d'une peau unie et
sans poil.
Plus loin , l'auteur parle du samu- umeira . C'est un
arbre d'une hauteur et grosseur prodigieuses , qui porte
horisontalement ses branches à une grande distance ;
le bois n'est point de durée , et ne sert à rien. Mais
ce qui est vraiment admirable , c'est le fruit qui donne
une espece de coton si estimé en Europe pour garnir
des matelas , usage pour lequel on ne saurait rien trouver
d'aussi propre , d abord parce qu'il est très - chaud ,
et ensuite tellement élastique qu'en l'exposant au soleil
il reprend sur- le - champ sa consistance , à quelque point
qu'on l'ait écrasé et qu'on l'ait affaissé , et enfin à cause
de sa blancheur et de sa qualité soyeuse .
Pour cueillir ce fruit , on coupe l'arbre par le pied
( 233 )
on s'empare sur-le- champ du fruit , et on le porte au
lieu où on l'ouvre . Là on en sépare le coton ou la bourre ,
et on le met dans un sac , car si on le néglige il s'envole
à l'instant . Le fruit est de la grosseur d'un petit
melon ; le coton est dans l'intérieur , et en recouvre la
semence il faut abattre beaucoup d'arbres , et se donner
beaucoup de peine pour completter deux ou trois
arrobes .
:
Sa fleur est polypétale , la corolle est composée de` ,
cinq étamines ou pétales de couleur feuille - morte et
d'une bourre très - fine qui ressemble à de la pluche .
Le mangubeira ressemble assez au précédent par son
fruit , avec cette différence que la bourre est de couleur
verte , et qu'on le trouve plus frais à l'usage .
On se sert aussi de l'écorce intérieure du manguba ,
qui est si fibreuse , qu'on en fabrique des cordes pour
les canots .
On peut appeller le tucum le lin de l'Amérique
méridionale . Les Indiens font des fibres intérieures de
ses feuilles des ouvrages du meilleur goût et de la perfection
la plus étonnante , qui leur servent à une foule
d'usages domestiques : ils en font des hamacs ou lits
qu'ils appellent magaïras : ces filets sont entrelacés avec
ua art tout particulier. Le tucum est une espece de
palmier- brave , sans aucune branche , dont tout le tronc
est couvert d'épines très - aiguës ; au haut se trouvent les
feuilles d'une vare et demie de longueur , et relevées .
ANNONCES. GRAVURES.
" Guillaume Tell enlevant à coup de flêche
par ordre de
Grisler , une pomme placée sur la tête du plus jeune de ses
enfans.
- Mort de Grisler tué d'un coup de fleche par Guillaume Tell.
Ces deux estampes faisant pendant , recommandables par Tintérêt
du sujet , la beauté des sites , le mérite de la composition
et du dessin , se trouvent chez Mixelle , гне Christine-Thionville
, no. 5. Le prix de chacune , en bistre ou en noir , est
de 10 liv .; et en couleur , de 20 liv.
( 234 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ALLEMAGNE.
De Francfort-sur- le- Mein , le 18 avril.
SUIVANT les dernieres lettres de Constantinople , le nouveau
Reis- Effendi paraît démentir les espérances qu'on en avait
conçues , en se tenant fidelement au systême pacifique de son
prédécesseur. Qn assigne pour cause de cette inactivité la
disette dont est menacé l'empire ottoman , du moius daus la
partie européane , La viande , portée à un prix excessif , est
de très-mauvaise qualité ; et le pain , le principal aliment da
pauvre , est monté à un prix si haut , que
très - peu de personnes
peuvent s'en procurer du bon , et celui d'une qualité
inférieure est tellement mauvais , qu'il occasionne des maladies
graves , dont quelques-unes même sont mortelles . Les provinces
ne sont guères moins malheureuses que la capitale , et des
villes du premier ordre le sont davantage. A Andrinople , il
y a une véritable famine ; un grand nombre de personnes
meurent de faim dans toute la force du mot . Un fleau d'une
autre espece afflige encore cette malheureuse cité . De nombreuses
troupes de malveillans parcourent ses cavirons , et
pillent les villages et les campagnes . Déja le grand - seigneur
a décidé de faire marcher un corps de troupes considerable
pour réduire ces brigands ; mais on est encore à chercher
un habile officier qui se charge de cette expedition . Le grandseigneur
a de plus ordonné l'armement de dix vaisseaux et
de pareil nombre de fregates . Ces forces escorteront un grand
nombre de bâtimens de transport , qui iront chercher des
grains en Syrie et en Egypte , où l'on assure qu'il s'en trouve
encore abondamment ; ciles empêcheront aussi tous trausports
d'objets de ce genre pour le compte des autres puissances ,
et protegeront les convois contre les pirates dont l'Archipel
est infesté . La République Française sera exceptée de la prohibition
; s'il y a un surplus de grains disponibles , ils seront
pour elle .
Le baron de Herbert , internonce impérial , qui avait de
mandé et obtenu son rappel , a été chargé de prolonger encore
son séjour à Constantinople.
( 235 )
Tous les avis qu'on reçoit de Copenhague et de Stockholm'
annoncent le maintien de l'union la plus étroite entre ces deux
puissances . Le commandement de leur flotte combinée commencera
cette année par les Suédois , et l'on assure que ce
sera le colonel Christierbin qui remplira cette place impor
tante ..
Les dispositions amicales des deux cours pour la République
Française sont bien connues , mais celles de la Suede en particulier
se prononcent encore davantage . Voici ce que portent
des lettres de la capitale , en date du 24 mars : ·
Le 20 , il est arrivé ici un député français qui se nomme
le citoyen Rivals , et prend la qualité d'agent public de la
République Française . Déja il a fait des visites dans la journée
du 22 , et où le dit homme de beaucoup d'esprit . La preuve
qu'il compte prolonger ici son séjour , c'est que , pour le
moment , il s'occupe de l'arrangement et de l'ameublement
d'une maison . Il doit lai venir un secrétaire qu'il attend
sous quinzaine .
Le sénateur comte Kalling est mort dernierement dans la
97. année de son âge ; il servait comme officier sous
Charles XII. Il était fils d'un simple cultivateur fiulandais . Il
a joué en Suede un très - grand rôle , mais la révolution de
1772 y mit fin .
On ne dit plus rien de la Pologne qui mérite d'être connu ,
sinon que les Russes occupent la Volhinie à mesure que les
Autrichiens s'en retiren . Les Prussiens cédent également la
place aux Autrichiens dans le palatinat de Sendomir .
Catherine II fait établr ou du moins triciapher sa religion
d'adoption , la grecque qu'elle a embrasse en montant sur le
trône de Russie , dans la Lithuanie , la Volhinie et la Podolie.
Cette mesure lui offre sans doute un moyen de faire supporter
plus facilement son joug aux contrées conquises .
Suivant les lettres de Vienne du 28 mars , le ministre impérial
à la diete de Ratisbonne est de retour depuis quelques
jours de Pétersbourg , où il était allé pour les négociations
auxquelles tient la décision du sort de la Pologne . Des
lettres antérieures de trois jours disent : Un courier de Londres
nous a apporté le plan des opérations de la campagne pro
chaine c'est vraisemblablement le préliminaire des confé
rences du comte de Pergen et du baron de Lederer , partis il
y a quelque tems pour aller chercher les six millions sterlings
qu'on prête à l'empereur. Ges lettres ajoutent : Notre armée
du Rhin a reçu ordre de passer ce fleuve , et d'aller délivrer
Luxembourg; ( ordre plus facile à donner qu'à exécuter. )
Des lettres d'Osnabruck du 28 mars rendent compte de l'ar-
Tivée en Westphalie de l'armée prussienne , commandée par
(1236 )
le feld-maréchal Mollendorf , qui s'est fait céder les magasins
qu'avaient les Anglais . Ce général était accompagné du prince
Louis de Prusse et des généraux de Knobelsdorff et de Wartensleben
. On lit par post- scriptum :
Le comte d'Artois n'a quitté cette ville que le 25 au matin ,
et il ne l'a fait qu'après en avoir été expressement requis .
Il est allé à Bremen , et tous les émigrés , qui sont encore
parmi nous , doivent également prendre le parti de s'en
éloigner.
On écrit de Bielfedl , le 30 mars : L'Empire germanique ,
à ce que l'on assure , sera compris dans la paix de la Prusse
avec la France , dont sept à huit lettres nous donnent la nouvelle.
La paix ! la paix ! est un cri qui se fait entendre de la
rive gauche du Rhin , et que les habitans de la rive droite répetent
avec satisfaction .
L'Empire sera bien fercé de la faire si les Français s'emparent
de Luxembourg et de Mayence ; elle peut aussi avoir lieu
cette paix si desirée , indépendamment de la prise de ces deux
places , dont la derniere est aussi vigoureustment- défendue
qu'attaquée , s'il en faut croire le bulletin officiel de l'affaire du
6 avril , dont le commandant de Mayence end ainsi compte :
Ce matin , je fus averti que l'ennemi travaillait fort assi
duement , depuis quelques heures , à une distance de 500 pas ,
devant notre nouvelle redoute no . 1 sur Hartenberg ; je m'y
transportai sur- le- champ pour m'en assurer , et je me fis
accompagner du lieutenant- général de Mayence , comte de
Haizfelz ; du commandant des avant-postes , comte de Mer*
gantin ; du commandant de la forteresse , colonel de Comez ,
et des deux directeurs du génie et de l'artillerie . L'ennemi
continua son ouvrage sous nos yeux . Alors il fut résolu de
détruire cet ouvrage , qui pouvait nous être très - préjudiciable
, ou au moins de le dégrader de telle sorte , que l'ennemi
perdit l'espérance de le rétablir . Pour atteindre ce but , M. de
Muller , lieutenant - colonel de l'artillerie , plaça deux pieces
de 8 à droite , en dehors de la nouvelle flêche , et d'une maniere
si avantageuse , que le feu de ces deux pieces , secondé
du feu de l'obus qui était dans la flêche , fit disparaître en no
instant les travailleurs de l'ennemi . Dans le même moment ,
le général Mergantin , à la tête du corps franc de Wurmser
et des tirailleurs de Warasdin , attaqua l'ouvrage même et en
repoussa la garnison . Il fut immédiatement suivi de 200 ou
vriers de Hesse-Darmstadt , conduits par M. Boutiguec , capitaine
des ingénieurs , qui furent soutenus par trois compagnies
d'Olivier-Wallis , commandées par le major baron de
Theyerhoff.
La place fut non- seulement occupée et soutenue par nos
troupes , mais l'ouvrage de l'ennemi fut détruit en grande
partie.
( 237 )
"
99 L'canemi essaya à plusieurs reprises de repouŝker nog
troupes , mais aussi - tôt le major Michanovich du corps franc
de Wurmser , avec deux compagnies de ce corps , avança ,
attaqua la batterie en avant du Hartenberg , ainsi que la maisen
des Dominicains , et emporta l'une et l'autre . Celui - ci fut
soutenu par une demi- compagnie de Hesse - Darmstadi , commandée
par le premier lieutenant de Weller , ce qui procura
cet avantage , que la coupure commencée à la maison des
Dominicains , put être continuée par le premier lieutenant
ingénieur de Grapff.
Cet ouvrage fut couvert par les Séressans qui étaient en
avant et qui escarmouchaient toujours . Ils furent soutenus à
droite par une division d'Olivier Wallis , sons le commandement
du Heutenant de Gall , qui repoussa les tirailleurs ennemis
qui s'étaient trop avances .
,, L'ennemi se forma de nouveau sur le Hartenberg , avança
une seconde fois , et fut une seconde fois repoussé , par la
sage conduite du major de Michanovich , du colonel de Lindau
, de Hesse - Darmstadt , du capitaine Otto , du porte- drapeau
comte de Wittgenstein , et des lieutenans Becker et
Koeniger. J'ai aussi employé avec beaucoup d'avantage le capitaine
Bechtohld .
,, Dans une nouvelle attaque de l'ennemi , qui se montra
en grand nombre sur le Hartenberg et dans les vignes , une
compaguie de grenadiers du régiment mayençais de Hatzfeld ,
sous le commandement du capitaine de Wollskehl , dans le
chemin creux , et ces deux compagnies appuyant l'aîle des
Séressans , l'ennemi fut en peu de tems obligé de céder au
feu de la mousqueterie , et à l'accompagnement de deux pieces
de cavalerie . Dans cette occasion , la perte de l'ennemi fut
considérable .
Il faut dire et publier , à la louange de ces compagnies
mayençaises , qu'elles s'offrirent d'elles-mêmes avec leur brave
major , le baron de Bommelberg.
,, D'abord , après le premier coup tiré , tous les généraux
se trouverent dans le cercle de leurs divisions , m'aiderent ,
par leur coopération efficace , à observer l'ennemi plus exactement
, et à diminuer ses mouvemens par le placement de
leurs troupes .
Le célebre lieutenant - colonel du génie , le marquis de
Chasteler , a montré une prudence et une valeur sans égale
dans la direction de l'ouvrage et le placement des troupes ,
au milieu du feu de l'ennemi . Mais , à mon plus grand regret ,
il a été blessé à la tête par un coup de feu .
,, Plusieurs officiers de tous grades , bas - officiers , cadets
et autres , se sont signalés dans cette journée . ››
On apprend de Wesel que le 4 , le 5 et le 6 , les Français
( 238 )
r
qui occupaient la partie du duché de Clèves , sur la rive droite
du Rhin , ont passé ce fleuve et vont évacuer entierement le
territoire prussien .
La princesse de Galles s'est embarquée à Stade le 28 mars ,
et a fait voile de Cuxhaven , le 29 , avec l'escadre du commos
dore Payne.
ITALIE .
aux
De Gènes , le 26 mars . L'escadre anglaise s'est réfugiée dans
le golfe della Spezia , après le combat du 14. Le gouverneur
a notifié à l'amiral anglais , la loi qui ne permet pas
vaisseaux de guerre , d'entrer au nombre de plus de cinq ,
dans les ports de notre République . L'amiral a répondu que
la nécessité l'a forcé à y entrer , mais qu'il en sortirait incessamment.
Cette escadre est composée de 12 vaisseaux de ligne , de dix ,
tant frégaties que cutters , et de deux vaisseaux français , pis
dans le combat naval.
L'amiral anglais a demandé la permission de débarquer 300
Français blessés . Le gouverneur della Spezia a fait part de
cette demande au gouvernement de Gênes , qui a répondu
qu'elle lui serait accordée , condition que les Français
demeurassent lib : es , aussi -tôt qu'ils auraient touché le sol de
la Republique . L'amiral y a consenti , à condition qu'ils promisseut
, sur leur parole d'honneur , de ne plus servir contre
l'Angleterre.
En conséquence , ce matin , l'envoyé français a expédié
deux bâtimens avec des chirurgiens et des hommes de peine ,
pour recevoir les blessés , et les transporter dans le Lazareth
.
La ville de Sienne a voté des remercimens solemnels au
grand duc de Toscane , à l'occasion de la neutralité vis - à - vis
de la République Française , évenement de la plus haute importance
pour le commerce de ce pays ; et voici ce qu'on
mande , en date du rer . avril , de Livourne :
Un gros bâtiment marchand , toscan , était sorti d'ici pour
se rendre à Marseille , avec une cargaison de grains . Peu de
tems après son départ , un cutter anglais mit lui - même à la
voile de cette plage , lui donna la chasse , l'arrêta et le recon-
Cuisit à la rade . Le cutter anglais donna pour motif que ce
bâtiment était soupçonné de porter des munitions de guerre ;
mais l'examen du bâtiment ayant montré qu'il n'était charge
que de grains , il a été décidé qu'on ne pouvait le considérer
comme de bonne prise , et il a été relâché . Le même cutter
s'était encore emparé d'un bâtiment vénitien , chargé aussi de
1239 )
1
.}
grains pour Marseille ; mais in fu rencontré , chemin faisant,
par un corsaire français ; celui- ci s'est emparé à son tour du
bâtiment , et l'a conduit à Speza .
La nouvelle répandue par quelques feuilles , que deux frégates
françaises claient demeures engravees sur les bancs de
Boniface en Corse , ue s'est point verifice.
Au départ du dernier courier de Milan , le roi de Sardaigne
était malade au lit , de la, fievre .
1
Un officier pié nontais écrit que les efforts de l'armée sarde
se porteront principalement vers Coni , et que l'on abandonnera
aux Piémontais la garde du duché d'Aost et des mouts adjas
cents . Il s'en faut , ajoute t il , que la bonne intelligence si
nécessaire egne entre les Autrichiens et les troupes nationales.
Les premiers ay nt voulu relever la garnison d'Alexandrie ,
les Piémontais qui la composent se sont opiniâtres à occuper
exclusivement ce poste , et la question a été décidée en leur
faveur. Au reste , on croit toujours que le prince de Piémont
travaille à détacher son pays de la Grande - Bretagne , et
à déterminer son pere à faire la paix . Il est secondé dans ce
projet par l'archevêque de Turin ; ce qui vaut à tous deux
les bénédictious du peuple.
-
ANGLETERRE. De Londres , le 28 mars .
Un ordre du conseil enjoint de s'assurer de l'état des gres
niers et magasins de la Grande - Bretagne et de l'Irlande , pour
reconnaitre si l'accroissement considérable du prix da bled
et des autres grains est dû à une disette réelle ou factice .
Il est toujours question de s'occuper du paiement des dettes
du prince de Galles . Les uns proposent de vendre , pour les
acquitter , les domaines du duche de Cornwall ; d'un autre
côté , le rei offre de se charger lui-même des dettes de son
fis , si on veut lui angmenter sa liste civile de 200,000 liv . st.
Il consentirait à augmenter encore le revenu annuel du prince
de Galles de 40 mille liv . Les papiers de l'opposition s'elevent
contre cet arrangement . D'après un premier apperçu , les dettes
s'éleveat à 850,000 I. st . Il semble en effet que le peuple serait
fort lésé si , pour acquitter cette somme , il consentait à l'augmen
tation demandée par Georges III , qui peut durer vingt ans , et
coûter ainsi 4 millious .
La défection du roi de Prusse n'a pas paru faire ici une
bien vive sensation . Ce prince se faisait payer fort cher les
services qu'il promettait sans cesse à la coalition , et qu'il
ne rendait pas . Quelques politiques disent qu'il vaut mieux
en dehors qu'en dedans ; et suivant ce principe répandu avec
( 240 )
adresse par notre ministere , nous nous consolons sans peine
du parti qu'il a pris de nous abandonner.
,
Jamais on ne vit autant d'activité dans nos chantiers . Vous
diriez que le ministere a le dessein de faire transporter la nation
entiere sur un autre hemisphere tant il prépare de vais
seaux de tous les rangs et de toutes les grandeurs . D'un autre
côté , on prend toutes les précautions possibles pour garnir
nos côtes , et les mettre à l'abri de l'invasion de l'ennemi .
La police interieure de la ville de Londres occupe aussi
l'attention de l'administration . On se propose de créer an
corps de milice nationale , destiné à protéger les personnes
et les propriétés dans les deux cités de Londres et de West
minster. Cet établissement se fait par la voie de sonscription
, et deja si l'on en croit les papiers ministeriels ,
liste des souscripteurs est tres - nombreuse .
la
Le principal objet de l'attention du ministere paraît être
d'intercepter tous les convois qui sont destinés pour la France ,
mais c'est une entreprise qui a tant de fois echoué , qu'on
ne peut guères compter sur ses succès . Quoi qu'il en soit ,
le gouvernement vient de donner des ordres à une escadre
de dix vaisseaux de ligne , sous le commandement du contreamiral
Colpoys , de partir sur-le - champ , pour établir une
croisiere sur les côtes de France . On dit même que cet ordre
a deja reçu son entiere exécution .
La Roche Jacquelin , pere de celui qui commandait dans
la Vendée , a été nommé colonel de la légion britannique
du Sud.
Dans le mois prochain , on doit former les camps suivans
dans le voisinage de la côte du Midi .
A Barbom- Dunes.
Le 3. régiment de dragons ,
Le 22c . , idem ,
Lancastrehire , fencibles ,
Rutland , idem .
Un corps de grosse artillerie ,,
Oxford , milice ,
Sud- Devon , idem ,
Dorset , idem .
Sud- Hantz , idem .
Un parc d'artillerie .
Douvres .
! Est-Middlesex ,
Est-Essex ,
Est-Norfolk. ›
Milice .
Brighthelmstone.
West-Essex .
Somerset.
Witheshire.
Dragons du prince de Galles ,
Sud-Gloucester ,
Hereford ,
Cheshire ,
Milice .
Un parc d'artillerie.
On doit , à la même époque , former encore d'autres
camps à Hyte , Dungeness , Est - Bourne , Staford , Chicheszer
, l'isle de Wight , Southampton , Poole , etc.:
RÉPUBLIQUE
A
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
P ÉSIDENCE DE SIEYES.
Séance du duodi , 2 Florial. **
Sieyes , an hom du comité de salut public , annonce que
larégence de Suede vient d'envoyer un ambassadeur extraor
dinaire pour résider auprès de la République Française . Il
lit la lettre de créance . Voyez Nouvelles officielles . )
La Convention nationale décrete que l'ambassadeur de Suede
sera admis à la séance de quintidi prochain à & heures , et
que sa lettre de créance serah inscrée au bulletin .
Un secrétaire donne lecture d'une lettre de la veuve de
Buzot , représentant du peuple , qui expose que , privée
de tout ce qu'elle avait de plus cher , et réduite à manquer
des choses les plus neccessaires à la vie , elle vient intéresser
la Convention sur son sort , et reclame une année
d'indemnités dues à son mari . La Convention decrete que
les inspecteurs du Palais- National feront payer à la veuve
Buzot l'année d'indemnités qui était due à son mari . ***
Denjou , au nom du comité des décrets , fait adopter qu'il
n'y aura d'admis aau concours spar la voie du tirage qui va
se faire parmi les suppléans , pour completter la représen
tation nationale , que le premier en tour d'appel dans chaque
departement ; que le prem en suppléant de chacun des départemens
dont les députations sont et se trouveront plus que
completes , d'un ou de plusieurs membres , ne participera
pas au concours du tage jusqu'à ce que les autrês depu- '
tations aient atteint la méme proportion ; et que les suppléans
da departement de Seine et Marne , dont l'assemblée élec
torale en a nommé un plus grand nombre que celui fixé
par les décrets et adopté par Pusage général , y seront réduits
as quatre suivant l'ordre fixé par l'élection .
J
Bourdon ( de l'Oise ) dit qu'il est démontré pour tous
les bons esprits que la révolution ne peut plus être entravée
que par les finances , et que c'est par conséquent sur cet
objetque l'Assemblée doit fixer son attention . Il ajoute que
le projet de finances qui vient d'être distribué , contient
des choses , extrêmement importantes , dont beaucoup de
ses collegues et lui se proposent de combattre les trois quarts
e dei. Il demande que la discussion sur cet objet soit
Igovoyée à sextidi prochain . Adopté.
Tome XV.
2
Imbert Pierret , au nom des comités d'agriculture et de
Snances , fait décreter l'etablissement de deux écoles d'éco-
Bomie rurale vétérinaire , l'une à Lyon pour le Midi , l'autre &
Versailles pour le Nord . Tous les citoyens qui voudront entrer
dans l'une de ses écoles , seront admis parmi les éleves, et recevront
gratuitement le logement et l'instruction . Chaque dis
trict est autorisé à envoyer un éleve qui sera entretenus aux
frais de la République . Sa dépense est provisoirement fixée
à douze cent lives. Il y aura dans chaque école un direetear
et six professeurs qui se distribueront les leçons ainsi
qu'il suit :
1º. L'anatomie de tous les animaux servant à l'agriculture ;
2º. l'éducation et les maladies du cheval , da mulet et de
F'âne ; 3° . l'éducation et les maladies des bêtes à corne
4º. celles des bêtes à laine ; 50. la pharmacie , la matiere
médicale et la botanique ; 6º. la longe , la ferrure et les opé
rations du pied.
le
Deleloy , au nom du comité de législation , reproduit à la
discussion le projet de décret concernant les membres de
Pancien comité révolutionnaire de Nantes , acquittés par
tribunal révolutionnaire. Rewbell pense que les principes
s'opposent à ce que l'on remette en jugement ces membres ,
que l'on revise celui qui a été rendu en leur faveur , et que
l'on infirme ainsi la declaration du juré. Il craint que ce que
l'on fait aujourd'hui pour des coupables , n'arrive bientôt
pour des innocens . Il regarde cette discussion comme un
scandale public , et s'appuyant sur cette maxime , qu'il vaut
mieux que cent coupables échappent , qu'un seul innocent
périsse. Il demande que le comité de sûreté générale prenne
des mesures contre ces hommes , dont la rentrée dans la so
ciété serait un vrai fléau .
Louvet fait la distinction entre les delits ordinaires et les
délits révolutionnaires. Le tribuual a recounn l'existence des
uns et des autres dans cette affaire ; mais il ne pouvait appliquer
des peines aux premiers ; il ne faut cependant pas qu '
restent impunis. Il en conclut que le projet du comité doit
être adopté.
Oadot dit qu'il y a des déclarations des jurés qui sont con
tradictoires , en ce qu'elles établissent qu'un tel individu est
convaincu d'un crime , mais qu'il ne l'a pas commis dans
une intention criminelle . It demande que ces coupables seuls
soient remis en jugement.
Plusieurs membres appuient la motion d'Oudet. La discussion
se ferme , et sur l'observation de Deleloy , rappor
teur, qu'on ne peut rieu diviser , et que ce sera au tribunal
Aqui l'affaire est renvoyée à prononcer sur cet objet , la
projet du comité est adopté , et les accusés renvoyés par
devant le tribunal criminel de Mayenne et Loire , pour êure
jugés sur les délits ordinaires,
( 243 )
Séance de tridi , 3 Floréal.
Chazal , au nom des comités de législation et des finances ;
présente un projet de décret concernant le séquestre des biena
des parens des émigrés. Il dit que c'est peut- être à cette mesure
que l'on doit la disette qui nous accable . Comme il
n'existe presque pas dans la République de propriétés auxquelles
un émigré ne se trouve , de près ou de loin , appellé
à succéder , il s'ensuit qu'une grande partie du territoire français
est sous le séquestre , que les ventes sont paralysées et
l'agriculture ruinée . Il faut donc se hâter de lever ce séquestre
qui , indépendamment des calamités générales qu'il a produites
, plonge dans le deuil et la misere beaucoup de familles ,
qui ne peuvent être responsables des crimes de leurs membres
que la loi a frappés de réprobation et de mort . Il importe
encore de bien déterminer la quantité de domaines qui appartiennent
à la nation , pour opérer promptement leurs ventes
et retirer des assignats de la circulation . Chazal lit son projet.
La discussion en est ajournée à quintidi prochain .
Un membre , au nom du comité des secours publics , rend
compte de la pétition de la veuve du représentant du peuple
Salles , qui réclame les indemnités dues à son mari . Il expose
que Salles , après avoir été un des premiers et des plus cou
rageux athletes de la révolution , après avoir servi son pays
avec dévoûment , a été proscrit avec beaucoup d'autres hommes
å talent , et a péri sous la hache avec eux , et il propose de
décréter que les indemnités qui lui sont dues jusqu'à sa mort
seront payées à sa veuve. Adoptė.
Les épouses de Collot et Billaud demandent aussi le paiement
des indemnités de leurs maris . Renvoyé au comité de
legislation .
Goupilleau ( de Montaigu ) demande qu'en attendant la discussion
du projet relatif à la restitution des biens des condamnés
à leurs parens , la Convention ordonne provisoirement
la levé du séquestre des biens de tous ceux qui ont
été assassinés sans jugement par le tribunal révolutionnaire .
Il fait lecture d'un extrait figuré des registres de cet ancien
tribunal , présidé par Dumas , duquel il résulte que le 21 méssidor
an 2. , 49 personnes accusées d'athéisme , de fédéra–
lisme et de conspirations de prisons , ont été envoyées le
même jour à l'échafaud , sans jugement.
Perin des Vosges appuie Goupilleau , et dit qu'où il
n'y a pas de jugement il ne peut y avoir de confiscation .
La Convention charge son comité de législation de lui faire un
rapport à ce sujet .
Jean-Bon Saint-André invoque la générosité , la justice même
de la nation , en faveur des petites nieces de Fénelon qui
sent dans la misere , de cet hemme qui a honoré la Françe
( 244
et dont la mémoire sera toujours chere aux amis de la vérité ,
de l'humanité , de la vertu , des arts et du bon goût . Un
rapport sera fait à cet égard par les comités d'instruction et des
secours publics .
Rovere lit une adresse de la société populaire de Marseille ,
Buivie de quarante- cinq pages de signatures , dans laquelle
elle exprime son horreur pour les hommes de aang et son
attachement à la Republique et à la Convention , avec cette
énergie qui caractérise les Marseillais . Mention honorable .
Giraud Pouzols , en mission dans les départemens de l'Hérault
et du Gard , écrit que le 20 germinal la commune de
Montpellier a été fort agitée . Les terroristes insultaient , outra
geaient publiquement les meilleurs citoyens , lls offraient de
l'argent aux ouvriers des fauxbourgs pour les exciter à la revolte ,
et criaient vive la montagne ! vivent les jacobins ! Mais les nouvelles
arrivées de Paris sur la fin de la journée ont décoacerté
les malveillans. On recherche les auteurs du trouble .
Dubois - Crance , au nom du comité militaire , présente le
tableau des promotions aux differeus grades de l'armée . Plusieurs
membres en demandent l'impression et que chaque nom soit
accompagné de notes sur les services , les talens et la mora,
lité des individus . La discussion est ajournee .
Sevestre , au nom des comites de salut public, de sûreté générale
et de la guerie Maigre les calculs de l'avarice et de l'égoïsme
, en dépit des ennemis de la République , il nous est
permis d'espérer que les subsistances ne manqueront pas
Applaudissemens . ) Des grains entrent 'dans nos ports ; ils
couvrent les routes ; ils arrivent ; et nous allons nous trouver
dans un état auquel les puissances coalisées ne pourront at
teindre , quels que soient leurs moyens. Mais pour assurer nos
ressources , il faut prévenir tout désordre , il faut réprimer
des excès qui nous entraîneraient dans les plus grands malheurs ,
il faut maintenir la tranquilité publique . Nou , la malveillance
qui veut affamer Paris et nous donner la guerre civile ,
réussira pas . Comme Bordeaux , Versailles et d'autres grandes
communes , Paris a prouvé qu'il savait faire des sacrifices ; il
lui fallait peut-être cette derniere épreuve pour qu'il passât
avec plus de gloire à la posterité .
це
Les républicains, au milieu de tant de victoites , ne se laisseront
pas vaincre par les malveillans . La Convention saura faire
respecter les personnes et les propriétés . Pour en imposer aux
brigands qui arrêtent et pillent les approvisionnemens destinés
pour Paris , et pour éviter aux citoyens de Paris des courses
pénibles qui les dérangent de leurs travaux , de leurs affaires ,
les comités ont pensé qu'il fallait déployer des moyens de force
dans la 17. division militaire .
Le rapporteur propose de nommer un général en chef de
la 17. division , qui sera en même-tems commandant - général de
( 245 )
da garde parisienne ; de nommer Delmas et Pénières , repre
sentans près de cette force armée ; et d'ouvrir les bourses dans
toutes les communes de commerce .
La Convention renvoie le projet à ses comités pour le représenter
dans la séance de demain.
1
Séance de quartidi , 4 Floréal.
Poultier , représentant du peuple près l'armée d'Italie
écrit de Marseille que la nouvelle de l'arrestation de Cambon
a donné du crédit aux assignats et a fait diminuer le prix
des denrées et marchandises que nous tirons de Gênes . Il
ajoute dans une seconde lettre que Granet est tellement en
horreur à Marseille , qu'il n'y a pas un seul citoyen qui voulût
correspondre avec lui , qu'il n'a jamais eu de relation qu'avec
les voleurs et les égorgeurs . Dans le tems où on le faisait
arrêter , il s'efforçait de rallumer les troubles de cette ville et
de remettre le poignard entre les mains des scélérats . Poultier
termine en disant que la Convention a rendu un grand service
an Midi , d'enchaîner cette bête feroce et son digne ami
Moyse Bayle.
a im-
Merlin de Douai ) , au nom du comité de salut public .
propose de fixer le mode de réception des ambassadeurs.
étrangers, I dit que l'ancien gouvernement ne voulait diplomatiser
qu'à coups de canon ; mais depuis que la justice
et l'humanité sont la règle de notre conduite , l'on a senti
que les nations se devaient des égards réciproques qui ne
servaient pas peu à maintenir la bonne intelligence entre
elles . Jusqu'à présent , ajoute Merlin . il n'a pas été question.
d'étiquete . La fraternité en a fait tous les frais et en
provisé le protocole ; mais il existe dans le caractere des
ministres étrangers des différences qui exigent des distinctions
dans le mode de réception . Un envoyé ou résident
n'est qu'un mandataire chargé des ponvoirs de sou gonver
pement , mais un ambassadeur a un caractere pius relevé . Il
représente la nation qui l'envoie , et c'est en cette qualité
qu'il peut se présenter . Meilin propose un projet de décret
qui est adopté en ces termes : A la réception des envoyés
des, puissances étrangeres dans le sein de la Convention ,
Ceux qui seront revêtus du caractere d'ambassadeur auront
un fauteuil qui sera placé en face du président. Ils parleront
assis ; à droite et à gauche de fauteuil seront placés des banquettes
pour le cortège . Le président leur donnera les mêmes
tires qui leur sont accordés dans leurs lettres de créance .
Le scrutin pour la nomination des membres de la commission
des onze a donné pour résultat les noms suivants
Cambaeérès , Merlin ( de Donai ) , Sieyes , Thibaudeau , La
reveillere Lepaux , Lesage ( d'Eure et Loire ) , Boissy d'Anglas ,
Greusé-Latouche , Louvet ( du Loiret ) , Berlier et Daunou.
Q3
( 146 )
• et
Le président annonce que l'ambassadeur de Suede demande
être introduit. Il entre précédé des membres du comité de
salut public et du commissaire des relations extérieures, et suivi
de plusieurs personnes. Il s'assied , et dit que l'alliance des
Suédois avec la France , consacrée depuis long- tems par des
traitées , n'a reçu aucunes atteintes du choc politique dont
l'Europe est ébranlée , et que la neutralité adoptée par le gou.
vernement suédois est une preuve de l'hommage qu'il rend
aux droits imprescriptibles des nations . Il fait des voeux pour
que les Suédois qu'on appelle les Français du Nord ne fissent
qu'un peuple avec ceux du Midi . Le président lui répond
que les applaudissemens qui dévancent sa réponse lui disent
assez quels sont les sentimens qui animent la Convention
lui prouvent la satisfaction avec laquelle elle accueille dans
sa personne la nation qu'il représente et le plaisir qu'elle
a de le voir choisi par le roi de Suede pour en recevoir le
témoignage qu'il rend à la Suede cette justice qu'elle
n'a pas attendu nos succès pour se déclarer en faveur de
la République Française , et que dans le tems même de nos
désastres , elle appellait par ses voeux secrets les triomphes"
qui ont couronné nos efforts . Le baron de Stael reçoit l'ac
colade fraternelle du président au milieu des plus vifs
applaudissemens , et il est proclamé ministre extraordinaire
du roi de Suède auprès de la République Française . Sen
discours et la réponse du président seront envoyés aux départemens
, aux armées , et traduits dans toutes les langues .
( Voyez Nouvelles officielles. )
Grégoire , par motion d'ordre , prononce un discours sur
le droit des gens et la fraternité qu'il croit possible d'établir
entre tous les peuples . Il répete les principes contenus dans
le projet de paix perpétuelle de l'abbé de Saint-Pierre ; il
eite des traits d'amitié et de bonne foi , puisés dans les histoires
grecque et romaine. Il gémit que pendant si long-tems les
hommes aient versé tant de sang pour de milérables querelles
qui ne doivent exciter que la pitié . Il déclare que la politique
des nations doit reposer toute entiere sur la justice et la loyauté.
Scipion respectant la vertu d'une jeune espagnole , Regulus
retournant à Carthage pour reprendre ses fers ; voilà la politique
des hommes libres . Grégoire lit un projet de décret
appuyé sur ces bâses . On demande l'impression de ce discours .
Rhul prend la parole pour exprimer son étonnement de ce
qu'on va chercher dans l'histoire ancienne des modeles de bonne
foi et de loyauté que nous foumit notre histoire , et il che
l'exemple du roi Jean , prisonnier des Anglais , qui ayant appris
qu'un de ses ôtages était mort , retourna en Angleterre pour
le remplacer. Cet exemple fait rire. La Convention décrete
l'impression du discours de Grégoire.
#47 )
t
0
Béance de quintidi , 5 Floréal."
Lesage d'Eure et Loire ) , au nom du comité de salut
public : Un conrrier extraordinaire vient d'apporter yue bonne
nouvelle. ( Vifs applaudissemens. ) Voici la dépê he que nous
adressent nos collegues les représentans du peuple près les
armées des côtes de Brest , de Cherbourg , de l'Ouest et départemens
environnans. Elle est datée de Rennes , le 1er
Boréal.
Nous vous annonçons , citoyens collegues , l'heureuse issue
nos conferences . La pacification a été signée , ce soir à
six heures , par les chefs des chonans qui ont sonscrit leur
déclaration slemuelle de se soumettre aux lois de la Répu
blique une et indivisible ; et de ne jamais porter les armes con
tr'elle. Vifs applaudissemens. ) Nous sommes rentrés dans
la mabilis , à Rennes , avec tous les chefs , qui ont arboré
la cocarde et le panache tricolores. La garnison était sous les
armes. La musique nous précédait. Les décharges d'artillerie
annonçaient au loin la réunion de tous les Français de ces
départemens , et par-tout , sur notre passage , on criait , vive
la République ! vive la paix ! vive l'union ! Vous recevres
incessamment , par quelqu'un de nos collegues , les arrêtés qui
ont été pris , et les détails uitérieures de ce qui s'est passé :
quelques autres resteront ici pour suivre les mesures d'exéention
. Salat et fraternité. Signés , Defermon , Grenot ; Guezet,
Ruelle , Bollet , Urbell , Guermeur , Jary , Chaillou , Lanjui-
Bais.
On procede au tirage des douze suppléans qui doivent com.
pléter la représentation nationale. Les noms de tous les suppléans
sont mis dans une urne. Le président agite cette urne , et
l'un des secrétaires en tire douze noms que le président
proclame. Les nouveaux députés sont; Almeras de la Tour, du
département de l'Isere ; Dardie , de la Haute-Loire ; Pasro file,
du Puy-de-Dôme ; Degraves , dela Charente inférieure ; Devantie
, du Nord ; Besont , de Seine et Marne ; Guitard , du Haut-
Rhin ; Détriche , de la Mayenne ; Chagniard , du Morbihan ;
Perès, du Gers ; Toudic , des côtes du Nord ; et Sirugue ,
la Côte-d'or.
de
Vernier , au nom du comité des finances , fait un rapport
sur les rentiers viagers. Il fait sentir la nécessité de leur rendre
justice , et de les rétablir dans tous leurs droits . Les engagemens
contractés par la nation doivent , dit Vernier , être in.
violables ; elle ne peut y déroger par aucunes lois ; le faire ,
c'est altérer le crédit public. Il n'y a d'ailleurs rien à gagner
pour la nation , de transformer en rentes perpétuelles la dotte
viagere. Les déclamations contre l'espece de placement connu
sous le nom de trente têtes genevoises , sont destituées de
sont fondement. C'est une seule tête qui a pris_différentes
(( 248 )
•
ehances sur divers particuliers . Cette maniere de placer a été
libre pour tous. Le rapporteur examine trois questions , qui
consistent à savoir , 1º , si on rétablira les créanciers viagers
dans leurs anciens droits ; 2. si l'on étendra cette reintegration
à ceux qui sont déja liquidés ; 30. si l'on admettra la
réversibilité , et il les résout par l'affirmative , conformément
aux principes de la justice . Son projet est rédigé d'après ces
bases. Les créanciers viagers déja liquidés seront terras de
faire leur option d'ici au 20 messidor prochain . L'Assemblée
en ordonne l'impression et la discussion deux jours après sa
* distribution .
Merlin ( de Douai ) , au nom du comité de salut public ,
- demande le rapport du décret d'hier , qui a ordonné l'impression
du discours de Grégoire sur le droit des gens . Il se
fonde sur ce qu'il est dans les principes de la Convention
de ne point s'immiscer dans le gouvernement des autres
peuples , et qu'on ne doit par conséquent souffiir aucune démarche
, aucun acte qui les contrarie . Il rend hommage aux
intentions de son collegne qu'il croit pures , mais il pense
que l'intérêt de la République et le repos de l'Europe demandent
ce rapport . Grégoire , que des motifs si puissaus ne
pouvaient qu'entraîner , s'est rendu sur- le - champ ; il a appuyé
la motion et mênte déclaré qu'il ne ferait pas imprimer son
discours pour son compte. Le rapport a été décrété .
Des pétitionnaires demandeut aussi le rapport de l'effet
rétroactif donné à la loi du 17 nivôse , sur les donations et
successious . Cette pétition , après une coute discussion , est
renvoyée au comité de législation , et sur la proposition de
Tallien , l'exécution de cette loi , quant à l'effet rétroactif ,
est suspendue ."
Séance de sextidi , 6 Floréal.
Un membre du comité de législation fait un rapport sur
une affaire particuliere . Thibaut demande que la Convention
ne s'occupe pas d'intérêts individuels et ne s'érige pas en
tribunal. Il cite un décret qui l'ordonne ainsi , et en réclame
l'exécution , en recommandant à l'Assemblée d'écarter toute
versatilité dans ses opinions . Lehaidi observe qu'elle doit
être versatile , jusqu'à ce qu'elle ait réparé tous les maux de
l'ancien régime , et rapporté tous les décrets qui établissent
l'arbitraire et qui consacrent l'injustice . Durand Maillane dit
que le comité de législation doit faire des rapports à la Convention
de toutes les affaires qui exigent l'interprétation de
la loi , et renvoyer aux corps judiciaires son application .
Viltard propose une exception pour les affaires relatives aux
émigrés . La proposition de Durand-Maillane et l'exception
de Viltard sont décrétées .
t
Sur la demande de Rewbel , l'impression des noms des
( 249 )
t
eitoyens rayés de la liste des émigrés est ordonnée , et la
Convention se réserve de prononcer en définitif sur leur
radiation .
Un membre dit qu'on doit la rentrée des émigrés à la trop
grande facilite , avec laquelle on délivre des certificats de rési
dence. Martin s'eleve contre les preuves testimoniales , et
pense que les témoins sont toujours faciles à corrompre. Il
propose que ceux qui voudront être rayés de la liste des émi
grés soient tenus de prouver , par quelque acte authentique.
qu'ils étaient ouvriers ou cultivateurs avant 1789.
Guyot , pour prouver quels abus se sont introduits dans la
délivrance des certificats de résidence , cite le duc de Croid'Havré
et le marquis de Castries , qui en ont obtenu , quoiqu'ils
eussent réellement émigré . Le premier s'est appuyé sür
ce qu'étant grand d'Espagne , il ne devait pas être considéré
comme Français . Renvoye aux comités réunis .
Lesage ( d'Eure et Loire ) , au nom des comités de salut
public et des fiuances , présente un projet de décret relatif au
commerce de l'argent , qui est adopté en ces termes :
Art. ¡er. L'article premier du décret du 11 avril 1793 ,
portant que le numéraire de la République en or et en argent
n'est pas marchandise , est rapporté.
" II. Cette marchandise ne pourra être exportée qu'en
donnant caution de faire rentrer , pour sa valeur , des den
rées de premiere nécessité , conformément au décret du
13 nivôse.
" III . Le gouvernement est autorisé de continuer à solder
tout ce qui peut ou pourra être dû en or et en argent ,
avec des assignats , à la concurrence de la valeur de cette
marchandise selon le cours .
IV . Tous les lieux connus sous le nom de bourses , oà
se trouvaient les assemblées pour la banque , le commerce
et le change , seront ouverts .
19 V. Le comité des finances est chargé de prendre toutes
les mesures nécessaires pour l'exécution du présent décret.
Chasak, au nom du comité de législation , reproduit le projet
de décret sur la levée du séquestre sur les biens des peres et
meres d'émigrés . Quelques articles en sont adoptés sauf
rédaction.
PARIS. Nonidi , g Floréal , 3e . année de la République.
La pénurie du pain qui continue à se faire sentir dans
cette immense cité , et l'extrême cherté des autres subsistances
, jettent le peuple dans un état de tristesse et
d'abattement qui pourrait devenir inquiétant pour la
( 250 )
tranquillité publique , s'il se prolongeait encore longtems.
Tant de gens étaient accoutumés à faire du pain
la bâse fondamentale et souvent unique de leur nourriture
, que la privation presque subite de cet aliment
a rompu leur habitude , leur ressource , et les a mis
hors de mesure pour le remplacer. Les femmes enceintes ,
Les nourrices , les enfans souffrent véritablement. Au
milieu de cette situation critique , le plus grand nombre
la supporte avec patience ; mais les femmes , si susceptibles
par leur imagination de se porter aux excès ,
passent du murmure à la menace , et de la menace aux
attroupemens et aux provocations ; comme si un mouvement
séditieux pouvait faire arriver un sac de farine
de plus ; mais le besoin ne raisonne pas , et le peuple
ressemble souvent à un malade qui croit alléger ses
souffrances en changeant de position .
On a vu de ces femmes furieuses refuser leur ration
de pain , parce qu'elle était trop modique ; d'autres jetter
leur portion de riz dans la boutique des boulangers ,
parce qu'elles veulent du pain ; ce n'est pas là du besoin
, il est plus soigneux et plus économe ; c'est de la
fureur et de la malveillance . Avant- hier , des femmes
arrêterent des farines destinées pour plusieurs sections ;
non-seulement elles ont refusé de les rendre , mais elles
ont fait la garde à la porte de leur boulanger , jusqu'à
ce que le pain provenant de ces farines leur eût été
distribué. Le comité de salut public a pensé que cette
retenue des subsistances destinées à plusieurs sections
équivaut à un pillage , et produit le même effet ; il à
jugé convenable de faire venir un régiment de chasseurs
à cheval qui se trouvait en garnison à Gonesse ,
afin d'assurer la distribution des farines dans les différentes
sections.
Ces mesures de protection et de sûreté sont trèsbennes
; mais il ne faut pas négliger les mesures morales
qui peuvent agir efficacement sur l'esprit du peuple.
Si les comités de gouvernement faisaient afficher tous
les deux jours le résultat des soins qu'ils se donnent
pour pourvoir aux subsistances , et l'état des arrivages
s'ils y joignaient des proclamations fréquentes
pour exhorter le peuple à la patience , et le prémunir
contre le danger des instigations malveillantes et des
inquiétudes exagérées ; si après deux ou trois jours de
souffrance on faisait en sorte que la distribution de pain
fât un peu plus abondante , toutes ces mesures aide .
1
( 251 )
Y
Taient le peuple à endurer avec moins de peine ses
maux présens , par l'espérance d'un adoucissement prochain
, et écarteraient de lui la défiance , les soupçons
et l'aigreur qu'on cherche à lui inspirer contre la Convention
nationale .
On disserte beaucoup sur les causes de la disette
actuelle , sur les fautes qui ont été commises , sur ce
que l'on n'a pas fait , et sur ce que l'on devait faire .
Tout cela ressemble aux remontrances du maître d'école
qui gourmande l'enfant qui se noie . Ce qui ne contribue
pas peu à augmenter les inquiétudes du peuple
c'est l'assurance qu'on lui a donné tant de fois que les
subsistances allaient être plus abondantes , qu'il en arrivait
une quantité prodigieuse dans nos ports , et que
les routes étaient couvertes de voitures . Le peuple qui
compare ces promesses avec sa situation , est tenté de
croire qu'on l'abuse , ou qu'il y a de la mauvaise volonté
de la part du gouvernement . Tous ces convois sont
réels , mais pourquoi ne pas lui dire franchement que
la plupart étant en grains , il faut les convertir en
farine et les distribuer dans les différens moulins ;
opération qui entraîne des longueurs . Pourquoi ne
pas inviter les citoyens un peu aisés à se procurer
de la farine , et à soulager d'autant la portion du pauvre.
N'est- ce pas une fausse et ruineuse politique que d'avoir
voulu maintenir à Paris le prix du pain à 3 sous ,
tandis que dans les autres villes principales et dans tous
les départemens on le paie 3 ou 4 franes la livre. Il en
est resulté que les fermiers n'ayant pas un intérêt de
porter des grai à Paris, les ont fait refluer dans d'autres
contrées , et aujourd'hui que l'on sent le besoin de
favoriser les approvisionnemens particuliers , les fermiers
profitant des circonstances de la rareté vendent
leur farine le triple de ce qu'ils l'auraient vendue , si
Paris depuis long- tems eût été sur le pied des autres
départemens . L'ouvrier aurait haussé le prix de ses jour
nées en proportion , et il aurait fait alors ce qu'il fait
actuellement , car étant obligé de remplacer le pain pas
d'autres subsistances extrêmement cheres , il hausse ses
salaires , et n'a pas un aliment d'une aussi facile prépa
ration , et d'une nourriture aussi abondante que le
pain.
On ne sait comment et en vertu de quelle autorité on
a publié à son de caisse que tous les citoyens qui auraient
des croutes étaient invités à les porter à l'Hôtel(
252 )
Dicu pour soulager les malades . Cette invitation a parn
si inconvenable et si dérisoire , qu'on a été tenté de
l'attribuer à un esprit de malveillance . En effet , si elle
a été faite de bonne- foi , il était aisé de prévoir que le
peuple la regarderait comme une insulte faiteà ses besoins .
Ce qui semble rendre notre situation plus inquiétante
, c'est qu'on ne peut se dissimuler que tout ce
qu'il y a d'aristocrates , de royalistes , de prêtres réfrac
taires , et d'anciens suppôts de la terreur , se réunissent
pour prêcher ouvertement le rétablissement de la royauté.
Les prêtres sur- tout fanatisent les campagnes ; ils font
rétracter le serment de la liberté et de l'égalité , et
prêchent que tous ceux qui ont acquis des biens na
tionaux doivent les restituer aux anciens propriétaires ;
d'un autre côté , les prêtres déportés et les émigrés
rentrent en foule , et se montrent même jusques dans
les comités de la Convention. Il est tems que celle- ci
prenne des mesures de vigueur. Sans doute , il faut
bannir tout systême arbitraire de terreur ; mais si la
loi ne se fait pas redouter , s'il n'existe pas de terreur
légale pour les scélérats et les ennemis de la liberté
que l'on y prenne garde , il n'y aura bientôt plus de
gouvernement.
1 circule ici une lettre de Suisse qui contient des détails
eurieux sur la situation actuelle des cours et des peuples
du Midi , et sur-tout des emigrés français . Cette lettre est
ainsi conçue :
Extrait d'une lettre de Suisse , du 13 avril .
Les souverains sont toujours très - alarmés sur les disposi
tions que manifestent leurs sujets ; cependant ils ne prennent
aucune des mesures qui pourraient ramener les esprits .
L'archiduc Ferdinand a renoncé à son ancienne affabilité , et
cherche à rétablir dans le Milanais le gouvernement militaire :
il fait ouvertement le monopole des grains , attire à lui tous
les ducats circulant dans le pays , et en fait des pacotilles
qu'il fait passer successivement à Vienne.
Les cours de Parme et de Naples ont envoyé des fonds
considérables à Venise , et des caisses remplies d'effets précieux
ont été transportées dans l'Archipel de cette république..
Le pape attend les évenemens avec courage et résignation ;
il ne relâche rien de sa sévérité pour la police de ses étais ,
il dit qu'il saura mourir , et qu'il recevra les Français , vêtu
pontificalement , sur les marches da Vatican .
253 )
La Toscane sent tout le prix de la paix dont elle est redevable
à la sagesse de son gouvernement et à la loyauté française
; mais les émigrés retires dans ce pays sont furieux contre
le comte de Carletti , qui , à ce qu'ils prétendent , a fait les
plus grands efforts pour les faire renvoyer.
Les actions de la monarchie ne baissent pas moins dans le
Piemont que dans le Milanais ; et quand les émigrés en temorgnent
au peuple leur étonnement et leur affiction , on ne
manque pas de leur répondre : Les ois vous chassent et
vous abreuvent d'humiliation ; ils vous laissent périr de misere
, vous qui souffrez pour leurs causes et vous dévouez à
leur défense : ce sont donc des hommes injustes et ingrats
qui ne meritent pas notre confiance.
9
Venise se soutient dans une sage ueutralité et n'annonce
aucune frayeur ; son gouvernement fait accueil à tous les
hommes et à toutes les opinions ; le royalisté , le démocrate
l'émigré , le patriote , y jouissent de la même hospitalité
pourvu que les aus et les autres ne portent aucune atteinte
la tranquillité du pays , et s'observent en public . Il y a peu
de tems que des émigrés , ci - devant nobles , ayant declame
avec violence contre leur patie , dans un cazin , les inquisiteurs
de l'état les firent comparaître , et leur reprocherent
feur conduite imprudente Des hommes honnêtes , leur
dirent ils doivent se comporter vis - à - vis de leur patrie
même injuste , comme des enfans maltraités par leur mere ;
les plaintes sont permises , mais il faut toujours qu'on y remarque
un fond d'amour et de respect. "
et
"Monsieur est effectivement toujours à Vérone , renfermé
tristement dans un palais avec cinq ou six courtisans , accablés
comme lui sous le poids de l'ennui et de la nullité ; depuis
six mois , l'Espagne s'est chargée de son entretien ,
le roi de ardaigne lui a retiré ses secours ; il touche tous
les premiers du mois 400 piastres ; lorsqu'un émigré demande
à fui être présenté , la premieic question que lui fait l'introducteur
Flakslande , est s'il a besoin d'argent ; s'il se trouve
dans ce cas , la présentation n'a point lieu , et on lui dit :
Bieu vous assiste .
D'Entraigues a cru se donner de la considération à Venise ,
en y prenant le titre de ministre du régent , et en se mettant
en correspondance avec le cabinet de Madrid. Ce noble vit
avec la chanteuse Saint- Huberti , dont on assure qu'il a fait
sa légitime épouse ; il l'a fait décorer par Monsieur du cordoa
de Saint-Michel , qu'il lui a accordé à titre d'artisté célebre ,
et dont elle pare sa large poitrine aux spectacles et aux promenades
; rien n'est si plaisant , disent les voyageurs , que de
voir d'Entraigues donner ses audiences aux emigrés , et leur
promettre sa protection pour les cours d'Espagne et d'italie ;
-nais ce qui outrepasse de ridicule , c'est ce que se permet ce
( 254 )
ministre de nouvelle fabrique , lorsqu'un émigré se laisse mourir
Venise , il se transporte d'autorité à la maison du défùnt ,
fait un bref inventaire de ses effets , s'applique ce qui lui con
vient de mieux , et appose sur le reste le sceau fleurdelisé
de la régence.
On peut joindre à cette lettre le fait suivant que l'on
mande comme étant de toute vérité .
"
Haller , émigré constitutionel , ayant été forcé de quitter
Gênes , s'était retiré à Mondrizio . A peine s'était - il assis
dans sa nouvelle demeure , qu'il y reçut un message du marquis
de la Fare. Le marquis lui mande que chargé de la part des
princes de recueillir des fonds pour la défense de la bonne
cause et ne doutant point que M. Haller n'ait enlevé au
moins dix millions aux patriotes , il lui propose de verser
ses dix millions dans la caisse des princes dont il lui
offre la direction squs le titre d'intendant de leurs finances ;
et il lui représente qu'indépendamment de cette charge honorable,
son argent sera solidement placé , et que les princes
lui offrent pour hypothèque , à son choix , Rambouillet . Saint-
Cloud , ou Fontainebleau.
•
On apprend des frontieres de Suisse que madame de
Stael vient d'adresser à Pitt ses réflexions sur la nécessité
de la paix , dans une brochure qui n'est pas sans intérêt.
Le bruit court qu'elle s'est associé dans ce travail MM. de
Jaucourt et de Narbonne ; mais elle en reçoit tous les honneurs
. Elle prépare même une nouvelle édition , qui sera enrichie
de notes précieuses .
M. Necker est fort malade d'une plaie à la jambe.
NOUVELLES OFFICIELLE S..
Lettre de créance de l'ambassadeur extraordinaire de Suede auprès
de la République Française.
Nous , Gustave Adolphe , par la grace de Dien , roi des
Suédois , des Goths et des Vandales , etc. etc. , héritier de
Danemarck et de la Norwege , duc de Schelewig , Holstein ,
Hormarie et Dithmarsen , comte d'Oldenbourg et de Delmenhorst
,
Aux très -honorables et très - illustres nos amis et alliés , par
nous sincérement chéris , les citoyens représentans de la République
Française , notre salut et l'assurance de nos voeux
pour votre bonheur.
Desirant de vous donner un témoignage de notre amitié et
#35 )
es
hop
le nos sentimens probes envers vous , et de resserrer le plas
étroitement possible les liens de l'amitié qui , depuis nombre
d'années , ont uni la Suede à la France , nous avons en conséquence
, et pour avoir auprès de vous un interprête par
faitement capable de vous exprimer nos sentimens , conféré
la charge de notre ambassadeur extraordinaire au chambellan
de la reine de Suede , et chevalier de notre ordre de l'Epée ,
notre fidele sujet , par nous sincérement chéri , le baron
Eric-Magnus Staël de Holstein , connu par ses talens et par
son intégrité dans la conduite des affaires , et qui depuis
long-tems a résidé dans votre capitale .
Nous espérons avec confiance que vous accueillerez avec
plaisir les efforts qu'il fera pour cimenter l'alliance de notre
amitié mutuelle.
Comme nous ne doutons nullement que cela ne vous soir
agreable , nous vous prions ; avec amitié et cordialité , d'aecorder
un accès facile à notre susdit ambassadeur extraordimaire
, et d'ajouter une foi entiere à tout ce qu'avec son active.
loyanté il vous mandera , en notre nom , et en vertu de nos
ordres , et particulierement toutes les fois qu'il vous assurera
de nos sentimens sinceres envers vous , et de notre zele infatigable
à concourir à nos avantages communs.
Finalement , nous faisons des voeux pour l'augmentation
continuelle de votre prospérité , et vous recommandons de
tout notre coeur à la protection divine .
Donné dans notre château royal à Stockholm , le 19 février
1795 , pendant la minorité du roi , mon très-clément seigneur.
Signé , CHARLES , et plus bas , ROSENHANE.
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Suite de la séance du 9 germinal , relative au procès de Fou
quier- Tinville et des co-accusés dans cette affairs.
P. J. Boyenval , tailleur d'habits , lieutenant d'infanterie
légere , rue des Poulies , avant sa détention au Luxembourg ,
a déclaré que le 19 messidor , Fouquier l'envoya chersher
pour déposer comme témoin forcé , dans l'affaire ,
de la conspiration du Luxembourg. Je parus avec dix de
mes camarades dans la salle des temoins. Parle comme tu
sais , me dit Fouquier. Benoit me déclara qu'il avait quelque
chose à communiquer à Fouquier . Nous paiûmes devant
51 accusés .
La commission des administrations civiles de police et
des tribunaux , sur un ordre des comités de salut public et
de sûreté générale , se tendit au Luxembourg pour connaître
( 1256-)
les alarmistes , ceux qui faisaient des orgies lorsque nous
éprouvions des, revers , etc.
Les membres de cette commission me firent voir une liste
de 80 détenus , sur laquelle se trouvait Antonelle , que j'eu
fis effacer.
Herman , commissaire civil , qui avait auparavant présidé
le ribunal , me proposa de faire une liste des détenus qui
avaient parlé mal de la Convention , des comités , et de ceux
qui faisaient des orgies . Adressez vous , leur dis je , à Beausire,
pour moi je n'ai pas le tems.
On m'avait fait même des propositions pour my engager.
Je fis le même refus le lendemain à Veruet. J'ai dit la verité
ay tribunal , lorsque je déposai . Mais je reproche à Gigard ,
accuse présent , d'avoir fait taire les accuses qui voulaient
se défendre et les témoins à décharge.
Interpelle s'il savait si quelqu'un faisait des listes , it a
répondu qu'on en avait demande une de 200 personnes à
Benoit ; que , le 18 messidor il en fut dressé une de 159 déquas
, qu'on disait des ci-devant nobles ; qu'ils furent extraits
da Luxembourg , sous prétexte de les transférer à Vincennes ,
mais qu'ils furent livrés au tribunal révolutionnaire .
Interrogé s'il y avait eu des conspirations en prison , il a dit :
qu'il avait entendu dire que celle des Grammont , Buffon , etc. ,
avait existé , mais qu'il n'avait pas connu celle de Dilloa . A *
Le président a observé que le témoin avait déclaré que
le tribunal ne permettait pas aux accusés de se defendre.
Sellier a répondu qu'il accordait la parole .
Boyenval a repliqué que Sellier disait aux témoins : il y a
des pieces.
La suite au numéro prochain. L
P. S. Dans la séance du , on a lu une Aettre du général
Scherer , du quartier général de Nice . Il annonce qus l'ennemi
depuis quinze jours n'a cessé d'attaquer nos avant-postes mais
par tout il a été repoussé avec perte .
Les Espagnols ont essayé vainement de tourner notre armée
des Pyrenees occidentales ; nos troupes leur ont enlevé un
poste tout entier .
La Convention a décrété que les cours des écoles normales
seraient terminés à la fin de floréal.
Dans la séance du 8 , on a entendu la lecture de l'acte de
soumission des chefs des chouans à la République nous en
rapporterons la teneur an número prochain , ainsi que celle
des arrêtés des représentans du peuple.
1
( No. 45. )
Jer . 135 .
MERCURE FRANÇAIS.
QUINTIDI 15 FLOREAL , l'an troisieme de la République.
( Lundi 4 Mai 1795 , vieux style . )
LÉGISLATION,
SUITE DE L'EXAMEN de la Constitution de 93 , et de plusieurs
questions relatives à l'organisation du Gouvernement.
APRÈS PRES avoir relevé quelques erreurs graves qui se
trouvent dans la déclaration des droits , et intliqué les
conséquences dangereuses qui en pourraient résulter , il
convient de jetter un coup - d'oeil sur l'acte constitutionnel
, et de chercher s'il contient la garantie qui doit.
assurer la liberté individuelle , la liberté publique , la
force du corps législatif et l'action du gouvernement .
§. II. De l'acte constitutionnel.
Il s'agit moins de le considérer dans ses détails que
dans son esprit , dans ce qu'il offre de nuisible que
dans ce qui lui manque d'essentiel ; car si le principe
qui lui a servi de bâse ne peut s'appliquer à la situation
physique , morale et politique de la France , il est
clair que tous les développemens et les moyens d'exécution
sont défectueux .
depuis
D'abord relativement à l'état des citoyens , il est assez
étrange que l'on accorde à tout étranger , âgé de 21 ans
accomplis , domicilié en une année , et
vivant de son travail , Fexercice des droits de citoyen français
. ( Art. IV. ) Jamais dans aucune république on n'a
prodigué aussi facilement le premier , le plus précieux
des avantages politiques , celui de participer à la souveraineté
d'un peuple . On connaît le haut prix qu'attachaient
les Romains à la qualité de citoyen , et combien
ils se montraient difficiles pour cette admission
à l'égard des étrangers. Un séjour d'un an sur le territoire
français suffirait- il au premier venu pour l'incorporer
à la nation , et lui donner le droit de prendre part
Tome XV. R
( 258 )
toutes les affaires publiques ? Est- ce durant un noviciat
aussi court qu'il peut connaître les lois , les moeurs ,
les habitudes d'un peuple , et prendre l'esprit de son
gouvernement? De son côté , la nation aura- elle acquis ,
dans cet intervalle , une caution assez assurée des bonnes
intentions , des principes et du civisme d'un étranger ?
Ne serait- ce pas exposer la république et son nouveau
gouvernement à tous les moyens d'intrigue et de trouble
que voudrait employer une puissance jalouse ou ennemie
? Elle n'aurait qu'à jetter sur notre territoire une
colonnie d'émissaires qui , au bout d'un an , pourraient
délibérer sur nos lois , concourir à toutes les élections ,
être admis à tous les emplois , et remplir même les fonc
tions de législateurs . A- t - on pu manquer jusqu'à ce
point de prudence et de sagesse ?
Ceux qui viennent de se montrer si complaisans et
si impolitiques envers les étrangers , se montrent injustes
envers les nationaux ; car il est dit , à l'article qui suit ,
que l'exercice des droits de citoyen , se perd par l'acceptation
de FONCTIONS OU FAVEURS émanées d'un gouvernement
NON POPULAIRE. Qu'entend- on par fonctions et parfaveurs ?
Nos savans , nos naturalistes , nos gens de lettres , nos
artistes , nos peintres , dont les connaissances et les ta
lens rendent l'Europe tributaire , qui voyagent pour
s'instruire ou se perfectionner dans leur art , ne pourront
donc recevoir d'aucun gouvernement étranger un
témoignage honorable d'estime et de gratitude , un
encouragement , une récompense ; car tout sera réputé
faveur , pour qui voudra donner à ce mot toute sa latitude.
Avec une pareille loi , Platon , Aristote , Apelle ,
auraient perdu les droits de citoyen . Le premier eut des
relations familieres avec Denis de Syracuse , le second
fut instituteur d'Alexandre , et le troisieme son peintre
exclusif. Gouvernement non populaire ! Y en aurait -il beaucoup
en Europe ? y en aurait - il un seul , même parmi
les républiques existantes , que l'on pût regarder comme
populaire , dans le sens et l'esprit de la constitution
de 93 ?
Cette constitution offre un mélange de gouvernement
représentatif et de gouvernement démocratique , tel qu'il
n'y a véritablement ni démocratie , ni représentation .
En effet , il n'y a pas de démocratie ; car le peuple entier
ne peut se réunir pour délibérer en commun sur
ses propres affaires . On a cru y suppléer par des ré(
259 )
nions partielles. Mais les formes en sont si compliquées
et si embarrassantes , et les attributs si restreints que la
part que l'on accorde à ces réunions à la formation des
actes législatifs , est plutôt une vaine cérémonie que
l'expression d'un voeu raisonné . Il suffit de quelque développement
pour s'en convaincrc .
D'abord quant aux formes , un certain nombre d'assemblées
primaires formant une population de 39 à 41 mille
ames , nomme immédiatement un député pour la représentation
nationale. Chaque assemblée fait le dépouil
lement des suffrages , et envoie un commissaire pour le
recensement général , au lieu désigné comme le plus
central . Si le premier recensement ne donne point de
majorité absolue , il est procédé à un second appel ,
et on vote entre les deux citoyens qui ont réuni le
plus de voix , etc. ( Art. 22 , 23. 25 et 26. )
{
Qui n'apperçoit les difficultés et les longueurs qu'entraînera
une pareille forme d'élection ; combien sera
divergent le résultat du premier scrutin de tant d'assemblées
séparées , dont chacune , aux termes de l'article
12 , ne peut être composée que de 600 citoyens
au plus ; combien absorbera de tems le recensement
général de 40 mille suffrages , dont il faudra reporter le
résultat à chaque assemblée primaire , afin qu'elle recommence
son opération qui donnera lieu à un nouveau
recensement ; combien il y aura d'embarras pour tant
de votans à choisir , au second scrutin , entre deux candidats
, dont la moralité , les principes , les lumieres , et
peut-être le nom , seront inconnus au plus grand nombre,
et combien des choix ainsi faits au hasard peuvent être
nuisibles à la chose publique ? Et s il arrivait quelqu'erreur,
soit dans les scrutins particuliers . soit dans le recensement
général , que l'on juge les interminables lenteurs
qui résulteraient d'un troisieme scrutin et d'un
troisieme recensement .
En second lieu , pour ce qui est des attributs , chaque
assemblée primaire doit délibérer sur les lois . ( Art. 10
et 58. ) Ce ne sera pas une petite affaire si l'on jette les
yeux sur l'art . 54.
Sont compris sous le nom général de loi , les actes
du corps législatif concernant : La législation civile.
et criminelle ; l'administration générale des revenus
et des dépenses ordinaires de la République ; les
domaines nationaux ; le titre , le poids , l'empreinte
et la dénomination des monnaies ; la nature , le
--
R 2
( 260 )
montant et la perception des contributions ; la décla
ration de guerre ; toute nouvelle distribution géne
rale du territoire français ; l'instruction publique ;
-
les honneurs publics à la mémoire des grands
hommes.
Quelle nomenclature d'objets et de lois sur lesquels
on appelle la délibération des assemblées primaires !
Y a - t-il eu parmi les démocraties connues , et le plus
rigoureusement populaires , un seul peuple qui , avec
la facilité de s'assembler collectivement , ait jamais pu
embrasser une aussi vaste étendue de matieres ? A
Athenes , à Rome , à Sparte , dans toutes les républiques
anciennes , le peuple donnait son suffrage sur les lois ,
mais leur territoire était extrêmement circonscrit , et
leurs lois par conséquent peu nombreuses ; mais il y
avait beaucoup de lois que le peuple ne faisait pas ;
mais il avait reconnu la nécessité de créer des magistratures
particulieres qui avaient de grandes attributions ;
mais il y avait un sénat revêtu d'une grande autorité ;
mais il y avait des esclaves pour cultiver les terres , pour
fabriquer les arts , et faire le négoce ; les citoyens libres
de tous ces travaux qui absorbent tant de tems , n'avaient
d'autre affaire que de s'assembler sur la place
publique , et malgré le loisir dont ils jouissaient et le
goût qu'ils avaient pour les discussions politiques , telle
était quelquefois l'indifférence du peuple à se rendre
aux assemblées , qu'à Athenes il avait fallu accorder à
chaque citoyen un droit de présence pour le rendre
plus assidu . Encore les citoyens répandus dans les campagnes
prenaient- ils rarement part aux délibérations publiques
; ce qui laissait une grande influence au peuple
d'Athenes quoique le peuple ne fit qu'accepter ou
rejetter les lois qui lui étaient proposées , il lui était
facile de donner son suffrage en connaissance de cause ,
soit parce que les assemblées étaient indiquées d'avance ,
ainsi que l'objet de la convocation , soit parce que les
lois étaient discutées en sa présence par les magistrats
ou les orateurs .
Le peuple peut- il faire en France ce qu'il faisait assez.
facilement dans les petites républiques ? Une population
de 25 millions d'hommes , et peut - être de 30 , si
l'on y comprend les pays conquis , population dont les
quatre cinquiemes sont composés d'agriculteurs , d'artisans
, d'ouvriers , de journaliers , de marchands , de fabricans
, de négocians , tous appellés à des professions
{ 261 )
qui exigent des travaux assidus , tous occupés du besoin
de nourrir leur famille et de se procurer une existence
plus ou moins commode ; une telle population peut- elle
se réunir en assemblées primaires , pour délibérer sur
toutes les lois dont la longue énumération se trouve
dans l'art . 54 , et de plus sur tous les objets dont la
délibération pourra être provoquée par le cinquieme
des citoyens de chaque assemblée primaire ( art . 34 ) ;
pour élire directement les députés au corps législatif ,
les officiers municipaux dans chaque commune ( art. 79 ) ,
les juges de paix dans chaque arrondissement ( art . 88 ) ;
pour nommer les corps électoraux chargés à leur tour
d'élire les membres du conseil exécutif ( art . 63 ) , les
administrateurs de département et de district ( art . 80 ) ,
les arbitres publics ( art . 91 ) , les juges criminels ( art . 97 ) ,
et les juges du tribunal de cassation ?
Les citoyens seraient donc dans un exercice presque
continuel de leurs droits politiques , et obligés de renoncer
à leurs travaux et à leurs occupations domestiques
. Ils n'y renonceraient pas , car le premier besoin
du peuple est l'emploi bien ménagé du tems pour se
procurer son existence . Ce serait - là l'inconvénient le
plus grave , car lorsque dans un gouvernement démocratique
, le peuple est contraint par la force naturelle
des choses , à ne pouvoir faire ce qui est de l'essence
de la démocratie , la forme de ce gouvernement devient
illusoire . Il en résulterait que les assemblées primaires ,
sur- tout dans les campagnes , les bourgs et les petites
cités , seraient livrées à un petit nombre d'oisifs , de
praticiens , de docteurs de village et d'intrigans , qui finiraient
par concentier en eux seuls l'exercice de la souveraineté
, et se partager le bénéfice des élections , ce
qui constituerait une sorte d'aristocratie au sein même
d'un gouvernement populaire .
1
Supposons maintenant que les citoyens eussent assez
de tems pour se rendre aux assemblées primaires , chaque
fois qu'ils y seraient appellés par le besoin de donner
deur suffrage sur un projet de loi . Qu'y feront-ils ? pourront-
ils discuter chaque projet de loi , soit dans ses parties
, soit dans ses rapports , soit dans son ensemble
en marquer les inconvéniens , adopter ce qui est bon ,
rejetter ce qui est mauvais ? Non ; on a senti que cela
était impossible ; les citoyens ne doivent s'exprimer que
par oui ou par non , voter pour ou contre le projet.
"
R 3
( 262 )
( Art. 19 et 20 ) , qu'est- ce qu'un voeu ainsi réduit à une
simple alternative ? Est- ce délibérer que d'être contraint
d'accepter ou de rejetter en masse ?
·
Si l'on veut avoir un véritable suffrage du peuple ,
il faut qu'il puisse être éclairé ; il faut que le peuple
ait pour juger une loi , les mêmes moyens d'instruction
qu'aura eus le corps législatif pour la proposer.
Or si , dans le sein du corps législatif , aucun projet
de loi ne peut être présenté sans un rapport préparé ,
mûri , arrêté dans un comité , sans une discussion
ouverte quinze jours après le rapport , ( art. 56 et 57 ) ;
comment les assemblées primaires qui n'auront assisté
ni au rapport , ni aux débats , qui ne connaîtront aucun
des motifs qui auront servi de bâse à ce projet , pourront
elles l'adopter ou le rejetter en connaissance
de cause ? C'est en ceci , comme je l'ai déja remarqué ,
que consiste la différence entre la maniere dont le peuple
, soit à Rome , soit à Athenes , donnait son suffrage
sur les lois , et celle dont nos assemblées primaires
peuvent émettre la leur. Tout s agitait , tout se discutait , i
tout se passait sous les yeux du premier , au lieu que
tout ce qui serait débattu dans le corps législatif , resterait
inconnu aux secondes , à moins que le corps
législatif ne fit imprimer avec chaque projet de loi , le
rapport et tous les débats auxquels il aurait donné lieu ,
ce qui serait d'une exécution impraticable , et il faut le
dire franchement , hors de la portée de la majeure
partie des citoyens qui doivent composer les assemblées
primaires .
Si , par cette constitution , on n'a voulu offrir au peuple
qu'un vain simulacre de gouvernement démocratique ,
et réserver de fait toute la prépondérance au corps légis
latif, c'est un leurre indigne de l'un et de l'autre ; c'est
user , envers le peuple , d'une basse flatterie qui , sous
l'apparence de lui conserver un droit qui n'est que
chimérique , le prive des avantages réels que lui procu
rerait un gouvernement purement représentatif.
Concluons donc que la démocratie n'existe point par la
constitution de 1703 ; il s'agit maintenant d'examiner si
elle donne , à la France , un gouvernement vraiment
représentatif.
Il est de la nature et de l'essence du gouvernement
représentatif , que le peuple fasse par ses représentans ,
tout ce qu'il lui est physiquement et moralement
( 265 )
"
impossible de faire par lui- même. Si l'on considere les
représentans sous le premier rapport établi par la consti
tution , ce ne sont que de simples faiseurs de projets , des
commissaires pour la préparation et la rédaction des lois .
Or s'il est vrai , comme je crois l'avoir prouvé , que
13
peuple constitué en 40 ou 50 mille assemblées primaires,
ne peut avoir ni assez de tems , ni assez de moyens , ni
des connaissances suffisamment complettes , pour délibérer
même par oui ou par non , sur l'immense quantité
de lois civiles , criminelles , administratives , financieres ,
domaniales , monétaires , territoriales , morales et poli
tiques , dont la France aura long - tems encore besoin ; à
quoi bon retiendrait-il un droit dont il ne peut faire
un usage utile et raisonné , pour ne déléguer à ses repré
Sentans qu'une simple initiative ; ou bien si on lui sup-
Se tous les moyens nécessaires pour délibérer sur les
pourquoi n'irait-il pas jusqu à les faire lui - même ,
Si l'on considere les représentans sous le second rapport
constitutionnel , il est une infinité de cas indiqués
par l'art. 55 , où ils peuvent fire des décrets ayant force
de loi , sans qu'il soit besoin de la sanction du peuple.
Or qu'est-ce qu'un caractere'de représentation qui tantôt
se communique dans toute sa plénitude du représenté
au représentant , et tantôt ne se communique pas ?
Malgré le soin que l'on a pris de spécifier les cas où le
corps législatif peut faire des lois , et ceux où il ne peut
présenter au peuple que de simples projets , ne sait -on
pas combien il est facile , dans la pratique , de faire
passer sous la forme de décrets définitifs , ce qui devrait
au fond appartenir à la classe de simples propositions
de lois ? Qu'on se rappelle la distinction que
la constitution de 1 avait établie entre les décrets
susceptibles de veto - royal , et les décrets d'u'urgence qui
en étaient dispensés . La législature avait fini par décréter
comme cas urgent , tout ce qu'elle voulait dérober
à la sanction du roi. Qui garantira que le corps
législatif n'usera pas de la même adresse pour éluder
la sanction du peuple. Il ne faut pas mieux exposer
les gouvernemens à la tentation d'abuser des lois
constitutionnelles que les individus à celle d'abuser
des principes et des devoirs de la morale .
L'on est donc fondé à conclure que la constitution
de 1793 ne donne ni gouvernement démocratique , ni
gouvernement représentatif ; mais il y a plus , il ré-
R 4
( 264 )
1
sulte de cet amalgame une absence , et une privation
inévitable de toute action législative.
Plus un état a d'étendue et de population , plus il a
besoin de ressentir promptement l'effet des lois . Je mets
en fait que s'il faut faire passer par les assemblées primaires
, l'immense quantité de lois générales spécifiées
dans l'article 54 , il s'écoulera un tel intervalle
entre l'époque où un projet de loi sera présenté et
celle où il recevra sa ratification , que la France restera
dans une stagnation de lois , dont il est aisé de
calculer les funestes conséquences .
Spe
:
-
En effet préparation du projet de loi dans un comité
et rapport au corps législatif , ( art . 56 ) ; premier tems.
Pélai de quinze jours avant que la discussion puisse
s'ouvrir , (art. 57 ; ) second tems . Discussion du projet
qui peut durer plus ou moins ; troisieme tems . Inpression
et envoi à 40 ou 50 mille communes , ( art . 58 ) ;
quatrieme tems . → Délai de 40 jours , après l'envoi de
la loi proposée , pour que les assemblées primaires.
puissent émettre leur vou expressément ou tacitement ,
(art. 59 ) ; cinquieme tems . Si dans la moitié des départemens
plus un , le dixieme des assemblées primaires
de chacun d'eux réclame , le corps législatif convoque
les assemblées primaires , ( art . id. et 60 ) ; délai du recensement
et de la convocation ; sixieme tems . Ajoutez
maintenant celui qui sera nécessaire pour que , d'après
cette convocation , toutes les assemblées primaires puissent
délibérer ; doublez cette somme totale de tems ,
dans le cas où la majorité des assemblées primaires rejetterait
le projet de loi , et où il faudrait leur en présenter
un nouveau ; faites l'application de ce calcul pour toutes
les lois dont la France aura besoin ; et voyez s'il est
possible d'avoir organisé une forme législative , aussi
législation .
Ces réflexions dispensent de répondre à l'objection
que l'on pourrait faire , que si le peuple peut et doit
délibérer sur l'acceptation de la constitution , il le peut
et il le doit également à l'égard des lois . Tout le monde
sent la différence entre ces deux choses . Une constitu
tion est un acte destiné par sa nature à avoir une longué
durée ; car un peuple qui change fréquemment de constitution
, ne tarde pas à perdre sa liberté . Les lois , au
contraire , embrassent tant d'objets différens , qu'elles
sont, pour une grande nation , d'un usage et d'un besoin
!
( 265 )
presque habituel. Une constitution est d'un intérêt si
majeur , qu'il importe à sa stabilité et au repos du corps
social , qu'elle ait en sa faveur l'assentiment de la majorité
des intéressés ; on obéit mal et l'on n'obéit pas
pas long- tems au gouvernement que l'on n'aime pas .
Un acte constitutionnel ne contenant que la déclaration
des droits , la division et l'organisation des poùvoirs
, le mode régulateur du gouvernement , chacun
peut plus aisément en être juge ; au lieu que les lois ,
par leur multiplicité et leur complication , supposent
des connaissances positives qui sont rarement à la portée
du plus grand nombre . En un mot , il serait absurde
d'imaginer un corps constituant , toujours en permanence ,
tandis qu'il est indispensable qu'il y ait un corps législatif,
toujours prêt à pourvoir , par des lois , aux besoins de
Fordre social. Ces deux caracteres distinctifs expliquent
suffisamment pourquoi une constitution , peut et doit
être acceptée par le peuple , et pourquoi il est impossible
que les lois soient soumises à sa délibération .
( La suite dans un prochain numéro . }
ANNONCES. GRAVUR E.
Leçon d'humanité , gravée , d'après le tableau de Drôling , par
Morel , et terminée par Alexandre Tardieu ; poésie de Person .
Ceue estampe , aussi précieuse par son exécution que par la
composition du sujet , se vend à Paris , chez Crousel , marchand
d'estampes et encadreur , rue Saint-Jacques , no . 284-
Prix , 25 liv .
Les citoyens des départemens ajouteront 5 liv . pour la caisse
qui pourra en contenir telle quantité qu'ils desireront en
feuilles .
#
On en trouvera de toutes montées .
MUSIQUE..
Recueil d'airs avec accompagnement de harpe , par Alexandre
Fritzéri ; Ier , cahier , oeuvre VI . Prix , 10 liv .
Recueil d'ariettes , scenes , et duos périodiques , dédié aux
hommes libres , par le même ; oeuvre VIII . Prix , 7 liv. A Paris ,
chez l'auteur , au café de Fei , jardin Egalité ; et rue Montpensier
, no . 59.
On trouve chez lui le même recueil , petit format , et sans
accompagnement. Prix , 1 liv. 10 sous.
( 266 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
LES
ALLE MAGNE.
De Hambourg , le 10 avril 1795.
Es vaisseaux anglais stationnés dans l'Archipel , se sont
emparés d'un bâtiment français , à l'embouchure du golphe
de Smyrne , sans aucun égard pour les firmans , qui déclarent
que les prises , pour être valables , doivent être faites à la
distance de trois milles des côtes . La Porte , instruite de cette
violation de ses réglemens , a envoyé un ordre au gouverneur
de Smyrne de s'en occuper sur - le - champ , et de mettre d'abord
le bâtiment en séquestre.
Le citoyen Descorches occupe actuellement le palais de
France , à Pera.
Alla Pacha avait forcé , l'année passée , les brigands qui
ravageaient la Romelie , à souscrire à une capitulation , par
laquelle ils s'obligeaient à le suivre en Asie dans son gouvernement
de Kutaya ; arrivés à Gallipoli , huit cents se sont
embarqués , et deux mille ont refusé de partir. La Porte s'occupe
en ce moment des moyens de les faire partir de gré ou
de force.
Le trésor impérial' s'est emparé de tous les ziamets et hiefs
que possédait Jussuph Pacha , ce qui prouve que cet ex-visir
est mort ou disgracié .
·
La Perse continue à être le théâtre des révolutions sanglantes
. Mahumed-Kan , un des prétendans à l'empire , tenait
bloqué , depuis huit mois , dans la ville de Kerman , son com
pétiteur Ali Kan ; cette place , par sa position avantageuse , et
les munitions dont elle était abondamment pourvue , seinblait
devoir tenir encore long - tems ; mais Mahumed Kan
avait sû s'y procurer des intelligences qui en ont ouvert les
portes à ses troupes ; plus de 10,000 hommes des siens y
sont entrés dans les premiers jours d'octobre dernier. Ali-
Kan n'en a été averti que lorsqu'ils étaient déja maitres de la
place ; cependant , avec l'élite de ses troupes , il s'est battu
toute la journée dans les rues et les places publiques ; force
enfin de céder , il sortit de la ville avec 500 hommes qui
ni étaient dévoués , et se retira dans une autre , nommée
1
( 267 )
•
Bost. Le lendemain , Mahumed- San fit son entrée à Kerman.
Pendant trois jours ses soldats ont eu la permission d'exercer
le pillage et les violences de toutes sortes . Cette malheureuse
ville se trouva ainsi en proie à toute la vengeance d'un vainqueur
effrené. Un corps de troupes que Mahmed Pacha
avait eu soin de détacher , parvint à s'emparer de la personae
d'Ali - Kan , le vainqueur lui a fait sur - le - champ crever les
yeux , etla relégué dans un fort. Tous ses trésors sont éga
lement tombes dans les mains de Mahumed Kan , qui est
deveņu ainsi maître de toute la Perse , jusqu'à ce qu'un nouveau
rival vienne lui disputer l'empire , et le traiter peut-être
comme il a traité Ali - Kan .
En attendant que la Porte Ottomane et d'autres puissances
s'opposent efficacement , ainsi que le soin de leur sûreté l'exige,
l'aggrandissement de la Russie, Catherine II , qui ne rencontre
point d'obstacles , poursuit son plan avec succès , comme on
l'apprend par des lettres des frontieres de Pologne , en date du
28 mars .
La diete du duché de Courlande s'est décidément assemblée
le 16 , à Mittau , au nombre de cinquante un députés . On y travaillait
déja å dresser l'acte de soumission à la Russie , ainsi qu'à
rédiger un manifeste pour justifier cette mesure . Les ducs et
les députés de la noblesse qui avaient été envoyés il y a
deux mois à Pétersbourg , étaient incessamment attendus à
Mittau .
C'est un prélude au prochain et dernier partage de la Pologne
qui ne s'effectue pourtant pas encore , et pourrait rencontrer
quelques difficultés , soit de la part de la Turquie , soit
de celle de la Suede et da Danemarck . En effet , plusieurs
lettres de la capitale du pays à démembrer annoncent que les
ministres de ces deux puissances ont déclaré avoir reçu des
ordres de leurs cabinets respectifs de ne point quitter leur
poste.
D'autres politiques vont plus loin , et même trop loin ; ils
font intervenir , en outre , la Porte et la France dans cette
affaire , et disent que ces quatre états ont notifié ministériellement
leur vou pour que Stanislas soit reconduit à Varsovie ,
et la Pologne réintégrée dans le statu que de 1791. Rien de
moins probable que ces assertions . Il y a plus de vraisemblance
dans le bruit qui court , que M. Valentin , chargé d'affaires
de France , qui était resté à Varsovie , a reçu du commandantt
russe l'injonction d'en sortir dans l'espace de huit jours.
Les mêmes nouvelles ajoutent que toute la légation russe fait
de son côté les préparatifs pour se retirer de cette ville , et se
rendre en Russie..
Suivant des avis de Copenhague du 7 avril , les régimens
de cavalerie et d'infanterie de Holstein , et les deux escadrons
( 268 )
·
de hussards du Jutland ont reçu l'ordre positif de rappeller ,
de cette époque au 16 , tous les soldats et officiers absens par
congés , et de se tenir prêts à marcher vers la frontiere à la
( premiere requisition . De plus , il a été défendu au son du tambour
à aucun des matelots classés de prendre du service sur
des bâtimens marchauds , de peur que cela ne nuisît à l'armement
de la lotte : elle doit prendre à bord 600 hommes de
Ja garnison de Copenhague.
La division de la flotte suédoise qui avait ordinairement sa
station à Gothenbourg sera transferée à Calscrona , et la flotte
légere doit se rendre daus le premier de ces ports , pour la
protection des côtes de Suede .
Il s'est élevé quelque mésintelligence entre le cabinet de
Stockholm et celui de Saint -James . La cause paraît en être la
protection ouverte que le gouverneur de Saint Barthelemy accorde
aux Français , au prejudice des Anglais .
De Francfort-sur-le-Mein , le 23 avril .
Malgré tous les préparatifs de l'Autriche , car elle en
fait de considérables pour la campagne qui va s'ouvrir ,
ou pour mieux dire qui est déja ouverte , quelques
indices font présumer qu'elle ne serait pas eloignée de
se prêter à une pacification dont elle a grand besoin ,
et à laquelle la retraite du roi du Prusse , dont l'exemple
sera peut-être bientôt suivi par plusieurs membres du
corps germanique , la forcerait d'ailleurs , avec d'autant
plus de désavantage que ce sera plus tard qu'elle prendra
ce parti , le seul conforme à ses intérêts " bien
entendus.
Au reste , on trouvera dans les paragraphes suivans ,
extraits de plusieurs gazettes et lettres étrangeres , les
indications dont nous venons de parler , et qui font entrevoir
la possibilité d'un rapprochement cutre l'Autriche
et la France , au milieu même de la continuation
des hostilités .
La cour de Vienne , assez certaine aujourd'hui des vues
de la Prusse , soit relativement à la Pologne , soit par rapport
à sa paix particuliere avec la France , s'occupe avec une exarême
activité des préparatifs pour soutenir seule la campagne
prochaine , sur- tout du côté de l'Italie .
L'armée autrichienne en Lombardie va recevoir un renfort
de huit bataillons d'infanterie , dont quatre tirés de la Styrie
et quatre du Brisgau , outre deux divisions de l'Esclavonis ;
de tout faisant un corps de 9 à 10,000 hommes. Le général
269 )
f
de Vins anra le commandement de cette armée ; l'archiduc
Ferdinand me conservera que la présidence de l'administra
tion des vivres , ele commandement des garnisons des villes .
Ontre le subside que l'empereur reçoit de l'Angleterre pour
soutenir le fardeau d'une nouvelle campagne , il a trouvé
parmi ses sujets plus de ressources qu'on n'avait attendu :
l'emprunt qui a été ouvert est devenu attrayant par la lotterie
qui fait partie des conditions : les collecteurs des états ont
eu peine à entendre à tous les amateurs qui se sont présentés ,
plusieurs particuliers s'y sont intéressés pour 25 et même pour
50,000 florins."
Cependant , au milieu de ces dispositions guerrieres , il est
toujours question de paix en parlait beaucoup à Vienne du
contenu très - satisfaisant d'une lettre qui a été envoyée par
estafette , écrite par le comte de Carletti , actuellement ministre
de Toscane à Paris celui- ci avait eu à Paris la permission
de la mettre dans le paquet , adressé an ministre Barthelemy
à Bâle ; et de la Suisse elle avait été expédiée par le baron
de Degelmann , minissre de l'empereur près du corps helvétique
: quaat an contenu , jusqu'à présent l'on ne saurait
former que des conjectures .
35
Extrait d'une autre lettre : D'après l'état des forces militaires
de l'Autriche dans le moment actuel , on estime qu'elles
s'élevent à 342,000 hommes ; savoir , 180,000 hommes sous
les ordres du feld maréchal duc de Saxe- Feschen et du général
comte de Clairfayt ; 42,000 à l'armée d'Italie , 30,000 au cor
dou polonais ; enfin , il s'en trouve gé̟ ,000 à la frontiere de
Fest et dans les garnisons de l'intérieur .
1332
Après trois années de guerre , l'entretien des forces aussi
nombreuses serait encore plus onéreux , si les sujets de tons
les rangs et de tous les ordres ne supportaient le fardeau
avec bonne volonté , et ne contribuaient toujours à soulager
le public par des dons volontaires . Dans les dernieres listes
on trouve un inconnu de Hongrie , qui a donné 3000 florina ;
les négocians de Neusatz et de Péter - Waradin , la même
somme ; la ville d'Oedembourg , 8000 ; l'évêque de Sainte-
Croix d'Augusta , 1000 ; le chapitre de Constance , 3000 , etc.
Cependant , malgré cette patience , on languit de voir la
paix se rétablir , et l'on se flatte même que cette époque
n'est pas si loin que l'on pense ; qu'une négociation de paix
va s'ouvrir , et qu'une suspension d'armes la précédera .
L'on assure que l'empereur lui - même se montre aujour
d'hui fort porté pour la paix , et qu'il a été expédié récemment
un courier an comte de Lehrbach , ministre impérial à
Munich , qui lui porte l'ordre de se rendre au plutôt a
Vienne , où il doit recevoir des instructions , avec lesquelles
il partira immédiatement pour Bâle.
): 270 )
Des lettres d'Osnabruck , du 4 avril , aprèsavoir renda compte
de l'arrivée du feld- maréchal de Mollendorf et du départ du prince
Louis de Prusse , pour aller rejoindre le régiment de Schladen
à Tecklembourg , parlent ainsi des mesures prises contre les
émigrés .
Dès le 31 mars , notre magistrat , à la requisition du comité
ou bureau de police de l'armée prussienne , a rendu au sujet
des étrangers , une ordonnance qui dit : 1 ° . Tous les émi
grés et étrangers , que des affaires pressantes ne retiennent
point ici , auront à s'éloigner de la ville dans l'espace de trois
jours , et les bourgeois chez qui ils sont logés , auront à le
lear signifier , dès que la présente sera parvenue à leur connaissance.
go. Si , après le terme fixé , il se trouve des émigrés et
étrangers qui prolongent encore ici leur séjour , les bourgeois
et habitans en feront leur rapport au bourguemestre en
exercice , afin qu'il en soit pris des mesures en conséquence .
3º. Aucun étranger ne sera reçu , ni dans les auberges , ni
dans d'autres maisons , qu'à la condition d'une annonce qui ,
sous deux heures , en sera faite au bourguemestre , laquelle
annonce dira par écrit le nom et l'état de l'étranger , le lieu
d'où il vient , pourquoi et pour combien de tems il se propose
de rester ici , et où il compte ensuite se rendre tout cela
accompagné du passe -port dont il était muni .
4. Sous la dénomination d'étrangers doivent être compris
tous les militaires appartenans à des puissances étrangeres.
Quiconque ne se conformera pas ponctuellement à la présente
ordonnance , encourra nou- seulement une amende arbitraire
, mais pourra encore , selon les circonstances , être pun i
corporellement.
Ĉes mêmes lettres finissent par dire que trois ministres étran
gers sont attendus dans cette ville , entr'autres M. de Dohm
et qu'on a déja arrêté des logemeus pour eux .
On nous écrit de Vienne une nouvelle que nous avons
peine à croire , et qui si elle était vraie contrarierait un peu
Tes bruits d'une paix prochaine , c'est que le ci - devant prince
de Condé vient d'être appellé par l'empereur dans cette
capitale .
Ces lettres ajoutent encore que la guerre entre la Russie et
la Porte est inevitable ; elles prêtent aux Turcs l'intention de
profiter de la difficulté qu'auraient les Russes de former des
magasins à la suite d'une année si peu abondante que la derniere
; mais la même difficulté existe pour les Turcs , à moins
que leur gouvernement n'ait eu des précautions ou n'ait des
ressources qui manqnent à la Czarine ; ainsi , ce n'est encore
qu'un bruit en l'air , et qui a besoin d'être confirmé . Ce qu'il
9
( 271 )
ya de vrai néanmoins , c'est que l'internonce impérial est
attendu chaque jour de Constantinople , et qu'il vient d'arriver
à Vienne un courier extraordinaire de Pétersbourg. Il a ape
porté des dépêches qui ont donné lieu sur- le.champ à une
longue conférence entre l'Ambassadeur russe et le baron de
Thugut , mais dont on ignore encore le résultat.
Le duc Albert de Saxe- Teschen renonce au commandement
de l'armée impériale , et laisse ce poste difficile à remplir au
général Clairfayt , qui est maintenant à la tête de toutes les
troupes , tant de l'Autriche que des eercles , postées sur la
rive droite du Rhin et en garnison dans Mayence.
Cette place continue de tenir bon contre les efforts des
assiégeans ; l'armée d'observation a même enlevé , dans la
nuit dù 14 au 15 , une redoute que les Français avaient cons
truite entre Weissenau et Laubenheim , sur la montagne
pour gêner la communication par le Rhin . Les capots rouges
la prirent à la suite de plusieurs escarmouches ; ils la démolirent
sur-le-champ. 4000 hommes sont journellement occupés
dans le fort de Cassel à réparer les ouvrages qui tombaiens en ruine.
ANGLETERRE . De Londres , le 28 mars.
э
Le nouveau lord lieutenant d'Irlande , lord Camden , ést
parti aujourd'hui pour aller prendre l'exercice de ses fonctions
. Les ministres font tous leurs efforts pour persuader et
qu'il n'y a rien à craindre de dangereux de la part de l'Irlande
, et qu'ils ont suivi l'esprit de la constitution en agissant
comme ils ont fait. Les papiers à leur disposition sont , depuis
quelques jours , remplis de paragraphes où les affaires ,
d'Irlande sont traitées sons ce double point de vue . M. Gratan
y est présenté comme ayant appelé la guerre civile dans cette
contrée , par sa réponse à l'adresse des catholiques , et jetté
d'ailleurs le brandon de la guerre entre les deux contrées.
Les folliculaires de la trésorerie font tous leurs efforts pour
établir qu'on ne peut , sans danger pour la Grande - Bretagne ,
accorder aux catholiques irlandais l'exercice de leurs droits
politiques , puisque c'est se mettre dans le cas de voir les
catholiques anglais demander à jouir des mêmes avantages.
Enfin les ministres sont parvenus à engager le conseil commun
de Dublin , à adresser au trône une pétition , où il dés
clare que le rapport des lois de rigueur contre les catho
liques lui paraît d'un extrême danger .
Le 25 , M. Pitt instruisit le parlement qu'il avait fait un
nouveau contrat pour la lotterie de 1796 , par lequel l'état
gagnerait un surplus de 258,000 liv . sterl. Suivant un autre
( 272))
report , il a anticipé les revenus de la loterie de 1796 , monrani
à 270,000 liv . sterl . , pour les appliquer aux besoins des
années courantes .
On croit que le parlément sera prorogé , aussi - tôt que le
nouvel établissement da prince de Galles aura été fixé .
La rareté du blé est toujours extrême. Les papiers de la
trésorerie , en voulant disculper les ministres de la disette
qu'on éprouve , conviennent qu'ils ont fait tout ce qu'ils ont
pu pour la prévenir ou la retarder , et ils déclarent qu'on ne
doit point la regarder comme factice , mais bien comme réelle ;
ils ajoutent que le gouvernement a fait acheter du blé en
Amérique et sur les bords de la Baltique ; que 60 mille quarters
de cette denrée ont été acquis à Dantzic , pour le compte
de l'Angleterre , qu'à la vérité , on iguere si le roi de Prusse
consentira à les laisser partir ; qu'entin , des achats considé
rables ont été faits dans le Canada , et arriveront l'été prochain.
1
L'amiral Dancan doit mettre incessamment à la voile avec
son escadre , pour aller protéger le commerce du Nord,
On a appris ici avec beaucoup de peine la prise du paquebot
le King - George , parti le 14 de Cuxhaven ; il avait à bord ,
outre un demi - million de liv . sterl. , toutes les lettres d'Allemagne
, d'Italie et de Russie , qui manquent depuis neuf
ordinaires , et dont la perte cause une saguation absolue dans
le commerce , et la faillite de quelques maisons ,
L'on écrit de Norwich que l'on prépare en cette ville de
vastes casernes et d'immenses bâtimens pour la réception de
l'armée du continent. L'amiral Harvey , avec quatre vaisscat x
de ligne , et un grand nombre de bâtimens de transports ,
est chargé de la pas er iei. On assure mêine que l'embarquement
est déja fait . L'on estime à 6 à 8,000 hommes le
nombre de troupes qui occuperont ces logemens .
Les mouvemens d'Irlande deviennent toujours plus inquiétans.
Dans quelques comités , dit le Times , papier ministériel
, les paysans ont pris les armes ; ces paysans , qui
sont une espece de sauvages barbares et féroces , se sont
donnés le nom de défenseurs ; ils pillent et assassinent leurs
adversaires par- tout où ils les rencontrent.
RÉPUBLIQUE
( 273 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE SIEYES.
Séance de septidi , 7 Floréal.
Laporte , au nom du comité de salut public , donne lecture
de deux lettres . La premiere du général en chef de l'armée
d'Italie aux membres composant le comité de salut public ,
datée de Nice le 25 germinal dernier , et la deuxieme du
vice- consul de la République Française à Salonique , en date
du 2 pluviôse , adressée au citoyen Decorches , euvoye extraor
dinaire de la République près la Porte otomate .
gre
Schérer rend compte de plusieurs avantages remportés sur
les-Piémontais , et qui sont le prélude de la campagne pro
chaine . Au poste du col d'luferne , 400 Piemontais avaient
occupé pendant la nuit la crête de ce col que les neiges
obstruent encore, et y avaient élevé des retranchemens . Nos
nadiers et nos chasseurs ne voulant point les souffrir dans cette
position , les ont attaqués à la pointe du jour le sabre à la
main . Les Piemontais ont été chassés et ont perdu 66 hommes
tant tués que prisonniers , D'un autre côté , 50 républicains ont
attaqué le poste Ste . -Anne , en ont délogé l'ennemi et lui ont fait
prisonni rs . Nous n'avons perdu qu'un grenadier et un de
nos carabiniers a été blessé .
50
Le vice- consul annonce que le capitaine Bertrandon , parti
de Souprac pour Dei , a rencontré , en entrant dans le port
de St.- Georges , un navire vénitien qui est vena périr à sa
vue. Le tems était très - orageux ; mais sans consulter aucun
périls , aidé de son équipage il a sauvé les naufragés au
nombre de 17 , leur a donné des babits et la nouriture pendant
13 jours. Le consul de Venise a voulu lui rembourser ses
frais , ce qu'il a refusé , se regardant bien payé par la douce
satisfaction d'avoir sauvé la vie, à dix - sept hommes.
Les représentans du peuple près les armées de l'Ouest
écrivent au comité de salut public que dans la partie de
la Vendée que commandait Stoflet , les camps et cantonnemens
nous rendent maitres du pays et les communications
libres . La confiance renaît parmi les habitans egares , il n'y
a plus que des bienfaits à répandre.´
Les citoyens d'Arles applaudissent aux travaux de la Convention
; ils annoncent que les patriotes ont repris le dessus
dans le Midi , et que le terrorisme est abattu , ils demandent
Tome XV. S
( 274 )
le rapport du décret qui déclare leur commune en état de
siége . Renvoi au comité de salut public .
ne mur-
La commune de Bordeaux demande des avances pour des
achats de grains . Isabeau dit que depuis deux ans les habitans
sont réduits à un quarteron de pain par jour , et
murent pas. Il appuie la motion ; elle est renvoyée au comité
de salut public.
et
Daunou , au nom du comité d'instruction publique , fait
un rapport sur l'école normale . Il convieat que cette institution
n'a pas rempli le but que l'on s'était proposé
que les frais considérables qu'elle a occasionnés ne sont pas
compensés par les fraits qu'on en a recueillis . Cependant
il pense qu'elle est jugée avec trop de sévérité , et qu'il y
aurait de l'inconvénient à la supprimer subitement , puisqu'elle
est la seule dans la partie de l'instruction qui soit en
activité.
La Convention décrete que les cours de l'école normale
seront terminés le 30 foréal , présent mois . Ceux des éleves
qui voudront retourner dans leurs districts avant la fin du
cours , seront libres de le faire ; les professeurs seront chargés .
de rédiger ou d'indiquer les livres élémentaires destinés aux
écoles primaires. Les professeurs qui n'auront pas fini leur
cours le 30 floréal prochain , donneront le complément del
leur travail dans le journal de l'école normale.
Thibaudeau , par motion d'ordre : De tons les moyens de
réparer les maux passés et de prévenir ceux qui menacent ,
le plus sûr et même le seul c'est de donner un gouverne . ”.
ment à la France . Il n'est aucun de vous sans doute qui
s'il ne consultait que son goût et ses penchaas , ne voulût
déposer la portion de pouvoirs qu'il exerce ; mais il faut
avant tout écouter nos devoirs , il faut solder à livre ouvert'
cette grande comptabilité morale dont le peuple nous
charges . Il faut donc en attendant que la commission des
onze présente son travail renforcer le gouvernement actuel ,
pour empêcher que la République ne devienne la proie
des ennemis de la liberté . Si le pouvoir est tyrannique , quand
il est trop centralisé , il est sans force lorsqu'il est trop
divisé ; l'on doit donc prendre un milieu . Il est tems de re
venir aux principes et de se dépouiller des préjugés de la
révolution , car si elle a détruit des préjugés elle en a ausi
enfanté. Un gouvernement doit être dépendant des lois , mais.
il faut qu'il soit investi d'un pouvoir sukisant pour les faire
exécuter ; qu'il soit entouré de formes imposantes pour le
faire respecter au dedans et an dehors. Treize comités gouvernent
actuellement la République . Ils ont à leur côté autant
de commissions et beaucoup d'agences ; mais il n'y
point de rapports qui lient et en forment un ensemble . It
en résulte des arrêtés incohérens , contradictoires même
a
( 275 )
que prennent ces comités , que ce sont treize gouvernemens
au lieu d'un , qui ne pouvant se concilier ni s'entendre
entravent la marche des affaires au lieu de les accélérer.
Voici le projet de décret présenté par Thibeaudau :
1º. Jusqu'à ce que les lois organiques soient en activité ,
le gouvernement est confié au comité de salut public , et
l'administration , en ce qui concerne l'exécution des lois et des
arrêtés du comite , aux commissions exécutives .
2º . Le comité de salut public est chargé de la police
de Paris et de la direction de la force armée de cette com
mune .
3. Le comité de sûreté générale est supprimé : les autres
comites auront la proposition des lois .
4° . Le comité de salut publie sera composé de vingt - quatre
membres ; on le renouvellora par sixieme chaque mois les
membres sortis ue pourront être réélus qu'après un mois d'intervalle.
Il sera renouvellé en entier le 15 floréal prochain .
Il se divisera en sections pour l'ordre du travail . La section
de police sera composée de six membres ; les mandats d'amener
devront être signés de trois , et les mandats d'arrêt et de
liberté de cinq membres.
5 ° . Les commissious exécutives et la trésorerie nationale
rendront compte aux sections avec lesquelles elles auront des
rapporis.
6. Les commissions exécutives ne pourront envoyer des
agens qu'avec l'autorisation du comité ; elles seront en coriespondance
directe avec les administratious de département : les
autorités constituées ne correspondront avec elles que par la
voie de ces administrations .
70. Il n'y aura qu'un seul commissaire pour chaque commission
les adjoins sont supprimés .
? 8. Il ne sera plus envoyé des représentans en mission
qu'avec des pouvoirs limités à l'objet particulier de leur
mission.
1
9°. Jusqu'à l'organisation de l'acte constitutionnel , les nominations
aux emplois civils se feront , savoir :
aux administrations
départementales , par le comité ; aux administrations
dedistricts , par les administrations départementales , et à celles
de communes et de cantons par les administrations départementales
, sur la présentation de celles de districts
Le discours et le projet de Thibaudean seront imprimés ; la
discussion est ajournée après l'impression .
Séance d'octidi , 8 Floréal.
Chenier , au nom des comités de salut public, sûreté générale
et législation , annonce que ces trois comités s'étant réunis
cette nuit , ont arrêté des mesures importantes , dont il est
chargé de faire le rapport , mais il n'a pas eu le tems de le
$ ;
a
( 276 )
préparer , et comme il doit ene digne de la Convention
du grand peuple qu'elle represente , il demande deux jours
pour le rediger. La Convention decrete que Chenier sera
entendu prime di prochain.
Chasal soumet à la discussion la suite du projet sur le
sequestre des biens des pares des émigrés. Il dénonce deux
Ouvrages imprimés contre ce projet ; l'un est de l'abbé Morellet ,
et a pour titre Le cri de familles. L'auteur prétend que le
rapporteur de cette loi est un brigand plus âpre à la confiscation
que Dauten , Robespierre et Coathon . Chasal l'invite
à s'epargner les frais de nouvelles jérémiades , et sur- tent
ceux du tridu-clergé , parce qu'on ne lui vendra pas ses bénéfices.
Celui qui a fait l'autre ouvrage soutient au contraire
que le plan n'est pas bon , parce qu'il tend à frustrer la
nation d'une partie des biens que lui assuraient les lois précédentes
. Chisal en conclut que son projet doit être bon ,
puisqu'il est attaqué en sens inverse et d'une maniere également
outrée ; la sagesse et le bien ne se trouvant pas dans
les extrêmes , mais dans le milieu , Chasal répond ensuite
aux objections qui lui sont faites . Tous les articles sont successivement
adoptés .
Boissy - d Auglas demande que la grande question de la
restitution des biens des condamnés à leurs parens , soit
mise demain à l'ordre du jour. Thibaut l'appuie , il pense
que nous n'aurons pas de plan de finances tant que cette
question ne sera pas décidée .
L'ajournement au lendemain est décrété .
Lesage ( d'Eure et Loire ) ; au nom du comité de salut public
, apporte une heureuse nouvelle . La guerre des chouans
est terminée ; le comité vient de recevoir l'acte de soumission
de tous les chefs , et les arrêtés pris en conséquence
par les représentans , commissaires à la pacification . Quelques-
uns d'eux se rendent à Nantes pour recevoir la soumission
de Stoflet.
Leur déchiation est ainsi conçue : Nous nous sommes
armés pour échapper à la destruction qui nous menaçait , à
la violence faite à nos consciences et à l'affreuse tyrannie
qui pesait sur nous ; mais depuis que la Convention est libre ,
et que la justice regne , nous formons les vaux les plus ardens
pour la prospérité de la France , et nous invitons à l'oubli du
passé tous ceux qui aiment l'honneur. Nous déclarons nous
soumettre aux lois de la République Française une et indivisible
, et nous prenons l'engagement de ne jamais porter les
armes contre elle .
Les arrêtés des commissaires portent que les chouans qui
l'ont ni profession ni état , seront reçus dans nos armées , ou
organisés en chasseurs à pied jusqu'à la concurrence de deux
mille hommes ; que les jeunes gens de la premiere requisition
( 277 )
14
resteront dans leur pays pour y ramener l'agriculture et le
commerce , et que les bons délivrés par les chefs seront rembourses
jusqu'à concurrence de 1,500,000 liv . Les commissaires
leur garantissent encore la liberté des cultes , la restitution
de leurs biens et des indemnités à ceux qui ont tout
perda .
La Convention approuve ces arrêtés .
Rovers , au nom du comité de sûreté générale , fait décréter
que les auteurs et complices du complot du 29 germinal seront
traduits am tribunal révolutionnaire.
Vernier , au nom du comité des finances , reproduit le
projet de decret qui doit faire rentrer les créanciers viagers
de l'état dans tous les droits qui leur avaient été enlevés par
celui du 23 floreal ; il est adopté.
Séance de nonidi , 9 Floréal,
Monnet , au nom du comité des finances , fait un rapport
sur l'état actuel des finances et des recettes et dépenses du
mois dernier. La Convention considérant que les recetics du
mois dernier s'élevent à 179,175.832 livres , y compris
126 millions provenant des domaines nationaux qui , d'après
la loi du 13 nivôse , doivent entrer dans la recette ordinaire ,
et les dépenses a 817,033,693 livres , et que l'excédent des
dépenses se trouve être de 637,827,826 livres , approuve
l'avance qui a été faite de ladite somme sur les assignats
fabriqués en vertu du décret du .17 nivôse , et autorise le
contrôleur général de la caisse générale de la tresotie , à
retirer de la serre à trois clés jusqu'à concurrence de psreille
somme.
Sur la proposition du comité des inspecteurs de la salle ,
l'Assemblée décrete qu'on paiera à la mere de Barbarous ,
l'un des députés proscrits , les indemnités qui étaient dues
à son fils .
Isoard , représentant du peuple dans les Basses - Pyrénées ,
écrit que des malveillansr pandaient le bruit qu'il devait y arriver
incessamment un paquet cacheté de noir , dans lequel on annoncerait
la dissolution de la Convention et le retablissement
de la royauté. Mais la nouvelle des évenemens du 12 germinal
, et de l'attitade imposante que la Convention a prise
vis - à - vis ses ennemis , a relevé le courage des bous citoyens ,
et fait rentrer dans le néant les royalistes qui , quelques jours
auparavant , affichaient beaucoup d'audace et d'impudence .
Aubry , au nom du comité militaire , fait rendre un décret
très long sur l'arme de l'artillerie .
L'Assemblée improuve et renvoie à son comité de sûreté
générale une adresse des administrateurs du district de Bourg ,
département de l'Ain , qui dénoncent plusieurs représentans
du peuple , et s'élevent avec amertume contre le decret qui
S.. 3
( 278 )
condamne à la déportation Collot , Billaud et Barrere , et
qu'ils regardent comme trop doux . Ils s'appuient sur ce que
le peuple français avait prononcé leur jugement de mort , et
que c'était à la Convention à leur en appliquer la peine . Lefiot
ne voit pas sans douleur le systême de calomnies qu'il croit
organisé de toutes parts contre la Convention nationale . Il
ne suffit pas , dit- il , de dénoncer d'une maniere vague , les
représentans qui ont rempli des missions dans les départemens ,
il faut encore prouver leurs délits , et c'est ce qui ne se fait
pas . Ainsi , l'on flétrit impunément la réputation des hommes
qui ont le mieux servi la révolution . Il demande que pour
leur donner une garantie contre les calomniateurs , ils soient
autorisés à faire imprimer le résultat des opérations qui leur
étaient confiées . L'on passe à l'ordre du jour , motivé sur
le décret qui existe .
pu-
Chasal , au nom des comités de législation et de salut
blic , présente un projet de décret tendant à faire rayer definitivement
de la liste des émigrés Caron Beaumarchais porté
sur cette liste pendant une mission secrete que lui avait
confié l'ancien comité de salut public . Ses pouvoirs ne sont
point encore révoqués . Un membre demande si les comités
ont connaissances de deux transactions passées entre Beau .
marchais et l'ex -ministre Lajarre , et entre le comité et ledit
Garon. S'ils ne les connaissent pas , il demande l'ajournement
du projet ; ce qui est décrété.
Feraud , qui arrive de l'armée du Rhin et de la Moselle ,
rend compte de sa situation . Elle est très - favorable . Nous
pouvons tenter sur la rive droite du Rhin tout ce qu'exigera
L'intérêt de la République , et nous n'avons rien à craindre sur
la rive gauche. Feraud donne les plus grands éloges au zele
et au dévouement des généraux et des officiers supérieurs qui
commandent cette armée aussi courageuse que disciplinée ,
qui en a imposé également à l'ennemi et au pays conquis par
la régularité de sa conduite ; ce qui nous a valu des amis sinceses
dans le Palatinat. Insertion au bulletin.
On accorde à la mere de Baibaroux les indemnités qui
restaient dues à son fils .
La discussion s'ouvre ensuite sur la question de savoir
si la peine de confiscation sera supprimée , et si les biens
des condamnés seront restitués à leurs familles .
Doucet-Pontécoulant parle le premier . Il dit que les crimes
étant personnels , les peines doivent l'ête , que le fils ne
doit pas être puui parce que son pere était criminel . Il invoque
la déclaration des droits . Sylla fut le premier qui ordonna
des confiscations , et Sylla fut un tyran . Qu'on suppose qu'une
poignée de brigands rentrent dans le sein de la Convention
et que le régime des confiscations soit continué , la tyrannie
´est de nouveau établie , car efle a besoin de trésors sans impêts .
( 279 )
Doucet , après avoir tracé un tableau rapide des opérations
décemvirales , ajoute que tous les citoyens condamnés par
des tribunaux révolutionaires ont été assassinés . Il n'en
excepte que Robespierre et ses complices , parce qu'ils ont
été saisis armés contre la représentation nationale . Il n'excepte
pas Hébert , Momoro , Ronsin , Chaumette et autres conspirateurs
. Il convient avec toute la France qu'ils étaient coupables
, mais on ne les a pas fait périr pour leurs crimes ,
mais parce qu'ils avaient osé rivaliser avec les tyrans ; ils
n'ont pas été entendus , ils n'ont pas été jugés . Ils ont subi
la peine qu'ils avaient miile fois méritée , mais leurs enfans
ne sont pas coupables , ils ne doivent donc pas être punis . Doucet
conclut en demandant le rapport de la loi relative aux confiscations
et la restitution des biens des condamnés . Plusieurs
orateurs se préparaient à parler après lui , mais comme l'heure
était avancée , la Convention a ajourné la discussion jusqu'après
celle sur la motion de Thibaudeau pour l'établissement d'un
gouvernement
Séance de décadi 10 Floréal.
Cadroy prend la parole et dit que les terroristes sont
anéantis dans le Midi , la famine chassée . Des bâtimens chargés
de subsistances y arrivent journellement. La France entiere
ne tardera pas à se ressentir de cette abondance . Le neveu
du bey de Tunis , qui veut contribuer pour sa part à la révolution
française , lui écrit qu'il lui est arrivé à Marseille
trois bâtimens , dont deux chargés de blé ; qu'il en attend
deux autres , et qu'il va en partir un grand nombre encore
de Tunis et des autres ports de la Barbarie . Insertion au
bulletin .
Des citoyens présentent une pétition pour le résiliment des
baux à ferme . Thibaut déclare que les fermiers et les cultivateurs
sont aujourd'hui les riches et les aristocrates de la France ,
qu'ils avilissent les assignats tant qu'ils peuvent et ne veulent
livrer leurs grains que pour de l'argent. Il pense qu'il est
tems que, la Convention arrête leur cupidité effrénée ,
faisant un grand acte de justice , et il demande que le projet
de décret pour la résiliation des baux soit présenté dans une
décade au plutard . Décrété .
en
Gauthier , au nom du comité de sûreté générale , annonce
que la section de Montreuil , fauxbourg Antoine , vient de
se déclarer en permanence , et d'envoyer des commissaires.
dans les 47 autres sections pour les inviter à prendre la même,
mesure . Le comité a ordonné l'arrestation de ces commissaites
, et il propose de casser l'arrêté de la section , de lui
enjoindre de se dissoudre , et de mander à la barre le président
et les secrétaires pour rendre compte de leur conduite .
Fermont improuve la derniere mesure . Il demande pour-
S 4
( 280 )
quoi on s'écarterait à cet égard des regles ordinaires de la
justice , et qu'on charge l'accusateur public près le tribunal '
criminel du département de poursuivre les delinquans . Le
projet du comité est adopté avec l'amendement de Fermont.
Un membre attribue les désordres qui se mauif.stent à
l'inexécution des lois que le comite a lui - même provoquées ,
telles que le désarmement des terroristes , le renouvellement
des cartes de sûrete et l'organisation de la garde nationale
parisienne . Persin ( des Vosges ) dit que le comité voyant que
dans quelques sections la passion de la vengeance se mettait à
la place de celle de la justice , a cru devoir suspendre momentanément
le désarmement pour bien definir ce que l'on doit
entendre par un terroriste . Renvoi au comité .
Le même comité annonce que les sections des Piques , de
la Fontaine de Grenelle et des Tuileries , out disapprouvé
l'arrêté de la section de Montreuil , et ont juré de n'avoir
d'autre point de ralliement que la Cenvention .
Les pétitionnaires entretiennent l'Assemblée de leurs intérêts
particuliers.
Séance de primedi , 11 Floréal.
La section des Quinze- vingts , fauxbourg Antoine , felicite
la Convention des mesures qu'elle prend pour maintenir la
tranquillité publique , et demande qu'elle rende enfin aux
assignats le crédit qu'ils n'auraient jamais dû perdre , et fasse
cesser cette disette factice qui ne prend sa source que dans
l'avidité des spéculateurs qui vendent leurs denrées au poids
de l'or. Le président lui répond que les comités ont pris des
mesures qui assureront le nécessaire , si elles ne ramenent point
l'abondance . Dubois- Crancé dit que le cultivateur a bien la
propriété , mais non pas la disposition exclusive de sa récolte ,
et que sa fortune est devenue excessive par les circonstances .
Renvoi au comité de salut public. "
Thibaudeau soumet à la discussion son projet sur le gouvernement
. Lesage d'Eure et Loire ) a le premier la parole ;
il dit que le gouvernement révolutionnaire est sorti du 31 mai ,
et demande si le 12 germinal en amenerait un tyrannique.
Ainsi , un événement heureux donnerait le même résultat
que s'il était désastreux . On parle de la garantie des gouvernés
; mais où serait cette garantie dans un gouvernement
sans responsabilite , ayant le droit de puiser au trésor national
, de disposer de la force armée , de lancer des mandats
d'arrêt , de nommer aux fonctions publiques ? La séduction
du pouvoir n'est elle pas toujours à redouter ? Lesage demande
la question préal ble sur le projet.
Viltard voit dans la centralisation proposée par Thibau
deau trop de moyens d'opprimer , et trop peu pour defendre
la liberté. La Convention serait esclave . Sans doute l'on doit
( 281 )
donner de la force au gouvernement , mais il ne faut lui
donner que celle dont il a besoin et avec précaution . Trop
diviser affaiblit , mais trop cumuler accable . Viltard désirerait
que le gouvernement fût partagé entre les comités de salut
public et de sûreté générale. 1
La discussion est interrompue par Rewbell , qui annonce
que le roi de Prusse a ratifié le traité de paix conclu entre
la République et lui . Vifs applaudissemens . ) Il en montre
le diplôme ; il sera deposé aux archives .
La discussion reprend : Louvet s'éleve aussi contre le projet.
Cette cumulation de pouvoir dans un même comité est si
effrayante , dit il , que si Louis XVI et son conseil vous en
eussent demandé autant , toute la nation aurait couru aux
armes . Le comité de salut public ne serait plus une émanation
de la Convention , mais la Convention elle - même . Le
despotisme est de sa nature très vivace , il est facile à se
reproduire . On avance que votre garantie serait dans votre
courage ; mais pourquoi s'exposer à cette garantie . Votre
courage contre une tyrannie établie a t- il profité à la République
? Il vous a conduits par centaine à l'échafaud et à la
proscription . Voilà les jours qu'il faut empêcher de revenir.
·
Lanjuinais paraît à le tribune . Il est vivement applaudi et
exprime toute sa sensibilité . Il a tout oublié et ne se souvient
que de son devoir et du zele avec lequel il doit défendre la
République . I dit qu'il n'y a point de gouvernement où il
n'y a pas de séparation de pouvoirs , et qu'elle ne peut sortir
que de la constitution ; il en conclut qu'il faut l'organiser
sans délai . Il voudrait que le comité de salut public ne fût
composé que de huit membres .
Cambacérès n'approuve point le projet de Tribaudeau . II
pense qu'il n'est pas politique de dire que nous n'avons pas
de gouvernement , et que c'est faire croire que nous sommes
dans l'anarchie . Ne pouvant suffire à de doubles travaux , il
donne sa démission de membre de la commission des onze .
La Convention renvoie toutes les opinions émises à la commission
des onze , et la charge de présenter de nouvelles
vues .
Chénier devait présenter son rapport sur les circonstances
actuelles . Il paraît à la tribuue et declare qu'il n'a pas eu le
tems de le soumettre aux comités , et qu'il n'y a que le projet
de décret qu'ils aient appronvé . On s'oppose à ce qu'un
membre mette ainsi ses opinions particulieres à la place de
celles des comités . Le rapport est renvoyé à demain , pour
donner le tems à Chénier de le soumettre aux comités.
( 282 )
PARIS. Quartidi 14 Floréal , l'an 3º . de la République.
II n'était plus possible de se dissimuler que depuis
que la Convention avait pris pour regle de sa conduite
des sentimens de justice et de modération , les ennemis
de la liberté avaient pris pour regle de la leur l'audace
et l'impunité . Il n'est pas une bonne chose dont
les mechans n'aient su abuser dans la révolution . On
a fait la déclaration des droits , et soudain les violateurs
de tous les droits l'ont invoquée pour conspirer . On a
permis la liberté des cultes ; aussi - tot les prêtres s'en sout
servi pour fanatiser les consciences et prêcher le royalisme
et l'insurrection , au lieu des maximes de l'évangile.
On a permis la liberté de la presse ; on s'en est
servi pour calomnier les personnes et avilir la Convenzion.
On a fait quelques exceptions de justice en faveur
des personnes que les persécutions et la terreur auraient
contraintes à se cacher , et qui auraient été mises
à tort sur la liste des émigrés. Aussi- tôt les émigrés bien
avérés sont rentrés en foule sur le territoire de la République
. On a éteint par la voie des négociations la guerre
de la Vendée et des chouans ; aussi - tôt les aristocrates
et les royalistes se sont crus en droit d'afficher hautement
leurs opinions et leur vou pour le rétablissement de
la royauté ; enfin , le relâchement des principes republicains
était tel que les vrais amis de la liberté s'effrayaient
de ces progrès contre - révolutionnaires , et ne savaient
qu'augurer de la molle indulgence de la Convention .
Faut- il donc en conclure que la liberté des cultes ,
de la presse et des opinions doit être interdite ; que la
modération et la justice doivent faire place à la persécution
et à la terreur ? Non ; mais il faut faire des lois
contre les calomniateurs , les séditieux , les provocateurs
à la royauté ; il faut que chaque citoyen jouisse de ses
droits , mais qu'il ne puisse en faire usage pour
aux droits d'autrui et à ceux de la sociétt . Il faut que
la surveillance et l'action du gouvernement soit ferme
et vigoureuse , et qu'elle atteigne tous les perturbateurs
et les ennemis de la République et de la liberté .
nuire
C'est ce dont les comités de gouvernement ont été
convaincus , et c'est dans cet esprit qu'ils ont fait , par
l'organe de Chénier , dans la séance d'avant-hier , un
( 283 )
rapport sur la situation actuelle de l'esprit public dans
la République . Nous ferons connaître plus en détail
cette séance ; mais nous croyons devoir rapporter quel
ques- unes des mesures générales qui ont été prises .
Il a été décreté que tout émigré qui sera trouvé sur le
territoire de la Republique , sera traduit , sur- le - champ , devant
les tribunaux , pour être jugé conformément à la loi
du 25 brumaire ; que les individus qui avaient été déportés
et sont rentrés sur le territoire de la République , seront
tenus d'en sortir un mois après la promulgation du decret ;
que les autorités constituées , chargées d'exécuter le décret
du 12 germinal , relatif au désarmement des individas qui ont
pris part à la tyrannie qui a pesé sur la France avant le 9 thermidor
, leur donneront les motifs de leur désarmement et les
Paris seule- transmettrent au comité de sûreté générale , pour
ment ; et pour le reste de la République , aux administrations
départementales qui statueront definitivement sur les réclamations
qui pourraient en être faites .
Il est enjoint au comité de sûreté générale et aux autorités
constituées , de faire traduire au tribunal criminel ceux qui ,
par leurs discours et leurs écrits séditieux , provoqueraient à l'avilissement de la Convention nationale ou au rétablissement
de la royauté.
Les individus , coupables de ces délits , seront bannis à perpétuité
de la République .
Le comité de législation présentera , dans une décade , un
projet de loi contre les calomniateurs .
Le comité d'instruction publique dirigera les théâtres , les
écoles , et généralemeut les sciences et les arts vers l'affermissement
de la République .
Les comités de salut public et de sûreté générale feront , tous
les mois , un rapport sur l'esprit public.
Dans la soirée du 11 , des mouvemens , qui avaient
pour prétexte les subsistances , se sont manifestés dans .
la section du Bonnet- de -la - liberté , ci - devant du Bonnet-
rouge . Le rappel a été battu dans plusieurs sections
entre dix et onze heures du soir. Sur- le- champ la Convention
s'est réunie ; on ne connaît point encore les dér
tails de ce mouvement ; on sait seulement que les
auteurs et provocateurs ont été renvoyés devant le tribunal
criminel du département .
Depuis quelques jours la distribution du pain a été
un peu moins parcimonieuse . Les subsistances arrivent ,
et on espere un peu plus d'abondance .
( 284 )
Les papiers auglais annonçaient depuis long tems de grands
préparatifs pour une descante en France , dont l'exécution
stait confiée au comte de Moira. On ne sait s'ils ont voulu
l'effectuer véritablement , ou seulement faire un essai de leur
tentative ; mais voici ce qu'on mande de Saint - Brieux , le
30 germinal :
Le 24 germinal , une flotille anglaise de 15 à 16 frégates
et corvettes , a osé venir mouiller dans la baie de Port- Brienne,
département des côtes du Nord : elle s'est approchée de la
côte à portée de fusil ; elle a tiré plusieurs coups de canon ,
comme pour avertir de sa présence ceux sur les intelligences
et les secours desquels elle avait sans doute compté. Ces Anglais
croyaient probablement les chouans en force de ce côté ;
ils ont été trompés dans leur attente.
Les troupes républicaines se sont présentées en grand
nombre , sous les ordres du général Vatteau , qui jouit dans
ce pays d'une grande confiance : les gardes nationales des
communes se sont réunies avec empressement , et ont montré
le plus grand zele pour aller combattre ces ennemis communs
de tous les Français .
99
Déconcertés par cet appareil de défense , les Anglais se
sont éloignés de la côte ; et après avoir manoeuvré pendant
quelques jours dans la baie de Port-Brienne , depuis Trevenue
jusqu'aux mêtz de Goetz , toute cette flottille a disparu , et a
repris le 2 ; germinal la route de Jersey et Guernesey . Des
boulets , jettés par elle sur la côte , n'ont fait de mal qu'à
une vache qui a eu une jambe emportée , "
Voici ce qu'on écrit également de l'Orient , de la même
date du 30 germinal :
Enfin , après plus de deux décades d'un blocus opiniâtre
par une division anglaise , dans le golfe et l'entrée de Peruis
, nous sommes parvenus à faire entrer dans les ports de
la ci - devant Bretagne ic riche et précieux convoi , au nombre
de 140 voiles , chargé en partie de comestibles pour les commancs
de Nantes , Noirmoutier , Belle- Isle - en Mier , l'Orient ,
Brest , Landernan , etc. Le convoi était protégé par une division
de l'armée navale de la République , composée du vais
seau le Fougueux , de 74 ; de trois fregates de 36 et de 18 ,
de deux corvettes de 26 , de deux cutters de 18 , d'un aviso
de 12 .
Voilà la rapacité anglaise frustrée dans ses espérances ,
et notre convoi en sûreté .
" La plus grande activité regne dans le port de l'Orient.
Cinq vaisseaux de ligue sont sur les chantiers , ainsi que
trois frégates. Sous quelques décades , le beau vaisseau le
Dix-Août sera lancé. ››
( 285 )
7
Dans le tems que les Anglais cherchaient à effectuer une
descente et se croyaient soutenus par les rebelles de la Vendée
et par les chouans , les chefs de ces derniers traitaient des
moyens de pacification avec les représentans du peuple , et
venaient se ranger sous les lois de la Republique . Voici la
déclaration qu'ils ont signée et remise aux représentans du
peuple , après des conférences qui ont eu lieu sous les murs
de Rennes .
Déclaration des chefs de l'armée catholique et royale de Bretagne.
?
Les causes qui ont donné naissance à la guerre de la Vendée ,
et celles qui en out prolongé la durée , et qui , toutes atroces
ont forte les habitans des pays situés au nord de la Loire ,
à s'armer pour échapper à la destruction dont ils étaient ,
menaces par Tabus execrable et le plus tyrannique du gouvernement
.
Les efforts tentés pour soustraire la France à une domination
aussi odieuse , le renversement et la . punition des chefs
qui l'avaient etablie ; l'amour enfin de tout vrai Français
pour son pays , et le desir d'éteindre les discordes civiles qui
en auraient acccléré la ruine , ont déterminé le conseil et
les chefs de la Vendee à concourir à la pacification des départemens
insurges.
Nos voeux pour la prospérité de la France sont les mêmes
nous desirons également tout ce qui peut rendre à notre pays
l'abondance et la paix , tout ce qui peut garantir la sûreté et
le bonheur de tous les Français .
Ces voeux ont été exprimés dans l'écrit que nous avons
publié , sous le titre de Paroles de paix , et qui a été remis ,
au nom des chouans , au représentant du peuple à Nantes ,
le 12 février 1795.
En conséquence , en invitant tous les habitans de la France
qui chérissent l'honneur , qui aiment la probité et la vertu ,
a un entier oubli du passé , nous déclarons solemnellement
nous soumettre à la République Française , une et indivisible ,
en reconnaître les lois , et prendre l'engagement de ne porter
jamais les armes contr'elle.
Afin que la paix soit complette et qu'il ne reste aucune trace
de ses malheurs , nous prions le représentant du peuple Bollet
et ses collegues , d'indiquer pareillement un rendez - vous au
général Stoffet .
La connaissance que nous avons de ses sentimens , nous
porte à être persuadés qu'il embrassera volontiers tous les
moyens d'assurer la tranquillité au pays qui lui a donné sa
confiance : il serait même à desirer que les représentans qui
ont concouru le plus efficacement à la pacification de la Vendée
, et qui ont obtenu la confiance de ses habitans , vou(
286 )
"
lussent bien se rendre dans le lieu qui sera assigné ; leur
presence ne peut manquer de produire les plus heureux effets
pour la pacification générale , l'objet des voeux de tous les
Français .
Fait et arrêté à la Mabilais , près Rennes , le 1er . floréal ,
l'an 3e . de la République Française , une et indivisible .
Signés , Cormartin , Chantreau , Solilhac , Bois - Hardy ,
Moulé de la Roitrie , Busnel , Bellevue , Gestin , Gourlet ,
Guignard le jeune , Jarry , Terrien , Lefaivre , Demeaulne ,
Defils l'aîné , l'Hermite , Lambert , Lantivy , de Nantois ,
Ganbert , de la Nourray , Dufour .
Elat numératif des détenus dans les différentes maisons d'arrêt de
Paris. - Du 6 floréal.
Bicêtre ...
Dreneux ..
Conciergerie .
Force grande .
Force petite.
Lazare....
Mairie , dépôt .
Magdelonettes.
Pélagie ..
Plessis ..
Port- Libre , supprimé.
Salpêtriere ..
Total...
ز ا ب
582.
34.
34.
493.
148.
333 .
16.
-123.
10S .
364.
67 .
2302. I
TRIBUNAL REVOLUTIONNAIRE.
Suite des délits imputés aux ex-juges et aux ex-jurés.
D. Aubrenet , porte - clés au Luxembourg depuis le commencement
, a déclaré n'avoir aucune connaissance des couspirations
qu'on dit s'y être tramées . Il n'en a oui parler qu'au
dehors , ainsi que des listes dont il ignore les fabricateurs ;
que cependant l'opinion publique en accusait Boyeuval ,,
Meunier , Vernet et les autres ; il en a vu une de 100 prisonniers
, mais c'est un officier de police qui l'a apportée .
Toute la nuit fut employée à ramasser les 100 victimes pour
les conduire à la Conciergerie .
que
J. F. Michelot , commis - greffier de la Force , dit a
l'Ange , administrateur de police , était venu dans cette mai- ,
son d'arrêt , faire le recensement général des prisonniers ,
qu'il n'y avait jamais eu de conspiration entr'eux , et que
( 287 )
ce ne fut qu'après le 9 the midor que cinq de ces prison
niers furent acquittés .
Gastres a raconté un fait , qui a fait frémir d'horreur. Il
apperçut parmi les accusés un jeune homme de 19 ans
nommé Bois Marie , né à Besançon ; il était professeur ;
Renaudin , accusé , descendit de son siege de juré , et deviat
témoin . Il lui reprocha ses liaisons avec Gorsas , puis remonte
à sa place , et déclara que Bois-Marie , qu'il venait d'accuser ,
était convaincu , et Bois . Marie fut conduit à l'échafaud . Cer
infortuné avait été député à Paris pour l'acceptation de la
constitution. Renaudin lai reprocha , pendant les débats ,
les opinious qu'il avait émises aux jacobins .
L. J. Heussee , fabriquant de chocolat , ex-administrateur
de pulice , a declaré que dans le cours de ses visites , il
ne s'est jainais apperçu qu'il y eût eu la moindre trace de
conspiration dans la maison d'ariêt. Itby a vu tous les détenus
constamment résignés à la plus grande soumission et
à la tranquillité. Il a observé le même calme et les mêmes
dispositions dans celle des Carmes .
Lorsqu'il vint partager le sort de ceux qui y étaient dé
tenus , il y a vu ce Benoît , qui avait déja dénoncé la con'spiration
du Luxembourg , entretenir une correspondance !
avec Fouquier et le comite de salut public . I logeait à part
couchait à part , et portait sur son cachet l'inscription : Commissaire
national. remettait ses lettres au greffe ; il
avait plusieurs adressés à Fouquier , huit jours avant le 9ihermidor.
y en
Fouquier a répondu que Benoît n'avait point denoncé la
conspiration des Carmes ; que ce fut Savard qui la' dénonça
à Faro et à Anolier qui s'y transporterent pour recevoir
les déclarations .
Le même Heussée a´rendu un témoignage en faveur de
Naullin. Pendant les deux mois qu'ils ont passé ensemble dans
la même prison , Naullin lui disait qu'il avait gémi de l'amalgame
des accusés , et de la cumulation des jugemens ; que , plus
d'une fois , il avait reproché à Fouquier ses grandes fournées
; que celui -ci lui répondit : Bah ! beh ! tu as peur ;"
n'ai je pas mes ordres ? En effet , Fouquier a soutenu qu'il
avait ses ordies . Enfin , on disait dans le public , tant mieux ,
ajonte Henssée , c'est Naullin qui siege , il n'en ira pas tant
à la boucherie .
Beautre , dans sa déclaration , a parcouru les tems connus
sous la conspiration des Grammont , elc . Conduit au Luxem
bourg le 15 brumaire , au deuxieme , réc amé par une députation
de sa commune , il a vu quatre membres de cette depa
tation arrêtés , comme ils allaient au comité de sûreté générale
; il a passé les deux premiers mois de sa captivité avec
eux . Ils furent mis en liberté dans le cours de pluviôse . La
"
( 288 )
tranquillité avait regné jusqu'alors dans les prisons ; elle fut
troublée par l'arrivée des Grammont , Duroy , l'Anglois , etc.
En suivant leurs démarches et entretiens , il s'apperçut qu'ils
ayaient la tête exaspérée , qu'ils comptaient sur l'appui de
plusieurs membres du comité de sûreté générale ; il entrevit
des projets dangereux ; et pour les déjouer , il s'associa avec
eux , malgré la réputation d'hommes de sang qu'on leur don
nait généralement. :
Le 12 ventôse ils avaient déja marqué leurs victimes , et ils
comptaient beaucoup sur la levée de boucliers qui s'était
faite aux Cordeliers et sur l'appui de Vincent qui était sorti du
Luxembourg la 1age dans le coeur ; enfin , Sava d'annonçait
un grand mouvement dans Paris , comme très- prochain. Le
22 , il y eut tranferement des Grammont, Savard , Lapallu , etc.
Beausire fut assigné le 26 en déclaration secrette. Il dit ce
qu'il savait ; mais rien ne fut consigné sur les registres ; on
ne prit que des notes sur des feuilles volantes . La mise en
jugement ent lieu le 21 germinal . Du reste , il n'a rien appris
de la conspiration attribuée à Dillon que par les papiers
publics.
On faisait courir le bruit que c'était pour délivrer Camille
Desmoulins , Phelippeaux , etc.; mais il n'en apperçat aucune
race dans cette prison qui lui était commune avec eux .
( La suite au numéro "prochain. )
P. S. Diverses lettres écrites de Suisse donnent avis que les
émigrés , sur- tout ceux de la premiere émission , rentrent en
foule sur le territoire français , et parlent hantement du réta
blissement de la royauté , comme d'une affaire arrivée à son
degré de maturité . Sous pen , disent-ils , il y aura un grand
mouvement à Paris. Les départemens qui avoisinent Lyon ,
auront l'air de marcher au secours de la Convention , mais
leur véritable but est de donner un roi de vive force . Ils
ajoutent qu'ils seront très - clémens , qu'on ne fera tomber la
tête que de quelques chefs militaires , et notamment de
Fichegru .
Des lettres de Lyon annoncent qu'en effet Precy est dans
ane maison de campagne proche la ville. Les royalistes ont
remplacé les terroristes . Ils poursuivent et assassinent les
républicains. L'etat- major de Precy est réorganisé ....... Bous
patriotes , amis anciens et invariables de la liberté , reprenez
votre énergie ; le tems presse ; secondez les mesures de la
Convention . Guerre aux royalistes , guerre aux terroristes ; c'est
la même conspiration qu'il s'agit de détruire .
Jer.135 r ∙ 13.
( No. 46. )
MERCURE
FRANÇAIS
DÉCADI 20 FLORÉAL , l'an troisieme de la République.
( Samedi 9 Mai 1795 , vieux style. )
POÉSIE.
L'Orphelin adopté par sa Nourrice. ( Romance. )
L'AIR était calme et pur , les eaux de la riviere
Réfléchissaient l'éclat des derniers feux du jour.
Sous l'ormeau , protecteur de son humble chaumiere ,
Rose'allaitait un fils joli comme l'amour.
Je m'avance aussi - tôt ... d'une main caressante
A l'enfant , qui sourit , je présente une fleur .
Un rien plaît aux enfans ; une fleur les enchante ,
L'auroie de la vie est l'âge du bonheur .
Oh ! comme je voudrais prolonger son enfance !
Me dit Rose ; il sourit aujourd'hui dans mes bras ;
Mais si de son destiu il avait connaissance 1
A l'aspect d'une fleur il ne sourirait pas.
Ses parens habitaient l'asyle solitaire
Que présente à vos yeux ce rivage écarté .
Leurs bienfaits du hameau soulageaient la misere ;
Ils ont fait des heureux , et ne l'ont pas été .
Par le crime bientôt leur vertu poursuivie ,
De la justice envain sollicite l'appui."
A peine cet enfant avait reçu la vie ,
Son pere en un cachot est jetté loin de lui.
Sa mere gémissait ... on l'entraîne , tremblante ...
Elle joint son époux... ils ont péri tous deux ...
Nourrice de leur fils , du sein qui l'alimente
Pouvais- je repousser ce petit malheureux ?
Tome XV.
T
•
८
\ ( age )
Ah ! Ruisse- t-il long-tems ignorer sa misere !
L'abandonner ! hom ! non ! mon coeur me le défend ...
Il me chérit déja comme on chérit sa mere
Et je l'aime à mon tour comme on aime un enfant.
En achevant ces mots , Rose , avec complaisance ,
Embrassait ce cher fils qu'elle avait adopté.
Ravi , je m'écriai : Non , tant de bienfaisance
Au milieu des palais n'a jamais habité !
( ParJ. JAVEFRIT , musique de MEHUL. )
CHARAD I..
LA terreur ne pouvait qu'enfanter mon premier ;
Le Français , peuple né pour être mon dernier ,
Avee elle eût été toujours plas mon entier.
ENIGME.
J'Existe
'EXISTE en tout pays , j'ai ma place marquée
Dans un sérail , ainsi que dans une assemblée.
Sans mon secours , Iris n'aurait point d'agrémens ,
Et se verrait réduite à vivre sans amans .
Je forme le savant , le soldat et l'avare .
Mais comment définir mon caprice bizare ?
Servant dans un orage on m'emploie aux combats.
Je crée les sénateurs , fais naître des débats ,
Et sans mon ministere et ma toute puissance ,
Adieu talens , gaîté , plaisir et jouissance !
( 291 )
PHILOSOPHIE.
CARACTERES PORTRAITS.
NOTE trouvée dans le porte -feuilo d'un homme du monde
qui a vécu avec plusieurs homme célebres de ce siecle.
QUOIQUE
UOIQUE ce morceau ait déja éé imprimé dans un
recueil périodiqué , il nous a paru assez piquant pour
le faire connaître à nos lecteurs . On coit que cette note,
a'été écrite en 1789. Il est aisé de voiraue l'auteur avais
vécu familierement avec les hommes dont il parle . Une ,
grande fortune , un grand état , tous les vantages extérieurs
, et des succès lui avaient donné laccès dans les.
plus brillantes sociétés .
J'ai rencontré dans le monde plusieurs hommes
célebres . Chacun avait une tournure d'esprit dfférenté , et
cette différence se faisait sentir dans leur conversation. Je
les ai beaucoup observés; car je suis entré june dans
la société , et j'ai long- tems fait le rôle d'écoutur. Au
jourd'hui que je me rends compte de ces observations ,
il m'a semblé que l'on aurait un prodigieux avaatage
soit comme homme du monde , soit comme orátetr , si
l'on était venu à bout de réunir :
Le tom , tantôt éloquent et fort , tantôt fin et déké ,
toujours retenu de M. Thomas .
L'air inspiré , l'expression enthousiaste et poétique de
l'abbé Arnaud .
La tournure piquante élégante , académique de
l'abbé Delille.
La voix forte et mâle , le port noble , colere , le geste
majestueux , la beauté , la franchise fiere et bonne de
Larive.
L'affabilité gaie et chevaleresque du comte de Mer...
Je ne sais quoi , mais quelque chose dans la mémoire
effrontée , et le courage honteux de l'abbé Maury.
Les pinces mordicantes de l'esprit de Champfort.
Lá liberté , l'aisance , la grace théâtrale et sociale de
Molé.
Le ton noble et poli , l'esprit de justice de M. Ducis,
T ,
}
( 92 )
$92.
La repartie piquante et soudain de Madame de
Mongl......
L'attitude et la vou politique soutenue , royale , de
Mlle. Clairon .
L'accent bas , calme , prefend , gascon et léger , le ton
de découverte , l'oeil roulant , ou fixe ,la maniere de lever
la tête , de plier le fron, de M. Garat..
La conversation analogique , métaphysique et haute
l'existence rustique , désabusée , maritime , patiente ,
provoquante , à provts ; l'égoïsme littéraire de M. de
la S....
La parole diviseve , précise , vouée à de grands objets ,
soit politiques , sat gracieux de M. Cerutti.
L'air d'un homme à part , isolé , le ton bonhomme qui
conte des histoies etseme les vérités , de M. de Buffon .
Les maniers sensibles , naturelles et . simples de
Gerbier. Sabob
Le silencedu célebre Francklin.
L'audace zerbeuse et brillantée de l'abbé Fauchet.
La facilit intrépide , la voix haute de Bonnieres .
Le coupde gueule dur et ferme de Martin....
Le débi concentré , riche d'inflexions , les éclats sou
dains et serçans du fameux Le Kain.or
Les poumons infatigables et vastes , l'air simple et
Convai cu du P. Beauregard.
La candeur jeune , intéressante de la déclamation de
SaintPhal.
ས ”༈་རྩ་༈་ །
Les beaux gestes , les mains , l'accent paternel , l'éclat
vigoureux et entraînant dans le débit de Brizard. [ 1
Les harangues longues et soudaines , la présence d'esprit
, la voix forte de d'Epresmenil.
La maniere de conter de d'Alembert.
La parole vive et expansive de Lavater?
L'entretien continu et bien français de Marmontel.
Le feu d'artifice , les étincelles piquantes de Barthe.
La tournyre simple , mais supérieure et entierement
exempte de ce qu'on appelle miseres , l'esprit sérieux ,
étendu , calculateur , geometre , instruit dans tous les
genres ; l'habitude constante et l'amour des détails , la
facilité d'y apporter une philosophie saine ; des vues
politiques et administratives , une connaissance du coeur
humain , un peu de malignité même dans les récits de
M. de Condorcet..
Le génie d'analyse , le scepticisme et l'intelligence
hercheuse de M. de la Grange.
( 293 )
•
Il est un autre homme dont la conversation fait sou
vent mon bonheur . Elevée , soutenue , en général calme
et coulante , presque toujours heureuse , piquante , et
même gaie quelquefois , remplie de ces tournures qui
n'appartiennent qu'à l'excellent style , de ces sensations
déliées qui n'appartiennent qu'à un esprit fin et étendu ,
enfin brillante et pure, et par dessus toute claire comme
un rayon du soleil , cette conversation ressemble à une
belle lumiere qui ne demande qu'à être approchée de
beaucoup d'objets , et qui répand un jour enchanteur
sur la vie.
*
Rousseau avouait souvent les obligations qu'il avait à
Diderot celui de tous les hommes qui par la parole
influait le plus puissamment sur ceux qui l'écoutaient ,
celui dont on a dit que la conversation valait mieux
qu'un livre, parce qu'elle instruisait et persuadait , ce que
les livres ne font pas toujours...
Rousseau brillait peu lui -même dans la conversation ,
comme La Fontaine et Corneille , et son entretien ne laissait
pas même soupçonner ce style énergique , impétueux
, ou touchant qui caracterise ses écrits . Il avait
comme on l'a dit , une pesanteur maxilliaire , qui contras
tait avec sa réputation . Mais au défaut de la parole , son
regard était toujours éloquent , et l'on sentait bien en le
voyant que ce regard n'était pas celui d'un homme
- ordinaire .
Dans la conversation même , Rousseau ne se négligeait
jamais. H ponctuait singulierement bien toutes ses paroles
, à moins qu'un sentiment ne l'agitât , et ne le fît
sortir de lui- même.
Rousseau parlait quelquefois avec chaleur. Ce n'était
de la chaleur d'éclat , c'était une chaleur concentrée
qui agitait ses membres.
pas
Lorsque Diderot n'avait à dire que des choses ordinaires
ou de peu d'effet , il prenait un tom doux et
clair.
T3
32
(194 )
VARIÉTÉ.P
OBSERVATIONS Sur le traité des délits et des peines de Becearias
par GAETAN BOLDONI , professeur au Lycée republicain.
BECCARIA®
uhoited
ECCARIA à eu -la gloire d'être le premier à faire sentir
combien la procédure criminelle était absurde dans la
législation moderne.
Son livre fit abolir la question préparatoire en France
et dans une très - grande partie de l'Europe , supplice
qui souvent tourmentait un innocent pour savoir s'il
etait coupable .
་ ་
Ce fut lui qui prouva que la peine de mortvest -injuste
, et qu'au lieu de remplir le but que le législateur
se propose , elle ne sert qu'à démoraliser le peuple ,
en l'accoutumant à savourer le sang et à contempler
avec délice les angoisses et les dernieres contorsions
d'une victime humaine , expirant sous les coups des
bourreaux .
Cependant ce beau génie , cet ami ardent de l'hu
manité est tombé dans une erreur , lorsque , dans son
traité des délits et des peines , il'suppose que les hommes ,
en abandonnant la vie errante et sauvage pour vivre en
société , firent le sacrifice d'une partie de leur liberté ,
pour conserver l'autre , et que de toutes les portions
individuelles de liberté , ainsi sacrifiées , on en forma un
depot que l'on appella le souverain supposition! que
nous croyons fausse ; car les hommes , bien loin de rien
sacrifier de leur liberté , en se réunissant en état de
société , l'ont conquise toute entiere , avantage dont ils
ne jouissaient pas dans l'état de nature où rien ne leur
était garanti (1).
Là , le plus fort s'empare du produit de la chasse du
plus faible ; là , le sommeil n'est pas protégé contre les
attaques de l'ennemi ; là , il n'y a d'autre droit que la
violence.
ľ
(1) L'indépendance n'est pas la liberté ; celle - ei`est le `fruit
d'une société bien organisée ; l'homme jouit de celle- là en état
de pure nature , jusqu'à ce qu'il la perde devant un homme plus
fort que lui.
( 295 )
F
Dans l'état de société , au contraire , tout est réglé par
la raison ( nous entendons parler d'une société bien
constituée) , tout est soumis aux lois de la justice , et
il est permis aux individus qui la composent de faire
pour leur propre bonheur , tout ce qui ne blesse pas
directement ou indirectement leurs concitoyens ; et
certes l'on est parfaitement libre , lorsqu'il n'y a de
puissant que la loi , qui est la sauve - garde des droits
des citoyens , lorsque la liberté civile et politique est
garantie par une bonne constitution , et la licence seule
prescrite. Je dis licence , parce que certaines têtes , confondant
toutes les potions , croient qu'un homme n'est pas
libre , quand il ne lui est pas permis de ravager, de tuer
et de ravir à son gré le fruit du travail d'autrui.
Beccaria n'a fait cette méprise que parce qu'il a voulu
trop prouver que la société n'a pas le droit d'infliger
la peine de mort à ses membres , et trouver les preuves
de son assertion dans l'établissement des sociétés , où ,
sans doute , lorsque les hommes , suivant le systême
établi dans le traité des délits et des peines , en faisant
le sacrifice d'une partie de leur liberté pour jouir de
l'autre , aucun d'eux ne voulut consentir à accorder au
souverain le droit de le priver de la vie .
Comme si , sans aller chercher si loin les preuves
du principe que la société n'a pas le droit d'infliger la
peine de mort , elles n'existaient pas toujours d'une maniere
indestructible dans la raison humaine .
En effet , l'homme tient la vie de la nature ; elle seale
a droit de l'en dépouiller. Lorsque la société condamne
quelqu'un a mort , elle prouve qu'elle est plus forte
que le faible individu qu'elle prive de la vie , et rien
de plus ; et que si ce dernier était plus fort que la
société entiere, il pourrait pareillement lui donner la
mort ; ce qui est absurde , parce que force n'est pas droit
Quelle sublime leçon les législateurs ne peuvent-ils
pas donner aux hommes en défendant par une loi sage
qu'aucun citoyen ne soit mis à mort !
La loi apprendrait à l'homme que personne , hormis
la nature , de qui nous tenons notre être , ne peut priver
l'homme de la vie ; elle lui apprendrait à respecter son
semblable , et à ne jamais tremper des mains meurtrieres
dans le sang de ses concitoyens , et bientôt l'horreur
du sang étant changée en habitude ( tout est habitude
parmi les hommes , même l'exercice de la vertu ) , bientôt
, dis-je , la terre , que l'homme ne doit arroser que
TA
( 296 )
de ses sueurs , ne serait plus trempée du sang humain.
Mais , nous dira - t - on , celui qui arrache la vie à son
frere n'encourt-il pas la peine du talion , et le supplice
de ce malfaiteur ne contiendra - t - il pas ceux qui seraient
tentés de l'imiter ?
Nous répondrons qu'il est atroce , parce qu'un individu
a commis un crime , d'en faire commettre un autre
à la société pour l'effacer.
1. Parce qu'au lieu de contenir les hommes par un
prétendu exemple , cela entretient parmi eux le goût
du sang , que les législateurs doivent s'efforcer de détruire
; et l'expérience nous apprend que là où les lois
sont cruelles , les hommes sont sanguinaires .
2. Parce que , comme nous l'avons établi d'abord ,
personne n'a le droit d'arracher la vie à l'homme , si ce
n'est cette force qui crée et détruit tout .
J'entends que l'on s'écrie , où est ton sublime dévouement,
où est ta vertu , ô Brutus ! Il sera donc permis à
un audacieux d'attenter impunement à la liberté de son
pays ! non; de même que l'on coupe un bras ou une
jambe pour sauver le reste du corps de la gangrene et
d'une mort inévitable , Ton doit retrancher de la société
tout individu dont l'existence compromettrait la sûreté
du corps social . Excepté ce seul cas , la peine de mort
doit être abolie , comme injuste , comme immorale
comme nuisible à la société , comme un outrage fait à
la nature.
Quelques peines douces , établies avec une juste gradation
, accompagnées d'une constitution , qui tende à
améliorer le sort des hommes , à les rendre heureux et
estimables à leurs propres yeux , et sur- tout l'instruction ,
Buffiront pour extirper tous les crimes de la société ,
pour y faire naître des passions qui conspirent au bien
public , et pour faire aimer la vertu.
MUSIQUE.
90 phot
Recueil d'arielles , scenes et duos périodiques , dédié aux hommes
libres ; par Alexandre Fridzeri . OEuvre VIII . Prix , 7 liv . A
Paris , chez l'auteur , au café de Foi , jardin Egalité et rue
Montpensier , nº . 59. is (
On trouve chez lui le même recueil , petit format , et sans
accompagnement . Prix , a liv. 10 sols.
Recueil d'airs avec accompagnement de harpe ; par le même.
Ier, cahier , oeuvre VI. Prix , 10 liv.
( 297 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
3...
LA
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 15 avril 1795.
A Russie continue d'envahir ou d'englober , soit par
la force ouverte , soit par la corruption et les menaces ,
les etats voisins qui se trouvent à sa discrétion elle
devient de jour en jour une puissance plus formidable
sur l'accroissement de laquelle le nord de l'Europe et
la Porte Ottomane devraient bien enfim ouvrir les yeux .
On a reçu de nouveaux détails de Mittau , relatifs
Emaniere dont s'est opéré de vote pour la, réunion de la Courlande
à la Russie . Dans la séance du 17 , l'ordre des chevaliers
vota effectivement pour que ce duché renongât à la
suzeraineté de la Pologne et passat sous celle de la Czarine.
Les grands conseillers , à l'exception de celui de Howen
s'opposerent à ee changement , alléguant qu'en l'absence du
duc il est à Pétersbourg on ne pouvait prendre une
résolution dans une affaire de cette importance. Il y eur à
cette occasion des disputes très -violentes , aux reproches de
trahison succéderent des appels au combat entre les deux
partis. Le gouverneur de Riga qui se trouvait à Mittan
( fort à propos selon les avis , se rendit à l'assemblée , y
rétablit la tranquillité , et la proposition de reconnaitre la
suzeraineté de la Russie fut adoptée.
ཀ ༔་ཀ་།
Voici l'acte même signé le 18 mars , et déja porté à
Pétersbourg, où le duc de Gourlande a peut-être déja yu
artiver les députés chargés de remettre à Gatherine Hla
déclaration par laquelle il est entierement dépouillé:
St Art. Ier . Nous soumettons , pour nous , el notre postérité
, nous et les duches de Courlande et de Semigalle ,
S. M. 1. Catherine II , impératrice de toutes les Russies ,
glorieusement regnante , et à son sceptre souverain
" II. Nous savons par expérience , combien le systême
féodal qui nous attachait à la suzeraineté de la Pologne était
incommode , et combien il était contraire à la prospérité géné
rale de la patrie ; nous imitor's nos ancêtres de la patrie de
la Livonie an-delà de la Dua , qui en 1561 , renonçant à
( 298 ).
suprématie de l'empereur et de l'Empire , par conséquent
su système féodal d'alors , et au gouvernement médiat de l'ordre
teutonique , ssee sonmirent immédiatement à la Pologne s
ous renonçons , pour nous et notre postérite , au systême
feodal qui à subsisté jusqu'ici sous la suprématie polonaise ,
et au gouvernement médiat en résultant ; nous nous soumettoną
immédiatement à S. M. I. de toutes les Russies et à son
scepire ; nous lui abandonnons , avec d'autant plus de con--
fance et de respect , la décision plus particuliere de notre
sort à venir que , jusqu'ici , sadite majesté s'est montrée la
protectrice eteuse et la garanté de tous nos droits , de nos
lois , de nos coutumes , de nos immanités , de nos privileges
et de nos possessions : elle sera certainement disposée , d'a
près sa façon de penser magnanime et bienveillante , à amé
liorer dans sa sollicitade maternelle le sort futur d'un pays
ni se soumet, à elle avec la confiance la plus respectueuse es
Ja plus illimitée,
1
པར?
* III . Une députation de six personnes ira à Péters, ourg
solliciter de 3. M. 1. de toutes les Russies , l'accèption de
notre vonnaission , et, dans le cas d'une acceptation effective ,
elle y prêtera à S. 14. I. le serment de fidélité et d'obéis-
Dance: bro anse al C
Tancais que les choses s'arran vent de cette maniere en
Courlande , on reçoit des frontieres de la Pologne les
nouvelles suivantes , dont la seconde a d'autant plus
besoin de confirmation , qu'elle est d'une plus haute
importance, et pourrait apporter de grands changemens
dans la face des paires de la Russie , ot en général du
nord de Europe. DC 13
2 .
Le commandant, russe qui est Varsovie à continué d'y
exercer tous les actes de la souveraineté. Chaque jour voit
prescrire de nouvelles ordonnances promulguées au nom de
Catherine . Cette ville , au reste , présente le plus triste spectacle
; la misere de ses habitans devient journellement plus
grande , et on craint de voir manquer bientôt entierement
les ™ subsistances au milieu d'un des plus fertiles pays da
Mondeo in
T
3 17
On annonce que la plus grande partie de l'armée russe
qui occupe la Pologne , va marcher vers les frontieres de la
Turquie sous le commandement du feld maréchal Suwarow .
Il parait que la Porte et la Russie , sont eafin prêtes à en venir
asune ruptare ouverte . E
Suivant des lettres de Posen , il s'en faut de beaucoup que
la tranquillité soit entierement rétablie dans la Prusse méri
dionale . Différeus corps parcourent encore cette contrée à
main armée ; s'ils ne sont pas aussi considérables et aussi
( 299 )
7
01
+
égulierement formés que ceux qui s'y trouvaient l'an der
ils ne laissent pas que de donner encore de vives inquiétuds.
Il y a aussi beaucoup de déserteurs prassicas qui ,
n'ayant maintenant ni feu ni lieu , n'ont pour moyen d'exister
que le pillage et se portent sans cesse d'un lieu à l'autre ,
précédés de la terreur et suivis de la désolation.
cod & G
Les lettres de Varsovie ajoutent que la garnison russe y a
été considérablement renforcée au commencement d'avril ,parce
qu'on craignait que l'anniversaire de l'insurrection n'occasionnât
des mouvemens dans le peuple. Le général Buxhowden a fait
&fermer les boutiques et les sabarets . pendant la semaine de
Pâques. Quant à Stanislas il est toujours Grodno. Il com
ence à se remettre des douleurs de la pierre dont il a été fort
tourmenté pendant une quinzaine de jours.25 quos el 5
S'il faut en croire des nouvelles de Rigala Grande-Bretagne
et la Russie viennent de conclure une alliance cffensive ez
défensive , mais dont les conditions ne seront connues qu'a-
Diprès la publication des la paix de Basic entre da Prasse et, lz
France. ansi sulɔuos
D
3
1005
En supposant, cette nouvelle vraje , ainsi que celle qui annonce
une rupture prochaine entre la Russie et la Pone
il paraît , d'après ce qu'on écrit de Banjaluka en
Bosnie , sous la date du 8 mars , que les Tures , qui mettent
plus de prudence qu'on ne le croit dans leur conduite , ne
veulent point avoir à la fois deux ennemis puiisang sur les
bras . En effet , un nouvel ordre émané du divan a défendu
sous peine de mort , de rien dire ou de vien faire quin puisse
mécontenter les voisins sujets de l'empereur d'Allemagne. A
2
2 *20)
+
On était étouné de l'espece de liberté laissée à Kosciuszko
au milieu de sa captivité ; elle n'a pas duré long- tems. On
mande de Pétersbourg qu'ayant été prévenu du dessein d'ea
abuser, l'ex- généralissime a été enfermé de nouveau dans la for
teresse de Schlusselbourg , où il est gardé très étroitement
ainsi que le comte Potocki ;mais on a permis à vingt-deux nobles
polonais et lithuaniens qui avaient pris part à la derniere insur
rection de retourner chez eux . Quant au président du conseil ,
Zakrzewki , c'était faussement qu'on l'avait dit retourné dans
ses terres an palatinat de Sendomir. Il est toujours à Pétersbourg
oùil a été souvent interrogé , par le tribunal des enquêtes,
sur les faits relatifs à la révolution, 320
Suivant les dernieres nouvelles de Stockholm et de Copenhague
, M. Rivals , français , arrivé depuis peu dans la capitale
de la Suede , fut invité dernierement chez le chancelier du
royaume , qui le présenta à la compagnie , comme devant y
séjourner quelque tems.
Les paragraphes qu'on va lire , extraits des mêmes lettres ,
( 300 )
•
sembleraient annoncer qu'on s'attend à être bientôt dans le
cas d'entreprendre quelques opératione militaires . On er
Occupé à fondre pour l'artillerie des canons sur un modete
tout nouveau et à Carlscrone le bureau du grand - amiral fait
vendre une vingtaine de bâtimens de transport hors de service
par vétusté , et passe des contrats pour beaucoup de matieres
dont la marine a besoin , d'où on conclut l'armement d'une
flotte pour l'été prochain. On réunica 4 vaisseaux de ligne et
2 frégates à l'escadre danoise ..
Ces préparatifs sont plus nécessaires et plus urgeas que
jamais , s'il est vrai , comme on l'apprend des ports russes de
la Baltique , qu'on y arme en ce moment 36 vaisseaux de ligne
et plusieurs fregates.
9
༑ ༄
Les ambassadeurs d'Espagne, et de Portugal ont pris congé
de la cour de Suede ; quelques personnes prétendent que le
sbon accueil fait à M. Rivals n'a pas peu contribué à leur faire
hâter leur départ.
Le comte de Bernstorf , premier ministre de Danemarck
reçu de la cour de Suede une superbestabatiere d'or enrichie
de brillans ; c'est à cause de l'alliance conclue l'année derniere.
On, arme encore 2 fregates et a petits bå
bâtimens de
apour exercer les cadets de marine et pour la garde du S
guerre
Sund ;
on a également pris la résolution de renforce d'invalides.
la de
sile d'Helgoland , composée en totalité jusqu'ici d'invalides.
De Francfort-sur-le:Mein , le 28 avril.
ནསནྟི
rr
So On parle déja même à Vienne ,d'une suspension d'armes en
Allemagne , etcela n'a rien d'étonnant , si , comme la nouvelle
' en répand ici , la plupart des princes d'Empire ont nommé
des plénipotentiaires pour traiter également de la paix avec la
République Française sous la médiation du roi de Prusse
Ton ajoute qu'au nombre des négociateurs qui se sont trouvél
récemment à Basle , on doit compter M. Humber , autrefois
résident de l'electorat d'Hanovre a la Haye , lequel a eu plnsieurs
conferences avec le ministre prussien , comte d'Har
denberg.
L'empereur n'a pas encore touché les 6,000000 sterlings ,
prêtés par l'Angleterre sous l'autorisation du parlement , mais
le baron de Lederer doit aller les chercher à Hambourg ; ce
prince a obtenu du cabinet de Dresde , la liberté du passage
par l'Elbe , pour beaucoup de grains que la Bohême doit
verser à l'armée du Rhin. On a frappé , à l'usage de cette armée ,
des pieces de dix et quatre gros , autrement 6 et 12 creutzers.
La fabrication montera à 100,000 florins , et l'on a même
déja envoyé une partie de ces nouvelles especes à leur des
tination . On a été forcé à cette mesure , parce que les pièces
J
( 301 )
14
1
1
de sept et de dix -sept n'étaient pas reçues volontiers dans
Cette partie de l'Allemagne.
Le graud jubilé de quinze jours pour Vienne , et de six
semaines pour le plat-pays , a dû s'ouvrir le 12 avril par une
gratide procession qu'on répetera à la fermeture, Il est destiné à
attirer la protection du ciel aux armées autrichiennes , et pendant
que les catholiques le célébreront , les protestans de Hongrie
etide Transylvanie adresseront des prieres à Dieu , pour qu'il
bénisse les fruits de la terne . L'Europe aurait en effet grand
besoin d'une double récolte , car elle souffre dans toutes les
parties , et notamment en Pologne , ce pays jadis si fertile
en blé . On dit que les glands même , d'une espece à - peu - près
pareilica ceux d'Espagne ; qui sont mangeables , et dont
on faisait du pain , commencent à y manquer.
t
Le ministre impérial Ratisbonne , a repassé par Vienne ,
pour se rendre à Pétersbourg ; on le dit chargé de quelques
négociations relatives à la Pologne. Il est urgent pour les
puissances que les affaires safrangent définitivement d'une maniere
quelconque , car s'il faut en croire des avis de la Prusse
⚫ccidentale , il a fallu envoyer des médecins expérimentés
auprès des troupes prassiennes , affectées d'une épidémie dont
cette contrée est atteinte . Il meurt aussi journellement un
nombre considérable d'hommes parmi les troupes russes qui
ont dévasté le pays où elles devaient séjourner. -}
La Suisse est moins malheureuse , du moins a- t-elle des
espérances fondées d'après des lettres de Bâle , du 24 avril.
Les officiers français et prussiens qui se trouvent à Bâle
se sont réunis dans un banquet fraternel où a éclaté la cor
dialité la plus empressée . On y a porté des toasts aux deux
nations , à la Convention nationale , à la paix générale de
l'Europe .
4
Dans toute la Suisse , & Bâle entr'autres , le blé est extrêmement
cher. Il est question de suspendre les brasseries
et la distillation de grains . La nouvelle de la réussite de la
négociation en Suabe , pour l'acquisition de blé , a causé
un grande joie.
Bak
Il parait que les négociations que la cour de Berlin à ouvertes
a Bale ont été conduites de façon à détacher de la coalition
tous les princes germaniques qui desirent la paix . Des lettres
de Berlin apprennent que la nouvelle de la paix y a causé une
vive satisfication , et qu'on n'y doutait point que plusieurs
membres de l'Empire ne profita ssent de l'occasion que la
Prusse venait de leur procurer de faire une paix séparée avec
la France. D'autres lettres de Vienne confirment cette
jecture. Le ministre du due de Wurtemberg auprès de l'empereur
, a remis aux ministres autrichiens une note , où il
annonce que le dac , dans les circonstances critiques où la
COP
( 302 ).
erre a réduit son pays , a envoyé un ministre & Bale, pour
y traiter avec les commissaires français d'une paix particuliere.
Le landgrave de Hesse- Cassel et le duc de Brunswick ont fait
aussi de semblables déclarations .
D'après cette situation des choses , on ne peut douter que
toutes les délibérations ouvertes à la diete de Ratisbonne
pour la prestation effective du quintuple , et celle sur la proposition
pacificatoire de Mayence , he tombent au néant.
La négociation de la république de Berne, pour les bleda ,
en Suabe , a réussi . Les passages sont ouverts pour 48,000 sacs ,
dont l'arrivage se fera successivement pendant sept mois . Il y at
en outre des souscriptions particulieres , qui se traitent sépa
Tément .
On apprend par la voie de Newied que les Français établissent
en ce moment une nouvelle batterie sur la Nethe
Luxembourg fait toujours la plus courageuse résistance , mais
le général Bender est mort , et remplacé par le général
Schræder , aujourd'hui commandant de la place. A
Quant à Mayence , toutes les nouvelles reçues des environs
de cette ville s'accordent à dire que les armées respectives déploient
tous les moyens que l'art et leurs ressources leur suggerent
pour se disputer la possession de cette importante place.
Lesdeux partis ont rassemblé dans ces contrées des forces formidabies,
qui se menacent mutuellement , sans se céder un pouce de
terrein. S'il s'engage quelqu'affaire , on se bat en désespéré ;
on se sépare ensuite épuisé de fatigue et de carnage , et chaque
parti reprend sa position , en s'attribuant tout le succès du
combat. Telle est ordinairement l'issue des engagemens plus
ou moins sérieux qui ont lieu devant Mayence. Tel aussi a
été le résultat de la sortie vigoureuse que la garnison fit il y
quelques jours , dans la vue de s'emparer des lignes des Franfais
, et qui fut une des plus meurtrieres qu'on ait vue pendant
cette guerre. La nuit seule put mettre fin à une lutte
aussi sanglante ; et cette journée , qui a coûté cher de part
et d'autre , paraît n'avoir été d'aucune utilité réelle ni aux
assiégeans ni aux assiégés.
On apperçoit des hauteurs qui environnent Coblentz , un
camp que les Autrichiens et les troupes de l'Empire occupent
depis le 5 de ce mois , derriere Ehrenbrestein . On peut évaluer
les forces qu'il contient à 18 ou so mille hommes . Les
Autrichiens continuent aussi de travailler à des retranchemens
sur le bord du Rhin .
ESPAGNE.
Extrait d'une lettre de Figuieres en Catalogne du 9 avril.
Il a été question , depuis quelque tems de negociation
entre la France et l'Espagne ; et comme le citoyen Bourgoin
avait déja été employé avec succès à la cour de Madrid
1
( 303 )
1
avant la mort de Louis XVI , et la guerre , qui en fut la suite
immédiate , l'on ne doutait point qu'il ne fait chargé des prémieres
conférences pour cette premiere pacification , dès qu'on
le sut parti de Paris . Il y a déja quelques jours qu'il se trouve
ici , et on le dit tonjours chargé d'une mission secrette par le
gouvernement ; mission qui ne saurait être relative qu'aux
négociations avec l'Espagne.
:
En effet , quoiqu'il ne soit encore connu rien de positi
à cet égard , le rapprochement de plusieurs faits et circons
tances fait espérer que la paix aura bientôt lieu entre les
deux puissances on allait même jusqu'à dire qu'elle était
conclue , mais que l'Espagne ne voulait pas la connaître , dans
la crainte que l'Angleterre n'interceptât ses vaisseaux - tevenant
des Indes. De pareilles suppositions sont trop vagues pour s'y
arrêter .
Ce qu'il y a de certain , c'est que les ordres les plus préont
été donnés , pour envoyer sur les derrieres tous les
équipages , qui ne sont pas d'une nécessité absolue pour
Farmée , ainsi que les prises faites sur les pays ennemis, at
Les Espagnols ayant coutume de faire leurs attaques les
grands jours de fête , l'on s'y attendait ces jours derniers
fêtes de pâques ; mais les pluies considérables ayant grossi
les eaux de la riviere , auront empéché l'exécution de leur
projet , ou peut-être , si les ouvertures de paix sont réelles ;
quelqu'autre mouf y relatif.
ITALIE.
Livorne , 10 avril . Depuis la conclusion da traité de nen
tralité , les Français font ici d'immenses approvisionnemens,
Ils achetent , argent comptant , des denrées de tonte espece ,
qu'ils expédient pour les ports de Toulon et de Marseille.
On mande de Naples que le roi a prohibé absolument l'exportation
des grains de Sicile , pour empêcher que les grains
ne soient portés en France . D'un autre côté , on apprend
qu'il y a une telle abondance de bleds à Ancone , Trieste et
même Cagliary , qu'on n'y souhaite rien d'avantage que la
permission de les exporter on sait qu'il y en a aussi de grandes
provisions en Barbarie . Le dey d'Alger qui épouse les intérêts
de la France , ne permet aucune exportation que pour cette
contrée.
Rome , 10 avril. Le pape doit partir, le 23 de ce mois ,
pour Terracine d'où il ira voir les travaux des marais
Pontins.
•
Le cardinal Dugnani , jadis nonce en France , avait laissé ,
à son départ , à la garde de son maître- d'hôtel , son mobilier
et son argenterie . Tous ces objets avaient été déclarés confis
qués pendant le systême de terreur ; mais le cardinal vient
d'apprendre que le comité de salut public a ordonné qu'ils
fussent restitués,
( 304 )
+
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
CONVENTION NATIONALE.
་
PRBSIDENCE DE SIEVI I.
Stance de duodi , 12 Floréal.
Il s'est tenu hier soir une séance extraordinaire à cause des
mouvemens qui se sont manifestés à Paris dans la section
du Bonnet de la Liberté , et dont les subsistances étaient le
prétexte . A 11 heures , on entendait de toutes parts le
rappel , mais à une heure du matin , la Convention a appris
que tout était rentré dans l'ordre , elle a décrété que les auteurs
et fauteurs du trouble seraient poursuivis par le tribunal
criminel du département , et elle s'est séparée.
La lecture du procès-verbal donne occasion d'ouvrir une
assez longue discussion sur le décret rendu il y a peu de
jours , qui attribue au comité de législation le droit de rayer
définitivement de la liste des émigrés ; mais en Soumettant
néanmoins ses arrêtés à l'approbation de la Convention ,
Plusieurs membres en demandent le rapport. Serres dit que
sous le prétexte du fédéralisme , des patriotes absens de leur
domicile et qui s'étaient cachés , ont été mis sur cette liste
quoiqu'ils ne soient jamais sortis du territoire de la Répu
blique. D'autres veulent qu'avant de prononcer , le comité
soit tenu de faire imprimer les noms et les motifs des réclamans
; enfin , il y en a qui pensent qu'il faudrait rejetter
dorénavant toutes ces réclamations . Les propositious faites
sont renvoyées au comité de législation ..
Isnard est nommé pour aller en mission dans le département
des Bouches- du-Rhône.
Jean-Bon- Saint- André obtient la parole par motion d'ordre.
Il parle de la liberté de la presse . Il établit la nécessité de
la conserver dans toute son étendue , si l'ou ne veut voir
bientôt la tyrannie se relever. Là où cette liberté existe ,
dit-il , le trôme d'un ytan ne peut exister , et là où elle
est comprimée, toutes les portes de la tyrannie sont ouvertes . It
ne veut pas que l'on confie au gouvernement la direction
de l'esprit public dans la crainte qu'il n'en abuse pour le
corrompre et étouffer la liberté , et il cite l'exemple de
Robespierre qui obligeait tout le monde à le louer , sous
peine de proscription ; cependant il convient que quiconque
proposerait un roi, ne commettrait pas une erreur , mais un
exime ; ce qui n'empêche pas de présenter ses vues sur la
meilleure
( 305 )
meilleure organisation sociale . Ce n'est pas comme écrivain
qu'un auteur doit être poursuivi , mais comme perturbateur
de l'ordre public . Jean- Bon propose de décréter que le gouvernement
ne puisse exercer aucune censure sur les écrits
livrés au public par la voie de l'impression . Renvoi à la
commission des onze .
Chenier , au nom des comités de salut public , sûreté générale
et législation , fait le rapport attendu sur la situation
intérieure de la République . Il dit qu'une mollesse anarchique
a succédé à l'énergie despotique du gouvernement révolu
tionnaire . Les autorités constituées déconcertées par des clameurs
que l'on affecte de confondre avec l'opinion publique
ne font pas exécuter les lois . Les tribunaux sont paralyses . ,
Le gouvernement des groupes , qui change d'heure en heure ,
offre le systême le plus effrayant d'anarchie , c'est sur-tout
contre la Convention que les terroristes et les royalistes se
sönt coalisés .
Chenier ne lui dissimule pas qu'ils sont nombreux , et levent
audacieusement la tête . Les émigrés conçoivent un coupable
espoir , ils publient qu'ils ont des amis puissans dans la Répu-"
blique. On écrit de Suisse qu'il en est beaucoup rentré en
France , et de célebres ; mais on a donné des ordres pour les
traduire devant les tribunaux . ( Applaudi . )
On a dit souvent , continue Chenier , qu'il ne faut pas parler
de religion dans la Convention , mais lorsqu'une opinion religieuse
devient un prétexte pour violer la loi , ce n'est pas cette
opinion qu'il faut punir , mais la loi violée. Des hommes
déportés , pour avoir refusé de faire partie du corps social
rentreat journellement , se répandent dans les campagues ,
et abusent de leur influence sur les ames faibles , pour exciter
des passions et des mécontentemens . is poussent l'intolérance
jusqu'à persécuter les prêtres qui ont lié leur sort à
celui de la révolution . Ils enfreignent la loi du 3 ventôse
sur l'exercice des cultes . Ils prêchent la royauté . Ils veulent unë
religion dominante . Sans doute que personne ne veut peser sur
les consciences ; mais les ministres d'une religion quelconque
doivent respecter les lois de la République , ne pas signaler
comme des impies les acquéreurs des biens nationaux et ne
pas scier les arbres de la liberté .
Le rapporteur termine en assurant à la Convention qu'elle
ne sera pas réduite à voiler la statue de la liberté , mais
qu'il n'y a pas un moment à perdre ; que si une excessive
rigueur est tyrannique , trop d'indulgence est anarchique ;
et il propose le projet de décret suivant , au nom des trois
comités réunis :
Art. 1er. Tout émigré trouvé sur le territoire de la Répu
blique sera sur-le - champ traduit devaut les tribunaux pour)
y être jugé conformément aux dispositions de la loi du
25 brumaire dernier.
Tome XV.
V
( 306 )
1
• II. Les individus qui , ayant été déportés , sont rentrés :
fans la Republique , seront tenus de quitter le territone-fran- ,
çais dans espace d un mois : passé ce tems , s'ils sont trouvés ,
apies la publication de la presente loi sur le territoire , ils
seront punis de la même peine que les émigrés .
„ , III . Les autorités constituées , chargées de faire exécuter ,
la loi du 21 germinal dernier sur le désaimement des hommes
qui ont participe à la tyrannie exercée avant le 9 thermidor ,
redigeront par écrit les motifs de désarmement de chaque individu
, les transmettront à l'individu désarmé , et les transmauront
également au comité de sûreté générale pour la commune
de Paris , et aux administrations départementales pour .
toutes les autres communes de la République , à la charge
Ppaarr le comité ou les administrations de statuer definitivement
sui les reclamations qui pourraient survenir.
„ , IV . Il est enjoint au comité de sûreté générale et à toutes ›
les autorites constituées de faire arrêter et traduire devant les
tribunaux criminels les individas qui , par leurs écrits ou
leurs discours séditieux , auront provoqué l'avilissement de
la représentation nationale où le retour de la royauté .
» V. Les individus , convaincus des delits énoncés dans
l'article précédent , seront baunis à perpétuité du territoire
de la Republique . Si toutefois les provocations ont eu lieu
dans un rassemblement , les coupables seront punis confer
mement à la loi du 1er , germinal , sur les assemblemens
séditieux .
VI. Le comité de législation présentera , sous une
décade , un projet de loi contre les calomniateurs.
•
" VII. Le comité d'instruction publique prendra tous les
moyens d'encouragement nécessaires pour diriger les
écoles , les theâtres et généralement les arts et les sciences ,
vers le but unique des travaux de la Convention`nationale ,
celui d'affermir la République. Le comité rendia compte
tous les mois de l'exécution de cet article .
" VIII. Les comités de salut public et de sûreté générale
feront , le premier de chaque mois , à la Convention na
tionale , un rapport de l'esprit public .
IX. Les lois antérieures sont maintenues dans tout ce
qui n'est point contraire au présent décret . „1
La discussion s'ouvre , le premier article est adopté sans
réclamation ; le second , relatif aux déportés , donne lieu à
quelques debats . Il est décrété avec un amendement qui fixe
un mois le délai , passé lequel les déportés rentrés , qui ne
seraient pas sortis , seront traités comme émigrés.
Thibaudeau combat l'art. III . Il déclare qu'un grand nombre
de communes se sont emparés des églises , et que la loi du
3 ventôse , est tellement conçue qu'elles ont
avaient le droit de les reprendre.
cru qu'elles
Un membre dit qu'elles
( 307 )
>
sont des propriétés communales , et qu'en laissant aux citoyens
la liberté du culte , on ne peut pas les priver des moyens de
l'exercice .
१.
Andre Dumont : Ce ne sont pas les communes qui violent
la loi , mais quelques individus de ces communes qui prêchent
qu'il faut se faire rendre les églises , donuer le logement aux
ministres du culte catholique , et payer la dîme a la prochaine
récolte . Ce sont ceux là qu'il faut mettre en détention pendant
six mois .
1 Lanjuinais dit qu'il n'y a pas de loi pire qu'une loi vague ,
et que celle du 3 ventôse est la plus vague de tonies . Qu'elle
demandait des dispositions de détail . Il conclut au renvoi de
cet article aux comités . Décrété .
L'art. IV est adopté avec l'amendement portant qu'on -donnera
au désarmé les motifs de son désarmement.
Les art . V et VI sont combattus par Tallien qui invoque la
liberté de la presse comme le palladium de la liberté publique .
D'ailleurs , quel vague effrayant , quelle épouvant ble latitude
dans ces mots : Provoquer l'avilissement de la représentation nationale
! Celui qui se plaindra de quelques hommes revêtus du
pouvoir sera peut-être accusé de ce crime. Ainsi , cet article
prête à toutes les interprétations qu'on voudra lui donner. il
faut arrêter et punir ceux qui parleraient pour la royauté , mais il
faut que l'article soit précis , que les cas scient déterminés , et
la loi rédigée de maniere qu'elle ne prête pas à l'arbitraire .
Louvet défend ces articles ; il dit que la liberté de la presse
n'emporte pas le droit de ne répondre en aucune façon de
ce qu'on avance ; de même que le droit de porter un sabre
à son côté ne donne pas celui de le passer au travers du corps
du premier venu. Il conclut pour l'adoption . Elle est décrétée .
Les autres le sont également après une légere discussion .
Séance de tridi , 13 Floréal.
Sevestre , au nom du comité de sûreté générale , rend compte
de la situation de Paris . Il est calme , les projets des malveillans
qui voulaient faire piller les subsistances et ensuite les propriétés
sont déjoues . Dans la nuit du 11 , ou a remis à un marchand
de liqueurs , section du Bonnet- rouge , un billet de
400 liv.., pour en distribuer à ceux qui en demanderaient.
Le comité de sûreté générale est à la poursuite de ces agitateurs.
Dentzel : Le discrédit des assignats fait hausser les denrées
avec une rapidité vraiment effrayante , et qui ne permet plus
au peuple de pourvoir à ses besoins . Je demande qu'on ouvrela
discussion sur les finances.
Louvet observe que la premiere question relative aux finances
est celle qui a pour objet les biens des condamnés , parce
qu'avant d'assigner une hypotheque à la monnaie républi
V 2
( 308 )
"
caine , il fant désigner les biens à conserver et ceux qui sont
à vendre. La discussion s'ouvre sur cette question .
1.
Guyomard parle le premier , et dit qu'en proposant dev
rendre les biens des condamnés c'est nue amnistie générale
qu'on demande , car parmi eux il y a des émigrés , des dilapidateurs
et des tyrans . Rendra- t - on la famille d'Orléans ,
nommée Egalité , qui lorgnait le trône , ses biens , à Robespierre
à Henriot , à la commune conspiratrice ? En révolation
, l'on est quelquefois obligé de s'écarter des formes de la
justice. Lés conspirateurs , les traîtres avaient le même but
que les émigrés , celui de tout bouleverse . Faudra - t il aussi
garantir les biens de tous les dilapidateurs ? D'ailleurs , vous
rendrez à ceux qui avaient ; mais ceux qui tiraient leurs subsis
tances des travaux , de l'industrie , du génie de parens qu'ils
ont perdus , que mettrez vous à la place de cette source féconde
de prospérité ? Guyomard propose de créer une commission
qui sera chargée de faire la revision des procédures , d'après
les pieces et renseignemens sur la moralité et le civisme des
condamnés , renseignemens qui seraient puisés dans les divers
cantons . Et dans le cas où l'on jugerait la revision impossible
, Guyomard demande que l'on accorde aux familles ,moyennant
l'exhibition de certificat de civisme , des secours un peu
considérables.
1 Louvet fait un discours éloquent qui produit une grande
sensation et qui est également fort de raisonnement et de sensibilité
. Il peint Robespierre. Le barbare , dit - il , a dévoré
dans sa fureur plus de citoyens que nos armées victorieuses
n'ont détruit d'ennemis . L'orateur retrace l'énergie , le patrio- .,
tisme , les lumieres de Phelippeaux , Camille des Moulins
Valazé , qu'il appelle le Caton de son siecle , et autres victimes
qui ont péri , et il ajoute , on vous crie de ne pas regarder'
en arriere ! N'avez - vous donc pas a rappeller les moeurs
la vertu , la justice ? La tyrannie a bien regardé en arriere'
pour les exiler , regardez aussi en arriere pour les reprendre ,
les ramener en triomphe et les consacrer de nouveau . Mais ,
dit- on , il y a beaucoup de propriétés à restituer. Plût au
cicl qu'il y en cût moins ? qu'on n'eût pas mené les victimes
au supplice par charctées ? S'il y a eu des coupables condamnes
, ils sont punis , ils sont morts ; mais leurs veuves
et leurs enfans vivent , et ils sont dépouillés , et ils sont
innocens. Le royalisme s'agite pour déjouer ses folles espérances
, unissez- vous pour faire aimer la République . Louvet
conclut en demandant que hors le cas d'émigration la confiscation
soit abolie , que les biens des condamnés soient rendus ,
et le prix restitué lorsque les ventes seront faites.
Viltard s'éleve contre le projet de rendre indistinctement
leurs biens à toutes les familles des condamnés . Boissy d'Anglas
soutient au contraire qu'uue revisision est impossible,
La discussion est renvoyée au lendemain .
1
( 30g )
1
Séance de quartidi , 14 Floréal .
Thibaud , 20 nom du comité des finances , dit ene la
malveillance
ne s'occupe qu'à augmenter
le discrédit
det
assignats , et qu'elle a répandu le bruit qu'on avait contrefait
les assignats de cinq cent liv . , et que la trésorerie
en faisait
fabriquer
de vingt - cinq mille liv. Il déclare ces deux faits
également
faux . Insertion
au bulletin .
Feraud qui revient de l'armée devant Mayence dément
aussi le bruit qui s'était répandu d'après un article du Courrier
Républicain , que le 14 avril dernier , nous avons essuyé
nu échec devant cette places I assure que depuis le 6 jusqu'au
23 où il a quitté cette armée , nos troupes ont toujours
été victorieuses . Renvoi au comité de sûreté générale.
Marec , au nom du comité de salut public , fait décreter
l'établissement à Brest d'un jury militaire et d'un couseil
martial pour examiner la conduite des marins détenus par
suite des combats livrés aux Anglais le 9 et le 13 prairial ,
an deux .
Cambacérès , au nom du même comité , présente un projet
de décret tendant à autoriser ce comité à donner une mission
particuliere , dans les cas où il le jugera nécessaire , mission
déterminée par le tems ou la nature de l'affaire à un ou
deux de ses membres . Il dit que c'est à l'Assemblée à juger
dans sa sagesse si elle peut ajouter cette marque de confiance
à toutes celles qu'elle a dounées jusqu'ici au comité ,
Le projet est adopté .
La discussion continue sur les biens des condamnés . Rafron
parle contre la restitution , Graud en faveur. Saint - Martin
sécarté de l'opinion de Louvet en ce qu'il ne pense pas qu'on
doive abolir les confiscations , hors le cas de l'émigration ;
elles ne sont pas injustes par e les - mêmes , mais par l'abus qu'on
en fait et il demande qu'elles soient admises pour les crimes
contre la sûreté intérieure et extérieure de l'état , et que dans
ce cas on réserve néanmoins un tiers des biens pour la veuve
e les enfans des condamnés , et qu'on les réstitue tous sans
distinction aux parens de ceux qui l'ont été sous le régime
affreux de la terieur.
Rewbel dit qu'il y a eu des traîtres dans l'interieur qui ont
péri justement , ne fût-ce que ceux qui ont livré loulon aux
Anglais , et que d'après quelques propositions faites , il serait
plus avantageux d'être paient d'un condamné que d'un défenseur
de la patrie , mort en combattant pour elle ; qu'il sait que la
République ne peut pas fonder sa prospérité sur le sang injus
tement répandu . Mais qu'il se doit tout entier à la patric .
Il demande que l'on maintienne le principe de la confiscation ,
qu'on restitue les biens des condamnés sous la tyrannie , mais
qu'on assigne de quoi vivre à la veuve , qui n'ayant point
1
V 3
( 310 )
d'enfans ne peut pas hériter , et qui a le plus souffert de la
perte du condamné . A l'égard des biens vendas , il propose
d'en restituer la valeur en bons qui ne pourraient être employés
qu'en achat de biens d'emigrés , pour attacher à la
révolution les parens des coudamnés et les y interesser.
Dubois - Crance pense que du jour où la déclaration des
droits a été recounne , les confiscations ont été abolies . Les
cufans ne doivent pas être punis pour les crimes de leurs peres.
A l'égard des biens des emigrés , ils nous sont legitimement
acquis, parce qu'ils ont rompu le pacte social ; mais il faut aussi
fixer le sort de la maison de Bourbon . Dubois- Crancé pense
qu'ils doivent être déportés , leurs biens confisqués , et recevoir
une pension telle qu'ils ne puissent ni donner de l'ombrage
mi se plaindre de notre injustice.
.
等
Berlier, Lanjuinais , Laçioix , Laignelot , Vernier parlent
encore en faveur de la restitution ; la discussion est fermée ,
et sur la rédaction de Tallien la Convention décrete que le
principe de la confiscation est maintenu à l'égard des conspirateurs
, des émigrés , des fabricateurs de faux assignats , de
fausses monnaies et des dilapidateurs de la fortune publique ;
enfin , de la famille de Bourbou ; que les biens des condamnés
depuis le roo mars 1793 jusqu'à ce jour seront restitues , sauf
les exceptions , et sans qu'il soit besoin de révision , et reavoie
au comité de législation , pour présenter la série des exceptions
et le mode de la restitution .
་
Séance de quintidi , 15 Floréal.
[
Un citoyen fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage intitulé :
Histoire des plantes des Pyrénées , et il annonce qu'il est le
fruit de vingt années de recherches et de travail . Roujét dit que
c'est la premiere production de ce genre dont la nation puisse
vraiment se glorifier , et qu'elle n'aura plus rien à envier aux
étrangers de ce côté , et il demande que pour récompenser
J'auteur , chaque bibliotheque publique et chaque école centrale
fassent l'acquisition d'un exemplaire de cet ouvrage . Renvoi
au comité d'instruction publique pour faire un rapport .
La section des Tuileries s'éleve contre l'effet réoactif donné
à la loi du 17 nivôse sur les successions et donnations . Lan.
juinais dit que le comité de legislation l'a chargé de faire
un rapport à ce sujet et qu'il le présentera dans trois jours .
Dannou , au nom de la commission des onze : Le moment
n'est pas loin où le peuple français doit jouir du bienfait
d'une constitution républicaine ; il est même trop prochain
pour que la Convention doive organiser un gouvernement
provisoire ; il suffit de vivifier le gouvernement actuel et de
Fui douner , saus compromettre la liberté publique , l'intensité
nécessaire au maintient de l'ordre social. Sans doute que
le systême actuel de gouvernement n'est pas celui que réclament
( 311 )
+
•
les principes naturels de l'organisation sociale , il n'est pas
même celui qu'ndiquaient les circonstances , soit au commencement
de la session , soit apres leg thermidor . Mais
tel est le malheur attaché aux institutions de ce genre , n'après
qu'il a ere, dangereux de les crse , it devient quelquefois inprudent
de les abolir précipitamment. Si l'on établissait surle-
champ un conseil executif hors de la Convention si
on lui donnait toute l'activite et l'indépendance qui appartient
naturellement à la puissance executive ; qui oscrail promene
que ce pouvoir , etranger aux perila , aux me'heurs , à la
responsabilité de la Convention , ne serait pour un centie
de ralliemeat pour les malveillans , un point d'appui aux
iutrigues , on qu'en butte à la defiance et l'objet habituel des
soupçons , il ne soit pas bientôt placé dans un état de défaveur
qui le rende nul ? Si l'on assujettit ce conseil à la sur
veillance du comité de salut poblic , Pon sert du sentier des
principes , l'on confond les pouvoirs , et l'on brite l'unité
d'action. Ainsi , il ne faut pas detruire , mais ameliorer ce
qui existe . Ce qui n'est pas constitution est toujours plus
ou moins anarchie , plus ou moins dictature . Dans son interregne
, la licence et l'anarchie se dévorent tour- à tour.
Daunou propose . d'après ces principes , de concentrer l'autorité
publique dans les deux comités de salut public et de
sûreté générale , et de ne reserver à celui de legislation que
quelques attributions particulieres , et il presente le projet
de décret suivant :
" Art. Ier Jusqu'à ce que les lois constitutionnelles soient
mises en activité , le gouvernement sera confié aux seuls
comités de salut public et de sûreté générale , sauf les excep
tions et modifications ci -après..
" II. Le comité de sûreté générale conservera ses attributions
actuelles ; il est de plus chargé de la direction de la
force armée dans Paris .
1
" III . Le comité de législation conservera les fonctions
qui lui sont attribuées par la loi du 29 nivôse , relativement
à la révision des jugemens criminets , intervenus pour delits
révolutionnaires , et par celle du 12 foréal , relativement aux
réclamations des prevenus d'émigration .
ཡཾ
,, IV. Le comité des finances conservera ses attributions
excepté la surveillance et la direction de la trésorerie ,
sont attribuées au comité de salut pubic.
qui
Il n'est rien changé aux attributions des comités des
décrets et des inspecteurs du palais national .
202
,, VI. Sauf ees exceptions , le comité de salut public est
chargé exclusivement de la direction et de la surveillance
de toutes les parties de l'administrrtion
VII. Les autres comités demeurent chargés de la préparation
at de la présentation des lois .
V 4
( 312 )
, VHI. Le comité de salut public ne pourra proposer
ancun projet de décret ; il pourra seulement taire des rapports
sur les diverses parties de l'administration .
IX . Les comités de salut public et de sûreté générale
seront composés de douze , membres élus et renouvelles dans
la forme établie .
X. Les commissions exécutives continueront d'exercer
leurs fonctions..
1
" XI . Les nominations pour les administrations de dépar
temens seront faites, par le comité de salut public ; celles
pour les disricts seront faites par les départemens ; et celles
pour les communes , par les départemens , sur l'avis des
districts..
" XII . Le comite de sûreté générale nommera aux comités
révolutionnaires ., 1997. 514
La Convention ordonne l'impression du discours et du
projet de décret .
$ 3 On procede à l'appel nominal pour le renouvellement du
comité de salut public . Il en sort cinq membres , parce que
Lesage ( d'Eure et Loir ) opte pour la commission des onze .
Les autres quatre membres sortans sont ; Marec , Bréard
Creusé Latouche et Chasal ; ceux qui les remplacent sont ;
Treilhard, Vernier , Fermont , Rabant et Doulcet-Pontecoulant.
Séance de sextidi , 16 Floréal.
Il y a eu hier soir une séance extraordinaire
pour renouveller
le comité de sûreté générale . Rovere , Clausel , Guffroy et
Thibaudeau sortent ; Kervélégau , Guyo nard , Bergoin et
Pierret leur succedent...
1
Dupin , après la lecture du procès - verbal , exprime sa
sensibilité sur le bruit qui se repand qu'il est l'auteur du
supplice des ci - devant fermiers - généraux . Il déclare qu'il était
Convaincu de l'innocence de la plupart d'entr'eux , et que son
rapport du 16 floréal an 2 fut rédigé.
3. D'après cette conviction , il a proposé que le séquestre mis
sur leurs biens fût converti en une simple opposition pour
xla sûreté de ce qui peut être dû à la nation . Renvoyé au
comité des finances .
Johannot soumet à la discussion le projet de finances . Il
dit que les cédules d'hypotheque portant sur l'estimation de
la valeur à fonds hypothéqué d'après celle du marc d'argent
fin offriront un gage d'une valeur assurée et invariable , et
que l'établissement d'une banque , qui prêterait sur le dépôt
des cédules , contribuera au succès de ce plan , et qu'on
n'objecte, pas , que c'est substituer un papier à un autre . Un
papier libre ne saurait se comparer à un papier forcé ayant
Cours de monnaie . Gependant , Johannot convient qu'il n'y
a point de plan de finances sans inconvénient ; celui qui
•
( 313 )
prétendrait guérir promptement les plaies profondes que la
France a reçue , ne serait qu'un empirique ; l'état de choses
duquel nous sortons est sans exemple ; la sagesse en cherchant
des remedes ne trouve que des palliatifs plus ou moins
favorables , et il n'y a de veritables espérances de restauration
dans les finances , que dans un gouvernement et la
paix.
Dubois - Crance obtient la parole après Johannot , et attaque
son plan. Son discours est vivement applaudi , et il présente
un projet de décret qui en est le résumé , et qui est conçu
en ces termes :
66 Art. Iér . D'ici au premier fructidor prochain , tous les
assignats de vingt- cinq livres et au - dessus , seront portés au
trésor national , pour y recevoir un timbre , afin de connaître
la quantité circulante , d'écarter les assignats /fax et faciliter
le remplacement de ceux qui sont dégradés . Passé ce terme
les assignats qui n'auront pas été portés au timbre , ne seront
plus reçus dans la circulation , et seront néanmoins admis
en paiement des biens nationaux , jusqu'au 1er germinal de
l'an 4. Les assignats qui rentreront provenant de l'arriéré et
des ventes des beis , seront employés de nouveau . Il ne sera
plus fabriqué de nouveaux assignats ; les formes , poinçons et
matrices seront brûlés dans trois jours . Il sera fabriqué pour
150 millions en monnaie de cuivre . L'assignat en circulation
conservera toute sa valeur nominative , et personne ne sera
forcé de payer en argent plutôt qu'en assignats .
,, II . La contribution fonciere , pendant la guerre , sera perçue
en nature; les terres de grande culture seront divisées en
bonnes , médiocres et mauvaises ; les premieres païeront le
dixieme ; les secondes , le quinzisme ; et les autres, le vingtieme ;
les vignes paieront le vingtieme du produit. Les prés , les bois ,
les chenevieres , les lins , les oliviers , les fruits à cidre paieront
le dixieme ; les légumes , les fruits à couteau et à
payeront aussi le dixieme par estimation . La journée de l'ouvrier
des villes se déterminera de gré à gre ; la journée de
l'ouvrier des campagnes sera fixée sur la valeur de dix livres
de blé par jour , le prix du blé étant calculé sur les mercuriales
de chaque décade , etc. ",
noyau
Le discours et le projet de Dubois- Crancé seront imprimés .
PARIS . Nonidi , 19 Floréal , 3º . année de la République .
La valeur des matieres d'or et d'argent dans ses rapports
avec les assignats a considérablement haussé ces
jours derniers . 24 liv . en numéraire se sont achetés jusqu'à
360 liv. en papier. Il ne faut pas regarder cette
(( 314 )
hausse de l'un et cette baisse de l'autre comme un signe
infalible du discredit de ce dernier. Tout cela tient
un jeu effrené d'agiotage qui , en faisant du crédit
public une affaire de spéculation , lui fait subir malheureusement
toutes les variations de la cupidité. Létablissement
d'une bourse assujett e à un bon réglement
de police , et un systême d'amélioration dans les finances
peuvent seuls mettre un frein à ces calculs , et ramener
Je crédit et la confiance à son véritable tarif. Mais pour
cela il ne faut pas des plans partiels , étroits et incomplets
; il ne faut pas décréter par fractions la restaura
tion des finances. Il faut ne jamais perdre de vue ces
deux données du problême : Reduire le plus possible la
quantité des assignats ; réduire le plus possible les dépenses de
Bitat.
Tant qu'on ne fera pas coïncider ces deux moyens ,
toute espérance de crédit sera vaine , toute mesure de
détails insuffisante , le dernier de ces moyens ne peut
recevoir son effet qu'à la paix . Le premier est d'une exécution
plus immédiate . On peut préparer dès ce moment
les voies de retrait d'une partie de la masse des assignats,
et quand une paix générale aura permis à la France de
connaître sa situation , ses besoins et ses ressources , et
de se donner un gouvernement solide , alors viendront
les moyens d'économie et tous ceux dont l'exécution
pourra se réaliser ; alors le crédit se relevera et marchera
dans la progression de la confiance et des bonnes opé
rations du gouvernement. Jusques - là on ne peut raisonnablement
compter que sur des palliatifs plus ou moins
efficaces. C'est une vérité sentie par tous ceux qui ont
un peu médité sur l'enchaînement des causes des effets.
Que faire donc ! travailler sans relâche à accélérer cette
époque du salut public .
La socité et les lettres viennent de faire une perte irréparable
dans la personne , du ci- devant abbé Barthelemy , garde
du cabinet des médailles , mort le 10 de ce mois , dans un
age très -avancé.
Cet écrivain célebre unissait à une vaste et solide érudi
tion un esprit très-orné , un goût pur , un style élégant et
correct ; i unissait , ce qui est plus précieux encore , aux
connaissances et aux talens , l'améuité des moeurs et les vertus
sociales . It a joui du bonheur , bien rare , d'avoir pour amis
les personnes les plus distinguées de tous les étais , et dé
D'avoir aucun ennemi qu'on puisse nommer.
"
Un grand nombre de mémoires sur les langues anciennes ,
( 313 )
"
les inscriptions et d'autres objets d'antiquité , l'avaient plaed
dès long- tems au premier rang des érudits , lorsqu'à près de
So ans , il publia le Voyage du jeune Anacharsis , tableau précieux
de l'ancienne Grece où les traits les plus fideles de
l'histoire prennent la forme et l'intérêt du roman . Le succès
éclatant et mérité de cet ouvrage aussi intéressant qu'instructif,
nous dispense d'en faire l'éloge ; mais rien ne dispensera
sans doute cenx des amis de Barthelemy qui sont
dignes d'apprécier ses talens et ses travaux , et qui ont connu
tous les détails de sa vie privée , de rendre à sa mémoire un
hommage plus digne de lui que cette esquisse informe , tracée
à la hâte et sans art , par un de ses confreres , et de ses plus .
sinceres admirateurs.
S'il faut en eroire l'extrait d'une lettre de Marenne , dépar
tement de la Charente inférieure , du 30 germinal , les trois
déportés , Billaud , Collot et Barrere sont arrivés à la citadelle
d'Oléron ; nous n'avons pas eu leur visite , on les a embar
qués à la Rochelle pour les y conduire . Ils sont tous trois
fogés dans le même appartement ; chacun un lit ; factionnaire
à la porte. Matin et soir on leur permet de sortir pour prendre
Fair , accompagnés de l'officier de garde . Tu vois que ce serait
mal à -propos s'ils se plaignaient de n'être pas traités avec
égards. La Convention est juste et sévere , mais humaine .
Proclamation des chefs des chouans aux citoyens des campagnes.
du 2 floreal , troisieme année républicaine , ( 21 avril 1795 , v . st. ).
Braves habitans des campagnes , propriétaires et cultivateurs ,
écoutez -nous :/
Alarmés sur votre sûreté personnelle , opprimés dans toutes
les choses qui sont les plus cheres aux hommes , inquiétés sur
vos propriétés , vous nous avez confié vos intérêts que nous
avons pris à coeur plus vivement que les nôtres .
Aux horreurs de la guerre civile , aux désordres innombrables,
qui l'accompagnent , vont succéder la concorde et la
paix ..
Nous avons plaidé vos intérêts . Nous avons de la part des
représentans , les promesses et les assurances les plus fortes et
les moins équivoques ; vous pouvez compter qu'ils vont se
réunir à nous pour rétablir le bonheur , au milieu des campagnes
. Na ka , m
Les prisons ne seront désormais que pour les malfaiteurs
vos propriétés , vos personnes deviennent sacrées par les lois
tous les sacrifices que vous avez faits , auront leur récompense ;
mais le premier de tous , celui qui importe le plus à votre
prospérité , est celui d'étouffer tout sentiment de vengeance.
Oublions les injures , les torts et les atrocités commises.
Quand on fait la paix pour le bonheur de tous , les ressent
( 316 )
1
mens particuliers doivent s'effacer . Par conséquent , plus d'ar
restations sur les grandes routes , plus d'assassinats et plus de
ees violences que la cupidité et l'intérêt dirigent presque ton
jours , et qui confendent ordinairement l'innocent avec le
coupable. L'on ne doit plus songer qu'à l'intérêt comman ,
qui résulte de la libre communication sur toutes les routes ,
de la liberté des marchés , des approvisionnemens et des
échanges.
Après vous avoir assuré tous ces avantages et la tran.
quillité dans vos foyers , nous consentons et nous adhérons
à la paix qui nous est proposée an nom de la justice ee
de l'humanité , afin de laisser aux représentans , qui montrent
une juste horreur pour les crimes qui ont désolé notre patrie ,
les moyens d'y établir un gouvernement stable , qui rende le
bonheur à la France.
1.
Fait au quartier général de la Prévalaye , ce a floréal , l'an
3. de l'ère républicaine , 21 avril 1795 .
Signés , COMARTIN , GHANTREAU , SOLIHAC , BOIS , HARDY ,
MAUTIÉ , ( de la Reitrie ) , BUSNEL , BELLEVUE , GESLIN ,
GOURLET , GUIGNARD le jeune , JARRY , TERRIEN , Lefaivre ;
LIFAIVRE
DEMEAULNE , DESILE l'aîné , L'HERMITE , LAMBERT , LANTIVY ,
( de Nantais ) , GAUBERT ( de la Nourais ) , DureUR.
NOUVELLES OFFICIELLES.
A
Ratification par le roi de Prusse du traité de paix avec la.
République Française .
Nous , Frédéric Guillaume II , par lla grace de Dieu ,
roi de Prusse , margrave de Brandebourg archi- chambellan
et prince électeur du saint empire romain , souverain duc
de Silésie , souverain prince d'Orange , de Neufchâtel et de
Valangin , ainsi que du comté de Giutz , duc de Gueldre ,
de Magdebourg , de Cleves , de Juliers , de Bergues , de
Stettin , de Pomeranie des Gassubes el Vandales , de Mecklenbourg
et de Crossen , bongrave de Nuremberg , prince de
Halberstadt , de Minde , de Vandalie , de Suérin , de Raizbourg
d'Ostfrise et de Meurs , comte de Hohenzollern , de Rupin , de
Lamarck , de Ravensberg , de Hohenstein , de Lucklembourg ,
de Saerin , de Lingue , de Bure et de Leerdam , seigneur de
Ravestein , de Rostock , de Stargard , de Limbourg , de Lunebourg
, de Buton , d'Adtay et de Bréda , ele .
Savoir faisons à quiconque il appartiendra. Les pourparlers
survenus entre nous et le gouvernement français , au
sujet d'un échange de prisonniers de guerre respectifs , ayant
eu l'heureux effet de mettre au jour les dispositions réci(
317 )
preques à rétablir entre les deux puissances la paix et la
bonne harmonie , il en est résulté une négociation tendante
à ce but salutaire , auquel nous étions également appellés
par le double desir de delivrer nos bons et fidelles sujets des
calamités inévitables de la guerre , ´et de contribuer , autant
qu'il dépendait de nous , à en faire cesser les fléaux en
Europe ; et les plenipotentiaires nommés de part et d'autres ,
pour traiter à ce sujet , savoir , de notre côté , le sieur
Charles Auguste , baron de Hardemberg , notre ministre
d'etat , de guerie et du cabinet , chevalier de l'ordre de
F'Aigle- Rouge , de l'Aigle Blanc et de Saint - Stanislas , etc. ; /
et du côte de la République Française , le sieur François
Barthelemy , son ambassadeur en Suisse , etc. , ayant conclu
et signé à Bâle , le 5 du présent mois , un traité de paix.
Suivent les articles que nous avons rapporté .
" Nous , après avoir lu et examiné ce traité , l'avons
trouve conforme à notre volonté , en tout et chacun dés
points et articles qu'il renferme , et les avons en conséquences
accepies , approuvės , ratifiés et confirmés pour nous et nos
successeurs , comme nous les acceptons , ratifions et confir
mons par les présentes ; promettant de les accomplir et observer
sincérement et de bonne foi , et de ne point permettre
qu'il y soit contrevenu de quelque maniere que ce puisse
être
" En foi de quoi , nous avons sigué ces présentes de notre
main et y avous fait apposer notre sceau royal . 1
3.
>
Fait à Berlin , le 15 avril de l'an de grace mil sept cent
quatre-vingt- quinze , et de notre regne le neuvieme.
Signé , FRÉDÉRIC- GUILLAUME , roi de Prusse..
TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
Suite des délits imputés aux ex-juges et aux ex-jurés.
Parmi les dépositions nombreuses qui ont été entendues
dans cette affaire , on a remarque celle de Robert Wolff ,
commis du tribunal depuis son établissement, « J'ai entendu ,
a-t-il dit , Fouquier à la buvette , calculer froidement le nombre
des victimes jugées dans les décades précédentes , celles qui
devaient l'être dans la suivante ; il y en avait quatre à cinq cents
par décade . Il faut que cela aille , disait il . Je l'ai vu intimement
lié avec le maire Fleuriot. J'ai vu traduire à la bou
cherie nombre d'individus venus de tous les points de là
République dans deux heures , ils étaient envoyés au supplice ;
plusieurs n'avaient jamais reçu leur acte d'accusation , et ceux
qui les recevaient , ne les avaient qu'en montant pour être
jugés. En voici la raison.
( 318 )
On faisait faire au greffe autant de copies de l'acte d'accu
sation qu'il y avait de jurés , une pour le président et une
pour l'accusateur public . Souvent on passait la nuit à ce travail;
les prénoms et les noms souvent étaient en blanc. Pour
les remplir , on attendait qu'on les eût découverts dans les
différentes prisons , on avait un homme payé pour les découvrir
, et à mesure qu'on les trouvait on remplissait leurs noms
dans les actes d'accusation . De - là viennent ces blancs , ces
ratures , ces lacunes , qui font un des chefs d'accusation ;
d'où il suit qu'on se pouvait notifier ces actes que le jour de
la mise en jugement. Il y avait aussi des blancs de trois ou
quatre lignes qu'on remplissait par les prétendus délits
qu'on leur imputait. Souvent cinq ou six charrettes attendaient
, dès midi , les accusés qui n'étaient condamnés qu'à
trois heures.
Quand la fille Renaud fut intérrogée à la chambre du
conseil , on la meuaça d'entraîner avec elle sa famille si elle
persistait à nier le prétendu assassinat de Robespierre ; pour
la forcer à cet ayeu , on lui fit subir un nouvel interrogatoire
à la chambre du conseil , couverte de guenilles salles et dégoûtantes
; espece de question qu'on avait voulu lui faire subir ,
parce qu'étant jeune et assez jolie , elle était assez bien
mise.
Dans cette prétendue conspiration de Collot et de Robes
pierre , il était près de onze heures avant que les soixante neuf
fussent placés , lorsqu'on les mit en jugement . On leur fit à
chacun cette question : Avez - vons eu conuaissance de la conspiration
? Sur la negative , on passait à un autre . Même question
, même réponse . Si quelqu un d'eux insistait. Vous
n'avez pas la parole. A un autre gendarmes , faites votre
devoir. Ainsi , après ces soixante-neuf questions , ils furent condamnés
à mort en moins de quatre heures. C'est ainsi qu'on
procédait dans toutes les grandes fournées . "
Fouquier avait droit de vie et de mort.
-
Fleuriot , après le jugement de Danton , proposa de faire
arrêter le témoin et Tavernier , commis -greffier. Je les mettrai
en jugement si vous voulez , répondit Fouquier en frappant
sur la table. Mais vous désorganisez le greffe ; comment voulez-
vous que je fasse ? Ah ! c'est bien aisé ! J
Fouquier dit à Hurol , l'un des commis- greffiers , qu'il avait
déja fait guillotiner l'un d'eux , Legris , et qu'il les ferait guillotiner
tous , s'ils ne remplissaient pas mieux leur devoir.
Wolff, en parlant des jages , a dit : J'ai remarqué dans
Foucault un caractere sanguinaire , une très- grande dureté
envers les accusés : il trouvait des nobles jusques dans les
savetiers. Lors de l'arrestation de Legris , il me dit en me rencontrant
, sais- tu la nouvelle ? Legris vient d'être arrêté ; il aura
le col coupé.
*
( 319 )
Sellier avait montré d'abord un caractere assez hamain
depuis , il est parvenu à imiter parfaitement Damas dans
la manière de traiter les accuses et de leur refuser la
parole.
Je n'ai jamais connu un homme plus probe et plus hamain
que Hainy; je l'ai vu pleurer et gémir sur les atrocités dont
il était obligé d'être l'instrument .
Je n'ai jamais counu dans Naullin des sentimens inhumains
ni sanguinaires.
Je n'ai jamais remarqué dans Maire , ce éarastere avide de
sang qu'ont mauiteste plusieurs de ses collegues .
J'ai remarqué dans Trinchard un caractere plus sanguïnaire.
Leroy , maire de Coulommiers , est accusé d'avoir fait périr
plus de trente personnes de cette commune , comme dénonciateur
et témoin .
•
Rien de plus sanguinaire que Renaudia .
J'en dis autant de Prieur , qui disait , de ceux qu'il devait
condamner : «Celai- ci , est de l'anisete de Bordeaux' ; celui- la ,
de la liqueur de Mad . Anfoux . Il passait le tems des débats
à faire des caricatures des accusés.
Ce dernier fait est commun à plusieurs des jurés.
Voici quelles ont été les réponses de Fouquier , aux décla–
rations faites par Wolff.
Le témoin , a -t -il dit , Paris et d'autres ont formé une crimi
nelle coalition pour me perdre. La cause en est dans le rèssemtiment
qu'ils ont de la mort de leur ami Danton . Je nie la
premier fait imputé par le témoin . Jazzy
Si j'ai traduit par amalgame plusieurs accusés pour des faits
qui leur étaient étrangers , c'était sur les ordres du comité de
gouvervement. Les accusés recevaient leur acte d'accusation la
veille de leur mise en jugement ; et si quelquefois on a tras
vaillé tard au greffe , on n'y a point passé la nuit.
Les jagemens intervenus sont du fait des jurés et des juges :
j'assistais même rarement aux audiences . ^
J'ignorais le trouble et des mouvemens qui avaient lieu am
fauxbourg Antoine , lorsque Robespierre fut arrêté : ne le
fut d'ailleurs qu'à cinq heures et demie , et il n'en était que›
trois et demie lorsque je dis que rien ne devait différer
l'exécution , parce que rien ne devait arrêter le cours de la
justice.
Je ne mettais personne en jugement sans avoir fait constater
leur état par des officiers de santé ; et d'Ormesson , qui
avait ane attaque de goute , était d'ailleurs sain de corps et
d'esprit.
Le huitieme fait ne me regarde pas , et je n'étais pas
l'audience .
Les deux femmes Biron devaient être mises en jugement s
(1320 )
j'ignoras où était l'une d'elles : j'ai donc dû dire à l'huissier
qui me l'apprit de les amener toutes deux .
Je, n'ai pas dit qu'on mît le prisonnier au cachot ; s'il fut
guilioné , ce fut pour cause de conspiration .
Si je me suis mis à la fenêtre de la Conciergerie , c'est que
je ne pouvais sortir , parce que les accusés sortaient pour
monter dans leurs charrettes : mais je n'ai pas tenu le propos
qui m'est indiqué.
Macé , curé de Saint -Brice , s'était caché , parce qu'il´avait
appris. la démarche de l'huissier.
Je ne me souviens pas d'avoir oublié d'ouvrir des paquets ,
à décharges ; s'il y en a eu a charge qui n'ont pas été ouverts
c'est qu'il y avait d'autres preuves pour motiver la condamnation
des accuses.
Dans ' affaire de Danton et autres députés , je suis bien loin
d'avoir dit que les accusés étaient en révolte . Saint-Just , pour
surprendre ce décret , ne fit pas voir ma lettre à la Convention ,
mais on y lut celle de Laflotte , qui dénonçait la conspiration
du Luxembourg. Les accusés ont eu la parole pour se défendre ;
les jurés ont déclaré , le quatrieme jour , qu'ils étaient suffisamment
instruits ; ni moi ni personne ne pouvaient et ne devaient
parler aux termes de la loi .
Précis des dernieres séances .
--
Bu 14 au soir. Garnier de Launay , Laporte , Trinchard ,
Dupommier , ont parlé dans leur défense générale .
.
Guyard et Verney , aussi accusés , ont déclaré qu'ils s'ea
réferaient à la défense qui sera administrée par leur défenseurs .
Fouquier-Thinville a dit qu'il manquait un complément à
sa défense , les trois déportés et les membres des anciens comités
de gouvernement actuellement incarcérés . Ce n'est pas moi ,
ast- il dit , qui devrait êtte traduit ici ; mais les chefs dont j'ai
exécuté les ordres . Je n'ai agi qu'en vertu des lois du 14 fri .
maire et 23 ventôse , lois portées par une Convention investie
de tous les pouvoirs ; par l'absence de ces membres , je
me trouve le chef d'une conspiration que je n'ai jamais connue,
me volla en buite à la calomnie , à un public toujours avide
de trouver des coupables . ( Violens murmures . ) Il n'y a que
des malveillans qui puissent trouver mauvais ce que je dis .
Fouquier a ensuite repondu à plusieurs faits à lui imputes .
D 15. Caillard de la Ferriere a parlé pour Fouquier ;
Cressend , pour Boyenval et Verwey ; Viliain , pour Benoît et
Valagnose ; Boutrone , pour les juges et les jurés en masse ;
Gobert , pour Hermann , Lanne et Beausire , Domanget a
parlé dans la cause de chacun des ex-jnges et des ex jurés .
Après une instruction longue et solemnele , le tribunal a
condamné Fouquier- Thinville et 16 autres juges ou jurés , à
la peine de mort.
*
*
Le jugement a été exécuté en place de Grêve le 18 au matin .
( No. 47. )
MERCURE
FRANÇAIS.
QUINTIDI 25 FLORÉAL , l'an troisieme de la République.
( Feudi 14 Mai 1795 , vieux style. )
Explication des Charade et Enigme du No. 46.
Le mot de la Charade est Malheureux ; celui de l'Enigme est
la lettre A.
LÉGISLATION.
SUITE DE L'EXAMEN de la Constitution de 93 , et de plusieurs
questions relatives à l'organisation du Gouvernement.
III. Que la Constitution de 93 n'offre ni garantie pour la
liberté publique , ni garantie pour le Corps législatif et le
Gouvernement.
ANS les gouvernemens populaires la chose dont le
peuple doit le plus se garantir , c'est de l'abus de sa
puissance ; dans les gouvernemens représentatifs , c'est
de l'abus du pouvoir des représentans .
Je crois avoir démontré que ce qu'il y a de démocratique
dans la constitution de 93 ne donne au peuple
qu'une apparence de pouvoir dont l'exercice est même
impraticable. Mais le peu qui lui en est accordé , insuffisant
pour caractériser une véritable démocratie ,
encore devenir nuisible à l'intérêt général qui doit répeut
sulter d'une bonne législation . S il y avait dans le corps
législatif ( ce qu'il ne serait pas imprudent de prévoir) ,
un parti qui voulût faire rejetter par le peuple un projet
de loi arrêté par la majorité , ne pourrait-il pas intriguer
auprès des assemblées primaires ? L'expérience ne nous
a-t- elle pas appris ce que l'on doit craindre et de
l'esprit de parti qui s'irrite et se fortifie par les contra
dictions , et de l'esprit d'amour- propre qui sacrifie tout ,
jusqu'à la liberté publique , pour s'assurer d'un succès,
Tome XV X
( 32 )
J
Le foyer de toutes les passions et de toutes les influences
ne sera- t- il pas toujours au centre où se préparent et
se discutent les grandes affaires , et d'où il peut communiquer
ses étincelles dans les départemens ? Des ambitieux
accrédités et puissans , des agens de puissances
ennemies , ces restes épars , mais encore nombreux et
redoutables d'anciens nobles , de prêtres , de privilégiés
et de royalistes , n'auraient-ils pas des moyens d'agiter
les assemblées primaires , et d'entraver l'activité si nécessaire
de la législation ? On ne corrompt pas cinquante
mille communes ! Non ; mais ignore - t - on qu'il
suffit de quelques centaines de meneurs disséminés dans
les départemens pour exercer une influence dangereuse
et d'autant plus facile qu'elle agit sur des esprits peu
éclairés , et qui de long-tems ne sauront se garantir des
impressions qu'on voudra leur donner ? Rien ne pour
rait donc mettre le peuplé à l'abri des abus et des
erreurs de sa propre puissance ?
2
Si l'on considere l'organisation et les fonctions du
corps législatif , on voit qu'il est un et indivisible ( art . 3g ) ,
et que pour toute barriere à la précipitation de ses résolutions
l'on n'oppose qu'un intervalle de quinze jours
entre le rapport d'une loi et la discussion ( art . 57. ) .
Sont - ce la des mesures suffisantes pour garantir la
liberté publique des entreprises des représentans , et les
représentans eux mêmes de celles des factieux qui voudraient
les dominer ? Quinze jours peuvent suffire pour
laisser à chaque membre le tems de fixer son opinion
sur un projet de loi ; mais suffiront - ils pour changer
l'esprit du corps législatif lui- même , si cet esprit est
subjugué par des dominateurs ou égaré par des hommes
éloquens ? N'est - ce pas fournir au contraire à l'intrigue
tous les moyens de dresser ses plans , de préparer ses
saccès et d'arracher par l'influence l'adoption d'un
projet de loi à laquelle devrait se refuser la sagesse ?
Si malheureusement le corps législatif était divisé entre
deux partis , que ferait- on autre chose que d'ouvrir un
champ plus vaste aux passions , en leur donnant le loisir
d'aiguiser leurs armes , et de s'attaquer avec toute la
fureur qu'aurait accrue la combinaison des moyens ? Cet
intervalle de quinze jours n'a lieu que pour les projets
de loi qui doivent être présentés à l'acceptation du
peuple. Mais il ne paraît pas qu'il soit nécessaire pour
les décrets ; et dès-lors n'est-ce pas se replacer, pour une
infinité dẹ cas qui intéressent l'état ou les individus , sous
1
( 323 )
• Pactivité si funeste de l'enthousiasme ou de la précipi
tation .
On a cru tempérer ces inconvéniens par le renouvellement
annuel du corps législatif , ( art . 40 ) . C'est remplacer
un mal par un autre. Qu'est - ce qu'une session.
d'un an , dont les premiers mois s'écoulent en formation
de comités , en tâtonnemens , en interrogations
de l'esprit et des moyens d'une grande assemblée , pour
la mettre en état de connaître la situation civile et politique
d'une vaste république , et de pourvoir aux besoins
multipliés de sa législation ? S'il est dangereux
pour la liberté publique de prolonger trop la durée
des pouvoirs des représentans , il importe en même tems
d'avoir de bonnes lois ; et de bonnes lois ne peuvent se
faire sans méditation , sans esprit de suite , sans une
connaissance approfondie des lois existantes et susceptibles
d'être corrigées , et des lois qui sont à faire . Que
résultera- t-il d'une circonscription si bornée ? Les représentans
voudront marquer leur session par des choses
d'éclat et négligeront les choses utiles , les seules pourtant
qui laissent après elles des traces durables , et préparent
lentement la félicité des peuples.
"
La question de l'unité ou de la division du corps
législatif n'a jamais été discutée d'une maniere calme
et profonde dans aucune assemblée nationale . Une
prévention excusable ne permit pas à la constituantede
l'aborder. Frappées des inconvéniens de la délibération
par ordres , les communes ne virent et ne durent
voir de salut pour la France que dans la réunion des
parties qui constituaient les états généraux . Cette réunion
effectuée toute idée de division en chambre
haute, et en chambre basse , ne parut être que le rétablis
sement , sous une autre forme , de la délibération par
ordres. Les Mounier , les Lally , les Bergasse essayerent
en vain leurs variantes de la chambre haute ; c'étaient
toujours la noblesse et le clergé que l'on appercevait sous
ces déguisemens , et avec eux l'éternelle alliance du
pouvoir royal . L'unité du corps législatif fut plutôs
proclamée que discutée , et lorsque sur la fin de la session
, Buzot voulut proposer de diviser le corps législatif
en deux sections , toutes les anciennes craintes
se réveillerent , et l'on entrevit encore la résurrection
de la noblesse et du clergé que l'on venait d'effacer
de l'organisation sociale .
X
( 324 )
ne
Lorsqu'après l'établissement de la république il fut
question de rédiger une constitution nouvelle , le co-
-mité , dans son rapport fait par l'organe de Gondorcet ,
se dissimula point les dangers que couraient la
liberté publique et les droits individuels , si on ne les
mettait à l'abri des erreurs dans lesquelles une asscmbiée
nombreuse pourrait être entraînée par la précipi
tation , par la prévention , ou même par l'excès de son
zele .
On a plus d'une fois proposé , dit le rapporteur
( page 21 ) , pour remédier à ce danger qui a frappé tous
les esprits , de partager une assemblée unique en deux
sections permanentes qui délibéreraient séparément ..
Dans le cas où les opinions seraient divisées , ces sections
se réuniraient pour prendre une détermination
finale , ou bien on obtiendrait le résultat du voeu général
de la majorité , en comptant les voix pour ou contre
dans l'une et l'autre section . On a proposé encore daccorder
à un corps séparé , le droit d'examiner les décisions
de l'assemblée des représentans , et d'exposer les motifs
de son refus d'adhésion dans un tems déterminé , après
lequel , sur une nouvelle discussion , lassemblée donnerait
une décision définitive . "
Condorcet , ou plutôt le comité par sa bouche , convient
que ces moyens n'ont rien de contraire à la liberté,
ni même à l'UNITE entiere du pouvoir. Cependant le comité
n'osa proposer ni l'un ni l'autre . C'était l'époque
où les passions avaient acquis le dernier degré d'effervescence
, et où les partis qui déchiraient la Convention
, enfermés en champ clos , n'attendaient plus que
le moment de se porter le dernier coup . Il semblait que
l'expérience de ce qui se passait , aurait dû convaincre
plus que jamais le comité des dangers de l'unité du
corps législatif et de la nécessité d'élever à l'avenir une
barriere à la fureur des partis et à l'impétuosité des résolutions
. Mais les préventions étaient extrêmes ; le comité.
lui - même était composé de membres qui appartenaient
à cette majorité que l esprit de faction signalait comme
traître , et sur laquelle il appellait les violences populaires
et le poignard des assassins. On se contenta d'entourer
la formation de la loi de quelques entraves , dè
la soumettre à des conditions et à des formules qui
ralentissaient la marche du corps législatif, sans la rendre
plus assurée . Tous ces vains ménagemens , accordés à
la crainte par la faiblesse , ne purent sauver le projet
1
( 395 )
de constitution . Il succomba avec ses auteurs sous l'attentat
séditieux du 2 juin .
Ainsi , la question la plus importante à la liberté publique
et individuelle , au repos et à la stabilité du
gouvernement et de l'ordre social , n'a pu trouver encore
de circonstances favorables pour être envisagée froidement
sous le rapport de ses avantages et de ses inconvéniens.
Il a fallu que ces épreuves terribles de l'anarchie
et des excès populaires , nous aient ramené à cette
situation , où débarrassés des agitateurs et des tyrans ,
après en avoir été victimes , nous n'avons plus à écouter
que l'intérêt et le bonheur de la patrie.
On a cru long- tems qu il y avait séparation effective
et suffisante des pouvoirs , lorsque la puissance qui fait
les lois et celle qui les exécute , ne se trouvaient pas réunies
dans le même individu ou dans le même corps .
C'est une erreur : il est bien vrai , que ces pouvoirs
agissent séparément , mais il s'en faut que leur force
soit égale, Dans tout gouvernement , l'autorité qui veut
sera toujours supérieure à celle qui obéit , et qui est
chargée de faire obéir les autres . La véritable puissance
réside dans le corps législatif. C'est de lui qu'émanent
tous les mouvemens de la puissance exécutrice ; celle - ci
ne peut être considérée comme puissance que relativement
à l'action qu'elle exerce sur les gouvernés , maist
dans ses rapports avec le corps législatif elle n'a qu'une
existence subordonnée ; et si l'action qu'elle reçoit et
qu'elle transmet , lui arrive avec une direction fausse cu
oppressive , elle n'a par devers elle aucun moyen de la
redresser , où d'en arrêter les effets .
Il y a autorité arbitraire , absolue , et par consé .
quent susceptible de dégénérer en tyrannie , toutes les
fois que les pouvoirs sont concentrés dans les mains
d'un seul , et que son bon plaisir est la regle unique de
sa volonté ; il y a autorité arbitraire , absolue , et susceptible
de tyrannie , toutes les fois que le plus dangereux
des pouvoirs est dans les mains d'un seul corps ,
qui peut dire aussi tel est notre bon plaisir.
Les partisans de l'unité du corps législatif , alléguent
contre le systême de division , que deux sections
permanentes , et qu'un corps d'examinateurs partageraient
nécessairement les esprits , deviendraient des
points de ralliement , des objets d'inquiétude pour les
d'enthousiasme pour les autres . Le passage rapide
du despotisme à la liberté , le passage non moins rapide
uns ,
-
X3
( 326 )
d'une royauté appellée constitutionnelle à la république ;
l'agitation causée par ces révolutions successives , l'esprit
de déhance , suite nécessaire des erreurs et des
fautes où tant d'hommes ont été entraînés , tout rend
ces moyens impraticables pour nous car des dissentimens
et des combats d'opinion entre des corps investis
de l'autorité publique , ne peuvent se concilier
avec la tranquillité des citoyens , si on ne suppose dans
le peuple assez de calme et de confiance pour consentir
à n'en être que le paisible spectateur , et à ne
les juger qu'avec sa raison.
Voilà tout ce que Condorcet a pu réunir de considérations
pour combattre l'établissement d'une législature
en deux branches. ( Page 22 du rapport. ) Qui
ne s'apperçoit , à ce langage , que c'était la toute puissance
des jacobins et des factieux qui les maîtrisaient ,
qui faisait sacrifier à la terreur et à la contrainte , lin-.
térêt et le repos d'une grande nation ? Le systême
de division n'était pas mauvais en soi , il n'était qu'impraticable
dans les circonstances ; et sur ce point , on
est d'accord avec Condorcet . Mais cet empire des circonstances
est par lui -même la plus forte preuve que
l'on puisse fournir des avantages et de la supériorité
de la division du corps législatif sur son unite ; car
si l'on observe avec attention les causes des dissentions
et des troubles qui , pendant cinq ans , ont agité la
France , on les trouvera toutes dans la facilité qu'ont
que les différentes factions pour influencer une seule
assemblée , et dans l'impuissance de celle - ci , à résisser
à leurs attaques , et à triompher de ses propres partis.
Or , ce que n'a pu empêcher l'autorité d'une assemblée
unique , le pourra- t - elle mieux à l'avenir , si des .
circonstances semblables viennent à se reproduire ? L'ėpuisement
et la lassitude du corps politique le maintiendront
quelque tems dans une sorte de repos ; mais
que de nouveaux agitateurs reparaissent au sein d'une
législature ; qu'un ambitieux d'autant plus à craindre
qu'il aura su couvrir son ambition de l'éclat des talens
et des dehors d'une vertu mensongere , soutenus peutêtre
par de grands services rendus à la République ,
veuille mettre à profit sa renommée , pour se créer un
parti et dominer par lui l'assemblée législative ; qui
pourra garantir la liberté publique et les droits individuels
de l'usurpation et de la tyrannie ? Sera- ce le corps
Législatif ? Il est opprimé ou oppresseur. Sera-ce la for
73271
3
malité illusoire de quelques lenteurs dans les délibérations
? de quoi servira - t-elle si la séduction ou la ter
reur entraîne ou commande les résolutions ? Robespierre
et ses complices auraient- ils rencontré plus d'obstacles
s'il n'eût fallu que quelques jours de plus pour chan
ger leurs volontés en lois ? Sera ce la constitution ,
où est le corps chargé de prendre sa défense ? La
constitution de 1791 était en vigueur durant la légis
lature ; a - t - elle pu résister une année au choc qui
l'a détruite ? Sera-ce l'insurrection ? Quoi ! toujours recourir
au renversement du corps social , pour la réta
blir dans son ordre naturel . L'insurrection ! comme si
ce moyen , presque toujours partiel , si difficile à distinguer
de la sédition , n'était pas souvent dirigé contre
la liberté publique ; comme si ceux qui seraient assez
puissans pour opprimer le corps législatif, ne le seraient
pas assez pour se faire appuyer par une populace égarée !
Mais sans prévoir même ces secousses terribles , ny
a- t - il pas des voies plus lentes et plus détournées
pour porter atteinte aux droits des citoyens ? C'est avoir
beaucoup fait sans doute pour les progrès de l'art social ,
que d'avoir fixé ces droits à des termes simples et incontestables
. Mais ignore - t - on combien il est facile d'atténuer
la déclaration qui les énonce , et la constitution
qui promet de les garantir , par l'influence d'une mauvaise
législation ? Les droits naturels et civils qui sont
d'un besoin et d'un usage habituel pour le citoyen ,
sont tous à la discrétion des lois . Celles- ci peuvent
attaquer en détail et par cent moyens indirects ,, la
liberté , la sûreté , la propriété , sans heurter avec violence
la constitution , et en ayant même l'air de la respecter.
L'expérience de plus d'un peuple a prouvé que toutes
les pieces de leur constitution étaient encore debout ,
que déja leur liberté avait disparu sous des lois et des
institutions vicieuses.
Ainsi , tant que l'autorité législatrice ne sera exercée
que par un seul corps , qui pourra tout ce qu'il voudra ,
il n'est aucun obstacle qui puisse l'empêcher de faire
des lois mauvaises , arbitraires et oppressives . Il n'en
est aucun non plus , qui ne l'empêche de violer la constitution
, de la changer , ou d'en susprendre l'effet. Car
n'ayant aucun contre-poids , aucune puissance qui le
surveille ou le réprime , rien ne s'oppose à ce qu'il
usurpe les fonctions d'une Convention , qu'il ne refasse
les lois constitutionnelles chaque fois qu'un, parti assez
X 4
( 328 )
puissant voudra faire prévaloir un nouveau système d'organisation
sociale , et que même il ne finisse par enva
hir tous les pouvoirs et se constituer en permanence .
Il suffira de quelque moment de crise que l'on saura
bien faire naître s'il n'existe pas. Les clameurs , les
défiances les dénonciations entourront et poursuivront
les ministres. On les peindra comme des traîtres ;
on fera une révolution contre le gouvernement , et ces
grands mots si souvent employés , il faut sauver le
peuple , les mesures révolutionnaires l'exigent , serviront de
piege à la crédulité publique et d'instrument à lambition
des usurpateurs et à l'établissement de la tyrannie
.
Qu'on n'allegue pas la puissance et le contre - poids
de l'opinion . Hélas ! l'opinion de la majorité des Français
désavouait les horreurs dont ils étaient par milliers
les victimes , et les tyrans n'en poursuivaient pas moins
le cours de leurs assassinats ; et ils prétendaient avoir
pour eux l'opinion , et ils se faisaient applaudir , féliciter
par d'autres brigands leurs complices . L'opinion !
il n'y en a plus quand la terreur comprime toutes les
pensées ; quand les oppresseurs ont des prédicateurs à
leurs gages et des bourreaux pour l'homme courageux
qui ose les démasquer. Dans ces affreux momens , ce
ne sont plus de vains discours qu'il faut ; ce sont des
poignards et des Brutus .
Supposez maintenant que la Convention eût été divisée
en deux branches , dont chacune n'eût rien pu faire
sans le concours et le voeu de l'autre , et voyez si ces
factions , ces déchiremens , cette audace des usurpateurs
et cet envahissement de tous les pouvoirs , auraient pu
élever la tyrannie dans son sein et la répandre avec
ses fureurs sur la France désolée . Ce serait ici le moment
de faire ressortir les avantages de la division de
la légistature ; mais cet objet appartient plus naturellement
à la seconde partie où je traite de l'esprit de la
constitution qui peut convenir à la France . Il me suffit
d'avoir montre que celle de 93 , en instituant un corps
législatif un et indivisible , n'offre aucune garantie ni pour
lui- même , ni pour la liberté publique , ni pour les
droits des citoyens .
Cette garantie n'est pas mieux assurée , vis -à- vis du
conseil exécutif , dépositaire de l'action du gouvernement.
Ce conseil composé de 24 membres , est nommé
( 329 )
-5
par le corps législatif sur une liste générale de candidats
présentés par les assemblées électorales , à raison d'un
par département ; et en cas de prévarication , les
membres de ce conseil sont accusés par le corps législatif.
( Art . 63 et 71. )
Il est aisé de voir qu'un conseil exécutif ainsi formé ,
sera sans cesse à la dévotion du corps législatif , ou bien
il ne restera pas long- tems en place.
Il sera à sa dévotion ; car rien ne sera plus facile au
parti qui dominera dans la législature , de faire comprendre
dans la liste des candidats , que doivent présenter
les assemblées électorales , les membres dont il
voudra composer le conseil.
Si celui - ci ne seconde pas toutes les vues du corps
législatif , il est évident qu'il ne restera pas long- tems
en place . Le pouvoir terrible d'accuser s'exercera dans'
son infatigable activité . Qu'on se rappelle la guerre
faite aux ministres , par le parti qui a si long - tems
dominé la Convention . Quel est le conseil exécutif
dont les membres pourront résister aux contrariétés .
aux dénonciations , aux mander- venir à la barre , à tous
les genres de dégoût dont on saura les abreuver.
Mais , dira -t- on , le conseil exécutif est essentiellement,
obéissant . Oui , îl l'est dans ce sens , qu'il doit faire
exécuter sans délai et sans contradiction les lois que
lui transmet le corps législatif. Ma
il ne doit pas l'être
dans le sens où un parti dominant , contraire à la liberté,
voudrait lui faire partager ses opinions et ses desseins ,
Il est une infinité de cas où le conseil exécutif sort de
la simple exécution des lois , pour agir directement par
lui-même. La constitution de 93 lui attribue la direction "
et la surveillance de l'administration générale , la nomination
et révocation de tous ses agens , soit intérieurs ,
soit extérieurs , et la négociation des traités . ( Art . 65 ,
66 , 70. )
Or , c'est dans l'exercice de cette action particuliere
que les membres du gouvernement doivent être independans
de toute crainte , de toute influence étrangere."
Le seraient- ils si le corps législatif , ou plutôt la faction
qui l'aurait subjugué , pouvait et voulait leur faire partager
ses principes et ses vues ? L'infortuné Roland et
tous les ministres que l'on a voulu perdre faisaient exécuter
scrupuleusement les lois ; ils n'ont pas moins été
sacrifiés par le parti devenu le plus fort , pour n'avoir pas
fléchi devant les usurpateurs. Qu'on ne s'y trompe pas , if
( 330 )
en serait de même de tous les dépositairesdu gouverne
ment dont l'inflexible austérité ne servirait pas docilement
les passions du corps législatif.
Ainsi , admettez l'unité et l'indivisibilité du corps des
représentans et l'organisation donnée du conseil exécutif
, il arrivera infailliblement de ces deux choses
Tune ; ou le conseil exécutif sera l'instrument servile
et Tallié perpétuel de la puissance législatrice ; ou s'il
se refuse à son influence absolue , il sera brisé jusqu'à
ce qu'un autre subisse le joug de l'obéissance . Bien
plus , il n'y aura pas véritablement de gouvernement.
Que sera-ce en effet qu'un conseil exécutif composé
de vingt-quaire membres qui useront en délibérations , en
dispute , en mésintelligence , le tems nécessaire pour
agir ? car c'est dans l'action prompte et ferme que consiste
tout le jeu du gouvernement. Quelle affreuse perspective
pour la liberté civile et politique , qu'un ordre de.
choses qui menerait à l'oppression par le despotisme
ou à l'anarchie par la faiblesse !
1
Enfin , le corps législatif lui -même ne trouverait point.
dans cette constitution de garantie solide de sa liberté
et de sa propre existence. L'histoire entiere de la révolution
en fournit la preuve. Y a-t-il eu aucune assemblée
nationale , je n'en excepte pas même la constituante
, en plus d'une circonstance , qui ait joui , dans
toute l'intégrité de la représentation , et pendant la durée
de leur session , de la sûreté , de l'indépendance , de
la liberté d'opinion et de volonté , sans lesquelles il est
impossible à chaque membre de délibérer d'après le
sentiment de sa conscience , ni à l'assemblée entiere de
former des résolutions non influencées ? Retracerai - je
ici les tristes événemens dont chacun de nous a été
tempi rappellerai- je ce système de dénonciations et
de calomnie qui servait d'avant- coureur aux projets des
factieux , ces pamphlets incendiaires lancés pour cor
rompre et préparer l'opinion , cette association de clubs
rivaux de la représentation nationale , ces atteliers de
trouble et d'insurrection . ces nuées d'adresses suggċrées
, ces conspirations municipales , ces députations ,
ces pétitions hautaines où l'on semblait bien plus commander
que demander , les bons citoyens chassés de
leurs sections , et une poignée d'intrigans et de séditieux
s'établissant à leur place et usurpant audacieuse.
ment la souveraineté du peuple ; enfin , ces violences exer
( 331 )
"
cées tant de fois envers le corps des rep.esentans ?
Tout cela n'existera plus à l'avenir ! Il n'y a plus de
jacobins , plus de municipalité turbulente et rivale ! de
bonnes mesures de police peuvent prévenir tous ces
abus ! Je veux croire que les leçons de l'expérience ne
seront pas entierement perdues , et que les événemens
passés ne se reproduiront plus sous les mêmes formes .
Mais n'y aura- t- il pas d'autres combinaisons pour influencer
le corps législatif ? l'esprit de faction si adroit
et si fécond en ressources en restera - t-il dépourvu dans
une ville immense où tant d'intrigues peuvent s'ourdir
dans le secret , où la classe des mal- aises , des ouvriers ,
des hommes faibles et peu instruits est si nombreuse ,
où des circonstances critiques peuvent si aisément exciter
des alarmes et produire des mouvemens , et où l'esprit
du peuple est si crédule , si susceptible d'être égaré , et
si enclin à la défiance contre ceux qui gouvernent ?
Ce ne sera plus , si l'on veut , la conspiration des scélérats
ineptes dont nous venons de ressentir d'aussi
cruels effets , mais ce pourra être une conspiration bien
plus dangereuse , celle d'hommes puissans en moyens
et en renommée , jouissant des faveurs de l'opinion , et
couronnés peut- être des mains de la victoire . C'est dans
les occasions périlleuses où il s'agit de s'opposer à l'opinion
égarée , qu'un corps législatif lutte avec désavantage;"
on est disposé à le regarder comme suspect de trahison et
indigne de la confiance . Paris offre une masse de popu
lation si grande , il est si aisément porté , par sa propre
consistance , à se regarder comme le centre de la répu
blique , et à regarder le corps législatif comme ne devant
exister que pour lui , qu'une assemblée qui n'aura
d'autre garantie que son unité , et qui sera déja affaiblie
dans l'opinion , par la seule idée qu'elle n'a qu'une
simple initiative en législation , sera exposée , ou à des
condescendances qui nuiront à l'intérêt général de la
république , ou à des réactions qui compromettront sa
force , sa liberté et son existence,
I
Ainsi , sous quelque point de vue qu'on envisage la
constitution de 93 , soit dans le principe qui lui sert de.
bâse , soit dans la formation de la loi , soit dans Forganisation
du corps législatif et du gouvernement ; elle
est impraticable dans son exécution , et impuissante à
protéger la liberté civile et politique .
( Ces articles sont du C. LENOIR-LAROCHE. }
( 332 )
ANNONCE S.
Bases fondamentales de l'instruction publique et de toute censti
tution libre , ou meyens de lier l'opinion publique , la morale ,
Peducation , l'enseignement , l'instruction , les fêtes , la propagation
des lumieres , et le progrès de toutes les connaissances
au gouvernement national républicain ; par F. Lenthenas ,
membre de la representation nationale . Seconde édition , que la
tyrannie de Robespierre a empêché de paraître depuis un an.
Un volume in-8° . de 656 pages . A Paris , chez les marchands de
nouveautés et chez l'auteur.
volume in - 12,
Manuel du cultivateur ; seconde édition
A Paris , chez Théophile Barrois le jeune , fibraire , quai des
Augustins , no . 18. Prix , 3 liv . 10 sous ; et 4 liv . 13 sous ,
franc de port , pour les départemens .
Cet ouvrage contient des instructions très - utiles sur différens
objets d'économie rurale appropriés au nouveau calendrier.
Morales des Orientaux , ou Maximes et Pensées diverses tirées
des meilleurs ouvrages indiens , arabes , chinois , turcs et per
sans , avec des notes historiques ; par Miget. Volume in - 16.
Prix , 2 liv . A Paris , chez Perlet , rue des Arts.
Voyages de la Chine à la côte nord- ouest d'Amérique , faits pendant
les années 1788 et 1789 , précédés de la relation d'un
autre voyage exécuté en 1786 sur le vaisseau de Nootka , parti
du Bengale ; d'un recueil d'observations sur la probabilité d'un,
passage nord - ouest , et d'un traité abrégé du commerce entre
la côte nord - quest et la Chine , etc. , etc. Par le capitaine
J. Meures , commandant le vaisseau la Felice . Traduit de l'anglais
par J. B. L. J. Billecocq , citoyen français .
121
Trois volumes in 80. formant 1280 pages , imprimés sur
caractère de Cicero Bidot , papier carre fin , avec un volume
format grand in 4. , contenant vingt- huit vues , marines , tartes
géographiques , plans , costumes et portraits graves en tailledouce
; par Nee , graveur des Vues de la Suisse . Prix , 50 liv.
broché , et 58 liv. , franc de port par la poste , pour les départermens
. A Paris , chez Buisson , libraire , rue Haute- feuille ,
1º.201 t
Appel à l'impartiale postérité , par la citoyenne Roland , fenime
do ministre de l'intérieur , ou Recueil des écrits qu'elle a rédigés
pendant sa détention ; imprimé au profit de sa fille unique
Seconde partie. A Paris , chez Louvet , libraire , maison Egalité
, galerie neuve , 1º . 24.
1
( 335 )
!
NOUVELLES ÉTRANGERES.
5
1
ALLE MAGNE.
De Francfort-sur-le-Mein , le a mai.
LES lettres de Berlin annoncent que la nouvelle de la paix
y a été reçue avec des transports de joie . Ce fut le majör
Myrineck qui apporta , le 12 avril , le traité au roi qui se
trouvait à Potsdam . On donnait ce jour- là au spectacle Âtaliba
ou le Pere de sou Peuple. Les moindres allusions furent avidemment
saisies et couvertes d'applaudissemens .
་
Tous les gens qui desirent sincerement la pacification générale
de l'Europe , et il y en a beaucoup , se flattent que la
retraite d'une puissance telle que la Prusse forcera bientôt la
coalition à se dissoudre . Déja même on annonce qué lès
does de Wirtemberg et de Brunswick , le landgrave de Hesse-
Cassel et l'électeur de Hanovre songent à imiter cet exemple :
cela sera bien difficile pour ce dernier , dans lequel la Republique
Française verra toujours un de ses plus cruels ennemis ,
le rei d'Angleterre ; car enfin il est presqu'impossible de
séparer les deux personnes politiqnes réunies dans le même
individu , et de s'accoutumer à regarder Geo : ges III , électeur
de Hanovre , comme ami , tandis que Georges III , rei d'An
gleterre , qui de plus prend le titre de roi de France , demandera
des secours à son parlement , et en fournira à l'Autriche
pour continuer la guerre coutre la Frauce .
En outre , le prince- évêque de Spire et le cercle de Souabe
ne sont pas éloignés de se retirer aussi de la coalition . Le
8 avril , le premier a reporté de nouvelles plaintes à la dictature
des excès que le corps de Condé ne cesse de commettre
dans ses possessions , et a demande qu'ils fissent réprimés.
Le cercle a décidément refusé de satisfaire à la requisition
de l'empereur pour l'approvisionnement de l'armée
autrichienne du Rhin , en se bornant à offrir en échange
50 mille ecus à prendre ou à laisser. Ce cercle avait deja
défendu au commandant de ses troupes d'abandonner sa pósition
, comme le lui ordonnait le duc de Saxe-Teschen , sams
égard au motif de la nécessité de pourvoir à sa propre sûreté •
allégué par le cercle . Le général de l'Empire a fait mettre
(( 534 )
le commandant aux arrêts , ce qui ne manquera pas d'aigrir et
d'augmenter la mésintelligence. Si l'on joint à cela l'extrême
probabilité que la paix ne tardera pas à se conclure entre
T'Espagne et la France , en imagine bien que l'Angleterre , et
sar- tout l'Autriche , et la Sardaigne influencée par elle ,
puisqu'elle en occupe les possessions en les défendant , se verront
bientôt contraintes particulierement les deux derniers
états , de souscrire à une paix qu'il est de leur intérêt de conclure
le plutôt possible.
Cependant il y a toujours beaucoup d'incertitude et de variations
dans les lettres qui viennent des différens pays en
guerre contre la France . On le verra par quelques paragraphes
de celles de Vienne du 11 avril , qui s'expriment ainsi
Le ministre de Hollande , qui se trouve dans cette résidence ,
déclaré que la révolution étant faite dans son pays , les
états-généraux desiraient rétablir les anciens rapports qui existaient
entre les deux puissances . Il a annoncé qu'il avait reçu
en conséquence l'ordre de traiter comme ministre avec le
gouvernement.
Un courier de Londres est arrivé ici avec le plan d'opération
que l'Angleterre se propose d'exécuter dans la campague prochaine.
On annonce aussi que le cabinet a enjoint aux géné
raux de tenter le passage du Rhin , pour débloquer Luxem
bourg.
On a de nouveau arrêté plusieurs personnes soupçonnées
de conjuration , entr'autres deux jeunes médecins , chez qui
l'on dit avoir trouvé des correspondances criminelles ,
Le chargé d'affaires de l'empereur à Varsovie , M. Caché ,
est de retour ici depuis quelques jours . On y voit égale
ment deux officiers russes qui viennent acheter des subsis
tances.
Les gazettes allemandes ne parlent que de la marche des
troupes qui vont renforcer les divers corps d'armée de l'empereur
; elles prétendent même que celle sur le Rhin sera
portée à 200 et peut- être 240 mille hommes. Voici ce qu'elles
appellent l'état exact des forces militaires de l'Autriche pour
l'année 1795. Il y aura sûrement beaucoup à en rabattre :
armée d'Italie , 42 mille hommes ; armée du Rhin , 340 mille
hommes ; cordon de Pologne , 30 mille ; garnison dans l'inté
rieur, go mille . Total , 402 mille .
Malgré toutes ces forces , en supposant que l'empereur les
ait, depuis quelques tems , un certain nombre de feuilles allemandes
regardent une paix entre l'Autriche et la République
Française , qui pourrait lui opposer un nombre d'hommes égal,
ou même plus considérable , comme une chose très - prochaine.
Suivant quelques papiers , les deux puissances doivent s'y
acheminer , d'abord par une suspension d'armes qu'on a même
annoncée et qui s'est trouvée démente ? . Suivant d'autres ,
( 335 )
l'empereur a fait notifier à Londres que la raison lui dictaif
de ne pas se refuser à une conciliation . On parle en outre de
l'arrivée très -prochaine de trois ministres étrangers à Osnabruck
, et d'une espece de congrès qui se tiendra dans cette
ville.
Tout ce qu'il y a de certain , c'est le départ pour Basle du
baron de Lehrbach , chargé de suivre les négociations ; ce qui
donne lieu à beaucoup de conjectures parmi les politiques allemands
, et plus encore parmi les émigrés français.
Un de leurs chefs , le comte d'Artois , s'était retiré aux eaux
de Pyrmont dans le comté de Waldeck , le gouvernement l'a
éconduit d'une maniere polie , en lui faisant dire que sa sûreté
personnelle exigeait qu'il choisit un sejour où il serait moins
exposé .
Il y a en des mouvemens insurrectionnels à Nuremberg“,
et même dans notre ville de Francfort , qui ont eu pour catise
la disette et la cherté des subsistances . Dans la premiere de
es villes , plusieurs maisons de boulangers ont été fort en
dommagées , et l'on n'est pas encore sûr que le tumulte soit
entierement appaisé ; il l'est chez nous , où la milice e la
bourgeoisie armées ont eu beaucoup de peine à sétablir le
calme .
Le bruit court que les cabinets de Vienne et de Berlin sont
à la veille de se brouiller ; la division s'est déja manifestée au
sujet de la nomination au riche evêché de Bamberg. Les mil
nistres autrichiens et prussiens ont fait tous leurs efforts pour
porter à cette dignité une créature de leurs cours . Au milieu
de ces concurrens est survenu l'électeur de Mayence , qui demande
pour lui-même cet évêché , en promettant expressément
de se contenter d'un revenu de 60 mille florins . Les suffrages
des chanoines , qui partageaient le surplus, sont encore indécis .
.
Les dernieres lettres de Dantzick , du 12 avril , contiennent
des nouvelles de la plus haute importance , et qui paraissent
certaines .
L'exportation des grains vient d'être défendue ; la défense
est arrivée précisément dans le tems que des parties énormes
étaient achetées pour le compte de l'Angleterre .
Dans le moment que l'horison politique cherche à se dégager
à l'occident de l'Europe , des vapeurs qui l'obscurcissent ,
des nnages semblent préparer des orages au Nord . D'après les
derniers avis de Pétersbourg , on y fait d'immenses préparatifs
de guerre.
on tra- Dans toutes les villes maritimes de l'empire russe
vaille avec la plus grande activité . Vers la fiu de mai , unc
flotte de 45 vaisseaux de ligne doit être prête à mettre à la
voile.
( 936 )
De nombreux renforts de troupes se rendent en Pologne
et sur les frontieres de la Turquie , pour y grossir les forces
de la fortunée Catherine , et déja ses forces dans ces contrées
' élevent à 160 mille hommes .
Ces dispositions de l'impératrice , et particuliement ce qui
se passe en Pologne , n'ont pas manqué d'inspirer de vives
inquiétudes aux cours de Copenhague et de Stockholm , et les
mêmes avis portent que ces deux cours font de leur côté des
préparatifs formidables.
Elles sont occupées de l'armemeur d'une flotte qui sera composée
de 32 vaisseaux de ligne , dont 12 sous le commandement
d'un amiral dauois , doivent faire voile le mois prochain pour
les mers du Nord.
Les 20 autres vaisseaux , ainsi que 8 fregates , doivent servir
de flotte d'observation dans la mer Baltique . On s'occupe
avec la même activité à completier les armées de terre des
deux royaumes. Tant de dispositions annoncent de grands
événcineas.
ESPAGNE.
Suivant des lettres de Madrid da 18 mars , le roi venait de
donner l'ordre exprès de ragure un embargo sur tous les vaisscaux
hollandais qui pouvaient se trouver dans les ports d'Es
pagne. Cependant l'edit explique cette disposition , et n'en
eut faire qu'une mesure de représailles contre la France ; il
porte que c'est seulement pour assurer aux proprietaires
espagnols , qui ont des vaisseaux dans les ports de la Hollande
, le retour de leurs effets et marchandises , et que l'embargo
sera levé dès qu'on aura connaissance du sort que le
commerce espagnol aura éprouvé dans ce pays .
Ces mêmes lettres donnent des détails assez importans sur
l'état intérieur de l'Espague et ses ressources pour continuer la
guerre ; elles laissent pourtant entrevoir dans un paragraphe
quelques dispositions à la paix .
Il vient d'y avoir de nombreuses promotions à des emplois
militaires et civils . Le lieutenant général Courten a été nommé
capitaine général d'Arragon. Le marquis Rubi , gouverneur et
capitaine -général d'Andalousie. Le prieur Castel -Franco est
nommé général en chef de l'armée de Navarre . Bernardo del
Campo , ambassadeur à Vienne : Dom Simon Las Casas passe
Londres en la même qualité.
Une dépêche royale adressée à l'archevêque de Tolęde ,
expose que le trésor public ne peut suffire à toutes les dépenses
qui sont nécessaires pour soutenir la guerre actuelle .
Les archevêques et évêques du royaume , sout invités à offrir
au gouvernement tonte l'argenterie des cglises qui n'est
pas nécessaire pour le culte. Cette dépêche au reste entre
dans
( 837 )
dans de grands développemens pour établir que cette demande
n'est en soi , ni un acte de violence , ai une irrévérence contre
la religion. L'archevêque a de suite adressé une circulaire à
son chapitre et aux églises de son diocese , pour justifier
cette mesure , et presser le clergé d'y concourir de tous ses
moyens.
On commence à mettre à exécution le décret de la levée
de quatre- vingt mille hommes , qui doivent se completter
en prenant un individu , par chaque cinquantaine d'habitans.
Ces nouvelles recrues serviront à completter les armées ,
dont , dans ce moment , en n'a aucunes nouvelles particulieres
.
Le département de la surintendance du trésor ( Hazien
da ) vient d'être supprimé . Il paraît qu'on a été porté à cet
arrangement par des vues économiques , et l'on parle d'un
grand nombre d'autres réformes , qui doivent avoir également
lieu .
Le nouveau gouverneur du conseil , l'évêque de Salamanque ,
semble gagner chaque jour , de plus en plus , la confiance
du roi. Le 5 de ce mois , il fut en personne visiter les prisons
, s'informa des causes de la détention de chacun de ceux
qui s'y trouvaient il fit ôter les ceps et les chaînes à un
grand nombre de malheureux qui languissaient depuis nombre
d'années dans les cachots , et en mit sur- le - champ plusieurs
en liberté , contre lesquels il ne trouva pas de raisons
Saffisantes pour les tenir en captivité. L'évêque fit eusaite de
fortes réprimandes à plusieurs des ministres , à qui il reprocha
l'arbitraire et le défaut d'humanité qu'ils mettent dans l'exercice
de leurs fonctions , et qui les porte à laisser languir , pendant
de si longues années dans ces horribles lieux , l'humanité
maiheureuse.
On remarque que depuis quelque tems , les papiers publics
espagnols parlent avec de grands égards du gouvernement fran
çais.
On a permis à d'Aranda de se rendre à Saint- Lucar pour
raison de santé. Il y a une commission nommée pour lui faire
son procès. Le comte Fernando Nunès en est nommé président.
D'Aranda refuse de reconnaître Alcadia pour un de ses
juges .
Des lettres de Lisbonne , du 3 mars , portent que l'escadre
portugaise est rentrée dans ce port : elle a laissé la flotte
anglaise à la hauteur du Finistere. Cette flotte avait avec elle
an convoi considérable destiné pour les Indes Orientales .
Tome XV.
Y
1
( 338 )
ANGLETERRE . De Londres , le 28 mars .
Madame de Fitz-Herbert , veuve , d'un homme qui n'est pas
mort , du prince de Galles qu'elle avait épousé suivant le
double rit catholique et anglican , vit dans la retraite dans
une maison de campagne près de Richem nt .
Le parlement a felicite le roi sur le mariage du prince de
Galles , et passé le bill de naturalisation de la princesse de
Brunswick son épouse .
MM . de Calonne , de Damas , de Conflans , le général
Abercrombie et lord Fitz Gerald , ci-devant ministre d'Angleterre
en Suisse , sont arrivés du continent.
Le jugement définitif de M. Hastings ne saurait tarder
d'être rendu . Deja cet ex - gouverneur des possessions anglaises
dans l'Inde a été acquitté en détail sur tous les chefs d'accusation
portés contre lui.
Il paraît qu'il est survenu des difficultés dans la négociation.
de l'emprunt impérial : le comte de Pergen a été obligé d'envoyer
à Vienne un courier dont il attend le retour pour
achever sa mission et en tirer tout le parti que son maître en
attend.
Le comte de Bute va à Madrid en qualité de plénipotentiaire
, et M. Drake retourne à Gênes reprendre ses fonc
tions d'envoyé.
Deux nouveaux commissaires hollandais ont débarqué à
Harwich , mais le gouvernement n'est pas plus disposé à entrer
en négociation avec eux qu'avec les premiers .
La laine d'Espagne , indispensable pour la fabrication des
draps fins , coûte si cher depuis quelques jours qu'on l'avait
meilleur marché , même dans la derniere guerre de l'Angleterre
contre l'Espagne , quoiqu'elle ne pût arriver que par
des bâtimens danois et portugais ; au reste cela n'est pas fort
étonnant , les Français étant en grande partie maîtres des ports
espagnols de la baye de Biscaye , où se faisaient les chargemens
les plus considérables de cet article important ; la conséquence
nécessaire est que si la paix n'a pas bientôt lieu ,
les draps fins deviendront d'une cherté énorme. Ces jours - ci
deux grandes maisons ont cessé leurs paiemens , et l'on craint
bien de voir les gazettes surchargées de listes de banqueroutes
.
Mais une chose plus fâcheuse encore , c'est la diseite de
grains presque générale en Europe . Elle ne se fait pas moins
sentir en Angleterre que par- tout ailleurs , la livre de pain
dont le prix ordinaire était, de six sols , en coûte aujourd'hui
neuf et demi , et en coûtera bientôt douze en argent d'après
la différence de la monnaie anglaise et l'évaluation du taux
( 339 )
du change , ce prix se rapproche assez de celui auquel on paie
généralement le pain en France , Paris excepté , où il est beaucoup
plus cher.
Le manque de matieres premieres pour les fabriques , les
banqueroutes et la disette du pain sont le résultat d'une guerre
qui , en armant tant de milliers de bras dans tous les pays ,
a forcé de negliger l'agriculture . On compte , il est vrai ,
sur les bleds de Hambourg et de Dautzick ; mais la conquête
de la Hollande par les Français et leurs forces dans la mer
du Nord ne pourront manquer de rendre les arrivages trèsdifficil
. On ne recevra non plus que très - lentement les
grains demandés dans les Etats - Unis et le Canada , qui d'ailleurs
sont exposés à être pris par les frégates françaises . Aussi tous
les veus appellent- ils la paix que le ministere seul s'obstine
refuser à de fréquentes petitions revêtues quelquefois de
quatre à cinq mille signatures . Le gouvernement est pourtant
effrayé de la disette ; il vient d'exhorter tous les propriétaires
à favoriser la culture des patates .
Une chose étonnante , au milieu de tout cela , c'est que
le crédit public . se soutient mieux qu'on n'aurait osé s'en
flatter , et la preuve s'en trouve dans la facilité avec laquelle
le denier emprunt de dix-huit millions a été rempli ; il n'a
fallu qu une semaine pour completter cette opération de finances ;
malgré cela , ce crédit ne saurait tenir long- tems coutre la
surcharge de dépenses qu'entraînerait la continuation de la
guerre , sur-tout dans un moment où il faut pourvoir à
beaucoup d'autres dépenses ; par exemple , il est question
d'acquitter les dettes de l'héritier présomptif de la couronne ;
elles s'élevent a hot cent cinquante mille liv. sterlings , c'est-
-dire à - peu-près vingt-trois fois cette somme en monnaie de
France , qu'en derniere analyse il faudra que le peuple paie
pour son futur roi , qui lui coûtera peut- être bien plus cher
quand il le sera réellement.
Les papiers ministériels entretiennent toujours dans la partie
du public , assez insensée pour ne pas vouloir la paix , la
folle espérance d'un débarquement sur les côtes de Bretagne
pour lequel on rassemble , organise et transporte à de grands
frais des légions de pieux émigrés à Jersey et Guernesay ;
mais les gens qui savent calculer prétendent que c'est , de
l'argent perdu , et qu'on ne fera rien avec quelques poi
gnées de chouans , contre une masse imposante de républicains
, dans une province qui a ete le berceau de la révo
lution , et où , par conséquent , les émigrés doivent être
en horreur .
La fourniture de quarante mille hommes et de douze vais
seaux de ligne contre les Français , par la Russie , ne se
confirme pas . L'impératrice n'aura pas trop de ses forces pour
elle-même.
Y &
( 34s
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
CONVENTION NATIONALE.
f
PRÉSIDENCE DI VERNIER.
Séance du septidi , 17 Floréal .
Il y a en hier soir une séance extraordinaire pour le renouvellement
du bureau .Vernier a été nommé president. Mollevaux ,
Peyre et Saint-Martin , secrétaires .
Delcher , représentant du peuple près l'armée des Pyré
nées occidentales , et qui arrive de cette armée , rend compte
de l'exécution du décret qui ordonne la réparation des excès
commis à Guipuscoa et dans la Biscaye , et la punition des
auteurs. Cette mesure nous a rendu les coeurs des habitans
qui bénissent la Convention , et desirent une constitution
comme la nôtre. Insertion au bulletin .
Dussanx demande la parole : Il fait l'éloge de Barthelemy ,
l'auteur d'Auacharsis , qui vient de mourir. Il dit que ceux
qui l'ont connu ne savent qu'admirer le plus de son immortel
Ouvrage ou de l'ensemble de sa vie . Un seul trait peint son
caractere. Que n'est- il donné , disait- il souvent , de pouvoir
léguer le bonheur aux hommes ? Barthelemy a été persécuté
par la tyrannie décemvirale , comme tous les citoyens vertueux
et éclairés ; mais il a porté dans sa prison la constance
et la sérénité de Sperate , et il donnait , à l'âge de plas
de quatre vingt ans , le spectacle à ses compagnons d'infortune
, de la vertu aux prises avec l'adversité . Dussaux
termine en demaudant que son neveu qui , depuis 25 ans
remplissait tous les devoirs dun fils tendre et respectueux ,
lui succede dans sa place de garde des médailles et antiques
du cabinet national . Renvoyé au comité d'instruction publique ,
et insertion au bulletin .
?
La discussion sur les finances reprend . Vernier a le premier
la parole , il s'éleve contre cette foule d'agioteurs qui
semblent s'être coalisés pour faire hausser tous les jours le
prix des denrées , et avilir les assignats ; il attaque ensuite
le plan de Dubois - Crancé. C'est la surabondance du gage qui
en opere le discrédit ; le comité des finances , après les recherches
les plus scrupuleuses , s'est assuré que la quantité
d'assignats créés s'éleve à onze milliards huit cent millions ; de
ceux qui ont été brûlés , à près de trois milliards , et par consé.
il s'en trouve dans la circulation quent pour huit milliards ,
y comprenant ce qui reste à fabriquer. Pour en restaurer le
crédit , et en retirer le plus qu'il sera possible , il est néces
са
( 341 )
1
saire d'établir des hypotheques spéciales qui fassent reposer
la confiance sur des bases matérielles et généralement connues .
Vernier ajoute que le systême de l'impôt en nature proposé
par Dubois - Crancé , et qui a été publié il y a plus d'un
siecle par le général Vauban sous le titre de dîme royale ,
est d'une exécution presqu'impossible . Construction ou établissement
de greniers dans cinquante mille municipalités ,
difficulté de la conservation , des transports , de la vente des
produits , multiplicité des ageus , travaux immenses de répar
tition , tels sont les obstacles nombreux qu'il présente ; mais
on pouvait objecter à Vernier que le clergé avait su vaincre
tous ces obstacles et retirer un bénéfice immense des dimes
et qu'on ne voit pas comment ce qui lui était facile deviendrait
tout-à- coup impossible à l'etat .
Laporte , au nom du comité de salut public , propose
d'envoyer Cadroy près les armées des Alpes et d'Italie pour
ane mission particuliere . Adopté .
Roux , au nom du même comité , se plaint des lentenrs
des districts de Chartres et de Janville , à remplir les requisitions
qui lai sont faites pour l'approvisionnement de Paris ,
et il fait décréter qu'ils fourniront d'ici à un mois soixante
mille quintaux de grains , dont le sixieme sera réservé à la
commune de Chartres .
Séance d'octidi , 18 Floréal.
La démission de trois membres de la commission des onze
qui sont , Cambacérès , Sieyes et Merlin ( de Douai ) , néces
sitait leur remplacement. Ils ont pour successeurs Lanjuinais ,
Baudin des Ardennes ) er Durand - Maillanne.
Auby , au nom du comité de salut publie , fait restreindre
les pouvoirs des représentans du peuple près les armées , et
des généraux , relativement aux officiers . Ils ne pourront que
les suspendre provisoirement de leurs fonctions , et à la charge
d'en rendre sur- le-champ compte au comité de salut public .
Tout militaire qui n'obéira pas aux ordres émanés de ce comité,
ou de commissions exécutives , sera destitué sur-le-champ,
et mis en état d'arrestation . Si sa désobéissance a compromis
la chose publique , il sera traduit au tribunal compétent pour
y être jugé.
Lhomont , organe des comités réunis , annonce qu'examen
fait des pieces à la charge de Joseph Lebon , il est constant
qu'il y a lieu à examcu. La Convention décrete qu'il sera
nommé , le soir , une commission des vingt- un .
Gentil , au nom des comités de législation , des finauces
et d'agriculture , occupe la Convention des pertes immenses
que font les propriétaires qui ont affermé leurs biens en
argent , et le profit exorbitant des fermiers , par la cherté
excessive à laquelle ils ont porté leurs denrées , et il présente
un projet de décret tendant à faire payer le prix des
Y 3
7
( 342 )
baux à ferme , à raison d'une quantité de mesures de blé
selon le prix courant à l'époque où les baux auront été passés ,
L'impression et l'ajournement en sout decrétés .
La discussion sur les finances continue . Bourdon ( de l'Oise )
prétend que la France à une circulation de dix milliards ,
parce qu'il y reste la moitié de son numéraire ou les trois
quarts ; il pense que le plan de Dubois - Crancé peut produire
da bien , mais on n'en ressentirait les effets que dans
dix - huit mois , tandis qu'il est impossible d'aller encore six
mois comme nous sommes . Il annonce un mode simple et
juste , de retirer une grande quantité d'assignats de la circulation
, qu'il a communiqué à plusieurs de ses collegues ,
et il dit quest on ne l'adopte pas , nous serons entraînés
dans la banqueroute , le seul espoir qui reste aux malveillans
pour la contre - révolution ,
Charles Delacroix pense que l'évaluation de l'assignat sur
le pied de marc d'argent ne fait que hârer son discredit.
Il demande que pour accélérer la vente des biens nationaux ,
la valeur de l'assignat baisse d'un demi pour cent par mois .
Rafron propose deux pour cent , mais Bourdon s'écrie que
c'est une banqueroute , et il fait décréter que la parole sera
refusée à ceux qui proposeraient l'altération du papier- monnaie ,
Séance de nonidi , 19 Floréal.
Dans la séance extraordinaire teane hier soir et destinée à
la nomination de la commission des vingt-un , chargée d'exa
miner la conduite de Joseph Lebon , les membres qui ont
été nommés sont , Siblet , Christiaui , Karcher , Lambert ,
Giraud , Claverie , Quirot , Thabaut , Marin , Bordas , Bréguis ,
Lemane Dubusc , Thirion , Roux de l'Aveiron ) , Finot ,
Arrighi , Girard ( de l'Aude ) , Moreau ( de Saône et Loire ) ,
Michaud et Letourneur ( de la Sarthe . )
Tallien , au nom du comité de salut public , fait décréter
qu'Isnard , envoyé en mission dans le département des Bouchesdu-
Rhône.y surveillera les approvisionnemens et les opérations
relatives au commerce ,
Treilhard , au nom du même comité et décelui des finances ,
expose que les députés en mission tirent tous les jours sur
les caisses nationales des mandats pour des paiemens et des
avances qui ne sont pas toujours nécessaires ; qu'ils font aussi
des marchés sur des apperçus avantageux et qui ne se réalisent
pas , et que toutes ces mesures absorbent les fonds de la nation .
Le tems n'est pas éloigné , ajoute - t - il , où vous n'aurez plus
de représentans en mission , et il propose en attendant de
décréter qu'ils ne pourront délivrer aucuns mandats sur leš
payeurs , ne ratifier aucun marché sans l'autorisation des
comités de salut public et des finances . Adopté.
L'ordre du jour était la discussion du projet de décret de
la commission des onze , tendant à donner de l'intensité au
( 343 )
gouvernement actuel ; mais le président annonce que les
membres qui la composent demandent cette journée pour revoir
leur travail . Thibaut propose de s'occuper des finances , et
Roussel obtient la parole sur cet objet , et annonce qu'il s'est
occupé d'un projet pour retirer d'une maniere simple et
facile les assignats de la circulation . Il voudrait que les comités
chargés de faire un rapport sur la perception de l'impôt en
mature, proposé par Dubois- Grancé , examinassent en même-tems
s'il ne conviendrait pas de conserver une certaine quantité
de domaines nationaux pour en avoir les productions en
nature .
2 par
la
Charlier assigne les deux causes principales du renchérissement
des denrées , la concurrence du numéraire avec l'assignat
et la trop grande quantité de celui ci . Il est impossible
, dit il , que ces deux monnaies existent ensemble ,
l'une fait nécessairement la guerre à l'autre et finira
dévorer . L'or et l'argent qui ont une valeur intrinseque doivent
détruire le papier qui n'en obtient que par la confiance. Charlier
desire que ces métaux restent marchandise et servent pour
les échanges avec l'étranger , mais qu'ils ne soient pas convertis
en mangaie .
Ricord est d'avis que la réduction de l'assignat au mare
d'argent , achevera son discrédit ; il propose de les échanger
pour des contrais territoriaux qui n'auraient pas de cours
force , e qui pourraient être employés au paiement des domaines
nationaux..
Hoffman opine pour la démonétisation des assignats . I
demande qu'on ne laisse dans la circulation que ceux de
cent sous et au- dessous , et que pour employer les autres on
établisse nne caisse d'amortissement , des loteries , qu'on donne
des inscriptions , enfin , qu'on les reçoive en paiement des
domaines nationaux et des impositions . Rousseau le combat.
Selon lui , les billets de banque pourraient être substitués aux
assignats , et pour les accréditer ils porteraient intérêt . La
discussion est ajournée .
Séance de décadi , 20 Floréal.
Plus de la moitié des communes du département du Jura
se sont réunies pour demander à la Convention le rapport
du décret du 17 nivôse , sur les donations et les successions ;
quant à l'effet rétroactif elles taxent de déshonorante pour la
nation et de criminelle cette disposition , et croient que sa retractation
est le seul moyen de ramener la paix dans les familles .
Leur pétition est renvoyée au comité de législation ,
La Convention avait décrété qu'elle n'entendrait aujourd'hui
les pétitionnaires que jusqu'à une heure , pour discuter ensuïte
le plan de gouvernement de la commission des onze . Quelquesuns
ayant été entendus , Vittard parle le premier et se déclare
contre le projet de la commission . Il attaque sur- tout l'attri
Y 4
( 344 )
bution au comité de salut publie de la nomination aux places
administratives , et à celui de législation , de l'examen des inculpations
faites contre les députés .
Lesage d'Eure et Loire ) : On veut placer la confiance
dans les hommes , et moi je ne peux en avoir que dans les
lois . La garantie des droits des citoyens est dans la division
des pouvoirs . Adopter le projet de la commission ce serait
créer un comité de tyrannie . Il faut enfin revenir aux priucipes
et ne pas croire qu'en continuant de faire mal , on puiste
Jamais opérer le bien. La position des Américains a été la
même que la nôtre , ils ont eu les mêmes obstacles à vaincre ,
les mêmes ennemis à combattre au dedans et au dehors . Ils
avaient aussi une Convention , mais à côté d'elle se trouvait
une autorité exécutive très - distincte. L'Angleterre , pendant sa
révolution , eut un parlement qui goaverna , et il s'éleva un
Cromwel qui fraya le chemin du trône à Charles . Nous avons
eu notre Cromwel , prenons garde d'avoir un Charles II. Lesage
conclut en demandant l'établissement d'un conseil exécutif
composé de sept membres et subordonné au comité de salut
public . La discussion est interrompue par la lecture que donne
an des secrétaires de la lettre des représentants du people près
les armées de l'Ouest et des côtes de Brest et de Cherbourg ,
qui annoncent que la Vendée est entierement pacifice . Stoflet
et les chefs de son armée se sont soumis à la République ,
ont promis de ne plus porter les armes contr'elle , et de remettre
dans le plus bref délai , l'artillerie qui est en leur possession . ( Applaudi. ) ( Voyez Nouvelles en leur possession.
)
Mathieu , au nom du comité de générale , fait un
rapport sur les événemens arrivés à Lyon le 15 floréal . Les
citoyens de cette commune, indignés de l'inaction de la justice
contre les égorgeurs de leurs parens et de leurs amis , se sont
rendus aux prisons et vengés eux - mêmes sur les assassins détenus
dans les prisons de Roanne. Les prisonniers de la maison
des Recluses ayant appris qu'un rassemblement se portait sur
eux , ont mis le feu à la prison. Il a été éteint après 4 heures
de peines . Les représentans et les autorités constituées ne
pouvaient modérer la fureur du peuple. Il y a eu 70 personnes
inées .
Séance de primedi , 21 Floréal.
La section du Mont-Blanc demande le rapport de l'art. IV
de la loi du 12 floréal qui viole la liberté de peaser et d'écrire
en faisant poursuivre par les tribunaux criminels ceux qui
par des écrits ou des discours séditieux , provoqueraient l'avis
lissement de la représentation nationale . Vous n'oubliez pas ,
dit-elle , les services rendus à la liberté publique par celle
de la presse on semble redouter l'avilissement de la Convention
un corps ne peut être avili que par ses propres
actions. Votre credit repose sur la moralité de chacun de
( 345 )
1
vons ; bravez la calomnie , triomphez de la médisance , et.
soyez toujours justes .
Chenier , sur le rapport daquel a été rendu le décret contre
lequel s'elevent de fréquentes réclamations , demande la
parole . Il s'occupe à justifier son rapport. Il demande pour
quoi ce débordement d'injures contre lui , lorsqu'il n'a été
que l'organe des comités réanis ? pourqasi on veut faire
passer pour terroristes ceux qui se plaignent du systême de
diffamation qui s'établit ? Il cite Rabant St. Etienne qui, dans des
circonstances pareilles , compara la liberté de la presse à la
liberté de la parole . Il observa que n'étant pas permis d'insulter
un citoyen parparoles , il ne devait pas être plus permis
de l'insulter par écrit. La Convention charge son comité de
législation de lui présenter un projet dans lequel seront précisés
les cas d'avilissement et de provocation qui doivent
appeller l'animadversion des lois .
On rouvre la discussion sur le plan de la commission
des onze.
Fréren , dans un discours vivement applaudi , le combat
de même que celui de Thibaudean . Il prouve que ces projets
en donnant au gouvernement plus d'intensité et de force ,
lui donneraient aussi plus de moyens de tyrannie que n'en
eut jamais l'ancien comité de salut public . I demande que
sextidi prochain , la discussion s'ouvre sur la question de
savoir s'il sera nommé un conseil exécutif provisoire , que
le comité de salut public surveillera . Il vent qu'on ne donne
que deux mois de délai à la commission des onse pour présenter
son travail sur les lois organiques , qu'au mois après
ces lois soient soumises à la sanction du peuple , et que la
Convention après avoir demeuré encore six mois à son poste
pour s'assurer de la marche du gouvernement , soft remplacée
par le corps législatif .
1
Des débats s'élevent sur celui des projets auquel on donnera
la priorité . Cambacérès l'obtient pour le sien , et il est décreté
en ces termes :
Art. Ier . Les attributions données aux différens comités ,
par la loi du 7 fructidor , sont maintenues , et cette loi continncia
d'être exécutée dans toutes les dispositions auxquelles
il ne sera pas dérogé par le présent décier.
II. Le comité de salut public prendra seul tous les
arrêtes relatifs aux mesures d'exécution sur les matieres qui
forment ses attributions actuelles , et les divers comités con
serveront la proposition des lois à faire sur les mêmes matieres.
" III. Les dépenses seront ordonnancées par les comités
de salut public et des finances . H y aura pour cet effet une
section composés de trois membres du comite des finances
et de trois membres du comité de salut public .
» IV. Les réunions des comités se feront dorénavant pær
( 346 )
quatre commissaires de chaque comité ; néanmoins la réunion
avec le comité de sûreté générale sera entiere dans tous les cas .
" V. Le comité de salut public se divisera en sections qui
se partageront la correspondance des commissions exécutives ,
présentera sous trois jours le plan de son organisation .
Cambacerès proposait de maintenir la réunion en entier
des trois comités de législation , de sûreté générale et de
salut public , dans les cas de la loi du 8 brumaire , sur la
garantie de la représentation nationale ; mais Louver demande.
que le comité de législation soit chargé de présenter un
autre mode sur cette garantie.
La motion de Louvet est décrétée .
Sur le rapport du comité de sûreté générale , la Convention
décrete que le représentant Garnier ( de Saintes ) , envoyé
dans les envirous de Paris , reviendra sur - le- champ , à Paris
pour donner des renseignemens dont on a besolu .
PARIS . Quartidi 24 Floréal , l'an 3º . de la République .
L'agiotage continue plus que jamais son jeu infernal
au palais Egalité . A mesure que l'on discute sur la șituation
des finances , et qu'on présente quelque nouveau
systême sur les assignats , les spéculateurs sur le crédit
et la fortune publique , épient la moindre opinion qui
peut influer sur le discrédit pour faire hausser précipitamment
les denrées , ainsi que l'argent . Le louis est
monté au- dessus de 400 liv . Tant qu'on se contentera
de discourir vaguement sur cette matiere si délicate et
si importante , tant qu'on n'embrassera pas un plan
suivi , on ne fera qu'exciter les inquiétudes et augmenter
la défiance .'
Cependant on s'occupe de la formation du jury
chargé de faire choix de soixante agens -courtiers de
banque de Paris , pour mettre un frein à l'agiotage . Voici
les noms des citoyens qui doivent composer ce jury :
Rousseau , Bagnenault , banquier ; Revil , marchand ; Falchiron
, banquier ; Bernier , marchand ; Lesguillers , marchand
épicier ; Mailer fils ainé , banquier ; Carnier , marchand ,
Lang , banquier ; Delondres ; Perregaux , banquier ; Morliere ,
marchand ; Millot , marchand ; Pochet , négociant ; Enfuntin ,
bauquier : Gerbet , négociant ; Lemoine , marchand , Dufayer ,
négociant ; Olivier ; Louis Monneron ; Lecouteux - Canteleux ;
Boursier ; Abeille ; Decretot , fabricant ; Goudard , fabricant ;
Brochan . f
Le jury se rassemblera sans délai , et fera son choix parm
les citoyens les plus probes et les plus incelligens , en éloii
guant tous ceux connus jusqu'à ce jour per le jeu des effeta
et marchandises .
( 347 )
Les papiers de Hollande et des lettres particulieres rapportent
le traité d'alliance qui vient d'être arrêté entre la République
Française et celle des Provinces- Unies . En voici la teneur :
Art. Ier. La république batave est libre et indépendante .
,, II . Alliance defensive et offensive entre les deux répu
bliques .
III. Il ne sera pas au pouvoir d'aucune des deux puissances
de faire une paix exclusive .
IV. La république batave entretiendra , durant la campagne
prochaine , 12 vaisseaux de ligne et 18 frégates ; ce nombre
sera augmenté s'il estnecessaire de faire une seconde campagne.
9 V. Durant la guerre , les forces navales et les forces de
terre de la république batave , destinées à agir contre l'ennemi,
seront sous le commandement des généraux français .
" V1I. La république française rend , sans différer , à la répu
blique batave , tous les pays au- delà du Rhin et du Waal
ayant appartenus aux Provinces - Unies qu'elle a subjugués
dont elle est en possession .
sera
9 VII. Le pays situé en- deçà du Waal et du Rhin , à l'exception
de celui dont il sera parlé dans l'article VIII ,
occupé par des troupes françaises jusqu'à ce qu'à la paix il en
soit disposé ulterieurement.
,, VIII. Sont exceptées les villes et territoires suivans ; savoir
, Maëstricht , Venlo , Breda , Bergop - Zoom , et le reste du
pays , depuis cette derniere ville jusqu'au marquisat d'Anvers ,
ainsi que les districts formant les deux bords du Hond ; savoir,
à la droite , des isles de Zud - Beveland et Walcheren ; et la
gauche , de la Flandre hollandaise ; ces villes et territoires
resteront au pouvoir des Français jusqu'au moment où le sort
de la Belgique sera décidé ,
IX. La république française aura la faculté de mettre garnison
, jusqu'à la paix dans telle place forte qu'elle jugera
nécessaire pour couviir le pays.
›› X. La navigation sur le Rhin , la Meuse et l'Escaut , ainsi
que toutes lears branches , jusqu'à la mer sera libre aux deux
nations .
,, XI . La république batave paiera à la république française
les frais de la guerre qu'elle a été obligée de soutenir contre
elle. La république batave pourra s'en libérer moyennant une
indemnisation équivalente , et qui pourra se régler à l'amiable
entre les deux républiques ; il devra se payer sans delai un à
compte , qui ne pourra être moins de vingt millions de florins
de Hollande , en argent on lettres - de - change sur la France ou
pays neutre. "
NOUVELLES OFFICIELLES.
Déclaration des chefs de l'armée catholique et royale d'Anjou et
#
du Haut-Peitou .
Nous général en chef es, officiers de l'armée catholique et
( 348 )
า
royale de l'Anjos et du Haut - Poiton , déclarons qu'animés
de desir de la paix , nous n'en avons retardé la conclusion
jusqu'à ce jour que pour consulter les veux du peuple , dont
les intérêts nous étaient confiés , et celui des chefs de l'armée
catholique et royale de Bretagne ; aujourd'hui que ce voeu est
prononeé , tant dans l'écrit en date du 13 février 1795 , intitulé
, Paroles de paix , que dans la déclaration du per , floréal ,
mous adhérons aux mesures prises par les représentans pour la
pacification des département insurgés , en nous soumettant aux
fois de la République uae et indivisible , promettant de ne
jamais porter les armes contre elle , de remettre dans le plus
bref délai notre artillerie .
9
Eh ! puisse cette démarche de notre part éteindre le flambeau
des discordes civiles et montrer aux nations étran
geres que la France n'offre plus qu'un peuple de freres , comme
Dous desirous qu'elles ne forment bientôt avec elle qu'une
société d'amis.
Nous invitons les représentans du peuple , qui ont concouru
à la pacification , à se transporter à la Convention nationale
pour y exprimer la sincérité de nos voeux , et détruire les
soupçons qu'eleveront les malveillans sur la loyauté de nos
intentions.
Signés , Stofflet , de Beauvais , Monnier , Launay , Cesbron ,
Michelin , Caris , Guichard , Lhaillier , Jouselin , Nicolas ,
Cocu , Marné , Perere , Dupouet , Legosi , C. Fongeray ,
Dumenil , Palierne , Cheton , Cody , Forestier , Thibaut
3. Châlon , Girault , Bobert , Barré , secrétaire -général ; par
adhesion , Bernier .
Copiede la lettre écrite , le 16 féréal , au comité de sûreté générale ,
par le représentant du peuple Boisset , en mission dans les dépar
temens de l'Ain , l'Isere , Rhône , Loire , Saône et Loire...
"
Combien je vais affliger vos coeurs , citoyens collegues ,
en vous retraçant le funeste événement qui vient d'avoir lieu
en cette ville ! Je vous prévenais , par ma lettre du 5 de
ee mois , de l'état de Lyon , du peu de force qui était
notre disposition , des rassemblemens qui se formaient autour
des prisous , de l'impuissance où je serais d'arrêter des malheurs
s'il y avoit un mouvement je vous demandais aussi des
forces ou des mesures répressives contre les hommes de sang ;
mes fettres qui ont succédé à celle du 5 , vous annonçaient
et le calme et mes craintes : déja sévissant contre les émigrés ,
j'étais parvenu à les faire rétrograder ; tout m'annonçait la tranquillité
.
,, Hier on jugeait un nommé Bonnard , dénonciateur
sonny ; le people s'est pouté en foule pour être témoin de
son jugement : le président voulut faire évacuer le parquet ;
les esprits étaient échauffés ; un sergent donna , dans le tumulte ,
l'ordre de parter les armes ; on crut entendre celui de charger lep
( 549 1
1
1
1
1
!
armes ; plusieurs soldats , dit- on , chargerent. Co mal- entenda
pensa faire naître un massacre horrible : les rassemblemens sé
porterent à la prison de Roanne , qui est située à côté de la
salle du tribunal. A sept heures et demie je fus informé , par
un officier municipal , de ces mouvemens ; un moment après
le général de brigade Cesar m'envoya ua hussard pour m'avertir
que toute la garnison se portait à cette prison , mais qu'elle
serait insuffisante . Je fis aussitôt seller un cheval , et seul ,
accompagne de moa secrétaire , je me transportal à certa
prison ; il n'était plus tems , les victimes desiguées n'étaient
dėja plus.
:
..
" Je parlai au peuple ; je parvios le calmer des cris de
vive la Convention se sout fal, entendre ; une foule iunombrable
m'entoure , et saisit la bride de mon cheval . Je ne sus
dans le premier instant , ce que cela deviendrait ; mais des
torrens de larmes inonderent mes mains ; tout le peuple criait :
Les monstres ont fait assassiner mon père ; celui-ci a fait égorger
mon frere ; celui - là m'a privé de toute ma famille , et la Convention
se tail sur ces scélérats ! Je partai jusqu'à extinction de
voix ; le tumulte se prolongeait dans les tenebres ; le peuplo
était furieux contre le batailion de l'Isere ; un combat allait
s'engager j'ouvris les yeux au peuple ; tout s'appaisa er ja
me rendis à la commune pour donner des ordres , pour que
les autres prisons fussent investies par une force respectable.
Un rappel fut battu dans tous les quartiers ; les citoyens se
rassemblerent ; dix mille hommes , mais la majeure partie sana
armes , se porterent aux autres prisons pour en défendre l'entrée .
Les magistrats se rendirent par- tout ; la force et leur voir
farent impuissantes , les détenus mirent le feu à la prison dite
des Recluses ; il fit des progrès ; malgré tous les efforts , le
feu et les mouvemens ne furent appaisés qu'au bout de 4 heures .
Des rapports qui me fatent faits par l'état major de la place ,
m'annonçaient que plusieurs des prisonniers étaient armes .
Plusieurs causes ont fait naître cette sanglante catastrophe :
le silence de la Convention , l'audace des partisans du systême
de terrear , les derniers événemens qui ont eu lieu à Paris ,
et l'arrivée des journaux qui apprirent et les danges que la
Convention conrait sans cesse , et les nouvelles tentatives de
la section de Montreuil. Je vous ai dit toujours la vérité , et je
vous la dirai toujours si vous ne prenez des mesures géné
fales pour punir les oppresseurs , si vous ne vous occupez du
sort de ceux qui furent opprimés , il naîtra des maux incal
culables .
" Les autorités constituées rédigent les procès - verbaux de
cette affligeante nuit ; des qu'ils me seront parvenus , je vous
les enverrai . Je ne puis vous donner de grands détails sur le
embre des personnes tuées ; il peut se porter de soixante
à soixante-dix : tous les autres prisonniers ont été respectés.
Ca que je puis vous dire , mea chers collegues , c'est que la
( $50 )
force armée de cette ville a ete paralysée par le peuple en
masse .
Je prends tous les renseignemens nécessaires pour décoùvrir
les chefs de cet attroupement ; deux hommes marqués
avaient été arrêtés par ordre du maire , et remis entre les
mains de la garde nationale ; mais ils se sont échappés . Défiezvous
des rapports mensongers qu'on pourrait vous faire ; sans
doute on va les exagérer ; soyez certains quej'ai fait tout ce qui
á été en mon pouvoir pour que la représentation nationale
fût respectée , et que j'ai fait mon devoir. Tout est calme en
ce moment . "
Salut et fraternité . 1 Signé , BOISSET .
F. S. Dans ma lettre du 14 , je vous prévenais que j'avais
donné des ordres à Mâcon et à Roanne pour arrêter la marche
de l'ex- commission temporaire. J'apprends à l'instant , par
un courier , que le district a reçu , deux heures après mes dés
pêches , les vôtres sur le même objet , et que les six prévenus
sont constitués dans les prisons de Roanne.
TRIBUNAL REVOLUTIONNAIRE.
Jugement renda contre Fouquier- Thinville at ses complices.
Vá
par le tribunal
la déclaration
du jury
, portant
:
1º. Qu'il
a été pratiqué
an tribunal
révolutionnaire
, séant
à Paris
, dans
le courant
de l'an
s * . de la République
Française
,
des
maneuvres
ou complots
tendans
à favoriser
les projets
liberticides
des
ennemis
du
peuple
et de la République
, à
provoquer
la dissolution
de la représentation
nationale
et le
renversement
du régime
républicain
, et à exciter
l'armement
des
citoyens
les uns
contre
les autres
;
Notamment , en faisant périr , sous la forme déguisée d'un
jugement , une foule innombrable de Français , de tout âge et
de tout sexe , en imaginant , à cet effet , des projets de conspiration
dans les diverses maisons d'arrêt de Paris ;.
En dressant ou faisant dresser , dans ces différentes maisons
, des listes de proscription ;
En rédigeant , de concert avee certains membres des anciens
comités de gouvernement , des projets de rapport sur ces prétendues
conspirations , propres à surprendre la religion de ces
comités et de la Convention nationale, et à leur arracher dei
arrêtés et des décrets sanguinires ;
En amalgamant dans le même aute d'accusation , mettant
en jugement , faisant traduire à l'audience et au supplice plusieurs
personnes de tout âge , de tout saxe , de tout pays , et
absolument inconnues les unes aux autres ;
En requerant et ordonnant l'exécution de certaines femmes
qui s'étaient dites enceintes , et dont les gens de l'art avaient
declaré ne pouvoir par constater l'état de grossesse ; {
( 351 )
En jugeant , dans deux , trois ou quatre heures au plus
30 , 40 , 50 , et jusqu'à 60 individus a - la - fois ;
En encombrant sur des charrettes , destinées pour l'exécu
tion du supplice , des hommes , des femmes , des jeunes gens ,
des vieillards , des sourds , des aveugles , des malades et des
infirmes ;
La faisant préparer des charrettes dès le matin , et longtems
avant la traduction des accusés à l'audience ;
En ne désiguant pas dans les actes d'accusation , les qualités
des accusés d'une maniere précise , de sorte que , pat
cette confusion , le pere a péri pour le fils , et le fils pour
le pere ;
་ ་
En ne donnant pas aux accusés connaissance de leur acte
d'accusation , ou la leur donnant au moment où ils entraient
à l'audience ;
En livrant , avant la rédaction des jugemens , la signature au
greffier , sur des papiers blancs , de sorte qu'il s'en trouve encore
plusieurs dans le préambule et le vu desquels se trouvent
rappelées grand nombre de personnes qui toutes sont exééutées
, mais contre, lesquelles ces jugemens ne renferment aneuve
déposition ;
En n'écrivant pas , on en ne faisant pas écrire la déclara
tion de jury au bas des questions qui lui étaient soumises ;
Lesquelles deux dernieres prévarications , suite nécessaire
de la prevarication criminelle des jages dans l'exercice de
leurs fonctions , ont pu donner lieu à cette foule d'erreurs et
de méprises , dont une se trouve parfaitement constatée dans
la personne de l'infortuné Perès ;
}
En refusant la parole aux accusés , à leurs défensears , en
se contentant d'appeler les accusés par leurs noms , âges et
qualités , et leur interdisant toute défense ;
En faisant rendre , sous prétexte d'une révolte qui n'exista
jamais , des deereis pour les mettre hors des débats ;
En ne posant pas les questions soumises au jury , en présence
des accusés ;
ba choisissant le juré , au lieu de les prendre par la voie
du sort;
En substituant aux jares de service d'autres jurés de choix
En jugeant et condamnant des accuses sans témoins et sans
pieces ;
En n'ouvrant pas celles qui étaient envoyées pour leur
conviction ou leur justification , et ne voulant pas écouter les
temoins qui étaient assignés ;
En mettant en jugement des personnes qui ont été condamnées
, exécutées avant la comparution des témoins et l'ap
port des pieces demandées et jugées nécessaires pour effectuer
leur mise en jugement ;
En faisant conduire sur le lieu destiné au supplice un grand
nombre d'accusés , et rester exposé pendant le tems de leur
Y
( 352 )
exécution , de cadavre d'un de leurs co-accusés , qui s'était
poignardé pendant la prononciation du jugement ;
En donnant une seule déclaration sur tous les accusés en
masse ;
En proposant de saigner les condamnés , pour affaiblir lé
courage qui les accompagnait jusqu'à la mort ;
$
En corrompaut la morale publique par les propos les plus
atrocés et les discours les plas sanguinaires ;
En entretenant des liaisons , des correspondances et des
intelligences avec les conspirateurs deja frappés du glaive de
la loi ;
29. Que Fouquier est auteur de ces manoeuvres et complots ,
et qu'il a agi avec de mauvaises intentions ;
3. Qu'Etienne Foucault , ex -juge ;
Gabriel-Toussaint Scellier , ex président ;
François - Pierre Garnier Delaunay , ex-juge ;
Pierre- Nicolas -Louis Lerei , dit Dix-doût , ex-juré ;
Léopold Renaudin , ex- juré ;
Joachim Villatte , ex-juré ;
Jean Louis Prieur , ex juré ;
Claude-Louis Châtelet , ex-juré ;
François Girard , ex-juré;.
Pierre Joseph Boyenval , tailleur d'habits ;
Pierre-Guillaume Benoit , ci- devant agent du pouvoir exé .
catif;
Marie-Joseph-Emanuel Laane , adjoint à la commission
des administrations civiles , police et tribunaux , ex-juge ;
Joseph Verney , ci - devant porte clés au Luxembourg :
François Dupommier , ex administrateur de police ;
A. M. J. Hermanu , commissaire des adininistrations civiles ,
police et tribunaux , ex- président , ue sont pas auteurs , mais
qu'ils sont complices de ces maneuvres et complots , et qu'ils
ont agi avec de mauvaises intentions , le tribunal a condamné
les susnommés à la peine de mort .
4°. Qu'Antoine maire , ex-juge ; Gabriel Deliege , ex- président
; Marie-Claude Naulin , substitut , ex-président ; Fran-
Fois-Marie Delaporte , ex-juge ; Jean-Baptiste Lohier , ex-juge ;
François Trinchard , ex-juré ; Jean- Etienne Brochet , ex-juré ;
Pierre -Nicolas Chrétien , ex-juré ; George Gauney , ex-juré ;
Benoît Trey , ex - juré ; Jean Guyard , ancien concierge du
Luxembourg J. L. Valuguose , peintre ea bâtimens , ne sont
poiut auteurs , mais qu'ils sont complices de ees maneuvres
et complets , mais qu'ils n'ont pas agi avec des mauvaises intentions
, le tribunal les a acquittés .
5°. Que Jean - Baptiste- Toussaint Beausire , vivant de son
bien ; Maurice Lupray , ex -jūrė , ne sont ni auteurs ni complices
de ces manoeuvres et complots , le tribunal les a également
acquittés ,
( N ° 48. )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 30 FLORÉAL , l'an troisieme de la République .
( Mardi 19 Mai 1795 , vieux style . )
HISTOIRE POLITIQUE .
APPEL à l'impartiale postérité , par la citoyenne ROLAND ,
femme du ministre de l'intérieur , ou Recueil des écrits
qu'elle a rédigés pendant sa détention aux prisons de l'Abbaye
et de Sainte - Pélagie ; imprimé au profit de sa fille
unique , privée de la fortune de ses pere et mere , dont les
biens sont toujours séquestrés . Premiere et seconde partie ,
avec cette épigraphe : Que ma derniere lettre à ma fille
fixe son attention sur l'objet qui paraît être son devoir
essentiel , et que le souvenir de sa mere l'attache
aux vertus qui consolent de tout ; tirée de
l'écrit intitulé : Mes dernieres pensées . A Paris , chez
LOUVET, libraire , maison d'Egalité , galerie neuve , der
riere le théâtre de la République , no . 24.
PREMIER EXTRAIT.
C'EST à la révolution et aux calamités qui en ont été
la suite que nous devons l'avantage de connaît.e un
de ces grands caracteres , dont le spectacle ne manque
jamais de nous causer un ravissement délicieux , que
notre ame se plaît d'autant plus à contempler , que la
nature n'en produit que rarement , et comme pour co
soler l'espece humaine de sa faiblesse , en lui montrant
la mesure de la grandeur où elle peut atteindre . Ce
caractere est celui d'une femme , de la citoyenne Roland ,
qui par son éducation et ses principes était destinée à
vivre dans une obscurité dont'elle s'honorait , et qui l'é
levait à ses propres yeux . Mais dans ces mouvemens
extraordinaires et terribles des sociétés , où le voile uniforme
qui les couvre ordinairement est déchiré , où les
lois et tous les liens artificiels destinés à comprimer les
passions sont brisés , presque tout ce qu'elles renferment
de bon et de mauvais est forcé de se montrer , par
Tome XV. Z
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l'effet d'un bouleversement qui ne laisse rien à sa place.
Dans cette fermentation du corps politique , dans ce
mouvement impétueux des élémens qui le composent,
parmi la lie qui s'éleve à sa surface , parmi ces objets
vils et hideux et ces monstres dégoûtans nés de la corruption
sociale , paraissent quelques êtres distingués par
leur génie et leurs vertus , comme des plantes bienfaisantes
parmi des poisons . Ces qualités qui les font remarquer
sont un danger de plus pour eux , et ils pont
bientôt engloutis par le débordement populaire avec
le limen et les nombreux débris qu'il entraîne.
Tel a été le sort de la citoyenne Roland , une des
victimes sur lesquelles le crime a exercé ses fureurs . Un
esprit vif et pénétrant , et le goût des lettres puisé dans
des lectures précoces , l'avaient rendue capable d'écrire
avec succès . Elle avait cultivé ce talent sans aucune
prétention à la célébrité , sans but , sans dessein , et par
le seul effet de ce besoin de s'exercer qui poursuit une
ame active . Unie à un homme qui écrivait sur les arts ,
le commerce et l'économie politique , elle partageait
ses travaux littéraires , comme la femme d'un artisan
partage quelquefois ses travaux méchaniques . Lorsque
Roland fut élevé à la place de ministre , la même association
de travail eut lieu entre lui et son épouse , et
par la lecture des écrits de celle - ci , on sera convaincu
que ce n'était pas sans un grand avantage pour l'homme
public. Ils devinrent bientôt l'un et l'autre les objets
de la calomnie . C'est pour la confondre que la citoyenne
Roland a composé dans sa prison l'ouvrage que nous
annonçons. Elle pouvait se passer de ce secours qui ,
inutile à sa justification , servira beaucoup à sa gloire et
au plaisir de ses lecteurs. La citoyenne Roland était
sans doute pénétrée de l'impuissance des efforts du
crime contre la vertu . Mais elle a cédé peut - être à cet
instinct moral qui a tant de pouvoir sur la femme , qui
la soumet plus particulierement à l'opinión , et lui rend
l'estime d'autrui plus nécessaire . Prête à monter à l'échafaud
, elle a vu les yeux de la postérité fixés sur elle ,
elle n'a voulu laisser aucun nuage sur sa réputation ;
c'est Thisbé , qui en tombant et prête d'expirer , s'oc、
cupe des derniers soins de la pudeur , et arrange ses
vêtemens .
En lisant les écrits de la citoyenne Roland , on trouve
en elle une vigueur d'esprit , une élévation de sentimens
et des formes originales qui n'ont rien de ce caracters
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monotone, froid et sans consistance que donnent aux ames
T'éducation et les gouvernemens modernes. On ne sera
point surpris de cette singularité , lorsqu'on apprendra
d'elle -même , qu'à l'âge de huit ans elle portait à l'église ,
au lieu d'une semaine sainte , les vies des hommes illustres de
Plutarque.... Que dans les premiers élans de son jeune caur ,
elle pleurait , à douze ans , de n'être pas née spartiate ou
romaine . Elle est un exemple propre à faire sentir combien
est important le choix des premieres impressions
à donner aux hommes. Uu de ces hasards , qui quelquefois
ne président pas moins à notre éducation qu'à
notre naissance , une lecture fortuite faite à l'âge où
notre ame reçoit sa premiere forme , avait peut-être.
donné à celle de la citoyenne Roland une empreinte
tout- à- fait étrangere à son siecle et à son pays . Lorsque
la révolution française arriva , elle crut recevoir une
nouvelle existence , une nouvelle patrie , et les seules
qui convenaient à ses sentimens , J'ai cru , dit - elle , y
voir l'application inespérée des principes dont je m'étais
nourrie . Hélas ! tous les esprits n'étaient pas préparés ,
comme le sien , à cette nouvelle, maniere d'être . Nous
avons trop éprouvé que l'air de la liberté ne va pas à
tous les tempéramens . C'était, le véritable élément de
la citoyenne Roland . Elle y yoyait la source du bonheur
et de la perfection de l'espece humaine . Pour être
frappée , comme elle l'avait été au sortir de l'enfance
de ce que l'histoire des peuples libres de l'antiquité
présente de sublime et de grand , il fallait peut - être
aussi que la nature lui eût donné une organisation forte
et une sensibilité profonde , capables de disposer son
ame à recevoir les impressions du beau . Quoi qu'il en
soit , ayant vu que la liberté avait donné la vie aux
gouvernemens anciens qu'elle admirait , et qu'elle y
avait été le principe des actions et des vertus qui étonnent
encore notre faiblesse , elle s'était fortement pénétrée
du sentiment qui les avait produites , et qui , transformée
en passion chez elle , ne lui laissait envisager
qu'avilissement et misere par- tout où la liberté n'était
pas. La citoyenne Roland existait fictivement à Athenes ,
à Rome , à Sparte , en attendant que la France devenue
libre , lui offrit une patrie plus réelle et digne d'elle.
Les ouvrages des anciens , dans lesquels si peu de
gens savent lire , n'avaient pas moins influé sur son
esprit que sur son caractere . Ils avaient donné sans
doute à son style une teinte particuliere qui semble la
Z &
Cup ( 356 )
1
et
distinguer des femmes qui jusqu'à présent avaient écrit
parmi nous. En contemplant ces divins modeles ,
s'identifiant avec eux , elle s'était sans doute rendu
propre le secret de cet art , qui dans leurs écrits produit
d'autant plus d'effet qu'il se montre moins ; cette
simplicité qui s'allie avec la plus grande élévation ; ce
goût pur qui rejette ce qui n'est qu'ornement frivole et
vaine enflure , et ne dédaigne rien de ce qui rappelle
la nature . Aucune fausse délicatesse ne retenait les anciens
. Tout ce qui sous la plume peut réveiller un sentiment
, ou peindre un caractere , était recueilli et présenté
par eux , sans affectation et avec un charme inattendu
pour les lecteurs . C'est par les détails qu'ils intéressaient
principalement. On en trouvera dans les
écrits de la citoyenne Roland qui ne dépareraient point
les dialogues de Platon . C'est ainsi qu'elle rapporte la
rencontre qu'elle fait d'un chien dans un des momens les
plus importans de sa vie . Un des plus beaux poëmes de
l'antiquité est embelli par un trait qu'a fourni au pinceau
d'Homere l'aimable instinct de cet animal . Les
détails sont assez du ressort de l'esprit des femmes , qui
apperçoit rapidement et saisit les nuances des objets.
Mais parmi les esprits capables de voir beaucoup de
choses , il en est peu qui les voient dans leurs vrais .
rapports . La justesse de celui de la citoyenne Roland
égale sa pénétration ; il se porte sans efforts vers tous
les sujets , et n'en rapporte que des impressions vraies
qu'elle rend avec energie , et non- seulement avec cette
grace particuliere à son sexe , mais encore avec celle
qui naît de cette supériorité qui s'ignore elle - même , et
que pour cela on nomme quelquefois génie ou talent.
L'éditeur des écrits de la citoyenne Roland dit , dans l'avertissement
mis à la tête de la premiere partie , qu'elle
était supérieure à quelques égards , aux Sevigné et aux
Maintenon , parce qu'elle était beaucoup plus instruite que
ces deux femmes célebres . Ce jugement n'étonnera point
ceux qui savent que ces femmes vivaient dans un siecle
où le despotisme politique et le despotisme religieux
retenaient les esprits dans un cercle d'idées très - limité.
Dans une pareille situation , les imaginations ne peuvent
s'exercer que sur un petit nombre de pensées qui reviennent
toujours , et qui par cela même se subtilisent
sans cesse . Par cette espece de volatilisation , que le
besoin de la variété rend nécessaire , elles deviennent
plus agréables à mesure qu'elles acquierent plus de
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légereté. On se pique donc de briller par de certaines
qualités déliées , et ceux qui ne les ont point lès
affectent . A la vérité , les arts qui s'accommodent assez
de la servitude , et qui en déguisént les chaînes, répandeut
alors un certain goût de grandeur qui n'a rien d'alarmant
pour le desposte , puisque ce goût ne se porte que
sur des objets frivoles . D'ailleurs , ceux qui se bornent
à jouir de ces arts ou à les juger , se concentrent dans
de petits intérêts de société , auxquels on s'efforce vainement
de donner de l'importance. La politesse qui supplée
à la véritable dignité , ôte à toutes les ames leur forme
originale , pour y substituer un masque uniforme , et
les habitue à toute la froideur des formules . Comme
dans cet état des choses aucun sentiment n'est profond ,
celui de l'amour même semble perdre de sa force naturelle
, et prend , sous le nom de galanterie , ce caractere
léger qui retrace bien plus un besoin d'intriguer
et de s'occuper , que celui de sentir . La galanterie , ainsi
que les affections de famille ou de liaison , devient donc
le sujet dominant des ouvrages des femmes capables
d'écrire . La stérilité de la matiere les force à employer
une variété de tours et d'expressions qui a bien quelque
charme , mais qui ne parvient jamais à corriger la monotonie
du fond. Leur style froid et sec , conforme aux
objets qui les occupent habituellement , ne sait plus
se proportionner à ceux qui demanderaient de la chaleur
, de la noblesse et de l'élévation. Il a fallu la grande
ame de Turenne pour donner un moment un peu d'expansion
à celle de M. de Sevigné . L'esprit de la cit.
Roland a bien plus d'étendue , une trempe bien plus
forte , et bien plus de moyens de plaire et d'intéresser .
Le goût simple et noble qu'elle avait puisé dans les
anciens , joint aux connaissances et à la raison perfectionnée
des modernes , l'avaient mise au niveau de la
plupart des grands objets qui sont dignes d'occuper
l'intelligence humaine. L'érudition chez elle s'aflic
agréablement et sans pédanterie aux principes les plus
graves de la morale et de la politique . Une philosophie
qui affranchit son ame des préjugés vulgaires , et qui
semble l'élever au-dessus de la fortune et de la nature ,
bien loin de lui donner de la sécheresse et de la dureté
, augmente sa grace en lui imprimant un mouvement
plus libre et plus indépendant ; et ce qu'on admire
le plus en elle , c'est un mélange touchant du
Z 3
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sévere stoïcisme pour elle-même , et de la plus douce
sensibilité pour les autres.
Mais la philosophie de la citoyenne Roland ne consiste
point en paroles et en maximes faites pour décorer
les pages d'un livre . Sa morale est en action ; et sur
quel théâtre ? sur le même où la vertu de Socrate reçut
le sceau de l'immortalité , en prison . On voudrait pouvoir
rapporter tout ce qu'elle y a fait , tout ce qu'elle
y a dit. Voici quelques passages de son écrit , propres
à donner une idée de son caractere . Lorsque j'entrai
entre quatre murs assez sales , au milieu desquels
99 était un grabat sans rideaux , que j'apperçus une fenêtre
à double grille , et que je fus frappée de cette
,, odeur qu'une personne accoutumée à un appartement
très- propre trouve toujours dans ceux qui ne le sont
pas , je jugeai que c'était bien une prison qu'il s'agissait
d'habiter , et que ce n'était pas du local qu'il
me fallait attendre quelqu'agrément. Cependant l'espace
était assez grand , il y avait une cheminée ,
,, couverture du lit était passable ; on me donna un
oreiller , et en appréciant les choses , sans faire de
comparaison , j'estimai que je n'étais point mal . Je
me couchai , bien résolue de demeurer au lit tant que
" je m'y trouverais bien . J'y étais encore à dix heures du
,, lendemain , lorsque Grandpré arriva ; il avait l'air non
,, moins touché , mais plus inquiet que la veille ; il
" promenait ses regards dans cette vilaine chambre qui
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" " à
la
me paraissait déja passable , car j'y avais dormi. Il
" y avait une grande agitation , le rappel battait à
chaque instant , et j'ignorais ce que ce pouvait être . Ils
ne m'empêcheront point de vivre jusqu'au dernier
instant , me disais -je ; plus heureuse de ma conscience
qu'ils ne seront animés de leur fureur , s'ils viennent
" je vais à eux , et je sors de la vie comme on entre
,, dans le repos. La femme du concierge vient m'inviter
passer chez elle où elle avait fait mettre mon cou-
" vert , pour que j'y dinasse en meilleur air. Je m'y
,, rendis , j'y vis ma fidelle bonne ; lorsqu'elle se jetta
,, dans mes bras , baignée de pleurs , oppressée de
sanglots , l'attendrissement et la tristesse me saisirent ;
je me reprochai presque d'être paisible , en songeant
,, à l'inquiétude de ceux qui m'étaient attachés , et me
" représentant les angoisses de tel et tel , je sentis un
" serrement de coeur inexprimable . Pauvre fille ! que
" de pleurs je lui ai fait verser , et que ne rachetc point
99
( 359 )
*
39
" un attachement semblable au sien ! .... Je lui prouvai
" qu'à tout prendre je n'étais pas si malheureuse qu'elle
l'imaginait, et cela est vrai . J'ai expérimenté , toutes
" les fois que j'ai été malade , une sorte de calme tout
particulier , et qui tient sans doute à une façon de
voir , ainsi qu'à la loi que je me suis faite d'adoucir
toujours la nécessité , loin de me révolter contre elle .
Du moment que je me mets au lit , il me semble que
tout devoir cesse , et qu'aucune sollicitude n'a de
" prise sur moi ; je ne suis plus tenue qu'à être là , et à
y demeurer avec résignation ; ce que je fais de bonne
grace . Je donne carriere à mon imagination , j'appelle
" les impressions douces , les souvenirs agréables , les
" sentimens heureux ; plus d'efforts , plus de calculs ,
" plus de raison ; toute à la nature et paisible comme
elle , je souffre sans impatience , ou me repose et m'é-
" gaie ; je trouve que la prison produit sur moi le même
19 effet que la maladie ; je ne suis tenue aussi qu'à être
,, là , et qu'est - ce que cela me coûte ? ,, Qui ne croirait
lire un morceau de Montaigne ? Mais il n'a pas cu le
bonheur de philosopher en prison.
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93
66
Je n'aime point à faire une grande dépense pour
ma personne , et j'ai quelque plaisir à exercer mes
forces dans les privations . L'envie m'a pris de faire une
expérience , et de voir jusqu'où la volonté humaine
" peut réduire les besoins ; mais il faut procéder par
" gradation , c'est la seule maniere d'aller loin . j'ai
" commencé au bout de quatre jours par retrancher les
,, déjeûners , et substituer au café , au chocolat , du
" pain et de l'eau ; j'ai établi qu'on ne me servirait
qu'un plat de viande commune avec quelque herbage
à mon dîner ; le soir un peu de légumes ,
" point de dessert : j'ai bu de la bierre pour me désha-
" bituer du vin , puis , je l'ai quitté elle - même . Cependant
, comme ce régime a un but moral , et que
j'aurais autant d'aversion que de mépris pour une
" économie inutile , j'ai commencé par donner une
" somme pour les malheureux à la paille , afin d'avoir
le plaisir , en mangeant le matin mon pain sec , de
" songer que de pauvres diables me devront de joindre
quelque chose avec le leur pour leur dîner. Si je
, reste ici six mois , je veux en sortir grasse et fraîche ,
n'ayant plus besoin que de soupe et de pain , et
,, ayant mérité quelques bénédictions incognito . J'ai fait
" aussi , mais dans un autre esprit , quelques présens
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99
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P
99
aux gens de service de la prison quand on est ,
" ou paraît séverement économe dans sa dépense , il
faut être généreux à l'égard d'autrui pour se le faire
pardonner , sur- tout dans une situation où ceux qui
" vous entourent comptent leur gain sur cette dépense .
Je ne demande ni soins ni marchandises ; je ne fais
rien venir ; je n'emploie personne : il est clair que
" je serai la plus maussade prisonniere pour les domestiques
qui établissent leurs petits profits sur les commissions
et les fournitures dont on les charge ; il
" convient que j'achete l'indépendance où je me mets
d'eux ; c'est la rendre plus parfaite , et me faire
9, aimer en sus . " Que de grandeur et de facilité ! c'est
l'ame d'Epictete avec la délicatesse d'une femme sensible
.
La citoyenne Roland raconte comment son mari ,
par les mouvemens brusques et inattendus de la révolution
, de la place d'inspecteur des manufactures de
Lyon , fut porté au ministere. Elle fait les portraits
de plusieurs individus qui ont joué un rôle considérable
, ou qui se sont trouvés en relation avec lui ,
ceux de ses amis intimes , ainsi que ceux des ministres
qui étaient en place dans le même tems . Parmi ces
portraits , on en trouvera qui sont dignes de Salluste
et de Tacite. A cette pénétration vive et prompte
qui est propte à son
sexe pour démêler le caractere
des hommes sur leur physionomie , et à cette connaissance
du coeur humain qui fait voir dans leurs actions
les motifs qui les détermine , elle joint le talent de
les exprimer avec force et avec vérité .
Cependant , elle est tombée dans un piége dont sa
sagacité semblait devoir la garantir , mais on est bien
excusable quand c'est l'amitié qui nous égare . Elle accorde
à ses amis avec une facilité qui fait sourire , une supériorité
en talens et en vertus qui lui appartenait à
elle-même à bien plus juste titre ; elle pouvait même ,
sans blesser la modestie , les appercevoir bien loin
au-dessous d'elle . Avec des talens qui cependant
ne s'élevaient point au- dessus du médiocre , ils avaient
sans doute ces qualités qui font les honnêtes gens ordinaires
; mais il y avait trop de disproportion entre tout
cela et les circonstances où ils étaient placés , entre leur but
et leurs moyens . Considérés sous ce rapport , ils avaient
une ame petite et une courte vue . On suppose ici
qu'aucun de ces mouvemens personnels qui nous agitent
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secrettement , ou qu'on se pardonne parce qu'ils se
trouvent joints à des motifs louables , n'ont point influe
sur leur conduite ; car les passions nous jouent souvent
ce tour , de se mettre à côté de quelque objet qui
leur serve de voile ou d'excuse . Le desir d'attacher
son nom à de grands évenemens , et pour cela de les faire
naître , a porté plus d'une fois trop légerement à se
charger de la destinée des hommes, Des idées de fortune
ne trouveraient pas même grace aux yeux de ceux
qui pardonnent tout à l'amour de la gloire . Celui qui ,
sans trembler , porte la main à l'édifice social est un
aveugle , qui bien loin d'en soupçonner les fondemens ,
n'en connaît pas même la surface . Caton eût vu périr
l'univers , si pour le maintenir il lui avait fallu violer
les lois ; l'un n'eût été à ses yeux qu'une nécessité
physique , l'autre lui eût paru un renversement de tout
l'ordre moral .
9
C'est par une suite de cette prévention excusable
pour ses amis qu'elle dit de Brissot : Savant publiciste
livré dès sa jeunesse à l'étude des rapports sociaux et des
moyens de bonheur pour l'espece humaine , il juge bien
l'homme , et ne connaît pas du tout les hommes. C'était
pourtant ceux-ci qu'il prétendait diriger , c'est avec
cet admirable fonds de science et de logique , et
quelques adages banaux empruntés des constitutions
américaines , pour les appliquer à la république universelle
, qu'il se croyait appellé à changer la face
et le sort du genre humain. Il en coûte cher aux
peuples qui ont le malheur de prêter l'oreille à de
pareils charlatans ou à de tels visionnaires . Avec beaucoup
de connaissances il a le travail extrêmement facile , et
il compose un traité , comme un autre copie une chanson ;
en effet , ceux qui ont iu les productions de cette
facilité fatrassiere de Erissot qui caractérise la nullité
du talent , s'apperçoivent aisément qu'elles n'ont pas
dû coûter beaucoup de peine à leur auteur. Indépendamment
des illusions de l'amitié qui la portent à
souscrire avec tant de condescendance à la prétendue
supériorité de certaines gens , le jugement qu'elle en
porte tient peut- être aussi à un certain respect conforme
à son caractere et à ses principes , pour ces rapports
de subordination établis par la nature entre les sexes ,
et par la société , entre l'homme et la femme . Elle
marque beaucoup de déférence pour sen mari , et dans
l'idée qu'elle s'est faité de ses connaissances adminis
( 362 )
tratives , elle ne manque pas de faire entre lui et l'homme
quile remplaça au ministere , un parallele désavantageux
à ce dernier ; parallele où l'on voit qu'il entre un peu
d'humeur échappé à sa grande ame , et bien justifié
par la situation cruelle où elle se trouvait , puisqu'elle
n'accorde que le titre d'aimable homme de société à un
des hommes les plus distingués parmi les gens de
lettres .
A cela près , elle ne porte que des regards assurés
et justes sur les personnes et sur les évenemens . Eile
voit les fautes de son parti et les avoue , elle le blâme ,
et avec raison , d'avoir cru pouvoir sans danger employer
des instrumens vils dans une entreprise qui avait -
pour objet la régénération d'un grand état. En effet ,
la liberté est trop pure , trop sainte pour comporter
l'alliance du crime. Elle n'a rien de bon à attendre ,
et a tout à craindre de ces hommes qui font un trafic
de leur prétendu patriotisme , qui ne jouent un moment
le rôle de libérateurs que pour prendre bientôt celui de
tyrans.
En voyant l'étendue des connaissances , le talent
supérieur , et le caractere sublime qui élevaient si haut
la citoyenne Roland , on sentira qu'il n'y avait que
la mort et la maniere dont elle l'a subie qui pussent
l'élever encore davantage . Mais on déplorera la perte
qu'on à faite , à la fleur de son âge , d'une femme extraor
dinaire , capable d'honorer la nation qui lui a donné
le jour , et de devenir pour elle un titre de gloire
aux yeux de la postérité . Nos descendans chercheront
parmi nous la statue de la citoyenne Roland , comme
les voyageurs cherchent la statue de Télésille parmi les
ruines d'Argos .
ANNONCÉ.
Journal des arts et manufactures , publié sous la direction de la
commission exécutive d'agriculture et des arts .
Il paraîtra tous les mois un numéro de ce journal qui sera
composé de huit à dix feuilles in - 8 ° . , avec des planches .
Prix , pour Paris , 40 liv . pour un an , et 22 liv . pour six mois ;
pour les départemens , 45 1. pour un an , et 24 1. pour six mois .
On souscrit chez Lefbore , rue des Fossés - Victor , nº . 12 ; chez
Lefbure , marchand , rue de Roban , n° . 23 , et chez tous les
libraires des départemens .
Nous nous proposons d'extraire quelquefois de ce journal des
morceaux intéressans qui serviront à faire connaître son utilité .
( 365 )
NOUVELLES ÉTRANGERES
7
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 25 avril 1795.
It paraît d'après des nouvelles de Constantinople , qui passent
pour authentiques , qu'il n'y a plus de projet de guerre sur
le tapis . Le grand- seigneur est attaqué d'une hydropisie de
poitrine ; il éprouve toute la langueur dans laquelle jette nécessairement
une maladie de consomption , et d'ailleurs le
divan rest assez occupé à pacifier les troubles occasionnés
dans plusieurs provinces par la disette des subsistances : Le
gouvernement a donné des ordres pour tirer de l'Egypte les
grains qui par bonheur s'y trouvent en abondance , et à cet
effet il a fait partir , sous l'escorte de vingt vaisseaux de guerre ,
un grand nombre de navires marchands pour Alexandrie ; d'un
autre côté , il rassemble des troupes pour disperser les bandits
dont les provinces d'Europe sont iofestés . Andrinople est dans
la situation la plus horrible . Bloquée en quelque sorte par une
armée de brigands , elle est en outre en proie à la famine
qui a déja moissonné un grand nombre d'habitans . On imagine
bien que , dans une pareille position , l'empire tare doit plus
songer à sa conservation ` qu'à sa vengeance ou à son aggrandissement.
de
Sa redoutable rivale profite de sa détresse pour s'occuper
da sien . Catherine II envoie des troupes en forces du côté
de Volhinie ; déja dans d'autres contrées nouvellement euvahies ,
elle a ordonné deux recrutemens ; le premier , d'un soldat par
200 habitans ; le second , d'un sur cent ; elle exige que
chaque recrue soit pourvue de 50 florins polonais , de 4
paires de bottes , de 4 à 6 chemises , d'une pelisse de peau
mouton ; enfin , d'un habit et d'un bonnet. On peut aisément
juger par- là du parti que la Russie doit tirer de ses usurpa
tions en Pologue , et sur-tout de l'excédent de supériorité
qu'elle acquiert sur plusienrs de ses voisins , s'ils ni laissent
tranquillement opérer cette grande réunion ; et c'est ce que
ses voisins mal avises out l'air d'être disposés à souffrir , du moins
l'Autriche car on mande des fronteres de Volhiniz , que
troupes de l'empereur se retirent pour faire place aux Ausses .
Les caisses du pays sont déja en la possession de cea derniers
. On croit que les Autrichiens se porteront vers la Vistule.
les
(
( 364 )
Le commissaire de guerre qui était à Lemberg a reçu ordre
de se rendre à Zamosc , où le quartier du général Harnoncourt
ne doit pas tarder de se porter. De plus , les troupes
Russes en Lithuanic ont reçu des renforts et sont en mouvement.
sorte
La célébration des pâques suivant le rit grec , c'est-à- dire ,
suivant la religion du conquérant qu'il essaie par une
de persécution de rendre la dominante , a commencé dans la
capitale le 12 avril . Des carousels et d'autres divertissemens
ont singulierement contrasté avec la profonde miscre des
vaincus . Le feld -maréchal Suwarow , accompagné de plusieurs
Russes et Polonais de distinction , a pris part , le soir , à ces fêtes ,
un peu moins tristes , parce qu'on commençait à recevoir des
vivres et qu'on en attendait encore par la Vistule . La province
où la disette se fait sentir le plus cruellement est la Lithuanie .
De Francfort-sur- le -Mein , le 6 mai .
On mande de Berlin que le cabinet n'a jamais eu tant
d'occupation que depuis la nouvelle de la paix ; les ministres
se rendent successivement à Postdam où le roi continue de
faire sa résidence . La Russie vient , dit-on , de renoncer à
l'acte de garantie des états prussiens dans la Silésie , et de
plus , elle a fait la déclaration formelle qu'elle ne souffrirait
plus l'existence d'un staidhouder ou d'une république dans les
Provinces- Unies dont elle veut le démembrement. L'Angleterre
passe toujours pour devoir être l'allie offensif et de feusif, de
la Russie ; on ne sait pas encore ce que fera l'Autriche si
la guerre éclate dans le Nord ; mais on répand le bruit qu'elle
'est entrée en négociation de paix avec la France par le moyeu
du comte Carletti , ministre de Toscane , à Paris , et qu'elle
a prévenu l'Angleterre qu'elle n'asistait plus sur l'emprunt de
6 millions sterling , puisqu'elle ne se proposait pas de continuer
la guerre .
Cependant , la plupart de ces nouvelles , ou plu ôt des
conséquences qu'on tire de quelques faits , sont vagues et ont
besoin d'être confrmées par des avis ultérieurs . On ne peut
hier néanmoins qu'il n'existe des indices d'une paix prochaine
du corps germanique avec la France , puis qu'on sait très - positivement
que plusieurs états assez marquans ont entamé leurs
négociations.
De ce nombre est le duc de Virtemberg qui a fait remettre
au ministere autrichien une note portant en substance que les
évenemens de la guerre , et les inconvéniens majeurs qui en
résultaient pour son pays , l'ont déterminé à se serrer
quelques autres anciennes maisons princieres d'Allemagne autour
du roi de Prusse pour traiter avec la France . Le duc ajoute
qu'il espere qu'on ne donnera à cette démarché aucune autre
avec
90971 ( 365 )
interprétation
que celle qui se présente naturellement
, c'est à dire , qu'elle est en lui l'effet nécessaire de ce qu'il doit au bien- être de ses sujets.
NHOS I
On n'est point etonne de cet empressement à s'arrangez
avec un ennemi aussi redoutable que la République Française ,
lorsqu'on lit dans les papiers allemands la notice détaillée des
contributions et requisitions exigées par les Français dans les
pays situés sur la rive gauche du Rhin , y compris les pays- bas
autrichiens ; le total est de près de 179 millions de florins ,
à 42 sous le florin , non compris ce qui a été enlevé dans les
forêts , les biens des princes , des communautés et des parti
culiers ; ce relevé paraît exact puisqu'il est le resultat des
rapports officiels envoyés à la diete de Ratisbonne .
J
། * །༩ J 291 100
Aussi ,
La désertion des co-états finira par entrainer l'Autriche
si la chose n'est déja faite. Elle renoncera sans
doute à soutenir
seulecon presque seule le fardeau de la guerre..
les dernieres nouvelles de Vienne du 22 avril , après avoir
parlé de l'ouverture solemnelle du jubilé , à une partie des
cérémonies duquel l'empereur a assisté , disent elles que l'annonce
de la signature de la paix entre la République Française
et le roi de Prusse , envoyée par le duc de Saxe- Teschen ,
Ja donné beaucoup d'humeur , et a été suivie de la tenue d'un
conseil d'état qui a duré depuis cinq heures du soir , jusqu'au
lendemain sept heures du matin ; qu'on avait d'abord pensé
à envoyer un ministre à Paris , qu'on avait même commencé
à travailler à ses instructions ; mais qu'ensuite on s'était ravisé
sur cette démarche , en se contentant de la médiation de la
Toscane . Plusieurs circonstances viennent à l'appui de ce qu'on
avance des dispositions de l'Autriche à la paix . Un grand
nombre de personnes reprennent les projets de bâtimens
suspendus pendant la guerre , et le papier de l'état a obtenu
ane hausse sensible que l'on se flatte de voir encore augmenter .
Néanmoins les dispositions , et même les mauvemens militaires
continuent , et cela n'est point étonnant d'après la sage
maxime : Si vis pacem , para bellum . Les nouvelles des environs
de notre ville , en date du 26 avril , disaient : L'élite des troupes
autrichiennes et de l'empire , se rassemblent entre le Mein et
le Necker. Cette armée présente une masse de 60,000 hommes ,
divisée en trois corps ; dont l'un est entre Le Mein , Grosgerau
et d'Armstadt ; le second , eutre d'Armstadt , Gernsheim et
Lampenstheim ; le troisieme , entre ce dernier endroit , Wemheim
et Heidelberg. 6
On croit , d'après la disposition de ces troupes , que Clairfait
dot tenter de passer le Rhin près d'Oppenheim , de Worms
et de Mayence , en même tems qu'il jouerait r0,000 hommes
dans Cassel , pour appuyer la garnison de Mayence . On ajoute
que le passage du Rhin , dans la vue de dégager Luxembourg ,
( 366 )
dépend de la réponse que Clairfayt attend de Vienne , où if
a envoyé un courrier .
Clerfayt commande le centre de toute l'armée autrichienne
sur le Rhin le général Wartensleben en commande l'aîle
droite , qui s'étend jusqu'à Dusseldorf ; le géneral Melas a
le commandement de la gauche , qui va du Necker jusqu'à
Loerrach.
Le passage continuel des troupes autrichiennes par cette
ville a fait tellement hausser le prix des subsistances , que
si la paix ne le fait diminuer avant peu , on doit s'attendre
à une grande misere .
Il y a eu en effet depuis une action devant Mayence , qui
a eu lieu le 30 , dont les papiers allemands ont exageré
l'avantage pour les troupes autrichiennes ; la vérité est qu'elle
a coûté beaucoup de monde de part et d'autre ; mais d'après
des renseignemens exacts , les Français n'ont perdu qu'ane
de leurs positions . La plus importante , celle de Monbach , leur
est restée.
, ་ ,
$ ་
ANGLETERRE. De Londres , le 25 avril 1795.
Les deux chambres se rendirent processionnellement , mereredi
dernier , à Saint -James ; pour y féliciter non seulement
le rói , mais encore la reine , le princel de Galles et la princesse
même , à l'occasion de mariage de l'héritier présompik
de la couronne : elles présentérent à toute la famille des
adresses votées à l'unanimité.
Les cités de Londres et de Westminster réunies ont suivi
cet exemple. '.
༧། ༴ ༣ !
Vendredi dernier , le comte de Mansfield rapporte à la chambre
des pairs la réponse du roi , conçue en ces mots , dont
s'était aussi servi la reine pour répondre à l'adresse particuliere
qui lui avait été présentée de la part de cette chambre .
"
Mylords Je vous remercie des voeux que vous faites à
l'occasion du mariage de mon fils le prince de Galles , Je
jouis avec la plus vive satisfaction des preuves réitérées de
fidélité attentive et d'attachement à ma personne et à ma
famille .
Le 24 , l'orateur des communes y fit lecture de la réponse
du roi à l'adresse de sa fidele Chambre -Basse . C'est le même .
thême fait en deuxf çons .
Tandis que fes trois branches de la législature se félicitent
ainsi réciproquement, le peuple manque de pain . Les avis de l'intérieur s'accordent à représenter comme allant en augmentant
les mouvemens séditieux qui ont lieu en plusieurs villes ,
sur-tout dans celles où il y a des soldats .
La société pour l'encouragement des manufactures et des
arts a propose un prix de cinquante guinées à qui défrichera ,
( 367 )
cet été , vingt acres de terrein , et les consacrera à la culture
de la pomme de terre , supplément au pain trop vanté peut
être , puisque la nature ne donne pas si libéralement et sans
peine les substances nourrissantes de bonne qualité , mais
supplément nécessaire dans les années de disette et qu'on est
trop heureux alors de trouver.
Au reste , ce qui console un pen c'est que les apparences
annoncent une récolte très-abondante , mais qu'il faut pouvoir
attendre ; on se fatte d'y réussir par le moyen des
grains achetés à Dantziek on a passé contrat avec plusieurs
bâtimens qui doivent les aller chercher.
Il est instant qu'ils arrivent , car à Lancaster , à Portsmouth
, à Porchester , il y a eu des rassemblemens cons
sidérables , qui malgré la présence de la milice ont pris de
force et vendu au prix qu'ils avaient fixé le pain et la viande .
Dans la derniere de ces villes la milice elle- même a ménacé
de mettre en liberté 5000 prisonniers Français qui s'y trouvent
si on ne baissait le prix des denrées . Ce qu'il a de sûr , c'est
que beaucoup de manufactures anglaises ne faisant rien ou
presque rien aujourd'hui , le plus grand nombre d'ouvriers
qu'elles occuparent souffrent infiniment. Quand même ĉes
manufactures voudraieut faire travailler les ouvriers , elles ne le
pourraient pas , parée qu'elles se sont épuisées de leurs fonds ,
en entassant des marchandises dans leurs magasins , qui depuis
quelque tems sont encombrés .
On lit dans les papiers , à l'article de Madrid , une chose
peut- être vrai , maise qui paraît for douteuse , c'est que le
gouvernement a découvert un complot qui avait pour but
de le renversér. Dix mille individus étaient , dit- on , gagnés
pour entourer le palais du roi , arrêter les ministres et les
mettre à mort. Les chefs de cette trame ont été saisis et mis
en lieu de sûreté.
I
•
La fregate l'Aquilon a repris et amené à Portsmouth un
vaisseau de registre, espagnol , dont les Français s'étaient emparés
lorsqu'il faisait route ponr l'Amérique.
Le capitaine Antoine Deane a eu le bonheur de se sauver
de Dunkerque sur un bâtiment américain arrivé à Harwich ;
mais messieurs de Choiseuil et de Damas , qui étaient à bord
du paquebot la Princesse Royale que commandait cet officier ,
doivent avoir été conduits à Paris . 1
On compte actuellement dans la marine britannique 87 offi.
eiers de pavillon , 438 capitaines , 210 maîtres et commandeurs
, 1831 lieutenans ; les vice - amiraux du pavillon rouge ,
Hughes , Elliot et Hotham , ont été nommés amiraux du bleu.
On trouve dans une feuille l'état qui suit de´la distribution
Mes forces navales au 1er avril .
Dans cet état ne sont point compris les vaisseaux armés
( 368 )
engagés , lesquels sont spécialement destinés à protéger le
commerce côtier de la Grande Bretagne..
Dans les ports , et en état , 48 vaisseaux de ligne , 3 de
50 canons , 34 frégates , 50 sloops . Total , 143,
Bâtimens de garde , servant de prisons , d'hôpitaux dans les
différens ports , 9 de ligne , a de 50 canons , frégates.
Total , 13.
⚫
1
Dans le canal d'Angleterre et dans celui d'Irlande , 7 de
ligne , 1 de 50 can . , 29 frégates , 27 sloops . Total , 64. 5
Dans les dunes et dans les mers du Nord , 5 de ligne , un de
50 can. , 17 frégates , 12 sloops . Total , 35 .
Iz
• Dans les Indes occidentales et sur le passage , 9 de ligne
3 de 50 can. , 13 fregates , 9 sloops . Total , 34.5
A la Jamaïque , de ligne , 1 de 50 can. , 4 frégates , 5 sl ,
Total , 12 . 3 .
En Amérique et à Terre-neuve , a, de ligne , 9 frégates , 7 sl ,
Total , 18.Iusas
Indes orion ales et sur le passage 8 de ligne , 1 de 50 can ..
3 fregates , 5 sloops . Total , 17bdoncia ob
Côtes d'Afrique , 1 frégate , Total 1.
Gibraltar et la Méditerranée , 16 de ligne , 24 frégates , 6 sl.
Total , 46.
Total ea commission , 106 de ligne , 12 de 50 can. , 136 fré
gates , 129 sloops . Total général , 383 ,
Vaisseaux reçus , 9 de ligne , 1 de 50 can.
Total , 12 .
1 frégate , 1 sl.
En état de service ou en réparation pour servir , 7 de ligne .
I de 50 can. , 2 frégates , 3 sloops . Total , 13 .
En ordinaire , 23 de ligne , 7 de 50 can. , 31 frégates , 26 sl .
Total , 83.
In construction , 12 de ligne , 3 de 50 can . , 12 frégates.
Total , 87 .
Total , 157 de ligne , 24 de 50 can . , 182 frégates , 160 st.
Total général , 523.
13
#
&
Elat de l'ordinaire de chaque port , au 1er avril.
Porsmouth , 22 de ligne , 3 de 50 can. , 16 frégates , 13 sl
Total , 54.
A
鲨
Plymouth , 11 de ligne , 2 frégates , 2 sl . Total , 15 .
Chatam , 5 de ligne , 3 de 50 can . , 6 frég . , 1 sl . Tot. 15.
Sheerness , 1 de 50 can. , 3 fregates , 11 sl . Total , 15 .
River , 1 de lig. , 2 de 50 can . , 8 frég. , 4 sl . Total , 15.
Total , 39 de ligne , 9 de 50 can . , 35 frégates , 31 sloops .
Total général, 114..
Indépendamment des barques canonnieres et barques de riviere
, ete,, qui se trouvent transportées dans cet état , on
annonce qu'il y en a encore 4º de plus sur la liste , de la disposition
desquelles on ne peut pour le moment donner un
compte exaci.
RÉPUBLIQUE
1
( 369 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE .
PRÉSIDENCE DE VERNIER,
Séance du duodi , 22 Floréal .
Hardy recherche les moyens de remédier à l'agiotage dont le
Héau occasionne une progression journaliere vraiment effrayante
dans le prix des denrées et marchandises . Tout le talent
des agioteurs , dit- il , se réduit à ces deux points : 1 ° . vendre
et acheter à marché ferme , c'est -à - dire , avec obligation au vendeur
de livrer telle ou telle marchandise au prix convenu ,
quel que soit son prix ou le cours du change à l'époque de
la livraison : 26. vendre et acheter à marché libre , c'est - à - dire ,
que le vendeur , avec une prime qu'il paie d'avance , est libre
de délivrer ou non l'objet vendu . Il en découle trois especes
d'agiotages , savoir sur les subsistances , les matieres d'or et
d'argent , delà les joueurs à la hausse et à la baisse , et sur
les marchandises . Hardy présente un projet de décret tendant
à le réprimer. Un des articles porte qu'il n'est pas permis
de vendre une marchandise qui n'est pas dans le magasin
du vendeur , ou qui ne provient pas de sa culture , ou de
son industrie , sous peine d'une amende égale an prix de cette
marchandise ..
1
Bar combat cette mesure comme destructive du commerce.
Il observe qu'en anéantissant ces vampires , il faut encourager
le négoce ; que Rouen , Nantes et Bordeaux , ne font rouler
souventleur commerce que sur des objets qui ne se trouvent pas
actuellement dans leur magasin ; mais il demande l'impression
du discours de Hardy , parce qu'il contient des faits qui peuvent
servir de bâse à d'excellentes mesures pour réprimer
lagiotage . Le discours et le projet de décret de Hardy seront
imprimés .
La discussion est reprise sur les finances . Engerrand parle
le premier sur cette matiere . Il établit l'impossibilité de mettre
à exécution dans son entier le projet de Dubois - Crancé sur
l'impôt en nature . I propose ensuite un projet de décret
portant démonétisation des assignats au - dessus de a5 liv. ,
et leur conversion en cédules d'hypothêque pour les trois quarts
de leur valeur , l'autre quart sera échangé en assignats de
nouvelles créations .
Bourdon de l'Oise ) dit que la trop grande abondance
du signe des échanges ameue toujours le discredit de ce signe
Tome XV.
Аа
( 370 )
et la hausse des denrées ; mais qu'à cette capse se joint une
autre l'inquiétude et la defiance . Il ne faut que trois milliards
d'assignats en circulation pour les mettre au pair du numéraive
métallique . Il pense que le comité des finances fait une
grande faute d'avoir pris pour type de ses opérations la valeur
des métaux . Beaucoup d'hommes instruits sont persuadés que le
numéraire a diminué en France de près de deux milliards ; `ainsi
l'Angleterre qui en a beaucoup plus qu'elle avilica l'assignat et
ruinera infailliblement le systême de finances , si on le fait
porter sur une base métallique . C'est donc un bon systême
de démonétisation qu'il faut adopter , mais non une demonėtisation
telle que celle de Cambon , qui ne fut qu'un vol et
une violence ; elle doit être fondée sur des principes de justice .
Bourdon ne dissimule pas que son projet , quand il va être
publié , fera d'abord monter le louis à 500 1 , parce que quand
on frappe le coquia il doit crier , mais que ces aginteurs ;
ces vampires de l'état seront bientôt mis à leur place en
vertu des moyens qu'il prepose et qu'il regarde comme les
seuls qui puissent sauver la patrie . Il est applaudi .
Voici les bases de son projet .
1º . Il sera dressé un état des biens nationaux invendus ,
non compris les biens des condamnés , et des annuités due's
par les acquéreurs . Les résultats , avec les dettes des estimations
, seront signés de tous les membres du comité des
finances , et soumis à l'approbation de la Convention
résultats seront imprimés et affichés .
ces
2º . Dans le délai de six décades , tous les propriétaires
d'assignats seront tenus de les apporter à des bureaux établis
dans chaque district , où ils seront échangés , pour les cinq
huitiemes de leur valeur , contre des bons admissibles en paiement
de biens nationaux , et pour les trois autres huitiemes
de leur valeur , contre des assignats qui , timbrés , numérotés
et enregistrés , auront seuls cours de monnaie. Les bons por-
-teront un et demi pour cent d'intérêt , et ne seront jamais
annallés . Les assignats de 5 livres et au - dessous ne seront pas
soumis à cette opération d'échange , et continueront d'avoir
cours de monnaie.
8
30. Les assignats à face , démonétisés par décret du ......
seront reçus seulement en paiement des biens nationaux ȧ
vendre , provenans des émigrés . Ce dernier article est adopté
sur- le - champ .
Jean Bon-Saint- André croit qu'il y a des parties excellentes
dans le plan de Bourdon , mais qu'il offre aussi des inconvéniens
. Par exemple , l'ouvrier qui ne recevra que les trois
huitièmes de son assignat de cent livres , ne sera- t - il pas ruiné ?
Bourdon répond qu'il en sera plus riche , parce que les marchandises
au lieu de fuir l'assignat viendront le chercher ,
étant plus abondantes que le sigue , et qu'ainsi il achètera plus
( 371 )
de choses avec les trois huitiemes de son assignat , qu'il n'aurait
fait avec la totalité .
Après quelques débats sur le projet de Bourdon , l'article 6
est décreté à l'unanimité ; il est conçu en ces termes : La
Convention nationale fidele aux principes de loyauté proclamés
dès l'année de 1789 , décrete que les assignats dont la déchéance
a été prononcée par décret du ….. , seront reçu's en païe-'
ment des biens nationaux provenant des émigres . Le reste est
renvoyé au comité des finances .
et
que
mar-
Chambord veut que la monnaie de billon et les assignats
soient à l'avenir la seule monnaie nationale , la monnaie
d'or et d argent soit considérée uniquement comme
chandise , et ait plus de cours dans les paiemens . La discussion
est renvoyée au lendemain .
11
Séance de tridi , 23 Floréal .
Monnot , au nom du comité des finances , observe à l'Assemblée
que son intention n'a sans doute pas été de donner
aux émigrés qui possedent des ass gnats demonétisés , la facilité
de les donner en paiement des biens nationaux par l'entremise
de leurs parens ou amis , en décrétant hier qu'ils seraient
reçus pour cet objet. I propose un article additionnel qui
est adopté , et qui porte qu'ils ne seront par reçus s'ils n'ont
pas été enregistrés suivant la loi , ou si le porteur ne justifie
pas par une petition anterieure au décret , que par quelqu'événement
ou force majeure , il lui a été impossible de les faire
enregistrer dans les délais prescrits.
Sur le rapport du comite d'instruction public , la Convention
decrete que les éleves de l'école normale recevront ,
pour les frais de leur retour , une indemnité à raison de 5 liv.
par lieue .
Dubois Crancé , au nom des comités des finances et de salut
public , présente les moyens d'exécution de son projet d'impôt
en nature . Parmi les avantages qui en sortent se trouve celui
de connaître le produit des recoltes dans toute la République.
Le clergé qui ne percevait la dime que du 13. au 30e . , et
sur un petit nombre de productions , en retirait 80 millions
par an , indépendamment des pots de vin , et les fermiers
faisaient des gains excessifs . On n'exagere donc pas d'en porter
le produit à 300 millions , qui , évalues au prix actuel du mare
d'argent équivaudraient à 3 ou 4 milliards .
Dubois- Crance propose le projet de décret suivant :
19. outes requisitions de deurées sur la recolte prochaine
sont abolies . Dans le cas où le gouvernement serait obligé
de requerir , la requisition ne pourrra s'élever que jusqu'a'
la concurrence du tiers de la contribution , et sera impusé
à valoir sur cette contribution.
A ag
( 372 )
2º. La contribution sera acquittée à raison du douzieme
du produit des récoltes sur toutes les denrées ,
30. Les jardins , enclos et autres terreins qui sont objets
de pur agrément , paieront , soit en assignats , soit en blé ,
sur le pied des meilleures terres du canton , à quantité égale
da terrein .
4º . Les bâtimens des campagnes servant à l'exploitation
des terres , seront imposés , à raison de leur superficie , de
la même maniere que les jardins et enclos .
5. Les maisons des villes et celles des bourgs qui ne servent
point à l'exploitation des terres , seront impostes en assignats
au dixieme de leur valeur locative .
6º . Les fabriques , manufactures , moulins , forges , usines ,
seront cotisés aux deux tiers de leur valeur locative , en
nature , d'après les valeurs de 1790 .
70. Les pâcages , herbages et autres terreins destinés à la
pâture des bestiaux , seront imposés en nature , au pied
de 1790 .
8. Les mines et carrieres seront imposées d'après l'évaluation
du 23 novembre .
9 ° . Les exceptions en faveur des marais , terres vaines
et vagues ou récemment défrichées , sont maintenues .
1oo. Les mûriers seront imposés en assignats au cinquieme
de la valeur locative .
11º . Il sera nommé par l'administration du département
un commissaire par canton , qui , aidé de trois experts , fera ,
dans chaque commune , la vérification de toutes les terres
qui doivent tomber en récolte dans l'année .
12º . Ce commissaire fera indiquer par affiches le jour
auquel se fera l'adjudication de la contribution fonciere . Les
adjudications se feront pour chaque commune séparément ,
au plus offrant et dernier enchérisseur , comme pour la vente
des biens nationaux . L'adjudicataire fournira caution . II
pourra y avoir pour chaque commuue , autant d'adjudications
qu'il y aura de productions différentes à récolter , ou de cantons
à exploiter. La contribution spécifiée payable en denrées , pourra
être acquittée avec d'autres denrées par arrangemens déterminés
par les convenances .
13. Les fermiers seront chargés de tous les frais de perception
, d'entretien , d'emmagasinement et de versement dans
les lieux désignés par les administrations de département.
14. Le paiement de la contribution fonciere en grains et
fouages , se paiera par tiers le premier tiers avant la fin
de vendémiaire ; le second , avant la fin de pluviôse : et le
troisieme , avant la fin de prairial . Le fermier pourra s'abonner
avec les contribuables .
15° . Les champs dont la dépouille aurait été enlevée sans
que sa contribution eût été payée , contribueront sur le pied
1
( 373 )
de la meilleure récolte de la commune . Dans les vingt-quatre
heures de l'avertissement , le 12 ° . devra être laissé sur le
terrrein ; s'il n'est pas laissé , la contribution sera pareillement
évaluée sur le pied de la meilleure récolte .
16. Toutes contestations sur le paiement de la contribution
, seront terminées définitivement par le juge de paix
du canton , etc.
Le projet de Dubois - Crancé sera imprimé et distribué .
Plusieurs membres demandent que tous ceux qui ont présenté
des plans de finances se réunissent au comité de ce
nom pour se concerter et offrir un résultat satifaisant. Bourdon
regarde comme impossible de réunir dans un seul faisscau de
lumiere des rayons si divergens . Une voix s'écrie : vous disputez
ici , et la patrie est dans le plus grand danger ; si vous n'y
prenez garde , dans huit jour Paris sera réduit à la famine la
plus affreuse . Les tribanes se levent spontanément et s'écrient :
Nous mourons de faim . Un membre : Vous frémirez en apprenant
qu'il est des monstres assez dénaturés pour vendre la
livre de pain vingt- deux livres , et c'est au palais Egalite que
se fait cet infâme commerce .
:
Jean - Bon Saint- André L'audace des agio eurs vient de
la faiblessse du gouvernement . Si vous le vouliez , ces odieuses
manoeuvres cesseraient sur- le - champ . Peignez -vous ces êtres
immoraux , qu'on doit appeller l'écume du genre humain ,
ces monstres pétris de la lie de tous les crimes infectant l'air
de la liberté comme autrefois les harpies ; se passant de main
en main un effet d'or ou d'argent , et le triplant de valeur
avant qu'il soit parvenu à l'extrémité de la chaîne . Prononcezvous
donc contre l'agiotage , et réprimez - le au plus vite .
La Convention décrete que le comité de législation se
réunira à celui des finances , et qu'ils ne désempareront pas
sans avoir pris des mesures définitives pour réprimer l'agiotage.
Dans la suite de la discussion sur les finances , elle n'eaten dra
plus que les projets de décrets relatifs à cette matiere .
Thibaut , au nom des trois comités réunis , fait autoriser
à prendre les mesures relatives à la déportation de Collor ,
Barrere et Billand..
1
Roux , au nom du comité de salut public , dénonce des
mariniers qui ont demandé 40,000 liv. pour la remonte d'un
gros bateau par le passage de Pô - sur Seine en deça de Rouen ,
ce qu'ils faisaient le mois précédent pour 300 liv , Duroy dit
que nous n'avons pas de gouvernement , que ceux qui le
composent ant la volonté de faire le bien , mais n'en ont
pas le courage . Bourdon veut que les représentans ' en mission
taxent le prix du passage . Jean - Bon , que les mariniers soient
envoyés sur les vaisseaux de la République . La Convention
passe à l'ordre du jour , motivé sur ce que le comité est
iuvesti de pouvoirs suffisans pour réprimer cet abus .
A & 3
( 374 )
1
Séance de quartidi , 24 Floréal .
Durand- Maillane , au nom des comités de législation et des
finances , fait un rapport sur les moyens de rendre les prisons
sûres et saines . Tous les bons citoyens , dit-il , tous les amis
de la justice et de l'humanité , ont gémi des massacres commis
Lyon le 15 de ce mois. Les prisonniers étaient à la verité
prévenus d'avoir participé au systême de terreur et de depopulation
qui a devasté cette grande commune , mais personne
n'a le droit de se faire justice , sans se rendie coupable aux
yeux de la loi . La violation des prisons tient en partie aux
vices de leur construction , et l'obligation où l'on est souvent
de reunit dans la même enceinte des hommes qui ne
sout qu'inculpés avec de grands coupables déja condamnés .
Le rapporteur propose d'etablir des prisons séparces , sous les
dénominations de inaisons de justice , de repression , d'arrêt ,
de correction et de détention temporaire . Son projet est ajourné
à trois jours.
4
Corenfustier , au nom des comités des finances et de législation
, présente un projet de decret relatif au paiement des
domaines nationaux vendus , et dont voici les dispositions .
1º. Les acquereurs des domaines nationaux dont les adju
dications sont anterieures à la présente loi , et qui n'auraient
pas fait encore le paiement du premier a - compte , seront tenus
de le faire dans la decade qui suivra la publication de ladite
présente loi ; a défaut de quoi , ils sont dès - a -présent déclarés
déchus de leurs acquisitions .
2º. Pour les adjudications postérieures à la présente loi , le
paiement du premier à compte devra se faire dans le mois ,
à peine de déchéance de l'acquisition .
A
Plusieurs membres s'écrient que ce projet favorise les agioteurs
et les accapareurs : ils observent qu'il y a des acquéreurs
qui jouissent depuis trois ans , et qui , n'ayant rien payé ,
pourraient aujourd'hui s'acquitter en totalité avec le revenu
d'une année ces membres demandent que ceux qui n'ont
pas payé le premier à compte soient déclarés déchus , conformément
aux lois antérieures . Après d'assez longs debats
, le premier article est adopté avec l'amendement que ceux
qui n'ont pas paye le premier terme , seront tenus de rendre
compte de clerc - à- maître des fruits dont ils ont eu la jouissance.
Les autres articles du projet sontadopés avec quelques
modifications la rédaction doit en être présentée dans la
prochaine séance ,
On reprend la discussion sur les finances Génissieux demande
à l'Assemblée de se déterminer promptement pour un des
plans présentés . Nous délibérons , dit- il , et nos ennemis
agissent . Le mal devient très -pressant . Chaque jour , chaque
heure voit augmenter le prix des denrées de premiere néces
( 375 )
sité , et il sera bientôt porte à un point tel que personne
ne pourra y atteindre . Il faut donc prendre un parti prompt ,
le salut de la paurie le demande . Le plan de Bourdon luf
paraît convenable aux circonstances , et il opine pour qu'on.
lui donne la priorité.
Bourdon déclare que le comité des finances , auquel son
plan a été renvoye , en a adopté les bases , et que dans trois
jours il sera fait un rapport.
1900
Fermont , au nom du comité de salut public , annonce que
les bles qui sont arrivés aux environs de Paris , et ceux qui
arrivent journellement , assurent les subsistances , et mettront
dans le cas de faire des distributions plus fortes que les précé
dentes ; mais il repete que la malveillance s'agite dans tous
les sens pour arrêter les arrivages , et que les boulangers et
même les commissaires-distributeurs spéculent sur les besoins
et la misere du peuple . Tout le monde sait qu'il y a une
grande différence entre le pain , fait chez tel ou tel Boulanger ,
et que la distribution n'est pas la même chez tous , quoiqu'on
délivre à chacun la même quantité de farine et de la même
qualité . Quelques prevaricateurs ont été arrêtés . ( Vifs applau
dissemens. ) Fermont fait décréter que les peines prononcées
contre les agens infideles de la République seront applicables ,
aux boulangers , commissaires et à tous autres , chargés de
surveiller ou de faire la distribution des denrées acquises
par elle , et qui en détourneraient où en dénatureraient une
partie,
Barras annonce également que beaucoup de subsistances
sont en route pour Paris . Il est parti du seul port d'Ostende
25 mille quintaux de farine destinés à cette commune .
Ruelle donne des détails sur la pacification avec les Chouans .
La réunion avec Stoflet s'est faite le 13 de ce mois à Saint-
Florent sur la rive gauche de la Loire . Il était environné de
ses troupes . Les chefs et lui se décorant de pauaches et de
cocardes tricolors passerent avec les représentans , la Loire ,
se rendirent à Vavades , au milieu d'une immensité de citoyens
qui tous exprimaient leur satisfaction et leer reconnaissance ,
et où un repas frugal et fraternel termina cette heureuse journée .
Stoflet avait aussi fait rassembler les habitans de la Vendée
pour leur communiquer les paroles de paix des commissaires .
lis se livrerent à une joie sincere et benirent le moment qui
les délivrait du fléau de la guerre et leur permettait de se
retirer chez eux et d'y jouir de la tranquilité .
Ruelle prévient que quelque générale et stable que puisse
être, cette paix , nous aurons à gemir encore sur quelques
malheurs particuliers , suite inévitable de la guerre civile . Le
tems senl peut détruire les ressentimens et les haines privées .
Il reste une horde de brigands pour lesquels l'insurrection
n'était qu'un prétexte , et sur qui la paix ne saurait influer.
A a 4
. ( 376 )
Ils ne cesseront d'être criminels qu'en cessant d'exister ; mais
une surveillance active et une grande sévérité en feront
justice.
Ruelle termine en rendant justice à la bonne conduite de
l'armée . Les officiers et les soldats se sont distingués par une
subordination et une patience sans bornes. Ils n'ont cessé de
donner des preuves de dévouement et de désintéressement , et
de sacrifier leur gloire à l'amour de la paix .
Séance de quintidi , 25 Floréal.
La veuve du représentant du peuple Grangeneuve réclame
les indemnités dues à son mari jusqu'à sá mort. La Convention
decrete qu'elles lui seront payees .
Un député de la commune de Montbrison , porteur d'une
dénonciation contre le député Javoques , signé d'un grand
nombre de citoyens , se présente à la barre ; il lit : Tous
les crimes sont accumulés dans cette piece ; dilapidation de
la fortune publique , déréglement des meurs , barbarie , vengeance
personnelle. Le pétitionnaire déclare que Javoques
a dit que le sang coulerait dans Montbrison comme l'eau dans
les rues après une grande pluie qu'il envoyait le sort des
juges de son tribunal révolutionnaire pour savourer le plaisir
de faire guillotiner ; qu'il ne reconnaissait de vrais patriotes
que ceux qui pouvaient boire un verre de sang. Qu'il avait
fait apporter dans sa chambre un paquet de cordes destinées
à lier les détenus ; qu'il les baisait avec transport et les faisait
baiser à ceux qui venaient chez lui , en les assurant qu'elles
étaient plus précieuses pour lui que des trésors ; qu'il publiait
enfin que pour terminer la révolution , il fallait deux
millions de têtes . Renvoi aux comités de sûreté générale et
de législation
La commune de Coutances dénonce à son tour le représentant
du peuple Lecarpentier. Elle l'accusé d'avoir assassiné
les peres , les meres , les amis des bons citoyens , et appelle
sur sa tête la vengeance des lois .
>
Lecarpentier était présent . Il se plaint vivement de la calomnie
qui le poursuit et qui est dirigée par la malveillance et
I'aristocratie . Il assure que ceux qu'il a fait traduire au tribunal
révolutionnaire étaient accusés d'aristocratie , d'incivisme , de
royalisme et d'intelligence avec les ennemis ; que ce n'est
pas lui qui les a jugés . Il croyait le tribunal juste étant
institué par la Convention ; qu'au.surplus , toutes ses opérations
sont marquées au coin de la pureté , et que si l'on écoute
Y'esprit de vengeance , la Convention recevra des dénonciations
contre tous les membres . Renvoyé aux mêmes
comités.
La section de la République vient demander le rapport
de l'art . IV de la loi du 12 de ce mois , comme attentatoire
(377 )
à la liberté des opinions et de la presse . Elle dit que le do
maine de la pensée est inaliénable , inviolable et sacré ; que
le mot avilissement est vague , et que la Convention seule peut
s'avilir elle - même . Elle qualifie de décemvirale la constitution
de 1793. Il se fait beaucoup de bruit . Romme demande.
que l'orateur soit rappellé à l'ordre ; Renaud , qu'il soit
envoyé au comité de sûreté générale , parce qu'il n'y a qu'un
royaliste qui puisse parler ainsi , Devau , qu'il n'y a qu'un
impudent qui se croie permis d'outrager la constitution que
le peuple s'est donnée.
Henri Lariviere Renvoyer le pétitionnaire au comité de
sûreté générale , c'est violer tous les principes . Il ne faut
pas avoir deux poids et deux mesures . Lorsque la section
de la Butte- des - Moulins vous a dit des vérités fortement énoncées
sur l'acte constitutionnel , vous avez récompensé son
courage par la mention honorable , et vous voulez aujourd'hui
sévir contre celle de la République qui suit ses traces .
La constitution de 1793 , continue Lariviere , renferme d'excellentes
choses , mais elle contient aussi des erreurs , et cela
est si vrai que vous avez nommé une commission pour lui
donner des bras et des jambes , et puisqu'il faut le dire elle a
été volé sous les auspices des poignards et des bourreaux .
Legendre dit que la déclaration des droits garantit le droit
de petition , que si chaque membre a la faculté d'émettre son
opinion , le peuple est libre aussi de faire connaître la sienne
à la barre , et qu'il ne saurait supporter la pensée qu'elle pût
devenir un guichet.
L'orateur continue et invite la Convention à se défer de
ces mouvemens d'enthousiasme à la faveur desquels on lui
surprend des décrets qui blessent la liberté . Le président
en rendant hommage au principe de la liberté de la presse ,
déclare que la calomuie n'en est pas moins un erime qui
doit être puni .
Plusieurs membres demandent le renvoi de la pétition au
comité de sûreté générale ; d'autres , l'ordre du jour . Louvet
appuie ces derniers . I ignore si la constitution est une arche
sainte , mais il sait que la liberté de la presse n'est pas l'impunité
des crimes , et qu'il y a une coalition pour en obtenir
le brevet en faveur des royalistes. L'on passe à l'ordre du
jour.
Séance de sextidi , 26 Floréal.
Un membre présente un projet de décret sur la partie administrative
des postes et messageries . Il est ajourné jusqu'à la
discussion sur le plan général des finances .
Génissieux , au nom du comité de législation , soumet un
projet de décret en interprétation de la loi du 22 germinal ,
qui concerne les citoyens mis hors de la loi , ou persécutés
( 348 )
pour cause des événement des 31 mai , 1er . et 2 juin ; il a
pour objet les forpaktes a remplix par ceux qui ont abandonne
lar domicie pour sa voustraire à des mandats d'arrêtou
des mises hors de la loi , pour rentrer dans leer , biens ..
Legendre red hommage aux intentions de son collegue ; /
il voit qu'il a voula empêcher que les véritables, émigrés ne
profitassent du bénéfice de cette lei , mais il erzint qu'il n'ait
pas atteint son bat , et il demande l'ajournemout.
Charlier dit que ceux qui out livré Toulou sont des
traîtres bien averes , et que d'après le décret du 23 germinal
ils pourraient rentrer en France parce qu'ils n'eur émigré
qu'après le 31 mai.
Escudier assure qu'il rentre dans cette commune beaucoup
d'émigres ; qu'ils disent que le gouvernement républicain ne
saurait subsister ; qu'ils prêtent même à la Convention Podiaux
dessein de rétablir la royauté . Il termine en annonçant que si
on ne se hâte de chasser les émigrés des départemens du Var et
des Bouches- du-Rhône , Toulon sera de nouveau livré aux
Anglais .
On demande le dépôt des pieces sur lesquelles s'appuie
Escudier. Cette proposition est décrétée .
1 Bourdon : Personne de nous ne veut faire rentrer les émigrés
, parce qu'aucun n'est assez fou pour vouloir se faire
couper le cou ; nous devons par conséquent veiller tous à ce
que les lois contre les émigrés soient exécutées . Que ceux
qui en connaissent qui soient rentrés , ailient au comité de
sûreté générale les déclarer pour leur faire subir la peine de
leurs forfaits .
Sur la proposition de Génissieux , la Convention décrete
la partie de son projet qui tend à donner au comité de
législation le droit de prononcer avec certaines fórmalités les
radiations des listes des émigrés .
Plusieurs veuves de représentans , morts victimes de la
tyrannie , réclament les indemnités, dues à leurs mais . Bréard
demande qu'elles soient payées jusqu'au rer. du mois prochain
. Boissy- d'Anglas , jusqu'à la fin de la session de la Convention
. Thibaudeau et Berlier observent qu'avant d'être généreux
pour sa famille , il faut l'être pour les autres , et que leurs
collegnes ne sont pas les seules victimes . Ils voudraient qu'on
se bornât à accorder des secours à leurs veuves ou enfans .
#
Chénier dit que la tyrannie a été plus active contre les
députés morts ; qu'elle a moissonné les plus chauds amis de
la liberté ; que des honneurs , des hommages sont dus aux
manes des Barnevelt et des Sydney de la république ; que leurs
familles doivent recevoir des indemnités qu'ils n'auraient jamais
du perdre , parce qu'ils n'auraient jamais dû disparaître de la
Convention , où leurs talens et leurs vertus seraient aujourd'hui
( 379 )
si nécessaires . Il appuie la proposition de Boissy , qui est
décrétée .
Gélet , au nom du comité de salut public , détruit le bruit
qui s'est repandu que nous avons essuyé un échec devant
Mayence ; le fait est que nos défenseurs ont combattu avec
autant de gloire que de succès . L'ennemi est resté le maître
d'un poste indifferent , mais nous avons repris la position
importante du Montbach . Sa perte est considerable et s'éleve
à plus de 600 hommes . Un bateau chargé de soldats à été
coulé bas par le feu de notre artillerie . Voyez les Nouvelles
officielles . )
•
Jean-Bon- Saint- André présente un nouveau plan de finances ;
les deux bâses sont que le quintal de froment sera l'unité
monétaire de la République , et que l'or et l'argent cesseront
d'être employés comme monnaie . Renvoyé au comité des
finances.
PARIS. Nonidi , 29 Floréal , 3º . année de la République..
La diversité des projets et les différentes variations
des idées sur les moyens de réparer nos finances ,
prouvent de plus en plus combien cette matiere est
embarrassante et délicate . C'est aux finances que l'on
doit le principe de la révolution , c'est par les finances
que le mal s'est aggravé . Depuis l'Assemblée constituante
jusqu'à ce jour on n'a vu encore aucun plan
vaste et bien combiné sur les finances ; les circonstances ,
il faut l'avouer , ne se sont jamais prêtées à cette possibilité.
Indépendamment des connaissances approfondies
dans les différentes parties de l'économie politique ,
il faut deux choses dont on n'a pas encore joui , la paix
et un gouvernement. On a établi des jurys des arts , des
jurys de commerce , des jurys d'instruction publique .
Fourquoi n'avoir pas songé encore à un jury de finances ?
Plus cette matiere est obscure et compliquée , et plus
il semble qu'on doive réunir de lumieres pour l'éclairer.
*
Le projet de Bourdon ( de l'Oise ) avait paru cbtenir
l'assentiment général de la Convention , malgré ses inconvéniens
non discutés . Celui que Vernier vient de
présenter au nom des comités réunis , a produit la même
impression , quoique bien différent dans les moyens ;
et l'on s'est hâté d'en décréter un article , savoir la démonétisation
des assignats portant empreinte de la
oyauté depuis 5 liv. inclusivement et au-dessus . Cette
( 380 )
mesure peut être bonne , mais encore fallait - il ne
l'adopter qu'après en avoir pesé les avantages et les
inconvéniens , afin de s'épargner le désagrément des
modifications , interprétations , et peut-être même d'un
rapport.
Par exemple , s'il y avait une grande quantité d'assignats
royaux dans la Vendée , serait- il bien prudent
de les démonétiser précipitamment , sans avoir calcule
la réaction que cette opération peut causer sur des gens
égarés , et nouvellement rentrés sous les lois de la République
? Le délai de trois mois , fixé pour l'admission
des assignats démonétisés en paiement de bien nationaux
ou pour leur échange avec des billets de loterie ,
est- il suffisant ? et cette mesure n'ouvre- t- elle pas la
porte à un nouveau genre d'agiotage ? Ce même délai
de trois mois peut- il suffire pour employer les assignats
de 5 liv . à l'acquittement des contributions arriérées . Le
contribuable peut bien avoir la volonté de se libérer ;
mais où est la possibilité ? Le rôle de 93 n'est pas encore
en recouvrement ? Faudra- t- il que le débiteur soit
la victime des négligences et des lenteurs mises dans la
perception ? On sent qu'il faudra revenir nécessairement
sur ce délai . Espere- t- on que le fermier et le cultivateur,
que le marchand qui verront des assignats paralysés
dans leurs mains , vendront leurs denrées ou leurs
marchandises moins cher ? Ceux qui n'auront que pour
3 ou 4 mille 1. d'assignats démonétisés pourront- ils acheter
avec ces modiques sommes des biens nationaux . Il
faut donc ouvrir en même tems des caisses sociétaires ,
des dépôts , où , sous l'autorisation et la surveillance du
gouvernement , on puisse échanger ces sommes avec des
assignats républicains , autrement les porteurs passeront
sous la barre de la cupidité des spéculateurs . Il est aisé
de juger, sur ce simple apperçu , combien toute opération
de finance , qui touche à la fortune particuliere ,
a besoin d'être méditée et discutée , et combien il importe
de ne point scinder un plan de ses autres parties.
Le régiment de chasseurs que le gouvernement avait
fait venir à Paris pour protéger les convois de subsistance
, a été remplacé par un régiment de carabiniers .
L'arrivée et le séjour de M. Eden à Dieppe a occupé
peu de place dans nos papiers nouvelles . Rien n'a
( 381 )
!
transpiré des conférences qu'il a eues avec le citoyen
Commeyras , commissaire envoyé par notre gouvernementpour
écouter ses propositions, que l'on présume ne
s'être pas bornées à un simple cartel d'échange de prisonniers.
On sait seulement que M. Eden est déja retourné
en Angleterre . On a lieu de présumer que le
cabinet de Londres n'est point éloigné d'une pacification.
On avait d'abord annoncé que la paix était arrêtée
avec l'Espagne ; aujourd'hui , on débite qu'elle est retardée.
S'il faut en croire des données plus probables
c'est que l'Espagne n'a pas moins besoin de la paix que
les autres membres de la coalition.
On écrit de Toulon que le général Kellermann a fait le
revue de toutes les troupes de la garnison , en présence de
quatre représentans du peuple . On croit qu'il va prendre le
commandement de l'armée d'Italie .
Une division de six vaisseaux et quelques frégates doit mettre
incessamment à la voile pour une expédition secrette . Cependant
bien des personnes croient qu'elle va escorter jusqu'à
Tunis deux avisos chargés de plusieurs millions en numéraire
pour un achat de blé , et ramener ensuite an convoi qui languit
dans ce port depuis long - tems , et n'ose partir dans la crainte de
tomber au pouvoir des Anglais . D'après les proclamations et
les ordres vigoureux qui ont été portés pour faire rendre les
équipages à leur bord, ou croit que toute l'escadre ne tardera pas
de mettre à la voile ; son but est sur - tout d'assurer la liberté
de la Méditerranée , de protéger le passage de fréquens couvois
qui nous arrivent , et de combattre les Anglais ,
Voici ce que porte une lettre de Marseille , en date du 16 floréal
:
Depuis vingt- cinq jours nous avons suspendu nos achats ,
pour ne pas alimenter la cupidité des vendeurs - agioteurs . La
nouvelle de la paix , jointe à 300 bâtimens richement chargés
arrivés dans le port , ont mis les vendeurs beaucoup plus mal
à leur aise que les acheteurs . 99
Lettre écrite de Lyon , le 20 floréal , par un'ex- député de l'Assemblée
législative.
Si je n'avais appris dans ma route ce qui s'est passé ici ,
ees jours passés , je l'aurais absolument ignoré car je n'en
ai oui ouvrir la bouche à personne , tant la ville est tranquille
, et présente un aspect satisfaisant en comparaison de
la triste position où je l'avais vue. Les affaires y reprennent
autant qu'il ´est possible ; les atteliers recommencent à tra(
382 )
; •
vailler , et plusieurs négocians m'ont dit que si le gouverne
ment reprend sa force protectrice , avec un bon systême de
finances , et spr-tout , si nous avons la paix , les malheurs
de Lyon seront réparés plutôt qu'on ne pense ; car il regne
un bon esprit parmi les ouviers qui ne demandent qu'à
reprendre vigoureusement leurs travaux , et qui ne soupirent
qu'aprés l'instant où l'abondance des matieres premieres leur.
permettra de s'y livrer de toutes leurs forces . On est convaincu
ici que les matheurs de Lyon doivent être essentiellement attribués
à l'influence corruptriee et jalouse de l'Angleterre ,
et je le crois tout comme je suis , d'après ce que je vois
dans la douce conviction que les efforts de nos ennemis
pour profiter de nos dépouilles , seront vains , et que Lyonsera
toujours la premiere ville du monde pour le commerce
industriel . D'après ces données , je forme un desir de bon .
citoyen , fondé sur la saine politique et l'intérêt de la Repablique
, c'est que la Convestion trouve le moyen de plâtrer
sans secousse les derniers événemens dont on ne peut pas
approuver la forme ( 1 ) , quoiqu'on m'assure qu'elle n'ait
été appliquée qu'à des bêtes feroces ; car , au surplus , quant
au fond , il n'est pas de bon citoyen , de vrai républicain qui
ne soit sûr de trouver ici des milliers de freres.
Une chose , sur -tout bien essentielle et digne de remarque ,
c'est que le fanatisme ne peut rien ici ; pour tâter , j'ai demandé
à des citoyennes , si je pouvais aller à la messe demain di
manche , on s'est moqué de moi , jamais je n'ai été bafoué
avec autant de plaisir .
Cependant en m'en allant , je me suis retourné em riant ,
et je les ai vues aussi rire de maniere à me faire juger qu'elles
ne m'ont pas trouvé l'air absolument dévôt .
Les subsistances abondent ici , quoiqu'à des prix très- élevés ;
dans les places publiques et dans toutes les rues , vous voyez
des étalages de pain de differentes qualités , à 6 liv. , 5 liv . ,
4 liv. plus ou moins beau , à 3 Ev. très bou . Il y en a d'in
férieur à moindre prix . Des pâtisseries de toute espece , des
croquantes , des especes de brioches , bien moins cheres qu'à
Paris. ノ
Dans ma route , j'ai trouvé du pain en abondance ; à
Pouilli j'en achetai dix liv. de superbe , à 50 sous la livre ,
et des citoyennes avec lesquelles je fis la conversation pendant
qu'on mettait les chevaux , me firent l'offre d'un mor-
( 1 ) Ni le fonds , sans doute , car une assurance parente ne
suffit pas pour tranquilliser les vrais républicains , lorsqu'ils
voient , après le g thermidor et le 12 germinal , la loi violee et
les prisons ensanglantées par les moyens qu'employait la ty
rannie des révolutionnaires du g septembre et du 31 mai .
( 383 )
ccau de pain de maage d'une qualité supérieure , et me
dirent que es als que depuis jusques jours que le prix ,
avait doublé , par la quad ie qu'on en achetait pour Paris , ets ,
NOUVELLES OFFICIELLE S.
ARMÉE DU HAUT - RHIN.
Rapport des événemens militaires arrivés le 11 floréal .
Le 11 floréal , à quatre heures du matin , l'ennemi fit
faire un mouvement , après lequel toutes les batteries des
isles , celles de la redoute dans les Caricfeld ; celles du fort en
avant de Hampstein , commencereat en même-tems un feu
tres- vif. Une auee de tirailleurs , soutenus par quelques escadrons
de hussards , forcerent nos grands - gardes placees au
revers du plateau en avant du bois de Montback , de la Maisonblanche
et du Moulin à la pointe du plateau , de se replier
dans les lignes . Deux colonnes d'infanterie déboucherent ,
l'une par le grand chemin au revers du plateau , et la seconde
longeant les bords du Rhin jusqu'à la Tuilerie ; l'avant- troupe
de ces colonnes tomba avec vivacité sur une batterie de deux
pieces de huit , établie en avant des lignes de Montback , et
parvint à s'en emparer . Les colonnes ennemies avancerent
sous la protection de leurs batteries , et tenterent , en chargeant
trois fois , de forcer les lignes de Montback . Il s'engagea
un combat très vif et très - meurtrier de mousqueterie ;
mais l'opiniâtreté , l'extrême bravoure et la valeur des troupes
républicaines forgerent l'ennemi , après avoir essuyé une grande
perte , à la retraite le reste de la matinée se passa en une
canonnade très -vive de part et d'autre .
" Pendant que cette action se passa sur la gauche , l'ennemi
montra beaucoup de cavalerie sur le plateau et des têtes de
colonnes d'infanterie à la sortie de la gorge de Salbach. J'y
ai fait porter le huitiene, régiment de dragons pour observer
les mouvemens de l'ennemi , en attendant l'arrivée des secours
en cavalerie et artillerie à cheval , que m'envoyerent les généraux
Desaix et Saint- Cyr , lesquelles en imposerent bientôt
à l'ennemi , qui fit un mouvement rétrograde . L'ennemi voulut
aussi , vers cinq heures du matin , nous inquiéter , sur nos
derrieres , et tenta de passer le Rhin près de Budenheim , avec
trois grands bateaux , portant environ chacun 50 hommes et
une piece de canon de 7. Une batterie de deux pieces de 4 ,
placée sur les bords du Rhin , les força à la prompte retraite ,
( 384 )
1
en coulant bas , du premier coup de canon , un de ces bateaux
.
" Vers deux heures après - midi , j'ai reçu l'ordre d'essayer
d'enlever les batteries que l'ennemi a établies derriere les haies
et à la pointe du plateau en avant du bois de Montbach : le général
Argosh a été charge d'attaquer le plateau par la droite avec
une brigade d'infanterie , et le chef du bataillon , Boursette ,
fut charge de l'ataquer avec dix - huit compagnies de grenadiers ,
par la gauche en tournant le moulin ; il a été convenu que
le général Argousth devait longer avec sa colonne le revers
de la gorge de Gontzeinheim jusqu'au point le plus rapproché
des haies , en se mettant à couvert du feu de la batterie
sur le plateau en avant du fort de Haupstin ; la cent trenteneuvieme
demi-brigade était destinée à tomber avec impétuosité
en tirailleurs sur les batteries ; un bataillon de chasseurs
de la onzieme demi brigade devait se répandre en tirailleurs
sur la droite , pour protéger l'action qui devait être soutenue
par deux bataillons commandés par le général Dusirac ; le
général Argousth et le brave général de brigade Robert ayaut
été blessés et mis hors de combat , et deux autres chefs de
bataillon , les dispositions pour l'attaque ont été mal suivies ,
et les grenadiers n'ayant pu percer de leur côté , la cent trenteneuvieme
demi- brigade et le bataillon de chasseurs furent obli
gés de se replier , après avoir essayé , avec le plus grand courage
, un feú de mitraille et de mousqueterie très - vif ; ces
bataillons furent chargés dans leur retraité par la cavalerie ,
ennemie.
Le général Dusirac se porta lestement en avant , au pas
de charge , avec les bataillons de réserve , le troisieme de
la sixieme demi - brigade , et le troisieme de la quatre- vingtonzieme
, lesquels , avec une intrépidité admirable , firent un
feu de file parfaitement bien dirige , qui tua beaucoup de
cavalerie , et la força de fuir dans le plus grand désordre ,
protegea la retraite. eL
Le général commandant l'armée devant Mayence , a été
à portée de voir par lui même que les volontaires , officiers ,
généraux se sont conduits avec leur courage et leur bravoure
ordinaires . Les généraux des attaques de droite et du centre ,
ont fait tous leurs efforts pour seconder et secourir l'attaque
de gauche . Les combats ont été très vifs et très - sanglans .
L'ennemi éprouvé une perte considérable , sur- tout en ca- .
valerie. La noire est d'environ six cents hommes en tout ,
hors de combat , dont deux cents tués ou prisonniers ,
quatre cents blessés , parmi lesquels se trouvent beaucoup de
braves officiers et chefs . " "
-
Signé , RENAUD , général de division.
et
NOUVEL AVIS AUX 8GUSCAITEURS.
Los partie littéraire . subordonnés fusqu'à prisons aux busty
momens de la révolution et aux grands intérêts politiques ,
essentiellement liés à son succès , we reprendre l'étendue et
degré d'importance qu'ells a toujours ou dans ce Journal
qui s'est fais estimer par sa warilté et par l'esprit de critiqua
amine et impartiale de ses coopérateurs. Elle viens ditre cons
fiée aux soins d'une société de peus de lettres qui, sous l'herorouse
influence de la liberté de la presse, ne négligerent tim
de ce qui peut intéresser la république des lettres , sail souca
Bes rapports du goût et de la littérature proprement dite , so
pous ceux de l'économie politique , des sciences , des braun arti
de la morale et de l'instruction publique. Lo regne de la ban
barie et du sandalisme n'a jamais até que celui de la tyrannia
Les encouragemens que la Convention vient d'accorder num
@GUMAS, GUM gens de lettres et aux artistes, sont une nouvelle
preuve de la nécessité de l'alliance inséparable des lustiaros doma
Liberti,
Les changemens et les améliorations que nous nous proposo
me se horment pas seulement à l'istirit de la rédaction. La
aractere petit - romain que nous avons employé jusqu'à ce
jour , avait l'inconvénient de fatiguer entrêmement à la los
kure , nous lui avons substitul un caractere plus agricbis
fail ; convaincus que nous sommes que les formes sypogra
phiques influent plus qu'on ne pense sur le guccis d'un ou
wrage. Nous continuerons de faire usage du petit caracters
pour les nouvelles politiques , les pieces officielles et tous lex
abjets qui sont purement de détail , mais on mm - ms , je
les supplémens que veur donnerous , ce journal acquerra ma
plus grande étendue de matere.
dem Bits ne cena changt dans les petra jardim qui empat
ce Journal : for newvelles pakitiones & for newvelles paličioxat les débats et les dieren
majenis Ma Convention , les nouvellos de Paris et de l'in="
dérieur to tribunal , révolutionnaire , et les opérations impersantes
de nos armies , continuerant & occuper se plass d'y
eventiekio.
Il paraitra Majours deux fois par décade , ce qui le z
niveau desfeuilles du jour dans la plus grande partie
departemens , on la service des postes m'est pas journalier
Ainsi la Mercure , le plus ancien des journaux , celui dont
la collection est la plus recherchée , aura toujours sur les
mutras de même gcare , l'avantage de paraître plus fréquemment,
of de réunir avec le même intérêt et la méme variété plus
de matieres.
La charti excessive du papier qui a plus que triplé, vello de
du main-d'oensore qui s'est mecrue dans la même proportion , st
L'augmentation de moitié dans lesfrais de port, qui vient d'imre
décrite par la Convention , nous obligent de porter le prim
de l'abonnement à compter du 1º , pluviose à 56 liu, pour &mas
mée 25 liv . pour sin mois , franc de port pour Paris at log
departemens . Aussitôt que ces objets auront subi quelque dimin
nous nous ombresserons d'en faire jouir mer so
Loans , lis artistas et des libraires qui nouirons faine
minancer leurs productions , voudrant bien les adroner
richpen Gaik direstour de MercUES ,THE
gui reguit également les sensorioplane.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères