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1795, 01-03, t. 14, n. 25-36 (24, 29 janvier, 3, 8, 13, 18, 23, 28 février, 5, 10, 15, 20 mars)
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LIBERTÉ, ÉGALITÉ.
( No. 25.36
Quintidis Pluviofe
lan troifième de la République.
Samedi 24 Janvier 1795 vieux fyle. )
MERCURE
FRANÇAIS
,
HISTORIQUE ,
POLITIQUE
ET
LITTERAIRE
Le prix de
l'Ahernement
trane de port.
Pres
CALENDRIER
REPUBLICAIN.
PLUVIO S I.
La Lune de mois a 29 jours Du : su 30 , les
jours croiffent le mat. de 45 m. & de foit de 44 m.
Ere Républicaine.
Ere
Vulgaire
PHASES
del de la
LUNE. H. M. S.
I primedi le Décade. 21 Dim. 129
2 dundi
$ tridi.
4.90
22 lundi
90
23 mardi
4 quartidi
Squincidi
.
6 fextidi
.
feptidi
4.99 90
24 merc. 91 S
2 jeudi NA 26
26 vend, le 49
27 fam. 6 n. 18
8 odidi
nonidi .
10 Dicadi
91 72
28 Dim. m. 91 96
lundi
21
30 mardi 9
11 primedi II Décade . 31 merc. te
12 duodi..
13 tridi.
1 jeudi 11 P. Q.493
vend. 12le 8 , 49 4.95.
14 quartidi .
1 quin idi .
16 extidi .
17 Yopridi .
fam. h. 12 m. 95
Dim. da foir. | 4.93
lundi 15 94
6 mardi 16 4.94
22 Chodi..
23 idi.
18 octi
19 nonidi .
20 Décadi
jendi 18 le 16,34 4,95
I primedi III Décad. to fam. 20 du ma .
merc. 17
merc. 17 . 96 75
9 vend. 19 19h 4m. 4.95
4.95
4.95
24 quartidi .
25 quinaidi.
26 Textidi .
27 Captidi..
28 octids
29 Dazidi
10 Dread
D
mardi
marc. 24
le 14 22
Esljendi- 25
16 vend . 16]
17 fan .
Dim. 28
landi
<
MERCURE
FRANÇAIS ,
HISTORIQUE POLITIQUE
ET LITTERAIRE ;
PAR UNE SOCIETE DE PATRIOTES,
Du Quintidis Pluviose , l'an troisieme
de la République..
( Samedi 24 Janvier 1795 ,
vieux style. )
TOME XI V.
LIBERTS
4.3
A PARIS
Au Bureau du Mercure , rue des Poitevins ,
No. 18 .
TABLE des matieres littéraires , depuis le 25 novembre
1794 , jusqu'au 19 janvier 1795 , vieux style.
SUITE du fragment sur l'abus des mots , etc. , dans
la révolution..
Annonces de livres et de gravures .
Voyage enAfrique et en Asiependant les années 1770-1779.
Par C. Thunberg , Suédois ....
Aunonces de livres , gravure et musique...
Thimoléon , tragédie avec des choeurs par M.J. Chénier ...
uvres complettes de Winkelmann ..
Suite du fragment sur l'abus des mots , etc. , dans la
résol tion....
La Bravoure gasconne , conte ; par Grétny fils ...
Charade , Enigme , Logogriphe ....
Nouveau systeme sur les granits , les schistes , etc.; par *
page
3.
11.
33 .
38 .
65.
78 .
97 .
129.
130 .
P. Bertrand ..
131 .
Annonces de livres nouveaux . . . . 133.
Vers d'Adele Toustein à son pere prisonnier.
161 .
Charade , Enigme , Logogriphe ... 162.
Voyage philosophique et pittoresque sur les rives du Rhin ,
et fait en 1790 ; par G. Forster ... 163.
Remerciment d'un détenu , etc.; par C. G. Toustain .. 193 .
Enigme et Logogriphe
194.
Almanach des Muses pour 1795 ... 195.
Annonces de livres nouveaux . 199
Imitation de l'Ode XV du Ve , liv . d'Horace. 225 .
Soirée de mélancolie , nouvelle édition ... 276.
La philosophie des Sans- culottes ; par N. Pellerson . 229.
Annonces de livres et de musique.
230.
Le Patriote , vers traduits de Dioscoride .
Charade , Enigme , Logogriphe ..
257.
258.
Histoire du Lion de la ménagerie du Muséum , et de
son Chien . 259.
La République est le seul gouvernement qui convienne à
la France ; par le citoyen Lenoir- Laroche, .... 289.
Annonce de livres nouveaux... 299.
Le Jardinier, le Papillon et la Chenille . fable ; par
Grétry fils ....
321 .
Charade , Enigme , Logogriphe ...
522.
Les Loisirs utiles ; par le citoyen Darnaud-Baculard ....
323.
Vers sur Dieu ; par le citoyen Lebrun .
353.
Histoire de la décadence et de la chûte de l'Empire
romain ; par Gibbon : tomes XII et XIII .: 355.
Bayerische
Staatsbibliothek
München
( 3 )
NOUVEL AVIS AUX SOUSCRIPTEURS.
LA4 partie littéraire , subordonnée jusqu'à présent aux événemens
de la révolution et aux grands intérêts politiques ,
essentiellement liés à son succès , va reprendre l'étendue et le
degré d'importance qu'elle a toujours eu dans ce Journal ,
qui s'est fait estimer par sa variété et par l'esprit de critique'
saine et impartiale de ses coopérateurs. Elle vient d'être confiée
aux soins d'une société de gens de lettres qui , sous l'heureuse
influence de la liberté de la presse , ne négligeront rien
de ce qui peut intéresser la république des lettres , soit sous
les rapports du goût et de la littérature proprement dite , soit
sous ceux de l'économie politique , des sciences , des beaux arts ,
de la morale et de l'instruction publique . Le regne de la barbarie
et du vandalisme n'a jamais été que celui de la tyrannie .
Les encouragemens que la Convention vient d'accorder aux
savans , aux gens de lettres et aux artistes ,•, sont une nouvelle
preuve de la nécessité de l'alliance inséparable des lumieres avec
la Liberté.
Les changemens et les améliorations que nous nous proposons
ne se bornent pas seulement à l'intérêt de la rédaction . Le
caractère petit - romain que nous avons employé jusqu'à ce
jour , avait l'inconvénient de fatiguer extrêmement à la lecture
, nous lui avons substitue un caractere plus agréable à
l'ail ; convaincus que nous sommes que les formes typographiques
influent plus qu'on ne pense sur le succès d'un ouvrage.
Nous continuerons de faire usage du petit caractere
pour les nouvelles politiques , les pieces officielles et tous les
objets qui sont purement de détail ; mais en même - tems , par
les supplémens que nous donnerons , ce Journal acquerra une
plus grande étendue de matiere .
Rien ne sera changé dans les autres parties qui composent
A 1
( 4 )
ee Jonrnal ; les nouvelles politiques , les débats et les décrets
majeurs de la Convention , les nouvelles de Paris et de l'intérieur
, le tribunal révolutionnaire et les opérations importantes
de nos armées , continueront d'y occuper une place
essentielle.
Il paraîtra toujours deux fois par décade , ce qui le met
au niveau des feuilles du jour dans la plus grande partie des
départemens , où le service des postes n'est pas journalier.
Ainsi le Mercure , le plus ancien des journaux , celui dont
la collection est la plus recherchée , aura toujours sur les
autres du même genre , l'avantage de paraître plus fréquemment,
et de réunir avec le même intérêt et la même variété plus
de matieres.
La cherté excessive du papier qui a plus que triplé, celle de
la main- d'oeuvre qui s'est accrue dans la même proportion , et
l'augmentation de moitié dans les frais de port, qui vient d'être it
décrétée par la Convention , nous' obligent de porter le prix de
l'abonnement , à compter du 1er , pluviôse , à 50 liv . pour l'année
, 25 liv. pour six mois , franc de port pour Paris et les
départemens . Aussi-tôt que ces objets auront subi quelque dimi
nution , nous nous empresserons d'en faire jouir nos souscripteurs.
Les auteurs , les artistes et les libraires qui voudront faire
annoncer leurs productions , voudront bien les adresser au
citoyen Guth , directeur du Mercuré , rue des Poitevins , nº . 18 ,
qui reçoit également les souscriptions.
( No. 25. )
MERCURE FRANÇAIS.
QUINTIDI 5 PLUVIOSE , l'an troisieme de la République.
( Samedi 24 Janvier 1795 , vieux style . }
STANCES.
Rousseau placé au Panthéon par le Peuple Français.
ENFIN , le jour de la justice
Pour toi , grand homme , est arrivé !
Sur les débris fumans du vice
Ton piedestal est élevé ;
Ne détourne point la couronne
Que ton il modeste apperçoit.
Si c'est le peuple quila donne ,
C'est la vertu qui la reçoit.
Venez y joindre vos offrandes
Tendres meres , jeunes enfans ;
De fleurs , de palmes , de guirlandes.
Couvrez ces mânes triomphans !
Hommes , que l'injustice opprime
Que ce jour pour vous sera beau !
A la voix d'un peuple sublime
Votre ami sort de son tombeau .
Inconsolable Ermenonville ,
J'entends les cris de ta douleur ,
Lorsqu'au silence de ton isle
La paurie enleve son coeur......
Mais laisse aux rives de la Seine
Le temple auguste des vertus ;
Ea-ce loin de Rome et d'Athene
Q'on plaça Solon et Brutus ?
AS
( 6 )
Brutus ! .. quel nom ! pourquoi le Tibre
N'en offre-t-il plus d'aussi grands ?
Gloire immortelle à l'homme libre
Qui brise le joug des tyrans "!
Toi dont j'adore le génie ,
As- tu de nous moins mérité ?
Ta main frappa la tyrannie
Du poignard de la vérité.
N'espere donc point que la haine ,
Au teint pâle , aux sombres regards
En toi de la faiblesse humaine.
Pardonne jamais les écarts !
Sous l'intolérable puissance
Des vils satellites des rois
"
Quel sage impunément en France
De l'homme eût proclamé les droits
Tandis que sa plume au grand Être
Du genre humain offrait l'amour ,
On vit et l'athée et le prêtre
Le persécuter tour -à - tour.
Ne fallait- il pas que du monde
Les plus infames corrupteurs ,
Jusqu'en sa retraite profonde
Poursuivissent l'ami des meurs ?
Source éternelle de nos peines ,
La cour , livrée à ses desirs
Du sang exprimé de nos veines
S'abreuvait au sein des plaisirs ;
Et de la voix de la nature
L'incorruptible défenseur
Gémissait dans sa vie sobscure.
Courbe sous le poids du malheur
Que dis-je ! un sénat mercenaire
*
A lancé des ordres cruels :
Qu'on enchaine le téméraire
99 Qui veut éclairer les mortels ! , 9
” ༔
I
( 4)
fait.... une terre tranquille
Va recevoir l'infortuné ! ...
Non la vertu n'a plus d'asyle
Lorsque le vice est couronné !
A qui réserves- tu la foudre ,
Dieu qui viens de briser nos fers ?
Quand voudras - tu réduire en poudre
Les oppresseurs de l'univers ?
Acheve done ! ouvre la tombe
Où tu fis descendre Tarquin ,
Et que tout diadême tombe
Devant le peuple souverain !
*
Tu préparas ce grand ouvrage , s motive
Toi qui , brûlant d'humanité , sio s
Peignis , avec tant de courage , in
Les charmes de l'égalité !
De quelle pure jouissance
T'enivre aujourd'hui l'éternel
S'il découvre à tes yeux la France
Libre du trône et de l'autel !
Lancez ,
Frémissez de rage à nos fêtes ,
Vous qu'irrité notre bonheur !.
Puisez sur nos têtes
Tous les traits de votre fureur !
Ainsi , dans leurs cavernes sombres
Les méchans de fiel consumés ,
Mandissent les célestes ombres
Des justes qu'ils ont opprimés.
Pardonne au transport qui m'égare ,
Vengeur de l'illustre Caton !
Quoi j'ose peindre la Tartare
Quand Rousseau vole au Panthéon ?
Disparaissez tableau funebre
Devant les couleurs de l'amour ,
De la fête que je célebre
N'obscurcissez pas le beau jour ?
AA
( 8 );
Et toi qui du siecle où nous sommes
Créas les destins glorieux , ..
Toi qui formas le coeur des hommes ,
Viens prendre place au rang des Dieux ?
Vois les honneurs qu'à ta mémoire
Consacre la postérité
Et dans le temple de la gloire
Jouis de l'immortalité.
MON
CHARADE.
ON tout à bien des gens tient lieu de coffre- fort.
Divise-moi mon premier est un port ,
Qui ne redoute gueres
L'attaque des Anglais ;
S'ils s'y frottaient , les courageux Français
Donneraient mon dernier à ces fiers insulaires .
LOGO GRIPHE
J'AI cinq pieds bien comptés , et n'en veux davantage ;
ΑΙ
Mais qui me changerait les trois pieds du milieu ,
Pour moi serait un demi-dies .
Quel plaisir d'être en tête d'un ménage !
Patientons : cela doit venir avec l'age .
Cherche en mon un terme de dédain ;
Un arbre toujours verd , le sédiment du vin ;
Puis deux pronoms ; le tissu d'une histoire ;
De nos guerriers certain arrangement ; 1
L'opposite d'un continent.
Et puis , bon soit : je suis au bout de man grimoire .
( 9 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
Nouvelle Grammaire raisonnée , à l'usage d'une jeune personne.
Volume in-8 de 316 pages . Prix , 5 lio . en feuilles . Par
une société de gens de lettres ; le cit. P. , éditeur . A Paris ,
chez Plassan , imprimeur-libraire , rue du Cimetiere - Andrédes-
Arcs , no. 1o , l'an 3 de la République Française.
Cs n'est pas une chose facile qu'une bonne grammaire ,
ni un service médiocre à rendre à l'art de communiquer
ses pensées. De toutes les langues modernes , et peutêtre
même des anciennes , la langue française est l'une,
des plus difficiles à parler et à écrire correctement . Née
des débris de la langue des Romains qui firent la conquête
des Gaules , de celle des Grecs qui établirent une
colonie à Marseille , et des différens idiomes de cette
nuée de peuples barbares qui se répandirent du nord
vers les contrées occidentales de l'Europe , ses regles se
sont formées successivement et avec peine , à mesure
que les connaissances humaines ont fait des progrès ,
et que l'esprit d'analyse a mis plus d'ordre dans le
systême des idées .
On peut compter deux époques principales dans
l'histoire du progrès de la langue française , celle,
d'Amyot et de Montaigne , et celle depuis Corneilie jusqu'à
nos jours . Si à cette premiere époque la langue cherchait
encore ses regles , et tatonnait ses principes
elle trouvait dans l'incertitude même de ses limites une
audace et une liberté qui laissait plus d'essor au génic
et donnait à l'expression de la pensée des formes plus
piquantes et plus originales . En lisant Amyot et Montaigne,
on juge mieux du caractere de la langue , de celui de
l'écrivain , et surtout des moeurs du tems , qu'on n'a
pu le fai e lorsque le goût devenu plus exigeant , et les
regles plus séveres , ont mis dans les signes de nos idées
plus d'ordre , plus de perfection , mais en même tems
plus d'uniformité. Au milieu des richesses d'un autre
genre , que le langage a reçues des lois grammaticales ,
la langue d'Amyot et de Montaigne plaira toujours à ceux
qui aiment à surprendre la pensée d'un auteur dans
son état de nature , et la langue dans le travail de son
génie . On regrette que les législateurs trop scrupu(
10 )
!
Teux de la langue française , n'aient pas assez conservé
des tours originaux et de la syntaxe pittoresque qu'on
retrouve dans ces deux écrivains .
Dans tous les genres , les chefs -d'oeuvres des artisres
ont toujours précédé les regles de l'art. C'est lorsque
Corneille , Pascal , Bossuet , Racine et Fénelon eurent enrichi
la langue de leurs sublimes productions , que parut la
grammaire de Port - Royal. Cet ouvrage auquel le
grand Arnauld communiqua de son génie , porte , comme
tous les écrits de cette société célebre , un caractere de
profondeur et de lumiere qui distingue plus particulierement
le siecle de Louis XIV. On a fait depuis beaucoup
de grammaires . D'Olivet Dumarsais
Girard ,
Duclos, Beauzée , etc. , ont tracé les regles de la langue ,
reculé ses limites , et fait des remarques précieuses sur
son esprit ; mais quelques services qu'ils aient rendus
au langage , ils n'ont point fait oublier la grammaire
de Port -Royal.
Il y aurait une question importante à examiner . Les
grammaires sont - elles la voie la plus sûre et la plus
facile pour apprendre la langue ? Si l'on considere le
nombre de connaissances qu'il a fallu réunir pour composer
une bonne grammaire , combien elle suppose de
clarté , de méthode , d'analyse et de métaphysique dans
l'esprit , de justesse dans les idées , de sagacité dans le
goût , pour découvrir dans la formation successive de la
langue et les bizarreries capricieuses de l'usage des principes
généraux et des regles constantes , marquer les exceptions
et soumettre en quelque sorte les irrégularités
à des lois régulieres ; combien il a fallu recourir à de
termes abstraits pour donner de la précision à la théorie ,"
l'on sentira facilement que toutes ces choses doivent
être d'une conception pénible et fatigante pour les
jeunes gens ; les grammaires ont été faites par des savans .
et malheureusement il n'y a que des savans ou des esprits
très-exercés qui puissent les entendre.
De quelqu'utilité que soit une grammaire , le premier
et le meilleur moyen d'apprendre sa langue , sera toujours
la leçon de l'exemple ; c'est en entendant bien
parler , c'est par la lecture des bons écrivains , que les
jeunes gens prendront l'habitude de la correction et de
la pureté , et quand , après s'être nourris de la substance.
d'excellens modeles , ils voudront s'affermir dans la pra
tique par les principes de la théorie, c'est alors que l'étude
des grammaires leur deviendra plus aisée et plus fruc(
11 )
tueuse . Il semblerait encore que les rapports naturels qui
existent entre l'ordre des idées et les signes dulangage ,
devraient faire précéder la connaissance des regles méca
niques du langage par de bons élémens de logique , car
l'art de bien parler suppose nécessairemenr celui de bien
raisonner ; cet ordre , qu'indique la nature même des
choses , n'est pas celui qui a été adopté jusqu'à présent
dans la marche de l'instruction publique.
66
On voit que l'éditeur de la nouvelle grammaire raisonnée
que nous annonçons , a senti la nécessité de la
dégager de toutes les formes abstraites qui pourraient
embarrasser l'intelligence des jeunes éleves . Dans une
court e introduction qu'il adresse à ses enfans , il expose
la marche qu'il a tenue et le but qu'il s'est proposé. Je
vous mis entre les mains plusieurs grammaires modernes ;
leur sécheresse , leur prolixité ne tarderent pas à vous rebuter.
Je pris alors le parti de rédiger une grammaire
extraite de toutes les grammaires qui étaient à ma connaissance.
Je m'entourai de celles de Port- Royal , de
Duclos , de Girard , de Dumarsais , etc. Après avoir fait
mon plan , je composai de petits chapitres sur chacune
des parties du discours , oùje tâchais de mettre de l'ordre ,
de la clarté sur tout , et où je cherchais à substituer des
moyens mécaniques à des explications abstraites qu'une
jeune personne ne peut entendre . C'est avec ce soin que
j'ai traité tout le chapitre des verbes et de leurs modes ,
des subjonctifs , des participes . Cette grammaire , ajoutetil
, excepté quelques chapitres , est un extrait , un rẻ-
sumé de ce qu'il y a de plus clair , de plus intelligible
dans vingt ouvrages sur la langue française. Outre toutes
les grammaires connues dont j'ai fait usage , j'ai mis encore
à contribution Debrosse , Court - de- Gébelin , Bouhours,
Condillac , etc. Elle n'est destinée ni aux savans , ni aux
gens de lettres je l'ai rédigée à l'usage d'une jeune
personne de 15 à 16 ans , et encore j'ai le soin d'indiquer
les chapitres qu'elle doit passer dans une première lecture.
Quelque modeste que soit cette annonce
croyons que cette grammaire se fera lire avec intérêt ,
même par ceux qui ont déja acquis des notions étendues
sur notre langue.
nous
On sent qu'un ouvrage théorique et didactique n'est
gueres susceptible d'une analyse suivie ; on n'abrege
pas des regles , on les donne.
La premiere partie est consacrée à ce qu'on appelle
les différentes parties du discours ; les principes y sont
( 12 )
développés avec clarté , précision et méthode . A mesure
que l'auteur rencontre les difficultés nombreuses que
présente la langue dans les parties constitutives du discours
, il les résout avec sagacité , et toujours en s'appuyant
sur l'autorité des meilleurs écrivains .
Dans la seconde partie , qui n'est pas la moins utile de
cette grammaire , on y traite des accens , de la prosodie ,
de l'orthographe , de la construction grammaticale , de
l'inversion , des convenances et disconvenances dans le
langage , des mots expletifs , des tropes. Ces principaux
articles sont extraits de Dumarsais , l'un des grammairiens ,
qui a su le mieux appliquer l'analyse et la métaphysique .
aux regles du langage . Le chapitre des synonymes ,.
celui de la versification française et de la prosodie , sont
du
citoyen Ginguené , littérateur justement estimé.
Cet ouvrage est terminé par deux chapitres extrêmement
intéressans ; l'un sur les mots de la langue fran
çaise , qu'on a' appellés privatifs , et l'autre sur les gallicismes.
1
Le premier contient des observations précieuses de
Laharpe et de Suard , sur un ouvrage que Charles Pougens
a publié l'année derniere , sous le titre de Vocabulaire de
nouveaux privatifs de la langue française. Cet auteur donnait
le nom de privatifs à un grand nombre de mots nouveaux
, qui , au moyen des prépositions im ou in ; dé ,
des ou dis , mé ou més , prennent un sens contraire à celui
du mot simple , tels sont les mots : impérissable et intacte ,
décoloré , déshonoré , et disgrace ; mécontent et mésusé.
Mais il ne suffit pas , remarque Suard , que l'idée de
privation entre dans le sens d'un mot , pour qu'il mérite
la denomination de privatif ; car si on appelle ainsi les
mots inaction , indisposition , etc. Il faudrait pour la même ,
raison , donner ce nom au mot repos , qui exprime également
privation d'action , et au mot maladie , qui exprime
privation de santé .
Deux observations concou ont à faire voir combieu
le mot privatif est impropre. 1 ° . Les mots auxquels on
les applique n'énoncent pas tous l'idée de privation .
2
and on parle d'un fat incommode , d'une proposition
inverse , d'un bien impérissable , d'une écriture inlisible , il
n'y a point là de privation exprimée . 2 ° . Le mot de pri- ,
vatif ne conviendrait pas , même à la rigueur , aux mots
qui semblent indiquer le plus clairement la privation ;
comme dans inaction , infini , inodore , inégal , etc. , priver
de quelque chose , c'est êter à un sujet quelconque ,
13 )
quelque chose qu'il possedait ; mais cette définition ne
peut convenir aux mots qu'on vient de citer ; car l'être
infini , ni l'homme dans l'inaction , ni une fleur inodore ,
ni un nombre inégal , n'offrent l'idée de privation.
" Cette idée est exprimée dans quelques mots , et
plutôt dans ceux qui sont précédés de la particule de ou
dés , que dans ceux qui prennent la préposition in ou
im ; un objet décoloré , est un objet privé de ses couleurs ;
desorganiser une machine , c'est le priver de son organisation
. Mais , dira-t - on , quel nom donner à cette multitude
de mots , qui , relevant tous une modification
analogue par les mêmes prépositions dont ils sont composés
, semblent faire dans toutes les langues des classes
particulieres et distinctes ? Je répondrai qu'il faudrait
étendre à linfini la nommenclature des mots , si l'on
voulait donner des dénominations particulieres à ceux
qui présentent ainsi dans leur composition des rapports
communs et inégaux. "
Suard pense quil conviendrait mieux d'appeller simplement
mots composés ceux qu'on veut appeller privatifs ,
et il prouve que dans beaucoup de cas la dénomination
de négatifs serait plus convenable , comme dans impoli,
impair impuisant , inusité , qui ne signifient exactement
que non poli , non pair , non puissant , non usitě. S il était
convenable de distinguer , par une dénomination géné
rale , les mots qui prennent les prépositions im ou in , đễ
ou dés , il ne voit pas non plus pourquoi l'on ne distin
guerait pas de méme les mots nombreux qui se composent
des prépositions ab ou ad , con ou com , en ou in
avec le sens de dans , entre et inter , par , per , pour , pro ,
pre , trans , etc. , comme abuser et admirer , combattre ou
contsruire , enrainier et induire , entreposer et interligner ,
parfait , pourvoir , permettre , proposition , reproduire et
réprouver , transporter , etc. Mais à quoi bon embarrasser
ainsi la nomenclature grammaticale de ces classifications
inutiles ? La langue des grammairiens n'est déja que
trop gratuitement surchargée de termes abstraits et
pédantesques .
Le jésuite Bouhours , continue Suard , dans ses remorques
sur la langue française , a un chapitre intitulé
Des mots qui commencent par in ; c'est sous cette dénomination
très -simple et trop générale encore , qu'il examine
un certain nombre de ces mots , que l'on cherchait
, il y a un siecle , à introduire dans la langue . Les
discussions de nos anciens grammairiens servent à faire
( x4 )
connaitre les variations progressives qu'a éprouvées
notre langue , et en mêmê-tems l'incertitude des principes
sur lesquels s'operent les innovations . Par exemple,
Bouhours réprouve les mots intolérance , insidieux , impécuriosité,
impécanieux , injudicicux , inexpérimenté , invaincu ,
indisputable , impardonnable , incorrompu , inconvertible ,
inexplicablement , insoutenablement , tous mots protégés et
recommandés par Ménage. Une partie de ces mots est
restée malgré la censure du jésuite , comme inexpérimenté
, impardonnable , insidieux . Intolérance a fait la plus
grande fortune pendant que la chose est tombée dans
le plus horrible discrédit ; et Bouhours , qui ne voulait
pas d'impardonnable , si usité aujourd'hui , recommandait
envain immortifié , qui n'a pas pu venir jusqu'à
nous . Tel est le sort des mots nouveaux . Si le citoyen
Pougens avait suivi l'histoire des variations de notre
langue , il aurait eu moins de confiance dans la fortune
de cette foule de mots en in ou en dé , qu'il propose à
nos écrivains comme une source de nouvelles richesses
"" ,
A
Nous ne rapportérons point les observations de
Laharpe sur les privatifs que veut introduire Charles
Pongens . Elles ont occupé une place dans ce journal.
( Voyez les numéros 3 et 4 de l'année derniere . ) Nous
dirons seulement que Suard en a faites à son tour de
très- judicieuses sur celles de Laharpe. Ces sortes de débats
critiques entre des écrivains également estimés
sont peut-être de toutes les manieres d'instruire la plus
piquante et la plus utile .
Le chapitre sur les gallicismes , qui est tout entier de
Suard , est une des meilleures dissertations qui aient été
faite sur cette matiere , qui tient à l'esprit de la langue
française . Pour comprendre ce qu'on entend par gallicisme
, il faut savoir qu'il y a des principes communs aux
différens idiomes qui ont été réduits en ordre systèmatique
, et qui composent ce qu'on appelle la grammaire
générale . Mais il y a en même-tems dans toutes les langues
des exceptions à ces principas généraux et communs
, c'est-à-dire , des particularités , soit dans l'emploi
des mots , soit dans la maniere de les arranger , qui ,
s'écartaut des regles ordinaires , distinguent une langue
de toutes les autres. Ces locutions particulieres s'appellenr
idiotismes .
Lorsqu'on a voulu distinguer les idiotismes propres
une langue en particulier , on leur a donné un nom ana(
15 )
logue à celui de cette langue. Les idiotismes de la langue
française s'appellent gallicismes , comme ceux du grec et
du latin s'appellent hellenismes . ou latinismes ; ceux de
l'anglais et de l'allemand , anglicismes ou germanismes.
Ainsi idiotisme désigne le genre dont les autres mots
sont les
especes.
" Il y a dans les langues modernes des façons de
parler qui sont communes à plusieurs , mais qui sont
absolument étrangeres à l'esprit et aux usages des langues
ancienues. Ce sont des idiotismes relativement à
celles-ci ; mais elles ne peuvent être considérées comme
tels relativement aux premieres 5 .
Suard cite pour exemple de gallicisme dans la langue
italienne le trait suivant : Un italien disait qu'il avait
été dans une maison où on lui avait fait beaucoup de
finesses , parce que dans sa langue finezza signifie politesse.
S'il ayait lu cette maxime de Larochefoucault : « Ce qui
› nous donne tant d'aigreur contre ceux qui nous font
" des finesses , c'est qu'ils croient être plus habiles que
" nous , il l'aurait vraisemblablement mal comprise ;
si un auteur italien , en traduisant cette pensée , rendait
le mot finesse par finezza , il ferait un gallicisme.
99
Le gallicisme étant une façon de s'exprimer particuliere
à notre langue , cette particularité d'expression
peut se trouver , selon Suard , 1º . dans le sens d'un mot
simple ; 2. dans l'association de plusieurs mots ; 3º . dans
l'emploi d'une figure ; 4. dans la construction de la
phrase. Suard cite , sous chacune de ces distinctions ,
une infinité d'exemples où l'on voit l'esprit et le génie
particulier qui caractérisent notre langue , et qui prouvent
combien il est difficile de bien traduire , lorsqu'on
ne connaît pas les nuances et le sens propre des mots
de chacune d'elles , qui sont modifiés si souvent par
les moeurs , ou dénaturés par la mode. Parmi les exemples
qu'il rapporte , en voici un assez curieux : « J. J. Rousseau
parle , dans un de ses ouvrages , des petites maisons qui
ont été quelque tems à la mode à Paris , pour des rendez-
vous de galanterie . Un Anglais , qui a traduit l'ouvrage
de Rousseau , a rendu cetre expression par les mots
équivalens de sa langue , little house , qui signifient cabinet
d'aisance ; ce qui ne peut manquer de former un sens
très ricicule. Un journaliste anglais , en rendant compte.
de la traduction , releve d'un air capable cette singuliere
méprise , et en fait une autre non moins plaisante.
Le traducteur de Rousseau , dit - il , ignore sans doute que
( 16 )
$
les Français donnent le nom de Petites- Maisons à l'hôpital
des Foux , établi à Paris.
Les deux chapitres dont nous venons d'indiquer l'objet,
et qu'il faut lire dans leur entier , suffiraient pour rendre
recommandable cette grammaire , qui contient d'ailleurs
des principes extrêmement simplifiés , et la solution des
difficultés grammaticales qui se rencontrent le plus fréquemment
dans l'usage.
INSTRUCTION PUBLIQUE.
ÉCOLES NORMALES.
L'ouverture des écoles normales s'est faite le 115. de
ce mois dans une des salles du Muséum d'histoire naturelle
, en attendant que le local de la ci- devant Sorbonne
soit préparé à cet effet : nous nous proposons de donner
le tableau analytique des travaux de cette institution.
Destinée à régulariser les différentes branches de
Tinstruction publique . Nous commençoes par arrêté
du comité qui peut être considéré comme une antzo ·
duction à ces leçons importantes .
entrait dans les desseins de la Convention notioinale
de donner au Peuple Français un systĉine d'instruction
digne de ses nouvelles destinées mais les
instituteurs et les professeurs manquaient pour Fesecution
d'un si grand dessein . La Convention a voulu
former des instituteurs et des professeurs pour toute
l'étendue de la République .
Tel est le but de l'établissement des écoles normales
.
Dans les autres écoles , on enseigne seulement les
branches diverses des connaissances humaines : dans les
écoles normales , on professera principalement l'art de
les enseigner on exposera les connaissances les plus
utiles dans chaque genre , et on insistera sur la méthode
-de les exposer. C'est là ce qui distinguera essentiellement
les écoles normales ; c'est là ce qui remplira le`
nom qu'on leur a donné ..
On ne parlera point ici des professeurs ; ils seraient
mal choisis , si on avait besoin d'en parler . Flusieurs
sont connus pour avoir créé ou perfectionné les mé--
thodes qui ont fait faire aux sciences de nouveaux pro-
.grès , ou qui en ont rendu l'acquisition plus facile . Ce
genre
genre de mérite , le plus haut degré de talent , était ng
mérite nécessaire dans les professeurs des écoles nor
male ,
Gracaractetes , la plupart si nouveaux , ne sont pas
les seus que les écoles normales doivent présenter.
. Dans les autres écoles , les seuls professeurs parlent ,
et une seule fois sur chaque partie d'une science.
Dans les autres écoles , ce que disent les professeurs
ne laissent de traces que dans la mémoire des auditeurs ;
et les auditeurs peuvent mal entendre et mal comprendre
leur mémoire peut retenir imparfaitement ,
incomplettement .
;
On avait voulu que , dans les écoles normales , ce qui
n'aurait pas été bien entendu ou bien retenu , en écoutant
les professeurs , pût l'être en les lisant.
On a voulu que ce qui n'aurait pas été suffisamment
éclairci ou compris dans une premiere séance , pât
l'être dans une seconde.
On a voulu que le professeur , dans chaque genre ,
présentât la science et la méthode , et que l'école toute
entiere les discutàt.-
On a voulu que l'initiative et la présidence de la pa
role appartinssent aux professeurs exclusivement , et que
le droit de parler pour interroger les lumieres des professeurs
, ou pour communiquer leurs propres lumieres ,
appartint à tous les éleves ..
On a voulu que les lumieres qui seraient apportées
aux écoles normales , et celles qui y seraient nées , në
fussent pas renfermées dans leur enceinte ; et que ,
presqu'au même instant , elles fussent répandues sur
toutes les autres écoles et sur toute la France.
Voici les moyens très - simples que le comité d'instruction
publique a cru devoir prendre pour opérer
tous ces effets.
Des stenographes , c'est-à-dire des hommes qui écris
vent aussi vîte qu'on parle , seront placés dans l'enceinte
des écoles normales , et tout ce qui y sera dit sera écrit
et recueilli pour être imprimé et publié dans un journal. ›
Dans une premiere séance , les professeurs parleront
sculs ; dans la séance suivante des mêmes cours , on
traitera les mêmes objets , et tous les éleves pourrons
parler. Le journal sténographique leur aura remis sous
les yeux , un ou deux jours à l'avance , ce que les professeurs
auront dit dans la séance précédente . Tantôt
ils interrogeront le professeur , tantôt le professeur les
Tome XIV. B
( 18 )
interrogera ; tantôt il s'établira des conférences entre les
éleves et les professeurs , entre les éleves et les éleves ,
entre les professeurs et les professeurs .
•
Par le concours et par l'ensemble de ces mg Ins
avant de passer d'un objet à l'autre , on portera tou-
Jours sur celui qu'on a déja va ce second coup d'oeil
nécessaire pour donner aux idées de la netteté , de la
fermeté et de l'étendue .
L'enseignement ne sera point le résultat du travail
d'un seul esprit , mais du travail et des efforts simultanés
de l'esprit de douze à quinze cents hommes.
Les sciences s'enrichiront à la fois , et des fruits préparés
et lentement mâris de la méditation , et des cléa
tions soudaines et inattendues de l'improvisation.
Un très-grand nombre d'hommes , destinés à professer
les diverees sciences, s'exerceront à ce talent de la parole ,
avec lequel seul le génie et les lumieres des professeurs
passent rapidement dans les éleves .
Le style a plus que la parole de cette précision exacte ,
sans laquelle il n'y a point de vérité ; et la parole a
plus que le style , de cette chaleur fécondante sana
laquelle il y a bien peu de vérités . L'organisation de
l'enseignement , dans les écoles normales , fournira peutêtre
les moyens de corriger la parole par le style , et
d'animer le style par la parole ; et ces deux instrumens
dé la raison humaine , employés tour à tour, et perfectionnés
, l'un par l'autre , seront tous les deux plus
propres à perfectionner la raison elle -même.
La parole a dominé chez les anciens ; elle a produit
les beautés et les égaremens de leur génie : le style a
dominé chez les modernes ; il a produit la puissance
rigoureuse de leur génie et sa sécheresse. L'emploi successif
de l'un et de l'autre sera peut-être le moyen de
réunir ce qu'il y a de plus imminemment utile dans le
génie des modernes , et ce qu'il y a eu de plus beau
dans le génie des anciens.
Tous les professeurs ont l'habitude de méditer et d'écrire
dans le silence du cabinet , et presque tous par
leront pour la premiere fois dans une grande assemblée :
un pareil essai les aurait trop effrayés , s'ils avaient pu
avoir une autre ambition que celle d'être utiles .
REGLEMENT.
Art. 1. La séance commencera tous les jours à es
heures du matin , et finira à une keure un quart.
( 19 )
II. Les travaux des écoles normales seront distribués
lans l'ordre suivant :
Primedi et sextidi. 10. Mathématiques ; Lagrange et
Laplace , conjointement. 2 ° . Physique , Haïy . 3º. Géo- ¹
métrie descriptive , Monge.
Duodi et septidi . 1 ° . Histoire naturelle , Daubenton .
2. Chymie , Bertholet . 3 ° . Agriculture , Thouin.
Tridi et octidi. 10. Geographie , Buache et Mentelle ;›
conjointement. 2 ° . Histoire , Volney. 30. Morale, Bernardin
Saint-Pierre.
Quartidi et nonidi. 1º . Grammaire , Sicard. 2 °. Analyse:
de l'entendement , Garat, 30. Littérature , Laharpe..
III. Les quintidi , les professeurs des écoles normales ,
réunies , auront , en présence des éleves , une confé
rence , à laquelle seront invités les savans , et les gens de
lettres et les artistes les plus distingués .
IV. Ces conférences auront principalement pour objet
la lecture et la discussion des livres élémentaires à l'u
sage des écoles primaires de la République .
V. Les écoles normales vaqueront les décadi . Les.
eleves se répandront dans les bibliotheques , les obser
vatoires , les muséum d'histoire naturelle et des arts
les conservatoires d'arts et métiers , et dans tous les dé
pôts consacrés à l'instruction ; tous ces dépôts leur se-.
ront ouverts sur le vu d'une carte marquée au timbre
du comité d'instruction publique , et signée des deux
représentans du peuple près les écoles normales.
VI. Les séances des écoles normales seront alternativement
employées au développement des principes de
l'art d'enseigner , exposés par les professeurs et à des ,
conférences sur ces principes entre les professeurs et les
éleves.
VII. Les conférences ne pourront jamais s'ouvrir que .
sur des motions traitées dans la séance précédente.
VIII . Aucun éleve ne pourra prendre la parole s'il ne
s'est fait inscrire , et s'il n'est appellé par le professeur.
IX. Dans le cours des débats , le professeur pourra
ajourner sa réponse à la séance suivante.
X. Les leçons , les debats et les conférences qui auront
lieu dans les écoles normales seront recueillis dans un
journal sténographique ; ce journal sera distribué aux
membres de la Convention nationale , aux professeurs et
éleves des écoles normales ; il sera envoyé aux adminis
trations de districts de la République c. à ses ministress
onsuls et agens en pays étrangers .
Signés , LaKANÁL et DELEYRE. B :
((20 )
NECROLOGIE,
L'Europe doit des regrets à la perte du célebre Bec
caria , auteur du Traité des Délits et des Peines , qui vient
de terminer sa carriere à Milan , sa patrie . Tout le monde
connaît le degré d'influence qu'a produit insensiblement
cet ouvrage sur l'amélioration du système des lois criminelles
, dans la plupart des états de l'Europe . Léopold ,
alors grand- duc de Toscane , fut le premier qui eut le
courage de puiser dans cet ouvrage l'idée d'un nouveau
code criminel. Le Traité des Délits fut traduit bientôt
dans toutes les langues ; deux traductions parurent en
France en 1766 ; la plus estimée est celle de Morellet,
Croirait-on qu'il se trouvât alors un homme , doué d'assez
peu de raison et de philosophie pour le réfuter : cet
homme fut un certain Muyard de Vouglans , qui , parce
qu'il avait fait une compilation indigeste des lois criminelles
, s'était cru en droit de défendre la cause de
la barbarie et des vieux préjugés contre celle de la
philosophie et de l'humanité . La réfutation de Muyard
de Vouglans tomba dans l'oubli qu'elle méritait , et let
succès du Traité des Délits prouva que ce ne sont pas
les ouvrages les plus volumineux qui attirent le plus
de célébrité .
Sans rien faire perdre à son estimable auteur
droits qu'il a à la reconnaissance des nations , nous
devons dire que , long-tems auparavant , Montesquieu avait
jetté dans plusieurs chapitres de son Esprit des Lois
des idées grandes et lumineuses sur une matiere encore
empreinte de la rouille de l'ignorance et de la férocité
des anciens législateurs. Le même sentiment de justice'
nous oblige à déclarer qu'à la niême époque , où parut
en France le Traité des Délits et des Peines , un magistrat
éloquent et sensible , Servan , dans son discours sur l'administration
de la justice criminelle , s'était rencontré avec
le philosophe de Milan, sur les abus déplorables qu'offrait
cette partie de la législation , et avait appellé l'attention du
gouvernement sur leur réforme indispensable . Nous
nous plaisons d'autant plus à payer ce tribut à l'écrivain
français , que le prix le plus doux que puisse ambitionner
le philosopl est dans le bien qu'il opere.
Beccaria a composé un autre ouvrage qui a eu moins
de célébrité que le Traité des Délits , et où il y a dés
vues bien plus profondes et un talent mieux prononcé ,
ce sont ses Recherches sur le style dont nous avons également
une traduction . Cette différence de succès tient
naturellement à celle du sujet ; la perfection du style
devait bien moins intéresser l'humanité que celle des
lois criminelles , qui ont une influence si directe et si
frequente sur les biens les plus chers à l'homme , la
liberté , l'honneur et la vie . Mais si l'on ne considere
que : succès d'estime , celui qu'à obtenu cet ouvrage
parmi les gens de lettres , le place dans un rang supérieur
à son Traité des Délits . Quoiqu'on regrette d'y trouver
quelquefois un peu d'obscurité et une métaphysique
trop déliée , il contient une foule d'idées neuves , grandes
et lumineuses , sur un sujet qui a été traité trop souvent
à la maniere de l'école . Son systême sur le style se réduit
à un principe simple . Il décompose toutes les idées dont
les langues ne sont que le signe , pour les considérer
sous le rapport d'une proposition affirmative ou négative
. Si l'on réveille trop d'idées accessoires , l'idée principale
est comme étouffée , et l'écrivain manque son objet.
S'il n'en réveille pas assez , il reste dans une sécheresse
et une nudité qui dérobe à son ouvrage de l'intérêt qu'il
cherchait à inspirer. La perfection se trouve dans l'heureux
mélange des idées accessoires et des idées principales
, et des sentimens moraux avec les sensation's physiques
, qui rendent l'impression complette et satisfont
à -la- fois la raison , l'imagination et le goût. L'auteur
n'avait point terminé toutes les parties qu'il se proposait
de traiter dans ses Recherches sur le style ; il serait à desirer
qu'il n'eût point laissé imparfait un ouvrage si précieux
et si utile .
ANNONCI.
Culte de l'Eternel , ou Recueil des rapports , instructions
hymnes et discours sur la fête à l'Etre Suprême , avec un choix
des plus belles pensées sur la Divinité , puisées dans les auteurs
anciens et modernes . Volume in- 12 , orné d'une gravure .
Prix , 3 liv. pour Paris , et 4 liv., franc de port , pour les
départemens.
་
A Paris , au bureau du courier de la librairie , rue Glatiguy ,
**. 10 , en la Cité , au bas ir nt de la Raison.
B. 3
NOUVELLES ÉTRANGERES
3
*
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 6 janvier 1795.
SUIVANT des lettres de Constantinople , du 16 novembre , the
marine ottomane sera portée , d'après le plan du capitan - pacha
intime ami du nouveau grand- visir avec lequel il se concerte
sur tous les mouvemens militaires , à 60 vaisseaux de ligne et
pareil nombre de fiégates , la plupart de construction française.
On doit aussi lever 80,000 recrues qui seront mises sur le pied
européen , par leur incorporation dans les bataillons deja fonmes
d'après cette tactique presqu'entiérement neuve pour les
Tures , et qui en secondant leur courage naturel en fera des
groupes vraiment redoutables.
Une mesure peut- être moins sage , et que l'on attribue au
apitan pacha , c'est la suppression du corps des Janissaires
qu'il fallait peut- être seulement discipliner , mais non pas détruire
, puisqu'ils ont valu à l'empire ture toutes ses conquêtes ,
et que Vienne même les a vus à ses portes ,
Les Bosniaques paraissent s'opposer formellement à ce qu'une
lisiere de leur territoire reste entre les mains des Autrichiens ,
conformément aux stipulations de la paix de Szis : owe . En conséquence
, le rels - effeudi a proposé à l'internonce impérial un
équivalent en service , et a demandé le changement de la clause
d'après laquelle les forteresses de Dabicza , Noyi , Gradicza ,
et Drezuik , doivent rester en séquestre entre les mains des Autrichiens
jusqu'à l'arrangement définitif de la démarcation .
L'internonce a pris la chose ad referendum.
On mande de Pétersbourg , sous la date du 6 décembre .
qu'on y a célébré la veille un Te Deum à l'occasion de la reddi̟-
tion de Varsovie . Le chambellan George Galitzin en est arrivé ·
le même jour en courrier apportant une lettre du roi de Pologne ..
Le bruit court que le faible Stanislas y demande à quitter un
trône si mal affermi , et à se retirer dans les possessions russes .
Son neveu le général Poniatowski , sorti de Varsovie avant la
reddition de cette plase, a été depuis fait prisonnier de guerre ,
et s'y trouve maintenant aux arrêts , ainsi que quelques uns des,
principaux chefs de l'insurrection , qui daus l'imprévoyance,
que donne le désespoir , avaient négligé de prendre la fuite
lorsqu'il en était encore tams , Parmi eux se trouve le maréchak
( 23 )
Ignace Potocki qu'on assure avoir des premiers conseillé de
eéder à la force majeure . C'est lui que le faible Stanislas consulte
le plus souvent . Le chanoine Kolontayl , devenu chancelier
depuis la revolution , avait eu le bonheur d'échapper avec la
caisse publique assez bien fournie . Mais il paraît qu'on a arrêté
depuis l'homme ou du moins les deniess .
Oniguore ici , continuent les mêmes lettres de Pétersbourg ,
si les conditions que le général Suwarow avait accordées
à la malheureuse capitale de la Pologne , seront ratifiées par
le cabinet russe . Ce qu'il y a de sûr , c'est que son armée
s'artendait au pillage on lui répartira , dit- on en dédo
magement deux millions d'écus auxquels la ville à été imposée
pour s'en racheter.
g
Suivant des avis de Moscow Kosciuzsko , enfin guéri de
ses blessures à Kiovie , est en marche pour Pétersbourg. On
ne le fait gueres entrer que de nuit dans les villes ' où il doit
passer , parce que la curiosité de voir ce grand homme attire
en foule sur son passage les habitans des lieux voisins . I
sera vraisemblement renfermé comme prisonnier d'état à,
la forteresse de Pétersbourg , du moins on le conjecture sur
ce qu'un appartement vient d'être préparé dans ce lieu,
On lit dans nos papiers publics.le manifeste fort étendu de,
l'impératrice de Russie sur l'insurrection polonaise . Cette piece ,
qui a été publiée avec profusion, assure que le premier partage
de la Pologne , le second et même le troisieme qu'elle fait
pressentir , n'ont été dirigés que par l'équité , par la clémence
par une bienveillance singuliere pour les Polonais , et même
par les principes de la philantropie.
De Francfort-sur- le-Mein , le 13 janvier.
Des lettres de Vienne du 25 décembre , annoncent que quel
qnes jours auparavant une vingtaine de personnes de distinction
a été arrêtée à Fest et à Ofen. Le Palatin de Hongrie s'étant
rendu auprès de l'emperenr , on en conclut qu'ils en voulaient
ce prince. Les prévenus sont accusés d'avoir eu des liaisons
avec les personnes arrêtées il y a quelques mois , et d'avoir
tretenu des correspondances révolutionnaires avec les confé
dérés en Pologne et à Constantinople , dans le dessein d'excitespar-
tout du désordre et des révoltes .
2
en.
Des lettres encore plus récentes disent que le but des conspirateurs
est à présent connu , qu'il s'agissait d'armer les pri
sonniers français et d'incendier le ville de Pest. C'etait le
15 décembre que l'explosion devait avoir lies . On a arrêté un
batteau chargé de pommes , sous lesquelles on 3. trouvé une
grande quantité d'armes à feu. ,
Rien ne garantit l'authenticité de cette nouvelle ; il serais
possible qu'elle fût coutrouvés calomnieusement pour excuser
B: 42
(( 44 )
quelqu'acte arbitraire de la cour ; et en général , on ne doit pas
ajouter légerement fui à ce qu'on mande de ce pays : car il en
vient des nouvelles fort étranges et bien invraisemblables , ne
fit-ce que la suivante qui sûrement ne trouvera pas beaucoup
de créance , du moins telle qu'elle est donnée sans détails
si ce n'est parmi les gens à qui l'èxagération ne fait pas
peur.*
On a mis sous les yeux du ministère un plan dont l'objet
est de faire un fonds d'amortissement pour payer les dettes de
l'état , sans qu'aucun des sujets de S. M, soit obligé d'y contri
buer d'un kreutzer. Ce projet est fort intéressant ; mais ce
qui le rend encore plus précieux , c'est que la possibilité de le
mettre à exécution dans cette circonstance difficile est prouvéc ☀
dit-on , jusqu'à l'évidence .
Le comte de Lehrbach est de retour dans la capitale . Cet
envoyé à , dit - on , des affaires de la plus grande importance
à mentre sous les yeux dé l'empereur. On ne se doute pas
même de ce que ce peut être , à moins qu'il ne s'agisse de négociations
pour la paix .
On assure que l'armée impériale du Rhin , ainsi que l'armée
de l'Empire , recevront une augmentation considérable pour
la campagne prochaine . Une patente du 1er janvier , qui a
pour objet un prêt général de guerre pour l'année militaire
de 1795 , porte cette phrase remarquable , que c'est pour contiaver
la guerre que sa majesté est contrainte de faire contre
la nation française. Les gens de bon sens se demandent , qu'estce
qui peut exercer cette contrainte sur sa majesté , et sont
persuades que la nation française ne se refuserait pas à faire la
paix à dés conditions raisonnables en elles -mêmes , quoiqu'elles
pussent ne pas paraître telles à l'orgueil et à l'avidite de la
maison d'Autriche .
Au reste , c'est à elle et à la Prusse que les co -états s'adressent
, sachant apparemment bien que c'est de ces deux
puissances qu'il dépend de conclure une paix si desirée et si
desirable pour l'Europe entière .
Des lettres de Ratisbonne , du 10 décembre , s'expriment
ainsi à cet égard , et terminent par une réflexion 3 - peu-pres
semblable.
Voici quelques informations plus précises que celles que
l'on a pu lire dans les papiers publics concernant les délibérations
de la diete du 5 de ce mois , sur la question
' il faut faire des ouvertures pour une négociation de paix.
Le résultat a été que la plupart des états se sont déclarés
pour la paix .
Une partie des suffrages , au nombre desquels on compte
éeux du roi de Prusse et l'électeur de Saxe , ont été tout sim-
7ement pour une paix conclure d'autres entre lesquels
( # 5 )
se trouvent les électeurs de Mayence , de Trève et Palatin
ent demandé la médiation de l'Autriche et de la Prusse.
L'électeur de Cologne et le prince de Wurtzbourg , veulent
la médiation exclusive de l'empereur. Un grand nombre
d'envoyés , entre lesquels ceux de l'Autriche , de plusieurs
princes , de quelques villes impériales , n'ayant pas encore
reçu leurs instructions définitives , ont différé de donner leurs ›
suffrages .
ne
La déclaration du ministre électoral d'Hanovre a été déeidément
contre la proposition , et jusqu fci elle est la seule
absolument négative . Sa déclaration porte en substance : 66 Quê
S. M. britannique , en qualité d'électeur d'Hanovre ,
pouvait donner sa voix à la proposition pacificatrice , faite
de la part de Mayence : que d'abord il n'appartient qu'à S. M.
l'empereur de faire une proposition de cette nature , comme
an chef suprême de l'Empire , et nullement à l'électeur dé
Mayence. Qu'en second lieu , il ne pouvait être question™
dans la conjoncture présente d'ouverture de paix , que bien
plutôt l'on devait se préparer à une nouvelle campagne
forces reunies et même augmenter celle- ci d'un commun concert.
Que le ministre commitial devait faire cette déclaration
la premiere cession : déclaration conforme à celle qu'il avait
déja faite dès la premiere délibération sur la proposition de
Mayence lorsqu'il s'était expliqué que sa y
cour ne pouvait
prendre aucune part , ète. »
"
On voit que dans ces délibérations il n'a nullement été
question de la médiation des deux cours du Nord , proposée
par l'électeur de Mayence. C'est une singularité de plus .
parmi une foule d'autres , dont cette époque fournit l'exemple ,
qu'on réclame , pour faire la paix , la médiation des pais
bances mêmes qui sont en guerre.
Ce prêt militaire se fait , suivant des nouvelles plus réeentes
, au moyen d'un emprunt portant intérêt à 5 pour 100.
Il faut de grandes forces contre ces Français déja si nombreux
, et que lear activité semble encore multiplier ; car
suivant des nouvelles parvenues à Vienne , l'armée française
des Alpes , que l'on dit de 40,000 hommes et aux ordres de
général Scherer , doit s'être réunie à l'armée du comté de
Nice , qui , dit- on , va renter une grande entreprise."
རྒྱུ ན ན ས་ སྐྱ
Au milieu de tous ces préparatifs , le vieil électeur palatim
de Baviere non seulement songe au mariage , mais même est
prêt à conclure le sien , de l'ayen de la cour impériale , avee
la princesse fille de l'archiduc Ferdinand , gouverneur- général
de la Lombardie autrichienne : il a même déja envoyé à sa
future une bague de 40,000 florins.
On mande aussi de Berlin , que le landgrave de Hesser
( 26 )
Cassel y est attendu pour le mariage du prince héréditaire
son fils , avec la princesse Auguste , fille du roi .
Une nouvelle un peu plus importante , c'est qu'un courier
de la Haye vient d'apporter à Berlin , au ministre de la ré
publique de Hollande , l'avis de l'envoi de députés à Paris ,
pour y entamer des négociations de paix .
Voici ce qui se passe dans nos environs , et dont nous
pouvons rendre un compie plus exact .
D'Ehrenbreitstein , le 5 janvier. Les Français ne permettent
plus à aucun habitant de l'autre rive de revenir chez eux ..
Le général Moreau en a prévenu le general allemand qui
commande au Thal , qui lui demandait cette facilité pour
quelqu'un : il a déclaré avoir reçu de nouveaux ordies à eet
effet , et a annoncé qu'il en était de même sur toute la rive
gauche du Rhin , conquise par les armées de la République. "
De Mayence , le 8 janvier. Tout est assez tranquille depuis
deux jours . Il arrive continuellement des troupes , tant ici
qu'à Cassel . Le corps de Mélas fait maintenant partie de la
garnison de cette ville . La troisieme colonne , forte de trois
bataillons , est entrée hier soir à Mayence , ayant ce général
à sa tête.
Le Rhin est pris ; mais on est parvenu à couper dans la
glace un canal de communication , entre Cassel et Mayence
les chevaux et les voitures passent le flenve en bateau.
21 Un adjudant français se présenta hier aux avant posies ,
accompagné d'un trompette. Il était porteur d'une lettre pour
le général Neu , qui se rendit à Weissenau pour la recevoir, per
་ ་
De Manheim , le 10 janvier. La partie de l'armée française du
Rhin , qui a contribué à la prise du fort du Rhin , était à
Worns le 31 décembre. Elle va , renforcer l'armée devant:
Mayence.
Depuis quelques jours on a remarqué en effet que les Frangais
avaient peu de monde sur la rive gauche du Rhin dans
ses environs. Ils ne font d'autres démolitions que celle de
quelques palissades et gabions , et ils ont enlevé toute l'artil
lerie de leurs ouvrages. Les tentatives qu'ils ont faites pour
dégager les bateaux du pont , qui sont restés sur l'autre rive
du Rhin , n'ont pas eu de succès , car on y compte encore
dix- neuf bateaux du post.
*
ESPAGNE ET PORTUGAL.
Il échappe des aveux à la cour de Madrid et à cells
de Lisbonne , sur- tout à la premiere , qui annoncent
assez le mauvais état des affaires de ces deux puissancess
#7 )
qui ne jouent au reste qu'un rôle très - subordonné dans
la coalition , principalement le Portugal qu'on peut regarder
comme une province de la Grande -Bretagne ,
sort que ne tardera pas non plus d'éprouver l'Espagne ,
si elle ne se hâte de se détacher de la ligue , et de
reprendre avec elle ses habitudes commerciales égale
ment avantageuses aux deux nations , ce qui aurait dû
les maintenir ; ce qui semble indiquer leur retour pro
chain , et ce qui sans doute en garantira la durée quand
elles auront été renouées
En attendant , voici ce qu'on mande de Madrid en
date du 29 novembre ;
Des relations particulieres , arrivées de la Catalogne , offrent
des détails sur les revers que les troupes espagnoles éprouvent
de ce côté. Voici comment s'exprime une lettre écrite par un
habitant de cette contrée ; « Le 17 Novembre , les troupes
espagnoles voulurent tenter une attaque générale sur toutes les
Frontieres du Roussillon ; mais les Français prévinrent leurs
mouvemens , et attaquerent les premiers. L'aile droite et le
ceptre des Espagnols firent éprouver une grande perte à l'ennemi.
Le général françois Dugommier fut lui-inême atteint d'um
coup de feu , dont il mourut sur le champ de bataille . Mais
l'aile gauche fut compleitement défaite . Quatre bataillons ca
tiers , dont un de Gardes- Walonnes , un de Portugais , et deux
de chasseurs d'Andalousie , ont été coupés , et sont demeurés
prisonniers , ainsi qu'un corps d'émigrés. Le . 18 , il ne se passa
aucune affaire . Le 19 , l'ennemi , avec de nouvelles forces , rea
vint à la charge. Le combat , recommencé à diverses reprises
a continué uon - seulement toute la journée , mais toute celle du
20. A la fin de ce jour , les Espagnols , ne pouvant plus ré
sister à l'impétuosité de l'ennemi , prirent la fuite et cherche
sent un asyle à Girone. Legénéral la Union a péri dans cette
journée , ainsi que le prince de Montfort. Le duc de l'In
fantado , Amarillac et un grand nombre d'officiers généraux ont
été blessés , et l'on dit que le premier est mort depuis . Tout le
camp espagnol est demeuré au pouvoir des Français , qui se
sont ensuite rendus maîtres de la forteresse de Figuieres . Le
port de Rose et le fort Saint-Sébastien sont encore au pouvoir
des Espagnols ; mais on craint beaucoup pour le dernier , qui
se trouve coupé , et qui n'a que cinq cents hommes de gar
nison.
1
Les nouvelles de la Navarre sont également très -affligeantes.
Selon une lettre du 23 , les Français ont attaqué ce jour- là
méme avec une vigueur indicible tous les points qui défendent
Pampelune. A onze heures du soir l'action durait encore. Le
grand nombre de charriots de blessés qui arrivaient à Pampes
June était one prenve de l'acharnement avec lequel on se bat
sait . On disait cependant qu'au départ de la lettre les Français
commençaient à se retirer.
•
D'autres lettres de la Vittoria en Biscaye , du même jour 23
portent que l'armée espagnole , surprise de la supériorité de
l'ennemi , n'avait cru pouvoir garder ce poste. Elle s'était
portée en hâte vers Mondragon , Vergara et autres lieux des
postes avancés menacés par les Français . Dans Vittoria , il
' était resté que quelques gardes du corps pour la garde des
étendarts .
On apprend du port S.-Sébastien qu'il vient d'y arriver un
convoi français de trente voiles , avee des munitions et boe
hommes de renfort.
On est ici dans l'attente d'un convoi anglais. Il vient d'être
donné des ordres pour faire sortir une division de bâtimens de
guerre de diverses grandeus , qui iront croiser à la hauteur
desistes et des côtes du Nord , et se joindre aux vaisseaux por
Engais la Méduse et le brigantin le Lieure.
Il vient d'arriver sur un bâtiment suédois , le capitaine , lon
pilote , le chapelain et quatre matelots d'un navire marchand
portugais , venant de Rio -Janerio , et pris dans le mois d'ac
sobre , par une frégate française , à la hauteur d'Opporto: Ce
vaisseau était chargé de quatre cents caisses de suere , d'indigo
de divers objets et de trente mille cruzades; le tout évalué à près
d'un demi-million . Le capitaine et ses compagnons ont appris de
la frégate française , qu'il avait été conduit jusqu'alors dans le
port de Brest plus de vingt bâtimens capturés sur les Portugais.
La liste des prises , publiée ici , ne fait à la vérité mèntion que
de dix-sept. Mais il manque plusieurs bâtimens attendus da
Brésil , et l'on craint qu'ils n'ayent éprouvé ce sort. On a
appris en outre que les Français s'étaient emparés de trois
paquebots, anglais.
Le capitaine d'un bâtiment danois , venu du Havre-de-Grâce ,
en 14 jours , a déclaré qu'il était sorti de Rouen et de plu
sieurs ports de France , un grand nombre de bâtimens chargés
de bois de construction , qui , en cotoyant , s'étaient rendus
à Cherbourg. Plus de 300 voiles se trouvaient prêtes à sortir ,
Sous conyoi , de ce dernier port , pour se rendre à Brest ,
déposer ces bois de construction . Le même capitaine a ajouté ,
qu'au cap de Finistere il y avait une escadre française de
12 frégates , au cap Ortegallo , it s'en trouvait une autre de
buit , destinées routes deux à intercepter le commerce des puissances
en guerre contre la France.
Le-10 de ce mois le feu prit au palais de l'Adjuda ,
( 19 )
loge le prince du Brésil. On commença à s'en appercevoi
vers huit heures du soir , à l'aide d'une fumée épaisse qu'on
apperçut sortir du bâtiment. De rigoureuses recherches furent
faites sur le champ , et l'on trouva que le corridor au- dessous
de l'appartement du prince du Brésil , était livré aux flammes ,
et que celles-ci avaient déja attaqué le quartier où loge la
princesse et l'infant Pierre Carlos . Toutes ces personnes et leur
suite , se retirerent à la maison de campagne de Quelus .
Quelque soin qu'on ait pris pour arrêter l'incendie , il ne fus
pas possible d'en venir à bouts le feu fit des si progrès rapides,
qu'une heure après minuit , tout le palais était réduit en
cendres .
ANGLETERRE . De Londres , le 24 décembre 1794-
Lord Mansfield est décidément nommé président du conseil
, au lieu de lord Fitz - William.
Lord Spencer est premier lord de l'amirauté , et lord Chatham
, lord du sceau privé : ces deux lords ont ainsi changé.
de places.
Le Morning-Gronicle remarque qu'il y a un double compromis
dans tous ces arrangemens qui ont lieu ; d'abord le due
d'Yorck quitte le commandement de l'armée , et lord Chatham
frere de Pitt ) le commandement de la marine ; ce qui
maintient la balance entre Georges III et Guillaume Pitt. Par
le second compromis , Pitt restitue la fotte à ses collegues ,
mais sous la condition expresse qu'il ne sera introduit aucun
nouveau membre dans le cabinet , pour y remplacer le vide
que laisse lord Fitz- William . Par ce moyen , le ministre répare
le tort que lui avait fait la derniere coalition , et le due
de Portland et ses amis ne peuvent plus former qu'une insignifiante
minorité..
Il y a déja eu au parlement quelques débats qui ne
sont pas sans intérêt , et que nous ferons connaître au
prochain nnméro d'une maniere très - succincte , mais
pourtant suffisante ; il suffit pour le présent d'annoncer
que l'adresse de remerciement en réponse au discours.
du roi a passé dans les deux chambres , que le parti
de l'opposition est moins nombreux , mais qu'il n'a
perdu que des soldats sans vigueur , et que les chefs
semblent avoir redoublé d'énergie, qu'ils ont cénsuré
vivement la conduite de M. Pitt , pour s'être permis
de faire un emprunt de 24 millions sterlings , sans l'aveu
du parlement , et de s'absenter à une séance où l'on
voulait lui en demander compte , ce qui ne lui était pas
permis en sa qualité de chancelier de l'échiquier. 16
( 30- ) *
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
CONVENTION NATIONALL
PRESIDENCE DE LETOURNEUR ( de la Manche) .
Séance de septidi , 27 Nivôse,
Les administrateurs du district de Cherbourg écrivent à
la Convention nationale que leurs cultivateurs n'ont point
augmenté le prix des grains , malgré la liberté qui leur est
accordée par la loi . Ils rendent un juste tribut d'éloges à
cette conduite vraiment républicaine , bien persuadés qu'un
těl exemple trouvera des imitateurs . Mention honorable at
insertion au bulletin .
les
Les commissaires des revenus nationaux annoncent que
adjudications d'immeubles confisqués se sont élevées , dans la
derniere décade de frimaire , à plus de trente - un millions
sur onze d'estimation dans cent quatre- vingt districts , et que
dans tous les opérations relatives aux estimations et divisions
reçoivent la plus grande acivité , et que leur résultat répond
de la validité des ventes qui doivent les suivre.
Le commissaire des relations extérieures fait part du don
patriotique de la somme de 15,792 liv . , fait par les Français
établis daus les Echelles du Levant , et qui se sont réunis à
Constantinople pour y célébrer la fête du 10 août . Ces Fran
çais , attachés au gouvernement républicain , félicitent la Cons
vention sur ses travaux et la République de ses victoires .
La lecture de cette lettre excite les plus vifs applaudisses
mens , et la Convention en ordonne l'insertion au bulletin
et sur la motion de Bréard , le comité de salut public est
chargé de faire savoir aux patriotes Français du Levant , que ,
leur offrande a été acceptée avec reconnaissance , et de leur
envoyer un extrait du procès- verbal .
Le représentant du peuple Bordas , en mission dans le déu
partement du Bec- d'Ambès , écrit de Bordeaux que cette ville
était le siége des grands fripons , et que des millions doivent
sortir de mains souillées par le crime , mais que , pour les
en extraire , il a fallu une mesure vigoureuse . Il soumet ex
conséquence à la Convention on arrêté , portant création
d'une commission chargée de faire rentrer , dans les caissen
publiques , les sommes qui en ont été détournées par les male
versations des dilapidateurs .
Becker , en convenant de l'importance de faire rentrer les
deniers détournés par la malveillance , appelle cependant l'at
( 3x )
tour le
sention de l'Assemblée sur les maux que les commissions par
ticulieres ont causées à la République , et montre
danger de laisser aux députés en mission le pouvoir de former
de pareilles institutions , sans que leurs principes ' aient été
soumis à un examen . Il demande et obtient le renvoi de
cet arrêté aux trois comités . 1
Brion , au nom du comité des transports , postes et messa ,
geries , fait décieter une augmentation du prix du port des
lettres , à compter du 1er pluviôse prochain. Il sera d'un
tiers en sus du dernier tarif.
Richard , au nom du comité de salut public , annonce que
le comité , en faisant part à la Convention des nouveaux
succès de l'armée du Nord , n'était pas instruit au juste
des détails , et il fait lecture d'une lettre des representans du
peuple près les armées du Nord et de Sambre et Meuse
datée du quartier- général de Nimègue , qui prouve que nous
Be connaissions qu'une partie de nos avantages . ( Voyez les
Nouvelles officielles.
Armand , au nom du comité d sûreté générale , expose que
les cartes de sûreté ont donné lieu à de grands abus à Pariss
qu'il y en a eu un grand nombre de perdues , de vendues
même , et que les étrangers et les intrigans s'en sont emparés.
I propose le renouvellement de ces cartes .
Merlin ( de Thionville ) : On a abusé des cartes de sûreté ,
on en abusera encore . Que le comité de sûreté générale fasse
surveiller par des gens probes les ennemis du bien public ,
qu'il les atteigne et les frappe avec sévérité . Ce qu'il faut
pour assurer la liberté et la tranquillité , c'est un gouverne
ment , els un gouvernement ferme ; que le nôtre le soit donc..
Merlin ne s'oppose pas au renouvellement ; mais il demande
que les étrangers soient seulement obligés de faire apposer le
visa des sections sur leurs passe- ports . Le projet de décres
du comité est adopté avec l'amendement de Merlin .
Poulier , au nom du comité des inspecteurs du palais
national , présente le plan des changemens à faire dans la
salle , il consiste à resserrer la partie destinée aux représen
tans , de maniere qu'ils se trouvent réunis dans une seule masse
sans aucune désignation , de gauche , de droite , de crète et de,
montagne. La barre ne sera plus enterrée an bas des banquettes,
et la voix qui était étouffée planera sur l'Assemblée et lui
commandera l'attention , parce qu'elle sera placée dans la
partie supérieure de la salle . Enfin , les tribunes du peuple
seront aggrandies , et il jouira de quatre cents places de plus ..
Poultier ajoute que les travaux n'interrompront point les
séances de la Convention , parce qu'ils seront faits de nuit,
et préparés d'avance , et queles frais seront peu considérables ,
attendu qu'on emploiera les mêmes banquetes.
Duhem dit que la question me présente pas un intérêt majeur
( 32)
mais que dans une assemblée qui délibere sous les yeux du
peuple , la disposition d'une salle peut être d'une haute impor
tance . Il affirme qu'il existe au comité de salut public des plans .
qu'il serait avantageux de consulter avant de prendre une détermination
, et il demande l'ajournement . Décreté .
Ruelle , réprésentant du peuple près l'armée de l'Ouest , rend
compte de l'état de cette armée qui est on ne peut plus satisfai
sant , et des heureux effets qu'a produit l'amnistie en faveur des
rebelles de la Vendee ; ce décret a été accueilli par eux avec
transport. Sans négociation préalable , ils ont cessé leurs hostilités
et rendu les prisonniers qu'ils avaient fait sur nous depuis
le 12 frimaire, leurs avant-postes ont fraternisé avec les nôtres et
les cris de Vive la République ! ont été les seuls qui se soient faits
entendre . Un de nos escadions s'étant trouvé dépourva de fourages
, les rebelles lui en ont procuré sans qu'on leur en ait de
mande , Ruelle est revenu à Paris pour se concerter avec le co
mité de salut public sur les mesures à prendre pour l'exécution
du décret d'amnistie. C'est à la clémence à terminer cette guerre
désastrueuse , et cet ouvrage de la clémence est déja bien avancé .
On demandait donc que les representans du peuple près l'ar
mée de l'Ouest reçussent des pouvoirs plus étendus ; mais la
Convention se reposant sur la probité et les vertus de ses mandataires
, a passé à l'ordre du jour , motivé sur les pouvoirs illi
mités qu'elle leur a donnés .
Séance d'octidi , a8 Niubse.
Lequinio expose qu'étant l'année derniere en mission , il
trouva les prisons de la Rochelle encombrées par 800 brigands
pris les armes à la main dans la Vendée . Il nomma une commission
pour les juger ; mais il réfléchit qu'il pouvait conserver à la
République cinq cents hommes , et procurer aux travaux de la
Rochelle un grand nombre de bras utiles . Il ordouna donc à la
commission militaire de jager , conformément à la loi , tous les
ci-devant nobles , prêtres , bourgeois , gens du fisc et autres qui
ne pouvaient point avoir l'ignorance ou le fanatisme aveugle pour
excuse , et de ne condamner qu'aux travaux de la chaîne , les
laboureurs et ouvriers que leurignorance avait livrés à la séduction
des autres. Ces hommes sont depuis cette époque occupés
aux travaux de la Rochelle. Lequinio demande qu'à l'exemple
des prisonniers du Mans on leur accorde leur liberté , après
néanmoins les avoir fait instruire pendant un mois des avantages
du gouvernement républicain . La Convention renvoie cette
proposition an comité de législation pour en faire un rapport.
Une députation de la société populaire de la commune d'Aurillac
, département du Cantal , est admise à la barre ; elle s'exprime
ainsi Des hommes atroces , dont Carrier était à - la-fois
le protecteur et l'intermediaire auprès de Robespierre et de ses
complices, out couvert le Cantal et le district d'Aurillac en par
ticulier
( 33 )
ticulier de désolation et de désespoir. Trafic de la liberté individuelle
, concussion sur les riches , oppression sur tous les citoyens
, incarcération des patriotes , assassinats juridiques , terrorisme
même après le 9 thermidor ; tels
sont
les crimes dont
T'accusation pese sur leurs tétes . Au moment où nous comptions
que la loi en ferait justice , plusieurs d'entr'eux ont obtenu
leur liberté sans jugement. Citoyens représentans , qu'il ne nous
soit plus permis de douter de la révolution du 9 thermidor !
Que ceux qui se sont érigés en tyrans de leur pays , uc puissent
plus l'opprimer ! Le peuple d'Aurillac vous demande une justice
-sévere et impartiale.
Musset prend la parole et rend compte de sa mission dans les
départemens du Puy- de-Dôme et du Cantal . Il a trouvé dans le
1er. de plats valets , de vils porteurs de couteaux ; mais le peuple
leur a déclaré une guerre à mort et à tous les scélérats , en sorte
qu'il n'y reste peut-être pas 50 amis du terrorisme ; mais dans le
second , il y a va des hommes non-seulement terroristes et buveurs
de sang , mais encore voleurs , qu'il a convaincus de dilapidations
devant le peuple assemblé . A force de pillages , ces
hommes
nes altérés de sang et avides de richesses , ces hommes qui
n'avaient rien avant la révolution , ont aujourd'hui des fortunes
immenses .
Musset fait ensuite l'éloge du patriotisme et du dévouement
des habitans du Cantal . Le peuple a éprouvé des besoins pour
les subsistances , et il n'en est pas moins resté tranquille . Il a
été réduit à une demi- livre de pain , et son attachement pour la
Convention n'en a point été affaibli . Musset termine en demandant
le renvoi de la pétition de la société populaire
d'Aurillac aux trois comités , ponr prendre les mesures convenables
.
"
Cette proposition est décrétée .
Les représentans du peuple près les armées du Nord e : de
Sambre et Meuse écrivent de Bruxelles , le 23 , que le feu a pris
dans la ville de S. -Hubert , la nuit du 14 au 15 , et que le 11 .
bataillon des Vosges l'a préservée par son activité d'un incendie
général , et a donné un jour de sa paie aux malheureux qui
ont souffert dans cette occasion . Partout nos braves freres
d'armes donnent l'exemple des vertus dans leurs cantonnemens
. Ils frateruisent avec les habitans , et partagent leur
subsistance avec les nécessiteux . La patrie et les triomphes de
la République les consolent de tous leurs maux . Mais à côté de
ce dévouement , on voit le contraste affligeant de la conduite de
beaucoup d'employés à l'administration militaire . Ceux - ci
manquent à tous leurs devoirs , ne soignent pas même les
malades , et ne pensent qu'à vivre dans les plaisirs et à s'engraisser
aux depens du peuple. Les représentans demandent
qu'on en delivre les armées .
Boissy- d'Anglas , au nom du comité de salut public , fait un
Tome XIV. C₁
( 34 )
1
3
rapport sur la mouture économique adoptée par le comité de
salut public , et appliquée tant anx subsistances de Paris ,
qu'à celles des armées. Il en résultera un pain beaucoup meil-
Icur pour le soldat et une économie considérable dans l'emploi
des grains. L'abrogation de la loi du maximum a ravivé le commerce
et rendu à la consommation une quantité considérable
de denrées de premiere nécessité , et les acquisitions qui en
sont faites chez l'étranger par la voie des échanges , nous répondent
des approvisionnemens qui nous sont nécessaires .
Boissy en conclut que les allarmes que les malveillans cherchent
à semer dans le peuple de Paris , sont dénuées de fondement
. Si la disette y était possible , ce serait la crainte de la
disette qui seule l'ameneraît. Les arrivages continuent , les distributions
que l'on fait aux boulangers sont toujours les mêmès
, en sorte que rien ne peut légitimer les inquiétudes des
citoyens.
La Convention ordonne à l'unanimité l'impression de ce discours
et l'affiche dans Paris .
Richard , au nom du comité de salut public , annonce que
l'armée du Nord n'est arrêtée par aucun obstacle. Elle avait
devant elle Hensden , place importante , et une des principales
défenses de la Hollande . Cette place est en son pouvoir. Ce
spccès facilite le reste de ses opérations , et elle continue de
marcher en avant. ( Voyez les nouvelles officielles . ) P
Séance de monili , 29 Nivôse.
Des citoyens du département de l'Yonne , offrent une somme
de 26,000 liv . pour concourir aux frais de la construction
d'un vaisseau .
Le comité révolutionnaire de la commune et distrist de Lyon ,
expose que les décrets rendus en faveur des villes de Bordeaux ,
Marseille , Caen , et celui en faveur des rebelles de la Vendée ,
sont autant de preuves que ce n'est point envain que la Convention
a mis la justice et la vertu à l'ordre du jour. Lyon ,
cette ville si célebre par son commerce et ses manufactures , si
importante par sa situation et son immense population , a été
une des premieres villes choisies par les factieux pour l'entrainer
à sa perte ; en la conservant , la Convention n'a pas encore prononcé
sur le sort de ses habitans . La loi du 8 germinal , qui
rapporte celle du 12 juillet , les a assujettis à rapporter un certificat
du comité révolutionnaire , portant qu'ils ne sent point
compris sur la liste des rebelles ou qu'ils en ont été rayés ,
pour être payés de ce qui leur est dû. Le comité révolutionnaire
chargé de délivrer ces certificats est très- souvent embarrassé
, aucune liste des personnes désignées rebelles n'ayant été
faite , ni arrêtée légalement. Dailleurs , les lois pénales qui pesent
encore sur les habitans de cette ville , en éloignent les citoyens
froissés du souvenir du passé. La terreur regne au fond de leur
( 35 )
ame. Le comité, convaincu que l'intention de la Convention est
de rendre au commerce toute l'activité qui lui est nécessaire , et
qu'elle veut rappeller dans le sein de la société tous les hommes
utiles qui ont été égarés sans avoir eu l'intention d'être coue
pables , demande le rapport des décrets des 21 juin et 3 juillet.
Pocholle obtient la parole , et dit que pendant le séjour qu'il
fait à Lyon avec Charlier , ils ont eu le coeur déchiré par le
spectacle de l'infortune des femmes et enfans dont les maris et
les peres ont été frappés du glaive de la loi , et encore plus par
leur impuissance de soulager leur misere . Il pense qu'il est tems
d'user pour Lyon de la même indulgence que pour d'autres
parties de la République , et que Précy soit le seul que poursuive
la vengeance nationale. Il appuie là pétition du comité révolationnaire
, et y ajoute la demande d'un rapport prochain sur les secours à accorder anx malheureuses victimes de cette commune.
Un membre déclare qu'il arrive de Lyon ; le peuple a été
cinq jours sans pain , et il n'a pas dit un mot . Il a été réduit à
deux onces de riz par jour. Il passe dans cette saison rigoureuse.
ciuq heures par jour à la porte des boulangers pour avoir une
livre de pain noir qu'il reçoit sans murmutes. Il se joint à Pocholle.
Charlier confirme le témoignage que viennent de rendre les
deux représentans du peuple : mais il demande qu'en rappor
tant les lois qui pesent sur la commune de Lyon , cette faveur
ne s'étende point aux émigrés qui ont partagé la rébellion de
Précy. Il conclut au envoi de ces propositions aux trois co
mités et à la suspension provisoire des tois pénales dont il s'agit.
Décrété.
1
Boisset , envoyé dans les départemens de l'Air et de l'Allier ,
fait le tableau des horreurs et des vexations de tout genre qui y
ont été exércées par les suppôts de la derniere tyrannie. Il dit
que le voile est déchiré , que les crimes des agens de Robespierre
vont paraître. Il en cite deux traits que nous ne pouvons
nous refuser de placer ici. Dans l'Ain , un agent national fait
attacher un malheureux agriculteur , pere de famille , à la queue
de son cheval , et le traînant sur la terre une demi -lieue , lui
démet une épaule . Quel est ce monstre ? Roblet dit Marat .
Qu'avait fait le malheureux agriculteur ? Sonné une petite cloche
pour annoncer l'arrivée de l'agent national , et rassemblée
le conseil de la commune de Cezeriac . Ce fut pour Rollet un
signe de contre-révolution et le réveil du fanatisme.
Dans l'Allier , le comité de surveillance de Moulins se constitua
jury national pour inmoler trente- deux personnes. Il
écrivait á Verd , l'un de ses membres , procureur près de la
commission temporaire de Lyon , où ils avaient été traduits :
Fais-tes done participer à l'honneur de la grande fusillade , dont
Ja conception fait l'éloge de ton imagination révolutionnaire ,
/C a
( 36 )
si tu en es l'inventeur. Nous pensons avec toi que cette maniere
de foudroyer les ennemis du peuple est infiniment plus digne
de sa toute puissance , et convient mieux pous venger en grand
sa souveraineté et sa volonté outragée , que le jeu mesquin et
insuffisant de la guillotine . Ce dernier traitement n'est bon que
pour les tems ordinaires . Ne te jeste point dans le labyrinthe
des formes pour faire juger nos brigands . Prends le comité qui,
te les envoie comme un jury national qui a la conviction intime
et morale de leur scélératesse ptofonde . Base donc sur ces
pieces un bon jugement de condamnation contre tous ces coquins
, dont les vengeances seraient terribles , s'ils avaient un
jour par une cruelle fatalité le dessus sur nous .
Boisset , après avoir donné l'esquisse de ces tableaux , en
offre de plus rians , par le récit de plusieurs actes de bienfaisance
et de génerosité républicaine , destinés à répandre le
calme dans les sens. Nous regrettons de ne pouvoir pas le
suivre dans ces détails , et il termine en demaudant au nom des
citoyens de ces départemens , justice contre les scélérats qui
les ont opprimés , que la Convention ne transige jamais ni avec
le crime , ni avec la 10yauté , qu'elle ne soit plus déchirée
par les factions ; que s'il est des traîtres dans son seiu elle,
Tes vomisse loin d'elle , qu'elle leur fasse goûter les fruits du
gouvernement démocratique ; enfin qu'en commandant à la
victoire , elle dicte aux despotes le contrat de la gloire fran
çaise sur les restes épars des esclaves vaincus .
La Convention a décrété l'impression de ce rapport.
Clausel donne lecture d'un procès - verbal dressé par le
commissaire de police de la section des Quinze-Vingts . Le citoyen
Olivier , menuisier , soldat- volontaire du dixieme bataillon
de Paris , rencontre chez un vinaigrier le nommé Morin
, garçon cartonnier , qui y tenait les propos les plus contrerévolutionnaires
et les plus outrageans contre la représentation
uationale . Olivier se rendit au comité de la section , et en revint
avec la force armée pour arrêter l'auteur de ces diatribes ,
Morin , après l'avoir invectivé , tira un couteau de sa poche ,
et le frappa au-dessus de la cuisse . Il est mort quelques minutes
aprês. Son meurtrier , bien loin de témoigner le moindre rsgret
, s'est félicité de l'avoir assassiné , et a même craché sur
son corps .
Clausel , Penieres , Bentabolle , Dumont et Legendre ont
présenté sur ce fait une grande partie des réflexions qu'il devait
faire naitre . Il n'est pas douteux que la grande majorité des .
citoyens de Paris est dévouée à la République et à la Convention
; mais on ne peut s'aveugler sur les projets et les
manoeuvres , chaque jour plus audacieuses , d'une foule
d'agitateurs qui ne sont point à craindre , mais à rée
primer.
( 37 )
Séance de décadi , 30 Nivôse.
Un membre expose que la veuve Beauchamp , condamnée à
mort par jugement de la commission militaire du Mans comme
convaincue d'avoir suivi l'armée des rebelles , a saùvé la vie , à'
Saint-Florent , à six mille patriotes , et que ce service rendu à
la République , doit la faire participer au bienfait du décret
d'amnistie , et suspendre l'effet de son jugement , dont elle a
retardé l'exécution en déclarant qu'elle etait enceinté .
La Convention décrete que le jugement rendu contre la
citoyenne Beauchamp sera regardé comme non avenu .
Ruelle demande que ce décret soit généralisé en faveur
de tous ceux qui ont été jugés , et dont les jugemens n'ont
pas été exécutés , et qu'ils soient compris dans le décret
d'amnistie.
*
Cette proposition est décrétée .
Bourdon de l'Oise ) dit qu'il est bien éloigné de s'opposer
au décret qu'on vient de rendre , mais qu'il espere qu'on n'y
comprendra pas les voleurs et les dilapidateurs . Il demande que
tout ce qui n'a pas été guillotiné depuis quinze mois soit rendu
à la liberté .
Merlin ( de Tbionville ) appuie la proposition de Bourdon .
Autant , dit-il , les malveillans s'agitent pour opprimer le peuple
, autant la Convention doit se montter grande et tenir ferme
à ses principes. Montrons-nous dignes d'une grande nation , en
signant d'une main une paix qui doit faire jouir le peuple
du fruit de ses victoires , et en écrasant de l'autre les vrais
scélérats .
Ruelle lit la rédaction du décret rendu sur sa proposition , en
ces termes : La Convention décrete que les personnes qui ont
été condamnées à quelque peine que ce soit , pour avoir pris part
à la révolte qui a éclaté dans les départemens de l'Ouest , des
Côtes de Brest et de Cherbourg , et dont les jugemens n'ont pas
été exécutés , jouiront de l'effet de l'amnistie du 12 frimaire , et
seront mis en liberté .
Ce projet de décret est adopté au milieu des plus vifs applau
dissemens .
La société populaire de Nantes réclame contre la malveillance
qui fait encore planer la calomuie sur les habitans de cette commune,
On répand qu'ils veulent un roî , et l'on veut accréditer
cette imputation , en disant qu'ils accueillent favorablement les
rebelles de la Vendée . Ceux-là veulent un roi , disent-ils , pour
qui la justice est un fardeau , l'anarchie un besoin , et le crime
un aliment, Pour nous la justice n'est pas un vain nom . Nous
avons juré la République une et iudivisible , nous serons fideles
à notre serment.
Une députation du Jura paraît à la barre . Après avoir présenté
le tableau des horreurs commises dans ce département par
lesfordres de Dumas et de ses complices , l'orateur s'exprime aiusi :
( 38 )
1
Déja la Convention nationale a rapporté le décret qui fietrissait
le chef-lieu de ce département. Cet acte de justice
essuyé en partie les pleurs de nos malheureux concitoyens ; mais
il est de votre humanité d'en tarır entierement la source. Toutes
les communes , tous les districts , toutes les autorités constituées ,
toutes les familles , tous les citoyens individpellement sollicitent
anjourd'hui en faveur des infertunés mis hors de la loi. Peres de
Ja patrie , cédez à leur væu , rendez au peuple du Jura ses anciens
amis , la République entiere de vrais citoyens ; rendez à ce
partement son premier lustre , vous raffermirez son zèle , et son
cri de ralliement sera toujours : Vise la République une et indivi
sible ! vive la liberté , l'égalité ! vive la Convention nationale !
"
Renvoi aux còmités réunis. $
dé-
Six cultivateurs des communes de Sape et de Monay , district
de l'Aigle , département de l'Orne , paraissent à la barre. Ils an
noncent à la Convention nationale qu'ils ne vendent et ne ven
dront leur bled qu'au prix du maximum , malgré l'abrogetion de
cette loi . Ils déposent en outre la somme de cent cinquante
livres pour contribuer , autant qu'il est en leur pouvoir , aux
frais de la construction d'un vaisseau , et expriment en mêmetems
leur desir de voir anéantir l'orgueil de ces insul ires , qui
osent affecter la souveraineté des mers . La Convention applaudit
aux sentimens et au zele de ces respectables cultivateurs , décrete
la mention honorable de leur adresse , l'insertion au balletin , et
l'inscription de leurs noms au procès-verbal .
Clauzel , au nom du comité de sûreté générale , présente des
mesures pour mettre en jugement Morin , prévenu de l'assas
sinat d'Olivier , et procurer des secours à la famille de ce répu
blicain , victime de son généreux dévouement à la patrie , et la
Convension décrete qua sa veuve recevia la somme de douze
cent livres , et ses enfans les seeours accordés aux défenseurs
des parens de la patrie ; et attendu que le tribunal révolutiondaire
n'est pas encore en activité , le prévenu sera traduit dans le
jour au tribunal criminel du département de Paris , pour y être
jugé , toute affaire cessante , selon le mode établi pour le tribunal
révolutionnaire .
Plusieurs pétitionnaires viennent entretenir l'Assemblée d'objets
particuliers .
Scance de primedi , 1r. Pluviôse.
Les sections du Contrat- Social , de Bonne - Nouvelle , de-
Guillaume-Tell et des Champs - Elisées , se présentent à la
barre et demandent que tous ceux qui ont partagé les crimes
de Robespierre partagent son supplice, La section des Champs-
Elisées y ajoute le voeu que l'anarchie succombe enfin
que toutes les autorités soient rappellées à la source de leurs
pouvoirs , et que tout rentre dans l'ordre .
Insertion au balletin et renvoi au comité de sûreté générale.
Le comité militaire présente un mode d'épurement des
autorités militaires de Paris . Il se fera en conséquence de
( 39 )
cadi prochain une nomination nouvelle à tous les grades dans
les diverses sections de Paris .
L
Richard , au nom du comité de salut public , annonce que
l'armée du Nord continue , avec une activité infatigable , le
cours glorieux de ses conquêtes. Il ne peut pas dire prés
eisément quelle est sa position , car les dernieres dépêches
apprennent qu'elle était à Utrecht le 18. Les fleuves et les
camaux sont glacés ; l'armée en a profité pour tenter au pas
de charge la conquête de la Hollande . Le succès à répondu
à son courage ; elle s'est emparée de Monfort et d'Utrecht
qui est près d'Amsterdamn , et de 80 pieces de canon . L'ennemi
dans sa faite a abandonné ses malades qu'il à recom
mandé à la générosité française . Voyez les Nouvelles offi
cielles.
2
Champigny demande la parole pour une motion d'ordre,
Il dit qu'il va exprimer son vau sur l'abolition de la peine
de mort. On demande l'ordre du jour. Tallien s'y oppose.
Il pense qu'on ne doit point éloigner de la tribune quiconque
veut y émettre une opinion qu'il croit utile. L'orateur est
un patriote de bonne foi , mais il est mis en avant par les
scélérats qui ont inondé la France de sang
ཱ ཝ ན
Tu es un homme du 2 septembre , s'écrie un membre.
Tallien : Je défie mon calomniateur de prouver l'atroce
calomnie qu'il avance .. Merlin ( de Thionville ) : Il est d'un
scélérat de proférer une calomnie , et d'un lâche coquin de
ne pas la soutenir.
Tallien reprend : Si l'accusatear ne se présente pas , il avone
qu'il est un imposteur . Je défie qu'on cite contre moi non pas un
crime , mais une faiblesse dans cette journée. J'y ai fait mon
devoir , et je l'acheverai contre les provocateurs de cette
journée sanglante , qui siégent au milieu de vous . Il est tema
que la justice atteigne les grands scélérats. Tallien demande
que l'on continue d'entendre Champigny.
L'orateur développe son opinion sur la peine de mort.
Après un long discours souvent interrompu par les murmures
de l'Assemblée , il présente un projet de décret , portant que
la peine de mort est abolie , que les guillotines seront brutlées
, et les criminels condamnés à des peines graduées , suivant
la nature des délits , et notamment aux travaux publics.
L'ordre du jour est réclamé de toutes parts ,
l'unanimité.
et adopté à
Barras : La rigueur de la saison exige de la Convention un
zete de bienfaisance , et que l'on fasse rendre aux indigens
les habillemens qu'ils ont déposés au Mont- de-Piété , et dont
le prix n'excede pas 50 liv . Merliu de Thionville ) en
appuyant la motion , réclame cette faveur pour les effets de
100 liv. et au- dessous .
―
La proposition de Barras est adoptée avec l'amendement
de Merlin .
( 46 )
NOUVELLES OFFICIELLI S.
ARMÉE DU NORD , SAMBRE IT MEUSE.
Nimégue , le 28 nivòse.
Citoyens collégues , les rigueurs de l'hiver qui sont le
terme des combats , viennent d'être pour les troupes de la
République le signal d'une nouvelle vietoire . L'amour de la
patrie qui les guide , ne leur laisse point de repos , et leur
fait tout entreprendre , quand il s'agit de son salut et de sa
gloire.
" Des froids excessifs ayant glacé les fleuves et canaux
qui rendent la Hollande presqu'impraticable , elles ont profité
de cette révolution des élémens pour en tenter la conquête
au pas de charge . Leurs succès répondent à leur courage .
,, Nous vous avons fait part de leurs premiers exploits et du
passage du Waal , de la prise de l'isle de Béthune . Vous connaissez
la redditiou d'Heusden , avec 175 pieces de canon
150 milliers de poudre. Nous vous annonçons aujourd'hui
qu'elles sont au- delà de la Leck ; qu'elles occuperont Montfort
et Utrecht . Tout le pays jusqu'à Amersfood se trouve
dans ce moment évacué et à notre disposition , ainsi que les
lignes de la Grêpe , d'où l'on a chassé le peu de troupes
qui y restaient , et où l'on a trouvé environ 80 pieces de
canon , 20 caissons ; l'ennemi dans sa fuite précipitée , à aban
donné ses malades à Rhénem , et le général britannique les
a recommandés à la générosité française .
Nous vous envoyous copie de la lettre du général en
chef Pichegru. "
Salut et fraternité ,
Signés JOUBERT , BELLEGARDE , J.-B. LACOSTE.
Copie de la lettre du général Pichegru aux représentans du peuple.
Ne perdez pas d'instans , citoyens représentans , à vous
rendre ici , pour passer de suite à Utrecht que nos troupes
occuperont demain , ainsi que Vianent et Monford . Elles occuperaient
même Amersfood , s'il n'était pas si éloigné ; mais
il leur faut deux marches pour sy rendre . Tout le pays se
trouve en ce moment à notre disposition , ayant été évacué ,
ainsi que les lignes de la Grèpe , d'où l'on a chassé aujourd'hui
le peu de troupes qui y restaient , et où l'on a tronvé
environ 80 pieces de canon et 20 caissons .
Demain je vous en donnerai un détail plus positif.
Salut et fraternité ,
Signé , PICHEGRU , général en chef.
99
( No. 26. )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 10 PLUVIOSE , l'an troisieme de la République .
( Jeudi 29 Janvier 1795 , vieux style. )
Explication des Charade et Logogriphe du No. 25 .
Le mot de la Charade est Havre-sac ; celui du Logogriphe
Fest Fille ( qui voudrait devenir femme ) ; où l'on trouvefi , if,
-lie, il, le ,fil , file , isle.
NOUVELLES LITTERAIRES.
"
Le Hameau de l'Agnielas , suivi du Ruisseau et de Cécile et
Blondel ou l'Oratoire , et du Nid de la Fauvette , etc .; þar
l'auteur du Citoyen des Alpes . Petit volume broché de
235 pages . Prix 1 liv . 16 sous . A Paris , chez C. F. Perlet ,
rue André- des - Arcs .
CET
ET ouvrage qui a paru au milieu des crises les plus
orageuses de la révolution ,, a eu le sort de beaucoup
d'autres ; il a été peu remarqué , quoiqu'il méritât de
l'être. C'est l'effet inévitable des grands intérêts politiques
qui ont détourné l'attention des productions philosophiques
ou de pur agrément. Aujourd'hui que l'on
sent le besoin de se reposer sur des idées douces , et de
revenir aux sentimens moraux , il est juste de redonner
à cet intéressant opuscule la place qu'il doit occuper.
Depuis que Gessner a peint d'une maniere si touchante
la nature et les affections champêtres , on s'est
beaucoup exercé dans le genre descriptif. Mais la plupart
de ces tableaux ont eu le défaut de ces paysages ,
où les peintres , se créant une nature factice et imagiginaire
, sont restés au- dessous du charme attaché à
la vérité et au choix de ses modeles . On ne fera pas
ce reproche à l'auteur du Hameau de l'Agnielas ; il a peint
ce qu'il a yu ; il exprime ce qu'il a senti . Son hameau
est peu de chose ; c'est un groupe de maisons soli-,
taires ; mais ces maisons sont situées sur le penchant
Tome XIV. D
( 42 )
d'un côteau délicieux adossé aux Alpes dauphinoises.;
On sait ce que des sites aussi majestueux et aussi riches ,
trop peu visités de nos artistes , peuvent offrir d'images
sublimes et agréables au peintre de la nature , et exciter
de vives émotions dans l'ame du philosophe qui sait
la faire aimer. Il en fallait moins à l'inimitable Sterne
pour lui inspirer ces tableaux charmans où les événemens
les plus simples prenaient , sous ses pinceaux
délicats et sensibles , des formes si originales et si
attrayantes ."
Ce n'est pas que l'auteur du Hameau de l'Agnielas ait
cherché à le prendre pour modele , il n'a voulu imiter
aucun genre , ni en créer aucun ; on voit qu'il est toujours
lui , ou plutôt c'est la nature revêtue de ses
charmes et de sa simplicité qui se montre dans ses
intéressantes descriptions. Il paraît qu'il a composé son
hameau de souvenirs ; on en juge par les regrets qu'il
témoigne de l'avoir quitté ; mais ses souvenirs lui rappellent
des détails trop touchans et trop vrais pour que
ses regrets ne l'y ramenent sans cesse , et cette situation
lui fournit une foule de réflexions mélancoliques
et tendres . On peut juger du genre de l'ouvrage et du
style de l'auteur par son début.
Je te salue , hameau de l'Agnielas , séjour du repos,
asyle que je tiens de l'amitié ,
Je vous salue , Alpes majestueuses , monumens
é evés en regard de ma demeure . Sur vos cîmes déchirées
, emblême des ravages du tems , près des lieux
où réside la foudre , je cherche dans vos forêts ces antres
affreux , ces autels de la superstition de nos peres , sur
lesquels des druides inhumains venaient immoler au
Dieu de l'univers l'enfant qui vient de naître. Un nou
veau temple se présente à ma vue , celui de la piété
chrétienne . L'ange de la paix en l'appercevant se couvre
de ses aîles , les airs retentissent au loin des chants de
la louange. On entend les cantiques de l'ancienne Sion
et les merveilles du Dieu d'Ismael et de Jacob que
chantent de feryens cénobites . Prosternés au pied de
l'agneau sans tache , leur voix ressemble aux gémissemens
de la colombe . Une odeur divine se répand dans
ce lieu saint. La flamme et les parfums s'élevent vers
le ciel . Saisi d'un religieux respect , le voyageur par-
Court cette enceinte ; il y voit les noms des rois et des
savans confondus avec ceux des bergers , et il y inscrit
le sien en le quittant à regret. Je lis avec attendrisse(
43 )
ment les noms de mes anciens amis qui ont fréquenté
autrefois cette solitude. C'est en présence d'une si
auguste image que je veux finir mes jours dans la
retraite.
99
Je te verrai bientôt , hameau de l'Agnielas ; bientôt
je visiterai tas bosquets solitaires et tes haies odorantes
semées de mille fleurs . Errant et pensif , j'irai chercher
F'écho qui répete trois foisà labergere le nom de sonamant,
dans cette saison où la déesse des fleurs vient écouter la
voix de l'oiseau du printems. A ces époques délicieuses ,
à ces heures de la tendresse , où la nature renaît , amour ,
amour, tu lances tes feux. A ton approche , les animaux
les plus sauvages sortent de l'obscurité de leurs demeures
, et bravant les dangers et les pieges du chasseur
pour visiter les naissantes moissons et les prés verdoyans ,
tandis que des légions de poissons quittent le sein des
tempêtes et des mers et remontent les fleuves , pour
venir jouir de la douceur de leurs eaux , et s'unir par
de nouveaux liens , hors de l'atteinte de leurs ennemis.
" Plein de ces images innocentes, chérissant la chaîne
qui tient suspendus la vie et le bonheur de tous les
êtres , bénissant la main qui les unit , occupé de ces
salutaires pensées , j irai parcourir de nouveau ton aimable.
enceinte , hameau de l'Aignielas , j irai sous tes berceaux
charmans , à l'ombre du platane et du bouleau , qui par
le bruissement de son mobile feuillage , invite au som
meil le laboureur , quand il se repose au midi pour.
laisser passer les chaleurs du jour. Perdant de vue les
cités tumultueuses , désabusé des vanités mondaines et
des mensonges de la vie , n'écoutant que les leçons de
la sagesse je prendrai place dans les banquets et les
fêtes du village , et je m'asseoirai auprès des anciens du
hameau. Sensible aux maux d'autrui , si quelque malheureux
me raconte ses peines , j'essuirai ses larmes . S'il
me demande conseil , je lui parlerai le langage de l'humanité
avant celui de la justice , ne voulant être qu'un
ange de paix sur mes humbles foyers . "
Dans ce tableau esquissé à grands traits , on aime à y
retrouver celui de la Grande - Chartreuse qui existait encore
quand l'auteur a composé son ouvrage . Il n'est aucun
voyageur qui , après avoir visité cette solitude , où la nature
se montre sous un aspect si varié et si imposant ,
n'en ait rapporté d'ineffaçables souvenirs . Plus d'une
fois , elle a été célébrée par nos poëtes , et l'on se sou
D 2
(44)
vient encore des vers sublimes qu'elle a inspirés à l'auteur
de Roméo et d'Edipe.
.. On a chanté souvent les plaisirs de la vie champêtre ;
elle faisait les délices des grecs et des romains ; elle fera
aussi les nôtres . La liberté ramene toujours à la nature .
Nous recommandons ce petit ouvrage aux amis de l'une -
et de l'autre . Ils y verront presqu'à chaque page un trait
de sentiment ou de morale à côté des scenes les plus gracieuses
et des accidens les plus pittoresques . On sent
que la vie d'un solitaire , au sein des silencieuses campagnes
, ne doit pas être sémée d'événemens bien mémorables
; mais ceux qu'il décrit rappellent sans cesse
Phomme bon , sensible , indulgent , hospitalier , l'observateur
éclairé , le philosophe pratique , l'ami des moeurs
et de la vertu .
Dans un de ces hivers si fréquemment rigoureux au
milieu des Alpes , où il n'avait pour compagnons que de
simples oiseaux qut étaient venus se refugier sous ses
abris , il trouve dans cette société aîlée des jouissances
qui le dédommagent de la privation des hommes , et lui
fournissent le sujet d'un des plus aimables tableaux de
son ouvrage ; nous ne pouvons nous refuser au plaisir de
le citer.
Je remarquai que les oiseaux qui fréquentent les
plus hautes montagnes , sont moins ombrageux que
ceux qui naissent dans les vallons . Les animaux , comme
les hommes , sont-ils plus confians à mesure qu'ils sont
plus solitaires , ou l'infortune générale est - elle le dernier
noeud de la sympathie et de l'amour entre les
créatures ? J'observai encore que les pinçons à rougegorge
. plus foncés et plus hauts de couleur que ceux
des plaines , sont en même tems plus alertes , comme si
l'élévation des lieux inspirait plus de courage , et qu'ils
s'approchaient plus que les autres de ma maison . Une
famille entiere de douze à quinze de ces aimables hôtes
des forêts , s'emparent seuls de mes pêchers qui n'étaient
pas en espalier , mais plantés au milieu de mon jardin ,
viennent s'y percher , et de là s'élancent sur la tablette
de ma croisée. D'abord je les regarde de loin , non sans
inquiétude , lorsqu'ils se chauffent au soleil ; bientôt je
m'enhardis , et je les approche de plus près , toutefois
avec réserve . Enfin , je vais jusqu'à ouvrir ma fenêtre .
Alors ils s'envolent doucement vers mes petits arbres.
L'un de ces oiseaux cependant ne bouge pas ; il reste
immobile sur la tablette , me regarde amoureusement.
(45)
7
1
Est-il plus confiant ou plus rusé que les autres ? Je ne
vous le dirai pas . Est - il le pere , le roi , ou le patriarche
de cette jolie famille ? C'est ce que je ne sais pas non
plus. Mais il se montre toujours le maître , et les autres..
paroissent le respecter . Peut - être il en est la sentinelle.
Ici je m'arrête sur une remarque qui a été faite plus
d'une fois . L'homme corrompt de sa présence les animaux
qui vivent avec lui . Il leur donne ses passions sans
s'en appercevoir. Il change leurs innocentes inclinations ,
pour leur faire adopter les siennes , toujours plus funestes.
Ce que je vais raconter le prouvera bientôt.
99
Je m'affectionne à ce petit indiscret ; je lui donne
des miettes de pain blanc et des graines que je savais
lui faire plaisir . Alors je m'apperçois que mon bien-aimé
devient tous les jours plus exigeant. Tyran de ses compagnons
, il ne leur permet pas d'approcher ; il défend ses
cheres provisions , comme si seul il pouvait les manger .Je
remarque que vaincu par l'amour il laisse arriver les
femelles de la petite dynastie qui , après avoir goûté
de ses mets , disparaissent aussi- tôt . Il n'était plus tems
de le corriger ; ' en avais fait un despote par mes longues
faveurs. Grande leçon pour les peuples , lorsqu'ils rassemblent
sur la tête d'un seul homme et trop de richesses
et trop de ' pouvoir. Ainsi , mon favori , devenu injuste
peut- être sans le vouloir , parma lâche complaisance , harcela
ses compagnons , pendant tout le froid de la saison ,
avec une intrépidité dont rien n'approche . Tel on vit ,
au commencement du siecle , le farouche Charles XII
faire la guerre sans relâche au Czar Pierre , dans les
marais de Bender et sur les glaces du Nord. Mais ce que
je ne puis passer sous silence , c'est la reconnaissance
de cette charmante famille , qui , au jour que les neiges
furent entierement fondues , pritson vol ; et par de doux
murmures et des sons plaintifs m'exprimait ses adieux . ,,
Environné des plus grandes beautés de la nature , il
lui vient en l'idée de faire un jardin anglais . Il tourne et
retourne son jardin , et le défigure . Bientôt désabusé de
cette folie , il y renonce ; mais elle lui fournit des réflexions
qui devraient bien corriger de ces imitations pitoyables
et de ces miniatures mesquines .
ན་
L'homme dans la plupart de ses ouvrages ne fait
qu'intervertir l'ordre de la nature. Dans ses caprices ,
il bouleverse ses plans , et après avoir détruit leurs
chastes harmonies il les cherche et ne les retrouve plus .
Quand elles existent encore , il ne sait pas les apper-
D 3
( 46 )
....
cevoir. Je le vois placer ses jardins d'amour sur des
terreins indociles , faits pour les arbres des forêts . Envieux
de ce qu'il n'a pas , desireux du bien d'autrui ,
il va chercber dans la Judée des plantes étrangeres au
sol qu'il habite , tandis qu'il ne sait pas cultiver autour
de lui le sorbier indigene qui croît dans ses buissons .
Tantôt il éleve d'orgueilleuses retraites sur la cime des
montagnes , tantôt il comble les aimables vallons de
leurs débris . Las de la solitude , il se renferme dans
des villes obscures. Impatient du séjour des cités , il
court les mers . Malheureux qui traîne après lui toutes
ses passions , et qui s'étonne de ne pas trouver le
bonheur ! "9
Les scenes épizodiques dont l'auteur a su varier ses
tableaux , ne sont pas , comme dans beaucoup de compositions
de ce genre , des objets de pure fiction . Ce
sont ses amis , ses parens , ses voisins , qui viennent figurer
tour-à-tour dans son hameau ; et quand il ne les
rencontre pas à côté de lui , son coeur va les chercher
dans son souvenir , pour leur faire partager ses affections.
Quoique ces réminiscences de l'amitié et ces portraits
de famille n'aient pas pour tous les lecteurs le
même intérêt que pout celui qui les a tracés , ou pour
ceux qui sont au fait des
ils
personnages , y sont amenés
avec un empressement si naturel , et il en parle avec
une chaleur si excusable , qu'on ne peut s'empêcher de
lui savoir gré d'avoir mis le public dans la confidence de
ses plus cheres pensées .
On voit que le but principal de l'auteur a été de faire
aimer la nature , et de rapprocher l'homme de la divinité.
A la campagne , dit-il , l'homme devient religieux
, et embrasse sans peine les éternelles vérités auxquelles
il ne songe pas ailleurs . Au village , il est plus
aisé d'être vertueux , parce que les affections y sont plus
pures , les intérêts plus simples et la franchise plus près
du coeur . Quoiqu'il ne perde point de vue ce double
intérêt dans le cours de son ouvrage, il a soin de le terminer
par le développement de ses idées sur l'immortalité
de l'ame. C'est à la suite d'une promenade champêtre
, dans une de ces soirées d'été si belles , au milieu
des Alpes , que placé avec son jeune ami sur un des
points les plus élevés d'où se déploie à leurs yeux le
plus riche et le plus vaste hoison , leur ame émue à la
contemplation de la nature , s'éleve jusqu'à celle de son
auteur. C'est alors qu'assistant , pour ainsi dire , aux mer(
47 )
veilles de la création , il croit entendre le Dieu des
mondes lui révélant sa magnificence et ses bienfaits , et
reptochant à l'homme son ingratitude , ses doutes , son
vain orgueil et ses ambitieux desirs . Ce morceau , écrit
avec autant d'imagination que de sensibilité , n'est point
indigne de figurer à côté des belles conceptions de
Thompson et de Gesner.
Nous nous sommes étendus avec complaisance sur
cette intéressante production , et nous avouons que nous
quittons à regret le hameau de l'Agnielas. Peut- être que
l'impression que nous avons éprouvée à sa lecture , n'est
que l'effet , plus puissant qu'on ne pense ; du contraste
des sensations . Il est si doux de pouvoir oublier les
passions et les fureurs des hommes qui prennent tant de
peine à s'écarter du sentier de la raison et des voies de
la nature , que nous avons cru aborder dans une isle
enchantée , après avoir été battus par les flots d'une
longue tempête . Les autres pieces qui terminent ce recueil
, quoique d'une composition moins étendue , se
font lire également avec plaisir.
Il est bon , en finissant , d'avertir ces esprits ombrageux
qui ne savent rien voir ni juger que d'après des idées de
circonstance , que ce petit volume a été composé au commencement
de la révolution , et qu'il serait injuste de reprocheràson
auteur quelques réflexions qui ne paraîtraient
plus convenables ; mais elles sont si rares , et il y a des
choses si morales et si utiles dans cette oeuvre pastorale
et philosophique , qu'on peut lui pardonner aisément
ces légeres disparates. Comment l'ami des hommes et
de la nature ne serait-il pas celui de la liberté et de l'égalité
, qui ont pris naissance au village et sur-tout sur
les montagnes , et que les moeurs y ont conservées , quand
elles n'existaient point encore dans les institutions politiques.
Nous devons dire encore que l'auteur , en se
nommant , nous apprend qu'il est prêtre ; mais ce prêtre
parle si souvent le langage du Vicaire Savoyard , il a
une morale si douce et une raison si éclairée , qu'il eût
ête à desirer que l'évangile n'eût pas eu d'autre interprête
, ni la religion d'autre ministre.
L'intérêt qu'inspire cet ouvrage , nous fait oublier
quelques négligences , un peu de désordre et de divagation
dans les idées , et de familiarité dans les détsils
; mais , après y avoir un peu réfléchi , nous avons
vu que cet abandon du coeur et du stile laissait après lui
un charme dont sont privées souvent les compositions
D4
( 48 )
trop soignées . Nous avons remarqué du caractere dans
le stile de l'écrivain ; et au milieu de tant de productions
correctement monotones , c'est quelque chose que d'avoir
un caractere particulier.
( L'auteur de cet ouvrage est le citoyen Pollen . ) .
INSTRUCTION PUBLIQUE.
Analyse des travaux de l'Ecole normale.
La premiere séance qui a eu lieu primedi dernier ..
comme nous l'avons annoncé , a été présidée par les
citoyens Lakanal et Deleyre , tous deux amis des sciences
et des arts , et par cette raison choisis par la Convention
nationale pour la représenter près les Ecoles normales .
Il n'a pas été fait de discours d'ouverture. Le public
peut conclure de cette omission volontaire , que dans
cette premiere des Ecoles , il sera moins question de
mots que de choses , de verbiage académique que de
philosophie exacte , de démonstrations et de vérités .
On a commencé la séance par la lecture des décrets
de la Convention nationale , pour l'établissement des
Ecoles normales . A l'annonce de cette loi , tous les éleves
et tous les spectateurs se sont découverts ; ils se sont
levés d'un mouvement spontané , comme pour mieux
l'écouter et par respect pour elle . Quel discours eût pu
faire une aussi vive impression ? La présence des repré-
Bentans du peuple , des plus habiles professeurs , et de
leurs éleves rassemblés de tous les points de la Répu
blique , tout cela parlait assez éloquemment.
Les citoyens Laplace , Hauy et Monge , ont occupé
tour-à-tour le fauteuil . Après avoir fait lecture de leurs
programmes, ils ont donné leur premiere leçon , ils étaient
écoutés dans le plus profond silence , et à plusieurs reprises
on les a vivement applaudis .
Cette premiere séance des Ecoles normales fera sûrement
époque dans l'histoire de la révolution française ,
ainsi que dans les annales des connaissances humaines.
Si l'on réfléchit sur le but que cette belle institution
Bé propose , et sur les moyens qui sont employés pour
atteindre ce but , on peut espérer que la même révolution
qui s'est faite dans le systême social etpolitique
va s'opérer aussi dans la théorie des sciences et des arts .
( 49 )
Le plus grand nombre des éleves ont été choisis par
leurs concitoyens , et sont déja initiés dans les sciences
qu'ils se proposent d'approfondir. Ils viennent prendre
des leçons sur la meilleure méthode de les enseigner , et
ces méthodes leur seront tracées par des hommes dont la
réputation est faite dans l'Europe ; ils arrivent avec le
desir d'acquérir de nouvelles lumieres ; ils se proposent
dans leurs études des objets bien déterminés . Le moment
de leur réunion est celui où la France délivrée du joug
de ses rois et des fureurs de ses derniers tyrans commence
à respirer ; où elle attend des lumieres de la raison , le
complément des oeuvres de la justice , la guérison des
profondes blessures qu'elle a reçues , et le dédomma
gement des pertes qu'elle a faites ; ou comptant sur les
leçons de l'expérience , de la sagesse et du malheur ,
elle espere , non-seulement le retour aux vrais principes ,
mais encore la connaissance de tout ce qui peut être
utile et agréable aux hommes , et sur-tout les heureux
fruits du véritable amour de la patrie et de l'humanitė .
Ces grandes espérances ne seront point déçues : les
éleves aux Ecoles normales savent que la révolution que
nous devons au progrès des lumieres ne peut s'achever
et se consolider que par les progrès plus grands encore
qu'elles doivent faire . Ils profiteront des secours qu'un
gouvernement bienfaisant et juste leur procure en ce
moment. Ils sentiront tout le prix d'une solide instruç
tion pour réunir , comme dans un foyer , tous ces rayons
de lumierés ; ils rapporteront dans leur pays une riche
moisson de vérités . Ils les répandront sur le sol de la Ré
publique ; alors les sciences humaines seront absoutes de
ces reproches qu'on était en droit de leur faire , lorsque
des méthodes défectueuses d'enseignement ne donnaieut
gueres pour résultats que des idées obscures ,
vagues , incohérentes ; lorsqu'elles ne pouvaient conduire
la plupart des hommes qu'à ce demi - savoir , pire
que l'ignorance , auquel la République naissante , et qui
triomphe aujourd'hui de tous ses ennemis , a dû peutêtre
la plus grande partie de ses malheurs ,
( 50 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 11 janvier 1795 .
S'IL faut s'en rapporter à des lettres de Varsovie , plusieurs
des magnats polonais , coopérateurs de la révo-
Jution qui vient d'échouer , ont à se reprocher en
grande partie le mauvais succès de cette généreuse
entreprise. Ils n'y sont pas entrés de bonne foi , ou y
ent porté et gardé sans s'en appercevoir les vices de la
caste nobiliaire . Au reste , ces inculpations ne tombent
en rien sur le généralissime , et le nom de Kosciuszko ,
ainsi que celui d'un petit nombre de ses infortunés
compagnons d'armes combattant pour la cause sacrée
de la liberté , passera pur à la postérité , et lui transmettra
le souvenir consolant d'une vertu sans tache , et
d'un courage entierement dévoué à la patrie qu'ils ont
servie pour elle-même . Tel est l'empire de cette vertu ,
même sur les ames corrompues , qu'eile les condamne
au supplice d'admirer ce qu'elles n'auraient pas la force
d'imiter, et que des vaincus de cette trempe ont l'air
de triomphateurs au milieu des guerriers mercenaires
qui les conduisent à l'esclavage .
Un patriote Polonais a consigné ces reproches et ces éloges
dans une lettre dont nous citerons quelques passages La
haute généralité polonaise s'est indignement conduite sur la
fin de la révolution la plupart des généraux , même ceux
de l'armée de Lithuanie , dès qu'ils ont vu les grandes approches
du péril , ont cherché leur sûreté en -deçà de la Vistule , et
dans les murs même de Varsovie , avant l'attaque faite contre
Prag.
Il paraît , par la même lettre , que Wawrezewski , renonça
trop - tôt au dessein de sauver Prag , et init trop d'empressement
à incendier le pont du côté du fauxbourg , et à le
rompre du côté de Varsovie , mesure funeste qui ôta aux victimes
du Sac de Prag tout moyen de salut.
Le peuple , sur qui les mauvais exemples influent puissamment
et que le défaut de lumieres déterminé , sur - tout
( 51.)
dans un moment de désespoir, a sacrifier l'intérêt de l'avenir
à celui de l'heure même , se porta aussi à de violens excès .
Après avoir forcé le faible Stanislas de rester , il se partagea
la viande salée destinée aux troupes , et à la suite de plusieurs
coups entre les co-partageans , des magasin's particu
liers furent pillés .
Le 9 , la foule brisa nne seconde fois les portes de l'hôtel
de Sierakowski et en enleva des farines , des gruaux , du lard
et des boissons . A Rudoszyce , la haute généralité se partagea
le tresor de l'armée ; il y eut encore des coups de donnés
à cette occasion : car les factionnaires qui s'en apperçurent
ne voulurent pas rester les mains vides , les soldats se débans
derent , tirerent sur les officiers , dépouillerent les morts , et
déserterent du côté des Prussiens et des Autrichiens .
Le 21 novembre , il se ft plusieurs arrestations. Le per.
sonuage le plus marquant sur qui tomberent ces mesures de
rigueur , fut Ignace Potocki ; mais le président de Varsovie ,
Zakrzewski ; le comte de Mostowski , membre du conseil souverain
; Kiliuski , cordonnier et colonel révolutionnaire ;
Koponas , marchand , membre du conseil souverain et ministre
des finances , et M. Leduckowski , partagerent le même sort .
M. Buxhoenden , en recevant les ordres relatifs à ces arrestations
, a reçu en même tems celui de surveiller attentivement
les habitans de Varsovie .
On écrit de Grodno , en date du 28 décembre , qu'on y
attend incessamment le roi qui été invité , par une lettre de
l'impératrice de Russie , à s'y rendre , tant pour sa stireté
personnelle que pour traiter des arrangemens ultérieurs , dout
le premier pourrait bien être une proposition de descendre
dù trône. Le docile Stanislas a répondu qu'il se conformerait
au desir , on pour mieux dire aux ordres de l'impératrice
, quoique son âge et sa mauvaise santé semblassent y
mettre un obstacle .
On écrit de Copenhague , le 27 décembre , que les droits
d'entrée que les vins de toute espece et les eaux- de-vie de
France payaient jusqu'ici , viennent d'être réduits à moitié par
úne ordoanance royale , c'est-à - dire , dix écus par barique
pour les vins , et le double pour les eaux de vie .
De Francfort-sur- le-Mein , le 18 janvier.
la
Les communications entre le cabinet de Berlin et
celui de Vienne commencent à se rallentit , sur-tout de
la part du premier ; et par
se trouve confirmé ce que
Ton pressentait , que le roi de Prusse est las de s'épuiser
pour la coalition . D'ailleurs , des motifs particuliers
( 52 )
'un autre genre peuvent avoir qué dans cette détermination
qui transpire dans la réponse faite aux co - états
par lesquels sa médiation avait été réclamée pour arriver
la paix. Ces motifs sont probablement le desir d'obtenir
des conditions moins défavorables pour le statdhouder
son beau- frere , fuyant devant les armées victorieuses
de la République , et pour lui -même , à qui
elles viennent d'enlever , en partie , la Gueldre prussienne
.
On croit généralement à Vienne , et sur-tout à Berlin ,
que les Provinces- Unies , si mal défendues par leurs
propres habitans et par les Anglais , vont être forcées
de faire leur paix particuliere . Mais les gens instruits
n'ont point oublié qu'il existe un parti considérable
anti-statdhoudérien , et que la Hollande , indignement
rançonnée , vexée , pillée par les soldats Anglais qui
ont constamment déshonoré la belle profession des
armes , et qu'on peut regarder comme la lie des hommes
qui les portent en quelque pays que ce soit , n'a aucun
ménagement à garder avec la Grande - Bretagne . Aussi
ces personnes clairvoyantes sont- elles bien persuadées
que Frédéric- Guillaume se trompe dans son calcul , et
que les Français , véritables bienfaiteurs des Bataves , les
affranchiront pour jamais de la tyrannie d'un capitaine
général devenu roi par le fait , et les aidéront à remon
ter aux beaux jours de leur République .
Voilà donc l'empereur réduit à -peu- près à ses seules forces'
et à celles de l'Angleterre ; car on ne peut pas compter pour
beaucoup les états d'Italie ni l'Espagne qui manquent ou
d'hommes ou d'argent , et dont la derniere , découragée par
ses défaites , ne va pas tarder de saivre l'exemple de la Hollande.
L'empereur , sur qui porte un fardeau si considérable
a non-seulement à défendre les bords du Rhin , il est encore
chargé de garantir et ses possessions en Italie et celles de son
allié le roi de Sardaigne . Il ne peut qu'être effrayé s'il com
pare ses obligations avec ses moyens de les remplir. Il lui
en faut d'immenses . Aussi , indépendarament d'un emprunt de
6 millions de liv . sterl . négocié et obtenu pour Ini en Angleterre
, est -il obligé d'imposer dans ses états une taxe de 30
pour 100 , qui portera , il est vrai , principalement sur les
riches ; mais , par contre- coup , aussi sur les pauvres .
prince paraît néanmoins décidé à suivre la téméraire entreprise
de continuer la guerre dans cet état de choses . On dit qu'il va
faire une nouvelle promotion . L'archiduc Charles , le comte
de Clairfait et le prince de Hohenlohe doivent être élevés au
Ce
( 58 )
grade de felds maréchaux ; le dernier doit passer à l'armée de
Rhin , où l'on envoye aussi ce fameux colonel Mack , dont on
espérait tant et qui a fait si peu.
ITALIE. De Gênes , le 1er. janvier.
Les dernieres lettres de la Riviere portent qu'il est arrivé à
Port-Maurice et à Saint- Reme 2800 Français venus , dit-on
de l'intérieur de la France pour renforcer l'armée d'Italie .
L'escadre de Toulon était , au départ du dernier courier
sur le point de mettre à la voile . Mais on avait licencié et
payé tous les bâtimens qui depuis quelques mois étaient en
requisition , d'où l'on infere que les Français ont abandonné
le projet de faire un débarquement en Corse .
ANGLETERRE . De Londres , le 3 janvier..
Débats du Parlement. Chambre des Communes.
Il a été question dans cette séance de voter l'adresse de re
merciement au roi pour son discours aux deux chambres du
parlement. Plusieurs membres , tant du parti des ministres
que de l'opposition , ont pris successivement la parole à cette
Occasion ; les débats ont été très - animés , et ont duré fort
long- tems. Nous allons nous borner pour le moment à donnes
les discours de Pitt et de Fox .
Le chancelier de l'échiquier : « Ce n'est pas à ceux qui ont de
tout tems improuvé la guerre actuelle , que je m'adresse ; c'est
à ceux qui , après l'avoir conseillée , veulent y renoncer à cause
des revers de la derniere campagne . Ils refusent leur adhésion
à l'adresse au roi , parce qu'ils craignent qu'en l'adoptant , on
ne s'interdise à jamais la paix avec la République Française .
Ils se trompent. L'adresse porte seulement que nous ne pouvons
traiter avec le gouvernement de France , tel qu'il est ,
parce qu'il n'a aucune stabilité . Mais où est le besoin de de
mander la paix ? sommes-nous sans ressources , sans espé
rances ? Sans doute , dans le cas d'un épuisement , nous pour-
Ions rechercher la paix . Mais elle ne me paraîtra jamais solide ,
solide , si la France ne redevient monarchie , ou si du moins
son gouvernement n'éprouve quelques changemens intermédiaires
. D'abord les membres que je combats trouvaient la
guerre juste et nécessaire . Leurs discours m'étonnent aujour
d'hui. N'ont- ils plus à redouter ce systême qui les épouvantait
tant autrefois , dette cruauté , cette anarchie , cette impunité
avec lesquelles est incompatible le maintien d'une société pos
licée ?
S'il a plu à l'impénétrable providence de faire triompher
la France par-tout où elle s'est montrée , ne succombons pas du
moins , sans avoir déployé tous nos efforts . Pour moi , je ne veux
( 54)
abandonner le combat que quand mon excuse sera dans l'entiere
impuissance de le soutenir.
vaut
" Mon honorable ami ( M. Caning a proposé , en poursui
ia guerre avec vigueur , de rechercher les moyens de faire
la paix. Il croit que la derniere révolution de France nous en
facilirea les moyens . On lui a déja répondu que ce changement
n'était guères que celui des noms . Ceux qui ont renversé Robespierre
, ont maintenu le systême révolutionnaire . Il est vrai
qu'ils ont substitué la douceur à la cruauté. Cependant lear
haine pour l'Angleterre est toujours la même ; leurs principes
sont ceux qui triomphaient avant Robespierre , dans le tems
où l'on nous déclara la guerre . C'est toujours la même théorie
de liberté et d'égalite mal entendue et destructive de tous
ordre social . Notre systême politique est une éternelle satyre
contre le leur. Ils cherchent moins des conquêtes que la
destruction de tous les gouvernemens . Pensez-vous que leurs
étonnans succès aient en cela réformé lenrs idées ?
, Croit-on possible de bâtir la paix sur les bases posées ici
par mon honorable ami ? Croit- on que le commerce défcudra
sa liberté , que les flottes , les armées seront licenciées de part
et d'autre ? Croit-on possible d'empêcher une correspondance
coupable entre les deux pays ? Non . La contagion des principes
français sera toujours également redoutable. La fin des hosi
lités ne serait pas celle des dangers ; ils menaceraient et ncús
et ceux que nous avons le plus intérêt de défendre . Quel serait
le terme de ce repos tumultueux ? Licenciez vos armées ; comment
les rassemblerez- vous si vous êtes attaqués ? Licenciez
vos forces ; et affaiblis sous tous les rapports , vous aurez á
combattre un ennemi pour qui la paix est aussi impossible que
la guerre serait difficile pour vous ? Et comment recréerez-vous
la coalition ?
" Si les Français attaquent dans la suite la Hollande , la
Prusse , l'Autriche , comment déterminerez- vous l'Angleterre
à rentrer en lice , aptès avoir fait le honteux aveu de votre infériorité
, au moment même où tant d'allies yous secondent ?
Que sera - ce si je vous prouve qu'on vous conseille la
lâcheté à une époque où vos ennemis touchent à l'épuisement
?
1
99 On vous a dit que si la guerre cesse ; la France se donnera
un gouvernement plus sage . Est-ce à nous sur des chances
aussi incertaines , à nous exposer aux plus grands malheurs ?
Je ne veux done point de paix en ce moment , à moins que
vous ue me démontriez que la France a plus de moyens que
mous de poursuivre le guerre. Eh ! quelle paix pourrionsnous
obtenir ? Nous sacrifieiions notre honneur en pure perte,
et par un désespoir trés-mal fonde . Nous conseillera- t-on d'abandonner
aux Français les Pays - Bas autrichiens ? Non , sans
doute. On dit que le vrai motif de la guerre n'existe plus ,
( 55 )
puisque la Hollande négocie avec la France. Eh bien ! je sontiens
que la Hollande ne peut jouir de quelque sûreté qu'autant
que nous conclurons la guerre . Que la paix regne entre les
denx pays , et la France est sans frein et sans contrepoids.
Qui peut répondre qu'elle consentira à la paix à des condi
tions honorables , et sans se piévaloir d'une prétendue supériorité
? A- t-elle modifié le décret du 13 avril , qui porte que
les préliminaires de la paix seront l'unité et l'indivisibilité de
la République ?
,, Quoi ! après deux ans de guerre . Vous avez obteau
comme indemnité la possession des colonies françaises , et vous
y renonceriez pour acheter la paix ? De telles idées ne peuvent
être adoptées qu'autant que l'impossibilité de continuer la
guerre aura été prouvée . Soyez sûrs que le statu ne serait point
accepté. Est- ce à nous à descendre au langage de la faiblesse et
à l'attitude de la priere.
" Je ne veux point dissimuler les désastres de la derniere
campagne . Je ne calculerai point les blessures profoudes reçues
par les deux grandes puissances militaires de l'Europe . Mais les
guerres précédentes me présentent les prodiges dus à l'énergie
et à la perseverance du peuple anglais . Ne faut - il juger des
ressources des puissances belligerautes que par des batailles
perdues , et des pays envahis ? Ce calcul serait faux , dans cette
guerre sur-tout , et vis-à- vis de nous .
* La guerre d'aujourd'hui ne dépend que des finances Nous
ayons l'avantage des ressources pécuniaires et des acquisitions
territoriales, La France a plus perdu en territoire et numéraire ,
que toutes les puissances réunies .
" J'entends dire que les ressources de nos ennemis sont
inépuisables . Quels étaient leurs moyens ? les réquisitions et la
saisie des propriétés . Mais ces moyens étaient l'ouvrage du
despotisme et de la terreur. Ils diminuent donc avec la terreur.
Les depenses de la France depuis la révolution sont de 480 millious
st . , dont320 ont été dévorés par la guerre.Je n'ai pas besoin
de comparer vos dépenses à ces sommes énormes . Est- ce donc
vous qui seréz épuisés les premiers ? On prétend que ce que la
France a dépensé , elle peut le dépenser encore . Non , ce n'est
pas dans les revenus croissans qu'ils ont trouvé ces ressources .
C'est dans un papier - monnaie multiplié sans mesure . La Convention
convient qu'elle ne peut en émettre davantage sans sa
ruiner entierement , sans accroître continuellement la cherté
des denrées .
" Depuis 1793 , on s'apperçoit qu'il y a trop de papier , qu'il
tombe dans un discredit progressif , que la terreur seule avait
pului conserver une apparense valeur. De - là les lois sur le
maximum , qui se sont écoulées avec Robespierre ; de-la les défenses
de cesser son commerce , d'abandonner ses manufactures
sous peine de 20 ans de fers ; moyens forcés qui ne pouvaient
( 56 )
durer à cause de leur violance même , qui avaient besoin d'avoir
pour appui les guillotines permanentes , la féroce extravagance
des représentans en mission , et ces nuées de comités révolutionnaires
qui s'emparaient de tout , et dont la solde montait à
20 millions sterlings.
,, Dira- t- on que , quoique la terrear soit détruite , on peut en
maintenir les effets . Nón. La preuve en est que déja les lois du
maximum sont inexécutées , et que les assignats perdent 75 pour
cent. Tallien lui- même avoue que le crédit des assignats ne
pouvait se soutenir si on ne diminuait les dépenses et le nombre
des armées .
Il est trop tard pour m'étendre en ce moment sur la réquisition
des personnes et des propriétés . Mais peut- elle continuer
sans la terreur? J'ai bien d'autres choses à dire ; j'y reviendrai
dans une autre séance .
? On me dit que depuis la terreur détruite , les Français raniment
le commerce et l'agriculture . On ne guérit pas ainsi en un
jour une plaie si profonde ! Quels moyens ont - ils d'ailleurs de
nourrir leur commerce et leur agriculture ? tonjours des assignats
discrédités . Il n'est pas même en leur pouvoir de rebâtir
la terreur ; il est bien plus difficile de la ressusciter que de la
maintenir quand elle existait .
" Soyez persuadés que si vous donnez la paix aux Français ,
vous leur laissez le tems d'amasser leurs ressours et leurs
moyens. Si vous les pressez avec vigueur , vous les forcez de
créer de nouveaux assignats , et vous achevez leur épuisement .
Ils ne peuvent soutenir plus long-tems des armées aussi nom .
breuses. Quand même la Hollande ferait la paix , et que la
Prusse ne nous sécourrait que faiblement , nous pouvons avoir
sur le continent des forcet égalemet redoutables , et agir avec
plus de succès.
yous
Les autres puissances ont les yeux fixés sur mous . Si vous
leur fournissez les moyens de faire de grands efforts
obligez la France à en faire aussi , et elle périt d'inanition .
Montrez de l'energie , et vous serez secondés par les puissances
d'Italie et par l'Espagne ; et par-là vous atteignez le but que j'ai
déja marqué ; vous forcez les Français à rentrer dans les bornes
de leur propre territoire . Je conclus à l'adoption de l'adsesse
au roi ,
Le défaut de place nous oblige de renvoyer au numéro prochain
le discours de Fox et les débats du 3.
ERRATA pour le numéro 25. Page 27 , ligne 5. après ces
mots : Si elle ne se hâte de se détacher de la ligue , ajoutez contre
la France . Page 28 , avant l'alinéa : On est ici dans l'attente ,
ajoutez le mot Poringal.
--
RÉPUBLIQUE
1 7 ( 57 )
REPUBLIQUE FRANÇAISE.
$2
GONVENTION NATIONAL E.
PRÉSIDENCE DE ROVÈRE..
Séance de duodi , a Pluviôse..
Il y a eu hier soir une séance pour le renouvellement da
bureau. Rovere a été nommé président ; les secrétaires sont ,
Mercier , Talot , et Bouret.
*1
La séance s'ouvre aujourd'hui par la lecture de la rédaction
de plusieurs décrets . Maure demande , par motion d'ordre , qué
la Convention ajoute' , à son décret bienfaisant d'hier , une disposition
en faveur des malheureux indigens qui périssent de
froid et de misere . Renvoyé aux comités des finances et des
secours.
Les sections des Gardes Françaises et de l'Observatoire
se présentent à la barre ; elle promettent de ne pas souffrir
qu'on ramene le regne de la terreur , ni qu'on égare les
citoyens sur le compte de la Convention . Elies demandent
la punition des quatre grands coupables et des furies salariées
qui vienneut l'insulter jusques dans son sein , et applaudir
aux continuateurs de Robespierre . Elles y ajoutent le desir
qu'elle vienne efficacement au secours des malheureux dont
les souffrances sont excessives , à cause de la rigueur de la
saison . Saint-Martin rassure la Convention , en annonçant que
les comités de salut public et des secours se sont occupés des
moyens de secourir les indigens .
Les voûtes de la salle retentissent des airs chéris de la
nation , les cris de vive la République ! périsent les tyrans !
se font entendre de toutes parts . Un enthousiasme général
regue dans l'Assemblée ; la Convention environnée du peuple ,
se met en marche pour se rendre sur la place de la Révolution.
Arrivée devant la statue de la Liberté , le président
prononce le discours suivant :
Citoyens , le Peuple Français a conquis la liberté par un
combat opiniâtre et glorieux contre toutes les forces réunies
des despotes et de leurs satellites , ignorans ou abusės ; il a usé
de ses droits imprescriptibles . Le devoir des législateurs est de
nourrir ce sentiment généreux par des institutions mémoratives
des dangers qu'il a courus et des moyens de s'en préserver à
l'avenir.
La cause de tous nos maux était dans l'oubli des principes ; *
les lois se taisaient devant l'homme puissant , ou pour mieux
Tome XIV.
1
( 58 )
dire , il n'en existait pas , puisque la volonté nationale n'était
comptée pour rien . L'intrigue , la trahison , le pillage , l'avilissement
de l'espece humaine , à l'ordre de tous les jours , acquirent
même des droits à la renommée ; les citoyens obligés
à chercher dans la protection insultante de la scélératesse en
crédit , l'appui que la loi leur refusait , perdirent toute idée de
lenr dignité ; le crime puissant était honoré , la vertu sans appui
méprisée .
Mais la révolution a fait enfin commencer le regne des lois
et de la justice .
,, Un tyran comblé des faveurs d'un peuple crédule et confiant
, s'en sert pour organiser la guerre civile , rappeller le
fanatisme , amener la famine et tous les fléaux destructeurs de
l'humanité, sur une nation qui n'avait eu d'autres torts que celui
de croire à ses sermens ; il en était fait de la liberté ; la révolution
n'aurait servi qu'à river nos fers , sans l'énergie du Peuple
Français et de ses représentans , donnant à l'Univers étonné un
grand exemple de justice nationale sur la personne -d'un roi
parjure. Le 21 janvier rappellera à tous les hommes investis de
grands pouvoirs , dépositaires d'une grande confiance , que la
loi les atteindra , quelque part qu'ils soient placés , s'ils en
abusent.
Les autres époques de la révolution ont servi à proclamer
les principes de liberté et d'égalité ; celle - ci a consacré ceux
de la justice qui frappe avec sévérité un coupable accoutumé à
l'impunité.
,, Que l'amour sacré des lois anime tous les coeurs ! que
la crainte salutaire de la justice comprime tous les ambi
țieux et les traîtres ! èt la liberté sera affermie sur des bases
inébranlables. }
" En effet , la liberté ne serait qu'une chimere là où un seul
citoyen pourrait être un instant au-dessus des lois ; l'égalité
n'existerait pas même en apparence parmi les citoyens , il n'y
aurait plus que le niveau de l'esclavage ; mais le Peuple Français.
a juré d'être libre ; il a déclaré une guerre à mort à toute espece
de tyrannie ; sa volonté toute-puissante a fait disparaitre
les fourbes et les insensés qui ont tenté de s'y opposer. Le'
regne des lois et de la justice éternisera une révolution deszinée
à fonder la République Française et à faire le bonheur de
l'humanité .
Le canon se fait entendre , les cris de vive la Liberté !
vive la République ! vive la Contention nationale accom
pagnent les représentans du peuple jusqu'au lieu de leurs
séances .
L'Assemblée rentre dans la salle , aux cris de vive la Répu
blique ! et au bruit des fanfares .
Rivier- Gérente : En ce jour doit expirer le terrorisme . Le
royalisme est expiré ; mais le terrorisme subsiste encore. Deux
( 59 )
de nos collégues , séduits par leur sensibilité , vous ont preposé
, l'un une amnistie , et l'autre l'abolition de la peine de
mort. De pareilles mesures ne peuvent être adoptées dans ce
moment ; il faut qu'ils disparaissent du globe , ceux qui ont
corrompu la morale publique et érigé l'assassinat en profession.
Les mânes de nos collégues égorgés par eux planent
dans cette enceinte , et demandent vengeance . Je demande
que la Convention déclare 1º . qu'elle fera justice des auteurs
du terrorisme , 2 ° . qu'elle porte une peine contre ceux qui
provoqueraient le retour du terrorisme ou du jacobinisme ,
30. qu'elle décrete une fête pour consacrer la jouruée du 10
thesmidor.
Merlin ( de Thionville ) s'oppose aux deux premierés propositions
, parce qu'il les voit gravées dans le coeur de tous ses
collégues. Il ajoute qu'un tems viendra où il faudra être juste
envers les morts , et jetter des fleurs sur la tombe de Phelipeaux ›
et de Camille- Desmoulins , et de beaucoup d'autres vietim s
que l'ancien despotisme a sacrifiées à sa fureur et à son orgueil .
Merlin appuie la troisieme proposition , et demande qu'une
colonne soit élevée dans Paris pour perpétuer le jour où la
justice est venue enfin s'asseoir à côté de la liberté..
Legendre craint qu'on ne donne à Robespierre une impor
tance qu'il ne mérite pas . Il l'appelle l'écolier du crime , et il
reclame l'ordre du jour.Tallien répond que ce n'est pes célébrer
Robespierre , que de célébrer la journee du 10 thermidor. It
dit que la colonne ne fera point mention de lui , mais de l'époque
du retour de la justice , du jour où la Convention a
repris son indépendance et la liberte d'opinion . Elle sera un
monument qui avertira leurs successeurs de se préserver à jamais
de l'oppression qui a régné sur eux et du danger des
grandes popularités et des réputations usurpées . Tallien est
très -applaudi , et la Convention décrete que l'anniversaire du
10 thermidor sera célébré par une fête . La musique tèrmine la
*séance.
Séance de tridi , 3 Pluviôse.
Les représentans du peuple près les ports de Brest et de
Cherbourg annoncent l'arrivée de deux nouvelles prises dans
le port de l'Orient. Voyez les Nouvelles officielles .
Organe du comité des finances , Cambou à fait nn rapport
sur les moyens de diminuer la masse des assignats en circulation
; ils sont au nombre de quatre : 1º. une loterie
combinée de maniere à ne faire craindre aucune perte à ceux
qui s'y intéresseraient , en leur assurant la rentrée de leur mise
convertie en bon au porteur , avec trois pour cent d'intérêt ,
dans le cas où ils n'y gagneraient pas ; 2º . une invitation aux
acquéreurs de biens nationaux à payer les termes non échus
en leur accordant une prime ; 3° . l'accélération de la vente da
"
E 2
( 60 )
mobilier des émigrés ; 4° . le reglement avec les parens des
émigrés de ce qui peut leur revenir et de ce qui doit rester à la
République.
Le premier moyen ferait retirer de la circulation quatre
milliards d'assignats , le deuxiemu huit cent millions , le troi
sieme neuf cent , et le quatrieme cinq cent.
La loterie serait de quatre millions de billets de mille livres ,
compris en quatre séries , depuis le n°. 1 jusqu'à 1,000,000 ,
les billets seraient divisés en coupons de moindre somme , pour
ep faciliter la circulation parmi un plus grand nombre de citayeus
, et la loterie serait établie de maniere à no présenter
aucune perte à ceux qui s'y intéresseraient , et ils auraient en
outre l'expectative avantageuse de plusieurs lots qui servient
répartis entre les actionnaires par la voie du tirage au sort . Les
chances que
donnerait le tirage , seraient quatre lots de
500,000 livres , 36 de 150,000 , 350 de 100,000 , 3 600 de
20,000 , etc. , jusqu'à la concurrence de quatre milliards et
au- dessus . Les assignats rentrés par la voie de cette loterie
seroient brûlés comme ceux rentrés par la vente des domaines
nationaux . Le paiement des lots serait fait avec des bous
au porteur , produisant un intérêt à trois pour cent , हैं
compter du jour du tirage , et ces bons pourraient être émployés
, à la volonté du porteur , soit à solder des domaines
nationaux , soit en nouvelles acquisitions ; mais en
y ajoutant moitié en sus de leur valeur , en assignats . Ils
pourraient aussi être employés seuls en acquisition de maisons.
dans les villes au- dessus de trente mille ames.
Gambon a terminé en présentant pour l'exécution de ces
différens moyens des projets de décret dont l'Assemblée a
Ordonné l'impression et l'ajournement à quatre jours aprés la
distribution .
Cambacer ès , au nom des comités de salut public , de sûreté
générale et de législation , fait le rapport attendu sur le famille
Capet . Il expose que jusqu'ici la prudence avait écarté cette
question , mais que les circonstances actuelles paraissent exiger
qu'elle soit examinée , autant pour tromper les espérances cri .
minelles ou déjouer des manoeuvres perfides , que pour fixer
l'opinion du peuple , en manifestant les diverses considérations
qui peuvent l'éclairer. Il n'y a que deux partis à prendre sur les
individus dont il s'agit , les rejetter du territoire de la République
, ou les y retenir en captivité . En les retenant , il est à
craindre qu'ils ne soient une source de désordres et d'agitations ,
un prétexte pour les malveillans de calomnier la Convention.
Si où les bannit , l'on met entre les mains de nos ennemis
up dépôt funeste ; un sujet de guerre , un point de ralliément
aux lâches déserteurs de leur patrie. Telles sont les pensées
qui s'offrent à quiconque veut porter son attention sur ecute
affaire .
( 61 )
Cambacérès sommet ensuite à l'Assemblée les motifs qui ont
déterminé l'avis du comité . Si le dernier des rois de France eût
pu voir ses desseins accomplis , qu'il eût amené sou fils et son
heritier avec lui lorsqu'il teuta de s'évader , et que par la valeur
de nos troupes , cet héritier fût tombé au pouvoir de la Répu
blique , le rendrions nous ? Non , sans doute . Eh bien ! puisque
nous l'avons entre nos mains , suivons la route qui nous est
tracée par la sagesse et par l'énergie . La sagesse veut que nous
soyons défians ; l'énergie , que nous frappions tous les ennemis
de la liberté. Avec la force du peuple , le courage de ses réprésentans
et les triomphes de nos troupes , que reste-t -il aux
royalistes ? la confusion et le désespoir . C'est donc sur la raison
autant que sur l'intérêt public qu'est fondé l'avis de vos comités ,
Il y apeu de danger à tenir en captivité les individus de la
famille Capet ; il y en a beaucoup à les expulser. L'expulsion
des tyrans a presque toujours préparé leur rétablissement , et si
Rome eût retenu les Tarquins , elle n'aurait pas eu à les combet
re
Gambacérès propose de décréter que sur la proposition de
faire un rapport concernant les individus de la famille Capet ,
astuellement en France , l'Assemblée passe à l'ordre du jour.
La Convention adopte à l'unanimité le projet de décret , et
ordonne l'insertion du rapport et du décret dans le bulletin de
correspondance.
Brival réclame la liberté des opinions , et il lit un discours
dans lequel il établit une opinion toute opposée à celle des
comités. Il pense qu'après avoir coupé l'arbre , il faut
en exti per les racines. Il fonde son opinion sur l'exemple
des Romains qui bannirent jusqu'au dernier des parens de
Tarquio. Cette opinion n'a pas de suite , et l'Assemblée mainlient
son décret..
Boissy d'Anglas , au nom du comité de salut public : La
loi qui supprime le maximum maintient les requisitions dé
grains pour l'approvisionnement des marchés jusqu'au 4 pluviôse
; cependant beaucoup de cultivateurs sont en retard ,
ensorte que l'approvisionnement des armées et celui de Paria
devient impossible si l'on n'y pourvoit . Il propose de décré
ter la peine de l'incarcération contre les cultivateurs en retard
. Plusieurs membres expriment leurs craintes de renou.
veller par cette mesure la classe des suspects , et de remplir
les prisons de cultivateurs . Ils demandent qu'on substitue l'amende
et la confiscation à l'incarcération . Le projet de décret
a été adopté avec l'amendement. Le delai pour les requisitions
ira jusqu'au 10 germinal .
Séance de quartidi , 4 Pluviose,
Bourdon de l'Oise ) , par motion d'ordre Les patriotes
s'étonnent de voir que le royaliste Lacroix qui a voulu assassiner
E 3
( 62 )
•
l'opinion publique, n'ait pas encore disparu du sol de la liberté.
Je demande que le tribunal qui a jugé Morin , soit investi da
pouvoir de juger aussi révolutionnairement Lacroix.
Pelet pense que les principes ne permettent pas de traduire
ainsi les acusés devant un tribunal criminel . Il craint que
si l'on se laisse entrainer par des motifs particuliers , l'on
n'ait bientôt plus de regle. Il , demande le renvoi au comité
de législation . Thuriot s'oppose au renvoi . La motion de
Bourdon est décrétée .
Merlin de Thionville ) demande , pour la veuve Phelippeaux ,
la suspension de la vente d'une maison qui appartenait à
son mari , et des secours . Lecointre appuie la seconde partie
de la proposition et en propose le renvoi au comité des secours
; ce qui est décrété.
Thibaut , au nom du comité des finances , fait décréter
l'augmentation du traitement des fonctionnaires publics suivant
cette progression : ceux qui ont 1000 liv. par mois ,
n'aurent aucune augmentation ; ceux qui ont 800 liv . , recevront
80 liv. de plus par mois ; ecux qui ont 600 , recevront
120 liv . de plus ; ceux qui ont 500 , recevront 150 liv . de
plus ; cenx qui ont 400 , recevront 160 liv . de plus ; ceux
qui ont 300 , recevront 150 liv . de plus ; ceux qui ont 200 ,
recevront 120 liv . de plus ; ceux qui ont 150 , recevront 105 1 .
de plus ; ceux qui ont 100 , recevront 80 v . de plus ; et ceux
qui ont 75 , recevront 67 1. to s . de plus. Cette augmentation
aura lieu à dater du er, nivôse dernier.
*
Pottier , au nom du comité de législation , expose que les tribunaux
militaires sont composés d'un président , un vice président
, un accusateur o įlitaire , un substitut , un jury de jugement
et un grefher. Le président et le vice - président exercent
leurs fonctions chacun séparément , c'est - à - dire , que l'un d'eux
seulement assiste au jugement d'une affaire . La Convention a
prévu le cas où l'accusateur qui requiert l'application de la loi
et le président qui la prononce ne s'accorderaient pas sur la
peine applicable au délit. La loi veut alors que le président , le
vice-président et le substitut se réunissent pour délibérer en
commun et sans désemparer ; mais il est un autre cas qui n'a pas
été prévu , c'est celui où l'un des trois officiers qui doivent se
réunir est absent ou malade . Restraints à deux , ii pourrait y
avoir partage d'opinious , un troisieme est donc absolument
necessaire ; mais la loi se tait sur celui qui doit templacer l'absent
ou le malade .
Le c. mité a pensé qu'il était indispensable de maintenir la
disposition de la loi qui exige la réunion des trois officiers , et
pour en assurer l'exécution , il a eru que celui des trois qui
pour des raisons légitimes ne pouvait être appellé sur- le-champ .
devait être remplacé par un officier de police militaire , autre
que celui qui aurait commencé l'instruction au choix des deax
autres.
H
( 63 )
Le rapporteur propose en conséquence , d'après ces bases ,
un projet de décret qui est adopté.
• Saladin , au nom de la commission des vingt-un soumet
ane difficulté qui s'est élevée dans son sein . Il s'agit de savoir si
elle doit se borner à l'examen des pieces qui lui ont été remises
par les comités , ou s'ils peuvent l'aider de toutes les lumieres
propres à éclairer leur conscience et s'envirouner de tous les .
geures de preuves tant à charge qu'à décharge.
Merlin ( de Douai ) observe que l'iutention de la Conventien
n'a point été , en décrétant cet article de la loi , d'empêcher
la commission de recevoir , recueillir et rechercher toutes les
pieces à charge et à décharge , propres à éclairer la conscience
et à fixer son opinion sur les faits dont elle doit connaître , et sur
lesquels elle doit faire un rapport , mais seulemeut de s'opposer
qu'elle ne reçût des pieces tendantes à dénoncer des faits autres
que ceux sur lesquels les com tés auraient déclaré qu'il y avait
lieu à examen. Il propose de passer à l'ordre du jour motive sur
son observation . Ce projet est adopté .
V
sur Pelet , au nom du comité de salut public , fait un rapport
la situation des Colonies . Il retrace les malheurs qui les ont
désolées et les fautes nombreuses qui y ont été commises . It
propose l'envoi de représentans du peuple sur les lieux .
Bailleul regarde cette demande comme prématurée . Il pense
qu'avant tout il faut rechercher et connaitre les auteurs des
désastres des Colonies . Dans cette affaire , les mêmes indivi·lus
sont accusateurs et accusés . Polverel et Santonax imputen les
malheurs des Colonies aux Colons qui sont ici , ceux - ci les leur
attribuent. L'on doit donc les entendre contradictoirement, et la
lumiere sortira de ces débats . Bailleul demande que sous trois
jours la commission des Colonies entende les uns et les autres
que les débats soient recueillis , imprimés et distribués , et que
la discussion du projet da comité soit ajournée jusques - là . Ces
propositions sont décretées . Cependant comme la motion de
Bailleul n'était relative qu'aux Antilles , et que les mesures du
comité comprennent les Indes orientales ; sur la proposition de
Gouly , la Convention ouvrira la discussion à ce sujet nonidi
prochain.
Séance de quintidi , 5 Pluviose.
Bourdon ( de l'Oise ) propose ue nouvel acte de bienfaisance
que sollicite la rigueur du froid ; après avoir retracé les maux qu'a
produits le terrorisme , il demande que le linge , hardes et
meubles à l'usage des veuves et enfans des condamnés , qu'ils
prouveront leur appartenir , leur soient rendus sans caution er
sans délai , et que l'exécution de ce décret soit confiée à l'administration
des biens nationaux .
Clausel appuie la proposition de Bourdon ; mais il desire que
&
E 4
( 64 )
la rédaction qui peut offrir des difficultés soit renvoyée au comité
de législation . Adopté.
། ་ 1..
Un secrétaire donne lecture d'nne lettre de Lacroix qu'an
décret d'hier a renvoié devant le tribunal criminel du département
de Paris . Il demande quelques exemplaires de son onvrage ,
d'après lequel on I accuse d'avoir provoqué le rétablissement de
la royanté , pour les jurés , son défenseur et lui- même , Il ajoute
que ceux qui l'ont assimilé à un assassin ne l'ont pas lu . Renvoyé
au comite de sûreté générale .
Merlin de Thionville ) dit que les écoles normales sont
en activité et que l'on doit en attendre les plus grands succès ,
Le local de Sorbonne leur avait d'abord été destiné ; mais
les réparations ne sont pas faites et coûtéront beaucoup . Elles
sont placées en attendant au Jardin des plantes , c'est- à - dire
à une extrémité de Paris , tandis qu'il existe dans son centre
un local plus convenable et plus spacieux . Merlin demande
que la salle des jacobins soit consacrée aux écoles normales ,
et que
les comités des finances et d'instruction publique soient
autorisés à faire les dépenses nécessaires pour rendre ce local
propre à ce nouvel usage .
La proposition de Merlin est à l'instant décrétée au milieu
des applaudissemens.
1 1
Il reprend la parole pour annoncer qu'étant sur son départ
pour l'armée du Rhin , il doit assurer à la Convention
que cette armée est invariablement attachée aux principes
qu'elle professe depuis le 10 thermidor. Tous ces braves
guerriers veulent la justice et l'humanité , et ne connaissent
pas d'autre point de ralliemeut que la Convention nationale .
Il desirerait que chacun de ses collegues pût se trouver sous
une des baraques où les soldats attendent chaque jour le
signal de la victoire , et fût témoin de leur conversation , il
se croirait à la Convention nationale elle - même . Merlin demande
l'insertion au bulletin de ces observations . Décrété .
Fréron demande la mise en liberté provisoire du général
Servan déreau à l'Abbaye depuis quaterze mois , et qu'il soit
renvoyé par devant le comité de salut public pour l'examen
de sa conduite , et la reddition de ses comptes en qualité
de ci-devant ministre .
Duhem s'informe si c'est le ministre Rollandin , et sur la
réponse affirmative , il déclare ne pas s'y opposer , parce qu'on
ne peut empêcher que les aristocrates triomphent . Plusieurs
membres : Duhem insulte l'Assemblée ….. A l'Abbaye . La proposition
de Fréron est décrétée .
Le représentant du peuple Blutel écrit de Rochefort , qu'il a
rempli les intentions bienfaisantes de l'Assemblée , en ordonnant
, en conformité de son décret d'amnistie , la mise en liberté
de cent trois habitans de la Vendée détenus à Rochefort et
qui n'avaient point porté les armes contre la République . La
( 65 )
société populaire et les autorites constituées réclameront leur
élargissement. Blutel demande la confirmation de son arrêté,
Adopté.
Séance de sextidi , & Pluviôsę.
Lakanal , an nom du comité d'instruction publique , propose
de faire participer les instituteurs et éleves des écoles
normales , au décret qui accorde une augmentation de traitement
aux fonctionnaires, publics . Renvoyé au comité des
Enances.
Une grande agitation se manifeste dans l'Assemblée ; tous
les membres s'élevent spontanément , en criant : Vive la République
Le président cherche à maintenir l'ordre. Un membre
lui annonce l'empressement qu'a l'Assemblée de connaître les
détails des nouvelles heureuses qui se répandent. Le président
dit qu'il vient d'envoyer au comité de salut public . Carnos
paraît et donne lecture de la lettre écrite d'Amsterdam le s
au comité de salut public par les représentans du peuple près
les armées du Nord et de Sambre et Meuse , Ils annoncent
que nous sommes à Amsterdam , que toute la Hollande est à
nous , et que le statdhouder est en faite , Les avantages de cette
brillante conquête sont immenses . Elle nous donne des tresors
, des magasins , des vaisseaux , et dans les affaires politiques
et commerciales de l'Europe une prépondérance dont il est
impossible de calculer les effets et les suites . Nous avons été
bien accueillis par les Hollandais , qui ont mis dans leur réception
de la franchise et même de la cordialité.
Carnot propose de déclarer que les deux armées du Nord
et de Sambre et Meuse n'ont pas cessé de bien mériter de
la patrie , Des applaudissemens
unanimes l'ont souvent interrompu
. L'Assemblée
se leve toute entiere pour adopter le
déeret . Un membre dit que nos armées ont usé ce glorieux
protocole . Il desire que la Convention
invente une nouvelle
maniere de témoigner
notre reconnaissance
aux deux armées
victorieuses .
Bourdon de l'Oise ) pense que nos freres d'armes qui
gravissent les Alpes et les Pyrénées ont autant de peine que
ceux qui ont fait la conquête de la Hollande . 1
Carnot : L'armée qui a le plus souffert est celle de la Vendée .
Une distinction honorable pour l'une serait injurieuse pour
l'autre . Je demande l'adoption du projet du comité . Il est
adopté au milieu des plus vifs applaudissemens .
( Voyez les Nouvelles officielles. )
( 66 )
PARIS . Nonidi , 9 Pluviôse , 3º . année de la République
re-
La campagne la plus étonnante , la plus féconde en
succès , et dont les fastes de l'histoire n'ont jamais
fourni aucun exemple , vient d'être terminée dans le
Nord par la conquête entiere de la Hollande . Tandis
que le froid le plus rigoureux se faisait sentir à Paris ,
et suspendait presque tous les travaux , nos troupes
infatigables , bravant des rigeurs plus excessives encore
les faisaient servir à de nouveaux triomphes ,
et surpassaient en efforts et en courage tous les pro-
' diges que les armées de Gustave et de Charles XII ont
montrés une fois en un siecle . Ce qu'il est bon de
marquer , aujourd'hui que la vérité n'est plus un crime ,
c'est que ce sont ces muscadins , si outrageusement dénigrés
dans un tems par ces lrommes à terreur , aussi lâches
que féroces , qui ont donné par - tout l'exemple de la
patience , de la discipline et de l'intrépidité la plus
soutenue. Cette remarque peut servir à faire connaître
de plus en plus l'esprit de cette faction qui était par- i
venue à tout calomnier , à tout diviser , à tout détruire ,
et qui a constamment agi comme auraient fait les plus
grands ennemis de la République .
Les précautions prises pour mettre la Hollande à
l'abri de toute invasion n'ont fait que la rendre phis
facile. Les inondations converties en glaces ont comblé
tous les canaux et applani la route qui eût été impraticable
. L'accueil que l'on a fait à nos troupes avait été
prévu . Il y a toujours eu en Hollande un parti considérable
en faveur de la liberté . Quand on parcourt
l'histoire des révolutions des Provinces - Unies , on voit
que ce qui a nui constamment à leur indépendance , cà
été d'une part l'influence des grands , toujours dévoués
au statdhouder , et de l'autre la populace qu'il est plus
aisé de corrompre que d'éclairer sur ses véritables inté
rêts. Quand la liberté s'est offerte plus d'une fois à la
Hollande , ce sont ces deux classes qui l'ont toujours
repoussée . L'amour de l'indépendance n'était que dans
la classe moyenne , parce qu'elle est par-tout la plus
instruite , et par conséquent la plus disposée à goûter
les principes de liberté.
Nous ne savons point si la Hollande laissera échapper
cette nouvelle occasion de briser le double joug du
( 67 )
stathouderat et de l'Angleterre qui depuis long-tems avait
étendu son despotisme sur ces contrées qu'elle traitaît,
plus en sujets qu'en alliés . Ce qu'il y a de certain
c'est que les avantages de cette conquête sont inappréciables
pour la France . Elle ne met pas seulement
à sa disposition des trésors , des magasins immenses ,
des munitions de tout genre , des vaisseaux de guerre
et des bois de construction propres à augmenter notre
marine ; elle sera infailliblement un acheminement à
une paix générale ; elle était dans Amsterdam ; c'était - là
qu'il fallait triompher des intrigues de Pitt ; le succès
a répondu à notre attente . Quelles que soient les propositions
particulieres de la Hollande , il est probable
que la France gardera en nantissement des places fortes
et des ports avantageux à son commerce et à ses
approvisionnemens , jusqu'à ce que cette coalition
monstrueuse , formée à l'instigation du cabinet de
Londres , soit entierement dissoute .
Il sera curieux de voir comment Pitt qui s'est donné
tant de peine pour abuser le parlement et la nation
anglaise par ses mensonges et ses sophismes , parviendra
à lui déguiser l'échec que vient de recevoir sa préponderance.
Déja le parti de l'opposition dans les deux
chambres s'est élevé contre la politique odieuse et l'impudence
intrépide de ce ministre et a fait entendre la voix
de la vérité. C'est de la bouche même de Lansdown
que nous apprenons le nombre de nos victoires dans
la derniere campagne . Les Français , a - t - il dit , ont
réussi dans 23 siéges , ont gagné 6 batailles rangées ↳
pris 2803 pieces de canon , fait prisonniers de guerre
60,000 hommes des meilleures troupes de l'Europe ,
indépendamment de leurs dernieres victoires en Espagne
où ils ont pris 2 fonderies , et où il n'y a plus qu'une
seule ville forte qui ne soit pas en leurpouvoir. Qu'on
ajoute à cette énumération la conquête de la Hollande ,
et l'on aura la mesure des embarras de Pitt et des probabilités
d'une paix prochaine. Qu'elle se fasse avec les
puissances du continent , mais que la France répete
chaque jour ce que Scipion disait dans le sénat de Rome :
Delenda est Carthago . Il est tems que les deux mers soient
affranchies de la domination d'une puissance qui avait
mis le commerce des deux mondes au nombre de ses
droits exclusifs . Le moment n'est pas loin peut- être où
toutes les puissances commerciales de l'Europe sentiront
le besoin de se réunir contre leur ennemi commun et
de seconder les glorieux efforts de la France,
( 68 )
Il n'est pas tems encore de soumettre à l'opinion los
conditions d'une paix convenable ; mais les probabilités
s'accroissent de plus en plus . Toutes les gazettes étran
geres retentissent du voeu pour une prochaine pacification.
Dėja les barons de Staël et de Goltz sont à Paris
depuis quelques jours ; le premier , en qualité de ministre
de Suede ; et le second , de Berlin. On assure que le
citoyen Barthelemy , notre envoyé en Suisse , doit passer
à Berlin , en la même qualité. Le représentant du peuple,
Merlin ( de Thionville ) , est parti en même tems pour se
rendre sur les bords du Rhin. Les deux envoyés Hol
landais , Prandzen et Redelaer, paraissent devoir encore
prolonger ici leur séjour. Toutes ces circonstances font
présumer que les puissances coalisées sont lasses d'une
guerre où elles ont perdu tout à la fois leurs trésors , leurs
hommes et une partie de leurs possessions , et que les
négociations ne tarderont pas à s'entamer.
Les lettres de Toulon portent qu'on fait les plus grands
préparatifs pour l'expédition contre la Corse. Une division
de l'escadre de Brest ne tardera pas d'arriver dans ce port
pour renforcer l'escadre de la Méditerranée. Depuis quelques
tems , les vaisseaux ennemis n'ont pas reparu sur nos côtes ;
on croit qu'ils se sont retirés dans les ports de Bastia ét de
Calvi. Il est arrivé à Toulon un grand nombre de bâtimens ,
tous chargés de bled , venant de Constantinople et des isles
de l'Archipel . La tempête qui sépara six de nos fregates
sur les côtes d'Espagne , et les força de passer au milieu de
Pescadre anglaise avait retardé leur entrée ; quatre sont
déja mouillées dans la rade ; les deux autres , qui sont au
golphe de Juan , sont attendues tous les jours avec les autres
prises.
On écrit d'Abbeville que la maison de l'administration de
ee district vient d'être la proie des flammes. Dans la nuit
du 15 au 16 nivôse , le feu a éclaté avec violence ; tous
les papiers de l'administration sont brûlés , ainsi qu'une grande
quantité de sommes qui étaient déposées au district .
On écrit de Heusdia , en Hollande , que l'armée française
s'est emparée de douze vaisseaux de guerre à Bies - Bos . Voilà
Je premier exemple d'une armée de terre qui remporte à
pied une victoire navale il est vrai que les vaisseaux étaient
engagés dans la glace.
de
L'anecdote suivante , qui nous est envoyée par le comité
sûreté générale , avec invitation de l'insérer dans notre
( 69 )
feuille , prouve le danger d'approcher de près ou de loin
de la royauté et que le métier n'en vaut plus rien .
Un vieux procureur dans le district de Gonesse ) fait les
rois avec sa famille , il est monarque de la fêve ; le lendemain
matin sa majesté est trouvée morte dans son lit ; l'attribut
l'avait étouffée .
Geci rappelle le mot de Fontenelle. Après avoir tirẻ le
gâteau , il fut roi et mangea son morceau avant les autres .
Quoi , lui dit un convive , vous mangez si vite votre
royaume ? Oh ! nous autres , réprit - il , nous en usons ainsi.
Le rer . de ce mois , des citoyens du fauxbourg Antoine
el des ouvriers des différens ateliers sont venus fraterniser
avec les patriotes qui se rassemblent au café de Chartres
palais ci -devant royal. Le lendemain dans le jardin du même
lieu , malgré la rigueur de la saison , une foule immense.
de citoyens de tout âge se rassemblerent vers les sept heures
du soir ; des jeunes gens y apporterent un mannequin qui
représentait un jacobin du 9 thermidor ; il portait une cou-
Tonne sur la tête , des cheveux plats et ronds , une figure
qui suait le sang , et dont les gouttes formaient des sillons
sur ces joues il était revêtu d'une chemise et d'un pantalon
rouges . De sa main gauche il semblait presser contre sa poitrine
un porte- feuille bien rempli , et de la droite il tenait
un poignard qu'il agitait en marchant. Il était porté sur un
trône semblable à celui sur lequel siégeait Robespierre lors-)
qu'il fut amené à la Conciergerie , ce trône était une chaise
de paille à bras.
Dans ses agitations , pendant sa marche , souvent il paraissait
se trouver mal ; sa bouche béante semblait indiquer la soif
dont il était dévoré .
1 Le mannequin arriva au Carouzel , où sont la tombe de
Lazouzky , le buste , la lampe et la baignoire de Marat ,
devant lesquels il parut s'incliner avec respect ; mais , arrivé
près du lieu des séances de la Convention , on le fit mettre
à genoux pour y faire amende honorable et expiatoire . I
fut ensuite conduit à la cour des Jacobins , en face de la
porte principale là , un orateur lui reprocha tous ces projets
forcénés qu'il avait conçus et tous les forfaits dont il avait
souillé la France. A ce récit , l'indignation s'empare de tons
les esprits ; on s'arme de torches , on les applique sur toutes
les parties de ce corps qui sua tant de fois le crime . Il tombe
cendres ; et ces cendres , recueillies avec tout l'enthou
siasme d'une justice vengeresse , sont versées dans un grand
vase eu forme de pot- de- chambre , et portées en cérémonie
dans l'égoût Montmartre, aux acclamations de tous les assistans
. Sur l'égoût se voyait l'inscription suivante :
ens
Panthéon des jacobius du 9 thermilor.
Cette expédition s'est faite aux flambeaux , avec beaucoup
(270 )
鼻
d'ordre , de gaieté , au milieu des acclamations de vive la
Republique vive la Convention ! à bas les jacobins ! à bas les
terroristes à bas les buveurs de sang !
Des lettres de Marseille , en date du go nivôse , nous apprennent
que les terroristes relevaient la tête , et promettaient , sous
peu de jours , un nouveau 31 mai . Pour égarer le peuple , ils
répandaient le bruit que 100,000 hommes s'etaient levés dans les
provinces méridionales pour venir reinstaller les jacobins à Paris .
A Lyon , à la même époque , on tenait les mêmes propos . Quelques
officiers turbulens d'un bataillon de la Côte d'Or , des
signataires de la fameuse adresse de Dijon menaçaient de rétablir
le regne de la terreur . L'agent national de la commune de Lyon ,
et un membre du comité de surveillance , furent insultés par
ces perturbaters .
A la même epoque , on réorganisait la terreur à Bordeaux .
Dans le département de l'Ain , un reste de conspirateurs cherchait
à renouer les fils de la conspiration ; il était arrivé à
Paris des scélérats de tous les départemens , qui correspondaient
avec leurs complices.
Le comédien Derfeuille écrivait dans les premiers jours de
nivôse , à un de ses correspondans : Bientôt les jacobins triompheront
ils doivent agir avec prudence ; il faut savoir plier , ne pas
Tompre
Ces divers rapprochemens preuvent que l'hydre de la rebellion
n'est pas exterminé , et que les républicains doivent continuer
à poursuivre sans relâche tous les scélérats armés contre
la Convention .
Boisset , dans la glorieuse mission qu'il vient de remplir dans
les départemens de l'Ain et de l'Allier , a dévoilé les forfaits
des conspirateurs . Dans le rapport énergique qu'il a fait à la tribune
, il cite une lettre écrite par un comité de surveillance de
Moulins ; a Verd , l'un de ses membres , procureur près de lacommission
temporaire à Lyon , à qui il cuvoyait 32 victimes
destinees à alimenter la fuieur du parti sanguinaire . Voici les
expressions de cette lettre qui devrait être datée du pays des
antropophages :
Fais -les donc participer à l'honneur de la grande fusillade
dont la conception fait l'éloge de ton imagination révolutionnaire
, si tu en es inventeur . Nous pensons avec toi que cette
maniere de foudroyer les ennemis du peuple est infiniment
plus digne de sa toute puissance , et convient nieux pour venger
ca grand s souveraineté et sa volonté outragée , que le jeu mes
quin et insuffisant de la guillotine : ce dernier instrument n'est bon
que pour les tems ordinaires , et peut être encore employé pour
les petits criminels obscurs .
Ne te rejette point dans le labyrinthe des formes pour faire
juger nos brigands , prends le comité qui te les envoie comme
jury national , quia , sans aucun remords , la conviction intime
et morale de leur scélératesse profonde.
?
(.7%
19 Base donc sur ces pieces un bon jugement de condamnation
contre tous ces coquins , dont les vengeances seraient insatiables
, s'ils avaient un jour , par une cruelle fatalité , le dessus
sur nous ou même s'il leur était permis de marcher d'un pas
égal à nous , qu'ils regardent comme leurs oppresseurs , etc. ""
Lé général Duhem , qui était destiné pour commander le
corps de troupes qui doit partir incessamment pour Brest ,
a été arrêté à Aix- la - Chapelle ; on attribue son arrestation à des
contributions qu'il a lui-même imposées , et dont il n'a rendu
aucun compte. On le soupçonne même d'avoir entretenu avec
l'ennemi des correspondances , à cause d'un grand nombre de
trompettes qu'il a reçus chez lui pendant sou sejour à Cologne .
Il a été conduit à Paris .
Observations météorologiques par le citoyen Lalande.
Le froid qui , jusqu'au 29 n'avait pas passé 10 dégrés et
demi , a été le 1er . pluviôse à 11 , le 2 à 11 et demi , le 3
il était un peu diminué , et n'alla qu'à 9 et demi , cela don- ,
nait des espérances , mais le matin du 4 pluviose il a descendu
jusqu'à 16 , ce qui approche du plus grand froid qu'il
y ait eu dans ce siecle- ci : pnisqu'en 1709' il m'a été qu'à 15 ,
et en 1788 à 17 et demi .
On m'a prêté dans Paris des prédictions à ce sujet , je n'en
ai fait aucune , je n'ai pas même hazardé des conjectures :
on semblait esperer un bon effet de la nouvelle lune ; j'ai
dit publiquement à mes auditeurs au college de France , que
je ne croyais pas à cet effet des phases de la lune . Il est bien
vrai que la période de 18 ans a paru quelquefois s'accorder
avec les années chaudes et froides , seches et humides ; mais
en deça des montagnes qui séparent la France de l'Espagne et
l'Italie , les causes locales , les vents , les neiges , dérangent
beaucoup l'influence des causes générales , et les rendent souvent
méconnaissables .
Au reste , c'est vers le 5 janvier qu'arrive généralement le
plus grand froid à Paris ; c'est du 25 décembre au 5 février
que s'étendent les 40 jours les plus froids de l'hiver , ainsi
nos espérances ne peuvent être bien éloignées .
a Le terme du grand froid , présumé par Lalande
été abrégé de plusieurs jours . Le 7 pluviose au matin , ie
thermometre était remonté par une pluie mêlée de
givre qui se glaçait en tombant. Le soir , toutes les rues
furent Couvertes d'un verglas qui ne permettait
ni aux hommes ni aux chevaux de marcher sans courir
le plus grand danger. Dans la nuit, un vent du sud et une
pluie abondante avaient commencé à fondre les glaces ,
et le lendemain les rues de Paris ont été presqu'entiérement
nettoyées .
( 72 )
NOUVELLES OFFICIELLES.
2
"
ARMÉE DU NORD IT DE SAMBRE ET MEUSE.
Amsterdam , l'an 3. de la République Française.
Citoyens collegues , la conquête des Provinces - Unies se
continue aussi heureusement qu'elle a commencé . Les pro
vinces de Gueldre , Utrecht et Hollande sont au pouvoir de
la République . Gertruldemberg , Villiamstadt , Gorcum et
Dordrecht ont capitalé . Les froids sont toujours excessifs ;"
mais la constance des armées à suivre le cours de leurs bril
lantes conquêtes , est toujours la même. La nuit comme le
jour , elles bravent les injures de la saison ; elle font rouler
les canons et les caissons sur le Vaal et le Leck comme sur
la terre ferme , et fout servir ainsi les fleuves glacés à fou-
Aroyer les remparts qui devaient les y engloutir.
Salut et fraternité.
Signes BELLEGARDE , GILLET , J. B. LACOSTE et JOUBERT, représentans
du peuple.
Amsterdam , le z pluviôse , l'an 3º, de la République Française. *
Nous sommes à Amsterdain , chers collegues on applandit
pendant long-tems ) , et toute la Hollande est au pouvoir de la
République . Les applaudissemens recommencent , les cris de
Vive la République se font entendre de toutes parts . ) Le stadhouder
fuit avec toute sa famille ( nouveaux applaudissemens ) , et si
quelques places fortes tiennent encore , elles ne tarderont pas à
ouvrir leurs portes ; on nous assure même que l'ordre en a été
donné par les états - généraux . ( Les applaudissemens redoublent
et se prolongent pendant très - long - tems . ) Nous attendons des
nouvelles officielles de l'entrée de nos troupes la Haye , pour
nous ytransporter et prendre les mesures provisoires qu'exigent
les circonstances .
99 Les avantages de cette brillante conquête pour la Répu
blique sont immenses ; elle lui donne des trésors , des magasins ,
des chantiers , des vaisseaux , et sur- tout dans les affaires politiques
et commerciales de l'Europe , une préponderauce dont il
estimpossible de calculer les effets et les suites . ( Les cris de
Vive la Republique se renouvellent ; lajoie est universelle . ) Deux
d'entre nous vont se rendre à Paris , et vous communiquerent
verbalement une foule de détails, qui échappent nécessairement
à la correspondance écrite . ( Applaudissemens , ) Nous ne vous
parlons point de l'accueil brillant que nous avons reçu à notre
entrée dans Amsterdam ; nous croyons y avoir remarqué de la
franchise et de la cordialité . ( Nouveaux applaudissemens. )
Salut et fraternité ,
13
Signés , BeLLEGARDE , GILLET , J. B. LaCosve erJOULERT ", "repré-"
sentans du peuple.
( N°. 27. )
MERCURE FRANÇAIS .
QUINTIDI 15 PLUVIOSE , l'an troisieme de la République.
( Mardi 3 Février 1795 , vieux style . )
VERS à Mde. C** , pour ta prier de me fairepasser le Mercure,
D
' UN Dieu que je chéris , du séduisant Mercure ,
Long-tems Venus fixa , dit-on , les voeux :
Pour une plus douce aventure ,
Infia ce Dieu quitta la Déesse des jeux .
Les jeux et la beauté n'ont qu'un regne éphémere :
L'esprit et la raison sont toujours sûrs de plaire .
Mercure , dans son choix , plus sage et plus heureux ,
A Minerve offrit son hommage.
>
Puisqu'aujourd'hui ce Dieu suit votre douce loi ,
Ah ! de grace , daignez chez moi ,
Pour quelques courts instans , l'envoyer en message.
(Par BENOIT LAMOTHE . )
L'ACADÉMI
CHARADE.
' ACADÉMIE en vain proscrivit mon premier :
Le Publie révolté s'obstine à l'employer ;
Mon secoud est peu propre à traîner mon entier.
LOGO GRIPHE.
VEC mes quatre pieds , lecteur , je t'environne ;
On me trouve , sans le premier ,
Dans la Seine , dans la Garonne ,
Dans le Rhin , le Rhône et l'Allier :
Sans le second , je suis ville de France .
Retranche enfin l'avant-dernier,;
Le reste exclura l'abondance.
Tome XIV.
( 74 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
-
RECHERCHES SUR LA NATURE ET LES CAUSES DE LA RICHESSE
DES NATIONS , traduit de l'Anglais d'Adam Smith , sur la
derniere édition ; par A. Roucher . SECONDE ÉDITION ,
revue et considérablement corrigée ; augmentée d'une table
alphabétique très - ample . Cinq volumes in - 8° . de 2350 pages ,
imprimés sur caracteres de Cicéro - Didot . Prix . 30 liv . brochés
, et 41 liv . 5 sous , franc de port par la poste , pour
les départemens . A Paris , chez F. Buisson , libraire , rue
Hautefeuille , ' n° . 20 .
ON₂
Na dit , ce n'est pas sans raison , que les Anglais
ne savent pas faire un livre . Ce ne sont pas les matieres
premieres qui leur manquent ; s ont de l'instruction
, de la profondeur dans les idées , de l'analyse
dans le raisonnement et de l'énergie dans le style ; mais
ils manquent trop souvent de cet esprit de méthode
qui consiste à bien ordonner un sujet après l'avoir fortement
conçu . Ils ont eu de grands penseurs , des philosophes
éclairés , des esprits méditatifs ; mais ils n'auraient
pas fait l'esprit des lois.
L'ouvrage de Smith est un de ceux qui les a le plus
lavé de ce reproche. C'est une des belles conceptions
dont puisse s'honorer l'esprit humain. Le sujet était
neuf et vaste. Beaucoup d'écrivains s'étaient occupés ,
sur- tout en France , de différens objets d'économie politique
; beaucoup avaient senti que le travail , l'agriculture
et l'industrie étaient les véritables sources de
la richesse des nations ; mais aucuns n'étaient remontés ,
comme lui , aux élémens de ces richesses , n'avaient
porté aussi loin le développement et l'application des
principes , ni embrassé autant de rapports sur la cause
de la prospérité des peuples .
La premiere traduction de Smith , qui parut en France
il y a environ huit ans , eut beaucoup de succès , toute
incorrecte , obscure et inexacte qu'elle était ; un écrivain ,
connu par sa sagacité et par son enthousiasme pour les
progrès des sciences utiles et l'avancement de la raison ,
en rendit compte dans ce journal d'une maniere digne
de l'ouvrage. Cependant ceux qui pouvaient lire Smith
dans sa langue , et ceux qui étaient privés de cette res(
75 )
•
source , desiraient une traduction plus fidele , plus élégante
et plus propre à rendre les disciples de Smith plus
nombreux parmi nous . Roucher l'entreprit , et elle parut
en 1790 , en quatre gros volumes in - 8° . L'ouvrage devait
être suivi d'un volume de notes par Condorcet ; nul n'était
plus capable que lui de joindre ses méditations à celles
du philosophe Anglais.
La nouvelle édition a été soigneusement revue et
corrigée par le traducteur pendant sa déplorable captivité.
On y a joint une table analytique et alphabétique
, très ample et très - commode , où , au moyen du
mot caractéristique , l'on facilite anx lecteurs la recherche
des nombreuses matieres répandues dans le
cours de cet ouvrage .
2
Il n'est plus besoin d'en faire aujourd'hui l'analyse ;
c'est en ce genre un de ces livres classiques qui doivent
être le manuel de tous ceux qui sont appellés à méditer
sur les grands objets qui intéressent l'ordre et le bonheur
de la société . Si les principes qu'il contient eussent
été plus familiers , on se serait garanti d'une infinité de
fautes graves qui ont laissé après elles des effets si funestes
, teiles sur- tout que la taxe du prix des denrées ,
les entraves mises au commerce , la trop grande abondance
de papier - monnaie , etc. L'auteur prouve avec
cette évidence que méconnaissent les esprits vulgaires ,
ignorans ou mal intentionnés , que le plus sûr moyen
de produire la disette au milieu de l'abondance , et
de faire surhausser le prix des denrées , c'est de les soumettre
à un maximum , d'en gêner la circulation , de
mettre les objets de commerce et d'approvisionnemens
entre les mains du gouvernement.
Nous ne terminerons point cet article sans faire
quelques réflexions sur la destinée malheureuse de
l'annotateur et du traducteur de Smith . Condorcet , qui
préparait des observations précieuses sur un ouvrage
aussi profond , a péri au fond d'un cachot , sans pouvoir
échapper à la fureur des proscriptions . Roucher n'est
sorti du sien que pour aller grossir la foule des victimes
égorgées par les plus cruels et les plus méprisables
tyrans . Son crime devait être impardonnable ;
il aimait la liberté pour elle -même , il hassait toute
espece d'oppression , et il avait des lumieres et des
vertus .
Roucher , né à Montpellier , était venu fort jeune à
Paris. Il y apporta cette imagination ardente et sensible,
FL
4
( 76 )
et cet enthousiasme pour la poésie qui semble être un
fruit indigene des climats méridionaux ; il avait pour
toute ressource quelques pieces de vers et les essais
d'un poëme sur les mois . Ses talens le firent bientôt
connaître dans un pays où , malgré les préjugés de l'orgueil
et l'insupportable vanité des conditions , le mérite
mettait quelquefois les hommes à leur place , et décrétait
pour eux l'égalité que ne donnaient ni la fortune
ni la naissance . D'après les conseils des gens de lettres ,
il refit à neuf son poëme des mois qui obtint un grand
succès dans les sociétés où il en fit la lecture , mais
qui en perdit un peu lorsqu'il fut livré au jour de
l'impression , destinée assez fréquente des productions
beaucoup trop prônées avant que d'avoir eu le pnblic
pour juge.
Ce poëme avait tous les défauts du sujet. La plupart
des mois n'ont pas entre eux des nuances assez distinotes
pour imprimer à chaque chant un caractere particulier.
En morcelant ainsi son poëme par une distribution de
parties trop multipliées , l'auteur s'était privé de l'avantage
des grands tableaux que lui auraient offerts les saisons
ou les géorgiques , et il s'était imposé des entraves
dont le moindre inconvénient était de ne pouvoir le
garantir d'un peu d'uniformité et de monotonie . Cepen- -
dant les amateurs de la grande poésie y trouverent une
foule de beautés de detail et de descriptions pleines de
richesses , de couleur et d'images . Ce poëme a pris sa
place parmi le petit nombre de productions de ce
genre qui ont un caractere et qu'on aime à relire malgré
ses imperfections ..
Roucher a fait encore quelques odes où l'on retrouve
le même talent et les mêmes défauts : en général , il
avait plus de verve et d'enthousiasme que de goût ; il
recherchait l'énergie de l'expression , et n'évitait pas
toujours la dureté . Son dessin était ferme , sa touche
large , mais il manquait de cette mollesse qui adoucit
la sévérité du trait et de la grace plus belle encore que
la beauté ; il approchait plus de Michel Ange que du
Correge ; peut-être que ses défauts tenaient à l'éloignement
qu'il avait toujours eu pour cette école maniérée
qui a si souvent affaibli le langage poétique à force de
recherche et d'élégance , et qui a pris le talent de versificateur
pour celui de poëte.
Ses qualités morales l'ont fait estimer de tous ceux
qui ont été à portée de le connaître. Il était bon mari
( 77 )
bon pere , bon ami . Son caractere était franc et libre
il avait dans les sentimens cette fierté qui ne connaît
ni les faiblesses de l'envie , ni les bassesses de l'intrigue .
Ces sentimens ne conduisent pas à la fortune , mais ils
apprennent à s'en passer . Il eut pour amis Turgot et
Malesherbes. Quand la révolution commença , il en embrassa
les principes avec ardeur ; mais quand il vit que
le crime les faisait servir à la tyrannie , son ame droite
et sensible s'en affligea ; les tyrans s'en souvinrent , et
il fut inscrit sur le livre des meurtres . Il ne leur donna
pas du moins le plaisir de jouir de sa faiblesse ; il mourut
avec le même courage qu'il avait mis à supporter le
malheur , sans ostentation , comme sans crainte . Ses dernieres
pensées ont été pour sa femme et pour ses en
fans . Daus la prison de Saint - Lazare , il fit de l'instruction
de son jeune fils son unique et sa plus douce occupation.
Le jour qu'il reçut son acte d'accusation , prévoyant
le sort qui l'attendait , il renvoya son cher Emile
à sa mere , et lui remit son portrait avec les vers suivans :
Ne vous étonnez pas , objets charmans et doux ,
" Si quelque air de tristesse obscurcit mon visage ;
» Lorsqu'un savant crayon dessinait cette image ,
On dressait l'échafaud , et je pensais à vous. " >
En jettant quelques fleurs sur sa tombe , nous avons
rempli un devoir qui nous est cher. Les tyrans passent
et ne laissent après eux qu'une mémoire chargée d'op- •
probre ; mais on se souvient avec estime de l'homme de
bien et de mérite , et s'il a péri sous le fer de l'iniquité
J'opinion reste pour faire justice de l'iniquité et pour la
rendre à ses victimes .
INSTRUCTION PUBLIQUE.
Suite de l'analyse de la premiere séance des Ecoles normales ..
Les professeurs ont pris entre eux l'engagement de ne
point lire ou débiter de mémoire des discours écrits . Ils
parleront , leurs idées seront préparées , mais leurs discours
ne le seront point, On sent que cette méthode a
de grands avantages pour ceux qui enseignent et pour
ceux qui sont enseignés. Les premiers sont plus en état
F 3
( 78 )
de juger de l'effet qu'ils produisent , et de donner à leurs
idées une autre forme s'ils s'apperçoivent qu'ils ne
soient pas entendus . Les seconds reçoivent une impression
plus profonde , et suivent avec plus de facilité des
leçons improvisées où les répétitions mêmes servent à
graver les objets dans le souvenir. 1
Le cours des Ecoles normales a été ouvert par
les mathématiques.
Leur enseignement est confié à Lagrange et
à Laplace ; c'est annoncer que cette partie des sciences
aurapour interprêtes les deux plus habiles mathématiciens
de l'Europe . Après avoir lu le programme dans lequel ils
exposent les principes et les objets dont leurs leçons
seront le développement , Laplace a annoncé que l'on ne
se propose pas ici de faire un cours complet de mathématique.
Un pareil cours exigerait plusieurs années . Nous
avons supposé , a-t-il dit à ses élèves , que vous apportiez
sur les diverses parties des sciences , des connaissances
au moins élémentaires , qu'il ne s'agit que de perfectionner.
En conséquence , nous vous présenterons un tableau
général de toutes les découvertes faites en mathématiques
.
Ce raprochement vous sera utile en vous indiquant
les vérités les plus fécondes , et la route la plus directe
qui peut y conduire .
" Ce rapprochement est utile , même à l'homme le
plus instruit , en lui offrant , sous un seul point de vue ,
l'ensemble des vérités qu'il connaît.
" On vous indiquera les meilleures sources où vous
pourrez puiser les détails que nous ne pourrons vous
donner à l'Ecole normale.
,, Cela même est un bienfait de l'établissement qui ,
nous rassemble ; car il est d'expérience qu'un grand
nombre de personnes , pour avoir été mal guidées dans
les sciences , ont consume sans fruit des efforts , qui
mieux dirigés , auraient été très - utiles ; d'ailleurs ,
suffit de lire les éloges des savans , pour savoir , que
souve t un bon ouvrage que le hasard a fait tomber dans
leurs mains , a décidé de leur vocation . "
il
Il a expliqué ensuite les principes élémentaires de
l'arithmétique , et a fait sentir tous les avantages que
le
calcul avait retirés de la simplification des nombres ; et
passant des signes numériques au méchanisme des
langues , il a fait voir que la langue philosophiquement
la plus parfaite , serait celle où l'on pourrait exprimer le
plus grand nombre d'idées par le plus petit nombre de
( 79 )
mots possible. Quoique les idées élémentaires sur l'arith ,
métique soient familieres au plus grand nombre , le talent
de l'homme supérieur se montre dans l'art de saisir de.
grands rapprochemens ; Laplace n'en a négligé aucun . Il
a montré , relativement aux fractions , de quelle utilité
il est que toutes les divisions de l'unité soient décimales ,
ce qui a déterminé la Convention a adopter ce systême
pour la fixation des poids et mesures .
Il paraît très- probable , a -t-il dit , que le nombre
des doigts est ce qui a déterminé l'arithmétique décimale .
Les hommes primitivement ont compté par leurs doigts
jusqu'à dix , mais de ce que cette arithmétique était
bonne dans l'enfauce des sociétés , est - elle maintenant la
meilleure ? Il a parlé ensuite de l'arithmétique binaire,
employée très - anciennement par les Chinois , et renouvellée
dans les derniers tems par Leibnitz. A cette occasion
, il a rappellé une des faiblesses de ce grand homme .
Leibnitz crut y voir l'image de la création . Il imagina que
l'unité pouvait teprésenter Dieu , et zéro le néant ; et
que l'Etre suprême avait tiré du néant tous les êtres de
cet univers , de même que l'unité avec le zéro exprime
tous les nombres dans ce systême de numération . Cette
idée plut tellement à Leibnitz , qu'il en fit part au jésuite
Grimaldi , président du tribunal des mathématiques à la
Chine , dans l'espérance que cet emblême de la création ,
convertirait au christianisme l'empereur d'alors , qui
aimait particuliement les mathématiques. Ce trait nous
rappelle le commentaire de Newton sur l'apocalypse .
" Quand vous voyez , a - t-il ajouté , les écarts d'aussi
grands hommes , écarts qui sont dus aux impressions
reçues dans l'enfance , vous sentez combien un systême
d'éducation libre des préjugés , est utile aux progrès de
la raison humaiue , et qu'il est beau d'être appellés
comme vous l'êtes , à la présenter à vos concitoyens dans
toute sa pureté , et dégagée déja des nuages qui l'ont
trop souvent obscurcie .
De tous les systêmes de numération , le systême duodécimal
lui paraît mériter la préférence ; mais l'inconvé
nient de changer.totalement et Farithmétique écrite
et l'arithmétique parlée , et nos livres et nos tables formées
sur le systême décimal , doivent engager à le
rejetter.
Hauy a succédé à Laplace. Il a lu le programme dé
son cours de physique . Il a expliqué d'abord la diffe
F 4
( 80 )
rence de la physique avec l'histoire naturelle . La pre-:.
miere a pour objet la connaissance des phénomenes de:
la nature , et des lois dont ils dépendent. Le but de la
seconde est de décrire les êtres , et d'indiquer les caractères
qui peuvent servir à les reconnaître , à les distin--
guer les uns des autres . Il a indiqué la méthode d'enseignement
à suivre dans les écoles primaires . L'art de
l'instituteur consistera à profiter et de l'attrait qu'a par
lui-même tout ce qui tient à la contemplation de la
nature , et de l'avantage qui résulte des notions que la
plupart des hommes ont acquises par l'observation journaliere
des phénomenes. Dans le cours qu'il annonce
il met à part ce qui rentre plus spécialement dans le
domaine de la chymie , et dans celui des sciences physico-
mathématiques.
On a remarqué dans ces premiers développemens , où
la plus grande clarté a été réunie à la profondeur , des .
idées infiniment justes sur la théorie et ses avantages
sur les systêmes . Le but d'une théorie est de lier à un
fait général , ou au moindre nombre de faits généraux
possible , tous les faits particuliers qui en dépendent.
Il a montré que l'observation devait toujours accompaguer
la théorie , pour concourir également à la certitude
et au développement de nos connaissances . Chacune
a son flambeau à la main. L'observation dirige la
lumiere du sien sur chaque fait en particulier , de maniere
qu'il soit bien éclairé et qu'il se présente sous sa
véritable forme . La théorie répand la lumiere sur l'ensemble
des faits ; et à la clarté de son flambeau , tous
ces faits d'abord épars , et qui semblaient n'avoir rien
de commun entr'eux , se rapprochent ; ils prennent tous
un air de famille , et semblent n'être plus que les différentes
faces d'un fait unique . Rejettant ensuite les systêmes
comme marchant au hasard , toujours errans dans
les à-peu-près , incapables de déterminer aucun fait avec
précision , il a fait voir que le systême est le roman de
la nature , et que la théorie en est l'histoire , et une
histoire qui , sans jamais cesser d'être fidelle à la vérité ,
embrasse à- la-fois le passé , le présent et l'avenir.
Il a donné des notions des propriétés ou qualités des
corps solides qui sont l'étendue , l'impénétrabilité , la
divisibilité. En expliquant la formation des cristaux ,
dont il avait déja imprimé une savante théorie dans
un ouvrage devenu classique en ce genre , il a rappro
ché les résultats de la géométrie de la nature , de ceux
( 81 )
de la géométrie de l'homme , et a indiqué les points
communs qui les lient entr'elles , er les différences qui
les séparent ; et joignant l'exemple des faits à la théorie ,
il a mis sous les yeux des éleves les différentes especes
de cristaux dont il a déterminé les formes.
Les élémens de la géométrie descriptive ont été developpés
par Monge. C'est une matiere tout-à- fait neuve
et intéressante. Après en avoir fait sentir l'utilité géné
rale , il a dit que cet art a deux objets principaux :
Le premier est de représenter avec exactitude , sur
des dessins qui n'ont que deux dimensions , les objets
qui en ont trois , et qui sont susceptibles de définition
rigoureuse .
Sous ce point de vue , c'est une langue nécessaire
à l'homme de génie qui conçoit un projet , à ceux qui
doivent en diriger l'exécution , et enfin aux artistes qui
doivent eux-mêmes en exécuter les différentes parties .
Le second objet de la géométrie descriptive , est de
déduire de la description exacte des corps , tout ce
qui suit nécessairement de leurs formes et de leurs positions
respectives . Dans ce sens , c'est un moyen de
rechercher la vérité ; elle offre des exemples perpétuels
du passage du connu à l'inconnu ; et parce qu'elle est
toujours appliquée à des objets susceptibles de la plus
grande évidence , il est nécessaire de la faire entrer
dans le plan d'une éducation nationale . Elle est non
seulement propre à exercer les facultés intellectuelles
d'un grand peuple , et à contribuer par- là au perfectionnement
de l'espece humaine ; mais encore elle est
indispensable à tous les ouvriers dont le but est de
donner aux corps certaines formes déterminées , et c'est.
principalement parce que les méthodes de cet art ont
été jusqu'ici trop peu répandues , ou même presque
entiérement négligées , que les progrès de notre indus
trie ont été si lents .
On sent que dans des matieres aussi abstraites , nous
ne pouvons qu'indiquer les masses , les grands points
de vue et des rapprochemens utiles . Mais par l'analyse
que nous venons de donner des premieres leçons des
écoles normales , on peut juger de l'importance de cet
établissement , qui aura une influence aussi utile sur
les progrès de lesprit humain , qui influent à leur tour
sur l'amélioration des systèmes de gouvernement , l'affer
missement de la liberté et la prospérité publique.
( 82 )
NOUVELLES ÉTRANGERES .
TANDIS
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 16 janvier 1795.
ANDIS que les différentes puissances de l'Europe
s'affaiblissent pour la plupart dans une lutte fatigante
contre la nouvelle République Française , la Porte Ottomane
plus sage se fortifie dans le silence de la paix
dont elle aurait pourtant dû sortir pour secourir la
Pologne , et empêcher ainsi l'aggrandissement de son
ennemi naturel , la Russie , plus dangereux encore quel'Autriche
contre laquelle elle a mesuré plus d'une fois ses
forces avec succès . La Porte a eu d'autant plus tort de ne
pas seconder l'insurrection polonaise , que si les secours
qu'elle lui aurait prêtés eussent déterminé la Russie à
se montrer hostilement , il est infiniment probable
qu'elle eût trouvé un allié dans la Suede , qui a
autant d'intérêt qu'elle à s'opposer à ce que la Russie
ne devienne trop redoutable . Mais enfin , si la Porte a
négligé le mieux , du moins s'occupe - t- elle du bien .
Toutes les lettres de Constantinople , de la fin de novembre
, disent qu'elle continue à se mettre sur un pied
de défense tel qu'il ne lui restera plus rien à craindre
des deux puissances jalouses dont les possessions tiennent
aux siennes , et que ces puissances ne satisferaient
pas à ses dépens le goût de partage qu'elles ont contracté
en démembrant la Pologne à deux reprises.
Les fortifications de Bender sont achevées , à la réserve d'un
glacis anquei travaillent journellement plus de mille ouvriers ,
et ces fortifications ne tarderont pas d'être garnies de bouches
à feu. Le fort d'Ackerman va être soutenu de trois nouveaux
bastions , et les Turcs , instruits par une terrible leçon ,
perfectionnent aussi les ouvrages d'Ismail ,, qquuee le général
Suwarow n'enleverait plus avec la même facilité . Les batteries '
de l'entrée du canal ont également reçu une augmentation
considérable , de sorte qu'il s'y trouve aujourd'hui plus de
300 pieces de canon. On va fortifier les bouches du Danube
( 83 )
et bâtir une forteresse au fond du golphe de Bargas , sur la
mer Noire.
Le nouveau grand- visir est trop habile pour supprimer
comme on l'avait craint d'abord , le corps des janissaires , et
les janissaires sont eux-mêmes trop éclairés pour donner lieu
â cette suppression , en se refusant opiniâtrément aux changemens
que nécessitent chez eux le perfectionnement de l'art
militaire en Europe . Il paraît constant que ces braves troupes
ont prié le grand- seigneur de les armer et de les exercer ,
l'instar des nouveaux corps ponr lesquels on bâtit des casernes
. Ces mesures doivent être suivies également avant peu
en Asie , et quoique la discipline à l'Européenne en triple la
dépense , les ordres sont déja donnés .
On s'intéresse toujours au sort d'un grand homme , et surtout
lorsqu'il est malheureux : On apprendra donc avec plaisir
que Kosciuszko , parfaitement rétabli de ses blessures , est
arrivé à Pétersbourg , qu'il n'y manque de rien , mais qu'il est
gardé à vue par un officier , la seule compagnie qui lui soit
permise. Quant à Stanislas , son départ pour Grodno a
dâ avoir lieu du 8 au 12. Il sera accompagné du nonce du
pape et de l'ambassadeur d'Angleterre .
On mande de Stochkolm que le baron de Reuterholm va
chercher une épouse pour le jeune roi qui approche de sa
majorité. C'est , dit- on , sur une fille de l'électeur de Saxe que
le régent a jetté les yeux .
Le gouvernement danois , animé d'une noble émulation qui
lui fait imiter les exemples qu'il reçoit de la Suede , vient de
publier un édit en vertu duquel tous les paysans Danois , de
Norwege et de Jutland doivent être affranchis de toute servitude
la premiere année du XIX . siecle .
Voici le relevé des vaisseaux qui ont passé par le Sund pendant
le cours de l'année derniere : ils montent à 10,511 . Sur.
ce nombre , il y a eu 3,457 bâtimens anglais , 2,475 suédois
1,657 danois , 1,019 hollandais , 415 prussiens , 408 courlandois
, 287 de Rostock , 176 de Brême , 167 de Dantzick
141 américains , 105 de Lubec , 85 de Hambourg , 34 russes ,
32 portngais et 14 espagnols .
De Francfort-sur-le-Mein , le 23 janvier.
Les nouvelles de Vienne sont toujours à peu près les
mêmes gêne dans les finances , inquiétude de la part
du gouvernement devenu très - ombrageux , et qui les
fait sentir , mouvemens dans le cabinet pour réchauffer
le zele attiédi des coalisés , efforts pour retenir dans la
ligue quelques puissances qui paraissent vouloir s'en
détacher , fréquentes tenues de conseils , ordres envoyér
( 84 )
1
1
•
:
aux armées que l'on n'exécute qu'imparfaitement faute
de subsistances et de numéraire , injonctions ou instances
suivant le caractere des provinces auxquelles on les
adresse pour presser l'envoi des recrues , dispositions
de plans de campagne qu'on fait , qu'on défait et qu'on
refait encore , humeur contre les états neutres , promesses
à d'autres pour les engager à faire des sacrifices au - dessus
de leurs forces , remerciemens à ceux qui se sont empressés
de fournir leur quintuple contingent ; tel est en
abrégé le tableau de la cour de Vienne depuis quelques
mois et certes il est aisé d'y reconnaître des symptômes
de détresse et même d'épuisement qui ne lui permettront
pas de continuer long - tems la guerre , même avec
les secours pécuniaires fournis par la Grande - Bretagne ,
et qui la forceront de se hâter de la cesser si , comme
le bruit s'en renouvelle , Frédéric - Guillaume se retire
de la coalition , où il est censé n'être entré qu'en sa
qualité d'électeur de Brandebourg , et point du tout en
celle de roi de Prusse , distinction admise en Allemagne
, et qui ré duirait à bien peu de choses les secours
qu'il serait obligé de fournir à l'armée d'Empire.
Divers détails des différentes parties de l'Allemagne et de
la capitale de l'Autriche , confirment ce que nous venons de
dire .
Suivant des lettres de Vienne , du 27 décembre , il vient
d'être fait des visites domiciliaires dans les maisons de la ville
et des fauxbourgs . Elles ont pour but de vérifier le nombre
des habitans en état de porter les armes , et des étrangers qui
séjournent dans la capitale de l'Autriche. On croit que les
particuliers qui ont des chevaux scront obligés d'en fournir
un certain nombre à l'armée , moyennant une juste rétribution
. Il vient d'en être fait un relevé .
4
Des lettres de Ratisbonne du 27 janvier disent : Le cocommissaire
impérial a insinué ici , en vertu d'un rescrit reçu
de Vienne , que S. M. I. avait vu avec satisfaction , dans
le protocole de la diete , relativement à la pacification future ,
que la majorité des états de l'Empire s'était déclarée pour
les préparatifs de guerre sur le pied du quintuple , afin de pouvoir ,
de cette maniere , opposer plus de résistance aux nombreuses
armées de France , et donner plus de poids aux négociations
de paix. Ce ministre a ajouté que l'empereur s'attendait à
voir tous les membres de la diete travailler , chacun de son
côté , à ce que les contingens fussent prêts à joindre l'armée ,
de l'Empire dès le 1er . fevrier prochain .
La satisfaction que cette détermination de la diete a donné
à l'Empereur ne saurait étre bien complete : elle doit être
( 85 )
tronblée par le bruit qui se confirme , que le roi de Prusse
a demandé aux cercles du Haut- Rhin , particulierement à
notre ville de Francfort , un emprunt de 8 à 10 millions
de florins , pour l'entretien de ses troupes employées à la
défense de l'Empire , et qu'autrement le cabinet de Berlin
menace de les retirer. On regarde même comme certain
que la Prusse a des négociations ouvertes avec la France ;
et il est sûr qu'à la diete de Ratisbonne les délibérations ont
pris une tournure inattendue pour une partie du public ,
puisqu'au lieu de la médiation de la Suede et du Dannemarck ,
il a été question de celle de la Prusse , et qu'indépendamment
du suffrage de l'électeur de Mayence pour la paix , qui
était tout naturel , puisque le principal effort des Français est
dirigé contre sa capitale , il n'en est point qui aient si fort
appuyé cette proposition , qui aient même si expressément
insisté sur la nécessité de la paix que l'électeur de Brande
bourg et le Palatin , et l'on ne doute point que ces trois
membres du corps germanique n'agissent plus de concert
entr'eux qu'avec l'empereur.
Tous ces bruits sont confirmés par la condnite du général
prussien Mollendorf , qui prouve que les troupes à ses ordres
ne doivent point agir , si-non dans certaines occasions , suc
la défensive , comme elles l'ont fait en dernier lieu à l'attaque
de Zahlbach. Il paraît qu'il n'a pas voulu prendre part au
projet de faire passer le Rhin à plusieurs corps de troupes
impériales , et qu'ayant été averti par le duc de Saxe-Teschen
d'y contribuer , il a répondu qu'il croyait devoir consulter
sa cour , délai pendant lequel la rigueur de la saison a
rendu le projet inexécutable . C'est peut - être à cause de ce
peu d'ensemble que le cabinet impérial songe de son côté ,
comme le disent quelques feuilles allemandes , à entrer en négociation
par la voie de la Toscaue . On en nomme même
l'agent , le comte Carletti , qui doit déja être rendu à Paris.
Cependant ils est questiou du feld-maréchal de Lascy pour
le commandement général des troupes autrichiennes , en cas
qu'il faille continuer la guerre.
Le tribunal militaire pardevant lequel le Landgrave de Hesse-
Cassel avait renvoyé les deux officiers qui commandaient à
Rheinfelds , lorsque cette place a été rendue aux Français
vient de prononcer sur leur sort. Tous deux ont été condamnés
à mort . Il y a cependant une différence dans la maniere
dont ils doivent subir leur jugement ; fe major- général Reuss ,
qui commandait en chef , doit être décapité ; le colonel Leinsen,
qui commandait en second , doit être fusillé . Les autres officiers
de l'état-major ont été condamnés les uns à être cassés , les
autres à une détention plus ou moins longue . On croit que
landgrave adoucira plusieurs de ces punitions.
le
( 86 )
ANGLETERRE. De Londres , le 3 janvier 1795 .
Ł
Débats du Parlement. Chambre des Communes.
M. Fox Fatigué comme doit l'être cette assemblée
d'entendre les ministres répéter toujours les mêmes sophismes
sur la guerre , je croirais manquer à mon caractere si je n'énonçais
mon opiniou sur la crise, alarmante où nous nous treuvons
.
99 J'ai va avec plaisir , dans les discours de quelques opinans ,
que la raison et la vérité avait repris leur empire sur plusieurs,
membres trompés , au commencement de la guerre , par les
fantômes qu'on leur avait présentés .
,, Qui n'aurait , en effet , été révolté des horribles maximes
mises en avant , cette nuit , par le chancelier de l'échiquier et
le secrétaire d'état ? Fixons d'abord le vrai point de la question .
Le chancelier de l'échiquier prétend qn'adopter l'adresse au
roi , ce n'est pas s'engager à ne jamais faire la paix avec la république
française.
Je déclare , moi , que ce serait s'engager , de la maniere la
plus directe , à ne faire la paix, que dans le cas de la plus impérieuse
nécessité .
99 N'avons -nous pas été assez long- tems dupes de ce langage
obscur et contradictoire ? Ah ! nous nn''en serions pas où nousen
sommes aujourd'hui , si l'on avait franchement avoné , il y a
un an , qu'une fois la guerre commencée , elle ne pourrait
cesser , tant que la France serait république ! Mais , pour nous
y entraîner , on nous la montrait comme purement défensive .
Cela est si vrai , qu'à présent plusieurs de ceux qui l'ont votée
assurent qu'ils n'ont jamais songé à détruire le gouvernement
français .
,, On vous a dit , en parlant de la négociation entamée par
la Hollande , que nul traité solide ne peut être fait avec le gouvernement
actuel de la France . Cette assertion m'amene à examiner
où en est la guerre , où nous en sommes nous - mêmes . Les
ministres ne veulent pas cacher que des places fortes ont été
prises.... Franchise vraiment admirable de leur part ! et c'est
ainsi qu'ils parlent des triomphes des Français ! N'eût- il pas été
plus noble de dire : nos désastres sont tels , que l'Europe mo
derne n'en a jamais vu de semblables depuis l'irruption des
Goths et des Vandales.
Les Français ont conquis la Flandre , plus de la moitié de
la Hollande , toute la rive gauche du Rhin , Mayence excepté
une partie du Piémont , la plus grande partie de la Catalogne ,
tonte la Navarre . Qu'on cherche une semblable campagne dans
Tes annales de l'Europe ! .. Ils ont pris , dites-vous , des places
fortes ; -montrez-moi cinq campagnes où tant de places fortes
董
1
( 87 )
aient été emportées . Et qu'on ne me reproche point d'exagérer
ici nos malheurs. Non , je parle avec l'austere franchise d'un
homme qui doit lever le masque dont est couvert l'abîme vers .
lequel nous a poussés la folie sans exemple des ministres .
été ;
L'enthousiasme des Français est sans doute admirable .
Mais je pense que si notre pays e ait envahi par une armée française
, nous aurions fait les mêmes prodiges ; et nous ne les
ferons que lorsque nous serons serrés de près comme ils l'ont
car , malgré toutes les déclamations pompeuses des
ministres , ils ne persuaderont jamais an peuple que , si nous
concluons la paix avec la France , c'en est fait de notre gouver
nement , de nos lois et de notre religion . D'autres puissances
sout en paix avec la France. Le Danemarck , la Suede , les
cantons Suisses sont- ils donc anéantis , quoiqu'alliés avec elle ?
Et cette republique de Gênes que nous avons si cruellement
traitée , ne s'applaudit - elle pas de l'amitié des Français Les
Etats - Unis d'Amérique në jouissent - ils pas d'une brillante
prospérité , d'une grande sûreté , quoique leur bean gouvernement
soit anssi fondé sur les droits de l'homme , et par-là
même très-rappaoché de ce qu'on appelle la peste française.
Ces Etats-Unis ne viennent- ils pas de conclure un traité avec
nous ? Pourquoi donc la contagion ne serait- elle à craindre
que pour nous ? Je m'étonne toujours de l'entêtement de cer
tains hommes qui ferment les yeux pour ne pas voir les faits
qui combattent leurs chimériques théories.
» La révolution française existe depuis 1789 , et Genevè
est cependant le seal état qui en ait éprouvé une â peu - près
semblable. Comment pourrait- elle arriver jusqu'à nous ? nous
serait - elle apportée par quelques missionnaires débarqués à
Douvres ? car , graces au ciel le ministre ne nous parle plus
de tous ces complots contre la constitution , qui semblaient
T'effrayer tant depuis deux ou trois ans . Tous ces rêves n'ont
pas éré perdus pour lui , puisqu'avec quelques bills il est
venu à bout de rendre la monarchie anglaise beaucoup plus
absolue qu'elle ne l'a jamais été.
" On s'est plaint du peu de zele déployé pour le soutien
de la guerse Quand je proposais , il y a un an , de negocier
avec la France , on ne se plaignait pas de cette froideur .
Elle ne doit pas nous étonner après le mepris que les
ministres ont si long tems professés pour la France ? On
nous demandait autrefois quelle raison nous avions de croire
que les Français feraient plus qu'ils n'avaient fait dans les
guerres précedentes ? Les faits ont parle . Je conviendrai , si
T'on veut , que les requisitions contre lesquelles le ministre
s'est élevé , sont des moyens tyranniques . Mais si une armée
française était au milieu de nous , ces moyens ne seraient-ils
pas légitimés par la nécessité ? -
" Les ministres nous peignent la révolution française comme
un fléau , et ils nous demandent si nous voudrions prendre
( 88 )
pour nous nn si mauvais gouvernement. Mais le gouvernement
qui pesait sur la France depuis plusieurs siecles était- il
donc si bon ? Le gouvernement de Prusse est-il une merveille
? Approuvons - nous les horreurs commises en Pologne ?
Nous les tolérons néanmoins. Je ne vois donc pas pourquoi
nous nous indignèrions contre le mauvais gouvernement des
Français , s'il est choisi par eux .
Dans les guerres précédentes nous avons reçu et fait
des propositions de paix je n'ai jamais oui dire que ce fût
se degrader. Depuis quand une ouverture de paix est - elle un
acte de soumission ? Commencez par déclarer que vous ne
voulez porter aucune atteinte , au gouvernement actuel de
France ; alors nous serons d'accord sur l'adresse au roi.
Ce serait ôter à la France un de ses plus forts argumens .
Alors la Convention ne pourrait plus dire au peuple : Vous
voyez que les puissances étrangeres attaquent votre indépendance
, et veulent vous imposer le joug.
Il n'est pas d'exemple de calamités semblables à celles
que nous avons éprouvées . Nous avons , il est vrai , conquis
la Martinique , Sainte -Lucie , une partie de la Guadeloupe
et la Corse. Mais qu'ont perdu nos alliés ? Toutes leurs conquêtes
en France , les Pays- Bas , la moitié de la Hollande ,
toute la rive gauche du Rhin , une partie du Piémont , la
Catalogne et toute la Navarre. Qu'est-il arrivé sur les mers ?
C'est à tort que le roi nous a annoncé l'année dernière que
la fotte de Toulon était anéantie . Une escadre nombreuse
est prête à sortir de ce port.
Dans l'Océan , nons avons , il est vrai , remporté une
victoire navale brillante et immortelle. Mais si l'on en croit
plusieurs rapports , dans cette journée même la flotte française
était supérieure à la nôtre . La marine française a reçu
un grand échec , mais il n'est pas irréparable . Car , d'après
tous les bruits qui circulent , ils ont en ce moment à Brest ,
une flotte que nous pouvons à peine égaler . Il faut donc nous
attendre à une nouvelle résistance en mer. Si nous battons
l'ennemi , il se relevera . Si nous êtions battus par lui , les
conséquences en seraient incalculables .
" Nous nous soumettrons , dit- on , quand la nécessité parlera
. Mais alors ce sera vraiment un opprobre . Alors nos
ennemis sauront que nos moyens seront épuisés . Abandonnons
donc au plutôt le projet absurde de donner un gouvernement
à la France ; et offrons lui la paix . Nous le pou
vons sans déshonneur.
Mais quelles en seront les conditions , s'écrient les ministres
! C'est à eux de les déterminer et de suivre les négociations
. Mais il faudra , dit- on , abandonner les colonies
françaises et les royalistés qui les ont secondés. Cet argument
est fort , j'en conviens ; mais ce n'est pas par mes conseils
qu'on a tendu la main aux royalistes. La honte de cet abandon
retombera
( 89 )
retombera sur les ministres seuls . C'est à eux d'en répondre.
" Je viens maintenant à ce qui concerne nos allics . Quel
ques membres ont assuré que nous n'en avions plus ; et on
leur a demandé le motif de cette assertion . lis l'ont puisée
dans le discours même du roi . Il y est dit que la Hollande
négocie . On n'y parle d'aucun traité avec qui que ce soit. Il
paraît que nous ne devons attendre aucun secours de la Prusse
dans la campagne prochaine , et pour remplir ce deficit , nous
serons forcés de fournir de l'argent à l'Autriche ; car son
discrédit est tel , qu'elle n'en peut trouver ailleurs .
" Pour moi , je pense que l'Autriche ne nous secondera
pas mieux cette année , que la Prusse l'année dernière . On
me répoud que la Prusse est une cour sans foi. Tous les goa
vernemens arbitraires se ressemblent à mes yeux . L'Autriche
et la Prusse m inspirent une égale défiance . Où sont les preuves
de la fidélité de l'Autriche à ses engagemens ? A- t on oublié
qu'elle a été fortement soupçonnée de nous avoir trahis à
Toulon , en ne nous y envoyant pas les troupes promises ?
On nous vantait aussi à la derniere session , la coopération
de la Prusse ! Je ne sais s'il y a ici des officiers qui aient
servi dans la derniere campagne ; mais il est de fait qu'il a
régné toujours entre les Anglais et les Autrichiens , la plus
grande animosité .
" Quel accord y aurait- il donc entr'eux ? Et cependant on
va nous accabler d'impôts , sous l'étrange prétexte que les
Français peuvent être ruinés les premiers . C'est aussi l'espé
rance dont on nous flattait l'année derniere .
J
" On nous assure que les ressources de la France tendent
rapidement vers leur décadence ) ; rapidement n'est pas exact ,
c'est-à-dire qu'elle peuvent s'épuiser dans un espace de dix ans.
Mais quelle est , en ce moment , la position de la France ?
D'après le discours de M. Pitt , on croirait que Robespierre
n'est mort que la semaine derniere . Il n'est plus depuis six
mois ; et c'est précisément depuis ce moment que les succès
des armées françaises ont été plus brillans qu'ils ne l'avaient
jamais été auparavant . Il n'est donc pas vrai que sa chûte
nous ait été utile il n'est pas vrai que la terreur seule
ait produit les grands moyens des Français . N'est- ce pas
au contraire , la sagesse et le modérantisme qui font la force
des empires ?
" On nous demande quelle preuve nous avons que les
Français soient moins mécontens que sous Robespierre ; parce
qu'il n'y a plus d'insurrection ni à Bordeaux , ni à Lyon ,
ni dans les autres villes , et parce qu'une amnistie bienfaisante
a à peu- près détruit la rébellion de la Vendée .
" On s'est beaucoup étendu sur l'état des finances de la
France . Je demande à mes adversaires s'ils croyent sur leur
honneur que l'Angleterre peut attendre de vérirables succès
dans cette guerre .
Tome XIV. G
( 90 )
» On dit qu'on n'a pas encore touché à nos ressources
extraordinaires ; cependant je ne trouve pas dans le discours du
roi , comme l'an dernier , la promesse qu'il n'y aurait pas de nouveaux
impôts . Oui, il y en aura cette année, et nous les sentirons
bien ; car déja le ministre a fait un emprunt. Pour le remplir
, il faudra des sommes énormes. Le ministre paraît trèsversé
dans les affaires intérieures de la France ; mais il semble
ignorer tout le reste .
" Durant la guerre d'Amérique , on ne cessait aussi de
nous entretenir de l'épuisement des ressources pécuniaires de
nos ennemis . Leur papier- monnaie ne perdait pas seulement
alors les cinq sixiemes de sa valeur , mais bien les quatre - vingt
dix-neuf centiemes ; alors bōn cût pa acheter mille dollars
( valenr d'un écu ) en papier pour un dollar en especes .
,, Les Français sont bien loin d'un tel état de choses ; pourquoi
donc ne triompheraient- ils pas de ces difficultés par
les mêmes moyens que les Américains ? Je crois , comme
M. Pitt , que le commerce de France est sur son déclin ;
mais j'ai mille raisons de penser que l'agriculture y est plus
encouragée qu'elle ne l'a jamais été. Si je me trompe , qui
m'assurera que le ministre n'est pas aussi trompé , puisqu'il
ne tient ses détails que de personnes qu'il paie en raison des
mensonges qu'elles lui font.
Quant à l'état des indigens en France , ils y sont
aussi protégés , nourris avec autant de soin qu'en Angleterre ;
et très- certainement les pauvres en France sont en ce moment
beaucoup mieux traités que sous l'ancien régime.......
Nous ne pouvons sortir trop tôt d'une guerre aussi désastreuse
pour nous . Je ne demanderai pas , comme un préopimant , si la
paix peut être sûre ou non . En fait de garantie , tout est
relatif ; nous en aurons une aussi forte ici que celle que trous
eussions pu attendre de l'ancien gouvernement de France.
Voyez l'inconséquence avec laquelle on raisonne ; on vous
a dit que les armées françaises ne tarderaient pas à se dis
sondre , et ensuite on a ajouté qu'il serait impossible de les li
cencier , même à la paix. Je ne prétends pas décider si ,
dans ce cas , la France reprendrait le joug cruel de son ancienne
monarchie , ou le fardeau plus pesant encore de la tyrannie
qu'elle vient de détruire . Comme philosophe , je dois des voeux
à la France ; comme politique , ce n'est pas à moi à la diriger.
• On a avancé que c'est nous qui avions élevé Robespierre ,
et que c'est nous qui l'avions renversé. Je n'ai là- dessus aucuné
donnée mais je dirai qu'en attaquant la France , nous avions
denné des armes à ce tyran , et qu'en fuyant devant les Français
, nous avons causé sa perte. Je soutiens que , sans peser
la moralité de ceux qui gouvernent aujourd'hui la France ,
nous devons traiter avec ceux qui sont dépositaires du pouvoir.
" On nous a appris que le roi avait accepté la couronne
de Corse, La doit- il au droit de " conquête ? Non : il ne nous
(1910)
en eût pas alors parlé . Il a voulu sans doute répondre , d'une
maniere ouchante , à tous ceux qui ont prétendu que les peuples
n'avaient pas le droit de choisir et de déposer à leur gré leurs
gouvernemenISI
,, M. Burke , dont on vient de nous commander de lire les
Ouvrages , conteste ce droit aux nations . Le roi Georges l'a
doublement démenti , puisqu'il a été destitué par les Américains
et élu par les Corses ..
,, M. Elliot annonce que les Corses se sont réanis en assem
blées primaires pour choisir le roi Georges ; et comme les
Corses étaient sans doute lass du joug de la France , sa majesté
, voulant se conformer au decret de la Convention nationale
du 9 novembre , est venue au secours de ces malheu
reux opprimés . Nous verrons les avantages que nous tiréroïs
de ce suprême honneur. 5
" Ua membre a déclaré que demander la paix ce serait se
jetter, aux pieds de la Convention , Quand donc la ferons- nous !
cette paix ? Devons - nous verser tout notre sang , épuiser oas
nus trésors , afin qu'il puisse dire alors qu'il est content de
nos efforts ? Il vaut mieux traiter actuellement. Je le proposais
déja l'année derniere ; je suis loin de m'en repentir. Si notre
ministere ne se croit pas encore assez baitu , notre malheug
reuse patrie a assez souffert . Faut- il , pour son plaisir , - qu'elle .
soit entierement ruinée ?
Quelle protection a obtenu notre commerce ? Dans quelle
partie du globe l'amirauté a - t - elle déployé quelques talens ?
Est-ce en envoyant en Amérique une force trop pea Home
breuse pour y conserver vos conquêtes ? est- ce en tenant notre
flotte devant Tonlon ? Mais l'amirauté n'est pas seule coupable
. L'ineptie de nos ministres lés rend , pour la plupart ,
indignes de notre confiance . J'espere que le moment n'est pas
loin où la responsabilité cessera d'être un mot vide de seus ,
Nous remonterons , alors à l'origine de la guerre ; nous sui- ‹
vrons la maniere dont elle a été conduite .
Hélas ! notre triste position ' affecte car je vois trop
que nous ne pouvons sortir de cette lutte sans des pertes..
sérieuses et sans une honte ineffaçable . Je déclare que cette
guerre a pris naissance comme celle d'Amerique , dans la haine ›
du ministere pour la liberté . Il est tems de finir. Je m'en tiens
aux raisons que j'ai développées , il y a deux ans, contre la
guerre. Le peuple peut bien dans cette crise terrible demander
aux ministres le sacrifice de leurs intérêts particuliers et de .
leurs vues ambitieuses.
•
Je vous le répete ; dans un an vous reconnaîtrez la vérité z
de tout ce que je vous dis aujourd'hui . Je conclus en demaus :
dant qu'on raye de l'adresse au roi tout ce qui peut nous I
empêcher de traiter au pintôt avec la France.ɔɔ dog pa
L'amendement à l'adresse a été rejeté par une majorité !
de 246 , contre -73. -
G &
f
( 98 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE,
PRESIDEN G I ROVERB.
Séance du septidi , 7 Pluviôse.
5
Richard , au nom du comité de salut public , donne lecture
d'une seconde lettre des représentans du peuple près l'armée
du Nord , concernant nos progrès dans la Hollande. ( Voyez
Nouvelles officielles . )
Clausel , au nom des comités de salut public et de sûreté
générale , instruit l'Assemblée que ceux qui , le 9 thermidor ,
ont vu s'échapper de leurs mains l'espece de suprématie qu'ils
s'étaient arrogée dans les départemens méridionaux , regrettant
de ne pouvoir plus vexer , piller et massacrer les citoyens de
Marseille , osont remuer encore pour rétablir , s'il était possible ,
ce systême cannibale, dont l'idée seule fera frémir d'horreur les
nations les plus barbares . Clausel lit les pieces , afin de fixer
l'attention de l'Assemblée sur les mesures à prendre pour le
maintien du bon ordre.
La premiere lettre est du représentant du peuple à Marseille.
Elle porte que son collegue Cadroy s'est rendu à Marseille , sar
le bruit répandu à Aix , qu'on s'égorgeait à Marseille.
La deuxieme , du même , annonce que les terroristes inspirent
l'effroi dans la commune de Marseille . Le tribunal criminel
a été insulté en voulant jager les auteurs de la révolte du
5 vendémiaire , et forcé de lever la séance. Le représentant du
peuple Esperta en la faiblesse de suspendre la procédure et
même de faire mettre eu liberté quelques-uns des prévenus .
9
Une troisieme lettre dit , que les factieux ne font plus mystere
de leurs criminelles espérances. Ils se flattent de jouer bientôt à
la boule avec les têtes des amis de la révolution du g thermidor ,
et ils y ajoutent quejusqu'ici ils n'ont eu du sang que jusqu'à la
cheville , mais qu'ils en auront bientôt jusqu'aux genoux . L'Assemblée
frémit d'horreur.
Il est évident , continue Clansel , que les terroristes n'ont pas
renoncé à leur coupable systême de désorganisation et à vendre
ainsi la France an tyran d'Angleterre . Ecoutez la déclaration de
Pitt au parlement d'Angleterre La Grande -Bretagne étant
un état commerçant , je me suis eru obligé d'exterminer , par,
tous les moyens possibles , le commerce des Français , en semant
parmi eux tous les germès destructifs , de sédition , d'anarchie ,
( 93 )
de désordre et de famine . Je conviens que j'ai été parfaitement
secondé par le parti qui s'intitulait en France le parti patriotique
par excellence , et qui a réussi en quinze mois à tout détruire et
tout désorganiser. Par quelle insolence le scélérat ministre
Anglais a- t-il l'impudeur de raconter avec emphase la part active
u'il a prise aux crimes et aux assassinats judiciaires commis
dans toute la France par l'infâme Robespierre et ses complices
?
qu'il
Le rapporteur revenant ensuite à ce qui concerne Marseille ,
propose un projet de décret qui est adopté , et qui porte en
substance que la place de Marseille demeurera en état de siége
jusqu'à ce qu'un décret de la Convention en ordonne autrement.
L'arrêté, pris par Espert est annullé , et il est rappellé
avec son collégue Escudier . Le tribunal criminel du départe
ment est chargé de poursuivre ceux qui ont insulté ou arrêté
les représentans du peuple Bo , Anguis et Serres . Enfin , les
représentans Chambon , Cadrey et Mariette sunt revêtus de
tous les pouvoirs et chargés de l'exécution du présent décret.
Une discussion assez vive s'élève sur l'impression du rapport
de Clausel . Dumont trouve déplacé de voir figurer dans cette
affaire le nom de Pitt. Il s'oppose à l'impression du rapport ,
qu'il dit n'avoir pas été communiqué aux deux comités . Bentabolle
l'appuie , et en développant son opinion, les mots d'honnêtes
gens dont il se sert excitent des murmures dans une extremité
de la salle . Duhem prend la patole et dit : C'était le terme de
Lafayette. Bentabolle répond : Que m'importe que Lafayette
s'en soit servi ? il employait aussi celui de liberté. Il n'y a
que les fripons qui ne veulent pas être rangés dans la classe
des honnêtes gens . A la suite de cette discussion , l'impression
du rapport est décrétée .
Pottier, au nom du comité de législation , fait décréter que le
tribunal criminel révolutionnaire commencera ses fonctions ,
et que les juges et jurés actuellement à Paris se réuniront sans
délai , et formeront provisoirément une section .
Le même membre fait encore décréter que les directoires
de district nommeront provisoirement aux places vacantes de
notaires , sur la demande des conseils - généraux des communes
qui en certifieront l'urgence . Les citoyens nommés devront
être pourvus de certificats de civisme , et n'auront besoin pour
entrer en fonctions que de l'arrêté du directoire enregistré au
tribunal . Les citoyens déja pourvus de cette maniere continues
ront leurs fonctions .
Séance d'octidi , 8 Pluviôse.
Les éleves de l'école normale sont admis à la barre,
L'orateur : 59 Citoyens représentans , le plus beau jour , le
plus heureux pour les Français , le plus glorieux pour la représ
( 94 )
:
2
9
sentation nationale , le g thermidor enfin a vu tomber , avec la
tyrannie , le systême de vandalisme qui , en étouffant la liberté
dans son berceau , devait paralyser les sciences et les
zarts.
de
sagesse
" Par l'énergie de la Convention nationale et la
ses décrets , l'ignorance , compagne inséparable du despotisme ,
a été vouée à l'opprobre ; l'instruction proposce à tous les ci- toyens ; des savans consommes dans la méditation des vrais
principes , choisis pour les etablir et les développer ; plus
d'an millier d'éleves appeilės pour les recevoir et les répandre.
Le foyer des lumieres est ici dans toute sa pureté ; c'est à la
Jueur de ce feu sacré que l'éducation française doit s'elever à un
degré qui ne fut jamais atteint dans les plus fameuses répu
biques de l'Univers , et ce point de pe fection est le but des
écoles normales.
" A votre voix , citoyens législateurs , se sont réunis au
centre comman les républicains que le choix de leurs concitoyens
destine à concourir à l'exécution de ce plan régé
nerateur."
99 La cartiere vient de leur être ouverte ; mais avant d'y faire
les premiers pas , ils viennent offrir à la patrie le tribut de leur
zele , et à la Convention nationale l'hommage de leur dévouement.
Puissent - ils , souteus par la présence de vos dignes
collegues , y marcher d'un pas ferme et rapide ! puisse chacun
d'eux recueillir un faisceau de lumières et le transmettre à ses
compatriotes ! puissent- ils par leurs travaux et leurs succèsassurer
dans toute la République le triomphe de la raison , de
la saine philosophie , sur les ruines des préjugés, du fanatisme et
de l'erreut !
,, Grâces vous soient rendues , citoyens législateurs ; l'asyle
où naguere le terrorisme et la tyraunie forgeaient des fers ,
inventaient des supplices anx talens et aux vertus , va devenir
Te temple des sciences utiles et de la morale républicaine. Cette.
inauguration peut-elle se faire sous des auspices plus favorables
et dans des circonstances plus heureuses ! Elle se fera au milieu
des transports d'allégresse que font naître dans le coeur de tous
les bons Frauçais les victoires les plus signalées de nos armées
républicaines , qui dans cet instant fortune réparent en Hollande
par leurs vertus civiques les outrages faits à l'égalité , à la
liberté , ou qui par leur valeur rétablissent leur regne sur le sol
que la férccité des tyrans les avait forcées d'abandonner ; elle
se fera aux cris mille fois répétés de Vive la République vive la
Convention nationale !
Le président : 99 Le calife Omar , à la tête de ses barbares esclaves
, détruisait le dépôt le plus complet des sciences des
arts , pour établir le despotisme oriental ; Solon et Licurgue ,
avant de donner à fa Grèce des fois protectrices de la liberté ,
( 95 )
་
allaient consulter les sages et les savans dans les régions les plus
éloignées.
" La liberté est favorisée et s'accroît par les lumieres et les
connaissances ; la tyrannie au contraire repousse et déteste.
l'instruction et les murs pures qui en dérivent.
Vous êtes appellés par la confiance de vos concitoyens à
une grande mission , celle de l'instruction publique ; que chacun
de vous , citoyens , se penetre de ses devoirs , se rappelle la glorieuse
journée du 9 thermidor , sans laquelle la République ne
serait habitée que par des bourreaux et des vautours .
Que l'amour de la liberté , de l'égalité , le respect des lois
soient écrits en caracteres de feu dans vos coeurs , puisqu'en
transmettant les sciences à vos élevés , vous devez leur inspirer
la haine poar la tyrannie , et less former aux vertus répu
blicaines .
La Convention déerese la mention honorable et l'insertion
au bulletin de l'Adresse des éleves et de la réponse du
président.
Danjou , au nom des comités de salut public , des transports ,
• postes et messageries , des décrets , procès- verbaux et archives ,
reproduit à la discussion le projet de décret tendant à réorganiser
l'agence de l'envoi des lois , dont l'Assemblée avait ordonné
l'impression et l'ajournement . Ce projet qui contient beaucoup
d'articles réglémentaires sur l'attribution de l'agence de l'envoi
des lois , a été adopté après quelques amendemens qui ont été
renvoyés à l'examen des comités . En voici les principales dispositions
: Le bulletin des lois sera réuui à l'imprimerie nationale
, en réformant cependant toutes les branches inutiles .
Cette agence sera administrée par deux agens responsables . Le
comité des décrets et procès- verbaux aura une surveillance
active sur cette administration , et prendra toutes les mesures
nécessaires pour l'exécution du présent décret . Il ne sera
envoyé à chaque département que deux axemplaires des lois et
un aux districts , qui les feront réimprimer et distribuer à chaque
commune de leur arrondissement. La collection authentique
des lois formera un dépôt qui ne pourra sous aucun prétexte
êtie tiré du secrétariat des autorités constituées et des greffes
des tribunaux , et les fonctionnaires pubics remplacés en transmettront
la collection à lears successeurs .
Sallengro fait la motion d'ordre tendante à la prompte exécution
du décret du 1er , brumaire dernier , qui ordonne l'ou .
verture du canal de jonction de la Sambre à l'Oise , et à ce que
le comité des travaux publics examine les projets rédigés en
1781 et 1782 par Lafite , officier du génie , pour joindre l'Oise
à la Meuse , et la Sambre à l'Escaut , et en fasse incessamment
son rapport à la Convention. Il demande aussi qu'on acheve
le canal de la Sensée , qui communique de Bouchain à Douay.
Ces propositions sent renvoyées aux comités de salut public
et des travaux publics.
G.4
( 96 )
Marec , au nom du comité de salut public propose d'envoyer
en mission dans la Hollande Ramel et Cochon. Duhem
et Lesage-Seuaut demandent si c'est en qualité d'ambassadeurs ,
Gaston si c'est pour faire la paix . Marec déclare que le comité
n'a point en une pareille pensée en proposant cette mission .
Dumont trouve l'observation de Duhem juste ; il propose une
rédaction qui est adopthe . Ramel et Cochon iront en mission
auprès des armées qui occupent la Hollande .
Rouzet , au nom du comité de législation , présente le projet
de décret sur les moyens de rendre les meubles et effets qui
appartiennent aux veuves et enfans des condamnés . Ce projet
est ajourné ; mais sur la motion de Garnier ( de Saintes ) , il est
décrété que les hardes et linges leur seront restitués sur-le- champ .
Séance de nonidi , g Pluviôse.
Letourneur ( de la Manche ) , au nom du comité militaire ,
fait un rapport sur l'amélioration du service important dont sout
chargés les officiers du génie militaire , et les moyens de leur
procarer un avancement convenable . Le comité , dit-il , a examiné
la composition de ce corps , les fonctions qu'il remplit ,
sen mode d'avancement et les traitemens qui lui sont affectés .
Il est résulté de cet examen que si l'art de la fortification n'a pas
fait depuis Vanbau tous les progrès qu'on pouvait en attendre ,
si le service des places a été mal rempli et les dépenses considé
rables qu'entraînent les travaux nécessités par les circonstances ,
ont été infructueuses ou démesurées , ces maux tiennent au *
vices de l'organisatien de ce corps . Un de ceux qui ont le plus
particulierement frappé le comité , c'est que les diverses fonce
tions n'y sont pas assez distinctes et prononcées , et que les emplois
d'administration et de surveillance n'y sont pas en propor
ion avec l'étendue des détails qui sont confiés à ce corps . Le di
recteur des fortifications doit tout voir par lui-même, tout dirigen;
mais l'étendue de ses fonctions le force à n'en remplir qu'une
parte , et à s'en rapporter à des agens souvent inexpérimentés.
Les inspecteurs ne peuvent qu'entrevoir les objets . Les autres.
ingénieurs n'ont pas des fonctions assez distinctes . Pour faire
disparaître ces inconvéniens , le rapporteur propose l'augmenta
tion des emplois de surveillance . Les chefs du corps étant les
pivots sur lesquels roulent toutes les opérations , it leur faut de
grands talens ; il en résulte que le droit seul d'ancienneté ne doit
pas déterminer l'avancement . Il s'agit done de déterminer un
mode d'avancement tel que les fonctions principales ne soient
exercées que par ceux qui seront jugés les plus capables de les
remplir. Le rapporteur d'après ces bases propose un projet de
décret qui est adopté.
Lecointre ( de Versailles ) invoque en faveur de Lacroix ,
auteur du Spectateur Français , l'exécution du décret portant que
pul ne pourra être traduit en jugement par décret saus un rap(
97 )
port préalable , et il demende le rapport de celui qui sur une
simple motion a renvoyé Lacroix par devant le tribunal criminel
du département avec pouvoir de le juger révolutionnairement.
ppense que cette marche est dangereuse et peut devenir la source
d'une nouvelle tyrannie . Il y ajoute qu'un tribunal devantlequel
on envoie un homme avec de semblables formalités , reçoit une
initiative fatale à l'innocence . Comment osera- t- il acquitier
celui qu'il lui est enjoint de juger révolutionnairement? Si d'un
côté l'on doit empêcher toute provocation à la royauté , il faut
d'un autre côté se préserver du danger de porter atteinte à la
liberté de la presse . Lecointre finit par dire qu'il entreprendra
de prouver que ce livre lui a paru renfermer des principes d'un
républicanisme prononcé , et qu'on y voit seulement des idées
de royalisme hypothétiques et en forme de dialogue.
L'on demande la question préalable sur la motion de Lecointre.
Pelet prend la parole , et dit qu'il est aise que cette
occasion lui fournisse le moyen de motiver son opinion . Il
déclare que le décret est contraire aux principes , à la liberté
de la presse et des citoyens . Clausel pense que si on reuvoyait
l'affaire à un nouvel examen des comités , et qu'ils
opiuassent pour le décret d'accusation , le tribunal serait
trop fortement influencé. Il demande le maintien du premier
décret. Thuriot trouve le décret conforme aux principes et
à la liberté de la presse . Il réclame l'ordre du jour. Duhem
est du même avis . Il en prend occasion de se déchaîner contre
se qu'il nomme le royalisme , siégeant au Palais - Royal et aux
speetacles , qui triomphent selon lui , de même que l'aristocratie
. On crie de toutes parts : Duhem insulte l'Assemblée ,
à l'Abbaye. Un grand tumulte s'éleve , le président est obligé
de se couvrir. Le calme re, ait , et l'Assemblée décrete que
Duhem ira à l'Abbaye . I demande la parole , elle lui est
refusée Legendre la lui fait accorder , en observant que
c'est une tactique conduite par les députés qui sont en jugement
, et qu'on veut faire diversion . Il est entendu , ce qui
n'empêche pas la Convention de maintenir son décret , et
d'ordonner qu'il y, restera trois jours ...
f Pottier , au nom du comite de législation , fait ensuite décréter
que toutes les affaires portées au tribunal criminel du
département de Paris , qui sont de la compétence du ir bunal
révolutionnaire , retourneront à celui-ci , si les procédures ne
sent pas commencées .
Letourneur ( de la Manche ) , au nom du comité militaire
propose un décret qui est adopté en ces termes : Les sexagénaires
et les infirmes qui justifieront que leur revenu n'excede
pas la somme de 1,500 liv. ne seront pas tenus de se faire
remplacer dans le service de la garde nationale.
Séance de décadi , 10 Pluviôse...
Jard Panvillers , au nom du comité des secours publics , fait
( 98 )
3
part à la Convention des diffiuultés qui se présentent pour
l'exécution de la loi du 1er . pluviôse présent mois , concermant
la remise gratuite des effets d'habillement déposés en
nantissement au Mont-de -piété , pour des prêts de 100 liv . et
au-dessous . La Convention , convaincue que son exécution
occasionnerait de grands inconvéniens , charge son comité des
secours de lui présenter , dans un court délai , ses vues sur
les moyens de remplacer cette loi bienfaisante , par un genre
de secours plus utile , et dont l'application puisse être faite à
tous les indigens de la République indistinctement.
et tout
Tallien obtient la parole pour dénoncer le journal de
Gracchus Baboeuf , dans lequel on dit que le devoir que le
peuple doit à present remplir est l'insurrection , et que Coblentz
a ici ses représentans , Le rédacteur ne met point en doute
que le peuple ne doive se mettre en insurrection
tenter s'il ne veut pas voir ses droits anéantis . Tallien ajoute
que Gracchus Baboeuf ne fait que prêter son nom , et que le
vrai rédacteur siège parmi les représentans. On l'invite à le
nommer. Il répond que c'est Fouché ( de Nantes ) , et il continue
en disant : Ce n'est pas la liberté de la presse que je prétends
attaquer , mais je veux seulement faire connaître les
hommes qui prêchent l'insurrection pour rappeller la tyrannic.
Ne croyez pas que nous en soyons au tems où , par une
insurrection factice et avec quelques canons on venait deman
der la tête des députés , vous qui aviez mis la terreur et le sang
à l'ordre du jour. Vous voulez la guerre civile , mais vous ne
l'aurez pas . Avancez - vous avec vos écrivains et vos sicaires ,
nous , accompagnés du peuple , nous nous présenterons à vous,
et nous vous terrasserons de nos seuls régards .
Fouché de Nantes ) demands à répondre ; il déclare qu'il
ne doit compte de ses relations qu'à la loi . Cependant il dit
que Gracchus Baboeuf ayant fait une brochure en faveur de
la journée du 31 mai , il la lui envoya pour lui demander ses
conseils ; mais que cette brochure n'a point paru . Il répond
ensuite à Tallien qu'il a bravé jusqu'à présent les inculpations
de tous les calomniateurs , et qu'un homme est fort toutes les
fois qu'il a servi le peuple sincerement , et que c'est devant lui
qu'il défend sa cause contre une poignée de factieux et de dominateurs.
Les petitionnaires sont admis et occupent l'Assemblée de
leurs intérêts particuliers.
Séance de primedi , 11 Pluviose .
Les sections du Temple et Lepelletier sont admises à la
barre. Elles viennent dénoncer les partisans de la terreur
qui se coalisent pour essayer d'avilir la représentation natie .
nale , et demandent la prompte punition des grands coupables
qui enhardissent leur audace.
1
( 99 )
"
Ces deux pétitions sont applaudies et renvoyées au comité
de sûreté générale .
Sur le rapport de son comité des finances , la Convention
décrete que les dispositions de l'art . IV du décret du 26 frimaire
dernier , relatives aux payeurs des rentes , sont applicables
à tous les comptables . Ils pourront en conséquence
se libérer envers leurs créanciers ayant privilége ou hypotheque
spéciale sur leurs finances , aux charges et conditions
prescrites par l'article.
Mennot , au nom du même comité , fait ensuite décréter
que le contrôleur de la caisse générale retirera de la serre à
trois clés , la somme de 218,779,000 liv. , pour remplacer
l'excédent des dépenses du mois de frimaire dernier sur les
recettes du même mois .
-
Le comité des secours fait ensuite décréter plusieurs articles
additionnels à la loi du 17 germinal , concernant les titulaires
d'offices , gagistes et pensionnaires de la liste civile . Ceux
qui faute d'avoir atteint 50 ans ne peuvent prétendre à une
pension , auront une année de leur traitement , dont le maximum
est de 1000 liv . Le minimum des pensions sera de 400 liv . , et
le maximum de 1000 liv. Les pensionnaires qui jouissent de
plusieurs pensions à des titres différens sur la nation , pourrout
les cumuler jusqu'à la concurrence de 1000 liv . , et si
elles , excedent cette somme , elles y seront réduites et comprises
dans un seul article pour n'en former qu'une seule .
Pottier au nom du comité de législation , propose d'attribuer
à ce comité saisi du droit de révision des jugemens des
condamnés non exécutés et rendus pour delits , non ordinaires
ni pour
cause de royalisme , la faculté de prononcer en
même-tems sur les confiscations et séquestres de leurs biens,
d'annuller les confiscations et lever les séquestres à la charge
néanmoins que dans le cas de vente les propriétaires n'aurout
droit qu'au recouvrement du prix d'après les conditions des
ventes.
27
Ce projet de décret est adopté.
Boissy d'Anglas obtient la parole pour une motion d'ordre.
Il prononce un discours très- étendu , fort applaudi et dans
lequel il développe beaucoup de talent. Après avoir posé
pour limites à la France , l'Océan , les Pyrénées , les Alpes
et le Rhin , il invite la Convention à déclarer , avec
cette franchise , cette dignité qui conviennent à une république
puissante et victoricuse , les conditions auxquelles elle
accordera la paix à ses ennemis abattus . Il présente ensuite
les principes de notre nouvelle politique. Il retrace les efforts
de nos ennemis pour anéantir notre immortelle révolution ,
et dénonce à l'univers l'ambition de l'Angleterre et de la
Russie , qui seules ont profité des malheurs universels et
des erreurs de la coalition.
( 100 )
Boissy finit par répondre à ceux qui regardent le gouverne
ment révolutionnaire comme un obstacle à la paix ; que les
puissances , dit-il , voient ce gouvernement comme un plé
bipotentiaire nommé par le peuple entier pour terminer la
revolution et la guerre . Jamais ambassadeur a - t-il eu des
pouvoirs plus étendus ? La force du gouvernement et la
volonté de la nation , ses formes , la justice , ses principes ,
l'humanité , la garantie , la loyauté et le courage d'un peuple
libre . Quels politiques absurdes que ceux qui demandent si l'on
peut négocier , quand on a su vaincre. Que ne peut pas une
pation qui a mis la justice à l'ordre du jour dans l'intérieur , et
la victoire au dehors ! L'impression de'ce discours a été décrétés
àl'unanimité.
PARIS. Quintidi 15 Pluviose , l'an 3. de la République.
L'arrivée du comte Garletti , en qualité d'envoyé du
grand-duc de Toscane , dans un moment où plusieurs
autres ministres étrangers se sont rendus à Paris , est une
probabilité de plus que les puissances coalisées desirent
sérieusement d'arriver à une pacification. Le choix de
cet envoyé , que l'on sait être très-attaché aux principes
de la révolution française , fait présumer que l'empereur
a chargé le grand- duc , son frere , d'entamer des négo
ciations . Le comte Carletti est le même qui , à raison
de ses opinions publiques , a eu avec le ministre bri
tannique Vindham un démêlé sérieux qu'il termina par
la voie la plus courte. Il s'était fait connaître à Florence
par son empressement à rendre service aux patriotes
français , lorsque ceux - ci étaient en proie aux menaces
insultantes de lord Hervey.
On sait également que notre envoyé en Suisse , le
citoyen Barthelemi , a eu à Bâle une conférence avec
le baron de Goltz qui se rendait à Paris . Le discours
énergique de Boissy d'Anglas dans la séance du 11 , dans
lequel il a présenté les conditions principales qui
peuvent servir de bâse à une pacification , semble être
le préliminaire de nos intentions à cet égard, Le projet
de donner à la France , pour limites , l'Océan et le Rhin ,
les Pyrénées et les Alpes , est le même qu'avait conçu
Louis XIV. Ce projet le mit en guerre avec toute l'Europe
, et le conquérant imaginaire fut trop heureux de
conserver ses propres possessions . Les circonstances sont
aujourd'hui bien differentes . La France ne voulait ni
L
( 101 )
conquêtes, ni guerres , elle ne songeait qu'à se donner
un meilleur gouvernement ; toutes les puissances se sont
liguées pour la détruire ; elle en a triomphé ; il est juste
qu'elle trouve une indemnité proportionnée aux dépenses
énormes qu'elle a été obligée de faire , aux
risques qu'elle a courus , au sang précieux de ses défenseurs
qu'elle a perdus , et à l'injustice d'une guerre
entreprise pour lui ravir ses droits naturels , et soutenue
par les moyens les plus perfides que l'immoralité des
cours ait jamais mis en usage. Si elle eût succombé , les
vainqueurs lui auraient dicté la loi ; elle a vaincy , c'est
à elle à conserver l'attitude de la victoire .
Cependant , quel que soit le besoin réciproque de la
paix , ce n'est pas une raison pour rallentir le cours de
nos triomphes ; les négociations seront longues en raison
de la complication des intérêts ; il serait possible qu'elles
' eussent pas l'issue qu'on s'en promet ; il faut que nos
préparatifs et nos moyens nous conservent toujours la
supériorité que nous avons acquise ; c'est en continuant
de nous faire redouter que nous acquerrons enfin le
droit d'être tranquilles.
La conquête de la Hollande n'influera pas médiocrement
sur les dispositions extérieures ; il faut aussi
qu'elle améliore notre situation dans l'intérieur ; il est
probable qu'elle nous fournira un moyen de placer nos
assignats de maniere à en retirer une partie de la circulation.
Ce moyen sera plus efficace peut- être que la
loterie de Cambon , qui peut avoir des avantages , mais
où , il faut le dire , la personne a fait tort à la chose ;
il est certains préjugés d'opinion qu'il est difficile de
vaincre , et la prévention bien ou mal fondée qui environne
ce membre du comité des finances , eût fait
desirer que ce projet eût été conçu et présenté par tout
autre.
Décadi dernier , vers trois heures du matin , la débacle
des glaces qui couvrait la riviere a commencé à s'effèctuer
. On sait qu'elle entraîne toujours quelque désastre.
Des bateaux ont périt , ainsi que plusieurs trains de
bois fracassés ou incrustés dans les glaces. Le froid s'est
encore fait sentir , le thermometre est redescendu successivement
jusqu'à 6 degrés au-dessous de la congélation
; mais il ne paraît pas devoir se soutenir . et tout
fait espérer que l'arrivage des denrées n'éprouvera bientôt
plus d'obstacle.
( 102 )
Nous avions annoncé , sur la foi de tous les papiers
l'arrestation du général Duhemme ; cette nouvelle a été
démentie , et l'on a rendu au contraire des témoignages
favorables au patriotisme et à la bonne conduite de cet
officier , qui au reste n'est point parent du député
Duhem.
On arrêta , il y a quelque tems , à la porte de l'Opéra ,
divers fripons qui profitaient du bénéfice de la foule , qu'ils
faisaient , pour dévaliser des porte- feuilles on assure que
police ayant suivi cette affaire , est parvenue à découvrir une
société de 85 voleurs qui avaient etabli leur croisiere dans
Paris et dans les environs parmi ces voleurs se trouvent
dit-on , et ceux qui volerent la diligence de Lyon , il y a
dix-huit mois , et ceux qui enleverent au représentant Cambacérès
une partie de ses effets en plein jour . On espere
d'atteindre la queue de ces scélérats , dont quelques- uns ont
volé et assassiné , ces jours derniers , chez un orfevre , rue
de l'Arbre- Sec. On ajoute même que la police a permis de
r'ouvrir ces grandes souricières à coquins , qu'on appelle tri
pôts , et où elle est assurée de les saisir facilement un jour
ou l'autre .
On lit dans un de nos papiers une anecdote assez plaisante :
Un charretier promenait une voie de bois qu'il voulait
vendre le plus cher possible ; il s'arrête à la porte d'un épi
cier , et la lui vend 200 liv . Aprés avoir déchargé sa voi
ture , il demande successivement un et ensuite un second
verre d'eau de vie on lui en sert deux .. On vient à compte s
l'épicier lui donne 150 liv. , et lui compte les deux vertes
50 liv. Le charretier se récrie : on va chez le juge de paix ,
qui décide , dit- on , qu'il n'a aucun droit de taxer ni le bois,
ni l'eau-de- vie . On a ri beaucoup de l'aventure ; 99
On écrit de Marseille , qu'il vient d'entrer dans ce port
un convoi de 18 bâtimens génois ou grecs , dont la cargaison
consiste en bled , riz , morue , laine et autres marchandises .
Nice est l'entrepôt général des grains qui arrivent de Gènes
et de Barbarie : il y a en ce moment d'immenses magasins
remplis que l'on fait refluer sur toutes les communes de la
côte.
On mande de Toulon , que la mauvaise saison retardera
vraisemblablement de quelques jours le depart de l'escadre.
Depuis près d'un mois , l'escadre ennemie n'a pas reparu
en croit que le mauvais tems l'aura forcée de se retirer dans
quelque port de la Corse , ou plutôt à Livourne où l'on assure
qu'elle est actuellement..
On mande de Brest , en date du 2 pluviôse , que le convoi
( 103 )
de Cherbourg vient d'arriver dans ce port avec une quand
tité immeuse d'approvisionnemens de toute espece pour les
arsenaux et les chantiers . Le nombre des bâtimens est si
considérable , que malgré l'absence de notre armée navale ,
le port est rempli.
Il arrive assez fréquemment à Brest des corvettes qui sont
envoyées de l'armée navale ; mais rien ne perce de ce qu'elles
en apprennent ; on sait seulement que l'armée jouit d'un beau
tems. Au reste , comme les conjectures vont toujours audelà
de ce qu'on sait ou qu'on ne sait pas , les uns disent
que notre escadre est allée bloquer et attaquer le port du
Ferrol , tandis que notre armée des Pyrénées occidentales
attaque cette place par terre ; d'
d'autres
prétendent que cette
escadre va joindre celle de Toulon . On voit que toutes ces
versions sont marquées au coin de l'incertitude .
Le tribunal révolutionnaire a été installé par le citoyen
Aumont , commissaires des administrations civiles , de
police et des tribunaux , qui a prononcé à cette occasion
un discours plein de principes utiles , ainsi que le citoyen
Agier , président .
On mande de Fontenay-le-Peuple que Charette a été indigné
de la conduite de Stoffet , qui commande dans la partie
qui s'étend depuis Chantenay , Montaigu , jusqu'aux Sables ,
etc., et qu'il l'avait fait destituer ; car ce Stoflet , ambitieux
et jaloux du pouvoir comme il l'est , aurait pu contrarier
les vues de pacification de Charette.
Vous ne sauriez vous figurer combien les rebelles sont
attachés à ce dernier. Ils ne jagent que par lui , ils veulent
bien se rendre , oui , mais si monsieur Charette y veut consentir.
Pourquoi abandonnerions - nous nos chefs , ils ne nous
ont point abandonné dans nos besoins ? Voilà le langage que
tiennent ordinairement les gens aveuglés et égarés de ce departement
; mais ce n'est pas leur seul motif ; ils se défient
de la garantie qu'on leur offre. Comme ils ont déja été trom²
pés une fois du tems de la tyrannie de Robespierre , ils ont
peur de l'être une seconde fois ; mais enfin on vient à bout
d'ébranler leur incrédulité et de lear inspirer des sentimens
de confiance pour la Convention nationale , qu'ils commencent
déja à regarder comme leur bienfaitrice . De la douceur , de
la douceur , et le triomphe de la République , dans ' ces ' con
trées , est assuré.
( 104 )
NOUVELLES OFFICIELLES.
ARMÉ DU RHIN ET DE LA MOSELLE.
A Treves , le 3 pluviôse , l'an 3e , de la République.
L'armée devant Luxembourg , citoyens collegues , bloque
cette place , et c'est en se disposant à s'en emparer qu'elle a
célébré l'anniversaire du jour mémorable où la liberté a repris
tons ses droits , du jour où la tête du tyran roi est tombée sous
le glaive de loi , du jour enfin qui a assuré à jamais le bonheur
du Peuple Français.
99 J'ai joint à l'ordre du général , et distribué à toutes les
tronpes , une proclamation dans laquelle je leur ai retracé cette
fameuse époque, et les victoires successives remportées depuis
sur l'ennemi . Bientôt , leur ai -je dit , Luxembourg tombera sous
Vos coups , et tout le territoire , jusqu'aux bords du Rhin , sera
purgé des vampires qui l'infestaient et écrasaient le peuple .
Les cris de Vive la République ! mille fois répétés , ont été
entendus & Luxembourg ; et l'ennemi aura senti de nouveau
qu'une armée , qui a manifesté ses sentimens d'un ton si
energique et si bien prononcé , ne peut être que victorieuse .
J'ai fait distribuer , ce jour- là , une double ration de viande
et d'eau - de-vie , à toute l'armée , et j'espere que vous ne désavouerez
point cette mesure . ") }
Salut et fraternité ,
Signé , NEVEU , représentant du peuple.
. P. S. Dans la séance du 13. on a annoncé la prise des
places de Williamstadt , Bréda , Gorcum et Berg- op- Zoom ;
de la flotte hollandaise retenue par les glaces dans le Texel ,
des ports de Briel et de Hallevoel -Sluys.
Y
Six cents Français prisonniers dans ce port ont été armés
secrétement, et ont fait prisonniers à leur tour 800 Anglais
qui devaient s'embarquer.
On envoie à Paris , comme prisonniers de guerre , les
princes de Salm-Salm et de Hohenlohe , qui ont été arrêtés
sur les glaces avec an aide - de- camp du général Clayrfait.
2
( N° 28, )
Jer . 1.3.5.
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 20 PLUVIOSE , l'an troisieme de la République.
( Dimanche 8 Février 1795 , vieux style. )
Explication des Charade et Logogriphe du No. 27 .
Le mot de la Charade est Garrosse ; "celui du Logogriphe
est Peau ; .où l'on trouve eau , pau peu.
POÉSI E.
ODE sur la prise de la Hollande , offerte à la Convention par
C. J. Trouvé , l'un des rédacteurs du Moniteur.
Qu'ai-Jé
U'AI - JE entendu ? le puis -je croire !
Quels sont ces miracles nouveaux ?
Quel est ce théâtre de gloire
Qui s'ouvre à nos brillans héros ?
ๆ ๆ
Muses , il est tems , prenons ma lyre ,
Et dans án sublime délire
Chantons des exploits si hardis ,
Et que sur les cordes glacées
Le feu brûlant de mes pensées
Ranime mes doigts engourdis .
?
Oh ! que j'admire le courage
De nos rapides conquérans !
Comme ils ont réparé l'outrage
Dont nous couvraient nos vils tyrans !
Dira-t- on encore à la France
Que c'est le fer de la vengeance
Qui préparait de si beaux faits P
L'innocence n'est plus flétrie ;
Depuis ce tems , ô ma Patrie !
Tu comptes les plus grands succès !
D'un joug honteux timide esclave
De sa vertu dégénéré ,
Le descendant du fier Batave ,
De mers , de feuyes entouré.
Tome XIV H
M
( 106 )
Croyait avec cette barriere
Borner la superbe carriere
De nos Soldats Républicains
Sous ce rempart de la faiblesse
I osait , dans sa folle ivresse ,
Défier nos heureux destins .........
Orgueil fatal ! vaine insolence !
La nature s'arme avec nous.
Dans les airs l'aquilon s'élance .
Ardent ; enflammé de courroux ;
Des eaux l'immobile surface
Tout- à- coup s'épaissit en glace ,
Du triomphe illustre sentier !
Et dans cette immense étendue
La gloire semble descendue ,
Compagne de chaque guerrier.
Fuyez , mercenaires cohortes ,
L'or ne donne point la valeur ;
Cité marchande , ouvre tes portes
Un Peuple libre est ton vainqueur .
Si l'onde , plus officieuse ,
Rompit la marche ambitieuse
D'un usurpateur de nos droits ;
Vois-tu comme elle est impuissante
Devant la Vertu triomphante
Qui dompte et fait trembler les rois
Ainsi , nous rendrons à la Terre
Et le repos et le bonheur !
Ainsi , du démon de la guerre
Nous enchaînerons la fureur.
O douce paix ! vierge timide
Reviens , que l'olivier te guide
Dans les bras de la Liberté !
Reviens , bienfesante immortelle
Entends la France qui t'appelle
Au secours de l'humanité !
( 107 )
BEAUX ARTS.
Analyse du rapport sur l'état actuel du PANTHEON FRANÇAIS ,
fait par ANTOINE QUATREMERE .
DEPUIS
EPUIS plus d'un an qu'a paru ce rapport intéressant ,
personne ne s'est empressé de le faire connaître . Il ne
faut pas s'en étonner ; l'auteur était du nombre des
artistes célebres que l'on persécutait , et l'on sait qu'il
n'était pas plus permis alors de s'occuper des produc
tions du talent que d'en avoir. Aujourd'hui que le tems
et l'opinion ont fait justice des persécuteurs , avoir à
parler du mérite persécuté , n'est plus un motif pour se
dispenser de publier ses travaux quand ils ont été utiles ;
-c'est un intérêt de plus que le sentiment ajoute au plaisir
et au devoir d'être juste .
Le Panthéon Français , érigé aux grands hommes par la
Patrie reconnaissante , est un de ces monumens qui n'intéressent
pas moins sous les rapports de l'art , que par
les sentimens qu'ils réveillent dans les coeurs qu'enflamme
l'amour de la gloire et le bonheur de servir
leur pays . Il n'est aucun Français qui , sachant comment la
Patrie récompense , ne soit curieux de connaître ce
temple que l'immortalité ouvre au génie et aux vertus
pour en faire l'apothéose .
Cet édifice , l'un des plus beaux et des plus parfaits
dont puisse s'honorer la création de l'art , avait été élevé
pour une autre destination . C'était un temple religieux ,
L'Assemblée constituante en a fait un temple de mé
moire ; il a moins changé d'objet que de forme , car le
culte des grands hommes est une religion pour la Patrie
. Il fallait l'approprier à son nouvel usage , en conservant
tout ce qu'il était impossible de détruire sans
altérer l'unité de ce monument , et en lui donnant tous
les attributs qui devaient le caractériser. Ce soin fut
confié à la direction du citoyen Quatremere ; on va
juger s'il a rempli dignement ce but.
On se ferait une idée bien imparfaite de ce rapport.
si l'on croyait qu'il n'offre qu'une énumération seche
et fastidieuse de changemens et d'opérations purement
matérielles. L'homme de lettres y parle toujours la langue
de l'artiste , et l'artiste y montre tout le goût de l'homme
H &
( 108 )
de lettres . Les principes de la théorie y sont éclairés du
flambeau de la critique , et appuyés d'une connaissance
profonde de l'antique , et de ce sentiment du beau et
du vrai , sans lequel les beaux arts ne sont plus qu'une
servile routine.
Ce rapport offre deux parties . Dans la premiere on
rend compte des changemens qui ont été faits au Panthéon
. Dans la seconde on explique les motifs de ces
changemens. La premiere est purement descriptive ; la
seconde est toute de préceptes et de critique .
De l'extérieur du Panthéon .
De toutes les parties du monument , celle qui devait
plus appeller à soi les secours de l'art et les ressources de
'allégorie , pour répondre au caractere nouveau qu'exigeait
une destination nouvelle , était sans doute le péristyle
.
Soufflot avait conçu il y a quarante ans l'idée d'élever
un péristyle surmonté d'un fronton , L'idée parut neuve ;
il n'y avait de nouveau que l'ignorance des hommes
d'alors . Le projet parut hardi ; il l'était en effet , car les
dimensions en étaient gigantesques et les moyens d'exécution
puérils. Il réussit enfin , et pour qui connaît les
difficultés qn'il eut à vaincre , l'entreprise mérite des
éloges. Cependant une sorte de timidité se mêla à la hardiesse
de la conception . L'auteur n'avait pas osé donner
au bas - relief de son fronton la saillie convenable ; il
avait restreint lui -même les moyens de la sculpture ;
tout enfin , jusqu'au sujet choisi , s'était accordé pour
qu'une si belle occasion de développer un grand talent ,
fût perdue .
La belle inscription qui a remplacé dans la frise l'insipide
et lourd enroulement dont elle était chargée , est
devenue , d'une maniere toute naturelle , l'argument et
l'explication tout-à-la-fois du sujet que Moitte a traité
dans son fronton : c'est aux grands hommes que la Patrio
reconnaissante a consacré ce monument.
C'est aussi la Patrie qui paraît dans ce bas - relief comme
la divinité principale du temple . Des symboles caractéristiques
de la France l'accompagnent ; un autel chargé de
festons et de signes rémuneratifs est à côté d'elle ; elle y- a
pris les couronnes de chêne qu'elle tient , et que ses deux
bras étendus présentent à l'émulation publique. L'une
d'elles vient se reposer sur la tête de la vertu à son air
( 109 )
timide , à son maintien modeste , l'artiste a voulu faire éntendre
que la véritable vertu se contente de mériter les
récompenses ; qu'elle ne sait ni les solliciter ni les fuir ,
mais quela Patrie saura toujours la trouver et la prévenira
Un caractere tout différent brille et se développe dans
la figure opposée . C'est le génie personnifié sous la
forme d'un beau jeune homme aîlé ; une massue , sym
bole de la force qui dompte tous les obstacles , est dans
sa main gauche ; il nefaut que lui montrer la récompense ,
aussi sa main droite saisit la couronne que tient la Patrie .
Son air , son attitude et toute l'expression de la figure
annoncent la hardiesse , et ce desir de gloire et cette
ambition des récompenses qui sont l'aliment du génie .
Comme la vertu attend la couronne , le génie l'arrache .
Tels sont les principaux traits qui différencient ces deux
figures .
Mais ce qui forme leur cortége , ou ce qui vient à leur
suite , en prononce encore mieux le caractere .
Derriere la vertu , plane en l'air le génie de la liberté ; '
il tient d'une main le Palladium de France , l'autre saisit
par leurs crinieres et conduit, comme en triomphe, deux
lions attelés à un char rempli des principaux attributs
des vertus . Ce char a terrassé le despotisme ; on le reconnaît
à une figure renversée sur des ruines , à ses regrets
et au poignard qui lui reste , et qu'il va tourner contre
lui-même.
Le triomphe du génie est d'un autre genre . Ses vraies
conquêtes sont sur l'erreur ; c'est à ce prix qu'il aura
dorénavant accès dans le temple de la Patrie ; tel est le
sens du grouppe qui termine la partie gauche du fronton .
y voit le génie de la philosophie , armé du flambeau
de la vérité , qui combat l'erreur et le préjugé .
On
L'artiste les a représentés sous la forme du griffon ,
animal chimérique qui , dans le langage de l'allégorie
est devenu le symbole de l'erreur ; l'un d'eux recule à
la lueur du flambeau qui détruit les prestiges ; l'autre
expire sous les pieds du génie . Le char auquel ils étaient
attelés offre , renversés et culbutés , tous les emblêmes des
diverses superstitions.Le lituus , les tables hieroglyphiques,
les instrumens des mysteres , le trépied sacré , tous ces
signes qui ont long - tems abusé l'imagination en trompant
les sens , rendent dans leur chute hommage au génie de
la raison , et occupent la partie la plus rampante d
fronton .
Cinq bas reliefs ornent le dessous du péristyle ; celui
H 3
( 110 )
du milieu , qui est de Boichot , a pour sujet la déclaration
des droits. C'est la nature sous la forme d'une
femme , moitié nue et moitié vêtue , pour exprimet que
jamais l'homme ne la connaîtra toute entiere ; qui
occupe le milieu de la composition ; elle tient une corne
d'abondance , symbole de la production . Le vautour ,
emblême de la destruction , est à ses pieds ; son autre
main s'appuie sur la table des droits de l'homme qu'elle
présente à la France étonnée . La nature àmene à sa suite
ses deux compagnes , l'égalité et la liberté. La renommée
se voit on l'air ; elle annonce à tous les peuples le rẻ-
veil de la France , et le regne de la liberté .
Le premier du côté droit est de le Sueur. Cet artiste y
a exprimé l'instruction publique ; la Patrie la présente
aux peres et meres de famille . Des jeunes gens et de
jeunes filles vont au devant d'elle , et de jeunes enfans
l'embrassent comme leur mere . L'artiste a voulu faire
entendre que l'instruction du bas âge est de toutes la plus
importante.
Le second , du même côté , représente la nouvelle
jurisprudence . La Patrie , assise à l'entrée du temple des
lois , montre à l'innocence la statue de la justice , et la
salutaire institution du jury . L'innocence embrasse avec
empressement cette statue tutélaire. Deux figures , savoir
la jurisprudence civile et criminelle , sont debout , et
semblent jouir du plaisir qu'elles auront à n'être plus
que les défenseurs des innocens . Cet ouvrage est de
Rolland.
Comme toute bonne société doit établir l'instruction
et la justice pour tous , tous doivent en retour à la société
T'obéissance aux lois et le sacrifice de leur personne à la
chose publique ; tels sont les motifs des deux bas - reliefs
du côté gauche .
Le premier , représentant le dévouement patriotique ,
est de Chaudet. On y voit un guerrier mourant pour la
défense de la République . Le génie de la gloire et celui
de la force le soutiennent expirant . Sa main défaillante
dépose sur l'autel de la Patrie le fer qu'il employa pour
elle , et ses demiers regards sont encore pour la Patrie ,
qui s'avance à lui , en lui présentant la couronne du martyre
civique .
Le second , du même côté , est l'empire de la loi . C'est
encore la Patrie , le sceptre en main , qui apprend au
peuple que les lois qu'elle lui présente sont l'expression
de la volonté générale .A ce signal un vieillard se prosterne
1
( 111 )
et jure d'y obéir ; un jeune guerrier s'avance etjure de la
défendre. Ce bas- relief est de Fartin.
Au- dessous des quatre bas - reliefs qui accompagnent
celui du milieu , on a remplacé les quatre ornemens en
grecque qui n'étaient là que pour occuper de l'espace
par des épigraphes analogues à chacun des bas- reliefs .
Six figures ou statues colossales embélissent le péristyle
.
Sous le bas - relief de l'instruction publique , c'est- à,
dire au côté droit du péristyle , s'éleve un grouppe ,,
ouvrage de Chaudet , haut de neuf à dix pieds , qui représente
la philosophie instruisant un jeune homme , et
lui montrant le chemin de la gloire et de la vertu,
La seconde figure est de Rolland : elle représente la
loi dans l'acte du commandement ; elle a treize pieds
de proportion.
La troisieme est la force , sous l'emblême d'Hercule
elle est de Boichot.
Le quatrieme sujet est un grouppe représentant un
guerrier mourant dans les bras de la Patrie. L'auteur est
Masson.
Les deux dernieres figures , par lesquelles on aurait pu
commencer cette description , puisqu'elles se trouvent
en avantdu péristyle et sur les deux massifs de l'escalier ,
sont la liberté , par Lorta , et l'égalité , par Lucas .
Les contours extérieurs du Panthéon n'ont reçu que
quelques changemens de décoration , les croisées ont
été supprimées , et les tours, ont disparu .
La Coupole était après le péristyle , l'objet extérieur
qui sollicitait le plus quelqu'un de ces oliangemens caractéristiques
, propres à lui redonner une signification.
moins bannale , et susceptible de se concilier avec la
forme de ce vaste et dispendieux couronnement. La lanterne
qui lai servait d'amortissement a disparu , et à sa
place s'élevera une statue colossale représentant la renommée.
Elle est du citoyen Dejoux , et sera fondue en
bronze par le citoyen Getty.
En combinant le piédestal avec le colosse qu'il doit
porter, on a trouvé encore le moyen de le rendre utila
sous un autre rapport.
L'académie des sciences avait desiré établir un observatoire
sur le sommet de la coupole du Panthéon. Ca
point , le plus élevé que l'on connaisse à Paris , à déja
servi à l'observation du méridien. Les astronomes qui
s'occupent de ce travail avaient besoin d'un local clos et
HA
( 112 )
commode , soit pour leurs opérations , soit pour la sûreté
de leurs instrumens ; celui qui leur convient s'est trouvé
précisément en rapport , et avec l'étendue du piédestal ,
et avec sa configuration .
Le demi- globe , sur lequel la renommée a le pied ,
forme la voûte d'une petite chambre circulaire , percée
de douze petites croisées propres aux observations ; la
chambre est prise dans le corps même du piedestal. Ainsi
ce nouveau couronnement aura lavantage complet de
réunir aux beautés de l'art une destination utile à la
science .
L'immensité de la vue dont la hauteur de la coupole
offre le plaisir , a dû faire chercher les moyens d'en faire
jouir les curieux , et une galerie tournante autour du
socle les recevra sans danger ; elle aura de plus l'avantage
de tronquer une partie de la pointe de la coupole , dont
la forme ne peut que gagner à cette légere diminution .
En couronnant le sommet du Panthéon par la statue
de la renommée , il était naturel que cette figure représentée
publiant les louanges des grands hommes , s'élevât
au milieu des vertus qu'elle chante .
La construction de la coupole et son ordonnance ont
paru propres à réaliser cette conception morale . Sa color
nade extérieure , composée de trente- deux colonnes , présente
au génie de la décoration une magnifique série de
statues qui se trouvant placées immédiatement au- dessous
de celle de la renommée , lui feront le plus bel et le plus
analogue accompagnement.
De l'intérieur du Panthéon.
Les moyens que l'architecture emploie pour produire
le caractere qu'elle se propose , réduits à leur valeur abstractive
, consiste dans le plus ou le moins de division des
objets.Divisez beaucoup ,vous avez ce que l'on est convcru
d'appeller un style gai ou léger : rapprochez -vous le plus
possible de l'unité , ou , ce qui est la même chose , siaplifiez
, vous acquérez un caractere grave ou sévere . C'est
que la multiplicité des objets produit la distraction de
l'esprit ; c'est que l'unité de motif concentre la pensée ,
en opere le recueillement , comme la monotonie , qui
n'est que l'exces de l'unité , fatigue nos sensations par la
trop grande répétition de la même impression .
I
C'est d'après ces principes avoués par le bon goût
qu'ont été dirigés tous les changemens , toutes les sup(
113 )
"
pressions ornemens superflus , soit dans les voůtěs ,
soit dans l'imposte , la frise et les pendentifs.
La division de l'édifice en quatre nefs inspirera sans
doute une classification toute naturelle des grands
hommes , dont les effigies trouveront place dans co
temple . Quelque parti que l'on prenne à cet égard ,
il fallait toujours adopter un systême dans la répartition
des allégories , et ce systême était indiqué par
le motif même de l'édifice .
Un monument consacré aux grands hommes , l'est
avant tout aux vertus et aux talens qui font les grands
hommes. Il convenait donc d'exprimer et de rendre
sensibles tous les titres d'honneurs et de mérite dont
se compose leur réputation .
Il convenait qu'aucun homme ne pût trouver place
dans cet élisée sans y rencontrer au moins les signes
correspondans des objets qui furent autrefois le charme
de sa vie , et sont devenus la source de sa gloire .
C'est d'après cette idée toute naturelle que s'est
opérée la division des allégories des quatre nefs , dont
l'une est consacrée à la philosophie , l'autre au patriotisme
; la troisieme aux seiences ; la quatrieme aux
arts .
La nef d'entrée offrait dans la petite coupole ovale
qui domine la tribune , quatre petits pendentifs jadis
occupés par de petits grouppes d'anges ; ils ont été
remplacés par quatre sujets en ornemens qui , sous
les emblêmes différens de quatre animaux ailés , représentent
l'apothéose de la philosophie , de la vertu ,
de la science et du génie .
Le premier pendentif , à main droite du spectateur.
en entrant , a pour sujet l'histoire . Son auteur , Stouf,
l'a représentée sous la figure d'une femme tranquille
au milieu des éclats de la foudre , écrivant sur les
aîles du tems les catastrophes et les révolutions des
empires. C'est ce qu'on lit sur une table que le tems
lui présente , et encore mieux , aux débris de sceptres
et de couronnes que la muse de l'histoire foule aux
pieds.
La science politique forme le sujet du premier basrelief
, à gauche ; il se compose de deux figures dont
l'une est la force , et l'autre la sagesse qui maintient
le gouvernail et le faisceau de la République
ouvrage est d'Auger.
: cet
Le troisieme , du même côté , est la législation .
( 114 )
par du Pasqnier. C'est la science des lois , inspirée
par l'effigie de Licurgue , qui écrit son code et le
présente à la République , dont une ruche fait l'emblême.
Le quatrieme , à droite , est la morale , représentée
par une femme instruisant un jeune homme , et lui
montrant cette sentence qui est la base de tout ordre
social Comme toi , traite ton semblable. Ce bas - relief
est de Beauvallet.
La nefseptentrionale , ou celle de la croisée à gauche en
entrant , est consacrée aux sciences ; ses voûtes portent
les attributs de la physique , de la géométrie , de
l'astronomie et de l'agriculture .
La physique , par Baccarit , se présente sous la figure
d'une femme qui est la science soulevant le voile qui
cachait la nature. 4
Son bas-relief correspondant représente l'agriculture
avec ses instrumens aratoires , et les productions qui
sont la vraie richesse des états . La patrie lui offre la couronne
rémunérative des travaux utiles . Lucas est l'auteur
de ce bas - relief.
Suzanne a personnifié la géométrie sous la figure de
deux femmes , dont l'une qui est la théorie , se reconnaît
à la lampe , symbole de l'étude . Elle dirige et
conduit dans ses opérations une autre figure , qui est
la géométrie pratique , occupée à tracer sur le globe
la nouvelle division de la France en départemens.
L'astronomie est le quatrieme sujet . Long- tems avant
que le nouveau calendrier fût decrété , le motif en avait
été tracé au Panthéon , dans le bas- relief de Delaistre.
Cet artiste y a figuré l'astronomie , montrant à la chronologie
dans le zodiaque le signe de l'équinoxe d'automne
, comme devant servir d'époque à la nouvelle
année . La chronologie écrit sur un cippe ce nouvel ère
de la République Française .
La nef opposée , ou la méridionale , est affectée aux
arts , et ses symboles en constatent la désignation par des
caracteres non équivoques .
Chacun des bas- reliefs de ses quatre pendentifs a
pour sujet deux figures allégoriques d'arts .
Le premier à gauche en entrant est de Chardin ; l'on y
voit le génie de la poësie , et celui de l'éloquence , qui
oubragent de lauriers les portraits du plus grand de tous
les poëtes , et du premier des orateurs .
La navigation et le commerce , l'une assise sur une 1
( 115 )
4
proue de vaisseau et appuyée sur la boussole ; l'autre ,
sous les traits du dieu des marchands , et tenant le décret
sur la liberté du commerce , forme le pendant , qui est
de Blaise.
Des deux autres , l'un , ouvrage de Ramey , se compose
de la musique et de l'architecture , sous les traits de deux
femmes , que leurs accessoires font aisément reconnaître .
La premiere tient la lyre d'une main , et de l'autre l'hymne
à la Patrie ; la seconde porte un compas , et s'appuie sur
la coupole du Panthéon.
Dans son pendant , fait par Petitot , se voient la peinture
et la sculpture avec leurs attributs caractéristiques . L'ar
tiste les a représentées tenant une couronne qui va se
placer sur un buste ; c'est celui de la sagesse ou de la
vertu. L'inscription gravée sur ce cippe explique l'idée
morale de l'artiste , et celle que l'on doit prendre de
l'emploi de ces arts dans leur application aux rècompenses
qu'ils savent décerner.
La nef du fond , ou la partie orientale du monument,
est affectée aux vertus patriotiques , elles sont exprimées
dans ses quatre pendentifs , sous les emblêmes suivans :
Le premier , à droite , selon l'ordre déja suivi dans
chaque nef , a été'exécuté par Cartellier , qui a représenté
la force sous la figure d'un guerrier, tenant d'une main
la massue , et de l'autre la victoire . La prudence est à
côté de lui , qui , dans son langage allégorique , lei apprend
que si la force gagne les victoires , c'est la sagesse
qui les conserve et peut seule les couronner.
La bonne -foi et la fraternité occupent le pendant
dont Foucou est l'auteur. La bonne -foi s'est toujours
exprimée par l'emblême de deux mains jointes . C'est
aussi le geste des deux figures que le sculpteur a mises
en action dans son sujet . Un autel situé au milieu d'elles
indique la sainteté de leur serment .
Masson , chargé du troisieme bas-relief, a pour sujet
le dévouement patriotique ; c'est un citoyen mourant ,
que l'amour de la Patrie soutient dans le moment où .
celle-ci fait briller à ses yeux la couronne civique ..
Le désintéressement a été rendu par Lorta , dans le
dernier pendentif , sous ce trait que l'histoire de la
révolution a consacré dans ses fastes. On n'a pas oublié
que des citoyennes de Paris furent les premieres à faire
offrande à la Patrie de leurs bijoux , et que ces citoyennes
étaient des femmes d'artistes : il était juste que la main
de l'art éternisât ce souvenir. Il se trouve ici rappellé
1.
( 116 )
dans la figure de deux femmes , dont l'une détache ses
pendans d'oreille , et l'autre dépose ses colliers , ses bracelets
et tous ses joyaux sur l'autel de la Patrie .
Au fond de la nef, qui forme le chevet du monument
ou l'hémicycle , sera placée l'effigie colossale de la
Patrie une voûte ovale , correspondante à celle de la
tribune d'entrée , présente quatre petits pendentifs qui
recevront quatre emblêmes différens , représentés par
quatre amours ailés , caractérisant l'amour de la patrie.
L'un est l'amour faisant une offrande à la Patrie , l'autre
en reçoit une couronne et chante ses bienfaits ; le troisieme
combat pour elle , et la couvre de son bouclier ;
le quatrieme exprime le plaisir qu'on trouve à mourir
pour sa défense . Ces quatre sujets sont de Boquet.
Il conviendra que le reste de cette niche participe et
à la décoration générale , et au motif de cette décoration.
Le citoyen Quatremere propose d'y faire figurer
le simulacre de la patrie , et voici quelles sont ses idées :
Assise sur son trône , ses deux génies tutélaires lui
serviraient d'appui ; l'un serait la liberté , portant d'une
main la pique surmontée de son signe caractéristique ,
et lui présentant de l'autre ce monument qui , après
avoir été le symbole de l'esclavage , est devenu l'emblême
de sa destruction . Le bras gauche de la Patriè
s'appuyerait sur le génie de l'égalité , et offrirait aux
yeux le niveau , vainqueur des préjugés , tandis que sa
main droite , soutenue par la liberté , éleverait et ferait
briller la palme qu'elle , réserve aux vrais amis de la
Patrie .
Ce grouppe serait porté sur un soubassement , enrichi
de bas- reliefs et d'allusions philosophiques ; de
grands degrés le sépareraient du sol de l'édifice , et des
autels , en forme de candelabres , brûleraient à ses
côtés .
Au milieu de l'intérieur du dôme que forme la coupole
serait placé l'autel de la Patrie , de maniere qu'en
entrant il paraîtrait arriver au pied du colosse . Cet autel
qui serait établi à demeure serait propre aux cérémonies
civiques que l'usage y réglera. Des statues du même
genre que celles qui ornent le péristyle devront orner
les pans coupés des piliers du dôme ; elles pourraient ,
quant aux sujets , correspondre au motif de l'autel .
Sur les quatre grands pendentifs de la coupole seront
quatre bas-reliefs représentant de grands génies ailės , de
la proportion de 15 pieds . Chacun d'eux dans une atti(
117 )
+
tude et un développemeut différens , sont comme le
résumé du sujet de chaque nef.
Le premier est le génie de la philosophie tenant
le flambeau de la vérité d'une main , un joug brisé et
des chaînes rompues de l'autre ; un globe est sous ses
pieds avec les emblêmes des préjugés , et le griffon qui
est le symbole de l'erreur ; sa tête est ornée de rayons,
Le génie de la vertu , considéré sous le rapport politique
de force ou d'amour de la patrie , lui fait pendant ;
il est coëffé de la peau de lion' , il tient la massue et la
pique qui vient de percer le monstre abattu sous ses
pieds.
Le génie des sciences avec une couronne étoilée , fait
le troisieme sujet ; il tient l'emblême antique de la nature
( ou la Diane d'Ephèse ) ; le globe terrestre est sous ses
pieds , et la sphère céleste , figurée par le zodiaque , est
dans sa main ; il est accompagné du sphinx et des instrumens
de la science .
Le génie des arts , couronné de fleurs , cat le sujet du
quatrieme ; il tient d'une main la lyre , symbole de l'harmonie
qui caractérise tous les arts. Le pouvoir des arts et
de l'harmonie sur les moeurs des peuples et leur sivilisation
, est exprimé par le lion enchaîné qui mord le frein
que tient l'autre main du génie .
Le premier de ces bas-reliefs est de Pasquier ; le second ,
de Ramey ; le troisieme : de Baccarit , le quatrieme
d'Auger.
Quant au pavé de ce beau monument qui est tour
entier à faire , le citoyen Quatremere propose d'y employer
le marbre blanc veině d'Italie , et le bleu turchin
qui réunirait l'avantage de ne point trancher avec le reste
de l'édifice , et d'avoir une égale dureté .
Telle est l'idée qu'on peut se former de l'extérieur et
de l'intérieur de ce grand monument. Nous réservons
pour un autre article le développement de l'esprit et des
raisons qui ont dû solliciter les changemens opérés , et
empêcher d'en faire d'autres.
( 118 )
PHILOSOPHIE CRITIQUE.
PREMIERE LETTRE DU POLÉMOPHILE AU RÉDACTEUR .
masteres
Sur les caracteres de l'Opinion .
En commençant avec vous une correspondance que
je me propose de suivre , et que je tâcherai de ne pas
rendre inutile , je dois débuter par me faire connaître.
Mon nom , tout grec qu'il est , ne doit point vous effaroucher;
tant de gens se sont empressés d'oublier qu'ils
étaient fils de leur pere , et de se greffer sur de beaux
plants , sans cesser pour cela de rester sauvageon , qu'il
ne faut
pas vous étonner que je sois allé faire un emprunt
dans la Grece . Passe encore si l'on neût fait que
voler les anciens , les modernes y auraient moins perdu ,
et tout se fût terminé par le ridicule .
la
Chacun a eu ses goûts dans la révolution . Les uns se
sont plus dans le pillage , les autres à égorger ; de toutes
les fantaisies ce sont sans doute les plus funestes pour
pauvre espece humaine . Que les janus à double visage
aient caressé tous les partis , sans jamais se soucier de la
liberté ni du salut du peuple ; que les sots se soient crus
les plus habiles gens du monde , et comme tels se soient
assis à toutes les places , il n'y a rien là qui ne soit dans
l'ordre de la bassesse ou de l'ignorance présomptueuse .
Que , tandis que les pervers , les insoucians , les sots et
les bavards se disputent le triste privilége de déchirer
notre malheureuse patrie ou de le souffrir , ' nos braves
défenseurs , volant de conquêtes en conquêtes , aient
constamment soutenu le grand caractere de véritables
amis de la liberté , et prouvé ce qu'était le patriotisme ,
quand tant d'autres se perdaient en honteuses disputes ,
sans jamais s'entendre ni sur le mot ni sur la chose , c'est
un dévoûment pour lequel il n'y a pas assez de mains
pour applaudir , ni de bouches pour louer. Ne pouvant
partager de tous les goûts le plus glorieux et le plus
pénible , je me suis voué à un autre genre de guerre , qui
à bien aussi ses dangers et sa gloire , c'est celle des vices,
des erreurs , des sottises . Vous voyez tout de suite pourquoi
je m'appelle Polemophile. Mon nom est aussi ancien
que la chose , et malheureusement je n'ai pas l'espérance
de mourir sans postérité.
( 119 )
Je ne suis pas sans besogne , comme vous pouvez le
croire , et mon embarras n'est que dans le choix de mes
adversaires ; je voudrais pouvoir les combattre tous à- lafois
.Je ne crois pas avoir mal rempli ma tâche jusqu'à ce
jour , quoique j'aie été peu jaloux de lever ma visiere et
d'inscrire mon nom sur mon bouclier. Je ne dirai pas
comme Tancréde :
Que mon nom soit caché , puisqu'on le persécute
Peut-être en d'autres lieux , il est célebre assez ;
on m'assure qu'on ne persécute plus aujourd'hui , et je
veux bien m'y fier ; et je préfere à la célébrité , le plaisir
d'être utile, le plus obscurément possible.
Je rencontrai , il y a quelques jours , un de ces
hommes qu'on appellait naguères patriotes par excellence ;
ah ! me dit-il , tout est perdu ; la contre-révolution est
faite. -Comment la contre-révolution ! il me semble ,
au contraire , que la révolution n'a jamais marché d'un
pas plus sûr et plus rapide vers son but. Peut-être fau
drait- il avant tout s'entendre sur ce mot révolution . Vous
en aviez fait une à votre maniere , elle était bien terrible.
-Eh! ne voyez-vous pas que le royalisme et l'aristo
cratie triomphent. Les patriotes sont opprimés . II
ya si long- tems que j'entends répéter cela que je ne
crois ni à votre royalisme , ni à votre aristocratie , ni à
vos patriotes. Quand vous faisiez couler à grands flots
et sans aucune forme de procès , le sang des citoyens.
vous disiez que c'était pour abattre la tête du royalisme
et de l'aristocratie ; il faut que cette tête soit
celle de l'hydre , car vous en avez tant coupé , tang
coupé , qu'il ne devrait plus y en avoir. Vous res
semblez aux prêtres de toutes les religions qui faisaient
égorger pour la plus grande gloire de Dieu , et
qui outrageaient le Dieu qu'ils invoquaient. Mais Frefon
et Tallien et tous ces horribles pamphlets , qui
corrompent et royalisent l'esprit public. Encore votre
royalisme ; vous avez la jaunisse et vous prêtez à tous
les objeis la couleur de vos yeux. J'ai lu toutes ces
feuilles ; j'y ai touvé quelques vérités et beauconp
de passions , mais pas un mot de royalime . Aimeriez
-vous mieux les formes acerbes ? Et quand personne
n'aurait la liberté ni de penser , ni de parler , ni d'écrire,
vous auriez là une belle liberté !
-
-
Mais Duhem à l'Abbaye et cette jeunesse insolente
avec ses auto - da-fé , et le buste de Maras , de l'ami du
( 110 )
Code
Peuple , profané , outragé , débusqué du théâtre de la
rue Feydeau , ne comptez-vous cela pour rien ? Pas
pour grand'chose. Si Duhem et tous vos crétois avaient
une once de ce patriotisme dont vous parlez tant , ne
sacrifieraient-ils pas leurs passions à l'intérêt de la Répu
blique ? Il faut que la Convention soit respectée . Votre
Marat n'était pas plus l'ami du Peuple que tous ses suc
cesseurs qui se sont parés de ce beau nom . Vous avez
tiré tous les saints du paradis ; on a un peu houspillé le
vôtre . C'est un rendu . Les mouvemens de cette jeunesse ,
peut- être un peu tumultueuse , ne sont que l'effet naturel
de la réaction que produit toujours une longue et violente
oppression ... Mon interlocuteur interrompt brusquement
l'entretien et me quitte , en disant : Je vous
plains , dans peu vous serez détrompé ; nous avons pour
nous l'opinion.
-
-
Un autre que j'avais connu pour un de ces Janus dont
je vous ai parlé , m'aborde . - Eh bien , nos affaires
vont mal. Quelles affaires ? La révolution , elle
ne peut pas se soutenir , la République est une chimere .
Pourquoi cela ? C'est que c'est impossible.... On
a tout détruit , tout égorgé... On ne s'entend pas ...Il n'y
a point de gouvernement.... Et puis nos finances , la
cherté des denrées ...... On n'a de rien , on ne vit plus..
J'entends , vous en êtes seulement au chapitre des
alarmes et des privations ; vous auriez voulu qu'une révolution
se fit d'un coup de baguette comme le changement
d'une décoration de l'Opera , et parce que la liberté
a été souillée et vous coûte la perte de quelques jouis
sances , vous croyez que la liberté ne peut subsister,
Ma foi je le crains . Dites plutôt que vous l'esperez .
Mais mon patriotisme ; Me paraît très équivoque.
A ces mots , mon homme s'enfuit et me laisse pour
toute réponse :J'en suis fâché , mais çà ne peut être autrement
; c'est l'opinion .
Je cheminais , réfléchissant sur la folie de mes deux
hommes , lorsque je me sens tirer par le bras . Je suis
charmé de vous voir , vous ne vous plaindrez plus ;
cela ya maintenant ; — Pas aussi bien que je le voudrais ;
Vous êtes difficile ; nous avons déclaré une guerre à
mort à tous ces terroristes ; il faut que leur tête tombe ; la
justice est à l'ordre du jour . - Je voudrais qu'on y eût mis
en même-tems la raison et qu'on eût déclaré la guerre aux
passions qui ont tout gâté. Vous voilà avec votre philosophie
il s'agit bien de sagesse avec les fous , nî de
--
Yertu
( 121 )
ventu avec les scélérats ; il n'y a pour eux que l'échafaud .
Il est teras que l'opinion triomphe ; adieu.
Bon ,
Eh ! quoi , me disais -je à moi - même , l'un voit la
contre- révolution , parce qu'on ne verse plus de sang ;
l'autre désespere de la révolution , parce qu'on en a trop
versé , et le troisieme veut qu'on en verse encore , et tous
trois en vertu de l'opinion . Qu'est - ce donc que l'opinion?
Je fis part de mes trois colloques à un quatrieme qui ve ·
nait de m'accoster, et que je savais être l'Alceste de la révolution
dont tant d'autres ont été les Philimtes .
me dit-il , est -ce qu'il y a une opinion en France . En 1791 ,
on ne parlait que de la constitution monarchique ; tout
le monde se ralliait autour d'elle , elle devait être impérissable
, c'était l'opinion universelle . En 1792 , il n'a plus
été question que de la République . Quand le parti de
Robespierre eut subjugué tous les autres partis , toutes
les adresses de félicitations arriverent à la file ; on ne
parla que du triomphe de la montagne , et l'on disait que
l'opinion était bien prononcée . Robespierre a été culbuté ,
et l'opinion a pris tout- à- coup un autre langage . Si la
chance des événemens eût tourné d'une autre manière ,
vous eussiez entendu de belles acclamations . On eut
dit que la municipalité de Paris et la montagne avaient
sauvé encore une fois la chose publique , et toujours
on se serait fondé sur l'opinion . Pauvres Français , nous
n'avons ni principes fixes , ni caractere , ni tenue ; nous
sommes encore à bien des égards ce que nous avons été.
Il y a , lui répondis -je , autant d'humeur que d'exagération
dans votre diatribe . Ceci mérite quelque discussion
; nous sommes dans le jardin national , tâchons d'approfondir
un peu cette matiere sur laquelle je vois tant
d'opinions divergentes , propos de l'opinion . Voici
à-peu-près quel fut l'ensemble de mes idées :
Vous n'êtes pas assez injuste , et vous êtes trop éclairé ,
pour faire un reproche à la nation d'avoir cru à la constitutión
de 1791. L'idée du bien séduit aisément un peuple
, quand il a eu à souffrir un long mal. On voulait un
meilleur gouvernement : on le cherchait , on crut le trouver
dans la constitution de 1791 , et on l'embrassa . Mais
il en est des idées politiques , comme de tous les autres
progrès de l'esprit humain ; une découverte en amene
une autre , et le siecle suivant réforme quelquefois l'opinion
du siecle qui l'a précédé , jusqu'à ce qu'elle soit
réformée à son tour. Quand Descartes eut imaginé son systême
du monde , toute l'europe savante fut cartésienne.
Newton découvrit d'autres lois , et on les adopta , parce
Tome XIV.
1
( 122 )
qu'on crut y trouver la vérité. Si de nouveaux efforts
conduisaient à de nouveaux résultats plus satisfaisans ,
on les embrasserait encore . C'est une progression inévitable
de la perfectibilité . Appliquez ce principe à tout
ce que vous voudrez , il produira les mêmes effets , parce
qu'ils sont dans la nature des choses . Tant que les hommes
découvriront ou croiront découvrir le mieux , ne doutez
pas qu'ils ne le saisissent . Pourquoi exhumer cette pauvre
constitution de 91 ? Vous savez aussi bien que moi pour
quoi et comment elle mourut dans sa naissance ; cet enfant
déjà mal constitué , ne trouva point de nourice .
Je pourrais vous dire que les gens un peu instruits avaient
prédit sa fin , quoiqu'elle offrit d'excellentes choses dont
on a su bien profiter ; mais ceci nous éloignerait trop
de notre sujet ; ce n'est pas de l'histoire de la révolution
qu'il s'agit entre nous , mais des différentes causes
de la variation de l'opinion .
Avez-vous imaginé qu'une grande révolution se ferait
sans remuer de grands intérêts et réveiller de grandes
passions? De la diversité d'intérêts naît celle des partis ,
et de la contrariété des passions , leur fureur. Or il est dans
l'ordre que chaque parti prenne son esprit pour l'opinion.
C'est ce qui est arrivé à mes trois interlocuteurs ;
c'est ce qui est arrivé au parti de Robespierre . C'est ce
qui arrivera tant que les hommes auront des passions ,
et la plus aveugle , la plus terrible de toutes est l'amourpropre.
Je pourrais vous citer une foule d'exemples pris
hors de la révolution . Un auteur lit son' ouvrage ou sa
piece dans ses sociétés , et il est applaudi ; il prend le
suffrage de sa cotterie pour le jugement de l'opiniou , et
quand le public le réforme , il est si peu désabusé qu'il
en appelle à la postérité ; tant l'esprit humain porte partout
son caractere et ses faiblesses .
D'où je conclus que l'opinion d'un parti ne prouve
rien pour l'opinion publique , et que la révolution
ayant, par mille causes , varié dans sa marché , l'opinion
a dû suivre les mêmes variations .
Justement , me dit mon Alceste , vous rentrez dans
mes idées ; on a tant varié que je ne vois pas de raison
pour qu'on ne varie encore ; ce n'est pas avoir d'opinion
que d'en changer sans cesse .
Vous prenez , lui répondis -je , les différens modes de
l'opinion pour l'absence de l'opinion ; c'est une erreur.
Il y eu en France un voeu bien marqué , c'est celui
d'avoir un gouvernement libre ; sans cela la révolution ne
se fût pa faite ; et s'il était vrai que la République ne fût
( 123 )
pas dans l'opinion , soyez sûr qu'elle ne s'établirait pas ;
ear un peuple ne garde pas long-tems un gouvernement
qui lui répugne . L'opinion de la liberté a subi dans
son cours toutes les oscillations qu'a produites l'esprit
de parti . Il sera curieux de faire un jour l'histoire des
moyens employés par les différens meneurs pour
faire prévaloir leur opinion , et s'emparer de la multitude
; mais au milieu même de ces agitations , la multitude
souvent trompée sur les moyens , ne l'était pas
sur le but ; elle suivait son desir d'arriver au bien .
Voulez-vous savoir s'il y a véritablement une opinion
en France , voyez nos armées ; ce n'est pas pour
Brissot , ni pour Robespierre , ni pour aucun parti
qu'elles se sont battues ; c'est pour la République .
Constamment étrangeres à toute espece de factions ,
elles n'ont eu en vue , que le triomphe de la liberté et
la ruine de ses ennemis . Voyez ce qui s'est passé depuis
le 9 thermidor ; quelqu'ait été le succès apparent de la
derniere tyrannic , croyez qu'elle n'a jamais eu pour
elle l'opinion , car elle n'eût pas été détruite . L'opi
nion ne peut jamais être fondée que sur l'intérêt du
plus grand nombre . Les tyrans penvent commander
le silence et obtenir quelquefois des éloges , c'est le
tribut de la lâcheté ; mais l'opinion est incompatible
avec la terreur ; elle est le résultat libre des pensées
et des volontés . Pensez-vous qu'il y eût une société .
au monde , excepté les boureaux et les voleurs , où
l'on consentît long - tems de se laisser égorger , incar
cérer et piller par quelques scélérats . La véritable opinion
n'est pas celle qui paraît dominer ; quand Robespierre
et ses visirs avaient fait de la France un vaste
cimetiere , l'opinion était comprimée , mais elle ne
s'indignait pas moins de cet affreux systême . Le sentiment
spontané qui s'est manifesté depuis , contre toutes
ces horreurs , voilà l'opinion , parce qu'elle est puisée
dans l'intérêt de tous . C'est ce qui fera que le parti
qui cherche à exhumer les principes de Robespierre ,
ou tous autres qui pourraient avoir un air de famille ,
perdra chaque jour du peu de crédit qui lui reste ;
car c'est encore un des caracteres de l'opinion , de se
fortifier à mesure qu'elle recouvre son indépend ance ,
et qu'elle a le loisir de mesurer la profondeur des
playes que l'on a faites au corps social.
Quant aux questions politiques , il est naturel qu'elles
soient envisagées diversement ; l'opinion ne se forme
jamais mieux que par le choc des discussions. C'est alors
I a
( 124 )
qu'elle éprouve toutes les variations qui naissent du
principe que j ai indiqué ; l'esprit humain dans son tra
vail cherche et tâtonne , et va du faux au probable , et
du probable au vrai . Quelquefois l'opinion s'égare sur sa
route . Aussi, soit en révolution politique ou morale , soit
relativement à toute idée nouvelle sur laquelle l'esprit
humain ne s'est point encore assez exercé , y a - t - il souvent
une opinion que j'appellerai de circonstance . C'est
dans ce sens que l'on a dit que l'opinion est la reine du
monde ; par - tout où elle existe , elle gouverne ; mais son
regne n'est pes toujours durable , et comme elle n'est
que l'expression des idées d'un peuple et de l'étal actuel
de l'esprit humain , il est encore de sa nature de se réformer
elle-même en raison du progrés des lumieres .
Il y a donc une opinion supérieure à celle de circonstance
, c'est celle du tems . Så marche est lente ; elle se
mûrit dans le calme et le silence des passions ; elle fait
véritablerient l'office dejuge ; elle recueille tous les faits,
examine tous les principes , comme les pieces d'un procès
pour y chercher la regle et les motifs de son jugement.
Malheureusement elle n'est pas toujours à l'abri de l'erreur,
car s'il s'agit de faits , souvent les documens qui lui
parviennent portent l'empreinte de l inexactitude ou de
la contrariété , et s'il est question de principes , sa décision
participe quelquefois des idées et des principes existans
à cette époque. Mais comme elle est plus impartiale ,
scs erreurs sont involontaires ; comme elle est plus éclairée ,
ses jugemens sont plus sûrs ; elle approche de la vérité ,
autant que l'esprit humain peut le permettre , et lui legue
le soin de la rectifier , et ce qui la distingue des êtres physiques
, c'est qu'en vieillissant , elle acquiert plus de
force , de sagesse et de lumiere .
C'est cette opinion dont l'espoir console de l'injustice
des contemporains , qui cite devant elle les oppresseurs
et les opprimés , marqué les crimes et les erreurs d'un
sceau ineffaçable , brise le trône des idoles , réhabilite le
génie et la vertn méconnus ou persécutés , et a aussi son
panthéon indépendant de l'enthousiasme et des caprices
du moment où elle place les grands hommes qu'elle
adopte , et d'où elle exclud les usurpateurs qu'une fausse
opinion avait illustrés . C'est elle qui juge les législateurs
et les peuples ; les révolutions et leurs agens. La nôtre
ne lui échappera pas plus que celles qui l'ont précédée .
Il est dans chaque siecle et à chaque époque , un nombre
plus ou moins grand'd hommes privilegiés , qui , étrangers
à toute espece d'injustice et de passions , doués d'assez
de lumieres pour juger sainement des choses , précedent
( +25 )
1
les décrets du tems , et pour qui la postérité commence.
Il en est parmi nous , n'en doutez pas ; ce sont là les
organes purs et les fideles dépositaires de l'opinion . Ils
n'ont partagé ni les exagérations , ni les folies , ui les
crimes de l'esprit de parti ; ils les ont jugés . A mesure que
les passions s'éteignent , que les factions se lassent , que
les lumieres se propagent et que l'intérêt social est mieux
senti , mieux apprécié , ce nombre s'accroît , et ce n'est
point trop piésumer de la situation actuelle des esprits ,
que d'affirmer que le tems n'est pas loin , où l'opinion
contemporaine prendra ce caractere de justice qui fait
que le tems confirme ses jugemens .
Vous voyez , ajoutai-je à mon Alceste qui m'écoutait
attentivement , que l'opinion de circonstance a bien
plus d'obstacles à vaincre que celle qu'il faut attendre
du tems. Ses plus redoutables ennemis sont la fureur
des partis , le fanatisme politique , sorte de colere qui
ne permet pas d'appercevoir les objets sous leur véritable
point de vue , l'ignorance qui ne sait pas les découvrir ,
et la précipitation qui ne les voit jamais que d un côté,
Plus les hommes ont un caractere propre à influer
sur l'opinion , plus ils doivent être réservés dans leurs
jugemens . En voulez- vous un exemple ? Voyez le malheureux
Lacroix . Il avait fait un assez médiocre ouvrage
où pour varier le ton de son sujet , il avait appellé
sur la scene , aristocrates , jacobins , modérés , prêtres
et émigrés . L'esprit de parti s'en est emparé , et choi
sissant quelques fragmens qui , pris isolément , pouvaient
prêter à la censure qu'aurait dissipée l'intention de l'ouvrage
, il en a dénoncé l'auteur , et si le tribunal révolutionnaire
devant lequel il a été si brusquement
envoyé , eût été alors en activité , il est douteux
que dans le premier effet d'une impression défavorable ,
il eût pû parvenir a faire entendre sa justification . Ceci
rappele l'histoire de la Dent- d'or de Fontenelle ; cette
histoire se répétera souvent , tant que les hommes ne
prendront pas l'habitude d'examiner avec sang - froid ,
afin de prononcer avec justice . C'est la meilleure regle
à indiquer à l'opinion de circonstance.
•
Je vis que mes raisonnemens avaient fait quelque
impression sur mon Alceste. Il parut content de notre
entretien , ne me fit plus d'objection , et nous nous séparâmes,
Si vous jugez mes observation de quelqu'uti-
Jité pour le public , insérez- les dans votre journal : je vous
en promets d'autres sur diverses matieres ; la moissen ne
POLÉMIOPHILE manquera pas à qui a pris le nom de ,
--
13
( 126 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
Ox
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 21 janvier 1795 .
N apprend par des lettres de Copenhague , du 6 , que
le prince royal de Danemarck et le régent de Suede doivent
incessamment avoir une conférence , ce qui annonce que les
deux gouvernemens cherchent plus que jamais à consolider
une union dont ils se sont déja si bien trouvés en effet , ils
sentent que c'est à elle qu'ils ont dû la faculté de faire respecter
leur indépendance , et d'arrêter, le despotisme de l'Angleterre
. La considération de ce qui vient d'arriver dans le nord
de l'Europe , et des nouveaux projets que médite l'ambition
russe , doit les engager à conserver cette union qui fait leur
force.
de Un compte renda sur la situation des finances du royaume
Suede , à la mort de Gustave III , nous apprend que , depuis 1772
jusques au 20 mars 1792 , la somme des dépenses a été de
100,302,107 écus et 28 schelins ; qu'en 1792 , les dettes de
l'état était de 5.997,287 écus et 39 schelins ; et qu'à la mort
du roi , elles se trouvaient montees à 29,537,826 écus et
2 schelins .
Une nouvelle ordonnance vient de resserrer dans des limites
plus étroites l'usage de l'eau - de - vie : dans quelques - unes de
nos provinces , l'usage et la préparation de cette boisson
forte est entiérement prohibée ; dans d'autres , la prohibition
- n'a lieu que pour le plat pays seulement , la distillation restant
permise aux villes jusqu'à une mesure déterminée ; il n'y a
d'exeption que pour Stockholm , Gothembourg , Carlscione
et Sweaborg , où la liberté est illimitée .
Nous apprenons de Pétersbourg , que l'impérrtrice a fait
rayer du tableau de ses ordres de chevalerie le nom du ci
devant baron Armfeld.
De Francfort - sur - le -Mein , le 28 janvier.
Suivant des lettres de Vienne , du 10 janvier , le nouvel ambassadeur
de Portugal y est arrivé ; et l'on y attend également
M. Golofkin , ambassadeur de Russie près le roi de Prusse . Ce
dernier doit être dėja parti de Berlin . Le bruit court qu'il vient
( 127 )
promettre à l'empereur , de la part de sa souveraine , un secours
assez considérable en hommes . Mais ce bruit pourrait bien être
du nombre des mille mensonges qui cireulent journellement . II
est bien plus probable qu'il s'agit de la portion de la Pologne
qui reviendra à l'empereur dans le nouveau partage . On dit que
ce dernier morceau du gàteau des rois contiendra les Palatinats
de Sendomir , Lublin et Chelm , avec ce qui restait encore de
celui de Cracovie .
D'après des nouvelles encore plus récentes de la capitale de
l'Autriche , on craint que la démarcation des provincees limi
trophes avec les Turcs nè finisse pár donner lieu à des hostilités.
Il paraît que le cabinet de Vienne exige de la Porte qu'elle force
les Bosniens à se soumettre aux stipulations du dernier traité ,
ou qu'elle abandonne comme équivalent définitif les 4 forteressesde
Novi , Dubicza , Gradiska et Dresnik , ou bien enfin qu'on
fasse entrer Belgrade dans l'équivalent , ce à quoi les Tnres ne
sont probablement pas disposés .
Au reste , le séjour de Vienne est fort triste . Le gala ordinaire
du jour de l'an n'a point eu lieu cette fois - ci ; mais on en consolera
la noblesse et les bourgeois de cette ville par des bals
masqués. Les mascarades sont , au contraire , defendues en
Hongrie où l'on craint que les malveillans n'en profitent pour
exciter des troubles .
ITATI E.
Des lettres de Gênes , du 15 janvier , portent que le détachement
de l'armée ftançaise cantonné à Vintimille s'est portée ,
par le mont St.-Bernard , vers le camp ennemi près de Garessio .
Ce detachement a dû être renforcé par un bataillon de troupes
de Nice qui a suivi la même route après avois laissé trois compagnies
à Vintimille .
Le sénat de Gênes a ordonné la communication aux magistrats
des conservateurs de la mér de la lettre suivante de son
chargé d'affaire à Paris.
Le commissaire des relations extérieures m'a fait remettre un
arrêté des trois comités de salut public , des finances et du
commerce , sur la navigation des puissances neutres , qui est
ainsi conçu :
Art . 1er. Les bâtimens neutres pourront entrer et sortir
librement , et sans aucun obstacles ni retardement , des ports
de France , et sans pouvoir être forcés à vendre leur char
gement. II . Si les bâtimens neutres jugent à propos de vendre
leur cargaison au gouvernement , le prix leur en sera payé de
la maniere dont on sera convenu . III . Les floutes françaises
respectéront , et feront respecter , en ce qui les concerne , les
droits des nations , et les dispositions des traités , aux termes
du décret de la Convention nationale , du 25 juillet 1793 .
I 4
( 128 )
1
E
JV. Les bâtimens neutres ne pourront être écartés de leur Ÿ
route. I ne pourra non plus être pris sur leur bord , ni
capitaines , ni marins , passagers , ni ceux des militaires
actuellement au service des puissances ennemies , ni les
marchandises et effets qui pourraient s'y trouver leur ap
partenir. V. Sont exceptées des dispositions du présent ar
ticle , 1º . les marchandises des ennemis , jusqu'à ce que ces
puissances ennemies aient déclaré que les marchandises
chargées sur des bâtimens neutres , ne pourront être prises ;
2. les marchandises neutres , dites de contrebande , c'est- àdire
, les armes , les munitions de guerre de toute espece ,
chevaux et leurs équipages , et les effets de toute espece ,
destinées pour les places assiégées , bloquées ou investies .
VI. Les marchandises ennemies , prises sur des bâtimens
neutres , seront déchargées sur- le-champ dans les ports de
France . VII . Le droit de fiet sera payé suivant les dispositions
de la police de chargement. VIII . Après le déchargement , le
capitaine neutre aura le droit de partir. IX. Celles des
marchandises , prises comme ennemies , qui serout reconnues
appartenir à des neutres , et par conséquent déclarées n'être
pas de bonne prise , seront rendues en nature aux propriétaires
, s'il ne leur plaît pas de les vendre . X. Le commissaire
de la marine présentera l'état des sujets des puissances
ennemies , pris à bord des bâtimens neutres , pour faire droit
à leur réclamation . 99
On apprend les nouvelles suivantes de la Toscane , que la
France peut regarder à -peu- près comme une puissance neutre , et
qui , si elle l'osait , voudrait bien devenir une puissance amié .
Le contre - amiral Hotham a quitté la rade de Livourne
le 22 du mois passé ; il se propose d'aller attaquer la flotte
de Toulon , quoique la sienne , soit inférieure en nombre .
Depuis quelque jours , on craint beaucoup pour cette flotte ,
craintes fondées sur des lettres du 26 , qui annonçent un
Ouragan terrible qui a jetté sur la côte beaucoup de vaisseaux
marchands ; aucune lettre n'annonce positivement la sortie de
la flotte française . On assure cependant que 40 vaisseaux de
transports et 300 bâtimens marchands , yenus la plupart de
Marseille , et 12 à 15,000 hommes de troupes rassemblées
dans le port et la ville de Toulon , menacent les côtes d'Ita
lie ou la Corse . Indépendamment de cette entreprise , les
Français se préparent très - sérieusement à entrer en Lombardie ,
On continue à mettre Mantoue en état de défense .
Le gouvernement Autrichien vient d'ouvrir à Milan un nouvel
emprunt de trois millions , à près de six et demi pour cent , et la
taille générale de 1795 a été augmentée de onze deniers par
écus.
Le bruit court que l'archiduc va se rendre incessamment à
Vienne.
, " ་ །
#
( 129 )
ESPAGNE.
La cour qui vient de faire plusieurs promotions militaires
du premier rang était attendue à Madrid du château de l'Escurial
pour le 22 décembre , suivant des lettres de cette ville du 16
du něme mois . Elle espere de puissans secours des Catalans ;
mais en attendant , il lui échappe de demi-aveux sur ses pertes.
En voici un :
"
Le gouvernement vient de publier un rapport de Colomera
qui commande en chef dans la Navarre . Ce général mande de
Pampelune , en date du 25 , que la veille les Espagnols ont
repoussé les Français dans differentes attaques , et sont encore
parvenus à les déloger de plusieurs postes . Environ 12,000 de
ces derniers étaient venus attaquer la gauche des Espagnols .
sous ses ordres a Ilzos et Berrios . Aussitôt qu'il en fut
informé , al se porta de ce côté . Après une action des plus
vives , les Espagnols contraignirent les Français de se retirer
sur Belzunco et Amoz ; alors le général Colomera se porta
vers la gauche , commandée par le général Crespo qui , con
formément aux ordres qu'il avait reçus , avait déja attaqué et
pris les hauteurs qui dominent Soraureg et Olabe . Le général
en chef , voyant que les Français étaient beaucoup renforcés ,
et que le bataillon de la Princesse et les volontaires de l'Arragon
, n'étaient point encore arrivés , ordonna aux chasseurs
de Gallice et au bataillon d'Ultonia , de défendre ces hanteurs ,
à quelque prix que ce fût , ce qu'ils firent avec beaucoup de
courage , jusqu'à l'arrivée des renforts . Cependant le feu continuait
de part et d'autre avec un avantage égal ; mais vers le
soir , de nouveaux renforts étant arrivés aux Espagnols , ils
parvinrent à forcer les postes des Français . Ceux - ci se retirerent,
et poursuivis , ils durent abandonner les château d'Olabe et
d'Olaiz , ainsi que toutes les hauteurs. Le général ne donne
aucune appréciation de leurs pertes , non plus que celle des
Espagnols . Il se borne à dire qu'elle a été førte , et qu'il leur a
également fait bon nombre de prisonniers .
Il vient de paraître un édit pour la levée prompte de nouvelles
troupes ; et l'on a émis dans la circulation des papiers
royaux pour faire face aux dépenses immenses de cette guerre .
Trois commissaires du conseil , envoyés dans la Biscaye
y ont publié un décret qui enjoint à tous les habitans de déposer
au commissariat toutes les armes qui sont en leur pos
session , soit blanches , soit à feu . Ces armes devaient être
réparées aux frais du gouvernement et mises en état de servir.
Cette mesure annonce assez le dénuement de moyens défensife
où se trouve le gouvernement espagnol . Il fait publier que les
Catalans ont offert une levée de 150,000 hommes ; mais toute
cette masse est sans armes , et s'adresse à lui pour en
obtenir.
( 130 )
ANGLETERRE. De Londres , le 3 janvier.
Débats du Parlement. Chambre haute.
Le roi ayant quitté la chambre des pairs , et les communes
s'étant retirées dans la leur , lord Cambden propose de voter
l'adresse de remerciment . Suivant lui , la Grande - Bretagne ne
peut , sans une lâcheté impardonnable , et qui ne trouverait
pas d'excuse , même dans les revers de la derniere campagne ,
songer à la paix avec la France. Il compare ses ressources
aussi graudes qu'elles le furent jamais et l'immensité de son
crédit au dedans et au dehors , avec les ressources et le crédit
de la France , épuisés , à ce qu'il prétend , par les efforts prodigieux
qu'elle fait depuis le commencement de la guerre .
Cette motion , avec ses accompagnemens , est secoudée par
lord Besborough ; mais lord Guilford prend la parole et s'exprime
d'une maniere bien différente. Le sentiment de ce que je
dois à ma patrie me force , dit - il , d'élever la voix contre ceux
qui la trompent , et je ne saurais différer plus long- tems de
témoigner ma surprise de l'effronterie avec laquelle les ministres
viennent proposer la continuation de la guerre à l'ouverture
du parlement. Non , il n'y a qu'un monstrueux égoïsme qui
puisse les faire tenir si opiniâtrément à un systême d'ignorance,
de mystere et de confusion , qui perdra peut - être l'Angleterre ,
loin qu'elle en puisse tirer aucun avantage . Pour moi , j'ai
constamment fait profession de m'opposer à cette guerre , ei je
ne crois pas qu'aucun de mes collegues puisse la favoriser , à
moins qu'il ne cède à une aveugle confiance , en des ministres
qui nous ont entraînés sur le bord de l'abyme où nous sommes
prêts de tomber.
Je déclare donc qu'il ne se trouve pas un mot dans l'adresse ,
à l'exception des complimens sur le mariage du prince de
Galles , qui n'appelle fortement l'opposition de la chambre. Je
ne vois aucune raison pour continuer la guerre , encore moins
pour en confier la conduite à des homines dont les conseils ont
cansé les dangers et les désastres de l'Angleterre . Je prie qu'on
se rappelle ce qu'etoient ses manufactures , son commerce , sa
marine , ses finances , et qu'on les compare avec sa situation
actuelle . Seroit - on assez faible pour se croire lié par des traités
onéreux dans lesquels l'intérêt seul de l'Autriche et des ministres
a été consulté , puisque la Hollande , pour se sauver
est obligée de négocier la paix , malgré la clause qui unit inseparablement
les puissances coalisées ? Pourquoi la Grande-
Bretagne, ne participerait- elle pas à ces négociations ? ne fut- ce
qu'afiu d'obtenir des conditions plus tolérables pour cette puissance
, dont l'existence tient intimement à la sienne . C'est un
devoir qui exige toute espece de sacrifices , puisque c'est à la
•
( 131 )
seule sollicitation de l'Angleterre que la Hollande n'a pas joui,
comme le Danemarck et la Suede , du bonheur attaché à la
neutralité .
Je ne dissimulerai pas cependant qu'une prompte paix n'ait
ses difficultés , et qu'il ne puisse y avoir des motifs de s'opposer
aux progrès excessifs d'un rival dangereux . Mais il fallait
conduire la guerre en homine d'état , et non pas comme des
enfans , qui querellent sur des riens , ou sur des objets dont ils
n'ont aucun intérêt de se mêler ; et encore moins songer à
conquérir la France , ou à lui dicter une forme de gouvernement.
Je sais qu'on parle beaucoup du mécontentement actuel ;
mais nons n'avons sur cela , pour nous régler que les
assertions vagues d'un ministre qui , pendant toute la guerre ,
a éprouvé qu'il était mal informé , et qu'il ignorait ce qui se.
passait dans ce pays .
•
D'ailleurs , quelle misérable consolation pour les anglais ,
d'apprendre que la situation de l'ennemi est encore plus
fâcheuse . On dit que les victoires des Français ont coûté infiuiment.
Ne suis -je pas en droit de demander si nos désastres
ont coûté moins ? Qu'on réfléchisse sur ce qui s'est passé depuis
la prise de Valenciennes jusqu'à la fin de la campagne ;"
qu'ou se rappelle l'évacuation de Toulon et la retraite de Landrecy
, le résultat malheureux de l'expédition des Indes occidentales
9 et sur- tout à la Guadeloupe ? Malgré les talens et
l'activité des généraux les rassemblemens inutiles faits à
Sonthampton , toutes nos opérations maritimes , excepté la
victoire du lord Howe , et l'on verra que tous nos mauvais
'succès sont dus à l'ignorance , à l'opiniâtreté et à la faiblesse
des ministres . 99
1
Lord Guildfort conclut , en demandant que la chambre ,
en déclarant qu'elle soutiendra la dignité et l'indépendance de
la couronne , supplie le roi de saisir la premiere occasion de
conclure la paix avec la France sans qu'aucune forme
particuliere de gouvernement en Frence puisse y mettre un
obstacle .
Les lord's Morton et Kinnoul parlent contre l'amendement ;
lord Derby parle en sa faveur .
Lord Spencer fait un discours très - étendu . Il dit que les
ressources et les efforts extraordinaires des Français sont
autant de raisons qui doivent engager les puissances à redoubler
les leurs . H s'excuse ensuite de n'être pas encore en état de
donner un compte satisfaisant sur la marine . Il n'y a point de
doute que les anglais n'aient dans ce moment aux Indes occidentales
des forces supérieures à celles des Français . Quant
à la flotte Française , qui croise à l'entrée de la Manche , on a
pris des mesures qui seront , il en est persuadé , approuvées
par la chambre.
Le marquis Townshend et lord Barrington votent pont
l'adresse .
( 132 )
•
•
Le marquis de Lansdown . J'aurais renoncé de bon coeur à l
gloire d'être prophète ; mais il faut en jouir malgré moi. Car
la guerre a tourné précisément comme je l'avais , et préva et
prédit. Je conjure la majorité de la chambre , de qui la patrie
attend son salut , de remplir en effet ses espérances . Il est bien
échapé aux ministres Taven que les Français ont eu de grands
avantages dans cette campagne ; mais leur confession a- t- elle
été complete ? je vais l'achever ; car je tiens un relevé exact
de tous ces avantages , en partie dissimulés par nos ministres .
Les Français ont réussi dans 23 sieges ; ils out gagné 6 batailles
ranges pris 2,803 pieces de canon fait prisonniers
de guerre 60,00 bommes des meilleurs troupes de l'Europe ,
et cela independamment de leurs dernieres victoires en
Espagne , où ils ont pris 2 fonderies , et où il n'y a plus qu'nne.
seule ville forte qui ne soit pas en leur pouvoir . Ils vé sont
montrés si foris et si terribles lorsqu'ils ont lutte contre tout
Univets le seront - ils moins quand ils auront traité avec la
Hollande , d'où ils pourront tirer tout ce qui leur manque :
quand ils auront dicte des conditions à l'Espagne , quand ils
auront parcouru toute l'Italie , qui ne saurait se defendre par
elle-même quand la plupart des membres du corps Germa
nique demandent et sollicitent la paix..... Voyons quels
moyens nous aurons de leur résister. Nous avons levé cent
mille hommes de grenadiers invalides , des officiers enfans ,
et qui sortis des métamorphoses d'Ovide , sont encore tout
Bétonnés de se trouver métamorphosés en capitaines , en colonels ;
mais tout est fondu et dispersé çà et là . Quant à l'argent ,
certes , il est très - plaisant d'entendre parler de 24,000000 sterlings
levés dans une matinée . Je n'entends pas déprécier le crédit
national. Je sais qu'un négociant avee 30,000 livres sterlings
de capital peut avoir plus de crédit qu'un noble qui jouit d'un
revenu égal : il peut faire circuler son papier pour 5 ou
600,000 livres sterlings . Mais je ne comprends pas davantage
comment cela se peut faire dans une matinée . Ces théories
extravagantes nous sont venues de la France , lorsqu'elle fétoit
encore monarchie ; mais elles n'ont pu la sauver , prenonsgarde
qu'en suivant aveuglément la même route ' , nous ne
tombions dans le même abyme.
Ne nous laissons pas arrêter par les vaines difficultés qu'on
oppose à la paix . La premiere : Avec qui trailerons - nous ? ne
mérite seulement pas qu'on y réponde . Veuillez sincèrement la
paix , et vous trouverez bientôt avec qui traiter. Vous traitelez
avec cette France qui , au milieu de ses commotions les plus
violentes , s'est constamment montrée fidelle à ses engagemens
avec les puissances étrangeres , avec cette France qui n'a
jamais manqué de les remplir scrupuleusement.
Une folle ambition forme une autre demande : Que deviendront
mos conquêtes ? mais ces conquêtes , vous en avez déjà perdu
( 183 )
x
ane partie , et il n'est que trop Tvraisemblable que la Marti
nique n'est plus entre vos mains . Quant à la Corse , Dieu vous
préserve du malheur de la garder. Suivant M. Necker , qui
savait compter indépendemment de son revenu que son administration
absorboit , elle coûtait encore à la Fiance ,
250,000 ducats , non compris les depenses militaires , nécessités
par le soin de la tenir en état de defense : la description qu'en
fait Volney , qui y a sejourné 2 ans , en donae encore une
plus mauvaise idée . Volncy , j'en conviens , est démocrate ;
mais un democrate , peut être un homme de bon sens , un
homme véridique.
n
L'orgueil humilié s'effarouche de l'idée de demander la paix ,
il attache à cette démarche une idée de bassesse . Mais il est
besoin de faire des soumissions pour la négocier : et pourquoi
et obstacle nous empêcheroit il de traiter aujourd'hui , puisqu'il
ne nous a pas empêché de traiter avec l'Amérique . Ah !
fasse le ciel que nous revenions aussi sagement de nos erreurs
envers la France , que nous l'avons fait à l'égard de nos
freres Américains .
Lord Grenville dans un discours très -long , insiste sur
l'épuisement probable dans lequel les finances et les forces de
Ja France doivent se trouver. La guerre , dit-il leur coûte im.
meusement. Pour y fournir , elle a déja étoit obligée de créer
près de 400 millions sterlings en assignats , ils perdent 75 pour
100,, et leur discredit a porte les objets de premiere nécessité
à un prix exorbitant ; ce qui a réduit le peuple à une misere
extrême. Il est vrai qu'ils ont conquis la Belgique , plusieurs
villes , plusieurs cantous sur le Rhin , et quelques parties des
provinces d'Espagne ; mais il n'est point de Français quel
qu'exalte qu'il soit , qui imagine un moment en pouvoir conserver
la possession .
:
D'un autre côté , l'Angleterre a pris ou détruit 20 vaisseaux
de ligne et plusieurs fregates . Ils n'ont pas un pouce de
terrein dans les Indes orientales , et dans celles occidentales ,
excepté la Guadeloupe qui sera reprise indubitablement . Ils ont
-perdu toutes leurs isles . Leur commerce et leurs manufactures
sont entièrement ruinés. Il n'est aucune de ces circonsta ces
dont le noble lord ne doive être convaincu il s'est donnè depuis
la peine de lire même les débats de la Convention. Quoi
qu'il en soit , je ne crois pas qu'on puisse entrer en negociation
de paix avec la France , quelque chose qui puisse arriver
taut qu'elle n'aura pas un gouvernement etabli ; mais je ne
doute point d'un autre côte que si les puissances allices
agissent de concert, et redoublent d'efforts une autre campagne
me fasse cesser la tyrannie qui a désolé ce malheureux pays .
"
( 134 )
REPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDEENCE DE ROVER E.
Séance du duodi , 12 Fluviôse ."
Les administrateurs du district de Clermont écrivent à la
Convention qu'ils ont trouvé dans les papiers du traître
Couthon , un arrêté du comité de salut public , signés Couthon ,
Barrere , Billaud , Collot , Robespierre et St. Just , qui metalt,
en état d'arrestation les représentans du peuple Dubois - Crancé
et Gauthier , et ordonnait l'apposition des scellés sur leurs
papiers.
la
Les représentans du peuple dans les départemens de Seine
et Marne , de l'Yonne et de la Nievre ; écrit de Lusy , le
27 nivôse , que dans les deux premiers les partisans du
terrorisme sont en petit nombre et muets parce que ceux
qui leur donnaient le ton sont réduits au silence ; mais il
n'en est pas de même dans celui de la Nievre . C'est là que
l'on peut apprendre à exécrer la mémoire des derniers conspirateurs
que nous avons abbatus ; c'est la que l'on gemira
long-temps sur les malheurs qu'ils y ont appellés ; e'est là que
de nombreuses victimes ont été entassées dans des bastilles révolutionnaires
; c'est là que de nombreux citoyens noircis par
la calomnie ont été conduits à l'échafaud ; c'est là qu'on a
organisé le pillage sous le nom de taxe révolutionnaire ;
c'est là enfin que de la désolation et le deuil ont été portés
dans presque toutes les familles . Dans ces malheureuses conirées
, il n'est pas un citoyen qui n'ait à regretter un parent ,
un ami ; ils n'est pas un ami de la liberté et de la justice qui
n'ait éprouvé quelque genre de vexation . Les oppressents ne
voyoient dans leurs concitoyens , que des conspirateurs , et le
représentant n'y a trouvé que des patriotes qui donneroient
leur sang pour la République , et qui soumis aux loix , sont
entiérement dévoués à la Convention nationale ; il s'occupe à
y activer la marche du gouvernement , à rappeller leur devoir
aux fonctionnaires publics , et à leur donner le sentiment de
leurs forces.
Un secrétaire, lit une dénonciation de la commune de Foix ,
contre Vadier , l'un des quatre prévenus . Elle l'accuse de s'être
montré l'ennemi le plus acharné de son département , d'y avoir
jetté la consteination pour assouvir des passions particuliere ,
de l'avoir calomnie de la maniere la plus atroce , au mois de
( 135 )
septembre 1793 , en y supposant une seconde Vendée , qui
n'existait que dans son cerveau machiavélique , puisque l'Arriege
marchait alors tout entier contre l'Espagnol qui
menaçait d'une invasion. Renvoyé à la commission des
vingt-un.
"
!
Bourdon , par motion d'ordre , expose que le comité d'av
griculture , chargé par la Convention de prendre tous les
moyens utiles de multiplier l'espece des chevaux , est croisé
dans ses opérations par les comites de la guerre ,
des transports
et de salut public. I demande que celui d'agriculture
soit seul chargé de propager les especes des différens animaux
sur la surface de la Republique . Décrété . 5
La section de Brutus en masse defile dans le sein de la
Convention . L'orateur annonce qu'il vient fixer son attention
sur les nouveaux attentats qui se méditent contre le salut de
la patrie. Il parle des terroristes qui , ayant sans cesse les
mots de justice et de vertu à la bouche , ne s'en servaient que
pour mieux assassiner leurs semblables ; de ces hommes qu'il
appelle de vils speculateurs de chair humaine , et des champions
infâmes d'une cause plus infâme encore , qui cherchent
à organiser des mouvemens séditieux . Il ajoute qu'ils ont des
complices dans le sein même de la Convention . Il est interrompu
on lui demande de les nommer.
Penieres : Une section qui porte le nom d'un grand homme
a le droit de dire ce qu'elle pense de ses représentans . Nous
sommes ses délégués . Le tems de Robespierre n'est plus , et
l'ont peut parler sans crainte.
Levasseur ( de la Sarthe ) : La guerre civile ne naîtra point.
Instruits par l'expérience , si quelque tyran voulait s'élever
encore , nous ne parlerions pas du poignard de Brutus , nous
frapperions comme lui . Je vois le poignard placé sur la table
de la declaration des droits de l'homme . Il m'indique mon de,
voir , je le remplirai . Malheur aux successeurs de Robespierre .
Levasseur est applaudi.
1)
L'orateur reprend et demande que les grands coupables soient
punis , et que la justice atteigne eufia ces hommes qui ont
plongé dans le deuil toutes les familles de la République ces
hommes pour qui le crime est un besoin , l'anarchie et la
guerre civile un bonheur .
La mention honorable et l'insertion au bulletin de cette adresse
sont décrétées .
Lacombe Sain -Michel présente des observations sur les viges
qui se sont introduits dans l'organisation militaire et les
moyens de les détruire . Il dit que souvent des revers terribles
sont à côté des plus brillans succès , quand on se repose tipp
sur la victoire . Il desirerait que l'on s'occupât promptement de la
remonte de la cavalerie , ainsi que des moyens d'accélerer la
fabrication des armes. Il regrette que l'on ait détruit la plus
( 186 )
#1
belle manufacture de fasils qui existat en Europe , celle de
Maubeuge . C'est sur l'artillerie sur tout qu'il fixe l'attention
de l'Assemblée. Il pense que beaucoup de bouches à feu sont
sans utilité , parce que les , bataillons d'infanterie qui s'en servent
rarement n'en emploient jamais qu'une a- la - fois . Il a fini par
présenter un projet de décret dont la Convention a ordonné.
l'impression et l'ajournement.
Sur le rapport du comité d'instruction publique , l'Assemblée
a décrété qu'il y aurait à l'école normale un professeur d'éco-´
nomic politique.
Le comité de commerce fait ensuite adopter un long projet
de décret sur les marchandises étrangeres , dont l'importation
doit être favorisée , et sur les objets dont la sortie doit
être prohibée.
Séance de tridi , 13 Pluviôse.
Létourneur ( de la Manche ) , au nom du comité militaire ,
igoumet à la discussion le projet de décret concernant l'arme du
génie Les premiers articles éprouvent des difficultés . Quelques
1 membres déclarent en même tems , qu'ils n'ont pas pû zné dițer
le projet , ce qui détermine l'Assemblée à ajourner età
renvoyer aux comités les observations déja faites .
Uu membre observe , par motion d'ordre , que des parens
sont parvenus à tromper la vigilance des corps administratifs ,
sur l'émigration de leurs enfans , soit en prétextant leur most ,
oit en les supposant voyageurs à l'étranger pour cause d'éducation
, d'arts ou de commerce . Ils se sont eux mêmes soustraits
à la loi duséquestre. Ce membre présente des mesures propres à
réprimer ces abus . L'Assemblée en renvoie l'examen à son comité
de législation . i
1
Rouzet , au nom de ce comité , présente le projet de loi concernant
lesbiens des femmes et enfans des condamnés , Rien n'est
plusfacile , dit- il , que de suivre les mouvemens de sa sensibilité
Toutes les fois que l'impulsion en est pure ; mais lorsqu'ils
doivent être combines avec les agitations d'une grande révolution
, le législateur balance entre la justice rigoureuse et les mesures
de prudence nécessaires dans un tems d'orage , et se voit
contraint de réserver à la réflexion ce qu'il aceorderait au sentiment.
Cependant le comité s'est efforcé de seconder les vues
de la Convention et de répondre à sa confiance , en lui indiquant
les moyens de faire produire à sa bienfaisance les effets
qu'elle en attend . Le rapporteur lit le projet de décret dont les
quatre premiers sont décrétés . Ils portent 19 , que tous les séquestres
ou scellés mis sur les biens meubles ou immeubles ,
appartenans par la loi ou la coutume , par contrat ou autre titre
aux époux survivans , ou aux enfans des condamnés , seront
levés sans délai , afin que les propriétaires en jouissent , à moins
ɛ qu'ils n'aient été mis pour causes qui leur soient personnelles .
*
"
20.
(+257 )
Que si lesdits biens ont été vendus , ils seront remboursén
prix . 3° . Que leurs linges , hardes , et autres meubles leur
seront rendus sur un simple etat saus délai , et sans frais , 4° . Que
sil y a des logemens libres dans les successions , il leur en sera
accordé au convenable. Le surplus est ajourné.
Laignelot , au nom eu comité de sûreté générale , rend
compte de ce qui s'est passé hier au théâtre de la rue Feydeau.
Des jeunes gens égarés par des malveillans royalistes ou terroristes
ont abattu le buste de Marat. Le comité a vu dans lui un
séprésentant du peuple dont la mémoire a été consacrée par un
décret et par conséquent un attentat , lorsqu'on a brise som
image . Jusqu'à ce que le tems ait prouoncé sur Marat , son
buste doit être respecté. La plupart de ces jeunes gens sout
venus désavouer cet acte et reconnaître qu'ils avaient été conseillés
par des malveillans . Le calme est rétabli et le buste do
Marat sera redressé. La Convention applaudit et passe à l'ordre
du jour.
Durand-Maillane demande le rapport de l'article du décret
du 7 de ce mois relatif à Marseille , qui a ordonné la poursuite
de ceux qui ont tenn , il y a deux ans , le représentant du
peuple Bộ dans un cachot. Il pense qne
c'est le moyen d'allumer
de nouveaux troubles dans le Midi et d'y mettre toutes les passions
en mouvement , et que cet attentat a été suffisamment
expié par des milliers de victimes et vengé par le tribunal
d'Orange.
Gradet et Moyse Bayle s'opposent an rapport de l'article .
Leblanc , Arguis et Serres appuient la motion de Durand Maillane
. Ne vous y trompez pas , disent- ils , c'est la cause des
48 scélérats qui sont ici en arrestation que l'on veut défendre.
On donne trop d'importance à Marseille , on veut sans cesse
yous occuper de cette commune pour y produire quelques
mouvemens.
La Convention décrete la motion de Durand Maillane.
Un secrétaire donne lecture de la lettre des représentans de
peuple près les armées de Sambre et Meuse. Elle est datée de la
Haye , le get annouce que nous sommes entiérement maîtres
de la Hollande.
L'agent national , près le district de Valogne , informe la
Convention qu'un grand nombre de ses cultivateurs s'est engagé
par écrit , à ne pas vendre leurs grains au- dessus
Maximum. Mention honorable et insertion au bulletin.
•
Séance de quartidi , 14 Pluviôse .
Une députation de la commune de Lyon se présente à la
barre. L'orateur annonce qu'il jettera un voile funebre sur les
atrocitás inouies dont les malheureuses contrees de Lyon
furent si long - tems le théâtre , sur cette foule de citoyens
pour qui un rafinement de barbarie centupla les horreurs de
Tome XIV.
1
K
( 138 )
2
la mort , en les massacrant en détail sous la mitraille da
canon et en faisant ensuite précipiter , dans les eaux du
Rhône , leurs cadavres encore palpitans . De semblables tableaux
déchireroient les entrailles des peres de la paurie , il
leur en épargnera les détails .
Les habitans de Lyon , environnés de ruines , n'ont plus
de fortune à offrir ; mais il leur reste des bras pour en faire un
rempart à la représentation nationale ; et de l'industrie pour
ramener l'abondance dans la République . La Conventiona déja
jetté un regard de bienfaisance sur cette malheureuse commune ,
en suspendant l'exécution des décréts qui pesoient sur les habitans,
elle en demande aujourd'hui le rapport.
Reverchon observe que le travail des comités , relatif à la
demande des pétitionnaires , est achevé , et peut être présenté
séance tenante , il demande que le rapporteur soit entendu .
Isoard , au nom des comités réunis , présente , le rapport
demandé. La Convention décrete l'annulation de toutes les
loix et de tous les arrêtés pris par les comités et les représentans
du peuple , portant des dispositions pénales contre les citoyens
de Lyon.
Peres , représentant du peuple à Valenciennes , écrit qu'il
vient d'avoir une conversation avec le plénipotentiaire de la
Haye à son passage dans cette ville , qui lui a dit : Je vais à
Paris avec les pouvoirs les plus illimités , pour traiter avec la
bation Française ; je remplis cette mission avec plaisir , parce
que vous avez un gouvernement depuis la chute de Robespierre
; mais s'il vivait encore , je vous avoue que je ne
T'aurais pas acceptée.
Lecoinre ( de Versailles ) dénonce les abus qui se sont glissés
dans l'exécution de la loi du 25 frimaire de l'an 2 , qui ports
que les revenus des presbyteres et des jardins qui en dépendent
dans les communes qui ont renoncé au culte catholique , serout
employés au soulagement de l'humanité souffrante et aus frais
de l'instruction publique . Dans certains districts , l'on a pris
des arrêtés portans que les communes qui ont conservé le culte
seront chargées de l'entretien des presbyteres , et que celles qui
y ont renoneé seront propriétaires des presbyteres et pourront
en disposer à leur profit.
Pour faire cesser des abus , Lecointre propose la vente de ces
presbyteres et de tous les objets qui ont pû servir au culte catholique
. Cela le conduit à faire quelques réflexions sur la liberté.
des cultes . Il convient qu'elle est dans la déclaaation des droits
de l'homme et du citoyen , avec cette restriction néanmoins que
leur exercice et la manifestation des opinions religieuses ne troubleront
point l'ordre public ; mais il ajoute que les ministres du
calte catholique sont les plus intoléruns des hommes ; que depuis.
plusieurs siecles , l'on cherchait envain en eux la sagesse et la
douceur des moeurs de ceux qui en avaient jetté les fondemens ,
( 239 )
Leur morale n'était plus la morale sublime de l'évangile. Beau
coup de ceux qui ont renoncé à leurs fonctions , ne lont pas
fait de bonne foi , et parmi nous , ajoute Lecointre , ce sont les
déserteurs des autels qui ontles plus grands crimes à se reprocher.
1 en conclut que ce serait faire renaître les horreurs de la
Vendée que de permettre le libre exercice du culte catholique .
La Convention a senti que ces réflexions de Lecointre
demandaient à être méditées et muries . Elle les a renvoyées
à ses comités , én les chargeant de lui présenter un projet
sur l'aliénation des presbyteres.
Guyton - Morveau , au nom du comité de salut public , fait
décréter la suppression du jury et de la commission temporaire
des armies.
Clausel' , au nom du comité de sûreté générale , propose
d'envoyer en mission Isoard , dans les départemens des Basses
et Hautes-Pyrenées , et Pepin dans celui de la Haute -Marne .
Cette proposition est décrétée .
Séance de quintidi , 15 Pluviôse.
il
Dubois - Crancé , au nom des comités militaires et de salur
public , fait un rapport sur la situation des armées . Après avoir
fait un tableau rapide des succès immortels de la campagne
qui vient de finit , et qui sont tels que nous avons soumis
plus de 200 villes enlevées à l'ennemi , près de 3000 pieces
de catron , gagné complertement 6 batailles rangées , fait 60,000
prisonniers et 23 sieges , enfin,anéanti deux armées espagnoles.
et forcé les Piemontais dans tous leurs retranchemens
fixe l'attention de l'Assemblée sur le matériel de nos armées .
La République entretient indépendamment d'une marite nombreuse
, plus de 1200 bataillons , 500 escadrons et 60,000 hommes
d'artillerie ; mais il s'y est glissé des abes . Il est d'abord
résulté de la nécessité de pourvoir à - la -fois à beaucoup d'emplois
, que l'on s'est rendu trop facile en faveur de plusieurs
de ceux qui les sollicitaient , et qui n'ont mi l'expérience
ni les talens qui garantissent les succès . On a d'ailleurs excéde
de beaucoup le nombre d'individus que la loi fixe pour chaque
grade. Pour y remédier , Dubois - Crancé proposé de décretes
que la comiede salut public présenteraincessamment le tableau
nominatif de tous les officiers qui , à l'ouverture du printems
composeront les états - majors , et que tous ceux qui ne recevront
pas l'approbation de l'assemblée seront tenus de reprendre
Te grade inférieur dans lequel ils auront été au moins six mois
en exercice . Un second abus est sorti d'une loi Bienfaisante .
La premiere Assemblée nationale avait décrété que les emplois
militaires , appartenans à l'ancienneté , seraient donnes
à l'ancienneté de service et non de grade.
30 322
Hen est arrivé que beaucoup de militaires ont passe dh grade
de caporal à la tête des corps , avec une rapidité qui ne four
K 2
( 140 )
pas permis d'acquérir les connaissances nécessaires pour des
fonctions aussi importantes ; mais cette loi n'a plus aujourd'hui
d'objet , puisqu'il n'existe plus d'anciens militaires dans les
grades inférieurs . Dubois Crance propose donc de rendre å
l'ancienneté de grade ce qui avait été attribué à l'ancienneté
de service . Enfin , pour obvier aux abus d'administration qui
sont très - non breux , il demande d'attacher un adjoint
4
missaires des guerres à chaque demi- brigade , qui sera spécialement
et uniquement chargé de surveiller tous les détails
de police et d'administration qui concerneront cette demi - brigade
, et sous les ordres du commissaires des guerres de la
division . Ces adjoints seront choisis parmi les commissaires
des guerres et parmi les adjoints à l'état - major qui se trouvent
en supplément , an nombre déterminé par la loi , avec un
traitement de 3600 liv. Ils changeront de demi-brigade toutes
les fois que le commissaire ordonnateur l'ordonnera , et ils
auront droit de devenir eux - mêmes commissaires des guerres
après deux ans d'exercice de cette fonction . Le comité desirerait
encore que les inspecteurs et les généraux sur leur
responsabilité , prissent une connaissance exacte de l'instrucwon
et de la moralité de tous les officiers , afin que ceux
qui seront reconnns n'être pas assez instruits pour la place
qu'ils ooccccuuppeenntt ,, descendent à celles qu'ils sont en état de
emplir.
La Convention décrete l'impression et l'ajournement de
we projet.
Rouzet , au nom du comité des finances , rend hommage à
la liberté de la presse et au bien qu'elle produit , en annongant
que le comité éclairé sur les suites de son arrêté qui
defend de délivrer des cartes de sûreté aux citoyens qui n'ont
pas payé leurs contributions , vient de le rapporter.
Un membre observe que l'arrêté dont il est question
eu trop de publicité pour que la Convention puisse se contenter
du rapport qu'en a fait le comité. Il en demaude la
cassion par un décres formel . Bourdon l'appuye et ajoute de
charger le comité des finances de présenter un mode d'opérer
Ja prompie rentrée des contributions .
La Convention aunulle l'arrêté et décrete la proposition de
Bourdon .
Lomont , au nom du comité de sûreté générale , secupe
l'Assemblée de Lalande , administrateur de Coutances, destitué
par Legaat , en mission dans ce département. Il propose d'approuver
son arrêté . Lecointre s'y oppose , en disant qu'il ne
faut plus de ces pouvoirs illimités en vertu desquels un repré
sentant destituait ou faisait arrêter un citoyen , sans devoir Fentendre
on examiner sa conduite . Bentabolle est de son avis et
prétend que des représentans trompés ont destitué des patrio : es
et mis des modérés à leur place . Ce dernier met excite des
1.
( 141
murmures. Bentabolle s'explique et dit qu'il entend par modérés
ceux qui n'aimant point la révolution , veulent en profuer.
Rewbel : Point de chieane de mots . Trop long-tems à l'aide
de lear confusion , l'on a sû convertir la vertu en erime' ; le
patriote est celui qui a le coeur chaud et la tête froide et modérée,
tout ce qui est au-delà est vice. Malgré les clameurs , les
idées se rectifieront et se mettront naturellement dans les bornes
de la justice . Rewbel cite un fait contre Lalande . Il opine en
conséquense pour l'ajournement ; il est décrété .
On procede à l'appel nominal pour le renouvellement , par
quart , des membres du comité de salat public ; les membres
sortans sont Richard , Prieur et Guyton Morveaux ; les
remplaçans , Merlin ( de Douay ) Fourcroy et Lacombe Saint
Michel.
·
Il y a eu ce soir une séance extraordinaire pour renouveller
aussi par quart , les membres du comité de sûreté générale .
Bentabolle , Reverehon , Rewbel at Laporte , ont été remplacés
par Bourdos ( de l'Oise ) , Angais , Perrin ( des Vosges)
et Mathieu..
Séance de sextidi , 16 Pluviôse.
Un grand nombre de citoyens et citoyennes , noirs et
mulâtres sont admis à la barre , ils viennent célébrer l'aniversaire
de leur délivrance . Ce fut le 16 pluviêse que la
Convention proclama la liberté des noirs. Ils jurent de vivre
libres ou mourir , et de contribuer par tons leurs moyens
la prospérité de leur patrie. Ils demandent des armes pour
délivrer leurs freres du joug des espagnols et des anglais,
Pelet , au nom du comité de salut public , soumet à la disenssion
le projet qu'il avait présenté le 4, portant qu'il serait
envoyé trois représentans du peuple aux Indes orientales et le
même nombre aux occidentales,
Gouly appuye le projet , il croit que c'est le seul moyen qui
nous resie , de conserver les isles de France et de la Réunion
ci-devant Bourbon .
Dubouchet l'attaque , il préfere d'attaquer l'Angleterre , on
Angleterre même , et de faire nne guerre à mort à ces féroces
insulaires . Il rappelle la faute que firent les carthaginois en
differant d'une année de porter la guerre à Rome qui vouloit
aussi usurper l'empire du Monde .
Bentabolle est du même avis . Le choix des représentans lui
parait d'ailleurs très - difficile à faire . Crassous , Bourdon , Amar
et Cambon , parlent à peu-près dans le même sens . Ils vondraient
que les commissaires fussent pris hors de la Convention.
L'Assemblée sentant qu'il lui seroit difficile de parvenir à un
résultat , ajourne la discussion .
( 142 )
Guffrey , au nom du comite de sureté générale , rend compte
de la situation de Marseille . Les terroristes ne se sont pas
bornés aux vociferations , ils ont attaqué des canonniers du
bataillon des GraviHiers , dont l'esprit est cxcellent , en ont
blessé 5 et tué un ; mais plusieurs des séditieux sont arrêtés .
L'ordre donné par Salicetti à ce bataillon de quitter Marseille ,
ne sera point exécuté . Les citoyens repicument courage , la
terreur rentrera dans Fame des méchaus , et il y a lieu de
croire que la tranquillité n'y sera plus troublée.
Guffroy propose d'approuver la conduite des représentans
du peuple à Marseille , et celle du bataillon des Gravillers et
du commandant de la place. Ce qui est adopté.34
3
PARIS . Nonidi , 19 Pluviose , 3e . année de la République.
*
܀܀܂
༡༣ ༽༼ ༈ ! སྙ © ༽ fra S
La mémoire de l'illustre , Marat vient de recevoir un
échec auquel il fallait bien s'attendre . On donnait , ces
jours derniers , une représentation de Phedre au théâtre
de la rue Feydeau . Cette piece avait attiré une foule
immense. Avant l'ouverture de la scene , les citoyens
ont crie , pendant quelques minutes à bas Marat ! (Son
Euste avait été remis en place. ) Un spectateur , placé
dans le balcon voisin du buste , a escaladé la loge à laquelle
il était adossé , et l'a précipité de la console qui
lui servait de piedestal , aux applaudissemens univer
els . Le buste de J. J. Rousseau a été demandé à grands
cris , aussi- tôt après la chûte du premier; il est à l'instant
même mis à la place que l'on venait de tendre vacante
, et accueilli par de vifs applaudissemens. Le même
citoyen qui avait renversé Marat , ayant demandé à lire
quelques vers impromptu qui venaient de lui être com
muniqués, a récité le quatrain suivant
ན
Des lauriers de Matat il n'est pas une feuille
Qui ne retrace un crime , à l'oeil épouvanté ; .
Mais ceux que le sensible et bon Rousseau recueille.
Lui sont
རྟ ༢
dus par la France et par l'humanité !
On a crié : bis ; et le quatrain a été répété aax acclama
tions universelles des spectateurs .
Le même jour , le buste de Marat a été également renversé
au théâtre de la République et à celui de Montan
sier. Une autre scene avait lieu , presqu'en même tems ,
dans la rue Montmartie . Des enfans ont promene ce buste
unilacablant de reproches. Ils ont ensuite jetté dans
Tégoût , en lui criant : Marat, voilà ton panthéon !
ر ج
( 143 )
Le lendemain l'effigie du même personnage a été
trouvée pendue à la porte d'un droguiste , ancien meneur
de l'un de ces comités révolutionnaires dont Marht
avait été le premier membre et le premier instituteur.
Déja son buste ét celui de Châlier avaient reçu le même
affront au théâtre de Un plaignit au représentant dégorgeur posthume s'en
qui répondit
Apparemment ces bustes n'ont pas renouvellé leur abonnement.
Il ne faut pas s étonner de cette destinée . Depuis longtems
Marat avait été placé dans son veritable panthéon
par tous ceux qui avaient observé sa conduite , ses principes
, sa morale publique et ses écrits ; on ne pouvait
joindre plus d'impudence et de férocité à une médiocrité
plus complette . C'est un de ces exemples mémorables
des erreurs et du fanatisme de l'opinion de parti . S'il
eût vécu , son panthéon eût été la guillotine ; Robespierre
n'eût pas manqué de l'y envoyer , et si ce n'eût été lui ,
ç'aurait été la justice et l'indignation publique .
Relation des principales circonstances qui ont précédé et
accompagné l'entrée des Français en Hollande ,
L'armée française n'eut pas plutôt passé le Waal que la
consternation se répandit par - tout dans le parti attaché au
statdhouder , et la joye parmi les patriotes qui , depuis 1787 ,
gémissaient sous la plus dure oppression .
A Utrecht , le sétats aristocratiques , apprenant qu'une colonne
française se portait sur cette ville , convinrent de faire une
capitulation qu'ils envoyerent , le 16 janvier , par une députation
au général de brigade français , qui commandait l'avantgarde.
Les conditions de cette capitulation portaient : Les
personnes et les biens des habitans seront sous la protection
de la loi ; personne ne pourra être inquiété pour sa conduite tenue
pendant cette guerre , ou pendant l'époque qui la précédée .
Liberté illimitée des cultes religieux et de leur exercice .
Ces deux articles furent acceptés par le général français ; tous
les autres furent renvoyés à la décision des representaus du
peuple .
Le 17 au matin , un officier français , accompagné d'un
trompette , arriva aux avant-postes de cette ville ; il était por
seur d'une lettre pour le général anglais . En approchant , il
vit un soldat hollandais en faction , qui voulait s'enfuir , l'officier
l'appelle , et lui dit de le conduire chez le commandant
de la place. Ils trouverent la porte de cette ville ouverte , les
soldats anglais s'étant sauvés du côté dé Woerden ; aussitôt
que le peuple vit l'officier , le trompette et la cocarde trico
lore dontils étaient décorés , il s'écria : Voilà enfin nos liberalears !
vive la République Française , qui nous délivre de nos týrans ! Ils
furent fêtés et conduits en triomphe par la ville aux acclamations
( 144 )
1
du peuple , et aux cris répétés de vive la Républiqué Française!
Le commandant s'était sauvé à toutes jambes.
L'avant-garde de l'armée française qui était encore loin , fut
avertie , et arriva quelques heures après ; elle rogut sur son
passage les bénédictions d'un peuple heureux enfin , après sept
zus de souffrances et d'oppression. Dès le lendemain cette nouvelle
s'étant répandue dans le pays , un grand nombre de voitures
et de personnes à cheval sont accourues de divers endroits , et
notamment de la ville d'Amsterdam , qui est à huit lienes d'Utrecht
, pour venir au- devant des Français et pour voir une armée¸
de héros.
Les Français se sont emparés de toute l'artillerie hollandaise
et anglaise , qui se trouvait du côté de Vianes , Bueren et
Cuilenborg.
Tout s'est passé dans le meilleur ordre possible , et les
citoyens , d'Utrecht se sont applaudis d'avoir été délivrés de
messieurs les anglais , qui commettaient toutes sortes d'horreurs
; peu de magistrats statdhoudériens ont eu le tems ou les
moyens de s'enfuir ; il n'y a que milord Athlone , grandbailly
de cette ville ; son gendre Beatinek , le bourguemaitre
Van Bronkers et Laan , secrétaires des états , qui se soient
évadés.
Dans le même tems la plus grande fermentation regnait à
Amsterdam , une foule immense était rassemblée devant et
dans l'hôtel les armes d'Emden ; la nouvelle de la délivrance
d'Utrecht y fut reçue aux appplaudirsemens universels . Et
tout le monde témoigna le désir ardent de briser ses fers ,
malgré les efforts de la régence et la garnison très - nombreuse.
En conséquence , le matin 18 , avant dix heures , le
peuple se mit en mouvement ; le rendez-vous était devant
et dans l'hôtel les armes d'Emden ; on y distribua ouvertement
la cocarde nationale ; les esprits étaient trés-échauffés ;
ceux qui chercherent à modérer cette ardeur , ue furent pas
écontés.
A deux heures après- midi une députation de six ou sept
eitoyens , ayant l'avocat Schimmelpenninck à sa tête , se
rendit chez le président-bearguemaître Straalman , exposant
verbalement que l'insurrection à l'endroit ci- dessus et par
toute la ville , était si considérable . qu'on devait redouter les:
conséquences les plus fâcheuses , à moins qu'on ne rendit
les armes à la bonne bourgeoisie de la ville.
›› Ce magistrat attahoudérien montra , en tremblent`, les
dispositious les plus souples , mais desirait auparavant se concerter
aveo ses collegues , et il pria la députation de revenir
à huit heures du soir . On pria la bourgeoisie de rester séunis,
at d'éviter toute violence et toute voie de fait . Un cri général
de guerre fut la réponse.
( La suite au numéro prochain. }
H
.
1
( No. 29. )
Jer .135.
MERCURE FRANÇAIS .
QUINTIDI 25 PLUVIOSE , l'an troisieme de la République.
( Vendredi 13 Février 1795 , vieux style. )
POÉSIE.
QUAND
CHARADE.
UAND il s'agit de mon entier ,
Souvent maint et maint héritier
Sont en procès pour mon premier.
L'un d'eux n'a - t-il pas mon dernier?
Kollet fera mieux son métier.
SAN'S
LOGO GRIPHE.
AN'S moi l'on ne doit pas entreprendre une affaire
On ne ferait que de l'eau toute claire .
Je ne marche que sur cinq pieds ,
Dont tu cherches ici , lecteur , les trois premiers .
D'un jardinier le savoir- faire
Façonne au mieux les deux derniers ,
Tome XIV.
L
1
( 146 )*
BEAUX ARTS.
Suite de l'analyse du rapport sur l'état actuel du PANTHEON
FRANÇAIS , fait par ANTOINE QUATREMERE .
AVANT VANT de rendre compte des motifs qui ont dirigé
le citoyen Quatremere dans les changemens qui ont été
faits au Panthéon . il trace quelques principes généraux
qui doivent éclairer la marche des arts .
Dire ce qu'il faut, ne dire que ce qu'il faut et le dire comme
ilfaut , c'est en cela , suivant Quintilien , qu'est renfermé
le talent de l'orateur. Ce genre de mérite appartient à
tous les genres d'arts et principalement à l'architecture.
Lorsqu'il s'agit d'opérer des changemens dans un
édifice déja fait , une des choses dont il faut le plus
se garder, c'est d'amener un autre genre de goût et
de style dans quelque partie que ce soit . Le citoyen
Quattemere dite en preuve le Louvre. Get édifice
qui devait être sous plus d'un rapport le plus beau de
1'Europe , n'est devenu qu'un monument historique des
révolutions du goût en matiere d'architecture . Chaque
génération a semblé vouloir s'y inscrire , pour prendre
acte des variations de son style et de son opinion . A
chaque changement notable qui s'y est opéré , on voit
bien que l'on s'imaginait avoir perfectionné . Enfin , après
tant de changemens et d'essais destructeurs l'un de l'autre,
on a fini par comprendre que le Louvre , avec les défauts
que Pierre Lescot y avait laissés , aurait été un magnifique
Edifice ; que ses défauts lui étaient même nécessaires , et
que le plus grand de tous les abus serait de vouloirqu'un
tel édifice fat sans défauts , ce qui ne signifierait le plus
souvent autre chose qu'un édifice sans caractere . ,,
C'est sur-tout en faisant plus , que les hommes s´imaginent
faire mieux , Charles Maderne , en allongeant la nef
de St. Pierre , augmenta sa dimension et diminua sa proportion.
L'édifice fut plus long , mais moins grand , Il
fallait respecter les plans de Michel Ange ; et la coupule ,
au lieu d'être devenue l'accessoire du monument , aurait
été le monument , ce qui était la chose convenable , surtout
quand une coupole est aussi vaste et aussi riche .
Les novateurs du Louvre ont imagine d'exhausser l'édi
face, d'un troisieme ordre qui prendrait la place de l'Attique.
Le monument est devenu plus haut et son ordon(
147 )
nance plus petite . Il y avait autrefois un grand étage ;
il n'y en a plus que trois semblables .
La plupart de ceux qui ont restauré d'anciens édifices
sont tombés dans de plus grossieres fautes. Ils n'ont pas
même eu le sens ordinaire de ceux qui raccommodent
de vieux vêtemens avec de vieilles étoffes : ils ne se sont'
jamais inquiétés d'assortir leur style au style ancien . Si
ces hommes avaient à restaurer la statue d'Esope , ils lui
mettraient la figure d'Apollon .
Il importe encore d'éviter ces défauts dans un édifice
qui est moins à restaurer qu'à terminer . Le Panthéon a
un grand avantage sur tous les grands édifices de France ;
c'est d'être un édifice achevé . Il est rare qu'un vaste éd¹-
fice soit terminé par celui qui l'a commencé ; on ne cite
presque parmi les ouvrages modeines , que Saint - Paul à
Londres qui ait eu l'avantage d'être terminé , dans un
espace de 40 années , par le même architecte et par le
même entrepreneur . Aussi tous offrent- ils ces disparates
destyle et de décoration , au milieu desquelles on cherche
le motif original et le, prototype de l'auteur .
Pour savoir donc jusqu'à quel point on pouvait innover
dans le Panthéon , et à quel point il convenait de
s'arrêter , deux choses principelas étaient à apprécier;
sa valeur et son mérite , sous les rapports du goût et de
l'architecture , et puis sa propriété relative à la destination
nouvelle qui lui était assignée .
Du monument considéré sous le rapport de l'art .
Lorsqu'on considere en quel état était l'architecture
au milieu de ce siecle , à l'époque où Soufflot conçut et
donna le projet de son temple , il faut convenir qu'il
y eut en lui une sorte de mérite révolutionnaire .
Il y en eut à dédaigner les formes capricieuses dont
des Boromini et les Guarini avaient infecté l'architecture
; il y en eut à rappeller les maximes pures et sages
de la modínature qui avaient disparu en France , depais
Perrault. Mais ce qui constitue son principal mérite ,
c'est d'avoir tenté le premier en France , d'introduire
des ordres et les colonnes isolées , tant à l'intérieur qu'au
dehors des édifices .
Le goût de bâtir tient beaucoup plus qu'on ne pense
aux moyens de bâtir , et ces moyens dépendent beaucoup
du climat et des matériaux . La France n'exploite
pas de ces carrieres dans lesquelles la nature a taillé elle-
L 8
1148 )
même des colonnes et des solives de marbre. La belle
pierre commune des environs de Paris , se trouve par
épais de 12 a 15 pouces ; sa tenacité , sa densité , les
variations du climat ne permettent pas un genre d'em
ploi si simple que chez les anciens .
Soufflot voulut enfin faire avouer à la France que ses
moyens de construction, que ses matériaux, que son climat
pouvaient se prêter à un mode d'architecture qu'on
avait cru jusqu'alors incapable de s'y naturaliser. Il voulut
avec des assises de douze pouces , et par le moyen des
clavaux en plate-bandes , faire plus et plus haut que
le Panthéon de Rome , malgré les marbres et les granits
qui lui assurent une éternelle solidité ..
+
C'est une chose à remarquer , que souvent les hommes
, à force de croire les choses difficiles , les rendent
telles , et qu'ils font le plus pour n'avoir pas cru pou
voir faire le moins. Soufflot , pour éviter la poussée
des plate bandes sur les colonnes du front de son
péristile , poussée qu'il pouvait éviter par une autre
disposition de colonnes , aima mieux voûter que plafonner
ce pêristile ; il chercha alors des points d'appui
sur les côtés de son portique . L'étendue de cette
voûte , ainsi pratiquée , en avait besoin ; il lui fallut
renforcer ses flancs de deux colonnes , et d'un ressaut
dans l'entablement. Ce défaut de disposition
tient tellement à la structure du péristile , qu'il en
est tout à -la- fois le principe et la conséquence : cette
voûte intérieure lui a procuré un exhaussement tel que
l'espace en est devenu ingrat à la décoration . Voilà les
principaux défauts de ce péristile ; auquel on peut encore
reprocher de la molesse dans les entre- colonnemens ,
trop de hauteur dans les proportions des colonnes , et
l'emploi des cannelures qui les atténuent encore , quoiqu'elles
aient éte faites dans l'intentiou de développer
par l'évasure des canaux plus de la moitié du diametre
la vue !
Il faut dire la même chose de la coupole , cet ouvrage
qui , à la singularité d'offrir trois voûtes en pierre
inscrites l'une dans l'autre , joint la solidité et la pureté
de formes la plus grande qu'on ait encore vue dans ce
genre .
" Je sais , ajoute le citoyen Quatremere , tout ce qu'on
peut objecter contre ce genre de construction , on le
renfermerait en un seul mot ; c'est l'apostrophe du poëte
à la sonate Coupole , que me veux-tu ?
( 149 )
Ç'a été une seule fois une belle chose qu'une coué
pole placée au centre d'une croisée , et portée sur les
roins de quatre voûtes ; mais il semble que ce soit
comme ces bons mots qu'on affadit en les répétant. IL
ne devait plus être permis d'en faire après Michel
Ange , ou il devait être permis d'être plus que Michel
Ange.
Ce sont souvent de fausses allusions qui produisent
de fausses analogies. Bramante avait voulu élever le
Panthéon sur les voûtes du temple de la Paix . Soufflot
a peut-être cru élever la coupole de Saint- Pierre sur
le péristile du Panthéon . Mais que peut- on mettre audessus
d'un péristile de cent pieds , qui ne soit ou trop
p tit ou trop grand ?
Il faut l'avouer , sur- tout après tant d'expériences ,
quelque plaisir qu'on puisse trouver à décorer l'aspect
des villes par ces vastes couronnemens qu'on appelle
des dômes ; quelque plausibles que soient , sous quelques
rapports , ces dispendieuses constructions , elles
tiennent plus aux idées composées qu'aux idées simples
de l'architecture ; quelque vanité que le génie de
la construction puisse y mettre , elles disparaîtront de
vant l'orgueil de la simplicité ; on reconnaîtra qu'elles
sont des especes de superfotations architecturales , dont
l'inconvénient est de compliquer les plans , de multiplier
les ressources parasites , d'éterniser les travaux ,
d'augmenter les dépenses pour introduire dans les édi
fices un double motif qui en rompt le premier mérite
savoir , l'unité.
!
Cependant comment ajuster le point central d'un
édifice à quatre `nefs ? Il faut nne coupole , et tant qu'il
sera impossible de faire que le Panthéon Français n'ait
pas quatre nefs , il sera ridicule de prétendre qu'il ne
lui faut pas une voûte centrale .
Ici le citoyen Quatremere répond à ceux qui avaient
proposé de changer la coupole , d'en remodifier les formes
et de la réduire à la galerie ou colonnade circulaire qui.
l'environne , en y pratiquant à la place de ses trois voûtes
surhaussées et pyramidales , une couverture extérieurement
surbaissée dans le goût du Panthéon de Rome. It
prouve très - bien que ces changemens et ces destructions
dispendieuses ne satisferaient à aucune des regles
de goût et de convenance , et ne corrigeraient aucun des
défauts qu'on aurait voulu corriger ; qu'en cherchant à
imiter la rotonde d'Agrippa ou le tombeau d'Adrien ,
L 3
( 150 )
on ne ferait qu'une mesquiae singerie et unvéritable hors
de propos. Si l'on ne conserve que la galerie ou colon
nade , à quoi servirait - elle? par quoi serait - elle motivée ?
que faudrait-il penser d une colonnade qui ne supporterait
rien et représenterait là comme un surtout de dessert ?
D'où il conclud qu'on a dû conserver la coupole , et
se borner à l'approprier au nouveau caractere du monument.
Ces observations ont dû servir de guide dans les
réformes de l'intérieur .
Le plan en était sans doute trop varié ; il apparten it
trop à l'architecture de décoration . Mais ce plan avait
été combiné par Soflot pour ses voûtes et pour multiplier,
en les divisant , les poussées er les résistances.
Les anciens ont toujours plafonné sur les colonnes ,
c'est ce qu'indiquent la nature et le bon goût ; nous
ne connaissons pas encore de grandes voûtes en ber
ceau , portées par des colonnes isolées : cela se f ra
peut-être ; mais c'est parce que la chose n'avait pas été
faite en grand , que Soufflot voulant en approcher , n'a
cru pouvoir y arriver que par la méthode des gothiques.
A cette occasion , l'artiste fait des réflexions judicieuses
sur l'infuence qu'un certain esprit de mode a
exercée sur les artistes . De nos jours , dit - il ,
les monumens d'ordre Dorique Grec , mieux vus et
plus fidellement dessinés par les voyageurs , des restes
découverts dans l'antique Possidonie , ont tout- à- coup
fait rebrousser l'architecture du style élégant au mode
le plus austere. Cela est tellement venu , comme dans
le commerce , affaire d'assortiment que , pour quelqu'objet
que ce soit , vous ne trouveriez plus aujourd'hui
du Corinthien chez aucun architecte : ils n'en tienvent
plus.
Du tems de Soufflot , les ruines de Palurire et de
Baalbech étaient en vogue . Les voyageurs Anglais
venaient de publier leur bel ouvrage sur ces restes
mémorables , monument du plus grand luxe auquel soit
parvenu le Corinthien . Souflot tendit toutes ses cordes
sur ce ton ; il chercha la plus grande richesse : mais
il prit souvent le change , sa richesse devint superfuité
et bientôt mesquinerie . Il ne fut pas bien servi
nonplus par ceux qui lai brodaient son monument.Choix
commun d'ornemens en quelques parties , exécution
précieuse , mais aride et maigre , mauvaise entente dans
la distribution des masses et des détails : brefl'effet ne
répondit pas à son atten.e .
( 151 )
L'auteur tire de toutes ces observations cette conse
quence générale , qu'on a dû se borner à ramener toutes
les parties de l'intérieur à une plus grande simplicité es
un meilleur accord avec le tout.
De l'édifice dans ses rapports avec sa destination actuelle.
En s'appliquant à sa destination nouvelle , l'édifice
a eu l'avantage de ne pas avoir un trop grand contraste
à vaincre. C'est moins en effet un séjour de mort qu'un
séjour d'immortalité ; c'est moins un hypogée , dont les
formes graves et sérieuses doivent annoncer le silence
des tombeaux , qu'un temple ouvert au culte des
grands hommes ; enfin , si nul n'y reçoit les honneurs
qu'après sa mort , c'est plutôt sous les signes de l'apothéose
et d'une consécration philosophique , que
sous les emblêmes de la mortalité . Si ce lieu doit recevoir
des monumens , ce sont des effigies vivantes des
grands hommes ; et si l'on peut se le figurer dans son
état de perfection , c'est plutôt sous le rapport d'une
galerie d'illustres portraits que sous celui de cata
combes.
Il fallait encore que pour satisfaire à sa nouvelle vo
cation , il pût offrir un lieu de repos séparé aux restes
inanimés des grands hommes . Son souterrain s'y est
trouvé merveilleusement propre . Outre les vastes berceaux
dont il est percé dans tous les sens , il s'y est
rencontré un local qui semble avoir été construit exprès
pour cet objet. Soit qu'on y dépose les corps dans des
tombes simples , soit qu'on les y range sous la forme de
gaines ou de termes , à la mode des Egyptiens , et
adossés contre les murs , ce souterrain d'honneur peut
en renfermer un très-grand nombre , avant qu'on ait
besoin de recourir au reste des caveaux dont on a
parlé. Il n'y avait rien à changer dans ce local , que
d'en diminuer la lumiere , ce qui a été fait ; et de lui
donner au chevet de l'édifice une entrée caractéristique
ce qui reste à faire .
Il était moins question de chercher un caractere exclusif
et spécial , que de tendre à supprimer tout ce qui
pouvait rappeller les anciennes idées , soit à l'extérieur ,
soit à l'intérieur , et de rajouter tout ce qui pouvait y
rendre lisible l'intention actuelle .
C'est sur-tout à la sculpture qu'on devait être redes
vable de cette métamorphose..
LA
( 152 )
Il y avait dans le choix des sujets plus d'un parti à
prendre ; mais il fallait opter entre les motifs historiques
et ceux de l'allégorie .
Quant aux faits , ils devaient se prendre parmi ceux
de l'histoire ancienne , ou de l'histoire des Français, qui
ne pouvait dater que de la révolution . Il devenait trop
hasardeux de confier si- tôt à la sculpture plusieurs des
faits de la révolution , que l'histoire n'a pas encore dé
gagés des personnages qui en fúrent les instrumens
pour les donner tout entiers au peuple qui en fut la
moteur.
Les traits d'histoire copiés de si près ressemblent aux
objets qu'on voit à la louppe ; il ' eût fallu sacrifier des
vérités locales et accidentelles à la vérité générale ; il
eût fallu effacer des figures , ou se résoudre à les voir
effacer par le tems ; d'ailleurs , comme j'ai déja eu
occasion de le dire , ce monument , quoiqu'il soit
l'ouvrage de la révolution , ne lui a pas été spécialement
consacré . L'histoire de celle- ci devra trouver
place dans les temples que la liberté va voir s'élever
de toutes parts ; il fallait ici chanter ses effets plus
que ses actions , et célébrer son regne plutôt que sa
conquête.
Cétait donc à l'allégorie qu'il fallait confier ce
soin.
L'allégorie semble offrir un champ qui n'a de bornes
que celles de l'infini ; cependant ses moyens sont aujourd'hui
plus circonscrits qu'on ne le pense. Toutes
nos idées sont prises des corps et de la matiere ; les
signes qui les représentent en sont aussi empruntés .
Voilà pourquoi , dans l'enfance des sociétés , les idées..
sont simples , comme le langage et l'écriture , qui n'en
sont que la peinture . On est plus près des objets qui
leur servent de type. Elles sont aussi moins multipliées .
parce que les besoins de la société et les rapports qu'elle
amene sont peu nombreux. A mesure que ceux-ci se
compliquent , les idées , de simples qu'elles étaient
deviennent composées ; le langage . par figures et l'écriture
par signes cessent d'être de mise , parce qu'il n'y
a plus ni assez de figures entieres , ui assez de signes
complets pour exprimer toutes les combinaisons de lat
pensée. Vient alors le regne des abstractions avec les
subtilités de la métaphysique , et enfin on fait une scienec
de l'art même d'expliquer les mots.
Je n'ai donc pas cru , dit l'auteur en finissant , devoir
?
( 159 )
aller chercher dans les espaces d'une métaphysique subtilisée
lès sujets d'allégorie qui devaient animer le corps
de notre architecture .
C'est dans les motifs simples de l'édifice , et non dans
le vague des généralités , que j'ai puisé les sujets de sa
décoration . J'ai voulu que tous fussent clairs et à la
portée de tous ; j'ai voulu qu'ils expliquassent le
monument et n'eussent pas besoin d'être expliqués par
lui.
Telle est l'idée qu'on peut se former d'un monument
aussi propre à inspirer le culte des grands hommes
qu'à le devenir , et que la France offrira à l'Europe
comme un chef-d'oeuvre de l'art , en attendant que
son gouvernement devienne le modele des gouver
nemens. ”
INSTRUCTION PUBLIQUE.
Analyse de la seconde séance des Ecoles normales.
Quand nous avons annoncé le tableau analytique des
séances des écoles normales , on sent bien que nous n'avons
pas pris l'engagement de faire un abrégé des diffé
rents cours qui s'y professent ; un abrégé de toutes les
sciences serait nécessairement incomplet , et dans l'obligation
deresserrer ses idées , obligation que commandent la
nature et la forme de ce journal , et le peu d'espace que
nous pourrions consacrer à cet objet , nous affaiblirions
le tout en ne donnant que des notions partielles . Nous
devons donc nous borner à faire connaître le but général
que se propose chacun des professeurs , les grands points
de vue sous lesquels ils ont envisagé chaque partie des
sciences , et d'indiquer l'immense carriere qu'ils offrent
à l'instruction , bien plus que de la parcourir avec eux.
Nous en dirons assez pour qu'on puisse apprécier le
degré d'utilité et le bienfait de cette institution , l'une
des plus propres à guérir les plaies de l'ignorance et du
crime , et préparer en France le regne durable de la
liberté , et pour engager tous les citoyens qui veulent
s'instruire à chercher dans le journal des Ecoles normales
le dépôt des connaissances qu'il renferme , dépôt précieux
qu'aucune analyse ne peut suppléer.
La seconde séance a été consacrée à la géographie ,
à l'histoire , à l'histoire naturelle et à la morale.
Buache et Mentelle , professeurs de géographie , ont auvert
leur cours par la lecture de leur programme. Après
( 154 )
avoir donné une idée générale de la géographie , comme
description de la terre , ils la considéreront 1 ° . comme une
simple planette , assujettie dans ses mouvemens à la
puissance active du soleil , dont ils décriront là figure , et
dans ses principales divisions mathématiques ; 2 ° .comme
planette habitable , d'où sa forme extérieure , ses producsions
de tout genre , la nature des êtres qui l'habitent ,
ce qui constitue la géographie physique ; 3 ° . sous le rapport
de l'établissement des grandes sociétés , des empires
et de tous les corps politiques qui ont existé et qui existent
actuellement ; c'est l'objet de la geographie politique:
40. sous le rapport de la nomenclature , qui n'est difficile
que par défaut de méthode , et ne s'apprend bien que
sur des cartes .
Buache a ensuite montré les rapports et les secours
dont la géographie est redevable aux mathématiques , à
la physique générale et à la chymie , à l'histoire natu-
Telle et àl'histoire politique . Après lui, Mentelle a fait cons
naître en quoi consistent les détails de la géographie , son
extrême utilité , et la maniere de l'enseigner aux enfans .
Il rejette le bureau topographique comme n'étant qu'un
pur mécanisme , et lui préfère la méthode .
La maniere dont Volney considere l'histoire est tout- àfait
neuve , et l'on devait s'y attendre ; elle n'a été pendant
long- tems que le recueil des crimes des rois et de
la faiblesse des peuples. Il se propose d'examiner plu
sieurs questions importantes :
1º. Quel degré de certitude , quel degré de confiance
doit- on attacher aux récits de l'histoire en général , ou
dans certains cas particuliers ?
2. Quelle importance doit- on attribuer aux faits
historiques , et quels avantages ou quels inconvéniens
ésultent de l'opinion de cette importance ?
3. Quelle utilité sociale et pratique doit-on se proposer
, soit dans l'enseignement . soit dans l'étude de
Thistoire ?
Four développer les moyens de remplir ce but d'ulité
, l'on recherchera dans quel degré de l'instruc
sion publique doit être placée l'étude de l'histoire ; si
cette étude convient aux écoles primaires , et quelles
parties de l'histoire peuvent convenir , selon l'âge et
Vetet des citoyens .
L'on examinera quels hommes doivent se livrer et
quels hommes l'on doit appeller à l'enseignement de
histoire ; quelle méthode paraît préférab.e pour cet
( 155 )
enseignement ; dans quelles sources Fon doit puiser la
connaissance de l'histoire , ou en rechercher les matériaux
avec quelles précausions , avec quels moyens on
doit l'écrire ; quelles sont les diverses manieres de l'é
crire , selon ses sujets ; quelles sont les diverses distributions
de ces sujets ; enfin quelle est l'influence
que les historiens exercent sur le jugement de la postérité
, sur les opérations des gouvernemens , sur le
sort des peuples .
Après avoir envisagé l'histoire comme narration de
faits , envisageant les faits eux - mêmes comme un cours
d'expériences que le genre humain subit sur lui- même ,
l'on essayera de tracer un tableau sommaire de l'histoire
générale , pour en recueillir les vérités les plus intéress
santes. L'on suivra chez les peuples les plus célebres
la marche et les progrès ,
1. Des arts , tels que l'agriculture , le commerce la
navigation.
2º. De diverses sciences , telles que l'astronòmic , la
géographie , la physique .
30. De la morale privée et publique ; et l'on examinera
quelles idées l'on s'en est fait à diverses
époques.
4º Enfin l'on suivra la marche et les progrès de la
législation ; l'on considérera la naissance des codes civils
et religieux les plus remarquables ; l'on recherchera quel
ordre de transmissions ces codes ont suivi de peuple à peuple
, de génération à génération ; quels effets ils ont produits
dans les habitudes , dans les moeurs , dans le caractere des
nations ; quelle analogie les moeurs et le caractere des nations
observent avec leur climat , et avec l'état physique
du sol qu'elles habitent ; quels changemens produisent
dans ces moeurs les mélanges des races , et les transmigrations
et jettant un coup- d'oeil général sur l'état ac
tuel du globe , nous terminerons par proposer l'examen
de ces deux questions :
1º . A quel degré de sa civilisation peut-on estimer
que soit arrivé le genre humain ?
2° . Quelles indications générales résultent de l'histoire
pour le perfectionnement de la civilisation , et l'amélioration
du sort de l'espece ?
Daubenton a expliqué dans son programme l'objet er
les différens points de vue sous lesquels on doit envisager
l'histoire naturelle. Dès qu'il a paru , l'aspect d'un vieil-
Jard octogénaire qui a rendu de si grands services aux
( 136 )
sciences , et qui rassemble le peu de forces qui lu
restent pour communiquer aux autres le fruit de ses
longues observations , a inspiré à toute l'assemblée un
sentiment profond de vénération et d'attendrissement ,
et ce sentiment s'est manifesté par des applaudissemens
universels . On sent qu'un cours de ce genre n'est pas
' susceptible d'analyse . Justesse et clarté dans les définitions
, exposition des rapports de l'histoire naturelle
avec les sciences qui en dérivent et les limites qui l'en
séparent , indication des différences qui doivent être
entre les recherches du naturaliste , celles des anatomistes
, des botanistes , des chymistes , des agriculteurs ,
des officiers de santé ou médecins , degré d'utilité dont
l'histoire naturelle doit être dans son application , en un
mot toutes les parties de l'histoire naturelle , considé
rées dans ses recherches et dans ses résultats , comme
dans les moyens de l'enseigner ; tels sont les objets qu'il
'embrasse dans son plan..
Il convenait que l'ami de Jean-Jacques , que l'auteur
des Etudes de la nature , de Paul et Virginie , et de la Chaumiere
indienne , fût l'interprête de la morale. Saint - Pierre
n'a paru à cette séance que pour annoncer qu'il avait pris
avec le comité, l'engagement de tirer des matériaux d'un
ouvrage sur l'éducation dont il s'occupe , un traité élémentaire
de morale , dans l'espace de cinq mois . C'était ,
a -t- il dit , demander bien peu de tems pour tracer un
plan qui doit résulter des lois de la nature , embrasser le
cours de la vie de l'homme dépuis l'enfance jusqu'à la
vieillesse , lui prescrire à- la- fois ses droits et ses devoirs ,
et présenter , suivant le programme du comité , un mode
d'instruction facile et intéressant pour les écoles primaires.....
J'ai une mauvaise santé ; j'écris très laborieusement
; je n'ai ni la facilité ni l'usage de parler dans une
assemblée . Sije pense intéresser la vôtre , ce n'est qu'er
Tui lisant un ouvrage que j'aurai fait à loisir. Je vous demande
donc le tems d'achever celui que j'ai commencé :
s'il plaît à Dieu , ce sera avant trop meis . Aucun cours de
l'école ne sera interrompu par son retardement ; la morale
est le terme où doivent aboutir les sciences de
l'homme ; car , à quoi lui serviraient- elles , si elles ne le
rendaient plus moral , c'est- à - dire , meilleur et plus heu
reux ? Mon traité doit donc aller à la suite de ceux de mes
collegues , mais j'espere qu'il finira en même-tems , parce
que, s'il m'est permis , j'allongerai mes séances ou jen
multiplierai le nombre.
( 157 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
SUIVANT
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 26 janvier 1795.
UIVANT des lettres de Varsovie , le voyage de Stanislas à
Grodno , où l'entraine pour ainsi dire la volonté de l'imperatrice
, a pour motif sa présence à un congrés quejles différentes
puissances co-partageantes doivent tenir dans cette ville , et
où on le fera probablement adhérer à un nouveau démembrement
déja calculé et résolu entre ces puissances . Les soeurs
de ce roi , qu'on peut regarder comme détrône , comtesses
Zamoiscka et Branicka , se proposent d'aller cacher à Vienne
leur grandeur éclipsée . Le priuce Ignace Potocki a versé quelques
larmes lors de son arrestation ; mais il a paru les donner
plutôt à la cause de la liberté trahie par le sort qu'à sa propre
infortune . Le ci - devant président Zakrewski était celui qui
montrait le plus de consternation . Quantau chancelier Kollontay
qui , le jour de la prise du fauxbourg de Prag , prit la fuite
avec des trésors qu'il voulait soustraire à l'ennemi , il a été
arrêté et conduit en Russie, où ou lui fera ugjerime plus capital
de cette soustraction que de ce que les vainqueurs appellent
sa révolte. On publie également , mais sans en être aussi sûr,
que le lieutenant- général de Favrat a fait arrêter Madalinski
qu'on a découvert dans le palatiuat de Sendomir , et qui a été
conduit à Breslau . Ainsi voilà tous les chefs de l'insurrection
polonaise entre les mains de leurs eunmeis ; et il est
difficile , pour ne pas dire impossible , que les desirs de retourner
a la liberté se convertissent jamais en efforts susceptibles de
réussir , faute de quelque homme d'un talent réel soutenu
d'intentions bien pures , auquel ies Polonais puissent se rattacher.
Ce malbeurenx peuple sent déja toute la pesanteur du nouveau
joug. Le prince Repuia vient d'exiger de la Lithuanie
dont il est gouverneur , un serment de fidélité à la Russie ,
et l'on a organisé à Kiovie une commission pour juger les
criminels d'etat . Plusieurs particuliers craignent que les recherches
de cette inquisition politique ne descendent des chefs
jusqu'à eux. Indépendemment de ces inquiétudes , la disette
se fait généralement ressentir en Pologne et surtout dans la
capitale. Il y a aussi eu à Posnanie une fievre inflammatoire
2
( 158))
dans l'hôpital militaire que l'on a pris d'abord pour une
épidémie. Il a fallu pour rassurer les habitans transférer te
lazaret hors de la ville , et même les malades qui se trouvaient
dans les maisons particulieres .
Des lettres de Stockholm disent que l'ambassadeur d'Espague
a témoigné au cabinet suédois le desir de connaître ses
intentions envers celui de Naples , et la crainte qu'elles ne
fussent hostiles à cause de l'asile donné au baron d'Armfeldt.
On ignore ce que le grand- chancelier a répondu à cette note.
1
De Francfort-sur-le-Mein , le 3 février.
Suivant les détails qu'on reçoit chaque jour par Wesel sur
les dernieres affaires qui ont eu lieu en Hollande , les Français
se sont trouvés à avoir à combattre non- seulement les troupes
anglaises et hollandaises , mais encore les autrichiennes . On
s'est battu sans discontinuer du 9 au 22 janvier . Il y a même eu
des jours où les Français ont renouvellé jusqu'à cinq fois l'attaque
la plus vigoureuse . Heureusement pour eux , les grandes
batteries hollandaises du côté de Pandern n'ont pu servir faure
de boulets de calibre . Mais ils n'en auront pas profité ; car on
les a encloués et jettés à l'eau .
On donne comme certain que la campagne commencera le 15
février par une tentative pour dégager Luxembourg . Cette
place est assez bien approvisionnée ; elle a même fait rentrer
dans ses murs un supplément de vivres , à l'aide d'une sanglante
sortie , où elle n'a cu d'ailleurs que cet avantage . Mais on croit
que le bois y manque , et l'on sait que les Français la resserrent
de jour en jour.
de
Le Rhin a été fermé par les glaces près d'Unckel et Lintz .
Les Allemands à celle époque en ont doublé les piquets ; on
fait reculer à quelque distance les canons de gros calibre , et
ranger les petits sur la rive . En général , ils prennent d'aulant
plus de précautions , qu'il est arrivé à Cologne aux Français ,
depuis quelques jours , 10,000 hommes venant des pays
Juliers et de Limbourg , pour renforcer leurs avani - postos , mesure
qui en exige de pareilles de la part des Allemands . Ils ont été
un peu effrayés , suivant des lettres de Sigbourg et de Neuwied ,
par la celebration de l'anniversaire de la inori de Capet , que
des salves d'artillerie et de mousqueterie et les cris répetes de
vive la République ont rendue très- bruiante , sans qu'on distingnât
au premier moment ce que c'était ; ce qui a jetté une
sorte d'alarme.
Des lettres postérieures annoncent que l'armés du Rhin va
se former en grand ordre de bataille ; tout devait être prêt et en
mouvement le 28 janvier. Le quartier- général restait à Heidelberg
, et le petit corps de l'armée de Condé bien affaibli devait
Occuper le centre.
( 159 )
Le général Mélas qui a conduit , il y a quelque tems ,
renfort considérable à la garnison de Mayence , est fixé à
Dourlach ; il aura sous lui le général - major Cobourg , neven
du prince de ce nom . Quant à la garnison de Philipsbourg .
elle doit être remplacée , et passe dans la partie aux ordres du
général Melas.
L'archiduc de Milan a dû se rendre à Vienne ; l'archiduc
Charles s'y rend également ; il s'est, mis en route, le go
janvier ; mais on croit qu'il reviendra incessamment à
l'armée.
१
On ne sait pas grand'chose des dispositions du , rɔi de
Prusse , qui semble être singulierement refroidi pour la
coalition il paraît seulement , d'après des lettres de Bâle ,
que le ministre français a échangé ses pouvoirs contre ceux da
ministre prussien , et que les conférences ne devaient pas tarder
à s'ouvrir. On espérait que la paix pourrait en résulter , du
moins entre la France et la Prusse ; ce qui ne tarderait pas d'en
a uener une générale , l'Autriche et l'Angleterre ne pouvant
gueres tenir après la défection d'un tel allié , à qui l'Angleterre
ne donne plus de susbsides , et la Hollande ne peut en fournir.
Au reste, la crainte de Frédéric Guillaume pour ses possessions
de Westphalie y entrerait aussi pour beaucoup .
ESPAGNE. De Madrid , le 16 décembre.
+
Irun et Tolesa sont toujours entre les mains des Français.
Le io de ce mois , le général Colomera était à la vue de la
seconde de ces villes , pour en déloger les Français . On
n'a point encore reçu de nouvelles de issue de cette e pédition
. Ce général vient d'être promu au grade de capitaines
général ,
Rose se défendait encore vigoureusement le 7. Les chas
loupes canonnieres , dirigées par le chef d'escadre Gravina ,
ont produit beaucoup d'effets en dénontant les batteries des
Français . On porte à 15.000 le nombre des assiégeans ; celui
des assiégés est dit ou , de 6000. Dans le cas d'uunne capitu ation
, la Houte espagnole , de 17 vaisseaux de ligne et de 6
fregates , devait se retirer à Mahon .
Le général Verrutia est arrivé , le 7 de ce mois à Barc , -
lonne , d'où il s'est rendu , sans délai , au camp de Giroane.
Les Catalans ont envoyé une députation au gouvernement ,
pourlai faire part des mesures prises par eux dans les conjonctures
actuelles . Ils ont érigé , de leur propre mouvement et à leurs
depens , un comité de finances , un autre de défense publique ,
et un troisieme de guerre . Ces trois comités ont déja commencé
leurs pérations . Dans quelques jours , les députés
doivent être présentés à Charles IV. Nul doute que le gou(
166 )
vernement dans les besoins qu'il éprouve , he sanctionne des
arrangemens dont il peut espérer de tirer quelques secours ; et
que sûrement d'ailleurs il se sent trop faible , au milieu de ses
revers , pour pouvoir les désapprouver. Cependant n'est- il pas
évident qu'un établissement de cette nature , et par son objet ,
et par la maniere dont il a été formé , est une véritable entreprise
contre le pouvoir royal ? Ainsi cette guerre , que les
rois ont entreprise pour le soutien de leur autorité , tourne
contre cette autorité même. On les voit contraints de recourir
au peuple , de l'armer , de lui donner pour prix de ses sacrifices
, on de lui laisser prendre une part effective dans le
gouvernement. Sans s'en douter , les rois ont planté au sein
de ce qu'ils appellent leurs états , un germe de révolution ,
qui doit se développer rapidement.
ITALIZ. De Génes , le 22 janvier.
Le général Scherer continue à visiter toute son armée. Ces
jours derniers , il a passé à Pieve et à Orméa . De son côté ,
l'adjudant - général Rusea , médecin , a visité tous les ports
de la riviere , pour connaître la cause des maladies qui affligent
T'armée française , et qui sont un peu moins dangereuses qué.
précédemment.
On nous écrit de Nice que les français ont pris 25 bâti
mens marchands , dont 14 anglais , chargés de vivres , de munitions
de guerre , et de 1200 hommes , tant marins que
soldats , qui devaient renforcer leur escadre , et six espagnols ,
qui allaient en Barbarie , chercher des grains , et qui avaient
bord les fonds nécessaires pour cette acquisition . Les
quatre autres bâtimens étaient neutres et chargés par l'ennemi.
Tout l'équipage de ces bâtimens consiste dans environ
560 hommes.
Cette prise importante a été faite par les frégates françaises ,
à leur retour de Tuuis ; mais à l'instant où elles allaient entrer
dans Toulon , elles se sont vues poursuivies par les
Anglais qui les ont forcées à lâcher une grande partie de
leurs prises .
Le dernier courier d'Espagne nous apprend que l'escadre
espagnole a souffert une forte bourasque dans la baie de
Roses ; qu'un vaisseau de 74 canons a été emporté par la
furie des vents , et s'est perdu ; qu'un autre de 80 a beau
coup souffert dans sa mâture ; et que Roses continue à se
défendre .
De Milan , le 7 janvier. D'après les avis qu'il était arrivé à
Nice 21 bataillons de troupes françaises , le gouvernement a
demandé à l'empereur des renforts pour défendre contre une
invasion cette partie des possessions autrichienues. En atien
dant
( 161 )
4
4
1
dant et malgré la rigueur de la saison , on a forme de forts
cordons de milice dans les lieux les plus exposés. A Ceva, et
dans les environs , il y a 12,000 hommes 8000 sont repartis
du côté de Mondovi ; et l'on a envoyé dernierement a Cor
temiglia 1280 Croates et un grand nombre de Piemontais
pour défendre le passage de ces côtes.'
Le bruit court encore que le général de Wins doit revenir
en Italie , et qu'il prendra le commandement de 28,000 hommes
l'ouverture de la campagne prochaine.
NGLETERRE De Londres , le 9 janvier 1795 .
Débats du Parlement. Chambre des Communes .
Seance du janvier . On fait lecture de la réponse du roi à
l'adresse qui lui a été présentée .
M. Sheridan prévient la chambre que son intention est de lui
soumettre , le lundi suivant , uue motion tendante à savoir si
le peuple anglais doit se Batter de jouir encore des bienfaits de
la loi de l'habeas corpus."
M. Maurice Robinson annonce que s'il y avait des commissaires
de l'amiraute presens , il voudrait s'informer de la marine . Il
déclare que le 6 il fera une motion sur cet objet .
M. Sheridan dit que , le 5 , il demandera aux mêm
membres du
conseil commun des explications sur l'acte de la milice de
Londres , passé dans la derniere session .
M. Fox veut que les ministres fassent savoir quand on traitera
la question de l'emprunt.
M. Rose , l'un des contrôlents des finances , répond que cette
question' se présentera naturellement le jour où l'on présentera
a la chambre l'apperçu des voies et moyens . Il ne peut pas indiquer
le jour précis où son honorable ami ( M. Pitt ) ne devant
pas venir au parlement ; mais il pense qu'il sera annoncé longtems
d'avance .
La chambre se forme en comité dès subsides .
M. Sheridan : J'observe , par motion d'ordre , que l'absence
de M. Pitt , comme chancelier de l'échiquier , est une infraction
aux reglemens. J'avone que je ne dois pas attendre beaucoup
d'exactitude de la part d'un homme qui viole de la maniere la
plus ouverte les formes établies . Aujourd'hui que sa présence
est nécessaire dans une discussion relative aux subsides , il
ne se trouve pas à sa place. C'est la premiere négligence de
cette espece qu'on puisse reprocher à un chancelier de l'échiquier.
M. Rose Il faut que l'honorable préopinant se soit mépris
sur les formes relatives à la premiére discussion du comité
des subsides . On a toujours considéré le vote général des
subsides comme une suite naturelle de l'adresse au roi , et
d'après cela , il n'y a pas de nécessité que le ministre se
trouve à la séance . Si l'honorable membre veut , au reste
** Tome XIV.
M
•
( 162 )
se rappeller les circonstances , il se ressonviendra que moimême
j'ai fait une motion à cet égard , il y a quelques
années .
M. Sheridan : Il me paraît que la déclaration du préopinant
ne fait qu'empirer la chose ; et qu'au lieu d'excuser le chancelier
de l'échiquier , il le rend vraiment coupable de négli
gence. Il ne faut pas s'imaginer que le vote des subsides soit
une suite naturelle de l'adresse au roi , comme on vous l'a
dit ; car , n'en doutez pas , il y a des membres qui peuvent bien
mettre en question s'il est convenable ou non d'accorder des
subsides quelconques , sans en avoir préalablement déterminé
l'objet , et alors les ministres doivent se trouver à la séance ,
pour répondre aux questions qu'il serait peut-être nécessaire
de leur faire. J'ai dit , et je le répete , qu'il ne faut pas attendre
beaucoup d'exactitude de la part d'un homme dont les infractions
aux formes établies sont notoires , sur-tout depuis
qu'il les a violées d'une maniere si inconstitutionnelle , en
Contractant un emprunt avant la convocation du parlement ,
et sans avoir l'assuranée du consentement de cette chambre .
Il y a encore des circonstances qui doivent éveiller l'attention
du parlement à cet égard , lorsqu'on réfléchit que notre convocalton
a été prorogée , non que le minis : ere voulût négocier
ou faire des ouvertures de paix , uon qu'il eût dessein de
faire du bien à l'Angleterre , mais parce qu'il voulait se ménager
le tems de contracter cet emprunt d'une maniere inconstitutionnelle.
Steele : Je ne saurais garder le silence dans un moment où
l'on se permet , envers mon honorable ami , des expressions si
séveres et en même -tems si peu fondées . Je le demande : en
quoi le chancelier de l'échiquier a- t-il agi contre les regles
ordinaires ? Il a fait un contrat provisoire ou bien un emprunt,
dont la ratification dépend entierement du parlement. Si vous
ne le sanctionnez pas , il est nul , et doit être regardé comme
non avenu. N'est - ce pas là ce qu'on a toujours pratiqué , sans
attendre la convocation du parlement ? Je ne vois pas d'ailleurs
qu'il y ait aucune différence entre la fixation provisoire
des bases d'un emprunt et un traité subsidiaire ; et vous
ne disconviendrez pas que sa majesté n'ait le droit de con
clure un traité de subsides , sauf à le faire ratifier par le parlement.
M. Fox : Le préopinant a mal compris l'état de la question.
Il y a beaucoup de différence entre un traité de subsides et un
emprunı ; d'ailleurs , il est inconstitutionnel de contracter des
engagemens pécuniaires , sans savoir si le parlement votera des
subsides ou non , et avant qu'il ne détermine l'état des forces à
employer.
M.Francis t La présence du ministre est nécessaire , attenda
qu'il peut y avoir des membres qui voudraient s'informer si les
Conditions de l'emprunt sont avantageuses on non à l'état , et
( 163 )
je vous déclare que j'ai des raisons pour croire qu'elles ne le
sont pas . L'emprunt n'a pas été fait ouvertement ; on a admis
tous ceux qui voulaient y souserire le ministre u'a fait
ouvrir ses portes qu'à un petit nombre d'hommes choisis
par lui. Toute concurrence a dons été écartée , et les conditions
arrangées en conséquence , de maniere à donner des
' soupçons .
M. Steele Ce n'est pas le moment d'examiner la conduite
du ministre ; quant aux conditions de l'emprunt , cette question
se présentera naturellement le jour où il s'agira de les
ratifier.
"
M. Sheridan : Il me semble , au contraire , que c'est ici le
moment de discuter la question proposée ; c'est au moins celui
que je voudrais choisir , si le ministre se trouvait à la séance .
Le parlement se trouve à cette occasion , dans une situation
extraordinaire. On sait qu'il y a parmi nous beaucoup d'hommes
opulens , et j'espere qu'i s'en trouvera toujours dans cette
chambre. Or , il est très-naturel de supposer que plusieurs de
ces membres sont interessés à l'emprunt ; il est donc incontes
table que ceux- là ne peuvent pas discuter lá question avec impartialité
; ils doivent desirer au contraire que nous votions
des subsides assez vastes pour qu'ils puissent retirer de grands
avantages de leurs engagemens . Voilà déja un motif assez
puissant pour qu'on veuille savoir les conditions de l'emprunt.
J'observerai encore en réponse à ce que l'on a insinué relativement
au droit de cassation qui réside dans le parlement , qu'il
est presque devenu une maxime dans cette chambre de ne pas
rompre les engagemens contractés par les ministres , à moins
qu'on n'y soit déterminé par les motifs les plus puissans . A
l'égard de l'emprunt impérial , j'avoue que j'ai peine à y
croire ; je ne conçois pas , après l'expérience que nous avons
eue de la bonne - foi de nos alliés , qu'il puisse exister un homme
capable de se présenter ici sans masque , et de prétendre nous
en imposer d'une maniere si déhonte . Non , tant de folie n'existe
pas.
M. Sheridan parlait encore , lorsque M. Pitt est entré.
Le chancelier de l'échiquier prend la parole aussi- tôt après
l'opinant.
Comme je n'ai pas assisté aux motions qui viennent d'avoir
lieu , je ne puis gueres répondre aux differentes observations
que l'on a pu faire . J'ai cependant entendu le discours du
préopinant assez au long pour m'étonner qu'il puisse s'élever
des difficultés sur une motion qui a toujours été regardée
tomme une affaire de fait . J'en suis d'autant plus étonné , que
dans la derniere séance , on a pris des résolutions prélimi
naires sur la nécessité d'un subside quelconque . Malgré les
débats qui out eu lieu sur l'adresse au roi , et malgré la
différence d'opinion sur la continuation de la guerre , on ne
niera pas que l'amendement proposé par ceux-là même qui
M
164
condamnaient la guerre . n'ait été un aven direct et solemnef
de la nécessité des subsides , et de l'intention où ils étaient de
les fournir.....
*
Loin de m'attendre , d'après cela , à des expressions de colere
aussi tranchantes , je ne croyais pas même qu'il put y avoir
la moindre opposition sur la question générale des subsides .
A l'égard des engagemeus contractés relativement à l'emprant ,"
ils ne peuvent être et ne sont que provisoires jusqu'à la sanction
définitive du parlement . Je dirai aussi , malgré les expressions
impérieuses dont on s'est servi en parlant de l'emprun : impérial
, je dirai que je le regarde , moi , comme une mesure sage
et politique , et je serai assez hardi et aszez effronté pour
avouer , d'après ma conduite intime , que l'empereur est dés
terminé à poursuivre avec vigueur la campagne prochaine ,
pourvu toutefois que l'Angleterre l'aide dans ses finances. Le
langage péremptoire de l'honorable membre ne m'effraiera pas
jusqu'a m'empêcher, d en faire la proposition ; je la ferai d'antant
plus volontiers , que le succès de la guerre depend infinimeat
de la coopération ferme et vigoureuse de l'empereur ;
et je ne doute pas que ses intentions ne soient de la continuer
dans cet esprit . Voilà les motifs par lesquels il me paraît
quil sera possible de justifier l'emprunt . Quant à celui nécessité
par nos propres besoins , je le répete , les articles n'en
ant été conclus que sur la suppostion de la sanction du parlement.
Je n'ai fait que suivre dans cette occasion ce qu'on a
Loujours pratiqué avant, moi la seule différence qui existe
entre ma conduite et celle de tous ceux qui ont occupé
la place de chancelier de l'échiquier , c'est qu'autrefois les
engagemens provisoires se faisaient cinq à six jours avant l'époque
de la discussion , er que , dans les circonstances actuelles
il se trouve un
intervalle plus considérable ; mais le
principe est toujours le même. J'avoue d'ailleurs que je m'étais
Hlatté de trouver tous les esprits réunis sur la nécessité de cette
mesure. Je me hâterai de vous soumettre , le plutôt possible , la
question de l'emprunt impérial ; je m'y determine avec confiance
, d'après les renseignemens que vous m'avez donnés dans
la derniere session. Il est possible aussi que , lors de la diseussion
sur la somme des subsides , je vous propose d'adopter
un vote conditionnel , dont l'objet sera de garantir l'emprunt
impérial.
2
TO:
M. Fox Je dois dire en réponse à une assertion faite
par l'honorable préopinant , qu'il ne me paraît pas à moi que
les membres de ce côté soient tenus de voter des subsides
en vertu de l'amendement voté par eux dans la derniere séance .
Si cet amendement eût été adopté , j'avoue qu'alors ils seraient
tenus de voter des sommes bien plus immenses que le mi
-nistre lui-même ne pourrait les demander. Mais aussi leur
destination serait bien differente . On les emploierait à se
procurer les bienfaits de la paix , au lica que les subsides
( 165 )
1
demandés aujourd'hui n'ont d'autre objet que la continuation
d'une guerre ruineuse , qu'on semble vouloir rendre éter
nelle .
Il n'est pas vrai non plus que le chancelier de l'échiquier
se trouve dans la même situation que tous ses prédécesseurs .
11 ya cette différence , que jamais ministre n'a stipulé les
articles d'un emprunt , sans que " le parlemrat n'eût déterminé
au préalable l'état des forces publiques . Les emprunts
antérieurs n'ont jamais été plus de quatre à cinq jours sans
être soumis au parlement ; et celui- ci est deja passé depuis
eing semaines . Plus l'intervalle est court , plus la fortune
publique y gagne ; l'extension du tems , dans ces sortes d'affaires ,
fait un objet de la derniere conséquence .
On observera sans doute que , dans les circonstances actuelles ,
T'honorable ministre s'est départi de ses propres principes .
Il y a deux ans , il fit un emprunt à des conditions extravagantes
, et il tronva moyen de se justifer , en disant que les
conditions m'étaient pas à la vérité des meilleures , mais
qu'enfin l'opération avait été dirigée de maniere à exclure toute
espece d'influence . Aujourd'hui on donne à la corruption toute
latitude : je ne saurais dire ce qu'elle opere ; mais il est incontestable
qu'il se trouve des membres du parlement intéressés
à l'emprunt , et que cette participation d'intérêt produit sur
leurs esprits une influence qui peut devenir funeste à la chose
publique. Un levain de corruption ' se mêlera nécessairement
à tous les votes qu'ils doiveut émettre sur la question des
subsides , Les formes de délibérations établies dans cette
chambre et fondées sur les principes constitutionnels , Bont
violées par cette extension d'influence.
Je m'etoune que mon honorable ami ( M. Shéridan ) s'effraie
d'un plan quelconque , lorsqu'il vient des ministres leur
conduite démontre assez qu'il n'y a rien de si absurde , que
lear politique ne l'embrasse. Le nouvean plan de garantie ,
relatif à l'emprunt impérial , est certainement une opération
monstrueuse , mais qui ne m'étonne pas . Cette garantie . Be
sera que conditionnelle , nous dit-on ; mais n'est-il pas évident
que ceux qui se trouvent intéressés à l'emprunt national ,
ne peuvent pas se promettre d'en retirer tous les avantages
possibles , à moins que l'emprunt impérial ne soit aussi
accordé ; et dès -lors la corruption n'entre- t-elle pas ici par
tontes les avenues puisque l'adoption d'au projet entraine
celle de l'autre . M. Fox termine par réprouver la garantie
conditionnelle de l'emprunt imperial. I demande qu'on
fixe un jour pour la discussion de cet objet , et il invite
tous les membres à assister à la séance.
9
M. Burdon , nouvellement passé dans le parti de l'opposition ,
adhere aux subsides , malgré sa protestation contre la guerre ,
et justifie cette espece de contradiction , en disant que la question
n'est plus , si l'on fera la guerre du la paix ; et que la guerre
M -3
( 166 )
+
étant décrétée , il ne reste plus aux vrais amis de la patrie
que d'aviser aux moyens de la faire .
M. Thornton , qui est dans le même cas , ajoute à la même
opinion , qu'il ne croit pas que l'on termine la guerre par
des négociations , quoique les ministres doivent en entamer ,
s'ils le peuvent. La paix pourrait amener en France une
contre-révolution , dont on ne sera jamais redevable à la force
des armes . Au reste , il y a du danger pour l'Angleterre des
deux côtés. Cependant l'emprunt s'étant fait d'une maniere
honorable , il est d'avis que la chambre y accede.
L'acceptation de l'emprunt étant ce qui intéresse le plus le
ministre , celui- ci marque son contentement , comme on s'imagine
bien , du discours du preopinant , qu'il remercie de sa
bonne-foi. 11 engage tous ceux qui ont voté comme lui , et
qui sont également obligés comme lui , par leur conscience ,
de prêter des forces au gouvernement , à le prendre pour
modele. Je ferai , dit-il , tout ce qui dépendra de moi pour
amener une discussion particuliere sur l'emprunt impérial ;
mais je n'en dissimulerai pas la difficulté , vu la liaison intime
de cette question avec mon tableau général des voies et
moyens et lundi , 5 janvier , je vous proposerai de renvoyer
cette discussion à quinzaine. Je suis sûr que personne n'aura
à reprocher au gouvernement aucune influence en vertu de
eet emprunt. Je défie d'avance qu'on puisse se permettre , avec
fondement , la moindre assertion de ce genre.
C'est un moyen extraordinaire d'établir un systême d'infinence
par l'opération d'un emprunt dont la valeur dépend
des chances de la guerre . S'il était question de paix , ce raisonnement
pourrait avoir quelque force ; mais la paix ne devrait - elle
pas faire hausser les fonds publics ? Dans les circonstances
actuelles , je suis persuadé que les honorables membres de
l'autre côté ne disconviendront pas que l'empereur ne soit
un allié nécessaire , et je demande d'après cela , si je dois me
présenter au parlement sans être en état de lui présenter
le tableau des forces qu'il peut opposer à l'ennemi . Voilà
les motifs de ma conduite ; je suis prêt à les discuter au moment
convenu .
M. Wilberforce , auteur de l'amendement sur l'adresse ,
se croit cependaut tenu de voter les subsides ..
M. Buncombe est d'un avis contraire.
M. Fox Je pense que l'empereur ne peut pas continuer
la guerre d'une maniere vigoureuse , attendu que les élec
teurs demandent la paix. Je crois que le danger qui menace
de plus près l'Angleterre , vient du peu d'activité qu'on a
mis dans les opérations navales . Chaque scheling qui peut
être employé à la construction des vaisseaux de guerre dans
toutes les parties de cette isle où il se trouve des chantiers ,
est mal employé si on en fait quelqu'autre usage . Chaque
individu qu'on peut retirer de l'armée du continent pour ren(
167 )
forcer la marine , est mal placé s'il reste sur le continent, Nos
opérations navales doivent répondre à notre puissance.
Six cents artilleurs doivent être tirés des différens corps
de l'établissement britannique , et envoyés dans les Indes occidentales.
On remarque que les ministres affectent de garder un profond
silence sur tout ce qui se passe en Hollande . On avait
annoncé que les alliés devaient tenter une attaque . Il y a
huit jours que l'éqoque à laquelle elle devait être faite est
passée , et quelle que fût son issue , les ministres auraient dû
en être informés . On couclut de leur silence qu'elle n'a pas eu
lieu.
Les ministres ont , dit - on , désapprouvé la note que sir
Richard Worsley a présentée au gouvernement vénitien
à l'occasion de la réception d'un nouveau ministre de la'
République Française , et lui ont ordonné de retourner à
Venise .
Le Morning- Cronicle annonce de nouveau que l'amiral Howe
s'apprête à quitter le commandement de la flotte , et qu'il doit
être remplacé par lord Bridport. La mêine feuille ajoute que
c'est l'état de negligenee scandaleuse à laquelle la marine est
abandonnée , qui a déterminé le parti que lord Howe doit
prendre.
Le congrès d'Amérique a ouvert ses séauces le 19 novembre .
Le discours que le président Washington a tenu à cette occasion
, offre un tableau très - intéressant de la situation actuelle
des Etats- Unis .
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE BARRAS.
Séance de septidi , 17 Pluviôse.
Il y a eu hier soir une séance extraordinaire pour le renouvellement
du bureau . Barras a été nommé président. Les secrétaires
sont Laurence , Bion et Isabeau .
Espert , représentant du peuple , en mission dans les départemens
du Vard et des Bouches -du- Rhône , adresse à la Convention
les pieces relatives aux mouvemens de Marseille ; ' il luidemande
de se tenir en garde contre les divers rapports qui lui
seront faits , et d'étre bien convaincue que l'amour de la patrie
entre pour bien peu de chose dans toutes ces querelles , Il avertit
que ses pouvoirs finissent le 29 , et demande un successeur pour
le 30 .
Jean- de - Brie , représentant du peuple dans les départemens
( 168 )
de la Drôme de l'Ardèche et de Vaucluse , écrit que dans ce
dernier l'on tremble encore , et qu'il est difficile de ne pas
rencontrer à chaque pas des gens qui pleureut. Les souvenirs
récens des forfaits dont le pays a été couvert , ne permettent
qu'à peine de croire au retour de la justice . On semble craindre
d'être inaigre par les scélérats , si on montre de la vertú . 11
ajoute qu'on en impose , sil on dit que les satellites des triumvirs
n'out porte leurs coups que sur les aristocrates . Dans un
seul vill ge , soixante femmes à peine vêtues , et portant les
empreintes d'un travail journalier , pleurent la perte de leurs
maris , condannes par le tribunal d Orange . Jean- de - Brie s'y
occupe sans relâche des subsistances , et il a l'espoir que si la
saison s'adoucit , et facilite les arrivages , les départemens méri
dionaux se ont approvisionnés . Il a établi provisoirement une
municipalité et un juge- de- paix à Bedouin , et il demande la
confirmation de cet arrêté . La lettre sera insérée au bulletin , et
J'arrete est confirmé.
J
Les administrateurs du district de Mayenne envoient à la
Convention un exemplaire de la lettre circulaire écrite le
1. pluviôse , an 2 , par l'accusateur public de la commission
militaire et révolutionnaire de ce département , à toutes les
communes. Il y déclare , en vertu des pouvoirs qui lui sont
„ delegues , qu'il n'existe pas une commune qui ne contienne de
ces monstres , c'est - à dire , des fanatiques , royalistes et fedéralistes
, et que toute municipalité qui n'aurra pás fait traduire
des accusés et entendre des témoins contre eux , sera réputée
les receler et favoriser , et sera inca cérée sur son réquisitoire .
Quant à nous , ajoute - t-il nous promenerons la guillotine
révolutionnaire sur les lieux où votre vigilance aura traduit les
coupables. D
Renvoyé au comité de sûreté générale .
Le comité d'instruction publique a soumis enfin son travail
sur les fêtes décadaires. Le projet de décret qu'il a présenté
differe peu de celui qu'il avait d'abord proposé . L'Assemblée en
a ordonné l'impression et l'ajournement.
Cambon demande qu'il soit fixé un jour pour la discussion
„du projet sur la rentrée des assignats . Il est décrété qu'elle s'ouvrira
dans la prochaine séance .
Thibaut présente un projer de tontine pour faire rentrer les
quatre, milliards а d'assignats .
1
Vernier fait un discours sur le même sujet . 11 dit qu'en
ne supposant le gage des assignats que de dix . milliards ,
il serait encore, fort au- dessus des émissions qui n'arrivent
qu'a six set il ajoute qu'en supposant même que la nation
n'eût aucune propriété territoriale , ce gage ne serait point
illusoire parce qu'il porterait alors sur les propriétés particulieres
.
Les deux orateurs ont été applaudis , surtout lorsqu'ils
( 169 )
ont insisté à l'inviolabilité de os engagemens , et la Cone
vention a ordonné l'impression de leur discours .
3
Séance d'octidi , 18 Pluviôse.
Pons de Verdun ) , au nom du comité de législation
expose que le comité a reçu beaucoup de reclamations contre
les inscriptions sur la liste des émigrés ou leurs radiations
prononcées par les représentans du peuple en mission , et que
beaucoup de ees réclamations paraissent,fondees . Il propose
de décréter que les inscriptions sur les listes d'émigrés , et
les radiations faites par les représentans du peuple en mission ,
seront soumises à l'examen du comité de legislation pour être
confirmées ou infirmées d'après la loi du 25 brumaire. Ce
projet de décret est adopté .
rede
L'Assemblée avait décrété la formation d'une commission com
posée d'un membre de chaque comité,pour s'occuper des commissions
executives , d'un mode de gouvernement et des lois orga
niques de la constitution . Un membre a dit que les comités ayant
été renouvelles , les membres qui en sortaient n'ont pas
cru pouvoir rester membre de la commission . La Convention
a décrété que les membres nommés pour former la commission
dout il s'agit continueraient d'en faire partie , quand même
ils ne seraient plus membres des comités qui les ont nommés.
Isoard , au nom des comités de sureté générale et de législation
, propose de renvoyer devant le tribunal criminel
du département du Puy- de- Dôme , les particuliers d'Aurillac ,
prévenus de contre révolution mais qui dans le fait ne
paraissent coupables que de dilapidations , concussions et
abus de pouvoirs . Ce projet de decret est d'abord adopté.
mais Duhem prend la parole pour dire que des hommes accusés
de contre-révolution ne doivent pas être traduits devant les
tribunaux ordinaires. Le rapporteur répond que , par la loi
de frimaire , les délits dont ils sont prévenus sont expressement
de la compétence des tribunaux criminels .
· •
Bailleul : Il faut éviter que le scandale qui a eu lieu dans
l'affaire du comité révolutionnaire de Nantes se renouvelle .
et que les prévenus , sous prétexte que leurs délits ne sont pas
contre-révolutionnaires , soient mis en liberté , quoique convaincus
. Il appuie le projet de décret.
Thuriot invoque, les principes. Il dit que s'il n'y a que
des délits ordinaires à punir , il n'est pas besoin de provoquer
les tribunaux , et que c'est à eux à faire leur devoir.
Il ajoute qu'il desirerait que l'on fût assez grand pour faire le
sacrifice de toutes les petites passions au bien public. li demande
l'ordre du jour , ou du moins l'impression du rapport.
Musset , qui vient du département du Cantal , où il était
en mission , répand des lumieres sur la discussion . Les hommes
dont il s'agit s'étaient organisés en commission pour s'enrichir
. Ils incarcéraient et donnaient ensuite la liberté à ceux
( 170 )
qui pouvaient ou voulaient l'acheter. Ils ne recevaient pas
seulement des assignats , ils arrondissaient leurs domaines par
la même voie . Milhaud , dont le frère , est un des prévenus ,
a invité Musset à le faire punir avec toute la sévérité de la loi
s'il était reconnu coupable.
Merlin ( de Douai dit que Thuriot s'est écarté des principes
qu'il réclamait . Il precise la question qui est celle de compétence
, les délits imputés aux prévenus sout du ressort des
tribunaux criminels , d'après le code pénal. C'est par un
abus monstrueux que la connaissance en avait été attribuée
au tribunal révolutionnaire du 22 prairial .
Isoard , rapporteur , fait remarquer que le comité a choisi
le tribunal criminel du département du Puy-de-Dôme pour
juger cette affaire , parce que celui du Cantal aurait pu être
influencé par des passions locates et des animosités particu
lieres.
La Convention passe à l'ordre du jour , et maintient le décret
rendu sur le rapport d'Isoard .
La commune de Gannat dénonce , par l'organe de ses députés
, des terroristes , qui ont mutilé , pendant la nuit , l'arbre
de la liberté , et attaché" à cet arbre une cocarde blanche , avec
l'inscription , vive Louis XVII . Heureusement ils ont été reconnus
; des preuves matérielles déposent contr'eux , et ils sont
en arrestation .
Séance de nonidi , 19 Pluviose,
Blutel , représentant du peuple en mission , écrit de Bor
deaux , le 12 pluviôse , qu'il vient d'entrer à la Rochelle un
navire anglais richement chargé . La rigueur de la saison avait
intercepté toute communication entre Bordeaux et la Rochelle ,
ce qui rendait très - alarmante la position de cette derniere com
mune. Le peuple y était réduit à sept onces de pain par jour.
Mais il souffre sans murmues , et attend de la Convention
l'allégement de ses peines .
Lakanal , au nom du comité d'instruction publique , fait
décréter qu'il est autorisé à faire payer , sur les fonds mis à
la disposition de la commission executive , jusqu'à concurrence
de 30,000 l . pour la distribution des ouvrages qu'il
jugera utiles de faire délivrer aux éleves de l'école normale .
Sur la proposition du même rapporteur , la Convention
nomme le citoyen Vandermonde , professeur d'économie politique
à l'école normale .
Lequinio , en mission à Chartres , dénonce l'administration
"des postes . Il a reçu des plaintes par- tout . Des lettres sont
supprimées , les assignats qu'elles renferment pris , le secret
des lettres est violé . Il accuse de ces malversations les employės
des différens bureaux , qui sont des hommes de rapines et de
sang. Reavoyé aux cómités de sûreté générale et des transports.
( 171 )
La discussion sur l'amélioration des finances et la rentrée des
assignats s'ouvre. Loyseau obtient la parole , et propose le
systême des primes pour opérer promptement cette rentrée.
Lecointre ( de Versailles ) craint que cette mesure ne jette une
grande défaveur sur le crédit des assignats.
Cambon assure , au contraire , qu'il n'y a aucun inconvénient
à accorder une prime de dix pour cent aux débiteurs
qui payeront par anticipation , et que c'est un moyen de faire
rentrer au trésor public un grand nombre d'assignats . Il rap
pelle que les assemblées précédentes ont accordé des primes ,
sans compromettre la fortune publique.
Balan propose un autre moyen il consiste dans l'échange
volontaire des assignats jusqu'à concurrence de trois milliards
contre des reconnaissances qui porteraient cinq pour cent.
d'intérêt .
Ces deux opinions seront imprimées et la discussion continuée
dans une autre séance .
Hermand, au nom du comité de sûreté générale , propose
un projet de décret qui est adopté , et qui porte que tout
citoyen , en faisant une déclaration de tlécès , déposera la carte
de sûreté da défunt . Les citoyens ne pourront obtenir de
passeports qu'en déposant leurs cartes de sûreté , qui leur
seront rendues à leur retour. Tout citoyen qui quittera sa section
pour se fixer dans une autre , sera tenu de se faire rayer
du rôle de sa compagnie , et de remettre sa carte au comité
civil qui lui en donnera un récépissé , avec lequel il en obtiendra
une autre sur sa nouvelle section .
Séance de décadi , 20 Pluviôse.
Pottier , au nom du comité de législation , fait décréter que
Je président du tribunal révolutionnaire est autorisé provisoirement
, en attendant que les 30 jurés du tribunal soient rendus
à leur poste , à faire tirer au sort pour chaque procès ,
en présence de l'accusateur public et d'un commissaire de la
section du tribunal à laquelle le procès est assigné , 11 jurés
sur ceux qui sont actuellement à Paris .
Sur le rapport des comités de finances et de législation ,
la Convention décrete que tous employés dans les armées ou
à leur saite , grevés d'oppositions sur leurs appointemens , par
leurs créanciers , en toucheront les quatre cinquiemes ; le
cinquieme restant sera réservé aux créanciers , qui pourront
d'ailleurs exercer leurs droits sur les autres biens de leurs
debiteurs.
A
Un très - grand nombre de citoyens , rentiers de la Répu
blique , paraissent à la barre , et appellent la sollicitude de la
Convention sur les malheurs des circonstances , qu'ils sentent
encore plus vivement que les autres citoyens . Le prix excessif
et toujours croissant des objsts de premiere nécessité les met
(( 172 )
*
aujourd'hui dans l'impossibilité de subsister eux et leur famille.
Cambon prend la parole , et dit qu'il présentera , dans le
cours de la décade prochaine , au nom du comité des finances ,
un projet sur la situation des rentiers depuis la suppression de
la loi du maximum .
Mathieu , au nom du comité de sûreté générale , rend compte
de la situation de Paris et des mesures que le comité a prises
pour le maintien de l'ordre .
Depuis quelque tems , dit-il , la tranquillité publique est me
nacée ; les amis de la liberté sont inquiets , les partisans de la
terreur osent publier de criminelles espérances . Le comité a vu
des mouvemens inconsidérés et des mouvemens coupables . La
conduite des jeunes gens dans les spectacles doit être attribuée
plutôt à la légereté qu'à une mauvaise intention : mais des mouvemens
plus dangereux ont provoqué des mesures séveres .
Dans des sociétés soi -disant populaires , on a regretté la tyrannie
et la terreur ; des femmes salariées ne se sont pas
bornées à outrager l'humanité par leurs opinions , elles ont
provoqué la révolte et la dissolution de la Convention . Un
journaliste , la trompette de la sédition , a osé appeller la
Convention le sénat de Coblentz , présenter les 71 députes rappellés
dans son sein comme les causes de ce qu'il appelle la
contre révolution , et les proscrire avec trente autres de nos
collégues. Les conspirateurs out cherché à égarer les fauxbourgs
, et à faire servir à relever les échafauds les mains qui
ont renversé la bastille ; mais les habitaus des fauxbourgs Aus
toine et Marceau ont vu le piége , et ont résisté aux séductions.
Le comité , considérant que le décret qui a placé Marat au
Panthéon , n'a point ordonné que sou buste serait placé dans
dans les lieux publics , et s'étant assuré qu'il était une cause
de désordre et de trouble . a donné ordre de le déplacer des
théâtres où il pourrait être encore. ( Vifs applaudissemeus . )
Le journaliste Babeuf est arrêté , et les clubs des Quinze - Vingis,
fauxbourg Antoine , et de Lasouski , fauxbourg Marceau ,
sont fermés. Nouveaux applaudissemens . ) Le rapporteur
finit en demandant l'approbation de ces mesures.
La Convention décrete qu'elle approuve les mesures prises
par son comité de sûreté générale pour le maintien de l'ordre ,
l'impression du rapport et l'insertion au bulletin .
André Dumont , au nom des comités de législation , de
sûreté générale et de salut public , succede à Mathieu à la
tribune : il présente un projet de décret qu'il fait précéder
d'un discours dont voici quelques traits : Il existe de nouveaux
tyraus . Leurs efforts criminels appellent la vengeance nationale.
Ne laissons point les Français douter de notre courage.
Qu'étaient les jacobins au 9 Thermidor ? des révoltés . Que
sont-ils aujourd'hui ? des machinateurs de séditions . Il faut
enfu se prononcer et faire rentrer dans la poussiere ce as
( 173 )
C
de brigands . Qu'avez-vous à craindre tous les citoyens sont
là pour vous défendre . Anéantissez donc ces bourreaux de
T'humanité , éteignez la torche de la guerre civile .
Dumont propose ensuite de décréter , 1 ° . que les honneurs
du Panthéon ne pourront être décernés à un citoyen , ni sont
buste placé dans le sein de la Convention et dans les lieux
publics , que dix ans après sa mort. 2 ° . que tout décret dont
les dispositions seraient contraires au présent est annullé .
Ce projet de décret est adopté à la presqu'unanimité.
Séance de primedi , 21 Pluviose.
Dubem denonce une grande conspiration. Il répete ce
qu'avait dit Bourdon ( de l'Oise ) qu'on s'etait assemblé au
café Payen pendant la nuit , qu'on y avait juré sur des sabres
et des poignards la destruction de la Convention , et qu'on
désignait lui , Duhem , parmi les chefs de ce complot . Il demande.
que les comités en rendent compte séance tenante , et il se
réservé la parole pour confondre ses délateurs . La Convention
passe à l'ordre du jour , motivé sur ce que Duhém dois
' adresser aux comités qui sont chargés de l'entendre .
Les sections de Paris se rendent en masse à la Convention
, elles viennent la feliciter sur son décret d'hier , et lui
marquer la satisfaction qu'elles éprouvent de voir que l'atroce
et sanguinaire Marat ne souillera plus la salle de ses séances ,
ni les lieux publics . Celle des Gravilliers demande en particulier
la punitionn des assassinats commis à Marseille sur
plusieurs soldats de son bataillon ; celle de la Fontaine de
Grenelle, la panition des égorgeurs du 2 septembre ; celle du
Mont-Blanc , les jugemens des quatre prévenus ; celle des Piques
laurépression de ces femmes qui ont vu couler le sang avec
joye et fuceur , et qui osent improuver les décrets de la Cona
vention , parce qu'ils respirent la justice et l'humanité ; enfim
celle de la Fraternité annonce que le buste de Châlier a subi
le même sort que celui de Marat , et que l'oppresseur de nos
freres de Lyon ne devait pas en avoir un autre.
Ces adresses présentées par de grandes masses de citoyens
ent obtenu des applaudissemens nombreux . Elles seront insérées
au bulletin , et les comités s'occuperont des demandes
qu'elles renferment.
Legendre de Paris ) demande que pour ne pas laisser
l'opinion publique vacillante , la commission des vingt- un
annonce le jour où elle compte faire son rapport. Saladin
déclare que les quatre prévenus ont été entendus ; qu'on va
leur remettre des copies de toutes les pieces , et qu'ensuite
c'est-à-dire , dans les iers, jours de la décade prochaine , le rapport
pourra être présenté.
Bernier , au nom du comité de législation , fait un rappert
sur le comité révolutionnaire de Nantes ces individus , cons
#
"
( 174 )
vaincus de grands crimes , ont été élargis , parce que , d'après
La declaration du Jury , ils ne les avaient pas commis dans des
intentions contre - révolutionnaires . Le rapporteur établit l'irrégularité
et la nullité de cette déclaration du jury , et il propose
de renvoyer les convaincus devant le tribunal criminel
d'Angers . Ls Convention a ordonné l'impression du rapport
et l'ajournement à trois jours .
PARIS. Quartidi 24 Pluviôse , l'an 3º . de la République.
En exécution du décret rendu décadi dernier , les pusies.
de Marat et de Lepelletier , ainsi que le tableau peint par David,
ont été enlevés du lieu des séances de la Convention . L'image.
seule de Brutus a été conservée . Ce n'est pas que l'opinion
ne mette une grande différence entre Lepelletier et Marat ;
mais les dispositions de la loi sont trop formelles et trop
ages , pour admettre aucune exception . Les sections de Marat
et de Châlier se sont empressées de reprendre leur ancien
nom , l'une du Théâtre Français , et l'autre des Thermes de
Julien. La pagode qu'une superstition calculée avait élevée
sur la place du Carrouzel , en l'honneur d'Arimane Marat ,
été démolie à la grande satisfaction du peuple.
་
Dans la séance du 22 , le comité de salut public a fait part à
Ia Convention du projet de traité de paix avec le grand-duc
de Toscane. La discussion en a été ajournée ; nous en ferons
connaître les articles .
Les coups de vent violens qui se sont faits sentir sur l'Océan
ont forcé une division de notre escadre, composée de 8 vaisseaux
et quelques frégates , de rentrer à Brest . Le vaisseau le Téméraire
a été si endommagé , qu'il a été obligé de se faire échouer .
C'était une vieille carcasse sur laquelle on ne comptait gueres
pour tenir la mer.
On mande d'Angers , que Stofflet , le plus opiniâtre des
chefs des rebelles , est entré en pour- parler avec des commis
saires envoyés par les représentans du peuple.
De nouveaux bâtimens chargés de grains sont entrés à Toulon
et à Marseille . !
Suite de la relation des principales circonstances qui ont précédé
et accompagne l'entrée des Français en Hollandê.
L'après-midi du 18 , à 4 heures , la députation du peuple revint,
disant que Straalman n'avait pu parler qu'à un seul de ses collegues
, à cause qu'un officier français était entré dans la ville , qui
( 175 )
1
avait déclaré au college des bourgmestres qu'ils restaient
responsables pour la conservation du bon ordre. I pria la
députation de revenir une troisieme fois à 9 heures du soir.
: Peu après , on commença a crier par toute la ville vive
la République ! A sept heures , il y eut convocation de
l'Arquebuse chez Straalman , où l'orateur de la députation.
Schiramelpenninck fut invité.
On était bien décidé à ne pas fléchir , on portait par- tout
la cocarde ; toutes les sociétés populaires sont réinstalées et
assemblées en très- grand nombre .
Pendant que ceci se passait dans l'intérieur , le citoyen
Grayenhoff est entré dans cette ville ; il a la qualité d'adjudant-
general du général Daendels , et il s'est rendu chez
le gouverneur de la ville , comte Golofkin.
La foule s'est considérablement accrue dans tous les clubs ,
et notamment dans celui où se trouvent nos principaux né
gocians , connu sous le nom de Doctrine , et qui était également
supprimé par un édit du mois d'octobre dernier. On
y a fait rapport à la bourgeoisie de ce qui s'est passé avec
le citoyen Crayenhoff ; sa proposition a été que la régence
se démettrait elle - même de ses charges , faute de quoi le
peuple les déclarerait déchus .
Il était ajourné jusqu'à 9 heures du soir pour savoir la
réponse du magistrat statdhoudérien . Le peuple applaudit beau
coup à se rapport ; il s'est tenu assemble toute la nuit. Le 19
de très-bonne heure , il s'est rendu sur le Dam ; les applaudissemens
et les cris de Vive la République ! étaient universels .
A huit heures du matin , toutes les cloches ont commencé à
carillonner et ont fait entendre des airs patriotiques . Deux drapeaux
tricolores ont été arborés à la maison commune . Les
troupes stathoudériennes composant la garnison , ont reçu ordre
dès hier soir de sortir de la ville.
Le général Golofkin a été forcé de donner sa démission .
Le citoyen Crayenhoff est commandant de la ville . A onze
heures du matin l'arbre de la liberté , surmonté d'un chapeau ,
a été planté sur le Dam.
La magistrature actuelle et la chambre des bourg-mestres ,
ont été déchues de leurs fonctions par la bourgeoisie ; et l'on
a nommé une régence provisoire de cette ville , composée de
vingt membres.
Ils ont pris séance à la maison commune , dans la chambre
du conseil général ; les citoyens Brender , Brandis et Taademan
ont été nommés secrétaires de la ville ; cette commission est
chargée d'organiser la nouvelle régence municipale , ainsi
que le conseil de guerre de la bourgeoisie de cette ville .
Le libraire Verlem , et un autre patriote , détenus dans une
maison de force , en ont été arrachés par le peuple . Les
citoyens Vischer , ansien conseiller-pensionnaire de la ville ,
176 )
}
ainsi que ses cinq collegues , détenus dans une autre maison
de force , ont été également mis en liberté par leurs conei
toyens , et conduits dans des voitures , et en grande solem
nité à l'hôtel- de ville .
7
Le même jour 19 , à 3 heures de l'après-midi , le général
français Daendels , accompagne du citoyen Krayenolf , monta
à l'hôtel- de-ville , et fut conduit dans la salle du conseil , où la
nouvelle municipalité était assemblée. 500 hussards français ,
qui étaient entres dans Amsterdam le même jour , furent bientôt
suivis d'une division de l'armée française . Elle y fut reçue aux
acclamations de tous les patriotes ; la joie était universelle , et
les habitans ne s'occuperent que des moyens de bien traiter
leurs liberateurs . Le plus grand ordre a régné dans la ville , et
l'on n'a eu qu'à s'applaudir de la fraternité et de la bonne discipline
des Français .
Les jours suivans , on s'est occupé de l'organisation des autorités
constituées . On a formé un comité révo ulionnaire , un
comité de police générale , un comité de judicature , un comité
de commerce et de navigation , et un comité de finances.
La même révolution s'opérait à Harlem , à Dordrecht , i
Leyde ; mais c'est surtout à la Haye , ce centre du gou
vernement stathoudérien , que la révolution a été prompte .
Dès le 16 janvier , à 8 heures du soir , l'assemblée des an
ciens états - généraux et des états de Hollande avait été convoquée
extraordinairement. Le stathouder y parut , et demanda
la démission de toutes les charges de ses deux fils , dont l'un
était commandant en chef de l'armée stathoudérienne et l'autre
général de cavalerie.
Le 17 , le matin , la femme du stathouder prit la fuite , et
se rendit en voiture à Scheveningue , village de pêcheurs , à
une lieue de la Haye , sur les bords de la mer du Nord . Elle
était accompagnée de l'épouse du fils aîné du stathouder , nou
vellement accouchée , emmenant son enfaut . Elles se sont
embarquées dans un bâtiment pêcheur , dans le dessein de se
sauver en Angleterre .
Le même jour le Strathouder assista , à 10 heures , à l'As.
semblée des etats généraux , et à 11 à celle des états de Hollande
, et se démit dans ces deux assemblées , de toutes ses
charges civiles et militaires . A 3 heures de l'après midi l
partit pour Scevehningue dans le même dessein de se sauver
en Angleterre . Aussi-tôt les états aristocratiques écrivent à
tous les commandans militaires de ne plus faire aucune résistance
aux troupes françaises ; ils nommerent de ces députés
pour aller à Woeder , porter aux Français la capitulation
signée pour la province de Hollande , elle contenait la promesse
de sûreté des personnes et des propriétés , ainsi que la
liberté des cultes .
(La suite au numéro prochain )
( N° 30 )
135.
MERCURE
FRANÇAIS
DÉCADI 36 PLUVIOSE , l'an troisieme de la Républiqus.
( Mercredi 18 Février 1795 , vieux style. )
T ( G
Explication des Charade et Logogriphe du No. 99.
Le mot de la Charade est Partage ; celui du Logogriphe
est Motif; où l'on trouve mot , if..
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
NOTICE SUR LA VIE DE SIETES , membre de la premiere
Assemblée Nationale et de la Convention : écrite à Paris ,
en messidor , deuxieme année de l'ère républicaine (vieux
style , juin 1794 ) : brochure in- 8° . de 66 pages . A Paris ,
chez MARADAN , libraire , rue du Cimetiere-André- des-Arcs,
no. 9. L'an 3e .
SLEYES
IEYES a occupé un rang assez distingué parmi les patriotes
de Sg qui avaient des principes , un but et de la
morale , pour qu'on doive être curieux de connaître
quelques circonstances de sa vie privée et politique.
Cette notice , qui vient d'être publiée , a été écrite en
messidor de l'année derniere ; cette époque mérite d'être
remarquée . Aussi l'auteur dans un avant-propos expliquet-
il les motifs de son entreprise.
Tout le monde, dit-il , connaît le proverbe : On ne
sait ni qui vit ni qui meurt. Il est permis de se le rappeller
en ce moment autant qu'en aucun autre .
Témoins de l'activité avec laquelle la calomnic
travaillé la partie la plus connue de la vie de Sieyes ,
nous pouvons conjecturer qu'elle se débordera tour
aussi volontiers sur le reste. A tout événement , il faut
lui épargner l'embarras de marcher sur le vide . Cest
donc à la calomnie que nous offrons ce tableau som
maire d'une vie fidelement déroulée et toute simple. La
dédicace du moins paraîtra neuyc.
" Nous sentons comme d'autres le ridicule de parler
d'un homme vivant ; mais , premierement , le proverbe
Tome XIV.
( 1789) x
que nous venons de citer répond un peu à ce reproche ;
le motif qui le suit est , de plus , excusable dans la circonstance
; puis , ne sommes - nous pas au tems des choses
inusitées ? celle- ci du moins ne sera pas dangereuse .
Si quelqu'un veut reconnaître l'auteur , ce qui ne,
sera pas bien difficile , nous lui répondrons d'avance :
Que vous importe , vous n'en avez été que mieux servi
pour l'exactitude scrupuleuse des faits . D'ailleurs , il
est des époques et des choses sur lesquelles la maniere
de voir d'un homme fait aussi partie de sa vie.
Emmanuel Joseph Sieyes est né à Fréjus , département
du Var , le 3 mai 1748. Il fut élevé au collège des
Jésuites. On sait combien ils étaient habiles à deviner ...
leurs éleves ; ils remarquerent celui- ci , et voulurent se
l'attacher. Le pere de Sieyes résista à leurs instances .
Le goût du jeune Sieyes l'appellait à l'artillerie ou au
génie militaire. Ses parens en disposerent autrement ;
il fut destiné à l'état ecclésiastique , et envoyé à Paris
au séminaire de Saint- Sulpice .
à
Il était alors dans sa quatorzieme année . Le voilà
sequestré décidément de toute société humaine raisonnable
, ignorant comme l'est un écolier de cet âge
n'ayant rien vu , rien connu , rien entendu , et enchaîné
au centre d'une sphere superstitieuse , qui dut être pour
lui l'univers. Il se laissa aller aux évenemens , comme on
est entraîné par la loi de nécessité . Mais dans une position
si contraire à ses goûts naturels , il n'est pas extraor
dinaire qu'il ait contracté une sorte de mélancolie sauvage
, accompagnée de la plus stoïque indifférence sur sa
personne et son avenir. Il dut y perdre son bonheur , ilétait
hors de la nature ; l'amour de l'étude seul put y
gagner. Son attention se dirigea fortement sur les livres
et les sciences . Ainsi se passerent sans interruption les
dix plus belles ou plus tristes années de sa vie , jusqu à
l'expiration de ce qu'on nommait en Sorbonne le cours
de licence.
esses premieres années n'ont rien de remarquable que
sa passion pour l'étude de la métaphysique et de la morale
. Ses supérieurs le crurent perdu , parce qu'il montrait
du goût pour les nouveaux principes philosophiques ;
il passa une partie des années 1773 , 1774 , soit à cultiver
la musique , soit à réfuter le systême politique des économistes
, qu'il trouvait roide et pauvre , mais supérieur
conf fois à la miserable routine qui s'en effrayait , suivant
Pusage , sansytien eennttenednred.re.faster
( 179 )
"
Il fit ou crut faire , dans ces deux années , des recher
ches importantes sur la marche égarée de l'esprit humain
en philosophie , sur la métaphysique du langage et les
méthodes intellectuelles . Il n'a rien publié . La qualité
dominante de són esprit est la passion du vrai , dont la
recherche l'absorbe presque involontairement il n'est
point content , s'il tient un sujet , qu'il ne l'àit approfondi ,
analysé dans toutes ses parties , et ne l'ait ensuite reconstruit
dans son ensemble . Mais le besoin de savoir une
fois satisfait , il reste avec ses notes et ses tableaux analytiques
, qui ne peuvent être que pour lui . La mise au
net , le remplissage des vides , et cette sorte de toilette
que les auteurs même les moins soucieux de fumée littéraire
, ne pourraient refuser à des écrits destinés à voir le
jour , lui sont insupportables ; il a déja passé, à d'autres
méditations . S'il s'est permis quelques infidélités à cette
sorte de paresse , ce n'a été qu'entraîné par le sentiment.
d'un grand intérêt public , et dans des momens où il avait
l'espoir probable d'être utile .
Il partit en 1775 pour la province de Bretagne , avec
un évêque qui lui donna un canonicat . L'occasion se
présenta de changer de chapitre . Il fut successivement
vicaire général , chanoine et chancelier de léglise de
Chartres ; mais jamais il ne s'est immiscé dans le ministere
ecclésiastique pour lequel il eut toujours de la
répugnance ; son goût l'entraînait à ce qu'on appellait
alors la partie administrative . On l'avait vu aux états de
Bretagne , député du diocese où il avait son premier bénéfice
; et , pour le dire en passant , rien n'égale l'indignation
qu'il avait rapportée de cette assemblée , contre la
honte use oppression où la noblesse y tenait le malheureux
tiers-état . Lorsqu'on forma l'assemblée provinciale
d'Orléans , il en fut nommé membre , non pas au choix
du ministre , mais à celui des administrateurs , et ensuite
président de la commission intermédiaire . Ces assemblées
ont beaucoup aidé , par l'impulsion qu'elles donnerent
aux esprits , à montrer la nécessité de convoquer les étatsgénéraux
; elles en firent comme un dogme politique , reçu
et professé dans toute l'étendue de la France .
Sieyes était lié à Paris avec quelques - uns des membres
du parlement , qui , à cette époque , ont servi la patrie.
Ce grand corps n'avait ni lumieres , ni véritable énergie .
La question , par exemple , des lettres - de - cachet , était
mûre pour tous les Français , excepté pour Messieurs ,
quoiqu'ils ne cessassent de remontrer , pour la forme ,
6
K 2
( 180 )
contre leur illégalité . Le jour où les chambres furent
exilées à Troyes , Sieyes donna le conseil de se rendre
sur-le-champ au palais , de faire arrêter et pendre le ministre
signataire d'ordres évidemment arbitraires , illégaux,
et proscrits par le peuple. Le succès de cette mesure était
infaillible , elle eût entraîné les applaudissemens de toute
la France : son avis ne prévalut point.
Ce fut dans l'été de $ 8 qu'il composa , à la campagne ,
sez vues sur les moyens d'exécution dont lés représentans de la
France pourront disposer en 1789 ; mais à son retour à Paris ,
d'autres questions politiques qui agitaient alors la France,
l'engagerent à écrire son Essai sur les priviléges , et imme
diatement après , son ouvrage intitulé : Qu'est- ce que le
tiers-état ?.... Il est aisé , en comparant ces deux écrits au
premier , de voir combien était , non pas opposé , mais
différent , l'esprit dans lequel il avait tracé ses vues sur les
moyens d'exécution . Ces trois brochures parurent coup sur
coup , à la fin de 1788 et au commencement de 1789.
Il se forma à Paris deux nouvelles sociétés ou clubs ,
pour aviser aux moyens de préparer pour les prochains
états-généraux un parti d'opposition à l'anglaise . Elles
étaient l'une et l'autre l'ouvrage de la minorité de la
noblesse , c'est - à-dire de quelques hommes de robe et
de finance , avec qui le ministre avait dernierement
refusé d'entrer en négociation ; et principalement de
cette portion d'hommes de cour qui , négligés par la
réine , se fatiguaient de jalousie et d'intrigues contre
les possesseurs heureux du crédit et des grades .
Une de ces sociétés s'assemblait au Marais dans la
maison de M. Adrien Duport , conseiller au parlement ,,
grand prosélyte de Mesmer , devenu ensuite député de
Ja noblesse de Paris aux états - généraux . I ! affectait alors
de porter la doctrine du magnétisme animal au plus
haut degré dillumination ; il y voyait tout : la médecine
, la morale , Féconomie politique , la philosophie ,
l'astronomie , le passé , le présent à toutes les distances ,
et même le futur : tout cela ne remplissait que quelques
facettes de sa vaste vision mesmétienne . Au surplus ,
il s'est montré dans la révolution , homme spirituel ,
intrigant subtil , révolutionnaire ignorant ,, brouillon ,
mais actif et très- ose ; prenant ses visions pour des vues ,
et en général considérant les hommes comme un joueur
regarde les pieces du jeu des échecs , ou comme des
marionnettes qu'on fait mouvoir pour ses passe tems
dans une lanteînc-mugique.
L
1
181 )
Ici l'auteur de la notice annonce dans une note ,
qu'Adrien Duport est la seule personne dont on se soit
permis de parler individuellement dans cet écrit , parce
qu'on sait que depuis son émigration en Angleterre ,
la causé à la France tout le mal qu'il lui a été possible
de faire , par la connaissance intime qu'il avait de tous
les moyens d'agitations à Paris .
L'autre société plus nombreuse , plus répandue , plus
active , s'assemblait au jardin du Palais - Royal ; elle etait.
connue sous le nom de club des enragés . Gelle- ci a rendu
des services réels , en répandant avec une généreuse
profusion dans toutes les provinces des pamphlets alors
utiles . Sieyes ne fut ni de l'une ni de I autre société .
Dans le tems qu'il était question de la rédaction des
cahiers , on lui a attribué des instructions que l'ex- duc
Ed Orléans avait fait composer à l'usage de ses bailliages.
Sieyes n'y fut pour rien ; il ne travaillait pas pour des
princes. Il y a de lui que la brochure d'environ
56 pages d impression in- 8° . , mise , sans qu'il s'en soit
mêlé , à la suite des instructions sous son véritable titre
très - distinct Délibérations à prendre par les assemblées de
bailliages.
1
Nommé aux états - généraux , on sait la grande part
qu'il eut sur les fameuses délibérations de juin 89 ,
relatives à la constitution des représentans du tiers - état
en Assemblée nationale . Cette époque et celle du serment
du Jeu - de- paume , seront à jamais les deux plus
glorieuses dont s'enorgueilliront les fastes de la liberté .
On aime aujourd'hui à confondre les dates er les faits .
on semble se persuader que la révolution n'est due qu'à
June sorte d'explosion populaire , à une insurrection .
-L'auteur de la notice l'attribue avec raison à lénergie
des députés du tiers état , à leur courage réfléchi ,
leur attachement éclairé aux vrais principes de l'ordre.
social à leur déclaration calme , solemnelle et décisive sur
ce qu'ils étaient , et sur les fonctions nationales que leur
mission leur donnait à rempli . L'insurrection mémorable
du 14 juillet ne peut pas se séparer de la confiance due.
à l'Assemblée nationale.
Il n'y avait plus qu'à faire des lois , qu'à établir dans
le gouvernement le systême représentatif , veritable
objet de la révolution . Tout était prêt à obéir. Les opposans
eussent plié ou émigré . C'était l'avis de Sieyes ;
c'était celui de la majorité de ses collegues des
munes. Mais alors , la noblesse y était.
com
N3
( 182 )
C'est à la
minorité de cette noblesse qui vint se mêler
avec les députés du peuple et faire partie du côté
gauche , que l'auteur de la notice attribue tous les maux
qui ont sivi cette époque . Alors , dit- il , la marche.
des affaires prit un caractere différent. On s'étudia à jetter
du mouvement là où il ne fallait que des conceptions , à
substituer les manoeuvres de l'intrigue aux armes jusqu'à
ce jour victorieuses de la raison , à susciter enfin des séditions
exécutrices par- tout où il eût suffi d'un simple´
huissier pour signifier le voeu de l'Assemblée . Ces messieurs
se firent donc , chevaliers de révolutions ; et pourquoi
? Ils ne voulaient point laisser s'établir un ordre de
choses ennemi des priviléges ; ils ne voulaient point sérieusement
laisser présenter aux Français une constitution
représentative , fondée sur l'égalité. Il fallait , dans
ce dessein , paralyser ceux qui n'agissaient que pour la
Patrie , ceux qui avaient le plus servi à déterminer la véritable
révolution . Le public qui tourne toujours ses
-regards du côté où il y a du mouvement , tomba dans
une illusion si profonde , qu'il attribuait tout l'honneur
des travaux de 1 Assemblée à ceux qui ne s en mêlaient
que pour les gâter. ",
Il est bon de le répéter, parce qu'on s'est trop mépris
à quelques apparences . Parmiles membres ducôté gauche
de la premiere Assemblée nationale , les uns n'avaient
écrit et agi que pour avoir une constitution ; les autres
ne s'agiterent que pour l'empêcher , et ils prirent le
nom de révolutionnaires , dont ils ne s'étaient seulement
pas avisés les premiers , par qui cependant la , révolution
s'était faite ,
Deux partis se formerent ; celui des Lameth et celui
de Lafayette : On aimera à voir sous quels traits il représente
la premiere de ces factions , qui avait usurpé ,
comme tant d'autres charlatans l'ont fait depuis , un
grand ascendant de popularité .
2
La faction laméthique , dit - il , fut nuisible et
coupable dès le principe: On peut se la représenter
comme une troupe de polissons méchans , toujours en
action , criant , intrigant , s'agitant au hasard et sans
mesure ; puis , riant du mal qu'ils avaient fait , et du
bien qu'ils empêchaient de faire . On peut leur attribuer
la meilleure part dans l'égarement de la révolu
tion . Heureusé encore la France , si les agens subalteraes
de ces premiers perturbateurs , devenus chefs à
leur tour par un genre d'hérédité ordinaire dans les
( 183 )
longues révolutions , avaient renoncé à l'esprit dont
ils furent agités si long- tems ! ,,
Quant à la seconde faction , voici de quelle maniere
il en groupe le tableau.noles See
La masse moins remuante , mo
*
moins unie moins
serrée des fayétistes , avait une apparence plus morale.
Son noyau , après avoir passé trop long- tems, pour honnête et pur , se rendit tout- à -fait criminel dès le commencement
de 1791 , par ses intelligences
avec le
tyran , qui ne fut jamais de bonne- foi . Ceux qui formaient
de noyau se groupaient ensuite séparément afin d'atteindre toutes les nuances et embrasser plus de
monde. Dans cette classe de directeurs politiques nous
avons vu les plus habiles des intrigans se croire , par
cette seule raison , les plus habiles des hommes
et véritablement
ils le sont fort dans leur sens , puisqu'ils
ont su se retrouver au centre des affaires de la République
....
+ 4
Les auteurs des deux premiers mois de la révo
lution resterent indépendans , en petit nombre et avec
peu de crédit . La légèreté française trouvait même
qu'ils avaient de l'humeur ! Nous ne parlons pas de
quelques personnages qui déja trompaient tous les
partis , et même le château qui les payait .
A peine une corruption commune eut - elle rétabli
un point de contact entre les deux factions fayétique
et laméthique , qu'elles se rechercherent. Les meneurs ,
de part et d'autre , s étaient entendus clandestinement
au mois d'aviil 1791 au sujet d'un voyage du roi à
Saint -Cloud et plus loin , sur lequel on avait, indignement
trompé les autorités constituées de Paris. La résistance
des patriotes , quoique tardive , arriva à tems , et fut
vigoureuse. Les perfides négociateurs virent qu'il n'y
avait pas de tems à perdre . Ils hâterent la coalition des
deux partis , qui fut complette et visible pour tout le
monde deux mois après , à l'époque de la fuite du roi
à Varennes.
Réunissant alors tous les moyens d'intrigue , les chefs
coalisés crurent posséder tous les moyens de l'art social.
Mais leur incapacité , réduite à s'aider du machiavélisme
et du crime , acheva de dessiller les yeux du
public. On fut frappé de la conduite équivoque de la
noblesse , à dater des premiers jours , de la révolution ,
comme si c'était une chose nouvelle . On se rappellait
les fréquentes observations des indépendans , en parti-
Nf
( 184 )
culier celle-ci , qui avait fait beaucoup d'ennemis à
Sieyes : Comment ne veut- on pas voir qu'après l'échec
de la puissance royale , il n'y a plus de ressource
que dans le maniement déloyal de la puissance révo
lutionnaire , pour nous empêcher de fonder une constitution
sur les bons principes ? Comment ne voit on pus
que les révolutionnaises contre l'ordre représentatif
doivent se montrer plus révolutionnaires que nous jusqu
au jour où , devenus les maîtres , ils se hâteront d abjurer
la révolution elle- même ? ,
Sieyes tout entier à ses travaux particuliers et à sa douleur
patriotique , donna lieu par son immobilité même à
une étrange variation de sentimens de la part des mêmes
personnes . Avant la coalition , la faction Lameth faisait
deridicules efforts pour l'appeller aristocrate ; après , elle
s'est épuisée à l'appeller républicain régicide . La faction
fayetique , avant la même époque , le recherchait , le louait,
le caressait à l'excès ; il était l'homme juste par excelfence
, le propagateur éclairé et solide des vrais principes .
Après , elle se tuait à colporter qu'il était un scélérat .
L'auteur de la notice distingue trois intervales dans la
carriere politique de Sieyes . Le premier va jusqu'au
jour où il laissa échapper dans l'Assemblée nationale ces
paroles : Ils veulent être libres , et ils ne saventpas être justes.
Elles tomberent ces paroles dans l'oreille de la passion.
La haine , l'esprit de faction , les recueillirent avidement.
La mauvaise foi se chargea des commentaires .
Depuis cette époque jusqu'en juin 1791 , Sieyes fut
moins actif, moins apparent , mais souvent aussi laborieux
que dans le premier période de sa vie politique. Il s'était
apperçu que les deux factions dont on vient de parler
cherchaient à établir une seconde chambre dans le mode
anglais, perfectionnée à la française . Quelques membres
de l'Assemblée avaient fait la motion de diviser le corps
législatif en deux sections. Il appartenait à Sieyes de
s'en inquiéter ; il crut y voir une atteinte à l'unité et à
T'égalité du peuple et de la représentation législative . Il
composa avec un autre patriote , depuis victime déplorable
des derniers contre - révolutionnaires , un projet de
déclaration à souscrire volontairement , dont l'objet au
fond n'était que le serment de l'égalité , décrété quinze
mois après par le corps législatif. L'écrit était à peine sous
presse , que Sieyes fut dénoncé à la tribune des jacobins ,
le 19 juin 91 , comme ayant le projet contre-révolutionnaire
de ressusciter la noblesse et d'instituer deux cham-
3
( 185 )
bres , tandis que l'ouvrage était composé ex professo contre
les deux projets supposes. Sieyes se préparait à répondre ,
lorsque la fuite du roi vint absorber toutes les attentions
et l'empêcherent de publier son écrit. Quand on lui
reprochait son silence , il répondait : Que voulez-vous ?
si je prononce : deux et deux font quatre , les coquins
font accroire au public que j'ai dit deux et deux font
trois. Quand on en est là , quel espoir d'utilité ? il ne
reste qu à se taire.
:
Là finit le second période de la carriere de Sieyes .A dater
de ce moment , durant toute la tenue de l'Assemblée
législative jusqu'à l ouverture de la Convention , il est
resté complettement étranger à toute action politique.
Mais il s'est expliqué ouvertement sur le plan progressif
de contre- révolution royale , et s'est félicité de la journée
du 10 août.
Il était à 60 lieues de Paris , lorsqu'il apprend qu'il
vient d'être nommé député à la Convention par trois
départemens . Il arrive . Il est curieux de voir comment
l'auteur bien instruit de la notice , rend compte des
sensations de Sieyes.
Aux objets , aux figures , qui de toutes parts
étonnent ses regards , aux discours qui frappent sop
oreille , il pouvait sans délire se croire transporté par une
puissance magique au bout du monde , dans un pays
inconnu .
" Il est étranger à tout ce qu'il rencontre , aux hommes
accrédités sur-tout , dont sa malheureuse étoile semble
vouloir lui faire une loi de se rapprocher., Il s'arrête .
if observe ils pressent l'entreprise formée par eux de
maîtriser et de perdre la Convention , que ces hommes
avilissaient déja par leur présence.
Il est étranger aux jacobins , aux ministres au foyer
infernal des bureaux de la guerre , et à cette commune
municipale ( 1 ) où les événemens de septembre avaient
transporté toute la force réelle où les idées les plus incohérentes
qui , aient déshonoré le cerveau humain
passaient pour un système de democratie digne du
Peuple Français où les formes sales , les moeurs
abjectes , le langage corrompu , les appétits brutaux
sortis des cloaques les plus impurs , les plus bicêtriques,
étaient regardés comme le signe d'un patriotisme ardent ,
(1 ) Ce n'était plus celle du 10 août. Remarque essentielle ,
( 186 )
comme la seule preuve d'un amour sincere de l'égalité ;
étranger , c'est peu dire ; le vent empoisonné des diplomaties
royales , de l'aristocratie et des perfides coalitionnaires
émigrés ou restés , soufflant par une infinité de
tuyaux sur la République naissante et sur sa représentation
conventionnelle , y transmettait toutes les haines ,
toutes les fureurs , avec la soif ardente des plus noires.
vengoances . L'homme pur, Thomme à principes , l'ami
sincere de sa Patrie , sur - tout si son nom avait le malheur
d'être connu dans la révolution , n'était pas seulement
étranger , il était ennemi ; sa personne appartenait à la
rage de toutes les factions ; elles leveillaient , le noircissaient
, le déchiraient à l'envi ; et rien n'était examiné ,
tout était reçu , et paraissait bon à la défiance avide
de mal penser , à l'ignorance la plus ombrageuse qui ait
existé sur le globe . L'ame navrée renfermait avec douleur
l'inévitable . pensée que c'était malheureusement là
le caractere dominant , même de la plupart des hommes
de bonne-foi ! Delà l'impossibilité du remede .
", Les jours s'écoulaient dans des inquiétudes sourdes ,
et des agitations sans cesse renaissantes , bien que dépourvues
de motifs apparens : Quelle position que celle
où le ressouvenir des fautes passées ne pouvait offrir
aucuns secours , la connaissance des faits ne pouvait
Tien éclaircir , et les réflexions politiques les plus sages ,
les avis les plus salutaires ne pouvaient se faire entendre
, ou étaient comptés pour des crimes ! **
Avait - on besoin d'en appeller à l'histoire de la
révolution ? elle était inconnue ou altérée , comme si
elle s'était passée dans la grande Tartarie . A sa place ,
vous surpreniez sur toutes les levres une répétition
grossiere des vieilles et plus méprisables imputations
aristocratiques , des sottises ridicules et méchantes débitées
depuis quatre ans par la mauvaise foi des libellistes de
tous les partis . Vainement auriez -vous cherché un point
fixe dans l'opinion publique : l'opinion publique était
dans le silence , et l'on donnait hardiment pour elle tout
ce que les passions voulaient trouver dans le chaos des
mille et mille calomnies personnelles . Comment sortir
de ce dédale ? à qui s'adresser ? Toutes les épreuves
vous ramenaient à des hommes ou neutralises ou qui
semblaient vouloir , non pas atteindre le but , non pas
établir la République et finir la révolution , mais l'ex-.
ploiter à leur tour et à leur maniere -Delà encore
impossibilité.du remede .
( 187 )
7
9 Malheur à celui qui prêtait l'oreille aux conversa
tions , aux groupes , aux divers orateurs ! Il sentait l'abattement
du désespoir descendre dans toutes les facultés
-de son ame , en entendant l'infâme prostitution qui se
faisait des termes les plus chers au coeur du vrai Français.
Liberté , Egalité , Peuple , noms révérés , signes
de ralliement et guides sûrs dans les célebres journées
du 14 juillet et du 10 août , vous aviez perdu votre
ssignification naturelle , et sembliez dans ces horribles.
bouches conspirer vous-mêmes avec les ennemis de la
Patrie . "
D'après ce tableau que l'auteur de la notice prolonge
encore pendant plusieurs pages , et qui est peint avec
l'énergie du pinceau de Rembrant , iill nn''eesstt pas étonnant
qu'au milieu de cette effroyable nuit , Sieyes ait attendu
sle jour. Cependant il a essayé plusieurs fois d'être utile.
Parmi ses tentatives infructueuses , la notice cite son rapport
du 13 janvier 1793 , sur l'organisation provisoire du mimistere
de la guerre , etun plan de nouvel établissement d'instruction
publique, que les nouveaux patriotes firent dénoncer aux
jacobins , et que Robespierre fit rejetter à la Convention
comme un complot contre - révolutionnaire , et le comité
de salut public d'alors ne manqua pas d'exclure Sieyes
du comité d'instruction publique. F
L'auteur de la notice dit un mot de sa fortune . A son
caractere moral , à ses goûts solitaires , au genre de vie ,
aqu'il a mené , on s'attend bien qu'elle doit être médiocre.
Enfin la notice répond au reproche d'avoir été le
faiseur de Robespierre , genre de soupçon dont il devait
se croire à Labris 135 .
3. Nous ne quitterons point cette notice sans citer une
réflexion générale qui nous paraît trop utile et trop frappante
de vérité pour ne pas l'offrir à la méditation de
nos lecteurs .
L'influence de la raison est un phénoméne que peu
d'hommes savent apprécier. Nous avons été forcés d'en
faire la remarque sur- tout au commencement de la révolution
, où cette influence s'est puissamment exercée
sur les affaires publiques. Nous avons vu les gens du
monde étonnés de ses effets , les attribuer , et ne pou-
-voir faire autrement que de les attribuer à l'intrigue ,
d'antres pensées étant étrangeres à leur conception ,
comme il le serait à leur volonté de se déterminer sans
un intérêt personnel , Nous les avons vu sourire , soit de
pitié , soit d'incrédulité , à l'idée de ce que doit être un
( BB ))
législateur s'élevant au- dessus de la sphete des passions
pesant , sans y prendre part , les intérêts divers , réprimant
les uns et conciliant les autres avec équité . En
écoutant ce portrait , s'ils avaient pu y croire ; ils l'au
raient pris ponr celui d'un sot , ou d'un homme qui ne
sera jamais bon ni à lui , ni aux autres ; cette réflexion
porte mieux leur caractere . La raison , qui est la morale
de la tête , comme la justice est la morale du coeur , sont
pour eux des couleurs pour les aveugles . L'amour de
l'humanité , le desir de la per ection sociale , l'attachement
passionné d'un esprit droit à de si grands objets ,
passent leur portée morale ; ils ne peuvent y croire . Ils
ne soupçonnent mème pas que l'art social puisse réellement
occuper et enthousiasmer ses artistes philosophes ,
comme l'attrait de la peinture , le goût de la belle architecture
, la recherche d'une belle harmonie s'emparent
du musicien , du peintre et de l'architecte . Mais ils
croient à l'ambition , à la vanité , toujours à des motifs
-immoraux pour toutes les actions de la vie . Nous avons
vu ces gardiens inquiets de leur propre ignorance , de
leurs petits abus , de leur misérable routine , craindre les
chercheurs de vérité comme des espions ennemis , se
améfier du travail intellectuel qui résout un problême
politique comme d'une machination dangereuse , regarrder
une combinaison scientifique comme une conspiration
. Si ces prétendus Athéniens avaient apperçu des philosophes
se promenant dans les allées de l'académie, ils
les auraient pris pour des voleurs qui s'enfoncent dans
sun bois.
" Or , des hommes qui prennent ainsi les limites de
aleur individu pour celles de la nature humaine , n'ont
-pas dû davantage concevoir la retraite certaine , la vie
contemplative et volontairement obscure de celui qui ,
après avoir eu de grands succès de raison , se réfugie
dans le silence , quand ce n'est plus eile qu'on peut
nécouter ; car l'esprit d'intrigue , hors duquel ils ne veulent
rien voir, saurait en effet se plier à toutes les positions ,
ose charger de tous les rôles pour ne pas perdre ses avantages
, pour accroître son crédit et le domaine de ses
passions. Notre observation tient à la morale universelle ;
mais le lecteur saura en faire une juste application particuliere
.
Le degré d'estime que nous portons à Sieyes , nous a
déterminé à donner quelqu'étendue à l'analyse de cette
notice , que l'on peut regarder comme un fragment
( 139 )
précieux pour servir à l'histoire de la révolution . Il est
présumer que les motifs qui avaient condamné Sieyes a
silence ne subsistant plus , il va reprendre le cours de sa
carriere politique , qui peut influer si utilement sur celle
qui reste à parcourir à la Convention. Il est tems que
les hommes instruits et vertueux parlent et soient
écoutés.
NOUVELLES ÉTRANGERES.
R
S
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 1er février 1795 .
IVANT des lettres de Wilna , cette ville a prêté , le 28 décembre
dernier à la Russie , le serment ordonné par une proclamation
que le prince Repnin , gouverneur de Lithuanie , avait publiée.
Cette proclamation est une piece assez longue . A la suite d'un
presmbule fort étendu , elle présente douze articles , dout
le dernier enjoint à toutes les églises d'adresser des voeux sinceres
à Dieu et à la Str . Vierge pour la délivrance heureuse du
grand- duché de Lithuanie , de l'anarchie et de tous les malheurs
qui l'ont accable .
Les oppresseurs se sont fait remercier par les pauvres lithuaniens
fentrés dans l'esclavage , ou du moins en leur nom . Les
illuminations brillantes , de fréquentes décharges d'artillerie et
use ode allenatide composée par un professeur de l'université
, ont complettement honore les Russes et déshonoré leurs
Batteurs . Le chiffré de Catherine figurait dans presque toutes
les décorations , et au- dessous on lisait cette inscription en
polonais : Tu mestres de ton scepire une immense etendue
de pays , mais ta , bonte s'étend plus loin encore : elle fait le
bonheur de Wilná , qui par cette raison te fure dans sa reconmaissance
une fidelité éternelle . "
Des lettres de Varsovie du 12 janvier , annoncent qu'en effet
Stauistas est parti le 1 pour Grodno , comme le lui avait esjoint
l'impératrice. Ce prince malade , escorté de 150 chasseurs
Russes , têssemblait plutôt à un prisonnier d'état trans .
féré qu'au chef d'une grande nation. Au reste , Stanislas ne
doit pas beaucoup regretter le séjour de Varsovie à peine
avait-on l'air de fui laisser prendre quelque part à l'adminis
gation supérieute ; et dans le fait tout étaft gouverné dans
( 190 )
eette capitale , comme dans les autres villes , par des agens
de la Russie surveillant la magistrature polonaise . Les vainqueurs
ne tirent pas un aussi bon parti des vaincus qu'ils se
l'étaient promis. On n'a encore pa parvenir à mettre les im
pôts en recouvrement ; on se propose pourtant d'établir une,
capitation générale dont on consacrera le produit aa paiement
des troupes .
L'empereur qui n'a pas moins d'obligation au général
Suwarow que la Czarine , puisqu'en étouffant de bonne heure
et complettement l'insurrection polonaise , il l'a débarrassé de
la peine de protéger ses possessions dans ce pays , lui a
envoyé l'ordre de Marie-Thércse et un bâton de commander
ment enichi de diamans .
De Francfort-sur- le - Mein , le 3 février.
Des lettres de Berlin disent que depuis l'arrivée du lord Spencer
en cette ville , la paix ne paraît plus si probable ., Ou ajoute
qu'il se fait beaucoup de préparatifs , que M. Schulenbourg
est chargé d'inspecter les magasins de Magdebourg , d'envoyer ,
à l'armée du Rhin tout ce qu'il y aura de plus que le complet , i
et que d'ailleurs il se tient fréquemment des conférences devant
le roi auxquelles le prince Henri est appellé ; ce qui ferait
croire qu'on a besoin des conseils de cet habile général pour
ne nouvelle campagne . D'un autre côté pourtant on doit se
rappeller que le prince Henri n'a jamais été pour la guerre
centre la France , et que quand son neveu a eu l'impru
dence de céder à l'avis d'un conseil vendu à la maison
d'Autriche ou asservi par une influence quelconque aux volontés
de cet ennemi naturel de la Prusse , il etait éloigné des affaires .
Sen admission actuelle pourrait prouver que le roi revient au
systême plus sage de M. de Hertzberg..
D'ailleurs les couriers sont moins fréquens entre Berlin
et Vienne . On mande de cette ville que T'on y craint pour
la vie du maréchal de Lasci qui devait prendre le commandement
en chef de l'armée autrichienne et de celle d'Empire .
Le gouvernement Autrichien extrêmement embarrassé pour
se procurer des recrucs , ne le serait pas moins pour leur
procurer des subsistances , quand même il parviendrait à réparer
les armées délabrées . Le fait est que la rareté des subsistances
est extrême dans plusieurs contrées de l'Allemagne ;
elle frappé particulierement celles de la rive droite du Rhin ,
épuisées par les armées de la coalition . Cette disette va au
point que les habitans refluent dans l'intérieur de l'Allemagne ;
elle aflige aussi la Hongrie et la Bohême , et ne contribue ,
peut- être pas peu , avec le recrutement forcé , aux mouvemens
qui ont pense éclater en Hongrie , et qui ont été prévenus
à tems , grace à la singuliere façon dont on a découvert ce
( 19i )
qui se tramait. En voici l'histoire sur la foi d'une lettre
Vienne :
On raconte dans cette ville la maniere assez plaisante dont
le complot des révolutionnaires y a été découvert . Le chanoine
Martinowicz , devenu prélat in partibus , après avoir été
capucin , avait conservé son uniforme monastique .
1
Dans un moment que l'intendant de sa garde - robe était
occupé à déployer ses vêtemens pour les gettre en ordre ,
un de ses camarades vient le voir . Celui - ci apperçoit la jacquette
et le capuchon de l'ex - capucin ; il trouve très - plaisant
d'endosser ce costume. Il s'en empare , il s'en couvre , et le
voilà vêtu en capucia . La toilette achevte , il se considere
d'abord dans toutes les glaces , il fait mille singeries , mille
capucinades ; le tems s'écoule et le maître arrive . On' sonné ,
on se doute que c'est lui . Que va- t - il - dire quand il verra qu'on
s'est moqué de la sainteté de son habit ? Il faut lui cacher ce
badinage . Le nouveau frere ne trouve pas d'autre moyen que
de se cacher sous le lit. Il s'y blotit . A peine il y est , que
le domestique ya ouvrir . C'était le maître en effet . Celui- ci
entre accompagné de son intime ami Hebenstreit , qu'il avait
amené chez lui pour conspirer ; et pour tenir son domestique
éloigné pendant une heure , il lui donne des commissions pour
la ville . Le domestique parti , ils entrent dans la chambre où
le capucin postiche se trouvait tapi . Ils se croient seuls ,
parlent à coeur ouvert. Ils se communiquent leurs plans ,
nomment quelques - uns de leurs agens , et concertent de nou
velles mesures . Le faux capucin , devenu confident de ces
deux hommes , est dans des angoisses mortelles , et redoute
jusqu'à son haleine ; c'est fait de lui s'il est découvert , il est
certain d'être égorgé . Enfin , le domestique arrive , le maître
sort avec son ami , et rend par ce ,moyen la liberté au nouvel
enfroqué . Celui - ci quitte la cache , il respire pour la premiere
fois depuis une heure , il rappelle ses esprits , jette là le froc ,
et court dénoncer ce qu'il a va , ce qu'il a entendu . On arrêta
dans la même nuit les auteurs du complot et leurs complices.
et l'on trouva chez eux leur plan qui touchait à sa maturité .
et
I paraît que les Autrichiens et les Prussiens sont déterminés
à bien défendre Mayence . On assure que la garuison
de cette place , aussi approvisionnée qu'elle peut l'ere , est
portée à 33,000 hommes , dont les deux tiers d'Autrichiens ,
et le reste de troupes de l'Empire titees de divers contingens .
On a d'ailleurs soin de pourvoir la forteresse de bombes et
de toutes sortes de machines propres à foudroyer l'ennemi ;
ce qui se fait au moyen de forges établies dans la ville même.
Il est question d'ajouter encore 70 bouches à feu à celles dont
les remparts sont déja hérissés .
On ne néglige pas non plus d'employer le moyen de l'hon
neur , si puissant sur tous les hommes qui portent les armes .
( 199 )
On a fait frapper de petites medailles d'or et d'argent , por
tant ces mots : La patrie d son brave défenseur , qui seront
distribuées aux bas- officiers et soldats , suivant leur grade. La
premiere est destinée à un vieux caporal de housands , qui
ariacha un capitaine autrichien d'entre les mains des Français,
On dit & Mayence que l'armée prussienne du feld - maréchal
Mollendorf doit alier se reunir à l'aile gauche de l'armée
anglaise , et que l'aile gauche du comte de Glairfayt fera sa
fonction près de Mayence avec l'armée autrichienne qui s'y
trouve. De cette maniere les impériaux agiront en réunion ,
et partageront entr'eux les mêmes operations .
Le ministre de cet électorat a porte au protocole la réponse
par laquelle il réfute les objections du ministre de Hauove ,
contre sa proposition pour la paix . Une chose remarquable
dans cette piece , c'est la reconnaissance formelle de n'avoir
eu aucune intention de prescrire une regle de conduite à
ceux des coétats impliqués comme puissances dans cette
malheureuse guerre , et la distinction de leur intérêt d'avez
selui de l'Empire , intérêt si différent qu'il ne peut influer en
aucune sorte sur celui du corps germanique , ni l'empêcher
de poser les bases d'une équitable pacification , véritable but
qu'il doit se proposer , quelles que puissent être d'ailleurs les
vues particulieres des co-états .
:
Ces renseignemeus font partie des nouveaux détails reçus
ici sur ce qui s'est passé à la diete de Ratisbonne , qui était
en vacance à l'époque où l'on écrivait , à cause des fêtes de
Noël et du nouvel an . Les délibérations ont leur lenteur ordinaire
le secrétaire électoral palatin s'est opposé à la demande
du directoire des cercles , de prendre des arrêtés conformément
à deux décrets auliques sur la prestation effective de
l'arriéré de la caisse de guerre , et l'augmentation de l'arme
ment au quintuple . Il a déclaré nettement que l'électeur de
Baviere avait rempli toutes ses obligations , qu'il n'en avais
plus à remplir mi ne le pouvait. Le secrétaire de l'électeur de
Saxe st plusieurs autres se sont plaints que les divers avis des
cercles étaient trop amples , et ont desiré que le directoire
de Mayence les présentat en analyse , afin de pouvoir en
écrire à leurs cours respectives et procéder aux suffrages ; ce
qui a été accordé , en donnant huit semaines pour y satis
faire .
Nous apprenons par des lettres, de Bâle , que le
gouverne
ment bernois a chassé de Lausanne deux recruteurs anglais ;
et puni un Bernois convaincu d'avoir fabriqué pour gº , 000 l .
de faux assignals . On a en outre défeudu l'écrit d'un certain
baron d'Erlach , qu iexhorte les puissances coalisées à conti
nuer la guerre contre la France . On dit même que l'auteur
court le risque d'être sérieusement inquieté .
Les Genevois ont brûlé tous les titres de bourgeoisie , de
maniere
( 193 )
maniere qu'anjourd'hui aucune famille ' n'y peut prouver son
ancienneté , ce qui a parfaitement établi l'égalité des droits .
Les riches , comme on s'en doute bien , sont extrêmement
mécontens et ont abandonné la ville ; elle va perdre aussi un
physicien justement célebre , M. de Saussure , tombé dans
une telle pauvreté qu'il sollicite pour vivre une chaire de
professeur dans une des universites d'Allemagne .
Suivaut les dernieres nouvelles de Berlin , le prince royal
de Prusse est attendu incessamment dans notre ville de Francfort
: il doit être accompagné dans son voyage du prince
ܕ
Lonis
son fiere.
On s'accorde à dire que les Français observent à Cleves
la meilleure discipline possible : ils ont si peu de malades
qu'ils n'ont aucun besoin d'hôpital . Rien n'est en requisition
dans cette ville , si non le fourage et le bé. Tous les jours
oh y donne des concerts , où les Français se montrent joyeux
econtens : les sociétés , les assombices ont lieu comme auparavant.
Les Français font l'éloge des Prussiens , et sont bien
éloigues de faire celui des Autrichiens ; ce qui est assez naturel
, les peuples braves s'estiment reciproquement.
ANGLETERRE. De Londres , le 9 janvier.
Débats du Parlement. Chambre des Communes .
Séance du 5 janvier . Il a d'abord été question dans cette
séance du subside pruss en . M. Jekill a demandé quelle somme
avait été payée au roi de Prusse , sur les deux millions et
demi que devaient donner la Grande - Bretagne et les étatsgénéraux
. M. Pitt a répondu que c'etait 12,000 liv, sterling ,
et que le dernier paiement avait été fait en septembre dernier.
M. Jekill a fait , ensuite la motion qu'il fût donné un état des
troupes employées pour le service de l'Angleterre , M. Pitt
s'y est opposé sur le fondément qu'il n'en avait point , encore
reçu de compte officiel . M. Fox, a parlé dans le cours du
débat qui a eu lieu à cette occasion , et a soutenn que ces
troupes avaient coûté vingt fois plus que celles qui avaient
été employees précédemment. M. Pitt a avancé que , quoique
par des circonstances particulieres les troupes n'eussent pa
répondu entiérement à ce qu'on en attendait , elles avaient été
très- utiles à la cause générale , et qu'il n'avait qu'à se féliciter
d'avoir conclu ce traité . La motion de M. Jekill ayant été
mise aux voix , a été rejettée par une majorité de 87 sur
143 volans .
Acte d'habeas corpus.
M. Sheridan se leve ; il déclare que la suspension de l'haeas
corpus et la continuation de la guerre sont liées ensemble
Teme XIV. O
( 194 )
plus étroitement qu'il ne paraît à l'observateur frivole o
superficiel . Pour établir la nécessité de continuer la guerre ,
on a argumenté de la situation intérieure du pays , et des
dispositions particulieres du peuple . Il faut dans la crise où
l'on se trouve , juger si le coeur des Anglais est fidele ou non ,
et si ceux qui d'abord avaient été soupçonnés des crimes les
plus atroces , sont disculpés de toute charge et de toute im.
putation. Il n'est pas possible de douter qu'il ne egne partout
un fidele attachement pour le roi , et un respect pour
la constitution , que rien ne peut ébranler. C'est un prétexte
dout on se couvre
de dire 9 que qu'il faut empêcher que·les
Français u'inondent l'Angleterré de leurs principes.
J'ai à lutter aujourd'hui , continue M. Sheridan , avec un
honorable membre , M. Dundas qui a deja declaré , par
anticipation , qu'il croyait que les circonstances exigeaient
le renouvellement de l'acte de suspension. Si l'on m'objec e
que cette suspension devant expirer dans un mois , cette diss
cussion devient inutile ; je ferai la réponse du pere d'un hos
norable membre ( M. Pitt ) : que la tyrannie ne devant pas durer
quarante jours , ne doit pas durer une heure , et j'ajouterai que sa
douceur apparente ne la reud pas plus tolerable.
i
acte
L'acte habeas corpus ostile palladium de la liberté anglaise.
Non-seulement je demande que la suspension de cet
soit révoquée , mais je maintiens encore qu'il ne doit jamais
être suspenda. Il ne l'a ére , suivant le préambule même du
bill , que sous prétex e de conspiration existante ; mais les
membres de ce côté de la chambre ont toujours regardé ces
conspirations comme des inventions ministérielles , et leur
sentiment se trouve a jourd'hui confirmé par le jugement des
juris ; et comme ce jugement a été altaque impunement par
quelques membres , il est bon qu'ils sacheut qu'un habile
magistrat føt arrêté pour avoir parté sans respect du procès
par juris. On a prétendu que le jugement d'un jury n'était
pas une preuve d'innocence , et qu'il n'avait d'autre effet
que d'empêcher qu'on ne fût poursuivi pour le même crimel
·Mais les lois d'Angleterre ne connaissent pis de milieu entre
le crime et l'innocence . Eu vain voudrait on se prévaloir de
la déclaration du grand jury ; elle n'est pas fondée sur des ,
preuves contradictoires , et ne peut établir qu'une présomption
motivée sur des allégatious quelconques .
Puisqu'un honorable membre ( M. Windham ) a jetté lé
gant , il permetrà que je trouve déplacé le reproche qu'il a
fait à mon honorable ami ( M. Fox ) . Mais le voisinage dans
lequel il se trouve , peut lui servir d'excuse . Le défaut de
mémoire est probablement une maladie contagieuse .
On sait que mon honorable ami n'a jam.is varié dans ses
affections ; quoi qu'il en soit , je me conduirai en loyal endémi
envers l'honorable membre, que je regarde comme la seconde
t
1
t
personne de l'Angleterre la plus responsable pour la conti
nuation de la guerie . Quoique sa confiance et ses talens puissent
lui persuader qu'il nous tirera des dangers dans lesquels il
nous a jettes , je demande la permission de lui rappeler que
le moment de rendre compte viendra où les sophismes de
Finfluence ne lui serviront de rien pour justifier sa conduite.
Dans le peu de mots qu'il a dits sur ce sujet , il a dégradé
aurant qu'il était en lur les accusés , en les comparant à des
malfaiteurs . Mais d'après un jugement de haute, trahison , ik
ne peur rester aucune ambiguite , sur- tout quand il s'agit de
méditer la mort du roi ; puisqu'alors c'est l'intention et non
l'acts qui constitue le crime. On sait d'ailleurs que rien a
été omis pour produire la conviction et par conséquent
vu le zele qu'on y amis , le jury était aussi bien instruit de
tout ce qui conceruait la conspiration , que le solliciteur -ge
néral Ini- même.
. ','
४.
Ici M. Sheridan entre dans le détail des procedures . Il soutient
qu'elles ne prouvaient pas même une sedition notoire ,
comme on le supposait , et qu'on ne peut reprocher que
quelques expressions dangereuses , enthousiastes , folles ou
extravagantes , relativenient aux fraternisations et conventions.
1
Depuis le 30 novembre 1792 , les ministres ne se sont
occupés qu'à fabriquer des complois , qu'à montrer par- tour
des conspirations. Le parlement a été convoque subitements
les milices ont été assemblées . Un certain noble duc effraye
sest hate de se fortifier dans la tour. Pour donner plus de
crédit à la chose , les voitures publiques ne partaient plus .
En venant en ville , on regardait hors de sa chaise pour
s'assurer si Londres n'était pas en flammes. On faisait venie
des troupes de tous côtes , pour defendre la capitale ; des es
pons furent mis en campagne. Les gazettes furent remplies de
paragraphes alarmans et incendiaires . Quelques personnes
furent accusées d'avoir empoisonné la nouvelle riviere , ek
mes amis une crurent en danger pour avoir parlé avec peu
d'égards de quelques grands personnages . Dans la vue de faire
cesser ces alarmes, je proposai un comité d'informations ; ma motion
fut rejetée. Cependant on etablit un comité secret pour
suivre la piste des traîtres . Dès - lors on ne parlait plus que
de ce respectable comité. C'était présomption qué de blâmer
aucun des actes de cette assemblée , impartiale sans doute
puisqu'elle avait été choisie au scrutin ; et cependant , avant
l'élection , j'avais donné la liste des noms de ce comité im
partial . A peine se croyait-on en sureté dans la chambre des
communes . Les représentatious de piques , de crochets et
d'autres armes, épouvantables avec leur forme et leur dimension
, servirens à jetter l'alarme dans les nobles coeurs dea
loids.
(
( 195 )
Segnius irritant animos demissa per aures
Quam qua sunt oculis subjecta fidelibus.
Enfin arriva cette fameuse soirée , où , sans délibération ,
la chambre, se divisa dix- sept fois , et où je me rappelle avec
plaisir avoir toujours été dans la minorité . C'est ainsi qu'en
parvint às obtenir cette suspension de l'habeas corpus , qu'un
de nos auteurs compare à la nomination d'un dictateur à Rome,
séservée pour les cas d'une extrême nécessité .
- M. Sheridan revint ensuite sur los procédures , pour prou
ver qu'il n'avait jamais existé de conspiration. Il regrette que
l'Angleterre continue d'être la dupe d'un ministre roide et
altier , qui n'a jamais mis le pied dans d'autre assemblée que
celle de la chambre des communes , et qui , par conséquent ,
ancune connaissance du coeur humain , etc.
et de
Il conclut en demandant pourquoi les partisans de la guerre
ne font rien pour la soutenir ? Pourquoi l'honorable membre,
( M. Windham ) refuse d'abandonner ses appointemens , et
vivre de son immense revenu ? Pourquoi son honorable ami
( M. Pitt ) ne donne pas le produit des cinq ports ? Pourquoi
son autre ami ne fait pas le sacrifice d'un de ses trois honoraires
? Pourquoi son cousin , qui offrait autrefois si géné ,
reusement de se mettre au niveau des autres receveurs de
l'échiquier , entassait sur sa tête 15 à 16,000 liv . sterlings .
Infin , il se résume et demande la permission d'apporter un
bill pour la révocation de l'acte passe dans la derniere session .
M. Windham se leve pour combattre la motion de M. Shéridan.
It déclare qu'il se fait gloire d'être très -criminel dans le
sens que le préopinant donne à ce mot ; qu'au surplus , les menaces
d'aucun homme ne seront jamais capables de le détour.
ner de son devoir. Il se plaint du sens forcé et des tournures
malignes qu'on donne à ses expressions , et en prend occasion
d'observer que pour lui aliéner l'esprit du peuple , on
lui a attribué un propos qu'il n'a jamais tenu ( périsse le commerce) ,
et qu'on trouve cependant dans des lettres dernierement imprimées
de lord Lauderiale ) . I assure avoir tonjours été,
contre la réforme parlementaire jusqu'à refuser d'être représentant
de Westminster , parce qu'on y était favorable à ce
systême de réforme. Il espere que ceux qui se livrent à ces
insinuations artificieuses , n'en veulent pas les conséquences.
Mais il croit devoir remarquer que Foulon a été massacré
parce qu'on lui imputait d'avoir dit que le peuple mangerait
du foin.
La suite au numéro prochain . )
半
( 197 )
REPUBLIQUE FRANÇA
CONVENTION NATIONALL
PRESIDENCI DE BARRAS
Séance de duodi , 22 Pluviose.
E;
L
Le comité révolutionnaire da district de Marseille écrit
à la Convention qu'elle a promis le bonheur au peuple français
, et qu'il est tems de remplir ce saiut engagement. Une
poignée de factieux ne doit pas coûter plus à réduite que les
tyrans de l'Europe. L'opinion publique l'entoure , le peuple
souverain lui a remis sa massue . Elle ne doit donc plus délibérer
mais frapper. Périssent les tyrans , les traîtres , les
égorgeurs et les royalistes .
Les sections de Marat et des Gardes françaises viennent
applaudir aux décrets qui répriment le terrorisme et depanthéonisent
le dieu des assassins . La 1ere , declare qu'elle a rejetté
l'odieuse dénomination de section de Marat , et repris son
premier nom de section du Théâtre - Français .
Bailleul prononce un discours par , motion d'ordre dans
lequel il présente d'abord le tableau de notre situation inte
rieure , ce qui le
conduit à démontrer le besoin de l'union
la plus étroite entre les représentans
du peuple et tous les
vrais amis de la liberte . Il rend ensuite compte des bruits
que les malveillans
cherchent à répandre
contre
les 71 députés
rentrés au sein de la Convention . On répand qu'ils méditent
des projets de vengeance , tandis qu'ils ne respirent que l'union
et la tranquillité
, L'orateur n'a vu en eux qu'un ardent amour
de la Patrie et de la liberté , il les a vus bénir leur destinée
qui les avait exclus du sein de la représentation
rationale dans
un tems où il ne lui restaît aucun pouvoir pour faire le
bien , où il n'y avait plus ni liberté ni patrie. Il les a entendus
exprimer leur reconnaissance
pour les hommes courageux
qui ont donné à la révolution
du g thermidor
une
direction si utile et si heureuse ; mais jamais il n'a vu échapper
de leur bouche un seul mot qui annonçât que le ressentiment
était au fond de leur coeur. L'orateur revenant à son sujet ,
pense que
si des mouvemens
continuent
d'avoir lieu de la
part des ennemis de la liberté , c'est qu'on n'a point encore
examiné cette question ; s'il n'y a pas eu de tyrannie de la
part du gouvernement
avant le 9 thermidor. 11 termine ea
demandant
que les trois comités s'occupent
de cette question.
Bentabelle
convient que les législateurs
n'ont jamais en plas
03
( 198 )
besoin de s'entendre que dans ce moment-ei. Il applaudit an
voeu du préopinant pour leur union , mais il eût desiré qu'il
eût donné des idées plus nettes de son dessein . Il croit qu'en
cherchant à établir que le gouvernement entier a exercé la
tyrannie , on adopte une mesure subversive de la Convention ,
de la constitution et même de toute la revolution . Il termine
par l'ordre du jour qui est adopté.
Richard , au nom du comité de salut public : Vous avez
dit à toute l'Europe , en parlant des bruits de paix, et en
annonçant vos dispositions , que vous auriez sur- tout égard
à la situation des gouvernemens , que la crainte ou la vio-
Fence ont jettes dans la coalition. Parmi ces gouvernemens
vous devez distinguer la Toscane. Cet état long- tems fidele
aux droits des gens et à ses véritables intérets , s'est vu ens
trainer par les grandes puissances qui s'agitaient autour de
lui , toute résistance lui était impossible. Il se rendit à la
sommation impérative de l'Angleterre ; mais le grand duc a
en toutes sortes d'égards pour les Français qui sont restes sur
son territoire ; ils n'ont jamais été persécutés. Une quantité
considérable de grains nous a été enlevée à Livourne par
les Anglais , le grand- duc nous les rend. L'état de guerre
avec la Toscane ue peut nous être d'aucun avantage.
tralité contribuera à la prospérité du commerce.
1..
Sa neu-
Le rapporteur propose au nom du comité de ratifier le
traité de paix conclu avec M. Carletti , envoyé extraordinaire"
de cette puissance . (Voyez les Nouvelles officielles . )
Thibaudean demande l'ajournement. Il dit que la Convention
doit apporter dans une affaire de cette importance le
calme et la maturité qui conviennent aux représentans du
premier peuple de l'univers . Que le premier traité de paix
avec la République Française va être un grand événement
dans l'Europe , et qu'il faut tracer la marche à suivre dans
ceux de la même nature .
Thibaud l'appuie pour montrer , dit-il , à l'Europe que
nous ne sommes point affamés de la paix , et que nous ne
l'accorderons que lorsqu'on nous la demandera à des conditions
honorables pour la nation .
Lacombe St. Michel s'oppose à l'ajournement. Tout délai ,
selon lui , peut avoir de grands inconvéniens . Les puissances
qui sont actuellement en négociation avec nous , craindrout
la publicité de la discussion . Il faut d'ailleurs accélérer les
moyens qui peuvent nous procurer la tranquillité générale
et la paix dont nous avons besoin . Nos victoires elles- mêmes
nous fatigueraient à la longue. La paix peut seule ramener
parmi nous l'abondance.
Boissy d'Anglas : Il n'est pas vrai que l'épuisement nous
force à la paix, I pous vient des subsistances de plusieurs
parties du monde. Le Nord , le Midi , l'Afrique et l'Amerique
sont tributaires de nos besoins .
( 199 )
Cambacénès me voit dans l'ajournement rien qui puisse
alarmer la diplomatie . L'unanimite de la Convention apprendra
à l'univers qu'il n'y a qu'un sentiment pour le maintien de
la République et de la liberté . La discussion sur le traité
de paix dont il s'agit cst ajournée à quintidi prochain .
Sur la proposition de Boissy d'Anglas , le comité de salut
public est autorisé à choisir un représentant du peuple pour
une mission particuliere dont il rendra compte.
Seance de tridi , 23 Pluviose.
Des patriotes Bataves , chassés de leur patrie par la tyran
nie , et réfugiés à Dun- Libre , demandent à y rentrer. Is remercient
la nation française de l'hospitalité qu'elle leur á
accordér , et assurent qu'ils feront retentis par - tout le langage
de leur reconnaissance.
Les habitans des communes voisines de Lyon dénoncent
les amis de Robespierre qui cherchent à y exciter des troubles .
Is invitent la Convention à se prononcer avec énergie.
Des cultivateurs d'une commune du district de St. - Quentin
annoncent qu'ils ont pris la résolution de vendre leurð
grains à un prix beaucoup inférieur à celui du marché . Mention
honorable , insertion au bulletin .
Lecointre de Versailles prononce un discours sur la liberté
du commerce et la conduite que nous devons tenir en Hol
lande et dans tous les pays conquis. Il pense qu'il faut cher
cherà conquérir les coeurs de ses habitans bien plus que
leurs richesses . Il prévoit que si on n'y prend pas de sages
mesures l'on pourra bieu avoir une partie de ses trésors qui
encore seront dilapides par les agens maiiss que les bâtimens
de cette nation , charges de marchandises pour leur pays , fui
sont loin d'une contrée où la loi du maximum , les requisi
tions et les enlevemens forcés d'objets de commerce aura lieu ,
et que dans six mois ce pays si riche n'offrira plus à nos yeux
et à nos besoins que le regret de n'avoir pas su profiter de
tant d'avantages qui nous avaient été assures par la bravoure
de nos troupes , et qui seront perdus à jamais par l'impéritie ,
la malveillance ou l'esprit de rapine de nos agens .
Lecointre demande une liberté absolue pour le commerce
des encouragemens pour toutes les parties , la plus grande
fidélité de la part de la nation à remplir tous les engagemens
et la suppression de toutes les administrations commerciales ,
et commissions d'approvisionnemens même pour les armées .
Il propose d'y substituer des entreprises et des adjudications
au rabais . Il présente d'après ces bases un projet de décret.
Johannot réclame l'ordre du jour sur ce projet , par le motif
que ce qu'il peut renfermer d'atile est déja décrété ; la liberté
du commerce existe par les derniers décrets , et les abus dénoncés
par Fecoigne put été réprimés par les arrêtés du comité?
ᏅᏎ
( 200 )
Best défendu à la commission des approvisionnémens d'ené
voyer des agens dans les pays conquis .
Pelet appuie l'ordre du jour , et assure que le maximum est
supprimé dans les pays conquis. La Convention passe à l'ordie
du jour.
Séance de quartidi , 24 Pluviase.
le
Le représentant du peuple Peyre écrit de Valenciennes.
que la liberté française a fait une telle explosion en Hollande ,
que tout le peuple y secoue le joug de ses anciens magistrats
, de toutes parts s'elevent des arbres de la liberté ,
drapeau tricolor flotte au sommet des clochers et des tours ; ›
les couleurs nationales tapissent les devans des maisons , et
des inscriptions c'viques en décorent les portes . Le Hollandais
qui n'est pas chantant fredonne la carmagnole. Les princes
de Salm et Hohenlohe qui viennent d'arriver à Valenciennes
en qualité de prisonniers de guerre et qui se rendent à Paris ,
ne tarissent point sur les éloges qu'ils font des troupes répablicaines.
Lorsque le représentant leur a dit qu'iles repou ·
daient à leurs évolutions militaises avec le pas de charge et
la bayonnette en avant, ils lui ont répondu que cela poovait être
vrai l'année derniere , mais que dans la campagne actuelle
nes blaves freres d'armes s'étalent moutré , si non lenis maîtres
du moins leurs égaux en évolutions et en tactique , et qu'ils
avaient sur eux l'avantage de cette impétuosité dans Paraque
à laquelle rien ne résiste ; ce qui rend inutiles toutes les chambinaisons
de l'art . S'il est un loge flatteur , c'est sans dames
celui qui sort de la bouche de nos ennemis .
Peyre ajoute que les assignats sont au páir du numéraires
en Hollande , on pour mieux dire , on n'y parle ni de numéraire
ni d'assignats . On prend l'un et autre indifférensvents
et sans y regarder , et la confiance en notre monnaie est teile:
qu'on ne s'est point apperçu que les marchandises aient éprouvé
le moindre renché : issement depuis notre entrée .
Marec , au nom du comite de salut public , annonce que
notre Rotte sortie de Brest le 10 nivôse dernier , y est rentrée¹
le 14 du présent mois , après trente - quatre jours de croisiere ;
elle a obtenu des succes , mais elle a aussi essoyé des avaries .
Nous avons reduit à l'ipaction la grande armée de Pamiral
Howe ; nous avons empêché le départ de plusieurs divisions ,
soit pour le Continent , soit pour les Antilles . Le commercebritannique
a été mis à dontribution . Nos prises sont au nomubie
de 70 , el mons avons fait prisonniers 1500 matelots. Daus
la nuit du 9 au 10 , trois de nos vaisseaux ont péri , on a sauvės
les équipages et les effets d'un transport facile. Ces vaisseaux
étaient vieux et hors d'état de faire une campagne . Trois autres
ont été endommagés ; mais on va les répatera Marec propose ,
et la Convention décrete , que sou comite de marine prendra les
( 201 )
}
rt
1A
5.
mesures les plus promptes pour faire réparer les pertės esmyčes
er donner à la marine française le dégré de splendeur digue.
de la puissance nationale .
Cambacérès donne lecture de deux lettres , l'une des représen
ans du peuple près farmée des Pyrenées orientales , et
la seconde du général en chef. Lifes contiennent des détails '
sur la prise de Roses . ( Voyez Nouvelles officielles . )
La Convention déclaré que l'armée des Pyrenées orientales
De cesse point de bien meriter de la Patrie.
Au nom des comités , Peler a reproduit le projet de décret
tendant à envoyer des représentans du peuple dans les colenies.
La discussion a été de nouveau ouverte et ajournée au
lendemain après beaucoup de debats . If a cepeqda teté décrété
que ce jour-là il serait procédé à l'appel nominai sur la question
de savoir si l'on y enverra des représentans du peuple
ou des commissaires civils .
Séance de quintidi , 25, Pluviose,
Une députation des citoyens de Brest vient réclamer la jns
tice de la Convention en faveur des officiers du vaisseau le
Révolutionnaire qui sont encore dans les fers . Le combat naval
du 13 prairial dernier , d't l'orateur a été présente par l'an-"
cien comité de salut public , comme une victoire éclatante . ”
Cependant les Anglais en s'applaudissant de ce combat en
revendiquentla gloire et l'avantage pour eux . Le gouvernement/
prit dans le tems toutes les mesures pour que les détails n'en
parvinssent pas à la connaissance du public . L'une de ces
mesures fut l'incarceration des officiers dont il réclame la
liberté. Il demande la formation d'un chseil de gnerre pour
juger ces marins . Renvoyé au comite de salut public .
Angnis , au nom du comité de sûreté générale , fait rapporter
l'article 4 de la loi relative aux cartes de sûreté. 11
y aura trois sortes de cartes , les blanches pour les citoyens
domiciliés à Paris de l'âge de 21 ans et au- dessus , les rouges
pour ceux de 14 et au dessus , et les bleues pour les étrangers .
Merlin ( de Donai ) , au nom du comité de salat public ,
soumet à la discussion le projet de décret tendant à ratifier
le traité de paix conclu le 21 pluviôse entre le comité
et M. Carletti , envoyé da grand- duc de Toscane.
Ronzer combat le projet de décret. Il n'en attaque point
le fond , il remarque seulement qu'en chargeant le comité
de salut public de la direction des affaires étrangeres , la
Convention n'a entendu Ini confer que l'exécution , ` et n'a
point aliéné le droit de faire la paix et de déclarer la guerre.
Ainsi , ce n'est pas une ratification que le comité aurait dû demander,
mais un traité qu'il aurait dû proposer de conclure.
Rouzet demande à la Convenmon de décréter un mode de
waiter avec les puissances , et il propose en attendant l'adoption
( 202 )
de cette formule : les représentans du peuple français assemblés
en Convention nationale , en vertu des pouvoirs illimités que
le peuple leur a confiés , acceptent pour leurs commettans et
sous la garantie de la loyauté française le traité conclu .
Johan not appuie le projet. La nation , dit- il , peut entendre
parler de paix , vaincue , elle ne l'eût pas acceptée ; victorieuse ,
elle veut la donner. Des mesures grandes et efficaces ont assuré
nos subsistances et doivent mettre un terme aux espérances
chimériques des tyrans.
Merlin ( de Douai ) : La constitution attribue au pouvoir
législatif la ratification des traités , et au pouvoir exécutif la
négociation. En confiant au comité de salut public la direction
des relations extérieures , la Convention l'a mis en cette
partie à la place du pouvoir, exécutif ; c'est donc une ratifi ,
cation que l'on a dû vous proposer.
Charlier Le comité de salut public est- il le pouvoir exé
calif? Non . C'est une émanation de la Convention mationale
surveillant les agens de l'exécution , et vous , vous êtes une
Convention dont les pouvoirs sont illimités . Vous devez done
faire les traités .
Cambacérès : Il ne s'agit point ici de compétence ni de
sivalité de pouvoirs. Ce n'est pas dans la constitution de 1793
qu'il faut chercher les élémens de la question actuelle , mais
dans le plus grand intérêt de la République. La forme adoptée
par votre comité lui a paru la seule pratiquable , car si lorsque
des propositions nous sont faites , votre comité est obligé de
venir vous occuper des négociations entamées , la paix deviendra
très difficile . Certes , nous n'avons pas besoin de la paix
mais puisque nous gémissons de voir couler des flots de sang,
n'éloignons pas par des mesures indiscrettes le moment heurenx
où nous la donnerons à nos ennemis . La discussion est ferinte ,
etle projet de décret da comité est adopté à l'unanimité presque
et au milieu des applaudissemens universels .
L'appel nominal avait été décrété pour aujourd'hui sur la
question si on enverrait des représentans du peuple dans les colonies
. On a demandé d'aller aux voix dans la forme ordinaire ; la
majorité a paru douteuse à quelques membres , sur tout sur
la limitation des pouvoirs . Une discussion sur ce dernier objet
s'est ouverte , et l'appel nominal sur le tout a été renvoyé au
lendemain.
Séance de sextidi , 26 Pluviose.
Le comité militaire présente de nouveau , par l'organe d'un
de ses membres , le projet de décret relatif à l'organisation
du génie militaire. L'impression et l'ajournement à trois jours
sont décrétés . J
Ondot , au nom du comité de législation , fait annuller plusieurs
jugemens de tribunaux . Beniabolle , Berlier et Dubois
(·203-)
se sont plaints des vices existans dans cette partie de la légis
lation. Ils ont demandé que la Convention renoncât au pous
voir judiciaire , et qu'on donnât au tribunal de cassation une
attribution plus étendue pour reviser les jugemens des tribunaux
inférieurs .
4
Cette proposition est renvoyée au comité de législation pour
en faire un rapport.
Les communes de Moulins et de Cunet , département de
l'Allier , dénoncent leurs comités révolutionnaires , dont toutes
les mesures portent l'empreinte de la haine et de l'atrocité. La
seconde apprend que deux citoyens que le comité de sûreté
générale avait fait mettre en liberté n'en ont pas moins été
guillotinés . Forestier monte à la tribune , et dit que c'étaient
deux aristocrates , deux royalistes . Il ajoute que ce n'est pas
la premiere fois qu'on a mis en liberté des gens qui ont été
guillotinės . Cette païveté a fait rire et murmurer. Peinieres
rappelle toutes les horreurs dont se sont couverts les hommes
de sang. Il fait entendre que le ministre plenipotentiaire de
Prusse à Bile est mort empoisonné , et que c'est aux agens
de Pitt et de Robespierre qu'il faut l'attribuer. Après quelque
discussion , les adresses de ces communes sont renvoyées an
comité de sûreté générale .
L'on procede à l'appel nominal sur l'affaire des colonies .
Dufay demande qu'auparavant la Convention fixe les bases
des instructions à donner aux commissaires qui s'y rendront ,
et qu'on leur prescrive de ne point déroger aux lois de la
Convention , l'unité , à l'indivisibilité de la République , à
Ja libèrré et à l'égalité. Lanthenas et Bourdon ( de l'Oise ) Y
ajoutent qu'ils ne pourront , sous quelque prétexte que ce
soit , déroger an décret du 16 pluviose qui fixe l'état des
personnes dans les colonies , ni s'écarter du principe que les
colonies font partie intégrante de la République Française .
Ces propositions sont décrétées avec celle-ci que les commissaires
ne pourront être pris , mi parmi les Colons , ni parmi
ceux qui pourraient avoir des intérêts directs ou indirects dans
les colonies . Il est résulté de l'appel nominal que sur 482 votans
304 ont été pour l'envoi de représentans du peuple dans
les colonies orientales et occidentales .
Traité de paix entre les représentans du peuple français et l'envoyé
du grand- duc de Toscane.
Entre les représentans du peuple français composant le co
mité de salut public , chargé par le deeret de la Convention
nationale , du 7 fructidor dernier , de la direction des relations
extérieures , soussignes ;
Et M. François , comte de Carletti , envoyé extraordinaire
( 204 )
dn grand- duc de Toscane , chargé de ses pleins pouvoirs
donnés à Florence les 4 novembre et 13 décembre 1794 , quidemeureront
annexès à la minute des présentes , également
soussigne ;
Il a été convenu et arrêté ce qui suit :
Art. ler. Le grand- duc de Toscane révoque tout acte
d'adhésion , consentement ou accession à la coalition armée
contre la Republique française .
99 En consequence , il y aura paix , amitié et bonne intelligence
entre la Republique Française et le grand duc de
Toscane.
99 III . La neutralité de la Toscane est rétablie sur le pied où
elle était avant le 8 octobre 1793 .
*
IV. Le present traité n'aura son effet qu'après avoir été ratifié
par la Convention nationale
99
Fait à Paris , au palais national ; le vingt-un pluviôse , de l'an
troisieme de la Republique Française une et indivisible ( ueuf février
niil sept cent quatre- vingt- quinze , ère vulgaire. )
Voici le texte du décret qui ratifie ce traité :
La Convention nationale , après avoir entendu le rapport de
son comité dé sálut public , décrete qu'elle confirme et ratifie
le traité de paix conclu , le 11 pluviôse présent mois , cutre le
courite de salut public et le ministre plénipotentiaire du grandduc
de Toscane ."
1.1. 1 .
PARIS . Nonidi , 29 Pluviose , 3e , année de la République.
Les restes expirans du parti qui a exploité pendant si long.
tems le brigaudage et le crime cherchent à se ranimer malgré
le cri de l'opinion publique, qui s'eleve contre eux de toute
part . C'est au théâtre d'Audingt qu'ils ont voulu faire l'essai de
leurs moyens . Tandis que les uns avaient fait fabriquer une piece
intitulée le Concert de la rue Feydean , d'autres étaient chargés
de la faire valoir . On s'apperçut bientôt à la représentation
qu'elle n'avait d'ande objet que de susciter la division entre
les citoyens en renouvellant cette odieuse qualification de muscadin
dont on a si étrangement abusé . Elle excitá de violens
murmures , et la piece ne put aller à la fin . Cependant le
spectacle fut cerne , et plusieurs jeunes gens , qui avaient emis
chaudement leur opinion , furent arrêtés faute de n'avoir pas
sur eux leur carte de sûreté . Bientôt après ils furent relâchés .
Le lendemain , malgré l'improbation bien prononcée de
la veille , on a voulu redonner la piece , et les troubles et les
sifflets ont recommencé . Les jeunes gens qui croyaient avoir
payé à la porte le droit d'exprimer leur sentiment , ont été
menacés et outragés par les coupe jarrets , augustes défenseurs
de la piece. On a entendu crier , d'une part : Vive la Conven(
205 )
tion ! vive la République à bas les jacobins et les buveurs de
sang ! c'était le cri de ralliement des improbateurs ; et de l'aptres
A bas le parterre à la guillotine les muscadins !
Le comité de sûreté générale a mis fin à ce choc d'orinions
qui pouvaient avo'r des suites plus funestes , en faisant defendre
la represention de la piece. Il est fâcheux que nous ne soyous
point encore arrivés au point d'écouter anquillement les
productions théâtrales . , sauf à l'opinion à en faire justice avec
le même calme..
Dens le même tems , les patriotes que l'on sait , ont promene
triomphalement dans quelques rues de Paris le buste
de Marat , pour tâcher de le dédommager des honneurs de
l'Egoût ; mais cette jongleric n'a eu aucun succès. Le lende
main on vendait dans les rues de Paris les crimes de Jean- Paul
Marat . Les marchands de cette brochure out cabji icur comptoir
sur la place du Carrouzel , dans le lieu même où s'clevait le
monument en l'honneur de l'ami du peuple
On a affiché ces jours derniers une adresse aux sections et à
la jeunesse parisienne , pour les inviter à demander à la Convention
la fin des angoisses révolutionnaires , ela punition des
brigands qui ont , depuis cinq ans , couvert la France de
sang et de carnage.
Il paraît que le rapport de la commission des 21 va êire
fait, incessamment on assure que Saladin en est charge ,
d'autres disent Sieyes . I ab suto
Un courier parti de Londres , le 27 janvier , et arrivé à la
bourse d'Amsterdam , le 2 fevrier , a annoncé que la chambre
des communes avait rejetté l'emprunt de six millions sterl.
des iné pour l'empereur. Ceux qui connaiss nr les usages
d'Angleterre , en inferent que le ministre Pitt n'ayant pins la
majorité , a dû donner sa démission . On avait publié que le
gouvernement avait mis à Loudres un embargo sur les vaisseaux
hollandais , à la nouvelle de l'invasion de la Hollande
par les Français ; mais on a su que , le 29 , cet embargo n'exis-
Lait point encore . Le stadthouder et sa famille sont arrivés à
Londres , où leur présence a cause beaucoup de fermentas
tion . On leur a donné pour asyle le château de Kiow ,
quelques lieues de Londres .
NOUVELLES
T
9.4
OFFICIELLES.
ARMÉE DES PYRÉNÉES ORIENTALES .
*
2
A
• Roses , le 25 nivôse , l'an 3. de la République.
10
Nous vous avións promis , citoyens collegues , d'entrer
dans Roses par la porte ou par la brêche ; les Espagnols
n'ont pas voulu attendre cette derniere extrémité , ils se sont
35
( rok
rendus à discrétion aujourd'hui . L'armée des Pyrénées
Tales' peut
dire que , dans le siége , elle a vaincu tien
Te's
élémens conjurés contre elle. Dans le principe , il a fallu
pratiquer des chemins dans des montagnes considérées jusqu'a
fors inaccessibles : un zele infatigables braves freres d'armes ont travaillé avec
ils ont eux-mêmes traîné l'artillerie , lés
mortiers , les munitions , et enfin tous les mobiles de guerre .
Ce préalable était nécesssaire pour nous rendre maîtres du
fort du Bouton , et contenir les forces navales que l'ennemi
avait dans la baie de Roses. Le Bouton pris , la premiere
parallele fut bientôt ouverte devant la place de Roses ; mais
les pluies abondantes et la neige remplirent la tranchée d'eau ,
et vingt-trois jours s'écoulèrent sans qu'on pût songer à reprendre
les travaux. L'impossibilité d'ouvrir la seconde tranchée
détermina un nouveeu plan d'attaque qui n'était pas dans les
regles de l'art , mais qui était dans les bonnes regles , puisqu'il
nous conduisait à battre en brêche. Un monticule
offrait un terrain favorable ; l'ordre fut donné ; et la nuit du
To au 11 , une batterie de 18 pièces de 24 fut commencée et
achevée ; le 13 au matin , on commença à battre en brêche ,
et à peine les premieres pierres étaient elles tombées
que les volontaires demandaient à monter . Le feu a été
terrible pendant deux jours déja le mur était trèsendommage
; et la garnison sentant qu'elle aurait fait une
vaine résistance , a profité de la nuit pour s'embarquer en
grande partie . 540 hommes , qui restaient dans la place , se
sont rendus ce matin à discretion ; ils sont prisonniers de
guerre. of
C'est sur les remparts de Roses , et en présence de l'escadre
espagnole qui a la prudence de se tenir hors de portée ,
que nous allons célébrer la fête de l'aniversaire de la juste
panition du dernier des Capet.
Nous ne devons pas laisser ignorer à la Convention . nationale
qu'outre les travanx extraordinaires d'un siège aussi
pénible , nos freres d'armes ont eu à souffrir la pluie , la
neige , la gelée , et que rien n'a pu ralentir ni leur zele ni
leur courage ; les généraux , les officiers d'artillerie et de
genie , tous enfin ont rempli leur tache avec une activité infatigable
.
La Convention nationale , toujours juste , décrétera encore ,
et ce ne sera pas la derniere fois , que l'armée des Pyronées
Orientales ne cesse de bien mériter de la patrie. "
Salut et Fraternité. Signés DELBRET , GOUPILLEAU ( de Fontenay
) , représentans du peuple.
Suite de la relation des principales circonstances qui ont précédé
et accompagné l'entrée des 40 Français en Hollande,
Le lendemain 18 , les états consignerent dans le registre
secret de leurs délibérations une espece d'arrêté , où il est
( 101 )
21
bee
sise de reconnaître toute la perfidie stadthoudérienne , et qui
n'a été découvert que plusieurs jours après . On y á trauscrit
d'abord une lettre du stadthouder , portant : que les circonstances
dans lesquelles la république se trouve , circons
tances qui font présumer à son altesse le sort qui lui est réserve,
au cas que l'ennemi peneire plus avant ; et ne voulant pas être
un obstacle à la paix , dont les bous habitans ont un si grand
besoin , elle s'est décidée à quitter , pour un certain tems , le
pays avec toute sa famille ; espérant que leurs hautes-pais .
sances ne désapprouveront point cette démarche ; et si les
eirconstances permettent un jour qu'elle puisse être utile
sa paurie , qu'elle chérit plus que chose au monde , LL. HH. PP.
la trouveront toujours disposée d'y contribuer de tout son
pouvoir 9. Sur quoi ayant été délibéré , et eu égard aux cir- .
constances actuelles , qui exigent quelques mesures provisoires
qui ne peuvent être prises suivant le mode constitutionnel
des délibérations , a été trouvé bon de déclarer préalablement
que tout ce qui sera décidé en ce moment et dans la suite , ne
pourra porter aucun préjudice pour l'avenir à quoi que ce soit.
Les états généraux écrivirent aux chefs das troupes , ainsi
qu'aux gouverneurs , commandans des villes et forteresses de
l'elar , pour leur donner communication que S. A. le prince
d'Orange et de Nassau , ne s'est absenté du territoire de la répu
blique que pour quelque tems.",
奥
En même tems les personnages les plus riches et les plus
considerables du parti stadthoudérien , ne s'occupaient que
des moyens de mettre leur persoane et leur fortune à l'abri ,
les uns se sauvaient à Hambourg , d'autres à Londres , d'autres
en Amérique ; la mér était couverte de barques fugitives et de
paquebots encombrés :
Cependant la plus grande partie des villes ont révoqué les
pouvoirs donnés à leurs anciens députés aux étars - généraux ,
et en out nommé de nouveaux . Ceux- ci se sont rendus à la
Haye le 26 , et ont ouvert leur première assemblée dans la
salle ordinaire des états , où ils furent reçus par l'ancien secrétaire
Royer: Le citoyen Pierre Paulus fur clu president , et
les citoyens Delange et Spoors , secrétaires .
Après s'être constitués sous le nom de represantans provisoires
du peuple de Hollande , ils ont décrété en général et provisoirement
ce qui suit :
10. La souveraineté du peuple de Hollande et la declaration
des droits de l'homute.
2º. L'abolition du stathoudérat , comme aussi de la charge
de capitaine géneral et amiral des Provinces- Uuies , avec les
prérogatives qui y étaient attachées .
30. Que tous les citoyens et habitans de la Hollande sont
relevés du seraient fait à la sol - disante ancienne constitution
.
( 208 )
a
4°. Que le college des conseillers-députés et de la chambre
des comptes de Hollande est aboli , et qu'à sa place on
établi un comité de bien public , un comité des affaires
militaires , et un comité des finances .
+
50. Que la charge de député à l'assemblée des soi - disant
états-generaaux est révoquée .
60 Que le droit de chasse et de pêche , qui appartient
chaque citoyen sur son territoire est rétabli.
7°. Qu'il sera ponrvu le plutôt possible à l'ordre néces
saire pour prévenir les suites funestes des inoudations .
8° . Que les impositions levees jusqu'à present , seront
continuees provisoirement , mais qu'on s'occupera , le plutôt
possible de les diminuer et de les lever sur un pied plus
exaci de proportion.
*
9º Qu'un courier sera envoyé à Paris pour ordonner
à la co omission des soi disani ctats généraux des abstenir
de faire aucun acie au nom de la province de Hollande
et de se tenir a cet egari pour revuques.
10. Enfin , qu'nue commission , ee de l'assemblée des
representaus provisoires de Hollande , prendra, incessament
scauce dans l'assemblée des etats generaux , pour prendre
soin des interés du bieu pablic .
Pinseurs depuis d'autres villes sont comparus à d'assemblée
des représentans des la seconde et troisieme séance , et ils
ont été admis après la vérification de leurs poavoirse
1 a -la un menoire detaile , redige en français par les
citoyens Leslevenon et van Layden , contenant les motits qui
ont engage les Bataves a se constituer de la maniere quits l'ont
fait , et propre à éclaiaer les repres ntans du peuple français
sur les principes et les vues politiques de notre assemblee
representative .
Le même jour 29 , il a été décrété dô er au grand pensionnaire
van der Spiegel toutes ses charges , et nomm / meat
celle de garde des sceaux sins convenir de la legalité de sa
nomination .
A cet effet , as comm'ssures ont cté nomm s pour recevoir
les sceaux , les chartres ei les registres."
Les deputes de cette province à l'assemblée des états géné .
raux ont été declares no tenus à instruction de 1059 .
et autorisés à concourir aux résolutions dans les affaires pressantes
, à la majorité des suffrages.
Les quatre premiers membres du comité de salut public
ont été autorisés à assister à l'assemblée des états - généraux .
La publicitou solemnelle de la constitution provisoire de
la Hollande doit se faire incessammen . Les armes du ci - devant
statdhouder vont être ôtées par- tout , et la tameuse porte par
faquelle lui seul avait droit de passer , va être ouverte pour
lout le monde .
1
( La suite au numéro prochain.)
( No. 31. )
Fex + 135 .
MERCURE FRANÇAIS.
QUINTIDI 5 VENTOSE , l'an troisieme de la Républiqua.
( Lundi 23 Février 1795 , vieux style:)
POÉSIE.
2
I
IMITATION DHORAGE band an
Si le sort , par faveur insigne ,
M'accorde un champ je le promets ,
Je n'y planterai que la vigne ;
Que d'autres sement les guérets .
Un broc , six vases de fougeres
Table où l'on soit à l'aise assis
Lit bien mollet pour ma bergere
Meubleront assez mun lagis , ·
Je dirai lors , ami , fant boire ;
Qui hait ce jus délicieux ,
Je le prouverai par t'histoire ,
Ne fut jamais l'ami zdes Dieux.a .
et ungulatrits
fob to 19
apat baogic
2006 Pas
Dans un coeur flétti par la peine , sul yvoelltteorsoneli
Le vin ranimant les espritschig sanely enɔht
Avec la chaleur , y famenean you jul ei lepoats.
Le doux espoir , suivi des ris .
ab Quel homme pauvre sur la terre , Astols boka
Quel malheureux avez - vous vuosiusmod sit
Près de la bouteille et d'un verre ? eft
Le pauvre a tout , quand il azbu . no ende ash
21152 2
Il a tout ; sa voix, ranimée ?
Te celebre , ô Dieu des buyeurs ! cape asi 19h
Son coeur plus chaud , & Cythérée !: obis bulok y
Appelle et chante fes faveurs .
Quand j'ai bu , des dons du Permesse
Juse mieux , je fais mieux des vers 7
J'aime mieux amis et maîtresse ,
Je trouve plus gai l'univers.
Buvons donc , mais avec sagesse
Si l'on boit c'est pour mieux
Et jouirait- on dans l'ivresse ?
L'ivresse tuerait le plaisir . shaklë
nob $19
aloin
on 15
1375, 2703 2
quos ash bul
jouir ; 979m1824-
mig d
up in Par le citoyen DAMBREVILLE , conservateur d'un apôt littéraire .
Tome XIV.
{ ars )
"
INSTRUCTION PUBLIQUE.
TROIS
Troisieme séance des Ecoles normales.
ROIS Cours bien importans ont été ouverts dans
cetté séance ; celui de l'art de la parole , celui de l'analyse
de l'entendement humain , et le troisieme de la littérature.
Art de la parole : Jusqu'à présent la grammaire n'avait
été dans les écoles , qu'une science de mots et de
préceptes présentée sous des formes arides , aussi rebutantes
pour les éleves , qu'embarrassantes pour les
maîtres. Il était réservé à celui qui a épié la marche des
idées et de la nature dans les êtres privés de la parole ,
d'en recréer l'art sur un nouveau plan , aprés en avoir
décomposé toutes les parties . Cette tâche est remplie
par le citoyen Sicard avec une sagacité , une élocution
et un succès qui s'est fait remarquer dès la premiere
leçon ; et c'est une chose assez remarquable que la
meilleure et la plus facile méthode d'apprendre à parler,
nous vienne précisément d'un instituteur de sourdsmuets
qui la lui ont enseignée eux-mêmes .
*
Sicard trace dans son programme la route qu'il fera
suivre aux éleves . La parole est le caractere qui , dans
l'échelle immense des êtres sensibles, distingue l'homme
des animaux . L'homme , comme les animaux , avait sans
doute des sons ou des cris pour exprimer le desir et
la crainte , la joie et la douleur ; mais , sans la faculté
d'articuler les sons et de les combiner , l'homme aurait
été borné à de simples sigues d'instinct ; le professeur
présentera donc d'abord le tableau de l'homme privé
de la parole , ou chez lequel la parole n'est encore qu'une
faculté et non un art..
Les sons articulés ne furent d'abord que des mots
isolés , comme les objets qui s'offraient à nos sens . Les
qualités des corps furent confondues avec les corps
eux-mêmes. Le professeur en assignera les véritables
causes. La principale est celle - ci , c'est qu'il n'y a ni
mode ni qualité dans la nature , pour l'homme de la
nature.
En comparant les objets , l'esprit ne tarda pas à voir
( 211 )
1
qu'il y avait des formes que l'on pouvait abstraire
généraliser et considérer indépendamment des substances
qu'elles modifiaient ; de - là l'idée du modificatif
ou de la qualité sur- ajoutée , et celle du sujet qui en
est le support. On indiquera une méthode aussi simple
que facile pour conduire les éleves des écoles primaires
à toutes les abstractions .
Il manquait à l'art de la parole le mot le plus essentiel
, le mot qui sert à rétablir ce qu'a détruit l'esprit
par l'abstraction , le mot qui fait à lui seul le jugement
et la proposition , et lie toutes les idées , le mot que
les latins ne connaissaient sous aucune dénomination
que sous celle de toute l'espece . Le professeur prouvera
que tous les verbes peuvent être rappellés et
réduits à un seul , et la conjugaison.de tous les verbes:
français à une seule conjugaison. Il fera voir comme
on peut simplifier la théorie des tems , en les distribuant
en deux classes , les uns considérés comme absolus,
les autres comme relatifs.
A l'invention de la parole succéda , mais à de trèsgrands
intervalles , l'art de la peindre et de lui donner
, d'abord par des signes hyéroglyphiques , puis par
des signes écrits , une sorte d immortalité que l'invention
de l'imprimerie lui assure à jamais . On fera l'histoire
de cette découverte .
De nouvelles lumieres et de nouveaux besoins perfectionnerent
l'art de la parole . On découvrit des formes.
constantes qui asservirent le langage à des lois dont la
raison consacra les principes ; de - là la grammaire générale
, dont les langues particulieres ne sont que des
idiomes , et comme des branches qui naissent d'un
tronc commun .
L'analyse de la période , de la phrase composée , de
la phrase simple , les rapports de tous les mots entre eux ,
leurs rôles divers dans la proposition , leur signification
propre et figurée , analogique et précise , toujours tirée
des objets physiques , lors même que cette valeur plus
déguisée semble être plus abstraite et plus métaphysique ,
les racines du langage , la maniere de les distinguer , de
les classer , de les réduire au plus petitnombre possible....
Tels sont les caracteres distinctifs des grammaires particu
lieres , toutes nées de la grammaire générale , toutes semblables
, quant aux principes constitutifs du langage ,
et ne différant entr'elles que par des accidens inconnus
à l'homme de la nature , dont l'heureuse ignorance 20üs
donne là- dessus tant d'utiles leçons.
Pa
( 212 )
Le professeur comparera entre elles quelques langues
modernes . pour l'application de ces prmcipes , telles
que le français , l'italien et l'anglais ; et il fera voir ce que
ces langues ont de commun avec la latine , et ce qui les
distingue.
On peut juger par l'esquisse du programme qui n'est
lui-même qu'un résultat tès- serré des profondes méditations
de Sicard , que son plan tout nouveau s'écarte
de cette marche routiniere dans laquelle s'étaient traînés
tous ses prédécesseurs . C'est le fil de l'analyse qui dirige
ses pas dans la recherche de la vérité ; sa premiere leçon
a été consacrée au développement de quelques principes
généraux dont la bâse était énoncée dans son programme .
Il a montié que depuis l'enfant qui bégaie les premiers
mots , jusqu au vieillard qui commence à les oublier ,
depuis l'esprit le plus obtus jusqu'à celui qui a le mieux
exercé sa raison , la parole nous offre tous les degrés d'un
art dans sa naissance , dans ses accroissemens successifs ,
et dans son perfectionnement ; il n oublie jamais cette
maxime qu'on n'arrive au moins connu que par le plus connu.
Il pense qu'il n'est pas indigne d'un cours de langue , d'y
faire entrer un traité sur la meilleure maniere d'enseigner
à lire et à écrire. Et n'est- ce pas là , dit- il , la base de
toute éducation ? Quel professeur de grammaire pourrait
dédaigner de donner à ces commencemens d'instruction
toute la perfection que ne savaient pas leur donner des
maîtres routiniers , qui s'emparaient de la tendre enfance ,
au moment qu'il eût été si important d'employer les plus
grands talens , le plus de bonté et de douceur , pour faire
oublierà l'enfant qu'il n'était plus sur le sein de sa mere . "
Cette réflexion l'amenc naturellement à faire un tableau
plein de graces et de sensibilité sur les soins maternels , et
sur l'aimable et utile influence qu'ils exercent sur la premiere
éducation, Il a terminé sa leçon en annonçant les
bienfaits dont l'esprit humain sera redevable à la liberté
unic à la philosophie , dont il a tracé le véritable caractére
.
.. Analyse de l'entendement Le plus bel attribut de.
l'homme , celui par lequel il occupe la premiere place ,
entre, tous les êtres au milieu desquels il existe sur la
terre , c'est l'entendement , c'est la raison . Tout ce que
fait l'homme , tout ce qu'il veut , et même , à beaucoup
d'égards , tout ce qu'il peut , depend , en derniere analyse
, de la maniere dont il sent les choses , dont il les
( 213 )
voit , dont il en raisonne , dont il les entend , en quelque
sorte. Il y a toujours dans sa pensée quelqu'image et
quelqu'idée distincte ou confuse , réelle ou fictive ,
vraie ou fausse , d'après les lles il conçoit ses desseins ,
il exécute ses ouvrages , il determine ses volontés et il
accomplit ses actions . La faiblesse et la puissance de
l'homme , ses égaremens et sa sagesse , ses vices et ses
vertus , ses privations et ses jouissances , toutes ses qua
lités et toutes ses , destinées , sortent donc , comme do
leur source , de son entendement . "
Malheureusement la raison`n'est pas une faculté qui
soit égale et constante , ni chez le même homme dans
tous les âges , ni chez tous les hommes dans la même
nation , ni chez les mêmes nations dans tous les siecles.
Le germe paraît en avoir été répandu à- peu - près universellement
par la nature sur les générations humaines ;
mais dans le plus grand nombre des hommes , des peuples
et des siecies , ce germe reste stérile ; dans quelquesuns
, le développement commrence et s'arrête pour toujours
aux plus faibles commencemens , d'autres font plus
de progrès ; mais ils entrent et s'avancent dans de fausses
routes , et les acquisitions mêmes de l'esprit deviennent
fatales à la raison humaine . » -
Tel est le début de Garat dans son programme. C'est
pour la premiere fois que entendement et la raison ,
dont les principes ont été si long- tems méconnus où défigures
, vont occuper , dans l'instruction publique , un
rang digne de leur importance .
Le professeur indique d'abord les différens systêmes
qui ont été adoptés pour expliquer une si grande inégalité
des facultés de l entendement parmi les hommes ;
tantôt on l'a attribuée à l influence et à l'inspiration des
dieux , tantôt à la différence des ames , tantôt à la diver
sité des organisations , tantôt à la différence des circonstances
, de la culture , des études , des méthodes et des
travaux . L influence de cette derniere cause n est pas
une hypothèse et un systême ; c'est un fait , et ce fait
remplit Funivers et les siecles : il est répété de toutes
'parts dans l'histoire des individus et dans l'histoire des
nations.
S'il était impossible de ne pas reconnaître cette influence
de la culture sur les esprits , il était difficile aussi
de ne pas comprendre que cette culture , pour produire,
tous ses bons effets , devait être dirigée sur certaines
regles. Elle a pour but de conduire les esprits à la vérités
P 3
( 214 )
1
on dut donc sentir , confusément au moins , le besoin
de savoir par quelle route il faut marcher vers la vérité ,
et à quel signe on peut la reconnaître . Quatre especes
de guide ont été pris tour tour ou à -la-fois , pour s'avancer
avec sûreté dans cette route : le goût , l'induction ,
c'est-à- dire la méthode de Socrate et de ses éleves ; l'art .
syllogistique d'Aristote et de son école ; la méthode des
géometres .
-
Garat fait voir combien ces guides étaient trompeurs.
Le goût jouit de ses erreurs comme de ses sensations
les plus exquises ; il juge de la beauté plus que de la .
vérité ; arbitre suprême et délicat au milieu des talens
de l'imagination , il est comme étranger au milieu des
sciences exactes . La méthode de Socrate , cette espece
d'enquête de la vérité sur faits et articles , s'exerçait.
sur des questions faites sans suite , qui amenaient des
réponses sans liaisons . Elle était bonne pour confondre
le sophisme , mais elle ne créait pas la vérité . Elle con
duisit l'école de Socrate à un doute universel : c'était le
point d'où il fallait partir ; mais ce n'était pas le point où
il fallait arriver et rester. Le syllogisme n'atteint ni
aux fausses acceptions des mots où se cachent les erreurs
, ni aux profondeurs de la nature où se cachent
les vérités. C'est une espece de pugilat de l'esprit , où
l'esprit exerce , accroit , et perd ses forces sans faire aucune
oeuvre utile aux hommes. Si on avait appliqué
la méthode des géometres à tous les genres d'idées , on
aurait pu donner à toutes l'exactitude rigoureuse de la
géométrie ; mais on a pris les formes des géometres et
on n'a point pris leur méthode . On crut les imiter , on
ne fit que les contrefaire .
-
C'est ainsi que l'esprit humain s'est traîné dans des
routes , obscures et incertaines jusqu'au seizieme siecle .
Depuis lors sept à huit philosophes , effrayés de cette
impuissance de toutes les opérations , et de ce désordre
confus de toutes les notions de l'esprit humain , ont
pensé que , pour bien le diriger , il n'y avait qu'un
seul moyen ; c'est de le bien connaître , de le suivre
pas à pas dans tout ce qui lui arrive et dans tout ce qu'il
fait , depuis les sensations qui lui sont communes avec
les animaux , jusqu'aux conceptions les plus compliquées
de la plus vaste intelligence . Ce travail , commencé par
Bacon , a été continué en Angleterre , en Allemagne et
en France , par des hommes qui réunissaient à beaucoup
de courage d'esprit , beaucoup de sagesse,
( 215 )
Passant de l'examen de nos sensations aux divers eme
plois que l'entendement en fait , c'est- à - dire aux faultés
de l'entendement , i ont démontré que toutes
ces facultés , que l'attention , la comparaison , le jugement
la réflexion , la mémoire , l'imagination , le raisonnement
n'étaient que la sensation elle - même prenant diverses
formes , mais ne changeant jamais de nature . Cette
découverte , qui peut paraître très - simple , et que tant
de dogmes consacrés rendaient si difficile, leur a enseigné
comment on peut rendre l'attention plus vive et plus
soutenue , la mémoire et l'imagination plus fideles , le
raisonnement plus exact , la réflexion moins traînante ,
plus souple et plus agile .
Pour refaire toutes nos idées et recréer l'entendement
humain , il était nécessaire de bien connaître et de
perfectionner les langues , ces instrumens qui ne sont
pas moins nécessaires pour communiquer nos pensées
que pour en avoir. L'art de penser avec justesse est
inséparable de l'art de parler avec exactitude.
Après qu'une lumiere si éclatante avait été répandue
sur les sources , sur les facultés et sur les procédés
de l'esprit humain , il n'était plus besoin de chercher
la meilleure méthode ; elle était trouvée . La bonne
méthode , en effet , ne peut être que l'art de multiplier
et d'étendre les sensations distinctes et bien vérifiées
; de diriger les opérations de l'esprit , conformément
à la nature de ses facultés ; de posséder le secret
de la formation des idées de tous les genres , pour
voir toujours clairement comment on les a faites , et
ce qu'elles représentent ; de parler enfin avec préci
sion concision et liaison , pour donner à toutes les
pensées , de la netteté , de la certitude et de l'étendue .
Avec une pareille méthode on pourra se tromper encare
, mais il sera facile de découvrir si l'erreur est dans
la maniere dont on a senti ,, dont on a opéré , dont on
a fait les idées , dont on les a rendues ; et dans quelque
coin de l'entendement que se cache l'erreur , on pourra
l'y poursuivre et l'en chasser. C'est ainsi que les
arithméticiens découvrent et corrigent très - promptement
un calcul mal fait , parce que , connaissant parfaitement
l'artifice de toutes les parties de leurs opérations
, ils repassent rapidement , et de plusieurs manieres
, sur toutes ces parties.
Cette méthode ne s'applique pas seulement à quel
ques genres de connaissances elle s'applique à toutess
P 4
216 )
thique science a des signes et des procédés qui lui
Sot propres mais tous leurs procédés et tous leurs
signes , quand ils sont exacts , sont conformes à cette
méthode , qui est celle de esprit humain.
Tel est , continue Garat , l'objet qui sera traité dans
ce cours : pour le bien déterminer , pour le faire connaitre
j'ai été obligé d'en faire comme l'histoire . Il n'a
pas encore dans notre langue , ni peut-être dans aucune
fangue de l'Europe , une dénomination précise qui
par un seul mot , en réveille toute l'idée . On l'appelle
communément métaphysique ; mais ce mot n'en donne
pas une idée vraie , et il en donne une idée effrayante :
c'est ce mot qui le fait confondre si souvent avec cette
science ténébreuse des anciennes écoles , qui s'appellait
adssi métaphysique , et qui , discourant sans fin sur
les essences des êtres , sur les modes , sur les accidens , sur les
substances spirituelles et non spirituelles , répandait ses ténebrés
sur les idées les plus simples et les plus claires .
Charles Bonnet a substitué au mot métaphysique le
mot de psychologie . Mais ce mot par son étymologie
remonte à lidée de l'ame plutôt qu'à l'idée des opérations
de l'esprit humain : il donnerait l'air d'une science ,
et d'une science à part , à un genre de connaissances
qui par sa nature doit devenir universelle et familiere
tout le monde . Garat a adopté d'après Locke , la dénomination
d'analyse de l'entendement comme la plus courte
et la plus claire pour exprimer ce qu'on se propose ,
en attendant qu'on en découvre une qui caractérise
l'objet d'un seul mbt.
Après la lecture de ce programme , dont nous n'avons
pu indiquer que les idées fondamentales , en faisant le
sacrifice des détails , Garat dans sa premiere leçon a tracé
dune main ferme et savante les portraits de Bacon , de
Locke , de Bonnet et de Condillac , et présenté l'analyse de
leurs ouvrages . « Vous pourrez y trouver , a- t-il dit en
finissant , ce qui pourra manquer à mes discours . Il y a
vingt ans
que , frappé de la lumiere qui sortait de leurs
écrits , quoique destiné peut- être à d'autres genres par
les goats naturels de mon esprit , j'ai toujours été ramené
comme malgre moi , et aux ouvrages qu'ils ont faits , et
aux matieres qu'ils ont traitées. Il y aa vviinnggtt ans que je
les nfédité , mais je n'ai pas encore écrit une seule page:
c'est au milieu de vous que je vais faire Touvrage que
je dois faire pour vous . Nous allons le faire ensemble :
agueres et lorsque la hache était suspendue sur toutes
( 217 )
les têtes , dans ce péril universel auquel nous avons
échappé , un des regrets que je donnais à la vie était de
mourir sans laisser à côté de l'échafaud l'ouvrage auquel
je m'étais si long- tems préparé .
Littérature Dans un exposé sommaire qui sent
comme de préambule à son programme , Laharpe a
annoncé qu'il traitera de l'éloquence , et particuliérement
de celle des anciens , qui ont été les premiers
maîtres de cet art , dans les deux genres les plus
importans , le délibératif et le judiciaire ; sous ce rapport ,
les républiques sont la patrie de l'éloquence . Il n'est
donc pas étonnant qu'elle se soit comme naturalisée
chez les peuples qui ont été long- tems libres .
Il analysera les principes généraux de l'art , et en
démontrera la vérité , en les appuyant par des exemples
tirés des classiques grecs et romains , et par des résultats
politiques et historiques . Il y joindra le développement
des moyens d'appliquer ces principes féconds et invariables
, à l'étude de l'éloquence française , et d'acquérir
l'habitude d'opiner et de haranguer sur-le- champ ,
suivant les regles de la logique , et avec les formes
Foratoires.
Embrassant ensuite la littérature sous des rapports
plus étendus , il fait voir qu'elle comprend tout ce que
les anciens attribuaient au grammairien , au rhéteur ,
au philosophe , et n'exclud que les sciences physiques ,
les sciences exactes et les arts et métiers . Ainsi , la
grammaire raisonnée ou la métaphysique des langues .
la poésie , le premier des arts de l'imagination , l'art
oratoire , le grand art des peuples libres , chez qui
la parole est une magistrature , la philosophie , l'histoire ,
la critique ou les principes du goût , forment le domaine
des belles lettres que les anciens appellaient humaniores
litteras, Mais la grammaire , la philosophie , l'histoire ,
ayant ici des professeurs dont les noms et les écrits
sont un sûr garant du succès , il faut donc se borner et
choisir.
Dans sa premiere leçon , Laharpe a commencé par
quelques notions préliminaires sur l'art oratoire , et sur
les divisions que les anciens y ont admises ; mais il
recommande de ne pas donner à ces divisions et sousdivisions
plus d'importance , ni de valeur qu'il ne faut.
Les anciens avaient distingué trois genres dans l'éloquence
, le démonstratif , le délibératif, et le judiciairè ,
( 218 )
"
Mais qui ne voit au premier apperçu que ces trois genres
rentrent nécessairement par beaucoup d'endroits les
uns dans les autres .
1
Une autre division qui suivait celle-là , paraît au professeur
encore moins fondée , c'étaient la division qu'ils
établissaient entre le gente simple , le genre tempéré ,
et le genre sublime . Ces trois genres peuvent se réduire
à un seul , à la convenance , ce que Quintilien appellait
apti dicere , parler convenablement : ce mot renferme
tout.
Une troisieme classification pouvait avoir un objet
plus direct et plus réel ; ce sont les parties de la com
position. Elles ont été divisées en invention , dispo .
sition et elocution . Cette division est raisonnable ; elle
est bonne dans tout état de cause . Il faut toujours
commencer par concevoir son sujet et les matériaux
qu'il comporte : c'est ce qu'ils appellent l'invention .
Il faut en disposer les parties dans un ordre naturel
et judicieux voilà la disposition. :
Il faut enfin savoir les traiter dans un style adaptê
au sujet , ce qui est l'élocution ; et cette derniere partie
était , au jugement de Quintilien et de Cicéron , la
plus difficile de toutes : elle l'est encore aujourd'hui ;
car c'est en charmant l'oreille et l'imagination , que
l'on arrive jusqu'au coeur , et que l'on parvient à éclairer
et à persuader .
Les anciens comprenaient dans la partie de l'invention
, le choix des preuves , les pensées , les exemples ,
les autorités , les passions à émouvoir , les lieux communs
, etc. Ils comprenaient dans la disposition ce qui
est l'essence de tout discours : l'exorde , la proposition ,
c'est- à -dire la question ou le fait , la confirmation , la
réfutation , s'il y a lieu , et la péroraison.
Le professeur se propose de revenir sur chacun de
ces objets et de leur donner tout le développement
dont ils sont susceptibles.
Les premieres notions générales , dit - il en finissant ,
sont dans les arts ce qu'il y a de plus abstrait , et par
conséquent ne peuvent être exemptes d'un peu de
sécheresse : c'est lorsque l'on vient de la théorie des
préceptes , à l'application des exemples ; c'est alors
que les arts et l'enseignement des arts peuvent atteindre
tout l'intérêt qu'ils comportent ; c'est alors qu'on en
apperçoit toute l'étendue , et on l'apperçoit sur- tout
dans les exemples que nous ont laissé les grands maîtres.
( 219 )
Vous trouverez sans doute bon , que dans les séances
subséquentes , j'applique de tems en tems à chacun des
principes sur lesquels je reviendrai , quelques - uns des
morceaux les plus frappans de cette éloquence républicaine
qui doit servir de modele à la nôtre . Les noms
seuls d'un Démosthenes , d'un Cicéron , sont faits pour
exciter le plus grand intérêt dans quiconque peut se
dire , je suis citoyen d'une république , je puis y devenir
un magistrat , quand même mes concitoyens ne
me nommeraient pas ; la nature m'a nommé si elle
m'a fait orateur.
"
Il ne faut pas oublier non plus , en lisant les im
mortels écrits de ces auteurs ; il ne faut pas oublier
l'espece d'intérêt, que doit répandre sur leur personne
la destinée qu'ils ont eue : elle fut très - brillante , elle
finit par une mort funeste , si pourtant la mort peutêtre
funeste , lorsqu'on périt pour la liberté. ››
VARIÉTÉ .
SECONDE LETTRE DU POLÉMOPHILE.
Quelques idées sur une motion d'ordre relative à la
Constitution.
Après avoir tracé , dans ma premiere lettre , quelquesuns
des caracteres de l'opinion , j'avais résolu d'abord
d'examiner par quels moyens on peut influer sur elle ,
et comment à son tour elle exerce sa force de réaction .
Mais avant de m'occuper de cet objet qui me paraît
assez important pour mériter une discussion particu
liere , je dois vous faire part de quelques idées sur une
matiere qui touche à un intérêt plus direct et plus
général , et qui est parfaitement du ressort de l'opinion .
J'étais allé suivant mon usage à la Convention , pour
y chercher , en ma qualité de Polemophile , quelques
alimens aux fonctions que je me suis imposées . C'était
précisément le jour où Bentabolle s'était donné tant de
peine pour prouver , par motion d'ordre, que la constitution
du 24 juin 1793 ressemblait à l'arche sainte qu'on
ne pouvait toucher sans être frappé de mort. Je fis
d'abord quelques réflexions sur ce qu'on appelle motions
d'ordre. Il me semble , disais - je , que d'après la
lettre et l'esprit du réglement que les représentans ont
220 )
Etabli pour diriger leurs délibérations , une motion
d'ordre ne devrait être autre chose qu'un moyen de
ramener une discussion à son véritable état , lorsque
des opinions qui se croisent , se heurtent et s'embrouillent
, le font perdre de vue. C'est le fil secourable
qui s'offre alors pour retrouver sa route . Mais est - il
convenable , est- il utile de jetter brusquement , au milieu
d'une délibération , une motion d'ordre tout- à- fait
étrangere , et n'a-t-on pas trop souvent abusé de cette
singuliere méthode d'opiner ? S'il y avait un parti qui
eût intérêt d'entraver la marche des travaux d'une assemblée
, ne pourrait- il pas , au moyen d'une tactique adroitement
combinée , prévenir ou éloigner lobjet d'une
délibération , en lui en présentant sans cesse de nouveaux .
L'expérience d'une ruse si souvent employée ne devrait-
elle pas, engager la Convention à prendre des
mesures pour s'en mettre à l'abri , et mieux ordonner
les motions d'ordre .
Mais ce n'est-là qu'une partie accidentelle de mes
réflexions. J'étais tout occupé , en sortant , des idées que
m'avait fait naître le fond de cette discussion , lorsque
je trouvai sur mes pas un de ces hommes dont je vous
ai parlé dans ma premiere lettre , qui ont pris commodément
toutes les formes du jour , afin de mieux déguiser
la leur. A son air éclatant de satisfaction , je jugeai
aisément qu'il était du nombre des applaudisseurs de
la motion d'ordre ; je ne me trompai pas .
--
Convenez , me dit- il , que Bentabolle a raison de ne
pas vouloir qu'on porte la plus légere atteinte à la
constitution . Je suis persuadé , lui répondis -je , que
les intentions de ce représentant du peuple sont bonnes ;
mais ce ne serait pas la premiere fois qu'on se serait
servi des meilleures intentions pour arriver à un but
mal-intentionné , et que la ruse aurait tendu un piége
à la bonne foi. →→→ Comment un piége ? y en a- t -il un
à desirer , à demander qu'une constitution acceptée par
le peuple demeure irrévocable et sacrée . Le piége
n'est pas dans le desir d'une constitution , c'est le voeu
de tous les bons républicains ; c'est le prix glorieux qui
doit couronner tous leurs efforts ; mais supposons qu'il
y eût en France , ou dans l'étranger , un parti ou trom-.
peur , ou trompé , ce que je n'examine pas , qui ne
voulût point de constitution , et qui fut convaincu que
celle qui existe ne peut se soutenir , croyez-vous qu'il
y eût de la mal-adresse à s'en faire hautement le dé
( 221 )
fenseur , sur-tout si cette démarche avait un air de
popularité propre à rehausser un crédit qui chancele ?
Avec de pareilles suppositions , il n est pas un motif
pur que l'on ne parvint à empoisonner . Il est tems de
calmer les inquiétudes des patriótes ; il nous faut une
constitution ; celle- là est faite , elle a été reçue par le
peuple ; il se peut qu'elle ne soit pas la meilleure possible
, mais il vaut mieux une constitution moins parfaite
que de n'en avoir point , et les patriotes doivent
craindre qu'à force de chercher le mieux on ne finisse
par rencontrer le pire . Qui nous garantira que , sous
prétexte de perfection , on ne porté atteinte aux droits
du peuple on a quelque dioit de se défier des
revisions.
*
Je sens , lui répliquai-je , que vous pressez , que vous
multipliez vos raisonnemens , comme si vous aviez peur
de n'avoir pas raison ; ma marche n'est pas aussi rapide ,
et pour vous mieux atteindre , je suis forcé d'aller moins
vite. Je m'attends bien que ce que je vais vous dire
n'ébranlera pas votre conviction , elle est faite ; mais il
m'importe que vous connaissiez les motifs de la mienne
qui m'appartient. Il ne faut pas que vous croyez que
l'opinion publique soit la dupe de toutes ces jongleries
.
Vous parlez de l'inquiétude des patriotes , c'est- à - dire
des vôtres. Ne serait- ce point que vous cherchez à la
créer , sous prétexte de la détruire ; c'est en vérité un
zele trop officieux et bien prématuré ; car je ne vois
pas dans tout ce qui s'est passé à la Convention qu'il
fût question , ni de près , ni de loin , de porter atteinte
à l'acte constitutionnel . Je n'examinerai point par qui
et dans quelles circonstances cette constitution a été
faite , et si elle est mauvaise parce qu'elle est l'ouvrage
d'un parti ; tout cela m'importe fort peu , j'oublie les
personnes et ne vois que les choses .
Comment se fait-il que ceux qui ont rédigé si prompsement
cette constitution à une époque si critique , qui
l'ont présentée avec un empressement si actif aux assemblées
primaires , l'aient mise tout à -coup de côté après
l'acceptation du peuple ? Ne dirait-on pas qu'ils l'ont
faite bien plus pour eux-mêmes que pour la nation ,
bien plus pour donner le change a l'esprit public qu'ils
redoutaient , que pour le bonheur de la république ?
Comment se fait-il que pendant plus de deux ans ç'ait
été un crime digne de mort que d'oser prononcer le
( 222 )
mot de constitution ; qu'elle ait été si indignement vio
lée dans ses principes comme dans ses dispositions ;
que chacune de ses pages ait été effacée par des actes
de la plus affreuse tyrannie , et que ce soit précisément
lorsque le jour de la justice , de la raison et de la liberté
se leve pour tous les Français , que l'on manifeste des
inquiétudes si tardives sur l'intégrité de son existence ?
Comment se fait- il qu'aussi- tôt que Barrere s'est apperçu
que les regards se fixaient sur lui et sur ses complices
, il ait sorti cette constitution des archives où ils
l'avaient reléguée , pour engager l'Assemblée , par une
égale motion d'ordre , à se lier par serment de ne pas
y retrancher une seule syllabe Convenez que si ce
n'est pas là une raison de la rejetter , ce n'en est pas
une du moins de s'interdire à l'avance le droit de
l'examiner. S'il s'agissait ici de soupçons et de défiance ,
qui
qui pourrait les faire naître , si ce n'est cet ensemble
de conduite et de duplicité ? Mais il ne doit s'agir que
de l'intérêt public , et sur ce point jamais la discussion
ne doit être fermée."
Je ne veux point entrer dans l'examen de la constitution
, ni rechercher si elle atteint le but qui convient
à l'intérêt d'une grande société qui se réorganise
; je me décide par des considérations plus franches ,
et auxquelles je ne vois pas de réponses satisfaisantes .
Si cette constitution est bonne , si la liberté individuelle
et la liberté publique y trouvent leur sauve - garde ,
sile gouvernement y est établi de maniere à avoir un véritable
gouvernement, pourquoi craindre de la soumettre à
l'épreuve d'une nouvelle méditation ; elle n'en sortira
qu'avec un droit plus assuré à la confiance publique .
Si au contraire la constitution est défectueuse dans
quelques-unes de ses parties , si même elle est susceptible
d'un plus grand degré de perfection , pourquoi
renoncer à l'espérance , je dis plus , à l'obligation de
corriger ses erreurs , ou d'ajouter le mieux au bien qui
s'y trouve ? Il y a dans cet mpressement à lier les
mains à des législateurs , je ne sais quoi de si étrange ,
de si contraire à la raison , à l'intérêt général , et à la
perfectibilité de l'esprit humain , que je ne conçois pas
comment il peut venir dans l'idée de les emprisonner
dans un cercle , et de leur dire : Voilà la barriere que
vous ne pourrez franchir.
ne
Une constitution n'est pas une chose indifférente pour
un grand peuple ; ce n'est pas seulement son bonheur
( 223 )
70
9.
qui en dépend , c'est sa sûreté. On ne peut calculer
l'étendue des maux qui résulteraient d'une constitution
vicieuse , et souvent avant de sentir la nécessité
de la réparer , le mal est sans remede et l'état est perdu.
Après les orages d'une révolution que tous les genres
de crimes ont si horriblement prolongée , et qui a
failli à précipiter la France dans une ruine absolue
faut- il se condamner à la nécessité de s'y replonger de
nouveau , et de se confier à l'incertitude des événemens ?
Si les lois les meilleures sont celles auxquelles, on est
Te moins obligé de toucher , une constitution doit être
encore moins sujette à ces variations. Un peuple qui
refait sans cesse sa constitution , n'en a jamais aucune ;
car le sentiment qui doit y attacher s'affaiblit à mesure,
qu'il change l'objet de ses affections. Cet état de mal-aise
et de versatilité est le symptôme le moins équivoquo
de la désorganisation sociale . C'est précisément parce
qu'une constitution doit étendre ses bienfaits sur de
nombreuses générations , qu'il faut la méditer avec soin ,
et qu'il convient d'en perfectionner le modele , avant
de le jetter en bronze . Vous pouvez juger maintenant
ajoutai-je , quels sont les meilleurs patriotes et les plus
sinceres amis de la constitution , ou de ceux qui veulent
en avoir une bonne , afin de la rendre durable , ou de
ceux qui se montrent si faciles à se contenter d'une médiocre
, afin de n'en avoir bientôt plus.
Vous semblez redouter le sort d'une revision , et dans
les tourmens de votre sollicitude si prévoyante , vous
faites des rapprochemens qui ont un caractere de bonne
foi si frappant , qu'on ne peut plus suspecter votre patriotisme.
Mais je crains que le public ne s'en forme
une autre opinion . On est aujourd'hui assez avancé
pour savoir que nous ne sommes plus ni au tems , ni
aux circonstances , ni aux hommes de la revision de
1791. Les reviseurs tenaient précisément le même lan
gage que vous . Quand on voulait examiner , discuter et
contredire leur travail , ils disaient : Vous ne voulez done
point de constitution . Avec ce mot , répété si souvent par
d'André , tous les articles enfilés par douzaine furent
adoptés de confiance , au grand contentement du côté
droit et de la minorité qui riaient de toutes ces jongleries .
Aujourd'hui , quelle différence ! cette cour astucieuse
et corruptrice n'est plus ; le tems a démasqué tous les
partis ; l'opinion mûrie par l'expérience ne veut rien
adopter sans examen , et s'il était un moyen de
( 224 )
tromper , ce serait celui que vous indiquez . Tant qu'il
sera permis d'émettre librement sa pensée , croyez que
le résultat ne sera jamais une trahison . On a mis, au
concours de simples livres élémentaires . Eh bien ! que
T'on soumette la constitution au jugement de l'opinion ;
que l'on appelle sur elle toutes les lumieres , toutes
les vues que l'on invite solemnellement tous les amis
de la liberté à s'expliquer sur ses dispositions , et à
présenter leurs idées sur la meilleure forme de gouvernement
convenable à la République Française ; qu'on
laisse à l'opinion le tems de recenser et de juger tous
ces, plans , et croyez que de tous les reviseurs celui- là
est encore le plus sûr et le moins susceptible d'erreur
et de corruption . Pour moi , je suis si convaincu de
cette vérité , que je vais publier notre entretien et
faire un appel à quiconque voudra écrire sur la constitution
de 1793 .
3
Là- dessus , nous nous séparâmes , et je courus m'enfermer
chez moi , pour jetter sur le papier les idées
qui venaient de faire l'objet de notre conversation ;
je vous les envoie .
POLEMOPHILE.
NOUVELLES ÉTRANGERES.
DEs
ALLE MAGNE.
De Hambourg , le 5 février 1795 .
JI
*
Es lettres de Pétersbourg , du 4 février , s'expriment ainsi
Nous ne savons encore rien sur le plan de gouvernement
arrêté par notre cabinet , relativement aux contrees de la Pologne
nouvellement envahies . Il est probable qu'il faudra continuer
d'y tenir sur pied' beaucoup de forces militaires , puis
qu'à l'époque de l'insurrection , il y avait dans ce pays
80,000 Russes et 30,000 Prussiens , qui furent insuffisans
pour l'arrêter , et que tous les rapports qui en viennent s'accordent
à dire que la disposition des esprits , quoique comprimés
par la terreur , est à- peu- près la même. Les prépa
ratifs de la Porte ottomane et les intentions où l'on croit la
Suede , exigent cependant qu'on ait des forces disponibles .
En
( 225 ))
م
1
En conséquence le cabinet de Pétersbourg doit êtres dans
une grande perplexité:
La Russie est en outre affligée , dans plusieurs parties des
son vaste empire , de maladies epidemiques , attribuées avec
raisons aux vaiiations prodigieuses de température qu'on a .
éprouvées cette année . La Newa ne taisait que grovsir et décroitres
ce ne fut que le 3 de decembre qu'elle fut glacée ,
et le 5 , le thermometre toba à 18, degres au - dessous du
point de congeilation , chaugement qui ne put manquer d'a
voir une influence funeste str / economie animales - 450
* Kosciuszko est arrivé chez nous , rajoutent les mêmes letbes
, avec les généraux Szierakowski , Grabowski , deux de
saides de camp , dont d'un s'etait fait connaitre avant -la
revolution par differens ouvrages de littérature estimés , Tous
qut ete conduits à Schlusselbourg , où ils seront détenus probablement
pour le reste de leurs jours.
D'autres lettres de Varsovie et des frontieres de Pologne ,
datées du 22 janvier , après avoir annoncé l'arrivée dans la
capitale d'un secrétaire de légation , de la part de la Prusse ,
qui doit s'y arrêter six semaines , se livrent à diverses conjectures
sur la maniere dont les trois puissances co - partageantes
acheveront d'effectuer le démembrement de la Pologne.
Elles mettent en avant le plan qui faisserait intacte
une petite partie de cette contrée ; dont on ferait une monarchie
héréditaire. Le titre de roi serait donné à un archidue
d'Autriche , à condition qu'il épouserait une des petitesfiles
ade Gatherine II.
Stanislas , daus son voyage à Grodno , où il est arrivé le 13 ,
s'est arrêté deux jours à Bialistock , terre appartenante à l'une
de ses soeurs. Il est probable qu'il ne réverra plus Varsovie ;
car à peine l'avait-il quitté que nou-seulement on supprima
les gardes de la couronne , mais même qu'on notifia aux en
voyés des différentes puissances la cessation de leur mission .
On ne croit pas même qu'il reste à Grodno ; quelques-uns
disent qu'il sera conduit à Pétersbourg , d'autres à Mohilow.
Son neveu n'a pu obtenir la permission de l'accompagner ;
il est resté malade à Varsovie , mais presque en liberte.
De Francfort- sur- le-Mein , le 13 février.
⚫ Des lettres de Berlin , du 24 janvier , disent que si les
communications se sont ralenties entre l'Autriche et la Prusss ,
elles sont plus actives que jamais entre cette derniere puissance
et la Russie ; elles ne parlent que d'envoyes respectifs ,
on pour mieux dire de couriers expediés de part et d'autre .
Un courier arrivé le 22 , qui a annouce l'invasion victorieuse
des Français en Hollande , a fait la plus vive sensation
à Berlin . C'était y annoncer en effet que la soeur de Frédéric
Guillaume avait été forcée de descendre du trône ; car la
Tome XIV.
( 126 )
femme de capitaine général des Provinces - Uniés était bien ,
quoi qu'on en pât dire , une reine dans toute la force du
mot. Suivant ce même courier , les fugi ifs ont dû se sauver
en Angleterre comme l'endroit le plus près ; c'est aussi celui
où ils ont le mieux payé leur gite , en aidant M. Pitt trous
ver de l'argent pour l'énorme subside donné si gratuitemens
à la Prusse , qui n'a presque rien fait dans la derniere came
pagne. Ges nouvelles arrivées un peu plutôt, auraient singu
licrement troublé la fête du prince Heuri , célébrée le 18. On
croit que ce prince passera l'hiver à Berlin , et s'y occupera
d'affaires importantes , notamment du grand onvrage de la
paix. On continue pourtant à parler de la guerre . Mais comme
elle n'a point réussi sur le plan de campagne adopte , on dit,
eas il faut bien dire quelque chose , qu'on en suivra un nonveau
. Gependans il est probable que les affaires de Pologne ,
ou du moins leurs suites , occupeut beaucoup plus la Prusse
que les intérêts , de la coalition , qui n'en doit pas attendre
de grands secours , même en les payant. fort chers témoin la
Grande-Bretagne , à qui l'on n'en a sûrement pas donné pour
son argent.
Tandis que la Prusse néglige ainsi les affaires de la coali
tion , ou n'y songe que faiblement , elles font l'unique objet
des soucis et des inquiétudes de l'Autriche , doublement em
barrassée ,• parce qu'elle ycut en même tems prendre des
mesures pour que sa part du gâteau des rois ne lui échappe
pas. Aussi a-t- elle dans ce moment 60,000 hommes en Pologne.
Pour parvenir à completter ces troupes , ainsi que celles
qu'on envoie es qu'on enverra encore aux armées du Rhin
il a fallu avoir recours à un recrutement extraordinaire qui
pese beaucoup sur tous les états héréditaires. La ville de
Vienne doit fournir à elle seule 7000 hommes , sur une popus
lation de 150.000 ames. Or , pour peu qu'on ait d'idee de
ce que c'est qu'un recrutement , on trouvera que toute défalcation
faite , il faudra prendre un individu sur quatre ou cinq
au plus de ceux ea état de porter les armes. Voilà pourtant
les sacrifices qu'on se trouve forcé d'exiger du peuple , parce
que le cabinet de Vienne n'a pas voulu qu'une autre nation
se donnât un gouvernement de son choix.
D'autres personnes qui aiment à enfler les ressources de
l'Autriche , tout en convenane qu'on n'a point encore cessé de
parler de paix , et qu'un certain comte Deodati est à Bâle,
pour y travailler , assureut qu'on ne se ralentit absolument pas,
sur les préparatifs d'une nouvelle campagne , qu'on a 180,000
hommes effectifs à opposer aux Français , et que sur tolle.
l'artillerie est plus nombreuse et plus formidable qu'on ne l'a
jamais eue dans aucune guerre , malgré toutes les pertes
essayées dans la derniere campagne.
On a aussi des renseignemens par la voie de Vienne sur le
ر
((227 ))
་
1
J
#
J
sort futur de la Pologne ; mais peut - on y compter ? c'est
encore une question. En attendant , voici le bruit qui circule •
Varsovie entrera dans le lot du roi de Prusse ; Cracovie es
son territoire dans celui de la maison d'Autriche , et presque
tout le reste sera la part de la Russie , qui , ayant fait une
mise de fonds plus considerable et couru plus de risques
doit avoir aussi plus de bénéfice : car il faut être juste ,
cepté envers ceux que l'on dépouille .
t
Au reste , les cours co -partageantes ont grand besoin de
trouver des ressources , sur- tout la Prusse et l'Autriche : la
premieres a dépensé follement les trésors amassés par Fredéric
le- Grand , dans une guerre qui au fond në l'intéressait en rien;
la seconde s'est également épuisée d'après des motifs un pèu
plus spécieux , et aujourd'hui , graces à cette guerre et aux
rigueurs de la saison , la cherté des denrées est , proportion
gardée, aussi sensible à Vienne qu'à
ple : deux oeufs y coûtent aujourd Paris . En voici un exem
' sept huit creutzers ; ✨
encore en trouve t- on difficilement à ce prix . On imagine
bien que les autres choses ne sont pas à meilleur marche.
La cour estaux expédiens , et sur tout depuis qu'elle sait ou
présume que les six millions st . qu'elle empruntait à l'Angleterre
ne lui seront pas accoides , d'après le refus du parlement;
elle va presser le complément d'un nouvel emprunt à 5 pour 100 ,
qui a dû être ouvert le 1er février. Il est comme tous ceux
qu'on fait en pareilles circonstances , à des conditious trèsonéreuses
à l'état .
1
La misere et la dépravation , et peut- être ces deux causes ,
ont multiplié les filoux et les coupeurs de bourse dans la
capitale. Ce qu'il y a de bien étrange , c'est qu'on vient de
découvrir que
l'un d'eux est le professeur Pinetti , que ses
expériences physico- electrico - magnétiques ont rendu si fameux
dans toute l'Allemagne : il vient d'être mis en état d'arrestation.
Quelques efforts que fasse l'Autriche , elle aura de la peine
à conserver la coalition ; da moins dans l'état nécessaire pour
diployer des moyens de vigueur contre un ennemi qui , au
total compte infiniment plus de succès que de désavantages ,
car l'Angleterre , qui travaille bien plus ponr elle que pour
la coalition , et qui a déja enlevé à prix d'argent des troupes
dont l'Autriche aurait pa faire usage , va , dit - on , aussi
prendre à sa solde le corps de Conde . Les recrutemens ont
d'ailleurs beaucoup de peine à se faire , et c'est peut- être.ce
qui doune lieu au bruit qui court , depuis quelque tems
d'un arrangement par lequel l'Empire serait declare neutre ;
sien de moins probable au reste que cet arrangement , car le
corps germanique ne peut separer ses intérêts de ceux du
chef de l'Empire ; autrement il lui ferait la loi et le forcerait
ainsi à faire la paix.
Q &
"
((228 )
Suivant des lettres d'Osnabruk, du 28 janvier , il paraitrait
que la campagne d'hiver était entierement finie pour tes
alliés , en effet , quelques régimens anglais devaient sartiver
incessamment dans cette ville pour aller en quartier d'hiver
et les Hanovriens et Hessois passaient , dans la mênie intens
tjou , dans le pays de Munster . La caisse de guerre des Anglais
était déja arrivée , et l'on attendait leur hôpitals Au
reste , les Hollandais se souviendront long - tems d'avoir cu
de pareils défenseurs . Hest impossible de se faire une idée
des brigandages effectués par cette soldatesque effrénée , dont
quelques officiers étaient les complices , et les autresi
vaient pas L'autorité nécessaire pour arrêter ces délits. Ainside
Le fugitif d'Artois étie à la même époque , depuis quatre
jors à Osnabruk ; mais il devait en partir incessamment
pour se rendre Pyrmont , apparemment aux caux , «car-ni
lui ni son frere ne compromettent leurs augustes persones;
et il n'y a que la famille de Condé qui montre quelque cou
rage. On ne sait pas si ce départ est le fruit d'une cordons
nance qui paraît dans ce moment , suivant laquelle il est
défendu aux Français émigrés des journer plus longtems
dans cette ville .
Les Français paraissent se tenir tranquiles devant la place
de Mayence , et les paris sont qu'ils ne la prendront poin ,
ou du moins auront beaucoup de peine à y reussin. Au reste,
il n'en est pas de même de Luxembourg , on croit quê cette
forteresse sera bientôt entre leurs mains.
La débâcle du Rhin n'a pas laissé que de causer des ravages ;
celle du Mein en a fait aussi , et le Nidda furieux comme je
Lahn a refusé , le 30 et 51 janvier , tout passage pour notre
ville ; il a tout renversé dans le conrs qu'il a pris .
On sait , par des lettres de Franecker , que les Anglais ont
laissé à Rotterdam un magasin de blé montant às 100,000 fflors
Un paquebot qui devait avoir à bord beaucoup d'argent com
ptant , s'est trouvé pris par la glace dans le Texel C'est austi
le sort qu'ont éprouvé 35 autres vaisseaux , chargés en grande
partie de beaucoup d'artillerie impériale pour l'Allemagne .
Les Anglais en ont brûlé 40 sur le Leck , et les Impériaux
quelques-uns près d'Arnheim , qui contenaient beaucoup de
vivres et de provisions . Un magasin à poudre a été aussi jetté
à l'eau.
ANGLETERRE . De Londres , le 9 janvier 1795
Débats du Parlement. Chambre des Communes .
Suite de la séance du 5 janvier.
C'est ainsi , ajoute M. Windham , qu'en prêtant des express
mony exagérées , et les accouplant avec des faits supposery
( 229 )
19
tonaigrit l'esprit du peuple , et qu'on lui désigne des victites.
Comment ue rougit - on pas quand on pense à l'inters
prétation forcée et malicieuse qu'on a donnée à l'expression
de troupe moutonniere . Ces mots , d'une sentence très belle
d'un excellent écrivain isolés avec art et méchamnent par
des hommes qui en connaissaient bien la vraie signification , on
les a fat circuler à dessein dans tout le pays , on en a fait
ancri de carnage et de destruction , qui est conserve daus
J'arsenal des poignards , pour s'en servir dans une meilleure
occasion. Ce ne sont pas là des moyens indifferens , et il
n'est personne qui ne sente l'usage qu'on en veut faire .
li M. Windham passe ensuite à la question, il dit qu'un crime
peut être prouvé à un certain dégré , quoiqu'insuffisant pour
opérerdans l'amé desjurés une conviction telle qu'elle les déter
mine à prononcer un jugement dont résulte la peine de mort,
et que , par conséquent il est des cas où le coupable est
acquitté.
A
On demande où est la conspiration , comme si un poignard
dans la main était nécessaire pour la constater ; comme s'il
ne pouvait y en avoir d'autres que celle littéralement spe
cifice par l'acte d'Edouard III . Le langage des partisans de
çe sys ême ne prouve quel trop son existence . Nous savons
tous que le danger consiste à empoisonner l'esprit public
sezeiter des mecontentemens , à profiter de ceux que font
naître des momens de détresse , inévitable dans toute société ,
à s'efforcer de persuader au peuple que tout gouvernement
est une usurpation de ses droits..
L'honorable membre a dit , qu'il n'y avait aucune affinité
entre d'état de l'Angleterre et celui de la France ; et de - là
ce paradoxe , que l'ancienne monarchie était la cause de tant
d'atrocités qui viennent de déshonorer l'humanité . Mais , si
cela est , pourquoi n'ont- elles pas commencé avec la révolution
, lorsque l'enthousiasme d'une nouvelle émancipation
était à son comble ? Elles ont , au contraire , commence dans
uu tems où la mémoire de l'ancica gouvernement était effacée ,
et n'ont fait qu'aller en croissant comme un cone renversé . I
M. Hardynge déclare que c'est lui qui a dit : Perisse notre
commerce, et vive notre constitution ; mais il prie la chambre de se
ressouvenir que ces paroles n'ont élé dites que dans la supposition
que l'un d'eux dûre être sacrifié .
Le major Maitland , lord Titchfelds, et M. Fox , parlentchacun
un moment ; mais ce qu'ils disent est plus relatif à la
réforme parlementaire qu'à la question.
M. Erskine soutient la motion dans un discours très- étendu ,.
jendant à prouver qu'il n'existait pas de conspiration ; et
que , par conséquent , si les ministres voulaient renouveler la
suspension de l'habeas corpus , ils devaient faire voir la nécessité
de cette mesure par de nouveaux moyens.
Q3
( 250 )
1
M. Adair commence par dire que la suspension de l'habeas
corpus était infiniment restreinte, puisqu'elle ne s'étendait qu'au
crime de trahison , et que pour rons les autres , l'acte demeu.
rait dans sa pleine vigueur . Il examine s'il y a lieu de retirer
les pouvoirs confiés par le parlement au pouvoir exécutif; et
comme le jugement d'absolution porté par les jurés , est le
seul motif qu'on ait allégué en faveur de la motion , il suppo
sera qu'il y en avait d'autres. Il faudrait , selon lui , ignoret
absolument les lois criminelles d'Angleterre , et la pratique des
cours de justice , pour soutenir qu'un homme acquitré est nécessairement
innocenti est bien vrai qu'il est auxyeux de la
loi , qui lui assure sa vie , ses biens , et s'oppose à ce qu'il
soit accusé de nouveau pour le même faits Mais on sair
aussi que c'est un principe d'humanité , que dans le doute , de
prisonnier doit être acquitte , et ce principe nagit jamais plot
fortement sur l'esprite duajurys que lorsqu'ib sagit de la vie
d'un homme. C'est un motit tres- fort pour les jurés , quoique
non toujours justifiable yodes se divrer à la pitié. Quand la loi
déclare qu'il vaut mieux que vingt coupables échappent, qu'un
innocent périsse , elle dit une chose également fondée en justice
et en miséricorde mais eltel montre en même tems comment
il est possible d'échapper à la punition , sans pouvoir
prétendre à innocence . Si l'opinion du jury eût été foudée
sur la mon-existence de la conspiration , il eût dit sau
conseil de la couronne , avantde lai laisser entamer les preuves
personnelles contre Paccuse . Ne nous donnez pas une preuve
inutile , nous sommes convaincus qu'il n'existe pas de cons.
piration . D'ailleurs si le jury alavait aucun donte de l'innocence
des accusés , pourquoi serait-il resté mois heures à
se décider dans le procès de Hardy , et deux dans celui
de Thelwal. Tega
}
"
2
M. Adair retrace ensuite ce qui s'est passé dans les différentes
sociétés li diu qu'elles ontstivi les mêmes principes
qui ont renversésune grande monarchie. H veut voir ces
sociétés se dissondre , avant de consentir a la révocation d'un
bill , qu'un danger qui subsiste encore nécessitem grana
M. Fox replique et sonnent que le jagement par ijísty a
détruit toute idica de cunspiration topu aqu'it a sequi retesz
qu'on.ea..supposait les chefs , accusesit's ministres d'ève les
anteurs de toutes les alarmes répandues en Angleterre, Ibient
recommande de ne poinu détruire son gouvernement par lua
système de crainte at de terreur , de aendre au peuple ses
droits , et de lui procurerda paix , ce qui est le moyen te pius
sûr de conserver la constitution , ou suJMOVARER S
Plusieurs membres parlent encore pour ou contre la motion,
La chambre se divisor; silay a pour la motion , 41 ¥quas f
contre , 1:1851;0 majorités, 144. si
Jalog up of La suite du temira prochain:
la
( 851 )
M
H
-C
1
售
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
CONVENTION NATIONALE.
BARRAS.
Béance du septidi , à Pluviose.
Le représentant du peuple près de l'armée de l'Ouest écrit
des Sables que huit marins Français , prisonniers en Irlanda ,
sont arrivés aux Subles ; la haine de l'esclavage leur al fait
briser leurs fers et enlever un sloop qu'ils ont conduit ici.
Rien n'égale les dangers et les souffrances qu'ils ont endurées.
Les Irlandais d'après leur déposition sont las de la tyrannie . Els
soupirem après la liberté et l'arrivée des Français . Ils ne
weulent fournir ni matelots ni soldats au tyran Geotges et
les ont aides eax - mêmes à briser leurs fers ..
Mention honorable et insertion âu- bulletin.
Becker , en mission à Landau , annonce à la Convention
que l'explosion de l'arsenal de cette place n'a pas causé autant
de dégâts qu'on l'avait d'abord dit. Cependant beaucoup de
eitoyens en ont ressenti les tristes effets . Les rigueurs de la
saison ont ajouté à leurs souffrances , leurs maisons sans toit
s'offrant aucun abri contre la rigueur du froid extrême qui
s'est fait sentir. Cependant ces patriotes n'ont fait aucune
plainte. He mettent toute leur confiance dans la Convention,
et le représentant chargé des indemnités achevé de les con
soler. Le jour de l'anniversaire de la mort du tyran y a été
célébré au milieu de la joie la plus pure et la plus vive. Insertion
au bulletin.
Delamare au nom du comité des finances , fait rendre le
décret suivant : La Convention nationale considerant l'impossibilité
où s'est trouvée la classe la plus intéressante des
créanciers des hôpitaux , maisons de secours , bureaux des
pauvres et autres établissemens de bienfaisance , de produire
leurs titres de créance dans is fixés par les décrets des
#3 messidor et 21 frimaire à ra son des formalités
nécessaires , proroge jusqu'au 1ª , floreal prochain, le delai
¿qui m'avait été- fixé aù ger, ventôse pour le dépôt desdits
titres.
⠀ Boarden ( de l'Oise ) : Nous avons vaineu gos eunemis du
dehors et comprimé ceux du dedans . Il nous resté à faire une
chose essentielle , c'est de mettre de l'ordre dans les finances.
On vous a dit plusieurs fois que les créanciers de la Réptblique
étaient payés i bureau ouvert. Il est aisé de payer
insi , lorsqu'on ne liquide que sept à huit personnes par jour.
Gependant les sentiers et les propriétaires qui ont afferni leurs
Q4
( 232 )
biens en argent sont ruinés , par la trop grande quantité ďassignats
. Bourdon demande que trois jours par décade soient
consacres aux finances .
Vernier rend compte des travaux du comité des finances .
Il en demande la permanence , jusqu'à ce que la Convention
ait adopte les grandes mesures qui doivent, consolider le crédit
public .
Cambon dit qu'on liquide trois mille personnes par décade ,
et qu'il doit Ꭹ . avoir cinquante mile
créanciers liquidest
Bentabolte soutient que les fiances n'inspireront aucune
confiance tant que l'ordre ne regnera pas dans la République ,
et que des partis se disputeront , tant que le parti de l'ope
position aura des espérances un jour , qu'il perdrà le lendemain
et rattrapera le surlendemain . Il dénonce une feuille de Frézon
dans laquelle il attaque la constitution , et prétend qu'il faut
polir de cette constitution ce qui est trop grossier , et donner
plus de force à ce qui est trop faible . Bentabolle termine en
assurant que la constitution étant attaquée par un parti puissant
, la chose, publique était en danger , song
Thibaudeau pense que cette crainte n'est qu'une chimere
mise en avant pour détourner l'attention de l'Assemblée , euil
déclare que s'il trouvait dans la constitutione un article qui
ne lui sembiât pas bon , il croirait avoir le droit de le critiquer
, tout en s'y soumettant , et que si cette faculté n'existait
pas , il y aurait pas de liberte en France . L'on parle de
confiance , il n'y en aura point tant qu'il n'y aura point de
stabilite dans le gouvernement . Il faudra bientôt aborder cette
fameuse loi du 17 septembre et Outes ces lois révolutionnaires,
qui ne sont qu'arbitraires . Il faudra proscrire ces dengminations
qui faisaient qu'il n'y avait dans la République que
des jacobins , des modérés , des maratistes , des federalistes at
pas un citoyen , pas un ami Thibaudeau demande que la
commission qui est chargée du travail sur le mode de gon
vernement soit tenue de faire un rapport , dans le délai
d'une décade . Ceue proposition et celle de Bourdon sont
decrétées .
Séance d'octidi , 28 Pluviose .
$
1
m ob asuit #1031
19 Rib . Le
La société populaire d'Avignon invite la Convention à ne
pas souiller le Pantheon en y plaçant les héros du crime et
du mensonge . Elle dement l'exploit du jeune Viala qui n'a
perdu la vie , qu'en se livrant à des jeux , indecendbest faux
qu'il ait coupé le cable du bateau des Marseillais eu qu'il leur
ait intercepte le passage , puisqu'ils franchisent la Durance pour
mettre Avignon a feu et à sang. le sibs 1007
Mention honorable insertion au bulletin et renvoi au comité
instruction publique ,
Vernier , au nom du comité des finances , rend compte de
( 233 )
"
l'état où se trouve la liquidation de la dette nationale. Le
nombre , des , bulletins remis pour la dette consolidée est de
quatre- vingt mille . Il convient que la liquidation , sur -tout à
Jegard du viager, a éprouvé des lenteurs , mais elles étaient ins
separables d'une réforme qui offrait un immense cahos . Lé
comité s'occupe à accélérer. Quant à l'administration gènerale
, tout est dans le plus grand ordre , et il ne reste plus qu'a
traiter du fond des choses , et heureusement cet important objet
fixe l'attention de l'Assemblée.
bDubois - Crance , au nom des comités militaire et de salit
public , soumet à la discussion un projet de décret relatif &
l'organisation de nos armées . Il présente entr'autres cette
disposition , que dans toutes les troupes de la République ,
l'avancement qui était attribué à l'ancienneté de service , le
sera dorénavant à l'ancienneté de grade, à grade égal et de
même date. Le plus ancien dans le grade inférieur sera promu
à la place vacante ; les représentans aux armées ne nommeront
pas même provisoirement , et nul individu ne pourra monter
en grade sans avoir été préalablement examiné sur les fonctions
#
T
' il aura à remplir , et tout officier qui ne sera pas jugé assez
instruit , redescendia au grade pour lequel il sera jugé avoir
des connaissances suffisantesencjci ,
un
Choudieu s'est fort élevé contre cette disposition . Il eraint
qu'il ne donne lieu à un arbitraire révoltant. Plusieurs
membres ont demande que le comité militaire discutât de
nouvead ce projet. Cette mesure à prévalu et à été adoptée .
Pelet présente au nom du comité de salut public
apperçu des suites de la conquête de la Hollande . La Répus
blique ne tardera pas de traiter avec les états généraux régénérés
. Les magistrats destitués par les Prussions en 1787 sont
rentrés dans leurs fonctions. Les Hollandais ne suppriment de
leur constitution que le statondérat , ils desirentjeindre leur
marine à celle de la France pour combattre la perfide Albion.
C'est Richard qui s'est rendu chez les Bataves. C'était lui .
qui dirigeait an comité de salut public l'expédition sur da
Hollande. La Zélande à capitulé sur une simple somma
tion. Le comité présentera bientôt un projet de décret sue
les rapports politiques et commerciaux qui doivent résulten
des circonstances présentes . Nos troupes occupent aussi les pro
vinces d'Over- Yssel et de Groningue. Pelet donne ensuite
lecture des dépêches des représentans du peuple. ( Voyez kem
Nouvelles officielles .
*
Quelques-uns des articles de la capitulation de la- Zélande
excitent des murmures. Un membre s'écrie qu'ils sont déshonorans
pour la nation française . sy
Boissy d'Anglas : N'oublions pas que tout ce que nous dirons
retentira dans la Hollande . Il est donc utile de ne se permettre
augua mot dont la malveillance puisse abuser. Robes
( 134 )
፡፡
pierre en dissit autant , s'écrie un membre, Boissy continue
il demande l'ajournement et invite chacun de ses collegues
qui voudront se procurer des renseignemens pour motiver
leur opinion , à se rendre au comité , qui s'empressera de les
leur donner.
Mathieu Le comité qui a voulu sans doute pressentir
Topinion de la Convention ne manqnera pas de prendre des
precautions. Nous sommes tous penetres du sentiment de la
gloire et de la dignité de la nation ; peut être que les intérêts
de cette gloire n'out pas été suffisamment menages ; mais quand
en entre chez un peuple qui prend la liberte pont idole , il
est facile d'oublier ses droits , pour n'écouter que l'amitié .
{ Applaud . ) Tout ce qui concerne les rapports de nation
à nation doit être traité dans la Convention . Au vainqueur
appartiennent les établissemens publics dans les pays où il
pénerre . Il est de principe que les biens du gouvernement sont
le partage de la nation victorieuse qui respecte les propriétés
particulieres . Il faut , puisque nous sommes en Hollande , y
zéunir tout ce qui appartient à l'Angleterre il faut que ce
soit dans Amsterdam et la Haye que nous combattions
Londres. Vifs applaudissemens. ) Mathieu demande Timpression
des pieces , l'ajournement et le renvoi au comité.
Décrété.
Séance de nonidi , 29 Pluviose.
• Boissier an nom des comités de marine et des finances ,
fait décréter nne augmentation d'appointemens pour tous les
employés de la marine militaires et civils .
Le recueil des principales pieces trouvées chez Robespierro
étant imprimé , il a été distribué aux membies de la Convention.
Charlier se plaint de ce qu'on n'y voit pas les dé
nonciations contre le comité des marches . Ce comité avait
été déuoncé au tyran , parce qu'il eut le courage de ne point
ratifier les déprédations de ses protégés. Un autre membre
ajoute que beaucoup de citoyens ne sont désignés dans ce
recueil que par les lettres initiales de leurs noms ; ce qui peut
donner une grande latitude à la calomnie . Il voudrait que les
moms fussent mis en entier. Ces deux observations entraînent
une discussion qui dure toute la séance .
Laurence : On vent ouvrir la boîte de Pandore. Anéautissons
tout germe de d'vision , en passant à l'ordre du jour
Rewbel : Qu'on imprime les dénonciations contre le comité
de l'examen des marchés , et renvoyons l'autre proposition
au comité des finauces età la commission chargée du dépouillement
des papiers trouvés chez Robespierre.
Duhem demande qu'on imprime au moins l'inventaire des
pieces. Legendre observe que de bons citoyens des départe
de et des armées , trompés par la réputation du syram ,
( 135 )
ト
14
peuvent lui avoir écrit , et il suffita qu'on voie leur nom sur
la liste pour qu'ils soient persécutés . Duhem insiste et s'éerie:
Voulez-vous, doné jetter na voile mystérieux sur ce dépôt?
voulez-vous qu'en le tronquant , il devienne la source de
conspirations sans cesse renaissanites?
i
Pelet pense que cet inventaire serait une liste de proscrip
tion ; Clause , qu'il produirait le même effet que la liste des
darenns mis en liberté apres le thermidor.
1
Le président met l'ordre du jour aux voix ; il est décrété à
une grande majorité.
Ce décret est le signal d'un grand tumulte ; Duhem , Montaut
, Crassous , Soubrany , Duval , Châteauneuf- Randon ,
Thirion , ect . vont au bureau et demandent l'appel nominal.
Clausel dit qu'on veut faire perdre le tems à l'Assemblée ,
pour qu'elle ne s'occupe pas de la restauration des finances.
Peter Les passions particulieres prendront- elles la place
de l'intérêt public ? Le seul espoir qui reste à nos ennemis ,
C'est d'établir la guerre civile en France , et de semer ici des
germes de division . Occupons- nous des finances , la séance
y était consacrée . Les réclamans insistent. Des personnalités ,
des injures se font entendre de la part de quelques membres.
Enko André Dumont termike les débats , en faisant décréter
l'impression de toutes les lettres des représentans du peuple
trouvées chez Robespierre.
*2 : *
Séance de décadi , 30 Pluviose.
Une députation des éleves de l'école normale est admise à la
barre. L'orateur expose leurs besoins à la Convention . La plupart
d'entr'eux peres de famille ont fait pour cimenter la conquête
de la liberté , des sacrifices nombreux qui ont altérés leurs
ressources , mais les vrais républicains ne ' compient point
avec leur patrie . Le voyage qu'ils ont été obligés d'entreprendre
dans la plus rigoureuse des saisons a exigé d'eux une
dépense plus ou moins considérable . Arrivés à Paris , is se
sont trouvés dans la nécessité d'acheter beaucoup de livres .
Enfin , le renchérissement progressif de tous les objets de
premiere nécessité , les force d'avertir la Convention de l'urgence
de leurs besoins . Les éleves demandent , 1º , que la
Convention leur accorde pour leurs frais de voyage une indemnité"
proportionnée à la distance où ils sont de leur
domicile ; 20. que leur traitement soit augmenté à comptes
du rer. nivôse. **
9
Renvoyé aux comités d'instruction publique et des finances.
Les artistes du théâtre Français viennent ensuite faire part
la Convention des pertes qu'ils ont éprouvées , et de l'im
possibilité où ils sont de satisfaire aux engagemens qu'ils ont
contractes avant et pendant leur détention . Is réclament leur
propriété , qui leur fut ravie en même tems que la liberté. --
( 36 )
Le comité dès finances et d'instruction publique feront sous
trois jours un rapport à ce sujet.
7
Plusieurs pétitionnaires réclament contre l'effet rétroactif
donné à la loi du 17 nivôse de l'an 2 , sur les successions ; il
observent que cette loi , en anéantissant une foule de con ,
trais passés sous la garantie, de la foi publique , porte le
trouble dans les familles . Ils rappellent que la déclaration
des droits proscrit comme un crime toute rétroaction donnée
aux lois , et ils demandent que ccelle dont il s'agit soit renvoyée
à l'examen du comité de législation , afin qu'il présente
les moyens de concilier le respect dû à l'égalité avec celui
que méritent des engagemens contractes ,
Peyaieres et Laurence appuient le renvoi en ce qui concerne
l'effet rétroactif donné à cette loi Genissieux dit qu'il a été
le premier à s'y opposer lorsqu'elle a été discutée ; mais
puisque la loi est rendue , il faut l'exécuter à cause des incouvéniens
qui résulteraient de son rapport
1
Bourdon ( de l'Oise ) : On attaque, le plus beau décret
que nous ayons rendu , celui qui a établi l'égalité des partages
depuis l'époque où le peuple a recouvre ses droits et a conquis
sa liberté . De telles, pétitions ne peuvent être dictées
que par la malveillance , l'avarise ou la haine de l'égalités
et ne peuvent contribuer qu'à faire retrograder la liberte.
Montmayou : Si l'on ne parvient point à établir l'égalité
entre les freres , on ne l'établira jamais entre les citoyens .
Bourdon : Ce que vient de dire le préopinant est d'autant
plas remarquable que cette loi lui fait perdre 50,000 écus.
Taillefer et Bourdon demandent la question préalable sur
la pétition , Elle est adoptée.
La section de Bon Conseil annonce que tous ses citoyens , en
entendant le récit des nouveaux complots des menstres à face
humaine , se sont leves et ont jure de les exterminer. Ils
jurent d'établir un mur d'airain entre les jacobins du 9 there
midor et les honnêtes gens . Cette adresse sera insérée an
bulletin.
1
Séance de primedi , 1er . Ventôse,
*
Thibaut du Cantal , an nom du comité de sûreté générale
et de celui des finances , présente un projet de décret
contenant des mesures d'économie . 11 expose que ces deux
comités ont éte chargés par la Convention de trouver des
moyens de diminuer les dépenses du trésor public . Pour
aucindre ce but , il propose de décréter , 10. la suppression de
la, permanence des conseils généraux de district ; go . la réduction
des administrateurs des départemens , à cinq ; 3 °. la
suppression des comités révolutionnaires dans toutes les communes
dont la population est au dessous de 50,000 ames ;
4° . de charger les comités de la Convention de s'entendre
?
( 237 )
avec celui des finances pour regler provisoirement d'une
maniere uniforme et convenable , le traitement des commis et
des employés dans chaque établissement public dont la sure
veillance respective leur est confiée . 1 e 2 et le 3º , articles sone
les seuls qui souffrent une légere discussion . Brival a demandé
que la réduction des administrateurs des départemens s'opé
ratepar la voie du sort , afin de prévenir les intrigues et les
cabales . Mais Bourdon de Oise ) a observé que la voie du
scrutin était préférable parce qu'elle supposait un choix ,
que les administrateurs » connaissant , leur aptitude , et deu
moyens , il aura ) bien moins d'inconveniens. Sen lavis
prevalu .
3741 31
Rewbel a demandé que le Bearticle portât expressément
qu'il n'y aurait plus de comités revolutionnaires dans les
chef lieux de district dont la population est au-dessous da
50,000 ames. L'amendemeutete adopté.
Plusieurs sections de Paris détent dans la salle ; elles expriment
leur horreur pour les buveurs de sang. Duhem trouve
mauvais qu'une d'elles ait pris un arrêté,pour exclure de toutes
fonctions les membres de son comité révolutionnaire .
Bourdon ( de l'Oise ) dit que Duhem altere la vérité , et
qu'elle s'est bornée à déclarer qu'ils avaient sa confiance . It
ajoute que la liberté serait perdue si les sections n'avaient pas
le droit de réclamer contre ces buveurs de sang , ce las de
coquins.
Serres annonce à Duhem que tous les scélérats , tous les
coupé-jarrets , tous les hommes couverts de crimes se rallient
à ses déclamations . ( Applaudi. ) magna.
› Gouly fait part de dépêches arrivées des isles de la Réunion
et de France ; les citoyens des colonies , fideles à la Republique,
ont fait éprouver une perte de deux cents millions au commerce
des Anglais .
PARIS. Quartidi 4 Ventose , l'an S. de la République.
Quelques papiers ont annoncé que Merlin ( de Thionville }
s'étant trop avancé , avait été enveloppé et fait prisonnier , mais
qu'un peloton d'hussards était arrivé à tems pour le dégager,
Tandis qu'on débitait cette nouvelle , d'autres papiers annonçaient
que Merlin était en route pour Paris , où sa présence ne >
sera pas , dit- on , inutile lors du rapport de la commission des
vinge un que l'on attend incessamment .
中书
• Nous n'avons point encore rendu compte des séances da
nouveau tribunal révolutionnaire . Il n'a été occupé jusqu'à pre- i
sent que de quelques affaires peu importantes et de simples
(+238 )
hises en liberté. L'affaire de Lacroix est la premiere qui mé
aite quelqu'attention. On se rappelle avec quel empressement
eur une dénonciation de l'esprit de parti , il avait été envoyé
au tribunal révolutionnaire comme ayant composé un écrit
tendant au rétablissement de la royauté. Voici le jugement
intervenu sur cette accusation .
Vu la déclaration du jury , portant qu'il n'est pas constant
que l'ouvrage intitulé le Spectateur français pendant le gouvernes
ment révolutionnaire , tende à provoquer le rétablissement de la
royauté et la dissolution de dareprésentation nationale , le
tribunal a acquitté et mis en liberté ledit Lacroix . 19
**** D
Suivant une lettre particuliere , écrite de Nantes de 22 de ce
mais , on y regarde la pacification avec la Vendée comme à
peu près conclue . Il a dû y avoir , le 24 , une conférence entre
tes chefs des insurgés et les représentans du peuple , dans
one maison de campagne à une lieue de Nantes , sur la route
de Clissou.
•
Goulin , un des membres de l'ancien comité révolutionnaire
de Nantes , qui dans la discussion de cette célebre affaire avait
montré beaucoup de sagacité , de courage et de franchise dans
l'aveu de ses toris , s'est empoisonné dans sa prison .
On écrit de Toulon que le calme et la paix ont succédé
enfin à l'esprit de discorde que les factieux avaient voulujetter
parmi la garnison de cette place. Les principaux moteurs
de la révolte ont été arrêtês , et vont être jugés par une comission
militaire nommée ad hoc.
On a levé , en dernier lieu , 1800 hommes dans les atteliers
l'arsenal de Touloa , pour en faire des matelots et completter
les équipages des vaisseaux et autres bâtimens destinés au service
de la République : ou a mis aussi en requisition un cer
tain nombre de matelots employés sur les bâtimens de commerce.
Il y a lieu de croire que ces mesures précéderont de
peu la sortie de l'escadre , qui n'attend que des ordres nlterieurs
pour mettre à la voile. Le bruit court que sa premiere
destination sera d'aller prendre à Livourne un convoi
de grains destinés pour l'approvisionnement des départemens
méridionaux .
1
Le moment du rapport de la commission des 21 s'approche ;
en cousequence , les accuses se hâtent de faire paraître des
mémoires atténuatifs des faits qu'on leur reproche . Barrere ,
vient d'en faire paraître un dans lequel il expose qu'il n'a,
fait fusiller personue ; ce qui est , selon lui , une preuve de
son innocence . Malheureusement dans le même moment
Fouquier- Thinville qui , de son côté , cherche à se justifier ,
cite pour sa justification un arrêté pris le 17 messidor pour
( 239 )
C
aggraver le terrorisme et hâtes les assassinats judiciaires , " etiķ
déclare que cet arrêté est signé Billand , Barrere , etc.
S'il faut en croire les papiers publics , les terroristes
gitent dans des convulsions extrêmes pour retarder l'instamɛ
de leur chûse entiere , qu'ils regardent comme très-prochaine z
ils se sont ralliés en force dans les sections à la séance de
décadi dernier , pour essayer une derarere fois de faire triom
pher leur cause désespérée ; mais d'union et l'ensemble des
bons citoyens ont par-tout déjoué leurs projets ; et les sections
, dans la séance de la Convention nationale de primedi
sont allées lui rendre compte de la victoire qu'elles ont rem
portée la veille sur les ennemis du repos public.
NOUVELLES OFFICIELLES
ARMÉE DU NORD ET DE S
:
T MEUSE.
La Haye , le 22 pluviôse , l'an 3e. de la République Françaisæ
Nous vous adressons , chers collegues , la capitulation
de la Zélande ; cette riche province s'est rendue sur une simple
sommation , et d'après la connaissance que les citoyens omt
eue de la conduite genéreuse des Français dans la Hollande
et de nos principes manifestés dans notre proclamation.
19 La reddition de la Zélande et de tous ses ports complette
l'invasion des Provinces Unies ; car l'Over- Issel et le
pays de Gromingue sont , depuis quelques jours , occupés em
grande partie par nos troupes.
" La conquête de la Zélande est d'autant plus précieuse.
que, par sa situation , la difficulté d'y pénétrer et les secours
qu'elle aurait pu tirer de l'Angleterre , il lui aurait été facile
de faire une longue résistance .
Ce n'est qu'avec la plus grande peine , et au milieu des
plus grands dangers , que les officiers , chargés de porter la
sommation , sont parvenus à y pénétrer à travers les glaces.
La difficulté des communications a été telle que le général
n'a reçu qu'hier au soir la capitulation , quoique depuis plus
sieurs jours on y eût envoyé des officiers en parlementaires.
1 Salut et fraternité. "
Signés , BELLEGARDE , FRECINE , PORTIEZ , ROBERJOT , CHARLES
COCHON , ALQUIER , D. V. RAMEL , représentans du peuple.
Capitulation de la Zélande , datée du 3 février , et signée par les
députés de ce pays et par le général Michaud.
Art. Ist, Le libre exercice de la religion dominante. Ac.
corde pour tous les cultes .
141. Maintien de la forme de gouvernement établi. Ri
( 240 )
pondu que l'on doit s'en referer a la proclamation des repté
senians.
+4
III. Sûreté des individus quelles qu'aient été leurs opinions ,
et conservation des propriétés appartenantes , soit à l'etat ,
soit aux individas . Referé à la proclamation.t
pour
A
IV. La faculté aux personnes qui ont quitté le Brabant
venir en Hollande , de rentrer en possession de leurs
propriétés . Retraite sûre aux émigrés de la France . Reféré
a la capitulation , et non compris les émigrés français , avec
et pour lesquels la Republique n'entendra jamais à aucun
accommodement.
V. Qu'il n'y ait point de garnisons françaises en Zélande
ou qu'elles soient très -peu nombreuses , à raison de la cherié
des vivres. Répondu qu'on n'enverra que les troupes necessaires
pour le service de la police , et pour la garde des
vaisseaux et de l'isle de Walchern .
VI. Point de cours forcé aux assignats , point de requisi
tions sur les biens ou les individus . Accordé référé à
La proclamation .
VII. Si des villes ou des pays de la Zélande avaient fait
des capitulations particulieres moius favorables que la présente
, elles seront comprises dans celle - ci , et cette capnu
lation s'accroftra aussi des faveurs plus grandes qui auraieut
été accordées en particulier à ces villes ou pays . Accordé .
VIII. Les articles de la présente capiulation qui présente
raient , par l'expression , un sens obscur ou equivoque , serour
interprétés et executés à l'avantage de la province de Zélande,"
-Accordé.
A cette capitulation se trouve jointe une copie de celle des
vaisseaux de guerre et frégates ; les équipages s'engagent à
ne plus porter les armes contre la République Française , à
ne commettre aucune dégradation dans les vaisseaux , et à ne
sortir des ports qu'avec le consentement du général en chef
de l'armée française ; des canonniers français occuperont les
forts et batteries qui défendent les ports.
Une clause de cette capitulation , datée du 25 janvier ,
porte qu'elle sera communiquée à l'amiral hollandais Kinsbergen.
P. S. Dans la séance du 3 ventôse , la Convention a chargé le
comité de sûreté générale de surveiller les agioteurs qui se rásseinblent
au Palais - Egalité ; elle a renvoyé à son examen la propo
sition de r'ouvrir la bourse. Elle a décrété que l'exercice d'aucun
culte ne pouvait être troublé , que la République n'en salariait
aucun ; que toutes cérémonies religieuses , tous costumes
et habits religieux étaient défendus hors l'enceinte choisie pour
son exercice ; qu'aucune commune ou section de commune ne
pouvait louer de local , et qu'il ne pouvait être fait de dotation
perpétuelle ou viagere , ni imposé de taxe pour cette cause .
&
( N°. 32. ) Jer. 135 31. )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 10 VENTOSE , l'an troisieme de la République.:
( Samedi 28 Février 1795 , vieux style . )
SCIENCES , ART S.
Projet d'établir en France une manufacture de végétaux artificiels
, qui doit occuper utilement , dans l'enceinte de Paris ,
environ quatre mille femmes , d'après les nouveaux procédés
de T. J. WENZEL , avec toutes les pieces relatives
objet ; par LovÍS - FRANÇOIS JAUFFRET. Seconde édition .
A Paris , chez TESSIER , libraire , rue de la Harpe , nº . 151 ,
vis- à- vis celle du Foin. Lan III . de la République.
Tour projet attire l'attention , parce qu'il promet
J
quelque chose qu'on n'a pas ; c'est ce qui fait trouver
tant de charme à faire des projets , ou à les lire ; charme
fondé sur le desir inné dans l'homme de multiplier ses
jouissances , ou de mettre quelque chose de meilleur à
la place de ce qu'il possede déja . Le projet que nous
annonçons va d'abord saisir l'imaginations , car il s'agit
de fixer sous nos yeux , autant qu'il est possible , par
des moyens humains , le tableau varié de la nature , que
la vicissitude des saisons et la marche du tems affaie
blissent tous les jours , et font enfin totalement disparaitre
; de reproduire tous les végétaux avec leurs reliefs ,
leurs couleurs si délicatement nuancées , leur structufe ,
la disposition de leurs fibres , leur site , leur port , cet
air d'abandon et d'aisance qui caractérise les mouvemens
de la nature et produit la grace ; enfin , tout ce
sequi compose leur physionomie . L'auteur du projet se
propose aussi d'offrir la forme , la couleur des fruits, avec
l'appareil des organes végétaux qui concourent à leur
production ; objet important pour les botanistes , surtout
depuis qu'ils ont fondé sur ces parties , qui donnent
aux plantes tant de rapports avec les êtres vivans ↳ la
méthode la plus générale de les classer.
L'idée de fleurs , et l'usage qu'on en a fait jusqu'à
présent, en les bornant à servir d'ornement aux femmes ,
Tome XIV.
REA
1
( 242 )
ou à repaître la vue d'un vain plaisir , semblent donner
un caractere frivole à ce projet . Mais son auteur a su
lui donner de l'importance , en la rattachant à de grands
objets , tels que l'histoire naturelle , les arts , le commerce
, et même la morale .
Quelle utilité la botanique ne retirerait - elle point
de la représentation exacte et fidele des plantes toujours
exposée à leurs yeux ! quelles fatigues ne leur
épargnerait- elle pas ! fatigues qui même ne pourront
avoir lieu qu'un certain tems de l'année. Quel soulagement
pour la mémoire obligée de retenir les défaitions
de vingt-cinq mille especes de plantes qu'on
connaît à présent ! Les herbiers sont un secours bien
faible. On pourrait les comparer à des cimetieres où il
serait impossible de retrouver les formes , les traits , le
coloris des individus qu'on y a ensevelis. Les carace
teres délicats de certaines plantes s'effacent dans les
herbiers. Il y en a qui , par leur forme , ne peuvent point
y trouver place , non plus que d'autres par leur consistance
, tels que les champignons et la plupart des crypto
games. La perfection de la botanique serait donc le
fruit nécessaire d'une manufacture de végétaux artificiels
fidelement rendus , et l'on sent les avantages que
la médecine et l'agriculture pourraient en tirer.
Il n'est point d'autre école , sans doute , pour les
peintres et les dessinateurs qui veulent imiter la nature
dans ses productions et dans ses jeux , que le spectacle
des champs, C'est sur ce théâtre que les germes de tant
d'êtres organisés , jettés avec une profusion infinie , et
recevant d'une infinité de causes variées des impulsions
différentes , formant , par leurs couleurs , leurs aspects ,
leurs attitudes , que mille accidens diversifient le tableau
le plus riche et le plus intéressant qui puisse frapper
les sens et émouvoir l'imagination . C'est-là que les fleurs ,
ces êtres charmans que la nature , dit Pline , seme à
pleines mains , et comme dans sa gaieté , se présentent
avec des décorations qui leur donnent à chacune un
caractère particulier. Celles - ci aiment les prairies
qu'elles embellissent de leur émail ; celles - là cherchent .
l'ombre des bois ; on en voit quelques - unes qu on dirait
attirées par le crystal des eaux , se pancher sur le bord
d'un ruisseau ; d'autres qu'un caprice semble avoir
transportées dans les fentes d'une roche , y former par
leur délicatesse et leur légereté un contraste surpremant
avec la masse dure et immobile eù elles sont
( 243 )
•
assisses, Certaines étalent avec orgueil leur coloris écla
tant et la richesse de leurs nuances ; elles charment les
regards du passant sans l'arrêter ; elles frappent plus
les sens qu'elles ne parlent à l'ame . Un piége plus
puissant c'est la rencontre fortuite de celles qui se
cachent , ou se recueillent avec un air de mystere dans
des retraites écartées . Leur parure simple , mais piquante
, intéresse d'abord ; mais si quelques gouttes
de rosée , retenues dans leurs calices , viennent encore
leur donner un nouveau charme , comme ces larmes de
la beauté qui assurent sa puissance et son triomphe
par les signes mêmes de la faiblesse , l'artiste en contemplation
devant ces fleurs ne peut plus rester de
sang- froid , et s'animant du sentiment qu'il leur prête
il éprouve bientôt cette chaleur qui doit féconder som
génie.
Ce tableau fugitif est de peu de durée . Cependant
le tems où le sein de la nature est fermé peut être mis
à profit, au moyen de cette représentation fidele des
végétaux qu'on nous promet. Alors l'artiste pourra avec
plus de calme y étudier leur structure mechanique
leurs proportions , se rendre familiere l'élégante hardiesse
de leurs formes et de leurs contours , se former
à la correction du dessin , et acquérir toutes ces connaissances
qui sont plus du ressort d'un esprit attentif
que de l'imagination , et qui servent de fondement à
art. Il faut ajouter que ces végétaux artificiels
doivent être l'ouvrage des femmes ; ce sentiment exquis
des choses agréables qui caractérise leur sexe , ce goût
fin et rapide qui sait trouver d'abord , non ce qui sied ,
mais ce qui sied le mieux , leurs mains adroites et délicates
revendiquaient bien ce travail . Qui peut mieux
imiter les fleurs que celles dont les coloris et la fraî
cheur nous en retracent sans cesse l'image avec tant
de danger ? Plus d'une Glycere , rivale de la nature ,
défiera sans doute le jeune artiste étonné , qui jaloux '
de la surpasser , et mêlant à son émulation dans cette
joûte aimable un sentiment encore plus doux , répro
luira parmi nous le pinceau des passions,
La manufacture des plantes artificielles peut concourir
à la perfection de plusieurs autres manufactures , en
leur offrant des modeles plus vrais et plus variés . Telles
sont la broderie qui donne de la grace et une sorte
de vie à des tissus inanimés et monotones , en y retras
gant les fleurs et la verdure des champs ; les fabriques
Ba
12441
de ces étoffes plus solides dont on tapisse les appar
temens , où l'on représente des paysages ; les manufac
tures de papier peint , dont les ouvrages semblent faits
pour se jouer du goût , et qui par les objets fantas
tiques qu'elles nous offrent , semblent plus s'occuper
à défigurer la nature qu'à l'alimenter.
L'auteur du projet pense que sa manufacture , en perfectionnant
l'histoire naturelle et les arts , dont elle
répandrait le goût , deviendrait elle-même la source et
l'instrument d'un commerce utile et glorieux à la
nation.
Enfin , selon l'auteur du projet , la morale même y
peut trouver son compte. Les fleurs ont un langage
pour les ames sensibles . Il pense que la rose et son
épine disent beaucoup ; que le bluet nous retrace la
candeur , et a quelque chose de céleste. Il y a quelques
années on aurait peut-être appellé notre parterre artificiel
la théologie des fleurs . Nous ignorons jusqu'à quel
point la théologie d'une tulipe , comme celle d'un insecte,
peut nous mener dans la connaissance des desseins ét
des attributs de celui qui a fait les tulipes et les insectes ,
et nous guider dans la pratique de nos devoirs ; ce qu'il
ya de vrai , c'est qu'un des plus sûrs moyens d'affermir
Tempire de la vertu , c'est d'y ramener l'homme par le
travail qui éloigne de lui les besoins et les passions .
L'auteur du projet , en occupant quatre mille femmes,
comme il se propose de le faire , dédommagera leur
sexe, que les hommes ont dépouillé de presque toutes
les professions que la nature semblait leur avoir destinées
, pour ne laisser que celle du vice.
En rendant aux femmes des occupations si conformes
à leur constitution et à leur goût , il aura la douce satis
faction d'avoir fait beaucoup pour les moeurs . Telles
sont les promesses consignées dans ce projet.
HISTOIRE NATURELLE. GEOGRAPHIE,
Observations sur la NOUVELLE HOLLANDE , ses productions
at les moeurs de ses habitans , extraites d'un Mémoire d'un
auteur Allemand.
La nouvelle Hollande , ce vaste continent situé entre
la mer des Indes et la mer Pacifique , a été jusqu'à présent
si peu connue et si imparfaitement décrite par les
( 245 )
St
voyageurs ; elle offre au naturaliste et au philosophe des
faits si importans et si curieux , qu'on ne lira pas sans
intérêt tout ce qu'a recueilli M. Blumenbach en Angleterre
, sur un pays tout nouveau qui surpasse en étendue
l'Europe entiere , et peut être regardé comme une cinquieme
partie du globe bien plus que comme une isle.
Nos géographes en ont déterminé la position au Midi
des Moluques , en- deçà et en- delà du Tropique du capricorne
, depuis le 10. degré de latitude méridionale
jusqu'au 34. La ressemblance de son contour avec celui
de l'Afrique , et sur - tout la conformité de sa pointe méridionale
, avec les pointes homologues des autres parties
du monde sur cet hemisphere , semblerait indiquer qu'elle
en a été séparée par une de ces grandes catastrophes du
globe terrestre que ne peuvent méconnaître ceux qui
savent observer et rapprocher.
On avait cru jusqu'ici que les Hollandais avaient été
les premiers des peuples européens qui , vers le milieu
du siecle dernier , avaient découvert quelques côtes au.
nord et à l'ouest , de même que la pointe méridionale
de cette terre ; mais M. Blumenbach a vu , au musée britannique,
une grande carte française très - bien dessinée
sur parchemin , et aux armes du dauphin , qui , d'après
toutes les recherches diplomatiques et les comparaisons
qu'on en a faites avec les cartes les plus anciennes , paraît
être antérieure à la découverte des Hollandais . Cette
carte indique au sud- est des isles de Sunda , un graud
pays entierement ressemblant à la nouvelle Hollande.
On y trouve sur la côte orientale une place marquée du
nom de Côte des herbages , à -peu-près à l'endroit où est
situé Botany - Bay , qui a reçu son nom au mois de mai
$1770 , du grand nombre de nouvelles plantes qu'y décou
vrit M. Banks , compagnon de Coock , dans son premier
voyage autour du monde. Cette carte , qui vient de la
succession du comte d'Oxford , n'a été retrouvée que
long- tems après le premier voyage de Coock.
Le capitaine anglais Ball a fait , pour la premiere fois
en 1790 , le tour de cet immense continent ; mais il n'a
exammé avec quelque exactitude que la seule côte
orientale , où les Anglais ont fondé une colonie.
Depuis l'établissement de Botany- Bay , les vaisseaux
qui sont revenus en Angleterre en ont rapporté une
quantité de productions si singulieres et si inconnues ,
que cette cinquieme partie du monde semble promettre
aux naturalistes une création particuliere , nouvelle ét
R 3
( 246 )
tout - à- fait distincte , comme il en fut autrefois de
l'Amérique peu après sa découverte . Quoiqu'on n'ait
pas encore, recueilli les différens minéraux qui s'y trou
vent , le célebre Wedgwood a fait sur une portion de sable
qu'on en avait rapporté , ( sable que les naturalistes nomment
sable austral , ) différens essais par la voie de l'analyse,
qu'il a communiqués à la société royale des sciences
à Londres , et qui lui ont donné pour résultat une terre
élémentaire primitive , d'une nature toute particuliere ,
qui , dans l'analyse , se distingue d'une maniere , frappante
, des huit ou neuf autres especes qu'on connais
sait déja dans la nature.
On s'est plus occupé des végétaux de cette contrée ,
et cette partie a fourni une moisson extrêmement abondante
à la premier découverte de Botany - Bay . M. Banks
y recueillit déja 3 ou 400 nouvelles especes de plantes ,
et entr'autres un nouveau genre d'arbres magnifiques
extrêmement durs et pesants , produisant une espece
gomme ou résine , et auquel le nouveau Linné donna
le nom de banksia , d'après celui du naturaliste qui les
avait découverts .
de
Les derniers vaisseaux ont rapporté environ soo
nouvelles especes d'animaux inconnus , que deux célebres
naturalistes de Londres sont occupés à décrire .
On distingue sur-tout , parmi les oiseaux , un perroquet
d'une forme bisarre , ( psittaccus banksii , ) et un
autre oiseau singulier semblable au caesoar. Mais parmi
les animaux qui allaitent , les plus remarquables sont ,
outre un tamanoir qui a des piquants comme un porcépic
, quatre ou cinq nouvelles especes de sarignes ,
animaux singuliers par la conformation qu'ils ont reçue
de la nature , pour la conservation de leurs petits . La
femelle a sous le ventre une poche particuliere , qui
s'ouvre et se ferme par le moyen de certains muscles .
et au fond de laquelle se trouvent les mammelles. Les
petits viennent au monde , pour ainsi dire comme des
avortons ; la mere les porte ensuite pendant long- tems
dans cette poche où elle les nourit de son lait jusqu'à
ce que , devenus plus forts et mieux formés, ils puissent
pour ainsi dire naître une seconde fois. Après cette
seconde naissance , la poche leur sert souvent de retraite
, la mere les y reçoit à l'approche de quelque
danger , et cherche par la suite à se sauver elle et son
ardeau .
On remarque encore parmi ces animaux le kanguruh ,
( 247 )
que Coock avait déja fait connaître . M. Blumembach¸
a vu à Londres un kanguruh vivant , et rien n'exprime
l'étonnement qu'il eut de voir cet animal , lourd
d'environ deux quintaux , bondir et sauter sur ses
monstrueux pieds de derriere avec la légereté d'une
sauterelle . Il s'en trouve maintenant plusieurs dans
le parc de Windsor où ils se portent très -bien , s'accouplent
et font espérer que l'espece pourra se multiplier
en Europe.
Les habitans de la nouvelle Hollande dans tous les
points de la conformation de leurs corps , tiennent le
milieu entre les autres insulaires de la mer du Sud et
les négres de la Guinée. La couleur de leur visage est
pareillement une couleur mitoyenne , entre le véritable
noir des négres et le brun noirâtre des habitans des
nouvelles Hébrides , qui est lui-même une nuance du
brun bazané des habitans des isles de l'Amitié . La forme
et les traits de leur visage approchent plus de ceux des
maures que de ceux des otahitiens . Leur chevelure
noire est plus crêpue que celle des habitans d'Otahiti ;
mais ressemble moins à la laine des négres d'Afrique .
Ils sont d'une taille svelte, et extrêmement leste et
souple . Ils grimpent au haut d'un arbre élevé , et dont
l'écorce est lisse et unie , avec une vitesse qui étonne.
Tout en grimpant ils font à coup de hache dans l'écorse
des entailles qui leur servent de degrés , et dans lesquelles
ils appuient le grand orteil , et tout cela se
fait avec
une vitesse égale à celle avec laquelle un
Européen monterait au haut d'une échelle.y
Leur constitution est saine et robuste ; il n'y a que
la petite vérole qui fasse quelquefois de grands ravages
parmi eux ; et aux marques que l'on a reconnues chez
les vieillards , il est à croire que cette maladie y est
endémique . Ils sont sans vêtement , mais non pas sans
parure ; car le desir de plaire semble être chez les sauvages
, comme chez les peuples
, une des lois
instinctives de la nature . Ils se fardent et se peignent
tout le corps , principalement d'une argile blanche trèsfine
; et avant de commencer leur danse nationale , on
voit les jeunes filles s'empresser à l'envi d'en pares
leurs bien - aimés du mieux qu'il leur est possible. Leur
principale parure consiste dans l'os qu'ils enfoncent à
travers le cartilage qui sépare les deux narines l'une
de l'autre . Cet os est aussi gros que le doigt ; et comme
il a cinq à six pouces de long , il croise entierement In
B4
( 248 )
visage , et bouche si bien , les narines qu'ils sont obligés
de tenir la bouche fort ouverte pour respirer ; aussi
nasillent- ils tellement qu'ils se font à peine entendre
les uns aux autres . Outre cet ornement , ils ont des colliers
faits de coquillages, taillés et attachés ensemble très- ·
proprement ; des bracelets de petites cordes' qui forment
deux ou trois tours sur la partle supérieure du bras ;
et autour des reins un cordon de cheveux tressés. On
ne sait pas s'ils regardent comme un moyen de plaire ,
ou comme un signe de distinction , de se mutiler le
corps ; mais il manque à la plupart des femmes deux
doigts qu'elles se font tomber par le moyen d'une forte
ligature , et un usage assez bizarre chez les hommes est
de s'arracher une des dents canines ,
Ces peuples vivent en nomades , et sont semés à des
distances lointaines ; ce qui prouve que la population
et la civilisation n'y sont pas encore fort avancées . Il
en est cependant qui vivent en hordes de plusieurs
centaines . Leurs habitations sont pour la plupart de
petites huttes faites d'écorce d'arbre ; d'autres viventen
vrais troglodytes , dans les creux que le tems a
formés dans des rochers de pierre sablonneuse , ou
qu'ils y font eux-mêmes sans beaucoup de peine . Ils
allument au milieu de ces cavernes un feu qui en
échauffe les parois , et y procure une chaleur douce et
durable , ensuite ils y étendent une litiere molle faite
avec du foin frais et très-menu .
Lorsque les Anglais commencerent à fonder leur colonie
, ils eurent de la peine à communiquer avec ces ,
Indiens qui se montraient craintifs , et fuyaient à leur
approche. Ceux - ci furent obligés d'en surprendre un
et de le saisir de force. Ils le traiterent avec toute la *
bienveillance possible , si ce n'est que pour l'empêcher
de s'enfuir , ils furent contraints de lui mettre des fers.
aux pieds , mais cela même parut le plus flatter sa vanité;
car voyant les mêmes fers à une partie des Colons-
( c'étaient les déportés ) , il les prit pour des marques
d'honneur , et il arriva à ce sauvage ce qui arrive si
souvent aux européens civilisés il se fit gloire de ses
fers. Ce moyen eut tout le succès qu'on en espérait ;
F'Indien étant retourné vers le sien , il raconta les bons
traitemens qu'il avait reçu des anglais , et depuis ce
tems , les relations avec ces peuples sont devenues plus
immédiates et plus familleres .
M
Le tempérament des habitans de la nouvelle Hollande
( 249 )
est sanguin-colérique ; ils forment nn peuple gai et de
benne humeur, très - prompt à s'emporter , mais sans
rancune. On en sera moins étonné , lorsqu'on saura que
la température de ce continent est très- inconstante et
sufette à des vicissitudes subites , et qu'en même- tems
le climat y est doux et salubre.
Leurs armes offensives sont des javelines et des lances ;
celles - ci ont depuis huit jusqu'à quatorze pieds de long.
Elles sont composées de plusieurs pieces , qui entrent
les unes dans les autres et sont liées ensemble . Ils
y
adaptent diverses pointes d'un bois dur ou d'os de
poisson. Ces lances ainsi barbelées , sontune arme terrible;
car lorsqu'elles sont entrées dans le corps , on ne peut
les en retirer sans déchirer les chairs , ou sans laisser
dans la blessure les échardes pointues de l'os ou de
la coquille qui forment les barbes . Ils lancent ces armes
avec beaucoup de force et de dextérité , et manquent
rarement leur coup à dix et même vingt verges . S'ils
veulent atteindre à une plus grande distance , ils ont
l'art de le faire avec la même justesse par le moyen
d'un bâton à jetter ; et la lancé alors fend l'air avec une
rapidité incroyable...
Ils ont pour arme défensive des, boucliers d'écorce
d'arbres , de trois pieds de long et de dix-huit pouces de
large. Leurs pyrogues sont aussi grossieres et aussi mal
faites que leurs cabanes ce ne sont que des écorces
dont les extrémités sont liées ensemble , tandis que de
petits cerceaux de bois tiennent le milieu séparé ; et
cependant on voit jusqu'à trois personnes sur un bâtiment
de cette espece. Ils ont encore d'autres pyrogues
qui ne consistent qu'en un tronc d'arbre qu'ils ont
creusé avec des pierres tranchantes et par le feu.
Leur langue n'a point de s ; elle est du reste assez
douce et mélodieuse . Un nom de femme très - ordinaire
parmi eux est Milba , et l'épouse du ministre anglais de
la colonie l'a donné à la premiere fille dont elle est
accouchée dans ce pays..
་
Le port de, Jackson , à un demi- mille au nord de
Botany Bay , offre aux navigateurs un port vaste et
commode.
Ce continent offre pour objet de commerce de su
perbes perles qui se pêchent sur les côtes , une grande
quantité de cachelots qui fournissent le blanc de baleine
, une espece de lin très -fin qui croît naturelellement
dans la nouvelle Zélande , et qui paraît en avoir été
rapportée .
7250 )
A
On tire encore des gros arbres dont nous avons parlė ,
qui paraissent approcher du genre des pins , deux especes
de résine ; l'une jaune et l'autre rouge , dont plusieurs .
médecins anglais se sont servis avec succès pour guérir
des maladies dangereuses et opiniâtres du bas-ventre ;
et quoique , comme nous l'avons dit ci - dessus , on n'ait
point encore examiné toutes les productions que fournit
le regne minéral dans ces contrées , on a cependant
trouvé une espece d'argile extrêmement fine , la même
dont se barbouillent les Indiens de ces parages , qui
donne , après la cuisson , une superbe terra colta , de la
couleur du chocolat. L'auteur du mémoire allemand
possede un médaillon fait par M. Wegdwood , d'une
épreuve de cette argile , sur lequel on voit une image.
allégorique relativement à l'établissement de cette colonie
anglaise.
VARIÉTÉ S.
Conseils pratiques sur les libelles.
Les méchans de tous les pays et de tous les tems ,
nt eu leur maniere de louer les gens de bien ; ce sont
les libelles . On connaît cette réponse d'un Athénien ,
qui fatigué d'entendre louer une femme par un de ces
hommes , en qui la louange est une fiétrissure , lui dit
brusquement : Jusqu'à quand cesseras-tu de médire d'une
femme de bien ? ce mot renferme toute la morale sur les
libelles . Si l'éloge de la part des pervers est un outrage
pour la vertu ; leur calomnie est un brevet de gloire .
Un philosophe Indien a dit : N'attends pas du serpent
te miel de l'abeille .
Les faiscurs de libelles se ressemblent tous dans leurs
moyens lâcheté , hypocrisie , bassesse , ruse , noirceurs
, piége tendu à la droiture , impostures bien absurdes
et bien avérées , grandes menaces préparées
sourdement pour intimider , lettres anonymes et même
signées , calomnie de la vie privée , calomnie de la
vie publique , style bien mordant , c'est - à - dire bien
plat ; vous les reconnaîtrez tous à ces traits ; s'ils ne
viennent pas vous proposer d'acheter leur libelle avant
de le faire imprimer , dites qu'ils sont encore novices
dans le métier.
( 231 )
..
Es-tu homme privé ? ne réponds pas à un libelle a
ear si tu as ta propre estime , compte sur celle des honnêtes
gens. Que t'importent les autres ? La malignité
fait sourire un instant la malignité ; mais cette faiblesse
de l'esprit va s'éteindre dans le sentiment secret de la
justice . On peut se surpendre à lire un libelle écrit avec
esprit ; on ac se surprend jamais à estimer ni le genre ni
l'auteur.
Es - tu homme public ? ne réponds pas à un libelle :
car tu donnes à celui qui l'a fait , le premier prix qu'il
en attend , lidée de croire qu'il a su te blesser. Ne réponds
pas ; car ta réponse fera éclore mille autres libelles
qu'il faudra bien que tu finisses par dédaigner. C'est
parce que ta vie est publique , que ta justification est
dans sa publicité. Qu'aurais- tu de plus à dire que tes
actions , tes principes et ta moralité n'aient dit avec bien
plus de force ? Laisses agir la saine , la véritable opinion ,
la scule qui doive être juge entre tes ennemis et toi.
Si l'opinion est incertaine ou égarée , si tu es un
homme public pour ainsi dire nouveau , si le genre des
calomnies te force à prendre la plume , écris avec dignité
avec calme ; éclaircis les faits et laisses les injures ; souviens-
toi de la réponse du poëte à Jupiter : Tu as tort₂
puisque tu te faches.
C'est au milieu des orages d'une grande révolution ,
qu'on voit paraître le plus de libelles . Les passions y sont
si ardentes , et les hommes tellement mêlés aux chose ,
qu'il est rare que l'esprit de parti ne les confonde . On
croit détruire un principe , parce qu'on attaque une
personne ; on croit qu'une personne est justifiée , parce
qu'elle se couvre d'un principe . Mais l'opinion , qui
finit toujours par régler sa marche sur l'intérêt général,
se fait bientôt jour à travers cette confusion ; lle met à
leur place et les hommes et les choses , et de tout cet
imbroglio , il ne reste que ce qui est bon , juste et vrai.
As - tu dans la République une place plus ou moins
importante? crois que l'intrigue et l'envie sont à ta porte
pour te la ravir ; attends - toi à des libelles . As - tu joué
quelque rôle dans une révolution ? Tes opinions ontelles
été franches et ta sagacité clairvoyante ? comptes
que l'esprit de parti ne te pardonnera ni ta franchise
( 252 )
ni ta pénétration ; attends-toi à des libelles . As-tu des
talens et des vertus ? vois la médiocrité jalouse et la
perversité maligne s'agiter , et se presser autour de toi ;
attends-toi à des libelles . Esperes-tu qu'il n'y aura parmi
les hommes , ni intrigans , ni envieux , ni méchans , ni
factions , ni vengeances , ni ignorance présompteuse ?
tu présumes trop de l'espece humaine ; fais le bien
sois utile , et laisses bourdonner les insectes .
On a souvent calomnié la liberté de la presse , parce
qu'elle produit des libelles , et l'on a fait des libelles
pour avoir occasion de calomnier la liberté de la presse .
Cette ruse ressemble à celle des factieux et des despotes ,
espece qui se ressemble plus qu'on ne pense ; qui ont
l'art de faire naître des séditions , pour trouver des séditieux
à punir, ou renverser un ordre de choses qu'ils
redoutent . Tout cela ne fait rien ni pour la liberté des
opinions , ni pour la liberté des peuples. Les libelles
sont pour l'esprit humain , ce que les poisons sont dans
la nature , et les assassins dans l'état civil . H ne faut
blasphemer ni la société , ni la nature , ni l'esprit humain.
Il y a en tout une dose de bien qui console du
mal , et il n'est pas démontré pour le philosophe qu'un
peu de mal ne serve à rendre le bien plus estimable et
plus cher. Dans le monde physique comme dans le
monde moral , tous les objets ne valent et ne sont appréciés
que par les contrastes .
ANNONCI.
Annuaire du cultivateur , pour la troisieme année de la République
, présenté , le 3 pluviôse de l'an deuxieme , à la
Convention nationale qui en a décrété l'impression et l'envoi ,
pour servir aux écoles de la République ; par G. Romme ,
représentant du peuple . ( Les citoyens qui ont concouru à ce
travail en communiquant les vérités utiles qu'ils doivent à
leur expérience et à leurs méditations , sont : Cels , Vilmorin ,
Thouin , Parmentier , Dubois , Desfontaines , Lamarck , Préauadaux
, Lefebvre , Boutier , Chabert , Flandrin , Gilbert , Daubenton
, Richard et Molard. )
Un volume in- 12 de 400 pages. Prix , 4 liv, broché , et
5 liv . 5 sous , franc de port par la poste , pour les départemens
et les pays couquis . A Paris , chez F. Buisson , libraire , rue
Haute - Feuille , nº . 20. On affranchit le montant et la lettre
davis.
(( #531)
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 10 février 1795.
Es armes de Catherine II et celles de Frédéric- Guil-
Jaume ont complettement triomphe de la malheureuse
-Pologne . Les généraux du roi de Prusse y achevent ce
qu'avaient tant avancé ceux de l'impératrice de Russie ,
c'est-à-dire d'étouffer par-tout les efforts de la liberté ;
généreuse entreprise dans laquelle François II , trop
occupé d'ailleurs , ne les a gueres aidé que par ses voeux
et par quelques légers mouvemens militaires pour con-
-server une sorte de droit d'être appellé au prochain
#et dernier partage.
Mais ce partage pourrait bien devenir la pomme de
discorde entre les trois puissances . On se rappelle que
le premier faillit d'allumer la guerre entre Frédéric
le - Grand , Marie - Thérèse et cette même Catherine ,
à qui le sort réservait de jouir du singulier honneur
de s'emparer à trois reprises de la majeure partie d'un
vaste pays , sur lequel elle n'avait aucun droit. On
assure déja que l'Autocratrice , enivrée de ses succès
vete sentant bien qu'elle a rempli le principal role dans
* ce dernier envahissement , compte faire la part à ses
associés , à qui elle taillera les morceaux les plus petits.
* qu'elle pourra. Ce qui prête de la vraissemblance à
ce bruit , c'est . le peu d'égard qu'elle montre pour le
cabinet de Berlin , tandis qu'elle ménage un peu
plus l'Autriche , de la coopération , ou du moins du
silence de laquelle elle pourrait avoir besoin un jour
pour achever de réaliser ses projets ambitieux sur la
Porte Ottomane , projets qui ne vont à rien moins qu'à
s'asseoir sur le trône de Constantin.
*
Nous ne savons pas si 1 Europe le souffrira ; mais ce.
que nous savons bien , c'est qu'elle ne devrait pas le
souffrir. En effet , quelle perspective effrayante pour elle
que l'occupation d'une vaste et riche contrée par les
( 454 ))
1
hordes indigentes du Nord ; le versement de ce torrens
de barbares sur l'Europe qui , fournissant aujourd'hui
ses besoins par un commerce loyal et réciproquement
avantageux avec le Levant , deviendrait tributaire
du monopole ou des exactions des Russes , maîtres
alors non-seulement de ce commerce , mais même de
celui de la mer Noire , et par cette voie , ainsi que par
d'autres combinaisons , faisant en outre la majeure partie
de celui de l'Inde et de la Chine .
"
Ajoutons à ce tableau rapidement esquissé , à ce
tableau resserré par l'espace qui nous manque , deux
considérations importantes que nous nous contenterons
néanmoins d'indiquer et qui sont faites pour épouvanter
le philosophe et l'ami de la liberté ; la premiere
est la réaction terrible qu'aurait le schisme grec de-.
venu religion dominante ou catholique dans le sens propre
de ce mot qui veut dire universel , et se vengeant
par la persécution exercée contre les anciens catho
liques , qui seraient alors les schist atiques , du moins
en apparence , contre les lathériens , les calvinistes , les
sociniens , et enfin ceux qui prennent le nom de philosophes
ou les théistes , des persécutions des premiers
et du mépris des derniers ; en un mot , co schisme
devenant intolérant comme toutes les religions des conquérans
, excepté celle de Mahomet , et tourmentant
les consciences , et peut- être les corps , ou du moins
condamnant à la condition de serfs , d'Ilotes , ceux qui
ae l'embrasseraient pas , ainsi qu'on a vu le christianisme
, déja dégénéré de sa pureté primitive et de son
esprit de mansuétude sous Constantin , flétair indistinc-.
tement du nom de paganisme ou religion des bourgs
et villages , et la croyance insensée de l'idolâtre , et
les pures notions de la divinité que professait le disciple
de Socrate et de Platon , qui tous deux étaient
également exclus des emplois . En vain objecterait- on
que nous exagerons un danger presque chimérique et
que nous grossissons ainsi les maux trop réels dont le
monde serait affligé , que les successeurs de Catherine
se montreraient comme elle trop philosophes pour ne
pas donnér la plus grande latitude à la liberté de
conscience , nous serions en état de justifier ces craintes
par plusieurs raisons : nous dirions d'abord qu'en effet
nous savons que la vraie philosophie ne persécute pas ,
mais que nous ignorons quelle est la philosophic de
Catherine II qu'il faudrait apprécier bien défavorables
( 255 )
*
et
ment si l'on jugeait la doctrine par les oeuvres ; nous
dirions que dans ce cas le maître est forcé d'obéir , à
l'extérieur , à l'opinion de ses esclaves ; nous citerions
Catherine elle -même née protestante , et qui n'a pas
manqué pourtant de faire abjuration , et d'embrasser
la religion grecque parce que c'est celle de ses états, scene.
hypocrite , qu'elle a fait répéter dernierement aux
épouses de ses petits-fils comme sa bru y avait été assujettie
; nous dirions encore que l'athéisme ne doit
point être par lui - même persécuteur , mais qu'il le
devient par cela seul qu'il exclut toute morale ,
que sacrifiant toute considération à l'intérêt privé de
celui qui en est infecté , il saisit le prétexte d'une
religion qui lui est indifferente, et persécute de sang- froid ,
si-non avec la même violence , du moins avec plus d'acharnement
que le fanatisme lui- même , toutes les fois
que la politique le lui conseille . Or , elle le conseille
toujours à un despote , parce que son seul intérêt est
de se maintenir sur le trône , et qu'il n'y a que le
fanatisme religieux qui a soumis sur tous les autres points.
ses sujets à l'obéissance la plus aveugle qui puisse l'en
renverser : nous citerions , sans pourtant prétendre accuser
Catherine II d'athéisme , sa conduite dans les
différens troubles de la Pologne qui ont fini par en
amener les partages successifs. La religion dominante
dans ce pays était et est encore la catholique ; il y a
néanmoins des dissidens , et particulierement des grecs.
L'impératrice de Russie n'a pas manqué dans le tems
de réclamer pour eux , à main armée , la liberté du culte.
qu'elle est censée professer , et ses sujets ont trouvé.
cette raison si bonne , qu'ils se sont parfaitement battus
pour elle , et ont été puissamment secondés par les Po-.
lonais - Grecs ; d'où il est démontré jusqu'à l'évidence
qu'un souverain , soit qu il ait réellement la religion dominante
du pays où il regne , soit qu'il n'en ait aucune ,
se conduira précisément de même , c'est-à- dire , en tirera
toujours parti pour l'intérêt de sa grandeur ; ce qui
prouve encore que les extrêmes se rapprochent , et que
l'hypocrisie et le fanatisme font également du mal au
monde.
--
Nous croyons les dangers que courrait la liberté religieuse
en Europe suffisamment prouvés , et nous allons
passer maintenant à ceux qui y menaceraient la liberté
politique et civile.
Nous les bornerons à une seule considération qui ren
ferme pourtant plusieurs apperçus.
( 256 )
1
1
La Russie , maîtresse d'une grande partie de l'Europe
et de l'Asie , offritait aux peuples jaloux de leur liberté ,
et toujours trop voisins de cette puissance , le spectacle
décourageant d'un despotisme uniforme s'appesantissant
sur une immense étendue de pays , et se soutenant par
sa masse même . Il faut avouer que , quoique le courage
ne s'amuse pas à compter les ennemis , mais songe seulement
à les vaincre , l'extrême disproportion entre le but
et les moyens n'est que trop propre à jetter dans la stüpeur
du désespoir , et à paralyser même les ressources
qui restent encore. Quelles digues opposer en effet à
l'Océan sortant de son lit , et s'avançant dans une marche
lente , si l'on veut, mais sûre , dans une marche qui couvte
et submerge ce qu'elle ne renverse pas ? Telle serait pourtant
la position de plusieurs états relativement à la Russie,
et il faut ajouter que cette puissance , lors même qu'elle
ne songerait point à les envahir , aurait encore intérêt à
les tenir divisés , de peur qu'ils ne songeassent à former
une ligue pour l'attaquer , ou seulement pour consolider
leur indépendance . Or , quels moyens de corruption
n'aurait - elle pas ! les deux plus puissans de tous sur les
hommes , il faut en convenir , la terreur et l'argent : et il
résulterait de cette influence , que les républiques ou les
monarchies mixtes sur lesquelles le cabinet corrupteur
de Pétersbourg voudrait exercer son action , finiraient
par se trouver dans sa dépendance au moins mediate ,
et que la plus belle partie du globe n'offrirait à Foeil
épouvanté qu'un maître , des esclaves , des demi - esclaves ,
et la lutte inutile d'un petit nombre d'hommes courageux
prêts à être rangés , malgré tous leurs efforts , dans une
de ces classes avilissantes .
De pareils despotes effaceraient , s'ils le pouvaient ,
jusqu'au nom des sciences ; car telle est la marche constante
de la tyrannie dont l'ignorance, portée dans l'homme
jusqu'à celle de ses droits est le plus ferme appui . Malheur
aux générations destinées à exister dans ces parties
de l'espace et du tems . Leur vie serait dépensée avec profusion
au profit d'un petit nombre de dominateurs , qui
ne s'en trouveraient pas plus heureux ; car l'infraction des
lois de la nature entraîne avec elle son châtiment. Mais
en attendant , l'espece humaine aurait à compter la durée
de sa patienée par des siecles entiers ; il lui faudrait souffrir
, et puis souffrir et encore souffrir. En effet , ce n'est
pas vivre que de tourner péniblement dans le cercle étroit
circonscrit par un maître impérieux , comme le cheval
attaché
( 257 )
"
attaché à la meule qu'il met en mouvement , et qui ,
quoique rassasié du grain qu'il aide à préparer , est malheureux
dans cette abondance , parce qu'on l'a privé
d'autres biens aussi nécessaires , de l'air pur et salubre ,
de la vue des vertes campagnes dans lesquelles il aimerait
à déployer la vigueur et la souplesse de ses jarrêts .
Telle serait pourtant , et le colosse de l'empire romain
l'a prouvé , la malheureuse condition de l'homme ravalé
au- dessous de la brute , jusqu'à ce que le luxe et les vices
de toute espece affaiblissant les oppresseurs , missent les
opprimés en état de les écraser de leurs chaînes .
Le serment que l'impératrice de Russie exigé des Lithua
niens , et qu'elle exigera bientôt du reste des Polonais , est
vraiment singulier ; On y verra quel parti une femme sans
religion , et peut être même sans idées religieuses , sait tirer
d'une religion qu'elle fera très bien au reste de conserver chez
elle , parce qu'elle est extrêmement favorable à l'obeissance
aveugle et passive si chere aux despotes . Voici ce morceau qui
vient à la suite du long manifeste du prince Repnin . C'est le
modele de celui que tous les despotes doivent dicter aux nouveaux
esclaves qu'ils se seront soumis , pourvu qu'ils soient
superstitieux .
4
Moi NN, je promets et jure à Dieu tout puissant par son
saint evangile , d'être toujours prêt à servir fidelement et loyalement
S. M. I. la très- sérénissime impératrice grande- dame
Catherine Alexiewna , autocratice de toutes les Russies , et
son fils très-aimé grand due Paul Petrowitz , son légitime suc
cesseur ; d'aller , pour cela , jusqu'à donner ma vie et répandre
la derniere goutte de mon sang ; de rendre due et parfaite.
obéissance aux ordres déja émanés ou à émaner encore des
autorités constituées par elle ; de les remplir et maintenir tous
de mon mieux et consciencieusement ; de contribuer de toutes
mes forces au maintien du repos et de la paix que S. M. a
rétablis dans ma patrie , et de n'avoir avec les perturbateurs
de ce repos aucune communication , correspondance ou intelligence
quelconque , soit médiatement ou immédiatemont ·
soit publiquement ou en secret , soit par des actions ou par
des conseils , et quelque occasion , circonstance ou cause particuliere
qui puisse y mener .
9. Dans le cas , au contraire , où il parviendrait à ma connaissance
quelque chose de préjudiciable aux intérêts de S. M. I.
ou au bien général , non- seulement je songerai à l'éloigner à
tems , mais je lui opposerai encore tous les moyens qui seront
en moi pour l'empêcher d'arriver je veux de cette maniere
me conduire dans toutes mes actions comme il convient qu'en
citoyen fidele je me conduise envers les autorités que S. M.
m'a proposees , et comme je dois en répondre à Dieu et à
Tome XIV. S
"
( 258 )
sos jugement terrible ; ainsi , que Dieu m'aide tant pour le
corps que pour l'ame.
" En confirmation de la profession émise par ce serment , je
baise la parole sacrée et la croix de mon Sauveur. 11
On assure que le faible Stanislas , à qui l'impératrice prodigue
de stériles honneurs , parce qu'elle veut conserver aux yeux des
peuples éblouis l'éclat de la royauté dont il fut revêtu , est
las de ce rôle incommode , et qu'il sollicite la permission d'aller
passer le reste de ses jours à Rome , cette ville qui fut toujours
la prison ou le rendez vous des rois détrônés ; mais on doute
qu'il obtienne cette faveur , et l'on est bien sûr d avance que
Catherine II ue la lui accordera qu'autant qu'elle n'y verra
aucun inconvénient pour sa tranquillité.
Le ministre de Suede a fait démentir dans la gazette qui
s'imprime ici , le bruit du prochain départ du baron de
Reutherholm pour un congrès de médiation. Il ne s'était
mullement agi dans le cabinet de Stockholm de cet objet , et
aucune des puissances belligérantes n'a fait de réclamation for.
melle auprès de la Suede pour qu'elle portât des paroles de
paix.
Toutes les nouvelles confirment les projets d'aggrandissement
de la Russie ; ils commencent même deji à s'effectuer . On
pourrait en citer pour exemple l'invitation , ou pour mieux
dire , l'ordie douné au duc de Courlande de se rendre à Pétersbourg
, vraisemblablement pour stipuler la réunion de ce
duché à la Russie , après la mort du prince regnant.
Il reste à savoir si la Porte ottomane , enfin éveillée sur
nes veritables interêts , et donnant à cet égard l'exemple au
reste de l'Europe , ne traverstra pas les vues ambitieuses d'une
puissance qui menace de devenir de plus en plus redoutable
à ses voisins.
嫉
Il paraît , d'après des lettres de Constantinople du 12 désembre
, que l'on y prévou bien le danger , inais sans faire
assez pour s'en garantir, Voici comment elles s'expriment :
On attendait jeci , avec impatience , des détails sur les derpiers
évenemens de la Pologne . Un courier , arrivé les premiers
jours du mois , apporta la nouvelle que Varsovie était
tombée entre les mains des Russes. Ces dépêches furent présentées
au sulian , qui parut trés-allecté de leur contenu ; et
l'on vit sur- le - champ convoquer un conseil d'état qui dura
très -long- tems.
Les ministres étrangers et le public ignorent absolument et
l'objet mis en délibération et la décision du divan .
Le ministre de Russie demanda une conference au Reis-
Effendi , pour traiter des affaires maintenant en litige entre la
Porte et la Russie . Cette entrevue eut effectivement lieu le 3
de ce mois . Le ministre russe fit tomber ensuite l'entretien
gur les affaires de Pologne , et ne manqua pas de déclarer au
( 259 )
05
Reis-Effendi que l'impératrice se flattait que le sultan conti
nuerait à maintenir le systême de neutralité établi , et ne favoriserait
les intérêts des Polonais ni en public , ni en particu
lier . Le Reis-Effendi répondit que l'intention du sultan était
de conserver la neutralité , mais que sa hautessse desirait en
même tems qu'on mit fin à un aussi grand massacre de l'espece
humaine ; que le moyen de parvenir à ce but était de
garantir à la Pologne sa constitution du 3 mai 1791 ; qu'enfin,
il priait l'ambassadeur de Russie d'informer l'impératrice des
sentimens du grand - seigneur , pour qu'elle veuille bien rendre
une réponse prompte et cathegorique . On ne sait point co
que l'ambassadeur a repliqué ; mais dès le lendemain il expé
dia un courier à Pétersbourg. Le même jour , le Reis - Effendi
cut encore une conférence avec le ministre prussien. Il paraft
qu'il y a encore été question des affaires de Pologne . Immés
diatement après qu'elle fut terminée , le ministre prussien
expédia un courier à Berlin .
Ainsi , les instructions qui arriveront à ces deux ministres
décideront de la paix ou de la guerre.
En attendant l'issue que doit avoir la conjoncture actuelle ,
les préparatifs militaires continuent avec beaucoup d'ardeur.
Les Français continuent de conserver auprès de la Porte le
crédit que doivent avoir d'anciens amis , et dont les ministres
de la coalition sont jaleux et sé plaignent avec aigreur , mais
iuntilement ; tandis qu'ils font des réclamations sur ce que
les fregates françaises parcourent l'Archipel et se tiennent à la
hauteur de Smyrne , pour intercepter les bâtimens ennemis ,
le divan déclare valables les prises faites par elles . La derniere
était un navire ragusain , ayant une cargaison tres-riche .
Le commerce de la Suede et du Danemarck est toujours
très- florissant ; et ces puissances continuent de rester unies
à la satisfaction et au grand avantage des autres états de l'Europe
, qui trouvent en eiles une espece de boulevard contre
ce qui pourrait tenter l'ambition de la Russie . Il est sorti du
seul port de Gothembourg , pendant l'année derniere , 795 .
grands bâtimens rchands allant à des ports étrangers , c
700 destinés pour les différens ports du royaume.
Les principaux articles de l'exportation à l'étranger ont
consisté en 104,535 schiffpond de fer en barre , en 163,078
tonneaux de harengs , en 34.900 tonneaux d'huile de poisson
en 22,918 douzaines de planches , en marchandises des Indes
pour la valeur de 558,54% écus en especes , et en 67,00 ton
neaux de grains .
Quant à notre port , il est toujours très - fréquenté : nous y
avons compté , l'année derniere , au- delà de 1800 vaisseaux ;
dans ce nombre , les Hollandais ont été pour plus de 500 ;
les Anglais pour plus de 300 , et les Américains pour pas
moins de 208,
( 260 )
De Francfort-sur-le-Mein , le 18 février.
Suivant des lettres de Hongrie , arrivées à Vienne , les états da ce royaume s'engagent , dans une circulaire , à donner
sept millions effectifs à l'empereur pour continuer la guerre. Mais comme cette somme n'aiderait que faiblement le cabinet. autrichien s'occupe de se procurer de l'argent de toutes les manieres , même au taux le plus onéreux . Telles sont les con , ditions du dernier emprunt , soi - disant à 5 pour 100 , et qui coûtera effectivement bien davantage au gouvernement
, et rés- semble assez aux opérations de finance de Calonne . Cependant
ilfaut de l'argent à tout prix, car les renforts pour l'Italie doivent se mettre en route vers le milieu de fevrier . Ils consistent en
sept mille hommes d'infanterie et quelques divisions de caval
lerie qui seront joints aux autres troupes alliées dans le
Piémont.
La cour , qui regarde apparemment la Belgique comme
perdue pour elle , vient d'interdire , par un édit , tout com- merce avec les Pays-Bas , et abolit les priviléges du tarif de
1788.
Il faut que l'empereur mette beaucoup de prix à la posses- sion de Lafayette , car il a envoyé pour récompense à l'admi-› nistrateur de Breunselsen en Moravie , qui l'a arrêté , une
médaille d'or , avec la permission de la porter à la boutonniere.
* ཉིན་ སུ
Il s'en faut que le procès des prisonniers d'état en Hongrie
soit terminé. On arrête tous les jours de nouveaux prévenus
de conspiration , qui sont traités avec la plus grande rigueur , parce qu'on a découvert qu'ils avaient des vues et des intelligences
bien plus étendues qu'on ne les leur supposait. Le catéchisme politique , publié par un des conjurés et répandu à un assez grand nombre d'exemplaires , commençait ainsi : 66 Qui es-tu ? Une brute accablée honteusement
sous le joug
On rencontre dans cet ouvrage quelques d'un tyran. 3. signes qui ont le besoin d'une clef, et l'on sait que chaque pro- sélyte devait en procurer deux autres à la société , dont au reste les membres resteraient pour la plupart inconnus les uns
aux autrés .
Les Français sont entierement
maîtres de la Hollande. La Zélande même a capitolé , et les alliés qui se croyaient en.
sûreté dans cet asyle , ont été obligés de prendre la fuite. En marchant ainsi de conquête en conquête , l'armée française s'enrichit des provisions recueillies par ses ennemis . On nous écrit de Westphalie
qu'un grand magasin , celui de Duisbourg ,, vient de tomber en son pouvoir.
Nous avons ici un placard qui nous apprend que les Frane.
( 261 )
çais ont demandé au pays d'Outre - Meuse et Rhin , une nouvelle
contribution de 25 millions tournois .
Le corps du prince de Conde va à Rothenbourg sur le
Necker , où il prendra ses quartiers d'hiver .
On nous écrit de Cologne , qu'on y a découvert le lien
où un riche banquier avait enfoui son er et son argent. La
même aventure est arrivée à d'autres particuliers riches. Le
pays de Limbourg et celui de Liege n'offrent plus que l'image
de la misere. Il en est , dit- on , ainsi du Brabant et de toute
la Belgique.
On écrit de l'intérieur de la Hollande , que les patriotes
s'y forment en corps , dans la vue de se joindre aux Français
, et de faire en commun la guerre à la Grande - Bre
tagne .
La ratification impériale du conclusum de la diete du 22 dêcembre
, relatif à la paix , n'est pas encore arrivée . En attend
dant , on se prépare à de nouvelles délibérations sur les décrets
de commission impériale du 20 octobre et 6 novembre , lesquels
roulent sur les moyens de coaction à employer contre
les états d'empire qui n'ont pas fourni leur contingent. Lea
débats sur ces deux décrets commenceront le 23 du mois prochain.
Il parait qu'il regne à cet égard une grande diversite
d'opinions . Dans les circonstances actuelles , on ne saurait
songer à une revision de l'ordonnance d'exécution , et comme
les états en retard ont tant d'excuse à alléguer ; comme on
ne saurait nier qu'il y a une disproportion évidente entre les
ressources actuelles de plusieurs princes et le contingent
auquel ils sont taxés dans l'ancienne matricule , on prévoit
qu'il sera difficile d'arriver à quelque résultat net dans mate
matiere. On espere qu'après la paix l'ordonnance d'exécution
sera changée , et qu'en général le systême de défense de l'empire
subira des modifications salutaires .
9
ANGLETERRE . De Londres , le 9 janvier.
Débats du Parlement. Chambre des Communes.
Séance du 7 janvier . Sur les motions de M. Lambton et
du colonel Maitland ; il est ordonné que les états des troupes
étrangeres , à la solde de l'Angleterre , ainsi que ceux des
tués , ou des prisonniers tant desdites troupes , que de l'armée
anglaise seront mis sur le bureau .
M. Jekill dit que quand il a demandé l'état des troupes
employées par le roi de Prusse , on lui a répondu qu'on
n'avait reçu aucun rapport officiel . Il s'est assuré depuis
S 3
( 262 )
qu'on avait envoyé un commissaire sur le continent. Il ne
conçoit pas comment ce commissaire n'aurait point envoyé
d'état. D'ailleurs il voudrait savoir comment on a été instruit
des grands avantages que les puissances combinées avaient
tirés de l'armée da roi de Prusse , si ce n'est par le comissaire
, et quelle difficulté il y a à en rendre compte .
M. Pitt répond , qu'il n'est point impossible d'expliquer
les services que les troupes prussieunes ont rendus . Si l'honorable
membre veut connaître leurs opérations ' actuelles , it
Ini dira que ces troupes ne sont point employées du tout ,
mais qu'elles sont sur les frontieres de France .
M. Jekill demande s'il y a un commissaire ou non ?
M. Pitt répond , qu'il n'y a pas eu de commissaire , mais
qu'un noble lord y a été chargé de la correspondance .
M. Jekill propose que le montant des troupes prussienne &
employées en conséquence du traité , soit communiqué à la
chambre dans toute l'étendue que les informations pourront
le permettre.
La motion est rejettée .
"
M. Sheridan trouve fort extraordinaire le refus des ministres .
Il croit que le roi de Prusse n'a rempli aucun des articles du
traité . En conséquence , il annonce qu'il fera une motion
pour obtenir la correspondance du lord Malmesbury.
L'orateur remarque que cette motion étant de même nature
que celle qui vient d'être rejettée , doit être remise à un autre
jour.
Comité des subsides . La chambre s'étant formée en comité
des subsides , on propose d'accorder à sa majesté cent mille
matelots , oompris quinze mille soldats de marine pour le
service de 1795.
M. Robinson se plaint du mauvais état de la marine ; que
les vaisseaux ne sont pas aussi bons voiliers que ceux de
l'ennemi ; qu'ils sont entr'eux de vitesse inégale ce qui est
cause que des officiers ont été traduits au conseil de guerre .
Le capitaine Berkley convient que tous les vaisseaux ne
sont pas également bons voiliers ; mais il maintient que la
flotte anglaise , prise en général , marche aussi bieu que la
flotte française ; que d'ailleurs , elle n'a jamais mieux marché
que dans ce moment- ci ; que de pareilles questions ne devraient
pas être discutées en tems de guerre . Il avoue que
les vaisseaux pourraient étre meilleurs voiliers , si leur coustruction
était surveillée par des hommes savans , et si on
proposuit des récompenses pour les meilleurs plans . It croit
ceux des Français supérieurs ; mais les Anglais ont de meilleures
têtes , de meilleurs bras , et leurs vaisseaux sont plus
forts. Il pense que si l'on adoptait sen idée , l'Angleterre
urait les meilleurs vaisseaux du monde. Il saisit cette occa(
263 )
sion de justifier le lord qui présidait dernierement à l'amirauté
. Il attribue la quantité des prises à ce que les navires
n'attendent pas les convois , et ce dernier mal à la hauteur
excessive des assurances , qui fait que les propriétaires ne
s'inquietent plus si leurs bâtimens seront pris ou non .
L'amiral Gardner observe que les lords de l'amirauté n'ont
rien à dire à la construction des vaisseaux , qui est du département
des inspecteurs de la marine . Il croit les vaisseaux
des Français décidément meilleurs voiliers que ceux des Anglais
. It remarque néanmoins que , depuis 40 ans , la consunction
s'est perfectionnée , parce qu'on a tâché d'imiter
celle de l'ennemi , d'après les vaisseaux qu'on lui a pris.
M. Fox se plaint de ce qu'on n'a pas augmenté la marine
militaire en proportion de ce que le commerce s'est accru ';
et après plusieurs observations sur les négligences qu'il reproche
à l'amirauté , il conclut en desirant qu'il soit pris
des informations à ce sujet.
M. Dundas examine l'état de la marine depuis trois ans .
Il dit qu'an moment de la rupture , on n'avait que 16,000 matelors
, et qu'aujourd'hui il y en a go,000 ; que cette augmentation
était une preuve de l'activité qu'avait mise l'amirauté ,
d'antant qu'il était plus difficile de trouver des matelots , tant
parce que l'ennemi ayant négligé son commerce , il n'y avait
plus de prises , que parce que les négocians avaient considé
Tablement augmenté les salaires qu'ils donnaient aux lenrs .
I observe que la supériorité de l'ennemi dans la construc
tion , provenait et de l'idée que les marins conservaient que
Jeurs auciens vaisseaux étaient très - bons pour battre les Français
, et de l'éloignement que la nation a pour toute innovation
. Il convient que l'ennemi a fait des efforts étonnans
pour élever sa maine et se réjouit de voir qu'on se pro
posc d'en faire autant en Angleterre , en votant unanimement
l'augmentation demandée .
M. Sheridan preuve que le gouvernement ferait bien de
faire plus d'attention à ces innovations qui ont été si utiles
anx Français ; it du que si ce défant de prises offre moins
d'attraits aux matelois , il doit être plus aisé d'un anire côté
de trouver des hommes , parce que la nation ' a point de
Corsaires.
M. Braudling , ayant observé qu'une escadre française était ,
depuis trois eu quatre mois , dans les mers du Nord , l'amiral
Gardner répond que l'amiraute y a envoyé l'amiral Hardy ,
et depuis quatre autres vaisseaux , pour s'opposer aux desseins
de l'ennemi.
Plusieurs membres parlent encore sur la question . Le colonel
Tarleton dit entr'autres , qu'il n'est résulte pour l'Angleterre
aucun avantage réel de la derniere victoire navale . La conquête
de la Corse , selon lui , se réduit également à rien . H parle
S 4
( 264 )
des grands efforts que font actuellement les Français pour
accroître leur marine .
L'amiral Gardner avance que dans le cours de l'année 1794
l'amirauté a accordé cent huit convois , et qu'il y a eu cent
quarante vaisseaux employés à ce service , outre quinze vaisseaux
et bâtimens destinés exclusivement à protéger le commerce
des côtes .
La motion est mise aux voix , et adoptée. Il est ordonné
que le rapport en sera fait le lendemain .
Voies et moyens. La chambre se forme en comité des voies
et moyens . La taxe ordinaire des terres , celle sur la dreche ,
la bierre , le cidre passent , et il est arrêté que la chambre
se reformera dans un comité semblable , le vendredi suivant.
( La suite au numéro prochain . ).
De Londres , le 10 février. L'invasion de la Hollande a causé
ici une très vive consternation ; mais peu peu les esprits
se sont rassurés et réunis contre les dangers qui menacent.
la coalition , Cette derniere circonstance peut faire voir aux
Français qu'il est impossible de briser les ressorts de ce gouvernement
britannique qui se fortifie contre les orages , et qui
a su nationaliser la guerre des rois .
Le parlement a voté l'emprunt de six millions de livres
sterlings pour l'empereur ; la facilité avec laquelle le ministere
a obtenu ce bill , le fera persister, à ce qu'on croit , dans le projet
de payer des subsides au roi de Prusse .
Le parlement a voté en outre une somme de dix-huit millions
sterlings pour les dépenses de l'Angleterre, L'opposi
tion n'était que de vingt- quatre membres dans la discussion
qui a eu lieu à ce sujet.
Un grand nombre de négocians de Londres ont signé une
pétition pour la paix ; d'autres négocians , partisans du ministere
, ont fait une pétition pour la continuation de la guerre .
Cette division n'a occasionné aucun mouvement , d'où l'on
pourrait conjecturer la moindre étincelle de révolution .
Les débats du parlement paraissent toujours conserver ce
caractere que leur a imprimé dès long-tems l'influence ministérielle
.
Lord Bedfort , dans une des dernieres séances , a fait la motion
de déclarer qu'on pourrait traiter avec le gouvernement
de France. Cette motion a été combattue par lord Grenville ,
et rejettée à la majorité d'usage . Lord Grenville , en comhattant
le lord Bedfort , a dit qu'on ne traiterait pas plus avec la
France monarchique qu'avec la France républicaine , Cet aveu ,
échappé au ministere , quoiqu'il ait été amendé , met assez à
découvert les vues de sa secrete ambition.
( 265 )
REPUBLIQUE FRANÇAISE
CONVENTION NATIONAL E.
PRÉSIDENCE DE BOURDON ( de l'Oise ) .
Séance du duodi , 2 Ventôse.
Dans la séance extraordinaire d'hier soir , Bourdon ( de l'Oise )
a été nommé président ; les secrétaires , sont ; Martin , Dupuis
et Rabaut.
Baraillon 9 au nom du comité d'iustruction publique ,
annonce que le nombre des éleves de l'école de santé , n'est
pas complet. Ce déficit peut être attribué au défaut de sujets
propres à cet art ou à la négligence des agens nationaux .
il demande à la Convention d'autoriser le comité d'instruction
publiqne à le completter en y admettant les citoyens
des colonies orientales et occidentales qui seront jugés
capables soit par le comité , soit par la commission de santé.
Ce projet de décret est adopté.
Des citoyens de couleur sont venus remercier la Convention
du décret qui envoie des représentans du peuple dans les
colonies . Ils jurent un attachement inviolable à la République.
Ils esperent que ce décret bienfaisant rattachera tous les partis ,
tous les intérêts à la cause de la liberté et de l'égalité .
Gouly demande l'appel nominal pour la nomination des
trois représentans du peuple qui doivent se rendre dans les
Indes orientales , afin que ceux qui sont portés sur la liste
du comité des décrets , et qui seraient nommés , déclarent ,
s'ils croyent cette mission au- dessus de leurs forces morales
on physiques , et qu'on puisse les remplacer sur - le - champ
Sans que la chose publique en souffre .
Thuriot trouve cette liste du comité des décrets insignifiante
. Il voudrait que ceux qui se croyent propres à cette
mission se fissent inscrire à ce comité . Il demande , en conséquence
, l'ajournement de l'appel nominal .
Un membre lui objecte que ce mode circonscrivait le choix
de l'Assemblée , que les députés ne s'appartiennent pas , et
qu'ils ne doivent pas craindre les dangers , lorsqu'il s'agit de
sauver la patrie.
Legendre lui répond qu'un député peut avoir des raisons
très légitimes de ne point accepter cette mission . Il appuie la
motion de Thuriot , avec l'amendement que chacun sera libre
de nommer hors de la liste ; l'un et l'autre sont décrétés .
Plusieurs sections de Paris sont venues féliciter la Con
1
( 266 )
vention sur son énergie , et l'assurer de leur vigilance et qu'elles
lui feraient un rempart de leur corps . Celle de la Halle - au-bled
y ajoute le va que l'on fasse disparaître de la place des
Invalides , la statue gigantesque et ridicule qui rappelle le
fédéralisme ; mot dont les décemvies ont si cruellement abuse
et dont l'idée n'a jamais existé dans aucune tête .
Mathien appuie la demande et s'écrie : Qu'est - ce que la
montagne , si ce n'est une conspiration contre l'égalité ?
L'Assemblée decrete que tous les monumens élévés dans
les places et les rues des communes de la République qui
seraient des signes de discorde et de division entre le peuple
et ses représentans , seroar incessamment démolis .
Cainot , au nom du comité de salut public , fait un rapport
sur notre situation actuelle dans les Provinces Unies. On
s'est plu , dit- il , à répandre le bruit que le gouvernement
ne tirait pas de la conquête de la Hollande tous les avantages
qu'on devait s'en promettre , et la malveillance a pris
texte de la capitulation de la Zelande ; mais il n'en est pas
moins vrai qu'elle est conforme aux intérêts de la France. Les
isles de la Zélande pouvaient se défendre long - tems , nous
occuper le reste de l'hiver , et peut-être une partie de la
campagne prochaine . Par le mouvement révolutionnaire qui s'y
est opéré en faveur de la liberté , nous avons obtenu la navigation
libre de trois grands fleuves , le Rhin , la Meuse et
I'Escaut. Nous nous sommes unis à un peuple industrieux ,
qui tient dans ses mains les diverses branches de commerce
du monde ent er . Nous n'avons d'ailleurs rien à craindre daus
ce pays . Nous y aurons habituellement 120,00 , hommes ..
Carnot termine en proposant de confirmer le choix , fait par
le comité de salut public , de Richard , pour se rendre en
Hollande . Ce choix est confirmé .
Séance de tridi , 3 Ventôse .
Baraillon , an non da comité d'instruction publique , pro
pose de nommer le citoyen Noël , ci - devant ministre de la
République , à Venise , adjoint à la commission d'instruction
publique , à la place du citoyen Clement de Ris qui s'en est
démis . Adopté.
Le même membre fait décréter qu'il sera nommé un commissaire
chargé de faire le triage des livres , gravures , manuscrits
, et généralement de tous les objets d'arts qui sout
déposés en grand nombie au comité d'instruction publique ,
pour en faire jouir le public. A l'avenir , les diverses ouvrages ,
les tableaux et les collections des arts dont on aura fait hommage
à la Convention , seront remis à ce citoyen chargé de
recevoir les dons patriotiques.
Aubry , au nom des comités de salut public , militaire et
des finances , fait décréter que la commission des convois
( 267 )
et transports militaires , cessera tout achat de chevaux .
marchandises et effets propres au transport. Tous ces objets
seront mis à l'entreprise ; les marchés seront passés par les
comités de salut public et des finances .
Un membre , organe du comité des décrets , annonce que
Marat avait fait enlever , au moyen d'un arrêté de la commune
de Paris , quatre belles presses de l'imprimerie nationals du
Louvre. L'agence de l'envoi des lois , qui a fait cette décou
Werte , déclare qu'elles sont sur le point d'être vendues à vil
prix . L'Assemblée ordonne qu'elles seront sur- le - champ rétablies
dans l'imprimerie d'où elles ont été tirées .
Garran de Coulon , au noin du comité de législation , a
proposé un mode de constater l'état civil des citoyens de la
commune de Paris , plus simple et plus sûr. Cette ville sera divi
sée pour cet objet , en douze arrondissemens ; il y aura dans
chacun , un officier de l'état civil , un substitut , un agent
national , un secrétaire commis et un concierge . Les agens.
nationaux seront pris successivement dans les sections de l'arrondissement
, au choix du comité civil , et leur service sera
d'un mois . Les fonctions des offciers de l'état civil sont les
mêmes que celles des officiers municipaux nommés pour cet
objet. Ce projet est adopté..
Boissy d'Anglas , au nom des comités de salut public
de sûreté générale et de législation , fait un rapport sur l
liberté des cultes . Il rappelle que si des mouvemens dangerenx
menacent quelques départemens , si la guerre de la
Vendée a été si terrible et n'est pas terminée , c'est qu'au lieu
de chercher à éclater , on a aigri le fanatisme para compressiou
des opinionsreligieuses et le joug imposé aux consciences.
C'est qu'on n'a pas vu que la persécution échauffe
les imaginations , et que la philosophie ne doit pas imiter
le sacerdoce et devenir intolérante comme lui . Boissy ajoure
qu'il faut à l'homme une religion , parce qu'il y trouve la
source de ses devoirs , et que si les erreurs religieuses ont
éé le prétexte de maux affreux , elles ont aussi procuré des
avantages . Le coeur de l'homme , dit- il , en te minant , est on
asyle sacré où l'oeil du gouvernement ne doit pas descendre ;
surveillez ce que vous ne pouvez empêchér , régularisez ce
que vous ne ponvez défendre .
Le rapporteur propose un projet de décret qui est adopté
en ces termes. ( Voyez à la fin des séances . )
Séance de quartidi , 4 Veniêse.
Il y a eu hier soir une séance extraordinaire consacrée à
Tappel nominal pour l'election des représentans du peuple
qui doivent se rendre dans les colonies orientales ; les membres
nommés sont , Barras , Letourneur ( de la Mauche ) et
Armand de la Meuse ).
་
( 268 )
Le comité des décrets fait adopter , par la Convention
qu'il ne sera plus nommé de suppléans pour les comités
ceux qui seront choisis seront obligés d'accepter , et si on
leur donne une mission , on ne les remplacera qu'au renouvellement
du mois.
Anguis , au nom du comité de sûreté générale , fait le
détail de l'attentat commis dans le département de Vaucluse .
Le dessein des brigands masqués , qui ont assassiné le citoyen
Polier dans sa maison de campagne prés d'Avignon , était
principalement d'immoler le représentant du peuple Jean
Debry. Ils pensaient qu'il y coucherait cette nuit , et ils demanderent
d'abord s'il y était . Après avoir assassiné Polier , ils
saisirent son épouse , la lierent et l'approchant d'un brasier
ardent , ils la menacerent du même sort que son mari ,
elle ne leur déclarait pas le lieu où était caché son argent ;
mais l'arrivée de quelques citoyens d'Avignon leur fit prendre
la fuite , emportant près de 80,000 liv . Ces brigands regrettent
hautement Robespierre et son affreux régime.
81
Anguis demande que le tribunal criminel du département
de Vaucluse soit investi des pouvoirs nécessaires pour juger
d'après les formes établies par la loi du 6 nivôse , les auteurs
et complices de cet attentat. Sa proposition est décrétée .
Rovere Ce décret est insuffisant. La source des massacres
qui ont en lien dans les départemens méridionaux , est dans
l'impunité de ceux qui les ont désolés . Les membres de la
commission d'Orange sont encore en liberté . L'un d'eux en
passant à Lyon s'est venté d'avoir opiné pour 3000 sentences
de mort. Le peuple indigné l'a mis en pieces. Je demande
que les trois comités vous présentent des mesures pour mettre
en jugement tous les prédicateurs de maximes sanguinaires .
Dumont demande provisoirement qu'on leur ôte leurs armes
dont ils ont privé les bons citoyenr à qui elles appartenaient ,
et qu'ils emploient à piller et égorger.
Le renvoi des deux propositions aux comités réunis est .
décrété .
On procede à l'appel nominal pour la nomination de trois
représentans du peuple chargés de se rendre aux Indes occidentales
. Bourdon ( de l'Oise) , Vardon et Giraud (de la Charente)
rénnissent la majorité des suffrages .
Séance de quintidi , 5 Ventôse.,
La société populaire régénérée de Marseille écrit à la Convention
, qu'elle a proscrit les diverses dénominations inventées
par les factieux pour diviser les citoyens et les armer
les uns contre les autres , et qu'elle s'est mise en insurrection
contre les voleurs , les égorgeurs et les dominateurs .
Un membre demande l'insertion de cette adresse au bulle
in . Vital s'y oppose , parce que les anteurs prêchent l'ing
( 269 )
aurrection. C'est l'insurrection contre le crime , lui répond
on. Je pense , continue Vital , que l'insurrection , fut - elle
contre le crimé , est une mauvaise mesure . C'est donner le
signal de la guerre civile . Punisseź , à la bonne heure , ceux
qui se sont souillés de crimes ; mais confiez - en le soin aux
lois , qui exereeront la vengeance nationale par l'organe des
tribunaux ; mais écartez l'arbitraire .
Il n'est pas question de cela , dit Clausel , le préopinant a
mal pris le sens de l'adresse . Les Marseillais veulent si peu
se faire justice eux- mêmes , qu'ils demandent l'arrestation de
ceux qu'ils accusent.
L'insertion de l'adresse au bulletin est décrétée .
Plusieurs membres avaient demandé hier que les comités
réunis s'occupassent des moyens de réduire à l'impuissance
de nuire les hommes qui , dans toute la République , méditent
de nouveaux assassinats , et d'assurer la tranquillité
publique . La Convention avait en conséquence chargé ses
comités de lui faire un prompt rapport à ce sujet .
Merlin ( de Douai ) l'a présenté aujourd'hui. Les hommes
de sang , dit-il , s'agitent ; il leur en faut encore ; ils défient
presque les patriotes de les faire rentrer dans le néant. Pour
y parvenir , la Convention a - t - elle besoin de faire de nouvelles
lois ? non ; il suffit d'exécuter celles qui existent. Les
comités ont pris à cet égard des mesures qui auront le succès
qu'on a droit d'en, attendre. Quant aux moyens d'assurer la
ranquillité publique , le comité a reconnu que les hommes
de sang affluent dans les grandes communes , pour y dé-
Praver l'opinion publique , tromper la crédulité , appeller
la famine , en un mot méditer des scenes d'horreur ; mais
on ne sait comment les signaler ou les saisir. Les moyens
ordinaires pourraient devenir illusoires , peut- être même dangereux
. Les comités se sont arrêtés à cet expédient ; c'est
de les forcer à rentrer dans leurs communes : là , ils seront
isolés , séparés de leurs complices , et continuellement comprimés
par la surveillance des bons citoyens .
Merlin propose ensuite un projet de décret en six articles ,
qui portent que tous membres d'administration de département
, district on municipalité , tous membres de tribunal ,
commission ou comité révolutionnaire , tous fonctionnaires
publics , agens du gouvernement , employés dans les administrations
comptables , civils ou militaires , destitués ou suspendus
de leurs fonctions dépuis le 10 thermidor , qui sont
absens de leurs communes , seront tenus d'y retourner dans
le délai de 2 décades pour cent lieues de distance et au- dessous ,
et de quatre pour une distance plus considérable : ceux qui ,
passé ce délai , n'y seront pas rentrés , seront dénoncés par
les agens nationaux de leurs communes , et traduits devant
le tribunal de police de district , qui les condamnera par
( 270 )
forme de police correctionnelle , à six mois de détention ;
sans qu'ils puissent appeller de ce jugement , ui en arrêter
l'exécution par la voie de l'opposition .
12
Merlin ( de Thionville ) prend la parole et dit que cette
mesure , quoique sage , n'est pas suffisante. Tant que les
tyrans existent , la tyrannie u'est pas abattue. Il faut que Pison
entre dans la tombe avec Tibere , Tigellin avec Néron , Antoine
avec Cesar ; il faut que le sol de la République soit
purgé de la tyrantie , pour que la liberté prospere et que
nous jouissions d'une paix solide et durable . Il conclut en
demandant que la commission des g1 fasse son rapport dans'
trois jours.
Legendre s'étonne aussi de la lenteur de la commission ;
mais il ajoute qu'on doit prendre garde de ne pas devenir
oppresseur, parce qu'on a été opprimé ; il se borne à pro
poser de faire expliquer la commission sur l'époque à laquelle
elle pourra faire son rapport. Sa motion est adoptée .
pas
Johannot , au nom de la commission des 21 , dit qu'elle '
s'occupe sans relâche de l'objet de sa mission ; mais qu'elle ne peut
déterminer l'heure où sa conscience sera assez éclairée . Les
pieces qu'il a fallu extraire , examiner et communiquer aux
prévenus , sont très nombreuses. Elle en a encore reçu hier
de nouvelles . Cependant elle entendra aujourd'hui pour la
derniere fois les accusés , et sous peu de jours sou rapport
sera présenté.
Séance de sextidi , 6 Ventôse.
Hausman , de retour de sa mission dans la Belgique , rend
compte des opérations administratives faites jusqu'à ce jour
dans ce pays. Indépendamment des requisitions sur les chevaux
de luxe et sur les matieres propres au service des armées ,
l'on a transporté dans l'intérieur de la République beaucoup
d'objets de premiere nécessité , ceux de sciences et d'arts , et
les tableaux des grands maîtres.
Les contributions payées sont de 38 millions , et celles qui
restent à acquitter de 47. Les ventes des coupes de bois iront
à to millions . Cent mille arbres sont marqués pour la cons-'
truction. Les revenus des domaines nationaux arrivent à
400,000 liv . par décade , et ils sont évalués trois milliards ; ce
qui fait une nouvelle hypotheque pour les assignats . La réunion
de ce pays à la France est généralement desirée. Celui
d'Outre- Meuse et Rhin , qui offre également d'immenses
resources , est administre de la même maniere que la Belgique
.
Hausman termine en annonçant qu'il s'est commis dans la
Belgique des dilapidations énormes . et il propose la forma-"
tion d'une commission chargée d'en connaître . Cette proposition
est renvoyée au comité de salut public.
( 271 )
Lecointre ( de Versailles ) demande la révision de trois décrets
rendus dans des tems malheureux : te er. du 24 ventôse
an 2 , qui frappe de mort tout citoyen qui aura donné asyle
à un
individu mis hors de la loi ; le 2. qui condamne à la
déportation celui qui aura recelé un prêtre sujet à cette peine ,
et qui est du 30 du même mois ; le 3e . du 29 brumaire , qui
porte la confiscation des biens de celui qui , décrété d'accusation
, ou contre lequel l'accusateur public du tribunal révolutionnaire
aura dressé un acte d'accusation se sera donné la
mort. Ce dernier décret a reçu un effet rétroactif en le faisant
remouter au 10 mars 1793 , époque de l'établissement
du tribunal révolutionnaire.
Lecointre les appelle des décrets immoraux et barbares .
Sous le regne des Tibere , des Neron , des Caligula , dit- il ,
celui qui , pour ne pas périr sous le couteau des formes judi
ciaires , se donnait la mort , conservait ses biens à ses kéri.
tiers . Ou ne condamnait pas à la moit ni à l'exil celui qui
avait reçu son parent on son ami , ou qui avait donné refuge
à un individu poursuivi pour ses opinions religieuses .
La proposition de Lecointre est renvoyée au comité de
législation.
Thibaut observe que cette séance est destinée aux finances .
I demande que l'Assemblée s'en occupe . I est vivement
appuyé. C'est par les finances , disent plusieurs membres ,
qu'on veut nous perdre .
Rewbel est d'avis qu'on s'en occupe tous les jours à deux
heures.
Merlin ( de Thionville ) : Que ce soit alternativement avec
la guerre. C'est la maniere , dit -il , de faire la guerre qui
vous amenera la paix , et c'est de la paix que dépend la res
tauration des finances .
L'Assemblée décrete la proposition de Rewbel .
Cambonprésente , en conséquence , deux projets de décrets.
Le 1er , est relatif au mobilier des émigrés dont la vente
est ordonnée , sauf des objets d'arts , qui seront transportés
au Muséum .
Par le second , l'Assemblée accorde des primes graduelles
aux acquéreurs des domaines nationaux qui solderout par
anticipation. Cette prime est de douze pour cent pour ceux
qui paieront la totalité , et de dix pour ceux qui acquitterent
les cinq sixiemes , et ainsi de suite.
Ces deux décrets ont ramené sur le chapitre des dilapi
dations. Les agioteurs se disent aujourd'hui philosophes . Ils
veulent connaître le caractere , les moeurs et la littérature
des Bataves , visiter leurs chantiers et leurs canaux , et ils
prennent des pouvoirs des commissions exécutives . Pour éviter
cet abus , la Convention décrete que les commissions n'enverront
aucun agent sans l'autoritation d'un comité ,
( 272 )
Décret sur l'exercice des cultes .
La Convention nationale , après avoir entendu le rapport de
ses comités de salut public , de sûreté générale et de légis
lation , réunis , décrete :
Art. Ier . Conformément à l'article VII de la déclaration
des droits de l'homme , ct à l'article CXXII de la constitution ,
l'exercice d'aucun culte ne peut être troublé .
" II . La République n'en salarie aucun .
" III . Elle ne fournit aucun local ni pour l'exercice du
culte , ni pour le logement des ministres .
,, IV . Les cérémonies de tout culte sont interdites hors de
l'enceinte choisie pour leurs exercices .
,, V. La loi ne reconnait aucun ministre du culte ; nul ne
peut paraître en public avec les habits , ornemens ou costumes
affectés à des cérémonies religieuses .
,, VI . Tout rassemblement de citoyens pour l'exercice d'un
culte quelconque , est soumis à la surveillance des autorités
constituées . Cette surveillance se renferme dans des mesures de
police et de sûreté publique .
,, VII. Aucun signe particulier à un culte ne peut être placé
dans un lieu public , ni extérieurement , de quelque mauiere
que ce soit. Aucune inscription ne peut désigner le lieu qui
lui est affecté ; aucune proclamation ni convocation publique
ne peuvent être faites pour y inviter les citoyens .
,, VIII. Les communes . ou sections de commune , en nom
collectif , ne peuvent acquérir ni louer de local , pour l'exercice
des cultes .
,, IX. Il ne peut être formé aucune dotation perpétuelle
ou viagere , ni établi aucune taxe pour en acquitter les
dépenses .
X. Quiconque troublerait , par violence , les cérémonies
d'au culte quelconque , ou en outragerait les objets , sera
puui suivant la loi du sur la police correctionnelle .
" XI . Il n'est point dérogé à la loi du 2 sanculottide ,
deuxieme année , sur les pensions ecclésiastiques , et les dispositions
en seront exécutées suivant leur forme et teneur.
, XII , Tout décret dont les dispositions seraient contraires
à la présente loi est rapporté. "
PARIS . Nonidi , 9 Ventôse , 3. année de la République .
Le décret sur la liberté des cultes , ce droit si cher à la
conscience , dont nos derniers tyrans , qui n'en avaient aucune ,
avaient
( 273 )
avaient suspendu si long - tems ' exercice , est une des lois les
plus sages et les plus politiques qu'aient pu rendre les représen
ans du peuple dans les conjonctures actuelles . Cette restitution
faite à la liberté des opinions religieuses , va rattacher à
la patrie et à la révolution cette multitude de personnes faibles
et sensibles qui ne croyaient pas jouir de la liberté civile et
politique , tant qu'on les privait de l'exercice d'un droit qui
n'a d'anire mesure que celle qu'y attachent le sentiment et
T'habitude qui en tient souvent lien . Elle va accelérer le terme
de cette affreuse guerre de la Vendée qui s'est alimentée des
persécutions dont la religion n'était que le prétexte .
Mais qui croirait , dit une de nos feuilles du jour , que l'agiotage
ait porté ses combinaisons jusques sur les idees religieuses.
Quelques personnes profitant du décret sur la liberté des
cultes , se sout reunies en compagnie dans le projet d'acheter
des églises et de faire dire des inesses à voir l'esprit qui
regue à Paris et dans les départemens , il est à croire que
ce projet doit être une des plus belles spéculations du génie
qui inspire les agioteurs.
1
Par-tout on accapare les missels , les heures , les évangiles , et
tous les livres qui peuvent servir à la célébration des cérémo❤
nies religieuses ; ce retour à la religion vient très -heureusement
dans les circonstances actuelles ; ies prêtres qui seront chargés
d'éclairer la conscience des nouveaux fideles , doivent mettre
tous leurs soins à faire observer le carême ; c'est un moyen
très -sage de nons faire supporter avec patience la disette de
vinde où se trouvent la plupart des départemens : ce serait
d'ailleurs rentrer dans le but politique des institutions sacrées ,
qui ne nous ont pas interdit l'usage de la viande , parce que cela
déplaît à Dieu , mais parce que c'est dans cette saison que la
nature travaille à la réparation des especes .
On avait quelques raisons de s'étonner que les membres de
l'ancien tribunal revolutionnaire , qui s'étaient constitués les
bourreaux à gage des victimes désignées par Robespierre et
ses complices , jouissent paisiblement au milieu de leurs foyers
de l'impunité de leurs meurtres , tandis que les Dumas , les
Coffinhal avaient déja subi la peine de leurs crimes , et que
la justice demandait compte des siens à Fouquier- Thinville .
Tous ces membres qui résidaient à Paris viennent d'être arrêtés
par ordre du comité de salut public et de sûrefe generale ,
et il est à presumer que la même mesure aura été employée
envers ceux qui se sont retirés dans les départemens .
Une de nos feuilles contient le trait suivant ::
Tout le monde connaît l'énergique Choudieu ; tout le monde
sait
que la veuve et le fils de Phelippeaux lui doivent l'assassinat
Tome XIV. T.
( 274 )
de ce vertueux représentant . Cela ne l'empêche pas d'aller
à la comédie. Quelqu'un l'ayant apperçu dernierement au
théâtre ci - devant de la Montagne , cria à bas les hommes de
sang. Ce cri se repete . Chacun s'éloigne de Choudieu , qui reste
seul. On demande le réveil du peuple , que l'on chante à sa
barbe. Ensuite on fait baisser la toile , on ne veut plus de
piece ; on rougirait de prendre aucun plaisir dans une areille
société et l'on s'en va .
La même scene a eu à peu près lieu au même théâtre ,
pour le curé Bassal .
Il vient de paraître , une brochure très - intéressante publiée
par 7. B. Louvet , l'un des représentans du peuple proscrit
eu 1793. Elle a pour titre : Quelques notices pour l'histoire ,
et le récit de mes périls depuis le 31 mai 1793. Nous en rendrons
compte dans un de nos pro hains numéros .
Sous la
La République vient de perdre un de ses plus illustres généraux
. Moreau , commandant en chef de l'armée de la Moselle ,
vient de mourir des suites d'une blessure qu'il reçut il y a un ân .
Sa plaie qui suppurait s'est refermée , et il a succombé , emportant
les regrets de l'armée et ceux de la France .
derniere tyrannie , son pere montait à l'échafaud pendant
qu'il prenait le fort de l'Ecluse . Le général de division d'ambert
lui succede par interim dans le coinmandement de l'armée de
la Moselle .
Les différentes lettres reçues d'Angers et de Nantes annoncent
que la guerre de la Vendée n'existe plus , et que la paix
est signée . On assure que le comité de salut public attend le
retour des représentans du peuple près l'armée de l'Ouest pour
anponcer officiellement cette importante et agréable nocveile .
On mande de Lyon , en date du 27 pluviôse , les détails
suivans :
Nous venons d'être témoins d'un événement qui doit faire
trembler les tyrans du peuple , et prouve que tôt ou tard i's
doivent être punis de leurs forfaits . Hier , un uommé Fernex ,
juge de la commission , soi-disant populaire , établie ici et à
Orange , fut arrêté et conduit au comité révolutionnaire ; à
peine y fut-il entré , qu'un grand nombre de weaves , dont les
maris ont été mitraillés , par suite des jugemens en masse , se
rendirent dans la rue pour se venger de leurs propres mains ,
lorsque le scélérat serait conduit en prison . A son aspect , plu- .
sieurs de ces infortunées furent saisies d'une telle horreur ,
qu'elles tomberent évanouies . Une escorte de 30 hommes de
cavalerie et de 200 hommes d'infanterie avait été commandée
pour le sonduire plus sûrement en prison : à peine fut - il dans
( 275 )
Ja rue que le peuple s'assembla en foule , et prononça contre
lui un jugement de mort. Malgré la force armée , ce cannibale
fut as ommé sur le quai du Rhône ; son corps fut jetté aussi
tôt dans le fleuve , tant de fois rongi du sang victimes.
Aiusi périt ce barbare , qui se vantait d'avoir toujours voté
pour la mort dans les commissions de Lyon et d'Orange .
de ses
Les hommes justes ne regretterent pas ce monstre , opprobre
de l'humanité ; mais ils s'affligent de voir le peuple se laisser
entraîner à des mouvemens irréguliers qui peuvent avoir des
suites funestes pour la liberté .
Une lettre de Londres nous apprend que toute l'isle de
Saint - Domingue est rentrée sous la domination de la France.
Le vaisseau porteur de cette nouvelle , arrivé récemment à
Plymonth , a causé les plus vives alarmes à l'administration ,
qui paraît craindre que les blancs et les noirs de St.- Domingue ,
réunis , ne se portent en force à la Jamaïque , où les negres n'at
seadent qu'une occasion favorable pour se soulever.
O mande de Nice , en date du 19 janvier , que les re
présentans Ferriere et François s'occupent d'éloigner les émigrés
français qui sont en Italie , et de faire rentrer les artistes
et les ouvriers , auxquels ils fournissent des passe ports et de
l'argent.
M. Verninae était encore à Venise le 25 de nivôse ; les
mauvais tems l'ont empêché de continuer sa route pour Gonstantinople.
Il est accompagné de M. Ruffin , homme de mérite
et fort instruit dans les langues orientales et le gouvernement
Otoman .
La commission de commerce et des colonies vient de donner
ordre de faire stationner sur la rade du Hâvre un bâtimeut
léger , à bord duquel seront placés des pilotes qui se trouveout
à portée de donner des secours aux bâtimens étrangers qui
en auront besoin .
Suite de la relation des principales circonstances qui ont précédé
et accompagné l'entrée des Français en Hollande.
Dorénavant , les comités s'assembleront matin et soir , et
l'assemblée des représentans s'ouvrira à deux heures après .
nidi.
Le comité militaire s'occupe sans relâche à réprimer les excès
des troupes statdhoudériennes , ainsi que de leur nouvelle orga .
nisation et récomposition .
Le magistrat de la Haye a été autorisé à faire désarmer ,
T 2
( 276 )
dans les vingt-quatre heures , ceux qni sont connus dans la
garde bourgeoise , comme ayant commis des excès depuis la
revolution de 1787 , pour prouver leur attachement au ci - devant
tyran .
L'avocat G. van der Meersch a été nommé procureur- général
de la cour de justice , à la place de Vosmar.
Après avoir pourvu aux premiers objets d'intérêt et d'ordre
public , les nouveaux corps legislatifs de Hollande se sont
empressés d'annuler les sentences portées , apres la révolution
prussienne de 1787 , contre les patriotes les plus cons
rageux , et ces honorables victimes de la révolution qui ont
trouvé un asyle génereux au milieu de la nation França se
ont été rappellées par une proclamation solemnelte au sein
de leur pairie.
Les habitans de la Haye , connus assez généralement pour
leur attachement an ci-devant stathouder , revenus de leur
sentiment , se sont assemblés d'une maniere légale et paisible ;
Ils ont déclaré tous leurs anciens magistrats déchus , à l'exception
d'un seul , Van-Dergoes , qui s'était toujours montré
l'ami des patriotes . Une nouvelle municipalité a été organisée
, ainsi que la chambie judiciaire , et composées l'une et
l'autre d'excellens citoyens et de jurisconsultes les plus celebres
du barreau de la Haye .
Après cet acte de souveraineté , le peuple s'est porté en
foule dans tous les endroits où se trouvaient les armoiries de
la maison statdhoudérienne ; il les a brisées aux acclamations
universelles , et le bois en a été distribué aux pauvres.
A Amsterdam , les représentans provisoires de ce penple ont
fait , le 2 fevrier , une proclamation pour inviter tous les
citoyens à rédiger un plan détaillé sur la maniere dopeller
tous les citoyens , et de prendre leurs suffrages pour election
et convocation de nouveaux représentans . Ces plans qui seront
envoyés dans l'espace de quinze jours doivent contenir ce qui
concerne l'âge et les autres qualités requises pour exercer le
droit de voter , le nombre de membres dont l'assemblée des
représentans de cette ville doit être composée , le nom " qu'il
est convenable qu'elle porte , afin que les représentans provisionnels
puissent être mis en état de choisir , après mûre déliberation
, et après avoir pris l'avis des différens comités parmi
tous les plans qui lui auront été présentés , celui qui paraîtra
le plus propre à atteindre le but que nous avons proposé , et
après l'avoir choisi , de le mettre en exécution .
Le même jour , les représentans provisoires du peuple de
Hollande , assemblés à la Haye , arrêterent la publication suivante
, concernant la circulation des assignats .
Liberté , Egalité , Fraternité.
Les représentans provisoires du peuple hollandais , ayant
( 277 )
pris en considération que toute l'armée de la République Française
reçoit sa solde en assignats , et que par conséquent il est
inévitable que les individus qui la composeut paient leurs
nécessités autrement qu'en assignats ;
Et voulant prévenir les suites fâcheuses que produiront
sûrement , pour les bons habitans de cette province , la circulation
des assignats , ainsi voulant que dans toute la province
on ait la même maniere d'agir à cet égard , décrétons provi
soirement comme il est arrangé ci - dessous :
99 Art. Ier. Que tous les boutiquiers en détail et affaires
de la derniere nécessité , sous laquelle dénominatiou seront
compris , salaire , réparation et antres , seront tenus de vendre
et recevoir en paiement des assignats aux cours de 9 sols par
livre , seulement des militaires . français ou employés appartetenant
à ladite armée ;'
Et afin de prévenir que les boutiquiers n'agissent de mauvaise
fei , en déclarant des sommes d'assignats plus fortes
qu'il n'est probable qu'ils aient reçus , d'après la disposition
de leurs boutiques , suivant les décisions ci - devant et ci -après
mentionnées , seront aussi tenus de déclarer journellement la
quantité par eux reçue à la municipalité , ou à ceux par
commis , lesquels en formeront des listes , et les boutiquiers
sasdits délivreront , de semaine à autre , seux qu'ils auront
reçus de cette maniere aux municipalités ou commis sasnommés
, lesquels les échangerent au conrs susdit de 9 sols
pour de l'argent ou récépissé de la municipalité , lesquels devront
être reçus d'un chacun pour la valeur entiere ; et seront
les boutiquiers , lesquels auront fraudés dans lenis dėpositions ,
comme aussi ceux qui refuseraient , donneraient ou recevraient.
lesdits récépissés au - dessous de leur valeur , non seulement
punis de l'amende du triple de la valeur qu'ils auront déclaré
de plus en assignats , ou récepissés contrairement donnés en
reçus ; mais aussi selon l'exigence des cas , seront pris au
corps et même punis de mort.
II. Il ne sera permis à aucun boutiquier de vendre à un
soldat ou employé de l'armée française , à la fois , pour plus.
de la somme de 10 liv. , et pas autrement que sur un ordre
par écrit de son officier , lesquels ordres et assignats y joints
devront être remis à la municipalité ou commis nommés par
eux ; il sera permis aux boutiquiers de vendre pour une
somme plus considérable à la fois , à un officier et bien selon
son rang , cependant pareillement muni d'un ordre par écrit
de son chef , selon l'arrangement arrêté par les représentans
de la République Française , lesquels feront savoir par une
déclaration énergique , aux soldats de la République Fran
çaise , de se conformer audit arrangement , et de ne pas don
Der en paiement d'autres assignats que ceux qu'ils auront
reçus pour leur solde en attendant , il sera permis au soldat
4
0
( 278 )
français de faire une petite dépense dans un cabaret , moyennant
qu'elle ne surpasse pont les 2 liv . , laquelle dépense il
ne devia pas payer avec un assignat de plus grande valeur
que son écot monte , sans avoir besoin d'une permission par
écrit , et seront aussi les cabaretiers et aubergistes déchargés
de l'obligation de fournir des ordres par écrit ; mais aus. en
contre , seront punis plus séverement en cas de fraude .
" Et comme nous n'avons en vue dans ces arrangemens
que de procurer aux personnes appartenant à l'armée française ,
les moyens de se procurer les petites nécessités , lesquelles
leur sont indispensables ; nous defendons pour cet effet bien
expressément , de donner cours d'aucune autre maniere aux
assignats français , ni d'en donner , ni recevoir en paiement
pour des marchés faits avant la date des présentes ; ne devant
point faire de marché ni contrat avec les habitans de cette
province , ni avec les étrangers qu'en monnaie sonnante.
Et seront regardés comme traîtres à la patrie ceux qui
contreviendront à la présente , et punis suivant l'exigence des
cas , et même de la mort.
Comme nous défendons aussi bien expressément et sous
peine de mort , tous transports hors du pays de toutes especes ,
modeles de monnaie , or , argent en lingot ou autre maniere
seulement seront dispensés de cette défense les marchands - négocians
sur la mer Baltique , ou autres places où ils sont
accoutamés de faire leurs paiemens en especes , cependant
jas autrement que sous ces conditions ; ils seront tenus de
faire la déclaration de cette exportation à leurs municipalités ,
et de fournir caution du triple de la valeur de l'exportation ,
et sous leur responsabilité , de l'entrée dans ce pays des marchandises
achetées de cette maniere ; comme aussi seront
exemptées de cette défense les personnes voyageant , moyennant
qu'il soit fixé , par la municipalité de leur demeure ,
une somme raisonnable qu'ils pourraient prendre avec eux ,
et en donner connaissance à la municipalité de la frontiere ;
et à l'égard des étrangers , ils seront obligés , à leur départ,
de faire connaître à la municipalité de la frontiere , qu'ils
n'emportent pas une plus forte somme qu'il ne leur est nécessaire
pour leur voyage .
Voulant et ordonnant bien expressément qu'un chacun
se conforme à la présente , sous peine des punitions y annoncées
. "
Fait à la Haye , sous le petit sceau du pays , ce 2 février,
l'an 1er. de la liberté batave .
P. PAULUS , Vt.
Par ordonnance des représentans provisoires du peuple
hollandais ,
C. J. DE LANGE VAN WYNGAARDEN.
F
( 279 )
L'Assemblée des représentans provisoires du peuple de
Hollande s'accroît successivement de plusieurs députés des
villes et districts où la révolution est heureusement établis ,
L'importation de tous grains et farines a été declarée libre .
Dans la séance du 4 , l'Assemblée a décide de faire inetus
en état d'arrestation l'ex-pensionnaire de Hollande , van-
Spiegel , et l'ex - bailly de la Haye . Ils ont été conduits le
soir même , à la chatellenie de la cour de justice de Hol
lande , sous l'escorte de hussards français ..
Pour éviter que les regens , hommes en charges et mis
nistres , qui ont servi sous le dernier régime n'emigrent
pour se soustraire à la responsabilité qui les attend , il est
défendu à toute personne de se rendre , hors des frontieres.
sans un consentement exprès , et par écrit , de la munici
lité ou de la régence de son domicile. Les biens et effets de
ceux qui tenteraient d'emigrer seront mis en sequestre ; cex
qui prêteront , pour ce dessein , des chevaux ou des voiture ,
seront punis corporellement , et ceux qui auront voulu énigrer
seront également punis , même de mort , suivant l'exgence
du cas .
Divers changemens ont été faits parmi les fonctionnaires
publics. Le procureur-genéral et avocat- fiscal de la provinc :
de Voesmaer a été destitué et remplacé par l'avocat G. van
der Meesch. La commission , pour les affaires de la compagnie
des Indes , a reçu sa démission . Les états - généra
out nommé leur ancien coumis , Guillaume Quarles , à la
place de greffier en second de leur assemblée .
Les representans du peuple français ont rendu un arrêté
qui ordonne la saisie et confiscation de tous biens , meubles ,
vaisseaux , marchandises , propriétés quelconques des gouvenemens
en guerre avec la nation française , ainsi que des
prêtres , moines , membres des églises ou corporations regieuses
et des émigrés des pays conquis. Il a été décrété à
cette occasion , par l'assemblée des états de Hollande , d'expé
pédier cet arrêté aux municipalités de cette province , mais
de charger en même tems les députés de Hollande ang
états-généraux , de demander à ceux-ci de présenter un mémoire
aux représentans de la nation française de ne point
donner des ordres par eux- mêmes , et de s'adresser à leurs
hautes puissanees .
Les chargés d'affaires de Russic , de Prusse , le ministre
plénipotentiaire d'Amérique , les ministres de Bade , de
Meklenbourg et des villes anséatiques , ont eu une conference
avec le président de l'assemblée des états de Hollande ,
Peter Paulus.
Le 6 , l'arbre de la liberté a été planté dans cette résidence .
Tous les membres de la société bourgeoise s'assemblerent , à
cet effet , au vieux Doelen , au nombre de 8 à goo personnes ,
et accompagnerent l'arbre jusqu'à la grande place de la cour
( 280 )
extérieure , accompagnés d'un grand cortége . L'arbre était
précédé du bonnet de la liberté sur une pique portée par un
ancien sergent des gardes hollandaises , congédié ci - devant du
service pour cause de patriotisme . L'arbre lui - même était
porté par 40 membres de la société . Un détachement de hussards
français ouvrait et fermait la marche . Tout le cortége
s'étant formé en cercle , il fut envoyé des commissaires pour
conduire les uns , les réprésentans du peuple de Hollande ;
les autres , les représentans de la nation française , au lieu
de la cérémonie , L'arbre fut planté au son de la musique et
au chant d'hymnes patriotiques. *
Le citoyen J. G. H. Hahn , qui était à la tête d'une nombreuse
députation de l'assemblée des représentans proviroives
du peuple de Hollande , prononça un discours ; il fit remarquer
la direction du très - haut par laquelle les rivieres et les
eaux , derrière lesquelles un gouvernement tyrannique se
croyait en sûreté , ont été trausformées en airain , et ont faci
lité le passage aux Francs libres et généreux , pour venir briser
les fers du Batave. I proposa ensuite au peuple de jurer
hommage ct fidélité éternelle à la Liberté et à l'Egalité ; le
mot nous le jurons sortit aussi - tôt de toutes les bouches :, l'orateur
continue alors son discours en français :
Et vous , dignes représentans du premier souverain de
l'univers , le peuple francais ; voyez , dit - il , partagez notre
allégresse . Dites à votre nation que ce ne sera pas en vain
qu'elle aura sacrifié son sang ei ses trésors pour briser nos
chaînes et conquérir le peuple batave , non à l'assujettisseg
ment , mais à l'indépendance et à la liberté . C'est au moment
solemnel de notre hommage public à cette liberté ; c'est au
pied de son arbre cheri que le peuple libre de la Hollande
accepte avec enthousiasms la déclaration de son indépendance,
que porte votre dernier manifeste , que votre conduite géné
reuse prouve journellement , et qui certainement est le moyen
le plus sûr de punir nos tyrans , de confondre nos ennemis
communs , et de travailler à votre bouheur et au nôtre . Puissent
les fastes de la liberté célébrer à jamais cette auguste journée!
Puisse le peuple hollandais , rendu par la nation française à ses
droits éternels , les conserver d'âge en âge , et par une alliance
solide avec elle , et fondée sur la justice éternelle et la
véritable fraternité , reconnaître efficacement vos bienfaits
et concourir à la consolidation de votre glorieuse révolution.
"
,, Et vous aussi , guerriers vaillans et magnanimes , dont le
bras valeureux et puissant , dont l'intrépidité , le courage et
la constance étonnent l'univers , et constituent la terreur des
tyrans et la confiance des opprimés , recevez le témoignage
public de notre gratitude , et joignez vos voix aux nôtres pour
illustrer cette fête , et pour chanter avec nous des cantiques
à l'honneur de la liberté .
(La suite au numéro prochain )
( "No. 33. ) .
P
Gen.135 .
MERCURE FRANÇAIS.
QUINTI 15 VENTOSE , l'an troisieme de la République.
( Jeudi 5 Mars 1795 , vieux style , )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
FABLES D'ANTOINE VITALIS ; in- 8° . petitformat de 286 pages,
beau papier et belle impression , de l'imprimerie de Dupont.
A Paris , chez l'auteur , rue du Jardinet , nº . 2 ; et chez
Dupont , imprimeur- libraire , rue de la Loi , no . 1232 .
L'an 3. de la République Française.
D
12
ΕE tous les genres de poésies , l'apologue est celui
qui a le plus constamment exercé le talent des poëtes
des gens de lettres et même des amateurs , La fable a
des formes si variées ; elle se prête avec tant de facilité :
à la morale , à la critique , à la philosophie , au style
simple et naif , à l'élévation des pensées et des expressions
, à la peinture des caracteres , au mouvement des
passions , au tableau du sentiment, que l'homme instruit,
pour peu qu'il ait d'habitude des vers , cede au desir
d'orner sa pensée des charmes de l'apologue , et de
cacher la vérité sous le voile de la fiction . Cependant
il n'y a qu'un seul poëte qui ait excellé dans la fable ; c'est
que lui seul a embrassé les divers genres de ce poëme ,
et que dans tous , il a su donner les modeles les plus
parfaits. Ceux qui sont venus avant ou après Lafontaine
n'ont au contraire envisagé , suivant leur maniere
de voir et de sentir , qu'un côté de la fable. Il fallait
comme le bon homme , avoir dans l'instinct de son génie.
l'art si étonnant de conter , les ressources d'une imagi
nation vive et pittoresque , les richesses d'un esprit
exercé , les graces d'un talent flexible , l'abondance des
pensées et des expressions ; il fallait , comme ce poëte.
philosophe , être formé à l'école de Socrate et de
Platon , sur- tout avoir l'habitude de l'observation , suivrei
la nature dans tous les individus , lui prêter par- tout un
Tome XIV.
( 182 )
intelligence et un langage , l'interroger roger sans cesse , et
l'entendre dans , tous ses rapports ; enfin , il fallait être
l'ami , le compagnon et le confident de tous les êtres ,
et approfondir jusqu'à leurs qualités insensibles et matérielles
. Voilà le fabuliste par excellence . Présentement,
si l'on demande qu'est- ce donc que la fable ? Nous ne
dirons pas avec la Motte , que c'est une instruction déguisée
sous l'allégorie d'une action ; car il y a de bonnes
fables qui n'offrent aucun sens allégorique , et d'autres
qui sont absolument dépourvues d'action .
Il est vraisemblable , dit Voltaire , que les fables ,
dans le goût de celles , qu'on attribue à Esope , et qui
sont plus anciennes que lui , furent inventées en Asie
par les premiers peuples subjugués : des hommes libres
n'auraient pas eu besoin de déguiser la vérité ; on ne
peut gueres parler à un tyran qu'en paraboles , encore
ce détour même est- il dangereux. Il se peut très - bien
aussi , que les hommes aimant naturellement les images
et les contes , les gens d'esprit se soient amusés à leur
en faire sans aucune autre vue. C'est d'après cette opi
nion , qui nous paraît la plus juste , que nous définissons
la fable une simple fiction racontée avec le ton et l'air de
la persuasion et de la vérité. Ainsi , la fable n'est point une
allégorie , elle n'est point la morale déguisée , elle est
encore moins une leçon emblématique pour ménager
l'amour-propre , elle est tout simplement le récit d'une
action , où l'on ne doit appercevoir que la bonne foi et
la crédulité du poëte , dans les choses même les plus
invraisemblables . Cette bonne foi , cette crédulité se font
sentir sur-tout dans le soin que prend le narrateur de rapporter
les circonstances les plus délicates , d'y mêler
des réflexions , de donner de l'action et de la vérité
à. son sujet enfin , d'employer tous ses moyens pour
persuader et pour intéresser. Lafontaine , en répandant
dans ses fables toutes les richesses de l'imagination , de
l'érudition , de la philosophie et de la poésie , a rendu
son récit d'autant plus naïf et plus vraisemblable , que
l'art s'éclipse et la nature se montre toute entiere dans .
tous ses portraits .
Le nouveau fabuliste que nous annonçons n'a point
voulu parcourir une carriere aussi vaste . Il s'est proposé
seulement d'être utile en amusant , et de déguiser l'ins--
truction sous le voile de Fallégorie . C'est bien le but,
le plus estimable auquel le poëte doit avoir l'ambition ,
d'atteindre, etc'est d'après cette mission honorable qu'on
( 283 )
doit apprécier son ouvrage . D'ailleurs , tout écrivain est
bien fondé à dire :
Je demande , pour grace unique ,
D'être jugé tout seul point de comparaison.
Je crains mes dévanciers bien plus que la critique ,
Et j'en vais dire la raison .....
Or , cette raison est déduite dans une fable où une
grive paresseuse ne rencontre plus , après les vendanges,
que de mauvaises grappes de raisins . Cependant le
champ que le cit. V. entreprend de cultiver est si immense
, qu'il trouvera encore les moyens d'y faire une
bonne récolte . Il ne se dissimule pourtant point qu'il
beaucoup de concurrens , et comme il l'observe :
Jean , mon maître , avait fait ses vendanges complettes
En arrivant tout le premier :
La Mothe , un peu plus tard , des grappes moins parfaites
Fit son profit ; puis Panard , Pesselier ,
Dorat et Florian , Aubert et le Monnier
་ ་ ་
De quelques grappes aigrelettes
Surent tirer encore un bon suc nourricier.
J'arrive , moi , tout le dernier ,
Et quand les vendanges sont faites , ands
Qu'aurais -je donc en mon panier Pa
Nous lui répondrons par cette fable que l'auteur
adresse à son fils Henri , âgé de 7 ans .
Dans une haie , au bord d'un grand eḥeminjan
Un groseillier croissait , sans soins et sans culture
A peine montrait-il quelque peu de verdure and ast
Mais point de fruit ; pas plus que sur ma main.
Un jardinier le prit , le mit en son jardin , v
Dont la terre était préparée ;
Engrais , labour , et tout ce qui s'ensuiteja 3
Rien ne fut épargné : dès la premiere annéez s
Le groseillier fut tout couvert de fruit,
Les noirs soucis , la jalousie ,
Mille chagrius , mille dégoûts
Sont les épines de la vie
C'est la baie a nens naissons toug.
21
V &
( 284 )
Le groseillier dans l'état de nature
C'est toi , mon fils , en ce moment ;
Le jardinier , c'est moi certainement ;
L'étude sera la culture ,
Et le fruit sera le talent. 19
L'auteur a très-ingénieusement saisi , au physique et
au moral , les rapports qu'il y a entre les traverses de
la vie et les épines d'une haie , ainsi que les avantages
qui résultent également d'une bonne culture, et d'une
education soignée . Mais a - t- il observé le caractere de
la fable, dans le récit trop nud qu'il fait de ce groseillier
abandonné au milieu d'un buisson ? Il nous semble que
sa fiction se serait plus approchée du genre qu'il traite,
si , par exemple , il avait mis en scene le groscillier et le
jardinier , et que celui- ci , sur les justes plaintes de cet
arbuste de se voir abandonné , se fût chargé d'en prendre
soin et de lui faire porter des fruits .
On reconnaît bien mieux les traits caractéristiques de
la fable dans celle qui suit , dont la fiction est à la fois
maïve , agréable et instructive .
L'Abricotier et le Pommier.
Un beau jour du dernier printems ,
Certain abricotier , tout fier de sa parure ,
Dit au pommier : Quelle triste figure
Tu fais ici depuis long - tems ?
Ne vois- tu pas mes rameaux blancs ?
Qu'attends-tu pour montrer tes fleurs et ta verdure ?
Ami , dit le pommier , est bien fou qui te suit ; ng na
De tes batives fleurs quel sera le produit ? s subig ti
Rien du tout ; car l'expériences eludaing
Vingt fois deja te l'a prouvé.i
It de ta folle diligence 19
Tu sais ce qu'il est arrivé.
Le pommier achevait à peine ,
Que les aquilons destructeurs i
Moissonnerent de leur haleine
Tous les boutons , toutes les fleurs.
Des lueurs de l'esprit je vois . ici l'image ."
Fleurs précoces dans les enfans
P
2:
( 285 )
Ne me sont pas d'heureux présage ;
C'est au fruit où je les attends .
Nous pourrions citer beaucoup d'autres morceaux de
ce charmant recueil qui attestent le talent du poëte ,
l'agrément de ses fictions et l'utilité de sa morale. Le
C. V. s'attache sur-tout , par une méthode qui lui est
particuliere , à présenter l'instruction au commencement
et à la fin de toutes ses fables , dont la morale forme toujours
le texte et le sujet , comme elle en est le résultat
et la conclusion ; enfin , nous nous bornerons à citer
les deux exemples suivans qui sont les plus plus précis ,
pour faire connaître la maniere dont l'auteur a conçu
et traité l'apologue ."
LE PAON ET LE ROSSIGNOL.
Ce n'est pas sur l'habit
Que la diversité me plaît ; c'est dans l'esprit :
L'une fournit toujours des choses agréables ,
L'autre , en moins d'un moment , lasse les regardans .
( LAFONTAINE. )
Un paon vantait son beau plumage ,
Un rossignol son joli chant :
Se louer ainsi n'est pas sage ;
Mais que de gens en font autant !
Le paon , dans son orgueil extrême ,
Méprisait tout , hors la beauté ;
Le Rossignol , de son côté ,
Mettait le chant au rang suprême.
La nuit survint fort à propos
Pour terminer cette querelle ;
Le plus éclatant des oiseaux
Se perdit dans l'ombre avec elle ;
Et les amans de Philomele
Acquerent des charmes nouveaux ,
Tel est l'avantage ordinaire
Qu'ont sur la beauté et les talens ;
Ceux-ci plaisent dans tous les tems ,
Et l'autre n'a qu'un tems pour plaire.
( 286 )
LE MENDIANT ET LE CHIEN.
Je prefere toujours le bourru qui m'oblige
Au doucereux qui ne m'est bon à rien.
Un mendiant se présente à la porte
D'un grand château ;
Un dogne furieux accourt : l'ami , tout beau !
Lui dit le pauvre ; eh ! que t'importe
Qu'un misérable de ma sorte
Ait un morceau de pain qui ne te coûte rien ?
Laisse-moi faire , dit le chien ;
J'aboie afin qu'on te l'apporte.
Tel dans l'air nous fait pear , souvent nous fait du bien .
POLITIQUE. MORALE.
.
DES PRINLE
SPECTATEUR FRANÇAIS PENDANT LE GOUVERNEMENT
RÉVOLUTIONNAIRE ; par le citoyen DELACROIX , ancien
professeur de droit public au Lycée ; pour servir de suite
à son ouvrage intitulé : Drs CONSTITUTIONS
CIPAUX ETATS DE L'EUROPE ET DES ETATS - UNIS
D'AMÉRIQUE : Un volume in- 8° . de 430 pages , imprimé
sur caractere de cicero Didot . Prix , 8 liv . broché, et 9 liv .
10 sous , franc de port par la poste , pour les départemens .
A Paris , chez BUISSON , libraire , rue Hautefeuille , nº . 20.
Tant que l'auteur de cet ouvrage a été en butte aux
persécutions de l'esprit de parti , tant que son existence
s'est trouvée placee entre le glaive de la loi et la conscience
de ses juges , les citoyens n'ont dû voir en lui
qu'un objet digne de l'intérêt et du respect qu'inspire
le malheur. L'auteur , comme le livre , étaient sacrés
pour tous , car il avait embrassé l'autel de la liberté .
Aujourd'hui que l'inquiétude publique est rassurée sur
l'exercice d'un des droits les plus précieux à l'homme ,
et que le Spectateur Français n'a plus à répondre qu'au
tribunal de l'opinion ; si le premier et le plus doux sentiment
est en faveur de l'auteur persécuté , le premier
devoir de la justice est pour l'examen severe de l'ouvrage.
( 287 )
Nous voudrions parler du plan et de la méthode
malheureusement il n'y en a point dans cette production.
L'auteur a distribué son sujet en forme de discours ;
on s'attend bien que c'est le seul point de resemblance
qu'il ait avec le Spectateur d'Addisson ; mais ces discours
ne sont pas même des discours . C'est un assemblage
informe de lettres , d'entretiens et de réflexions , jettés
confusément et sans ordre , tantôt sous un titre , tantôt
sous un autre. On croirait que du moins les matieres
analogues se trouvent réunies sous un titre commun ;
l'auteur s'est épargné jusqu'à l'embarras de cette facile
classification . Il n'est pas un de ces discours où les objets
qui y sont traités , ne soient étonnés de se trouver ensemble
; et s'il les eût appellés des excursions , on aurait
de la peine encore à les lui pardonner.
le
Ce n'est pas qu'un désordre apparent et un certain
abandon des idées , n'ait été quelquefois entre les mains
d'un homme d'esprit , un moyen de répandre sur un
sujet une variété plus piquante et des formes plus ingénieuses.
Mais les disparates du Spectateur Français ne
sont rachetées ni par la richesse du fonds , ni par
mérite des détails , ni par l'intérêt du style . Quel vaste
champ pour un observateur profond , qu'une révolution
où tant d'évenemens inouis se sont pressés avec rapidité
, où tant d'intrigues se sont croisées , tant de passions
se sont déchaînées , tant de partis ont été tour- à- tour et
vainqueurs et vaincus , tant de principes méconnus ,
tant d'atrocités commises , tant de droits sacrés indignement
viclés , et où cependant tant de vertus et d'éner
gie se sont montrées à côté de tant de vices ! Quels
tableaux pour le moraliste , pour le philosophe , pour
le politique , pour l'historien ! A ce spectacle tout-à-lafois
étonnant et horrible , où la nature humaine a paru
dans tout ce qu'elle a de plus grand et de plus vil , il n'a
manqué qu un autre spectateur.
Au lieu de s'attacher à des objets si dignes des méditations
de l'homme éclairé , et des pinceaux de l'homme
sensible , notre Spectateur pendant le gouvernoment révolu
tionnaire , n'entretient le public que de ses prétendues
correspondances ou de ses conversations supposées, avec
des ex- nobles , des anciens magistrats , des mécontens
et des aristocrates de tous les âges , de tous les sexes
et de toutes les couleurs ; si l'on retranchait de son livre
tout ce fatras épistolaire , il se réduirait à peu de pages.
utiles. Il faut avouer que ce cadre a été mal adroitement
V
( 288 )
1
' choisi , et l'on aurait quelque raison de demander à
l'auteur pourquoi tant de lettres censées écrites par
des gens qu'on appellait nagueres , il est vrai , la bonne
compagnie , mais qui , en révolution , en sont devenus
une assez mauvaise ? Il est vrai qu'à toutes ces lettres ,
l'auteur fait des réponses ; mais elles sont si laconiques ,
si faibles , si insignifiantes , qu'en vérité l'on serait presque
tenté de croire , que l'auteur craint d'avoir raison avec
ces messieurs .
:
Dés la premiere page , l'auteur apprend qu'autrefois
il a tenté de rendre à son pays un Spectateur Français ;
mais qu'il n'avait pas choisi un modele aussi parfait que
celui dont s'honore l'Angleterre . Nous ne connaissons
pas son ancien Spectateur : mais après avoir lu le nouveau
, on ne sera pas tenté de l'accuser d'une modestie
déguisée. Il ajoute ensuite J'étais jeune , j'avais
plus de légereté que d'à-plomb dans les idées ; j'étais
plus animé du desir de plaire que de celui d'instruire .
Peu m'importait de demeurer dans le souvenir des hommes
, je ne voulais avoir accès que dans le coeur des
femmes . J'attendais d'elles seules mes succès et ma célébrité
. Qu'ont- elles fait pour celui qui leur consacrait toutes
ses pensées ? " Ce n'est pas à nous à répondre à cette
question. Quoique l'auteur annonce qu'aujourd'hui il ne
prétend plus à leurs suffrages ; que l'âge des illusions est
passé , et qu'il ne doit plus s'attacher qu'aux réalités , on
lui sait gré de conserver ces aimables réminiscences ,
fussent - elles encore plus désintéressées ; elles servent
par leur contraste à adoucir les idées un peu sombres
que doit faire naître le tableau du gouvernement révolutionnaire
. C'est pour cette raison sans doute que le
Spectateur a inséré dans son recueil , la lettre d'une femme
qui , sans amour , veut toujours avoir un amant ; et les conseils
aux jolies femmes trop affectées de nos succès,
Passant à des objets plus sérieux , le Spectateur se fait
écrire par un ex- constituant qui , du fond de sa prison ,
lui adresse des plaintes sur l'état actuel des choses et
les persécutions sous lesquelles il gémit . Pour toute
consolation , le Spectateur lui répond : Les monarchistes
et les républicains doivent également vous hair ; vous
avez livré les uns à la persécution , et exposé les autres
aux plus grands dangers ; vous ne pouvez espérer d'indulgence
qu'après le triomphe des vainqueurs . Attendez
donc en silence que la victoire soit complette , peut- être la
trouverez -vous généreuse ; c'est le seulsouhait queje puisse
( 289 )
faire pour un homme dont je plains l'infortune sans ex
'cuser ses erreurs .
Est- ce bien là ce que devait attendre un patriote de
1789 , un des premiers fondateurs de la liberté ? Le
Spectateur a-t-il voulu nous donner son opinion sur l'Assemblée
constituante ? Il y aurait autant d'injustice
que de lâcheté . Malgré les fautes qu'on peut reprocher
à cette assemblée ( et nous entendons par elle la masse
des patriotes qui la composaient) , il semble que si le
Spectateur cût mieux observe ce qui s'est passé depuis ,
il aurait eu moins de droits de juger aussi sévérement
les premiers représentans du peuple . Qui peut oublier ,
sans ingratitude , et la contenance ferme et imposante
des communes vis - à-vis des deux autres ordres , et l'acte
par lequel elles se constituerent en assemblée nationale ,
et le serment du Jeu- de-paume fait sous les bayonnettes ,
et leur lutte courageuse contre la tyrannie royale , et
les tables de la déclaration des droits , et la destruction
de la noblesse , du clergé et de tous les privileges ,
et cette foule d'articles fondamentaux de la constitution
, si profondément établis , que malgré les orages
de la tempête , ils ont été l'ancre salutaire qui a sauvé
le vaisseau de l'état ? Comment se fait- il qu'aucune
de ces choses ne se soit présentée au souvenir du Spectateur
, lui qui prend tant de soin à mettre dans la
bouche de ses aristocrates , tous les sujets de mécontentemens
qu'il a pu rassembler ?
Un autre trait servira à faire juger de la délicatesse ,
de la générosité et de la justice du Spectateur ; c'est
son entretien avec un homme de lettres ( page 93 ) . Il est
bon de le citer en entier.
Eh quoi vous êtes demeuré libre , s'écria en me
voyant un homme de lettres dont je reconnus la voix
sans reconnaître sa figure , tant elle était balafrée et
couverte de cicatrices . Sur quel motif , lui demandai -je ,
avez-vous imaginé que je devais être enfermé ? Ai - je
la mine d'un citoyen suspect ? Je ne suis ni noble , ni
prêtre , ni financier ; je n'ai tenu à aucun parti ; je n'ai
jamais sollicité ni obtenu d'emploi : par quelle raison
aurais-je perdu la liberté qui est mon seul bien ?
pour
" J'ai bien été privé de la mienne , me répliqua- t- il ,
et vous voyez dans quel état je me suis mis
échapper à la prison . Il fallait , repris-je , que vous en
eussiez bien peur pour vous martyriser ainsi : il ne
pouvait guere vous arriver pire , quand vous eussiez
été coupable.
( 290 )
t
,, Vous savez cependant , s'écria-t- il , que je fus un
des premiers et des plus chauds patriotes. Je me suis
brouillé avec d'illustres protecteurs ; j'ai sacrifié mes amis,
mes collegues à la chose publique et voilà ma récompense
! Si vous me permettez de vous parler
avec franchise , je vous dirai que c'est précisément votre
chaleur qui vous a perdu. Quelle raison aviez- vous
d'être si emporté , si violent contre ces personnages
qui vous avaient vu autrefois si doux , si caressant ?
N'auriez -vous pas voulu changer de célébrité en paraissant
vouloir changer de gouvernement ? Parce que
vous n'étiez pas le premier des académiciens , vous avez
fait un beau discours contre l'académie ; parce que
vos protecteurs ne vous ont pas rendu leur égal en
richesses , en puissance , vous avez déclamé contre les
riches et les puissans . Avez- vous jamais pensé que celui
qui ne savait ni lire ni écrire fût votre égal en talent ?
Pourquoi feignez -vous donc d'admettre une égalité
parfaite entre tous les citoyens ? Soyons de bonne
foi ; vous ne vouliez permettre à personne de se placer
au-dessus de vous , mais vous auriez été bien fâché de
ne pas voir beaucoup de gens au- dessous. Lorsque
vous avez été nommé à la place que vous regrettez ,
Vous vous êtes dit : J'occupe un emploi qui ne devait
être donné qu'au mérite , et qui n'illustrait autrefois
que l'ignorance ; la révolution est donc une belle chose !
Vous preniez votre parti assez gaiement sur le malheur
des autres. Je veux croire que l'envie , que la calomnie
se soient attachées à vous , et vous aient précipité
dans l'infortune ; he bien ! on vous rend sentiment
pour sentiment : comme vous n'avez trouvé bon que
ce qui vous élevait , on ne trouve pas mal ce qui n'humilie
que vous et moi , je vous déclare que j'ai été
tout aussi peu affecté des actes de votre désespoir
que vous l'auriez été de mon emprisonnement. - Vous
avez une franchise bien dure , je ne vous croyais pas
si philosophe. -Vous voyez que je ne suis plus dupe
de mon coeur , et lorsq e j'appelle mon jugement à
son secours , il se défend d'une sensibilité déplacée .
Ne croyez pas cependant que s'il dépendait de moi
de vous rendre aimable , enjoué comme vous l'étiez
autrefois , je ne vous ramenasse à vos premieres formes.
La société gagnait à votre esprit , vous le lui avez
retiré pour ne lui montrer qu'une humeur . farouche
et irascible ; vous avez perdu tous deux à cet échange .
( 291 )
Je vous connais mieux que vous ne vous connaissiez
, vous n'étiez pas né pour devenir républicain.
Il fallait à votre naturel des grands seigneurs qui flat→
tassent votre amour propre une cour pour y adoucir
votre voix ; des académiciens pour exciter votre émulation
; une bonne table et des convives délicats pour
aiguiser vos traits ; des moeurs un peu dépravées pour
encourager votre muse licencieuse . La censure même
ajoutait du prix à vos lectures secrettes , et vous gagniez
plus à être cité sous le voile du mystere qu'à être exposé
au grand jour.
" Que pouviez -vous gagner dans un ordre de choses.
où l'on n'accorde des pensions qu'à la valeur militaire
et aux services publics ? La société à laquelle vous
n'offrirez plus qu'un visage défiguré et un air mécontent ,
ne vous recevra plus qu'avec froideur. Vous avez voulu
vous donner la mort , vous vous l'êtes donnée réellement;
vous n'êtes plus ce que vous étiez , autant vaudrait-il
pour vous n'être plus .
" Il y a apparence que ces réflexions ont fait sur
l'homme de lettres à qui je parlais , plus d'impression
que je ne l'aurais voulu. Quelques jours après notre
entretien , j'ai reçu un billet qui m'apprit qu'on allait
le déposer dans le dernier asyle de l'esclave et du
républicain. Dieu fasse paix au citoyen qui avait mis
ses espérances dans le trouble , et qu'il répande sa
miséricorde sur celui qui a été sans pitié pour les malheurs
qui ne l'atteignaient pas ! "
C'est du malheureux Champfort que le Spectateur parle
de ce ton et de ce style ! de Champfort qui n'était pas
moins cher aux lettres qu'aux véritables amis de la li
berté , dont les opinions patriotiques ne se sont jamais.
démenties depuis le commencement de la révolution.
jusqu'à son dernier soupir , qui , dans l'ancien régime
même était connu par le droit qu'il avait acquis de
s'exprimer avec franchise sur le compte des grands , en
présence des grands ! de Champfort persécuté , incarcéré ,
prosceit , mutilé de ses propres mains , et qui a mieux
aimé mourir que de survivre à la tyrannie dont il était
le témoin et la victime ! et c'est après sa mort , lorsque
sa tombe est encore humide des pleurs de ses amis ,
et couverte des regrets de tous les vrais républicains .
que le Spectateur ose insulter aux mânes d'un homme ,
qu'il avait ennuyé tant de fois de ses fades adulations !
Nous ne connaissions point Champfort , nous ne l'avons
( 292 )
jamais vu ; mais nous devions à ses malheurs , à ses
talens , à son amour constant pour la liberté , et aux circonstances
dans lesquelles il a péri , de le venger des
injures faites à sa mémoire.
Si le Spectateur a eu le noble courage de désigner
Champfort, sans avoir celui de le nommer , il a usé de
moins de réserve envers un homme de lettres , un philosophe
non moins célebre encore par son infortune et
par ses talens .
Dans son discours intitulé : Sur le supplice des hommes
pervers; consolation du sage ; après avoir parlé du sort de
Chabot , de Danton , d'Hebert , etc. Voici comment il s'exprime
sur Condorcet : Les transes dans lesquelles l'astucieux
Condorcet passe ses jours ténébreux , me semblent
un juste châtiment de l'abus qu'il a fait de ses connaissances
et de son insidieuse logique ; je suis sans pitié
sur le sort de ces parjures législateurs , que les remords
déchirent dans leur fuite ou au milieu de leur prison ,
et je me dis Si ma destinée est de me voir un jour
rapproché d'eux , je contemplerai ces criminels du haut
de mon innocence , et je les terrasserai de mes regards
indignés..... Que le lecteur se charge des réflexions ;
en vérité nous n'avons pas le courage de les faire .
Nous voudrions citer plusieurs discours qui , sur la foi
de leur titre , promettent des discussions importantes ;
mais après les avoir lus , on regrette que l'auteur n'ait
fait qu'effleurer les sujets qu'il traite , et n'ait pas traité
ceux qui s'offraient si naturellement aux observations
d'un Spectateur pendant le gouvernement révolutionnaire . En
tout , c'est un ouvrage faible de vues , de moyens , de
caracteres , et qui n'avance en rien la révolution pour '
laquelle il importe si fort de marquer route . Il était peu
digne des honneurs de la persécution que l'esprit de
parti lui a imprimés. Il n'y a sans doute dans cet écrit
ni esprit contre - révolutionnaire , ni principes tendans
au rétablissement de la royauté . Mais pour ce patriotisme
chaud et vrai , pour cet amour ardent de la liberté ,
pour cette indignation profonde contre toute espece
de tyrannie , pour cet esprit républicain et ces vues
lumineuses , ou estimables du moins par l'intention ,
pour tous ces sentimens brûlans qu'inspirent à des ames
libres l'attachement à leur patrie et le desir de la voir
heureuse vous les chercheriez inutilement dans cet
ouvrage. ?
9
Voilà ce que les patriotes , ce que les amis de la
( 293 )
liberté auraient dit , si l'intolérance ne se fût hâtée
d'ôter à l'opinion le droit d'émettre son jugement.
Qu'a -t-on gagné en persécutant l'auteur ? On a compro
mis la liberté de la presse , et donné à l'ouvrage une
célébrité qu'il n'aurait point acquise . On a fait ce que
faisait le despotisme dans l'ancien régime ; on a multiplié
, par un vain éclat , le nombre des lecteurs , et
peut- être des éditions d'un livre qui se serait perdu
dans la foule , abandonné à lui -même. On a forcé le
public de s'intéresser à l'auteur , genre d'intérêt que
tant de gens prennent pour celui de l'ouvrage . Nous
releverons en finissant une autre mal -adresse de l'auteur.
Il a mis à la fin. du titre de son SPECTATEUR , pour
servir de suite à son ouvrage intitulé : DES CONSTITUTIONS
DES PRINCIPAUX ETATS DE L'EUROPE ; il n'a pas fait attention
aux idées qu'il allait réveiller sur une production
qui n'est rien moins que républicaine dans ses principes
, exacte et complette dans ses développemens .
NOUVELLES ÉTRANGERES.
あり!
Les
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 15 février 1795.
Es affaires de la Pologne approchent de leur dénouement ,
c'est-à-dire du dernier partage ; Stanislas qui le sent bien ,
songe à se retirer en Italie , où il va tèrminer sa carriere comme
un dévot , après avoir vécu dans sa jeunesse comme un illustre
aventurier , et dans l'âge mûr comme un prince faible et
dissipateur ce prince avait écrit le 21 novembre à Catherine
II , qui fut jadis sa maîtresse , et qui ne l'en a pas
moins précipité du trône où elle l'avait élevé. Voici la réponse
qu'il en a reçue , et qui malgré un détrônement commence
toujours par un monsieur mon frere , en vedette , protocole usité
entré les rois . •
P
266 Monsieur mon frere , le sort de la Pologne , tel que votre
majesté me le dépeint dans sa lettre dú 21 novembre , est une
suite des maximes destructives de chaque ordre et de toutes
institutions sociales , que les Polonais ont puisées dans l'exemple
d'un peuple abandonné à tous les égaremens. Il n'a pas
( 294 )
tenu à moi de prévenir leurs suites terribles , et de fermer
l'abyme entr'ouvert sous les pieds,de la nation polonaise par
ses séducteurs , et où ils ont réussi à l'entraîner . Toutes mej
sollicitudes , toutes mes peines , ont été payées d'ingratitude ,
de haine et de trahison . De tous les maux qui accablent aujourd'hui
ce peuple , celui d'une disette prochaine est le plus
terrible . Je donnerai mes ordres pour les garantir , autant que
je pourrai , de ce redoutable fléau . Cette calamité , réunie à la
connaissance que j'ai des dangers auxquels V. M. a été exposée
au milieu d'un peuple effréné , me fait souhaiter qu'elle
quitte sans delar cette ville punissable , et qu'elle se rende å
Grodno. Le feld- maréchal comte de Suwarow- Rymniksky a
l'ordre de vous le proposer , et de faire tous les arrangemens
convenables pour vous amener ici , d'une maniere aussi sûré
que commode. V. M. connaîtra mon caractere . Il me rend
incapable d'abuser d'avantages que la bonté de la providence
et la justice de mes affaires m'ont fait acquérir. V. M. peut
done attendre en repos ce que la raison d'état et la sûreté
publique décideront sur le sort futur de la Pologne . Dans ces
sentimens , je demeure , M. mon frere , la bonne soeur de
votre majesté. 11.
Signée , CATHERINE.
Au reste , Catherine ne jouira pas long-tems , selon toutes
les apparences , du frait de ses dernieres injustices . La grande
nouvelle qui court aujourd'hui est qu'elle touche à sa fin .
L'hydropisie de poitrine bien caractérisée ne laisse plus d'espérance
à ses favoris et de crainte à ses victimes qu'elle n'en
réchappe. Cette mort pourrait influer singulierement sur les
affaires de l'Europe , dont elle contribuerait sans doute à rétablir
la balance politique trop ébranlée .
Il n'en sera pourtant ni plus ni moins pour
Stanislas ; ce
qu'il peut y gagner de mieux se borne à la liberté de quitter
un pays où il eugirait sans doute de vivre en simple particulier
, apres y avoir eu le titre de roi ; aussi , dit- on , vrai,
semblablement d'après ses lettres à M. Litta , archevêque de
Thebes et nonce apostolique auprès de lui , qu'il va se retirer
à Rome . Il faudra qu'il paie auparavant ses dettes personnelles
qui montent à plus de 20 millions de florins polonais . La vente
de son château de plaisance de Lafienski et celle de plusieurs
nieubles precieux les acquitters . Immédiatement après son
départ pour Grodne , le général Russe habita son palais de
Varsovie . La russe a levé la défense d'exporter de son fer
en Pologne , mais il est toujours séverement défendu d'y faire
passer des armies , tant on craint que l'insurrection qu'on vient
à peine d'éteindre ne s'y rallume.
ރ
De Francfort-sur-le-Mein , le 3 février.
Suivant des lettres de la capitale de l'Autriche , l'empereus
( 295 )
' est adressé au saint- pere pour lui demander d'ouvrir , en,
sa faveur , les trésors de l'église , ce que le pape a fait en
lui accordant très gracieusement pour son contingent un jubilé
et des prieres solemnelies dans tout l'empire , afin d'obtenir
da Dieu Sabaoth , ou des armées , qu'il daigne bénir la cava
lerie , l'infanterie et l'artillerie autrichienne et prussienne.
Quelque fonds que fasse sa Sacro - Sainte Majesté Césaréenne
sur la puissante intercession du pontife , on n'en continue
pas moins les levées en Hongrie et dans Vienne même pour
completter les régimens auxquels on envoie les recrues dès
qu'on est parvenu à en former un petit nombre..
Le relevé des troupes autrichiennes , actuellement employées
sur les bords du Rhin , a été fait . Elles sont portées
180,000 hommes effectifs , non compris les malades .
4
On assure que c'est d'après les perfides insinuations de la
Russie que l'Autriche va entreprendre une nouvelle cam
pagne contre les armées victorieuses de la République Française.
Le cabinetmachiavélique de Pétersbourg , craignant que l'Au
triche et la Prusse réunis ne s'opposassent à ses usurpations,
en Pologne qui doivent lui donner une grande prépondérance
a senti combien il lui serait avantageux de les porter à consumer
leurs forces sur les bords du Rhin , et l'ambassadeur
russe, s'est servi de la jeune impératrice pour diriger François - II
dans le sens qui convient à sa cour ; mais il n'est pas sûr
que sen succès
s soit complet : Frédéric - Guillaume a , dit - on ,
reconnu le piége qu'on lui tendait , et ne voulant pas s'épuiser
dans une guerie dont il ne peut rien résulter d'avantagenx
pour lui , est entré , à ce qu'on assure , en négociations aveer
la France , et ne fournira plus aux alliés que son contingent
comme électeur de Brandebourg. i
Ce n'est que par la voie du Nord qu'on peut se procurer
des nouvelles d'Angleterre depuis l'invasion victorieuse
des Français en Hollande . Suivant des lettres de Brême du gfési
vrier , on a reçu des lettres de Londres qui s'étendent jus
qu'au 18 janvier. Il paraît qu'on s'attendait en Angleterre à la
perte de la Hollande , ce qui fait que la nouvelle quitenla
été apportée , n'a pas produit une très - grande sensation. L'on
parlait de mettre un embargo , sur tous les vaisseaux hollandais , a
ainsi que de donner des lettres de marque contre les navires
de cette nation. Un grand convoi de cent soixante - cinq voiles
avec six mille hommes de troupes de débarquement , destinés
les Indes orientales avaient mis à la voile par un boni
pour
vent.
On mande d'Emden qu'à l'avenir les paquebots anglais
ne partiront plus de Douvres et de Harwich , mais de Hull.
La future princesse de Galles se rendra des Hanovres
Greetsyhl , où elle s'embarquera pour l'Angleterre. Plusieurs
régimens anglais sont arrivés à Emden. Tous les malades de
( 296 )
Farmée anglaise vont être embarqués à Greetsyhl et transportés
en Angleterre. On est occupé à briser les glaces à
Norderney , pour pouvoit envoyer sur les côtes d'Angleterre
un bateau de pêcheurs qui doit passer cinq couriers du cabinet
de Saint-James , un autre expédié au greffier Fagel ,
et plusieurs officiers anglais qui sont tous à Enden .
Ġe sont les états de Hollande qui ont retenu toute la
marine hollandaise qui était dans le Texel , à la Briel et à
Helvoetsluis . Le capitaine Story avait déja prévenu cet ordre
dans ce dernier port. Après avoir arboré le pavillon tricoler
sur son vaisseau de 74 canons et sur les autres bâtimens
de guerre hollandais , il se rendit maître de tous les
vaisseaux anglais , sur l'un desquels il se trouvait une
somme de 700 mille florins . Il remit également en liberté
tous les prisonniers français. Outre les vaisseaux de guerre
qui étaient dans les ports , on compte qu'il y en a encore
vingt-huit à trente en mer. Il est très présumable qu'il se
rangeront du parti patriote , et suivront l'exemple que leur
ont donné les sept provinces. En attendant , l'augmentation
que la marine française va recevoir par cette révolution dans
la marine hollandaise , est évaluée à trente vaisseaux de guerre .
Si l'on ajoute 350 à 400 navires marchands anglais , pris dans
les glaces , et qui doivent tomber au pouvoir des Français , l'on'
verra que sous ce rapport seul la conquête de la Hollande pro- ~
cure de grands avantagés à ces derniers .
Deventeret Campen sont maintenant occupés par les Français
. A Drenthe et à Meppelt , la bourgeoisie a pris les armes .
A Groningae , le général hollandais Mannel a arboré la cocarde
tricolore , qui lui fut présentée par les patriotes . A Zwoll , le
régiment de Bedault a prêté serment à la nation .
La révolution s'effectue dans la province de Frise , comme
dans toutes les autres . Il ne faut pas néanmoins s'abandonner
entiérement à toutes les apparences. L'on ne peut douter que
le statdhonder n'ait conservé un parti dans un grand nombre
de villes. Parmi les habitans des campagnes , les pêcheurs ,'
les bateliers et autres marins , beaucoup lui sont dévoués.
· Le baron Meydeinger vient d'enrichir la chimie d'une découverte.
Il a inventé un moyen de préparer d'une maniere
simple et facile , le bitume , qu'on ne rencontre que rarement
dans la terre , comme , par exemple , dans la Slavonie ,
entre Pekleniza et Meslowina , où le professeur Winterf en
a trouvé qu'il a examiné. Ce bitume artificiel a la consistance ,
la couleur noire et luisante , lá viscosité et les autres propriétés
du bitume naturel ; il a sur-tont l'odeur de la Naphte , a un
très-haut degré . Ce qui doit rendre cette invention intéres-,
sante pour les arts , c'est qu'on dit qu'on peut faire les préparations
nécessaires en grand avec beaucoup de facilité . Dans
quelques heures on peut obtenir , sans feu et à peu de frais ,
.168 $ 2.
plus
297
en
plus de vingt quintaux de bitume artificiel. Son utilité est
très étendue . On peut l'employer avec plus de succès que
le goudron ordinaire , pour calfeutrer les vaisseaux et
frotter les cables , parce qu'il est plus tenace et empêche
mieux l'eau de pénétrer. 11 garantit ainsi les navires de la
pourriture , et son odeur très - forte de naphte est un excellent
moyen à employer contre les vers qui rongent le bois.
On peut encore en faire usage pour frotter les moulins à
eau et les ponts . En l'atténuant , on peut l'employer pour
graisser les essieux ; enfin , c'est un excellent vernis noir.
pour le cuir et un enduit très - solide pour le fer ,
On sait enfu par quelles voies l'Autriche compte se procurer
de l'argent , pour continuer la guerre le cabinet de
Vienne n'a riens
su imaginer de mieux qu'une lotterie dont le
moindre billet sera de 1000 florins . On donnera une obligation
portant trois et demi d'intérêt pour la mise , et le gros
Lot sera une terre considérable ; au reste , le plan plus détaillé
sera donné par les états d'Autriche , qui ont obtenu le privilége
d'établir cette lotterie.
8
Auire moyen de reculer le paiement del capitaux assez
considérables , ce qui équivaut presqu'à de l'argent comptant ,
puisqu'il en aurait fallu trouver pour acquitter ces dettes : on
vient de convertir en obligations garanties par la banque de
Vienne , et portant quatre et demi pour cent d'intérêts , les
quittances des livraisons faites à l'armée autrichienne dans
l'Empire. On espere aller avec ces ressources ; et une plus
importante , ce sont les 6 millions de liv. sterlings enfin obtenus
de l'Angleterre . Cependant tous ces arrangemens péchent
par le fonds même ; le dernier sur- tout prête beaucoup à
l'agiotage , car les capitalistes ne manqueront pas de profiter
du besoin des fournisseurs pour acheter ces obligations à vil
prix ; et voilà comment les gouvernemens se ruinent !
Le ministre du cabinet , comte de Colloredo , vient de
tomber malade , et le feld- maréchal de Lascy l'est depuis
quelque tems , et même assez gravement. On sait que ce dernier
est partisan déclaré du systême russe . Sa maladie et celle
de Catherine Il , dont on attend la mort de jour en jour ,
pourraient contribuer à empêcher l'empereur de s'engager
follement dans une nouvelle campagne.
La gazette officielle de la cour vient da publier un rapport
du général Alviuzy , sur ce qui s'est passé en Hollande : on
y dit , pour diminuer la honte des aimes prussiennes , que
le prince d'Orange n'avait demandé que 2000 hommes de renfort
, et que , de son côté , le général Walmoden avait prom's
de Fappuyer ; mais que ce qui a fait échouer ces plans ,
c'est le refus de la ville d'Utrecht de recevoir des troupes
étrangeres. On sent à Vienne , et on en est effrayé , le parti
que les Français peuvent tirer de cette conquête , pour ens
Tome XIV. X
1
( 298 )
voyer de nouvelles forces sur toute la longueur du Rhin.
L'archiduc Charles est arrivé , le 6 janvier , du quartiergénéral
de Heidelberg . Sa santé est très - altérée ; il souffre de
la poitrine et des nerfs.
On sait , par des lettres de Venise , que M. Verninac , cidevant
ministre de France à Stockholm , y a passé pour se
rendre à Constantinople. Le gouvernement vénitien vient de
mettre 20,000 hommes sur pied près de Brescia . On ne connaît
pas le motif de ses craintes .
ANGLETERRE. De Londres , le 9 janvier 1795.
Débats du Parlement. Chambre haute.
Séance du 6janvier . Les commissaires des douanes et M. Spear
de la trésorerie présentent différens comptes .
*
Le lord chancelier s'assied sur le sac de laine , et les pairs
prennent leurs places.
Lord Stanhope se leve pour faire la motion qu'il a annoncée .
Il observe que l'objet qu'il va traiter mérite la plus grande attentien.
Som desir sur- tout est de faire connaître la situation des
finances de la France , parce qu'on en a sur tout argumenté
pour la continuation de la guerre . La question ne lui semble
pas devoir être envisagée seulement sons le rapport de la politique
et de la convenance , mais encore sous celui de la justice .
La justice doit être suivie avant tout . C'est une maxime dont il
ne se départira jamais . Or , l'Angleterre n'a aucun droit de -se
mêler du gouvernement intérieur de la France ; et cette contrée ,
bien qu'on ait souvent avancé le contraire , n'a jamais montré
de disposition de se mêler des affaires intérieures de la Grande.
Bretagne. Ici lord Stanhope doune lecture d'une note de l'ambassadeur
françois Chauvelin à lord Grenville , ainsi que du 18e .
et du 139. art. de la constitution française , relatifs à la conduite
que la république doit tenir envers les nations étrangères .
Jusqu'à ce jour , le systême des ministres a été constamment de
tromper la nation pour la jetter dans la guerre . D'abord ils ont
avancé que les armées françaises n'étaient composées que d'un
ramas d'hommes sans discipline , pendant que les troupes qu'on
leur opposait étaient les meilleures et les plus courageuses de
l'Europe . Cependant les Français ont prouvé qu'ils étaient supérieurs
aux bandes mercenaires et serviles qu'on a fait combattre
contre eux. Dans le fait , la République Française , qu'il n'affectera
pas d'appeller un royaume , comme le font encore quelques
nobles lords , est en possession de l'armée la plus brave et la
mieux organisée qu'il y ait en Europe , armée formidable tout
a- la-fois par son courage , sa discipline et le nombre d'hommes
qui la composent . Les derniers comptes rendus à la Convention
ne la portent pas à moins de 1,200,000 hommes . La seconde
( 299 )
idée qu'ont eue les ministres a été d'affamer la France; idée.
aussi absurde que détestable. Ce systême humain de réduire à la
famine 30.000000 d'hommes , est maintenant demontré impossible.
Les Français ont pris possession du Palatinat et du
Brabant , deux des plus fertiles contrées de l'Europe , et cela
immédiatement après la moisson ; de sorte qu'il n'y a pour eux
aucun danger de disette . Ils sont maintenant occupes du sublime
projet d'établir un canal entre le Palatinat et le nord de la
France , au moyen duquel les denrées d'un pays pourtout être
amenées dans l'autre. Les deux idées des ministres , mixes en
avant pour tromper le peuple , ont été démontrées absolument
fausses . Ce qu'on dit de leurs finances , de l'épuisement entier
de leurs ressources , ne l'est pas moins . Au moyen des confis-
"
mais on
cations sur le roi , la noblesse et le clerge , la Convention
s'est procuré plus de 400,000000 sterlings , et maintenant,
elle a entre les mains le tiers des propriétés territoriales de
France. Ainsi , en supposant Vrai tout ce qu'avancente les
ministres sur ses dépenses , ses ressources n'en sont pas moinss
inépuisables . Ce qui a éte dit de la baisse des ass gnats , ion
d'être une preuve du manque de crédit , est une circonstanc
tonte en faveur de la Convention . Elle a à sa disposition
d'immenses proprietes qui peuvent lu procurer les moyens,
de les acheter à des termess avantageux ;;, elle eu la politique
de ne point depouiller les contrées qui ont été conquises
. A la verite , on leur a pris lears especes , mais
leur a donné en place des assigna
assignats. De cette maniere , ces
contrées sont forcées d'avoir un intérêt commun avec la
Republique Française , et de soutenir son gouvernement actuel .
Les succès des Français sont attribués au hasard ; mais , en,
considerant ce qui vient d'être dit , et , beaucoup d'autres
exemples d'une politique habile , on ne peut s'empêcher de,
regarder comme des preuves de la sagesse de leurs
gouvernans. Le papier américain a tombe bien plus :
l'a fait celui de France que ne , dans aucune époque ;
mais il n'en a pas moins servi au congrès. Enfin , d'après.
divers calculs , lord Stanhope regarde comme établi que
l'état actuel des finances de France est très florissant ; que
cette contrée a d'ailleurs d'immenses ressources , et s'avance
vers une prospérité dont il n'y a pas d'exemple . Les principes ,
qui ont été suivis dans cette guerre , comme dans celle d'Amé
rique , lui semblent également inhumains et impolitiques . On
demande ce que l'Angleterre a perda ? Elle a perdu la Hollande
, les Pays Bas autrichiens , et , ce qui est encore pour
elle d'une plus grande conséquence , son titre d'amie de la paix ,
sa reputation d'attachement a la cause de la liberté générale .
Peut-être sera- t- elle forcée de continuer la guerre avec la France,
quand cette contree sera en possession des flottes hollandaises
et espagnoles , Dans cette circonstance , on demande avec qui
les
bas
#
X ;
( 300 )
PAngleterre pent traiter ? La réponse est toute simple ; avec
ceux avec qui elle est maintenant en guerre , et qui , dans le
cours de cette guerre , ont déployé une énergie et une vertu
républicaine. Après s'être résumé , lord Stanhope propose à la
chambre la résolution suivante : L'Angleterre ne doit point sé
mêler , et de fait ne se mêlera point des affaires intérieures de la
France , et elle trouve convenable de le déclarer expressément .
Le comte de Carlisle s'oppose à la motion . Il n'est , selon
lui , aucune comparaison à faire entre cette guerre et celle d'Amérique
. Il se reporte à la déclaration du 19 novembre , faite
par la France , et aux procédés violens et hostiles auxquels
cette nation s'est livrée depuis . Il termine par demander l'ajour
nement sur la motion.
Le comte d'Abington et lord Auckland , parlent tous deux
après lord Carlisle et dans le même sens .
Lord Mansfield fait un discours d'une grande étendue . Tous
les ouvrages qu'il a lus sur les lois des nations s'élevent contre
le trop grand accroissement qui peut survenir à l'une d'elles .
Nul doute que l'Angleterre n'ait le droit de se mêler d'an gouvernementqui
professe hautement la volonté de détruire le sien.
Siua homme tenant un poignard à la main , avoue que son intention
est de nous en frapper , nous fera -t-on un crime de
le désarmer pour notre propre sûreté ?
Eu France , selon lord Mansfield , il y a deux partis , dent
l'un est ami de l'Angleterre , l'autre son ennemi . Cette derniere
contrée a le droit de secourir ceux qui veulent se mettre à
couvert sous l'ancien gouvernement et la monarchie . C'est un
acre louable en lui - même , utile à la France et à l'Europe . Le
rétablissement de la monarchie dans ce pays , lui semble desirable
, sans qu'il détermine la maniere dont elle peut être restreinte
ou tempérée . C'est calomnier les autres républiques que
d'appeller la France de ce nom . Les anglais sont intervenus dans
les affaires de Hollande en 1787. S'ils parvenaient à rétablir la
monarchie en France , ils en recueilleraient des louanges . Les raisonnemens
de ford Stanhope sur les finances de ce pays , rappellent
un trait d une comédie de Dryden. Ma blessure , dit-
9 un amant , devient moindre à mesure qu'elle s'aggrandit. "
Le marquis de Lansdowne déclare que chaque nation doit
desirer uue paix houorable ; mais il ne peut approuver entié.
rement la motion du noble lord dont au reste il connaît la'
vertu , l'honneur et les bonnes intentions . Il espere que quelqu'autre
lord reproduira une motion sur le même sujet
Lord Stanhope répond aux lords qui ont parlé contre sa
motion.
La chambre se divise sur la question de l'ajournement ; il y a
pour lui , 6o voix ; contre une .
( 301 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
CONVENTION NATIONALL.
PRESIDENCE DE BOURDON ( de l'Oise . )
Séance de septidi , 7 Vanlose,.
Anguis , au nom du comité de sûreté générale , annonce
qu'il s'était élevé quelques mouvemens dans le département
de l'Aveiron , et particulierement dans le district de Saint-
Géniés ; mais que Girot Poujol , en mission dans les départemens
du Gard et de l'Hérault , a pris toutes les mesures
nécessaires pour qu'ils n'aient pas de suite , et qu'aujourd'hui
ils sont appaisés .
La Convention, approuve les mesures prises par ce représentant.
Lakanal , au nom du comité d'instruction publique et des
finances , soumet à la discussion le projet d'organisation des
écoles centrales , ajourné par décret. La partie financiere du
travail a été présentée au comité des finances qui l'a approuvée.
Le rapporteur dit qu'un grand nombre de départemens réclament
cet établissement , persuades que la République ne
peut se maintenir et prospérer que par l'instruction , et
que la liberté sans lumiere n'est jamais qu'une bacchante effrenée.
Il ajoute qu'ils feront des cadres ouverts pour recevoir
les éleves de l'école normale qui se seront le plus distingués
'pendant la durée du cours et un nouveau motif d'émulation
pour tous.
Lakanal propose un projet de décret qui est adopte . ( Voyez
à la suite des séances . )
Delacroix , au nom des comités de salut public , de sûreté
générale et de législation , fait décréter que les suppléans de
la Convention seront admis sur la simple exhibition du procès-
verbal de leur élection , qui en constatera la validité .
Cambon , au nom du comité des finances , présente l'analyse
des différens projets qui ont été lus successivement à la
tribune , sur les moyens de retirer des assignats de la circulation
. Il fait sur toutes ces vues des réflexions générales
qu'il termine en soumettant à l'Assemblée une série de ques
tions , sur laquelle il s'éleve une discussion que Boissy - d'Anglas
interrompt.
Beissy- d'Anglas , au nom du comité de salut public , expose
que la Convention ayant senti la nécessité de centraliser
le gouvernement , a chargé la commission des seize d'en
poser les lois organiques , et qu'il entrera sans doute dans
pros
X 3
( 302 )
ses vues d'examiner , si ce n'est pas en entraver la marche
que d'envoyer dans les départemens des représentans du
peuple des pouvoirs illimités , qui nécessairement et sans
le vouloir en contrarient les desseins ; mais en attendant il
propose de décreter que dans aucun cas et sous aucun prétexte
la destination des subsistances qui appartiennent à la
République ne pourra être changée par les représentans du
peuple en mission ou par les autorités constituées , sans un
arrêté du comité de salut public. Ce projet de décret est adopté.
Seance d'octidi , 8 Ventôse."
Girand , au nom du comité de commerce , fait décreter
comme article additionel à la loi du 24 nivôse qui maintient
les marchés faits pour denrées et marchandises , avant l'abrogation
de la loi du maximum lorsqu'elles ont été livrécs ;
10. que lesdites denrées ou marchandises qui , après avoir
été vendues , jaugées , pesées , mesurées et payées en totalité
avant l'abrogation de la loi du maximum , sont restées dans les
magasins ou celliers des vendeurs , aux risques et périls des
acquereurs , sont censées et regardées comme livrées ; 2° . que
les marches faits à un prix different du maximum sont maintenus
sans que les vendeurs puissent réclamer l'augmentation
du prix permis par l'article II de la loi du 24 nivôse .
il
Pelet , par motion d'ordre , demande le rapport de la loi
qui accorde la faculé du rachat des rentes foncieres ,
observe qu'au moyen de l'augmentation du prix de toutes les
productions , un debiteur de rentes foncieres peut en acquiter
le capital avec une ou deux années du revenu de ces rentes .
Meaulle dit qque ce rapport jetterait de la confusion dans
toute la République .
Merlin ( de Thionville pense que rien ne contribue plus au
bouleversement des opinions que d'avoir une législation vacillante
, et qu'en rapportant ce décret on pourrait exciter des
troubles et des mécontentemens , tandis qu'on ne doit s'occuper
qu'à faire des heureux , et il demande la question préalable
. Thibaudeau n'accuse pas les intentions de Pelet , mais
il dit que la mesure qu'il propose serait funeste au systême
de finances , parce qu'elle est fondée sur la différence que
l'on suppose entre la valeur primitive des assignats et leur
valeur actuelle . La motion de Pelet est écartée par la question
préalable .
La discussion s'ouvre sur les finances , Cambon présente
un décret en cinq articles , concernant les inscriptions au
grand livre de la dette consolidée. L'article 1er, porte que
ces inscriptions seront admises jusqu'au er, vendémiaire ,
an 4. , en paiement des domaines nationaux . Les articles
suivans reglent les conditions auxquelles elles seront a
admises.
Villards : Les finances d'un état en révolution suivent les
( 305 )
erises qui l'agitent . Il n'est point de mouvement , même
dans la Convention , dont les finances ne se ressentent . Il
est certain que quelques propositions énoncées il y a peu de
jours , à cette tribune , ont contribué à faire augmenter le
prix des denrées . Notre dessein est de régulariser le gouver
nement , et de faire rentrer une partie des assignats . Je pense
que le projet présenté ne répond pas à votre attente .
Plusieurs membres combattent et appuient successivement
le projet de Carbon . Lefranc demande que les inscriptions
soient admises concurremment avec les assignats . Rewbel dit
que ceux qui ont acheté sur la place les inscriptions à bon
marché desirent qu'on les admette , et que c'est là le fin mot.
La Convention ferme la discussion , et adopte le projet de
Cambon .
Boissy d'Anglas propose pour rompre tous les calculs de
l'agiotage de décréter qu'il ne sera fait aucune retenue sur les
rentes payées par l'état et les particuliers .
+8
Dupin l'appuie , mais Cambon s'y oppose. Il déclare que
si en remet aux rentiers la retenue fixée , ce doit être à
titre de secours à cause du renchérissement des denrées et
en faveur de ceux qui supportent difficilement les embarras
actuels . I observe qu'un tems viendra où les dépenses , ne
seront pas payées en assignars , et qu'il ne faut pas gréver
la République d'une dépense qu'elle ne pourrait pas acquitter.
La Convention renvoie cette proposition aux comités réunis .
Séance de nonidi , g Ventôse. 9
L'accusateur public du tribunal révolutionnaire a écrit au
comité de législation pour demander s'il peut se départir du
1er . acte d'accusation dressé contre Fouquier-Thinville et en
présenter un nouveau dans lequel , en précisant et caractérisant
aux termes de la loi du 8 nivôse les délits dont il est prévenu
, il comprendra et précisera de même ceux de ses complices
qui doivent être portés dans le même acte d'accusation.
Pottier , au nom du comité de législation , fait part de cette
Lettre à l'Assemblée . Elle passe à l'ordre du jour , motivé sur
ce qu'aucune loi n'interdit à l'accusateur public du tribunal
révolutionnaire la faculté de rédiger un nonvel acte d'accusation
, ou un supplément , s'il le juge nécessaire à l'instruction
des jurés.
Delcroix , au nom du comité de législation , expose que
le tribunal révolutionnaire qui a acquitté les membres du
comité de surveillance de Nantes n'a pas pu juger le délit
ordinaire , puisque s'il eût été iuvesti de ce droit , il ne les
aurait pas mis en liberté ; Goulin et ses complices étant con
vaincus de meurtre et d'assassinats , il n'a donc jugé que le
délit contre-révolutionnaire . I propose en conséquence de
X4
( 304 )
renvoyer ces individus devant le jury d'accusation du tribunal
an district d'Angers qui les fera traduire , s'il ya lien , devant
le tribunal criminel du departement de Maine et Loire.
Meaulle dit que vouloir faire juger de nouveau des hommes
acquittés par un jugement public et exécuté , c'est violer tous
les principes . L'acte d'accusation comprenait tous les fairs ;
la declaration du jury a porte sur tous ces faits . Le tribunal ,
dit-on , était incompetent . Mais cette incompétence ne peut
être alléguée après l'exécution du jugement qui porte qu'il
n'y a eu ni intentions criminelles , ni contre - révolutionnaires .
Il termine en disant que si on attaque une déclaration de jury ,
il n'y aura plus rien de sacré , et que ce jugement appartient
à la postérité. It demande la question préalable sur le projet
du comité .
Bailleul Le jugement rendu en faveur des membres du comité
révolutionnaire de Nantes , dont on a voulu par des sophismes
diminuer l'horreur , a indigné toute la France. J'appuie le
projet .
Kewbel déclare que si la discussion continue , il demande
la parole pour les principes qui sont au dessus de toutes les
indignations possibles.
.
La Convention ajourne la discussion à primedi prochain et
décrete l'impression du discours de Meaulle . Mariette et Cadroy , représentede
"
du peuple dans le départ
tement des Bouches du Rhône ,
écrivent que les
les égorgeurs
ont quitté Marseille pour se rendre à Arles , où ils sont en
pleine révolte contre la Convention ; mais ils Yvont euxmêmes
et esperent que la tranquillité publique n'y sera pas
troublée long- tems . Renvoi au comité de sûreté générale .
On passe à la discussion sur les finances . Adoptera- t on le
projet de loterie , ou celui de tontine , on tous les deux . ?
Telle est la question proposée par Cambon , sur laquelle plusieurs
membres emettent des opinions pour et contre . Vernier
demande qu'on adopte l'une et l'autre , mais sans benefice pour
l'etat ; il veut toujours que les biens particuliers soient l'hypotheque
subsidiaire des assignats . Cambon croitque ce serait porter.
atteinte à la propriété. Il annonce que les biens seuls des
émigrés valen près de quatorze milliards et rendent deux cent .
soixante millions ; et il demande qu'avant tout l'on organise
le gouvernement d'une maniere solide et qu'on donne la
priorité au projet de loterie . La discussion est ajournée .
Séance de décadi , 10 Ventôse.
Cette séance étant consacrée aux pétitionnaires , ils sont
admis . La commune de Gand dans la Belgique envoie des
députés pour se plain des contributions auxquelles elle .
est imposée ; ils disent que l'armée de la République ayant
pris possession de la ville de Gand , on annonça aux habitans
( 305 que les représentans du peuple les soumettrait à une cond
tribution militaire qui égalerait au moins deux fois toutes celles
perçues par l'ancien gouvernement , mais qu'ils étaient bien
éloignés de penser que la ville de Gand et son territoire
payerait 7,000,000 en numéraire. Une telle imposition ,
ajoutent ils , est sans exemple : Philippe II , Louis XIV et
Louis XV n'en mirentjamais de pareille , quoique ce fussent
des rois . Les tems barbares seraient-ils donc revenus ? Le
droit de conquête serait-il le droit de destruction ?
Cette pétition est renvoyée au
comité de salut public.
Gufroy dépose sur le bureau deux exemplaires d'un ouvrage
contenant la série des crimes de Joseph Lebon , les lettres
et les arrêtés des membres de l'ancien comité de salut public.
Duquesnoy , dit- il , y est fortement prévenu de complicité
avec eux , et d'avoir même surpassé leur férocité dans les
persécutions qu'il dirigea contre l'innocence , les talens et la
vertu . I demande qu'un de ces exemplaires soit renvoyé
aux trois comités , et l'autre à la commission des vingt -un.
Décrété.
Boissy d'Anglas , au nom des comités : Depuis quelques
jours les habitans de Paris sont livrés à des agitations ; il
y a des rassemblemens aux portes des boulangers et l'on
veut faire naître la disette en paraissant la craindre . La consommation
des farines n'a jamais été si grande à Paris qu'à
présent ; elle excede d'un quart celle du tems de la plus
grande population . Est- ce la faute des consommateurs ou
celle des boulangers qui feraient un autre emploi des farines
qu'on leur délivre ? Quoi qu'il en soit , le gouvernement
veille pour faciliter les arrivages , et Paris ne manquera pas.
Des vaisseaux chargés de grains entrent dans les ports du
Hâvre et de Dunkerque . Le Midi s'approvisionne. On ne peut
encore publier les moyens que le gouvernement emploie pour
assurer les subsistances de la République ; mais on sera
étonué de la grandeur de ces moyens , quand on les connaîtra.
L'Assemblée décrete l'impression du discours de Boissy
et l'envoi aux sections de Paris..
Les pétitionnaires terminent la séance en occupant l'Assemblée
d'objets particuliers .
Séance de primedi , 11 Ventôse .
Lakanal , au nom du comité d'instruction publique , propose
de décréter qu'en exécution de la loi du 8 de ce mois
il y aura à Paris cinq écoles centrales , décrété .
Veau demande si le collège de France est supprimé ainsi
que les autres colleges ; le rapporteur répond qu'il ne l'est
pas , mais que le comité d'instruction publique s'occupe d'un
travail relatif à cet établissement qu'il eroit utile sous tous leg
rapperts.
( 306 )
Duquesnoy monte à la tribune pour se justifier des incul
pations graves qui lui ont été faites la veille par Guffroy. Il
assure que bien loin d'être complice de Lebon , il n'a fait
incarcérer dans le département du Pas-de- Calais que 40 personnes
, et qu'il en a fait élargir plus de 400. Il provoque
l'examen de sa conduite. L'Assemblée passe à l'ordre du
jour .
La section de l'Unité vient demander le rapport du décret
qui exclut de la représentation nationale les députés mis hors
de la loi le 31 mai.
Penieres appuie cette proposition , et dit que co décret
viole tous les principes , qu'il attaque la représentation natio
nale et les droits de la justice et de l'humanité . Il ne réclame
point d'indulgence pour eux ; s'ils sont coupables , qu'ils soient
mis à mort , mais qu'ils soient rendus à leurs droits , s'ils sont
innocens. Hé quoi ! des hommes probes , invariablement patriotes
, ennemis déclarés de toute tyrannie , seront proscrits
sous le régime de la justice ! Penieres demande le renvoi de
cette pétition au comite de législation.
Rewbel : Les mouvemens qui agitent le peuple , et qui sont
le présage d'une grande crise , ne peuvent se dissimuler . Occupons
- nous d'abord de sauver la patrie , nous penserons ensuite
à nos collègues . Passons à l'ordre du jour . Adopté.
Freron monte à la tribune , et lit un discours . Je viens ,
dit-il à la Convention , vous parler de vous-mêmes , de l'opinion
publique , de ce qu'elle a fait pour vous. L'opinion
publique a déployé des ailes de feu , elle devance vos lois ,
elle garantit les droits des citoyens , et elle ne se désaisira plus
de cette conquête . La liberté est émancipée , il ne dépend
plus de personne de la mettre en tutele . Les tyrans avaient
placé dans cette enceinte le tableau de la déclaration des
droits , comme la carte d'un pays perdu , ou plutôt comme
le trophée de la victoire qu'ils avaient remportée sur la liberté
publique . Ces droits ne seront plus illusoires .
Cependant une faction veut sauver de grands coupables .
J'ai été en batte à ses coups. Tantôt c'est un prêtre qui m'ac
cuse d'avoir attaqué les droits de l'homme , tantôt un juif qui
tapisse les rues de ses calamnies ; mais ils ne sauveront pas
les grands coupables. La Convention ne sera plus le jouet ni
l'instrument d'aucune tyrannie.
Freron termine son discours en proposant de reviser les
lois où il se serait glissé des dispositions tyranniques , de
rapporter celle du 17 septembre sur les gens suspects , et de
nommer une commission pour préparer les moyens d'exécu
tion de la constitution de 1793 .
L'Assemblée applaudit à ce projet , en ordonne l'impression ,
l'ajournement et le renvoi aux comités réunis .
( 307 )
Décret sur l'institution des écoles centrales.
CHAPITRE PREMIER.
Art. 1er. Pour l'enseignement des sciences , des lettres
et des arts , il sera établi , dans toute l'étendue de la Répu
blique , des écoles centrales distribuées à raison de la popu
lation ; la base proportionnelle sera d'une école par trois cents
mille habitans .
II. Chaque école centrale scra composée :
10. D'un professeur de mathématiques ;
20. D'un professeur de physique et de chimie expérimentales
;
3º. D'un professeur d'histoire naturelle ;
4. D'un professeur de méthode de sciences ou logique , et
d'analyse des sensations et des idées ;
50. D'un professeur d'économie politique et de législation ;
6. D'un professeur de l'histoire philosophique des peuples ;
70. D'un professeur d'hygiene ;
80. D'un professeur d'arts et métiers ;
9° . D'un professeur de grammaire générale ;
10. D'un professeur de belles lettres ;
11°. D'un professeur de langues anciennes ;
12° . D'un professeur de langues vivantes , les plus appropriées
aux localités ;
130. D'un professeur des arts de dessin .
III. Dans toutes les écoles centrales , les professeurs
donneront leurs leçons en français .
" IV. Ils auront tous les mois une conférence publique sur
les matieres qui intéressent le progrès des sciences , des lettres
et les arts les plus utiles à la société .
2 V. Auprès de chaque école centrale , il y aura :
10. Une bibliotheque publique ;
20. Un jardin et un cabinet d'histoire naturelle ;
30. Un cabinet de physique expérimentale ;
49. Une collection de machines et modeles pour les arts et
métiers ;
› VI. Le comité d'instruction publique demeure chargé de
faire composer les livres élémentaires qui doivent servir à
l'enseignement dans les écoles centrales ."
VII. Il sera statué , par un décret pariculier , sur le pla
cement de ces écoles . " ?
CHAPITRE
Jury central d'instruction .
--
I I.
Professeurs.
Art . Ier . Les professeurs des écoles centrales seront examinés
, élus et surveillés par un jury central d'instruction
( 308 )
&
composé de trois membres nommés par le comité d'instruc
tion publique.
99 II. Le jury central sera renouvellé par tiers tous les six
mais.
Le commissaire sortant pourra être réélu.
› III. Les nominations des professeurs seront soumises à
l'approbation de l'administration du département.
IV. Si l'administration refuse de confirmer la nomination
faite par le jury central , il pourra faire un autre choix .
" V. Lorsque le jury persistera dans sa nomination , et l'administration
dans son refus , elle désignera , pour la place vacante
, le citoyen qu'il croira mériter la préférence ; les deux
choix seront envoyés au comité d'instruction publique , qui
prononcera définitivement entre l'administration et le jury
central.
VI. Les plaintes contre les professeurs seront portées directement
au jury central d'instruction publique.
" VII. Lorsque la plainte sera en matiere grave , et après
que l'accusé aura été entendu , si le jury juge qu'il y a lieu
å destitution , sa décision sera portée à l'administration du
département , pour être confirmée .
VIII. Si l'arrêté de l'administration du département n'est
pas conforme à l'avis du jury central , l'affaire sera portée au
comité d'instruction publique , qui prononcera définitivement .
" IX. Le traitement de chaque professeur des écoles centrales
, est fixé provisoirement à 3000 liv.
-dessus
Dans les communes dont la population s'éleve aude
quinze miile habitans , ce traitement sera de 4000 liv .
Dans les communes au- dessus de soixante mille habitatis ,
il sera de 5000 liv.
#
" X. Il sera alloué tous les ans , à chaque école centrale ,
une somme de 6000 liv. pour frais d'expérience , salaire des
employés à la garde de la bibliotheque , du cabinet d'histoire
naturelle , et pour toutes les dépenses nécessaires à l'établis
sement .
" XI . Le comité d'instruction publique est chargé d'arrêter
les réglemens sur le regime et la discipline interieure des
écoles centrales .
CHAPITRE II I.
Eleves de la patrie. -Prix d'encouragement.
« Art . Iet . Les éleves qui , dans la fête de la Jeunesse , se
seront le plus distingués , et auront obtenu plus particuliérement
les suffrages du peuple , recevront , s'ils sont peu
fortunes , une peusion annuelle pour se procurer la facilité
de frequenter les écoles centrales
( 309 )
» II. Des prix d'encouragement seront distribués tous les
ans , en présence du peuple , dans la fête de la jeunesse .
Le professeur des éleves qui auront remporté le prix recevra
une couronne civique .
" III. En conséquence de la présente loi , tous les anciens
établissemens consacrés à l'instruction publique , sous le nom
de colleges , et salaries par la nation , sont et demeurent supprimés
dans toute l'étendue de la République.
IV. Le comité d'instruction publique fera un rapport sur
les monumens et établissemens déja consacrés à l'enseignement
public des sciences et des arts , comme les jardins des plantes ,
les cabinets d'histoire naturelle , les terrains destinés à des
essais de culture , les observatoires , les sociétés des savans ct
artistes qu'il serait bon de conserver dans le nouveau plan
d'instruction nationale . 19
;: ་
PARIS. Quartidi 14 Ventôse , l'an 3º . de la République.
"
X
Enfin , le rapport de la commission des vingt-un a été
fait dans l'avant -derniere séance. C'est Saladin qui a porté la
parole . Il n'est pas besoin de dire que cette célébre affaire
avait attire une foule immense de citoyens ; les avenues
les tribunes et les galeries de la salle étaient remplies dès le
matin ; on s'était plu à répandre à l'avance que cette séance
ne se passerait pas sans les plus violens orages ; que
les
accusés et leurs partisans avaient préparé un grand mouve
ment , et que des scenes inattendues devaient avoir lieu.
Rien de tout cela n'est arrivé , ni ne pouvait arriver . S'il
est vrai qu'il y ait un plan de défense appuyé sur de grands
moyens , ce n'est pas lors du premier rapport que l'on devait
s'attendre à en voir faire usage . Aussi ce rapport a- t - il été
entendu avec la plus grande tranquillite . Après avoir fait
la longue énumération des actes oppressifs auxquels Collot ,
Billaud , Barrere et Vadier , ont pris part personnellement ,
le rapporteur a déclaré que la commission estimait qu'il y
avait lien à accusation contre les quatre prévenus . Legendre
a demande qu'ils fussent mis en arrestation chez eux , et
certe mesure a été adoptée .
Cette affaire ne sera reprise qu'après l'impression du rapport
et des pieces qui y sont jointes ; ensuite les accusés seront
entendus , puis viendront les débats , puis le décret définitif ;
et si le renvoi devant le tribunal révolutionnaire est ordonné.
alors l'instruction s'ouvrira sur tous les faits de sorte qu'il
est probable que cette affaire ne sera pas terminée avant quatre
où cinq décades . C'est un tems bien long pour l'intrigue , mais
il est nécessaire pour la justice. Il paraît que cette affaire se
1
( 310 )
rattachera à celle de Fouquier - Thinville qui a déja articulé
dans le mémoire qu'il a publié , des faits graves contre les
membres des anciens comités de gouvernement .
Un des députés mis hors de la loi vient de publier , sous le
titre de proscription d'Isnard , une brochure contenant l'historique
de ses persécutions , ses moyens de defenses et sa vie
politique . Nous nous proposons d'extraire de cette brochure
tous les faits qui peuvent piquer la curiosité et servir de maté
riaux à l'histoire .
de
Le comité de , sûreté générale a fait arrêter six agioteurs ,
évidemment reconnus pour avoir tait monter en peu
jours , à un prix exorbitant les deurées et les objets de premiere
nécessité .
9
Les cendres de Michel Lepelletier ne sont plus au Panthéon
sa famille les en a retirées . Les restes de Marat ont dû en
sortir avant-hier .
en
Quelques papiers ont publié que ces jours derniers un jeune
citoyen se retirant chez lui a 11 heures du soir a eté poignardé
par quatre brigands qui ont fui après l'avoir assassine
criant Voilà le sort que nous réservons à la jeunesse de Fréron .
Le même soir , un autre citoyen , connu par sa haine contre
les terroristes , a été attaqué par douze scelerats qui ont vomi
mille imprécations contre la Convention . Quatre de ces assassins
ont été arrêtés .
1
Un changement dans le commandement de nos armées vient
de s'opérer. Le general Kellermann va prendre le commandement
de l'armee de Sambre et Meuse ; le géneral Jeui dan passe
à celle du Nord , et Pichegru va commander celle du Rhin.
Ces dispositions se font au moment que la plus grande partie
de nos forces va être employée de ce côté , et on assure que
les états d'Hanovre sont menacés .
Le blocus de Luxembourg devient de jour en jour plus
severe ; les batteries se sont fortement rapprochées , et le bombardement
a commencé .
Dusseldorf est vivement attaqué , et l'armée de la République
sous Mayence reçoit chaque jour de nouveaux renforts . Il
paraît que l
Pon n'attend que le retour d'une saison plus favozable
pour pousser plus rigoureusement ee siége.ne
On mande de Brest , en date du 3 ventôse , que le contreamiral
Vanstabel vient de partir en poste pour Amsterdam ,
avec plusieurs officiers et matelots . Il a le titre de comman
dant en chef des forces navales de la République dans la
mer du Nord. Il va probablement hater l'armement des huit
vaisse ux de ligne et des douze frégates que nous avons trouvés
en Hollande .
( 311 )
On écrit aussi de Brest qu'une division composée de six
vaisseaux de ligne , de trois frégates et de trois corvettes , come
mandée par le contre- amiral Renau din , a appareillé le 2 ventôse
; elle a pris pour six mois de vivres . On ignore sa destination
. On prépare une seconde expédition semblable , qui
sera dirigée par le contre- amiral Nielly. I emmenera avec lui
quelques troupes , ainsi que le général Dufourneau. On en
conclut qu'il doit peut-être aller à Saint- Domingue .
Une troisieme expédition aura encore bientôt lieu. Les trois
Vaisseaux rasés , lo Scévolate Brave et le Flibustier prendront
pour dix mois de vivres et partiront avec quelques corvettes .
On pense que ce sera pour les isles de France et de la
Réunion .
H ' paraît qu'on peut toujours compter sur la pacification de
la Vendée . Voici une piece authentique qui doit confirmer cet
avis . C'est l'ordre du commaudant en chef de l'armée de
l'Ouest. Cependant pour ne rien dire que de vrai , nous
croyons devoir remarquer que si Charettes et Caumartin ont
fait la déclaration annoncée par le géneral Hoche , et que tout
semble terminé par rapport à eux , il n'en est pas encore entierement
de même de la part de Stoflet, Des officiers de ce
chef ont bien declare qu'il était dans les mêmes dispositions
que Charette , et qu'il allait, travailler à consolider cette pacie
fication. Mais il n'a pas encore , comme Charette , réalise ses
dispositions. D'après la situation des choses cet événement ne
peut manquer d'arriver , Il est probable qu'on l'attend pour.
annoncer le tout à la Convention.
Lazarre Hoche , général en chef des armées de la Répu
blique sur les côtes , annonce à l'armée , avec un plaisir bien
vif , que Tempire de la raison vient enin de rendre à lá patrie
tous ses enfans , et que le jour ou les Français ne doivent
faire qu'une seule famille est arrivé .
,,
T.
4
"
Charette et les principaux chefs de son armée , au nom
des Vendéens ; Caumartin , au nom du parti connu sous la
dénomination de "Chouans , viennent de signer un acte par
lequel ils déclarent aux représentans du peuple français , que
feurs intentions sont de vivre désormais sous les lois de la
République , une et indivisible , et qu'ils s'engagent à remettre
leurs armes et leurs munitions de guerre et de bouche ; mais ,
tandis que les citoyens rentrent dans le sein de la patrie , it
est des brigands de profession qui , ne connaissant de parti
que celui du meurtre et du pillage exécutent des forfaits
inouis , et semblent en méditer de nouveaux .
" L'instant est arrivé où tous les bons citoyens doivent se
réunir pour détruire leurs ennemis communs . A cet effet le
présent sera notifie à tous les corps administratifs , et lu à
l'ordre trois jours de suite.
( 319 )
Les chefs militaires continueront de repousser les aggressiens
par la force de protéger les personnes et les proprietéss
de faire respecter les idées religieuses , d'assurer la sûreté des
communications , et auront soin d'accueillir et de traiter
en freres tous les hommes égarés qui viendraient se rendre.
Le chef de l'état-major- général est chargé de faire passer
le présent aux officiers généraux ; commandans les divisions ,
par des courriers extraordinaires. ( 19
Au quartier- général de Rennes , le 1er, ventose , l'an 3
de la Republique.
Lettre au général Huet.
4
Signé, HOCHE,
Je t'envoie , général , Fordre du général en chef , de ce
jour, qui contient la nouvelle officielle de la soumission des
rebelles aux lois de la République tu voudras bien donner
à cet ordre la plus grande publicité possible , tant auprès
des corps administratifs , qu'auprès des troupes que tu com
mandes , et m'en accuser réception.moogh
Le ier, vențôse, us Signé , CHEVIN.
Des lettres de Toulon portent , que l'expédition contre la
Corse n'aura pas licu aussi- tôt qu'on le croyait : les troupes
qu'on avait embarquées au nombre de 6000 hommes , ont été
débarquéés ; ce qui prouve que le départ de l'escadre sera
retardele tappel subit de Jean -Bon - Saint- André et de Salicetti
aura probablement opéré quelques changemens dans le
plan de cette campagne.
On écrit de Port-Malo , en date du 4 de ce mois , qu'une
chaloupe canonniere , en croisiere sur aos côtes , a pris dix
emigrés qui débarquaient à Daonet , près de Lamballe .
On leur a trouve 300,000 liv . en faux assignats , 200,000 I.
en or , et 60,000 liv. en argent ; des papiers en grande quantite
et d'une grande importance , entr'autres une invitation
sous le cachet et le sceau du gouvernement anglais qui recommandent
à Charette de tenir bon et de ne consentir à
aucun accommodement avec la République Française ; qu'on
allait lui faire passer tous les secours possibles.
P. S. Dans la séance du 13 , on a fait lecture des lettres offi
cielles qui annoncent que les restes des rebelles de la Vendée ,
ainsi que leurs chefs , ont reconnu solennellement l'unité et
l'indivisibilité de la République , et juré obéissance aux lois .
Stofflet n'a pas encore montré les mêmes dispositions. --- Vadier
est le seul qui n'ait point obéi au décret d'arrestation ; il n'était
point à la séance , et avait disparu depuis six heures du matin .
Cambacérès a fait un rapport très - intéressant sur la maniere
de négocier avec nos ennemis. Nous ferons connaitre les
changemens dans le commandement de nos armées qui ratifieroni
ce que nous avons annoncé ci- dessus.
( No. 34. )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 20 VENTOSE , l'an troisieme de la République.
( Mardi 10 Mars 1795 , vieux style. )
VIRS à Jacques ** , professeur au rocher de la Liberté ,
( ci- devant Saint-Lo . )
SAINT JAC AINT -JACQUES fut un bon apôtre ,
Un apôtre de Jesus- Christ.
J'ignore quel était le vôtre ,
Si c'est le grand ou le petit.
Quoi qu'il en soit , Jacques l'ultieme ,
Aux yeux d'un peuple fortuné ,
Quoique ne venant qu'en troisieme ,
Vous passerez pour leur aîné .
Par ANGE VIEILLARD , son éleve , âgé de 13 ans.
Vers adressés à Caroline N….. Y. ( 1) , en lui envoyant les oeuvres
de Saint -Pierre.
Fuis de Paris le dangereux séjour ,
Quitte un sopha pour un lit de verdure ,
Consacre la nuit à l'amour
Lis ces tendres écrits le jour
Ils te rendront à la nature.
CHARA´D E.
Si dans plus d'un tripot , souvent par mon premier ,
Un sot s'est vu ruiné , sans oser murmurer
Ni causer mon entier ,
Il est digne , ma foi , de porter mon dernier.
(1 ) Cette Caroline est l'auteur de la jolie chanson : Quand
Tamour nacuit & Cythers , etc.
Tome XIV
( 314
SCIENCE. GÉOGRAPHIE.
GEOGRAPHIE DE FRANCE , suivant la division en 88 départemens
, contenant des détails sur l'origine , les révolutions ,
l'état actuel , les productions , l'industrie , le commerce ,
les édifices de différens âges et de différens genres ; les promenades
, places publiques , statues , inscriptions ; les ancedotes
et singulasites historiques de chaque ville ; le caractere
et les ouvrages des hommes célebres , les costumes -frappans
, etc. , etc. TROISIEME EDITION , quatre volumes
in- 12 , avec une carte enluminée ; 12 liv. , et 15 liv . franc
de port. A Paris , chez DEVAUX , libraire , rue de Chartres ,
nº. 382 , et maisou Egalité ; Patris , rue de l'Observatoire ,
n° . 182.
Le plan de cette géographie . est vaste et assez bien
/ conçu ; mais est - il rempli , peut - il l'être dans un ouvrage
de quatre petits volumes in- 12 ? Une bonne géographie
physique , historique et politique de la France ne saurait être
l'ouvrage d'un seul homme . 11 est aisé de faire des
livres sur des livres ; mais les objets ne sont jamais ni
bien observés , ni bien décrits que par ceux qui les ont
sous les yeux . Tant qu'on ne fera que des compilations
à l'aide de compilations , on aura des résultats plus ou
moins méthodiques , des notions plus ou moins étendues
; mais ces sortes de descriptions , exécutées pour
ainsi dire sur parole , seront toujours inexactes et incomplettes
. Si les grandes formes de la nature restent immuables
, si la position des villes et les principales localités
ne changent pas , combien reçoivent- elles de inoces
difications par le travail des hommes , les arts , l'industrie
, la culture , le commerce , les manufactures , les
établissemens nouveaux et le plus ou moins de population.
Que l'on compare les descriptions faites seulement
, il y a 30 ans , avec l'état actuel des choses , et l'on
verta combien sont fautives ces anciennes données , et
quels changemens se sont opérés sur le sol de la France .
Le gouvernement eut une idée heureuse au commencement
de 1793 , lorsqu'il envoya dans tous les dépar
temens , des commissaires chargés d'y examiner l'état de
agriculture de l'industrie , du commerce , de la popu
lation , le caractere et les metts des habitans , et d'în(
315 ))
diquer le genre d'amélioration et de perfectionnement
dont chacun de ces objets pouvait être susceptible. Si
l'exécution de ce plan , dont la conception honore le
ministre qui était alors chargé du département de lintérieur
, n'eût pas été contrariée par les circonstances
révolutionnaires qui ne permirent pas d'en recueillir
tout le fruit qu'on devait en attendre, il est certain qu'il
serait résulté de cette grande opération , non-seulement
des moyens de prospérité nationale , mais des connaissances
plus justes et plus approfondies sur la topographie
physique , historique et politique de la France .
C'est en suivant le même plan que l'on pourra avoir
enfin une géographie neuve , exacte , instructive , et telle
qu'elle convient à la puissance et à la dignité de la
République Française. Mais on sent qu'un pareil ouvrage
ne peut être entrepris et exécuté que par le gouvernement.
Il est probable que ce plan , si essentiellement
utile , sera repris dans des tems plus calmes , et nous
ne le rappellons en ce moment à l'attention publique ,
qu'afin qu'il ne soit point oublié , et parce qu'il se lie
naturellement à l'idée d'une bonne géographie.
*
$
On regrette que l'auteur de celle que nous annonçons
, qui s'est borné à donner une carte générale de
la France extrêmement réduite , n'y ait pas joint des
cartes particulieres pour chaque département. Sans ce
secours indispensable , il est impossible d'apprendre la
géographie . Il fallait un atlas séparé , mais tout cela
aurait entraîné , comme nous l'avons dit , un travail et
des frais qu'une simple spéculation de librairie ne peut
pas comporter.
+
L'auteur a mis à la fin de son ouvrage un tableau des
changemens que les noms de villes , bourgs , etc. ont
éprouvés dans la révolution . Cette nomenclature est
bien éloignée d'être complette . Cette manie de désotganisation
nominale avait été poussée jusqu'au ridicule .
C'en était un bien petit et bien misérable, par exemple ,
que de retrancher de tous les noms de villes , bourgs
et communes , le mot de saint qui faisait partie de leur
- dénomination , comme si la conservation d'un nom ,
consacré par un antique usage , transmis par l'histoire ,
et identifié pour ainsi dire avec elle . eût été un crime
contre-révolutionnaire ; comme si l'idée qu'un peuple
attache aux lieux qui l'ont vu naître , avait tien de commun
avec celle du saint qui a pu servir , il y a dix siecles ,
à sa dénomination . Certainement les pays protestans he
Y 2
( 316 )
1.
sont rien moins que superstitieux sur ces vieilles légendes.
Cependant , lors de leur derniere réforme dans
les idées religieuses , ils ont eu le bon esprit de ne rien
innover dans le nom de leurs villes , de leurs rues , de
leurs établissemens ; ils ont senti que des édifices et des
dénominations purement géographiques , n'avaient aueun
rapport avec des préjugés religieux , qu'ils ont
mieux aimé attaquer dans leur source que dans de vains
mots .
Cette folie n'était pas seulement ridicule , elle était
nuisible . Quel négociant étranger aurait jamais pu
reconnaître Lyon dans Commune - Affranchie ; Toulon ,
dans Port-de-la- Montagne ; et Marseille , dans Ville- sansnoms.
Quand le commerce ou la navigation ont fait la
réputation d'une cité , son doit être immuable.
L'auteur a eu raison de ne point altérer sa géogra
phie de toutes ces bizarres mutilations ; il a prévu , en
les renvoyant à un tableau séparé , le sort qui les attendait.
Quoique sa géographie ne puisse être considérée
que comme une notice assez étendue , elle est neanmoins
la moins imparfaite que nous ayons , et sous ce
rapport elle peut- être utile , en attendant l'ouvrage qui
nous manque.
MELAANNGGES.
LETTRE À U REDACTE U R,
J'habite, citoyen , une commune à 120 lieues de Paris.
Nous ne savons de ce qui se passe sur ce grand théâtre
des évenemens et des hommes , que ce que quelques
journaux veulent bien nous apprendre . Mais cette multitude
d'ouvrages , que l'esprit de la révolution fait éclore.
chaque jour , nous sont entierement inconnus ; et si quel
quefois nous parvenons à en découvrir le titre dans une
feuille , nous ignorons la plupart du tems à quel libraire.
il faut s'adresser pour se le procurer. Cependant il nous
importe de connaître les écrits qui influent sur l'esprit
public , afin d'éclairer et de former le nôtre, Je dis nous,
parce que le desir que j'éprouve est partagé par un grand
nombre de mes concitoyens.
Un autre embarras se mêle à notre curiosité. Etrangers
aux intentions et aux motifs qui engagent tant de personnages
à se charger du rôle de directeurs de l'opinion ,
( 317 )
nous èraignons d'accorder une confiance trop imprudente
à certains écrits , qui , sous l'apparence d'un but utile ,
peuvent cacher souvent des intentions dangereuses . Nous
avons trop appris par l'histoire de la révolution , come .
bien il faut se défier de toute espece d'engouement pour
les hommes . La moralité de l'auteur ne nous paraît pas à
nous , bons et francs amis de la liberté , une garantie
inutile de la pureté des principes de l'ouvrage. Au milieu
du choc des' passions qui semblent encore agiter les
esprits , nous marcherions sur un terrein peu sûr , si nous :
n'avions un guide et un régulateur dans notre route.
Veuillez être le nôtre ; aidez -nous à distinguer , dans
cette multitude de productions , celles qui méritent de
fixer plus particulierement l'attention . Vous qui êtes à
portée de voir le jeu des machines et de juger du carac
tere des acteurs , faites - nous connaître la véritable situation
de l'esprit public , qui nous paraît , dans l'éloignement
où nous sommes , n'avoir pas encore acquis une
assiette fixe et pris une direction certaine .
#
Je puis vous assurer qu'ici et dans les départemens
qui nous environnent , les intentions sont bonnes , et
les esprits ne desirent rien avec plus d'ardeur , que l'affermissement
de la liberté et la prospérité de la République .
Croyez que ce service ne sera point perdu pour vos
lecteurs.
Grenoble , département de l'Isere , ce 5 ventôse , l'an 3º .
UN DE VOS ABONNÉS ,
REPONSE DU REDACTEUR.
-
Situation de l'esprit
Revue de quelques écrits relatifs à la révolution. Disposi
tions dans lesquelles on doit les lire.
public.
Vous desirez connaître les principaux écrits relatifs à
l'époque actuelle de la révolution , et dans la crainte de
vous égarer dans votre jugement , vous voulez avoir les
intentions de l'écrivain pour caution de l'ouvrage . Votre
empressement, s'étend encore jusqu'à savoir quel est le
thermometre le plus exact de l'esprit public. Vous m'imposez
une tâche difficile à remplir. Dans la situation où
nous sommes , même au centre des évenemens et des
opinions , nous ressemblons à ces peintres qui , ayant
Y..3
( (3186)
tous les même modele sous les yeux , le dessinent du
point où ils l'apperçoivent , et lui donnent chacun un
caractere et des traits dont la différence est relative à celle
de leur position . Cette difficulte est bien plus grandes
lorsque l'objet que l'on considere n'a pas une pause fixe,
et lorsqu'au lieu d'un seul objet , il en est mille qui
s'offrent aux yeux de l'observateur, et dont les formes :
varient suivant la différente maniere de voir , de sentir.
et de juger. Placé parmi des spectateurs devant ce théâtrer
immense , je ne puis que vous rendre compte de la ma- s
niere dont les objets qui se passent sur la scene affectent :
mon esprit et ma raison. Je vous le donne moins comme /
une regle de votre opinion , que comme le résultat de la
mienne ; et si je ne puis vous en garantir la justesse , je .
vous réponds du moins de sa sincérité . Je tâcherai de
me dépouiller , autant qu'il est possible , de toute espece
de passions et d'esprit de parti. Je dis, autant qu'il est.
possible; car, comment se défendre de cette chaleur et
de cette véhémence qui naît du sentiment intime de sa
propre conviction. Mais ce que je puis affirmer , c'est
que je sens que les passions ont trop long- tems désolé la
République et reculé le terme de la révolution , pour
que chacun ne doive travailler à les abjureran Pre
La disposition actuelle des esprits est une suite natu
relle du double effet des évenemens du 31 mai et du.
g thermidor.
:
La République à cette premiere époque , était en
proie aux plus horribles convulsions. La Convention était
divisée en deux partis , dont l'un avait pris pour cri de
ralliement respect des propriétés , sûreté des personnes et
indépendance de la représentation nationale ; et dont l'autre
ne voyait , ne parlait et ne signalait que trahisons , conspirations
et nécessité de donner à la révolution une plus
grande intensité de forces et de moyens était naturel
que l'opinion publique , à Paris comme dans les départemens
, se partageât entre ces deux partis . Les principes
et l'intérêt public étaient incontestablement dans le premier
; mais les passions y étaient tellement exasperees ,.
les esprits si fort aigris et les défiances si multipliées ,
que cette lutte des principes était dégénérécken une -
guerre à mort entie les personnes , et que la faveur atta-”
chée à la cause du bien public , s'affaiblissait par toutes³
ces honteuses disputes , et plongeait malheureusement
Les partisans de la liberté qui l'aimaient pour elle-même ,
dans la plus afficuse perplexité . L'autre parti avait pours
( 319 )
lui tout ce qui séduit aisément cette portion du peuple .
qui raisonné moins les causes et les effets , qu'il n'est
entraîné par des impressions et des apparences ; et comme
il était infaillible qu'au milieu de tant d'intrigues et de
factions , il n'y eût pas quelque trahison véritable , ce,
parti devait paraître plus attaché que l'autre à la cause
populaire. Je suis convaincu néanmoins qu'à cette
époque la grande majorité des Français, se ralliait au
parti qui défendait les principes .
La journée du 31 mai procura à un parti tous les avantages
que suit ordinairement la victoire . Je ne vous ferai
pas le tableau des événemens qui ont marqué cette
époque jusqu'à celle du g thermidor ; d'un bout de la
France à l'autre , l'infernal génie de la destruction les a
écrits sur des ruines avec du sang. Le supplice des
bourreaux , car le nom de tyrans est encore trop honorable
pour eux , & produit une a grande réaction , et il
fallait bien s'y attendre.
D'une part , tous ceux qui avaient bien jugé des évenemens
du 31 mai , ont dû reprendre leur premiere
opinion , et la renforcer de tous les sentimens que les
événemens postérieurs ont fait naître. De l'autre , ceux
qu'une trop longue et trop cruelle expérience ont éclairés
sur une journée qui a été suivie de tant de désastres ,
effrayés d'avoir été conduits à la plus odieuse tyrannie ,
à l'ombre respectable de la liberté , ont du revenir de
leur etreur et quitter une route que le crime avait
souillée .
Il en est qui , durant cette période de vertige et
d'oubli de tous les devoirs et de tous les principes ,
soit faiblesse , soit égarement , ayant des abus graves
à se reprocher , n'ont trouvê de moyen de les faire
oublier et de laver leurs fautes , que de se réunir à la
masse qui déteste toutes ces horreurs , et de travailler
cicatricer nos plaies . Je les comparerais volontiers à
cette espece de dévots qui doivent leur conversion ,
bien moins à l'amour de Dieu , qu'à la peur de l'enfer .
Il serait injuste de ne les juger que sur la mesure de
leurs anciennes opinions ; et s'ils servent aujourd hur
la chose publique de tout leur pouvoir , pourquoi ne
les recevrait-on pas à resipiscence ? La révolution , comme
le feu , a dévoré dans son cours toutes les matieres hétérogenes
, et épuré les demi-métaux , et s'il fallait ne
retirer de ce creuzet que lor pur qui y est entré , on
se réduirait à un résultat bien atténué .
#
Y 4
( 320 )
Il n'en est pas de même des incurables à l'égard de
la révolution ; ils persistent dans leur endurcissement
secret , mais ils le voilent. Ils prennent l'habit de berger,
et mêlent leurs voix à celle des conducteurs ; mais ce
n'est pas pour défendre le troupeau de la fureur- des
loups ; le soin de la bergerie les touche peu , et s'ils
n'avaient l'espérance de le voir s égarer et se perdre ,
ils seraient moins empressés dans leurs secours officieux
et trompeurs. Ils deviendraient dangereux si l'on prenait
une fausse route ; ils ne seront que méprisables ,
tant qu'on se tiendra dans la bonne , et que pour toute
vengeance on les forcera à garder le costume qu'ils
affectent.
1
Vous demanderez peut-être comment avec une majorité
si prononcée , il est encore des partisans de la révolution
du 31 mai , et des gens qui semblent regretter
celle du 9 thermidor , et s'alarmer de ses effets. Cela
est facile à expliquer . La révolution du 31 mai qui , dans
le fait a été un véritable attentat à la représentation
nationale , a produit des hommes nouveaux et des
choses bien plus nouvelles encore . Peut-on attendre de
ceux qui ont participé au brigandage , à l'oppression ,
au massacre de leurs concitoyens , ou qui en ont recueilli
le fruit , qu'ils applaudissent à une révolution
qui en a arrêté le cours ? D'un autre côté , les passions
et les erreurs qui existaient au 31 mai , ne sont pas
encore tout- à-fait éteintes. Tant de gens ont entendu
parler si long - tems de trahison , de conspiration , de
fédéralisme , on leur a dit si souvent que les vrais patriotes
étaient ceux qui avaient provoqué cette journée ,
qu'ils se sont accoutumés à ces idées , et qu'il leur en
coûte de les soumettre à un nouvel examen , et de
refaire leuis opinions. Ils tiennent à la leur par paresse,
par habitude , par ignorance , par prévention , par
amour-propre , car les erreurs de l'esprit se composent
de toutes les faiblesses .
摩
La révolution dng thermidor , ayant fait passer toutà-
coup la majorité dans le parti subjugué , depuis le 31 mai ,
ce qui est resté de l'ancien parti , accoutumé à tout conduire
, à faire tout plier devant lui , s'est trouvé tout
étonné de n'avoir plus cet ascendant , et a mieux aimé
former un parti d'opposition , que de faire au salut de
la patrie le sacrifice de leurs sentimens et de leurs
passions. Il est résulté de cet état de choses un nouveau
choc qui a augmente la force de résistance ,
( (321 )
mesure que l'attaque est devenue plus violente. De là
cette guerre livrée aux terroristes , aux brigands , aux
dévastateurs , aux buveurs de sang, guerre très-juste dans
son motif , mais qu'il serait dangereux de faire dégénérer
en nouvelle oppression . Plusieurs personnes
pensent que le systême de terreur est tombé avec Robespierre
, qu'il ne peut plus renaître , parce qu'une trop
grande somme d'intérêts s'oppose au rétablissement
d'une pareille tyrannie ; mais, en même tems, n'étant ellesmêmes
ni terroristes, ni buveurs de sang, quoiqu'elles soient
restées du parti de l'opposition , elles s'irritent de ces -
qualifications odieuses qu'elles ne croient pas mériter ,
(et craignant qu'on n'en abuse pour substituer une autre
tyrannie à l'ancienne , et faire rétrograder la révolution
d'une maniere nuisible à la liberté ; cette crainte se
tourne en animosité , et comme il est de la nature des
opinions politiques où chacun se trouve intéressé , de
ne pouvoir être ni attaquées , ni défendues sans une
extrême chaleur ; cette chaleur prend aisément le caract
tere de l'esprit de parti ; les haines s'enveniment , et les
dissentiment d'opinion devient un véritable état de
guerre.
Toutes ces données m'ont paru nécessaires pour vous
faire saisir les différentes nuances de l'esprit public ;
vous appercevrez facilement la cause de toutes ces oscile
lations qui le tourmentent. Vous saurez pourquoi cette
diversité d'opinions est passée dans les écrits que vous :
desirez connaître . Mais n'attendez pas de moi que je
joigne à cette notice , le tarif du degré de confiance que
VORS devez aux intentions et au caractere des auteurs .
A quoi serviraient toutes ces discussions personnelles ?
On ne s'est que trop occupé jusqu'à présent des indivi- 1
dus . Outre que je pourrais me tromper, et vous tromper
vous- même sur de tels jugemens , je les regarde comme
absolument inutiles à l'objet que vous vous proposez
et comme très - dangereux . Cette inquisition des per--
sonnes ne tendrait qu'à ôter à la presse l'indépendance
dont elle doit jouir.
Il est un autre maniere d'apprécier les écrits comme
les opinions , c'est de les confronter sans cesse avec
les grands principes de justice , de raison , de morale et
d'intérêt public . Qu'importe que telle vérité nous vienne
de telle source ? Si Fidée est utile , si le conseil est bon ;
adoptez - les et ne vous informez pas de l'auteur. Faudra-
t -il toujours n'apprendre à ne juger du présent que
( 322 ))
1
་
par le passé ? ne voyez-vous pas qu'avec cette méthode
les haines seraient interminables ? nul n'aurait plus le ›
droit d'abjurer ses fautes ou de rectifier ses opinions ,
et nous ne marcherions que de defiance en défiancé
sans jamais voir le terme où elles devraient cesser.
Heureusement tous les chefs de parti , tous les grands
provocateurs de troubles et de factions ne sont plus ,
etale peu qui reste de leurs agens subalternes est dans
impossibilité de nuires il faut bien leur laisser une
issue à l'évaporation de leur humeur. Ver
静
Maintenant nous pouvons commencer la revue des
principaux écrits dont vous voulez vous former une
idées Le premier qui me tombe sous la main est l'Accusateur
public par RICHER- SERISY . C'est une espece d'écrit
périodique qui se distribue par numéros de deux feuilles
et demie , et dont il en a déja paru quatre .
Ces feuilles , qu'il faut moins considérer sous le
rapports de journaux que comme des brochures critiques
, sont écrites d'une maniere facile , énergique et
piquante. L'auteur apprend au public , dans son premier
numéro , qu'il a vu , pendant une année , la hache des
bourreaux attachée à un cheveu et suspendue sur sa téte
et que la révolution du 10 thermidor l'a tiré de la fosse aux
lions. Il est excusable d'avoir de l'humeur , mais ill'emploie
moins pour lui que pour les autres. Il se rend
l'accusateur des abus , des erreurs et des crimes . Il dit
quelquefois des vérités un peu durés à la Convention
nationale mais il le fait avec dignité et franchise , et
sa pensée est toujours en présence de l'intérêt public et
des principes. Tantôt il s'arme de la pointe aiguë de
Juvenal , tantôt de la foudre des Philippiques , ou du
mâle burim de Tacite tantôt il a recours à la gayeté et
au sel piquant de Lucien. Il manie avec avt le ridiculum
rimais peut-être le porte- t-il trop loin sur les personnest
&
allest des noms souillés par de grands forfaits , et qui
semblent être la pâture de l'indignation publique ; mais
escore est- il une mesure à garder. La lettre de Scalpel ,
chinusgien , qui brûle de disséquer BARRERE et COLLT .
áhu de saisir la nuance qui distinguait le coeur de Néron de
dur de Tigellin , qui veut faire une incision cruciale sur
l'estomach de VADIER , et examiner long - tems la tête de
BULAUD , etc. , etc.; cette lettre n'offre que des images
op dégoûtantes pour être mises sous les yeux des
C
( 323
lecteurs ; ceux qui ont eu tant à se plaindre de Robes
pierre et ses complices , devraient bien craindre de les
imiter , et de rappeller , en les poursuivant , le souvenir
de leurs horreurs .
La nomenclature ne manquera pas à l'auteur pour rem
plir son nigrum ; mais on a quelque raison de s'étonner d'y
voir Sieyes , Target , Garat , etc. Ce cynisme de la satyre
devient nuisible , quand il est désavoué hautement par
l'opinion . C'est affaiblir les traits lancés contre des coupables
que d'en frapper des hommes qu'on estime , et
l'on corrompt le titre d'accusateur public quand on le
revêt des livrées du libelle . Bien des gens pensent que
ces feuilles sont une continuation des Actes des Apôtres „
sous une forme appropriée au tems et aux circonstances .
Je ne sais pas jusqu'à quel point ce soupçon est fondé.
Que m'importe , si j'y trouve des vérités utiles ? je les
prends par-tout où elles sont. Ceux qui savent lire font
profit de ce qui est bon , et justice de ce qui ne l'est pas .
C'est à ce titre que j'inscris sur votre répertoire l'Accusateur
public. **
**
X
Une autre feuille du même genre , mais non du même
ton , est le journal de l'Opposition par REAL. A en juger
par les deux numéros qui ont paru , et qui se trouvent
chez BUISSON , libraire , rue Hautefeuille , no. 20 , l'a
teur a moins en vue les personnes que les choses . Le
premier numéro est consacré à la défense de la liberté .
de la presse et à celle de l'auteur du Spectateur Français
qu'
auss
'une dénonciation précipitée avait jetté dans les fets .
On trouve dans le second des réflexions très - impor
tantes sur le tribunal révolutionnaire et sur les lois qui
y sont relatives , et des observations critiques et judicieuses
sur la loi rendue en faveur des citoyens que la
terreur à fait émigrer. Cette production périodique est
moins piquante que l'Accusateur public , mais on n'y trouve pluss de cette force de raisonnement , de cette
profondeur de discussion et de cette décence publique
qui fait le caractere d'un écrivain qui voue sa plume
au soutien de la liberté , de la raison , de la justice et de l'humanité . Vous pouvez le classer parmi les brochures
utiles qui méritent d'être distinguées.
44 1x
I
03
La suite au prochain numéro )
管
( 324 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
SUIVANT
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 20 février 1795 .
UIVANT les dernieres nouvelles de Constantinople qui sont
da 3 décembre , la Porte Ottoriane semble eufin vouloir sórtir
de sa lethargie : on a expédié , à ce qu'on assure , un grand
nombre d'officiers jannissaires , tant en Asie qu'en Europe ,
avec des firmans qui enjoignent à toutes les compagnies militaires
de tenir lenrs contingens prêts à marcher au premier
avis . Indépendamment de cela , l'on continue de poursuivre
avec beaucoup d'activité les travaux entrepris sur le canal .
C'est un Français nommé Monmer qui les dirige . C'est aussi
aux Français que les Turcs auront l'obligation d'être plus au
pair avec le reste de l'Europe pour l'artillerie et la matine ;
des officiers de cette nation exercent journellement le nou
veau corps de canonniers , et l'ingénieur Lebrun , qui est à la
des constructions navales , les multiplie dans tous les
chantiers. Il vient de mettre en forme un vaisseau à trois
ponts
le premier qui aura encore reçu le pavillon turc : on imagine
bien que par reconnaissance le pavillon tricolore trouve plus
de faveur que les autres dans toutes les mers de la domination
ottomane ; ce qui ne laisse pas que d'inspirer de la jalansie aux
puissances coalisées qui n'osent néanmoins s'en plaindre ouvertement
, de peur d'être obligées de rompre avec la Porte ,
avec laquelle leur intérêt les forcera probablement avant peu
de s'unir contre la Russie qui finirait par tout envahir , siPon
ne se hâtait d'opposer une digue à ce torrent .
Lête
Les nouvelles usurpations que la Russie médito , peuvent
eire évaluées à 2000 lieues carrées ; de sorte , qu'en cas
qu'elles s'effectuent , on peut attribuer à l'empire de Russie ,
une étendue de 336.000 lienes carrées , sans y comprendre .
la Courlande , et quelques autres pays , soi- disant protégés ,
et qui n'en sont pas moins dépendans . Cette énorme progression
de l'empire Russe doit paraitre d'autant plus étonmante
, que l'Europe entiere ne contient qu'environ 152,000 lieues
carrées , et que l'Allemagne , y compris la Bohême , la Mo.
ravie et la Silésie , n'a que 1200 licues pareilles . Ainsi , les
passessions de Catherine dans leur statu que , sont dėją trente
( 325 )
fois plus grandes que l'Allemagne . Sans doute , ce serait
mal apprécier la force d'une puissance , que de la vouloir
juger uniquement d'après l'étendue de son territoire ; mais
celle- ci peut être considérée comme un des élémens de cette
force . D'ailleurs , la Russie réunit d'autres moyens bien
faits pour alaimer ses voisins ; tel est , par exemple , son
état militaire . En ens de paix , avant la derniere réunion
en Pologne , il était porté à 470,000 hommes , taudis que
celui de l'Autriche , dont on regarde communémnnt les possessions
comme une pépiniere de soldats , ne s'élevait qu'à
296,000 . Les événemens de Pologue donneront encore à la
Russe des facilités pour trouver des recrues. On sait que
déja elle a incorporé dans son armée un grand nombre de
soldats polonais . Les membres de la coalition seront-ils toujours.
assez aveugles pour lui fournir l'occasion d'accroître ses ressources
, tandis qu'ils épuisent les leurs ?
Ou
Frédéric-Guillaume vient de publier une proclamation aux
habitans des contrées polonaises qu'il veut réunir . Il exige de
la Russie de lui laisser étendre ses nouveaux domaines jusqu'aux
rives de la Vistula . On est à peu près sûr que l'empe
reur , qui a besoin de le retenir dans la coalition , y consenzira
; mais il n'est pas aussi probable que l'impératrice de
Russie le permette.
Les Français continuent d'entretenir des liaisons de com
merce et d'amitié avec la Suede et le Danemarck. D'après des
lettres de Bergen , du 24 janvier , ils ont rendu un service
essentiel à cette derniere puissance.
66 Tous les habitans de cette ville sont partagés entre le sentiment
de la tristesse qu'a fait naître un évenemeut malheu
´reux qui vient d'avoir lieu , et les sentimens de reconnaissance
envers l'équipage d'une escadre française , qui se trouve depuis
quelque tems dans ce port , et qui a empêché que cet évenement
n'eût des suites encore plus funestes ..
,, Le 20 , il éclata à Bergen un incendie qui consuma rapidement
tout un quartier de la ville . On sait combien ces sortes
d'accidens sont terribles dans les villes du Nord , bâties en
bois , n'ayant dans cette saison que des eaux glacées , et se
trouvant exposées à de grands vents. Bergen était menacée
d'être entierement consumée par les flammes . L'equipage
français fut le premier à s'appercevoir de l'incendie , et l'annonça
par son canon , avant la forte e se . Bientôt les matelots ,
munis de haches et d'autres instrumens , se porterent au lieu
où était le feu. Tant qu'il dúra , on les vit faire des prodiges
de hardiesse et de dextérité . Les officiers ont disputé de zele
et d'activité . Il a péri un Français et quatre ont été blessés.
Tout le monde s'accorde à dire que sans ce secours , Bergen .
Ja plus importante ville de la Norwege , était perdue . Le grand
( ( 326 ) $
Bailly de la province , et le magistrat de la ville , se sont réunis
pour écrire au consul français une lettre , pour lui témoigner
la reconnaissance du pays. Sur la demande des habitans , un
députation de la bourgeoisie et une députation du magistrac
de la ville , sout allées à bord de l'escadre lui exprimer les
mêmes sentimens.
9. Il est impossible de passer sous silence un trait qui a eu
lieu au milieu de cet évenement Parmi tous les matelots qui
travaillaient à éteindre le feu , un seul fut trouvé ivre. Il fut
arrêté par les autres , et bientôt après envoyé en prison par
He commandant . Le lendemain la députation du magistrat de
Bergen demanda sa liberté ; mais elle fût refusée . Le commandant
déclara que quiconque avait pu s'abandonner au vin ,
lorsqu'il s'agissait de sauver la vie et les propriétés de ses
semblables , déshonorait le nom français , et devait être rigoureusement
puni.
" L'escadre française était prête à appareiller depuis plus de
trois semaines . Aujourd'hui , elle doit profiter d'un vent d'est
pour partir avec son convoi .
Voici la lettre que le roi de Pologne, que Catherine II dépouille
" si bien , lui avait adressée le 31 novembre , et à laquelle elle a
répondu comme on l'a vu dans notre dernier numéro . Cés
pieces sont précieuses pour l'histoire .
Madaine ma soeur : Le sort de la Pologne est entre vos
mains ; votre puissance et votre sagesse en décideront . Quelque
soit celui que vous destinez à ma personne , il ue ' m'est
pas permis , tant que je pourrai parler , de négliger mes
devoirs envers maa nation , en invoquant pour elle la géné-
Tosité de votre majesté impériale.
Le militaire polonais est détruit. Cependant la nation
existe encore ; mais elle cessera bientôt d'exister aussi , si
vos ordres et votre grandeur d'ame ne viennent à son secours .
Le tumulte des armes a empêché les semailles dans une grande
partie du pays . Le labourage est devenu impossible ' , partout
où le bétail a été enlevé . Les paysans , dont les granges sont
vides , dont les cabannes sont brûlées ou rendues inhabitables ,
ont fui , par milliers , en terre étrangere . Beaucoup de seigneurs
terries en ont fait de même , par les mêmes raisons .
La Poigne commence déja á ressembler à un désert.
La famiue est presque immanquable pour l'année prochaine ,
sur-tout si d'autres voisins continuent d'enlever nos habitans ,
notre bétail et d'occuper notre territoire .
Il parait réservé à celle dont les armes seules ont tout
soumis de prescrire des bornes à tout autre , lorsqu'elle aura
prononcé l'usage qu'elle voudra faire de ses victoires . Je ne
présume pas de les prévoir , mais je crois certain que ce qui
vous sera plus vétitablement glorieux , ce qui rendra trois
( 327 )
millions d'hommes de moins malheureux y aura plús de droit
vos déterminations. ( z
* Puissiez-vous , madame , agréer, ce que votre grand caracstere
me donne la confiance de vous présenter. Paissiez - vous
agréer en même-tems l'expression des sentimens daus lesquels
je suis.... 29
он
Selon des lettres reçues de Basle , on ne croyait pas que
la mort du ministre prussien Goltz füt un obstacle aux négociationis,
de paix . Elle paraissait devoir seulement les retarder,
puisqu'il faut attendre qu'il soit remplacé , mais il était regarde
comme probable que l'ouvrage serait repris par son
successeur au point où il l'a laissé. D'un autre côté ,
droit être sûr que la nouvelle de l'invasion de la Hollande ,
apportée à Berlin , n'a point prednit , dans ec cabinet , aucune
envie de s'opiniâtrer dans la guerre actuelle . On veut même
que le roi de Prusse ait ressenti de l'humeur de voir que la
famille statdhoudérienne ait préféré de fuir en Angleterre.
lefuir
où elle a été exposée à tous les dedaius de l'orgueil britannique
, à venir se jetter au milieu de l'armée prussienne.
On répand que Kosciuszko est très -bien traité dans la citadelle
de Pétersbourg ; qu'il a trois chambres à sa disposition
dans la maison du commandant est servi par deux domestiques
, et soigné par un chirurgien qui espere le guérir de ses
blessures . Il a même , s'il faut en croire ce qu'on dit , la permission
de se promener daus l'enceinte de la citadelle . On
ajoute que deux ou trois généraux polonais détenus dans te
même licu , sont gardés plus séverement , et ont des chambres
et fenêtres grillées .
Il est de toute probabilité que ces nouvelles sont controuvees
, ou du moins très exagérées . Par quel motif Catherine
traiterait - elle mieux Kosciusko que les autres généraux qui ont
combattu pour la même cause , et qui n'ont peut- être fait que
suivre l'exemple que Kosciusko leur avait donné ? Une conjecture
se présente. Ces bruits se trouvent répandus par des
feuilles imprimées chez les puissances enneinies de la Pologne.
Ne le fouelles pas à dessein de fleurir le caractere de Kosciuszko
, en donnant à penser qu'il a mérité de tels égards par
sa faiblesse depuis qu'il est captif , ou peut- être par une trahison
lorsque le commandement était encore entre ses mains ?
Ne serait- ce pas une combinaison machiavelique pour éloigner
à l'avance les Polonais des hommes à qui ils seraient tentes de
remettre leur confiance , comme ils l'avaient fait à Kosciuszko .
Beaucoup d'étrangers , sur - tout des Hollandais , ont déposé
PáenSttroecekhdoelsm mdes sommes considérables. La diminution de
étrangères , causée l'édit contre
le luxe , les sommes qui entrent actuellement dans le pays , par
par
1
( 328 ).
les spéculations mercantiles et le cabotage , toutes ces eirconstances
réunies ont eu un effet tel , que l'argent comptant
est tombé de trente jusqu'à seize pour cent , à l'avantage des
billets de crédit. On croit généralement que le cours tombera
encore davantage.
De Francfort-sur- le -Mein , le 28 février.
1
Suivant des lettres de la capitale de l'Autriche , le général
Clairfayt insiste pour obtenir la permission de se retirer.
D'autres disent que ce n'est qu'un déplacement ; qu'il passera
du commandement des forces autrichiennes sur le Rhin à
celui de la Hongrie , ce qui ferait croire que le cabinet de
Vienne a de l'inquiétude sur les préparatifs militaires auxquels
la Porte ottomane se livre en ce moment.
Quant à l'archiduc Charles de la retraite duquel on parlait
aussi , vu la mauvais état de sa santé , il n'est pas aussi
malade qu'on l'avait dit d'abord , et ne tardera pas même à
retourner à l'armée .
Le feld maréchal Lascy et le ministre du cabinet comte de
Colloredo ne se rétablissent point . On craint de perdre ces
deux hommes importans par leurs connaissances dans l'administration
et la guerre.
*
Une lettre de Berlin , de la même date , dit qu'il vient
d'arriver dans cette résidence un général hanovrien , chargé
d'importantes dépêches , sur le contenu desquelles rien n'a
encore transpiré.
Il faut qu'on ait en en Prusse quelques inquiétudee sur les
subsistances , dont , à vrai dire , le prix avait éprouvé un
surhaussement considérable , puisqu'on affranchit de tous droits
et impositions , d'ici au mois de mai , tous les bleds qui seront
importés par eau dans les possessions prussiennes . Elles seraient
exposées à n'en guères tirer de la Pologne , si le bruit qui
court aujourd'hui se confirme . On prétend qu'il y a de nouveaux
nouvemens dans ce pays on annonce même que le
vieux brigadier Madalinski qu'on avait dit arrêté , et quelques
autres chefs , sont parvenus à rallier divers corps dispersés
daus le palatinat de Sendomir , et portent l'alarme jusqu'aux
environs de Cracovie ; mais il faut attendre des nouvelles
plus positives.
Le rapport du décret qui défendait aux Français de faire
aucun paiement dans l'étranger a déterminé les banquiers de
Vienne à demander à l'empereur qu'il leur fût permis de renouer
leurs opérations commerciales avec la France.
ANGLETERRE.
( 329 )
ANGLETERRE . De Londres , le 10 février. *
Débats du Parlement...
Les ministres veulent toujours la guerre. La motion que
lord Bedfort fit dans la chambre des paits , en faveur de la
paix , n'a point eu de succès .
Cet orateur , dans le discours qu'il prononça à ce sujet ,
s'attacha d'abord à faire sentir les désastres de la guerre . 11
soutint que les propositions de paix s'allient avec l'honneur
et à l'intérêt de la Grande Bretagne , et , après avoir exposé
que le gouvernement anglais est l'aggresseur dans cette guerre ,
il établit que l'intention du gouvernement et du peuplé fran
çais n'est plus de se mêler des affaires intérieures des nations
étrangeres .
A présent , dit ici l'orateur , que je crois avoir détruit tout
sujet de crainte , je dois examiner sur quoi reposent nos
espérances . Est- ce sur les nouveaux efforts de nos alliés
mais quand même ees alliés resteraient toujours unis à la
coalition , et qu'ils feraient de nouveaux efforts , il est encore
très douteux si nous pourrions obtenir quelques succès.
Devons-nous compter sur le manque de ressources de la France ?
mais tous les ans nous avons la même espérance , et tous
les ans nous nous en voyons déçus . Quant au secours que
nous devons attendre de la part des alliés , je dois encore
observer que l'empereur et le roi de Prusse se sont déclarés
pour la paix . Quand l'empereur , dans la diete de Ratisbonne
, a voté comme archiduc d'Autriche , il a opiné pour
la paix ; il a demandé seulement qu'on lui aceordât le tems
qu'il jugerait convenable pour entrer en negociation . Il reste
à savoir si les six millions sterlings que nous lui avons accordés
pourront le faire changer d'opinion . Je crois d'ailleurs que
les ressources ne manqueront pas à la France ; dans un pays
où l'on combat pour sa liberté et pour sa sûreté personnelle
chaque individu est prêt à faire le sacrifice de tout
ee qu'il possede . Ce ne sont pas là les sentimens seulement
des Français , mais de tous les peuples qui se trouvent en
pareilles circonstances .
Lord Bedfort compare ensuite la population de la France
à celle des autres puissances ; suivant son calcul , la France
forme un septieme de la population de l'Europe ; mais au
moyen des puissances neutres et des pays conquis , il soutient
que la population de la France surpasse celles des puis
sances coalisées ; ensuite il continue ainsi :
On dit que la guerre actuel est entreprise pour le ciel et
pour l'humanité ; quant à moi , je ne crois pas que cette guerre
soit avouée par l'humanité ; si jamais elle eût pu avoir ce titre ,
Tome XIV.
Z
( 360 1
&
c'était lorsqu'il s'agissait de sauver l'infortuné monarque de la
France , quoique dans le fait notre entreprise n'a fait qu'ac
célérer sa mort. Nos efforts ont sans doute beaucoup contribués
à établir le régime de la terreur dans ce pays , et sans
doute notre ministere a beaucoup de part aux malheurs qui
sont arrivés . Lorsque nous avons perdu 50,000 hommes , ils
viennent nous dire que le comité de salut public ne peut avoir
de consistance , parce qu'il se renouvelle par quart tous les
mois ; c'est comme si on prétendait qu'un changement de ministres
dans un gouvernement pouvait y être nuisible . Lors du
changement qui vient de s'opérer en France , ils se sont réjouis
de voir triompher le modérantisme ; mais leur joie n'avait pas
pour motif l'humanité , ni le desir de voir cesser les meurtres
et les massacres , ils pensaient qu'un régime doux ayant succédé
au systême de terreur , il serait bien plus facile de détruire
leurs adversaires et de pénétrer en France .
99. Je convieus que les crimes des Français sont nombreux ;
mais j'en appelle aux honorables membres , et je leur demande
si c'est à nons à appliquer le châtiment , ou si ce n'est pas
plutôt la cause du ciel . On disait que la tyrannie sous laquelle
le peuple français avait gémi , le conduirait naturellement au
royalisme , et cependant nous avons vu l'effet contraire. Lors
de nos succès sur les frontieres du Nord , en Alsace , dans
Toulon , avons - nous vu un seul Français voisin du pays que
nous occupons , venir demander la protection des allies ? Vous
avez va Dumourier , après avoir sauvé son pays , abandonner
la cause de la liberté , et ne faire déserter avec lui qu'un seul
régiment de ligne. Vous avez vu plusieurs de leurs généraux
monter sur l'échafaud , et les troupes conserver le même enthousiasme.
Quant à moi , je le déclare ici , quoique je ne
me sois pas opposé au subside , je m'oppose à toute idée de
continuation de guerre ; si je ne me conduisais pas ainsi , je
croirais tremper mes maius dans le sang que la guerre fait
verser. Mais si la France refuse tout accommodement , il sera
naturel de penser qu'elle médite d'attaquer notre pays , et
alors nous devons defendre notre liberté dans notre pays , et
nous opposer à tout envahissement ; et je suis bien sûr qu'il
n'y aurait pas un seul habitant qui ne verserait , avec plaisir ,
jusqu'à la derniere goutte de son sang pour la défense de
notre pays.
Lord Bedfort compare encore ici la détresse de la France
celle de son pays , la disette de blé qui se fait sentir dans
les deux pays . Enfin , apres avoir dit que les assignats de
l'Angleterre , par lesquels il n'entend point parler des billets
de la banque , mais des fonds publies , perdent près d'un tiers
aprés avoir exposé qu'il pourrait s'étendre encore beaucoup
plus sur ce sujet , il a produit la motion qu'il avait annoncéci
mais elle a été rejettéo à une très -grande majorité.
3311
REPUBLIQUE FRANÇAISE,
NVENTION NATIONAL E.
PRÉSIDENCE DE BOURDON ( de l'Oise ).
Séance de duodi , 12 Ventôse.
Saladin obtient la parole , au nom de la commission des
vingt-un. Le président invite tous les assistans au silence ' ,
au respect , et à n'interrompre le rapport par aucun signe
d'approbation ou d'improbation .
1
Il commence par retracer le tableau de l'état de la France
avant la révolution du 9 thermidor ; la terre de la liberté
couverte de prisons , affaissée sous le poids des échafauds , regorgeant
du sang dont les scélérats l'abreuvaient ; la terreur
comprimant toutes les ames , la sûreté individuelle attaquée ,
des propriétés violées , les actes arbitraires substitués à la marche
des lois , la mort frappant les innocens comme les coupables
de plus insolent despotisme siégeant au milieu de la représentation
nationale ; telle était la position de la France à cette
époque mémorable où elle a été ramenée au bien par l'excés
du mal , et à la liberté par l'excès de la tyrannie . Robespierre
, Couthon , Saint-Just , sont tombés suus le glaive de
la loi la tyrannie a- t - elle péri avec ses tyrans ? out-ils laissé
des complices ? C'est ce que le peuple veut savoir , c'est се
que la justice et l'intérêt général ordonnent à la Convention
de prononcer.
99 Le rend compte
rapporteur
de la marche qu'a tenue la
commission
des vingt-un pendant l'instruction
de cette grande
affaire. Elle a communiqué
toutes les pieces aux prevenus ;
elle les a entendus
dans tous leurs moyens de défense . C'est
ce qui a dû nécessairement
retarder un rapport si long-tems
attendu. Loin de nous , ajoute-t-il , l'idée d'avoir cherché
à trouver des coupables
; nous voudrions
pouvoir vous dire
qu'il n'en existe point. Nous nous sommes demandé
si la
tyrannie
a été exercée sur le peuple , si l'oppression
a pesé
sur la Convention
, et nous nous sommes dit : il y a tyrannie
quand la terreur devient le ressort et l'arme du gouvernement
;
quand les citoyens ne trouvent plus dans la déclaration
des droits
de l'homme
la garantie de leurs propriétés
, de leur liberté , de
Teur existence , de leur honneur ; quand le corps représentatif
best opprimé ; quand , à la faveur d'une popularité
usurpée , les
hommes qui en sont revêtus , ne s'en servent que pour fonder
leur domination
et réduire le peuple à l'esclavage
. En vain ,
Z &
( 33% )
voudrions-nous le dissimuler , la France entiere nous le dirait ;
cer état destructif de tout gouvernement , subversif de tout
ordre , exclusif de toute vertu , meurtrier de la Convention ,
'a que trop existé .
,, C'est au courage de la Convention que nous devons notre
renaissance à la liberté . Il faut maintenir ce retour , en frappant
avec la tyrannie ceux qui en ont été les agens les plus féroces .
C'est dans cet esprit que la commission a examiné si Barrere ,
Billaud-Varennes , Collot- d'Herbois et Vadier ont véritablement
été auteurs , fauteurs et complices de la tyrannie qui
a existé avant le 9 thermidor. Ont-ils couvert la France de
prisons ? ont-ils interprêté d'une maniere atroce la loi du
17. septembre ? ont- ils influencé le tribunal révolutionnaire ,
tous les tribunaux ? ont-ils , de leur autorité privée , établi
des commissions populaires ? ont-ils autorisé , encouragé leurs
agens sanguinaires répandus dans les départemens ? ont - ils
exercé sur la représentation nationale une influence despotique
? Si ces faits sont constans , la tyranuie est certaine ,
pouvez-vous en méconnaître les auteurs ?
·
e. Sous le despotisme royal , on comptait à Paris trois ou
quatre prisons ; sous la derniere tyranuie , trente bastilles
s'élevaient dans cette seule cité , et enchainaient des milliers
de citoyens et comme si ce nombre eût été insuffisant ,
un arrêté du comité de salut public signé Collot , Barrere ,
Couthon et Robespierre , destine au même objet le college
des Quatre Nations ; ce n'était qu'on dépôt provisoire et
momentané , et cependant on ya calculé jusqu'au degré d'air
et de jour qu'il fallait laisser aux prisonniers , pour ne pas
les exposer à mourir. Qu'on juge par là du régime intérieur
des prisons. La nomenclature des actes d'oppression scr.it
incalculable ; les mandats d'arrêt les plus atroces émanaient
du bureau de police générale . Barrere a dit que ce bureau
avait été créé par Robespierre , qu'il était dirigé par lui seul ,
et , en son absence , par Saint Just . Mais pourquoi le comité
n'a-t-il pas réclamé contre cet établissement ? Etaient - ils
étrangers à ce bureau , ceux qui apposaient avec taut de complaisance
leurs signatures aux mandats d'arrêt ; celui qui , le
7 thermidor , faisait à cette tribune un éloge pompeux de .
Robespierre , qui , dans son discours , ejoutait que certe police
générale délivrerait la France de tous les intr gans adroits ,
de tous les bas valets de l'aristocratie ? Lejeune , commis
principal de ce bureau ne venait-il pas à tous momens au
comité de salut public , faire approuver les mesures prises
par la police générale ? Fouquier - Thinville n'a- t - il pas déclaré
que jamais ce bureau n'avait été distinct du comité de salut public?
Robespierre n'a-t-il pas été absent du comité pendant quatre
décades ? Saint -Just n'etait- il pas presque continuellement à
l'armée du Nord ? Les arrêtés liberticides ne sont-ils pas souvent.
( 333 )
signes d'un seul membre , quelquefois de tous ? La forme
des mandats d'arrêt donne une idée de la tyrannies
,, Le rapporteur cite celui qui porte que la citoyenne Ga
barrus sera arrêtée avec le jeune homme qui demeure dans
sa maison , et tous ceux qui pourront s'y trouver ; celui qui
emprisonne tous les artistes du Théâtre- Français , parce que ,
disait Barrere , il serait possible qu'ils fussent d'intelligenee
avec les ennemis de la France pour corrompre l'esprit public ;
eelui qui , sur une lettre de Saint-Just d Collot - d'Herbois ,
envoie à la Conciergerie la citoyenne Lambert , parce qu'elle
avait voulu voir Saint -Just , et que de ne pouvait être que
pour l'assassiner , mandat où étaient inscrits ces mots : traduite
au tribunal révolutionnaire . Ces mots ont été rayés depuis . Celui
qui , sans motifs , fait arrêter Hérault- Séchelles avec tous ceux
qui logeaient chez lui .
<
Il entre ensuite dans le détail des moyens employés par
ce gouvernement pour établir son atroce ' domination ."
" Barrere , au mois de septembre 1793 , proposait de
déporter les ennemis de la liberté ; Collot- d'Herbois disait
qu'il fallait incarcérer tous les hommes suspects , placer des
barils de poudre sous les prisons , tenir toujours la mêche
allumée , pour les faire sauter s'ils osaient conspirer.
" Barrere comprenait dans la loi du 17 septembre toutes
les classes de citoyens français , étrangers , opulens , pauvres.
aitadins , campagnards , politiques , marchands , banquiers
éloquens , indifferens , écrivains périodiques , lettrés .
Billaud - Varennes disait , en parlant de Lebrun et de
Claviere , ex-ministres , ilfaut lesjuger en huitjours ; de Custine ,
il faut qu'il n'existe plus dimanche prochain ces mesures donment
de l'à-plomb au gouvernement.
" Barrere parlait souvent de déblayer, les prisons : dans son
rapport contre les repas fraternels , il disait que les banquets
civiques pourraient être établis , quand la population serail épurée.
Les tribunaux n'étaient que les instrumens de la tyrannie ,
Saladin cite un arrêté du 25 prairial , relatif à la prétendue
conspiration des prisons , par lequel il est enjoint au tribunal
revolutionnaire , de juger en vingt - quatre heures une foule
de détenus dans la maison d'arrêt de Bicêtre . Le lendemain ,
nn grand nombre fut livré à la mort sur un simple arrêté
de la commission de police ; on compte 311 victimes de
cette espece .
Hermann , chef de la commission d'administration de
police , proposait de déblayer les prisons d'une maniere
prompte et révolutionnaire , en chargeant cette commission
de surveiller les maisons d'arrêt . Ce projet fut approuvé par
Robespierre , Barrere et Billaud .
Le rapporteur accuse Vadier d'avoir fait condamner &
most, entr'autres citoyens de Pamiers , un pere de famille don
23
( 334)
tont le crime était d'avoir refusé sa fille en mariage au jeune
Vadier; d'avoir fait traduire au tribunal révolutionnaire une foule
do citoyens de la même commune , et d'avoir écrit à l'accusateur
public que ce serait une calamité générale , s'il en
pouvait échapper nu seul.
,, Un arrête signé Barrere , sur les commissions populaires ,
annonce le dessein bien médité d'exterminer une partie des
Français . On proposait de créer quatre sections en tribunal
révolutionnaire , qui parcourraient les départemens et y pro
meneraiant la guillotine.
,, Un arrêté du 21 floréal , signé Robespierre , Couthon ,
Collot et Billaud , avait cha gé Maignet d'établir à Orange une
commission populaire , pour juger les ennemis de la liberté.
Voici ce qu'ecrivait le président de cette commission à son
ami Payan : Ga ne va pas ; en dix-huit jours , la commission
n'a jugé que 197 individus . Il nous faudrait encore huit patriotes
comme moi pour accélérer les choses . Notre collegue
Melleret ne vaut rien . Il lui faut des preuves comme sous
l'ancien régime ; si cela continue , nous ne ferons que de l'eau
claire .
1
Saladin suit Collot- d'He bois dans sa mission à Lyon. Il
le peint comme l'apôtre le plus fougueux de la tyrannie
Dans une lettre à Robespierre , il se plaint de ce que les
démolitions ne vont pas assez vite . I le presse d'envoyer à
Lyon un bataillon de l'armée révolutionnaire , et un renfort
de jacobins .
Il dit dans une autre lettre : Hier , 64 conspirateurs
ont été fusillés ; aujourd'hui , .930 . Tous les jours nous en
expédierons autant pour le moins. A mesure qu'on fusille ,
on fait des arrestations nouvelles , pour que les prisons ne
restent pas vides. Dans son rapport à la Convention , Collot
fit lui- même l'apologie des fusillades ; dans un discours aux
jacobins , il dit qu'il avait été obligé d'adoucir à la Convention
l'énergie de ses mesures . Dans une autre lettre à Robespierre
, il dit qu'il faut que Lyon soit entierement démoli , et
qu'il n'en reste pas une pierre .
Le rapporteur passe aux ordres aux encouragemens
donnés par le comité de salut public à Joseph Lebon , pour
le département du Pas de Calais on l'invite à marcher toujours
dans la ligne révolutionnaire . Billaud l'engage à s'abandonner
à son énergie ; Barrere dit aux jacobins que Lebon a
par ses graudes mesures , contribué aux triomphes de nos
armées.
" Il arrive à l'oppression exercée par ces anciens comités,
contre la Convention nationale. Les membres n'avaient plus
le droit d'émettre leur opinion , on les arrêtait sans consulter
l'Assemblée ; le mandat d'arrêt contre Danton , Lacroix ,
Philippeaux et Camille-Desmoulins , n'annonce aucun motif
( 339 )
il n'est pas même signé. Legendre veut parler contre cet aéte
tyrannique , Robespierre s'écrie : Quiconque tremble en ce mos
ment est coupable. Billand dit : Malheur à ceux qui sé sont assis
à côté de lui , en parlant de Fabre-d'Eglantine ; Barrere appuie
Robespierre , il prétend qu'on exige , en faveuf des députés
accusés , un privilége digne de l'aristocratie de Venise . Let
accusés sont traduits au tribunal révolutionnaire ; on suppose
une conspiration dans les prisons en leur faveur ; on annonce
à la Convention qu'ils se révoltent contre la justice ; ils sont
mis hors des débats , envoyés à la mort sans être entendus.
L'épouse de Philippeaux se présente à la barre ; Billaud- Varennes
demande qu'elle soit admise , pour entendre la lecture
d'une lettre de Garnier ( de Saintes ) , qui prouve qu'elle vient
réclamer pour un conspirateur. Robespierre , plus humain
cette fois , s'y oppose.
" Enfin , après avoir retracé les divisions funestes entretenues
par les tyrans dans la Convention , leurs dénonciations
perpétuelles contre les membres les plus énergiques , pour
les comprimer par la terreur ; après avoir annoncé que Vadier,
Billaud , Collot et Barrere étaient avec les trois conspirateurs
deja punis , les principaux auteurs de la conjuration tramée
contre le peuple , le rapporteur termine en déclarant que la
commission des vingt - un estime qu'il y a lieu à accusation
contre Billand , Collot , Barrere , anciens membres du comité
de salut public , et Vadier , ancien membre du comité de
sûreté générale.
Legendre prend la parole , et dit qu'il sollicite , pour l'inté
rêt du peuple français un acte de justice et de précaution ,
afin que la Convention ne retombe pas dans le même cas où
elle s'est trouvée lors de Robespierre , St. -Just et Couthon. 11
demande que les prévenus soient mis en arrestation , de maniere
qu'on ait pour eux tous les soins , toutes les attentions ,
ct qu'on ne leur ôte pas la moindre faculté de préparer leurs
défenses . Cette motion est décrétée .
8
Barrere demande à présenter deux observations qui peuvent
arrêter le cours trop prolongé des préventions publiques ; la
premiere concerne les signatures. Tous les membres du comité
de salat public faisaient portion du gouvernement , et il arrivait
toujours que quelques- uns d'entre eux signaient des pieces
qu'ils ne connaissaient pas ; ainsi lui , qui n'entend rien à la
guerre , a signé plus de deux mille pieces militaires 11 signait
aussi la correspondance , quoiqu'elle ne fûr pas de sa section .
Il a pu signer de même quelques opérations de la police
générale .
La seconde observation de Barrere porte sur ce que , quand
une opinion a été émise par un représentant elle rentré dans
le domaine invincible de la conscience nationale . On nous
accuse , dit -il , d'avoir influencé la Convention ; mais nous avons
Z
4
( 336 )
tous été envoyés pour l'influencer . Si l'on établit le principe
que celui d'entre nous qui aura gouverné momentanément
doit être examiné , s'il à trop on trop pen influencé la chose
publique , l'aristocratie n'a plus qu'a attendre que le pouvoirait
passé en d'autres mains , et après qu'on aura fait un 9 ther
midor pour chaque gouvernement , on revisera les opinions et
les phrases de ceux qui le composaient. Barrere termine en
disant qu'il va se rendre en arrestation suivant la loi .
Collot d'Herbois : « Les réflexions de Barrere étaient néces-
9 sitées par les circoustances . Mais il n'a pas tout dit. C'est
, dans les principes qu'il faut se réfngier , dans les principes
appliqués aux mouvemens de la révolution . Les faits doivent
99 toujours être rapprochés des circonstances . La pensée du
gouvernement était en vous ; l'action , dans le comité ; la
providence , dans le peuple. Les dangers de la patrie ont
nécessité de grandes mesures . Tout ce qui tendait à son
salut est bon et légitime , tout ce qui était inutile est con-
9 damnable . Sans ces principes , la révolution n'aura plus de
" conscience , et ce qui est bien cette année sera condamné
" dans l'année à venir. Tout ce que nous avons fait , nous
l'avons fait pour le salut du peuple . Si nous avions été
faibles dans le gouvernement , on nous aurait poursuivis ; on
" nous accuse dans le sens contraire . Collot déclare qu'il
va aussi se rendre en arrestation .
Le représentant du peuple près les armées du Nord et de
Sambre et Meuse envoie à la Convention une pétition des
magistrats de la ville d'Anvers , dans laquelle ils expriment le
voeu de leurs commettans pour la rénnion de la Belgique à la
République.
Un membre , au nom du comité des finances , expose que la
receite du mois pluviôse s'est élevée à soixante millions environ
, et la dépense à cinq cent , et qu'il y a par conséquent
un excédent de dépense de quatre cent quarante millions , et
pour le couvrir il demande que le contrôleur de la caisse.
générale retire de la serre à trois clefs , où sont déposés les
assignats , jusqu'à concurrence de ladite somme . Décrété.
Séance de tridi , 13 Ventôse.
Merlin ( de Thionville ) propose de charger le comité de
salut public de traiter pour l'échange des cinq représentans
du peuple prisonniers en Allemagne ; savoir , Camus , Quinette ,
Bancal , Lamarque et Drouet . Merlin ( de Douai ) observe
que le comité est suffisamment autorisé par la loi du 7 fructider
à traiter de cet échange. Un autre membre demande
que l'on s'occupe aussi de l'échange de nos défenseurs faits
prisonniers de guerre . Ces deux propositions sont renvoyées
au comité de salut public.
Dubois Crancé , au nom du comité militaire et de salut
public , fait décréter la nomination des généraux qui com--
( 337 )
manderont nos armées pendant la campagne prochaine , ainsi
qu'il suit sm
La Convention nationale après avoir entendu le rapport
de son comité de salut public , décrete :
Art. Ier . L'armée du Rhin et celle de la Moselle seront
réunies sous le nom d'armée du Rhin et de Moselle . Cette
armée sera sous les ordres du général Pichegru .
,, II . L'armée de Sambre et Meuse sera commandée par
le général Jourdan . L'armée du Nord sera commandée par
le générale Moreau .
" III . Dans le cas où ces trois armées devront agir de concert,
le comandement général en est décerné à Pichégru .
IV. Les deux armées des Alpes et d'Italie seront réunies
sous les ordres du général Kellermann .
› V. L'armée des Pyrénées orientales sera commandée par
le général Scherer.
VI. L'armée des Pyrénées occidentales sera commandée
par le général Moncey .
99 VII . L'armée des côtes de l'Ouest sera commandée par
le général Canclaux .
" VIII. L'armée des côtes de Brest , à laquelle sera réunie
celle des côtes de Cherbourg , sera commandée par le général
Hoche . $ ་ ་
,, IX . Le tableau des états - majors de ces armées sera incessamment
présenté , par le comité de salut public , à la Convention
nationale. "
Ce projet de décret est adopté.
Cambacérès , au nom du comité de salut public , fait un
rapport sur le mode de nos relations futures avec les puissances
étrangeres . Si l'on jette , dit-il , un regard sur l'Europe,.
il apprendra que la tâche glorieuse des défenseurs de la patrie
n'est pas finie . Il est encore des gouvernemens que tant
de pertes et tant de défaites n'ont pas mûri pour la résipiscence
, et dont l'orgueil préférerait de s'ensevelir sous des
ruines , plutôt que de rendre hommage à l'égalité et à la
liberté . L'Angleterre n'a pas cessé d'aspirer au domaine des
mers ; l'Autriche et la Russie, conspirent encore pour envahir
l'empire du continent. Autour de ces puissances sont groupés
les autres états de l'Europe , entraînés par des intérêts divers ;
quelques -uns d'eux s'applaudissent de leur neutralité . Au
milieu d'eux s'éleve le peuple français centre de toutes les
affections et de toutes les haines , prêt à terminer glorieusement
une guerre juste et terrible , dont le sort est décidé
par son courage et par les destinées du genre humain .
Que lui reste - t-il à faire ? offrir à l'Europe l'exposé de ses
principes et le gage de sa sagesse ; rallier autour de lui les
gouvernemens devenus étrangers à la coalition ; faire sentir
leurs véritables intérêts à ceux qui , livrés à une politique - in(
338 )
certaine et timide , balancent encore ; enfin , porter dans les
pays conquis la consolation et le bonheur..
Déja une partie de cette tâche est remplie , des négocia
tions importantes sont entamées . Il est indispensable de faire ›
des paix partielles , afin d'arriver à un paix générale. L'orateur
termine par un projet de décret dont voici la substance :
Le comité de salut public négociera les traités de paix ,
d'alliance , de neutralité et de commerce . Les traités seront
signes par lui ou par les ministres plénipotentiaires à qui il
aura délégué des pouvoirs à cet effet . Les traités pour être
valables seront examinés et confirmés par la Convention .
Dans le cas où ils ne devraient pas être rendus publics , la
Convention nommera une commission de 12 membres , qui
ex minera l'opération politique , et si elle est conforme aux
intérêts de la nation . Dans le cas de l'affirmative , la Convention
fixera l'époque où le comité en rendra compte. "
L'Assemblée a ordonné l'impression du discours de Cambacéres
et ajourne la discussion .
Les représentans du peuple en mission dans la Vendée
écrivent de Nantes , que la Vendée est rentrée dans le sein
de la République . Charette et les chefs de son armée l'ont
reconnue . Stoffet est le seul qui résiste encore , mais il ne lui
reste que quelques déserteurs . Cette nouvelle est entendue
avec le plus vif enthousiasme . La Convention en décrete
T'envoi aux armées , et que les armées de l'Ouest et des côtes
de Brest et de Cherbourg ont bien mérité de la patrie.
( Voyez los Nouvelles officielles . )
Séance de quartidi , 14 Veutôse,
Un membre , au nom du comité de législation , soumet
l'approbation de l'Assemblée une liste de citoyens choisis
pour remplir différentes fonctions administratives , municipales
ou judiciaires. Laurence prend la parole et dit qu'il serait
bien tems de rendre au peuple le droit de nommer ses fonetionnaires.
Cette proposition est vivement applaudie . Gaston
ajoute que l'honneur de la nation , la gloire de ses représentans
et leur propre intérêt ne permettent pas de laisser
peser sur eux plus long- tems la responsabilité qui résulte de.
la nomination des fonctionnaires ; que depuis trois ans qu'ils
sont éloignés de leurs foyers , ils ont perdu de vue les hommes
et les choses , et ne sont plus en état de faire de bons choix.
Il demande le renvoi aux comités de la propostion de Laurence
. Thibaut appuie la miation ; mais il veut qu'an passe
à l'ordre du jour , motivé sur ce que la commission des 16
est chargée de présenter une nouvelle organisation du gouvernement.
On demande le renvoi à cette commission , il est
décrété.
La Convention passe de nouveau à l'ordre du jour , sur
( 339 )
la proposition faite par la commune de Libourne , départe
ment du Bec-d'Ambès , à l'exemple de plusieurs autres com
munes , de reviser la loi du 17 nivôse sur les successions.
Boissy d'Anglas , au nom du comité de salut public , présente.
un projet tendant à réprimer les abus qui se commettent dans
Ja distribution des comestibles que la République délivre à
Paris . Les bouchers et chaircuitiers retiennent la meilleure
viande pour la vendre à un plus aut prix. Les boulan
vendent les farines . La différence entre le prix de Paris
celui des départemens est encore une grande cause d'abus .
Les habitans augmentent le nombre des bouches sur leur
carte de pain , pour favoriser les personnes de campagne
qui leur sont utiles . Ce projet est décrété au milieu des
plus vifs applaudissemens. Les délinquans seront punis d'une
amende de 500 liv ., et en cas de récidive , de pareille amende
et de l'emprisonnement. Les fonctionnaires chargés de la
délivrance des bons qui seront convaincus de complicité ,
subiront une peine double et seront en outre destitués . Le
tribunal de police correctionnelle prononcera sur les délits ,
de cette nature , et ses jugemens seront imprimés et affichés .
Carnot , au nom du même comité , rend compte d'un établissement
fait dans le comité , d'un cabinet topographique
et historique. Des rédacteurs et des dessinateurs Y travaillent ,
les uns à mettre en ordre la correspondance des généraux ,
les autres à exécuter sur des cartes les plans des marches
campemens et batailles. Cet ouvrage sera l'histoire militaire
de la révolution . C'est la flatterie et l'imposture qui ont tracé
les guerres des rois , la vérité décrira celles du français libre ,
elle montrera une foule d'hommes qui , sortis de l'obscurité ,
ont surpassé les Turenne et les Luxembourg ; la derniere
campagne
offre plus de traits d'héroïsme que toutes celles des
Grecs et des Romains . Ce tableau présentera 27 combats
116 places prises , près de 100,000 hommes tues et autant
faits prisonniers , 230 foris enlevés avec 380 obouches à feu ;
enfin , 1900,000 de poudres et 80 drapeaux .
La Convention décrete que ce tableau sera affiché dans
Ja salle des séances , imprimé et envoyé aux armées et aux
corps administratifs .
Séance de quintidi , 15 Ventôse.
Un membre , au nom du comité de législation , fait dééréter
que les nominations des officiers municipaux
administrateurs et des membres des tribunaux ne seront plus
présentées à la Convention . Le comité de législation est autorisé
à les nommer . Il écrira à cet effet à chacun des membres
des députations dans lesquelles il se trouvera des nominations
à faire , et prendra tous les autres renseignemens qu'il
jugera utiles.
( 340 ))
Baraillon , au nom du comité d'instruction publique , propose
à la Convention de charger un citoyen qu'il nomme de
former un cabinet d'anatomie artificielle , et de pieces rela
tives au systême lymphatique et au systême nerveux .
Un membre demande que le projet soit écarté par la question
préalable , et que le travail dont il s'agit soit donné au
concours.
L'Assemblée décrete que toutes les places relatives aux
sciences et aux arts ne pourront être données qu'au concours ,
et charge son comité d'instruction publique de lui en présenter
le mode.
Les sections des Droits de l'homme et de l'Indivisibilité
viennent dénoncer leurs anciens comités révolutionnaires
dont elles déclarent les membres indignes de toute confiance
et d'occuper ancune fonction publique . Elles expriment en
même-tems leur horreur pour les terroristes , les hommes de
sang , les dilapidateurs de la fortune publique.
.
que
Mention honorable et renvoi au comité de sûreté générale .
Le représentant du peuple en mission à Bayonne écrit
nous avons fait quatre prises sur le commerce maritime de
nos ennemis. Trois de ces vaisseaux sont chargés de comestibles
, le quatrieme était armé pour la traite des negres .
La majeure partie de cette séance a été consacrée au renonvellement
du comité de salut public . Les trois membres sørtans
, sont : Cambacérès , Pelet et Carnot , et les trois nouveaux
, Rewbell , Sieyes et Laporte.
Séance de sextidi , 16 Ventôse .
Il y a eu hier soir une séance extraordinaire pour le renouvellement
par quart du comité de sûreté générale . Les membres
sortans , sont : Laignelot , Garnier , Harmand , Barras ,
Varden et Bourdon ( de l'Oise ) . Ils sont remplacés par Isabeau ,
Montmayou , Calès , Gauthier , Puymartin et Delcloi .
Saint -Just et Lebas avaient pris à Strasbourg un arrêté , portant
injonction au tribunal criminel de faire raser la maison
de quiconque serait convaincu d'agiotage , ou d'avoir vendu
à un prix au- dessus du maximum , et que l'exécuteur des jugemens
criminels dresserait à la place un poteau , sur lequel
on afficherait le jugement. En exécution de cet arrêté , un
particulier de Strasbourg a été dénoncé pour avoir refusé d'un
de ses iocataires , le loyer de son appartement au taux du
maximum. Le tribunal criminel a fait raser la maison , et ce
particulier est aujourd'hui sans ressource et sans asyle .
Baraillon demande que les juges soient condamnés à reconstruire
la maison à leurs frais . André Dumont propose
d'annuller l'arrêté des traitres Lebas et Saint -Just , et de char(
341 )
ger le comité des secours de faire uu rapport sur les malheureuses
victimes de cette mesure tyrannique. Décrété .
Gossuin , au nom du comité militaire , fait adopter une
instruction sur la loi du 28 nivôse , relative à l'organisation
des commissaires des guerres .
Cambon , au nom du comité des finances , présente un projet
qui est décrété en ces termes :
66 Art. Ier. A compter du 20 nivôse , présent mois , les
créanciers de la dette consolidée , qui n'auront pas pu obtenir
leur inscription définitive,, seront payés du montant des arrérages
de la seconde année républicaine , et pour le premier
semestre de la troisieme année , d'après le mode déterminé
par les articles suivans :
II . Ils pourront se présenter dans l'ordre qui leur sera
indiqué par les commissaires de la trésorerie , avec leurs bulletins
de dépôt , sur le dos duquel on déterminera le montant
de l'inscription à obtenir , d'après les certificats de propriétés
fournis.
III. Il sera tenu un registre sur lequel sera enregistré ,
sous un numéro d'ordre , le résultat de la transcription -au
dos du bulletin ; ce numéro sera porté aussi sur le bulletin
du dépôt.
9 IV. Dix jours après l'enregistrement mentionné en l'article
précédent , les créanciers , porteurs du bulletin , seront
payés de la totalité des trois semestres mentionnés en l'article
premier.
V. Le directeur du grand livre fera dresser les feuilles
de paiement dans la forme usitée , qu'il remettra au payeur
principal , afin que le paiement soit exécuté sans retard .
"
Cambon , au nom du même comité , soumet à l'Assemblée
un second projet de décret , et dont voici les dispositions
principales :
La contribution fonciere qui sera imposée par retenue sur
les inscriptions de la dette consolidée et sur les rentes foncieres
est fixée , pour la 3e. ancée républicaine , au dixieme
du produit annuel , et au vingtieme sur les inscriptions et
rentes viageres . L'ajournement en est décrété .
Un membre propose de créer une monnaie métallique , qui
représenterait des fractions d'assignats , et dont la valeur s'éleverait
de trois deniers jusqu'à dix sous . Renvoyé au comité
des finances .
Le gouverneur des isles françaises sous le Vent écrit de
Saint-Domingue , le 18 vendémiaire , que les Républicains ,
pour faciliter les secours d'Europe , ont conservé au nord le
port de Paix et le Cap , et à l'ouest les Cayes et le port de
Jacmel . -Cette lettre est renvoyée à la commission des
colonies.
( 342 )
PARIS. Nonidi , 19 Ventôse , 3º. année de la Républiquè.
Depuis que l'on sait que la commission de 16 membres
, choisis dans les divers comités , s'occupe des
lois organiques du gouvernement , la sécurité renaît
dans l'ame des vrais amis de la liberté , et le peuple
conçoit enfin l'espérance de jouir bientôt des heureux
fruits de la révolution du g thermidor. Tout s'achemine 9
vers le terme de la révolution , de cette révolution nourrie
de tant d'intrigues et de complots , et que des scé
lérats avaient trouvé le secret de prolonger , par un
raffinement de tactique qui trouvait son motif et son
salaire dans le besoin d'échapper à la puissance de
l'ordre et au regne des lois.
Déja on lit dans plusieurs feuilles des réflexions sur
la nécessité de mettre fin au gouvernement révolutionnaire
, et de rendre aux citoyens le droit de nommer
les fonctionnaires publics dans les différens corps administratifs
et judiciaires . Il nous semble que cette opinion
a besoin d'être marquée par des nuances bien
distinctes . Si par gouvernement révolutionnaire on
entend ce régime arbitraire d'effroi et de sang qui a
pesé sur la France , depuis le 31 mai jusqu'à la châte
de Robespierre , on a raison de demander à grands cris
que cet affreux régime disparaisse sans espoir de retour.
Heureusement les veenx à cet égard sont remplis , et ilest
aisé de voir que depuis le g thermidor l'esprit du
gouvernement a totalement changé .
Mais si par gouvernement révolutionnaire on entend
le degré de force et d'activité , cette concentration de
pouvoir nécessaire pour maintenir la police générale ,
travailler au rétablissement de l'ordre , et préparer les
moyens de faire jouir la République des lois constitutionnelles
, nous croyons qu'il est de l'intérêt public
qu'une telle autorité soit encore conservée à la Convention
, soit pour donner la paix à la République , soit
pour donner à la constitution le degré de perfectionnement
dont elle peut être susceptible ; car avant de
demander que le gouvernement définitif soit en activité
, encore faut-il que les bâses de ce gouvernement
soient solidement établies
( 343 )
Il semble que la véritable question que l'on doive
proposer en ce moment , est celle - ci :
Peut- on , doit- on reviser la constitution de juin 1793-2
Qu'on aborde franchement cette question . Elle väut
bien la peine d'être soumise à un examen sévere .
Nous connaissons tous les bruits que la ' malveillance
se plaît à répandre sur la résurrection prochaine du
royalisme. Nous savons que des lettres de Suisse annoncent
que les émigrés d'une certaine classe se flattent
du rétablissement de la constitution de 1791 , et que
l'ex-constituant Monnier , qui s'est fait précepteur d'un
jeune Anglais , aux gages de 850 liv . sterl . , a dépêché
un courier au roi d'Angleterre , pour lui dire que le
moment était enfin arrivé d'offrir qux Français la constitu
tion de 1791 avec un roi . Qu'importent les espérances
et les folles visions de ces fugitifs . Ne peut - on
corriger et perfectionner la constitution de 1793 , sans
qu'il soit question de ressusciter celle de 1791 ? Certes !
le peuple n'a pas fait la journée du 10 août , créé la
République , résisté à l'Europe entiere , et réduit toutes
les puissances au silence de l'épuisement , pour voir la
liberté acquise au prix de tant d'efforts , de périls et
de sacrifices , se briser devant la misérable idole de la
royauté. Mais en même tems le peuple n'a-t- il pas droit
d'attendre qu'une révolution qui lui a coûté si cher
sera terminée par une constitution republicaine qui lui
garantira à jamais sa liberté et un gouvernement bon
et durable . On a lieu d'espérer que la commission
des 16 aura le courage de s'élever au- dessus des clameurs
des faux patriotes et des illusions de l'aristocratie
, pour n'envisager que le bonheur de leur pays , et
porter un regard attentif sur les défectuosités qui peuvent
se trouver dans la constitution de 1791 .
Cela n'empêche pas qu'on ne fasse jouit la nation
d'un gouvernement provisoire mieux organisé , et qui
serve comme de transition au gouvernement définitif,
qui doit être le résultat de lois constitutionnelles marement
réfléchies . Ce dernier travail exige assez de tems
et de méditations , pour que l'autre ne soit pas inutile .
C'est par cette route insensible , mais sûre , que l'on
arrivera au terme du gouvernement révolutionnaire ,
dont il faudrait effacer jusqu'au souvenir , s'il n'étaït
bon de le conserver pour servir de leçon terrible jusqu'à
nos derniers neveux .
( 344 )
Le bruit s'était répandu que Vadier avait été arrêté près
de Vincennes , et trouvé caché dans une cave ; mais ce bruit
ne s'est point confirmé .
3
Cinq des membres de la commission populaire d'Orange
ont été déposés , le 14 de ce mois , à 11 heures du matin ,
la Conciergerie de Paris , par un détachement de dragons .
Fauvetti , président de cette commission , était déja incarcéré.
Ce Fauvetti , directeur de la peste aux lettres à Uzès , avait
été placé à Orange à la recommandation de Vouland qui eu
écrivit à Robespierre .
Brochet , garde de la ci- devant connétablie , et ex-juré du
ribunal révolutionnaire de Paris , a été arrêté . Ce Brochet
demeurait dans la même maison que Billaud - Varennes ; et
l'on se rappelle encore son discours aux Cordeliers , où il fit
le plus bel éloge de Marat qu'il comparait à Jésus - Christ . Vous
l'eussiez pris pour un prêtre disant la messe. Coeur de Jésus !
s'écriait-il , coeur de Marat ! cor Jesus ! cor Marat !
Naulin , substitut de Fouquier -Thinville , détenu à la Bourbe,
a, été transféré au Plessis . On y a aussi transféré Chrétien ,
limonadier , détenu au château de Ham.
Garnier de Launay , ex -juge du tribunal du département et
ex-juge du tribunal révolutionnaire , a aussi été arrêté le 14
de ce mois.
On trouve à la page 223 du rapport de Courtois , la note
suivante , sur Garnier de Launay , dont il est ici question.
Garnier de Launay , juge au tribunal révolutionnaire ,
prévenu , d'après la déclaration de F .... autre juge au même
tribunal , de complicité avec Robespierre , pour avoir pris
ouvertement son parti aux jacobins , la nuit du 3 au 9 thermidor
, en appuyant de toutes ses forces son discours liberticide
, et mettant le poing dans les dents au citoyen Bentabolle
, qui contrariait les vues de ce discours .
Et pour être un des hommes de l'escorte du traître Robespierre
, lorsqu'il sortait des jacobins , dans laquelle escorte
étaient Didier , Girard , Chatelet , Nicolas , juge du tribunal
révolutionnaire ; Tartereau , Boulanger et autres ..
Courtois rapporte ensuite , sur cette escorte , l'anecdote que
voici . Une partie de l'escorte , dit-il , se séparait de Robespierre
, allait ouvrir sa porte avec empressement , et attendait
ce traître , qui se présentait toujours avec un air de grande
importance.
Réflexions sur les pieces imprimées à la suite du rapport de
Courtois.
C'est un recueil précieux que celui des papiers trouvés
chez Robespierre. Il était uule de connaître les projets de
ce
( 345 )
ce factieux , ses moyens et ses complices ; mais un autre genre
d'intérêt est encore attaché à cette lecture .
On aime à se voir introduit dans le cabinet désert d'un
et
tyran , on jouit en considérant , ces travaux interrompus
ces entreprises pour jamais abandonnées , ces instrumens de
mort mis enfin au repos , et des essais restés informes ,
les ébauches monstrueuses de cet attelier de calamités . Nous
gémissons sous un puissant systême de tyrannie ; il est dissous
; cette épouvantable machine est démontée , et nous en
touchons les pieces.
Mais à ce premier mouvement de satisfaction succedent
bientôt l'étonnement et la honte ; on s'indigne de ne pouvoir
rapporter de si grands désastres qu'à d'aussi viles causes.
et l'on se sent bien humilié du mépris que l'on doit à ses
oppresseurs .
Vous voyez dans ce recueil quelle espece d'hommes secondait
la tyrannie de Robespierre , et quelles qualités ce
service exigeait : vous decouvrez une dépravation dont l'idée
même n'existe point dans les tems ordinaires ; et si l'on
en perd de vue un instant les exemples , on en
contestera
la possibilité. Chez les uns , c'est un endurcissement brutal ,
une sécurité dans le crime , qui constate bien que la conscience
peut s'éteindre dans le coeur humain , et qui doit detromper
ceux qui se reposent sur elle du soin de leur vengeance :
chez d'autres , vous observez les méprises de la conscience ,
plus surprenantes encore que son silence . Vous voyez , par
exemple , à la commission d'Orange , un Roman Fonrosa qui
a quelques principes , sans qu'on puisse demêler sur quelle
bâse ils reposent cet homme distingue
assassinat , et il ne se les permet pas to entre assassinat et
placé parmi des
hommes sanguinaires , il les suit quelquefois , et quelquefois
il s'écarte d'eux ; sa conduite leur semblait inexplicable.
Fauvetti , l'un d'entre eux , s'en plaignit à Payan ; c'est , lui
dit-il , un formaliste enragé .... il ui faut des preuves . ( Page 395. )
Payan sentit la nécessite de raffermir cette ame timorée ; il
écrivit à Fonrosa , et nous avons sa lettre. ( Page 396. )
C'est le casuiste Sanchez en bonnet rouge. Cet horrible directeur
fait une distinction jésuitique entre l'humanité générale
et l'humanité individuelle , qu'il appelle un crime. Il prend tous
les tons avec son néophyte ; il l'effraie ; il s'efforce de lui donner
des remords sur le sang qu'il négligera de verser ; il le
conjure , au nom de la patrie , au nom de l'amitié , d'être impitoyable
; il lui commande d'oublier que la nature le fit humain
et sensible.
Fonrosa lui répond , et confesse ses scrupules. Il a remarqué
que les charges présentées par les témoins étaient souvent dictées
par des animosités particulieres ; cependant il ne s'arrête
point à cette considération , quand il est question de nobles ,
Tome XIV. A a
( 346 )
de prêtres , de riches , d'hommes d'affaires ou d'hommes instruits
; mais quand l'accusé n'est d'aucune de ces classes ,
Fonrosa examine si ses intentions n'ont pas éété innocentes
et il ose dire que lorsque dans son ame il a acquis cette conviction
il vote de moindres peines .
Fonrosa est une varieté assez rare dans l'espece de ses tigres ,
presque tous les autres sont plus parfaitement cruels . Viot :
Benêt , Darthé , etc. , savourent le meurtre . Achard compte
les têtes qu'il fait tomber à Lyon , et croit que ses amis doivent
envier ses délices ( page 306 ) .
Parmi ses complices , est un Pilot , qui s'est plaint d'être
malade ; mais le sang qui coule devant lui le rafraîchit et le
guérit ( page 296 ) .
Je recueillerais bien des traits de ce genre , si ma plume
n'était déja fatiguée de transcrire de si dégoûtantes atrocités.
On observe du moins avec consolation que ces tyrans ne
trouverent pas la France assez fertile en êtres malfaisans .
Maignet se plaint de la disette des sujets ( page 370 ) .
Dans la Drôme , dit Payan , les bons sujets manquent comme àpeu-
près par-tout ( page 373 ) . Ces bons sujets qu'on demandait à
Payan étaient destinés à former la chambre ardente d'Orange.
Il fallait à Maignet sept coopérateurs dignes de lui ; il ne trouve
pas à s'assortir dans trois départemens ( page 371 ) .
La commission d'Orange n'eut que cinq juges , et pour la
composer il fallut employer des bras fatigués encore des massacres
de Lyon .
Ges sujets dont on déplore la disette , rares en effet par
leur harbarie , ne l'étaient assurément pas par leurs talens . Si
quelque chose est prouvé dans ce recueil , c'est qu'aucun
mérite ne fut nécessaire pour nous opprimer , et que celui
dont le coeur ne répugnait pas à cette mission , eut toujours
la faculté de la remplir.
On voit un échappé de college parcourir et épouvanter
plusieurs départemens ( p . 333-364 ) ; il a interrompu ses thêmes
pour composer des lois ; il n'est pas encore un homme , et pent
déja être un tyran . Vous le suivez au Nord , au Sud ; par- tout
il prétend soumetre les actions , diriger les pensées ; et ce
n'est pas une prétentionn vaine , car par- tout il rencontre l'excès
de la pusillanimité venant absoudre l'excès de la présomption .
Lisez les lettres de Gatteau , d'Achard , etc. etc. votre étonnement
se partagera entre la férocité de ces hommes et leur
stupidité. Je voudrais , dit Robespierre à l'une de ces
" bêtes qu'il lâchait sur les départemens , je voudrais que chacun
" de vous pût former seul un tribunal et empoigner aué ville 99 ,
( page 273 ) .
Ce voeu fut souvent rempli . Les villes , les contrées se
sont laissées empoigner par la main la plus grossiere , dès
qu'elle a voulu les saisir . J'ai parlé de Pilot , l'un de ceux
(( 347) )
qui tenaient Lyon ; lisez de son style. O tems ! 8 tems !
" combien tu apprends à l'homme à ne jamais désespérer de
99 ton gouvernement , sur-tout quand le comité de salut pu
blic , dont les membres qui le composent offriront bientôt
à l'univers entier cette force de
caractere
qui décoale de
cette vertu sans mélange et de la probité la plus sévere
que n'ont jamais offert les siecles les plus memorables à
11 un gouvernement démocratique embrasse bien pour moi
1 tes amis , etc. "" ( page 298 ) Voilà cependant quels
hommes désolaient la France. Voilà ce qu'il faut de talent
pour opprimer les humains..
Nous dépendions de leurs volontés et même des hasards
qui dirigeaient leurs pas . Couthon est à Lyon. Le froid com.
menee à s'y faire sentir et augmente , dit- il , ses douleurs.
J'aurais envie , écrit il à Saint- Just , d'aller respirer un peu
9 l'air du Midi ; peut-être rendrai-je quelques services à
Toulon ; mais je desire que ce soit un arrêté du comité
, qui m'y envoie . Fais -moi passer cet arrêté et ou l'enfer
" s'en mêlera , ou le systême de vive force aura lieu à Toulon ,
comme il a eu lieu à Lyon. Toulon brûlé , je reviens
auprès de vous , etc. ( page 226 ) . L'une de nos villes
fut près d'être sacrifiée à la eure d'un rhumatisme de Couthon.
""
-
Parmi les monstres qui figurent dans ce recueil , les uns
ne vivent plus , d'autres respirent encore , plusieurs même
sont libres . Ce souvenir attriste ; on n'est plus accoutumé à
l'idée de partager l'existence avec eux ; on ne connaît point
d'intervalle sur la terre qui puisse les éloigner assez ; et
l'on voudrait souvent embrasser à leur égard l'illusion que
le Dante s'était faite sur des ennemis moins cruels ; il se
persuada qu'en les vvooyyaanntt aaggiirr , il ne voyait plus que des
fantômes ; il écrivait qu'ils étaient déja dans l'enfer , et qu'il
les y avait rencontrés.
11.3
Une lettre de Nantes , du 10 ventôse , contient des détails
curieux et intéressans sur les circonstances de la pacification
de la Vendée , et sur Charette l'un des principaux chefs
qui ont joué un rôle dans l'armée des rebelles , séunis aujourd'hui
à la commune- patrie . Cette lettre contient les
faits suivans :
L'acte d'union fut signé d'hier entre les représentans
d'une part , Charette et vingt- six sous chefs vendéens de
l'autre. Les conférences ouvertes depuis le 24 pluviôse , à
une liene de Nantes sur le chemin de Clisson , ont été fermées
à une heure après- midi. Le succès de la négociation
et l'entrée de Chateule et compagnie , nous furent annonces
par nne salve de 21 coups de canon . Presqu'aussitôt , nous
vimes paraître ces rebelles , que l'on avait juré d'exterminer
Aa a
( 348 )
Charette magnifiquement monte , vêtu de bleu , ceint d'un
ruban tricolor , le chapeau surmonté d'un énorme panache :
ce général était en tête , suivi de quatre de ses lieutenans ,
puis un groupe de représentans , puis un autre de l'étatmajor
de Charette et ensuite un autre de représentans ; ensuite
Canclaux , général de l'armée de l'Ouest , avec son étatmajor
et les officiers vendéens , une compagnie d'infanterie ,
un escadron de dragons , un de gendarmerie , et l'élite des
grenadiers de la garde nationale , précédée de la musique , et
suivie des débris de la cavalerie nantaise , enfin deux berlines
décorées d'un bonnet rouge , remplies de représentans et de
commissaires, pacificatenrs.
Les représentans paraissaient énivrés de joie ; ils ne cessaient
de crier vive la paix , et le peuple répétait vive la peix .
Charette paraissait triste et attendri ; il recevait et rendait à
droite et à gauche les serremens de mains et des saluts , en
criant , vive l'union , vive la paix. Les autres chefs de la Vendée
paraissaient mornes ; leur contenance était fiere . Je n'ai apperçu
dans leurs yeux , aucun signe d'émotion , leurs regards fixes ,
presque dédaigneux , semblaient dire : Ce même peuple nous
appellait n'aguere à l'échafaud ; notre supplice aurait excité
la même affluence , les mêmes transports . Ils n'avaient conserve
de leur ancien costume que le chapean rond à haute
forme , le châle blanc sur la tête , et les galons du chapeau ,
signes de leurs grades dans l'armée . Leur entrée s'est faite avec
une sorte de pompe triomphale ; le peuple , toujours avide de
spectacle , suivait en chantant et en perçant l'air de cris de
joie. Quelques figures jacobines se faisaient aisément remarquer
par leurs mines mécontentes et renfrognées . Leur tristesse
contrastait plaisamment avec l'hilarité de la multitude.
Le cortege traversa lentement la ville , fit à petit pas le
tour des places publiques , ensuite se rendit chez les représentans
, où nos freres égarés ( c'est l'expression du jour )
trouverent des rafraîchissemens . Plusieurs se rendirent au
spectacle quand ils entrerent , l'orchestre joua l'air : Où
peut-on être mieux , etc. Les spectateurs accompagnaient avec
enthousiasme ; les municipaux debout firent répéter ce même
air plusieurs fois : les cris de joie , les bravo , les battemens de
mains , les chapeaux en l'air , rendirent cette scene trèsattendrissante
: ceux qui en étaient l'objet se livrerent peu.
"2
•
Je vous ai dit dans ma derniere , que Stoflet , qui commande
dans le Boccage , le pays le plus fertile et le plus
inaccessible de l'outre- Loire avait refusé d'accéder à la
capitulation ; il avait motivé son refus dans une proclamation
dont il avait envoyé plusieurs exemplaires imprimés aux représentans
du peuple ( et qui a été publiée dans le journal intitulé :
l'Ami du Peuple ) . A force de démarches , on était parvenu
à l'amener à une explication avec Charette . Il se rendit à la
( 349 )
Jaunais , maison de campagne voisine du lieu des conférences ;
il cut lacomplaisance d'éconter de longs discours et les mille
et une considérations qui déterminaient ses confreres . Résultat ,
toi trouver tout en beau , moi pas trouver bon ; et le général
enfourche sa jument , et part au galop , en criant : Wifli roi.
Au reste , il faut savoir que Charette n'a
jamais été général
en chef ; lors de l'insurrection , il commandait dans sa
commune. Quant on organisa cette armée , il fut élu chef
d'une division de deux mille hommes. Au mois de brumaire ,
les insurges passerent la Loire pour aller prendre Granville , où
la flotte anglaise , ous les ordres du comte de Moira , devoit
les attendre presque tous les chefs perirent ou furent faits
prisonniers aux affaires du Mans , Ancenis et Savenay ; Charette
était seul resté dans la Vendée avec 1500 hommes ; il
recueillir les débris de son parti , et commença a prendre une
plus grande consistance . Stoflet avait passé la Loire avec les
autres chefs ; grenadier pendant seize ans dans un régiment
allemand au service de France , puis garde-chasse , il avait été
nommé successivement capitaine , chef de légion , major de
la grande armée , enfin après la mort de Talmont , d'Auti
champ , Delbec , Beauchamp , la Roche-Jacquelin et autres , il
fut élevé au grade de commandant - général pour le roi.
Charette noble , et Stoflet , garde - chasse , n'ont jamais pu
sympatiser. Les poupains vendéens , les propriétaires , préfé
raient Charette , leur compatriote et propriétaire dans le
pays ; les deserteurs , les partisans de la guerre , les nonpropriétaires
preferaient le grenadier Stoflet . Charette s'indignaii
d'un pareil concurrent , il l'appellait par dérision
Louis diehet Il est possible que le ressentiment de ces petites
humiliations ait contribué à éloigner Stoffet de toute conciliation
. Il a fait broder sur ses drapeaux : Qui sert bien son pays
n'a pas besoin d'aïeux.
Il a été abandonné de son état - major , qui a signé la capitulation
; malheureusement il reste à la tête d'une troupe
d'enragés , de déserteurs et des plus fougueux ennemis de la
République , et on pourrait craindre qu'ils ne se joignissent
aux chouans , dont la soumission n'est pas complette , si l'é-
Fque de l'amnistie était passée , ce faible reste de mécontens
pouvait tenir contre le concert et la force des troupes citoyennes ,
qui se sont réunies à la République , ponr assurer la paix et la
tranquillité des contrées qui ont eu tant à souffrir d'une
scission funeste.
Au Rédacteur.
Voici , citoyen , des détails exacts sur le sort de l'infortuné
la Peyrouse , auxquels je crois que tu donneras place dans
ta feuille ; ils affligent les bous patriotes et sur-tout la veuve
de ce brave marin , digne d'un meilleur sort ; mais les regrets de
( 356 )
la nation sur cette perte , dont on ne peut plus guères douter,
fait une sorte de consolation glorieuse pour la femme et
pour la famille de la Peyrouse .
Le citoyen Willaumes , officier de marine , et commandant
la corvette le Léger , nouvellement arrivé des Indes orientales ,
rapporte qu'il était du nombre des officiers employés sur
les deux gabarres expédiées le ........ par l'assemblée constituante
, sous les ordres de d'Entrecasteaux , pour aller å
la recherche de la Peyrouse. D'Entrecasteaux étant mort
dans les mers de l'Inde , Dauribeau , son second , prit le
commandement des deux gabarres ; mais , sur la nouvelle.
de l'abolition de la royauté , ce traitre qui avait sans doute
des instructions secrettes des ci -devant princes ( et non pas
de Pitt et Cobourg , comme B...... pourrait nous le faire
croire aujourd'hui s'il avait encore la parole ) , arbora le pavillon
et fut se mettre avec ses deux gabarres sous la pro
tection des Hollaudais , dans le port de Sourabaya , dans
l'isle de Java , où elles sont depuis seize meis. Le citoyen
Willaumes et quarante autres citoyens des équipages n'ayant
pas voulu prendre part à cette trahison , obtinrent des Hollandais
, après beaucoup de solicitations , un parlementaire
pour se rendre à l'Isle-de-France . Il croit que d'Entrecasteaux,
s'il eût vécu , était trop honnête homme pour prendre le
parti détestable auquel s'est livré l'infâme Dauribeau , que
les Hollandais commençaient déja à mépriser lorsque le parlementaire
abandonna l'isle de Java,
3
Le citoyen Willaumes ajoute qu'ils ont présumé avoir
passé sur les traces où a dû périr la Peyrouse , ayant donné
dans des écueils qui ne sont décrits sur aucune carte , ni par
aucuns voyageurs , et où ils ont eux-mêmes été exposés à
périr. Il court en outre le bruit dans l'Inde que quelques
navires ont rencontré des débris , mais cela n'est pas bien
confirmé. "
NOUVELLES OFFICIELLES.
Nantes , le 9 ventôse , l'an 3e . de la République.
Citoyens collegues , la Vendée est rentrée dans le scin
de la République. Charette et tous les chefs des armées
dites du centre et du Pays - Bas , viennent de déclarer solem
nellement qu'ils se soumettront aux lois de la République
Française une et indivisible.
Stofflet , commandant l'armée vendéenne , dite de l'Anjou ,
n'a pas encore montré les mêmes dispositions , pour profiter
du bienfait de la loi du 12 frimaire ; mais huit de ses princi(
351 )
A
paux chefs l'ont quitté , se sont joints à Charette , et comme
lui ont exprimé leur voeu de vivre en républicain.
99 Si Stoffet persiste dans sa rébellion , il ne peut être dans
gereux ; son armée est réduite , par la retraite de huit de
ses chefs , à quelques centaines de cavaliers déserteurs des
légions Germanique et Rozenthal . L'habitant des campagnes
est fatigué de cette guerre ; en voyant entrer sur son terri
toire des troupes républicaines , il les bénira comme étant
ses libérateurs . Nous le savons à n'en pas douter , il énonce
hautement ses intentions à cet égard .
" Nous avons parlé , en votre nom , le langage de l'humanité
, et nous avons été écoutés . L'attitude grande et imposante
de la Convention , depuis le 9 thermidor , a fait dans
l'esprit des Vendéens ce que les défenseurs de la patrie n'auraient
obtenu qu'avec effusion de sang.
Ces malheureuses contrées ont besoin d'une nouvelle vie ;
nous allons les parcourir , ranimer l'agriculture et relever le
commerce. Plusieurs de nos collegues vont se rendre auprès
des comités de gouvernement , pour les instruire des mesures
et des moyens qui ont amené des résultats aussi heureux .
" La rentrée des Vendéens au sein de la République entraîne
avec elle le retour des Chouans . Deux de leurs chefs viennent
de reconnaître le gouvernement républicain . Ils rassemblent
les autres chefs pour souscrire la déclaration de Charette
et des Vendéens ; des ordres ont été donnés par eux derechef
pour faire cesser toute hostilité .
La conduite de nos braves défenseurs a contribué au
succes de nos opérations , ils ont porté aux Vendéens les
paroles de paix et de conciliation avec la même énergie qu'ils
les auraient combattus. Ils out fraternisé , et persuadé aussi
les armées de l'Ouest , des côtes de Brest et de Cherbourg ,
placées sur un théâtre moins brillant que les autres ; elles ont
néanmoins bien mérité de la patrie dans ces circonstances.
Salut et frasernité .
Signés , P. P. Delaunay , Romme , l'américain ; Brue
Lofficial , Chaillon , Bollet , Ruelle , Menuau , Gary , Morisson
Dornier
Suite de la relation des principales circonstances qui ont précédé
et accompagné l'entrée des Français en Hollande,
Nous avons rapporté , dans l'avant- dernier numéro , le
discours que l'orateur de la députation de l'assemblée des
représentans provisoires du peuple de Hollande , a adressé aux
représentans du peuple français . Voici la réponse faite d
cette députation :
( 352 )
Citoyens, qu'il est beau ce jour qui présente l'imposant.
spectacle d'un peuple qui arbore , après tant d'années d'esclavage
, l'emblême de la liberté .
99
Citoyens bataves , plusieurs fois vous avez tenté de secouer
le joug du despotisme , et vos efforts n'ont pu assurer
solidement votre independance .
" Plus forts aujourd'hui de votre énergie , et d'une plus,
longue expérience , vous allez jouir d'une liberté fondée sur
des bases inébranlables ! Vous avez su dominer l'élément le
plus impétueux vous savez maitriser les flots de la mer ;
Vous avez circonscrit son territoire et impérieusement limité
son domaine.
" Aujourd'hui , vous faites plus encore , vous déclarez que
vous voulez être libies : vous le serez .
" Que ce jour d'allégresse serve à entretenir dans vos
ames le feu sacré de l'indépendance . Portez souvent VOS
regards sur l'emblême de la liberté ; qu'il vous rappelle votre
dignité , et qu'il excite en vous la grande horreur pour la
tyrannic ! Qu'il est doux pour des représentans du peuple
français d'être témoins des sentimens du patriotisme qui vous
animent . Puissent les deux peuples conserver à perpétuité
le titre d'alliés et d'amis !
" Haine à la tyrannie ! vivent les peuples libres ! ",
Le citoyen Peter Paulus a rempli sa quiuzaine pour laquelle
il avait été élu président des representans provisoires du peuple
de Hollande ; il a prononcé , à cette occassion , un discours
dans lequel , en reconnaissant l'importance des travaux déja
faits par l'assemblée , il fit remarquer l'immensité de l'édi
fice qu'elle avait à élever , et dont il n'a encore été posé que
quelques pierres fondamentales . Il la remercia des preuves
multipliées de confiance qu'il en avait reçues. Par une
suite de cette même , confiance , l'assemblée l'a continué
dans sa présidence , par acclamation . Le secrétaire de l'assemblée
de Lange Van- Wyngaerden a été remplacé sur sa
propre demande .
( La suite au numéro prochain )
P. S. Dans la séance du 18 , la Convention , sur le rapport
des comitès de gouvernement , a rappellé dans son sein
les députés mis hors de la loi.
( N°. 33. )
MERCURE FRANÇAIS.
QUINTIDI 25 VENTOSE , l'an troisieme de la République.
( Dimanche 15 Mars 1795 , vieux style . )
Explication de la Charade du Nº . 34.
Le mot de la Charade est Débat.
LE VOYAGEUR ET LA LAITIERE.
ANECDOTE .
J'TAIS alle voir Francklin à Passy ; je le trouvai à
l'extrémité de son jardin , tapi contre l'angle du mur
qui touchait immédiatement au grand chemip. Je lui
témoignai quelque étonnement : J'écoute les passans ,
me dit-il ; cela m'arrive assez souvent , et je n'y perds pas
toujours mon tems . Il me cita à ce sujet quelques traits
dont il a fait usage dans l'Almanach du bon-homme Richard.
J'ai mis quelquefois à profit cette leçon , etje ne m'en suis
pas mal trouvé.Plus j'ai observé combien d'intérêts grands
et petits concouraient à troubler et à altérer la vérité dans
presque toutes les bouches , plus j'ai reconnu que si
l'on veut recueillir quelques paroles vraies , il faut écouter
ces êtres simples que la corruption générale n'a pas
encore atteints , et qui , en parlant , ne cherchent ni
à se montrer ni à se cacher. Voici la derniere épreuve
que j'en ai faite :
J'allais , nonidi dernier , visiter mes pénates ruraux
dans la valléé de Montmorency ; j'étais à pied . Je rencontrai
, au-dessus de St. Denis , une jeune fille montée
sur une petite charrette , qui venait de porter quelques
denrées à Paris . Elle avait 19 à 20 ans , avec toute la
fraîcheur de cet âge et de la plus brillante santé . Je liai
conversation avec elle , et je la trouvai aussi avisée et
raisonnable que jolie . Je ne sais comment nous vinmes
à parler du décret qui rend la liberté du culte ; elle
croyait qu'il allait lui rendre son curé , son église , ses
cloches et ses grand-messes. Je lui expliquai à quoi se
Tome XIV. Bb
1
354
bornait cette liberté. C'est toujours bon , me dit- elle ;
nous aurons au moins quelqu'un qui pourra instruire
nos jeunes gens de leurs devoirs , car , depuis qu'il n'y
a plus de prône ni de messes , ils disent qu'il n'y a plus
d'enfer , et se croient tout permis . Hier encore , me
dit- elle , n'ai -je pas été obligée de donner un bon soufflet
à mon plus jeune frere , qui s'est avisé de tutayer
notre ancien curé , un bon vieillard , à qui mon pere
ne parle lui- même qu'avec respect , et qui ne nous parle
jamais que pour nous recommander d'obéir à nos pere
et mere , de bien travailler et d'avoir soin des pauvres ?
Après avoir loué cette aimable , fille de ses bons sentimens
, je l'interrogeai sur sa famille et son genre de vie,
Voici le résultat de notre dialogue :
Je suis , me dit- elle , de Saint Gratien ; j'ai mon pere
et ma mere , une soeur et trois freres , dont les deux
aînés sont dans les armées . Nous avons trois arpens de
terre à loyer , et nous allons tous les jours vendre du
lait à Paris. Je vais l'acheter dans les villages voisins , il
me coûte 12 sous la pinte , et je le revends 25. Com--
bien en portez- vous ordinairement ? - Environ cent
pintes. Le commerce est bon . A 13 sols de bénéfice
par pinte , cela ferait au moins 60 liv. de gain par jour,
Fort bien , mais calculez la dépense ne faut - il pas
un cheval qui s'use à ce métier-là , et dont la nourriture
est bien chere ? un boisseau d'avoine 6 liv. , deux bottes
de foin 2 liv. 10 sous , deux bottes de gerbes 15 sous ,
et le ferrage qui coûtait jusqu'à 35 sous dans les fortes
gelées ; ajoutez à cela et l'entretien de la voiture et le
harnois , et la nourriture d'un âne ; tous ces objets réunis
étaient évalués à plus de 25 liv. par jour. A présent ,
ajouta la jeune laitiere , calculez la dépense de la famille
: nous mangeons dix livres de pain par jour ; nous
le faisons nous-mêmes ; il nous revientà o sous la livre, et
puis on ne vit pas seulement de pain; passe pour nous ; mais.
mon pere et ma mere ne sont plus jeunes , ils se donnent
beaucoup de mal , il leur faut de bonne soupe , un peu
de viande , un peu de vin , et vous savez ce que cela
coûte. Elle en vint à l'habillement : cette cotte rouge,`
qui coûtait autrefois 9 liv. , m'en coûte go ; ce tablier ,
au lieu de 10 liv. , en vaut 55 ; la toile que je payais
40 sous , je la paie 15 liv.; enfin , voilà des souliers qui
m'ont coûté , sans les clous , 28 liv . En résumant tous
aces, calculs , je fus presque effrayé du résultat : c'estqu'une
famille de campagne , sans autre industrie que
( 355 )
elle de venir revendre du lait à Paris , gagnait à cela
plus de 20,000 liv . par an , et qu'en même tems un pareil
revenu ne faisait que procurer à cette famille labo
rieuse et économe , une subsistance honnête , avec les
moyens nécessaires pour le maintien de ce petit coinmerce.
Comme j'avais deux lieues à faire avec ma jeune com
pagne , je 1 interrogeai ensuite sur l'emploi qu'elle faisait
de son tems . Ah ! le tems ! le tems ! me dit- elle , voilà
ce qui est le plus cher et ce qui nous manque toujours . Gela
me rappella le mot du bonhomme Richard : vous avez
bien raison de faire grand cas du tems , lui dis je ; car la
vie en est faite . Get adage lui plut beaucoup , ainsi que
cet autre que la conversation amena ensuite : Faute d'un
clou , le fer du cheval se perd ; faute d'un fer , le cheval se
perd ; et faute d'un cheval , le cavalier lui-même est perdu.
En revenant sur l'emploi de sa journée , je trouvai
tous ses instans si remplis par différens travaux , que je
lui demandai quand elle dormait. Dormir ! me dit-elle ,
preque étonnée de la question ; je n'en ai guères le tems.
s de tems en
Je ne me couche jamais
; mais je
mais dieu
tems sur ma chaise , souvent sur ma
pourvoit à tout , je me porte bien. J étais si enchanté de
tant de raison et de bons sentimens , que j'aurais embrassé
de bon coeur cette intéressante créature , si clle n avait
pas été si jolie . Le moment de nous séparer était arrivé ,
je pris congé d'elle , en lui citant encore cet adage du
bonhomme Richard : La faim regarde à la porte de l'homme
laborieux ; mais elle n'ose pas y entrer.
MÉLANGE S.
SUITE DE LA LETTRE DU REDACTEUR , contenant la revue
de quelques écrits relatifs à la révolution .
ON a souvent parlé de la faction d'Orléans , et de l'influence
qu'elle a eue sur les événemens révolutionnaires ,
qui pendant, trois ans ont plongé notre malheureuse
patrie dans les plus horribles convulsions . Quels étaient
les agens et les moyens de cette faction ? Vous, trouverez
sur cet objet des éclaircissemens assez curieux
et des conjectures assez probables dans une brochuse
intitulée Plan suivi par Robespierre et tas jacobins pour
donner un roi à la France ; par feu SALLE , député de la
1
Bb 2
( 356 )
(
Meurthe à la Convention nationale , et qui se trouve thez la
veuve GORSAS , rue Neuve- des - Petits - Champs , nº . 741 .
+
Il n'est pas besoin de vous dire que ce roi était
d'Orléans . Pour connaître les conspirateurs , l'auteur se
suppose lui -même chef du complot , et se demande ce
qu'il aurait fait pour réussir. Il cherche ensuite ceux
qui ont agi de cette maniere , et il laisse aux lecteurs
le soin de faire l'application . Telle est la méthode qu'il
a suivie. Vous voyez que ce n'est qu'une méthode de
probabilités. Mais les rapprochemens sont si bien saisis ,
si fortement développés , que ces probabilités prennent
un caractere voisin de la certitude . Cependant une partie
de ses raisonnemens pourraient fort bien convenir à
l'existence du parti de l'étranger. Aussi ne douté - je
point , dans ma propre opinion , que tous les moyens
qui servaient la faction d'Orléans , servaient en même
tems les puissances coalisées . L'un troublait , divisait
tout , désorganisait tout pour parvenir à la royauté . Il
importait peu aux autres qui fût roi de France , pourvu
que la liberté et la constitution ,fussent détruites.
Cette brochure contient encore la lettre de SALLE au
citoyen BIQUILLEY , vice - président du département de la
Meurthe , lettre dans laquelle il lui fait part de tous les
détails du complot du io mars qui était l'avant- coureur
de la journée du 31 mai . C'est cette lettre , qui étant
tombée dans les mains d'Antoine et Levasseur , fut ensuite
dénoncée à la Convention , et contribua à envelopper
Salle dans la proscription du 31 mai . Celui - ci fit dans
le tems des observations explicatives sur cette lettre , qui
y sont également jointes. Enfin , la brochure est terminée
par la déclaration de Salle , du 3 juin 1793 , sur les
événemens relatifs à cette époque . Toutes ces pieces
ont été recueillies après sa mort , et imprimées sous le
titre que je vous ai indiqué.
On vient encore de réimprimer sur le même sujet
une autre brochure sous le titre de la vérité sur la faction
d'Orléans , et la conspiration du 10 mars 1793 , par Louver,
et qui se trouve aussi chez la veuve GORSAS . Ce discours ,
adressé à la Convention , devait être prononcé à la tribune
; mais Louvet demanda en vain la parole pendant :
huit jours , elle lui fut refusée . Un décret venait d'interdire
toute espece de dénonciation à la tribune. Il
est probable que si cette opinion eût été entendue au
milieu des représentans , les vérités fortes qui y étaient
( 357 )
énoncées auraient pu dessiller les yeux et prévenir l'hor
rible attentat du 31 mai . Aujourd'hui sa publicité servira
à reporter les esprits à des époques et à des événemens
dont il importe de démêler les causes . L'auteur
de cet écrit a eu deux motifs ; l'un , de prouver que le
parti que l'on accusait alors de complicité avec Dumourier
et la faction d'Orléans , en était au contraire
le plus redoutable ennemi ; l'autre , que les véritables
partisans d'Orléans étaient ceux - là mêmes qui s'étaient
rendus accusateurs. Les rapprochemens y sont plus développés
que dans la brochure de Salle. Il y a une plus
grande somme de faits et de probabilités , tous puisés
dans la nature des événemens et dans les opinions
émises à la Convention par le parti que Louvet dévoile .
La conspiration du 10 mars y est mieux approfondie ,
et traitée sous le rapport de ses causes secrettes . Les
éclaircissemens qui résultent de cet écrit peuvent occuper
une place parmi les matériaux soumis à l'examen
sévere de l'histoire .
Si vous voulez connaître quelques documens relatifs
aux causes des journées du 31 mai , 1er . et 2 juin , lisez
le recueil qu'a publié BERGOEING sous le titre de longue
conspiration des jacobins pour dissoudre la Convention nationale.
Bergoeing était membre de la commission des
douze , nommée pour recueillir les preuves de la conspiration
du 10 mars et de celle qui se tramait alors contre
la Convention nationale , et qui eut son effet le 31 mai .
Vous y trouverez une foule de dépositions , de renseignemens
, de lettres et de pieces , qui toutes attestent
l'existence , soit d'un comité d'insurrection , soit du projet,
de dissoudre la Convention et d'égorger une partie de
ses membres . Ce recueil , déposé par Bergoeing au
secrétariat du département du Calvados , a échappé de
cette maniere à la saisie de pieces qui fut faite au
domicile ou s'était réfugié le malheureux Rabaud- Saint-
Etienne . Après avoir lu ces pieces , on a quelque raison
de s'étonner que la commission des douze ne soit pas
venue en faire lecture à la Convention avant le 31 mai.
Si elle eût provoqué des mesures vigoureuses , rien
n'était encore perdu . Que de maux eût épargné à la
France celui qui aurait eu la courageuse activité de
Cicéron , qui ne s'amusa point à faire arrêter quelques
agens obscurs de Catilina , mais qui alla droit à ce
chef des conjurés . Ces regrets , je le sais , ne sont plus
Bb 3
( 358 )
que du ressort de l'histoire . Mais les pieces que je vous
indique sideront du moins à jetter un jour lumineux
sur cette affreuse conspiration .
La proscription des députés , mis hors de la loi , et
des 73 arrêtés , le 3 octobre , a donné lieu à plusieurs
écrits , soit historiques , soit de pur raisonnement . On
n'avait eu jusqu'à présent aucun détail sur le sort de
ceux qui avaient eu le bonheur d'échapper à l'infatigale
inquisition des égorgeurs en chef et de leurs
agens . Louvet a publié des mémoires qui contiennent
des faits extrêmement curieux. Je ne vous en entretiens
pas en ce moment , ils sont de nature à former un
article à part.
Sous le titre de proscription d'ISNARD est une brochure
de 98 pages , qui se trouve chez tous les marchauds
de nouveautés . Elle est divisée en trois par
ties : l'une contient l'historique des persécutions que
ce député a epipuvées de la part de la commune de
Palis et de Robespierre . L'autre est l'exposition de ses
moyens de défense relativement à l'acte d'accusation
da 3 octobre , et au décret proposé par Saint -Just par .
lequel il fut mis hors la loi . La troisieme renferme sa
vie politique.
•
Je ne dirai rien des principes sur lesquels il a fondé
le droit de rentrer dans le sein de la Convention . Cette
question vient d'être jugée en faveur de tous les députés
mis hors de la loi , Oul fallait les envoyer à l'échafaud
s'ils étaient coupables , ou leur rouvrir les portes de la
représentation nationale s'ils étaient innocens . Les envoyer
à l'échafaud ! eux qui , au péril de leur vie , ont
soutenu les droits et l'indépendance de la représentation
nationale contre toute espece d'usupation et de
tyrannie !
........
e qui faisait leur crime aux yeux de
la fiction des bourreaux , fait aujourd'hui leur gloire . Les
événemens du 31 mai y sont tracés d'un pinceau mâle et
vigoureux . Il justifie sa présidence qui , comme on le sait ,
fut tres-périlleuse à cette époque . Il assure qu il ne s'agissait
rien moins au 31 mai que du meurtre de trois
cents rep.ésentans . Il cite en preuve un fait assez peu
connu , et qui mélite de Têtre . Le député Lacroix déclara
au tribunal révolutionnaire , la veille de son jugemeat
, que son projet , le 31 mai , était d'extirper de la
Convention , non- sculement les vingt - deux , mais encore
tous les députés qui avaient voté l'appel au peuple . Je
61359 )
garantis , continue Isnard , la vérité de ce fait , et je
consens de perdre la tête si je n'en montre pas la preuve
matérielle à qui voudra la voir. Il répond à cette impu
tation de fédéralisme , dont on a abusé pendant si longtems
la crédulité publique , et prouve que les seuls vrais
fédéralistes sont les complices de Robespierre , les jacobins
, les terroristes , et tous les fauteurs du 31 mai ,
parce qu'eux seuls ont rompu , à cette époque , l'unité de
la République , en détruisant par la force l'unité de sa
représentation . Ils ont , durant 18 mois , républicanisé
exclusivement entre eux , puisque , réduisant le Peuple
Français à leurs confreries , maîtrisant par elles le reste
de la représentation nationale , et s'étant emparés de
toutes les places sans exception , ils concouraient seuls
à l'exercice de la souveraineté et à toute l'oeuvre sociale .
Non-seulement ils se sont séparés ainsi d'une portion
des associés , ce qui est du pur fédéralisme ; non - senle
ment ils se sont attribué des privileges , et foulé du pied
de l'orgueil leurs égaux , ce qui est une vraie aristocraties
mais encore ils les ont asservis , tués et pillės ; de sorte
qu'ils ont été à la fois fédéralistes , aristocrates , tyrans ,
voleurs et assassins ; mais comme ils étaient les plus forts,
ils ont eux - mêmes chanté leurs propres louanges.
Dans la premiere partie putement historique , Isnard
trace avec rapidité le tableau de l'état où les factions
criminelles avaient réduit là Convention , à l'époque du
31 mai. Lorsque , le 2 juin , le comité de salut public ,
pressé par les bayonnettes d'Hanriot , proposa que tous
les membres désignés , ne consultant que leur dévouement
au bien général , se suspendissent eux - mêmes
momentanément de leurs fonctions , Isnard , dans un
mouvement plus généreux qué réfléchi , acquiesça à
cette proposition , et offrit à la patrie sa vie en sacrifice.
Il resta prisonnier dans Paris sur sa parole. Les municipaux
, craignant de voir échapper leur victime , se préparaient
à le faire arrêter, malgré les décrets de l'As
semblée , lorsque des membres du comité de salut
public , à qui il en donna avis , firent défense expresse
à la commune d'attenter à sa liberté. Quatre mois s'étaient
écoulés ; mais la rage de la commune et de Robespierre
n'étaient pas encore assouvies . Ces tyrans , au
mépris du décret , le firent arrêter , le 28 septembre 1793,
dans la rue Honoré , par leur complice Renaudin , chef
des jurés du tribunal égorgeur. Le comité de sûreté
Bb 4
( 360 )
générale , indigné de cet acte despotique , le renvoya
dans son domicile , et lui donna extrait de son arrêté
pour lui servir de sauve -garde contre les poursuites de
la commune. Le 3 octobre , son nom se trouva dans la
longue liste des députés décrétés d'accusation ,
sans
être entendus . Le 3 ventôse , les triumvirs le firent
mettre hors de la loi
Depuis ce tems , il paraît qu'Isnard n'a pas quitté
Paris ou ses environs , à en juger par son propre récit.
Après ce dernier anathême , dit- il , il me fut conseillé
de passer dans l'étranger , et l'on m'en a plusieurs
fois offert les moyens ; j'ai toujours repoussé toute idée
de ce genre: Je restai donc en France ; habitant les
cavités de la terre , réduit à la misere , manquant de
tout ; pouvant être égorgé sans risque pour le meurtrier ,
ignorant le sort de ma famille , vivant dans la crainte
habituelle d'être découvert , dans l'attente journaliere
de me voir conduit au supplice sans être jugé ni entendu,
et comme l'animal qu'on traîne à la boucherie , ou la
victime à l'autel ; enfin , dans l'incertitude , si je pourrais
jamais publier les preuves de mon innocence , et
sije ne serais pas . en mourant , voué à l'exécration
par une patrie pour qui je m'étais sacrifié . Mais j'ai
éprouvé aussi qu'il est une providence consolatrice de
la vertu outragée ; par ses secours , j'ai été gránd dans
mon infortune ; mon ame s'est épurée au creuset du
malheur ; chaque jour je contemplais , avec sérénité , la
palme du martyre civique qui ombrageait mon échafaud
; je me croyais au moment de la cueillir , quand
tout-à-coup , du creux de mon rocher , j'entends retentir
la voix de la révolution , le tocsin j'ignore si cette
cloche sonne l'agonie des tyrans ou celle de la patrie ,
et je fais des voeux pour son salut j'apprends le
triomphe de la Convention , je regrette de n'avoir pu
partager ses dangers ; je me console en songeant que
je les ai devancés , que je souffre pour la même cause ,
et que j'ai quelque part aux lauriers de cette journée ;
l'espérance éteinte , renaît dans mon coeur-
Quels étaient les sentimens et les affections qu'éprouvait
Isnard dans l'impénétrable obscurité de son
asyle ? Il nous l'apprend lui-même dans une note où la
situation de son ame se montre toute entiere , sous un
rapport auquel le commun des hommes est bien loin
de s'attendre . Vous en allez juger ; cette note mérite
LA GAZETTE NATIONALE DE FRANCEtient , depuis long-tems , dans
Popinion publique , le rang que les soins soutenus de ses rédacteurs
sembloient lui assigner. Il lui avoit néanmoins été adressé quelques
reproches sur sa partie typographique. Des caractères semblables à
ceux que le lecteur a sous les yeux , seront désormais employés à son
impression. En rendant compte de ce changement , le propriétaire de ceito
FEUILLE croit devoir mettre sous les yeux du public le plan d'après
lequel elle est rédigée.
Elle continuera d'être divisée en trois articles : NOUVELLES ÉTRAN
GERES ; -RÉPUBLIQUE FRANÇOISE ; CONVENTION NATIONALE.
―
Le premier de ces articles a toujours été traité avec quelqu'étendue.
On a dû remarquer que la Gazette Nationale de France méritoit d'être
distinguée par sa véracité et l'habitude où elle est d'être une des premières
à donner les nouvelles. Ses correspondances s'étendent chaque jour , et
des sources plus multipliées lui sont ouvertes . Cette partie offrira , avec le
récit des événemens militaires ou politiques , des notions exactes sur la
population , l'agriculture , le commerce , la marine , les finances des
diverses puissances , et les principes de chaque cabinet. ( 1 )
Sous le titre de RÉPUBLIQUE FRANÇOISE , seront les nouvelles des
départemens , le tableau du mouvement de notre commerce , et lo
récit de ce qui se sera passé à Paris. On s'efforcera de faire connoître
à cette commune l'esprit qui anime les départemens ; et aux dépar
temens , celui de cette commune. Un puissant moyen d'influencer
Popinion publique , est cette foule d'écrits politiques , de pamphlets qui
doivent se reproduire sans cesse daus un état libre. Cette FEUILLE présentera
l'extrait des plus importans ; elle cherchera à montrer ce qu'ils
auront d'utile ou de dangereux. Cet article contiendra aussi les idées
de son auteur sur les divers objets d'économie politique et les
événemens publics .
CONVENTION NATIONALE : Ce n'est point l'opinion du journaliste qu'on
doit trouver dans cette partie ; lorsqu'il entreprend de la donner , souvent ,
faute d'espace , il est contraint de inutiler celle dont il a à rendre compte.
Le lecteur peut craindre d'ailleurs que le journaliste , devenu en quelque
sorte partie , ne saisisse et ne rende que ce qui est conforme à son avis,
Cet article ne contiendra donc qu'une analyse , mais une analyse scrupuleuse
des débats , le texte des décrets , et celui des pièces officielles et
intéressantes des départemens et des armées , lues à la convention. Lə
rédacteur aura soin encore de retracer les divers mouvemens qui agitent
quelquefois l'assemblée lors des discussions , comme étant propres à faire
connoître l'esprit de ses membres ; en un mot , cet article offrira le tableau
fidèle des séances de chaque jour.
Le prix de l'abonnement de la GAZETTE NATIONALE DE FRANCE est do
60 liv . par an ; 32 liv . pour six mois ; 16 liv . pour trois mois. Il faut
adresser les lettres d'avis , à Paris , au citoyen STEVENIN , chef du bureau
des abonnemens , rue HAUTE- FEUILLE , No. 14 , et les affranchir.
(1) Le rédacteur de cet article prépare un ouvrage sur les nouvelles relations po
itiques et commerciales que la France doit chercher à établir.
( 361 )
d'être transcrite ( 1 ) jusqu'à ce que vous puissiez lire
l'ouvrage entier. Assurément Robespierre , entouré de
ses licteurs et de ses bourreaux , n'était pas aussi tranquille
qu'une de ses victimes .
66
( La suite au numéro prochain. )
(1) Parla réflexion , ma philosophie en était arrivée au point
qu'insensible à tout ce qui m'était personnel , je ne souffrais
que des maux d'autrui , et j'ose dire que , sans les tourmens
de la sensibilité qui devenaient déchirans à chaque fois que
je songeais aux risques que couraient mes courageux et fideles
gardiens , ou que je me retraçais l'image de mes enfans et de
leur mere , les plus beaux jours de ma vie auraient été ceux
que j'ai passé hors la loi , parce qu'entierement écarté de la
triste scene du monde , je pouvais me livrer tout entier aux
méditations de mon goût , j'ai senti le bonheur naître de l'infortune
; la nature a voulu que celle - ci eût ses utilités et
même ses charmes ; Montagne le savait bien lorsqu'il disait
la mélancolie est friande.
Qui , dans le souvenir de ce qu'ont souffeft ma famille et
mes amis , je rendrais grace aux auteurs de ma proscription.
Le même décret qui me mit hors la loi , sembla me mettre
aussi hors des peines de la vie , et m'introduire dans une exis
tence nouvelle et plus réelle . Si je n'eusse jamais été proscrit
emporté comme tant d'autres par une sorte de tourbillon ,
j'aurais continué d'exister sans me connaître ; je serais mort
sans savoiirr que j'avais vécu ; mon malheur m'a comme fait faire
une pause dans le voyage de la vie , durant laquelle je me
suis regardé et reconnu ; j'ai vu d'où je venais , où j'allais
le chemin que j'avais fait et celui qui me restait à parcourir .
les faux sentiers que j'avais suivis et ceux qu'il me convenait
de prendre pour arriver au vrai but .
Il m'est impossible d'exprimer quelles jouissances m'ont
procuré ce silence , ce recueillement absolu , cette posses
sion continuelle de ma pensée , cette étude suivie de mon
être , ces fruits de sagesse et d'instruction que je sentais éclore
en moi , cet abandon de la terre , se lointain d'où jappercevais
et jugeais les criminelles folies des hommes , cette ado
ration sincere et croissante de la vertu , cette élévation intellectuelle
vers les objets grands et sublimes , et sur- tout vers
T'auteur de la nature , ce culte libre et pur que je lui adressais
sans cesse . -2
"Je promenais seul dans un jardin environ trois heures chaque
nuit ; le spectacle de la yoûté étoilée , le seul qui s'offrît à
ma vue , fixait presque continuellement mes réflexions . Ah !
qu'elles étaient salutaires et ravissantes ..... ! qu'il est sublime
ce livre sans cesse ouvert sur nos têtes , tracé de la propre main
de l'être incréé , et dont chaque lettre est un astre ! qu'il est
( 362 )
SPECTACLES.
THEATRE DE LA RUE FEYDLAN.
L'ARTICLE des Spectacles a éprouvé quelques lacunes
dans ce journal . Entre tant d'objets qui ont fixé tour-
-tour l'attention publique , durant le cours de la révolution
, il a bien fallu choisir et se borner à ceux dont
l'intérêt , plus intimement lié à notre situation politique
et civile , était devenu la premiere et pour ainsi
dire l'unique affaire des Français . La révolution d'ailleurs
, depuis le regne de la tyrannie , avait étendu sa
meurtriere influence sur les productions dramatiques
comme sur le reste . Qu'aurions - nous pu dire sur les
spectacles ? On ne donnait , on ne voyait sur tous les
théâtres que des pieces dégoûtantes de l'esprit qui do
minait alors . Nos Euripides et nos Aristophanes avaient
été contraints de prendre la livrée du jour , et la scene
était esclave comme la tribune et la presse .
Maintenant que Melpomene et Thalie ont rompu
leurs chaînes et quitté le bonnet rouge dont on les avait
heureux celui qui sait y lire ce que j'y voyais écrit en traits
de feu , en hyérogliphes solaires : Existence de dieu . Immor
talité de l'ame. Nécessité de la vertu.
Retenu quelquefois , couché sur du gazon , ou assis sur
une pierre , jusqu'à deux heures du matin dans mes admirations
méditatives , et devenu par elles aussi persuadé que
Socrate de l'immortalité de nos ames , je m'écriais en regagnant
ma retraite S'ils m'égorgent : aujourd'hui ,
..
Demain tous ces soleils brilleront sous mes pieds .
Si cette espérance était une illusion , du moins elle char
mait mes peines , et je redis , d'après je ne sais qui : N'a pas
des illusions qui veut ; enfin , j'étais heureux au comble des
malheurs , et voilà une réalité utile .
Aussi , depuis mon retour parmi les hommes , chaque fois
que j'éprouve un peu trop les tracasseries qui naissent du
frottement social , je me dis en secret : Ah ! tu n'éprouvais pas
tout cela dans ton souterrain..... ! Mais je vais bientôt embrasser
un pere , une femme , des enfans , qui , depuis 15 mois ,
pleuraient ma mort ; et voilà ce qui va rendre ma vie actuelle
une source de délices . "
( 363 )
affublés , pour reprendre leur costume , leur attitude et
leur langage libres , un nouveau champ va s'ouvrir aux
représentations théâtrales ; indépendamment des passions
, des caracteres et des sentimens qui appartiennent
au coeur humain dans tous les pays et dans tous les
siecles , elles auront à peindre des moeurs nouvelles ,
des travers , des ridicules et des vices qui se montrent
sous des formes si variées sur la scene mobile des
hommes et des choses . En attendant que nous , tracions
le tableau rapide des productions dramatiques et des
révolutions que la scene a éprouvées pendant la durée
des événemens révolutionnaires , tableau qui nous
mettra à jour sur l'état actuel des spectacles , nous croyons,
pour ne pas laisser trop vieillir l'intérêt qu'on attache
aux pieces nouvelles , devoir commencer le compte que
nous rendrons successivement .
On a donné le 14 nivôse la première représentation
d'Agathine ou la Fille naturelle , comédie en cinq actes ,
en vers , par le cit . Lourdel- Santerre .
Cette piece , annoncée, depuis long- tems comme un
ouvrage plein d'intérêt , n'a cu que très-peu de succès.
Il est impossible de tracer ici la marche de cette
comédie , parce que toutes les scenes semblent une suite
d'évenemens passés , dont le spectateur n'a connais
sance que par hasard , et sans aucun ordre . Le sujet
n'y est traité que vers 1
le quatrieme acte , et ce qui est
extraordinaire , l'intérêt cesse précisément lorsque l'action
commence . Pendant les trois premiers actes , des
conversations diversifiées par l'inégalité d'âge et de caractere
dans les personnages , produisent en apparence
quelque mouvement , mais sans motif et sans résultat .
L'intérêt indispensable de l'action est remplacé par l'in
térêt des sentimens qu'éprouvent les interlocuteurs. Il
en résulte , il est vrai , une émotion douce , mais elle
n'est due qu'au rapport direct que ces sentimens ont
avec les situations ordinaires de la vie . L'art dramatique
veut d'autres effets . 11 exige que l'émotion ait pour
cause et pour alimen ; la curiosité , la crainte , la pitié ,
l'inquiétude , etc. C'est ce qui manque entierement à la
Fille naturelle. L'auteur ne se souvient de son sujet qu'au
quatrieme acte, mais il revient bientôt , par le vice radical
du plan , aux conséquences des incidens qu'il a combinés
dans les premiers actes .
Si la composition de cette piece mérite peu
( 364 )
d'éloges , il serait injuste d'en refuser à quelques scent
d'un dialogue vrai , naturel et dramatique. Le style en
est simple , mais diffus ; la versification facile , mais commune.
On y distingue des détails d'une morale pure ,
exprimée sans pédantisme , et même avec sensibilité .
Enfin , l'ouvrage en général annonce , sinon l'expérience
de l'art dramatique , du moins celle de la société . Il est
joué avec cette perfection brillante qui caractérise la
citoyenne Contat et les citoyens Molé et Fleuri. Le pu
blic a applaudi particulierement à l'intelligence , à la
grace et au naturel de la jeune citoyenne Mars .
NOUVELLES ÉTRANGERES.
TOUTES
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 15 février 1795.
UTES les opérations préparatoires au démembrement
final de la Pologne y sont commencées . Suivant des lettres
du 6 février , des frontieres et de la capitale de ce malheu
reux pays , par exemple , le commandant russe de Varsovie
vient d'annoncer , dans une proclamation signée Buschowden ,
qu'il est chargé des gouvernemens de Masowie , de Podla
chie , de ceux de Chelm et Luckow et de ce qui restait des
palatinats de Lublin et de Rava : c'est à une administration
établie sur le mode adopté par la diete de Grodno , que ces
diverses contrées livreront leurs contributions ; celles dont on
espere tirer le plus de parti , consistent dans le 10º . et 20º,
denier , et la taxe sur les cheminées , dont on exceptera toutes
fois pour trois ans les maisons qui ont le plus souffert pendant
le bombardement de Varsovie et du fauxbourg de Prag.
Le palais de Stanislas et sa maison de plaisance , appellée
Laziensky , sont toujours sous la garde des Russes , qui n'ont
laissé aux bourgeois que celle du bâtiment de la monnaie
absolument vide : l'arsenal ne l'est pas moins , car les Russes
ont brûlé ou jetté dans la Vistule ce qu'ils ne pouvaient em
porter. Quant à la précieuse bibliotheque de Zalewski , riche
en manuscrits très- rares , on l'emballe actuellement pour la
faire passer dans la capitale du vainqueur. On y a déja envoyé,
sous forte escorte , la couronne et les autres ornemens royaux.
Catherine dispose non-seulement des choses , mais même
( 365 )
des hommes ; les recrutemens se continuent en Pologne pour
son compte. L'ambition et le desir d'accroître son trésor sont
satisfaits ; la vengeance aura son tour . Elle a enfin prononcé
sur le sort des prisonniers les plus marquans : Ignace Potocki .
ministre des affaires étrangeres ; le Castellan Mostowsky ,
chargé des approvisionnemens de l'armée et de la capitale , et
Niemcewitz , secrétaire du généralissime , finiront leurs jours
dans les déserts glacés de la Siberie . Suwarow , en entrant
dans Varsovie , à la reddition de laquelle Potocki n'avait pas
peu contribué par ses conseils , lorsqu'il vit qu'il était inutile
de s'obstiner à défendre plus long - tems la liberté et cette
malheureuse ville , avait pourtant promis d'oublier le passé ;
mais telle est la bonne- foi des envahisseurs et de leurs agens
!
Les cabinets co - partageans s'agitent au sujet du nouveau
partage. Frédéric- Guillaume s'était d'abord flatté de s'étendre
jusqu'aux bords de la Vistule ; mais indépendamment des
difficultés qu'il peut éprouver à faire consentir l'empereur à un
aggrandissement si considérable de la Prusse , il paraît qu'il
en rencontre du côté de la Russie . Le bruit court ici , ajoutent
les lettres de Varsovie , que les ordres donnés par Catherine
à ses généraux , indiquent qu'elle veut pousser ses limites plus
loin qu'on ne l'avait cru d'abord.
Au reste , le roi dépouillé est toujours à Crodno , où il est
gardé par des troupes russes . On lui témoigne d'ailleurs beaucoup
d'égards ; mais on ne sait pas si et quand il sortira de
cette captivité ; car c'en est une , malgré ces déférences appa
rentes. Voici même les conjectures que l'on bâtit sur le rapprochement
du voyage du duc de Courlande à Pétersbourg ,
avec celui qu'on croit que Stanislas ne tardera pas d'y faire :
on imagine que l'impératrice , après avoir exigé du premies
la cession de ses droits , pourrait donner au second le duché
de Courlande à vie , parce qu'un due peut bien n'ètre rien
mais qu'il serait aussi par trop criant qu'un roi ne fût pas
quelque chose. D'ailleurs , par ce moyen elle se trouverait
dispensée de pourvoir à aucun traitement pécuniaire ou pension
pour le roi déchu ; elle regnerait sous son nom dans
cette province , et assurerait à sa mort la réversibilité à la
Russie. La pension à faire à l'ex- duc de Courlande ne serait
´pas un objet assez considérable pour arrêter dans cet arran
gcment.
Le peuple polonais et celui de Varsovie en particulier contiuuent
de souffrir beaucoup de la rareté des subsistances et
du manque de numéraire . On remarque que les soldats russe
ont cessé de loger chez les habitans , ou pour ménager des
gens épuisés , ou pour leur propre sûreté , pouvant avoir
à craindre d'un moment à l'autre de la disposition des esprits
ce qu'il y a de certain , c'est que ses troupes sont maintenant
casernées. T
( 366 )
Il est arrivé le 14 de ce mois , à Cuxhaven , un petit ba
timent de Helgoland , avec des passagers d'Angleterre , qu'un
paquebot avait deposés sur Helgoland. Parmi ces passagers
s'est trouvé sir Archibald Hamilton , qui a assuré que les
paquebots anglais viendraient certainement à Cuxhaven , et
qu'on devait les y attendre journeilement .
Suivant le rapport d'un de ces voyageurs qui quitta Londres
le 26 janvier , et Harwick le 2 février , le stadthouder
héréditaire était arrivé avec toute sa famille en Angleterre..
*
Le due d'Yorck avait été au - devant de ces illustres fugitifs
à Harwick , et les avait ensuite accompagnés par Clochester
à Londres . On leur avait préparé une habitation dans cette
capitale ; mais on croit qu'ils seront logés à Hampton - Cours,
A son arrivée à Londres , la famille stadthoudérienne fut
reçue par toute la famille anglaise avec les expressions du
plus vif intérêt , et les marques d'une tendresse véritable .
Le jour suivant , les deux augustes dinerent ensemble à
Buckingham House. L'ambassadeur anglais , mylord Saint-
Helens , qui était à la Haye , est arrivé à Londres avec lá
famille stadthoudérienne .
Les avis concordans de plusieurs voyageurs , partis à la fin
de janvier et dans les premiers jours de fevrier , de Londres
et de Harwick , confirment que la prise de la Hollande par
les Français , n'avait produit aucune sensation désagréable à
Londres , parce qu'on s'y était attendu .
-
-
Le Bagdet n'était pas encore ouvert . A Londres , tout
était tranquille. Harwick était plein d'étrangers . Il y avait
cinq couriers du cabinet et onze paquebots qui , à cause des
glaces , y étaient arrêtés .
Un autre voyageur anglais , parti le février de Harwick ,
a confirmé la nouvelle que le stadthouder avec sa famille ,
sout heureusement arrives à Londres . Il a ajoute cette circonstance
, que le peuple , à leur arrivée à Londres , s'est
porté avec enthousiasme sur leur passage ; qu'il a dételé les
chevaux de la voiture du stadthouder , et qu'il l'a traînée jusqu'à
la demeure qui lui avait éte destinée.
Les fonds baisserent à Londres , à la nouvelle de la prise
d'Amsterdam , de 1 et demi pour cent ; mais le jour suivant ,
ils remonterent à leur premiere hauteur.
La flotte de l'amiral Howe , forte de 36 vaisseaux de ligne
et de 20 frégates , est allée en mer pour y rencontrer la flotte
française ; et on attend dans peu de très- bonnes nouvelles de
sa flotte.
( 367 )
De Francfort- sur-le-Mein , le 4 marsk
On mande de Ratisbonne , en date du 14 février , que le
décret de la commission impériale , au sujet de la guerre de
l'Empire , et des moyens préparatoires d'une paix desirée ,
décret si long-tems attendu , vient enfin d'être donné à la dic
tature de la diete par le directeur de Mayence. Il est à la dato
du 10 , et conçu en ces termes ;
ete.
M. Charles -Anselme , prince de la Tour et Taxis ,
principal commissaire de S. M. I. l'empereur François II à la
diete générale de l'Empire , notifie aux excellens conseillers ,
ambassadeurs et envoyés des électeurs , princes et états ; les
griefs multipliés que l'Assemblée nationale de France , par
ses fameux décrets , rendus dans le courant du mois d'aoûs
de l'année 1789 , et étendus aux états de l'Empire d'Allemagne ,
sans aucun egard pour leurs droits , donné à tout le corps
germanique , ont été , comme l'on sait , l'occasion premiere
de la malheureuse guerre actuelle de l'Empire .
99 Ces infractions des traités , et l'ensemble des circonstances
critiques dont elle se trouverent accompagnées , firent sur
la diete électorale assemblée à Francfort en 1790 , pour l'élection
d'un empereur , une impression si profonde , que les
électeurs s'estimerent appellés par le devoir à adresser sur
cet objet au chef de l'Empire nouvellement élu , une lettre
collégiale remplie des raisons les plus pressantes de chercher
remede aux griefs donnés ; ils y invoquaient , en faveur de
tout l'Empire , la protection et l'assistance suprême de
l'empereur , à qui ils représentaient l'éclat qui réjaillirait
immanquablement sar son regne et sur lui - même , de la
maniere dont il remplirait à cet égard les voeux ardens et
l'attente de toute la chere patrie germanique .
Il en était de même de tous les états et appartenances \
de l'Empire qui était en souffrance ; ils n'avaient tous qu'une
voix pour implorer avec les plus grandes instances la protection,
impériale .
A la suite de cela , et après l'inutilité de l'intervention
du chef de l'Empire , pour obtenir le redressement des innovations
en question , un conclusum de l'Empire détermina
plus particulièrement les principes et les dimensions qu'il
convenait d'adopter contre la France , dans une affaire qui
était d'une importance si grande pour l'Empire d'Allemagne ,
et une intervention ultérieure étant encore restée sans effet ,
et les Français tôt après ayant même envahi le territoire de
l'Empire , il fut résolu de repousser la force par la force , et la
diete décréta provisoirement , qu'à l'effet de délivrer et sanver
promptement les cercles et états de l'Empire , lésés et opprimés
de tant de manieres , ainsi que pour voler à la défense de
968 )
ceux qui étaient menacés , et pourvoir en même tems à la
sûreté de l'Empire en général et de ses limites , conformément
à ce qu'exige l'union de tous les membres du corps
germanique , il serait fourni incessamment par tous les états ,
le triple contingent de l'Empire et des cercles , lequel triple
contingent serait mis à la disposition de l'empereur et des
généraux de l'Empire , pour être employés par ceux - là , où
le besoin et la sûreté de l'Empire l'exigeraient .
,, Enfin , l'Empire assemblé sous son chef , et pressé par
toutes les circonstances , de même que par la violence de
sa position , se vit dans la malheureuse nécessit de faire
un pas de plus dans cette défense forcée ordonné pour sa
sûreté , et d'en venir à un nouveau concluşum , par lequel , en
vertu des motifs y allégués , et nommément pour le maintien
de son honneur , pour la défense et l'inviolabilité future de
sa frontiere et de ses droits , et pour l'obtention d'une satisfaction
juste et pleine , la guerre fut déclarée guerre générale
de l'Empire.
" Pourjuger avec assurance la conduite tenue de ce côté - ci ,
relativement au but d'une guerre de l'empire , déclarée dans
les principes du droit des nations et par conclusum , il est
impossible de laisser hors de considération les infractions
faites de l'autre côté à tous les traités , et les actes hostiles
dont elles ont bientôt été suivies on n'est pas réduit à en
tirer les preuves de loin , elle est fondée sur un intérêt uatio
nal , sur les maximes de prudence et les principes de justice ,
d'après lesquels des nations lesées et traitées hostilemeut ont
toujours agi et ont l'obligation naturelle d'agir , lorsque ,
dans le sentiment de leur dignité et pour leur propre conservation
, elles ne voient plus de moyens de defense que
dans une prise d'armes décidément forcée .
( La suite du numéro prochain. )
On nous mande de Bâle qu'il y arrive successivement des
négociateurs chargés des intérêts des divers princes de l'Empire
bieu fatigués de la guerre : on désigne entre autres le baron
de Creber , envoyé par l'électeur de Trêves et la maison de
Nassau . L'empereur même , à ce qu'on assure , fait sonder le
terrein , quoique sans se montrer ouvertement , de peur de
compromettre l'honneur de la maison d'Autriche , et de refroidir
le zele de ceux des coalisés qui peuvent encore en
conserver ; cependant comme rien n'est encore moins sûr que
la paix , même avec la Prusse avec qui les négociations semblaient
avancer davantage , on continue de faire des préparatifs
à Vienne et même à Berlin ; c'est néanmoins l'Autriche qui en
fait le plus. Le manque de fonds se fait un peu moins sentir
depuis qu'elle a obtenu un emprunt de six millions de liv . st .
de l'Angleterre , en s'engageant à fournir 240,000 hommes
pour
( , 369. )
pour la campagne prochaine . it faut en trouver une partie ,
car le fer des Français et les maladies en ont beaucoup moissonnet
Heureusement pour l'empereur le zele des hongrois
se réchauffe , et ils promettent de renforcer au printems
l'armée du Rhin de 25,000 hommes . Ce prince se fatte aussi
appareminent d'entraîner Catherine II dans la coalition ; car
Jes couriers vont et viennent sans interruption entre Pétersbourg
et la capitale de l'Autriche , où , depuis quelques se
mites , la chancellerie d'etat avail e nuit et jour.
L'empereur s'occupe aussi de donner à ses troupes des ge
néraux qui aient plus de succès cque les precedens. Le prince
de Hohenlohe - Kirchberg commandera l'arme du Bas -Rhin
ep qualite de feld-marechal on tera reparaître sur la scene
1. fameux colonel Ma k , avec le grade de lieutenant - feldmachal
, et par dess le marché de quarter maitic général
quant aux arinees combinées dans le Piémont , elles agitont
sous les ordres du général Beaulieu , l'avant - garde de l'armée
prussie me qui s'est mise en marche le 18 fevrier , sous la
conduite du général Ruchel , a reçu ordre de s'arrêter à Limbourg
, de so te qu'on commence a regarder comme douteux
qu'elle se rende effectivement vers le Bas - Rhin ; mais en revanche
, 14 nouveaux bataillous prussiens sont attendus
Wesel.
"
Le bruit court qu'il se fait dans le Texel de grands prépa
ratifs pour une expedition contre l'Angleterre . Plusieurs
membres des deux chambres du parlement ont même déja
témoigné la crainte que les Français , à qui les choses les plus :
dificiles réussissent le mieux , ne tendent une descente ; mais
ces bruits demandent confirmation .
On vient de faire établir des signaux sur toute la longueur
du Rhin , afin d'être en etat de rassembler promptement les
troupes qui servent à la defense de ce fleuve contre les mouvemens
continuels des Français. La direction retrograde que
prennent les bagages et les munitions semblent indiquer que
I'on craint bien qu'ils ne viennent à le passer.
Il y eut le 23 quelques excarmouches assez vives entre les
Français et la garnison des postes avancés de Mayence auprès
d'Heiligen- Ceatz, Ces mouvemens n'ont abouti à rien
a rétabli le pont entre Mayence et Cassel .
; on
On dit depuis quelques jours que le feu comte de Goltz
va être remplacé à Bâte par un ministre prussien : quelques
personnes vont jusqu'à le désigner , et disent que c'est le
comte de Hardemberg qui doit terminer cette négociation
dej fort avancée .
Tome XIV. Cc
\( 370 )
}
ANGLETERRE . De Londres , le 9 janvier 1795.
Débats du Parlement. Chambre des Communes.
Séance du 5 février. M. Hobare présente une pétition pour
la paix signée par un grand nombre d'habitans de la ville
de Norwich.
M. Colle annonce que cette pétition exprime le voeu unanime
de l'opulente cité de Norwich ; de cette ville que l'on
avait d'abord séduite par des idées ambitieuses de guerre
et qui en a senti la funeste conséquence dans la destruction
de son commerce et l'anéantissement de ses manufactures .
M. Pitt demande que la chambre se forme en comité
pour examiner le bill qu'il a proposé pour la levée des
troupes de mer. D'après ce bill , il doit être fourni un homme.
sur 68 maisons .
L'ordre du jour est la délibération sur le message relatif
à l'emprunt imperial.
M. Sheridan Dans une des précédentes séauces , j'avais
demandé l'exhibition des papiers relatifs au traité avec la
Prusse. Mon but était de me procurer quelques renseignemens
sur la maniere dont le roi de Brusse avait exécuté ce traité ,
qui lui a vallu 120,000 liv. sterlings de notre gouvernement.
Je les ai lus avec soin , et je me suis convaincu que dans
toutes les circonstances sa majesté prussienne a violé les conditions
de ce traité. Je ne veux entrér ici dans aucunes réflexions
applicables à l'emprunt impérial qui doit être soumis
ce soir à votre délibération ; je me réserve de combattre cette
derniere mesure lorsqu'il en sera tems . Mais , s'il est manifeste
que sans cesse le roi de Prusse a violé ses engagemens
la chambre doit extrêmement se défier de tout allie allemand . "
Les ministres de sa majesté vous assurent que l'empereur est for
tement disposé à asssiter l'Angleteire ; mais n'ont-ils pas affirme,
dans le tems que l'intention bien déterminée de la Plusse !
était de poursuivre Is guerre avec vigueur. Le souvenir de
la mauvaise foi du roi de Prusse ; ne doit guere nous rassurer
sur la maison d'Autriche , famense , dans tous les tems par
son habitude de violer ses promesses. Le parlement britan
nique ne doit pas laisser dans le silence la conduite du despote
prassien. Il faut que toutes les cours étrangeres soient
Convaincues que nous abhorrans la déloyauté , et que , nous
en sommes justement indiguès ..
9
14
Le roi de Prusse s'était engagé à fournir 60,000 hommes
pour agir de concert avec les aimees anglaises et autrichiennes .
Un commissaire devait être nommé pour l'exécution de ce
traité ; mais , d'après les papiers qui ont été mis sur le bureau ,
( 571 }
il est clair que la nomination du commissaire n'a jamais eu
lieu . Si les ministres ne l'ont pas envoyé ce n'est point par
négligence , mais par l'intime conviction où ils étaient que
ce monarque n'était pourde l'enorme point disposé à foursnuirbsliedsesedceou1t2s0p0r,o0m0i0s1,.
et pour lesquels
sterlings. L'empereur assure que si les 60,000 prussiens eussent
agi comme ils le devaient , d'après ce traité , non- seulement
la Hollande , mais même les Pays -Bas , eussent été sauvés.
Il est donc évident que la perte de ces deux pays doit être
attribuée à la violation de ce traité . D'après ces considéra
tions , je demande , comme un avis que nous donnons aux
autres princes de l'Empire , qu'il soit déclaré qu'il paraît à
la chambre que le roi de Prusse a reçu 120,000 1. sterlinge
et au-delà , conformément à un traité signé à la Haye lar
1er janvier 1794 , et qu'il ne paraît pas à la chambre que
le roi de Prusse ait rempli les conditions auxquelles il s'étai
engagé par ce traité.
•
#
9
M. Pitt s'étonne de la forme de la délibération qui est prow
posée. L'usage de la chambre est de prendre en considéra
tion le message du roi , préalablement à toute autre affaire
Il remarquee que les raisonnemens du préopinant n'ont pager
pour but d'attaquer l'emprunto imperial , à condition quot
l'empereur agiza de concert avec les alliés pendant la cam- b
pagne prochaine ; mais seulement de donner des avis aur
ministres sur les précautions qu'ils doivent prendre en se
cansant aux princes de l'Empire . Il avoue cependant que le
traité , de la part du roi de Prusse , n'a pas été entierement
rempli ; mais il déclare héanmoins qu'en considérant les pro
grès des Français , il est loin de regretter ce traité , et de
regarder comme perdue la somme qui a été payee Mais afin
de ne point s'écarter de l'usage ordinaire de la chambre , i
croit devoir , pour le moment , demander la question préalable
, beneath I or
M. Francis dit que le ministre vient d'avouer que, les con
ditions du traité n'avaient pas été entierement remplies . Pour
lui il pense que l'Angleterre a droit de savoir si des conditions
n'ont pas été remplies du tout. Il prétend qu'on ne
devait pas demander la question préalable sur cet objet , dans
un moment où il s'agit de voter un immense subside à l'em
pereur . Les princes de l'Empire ne lui paraissent pas mériter
plus de confiance l'un que l'autre . Il déclare qu'il votera
contre le subside . sing
19
M. Puttney avoue que le roi de Prusse n'a pas fidelement
rempli le traité ; mais il soutient qu'en agissant comme il a fait,
il a rendu plus de services à la chose
genérale ; que p fait,
f serre en particulier a tiré de grands avantages de sa conduite,
("La suite au numéro prochain . )
Сся
PLRU
曹
( 378)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
33.1
•2 ›
う
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE THIBAUDIAU.
+
Blançe du septidi , 17 Ventôse.
Ily a en hier soir une séance extraordinaire pour le renouvellement
du bureau . Léonard Bourdon hors d'haleine entre
dans la salle , et s'écrie , on assassine un de nos collegues
au café Payen , c'est d'Armonville , ah les scélérats ! Je demande
que la Convention aille à son secours . Une pareille
motion était bien faité pour interrompre l'appel uominal . Des
membres sortent et ne tardent pas d'annoncer que cette scene
paraît être concertée entre Bourdon et d'Armonville . Celui ci
est le seul homme dans Paris qui porte encore un bondet ›
range. Des patriotes avaient couronné de. lauriers , dans le
café Payen , les, bustes de Franklin et.J. J. Rousseau. D'Ar-.:
spaville a arraché ces couronnes pour y substituer son bonnet
rouge , en disant qu'un jouri on serait bien aise d'être coëffé m
de pareils bonnets pour se sauver. On l'a conspué ÷ lui et
son bonnet. + T
La Convention instruite sur cet incident passe à l'ordre
du jour , motivé, sur ce que le comité de sûreté générales est
chargé de la police.
Leonard Bourdon dit que puisqu'on ne veut pas leur
rendre justice , ils se la rendraient à eux - mêmes ; mais Legendre
lui répond qu'il ne faut pas s'étonner si l'assassin de giperes
de familles d'Orléans ne rêve que meurtres et assasinats
et- il est vivement applaudi.
Thibaudeau a été élu président ; les trois nouveaux secré
taires sant , Blad , Laignelot et Bodin.
Boursault , en mission près l'armée de l'Ouest , et qui en
arrive , annonce que si , la guerre de la Vendée est éteinte
celle des Chouans ne l'est pas encore , et doit exciter la
sollicitude de la Convention . Il déclare que c'est à l'Angleterre
que nous la devons ; elle a vomi sur nos isles des
hordes d'émigrés que l'Europe ne veut plus souffrir nulle
part , des voleurs , des fanatiques et des scélérats de toute
espece , et elle. les paie avec de faux assignats . Boursault
apporte des preuves de la correspondance des Anglais avec
les Chouans. On a intercepté, des lettres , on a enlevé des
fusils chargés avec de la poudre anglaise ე , et 35 barils, de
cette poudre. Toute la ci-devant Bretagne est infestée des
Chouans, ees lâches ne marchent que la nuit , ils assassinent ,
(+373)
I
pillent et volent , le danger est prêmant pour l'humanité.
Boursault demande qu'on y envoie des représentans du peuple ,
mais uniquement charges de terminer cette guerre,
Un membre pense que le dernier décret rendu , qui assure
la liberté des cultes , contribuera plus que toute autre mesure
à éteindre ce dernier foyer de guerre civile ; mais il desire
qu'on rende aux ministres du culte catholique la faculté de
rentrer dans leur domicile qui leur a été êtée par plusieurs
députés en mission. Il demande aussi que les comités réunis
fa sent un rapport sur les rebelles qui auraient été inscrits
sur la liste des émigrés. Sur la premiere proposition l'an
observe que le décret relatif au culte annulle tous les arrêtés
qui pourraient lui être contraires . La seconde est renvoyée
aux comités réunis. 76
Genissieux , au nom du comité de législation , fait décréter
qu'à Paris le tribunal de police correctionnelle connaîtra ,
exclusivement en premiere instance et dernier ressoft, 'des'contraventions
à la loi du 5 du présent mois , attribuées ats
tribunaux de districts ; loi qui enjoint aux ci - devant fonetionnaires
publics , destitués ou suspendus depuis le 9 there
midor , de se retirer dans leur domicile respectif.
DesK députés de la commune de Lyon annoncent que
leurs commettans les ont envoyés pour dénoncer Collot
d'Herbois. Ils regrettent de n'être pas arrivés avant le rapport
de la commission des vingt - un ; mais ils assurent
que les pieces qu'ils apportent n'en prouveront pas moins
qu ' est l'ennemi le plus cruel de la vertu et de l'humanité
. Son instruction aux antoiités qu'il avait constituées suffirait
seule pour l'envoyer à l'échafaud . Suivant lui , les
riches , les propriétaires , les commerçans et tous ceux qui
jouissaient d'une certaine aisance , ne faisaient point partie
da peuple. Son peuple était composé de ceux que leur ignorance
ou leur faiblesse rendaient dociles à l'exécution de ses
perfides projets , et ce peuple devait dévorer tout le reste
tels étaient ses principes , et en voici les conséquences. Lyon ,
'scee'tste ville nagneres rivale de manufactures et son commoutes celles de l'Europe par
• ne présente plus que des
ruines et des monceaux de cadavres. Les femmes Y cherchent
inutilement leurs époux et leurs enfans . On n'y trouve aucune
famille qui ne réclame contre l'assassinat de quelqu'un de ses
membres . Collot , dit l'orateur en terminant par cette anec
dote , après avoir fait mitrailler et hacher en pieces dans un
seel jour 216 malheureux sans interrogatoire ni jugement ,
et parmi lesquels se trouvaient des femmes , des enfans et
des vieillards , s'écria dans les transports de sa joie : me voilà
done vengo des sifflets que j'ai essayés sur le theatre de Lyon,
Renvoyé aux comités réunis et à la commission des vingt-un.
Gc 3
( 374 )
BSéance d'octidi ; 18 Ventôse.
Chenier prend la parole et renouvelle la motion écartée
plusieurs fois par l'ordre du jour de la réintégration dans
sleurs fonctions , des députés mis hors de la loi . L'opinion
publique , dit-il , non celle qui vocifere dans les carrefours ou
' agite dans les cafés , ou se dispute l'empire des groupes ,
mais celle qui plane sur la France entiere , rappelle dans votre
sein vos malheureux collegues échappés au fer assassin .
Le grandjour de la justice est venu pour tous . Les représentans
détenus par une mesure que tous les principes reprouvaient
sont rentrés dans la Convention . La parité de cause réclame
la même justice ; 1un homme ne peut être innocent et coupable
tout - à -la - fois. Si nos collegues sont coupables , vous
les enlevez aux tribunaux qui doivent les juger ; s'ils sont
innocens , vous usurpez le droit du peuple. Chenier rapproche
ensuite les lenteurs qu'on a mises à juger de grands
coupables , de la précipitation avec laquelle ceux en faveur
de qui il parle ont été condamnés , et il demande si on sera
plus rigoureux envers les victimes qu'envers leurs boureaux .
Il fait en proposant de décréter que ces membres seront à
l'instant rappellés à leurs fonctions .
*
Bentabolle est le seul qui se présente pour combattre l'opinion
de Chénier , pendant qu'on demande à grands cris d'aller
aux voix. Il exprime ses craintes pour la chose publique
si l'on établit que les décrets rendus depuis le 31 mai l'ont
été par une faction , si l'on vient dire que la Convention
n'était pas libre . Si l'on attaque le 31 mai , dit - il , l'on attaque
anssi la représentation nationale qui a sanctionné cette journée ,
l'on fait le procès à quatre-vingt mille citoyens qui sont venus
ce jour la autour de la Convention , l'on reveille toutes les passions
qu'il faut s'occuper à éteindre . L'on dit que l'on a été
tyrannisé , mais quelle est celui qui s'est opposé à la tyrannie ?
Bentabolle est interrompu par des murmures .
sur ces
Sieyes , que la tribune appellait depuis si long - tems en
vain , succede à Bentabolle. Il détruit ce que vient de dire
Je préopinant , en prouvant l'asservissement de la Convention
depuis le 31 mai jusqu'au 9 thermidor. Il s'étonne qu'on dé-
Jibere pour savoir si on retablira dans leurs droits ceux que
T'histoire tegardera comme les plus honorables victimes de
la tyrannie. Il appelle l'attention de l'Assemblée sur
hommes qui ne cherchent qu'à attaquer la représentation naionale
, à l'avilir. I demande qu'on pese mûrement l'avis
des membres qui , depuis les tems des calamités et d'horreurs
qui viennent de s'écouler n'ont pris la parole que pour
faire sentir la nécessité de rendre à la Convention la plénitude
de son existence ; mais il ne croit pas qu'il convienne
de rendre froidement un décret ordinaire. Il voudrait que
( 375 )
le président écrivit à leurs collegues , que si la Convention a
paru balancer sur la justice qui leur est due c'était par des con
sidérations auxquelles eux-mêmes rendaient hommage.
Le discours de Sieyes sera imprimé et inséré au bulletin .
Merlin ( de Douay ) chargé par les trois comités de faire
an rapport sur cette affaire est annoncé par les applaudissemens
que son arrivée fait naître. Après avoir retracé les
évenemens antérieurs au 31 mai , il examine le décret du
27 frimaire qui a fermé l'entrée de la Convention aux dé
putés proscrits par la tyrannie. A cette époque , celle - ci était
renversée , mais elle se débattait encore à terre et avait près
d'elle une faction qui voulait la relever . Merlin convient
de la contradition que ce décret renfermaait , et qu'il fallait
du courage pour se charger de le présenter. Il termine en
proposant de décréter que les représentans du peuple dénommés
dans les décrets des 28 juillet et 3 octobre 1793 , dont les
dispositions sont annullées , rentreront sur- le - champ dans le
sein de l'Assemblée nationale .
Ce projet de décret est adopté à l'unanimité.
Thibaut observe que la Reyeilliere- Lépan , forcé par les
tyrans de donner sa démission , n'est pas compris dans le décret.
I demande qu'il soit rappellé . Adopté .
Marec demande que Julien ( de Toulouse , auquel les tyrans
ont fait des inculpations graves , obtienne aussi justice . Renvoi
aux comités .
Legendre se plaint de ne plus voir dans la salle les deux tableaux
de la constitution et de la déclaration des droits . Il est
persuadé qu'ils n'ont été ôtés que parce qu'ils gênaient les
ouvriers dans leur travail ; mais il demande qu'ils soient replacés
séance tenante.
Duhem dit qu'on ne veut plus sans doute des droits de
l'homme parce qu'ils ont été proclamés depuis le 31 mai.
Les tableaux sont remis à leur place et répondent
Duhem.,
Séance de nonidi , 19 Ventôse.
André Dumont appelle l'attention de l'Assemblée sur la
journée du 31 mai . Il convient qu'il y a eu un grand nombre
de citoyens trompés sur cette journée et qu'il l'a été luimême
, il en ignorait le véritable but. Les crimes qu'elle a
enfantés , les victimes qu'elle a faites l'ont éclairé . Il demande
en conséquence le rapport du décret qui consacre une fête
en mémoire du 31 mai . Applaudi et décrété .
Pémartin ne suffit pas de frapper sur le jour , il faut
encore en punir les auteurs . Ils sont connus , c'est Pache
et Bouchotte. L'opinant conclut à ce qu'on les mette en jugement
.
Plusieurs membres : Hassenfrats aussi.
Cc 4
( 376 )
Dumont du Calvados ) : Ce ne sont pas les seuls coupables
; Garat , alors ministre de l'intérieur est aussi crininel
qn'eux. Il nous a trompés sur la journée du 10 mars
c'est lui qui a decide le succès de la conspiration du 31 mai ,
après avoir été l'apologiste du 2 septembre.
Bréard defeud Garat pense qu'il a pu être faible , mais
il ne le croit pas coupable. Il doit à la justice de dire qu'il
fut le seul des minis res qui prevint le comité de salit public
de la conspiration du 31 a Cependant il ne s'oppose pas
qu'on examine la conduite de Garat.
Sur la motion de Bourdon le renvoi de ces dénonciations
au comité de sûreté générale est décreté .
Isnard , Louvet et Lesage , députés proscrits , entrent dans
la salle et sont vi ement applaudis . Lesage portant a parole :
Représentans , le peuple dont la tyrannie de Rob, s , irre et
de ses complices n'a pu nous faire perdre la confiance ; le
peuple dont les conjures ont long - tems étouffe la voix saus
changer Topinion , nous appelle , par votre organe , à nos
fonctions. Fidele aujourd'hui comme au 31 mai , le triomphe.
de la liberté et l amour de la patrie seront le mobile unique
de nos actions. Que les défiauces soient à jamais ba nies de
cette assemblée ; ne craignez point qu'aigris par le malheur ,
nous apportions dans vos délibérations des voeux rembrunis
par le sentiment de nos malheurs passés . ( Applaudissemens . )
Que sommes nous devant le peuple français ? Nous avons
souffert , mais nos oppresseurs , nos tyrans n'ont-ils pas aussi
opprimé , tyrannisé le peuple ? Et quand les propriétés
ont été violées , quand le meurtre et l'assassinat ont couvert
de sang le territoire français , quand par- tout le crime
a précipité l'innocence au tombeau , la nation entiere n'at-
elle pas été mis hors des lois ? ( Vifs applaudissemens . )
Nous ne nous souviendrons plus de tant de maux que pour
en empêcher le retour et garantir le peuple francais des nonveaux
coups que voudraient lui porter le royalisme en délire
et le terrorisme en fureur. ( Vifs applaudissemens ) .
Lecointre de Versailles ) : J'aurais desiré que la Convention
eût chargé es comités de faire un rapport sur chacun
des députés mis hors de la loi . S'ils ont fui pour se Sous
traire à la mort , ils peuvent être excusés aux yeux de la
mature , mais si quelques uns d'eux se sont portes dans les
départemens , s'ils ont soulevé les citovens contre la Convention
, s'ils se sont établis ses rivaux , s'ils ont arrêté les approvisionnemens
de Paris pour opérer un bouversement pat
la famine , s'ils ont levé des armées , si le sang français a
coule ; prononcez pour eux une amnistie , à la bonne heure ;
rais les admettre dans votre sein , sans un rapport préalable .
c'est , à ce qu'il me paraît , violer les regles de la justice.
J'ai rempli on devoir , vous ferez le vôte . Lecointre termine
( 377 )
en demandant un rapport dans la décade prochaine. Des
murmures l'accompagnent à sa place .
Merlin (de Thionville ) : Il semble que Lecointre n'a jetté
au milies de nous ce brandon de discorde , que pour détour
ner l'attention de dessus des hommes , dont chaque instant
qu'ils respirent est un crime de complicité à nous imputer.
Le seni moyen de sauver la République , c'est de former an
faisceau qui comprimie les malveillans d'un côté , et les égorgeurs
de l'autre. Merlin fait sentir que trop long- tems on a
parle de rappeller les députés proscrits , qu'il n'était pas au
pouvoir de la Convention de les empêcher de rentrer , etque
demander un nouveau rapport sur cet objet , c'est mettre en
doute si la Convention sera juste ou non , si les droits du
peuple seront violés ou respectés . Il demande l'ordre du jour
sur la proposition de Lecointre.
Bourdon ( de l'Oise ) dit que cette motion est subversive
du gouvernement représentatif ; que lenis collegues ont reçu
comme eux des mandats du peuple souverain , et que s'ils
étaient veuns se présenter avant le décret , on n'aurait pas
eu le droit de les rejetter. Il appuie la proposition de Merlin .
Blad demande qu'on ne s'occupe plus d'une motion aussi
extravagante . Décrété .
Séance de décadi , 20 Ventôse.
l'administration du district de Granvilliers , département de
l'Orne , écrit à la Convention que' plusieurs cultivateurs de cé
district se sont engagés à ne pas vendre leur bled au - dessus du
prix de dernier maximum.
Mention honorable et insertion au bulletin .
les
Foussedoire , au nom du comité de législation , fait décréter
que agens nationaux pour les districts et les administrateurs
de police à Paris , enverront chaque décade l'état nominatif
des détenus dans les diverses maisons d'arrêts de la
République et les motifs de leur détention au comité de sûreté
génera e qui en rendra compte .
Un négociant de Lille réclame une somme de 20,000 liv .
numéraire qui a été trouvée chez lui lors de son arrestation
et envoyée à la trésorerie nationale .
•
en
es
cointre ( de Versailles ) généralise cette proposition , et
emande qu'on rende , à tous ceux qui ont été détenus
numéraire , les sommes métalliques qui leur ont été prises ,
Thibaut : Il sembie que Lecointre s'accole aux ennemis de
la chose publique pour tâcher d'avilir la Convention nationale.
Le comité est sans cesse occupé à faire rendre auk
citoyens ce que les fripons leur ont enlevé . Thibaut demande
T'ordre du jour qui est adopté.
Cambon , au nom du comité des finances , présente la rédaction
du décret concernant les retenues sur les inscriptions
( 378 )
consolidées , les intérêts et rentes foncieres et perpétuelles , et
sur les inscriptions et rentes viageres pour la troisieme année
républicaine Elles seront du dixieme pour le perpétuel , et du
vingtieme pour le viager . Le montant de la retenue sera déduit
sur les sommes qui seront réparties , pour la même année , sur
les propriétés mobiliaires ..
Lesage Senault observe que le drapeau tricolor ne flotte
plus sur le palais national . André Dumont répond que le vent
l'a abbattu , et qu'il aurait été replace sur-le - champ si la tige
de fer qui le porte n'avait été aussi renversée .
$ Un membre du comité des inspecteurs de la salle annonce
que demain il sera replacé . ,
Un autre membre demande que l'acte constitutionnel soit
placé dans la salle, La Convention décrete qu'il sera gravé sur
des tables qui seront suspendues dans la salle de l'Assemblée.
Séance de primedi , 21 Ventôse .
Les sections de l'Observatoire , Lepelletier , la Fontaine-
Grenelle et plusieurs autres viennent féliciter la Convention
d'avoir rappellé à leur poste des mandataires du peuple qui
n'avaient pas démérité de la . Elles dénoncent les membres
de leurs anciens comités révolutionnaires , et demandent la
punition des auteurs de la journée du 31 mai , des massacreurs
des 1er et 2 septembre et de tous ceux qui ont souillé ou
youdraient encore souiller la révolution de leurs crimes . Ces
adresses sont vivement applaudies .
Boissy d'Anglas prononce un discours dans lequel il développe
les moyens , dont les ennemis de la chose publique se
servent aujourd'hui pour s'efforcer de la perdre . Ils affectent.
de vouloir une égalité absolue pour armer le pauvre contre le
riche, et établir le systême agraire . Tous les citoyens sans doute
sont égaux en droits , mais tous ne sont pas égaux en talens , en
verius , en propriétés . L'égalité des fortunes dans la société
civile ne peut jamais être qu'une chimere , et entraînerait la
raine de l'ordre social. Si l'on parvient à faire insurger le
pauvre contre le riche , bientôt il n'y aurait plus d'armées ,
plus d'impôts , plus de subsistances , plus d'industrie , plus
d'ordre , tout rentrerait dans le cahos et dans le néant . Les villes
malheureuses où l'on a entrepris de faire l'essai de ce systême ,
nous en offrent l'exemple désastreux . Qu'on se rappelle ce qui
s'est passé à Lyon , Nantes et Marseille.
1
Boissy compare ensuite le régime sage et libre d'une répu
blique constituée sur la justice , au régime royal suivi de sa
noblesse , ses dimes et ses corvées . Il prouve que l'expression
du million doré n'a été imaginée que pour fomenter des haines
et allumer la guerre civile .
Il termine en demandant des lois repressives contre les par(
379 )
f
tisans de la royauté , et une adresse au peuple pour l'éclairer
sur les maneuvres de ses ennemis .
Legendre dit que la meilleure adresse est d'oublier les haines
et les passions particulieres , de donner l'exemple de la fraternité
, et d'immoler tout ressentiment sur l'autel de la patrie .
" :
Bourdon ne veut point de nouvelles lois contre les roya
listes . Ce serait manifester l'impuissance des premieres , et
descendre de la hauteur républicaine où les Français sont parvenas
. La meilleure adresse est de retirer des assignats de la
circulation et de fixer le mode dont nous traiterons avec les
puissances de la paix qui doit amener le bonheur du peuple .
Rewbel On répand des inquiétudes sur les subsistances .
on parle de la constitution de 1789 , c'est - à- dire , d'un roi ;
comme si un roi ponvait donner du pain , comme s'il donnait
autre chose que des fers . On veut déverser sur la Convention
des soupçons de reyalisme. La Convention est républicaine
, elle le proclamera à la face de l'univers . Toute
Assemblée se leve et fait retentir la salle d'acclamation .
Rewbel demande que la premiere proposition de Boissyd'Anglas
soit renvoyée au comité de legislation pour préciser
les délits du royalisme , et leur appliquer dans certains cas
la peine de la déportation . Sa motion est décrétée ,
Chasal , au nom du comité de salut public , dissipe les
alarmes qu'on repand depuis quelques jours en publiant que
Paris est environné de 40,000 cavaliers armes . Le fait est
que le gouvernement a appellé 450 hommes pour la police
des marchés et protéger l'arrivage des subsistances .
Louvet C'est le moment de reconnaître que les républicains
des départemens qui se sont levés pour venir à Paris ,
ne marchaient pas contre leurs freres républicains , mais
contre les factieux , pour défendre la représentation nationale
.
Tallien déclare que cette demande impolitique serait un
nouveau tison de discorde jetté dans les départemens ; personne
ne veut , dit-il , faire l'apologie des scélérats qui ont livré
Toulon aux Angla's , ou qui ont été se joindre aux rebelles
de la Vendée .
La proposition de Louvet est écartée par la question préa
lable .
PARIS . Quartidi 24 Ventôse , l'an 3. de la République.
La rentrée des députés , mis hors de la loi , a produit
dans tous les esprits un sentiment de satisfaction qui
prend sa source dans les idées de justice et dans le retour
aux principes que la plus horrible tyrannie était
( 38% ))
parvenue à faire disparaître . Il est assez remarquable que
les sections de Paris soient venues féliciter la Convention
sur cette rentrée , tandis que moins de deux ans
auparavant elles avaient mis tnt de chaleur à solliciter
leur proscription . Ce contraste n'est pas seulement une
preuve des progrès de opinion publique ; c'est une
attestation solemnelle de la liberté qui préside aujour
d'hui à toutes leurs démarches . Jamais le peuple de
Paris n'a eu l'intention de porter atteinte à la représentation
nationale . Ce n'est pas lui qui entourait le
10 mars la Convention de poignards , provoquait et
exécutait les honteuses journées du 31 aai et du 2 juin.
C'était un amas de brigands excités par Robespierre et
ses complices , et par une municipalité qui servait le
crime en même tems qu'elle le soudoyait . Ils avaient
commencé par chasser les bons citoyens de leur section
, et traînant après eux tout ce qu'il y avait de plus
impur ou de gens égarés , ils étaient venus , Hanriot
à leur tête , dicter insolemment des lois aux représen
tans de la nation entiere . Les sections eussent été alors
ce qu'elles sont aujourd'hui , si elles n'eussent été opprimées
par les plus vils scélérats .
1
Parmi les membres rentrés , au nombre de plus de
vingt -deux , on en compte plusieurs connus par leur
mérite autant que par leur inflexible courage à lutter
contre la faction oppressive ; tels sont Isnard , Lanjuimis
, Louvet , Lareveillere - Lepaux , Fermont , Chassey ,
Doulcet-Pontecoulent , Kervelegan et Lesage. On
ignore si Pétion et Buzot existent encore . Si l'on en
croit une note de Louvet dans ses mémoires , il est
probable qu'ils ont péri . On s'attend que ce nouveau
renfort va donner à la majorité de la Convention toute
la prépondérance nécessaire pour sortir de l'effroyable
cahos où l'on a plongé la République ; mais on s'at
tend aussi , et l'intérêt de la patrie l'exige , que tous
les anciens ressentimens , toutes les vieilles passions
seront sacrifiées au besoin impérieux de réparer le
passé , et de ne plus voir que l'avenir. Plus de faiblesse
pour le crime , mais de l'indulgence pour l'erreur. La
chose dont on doit le plus se défendre en révolution ,
c'est tout mouvement précipité dont on n'aurait pas
assez calculé l'effet dans une grande assemblée . Il est
des choses qu'il faut laisser à l'opinion ; il en est d'autres
qui , bonnes en soi , ne le sont pas relativement aux
eirconstances. En tout , il ne faut pas perdre de vue
1
((381 ))
que l'opinion d'un , législateur représente jusques dans
la plus petite chose l'intérêt et la dignité d'un grand
peuple.
Il est facile de juger , par le discours de Boissyd'Anglas
dans la séance du 21 , que la malveillance s'agite
en tout sens pour tirer profit de la révolution du
thermidor. On a toujours remarqué , dans la révolu
tion , que l'aristocratie s'est , pliée à toutes les formes
pour s'amalgamer à tous les mouvemens bons ou mauvais.
Nagueres elle était en bonnet rouge , siégeait aux
jacobins , et il n'y avait pas de plus ardens révolutio
naires . Aujourd'hui , elle fait la guerre aux terroristes
aux buveurs de sang ; autre tems , autre masque ; mais .
ces hommes qui ont tant nui aux, vrais patriotes , en
se mêlant avec eux , sement sourdement les espérances
du rétablissement de la royauté. C'est par le discrédit,
des assignats , par l'agiotage , par le renchérissement des
denrées et des marchandises , par l'alarme sur les subsistances
qu'ils comptent y parvenir. Ils croyent que i
l'on ne peut se relever qu'en s'appuyant sur un trône.
Insensés ! ils ne savent donc pas que les rois ne donnent
que des fers , et qu'à l'état de souffrance où nous sommeɛ,
nous n'aurions fait qu'ajouter la servitude . C'est vers
ces objets que la Convention doit tourner toute sa sollicitude
. On a parlé de la formation d'une bourse pourréprimer
l'agiotage , et elle n'est pas encore établie . On
sent le besoin de diminuer la masse des assignats en
circulation , et cette opération marche avec une extrême
lenteur. De grands coupables intriguent du fond de
leurs prisons , et ils ne sont pas en jugement . La tran
quillité publique ne commencera à se rétablir que lorsque
ses plus infatigables ennemis seront dans l'impuissance de
nuire. D'un autre côté , on cherche à donner une fausse
direction à l'opinion , on abuse du nom de jeunesse
parisienne pour se livrer à des excès repréhensibles
comme on abusait du nom du peuple , pour le porter à
des mouvemens désordonnés . Que la Convention se
défie des faux amis ; ils nuisent souvent plus que les
ennemis déclarés .
་
On parle beaucoup de réunir l'ancien clos des Char
treux au jardin du Luxembourg . Depuis que celui - ci a
été mutilé par les spéculations fiscales des anciens agens
d'un prince émigré , cette magnifique promenade , qui
( 382 )
appellait les méditations des Rousseau , des Diderot , des
Grébillon,n'offre plus qu'une étroite etaride enceinte dont
les allées se dégradent et s'éclaircissent tous les jours . Le:
clos des Chartreux offrirait un supplément vaste , où l'agréable
ne ferait rien perdre à l'utile . Si l'on établit au
palais du Luxembourg une bibliotheque , comme il en est
question , les allées , les bosquets , les promenades qui
y seraient jointes , rappelleraient les jardins du Lycée
ou de l'Académie , ou après avoir écouté les leçons de
Platon , ses disciples allaient se livrer aux douces rêve- .
ries et aux utiles méditations qu'elles leur inspiraient.
Ce quartier a été si maltraité par les événemens de la
révolution , par une translation de population , par la
suppression de l'unique " spectacle qui l'embellissait
qu'on lui doit un dédommagement qui lui redonne
quelque valeur et quelque activité . Nous appellons sur
cet objet l'attention de l'administration publique .
On a inséré dans divers journaux , sur la foi des gazettes
italiennes , un article portant que Maroc et Alger s'étaient
déclarés contre la République , et avaient accédé à la coali
tions, tandis que les régences de Tunis et de Tripoli étaient i
fortement prononcées en notre faveur .
La premiere partie de cet article est absolument fausse ; ×
voici le fait .
S
751
Le royaume de Maroc est depuis deux ans déchiré par la
guerre civile , dont la balance paraît enfin pencher en faveur
de Muley -Soliman . Ce prince s'est toujours montré ami des
Français . La République vient d'envoyer auprès de lui un
agent qu'il connaît et qu'il aime . Get agent est parti il y a
deux mois .
Lé dey d'Alger a demandé tout récemment l'établissement
de paquebots entre la France et Alger , pour avoir le plus
promptement possible des nouvelles authentiques des triomphes
de la République , qu'il admire jusqu'à l'enthousiasme , Toutes
les ressources de ce pays nous ont été ouvertes pendant la
durée de la guerre , elles le sont encore , et de caractere franc
et loyal do dey d'Alger nous garantit la continuation de ses
dispositions amicales .
Le bey de Tunis a donné à la République des preuves non
équivoques de la fidélité avec laquelle il observe les traités .
Une escadre anglo - espagnole arriva l'année passée dans la
rade de Tunis , elle le somma de livrer un convoi français
très- riche qui se trouvait alors dans le port . Le dey refusa ;
sa conduite ne s'est jamais démentie .
Le nouveau pacha de Tripoli paraît avoir des amis dans
le ministere ottoman , dont les dispositions à l'égard de la
!
( 383-))
République sont connues. Le consul de la République est ,
de tous les agens des puissances étrangeres , celui auquel il
montre les plus grands égards . Il est dans ce moment en guerre
avec le bey de Tunis , d'où il résulte que si l'un et l'autre sont
nos amis , ce n'est point par un systême politique concerté
entre eux , comme l'article inséré dans cette feuille paraît le
supposer.
A
Du 20. On mande de l'Orient que le convoi parti de ce
port le 27 pluviose , au nombre de trente voiles , sous l'escorte
de trois corvettes , ayant été sépare et dispersé à la hau ,
teur de l'Isle - Dieu , le 28 , par un coup de vent , environ
douze des bâtimens se rallierent , et fireut route , le 3 ventôse ,
pour entrer dans le perthuis d'Antioche , et se mettre à
l'abri dans les rades de la Rochelle , et que neuf out été pris
par trois fregates anglaises qui croisaient depuis l'entrée de
la riviere de Bordeaux jusqu'à l'ouverture du perthuis . De ce,
nombre , le bâtiment le plus intéressant est le navire le Courierde-
Cayenne , de Bordeaux , capitaine Mille , chargé de poivre:
et autres marchandises de l'Inde ; le chargement des autres ,
est de peu de valeur , trois ou quatre out même été coulès ,
ou brûlés . G
On assure que la frégate la Romaine , capitaine Chambon ,
est arrivée le 5 nivôse sur la rade de Cherbourg.
On apprend aussi que le navire français la Galathée , de
deux cents tonneaux , capitaine Porée , allant de Bordeaux au
Havre , chargé de vin , sucre , cafe , etc., est entre à Port-
Malo.
On mande de Toulon , le 11 ventôse , que l'armée navale
a appareillé le même jour. Elle est composée de 15 vaisseaux
dont un à 5 ponts , 3 de So canons , de 5 bégates , une corvette
et quelques brikes . Uu convoi , armé de 20,000 hommes ,
est aussi prêt à mettre à la voile .
*
Le proces de Fouquier - Tinville va enfin reprendre. On
parle d'une nouvelle horreur qui est au nombre des pieces
du procès. Dans la fameuse couspiration du Luxembourg ,
48 accusés ont été exécutés , le même jour 21 messidor , sans
qu'il existe de jugement , de condamnation . Quel abominable
ferocité ! c'était assez d'assassiner avec des formes ; mais dédaigner
la plus essentielle de toutes , celle de la condamnation
! Exécuter sans juger ! oser , au milieu de Paris , égorger,
au nom de la loi , 48 citoyens que la loi n'a pas condamnes ,
voilà ce qu'on ne soupçonnait pas encore.
2
On dit , au reste , que les familles de ces malheureuses victimes
réclament auprès de la Convention , et que leur mémoire
va incessamment paraître . Ce sera une page de plus à
ajoutez à cette affreuse époque de notre histoire.
( 384 )
On ne doute pas que la Convention ne regarde comme
nulle la confiscation des biens , car la confiscation ne peut
exister , d'aue part , qu'avec une condamnation à mort ; de
l'autre , qu'en vertu d'un jugement : or , il n'y a eu ici ni
Fun ni l'autre. Le principe politique va donc , comme dans
l'affaire de l'infortuné Loiserolles , céder au principe de
justice.
*
Dans celle -là , il n'y avait pas d'acte d'accusation ; dans celleci
, il n'y a pas de jugement de qui assurément est pis encore.
Le patriote Escal dira peut-être que voilà 48 confiscations qui
échappent à la République , lorsque dans l'affaire de Loiserolles
elle n'en perd qu'une ; mais la réponse sera simple ;
S'il y a ,dans le trésor national 47 confiscations de moins ,
c'est qu'il y a eu 47 assassinats de plus.
Quelques papiers publics avaient publié que Goulin , l'on
des megbies du comité révolutionnaire de Nautes , s'etait
empoisonné dans les prisons de Paris . Le fait est faux ; Goullin ,
vit encore. Ce bruit , probablement , ne s'est répandu qu'à
l'occasion des douleurs que ce détenu a ressenties des suites ,
d'un empoisonnement qui faillit le faire périr , il y a quelque
tems , à Bordeaux .
L'armée du Nord commence à se mettre en mouvement ;
la cavalerie a déja pris les devans et va se rassembler sur
les bords du Rhin ; ses deuxieme et cinquieme divisions,
sont destinées à joindre l'armée de Sambre et Meuse , et le
général Morean commandera en chef l'expédition militaire
qui a pour objet de bloquer Wesel et d'en debusquer les
alliés , qui ont rassemblé des forces considérables dans ceue.
partie. Le général autrichien Clairfayt , qui avait détaché un
très - gros corps de son armée pour Mayence vient de le
rappeller , et ce corps passera du côté de Munster.
P. S. Dans la séance du 23 , on a continué la discussion sur
les attributions du comité de salut public concernant les relatiens
extérieures , - Mathieu , au nom du comité de sûreté
générale , a dénoncé à la Convention deux affiches , intitulées :
Peuple , réveille- toi , il en est tims. Imprimerie du 10 août et
du 31 mai, — L'autre ayant pour titre 4u peuple , vérités
terribles , mais indispensables , tirées de Rousseau , Mably , Raynal. ་
Ces deux affiches ont été placardées pendant la nuit. Elles
donnent des inquiétudes sur les subsistances , avilissent les
assignats ; elles excitent le peuple au pillage ; elles attaquent
une partie de la Convention , contre laquelle elles excitent les
ouvriers à marcher. Le comité de sûreté générale a pris toutes
les mesures nécessaires pour le maintien de la tranquillité , et
pour rechercher les auteurs de ces affiches libertieides . Lo
comité de salut public a pris aussi des mesures pour les approvisionnemeas
de la République ,
-
( No. 36. )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 30 VENTOSE , l'an troisieme de la République.
( Vendredi 20 Mars 1795 , vieux style . )
NOUVELLES LITTÉRAIRE S.
LE PETIT - COUSIN DE BERQUIN , ou les Délassemens du
premier âge , ouvrage contenant des historiettes amusantes
et morales , à l'usage des enfans . A Orléans , chez BBRTHEVIN
et RIPAULT , libraires ; et à Paris , chez AUBRY
Tue Baillet , no . 2 ; CRETTE , libraire , passage de Moliere;
LUCET , directeur du bulletin de littérature , rue du Croissant
, nº . 16 ; et chez tous les libraires et directeurs des
postes de la République. Le prix de l'abonnement est de
13 liv . 10 sous pour six numéros , de 72 pages chacun
franc de port.
Le titre de cet ouvrage rappelle un souvenir cher
>
aux lettres , et sur- tout à l'enfance. Berquin en avait été
l'ami ; il parlait son langage ; son ame douce et sa raison
cultivée s'étaient rapprochées de celles des enfans : il avait
étudié leurs inclinations , leurs goûts , leurs défauts ; il
vivait en eux et avec eux , et personne ne connaissait
mieux que lui l'art difficile de rendre l'instruction aimable
, et de donner à la morale qui leur convient
les formes ingénieuses du drame et l'intérêt de la
fiction.
C'est honorer sa mémoire que de marcher sur ses
traces , et de vouloir être de sa famille , mais c'est en
même tems se charger d'un héritage qui dépérit s'il n'est
amélioré . Les éditeurs de ce petit recueil ne se dissimulent
point la difficulté de l'entreprise . C'est glaner,
disent- ils , dans un champ où Berquin a fait une moisson
abondante ; et il y aurait une certaine témérité à traiter
un sujet qu'on regarde comme épuisé par lui , si les
vertus et les défauts de l'enfance ne se reproduisaient
sous mille formes différentes , susceptibles d'être peintes
d'autant de manieres ; et si nous comptions assez peu
sur l'indulgence des merès pour craindre qu'elles ne
Tome XIV.
Ded
( 386 )
favorisassent pas une entreprise formée par le desir sincere
d'être utile à la portion la plus intéressante , et jusqu'
ce moment la plus négligée de la société . ",
Cinq historiettes composent le premier numéro. Les
deux plus importantes sont Marianne et Catherine , et le
Jour de Congé. Voici le sujet de la premiere .
Hortense , restée veuve à 25 ans , se consacre entierement
à l'éducation de ses deux filles , Eléonore et
Pauline . Marianne était leur bonne , et secondait parfaitement
les soins de la mere . Cette excellente fille
meurt , et les enfans sont inconsolables de sa perte .
Hortense prend alors la place de la bonne , et promet
de leur en donner une autre , lorsqu'elles auront trouvė
une seconde Marianne . A quelque tems de là , Lucile
leur couturiere leur raconte les malheurs d'une veuve
respectable , qui pendant 28 ans a consacré son travail
et épuisé sa petite fortune , pour nourrir sa mere infirme.
Ne pouvant plus travailler , et réduite à la plus
affreuse misere , elle est recueillie par Lucile . Eléonore
et Pauline attendries à ce récit courent demander à leur
maman qu'elle leur donne Catherine pour bonne.
C'était le nom de cette veuve infortunée . La mere
résiste , mais elle cede enfin aux pressantes sollicitations
de ses filles et à l'impression que fait le malheur et la
vertu sur leur ame sensible . Eléonore et Pauline ób
tiennent d'accompagner Lucile pour annoncer cette
nouvelle à Catherine , qui dès le soir fut installée comme
gouvernante auprès de ces aimables enfans .
Ce fonds est simple ; mais les détails en sont touchans
, la narration facile et le dialogue naturel . La
moralité se trouve dans les bons sentimens qu'inspire
la mere à ses deux filles , et dans l'intérêt que celles- ci
prennent aux malheurs de Catherine qui devient pour
elles un modele de piété filiale .
Le Jour de Congé est d'un autre ton . Célestine et
Félix obtiennent de leur mere un jour de congé
pour les récompenser d'avoir bien travaillé pendant
un mois ; mais un congé bien complet ; point
de leçons , point d'étude , point de travaux. La mere
y consent. Mais prenez bien garde , leur dit - elle , de
yous ennuyer , et sur - tout n'allez pas vous quereller.
Les enfans promettent. Félix , ivre de joie , ne rêve
qu'au bonheur du lendemain . A peine est-il jour , qu'il
court pour éveiller sa soeur. Célestine aime mieux dor
mir. Ce n'est qu'après une grande heure qu'il parvient
( 387 )
la faire sortir de, son lit , et qu'après une autre heure
qu'elle est habillée ; et ce beau jour , l'objet des desirs
de Félix , commence sous les auspices de la bouderie.
Parmi les projets d'amusemens , ils avaient compté une
promenade au jardin , où ils se promettaient de varier
leurs jeux de mille manieres . Une grande pluie les oblige
à rester dans la chambre . On essaie plusieurs jeux , et
on s'en dégoûte . La mere avait fait cadeau à Félix d'une
armée en plomb , et à Célestine d'une jolie poupée ..
Félix s'empare d'une table de marbre , où il range en bataille
son arméé . Amis , ennemis , cavaliers , fantassins ,
généraux , officiers , soldats , tous sont mis à leur rang
et avec leur uniforme distinctif, sans même oublier l'artillerie
. Célestine , de son côté , habille sa jolie poupée ,
dont la garde - robe était des mieux mortée . Chacun de
ces enfans desire d'associer l'autre à son bonheur ; Félix
brille d'envie de voir Célestine applaudir à l'ordonnance
de son armée . La petite - fille desire que son frere quitte'
ces vilains régimens pour venir contempler l'élégante
tournure des habits de sa poupée . Célestine attache fort
peu d'intérêt aux dispositions militaires ; Félix traite
festement la toilette de la poupée ; la querelle s'engage
, la mere survient et les met d'accord en faisant
sentir à Félix que s'il n'aime pas à jouer à la poupée , il
serait aussi peu raisonnable à une fille d'aimer les régimens
de plomb et tout l'attirail militaire . Chaque sexe
doit garder , même dans l'enfance , son caractere ét ses
inclinations naturelles . La mere leur rappelle ce qu'elle
avait predit , que la journée ne se passerait pas sans
querelle. Elle se charge de l'amusement du reste de
la journée qui se passe en jeux , en lectures amusantes ,
en goûté fort gai que leurs camarades vinrent partager
avec eux ; et nos heureux enfans tirerent de cette aventure
cette leçon , qu'ils devaient une autre fois se reposer
sur leur mere du soin de disposer de leur tems , persuadés
qu'elle saura , par un partage heureux , leur rendre leurs occupations
agréables l'une par l'autre.
Telle est l'idée que l'on peut prendre du genre et de
l'objet de ces petites historiettes . Le Petit- cousin de Berquin
ne le fera point oublier , mais il peut servir , comme
lui , à l'instruction et à l'amusement de l'enfance. Cette
entreprise , formée par un jeune auteur , mérite d'être
encouragée .
-Dd g
( 388 )
MÉLANGES.
SUITE DE LA LETTRE DU REDACTEUR , contenant la revue
de quelques écrits relatifs à la révolution.
L'Agonie de dix mois ou historique des traitemens essuyés
par les députés détenus , et les dangers qu'ils ont couru pendant
leur captivité. Tel est le titre d'une brochure où
Blanqui , l'un de ces députés, apprend au public tout ce
que ses collegues et lui ont eu à souffrir depuis le
3 octobre , qu ils furent arrêtés , jusqu'au 18 frimaire
qu'ils ont été rappellés à leurs fonctions. On les voit
traînés de prison en prison , de la Force aux Magdelonettes
, des Magdelonnettes aux Bénédictins - anglais
de là aux Fermes -générales , puis à la caserne des Carmes ,
et par- tout exposés aux angoisses , aux mauvais traitemens
, aux piéges qui leur étaient tendus pour avoir un
prétexte de les envelopper dans une prétendue conspiration
des prisons , condamnés aux plus grandes privations
, et attendant chaque jour , mais avec patience et
tranquillité , que la derniere heure eût sonné pour eux.
Il parait que le 9 thermidor devait être marqué par
le massacre général de tous les prisonniers dans les
diverses maisons d'arrêt. Ce même jour , dit Blanqui ,
( c'était aux Bénédictins- anglais ) entre 4 et 5 heures du
soir, deux hommes armés , ayant le concierge à la tête ,
paraissent dans le jardin , en examinent toutes les parties
, et affectent sur- tout de bien remarquer la portion
du bâtiment que nous occupions , ensuite ils disparaissent.
Le soir , on nous fait rentrer une heure plutôt
qu'à lordinaire. On demande la cause d'une pareille
nouveauté on répond que les jours ayant diminué , il
faudra dans la suite se retirer de meilleure heure . La
raison paraît plausible , et chacun rentre chez soi paisiblement.
Cependant les sentinelles sont doublées . Celles
qui sont dans le jardin chargent leurs fusils , et s'annoncent
prêtes pour 11 heures . On se demande ce que
tout cela signifie , personne n'en sait rien . Peu de tems
après le tocsin se fait entendre ; des rassemblemens se
manifestent autour de la prison ; nos inquiétudes
augmentent : quelques mots saisis dans le brouhaha du
rassemblement annoncent l'arrestation de Robespierre,
et complices. Bientôt plusieurs hommes , un sabre nud
1
( 389 )
à la main , et le concierge à la tête , se présentent de
chambre en chambre , et nous intiment l'ordre de nous
coucher , et qui plus est de mettre bas nos habillemens ,
et , le croira-t -on ? nos culottes . Les scélérats ! ils voulaient
avoir leurs victimes toutes prêtes , sans courir
aucun danger ! Cette visite se répete de quart- d'heure
en quart- d'heure pendant toute la nuit qui fut des plus
alarmantes . Enfin , le lendemain nous fûmes avertis que
la victoire remportée par la Convention nationale sur
les Nérons de la France nous avait sauvés d'un massacre
général dans les prisons .
Vous trouverez à la fin de cette brochure quelques
anecdotes qui serviront à vous faire connaître le degré
d'oppression et le rançonnement qu'on exerçait sur les
prisonniers, L'un d'entre eux , après que les communications
eurent été défendues avec plus de sévérité qu'au
paravant , s'écria : Eh quoi ! trois mille livres ne suffisent donc
pas pour voir ma femme ? Questionné sur le sens de cette
phrase , il avoua avoir donné cette somme pour obtenir
la permission de voir sa femme trois fois par décade . Il
y a plusieurs traits du même genre . Mais au milieu de
cet oubli de tous les sentimens d'humanité , on aime à
retrouver de loin en loin plusieurs traits qui l'honorent.
Blanqui parle avec intérêt du caractere bon et sensible
du concierge de la Force . Cet homme qui n'avait point
dégradé ce titre , au milieu du régime féroce des prisons
, mérite d'être nommé ; il s'appelle Ferney . Ses
égards éclataient sur-tout envers les députés . Un jour
que les administrateurs de police étaient venus à minuit
procéder à l'enlèvement des armes , l'un d'eux s'était
jetté nonchalamment sur le lit où était couché un député.
Citoyen , lui dit Ferney , es- tu venu pour insulter au
malheur ignores - tu que c'est un représentant du peuple qui
est couché dans ce lit? L'administrateur se leva tout honteux
qu'un guichetier lui eût donné des leçons de
conduite.
Une autre fois , après qu'un arrêté du comité eut défendu
aux guichetiers de boire avec les détenus , à qui
on avait enlevé tout moyen d'avoir du vin , Ferney ,
touché de compassion pour les vieillards et les infirmes ,
leur dit : Citoyens , si la loi défend aux guichetiers de boire
avec les détenus , elle ne défend pas aux détenus de boire avec
le guichetier ; quand vous aurez besoin d'un verre de vin.
passez au guichet , vous trouverez toujours sur la table une
bouteille à votre service. Quand la loi révolte la nature a
Dd 3
) 3go )
il faut que le législateur s'attende à voir la nature éluder
la loi.
Le mépris de la vie était aussi grand à la Force que.
par- tout ailleurs ; c'est l'effet ordinaire des tyrannies .
Quand la vie est à charge , on n'y tient plus. Lors de
la fournée connue sous le nom des chemises rouges , un
détenu avait reçu son acte d'accusation , et attendait à
tout moment les gendarmes pour être traduit au tribunal
redoutable. Il était musicien , et se souvient toutà-
coup qu'un détenu de ses amis lui avait demandé une
arietta . Aussi- tôt il rentre dans sa chambre , il copie l'ariette
, et revient à son ami . Mon cher , lui dit- il , voilà
ten affaire la musique est bien , je viens de l'essayer sur ma
flûte. Je suis fâché de ne pouvoir t'en fournir davantage ;
demain , je ne serai plus . En effet , le lendemain il fut
exécuté.
De toutes les anecdotes , la plus touchante est celle
d'une jeune fille de 12 ans qui , oubliant tous les goûts ,
tous les plaisirs de son âge , s'était pour ainsi dire identifiée
avec le sort des malheureux députés. Je ne puis
me refuser au plaisir de transcrire en entier le récit qu'en
fait Blanqui . C'est un de ces grands caracteres qui
honorent d'autant plus l'humanité , qu'ils se montrent
dans une classe plus rapprochée de la nature et de ses
bons sentimens.
" Notre collegue Laurenceot , dit Blanqui , était logé ,
avant sa détention , chez la citoyenne Brionville . Cette
femme respectable , tailleuse de profession , à une fille
d'environ 12 ans , d'une figure agréable , d'une éducation
soignée , sachant bien la musique , chantant à ravir , et
sur- tout possédant un coeur qui promet à ses parens un
ample dédommagement des sacrifices qu'ils ne cessent
de faire pour lui procurer une bonne éducation .
,, Immédiatement après notre emprisonnement , cette
enfant ne manqua pas de venir faire une visite à son
hôte détenu . Là , elle fit la connaissance d'autres députés.
Son caractere intéressant se manifesta bientôt ,
et il se fit un échange réciproque de sentimens qui ne
sont connus que des ames généreuses .
Dès-lors , le plaisir pour elle de voir ses députés ,
c'est ainsi qu'elle les appellait , et pour ceux - ci de
voir cet ange consolateur , devint un besoin. La difficulté
d'obtenir l'entrée de la prison ne la rebutait point . La
patience , la docilité , la complaisance , les prieres , le
dépit , la ruse , tout était employé par elle . Quelque(
391 )
fois , c'était après des journées entieres d'une attente
pénible et persévérante , qu'elle obtenait enfin la per
mission de venir nous consoler par sa vue , et nous
charmer par ses accens mélodieux . La rigueur de la
saison ne l'arrêtait point : souvent , nous l'avons vue
arriver déguisée en garçon, sous une mince carmagnole ,
portant à la main des sabots que ses tendres pieds n'avaient
pu supporter dans sa course , ou qui s'opposaient
à l'empressement qui la faisait voler , et elle préférait
ainsi de traverser tout Paris , à pieds nuds , dans la neige.
que de reculer de quelques instans le plaisir de voir
ses députés. Courant sans cesse de la Convention aux
jacobins , et des jacobins dans les groupes , elle écou
tait tout , retenait tout , et venait aussi- tôt nous en faire
le rapport à la prison . Rarement c'étaient des nouvelles
consolantes , mais elle en adoucissait l'amertume par
ses exhortations à la résignation et à la dignité convenable
à des représentans. Dans les accès de sa fievre
généreuse , elle voudrait être sur la même charette qui
devait nous conduire au supplice , pour mourir avec
nous , et nous apprendre comment on meurt quand on
meurt innocent , et pour le bien de sa patrie ; mais elle
ne voudrait pas être à côté de lâches , elle en serait
désolée . Puis recourant aux charmes de sa voix enchanteresse
, elle cherchait à insinuer dans nos ames le
baume de la consolation , par des ariettes analogues et
à propos . En voici une tirée d'Edipe .
Du malheur , augustes victimes ,
Mettez un terme à vos regrets .
Quand le coeur est exempt de crimes ,
Du sort on doit braver les traits .
Que votre ame en paix s'abandonne
Anx soins que nous prendrous de vous ;
Pour vous servir , nous aurons tous
Le zele et le coeur d'Antigone.
2
" On avait beau nous traîner de cachots en cachots ,
elle nous suivait par- tout , par-tout elle cherchait à pénétrer
jusqu'à nous et souvent , lorsque nous y pensions
le moins , nous la voyions arriver toute triomphante
d'avoir réussi à apprivoiser les intraitables cerberes
qui repoussaient impitoyablement tout ce qui se
présentait. Enfin , lorsque nous fâmes dispersés dan
Dd
1
( 392 )
cinq maisons différentes , elle passait souvent des jour
nées entieres à courir de prison en prison pour visiter
tous ses députés.
" Aimable enfant , puisse la reconnaissance , à laquelle
tu as acquis tant de titres , être le moindre des devoirs
que nous avons à remplir envers toi ! Puisse l'hommage
que je me plais à rendre à tes vertus naissantes , te
servir de stimulant pour développer tous les sentimens
généreux dont les germes t'ont été prodigués par la
nature ! ,,
Si votre ame se sent assez de force pour soutenir le
récit plus détaillé des horreurs qui se commettaient
dans les prisons , et de la boucherie qui a marqué chaque
jour le calendrier des tyrans , lisez les Souvenirs d'un jeune
prisonnier , ou Mémoires sur les prisons de la Force et du
Plessis ; les Mémoires d'un détenu pour servir d'histoire à la
tyrannie de Robespierre , et joignez-y l'Almanach des prisons
avec sa suite : vous aurez les annales complettes du
crime et de la férocité.
J'ignore quel est le jeune prisonnier qui a peint la Force
et le Plessis . Au milieu d'un grand désordre dans les
idées et dans le style , on y trouve un intérêt vif et
soutenu , une profonde indignation contre les execrables .
bourreaux de leur patrie , une foule de réflexions qui
sortent brûlantes d'une ame tout - à- la - fois sensible et
énergique , et beaucoup d'anecdotes particulieres .
On m'assure que les Mémoires d'un détenu sont du jeune
Riouffe ; ils sont écrits d'un style plus pur , et ne sont
pas d'un moindre intérêt. C'est la Conciergerie dont il
offre le tableau sous ses traits les plus hidoux , c'est- àdire
les plus vrais . Les plus illustres victimes immolées
à la fureur des bourreaux révolutionnaires , y paraissent
revêtus de leur véritable caractere. C'est là que vous
verrez Vergniaud , Gensonné , Ducos , Fonfrede , Valazé et
leurs collegues , plus grands , plus augustes , plus dignes
d'admiration , que lorsque du haut de la tribune ils
faisaient entendre leur voix tonnante contre la tyrannie .
Les derniers instans , les dernieres paroles , les derniers
sentimens de l'héroïque et vertueuse Roland , de Custine
fils , de Bailly , de Houchard , de la Marliere , de Giré-
Dupré , de Beysser , du vénérable Malsherbes , et d'une
foule d'autres victimes , y sont peints avec un intérêt
qui déchire l'ame , en même tems qu'elle y fait naître
les impressions les plus sublimes .
( 393 )
En général , deux grands caracteres marquent cette
horrible époque de la révolution ; l'un est l'humanité
dans tout ce qu'elle a de plus féroce , de plus vil , de
plus sanguinaire , de plus dégradé dans les persécuteurs ,
l'autre , de tout ce qu'elle a de plus courageux , de plus
grand , de plus calme , de plus intrépide et de plus vertueux
dans les persécutés . Ce sont les femmes sur -tout ,
ces jeunes femmes si faibles , si délicates , si sensibles ,
qui étonnent par leur fermeté , par leur patience , par
leur inaltérable douceur , par leur tendresse pour leurs
enfans , et leur dévouement pour leurs époux .
Voici un trait parmi mille autres , qu'on lit dans les
Souvenirs d'un jeune prisonnier.
-
-
" La cour où pendant la triste durée des jours , nous
pouvions respirer un peu d'air , et beaucoup d'ennui ,
était séparée par un seul mur du département occupé
par les femmes. Un égoût était la seule communication
possible . C'est là que se rendait tous les matins ,
et chaque soir , le petit Foucaud , fils de la citoyenne
Kolly , condamnée à mort , et qui depuis a subi son jugement.
Ce pieux enfant ! qui , à peinen adolescence
, connaissait déjà toutes les miseres de la vie ,
s'agenouillait devant cet égoût infect , et la bouche
collée sur le trou , échangeait les sentimens de son coeur.
contre ceux de sa mere ! C'est là que son plus jeune
frere , âgé de trois ans , le seul compagnon de ses derniers
momens , beau comme l'amour , intéressant comme
le malheur , venait lui dire : - Maman a moins pleuré
cette nuit , un peu reposé , et te souhaite le bonjour ;
c'est Lolo , qui t'aime bien , qui te dit cela. Enfin c'est
par cet égoût que cette malheureuse , allant à la mort ,
lui remit sa longue chevelure , comme le seul héritage
qu'elle pouvait lui laisser , en l'exhortant à faire réclamer
son corps , ainsi que la loi le lui permettait , pour le
réunir aux mânes de son époux et de son ami , qui périrent
le même jour.
On avait dressé à la Force des chiens qui venaient
flairer les prisonniers , et qui , dès ce moment , étaient
confiés à leur responsabilité , comme autrefois les féroces
Espagnols les menaient à la piste des malheureux Indiens .
Un Bostonien avait été amené à la Force ; on lui citait
l'instinct d'un de ces animaux , et la certitude qu'il terrasserait
l'homme le plus fort . Le chien était monstrueux
. Qu'on l'excite et qu'on me le lance , dit l'Américain.
Ils prennent du champ ; le chien , stimulé par son
( 394 )
maitre , se précipite , saisit au collet le Bostonien , qui ,
ferme sur ses pieds , résiste au premier choc , de chaque
côté passe adroitement un doigt dans la gueule de l'animal
, la lui sépare , et saisissant vigoureusement l'infé
rieure et la supérieure , allait déchirer la tête du chien ,
si son maître n'eût demandé grace. La gueule séparée ,
Tanimal perdit sa force et son mouvement ; ses jambes
s'allongerent sans la moindre résistance .
Je voudrais encore vous présenter le tableau de la
maniere dont tant de malheureux étaient , non pas jugés,
mais assassinés par le tribunal révolutionnaire , les méprises
nombreuses dans leur acte d'accusation . J'ai vu ,
dit Riouffe , apporter à une femme un acte d'accusation
sur lequel était écrit : tête à guillotiner sans remission .
Aucun de ces actes inlisibles n'était orthographié , et on
n'y trouvait aucune construction française . Souvent on
recevait un acte destiné à un autre personne alors
Thuissier se contentait de substituer votre nom à celui
qu'il efaçait. Plusieurs fois en buvant avec les guichetiers
ils en fabriquaient tout-à- eoup un de gaieté de
ceur, Dei femmes ont entendu dicter leur accusation
au milieu des ris : Joignons celle - là à son mari , criaientils
en s'enivrant , et la victime n'échappait pas en effet,
ces actes étaient imprimés avec un protocole commun
à tous ; il n'y avait que quelques lignes à remplir , et
c'est dans ce peu de lignes que se commettaient les
méprises les plus absurdes , et toujours impunément. Lá
ci- devant duchesse de Biron entre autres monta avec
un acte d'accusation rédigé pour son homme d'affaires .
:
Je me hâte de quitter ce lugubre sujet. S'il est un
sentiment qui vienne adoucir le souvenir de tant d'horreurs
, c'est que la plupart des monstres qui les ont
ordonnées ou commises , sont venus habiter les mêmes
cachots où ils avaient précipité tant de victimes , et les
ont suivies à l'échafaud. Mais qu'est- ce que le sang de
quelques scélérats en expiation du sang innocent qu'ils
ont fait couler à grands flots ? Leur supplice rendra- t- il
à tant d'orphelins leur pere , à tant d'épouses leur marî ,
a tant de familles désolées leurs parens et leurs amis . Il
ne me reste plus qu'un desir à former. Je voudrais que
ces honteuses annales du crime fussent affichées et lues
dans toute la République , afin que chacun y apprît à
détester la tyrannie et à aimer la justice et l'humanité .
Je voudrais encore vous entretenir de plusieurs écrits
relatifs à la derniere époque de la révolution ; mais je
( 395 )
me borne à vous indiquer le titre et l'objet. Tels sont
les causes secretes de la révolution du 9 au 10 thermidor
publiées en trois parties par VILATE , ex-juré au tribunal
révolutionnaire de Paris . Vilate a été de la société décemvirale
; on a quelque raison de s'attendre à de
grandes révélations . Cependant ces causes secretes se
réduisent à- peu- près à ce que tout le monde savait ;
savoir , que les tyran's s'étaient
brouillés
entre eux , dans
l'espoir
de se perdre les uns par les autres . Si l'on en
excepte
quelques
anecdotes
, quelques
traits échappés
dans des conversations
avec Robespierre
, Billaud , Collot,
Barrere , Hérault - Séchelles
, ect . tout le reste contient
plus
de réflexions que
d'événemens
.
Dans la troisieme partie l'auteur dévoile les mysteres
de la mere de Dieu . Cette mere de Dieu était une vieille
fille visionnaire qui s'appellait Catherine Théot , dont on
fit Théos , comme plus, propre à la mysticité . S'il faut en
croire Vilate , toute cette intrigue fut imaginée par
Barrere, Billaud , etc. , pour tendre un piége à Robespierre,
et l'attirer dans quelque fausse démarche. Du reste , ces
trois brochures sont écrites avec chaleur et annoncent du
talent.
Sous le titre de la vérité toute entiere sur les vrais acteurs
de la journée du 2 septembre , vous trouverez quelques
détails qui font frémir. Mais est- ce la vérité toute entiere ?
c'est ce que bien des gens instruits de ces événemens
ne pensent pas ; mais il est bon de recueillir tous ces
matériaux.
Vous pouvez encore écrire sur votre liste le coup d'ai
rapide sur la marche de la Convention nationale et de ses
comités depuis la révolution du 9 thermidor ; le plaidoyer de
Lysias contre les membres des anciens comités , de salut public
at de sûreté générale , ainsi que quelques idées à l'ordre , mais
peut-etre pas à la couleur du jour , par ANTONELLE . Cette
derniere brochure , quoique moderne , n'est pas en
effet au niveau de l'opinion ; car on y fait l'apologie de
la journée du 31 mai , et , malgré l'impartialité affectée
par l'auteur , on y connaît aisément dans quel sens il a
écrit; il y a cependant quelques bonnes choses à y prendre .
Telle est pour le moment la nomenclature que je
peux vous indiquer. A mesure que d'autres productions
du même genre verront le jour , et pourront piquer.
votre curiosité , j'en ferai l'objet d'une nouvelle corres
pondance.
( 396 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ALLEMAGNE.
De Francfort-sur- le -Mein , le 4 mars .
Suite et fin du décret de la commission impériale.
QueUE si , pour confirmer et éclaircir avec plus de précision
cet exposé rapide , tant de l'origine et des progrès des
griefs donnés à l'Empire par la violation des traites, et par les
hostilités commises contre lui , que des raisons et du but de
la guerre déclarée par conclusum , S. M. I. rappelle expressément
et l'adresse du collège électoral , et le décret de la
commission impériale du 26 avril 1791 , et les délibérations
ultérieures de l'Empire , c'est qu'elle croit cela d'autant plus
convenable et à sa place , que . dans quelques notes per
tées au protocole de la diete , et même dans le dernier avis
de l'Empire , elle a remarqué certains traits qu'il ne lui est
pas aisé de concilier avec les délibérations antérieures et
avec le véritable état des choses .
"
t Au surplus , quelque multipliées et irréfragables que
soient les preuves de valeur presque incroyable , et de tac
tique militaire vraiment germanique , que l'histoire de cette
guerre fournit à la gloire des armées ailemandes , la fortune
des armes s'est montrée si défavorable dans les derniers mois
de la campagne derniere , que les veux pour la paix se sont
prononcés plus hautement et plus généralement , et que même
à la diete générale de l'Empire , des insinuations en faveur
d'une pacification qui mit fin à la guerre actuelle avec la
France se sont répétées avec une sorte de chaleur , et ont
en effet amené une proposition formelle , qui , mise en
délibération publique , a eu pour résultat un très -louable
avis de l'Empire.
Demander , si le rétablissement du repos de la patrie ,
par une prompte paix , est une chose à desirer ? est une question
bientôt décidée , quand on se borne à se représenter vivement
les calamités d'une guerre unique en son espece , et
sans exemple dans la maniere dont elle a été conduite , et
qu'on en fait la comparaison avec les douces jouissances de
la paix.
( 397 )
1
1
" Quiconque ajoutera à cela les sacrifices vraiment extraordinaires
, tant en hommes qu'en millions d'argent , que
S. M. I. , par le déploiement de tous ses moyens particuliers
ne cesse point de faire depuis trois ans dans l'accord
harmonique de ses sentimens et de ses actions pour la defense
de l'Empire germanique , il ne pourra se permettre de douter
de la parfaite et paternelle disposition de S. M. I. à combler
ces bienfaits , que la diete générale de l'Empire a reconnus
avec gratitude , par celui plus heureux du plus prompt établissement
de la paix .
,, Mais on ne peut manquer d'appercevoir de nombreux
et grands obstacles , dès que l'on se penetre des difficultés qui
s'élevent encore contre l'objet si desirable de la paix ; difficultés
, sur lesquelles ou semble avoir fermé les yeux ,
plutôt que d'en faire le sujet de mûres réflexions .
Dans la situation critique où se trouvent aujourd'hui
tous les rapports , il eût du moins été infiniment satisfaisant
pour S. M. 1. , pour sa propension et son affection paternelle
envers les états de l'Empire qui sout en souffrance avec ce
qui lui appartient , pour les soins qu'en sa qualité de chef
suprême elle doit à la sûrete et au bien- être de la patrie
germanique , si la diete générale de l'Empire eût articule avec
précision les points qui doivent entrer dans la paix , équi
table , juste , honorable et acceptable que l'on doit attendre
cela paraissait se fier de lui- même à l'idée qui a conduit les
électeurs , princes et étais à regarder comme conforme à
Pétat des choses , aux rapports de l'Empire germanique , et
> au bien de tout le corps , de faire de la paix un sujet de
délibérations publiques de la diete , et d'estimer que cette
maniere de procéder était celle qui méritait la préference daus
le mouvement à donner à l'affaire de la pacification . 99
Toutefois S. M. I. est fort éloignée de vouloir par cette
réflexion , quelque fondée qu'elle la trouve , apporter le moindre
empêchement , ou même differer jusqu'à une articulation déterminée
, l'acheminement vers la pacification , que la diete
générale a si hautement desirée , et qu'elle a déclarée si conforme
à ses vues .
" Disposée, au contraire , et parfaitement résolue à approa
ver on ratifier ce qui , dans le très-humble avis de l'Empire ,
a été adopté comme base de l'avancement de la pacification
future , et la maniere même que les électeurs , princes et états
en out présentée , S. M. I. , comme chef suprême de l'Empire ,
y ajoute l'assurance que , non - seulement elle informera à tems
et tres- exactement la diete générale de l'effet de toutes les démarches
tendantes au but proposé , mais encore que ce que
s'est expressément réservé le corps germanique au sujet d'une
co- opération ultérieure , sera pour S. M. une facilitation consolante
, qui allegera considérablement le lourd fardeau dont
( 3g8 )
la dignité impériale rendra plus efficace , comme elle s'y attend
en sa qualité de chef , l'assistance dont elle a besoin dans
un ouvrage à- la -fois si difficultueux et si important pour l'Allemagne
, et où S. M. a pris tout l'intérêt et a mis toute la
franchise que lui commandait sa conduite uniforme et paternelle
.
Quant à la trêve dont le très - humble avis de l'Empire a
fait une mention particuliere , S. M. I. , après avoir longuement
réfléchi , ainsi que le demandait l'importance de la
chose , n'a pu la regarder comme un bien pour l'Empire ,
qu'autant qu'à côté de ce moyen préporatoire d'une paix définitive
, qui est l'objet essentiel des voeux et de l'avis de
l'Empire , se montre la vraisemblance d'arriver effectivement
à une paix équitable , juste , honorable et acceptable ; restriction
et supposition sous lesquelles S. M. I. , qui toutefois ,
pour le fond et relativement au but principal , trouve ses
idées et ses dispositions paternelles parfaitement d'accord avec
celles qu'a exprimées la diete dans son avis , approuve et
ratifie également cette partie de l'avis comitial , se déclarant
prête , en vertu de ses soins suprêmes et empressés pour le
bien de la patrie germanique , à s'en occuper de la maniere
la plus sérieuse , et en agissant en cela de concert avec S. M.
le roi de Prusse , comme la demande en est faite dans ledit
avis , qui , sur ce point , obtient la même sanction que sur
le reste .
Mais l'ennemi , au milieu des avantages que le sort des
armes lui a procurés , voudra -t -il , pour l'honneur de l'huma
nité , et en considération de ce qu'il a lui - même allumé le
feu de cette malheureuse guerre , se montrer aussi, disposés
que l'on semble prévoir et l'espérer , à donner les mains
à une paix équitable , juste , honorable et acceptable ?
Ce point , quelque desirable qu'il soit pour l'amour de
l'humanité souffrante , et quelque conformné qu'il puisse avoir
avec les voeux personnels de 5. M. I. et avec sa philantropic ,
est douteux sous une multitude de rapports.
,, Ainsi dans un cas où , contre tous les voeux et toutes
les espérances , un destin impénétrable , ou le refus opiniâtre
de la France , ou aussi l'exhorbitance et l'innacceptabilité des
conditions de paix , peuvent si aisément déjouer toute possibilité
de réconciliation , il n'en devient que plus instant ,
d'après la propre déclaration patriotique de la diete , de presser
en même tems , avec un zele actif , et sans aucune intermis
sion , l'armement décrété pour la campague prochaine.
Des lettres de Vienne du 12 février , parlent d'assemblées
extraordinaires de tous les ministres d'état , tenues depuis
quelques jours , auxquelles l'ambassadeur d'Angleterie a cons
( 399 )
tamment assisté , espece de droit de présence acquis par le
subside payé par sa cour à l'empereur , et sans lequel il lui
serait presqu'impossible de continuer la guerre , comme l'An
gleterre ne le pourrait pas non plus faute d'hommes à la
suite de ces conseils , il a été expédié trois couriers successifs
aux armées dans un assez court espace de tems .
:
On s'accorde à dire que si la paix n'a pas lieu , comme on
l'espere , le cabinet de Vienne se propose de demander au
corps germanique de porter le contingent de chaque état à
hait fois plus que l'ordinaire ; mais on est sûr d'avance que ce
serait inutilement , puisqu'on n'a pas encore pu déterminer la
plupart de ces états à fournir le quintuple , et que la diete est
même occupée en ce moment à prendre des mesures coactives
pour forcer à remplir ce devoir négligé par un grand nombre.
Tout cela confirme une vérité bien reconnue aujourd'hui , ee
bien cruellement sentie ; c'est que l'Europe entiere a le plus
grand besoin de la paix , et la desire ; en effet , la guerre sanglante
qui vient à peine de finir en Pologne , et celle qui
continue encore contre la France , et qu'elle soutient avec taus
de succes , menacent l'Europe d'une dépopulation et d'une
disette qui entraîneraient des maux incalculables . C'est aux
états neutres , marquans par leur puissance , à l'appaiser , et
c'est ce que la Turquie paraît vouloir faire.
Des lettres de Constantinople , du 10 janvier , donnent
comme certain que la Porte a fait signifier aux ministres des
puissances coalisées que le grand-seigneur était douloureuse.
ment affecté de voir la continuation d'une guerre qui faisait
verser tant de sang et produisait une désolation si grande
et si générale ; que pour l'avantage de l'humanité en génétal
, l'intérêt des puissances elles - mêmes , et le bien de l'Eu-
Tope menacée d'une ruine entiere , de lui-même , et de son
propre mouvement , il offrait sa médiation. Cette significatiou
, ajoutent ces avis , était faite dans des termes précis ,
et ayant tous les caracteres de la loyauté et de la sincérité ;
les ministres out repondu de leur côté en termes affectueux ,
et ont pris l'engagement de faire connaître à leurs cabinets
respectifs cette offre généreuse et amicale de la Porte , avec
F'espoir qu'elle serait fort bien accueillie .
Si l'on peut s'en rapporter à des lettres de Berlin du 20 février
, le roi de Prusse ne se refuserait pas à cette pacifiction
, et sa retraite forcerait bien l'empereur et l'angleterre
d'y accéder.
Le prince Henri continue à avoir des conférences fréquentes
avec le roi- et les miuistres. Depuis la part qu'il prend aux
affaires , et d'apiès la connaissance qu'on a de ses opinions
personnelles , on a tout lieu de presumer que les vues da
( 400 )
cabinet de Berlin tendent fortement à la paix . Le prince
Henri est regardé comme le directeur principal des négociations
qui doivent mener à ce but. La mort du ministre
Goltz , qui a été annoncée ici , a causé de vifs regrets , parce
qu'on croyait savoir que ses conférences avec le ministre français
avaient pris une excellente tournure . On s'occupe du
choix de son successeur. Le ministre d'état , Hardenberg , est
généralement regardé comme celui qui doit l'être . Il est attendu
ici chaque jour.
Un secrétaire de légation française , M. Durand , est arrivé
à Berlin ; il y est logé à l'hôtel de la Ville - de - Paris . Ou prétend
qu'il a déja eu des conferences avec les ministres . Cette
circonstance contribue beaucoup à accréditer les bruits de
paix , qu'on regarde définitivement comme très -prochaine .
Dans notre ville de Francfort , où aboutissent toutes les
nouvelles de l'Europe , nous sommes dans la plus grande
incertitude sur les évenemens qui doivent en fixer les destinées
. Les bruits de guerre se mêlent avec les bruits de paix :
la cour de Vienne paraît être menacée et flattée tour- à- tour
par la Russie ; la cour de Berlin à son- tour est circonvenue
de caresses et des menaces . On ne sait pas bien positivement
l'impression qu'y a faite l'arrivée de la famille statdhoudérienne.
Mais il est à croire qee la Prusse songe toujours aux
négociations ; au moins est-il certain que l'esprit public de
Berlin , et même celui de la cour , penchent vers la paix .
Des lettres de cette ville annonceut l'incarcération dans la
forteresse de Spandaw , du fameux ministre Bischofswerder ,
si long-tems favori du roi de Prusse ; on l'accuse de s'être
laissé corrompre dans sa mission en Pologne : elles ajoutent ,
au sujet de cette malheureuse contrée désolée par la guerre ,
et particulierement du palatinat de Sendomir , que probablement
au printems prochain , il n'y aura point d'exportation
de grains par les ports de Dantzick et d'Elbing. Les blés sont
presque tous arrêtés pour le compte des Rasses et des Autrichiens
; les Prussiens qui font des achats sont obligés de
prendre des autorisations qu'on ne délivre pas facilement.
Les infortunés Polonais auraient pourtant grand besoin que
ces grains restassent chez eux , car la misere est toujours extrême
à Varsovie ; on va faire sous peu le dénombrement des habi
tans , pour prévenir la famine dont ils sout menacés ; mais
ces prétendus soins paternels des vainqueurs , les vaincus les
payeront cher , car le 18 mars a été fixé comme le dernier terme
pour le paiement des contributions destinées à l'entretien des
troupes russes . Les habitans de la Petite- Pologne seront contraints
à ce paiement par exécution militaire , et les arrérages
doivent être acquittés sans aucune remissien ; enfin , les papiers
russes vont être décidément introduits cu Pologne , pour y
remplacer le numéraire qui manque absolument . On s'en est
bien
7401 )
{ bien convaincu à la foire de Dubno . En effet , on n'y a pour
ainsi dire vu ni hommes ni argent.
La santé des habitans de la capitale est attaquée par diverses
sortes de maladies ; par exemple , lors du dernier dégel il
fallut brûler de la paille dans les rues pour purifier l'air , et
enterrer de nouveau en pleine campagne dans des fossés trèsprofonds
quelques milliers de cadavres qui n'avaient été inhumis
qu'à la hâte et sans soin après la prise de Prag.
L'empereur fait revenir de la partié de Pologne que ses
troupes occupaient 13 bataillons qu'il envoie en Italie , sur la nou
verle que les Français s'y sont considérablement renforcés.
En general , les membres de la coalition , quoique plusieurs
desirent la paix , dont ils ont un extrême besoin , sentent
la nécessité , pour l'obtenir à des conditions avantageuses , de
faire de derniers efforts et des préparatifs qui leur serviront
s'il faut continuer la guerre. Le roi de Prusse s'attache à
couvrir la Westphalie et la Bassé-Saxe ; l'Angleterre , l'elec-.
torat d'Hanovre ; et l'empereur de défendre Mayence et Luxembourg.
La garnison de la premiere de ces places est si forte et si
nombreuse , que les puissances coalisées se flaitent qu'elle ne sera
pas prise par les troupes de la République ; ils ont moins
d'espérance de sauver la seconde , car il a dû arriver de la Belgique
aux Français , 200 chariots chargés de bombes , de
boulets , de poudre , de grenades , en un mot , de toute espece
de munitions de guerre , et leurs généraux n'attendent que
ce convoi pour pousser avec plus d'activité le siége ; ils ont
pris d'ailleurs toutes les mesures propres à déconcerter le
projet de le faire lever , en ayant soin de garnir la rive gauche
du Rhin de beaucoup de troupes , et d'ajouter de nouveaux
retranchemens à ceux qui sont déja construits .
Les troupes prussiennes qui se rendent du côté du Haut Rhin
vers la Westphalie consistent en 45,000 hommes d'infanterie
et 20,000 chevaux .
Les corps d'émigrés Français ,, nouvellement levés à la
solde de l'Angleterre , sont au nombre de neuf, et aux ordres
de MM. le maréchal de Broglie , le marquis d'Autichamp ,
le compte de Viosmenil , le duc de Laval - Montmorency , le
marquis de Bétisi , le duc de Mortemar , le duc de Castries ,
le marquis d'Ervilli , le comte du Dresnay : il y a en outre
un régiment suisse aux ordres du baron de Rolle , et un autre
aux ordres de M. d'Hector . Tous les officiers de ces différens
corps sont des hommes qualifiés , presque tout décorés de la
croix de Saint -Louis . On n'y compte jusqu'à présent qu'environ
200 soldats de chaque régiment ; on ne reçoit a..is
ces corps que des Français émigrés ou déserteurs . Ils sont
pour la plupart aux environs de Pyrmont ; le régiment du
marquis d'Antichanp est à Lemlo ; celui da duc de Castries
Tome XIV, Ec
( 402 )
à Detmold. On s'occupe avec activité de completter ces différens
corps , pour lesquels on attend des armes et des habits
d'Angleterre.
ITALIE . De Milan , le 16 février.
Les approches de l'ouverture de la nouvelle campagne
donnent lieu à une grande activité dans les préparatifs militaires
. Les troupes destinées à la défense de cet état doivent
être augmentées .
De son côté , le roi de Sardaigne s'occupe de la formation
des magasins nécessaires pour son armée . Ces forces consisteront
en 45 régimens , dont les uns de 800 hommes et d'autres
de 1000 , qui agirent en diverses parties , selon que le besoin
le requerra. Il y aura en outre des corps de milices chargés
de la défense de l'intérieur , et l'on évalue à 60,000 hommes
le nombre des troupes piémontaises , outre les auxiliaires . Le
général Colli a provisoirement le commandement de cette
armée. Pour parvenir à faire face à toutes les dépenses qu'exige
cet armement , le roi de Sardaigne a obtenn du pape une
balle , qui autorise la vente des biens ecclésiastiques dans le
Piémont , pour la valeur de 30 millions , ainsi que la suppres
sion de plusieurs monasteres .
La cavalerie napolitaine est entrée dans Alexandrie les premiers
jours de ce mois : elle se rendra à Turin pour garder
cette ville .
La rigueur du froid qui continue , prolonge la guérison des
maladies dent les troupes autrichienues - sardes sont attaquées
en plusieurs lieux , et particulierement à Ceva.
P. S. Selon des nouvelles plus récentes de Turin , il a été
envoyé du côté de Cherasco 40 canons de gros calibre . On
doit faire encore une nouvelle levée pour completter les régimens
autrichiens- sardes . Celni de Nadasté a dû se mettre en
marche le 14 , pour prendre poste à Dego , et prévenir les
Français.
De Gênes , le 17 février. On a appris ici par la voie de la
mer, que le dey d'Alger avait déclaré la guerre à la Grande-
Bretagne. Il est certain encore qu'il s'est plus que jamais déclaré
pour les Français , dont on dit qu'il a reçu plusieurs
bâtimens de guerre , ainsi que d'autres présens .
ANGLETERRE . De Londres , le 10 février.
Débats du Parlement, Chambre des Communes . 1
Suite de la séance du 5 février . M. Withbread dit que l'asservissement
de la Pologne était évidemment l'objet du roi de
Prasse ; que les vues de l'empereur sont les mêmes , et que
tous deux sont d'accord sur l'usurpation de ce malheureux
( 403 )
pays. Il pense que la chambre doit déclarer son indignation
de la conduite du despote prussien . C'est le seul moyen de
se mettre en garde contre un autre despote , avec lequel on
doit traiter. Il ne conçoit pas l'obstination des ministres à
creuser le précipice où ils veulent jetter leur patrie.
マ
M. Fox ne combat point l'opinion de M. Pultuey , il ne
doute point qu'elle ne soit le résultat de profondes reflexions ;
mais ce qui lui semble important d'examiner , c'est l'heureuse
ignorance des ministres qui ont conclu avec le roi de Prusse
un traité si sagement combiné , qu'il a fallu en violer tous les
articles , pour que l'Angleterre en retirât quelques avantages .
Le parlement ne peut refuser son assentiment à la motion de
son honorable ami , s'il vent detourner les autres puissances
d'une pareille conduite . Mais si la chambre partageait l'opinion
de l'honorable baronet ( M. Pultney ) , il ferait la motion
expresse que l'on adressât un vote de remerciement au roi de
Prusse . Il est vrai qu'il n'a fourni aucune des troupes stipu
lées par ce traité ; mais qu'il a supplée à l'ignorance et à l'impolitique
des ministres anglais et l'on a certainement des
droits aux remerciemens du parlement toutes les fois qu'on lui
fait connaitre l'ignorance du gouvernement .
La question préalable est mise aux voix : il y a pour , 128 ;
85. contre ,
•
Du 13 février Les ministres ont reçu hier des nouvelles de
l'armée du Continent. Elles étaient en date du 17 , et de
Deventer , où cette armée était encore à cette époque . Beau
coup de soldats sont malades par suite des fatigues qu'ils ont
éprouvées ; un certain nombre en a péri , ainsi que du froid .
Ces détails ont été apportés par un étranger chargé de des
pêches , qui fut ramassé dans un bateau découvert , par le
capitaine d'un des paquebots d'Harwich.
Le général Prescot est arrivé hier à Londres , des Indes
occidentales . Il a apporté la nouvelle que toute l'islé de la
Guadeloupe est maintenant au pouvoir des Français . Le fort
Matilde s'est long- tems défendu ; mais le général a jugé qu'il
ne pouvait pas tenir davantage quoiqu'il fût arrivé un ren-.
fort de Gibraltar ; ce surcroit de force lui a paru insuffisant ;
les Français de leur côté en ayant reçu de nouvelles . Le général
Prescot est parvenu a faire sortir de l'isle toutes celles
qui étaient sous son commandement.
P. S. Il y a beaucoup de troubles en Irlande , causés par la
révocation du bill en faveur des catholiques . M. Pitt a voulu y
établir une commission de lords-juges , en cas que le vice - toi ne
se prêtât pas à ses vues : cela a donné lieu à de vifs débats dans
les communes d'Irlande . Le vicc- roi a quitté sa place
Nous reviendrons sur cet article au numéro prochai
E c 2
( 404 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRESIDENCE DE THIBAUDEAU
Séance du duodi , 22 Ventôse.
Plasieurs sections de Paris viennent féliiter la Convention
sur la rentrée des députés mis hors de la loi . Elles demandeat
en même tems la punition des auteurs des journées des 31 mai ,
et 3 septembre.
Cambacérès , au nom du comité de salut public , soumet
à la discussion le projet de décret sur la direction des relations
extérieures , dont la Convention avait ordonné limpression
et l'ajournement. Ce projet est discuté article par
article.
Le rapporteur observe que le premier article a pour objet
de développer le principe de la loi du 7 thermidor , qui consiste
dans la faculté donnée au comité de salut public de
négocier au nom de la Republique. Les quatre qui suivent
sont des conséquences du premier , sauf le quatrieme , qui
est le résultat d'un décret de la Convention . Cambacérès
passe l'art . VI qui porte création d'une commission de
douze membres , toutes les fois que le comité aurait quelques
negocions à ouvrir , traité à conclure secrettement . Cette
commission sera chargée de prendre connaissance des faits ,
et d'en communiquer le résultat à la Convention .
Pelet dit que dans les républiques démocratiques , la partie
diplomatique est la plus difficile à organiser. Il est impossible
à une assemblée , telle que le corps législatif , de s'occuper
de ce qui concerne les relations extérieures . D'un
autre côté , il serait dangereux de donner une trop grande
confiance au pouvoir exécutif , parce qu'il en abuse presque
toujours. la commission , ajoute- t- il , l'on
que propose , pour
examiner les clauses secrettés des traités , ne remplit pas le
but que l'on veut atteindre . Un secret confié à douze membres
lui paraît bien en danger. D'ailleurs , si la commission voyait
d'une maniere différente du comité , elle entraverait tout et
nuirait à la célérité . Pelet s'éleve aussi contre l'art. V portant
que les armistices et les neutralisations n'ont pas besoin de
la ratification de l'Assemblée nationale . Cet article lui paraît
donner au comité un trop grand pouvoir.
Le rapporteur prend successivement la défense de ces deux
articles. Il dit , à l'égard de l'article V , qu'il ne faut pas
( 405 )
perdre de vue que le comité de salut public traite au nom
du corps législatif , que les conventions préliminaires , toujours
limitées , quant à l'étendue et la dutée , n'ont rien de
positif , qu'elles sont même quelquefois décidées par les géné
raux , et qu'en n'oubliant pas les formes démocratiques , il
ne faut pas tomber dans la demagogie .
L'Assemblée sentant qu'elle n'est point assez éclairée sur
l'article VI , l'ajourne au lendemain , et décrete les cinq pre
miers , ainsi qu'il suit :
46 Art. Ier . Le comité de , salut public , chargé par la loi
du 7 fructidor , de la direction des relations extéricares ,
négocie , au nom de la République , les traités de paix ,
d'alliance , de trêve , de ueutralité et de commerce : il en
(arrête les conditions .
" II . Il prend toutes les mesures nécessaires pour faciliter
et accélérer la conclusion de ces traités.
9 III . Les traités sont signes , soit par les membres du
comité , lorsqu'ils ont traité directement avec les envoyés des
puissances étrangeres , soit par les ministres plénipotentiaires
auxquels le comité a délégué à cet effet des pouvoirs .
" ¡V. L´s traités ne sont valables qu'aprs avoir été examinės
, ratifiés et confirmés par la Convention nationale , sur
le rapport du comité de salut public .
" V. Les conventions préliminaires et particulieres , telles
que les armistices et les neutralisations y relatives , pin iant
le tems de la négociation , sønt compris dans l'article Il ; elles
ne sont pas sujettes à la ratification .
Le surplus du projet est ajourné.
Séance de tridi , a3 Ventôse .
Plusieurs sections demandent à être admises . Foussedoire
réclame l'exécution du réglement qui fixe les quintidi et les
décadi pour les jours où les pétitionnaires sont admis . Il
observe que les sections de Paris font perdre beaucoup de
tems à l'Assemblée , et qu'elles pourraient porter leurs pétition's
directement aux comités ,
Bailleul répond au préopinant que sous le régime de la
tyrannie les intrigans qui dominaient les sections venaient
journellement féliciter la tyrannie , et que sous celui de la
justice , il doit être permis aux citoyens de Paris de venir
épancher leurs sentimens dans le sein de la représentation
nationale . Les sections sont admises . Elles expriment le
même voeu que celles de la veille et témoignent la même
satisfaction .
Gambaceres présente à la dicussion l'art. VI du projet
de décret sur la direction des relations extérieures. Il annonce
que le comité de salut public s'est occupé de l'art . VI ,
ajourné dans la séance précédente . Il a senti que si la Con-
1
Ee 3
1 406 )
vention le rejettait par la question préalable , ce serait attri
buer au comité le droit qui n'appartient qu'à elle seule , celui
de faire la paix et la guerre , et qu'il fallait au peuple une
garantie pour les traités secrets comme pour les traités publics
; mais puisque le projet d'une commission n'a pu avoir
l'assentiment general , le comité a cru devoir y suppléer . Le
rapporteur doune en même - tems lecture du nouveau plan
adopté par le comité . Au lieu de faire nommer une commission
pour examiner les clauses secrettes d'un traité , ce
qui pourrait donner l'éveil aux ennemis , le comité en donnera
connaissance à celui de législation , celui - ci les examinera ,
s'il les approuve on exécute , et le comité de salut public
en rendant compte a la Convention de la mesure exécutée ,
lui presentera en même tems l'avis du comité de législation .
Par ce moyen , dit Cambacérès , le secret sera gardé , et les
espions des ennemis ne seront point avertis par une déclatation
publique faite dans Assemblée. La garantie se trouve
dans le comité de salut public qui établira l'utilite des mesures
adoptées , et daos celui de legislation qui déclarera qu'elles sont
conformes aux principes et à l'intérêt de la République . Ainsi
le comité de salut public n'aura pas des pouvoirs trop étendus ,
et la Convention jouira de la plénitude du droit de faire
la paix et la guerre.
Duhem demande , par motion d'ordre , qu'on décide avant
tout , si dans notre diplomatie nous devons avoir des traités
secrets.
Roux de la Marne lui répond que la France est seule
de son parti , et n'a par conséquent qu'un intérêt ; mais que
ses ennemis coalisés ont des intérêts divers et des ménagemens
à garder les uns avec les autres. Il en conclut qu'il
est nécessaire quelquefois qu'il y ait des clauses secrettes dans
les traités , à moins que nous ne rejettions les paix partielles ,
et que nous ne voulions traiter qu'avec toute l'Europe .
Merlin ( de Thionville ) pense , que le peuple ne jouira réellement
du bonheur que le jour où il fera la paix . Elle seule
rétablira l'équilibre dans nos finances , amenera des subsis
tances , fera baisser le prix des denrées ; elle seule donnera
les moyens d'écraser les royalistes qui font de vains efforts ,
et les terroristes qui veulent encore égorger ; mais comment
y parvenir , si l'on ne convieut pas de quelques articles secrets
avec quelques-uns des gouvernemens qui composent la coali
tion. C'est ne vouloir point de paix que de rejeter les coa.
ditions secretes dans les traités .
Le rapporteur résume les opinions et termine en demandant
que le nouveau mode qu'il a présenté soit mis aux voix .
La question parait très - délicate à Legendre , et il demande
Fajournement à trois jours pour donner le tems aux réflexions
( 407 )
de mûrir et de se perfectionner.
adoptée.
Cette proposition est
Mathieu dénonce deux affiches placardées la nuit précé
dente. L'une a pour titre Peuple , réveille - toi , il est tems ;
l'autre Au Peuple. On y ose dire qu'il existe un parti qui
ne veut pas de la constitution ; on s'y plaint de l'expulsion
de l'ancienne commune ; on y invoque et évoque les jacobins ;
on accuse la Convention d'avilir les assignats . Le faiseur de
pamphlets prétend qu'on amuse le peuple par de belles promesses
d'un avenir heureux , et qu'on le mene comme un
chien à l'attache , qu'on fait jeûner et qu'on matonne pour
le
soumettre aux volontés de son maître . Il ajoute que ceux
qui ont écrasé le tyran Capet sont la pour écraser ceux qui
veulent prendre sa place , et que , dans les sections , ce sont
les aristocrates et les élargis qui déliberent . Il termine par
crier à la révolte .
Mathieu déclare que le comité de sûreté générale a pris des
mesures pour assurer la tranquillité dans Paris , et celui de
salut public pour les approvisionnemens , et que malgré toutes
les calomnies la Convention atteindra son but. Le discours
de Mathieu sera imprimé et affiché dans Paris .
Séance de quartidi , 24 Ventôse.
Les représentans du peuple en mission dans le département
des Bouches du Rhône ecriveut de Marseille que les Gênois
reviennent dans nos ports avec confiance , et qu'il entre tous
les jours dans celui de Marseille un vaisseau chargé de blé et
autres approvisionnemens . Ils annoncent aussi la prise de
douze bâtimens ennemis faite par la frigate la Bedine et le brick
l'Alerte. i "
t
Pemartin , au nom du comité de sûreté générale , propose
de déciéter que les artistes , cultivateurs et négocians compris
dans le loi du 5 ventôse , et mis sous la surveillance des autorités
constituées dans leurs communes respectives , qui auraient
besoin de s'éloigner de leurs demeures pour quelques affaires .
seront tenus d'en faire la declaration à leur municipalité , qui
leur donnera un passe-port pour un tems limité ,
Forestier demande si ceux qui ont eu le malheur d'être fonc
tionnaires sous le régime de la tyrannie sout en état d'arrestation
. I assure qu'on les oblige à se présenter deux fois
par jour à leur municipalité , et ne peuvent vaquer à leurs
affaires.
Duroy dit que la loi du 5 ventôse ressemble à celle du
17 septembre. Il en demande le rapport. Crassous et Vittar
l'appuient .
Clausel observe que la loi du 5 ventôse a eu pour but
d'éloigner de Paris les perturbateurs , qui y accouraient de
Loutes parts pour y occasionner des mouvemens , et seconder
Ee 4
( 408 )
les efforts du royalisme et du jacobinisme. Si on la rapporte,
le comité de sûreté générale sera dans l'impossibilité de faire
la police de cette grande commune.
f
Le projet est renvoyé au comité . ainsi que les proposi
tions faites .
Launay et Ruelle font leur rapport sur la Vendée . Le retour
des Vendéens est sincere . Chareite a ordonné de vendre les
grains , les fourages et les vins . Ils approvisionnent Nantes .
Les habitans des campagnes refusent de marcher avec Stoflet ;
il n'a pas plus de 1500 hommes , et Charette marche contre
lui avec 15,000 homes. Les rapporteurs donnent lecture de
plusieurs de leurs arrêtés relatifs à la pacification , et l'Assemblée
continue leurs pouvoirs pour qu'ils acheveut ce qu'ils
ont si heureusement commencé .
Séance de quintidi , 25 Ventôse .
Merlin ( de Thionville ) annonce à la Convention que la
garuison de Luxembourg ayant fait une sortie a été repoussée
jusques dans les palissades . Il ajoute qu'en démolissant le château
de Rhimfeld on a trouvé cent cinquante tonneaux de
poudre et vingt- cinq de cartouches à balles .
Leblanc dénonce les représentans du peuple dans le département
des Bouches - du-Rhône , Mariette et Chambon . Ils ont
mis la ville d'Arles en état de siége , établi un tribunal milttaire
pour juger ceux qui troubleraient l'ordre public , chargé
le commandant de la police de faire des visites domiciliaires pour
désarmer les citoyens . Tout rassemblement dans les lieux publics
u dans les maisons particulieres est regardé comme séditieux
s'il n'a l'autorisation de ce commandant , toutes personnes
non - domiciliées dans le district doivent être arrêtées , si
quatre citoyens connus n'en répondent pas . Enfin , toutes les
sociétés populaires doivent être fermées . Ces dispositions
séveres sont contenues dans un arrêté pris à Marseille par
ces représentans le 5 ventôse .
Leblanc pense que si Arles avait été pris d'assaut les
mesures ne seraient pas plus rigoureuses . Il demande le
renyoi au comité de sûreté générale .
Granet opine pour l'improbation de l'arrêté ; Meaule , que
pour l'honneur des principes on en suspende au moins l'exécution
. Il ajoute qu'une loi porte que la Convention seule
pourra créer des tribunaux , et que si un seul citoyen était
condamné à mort par le tribunal établi à Arles , ce serait
un assassinat judiciaire.
Merlin de Thionville ) est de l'avis des préopinans . Ua
décret défend , dit - il , d'iestituer des commissions , il doit être
exécuté . Restons fermes dans les principes . Il demande que ce
tribnnal soit cassé . Maure observe que le même arrêté porte
le désarmement général des citoyens . Tout le monde doit
( 409 )
être armé pour la défense de la liberté . Une telle mesure
est une entreprise contre la souveraineté du peuple.
La Convention décrete que le tribunal d'Arles est supprimé
, les jugemens qu'il aurait pu rendre cassés , et les
prévenus traduits devant les tribunaux ordinaires . Un rapport
sera fait sur l'arrêté .
Boissy d'Anglas donne lecture de deux lettres ; la premiere ,
de notre envoyé à Gênes qui annonce que les Génois à qui
on a inspiré de nouveau de la confiance , affluent dans nos
poris de Marseille et de Toulon , et y apportent du ble en
abondance , de sorte que dans un mois le Midi sera approvisionné.
La seconde lettre est des représentans du peuple
près l'armée des Alpes et d'Italie qui confirment cette heureuse
nouvelle .
Séance de sextili , 26 Ventôse.
:
au
Foureroy donne des détails sur l'événement de Mendon .
Un incendie s'est manifeste ce matin , dit- il , dans l'établissement
de Meudon il a pris par le postement d'une fusée
qui a mis le feu à un artifice ; l'ouvrier qui le tenait ,
lieu de le jetter au dehors du bâtiment , comme on doit le
faire dans un pareil accident , très - ordinaire dans les auteliers
des arsenaux a pris la fuste , et le feu s'est communiqué
promptement à d'autres artifices voisins , et par eux à une
des ailes du vieux château. A la premiere nouvelle de cet
accident , le comité de salut public a envoyé deux de ses
membres , et sur leur rapport , il a pris toutes les mesures
propres à arrêter le progrès de l'incendie . On assure qu'il
n'y a personne de blessé .
Vers la fin de la séance , Meilin de Thionville ) a annoncé
que cet accident était peu de chose et que la perte
se réduisait à douze cent livres de pondre .
Des officiers de l'armée des Pyrénées orientales présentent
à la Convention vingt- quatre dr peaux pris sur les Espagnols
à Roses . Ils sont vivement applaudis. Perrin ( des Vosges )
en prend occasion de s'adresser aux royalistes qui se uontrent
de toutes parts . Hier , dit Perrin , il y avait des groupes
où l'on parlait de piller les gens riches et les négocians .
(Aujourd'hui les ennemis de la liberté disent qu'on "viendra
en foule sur la Convention . Eh bien ! jurons de périr s'il le
faut à notre poste et de sauver la patrie. ( Les membres se
levent pour adhérer à te serment. ) Le pain ne manquera pas ;
mais que les citoyens de Paris ne perdent pas de vue qu'il
est plus d'un département où il est à un prix excessif ,
l'on ne donne qu'une demi livre à chaque individu . Hâtonsnous
de déterminer les moyens d'exécution de la constitution
démocratique . Les aristocrates disent qu'ils sont las de uons ,
nous sommes aussi las d'eux , parce que nous voulons que
et
( 410 )
les Français soient heureux par une paix glorieuse. ( Perria
est applaudi . )
Dupuys Reportons un instant nos regards sur la carriere
que nous avons parcourue . Envoyés par le peuple pour affermir
la liberté , nous avons proclamé la République sous les yeux
des despotes coalisés . Nos défenseurs ont repoussé leurs esclaves
au-delà des Alpes , des Pyrénées et du Rhin . Mais pendant
qu'ils triomphaient , leurs parens gémissaient sous le joug des
tyrans du peuple ; étions-nous leurs complices ou leurs victimes?
La révolution du 9 thermidor a prouvé que nous n'avons pas
partagé leurs forfaits . Ne souffrons donc pas que le peuple
ait sur nous l'initiative de la justice . Soyons séveres et justes ;
il est impolitique de grossir , par des mesures arbitraires , la
masse des mécontens . Dupuys demande que les comités réunis
présentent un projet de décret qui détermine la maniere dout
on procédera contre tous ceux qui sont accusés d'avoir opprimé
leurs concitoyens ; le discours de Dupuys sera imprimé
et sa proposition renvoyée aux trois comités .
La discussion sur le mode de négociations avec les pais .
sances étrangeres reprend . Audoin dit qu'il ne connaît point
de mesures qui doivent rester toujours secretes . Il peut y
en avoir de préparatoires qui ne doivent pas être publiées ,
mais lorsque les traités sont achevés , tout doit être connu .
Il demande la question préalable sur le projet d'uue commission.
Laréveillere-Lépaux partage son opinion sur la commission ;
mais il établit qu'il peut y avoir des clauses secreties , et que
le comité de salut public doit seul les ratifier .
Plusieurs autres membres parlent dans le même sens ; mais
ils demandent que les clauses secrettes ue portent pas atteinte
aux bâses du gouvernement , u'alterent ou ne détruisent pas
les conditions connues. La Convention décrete en principe
qu'il pourra y avoir des articles secrets , pourvu qu'ils n'atténuent
ou ne contrarient pas les traités patens .
PARIS. Nonidi , 29 Ventôse , 3º . année de la République.
On a remarqué qu'à toutes les époques difficiles de
la révolution , les différens partis ennemis de la chose
publique , quoique divisés entre eux d'intérêts , se sont
toujours réunis pour faire cause commune . Aujourd'hui ,
aristocrates , royalistes , jacobins , terroristes , toutes les
especes de malveillans , tendent au même but , et ce
but est d'aggraver la situation où nous sommes , en semant
des bruits injurieux à la Convention , en répandant
( 411 )
les nouvelles les plus absurdes , en faisant naître parmi
le peuple des inquiétudes sur les subsistances , en excitant
des mouvemens dont il est facile de reconnaître le
motif et les auteurs .
Le décret qui fixe à une livre et demie , pour Paris
la délivrance du pain pour tous les citoyens travaillant
de leurs mains , a été reçu , par le plus grand nombre,
comme une loi d'économie et de nécessité . Tout le
monde sait qu'il n'est pas un département où le pain
ne soit et beaucoup plus rare et beaucoup plus cher
qu'à Paris , il en est où il vaut 30 et 40 sous la livre ,
et où l'on n'en donne qu'une demi- livre par tête , et où
cependant chacun sait , sans murmurer , se conformer
aux malheurs des tems . Les bons citoyens de Paris se
félicitent et doivent se féliciter d'être traités plus favorablement.
Mais les agitateurs de tous les partis ont
voulu profiter de cette circonstance .
Avant-hier quelques individus , se disant députés des
sections de l'Observatoire et de Finistere , sont venus
à la barre demander à la Convention , d'un ton peu
mesuré , du pain dont ils ne manquent pas. Le prési
dent leur a répondu avec fermeté . Ils se sont retirés
et ont ensuite voulu forcer les portes de la salle . Des
femmes se répandaient dans les groupes , et les excitaient
hautement à la révolte . Mais les citoyens qu'on
avait égarés , n'ont pas tardés à reconnaître qu'on les
faisait servir d'instrumens à des projets criminels .
Il ne faut pas perdre
de vue
deux
circonstances
remarquables
d'un
côté , de grands
coupables
sont
à la
veille
d'être
mis en jugement
; de l'autre
, les puissances
coalisées
, épuisées
par une
longue
guerre
, cherchent
à obtenir
des conditions
de paix
plus
favorables
. C'est
en excitant
des
troubles
au sein de la République
que
les uns et les autres
croient
arriver
à leur
but. Il faut
donc
se tenir
en garde
contre
toutes
ces manoeuvres
.
Sans doute que la paix est un besoin pour l'Europe
entiere , comme pour la France . Toutes les gazettes
étrangeres sont à ce ton , et nos papiers du jour les
plus accrédités contiennent d'utiles réflexions sur cet
avantage commun. Ce qu'il y a de súr , c'est que les
négociations sont entamées , et l'on commence à dire ,
sans pressentir qu'elles en seront les issues , que c'est
à la France triomphante à se montrer grande et généreuse
envers les vaincus .
Le comte Carletti vient d'annoncer à la Convention
( 412 )
que le grand- dúc de Toscane a ratifié le traité convenu
avec le comité de salut public . Voici la lettre de cet
envoyé qui vient d'être nommé ministre plénipotentiaire
près la République Française .
L'envoyé extraordinaire de Toscane aux citoyens représentans composant
le comité de salut public de la Convention , nationale.
Paris , ce 24 ventôse , à 7 heures du soir.
C'est avec plaisir , citoyens représentans , que je m'empresse
de vous donner avis qu'un courier extraordinaire de
Toscane , arrivé aujourd'hui vers six heures du soir , m'apporte
la ratification du grand- duc au traité de paix , et je vous
la joins ici en original . Je vous joins le traité de neutralité
qui a été proclamé en Toscane à cette occasion , et trois dépêches
de vos agens en Italie . Le même courier m'apporte
de nouvelles lettres de créance , par lesquelles on me donne
la qualité de ministre plénipotentiaire près la République
Française . Le rétablissement de la neutralité a été proclamé
Livourne , au moment où l'escadre anglaise y était , et la
joie de la Toscane s'est manifestée dans tous les ordres et
au- delà de toute expression . C'est un témoignage non dooteux
des sentimens d'estime et de respect de ma patrie euveis
votre grande nation ; je me rendrai moi -même ce soir au
comité de salut publie , pour vous faire connaitre d'autres circonstances
qui peuvent vous intéresser. "
"
Signé , CARLETTI .
Les citoyens Blauw et Meyer ont été nommés par les
états- généraux , ministres plénipotentiaires de la république
batave , près celle de France . Ce defuier vient d'arriver à
Paris , où le cioyen Blauw résidait déja depuis quelque tems ,
chargé des intérêts de la Hollande .
Notre escadre est sortie de Toulon le 11 de ce mois . Elle
est composée de quinze vaisseaux de ligne , II fregates ,
7 bricks et quelques avisos . Le grand convoi qui doit la
suivre , composé de près de 200 bâtimens de transports , est
reste en rade , et ne sortira que dans trois ou quatre jours.
On ignore encore précisément qu'elle est la destination de
cette flotte ; mais depuis la paix avec la Toscane , on est
porté à croire qu'elle doit se diriger contre la Gorse .
Le commandant de la place de Fougeres a fait conduire
à la maison d'arrêt de Rennes 11 chouans saisis la plupart
les armes à la main , à la suite d'une affaire qu'ils ont eue
avec un détachement du second bataillon des Vosges . Il parait
d'après les renseignemens donnés par l'un d'eux , qu'il
existe dans ce district six compagnies de chouans bien orga(
413 )
t.
nisées , et qu'elles se portent sur tous les points , afin d'em
imposer davantage par leur nombre .
Des lettres de Ségré , département de Mayenne et Loire ,
annoncent que le ci - devant chevalier Turpin et deux autres
chefs chouans ont abandouné le parti rebelle . Ils parcourent
dans ce moment, avec le president du district et plusieurs commissaires
les cantons environnany , pour y rappeller à
l'union les habitans égarés , et faire quitter les armes
tous les insurgés.
?
L'adresse de Charette et des autres chefs de la Vendée , a
paru dans quelques papiers publics ; si nous avons différé de
la donner, c'est qu'il nous paraissait convenabie de nous assurer
auparavant de son authenticité . Voici cette piece remarquable
dans l'histoire des départemens qui viennent de se réunir
l'unité de la République ,
Adresse aux habitans des campagnes de la Vendée .
Braves habitans , de vils séducteurs , d'infàmes intrigans
des hommes ambitieux et pervers , qui fondent leurs jonissances
et leur bonheur sur les débris de la fortune publique ,
et qui sacrifieraient sans remords , à la réussite de leurs cou
pables desseins , la vie et les biens de leurs semblables
cherchent aujourd'hui à vous egater . Ils prêtent à nos démarches
des motifs déshonorans , ils dénaturent nos intentions
bienfaisantes , et présentent le traité que nous avons conclu
sous /des couleurs fausses et perfides ; ils répandent impudemment
des bruits capables de semer dans tous les coeurs la défiance
, la terreur et les divisions .
" Songer à vos intérêts , oublier les nôtres , faire votre
bonheur sans le concours d'aucune considération personnelle ,
voilà la tâche glorieuse que nous nous sommes proposée ; nous
croyons avoir parcouru cette honorable carriere .
Puisque des malveillans osent maintenant élever sur notre
conduite des doutes , des soupçons injurieux ; les dissiper ,
Vous détromper et vous instruire , voilà notre devoir . Nous
allons le remplir.
Nous connaissons , braves habitans , les raisons puissantes
qui vous provoquerent à l'insurrection , et qui vous mirent
les armes à la main On avait porté , à la liberté de vos opinions
religieuses , les plus terribles coups ; de nouveaux pontifes
, un nouveau culte , avaient été érigés sur les ruines du
vôtre ; par-tout l'intolérance cherchait des coupables , et ai
mait à trouver des victimes . Le despotisme orgueilleux d'autorkés
établies pour vous protéger , des corvées de toute espece ,
des vexations de tout genre , venaient encore charger ces
affligeant tableau,
( 414 )
Lorsque le principe d'un mal dangereux est entierement
détruit , les conséquences fâcheuses qui en dérivent ne doi
vent plus exister ; la nécessité d'en faire cesser les tristes
résultats depuis sa source , est dans vos besoins les plus pressans
, et dans vos obligations les plus sacrées .
1
L'exercice paisible de votre religion vous est accordé ;
vous pouvez user avec sécurité de ce droit imprescriptible ,
qu'on n'avait pu vous arracher sans méconnaître les vôtres .
Il vous est libre , dès ce moment , d'offrir à l'être suprême ,
d'après vos anciens usages , vos hommages et votre reconnaissance
.
Votre malheureux pays été dévasté ; la flamme a dévoré
vos habitations : une soldatesque effrénée a exercé sur vos
personnes et vos propriétés les plus horribles brigandages . Eh
bien la Convention nationale contracte aujourd'hui l'engagement
de vous indemaiser de vos pertes , et de réparer ,
se peut , tous les maux causés par un régime de proscription
et d'injustice .
s'il
" Des secours vous sont accordés pour rebâtir vos chaumieres
; des bestiaux vous seront rendus pour faire revivre
l'agriculture , et vous procurer les aisances de la vie : vous
ne regretterez pas long - tems la privation de vos instrumens
de travail vous ne parlerez des impôts qu'au moment où une
position plus heureuse vous fournira les moyens de subvenit
aux besoins de l'état .
" Que la veuve éplorée , et que le pere infirme et caduc
ne tremblent point sur le sort de leurs enfans , que les lois
pourraient appeller au secours de la Republique . Eh quoi !
pourraient-elles se résoudre à priver l'infortuné de son appui ,
la vieillesse respectable de ses soutiens ? Non , la nation vous
dispense d'aller protéger ses frontieres ; elle ne vous impose
que la tâche facile de travailler dans vos campagnes , pour
l'aider à nourrir ses défenseurs .
" Vous avez fourni pour la subsistance des armées le fruit
de vos sueurs et de vos économies : nous vous en avons
donné des reconnaissances ; la Convention nationale vous ca
acquitte le montant.
Que vous reste - t- il à desirer ? quelles inquiétudes penvent
encore agiter des coeurs aigris si long- tems , il est vrai ,
par le ressentiment et le malheur ? Craindriez vous d'être
opprimés de nouveau par des autorités indignes de votre confiance
?
a
,, Rassurez - vous , braves habitans ; que la sécurité rentre
dans vos ames , qu'elle en chasse l'affreux désespoir. Ces
hommes , dont vous redoutez avec raison le joug odieux ; ces
hommes , qui étaient autant les ennemis de leur patrie que
les vôtres , ne seront plus les dépositaires du pouvoir dont
ils faisaient un si cruel abus .
( 413 )
Les représentans du peuple veulent bien nous consulter
sur le choix qu'ils doivent faire pour le remplacer ; nous leur
indiquerons des gens que vous connaissez , des gens qui ont
acquis votre estime et la nôtre ; des gens enfin qui , pour
adoucir votre existence , sont prêts à sacrifier leurs plaisirs ,
leurs jouissanees , leurs fortunes .
,, Auriez-vous done pensé , braves habitans , que nous pou
vions trahir lâchement vos intérêts ? Après les avoir soutenu
avec tant de chaleur , deviez vous croire un instant que nous
étions capables de démentir la conduite que nous avons
constamment tenue ?
99
Ah ! si ces sentimens injurieux partaient de vos coeurs
si nous les imputions à la jalousie et à la malveillance , combien
notre ame en serait cruellement déchirée ? comment
supporterions - nous l'affreuse idée qui nous convaincrait , qu'en
voulant faire des heureux , nous fimes des ingrats ?
99 Mais quoi ! vos intérêts ne sont - ils pas les nôtres ? nos
amis , nos femmes , nos enfans , ne sont- ils pas parmi vous ?
nos possessions n'avoisinent- elles pas vos champs ? Oui , sans
doute ; et quelque précieux que soient ces rapports , ne
croyez pas qu'ils aient fourni ies motifs qui nous ont déterminés
. Nous n'avons songé qu'à vous , nous avons tout sacrifié
à votre bonheur ; et , en l'établissant sur des bâses solides et
durables , nous ne nous sommes réservés que l'inestimable
avantage d'en être les témoins . ,,
Signés , CHARETTE , FLEURIOT , SAPINAUD ,
COLTES , DEBRUG .
Extrait d'une lettre de Tarascon , du 12 ventôse .
vertu
Les sabreurs et les massacreurs de la commune d'Arles ,
appellés monaidiers , qui étaient détenus à Orange , en
d'un arrêté du comité de sûreté générale , ont été mis en
liberté ; on ignore en vertu de quelle autorité , et ils sont
arrivés dans Arles , criant : vivent les jacobins , ils ont le dessus ,
guerre à mort aux modérés !
,, Les cannibales de cette commune , enhardis par ce suc
cès , s'y agitent cruellement ; il y a deux jours qu'ils couperent
, pendant la nuit , l'arbre de la liberté qui était devant
la société populaire . L'on a trouvé dans les rues des écrits
portant que la société populaire et les autorités constituées étaient
des coquins , que la montagne se releverait et triompherait plus que
jamais , et m.... pour la Convention . Ils ont fait une tentative
pour délivrer leurs camarades détenus aux tours du château ;
à cet effet , croyant attirer tous les bons citoyens à la campagne
, ils ont mis le feu , à trois endroits différens , à des
meule de pailles ; ils se sont répandus dans la ville criant au
feu ; le tocsin et le tambour se sont faits entendre ; à une
(
( 416 )
heure du matin tons les bons citoyens se sont ralliés , les
corps administratifs ont fait renforcer la garde du château ;
ils ont envoyé de forts detachemens dans la campagne aux
divers endroits où était le feu , qui a été éteint sans danger ,
malgré l'impétuosité da vent du Nord ; des patrouilles nembreuses
étaient distribuées dans la ville et dans la campagne ;
toutes ces sages précautions n'ont pas permis aux malveillans
de mettre fin à leur projet..
On assure dans ce moment que le commandant temporaire
de la commune d'Arles , indigné de la conduite que les prisonniers
d'Orange ont tenu en arrivant à Arles , et pour éviter
qu'ils ne versassent du sang comme on dit qu'ils en avaient
fait la menace , a pris sur lui de mettre en état d'arrestation
ceux qui provoquaient , avec le plas d'insolence , les massacres
et la guerre civile ; les autres ont pris la fuite pour se rallier à
ceux qui dévalisent les voyageurs et billent les campagnes . "
P. S. Dans la séance dn 28 , la Convention a reçu'
M. Carletti , et l'a reconnu en qualité de ministre plénipotentiaire
du grand duc de Toscane auprès de la République
Française .
Les sections de l'Observatoire et du Finistere sont venues
désavouer la pétition séditieuse faite hier par quelques indi
vidus pour demander du pain .
Le rapport de la commission des vingt- un sur Billaud
Bassere , Collot et Vadier a été distribué aujourd'hui aux
membres de la Convention .
"
On assure que c'est le 2 germinal que la discussion s'ouvir
à la Convention pour leur défense . Cette époque a été
signalée par quelques mouvemens dans les endroits publics ,
où le comité de sûreté générale a ciu devoir exercer
surveillance plus active.
une
On a remarqué que les terroristes , prévoyant la fin prochaine
d'un regne que le peuple abhorre , ont redoublé aussia
d'activité pour ajourner cette hu ; et on prétend qu'ils fondent
à cet égard quelqu'espérance sur les nombreux agens qui
leur restent dans certains départemens et dans certaines agences ,
où leurs suppôts on trouvé l'art de se conserver par une
tartuferie incroyable.
que
lettres
AVIS concernant le Merciire français , hiftorique
politique & littéraire.
DEPUIS que , par des événemens favorables aux
progres de l'efprit public & de l'opinien , da liberté de la
Preffe a été dégagée des entraves dont la tyrannie Davait
chargée , on a pu s'appercevoir du degre d'interet qu'on
s'eft efforté de donner à ce Journal , Joit dans la partis
piofophique & littéraire , foit dans la politique , foir
dans les débats de L Convention . L'article de Paris
continuera d'offrir des réflexions importantes fur les ma
eières que intereffent le plus la liberté publique ,
les principes qui doivent concourir au rétabliffement
fordre , & préparer la flabilité du Gouvernement. Let
événemens intérieurs , les jugement du Tribunal Reve
lutionnaire , les Nouvelles officielles des armées , y
cuperent toujours une place effentiille . Quoique la Ré
volution & la guerre foient les
fixent en ce moment l'attentio
Tinftruction , les fciences & les
grands objets gai
lique la morale
font dignes égale
ment de la partager. L'on faifira avec empreffement toutes
les circonflances qui pourront augmenter l'utilité de ce
Journal , quijouit de quelque eftime,
En paraiffans deux fois par Décade , il fe trouve an
veau des feuilles du jour, dans la plus grande partie
des Départemens où le fervice des poftes n'eft pas jour
nalier.
prix de l'Abonnement efl de 42 liv . frane de port
On s'adreffera pour fonferire an Gux , 1
Poiteving , N. 18.
NOUVEL AVIS AUX SOUSCRIPTEURS.
Les partie littéraire , subordonnée jusqu'à présent aux tritmemens
de la révolution et aux grands intérêts politiques ,
sentiellement liés à son succès , va reprendre l'étendue et le
degré d'importance qu'elle a toujours eu dans ce Journal
qui s'est fait estimer par sa variété et par l'esprit de critique
saine et impartiale de ses coopérateurs. Elle vient d'être cons
fee aux soins d'une société de gens de lettres qui , sous l'heuse
reuse influence de la liberté de la presse , ne négligeront rien
de ce qui peut intéresser la république des lettres , soit sou
les rapports du goût et de la littérature proprement dite, soit
sous ceux de l'économie politique , des sciences , des beaux arta,
de la morale et de l'instruction publique. Le regne de la ban
barie et du vandalisme n'a jamais été que celui de la tyrannie,
Les encouragemens que la Convention vient d'accorder aus
savans , aux gens de lettres et aux artistes , sont une nouvelle
preuve de la nécessité de l'alliance inséparable des lumieres avec
Liberté.
Les changemens et les améliorations que nous nous proposons
me se bornent pas seulement à l'intérit de la rédaction . Le
caractere petit - romain que nous avons employé jusqu à ce
jour , avait l'inconvénient de fatiguer extrémement à la lec
ture nous lui avons substitué un caractere plus agréable &
fail ; convaincus que nous sommes que les formes typogra
phiques influent plus qu'on ne pense sur le succès d'un our
vrage. Nous continuerons de faire usage du petit caractera
pour les nouvelles politiques , les pieces officielles et tous les
objets qui sont purement de détail , mais en même - terus , par
les supplémens que nous donnerons , ce Journal acquerra une
plus grande étendue de matiere.
341
Rien ne sera changé dans les autres parties qui composent
Journal : les nouvelles politiques les débats et les dern
majeurs de la Convention , les nouvelles de Paris et de l'me
térieur de tribunal , révolutionnaire , et les opérations imporé
tomies de nos armées , continuerent d'y occuper une place
essentielle.
Il paraître toujours deux fois par décade , ce qui le man
niveau desfeuilles du jour dans la plus grande partie dep
départemens , où le service des postes n'est pas journalier
Ainsi le Mersure , le plus ancien des journaux , celui dom
collection est la plus recherchée , aura toujours sur les
autres du même genre , l'avantage de paraître plus fréquemo
mont, et de réunir avec le même intérêt et la même variété plán
He matieres.
La cherté excessive du papier qui a plus que triplé, cele
la main-d'aupre qui s'est accrue dans la même proportion ,
Faugmentation de moitié dans les frais de port, qui vient d'étra
décrétée par la Convention , nous obligent de porter le prin
de l'abonnement à compter du 1ª . pluviêse à 50 liv , pour
mée , 25 liv. þour six mois , franc de port pour Paris et lag
départemens. Aussi-tôt que ces objets auront subi quelque dimiş
mution , nous mais empresserons d'en faire jouir mos songs
cripteurs.
Les auteurs , les artistes et les librairès qui voudrontfairs
enmonter leurs productions , voudront bien les adresser aut
citoyen Guth directeur du Mercure , rue des P'oittuings , we a
qui reçoit englement les sonscriptione,
( No. 25.36
Quintidis Pluviofe
lan troifième de la République.
Samedi 24 Janvier 1795 vieux fyle. )
MERCURE
FRANÇAIS
,
HISTORIQUE ,
POLITIQUE
ET
LITTERAIRE
Le prix de
l'Ahernement
trane de port.
Pres
CALENDRIER
REPUBLICAIN.
PLUVIO S I.
La Lune de mois a 29 jours Du : su 30 , les
jours croiffent le mat. de 45 m. & de foit de 44 m.
Ere Républicaine.
Ere
Vulgaire
PHASES
del de la
LUNE. H. M. S.
I primedi le Décade. 21 Dim. 129
2 dundi
$ tridi.
4.90
22 lundi
90
23 mardi
4 quartidi
Squincidi
.
6 fextidi
.
feptidi
4.99 90
24 merc. 91 S
2 jeudi NA 26
26 vend, le 49
27 fam. 6 n. 18
8 odidi
nonidi .
10 Dicadi
91 72
28 Dim. m. 91 96
lundi
21
30 mardi 9
11 primedi II Décade . 31 merc. te
12 duodi..
13 tridi.
1 jeudi 11 P. Q.493
vend. 12le 8 , 49 4.95.
14 quartidi .
1 quin idi .
16 extidi .
17 Yopridi .
fam. h. 12 m. 95
Dim. da foir. | 4.93
lundi 15 94
6 mardi 16 4.94
22 Chodi..
23 idi.
18 octi
19 nonidi .
20 Décadi
jendi 18 le 16,34 4,95
I primedi III Décad. to fam. 20 du ma .
merc. 17
merc. 17 . 96 75
9 vend. 19 19h 4m. 4.95
4.95
4.95
24 quartidi .
25 quinaidi.
26 Textidi .
27 Captidi..
28 octids
29 Dazidi
10 Dread
D
mardi
marc. 24
le 14 22
Esljendi- 25
16 vend . 16]
17 fan .
Dim. 28
landi
<
MERCURE
FRANÇAIS ,
HISTORIQUE POLITIQUE
ET LITTERAIRE ;
PAR UNE SOCIETE DE PATRIOTES,
Du Quintidis Pluviose , l'an troisieme
de la République..
( Samedi 24 Janvier 1795 ,
vieux style. )
TOME XI V.
LIBERTS
4.3
A PARIS
Au Bureau du Mercure , rue des Poitevins ,
No. 18 .
TABLE des matieres littéraires , depuis le 25 novembre
1794 , jusqu'au 19 janvier 1795 , vieux style.
SUITE du fragment sur l'abus des mots , etc. , dans
la révolution..
Annonces de livres et de gravures .
Voyage enAfrique et en Asiependant les années 1770-1779.
Par C. Thunberg , Suédois ....
Aunonces de livres , gravure et musique...
Thimoléon , tragédie avec des choeurs par M.J. Chénier ...
uvres complettes de Winkelmann ..
Suite du fragment sur l'abus des mots , etc. , dans la
résol tion....
La Bravoure gasconne , conte ; par Grétny fils ...
Charade , Enigme , Logogriphe ....
Nouveau systeme sur les granits , les schistes , etc.; par *
page
3.
11.
33 .
38 .
65.
78 .
97 .
129.
130 .
P. Bertrand ..
131 .
Annonces de livres nouveaux . . . . 133.
Vers d'Adele Toustein à son pere prisonnier.
161 .
Charade , Enigme , Logogriphe ... 162.
Voyage philosophique et pittoresque sur les rives du Rhin ,
et fait en 1790 ; par G. Forster ... 163.
Remerciment d'un détenu , etc.; par C. G. Toustain .. 193 .
Enigme et Logogriphe
194.
Almanach des Muses pour 1795 ... 195.
Annonces de livres nouveaux . 199
Imitation de l'Ode XV du Ve , liv . d'Horace. 225 .
Soirée de mélancolie , nouvelle édition ... 276.
La philosophie des Sans- culottes ; par N. Pellerson . 229.
Annonces de livres et de musique.
230.
Le Patriote , vers traduits de Dioscoride .
Charade , Enigme , Logogriphe ..
257.
258.
Histoire du Lion de la ménagerie du Muséum , et de
son Chien . 259.
La République est le seul gouvernement qui convienne à
la France ; par le citoyen Lenoir- Laroche, .... 289.
Annonce de livres nouveaux... 299.
Le Jardinier, le Papillon et la Chenille . fable ; par
Grétry fils ....
321 .
Charade , Enigme , Logogriphe ...
522.
Les Loisirs utiles ; par le citoyen Darnaud-Baculard ....
323.
Vers sur Dieu ; par le citoyen Lebrun .
353.
Histoire de la décadence et de la chûte de l'Empire
romain ; par Gibbon : tomes XII et XIII .: 355.
Bayerische
Staatsbibliothek
München
( 3 )
NOUVEL AVIS AUX SOUSCRIPTEURS.
LA4 partie littéraire , subordonnée jusqu'à présent aux événemens
de la révolution et aux grands intérêts politiques ,
essentiellement liés à son succès , va reprendre l'étendue et le
degré d'importance qu'elle a toujours eu dans ce Journal ,
qui s'est fait estimer par sa variété et par l'esprit de critique'
saine et impartiale de ses coopérateurs. Elle vient d'être confiée
aux soins d'une société de gens de lettres qui , sous l'heureuse
influence de la liberté de la presse , ne négligeront rien
de ce qui peut intéresser la république des lettres , soit sous
les rapports du goût et de la littérature proprement dite , soit
sous ceux de l'économie politique , des sciences , des beaux arts ,
de la morale et de l'instruction publique . Le regne de la barbarie
et du vandalisme n'a jamais été que celui de la tyrannie .
Les encouragemens que la Convention vient d'accorder aux
savans , aux gens de lettres et aux artistes ,•, sont une nouvelle
preuve de la nécessité de l'alliance inséparable des lumieres avec
la Liberté.
Les changemens et les améliorations que nous nous proposons
ne se bornent pas seulement à l'intérêt de la rédaction . Le
caractère petit - romain que nous avons employé jusqu'à ce
jour , avait l'inconvénient de fatiguer extrêmement à la lecture
, nous lui avons substitue un caractere plus agréable à
l'ail ; convaincus que nous sommes que les formes typographiques
influent plus qu'on ne pense sur le succès d'un ouvrage.
Nous continuerons de faire usage du petit caractere
pour les nouvelles politiques , les pieces officielles et tous les
objets qui sont purement de détail ; mais en même - tems , par
les supplémens que nous donnerons , ce Journal acquerra une
plus grande étendue de matiere .
Rien ne sera changé dans les autres parties qui composent
A 1
( 4 )
ee Jonrnal ; les nouvelles politiques , les débats et les décrets
majeurs de la Convention , les nouvelles de Paris et de l'intérieur
, le tribunal révolutionnaire et les opérations importantes
de nos armées , continueront d'y occuper une place
essentielle.
Il paraîtra toujours deux fois par décade , ce qui le met
au niveau des feuilles du jour dans la plus grande partie des
départemens , où le service des postes n'est pas journalier.
Ainsi le Mercure , le plus ancien des journaux , celui dont
la collection est la plus recherchée , aura toujours sur les
autres du même genre , l'avantage de paraître plus fréquemment,
et de réunir avec le même intérêt et la même variété plus
de matieres.
La cherté excessive du papier qui a plus que triplé, celle de
la main- d'oeuvre qui s'est accrue dans la même proportion , et
l'augmentation de moitié dans les frais de port, qui vient d'être it
décrétée par la Convention , nous' obligent de porter le prix de
l'abonnement , à compter du 1er , pluviôse , à 50 liv . pour l'année
, 25 liv. pour six mois , franc de port pour Paris et les
départemens . Aussi-tôt que ces objets auront subi quelque dimi
nution , nous nous empresserons d'en faire jouir nos souscripteurs.
Les auteurs , les artistes et les libraires qui voudront faire
annoncer leurs productions , voudront bien les adresser au
citoyen Guth , directeur du Mercuré , rue des Poitevins , nº . 18 ,
qui reçoit également les souscriptions.
( No. 25. )
MERCURE FRANÇAIS.
QUINTIDI 5 PLUVIOSE , l'an troisieme de la République.
( Samedi 24 Janvier 1795 , vieux style . }
STANCES.
Rousseau placé au Panthéon par le Peuple Français.
ENFIN , le jour de la justice
Pour toi , grand homme , est arrivé !
Sur les débris fumans du vice
Ton piedestal est élevé ;
Ne détourne point la couronne
Que ton il modeste apperçoit.
Si c'est le peuple quila donne ,
C'est la vertu qui la reçoit.
Venez y joindre vos offrandes
Tendres meres , jeunes enfans ;
De fleurs , de palmes , de guirlandes.
Couvrez ces mânes triomphans !
Hommes , que l'injustice opprime
Que ce jour pour vous sera beau !
A la voix d'un peuple sublime
Votre ami sort de son tombeau .
Inconsolable Ermenonville ,
J'entends les cris de ta douleur ,
Lorsqu'au silence de ton isle
La paurie enleve son coeur......
Mais laisse aux rives de la Seine
Le temple auguste des vertus ;
Ea-ce loin de Rome et d'Athene
Q'on plaça Solon et Brutus ?
AS
( 6 )
Brutus ! .. quel nom ! pourquoi le Tibre
N'en offre-t-il plus d'aussi grands ?
Gloire immortelle à l'homme libre
Qui brise le joug des tyrans "!
Toi dont j'adore le génie ,
As- tu de nous moins mérité ?
Ta main frappa la tyrannie
Du poignard de la vérité.
N'espere donc point que la haine ,
Au teint pâle , aux sombres regards
En toi de la faiblesse humaine.
Pardonne jamais les écarts !
Sous l'intolérable puissance
Des vils satellites des rois
"
Quel sage impunément en France
De l'homme eût proclamé les droits
Tandis que sa plume au grand Être
Du genre humain offrait l'amour ,
On vit et l'athée et le prêtre
Le persécuter tour -à - tour.
Ne fallait- il pas que du monde
Les plus infames corrupteurs ,
Jusqu'en sa retraite profonde
Poursuivissent l'ami des meurs ?
Source éternelle de nos peines ,
La cour , livrée à ses desirs
Du sang exprimé de nos veines
S'abreuvait au sein des plaisirs ;
Et de la voix de la nature
L'incorruptible défenseur
Gémissait dans sa vie sobscure.
Courbe sous le poids du malheur
Que dis-je ! un sénat mercenaire
*
A lancé des ordres cruels :
Qu'on enchaine le téméraire
99 Qui veut éclairer les mortels ! , 9
” ༔
I
( 4)
fait.... une terre tranquille
Va recevoir l'infortuné ! ...
Non la vertu n'a plus d'asyle
Lorsque le vice est couronné !
A qui réserves- tu la foudre ,
Dieu qui viens de briser nos fers ?
Quand voudras - tu réduire en poudre
Les oppresseurs de l'univers ?
Acheve done ! ouvre la tombe
Où tu fis descendre Tarquin ,
Et que tout diadême tombe
Devant le peuple souverain !
*
Tu préparas ce grand ouvrage , s motive
Toi qui , brûlant d'humanité , sio s
Peignis , avec tant de courage , in
Les charmes de l'égalité !
De quelle pure jouissance
T'enivre aujourd'hui l'éternel
S'il découvre à tes yeux la France
Libre du trône et de l'autel !
Lancez ,
Frémissez de rage à nos fêtes ,
Vous qu'irrité notre bonheur !.
Puisez sur nos têtes
Tous les traits de votre fureur !
Ainsi , dans leurs cavernes sombres
Les méchans de fiel consumés ,
Mandissent les célestes ombres
Des justes qu'ils ont opprimés.
Pardonne au transport qui m'égare ,
Vengeur de l'illustre Caton !
Quoi j'ose peindre la Tartare
Quand Rousseau vole au Panthéon ?
Disparaissez tableau funebre
Devant les couleurs de l'amour ,
De la fête que je célebre
N'obscurcissez pas le beau jour ?
AA
( 8 );
Et toi qui du siecle où nous sommes
Créas les destins glorieux , ..
Toi qui formas le coeur des hommes ,
Viens prendre place au rang des Dieux ?
Vois les honneurs qu'à ta mémoire
Consacre la postérité
Et dans le temple de la gloire
Jouis de l'immortalité.
MON
CHARADE.
ON tout à bien des gens tient lieu de coffre- fort.
Divise-moi mon premier est un port ,
Qui ne redoute gueres
L'attaque des Anglais ;
S'ils s'y frottaient , les courageux Français
Donneraient mon dernier à ces fiers insulaires .
LOGO GRIPHE
J'AI cinq pieds bien comptés , et n'en veux davantage ;
ΑΙ
Mais qui me changerait les trois pieds du milieu ,
Pour moi serait un demi-dies .
Quel plaisir d'être en tête d'un ménage !
Patientons : cela doit venir avec l'age .
Cherche en mon un terme de dédain ;
Un arbre toujours verd , le sédiment du vin ;
Puis deux pronoms ; le tissu d'une histoire ;
De nos guerriers certain arrangement ; 1
L'opposite d'un continent.
Et puis , bon soit : je suis au bout de man grimoire .
( 9 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
Nouvelle Grammaire raisonnée , à l'usage d'une jeune personne.
Volume in-8 de 316 pages . Prix , 5 lio . en feuilles . Par
une société de gens de lettres ; le cit. P. , éditeur . A Paris ,
chez Plassan , imprimeur-libraire , rue du Cimetiere - Andrédes-
Arcs , no. 1o , l'an 3 de la République Française.
Cs n'est pas une chose facile qu'une bonne grammaire ,
ni un service médiocre à rendre à l'art de communiquer
ses pensées. De toutes les langues modernes , et peutêtre
même des anciennes , la langue française est l'une,
des plus difficiles à parler et à écrire correctement . Née
des débris de la langue des Romains qui firent la conquête
des Gaules , de celle des Grecs qui établirent une
colonie à Marseille , et des différens idiomes de cette
nuée de peuples barbares qui se répandirent du nord
vers les contrées occidentales de l'Europe , ses regles se
sont formées successivement et avec peine , à mesure
que les connaissances humaines ont fait des progrès ,
et que l'esprit d'analyse a mis plus d'ordre dans le
systême des idées .
On peut compter deux époques principales dans
l'histoire du progrès de la langue française , celle,
d'Amyot et de Montaigne , et celle depuis Corneilie jusqu'à
nos jours . Si à cette premiere époque la langue cherchait
encore ses regles , et tatonnait ses principes
elle trouvait dans l'incertitude même de ses limites une
audace et une liberté qui laissait plus d'essor au génic
et donnait à l'expression de la pensée des formes plus
piquantes et plus originales . En lisant Amyot et Montaigne,
on juge mieux du caractere de la langue , de celui de
l'écrivain , et surtout des moeurs du tems , qu'on n'a
pu le fai e lorsque le goût devenu plus exigeant , et les
regles plus séveres , ont mis dans les signes de nos idées
plus d'ordre , plus de perfection , mais en même tems
plus d'uniformité. Au milieu des richesses d'un autre
genre , que le langage a reçues des lois grammaticales ,
la langue d'Amyot et de Montaigne plaira toujours à ceux
qui aiment à surprendre la pensée d'un auteur dans
son état de nature , et la langue dans le travail de son
génie . On regrette que les législateurs trop scrupu(
10 )
!
Teux de la langue française , n'aient pas assez conservé
des tours originaux et de la syntaxe pittoresque qu'on
retrouve dans ces deux écrivains .
Dans tous les genres , les chefs -d'oeuvres des artisres
ont toujours précédé les regles de l'art. C'est lorsque
Corneille , Pascal , Bossuet , Racine et Fénelon eurent enrichi
la langue de leurs sublimes productions , que parut la
grammaire de Port - Royal. Cet ouvrage auquel le
grand Arnauld communiqua de son génie , porte , comme
tous les écrits de cette société célebre , un caractere de
profondeur et de lumiere qui distingue plus particulierement
le siecle de Louis XIV. On a fait depuis beaucoup
de grammaires . D'Olivet Dumarsais
Girard ,
Duclos, Beauzée , etc. , ont tracé les regles de la langue ,
reculé ses limites , et fait des remarques précieuses sur
son esprit ; mais quelques services qu'ils aient rendus
au langage , ils n'ont point fait oublier la grammaire
de Port -Royal.
Il y aurait une question importante à examiner . Les
grammaires sont - elles la voie la plus sûre et la plus
facile pour apprendre la langue ? Si l'on considere le
nombre de connaissances qu'il a fallu réunir pour composer
une bonne grammaire , combien elle suppose de
clarté , de méthode , d'analyse et de métaphysique dans
l'esprit , de justesse dans les idées , de sagacité dans le
goût , pour découvrir dans la formation successive de la
langue et les bizarreries capricieuses de l'usage des principes
généraux et des regles constantes , marquer les exceptions
et soumettre en quelque sorte les irrégularités
à des lois régulieres ; combien il a fallu recourir à de
termes abstraits pour donner de la précision à la théorie ,"
l'on sentira facilement que toutes ces choses doivent
être d'une conception pénible et fatigante pour les
jeunes gens ; les grammaires ont été faites par des savans .
et malheureusement il n'y a que des savans ou des esprits
très-exercés qui puissent les entendre.
De quelqu'utilité que soit une grammaire , le premier
et le meilleur moyen d'apprendre sa langue , sera toujours
la leçon de l'exemple ; c'est en entendant bien
parler , c'est par la lecture des bons écrivains , que les
jeunes gens prendront l'habitude de la correction et de
la pureté , et quand , après s'être nourris de la substance.
d'excellens modeles , ils voudront s'affermir dans la pra
tique par les principes de la théorie, c'est alors que l'étude
des grammaires leur deviendra plus aisée et plus fruc(
11 )
tueuse . Il semblerait encore que les rapports naturels qui
existent entre l'ordre des idées et les signes dulangage ,
devraient faire précéder la connaissance des regles méca
niques du langage par de bons élémens de logique , car
l'art de bien parler suppose nécessairemenr celui de bien
raisonner ; cet ordre , qu'indique la nature même des
choses , n'est pas celui qui a été adopté jusqu'à présent
dans la marche de l'instruction publique.
66
On voit que l'éditeur de la nouvelle grammaire raisonnée
que nous annonçons , a senti la nécessité de la
dégager de toutes les formes abstraites qui pourraient
embarrasser l'intelligence des jeunes éleves . Dans une
court e introduction qu'il adresse à ses enfans , il expose
la marche qu'il a tenue et le but qu'il s'est proposé. Je
vous mis entre les mains plusieurs grammaires modernes ;
leur sécheresse , leur prolixité ne tarderent pas à vous rebuter.
Je pris alors le parti de rédiger une grammaire
extraite de toutes les grammaires qui étaient à ma connaissance.
Je m'entourai de celles de Port- Royal , de
Duclos , de Girard , de Dumarsais , etc. Après avoir fait
mon plan , je composai de petits chapitres sur chacune
des parties du discours , oùje tâchais de mettre de l'ordre ,
de la clarté sur tout , et où je cherchais à substituer des
moyens mécaniques à des explications abstraites qu'une
jeune personne ne peut entendre . C'est avec ce soin que
j'ai traité tout le chapitre des verbes et de leurs modes ,
des subjonctifs , des participes . Cette grammaire , ajoutetil
, excepté quelques chapitres , est un extrait , un rẻ-
sumé de ce qu'il y a de plus clair , de plus intelligible
dans vingt ouvrages sur la langue française. Outre toutes
les grammaires connues dont j'ai fait usage , j'ai mis encore
à contribution Debrosse , Court - de- Gébelin , Bouhours,
Condillac , etc. Elle n'est destinée ni aux savans , ni aux
gens de lettres je l'ai rédigée à l'usage d'une jeune
personne de 15 à 16 ans , et encore j'ai le soin d'indiquer
les chapitres qu'elle doit passer dans une première lecture.
Quelque modeste que soit cette annonce
croyons que cette grammaire se fera lire avec intérêt ,
même par ceux qui ont déja acquis des notions étendues
sur notre langue.
nous
On sent qu'un ouvrage théorique et didactique n'est
gueres susceptible d'une analyse suivie ; on n'abrege
pas des regles , on les donne.
La premiere partie est consacrée à ce qu'on appelle
les différentes parties du discours ; les principes y sont
( 12 )
développés avec clarté , précision et méthode . A mesure
que l'auteur rencontre les difficultés nombreuses que
présente la langue dans les parties constitutives du discours
, il les résout avec sagacité , et toujours en s'appuyant
sur l'autorité des meilleurs écrivains .
Dans la seconde partie , qui n'est pas la moins utile de
cette grammaire , on y traite des accens , de la prosodie ,
de l'orthographe , de la construction grammaticale , de
l'inversion , des convenances et disconvenances dans le
langage , des mots expletifs , des tropes. Ces principaux
articles sont extraits de Dumarsais , l'un des grammairiens ,
qui a su le mieux appliquer l'analyse et la métaphysique .
aux regles du langage . Le chapitre des synonymes ,.
celui de la versification française et de la prosodie , sont
du
citoyen Ginguené , littérateur justement estimé.
Cet ouvrage est terminé par deux chapitres extrêmement
intéressans ; l'un sur les mots de la langue fran
çaise , qu'on a' appellés privatifs , et l'autre sur les gallicismes.
1
Le premier contient des observations précieuses de
Laharpe et de Suard , sur un ouvrage que Charles Pougens
a publié l'année derniere , sous le titre de Vocabulaire de
nouveaux privatifs de la langue française. Cet auteur donnait
le nom de privatifs à un grand nombre de mots nouveaux
, qui , au moyen des prépositions im ou in ; dé ,
des ou dis , mé ou més , prennent un sens contraire à celui
du mot simple , tels sont les mots : impérissable et intacte ,
décoloré , déshonoré , et disgrace ; mécontent et mésusé.
Mais il ne suffit pas , remarque Suard , que l'idée de
privation entre dans le sens d'un mot , pour qu'il mérite
la denomination de privatif ; car si on appelle ainsi les
mots inaction , indisposition , etc. Il faudrait pour la même ,
raison , donner ce nom au mot repos , qui exprime également
privation d'action , et au mot maladie , qui exprime
privation de santé .
Deux observations concou ont à faire voir combieu
le mot privatif est impropre. 1 ° . Les mots auxquels on
les applique n'énoncent pas tous l'idée de privation .
2
and on parle d'un fat incommode , d'une proposition
inverse , d'un bien impérissable , d'une écriture inlisible , il
n'y a point là de privation exprimée . 2 ° . Le mot de pri- ,
vatif ne conviendrait pas , même à la rigueur , aux mots
qui semblent indiquer le plus clairement la privation ;
comme dans inaction , infini , inodore , inégal , etc. , priver
de quelque chose , c'est êter à un sujet quelconque ,
13 )
quelque chose qu'il possedait ; mais cette définition ne
peut convenir aux mots qu'on vient de citer ; car l'être
infini , ni l'homme dans l'inaction , ni une fleur inodore ,
ni un nombre inégal , n'offrent l'idée de privation.
" Cette idée est exprimée dans quelques mots , et
plutôt dans ceux qui sont précédés de la particule de ou
dés , que dans ceux qui prennent la préposition in ou
im ; un objet décoloré , est un objet privé de ses couleurs ;
desorganiser une machine , c'est le priver de son organisation
. Mais , dira-t - on , quel nom donner à cette multitude
de mots , qui , relevant tous une modification
analogue par les mêmes prépositions dont ils sont composés
, semblent faire dans toutes les langues des classes
particulieres et distinctes ? Je répondrai qu'il faudrait
étendre à linfini la nommenclature des mots , si l'on
voulait donner des dénominations particulieres à ceux
qui présentent ainsi dans leur composition des rapports
communs et inégaux. "
Suard pense quil conviendrait mieux d'appeller simplement
mots composés ceux qu'on veut appeller privatifs ,
et il prouve que dans beaucoup de cas la dénomination
de négatifs serait plus convenable , comme dans impoli,
impair impuisant , inusité , qui ne signifient exactement
que non poli , non pair , non puissant , non usitě. S il était
convenable de distinguer , par une dénomination géné
rale , les mots qui prennent les prépositions im ou in , đễ
ou dés , il ne voit pas non plus pourquoi l'on ne distin
guerait pas de méme les mots nombreux qui se composent
des prépositions ab ou ad , con ou com , en ou in
avec le sens de dans , entre et inter , par , per , pour , pro ,
pre , trans , etc. , comme abuser et admirer , combattre ou
contsruire , enrainier et induire , entreposer et interligner ,
parfait , pourvoir , permettre , proposition , reproduire et
réprouver , transporter , etc. Mais à quoi bon embarrasser
ainsi la nomenclature grammaticale de ces classifications
inutiles ? La langue des grammairiens n'est déja que
trop gratuitement surchargée de termes abstraits et
pédantesques .
Le jésuite Bouhours , continue Suard , dans ses remorques
sur la langue française , a un chapitre intitulé
Des mots qui commencent par in ; c'est sous cette dénomination
très -simple et trop générale encore , qu'il examine
un certain nombre de ces mots , que l'on cherchait
, il y a un siecle , à introduire dans la langue . Les
discussions de nos anciens grammairiens servent à faire
( x4 )
connaitre les variations progressives qu'a éprouvées
notre langue , et en mêmê-tems l'incertitude des principes
sur lesquels s'operent les innovations . Par exemple,
Bouhours réprouve les mots intolérance , insidieux , impécuriosité,
impécanieux , injudicicux , inexpérimenté , invaincu ,
indisputable , impardonnable , incorrompu , inconvertible ,
inexplicablement , insoutenablement , tous mots protégés et
recommandés par Ménage. Une partie de ces mots est
restée malgré la censure du jésuite , comme inexpérimenté
, impardonnable , insidieux . Intolérance a fait la plus
grande fortune pendant que la chose est tombée dans
le plus horrible discrédit ; et Bouhours , qui ne voulait
pas d'impardonnable , si usité aujourd'hui , recommandait
envain immortifié , qui n'a pas pu venir jusqu'à
nous . Tel est le sort des mots nouveaux . Si le citoyen
Pougens avait suivi l'histoire des variations de notre
langue , il aurait eu moins de confiance dans la fortune
de cette foule de mots en in ou en dé , qu'il propose à
nos écrivains comme une source de nouvelles richesses
"" ,
A
Nous ne rapportérons point les observations de
Laharpe sur les privatifs que veut introduire Charles
Pongens . Elles ont occupé une place dans ce journal.
( Voyez les numéros 3 et 4 de l'année derniere . ) Nous
dirons seulement que Suard en a faites à son tour de
très- judicieuses sur celles de Laharpe. Ces sortes de débats
critiques entre des écrivains également estimés
sont peut-être de toutes les manieres d'instruire la plus
piquante et la plus utile .
Le chapitre sur les gallicismes , qui est tout entier de
Suard , est une des meilleures dissertations qui aient été
faite sur cette matiere , qui tient à l'esprit de la langue
française . Pour comprendre ce qu'on entend par gallicisme
, il faut savoir qu'il y a des principes communs aux
différens idiomes qui ont été réduits en ordre systèmatique
, et qui composent ce qu'on appelle la grammaire
générale . Mais il y a en même-tems dans toutes les langues
des exceptions à ces principas généraux et communs
, c'est-à-dire , des particularités , soit dans l'emploi
des mots , soit dans la maniere de les arranger , qui ,
s'écartaut des regles ordinaires , distinguent une langue
de toutes les autres. Ces locutions particulieres s'appellenr
idiotismes .
Lorsqu'on a voulu distinguer les idiotismes propres
une langue en particulier , on leur a donné un nom ana(
15 )
logue à celui de cette langue. Les idiotismes de la langue
française s'appellent gallicismes , comme ceux du grec et
du latin s'appellent hellenismes . ou latinismes ; ceux de
l'anglais et de l'allemand , anglicismes ou germanismes.
Ainsi idiotisme désigne le genre dont les autres mots
sont les
especes.
" Il y a dans les langues modernes des façons de
parler qui sont communes à plusieurs , mais qui sont
absolument étrangeres à l'esprit et aux usages des langues
ancienues. Ce sont des idiotismes relativement à
celles-ci ; mais elles ne peuvent être considérées comme
tels relativement aux premieres 5 .
Suard cite pour exemple de gallicisme dans la langue
italienne le trait suivant : Un italien disait qu'il avait
été dans une maison où on lui avait fait beaucoup de
finesses , parce que dans sa langue finezza signifie politesse.
S'il ayait lu cette maxime de Larochefoucault : « Ce qui
› nous donne tant d'aigreur contre ceux qui nous font
" des finesses , c'est qu'ils croient être plus habiles que
" nous , il l'aurait vraisemblablement mal comprise ;
si un auteur italien , en traduisant cette pensée , rendait
le mot finesse par finezza , il ferait un gallicisme.
99
Le gallicisme étant une façon de s'exprimer particuliere
à notre langue , cette particularité d'expression
peut se trouver , selon Suard , 1º . dans le sens d'un mot
simple ; 2. dans l'association de plusieurs mots ; 3º . dans
l'emploi d'une figure ; 4. dans la construction de la
phrase. Suard cite , sous chacune de ces distinctions ,
une infinité d'exemples où l'on voit l'esprit et le génie
particulier qui caractérisent notre langue , et qui prouvent
combien il est difficile de bien traduire , lorsqu'on
ne connaît pas les nuances et le sens propre des mots
de chacune d'elles , qui sont modifiés si souvent par
les moeurs , ou dénaturés par la mode. Parmi les exemples
qu'il rapporte , en voici un assez curieux : « J. J. Rousseau
parle , dans un de ses ouvrages , des petites maisons qui
ont été quelque tems à la mode à Paris , pour des rendez-
vous de galanterie . Un Anglais , qui a traduit l'ouvrage
de Rousseau , a rendu cetre expression par les mots
équivalens de sa langue , little house , qui signifient cabinet
d'aisance ; ce qui ne peut manquer de former un sens
très ricicule. Un journaliste anglais , en rendant compte.
de la traduction , releve d'un air capable cette singuliere
méprise , et en fait une autre non moins plaisante.
Le traducteur de Rousseau , dit - il , ignore sans doute que
( 16 )
$
les Français donnent le nom de Petites- Maisons à l'hôpital
des Foux , établi à Paris.
Les deux chapitres dont nous venons d'indiquer l'objet,
et qu'il faut lire dans leur entier , suffiraient pour rendre
recommandable cette grammaire , qui contient d'ailleurs
des principes extrêmement simplifiés , et la solution des
difficultés grammaticales qui se rencontrent le plus fréquemment
dans l'usage.
INSTRUCTION PUBLIQUE.
ÉCOLES NORMALES.
L'ouverture des écoles normales s'est faite le 115. de
ce mois dans une des salles du Muséum d'histoire naturelle
, en attendant que le local de la ci- devant Sorbonne
soit préparé à cet effet : nous nous proposons de donner
le tableau analytique des travaux de cette institution.
Destinée à régulariser les différentes branches de
Tinstruction publique . Nous commençoes par arrêté
du comité qui peut être considéré comme une antzo ·
duction à ces leçons importantes .
entrait dans les desseins de la Convention notioinale
de donner au Peuple Français un systĉine d'instruction
digne de ses nouvelles destinées mais les
instituteurs et les professeurs manquaient pour Fesecution
d'un si grand dessein . La Convention a voulu
former des instituteurs et des professeurs pour toute
l'étendue de la République .
Tel est le but de l'établissement des écoles normales
.
Dans les autres écoles , on enseigne seulement les
branches diverses des connaissances humaines : dans les
écoles normales , on professera principalement l'art de
les enseigner on exposera les connaissances les plus
utiles dans chaque genre , et on insistera sur la méthode
-de les exposer. C'est là ce qui distinguera essentiellement
les écoles normales ; c'est là ce qui remplira le`
nom qu'on leur a donné ..
On ne parlera point ici des professeurs ; ils seraient
mal choisis , si on avait besoin d'en parler . Flusieurs
sont connus pour avoir créé ou perfectionné les mé--
thodes qui ont fait faire aux sciences de nouveaux pro-
.grès , ou qui en ont rendu l'acquisition plus facile . Ce
genre
genre de mérite , le plus haut degré de talent , était ng
mérite nécessaire dans les professeurs des écoles nor
male ,
Gracaractetes , la plupart si nouveaux , ne sont pas
les seus que les écoles normales doivent présenter.
. Dans les autres écoles , les seuls professeurs parlent ,
et une seule fois sur chaque partie d'une science.
Dans les autres écoles , ce que disent les professeurs
ne laissent de traces que dans la mémoire des auditeurs ;
et les auditeurs peuvent mal entendre et mal comprendre
leur mémoire peut retenir imparfaitement ,
incomplettement .
;
On avait voulu que , dans les écoles normales , ce qui
n'aurait pas été bien entendu ou bien retenu , en écoutant
les professeurs , pût l'être en les lisant.
On a voulu que ce qui n'aurait pas été suffisamment
éclairci ou compris dans une premiere séance , pât
l'être dans une seconde.
On a voulu que le professeur , dans chaque genre ,
présentât la science et la méthode , et que l'école toute
entiere les discutàt.-
On a voulu que l'initiative et la présidence de la pa
role appartinssent aux professeurs exclusivement , et que
le droit de parler pour interroger les lumieres des professeurs
, ou pour communiquer leurs propres lumieres ,
appartint à tous les éleves ..
On a voulu que les lumieres qui seraient apportées
aux écoles normales , et celles qui y seraient nées , në
fussent pas renfermées dans leur enceinte ; et que ,
presqu'au même instant , elles fussent répandues sur
toutes les autres écoles et sur toute la France.
Voici les moyens très - simples que le comité d'instruction
publique a cru devoir prendre pour opérer
tous ces effets.
Des stenographes , c'est-à-dire des hommes qui écris
vent aussi vîte qu'on parle , seront placés dans l'enceinte
des écoles normales , et tout ce qui y sera dit sera écrit
et recueilli pour être imprimé et publié dans un journal. ›
Dans une premiere séance , les professeurs parleront
sculs ; dans la séance suivante des mêmes cours , on
traitera les mêmes objets , et tous les éleves pourrons
parler. Le journal sténographique leur aura remis sous
les yeux , un ou deux jours à l'avance , ce que les professeurs
auront dit dans la séance précédente . Tantôt
ils interrogeront le professeur , tantôt le professeur les
Tome XIV. B
( 18 )
interrogera ; tantôt il s'établira des conférences entre les
éleves et les professeurs , entre les éleves et les éleves ,
entre les professeurs et les professeurs .
•
Par le concours et par l'ensemble de ces mg Ins
avant de passer d'un objet à l'autre , on portera tou-
Jours sur celui qu'on a déja va ce second coup d'oeil
nécessaire pour donner aux idées de la netteté , de la
fermeté et de l'étendue .
L'enseignement ne sera point le résultat du travail
d'un seul esprit , mais du travail et des efforts simultanés
de l'esprit de douze à quinze cents hommes.
Les sciences s'enrichiront à la fois , et des fruits préparés
et lentement mâris de la méditation , et des cléa
tions soudaines et inattendues de l'improvisation.
Un très-grand nombre d'hommes , destinés à professer
les diverees sciences, s'exerceront à ce talent de la parole ,
avec lequel seul le génie et les lumieres des professeurs
passent rapidement dans les éleves .
Le style a plus que la parole de cette précision exacte ,
sans laquelle il n'y a point de vérité ; et la parole a
plus que le style , de cette chaleur fécondante sana
laquelle il y a bien peu de vérités . L'organisation de
l'enseignement , dans les écoles normales , fournira peutêtre
les moyens de corriger la parole par le style , et
d'animer le style par la parole ; et ces deux instrumens
dé la raison humaine , employés tour à tour, et perfectionnés
, l'un par l'autre , seront tous les deux plus
propres à perfectionner la raison elle -même.
La parole a dominé chez les anciens ; elle a produit
les beautés et les égaremens de leur génie : le style a
dominé chez les modernes ; il a produit la puissance
rigoureuse de leur génie et sa sécheresse. L'emploi successif
de l'un et de l'autre sera peut-être le moyen de
réunir ce qu'il y a de plus imminemment utile dans le
génie des modernes , et ce qu'il y a eu de plus beau
dans le génie des anciens.
Tous les professeurs ont l'habitude de méditer et d'écrire
dans le silence du cabinet , et presque tous par
leront pour la premiere fois dans une grande assemblée :
un pareil essai les aurait trop effrayés , s'ils avaient pu
avoir une autre ambition que celle d'être utiles .
REGLEMENT.
Art. 1. La séance commencera tous les jours à es
heures du matin , et finira à une keure un quart.
( 19 )
II. Les travaux des écoles normales seront distribués
lans l'ordre suivant :
Primedi et sextidi. 10. Mathématiques ; Lagrange et
Laplace , conjointement. 2 ° . Physique , Haïy . 3º. Géo- ¹
métrie descriptive , Monge.
Duodi et septidi . 1 ° . Histoire naturelle , Daubenton .
2. Chymie , Bertholet . 3 ° . Agriculture , Thouin.
Tridi et octidi. 10. Geographie , Buache et Mentelle ;›
conjointement. 2 ° . Histoire , Volney. 30. Morale, Bernardin
Saint-Pierre.
Quartidi et nonidi. 1º . Grammaire , Sicard. 2 °. Analyse:
de l'entendement , Garat, 30. Littérature , Laharpe..
III. Les quintidi , les professeurs des écoles normales ,
réunies , auront , en présence des éleves , une confé
rence , à laquelle seront invités les savans , et les gens de
lettres et les artistes les plus distingués .
IV. Ces conférences auront principalement pour objet
la lecture et la discussion des livres élémentaires à l'u
sage des écoles primaires de la République .
V. Les écoles normales vaqueront les décadi . Les.
eleves se répandront dans les bibliotheques , les obser
vatoires , les muséum d'histoire naturelle et des arts
les conservatoires d'arts et métiers , et dans tous les dé
pôts consacrés à l'instruction ; tous ces dépôts leur se-.
ront ouverts sur le vu d'une carte marquée au timbre
du comité d'instruction publique , et signée des deux
représentans du peuple près les écoles normales.
VI. Les séances des écoles normales seront alternativement
employées au développement des principes de
l'art d'enseigner , exposés par les professeurs et à des ,
conférences sur ces principes entre les professeurs et les
éleves.
VII. Les conférences ne pourront jamais s'ouvrir que .
sur des motions traitées dans la séance précédente.
VIII . Aucun éleve ne pourra prendre la parole s'il ne
s'est fait inscrire , et s'il n'est appellé par le professeur.
IX. Dans le cours des débats , le professeur pourra
ajourner sa réponse à la séance suivante.
X. Les leçons , les debats et les conférences qui auront
lieu dans les écoles normales seront recueillis dans un
journal sténographique ; ce journal sera distribué aux
membres de la Convention nationale , aux professeurs et
éleves des écoles normales ; il sera envoyé aux adminis
trations de districts de la République c. à ses ministress
onsuls et agens en pays étrangers .
Signés , LaKANÁL et DELEYRE. B :
((20 )
NECROLOGIE,
L'Europe doit des regrets à la perte du célebre Bec
caria , auteur du Traité des Délits et des Peines , qui vient
de terminer sa carriere à Milan , sa patrie . Tout le monde
connaît le degré d'influence qu'a produit insensiblement
cet ouvrage sur l'amélioration du système des lois criminelles
, dans la plupart des états de l'Europe . Léopold ,
alors grand- duc de Toscane , fut le premier qui eut le
courage de puiser dans cet ouvrage l'idée d'un nouveau
code criminel. Le Traité des Délits fut traduit bientôt
dans toutes les langues ; deux traductions parurent en
France en 1766 ; la plus estimée est celle de Morellet,
Croirait-on qu'il se trouvât alors un homme , doué d'assez
peu de raison et de philosophie pour le réfuter : cet
homme fut un certain Muyard de Vouglans , qui , parce
qu'il avait fait une compilation indigeste des lois criminelles
, s'était cru en droit de défendre la cause de
la barbarie et des vieux préjugés contre celle de la
philosophie et de l'humanité . La réfutation de Muyard
de Vouglans tomba dans l'oubli qu'elle méritait , et let
succès du Traité des Délits prouva que ce ne sont pas
les ouvrages les plus volumineux qui attirent le plus
de célébrité .
Sans rien faire perdre à son estimable auteur
droits qu'il a à la reconnaissance des nations , nous
devons dire que , long-tems auparavant , Montesquieu avait
jetté dans plusieurs chapitres de son Esprit des Lois
des idées grandes et lumineuses sur une matiere encore
empreinte de la rouille de l'ignorance et de la férocité
des anciens législateurs. Le même sentiment de justice'
nous oblige à déclarer qu'à la niême époque , où parut
en France le Traité des Délits et des Peines , un magistrat
éloquent et sensible , Servan , dans son discours sur l'administration
de la justice criminelle , s'était rencontré avec
le philosophe de Milan, sur les abus déplorables qu'offrait
cette partie de la législation , et avait appellé l'attention du
gouvernement sur leur réforme indispensable . Nous
nous plaisons d'autant plus à payer ce tribut à l'écrivain
français , que le prix le plus doux que puisse ambitionner
le philosopl est dans le bien qu'il opere.
Beccaria a composé un autre ouvrage qui a eu moins
de célébrité que le Traité des Délits , et où il y a dés
vues bien plus profondes et un talent mieux prononcé ,
ce sont ses Recherches sur le style dont nous avons également
une traduction . Cette différence de succès tient
naturellement à celle du sujet ; la perfection du style
devait bien moins intéresser l'humanité que celle des
lois criminelles , qui ont une influence si directe et si
frequente sur les biens les plus chers à l'homme , la
liberté , l'honneur et la vie . Mais si l'on ne considere
que : succès d'estime , celui qu'à obtenu cet ouvrage
parmi les gens de lettres , le place dans un rang supérieur
à son Traité des Délits . Quoiqu'on regrette d'y trouver
quelquefois un peu d'obscurité et une métaphysique
trop déliée , il contient une foule d'idées neuves , grandes
et lumineuses , sur un sujet qui a été traité trop souvent
à la maniere de l'école . Son systême sur le style se réduit
à un principe simple . Il décompose toutes les idées dont
les langues ne sont que le signe , pour les considérer
sous le rapport d'une proposition affirmative ou négative
. Si l'on réveille trop d'idées accessoires , l'idée principale
est comme étouffée , et l'écrivain manque son objet.
S'il n'en réveille pas assez , il reste dans une sécheresse
et une nudité qui dérobe à son ouvrage de l'intérêt qu'il
cherchait à inspirer. La perfection se trouve dans l'heureux
mélange des idées accessoires et des idées principales
, et des sentimens moraux avec les sensation's physiques
, qui rendent l'impression complette et satisfont
à -la- fois la raison , l'imagination et le goût. L'auteur
n'avait point terminé toutes les parties qu'il se proposait
de traiter dans ses Recherches sur le style ; il serait à desirer
qu'il n'eût point laissé imparfait un ouvrage si précieux
et si utile .
ANNONCI.
Culte de l'Eternel , ou Recueil des rapports , instructions
hymnes et discours sur la fête à l'Etre Suprême , avec un choix
des plus belles pensées sur la Divinité , puisées dans les auteurs
anciens et modernes . Volume in- 12 , orné d'une gravure .
Prix , 3 liv. pour Paris , et 4 liv., franc de port , pour les
départemens.
་
A Paris , au bureau du courier de la librairie , rue Glatiguy ,
**. 10 , en la Cité , au bas ir nt de la Raison.
B. 3
NOUVELLES ÉTRANGERES
3
*
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 6 janvier 1795.
SUIVANT des lettres de Constantinople , du 16 novembre , the
marine ottomane sera portée , d'après le plan du capitan - pacha
intime ami du nouveau grand- visir avec lequel il se concerte
sur tous les mouvemens militaires , à 60 vaisseaux de ligne et
pareil nombre de fiégates , la plupart de construction française.
On doit aussi lever 80,000 recrues qui seront mises sur le pied
européen , par leur incorporation dans les bataillons deja fonmes
d'après cette tactique presqu'entiérement neuve pour les
Tures , et qui en secondant leur courage naturel en fera des
groupes vraiment redoutables.
Une mesure peut- être moins sage , et que l'on attribue au
apitan pacha , c'est la suppression du corps des Janissaires
qu'il fallait peut- être seulement discipliner , mais non pas détruire
, puisqu'ils ont valu à l'empire ture toutes ses conquêtes ,
et que Vienne même les a vus à ses portes ,
Les Bosniaques paraissent s'opposer formellement à ce qu'une
lisiere de leur territoire reste entre les mains des Autrichiens ,
conformément aux stipulations de la paix de Szis : owe . En conséquence
, le rels - effeudi a proposé à l'internonce impérial un
équivalent en service , et a demandé le changement de la clause
d'après laquelle les forteresses de Dabicza , Noyi , Gradicza ,
et Drezuik , doivent rester en séquestre entre les mains des Autrichiens
jusqu'à l'arrangement définitif de la démarcation .
L'internonce a pris la chose ad referendum.
On mande de Pétersbourg , sous la date du 6 décembre .
qu'on y a célébré la veille un Te Deum à l'occasion de la reddi̟-
tion de Varsovie . Le chambellan George Galitzin en est arrivé ·
le même jour en courrier apportant une lettre du roi de Pologne ..
Le bruit court que le faible Stanislas y demande à quitter un
trône si mal affermi , et à se retirer dans les possessions russes .
Son neveu le général Poniatowski , sorti de Varsovie avant la
reddition de cette plase, a été depuis fait prisonnier de guerre ,
et s'y trouve maintenant aux arrêts , ainsi que quelques uns des,
principaux chefs de l'insurrection , qui daus l'imprévoyance,
que donne le désespoir , avaient négligé de prendre la fuite
lorsqu'il en était encore tams , Parmi eux se trouve le maréchak
( 23 )
Ignace Potocki qu'on assure avoir des premiers conseillé de
eéder à la force majeure . C'est lui que le faible Stanislas consulte
le plus souvent . Le chanoine Kolontayl , devenu chancelier
depuis la revolution , avait eu le bonheur d'échapper avec la
caisse publique assez bien fournie . Mais il paraît qu'on a arrêté
depuis l'homme ou du moins les deniess .
Oniguore ici , continuent les mêmes lettres de Pétersbourg ,
si les conditions que le général Suwarow avait accordées
à la malheureuse capitale de la Pologne , seront ratifiées par
le cabinet russe . Ce qu'il y a de sûr , c'est que son armée
s'artendait au pillage on lui répartira , dit- on en dédo
magement deux millions d'écus auxquels la ville à été imposée
pour s'en racheter.
g
Suivant des avis de Moscow Kosciuzsko , enfin guéri de
ses blessures à Kiovie , est en marche pour Pétersbourg. On
ne le fait gueres entrer que de nuit dans les villes ' où il doit
passer , parce que la curiosité de voir ce grand homme attire
en foule sur son passage les habitans des lieux voisins . I
sera vraisemblement renfermé comme prisonnier d'état à,
la forteresse de Pétersbourg , du moins on le conjecture sur
ce qu'un appartement vient d'être préparé dans ce lieu,
On lit dans nos papiers publics.le manifeste fort étendu de,
l'impératrice de Russie sur l'insurrection polonaise . Cette piece ,
qui a été publiée avec profusion, assure que le premier partage
de la Pologne , le second et même le troisieme qu'elle fait
pressentir , n'ont été dirigés que par l'équité , par la clémence
par une bienveillance singuliere pour les Polonais , et même
par les principes de la philantropie.
De Francfort-sur- le-Mein , le 13 janvier.
Des lettres de Vienne du 25 décembre , annoncent que quel
qnes jours auparavant une vingtaine de personnes de distinction
a été arrêtée à Fest et à Ofen. Le Palatin de Hongrie s'étant
rendu auprès de l'emperenr , on en conclut qu'ils en voulaient
ce prince. Les prévenus sont accusés d'avoir eu des liaisons
avec les personnes arrêtées il y a quelques mois , et d'avoir
tretenu des correspondances révolutionnaires avec les confé
dérés en Pologne et à Constantinople , dans le dessein d'excitespar-
tout du désordre et des révoltes .
2
en.
Des lettres encore plus récentes disent que le but des conspirateurs
est à présent connu , qu'il s'agissait d'armer les pri
sonniers français et d'incendier le ville de Pest. C'etait le
15 décembre que l'explosion devait avoir lies . On a arrêté un
batteau chargé de pommes , sous lesquelles on 3. trouvé une
grande quantité d'armes à feu. ,
Rien ne garantit l'authenticité de cette nouvelle ; il serais
possible qu'elle fût coutrouvés calomnieusement pour excuser
B: 42
(( 44 )
quelqu'acte arbitraire de la cour ; et en général , on ne doit pas
ajouter légerement fui à ce qu'on mande de ce pays : car il en
vient des nouvelles fort étranges et bien invraisemblables , ne
fit-ce que la suivante qui sûrement ne trouvera pas beaucoup
de créance , du moins telle qu'elle est donnée sans détails
si ce n'est parmi les gens à qui l'èxagération ne fait pas
peur.*
On a mis sous les yeux du ministère un plan dont l'objet
est de faire un fonds d'amortissement pour payer les dettes de
l'état , sans qu'aucun des sujets de S. M, soit obligé d'y contri
buer d'un kreutzer. Ce projet est fort intéressant ; mais ce
qui le rend encore plus précieux , c'est que la possibilité de le
mettre à exécution dans cette circonstance difficile est prouvéc ☀
dit-on , jusqu'à l'évidence .
Le comte de Lehrbach est de retour dans la capitale . Cet
envoyé à , dit - on , des affaires de la plus grande importance
à mentre sous les yeux dé l'empereur. On ne se doute pas
même de ce que ce peut être , à moins qu'il ne s'agisse de négociations
pour la paix .
On assure que l'armée impériale du Rhin , ainsi que l'armée
de l'Empire , recevront une augmentation considérable pour
la campagne prochaine . Une patente du 1er janvier , qui a
pour objet un prêt général de guerre pour l'année militaire
de 1795 , porte cette phrase remarquable , que c'est pour contiaver
la guerre que sa majesté est contrainte de faire contre
la nation française. Les gens de bon sens se demandent , qu'estce
qui peut exercer cette contrainte sur sa majesté , et sont
persuades que la nation française ne se refuserait pas à faire la
paix à dés conditions raisonnables en elles -mêmes , quoiqu'elles
pussent ne pas paraître telles à l'orgueil et à l'avidite de la
maison d'Autriche .
Au reste , c'est à elle et à la Prusse que les co -états s'adressent
, sachant apparemment bien que c'est de ces deux
puissances qu'il dépend de conclure une paix si desirée et si
desirable pour l'Europe entière .
Des lettres de Ratisbonne , du 10 décembre , s'expriment
ainsi à cet égard , et terminent par une réflexion 3 - peu-pres
semblable.
Voici quelques informations plus précises que celles que
l'on a pu lire dans les papiers publics concernant les délibérations
de la diete du 5 de ce mois , sur la question
' il faut faire des ouvertures pour une négociation de paix.
Le résultat a été que la plupart des états se sont déclarés
pour la paix .
Une partie des suffrages , au nombre desquels on compte
éeux du roi de Prusse et l'électeur de Saxe , ont été tout sim-
7ement pour une paix conclure d'autres entre lesquels
( # 5 )
se trouvent les électeurs de Mayence , de Trève et Palatin
ent demandé la médiation de l'Autriche et de la Prusse.
L'électeur de Cologne et le prince de Wurtzbourg , veulent
la médiation exclusive de l'empereur. Un grand nombre
d'envoyés , entre lesquels ceux de l'Autriche , de plusieurs
princes , de quelques villes impériales , n'ayant pas encore
reçu leurs instructions définitives , ont différé de donner leurs ›
suffrages .
ne
La déclaration du ministre électoral d'Hanovre a été déeidément
contre la proposition , et jusqu fci elle est la seule
absolument négative . Sa déclaration porte en substance : 66 Quê
S. M. britannique , en qualité d'électeur d'Hanovre ,
pouvait donner sa voix à la proposition pacificatrice , faite
de la part de Mayence : que d'abord il n'appartient qu'à S. M.
l'empereur de faire une proposition de cette nature , comme
an chef suprême de l'Empire , et nullement à l'électeur dé
Mayence. Qu'en second lieu , il ne pouvait être question™
dans la conjoncture présente d'ouverture de paix , que bien
plutôt l'on devait se préparer à une nouvelle campagne
forces reunies et même augmenter celle- ci d'un commun concert.
Que le ministre commitial devait faire cette déclaration
la premiere cession : déclaration conforme à celle qu'il avait
déja faite dès la premiere délibération sur la proposition de
Mayence lorsqu'il s'était expliqué que sa y
cour ne pouvait
prendre aucune part , ète. »
"
On voit que dans ces délibérations il n'a nullement été
question de la médiation des deux cours du Nord , proposée
par l'électeur de Mayence. C'est une singularité de plus .
parmi une foule d'autres , dont cette époque fournit l'exemple ,
qu'on réclame , pour faire la paix , la médiation des pais
bances mêmes qui sont en guerre.
Ce prêt militaire se fait , suivant des nouvelles plus réeentes
, au moyen d'un emprunt portant intérêt à 5 pour 100.
Il faut de grandes forces contre ces Français déja si nombreux
, et que lear activité semble encore multiplier ; car
suivant des nouvelles parvenues à Vienne , l'armée française
des Alpes , que l'on dit de 40,000 hommes et aux ordres de
général Scherer , doit s'être réunie à l'armée du comté de
Nice , qui , dit- on , va renter une grande entreprise."
རྒྱུ ན ན ས་ སྐྱ
Au milieu de tous ces préparatifs , le vieil électeur palatim
de Baviere non seulement songe au mariage , mais même est
prêt à conclure le sien , de l'ayen de la cour impériale , avee
la princesse fille de l'archiduc Ferdinand , gouverneur- général
de la Lombardie autrichienne : il a même déja envoyé à sa
future une bague de 40,000 florins.
On mande aussi de Berlin , que le landgrave de Hesser
( 26 )
Cassel y est attendu pour le mariage du prince héréditaire
son fils , avec la princesse Auguste , fille du roi .
Une nouvelle un peu plus importante , c'est qu'un courier
de la Haye vient d'apporter à Berlin , au ministre de la ré
publique de Hollande , l'avis de l'envoi de députés à Paris ,
pour y entamer des négociations de paix .
Voici ce qui se passe dans nos environs , et dont nous
pouvons rendre un compie plus exact .
D'Ehrenbreitstein , le 5 janvier. Les Français ne permettent
plus à aucun habitant de l'autre rive de revenir chez eux ..
Le général Moreau en a prévenu le general allemand qui
commande au Thal , qui lui demandait cette facilité pour
quelqu'un : il a déclaré avoir reçu de nouveaux ordies à eet
effet , et a annoncé qu'il en était de même sur toute la rive
gauche du Rhin , conquise par les armées de la République. "
De Mayence , le 8 janvier. Tout est assez tranquille depuis
deux jours . Il arrive continuellement des troupes , tant ici
qu'à Cassel . Le corps de Mélas fait maintenant partie de la
garnison de cette ville . La troisieme colonne , forte de trois
bataillons , est entrée hier soir à Mayence , ayant ce général
à sa tête.
Le Rhin est pris ; mais on est parvenu à couper dans la
glace un canal de communication , entre Cassel et Mayence
les chevaux et les voitures passent le flenve en bateau.
21 Un adjudant français se présenta hier aux avant posies ,
accompagné d'un trompette. Il était porteur d'une lettre pour
le général Neu , qui se rendit à Weissenau pour la recevoir, per
་ ་
De Manheim , le 10 janvier. La partie de l'armée française du
Rhin , qui a contribué à la prise du fort du Rhin , était à
Worns le 31 décembre. Elle va , renforcer l'armée devant:
Mayence.
Depuis quelques jours on a remarqué en effet que les Frangais
avaient peu de monde sur la rive gauche du Rhin dans
ses environs. Ils ne font d'autres démolitions que celle de
quelques palissades et gabions , et ils ont enlevé toute l'artil
lerie de leurs ouvrages. Les tentatives qu'ils ont faites pour
dégager les bateaux du pont , qui sont restés sur l'autre rive
du Rhin , n'ont pas eu de succès , car on y compte encore
dix- neuf bateaux du post.
*
ESPAGNE ET PORTUGAL.
Il échappe des aveux à la cour de Madrid et à cells
de Lisbonne , sur- tout à la premiere , qui annoncent
assez le mauvais état des affaires de ces deux puissancess
#7 )
qui ne jouent au reste qu'un rôle très - subordonné dans
la coalition , principalement le Portugal qu'on peut regarder
comme une province de la Grande -Bretagne ,
sort que ne tardera pas non plus d'éprouver l'Espagne ,
si elle ne se hâte de se détacher de la ligue , et de
reprendre avec elle ses habitudes commerciales égale
ment avantageuses aux deux nations , ce qui aurait dû
les maintenir ; ce qui semble indiquer leur retour pro
chain , et ce qui sans doute en garantira la durée quand
elles auront été renouées
En attendant , voici ce qu'on mande de Madrid en
date du 29 novembre ;
Des relations particulieres , arrivées de la Catalogne , offrent
des détails sur les revers que les troupes espagnoles éprouvent
de ce côté. Voici comment s'exprime une lettre écrite par un
habitant de cette contrée ; « Le 17 Novembre , les troupes
espagnoles voulurent tenter une attaque générale sur toutes les
Frontieres du Roussillon ; mais les Français prévinrent leurs
mouvemens , et attaquerent les premiers. L'aile droite et le
ceptre des Espagnols firent éprouver une grande perte à l'ennemi.
Le général françois Dugommier fut lui-inême atteint d'um
coup de feu , dont il mourut sur le champ de bataille . Mais
l'aile gauche fut compleitement défaite . Quatre bataillons ca
tiers , dont un de Gardes- Walonnes , un de Portugais , et deux
de chasseurs d'Andalousie , ont été coupés , et sont demeurés
prisonniers , ainsi qu'un corps d'émigrés. Le . 18 , il ne se passa
aucune affaire . Le 19 , l'ennemi , avec de nouvelles forces , rea
vint à la charge. Le combat , recommencé à diverses reprises
a continué uon - seulement toute la journée , mais toute celle du
20. A la fin de ce jour , les Espagnols , ne pouvant plus ré
sister à l'impétuosité de l'ennemi , prirent la fuite et cherche
sent un asyle à Girone. Legénéral la Union a péri dans cette
journée , ainsi que le prince de Montfort. Le duc de l'In
fantado , Amarillac et un grand nombre d'officiers généraux ont
été blessés , et l'on dit que le premier est mort depuis . Tout le
camp espagnol est demeuré au pouvoir des Français , qui se
sont ensuite rendus maîtres de la forteresse de Figuieres . Le
port de Rose et le fort Saint-Sébastien sont encore au pouvoir
des Espagnols ; mais on craint beaucoup pour le dernier , qui
se trouve coupé , et qui n'a que cinq cents hommes de gar
nison.
1
Les nouvelles de la Navarre sont également très -affligeantes.
Selon une lettre du 23 , les Français ont attaqué ce jour- là
méme avec une vigueur indicible tous les points qui défendent
Pampelune. A onze heures du soir l'action durait encore. Le
grand nombre de charriots de blessés qui arrivaient à Pampes
June était one prenve de l'acharnement avec lequel on se bat
sait . On disait cependant qu'au départ de la lettre les Français
commençaient à se retirer.
•
D'autres lettres de la Vittoria en Biscaye , du même jour 23
portent que l'armée espagnole , surprise de la supériorité de
l'ennemi , n'avait cru pouvoir garder ce poste. Elle s'était
portée en hâte vers Mondragon , Vergara et autres lieux des
postes avancés menacés par les Français . Dans Vittoria , il
' était resté que quelques gardes du corps pour la garde des
étendarts .
On apprend du port S.-Sébastien qu'il vient d'y arriver un
convoi français de trente voiles , avee des munitions et boe
hommes de renfort.
On est ici dans l'attente d'un convoi anglais. Il vient d'être
donné des ordres pour faire sortir une division de bâtimens de
guerre de diverses grandeus , qui iront croiser à la hauteur
desistes et des côtes du Nord , et se joindre aux vaisseaux por
Engais la Méduse et le brigantin le Lieure.
Il vient d'arriver sur un bâtiment suédois , le capitaine , lon
pilote , le chapelain et quatre matelots d'un navire marchand
portugais , venant de Rio -Janerio , et pris dans le mois d'ac
sobre , par une frégate française , à la hauteur d'Opporto: Ce
vaisseau était chargé de quatre cents caisses de suere , d'indigo
de divers objets et de trente mille cruzades; le tout évalué à près
d'un demi-million . Le capitaine et ses compagnons ont appris de
la frégate française , qu'il avait été conduit jusqu'alors dans le
port de Brest plus de vingt bâtimens capturés sur les Portugais.
La liste des prises , publiée ici , ne fait à la vérité mèntion que
de dix-sept. Mais il manque plusieurs bâtimens attendus da
Brésil , et l'on craint qu'ils n'ayent éprouvé ce sort. On a
appris en outre que les Français s'étaient emparés de trois
paquebots, anglais.
Le capitaine d'un bâtiment danois , venu du Havre-de-Grâce ,
en 14 jours , a déclaré qu'il était sorti de Rouen et de plu
sieurs ports de France , un grand nombre de bâtimens chargés
de bois de construction , qui , en cotoyant , s'étaient rendus
à Cherbourg. Plus de 300 voiles se trouvaient prêtes à sortir ,
Sous conyoi , de ce dernier port , pour se rendre à Brest ,
déposer ces bois de construction . Le même capitaine a ajouté ,
qu'au cap de Finistere il y avait une escadre française de
12 frégates , au cap Ortegallo , it s'en trouvait une autre de
buit , destinées routes deux à intercepter le commerce des puissances
en guerre contre la France.
Le-10 de ce mois le feu prit au palais de l'Adjuda ,
( 19 )
loge le prince du Brésil. On commença à s'en appercevoi
vers huit heures du soir , à l'aide d'une fumée épaisse qu'on
apperçut sortir du bâtiment. De rigoureuses recherches furent
faites sur le champ , et l'on trouva que le corridor au- dessous
de l'appartement du prince du Brésil , était livré aux flammes ,
et que celles-ci avaient déja attaqué le quartier où loge la
princesse et l'infant Pierre Carlos . Toutes ces personnes et leur
suite , se retirerent à la maison de campagne de Quelus .
Quelque soin qu'on ait pris pour arrêter l'incendie , il ne fus
pas possible d'en venir à bouts le feu fit des si progrès rapides,
qu'une heure après minuit , tout le palais était réduit en
cendres .
ANGLETERRE . De Londres , le 24 décembre 1794-
Lord Mansfield est décidément nommé président du conseil
, au lieu de lord Fitz - William.
Lord Spencer est premier lord de l'amirauté , et lord Chatham
, lord du sceau privé : ces deux lords ont ainsi changé.
de places.
Le Morning-Gronicle remarque qu'il y a un double compromis
dans tous ces arrangemens qui ont lieu ; d'abord le due
d'Yorck quitte le commandement de l'armée , et lord Chatham
frere de Pitt ) le commandement de la marine ; ce qui
maintient la balance entre Georges III et Guillaume Pitt. Par
le second compromis , Pitt restitue la fotte à ses collegues ,
mais sous la condition expresse qu'il ne sera introduit aucun
nouveau membre dans le cabinet , pour y remplacer le vide
que laisse lord Fitz- William . Par ce moyen , le ministre répare
le tort que lui avait fait la derniere coalition , et le due
de Portland et ses amis ne peuvent plus former qu'une insignifiante
minorité..
Il y a déja eu au parlement quelques débats qui ne
sont pas sans intérêt , et que nous ferons connaître au
prochain nnméro d'une maniere très - succincte , mais
pourtant suffisante ; il suffit pour le présent d'annoncer
que l'adresse de remerciement en réponse au discours.
du roi a passé dans les deux chambres , que le parti
de l'opposition est moins nombreux , mais qu'il n'a
perdu que des soldats sans vigueur , et que les chefs
semblent avoir redoublé d'énergie, qu'ils ont cénsuré
vivement la conduite de M. Pitt , pour s'être permis
de faire un emprunt de 24 millions sterlings , sans l'aveu
du parlement , et de s'absenter à une séance où l'on
voulait lui en demander compte , ce qui ne lui était pas
permis en sa qualité de chancelier de l'échiquier. 16
( 30- ) *
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
CONVENTION NATIONALL
PRESIDENCE DE LETOURNEUR ( de la Manche) .
Séance de septidi , 27 Nivôse,
Les administrateurs du district de Cherbourg écrivent à
la Convention nationale que leurs cultivateurs n'ont point
augmenté le prix des grains , malgré la liberté qui leur est
accordée par la loi . Ils rendent un juste tribut d'éloges à
cette conduite vraiment républicaine , bien persuadés qu'un
těl exemple trouvera des imitateurs . Mention honorable at
insertion au bulletin .
les
Les commissaires des revenus nationaux annoncent que
adjudications d'immeubles confisqués se sont élevées , dans la
derniere décade de frimaire , à plus de trente - un millions
sur onze d'estimation dans cent quatre- vingt districts , et que
dans tous les opérations relatives aux estimations et divisions
reçoivent la plus grande acivité , et que leur résultat répond
de la validité des ventes qui doivent les suivre.
Le commissaire des relations extérieures fait part du don
patriotique de la somme de 15,792 liv . , fait par les Français
établis daus les Echelles du Levant , et qui se sont réunis à
Constantinople pour y célébrer la fête du 10 août . Ces Fran
çais , attachés au gouvernement républicain , félicitent la Cons
vention sur ses travaux et la République de ses victoires .
La lecture de cette lettre excite les plus vifs applaudisses
mens , et la Convention en ordonne l'insertion au bulletin
et sur la motion de Bréard , le comité de salut public est
chargé de faire savoir aux patriotes Français du Levant , que ,
leur offrande a été acceptée avec reconnaissance , et de leur
envoyer un extrait du procès- verbal .
Le représentant du peuple Bordas , en mission dans le déu
partement du Bec- d'Ambès , écrit de Bordeaux que cette ville
était le siége des grands fripons , et que des millions doivent
sortir de mains souillées par le crime , mais que , pour les
en extraire , il a fallu une mesure vigoureuse . Il soumet ex
conséquence à la Convention on arrêté , portant création
d'une commission chargée de faire rentrer , dans les caissen
publiques , les sommes qui en ont été détournées par les male
versations des dilapidateurs .
Becker , en convenant de l'importance de faire rentrer les
deniers détournés par la malveillance , appelle cependant l'at
( 3x )
tour le
sention de l'Assemblée sur les maux que les commissions par
ticulieres ont causées à la République , et montre
danger de laisser aux députés en mission le pouvoir de former
de pareilles institutions , sans que leurs principes ' aient été
soumis à un examen . Il demande et obtient le renvoi de
cet arrêté aux trois comités . 1
Brion , au nom du comité des transports , postes et messa ,
geries , fait décieter une augmentation du prix du port des
lettres , à compter du 1er pluviôse prochain. Il sera d'un
tiers en sus du dernier tarif.
Richard , au nom du comité de salut public , annonce que
le comité , en faisant part à la Convention des nouveaux
succès de l'armée du Nord , n'était pas instruit au juste
des détails , et il fait lecture d'une lettre des representans du
peuple près les armées du Nord et de Sambre et Meuse
datée du quartier- général de Nimègue , qui prouve que nous
Be connaissions qu'une partie de nos avantages . ( Voyez les
Nouvelles officielles.
Armand , au nom du comité d sûreté générale , expose que
les cartes de sûreté ont donné lieu à de grands abus à Pariss
qu'il y en a eu un grand nombre de perdues , de vendues
même , et que les étrangers et les intrigans s'en sont emparés.
I propose le renouvellement de ces cartes .
Merlin ( de Thionville ) : On a abusé des cartes de sûreté ,
on en abusera encore . Que le comité de sûreté générale fasse
surveiller par des gens probes les ennemis du bien public ,
qu'il les atteigne et les frappe avec sévérité . Ce qu'il faut
pour assurer la liberté et la tranquillité , c'est un gouverne
ment , els un gouvernement ferme ; que le nôtre le soit donc..
Merlin ne s'oppose pas au renouvellement ; mais il demande
que les étrangers soient seulement obligés de faire apposer le
visa des sections sur leurs passe- ports . Le projet de décres
du comité est adopté avec l'amendement de Merlin .
Poulier , au nom du comité des inspecteurs du palais
national , présente le plan des changemens à faire dans la
salle , il consiste à resserrer la partie destinée aux représen
tans , de maniere qu'ils se trouvent réunis dans une seule masse
sans aucune désignation , de gauche , de droite , de crète et de,
montagne. La barre ne sera plus enterrée an bas des banquettes,
et la voix qui était étouffée planera sur l'Assemblée et lui
commandera l'attention , parce qu'elle sera placée dans la
partie supérieure de la salle . Enfin , les tribunes du peuple
seront aggrandies , et il jouira de quatre cents places de plus ..
Poultier ajoute que les travaux n'interrompront point les
séances de la Convention , parce qu'ils seront faits de nuit,
et préparés d'avance , et queles frais seront peu considérables ,
attendu qu'on emploiera les mêmes banquetes.
Duhem dit que la question me présente pas un intérêt majeur
( 32)
mais que dans une assemblée qui délibere sous les yeux du
peuple , la disposition d'une salle peut être d'une haute impor
tance . Il affirme qu'il existe au comité de salut public des plans .
qu'il serait avantageux de consulter avant de prendre une détermination
, et il demande l'ajournement . Décreté .
Ruelle , réprésentant du peuple près l'armée de l'Ouest , rend
compte de l'état de cette armée qui est on ne peut plus satisfai
sant , et des heureux effets qu'a produit l'amnistie en faveur des
rebelles de la Vendee ; ce décret a été accueilli par eux avec
transport. Sans négociation préalable , ils ont cessé leurs hostilités
et rendu les prisonniers qu'ils avaient fait sur nous depuis
le 12 frimaire, leurs avant-postes ont fraternisé avec les nôtres et
les cris de Vive la République ! ont été les seuls qui se soient faits
entendre . Un de nos escadions s'étant trouvé dépourva de fourages
, les rebelles lui en ont procuré sans qu'on leur en ait de
mande , Ruelle est revenu à Paris pour se concerter avec le co
mité de salut public sur les mesures à prendre pour l'exécution
du décret d'amnistie. C'est à la clémence à terminer cette guerre
désastrueuse , et cet ouvrage de la clémence est déja bien avancé .
On demandait donc que les representans du peuple près l'ar
mée de l'Ouest reçussent des pouvoirs plus étendus ; mais la
Convention se reposant sur la probité et les vertus de ses mandataires
, a passé à l'ordre du jour , motivé sur les pouvoirs illi
mités qu'elle leur a donnés .
Séance d'octidi , a8 Niubse.
Lequinio expose qu'étant l'année derniere en mission , il
trouva les prisons de la Rochelle encombrées par 800 brigands
pris les armes à la main dans la Vendée . Il nomma une commission
pour les juger ; mais il réfléchit qu'il pouvait conserver à la
République cinq cents hommes , et procurer aux travaux de la
Rochelle un grand nombre de bras utiles . Il ordouna donc à la
commission militaire de jager , conformément à la loi , tous les
ci-devant nobles , prêtres , bourgeois , gens du fisc et autres qui
ne pouvaient point avoir l'ignorance ou le fanatisme aveugle pour
excuse , et de ne condamner qu'aux travaux de la chaîne , les
laboureurs et ouvriers que leurignorance avait livrés à la séduction
des autres. Ces hommes sont depuis cette époque occupés
aux travaux de la Rochelle. Lequinio demande qu'à l'exemple
des prisonniers du Mans on leur accorde leur liberté , après
néanmoins les avoir fait instruire pendant un mois des avantages
du gouvernement républicain . La Convention renvoie cette
proposition an comité de législation pour en faire un rapport.
Une députation de la société populaire de la commune d'Aurillac
, département du Cantal , est admise à la barre ; elle s'exprime
ainsi Des hommes atroces , dont Carrier était à - la-fois
le protecteur et l'intermediaire auprès de Robespierre et de ses
complices, out couvert le Cantal et le district d'Aurillac en par
ticulier
( 33 )
ticulier de désolation et de désespoir. Trafic de la liberté individuelle
, concussion sur les riches , oppression sur tous les citoyens
, incarcération des patriotes , assassinats juridiques , terrorisme
même après le 9 thermidor ; tels
sont
les crimes dont
T'accusation pese sur leurs tétes . Au moment où nous comptions
que la loi en ferait justice , plusieurs d'entr'eux ont obtenu
leur liberté sans jugement. Citoyens représentans , qu'il ne nous
soit plus permis de douter de la révolution du 9 thermidor !
Que ceux qui se sont érigés en tyrans de leur pays , uc puissent
plus l'opprimer ! Le peuple d'Aurillac vous demande une justice
-sévere et impartiale.
Musset prend la parole et rend compte de sa mission dans les
départemens du Puy- de-Dôme et du Cantal . Il a trouvé dans le
1er. de plats valets , de vils porteurs de couteaux ; mais le peuple
leur a déclaré une guerre à mort et à tous les scélérats , en sorte
qu'il n'y reste peut-être pas 50 amis du terrorisme ; mais dans le
second , il y a va des hommes non-seulement terroristes et buveurs
de sang , mais encore voleurs , qu'il a convaincus de dilapidations
devant le peuple assemblé . A force de pillages , ces
hommes
nes altérés de sang et avides de richesses , ces hommes qui
n'avaient rien avant la révolution , ont aujourd'hui des fortunes
immenses .
Musset fait ensuite l'éloge du patriotisme et du dévouement
des habitans du Cantal . Le peuple a éprouvé des besoins pour
les subsistances , et il n'en est pas moins resté tranquille . Il a
été réduit à une demi- livre de pain , et son attachement pour la
Convention n'en a point été affaibli . Musset termine en demandant
le renvoi de la pétition de la société populaire
d'Aurillac aux trois comités , ponr prendre les mesures convenables
.
"
Cette proposition est décrétée .
Les représentans du peuple près les armées du Nord e : de
Sambre et Meuse écrivent de Bruxelles , le 23 , que le feu a pris
dans la ville de S. -Hubert , la nuit du 14 au 15 , et que le 11 .
bataillon des Vosges l'a préservée par son activité d'un incendie
général , et a donné un jour de sa paie aux malheureux qui
ont souffert dans cette occasion . Partout nos braves freres
d'armes donnent l'exemple des vertus dans leurs cantonnemens
. Ils frateruisent avec les habitans , et partagent leur
subsistance avec les nécessiteux . La patrie et les triomphes de
la République les consolent de tous leurs maux . Mais à côté de
ce dévouement , on voit le contraste affligeant de la conduite de
beaucoup d'employés à l'administration militaire . Ceux - ci
manquent à tous leurs devoirs , ne soignent pas même les
malades , et ne pensent qu'à vivre dans les plaisirs et à s'engraisser
aux depens du peuple. Les représentans demandent
qu'on en delivre les armées .
Boissy- d'Anglas , au nom du comité de salut public , fait un
Tome XIV. C₁
( 34 )
1
3
rapport sur la mouture économique adoptée par le comité de
salut public , et appliquée tant anx subsistances de Paris ,
qu'à celles des armées. Il en résultera un pain beaucoup meil-
Icur pour le soldat et une économie considérable dans l'emploi
des grains. L'abrogation de la loi du maximum a ravivé le commerce
et rendu à la consommation une quantité considérable
de denrées de premiere nécessité , et les acquisitions qui en
sont faites chez l'étranger par la voie des échanges , nous répondent
des approvisionnemens qui nous sont nécessaires .
Boissy en conclut que les allarmes que les malveillans cherchent
à semer dans le peuple de Paris , sont dénuées de fondement
. Si la disette y était possible , ce serait la crainte de la
disette qui seule l'ameneraît. Les arrivages continuent , les distributions
que l'on fait aux boulangers sont toujours les mêmès
, en sorte que rien ne peut légitimer les inquiétudes des
citoyens.
La Convention ordonne à l'unanimité l'impression de ce discours
et l'affiche dans Paris .
Richard , au nom du comité de salut public , annonce que
l'armée du Nord n'est arrêtée par aucun obstacle. Elle avait
devant elle Hensden , place importante , et une des principales
défenses de la Hollande . Cette place est en son pouvoir. Ce
spccès facilite le reste de ses opérations , et elle continue de
marcher en avant. ( Voyez les nouvelles officielles . ) P
Séance de monili , 29 Nivôse.
Des citoyens du département de l'Yonne , offrent une somme
de 26,000 liv . pour concourir aux frais de la construction
d'un vaisseau .
Le comité révolutionnaire de la commune et distrist de Lyon ,
expose que les décrets rendus en faveur des villes de Bordeaux ,
Marseille , Caen , et celui en faveur des rebelles de la Vendée ,
sont autant de preuves que ce n'est point envain que la Convention
a mis la justice et la vertu à l'ordre du jour. Lyon ,
cette ville si célebre par son commerce et ses manufactures , si
importante par sa situation et son immense population , a été
une des premieres villes choisies par les factieux pour l'entrainer
à sa perte ; en la conservant , la Convention n'a pas encore prononcé
sur le sort de ses habitans . La loi du 8 germinal , qui
rapporte celle du 12 juillet , les a assujettis à rapporter un certificat
du comité révolutionnaire , portant qu'ils ne sent point
compris sur la liste des rebelles ou qu'ils en ont été rayés ,
pour être payés de ce qui leur est dû. Le comité révolutionnaire
chargé de délivrer ces certificats est très- souvent embarrassé
, aucune liste des personnes désignées rebelles n'ayant été
faite , ni arrêtée légalement. Dailleurs , les lois pénales qui pesent
encore sur les habitans de cette ville , en éloignent les citoyens
froissés du souvenir du passé. La terreur regne au fond de leur
( 35 )
ame. Le comité, convaincu que l'intention de la Convention est
de rendre au commerce toute l'activité qui lui est nécessaire , et
qu'elle veut rappeller dans le sein de la société tous les hommes
utiles qui ont été égarés sans avoir eu l'intention d'être coue
pables , demande le rapport des décrets des 21 juin et 3 juillet.
Pocholle obtient la parole , et dit que pendant le séjour qu'il
fait à Lyon avec Charlier , ils ont eu le coeur déchiré par le
spectacle de l'infortune des femmes et enfans dont les maris et
les peres ont été frappés du glaive de la loi , et encore plus par
leur impuissance de soulager leur misere . Il pense qu'il est tems
d'user pour Lyon de la même indulgence que pour d'autres
parties de la République , et que Précy soit le seul que poursuive
la vengeance nationale. Il appuie là pétition du comité révolationnaire
, et y ajoute la demande d'un rapport prochain sur les secours à accorder anx malheureuses victimes de cette commune.
Un membre déclare qu'il arrive de Lyon ; le peuple a été
cinq jours sans pain , et il n'a pas dit un mot . Il a été réduit à
deux onces de riz par jour. Il passe dans cette saison rigoureuse.
ciuq heures par jour à la porte des boulangers pour avoir une
livre de pain noir qu'il reçoit sans murmutes. Il se joint à Pocholle.
Charlier confirme le témoignage que viennent de rendre les
deux représentans du peuple : mais il demande qu'en rappor
tant les lois qui pesent sur la commune de Lyon , cette faveur
ne s'étende point aux émigrés qui ont partagé la rébellion de
Précy. Il conclut au envoi de ces propositions aux trois co
mités et à la suspension provisoire des tois pénales dont il s'agit.
Décrété.
1
Boisset , envoyé dans les départemens de l'Air et de l'Allier ,
fait le tableau des horreurs et des vexations de tout genre qui y
ont été exércées par les suppôts de la derniere tyrannie. Il dit
que le voile est déchiré , que les crimes des agens de Robespierre
vont paraître. Il en cite deux traits que nous ne pouvons
nous refuser de placer ici. Dans l'Ain , un agent national fait
attacher un malheureux agriculteur , pere de famille , à la queue
de son cheval , et le traînant sur la terre une demi -lieue , lui
démet une épaule . Quel est ce monstre ? Roblet dit Marat .
Qu'avait fait le malheureux agriculteur ? Sonné une petite cloche
pour annoncer l'arrivée de l'agent national , et rassemblée
le conseil de la commune de Cezeriac . Ce fut pour Rollet un
signe de contre-révolution et le réveil du fanatisme.
Dans l'Allier , le comité de surveillance de Moulins se constitua
jury national pour inmoler trente- deux personnes. Il
écrivait á Verd , l'un de ses membres , procureur près de la
commission temporaire de Lyon , où ils avaient été traduits :
Fais-tes done participer à l'honneur de la grande fusillade , dont
Ja conception fait l'éloge de ton imagination révolutionnaire ,
/C a
( 36 )
si tu en es l'inventeur. Nous pensons avec toi que cette maniere
de foudroyer les ennemis du peuple est infiniment plus digne
de sa toute puissance , et convient mieux pous venger en grand
sa souveraineté et sa volonté outragée , que le jeu mesquin et
insuffisant de la guillotine . Ce dernier traitement n'est bon que
pour les tems ordinaires . Ne te jeste point dans le labyrinthe
des formes pour faire juger nos brigands . Prends le comité qui,
te les envoie comme un jury national qui a la conviction intime
et morale de leur scélératesse ptofonde . Base donc sur ces
pieces un bon jugement de condamnation contre tous ces coquins
, dont les vengeances seraient terribles , s'ils avaient un
jour par une cruelle fatalité le dessus sur nous .
Boisset , après avoir donné l'esquisse de ces tableaux , en
offre de plus rians , par le récit de plusieurs actes de bienfaisance
et de génerosité républicaine , destinés à répandre le
calme dans les sens. Nous regrettons de ne pouvoir pas le
suivre dans ces détails , et il termine en demaudant au nom des
citoyens de ces départemens , justice contre les scélérats qui
les ont opprimés , que la Convention ne transige jamais ni avec
le crime , ni avec la 10yauté , qu'elle ne soit plus déchirée
par les factions ; que s'il est des traîtres dans son seiu elle,
Tes vomisse loin d'elle , qu'elle leur fasse goûter les fruits du
gouvernement démocratique ; enfin qu'en commandant à la
victoire , elle dicte aux despotes le contrat de la gloire fran
çaise sur les restes épars des esclaves vaincus .
La Convention a décrété l'impression de ce rapport.
Clausel donne lecture d'un procès - verbal dressé par le
commissaire de police de la section des Quinze-Vingts . Le citoyen
Olivier , menuisier , soldat- volontaire du dixieme bataillon
de Paris , rencontre chez un vinaigrier le nommé Morin
, garçon cartonnier , qui y tenait les propos les plus contrerévolutionnaires
et les plus outrageans contre la représentation
uationale . Olivier se rendit au comité de la section , et en revint
avec la force armée pour arrêter l'auteur de ces diatribes ,
Morin , après l'avoir invectivé , tira un couteau de sa poche ,
et le frappa au-dessus de la cuisse . Il est mort quelques minutes
aprês. Son meurtrier , bien loin de témoigner le moindre rsgret
, s'est félicité de l'avoir assassiné , et a même craché sur
son corps .
Clausel , Penieres , Bentabolle , Dumont et Legendre ont
présenté sur ce fait une grande partie des réflexions qu'il devait
faire naitre . Il n'est pas douteux que la grande majorité des .
citoyens de Paris est dévouée à la République et à la Convention
; mais on ne peut s'aveugler sur les projets et les
manoeuvres , chaque jour plus audacieuses , d'une foule
d'agitateurs qui ne sont point à craindre , mais à rée
primer.
( 37 )
Séance de décadi , 30 Nivôse.
Un membre expose que la veuve Beauchamp , condamnée à
mort par jugement de la commission militaire du Mans comme
convaincue d'avoir suivi l'armée des rebelles , a saùvé la vie , à'
Saint-Florent , à six mille patriotes , et que ce service rendu à
la République , doit la faire participer au bienfait du décret
d'amnistie , et suspendre l'effet de son jugement , dont elle a
retardé l'exécution en déclarant qu'elle etait enceinté .
La Convention décrete que le jugement rendu contre la
citoyenne Beauchamp sera regardé comme non avenu .
Ruelle demande que ce décret soit généralisé en faveur
de tous ceux qui ont été jugés , et dont les jugemens n'ont
pas été exécutés , et qu'ils soient compris dans le décret
d'amnistie.
*
Cette proposition est décrétée .
Bourdon de l'Oise ) dit qu'il est bien éloigné de s'opposer
au décret qu'on vient de rendre , mais qu'il espere qu'on n'y
comprendra pas les voleurs et les dilapidateurs . Il demande que
tout ce qui n'a pas été guillotiné depuis quinze mois soit rendu
à la liberté .
Merlin ( de Tbionville ) appuie la proposition de Bourdon .
Autant , dit-il , les malveillans s'agitent pour opprimer le peuple
, autant la Convention doit se montter grande et tenir ferme
à ses principes. Montrons-nous dignes d'une grande nation , en
signant d'une main une paix qui doit faire jouir le peuple
du fruit de ses victoires , et en écrasant de l'autre les vrais
scélérats .
Ruelle lit la rédaction du décret rendu sur sa proposition , en
ces termes : La Convention décrete que les personnes qui ont
été condamnées à quelque peine que ce soit , pour avoir pris part
à la révolte qui a éclaté dans les départemens de l'Ouest , des
Côtes de Brest et de Cherbourg , et dont les jugemens n'ont pas
été exécutés , jouiront de l'effet de l'amnistie du 12 frimaire , et
seront mis en liberté .
Ce projet de décret est adopté au milieu des plus vifs applau
dissemens .
La société populaire de Nantes réclame contre la malveillance
qui fait encore planer la calomuie sur les habitans de cette commune,
On répand qu'ils veulent un roî , et l'on veut accréditer
cette imputation , en disant qu'ils accueillent favorablement les
rebelles de la Vendée . Ceux-là veulent un roi , disent-ils , pour
qui la justice est un fardeau , l'anarchie un besoin , et le crime
un aliment, Pour nous la justice n'est pas un vain nom . Nous
avons juré la République une et iudivisible , nous serons fideles
à notre serment.
Une députation du Jura paraît à la barre . Après avoir présenté
le tableau des horreurs commises dans ce département par
lesfordres de Dumas et de ses complices , l'orateur s'exprime aiusi :
( 38 )
1
Déja la Convention nationale a rapporté le décret qui fietrissait
le chef-lieu de ce département. Cet acte de justice
essuyé en partie les pleurs de nos malheureux concitoyens ; mais
il est de votre humanité d'en tarır entierement la source. Toutes
les communes , tous les districts , toutes les autorités constituées ,
toutes les familles , tous les citoyens individpellement sollicitent
anjourd'hui en faveur des infertunés mis hors de la loi. Peres de
Ja patrie , cédez à leur væu , rendez au peuple du Jura ses anciens
amis , la République entiere de vrais citoyens ; rendez à ce
partement son premier lustre , vous raffermirez son zèle , et son
cri de ralliement sera toujours : Vise la République une et indivi
sible ! vive la liberté , l'égalité ! vive la Convention nationale !
"
Renvoi aux còmités réunis. $
dé-
Six cultivateurs des communes de Sape et de Monay , district
de l'Aigle , département de l'Orne , paraissent à la barre. Ils an
noncent à la Convention nationale qu'ils ne vendent et ne ven
dront leur bled qu'au prix du maximum , malgré l'abrogetion de
cette loi . Ils déposent en outre la somme de cent cinquante
livres pour contribuer , autant qu'il est en leur pouvoir , aux
frais de la construction d'un vaisseau , et expriment en mêmetems
leur desir de voir anéantir l'orgueil de ces insul ires , qui
osent affecter la souveraineté des mers . La Convention applaudit
aux sentimens et au zele de ces respectables cultivateurs , décrete
la mention honorable de leur adresse , l'insertion au balletin , et
l'inscription de leurs noms au procès-verbal .
Clauzel , au nom du comité de sûreté générale , présente des
mesures pour mettre en jugement Morin , prévenu de l'assas
sinat d'Olivier , et procurer des secours à la famille de ce répu
blicain , victime de son généreux dévouement à la patrie , et la
Convension décrete qua sa veuve recevia la somme de douze
cent livres , et ses enfans les seeours accordés aux défenseurs
des parens de la patrie ; et attendu que le tribunal révolutiondaire
n'est pas encore en activité , le prévenu sera traduit dans le
jour au tribunal criminel du département de Paris , pour y être
jugé , toute affaire cessante , selon le mode établi pour le tribunal
révolutionnaire .
Plusieurs pétitionnaires viennent entretenir l'Assemblée d'objets
particuliers .
Scance de primedi , 1r. Pluviôse.
Les sections du Contrat- Social , de Bonne - Nouvelle , de-
Guillaume-Tell et des Champs - Elisées , se présentent à la
barre et demandent que tous ceux qui ont partagé les crimes
de Robespierre partagent son supplice, La section des Champs-
Elisées y ajoute le voeu que l'anarchie succombe enfin
que toutes les autorités soient rappellées à la source de leurs
pouvoirs , et que tout rentre dans l'ordre .
Insertion au balletin et renvoi au comité de sûreté générale.
Le comité militaire présente un mode d'épurement des
autorités militaires de Paris . Il se fera en conséquence de
( 39 )
cadi prochain une nomination nouvelle à tous les grades dans
les diverses sections de Paris .
L
Richard , au nom du comité de salut public , annonce que
l'armée du Nord continue , avec une activité infatigable , le
cours glorieux de ses conquêtes. Il ne peut pas dire prés
eisément quelle est sa position , car les dernieres dépêches
apprennent qu'elle était à Utrecht le 18. Les fleuves et les
camaux sont glacés ; l'armée en a profité pour tenter au pas
de charge la conquête de la Hollande . Le succès à répondu
à son courage ; elle s'est emparée de Monfort et d'Utrecht
qui est près d'Amsterdamn , et de 80 pieces de canon . L'ennemi
dans sa faite a abandonné ses malades qu'il à recom
mandé à la générosité française . Voyez les Nouvelles offi
cielles.
2
Champigny demande la parole pour une motion d'ordre,
Il dit qu'il va exprimer son vau sur l'abolition de la peine
de mort. On demande l'ordre du jour. Tallien s'y oppose.
Il pense qu'on ne doit point éloigner de la tribune quiconque
veut y émettre une opinion qu'il croit utile. L'orateur est
un patriote de bonne foi , mais il est mis en avant par les
scélérats qui ont inondé la France de sang
ཱ ཝ ན
Tu es un homme du 2 septembre , s'écrie un membre.
Tallien : Je défie mon calomniateur de prouver l'atroce
calomnie qu'il avance .. Merlin ( de Thionville ) : Il est d'un
scélérat de proférer une calomnie , et d'un lâche coquin de
ne pas la soutenir.
Tallien reprend : Si l'accusatear ne se présente pas , il avone
qu'il est un imposteur . Je défie qu'on cite contre moi non pas un
crime , mais une faiblesse dans cette journée. J'y ai fait mon
devoir , et je l'acheverai contre les provocateurs de cette
journée sanglante , qui siégent au milieu de vous . Il est tema
que la justice atteigne les grands scélérats. Tallien demande
que l'on continue d'entendre Champigny.
L'orateur développe son opinion sur la peine de mort.
Après un long discours souvent interrompu par les murmures
de l'Assemblée , il présente un projet de décret , portant que
la peine de mort est abolie , que les guillotines seront brutlées
, et les criminels condamnés à des peines graduées , suivant
la nature des délits , et notamment aux travaux publics.
L'ordre du jour est réclamé de toutes parts ,
l'unanimité.
et adopté à
Barras : La rigueur de la saison exige de la Convention un
zete de bienfaisance , et que l'on fasse rendre aux indigens
les habillemens qu'ils ont déposés au Mont- de-Piété , et dont
le prix n'excede pas 50 liv . Merliu de Thionville ) en
appuyant la motion , réclame cette faveur pour les effets de
100 liv. et au- dessous .
―
La proposition de Barras est adoptée avec l'amendement
de Merlin .
( 46 )
NOUVELLES OFFICIELLI S.
ARMÉE DU NORD , SAMBRE IT MEUSE.
Nimégue , le 28 nivòse.
Citoyens collégues , les rigueurs de l'hiver qui sont le
terme des combats , viennent d'être pour les troupes de la
République le signal d'une nouvelle vietoire . L'amour de la
patrie qui les guide , ne leur laisse point de repos , et leur
fait tout entreprendre , quand il s'agit de son salut et de sa
gloire.
" Des froids excessifs ayant glacé les fleuves et canaux
qui rendent la Hollande presqu'impraticable , elles ont profité
de cette révolution des élémens pour en tenter la conquête
au pas de charge . Leurs succès répondent à leur courage .
,, Nous vous avons fait part de leurs premiers exploits et du
passage du Waal , de la prise de l'isle de Béthune . Vous connaissez
la redditiou d'Heusden , avec 175 pieces de canon
150 milliers de poudre. Nous vous annonçons aujourd'hui
qu'elles sont au- delà de la Leck ; qu'elles occuperont Montfort
et Utrecht . Tout le pays jusqu'à Amersfood se trouve
dans ce moment évacué et à notre disposition , ainsi que les
lignes de la Grêpe , d'où l'on a chassé le peu de troupes
qui y restaient , et où l'on a trouvé environ 80 pieces de
canon , 20 caissons ; l'ennemi dans sa fuite précipitée , à aban
donné ses malades à Rhénem , et le général britannique les
a recommandés à la générosité française .
Nous vous envoyous copie de la lettre du général en
chef Pichegru. "
Salut et fraternité ,
Signés JOUBERT , BELLEGARDE , J.-B. LACOSTE.
Copie de la lettre du général Pichegru aux représentans du peuple.
Ne perdez pas d'instans , citoyens représentans , à vous
rendre ici , pour passer de suite à Utrecht que nos troupes
occuperont demain , ainsi que Vianent et Monford . Elles occuperaient
même Amersfood , s'il n'était pas si éloigné ; mais
il leur faut deux marches pour sy rendre . Tout le pays se
trouve en ce moment à notre disposition , ayant été évacué ,
ainsi que les lignes de la Grèpe , d'où l'on a chassé aujourd'hui
le peu de troupes qui y restaient , et où l'on a tronvé
environ 80 pieces de canon et 20 caissons .
Demain je vous en donnerai un détail plus positif.
Salut et fraternité ,
Signé , PICHEGRU , général en chef.
99
( No. 26. )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 10 PLUVIOSE , l'an troisieme de la République .
( Jeudi 29 Janvier 1795 , vieux style. )
Explication des Charade et Logogriphe du No. 25 .
Le mot de la Charade est Havre-sac ; celui du Logogriphe
Fest Fille ( qui voudrait devenir femme ) ; où l'on trouvefi , if,
-lie, il, le ,fil , file , isle.
NOUVELLES LITTERAIRES.
"
Le Hameau de l'Agnielas , suivi du Ruisseau et de Cécile et
Blondel ou l'Oratoire , et du Nid de la Fauvette , etc .; þar
l'auteur du Citoyen des Alpes . Petit volume broché de
235 pages . Prix 1 liv . 16 sous . A Paris , chez C. F. Perlet ,
rue André- des - Arcs .
CET
ET ouvrage qui a paru au milieu des crises les plus
orageuses de la révolution ,, a eu le sort de beaucoup
d'autres ; il a été peu remarqué , quoiqu'il méritât de
l'être. C'est l'effet inévitable des grands intérêts politiques
qui ont détourné l'attention des productions philosophiques
ou de pur agrément. Aujourd'hui que l'on
sent le besoin de se reposer sur des idées douces , et de
revenir aux sentimens moraux , il est juste de redonner
à cet intéressant opuscule la place qu'il doit occuper.
Depuis que Gessner a peint d'une maniere si touchante
la nature et les affections champêtres , on s'est
beaucoup exercé dans le genre descriptif. Mais la plupart
de ces tableaux ont eu le défaut de ces paysages ,
où les peintres , se créant une nature factice et imagiginaire
, sont restés au- dessous du charme attaché à
la vérité et au choix de ses modeles . On ne fera pas
ce reproche à l'auteur du Hameau de l'Agnielas ; il a peint
ce qu'il a yu ; il exprime ce qu'il a senti . Son hameau
est peu de chose ; c'est un groupe de maisons soli-,
taires ; mais ces maisons sont situées sur le penchant
Tome XIV. D
( 42 )
d'un côteau délicieux adossé aux Alpes dauphinoises.;
On sait ce que des sites aussi majestueux et aussi riches ,
trop peu visités de nos artistes , peuvent offrir d'images
sublimes et agréables au peintre de la nature , et exciter
de vives émotions dans l'ame du philosophe qui sait
la faire aimer. Il en fallait moins à l'inimitable Sterne
pour lui inspirer ces tableaux charmans où les événemens
les plus simples prenaient , sous ses pinceaux
délicats et sensibles , des formes si originales et si
attrayantes ."
Ce n'est pas que l'auteur du Hameau de l'Agnielas ait
cherché à le prendre pour modele , il n'a voulu imiter
aucun genre , ni en créer aucun ; on voit qu'il est toujours
lui , ou plutôt c'est la nature revêtue de ses
charmes et de sa simplicité qui se montre dans ses
intéressantes descriptions. Il paraît qu'il a composé son
hameau de souvenirs ; on en juge par les regrets qu'il
témoigne de l'avoir quitté ; mais ses souvenirs lui rappellent
des détails trop touchans et trop vrais pour que
ses regrets ne l'y ramenent sans cesse , et cette situation
lui fournit une foule de réflexions mélancoliques
et tendres . On peut juger du genre de l'ouvrage et du
style de l'auteur par son début.
Je te salue , hameau de l'Agnielas , séjour du repos,
asyle que je tiens de l'amitié ,
Je vous salue , Alpes majestueuses , monumens
é evés en regard de ma demeure . Sur vos cîmes déchirées
, emblême des ravages du tems , près des lieux
où réside la foudre , je cherche dans vos forêts ces antres
affreux , ces autels de la superstition de nos peres , sur
lesquels des druides inhumains venaient immoler au
Dieu de l'univers l'enfant qui vient de naître. Un nou
veau temple se présente à ma vue , celui de la piété
chrétienne . L'ange de la paix en l'appercevant se couvre
de ses aîles , les airs retentissent au loin des chants de
la louange. On entend les cantiques de l'ancienne Sion
et les merveilles du Dieu d'Ismael et de Jacob que
chantent de feryens cénobites . Prosternés au pied de
l'agneau sans tache , leur voix ressemble aux gémissemens
de la colombe . Une odeur divine se répand dans
ce lieu saint. La flamme et les parfums s'élevent vers
le ciel . Saisi d'un religieux respect , le voyageur par-
Court cette enceinte ; il y voit les noms des rois et des
savans confondus avec ceux des bergers , et il y inscrit
le sien en le quittant à regret. Je lis avec attendrisse(
43 )
ment les noms de mes anciens amis qui ont fréquenté
autrefois cette solitude. C'est en présence d'une si
auguste image que je veux finir mes jours dans la
retraite.
99
Je te verrai bientôt , hameau de l'Agnielas ; bientôt
je visiterai tas bosquets solitaires et tes haies odorantes
semées de mille fleurs . Errant et pensif , j'irai chercher
F'écho qui répete trois foisà labergere le nom de sonamant,
dans cette saison où la déesse des fleurs vient écouter la
voix de l'oiseau du printems. A ces époques délicieuses ,
à ces heures de la tendresse , où la nature renaît , amour ,
amour, tu lances tes feux. A ton approche , les animaux
les plus sauvages sortent de l'obscurité de leurs demeures
, et bravant les dangers et les pieges du chasseur
pour visiter les naissantes moissons et les prés verdoyans ,
tandis que des légions de poissons quittent le sein des
tempêtes et des mers et remontent les fleuves , pour
venir jouir de la douceur de leurs eaux , et s'unir par
de nouveaux liens , hors de l'atteinte de leurs ennemis.
" Plein de ces images innocentes, chérissant la chaîne
qui tient suspendus la vie et le bonheur de tous les
êtres , bénissant la main qui les unit , occupé de ces
salutaires pensées , j irai parcourir de nouveau ton aimable.
enceinte , hameau de l'Aignielas , j irai sous tes berceaux
charmans , à l'ombre du platane et du bouleau , qui par
le bruissement de son mobile feuillage , invite au som
meil le laboureur , quand il se repose au midi pour.
laisser passer les chaleurs du jour. Perdant de vue les
cités tumultueuses , désabusé des vanités mondaines et
des mensonges de la vie , n'écoutant que les leçons de
la sagesse je prendrai place dans les banquets et les
fêtes du village , et je m'asseoirai auprès des anciens du
hameau. Sensible aux maux d'autrui , si quelque malheureux
me raconte ses peines , j'essuirai ses larmes . S'il
me demande conseil , je lui parlerai le langage de l'humanité
avant celui de la justice , ne voulant être qu'un
ange de paix sur mes humbles foyers . "
Dans ce tableau esquissé à grands traits , on aime à y
retrouver celui de la Grande - Chartreuse qui existait encore
quand l'auteur a composé son ouvrage . Il n'est aucun
voyageur qui , après avoir visité cette solitude , où la nature
se montre sous un aspect si varié et si imposant ,
n'en ait rapporté d'ineffaçables souvenirs . Plus d'une
fois , elle a été célébrée par nos poëtes , et l'on se sou
D 2
(44)
vient encore des vers sublimes qu'elle a inspirés à l'auteur
de Roméo et d'Edipe.
.. On a chanté souvent les plaisirs de la vie champêtre ;
elle faisait les délices des grecs et des romains ; elle fera
aussi les nôtres . La liberté ramene toujours à la nature .
Nous recommandons ce petit ouvrage aux amis de l'une -
et de l'autre . Ils y verront presqu'à chaque page un trait
de sentiment ou de morale à côté des scenes les plus gracieuses
et des accidens les plus pittoresques . On sent
que la vie d'un solitaire , au sein des silencieuses campagnes
, ne doit pas être sémée d'événemens bien mémorables
; mais ceux qu'il décrit rappellent sans cesse
Phomme bon , sensible , indulgent , hospitalier , l'observateur
éclairé , le philosophe pratique , l'ami des moeurs
et de la vertu .
Dans un de ces hivers si fréquemment rigoureux au
milieu des Alpes , où il n'avait pour compagnons que de
simples oiseaux qut étaient venus se refugier sous ses
abris , il trouve dans cette société aîlée des jouissances
qui le dédommagent de la privation des hommes , et lui
fournissent le sujet d'un des plus aimables tableaux de
son ouvrage ; nous ne pouvons nous refuser au plaisir de
le citer.
Je remarquai que les oiseaux qui fréquentent les
plus hautes montagnes , sont moins ombrageux que
ceux qui naissent dans les vallons . Les animaux , comme
les hommes , sont-ils plus confians à mesure qu'ils sont
plus solitaires , ou l'infortune générale est - elle le dernier
noeud de la sympathie et de l'amour entre les
créatures ? J'observai encore que les pinçons à rougegorge
. plus foncés et plus hauts de couleur que ceux
des plaines , sont en même tems plus alertes , comme si
l'élévation des lieux inspirait plus de courage , et qu'ils
s'approchaient plus que les autres de ma maison . Une
famille entiere de douze à quinze de ces aimables hôtes
des forêts , s'emparent seuls de mes pêchers qui n'étaient
pas en espalier , mais plantés au milieu de mon jardin ,
viennent s'y percher , et de là s'élancent sur la tablette
de ma croisée. D'abord je les regarde de loin , non sans
inquiétude , lorsqu'ils se chauffent au soleil ; bientôt je
m'enhardis , et je les approche de plus près , toutefois
avec réserve . Enfin , je vais jusqu'à ouvrir ma fenêtre .
Alors ils s'envolent doucement vers mes petits arbres.
L'un de ces oiseaux cependant ne bouge pas ; il reste
immobile sur la tablette , me regarde amoureusement.
(45)
7
1
Est-il plus confiant ou plus rusé que les autres ? Je ne
vous le dirai pas . Est - il le pere , le roi , ou le patriarche
de cette jolie famille ? C'est ce que je ne sais pas non
plus. Mais il se montre toujours le maître , et les autres..
paroissent le respecter . Peut - être il en est la sentinelle.
Ici je m'arrête sur une remarque qui a été faite plus
d'une fois . L'homme corrompt de sa présence les animaux
qui vivent avec lui . Il leur donne ses passions sans
s'en appercevoir. Il change leurs innocentes inclinations ,
pour leur faire adopter les siennes , toujours plus funestes.
Ce que je vais raconter le prouvera bientôt.
99
Je m'affectionne à ce petit indiscret ; je lui donne
des miettes de pain blanc et des graines que je savais
lui faire plaisir . Alors je m'apperçois que mon bien-aimé
devient tous les jours plus exigeant. Tyran de ses compagnons
, il ne leur permet pas d'approcher ; il défend ses
cheres provisions , comme si seul il pouvait les manger .Je
remarque que vaincu par l'amour il laisse arriver les
femelles de la petite dynastie qui , après avoir goûté
de ses mets , disparaissent aussi- tôt . Il n'était plus tems
de le corriger ; ' en avais fait un despote par mes longues
faveurs. Grande leçon pour les peuples , lorsqu'ils rassemblent
sur la tête d'un seul homme et trop de richesses
et trop de ' pouvoir. Ainsi , mon favori , devenu injuste
peut- être sans le vouloir , parma lâche complaisance , harcela
ses compagnons , pendant tout le froid de la saison ,
avec une intrépidité dont rien n'approche . Tel on vit ,
au commencement du siecle , le farouche Charles XII
faire la guerre sans relâche au Czar Pierre , dans les
marais de Bender et sur les glaces du Nord. Mais ce que
je ne puis passer sous silence , c'est la reconnaissance
de cette charmante famille , qui , au jour que les neiges
furent entierement fondues , pritson vol ; et par de doux
murmures et des sons plaintifs m'exprimait ses adieux . ,,
Environné des plus grandes beautés de la nature , il
lui vient en l'idée de faire un jardin anglais . Il tourne et
retourne son jardin , et le défigure . Bientôt désabusé de
cette folie , il y renonce ; mais elle lui fournit des réflexions
qui devraient bien corriger de ces imitations pitoyables
et de ces miniatures mesquines .
ན་
L'homme dans la plupart de ses ouvrages ne fait
qu'intervertir l'ordre de la nature. Dans ses caprices ,
il bouleverse ses plans , et après avoir détruit leurs
chastes harmonies il les cherche et ne les retrouve plus .
Quand elles existent encore , il ne sait pas les apper-
D 3
( 46 )
....
cevoir. Je le vois placer ses jardins d'amour sur des
terreins indociles , faits pour les arbres des forêts . Envieux
de ce qu'il n'a pas , desireux du bien d'autrui ,
il va chercber dans la Judée des plantes étrangeres au
sol qu'il habite , tandis qu'il ne sait pas cultiver autour
de lui le sorbier indigene qui croît dans ses buissons .
Tantôt il éleve d'orgueilleuses retraites sur la cime des
montagnes , tantôt il comble les aimables vallons de
leurs débris . Las de la solitude , il se renferme dans
des villes obscures. Impatient du séjour des cités , il
court les mers . Malheureux qui traîne après lui toutes
ses passions , et qui s'étonne de ne pas trouver le
bonheur ! "9
Les scenes épizodiques dont l'auteur a su varier ses
tableaux , ne sont pas , comme dans beaucoup de compositions
de ce genre , des objets de pure fiction . Ce
sont ses amis , ses parens , ses voisins , qui viennent figurer
tour-à-tour dans son hameau ; et quand il ne les
rencontre pas à côté de lui , son coeur va les chercher
dans son souvenir , pour leur faire partager ses affections.
Quoique ces réminiscences de l'amitié et ces portraits
de famille n'aient pas pour tous les lecteurs le
même intérêt que pout celui qui les a tracés , ou pour
ceux qui sont au fait des
ils
personnages , y sont amenés
avec un empressement si naturel , et il en parle avec
une chaleur si excusable , qu'on ne peut s'empêcher de
lui savoir gré d'avoir mis le public dans la confidence de
ses plus cheres pensées .
On voit que le but principal de l'auteur a été de faire
aimer la nature , et de rapprocher l'homme de la divinité.
A la campagne , dit-il , l'homme devient religieux
, et embrasse sans peine les éternelles vérités auxquelles
il ne songe pas ailleurs . Au village , il est plus
aisé d'être vertueux , parce que les affections y sont plus
pures , les intérêts plus simples et la franchise plus près
du coeur . Quoiqu'il ne perde point de vue ce double
intérêt dans le cours de son ouvrage, il a soin de le terminer
par le développement de ses idées sur l'immortalité
de l'ame. C'est à la suite d'une promenade champêtre
, dans une de ces soirées d'été si belles , au milieu
des Alpes , que placé avec son jeune ami sur un des
points les plus élevés d'où se déploie à leurs yeux le
plus riche et le plus vaste hoison , leur ame émue à la
contemplation de la nature , s'éleve jusqu'à celle de son
auteur. C'est alors qu'assistant , pour ainsi dire , aux mer(
47 )
veilles de la création , il croit entendre le Dieu des
mondes lui révélant sa magnificence et ses bienfaits , et
reptochant à l'homme son ingratitude , ses doutes , son
vain orgueil et ses ambitieux desirs . Ce morceau , écrit
avec autant d'imagination que de sensibilité , n'est point
indigne de figurer à côté des belles conceptions de
Thompson et de Gesner.
Nous nous sommes étendus avec complaisance sur
cette intéressante production , et nous avouons que nous
quittons à regret le hameau de l'Agnielas. Peut- être que
l'impression que nous avons éprouvée à sa lecture , n'est
que l'effet , plus puissant qu'on ne pense ; du contraste
des sensations . Il est si doux de pouvoir oublier les
passions et les fureurs des hommes qui prennent tant de
peine à s'écarter du sentier de la raison et des voies de
la nature , que nous avons cru aborder dans une isle
enchantée , après avoir été battus par les flots d'une
longue tempête . Les autres pieces qui terminent ce recueil
, quoique d'une composition moins étendue , se
font lire également avec plaisir.
Il est bon , en finissant , d'avertir ces esprits ombrageux
qui ne savent rien voir ni juger que d'après des idées de
circonstance , que ce petit volume a été composé au commencement
de la révolution , et qu'il serait injuste de reprocheràson
auteur quelques réflexions qui ne paraîtraient
plus convenables ; mais elles sont si rares , et il y a des
choses si morales et si utiles dans cette oeuvre pastorale
et philosophique , qu'on peut lui pardonner aisément
ces légeres disparates. Comment l'ami des hommes et
de la nature ne serait-il pas celui de la liberté et de l'égalité
, qui ont pris naissance au village et sur-tout sur
les montagnes , et que les moeurs y ont conservées , quand
elles n'existaient point encore dans les institutions politiques.
Nous devons dire encore que l'auteur , en se
nommant , nous apprend qu'il est prêtre ; mais ce prêtre
parle si souvent le langage du Vicaire Savoyard , il a
une morale si douce et une raison si éclairée , qu'il eût
ête à desirer que l'évangile n'eût pas eu d'autre interprête
, ni la religion d'autre ministre.
L'intérêt qu'inspire cet ouvrage , nous fait oublier
quelques négligences , un peu de désordre et de divagation
dans les idées , et de familiarité dans les détsils
; mais , après y avoir un peu réfléchi , nous avons
vu que cet abandon du coeur et du stile laissait après lui
un charme dont sont privées souvent les compositions
D4
( 48 )
trop soignées . Nous avons remarqué du caractere dans
le stile de l'écrivain ; et au milieu de tant de productions
correctement monotones , c'est quelque chose que d'avoir
un caractere particulier.
( L'auteur de cet ouvrage est le citoyen Pollen . ) .
INSTRUCTION PUBLIQUE.
Analyse des travaux de l'Ecole normale.
La premiere séance qui a eu lieu primedi dernier ..
comme nous l'avons annoncé , a été présidée par les
citoyens Lakanal et Deleyre , tous deux amis des sciences
et des arts , et par cette raison choisis par la Convention
nationale pour la représenter près les Ecoles normales .
Il n'a pas été fait de discours d'ouverture. Le public
peut conclure de cette omission volontaire , que dans
cette premiere des Ecoles , il sera moins question de
mots que de choses , de verbiage académique que de
philosophie exacte , de démonstrations et de vérités .
On a commencé la séance par la lecture des décrets
de la Convention nationale , pour l'établissement des
Ecoles normales . A l'annonce de cette loi , tous les éleves
et tous les spectateurs se sont découverts ; ils se sont
levés d'un mouvement spontané , comme pour mieux
l'écouter et par respect pour elle . Quel discours eût pu
faire une aussi vive impression ? La présence des repré-
Bentans du peuple , des plus habiles professeurs , et de
leurs éleves rassemblés de tous les points de la Répu
blique , tout cela parlait assez éloquemment.
Les citoyens Laplace , Hauy et Monge , ont occupé
tour-à-tour le fauteuil . Après avoir fait lecture de leurs
programmes, ils ont donné leur premiere leçon , ils étaient
écoutés dans le plus profond silence , et à plusieurs reprises
on les a vivement applaudis .
Cette premiere séance des Ecoles normales fera sûrement
époque dans l'histoire de la révolution française ,
ainsi que dans les annales des connaissances humaines.
Si l'on réfléchit sur le but que cette belle institution
Bé propose , et sur les moyens qui sont employés pour
atteindre ce but , on peut espérer que la même révolution
qui s'est faite dans le systême social etpolitique
va s'opérer aussi dans la théorie des sciences et des arts .
( 49 )
Le plus grand nombre des éleves ont été choisis par
leurs concitoyens , et sont déja initiés dans les sciences
qu'ils se proposent d'approfondir. Ils viennent prendre
des leçons sur la meilleure méthode de les enseigner , et
ces méthodes leur seront tracées par des hommes dont la
réputation est faite dans l'Europe ; ils arrivent avec le
desir d'acquérir de nouvelles lumieres ; ils se proposent
dans leurs études des objets bien déterminés . Le moment
de leur réunion est celui où la France délivrée du joug
de ses rois et des fureurs de ses derniers tyrans commence
à respirer ; où elle attend des lumieres de la raison , le
complément des oeuvres de la justice , la guérison des
profondes blessures qu'elle a reçues , et le dédomma
gement des pertes qu'elle a faites ; ou comptant sur les
leçons de l'expérience , de la sagesse et du malheur ,
elle espere , non-seulement le retour aux vrais principes ,
mais encore la connaissance de tout ce qui peut être
utile et agréable aux hommes , et sur-tout les heureux
fruits du véritable amour de la patrie et de l'humanitė .
Ces grandes espérances ne seront point déçues : les
éleves aux Ecoles normales savent que la révolution que
nous devons au progrès des lumieres ne peut s'achever
et se consolider que par les progrès plus grands encore
qu'elles doivent faire . Ils profiteront des secours qu'un
gouvernement bienfaisant et juste leur procure en ce
moment. Ils sentiront tout le prix d'une solide instruç
tion pour réunir , comme dans un foyer , tous ces rayons
de lumierés ; ils rapporteront dans leur pays une riche
moisson de vérités . Ils les répandront sur le sol de la Ré
publique ; alors les sciences humaines seront absoutes de
ces reproches qu'on était en droit de leur faire , lorsque
des méthodes défectueuses d'enseignement ne donnaieut
gueres pour résultats que des idées obscures ,
vagues , incohérentes ; lorsqu'elles ne pouvaient conduire
la plupart des hommes qu'à ce demi - savoir , pire
que l'ignorance , auquel la République naissante , et qui
triomphe aujourd'hui de tous ses ennemis , a dû peutêtre
la plus grande partie de ses malheurs ,
( 50 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 11 janvier 1795 .
S'IL faut s'en rapporter à des lettres de Varsovie , plusieurs
des magnats polonais , coopérateurs de la révo-
Jution qui vient d'échouer , ont à se reprocher en
grande partie le mauvais succès de cette généreuse
entreprise. Ils n'y sont pas entrés de bonne foi , ou y
ent porté et gardé sans s'en appercevoir les vices de la
caste nobiliaire . Au reste , ces inculpations ne tombent
en rien sur le généralissime , et le nom de Kosciuszko ,
ainsi que celui d'un petit nombre de ses infortunés
compagnons d'armes combattant pour la cause sacrée
de la liberté , passera pur à la postérité , et lui transmettra
le souvenir consolant d'une vertu sans tache , et
d'un courage entierement dévoué à la patrie qu'ils ont
servie pour elle-même . Tel est l'empire de cette vertu ,
même sur les ames corrompues , qu'eile les condamne
au supplice d'admirer ce qu'elles n'auraient pas la force
d'imiter, et que des vaincus de cette trempe ont l'air
de triomphateurs au milieu des guerriers mercenaires
qui les conduisent à l'esclavage .
Un patriote Polonais a consigné ces reproches et ces éloges
dans une lettre dont nous citerons quelques passages La
haute généralité polonaise s'est indignement conduite sur la
fin de la révolution la plupart des généraux , même ceux
de l'armée de Lithuanie , dès qu'ils ont vu les grandes approches
du péril , ont cherché leur sûreté en -deçà de la Vistule , et
dans les murs même de Varsovie , avant l'attaque faite contre
Prag.
Il paraît , par la même lettre , que Wawrezewski , renonça
trop - tôt au dessein de sauver Prag , et init trop d'empressement
à incendier le pont du côté du fauxbourg , et à le
rompre du côté de Varsovie , mesure funeste qui ôta aux victimes
du Sac de Prag tout moyen de salut.
Le peuple , sur qui les mauvais exemples influent puissamment
et que le défaut de lumieres déterminé , sur - tout
( 51.)
dans un moment de désespoir, a sacrifier l'intérêt de l'avenir
à celui de l'heure même , se porta aussi à de violens excès .
Après avoir forcé le faible Stanislas de rester , il se partagea
la viande salée destinée aux troupes , et à la suite de plusieurs
coups entre les co-partageans , des magasin's particu
liers furent pillés .
Le 9 , la foule brisa nne seconde fois les portes de l'hôtel
de Sierakowski et en enleva des farines , des gruaux , du lard
et des boissons . A Rudoszyce , la haute généralité se partagea
le tresor de l'armée ; il y eut encore des coups de donnés
à cette occasion : car les factionnaires qui s'en apperçurent
ne voulurent pas rester les mains vides , les soldats se débans
derent , tirerent sur les officiers , dépouillerent les morts , et
déserterent du côté des Prussiens et des Autrichiens .
Le 21 novembre , il se ft plusieurs arrestations. Le per.
sonuage le plus marquant sur qui tomberent ces mesures de
rigueur , fut Ignace Potocki ; mais le président de Varsovie ,
Zakrzewski ; le comte de Mostowski , membre du conseil souverain
; Kiliuski , cordonnier et colonel révolutionnaire ;
Koponas , marchand , membre du conseil souverain et ministre
des finances , et M. Leduckowski , partagerent le même sort .
M. Buxhoenden , en recevant les ordres relatifs à ces arrestations
, a reçu en même tems celui de surveiller attentivement
les habitans de Varsovie .
On écrit de Grodno , en date du 28 décembre , qu'on y
attend incessamment le roi qui été invité , par une lettre de
l'impératrice de Russie , à s'y rendre , tant pour sa stireté
personnelle que pour traiter des arrangemens ultérieurs , dout
le premier pourrait bien être une proposition de descendre
dù trône. Le docile Stanislas a répondu qu'il se conformerait
au desir , on pour mieux dire aux ordres de l'impératrice
, quoique son âge et sa mauvaise santé semblassent y
mettre un obstacle .
On écrit de Copenhague , le 27 décembre , que les droits
d'entrée que les vins de toute espece et les eaux- de-vie de
France payaient jusqu'ici , viennent d'être réduits à moitié par
úne ordoanance royale , c'est-à - dire , dix écus par barique
pour les vins , et le double pour les eaux de vie .
De Francfort-sur- le-Mein , le 18 janvier.
la
Les communications entre le cabinet de Berlin et
celui de Vienne commencent à se rallentit , sur-tout de
la part du premier ; et par
se trouve confirmé ce que
Ton pressentait , que le roi de Prusse est las de s'épuiser
pour la coalition . D'ailleurs , des motifs particuliers
( 52 )
'un autre genre peuvent avoir qué dans cette détermination
qui transpire dans la réponse faite aux co - états
par lesquels sa médiation avait été réclamée pour arriver
la paix. Ces motifs sont probablement le desir d'obtenir
des conditions moins défavorables pour le statdhouder
son beau- frere , fuyant devant les armées victorieuses
de la République , et pour lui -même , à qui
elles viennent d'enlever , en partie , la Gueldre prussienne
.
On croit généralement à Vienne , et sur-tout à Berlin ,
que les Provinces- Unies , si mal défendues par leurs
propres habitans et par les Anglais , vont être forcées
de faire leur paix particuliere . Mais les gens instruits
n'ont point oublié qu'il existe un parti considérable
anti-statdhoudérien , et que la Hollande , indignement
rançonnée , vexée , pillée par les soldats Anglais qui
ont constamment déshonoré la belle profession des
armes , et qu'on peut regarder comme la lie des hommes
qui les portent en quelque pays que ce soit , n'a aucun
ménagement à garder avec la Grande - Bretagne . Aussi
ces personnes clairvoyantes sont- elles bien persuadées
que Frédéric- Guillaume se trompe dans son calcul , et
que les Français , véritables bienfaiteurs des Bataves , les
affranchiront pour jamais de la tyrannie d'un capitaine
général devenu roi par le fait , et les aidéront à remon
ter aux beaux jours de leur République .
Voilà donc l'empereur réduit à -peu- près à ses seules forces'
et à celles de l'Angleterre ; car on ne peut pas compter pour
beaucoup les états d'Italie ni l'Espagne qui manquent ou
d'hommes ou d'argent , et dont la derniere , découragée par
ses défaites , ne va pas tarder de saivre l'exemple de la Hollande.
L'empereur , sur qui porte un fardeau si considérable
a non-seulement à défendre les bords du Rhin , il est encore
chargé de garantir et ses possessions en Italie et celles de son
allié le roi de Sardaigne . Il ne peut qu'être effrayé s'il com
pare ses obligations avec ses moyens de les remplir. Il lui
en faut d'immenses . Aussi , indépendarament d'un emprunt de
6 millions de liv . sterl . négocié et obtenu pour Ini en Angleterre
, est -il obligé d'imposer dans ses états une taxe de 30
pour 100 , qui portera , il est vrai , principalement sur les
riches ; mais , par contre- coup , aussi sur les pauvres .
prince paraît néanmoins décidé à suivre la téméraire entreprise
de continuer la guerre dans cet état de choses . On dit qu'il va
faire une nouvelle promotion . L'archiduc Charles , le comte
de Clairfait et le prince de Hohenlohe doivent être élevés au
Ce
( 58 )
grade de felds maréchaux ; le dernier doit passer à l'armée de
Rhin , où l'on envoye aussi ce fameux colonel Mack , dont on
espérait tant et qui a fait si peu.
ITALIE. De Gênes , le 1er. janvier.
Les dernieres lettres de la Riviere portent qu'il est arrivé à
Port-Maurice et à Saint- Reme 2800 Français venus , dit-on
de l'intérieur de la France pour renforcer l'armée d'Italie .
L'escadre de Toulon était , au départ du dernier courier
sur le point de mettre à la voile . Mais on avait licencié et
payé tous les bâtimens qui depuis quelques mois étaient en
requisition , d'où l'on infere que les Français ont abandonné
le projet de faire un débarquement en Corse .
ANGLETERRE . De Londres , le 3 janvier..
Débats du Parlement. Chambre des Communes.
Il a été question dans cette séance de voter l'adresse de re
merciement au roi pour son discours aux deux chambres du
parlement. Plusieurs membres , tant du parti des ministres
que de l'opposition , ont pris successivement la parole à cette
Occasion ; les débats ont été très - animés , et ont duré fort
long- tems. Nous allons nous borner pour le moment à donnes
les discours de Pitt et de Fox .
Le chancelier de l'échiquier : « Ce n'est pas à ceux qui ont de
tout tems improuvé la guerre actuelle , que je m'adresse ; c'est
à ceux qui , après l'avoir conseillée , veulent y renoncer à cause
des revers de la derniere campagne . Ils refusent leur adhésion
à l'adresse au roi , parce qu'ils craignent qu'en l'adoptant , on
ne s'interdise à jamais la paix avec la République Française .
Ils se trompent. L'adresse porte seulement que nous ne pouvons
traiter avec le gouvernement de France , tel qu'il est ,
parce qu'il n'a aucune stabilité . Mais où est le besoin de de
mander la paix ? sommes-nous sans ressources , sans espé
rances ? Sans doute , dans le cas d'un épuisement , nous pour-
Ions rechercher la paix . Mais elle ne me paraîtra jamais solide ,
solide , si la France ne redevient monarchie , ou si du moins
son gouvernement n'éprouve quelques changemens intermédiaires
. D'abord les membres que je combats trouvaient la
guerre juste et nécessaire . Leurs discours m'étonnent aujour
d'hui. N'ont- ils plus à redouter ce systême qui les épouvantait
tant autrefois , dette cruauté , cette anarchie , cette impunité
avec lesquelles est incompatible le maintien d'une société pos
licée ?
S'il a plu à l'impénétrable providence de faire triompher
la France par-tout où elle s'est montrée , ne succombons pas du
moins , sans avoir déployé tous nos efforts . Pour moi , je ne veux
( 54)
abandonner le combat que quand mon excuse sera dans l'entiere
impuissance de le soutenir.
vaut
" Mon honorable ami ( M. Caning a proposé , en poursui
ia guerre avec vigueur , de rechercher les moyens de faire
la paix. Il croit que la derniere révolution de France nous en
facilirea les moyens . On lui a déja répondu que ce changement
n'était guères que celui des noms . Ceux qui ont renversé Robespierre
, ont maintenu le systême révolutionnaire . Il est vrai
qu'ils ont substitué la douceur à la cruauté. Cependant lear
haine pour l'Angleterre est toujours la même ; leurs principes
sont ceux qui triomphaient avant Robespierre , dans le tems
où l'on nous déclara la guerre . C'est toujours la même théorie
de liberté et d'égalite mal entendue et destructive de tous
ordre social . Notre systême politique est une éternelle satyre
contre le leur. Ils cherchent moins des conquêtes que la
destruction de tous les gouvernemens . Pensez-vous que leurs
étonnans succès aient en cela réformé lenrs idées ?
, Croit-on possible de bâtir la paix sur les bases posées ici
par mon honorable ami ? Croit- on que le commerce défcudra
sa liberté , que les flottes , les armées seront licenciées de part
et d'autre ? Croit-on possible d'empêcher une correspondance
coupable entre les deux pays ? Non . La contagion des principes
français sera toujours également redoutable. La fin des hosi
lités ne serait pas celle des dangers ; ils menaceraient et ncús
et ceux que nous avons le plus intérêt de défendre . Quel serait
le terme de ce repos tumultueux ? Licenciez vos armées ; comment
les rassemblerez- vous si vous êtes attaqués ? Licenciez
vos forces ; et affaiblis sous tous les rapports , vous aurez á
combattre un ennemi pour qui la paix est aussi impossible que
la guerre serait difficile pour vous ? Et comment recréerez-vous
la coalition ?
" Si les Français attaquent dans la suite la Hollande , la
Prusse , l'Autriche , comment déterminerez- vous l'Angleterre
à rentrer en lice , aptès avoir fait le honteux aveu de votre infériorité
, au moment même où tant d'allies yous secondent ?
Que sera - ce si je vous prouve qu'on vous conseille la
lâcheté à une époque où vos ennemis touchent à l'épuisement
?
1
99 On vous a dit que si la guerre cesse ; la France se donnera
un gouvernement plus sage . Est-ce à nous sur des chances
aussi incertaines , à nous exposer aux plus grands malheurs ?
Je ne veux done point de paix en ce moment , à moins que
vous ue me démontriez que la France a plus de moyens que
mous de poursuivre le guerre. Eh ! quelle paix pourrionsnous
obtenir ? Nous sacrifieiions notre honneur en pure perte,
et par un désespoir trés-mal fonde . Nous conseillera- t-on d'abandonner
aux Français les Pays - Bas autrichiens ? Non , sans
doute. On dit que le vrai motif de la guerre n'existe plus ,
( 55 )
puisque la Hollande négocie avec la France. Eh bien ! je sontiens
que la Hollande ne peut jouir de quelque sûreté qu'autant
que nous conclurons la guerre . Que la paix regne entre les
denx pays , et la France est sans frein et sans contrepoids.
Qui peut répondre qu'elle consentira à la paix à des condi
tions honorables , et sans se piévaloir d'une prétendue supériorité
? A- t-elle modifié le décret du 13 avril , qui porte que
les préliminaires de la paix seront l'unité et l'indivisibilité de
la République ?
,, Quoi ! après deux ans de guerre . Vous avez obteau
comme indemnité la possession des colonies françaises , et vous
y renonceriez pour acheter la paix ? De telles idées ne peuvent
être adoptées qu'autant que l'impossibilité de continuer la
guerre aura été prouvée . Soyez sûrs que le statu ne serait point
accepté. Est- ce à nous à descendre au langage de la faiblesse et
à l'attitude de la priere.
" Je ne veux point dissimuler les désastres de la derniere
campagne . Je ne calculerai point les blessures profoudes reçues
par les deux grandes puissances militaires de l'Europe . Mais les
guerres précédentes me présentent les prodiges dus à l'énergie
et à la perseverance du peuple anglais . Ne faut - il juger des
ressources des puissances belligerautes que par des batailles
perdues , et des pays envahis ? Ce calcul serait faux , dans cette
guerre sur-tout , et vis-à- vis de nous .
* La guerre d'aujourd'hui ne dépend que des finances Nous
ayons l'avantage des ressources pécuniaires et des acquisitions
territoriales, La France a plus perdu en territoire et numéraire ,
que toutes les puissances réunies .
" J'entends dire que les ressources de nos ennemis sont
inépuisables . Quels étaient leurs moyens ? les réquisitions et la
saisie des propriétés . Mais ces moyens étaient l'ouvrage du
despotisme et de la terreur. Ils diminuent donc avec la terreur.
Les depenses de la France depuis la révolution sont de 480 millious
st . , dont320 ont été dévorés par la guerre.Je n'ai pas besoin
de comparer vos dépenses à ces sommes énormes . Est- ce donc
vous qui seréz épuisés les premiers ? On prétend que ce que la
France a dépensé , elle peut le dépenser encore . Non , ce n'est
pas dans les revenus croissans qu'ils ont trouvé ces ressources .
C'est dans un papier - monnaie multiplié sans mesure . La Convention
convient qu'elle ne peut en émettre davantage sans sa
ruiner entierement , sans accroître continuellement la cherté
des denrées .
" Depuis 1793 , on s'apperçoit qu'il y a trop de papier , qu'il
tombe dans un discredit progressif , que la terreur seule avait
pului conserver une apparense valeur. De - là les lois sur le
maximum , qui se sont écoulées avec Robespierre ; de-la les défenses
de cesser son commerce , d'abandonner ses manufactures
sous peine de 20 ans de fers ; moyens forcés qui ne pouvaient
( 56 )
durer à cause de leur violance même , qui avaient besoin d'avoir
pour appui les guillotines permanentes , la féroce extravagance
des représentans en mission , et ces nuées de comités révolutionnaires
qui s'emparaient de tout , et dont la solde montait à
20 millions sterlings.
,, Dira- t- on que , quoique la terrear soit détruite , on peut en
maintenir les effets . Nón. La preuve en est que déja les lois du
maximum sont inexécutées , et que les assignats perdent 75 pour
cent. Tallien lui- même avoue que le crédit des assignats ne
pouvait se soutenir si on ne diminuait les dépenses et le nombre
des armées .
Il est trop tard pour m'étendre en ce moment sur la réquisition
des personnes et des propriétés . Mais peut- elle continuer
sans la terreur? J'ai bien d'autres choses à dire ; j'y reviendrai
dans une autre séance .
? On me dit que depuis la terreur détruite , les Français raniment
le commerce et l'agriculture . On ne guérit pas ainsi en un
jour une plaie si profonde ! Quels moyens ont - ils d'ailleurs de
nourrir leur commerce et leur agriculture ? tonjours des assignats
discrédités . Il n'est pas même en leur pouvoir de rebâtir
la terreur ; il est bien plus difficile de la ressusciter que de la
maintenir quand elle existait .
" Soyez persuadés que si vous donnez la paix aux Français ,
vous leur laissez le tems d'amasser leurs ressours et leurs
moyens. Si vous les pressez avec vigueur , vous les forcez de
créer de nouveaux assignats , et vous achevez leur épuisement .
Ils ne peuvent soutenir plus long-tems des armées aussi nom .
breuses. Quand même la Hollande ferait la paix , et que la
Prusse ne nous sécourrait que faiblement , nous pouvons avoir
sur le continent des forcet égalemet redoutables , et agir avec
plus de succès.
yous
Les autres puissances ont les yeux fixés sur mous . Si vous
leur fournissez les moyens de faire de grands efforts
obligez la France à en faire aussi , et elle périt d'inanition .
Montrez de l'energie , et vous serez secondés par les puissances
d'Italie et par l'Espagne ; et par-là vous atteignez le but que j'ai
déja marqué ; vous forcez les Français à rentrer dans les bornes
de leur propre territoire . Je conclus à l'adoption de l'adsesse
au roi ,
Le défaut de place nous oblige de renvoyer au numéro prochain
le discours de Fox et les débats du 3.
ERRATA pour le numéro 25. Page 27 , ligne 5. après ces
mots : Si elle ne se hâte de se détacher de la ligue , ajoutez contre
la France . Page 28 , avant l'alinéa : On est ici dans l'attente ,
ajoutez le mot Poringal.
--
RÉPUBLIQUE
1 7 ( 57 )
REPUBLIQUE FRANÇAISE.
$2
GONVENTION NATIONAL E.
PRÉSIDENCE DE ROVÈRE..
Séance de duodi , a Pluviôse..
Il y a eu hier soir une séance pour le renouvellement da
bureau. Rovere a été nommé président ; les secrétaires sont ,
Mercier , Talot , et Bouret.
*1
La séance s'ouvre aujourd'hui par la lecture de la rédaction
de plusieurs décrets . Maure demande , par motion d'ordre , qué
la Convention ajoute' , à son décret bienfaisant d'hier , une disposition
en faveur des malheureux indigens qui périssent de
froid et de misere . Renvoyé aux comités des finances et des
secours.
Les sections des Gardes Françaises et de l'Observatoire
se présentent à la barre ; elle promettent de ne pas souffrir
qu'on ramene le regne de la terreur , ni qu'on égare les
citoyens sur le compte de la Convention . Elies demandent
la punition des quatre grands coupables et des furies salariées
qui vienneut l'insulter jusques dans son sein , et applaudir
aux continuateurs de Robespierre . Elles y ajoutent le desir
qu'elle vienne efficacement au secours des malheureux dont
les souffrances sont excessives , à cause de la rigueur de la
saison . Saint-Martin rassure la Convention , en annonçant que
les comités de salut public et des secours se sont occupés des
moyens de secourir les indigens .
Les voûtes de la salle retentissent des airs chéris de la
nation , les cris de vive la République ! périsent les tyrans !
se font entendre de toutes parts . Un enthousiasme général
regue dans l'Assemblée ; la Convention environnée du peuple ,
se met en marche pour se rendre sur la place de la Révolution.
Arrivée devant la statue de la Liberté , le président
prononce le discours suivant :
Citoyens , le Peuple Français a conquis la liberté par un
combat opiniâtre et glorieux contre toutes les forces réunies
des despotes et de leurs satellites , ignorans ou abusės ; il a usé
de ses droits imprescriptibles . Le devoir des législateurs est de
nourrir ce sentiment généreux par des institutions mémoratives
des dangers qu'il a courus et des moyens de s'en préserver à
l'avenir.
La cause de tous nos maux était dans l'oubli des principes ; *
les lois se taisaient devant l'homme puissant , ou pour mieux
Tome XIV.
1
( 58 )
dire , il n'en existait pas , puisque la volonté nationale n'était
comptée pour rien . L'intrigue , la trahison , le pillage , l'avilissement
de l'espece humaine , à l'ordre de tous les jours , acquirent
même des droits à la renommée ; les citoyens obligés
à chercher dans la protection insultante de la scélératesse en
crédit , l'appui que la loi leur refusait , perdirent toute idée de
lenr dignité ; le crime puissant était honoré , la vertu sans appui
méprisée .
Mais la révolution a fait enfin commencer le regne des lois
et de la justice .
,, Un tyran comblé des faveurs d'un peuple crédule et confiant
, s'en sert pour organiser la guerre civile , rappeller le
fanatisme , amener la famine et tous les fléaux destructeurs de
l'humanité, sur une nation qui n'avait eu d'autres torts que celui
de croire à ses sermens ; il en était fait de la liberté ; la révolution
n'aurait servi qu'à river nos fers , sans l'énergie du Peuple
Français et de ses représentans , donnant à l'Univers étonné un
grand exemple de justice nationale sur la personne -d'un roi
parjure. Le 21 janvier rappellera à tous les hommes investis de
grands pouvoirs , dépositaires d'une grande confiance , que la
loi les atteindra , quelque part qu'ils soient placés , s'ils en
abusent.
Les autres époques de la révolution ont servi à proclamer
les principes de liberté et d'égalité ; celle - ci a consacré ceux
de la justice qui frappe avec sévérité un coupable accoutumé à
l'impunité.
,, Que l'amour sacré des lois anime tous les coeurs ! que
la crainte salutaire de la justice comprime tous les ambi
țieux et les traîtres ! èt la liberté sera affermie sur des bases
inébranlables. }
" En effet , la liberté ne serait qu'une chimere là où un seul
citoyen pourrait être un instant au-dessus des lois ; l'égalité
n'existerait pas même en apparence parmi les citoyens , il n'y
aurait plus que le niveau de l'esclavage ; mais le Peuple Français.
a juré d'être libre ; il a déclaré une guerre à mort à toute espece
de tyrannie ; sa volonté toute-puissante a fait disparaitre
les fourbes et les insensés qui ont tenté de s'y opposer. Le'
regne des lois et de la justice éternisera une révolution deszinée
à fonder la République Française et à faire le bonheur de
l'humanité .
Le canon se fait entendre , les cris de vive la Liberté !
vive la République ! vive la Contention nationale accom
pagnent les représentans du peuple jusqu'au lieu de leurs
séances .
L'Assemblée rentre dans la salle , aux cris de vive la Répu
blique ! et au bruit des fanfares .
Rivier- Gérente : En ce jour doit expirer le terrorisme . Le
royalisme est expiré ; mais le terrorisme subsiste encore. Deux
( 59 )
de nos collégues , séduits par leur sensibilité , vous ont preposé
, l'un une amnistie , et l'autre l'abolition de la peine de
mort. De pareilles mesures ne peuvent être adoptées dans ce
moment ; il faut qu'ils disparaissent du globe , ceux qui ont
corrompu la morale publique et érigé l'assassinat en profession.
Les mânes de nos collégues égorgés par eux planent
dans cette enceinte , et demandent vengeance . Je demande
que la Convention déclare 1º . qu'elle fera justice des auteurs
du terrorisme , 2 ° . qu'elle porte une peine contre ceux qui
provoqueraient le retour du terrorisme ou du jacobinisme ,
30. qu'elle décrete une fête pour consacrer la jouruée du 10
thesmidor.
Merlin ( de Thionville ) s'oppose aux deux premierés propositions
, parce qu'il les voit gravées dans le coeur de tous ses
collégues. Il ajoute qu'un tems viendra où il faudra être juste
envers les morts , et jetter des fleurs sur la tombe de Phelipeaux ›
et de Camille- Desmoulins , et de beaucoup d'autres vietim s
que l'ancien despotisme a sacrifiées à sa fureur et à son orgueil .
Merlin appuie la troisieme proposition , et demande qu'une
colonne soit élevée dans Paris pour perpétuer le jour où la
justice est venue enfin s'asseoir à côté de la liberté..
Legendre craint qu'on ne donne à Robespierre une impor
tance qu'il ne mérite pas . Il l'appelle l'écolier du crime , et il
reclame l'ordre du jour.Tallien répond que ce n'est pes célébrer
Robespierre , que de célébrer la journee du 10 thermidor. It
dit que la colonne ne fera point mention de lui , mais de l'époque
du retour de la justice , du jour où la Convention a
repris son indépendance et la liberte d'opinion . Elle sera un
monument qui avertira leurs successeurs de se préserver à jamais
de l'oppression qui a régné sur eux et du danger des
grandes popularités et des réputations usurpées . Tallien est
très -applaudi , et la Convention décrete que l'anniversaire du
10 thermidor sera célébré par une fête . La musique tèrmine la
*séance.
Séance de tridi , 3 Pluviôse.
Les représentans du peuple près les ports de Brest et de
Cherbourg annoncent l'arrivée de deux nouvelles prises dans
le port de l'Orient. Voyez les Nouvelles officielles .
Organe du comité des finances , Cambou à fait nn rapport
sur les moyens de diminuer la masse des assignats en circulation
; ils sont au nombre de quatre : 1º. une loterie
combinée de maniere à ne faire craindre aucune perte à ceux
qui s'y intéresseraient , en leur assurant la rentrée de leur mise
convertie en bon au porteur , avec trois pour cent d'intérêt ,
dans le cas où ils n'y gagneraient pas ; 2º . une invitation aux
acquéreurs de biens nationaux à payer les termes non échus
en leur accordant une prime ; 3° . l'accélération de la vente da
"
E 2
( 60 )
mobilier des émigrés ; 4° . le reglement avec les parens des
émigrés de ce qui peut leur revenir et de ce qui doit rester à la
République.
Le premier moyen ferait retirer de la circulation quatre
milliards d'assignats , le deuxiemu huit cent millions , le troi
sieme neuf cent , et le quatrieme cinq cent.
La loterie serait de quatre millions de billets de mille livres ,
compris en quatre séries , depuis le n°. 1 jusqu'à 1,000,000 ,
les billets seraient divisés en coupons de moindre somme , pour
ep faciliter la circulation parmi un plus grand nombre de citayeus
, et la loterie serait établie de maniere à no présenter
aucune perte à ceux qui s'y intéresseraient , et ils auraient en
outre l'expectative avantageuse de plusieurs lots qui servient
répartis entre les actionnaires par la voie du tirage au sort . Les
chances que
donnerait le tirage , seraient quatre lots de
500,000 livres , 36 de 150,000 , 350 de 100,000 , 3 600 de
20,000 , etc. , jusqu'à la concurrence de quatre milliards et
au- dessus . Les assignats rentrés par la voie de cette loterie
seroient brûlés comme ceux rentrés par la vente des domaines
nationaux . Le paiement des lots serait fait avec des bous
au porteur , produisant un intérêt à trois pour cent , हैं
compter du jour du tirage , et ces bons pourraient être émployés
, à la volonté du porteur , soit à solder des domaines
nationaux , soit en nouvelles acquisitions ; mais en
y ajoutant moitié en sus de leur valeur , en assignats . Ils
pourraient aussi être employés seuls en acquisition de maisons.
dans les villes au- dessus de trente mille ames.
Gambon a terminé en présentant pour l'exécution de ces
différens moyens des projets de décret dont l'Assemblée a
Ordonné l'impression et l'ajournement à quatre jours aprés la
distribution .
Cambacer ès , au nom des comités de salut public , de sûreté
générale et de législation , fait le rapport attendu sur le famille
Capet . Il expose que jusqu'ici la prudence avait écarté cette
question , mais que les circonstances actuelles paraissent exiger
qu'elle soit examinée , autant pour tromper les espérances cri .
minelles ou déjouer des manoeuvres perfides , que pour fixer
l'opinion du peuple , en manifestant les diverses considérations
qui peuvent l'éclairer. Il n'y a que deux partis à prendre sur les
individus dont il s'agit , les rejetter du territoire de la République
, ou les y retenir en captivité . En les retenant , il est à
craindre qu'ils ne soient une source de désordres et d'agitations ,
un prétexte pour les malveillans de calomnier la Convention.
Si où les bannit , l'on met entre les mains de nos ennemis
up dépôt funeste ; un sujet de guerre , un point de ralliément
aux lâches déserteurs de leur patrie. Telles sont les pensées
qui s'offrent à quiconque veut porter son attention sur ecute
affaire .
( 61 )
Cambacérès sommet ensuite à l'Assemblée les motifs qui ont
déterminé l'avis du comité . Si le dernier des rois de France eût
pu voir ses desseins accomplis , qu'il eût amené sou fils et son
heritier avec lui lorsqu'il teuta de s'évader , et que par la valeur
de nos troupes , cet héritier fût tombé au pouvoir de la Répu
blique , le rendrions nous ? Non , sans doute . Eh bien ! puisque
nous l'avons entre nos mains , suivons la route qui nous est
tracée par la sagesse et par l'énergie . La sagesse veut que nous
soyons défians ; l'énergie , que nous frappions tous les ennemis
de la liberté. Avec la force du peuple , le courage de ses réprésentans
et les triomphes de nos troupes , que reste-t -il aux
royalistes ? la confusion et le désespoir . C'est donc sur la raison
autant que sur l'intérêt public qu'est fondé l'avis de vos comités ,
Il y apeu de danger à tenir en captivité les individus de la
famille Capet ; il y en a beaucoup à les expulser. L'expulsion
des tyrans a presque toujours préparé leur rétablissement , et si
Rome eût retenu les Tarquins , elle n'aurait pas eu à les combet
re
Gambacérès propose de décréter que sur la proposition de
faire un rapport concernant les individus de la famille Capet ,
astuellement en France , l'Assemblée passe à l'ordre du jour.
La Convention adopte à l'unanimité le projet de décret , et
ordonne l'insertion du rapport et du décret dans le bulletin de
correspondance.
Brival réclame la liberté des opinions , et il lit un discours
dans lequel il établit une opinion toute opposée à celle des
comités. Il pense qu'après avoir coupé l'arbre , il faut
en exti per les racines. Il fonde son opinion sur l'exemple
des Romains qui bannirent jusqu'au dernier des parens de
Tarquio. Cette opinion n'a pas de suite , et l'Assemblée mainlient
son décret..
Boissy d'Anglas , au nom du comité de salut public : La
loi qui supprime le maximum maintient les requisitions dé
grains pour l'approvisionnement des marchés jusqu'au 4 pluviôse
; cependant beaucoup de cultivateurs sont en retard ,
ensorte que l'approvisionnement des armées et celui de Paria
devient impossible si l'on n'y pourvoit . Il propose de décré
ter la peine de l'incarcération contre les cultivateurs en retard
. Plusieurs membres expriment leurs craintes de renou.
veller par cette mesure la classe des suspects , et de remplir
les prisons de cultivateurs . Ils demandent qu'on substitue l'amende
et la confiscation à l'incarcération . Le projet de décret
a été adopté avec l'amendement. Le delai pour les requisitions
ira jusqu'au 10 germinal .
Séance de quartidi , 4 Pluviose,
Bourdon de l'Oise ) , par motion d'ordre Les patriotes
s'étonnent de voir que le royaliste Lacroix qui a voulu assassiner
E 3
( 62 )
•
l'opinion publique, n'ait pas encore disparu du sol de la liberté.
Je demande que le tribunal qui a jugé Morin , soit investi da
pouvoir de juger aussi révolutionnairement Lacroix.
Pelet pense que les principes ne permettent pas de traduire
ainsi les acusés devant un tribunal criminel . Il craint que
si l'on se laisse entrainer par des motifs particuliers , l'on
n'ait bientôt plus de regle. Il , demande le renvoi au comité
de législation . Thuriot s'oppose au renvoi . La motion de
Bourdon est décrétée .
Merlin de Thionville ) demande , pour la veuve Phelippeaux ,
la suspension de la vente d'une maison qui appartenait à
son mari , et des secours . Lecointre appuie la seconde partie
de la proposition et en propose le renvoi au comité des secours
; ce qui est décrété.
Thibaut , au nom du comité des finances , fait décréter
l'augmentation du traitement des fonctionnaires publics suivant
cette progression : ceux qui ont 1000 liv. par mois ,
n'aurent aucune augmentation ; ceux qui ont 800 liv . , recevront
80 liv. de plus par mois ; ecux qui ont 600 , recevront
120 liv . de plus ; ceux qui ont 500 , recevront 150 liv . de
plus ; cenx qui ont 400 , recevront 160 liv . de plus ; ceux
qui ont 300 , recevront 150 liv . de plus ; ceux qui ont 200 ,
recevront 120 liv . de plus ; ceux qui ont 150 , recevront 105 1 .
de plus ; ceux qui ont 100 , recevront 80 v . de plus ; et ceux
qui ont 75 , recevront 67 1. to s . de plus. Cette augmentation
aura lieu à dater du er, nivôse dernier.
*
Pottier , au nom du comité de législation , expose que les tribunaux
militaires sont composés d'un président , un vice président
, un accusateur o įlitaire , un substitut , un jury de jugement
et un grefher. Le président et le vice - président exercent
leurs fonctions chacun séparément , c'est - à - dire , que l'un d'eux
seulement assiste au jugement d'une affaire . La Convention a
prévu le cas où l'accusateur qui requiert l'application de la loi
et le président qui la prononce ne s'accorderaient pas sur la
peine applicable au délit. La loi veut alors que le président , le
vice-président et le substitut se réunissent pour délibérer en
commun et sans désemparer ; mais il est un autre cas qui n'a pas
été prévu , c'est celui où l'un des trois officiers qui doivent se
réunir est absent ou malade . Restraints à deux , ii pourrait y
avoir partage d'opinious , un troisieme est donc absolument
necessaire ; mais la loi se tait sur celui qui doit templacer l'absent
ou le malade .
Le c. mité a pensé qu'il était indispensable de maintenir la
disposition de la loi qui exige la réunion des trois officiers , et
pour en assurer l'exécution , il a eru que celui des trois qui
pour des raisons légitimes ne pouvait être appellé sur- le-champ .
devait être remplacé par un officier de police militaire , autre
que celui qui aurait commencé l'instruction au choix des deax
autres.
H
( 63 )
Le rapporteur propose en conséquence , d'après ces bases ,
un projet de décret qui est adopté.
• Saladin , au nom de la commission des vingt-un soumet
ane difficulté qui s'est élevée dans son sein . Il s'agit de savoir si
elle doit se borner à l'examen des pieces qui lui ont été remises
par les comités , ou s'ils peuvent l'aider de toutes les lumieres
propres à éclairer leur conscience et s'envirouner de tous les .
geures de preuves tant à charge qu'à décharge.
Merlin ( de Douai ) observe que l'iutention de la Conventien
n'a point été , en décrétant cet article de la loi , d'empêcher
la commission de recevoir , recueillir et rechercher toutes les
pieces à charge et à décharge , propres à éclairer la conscience
et à fixer son opinion sur les faits dont elle doit connaître , et sur
lesquels elle doit faire un rapport , mais seulemeut de s'opposer
qu'elle ne reçût des pieces tendantes à dénoncer des faits autres
que ceux sur lesquels les com tés auraient déclaré qu'il y avait
lieu à examen. Il propose de passer à l'ordre du jour motive sur
son observation . Ce projet est adopté .
V
sur Pelet , au nom du comité de salut public , fait un rapport
la situation des Colonies . Il retrace les malheurs qui les ont
désolées et les fautes nombreuses qui y ont été commises . It
propose l'envoi de représentans du peuple sur les lieux .
Bailleul regarde cette demande comme prématurée . Il pense
qu'avant tout il faut rechercher et connaitre les auteurs des
désastres des Colonies . Dans cette affaire , les mêmes indivi·lus
sont accusateurs et accusés . Polverel et Santonax imputen les
malheurs des Colonies aux Colons qui sont ici , ceux - ci les leur
attribuent. L'on doit donc les entendre contradictoirement, et la
lumiere sortira de ces débats . Bailleul demande que sous trois
jours la commission des Colonies entende les uns et les autres
que les débats soient recueillis , imprimés et distribués , et que
la discussion du projet da comité soit ajournée jusques - là . Ces
propositions sont décretées . Cependant comme la motion de
Bailleul n'était relative qu'aux Antilles , et que les mesures du
comité comprennent les Indes orientales ; sur la proposition de
Gouly , la Convention ouvrira la discussion à ce sujet nonidi
prochain.
Séance de quintidi , 5 Pluviose.
Bourdon ( de l'Oise ) propose ue nouvel acte de bienfaisance
que sollicite la rigueur du froid ; après avoir retracé les maux qu'a
produits le terrorisme , il demande que le linge , hardes et
meubles à l'usage des veuves et enfans des condamnés , qu'ils
prouveront leur appartenir , leur soient rendus sans caution er
sans délai , et que l'exécution de ce décret soit confiée à l'administration
des biens nationaux .
Clausel appuie la proposition de Bourdon ; mais il desire que
&
E 4
( 64 )
la rédaction qui peut offrir des difficultés soit renvoyée au comité
de législation . Adopté.
། ་ 1..
Un secrétaire donne lecture d'nne lettre de Lacroix qu'an
décret d'hier a renvoié devant le tribunal criminel du département
de Paris . Il demande quelques exemplaires de son onvrage ,
d'après lequel on I accuse d'avoir provoqué le rétablissement de
la royanté , pour les jurés , son défenseur et lui- même , Il ajoute
que ceux qui l'ont assimilé à un assassin ne l'ont pas lu . Renvoyé
au comite de sûreté générale .
Merlin de Thionville ) dit que les écoles normales sont
en activité et que l'on doit en attendre les plus grands succès ,
Le local de Sorbonne leur avait d'abord été destiné ; mais
les réparations ne sont pas faites et coûtéront beaucoup . Elles
sont placées en attendant au Jardin des plantes , c'est- à - dire
à une extrémité de Paris , tandis qu'il existe dans son centre
un local plus convenable et plus spacieux . Merlin demande
que la salle des jacobins soit consacrée aux écoles normales ,
et que
les comités des finances et d'instruction publique soient
autorisés à faire les dépenses nécessaires pour rendre ce local
propre à ce nouvel usage .
La proposition de Merlin est à l'instant décrétée au milieu
des applaudissemens.
1 1
Il reprend la parole pour annoncer qu'étant sur son départ
pour l'armée du Rhin , il doit assurer à la Convention
que cette armée est invariablement attachée aux principes
qu'elle professe depuis le 10 thermidor. Tous ces braves
guerriers veulent la justice et l'humanité , et ne connaissent
pas d'autre point de ralliemeut que la Convention nationale .
Il desirerait que chacun de ses collegues pût se trouver sous
une des baraques où les soldats attendent chaque jour le
signal de la victoire , et fût témoin de leur conversation , il
se croirait à la Convention nationale elle - même . Merlin demande
l'insertion au bulletin de ces observations . Décrété .
Fréron demande la mise en liberté provisoire du général
Servan déreau à l'Abbaye depuis quaterze mois , et qu'il soit
renvoyé par devant le comité de salut public pour l'examen
de sa conduite , et la reddition de ses comptes en qualité
de ci-devant ministre .
Duhem s'informe si c'est le ministre Rollandin , et sur la
réponse affirmative , il déclare ne pas s'y opposer , parce qu'on
ne peut empêcher que les aristocrates triomphent . Plusieurs
membres : Duhem insulte l'Assemblée ….. A l'Abbaye . La proposition
de Fréron est décrétée .
Le représentant du peuple Blutel écrit de Rochefort , qu'il a
rempli les intentions bienfaisantes de l'Assemblée , en ordonnant
, en conformité de son décret d'amnistie , la mise en liberté
de cent trois habitans de la Vendée détenus à Rochefort et
qui n'avaient point porté les armes contre la République . La
( 65 )
société populaire et les autorites constituées réclameront leur
élargissement. Blutel demande la confirmation de son arrêté,
Adopté.
Séance de sextidi , & Pluviôsę.
Lakanal , an nom du comité d'instruction publique , propose
de faire participer les instituteurs et éleves des écoles
normales , au décret qui accorde une augmentation de traitement
aux fonctionnaires, publics . Renvoyé au comité des
Enances.
Une grande agitation se manifeste dans l'Assemblée ; tous
les membres s'élevent spontanément , en criant : Vive la République
Le président cherche à maintenir l'ordre. Un membre
lui annonce l'empressement qu'a l'Assemblée de connaître les
détails des nouvelles heureuses qui se répandent. Le président
dit qu'il vient d'envoyer au comité de salut public . Carnos
paraît et donne lecture de la lettre écrite d'Amsterdam le s
au comité de salut public par les représentans du peuple près
les armées du Nord et de Sambre et Meuse , Ils annoncent
que nous sommes à Amsterdam , que toute la Hollande est à
nous , et que le statdhouder est en faite , Les avantages de cette
brillante conquête sont immenses . Elle nous donne des tresors
, des magasins , des vaisseaux , et dans les affaires politiques
et commerciales de l'Europe une prépondérance dont il est
impossible de calculer les effets et les suites . Nous avons été
bien accueillis par les Hollandais , qui ont mis dans leur réception
de la franchise et même de la cordialité.
Carnot propose de déclarer que les deux armées du Nord
et de Sambre et Meuse n'ont pas cessé de bien mériter de
la patrie , Des applaudissemens
unanimes l'ont souvent interrompu
. L'Assemblée
se leve toute entiere pour adopter le
déeret . Un membre dit que nos armées ont usé ce glorieux
protocole . Il desire que la Convention
invente une nouvelle
maniere de témoigner
notre reconnaissance
aux deux armées
victorieuses .
Bourdon de l'Oise ) pense que nos freres d'armes qui
gravissent les Alpes et les Pyrénées ont autant de peine que
ceux qui ont fait la conquête de la Hollande . 1
Carnot : L'armée qui a le plus souffert est celle de la Vendée .
Une distinction honorable pour l'une serait injurieuse pour
l'autre . Je demande l'adoption du projet du comité . Il est
adopté au milieu des plus vifs applaudissemens .
( Voyez les Nouvelles officielles. )
( 66 )
PARIS . Nonidi , 9 Pluviôse , 3º . année de la République
re-
La campagne la plus étonnante , la plus féconde en
succès , et dont les fastes de l'histoire n'ont jamais
fourni aucun exemple , vient d'être terminée dans le
Nord par la conquête entiere de la Hollande . Tandis
que le froid le plus rigoureux se faisait sentir à Paris ,
et suspendait presque tous les travaux , nos troupes
infatigables , bravant des rigeurs plus excessives encore
les faisaient servir à de nouveaux triomphes ,
et surpassaient en efforts et en courage tous les pro-
' diges que les armées de Gustave et de Charles XII ont
montrés une fois en un siecle . Ce qu'il est bon de
marquer , aujourd'hui que la vérité n'est plus un crime ,
c'est que ce sont ces muscadins , si outrageusement dénigrés
dans un tems par ces lrommes à terreur , aussi lâches
que féroces , qui ont donné par - tout l'exemple de la
patience , de la discipline et de l'intrépidité la plus
soutenue. Cette remarque peut servir à faire connaître
de plus en plus l'esprit de cette faction qui était par- i
venue à tout calomnier , à tout diviser , à tout détruire ,
et qui a constamment agi comme auraient fait les plus
grands ennemis de la République .
Les précautions prises pour mettre la Hollande à
l'abri de toute invasion n'ont fait que la rendre phis
facile. Les inondations converties en glaces ont comblé
tous les canaux et applani la route qui eût été impraticable
. L'accueil que l'on a fait à nos troupes avait été
prévu . Il y a toujours eu en Hollande un parti considérable
en faveur de la liberté . Quand on parcourt
l'histoire des révolutions des Provinces - Unies , on voit
que ce qui a nui constamment à leur indépendance , cà
été d'une part l'influence des grands , toujours dévoués
au statdhouder , et de l'autre la populace qu'il est plus
aisé de corrompre que d'éclairer sur ses véritables inté
rêts. Quand la liberté s'est offerte plus d'une fois à la
Hollande , ce sont ces deux classes qui l'ont toujours
repoussée . L'amour de l'indépendance n'était que dans
la classe moyenne , parce qu'elle est par-tout la plus
instruite , et par conséquent la plus disposée à goûter
les principes de liberté.
Nous ne savons point si la Hollande laissera échapper
cette nouvelle occasion de briser le double joug du
( 67 )
stathouderat et de l'Angleterre qui depuis long-tems avait
étendu son despotisme sur ces contrées qu'elle traitaît,
plus en sujets qu'en alliés . Ce qu'il y a de certain
c'est que les avantages de cette conquête sont inappréciables
pour la France . Elle ne met pas seulement
à sa disposition des trésors , des magasins immenses ,
des munitions de tout genre , des vaisseaux de guerre
et des bois de construction propres à augmenter notre
marine ; elle sera infailliblement un acheminement à
une paix générale ; elle était dans Amsterdam ; c'était - là
qu'il fallait triompher des intrigues de Pitt ; le succès
a répondu à notre attente . Quelles que soient les propositions
particulieres de la Hollande , il est probable
que la France gardera en nantissement des places fortes
et des ports avantageux à son commerce et à ses
approvisionnemens , jusqu'à ce que cette coalition
monstrueuse , formée à l'instigation du cabinet de
Londres , soit entierement dissoute .
Il sera curieux de voir comment Pitt qui s'est donné
tant de peine pour abuser le parlement et la nation
anglaise par ses mensonges et ses sophismes , parviendra
à lui déguiser l'échec que vient de recevoir sa préponderance.
Déja le parti de l'opposition dans les deux
chambres s'est élevé contre la politique odieuse et l'impudence
intrépide de ce ministre et a fait entendre la voix
de la vérité. C'est de la bouche même de Lansdown
que nous apprenons le nombre de nos victoires dans
la derniere campagne . Les Français , a - t - il dit , ont
réussi dans 23 siéges , ont gagné 6 batailles rangées ↳
pris 2803 pieces de canon , fait prisonniers de guerre
60,000 hommes des meilleures troupes de l'Europe ,
indépendamment de leurs dernieres victoires en Espagne
où ils ont pris 2 fonderies , et où il n'y a plus qu'une
seule ville forte qui ne soit pas en leurpouvoir. Qu'on
ajoute à cette énumération la conquête de la Hollande ,
et l'on aura la mesure des embarras de Pitt et des probabilités
d'une paix prochaine. Qu'elle se fasse avec les
puissances du continent , mais que la France répete
chaque jour ce que Scipion disait dans le sénat de Rome :
Delenda est Carthago . Il est tems que les deux mers soient
affranchies de la domination d'une puissance qui avait
mis le commerce des deux mondes au nombre de ses
droits exclusifs . Le moment n'est pas loin peut- être où
toutes les puissances commerciales de l'Europe sentiront
le besoin de se réunir contre leur ennemi commun et
de seconder les glorieux efforts de la France,
( 68 )
Il n'est pas tems encore de soumettre à l'opinion los
conditions d'une paix convenable ; mais les probabilités
s'accroissent de plus en plus . Toutes les gazettes étran
geres retentissent du voeu pour une prochaine pacification.
Dėja les barons de Staël et de Goltz sont à Paris
depuis quelques jours ; le premier , en qualité de ministre
de Suede ; et le second , de Berlin. On assure que le
citoyen Barthelemy , notre envoyé en Suisse , doit passer
à Berlin , en la même qualité. Le représentant du peuple,
Merlin ( de Thionville ) , est parti en même tems pour se
rendre sur les bords du Rhin. Les deux envoyés Hol
landais , Prandzen et Redelaer, paraissent devoir encore
prolonger ici leur séjour. Toutes ces circonstances font
présumer que les puissances coalisées sont lasses d'une
guerre où elles ont perdu tout à la fois leurs trésors , leurs
hommes et une partie de leurs possessions , et que les
négociations ne tarderont pas à s'entamer.
Les lettres de Toulon portent qu'on fait les plus grands
préparatifs pour l'expédition contre la Corse. Une division
de l'escadre de Brest ne tardera pas d'arriver dans ce port
pour renforcer l'escadre de la Méditerranée. Depuis quelques
tems , les vaisseaux ennemis n'ont pas reparu sur nos côtes ;
on croit qu'ils se sont retirés dans les ports de Bastia ét de
Calvi. Il est arrivé à Toulon un grand nombre de bâtimens ,
tous chargés de bled , venant de Constantinople et des isles
de l'Archipel . La tempête qui sépara six de nos fregates
sur les côtes d'Espagne , et les força de passer au milieu de
Pescadre anglaise avait retardé leur entrée ; quatre sont
déja mouillées dans la rade ; les deux autres , qui sont au
golphe de Juan , sont attendues tous les jours avec les autres
prises.
On écrit d'Abbeville que la maison de l'administration de
ee district vient d'être la proie des flammes. Dans la nuit
du 15 au 16 nivôse , le feu a éclaté avec violence ; tous
les papiers de l'administration sont brûlés , ainsi qu'une grande
quantité de sommes qui étaient déposées au district .
On écrit de Heusdia , en Hollande , que l'armée française
s'est emparée de douze vaisseaux de guerre à Bies - Bos . Voilà
Je premier exemple d'une armée de terre qui remporte à
pied une victoire navale il est vrai que les vaisseaux étaient
engagés dans la glace.
de
L'anecdote suivante , qui nous est envoyée par le comité
sûreté générale , avec invitation de l'insérer dans notre
( 69 )
feuille , prouve le danger d'approcher de près ou de loin
de la royauté et que le métier n'en vaut plus rien .
Un vieux procureur dans le district de Gonesse ) fait les
rois avec sa famille , il est monarque de la fêve ; le lendemain
matin sa majesté est trouvée morte dans son lit ; l'attribut
l'avait étouffée .
Geci rappelle le mot de Fontenelle. Après avoir tirẻ le
gâteau , il fut roi et mangea son morceau avant les autres .
Quoi , lui dit un convive , vous mangez si vite votre
royaume ? Oh ! nous autres , réprit - il , nous en usons ainsi.
Le rer . de ce mois , des citoyens du fauxbourg Antoine
el des ouvriers des différens ateliers sont venus fraterniser
avec les patriotes qui se rassemblent au café de Chartres
palais ci -devant royal. Le lendemain dans le jardin du même
lieu , malgré la rigueur de la saison , une foule immense.
de citoyens de tout âge se rassemblerent vers les sept heures
du soir ; des jeunes gens y apporterent un mannequin qui
représentait un jacobin du 9 thermidor ; il portait une cou-
Tonne sur la tête , des cheveux plats et ronds , une figure
qui suait le sang , et dont les gouttes formaient des sillons
sur ces joues il était revêtu d'une chemise et d'un pantalon
rouges . De sa main gauche il semblait presser contre sa poitrine
un porte- feuille bien rempli , et de la droite il tenait
un poignard qu'il agitait en marchant. Il était porté sur un
trône semblable à celui sur lequel siégeait Robespierre lors-)
qu'il fut amené à la Conciergerie , ce trône était une chaise
de paille à bras.
Dans ses agitations , pendant sa marche , souvent il paraissait
se trouver mal ; sa bouche béante semblait indiquer la soif
dont il était dévoré .
1 Le mannequin arriva au Carouzel , où sont la tombe de
Lazouzky , le buste , la lampe et la baignoire de Marat ,
devant lesquels il parut s'incliner avec respect ; mais , arrivé
près du lieu des séances de la Convention , on le fit mettre
à genoux pour y faire amende honorable et expiatoire . I
fut ensuite conduit à la cour des Jacobins , en face de la
porte principale là , un orateur lui reprocha tous ces projets
forcénés qu'il avait conçus et tous les forfaits dont il avait
souillé la France. A ce récit , l'indignation s'empare de tons
les esprits ; on s'arme de torches , on les applique sur toutes
les parties de ce corps qui sua tant de fois le crime . Il tombe
cendres ; et ces cendres , recueillies avec tout l'enthou
siasme d'une justice vengeresse , sont versées dans un grand
vase eu forme de pot- de- chambre , et portées en cérémonie
dans l'égoût Montmartre, aux acclamations de tous les assistans
. Sur l'égoût se voyait l'inscription suivante :
ens
Panthéon des jacobius du 9 thermilor.
Cette expédition s'est faite aux flambeaux , avec beaucoup
(270 )
鼻
d'ordre , de gaieté , au milieu des acclamations de vive la
Republique vive la Convention ! à bas les jacobins ! à bas les
terroristes à bas les buveurs de sang !
Des lettres de Marseille , en date du go nivôse , nous apprennent
que les terroristes relevaient la tête , et promettaient , sous
peu de jours , un nouveau 31 mai . Pour égarer le peuple , ils
répandaient le bruit que 100,000 hommes s'etaient levés dans les
provinces méridionales pour venir reinstaller les jacobins à Paris .
A Lyon , à la même époque , on tenait les mêmes propos . Quelques
officiers turbulens d'un bataillon de la Côte d'Or , des
signataires de la fameuse adresse de Dijon menaçaient de rétablir
le regne de la terreur . L'agent national de la commune de Lyon ,
et un membre du comité de surveillance , furent insultés par
ces perturbaters .
A la même epoque , on réorganisait la terreur à Bordeaux .
Dans le département de l'Ain , un reste de conspirateurs cherchait
à renouer les fils de la conspiration ; il était arrivé à
Paris des scélérats de tous les départemens , qui correspondaient
avec leurs complices.
Le comédien Derfeuille écrivait dans les premiers jours de
nivôse , à un de ses correspondans : Bientôt les jacobins triompheront
ils doivent agir avec prudence ; il faut savoir plier , ne pas
Tompre
Ces divers rapprochemens preuvent que l'hydre de la rebellion
n'est pas exterminé , et que les républicains doivent continuer
à poursuivre sans relâche tous les scélérats armés contre
la Convention .
Boisset , dans la glorieuse mission qu'il vient de remplir dans
les départemens de l'Ain et de l'Allier , a dévoilé les forfaits
des conspirateurs . Dans le rapport énergique qu'il a fait à la tribune
, il cite une lettre écrite par un comité de surveillance de
Moulins ; a Verd , l'un de ses membres , procureur près de lacommission
temporaire à Lyon , à qui il cuvoyait 32 victimes
destinees à alimenter la fuieur du parti sanguinaire . Voici les
expressions de cette lettre qui devrait être datée du pays des
antropophages :
Fais -les donc participer à l'honneur de la grande fusillade
dont la conception fait l'éloge de ton imagination révolutionnaire
, si tu en es inventeur . Nous pensons avec toi que cette
maniere de foudroyer les ennemis du peuple est infiniment
plus digne de sa toute puissance , et convient nieux pour venger
ca grand s souveraineté et sa volonté outragée , que le jeu mes
quin et insuffisant de la guillotine : ce dernier instrument n'est bon
que pour les tems ordinaires , et peut être encore employé pour
les petits criminels obscurs .
Ne te rejette point dans le labyrinthe des formes pour faire
juger nos brigands , prends le comité qui te les envoie comme
jury national , quia , sans aucun remords , la conviction intime
et morale de leur scélératesse profonde.
?
(.7%
19 Base donc sur ces pieces un bon jugement de condamnation
contre tous ces coquins , dont les vengeances seraient insatiables
, s'ils avaient un jour , par une cruelle fatalité , le dessus
sur nous ou même s'il leur était permis de marcher d'un pas
égal à nous , qu'ils regardent comme leurs oppresseurs , etc. ""
Lé général Duhem , qui était destiné pour commander le
corps de troupes qui doit partir incessamment pour Brest ,
a été arrêté à Aix- la - Chapelle ; on attribue son arrestation à des
contributions qu'il a lui-même imposées , et dont il n'a rendu
aucun compte. On le soupçonne même d'avoir entretenu avec
l'ennemi des correspondances , à cause d'un grand nombre de
trompettes qu'il a reçus chez lui pendant sou sejour à Cologne .
Il a été conduit à Paris .
Observations météorologiques par le citoyen Lalande.
Le froid qui , jusqu'au 29 n'avait pas passé 10 dégrés et
demi , a été le 1er . pluviôse à 11 , le 2 à 11 et demi , le 3
il était un peu diminué , et n'alla qu'à 9 et demi , cela don- ,
nait des espérances , mais le matin du 4 pluviose il a descendu
jusqu'à 16 , ce qui approche du plus grand froid qu'il
y ait eu dans ce siecle- ci : pnisqu'en 1709' il m'a été qu'à 15 ,
et en 1788 à 17 et demi .
On m'a prêté dans Paris des prédictions à ce sujet , je n'en
ai fait aucune , je n'ai pas même hazardé des conjectures :
on semblait esperer un bon effet de la nouvelle lune ; j'ai
dit publiquement à mes auditeurs au college de France , que
je ne croyais pas à cet effet des phases de la lune . Il est bien
vrai que la période de 18 ans a paru quelquefois s'accorder
avec les années chaudes et froides , seches et humides ; mais
en deça des montagnes qui séparent la France de l'Espagne et
l'Italie , les causes locales , les vents , les neiges , dérangent
beaucoup l'influence des causes générales , et les rendent souvent
méconnaissables .
Au reste , c'est vers le 5 janvier qu'arrive généralement le
plus grand froid à Paris ; c'est du 25 décembre au 5 février
que s'étendent les 40 jours les plus froids de l'hiver , ainsi
nos espérances ne peuvent être bien éloignées .
a Le terme du grand froid , présumé par Lalande
été abrégé de plusieurs jours . Le 7 pluviose au matin , ie
thermometre était remonté par une pluie mêlée de
givre qui se glaçait en tombant. Le soir , toutes les rues
furent Couvertes d'un verglas qui ne permettait
ni aux hommes ni aux chevaux de marcher sans courir
le plus grand danger. Dans la nuit, un vent du sud et une
pluie abondante avaient commencé à fondre les glaces ,
et le lendemain les rues de Paris ont été presqu'entiérement
nettoyées .
( 72 )
NOUVELLES OFFICIELLES.
2
"
ARMÉE DU NORD IT DE SAMBRE ET MEUSE.
Amsterdam , l'an 3. de la République Française.
Citoyens collegues , la conquête des Provinces - Unies se
continue aussi heureusement qu'elle a commencé . Les pro
vinces de Gueldre , Utrecht et Hollande sont au pouvoir de
la République . Gertruldemberg , Villiamstadt , Gorcum et
Dordrecht ont capitalé . Les froids sont toujours excessifs ;"
mais la constance des armées à suivre le cours de leurs bril
lantes conquêtes , est toujours la même. La nuit comme le
jour , elles bravent les injures de la saison ; elle font rouler
les canons et les caissons sur le Vaal et le Leck comme sur
la terre ferme , et fout servir ainsi les fleuves glacés à fou-
Aroyer les remparts qui devaient les y engloutir.
Salut et fraternité.
Signes BELLEGARDE , GILLET , J. B. LACOSTE et JOUBERT, représentans
du peuple.
Amsterdam , le z pluviôse , l'an 3º, de la République Française. *
Nous sommes à Amsterdain , chers collegues on applandit
pendant long-tems ) , et toute la Hollande est au pouvoir de la
République . Les applaudissemens recommencent , les cris de
Vive la République se font entendre de toutes parts . ) Le stadhouder
fuit avec toute sa famille ( nouveaux applaudissemens ) , et si
quelques places fortes tiennent encore , elles ne tarderont pas à
ouvrir leurs portes ; on nous assure même que l'ordre en a été
donné par les états - généraux . ( Les applaudissemens redoublent
et se prolongent pendant très - long - tems . ) Nous attendons des
nouvelles officielles de l'entrée de nos troupes la Haye , pour
nous ytransporter et prendre les mesures provisoires qu'exigent
les circonstances .
99 Les avantages de cette brillante conquête pour la Répu
blique sont immenses ; elle lui donne des trésors , des magasins ,
des chantiers , des vaisseaux , et sur- tout dans les affaires politiques
et commerciales de l'Europe , une préponderauce dont il
estimpossible de calculer les effets et les suites . ( Les cris de
Vive la Republique se renouvellent ; lajoie est universelle . ) Deux
d'entre nous vont se rendre à Paris , et vous communiquerent
verbalement une foule de détails, qui échappent nécessairement
à la correspondance écrite . ( Applaudissemens , ) Nous ne vous
parlons point de l'accueil brillant que nous avons reçu à notre
entrée dans Amsterdam ; nous croyons y avoir remarqué de la
franchise et de la cordialité . ( Nouveaux applaudissemens. )
Salut et fraternité ,
13
Signés , BeLLEGARDE , GILLET , J. B. LaCosve erJOULERT ", "repré-"
sentans du peuple.
( N°. 27. )
MERCURE FRANÇAIS .
QUINTIDI 15 PLUVIOSE , l'an troisieme de la République.
( Mardi 3 Février 1795 , vieux style . )
VERS à Mde. C** , pour ta prier de me fairepasser le Mercure,
D
' UN Dieu que je chéris , du séduisant Mercure ,
Long-tems Venus fixa , dit-on , les voeux :
Pour une plus douce aventure ,
Infia ce Dieu quitta la Déesse des jeux .
Les jeux et la beauté n'ont qu'un regne éphémere :
L'esprit et la raison sont toujours sûrs de plaire .
Mercure , dans son choix , plus sage et plus heureux ,
A Minerve offrit son hommage.
>
Puisqu'aujourd'hui ce Dieu suit votre douce loi ,
Ah ! de grace , daignez chez moi ,
Pour quelques courts instans , l'envoyer en message.
(Par BENOIT LAMOTHE . )
L'ACADÉMI
CHARADE.
' ACADÉMIE en vain proscrivit mon premier :
Le Publie révolté s'obstine à l'employer ;
Mon secoud est peu propre à traîner mon entier.
LOGO GRIPHE.
VEC mes quatre pieds , lecteur , je t'environne ;
On me trouve , sans le premier ,
Dans la Seine , dans la Garonne ,
Dans le Rhin , le Rhône et l'Allier :
Sans le second , je suis ville de France .
Retranche enfin l'avant-dernier,;
Le reste exclura l'abondance.
Tome XIV.
( 74 )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
-
RECHERCHES SUR LA NATURE ET LES CAUSES DE LA RICHESSE
DES NATIONS , traduit de l'Anglais d'Adam Smith , sur la
derniere édition ; par A. Roucher . SECONDE ÉDITION ,
revue et considérablement corrigée ; augmentée d'une table
alphabétique très - ample . Cinq volumes in - 8° . de 2350 pages ,
imprimés sur caracteres de Cicéro - Didot . Prix . 30 liv . brochés
, et 41 liv . 5 sous , franc de port par la poste , pour
les départemens . A Paris , chez F. Buisson , libraire , rue
Hautefeuille , ' n° . 20 .
ON₂
Na dit , ce n'est pas sans raison , que les Anglais
ne savent pas faire un livre . Ce ne sont pas les matieres
premieres qui leur manquent ; s ont de l'instruction
, de la profondeur dans les idées , de l'analyse
dans le raisonnement et de l'énergie dans le style ; mais
ils manquent trop souvent de cet esprit de méthode
qui consiste à bien ordonner un sujet après l'avoir fortement
conçu . Ils ont eu de grands penseurs , des philosophes
éclairés , des esprits méditatifs ; mais ils n'auraient
pas fait l'esprit des lois.
L'ouvrage de Smith est un de ceux qui les a le plus
lavé de ce reproche. C'est une des belles conceptions
dont puisse s'honorer l'esprit humain. Le sujet était
neuf et vaste. Beaucoup d'écrivains s'étaient occupés ,
sur- tout en France , de différens objets d'économie politique
; beaucoup avaient senti que le travail , l'agriculture
et l'industrie étaient les véritables sources de
la richesse des nations ; mais aucuns n'étaient remontés ,
comme lui , aux élémens de ces richesses , n'avaient
porté aussi loin le développement et l'application des
principes , ni embrassé autant de rapports sur la cause
de la prospérité des peuples .
La premiere traduction de Smith , qui parut en France
il y a environ huit ans , eut beaucoup de succès , toute
incorrecte , obscure et inexacte qu'elle était ; un écrivain ,
connu par sa sagacité et par son enthousiasme pour les
progrès des sciences utiles et l'avancement de la raison ,
en rendit compte dans ce journal d'une maniere digne
de l'ouvrage. Cependant ceux qui pouvaient lire Smith
dans sa langue , et ceux qui étaient privés de cette res(
75 )
•
source , desiraient une traduction plus fidele , plus élégante
et plus propre à rendre les disciples de Smith plus
nombreux parmi nous . Roucher l'entreprit , et elle parut
en 1790 , en quatre gros volumes in - 8° . L'ouvrage devait
être suivi d'un volume de notes par Condorcet ; nul n'était
plus capable que lui de joindre ses méditations à celles
du philosophe Anglais.
La nouvelle édition a été soigneusement revue et
corrigée par le traducteur pendant sa déplorable captivité.
On y a joint une table analytique et alphabétique
, très ample et très - commode , où , au moyen du
mot caractéristique , l'on facilite anx lecteurs la recherche
des nombreuses matieres répandues dans le
cours de cet ouvrage .
2
Il n'est plus besoin d'en faire aujourd'hui l'analyse ;
c'est en ce genre un de ces livres classiques qui doivent
être le manuel de tous ceux qui sont appellés à méditer
sur les grands objets qui intéressent l'ordre et le bonheur
de la société . Si les principes qu'il contient eussent
été plus familiers , on se serait garanti d'une infinité de
fautes graves qui ont laissé après elles des effets si funestes
, teiles sur- tout que la taxe du prix des denrées ,
les entraves mises au commerce , la trop grande abondance
de papier - monnaie , etc. L'auteur prouve avec
cette évidence que méconnaissent les esprits vulgaires ,
ignorans ou mal intentionnés , que le plus sûr moyen
de produire la disette au milieu de l'abondance , et
de faire surhausser le prix des denrées , c'est de les soumettre
à un maximum , d'en gêner la circulation , de
mettre les objets de commerce et d'approvisionnemens
entre les mains du gouvernement.
Nous ne terminerons point cet article sans faire
quelques réflexions sur la destinée malheureuse de
l'annotateur et du traducteur de Smith . Condorcet , qui
préparait des observations précieuses sur un ouvrage
aussi profond , a péri au fond d'un cachot , sans pouvoir
échapper à la fureur des proscriptions . Roucher n'est
sorti du sien que pour aller grossir la foule des victimes
égorgées par les plus cruels et les plus méprisables
tyrans . Son crime devait être impardonnable ;
il aimait la liberté pour elle -même , il hassait toute
espece d'oppression , et il avait des lumieres et des
vertus .
Roucher , né à Montpellier , était venu fort jeune à
Paris. Il y apporta cette imagination ardente et sensible,
FL
4
( 76 )
et cet enthousiasme pour la poésie qui semble être un
fruit indigene des climats méridionaux ; il avait pour
toute ressource quelques pieces de vers et les essais
d'un poëme sur les mois . Ses talens le firent bientôt
connaître dans un pays où , malgré les préjugés de l'orgueil
et l'insupportable vanité des conditions , le mérite
mettait quelquefois les hommes à leur place , et décrétait
pour eux l'égalité que ne donnaient ni la fortune
ni la naissance . D'après les conseils des gens de lettres ,
il refit à neuf son poëme des mois qui obtint un grand
succès dans les sociétés où il en fit la lecture , mais
qui en perdit un peu lorsqu'il fut livré au jour de
l'impression , destinée assez fréquente des productions
beaucoup trop prônées avant que d'avoir eu le pnblic
pour juge.
Ce poëme avait tous les défauts du sujet. La plupart
des mois n'ont pas entre eux des nuances assez distinotes
pour imprimer à chaque chant un caractere particulier.
En morcelant ainsi son poëme par une distribution de
parties trop multipliées , l'auteur s'était privé de l'avantage
des grands tableaux que lui auraient offerts les saisons
ou les géorgiques , et il s'était imposé des entraves
dont le moindre inconvénient était de ne pouvoir le
garantir d'un peu d'uniformité et de monotonie . Cepen- -
dant les amateurs de la grande poésie y trouverent une
foule de beautés de detail et de descriptions pleines de
richesses , de couleur et d'images . Ce poëme a pris sa
place parmi le petit nombre de productions de ce
genre qui ont un caractere et qu'on aime à relire malgré
ses imperfections ..
Roucher a fait encore quelques odes où l'on retrouve
le même talent et les mêmes défauts : en général , il
avait plus de verve et d'enthousiasme que de goût ; il
recherchait l'énergie de l'expression , et n'évitait pas
toujours la dureté . Son dessin était ferme , sa touche
large , mais il manquait de cette mollesse qui adoucit
la sévérité du trait et de la grace plus belle encore que
la beauté ; il approchait plus de Michel Ange que du
Correge ; peut-être que ses défauts tenaient à l'éloignement
qu'il avait toujours eu pour cette école maniérée
qui a si souvent affaibli le langage poétique à force de
recherche et d'élégance , et qui a pris le talent de versificateur
pour celui de poëte.
Ses qualités morales l'ont fait estimer de tous ceux
qui ont été à portée de le connaître. Il était bon mari
( 77 )
bon pere , bon ami . Son caractere était franc et libre
il avait dans les sentimens cette fierté qui ne connaît
ni les faiblesses de l'envie , ni les bassesses de l'intrigue .
Ces sentimens ne conduisent pas à la fortune , mais ils
apprennent à s'en passer . Il eut pour amis Turgot et
Malesherbes. Quand la révolution commença , il en embrassa
les principes avec ardeur ; mais quand il vit que
le crime les faisait servir à la tyrannie , son ame droite
et sensible s'en affligea ; les tyrans s'en souvinrent , et
il fut inscrit sur le livre des meurtres . Il ne leur donna
pas du moins le plaisir de jouir de sa faiblesse ; il mourut
avec le même courage qu'il avait mis à supporter le
malheur , sans ostentation , comme sans crainte . Ses dernieres
pensées ont été pour sa femme et pour ses en
fans . Daus la prison de Saint - Lazare , il fit de l'instruction
de son jeune fils son unique et sa plus douce occupation.
Le jour qu'il reçut son acte d'accusation , prévoyant
le sort qui l'attendait , il renvoya son cher Emile
à sa mere , et lui remit son portrait avec les vers suivans :
Ne vous étonnez pas , objets charmans et doux ,
" Si quelque air de tristesse obscurcit mon visage ;
» Lorsqu'un savant crayon dessinait cette image ,
On dressait l'échafaud , et je pensais à vous. " >
En jettant quelques fleurs sur sa tombe , nous avons
rempli un devoir qui nous est cher. Les tyrans passent
et ne laissent après eux qu'une mémoire chargée d'op- •
probre ; mais on se souvient avec estime de l'homme de
bien et de mérite , et s'il a péri sous le fer de l'iniquité
J'opinion reste pour faire justice de l'iniquité et pour la
rendre à ses victimes .
INSTRUCTION PUBLIQUE.
Suite de l'analyse de la premiere séance des Ecoles normales ..
Les professeurs ont pris entre eux l'engagement de ne
point lire ou débiter de mémoire des discours écrits . Ils
parleront , leurs idées seront préparées , mais leurs discours
ne le seront point, On sent que cette méthode a
de grands avantages pour ceux qui enseignent et pour
ceux qui sont enseignés. Les premiers sont plus en état
F 3
( 78 )
de juger de l'effet qu'ils produisent , et de donner à leurs
idées une autre forme s'ils s'apperçoivent qu'ils ne
soient pas entendus . Les seconds reçoivent une impression
plus profonde , et suivent avec plus de facilité des
leçons improvisées où les répétitions mêmes servent à
graver les objets dans le souvenir. 1
Le cours des Ecoles normales a été ouvert par
les mathématiques.
Leur enseignement est confié à Lagrange et
à Laplace ; c'est annoncer que cette partie des sciences
aurapour interprêtes les deux plus habiles mathématiciens
de l'Europe . Après avoir lu le programme dans lequel ils
exposent les principes et les objets dont leurs leçons
seront le développement , Laplace a annoncé que l'on ne
se propose pas ici de faire un cours complet de mathématique.
Un pareil cours exigerait plusieurs années . Nous
avons supposé , a-t-il dit à ses élèves , que vous apportiez
sur les diverses parties des sciences , des connaissances
au moins élémentaires , qu'il ne s'agit que de perfectionner.
En conséquence , nous vous présenterons un tableau
général de toutes les découvertes faites en mathématiques
.
Ce raprochement vous sera utile en vous indiquant
les vérités les plus fécondes , et la route la plus directe
qui peut y conduire .
" Ce rapprochement est utile , même à l'homme le
plus instruit , en lui offrant , sous un seul point de vue ,
l'ensemble des vérités qu'il connaît.
" On vous indiquera les meilleures sources où vous
pourrez puiser les détails que nous ne pourrons vous
donner à l'Ecole normale.
,, Cela même est un bienfait de l'établissement qui ,
nous rassemble ; car il est d'expérience qu'un grand
nombre de personnes , pour avoir été mal guidées dans
les sciences , ont consume sans fruit des efforts , qui
mieux dirigés , auraient été très - utiles ; d'ailleurs ,
suffit de lire les éloges des savans , pour savoir , que
souve t un bon ouvrage que le hasard a fait tomber dans
leurs mains , a décidé de leur vocation . "
il
Il a expliqué ensuite les principes élémentaires de
l'arithmétique , et a fait sentir tous les avantages que
le
calcul avait retirés de la simplification des nombres ; et
passant des signes numériques au méchanisme des
langues , il a fait voir que la langue philosophiquement
la plus parfaite , serait celle où l'on pourrait exprimer le
plus grand nombre d'idées par le plus petit nombre de
( 79 )
mots possible. Quoique les idées élémentaires sur l'arith ,
métique soient familieres au plus grand nombre , le talent
de l'homme supérieur se montre dans l'art de saisir de.
grands rapprochemens ; Laplace n'en a négligé aucun . Il
a montré , relativement aux fractions , de quelle utilité
il est que toutes les divisions de l'unité soient décimales ,
ce qui a déterminé la Convention a adopter ce systême
pour la fixation des poids et mesures .
Il paraît très- probable , a -t-il dit , que le nombre
des doigts est ce qui a déterminé l'arithmétique décimale .
Les hommes primitivement ont compté par leurs doigts
jusqu'à dix , mais de ce que cette arithmétique était
bonne dans l'enfauce des sociétés , est - elle maintenant la
meilleure ? Il a parlé ensuite de l'arithmétique binaire,
employée très - anciennement par les Chinois , et renouvellée
dans les derniers tems par Leibnitz. A cette occasion
, il a rappellé une des faiblesses de ce grand homme .
Leibnitz crut y voir l'image de la création . Il imagina que
l'unité pouvait teprésenter Dieu , et zéro le néant ; et
que l'Etre suprême avait tiré du néant tous les êtres de
cet univers , de même que l'unité avec le zéro exprime
tous les nombres dans ce systême de numération . Cette
idée plut tellement à Leibnitz , qu'il en fit part au jésuite
Grimaldi , président du tribunal des mathématiques à la
Chine , dans l'espérance que cet emblême de la création ,
convertirait au christianisme l'empereur d'alors , qui
aimait particuliement les mathématiques. Ce trait nous
rappelle le commentaire de Newton sur l'apocalypse .
" Quand vous voyez , a - t-il ajouté , les écarts d'aussi
grands hommes , écarts qui sont dus aux impressions
reçues dans l'enfance , vous sentez combien un systême
d'éducation libre des préjugés , est utile aux progrès de
la raison humaiue , et qu'il est beau d'être appellés
comme vous l'êtes , à la présenter à vos concitoyens dans
toute sa pureté , et dégagée déja des nuages qui l'ont
trop souvent obscurcie .
De tous les systêmes de numération , le systême duodécimal
lui paraît mériter la préférence ; mais l'inconvé
nient de changer.totalement et Farithmétique écrite
et l'arithmétique parlée , et nos livres et nos tables formées
sur le systême décimal , doivent engager à le
rejetter.
Hauy a succédé à Laplace. Il a lu le programme dé
son cours de physique . Il a expliqué d'abord la diffe
F 4
( 80 )
rence de la physique avec l'histoire naturelle . La pre-:.
miere a pour objet la connaissance des phénomenes de:
la nature , et des lois dont ils dépendent. Le but de la
seconde est de décrire les êtres , et d'indiquer les caractères
qui peuvent servir à les reconnaître , à les distin--
guer les uns des autres . Il a indiqué la méthode d'enseignement
à suivre dans les écoles primaires . L'art de
l'instituteur consistera à profiter et de l'attrait qu'a par
lui-même tout ce qui tient à la contemplation de la
nature , et de l'avantage qui résulte des notions que la
plupart des hommes ont acquises par l'observation journaliere
des phénomenes. Dans le cours qu'il annonce
il met à part ce qui rentre plus spécialement dans le
domaine de la chymie , et dans celui des sciences physico-
mathématiques.
On a remarqué dans ces premiers développemens , où
la plus grande clarté a été réunie à la profondeur , des .
idées infiniment justes sur la théorie et ses avantages
sur les systêmes . Le but d'une théorie est de lier à un
fait général , ou au moindre nombre de faits généraux
possible , tous les faits particuliers qui en dépendent.
Il a montré que l'observation devait toujours accompaguer
la théorie , pour concourir également à la certitude
et au développement de nos connaissances . Chacune
a son flambeau à la main. L'observation dirige la
lumiere du sien sur chaque fait en particulier , de maniere
qu'il soit bien éclairé et qu'il se présente sous sa
véritable forme . La théorie répand la lumiere sur l'ensemble
des faits ; et à la clarté de son flambeau , tous
ces faits d'abord épars , et qui semblaient n'avoir rien
de commun entr'eux , se rapprochent ; ils prennent tous
un air de famille , et semblent n'être plus que les différentes
faces d'un fait unique . Rejettant ensuite les systêmes
comme marchant au hasard , toujours errans dans
les à-peu-près , incapables de déterminer aucun fait avec
précision , il a fait voir que le systême est le roman de
la nature , et que la théorie en est l'histoire , et une
histoire qui , sans jamais cesser d'être fidelle à la vérité ,
embrasse à- la-fois le passé , le présent et l'avenir.
Il a donné des notions des propriétés ou qualités des
corps solides qui sont l'étendue , l'impénétrabilité , la
divisibilité. En expliquant la formation des cristaux ,
dont il avait déja imprimé une savante théorie dans
un ouvrage devenu classique en ce genre , il a rappro
ché les résultats de la géométrie de la nature , de ceux
( 81 )
de la géométrie de l'homme , et a indiqué les points
communs qui les lient entr'elles , er les différences qui
les séparent ; et joignant l'exemple des faits à la théorie ,
il a mis sous les yeux des éleves les différentes especes
de cristaux dont il a déterminé les formes.
Les élémens de la géométrie descriptive ont été developpés
par Monge. C'est une matiere tout-à- fait neuve
et intéressante. Après en avoir fait sentir l'utilité géné
rale , il a dit que cet art a deux objets principaux :
Le premier est de représenter avec exactitude , sur
des dessins qui n'ont que deux dimensions , les objets
qui en ont trois , et qui sont susceptibles de définition
rigoureuse .
Sous ce point de vue , c'est une langue nécessaire
à l'homme de génie qui conçoit un projet , à ceux qui
doivent en diriger l'exécution , et enfin aux artistes qui
doivent eux-mêmes en exécuter les différentes parties .
Le second objet de la géométrie descriptive , est de
déduire de la description exacte des corps , tout ce
qui suit nécessairement de leurs formes et de leurs positions
respectives . Dans ce sens , c'est un moyen de
rechercher la vérité ; elle offre des exemples perpétuels
du passage du connu à l'inconnu ; et parce qu'elle est
toujours appliquée à des objets susceptibles de la plus
grande évidence , il est nécessaire de la faire entrer
dans le plan d'une éducation nationale . Elle est non
seulement propre à exercer les facultés intellectuelles
d'un grand peuple , et à contribuer par- là au perfectionnement
de l'espece humaine ; mais encore elle est
indispensable à tous les ouvriers dont le but est de
donner aux corps certaines formes déterminées , et c'est.
principalement parce que les méthodes de cet art ont
été jusqu'ici trop peu répandues , ou même presque
entiérement négligées , que les progrès de notre indus
trie ont été si lents .
On sent que dans des matieres aussi abstraites , nous
ne pouvons qu'indiquer les masses , les grands points
de vue et des rapprochemens utiles . Mais par l'analyse
que nous venons de donner des premieres leçons des
écoles normales , on peut juger de l'importance de cet
établissement , qui aura une influence aussi utile sur
les progrès de lesprit humain , qui influent à leur tour
sur l'amélioration des systèmes de gouvernement , l'affer
missement de la liberté et la prospérité publique.
( 82 )
NOUVELLES ÉTRANGERES .
TANDIS
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 16 janvier 1795.
ANDIS que les différentes puissances de l'Europe
s'affaiblissent pour la plupart dans une lutte fatigante
contre la nouvelle République Française , la Porte Ottomane
plus sage se fortifie dans le silence de la paix
dont elle aurait pourtant dû sortir pour secourir la
Pologne , et empêcher ainsi l'aggrandissement de son
ennemi naturel , la Russie , plus dangereux encore quel'Autriche
contre laquelle elle a mesuré plus d'une fois ses
forces avec succès . La Porte a eu d'autant plus tort de ne
pas seconder l'insurrection polonaise , que si les secours
qu'elle lui aurait prêtés eussent déterminé la Russie à
se montrer hostilement , il est infiniment probable
qu'elle eût trouvé un allié dans la Suede , qui a
autant d'intérêt qu'elle à s'opposer à ce que la Russie
ne devienne trop redoutable . Mais enfin , si la Porte a
négligé le mieux , du moins s'occupe - t- elle du bien .
Toutes les lettres de Constantinople , de la fin de novembre
, disent qu'elle continue à se mettre sur un pied
de défense tel qu'il ne lui restera plus rien à craindre
des deux puissances jalouses dont les possessions tiennent
aux siennes , et que ces puissances ne satisferaient
pas à ses dépens le goût de partage qu'elles ont contracté
en démembrant la Pologne à deux reprises.
Les fortifications de Bender sont achevées , à la réserve d'un
glacis anquei travaillent journellement plus de mille ouvriers ,
et ces fortifications ne tarderont pas d'être garnies de bouches
à feu. Le fort d'Ackerman va être soutenu de trois nouveaux
bastions , et les Turcs , instruits par une terrible leçon ,
perfectionnent aussi les ouvrages d'Ismail ,, qquuee le général
Suwarow n'enleverait plus avec la même facilité . Les batteries '
de l'entrée du canal ont également reçu une augmentation
considérable , de sorte qu'il s'y trouve aujourd'hui plus de
300 pieces de canon. On va fortifier les bouches du Danube
( 83 )
et bâtir une forteresse au fond du golphe de Bargas , sur la
mer Noire.
Le nouveau grand- visir est trop habile pour supprimer
comme on l'avait craint d'abord , le corps des janissaires , et
les janissaires sont eux-mêmes trop éclairés pour donner lieu
â cette suppression , en se refusant opiniâtrément aux changemens
que nécessitent chez eux le perfectionnement de l'art
militaire en Europe . Il paraît constant que ces braves troupes
ont prié le grand- seigneur de les armer et de les exercer ,
l'instar des nouveaux corps ponr lesquels on bâtit des casernes
. Ces mesures doivent être suivies également avant peu
en Asie , et quoique la discipline à l'Européenne en triple la
dépense , les ordres sont déja donnés .
On s'intéresse toujours au sort d'un grand homme , et surtout
lorsqu'il est malheureux : On apprendra donc avec plaisir
que Kosciuszko , parfaitement rétabli de ses blessures , est
arrivé à Pétersbourg , qu'il n'y manque de rien , mais qu'il est
gardé à vue par un officier , la seule compagnie qui lui soit
permise. Quant à Stanislas , son départ pour Grodno a
dâ avoir lieu du 8 au 12. Il sera accompagné du nonce du
pape et de l'ambassadeur d'Angleterre .
On mande de Stochkolm que le baron de Reuterholm va
chercher une épouse pour le jeune roi qui approche de sa
majorité. C'est , dit- on , sur une fille de l'électeur de Saxe que
le régent a jetté les yeux .
Le gouvernement danois , animé d'une noble émulation qui
lui fait imiter les exemples qu'il reçoit de la Suede , vient de
publier un édit en vertu duquel tous les paysans Danois , de
Norwege et de Jutland doivent être affranchis de toute servitude
la premiere année du XIX . siecle .
Voici le relevé des vaisseaux qui ont passé par le Sund pendant
le cours de l'année derniere : ils montent à 10,511 . Sur.
ce nombre , il y a eu 3,457 bâtimens anglais , 2,475 suédois
1,657 danois , 1,019 hollandais , 415 prussiens , 408 courlandois
, 287 de Rostock , 176 de Brême , 167 de Dantzick
141 américains , 105 de Lubec , 85 de Hambourg , 34 russes ,
32 portngais et 14 espagnols .
De Francfort-sur-le-Mein , le 23 janvier.
Les nouvelles de Vienne sont toujours à peu près les
mêmes gêne dans les finances , inquiétude de la part
du gouvernement devenu très - ombrageux , et qui les
fait sentir , mouvemens dans le cabinet pour réchauffer
le zele attiédi des coalisés , efforts pour retenir dans la
ligue quelques puissances qui paraissent vouloir s'en
détacher , fréquentes tenues de conseils , ordres envoyér
( 84 )
1
1
•
:
aux armées que l'on n'exécute qu'imparfaitement faute
de subsistances et de numéraire , injonctions ou instances
suivant le caractere des provinces auxquelles on les
adresse pour presser l'envoi des recrues , dispositions
de plans de campagne qu'on fait , qu'on défait et qu'on
refait encore , humeur contre les états neutres , promesses
à d'autres pour les engager à faire des sacrifices au - dessus
de leurs forces , remerciemens à ceux qui se sont empressés
de fournir leur quintuple contingent ; tel est en
abrégé le tableau de la cour de Vienne depuis quelques
mois et certes il est aisé d'y reconnaître des symptômes
de détresse et même d'épuisement qui ne lui permettront
pas de continuer long - tems la guerre , même avec
les secours pécuniaires fournis par la Grande - Bretagne ,
et qui la forceront de se hâter de la cesser si , comme
le bruit s'en renouvelle , Frédéric - Guillaume se retire
de la coalition , où il est censé n'être entré qu'en sa
qualité d'électeur de Brandebourg , et point du tout en
celle de roi de Prusse , distinction admise en Allemagne
, et qui ré duirait à bien peu de choses les secours
qu'il serait obligé de fournir à l'armée d'Empire.
Divers détails des différentes parties de l'Allemagne et de
la capitale de l'Autriche , confirment ce que nous venons de
dire .
Suivant des lettres de Vienne , du 27 décembre , il vient
d'être fait des visites domiciliaires dans les maisons de la ville
et des fauxbourgs . Elles ont pour but de vérifier le nombre
des habitans en état de porter les armes , et des étrangers qui
séjournent dans la capitale de l'Autriche. On croit que les
particuliers qui ont des chevaux scront obligés d'en fournir
un certain nombre à l'armée , moyennant une juste rétribution
. Il vient d'en être fait un relevé .
4
Des lettres de Ratisbonne du 27 janvier disent : Le cocommissaire
impérial a insinué ici , en vertu d'un rescrit reçu
de Vienne , que S. M. I. avait vu avec satisfaction , dans
le protocole de la diete , relativement à la pacification future ,
que la majorité des états de l'Empire s'était déclarée pour
les préparatifs de guerre sur le pied du quintuple , afin de pouvoir ,
de cette maniere , opposer plus de résistance aux nombreuses
armées de France , et donner plus de poids aux négociations
de paix. Ce ministre a ajouté que l'empereur s'attendait à
voir tous les membres de la diete travailler , chacun de son
côté , à ce que les contingens fussent prêts à joindre l'armée ,
de l'Empire dès le 1er . fevrier prochain .
La satisfaction que cette détermination de la diete a donné
à l'Empereur ne saurait étre bien complete : elle doit être
( 85 )
tronblée par le bruit qui se confirme , que le roi de Prusse
a demandé aux cercles du Haut- Rhin , particulierement à
notre ville de Francfort , un emprunt de 8 à 10 millions
de florins , pour l'entretien de ses troupes employées à la
défense de l'Empire , et qu'autrement le cabinet de Berlin
menace de les retirer. On regarde même comme certain
que la Prusse a des négociations ouvertes avec la France ;
et il est sûr qu'à la diete de Ratisbonne les délibérations ont
pris une tournure inattendue pour une partie du public ,
puisqu'au lieu de la médiation de la Suede et du Dannemarck ,
il a été question de celle de la Prusse , et qu'indépendamment
du suffrage de l'électeur de Mayence pour la paix , qui
était tout naturel , puisque le principal effort des Français est
dirigé contre sa capitale , il n'en est point qui aient si fort
appuyé cette proposition , qui aient même si expressément
insisté sur la nécessité de la paix que l'électeur de Brande
bourg et le Palatin , et l'on ne doute point que ces trois
membres du corps germanique n'agissent plus de concert
entr'eux qu'avec l'empereur.
Tous ces bruits sont confirmés par la condnite du général
prussien Mollendorf , qui prouve que les troupes à ses ordres
ne doivent point agir , si-non dans certaines occasions , suc
la défensive , comme elles l'ont fait en dernier lieu à l'attaque
de Zahlbach. Il paraît qu'il n'a pas voulu prendre part au
projet de faire passer le Rhin à plusieurs corps de troupes
impériales , et qu'ayant été averti par le duc de Saxe-Teschen
d'y contribuer , il a répondu qu'il croyait devoir consulter
sa cour , délai pendant lequel la rigueur de la saison a
rendu le projet inexécutable . C'est peut - être à cause de ce
peu d'ensemble que le cabinet impérial songe de son côté ,
comme le disent quelques feuilles allemandes , à entrer en négociation
par la voie de la Toscaue . On en nomme même
l'agent , le comte Carletti , qui doit déja être rendu à Paris.
Cependant ils est questiou du feld-maréchal de Lascy pour
le commandement général des troupes autrichiennes , en cas
qu'il faille continuer la guerre.
Le tribunal militaire pardevant lequel le Landgrave de Hesse-
Cassel avait renvoyé les deux officiers qui commandaient à
Rheinfelds , lorsque cette place a été rendue aux Français
vient de prononcer sur leur sort. Tous deux ont été condamnés
à mort . Il y a cependant une différence dans la maniere
dont ils doivent subir leur jugement ; fe major- général Reuss ,
qui commandait en chef , doit être décapité ; le colonel Leinsen,
qui commandait en second , doit être fusillé . Les autres officiers
de l'état-major ont été condamnés les uns à être cassés , les
autres à une détention plus ou moins longue . On croit que
landgrave adoucira plusieurs de ces punitions.
le
( 86 )
ANGLETERRE. De Londres , le 3 janvier 1795 .
Ł
Débats du Parlement. Chambre des Communes.
M. Fox Fatigué comme doit l'être cette assemblée
d'entendre les ministres répéter toujours les mêmes sophismes
sur la guerre , je croirais manquer à mon caractere si je n'énonçais
mon opiniou sur la crise, alarmante où nous nous treuvons
.
99 J'ai va avec plaisir , dans les discours de quelques opinans ,
que la raison et la vérité avait repris leur empire sur plusieurs,
membres trompés , au commencement de la guerre , par les
fantômes qu'on leur avait présentés .
,, Qui n'aurait , en effet , été révolté des horribles maximes
mises en avant , cette nuit , par le chancelier de l'échiquier et
le secrétaire d'état ? Fixons d'abord le vrai point de la question .
Le chancelier de l'échiquier prétend qn'adopter l'adresse au
roi , ce n'est pas s'engager à ne jamais faire la paix avec la république
française.
Je déclare , moi , que ce serait s'engager , de la maniere la
plus directe , à ne faire la paix, que dans le cas de la plus impérieuse
nécessité .
99 N'avons -nous pas été assez long- tems dupes de ce langage
obscur et contradictoire ? Ah ! nous nn''en serions pas où nousen
sommes aujourd'hui , si l'on avait franchement avoné , il y a
un an , qu'une fois la guerre commencée , elle ne pourrait
cesser , tant que la France serait république ! Mais , pour nous
y entraîner , on nous la montrait comme purement défensive .
Cela est si vrai , qu'à présent plusieurs de ceux qui l'ont votée
assurent qu'ils n'ont jamais songé à détruire le gouvernement
français .
,, On vous a dit , en parlant de la négociation entamée par
la Hollande , que nul traité solide ne peut être fait avec le gouvernement
actuel de la France . Cette assertion m'amene à examiner
où en est la guerre , où nous en sommes nous - mêmes . Les
ministres ne veulent pas cacher que des places fortes ont été
prises.... Franchise vraiment admirable de leur part ! et c'est
ainsi qu'ils parlent des triomphes des Français ! N'eût- il pas été
plus noble de dire : nos désastres sont tels , que l'Europe mo
derne n'en a jamais vu de semblables depuis l'irruption des
Goths et des Vandales.
Les Français ont conquis la Flandre , plus de la moitié de
la Hollande , toute la rive gauche du Rhin , Mayence excepté
une partie du Piémont , la plus grande partie de la Catalogne ,
tonte la Navarre . Qu'on cherche une semblable campagne dans
Tes annales de l'Europe ! .. Ils ont pris , dites-vous , des places
fortes ; -montrez-moi cinq campagnes où tant de places fortes
董
1
( 87 )
aient été emportées . Et qu'on ne me reproche point d'exagérer
ici nos malheurs. Non , je parle avec l'austere franchise d'un
homme qui doit lever le masque dont est couvert l'abîme vers .
lequel nous a poussés la folie sans exemple des ministres .
été ;
L'enthousiasme des Français est sans doute admirable .
Mais je pense que si notre pays e ait envahi par une armée française
, nous aurions fait les mêmes prodiges ; et nous ne les
ferons que lorsque nous serons serrés de près comme ils l'ont
car , malgré toutes les déclamations pompeuses des
ministres , ils ne persuaderont jamais an peuple que , si nous
concluons la paix avec la France , c'en est fait de notre gouver
nement , de nos lois et de notre religion . D'autres puissances
sout en paix avec la France. Le Danemarck , la Suede , les
cantons Suisses sont- ils donc anéantis , quoiqu'alliés avec elle ?
Et cette republique de Gênes que nous avons si cruellement
traitée , ne s'applaudit - elle pas de l'amitié des Français Les
Etats - Unis d'Amérique në jouissent - ils pas d'une brillante
prospérité , d'une grande sûreté , quoique leur bean gouvernement
soit anssi fondé sur les droits de l'homme , et par-là
même très-rappaoché de ce qu'on appelle la peste française.
Ces Etats-Unis ne viennent- ils pas de conclure un traité avec
nous ? Pourquoi donc la contagion ne serait- elle à craindre
que pour nous ? Je m'étonne toujours de l'entêtement de cer
tains hommes qui ferment les yeux pour ne pas voir les faits
qui combattent leurs chimériques théories.
» La révolution française existe depuis 1789 , et Genevè
est cependant le seal état qui en ait éprouvé une â peu - près
semblable. Comment pourrait- elle arriver jusqu'à nous ? nous
serait - elle apportée par quelques missionnaires débarqués à
Douvres ? car , graces au ciel le ministre ne nous parle plus
de tous ces complots contre la constitution , qui semblaient
T'effrayer tant depuis deux ou trois ans . Tous ces rêves n'ont
pas éré perdus pour lui , puisqu'avec quelques bills il est
venu à bout de rendre la monarchie anglaise beaucoup plus
absolue qu'elle ne l'a jamais été.
" On s'est plaint du peu de zele déployé pour le soutien
de la guerse Quand je proposais , il y a un an , de negocier
avec la France , on ne se plaignait pas de cette froideur .
Elle ne doit pas nous étonner après le mepris que les
ministres ont si long tems professés pour la France ? On
nous demandait autrefois quelle raison nous avions de croire
que les Français feraient plus qu'ils n'avaient fait dans les
guerres précedentes ? Les faits ont parle . Je conviendrai , si
T'on veut , que les requisitions contre lesquelles le ministre
s'est élevé , sont des moyens tyranniques . Mais si une armée
française était au milieu de nous , ces moyens ne seraient-ils
pas légitimés par la nécessité ? -
" Les ministres nous peignent la révolution française comme
un fléau , et ils nous demandent si nous voudrions prendre
( 88 )
pour nous nn si mauvais gouvernement. Mais le gouvernement
qui pesait sur la France depuis plusieurs siecles était- il
donc si bon ? Le gouvernement de Prusse est-il une merveille
? Approuvons - nous les horreurs commises en Pologne ?
Nous les tolérons néanmoins. Je ne vois donc pas pourquoi
nous nous indignèrions contre le mauvais gouvernement des
Français , s'il est choisi par eux .
Dans les guerres précédentes nous avons reçu et fait
des propositions de paix je n'ai jamais oui dire que ce fût
se degrader. Depuis quand une ouverture de paix est - elle un
acte de soumission ? Commencez par déclarer que vous ne
voulez porter aucune atteinte , au gouvernement actuel de
France ; alors nous serons d'accord sur l'adresse au roi.
Ce serait ôter à la France un de ses plus forts argumens .
Alors la Convention ne pourrait plus dire au peuple : Vous
voyez que les puissances étrangeres attaquent votre indépendance
, et veulent vous imposer le joug.
Il n'est pas d'exemple de calamités semblables à celles
que nous avons éprouvées . Nous avons , il est vrai , conquis
la Martinique , Sainte -Lucie , une partie de la Guadeloupe
et la Corse. Mais qu'ont perdu nos alliés ? Toutes leurs conquêtes
en France , les Pays- Bas , la moitié de la Hollande ,
toute la rive gauche du Rhin , une partie du Piémont , la
Catalogne et toute la Navarre. Qu'est-il arrivé sur les mers ?
C'est à tort que le roi nous a annoncé l'année dernière que
la fotte de Toulon était anéantie . Une escadre nombreuse
est prête à sortir de ce port.
Dans l'Océan , nons avons , il est vrai , remporté une
victoire navale brillante et immortelle. Mais si l'on en croit
plusieurs rapports , dans cette journée même la flotte française
était supérieure à la nôtre . La marine française a reçu
un grand échec , mais il n'est pas irréparable . Car , d'après
tous les bruits qui circulent , ils ont en ce moment à Brest ,
une flotte que nous pouvons à peine égaler . Il faut donc nous
attendre à une nouvelle résistance en mer. Si nous battons
l'ennemi , il se relevera . Si nous êtions battus par lui , les
conséquences en seraient incalculables .
" Nous nous soumettrons , dit- on , quand la nécessité parlera
. Mais alors ce sera vraiment un opprobre . Alors nos
ennemis sauront que nos moyens seront épuisés . Abandonnons
donc au plutôt le projet absurde de donner un gouvernement
à la France ; et offrons lui la paix . Nous le pou
vons sans déshonneur.
Mais quelles en seront les conditions , s'écrient les ministres
! C'est à eux de les déterminer et de suivre les négociations
. Mais il faudra , dit- on , abandonner les colonies
françaises et les royalistés qui les ont secondés. Cet argument
est fort , j'en conviens ; mais ce n'est pas par mes conseils
qu'on a tendu la main aux royalistes. La honte de cet abandon
retombera
( 89 )
retombera sur les ministres seuls . C'est à eux d'en répondre.
" Je viens maintenant à ce qui concerne nos allics . Quel
ques membres ont assuré que nous n'en avions plus ; et on
leur a demandé le motif de cette assertion . lis l'ont puisée
dans le discours même du roi . Il y est dit que la Hollande
négocie . On n'y parle d'aucun traité avec qui que ce soit. Il
paraît que nous ne devons attendre aucun secours de la Prusse
dans la campagne prochaine , et pour remplir ce deficit , nous
serons forcés de fournir de l'argent à l'Autriche ; car son
discrédit est tel , qu'elle n'en peut trouver ailleurs .
" Pour moi , je pense que l'Autriche ne nous secondera
pas mieux cette année , que la Prusse l'année dernière . On
me répoud que la Prusse est une cour sans foi. Tous les goa
vernemens arbitraires se ressemblent à mes yeux . L'Autriche
et la Prusse m inspirent une égale défiance . Où sont les preuves
de la fidélité de l'Autriche à ses engagemens ? A- t on oublié
qu'elle a été fortement soupçonnée de nous avoir trahis à
Toulon , en ne nous y envoyant pas les troupes promises ?
On nous vantait aussi à la derniere session , la coopération
de la Prusse ! Je ne sais s'il y a ici des officiers qui aient
servi dans la derniere campagne ; mais il est de fait qu'il a
régné toujours entre les Anglais et les Autrichiens , la plus
grande animosité .
" Quel accord y aurait- il donc entr'eux ? Et cependant on
va nous accabler d'impôts , sous l'étrange prétexte que les
Français peuvent être ruinés les premiers . C'est aussi l'espé
rance dont on nous flattait l'année derniere .
J
" On nous assure que les ressources de la France tendent
rapidement vers leur décadence ) ; rapidement n'est pas exact ,
c'est-à-dire qu'elle peuvent s'épuiser dans un espace de dix ans.
Mais quelle est , en ce moment , la position de la France ?
D'après le discours de M. Pitt , on croirait que Robespierre
n'est mort que la semaine derniere . Il n'est plus depuis six
mois ; et c'est précisément depuis ce moment que les succès
des armées françaises ont été plus brillans qu'ils ne l'avaient
jamais été auparavant . Il n'est donc pas vrai que sa chûte
nous ait été utile il n'est pas vrai que la terreur seule
ait produit les grands moyens des Français . N'est- ce pas
au contraire , la sagesse et le modérantisme qui font la force
des empires ?
" On nous demande quelle preuve nous avons que les
Français soient moins mécontens que sous Robespierre ; parce
qu'il n'y a plus d'insurrection ni à Bordeaux , ni à Lyon ,
ni dans les autres villes , et parce qu'une amnistie bienfaisante
a à peu- près détruit la rébellion de la Vendée .
" On s'est beaucoup étendu sur l'état des finances de la
France . Je demande à mes adversaires s'ils croyent sur leur
honneur que l'Angleterre peut attendre de vérirables succès
dans cette guerre .
Tome XIV. G
( 90 )
» On dit qu'on n'a pas encore touché à nos ressources
extraordinaires ; cependant je ne trouve pas dans le discours du
roi , comme l'an dernier , la promesse qu'il n'y aurait pas de nouveaux
impôts . Oui, il y en aura cette année, et nous les sentirons
bien ; car déja le ministre a fait un emprunt. Pour le remplir
, il faudra des sommes énormes. Le ministre paraît trèsversé
dans les affaires intérieures de la France ; mais il semble
ignorer tout le reste .
" Durant la guerre d'Amérique , on ne cessait aussi de
nous entretenir de l'épuisement des ressources pécuniaires de
nos ennemis . Leur papier- monnaie ne perdait pas seulement
alors les cinq sixiemes de sa valeur , mais bien les quatre - vingt
dix-neuf centiemes ; alors bōn cût pa acheter mille dollars
( valenr d'un écu ) en papier pour un dollar en especes .
,, Les Français sont bien loin d'un tel état de choses ; pourquoi
donc ne triompheraient- ils pas de ces difficultés par
les mêmes moyens que les Américains ? Je crois , comme
M. Pitt , que le commerce de France est sur son déclin ;
mais j'ai mille raisons de penser que l'agriculture y est plus
encouragée qu'elle ne l'a jamais été. Si je me trompe , qui
m'assurera que le ministre n'est pas aussi trompé , puisqu'il
ne tient ses détails que de personnes qu'il paie en raison des
mensonges qu'elles lui font.
Quant à l'état des indigens en France , ils y sont
aussi protégés , nourris avec autant de soin qu'en Angleterre ;
et très- certainement les pauvres en France sont en ce moment
beaucoup mieux traités que sous l'ancien régime.......
Nous ne pouvons sortir trop tôt d'une guerre aussi désastreuse
pour nous . Je ne demanderai pas , comme un préopimant , si la
paix peut être sûre ou non . En fait de garantie , tout est
relatif ; nous en aurons une aussi forte ici que celle que trous
eussions pu attendre de l'ancien gouvernement de France.
Voyez l'inconséquence avec laquelle on raisonne ; on vous
a dit que les armées françaises ne tarderaient pas à se dis
sondre , et ensuite on a ajouté qu'il serait impossible de les li
cencier , même à la paix. Je ne prétends pas décider si ,
dans ce cas , la France reprendrait le joug cruel de son ancienne
monarchie , ou le fardeau plus pesant encore de la tyrannie
qu'elle vient de détruire . Comme philosophe , je dois des voeux
à la France ; comme politique , ce n'est pas à moi à la diriger.
• On a avancé que c'est nous qui avions élevé Robespierre ,
et que c'est nous qui l'avions renversé. Je n'ai là- dessus aucuné
donnée mais je dirai qu'en attaquant la France , nous avions
denné des armes à ce tyran , et qu'en fuyant devant les Français
, nous avons causé sa perte. Je soutiens que , sans peser
la moralité de ceux qui gouvernent aujourd'hui la France ,
nous devons traiter avec ceux qui sont dépositaires du pouvoir.
" On nous a appris que le roi avait accepté la couronne
de Corse, La doit- il au droit de " conquête ? Non : il ne nous
(1910)
en eût pas alors parlé . Il a voulu sans doute répondre , d'une
maniere ouchante , à tous ceux qui ont prétendu que les peuples
n'avaient pas le droit de choisir et de déposer à leur gré leurs
gouvernemenISI
,, M. Burke , dont on vient de nous commander de lire les
Ouvrages , conteste ce droit aux nations . Le roi Georges l'a
doublement démenti , puisqu'il a été destitué par les Américains
et élu par les Corses ..
,, M. Elliot annonce que les Corses se sont réanis en assem
blées primaires pour choisir le roi Georges ; et comme les
Corses étaient sans doute lass du joug de la France , sa majesté
, voulant se conformer au decret de la Convention nationale
du 9 novembre , est venue au secours de ces malheu
reux opprimés . Nous verrons les avantages que nous tiréroïs
de ce suprême honneur. 5
" Ua membre a déclaré que demander la paix ce serait se
jetter, aux pieds de la Convention , Quand donc la ferons- nous !
cette paix ? Devons - nous verser tout notre sang , épuiser oas
nus trésors , afin qu'il puisse dire alors qu'il est content de
nos efforts ? Il vaut mieux traiter actuellement. Je le proposais
déja l'année derniere ; je suis loin de m'en repentir. Si notre
ministere ne se croit pas encore assez baitu , notre malheug
reuse patrie a assez souffert . Faut- il , pour son plaisir , - qu'elle .
soit entierement ruinée ?
Quelle protection a obtenu notre commerce ? Dans quelle
partie du globe l'amirauté a - t - elle déployé quelques talens ?
Est-ce en envoyant en Amérique une force trop pea Home
breuse pour y conserver vos conquêtes ? est- ce en tenant notre
flotte devant Tonlon ? Mais l'amirauté n'est pas seule coupable
. L'ineptie de nos ministres lés rend , pour la plupart ,
indignes de notre confiance . J'espere que le moment n'est pas
loin où la responsabilité cessera d'être un mot vide de seus ,
Nous remonterons , alors à l'origine de la guerre ; nous sui- ‹
vrons la maniere dont elle a été conduite .
Hélas ! notre triste position ' affecte car je vois trop
que nous ne pouvons sortir de cette lutte sans des pertes..
sérieuses et sans une honte ineffaçable . Je déclare que cette
guerre a pris naissance comme celle d'Amerique , dans la haine ›
du ministere pour la liberté . Il est tems de finir. Je m'en tiens
aux raisons que j'ai développées , il y a deux ans, contre la
guerre. Le peuple peut bien dans cette crise terrible demander
aux ministres le sacrifice de leurs intérêts particuliers et de .
leurs vues ambitieuses.
•
Je vous le répete ; dans un an vous reconnaîtrez la vérité z
de tout ce que je vous dis aujourd'hui . Je conclus en demaus :
dant qu'on raye de l'adresse au roi tout ce qui peut nous I
empêcher de traiter au pintôt avec la France.ɔɔ dog pa
L'amendement à l'adresse a été rejeté par une majorité !
de 246 , contre -73. -
G &
f
( 98 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE,
PRESIDEN G I ROVERB.
Séance du septidi , 7 Pluviôse.
5
Richard , au nom du comité de salut public , donne lecture
d'une seconde lettre des représentans du peuple près l'armée
du Nord , concernant nos progrès dans la Hollande. ( Voyez
Nouvelles officielles . )
Clausel , au nom des comités de salut public et de sûreté
générale , instruit l'Assemblée que ceux qui , le 9 thermidor ,
ont vu s'échapper de leurs mains l'espece de suprématie qu'ils
s'étaient arrogée dans les départemens méridionaux , regrettant
de ne pouvoir plus vexer , piller et massacrer les citoyens de
Marseille , osont remuer encore pour rétablir , s'il était possible ,
ce systême cannibale, dont l'idée seule fera frémir d'horreur les
nations les plus barbares . Clausel lit les pieces , afin de fixer
l'attention de l'Assemblée sur les mesures à prendre pour le
maintien du bon ordre.
La premiere lettre est du représentant du peuple à Marseille.
Elle porte que son collegue Cadroy s'est rendu à Marseille , sar
le bruit répandu à Aix , qu'on s'égorgeait à Marseille.
La deuxieme , du même , annonce que les terroristes inspirent
l'effroi dans la commune de Marseille . Le tribunal criminel
a été insulté en voulant jager les auteurs de la révolte du
5 vendémiaire , et forcé de lever la séance. Le représentant du
peuple Esperta en la faiblesse de suspendre la procédure et
même de faire mettre eu liberté quelques-uns des prévenus .
9
Une troisieme lettre dit , que les factieux ne font plus mystere
de leurs criminelles espérances. Ils se flattent de jouer bientôt à
la boule avec les têtes des amis de la révolution du g thermidor ,
et ils y ajoutent quejusqu'ici ils n'ont eu du sang que jusqu'à la
cheville , mais qu'ils en auront bientôt jusqu'aux genoux . L'Assemblée
frémit d'horreur.
Il est évident , continue Clansel , que les terroristes n'ont pas
renoncé à leur coupable systême de désorganisation et à vendre
ainsi la France an tyran d'Angleterre . Ecoutez la déclaration de
Pitt au parlement d'Angleterre La Grande -Bretagne étant
un état commerçant , je me suis eru obligé d'exterminer , par,
tous les moyens possibles , le commerce des Français , en semant
parmi eux tous les germès destructifs , de sédition , d'anarchie ,
( 93 )
de désordre et de famine . Je conviens que j'ai été parfaitement
secondé par le parti qui s'intitulait en France le parti patriotique
par excellence , et qui a réussi en quinze mois à tout détruire et
tout désorganiser. Par quelle insolence le scélérat ministre
Anglais a- t-il l'impudeur de raconter avec emphase la part active
u'il a prise aux crimes et aux assassinats judiciaires commis
dans toute la France par l'infâme Robespierre et ses complices
?
qu'il
Le rapporteur revenant ensuite à ce qui concerne Marseille ,
propose un projet de décret qui est adopté , et qui porte en
substance que la place de Marseille demeurera en état de siége
jusqu'à ce qu'un décret de la Convention en ordonne autrement.
L'arrêté, pris par Espert est annullé , et il est rappellé
avec son collégue Escudier . Le tribunal criminel du départe
ment est chargé de poursuivre ceux qui ont insulté ou arrêté
les représentans du peuple Bo , Anguis et Serres . Enfin , les
représentans Chambon , Cadrey et Mariette sunt revêtus de
tous les pouvoirs et chargés de l'exécution du présent décret.
Une discussion assez vive s'élève sur l'impression du rapport
de Clausel . Dumont trouve déplacé de voir figurer dans cette
affaire le nom de Pitt. Il s'oppose à l'impression du rapport ,
qu'il dit n'avoir pas été communiqué aux deux comités . Bentabolle
l'appuie , et en développant son opinion, les mots d'honnêtes
gens dont il se sert excitent des murmures dans une extremité
de la salle . Duhem prend la patole et dit : C'était le terme de
Lafayette. Bentabolle répond : Que m'importe que Lafayette
s'en soit servi ? il employait aussi celui de liberté. Il n'y a
que les fripons qui ne veulent pas être rangés dans la classe
des honnêtes gens . A la suite de cette discussion , l'impression
du rapport est décrétée .
Pottier, au nom du comité de législation , fait décréter que le
tribunal criminel révolutionnaire commencera ses fonctions ,
et que les juges et jurés actuellement à Paris se réuniront sans
délai , et formeront provisoirément une section .
Le même membre fait encore décréter que les directoires
de district nommeront provisoirement aux places vacantes de
notaires , sur la demande des conseils - généraux des communes
qui en certifieront l'urgence . Les citoyens nommés devront
être pourvus de certificats de civisme , et n'auront besoin pour
entrer en fonctions que de l'arrêté du directoire enregistré au
tribunal . Les citoyens déja pourvus de cette maniere continues
ront leurs fonctions .
Séance d'octidi , 8 Pluviôse.
Les éleves de l'école normale sont admis à la barre,
L'orateur : 59 Citoyens représentans , le plus beau jour , le
plus heureux pour les Français , le plus glorieux pour la représ
( 94 )
:
2
9
sentation nationale , le g thermidor enfin a vu tomber , avec la
tyrannie , le systême de vandalisme qui , en étouffant la liberté
dans son berceau , devait paralyser les sciences et les
zarts.
de
sagesse
" Par l'énergie de la Convention nationale et la
ses décrets , l'ignorance , compagne inséparable du despotisme ,
a été vouée à l'opprobre ; l'instruction proposce à tous les ci- toyens ; des savans consommes dans la méditation des vrais
principes , choisis pour les etablir et les développer ; plus
d'an millier d'éleves appeilės pour les recevoir et les répandre.
Le foyer des lumieres est ici dans toute sa pureté ; c'est à la
Jueur de ce feu sacré que l'éducation française doit s'elever à un
degré qui ne fut jamais atteint dans les plus fameuses répu
biques de l'Univers , et ce point de pe fection est le but des
écoles normales.
" A votre voix , citoyens législateurs , se sont réunis au
centre comman les républicains que le choix de leurs concitoyens
destine à concourir à l'exécution de ce plan régé
nerateur."
99 La cartiere vient de leur être ouverte ; mais avant d'y faire
les premiers pas , ils viennent offrir à la patrie le tribut de leur
zele , et à la Convention nationale l'hommage de leur dévouement.
Puissent - ils , souteus par la présence de vos dignes
collegues , y marcher d'un pas ferme et rapide ! puisse chacun
d'eux recueillir un faisceau de lumières et le transmettre à ses
compatriotes ! puissent- ils par leurs travaux et leurs succèsassurer
dans toute la République le triomphe de la raison , de
la saine philosophie , sur les ruines des préjugés, du fanatisme et
de l'erreut !
,, Grâces vous soient rendues , citoyens législateurs ; l'asyle
où naguere le terrorisme et la tyraunie forgeaient des fers ,
inventaient des supplices anx talens et aux vertus , va devenir
Te temple des sciences utiles et de la morale républicaine. Cette.
inauguration peut-elle se faire sous des auspices plus favorables
et dans des circonstances plus heureuses ! Elle se fera au milieu
des transports d'allégresse que font naître dans le coeur de tous
les bons Frauçais les victoires les plus signalées de nos armées
républicaines , qui dans cet instant fortune réparent en Hollande
par leurs vertus civiques les outrages faits à l'égalité , à la
liberté , ou qui par leur valeur rétablissent leur regne sur le sol
que la férccité des tyrans les avait forcées d'abandonner ; elle
se fera aux cris mille fois répétés de Vive la République vive la
Convention nationale !
Le président : 99 Le calife Omar , à la tête de ses barbares esclaves
, détruisait le dépôt le plus complet des sciences des
arts , pour établir le despotisme oriental ; Solon et Licurgue ,
avant de donner à fa Grèce des fois protectrices de la liberté ,
( 95 )
་
allaient consulter les sages et les savans dans les régions les plus
éloignées.
" La liberté est favorisée et s'accroît par les lumieres et les
connaissances ; la tyrannie au contraire repousse et déteste.
l'instruction et les murs pures qui en dérivent.
Vous êtes appellés par la confiance de vos concitoyens à
une grande mission , celle de l'instruction publique ; que chacun
de vous , citoyens , se penetre de ses devoirs , se rappelle la glorieuse
journée du 9 thermidor , sans laquelle la République ne
serait habitée que par des bourreaux et des vautours .
Que l'amour de la liberté , de l'égalité , le respect des lois
soient écrits en caracteres de feu dans vos coeurs , puisqu'en
transmettant les sciences à vos élevés , vous devez leur inspirer
la haine poar la tyrannie , et less former aux vertus répu
blicaines .
La Convention déerese la mention honorable et l'insertion
au bulletin de l'Adresse des éleves et de la réponse du
président.
Danjou , au nom des comités de salut public , des transports ,
• postes et messageries , des décrets , procès- verbaux et archives ,
reproduit à la discussion le projet de décret tendant à réorganiser
l'agence de l'envoi des lois , dont l'Assemblée avait ordonné
l'impression et l'ajournement . Ce projet qui contient beaucoup
d'articles réglémentaires sur l'attribution de l'agence de l'envoi
des lois , a été adopté après quelques amendemens qui ont été
renvoyés à l'examen des comités . En voici les principales dispositions
: Le bulletin des lois sera réuui à l'imprimerie nationale
, en réformant cependant toutes les branches inutiles .
Cette agence sera administrée par deux agens responsables . Le
comité des décrets et procès- verbaux aura une surveillance
active sur cette administration , et prendra toutes les mesures
nécessaires pour l'exécution du présent décret . Il ne sera
envoyé à chaque département que deux axemplaires des lois et
un aux districts , qui les feront réimprimer et distribuer à chaque
commune de leur arrondissement. La collection authentique
des lois formera un dépôt qui ne pourra sous aucun prétexte
êtie tiré du secrétariat des autorités constituées et des greffes
des tribunaux , et les fonctionnaires pubics remplacés en transmettront
la collection à lears successeurs .
Sallengro fait la motion d'ordre tendante à la prompte exécution
du décret du 1er , brumaire dernier , qui ordonne l'ou .
verture du canal de jonction de la Sambre à l'Oise , et à ce que
le comité des travaux publics examine les projets rédigés en
1781 et 1782 par Lafite , officier du génie , pour joindre l'Oise
à la Meuse , et la Sambre à l'Escaut , et en fasse incessamment
son rapport à la Convention. Il demande aussi qu'on acheve
le canal de la Sensée , qui communique de Bouchain à Douay.
Ces propositions sent renvoyées aux comités de salut public
et des travaux publics.
G.4
( 96 )
Marec , au nom du comité de salut public propose d'envoyer
en mission dans la Hollande Ramel et Cochon. Duhem
et Lesage-Seuaut demandent si c'est en qualité d'ambassadeurs ,
Gaston si c'est pour faire la paix . Marec déclare que le comité
n'a point en une pareille pensée en proposant cette mission .
Dumont trouve l'observation de Duhem juste ; il propose une
rédaction qui est adopthe . Ramel et Cochon iront en mission
auprès des armées qui occupent la Hollande .
Rouzet , au nom du comité de législation , présente le projet
de décret sur les moyens de rendre les meubles et effets qui
appartiennent aux veuves et enfans des condamnés . Ce projet
est ajourné ; mais sur la motion de Garnier ( de Saintes ) , il est
décrété que les hardes et linges leur seront restitués sur-le- champ .
Séance de nonidi , g Pluviôse.
Letourneur ( de la Manche ) , au nom du comité militaire ,
fait un rapport sur l'amélioration du service important dont sout
chargés les officiers du génie militaire , et les moyens de leur
procarer un avancement convenable . Le comité , dit-il , a examiné
la composition de ce corps , les fonctions qu'il remplit ,
sen mode d'avancement et les traitemens qui lui sont affectés .
Il est résulté de cet examen que si l'art de la fortification n'a pas
fait depuis Vanbau tous les progrès qu'on pouvait en attendre ,
si le service des places a été mal rempli et les dépenses considé
rables qu'entraînent les travaux nécessités par les circonstances ,
ont été infructueuses ou démesurées , ces maux tiennent au *
vices de l'organisatien de ce corps . Un de ceux qui ont le plus
particulierement frappé le comité , c'est que les diverses fonce
tions n'y sont pas assez distinctes et prononcées , et que les emplois
d'administration et de surveillance n'y sont pas en propor
ion avec l'étendue des détails qui sont confiés à ce corps . Le di
recteur des fortifications doit tout voir par lui-même, tout dirigen;
mais l'étendue de ses fonctions le force à n'en remplir qu'une
parte , et à s'en rapporter à des agens souvent inexpérimentés.
Les inspecteurs ne peuvent qu'entrevoir les objets . Les autres.
ingénieurs n'ont pas des fonctions assez distinctes . Pour faire
disparaître ces inconvéniens , le rapporteur propose l'augmenta
tion des emplois de surveillance . Les chefs du corps étant les
pivots sur lesquels roulent toutes les opérations , it leur faut de
grands talens ; il en résulte que le droit seul d'ancienneté ne doit
pas déterminer l'avancement . Il s'agit done de déterminer un
mode d'avancement tel que les fonctions principales ne soient
exercées que par ceux qui seront jugés les plus capables de les
remplir. Le rapporteur d'après ces bases propose un projet de
décret qui est adopté.
Lecointre ( de Versailles ) invoque en faveur de Lacroix ,
auteur du Spectateur Français , l'exécution du décret portant que
pul ne pourra être traduit en jugement par décret saus un rap(
97 )
port préalable , et il demende le rapport de celui qui sur une
simple motion a renvoyé Lacroix par devant le tribunal criminel
du département avec pouvoir de le juger révolutionnairement.
ppense que cette marche est dangereuse et peut devenir la source
d'une nouvelle tyrannie . Il y ajoute qu'un tribunal devantlequel
on envoie un homme avec de semblables formalités , reçoit une
initiative fatale à l'innocence . Comment osera- t- il acquitier
celui qu'il lui est enjoint de juger révolutionnairement? Si d'un
côté l'on doit empêcher toute provocation à la royauté , il faut
d'un autre côté se préserver du danger de porter atteinte à la
liberté de la presse . Lecointre finit par dire qu'il entreprendra
de prouver que ce livre lui a paru renfermer des principes d'un
républicanisme prononcé , et qu'on y voit seulement des idées
de royalisme hypothétiques et en forme de dialogue.
L'on demande la question préalable sur la motion de Lecointre.
Pelet prend la parole , et dit qu'il est aise que cette
occasion lui fournisse le moyen de motiver son opinion . Il
déclare que le décret est contraire aux principes , à la liberté
de la presse et des citoyens . Clausel pense que si on reuvoyait
l'affaire à un nouvel examen des comités , et qu'ils
opiuassent pour le décret d'accusation , le tribunal serait
trop fortement influencé. Il demande le maintien du premier
décret. Thuriot trouve le décret conforme aux principes et
à la liberté de la presse . Il réclame l'ordre du jour. Duhem
est du même avis . Il en prend occasion de se déchaîner contre
se qu'il nomme le royalisme , siégeant au Palais - Royal et aux
speetacles , qui triomphent selon lui , de même que l'aristocratie
. On crie de toutes parts : Duhem insulte l'Assemblée ,
à l'Abbaye. Un grand tumulte s'éleve , le président est obligé
de se couvrir. Le calme re, ait , et l'Assemblée décrete que
Duhem ira à l'Abbaye . I demande la parole , elle lui est
refusée Legendre la lui fait accorder , en observant que
c'est une tactique conduite par les députés qui sont en jugement
, et qu'on veut faire diversion . Il est entendu , ce qui
n'empêche pas la Convention de maintenir son décret , et
d'ordonner qu'il y, restera trois jours ...
f Pottier , au nom du comite de législation , fait ensuite décréter
que toutes les affaires portées au tribunal criminel du
département de Paris , qui sont de la compétence du ir bunal
révolutionnaire , retourneront à celui-ci , si les procédures ne
sent pas commencées .
Letourneur ( de la Manche ) , au nom du comité militaire
propose un décret qui est adopté en ces termes : Les sexagénaires
et les infirmes qui justifieront que leur revenu n'excede
pas la somme de 1,500 liv. ne seront pas tenus de se faire
remplacer dans le service de la garde nationale.
Séance de décadi , 10 Pluviôse...
Jard Panvillers , au nom du comité des secours publics , fait
( 98 )
3
part à la Convention des diffiuultés qui se présentent pour
l'exécution de la loi du 1er . pluviôse présent mois , concermant
la remise gratuite des effets d'habillement déposés en
nantissement au Mont-de -piété , pour des prêts de 100 liv . et
au-dessous . La Convention , convaincue que son exécution
occasionnerait de grands inconvéniens , charge son comité des
secours de lui présenter , dans un court délai , ses vues sur
les moyens de remplacer cette loi bienfaisante , par un genre
de secours plus utile , et dont l'application puisse être faite à
tous les indigens de la République indistinctement.
et tout
Tallien obtient la parole pour dénoncer le journal de
Gracchus Baboeuf , dans lequel on dit que le devoir que le
peuple doit à present remplir est l'insurrection , et que Coblentz
a ici ses représentans , Le rédacteur ne met point en doute
que le peuple ne doive se mettre en insurrection
tenter s'il ne veut pas voir ses droits anéantis . Tallien ajoute
que Gracchus Baboeuf ne fait que prêter son nom , et que le
vrai rédacteur siège parmi les représentans. On l'invite à le
nommer. Il répond que c'est Fouché ( de Nantes ) , et il continue
en disant : Ce n'est pas la liberté de la presse que je prétends
attaquer , mais je veux seulement faire connaître les
hommes qui prêchent l'insurrection pour rappeller la tyrannic.
Ne croyez pas que nous en soyons au tems où , par une
insurrection factice et avec quelques canons on venait deman
der la tête des députés , vous qui aviez mis la terreur et le sang
à l'ordre du jour. Vous voulez la guerre civile , mais vous ne
l'aurez pas . Avancez - vous avec vos écrivains et vos sicaires ,
nous , accompagnés du peuple , nous nous présenterons à vous,
et nous vous terrasserons de nos seuls régards .
Fouché de Nantes ) demands à répondre ; il déclare qu'il
ne doit compte de ses relations qu'à la loi . Cependant il dit
que Gracchus Baboeuf ayant fait une brochure en faveur de
la journée du 31 mai , il la lui envoya pour lui demander ses
conseils ; mais que cette brochure n'a point paru . Il répond
ensuite à Tallien qu'il a bravé jusqu'à présent les inculpations
de tous les calomniateurs , et qu'un homme est fort toutes les
fois qu'il a servi le peuple sincerement , et que c'est devant lui
qu'il défend sa cause contre une poignée de factieux et de dominateurs.
Les petitionnaires sont admis et occupent l'Assemblée de
leurs intérêts particuliers.
Séance de primedi , 11 Pluviose .
Les sections du Temple et Lepelletier sont admises à la
barre. Elles viennent dénoncer les partisans de la terreur
qui se coalisent pour essayer d'avilir la représentation natie .
nale , et demandent la prompte punition des grands coupables
qui enhardissent leur audace.
1
( 99 )
"
Ces deux pétitions sont applaudies et renvoyées au comité
de sûreté générale .
Sur le rapport de son comité des finances , la Convention
décrete que les dispositions de l'art . IV du décret du 26 frimaire
dernier , relatives aux payeurs des rentes , sont applicables
à tous les comptables . Ils pourront en conséquence
se libérer envers leurs créanciers ayant privilége ou hypotheque
spéciale sur leurs finances , aux charges et conditions
prescrites par l'article.
Mennot , au nom du même comité , fait ensuite décréter
que le contrôleur de la caisse générale retirera de la serre à
trois clés , la somme de 218,779,000 liv. , pour remplacer
l'excédent des dépenses du mois de frimaire dernier sur les
recettes du même mois .
-
Le comité des secours fait ensuite décréter plusieurs articles
additionnels à la loi du 17 germinal , concernant les titulaires
d'offices , gagistes et pensionnaires de la liste civile . Ceux
qui faute d'avoir atteint 50 ans ne peuvent prétendre à une
pension , auront une année de leur traitement , dont le maximum
est de 1000 liv . Le minimum des pensions sera de 400 liv . , et
le maximum de 1000 liv. Les pensionnaires qui jouissent de
plusieurs pensions à des titres différens sur la nation , pourrout
les cumuler jusqu'à la concurrence de 1000 liv . , et si
elles , excedent cette somme , elles y seront réduites et comprises
dans un seul article pour n'en former qu'une seule .
Pottier au nom du comité de législation , propose d'attribuer
à ce comité saisi du droit de révision des jugemens des
condamnés non exécutés et rendus pour delits , non ordinaires
ni pour
cause de royalisme , la faculté de prononcer en
même-tems sur les confiscations et séquestres de leurs biens,
d'annuller les confiscations et lever les séquestres à la charge
néanmoins que dans le cas de vente les propriétaires n'aurout
droit qu'au recouvrement du prix d'après les conditions des
ventes.
27
Ce projet de décret est adopté.
Boissy d'Anglas obtient la parole pour une motion d'ordre.
Il prononce un discours très- étendu , fort applaudi et dans
lequel il développe beaucoup de talent. Après avoir posé
pour limites à la France , l'Océan , les Pyrénées , les Alpes
et le Rhin , il invite la Convention à déclarer , avec
cette franchise , cette dignité qui conviennent à une république
puissante et victoricuse , les conditions auxquelles elle
accordera la paix à ses ennemis abattus . Il présente ensuite
les principes de notre nouvelle politique. Il retrace les efforts
de nos ennemis pour anéantir notre immortelle révolution ,
et dénonce à l'univers l'ambition de l'Angleterre et de la
Russie , qui seules ont profité des malheurs universels et
des erreurs de la coalition.
( 100 )
Boissy finit par répondre à ceux qui regardent le gouverne
ment révolutionnaire comme un obstacle à la paix ; que les
puissances , dit-il , voient ce gouvernement comme un plé
bipotentiaire nommé par le peuple entier pour terminer la
revolution et la guerre . Jamais ambassadeur a - t-il eu des
pouvoirs plus étendus ? La force du gouvernement et la
volonté de la nation , ses formes , la justice , ses principes ,
l'humanité , la garantie , la loyauté et le courage d'un peuple
libre . Quels politiques absurdes que ceux qui demandent si l'on
peut négocier , quand on a su vaincre. Que ne peut pas une
pation qui a mis la justice à l'ordre du jour dans l'intérieur , et
la victoire au dehors ! L'impression de'ce discours a été décrétés
àl'unanimité.
PARIS. Quintidi 15 Pluviose , l'an 3. de la République.
L'arrivée du comte Garletti , en qualité d'envoyé du
grand-duc de Toscane , dans un moment où plusieurs
autres ministres étrangers se sont rendus à Paris , est une
probabilité de plus que les puissances coalisées desirent
sérieusement d'arriver à une pacification. Le choix de
cet envoyé , que l'on sait être très-attaché aux principes
de la révolution française , fait présumer que l'empereur
a chargé le grand- duc , son frere , d'entamer des négo
ciations . Le comte Carletti est le même qui , à raison
de ses opinions publiques , a eu avec le ministre bri
tannique Vindham un démêlé sérieux qu'il termina par
la voie la plus courte. Il s'était fait connaître à Florence
par son empressement à rendre service aux patriotes
français , lorsque ceux - ci étaient en proie aux menaces
insultantes de lord Hervey.
On sait également que notre envoyé en Suisse , le
citoyen Barthelemi , a eu à Bâle une conférence avec
le baron de Goltz qui se rendait à Paris . Le discours
énergique de Boissy d'Anglas dans la séance du 11 , dans
lequel il a présenté les conditions principales qui
peuvent servir de bâse à une pacification , semble être
le préliminaire de nos intentions à cet égard, Le projet
de donner à la France , pour limites , l'Océan et le Rhin ,
les Pyrénées et les Alpes , est le même qu'avait conçu
Louis XIV. Ce projet le mit en guerre avec toute l'Europe
, et le conquérant imaginaire fut trop heureux de
conserver ses propres possessions . Les circonstances sont
aujourd'hui bien differentes . La France ne voulait ni
L
( 101 )
conquêtes, ni guerres , elle ne songeait qu'à se donner
un meilleur gouvernement ; toutes les puissances se sont
liguées pour la détruire ; elle en a triomphé ; il est juste
qu'elle trouve une indemnité proportionnée aux dépenses
énormes qu'elle a été obligée de faire , aux
risques qu'elle a courus , au sang précieux de ses défenseurs
qu'elle a perdus , et à l'injustice d'une guerre
entreprise pour lui ravir ses droits naturels , et soutenue
par les moyens les plus perfides que l'immoralité des
cours ait jamais mis en usage. Si elle eût succombé , les
vainqueurs lui auraient dicté la loi ; elle a vaincy , c'est
à elle à conserver l'attitude de la victoire .
Cependant , quel que soit le besoin réciproque de la
paix , ce n'est pas une raison pour rallentir le cours de
nos triomphes ; les négociations seront longues en raison
de la complication des intérêts ; il serait possible qu'elles
' eussent pas l'issue qu'on s'en promet ; il faut que nos
préparatifs et nos moyens nous conservent toujours la
supériorité que nous avons acquise ; c'est en continuant
de nous faire redouter que nous acquerrons enfin le
droit d'être tranquilles.
La conquête de la Hollande n'influera pas médiocrement
sur les dispositions extérieures ; il faut aussi
qu'elle améliore notre situation dans l'intérieur ; il est
probable qu'elle nous fournira un moyen de placer nos
assignats de maniere à en retirer une partie de la circulation.
Ce moyen sera plus efficace peut- être que la
loterie de Cambon , qui peut avoir des avantages , mais
où , il faut le dire , la personne a fait tort à la chose ;
il est certains préjugés d'opinion qu'il est difficile de
vaincre , et la prévention bien ou mal fondée qui environne
ce membre du comité des finances , eût fait
desirer que ce projet eût été conçu et présenté par tout
autre.
Décadi dernier , vers trois heures du matin , la débacle
des glaces qui couvrait la riviere a commencé à s'effèctuer
. On sait qu'elle entraîne toujours quelque désastre.
Des bateaux ont périt , ainsi que plusieurs trains de
bois fracassés ou incrustés dans les glaces. Le froid s'est
encore fait sentir , le thermometre est redescendu successivement
jusqu'à 6 degrés au-dessous de la congélation
; mais il ne paraît pas devoir se soutenir . et tout
fait espérer que l'arrivage des denrées n'éprouvera bientôt
plus d'obstacle.
( 102 )
Nous avions annoncé , sur la foi de tous les papiers
l'arrestation du général Duhemme ; cette nouvelle a été
démentie , et l'on a rendu au contraire des témoignages
favorables au patriotisme et à la bonne conduite de cet
officier , qui au reste n'est point parent du député
Duhem.
On arrêta , il y a quelque tems , à la porte de l'Opéra ,
divers fripons qui profitaient du bénéfice de la foule , qu'ils
faisaient , pour dévaliser des porte- feuilles on assure que
police ayant suivi cette affaire , est parvenue à découvrir une
société de 85 voleurs qui avaient etabli leur croisiere dans
Paris et dans les environs parmi ces voleurs se trouvent
dit-on , et ceux qui volerent la diligence de Lyon , il y a
dix-huit mois , et ceux qui enleverent au représentant Cambacérès
une partie de ses effets en plein jour . On espere
d'atteindre la queue de ces scélérats , dont quelques- uns ont
volé et assassiné , ces jours derniers , chez un orfevre , rue
de l'Arbre- Sec. On ajoute même que la police a permis de
r'ouvrir ces grandes souricières à coquins , qu'on appelle tri
pôts , et où elle est assurée de les saisir facilement un jour
ou l'autre .
On lit dans un de nos papiers une anecdote assez plaisante :
Un charretier promenait une voie de bois qu'il voulait
vendre le plus cher possible ; il s'arrête à la porte d'un épi
cier , et la lui vend 200 liv . Aprés avoir déchargé sa voi
ture , il demande successivement un et ensuite un second
verre d'eau de vie on lui en sert deux .. On vient à compte s
l'épicier lui donne 150 liv. , et lui compte les deux vertes
50 liv. Le charretier se récrie : on va chez le juge de paix ,
qui décide , dit- on , qu'il n'a aucun droit de taxer ni le bois,
ni l'eau-de- vie . On a ri beaucoup de l'aventure ; 99
On écrit de Marseille , qu'il vient d'entrer dans ce port
un convoi de 18 bâtimens génois ou grecs , dont la cargaison
consiste en bled , riz , morue , laine et autres marchandises .
Nice est l'entrepôt général des grains qui arrivent de Gènes
et de Barbarie : il y a en ce moment d'immenses magasins
remplis que l'on fait refluer sur toutes les communes de la
côte.
On mande de Toulon , que la mauvaise saison retardera
vraisemblablement de quelques jours le depart de l'escadre.
Depuis près d'un mois , l'escadre ennemie n'a pas reparu
en croit que le mauvais tems l'aura forcée de se retirer dans
quelque port de la Corse , ou plutôt à Livourne où l'on assure
qu'elle est actuellement..
On mande de Brest , en date du 2 pluviôse , que le convoi
( 103 )
de Cherbourg vient d'arriver dans ce port avec une quand
tité immeuse d'approvisionnemens de toute espece pour les
arsenaux et les chantiers . Le nombre des bâtimens est si
considérable , que malgré l'absence de notre armée navale ,
le port est rempli.
Il arrive assez fréquemment à Brest des corvettes qui sont
envoyées de l'armée navale ; mais rien ne perce de ce qu'elles
en apprennent ; on sait seulement que l'armée jouit d'un beau
tems. Au reste , comme les conjectures vont toujours audelà
de ce qu'on sait ou qu'on ne sait pas , les uns disent
que notre escadre est allée bloquer et attaquer le port du
Ferrol , tandis que notre armée des Pyrénées occidentales
attaque cette place par terre ; d'
d'autres
prétendent que cette
escadre va joindre celle de Toulon . On voit que toutes ces
versions sont marquées au coin de l'incertitude .
Le tribunal révolutionnaire a été installé par le citoyen
Aumont , commissaires des administrations civiles , de
police et des tribunaux , qui a prononcé à cette occasion
un discours plein de principes utiles , ainsi que le citoyen
Agier , président .
On mande de Fontenay-le-Peuple que Charette a été indigné
de la conduite de Stoffet , qui commande dans la partie
qui s'étend depuis Chantenay , Montaigu , jusqu'aux Sables ,
etc., et qu'il l'avait fait destituer ; car ce Stoflet , ambitieux
et jaloux du pouvoir comme il l'est , aurait pu contrarier
les vues de pacification de Charette.
Vous ne sauriez vous figurer combien les rebelles sont
attachés à ce dernier. Ils ne jagent que par lui , ils veulent
bien se rendre , oui , mais si monsieur Charette y veut consentir.
Pourquoi abandonnerions - nous nos chefs , ils ne nous
ont point abandonné dans nos besoins ? Voilà le langage que
tiennent ordinairement les gens aveuglés et égarés de ce departement
; mais ce n'est pas leur seul motif ; ils se défient
de la garantie qu'on leur offre. Comme ils ont déja été trom²
pés une fois du tems de la tyrannie de Robespierre , ils ont
peur de l'être une seconde fois ; mais enfin on vient à bout
d'ébranler leur incrédulité et de lear inspirer des sentimens
de confiance pour la Convention nationale , qu'ils commencent
déja à regarder comme leur bienfaitrice . De la douceur , de
la douceur , et le triomphe de la République , dans ' ces ' con
trées , est assuré.
( 104 )
NOUVELLES OFFICIELLES.
ARMÉ DU RHIN ET DE LA MOSELLE.
A Treves , le 3 pluviôse , l'an 3e , de la République.
L'armée devant Luxembourg , citoyens collegues , bloque
cette place , et c'est en se disposant à s'en emparer qu'elle a
célébré l'anniversaire du jour mémorable où la liberté a repris
tons ses droits , du jour où la tête du tyran roi est tombée sous
le glaive de loi , du jour enfin qui a assuré à jamais le bonheur
du Peuple Français.
99 J'ai joint à l'ordre du général , et distribué à toutes les
tronpes , une proclamation dans laquelle je leur ai retracé cette
fameuse époque, et les victoires successives remportées depuis
sur l'ennemi . Bientôt , leur ai -je dit , Luxembourg tombera sous
Vos coups , et tout le territoire , jusqu'aux bords du Rhin , sera
purgé des vampires qui l'infestaient et écrasaient le peuple .
Les cris de Vive la République ! mille fois répétés , ont été
entendus & Luxembourg ; et l'ennemi aura senti de nouveau
qu'une armée , qui a manifesté ses sentimens d'un ton si
energique et si bien prononcé , ne peut être que victorieuse .
J'ai fait distribuer , ce jour- là , une double ration de viande
et d'eau - de-vie , à toute l'armée , et j'espere que vous ne désavouerez
point cette mesure . ") }
Salut et fraternité ,
Signé , NEVEU , représentant du peuple.
. P. S. Dans la séance du 13. on a annoncé la prise des
places de Williamstadt , Bréda , Gorcum et Berg- op- Zoom ;
de la flotte hollandaise retenue par les glaces dans le Texel ,
des ports de Briel et de Hallevoel -Sluys.
Y
Six cents Français prisonniers dans ce port ont été armés
secrétement, et ont fait prisonniers à leur tour 800 Anglais
qui devaient s'embarquer.
On envoie à Paris , comme prisonniers de guerre , les
princes de Salm-Salm et de Hohenlohe , qui ont été arrêtés
sur les glaces avec an aide - de- camp du général Clayrfait.
2
( N° 28, )
Jer . 1.3.5.
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 20 PLUVIOSE , l'an troisieme de la République.
( Dimanche 8 Février 1795 , vieux style. )
Explication des Charade et Logogriphe du No. 27 .
Le mot de la Charade est Garrosse ; "celui du Logogriphe
est Peau ; .où l'on trouve eau , pau peu.
POÉSI E.
ODE sur la prise de la Hollande , offerte à la Convention par
C. J. Trouvé , l'un des rédacteurs du Moniteur.
Qu'ai-Jé
U'AI - JE entendu ? le puis -je croire !
Quels sont ces miracles nouveaux ?
Quel est ce théâtre de gloire
Qui s'ouvre à nos brillans héros ?
ๆ ๆ
Muses , il est tems , prenons ma lyre ,
Et dans án sublime délire
Chantons des exploits si hardis ,
Et que sur les cordes glacées
Le feu brûlant de mes pensées
Ranime mes doigts engourdis .
?
Oh ! que j'admire le courage
De nos rapides conquérans !
Comme ils ont réparé l'outrage
Dont nous couvraient nos vils tyrans !
Dira-t- on encore à la France
Que c'est le fer de la vengeance
Qui préparait de si beaux faits P
L'innocence n'est plus flétrie ;
Depuis ce tems , ô ma Patrie !
Tu comptes les plus grands succès !
D'un joug honteux timide esclave
De sa vertu dégénéré ,
Le descendant du fier Batave ,
De mers , de feuyes entouré.
Tome XIV H
M
( 106 )
Croyait avec cette barriere
Borner la superbe carriere
De nos Soldats Républicains
Sous ce rempart de la faiblesse
I osait , dans sa folle ivresse ,
Défier nos heureux destins .........
Orgueil fatal ! vaine insolence !
La nature s'arme avec nous.
Dans les airs l'aquilon s'élance .
Ardent ; enflammé de courroux ;
Des eaux l'immobile surface
Tout- à- coup s'épaissit en glace ,
Du triomphe illustre sentier !
Et dans cette immense étendue
La gloire semble descendue ,
Compagne de chaque guerrier.
Fuyez , mercenaires cohortes ,
L'or ne donne point la valeur ;
Cité marchande , ouvre tes portes
Un Peuple libre est ton vainqueur .
Si l'onde , plus officieuse ,
Rompit la marche ambitieuse
D'un usurpateur de nos droits ;
Vois-tu comme elle est impuissante
Devant la Vertu triomphante
Qui dompte et fait trembler les rois
Ainsi , nous rendrons à la Terre
Et le repos et le bonheur !
Ainsi , du démon de la guerre
Nous enchaînerons la fureur.
O douce paix ! vierge timide
Reviens , que l'olivier te guide
Dans les bras de la Liberté !
Reviens , bienfesante immortelle
Entends la France qui t'appelle
Au secours de l'humanité !
( 107 )
BEAUX ARTS.
Analyse du rapport sur l'état actuel du PANTHEON FRANÇAIS ,
fait par ANTOINE QUATREMERE .
DEPUIS
EPUIS plus d'un an qu'a paru ce rapport intéressant ,
personne ne s'est empressé de le faire connaître . Il ne
faut pas s'en étonner ; l'auteur était du nombre des
artistes célebres que l'on persécutait , et l'on sait qu'il
n'était pas plus permis alors de s'occuper des produc
tions du talent que d'en avoir. Aujourd'hui que le tems
et l'opinion ont fait justice des persécuteurs , avoir à
parler du mérite persécuté , n'est plus un motif pour se
dispenser de publier ses travaux quand ils ont été utiles ;
-c'est un intérêt de plus que le sentiment ajoute au plaisir
et au devoir d'être juste .
Le Panthéon Français , érigé aux grands hommes par la
Patrie reconnaissante , est un de ces monumens qui n'intéressent
pas moins sous les rapports de l'art , que par
les sentimens qu'ils réveillent dans les coeurs qu'enflamme
l'amour de la gloire et le bonheur de servir
leur pays . Il n'est aucun Français qui , sachant comment la
Patrie récompense , ne soit curieux de connaître ce
temple que l'immortalité ouvre au génie et aux vertus
pour en faire l'apothéose .
Cet édifice , l'un des plus beaux et des plus parfaits
dont puisse s'honorer la création de l'art , avait été élevé
pour une autre destination . C'était un temple religieux ,
L'Assemblée constituante en a fait un temple de mé
moire ; il a moins changé d'objet que de forme , car le
culte des grands hommes est une religion pour la Patrie
. Il fallait l'approprier à son nouvel usage , en conservant
tout ce qu'il était impossible de détruire sans
altérer l'unité de ce monument , et en lui donnant tous
les attributs qui devaient le caractériser. Ce soin fut
confié à la direction du citoyen Quatremere ; on va
juger s'il a rempli dignement ce but.
On se ferait une idée bien imparfaite de ce rapport.
si l'on croyait qu'il n'offre qu'une énumération seche
et fastidieuse de changemens et d'opérations purement
matérielles. L'homme de lettres y parle toujours la langue
de l'artiste , et l'artiste y montre tout le goût de l'homme
H &
( 108 )
de lettres . Les principes de la théorie y sont éclairés du
flambeau de la critique , et appuyés d'une connaissance
profonde de l'antique , et de ce sentiment du beau et
du vrai , sans lequel les beaux arts ne sont plus qu'une
servile routine.
Ce rapport offre deux parties . Dans la premiere on
rend compte des changemens qui ont été faits au Panthéon
. Dans la seconde on explique les motifs de ces
changemens. La premiere est purement descriptive ; la
seconde est toute de préceptes et de critique .
De l'extérieur du Panthéon .
De toutes les parties du monument , celle qui devait
plus appeller à soi les secours de l'art et les ressources de
'allégorie , pour répondre au caractere nouveau qu'exigeait
une destination nouvelle , était sans doute le péristyle
.
Soufflot avait conçu il y a quarante ans l'idée d'élever
un péristyle surmonté d'un fronton , L'idée parut neuve ;
il n'y avait de nouveau que l'ignorance des hommes
d'alors . Le projet parut hardi ; il l'était en effet , car les
dimensions en étaient gigantesques et les moyens d'exécution
puérils. Il réussit enfin , et pour qui connaît les
difficultés qn'il eut à vaincre , l'entreprise mérite des
éloges. Cependant une sorte de timidité se mêla à la hardiesse
de la conception . L'auteur n'avait pas osé donner
au bas - relief de son fronton la saillie convenable ; il
avait restreint lui -même les moyens de la sculpture ;
tout enfin , jusqu'au sujet choisi , s'était accordé pour
qu'une si belle occasion de développer un grand talent ,
fût perdue .
La belle inscription qui a remplacé dans la frise l'insipide
et lourd enroulement dont elle était chargée , est
devenue , d'une maniere toute naturelle , l'argument et
l'explication tout-à-la-fois du sujet que Moitte a traité
dans son fronton : c'est aux grands hommes que la Patrio
reconnaissante a consacré ce monument.
C'est aussi la Patrie qui paraît dans ce bas - relief comme
la divinité principale du temple . Des symboles caractéristiques
de la France l'accompagnent ; un autel chargé de
festons et de signes rémuneratifs est à côté d'elle ; elle y- a
pris les couronnes de chêne qu'elle tient , et que ses deux
bras étendus présentent à l'émulation publique. L'une
d'elles vient se reposer sur la tête de la vertu à son air
( 109 )
timide , à son maintien modeste , l'artiste a voulu faire éntendre
que la véritable vertu se contente de mériter les
récompenses ; qu'elle ne sait ni les solliciter ni les fuir ,
mais quela Patrie saura toujours la trouver et la prévenira
Un caractere tout différent brille et se développe dans
la figure opposée . C'est le génie personnifié sous la
forme d'un beau jeune homme aîlé ; une massue , sym
bole de la force qui dompte tous les obstacles , est dans
sa main gauche ; il nefaut que lui montrer la récompense ,
aussi sa main droite saisit la couronne que tient la Patrie .
Son air , son attitude et toute l'expression de la figure
annoncent la hardiesse , et ce desir de gloire et cette
ambition des récompenses qui sont l'aliment du génie .
Comme la vertu attend la couronne , le génie l'arrache .
Tels sont les principaux traits qui différencient ces deux
figures .
Mais ce qui forme leur cortége , ou ce qui vient à leur
suite , en prononce encore mieux le caractere .
Derriere la vertu , plane en l'air le génie de la liberté ; '
il tient d'une main le Palladium de France , l'autre saisit
par leurs crinieres et conduit, comme en triomphe, deux
lions attelés à un char rempli des principaux attributs
des vertus . Ce char a terrassé le despotisme ; on le reconnaît
à une figure renversée sur des ruines , à ses regrets
et au poignard qui lui reste , et qu'il va tourner contre
lui-même.
Le triomphe du génie est d'un autre genre . Ses vraies
conquêtes sont sur l'erreur ; c'est à ce prix qu'il aura
dorénavant accès dans le temple de la Patrie ; tel est le
sens du grouppe qui termine la partie gauche du fronton .
y voit le génie de la philosophie , armé du flambeau
de la vérité , qui combat l'erreur et le préjugé .
On
L'artiste les a représentés sous la forme du griffon ,
animal chimérique qui , dans le langage de l'allégorie
est devenu le symbole de l'erreur ; l'un d'eux recule à
la lueur du flambeau qui détruit les prestiges ; l'autre
expire sous les pieds du génie . Le char auquel ils étaient
attelés offre , renversés et culbutés , tous les emblêmes des
diverses superstitions.Le lituus , les tables hieroglyphiques,
les instrumens des mysteres , le trépied sacré , tous ces
signes qui ont long - tems abusé l'imagination en trompant
les sens , rendent dans leur chute hommage au génie de
la raison , et occupent la partie la plus rampante d
fronton .
Cinq bas reliefs ornent le dessous du péristyle ; celui
H 3
( 110 )
du milieu , qui est de Boichot , a pour sujet la déclaration
des droits. C'est la nature sous la forme d'une
femme , moitié nue et moitié vêtue , pour exprimet que
jamais l'homme ne la connaîtra toute entiere ; qui
occupe le milieu de la composition ; elle tient une corne
d'abondance , symbole de la production . Le vautour ,
emblême de la destruction , est à ses pieds ; son autre
main s'appuie sur la table des droits de l'homme qu'elle
présente à la France étonnée . La nature àmene à sa suite
ses deux compagnes , l'égalité et la liberté. La renommée
se voit on l'air ; elle annonce à tous les peuples le rẻ-
veil de la France , et le regne de la liberté .
Le premier du côté droit est de le Sueur. Cet artiste y
a exprimé l'instruction publique ; la Patrie la présente
aux peres et meres de famille . Des jeunes gens et de
jeunes filles vont au devant d'elle , et de jeunes enfans
l'embrassent comme leur mere . L'artiste a voulu faire
entendre que l'instruction du bas âge est de toutes la plus
importante.
Le second , du même côté , représente la nouvelle
jurisprudence . La Patrie , assise à l'entrée du temple des
lois , montre à l'innocence la statue de la justice , et la
salutaire institution du jury . L'innocence embrasse avec
empressement cette statue tutélaire. Deux figures , savoir
la jurisprudence civile et criminelle , sont debout , et
semblent jouir du plaisir qu'elles auront à n'être plus
que les défenseurs des innocens . Cet ouvrage est de
Rolland.
Comme toute bonne société doit établir l'instruction
et la justice pour tous , tous doivent en retour à la société
T'obéissance aux lois et le sacrifice de leur personne à la
chose publique ; tels sont les motifs des deux bas - reliefs
du côté gauche .
Le premier , représentant le dévouement patriotique ,
est de Chaudet. On y voit un guerrier mourant pour la
défense de la République . Le génie de la gloire et celui
de la force le soutiennent expirant . Sa main défaillante
dépose sur l'autel de la Patrie le fer qu'il employa pour
elle , et ses demiers regards sont encore pour la Patrie ,
qui s'avance à lui , en lui présentant la couronne du martyre
civique .
Le second , du même côté , est l'empire de la loi . C'est
encore la Patrie , le sceptre en main , qui apprend au
peuple que les lois qu'elle lui présente sont l'expression
de la volonté générale .A ce signal un vieillard se prosterne
1
( 111 )
et jure d'y obéir ; un jeune guerrier s'avance etjure de la
défendre. Ce bas- relief est de Fartin.
Au- dessous des quatre bas - reliefs qui accompagnent
celui du milieu , on a remplacé les quatre ornemens en
grecque qui n'étaient là que pour occuper de l'espace
par des épigraphes analogues à chacun des bas- reliefs .
Six figures ou statues colossales embélissent le péristyle
.
Sous le bas - relief de l'instruction publique , c'est- à,
dire au côté droit du péristyle , s'éleve un grouppe ,,
ouvrage de Chaudet , haut de neuf à dix pieds , qui représente
la philosophie instruisant un jeune homme , et
lui montrant le chemin de la gloire et de la vertu,
La seconde figure est de Rolland : elle représente la
loi dans l'acte du commandement ; elle a treize pieds
de proportion.
La troisieme est la force , sous l'emblême d'Hercule
elle est de Boichot.
Le quatrieme sujet est un grouppe représentant un
guerrier mourant dans les bras de la Patrie. L'auteur est
Masson.
Les deux dernieres figures , par lesquelles on aurait pu
commencer cette description , puisqu'elles se trouvent
en avantdu péristyle et sur les deux massifs de l'escalier ,
sont la liberté , par Lorta , et l'égalité , par Lucas .
Les contours extérieurs du Panthéon n'ont reçu que
quelques changemens de décoration , les croisées ont
été supprimées , et les tours, ont disparu .
La Coupole était après le péristyle , l'objet extérieur
qui sollicitait le plus quelqu'un de ces oliangemens caractéristiques
, propres à lui redonner une signification.
moins bannale , et susceptible de se concilier avec la
forme de ce vaste et dispendieux couronnement. La lanterne
qui lai servait d'amortissement a disparu , et à sa
place s'élevera une statue colossale représentant la renommée.
Elle est du citoyen Dejoux , et sera fondue en
bronze par le citoyen Getty.
En combinant le piédestal avec le colosse qu'il doit
porter, on a trouvé encore le moyen de le rendre utila
sous un autre rapport.
L'académie des sciences avait desiré établir un observatoire
sur le sommet de la coupole du Panthéon. Ca
point , le plus élevé que l'on connaisse à Paris , à déja
servi à l'observation du méridien. Les astronomes qui
s'occupent de ce travail avaient besoin d'un local clos et
HA
( 112 )
commode , soit pour leurs opérations , soit pour la sûreté
de leurs instrumens ; celui qui leur convient s'est trouvé
précisément en rapport , et avec l'étendue du piédestal ,
et avec sa configuration .
Le demi- globe , sur lequel la renommée a le pied ,
forme la voûte d'une petite chambre circulaire , percée
de douze petites croisées propres aux observations ; la
chambre est prise dans le corps même du piedestal. Ainsi
ce nouveau couronnement aura lavantage complet de
réunir aux beautés de l'art une destination utile à la
science .
L'immensité de la vue dont la hauteur de la coupole
offre le plaisir , a dû faire chercher les moyens d'en faire
jouir les curieux , et une galerie tournante autour du
socle les recevra sans danger ; elle aura de plus l'avantage
de tronquer une partie de la pointe de la coupole , dont
la forme ne peut que gagner à cette légere diminution .
En couronnant le sommet du Panthéon par la statue
de la renommée , il était naturel que cette figure représentée
publiant les louanges des grands hommes , s'élevât
au milieu des vertus qu'elle chante .
La construction de la coupole et son ordonnance ont
paru propres à réaliser cette conception morale . Sa color
nade extérieure , composée de trente- deux colonnes , présente
au génie de la décoration une magnifique série de
statues qui se trouvant placées immédiatement au- dessous
de celle de la renommée , lui feront le plus bel et le plus
analogue accompagnement.
De l'intérieur du Panthéon.
Les moyens que l'architecture emploie pour produire
le caractere qu'elle se propose , réduits à leur valeur abstractive
, consiste dans le plus ou le moins de division des
objets.Divisez beaucoup ,vous avez ce que l'on est convcru
d'appeller un style gai ou léger : rapprochez -vous le plus
possible de l'unité , ou , ce qui est la même chose , siaplifiez
, vous acquérez un caractere grave ou sévere . C'est
que la multiplicité des objets produit la distraction de
l'esprit ; c'est que l'unité de motif concentre la pensée ,
en opere le recueillement , comme la monotonie , qui
n'est que l'exces de l'unité , fatigue nos sensations par la
trop grande répétition de la même impression .
I
C'est d'après ces principes avoués par le bon goût
qu'ont été dirigés tous les changemens , toutes les sup(
113 )
"
pressions ornemens superflus , soit dans les voůtěs ,
soit dans l'imposte , la frise et les pendentifs.
La division de l'édifice en quatre nefs inspirera sans
doute une classification toute naturelle des grands
hommes , dont les effigies trouveront place dans co
temple . Quelque parti que l'on prenne à cet égard ,
il fallait toujours adopter un systême dans la répartition
des allégories , et ce systême était indiqué par
le motif même de l'édifice .
Un monument consacré aux grands hommes , l'est
avant tout aux vertus et aux talens qui font les grands
hommes. Il convenait donc d'exprimer et de rendre
sensibles tous les titres d'honneurs et de mérite dont
se compose leur réputation .
Il convenait qu'aucun homme ne pût trouver place
dans cet élisée sans y rencontrer au moins les signes
correspondans des objets qui furent autrefois le charme
de sa vie , et sont devenus la source de sa gloire .
C'est d'après cette idée toute naturelle que s'est
opérée la division des allégories des quatre nefs , dont
l'une est consacrée à la philosophie , l'autre au patriotisme
; la troisieme aux seiences ; la quatrieme aux
arts .
La nef d'entrée offrait dans la petite coupole ovale
qui domine la tribune , quatre petits pendentifs jadis
occupés par de petits grouppes d'anges ; ils ont été
remplacés par quatre sujets en ornemens qui , sous
les emblêmes différens de quatre animaux ailés , représentent
l'apothéose de la philosophie , de la vertu ,
de la science et du génie .
Le premier pendentif , à main droite du spectateur.
en entrant , a pour sujet l'histoire . Son auteur , Stouf,
l'a représentée sous la figure d'une femme tranquille
au milieu des éclats de la foudre , écrivant sur les
aîles du tems les catastrophes et les révolutions des
empires. C'est ce qu'on lit sur une table que le tems
lui présente , et encore mieux , aux débris de sceptres
et de couronnes que la muse de l'histoire foule aux
pieds.
La science politique forme le sujet du premier basrelief
, à gauche ; il se compose de deux figures dont
l'une est la force , et l'autre la sagesse qui maintient
le gouvernail et le faisceau de la République
ouvrage est d'Auger.
: cet
Le troisieme , du même côté , est la législation .
( 114 )
par du Pasqnier. C'est la science des lois , inspirée
par l'effigie de Licurgue , qui écrit son code et le
présente à la République , dont une ruche fait l'emblême.
Le quatrieme , à droite , est la morale , représentée
par une femme instruisant un jeune homme , et lui
montrant cette sentence qui est la base de tout ordre
social Comme toi , traite ton semblable. Ce bas - relief
est de Beauvallet.
La nefseptentrionale , ou celle de la croisée à gauche en
entrant , est consacrée aux sciences ; ses voûtes portent
les attributs de la physique , de la géométrie , de
l'astronomie et de l'agriculture .
La physique , par Baccarit , se présente sous la figure
d'une femme qui est la science soulevant le voile qui
cachait la nature. 4
Son bas-relief correspondant représente l'agriculture
avec ses instrumens aratoires , et les productions qui
sont la vraie richesse des états . La patrie lui offre la couronne
rémunérative des travaux utiles . Lucas est l'auteur
de ce bas - relief.
Suzanne a personnifié la géométrie sous la figure de
deux femmes , dont l'une qui est la théorie , se reconnaît
à la lampe , symbole de l'étude . Elle dirige et
conduit dans ses opérations une autre figure , qui est
la géométrie pratique , occupée à tracer sur le globe
la nouvelle division de la France en départemens.
L'astronomie est le quatrieme sujet . Long- tems avant
que le nouveau calendrier fût decrété , le motif en avait
été tracé au Panthéon , dans le bas- relief de Delaistre.
Cet artiste y a figuré l'astronomie , montrant à la chronologie
dans le zodiaque le signe de l'équinoxe d'automne
, comme devant servir d'époque à la nouvelle
année . La chronologie écrit sur un cippe ce nouvel ère
de la République Française .
La nef opposée , ou la méridionale , est affectée aux
arts , et ses symboles en constatent la désignation par des
caracteres non équivoques .
Chacun des bas- reliefs de ses quatre pendentifs a
pour sujet deux figures allégoriques d'arts .
Le premier à gauche en entrant est de Chardin ; l'on y
voit le génie de la poësie , et celui de l'éloquence , qui
oubragent de lauriers les portraits du plus grand de tous
les poëtes , et du premier des orateurs .
La navigation et le commerce , l'une assise sur une 1
( 115 )
4
proue de vaisseau et appuyée sur la boussole ; l'autre ,
sous les traits du dieu des marchands , et tenant le décret
sur la liberté du commerce , forme le pendant , qui est
de Blaise.
Des deux autres , l'un , ouvrage de Ramey , se compose
de la musique et de l'architecture , sous les traits de deux
femmes , que leurs accessoires font aisément reconnaître .
La premiere tient la lyre d'une main , et de l'autre l'hymne
à la Patrie ; la seconde porte un compas , et s'appuie sur
la coupole du Panthéon.
Dans son pendant , fait par Petitot , se voient la peinture
et la sculpture avec leurs attributs caractéristiques . L'ar
tiste les a représentées tenant une couronne qui va se
placer sur un buste ; c'est celui de la sagesse ou de la
vertu. L'inscription gravée sur ce cippe explique l'idée
morale de l'artiste , et celle que l'on doit prendre de
l'emploi de ces arts dans leur application aux rècompenses
qu'ils savent décerner.
La nef du fond , ou la partie orientale du monument,
est affectée aux vertus patriotiques , elles sont exprimées
dans ses quatre pendentifs , sous les emblêmes suivans :
Le premier , à droite , selon l'ordre déja suivi dans
chaque nef , a été'exécuté par Cartellier , qui a représenté
la force sous la figure d'un guerrier, tenant d'une main
la massue , et de l'autre la victoire . La prudence est à
côté de lui , qui , dans son langage allégorique , lei apprend
que si la force gagne les victoires , c'est la sagesse
qui les conserve et peut seule les couronner.
La bonne -foi et la fraternité occupent le pendant
dont Foucou est l'auteur. La bonne -foi s'est toujours
exprimée par l'emblême de deux mains jointes . C'est
aussi le geste des deux figures que le sculpteur a mises
en action dans son sujet . Un autel situé au milieu d'elles
indique la sainteté de leur serment .
Masson , chargé du troisieme bas-relief, a pour sujet
le dévouement patriotique ; c'est un citoyen mourant ,
que l'amour de la Patrie soutient dans le moment où .
celle-ci fait briller à ses yeux la couronne civique ..
Le désintéressement a été rendu par Lorta , dans le
dernier pendentif , sous ce trait que l'histoire de la
révolution a consacré dans ses fastes. On n'a pas oublié
que des citoyennes de Paris furent les premieres à faire
offrande à la Patrie de leurs bijoux , et que ces citoyennes
étaient des femmes d'artistes : il était juste que la main
de l'art éternisât ce souvenir. Il se trouve ici rappellé
1.
( 116 )
dans la figure de deux femmes , dont l'une détache ses
pendans d'oreille , et l'autre dépose ses colliers , ses bracelets
et tous ses joyaux sur l'autel de la Patrie .
Au fond de la nef, qui forme le chevet du monument
ou l'hémicycle , sera placée l'effigie colossale de la
Patrie une voûte ovale , correspondante à celle de la
tribune d'entrée , présente quatre petits pendentifs qui
recevront quatre emblêmes différens , représentés par
quatre amours ailés , caractérisant l'amour de la patrie.
L'un est l'amour faisant une offrande à la Patrie , l'autre
en reçoit une couronne et chante ses bienfaits ; le troisieme
combat pour elle , et la couvre de son bouclier ;
le quatrieme exprime le plaisir qu'on trouve à mourir
pour sa défense . Ces quatre sujets sont de Boquet.
Il conviendra que le reste de cette niche participe et
à la décoration générale , et au motif de cette décoration.
Le citoyen Quatremere propose d'y faire figurer
le simulacre de la patrie , et voici quelles sont ses idées :
Assise sur son trône , ses deux génies tutélaires lui
serviraient d'appui ; l'un serait la liberté , portant d'une
main la pique surmontée de son signe caractéristique ,
et lui présentant de l'autre ce monument qui , après
avoir été le symbole de l'esclavage , est devenu l'emblême
de sa destruction . Le bras gauche de la Patriè
s'appuyerait sur le génie de l'égalité , et offrirait aux
yeux le niveau , vainqueur des préjugés , tandis que sa
main droite , soutenue par la liberté , éleverait et ferait
briller la palme qu'elle , réserve aux vrais amis de la
Patrie .
Ce grouppe serait porté sur un soubassement , enrichi
de bas- reliefs et d'allusions philosophiques ; de
grands degrés le sépareraient du sol de l'édifice , et des
autels , en forme de candelabres , brûleraient à ses
côtés .
Au milieu de l'intérieur du dôme que forme la coupole
serait placé l'autel de la Patrie , de maniere qu'en
entrant il paraîtrait arriver au pied du colosse . Cet autel
qui serait établi à demeure serait propre aux cérémonies
civiques que l'usage y réglera. Des statues du même
genre que celles qui ornent le péristyle devront orner
les pans coupés des piliers du dôme ; elles pourraient ,
quant aux sujets , correspondre au motif de l'autel .
Sur les quatre grands pendentifs de la coupole seront
quatre bas-reliefs représentant de grands génies ailės , de
la proportion de 15 pieds . Chacun d'eux dans une atti(
117 )
+
tude et un développemeut différens , sont comme le
résumé du sujet de chaque nef.
Le premier est le génie de la philosophie tenant
le flambeau de la vérité d'une main , un joug brisé et
des chaînes rompues de l'autre ; un globe est sous ses
pieds avec les emblêmes des préjugés , et le griffon qui
est le symbole de l'erreur ; sa tête est ornée de rayons,
Le génie de la vertu , considéré sous le rapport politique
de force ou d'amour de la patrie , lui fait pendant ;
il est coëffé de la peau de lion' , il tient la massue et la
pique qui vient de percer le monstre abattu sous ses
pieds.
Le génie des sciences avec une couronne étoilée , fait
le troisieme sujet ; il tient l'emblême antique de la nature
( ou la Diane d'Ephèse ) ; le globe terrestre est sous ses
pieds , et la sphère céleste , figurée par le zodiaque , est
dans sa main ; il est accompagné du sphinx et des instrumens
de la science .
Le génie des arts , couronné de fleurs , cat le sujet du
quatrieme ; il tient d'une main la lyre , symbole de l'harmonie
qui caractérise tous les arts. Le pouvoir des arts et
de l'harmonie sur les moeurs des peuples et leur sivilisation
, est exprimé par le lion enchaîné qui mord le frein
que tient l'autre main du génie .
Le premier de ces bas-reliefs est de Pasquier ; le second ,
de Ramey ; le troisieme : de Baccarit , le quatrieme
d'Auger.
Quant au pavé de ce beau monument qui est tour
entier à faire , le citoyen Quatremere propose d'y employer
le marbre blanc veině d'Italie , et le bleu turchin
qui réunirait l'avantage de ne point trancher avec le reste
de l'édifice , et d'avoir une égale dureté .
Telle est l'idée qu'on peut se former de l'extérieur et
de l'intérieur de ce grand monument. Nous réservons
pour un autre article le développement de l'esprit et des
raisons qui ont dû solliciter les changemens opérés , et
empêcher d'en faire d'autres.
( 118 )
PHILOSOPHIE CRITIQUE.
PREMIERE LETTRE DU POLÉMOPHILE AU RÉDACTEUR .
masteres
Sur les caracteres de l'Opinion .
En commençant avec vous une correspondance que
je me propose de suivre , et que je tâcherai de ne pas
rendre inutile , je dois débuter par me faire connaître.
Mon nom , tout grec qu'il est , ne doit point vous effaroucher;
tant de gens se sont empressés d'oublier qu'ils
étaient fils de leur pere , et de se greffer sur de beaux
plants , sans cesser pour cela de rester sauvageon , qu'il
ne faut
pas vous étonner que je sois allé faire un emprunt
dans la Grece . Passe encore si l'on neût fait que
voler les anciens , les modernes y auraient moins perdu ,
et tout se fût terminé par le ridicule .
la
Chacun a eu ses goûts dans la révolution . Les uns se
sont plus dans le pillage , les autres à égorger ; de toutes
les fantaisies ce sont sans doute les plus funestes pour
pauvre espece humaine . Que les janus à double visage
aient caressé tous les partis , sans jamais se soucier de la
liberté ni du salut du peuple ; que les sots se soient crus
les plus habiles gens du monde , et comme tels se soient
assis à toutes les places , il n'y a rien là qui ne soit dans
l'ordre de la bassesse ou de l'ignorance présomptueuse .
Que , tandis que les pervers , les insoucians , les sots et
les bavards se disputent le triste privilége de déchirer
notre malheureuse patrie ou de le souffrir , ' nos braves
défenseurs , volant de conquêtes en conquêtes , aient
constamment soutenu le grand caractere de véritables
amis de la liberté , et prouvé ce qu'était le patriotisme ,
quand tant d'autres se perdaient en honteuses disputes ,
sans jamais s'entendre ni sur le mot ni sur la chose , c'est
un dévoûment pour lequel il n'y a pas assez de mains
pour applaudir , ni de bouches pour louer. Ne pouvant
partager de tous les goûts le plus glorieux et le plus
pénible , je me suis voué à un autre genre de guerre , qui
à bien aussi ses dangers et sa gloire , c'est celle des vices,
des erreurs , des sottises . Vous voyez tout de suite pourquoi
je m'appelle Polemophile. Mon nom est aussi ancien
que la chose , et malheureusement je n'ai pas l'espérance
de mourir sans postérité.
( 119 )
Je ne suis pas sans besogne , comme vous pouvez le
croire , et mon embarras n'est que dans le choix de mes
adversaires ; je voudrais pouvoir les combattre tous à- lafois
.Je ne crois pas avoir mal rempli ma tâche jusqu'à ce
jour , quoique j'aie été peu jaloux de lever ma visiere et
d'inscrire mon nom sur mon bouclier. Je ne dirai pas
comme Tancréde :
Que mon nom soit caché , puisqu'on le persécute
Peut-être en d'autres lieux , il est célebre assez ;
on m'assure qu'on ne persécute plus aujourd'hui , et je
veux bien m'y fier ; et je préfere à la célébrité , le plaisir
d'être utile, le plus obscurément possible.
Je rencontrai , il y a quelques jours , un de ces
hommes qu'on appellait naguères patriotes par excellence ;
ah ! me dit-il , tout est perdu ; la contre-révolution est
faite. -Comment la contre-révolution ! il me semble ,
au contraire , que la révolution n'a jamais marché d'un
pas plus sûr et plus rapide vers son but. Peut-être fau
drait- il avant tout s'entendre sur ce mot révolution . Vous
en aviez fait une à votre maniere , elle était bien terrible.
-Eh! ne voyez-vous pas que le royalisme et l'aristo
cratie triomphent. Les patriotes sont opprimés . II
ya si long- tems que j'entends répéter cela que je ne
crois ni à votre royalisme , ni à votre aristocratie , ni à
vos patriotes. Quand vous faisiez couler à grands flots
et sans aucune forme de procès , le sang des citoyens.
vous disiez que c'était pour abattre la tête du royalisme
et de l'aristocratie ; il faut que cette tête soit
celle de l'hydre , car vous en avez tant coupé , tang
coupé , qu'il ne devrait plus y en avoir. Vous res
semblez aux prêtres de toutes les religions qui faisaient
égorger pour la plus grande gloire de Dieu , et
qui outrageaient le Dieu qu'ils invoquaient. Mais Frefon
et Tallien et tous ces horribles pamphlets , qui
corrompent et royalisent l'esprit public. Encore votre
royalisme ; vous avez la jaunisse et vous prêtez à tous
les objeis la couleur de vos yeux. J'ai lu toutes ces
feuilles ; j'y ai touvé quelques vérités et beauconp
de passions , mais pas un mot de royalime . Aimeriez
-vous mieux les formes acerbes ? Et quand personne
n'aurait la liberté ni de penser , ni de parler , ni d'écrire,
vous auriez là une belle liberté !
-
-
Mais Duhem à l'Abbaye et cette jeunesse insolente
avec ses auto - da-fé , et le buste de Maras , de l'ami du
( 110 )
Code
Peuple , profané , outragé , débusqué du théâtre de la
rue Feydeau , ne comptez-vous cela pour rien ? Pas
pour grand'chose. Si Duhem et tous vos crétois avaient
une once de ce patriotisme dont vous parlez tant , ne
sacrifieraient-ils pas leurs passions à l'intérêt de la Répu
blique ? Il faut que la Convention soit respectée . Votre
Marat n'était pas plus l'ami du Peuple que tous ses suc
cesseurs qui se sont parés de ce beau nom . Vous avez
tiré tous les saints du paradis ; on a un peu houspillé le
vôtre . C'est un rendu . Les mouvemens de cette jeunesse ,
peut- être un peu tumultueuse , ne sont que l'effet naturel
de la réaction que produit toujours une longue et violente
oppression ... Mon interlocuteur interrompt brusquement
l'entretien et me quitte , en disant : Je vous
plains , dans peu vous serez détrompé ; nous avons pour
nous l'opinion.
-
-
Un autre que j'avais connu pour un de ces Janus dont
je vous ai parlé , m'aborde . - Eh bien , nos affaires
vont mal. Quelles affaires ? La révolution , elle
ne peut pas se soutenir , la République est une chimere .
Pourquoi cela ? C'est que c'est impossible.... On
a tout détruit , tout égorgé... On ne s'entend pas ...Il n'y
a point de gouvernement.... Et puis nos finances , la
cherté des denrées ...... On n'a de rien , on ne vit plus..
J'entends , vous en êtes seulement au chapitre des
alarmes et des privations ; vous auriez voulu qu'une révolution
se fit d'un coup de baguette comme le changement
d'une décoration de l'Opera , et parce que la liberté
a été souillée et vous coûte la perte de quelques jouis
sances , vous croyez que la liberté ne peut subsister,
Ma foi je le crains . Dites plutôt que vous l'esperez .
Mais mon patriotisme ; Me paraît très équivoque.
A ces mots , mon homme s'enfuit et me laisse pour
toute réponse :J'en suis fâché , mais çà ne peut être autrement
; c'est l'opinion .
Je cheminais , réfléchissant sur la folie de mes deux
hommes , lorsque je me sens tirer par le bras . Je suis
charmé de vous voir , vous ne vous plaindrez plus ;
cela ya maintenant ; — Pas aussi bien que je le voudrais ;
Vous êtes difficile ; nous avons déclaré une guerre à
mort à tous ces terroristes ; il faut que leur tête tombe ; la
justice est à l'ordre du jour . - Je voudrais qu'on y eût mis
en même-tems la raison et qu'on eût déclaré la guerre aux
passions qui ont tout gâté. Vous voilà avec votre philosophie
il s'agit bien de sagesse avec les fous , nî de
--
Yertu
( 121 )
ventu avec les scélérats ; il n'y a pour eux que l'échafaud .
Il est teras que l'opinion triomphe ; adieu.
Bon ,
Eh ! quoi , me disais -je à moi - même , l'un voit la
contre- révolution , parce qu'on ne verse plus de sang ;
l'autre désespere de la révolution , parce qu'on en a trop
versé , et le troisieme veut qu'on en verse encore , et tous
trois en vertu de l'opinion . Qu'est - ce donc que l'opinion?
Je fis part de mes trois colloques à un quatrieme qui ve ·
nait de m'accoster, et que je savais être l'Alceste de la révolution
dont tant d'autres ont été les Philimtes .
me dit-il , est -ce qu'il y a une opinion en France . En 1791 ,
on ne parlait que de la constitution monarchique ; tout
le monde se ralliait autour d'elle , elle devait être impérissable
, c'était l'opinion universelle . En 1792 , il n'a plus
été question que de la République . Quand le parti de
Robespierre eut subjugué tous les autres partis , toutes
les adresses de félicitations arriverent à la file ; on ne
parla que du triomphe de la montagne , et l'on disait que
l'opinion était bien prononcée . Robespierre a été culbuté ,
et l'opinion a pris tout- à- coup un autre langage . Si la
chance des événemens eût tourné d'une autre manière ,
vous eussiez entendu de belles acclamations . On eut
dit que la municipalité de Paris et la montagne avaient
sauvé encore une fois la chose publique , et toujours
on se serait fondé sur l'opinion . Pauvres Français , nous
n'avons ni principes fixes , ni caractere , ni tenue ; nous
sommes encore à bien des égards ce que nous avons été.
Il y a , lui répondis -je , autant d'humeur que d'exagération
dans votre diatribe . Ceci mérite quelque discussion
; nous sommes dans le jardin national , tâchons d'approfondir
un peu cette matiere sur laquelle je vois tant
d'opinions divergentes , propos de l'opinion . Voici
à-peu-près quel fut l'ensemble de mes idées :
Vous n'êtes pas assez injuste , et vous êtes trop éclairé ,
pour faire un reproche à la nation d'avoir cru à la constitutión
de 1791. L'idée du bien séduit aisément un peuple
, quand il a eu à souffrir un long mal. On voulait un
meilleur gouvernement : on le cherchait , on crut le trouver
dans la constitution de 1791 , et on l'embrassa . Mais
il en est des idées politiques , comme de tous les autres
progrès de l'esprit humain ; une découverte en amene
une autre , et le siecle suivant réforme quelquefois l'opinion
du siecle qui l'a précédé , jusqu'à ce qu'elle soit
réformée à son tour. Quand Descartes eut imaginé son systême
du monde , toute l'europe savante fut cartésienne.
Newton découvrit d'autres lois , et on les adopta , parce
Tome XIV.
1
( 122 )
qu'on crut y trouver la vérité. Si de nouveaux efforts
conduisaient à de nouveaux résultats plus satisfaisans ,
on les embrasserait encore . C'est une progression inévitable
de la perfectibilité . Appliquez ce principe à tout
ce que vous voudrez , il produira les mêmes effets , parce
qu'ils sont dans la nature des choses . Tant que les hommes
découvriront ou croiront découvrir le mieux , ne doutez
pas qu'ils ne le saisissent . Pourquoi exhumer cette pauvre
constitution de 91 ? Vous savez aussi bien que moi pour
quoi et comment elle mourut dans sa naissance ; cet enfant
déjà mal constitué , ne trouva point de nourice .
Je pourrais vous dire que les gens un peu instruits avaient
prédit sa fin , quoiqu'elle offrit d'excellentes choses dont
on a su bien profiter ; mais ceci nous éloignerait trop
de notre sujet ; ce n'est pas de l'histoire de la révolution
qu'il s'agit entre nous , mais des différentes causes
de la variation de l'opinion .
Avez-vous imaginé qu'une grande révolution se ferait
sans remuer de grands intérêts et réveiller de grandes
passions? De la diversité d'intérêts naît celle des partis ,
et de la contrariété des passions , leur fureur. Or il est dans
l'ordre que chaque parti prenne son esprit pour l'opinion.
C'est ce qui est arrivé à mes trois interlocuteurs ;
c'est ce qui est arrivé au parti de Robespierre . C'est ce
qui arrivera tant que les hommes auront des passions ,
et la plus aveugle , la plus terrible de toutes est l'amourpropre.
Je pourrais vous citer une foule d'exemples pris
hors de la révolution . Un auteur lit son' ouvrage ou sa
piece dans ses sociétés , et il est applaudi ; il prend le
suffrage de sa cotterie pour le jugement de l'opiniou , et
quand le public le réforme , il est si peu désabusé qu'il
en appelle à la postérité ; tant l'esprit humain porte partout
son caractere et ses faiblesses .
D'où je conclus que l'opinion d'un parti ne prouve
rien pour l'opinion publique , et que la révolution
ayant, par mille causes , varié dans sa marché , l'opinion
a dû suivre les mêmes variations .
Justement , me dit mon Alceste , vous rentrez dans
mes idées ; on a tant varié que je ne vois pas de raison
pour qu'on ne varie encore ; ce n'est pas avoir d'opinion
que d'en changer sans cesse .
Vous prenez , lui répondis -je , les différens modes de
l'opinion pour l'absence de l'opinion ; c'est une erreur.
Il y eu en France un voeu bien marqué , c'est celui
d'avoir un gouvernement libre ; sans cela la révolution ne
se fût pa faite ; et s'il était vrai que la République ne fût
( 123 )
pas dans l'opinion , soyez sûr qu'elle ne s'établirait pas ;
ear un peuple ne garde pas long-tems un gouvernement
qui lui répugne . L'opinion de la liberté a subi dans
son cours toutes les oscillations qu'a produites l'esprit
de parti . Il sera curieux de faire un jour l'histoire des
moyens employés par les différens meneurs pour
faire prévaloir leur opinion , et s'emparer de la multitude
; mais au milieu même de ces agitations , la multitude
souvent trompée sur les moyens , ne l'était pas
sur le but ; elle suivait son desir d'arriver au bien .
Voulez-vous savoir s'il y a véritablement une opinion
en France , voyez nos armées ; ce n'est pas pour
Brissot , ni pour Robespierre , ni pour aucun parti
qu'elles se sont battues ; c'est pour la République .
Constamment étrangeres à toute espece de factions ,
elles n'ont eu en vue , que le triomphe de la liberté et
la ruine de ses ennemis . Voyez ce qui s'est passé depuis
le 9 thermidor ; quelqu'ait été le succès apparent de la
derniere tyrannic , croyez qu'elle n'a jamais eu pour
elle l'opinion , car elle n'eût pas été détruite . L'opi
nion ne peut jamais être fondée que sur l'intérêt du
plus grand nombre . Les tyrans penvent commander
le silence et obtenir quelquefois des éloges , c'est le
tribut de la lâcheté ; mais l'opinion est incompatible
avec la terreur ; elle est le résultat libre des pensées
et des volontés . Pensez-vous qu'il y eût une société .
au monde , excepté les boureaux et les voleurs , où
l'on consentît long - tems de se laisser égorger , incar
cérer et piller par quelques scélérats . La véritable opinion
n'est pas celle qui paraît dominer ; quand Robespierre
et ses visirs avaient fait de la France un vaste
cimetiere , l'opinion était comprimée , mais elle ne
s'indignait pas moins de cet affreux systême . Le sentiment
spontané qui s'est manifesté depuis , contre toutes
ces horreurs , voilà l'opinion , parce qu'elle est puisée
dans l'intérêt de tous . C'est ce qui fera que le parti
qui cherche à exhumer les principes de Robespierre ,
ou tous autres qui pourraient avoir un air de famille ,
perdra chaque jour du peu de crédit qui lui reste ;
car c'est encore un des caracteres de l'opinion , de se
fortifier à mesure qu'elle recouvre son indépend ance ,
et qu'elle a le loisir de mesurer la profondeur des
playes que l'on a faites au corps social.
Quant aux questions politiques , il est naturel qu'elles
soient envisagées diversement ; l'opinion ne se forme
jamais mieux que par le choc des discussions. C'est alors
I a
( 124 )
qu'elle éprouve toutes les variations qui naissent du
principe que j ai indiqué ; l'esprit humain dans son tra
vail cherche et tâtonne , et va du faux au probable , et
du probable au vrai . Quelquefois l'opinion s'égare sur sa
route . Aussi, soit en révolution politique ou morale , soit
relativement à toute idée nouvelle sur laquelle l'esprit
humain ne s'est point encore assez exercé , y a - t - il souvent
une opinion que j'appellerai de circonstance . C'est
dans ce sens que l'on a dit que l'opinion est la reine du
monde ; par - tout où elle existe , elle gouverne ; mais son
regne n'est pes toujours durable , et comme elle n'est
que l'expression des idées d'un peuple et de l'étal actuel
de l'esprit humain , il est encore de sa nature de se réformer
elle-même en raison du progrés des lumieres .
Il y a donc une opinion supérieure à celle de circonstance
, c'est celle du tems . Så marche est lente ; elle se
mûrit dans le calme et le silence des passions ; elle fait
véritablerient l'office dejuge ; elle recueille tous les faits,
examine tous les principes , comme les pieces d'un procès
pour y chercher la regle et les motifs de son jugement.
Malheureusement elle n'est pas toujours à l'abri de l'erreur,
car s'il s'agit de faits , souvent les documens qui lui
parviennent portent l'empreinte de l inexactitude ou de
la contrariété , et s'il est question de principes , sa décision
participe quelquefois des idées et des principes existans
à cette époque. Mais comme elle est plus impartiale ,
scs erreurs sont involontaires ; comme elle est plus éclairée ,
ses jugemens sont plus sûrs ; elle approche de la vérité ,
autant que l'esprit humain peut le permettre , et lui legue
le soin de la rectifier , et ce qui la distingue des êtres physiques
, c'est qu'en vieillissant , elle acquiert plus de
force , de sagesse et de lumiere .
C'est cette opinion dont l'espoir console de l'injustice
des contemporains , qui cite devant elle les oppresseurs
et les opprimés , marqué les crimes et les erreurs d'un
sceau ineffaçable , brise le trône des idoles , réhabilite le
génie et la vertn méconnus ou persécutés , et a aussi son
panthéon indépendant de l'enthousiasme et des caprices
du moment où elle place les grands hommes qu'elle
adopte , et d'où elle exclud les usurpateurs qu'une fausse
opinion avait illustrés . C'est elle qui juge les législateurs
et les peuples ; les révolutions et leurs agens. La nôtre
ne lui échappera pas plus que celles qui l'ont précédée .
Il est dans chaque siecle et à chaque époque , un nombre
plus ou moins grand'd hommes privilegiés , qui , étrangers
à toute espece d'injustice et de passions , doués d'assez
de lumieres pour juger sainement des choses , précedent
( +25 )
1
les décrets du tems , et pour qui la postérité commence.
Il en est parmi nous , n'en doutez pas ; ce sont là les
organes purs et les fideles dépositaires de l'opinion . Ils
n'ont partagé ni les exagérations , ni les folies , ui les
crimes de l'esprit de parti ; ils les ont jugés . A mesure que
les passions s'éteignent , que les factions se lassent , que
les lumieres se propagent et que l'intérêt social est mieux
senti , mieux apprécié , ce nombre s'accroît , et ce n'est
point trop piésumer de la situation actuelle des esprits ,
que d'affirmer que le tems n'est pas loin , où l'opinion
contemporaine prendra ce caractere de justice qui fait
que le tems confirme ses jugemens .
Vous voyez , ajoutai-je à mon Alceste qui m'écoutait
attentivement , que l'opinion de circonstance a bien
plus d'obstacles à vaincre que celle qu'il faut attendre
du tems. Ses plus redoutables ennemis sont la fureur
des partis , le fanatisme politique , sorte de colere qui
ne permet pas d'appercevoir les objets sous leur véritable
point de vue , l'ignorance qui ne sait pas les découvrir ,
et la précipitation qui ne les voit jamais que d un côté,
Plus les hommes ont un caractere propre à influer
sur l'opinion , plus ils doivent être réservés dans leurs
jugemens . En voulez- vous un exemple ? Voyez le malheureux
Lacroix . Il avait fait un assez médiocre ouvrage
où pour varier le ton de son sujet , il avait appellé
sur la scene , aristocrates , jacobins , modérés , prêtres
et émigrés . L'esprit de parti s'en est emparé , et choi
sissant quelques fragmens qui , pris isolément , pouvaient
prêter à la censure qu'aurait dissipée l'intention de l'ouvrage
, il en a dénoncé l'auteur , et si le tribunal révolutionnaire
devant lequel il a été si brusquement
envoyé , eût été alors en activité , il est douteux
que dans le premier effet d'une impression défavorable ,
il eût pû parvenir a faire entendre sa justification . Ceci
rappele l'histoire de la Dent- d'or de Fontenelle ; cette
histoire se répétera souvent , tant que les hommes ne
prendront pas l'habitude d'examiner avec sang - froid ,
afin de prononcer avec justice . C'est la meilleure regle
à indiquer à l'opinion de circonstance.
•
Je vis que mes raisonnemens avaient fait quelque
impression sur mon Alceste. Il parut content de notre
entretien , ne me fit plus d'objection , et nous nous séparâmes,
Si vous jugez mes observation de quelqu'uti-
Jité pour le public , insérez- les dans votre journal : je vous
en promets d'autres sur diverses matieres ; la moissen ne
POLÉMIOPHILE manquera pas à qui a pris le nom de ,
--
13
( 126 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
Ox
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 21 janvier 1795 .
N apprend par des lettres de Copenhague , du 6 , que
le prince royal de Danemarck et le régent de Suede doivent
incessamment avoir une conférence , ce qui annonce que les
deux gouvernemens cherchent plus que jamais à consolider
une union dont ils se sont déja si bien trouvés en effet , ils
sentent que c'est à elle qu'ils ont dû la faculté de faire respecter
leur indépendance , et d'arrêter, le despotisme de l'Angleterre
. La considération de ce qui vient d'arriver dans le nord
de l'Europe , et des nouveaux projets que médite l'ambition
russe , doit les engager à conserver cette union qui fait leur
force.
de Un compte renda sur la situation des finances du royaume
Suede , à la mort de Gustave III , nous apprend que , depuis 1772
jusques au 20 mars 1792 , la somme des dépenses a été de
100,302,107 écus et 28 schelins ; qu'en 1792 , les dettes de
l'état était de 5.997,287 écus et 39 schelins ; et qu'à la mort
du roi , elles se trouvaient montees à 29,537,826 écus et
2 schelins .
Une nouvelle ordonnance vient de resserrer dans des limites
plus étroites l'usage de l'eau - de - vie : dans quelques - unes de
nos provinces , l'usage et la préparation de cette boisson
forte est entiérement prohibée ; dans d'autres , la prohibition
- n'a lieu que pour le plat pays seulement , la distillation restant
permise aux villes jusqu'à une mesure déterminée ; il n'y a
d'exeption que pour Stockholm , Gothembourg , Carlscione
et Sweaborg , où la liberté est illimitée .
Nous apprenons de Pétersbourg , que l'impérrtrice a fait
rayer du tableau de ses ordres de chevalerie le nom du ci
devant baron Armfeld.
De Francfort - sur - le -Mein , le 28 janvier.
Suivant des lettres de Vienne , du 10 janvier , le nouvel ambassadeur
de Portugal y est arrivé ; et l'on y attend également
M. Golofkin , ambassadeur de Russie près le roi de Prusse . Ce
dernier doit être dėja parti de Berlin . Le bruit court qu'il vient
( 127 )
promettre à l'empereur , de la part de sa souveraine , un secours
assez considérable en hommes . Mais ce bruit pourrait bien être
du nombre des mille mensonges qui cireulent journellement . II
est bien plus probable qu'il s'agit de la portion de la Pologne
qui reviendra à l'empereur dans le nouveau partage . On dit que
ce dernier morceau du gàteau des rois contiendra les Palatinats
de Sendomir , Lublin et Chelm , avec ce qui restait encore de
celui de Cracovie .
D'après des nouvelles encore plus récentes de la capitale de
l'Autriche , on craint que la démarcation des provincees limi
trophes avec les Turcs nè finisse pár donner lieu à des hostilités.
Il paraît que le cabinet de Vienne exige de la Porte qu'elle force
les Bosniens à se soumettre aux stipulations du dernier traité ,
ou qu'elle abandonne comme équivalent définitif les 4 forteressesde
Novi , Dubicza , Gradiska et Dresnik , ou bien enfin qu'on
fasse entrer Belgrade dans l'équivalent , ce à quoi les Tnres ne
sont probablement pas disposés .
Au reste , le séjour de Vienne est fort triste . Le gala ordinaire
du jour de l'an n'a point eu lieu cette fois - ci ; mais on en consolera
la noblesse et les bourgeois de cette ville par des bals
masqués. Les mascarades sont , au contraire , defendues en
Hongrie où l'on craint que les malveillans n'en profitent pour
exciter des troubles .
ITATI E.
Des lettres de Gênes , du 15 janvier , portent que le détachement
de l'armée ftançaise cantonné à Vintimille s'est portée ,
par le mont St.-Bernard , vers le camp ennemi près de Garessio .
Ce detachement a dû être renforcé par un bataillon de troupes
de Nice qui a suivi la même route après avois laissé trois compagnies
à Vintimille .
Le sénat de Gênes a ordonné la communication aux magistrats
des conservateurs de la mér de la lettre suivante de son
chargé d'affaire à Paris.
Le commissaire des relations extérieures m'a fait remettre un
arrêté des trois comités de salut public , des finances et du
commerce , sur la navigation des puissances neutres , qui est
ainsi conçu :
Art . 1er. Les bâtimens neutres pourront entrer et sortir
librement , et sans aucun obstacles ni retardement , des ports
de France , et sans pouvoir être forcés à vendre leur char
gement. II . Si les bâtimens neutres jugent à propos de vendre
leur cargaison au gouvernement , le prix leur en sera payé de
la maniere dont on sera convenu . III . Les floutes françaises
respectéront , et feront respecter , en ce qui les concerne , les
droits des nations , et les dispositions des traités , aux termes
du décret de la Convention nationale , du 25 juillet 1793 .
I 4
( 128 )
1
E
JV. Les bâtimens neutres ne pourront être écartés de leur Ÿ
route. I ne pourra non plus être pris sur leur bord , ni
capitaines , ni marins , passagers , ni ceux des militaires
actuellement au service des puissances ennemies , ni les
marchandises et effets qui pourraient s'y trouver leur ap
partenir. V. Sont exceptées des dispositions du présent ar
ticle , 1º . les marchandises des ennemis , jusqu'à ce que ces
puissances ennemies aient déclaré que les marchandises
chargées sur des bâtimens neutres , ne pourront être prises ;
2. les marchandises neutres , dites de contrebande , c'est- àdire
, les armes , les munitions de guerre de toute espece ,
chevaux et leurs équipages , et les effets de toute espece ,
destinées pour les places assiégées , bloquées ou investies .
VI. Les marchandises ennemies , prises sur des bâtimens
neutres , seront déchargées sur- le-champ dans les ports de
France . VII . Le droit de fiet sera payé suivant les dispositions
de la police de chargement. VIII . Après le déchargement , le
capitaine neutre aura le droit de partir. IX. Celles des
marchandises , prises comme ennemies , qui serout reconnues
appartenir à des neutres , et par conséquent déclarées n'être
pas de bonne prise , seront rendues en nature aux propriétaires
, s'il ne leur plaît pas de les vendre . X. Le commissaire
de la marine présentera l'état des sujets des puissances
ennemies , pris à bord des bâtimens neutres , pour faire droit
à leur réclamation . 99
On apprend les nouvelles suivantes de la Toscane , que la
France peut regarder à -peu- près comme une puissance neutre , et
qui , si elle l'osait , voudrait bien devenir une puissance amié .
Le contre - amiral Hotham a quitté la rade de Livourne
le 22 du mois passé ; il se propose d'aller attaquer la flotte
de Toulon , quoique la sienne , soit inférieure en nombre .
Depuis quelque jours , on craint beaucoup pour cette flotte ,
craintes fondées sur des lettres du 26 , qui annonçent un
Ouragan terrible qui a jetté sur la côte beaucoup de vaisseaux
marchands ; aucune lettre n'annonce positivement la sortie de
la flotte française . On assure cependant que 40 vaisseaux de
transports et 300 bâtimens marchands , yenus la plupart de
Marseille , et 12 à 15,000 hommes de troupes rassemblées
dans le port et la ville de Toulon , menacent les côtes d'Ita
lie ou la Corse . Indépendamment de cette entreprise , les
Français se préparent très - sérieusement à entrer en Lombardie ,
On continue à mettre Mantoue en état de défense .
Le gouvernement Autrichien vient d'ouvrir à Milan un nouvel
emprunt de trois millions , à près de six et demi pour cent , et la
taille générale de 1795 a été augmentée de onze deniers par
écus.
Le bruit court que l'archiduc va se rendre incessamment à
Vienne.
, " ་ །
#
( 129 )
ESPAGNE.
La cour qui vient de faire plusieurs promotions militaires
du premier rang était attendue à Madrid du château de l'Escurial
pour le 22 décembre , suivant des lettres de cette ville du 16
du něme mois . Elle espere de puissans secours des Catalans ;
mais en attendant , il lui échappe de demi-aveux sur ses pertes.
En voici un :
"
Le gouvernement vient de publier un rapport de Colomera
qui commande en chef dans la Navarre . Ce général mande de
Pampelune , en date du 25 , que la veille les Espagnols ont
repoussé les Français dans differentes attaques , et sont encore
parvenus à les déloger de plusieurs postes . Environ 12,000 de
ces derniers étaient venus attaquer la gauche des Espagnols .
sous ses ordres a Ilzos et Berrios . Aussitôt qu'il en fut
informé , al se porta de ce côté . Après une action des plus
vives , les Espagnols contraignirent les Français de se retirer
sur Belzunco et Amoz ; alors le général Colomera se porta
vers la gauche , commandée par le général Crespo qui , con
formément aux ordres qu'il avait reçus , avait déja attaqué et
pris les hauteurs qui dominent Soraureg et Olabe . Le général
en chef , voyant que les Français étaient beaucoup renforcés ,
et que le bataillon de la Princesse et les volontaires de l'Arragon
, n'étaient point encore arrivés , ordonna aux chasseurs
de Gallice et au bataillon d'Ultonia , de défendre ces hanteurs ,
à quelque prix que ce fût , ce qu'ils firent avec beaucoup de
courage , jusqu'à l'arrivée des renforts . Cependant le feu continuait
de part et d'autre avec un avantage égal ; mais vers le
soir , de nouveaux renforts étant arrivés aux Espagnols , ils
parvinrent à forcer les postes des Français . Ceux - ci se retirerent,
et poursuivis , ils durent abandonner les château d'Olabe et
d'Olaiz , ainsi que toutes les hauteurs. Le général ne donne
aucune appréciation de leurs pertes , non plus que celle des
Espagnols . Il se borne à dire qu'elle a été førte , et qu'il leur a
également fait bon nombre de prisonniers .
Il vient de paraître un édit pour la levée prompte de nouvelles
troupes ; et l'on a émis dans la circulation des papiers
royaux pour faire face aux dépenses immenses de cette guerre .
Trois commissaires du conseil , envoyés dans la Biscaye
y ont publié un décret qui enjoint à tous les habitans de déposer
au commissariat toutes les armes qui sont en leur pos
session , soit blanches , soit à feu . Ces armes devaient être
réparées aux frais du gouvernement et mises en état de servir.
Cette mesure annonce assez le dénuement de moyens défensife
où se trouve le gouvernement espagnol . Il fait publier que les
Catalans ont offert une levée de 150,000 hommes ; mais toute
cette masse est sans armes , et s'adresse à lui pour en
obtenir.
( 130 )
ANGLETERRE. De Londres , le 3 janvier.
Débats du Parlement. Chambre haute.
Le roi ayant quitté la chambre des pairs , et les communes
s'étant retirées dans la leur , lord Cambden propose de voter
l'adresse de remerciment . Suivant lui , la Grande - Bretagne ne
peut , sans une lâcheté impardonnable , et qui ne trouverait
pas d'excuse , même dans les revers de la derniere campagne ,
songer à la paix avec la France. Il compare ses ressources
aussi graudes qu'elles le furent jamais et l'immensité de son
crédit au dedans et au dehors , avec les ressources et le crédit
de la France , épuisés , à ce qu'il prétend , par les efforts prodigieux
qu'elle fait depuis le commencement de la guerre .
Cette motion , avec ses accompagnemens , est secoudée par
lord Besborough ; mais lord Guilford prend la parole et s'exprime
d'une maniere bien différente. Le sentiment de ce que je
dois à ma patrie me force , dit - il , d'élever la voix contre ceux
qui la trompent , et je ne saurais différer plus long- tems de
témoigner ma surprise de l'effronterie avec laquelle les ministres
viennent proposer la continuation de la guerre à l'ouverture
du parlement. Non , il n'y a qu'un monstrueux égoïsme qui
puisse les faire tenir si opiniâtrément à un systême d'ignorance,
de mystere et de confusion , qui perdra peut - être l'Angleterre ,
loin qu'elle en puisse tirer aucun avantage . Pour moi , j'ai
constamment fait profession de m'opposer à cette guerre , ei je
ne crois pas qu'aucun de mes collegues puisse la favoriser , à
moins qu'il ne cède à une aveugle confiance , en des ministres
qui nous ont entraînés sur le bord de l'abyme où nous sommes
prêts de tomber.
Je déclare donc qu'il ne se trouve pas un mot dans l'adresse ,
à l'exception des complimens sur le mariage du prince de
Galles , qui n'appelle fortement l'opposition de la chambre. Je
ne vois aucune raison pour continuer la guerre , encore moins
pour en confier la conduite à des homines dont les conseils ont
cansé les dangers et les désastres de l'Angleterre . Je prie qu'on
se rappelle ce qu'etoient ses manufactures , son commerce , sa
marine , ses finances , et qu'on les compare avec sa situation
actuelle . Seroit - on assez faible pour se croire lié par des traités
onéreux dans lesquels l'intérêt seul de l'Autriche et des ministres
a été consulté , puisque la Hollande , pour se sauver
est obligée de négocier la paix , malgré la clause qui unit inseparablement
les puissances coalisées ? Pourquoi la Grande-
Bretagne, ne participerait- elle pas à ces négociations ? ne fut- ce
qu'afiu d'obtenir des conditions plus tolérables pour cette puissance
, dont l'existence tient intimement à la sienne . C'est un
devoir qui exige toute espece de sacrifices , puisque c'est à la
•
( 131 )
seule sollicitation de l'Angleterre que la Hollande n'a pas joui,
comme le Danemarck et la Suede , du bonheur attaché à la
neutralité .
Je ne dissimulerai pas cependant qu'une prompte paix n'ait
ses difficultés , et qu'il ne puisse y avoir des motifs de s'opposer
aux progrès excessifs d'un rival dangereux . Mais il fallait
conduire la guerre en homine d'état , et non pas comme des
enfans , qui querellent sur des riens , ou sur des objets dont ils
n'ont aucun intérêt de se mêler ; et encore moins songer à
conquérir la France , ou à lui dicter une forme de gouvernement.
Je sais qu'on parle beaucoup du mécontentement actuel ;
mais nons n'avons sur cela , pour nous régler que les
assertions vagues d'un ministre qui , pendant toute la guerre ,
a éprouvé qu'il était mal informé , et qu'il ignorait ce qui se.
passait dans ce pays .
•
D'ailleurs , quelle misérable consolation pour les anglais ,
d'apprendre que la situation de l'ennemi est encore plus
fâcheuse . On dit que les victoires des Français ont coûté infiuiment.
Ne suis -je pas en droit de demander si nos désastres
ont coûté moins ? Qu'on réfléchisse sur ce qui s'est passé depuis
la prise de Valenciennes jusqu'à la fin de la campagne ;"
qu'ou se rappelle l'évacuation de Toulon et la retraite de Landrecy
, le résultat malheureux de l'expédition des Indes occidentales
9 et sur- tout à la Guadeloupe ? Malgré les talens et
l'activité des généraux les rassemblemens inutiles faits à
Sonthampton , toutes nos opérations maritimes , excepté la
victoire du lord Howe , et l'on verra que tous nos mauvais
'succès sont dus à l'ignorance , à l'opiniâtreté et à la faiblesse
des ministres . 99
1
Lord Guildfort conclut , en demandant que la chambre ,
en déclarant qu'elle soutiendra la dignité et l'indépendance de
la couronne , supplie le roi de saisir la premiere occasion de
conclure la paix avec la France sans qu'aucune forme
particuliere de gouvernement en Frence puisse y mettre un
obstacle .
Les lord's Morton et Kinnoul parlent contre l'amendement ;
lord Derby parle en sa faveur .
Lord Spencer fait un discours très - étendu . Il dit que les
ressources et les efforts extraordinaires des Français sont
autant de raisons qui doivent engager les puissances à redoubler
les leurs . H s'excuse ensuite de n'être pas encore en état de
donner un compte satisfaisant sur la marine . Il n'y a point de
doute que les anglais n'aient dans ce moment aux Indes occidentales
des forces supérieures à celles des Français . Quant
à la flotte Française , qui croise à l'entrée de la Manche , on a
pris des mesures qui seront , il en est persuadé , approuvées
par la chambre.
Le marquis Townshend et lord Barrington votent pont
l'adresse .
( 132 )
•
•
Le marquis de Lansdown . J'aurais renoncé de bon coeur à l
gloire d'être prophète ; mais il faut en jouir malgré moi. Car
la guerre a tourné précisément comme je l'avais , et préva et
prédit. Je conjure la majorité de la chambre , de qui la patrie
attend son salut , de remplir en effet ses espérances . Il est bien
échapé aux ministres Taven que les Français ont eu de grands
avantages dans cette campagne ; mais leur confession a- t- elle
été complete ? je vais l'achever ; car je tiens un relevé exact
de tous ces avantages , en partie dissimulés par nos ministres .
Les Français ont réussi dans 23 sieges ; ils out gagné 6 batailles
ranges pris 2,803 pieces de canon fait prisonniers
de guerre 60,00 bommes des meilleurs troupes de l'Europe ,
et cela independamment de leurs dernieres victoires en
Espagne , où ils ont pris 2 fonderies , et où il n'y a plus qu'nne.
seule ville forte qui ne soit pas en leur pouvoir . Ils vé sont
montrés si foris et si terribles lorsqu'ils ont lutte contre tout
Univets le seront - ils moins quand ils auront traité avec la
Hollande , d'où ils pourront tirer tout ce qui leur manque :
quand ils auront dicte des conditions à l'Espagne , quand ils
auront parcouru toute l'Italie , qui ne saurait se defendre par
elle-même quand la plupart des membres du corps Germa
nique demandent et sollicitent la paix..... Voyons quels
moyens nous aurons de leur résister. Nous avons levé cent
mille hommes de grenadiers invalides , des officiers enfans ,
et qui sortis des métamorphoses d'Ovide , sont encore tout
Bétonnés de se trouver métamorphosés en capitaines , en colonels ;
mais tout est fondu et dispersé çà et là . Quant à l'argent ,
certes , il est très - plaisant d'entendre parler de 24,000000 sterlings
levés dans une matinée . Je n'entends pas déprécier le crédit
national. Je sais qu'un négociant avee 30,000 livres sterlings
de capital peut avoir plus de crédit qu'un noble qui jouit d'un
revenu égal : il peut faire circuler son papier pour 5 ou
600,000 livres sterlings . Mais je ne comprends pas davantage
comment cela se peut faire dans une matinée . Ces théories
extravagantes nous sont venues de la France , lorsqu'elle fétoit
encore monarchie ; mais elles n'ont pu la sauver , prenonsgarde
qu'en suivant aveuglément la même route ' , nous ne
tombions dans le même abyme.
Ne nous laissons pas arrêter par les vaines difficultés qu'on
oppose à la paix . La premiere : Avec qui trailerons - nous ? ne
mérite seulement pas qu'on y réponde . Veuillez sincèrement la
paix , et vous trouverez bientôt avec qui traiter. Vous traitelez
avec cette France qui , au milieu de ses commotions les plus
violentes , s'est constamment montrée fidelle à ses engagemens
avec les puissances étrangeres , avec cette France qui n'a
jamais manqué de les remplir scrupuleusement.
Une folle ambition forme une autre demande : Que deviendront
mos conquêtes ? mais ces conquêtes , vous en avez déjà perdu
( 183 )
x
ane partie , et il n'est que trop Tvraisemblable que la Marti
nique n'est plus entre vos mains . Quant à la Corse , Dieu vous
préserve du malheur de la garder. Suivant M. Necker , qui
savait compter indépendemment de son revenu que son administration
absorboit , elle coûtait encore à la Fiance ,
250,000 ducats , non compris les depenses militaires , nécessités
par le soin de la tenir en état de defense : la description qu'en
fait Volney , qui y a sejourné 2 ans , en donae encore une
plus mauvaise idée . Volncy , j'en conviens , est démocrate ;
mais un democrate , peut être un homme de bon sens , un
homme véridique.
n
L'orgueil humilié s'effarouche de l'idée de demander la paix ,
il attache à cette démarche une idée de bassesse . Mais il est
besoin de faire des soumissions pour la négocier : et pourquoi
et obstacle nous empêcheroit il de traiter aujourd'hui , puisqu'il
ne nous a pas empêché de traiter avec l'Amérique . Ah !
fasse le ciel que nous revenions aussi sagement de nos erreurs
envers la France , que nous l'avons fait à l'égard de nos
freres Américains .
Lord Grenville dans un discours très -long , insiste sur
l'épuisement probable dans lequel les finances et les forces de
Ja France doivent se trouver. La guerre , dit-il leur coûte im.
meusement. Pour y fournir , elle a déja étoit obligée de créer
près de 400 millions sterlings en assignats , ils perdent 75 pour
100,, et leur discredit a porte les objets de premiere nécessité
à un prix exorbitant ; ce qui a réduit le peuple à une misere
extrême. Il est vrai qu'ils ont conquis la Belgique , plusieurs
villes , plusieurs cantous sur le Rhin , et quelques parties des
provinces d'Espagne ; mais il n'est point de Français quel
qu'exalte qu'il soit , qui imagine un moment en pouvoir conserver
la possession .
:
D'un autre côté , l'Angleterre a pris ou détruit 20 vaisseaux
de ligne et plusieurs fregates . Ils n'ont pas un pouce de
terrein dans les Indes orientales , et dans celles occidentales ,
excepté la Guadeloupe qui sera reprise indubitablement . Ils ont
-perdu toutes leurs isles . Leur commerce et leurs manufactures
sont entièrement ruinés. Il n'est aucune de ces circonsta ces
dont le noble lord ne doive être convaincu il s'est donnè depuis
la peine de lire même les débats de la Convention. Quoi
qu'il en soit , je ne crois pas qu'on puisse entrer en negociation
de paix avec la France , quelque chose qui puisse arriver
taut qu'elle n'aura pas un gouvernement etabli ; mais je ne
doute point d'un autre côte que si les puissances allices
agissent de concert, et redoublent d'efforts une autre campagne
me fasse cesser la tyrannie qui a désolé ce malheureux pays .
"
( 134 )
REPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDEENCE DE ROVER E.
Séance du duodi , 12 Fluviôse ."
Les administrateurs du district de Clermont écrivent à la
Convention qu'ils ont trouvé dans les papiers du traître
Couthon , un arrêté du comité de salut public , signés Couthon ,
Barrere , Billaud , Collot , Robespierre et St. Just , qui metalt,
en état d'arrestation les représentans du peuple Dubois - Crancé
et Gauthier , et ordonnait l'apposition des scellés sur leurs
papiers.
la
Les représentans du peuple dans les départemens de Seine
et Marne , de l'Yonne et de la Nievre ; écrit de Lusy , le
27 nivôse , que dans les deux premiers les partisans du
terrorisme sont en petit nombre et muets parce que ceux
qui leur donnaient le ton sont réduits au silence ; mais il
n'en est pas de même dans celui de la Nievre . C'est là que
l'on peut apprendre à exécrer la mémoire des derniers conspirateurs
que nous avons abbatus ; c'est la que l'on gemira
long-temps sur les malheurs qu'ils y ont appellés ; e'est là que
de nombreuses victimes ont été entassées dans des bastilles révolutionnaires
; c'est là que de nombreux citoyens noircis par
la calomnie ont été conduits à l'échafaud ; c'est là qu'on a
organisé le pillage sous le nom de taxe révolutionnaire ;
c'est là enfin que de la désolation et le deuil ont été portés
dans presque toutes les familles . Dans ces malheureuses conirées
, il n'est pas un citoyen qui n'ait à regretter un parent ,
un ami ; ils n'est pas un ami de la liberté et de la justice qui
n'ait éprouvé quelque genre de vexation . Les oppressents ne
voyoient dans leurs concitoyens , que des conspirateurs , et le
représentant n'y a trouvé que des patriotes qui donneroient
leur sang pour la République , et qui soumis aux loix , sont
entiérement dévoués à la Convention nationale ; il s'occupe à
y activer la marche du gouvernement , à rappeller leur devoir
aux fonctionnaires publics , et à leur donner le sentiment de
leurs forces.
Un secrétaire, lit une dénonciation de la commune de Foix ,
contre Vadier , l'un des quatre prévenus . Elle l'accuse de s'être
montré l'ennemi le plus acharné de son département , d'y avoir
jetté la consteination pour assouvir des passions particuliere ,
de l'avoir calomnie de la maniere la plus atroce , au mois de
( 135 )
septembre 1793 , en y supposant une seconde Vendée , qui
n'existait que dans son cerveau machiavélique , puisque l'Arriege
marchait alors tout entier contre l'Espagnol qui
menaçait d'une invasion. Renvoyé à la commission des
vingt-un.
"
!
Bourdon , par motion d'ordre , expose que le comité d'av
griculture , chargé par la Convention de prendre tous les
moyens utiles de multiplier l'espece des chevaux , est croisé
dans ses opérations par les comites de la guerre ,
des transports
et de salut public. I demande que celui d'agriculture
soit seul chargé de propager les especes des différens animaux
sur la surface de la Republique . Décrété . 5
La section de Brutus en masse defile dans le sein de la
Convention . L'orateur annonce qu'il vient fixer son attention
sur les nouveaux attentats qui se méditent contre le salut de
la patrie. Il parle des terroristes qui , ayant sans cesse les
mots de justice et de vertu à la bouche , ne s'en servaient que
pour mieux assassiner leurs semblables ; de ces hommes qu'il
appelle de vils speculateurs de chair humaine , et des champions
infâmes d'une cause plus infâme encore , qui cherchent
à organiser des mouvemens séditieux . Il ajoute qu'ils ont des
complices dans le sein même de la Convention . Il est interrompu
on lui demande de les nommer.
Penieres : Une section qui porte le nom d'un grand homme
a le droit de dire ce qu'elle pense de ses représentans . Nous
sommes ses délégués . Le tems de Robespierre n'est plus , et
l'ont peut parler sans crainte.
Levasseur ( de la Sarthe ) : La guerre civile ne naîtra point.
Instruits par l'expérience , si quelque tyran voulait s'élever
encore , nous ne parlerions pas du poignard de Brutus , nous
frapperions comme lui . Je vois le poignard placé sur la table
de la declaration des droits de l'homme . Il m'indique mon de,
voir , je le remplirai . Malheur aux successeurs de Robespierre .
Levasseur est applaudi.
1)
L'orateur reprend et demande que les grands coupables soient
punis , et que la justice atteigne eufia ces hommes qui ont
plongé dans le deuil toutes les familles de la République ces
hommes pour qui le crime est un besoin , l'anarchie et la
guerre civile un bonheur .
La mention honorable et l'insertion au bulletin de cette adresse
sont décrétées .
Lacombe Sain -Michel présente des observations sur les viges
qui se sont introduits dans l'organisation militaire et les
moyens de les détruire . Il dit que souvent des revers terribles
sont à côté des plus brillans succès , quand on se repose tipp
sur la victoire . Il desirerait que l'on s'occupât promptement de la
remonte de la cavalerie , ainsi que des moyens d'accélerer la
fabrication des armes. Il regrette que l'on ait détruit la plus
( 186 )
#1
belle manufacture de fasils qui existat en Europe , celle de
Maubeuge . C'est sur l'artillerie sur tout qu'il fixe l'attention
de l'Assemblée. Il pense que beaucoup de bouches à feu sont
sans utilité , parce que les , bataillons d'infanterie qui s'en servent
rarement n'en emploient jamais qu'une a- la - fois . Il a fini par
présenter un projet de décret dont la Convention a ordonné.
l'impression et l'ajournement.
Sur le rapport du comité d'instruction publique , l'Assemblée
a décrété qu'il y aurait à l'école normale un professeur d'éco-´
nomic politique.
Le comité de commerce fait ensuite adopter un long projet
de décret sur les marchandises étrangeres , dont l'importation
doit être favorisée , et sur les objets dont la sortie doit
être prohibée.
Séance de tridi , 13 Pluviôse.
Létourneur ( de la Manche ) , au nom du comité militaire ,
igoumet à la discussion le projet de décret concernant l'arme du
génie Les premiers articles éprouvent des difficultés . Quelques
1 membres déclarent en même tems , qu'ils n'ont pas pû zné dițer
le projet , ce qui détermine l'Assemblée à ajourner età
renvoyer aux comités les observations déja faites .
Uu membre observe , par motion d'ordre , que des parens
sont parvenus à tromper la vigilance des corps administratifs ,
sur l'émigration de leurs enfans , soit en prétextant leur most ,
oit en les supposant voyageurs à l'étranger pour cause d'éducation
, d'arts ou de commerce . Ils se sont eux mêmes soustraits
à la loi duséquestre. Ce membre présente des mesures propres à
réprimer ces abus . L'Assemblée en renvoie l'examen à son comité
de législation . i
1
Rouzet , au nom de ce comité , présente le projet de loi concernant
lesbiens des femmes et enfans des condamnés , Rien n'est
plusfacile , dit- il , que de suivre les mouvemens de sa sensibilité
Toutes les fois que l'impulsion en est pure ; mais lorsqu'ils
doivent être combines avec les agitations d'une grande révolution
, le législateur balance entre la justice rigoureuse et les mesures
de prudence nécessaires dans un tems d'orage , et se voit
contraint de réserver à la réflexion ce qu'il aceorderait au sentiment.
Cependant le comité s'est efforcé de seconder les vues
de la Convention et de répondre à sa confiance , en lui indiquant
les moyens de faire produire à sa bienfaisance les effets
qu'elle en attend . Le rapporteur lit le projet de décret dont les
quatre premiers sont décrétés . Ils portent 19 , que tous les séquestres
ou scellés mis sur les biens meubles ou immeubles ,
appartenans par la loi ou la coutume , par contrat ou autre titre
aux époux survivans , ou aux enfans des condamnés , seront
levés sans délai , afin que les propriétaires en jouissent , à moins
ɛ qu'ils n'aient été mis pour causes qui leur soient personnelles .
*
"
20.
(+257 )
Que si lesdits biens ont été vendus , ils seront remboursén
prix . 3° . Que leurs linges , hardes , et autres meubles leur
seront rendus sur un simple etat saus délai , et sans frais , 4° . Que
sil y a des logemens libres dans les successions , il leur en sera
accordé au convenable. Le surplus est ajourné.
Laignelot , au nom eu comité de sûreté générale , rend
compte de ce qui s'est passé hier au théâtre de la rue Feydeau.
Des jeunes gens égarés par des malveillans royalistes ou terroristes
ont abattu le buste de Marat. Le comité a vu dans lui un
séprésentant du peuple dont la mémoire a été consacrée par un
décret et par conséquent un attentat , lorsqu'on a brise som
image . Jusqu'à ce que le tems ait prouoncé sur Marat , son
buste doit être respecté. La plupart de ces jeunes gens sout
venus désavouer cet acte et reconnaître qu'ils avaient été conseillés
par des malveillans . Le calme est rétabli et le buste do
Marat sera redressé. La Convention applaudit et passe à l'ordre
du jour.
Durand-Maillane demande le rapport de l'article du décret
du 7 de ce mois relatif à Marseille , qui a ordonné la poursuite
de ceux qui ont tenn , il y a deux ans , le représentant du
peuple Bộ dans un cachot. Il pense qne
c'est le moyen d'allumer
de nouveaux troubles dans le Midi et d'y mettre toutes les passions
en mouvement , et que cet attentat a été suffisamment
expié par des milliers de victimes et vengé par le tribunal
d'Orange.
Gradet et Moyse Bayle s'opposent an rapport de l'article .
Leblanc , Arguis et Serres appuient la motion de Durand Maillane
. Ne vous y trompez pas , disent- ils , c'est la cause des
48 scélérats qui sont ici en arrestation que l'on veut défendre.
On donne trop d'importance à Marseille , on veut sans cesse
yous occuper de cette commune pour y produire quelques
mouvemens.
La Convention décrete la motion de Durand Maillane.
Un secrétaire donne lecture de la lettre des représentans de
peuple près les armées de Sambre et Meuse. Elle est datée de la
Haye , le get annouce que nous sommes entiérement maîtres
de la Hollande.
L'agent national , près le district de Valogne , informe la
Convention qu'un grand nombre de ses cultivateurs s'est engagé
par écrit , à ne pas vendre leurs grains au- dessus
Maximum. Mention honorable et insertion au bulletin.
•
Séance de quartidi , 14 Pluviôse .
Une députation de la commune de Lyon se présente à la
barre. L'orateur annonce qu'il jettera un voile funebre sur les
atrocitás inouies dont les malheureuses contrees de Lyon
furent si long - tems le théâtre , sur cette foule de citoyens
pour qui un rafinement de barbarie centupla les horreurs de
Tome XIV.
1
K
( 138 )
2
la mort , en les massacrant en détail sous la mitraille da
canon et en faisant ensuite précipiter , dans les eaux du
Rhône , leurs cadavres encore palpitans . De semblables tableaux
déchireroient les entrailles des peres de la paurie , il
leur en épargnera les détails .
Les habitans de Lyon , environnés de ruines , n'ont plus
de fortune à offrir ; mais il leur reste des bras pour en faire un
rempart à la représentation nationale ; et de l'industrie pour
ramener l'abondance dans la République . La Conventiona déja
jetté un regard de bienfaisance sur cette malheureuse commune ,
en suspendant l'exécution des décréts qui pesoient sur les habitans,
elle en demande aujourd'hui le rapport.
Reverchon observe que le travail des comités , relatif à la
demande des pétitionnaires , est achevé , et peut être présenté
séance tenante , il demande que le rapporteur soit entendu .
Isoard , au nom des comités réunis , présente , le rapport
demandé. La Convention décrete l'annulation de toutes les
loix et de tous les arrêtés pris par les comités et les représentans
du peuple , portant des dispositions pénales contre les citoyens
de Lyon.
Peres , représentant du peuple à Valenciennes , écrit qu'il
vient d'avoir une conversation avec le plénipotentiaire de la
Haye à son passage dans cette ville , qui lui a dit : Je vais à
Paris avec les pouvoirs les plus illimités , pour traiter avec la
bation Française ; je remplis cette mission avec plaisir , parce
que vous avez un gouvernement depuis la chute de Robespierre
; mais s'il vivait encore , je vous avoue que je ne
T'aurais pas acceptée.
Lecoinre ( de Versailles ) dénonce les abus qui se sont glissés
dans l'exécution de la loi du 25 frimaire de l'an 2 , qui ports
que les revenus des presbyteres et des jardins qui en dépendent
dans les communes qui ont renoncé au culte catholique , serout
employés au soulagement de l'humanité souffrante et aus frais
de l'instruction publique . Dans certains districts , l'on a pris
des arrêtés portans que les communes qui ont conservé le culte
seront chargées de l'entretien des presbyteres , et que celles qui
y ont renoneé seront propriétaires des presbyteres et pourront
en disposer à leur profit.
Pour faire cesser des abus , Lecointre propose la vente de ces
presbyteres et de tous les objets qui ont pû servir au culte catholique
. Cela le conduit à faire quelques réflexions sur la liberté.
des cultes . Il convient qu'elle est dans la déclaaation des droits
de l'homme et du citoyen , avec cette restriction néanmoins que
leur exercice et la manifestation des opinions religieuses ne troubleront
point l'ordre public ; mais il ajoute que les ministres du
calte catholique sont les plus intoléruns des hommes ; que depuis.
plusieurs siecles , l'on cherchait envain en eux la sagesse et la
douceur des moeurs de ceux qui en avaient jetté les fondemens ,
( 239 )
Leur morale n'était plus la morale sublime de l'évangile. Beau
coup de ceux qui ont renoncé à leurs fonctions , ne lont pas
fait de bonne foi , et parmi nous , ajoute Lecointre , ce sont les
déserteurs des autels qui ontles plus grands crimes à se reprocher.
1 en conclut que ce serait faire renaître les horreurs de la
Vendée que de permettre le libre exercice du culte catholique .
La Convention a senti que ces réflexions de Lecointre
demandaient à être méditées et muries . Elle les a renvoyées
à ses comités , én les chargeant de lui présenter un projet
sur l'aliénation des presbyteres.
Guyton - Morveau , au nom du comité de salut public , fait
décréter la suppression du jury et de la commission temporaire
des armies.
Clausel' , au nom du comité de sûreté générale , propose
d'envoyer en mission Isoard , dans les départemens des Basses
et Hautes-Pyrenées , et Pepin dans celui de la Haute -Marne .
Cette proposition est décrétée .
Séance de quintidi , 15 Pluviôse.
il
Dubois - Crancé , au nom des comités militaires et de salur
public , fait un rapport sur la situation des armées . Après avoir
fait un tableau rapide des succès immortels de la campagne
qui vient de finit , et qui sont tels que nous avons soumis
plus de 200 villes enlevées à l'ennemi , près de 3000 pieces
de catron , gagné complertement 6 batailles rangées , fait 60,000
prisonniers et 23 sieges , enfin,anéanti deux armées espagnoles.
et forcé les Piemontais dans tous leurs retranchemens
fixe l'attention de l'Assemblée sur le matériel de nos armées .
La République entretient indépendamment d'une marite nombreuse
, plus de 1200 bataillons , 500 escadrons et 60,000 hommes
d'artillerie ; mais il s'y est glissé des abes . Il est d'abord
résulté de la nécessité de pourvoir à - la -fois à beaucoup d'emplois
, que l'on s'est rendu trop facile en faveur de plusieurs
de ceux qui les sollicitaient , et qui n'ont mi l'expérience
ni les talens qui garantissent les succès . On a d'ailleurs excéde
de beaucoup le nombre d'individus que la loi fixe pour chaque
grade. Pour y remédier , Dubois - Crancé proposé de décretes
que la comiede salut public présenteraincessamment le tableau
nominatif de tous les officiers qui , à l'ouverture du printems
composeront les états - majors , et que tous ceux qui ne recevront
pas l'approbation de l'assemblée seront tenus de reprendre
Te grade inférieur dans lequel ils auront été au moins six mois
en exercice . Un second abus est sorti d'une loi Bienfaisante .
La premiere Assemblée nationale avait décrété que les emplois
militaires , appartenans à l'ancienneté , seraient donnes
à l'ancienneté de service et non de grade.
30 322
Hen est arrivé que beaucoup de militaires ont passe dh grade
de caporal à la tête des corps , avec une rapidité qui ne four
K 2
( 140 )
pas permis d'acquérir les connaissances nécessaires pour des
fonctions aussi importantes ; mais cette loi n'a plus aujourd'hui
d'objet , puisqu'il n'existe plus d'anciens militaires dans les
grades inférieurs . Dubois Crance propose donc de rendre å
l'ancienneté de grade ce qui avait été attribué à l'ancienneté
de service . Enfin , pour obvier aux abus d'administration qui
sont très - non breux , il demande d'attacher un adjoint
4
missaires des guerres à chaque demi- brigade , qui sera spécialement
et uniquement chargé de surveiller tous les détails
de police et d'administration qui concerneront cette demi - brigade
, et sous les ordres du commissaires des guerres de la
division . Ces adjoints seront choisis parmi les commissaires
des guerres et parmi les adjoints à l'état - major qui se trouvent
en supplément , an nombre déterminé par la loi , avec un
traitement de 3600 liv. Ils changeront de demi-brigade toutes
les fois que le commissaire ordonnateur l'ordonnera , et ils
auront droit de devenir eux - mêmes commissaires des guerres
après deux ans d'exercice de cette fonction . Le comité desirerait
encore que les inspecteurs et les généraux sur leur
responsabilité , prissent une connaissance exacte de l'instrucwon
et de la moralité de tous les officiers , afin que ceux
qui seront reconnns n'être pas assez instruits pour la place
qu'ils ooccccuuppeenntt ,, descendent à celles qu'ils sont en état de
emplir.
La Convention décrete l'impression et l'ajournement de
we projet.
Rouzet , au nom du comité des finances , rend hommage à
la liberté de la presse et au bien qu'elle produit , en annongant
que le comité éclairé sur les suites de son arrêté qui
defend de délivrer des cartes de sûreté aux citoyens qui n'ont
pas payé leurs contributions , vient de le rapporter.
Un membre observe que l'arrêté dont il est question
eu trop de publicité pour que la Convention puisse se contenter
du rapport qu'en a fait le comité. Il en demaude la
cassion par un décres formel . Bourdon l'appuye et ajoute de
charger le comité des finances de présenter un mode d'opérer
Ja prompie rentrée des contributions .
La Convention aunulle l'arrêté et décrete la proposition de
Bourdon .
Lomont , au nom du comité de sûreté générale , secupe
l'Assemblée de Lalande , administrateur de Coutances, destitué
par Legaat , en mission dans ce département. Il propose d'approuver
son arrêté . Lecointre s'y oppose , en disant qu'il ne
faut plus de ces pouvoirs illimités en vertu desquels un repré
sentant destituait ou faisait arrêter un citoyen , sans devoir Fentendre
on examiner sa conduite . Bentabolle est de son avis et
prétend que des représentans trompés ont destitué des patrio : es
et mis des modérés à leur place . Ce dernier met excite des
1.
( 141
murmures. Bentabolle s'explique et dit qu'il entend par modérés
ceux qui n'aimant point la révolution , veulent en profuer.
Rewbel : Point de chieane de mots . Trop long-tems à l'aide
de lear confusion , l'on a sû convertir la vertu en erime' ; le
patriote est celui qui a le coeur chaud et la tête froide et modérée,
tout ce qui est au-delà est vice. Malgré les clameurs , les
idées se rectifieront et se mettront naturellement dans les bornes
de la justice . Rewbel cite un fait contre Lalande . Il opine en
conséquense pour l'ajournement ; il est décrété .
On procede à l'appel nominal pour le renouvellement , par
quart , des membres du comité de salat public ; les membres
sortans sont Richard , Prieur et Guyton Morveaux ; les
remplaçans , Merlin ( de Douay ) Fourcroy et Lacombe Saint
Michel.
·
Il y a eu ce soir une séance extraordinaire pour renouveller
aussi par quart , les membres du comité de sûreté générale .
Bentabolle , Reverehon , Rewbel at Laporte , ont été remplacés
par Bourdos ( de l'Oise ) , Angais , Perrin ( des Vosges)
et Mathieu..
Séance de sextidi , 16 Pluviôse.
Un grand nombre de citoyens et citoyennes , noirs et
mulâtres sont admis à la barre , ils viennent célébrer l'aniversaire
de leur délivrance . Ce fut le 16 pluviêse que la
Convention proclama la liberté des noirs. Ils jurent de vivre
libres ou mourir , et de contribuer par tons leurs moyens
la prospérité de leur patrie. Ils demandent des armes pour
délivrer leurs freres du joug des espagnols et des anglais,
Pelet , au nom du comité de salut public , soumet à la disenssion
le projet qu'il avait présenté le 4, portant qu'il serait
envoyé trois représentans du peuple aux Indes orientales et le
même nombre aux occidentales,
Gouly appuye le projet , il croit que c'est le seul moyen qui
nous resie , de conserver les isles de France et de la Réunion
ci-devant Bourbon .
Dubouchet l'attaque , il préfere d'attaquer l'Angleterre , on
Angleterre même , et de faire nne guerre à mort à ces féroces
insulaires . Il rappelle la faute que firent les carthaginois en
differant d'une année de porter la guerre à Rome qui vouloit
aussi usurper l'empire du Monde .
Bentabolle est du même avis . Le choix des représentans lui
parait d'ailleurs très - difficile à faire . Crassous , Bourdon , Amar
et Cambon , parlent à peu-près dans le même sens . Ils vondraient
que les commissaires fussent pris hors de la Convention.
L'Assemblée sentant qu'il lui seroit difficile de parvenir à un
résultat , ajourne la discussion .
( 142 )
Guffrey , au nom du comite de sureté générale , rend compte
de la situation de Marseille . Les terroristes ne se sont pas
bornés aux vociferations , ils ont attaqué des canonniers du
bataillon des GraviHiers , dont l'esprit est cxcellent , en ont
blessé 5 et tué un ; mais plusieurs des séditieux sont arrêtés .
L'ordre donné par Salicetti à ce bataillon de quitter Marseille ,
ne sera point exécuté . Les citoyens repicument courage , la
terreur rentrera dans Fame des méchaus , et il y a lieu de
croire que la tranquillité n'y sera plus troublée.
Guffroy propose d'approuver la conduite des représentans
du peuple à Marseille , et celle du bataillon des Gravillers et
du commandant de la place. Ce qui est adopté.34
3
PARIS . Nonidi , 19 Pluviose , 3e . année de la République.
*
܀܀܂
༡༣ ༽༼ ༈ ! སྙ © ༽ fra S
La mémoire de l'illustre , Marat vient de recevoir un
échec auquel il fallait bien s'attendre . On donnait , ces
jours derniers , une représentation de Phedre au théâtre
de la rue Feydeau . Cette piece avait attiré une foule
immense. Avant l'ouverture de la scene , les citoyens
ont crie , pendant quelques minutes à bas Marat ! (Son
Euste avait été remis en place. ) Un spectateur , placé
dans le balcon voisin du buste , a escaladé la loge à laquelle
il était adossé , et l'a précipité de la console qui
lui servait de piedestal , aux applaudissemens univer
els . Le buste de J. J. Rousseau a été demandé à grands
cris , aussi- tôt après la chûte du premier; il est à l'instant
même mis à la place que l'on venait de tendre vacante
, et accueilli par de vifs applaudissemens. Le même
citoyen qui avait renversé Marat , ayant demandé à lire
quelques vers impromptu qui venaient de lui être com
muniqués, a récité le quatrain suivant
ན
Des lauriers de Matat il n'est pas une feuille
Qui ne retrace un crime , à l'oeil épouvanté ; .
Mais ceux que le sensible et bon Rousseau recueille.
Lui sont
རྟ ༢
dus par la France et par l'humanité !
On a crié : bis ; et le quatrain a été répété aax acclama
tions universelles des spectateurs .
Le même jour , le buste de Marat a été également renversé
au théâtre de la République et à celui de Montan
sier. Une autre scene avait lieu , presqu'en même tems ,
dans la rue Montmartie . Des enfans ont promene ce buste
unilacablant de reproches. Ils ont ensuite jetté dans
Tégoût , en lui criant : Marat, voilà ton panthéon !
ر ج
( 143 )
Le lendemain l'effigie du même personnage a été
trouvée pendue à la porte d'un droguiste , ancien meneur
de l'un de ces comités révolutionnaires dont Marht
avait été le premier membre et le premier instituteur.
Déja son buste ét celui de Châlier avaient reçu le même
affront au théâtre de Un plaignit au représentant dégorgeur posthume s'en
qui répondit
Apparemment ces bustes n'ont pas renouvellé leur abonnement.
Il ne faut pas s étonner de cette destinée . Depuis longtems
Marat avait été placé dans son veritable panthéon
par tous ceux qui avaient observé sa conduite , ses principes
, sa morale publique et ses écrits ; on ne pouvait
joindre plus d'impudence et de férocité à une médiocrité
plus complette . C'est un de ces exemples mémorables
des erreurs et du fanatisme de l'opinion de parti . S'il
eût vécu , son panthéon eût été la guillotine ; Robespierre
n'eût pas manqué de l'y envoyer , et si ce n'eût été lui ,
ç'aurait été la justice et l'indignation publique .
Relation des principales circonstances qui ont précédé et
accompagné l'entrée des Français en Hollande ,
L'armée française n'eut pas plutôt passé le Waal que la
consternation se répandit par - tout dans le parti attaché au
statdhouder , et la joye parmi les patriotes qui , depuis 1787 ,
gémissaient sous la plus dure oppression .
A Utrecht , le sétats aristocratiques , apprenant qu'une colonne
française se portait sur cette ville , convinrent de faire une
capitulation qu'ils envoyerent , le 16 janvier , par une députation
au général de brigade français , qui commandait l'avantgarde.
Les conditions de cette capitulation portaient : Les
personnes et les biens des habitans seront sous la protection
de la loi ; personne ne pourra être inquiété pour sa conduite tenue
pendant cette guerre , ou pendant l'époque qui la précédée .
Liberté illimitée des cultes religieux et de leur exercice .
Ces deux articles furent acceptés par le général français ; tous
les autres furent renvoyés à la décision des representaus du
peuple .
Le 17 au matin , un officier français , accompagné d'un
trompette , arriva aux avant-postes de cette ville ; il était por
seur d'une lettre pour le général anglais . En approchant , il
vit un soldat hollandais en faction , qui voulait s'enfuir , l'officier
l'appelle , et lui dit de le conduire chez le commandant
de la place. Ils trouverent la porte de cette ville ouverte , les
soldats anglais s'étant sauvés du côté dé Woerden ; aussitôt
que le peuple vit l'officier , le trompette et la cocarde trico
lore dontils étaient décorés , il s'écria : Voilà enfin nos liberalears !
vive la République Française , qui nous délivre de nos týrans ! Ils
furent fêtés et conduits en triomphe par la ville aux acclamations
( 144 )
1
du peuple , et aux cris répétés de vive la Républiqué Française!
Le commandant s'était sauvé à toutes jambes.
L'avant-garde de l'armée française qui était encore loin , fut
avertie , et arriva quelques heures après ; elle rogut sur son
passage les bénédictions d'un peuple heureux enfin , après sept
zus de souffrances et d'oppression. Dès le lendemain cette nouvelle
s'étant répandue dans le pays , un grand nombre de voitures
et de personnes à cheval sont accourues de divers endroits , et
notamment de la ville d'Amsterdam , qui est à huit lienes d'Utrecht
, pour venir au- devant des Français et pour voir une armée¸
de héros.
Les Français se sont emparés de toute l'artillerie hollandaise
et anglaise , qui se trouvait du côté de Vianes , Bueren et
Cuilenborg.
Tout s'est passé dans le meilleur ordre possible , et les
citoyens , d'Utrecht se sont applaudis d'avoir été délivrés de
messieurs les anglais , qui commettaient toutes sortes d'horreurs
; peu de magistrats statdhoudériens ont eu le tems ou les
moyens de s'enfuir ; il n'y a que milord Athlone , grandbailly
de cette ville ; son gendre Beatinek , le bourguemaitre
Van Bronkers et Laan , secrétaires des états , qui se soient
évadés.
Dans le même tems la plus grande fermentation regnait à
Amsterdam , une foule immense était rassemblée devant et
dans l'hôtel les armes d'Emden ; la nouvelle de la délivrance
d'Utrecht y fut reçue aux appplaudirsemens universels . Et
tout le monde témoigna le désir ardent de briser ses fers ,
malgré les efforts de la régence et la garnison très - nombreuse.
En conséquence , le matin 18 , avant dix heures , le
peuple se mit en mouvement ; le rendez-vous était devant
et dans l'hôtel les armes d'Emden ; on y distribua ouvertement
la cocarde nationale ; les esprits étaient trés-échauffés ;
ceux qui chercherent à modérer cette ardeur , ue furent pas
écontés.
A deux heures après- midi une députation de six ou sept
eitoyens , ayant l'avocat Schimmelpenninck à sa tête , se
rendit chez le président-bearguemaître Straalman , exposant
verbalement que l'insurrection à l'endroit ci- dessus et par
toute la ville , était si considérable . qu'on devait redouter les:
conséquences les plus fâcheuses , à moins qu'on ne rendit
les armes à la bonne bourgeoisie de la ville.
›› Ce magistrat attahoudérien montra , en tremblent`, les
dispositious les plus souples , mais desirait auparavant se concerter
aveo ses collegues , et il pria la députation de revenir
à huit heures du soir . On pria la bourgeoisie de rester séunis,
at d'éviter toute violence et toute voie de fait . Un cri général
de guerre fut la réponse.
( La suite au numéro prochain. }
H
.
1
( No. 29. )
Jer .135.
MERCURE FRANÇAIS .
QUINTIDI 25 PLUVIOSE , l'an troisieme de la République.
( Vendredi 13 Février 1795 , vieux style. )
POÉSIE.
QUAND
CHARADE.
UAND il s'agit de mon entier ,
Souvent maint et maint héritier
Sont en procès pour mon premier.
L'un d'eux n'a - t-il pas mon dernier?
Kollet fera mieux son métier.
SAN'S
LOGO GRIPHE.
AN'S moi l'on ne doit pas entreprendre une affaire
On ne ferait que de l'eau toute claire .
Je ne marche que sur cinq pieds ,
Dont tu cherches ici , lecteur , les trois premiers .
D'un jardinier le savoir- faire
Façonne au mieux les deux derniers ,
Tome XIV.
L
1
( 146 )*
BEAUX ARTS.
Suite de l'analyse du rapport sur l'état actuel du PANTHEON
FRANÇAIS , fait par ANTOINE QUATREMERE .
AVANT VANT de rendre compte des motifs qui ont dirigé
le citoyen Quatremere dans les changemens qui ont été
faits au Panthéon . il trace quelques principes généraux
qui doivent éclairer la marche des arts .
Dire ce qu'il faut, ne dire que ce qu'il faut et le dire comme
ilfaut , c'est en cela , suivant Quintilien , qu'est renfermé
le talent de l'orateur. Ce genre de mérite appartient à
tous les genres d'arts et principalement à l'architecture.
Lorsqu'il s'agit d'opérer des changemens dans un
édifice déja fait , une des choses dont il faut le plus
se garder, c'est d'amener un autre genre de goût et
de style dans quelque partie que ce soit . Le citoyen
Quattemere dite en preuve le Louvre. Get édifice
qui devait être sous plus d'un rapport le plus beau de
1'Europe , n'est devenu qu'un monument historique des
révolutions du goût en matiere d'architecture . Chaque
génération a semblé vouloir s'y inscrire , pour prendre
acte des variations de son style et de son opinion . A
chaque changement notable qui s'y est opéré , on voit
bien que l'on s'imaginait avoir perfectionné . Enfin , après
tant de changemens et d'essais destructeurs l'un de l'autre,
on a fini par comprendre que le Louvre , avec les défauts
que Pierre Lescot y avait laissés , aurait été un magnifique
Edifice ; que ses défauts lui étaient même nécessaires , et
que le plus grand de tous les abus serait de vouloirqu'un
tel édifice fat sans défauts , ce qui ne signifierait le plus
souvent autre chose qu'un édifice sans caractere . ,,
C'est sur-tout en faisant plus , que les hommes s´imaginent
faire mieux , Charles Maderne , en allongeant la nef
de St. Pierre , augmenta sa dimension et diminua sa proportion.
L'édifice fut plus long , mais moins grand , Il
fallait respecter les plans de Michel Ange ; et la coupule ,
au lieu d'être devenue l'accessoire du monument , aurait
été le monument , ce qui était la chose convenable , surtout
quand une coupole est aussi vaste et aussi riche .
Les novateurs du Louvre ont imagine d'exhausser l'édi
face, d'un troisieme ordre qui prendrait la place de l'Attique.
Le monument est devenu plus haut et son ordon(
147 )
nance plus petite . Il y avait autrefois un grand étage ;
il n'y en a plus que trois semblables .
La plupart de ceux qui ont restauré d'anciens édifices
sont tombés dans de plus grossieres fautes. Ils n'ont pas
même eu le sens ordinaire de ceux qui raccommodent
de vieux vêtemens avec de vieilles étoffes : ils ne se sont'
jamais inquiétés d'assortir leur style au style ancien . Si
ces hommes avaient à restaurer la statue d'Esope , ils lui
mettraient la figure d'Apollon .
Il importe encore d'éviter ces défauts dans un édifice
qui est moins à restaurer qu'à terminer . Le Panthéon a
un grand avantage sur tous les grands édifices de France ;
c'est d'être un édifice achevé . Il est rare qu'un vaste éd¹-
fice soit terminé par celui qui l'a commencé ; on ne cite
presque parmi les ouvrages modeines , que Saint - Paul à
Londres qui ait eu l'avantage d'être terminé , dans un
espace de 40 années , par le même architecte et par le
même entrepreneur . Aussi tous offrent- ils ces disparates
destyle et de décoration , au milieu desquelles on cherche
le motif original et le, prototype de l'auteur .
Pour savoir donc jusqu'à quel point on pouvait innover
dans le Panthéon , et à quel point il convenait de
s'arrêter , deux choses principelas étaient à apprécier;
sa valeur et son mérite , sous les rapports du goût et de
l'architecture , et puis sa propriété relative à la destination
nouvelle qui lui était assignée .
Du monument considéré sous le rapport de l'art .
Lorsqu'on considere en quel état était l'architecture
au milieu de ce siecle , à l'époque où Soufflot conçut et
donna le projet de son temple , il faut convenir qu'il
y eut en lui une sorte de mérite révolutionnaire .
Il y en eut à dédaigner les formes capricieuses dont
des Boromini et les Guarini avaient infecté l'architecture
; il y en eut à rappeller les maximes pures et sages
de la modínature qui avaient disparu en France , depais
Perrault. Mais ce qui constitue son principal mérite ,
c'est d'avoir tenté le premier en France , d'introduire
des ordres et les colonnes isolées , tant à l'intérieur qu'au
dehors des édifices .
Le goût de bâtir tient beaucoup plus qu'on ne pense
aux moyens de bâtir , et ces moyens dépendent beaucoup
du climat et des matériaux . La France n'exploite
pas de ces carrieres dans lesquelles la nature a taillé elle-
L 8
1148 )
même des colonnes et des solives de marbre. La belle
pierre commune des environs de Paris , se trouve par
épais de 12 a 15 pouces ; sa tenacité , sa densité , les
variations du climat ne permettent pas un genre d'em
ploi si simple que chez les anciens .
Soufflot voulut enfin faire avouer à la France que ses
moyens de construction, que ses matériaux, que son climat
pouvaient se prêter à un mode d'architecture qu'on
avait cru jusqu'alors incapable de s'y naturaliser. Il voulut
avec des assises de douze pouces , et par le moyen des
clavaux en plate-bandes , faire plus et plus haut que
le Panthéon de Rome , malgré les marbres et les granits
qui lui assurent une éternelle solidité ..
+
C'est une chose à remarquer , que souvent les hommes
, à force de croire les choses difficiles , les rendent
telles , et qu'ils font le plus pour n'avoir pas cru pou
voir faire le moins. Soufflot , pour éviter la poussée
des plate bandes sur les colonnes du front de son
péristile , poussée qu'il pouvait éviter par une autre
disposition de colonnes , aima mieux voûter que plafonner
ce pêristile ; il chercha alors des points d'appui
sur les côtés de son portique . L'étendue de cette
voûte , ainsi pratiquée , en avait besoin ; il lui fallut
renforcer ses flancs de deux colonnes , et d'un ressaut
dans l'entablement. Ce défaut de disposition
tient tellement à la structure du péristile , qu'il en
est tout à -la- fois le principe et la conséquence : cette
voûte intérieure lui a procuré un exhaussement tel que
l'espace en est devenu ingrat à la décoration . Voilà les
principaux défauts de ce péristile ; auquel on peut encore
reprocher de la molesse dans les entre- colonnemens ,
trop de hauteur dans les proportions des colonnes , et
l'emploi des cannelures qui les atténuent encore , quoiqu'elles
aient éte faites dans l'intentiou de développer
par l'évasure des canaux plus de la moitié du diametre
la vue !
Il faut dire la même chose de la coupole , cet ouvrage
qui , à la singularité d'offrir trois voûtes en pierre
inscrites l'une dans l'autre , joint la solidité et la pureté
de formes la plus grande qu'on ait encore vue dans ce
genre .
" Je sais , ajoute le citoyen Quatremere , tout ce qu'on
peut objecter contre ce genre de construction , on le
renfermerait en un seul mot ; c'est l'apostrophe du poëte
à la sonate Coupole , que me veux-tu ?
( 149 )
Ç'a été une seule fois une belle chose qu'une coué
pole placée au centre d'une croisée , et portée sur les
roins de quatre voûtes ; mais il semble que ce soit
comme ces bons mots qu'on affadit en les répétant. IL
ne devait plus être permis d'en faire après Michel
Ange , ou il devait être permis d'être plus que Michel
Ange.
Ce sont souvent de fausses allusions qui produisent
de fausses analogies. Bramante avait voulu élever le
Panthéon sur les voûtes du temple de la Paix . Soufflot
a peut-être cru élever la coupole de Saint- Pierre sur
le péristile du Panthéon . Mais que peut- on mettre audessus
d'un péristile de cent pieds , qui ne soit ou trop
p tit ou trop grand ?
Il faut l'avouer , sur- tout après tant d'expériences ,
quelque plaisir qu'on puisse trouver à décorer l'aspect
des villes par ces vastes couronnemens qu'on appelle
des dômes ; quelque plausibles que soient , sous quelques
rapports , ces dispendieuses constructions , elles
tiennent plus aux idées composées qu'aux idées simples
de l'architecture ; quelque vanité que le génie de
la construction puisse y mettre , elles disparaîtront de
vant l'orgueil de la simplicité ; on reconnaîtra qu'elles
sont des especes de superfotations architecturales , dont
l'inconvénient est de compliquer les plans , de multiplier
les ressources parasites , d'éterniser les travaux ,
d'augmenter les dépenses pour introduire dans les édi
fices un double motif qui en rompt le premier mérite
savoir , l'unité.
!
Cependant comment ajuster le point central d'un
édifice à quatre `nefs ? Il faut nne coupole , et tant qu'il
sera impossible de faire que le Panthéon Français n'ait
pas quatre nefs , il sera ridicule de prétendre qu'il ne
lui faut pas une voûte centrale .
Ici le citoyen Quatremere répond à ceux qui avaient
proposé de changer la coupole , d'en remodifier les formes
et de la réduire à la galerie ou colonnade circulaire qui.
l'environne , en y pratiquant à la place de ses trois voûtes
surhaussées et pyramidales , une couverture extérieurement
surbaissée dans le goût du Panthéon de Rome. It
prouve très - bien que ces changemens et ces destructions
dispendieuses ne satisferaient à aucune des regles
de goût et de convenance , et ne corrigeraient aucun des
défauts qu'on aurait voulu corriger ; qu'en cherchant à
imiter la rotonde d'Agrippa ou le tombeau d'Adrien ,
L 3
( 150 )
on ne ferait qu'une mesquiae singerie et unvéritable hors
de propos. Si l'on ne conserve que la galerie ou colon
nade , à quoi servirait - elle? par quoi serait - elle motivée ?
que faudrait-il penser d une colonnade qui ne supporterait
rien et représenterait là comme un surtout de dessert ?
D'où il conclud qu'on a dû conserver la coupole , et
se borner à l'approprier au nouveau caractere du monument.
Ces observations ont dû servir de guide dans les
réformes de l'intérieur .
Le plan en était sans doute trop varié ; il apparten it
trop à l'architecture de décoration . Mais ce plan avait
été combiné par Soflot pour ses voûtes et pour multiplier,
en les divisant , les poussées er les résistances.
Les anciens ont toujours plafonné sur les colonnes ,
c'est ce qu'indiquent la nature et le bon goût ; nous
ne connaissons pas encore de grandes voûtes en ber
ceau , portées par des colonnes isolées : cela se f ra
peut-être ; mais c'est parce que la chose n'avait pas été
faite en grand , que Soufflot voulant en approcher , n'a
cru pouvoir y arriver que par la méthode des gothiques.
A cette occasion , l'artiste fait des réflexions judicieuses
sur l'infuence qu'un certain esprit de mode a
exercée sur les artistes . De nos jours , dit - il ,
les monumens d'ordre Dorique Grec , mieux vus et
plus fidellement dessinés par les voyageurs , des restes
découverts dans l'antique Possidonie , ont tout- à- coup
fait rebrousser l'architecture du style élégant au mode
le plus austere. Cela est tellement venu , comme dans
le commerce , affaire d'assortiment que , pour quelqu'objet
que ce soit , vous ne trouveriez plus aujourd'hui
du Corinthien chez aucun architecte : ils n'en tienvent
plus.
Du tems de Soufflot , les ruines de Palurire et de
Baalbech étaient en vogue . Les voyageurs Anglais
venaient de publier leur bel ouvrage sur ces restes
mémorables , monument du plus grand luxe auquel soit
parvenu le Corinthien . Souflot tendit toutes ses cordes
sur ce ton ; il chercha la plus grande richesse : mais
il prit souvent le change , sa richesse devint superfuité
et bientôt mesquinerie . Il ne fut pas bien servi
nonplus par ceux qui lai brodaient son monument.Choix
commun d'ornemens en quelques parties , exécution
précieuse , mais aride et maigre , mauvaise entente dans
la distribution des masses et des détails : brefl'effet ne
répondit pas à son atten.e .
( 151 )
L'auteur tire de toutes ces observations cette conse
quence générale , qu'on a dû se borner à ramener toutes
les parties de l'intérieur à une plus grande simplicité es
un meilleur accord avec le tout.
De l'édifice dans ses rapports avec sa destination actuelle.
En s'appliquant à sa destination nouvelle , l'édifice
a eu l'avantage de ne pas avoir un trop grand contraste
à vaincre. C'est moins en effet un séjour de mort qu'un
séjour d'immortalité ; c'est moins un hypogée , dont les
formes graves et sérieuses doivent annoncer le silence
des tombeaux , qu'un temple ouvert au culte des
grands hommes ; enfin , si nul n'y reçoit les honneurs
qu'après sa mort , c'est plutôt sous les signes de l'apothéose
et d'une consécration philosophique , que
sous les emblêmes de la mortalité . Si ce lieu doit recevoir
des monumens , ce sont des effigies vivantes des
grands hommes ; et si l'on peut se le figurer dans son
état de perfection , c'est plutôt sous le rapport d'une
galerie d'illustres portraits que sous celui de cata
combes.
Il fallait encore que pour satisfaire à sa nouvelle vo
cation , il pût offrir un lieu de repos séparé aux restes
inanimés des grands hommes . Son souterrain s'y est
trouvé merveilleusement propre . Outre les vastes berceaux
dont il est percé dans tous les sens , il s'y est
rencontré un local qui semble avoir été construit exprès
pour cet objet. Soit qu'on y dépose les corps dans des
tombes simples , soit qu'on les y range sous la forme de
gaines ou de termes , à la mode des Egyptiens , et
adossés contre les murs , ce souterrain d'honneur peut
en renfermer un très-grand nombre , avant qu'on ait
besoin de recourir au reste des caveaux dont on a
parlé. Il n'y avait rien à changer dans ce local , que
d'en diminuer la lumiere , ce qui a été fait ; et de lui
donner au chevet de l'édifice une entrée caractéristique
ce qui reste à faire .
Il était moins question de chercher un caractere exclusif
et spécial , que de tendre à supprimer tout ce qui
pouvait rappeller les anciennes idées , soit à l'extérieur ,
soit à l'intérieur , et de rajouter tout ce qui pouvait y
rendre lisible l'intention actuelle .
C'est sur-tout à la sculpture qu'on devait être redes
vable de cette métamorphose..
LA
( 152 )
Il y avait dans le choix des sujets plus d'un parti à
prendre ; mais il fallait opter entre les motifs historiques
et ceux de l'allégorie .
Quant aux faits , ils devaient se prendre parmi ceux
de l'histoire ancienne , ou de l'histoire des Français, qui
ne pouvait dater que de la révolution . Il devenait trop
hasardeux de confier si- tôt à la sculpture plusieurs des
faits de la révolution , que l'histoire n'a pas encore dé
gagés des personnages qui en fúrent les instrumens
pour les donner tout entiers au peuple qui en fut la
moteur.
Les traits d'histoire copiés de si près ressemblent aux
objets qu'on voit à la louppe ; il ' eût fallu sacrifier des
vérités locales et accidentelles à la vérité générale ; il
eût fallu effacer des figures , ou se résoudre à les voir
effacer par le tems ; d'ailleurs , comme j'ai déja eu
occasion de le dire , ce monument , quoiqu'il soit
l'ouvrage de la révolution , ne lui a pas été spécialement
consacré . L'histoire de celle- ci devra trouver
place dans les temples que la liberté va voir s'élever
de toutes parts ; il fallait ici chanter ses effets plus
que ses actions , et célébrer son regne plutôt que sa
conquête.
Cétait donc à l'allégorie qu'il fallait confier ce
soin.
L'allégorie semble offrir un champ qui n'a de bornes
que celles de l'infini ; cependant ses moyens sont aujourd'hui
plus circonscrits qu'on ne le pense. Toutes
nos idées sont prises des corps et de la matiere ; les
signes qui les représentent en sont aussi empruntés .
Voilà pourquoi , dans l'enfance des sociétés , les idées..
sont simples , comme le langage et l'écriture , qui n'en
sont que la peinture . On est plus près des objets qui
leur servent de type. Elles sont aussi moins multipliées .
parce que les besoins de la société et les rapports qu'elle
amene sont peu nombreux. A mesure que ceux-ci se
compliquent , les idées , de simples qu'elles étaient
deviennent composées ; le langage . par figures et l'écriture
par signes cessent d'être de mise , parce qu'il n'y
a plus ni assez de figures entieres , ui assez de signes
complets pour exprimer toutes les combinaisons de lat
pensée. Vient alors le regne des abstractions avec les
subtilités de la métaphysique , et enfin on fait une scienec
de l'art même d'expliquer les mots.
Je n'ai donc pas cru , dit l'auteur en finissant , devoir
?
( 159 )
aller chercher dans les espaces d'une métaphysique subtilisée
lès sujets d'allégorie qui devaient animer le corps
de notre architecture .
C'est dans les motifs simples de l'édifice , et non dans
le vague des généralités , que j'ai puisé les sujets de sa
décoration . J'ai voulu que tous fussent clairs et à la
portée de tous ; j'ai voulu qu'ils expliquassent le
monument et n'eussent pas besoin d'être expliqués par
lui.
Telle est l'idée qu'on peut se former d'un monument
aussi propre à inspirer le culte des grands hommes
qu'à le devenir , et que la France offrira à l'Europe
comme un chef-d'oeuvre de l'art , en attendant que
son gouvernement devienne le modele des gouver
nemens. ”
INSTRUCTION PUBLIQUE.
Analyse de la seconde séance des Ecoles normales.
Quand nous avons annoncé le tableau analytique des
séances des écoles normales , on sent bien que nous n'avons
pas pris l'engagement de faire un abrégé des diffé
rents cours qui s'y professent ; un abrégé de toutes les
sciences serait nécessairement incomplet , et dans l'obligation
deresserrer ses idées , obligation que commandent la
nature et la forme de ce journal , et le peu d'espace que
nous pourrions consacrer à cet objet , nous affaiblirions
le tout en ne donnant que des notions partielles . Nous
devons donc nous borner à faire connaître le but général
que se propose chacun des professeurs , les grands points
de vue sous lesquels ils ont envisagé chaque partie des
sciences , et d'indiquer l'immense carriere qu'ils offrent
à l'instruction , bien plus que de la parcourir avec eux.
Nous en dirons assez pour qu'on puisse apprécier le
degré d'utilité et le bienfait de cette institution , l'une
des plus propres à guérir les plaies de l'ignorance et du
crime , et préparer en France le regne durable de la
liberté , et pour engager tous les citoyens qui veulent
s'instruire à chercher dans le journal des Ecoles normales
le dépôt des connaissances qu'il renferme , dépôt précieux
qu'aucune analyse ne peut suppléer.
La seconde séance a été consacrée à la géographie ,
à l'histoire , à l'histoire naturelle et à la morale.
Buache et Mentelle , professeurs de géographie , ont auvert
leur cours par la lecture de leur programme. Après
( 154 )
avoir donné une idée générale de la géographie , comme
description de la terre , ils la considéreront 1 ° . comme une
simple planette , assujettie dans ses mouvemens à la
puissance active du soleil , dont ils décriront là figure , et
dans ses principales divisions mathématiques ; 2 ° .comme
planette habitable , d'où sa forme extérieure , ses producsions
de tout genre , la nature des êtres qui l'habitent ,
ce qui constitue la géographie physique ; 3 ° . sous le rapport
de l'établissement des grandes sociétés , des empires
et de tous les corps politiques qui ont existé et qui existent
actuellement ; c'est l'objet de la geographie politique:
40. sous le rapport de la nomenclature , qui n'est difficile
que par défaut de méthode , et ne s'apprend bien que
sur des cartes .
Buache a ensuite montré les rapports et les secours
dont la géographie est redevable aux mathématiques , à
la physique générale et à la chymie , à l'histoire natu-
Telle et àl'histoire politique . Après lui, Mentelle a fait cons
naître en quoi consistent les détails de la géographie , son
extrême utilité , et la maniere de l'enseigner aux enfans .
Il rejette le bureau topographique comme n'étant qu'un
pur mécanisme , et lui préfère la méthode .
La maniere dont Volney considere l'histoire est tout- àfait
neuve , et l'on devait s'y attendre ; elle n'a été pendant
long- tems que le recueil des crimes des rois et de
la faiblesse des peuples. Il se propose d'examiner plu
sieurs questions importantes :
1º. Quel degré de certitude , quel degré de confiance
doit- on attacher aux récits de l'histoire en général , ou
dans certains cas particuliers ?
2. Quelle importance doit- on attribuer aux faits
historiques , et quels avantages ou quels inconvéniens
ésultent de l'opinion de cette importance ?
3. Quelle utilité sociale et pratique doit-on se proposer
, soit dans l'enseignement . soit dans l'étude de
Thistoire ?
Four développer les moyens de remplir ce but d'ulité
, l'on recherchera dans quel degré de l'instruc
sion publique doit être placée l'étude de l'histoire ; si
cette étude convient aux écoles primaires , et quelles
parties de l'histoire peuvent convenir , selon l'âge et
Vetet des citoyens .
L'on examinera quels hommes doivent se livrer et
quels hommes l'on doit appeller à l'enseignement de
histoire ; quelle méthode paraît préférab.e pour cet
( 155 )
enseignement ; dans quelles sources Fon doit puiser la
connaissance de l'histoire , ou en rechercher les matériaux
avec quelles précausions , avec quels moyens on
doit l'écrire ; quelles sont les diverses manieres de l'é
crire , selon ses sujets ; quelles sont les diverses distributions
de ces sujets ; enfin quelle est l'influence
que les historiens exercent sur le jugement de la postérité
, sur les opérations des gouvernemens , sur le
sort des peuples .
Après avoir envisagé l'histoire comme narration de
faits , envisageant les faits eux - mêmes comme un cours
d'expériences que le genre humain subit sur lui- même ,
l'on essayera de tracer un tableau sommaire de l'histoire
générale , pour en recueillir les vérités les plus intéress
santes. L'on suivra chez les peuples les plus célebres
la marche et les progrès ,
1. Des arts , tels que l'agriculture , le commerce la
navigation.
2º. De diverses sciences , telles que l'astronòmic , la
géographie , la physique .
30. De la morale privée et publique ; et l'on examinera
quelles idées l'on s'en est fait à diverses
époques.
4º Enfin l'on suivra la marche et les progrès de la
législation ; l'on considérera la naissance des codes civils
et religieux les plus remarquables ; l'on recherchera quel
ordre de transmissions ces codes ont suivi de peuple à peuple
, de génération à génération ; quels effets ils ont produits
dans les habitudes , dans les moeurs , dans le caractere des
nations ; quelle analogie les moeurs et le caractere des nations
observent avec leur climat , et avec l'état physique
du sol qu'elles habitent ; quels changemens produisent
dans ces moeurs les mélanges des races , et les transmigrations
et jettant un coup- d'oeil général sur l'état ac
tuel du globe , nous terminerons par proposer l'examen
de ces deux questions :
1º . A quel degré de sa civilisation peut-on estimer
que soit arrivé le genre humain ?
2° . Quelles indications générales résultent de l'histoire
pour le perfectionnement de la civilisation , et l'amélioration
du sort de l'espece ?
Daubenton a expliqué dans son programme l'objet er
les différens points de vue sous lesquels on doit envisager
l'histoire naturelle. Dès qu'il a paru , l'aspect d'un vieil-
Jard octogénaire qui a rendu de si grands services aux
( 136 )
sciences , et qui rassemble le peu de forces qui lu
restent pour communiquer aux autres le fruit de ses
longues observations , a inspiré à toute l'assemblée un
sentiment profond de vénération et d'attendrissement ,
et ce sentiment s'est manifesté par des applaudissemens
universels . On sent qu'un cours de ce genre n'est pas
' susceptible d'analyse . Justesse et clarté dans les définitions
, exposition des rapports de l'histoire naturelle
avec les sciences qui en dérivent et les limites qui l'en
séparent , indication des différences qui doivent être
entre les recherches du naturaliste , celles des anatomistes
, des botanistes , des chymistes , des agriculteurs ,
des officiers de santé ou médecins , degré d'utilité dont
l'histoire naturelle doit être dans son application , en un
mot toutes les parties de l'histoire naturelle , considé
rées dans ses recherches et dans ses résultats , comme
dans les moyens de l'enseigner ; tels sont les objets qu'il
'embrasse dans son plan..
Il convenait que l'ami de Jean-Jacques , que l'auteur
des Etudes de la nature , de Paul et Virginie , et de la Chaumiere
indienne , fût l'interprête de la morale. Saint - Pierre
n'a paru à cette séance que pour annoncer qu'il avait pris
avec le comité, l'engagement de tirer des matériaux d'un
ouvrage sur l'éducation dont il s'occupe , un traité élémentaire
de morale , dans l'espace de cinq mois . C'était ,
a -t- il dit , demander bien peu de tems pour tracer un
plan qui doit résulter des lois de la nature , embrasser le
cours de la vie de l'homme dépuis l'enfance jusqu'à la
vieillesse , lui prescrire à- la- fois ses droits et ses devoirs ,
et présenter , suivant le programme du comité , un mode
d'instruction facile et intéressant pour les écoles primaires.....
J'ai une mauvaise santé ; j'écris très laborieusement
; je n'ai ni la facilité ni l'usage de parler dans une
assemblée . Sije pense intéresser la vôtre , ce n'est qu'er
Tui lisant un ouvrage que j'aurai fait à loisir. Je vous demande
donc le tems d'achever celui que j'ai commencé :
s'il plaît à Dieu , ce sera avant trop meis . Aucun cours de
l'école ne sera interrompu par son retardement ; la morale
est le terme où doivent aboutir les sciences de
l'homme ; car , à quoi lui serviraient- elles , si elles ne le
rendaient plus moral , c'est- à - dire , meilleur et plus heu
reux ? Mon traité doit donc aller à la suite de ceux de mes
collegues , mais j'espere qu'il finira en même-tems , parce
que, s'il m'est permis , j'allongerai mes séances ou jen
multiplierai le nombre.
( 157 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
SUIVANT
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 26 janvier 1795.
UIVANT des lettres de Varsovie , le voyage de Stanislas à
Grodno , où l'entraine pour ainsi dire la volonté de l'imperatrice
, a pour motif sa présence à un congrés quejles différentes
puissances co-partageantes doivent tenir dans cette ville , et
où on le fera probablement adhérer à un nouveau démembrement
déja calculé et résolu entre ces puissances . Les soeurs
de ce roi , qu'on peut regarder comme détrône , comtesses
Zamoiscka et Branicka , se proposent d'aller cacher à Vienne
leur grandeur éclipsée . Le priuce Ignace Potocki a versé quelques
larmes lors de son arrestation ; mais il a paru les donner
plutôt à la cause de la liberté trahie par le sort qu'à sa propre
infortune . Le ci - devant président Zakrewski était celui qui
montrait le plus de consternation . Quantau chancelier Kollontay
qui , le jour de la prise du fauxbourg de Prag , prit la fuite
avec des trésors qu'il voulait soustraire à l'ennemi , il a été
arrêté et conduit en Russie, où ou lui fera ugjerime plus capital
de cette soustraction que de ce que les vainqueurs appellent
sa révolte. On publie également , mais sans en être aussi sûr,
que le lieutenant- général de Favrat a fait arrêter Madalinski
qu'on a découvert dans le palatiuat de Sendomir , et qui a été
conduit à Breslau . Ainsi voilà tous les chefs de l'insurrection
polonaise entre les mains de leurs eunmeis ; et il est
difficile , pour ne pas dire impossible , que les desirs de retourner
a la liberté se convertissent jamais en efforts susceptibles de
réussir , faute de quelque homme d'un talent réel soutenu
d'intentions bien pures , auquel ies Polonais puissent se rattacher.
Ce malbeurenx peuple sent déja toute la pesanteur du nouveau
joug. Le prince Repuia vient d'exiger de la Lithuanie
dont il est gouverneur , un serment de fidélité à la Russie ,
et l'on a organisé à Kiovie une commission pour juger les
criminels d'etat . Plusieurs particuliers craignent que les recherches
de cette inquisition politique ne descendent des chefs
jusqu'à eux. Indépendemment de ces inquiétudes , la disette
se fait généralement ressentir en Pologne et surtout dans la
capitale. Il y a aussi eu à Posnanie une fievre inflammatoire
2
( 158))
dans l'hôpital militaire que l'on a pris d'abord pour une
épidémie. Il a fallu pour rassurer les habitans transférer te
lazaret hors de la ville , et même les malades qui se trouvaient
dans les maisons particulieres .
Des lettres de Stockholm disent que l'ambassadeur d'Espague
a témoigné au cabinet suédois le desir de connaître ses
intentions envers celui de Naples , et la crainte qu'elles ne
fussent hostiles à cause de l'asile donné au baron d'Armfeldt.
On ignore ce que le grand- chancelier a répondu à cette note.
1
De Francfort-sur-le-Mein , le 3 février.
Suivant les détails qu'on reçoit chaque jour par Wesel sur
les dernieres affaires qui ont eu lieu en Hollande , les Français
se sont trouvés à avoir à combattre non- seulement les troupes
anglaises et hollandaises , mais encore les autrichiennes . On
s'est battu sans discontinuer du 9 au 22 janvier . Il y a même eu
des jours où les Français ont renouvellé jusqu'à cinq fois l'attaque
la plus vigoureuse . Heureusement pour eux , les grandes
batteries hollandaises du côté de Pandern n'ont pu servir faure
de boulets de calibre . Mais ils n'en auront pas profité ; car on
les a encloués et jettés à l'eau .
On donne comme certain que la campagne commencera le 15
février par une tentative pour dégager Luxembourg . Cette
place est assez bien approvisionnée ; elle a même fait rentrer
dans ses murs un supplément de vivres , à l'aide d'une sanglante
sortie , où elle n'a cu d'ailleurs que cet avantage . Mais on croit
que le bois y manque , et l'on sait que les Français la resserrent
de jour en jour.
de
Le Rhin a été fermé par les glaces près d'Unckel et Lintz .
Les Allemands à celle époque en ont doublé les piquets ; on
fait reculer à quelque distance les canons de gros calibre , et
ranger les petits sur la rive . En général , ils prennent d'aulant
plus de précautions , qu'il est arrivé à Cologne aux Français ,
depuis quelques jours , 10,000 hommes venant des pays
Juliers et de Limbourg , pour renforcer leurs avani - postos , mesure
qui en exige de pareilles de la part des Allemands . Ils ont été
un peu effrayés , suivant des lettres de Sigbourg et de Neuwied ,
par la celebration de l'anniversaire de la inori de Capet , que
des salves d'artillerie et de mousqueterie et les cris répetes de
vive la République ont rendue très- bruiante , sans qu'on distingnât
au premier moment ce que c'était ; ce qui a jetté une
sorte d'alarme.
Des lettres postérieures annoncent que l'armés du Rhin va
se former en grand ordre de bataille ; tout devait être prêt et en
mouvement le 28 janvier. Le quartier- général restait à Heidelberg
, et le petit corps de l'armée de Condé bien affaibli devait
Occuper le centre.
( 159 )
Le général Mélas qui a conduit , il y a quelque tems ,
renfort considérable à la garnison de Mayence , est fixé à
Dourlach ; il aura sous lui le général - major Cobourg , neven
du prince de ce nom . Quant à la garnison de Philipsbourg .
elle doit être remplacée , et passe dans la partie aux ordres du
général Melas.
L'archiduc de Milan a dû se rendre à Vienne ; l'archiduc
Charles s'y rend également ; il s'est, mis en route, le go
janvier ; mais on croit qu'il reviendra incessamment à
l'armée.
१
On ne sait pas grand'chose des dispositions du , rɔi de
Prusse , qui semble être singulierement refroidi pour la
coalition il paraît seulement , d'après des lettres de Bâle ,
que le ministre français a échangé ses pouvoirs contre ceux da
ministre prussien , et que les conférences ne devaient pas tarder
à s'ouvrir. On espérait que la paix pourrait en résulter , du
moins entre la France et la Prusse ; ce qui ne tarderait pas d'en
a uener une générale , l'Autriche et l'Angleterre ne pouvant
gueres tenir après la défection d'un tel allié , à qui l'Angleterre
ne donne plus de susbsides , et la Hollande ne peut en fournir.
Au reste, la crainte de Frédéric Guillaume pour ses possessions
de Westphalie y entrerait aussi pour beaucoup .
ESPAGNE. De Madrid , le 16 décembre.
+
Irun et Tolesa sont toujours entre les mains des Français.
Le io de ce mois , le général Colomera était à la vue de la
seconde de ces villes , pour en déloger les Français . On
n'a point encore reçu de nouvelles de issue de cette e pédition
. Ce général vient d'être promu au grade de capitaines
général ,
Rose se défendait encore vigoureusement le 7. Les chas
loupes canonnieres , dirigées par le chef d'escadre Gravina ,
ont produit beaucoup d'effets en dénontant les batteries des
Français . On porte à 15.000 le nombre des assiégeans ; celui
des assiégés est dit ou , de 6000. Dans le cas d'uunne capitu ation
, la Houte espagnole , de 17 vaisseaux de ligne et de 6
fregates , devait se retirer à Mahon .
Le général Verrutia est arrivé , le 7 de ce mois à Barc , -
lonne , d'où il s'est rendu , sans délai , au camp de Giroane.
Les Catalans ont envoyé une députation au gouvernement ,
pourlai faire part des mesures prises par eux dans les conjonctures
actuelles . Ils ont érigé , de leur propre mouvement et à leurs
depens , un comité de finances , un autre de défense publique ,
et un troisieme de guerre . Ces trois comités ont déja commencé
leurs pérations . Dans quelques jours , les députés
doivent être présentés à Charles IV. Nul doute que le gou(
166 )
vernement dans les besoins qu'il éprouve , he sanctionne des
arrangemens dont il peut espérer de tirer quelques secours ; et
que sûrement d'ailleurs il se sent trop faible , au milieu de ses
revers , pour pouvoir les désapprouver. Cependant n'est- il pas
évident qu'un établissement de cette nature , et par son objet ,
et par la maniere dont il a été formé , est une véritable entreprise
contre le pouvoir royal ? Ainsi cette guerre , que les
rois ont entreprise pour le soutien de leur autorité , tourne
contre cette autorité même. On les voit contraints de recourir
au peuple , de l'armer , de lui donner pour prix de ses sacrifices
, on de lui laisser prendre une part effective dans le
gouvernement. Sans s'en douter , les rois ont planté au sein
de ce qu'ils appellent leurs états , un germe de révolution ,
qui doit se développer rapidement.
ITALIZ. De Génes , le 22 janvier.
Le général Scherer continue à visiter toute son armée. Ces
jours derniers , il a passé à Pieve et à Orméa . De son côté ,
l'adjudant - général Rusea , médecin , a visité tous les ports
de la riviere , pour connaître la cause des maladies qui affligent
T'armée française , et qui sont un peu moins dangereuses qué.
précédemment.
On nous écrit de Nice que les français ont pris 25 bâti
mens marchands , dont 14 anglais , chargés de vivres , de munitions
de guerre , et de 1200 hommes , tant marins que
soldats , qui devaient renforcer leur escadre , et six espagnols ,
qui allaient en Barbarie , chercher des grains , et qui avaient
bord les fonds nécessaires pour cette acquisition . Les
quatre autres bâtimens étaient neutres et chargés par l'ennemi.
Tout l'équipage de ces bâtimens consiste dans environ
560 hommes.
Cette prise importante a été faite par les frégates françaises ,
à leur retour de Tuuis ; mais à l'instant où elles allaient entrer
dans Toulon , elles se sont vues poursuivies par les
Anglais qui les ont forcées à lâcher une grande partie de
leurs prises .
Le dernier courier d'Espagne nous apprend que l'escadre
espagnole a souffert une forte bourasque dans la baie de
Roses ; qu'un vaisseau de 74 canons a été emporté par la
furie des vents , et s'est perdu ; qu'un autre de 80 a beau
coup souffert dans sa mâture ; et que Roses continue à se
défendre .
De Milan , le 7 janvier. D'après les avis qu'il était arrivé à
Nice 21 bataillons de troupes françaises , le gouvernement a
demandé à l'empereur des renforts pour défendre contre une
invasion cette partie des possessions autrichienues. En atien
dant
( 161 )
4
4
1
dant et malgré la rigueur de la saison , on a forme de forts
cordons de milice dans les lieux les plus exposés. A Ceva, et
dans les environs , il y a 12,000 hommes 8000 sont repartis
du côté de Mondovi ; et l'on a envoyé dernierement a Cor
temiglia 1280 Croates et un grand nombre de Piemontais
pour défendre le passage de ces côtes.'
Le bruit court encore que le général de Wins doit revenir
en Italie , et qu'il prendra le commandement de 28,000 hommes
l'ouverture de la campagne prochaine.
NGLETERRE De Londres , le 9 janvier 1795 .
Débats du Parlement. Chambre des Communes .
Seance du janvier . On fait lecture de la réponse du roi à
l'adresse qui lui a été présentée .
M. Sheridan prévient la chambre que son intention est de lui
soumettre , le lundi suivant , uue motion tendante à savoir si
le peuple anglais doit se Batter de jouir encore des bienfaits de
la loi de l'habeas corpus."
M. Maurice Robinson annonce que s'il y avait des commissaires
de l'amiraute presens , il voudrait s'informer de la marine . Il
déclare que le 6 il fera une motion sur cet objet .
M. Sheridan dit que , le 5 , il demandera aux mêm
membres du
conseil commun des explications sur l'acte de la milice de
Londres , passé dans la derniere session .
M. Fox veut que les ministres fassent savoir quand on traitera
la question de l'emprunt.
M. Rose , l'un des contrôlents des finances , répond que cette
question' se présentera naturellement le jour où l'on présentera
a la chambre l'apperçu des voies et moyens . Il ne peut pas indiquer
le jour précis où son honorable ami ( M. Pitt ) ne devant
pas venir au parlement ; mais il pense qu'il sera annoncé longtems
d'avance .
La chambre se forme en comité dès subsides .
M. Sheridan : J'observe , par motion d'ordre , que l'absence
de M. Pitt , comme chancelier de l'échiquier , est une infraction
aux reglemens. J'avone que je ne dois pas attendre beaucoup
d'exactitude de la part d'un homme qui viole de la maniere la
plus ouverte les formes établies . Aujourd'hui que sa présence
est nécessaire dans une discussion relative aux subsides , il
ne se trouve pas à sa place. C'est la premiere négligence de
cette espece qu'on puisse reprocher à un chancelier de l'échiquier.
M. Rose Il faut que l'honorable préopinant se soit mépris
sur les formes relatives à la premiére discussion du comité
des subsides . On a toujours considéré le vote général des
subsides comme une suite naturelle de l'adresse au roi , et
d'après cela , il n'y a pas de nécessité que le ministre se
trouve à la séance . Si l'honorable membre veut , au reste
** Tome XIV.
M
•
( 162 )
se rappeller les circonstances , il se ressonviendra que moimême
j'ai fait une motion à cet égard , il y a quelques
années .
M. Sheridan : Il me paraît que la déclaration du préopinant
ne fait qu'empirer la chose ; et qu'au lieu d'excuser le chancelier
de l'échiquier , il le rend vraiment coupable de négli
gence. Il ne faut pas s'imaginer que le vote des subsides soit
une suite naturelle de l'adresse au roi , comme on vous l'a
dit ; car , n'en doutez pas , il y a des membres qui peuvent bien
mettre en question s'il est convenable ou non d'accorder des
subsides quelconques , sans en avoir préalablement déterminé
l'objet , et alors les ministres doivent se trouver à la séance ,
pour répondre aux questions qu'il serait peut-être nécessaire
de leur faire. J'ai dit , et je le répete , qu'il ne faut pas attendre
beaucoup d'exactitude de la part d'un homme dont les infractions
aux formes établies sont notoires , sur-tout depuis
qu'il les a violées d'une maniere si inconstitutionnelle , en
Contractant un emprunt avant la convocation du parlement ,
et sans avoir l'assuranée du consentement de cette chambre .
Il y a encore des circonstances qui doivent éveiller l'attention
du parlement à cet égard , lorsqu'on réfléchit que notre convocalton
a été prorogée , non que le minis : ere voulût négocier
ou faire des ouvertures de paix , uon qu'il eût dessein de
faire du bien à l'Angleterre , mais parce qu'il voulait se ménager
le tems de contracter cet emprunt d'une maniere inconstitutionnelle.
Steele : Je ne saurais garder le silence dans un moment où
l'on se permet , envers mon honorable ami , des expressions si
séveres et en même -tems si peu fondées . Je le demande : en
quoi le chancelier de l'échiquier a- t-il agi contre les regles
ordinaires ? Il a fait un contrat provisoire ou bien un emprunt,
dont la ratification dépend entierement du parlement. Si vous
ne le sanctionnez pas , il est nul , et doit être regardé comme
non avenu. N'est - ce pas là ce qu'on a toujours pratiqué , sans
attendre la convocation du parlement ? Je ne vois pas d'ailleurs
qu'il y ait aucune différence entre la fixation provisoire
des bases d'un emprunt et un traité subsidiaire ; et vous
ne disconviendrez pas que sa majesté n'ait le droit de con
clure un traité de subsides , sauf à le faire ratifier par le parlement.
M. Fox : Le préopinant a mal compris l'état de la question.
Il y a beaucoup de différence entre un traité de subsides et un
emprunı ; d'ailleurs , il est inconstitutionnel de contracter des
engagemens pécuniaires , sans savoir si le parlement votera des
subsides ou non , et avant qu'il ne détermine l'état des forces à
employer.
M.Francis t La présence du ministre est nécessaire , attenda
qu'il peut y avoir des membres qui voudraient s'informer si les
Conditions de l'emprunt sont avantageuses on non à l'état , et
( 163 )
je vous déclare que j'ai des raisons pour croire qu'elles ne le
sont pas . L'emprunt n'a pas été fait ouvertement ; on a admis
tous ceux qui voulaient y souserire le ministre u'a fait
ouvrir ses portes qu'à un petit nombre d'hommes choisis
par lui. Toute concurrence a dons été écartée , et les conditions
arrangées en conséquence , de maniere à donner des
' soupçons .
M. Steele Ce n'est pas le moment d'examiner la conduite
du ministre ; quant aux conditions de l'emprunt , cette question
se présentera naturellement le jour où il s'agira de les
ratifier.
"
M. Sheridan : Il me semble , au contraire , que c'est ici le
moment de discuter la question proposée ; c'est au moins celui
que je voudrais choisir , si le ministre se trouvait à la séance .
Le parlement se trouve à cette occasion , dans une situation
extraordinaire. On sait qu'il y a parmi nous beaucoup d'hommes
opulens , et j'espere qu'i s'en trouvera toujours dans cette
chambre. Or , il est très-naturel de supposer que plusieurs de
ces membres sont interessés à l'emprunt ; il est donc incontes
table que ceux- là ne peuvent pas discuter lá question avec impartialité
; ils doivent desirer au contraire que nous votions
des subsides assez vastes pour qu'ils puissent retirer de grands
avantages de leurs engagemens . Voilà déja un motif assez
puissant pour qu'on veuille savoir les conditions de l'emprunt.
J'observerai encore en réponse à ce que l'on a insinué relativement
au droit de cassation qui réside dans le parlement , qu'il
est presque devenu une maxime dans cette chambre de ne pas
rompre les engagemens contractés par les ministres , à moins
qu'on n'y soit déterminé par les motifs les plus puissans . A
l'égard de l'emprunt impérial , j'avoue que j'ai peine à y
croire ; je ne conçois pas , après l'expérience que nous avons
eue de la bonne - foi de nos alliés , qu'il puisse exister un homme
capable de se présenter ici sans masque , et de prétendre nous
en imposer d'une maniere si déhonte . Non , tant de folie n'existe
pas.
M. Sheridan parlait encore , lorsque M. Pitt est entré.
Le chancelier de l'échiquier prend la parole aussi- tôt après
l'opinant.
Comme je n'ai pas assisté aux motions qui viennent d'avoir
lieu , je ne puis gueres répondre aux differentes observations
que l'on a pu faire . J'ai cependant entendu le discours du
préopinant assez au long pour m'étonner qu'il puisse s'élever
des difficultés sur une motion qui a toujours été regardée
tomme une affaire de fait . J'en suis d'autant plus étonné , que
dans la derniere séance , on a pris des résolutions prélimi
naires sur la nécessité d'un subside quelconque . Malgré les
débats qui out eu lieu sur l'adresse au roi , et malgré la
différence d'opinion sur la continuation de la guerre , on ne
niera pas que l'amendement proposé par ceux-là même qui
M
164
condamnaient la guerre . n'ait été un aven direct et solemnef
de la nécessité des subsides , et de l'intention où ils étaient de
les fournir.....
*
Loin de m'attendre , d'après cela , à des expressions de colere
aussi tranchantes , je ne croyais pas même qu'il put y avoir
la moindre opposition sur la question générale des subsides .
A l'égard des engagemeus contractés relativement à l'emprant ,"
ils ne peuvent être et ne sont que provisoires jusqu'à la sanction
définitive du parlement . Je dirai aussi , malgré les expressions
impérieuses dont on s'est servi en parlant de l'emprun : impérial
, je dirai que je le regarde , moi , comme une mesure sage
et politique , et je serai assez hardi et aszez effronté pour
avouer , d'après ma conduite intime , que l'empereur est dés
terminé à poursuivre avec vigueur la campagne prochaine ,
pourvu toutefois que l'Angleterre l'aide dans ses finances. Le
langage péremptoire de l'honorable membre ne m'effraiera pas
jusqu'a m'empêcher, d en faire la proposition ; je la ferai d'antant
plus volontiers , que le succès de la guerre depend infinimeat
de la coopération ferme et vigoureuse de l'empereur ;
et je ne doute pas que ses intentions ne soient de la continuer
dans cet esprit . Voilà les motifs par lesquels il me paraît
quil sera possible de justifier l'emprunt . Quant à celui nécessité
par nos propres besoins , je le répete , les articles n'en
ant été conclus que sur la suppostion de la sanction du parlement.
Je n'ai fait que suivre dans cette occasion ce qu'on a
Loujours pratiqué avant, moi la seule différence qui existe
entre ma conduite et celle de tous ceux qui ont occupé
la place de chancelier de l'échiquier , c'est qu'autrefois les
engagemens provisoires se faisaient cinq à six jours avant l'époque
de la discussion , er que , dans les circonstances actuelles
il se trouve un
intervalle plus considérable ; mais le
principe est toujours le même. J'avoue d'ailleurs que je m'étais
Hlatté de trouver tous les esprits réunis sur la nécessité de cette
mesure. Je me hâterai de vous soumettre , le plutôt possible , la
question de l'emprunt impérial ; je m'y determine avec confiance
, d'après les renseignemens que vous m'avez donnés dans
la derniere session. Il est possible aussi que , lors de la diseussion
sur la somme des subsides , je vous propose d'adopter
un vote conditionnel , dont l'objet sera de garantir l'emprunt
impérial.
2
TO:
M. Fox Je dois dire en réponse à une assertion faite
par l'honorable préopinant , qu'il ne me paraît pas à moi que
les membres de ce côté soient tenus de voter des subsides
en vertu de l'amendement voté par eux dans la derniere séance .
Si cet amendement eût été adopté , j'avoue qu'alors ils seraient
tenus de voter des sommes bien plus immenses que le mi
-nistre lui-même ne pourrait les demander. Mais aussi leur
destination serait bien differente . On les emploierait à se
procurer les bienfaits de la paix , au lica que les subsides
( 165 )
1
demandés aujourd'hui n'ont d'autre objet que la continuation
d'une guerre ruineuse , qu'on semble vouloir rendre éter
nelle .
Il n'est pas vrai non plus que le chancelier de l'échiquier
se trouve dans la même situation que tous ses prédécesseurs .
11 ya cette différence , que jamais ministre n'a stipulé les
articles d'un emprunt , sans que " le parlemrat n'eût déterminé
au préalable l'état des forces publiques . Les emprunts
antérieurs n'ont jamais été plus de quatre à cinq jours sans
être soumis au parlement ; et celui- ci est deja passé depuis
eing semaines . Plus l'intervalle est court , plus la fortune
publique y gagne ; l'extension du tems , dans ces sortes d'affaires ,
fait un objet de la derniere conséquence .
On observera sans doute que , dans les circonstances actuelles ,
T'honorable ministre s'est départi de ses propres principes .
Il y a deux ans , il fit un emprunt à des conditions extravagantes
, et il tronva moyen de se justifer , en disant que les
conditions m'étaient pas à la vérité des meilleures , mais
qu'enfin l'opération avait été dirigée de maniere à exclure toute
espece d'influence . Aujourd'hui on donne à la corruption toute
latitude : je ne saurais dire ce qu'elle opere ; mais il est incontestable
qu'il se trouve des membres du parlement intéressés
à l'emprunt , et que cette participation d'intérêt produit sur
leurs esprits une influence qui peut devenir funeste à la chose
publique. Un levain de corruption ' se mêlera nécessairement
à tous les votes qu'ils doiveut émettre sur la question des
subsides , Les formes de délibérations établies dans cette
chambre et fondées sur les principes constitutionnels , Bont
violées par cette extension d'influence.
Je m'etoune que mon honorable ami ( M. Shéridan ) s'effraie
d'un plan quelconque , lorsqu'il vient des ministres leur
conduite démontre assez qu'il n'y a rien de si absurde , que
lear politique ne l'embrasse. Le nouvean plan de garantie ,
relatif à l'emprunt impérial , est certainement une opération
monstrueuse , mais qui ne m'étonne pas . Cette garantie . Be
sera que conditionnelle , nous dit-on ; mais n'est-il pas évident
que ceux qui se trouvent intéressés à l'emprunt national ,
ne peuvent pas se promettre d'en retirer tous les avantages
possibles , à moins que l'emprunt impérial ne soit aussi
accordé ; et dès -lors la corruption n'entre- t-elle pas ici par
tontes les avenues puisque l'adoption d'au projet entraine
celle de l'autre . M. Fox termine par réprouver la garantie
conditionnelle de l'emprunt imperial. I demande qu'on
fixe un jour pour la discussion de cet objet , et il invite
tous les membres à assister à la séance.
9
M. Burdon , nouvellement passé dans le parti de l'opposition ,
adhere aux subsides , malgré sa protestation contre la guerre ,
et justifie cette espece de contradiction , en disant que la question
n'est plus , si l'on fera la guerre du la paix ; et que la guerre
M -3
( 166 )
+
étant décrétée , il ne reste plus aux vrais amis de la patrie
que d'aviser aux moyens de la faire .
M. Thornton , qui est dans le même cas , ajoute à la même
opinion , qu'il ne croit pas que l'on termine la guerre par
des négociations , quoique les ministres doivent en entamer ,
s'ils le peuvent. La paix pourrait amener en France une
contre-révolution , dont on ne sera jamais redevable à la force
des armes . Au reste , il y a du danger pour l'Angleterre des
deux côtés. Cependant l'emprunt s'étant fait d'une maniere
honorable , il est d'avis que la chambre y accede.
L'acceptation de l'emprunt étant ce qui intéresse le plus le
ministre , celui- ci marque son contentement , comme on s'imagine
bien , du discours du preopinant , qu'il remercie de sa
bonne-foi. 11 engage tous ceux qui ont voté comme lui , et
qui sont également obligés comme lui , par leur conscience ,
de prêter des forces au gouvernement , à le prendre pour
modele. Je ferai , dit-il , tout ce qui dépendra de moi pour
amener une discussion particuliere sur l'emprunt impérial ;
mais je n'en dissimulerai pas la difficulté , vu la liaison intime
de cette question avec mon tableau général des voies et
moyens et lundi , 5 janvier , je vous proposerai de renvoyer
cette discussion à quinzaine. Je suis sûr que personne n'aura
à reprocher au gouvernement aucune influence en vertu de
eet emprunt. Je défie d'avance qu'on puisse se permettre , avec
fondement , la moindre assertion de ce genre.
C'est un moyen extraordinaire d'établir un systême d'infinence
par l'opération d'un emprunt dont la valeur dépend
des chances de la guerre . S'il était question de paix , ce raisonnement
pourrait avoir quelque force ; mais la paix ne devrait - elle
pas faire hausser les fonds publics ? Dans les circonstances
actuelles , je suis persuadé que les honorables membres de
l'autre côté ne disconviendront pas que l'empereur ne soit
un allié nécessaire , et je demande d'après cela , si je dois me
présenter au parlement sans être en état de lui présenter
le tableau des forces qu'il peut opposer à l'ennemi . Voilà
les motifs de ma conduite ; je suis prêt à les discuter au moment
convenu .
M. Wilberforce , auteur de l'amendement sur l'adresse ,
se croit cependaut tenu de voter les subsides ..
M. Buncombe est d'un avis contraire.
M. Fox Je pense que l'empereur ne peut pas continuer
la guerre d'une maniere vigoureuse , attendu que les élec
teurs demandent la paix. Je crois que le danger qui menace
de plus près l'Angleterre , vient du peu d'activité qu'on a
mis dans les opérations navales . Chaque scheling qui peut
être employé à la construction des vaisseaux de guerre dans
toutes les parties de cette isle où il se trouve des chantiers ,
est mal employé si on en fait quelqu'autre usage . Chaque
individu qu'on peut retirer de l'armée du continent pour ren(
167 )
forcer la marine , est mal placé s'il reste sur le continent, Nos
opérations navales doivent répondre à notre puissance.
Six cents artilleurs doivent être tirés des différens corps
de l'établissement britannique , et envoyés dans les Indes occidentales.
On remarque que les ministres affectent de garder un profond
silence sur tout ce qui se passe en Hollande . On avait
annoncé que les alliés devaient tenter une attaque . Il y a
huit jours que l'éqoque à laquelle elle devait être faite est
passée , et quelle que fût son issue , les ministres auraient dû
en être informés . On couclut de leur silence qu'elle n'a pas eu
lieu.
Les ministres ont , dit - on , désapprouvé la note que sir
Richard Worsley a présentée au gouvernement vénitien
à l'occasion de la réception d'un nouveau ministre de la'
République Française , et lui ont ordonné de retourner à
Venise .
Le Morning- Cronicle annonce de nouveau que l'amiral Howe
s'apprête à quitter le commandement de la flotte , et qu'il doit
être remplacé par lord Bridport. La mêine feuille ajoute que
c'est l'état de negligenee scandaleuse à laquelle la marine est
abandonnée , qui a déterminé le parti que lord Howe doit
prendre.
Le congrès d'Amérique a ouvert ses séauces le 19 novembre .
Le discours que le président Washington a tenu à cette occasion
, offre un tableau très - intéressant de la situation actuelle
des Etats- Unis .
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE BARRAS.
Séance de septidi , 17 Pluviôse.
Il y a eu hier soir une séance extraordinaire pour le renouvellement
du bureau . Barras a été nommé président. Les secrétaires
sont Laurence , Bion et Isabeau .
Espert , représentant du peuple , en mission dans les départemens
du Vard et des Bouches -du- Rhône , adresse à la Convention
les pieces relatives aux mouvemens de Marseille ; ' il luidemande
de se tenir en garde contre les divers rapports qui lui
seront faits , et d'étre bien convaincue que l'amour de la patrie
entre pour bien peu de chose dans toutes ces querelles , Il avertit
que ses pouvoirs finissent le 29 , et demande un successeur pour
le 30 .
Jean- de - Brie , représentant du peuple dans les départemens
( 168 )
de la Drôme de l'Ardèche et de Vaucluse , écrit que dans ce
dernier l'on tremble encore , et qu'il est difficile de ne pas
rencontrer à chaque pas des gens qui pleureut. Les souvenirs
récens des forfaits dont le pays a été couvert , ne permettent
qu'à peine de croire au retour de la justice . On semble craindre
d'être inaigre par les scélérats , si on montre de la vertú . 11
ajoute qu'on en impose , sil on dit que les satellites des triumvirs
n'out porte leurs coups que sur les aristocrates . Dans un
seul vill ge , soixante femmes à peine vêtues , et portant les
empreintes d'un travail journalier , pleurent la perte de leurs
maris , condannes par le tribunal d Orange . Jean- de - Brie s'y
occupe sans relâche des subsistances , et il a l'espoir que si la
saison s'adoucit , et facilite les arrivages , les départemens méri
dionaux se ont approvisionnés . Il a établi provisoirement une
municipalité et un juge- de- paix à Bedouin , et il demande la
confirmation de cet arrêté . La lettre sera insérée au bulletin , et
J'arrete est confirmé.
J
Les administrateurs du district de Mayenne envoient à la
Convention un exemplaire de la lettre circulaire écrite le
1. pluviôse , an 2 , par l'accusateur public de la commission
militaire et révolutionnaire de ce département , à toutes les
communes. Il y déclare , en vertu des pouvoirs qui lui sont
„ delegues , qu'il n'existe pas une commune qui ne contienne de
ces monstres , c'est - à dire , des fanatiques , royalistes et fedéralistes
, et que toute municipalité qui n'aurra pás fait traduire
des accusés et entendre des témoins contre eux , sera réputée
les receler et favoriser , et sera inca cérée sur son réquisitoire .
Quant à nous , ajoute - t-il nous promenerons la guillotine
révolutionnaire sur les lieux où votre vigilance aura traduit les
coupables. D
Renvoyé au comité de sûreté générale .
Le comité d'instruction publique a soumis enfin son travail
sur les fêtes décadaires. Le projet de décret qu'il a présenté
differe peu de celui qu'il avait d'abord proposé . L'Assemblée en
a ordonné l'impression et l'ajournement.
Cambon demande qu'il soit fixé un jour pour la discussion
„du projet sur la rentrée des assignats . Il est décrété qu'elle s'ouvrira
dans la prochaine séance .
Thibaut présente un projer de tontine pour faire rentrer les
quatre, milliards а d'assignats .
1
Vernier fait un discours sur le même sujet . 11 dit qu'en
ne supposant le gage des assignats que de dix . milliards ,
il serait encore, fort au- dessus des émissions qui n'arrivent
qu'a six set il ajoute qu'en supposant même que la nation
n'eût aucune propriété territoriale , ce gage ne serait point
illusoire parce qu'il porterait alors sur les propriétés particulieres
.
Les deux orateurs ont été applaudis , surtout lorsqu'ils
( 169 )
ont insisté à l'inviolabilité de os engagemens , et la Cone
vention a ordonné l'impression de leur discours .
3
Séance d'octidi , 18 Pluviôse.
Pons de Verdun ) , au nom du comité de législation
expose que le comité a reçu beaucoup de reclamations contre
les inscriptions sur la liste des émigrés ou leurs radiations
prononcées par les représentans du peuple en mission , et que
beaucoup de ees réclamations paraissent,fondees . Il propose
de décréter que les inscriptions sur les listes d'émigrés , et
les radiations faites par les représentans du peuple en mission ,
seront soumises à l'examen du comité de legislation pour être
confirmées ou infirmées d'après la loi du 25 brumaire. Ce
projet de décret est adopté .
rede
L'Assemblée avait décrété la formation d'une commission com
posée d'un membre de chaque comité,pour s'occuper des commissions
executives , d'un mode de gouvernement et des lois orga
niques de la constitution . Un membre a dit que les comités ayant
été renouvelles , les membres qui en sortaient n'ont pas
cru pouvoir rester membre de la commission . La Convention
a décrété que les membres nommés pour former la commission
dout il s'agit continueraient d'en faire partie , quand même
ils ne seraient plus membres des comités qui les ont nommés.
Isoard , au nom des comités de sureté générale et de législation
, propose de renvoyer devant le tribunal criminel
du département du Puy- de- Dôme , les particuliers d'Aurillac ,
prévenus de contre révolution mais qui dans le fait ne
paraissent coupables que de dilapidations , concussions et
abus de pouvoirs . Ce projet de decret est d'abord adopté.
mais Duhem prend la parole pour dire que des hommes accusés
de contre-révolution ne doivent pas être traduits devant les
tribunaux ordinaires. Le rapporteur répond que , par la loi
de frimaire , les délits dont ils sont prévenus sont expressement
de la compétence des tribunaux criminels .
· •
Bailleul : Il faut éviter que le scandale qui a eu lieu dans
l'affaire du comité révolutionnaire de Nantes se renouvelle .
et que les prévenus , sous prétexte que leurs délits ne sont pas
contre-révolutionnaires , soient mis en liberté , quoique convaincus
. Il appuie le projet de décret.
Thuriot invoque, les principes. Il dit que s'il n'y a que
des délits ordinaires à punir , il n'est pas besoin de provoquer
les tribunaux , et que c'est à eux à faire leur devoir.
Il ajoute qu'il desirerait que l'on fût assez grand pour faire le
sacrifice de toutes les petites passions au bien public. li demande
l'ordre du jour , ou du moins l'impression du rapport.
Musset , qui vient du département du Cantal , où il était
en mission , répand des lumieres sur la discussion . Les hommes
dont il s'agit s'étaient organisés en commission pour s'enrichir
. Ils incarcéraient et donnaient ensuite la liberté à ceux
( 170 )
qui pouvaient ou voulaient l'acheter. Ils ne recevaient pas
seulement des assignats , ils arrondissaient leurs domaines par
la même voie . Milhaud , dont le frère , est un des prévenus ,
a invité Musset à le faire punir avec toute la sévérité de la loi
s'il était reconnu coupable.
Merlin ( de Douai dit que Thuriot s'est écarté des principes
qu'il réclamait . Il precise la question qui est celle de compétence
, les délits imputés aux prévenus sout du ressort des
tribunaux criminels , d'après le code pénal. C'est par un
abus monstrueux que la connaissance en avait été attribuée
au tribunal révolutionnaire du 22 prairial .
Isoard , rapporteur , fait remarquer que le comité a choisi
le tribunal criminel du département du Puy-de-Dôme pour
juger cette affaire , parce que celui du Cantal aurait pu être
influencé par des passions locates et des animosités particu
lieres.
La Convention passe à l'ordre du jour , et maintient le décret
rendu sur le rapport d'Isoard .
La commune de Gannat dénonce , par l'organe de ses députés
, des terroristes , qui ont mutilé , pendant la nuit , l'arbre
de la liberté , et attaché" à cet arbre une cocarde blanche , avec
l'inscription , vive Louis XVII . Heureusement ils ont été reconnus
; des preuves matérielles déposent contr'eux , et ils sont
en arrestation .
Séance de nonidi , 19 Pluviose,
Blutel , représentant du peuple en mission , écrit de Bor
deaux , le 12 pluviôse , qu'il vient d'entrer à la Rochelle un
navire anglais richement chargé . La rigueur de la saison avait
intercepté toute communication entre Bordeaux et la Rochelle ,
ce qui rendait très - alarmante la position de cette derniere com
mune. Le peuple y était réduit à sept onces de pain par jour.
Mais il souffre sans murmues , et attend de la Convention
l'allégement de ses peines .
Lakanal , au nom du comité d'instruction publique , fait
décréter qu'il est autorisé à faire payer , sur les fonds mis à
la disposition de la commission executive , jusqu'à concurrence
de 30,000 l . pour la distribution des ouvrages qu'il
jugera utiles de faire délivrer aux éleves de l'école normale .
Sur la proposition du même rapporteur , la Convention
nomme le citoyen Vandermonde , professeur d'économie politique
à l'école normale .
Lequinio , en mission à Chartres , dénonce l'administration
"des postes . Il a reçu des plaintes par- tout . Des lettres sont
supprimées , les assignats qu'elles renferment pris , le secret
des lettres est violé . Il accuse de ces malversations les employės
des différens bureaux , qui sont des hommes de rapines et de
sang. Reavoyé aux cómités de sûreté générale et des transports.
( 171 )
La discussion sur l'amélioration des finances et la rentrée des
assignats s'ouvre. Loyseau obtient la parole , et propose le
systême des primes pour opérer promptement cette rentrée.
Lecointre ( de Versailles ) craint que cette mesure ne jette une
grande défaveur sur le crédit des assignats.
Cambon assure , au contraire , qu'il n'y a aucun inconvénient
à accorder une prime de dix pour cent aux débiteurs
qui payeront par anticipation , et que c'est un moyen de faire
rentrer au trésor public un grand nombre d'assignats . Il rap
pelle que les assemblées précédentes ont accordé des primes ,
sans compromettre la fortune publique.
Balan propose un autre moyen il consiste dans l'échange
volontaire des assignats jusqu'à concurrence de trois milliards
contre des reconnaissances qui porteraient cinq pour cent.
d'intérêt .
Ces deux opinions seront imprimées et la discussion continuée
dans une autre séance .
Hermand, au nom du comité de sûreté générale , propose
un projet de décret qui est adopté , et qui porte que tout
citoyen , en faisant une déclaration de tlécès , déposera la carte
de sûreté da défunt . Les citoyens ne pourront obtenir de
passeports qu'en déposant leurs cartes de sûreté , qui leur
seront rendues à leur retour. Tout citoyen qui quittera sa section
pour se fixer dans une autre , sera tenu de se faire rayer
du rôle de sa compagnie , et de remettre sa carte au comité
civil qui lui en donnera un récépissé , avec lequel il en obtiendra
une autre sur sa nouvelle section .
Séance de décadi , 20 Pluviôse.
Pottier , au nom du comité de législation , fait décréter que
Je président du tribunal révolutionnaire est autorisé provisoirement
, en attendant que les 30 jurés du tribunal soient rendus
à leur poste , à faire tirer au sort pour chaque procès ,
en présence de l'accusateur public et d'un commissaire de la
section du tribunal à laquelle le procès est assigné , 11 jurés
sur ceux qui sont actuellement à Paris .
Sur le rapport des comités de finances et de législation ,
la Convention décrete que tous employés dans les armées ou
à leur saite , grevés d'oppositions sur leurs appointemens , par
leurs créanciers , en toucheront les quatre cinquiemes ; le
cinquieme restant sera réservé aux créanciers , qui pourront
d'ailleurs exercer leurs droits sur les autres biens de leurs
debiteurs.
A
Un très - grand nombre de citoyens , rentiers de la Répu
blique , paraissent à la barre , et appellent la sollicitude de la
Convention sur les malheurs des circonstances , qu'ils sentent
encore plus vivement que les autres citoyens . Le prix excessif
et toujours croissant des objsts de premiere nécessité les met
(( 172 )
*
aujourd'hui dans l'impossibilité de subsister eux et leur famille.
Cambon prend la parole , et dit qu'il présentera , dans le
cours de la décade prochaine , au nom du comité des finances ,
un projet sur la situation des rentiers depuis la suppression de
la loi du maximum .
Mathieu , au nom du comité de sûreté générale , rend compte
de la situation de Paris et des mesures que le comité a prises
pour le maintien de l'ordre .
Depuis quelque tems , dit-il , la tranquillité publique est me
nacée ; les amis de la liberté sont inquiets , les partisans de la
terreur osent publier de criminelles espérances . Le comité a vu
des mouvemens inconsidérés et des mouvemens coupables . La
conduite des jeunes gens dans les spectacles doit être attribuée
plutôt à la légereté qu'à une mauvaise intention : mais des mouvemens
plus dangereux ont provoqué des mesures séveres .
Dans des sociétés soi -disant populaires , on a regretté la tyrannie
et la terreur ; des femmes salariées ne se sont pas
bornées à outrager l'humanité par leurs opinions , elles ont
provoqué la révolte et la dissolution de la Convention . Un
journaliste , la trompette de la sédition , a osé appeller la
Convention le sénat de Coblentz , présenter les 71 députes rappellés
dans son sein comme les causes de ce qu'il appelle la
contre révolution , et les proscrire avec trente autres de nos
collégues. Les conspirateurs out cherché à égarer les fauxbourgs
, et à faire servir à relever les échafauds les mains qui
ont renversé la bastille ; mais les habitaus des fauxbourgs Aus
toine et Marceau ont vu le piége , et ont résisté aux séductions.
Le comité , considérant que le décret qui a placé Marat au
Panthéon , n'a point ordonné que sou buste serait placé dans
dans les lieux publics , et s'étant assuré qu'il était une cause
de désordre et de trouble . a donné ordre de le déplacer des
théâtres où il pourrait être encore. ( Vifs applaudissemeus . )
Le journaliste Babeuf est arrêté , et les clubs des Quinze - Vingis,
fauxbourg Antoine , et de Lasouski , fauxbourg Marceau ,
sont fermés. Nouveaux applaudissemens . ) Le rapporteur
finit en demandant l'approbation de ces mesures.
La Convention décrete qu'elle approuve les mesures prises
par son comité de sûreté générale pour le maintien de l'ordre ,
l'impression du rapport et l'insertion au bulletin .
André Dumont , au nom des comités de législation , de
sûreté générale et de salut public , succede à Mathieu à la
tribune : il présente un projet de décret qu'il fait précéder
d'un discours dont voici quelques traits : Il existe de nouveaux
tyraus . Leurs efforts criminels appellent la vengeance nationale.
Ne laissons point les Français douter de notre courage.
Qu'étaient les jacobins au 9 Thermidor ? des révoltés . Que
sont-ils aujourd'hui ? des machinateurs de séditions . Il faut
enfu se prononcer et faire rentrer dans la poussiere ce as
( 173 )
C
de brigands . Qu'avez-vous à craindre tous les citoyens sont
là pour vous défendre . Anéantissez donc ces bourreaux de
T'humanité , éteignez la torche de la guerre civile .
Dumont propose ensuite de décréter , 1 ° . que les honneurs
du Panthéon ne pourront être décernés à un citoyen , ni sont
buste placé dans le sein de la Convention et dans les lieux
publics , que dix ans après sa mort. 2 ° . que tout décret dont
les dispositions seraient contraires au présent est annullé .
Ce projet de décret est adopté à la presqu'unanimité.
Séance de primedi , 21 Pluviose.
Dubem denonce une grande conspiration. Il répete ce
qu'avait dit Bourdon ( de l'Oise ) qu'on s'etait assemblé au
café Payen pendant la nuit , qu'on y avait juré sur des sabres
et des poignards la destruction de la Convention , et qu'on
désignait lui , Duhem , parmi les chefs de ce complot . Il demande.
que les comités en rendent compte séance tenante , et il se
réservé la parole pour confondre ses délateurs . La Convention
passe à l'ordre du jour , motivé sur ce que Duhém dois
' adresser aux comités qui sont chargés de l'entendre .
Les sections de Paris se rendent en masse à la Convention
, elles viennent la feliciter sur son décret d'hier , et lui
marquer la satisfaction qu'elles éprouvent de voir que l'atroce
et sanguinaire Marat ne souillera plus la salle de ses séances ,
ni les lieux publics . Celle des Gravilliers demande en particulier
la punitionn des assassinats commis à Marseille sur
plusieurs soldats de son bataillon ; celle de la Fontaine de
Grenelle, la panition des égorgeurs du 2 septembre ; celle du
Mont-Blanc , les jugemens des quatre prévenus ; celle des Piques
laurépression de ces femmes qui ont vu couler le sang avec
joye et fuceur , et qui osent improuver les décrets de la Cona
vention , parce qu'ils respirent la justice et l'humanité ; enfim
celle de la Fraternité annonce que le buste de Châlier a subi
le même sort que celui de Marat , et que l'oppresseur de nos
freres de Lyon ne devait pas en avoir un autre.
Ces adresses présentées par de grandes masses de citoyens
ent obtenu des applaudissemens nombreux . Elles seront insérées
au bulletin , et les comités s'occuperont des demandes
qu'elles renferment.
Legendre de Paris ) demande que pour ne pas laisser
l'opinion publique vacillante , la commission des vingt- un
annonce le jour où elle compte faire son rapport. Saladin
déclare que les quatre prévenus ont été entendus ; qu'on va
leur remettre des copies de toutes les pieces , et qu'ensuite
c'est-à-dire , dans les iers, jours de la décade prochaine , le rapport
pourra être présenté.
Bernier , au nom du comité de législation , fait un rappert
sur le comité révolutionnaire de Nantes ces individus , cons
#
"
( 174 )
vaincus de grands crimes , ont été élargis , parce que , d'après
La declaration du Jury , ils ne les avaient pas commis dans des
intentions contre - révolutionnaires . Le rapporteur établit l'irrégularité
et la nullité de cette déclaration du jury , et il propose
de renvoyer les convaincus devant le tribunal criminel
d'Angers . Ls Convention a ordonné l'impression du rapport
et l'ajournement à trois jours .
PARIS. Quartidi 24 Pluviôse , l'an 3º . de la République.
En exécution du décret rendu décadi dernier , les pusies.
de Marat et de Lepelletier , ainsi que le tableau peint par David,
ont été enlevés du lieu des séances de la Convention . L'image.
seule de Brutus a été conservée . Ce n'est pas que l'opinion
ne mette une grande différence entre Lepelletier et Marat ;
mais les dispositions de la loi sont trop formelles et trop
ages , pour admettre aucune exception . Les sections de Marat
et de Châlier se sont empressées de reprendre leur ancien
nom , l'une du Théâtre Français , et l'autre des Thermes de
Julien. La pagode qu'une superstition calculée avait élevée
sur la place du Carrouzel , en l'honneur d'Arimane Marat ,
été démolie à la grande satisfaction du peuple.
་
Dans la séance du 22 , le comité de salut public a fait part à
Ia Convention du projet de traité de paix avec le grand-duc
de Toscane. La discussion en a été ajournée ; nous en ferons
connaître les articles .
Les coups de vent violens qui se sont faits sentir sur l'Océan
ont forcé une division de notre escadre, composée de 8 vaisseaux
et quelques frégates , de rentrer à Brest . Le vaisseau le Téméraire
a été si endommagé , qu'il a été obligé de se faire échouer .
C'était une vieille carcasse sur laquelle on ne comptait gueres
pour tenir la mer.
On mande d'Angers , que Stofflet , le plus opiniâtre des
chefs des rebelles , est entré en pour- parler avec des commis
saires envoyés par les représentans du peuple.
De nouveaux bâtimens chargés de grains sont entrés à Toulon
et à Marseille . !
Suite de la relation des principales circonstances qui ont précédé
et accompagne l'entrée des Français en Hollandê.
L'après-midi du 18 , à 4 heures , la députation du peuple revint,
disant que Straalman n'avait pu parler qu'à un seul de ses collegues
, à cause qu'un officier français était entré dans la ville , qui
( 175 )
1
avait déclaré au college des bourgmestres qu'ils restaient
responsables pour la conservation du bon ordre. I pria la
députation de revenir une troisieme fois à 9 heures du soir.
: Peu après , on commença a crier par toute la ville vive
la République ! A sept heures , il y eut convocation de
l'Arquebuse chez Straalman , où l'orateur de la députation.
Schiramelpenninck fut invité.
On était bien décidé à ne pas fléchir , on portait par- tout
la cocarde ; toutes les sociétés populaires sont réinstalées et
assemblées en très- grand nombre .
Pendant que ceci se passait dans l'intérieur , le citoyen
Grayenhoff est entré dans cette ville ; il a la qualité d'adjudant-
general du général Daendels , et il s'est rendu chez
le gouverneur de la ville , comte Golofkin.
La foule s'est considérablement accrue dans tous les clubs ,
et notamment dans celui où se trouvent nos principaux né
gocians , connu sous le nom de Doctrine , et qui était également
supprimé par un édit du mois d'octobre dernier. On
y a fait rapport à la bourgeoisie de ce qui s'est passé avec
le citoyen Crayenhoff ; sa proposition a été que la régence
se démettrait elle - même de ses charges , faute de quoi le
peuple les déclarerait déchus .
Il était ajourné jusqu'à 9 heures du soir pour savoir la
réponse du magistrat statdhoudérien . Le peuple applaudit beau
coup à se rapport ; il s'est tenu assemble toute la nuit. Le 19
de très-bonne heure , il s'est rendu sur le Dam ; les applaudissemens
et les cris de Vive la République ! étaient universels .
A huit heures du matin , toutes les cloches ont commencé à
carillonner et ont fait entendre des airs patriotiques . Deux drapeaux
tricolores ont été arborés à la maison commune . Les
troupes stathoudériennes composant la garnison , ont reçu ordre
dès hier soir de sortir de la ville.
Le général Golofkin a été forcé de donner sa démission .
Le citoyen Crayenhoff est commandant de la ville . A onze
heures du matin l'arbre de la liberté , surmonté d'un chapeau ,
a été planté sur le Dam.
La magistrature actuelle et la chambre des bourg-mestres ,
ont été déchues de leurs fonctions par la bourgeoisie ; et l'on
a nommé une régence provisoire de cette ville , composée de
vingt membres.
Ils ont pris séance à la maison commune , dans la chambre
du conseil général ; les citoyens Brender , Brandis et Taademan
ont été nommés secrétaires de la ville ; cette commission est
chargée d'organiser la nouvelle régence municipale , ainsi
que le conseil de guerre de la bourgeoisie de cette ville .
Le libraire Verlem , et un autre patriote , détenus dans une
maison de force , en ont été arrachés par le peuple . Les
citoyens Vischer , ansien conseiller-pensionnaire de la ville ,
176 )
}
ainsi que ses cinq collegues , détenus dans une autre maison
de force , ont été également mis en liberté par leurs conei
toyens , et conduits dans des voitures , et en grande solem
nité à l'hôtel- de ville .
7
Le même jour 19 , à 3 heures de l'après-midi , le général
français Daendels , accompagne du citoyen Krayenolf , monta
à l'hôtel- de-ville , et fut conduit dans la salle du conseil , où la
nouvelle municipalité était assemblée. 500 hussards français ,
qui étaient entres dans Amsterdam le même jour , furent bientôt
suivis d'une division de l'armée française . Elle y fut reçue aux
acclamations de tous les patriotes ; la joie était universelle , et
les habitans ne s'occuperent que des moyens de bien traiter
leurs liberateurs . Le plus grand ordre a régné dans la ville , et
l'on n'a eu qu'à s'applaudir de la fraternité et de la bonne discipline
des Français .
Les jours suivans , on s'est occupé de l'organisation des autorités
constituées . On a formé un comité révo ulionnaire , un
comité de police générale , un comité de judicature , un comité
de commerce et de navigation , et un comité de finances.
La même révolution s'opérait à Harlem , à Dordrecht , i
Leyde ; mais c'est surtout à la Haye , ce centre du gou
vernement stathoudérien , que la révolution a été prompte .
Dès le 16 janvier , à 8 heures du soir , l'assemblée des an
ciens états - généraux et des états de Hollande avait été convoquée
extraordinairement. Le stathouder y parut , et demanda
la démission de toutes les charges de ses deux fils , dont l'un
était commandant en chef de l'armée stathoudérienne et l'autre
général de cavalerie.
Le 17 , le matin , la femme du stathouder prit la fuite , et
se rendit en voiture à Scheveningue , village de pêcheurs , à
une lieue de la Haye , sur les bords de la mer du Nord . Elle
était accompagnée de l'épouse du fils aîné du stathouder , nou
vellement accouchée , emmenant son enfaut . Elles se sont
embarquées dans un bâtiment pêcheur , dans le dessein de se
sauver en Angleterre .
Le même jour le Strathouder assista , à 10 heures , à l'As.
semblée des etats généraux , et à 11 à celle des états de Hollande
, et se démit dans ces deux assemblées , de toutes ses
charges civiles et militaires . A 3 heures de l'après midi l
partit pour Scevehningue dans le même dessein de se sauver
en Angleterre . Aussi-tôt les états aristocratiques écrivent à
tous les commandans militaires de ne plus faire aucune résistance
aux troupes françaises ; ils nommerent de ces députés
pour aller à Woeder , porter aux Français la capitulation
signée pour la province de Hollande , elle contenait la promesse
de sûreté des personnes et des propriétés , ainsi que la
liberté des cultes .
(La suite au numéro prochain )
( N° 30 )
135.
MERCURE
FRANÇAIS
DÉCADI 36 PLUVIOSE , l'an troisieme de la Républiqus.
( Mercredi 18 Février 1795 , vieux style. )
T ( G
Explication des Charade et Logogriphe du No. 99.
Le mot de la Charade est Partage ; celui du Logogriphe
est Motif; où l'on trouve mot , if..
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
NOTICE SUR LA VIE DE SIETES , membre de la premiere
Assemblée Nationale et de la Convention : écrite à Paris ,
en messidor , deuxieme année de l'ère républicaine (vieux
style , juin 1794 ) : brochure in- 8° . de 66 pages . A Paris ,
chez MARADAN , libraire , rue du Cimetiere-André- des-Arcs,
no. 9. L'an 3e .
SLEYES
IEYES a occupé un rang assez distingué parmi les patriotes
de Sg qui avaient des principes , un but et de la
morale , pour qu'on doive être curieux de connaître
quelques circonstances de sa vie privée et politique.
Cette notice , qui vient d'être publiée , a été écrite en
messidor de l'année derniere ; cette époque mérite d'être
remarquée . Aussi l'auteur dans un avant-propos expliquet-
il les motifs de son entreprise.
Tout le monde, dit-il , connaît le proverbe : On ne
sait ni qui vit ni qui meurt. Il est permis de se le rappeller
en ce moment autant qu'en aucun autre .
Témoins de l'activité avec laquelle la calomnic
travaillé la partie la plus connue de la vie de Sieyes ,
nous pouvons conjecturer qu'elle se débordera tour
aussi volontiers sur le reste. A tout événement , il faut
lui épargner l'embarras de marcher sur le vide . Cest
donc à la calomnie que nous offrons ce tableau som
maire d'une vie fidelement déroulée et toute simple. La
dédicace du moins paraîtra neuyc.
" Nous sentons comme d'autres le ridicule de parler
d'un homme vivant ; mais , premierement , le proverbe
Tome XIV.
( 1789) x
que nous venons de citer répond un peu à ce reproche ;
le motif qui le suit est , de plus , excusable dans la circonstance
; puis , ne sommes - nous pas au tems des choses
inusitées ? celle- ci du moins ne sera pas dangereuse .
Si quelqu'un veut reconnaître l'auteur , ce qui ne,
sera pas bien difficile , nous lui répondrons d'avance :
Que vous importe , vous n'en avez été que mieux servi
pour l'exactitude scrupuleuse des faits . D'ailleurs , il
est des époques et des choses sur lesquelles la maniere
de voir d'un homme fait aussi partie de sa vie.
Emmanuel Joseph Sieyes est né à Fréjus , département
du Var , le 3 mai 1748. Il fut élevé au collège des
Jésuites. On sait combien ils étaient habiles à deviner ...
leurs éleves ; ils remarquerent celui- ci , et voulurent se
l'attacher. Le pere de Sieyes résista à leurs instances .
Le goût du jeune Sieyes l'appellait à l'artillerie ou au
génie militaire. Ses parens en disposerent autrement ;
il fut destiné à l'état ecclésiastique , et envoyé à Paris
au séminaire de Saint- Sulpice .
à
Il était alors dans sa quatorzieme année . Le voilà
sequestré décidément de toute société humaine raisonnable
, ignorant comme l'est un écolier de cet âge
n'ayant rien vu , rien connu , rien entendu , et enchaîné
au centre d'une sphere superstitieuse , qui dut être pour
lui l'univers. Il se laissa aller aux évenemens , comme on
est entraîné par la loi de nécessité . Mais dans une position
si contraire à ses goûts naturels , il n'est pas extraor
dinaire qu'il ait contracté une sorte de mélancolie sauvage
, accompagnée de la plus stoïque indifférence sur sa
personne et son avenir. Il dut y perdre son bonheur , ilétait
hors de la nature ; l'amour de l'étude seul put y
gagner. Son attention se dirigea fortement sur les livres
et les sciences . Ainsi se passerent sans interruption les
dix plus belles ou plus tristes années de sa vie , jusqu à
l'expiration de ce qu'on nommait en Sorbonne le cours
de licence.
esses premieres années n'ont rien de remarquable que
sa passion pour l'étude de la métaphysique et de la morale
. Ses supérieurs le crurent perdu , parce qu'il montrait
du goût pour les nouveaux principes philosophiques ;
il passa une partie des années 1773 , 1774 , soit à cultiver
la musique , soit à réfuter le systême politique des économistes
, qu'il trouvait roide et pauvre , mais supérieur
conf fois à la miserable routine qui s'en effrayait , suivant
Pusage , sansytien eennttenednred.re.faster
( 179 )
"
Il fit ou crut faire , dans ces deux années , des recher
ches importantes sur la marche égarée de l'esprit humain
en philosophie , sur la métaphysique du langage et les
méthodes intellectuelles . Il n'a rien publié . La qualité
dominante de són esprit est la passion du vrai , dont la
recherche l'absorbe presque involontairement il n'est
point content , s'il tient un sujet , qu'il ne l'àit approfondi ,
analysé dans toutes ses parties , et ne l'ait ensuite reconstruit
dans son ensemble . Mais le besoin de savoir une
fois satisfait , il reste avec ses notes et ses tableaux analytiques
, qui ne peuvent être que pour lui . La mise au
net , le remplissage des vides , et cette sorte de toilette
que les auteurs même les moins soucieux de fumée littéraire
, ne pourraient refuser à des écrits destinés à voir le
jour , lui sont insupportables ; il a déja passé, à d'autres
méditations . S'il s'est permis quelques infidélités à cette
sorte de paresse , ce n'a été qu'entraîné par le sentiment.
d'un grand intérêt public , et dans des momens où il avait
l'espoir probable d'être utile .
Il partit en 1775 pour la province de Bretagne , avec
un évêque qui lui donna un canonicat . L'occasion se
présenta de changer de chapitre . Il fut successivement
vicaire général , chanoine et chancelier de léglise de
Chartres ; mais jamais il ne s'est immiscé dans le ministere
ecclésiastique pour lequel il eut toujours de la
répugnance ; son goût l'entraînait à ce qu'on appellait
alors la partie administrative . On l'avait vu aux états de
Bretagne , député du diocese où il avait son premier bénéfice
; et , pour le dire en passant , rien n'égale l'indignation
qu'il avait rapportée de cette assemblée , contre la
honte use oppression où la noblesse y tenait le malheureux
tiers-état . Lorsqu'on forma l'assemblée provinciale
d'Orléans , il en fut nommé membre , non pas au choix
du ministre , mais à celui des administrateurs , et ensuite
président de la commission intermédiaire . Ces assemblées
ont beaucoup aidé , par l'impulsion qu'elles donnerent
aux esprits , à montrer la nécessité de convoquer les étatsgénéraux
; elles en firent comme un dogme politique , reçu
et professé dans toute l'étendue de la France .
Sieyes était lié à Paris avec quelques - uns des membres
du parlement , qui , à cette époque , ont servi la patrie.
Ce grand corps n'avait ni lumieres , ni véritable énergie .
La question , par exemple , des lettres - de - cachet , était
mûre pour tous les Français , excepté pour Messieurs ,
quoiqu'ils ne cessassent de remontrer , pour la forme ,
6
K 2
( 180 )
contre leur illégalité . Le jour où les chambres furent
exilées à Troyes , Sieyes donna le conseil de se rendre
sur-le-champ au palais , de faire arrêter et pendre le ministre
signataire d'ordres évidemment arbitraires , illégaux,
et proscrits par le peuple. Le succès de cette mesure était
infaillible , elle eût entraîné les applaudissemens de toute
la France : son avis ne prévalut point.
Ce fut dans l'été de $ 8 qu'il composa , à la campagne ,
sez vues sur les moyens d'exécution dont lés représentans de la
France pourront disposer en 1789 ; mais à son retour à Paris ,
d'autres questions politiques qui agitaient alors la France,
l'engagerent à écrire son Essai sur les priviléges , et imme
diatement après , son ouvrage intitulé : Qu'est- ce que le
tiers-état ?.... Il est aisé , en comparant ces deux écrits au
premier , de voir combien était , non pas opposé , mais
différent , l'esprit dans lequel il avait tracé ses vues sur les
moyens d'exécution . Ces trois brochures parurent coup sur
coup , à la fin de 1788 et au commencement de 1789.
Il se forma à Paris deux nouvelles sociétés ou clubs ,
pour aviser aux moyens de préparer pour les prochains
états-généraux un parti d'opposition à l'anglaise . Elles
étaient l'une et l'autre l'ouvrage de la minorité de la
noblesse , c'est - à-dire de quelques hommes de robe et
de finance , avec qui le ministre avait dernierement
refusé d'entrer en négociation ; et principalement de
cette portion d'hommes de cour qui , négligés par la
réine , se fatiguaient de jalousie et d'intrigues contre
les possesseurs heureux du crédit et des grades .
Une de ces sociétés s'assemblait au Marais dans la
maison de M. Adrien Duport , conseiller au parlement ,,
grand prosélyte de Mesmer , devenu ensuite député de
Ja noblesse de Paris aux états - généraux . I ! affectait alors
de porter la doctrine du magnétisme animal au plus
haut degré dillumination ; il y voyait tout : la médecine
, la morale , Féconomie politique , la philosophie ,
l'astronomie , le passé , le présent à toutes les distances ,
et même le futur : tout cela ne remplissait que quelques
facettes de sa vaste vision mesmétienne . Au surplus ,
il s'est montré dans la révolution , homme spirituel ,
intrigant subtil , révolutionnaire ignorant ,, brouillon ,
mais actif et très- ose ; prenant ses visions pour des vues ,
et en général considérant les hommes comme un joueur
regarde les pieces du jeu des échecs , ou comme des
marionnettes qu'on fait mouvoir pour ses passe tems
dans une lanteînc-mugique.
L
1
181 )
Ici l'auteur de la notice annonce dans une note ,
qu'Adrien Duport est la seule personne dont on se soit
permis de parler individuellement dans cet écrit , parce
qu'on sait que depuis son émigration en Angleterre ,
la causé à la France tout le mal qu'il lui a été possible
de faire , par la connaissance intime qu'il avait de tous
les moyens d'agitations à Paris .
L'autre société plus nombreuse , plus répandue , plus
active , s'assemblait au jardin du Palais - Royal ; elle etait.
connue sous le nom de club des enragés . Gelle- ci a rendu
des services réels , en répandant avec une généreuse
profusion dans toutes les provinces des pamphlets alors
utiles . Sieyes ne fut ni de l'une ni de I autre société .
Dans le tems qu'il était question de la rédaction des
cahiers , on lui a attribué des instructions que l'ex- duc
Ed Orléans avait fait composer à l'usage de ses bailliages.
Sieyes n'y fut pour rien ; il ne travaillait pas pour des
princes. Il y a de lui que la brochure d'environ
56 pages d impression in- 8° . , mise , sans qu'il s'en soit
mêlé , à la suite des instructions sous son véritable titre
très - distinct Délibérations à prendre par les assemblées de
bailliages.
1
Nommé aux états - généraux , on sait la grande part
qu'il eut sur les fameuses délibérations de juin 89 ,
relatives à la constitution des représentans du tiers - état
en Assemblée nationale . Cette époque et celle du serment
du Jeu - de- paume , seront à jamais les deux plus
glorieuses dont s'enorgueilliront les fastes de la liberté .
On aime aujourd'hui à confondre les dates er les faits .
on semble se persuader que la révolution n'est due qu'à
June sorte d'explosion populaire , à une insurrection .
-L'auteur de la notice l'attribue avec raison à lénergie
des députés du tiers état , à leur courage réfléchi ,
leur attachement éclairé aux vrais principes de l'ordre.
social à leur déclaration calme , solemnelle et décisive sur
ce qu'ils étaient , et sur les fonctions nationales que leur
mission leur donnait à rempli . L'insurrection mémorable
du 14 juillet ne peut pas se séparer de la confiance due.
à l'Assemblée nationale.
Il n'y avait plus qu'à faire des lois , qu'à établir dans
le gouvernement le systême représentatif , veritable
objet de la révolution . Tout était prêt à obéir. Les opposans
eussent plié ou émigré . C'était l'avis de Sieyes ;
c'était celui de la majorité de ses collegues des
munes. Mais alors , la noblesse y était.
com
N3
( 182 )
C'est à la
minorité de cette noblesse qui vint se mêler
avec les députés du peuple et faire partie du côté
gauche , que l'auteur de la notice attribue tous les maux
qui ont sivi cette époque . Alors , dit- il , la marche.
des affaires prit un caractere différent. On s'étudia à jetter
du mouvement là où il ne fallait que des conceptions , à
substituer les manoeuvres de l'intrigue aux armes jusqu'à
ce jour victorieuses de la raison , à susciter enfin des séditions
exécutrices par- tout où il eût suffi d'un simple´
huissier pour signifier le voeu de l'Assemblée . Ces messieurs
se firent donc , chevaliers de révolutions ; et pourquoi
? Ils ne voulaient point laisser s'établir un ordre de
choses ennemi des priviléges ; ils ne voulaient point sérieusement
laisser présenter aux Français une constitution
représentative , fondée sur l'égalité. Il fallait , dans
ce dessein , paralyser ceux qui n'agissaient que pour la
Patrie , ceux qui avaient le plus servi à déterminer la véritable
révolution . Le public qui tourne toujours ses
-regards du côté où il y a du mouvement , tomba dans
une illusion si profonde , qu'il attribuait tout l'honneur
des travaux de 1 Assemblée à ceux qui ne s en mêlaient
que pour les gâter. ",
Il est bon de le répéter, parce qu'on s'est trop mépris
à quelques apparences . Parmiles membres ducôté gauche
de la premiere Assemblée nationale , les uns n'avaient
écrit et agi que pour avoir une constitution ; les autres
ne s'agiterent que pour l'empêcher , et ils prirent le
nom de révolutionnaires , dont ils ne s'étaient seulement
pas avisés les premiers , par qui cependant la , révolution
s'était faite ,
Deux partis se formerent ; celui des Lameth et celui
de Lafayette : On aimera à voir sous quels traits il représente
la premiere de ces factions , qui avait usurpé ,
comme tant d'autres charlatans l'ont fait depuis , un
grand ascendant de popularité .
2
La faction laméthique , dit - il , fut nuisible et
coupable dès le principe: On peut se la représenter
comme une troupe de polissons méchans , toujours en
action , criant , intrigant , s'agitant au hasard et sans
mesure ; puis , riant du mal qu'ils avaient fait , et du
bien qu'ils empêchaient de faire . On peut leur attribuer
la meilleure part dans l'égarement de la révolu
tion . Heureusé encore la France , si les agens subalteraes
de ces premiers perturbateurs , devenus chefs à
leur tour par un genre d'hérédité ordinaire dans les
( 183 )
longues révolutions , avaient renoncé à l'esprit dont
ils furent agités si long- tems ! ,,
Quant à la seconde faction , voici de quelle maniere
il en groupe le tableau.noles See
La masse moins remuante , mo
*
moins unie moins
serrée des fayétistes , avait une apparence plus morale.
Son noyau , après avoir passé trop long- tems, pour honnête et pur , se rendit tout- à -fait criminel dès le commencement
de 1791 , par ses intelligences
avec le
tyran , qui ne fut jamais de bonne- foi . Ceux qui formaient
de noyau se groupaient ensuite séparément afin d'atteindre toutes les nuances et embrasser plus de
monde. Dans cette classe de directeurs politiques nous
avons vu les plus habiles des intrigans se croire , par
cette seule raison , les plus habiles des hommes
et véritablement
ils le sont fort dans leur sens , puisqu'ils
ont su se retrouver au centre des affaires de la République
....
+ 4
Les auteurs des deux premiers mois de la révo
lution resterent indépendans , en petit nombre et avec
peu de crédit . La légèreté française trouvait même
qu'ils avaient de l'humeur ! Nous ne parlons pas de
quelques personnages qui déja trompaient tous les
partis , et même le château qui les payait .
A peine une corruption commune eut - elle rétabli
un point de contact entre les deux factions fayétique
et laméthique , qu'elles se rechercherent. Les meneurs ,
de part et d'autre , s étaient entendus clandestinement
au mois d'aviil 1791 au sujet d'un voyage du roi à
Saint -Cloud et plus loin , sur lequel on avait, indignement
trompé les autorités constituées de Paris. La résistance
des patriotes , quoique tardive , arriva à tems , et fut
vigoureuse. Les perfides négociateurs virent qu'il n'y
avait pas de tems à perdre . Ils hâterent la coalition des
deux partis , qui fut complette et visible pour tout le
monde deux mois après , à l'époque de la fuite du roi
à Varennes.
Réunissant alors tous les moyens d'intrigue , les chefs
coalisés crurent posséder tous les moyens de l'art social.
Mais leur incapacité , réduite à s'aider du machiavélisme
et du crime , acheva de dessiller les yeux du
public. On fut frappé de la conduite équivoque de la
noblesse , à dater des premiers jours , de la révolution ,
comme si c'était une chose nouvelle . On se rappellait
les fréquentes observations des indépendans , en parti-
Nf
( 184 )
culier celle-ci , qui avait fait beaucoup d'ennemis à
Sieyes : Comment ne veut- on pas voir qu'après l'échec
de la puissance royale , il n'y a plus de ressource
que dans le maniement déloyal de la puissance révo
lutionnaire , pour nous empêcher de fonder une constitution
sur les bons principes ? Comment ne voit on pus
que les révolutionnaises contre l'ordre représentatif
doivent se montrer plus révolutionnaires que nous jusqu
au jour où , devenus les maîtres , ils se hâteront d abjurer
la révolution elle- même ? ,
Sieyes tout entier à ses travaux particuliers et à sa douleur
patriotique , donna lieu par son immobilité même à
une étrange variation de sentimens de la part des mêmes
personnes . Avant la coalition , la faction Lameth faisait
deridicules efforts pour l'appeller aristocrate ; après , elle
s'est épuisée à l'appeller républicain régicide . La faction
fayetique , avant la même époque , le recherchait , le louait,
le caressait à l'excès ; il était l'homme juste par excelfence
, le propagateur éclairé et solide des vrais principes .
Après , elle se tuait à colporter qu'il était un scélérat .
L'auteur de la notice distingue trois intervales dans la
carriere politique de Sieyes . Le premier va jusqu'au
jour où il laissa échapper dans l'Assemblée nationale ces
paroles : Ils veulent être libres , et ils ne saventpas être justes.
Elles tomberent ces paroles dans l'oreille de la passion.
La haine , l'esprit de faction , les recueillirent avidement.
La mauvaise foi se chargea des commentaires .
Depuis cette époque jusqu'en juin 1791 , Sieyes fut
moins actif, moins apparent , mais souvent aussi laborieux
que dans le premier période de sa vie politique. Il s'était
apperçu que les deux factions dont on vient de parler
cherchaient à établir une seconde chambre dans le mode
anglais, perfectionnée à la française . Quelques membres
de l'Assemblée avaient fait la motion de diviser le corps
législatif en deux sections. Il appartenait à Sieyes de
s'en inquiéter ; il crut y voir une atteinte à l'unité et à
T'égalité du peuple et de la représentation législative . Il
composa avec un autre patriote , depuis victime déplorable
des derniers contre - révolutionnaires , un projet de
déclaration à souscrire volontairement , dont l'objet au
fond n'était que le serment de l'égalité , décrété quinze
mois après par le corps législatif. L'écrit était à peine sous
presse , que Sieyes fut dénoncé à la tribune des jacobins ,
le 19 juin 91 , comme ayant le projet contre-révolutionnaire
de ressusciter la noblesse et d'instituer deux cham-
3
( 185 )
bres , tandis que l'ouvrage était composé ex professo contre
les deux projets supposes. Sieyes se préparait à répondre ,
lorsque la fuite du roi vint absorber toutes les attentions
et l'empêcherent de publier son écrit. Quand on lui
reprochait son silence , il répondait : Que voulez-vous ?
si je prononce : deux et deux font quatre , les coquins
font accroire au public que j'ai dit deux et deux font
trois. Quand on en est là , quel espoir d'utilité ? il ne
reste qu à se taire.
:
Là finit le second période de la carriere de Sieyes .A dater
de ce moment , durant toute la tenue de l'Assemblée
législative jusqu'à l ouverture de la Convention , il est
resté complettement étranger à toute action politique.
Mais il s'est expliqué ouvertement sur le plan progressif
de contre- révolution royale , et s'est félicité de la journée
du 10 août.
Il était à 60 lieues de Paris , lorsqu'il apprend qu'il
vient d'être nommé député à la Convention par trois
départemens . Il arrive . Il est curieux de voir comment
l'auteur bien instruit de la notice , rend compte des
sensations de Sieyes.
Aux objets , aux figures , qui de toutes parts
étonnent ses regards , aux discours qui frappent sop
oreille , il pouvait sans délire se croire transporté par une
puissance magique au bout du monde , dans un pays
inconnu .
" Il est étranger à tout ce qu'il rencontre , aux hommes
accrédités sur-tout , dont sa malheureuse étoile semble
vouloir lui faire une loi de se rapprocher., Il s'arrête .
if observe ils pressent l'entreprise formée par eux de
maîtriser et de perdre la Convention , que ces hommes
avilissaient déja par leur présence.
Il est étranger aux jacobins , aux ministres au foyer
infernal des bureaux de la guerre , et à cette commune
municipale ( 1 ) où les événemens de septembre avaient
transporté toute la force réelle où les idées les plus incohérentes
qui , aient déshonoré le cerveau humain
passaient pour un système de democratie digne du
Peuple Français où les formes sales , les moeurs
abjectes , le langage corrompu , les appétits brutaux
sortis des cloaques les plus impurs , les plus bicêtriques,
étaient regardés comme le signe d'un patriotisme ardent ,
(1 ) Ce n'était plus celle du 10 août. Remarque essentielle ,
( 186 )
comme la seule preuve d'un amour sincere de l'égalité ;
étranger , c'est peu dire ; le vent empoisonné des diplomaties
royales , de l'aristocratie et des perfides coalitionnaires
émigrés ou restés , soufflant par une infinité de
tuyaux sur la République naissante et sur sa représentation
conventionnelle , y transmettait toutes les haines ,
toutes les fureurs , avec la soif ardente des plus noires.
vengoances . L'homme pur, Thomme à principes , l'ami
sincere de sa Patrie , sur - tout si son nom avait le malheur
d'être connu dans la révolution , n'était pas seulement
étranger , il était ennemi ; sa personne appartenait à la
rage de toutes les factions ; elles leveillaient , le noircissaient
, le déchiraient à l'envi ; et rien n'était examiné ,
tout était reçu , et paraissait bon à la défiance avide
de mal penser , à l'ignorance la plus ombrageuse qui ait
existé sur le globe . L'ame navrée renfermait avec douleur
l'inévitable . pensée que c'était malheureusement là
le caractere dominant , même de la plupart des hommes
de bonne-foi ! Delà l'impossibilité du remede .
", Les jours s'écoulaient dans des inquiétudes sourdes ,
et des agitations sans cesse renaissantes , bien que dépourvues
de motifs apparens : Quelle position que celle
où le ressouvenir des fautes passées ne pouvait offrir
aucuns secours , la connaissance des faits ne pouvait
Tien éclaircir , et les réflexions politiques les plus sages ,
les avis les plus salutaires ne pouvaient se faire entendre
, ou étaient comptés pour des crimes ! **
Avait - on besoin d'en appeller à l'histoire de la
révolution ? elle était inconnue ou altérée , comme si
elle s'était passée dans la grande Tartarie . A sa place ,
vous surpreniez sur toutes les levres une répétition
grossiere des vieilles et plus méprisables imputations
aristocratiques , des sottises ridicules et méchantes débitées
depuis quatre ans par la mauvaise foi des libellistes de
tous les partis . Vainement auriez -vous cherché un point
fixe dans l'opinion publique : l'opinion publique était
dans le silence , et l'on donnait hardiment pour elle tout
ce que les passions voulaient trouver dans le chaos des
mille et mille calomnies personnelles . Comment sortir
de ce dédale ? à qui s'adresser ? Toutes les épreuves
vous ramenaient à des hommes ou neutralises ou qui
semblaient vouloir , non pas atteindre le but , non pas
établir la République et finir la révolution , mais l'ex-.
ploiter à leur tour et à leur maniere -Delà encore
impossibilité.du remede .
( 187 )
7
9 Malheur à celui qui prêtait l'oreille aux conversa
tions , aux groupes , aux divers orateurs ! Il sentait l'abattement
du désespoir descendre dans toutes les facultés
-de son ame , en entendant l'infâme prostitution qui se
faisait des termes les plus chers au coeur du vrai Français.
Liberté , Egalité , Peuple , noms révérés , signes
de ralliement et guides sûrs dans les célebres journées
du 14 juillet et du 10 août , vous aviez perdu votre
ssignification naturelle , et sembliez dans ces horribles.
bouches conspirer vous-mêmes avec les ennemis de la
Patrie . "
D'après ce tableau que l'auteur de la notice prolonge
encore pendant plusieurs pages , et qui est peint avec
l'énergie du pinceau de Rembrant , iill nn''eesstt pas étonnant
qu'au milieu de cette effroyable nuit , Sieyes ait attendu
sle jour. Cependant il a essayé plusieurs fois d'être utile.
Parmi ses tentatives infructueuses , la notice cite son rapport
du 13 janvier 1793 , sur l'organisation provisoire du mimistere
de la guerre , etun plan de nouvel établissement d'instruction
publique, que les nouveaux patriotes firent dénoncer aux
jacobins , et que Robespierre fit rejetter à la Convention
comme un complot contre - révolutionnaire , et le comité
de salut public d'alors ne manqua pas d'exclure Sieyes
du comité d'instruction publique. F
L'auteur de la notice dit un mot de sa fortune . A son
caractere moral , à ses goûts solitaires , au genre de vie ,
aqu'il a mené , on s'attend bien qu'elle doit être médiocre.
Enfin la notice répond au reproche d'avoir été le
faiseur de Robespierre , genre de soupçon dont il devait
se croire à Labris 135 .
3. Nous ne quitterons point cette notice sans citer une
réflexion générale qui nous paraît trop utile et trop frappante
de vérité pour ne pas l'offrir à la méditation de
nos lecteurs .
L'influence de la raison est un phénoméne que peu
d'hommes savent apprécier. Nous avons été forcés d'en
faire la remarque sur- tout au commencement de la révolution
, où cette influence s'est puissamment exercée
sur les affaires publiques. Nous avons vu les gens du
monde étonnés de ses effets , les attribuer , et ne pou-
-voir faire autrement que de les attribuer à l'intrigue ,
d'antres pensées étant étrangeres à leur conception ,
comme il le serait à leur volonté de se déterminer sans
un intérêt personnel , Nous les avons vu sourire , soit de
pitié , soit d'incrédulité , à l'idée de ce que doit être un
( BB ))
législateur s'élevant au- dessus de la sphete des passions
pesant , sans y prendre part , les intérêts divers , réprimant
les uns et conciliant les autres avec équité . En
écoutant ce portrait , s'ils avaient pu y croire ; ils l'au
raient pris ponr celui d'un sot , ou d'un homme qui ne
sera jamais bon ni à lui , ni aux autres ; cette réflexion
porte mieux leur caractere . La raison , qui est la morale
de la tête , comme la justice est la morale du coeur , sont
pour eux des couleurs pour les aveugles . L'amour de
l'humanité , le desir de la per ection sociale , l'attachement
passionné d'un esprit droit à de si grands objets ,
passent leur portée morale ; ils ne peuvent y croire . Ils
ne soupçonnent mème pas que l'art social puisse réellement
occuper et enthousiasmer ses artistes philosophes ,
comme l'attrait de la peinture , le goût de la belle architecture
, la recherche d'une belle harmonie s'emparent
du musicien , du peintre et de l'architecte . Mais ils
croient à l'ambition , à la vanité , toujours à des motifs
-immoraux pour toutes les actions de la vie . Nous avons
vu ces gardiens inquiets de leur propre ignorance , de
leurs petits abus , de leur misérable routine , craindre les
chercheurs de vérité comme des espions ennemis , se
améfier du travail intellectuel qui résout un problême
politique comme d'une machination dangereuse , regarrder
une combinaison scientifique comme une conspiration
. Si ces prétendus Athéniens avaient apperçu des philosophes
se promenant dans les allées de l'académie, ils
les auraient pris pour des voleurs qui s'enfoncent dans
sun bois.
" Or , des hommes qui prennent ainsi les limites de
aleur individu pour celles de la nature humaine , n'ont
-pas dû davantage concevoir la retraite certaine , la vie
contemplative et volontairement obscure de celui qui ,
après avoir eu de grands succès de raison , se réfugie
dans le silence , quand ce n'est plus eile qu'on peut
nécouter ; car l'esprit d'intrigue , hors duquel ils ne veulent
rien voir, saurait en effet se plier à toutes les positions ,
ose charger de tous les rôles pour ne pas perdre ses avantages
, pour accroître son crédit et le domaine de ses
passions. Notre observation tient à la morale universelle ;
mais le lecteur saura en faire une juste application particuliere
.
Le degré d'estime que nous portons à Sieyes , nous a
déterminé à donner quelqu'étendue à l'analyse de cette
notice , que l'on peut regarder comme un fragment
( 139 )
précieux pour servir à l'histoire de la révolution . Il est
présumer que les motifs qui avaient condamné Sieyes a
silence ne subsistant plus , il va reprendre le cours de sa
carriere politique , qui peut influer si utilement sur celle
qui reste à parcourir à la Convention. Il est tems que
les hommes instruits et vertueux parlent et soient
écoutés.
NOUVELLES ÉTRANGERES.
R
S
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 1er février 1795 .
IVANT des lettres de Wilna , cette ville a prêté , le 28 décembre
dernier à la Russie , le serment ordonné par une proclamation
que le prince Repnin , gouverneur de Lithuanie , avait publiée.
Cette proclamation est une piece assez longue . A la suite d'un
presmbule fort étendu , elle présente douze articles , dout
le dernier enjoint à toutes les églises d'adresser des voeux sinceres
à Dieu et à la Str . Vierge pour la délivrance heureuse du
grand- duché de Lithuanie , de l'anarchie et de tous les malheurs
qui l'ont accable .
Les oppresseurs se sont fait remercier par les pauvres lithuaniens
fentrés dans l'esclavage , ou du moins en leur nom . Les
illuminations brillantes , de fréquentes décharges d'artillerie et
use ode allenatide composée par un professeur de l'université
, ont complettement honore les Russes et déshonoré leurs
Batteurs . Le chiffré de Catherine figurait dans presque toutes
les décorations , et au- dessous on lisait cette inscription en
polonais : Tu mestres de ton scepire une immense etendue
de pays , mais ta , bonte s'étend plus loin encore : elle fait le
bonheur de Wilná , qui par cette raison te fure dans sa reconmaissance
une fidelité éternelle . "
Des lettres de Varsovie du 12 janvier , annoncent qu'en effet
Stauistas est parti le 1 pour Grodno , comme le lui avait esjoint
l'impératrice. Ce prince malade , escorté de 150 chasseurs
Russes , têssemblait plutôt à un prisonnier d'état trans .
féré qu'au chef d'une grande nation. Au reste , Stanislas ne
doit pas beaucoup regretter le séjour de Varsovie à peine
avait-on l'air de fui laisser prendre quelque part à l'adminis
gation supérieute ; et dans le fait tout étaft gouverné dans
( 190 )
eette capitale , comme dans les autres villes , par des agens
de la Russie surveillant la magistrature polonaise . Les vainqueurs
ne tirent pas un aussi bon parti des vaincus qu'ils se
l'étaient promis. On n'a encore pa parvenir à mettre les im
pôts en recouvrement ; on se propose pourtant d'établir une,
capitation générale dont on consacrera le produit aa paiement
des troupes .
L'empereur qui n'a pas moins d'obligation au général
Suwarow que la Czarine , puisqu'en étouffant de bonne heure
et complettement l'insurrection polonaise , il l'a débarrassé de
la peine de protéger ses possessions dans ce pays , lui a
envoyé l'ordre de Marie-Thércse et un bâton de commander
ment enichi de diamans .
De Francfort-sur- le - Mein , le 3 février.
Des lettres de Berlin disent que depuis l'arrivée du lord Spencer
en cette ville , la paix ne paraît plus si probable ., Ou ajoute
qu'il se fait beaucoup de préparatifs , que M. Schulenbourg
est chargé d'inspecter les magasins de Magdebourg , d'envoyer ,
à l'armée du Rhin tout ce qu'il y aura de plus que le complet , i
et que d'ailleurs il se tient fréquemment des conférences devant
le roi auxquelles le prince Henri est appellé ; ce qui ferait
croire qu'on a besoin des conseils de cet habile général pour
ne nouvelle campagne . D'un autre côté pourtant on doit se
rappeller que le prince Henri n'a jamais été pour la guerre
centre la France , et que quand son neveu a eu l'impru
dence de céder à l'avis d'un conseil vendu à la maison
d'Autriche ou asservi par une influence quelconque aux volontés
de cet ennemi naturel de la Prusse , il etait éloigné des affaires .
Sen admission actuelle pourrait prouver que le roi revient au
systême plus sage de M. de Hertzberg..
D'ailleurs les couriers sont moins fréquens entre Berlin
et Vienne . On mande de cette ville que T'on y craint pour
la vie du maréchal de Lasci qui devait prendre le commandement
en chef de l'armée autrichienne et de celle d'Empire .
Le gouvernement Autrichien extrêmement embarrassé pour
se procurer des recrucs , ne le serait pas moins pour leur
procurer des subsistances , quand même il parviendrait à réparer
les armées délabrées . Le fait est que la rareté des subsistances
est extrême dans plusieurs contrées de l'Allemagne ;
elle frappé particulierement celles de la rive droite du Rhin ,
épuisées par les armées de la coalition . Cette disette va au
point que les habitans refluent dans l'intérieur de l'Allemagne ;
elle aflige aussi la Hongrie et la Bohême , et ne contribue ,
peut- être pas peu , avec le recrutement forcé , aux mouvemens
qui ont pense éclater en Hongrie , et qui ont été prévenus
à tems , grace à la singuliere façon dont on a découvert ce
( 19i )
qui se tramait. En voici l'histoire sur la foi d'une lettre
Vienne :
On raconte dans cette ville la maniere assez plaisante dont
le complot des révolutionnaires y a été découvert . Le chanoine
Martinowicz , devenu prélat in partibus , après avoir été
capucin , avait conservé son uniforme monastique .
1
Dans un moment que l'intendant de sa garde - robe était
occupé à déployer ses vêtemens pour les gettre en ordre ,
un de ses camarades vient le voir . Celui - ci apperçoit la jacquette
et le capuchon de l'ex - capucin ; il trouve très - plaisant
d'endosser ce costume. Il s'en empare , il s'en couvre , et le
voilà vêtu en capucia . La toilette achevte , il se considere
d'abord dans toutes les glaces , il fait mille singeries , mille
capucinades ; le tems s'écoule et le maître arrive . On' sonné ,
on se doute que c'est lui . Que va- t - il - dire quand il verra qu'on
s'est moqué de la sainteté de son habit ? Il faut lui cacher ce
badinage . Le nouveau frere ne trouve pas d'autre moyen que
de se cacher sous le lit. Il s'y blotit . A peine il y est , que
le domestique ya ouvrir . C'était le maître en effet . Celui- ci
entre accompagné de son intime ami Hebenstreit , qu'il avait
amené chez lui pour conspirer ; et pour tenir son domestique
éloigné pendant une heure , il lui donne des commissions pour
la ville . Le domestique parti , ils entrent dans la chambre où
le capucin postiche se trouvait tapi . Ils se croient seuls ,
parlent à coeur ouvert. Ils se communiquent leurs plans ,
nomment quelques - uns de leurs agens , et concertent de nou
velles mesures . Le faux capucin , devenu confident de ces
deux hommes , est dans des angoisses mortelles , et redoute
jusqu'à son haleine ; c'est fait de lui s'il est découvert , il est
certain d'être égorgé . Enfin , le domestique arrive , le maître
sort avec son ami , et rend par ce ,moyen la liberté au nouvel
enfroqué . Celui - ci quitte la cache , il respire pour la premiere
fois depuis une heure , il rappelle ses esprits , jette là le froc ,
et court dénoncer ce qu'il a va , ce qu'il a entendu . On arrêta
dans la même nuit les auteurs du complot et leurs complices.
et l'on trouva chez eux leur plan qui touchait à sa maturité .
et
I paraît que les Autrichiens et les Prussiens sont déterminés
à bien défendre Mayence . On assure que la garuison
de cette place , aussi approvisionnée qu'elle peut l'ere , est
portée à 33,000 hommes , dont les deux tiers d'Autrichiens ,
et le reste de troupes de l'Empire titees de divers contingens .
On a d'ailleurs soin de pourvoir la forteresse de bombes et
de toutes sortes de machines propres à foudroyer l'ennemi ;
ce qui se fait au moyen de forges établies dans la ville même.
Il est question d'ajouter encore 70 bouches à feu à celles dont
les remparts sont déja hérissés .
On ne néglige pas non plus d'employer le moyen de l'hon
neur , si puissant sur tous les hommes qui portent les armes .
( 199 )
On a fait frapper de petites medailles d'or et d'argent , por
tant ces mots : La patrie d son brave défenseur , qui seront
distribuées aux bas- officiers et soldats , suivant leur grade. La
premiere est destinée à un vieux caporal de housands , qui
ariacha un capitaine autrichien d'entre les mains des Français,
On dit & Mayence que l'armée prussienne du feld - maréchal
Mollendorf doit alier se reunir à l'aile gauche de l'armée
anglaise , et que l'aile gauche du comte de Glairfayt fera sa
fonction près de Mayence avec l'armée autrichienne qui s'y
trouve. De cette maniere les impériaux agiront en réunion ,
et partageront entr'eux les mêmes operations .
Le ministre de cet électorat a porte au protocole la réponse
par laquelle il réfute les objections du ministre de Hauove ,
contre sa proposition pour la paix . Une chose remarquable
dans cette piece , c'est la reconnaissance formelle de n'avoir
eu aucune intention de prescrire une regle de conduite à
ceux des coétats impliqués comme puissances dans cette
malheureuse guerre , et la distinction de leur intérêt d'avez
selui de l'Empire , intérêt si différent qu'il ne peut influer en
aucune sorte sur celui du corps germanique , ni l'empêcher
de poser les bases d'une équitable pacification , véritable but
qu'il doit se proposer , quelles que puissent être d'ailleurs les
vues particulieres des co-états .
:
Ces renseignemeus font partie des nouveaux détails reçus
ici sur ce qui s'est passé à la diete de Ratisbonne , qui était
en vacance à l'époque où l'on écrivait , à cause des fêtes de
Noël et du nouvel an . Les délibérations ont leur lenteur ordinaire
le secrétaire électoral palatin s'est opposé à la demande
du directoire des cercles , de prendre des arrêtés conformément
à deux décrets auliques sur la prestation effective de
l'arriéré de la caisse de guerre , et l'augmentation de l'arme
ment au quintuple . Il a déclaré nettement que l'électeur de
Baviere avait rempli toutes ses obligations , qu'il n'en avais
plus à remplir mi ne le pouvait. Le secrétaire de l'électeur de
Saxe st plusieurs autres se sont plaints que les divers avis des
cercles étaient trop amples , et ont desiré que le directoire
de Mayence les présentat en analyse , afin de pouvoir en
écrire à leurs cours respectives et procéder aux suffrages ; ce
qui a été accordé , en donnant huit semaines pour y satis
faire .
Nous apprenons par des lettres, de Bâle , que le
gouverne
ment bernois a chassé de Lausanne deux recruteurs anglais ;
et puni un Bernois convaincu d'avoir fabriqué pour gº , 000 l .
de faux assignals . On a en outre défeudu l'écrit d'un certain
baron d'Erlach , qu iexhorte les puissances coalisées à conti
nuer la guerre contre la France . On dit même que l'auteur
court le risque d'être sérieusement inquieté .
Les Genevois ont brûlé tous les titres de bourgeoisie , de
maniere
( 193 )
maniere qu'anjourd'hui aucune famille ' n'y peut prouver son
ancienneté , ce qui a parfaitement établi l'égalité des droits .
Les riches , comme on s'en doute bien , sont extrêmement
mécontens et ont abandonné la ville ; elle va perdre aussi un
physicien justement célebre , M. de Saussure , tombé dans
une telle pauvreté qu'il sollicite pour vivre une chaire de
professeur dans une des universites d'Allemagne .
Suivaut les dernieres nouvelles de Berlin , le prince royal
de Prusse est attendu incessamment dans notre ville de Francfort
: il doit être accompagné dans son voyage du prince
ܕ
Lonis
son fiere.
On s'accorde à dire que les Français observent à Cleves
la meilleure discipline possible : ils ont si peu de malades
qu'ils n'ont aucun besoin d'hôpital . Rien n'est en requisition
dans cette ville , si non le fourage et le bé. Tous les jours
oh y donne des concerts , où les Français se montrent joyeux
econtens : les sociétés , les assombices ont lieu comme auparavant.
Les Français font l'éloge des Prussiens , et sont bien
éloigues de faire celui des Autrichiens ; ce qui est assez naturel
, les peuples braves s'estiment reciproquement.
ANGLETERRE. De Londres , le 9 janvier.
Débats du Parlement. Chambre des Communes .
Séance du 5 janvier . Il a d'abord été question dans cette
séance du subside pruss en . M. Jekill a demandé quelle somme
avait été payée au roi de Prusse , sur les deux millions et
demi que devaient donner la Grande - Bretagne et les étatsgénéraux
. M. Pitt a répondu que c'etait 12,000 liv, sterling ,
et que le dernier paiement avait été fait en septembre dernier.
M. Jekill a fait , ensuite la motion qu'il fût donné un état des
troupes employées pour le service de l'Angleterre , M. Pitt
s'y est opposé sur le fondément qu'il n'en avait point , encore
reçu de compte officiel . M. Fox, a parlé dans le cours du
débat qui a eu lieu à cette occasion , et a soutenn que ces
troupes avaient coûté vingt fois plus que celles qui avaient
été employees précédemment. M. Pitt a avancé que , quoique
par des circonstances particulieres les troupes n'eussent pa
répondu entiérement à ce qu'on en attendait , elles avaient été
très- utiles à la cause générale , et qu'il n'avait qu'à se féliciter
d'avoir conclu ce traité . La motion de M. Jekill ayant été
mise aux voix , a été rejettée par une majorité de 87 sur
143 volans .
Acte d'habeas corpus.
M. Sheridan se leve ; il déclare que la suspension de l'haeas
corpus et la continuation de la guerre sont liées ensemble
Teme XIV. O
( 194 )
plus étroitement qu'il ne paraît à l'observateur frivole o
superficiel . Pour établir la nécessité de continuer la guerre ,
on a argumenté de la situation intérieure du pays , et des
dispositions particulieres du peuple . Il faut dans la crise où
l'on se trouve , juger si le coeur des Anglais est fidele ou non ,
et si ceux qui d'abord avaient été soupçonnés des crimes les
plus atroces , sont disculpés de toute charge et de toute im.
putation. Il n'est pas possible de douter qu'il ne egne partout
un fidele attachement pour le roi , et un respect pour
la constitution , que rien ne peut ébranler. C'est un prétexte
dout on se couvre
de dire 9 que qu'il faut empêcher que·les
Français u'inondent l'Angleterré de leurs principes.
J'ai à lutter aujourd'hui , continue M. Sheridan , avec un
honorable membre , M. Dundas qui a deja declaré , par
anticipation , qu'il croyait que les circonstances exigeaient
le renouvellement de l'acte de suspension. Si l'on m'objec e
que cette suspension devant expirer dans un mois , cette diss
cussion devient inutile ; je ferai la réponse du pere d'un hos
norable membre ( M. Pitt ) : que la tyrannie ne devant pas durer
quarante jours , ne doit pas durer une heure , et j'ajouterai que sa
douceur apparente ne la reud pas plus tolerable.
i
acte
L'acte habeas corpus ostile palladium de la liberté anglaise.
Non-seulement je demande que la suspension de cet
soit révoquée , mais je maintiens encore qu'il ne doit jamais
être suspenda. Il ne l'a ére , suivant le préambule même du
bill , que sous prétex e de conspiration existante ; mais les
membres de ce côté de la chambre ont toujours regardé ces
conspirations comme des inventions ministérielles , et leur
sentiment se trouve a jourd'hui confirmé par le jugement des
juris ; et comme ce jugement a été altaque impunement par
quelques membres , il est bon qu'ils sacheut qu'un habile
magistrat føt arrêté pour avoir parté sans respect du procès
par juris. On a prétendu que le jugement d'un jury n'était
pas une preuve d'innocence , et qu'il n'avait d'autre effet
que d'empêcher qu'on ne fût poursuivi pour le même crimel
·Mais les lois d'Angleterre ne connaissent pis de milieu entre
le crime et l'innocence . Eu vain voudrait on se prévaloir de
la déclaration du grand jury ; elle n'est pas fondée sur des ,
preuves contradictoires , et ne peut établir qu'une présomption
motivée sur des allégatious quelconques .
Puisqu'un honorable membre ( M. Windham ) a jetté lé
gant , il permetrà que je trouve déplacé le reproche qu'il a
fait à mon honorable ami ( M. Fox ) . Mais le voisinage dans
lequel il se trouve , peut lui servir d'excuse . Le défaut de
mémoire est probablement une maladie contagieuse .
On sait que mon honorable ami n'a jam.is varié dans ses
affections ; quoi qu'il en soit , je me conduirai en loyal endémi
envers l'honorable membre, que je regarde comme la seconde
t
1
t
personne de l'Angleterre la plus responsable pour la conti
nuation de la guerie . Quoique sa confiance et ses talens puissent
lui persuader qu'il nous tirera des dangers dans lesquels il
nous a jettes , je demande la permission de lui rappeler que
le moment de rendre compte viendra où les sophismes de
Finfluence ne lui serviront de rien pour justifier sa conduite.
Dans le peu de mots qu'il a dits sur ce sujet , il a dégradé
aurant qu'il était en lur les accusés , en les comparant à des
malfaiteurs . Mais d'après un jugement de haute, trahison , ik
ne peur rester aucune ambiguite , sur- tout quand il s'agit de
méditer la mort du roi ; puisqu'alors c'est l'intention et non
l'acts qui constitue le crime. On sait d'ailleurs que rien a
été omis pour produire la conviction et par conséquent
vu le zele qu'on y amis , le jury était aussi bien instruit de
tout ce qui conceruait la conspiration , que le solliciteur -ge
néral Ini- même.
. ','
४.
Ici M. Sheridan entre dans le détail des procedures . Il soutient
qu'elles ne prouvaient pas même une sedition notoire ,
comme on le supposait , et qu'on ne peut reprocher que
quelques expressions dangereuses , enthousiastes , folles ou
extravagantes , relativenient aux fraternisations et conventions.
1
Depuis le 30 novembre 1792 , les ministres ne se sont
occupés qu'à fabriquer des complois , qu'à montrer par- tour
des conspirations. Le parlement a été convoque subitements
les milices ont été assemblées . Un certain noble duc effraye
sest hate de se fortifier dans la tour. Pour donner plus de
crédit à la chose , les voitures publiques ne partaient plus .
En venant en ville , on regardait hors de sa chaise pour
s'assurer si Londres n'était pas en flammes. On faisait venie
des troupes de tous côtes , pour defendre la capitale ; des es
pons furent mis en campagne. Les gazettes furent remplies de
paragraphes alarmans et incendiaires . Quelques personnes
furent accusées d'avoir empoisonné la nouvelle riviere , ek
mes amis une crurent en danger pour avoir parlé avec peu
d'égards de quelques grands personnages . Dans la vue de faire
cesser ces alarmes, je proposai un comité d'informations ; ma motion
fut rejetée. Cependant on etablit un comité secret pour
suivre la piste des traîtres . Dès - lors on ne parlait plus que
de ce respectable comité. C'était présomption qué de blâmer
aucun des actes de cette assemblée , impartiale sans doute
puisqu'elle avait été choisie au scrutin ; et cependant , avant
l'élection , j'avais donné la liste des noms de ce comité im
partial . A peine se croyait-on en sureté dans la chambre des
communes . Les représentatious de piques , de crochets et
d'autres armes, épouvantables avec leur forme et leur dimension
, servirens à jetter l'alarme dans les nobles coeurs dea
loids.
(
( 195 )
Segnius irritant animos demissa per aures
Quam qua sunt oculis subjecta fidelibus.
Enfin arriva cette fameuse soirée , où , sans délibération ,
la chambre, se divisa dix- sept fois , et où je me rappelle avec
plaisir avoir toujours été dans la minorité . C'est ainsi qu'en
parvint às obtenir cette suspension de l'habeas corpus , qu'un
de nos auteurs compare à la nomination d'un dictateur à Rome,
séservée pour les cas d'une extrême nécessité .
- M. Sheridan revint ensuite sur los procédures , pour prou
ver qu'il n'avait jamais existé de conspiration. Il regrette que
l'Angleterre continue d'être la dupe d'un ministre roide et
altier , qui n'a jamais mis le pied dans d'autre assemblée que
celle de la chambre des communes , et qui , par conséquent ,
ancune connaissance du coeur humain , etc.
et de
Il conclut en demandant pourquoi les partisans de la guerre
ne font rien pour la soutenir ? Pourquoi l'honorable membre,
( M. Windham ) refuse d'abandonner ses appointemens , et
vivre de son immense revenu ? Pourquoi son honorable ami
( M. Pitt ) ne donne pas le produit des cinq ports ? Pourquoi
son autre ami ne fait pas le sacrifice d'un de ses trois honoraires
? Pourquoi son cousin , qui offrait autrefois si géné ,
reusement de se mettre au niveau des autres receveurs de
l'échiquier , entassait sur sa tête 15 à 16,000 liv . sterlings .
Infin , il se résume et demande la permission d'apporter un
bill pour la révocation de l'acte passe dans la derniere session .
M. Windham se leve pour combattre la motion de M. Shéridan.
It déclare qu'il se fait gloire d'être très -criminel dans le
sens que le préopinant donne à ce mot ; qu'au surplus , les menaces
d'aucun homme ne seront jamais capables de le détour.
ner de son devoir. Il se plaint du sens forcé et des tournures
malignes qu'on donne à ses expressions , et en prend occasion
d'observer que pour lui aliéner l'esprit du peuple , on
lui a attribué un propos qu'il n'a jamais tenu ( périsse le commerce) ,
et qu'on trouve cependant dans des lettres dernierement imprimées
de lord Lauderiale ) . I assure avoir tonjours été,
contre la réforme parlementaire jusqu'à refuser d'être représentant
de Westminster , parce qu'on y était favorable à ce
systême de réforme. Il espere que ceux qui se livrent à ces
insinuations artificieuses , n'en veulent pas les conséquences.
Mais il croit devoir remarquer que Foulon a été massacré
parce qu'on lui imputait d'avoir dit que le peuple mangerait
du foin.
La suite au numéro prochain . )
半
( 197 )
REPUBLIQUE FRANÇA
CONVENTION NATIONALL
PRESIDENCI DE BARRAS
Séance de duodi , 22 Pluviose.
E;
L
Le comité révolutionnaire da district de Marseille écrit
à la Convention qu'elle a promis le bonheur au peuple français
, et qu'il est tems de remplir ce saiut engagement. Une
poignée de factieux ne doit pas coûter plus à réduite que les
tyrans de l'Europe. L'opinion publique l'entoure , le peuple
souverain lui a remis sa massue . Elle ne doit donc plus délibérer
mais frapper. Périssent les tyrans , les traîtres , les
égorgeurs et les royalistes .
Les sections de Marat et des Gardes françaises viennent
applaudir aux décrets qui répriment le terrorisme et depanthéonisent
le dieu des assassins . La 1ere , declare qu'elle a rejetté
l'odieuse dénomination de section de Marat , et repris son
premier nom de section du Théâtre - Français .
Bailleul prononce un discours par , motion d'ordre dans
lequel il présente d'abord le tableau de notre situation inte
rieure , ce qui le
conduit à démontrer le besoin de l'union
la plus étroite entre les représentans
du peuple et tous les
vrais amis de la liberte . Il rend ensuite compte des bruits
que les malveillans
cherchent à répandre
contre
les 71 députés
rentrés au sein de la Convention . On répand qu'ils méditent
des projets de vengeance , tandis qu'ils ne respirent que l'union
et la tranquillité
, L'orateur n'a vu en eux qu'un ardent amour
de la Patrie et de la liberté , il les a vus bénir leur destinée
qui les avait exclus du sein de la représentation
rationale dans
un tems où il ne lui restaît aucun pouvoir pour faire le
bien , où il n'y avait plus ni liberté ni patrie. Il les a entendus
exprimer leur reconnaissance
pour les hommes courageux
qui ont donné à la révolution
du g thermidor
une
direction si utile et si heureuse ; mais jamais il n'a vu échapper
de leur bouche un seul mot qui annonçât que le ressentiment
était au fond de leur coeur. L'orateur revenant à son sujet ,
pense que
si des mouvemens
continuent
d'avoir lieu de la
part des ennemis de la liberté , c'est qu'on n'a point encore
examiné cette question ; s'il n'y a pas eu de tyrannie de la
part du gouvernement
avant le 9 thermidor. 11 termine ea
demandant
que les trois comités s'occupent
de cette question.
Bentabelle
convient que les législateurs
n'ont jamais en plas
03
( 198 )
besoin de s'entendre que dans ce moment-ei. Il applaudit an
voeu du préopinant pour leur union , mais il eût desiré qu'il
eût donné des idées plus nettes de son dessein . Il croit qu'en
cherchant à établir que le gouvernement entier a exercé la
tyrannie , on adopte une mesure subversive de la Convention ,
de la constitution et même de toute la revolution . Il termine
par l'ordre du jour qui est adopté.
Richard , au nom du comité de salut public : Vous avez
dit à toute l'Europe , en parlant des bruits de paix, et en
annonçant vos dispositions , que vous auriez sur- tout égard
à la situation des gouvernemens , que la crainte ou la vio-
Fence ont jettes dans la coalition. Parmi ces gouvernemens
vous devez distinguer la Toscane. Cet état long- tems fidele
aux droits des gens et à ses véritables intérets , s'est vu ens
trainer par les grandes puissances qui s'agitaient autour de
lui , toute résistance lui était impossible. Il se rendit à la
sommation impérative de l'Angleterre ; mais le grand duc a
en toutes sortes d'égards pour les Français qui sont restes sur
son territoire ; ils n'ont jamais été persécutés. Une quantité
considérable de grains nous a été enlevée à Livourne par
les Anglais , le grand- duc nous les rend. L'état de guerre
avec la Toscane ue peut nous être d'aucun avantage.
tralité contribuera à la prospérité du commerce.
1..
Sa neu-
Le rapporteur propose au nom du comité de ratifier le
traité de paix conclu avec M. Carletti , envoyé extraordinaire"
de cette puissance . (Voyez les Nouvelles officielles . )
Thibaudean demande l'ajournement. Il dit que la Convention
doit apporter dans une affaire de cette importance le
calme et la maturité qui conviennent aux représentans du
premier peuple de l'univers . Que le premier traité de paix
avec la République Française va être un grand événement
dans l'Europe , et qu'il faut tracer la marche à suivre dans
ceux de la même nature .
Thibaud l'appuie pour montrer , dit-il , à l'Europe que
nous ne sommes point affamés de la paix , et que nous ne
l'accorderons que lorsqu'on nous la demandera à des conditions
honorables pour la nation .
Lacombe St. Michel s'oppose à l'ajournement. Tout délai ,
selon lui , peut avoir de grands inconvéniens . Les puissances
qui sont actuellement en négociation avec nous , craindrout
la publicité de la discussion . Il faut d'ailleurs accélérer les
moyens qui peuvent nous procurer la tranquillité générale
et la paix dont nous avons besoin . Nos victoires elles- mêmes
nous fatigueraient à la longue. La paix peut seule ramener
parmi nous l'abondance.
Boissy d'Anglas : Il n'est pas vrai que l'épuisement nous
force à la paix, I pous vient des subsistances de plusieurs
parties du monde. Le Nord , le Midi , l'Afrique et l'Amerique
sont tributaires de nos besoins .
( 199 )
Cambacénès me voit dans l'ajournement rien qui puisse
alarmer la diplomatie . L'unanimite de la Convention apprendra
à l'univers qu'il n'y a qu'un sentiment pour le maintien de
la République et de la liberté . La discussion sur le traité
de paix dont il s'agit cst ajournée à quintidi prochain .
Sur la proposition de Boissy d'Anglas , le comité de salut
public est autorisé à choisir un représentant du peuple pour
une mission particuliere dont il rendra compte.
Seance de tridi , 23 Pluviose.
Des patriotes Bataves , chassés de leur patrie par la tyran
nie , et réfugiés à Dun- Libre , demandent à y rentrer. Is remercient
la nation française de l'hospitalité qu'elle leur á
accordér , et assurent qu'ils feront retentis par - tout le langage
de leur reconnaissance.
Les habitans des communes voisines de Lyon dénoncent
les amis de Robespierre qui cherchent à y exciter des troubles .
Is invitent la Convention à se prononcer avec énergie.
Des cultivateurs d'une commune du district de St. - Quentin
annoncent qu'ils ont pris la résolution de vendre leurð
grains à un prix beaucoup inférieur à celui du marché . Mention
honorable , insertion au bulletin .
Lecointre de Versailles prononce un discours sur la liberté
du commerce et la conduite que nous devons tenir en Hol
lande et dans tous les pays conquis. Il pense qu'il faut cher
cherà conquérir les coeurs de ses habitans bien plus que
leurs richesses . Il prévoit que si on n'y prend pas de sages
mesures l'on pourra bieu avoir une partie de ses trésors qui
encore seront dilapides par les agens maiiss que les bâtimens
de cette nation , charges de marchandises pour leur pays , fui
sont loin d'une contrée où la loi du maximum , les requisi
tions et les enlevemens forcés d'objets de commerce aura lieu ,
et que dans six mois ce pays si riche n'offrira plus à nos yeux
et à nos besoins que le regret de n'avoir pas su profiter de
tant d'avantages qui nous avaient été assures par la bravoure
de nos troupes , et qui seront perdus à jamais par l'impéritie ,
la malveillance ou l'esprit de rapine de nos agens .
Lecointre demande une liberté absolue pour le commerce
des encouragemens pour toutes les parties , la plus grande
fidélité de la part de la nation à remplir tous les engagemens
et la suppression de toutes les administrations commerciales ,
et commissions d'approvisionnemens même pour les armées .
Il propose d'y substituer des entreprises et des adjudications
au rabais . Il présente d'après ces bases un projet de décret.
Johannot réclame l'ordre du jour sur ce projet , par le motif
que ce qu'il peut renfermer d'atile est déja décrété ; la liberté
du commerce existe par les derniers décrets , et les abus dénoncés
par Fecoigne put été réprimés par les arrêtés du comité?
ᏅᏎ
( 200 )
Best défendu à la commission des approvisionnémens d'ené
voyer des agens dans les pays conquis .
Pelet appuie l'ordre du jour , et assure que le maximum est
supprimé dans les pays conquis. La Convention passe à l'ordie
du jour.
Séance de quartidi , 24 Pluviase.
le
Le représentant du peuple Peyre écrit de Valenciennes.
que la liberté française a fait une telle explosion en Hollande ,
que tout le peuple y secoue le joug de ses anciens magistrats
, de toutes parts s'elevent des arbres de la liberté ,
drapeau tricolor flotte au sommet des clochers et des tours ; ›
les couleurs nationales tapissent les devans des maisons , et
des inscriptions c'viques en décorent les portes . Le Hollandais
qui n'est pas chantant fredonne la carmagnole. Les princes
de Salm et Hohenlohe qui viennent d'arriver à Valenciennes
en qualité de prisonniers de guerre et qui se rendent à Paris ,
ne tarissent point sur les éloges qu'ils font des troupes répablicaines.
Lorsque le représentant leur a dit qu'iles repou ·
daient à leurs évolutions militaises avec le pas de charge et
la bayonnette en avant, ils lui ont répondu que cela poovait être
vrai l'année derniere , mais que dans la campagne actuelle
nes blaves freres d'armes s'étalent moutré , si non lenis maîtres
du moins leurs égaux en évolutions et en tactique , et qu'ils
avaient sur eux l'avantage de cette impétuosité dans Paraque
à laquelle rien ne résiste ; ce qui rend inutiles toutes les chambinaisons
de l'art . S'il est un loge flatteur , c'est sans dames
celui qui sort de la bouche de nos ennemis .
Peyre ajoute que les assignats sont au páir du numéraires
en Hollande , on pour mieux dire , on n'y parle ni de numéraire
ni d'assignats . On prend l'un et autre indifférensvents
et sans y regarder , et la confiance en notre monnaie est teile:
qu'on ne s'est point apperçu que les marchandises aient éprouvé
le moindre renché : issement depuis notre entrée .
Marec , au nom du comite de salut public , annonce que
notre Rotte sortie de Brest le 10 nivôse dernier , y est rentrée¹
le 14 du présent mois , après trente - quatre jours de croisiere ;
elle a obtenu des succes , mais elle a aussi essoyé des avaries .
Nous avons reduit à l'ipaction la grande armée de Pamiral
Howe ; nous avons empêché le départ de plusieurs divisions ,
soit pour le Continent , soit pour les Antilles . Le commercebritannique
a été mis à dontribution . Nos prises sont au nomubie
de 70 , el mons avons fait prisonniers 1500 matelots. Daus
la nuit du 9 au 10 , trois de nos vaisseaux ont péri , on a sauvės
les équipages et les effets d'un transport facile. Ces vaisseaux
étaient vieux et hors d'état de faire une campagne . Trois autres
ont été endommagés ; mais on va les répatera Marec propose ,
et la Convention décrete , que sou comite de marine prendra les
( 201 )
}
rt
1A
5.
mesures les plus promptes pour faire réparer les pertės esmyčes
er donner à la marine française le dégré de splendeur digue.
de la puissance nationale .
Cambacérès donne lecture de deux lettres , l'une des représen
ans du peuple près farmée des Pyrenées orientales , et
la seconde du général en chef. Lifes contiennent des détails '
sur la prise de Roses . ( Voyez Nouvelles officielles . )
La Convention déclaré que l'armée des Pyrenées orientales
De cesse point de bien meriter de la Patrie.
Au nom des comités , Peler a reproduit le projet de décret
tendant à envoyer des représentans du peuple dans les colenies.
La discussion a été de nouveau ouverte et ajournée au
lendemain après beaucoup de debats . If a cepeqda teté décrété
que ce jour-là il serait procédé à l'appel nominai sur la question
de savoir si l'on y enverra des représentans du peuple
ou des commissaires civils .
Séance de quintidi , 25, Pluviose,
Une députation des citoyens de Brest vient réclamer la jns
tice de la Convention en faveur des officiers du vaisseau le
Révolutionnaire qui sont encore dans les fers . Le combat naval
du 13 prairial dernier , d't l'orateur a été présente par l'an-"
cien comité de salut public , comme une victoire éclatante . ”
Cependant les Anglais en s'applaudissant de ce combat en
revendiquentla gloire et l'avantage pour eux . Le gouvernement/
prit dans le tems toutes les mesures pour que les détails n'en
parvinssent pas à la connaissance du public . L'une de ces
mesures fut l'incarceration des officiers dont il réclame la
liberté. Il demande la formation d'un chseil de gnerre pour
juger ces marins . Renvoyé au comite de salut public .
Angnis , au nom du comité de sûreté générale , fait rapporter
l'article 4 de la loi relative aux cartes de sûreté. 11
y aura trois sortes de cartes , les blanches pour les citoyens
domiciliés à Paris de l'âge de 21 ans et au- dessus , les rouges
pour ceux de 14 et au dessus , et les bleues pour les étrangers .
Merlin ( de Donai ) , au nom du comité de salat public ,
soumet à la discussion le projet de décret tendant à ratifier
le traité de paix conclu le 21 pluviôse entre le comité
et M. Carletti , envoyé da grand- duc de Toscane.
Ronzer combat le projet de décret. Il n'en attaque point
le fond , il remarque seulement qu'en chargeant le comité
de salut public de la direction des affaires étrangeres , la
Convention n'a entendu Ini confer que l'exécution , ` et n'a
point aliéné le droit de faire la paix et de déclarer la guerre.
Ainsi , ce n'est pas une ratification que le comité aurait dû demander,
mais un traité qu'il aurait dû proposer de conclure.
Rouzet demande à la Convenmon de décréter un mode de
waiter avec les puissances , et il propose en attendant l'adoption
( 202 )
de cette formule : les représentans du peuple français assemblés
en Convention nationale , en vertu des pouvoirs illimités que
le peuple leur a confiés , acceptent pour leurs commettans et
sous la garantie de la loyauté française le traité conclu .
Johan not appuie le projet. La nation , dit- il , peut entendre
parler de paix , vaincue , elle ne l'eût pas acceptée ; victorieuse ,
elle veut la donner. Des mesures grandes et efficaces ont assuré
nos subsistances et doivent mettre un terme aux espérances
chimériques des tyrans.
Merlin ( de Douai ) : La constitution attribue au pouvoir
législatif la ratification des traités , et au pouvoir exécutif la
négociation. En confiant au comité de salut public la direction
des relations extérieures , la Convention l'a mis en cette
partie à la place du pouvoir, exécutif ; c'est donc une ratifi ,
cation que l'on a dû vous proposer.
Charlier Le comité de salut public est- il le pouvoir exé
calif? Non . C'est une émanation de la Convention mationale
surveillant les agens de l'exécution , et vous , vous êtes une
Convention dont les pouvoirs sont illimités . Vous devez done
faire les traités .
Cambacérès : Il ne s'agit point ici de compétence ni de
sivalité de pouvoirs. Ce n'est pas dans la constitution de 1793
qu'il faut chercher les élémens de la question actuelle , mais
dans le plus grand intérêt de la République. La forme adoptée
par votre comité lui a paru la seule pratiquable , car si lorsque
des propositions nous sont faites , votre comité est obligé de
venir vous occuper des négociations entamées , la paix deviendra
très difficile . Certes , nous n'avons pas besoin de la paix
mais puisque nous gémissons de voir couler des flots de sang,
n'éloignons pas par des mesures indiscrettes le moment heurenx
où nous la donnerons à nos ennemis . La discussion est ferinte ,
etle projet de décret da comité est adopté à l'unanimité presque
et au milieu des applaudissemens universels .
L'appel nominal avait été décrété pour aujourd'hui sur la
question si on enverrait des représentans du peuple dans les colonies
. On a demandé d'aller aux voix dans la forme ordinaire ; la
majorité a paru douteuse à quelques membres , sur tout sur
la limitation des pouvoirs . Une discussion sur ce dernier objet
s'est ouverte , et l'appel nominal sur le tout a été renvoyé au
lendemain.
Séance de sextidi , 26 Pluviose.
Le comité militaire présente de nouveau , par l'organe d'un
de ses membres , le projet de décret relatif à l'organisation
du génie militaire. L'impression et l'ajournement à trois jours
sont décrétés . J
Ondot , au nom du comité de législation , fait annuller plusieurs
jugemens de tribunaux . Beniabolle , Berlier et Dubois
(·203-)
se sont plaints des vices existans dans cette partie de la légis
lation. Ils ont demandé que la Convention renoncât au pous
voir judiciaire , et qu'on donnât au tribunal de cassation une
attribution plus étendue pour reviser les jugemens des tribunaux
inférieurs .
4
Cette proposition est renvoyée au comité de législation pour
en faire un rapport.
Les communes de Moulins et de Cunet , département de
l'Allier , dénoncent leurs comités révolutionnaires , dont toutes
les mesures portent l'empreinte de la haine et de l'atrocité. La
seconde apprend que deux citoyens que le comité de sûreté
générale avait fait mettre en liberté n'en ont pas moins été
guillotinés . Forestier monte à la tribune , et dit que c'étaient
deux aristocrates , deux royalistes . Il ajoute que ce n'est pas
la premiere fois qu'on a mis en liberté des gens qui ont été
guillotinės . Cette païveté a fait rire et murmurer. Peinieres
rappelle toutes les horreurs dont se sont couverts les hommes
de sang. Il fait entendre que le ministre plenipotentiaire de
Prusse à Bile est mort empoisonné , et que c'est aux agens
de Pitt et de Robespierre qu'il faut l'attribuer. Après quelque
discussion , les adresses de ces communes sont renvoyées an
comité de sûreté générale .
L'on procede à l'appel nominal sur l'affaire des colonies .
Dufay demande qu'auparavant la Convention fixe les bases
des instructions à donner aux commissaires qui s'y rendront ,
et qu'on leur prescrive de ne point déroger aux lois de la
Convention , l'unité , à l'indivisibilité de la République , à
Ja libèrré et à l'égalité. Lanthenas et Bourdon ( de l'Oise ) Y
ajoutent qu'ils ne pourront , sous quelque prétexte que ce
soit , déroger an décret du 16 pluviose qui fixe l'état des
personnes dans les colonies , ni s'écarter du principe que les
colonies font partie intégrante de la République Française .
Ces propositions sont décrétées avec celle-ci que les commissaires
ne pourront être pris , mi parmi les Colons , ni parmi
ceux qui pourraient avoir des intérêts directs ou indirects dans
les colonies . Il est résulté de l'appel nominal que sur 482 votans
304 ont été pour l'envoi de représentans du peuple dans
les colonies orientales et occidentales .
Traité de paix entre les représentans du peuple français et l'envoyé
du grand- duc de Toscane.
Entre les représentans du peuple français composant le co
mité de salut public , chargé par le deeret de la Convention
nationale , du 7 fructidor dernier , de la direction des relations
extérieures , soussignes ;
Et M. François , comte de Carletti , envoyé extraordinaire
( 204 )
dn grand- duc de Toscane , chargé de ses pleins pouvoirs
donnés à Florence les 4 novembre et 13 décembre 1794 , quidemeureront
annexès à la minute des présentes , également
soussigne ;
Il a été convenu et arrêté ce qui suit :
Art. ler. Le grand- duc de Toscane révoque tout acte
d'adhésion , consentement ou accession à la coalition armée
contre la Republique française .
99 En consequence , il y aura paix , amitié et bonne intelligence
entre la Republique Française et le grand duc de
Toscane.
99 III . La neutralité de la Toscane est rétablie sur le pied où
elle était avant le 8 octobre 1793 .
*
IV. Le present traité n'aura son effet qu'après avoir été ratifié
par la Convention nationale
99
Fait à Paris , au palais national ; le vingt-un pluviôse , de l'an
troisieme de la Republique Française une et indivisible ( ueuf février
niil sept cent quatre- vingt- quinze , ère vulgaire. )
Voici le texte du décret qui ratifie ce traité :
La Convention nationale , après avoir entendu le rapport de
son comité dé sálut public , décrete qu'elle confirme et ratifie
le traité de paix conclu , le 11 pluviôse présent mois , cutre le
courite de salut public et le ministre plénipotentiaire du grandduc
de Toscane ."
1.1. 1 .
PARIS . Nonidi , 29 Pluviose , 3e , année de la République.
Les restes expirans du parti qui a exploité pendant si long.
tems le brigaudage et le crime cherchent à se ranimer malgré
le cri de l'opinion publique, qui s'eleve contre eux de toute
part . C'est au théâtre d'Audingt qu'ils ont voulu faire l'essai de
leurs moyens . Tandis que les uns avaient fait fabriquer une piece
intitulée le Concert de la rue Feydean , d'autres étaient chargés
de la faire valoir . On s'apperçut bientôt à la représentation
qu'elle n'avait d'ande objet que de susciter la division entre
les citoyens en renouvellant cette odieuse qualification de muscadin
dont on a si étrangement abusé . Elle excitá de violens
murmures , et la piece ne put aller à la fin . Cependant le
spectacle fut cerne , et plusieurs jeunes gens , qui avaient emis
chaudement leur opinion , furent arrêtés faute de n'avoir pas
sur eux leur carte de sûreté . Bientôt après ils furent relâchés .
Le lendemain , malgré l'improbation bien prononcée de
la veille , on a voulu redonner la piece , et les troubles et les
sifflets ont recommencé . Les jeunes gens qui croyaient avoir
payé à la porte le droit d'exprimer leur sentiment , ont été
menacés et outragés par les coupe jarrets , augustes défenseurs
de la piece. On a entendu crier , d'une part : Vive la Conven(
205 )
tion ! vive la République à bas les jacobins et les buveurs de
sang ! c'était le cri de ralliement des improbateurs ; et de l'aptres
A bas le parterre à la guillotine les muscadins !
Le comité de sûreté générale a mis fin à ce choc d'orinions
qui pouvaient avo'r des suites plus funestes , en faisant defendre
la represention de la piece. Il est fâcheux que nous ne soyous
point encore arrivés au point d'écouter anquillement les
productions théâtrales . , sauf à l'opinion à en faire justice avec
le même calme..
Dens le même tems , les patriotes que l'on sait , ont promene
triomphalement dans quelques rues de Paris le buste
de Marat , pour tâcher de le dédommager des honneurs de
l'Egoût ; mais cette jongleric n'a eu aucun succès. Le lende
main on vendait dans les rues de Paris les crimes de Jean- Paul
Marat . Les marchands de cette brochure out cabji icur comptoir
sur la place du Carrouzel , dans le lieu même où s'clevait le
monument en l'honneur de l'ami du peuple
On a affiché ces jours derniers une adresse aux sections et à
la jeunesse parisienne , pour les inviter à demander à la Convention
la fin des angoisses révolutionnaires , ela punition des
brigands qui ont , depuis cinq ans , couvert la France de
sang et de carnage.
Il paraît que le rapport de la commission des 21 va êire
fait, incessamment on assure que Saladin en est charge ,
d'autres disent Sieyes . I ab suto
Un courier parti de Londres , le 27 janvier , et arrivé à la
bourse d'Amsterdam , le 2 fevrier , a annoncé que la chambre
des communes avait rejetté l'emprunt de six millions sterl.
des iné pour l'empereur. Ceux qui connaiss nr les usages
d'Angleterre , en inferent que le ministre Pitt n'ayant pins la
majorité , a dû donner sa démission . On avait publié que le
gouvernement avait mis à Loudres un embargo sur les vaisseaux
hollandais , à la nouvelle de l'invasion de la Hollande
par les Français ; mais on a su que , le 29 , cet embargo n'exis-
Lait point encore . Le stadthouder et sa famille sont arrivés à
Londres , où leur présence a cause beaucoup de fermentas
tion . On leur a donné pour asyle le château de Kiow ,
quelques lieues de Londres .
NOUVELLES
T
9.4
OFFICIELLES.
ARMÉE DES PYRÉNÉES ORIENTALES .
*
2
A
• Roses , le 25 nivôse , l'an 3. de la République.
10
Nous vous avións promis , citoyens collegues , d'entrer
dans Roses par la porte ou par la brêche ; les Espagnols
n'ont pas voulu attendre cette derniere extrémité , ils se sont
35
( rok
rendus à discrétion aujourd'hui . L'armée des Pyrénées
Tales' peut
dire que , dans le siége , elle a vaincu tien
Te's
élémens conjurés contre elle. Dans le principe , il a fallu
pratiquer des chemins dans des montagnes considérées jusqu'a
fors inaccessibles : un zele infatigables braves freres d'armes ont travaillé avec
ils ont eux-mêmes traîné l'artillerie , lés
mortiers , les munitions , et enfin tous les mobiles de guerre .
Ce préalable était nécesssaire pour nous rendre maîtres du
fort du Bouton , et contenir les forces navales que l'ennemi
avait dans la baie de Roses. Le Bouton pris , la premiere
parallele fut bientôt ouverte devant la place de Roses ; mais
les pluies abondantes et la neige remplirent la tranchée d'eau ,
et vingt-trois jours s'écoulèrent sans qu'on pût songer à reprendre
les travaux. L'impossibilité d'ouvrir la seconde tranchée
détermina un nouveeu plan d'attaque qui n'était pas dans les
regles de l'art , mais qui était dans les bonnes regles , puisqu'il
nous conduisait à battre en brêche. Un monticule
offrait un terrain favorable ; l'ordre fut donné ; et la nuit du
To au 11 , une batterie de 18 pièces de 24 fut commencée et
achevée ; le 13 au matin , on commença à battre en brêche ,
et à peine les premieres pierres étaient elles tombées
que les volontaires demandaient à monter . Le feu a été
terrible pendant deux jours déja le mur était trèsendommage
; et la garnison sentant qu'elle aurait fait une
vaine résistance , a profité de la nuit pour s'embarquer en
grande partie . 540 hommes , qui restaient dans la place , se
sont rendus ce matin à discretion ; ils sont prisonniers de
guerre. of
C'est sur les remparts de Roses , et en présence de l'escadre
espagnole qui a la prudence de se tenir hors de portée ,
que nous allons célébrer la fête de l'aniversaire de la juste
panition du dernier des Capet.
Nous ne devons pas laisser ignorer à la Convention . nationale
qu'outre les travanx extraordinaires d'un siège aussi
pénible , nos freres d'armes ont eu à souffrir la pluie , la
neige , la gelée , et que rien n'a pu ralentir ni leur zele ni
leur courage ; les généraux , les officiers d'artillerie et de
genie , tous enfin ont rempli leur tache avec une activité infatigable
.
La Convention nationale , toujours juste , décrétera encore ,
et ce ne sera pas la derniere fois , que l'armée des Pyronées
Orientales ne cesse de bien mériter de la patrie. "
Salut et Fraternité. Signés DELBRET , GOUPILLEAU ( de Fontenay
) , représentans du peuple.
Suite de la relation des principales circonstances qui ont précédé
et accompagné l'entrée des 40 Français en Hollande,
Le lendemain 18 , les états consignerent dans le registre
secret de leurs délibérations une espece d'arrêté , où il est
( 101 )
21
bee
sise de reconnaître toute la perfidie stadthoudérienne , et qui
n'a été découvert que plusieurs jours après . On y á trauscrit
d'abord une lettre du stadthouder , portant : que les circonstances
dans lesquelles la république se trouve , circons
tances qui font présumer à son altesse le sort qui lui est réserve,
au cas que l'ennemi peneire plus avant ; et ne voulant pas être
un obstacle à la paix , dont les bous habitans ont un si grand
besoin , elle s'est décidée à quitter , pour un certain tems , le
pays avec toute sa famille ; espérant que leurs hautes-pais .
sances ne désapprouveront point cette démarche ; et si les
eirconstances permettent un jour qu'elle puisse être utile
sa paurie , qu'elle chérit plus que chose au monde , LL. HH. PP.
la trouveront toujours disposée d'y contribuer de tout son
pouvoir 9. Sur quoi ayant été délibéré , et eu égard aux cir- .
constances actuelles , qui exigent quelques mesures provisoires
qui ne peuvent être prises suivant le mode constitutionnel
des délibérations , a été trouvé bon de déclarer préalablement
que tout ce qui sera décidé en ce moment et dans la suite , ne
pourra porter aucun préjudice pour l'avenir à quoi que ce soit.
Les états généraux écrivirent aux chefs das troupes , ainsi
qu'aux gouverneurs , commandans des villes et forteresses de
l'elar , pour leur donner communication que S. A. le prince
d'Orange et de Nassau , ne s'est absenté du territoire de la répu
blique que pour quelque tems.",
奥
En même tems les personnages les plus riches et les plus
considerables du parti stadthoudérien , ne s'occupaient que
des moyens de mettre leur persoane et leur fortune à l'abri ,
les uns se sauvaient à Hambourg , d'autres à Londres , d'autres
en Amérique ; la mér était couverte de barques fugitives et de
paquebots encombrés :
Cependant la plus grande partie des villes ont révoqué les
pouvoirs donnés à leurs anciens députés aux étars - généraux ,
et en out nommé de nouveaux . Ceux- ci se sont rendus à la
Haye le 26 , et ont ouvert leur première assemblée dans la
salle ordinaire des états , où ils furent reçus par l'ancien secrétaire
Royer: Le citoyen Pierre Paulus fur clu president , et
les citoyens Delange et Spoors , secrétaires .
Après s'être constitués sous le nom de represantans provisoires
du peuple de Hollande , ils ont décrété en général et provisoirement
ce qui suit :
10. La souveraineté du peuple de Hollande et la declaration
des droits de l'homute.
2º. L'abolition du stathoudérat , comme aussi de la charge
de capitaine géneral et amiral des Provinces- Uuies , avec les
prérogatives qui y étaient attachées .
30. Que tous les citoyens et habitans de la Hollande sont
relevés du seraient fait à la sol - disante ancienne constitution
.
( 208 )
a
4°. Que le college des conseillers-députés et de la chambre
des comptes de Hollande est aboli , et qu'à sa place on
établi un comité de bien public , un comité des affaires
militaires , et un comité des finances .
+
50. Que la charge de député à l'assemblée des soi - disant
états-generaaux est révoquée .
60 Que le droit de chasse et de pêche , qui appartient
chaque citoyen sur son territoire est rétabli.
7°. Qu'il sera ponrvu le plutôt possible à l'ordre néces
saire pour prévenir les suites funestes des inoudations .
8° . Que les impositions levees jusqu'à present , seront
continuees provisoirement , mais qu'on s'occupera , le plutôt
possible de les diminuer et de les lever sur un pied plus
exaci de proportion.
*
9º Qu'un courier sera envoyé à Paris pour ordonner
à la co omission des soi disani ctats généraux des abstenir
de faire aucun acie au nom de la province de Hollande
et de se tenir a cet egari pour revuques.
10. Enfin , qu'nue commission , ee de l'assemblée des
representaus provisoires de Hollande , prendra, incessament
scauce dans l'assemblée des etats generaux , pour prendre
soin des interés du bieu pablic .
Pinseurs depuis d'autres villes sont comparus à d'assemblée
des représentans des la seconde et troisieme séance , et ils
ont été admis après la vérification de leurs poavoirse
1 a -la un menoire detaile , redige en français par les
citoyens Leslevenon et van Layden , contenant les motits qui
ont engage les Bataves a se constituer de la maniere quits l'ont
fait , et propre à éclaiaer les repres ntans du peuple français
sur les principes et les vues politiques de notre assemblee
representative .
Le même jour 29 , il a été décrété dô er au grand pensionnaire
van der Spiegel toutes ses charges , et nomm / meat
celle de garde des sceaux sins convenir de la legalité de sa
nomination .
A cet effet , as comm'ssures ont cté nomm s pour recevoir
les sceaux , les chartres ei les registres."
Les deputes de cette province à l'assemblée des états géné .
raux ont été declares no tenus à instruction de 1059 .
et autorisés à concourir aux résolutions dans les affaires pressantes
, à la majorité des suffrages.
Les quatre premiers membres du comité de salut public
ont été autorisés à assister à l'assemblée des états - généraux .
La publicitou solemnelle de la constitution provisoire de
la Hollande doit se faire incessammen . Les armes du ci - devant
statdhouder vont être ôtées par- tout , et la tameuse porte par
faquelle lui seul avait droit de passer , va être ouverte pour
lout le monde .
1
( La suite au numéro prochain.)
( No. 31. )
Fex + 135 .
MERCURE FRANÇAIS.
QUINTIDI 5 VENTOSE , l'an troisieme de la Républiqua.
( Lundi 23 Février 1795 , vieux style:)
POÉSIE.
2
I
IMITATION DHORAGE band an
Si le sort , par faveur insigne ,
M'accorde un champ je le promets ,
Je n'y planterai que la vigne ;
Que d'autres sement les guérets .
Un broc , six vases de fougeres
Table où l'on soit à l'aise assis
Lit bien mollet pour ma bergere
Meubleront assez mun lagis , ·
Je dirai lors , ami , fant boire ;
Qui hait ce jus délicieux ,
Je le prouverai par t'histoire ,
Ne fut jamais l'ami zdes Dieux.a .
et ungulatrits
fob to 19
apat baogic
2006 Pas
Dans un coeur flétti par la peine , sul yvoelltteorsoneli
Le vin ranimant les espritschig sanely enɔht
Avec la chaleur , y famenean you jul ei lepoats.
Le doux espoir , suivi des ris .
ab Quel homme pauvre sur la terre , Astols boka
Quel malheureux avez - vous vuosiusmod sit
Près de la bouteille et d'un verre ? eft
Le pauvre a tout , quand il azbu . no ende ash
21152 2
Il a tout ; sa voix, ranimée ?
Te celebre , ô Dieu des buyeurs ! cape asi 19h
Son coeur plus chaud , & Cythérée !: obis bulok y
Appelle et chante fes faveurs .
Quand j'ai bu , des dons du Permesse
Juse mieux , je fais mieux des vers 7
J'aime mieux amis et maîtresse ,
Je trouve plus gai l'univers.
Buvons donc , mais avec sagesse
Si l'on boit c'est pour mieux
Et jouirait- on dans l'ivresse ?
L'ivresse tuerait le plaisir . shaklë
nob $19
aloin
on 15
1375, 2703 2
quos ash bul
jouir ; 979m1824-
mig d
up in Par le citoyen DAMBREVILLE , conservateur d'un apôt littéraire .
Tome XIV.
{ ars )
"
INSTRUCTION PUBLIQUE.
TROIS
Troisieme séance des Ecoles normales.
ROIS Cours bien importans ont été ouverts dans
cetté séance ; celui de l'art de la parole , celui de l'analyse
de l'entendement humain , et le troisieme de la littérature.
Art de la parole : Jusqu'à présent la grammaire n'avait
été dans les écoles , qu'une science de mots et de
préceptes présentée sous des formes arides , aussi rebutantes
pour les éleves , qu'embarrassantes pour les
maîtres. Il était réservé à celui qui a épié la marche des
idées et de la nature dans les êtres privés de la parole ,
d'en recréer l'art sur un nouveau plan , aprés en avoir
décomposé toutes les parties . Cette tâche est remplie
par le citoyen Sicard avec une sagacité , une élocution
et un succès qui s'est fait remarquer dès la premiere
leçon ; et c'est une chose assez remarquable que la
meilleure et la plus facile méthode d'apprendre à parler,
nous vienne précisément d'un instituteur de sourdsmuets
qui la lui ont enseignée eux-mêmes .
*
Sicard trace dans son programme la route qu'il fera
suivre aux éleves . La parole est le caractere qui , dans
l'échelle immense des êtres sensibles, distingue l'homme
des animaux . L'homme , comme les animaux , avait sans
doute des sons ou des cris pour exprimer le desir et
la crainte , la joie et la douleur ; mais , sans la faculté
d'articuler les sons et de les combiner , l'homme aurait
été borné à de simples sigues d'instinct ; le professeur
présentera donc d'abord le tableau de l'homme privé
de la parole , ou chez lequel la parole n'est encore qu'une
faculté et non un art..
Les sons articulés ne furent d'abord que des mots
isolés , comme les objets qui s'offraient à nos sens . Les
qualités des corps furent confondues avec les corps
eux-mêmes. Le professeur en assignera les véritables
causes. La principale est celle - ci , c'est qu'il n'y a ni
mode ni qualité dans la nature , pour l'homme de la
nature.
En comparant les objets , l'esprit ne tarda pas à voir
( 211 )
1
qu'il y avait des formes que l'on pouvait abstraire
généraliser et considérer indépendamment des substances
qu'elles modifiaient ; de - là l'idée du modificatif
ou de la qualité sur- ajoutée , et celle du sujet qui en
est le support. On indiquera une méthode aussi simple
que facile pour conduire les éleves des écoles primaires
à toutes les abstractions .
Il manquait à l'art de la parole le mot le plus essentiel
, le mot qui sert à rétablir ce qu'a détruit l'esprit
par l'abstraction , le mot qui fait à lui seul le jugement
et la proposition , et lie toutes les idées , le mot que
les latins ne connaissaient sous aucune dénomination
que sous celle de toute l'espece . Le professeur prouvera
que tous les verbes peuvent être rappellés et
réduits à un seul , et la conjugaison.de tous les verbes:
français à une seule conjugaison. Il fera voir comme
on peut simplifier la théorie des tems , en les distribuant
en deux classes , les uns considérés comme absolus,
les autres comme relatifs.
A l'invention de la parole succéda , mais à de trèsgrands
intervalles , l'art de la peindre et de lui donner
, d'abord par des signes hyéroglyphiques , puis par
des signes écrits , une sorte d immortalité que l'invention
de l'imprimerie lui assure à jamais . On fera l'histoire
de cette découverte .
De nouvelles lumieres et de nouveaux besoins perfectionnerent
l'art de la parole . On découvrit des formes.
constantes qui asservirent le langage à des lois dont la
raison consacra les principes ; de - là la grammaire générale
, dont les langues particulieres ne sont que des
idiomes , et comme des branches qui naissent d'un
tronc commun .
L'analyse de la période , de la phrase composée , de
la phrase simple , les rapports de tous les mots entre eux ,
leurs rôles divers dans la proposition , leur signification
propre et figurée , analogique et précise , toujours tirée
des objets physiques , lors même que cette valeur plus
déguisée semble être plus abstraite et plus métaphysique ,
les racines du langage , la maniere de les distinguer , de
les classer , de les réduire au plus petitnombre possible....
Tels sont les caracteres distinctifs des grammaires particu
lieres , toutes nées de la grammaire générale , toutes semblables
, quant aux principes constitutifs du langage ,
et ne différant entr'elles que par des accidens inconnus
à l'homme de la nature , dont l'heureuse ignorance 20üs
donne là- dessus tant d'utiles leçons.
Pa
( 212 )
Le professeur comparera entre elles quelques langues
modernes . pour l'application de ces prmcipes , telles
que le français , l'italien et l'anglais ; et il fera voir ce que
ces langues ont de commun avec la latine , et ce qui les
distingue.
On peut juger par l'esquisse du programme qui n'est
lui-même qu'un résultat tès- serré des profondes méditations
de Sicard , que son plan tout nouveau s'écarte
de cette marche routiniere dans laquelle s'étaient traînés
tous ses prédécesseurs . C'est le fil de l'analyse qui dirige
ses pas dans la recherche de la vérité ; sa premiere leçon
a été consacrée au développement de quelques principes
généraux dont la bâse était énoncée dans son programme .
Il a montié que depuis l'enfant qui bégaie les premiers
mots , jusqu au vieillard qui commence à les oublier ,
depuis l'esprit le plus obtus jusqu'à celui qui a le mieux
exercé sa raison , la parole nous offre tous les degrés d'un
art dans sa naissance , dans ses accroissemens successifs ,
et dans son perfectionnement ; il n oublie jamais cette
maxime qu'on n'arrive au moins connu que par le plus connu.
Il pense qu'il n'est pas indigne d'un cours de langue , d'y
faire entrer un traité sur la meilleure maniere d'enseigner
à lire et à écrire. Et n'est- ce pas là , dit- il , la base de
toute éducation ? Quel professeur de grammaire pourrait
dédaigner de donner à ces commencemens d'instruction
toute la perfection que ne savaient pas leur donner des
maîtres routiniers , qui s'emparaient de la tendre enfance ,
au moment qu'il eût été si important d'employer les plus
grands talens , le plus de bonté et de douceur , pour faire
oublierà l'enfant qu'il n'était plus sur le sein de sa mere . "
Cette réflexion l'amenc naturellement à faire un tableau
plein de graces et de sensibilité sur les soins maternels , et
sur l'aimable et utile influence qu'ils exercent sur la premiere
éducation, Il a terminé sa leçon en annonçant les
bienfaits dont l'esprit humain sera redevable à la liberté
unic à la philosophie , dont il a tracé le véritable caractére
.
.. Analyse de l'entendement Le plus bel attribut de.
l'homme , celui par lequel il occupe la premiere place ,
entre, tous les êtres au milieu desquels il existe sur la
terre , c'est l'entendement , c'est la raison . Tout ce que
fait l'homme , tout ce qu'il veut , et même , à beaucoup
d'égards , tout ce qu'il peut , depend , en derniere analyse
, de la maniere dont il sent les choses , dont il les
( 213 )
voit , dont il en raisonne , dont il les entend , en quelque
sorte. Il y a toujours dans sa pensée quelqu'image et
quelqu'idée distincte ou confuse , réelle ou fictive ,
vraie ou fausse , d'après les lles il conçoit ses desseins ,
il exécute ses ouvrages , il determine ses volontés et il
accomplit ses actions . La faiblesse et la puissance de
l'homme , ses égaremens et sa sagesse , ses vices et ses
vertus , ses privations et ses jouissances , toutes ses qua
lités et toutes ses , destinées , sortent donc , comme do
leur source , de son entendement . "
Malheureusement la raison`n'est pas une faculté qui
soit égale et constante , ni chez le même homme dans
tous les âges , ni chez tous les hommes dans la même
nation , ni chez les mêmes nations dans tous les siecles.
Le germe paraît en avoir été répandu à- peu - près universellement
par la nature sur les générations humaines ;
mais dans le plus grand nombre des hommes , des peuples
et des siecies , ce germe reste stérile ; dans quelquesuns
, le développement commrence et s'arrête pour toujours
aux plus faibles commencemens , d'autres font plus
de progrès ; mais ils entrent et s'avancent dans de fausses
routes , et les acquisitions mêmes de l'esprit deviennent
fatales à la raison humaine . » -
Tel est le début de Garat dans son programme. C'est
pour la premiere fois que entendement et la raison ,
dont les principes ont été si long- tems méconnus où défigures
, vont occuper , dans l'instruction publique , un
rang digne de leur importance .
Le professeur indique d'abord les différens systêmes
qui ont été adoptés pour expliquer une si grande inégalité
des facultés de l entendement parmi les hommes ;
tantôt on l'a attribuée à l influence et à l'inspiration des
dieux , tantôt à la différence des ames , tantôt à la diver
sité des organisations , tantôt à la différence des circonstances
, de la culture , des études , des méthodes et des
travaux . L influence de cette derniere cause n est pas
une hypothèse et un systême ; c'est un fait , et ce fait
remplit Funivers et les siecles : il est répété de toutes
'parts dans l'histoire des individus et dans l'histoire des
nations.
S'il était impossible de ne pas reconnaître cette influence
de la culture sur les esprits , il était difficile aussi
de ne pas comprendre que cette culture , pour produire,
tous ses bons effets , devait être dirigée sur certaines
regles. Elle a pour but de conduire les esprits à la vérités
P 3
( 214 )
1
on dut donc sentir , confusément au moins , le besoin
de savoir par quelle route il faut marcher vers la vérité ,
et à quel signe on peut la reconnaître . Quatre especes
de guide ont été pris tour tour ou à -la-fois , pour s'avancer
avec sûreté dans cette route : le goût , l'induction ,
c'est-à- dire la méthode de Socrate et de ses éleves ; l'art .
syllogistique d'Aristote et de son école ; la méthode des
géometres .
-
Garat fait voir combien ces guides étaient trompeurs.
Le goût jouit de ses erreurs comme de ses sensations
les plus exquises ; il juge de la beauté plus que de la .
vérité ; arbitre suprême et délicat au milieu des talens
de l'imagination , il est comme étranger au milieu des
sciences exactes . La méthode de Socrate , cette espece
d'enquête de la vérité sur faits et articles , s'exerçait.
sur des questions faites sans suite , qui amenaient des
réponses sans liaisons . Elle était bonne pour confondre
le sophisme , mais elle ne créait pas la vérité . Elle con
duisit l'école de Socrate à un doute universel : c'était le
point d'où il fallait partir ; mais ce n'était pas le point où
il fallait arriver et rester. Le syllogisme n'atteint ni
aux fausses acceptions des mots où se cachent les erreurs
, ni aux profondeurs de la nature où se cachent
les vérités. C'est une espece de pugilat de l'esprit , où
l'esprit exerce , accroit , et perd ses forces sans faire aucune
oeuvre utile aux hommes. Si on avait appliqué
la méthode des géometres à tous les genres d'idées , on
aurait pu donner à toutes l'exactitude rigoureuse de la
géométrie ; mais on a pris les formes des géometres et
on n'a point pris leur méthode . On crut les imiter , on
ne fit que les contrefaire .
-
C'est ainsi que l'esprit humain s'est traîné dans des
routes , obscures et incertaines jusqu'au seizieme siecle .
Depuis lors sept à huit philosophes , effrayés de cette
impuissance de toutes les opérations , et de ce désordre
confus de toutes les notions de l'esprit humain , ont
pensé que , pour bien le diriger , il n'y avait qu'un
seul moyen ; c'est de le bien connaître , de le suivre
pas à pas dans tout ce qui lui arrive et dans tout ce qu'il
fait , depuis les sensations qui lui sont communes avec
les animaux , jusqu'aux conceptions les plus compliquées
de la plus vaste intelligence . Ce travail , commencé par
Bacon , a été continué en Angleterre , en Allemagne et
en France , par des hommes qui réunissaient à beaucoup
de courage d'esprit , beaucoup de sagesse,
( 215 )
Passant de l'examen de nos sensations aux divers eme
plois que l'entendement en fait , c'est- à - dire aux faultés
de l'entendement , i ont démontré que toutes
ces facultés , que l'attention , la comparaison , le jugement
la réflexion , la mémoire , l'imagination , le raisonnement
n'étaient que la sensation elle - même prenant diverses
formes , mais ne changeant jamais de nature . Cette
découverte , qui peut paraître très - simple , et que tant
de dogmes consacrés rendaient si difficile, leur a enseigné
comment on peut rendre l'attention plus vive et plus
soutenue , la mémoire et l'imagination plus fideles , le
raisonnement plus exact , la réflexion moins traînante ,
plus souple et plus agile .
Pour refaire toutes nos idées et recréer l'entendement
humain , il était nécessaire de bien connaître et de
perfectionner les langues , ces instrumens qui ne sont
pas moins nécessaires pour communiquer nos pensées
que pour en avoir. L'art de penser avec justesse est
inséparable de l'art de parler avec exactitude.
Après qu'une lumiere si éclatante avait été répandue
sur les sources , sur les facultés et sur les procédés
de l'esprit humain , il n'était plus besoin de chercher
la meilleure méthode ; elle était trouvée . La bonne
méthode , en effet , ne peut être que l'art de multiplier
et d'étendre les sensations distinctes et bien vérifiées
; de diriger les opérations de l'esprit , conformément
à la nature de ses facultés ; de posséder le secret
de la formation des idées de tous les genres , pour
voir toujours clairement comment on les a faites , et
ce qu'elles représentent ; de parler enfin avec préci
sion concision et liaison , pour donner à toutes les
pensées , de la netteté , de la certitude et de l'étendue .
Avec une pareille méthode on pourra se tromper encare
, mais il sera facile de découvrir si l'erreur est dans
la maniere dont on a senti ,, dont on a opéré , dont on
a fait les idées , dont on les a rendues ; et dans quelque
coin de l'entendement que se cache l'erreur , on pourra
l'y poursuivre et l'en chasser. C'est ainsi que les
arithméticiens découvrent et corrigent très - promptement
un calcul mal fait , parce que , connaissant parfaitement
l'artifice de toutes les parties de leurs opérations
, ils repassent rapidement , et de plusieurs manieres
, sur toutes ces parties.
Cette méthode ne s'applique pas seulement à quel
ques genres de connaissances elle s'applique à toutess
P 4
216 )
thique science a des signes et des procédés qui lui
Sot propres mais tous leurs procédés et tous leurs
signes , quand ils sont exacts , sont conformes à cette
méthode , qui est celle de esprit humain.
Tel est , continue Garat , l'objet qui sera traité dans
ce cours : pour le bien déterminer , pour le faire connaitre
j'ai été obligé d'en faire comme l'histoire . Il n'a
pas encore dans notre langue , ni peut-être dans aucune
fangue de l'Europe , une dénomination précise qui
par un seul mot , en réveille toute l'idée . On l'appelle
communément métaphysique ; mais ce mot n'en donne
pas une idée vraie , et il en donne une idée effrayante :
c'est ce mot qui le fait confondre si souvent avec cette
science ténébreuse des anciennes écoles , qui s'appellait
adssi métaphysique , et qui , discourant sans fin sur
les essences des êtres , sur les modes , sur les accidens , sur les
substances spirituelles et non spirituelles , répandait ses ténebrés
sur les idées les plus simples et les plus claires .
Charles Bonnet a substitué au mot métaphysique le
mot de psychologie . Mais ce mot par son étymologie
remonte à lidée de l'ame plutôt qu'à l'idée des opérations
de l'esprit humain : il donnerait l'air d'une science ,
et d'une science à part , à un genre de connaissances
qui par sa nature doit devenir universelle et familiere
tout le monde . Garat a adopté d'après Locke , la dénomination
d'analyse de l'entendement comme la plus courte
et la plus claire pour exprimer ce qu'on se propose ,
en attendant qu'on en découvre une qui caractérise
l'objet d'un seul mbt.
Après la lecture de ce programme , dont nous n'avons
pu indiquer que les idées fondamentales , en faisant le
sacrifice des détails , Garat dans sa premiere leçon a tracé
dune main ferme et savante les portraits de Bacon , de
Locke , de Bonnet et de Condillac , et présenté l'analyse de
leurs ouvrages . « Vous pourrez y trouver , a- t-il dit en
finissant , ce qui pourra manquer à mes discours . Il y a
vingt ans
que , frappé de la lumiere qui sortait de leurs
écrits , quoique destiné peut- être à d'autres genres par
les goats naturels de mon esprit , j'ai toujours été ramené
comme malgre moi , et aux ouvrages qu'ils ont faits , et
aux matieres qu'ils ont traitées. Il y aa vviinnggtt ans que je
les nfédité , mais je n'ai pas encore écrit une seule page:
c'est au milieu de vous que je vais faire Touvrage que
je dois faire pour vous . Nous allons le faire ensemble :
agueres et lorsque la hache était suspendue sur toutes
( 217 )
les têtes , dans ce péril universel auquel nous avons
échappé , un des regrets que je donnais à la vie était de
mourir sans laisser à côté de l'échafaud l'ouvrage auquel
je m'étais si long- tems préparé .
Littérature Dans un exposé sommaire qui sent
comme de préambule à son programme , Laharpe a
annoncé qu'il traitera de l'éloquence , et particuliérement
de celle des anciens , qui ont été les premiers
maîtres de cet art , dans les deux genres les plus
importans , le délibératif et le judiciaire ; sous ce rapport ,
les républiques sont la patrie de l'éloquence . Il n'est
donc pas étonnant qu'elle se soit comme naturalisée
chez les peuples qui ont été long- tems libres .
Il analysera les principes généraux de l'art , et en
démontrera la vérité , en les appuyant par des exemples
tirés des classiques grecs et romains , et par des résultats
politiques et historiques . Il y joindra le développement
des moyens d'appliquer ces principes féconds et invariables
, à l'étude de l'éloquence française , et d'acquérir
l'habitude d'opiner et de haranguer sur-le- champ ,
suivant les regles de la logique , et avec les formes
Foratoires.
Embrassant ensuite la littérature sous des rapports
plus étendus , il fait voir qu'elle comprend tout ce que
les anciens attribuaient au grammairien , au rhéteur ,
au philosophe , et n'exclud que les sciences physiques ,
les sciences exactes et les arts et métiers . Ainsi , la
grammaire raisonnée ou la métaphysique des langues .
la poésie , le premier des arts de l'imagination , l'art
oratoire , le grand art des peuples libres , chez qui
la parole est une magistrature , la philosophie , l'histoire ,
la critique ou les principes du goût , forment le domaine
des belles lettres que les anciens appellaient humaniores
litteras, Mais la grammaire , la philosophie , l'histoire ,
ayant ici des professeurs dont les noms et les écrits
sont un sûr garant du succès , il faut donc se borner et
choisir.
Dans sa premiere leçon , Laharpe a commencé par
quelques notions préliminaires sur l'art oratoire , et sur
les divisions que les anciens y ont admises ; mais il
recommande de ne pas donner à ces divisions et sousdivisions
plus d'importance , ni de valeur qu'il ne faut.
Les anciens avaient distingué trois genres dans l'éloquence
, le démonstratif , le délibératif, et le judiciairè ,
( 218 )
"
Mais qui ne voit au premier apperçu que ces trois genres
rentrent nécessairement par beaucoup d'endroits les
uns dans les autres .
1
Une autre division qui suivait celle-là , paraît au professeur
encore moins fondée , c'étaient la division qu'ils
établissaient entre le gente simple , le genre tempéré ,
et le genre sublime . Ces trois genres peuvent se réduire
à un seul , à la convenance , ce que Quintilien appellait
apti dicere , parler convenablement : ce mot renferme
tout.
Une troisieme classification pouvait avoir un objet
plus direct et plus réel ; ce sont les parties de la com
position. Elles ont été divisées en invention , dispo .
sition et elocution . Cette division est raisonnable ; elle
est bonne dans tout état de cause . Il faut toujours
commencer par concevoir son sujet et les matériaux
qu'il comporte : c'est ce qu'ils appellent l'invention .
Il faut en disposer les parties dans un ordre naturel
et judicieux voilà la disposition. :
Il faut enfin savoir les traiter dans un style adaptê
au sujet , ce qui est l'élocution ; et cette derniere partie
était , au jugement de Quintilien et de Cicéron , la
plus difficile de toutes : elle l'est encore aujourd'hui ;
car c'est en charmant l'oreille et l'imagination , que
l'on arrive jusqu'au coeur , et que l'on parvient à éclairer
et à persuader .
Les anciens comprenaient dans la partie de l'invention
, le choix des preuves , les pensées , les exemples ,
les autorités , les passions à émouvoir , les lieux communs
, etc. Ils comprenaient dans la disposition ce qui
est l'essence de tout discours : l'exorde , la proposition ,
c'est- à -dire la question ou le fait , la confirmation , la
réfutation , s'il y a lieu , et la péroraison.
Le professeur se propose de revenir sur chacun de
ces objets et de leur donner tout le développement
dont ils sont susceptibles.
Les premieres notions générales , dit - il en finissant ,
sont dans les arts ce qu'il y a de plus abstrait , et par
conséquent ne peuvent être exemptes d'un peu de
sécheresse : c'est lorsque l'on vient de la théorie des
préceptes , à l'application des exemples ; c'est alors
que les arts et l'enseignement des arts peuvent atteindre
tout l'intérêt qu'ils comportent ; c'est alors qu'on en
apperçoit toute l'étendue , et on l'apperçoit sur- tout
dans les exemples que nous ont laissé les grands maîtres.
( 219 )
Vous trouverez sans doute bon , que dans les séances
subséquentes , j'applique de tems en tems à chacun des
principes sur lesquels je reviendrai , quelques - uns des
morceaux les plus frappans de cette éloquence républicaine
qui doit servir de modele à la nôtre . Les noms
seuls d'un Démosthenes , d'un Cicéron , sont faits pour
exciter le plus grand intérêt dans quiconque peut se
dire , je suis citoyen d'une république , je puis y devenir
un magistrat , quand même mes concitoyens ne
me nommeraient pas ; la nature m'a nommé si elle
m'a fait orateur.
"
Il ne faut pas oublier non plus , en lisant les im
mortels écrits de ces auteurs ; il ne faut pas oublier
l'espece d'intérêt, que doit répandre sur leur personne
la destinée qu'ils ont eue : elle fut très - brillante , elle
finit par une mort funeste , si pourtant la mort peutêtre
funeste , lorsqu'on périt pour la liberté. ››
VARIÉTÉ .
SECONDE LETTRE DU POLÉMOPHILE.
Quelques idées sur une motion d'ordre relative à la
Constitution.
Après avoir tracé , dans ma premiere lettre , quelquesuns
des caracteres de l'opinion , j'avais résolu d'abord
d'examiner par quels moyens on peut influer sur elle ,
et comment à son tour elle exerce sa force de réaction .
Mais avant de m'occuper de cet objet qui me paraît
assez important pour mériter une discussion particu
liere , je dois vous faire part de quelques idées sur une
matiere qui touche à un intérêt plus direct et plus
général , et qui est parfaitement du ressort de l'opinion .
J'étais allé suivant mon usage à la Convention , pour
y chercher , en ma qualité de Polemophile , quelques
alimens aux fonctions que je me suis imposées . C'était
précisément le jour où Bentabolle s'était donné tant de
peine pour prouver , par motion d'ordre, que la constitution
du 24 juin 1793 ressemblait à l'arche sainte qu'on
ne pouvait toucher sans être frappé de mort. Je fis
d'abord quelques réflexions sur ce qu'on appelle motions
d'ordre. Il me semble , disais - je , que d'après la
lettre et l'esprit du réglement que les représentans ont
220 )
Etabli pour diriger leurs délibérations , une motion
d'ordre ne devrait être autre chose qu'un moyen de
ramener une discussion à son véritable état , lorsque
des opinions qui se croisent , se heurtent et s'embrouillent
, le font perdre de vue. C'est le fil secourable
qui s'offre alors pour retrouver sa route . Mais est - il
convenable , est- il utile de jetter brusquement , au milieu
d'une délibération , une motion d'ordre tout- à- fait
étrangere , et n'a-t-on pas trop souvent abusé de cette
singuliere méthode d'opiner ? S'il y avait un parti qui
eût intérêt d'entraver la marche des travaux d'une assemblée
, ne pourrait- il pas , au moyen d'une tactique adroitement
combinée , prévenir ou éloigner lobjet d'une
délibération , en lui en présentant sans cesse de nouveaux .
L'expérience d'une ruse si souvent employée ne devrait-
elle pas, engager la Convention à prendre des
mesures pour s'en mettre à l'abri , et mieux ordonner
les motions d'ordre .
Mais ce n'est-là qu'une partie accidentelle de mes
réflexions. J'étais tout occupé , en sortant , des idées que
m'avait fait naître le fond de cette discussion , lorsque
je trouvai sur mes pas un de ces hommes dont je vous
ai parlé dans ma premiere lettre , qui ont pris commodément
toutes les formes du jour , afin de mieux déguiser
la leur. A son air éclatant de satisfaction , je jugeai
aisément qu'il était du nombre des applaudisseurs de
la motion d'ordre ; je ne me trompai pas .
--
Convenez , me dit- il , que Bentabolle a raison de ne
pas vouloir qu'on porte la plus légere atteinte à la
constitution . Je suis persuadé , lui répondis -je , que
les intentions de ce représentant du peuple sont bonnes ;
mais ce ne serait pas la premiere fois qu'on se serait
servi des meilleures intentions pour arriver à un but
mal-intentionné , et que la ruse aurait tendu un piége
à la bonne foi. →→→ Comment un piége ? y en a- t -il un
à desirer , à demander qu'une constitution acceptée par
le peuple demeure irrévocable et sacrée . Le piége
n'est pas dans le desir d'une constitution , c'est le voeu
de tous les bons républicains ; c'est le prix glorieux qui
doit couronner tous leurs efforts ; mais supposons qu'il
y eût en France , ou dans l'étranger , un parti ou trom-.
peur , ou trompé , ce que je n'examine pas , qui ne
voulût point de constitution , et qui fut convaincu que
celle qui existe ne peut se soutenir , croyez-vous qu'il
y eût de la mal-adresse à s'en faire hautement le dé
( 221 )
fenseur , sur-tout si cette démarche avait un air de
popularité propre à rehausser un crédit qui chancele ?
Avec de pareilles suppositions , il n est pas un motif
pur que l'on ne parvint à empoisonner . Il est tems de
calmer les inquiétudes des patriótes ; il nous faut une
constitution ; celle- là est faite , elle a été reçue par le
peuple ; il se peut qu'elle ne soit pas la meilleure possible
, mais il vaut mieux une constitution moins parfaite
que de n'en avoir point , et les patriotes doivent
craindre qu'à force de chercher le mieux on ne finisse
par rencontrer le pire . Qui nous garantira que , sous
prétexte de perfection , on ne porté atteinte aux droits
du peuple on a quelque dioit de se défier des
revisions.
*
Je sens , lui répliquai-je , que vous pressez , que vous
multipliez vos raisonnemens , comme si vous aviez peur
de n'avoir pas raison ; ma marche n'est pas aussi rapide ,
et pour vous mieux atteindre , je suis forcé d'aller moins
vite. Je m'attends bien que ce que je vais vous dire
n'ébranlera pas votre conviction , elle est faite ; mais il
m'importe que vous connaissiez les motifs de la mienne
qui m'appartient. Il ne faut pas que vous croyez que
l'opinion publique soit la dupe de toutes ces jongleries
.
Vous parlez de l'inquiétude des patriotes , c'est- à - dire
des vôtres. Ne serait- ce point que vous cherchez à la
créer , sous prétexte de la détruire ; c'est en vérité un
zele trop officieux et bien prématuré ; car je ne vois
pas dans tout ce qui s'est passé à la Convention qu'il
fût question , ni de près , ni de loin , de porter atteinte
à l'acte constitutionnel . Je n'examinerai point par qui
et dans quelles circonstances cette constitution a été
faite , et si elle est mauvaise parce qu'elle est l'ouvrage
d'un parti ; tout cela m'importe fort peu , j'oublie les
personnes et ne vois que les choses .
Comment se fait-il que ceux qui ont rédigé si prompsement
cette constitution à une époque si critique , qui
l'ont présentée avec un empressement si actif aux assemblées
primaires , l'aient mise tout à -coup de côté après
l'acceptation du peuple ? Ne dirait-on pas qu'ils l'ont
faite bien plus pour eux-mêmes que pour la nation ,
bien plus pour donner le change a l'esprit public qu'ils
redoutaient , que pour le bonheur de la république ?
Comment se fait-il que pendant plus de deux ans ç'ait
été un crime digne de mort que d'oser prononcer le
( 222 )
mot de constitution ; qu'elle ait été si indignement vio
lée dans ses principes comme dans ses dispositions ;
que chacune de ses pages ait été effacée par des actes
de la plus affreuse tyrannie , et que ce soit précisément
lorsque le jour de la justice , de la raison et de la liberté
se leve pour tous les Français , que l'on manifeste des
inquiétudes si tardives sur l'intégrité de son existence ?
Comment se fait- il qu'aussi- tôt que Barrere s'est apperçu
que les regards se fixaient sur lui et sur ses complices
, il ait sorti cette constitution des archives où ils
l'avaient reléguée , pour engager l'Assemblée , par une
égale motion d'ordre , à se lier par serment de ne pas
y retrancher une seule syllabe Convenez que si ce
n'est pas là une raison de la rejetter , ce n'en est pas
une du moins de s'interdire à l'avance le droit de
l'examiner. S'il s'agissait ici de soupçons et de défiance ,
qui
qui pourrait les faire naître , si ce n'est cet ensemble
de conduite et de duplicité ? Mais il ne doit s'agir que
de l'intérêt public , et sur ce point jamais la discussion
ne doit être fermée."
Je ne veux point entrer dans l'examen de la constitution
, ni rechercher si elle atteint le but qui convient
à l'intérêt d'une grande société qui se réorganise
; je me décide par des considérations plus franches ,
et auxquelles je ne vois pas de réponses satisfaisantes .
Si cette constitution est bonne , si la liberté individuelle
et la liberté publique y trouvent leur sauve - garde ,
sile gouvernement y est établi de maniere à avoir un véritable
gouvernement, pourquoi craindre de la soumettre à
l'épreuve d'une nouvelle méditation ; elle n'en sortira
qu'avec un droit plus assuré à la confiance publique .
Si au contraire la constitution est défectueuse dans
quelques-unes de ses parties , si même elle est susceptible
d'un plus grand degré de perfection , pourquoi
renoncer à l'espérance , je dis plus , à l'obligation de
corriger ses erreurs , ou d'ajouter le mieux au bien qui
s'y trouve ? Il y a dans cet mpressement à lier les
mains à des législateurs , je ne sais quoi de si étrange ,
de si contraire à la raison , à l'intérêt général , et à la
perfectibilité de l'esprit humain , que je ne conçois pas
comment il peut venir dans l'idée de les emprisonner
dans un cercle , et de leur dire : Voilà la barriere que
vous ne pourrez franchir.
ne
Une constitution n'est pas une chose indifférente pour
un grand peuple ; ce n'est pas seulement son bonheur
( 223 )
70
9.
qui en dépend , c'est sa sûreté. On ne peut calculer
l'étendue des maux qui résulteraient d'une constitution
vicieuse , et souvent avant de sentir la nécessité
de la réparer , le mal est sans remede et l'état est perdu.
Après les orages d'une révolution que tous les genres
de crimes ont si horriblement prolongée , et qui a
failli à précipiter la France dans une ruine absolue
faut- il se condamner à la nécessité de s'y replonger de
nouveau , et de se confier à l'incertitude des événemens ?
Si les lois les meilleures sont celles auxquelles, on est
Te moins obligé de toucher , une constitution doit être
encore moins sujette à ces variations. Un peuple qui
refait sans cesse sa constitution , n'en a jamais aucune ;
car le sentiment qui doit y attacher s'affaiblit à mesure,
qu'il change l'objet de ses affections. Cet état de mal-aise
et de versatilité est le symptôme le moins équivoquo
de la désorganisation sociale . C'est précisément parce
qu'une constitution doit étendre ses bienfaits sur de
nombreuses générations , qu'il faut la méditer avec soin ,
et qu'il convient d'en perfectionner le modele , avant
de le jetter en bronze . Vous pouvez juger maintenant
ajoutai-je , quels sont les meilleurs patriotes et les plus
sinceres amis de la constitution , ou de ceux qui veulent
en avoir une bonne , afin de la rendre durable , ou de
ceux qui se montrent si faciles à se contenter d'une médiocre
, afin de n'en avoir bientôt plus.
Vous semblez redouter le sort d'une revision , et dans
les tourmens de votre sollicitude si prévoyante , vous
faites des rapprochemens qui ont un caractere de bonne
foi si frappant , qu'on ne peut plus suspecter votre patriotisme.
Mais je crains que le public ne s'en forme
une autre opinion . On est aujourd'hui assez avancé
pour savoir que nous ne sommes plus ni au tems , ni
aux circonstances , ni aux hommes de la revision de
1791. Les reviseurs tenaient précisément le même lan
gage que vous . Quand on voulait examiner , discuter et
contredire leur travail , ils disaient : Vous ne voulez done
point de constitution . Avec ce mot , répété si souvent par
d'André , tous les articles enfilés par douzaine furent
adoptés de confiance , au grand contentement du côté
droit et de la minorité qui riaient de toutes ces jongleries .
Aujourd'hui , quelle différence ! cette cour astucieuse
et corruptrice n'est plus ; le tems a démasqué tous les
partis ; l'opinion mûrie par l'expérience ne veut rien
adopter sans examen , et s'il était un moyen de
( 224 )
tromper , ce serait celui que vous indiquez . Tant qu'il
sera permis d'émettre librement sa pensée , croyez que
le résultat ne sera jamais une trahison . On a mis, au
concours de simples livres élémentaires . Eh bien ! que
T'on soumette la constitution au jugement de l'opinion ;
que l'on appelle sur elle toutes les lumieres , toutes
les vues que l'on invite solemnellement tous les amis
de la liberté à s'expliquer sur ses dispositions , et à
présenter leurs idées sur la meilleure forme de gouvernement
convenable à la République Française ; qu'on
laisse à l'opinion le tems de recenser et de juger tous
ces, plans , et croyez que de tous les reviseurs celui- là
est encore le plus sûr et le moins susceptible d'erreur
et de corruption . Pour moi , je suis si convaincu de
cette vérité , que je vais publier notre entretien et
faire un appel à quiconque voudra écrire sur la constitution
de 1793 .
3
Là- dessus , nous nous séparâmes , et je courus m'enfermer
chez moi , pour jetter sur le papier les idées
qui venaient de faire l'objet de notre conversation ;
je vous les envoie .
POLEMOPHILE.
NOUVELLES ÉTRANGERES.
DEs
ALLE MAGNE.
De Hambourg , le 5 février 1795 .
JI
*
Es lettres de Pétersbourg , du 4 février , s'expriment ainsi
Nous ne savons encore rien sur le plan de gouvernement
arrêté par notre cabinet , relativement aux contrees de la Pologne
nouvellement envahies . Il est probable qu'il faudra continuer
d'y tenir sur pied' beaucoup de forces militaires , puis
qu'à l'époque de l'insurrection , il y avait dans ce pays
80,000 Russes et 30,000 Prussiens , qui furent insuffisans
pour l'arrêter , et que tous les rapports qui en viennent s'accordent
à dire que la disposition des esprits , quoique comprimés
par la terreur , est à- peu- près la même. Les prépa
ratifs de la Porte ottomane et les intentions où l'on croit la
Suede , exigent cependant qu'on ait des forces disponibles .
En
( 225 ))
م
1
En conséquence le cabinet de Pétersbourg doit êtres dans
une grande perplexité:
La Russie est en outre affligée , dans plusieurs parties des
son vaste empire , de maladies epidemiques , attribuées avec
raisons aux vaiiations prodigieuses de température qu'on a .
éprouvées cette année . La Newa ne taisait que grovsir et décroitres
ce ne fut que le 3 de decembre qu'elle fut glacée ,
et le 5 , le thermometre toba à 18, degres au - dessous du
point de congeilation , chaugement qui ne put manquer d'a
voir une influence funeste str / economie animales - 450
* Kosciuszko est arrivé chez nous , rajoutent les mêmes letbes
, avec les généraux Szierakowski , Grabowski , deux de
saides de camp , dont d'un s'etait fait connaitre avant -la
revolution par differens ouvrages de littérature estimés , Tous
qut ete conduits à Schlusselbourg , où ils seront détenus probablement
pour le reste de leurs jours.
D'autres lettres de Varsovie et des frontieres de Pologne ,
datées du 22 janvier , après avoir annoncé l'arrivée dans la
capitale d'un secrétaire de légation , de la part de la Prusse ,
qui doit s'y arrêter six semaines , se livrent à diverses conjectures
sur la maniere dont les trois puissances co - partageantes
acheveront d'effectuer le démembrement de la Pologne.
Elles mettent en avant le plan qui faisserait intacte
une petite partie de cette contrée ; dont on ferait une monarchie
héréditaire. Le titre de roi serait donné à un archidue
d'Autriche , à condition qu'il épouserait une des petitesfiles
ade Gatherine II.
Stanislas , daus son voyage à Grodno , où il est arrivé le 13 ,
s'est arrêté deux jours à Bialistock , terre appartenante à l'une
de ses soeurs. Il est probable qu'il ne réverra plus Varsovie ;
car à peine l'avait-il quitté que nou-seulement on supprima
les gardes de la couronne , mais même qu'on notifia aux en
voyés des différentes puissances la cessation de leur mission .
On ne croit pas même qu'il reste à Grodno ; quelques-uns
disent qu'il sera conduit à Pétersbourg , d'autres à Mohilow.
Son neveu n'a pu obtenir la permission de l'accompagner ;
il est resté malade à Varsovie , mais presque en liberte.
De Francfort- sur- le-Mein , le 13 février.
⚫ Des lettres de Berlin , du 24 janvier , disent que si les
communications se sont ralenties entre l'Autriche et la Prusss ,
elles sont plus actives que jamais entre cette derniere puissance
et la Russie ; elles ne parlent que d'envoyes respectifs ,
on pour mieux dire de couriers expediés de part et d'autre .
Un courier arrivé le 22 , qui a annouce l'invasion victorieuse
des Français en Hollande , a fait la plus vive sensation
à Berlin . C'était y annoncer en effet que la soeur de Frédéric
Guillaume avait été forcée de descendre du trône ; car la
Tome XIV.
( 126 )
femme de capitaine général des Provinces - Uniés était bien ,
quoi qu'on en pât dire , une reine dans toute la force du
mot. Suivant ce même courier , les fugi ifs ont dû se sauver
en Angleterre comme l'endroit le plus près ; c'est aussi celui
où ils ont le mieux payé leur gite , en aidant M. Pitt trous
ver de l'argent pour l'énorme subside donné si gratuitemens
à la Prusse , qui n'a presque rien fait dans la derniere came
pagne. Ges nouvelles arrivées un peu plutôt, auraient singu
licrement troublé la fête du prince Heuri , célébrée le 18. On
croit que ce prince passera l'hiver à Berlin , et s'y occupera
d'affaires importantes , notamment du grand onvrage de la
paix. On continue pourtant à parler de la guerre . Mais comme
elle n'a point réussi sur le plan de campagne adopte , on dit,
eas il faut bien dire quelque chose , qu'on en suivra un nonveau
. Gependans il est probable que les affaires de Pologne ,
ou du moins leurs suites , occupeut beaucoup plus la Prusse
que les intérêts , de la coalition , qui n'en doit pas attendre
de grands secours , même en les payant. fort chers témoin la
Grande-Bretagne , à qui l'on n'en a sûrement pas donné pour
son argent.
Tandis que la Prusse néglige ainsi les affaires de la coali
tion , ou n'y songe que faiblement , elles font l'unique objet
des soucis et des inquiétudes de l'Autriche , doublement em
barrassée ,• parce qu'elle ycut en même tems prendre des
mesures pour que sa part du gâteau des rois ne lui échappe
pas. Aussi a-t- elle dans ce moment 60,000 hommes en Pologne.
Pour parvenir à completter ces troupes , ainsi que celles
qu'on envoie es qu'on enverra encore aux armées du Rhin
il a fallu avoir recours à un recrutement extraordinaire qui
pese beaucoup sur tous les états héréditaires. La ville de
Vienne doit fournir à elle seule 7000 hommes , sur une popus
lation de 150.000 ames. Or , pour peu qu'on ait d'idee de
ce que c'est qu'un recrutement , on trouvera que toute défalcation
faite , il faudra prendre un individu sur quatre ou cinq
au plus de ceux ea état de porter les armes. Voilà pourtant
les sacrifices qu'on se trouve forcé d'exiger du peuple , parce
que le cabinet de Vienne n'a pas voulu qu'une autre nation
se donnât un gouvernement de son choix.
D'autres personnes qui aiment à enfler les ressources de
l'Autriche , tout en convenane qu'on n'a point encore cessé de
parler de paix , et qu'un certain comte Deodati est à Bâle,
pour y travailler , assureut qu'on ne se ralentit absolument pas,
sur les préparatifs d'une nouvelle campagne , qu'on a 180,000
hommes effectifs à opposer aux Français , et que sur tolle.
l'artillerie est plus nombreuse et plus formidable qu'on ne l'a
jamais eue dans aucune guerre , malgré toutes les pertes
essayées dans la derniere campagne.
On a aussi des renseignemens par la voie de Vienne sur le
ر
((227 ))
་
1
J
#
J
sort futur de la Pologne ; mais peut - on y compter ? c'est
encore une question. En attendant , voici le bruit qui circule •
Varsovie entrera dans le lot du roi de Prusse ; Cracovie es
son territoire dans celui de la maison d'Autriche , et presque
tout le reste sera la part de la Russie , qui , ayant fait une
mise de fonds plus considerable et couru plus de risques
doit avoir aussi plus de bénéfice : car il faut être juste ,
cepté envers ceux que l'on dépouille .
t
Au reste , les cours co -partageantes ont grand besoin de
trouver des ressources , sur- tout la Prusse et l'Autriche : la
premieres a dépensé follement les trésors amassés par Fredéric
le- Grand , dans une guerre qui au fond në l'intéressait en rien;
la seconde s'est également épuisée d'après des motifs un pèu
plus spécieux , et aujourd'hui , graces à cette guerre et aux
rigueurs de la saison , la cherté des denrées est , proportion
gardée, aussi sensible à Vienne qu'à
ple : deux oeufs y coûtent aujourd Paris . En voici un exem
' sept huit creutzers ; ✨
encore en trouve t- on difficilement à ce prix . On imagine
bien que les autres choses ne sont pas à meilleur marche.
La cour estaux expédiens , et sur tout depuis qu'elle sait ou
présume que les six millions st . qu'elle empruntait à l'Angleterre
ne lui seront pas accoides , d'après le refus du parlement;
elle va presser le complément d'un nouvel emprunt à 5 pour 100 ,
qui a dû être ouvert le 1er février. Il est comme tous ceux
qu'on fait en pareilles circonstances , à des conditious trèsonéreuses
à l'état .
1
La misere et la dépravation , et peut- être ces deux causes ,
ont multiplié les filoux et les coupeurs de bourse dans la
capitale. Ce qu'il y a de bien étrange , c'est qu'on vient de
découvrir que
l'un d'eux est le professeur Pinetti , que ses
expériences physico- electrico - magnétiques ont rendu si fameux
dans toute l'Allemagne : il vient d'être mis en état d'arrestation.
Quelques efforts que fasse l'Autriche , elle aura de la peine
à conserver la coalition ; da moins dans l'état nécessaire pour
diployer des moyens de vigueur contre un ennemi qui , au
total compte infiniment plus de succès que de désavantages ,
car l'Angleterre , qui travaille bien plus ponr elle que pour
la coalition , et qui a déja enlevé à prix d'argent des troupes
dont l'Autriche aurait pa faire usage , va , dit - on , aussi
prendre à sa solde le corps de Conde . Les recrutemens ont
d'ailleurs beaucoup de peine à se faire , et c'est peut- être.ce
qui doune lieu au bruit qui court , depuis quelque tems
d'un arrangement par lequel l'Empire serait declare neutre ;
sien de moins probable au reste que cet arrangement , car le
corps germanique ne peut separer ses intérêts de ceux du
chef de l'Empire ; autrement il lui ferait la loi et le forcerait
ainsi à faire la paix.
Q &
"
((228 )
Suivant des lettres d'Osnabruk, du 28 janvier , il paraitrait
que la campagne d'hiver était entierement finie pour tes
alliés , en effet , quelques régimens anglais devaient sartiver
incessamment dans cette ville pour aller en quartier d'hiver
et les Hanovriens et Hessois passaient , dans la mênie intens
tjou , dans le pays de Munster . La caisse de guerre des Anglais
était déja arrivée , et l'on attendait leur hôpitals Au
reste , les Hollandais se souviendront long - tems d'avoir cu
de pareils défenseurs . Hest impossible de se faire une idée
des brigandages effectués par cette soldatesque effrénée , dont
quelques officiers étaient les complices , et les autresi
vaient pas L'autorité nécessaire pour arrêter ces délits. Ainside
Le fugitif d'Artois étie à la même époque , depuis quatre
jors à Osnabruk ; mais il devait en partir incessamment
pour se rendre Pyrmont , apparemment aux caux , «car-ni
lui ni son frere ne compromettent leurs augustes persones;
et il n'y a que la famille de Condé qui montre quelque cou
rage. On ne sait pas si ce départ est le fruit d'une cordons
nance qui paraît dans ce moment , suivant laquelle il est
défendu aux Français émigrés des journer plus longtems
dans cette ville .
Les Français paraissent se tenir tranquiles devant la place
de Mayence , et les paris sont qu'ils ne la prendront poin ,
ou du moins auront beaucoup de peine à y reussin. Au reste,
il n'en est pas de même de Luxembourg , on croit quê cette
forteresse sera bientôt entre leurs mains.
La débâcle du Rhin n'a pas laissé que de causer des ravages ;
celle du Mein en a fait aussi , et le Nidda furieux comme je
Lahn a refusé , le 30 et 51 janvier , tout passage pour notre
ville ; il a tout renversé dans le conrs qu'il a pris .
On sait , par des lettres de Franecker , que les Anglais ont
laissé à Rotterdam un magasin de blé montant às 100,000 fflors
Un paquebot qui devait avoir à bord beaucoup d'argent com
ptant , s'est trouvé pris par la glace dans le Texel C'est austi
le sort qu'ont éprouvé 35 autres vaisseaux , chargés en grande
partie de beaucoup d'artillerie impériale pour l'Allemagne .
Les Anglais en ont brûlé 40 sur le Leck , et les Impériaux
quelques-uns près d'Arnheim , qui contenaient beaucoup de
vivres et de provisions . Un magasin à poudre a été aussi jetté
à l'eau.
ANGLETERRE . De Londres , le 9 janvier 1795
Débats du Parlement. Chambre des Communes .
Suite de la séance du 5 janvier.
C'est ainsi , ajoute M. Windham , qu'en prêtant des express
mony exagérées , et les accouplant avec des faits supposery
( 229 )
19
tonaigrit l'esprit du peuple , et qu'on lui désigne des victites.
Comment ue rougit - on pas quand on pense à l'inters
prétation forcée et malicieuse qu'on a donnée à l'expression
de troupe moutonniere . Ces mots , d'une sentence très belle
d'un excellent écrivain isolés avec art et méchamnent par
des hommes qui en connaissaient bien la vraie signification , on
les a fat circuler à dessein dans tout le pays , on en a fait
ancri de carnage et de destruction , qui est conserve daus
J'arsenal des poignards , pour s'en servir dans une meilleure
occasion. Ce ne sont pas là des moyens indifferens , et il
n'est personne qui ne sente l'usage qu'on en veut faire .
li M. Windham passe ensuite à la question, il dit qu'un crime
peut être prouvé à un certain dégré , quoiqu'insuffisant pour
opérerdans l'amé desjurés une conviction telle qu'elle les déter
mine à prononcer un jugement dont résulte la peine de mort,
et que , par conséquent il est des cas où le coupable est
acquitté.
A
On demande où est la conspiration , comme si un poignard
dans la main était nécessaire pour la constater ; comme s'il
ne pouvait y en avoir d'autres que celle littéralement spe
cifice par l'acte d'Edouard III . Le langage des partisans de
çe sys ême ne prouve quel trop son existence . Nous savons
tous que le danger consiste à empoisonner l'esprit public
sezeiter des mecontentemens , à profiter de ceux que font
naître des momens de détresse , inévitable dans toute société ,
à s'efforcer de persuader au peuple que tout gouvernement
est une usurpation de ses droits..
L'honorable membre a dit , qu'il n'y avait aucune affinité
entre d'état de l'Angleterre et celui de la France ; et de - là
ce paradoxe , que l'ancienne monarchie était la cause de tant
d'atrocités qui viennent de déshonorer l'humanité . Mais , si
cela est , pourquoi n'ont- elles pas commencé avec la révolution
, lorsque l'enthousiasme d'une nouvelle émancipation
était à son comble ? Elles ont , au contraire , commence dans
uu tems où la mémoire de l'ancica gouvernement était effacée ,
et n'ont fait qu'aller en croissant comme un cone renversé . I
M. Hardynge déclare que c'est lui qui a dit : Perisse notre
commerce, et vive notre constitution ; mais il prie la chambre de se
ressouvenir que ces paroles n'ont élé dites que dans la supposition
que l'un d'eux dûre être sacrifié .
Le major Maitland , lord Titchfelds, et M. Fox , parlentchacun
un moment ; mais ce qu'ils disent est plus relatif à la
réforme parlementaire qu'à la question.
M. Erskine soutient la motion dans un discours très- étendu ,.
jendant à prouver qu'il n'existait pas de conspiration ; et
que , par conséquent , si les ministres voulaient renouveler la
suspension de l'habeas corpus , ils devaient faire voir la nécessité
de cette mesure par de nouveaux moyens.
Q3
( 250 )
1
M. Adair commence par dire que la suspension de l'habeas
corpus était infiniment restreinte, puisqu'elle ne s'étendait qu'au
crime de trahison , et que pour rons les autres , l'acte demeu.
rait dans sa pleine vigueur . Il examine s'il y a lieu de retirer
les pouvoirs confiés par le parlement au pouvoir exécutif; et
comme le jugement d'absolution porté par les jurés , est le
seul motif qu'on ait allégué en faveur de la motion , il suppo
sera qu'il y en avait d'autres. Il faudrait , selon lui , ignoret
absolument les lois criminelles d'Angleterre , et la pratique des
cours de justice , pour soutenir qu'un homme acquitré est nécessairement
innocenti est bien vrai qu'il est auxyeux de la
loi , qui lui assure sa vie , ses biens , et s'oppose à ce qu'il
soit accusé de nouveau pour le même faits Mais on sair
aussi que c'est un principe d'humanité , que dans le doute , de
prisonnier doit être acquitte , et ce principe nagit jamais plot
fortement sur l'esprite duajurys que lorsqu'ib sagit de la vie
d'un homme. C'est un motit tres- fort pour les jurés , quoique
non toujours justifiable yodes se divrer à la pitié. Quand la loi
déclare qu'il vaut mieux que vingt coupables échappent, qu'un
innocent périsse , elle dit une chose également fondée en justice
et en miséricorde mais eltel montre en même tems comment
il est possible d'échapper à la punition , sans pouvoir
prétendre à innocence . Si l'opinion du jury eût été foudée
sur la mon-existence de la conspiration , il eût dit sau
conseil de la couronne , avantde lai laisser entamer les preuves
personnelles contre Paccuse . Ne nous donnez pas une preuve
inutile , nous sommes convaincus qu'il n'existe pas de cons.
piration . D'ailleurs si le jury alavait aucun donte de l'innocence
des accusés , pourquoi serait-il resté mois heures à
se décider dans le procès de Hardy , et deux dans celui
de Thelwal. Tega
}
"
2
M. Adair retrace ensuite ce qui s'est passé dans les différentes
sociétés li diu qu'elles ontstivi les mêmes principes
qui ont renversésune grande monarchie. H veut voir ces
sociétés se dissondre , avant de consentir a la révocation d'un
bill , qu'un danger qui subsiste encore nécessitem grana
M. Fox replique et sonnent que le jagement par ijísty a
détruit toute idica de cunspiration topu aqu'it a sequi retesz
qu'on.ea..supposait les chefs , accusesit's ministres d'ève les
anteurs de toutes les alarmes répandues en Angleterre, Ibient
recommande de ne poinu détruire son gouvernement par lua
système de crainte at de terreur , de aendre au peuple ses
droits , et de lui procurerda paix , ce qui est le moyen te pius
sûr de conserver la constitution , ou suJMOVARER S
Plusieurs membres parlent encore pour ou contre la motion,
La chambre se divisor; silay a pour la motion , 41 ¥quas f
contre , 1:1851;0 majorités, 144. si
Jalog up of La suite du temira prochain:
la
( 851 )
M
H
-C
1
售
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
CONVENTION NATIONALE.
BARRAS.
Béance du septidi , à Pluviose.
Le représentant du peuple près de l'armée de l'Ouest écrit
des Sables que huit marins Français , prisonniers en Irlanda ,
sont arrivés aux Subles ; la haine de l'esclavage leur al fait
briser leurs fers et enlever un sloop qu'ils ont conduit ici.
Rien n'égale les dangers et les souffrances qu'ils ont endurées.
Les Irlandais d'après leur déposition sont las de la tyrannie . Els
soupirem après la liberté et l'arrivée des Français . Ils ne
weulent fournir ni matelots ni soldats au tyran Geotges et
les ont aides eax - mêmes à briser leurs fers ..
Mention honorable et insertion âu- bulletin.
Becker , en mission à Landau , annonce à la Convention
que l'explosion de l'arsenal de cette place n'a pas causé autant
de dégâts qu'on l'avait d'abord dit. Cependant beaucoup de
eitoyens en ont ressenti les tristes effets . Les rigueurs de la
saison ont ajouté à leurs souffrances , leurs maisons sans toit
s'offrant aucun abri contre la rigueur du froid extrême qui
s'est fait sentir. Cependant ces patriotes n'ont fait aucune
plainte. He mettent toute leur confiance dans la Convention,
et le représentant chargé des indemnités achevé de les con
soler. Le jour de l'anniversaire de la mort du tyran y a été
célébré au milieu de la joie la plus pure et la plus vive. Insertion
au bulletin.
Delamare au nom du comité des finances , fait rendre le
décret suivant : La Convention nationale considerant l'impossibilité
où s'est trouvée la classe la plus intéressante des
créanciers des hôpitaux , maisons de secours , bureaux des
pauvres et autres établissemens de bienfaisance , de produire
leurs titres de créance dans is fixés par les décrets des
#3 messidor et 21 frimaire à ra son des formalités
nécessaires , proroge jusqu'au 1ª , floreal prochain, le delai
¿qui m'avait été- fixé aù ger, ventôse pour le dépôt desdits
titres.
⠀ Boarden ( de l'Oise ) : Nous avons vaineu gos eunemis du
dehors et comprimé ceux du dedans . Il nous resté à faire une
chose essentielle , c'est de mettre de l'ordre dans les finances.
On vous a dit plusieurs fois que les créanciers de la Réptblique
étaient payés i bureau ouvert. Il est aisé de payer
insi , lorsqu'on ne liquide que sept à huit personnes par jour.
Gependant les sentiers et les propriétaires qui ont afferni leurs
Q4
( 232 )
biens en argent sont ruinés , par la trop grande quantité ďassignats
. Bourdon demande que trois jours par décade soient
consacres aux finances .
Vernier rend compte des travaux du comité des finances .
Il en demande la permanence , jusqu'à ce que la Convention
ait adopte les grandes mesures qui doivent, consolider le crédit
public .
Cambon dit qu'on liquide trois mille personnes par décade ,
et qu'il doit Ꭹ . avoir cinquante mile
créanciers liquidest
Bentabolte soutient que les fiances n'inspireront aucune
confiance tant que l'ordre ne regnera pas dans la République ,
et que des partis se disputeront , tant que le parti de l'ope
position aura des espérances un jour , qu'il perdrà le lendemain
et rattrapera le surlendemain . Il dénonce une feuille de Frézon
dans laquelle il attaque la constitution , et prétend qu'il faut
polir de cette constitution ce qui est trop grossier , et donner
plus de force à ce qui est trop faible . Bentabolle termine en
assurant que la constitution étant attaquée par un parti puissant
, la chose, publique était en danger , song
Thibaudeau pense que cette crainte n'est qu'une chimere
mise en avant pour détourner l'attention de l'Assemblée , euil
déclare que s'il trouvait dans la constitutione un article qui
ne lui sembiât pas bon , il croirait avoir le droit de le critiquer
, tout en s'y soumettant , et que si cette faculté n'existait
pas , il y aurait pas de liberte en France . L'on parle de
confiance , il n'y en aura point tant qu'il n'y aura point de
stabilite dans le gouvernement . Il faudra bientôt aborder cette
fameuse loi du 17 septembre et Outes ces lois révolutionnaires,
qui ne sont qu'arbitraires . Il faudra proscrire ces dengminations
qui faisaient qu'il n'y avait dans la République que
des jacobins , des modérés , des maratistes , des federalistes at
pas un citoyen , pas un ami Thibaudeau demande que la
commission qui est chargée du travail sur le mode de gon
vernement soit tenue de faire un rapport , dans le délai
d'une décade . Ceue proposition et celle de Bourdon sont
decrétées .
Séance d'octidi , 28 Pluviose .
$
1
m ob asuit #1031
19 Rib . Le
La société populaire d'Avignon invite la Convention à ne
pas souiller le Pantheon en y plaçant les héros du crime et
du mensonge . Elle dement l'exploit du jeune Viala qui n'a
perdu la vie , qu'en se livrant à des jeux , indecendbest faux
qu'il ait coupé le cable du bateau des Marseillais eu qu'il leur
ait intercepte le passage , puisqu'ils franchisent la Durance pour
mettre Avignon a feu et à sang. le sibs 1007
Mention honorable insertion au bulletin et renvoi au comité
instruction publique ,
Vernier , au nom du comité des finances , rend compte de
( 233 )
"
l'état où se trouve la liquidation de la dette nationale. Le
nombre , des , bulletins remis pour la dette consolidée est de
quatre- vingt mille . Il convient que la liquidation , sur -tout à
Jegard du viager, a éprouvé des lenteurs , mais elles étaient ins
separables d'une réforme qui offrait un immense cahos . Lé
comité s'occupe à accélérer. Quant à l'administration gènerale
, tout est dans le plus grand ordre , et il ne reste plus qu'a
traiter du fond des choses , et heureusement cet important objet
fixe l'attention de l'Assemblée.
bDubois - Crance , au nom des comités militaire et de salit
public , soumet à la discussion un projet de décret relatif &
l'organisation de nos armées . Il présente entr'autres cette
disposition , que dans toutes les troupes de la République ,
l'avancement qui était attribué à l'ancienneté de service , le
sera dorénavant à l'ancienneté de grade, à grade égal et de
même date. Le plus ancien dans le grade inférieur sera promu
à la place vacante ; les représentans aux armées ne nommeront
pas même provisoirement , et nul individu ne pourra monter
en grade sans avoir été préalablement examiné sur les fonctions
#
T
' il aura à remplir , et tout officier qui ne sera pas jugé assez
instruit , redescendia au grade pour lequel il sera jugé avoir
des connaissances suffisantesencjci ,
un
Choudieu s'est fort élevé contre cette disposition . Il eraint
qu'il ne donne lieu à un arbitraire révoltant. Plusieurs
membres ont demande que le comité militaire discutât de
nouvead ce projet. Cette mesure à prévalu et à été adoptée .
Pelet présente au nom du comité de salut public
apperçu des suites de la conquête de la Hollande . La Répus
blique ne tardera pas de traiter avec les états généraux régénérés
. Les magistrats destitués par les Prussions en 1787 sont
rentrés dans leurs fonctions. Les Hollandais ne suppriment de
leur constitution que le statondérat , ils desirentjeindre leur
marine à celle de la France pour combattre la perfide Albion.
C'est Richard qui s'est rendu chez les Bataves. C'était lui .
qui dirigeait an comité de salut public l'expédition sur da
Hollande. La Zélande à capitulé sur une simple somma
tion. Le comité présentera bientôt un projet de décret sue
les rapports politiques et commerciaux qui doivent résulten
des circonstances présentes . Nos troupes occupent aussi les pro
vinces d'Over- Yssel et de Groningue. Pelet donne ensuite
lecture des dépêches des représentans du peuple. ( Voyez kem
Nouvelles officielles .
*
Quelques-uns des articles de la capitulation de la- Zélande
excitent des murmures. Un membre s'écrie qu'ils sont déshonorans
pour la nation française . sy
Boissy d'Anglas : N'oublions pas que tout ce que nous dirons
retentira dans la Hollande . Il est donc utile de ne se permettre
augua mot dont la malveillance puisse abuser. Robes
( 134 )
፡፡
pierre en dissit autant , s'écrie un membre, Boissy continue
il demande l'ajournement et invite chacun de ses collegues
qui voudront se procurer des renseignemens pour motiver
leur opinion , à se rendre au comité , qui s'empressera de les
leur donner.
Mathieu Le comité qui a voulu sans doute pressentir
Topinion de la Convention ne manqnera pas de prendre des
precautions. Nous sommes tous penetres du sentiment de la
gloire et de la dignité de la nation ; peut être que les intérêts
de cette gloire n'out pas été suffisamment menages ; mais quand
en entre chez un peuple qui prend la liberte pont idole , il
est facile d'oublier ses droits , pour n'écouter que l'amitié .
{ Applaud . ) Tout ce qui concerne les rapports de nation
à nation doit être traité dans la Convention . Au vainqueur
appartiennent les établissemens publics dans les pays où il
pénerre . Il est de principe que les biens du gouvernement sont
le partage de la nation victorieuse qui respecte les propriétés
particulieres . Il faut , puisque nous sommes en Hollande , y
zéunir tout ce qui appartient à l'Angleterre il faut que ce
soit dans Amsterdam et la Haye que nous combattions
Londres. Vifs applaudissemens. ) Mathieu demande Timpression
des pieces , l'ajournement et le renvoi au comité.
Décrété.
Séance de nonidi , 29 Pluviose.
• Boissier an nom des comités de marine et des finances ,
fait décréter nne augmentation d'appointemens pour tous les
employés de la marine militaires et civils .
Le recueil des principales pieces trouvées chez Robespierro
étant imprimé , il a été distribué aux membies de la Convention.
Charlier se plaint de ce qu'on n'y voit pas les dé
nonciations contre le comité des marches . Ce comité avait
été déuoncé au tyran , parce qu'il eut le courage de ne point
ratifier les déprédations de ses protégés. Un autre membre
ajoute que beaucoup de citoyens ne sont désignés dans ce
recueil que par les lettres initiales de leurs noms ; ce qui peut
donner une grande latitude à la calomnie . Il voudrait que les
moms fussent mis en entier. Ces deux observations entraînent
une discussion qui dure toute la séance .
Laurence : On vent ouvrir la boîte de Pandore. Anéautissons
tout germe de d'vision , en passant à l'ordre du jour
Rewbel : Qu'on imprime les dénonciations contre le comité
de l'examen des marchés , et renvoyons l'autre proposition
au comité des finauces età la commission chargée du dépouillement
des papiers trouvés chez Robespierre.
Duhem demande qu'on imprime au moins l'inventaire des
pieces. Legendre observe que de bons citoyens des départe
de et des armées , trompés par la réputation du syram ,
( 135 )
ト
14
peuvent lui avoir écrit , et il suffita qu'on voie leur nom sur
la liste pour qu'ils soient persécutés . Duhem insiste et s'éerie:
Voulez-vous, doné jetter na voile mystérieux sur ce dépôt?
voulez-vous qu'en le tronquant , il devienne la source de
conspirations sans cesse renaissanites?
i
Pelet pense que cet inventaire serait une liste de proscrip
tion ; Clause , qu'il produirait le même effet que la liste des
darenns mis en liberté apres le thermidor.
1
Le président met l'ordre du jour aux voix ; il est décrété à
une grande majorité.
Ce décret est le signal d'un grand tumulte ; Duhem , Montaut
, Crassous , Soubrany , Duval , Châteauneuf- Randon ,
Thirion , ect . vont au bureau et demandent l'appel nominal.
Clausel dit qu'on veut faire perdre le tems à l'Assemblée ,
pour qu'elle ne s'occupe pas de la restauration des finances.
Peter Les passions particulieres prendront- elles la place
de l'intérêt public ? Le seul espoir qui reste à nos ennemis ,
C'est d'établir la guerre civile en France , et de semer ici des
germes de division . Occupons- nous des finances , la séance
y était consacrée . Les réclamans insistent. Des personnalités ,
des injures se font entendre de la part de quelques membres.
Enko André Dumont termike les débats , en faisant décréter
l'impression de toutes les lettres des représentans du peuple
trouvées chez Robespierre.
*2 : *
Séance de décadi , 30 Pluviose.
Une députation des éleves de l'école normale est admise à la
barre. L'orateur expose leurs besoins à la Convention . La plupart
d'entr'eux peres de famille ont fait pour cimenter la conquête
de la liberté , des sacrifices nombreux qui ont altérés leurs
ressources , mais les vrais républicains ne ' compient point
avec leur patrie . Le voyage qu'ils ont été obligés d'entreprendre
dans la plus rigoureuse des saisons a exigé d'eux une
dépense plus ou moins considérable . Arrivés à Paris , is se
sont trouvés dans la nécessité d'acheter beaucoup de livres .
Enfin , le renchérissement progressif de tous les objets de
premiere nécessité , les force d'avertir la Convention de l'urgence
de leurs besoins . Les éleves demandent , 1º , que la
Convention leur accorde pour leurs frais de voyage une indemnité"
proportionnée à la distance où ils sont de leur
domicile ; 20. que leur traitement soit augmenté à comptes
du rer. nivôse. **
9
Renvoyé aux comités d'instruction publique et des finances.
Les artistes du théâtre Français viennent ensuite faire part
la Convention des pertes qu'ils ont éprouvées , et de l'im
possibilité où ils sont de satisfaire aux engagemens qu'ils ont
contractes avant et pendant leur détention . Is réclament leur
propriété , qui leur fut ravie en même tems que la liberté. --
( 36 )
Le comité dès finances et d'instruction publique feront sous
trois jours un rapport à ce sujet.
7
Plusieurs pétitionnaires réclament contre l'effet rétroactif
donné à la loi du 17 nivôse de l'an 2 , sur les successions ; il
observent que cette loi , en anéantissant une foule de con ,
trais passés sous la garantie, de la foi publique , porte le
trouble dans les familles . Ils rappellent que la déclaration
des droits proscrit comme un crime toute rétroaction donnée
aux lois , et ils demandent que ccelle dont il s'agit soit renvoyée
à l'examen du comité de législation , afin qu'il présente
les moyens de concilier le respect dû à l'égalité avec celui
que méritent des engagemens contractes ,
Peyaieres et Laurence appuient le renvoi en ce qui concerne
l'effet rétroactif donné à cette loi Genissieux dit qu'il a été
le premier à s'y opposer lorsqu'elle a été discutée ; mais
puisque la loi est rendue , il faut l'exécuter à cause des incouvéniens
qui résulteraient de son rapport
1
Bourdon ( de l'Oise ) : On attaque, le plus beau décret
que nous ayons rendu , celui qui a établi l'égalité des partages
depuis l'époque où le peuple a recouvre ses droits et a conquis
sa liberté . De telles, pétitions ne peuvent être dictées
que par la malveillance , l'avarise ou la haine de l'égalités
et ne peuvent contribuer qu'à faire retrograder la liberte.
Montmayou : Si l'on ne parvient point à établir l'égalité
entre les freres , on ne l'établira jamais entre les citoyens .
Bourdon : Ce que vient de dire le préopinant est d'autant
plas remarquable que cette loi lui fait perdre 50,000 écus.
Taillefer et Bourdon demandent la question préalable sur
la pétition , Elle est adoptée.
La section de Bon Conseil annonce que tous ses citoyens , en
entendant le récit des nouveaux complots des menstres à face
humaine , se sont leves et ont jure de les exterminer. Ils
jurent d'établir un mur d'airain entre les jacobins du 9 there
midor et les honnêtes gens . Cette adresse sera insérée an
bulletin.
1
Séance de primedi , 1er . Ventôse,
*
Thibaut du Cantal , an nom du comité de sûreté générale
et de celui des finances , présente un projet de décret
contenant des mesures d'économie . 11 expose que ces deux
comités ont éte chargés par la Convention de trouver des
moyens de diminuer les dépenses du trésor public . Pour
aucindre ce but , il propose de décréter , 10. la suppression de
la, permanence des conseils généraux de district ; go . la réduction
des administrateurs des départemens , à cinq ; 3 °. la
suppression des comités révolutionnaires dans toutes les communes
dont la population est au dessous de 50,000 ames ;
4° . de charger les comités de la Convention de s'entendre
?
( 237 )
avec celui des finances pour regler provisoirement d'une
maniere uniforme et convenable , le traitement des commis et
des employés dans chaque établissement public dont la sure
veillance respective leur est confiée . 1 e 2 et le 3º , articles sone
les seuls qui souffrent une légere discussion . Brival a demandé
que la réduction des administrateurs des départemens s'opé
ratepar la voie du sort , afin de prévenir les intrigues et les
cabales . Mais Bourdon de Oise ) a observé que la voie du
scrutin était préférable parce qu'elle supposait un choix ,
que les administrateurs » connaissant , leur aptitude , et deu
moyens , il aura ) bien moins d'inconveniens. Sen lavis
prevalu .
3741 31
Rewbel a demandé que le Bearticle portât expressément
qu'il n'y aurait plus de comités revolutionnaires dans les
chef lieux de district dont la population est au-dessous da
50,000 ames. L'amendemeutete adopté.
Plusieurs sections de Paris détent dans la salle ; elles expriment
leur horreur pour les buveurs de sang. Duhem trouve
mauvais qu'une d'elles ait pris un arrêté,pour exclure de toutes
fonctions les membres de son comité révolutionnaire .
Bourdon ( de l'Oise ) dit que Duhem altere la vérité , et
qu'elle s'est bornée à déclarer qu'ils avaient sa confiance . It
ajoute que la liberté serait perdue si les sections n'avaient pas
le droit de réclamer contre ces buveurs de sang , ce las de
coquins.
Serres annonce à Duhem que tous les scélérats , tous les
coupé-jarrets , tous les hommes couverts de crimes se rallient
à ses déclamations . ( Applaudi. ) magna.
› Gouly fait part de dépêches arrivées des isles de la Réunion
et de France ; les citoyens des colonies , fideles à la Republique,
ont fait éprouver une perte de deux cents millions au commerce
des Anglais .
PARIS. Quartidi 4 Ventose , l'an S. de la République.
Quelques papiers ont annoncé que Merlin ( de Thionville }
s'étant trop avancé , avait été enveloppé et fait prisonnier , mais
qu'un peloton d'hussards était arrivé à tems pour le dégager,
Tandis qu'on débitait cette nouvelle , d'autres papiers annonçaient
que Merlin était en route pour Paris , où sa présence ne >
sera pas , dit- on , inutile lors du rapport de la commission des
vinge un que l'on attend incessamment .
中书
• Nous n'avons point encore rendu compte des séances da
nouveau tribunal révolutionnaire . Il n'a été occupé jusqu'à pre- i
sent que de quelques affaires peu importantes et de simples
(+238 )
hises en liberté. L'affaire de Lacroix est la premiere qui mé
aite quelqu'attention. On se rappelle avec quel empressement
eur une dénonciation de l'esprit de parti , il avait été envoyé
au tribunal révolutionnaire comme ayant composé un écrit
tendant au rétablissement de la royauté. Voici le jugement
intervenu sur cette accusation .
Vu la déclaration du jury , portant qu'il n'est pas constant
que l'ouvrage intitulé le Spectateur français pendant le gouvernes
ment révolutionnaire , tende à provoquer le rétablissement de la
royauté et la dissolution de dareprésentation nationale , le
tribunal a acquitté et mis en liberté ledit Lacroix . 19
**** D
Suivant une lettre particuliere , écrite de Nantes de 22 de ce
mais , on y regarde la pacification avec la Vendée comme à
peu près conclue . Il a dû y avoir , le 24 , une conférence entre
tes chefs des insurgés et les représentans du peuple , dans
one maison de campagne à une lieue de Nantes , sur la route
de Clissou.
•
Goulin , un des membres de l'ancien comité révolutionnaire
de Nantes , qui dans la discussion de cette célebre affaire avait
montré beaucoup de sagacité , de courage et de franchise dans
l'aveu de ses toris , s'est empoisonné dans sa prison .
On écrit de Toulon que le calme et la paix ont succédé
enfin à l'esprit de discorde que les factieux avaient voulujetter
parmi la garnison de cette place. Les principaux moteurs
de la révolte ont été arrêtês , et vont être jugés par une comission
militaire nommée ad hoc.
On a levé , en dernier lieu , 1800 hommes dans les atteliers
l'arsenal de Touloa , pour en faire des matelots et completter
les équipages des vaisseaux et autres bâtimens destinés au service
de la République : ou a mis aussi en requisition un cer
tain nombre de matelots employés sur les bâtimens de commerce.
Il y a lieu de croire que ces mesures précéderont de
peu la sortie de l'escadre , qui n'attend que des ordres nlterieurs
pour mettre à la voile. Le bruit court que sa premiere
destination sera d'aller prendre à Livourne un convoi
de grains destinés pour l'approvisionnement des départemens
méridionaux .
1
Le moment du rapport de la commission des 21 s'approche ;
en cousequence , les accuses se hâtent de faire paraître des
mémoires atténuatifs des faits qu'on leur reproche . Barrere ,
vient d'en faire paraître un dans lequel il expose qu'il n'a,
fait fusiller personue ; ce qui est , selon lui , une preuve de
son innocence . Malheureusement dans le même moment
Fouquier- Thinville qui , de son côté , cherche à se justifier ,
cite pour sa justification un arrêté pris le 17 messidor pour
( 239 )
C
aggraver le terrorisme et hâtes les assassinats judiciaires , " etiķ
déclare que cet arrêté est signé Billand , Barrere , etc.
S'il faut en croire les papiers publics , les terroristes
gitent dans des convulsions extrêmes pour retarder l'instamɛ
de leur chûse entiere , qu'ils regardent comme très-prochaine z
ils se sont ralliés en force dans les sections à la séance de
décadi dernier , pour essayer une derarere fois de faire triom
pher leur cause désespérée ; mais d'union et l'ensemble des
bons citoyens ont par-tout déjoué leurs projets ; et les sections
, dans la séance de la Convention nationale de primedi
sont allées lui rendre compte de la victoire qu'elles ont rem
portée la veille sur les ennemis du repos public.
NOUVELLES OFFICIELLES
ARMÉE DU NORD ET DE S
:
T MEUSE.
La Haye , le 22 pluviôse , l'an 3e. de la République Françaisæ
Nous vous adressons , chers collegues , la capitulation
de la Zélande ; cette riche province s'est rendue sur une simple
sommation , et d'après la connaissance que les citoyens omt
eue de la conduite genéreuse des Français dans la Hollande
et de nos principes manifestés dans notre proclamation.
19 La reddition de la Zélande et de tous ses ports complette
l'invasion des Provinces Unies ; car l'Over- Issel et le
pays de Gromingue sont , depuis quelques jours , occupés em
grande partie par nos troupes.
" La conquête de la Zélande est d'autant plus précieuse.
que, par sa situation , la difficulté d'y pénétrer et les secours
qu'elle aurait pu tirer de l'Angleterre , il lui aurait été facile
de faire une longue résistance .
Ce n'est qu'avec la plus grande peine , et au milieu des
plus grands dangers , que les officiers , chargés de porter la
sommation , sont parvenus à y pénétrer à travers les glaces.
La difficulté des communications a été telle que le général
n'a reçu qu'hier au soir la capitulation , quoique depuis plus
sieurs jours on y eût envoyé des officiers en parlementaires.
1 Salut et fraternité. "
Signés , BELLEGARDE , FRECINE , PORTIEZ , ROBERJOT , CHARLES
COCHON , ALQUIER , D. V. RAMEL , représentans du peuple.
Capitulation de la Zélande , datée du 3 février , et signée par les
députés de ce pays et par le général Michaud.
Art. Ist, Le libre exercice de la religion dominante. Ac.
corde pour tous les cultes .
141. Maintien de la forme de gouvernement établi. Ri
( 240 )
pondu que l'on doit s'en referer a la proclamation des repté
senians.
+4
III. Sûreté des individus quelles qu'aient été leurs opinions ,
et conservation des propriétés appartenantes , soit à l'etat ,
soit aux individas . Referé à la proclamation.t
pour
A
IV. La faculté aux personnes qui ont quitté le Brabant
venir en Hollande , de rentrer en possession de leurs
propriétés . Retraite sûre aux émigrés de la France . Reféré
a la capitulation , et non compris les émigrés français , avec
et pour lesquels la Republique n'entendra jamais à aucun
accommodement.
V. Qu'il n'y ait point de garnisons françaises en Zélande
ou qu'elles soient très -peu nombreuses , à raison de la cherié
des vivres. Répondu qu'on n'enverra que les troupes necessaires
pour le service de la police , et pour la garde des
vaisseaux et de l'isle de Walchern .
VI. Point de cours forcé aux assignats , point de requisi
tions sur les biens ou les individus . Accordé référé à
La proclamation .
VII. Si des villes ou des pays de la Zélande avaient fait
des capitulations particulieres moius favorables que la présente
, elles seront comprises dans celle - ci , et cette capnu
lation s'accroftra aussi des faveurs plus grandes qui auraieut
été accordées en particulier à ces villes ou pays . Accordé .
VIII. Les articles de la présente capiulation qui présente
raient , par l'expression , un sens obscur ou equivoque , serour
interprétés et executés à l'avantage de la province de Zélande,"
-Accordé.
A cette capitulation se trouve jointe une copie de celle des
vaisseaux de guerre et frégates ; les équipages s'engagent à
ne plus porter les armes contre la République Française , à
ne commettre aucune dégradation dans les vaisseaux , et à ne
sortir des ports qu'avec le consentement du général en chef
de l'armée française ; des canonniers français occuperont les
forts et batteries qui défendent les ports.
Une clause de cette capitulation , datée du 25 janvier ,
porte qu'elle sera communiquée à l'amiral hollandais Kinsbergen.
P. S. Dans la séance du 3 ventôse , la Convention a chargé le
comité de sûreté générale de surveiller les agioteurs qui se rásseinblent
au Palais - Egalité ; elle a renvoyé à son examen la propo
sition de r'ouvrir la bourse. Elle a décrété que l'exercice d'aucun
culte ne pouvait être troublé , que la République n'en salariait
aucun ; que toutes cérémonies religieuses , tous costumes
et habits religieux étaient défendus hors l'enceinte choisie pour
son exercice ; qu'aucune commune ou section de commune ne
pouvait louer de local , et qu'il ne pouvait être fait de dotation
perpétuelle ou viagere , ni imposé de taxe pour cette cause .
&
( N°. 32. ) Jer. 135 31. )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 10 VENTOSE , l'an troisieme de la République.:
( Samedi 28 Février 1795 , vieux style . )
SCIENCES , ART S.
Projet d'établir en France une manufacture de végétaux artificiels
, qui doit occuper utilement , dans l'enceinte de Paris ,
environ quatre mille femmes , d'après les nouveaux procédés
de T. J. WENZEL , avec toutes les pieces relatives
objet ; par LovÍS - FRANÇOIS JAUFFRET. Seconde édition .
A Paris , chez TESSIER , libraire , rue de la Harpe , nº . 151 ,
vis- à- vis celle du Foin. Lan III . de la République.
Tour projet attire l'attention , parce qu'il promet
J
quelque chose qu'on n'a pas ; c'est ce qui fait trouver
tant de charme à faire des projets , ou à les lire ; charme
fondé sur le desir inné dans l'homme de multiplier ses
jouissances , ou de mettre quelque chose de meilleur à
la place de ce qu'il possede déja . Le projet que nous
annonçons va d'abord saisir l'imaginations , car il s'agit
de fixer sous nos yeux , autant qu'il est possible , par
des moyens humains , le tableau varié de la nature , que
la vicissitude des saisons et la marche du tems affaie
blissent tous les jours , et font enfin totalement disparaitre
; de reproduire tous les végétaux avec leurs reliefs ,
leurs couleurs si délicatement nuancées , leur structufe ,
la disposition de leurs fibres , leur site , leur port , cet
air d'abandon et d'aisance qui caractérise les mouvemens
de la nature et produit la grace ; enfin , tout ce
sequi compose leur physionomie . L'auteur du projet se
propose aussi d'offrir la forme , la couleur des fruits, avec
l'appareil des organes végétaux qui concourent à leur
production ; objet important pour les botanistes , surtout
depuis qu'ils ont fondé sur ces parties , qui donnent
aux plantes tant de rapports avec les êtres vivans ↳ la
méthode la plus générale de les classer.
L'idée de fleurs , et l'usage qu'on en a fait jusqu'à
présent, en les bornant à servir d'ornement aux femmes ,
Tome XIV.
REA
1
( 242 )
ou à repaître la vue d'un vain plaisir , semblent donner
un caractere frivole à ce projet . Mais son auteur a su
lui donner de l'importance , en la rattachant à de grands
objets , tels que l'histoire naturelle , les arts , le commerce
, et même la morale .
Quelle utilité la botanique ne retirerait - elle point
de la représentation exacte et fidele des plantes toujours
exposée à leurs yeux ! quelles fatigues ne leur
épargnerait- elle pas ! fatigues qui même ne pourront
avoir lieu qu'un certain tems de l'année. Quel soulagement
pour la mémoire obligée de retenir les défaitions
de vingt-cinq mille especes de plantes qu'on
connaît à présent ! Les herbiers sont un secours bien
faible. On pourrait les comparer à des cimetieres où il
serait impossible de retrouver les formes , les traits , le
coloris des individus qu'on y a ensevelis. Les carace
teres délicats de certaines plantes s'effacent dans les
herbiers. Il y en a qui , par leur forme , ne peuvent point
y trouver place , non plus que d'autres par leur consistance
, tels que les champignons et la plupart des crypto
games. La perfection de la botanique serait donc le
fruit nécessaire d'une manufacture de végétaux artificiels
fidelement rendus , et l'on sent les avantages que
la médecine et l'agriculture pourraient en tirer.
Il n'est point d'autre école , sans doute , pour les
peintres et les dessinateurs qui veulent imiter la nature
dans ses productions et dans ses jeux , que le spectacle
des champs, C'est sur ce théâtre que les germes de tant
d'êtres organisés , jettés avec une profusion infinie , et
recevant d'une infinité de causes variées des impulsions
différentes , formant , par leurs couleurs , leurs aspects ,
leurs attitudes , que mille accidens diversifient le tableau
le plus riche et le plus intéressant qui puisse frapper
les sens et émouvoir l'imagination . C'est-là que les fleurs ,
ces êtres charmans que la nature , dit Pline , seme à
pleines mains , et comme dans sa gaieté , se présentent
avec des décorations qui leur donnent à chacune un
caractère particulier. Celles - ci aiment les prairies
qu'elles embellissent de leur émail ; celles - là cherchent .
l'ombre des bois ; on en voit quelques - unes qu on dirait
attirées par le crystal des eaux , se pancher sur le bord
d'un ruisseau ; d'autres qu'un caprice semble avoir
transportées dans les fentes d'une roche , y former par
leur délicatesse et leur légereté un contraste surpremant
avec la masse dure et immobile eù elles sont
( 243 )
•
assisses, Certaines étalent avec orgueil leur coloris écla
tant et la richesse de leurs nuances ; elles charment les
regards du passant sans l'arrêter ; elles frappent plus
les sens qu'elles ne parlent à l'ame . Un piége plus
puissant c'est la rencontre fortuite de celles qui se
cachent , ou se recueillent avec un air de mystere dans
des retraites écartées . Leur parure simple , mais piquante
, intéresse d'abord ; mais si quelques gouttes
de rosée , retenues dans leurs calices , viennent encore
leur donner un nouveau charme , comme ces larmes de
la beauté qui assurent sa puissance et son triomphe
par les signes mêmes de la faiblesse , l'artiste en contemplation
devant ces fleurs ne peut plus rester de
sang- froid , et s'animant du sentiment qu'il leur prête
il éprouve bientôt cette chaleur qui doit féconder som
génie.
Ce tableau fugitif est de peu de durée . Cependant
le tems où le sein de la nature est fermé peut être mis
à profit, au moyen de cette représentation fidele des
végétaux qu'on nous promet. Alors l'artiste pourra avec
plus de calme y étudier leur structure mechanique
leurs proportions , se rendre familiere l'élégante hardiesse
de leurs formes et de leurs contours , se former
à la correction du dessin , et acquérir toutes ces connaissances
qui sont plus du ressort d'un esprit attentif
que de l'imagination , et qui servent de fondement à
art. Il faut ajouter que ces végétaux artificiels
doivent être l'ouvrage des femmes ; ce sentiment exquis
des choses agréables qui caractérise leur sexe , ce goût
fin et rapide qui sait trouver d'abord , non ce qui sied ,
mais ce qui sied le mieux , leurs mains adroites et délicates
revendiquaient bien ce travail . Qui peut mieux
imiter les fleurs que celles dont les coloris et la fraî
cheur nous en retracent sans cesse l'image avec tant
de danger ? Plus d'une Glycere , rivale de la nature ,
défiera sans doute le jeune artiste étonné , qui jaloux '
de la surpasser , et mêlant à son émulation dans cette
joûte aimable un sentiment encore plus doux , répro
luira parmi nous le pinceau des passions,
La manufacture des plantes artificielles peut concourir
à la perfection de plusieurs autres manufactures , en
leur offrant des modeles plus vrais et plus variés . Telles
sont la broderie qui donne de la grace et une sorte
de vie à des tissus inanimés et monotones , en y retras
gant les fleurs et la verdure des champs ; les fabriques
Ba
12441
de ces étoffes plus solides dont on tapisse les appar
temens , où l'on représente des paysages ; les manufac
tures de papier peint , dont les ouvrages semblent faits
pour se jouer du goût , et qui par les objets fantas
tiques qu'elles nous offrent , semblent plus s'occuper
à défigurer la nature qu'à l'alimenter.
L'auteur du projet pense que sa manufacture , en perfectionnant
l'histoire naturelle et les arts , dont elle
répandrait le goût , deviendrait elle-même la source et
l'instrument d'un commerce utile et glorieux à la
nation.
Enfin , selon l'auteur du projet , la morale même y
peut trouver son compte. Les fleurs ont un langage
pour les ames sensibles . Il pense que la rose et son
épine disent beaucoup ; que le bluet nous retrace la
candeur , et a quelque chose de céleste. Il y a quelques
années on aurait peut-être appellé notre parterre artificiel
la théologie des fleurs . Nous ignorons jusqu'à quel
point la théologie d'une tulipe , comme celle d'un insecte,
peut nous mener dans la connaissance des desseins ét
des attributs de celui qui a fait les tulipes et les insectes ,
et nous guider dans la pratique de nos devoirs ; ce qu'il
ya de vrai , c'est qu'un des plus sûrs moyens d'affermir
Tempire de la vertu , c'est d'y ramener l'homme par le
travail qui éloigne de lui les besoins et les passions .
L'auteur du projet , en occupant quatre mille femmes,
comme il se propose de le faire , dédommagera leur
sexe, que les hommes ont dépouillé de presque toutes
les professions que la nature semblait leur avoir destinées
, pour ne laisser que celle du vice.
En rendant aux femmes des occupations si conformes
à leur constitution et à leur goût , il aura la douce satis
faction d'avoir fait beaucoup pour les moeurs . Telles
sont les promesses consignées dans ce projet.
HISTOIRE NATURELLE. GEOGRAPHIE,
Observations sur la NOUVELLE HOLLANDE , ses productions
at les moeurs de ses habitans , extraites d'un Mémoire d'un
auteur Allemand.
La nouvelle Hollande , ce vaste continent situé entre
la mer des Indes et la mer Pacifique , a été jusqu'à présent
si peu connue et si imparfaitement décrite par les
( 245 )
St
voyageurs ; elle offre au naturaliste et au philosophe des
faits si importans et si curieux , qu'on ne lira pas sans
intérêt tout ce qu'a recueilli M. Blumenbach en Angleterre
, sur un pays tout nouveau qui surpasse en étendue
l'Europe entiere , et peut être regardé comme une cinquieme
partie du globe bien plus que comme une isle.
Nos géographes en ont déterminé la position au Midi
des Moluques , en- deçà et en- delà du Tropique du capricorne
, depuis le 10. degré de latitude méridionale
jusqu'au 34. La ressemblance de son contour avec celui
de l'Afrique , et sur - tout la conformité de sa pointe méridionale
, avec les pointes homologues des autres parties
du monde sur cet hemisphere , semblerait indiquer qu'elle
en a été séparée par une de ces grandes catastrophes du
globe terrestre que ne peuvent méconnaître ceux qui
savent observer et rapprocher.
On avait cru jusqu'ici que les Hollandais avaient été
les premiers des peuples européens qui , vers le milieu
du siecle dernier , avaient découvert quelques côtes au.
nord et à l'ouest , de même que la pointe méridionale
de cette terre ; mais M. Blumenbach a vu , au musée britannique,
une grande carte française très - bien dessinée
sur parchemin , et aux armes du dauphin , qui , d'après
toutes les recherches diplomatiques et les comparaisons
qu'on en a faites avec les cartes les plus anciennes , paraît
être antérieure à la découverte des Hollandais . Cette
carte indique au sud- est des isles de Sunda , un graud
pays entierement ressemblant à la nouvelle Hollande.
On y trouve sur la côte orientale une place marquée du
nom de Côte des herbages , à -peu-près à l'endroit où est
situé Botany - Bay , qui a reçu son nom au mois de mai
$1770 , du grand nombre de nouvelles plantes qu'y décou
vrit M. Banks , compagnon de Coock , dans son premier
voyage autour du monde. Cette carte , qui vient de la
succession du comte d'Oxford , n'a été retrouvée que
long- tems après le premier voyage de Coock.
Le capitaine anglais Ball a fait , pour la premiere fois
en 1790 , le tour de cet immense continent ; mais il n'a
exammé avec quelque exactitude que la seule côte
orientale , où les Anglais ont fondé une colonie.
Depuis l'établissement de Botany- Bay , les vaisseaux
qui sont revenus en Angleterre en ont rapporté une
quantité de productions si singulieres et si inconnues ,
que cette cinquieme partie du monde semble promettre
aux naturalistes une création particuliere , nouvelle ét
R 3
( 246 )
tout - à- fait distincte , comme il en fut autrefois de
l'Amérique peu après sa découverte . Quoiqu'on n'ait
pas encore, recueilli les différens minéraux qui s'y trou
vent , le célebre Wedgwood a fait sur une portion de sable
qu'on en avait rapporté , ( sable que les naturalistes nomment
sable austral , ) différens essais par la voie de l'analyse,
qu'il a communiqués à la société royale des sciences
à Londres , et qui lui ont donné pour résultat une terre
élémentaire primitive , d'une nature toute particuliere ,
qui , dans l'analyse , se distingue d'une maniere , frappante
, des huit ou neuf autres especes qu'on connais
sait déja dans la nature.
On s'est plus occupé des végétaux de cette contrée ,
et cette partie a fourni une moisson extrêmement abondante
à la premier découverte de Botany - Bay . M. Banks
y recueillit déja 3 ou 400 nouvelles especes de plantes ,
et entr'autres un nouveau genre d'arbres magnifiques
extrêmement durs et pesants , produisant une espece
gomme ou résine , et auquel le nouveau Linné donna
le nom de banksia , d'après celui du naturaliste qui les
avait découverts .
de
Les derniers vaisseaux ont rapporté environ soo
nouvelles especes d'animaux inconnus , que deux célebres
naturalistes de Londres sont occupés à décrire .
On distingue sur-tout , parmi les oiseaux , un perroquet
d'une forme bisarre , ( psittaccus banksii , ) et un
autre oiseau singulier semblable au caesoar. Mais parmi
les animaux qui allaitent , les plus remarquables sont ,
outre un tamanoir qui a des piquants comme un porcépic
, quatre ou cinq nouvelles especes de sarignes ,
animaux singuliers par la conformation qu'ils ont reçue
de la nature , pour la conservation de leurs petits . La
femelle a sous le ventre une poche particuliere , qui
s'ouvre et se ferme par le moyen de certains muscles .
et au fond de laquelle se trouvent les mammelles. Les
petits viennent au monde , pour ainsi dire comme des
avortons ; la mere les porte ensuite pendant long- tems
dans cette poche où elle les nourit de son lait jusqu'à
ce que , devenus plus forts et mieux formés, ils puissent
pour ainsi dire naître une seconde fois. Après cette
seconde naissance , la poche leur sert souvent de retraite
, la mere les y reçoit à l'approche de quelque
danger , et cherche par la suite à se sauver elle et son
ardeau .
On remarque encore parmi ces animaux le kanguruh ,
( 247 )
que Coock avait déja fait connaître . M. Blumembach¸
a vu à Londres un kanguruh vivant , et rien n'exprime
l'étonnement qu'il eut de voir cet animal , lourd
d'environ deux quintaux , bondir et sauter sur ses
monstrueux pieds de derriere avec la légereté d'une
sauterelle . Il s'en trouve maintenant plusieurs dans
le parc de Windsor où ils se portent très -bien , s'accouplent
et font espérer que l'espece pourra se multiplier
en Europe.
Les habitans de la nouvelle Hollande dans tous les
points de la conformation de leurs corps , tiennent le
milieu entre les autres insulaires de la mer du Sud et
les négres de la Guinée. La couleur de leur visage est
pareillement une couleur mitoyenne , entre le véritable
noir des négres et le brun noirâtre des habitans des
nouvelles Hébrides , qui est lui-même une nuance du
brun bazané des habitans des isles de l'Amitié . La forme
et les traits de leur visage approchent plus de ceux des
maures que de ceux des otahitiens . Leur chevelure
noire est plus crêpue que celle des habitans d'Otahiti ;
mais ressemble moins à la laine des négres d'Afrique .
Ils sont d'une taille svelte, et extrêmement leste et
souple . Ils grimpent au haut d'un arbre élevé , et dont
l'écorce est lisse et unie , avec une vitesse qui étonne.
Tout en grimpant ils font à coup de hache dans l'écorse
des entailles qui leur servent de degrés , et dans lesquelles
ils appuient le grand orteil , et tout cela se
fait avec
une vitesse égale à celle avec laquelle un
Européen monterait au haut d'une échelle.y
Leur constitution est saine et robuste ; il n'y a que
la petite vérole qui fasse quelquefois de grands ravages
parmi eux ; et aux marques que l'on a reconnues chez
les vieillards , il est à croire que cette maladie y est
endémique . Ils sont sans vêtement , mais non pas sans
parure ; car le desir de plaire semble être chez les sauvages
, comme chez les peuples
, une des lois
instinctives de la nature . Ils se fardent et se peignent
tout le corps , principalement d'une argile blanche trèsfine
; et avant de commencer leur danse nationale , on
voit les jeunes filles s'empresser à l'envi d'en pares
leurs bien - aimés du mieux qu'il leur est possible. Leur
principale parure consiste dans l'os qu'ils enfoncent à
travers le cartilage qui sépare les deux narines l'une
de l'autre . Cet os est aussi gros que le doigt ; et comme
il a cinq à six pouces de long , il croise entierement In
B4
( 248 )
visage , et bouche si bien , les narines qu'ils sont obligés
de tenir la bouche fort ouverte pour respirer ; aussi
nasillent- ils tellement qu'ils se font à peine entendre
les uns aux autres . Outre cet ornement , ils ont des colliers
faits de coquillages, taillés et attachés ensemble très- ·
proprement ; des bracelets de petites cordes' qui forment
deux ou trois tours sur la partle supérieure du bras ;
et autour des reins un cordon de cheveux tressés. On
ne sait pas s'ils regardent comme un moyen de plaire ,
ou comme un signe de distinction , de se mutiler le
corps ; mais il manque à la plupart des femmes deux
doigts qu'elles se font tomber par le moyen d'une forte
ligature , et un usage assez bizarre chez les hommes est
de s'arracher une des dents canines ,
Ces peuples vivent en nomades , et sont semés à des
distances lointaines ; ce qui prouve que la population
et la civilisation n'y sont pas encore fort avancées . Il
en est cependant qui vivent en hordes de plusieurs
centaines . Leurs habitations sont pour la plupart de
petites huttes faites d'écorce d'arbre ; d'autres viventen
vrais troglodytes , dans les creux que le tems a
formés dans des rochers de pierre sablonneuse , ou
qu'ils y font eux-mêmes sans beaucoup de peine . Ils
allument au milieu de ces cavernes un feu qui en
échauffe les parois , et y procure une chaleur douce et
durable , ensuite ils y étendent une litiere molle faite
avec du foin frais et très-menu .
Lorsque les Anglais commencerent à fonder leur colonie
, ils eurent de la peine à communiquer avec ces ,
Indiens qui se montraient craintifs , et fuyaient à leur
approche. Ceux - ci furent obligés d'en surprendre un
et de le saisir de force. Ils le traiterent avec toute la *
bienveillance possible , si ce n'est que pour l'empêcher
de s'enfuir , ils furent contraints de lui mettre des fers.
aux pieds , mais cela même parut le plus flatter sa vanité;
car voyant les mêmes fers à une partie des Colons-
( c'étaient les déportés ) , il les prit pour des marques
d'honneur , et il arriva à ce sauvage ce qui arrive si
souvent aux européens civilisés il se fit gloire de ses
fers. Ce moyen eut tout le succès qu'on en espérait ;
F'Indien étant retourné vers le sien , il raconta les bons
traitemens qu'il avait reçu des anglais , et depuis ce
tems , les relations avec ces peuples sont devenues plus
immédiates et plus familleres .
M
Le tempérament des habitans de la nouvelle Hollande
( 249 )
est sanguin-colérique ; ils forment nn peuple gai et de
benne humeur, très - prompt à s'emporter , mais sans
rancune. On en sera moins étonné , lorsqu'on saura que
la température de ce continent est très- inconstante et
sufette à des vicissitudes subites , et qu'en même- tems
le climat y est doux et salubre.
Leurs armes offensives sont des javelines et des lances ;
celles - ci ont depuis huit jusqu'à quatorze pieds de long.
Elles sont composées de plusieurs pieces , qui entrent
les unes dans les autres et sont liées ensemble . Ils
y
adaptent diverses pointes d'un bois dur ou d'os de
poisson. Ces lances ainsi barbelées , sontune arme terrible;
car lorsqu'elles sont entrées dans le corps , on ne peut
les en retirer sans déchirer les chairs , ou sans laisser
dans la blessure les échardes pointues de l'os ou de
la coquille qui forment les barbes . Ils lancent ces armes
avec beaucoup de force et de dextérité , et manquent
rarement leur coup à dix et même vingt verges . S'ils
veulent atteindre à une plus grande distance , ils ont
l'art de le faire avec la même justesse par le moyen
d'un bâton à jetter ; et la lancé alors fend l'air avec une
rapidité incroyable...
Ils ont pour arme défensive des, boucliers d'écorce
d'arbres , de trois pieds de long et de dix-huit pouces de
large. Leurs pyrogues sont aussi grossieres et aussi mal
faites que leurs cabanes ce ne sont que des écorces
dont les extrémités sont liées ensemble , tandis que de
petits cerceaux de bois tiennent le milieu séparé ; et
cependant on voit jusqu'à trois personnes sur un bâtiment
de cette espece. Ils ont encore d'autres pyrogues
qui ne consistent qu'en un tronc d'arbre qu'ils ont
creusé avec des pierres tranchantes et par le feu.
Leur langue n'a point de s ; elle est du reste assez
douce et mélodieuse . Un nom de femme très - ordinaire
parmi eux est Milba , et l'épouse du ministre anglais de
la colonie l'a donné à la premiere fille dont elle est
accouchée dans ce pays..
་
Le port de, Jackson , à un demi- mille au nord de
Botany Bay , offre aux navigateurs un port vaste et
commode.
Ce continent offre pour objet de commerce de su
perbes perles qui se pêchent sur les côtes , une grande
quantité de cachelots qui fournissent le blanc de baleine
, une espece de lin très -fin qui croît naturelellement
dans la nouvelle Zélande , et qui paraît en avoir été
rapportée .
7250 )
A
On tire encore des gros arbres dont nous avons parlė ,
qui paraissent approcher du genre des pins , deux especes
de résine ; l'une jaune et l'autre rouge , dont plusieurs .
médecins anglais se sont servis avec succès pour guérir
des maladies dangereuses et opiniâtres du bas-ventre ;
et quoique , comme nous l'avons dit ci - dessus , on n'ait
point encore examiné toutes les productions que fournit
le regne minéral dans ces contrées , on a cependant
trouvé une espece d'argile extrêmement fine , la même
dont se barbouillent les Indiens de ces parages , qui
donne , après la cuisson , une superbe terra colta , de la
couleur du chocolat. L'auteur du mémoire allemand
possede un médaillon fait par M. Wegdwood , d'une
épreuve de cette argile , sur lequel on voit une image.
allégorique relativement à l'établissement de cette colonie
anglaise.
VARIÉTÉ S.
Conseils pratiques sur les libelles.
Les méchans de tous les pays et de tous les tems ,
nt eu leur maniere de louer les gens de bien ; ce sont
les libelles . On connaît cette réponse d'un Athénien ,
qui fatigué d'entendre louer une femme par un de ces
hommes , en qui la louange est une fiétrissure , lui dit
brusquement : Jusqu'à quand cesseras-tu de médire d'une
femme de bien ? ce mot renferme toute la morale sur les
libelles . Si l'éloge de la part des pervers est un outrage
pour la vertu ; leur calomnie est un brevet de gloire .
Un philosophe Indien a dit : N'attends pas du serpent
te miel de l'abeille .
Les faiscurs de libelles se ressemblent tous dans leurs
moyens lâcheté , hypocrisie , bassesse , ruse , noirceurs
, piége tendu à la droiture , impostures bien absurdes
et bien avérées , grandes menaces préparées
sourdement pour intimider , lettres anonymes et même
signées , calomnie de la vie privée , calomnie de la
vie publique , style bien mordant , c'est - à - dire bien
plat ; vous les reconnaîtrez tous à ces traits ; s'ils ne
viennent pas vous proposer d'acheter leur libelle avant
de le faire imprimer , dites qu'ils sont encore novices
dans le métier.
( 231 )
..
Es-tu homme privé ? ne réponds pas à un libelle a
ear si tu as ta propre estime , compte sur celle des honnêtes
gens. Que t'importent les autres ? La malignité
fait sourire un instant la malignité ; mais cette faiblesse
de l'esprit va s'éteindre dans le sentiment secret de la
justice . On peut se surpendre à lire un libelle écrit avec
esprit ; on ac se surprend jamais à estimer ni le genre ni
l'auteur.
Es - tu homme public ? ne réponds pas à un libelle :
car tu donnes à celui qui l'a fait , le premier prix qu'il
en attend , lidée de croire qu'il a su te blesser. Ne réponds
pas ; car ta réponse fera éclore mille autres libelles
qu'il faudra bien que tu finisses par dédaigner. C'est
parce que ta vie est publique , que ta justification est
dans sa publicité. Qu'aurais- tu de plus à dire que tes
actions , tes principes et ta moralité n'aient dit avec bien
plus de force ? Laisses agir la saine , la véritable opinion ,
la scule qui doive être juge entre tes ennemis et toi.
Si l'opinion est incertaine ou égarée , si tu es un
homme public pour ainsi dire nouveau , si le genre des
calomnies te force à prendre la plume , écris avec dignité
avec calme ; éclaircis les faits et laisses les injures ; souviens-
toi de la réponse du poëte à Jupiter : Tu as tort₂
puisque tu te faches.
C'est au milieu des orages d'une grande révolution ,
qu'on voit paraître le plus de libelles . Les passions y sont
si ardentes , et les hommes tellement mêlés aux chose ,
qu'il est rare que l'esprit de parti ne les confonde . On
croit détruire un principe , parce qu'on attaque une
personne ; on croit qu'une personne est justifiée , parce
qu'elle se couvre d'un principe . Mais l'opinion , qui
finit toujours par régler sa marche sur l'intérêt général,
se fait bientôt jour à travers cette confusion ; lle met à
leur place et les hommes et les choses , et de tout cet
imbroglio , il ne reste que ce qui est bon , juste et vrai.
As - tu dans la République une place plus ou moins
importante? crois que l'intrigue et l'envie sont à ta porte
pour te la ravir ; attends - toi à des libelles . As - tu joué
quelque rôle dans une révolution ? Tes opinions ontelles
été franches et ta sagacité clairvoyante ? comptes
que l'esprit de parti ne te pardonnera ni ta franchise
( 252 )
ni ta pénétration ; attends-toi à des libelles . As-tu des
talens et des vertus ? vois la médiocrité jalouse et la
perversité maligne s'agiter , et se presser autour de toi ;
attends-toi à des libelles . Esperes-tu qu'il n'y aura parmi
les hommes , ni intrigans , ni envieux , ni méchans , ni
factions , ni vengeances , ni ignorance présompteuse ?
tu présumes trop de l'espece humaine ; fais le bien
sois utile , et laisses bourdonner les insectes .
On a souvent calomnié la liberté de la presse , parce
qu'elle produit des libelles , et l'on a fait des libelles
pour avoir occasion de calomnier la liberté de la presse .
Cette ruse ressemble à celle des factieux et des despotes ,
espece qui se ressemble plus qu'on ne pense ; qui ont
l'art de faire naître des séditions , pour trouver des séditieux
à punir, ou renverser un ordre de choses qu'ils
redoutent . Tout cela ne fait rien ni pour la liberté des
opinions , ni pour la liberté des peuples. Les libelles
sont pour l'esprit humain , ce que les poisons sont dans
la nature , et les assassins dans l'état civil . H ne faut
blasphemer ni la société , ni la nature , ni l'esprit humain.
Il y a en tout une dose de bien qui console du
mal , et il n'est pas démontré pour le philosophe qu'un
peu de mal ne serve à rendre le bien plus estimable et
plus cher. Dans le monde physique comme dans le
monde moral , tous les objets ne valent et ne sont appréciés
que par les contrastes .
ANNONCI.
Annuaire du cultivateur , pour la troisieme année de la République
, présenté , le 3 pluviôse de l'an deuxieme , à la
Convention nationale qui en a décrété l'impression et l'envoi ,
pour servir aux écoles de la République ; par G. Romme ,
représentant du peuple . ( Les citoyens qui ont concouru à ce
travail en communiquant les vérités utiles qu'ils doivent à
leur expérience et à leurs méditations , sont : Cels , Vilmorin ,
Thouin , Parmentier , Dubois , Desfontaines , Lamarck , Préauadaux
, Lefebvre , Boutier , Chabert , Flandrin , Gilbert , Daubenton
, Richard et Molard. )
Un volume in- 12 de 400 pages. Prix , 4 liv, broché , et
5 liv . 5 sous , franc de port par la poste , pour les départemens
et les pays couquis . A Paris , chez F. Buisson , libraire , rue
Haute - Feuille , nº . 20. On affranchit le montant et la lettre
davis.
(( #531)
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 10 février 1795.
Es armes de Catherine II et celles de Frédéric- Guil-
Jaume ont complettement triomphe de la malheureuse
-Pologne . Les généraux du roi de Prusse y achevent ce
qu'avaient tant avancé ceux de l'impératrice de Russie ,
c'est-à-dire d'étouffer par-tout les efforts de la liberté ;
généreuse entreprise dans laquelle François II , trop
occupé d'ailleurs , ne les a gueres aidé que par ses voeux
et par quelques légers mouvemens militaires pour con-
-server une sorte de droit d'être appellé au prochain
#et dernier partage.
Mais ce partage pourrait bien devenir la pomme de
discorde entre les trois puissances . On se rappelle que
le premier faillit d'allumer la guerre entre Frédéric
le - Grand , Marie - Thérèse et cette même Catherine ,
à qui le sort réservait de jouir du singulier honneur
de s'emparer à trois reprises de la majeure partie d'un
vaste pays , sur lequel elle n'avait aucun droit. On
assure déja que l'Autocratrice , enivrée de ses succès
vete sentant bien qu'elle a rempli le principal role dans
* ce dernier envahissement , compte faire la part à ses
associés , à qui elle taillera les morceaux les plus petits.
* qu'elle pourra. Ce qui prête de la vraissemblance à
ce bruit , c'est . le peu d'égard qu'elle montre pour le
cabinet de Berlin , tandis qu'elle ménage un peu
plus l'Autriche , de la coopération , ou du moins du
silence de laquelle elle pourrait avoir besoin un jour
pour achever de réaliser ses projets ambitieux sur la
Porte Ottomane , projets qui ne vont à rien moins qu'à
s'asseoir sur le trône de Constantin.
*
Nous ne savons pas si 1 Europe le souffrira ; mais ce.
que nous savons bien , c'est qu'elle ne devrait pas le
souffrir. En effet , quelle perspective effrayante pour elle
que l'occupation d'une vaste et riche contrée par les
( 454 ))
1
hordes indigentes du Nord ; le versement de ce torrens
de barbares sur l'Europe qui , fournissant aujourd'hui
ses besoins par un commerce loyal et réciproquement
avantageux avec le Levant , deviendrait tributaire
du monopole ou des exactions des Russes , maîtres
alors non-seulement de ce commerce , mais même de
celui de la mer Noire , et par cette voie , ainsi que par
d'autres combinaisons , faisant en outre la majeure partie
de celui de l'Inde et de la Chine .
"
Ajoutons à ce tableau rapidement esquissé , à ce
tableau resserré par l'espace qui nous manque , deux
considérations importantes que nous nous contenterons
néanmoins d'indiquer et qui sont faites pour épouvanter
le philosophe et l'ami de la liberté ; la premiere
est la réaction terrible qu'aurait le schisme grec de-.
venu religion dominante ou catholique dans le sens propre
de ce mot qui veut dire universel , et se vengeant
par la persécution exercée contre les anciens catho
liques , qui seraient alors les schist atiques , du moins
en apparence , contre les lathériens , les calvinistes , les
sociniens , et enfin ceux qui prennent le nom de philosophes
ou les théistes , des persécutions des premiers
et du mépris des derniers ; en un mot , co schisme
devenant intolérant comme toutes les religions des conquérans
, excepté celle de Mahomet , et tourmentant
les consciences , et peut- être les corps , ou du moins
condamnant à la condition de serfs , d'Ilotes , ceux qui
ae l'embrasseraient pas , ainsi qu'on a vu le christianisme
, déja dégénéré de sa pureté primitive et de son
esprit de mansuétude sous Constantin , flétair indistinc-.
tement du nom de paganisme ou religion des bourgs
et villages , et la croyance insensée de l'idolâtre , et
les pures notions de la divinité que professait le disciple
de Socrate et de Platon , qui tous deux étaient
également exclus des emplois . En vain objecterait- on
que nous exagerons un danger presque chimérique et
que nous grossissons ainsi les maux trop réels dont le
monde serait affligé , que les successeurs de Catherine
se montreraient comme elle trop philosophes pour ne
pas donnér la plus grande latitude à la liberté de
conscience , nous serions en état de justifier ces craintes
par plusieurs raisons : nous dirions d'abord qu'en effet
nous savons que la vraie philosophie ne persécute pas ,
mais que nous ignorons quelle est la philosophic de
Catherine II qu'il faudrait apprécier bien défavorables
( 255 )
*
et
ment si l'on jugeait la doctrine par les oeuvres ; nous
dirions que dans ce cas le maître est forcé d'obéir , à
l'extérieur , à l'opinion de ses esclaves ; nous citerions
Catherine elle -même née protestante , et qui n'a pas
manqué pourtant de faire abjuration , et d'embrasser
la religion grecque parce que c'est celle de ses états, scene.
hypocrite , qu'elle a fait répéter dernierement aux
épouses de ses petits-fils comme sa bru y avait été assujettie
; nous dirions encore que l'athéisme ne doit
point être par lui - même persécuteur , mais qu'il le
devient par cela seul qu'il exclut toute morale ,
que sacrifiant toute considération à l'intérêt privé de
celui qui en est infecté , il saisit le prétexte d'une
religion qui lui est indifferente, et persécute de sang- froid ,
si-non avec la même violence , du moins avec plus d'acharnement
que le fanatisme lui- même , toutes les fois
que la politique le lui conseille . Or , elle le conseille
toujours à un despote , parce que son seul intérêt est
de se maintenir sur le trône , et qu'il n'y a que le
fanatisme religieux qui a soumis sur tous les autres points.
ses sujets à l'obéissance la plus aveugle qui puisse l'en
renverser : nous citerions , sans pourtant prétendre accuser
Catherine II d'athéisme , sa conduite dans les
différens troubles de la Pologne qui ont fini par en
amener les partages successifs. La religion dominante
dans ce pays était et est encore la catholique ; il y a
néanmoins des dissidens , et particulierement des grecs.
L'impératrice de Russie n'a pas manqué dans le tems
de réclamer pour eux , à main armée , la liberté du culte.
qu'elle est censée professer , et ses sujets ont trouvé.
cette raison si bonne , qu'ils se sont parfaitement battus
pour elle , et ont été puissamment secondés par les Po-.
lonais - Grecs ; d'où il est démontré jusqu'à l'évidence
qu'un souverain , soit qu il ait réellement la religion dominante
du pays où il regne , soit qu'il n'en ait aucune ,
se conduira précisément de même , c'est-à- dire , en tirera
toujours parti pour l'intérêt de sa grandeur ; ce qui
prouve encore que les extrêmes se rapprochent , et que
l'hypocrisie et le fanatisme font également du mal au
monde.
--
Nous croyons les dangers que courrait la liberté religieuse
en Europe suffisamment prouvés , et nous allons
passer maintenant à ceux qui y menaceraient la liberté
politique et civile.
Nous les bornerons à une seule considération qui ren
ferme pourtant plusieurs apperçus.
( 256 )
1
1
La Russie , maîtresse d'une grande partie de l'Europe
et de l'Asie , offritait aux peuples jaloux de leur liberté ,
et toujours trop voisins de cette puissance , le spectacle
décourageant d'un despotisme uniforme s'appesantissant
sur une immense étendue de pays , et se soutenant par
sa masse même . Il faut avouer que , quoique le courage
ne s'amuse pas à compter les ennemis , mais songe seulement
à les vaincre , l'extrême disproportion entre le but
et les moyens n'est que trop propre à jetter dans la stüpeur
du désespoir , et à paralyser même les ressources
qui restent encore. Quelles digues opposer en effet à
l'Océan sortant de son lit , et s'avançant dans une marche
lente , si l'on veut, mais sûre , dans une marche qui couvte
et submerge ce qu'elle ne renverse pas ? Telle serait pourtant
la position de plusieurs états relativement à la Russie,
et il faut ajouter que cette puissance , lors même qu'elle
ne songerait point à les envahir , aurait encore intérêt à
les tenir divisés , de peur qu'ils ne songeassent à former
une ligue pour l'attaquer , ou seulement pour consolider
leur indépendance . Or , quels moyens de corruption
n'aurait - elle pas ! les deux plus puissans de tous sur les
hommes , il faut en convenir , la terreur et l'argent : et il
résulterait de cette influence , que les républiques ou les
monarchies mixtes sur lesquelles le cabinet corrupteur
de Pétersbourg voudrait exercer son action , finiraient
par se trouver dans sa dépendance au moins mediate ,
et que la plus belle partie du globe n'offrirait à Foeil
épouvanté qu'un maître , des esclaves , des demi - esclaves ,
et la lutte inutile d'un petit nombre d'hommes courageux
prêts à être rangés , malgré tous leurs efforts , dans une
de ces classes avilissantes .
De pareils despotes effaceraient , s'ils le pouvaient ,
jusqu'au nom des sciences ; car telle est la marche constante
de la tyrannie dont l'ignorance, portée dans l'homme
jusqu'à celle de ses droits est le plus ferme appui . Malheur
aux générations destinées à exister dans ces parties
de l'espace et du tems . Leur vie serait dépensée avec profusion
au profit d'un petit nombre de dominateurs , qui
ne s'en trouveraient pas plus heureux ; car l'infraction des
lois de la nature entraîne avec elle son châtiment. Mais
en attendant , l'espece humaine aurait à compter la durée
de sa patienée par des siecles entiers ; il lui faudrait souffrir
, et puis souffrir et encore souffrir. En effet , ce n'est
pas vivre que de tourner péniblement dans le cercle étroit
circonscrit par un maître impérieux , comme le cheval
attaché
( 257 )
"
attaché à la meule qu'il met en mouvement , et qui ,
quoique rassasié du grain qu'il aide à préparer , est malheureux
dans cette abondance , parce qu'on l'a privé
d'autres biens aussi nécessaires , de l'air pur et salubre ,
de la vue des vertes campagnes dans lesquelles il aimerait
à déployer la vigueur et la souplesse de ses jarrêts .
Telle serait pourtant , et le colosse de l'empire romain
l'a prouvé , la malheureuse condition de l'homme ravalé
au- dessous de la brute , jusqu'à ce que le luxe et les vices
de toute espece affaiblissant les oppresseurs , missent les
opprimés en état de les écraser de leurs chaînes .
Le serment que l'impératrice de Russie exigé des Lithua
niens , et qu'elle exigera bientôt du reste des Polonais , est
vraiment singulier ; On y verra quel parti une femme sans
religion , et peut être même sans idées religieuses , sait tirer
d'une religion qu'elle fera très bien au reste de conserver chez
elle , parce qu'elle est extrêmement favorable à l'obeissance
aveugle et passive si chere aux despotes . Voici ce morceau qui
vient à la suite du long manifeste du prince Repnin . C'est le
modele de celui que tous les despotes doivent dicter aux nouveaux
esclaves qu'ils se seront soumis , pourvu qu'ils soient
superstitieux .
4
Moi NN, je promets et jure à Dieu tout puissant par son
saint evangile , d'être toujours prêt à servir fidelement et loyalement
S. M. I. la très- sérénissime impératrice grande- dame
Catherine Alexiewna , autocratice de toutes les Russies , et
son fils très-aimé grand due Paul Petrowitz , son légitime suc
cesseur ; d'aller , pour cela , jusqu'à donner ma vie et répandre
la derniere goutte de mon sang ; de rendre due et parfaite.
obéissance aux ordres déja émanés ou à émaner encore des
autorités constituées par elle ; de les remplir et maintenir tous
de mon mieux et consciencieusement ; de contribuer de toutes
mes forces au maintien du repos et de la paix que S. M. a
rétablis dans ma patrie , et de n'avoir avec les perturbateurs
de ce repos aucune communication , correspondance ou intelligence
quelconque , soit médiatement ou immédiatemont ·
soit publiquement ou en secret , soit par des actions ou par
des conseils , et quelque occasion , circonstance ou cause particuliere
qui puisse y mener .
9. Dans le cas , au contraire , où il parviendrait à ma connaissance
quelque chose de préjudiciable aux intérêts de S. M. I.
ou au bien général , non- seulement je songerai à l'éloigner à
tems , mais je lui opposerai encore tous les moyens qui seront
en moi pour l'empêcher d'arriver je veux de cette maniere
me conduire dans toutes mes actions comme il convient qu'en
citoyen fidele je me conduise envers les autorités que S. M.
m'a proposees , et comme je dois en répondre à Dieu et à
Tome XIV. S
"
( 258 )
sos jugement terrible ; ainsi , que Dieu m'aide tant pour le
corps que pour l'ame.
" En confirmation de la profession émise par ce serment , je
baise la parole sacrée et la croix de mon Sauveur. 11
On assure que le faible Stanislas , à qui l'impératrice prodigue
de stériles honneurs , parce qu'elle veut conserver aux yeux des
peuples éblouis l'éclat de la royauté dont il fut revêtu , est
las de ce rôle incommode , et qu'il sollicite la permission d'aller
passer le reste de ses jours à Rome , cette ville qui fut toujours
la prison ou le rendez vous des rois détrônés ; mais on doute
qu'il obtienne cette faveur , et l'on est bien sûr d avance que
Catherine II ue la lui accordera qu'autant qu'elle n'y verra
aucun inconvénient pour sa tranquillité.
Le ministre de Suede a fait démentir dans la gazette qui
s'imprime ici , le bruit du prochain départ du baron de
Reutherholm pour un congrès de médiation. Il ne s'était
mullement agi dans le cabinet de Stockholm de cet objet , et
aucune des puissances belligérantes n'a fait de réclamation for.
melle auprès de la Suede pour qu'elle portât des paroles de
paix.
Toutes les nouvelles confirment les projets d'aggrandissement
de la Russie ; ils commencent même deji à s'effectuer . On
pourrait en citer pour exemple l'invitation , ou pour mieux
dire , l'ordie douné au duc de Courlande de se rendre à Pétersbourg
, vraisemblablement pour stipuler la réunion de ce
duché à la Russie , après la mort du prince regnant.
Il reste à savoir si la Porte ottomane , enfin éveillée sur
nes veritables interêts , et donnant à cet égard l'exemple au
reste de l'Europe , ne traverstra pas les vues ambitieuses d'une
puissance qui menace de devenir de plus en plus redoutable
à ses voisins.
嫉
Il paraît , d'après des lettres de Constantinople du 12 désembre
, que l'on y prévou bien le danger , inais sans faire
assez pour s'en garantir, Voici comment elles s'expriment :
On attendait jeci , avec impatience , des détails sur les derpiers
évenemens de la Pologne . Un courier , arrivé les premiers
jours du mois , apporta la nouvelle que Varsovie était
tombée entre les mains des Russes. Ces dépêches furent présentées
au sulian , qui parut trés-allecté de leur contenu ; et
l'on vit sur- le - champ convoquer un conseil d'état qui dura
très -long- tems.
Les ministres étrangers et le public ignorent absolument et
l'objet mis en délibération et la décision du divan .
Le ministre de Russie demanda une conference au Reis-
Effendi , pour traiter des affaires maintenant en litige entre la
Porte et la Russie . Cette entrevue eut effectivement lieu le 3
de ce mois . Le ministre russe fit tomber ensuite l'entretien
gur les affaires de Pologne , et ne manqua pas de déclarer au
( 259 )
05
Reis-Effendi que l'impératrice se flattait que le sultan conti
nuerait à maintenir le systême de neutralité établi , et ne favoriserait
les intérêts des Polonais ni en public , ni en particu
lier . Le Reis-Effendi répondit que l'intention du sultan était
de conserver la neutralité , mais que sa hautessse desirait en
même tems qu'on mit fin à un aussi grand massacre de l'espece
humaine ; que le moyen de parvenir à ce but était de
garantir à la Pologne sa constitution du 3 mai 1791 ; qu'enfin,
il priait l'ambassadeur de Russie d'informer l'impératrice des
sentimens du grand - seigneur , pour qu'elle veuille bien rendre
une réponse prompte et cathegorique . On ne sait point co
que l'ambassadeur a repliqué ; mais dès le lendemain il expé
dia un courier à Pétersbourg. Le même jour , le Reis - Effendi
cut encore une conférence avec le ministre prussien. Il paraft
qu'il y a encore été question des affaires de Pologne . Immés
diatement après qu'elle fut terminée , le ministre prussien
expédia un courier à Berlin .
Ainsi , les instructions qui arriveront à ces deux ministres
décideront de la paix ou de la guerre.
En attendant l'issue que doit avoir la conjoncture actuelle ,
les préparatifs militaires continuent avec beaucoup d'ardeur.
Les Français continuent de conserver auprès de la Porte le
crédit que doivent avoir d'anciens amis , et dont les ministres
de la coalition sont jaleux et sé plaignent avec aigreur , mais
iuntilement ; tandis qu'ils font des réclamations sur ce que
les fregates françaises parcourent l'Archipel et se tiennent à la
hauteur de Smyrne , pour intercepter les bâtimens ennemis ,
le divan déclare valables les prises faites par elles . La derniere
était un navire ragusain , ayant une cargaison tres-riche .
Le commerce de la Suede et du Danemarck est toujours
très- florissant ; et ces puissances continuent de rester unies
à la satisfaction et au grand avantage des autres états de l'Europe
, qui trouvent en eiles une espece de boulevard contre
ce qui pourrait tenter l'ambition de la Russie . Il est sorti du
seul port de Gothembourg , pendant l'année derniere , 795 .
grands bâtimens rchands allant à des ports étrangers , c
700 destinés pour les différens ports du royaume.
Les principaux articles de l'exportation à l'étranger ont
consisté en 104,535 schiffpond de fer en barre , en 163,078
tonneaux de harengs , en 34.900 tonneaux d'huile de poisson
en 22,918 douzaines de planches , en marchandises des Indes
pour la valeur de 558,54% écus en especes , et en 67,00 ton
neaux de grains .
Quant à notre port , il est toujours très - fréquenté : nous y
avons compté , l'année derniere , au- delà de 1800 vaisseaux ;
dans ce nombre , les Hollandais ont été pour plus de 500 ;
les Anglais pour plus de 300 , et les Américains pour pas
moins de 208,
( 260 )
De Francfort-sur-le-Mein , le 18 février.
Suivant des lettres de Hongrie , arrivées à Vienne , les états da ce royaume s'engagent , dans une circulaire , à donner
sept millions effectifs à l'empereur pour continuer la guerre. Mais comme cette somme n'aiderait que faiblement le cabinet. autrichien s'occupe de se procurer de l'argent de toutes les manieres , même au taux le plus onéreux . Telles sont les con , ditions du dernier emprunt , soi - disant à 5 pour 100 , et qui coûtera effectivement bien davantage au gouvernement
, et rés- semble assez aux opérations de finance de Calonne . Cependant
ilfaut de l'argent à tout prix, car les renforts pour l'Italie doivent se mettre en route vers le milieu de fevrier . Ils consistent en
sept mille hommes d'infanterie et quelques divisions de caval
lerie qui seront joints aux autres troupes alliées dans le
Piémont.
La cour , qui regarde apparemment la Belgique comme
perdue pour elle , vient d'interdire , par un édit , tout com- merce avec les Pays-Bas , et abolit les priviléges du tarif de
1788.
Il faut que l'empereur mette beaucoup de prix à la posses- sion de Lafayette , car il a envoyé pour récompense à l'admi-› nistrateur de Breunselsen en Moravie , qui l'a arrêté , une
médaille d'or , avec la permission de la porter à la boutonniere.
* ཉིན་ སུ
Il s'en faut que le procès des prisonniers d'état en Hongrie
soit terminé. On arrête tous les jours de nouveaux prévenus
de conspiration , qui sont traités avec la plus grande rigueur , parce qu'on a découvert qu'ils avaient des vues et des intelligences
bien plus étendues qu'on ne les leur supposait. Le catéchisme politique , publié par un des conjurés et répandu à un assez grand nombre d'exemplaires , commençait ainsi : 66 Qui es-tu ? Une brute accablée honteusement
sous le joug
On rencontre dans cet ouvrage quelques d'un tyran. 3. signes qui ont le besoin d'une clef, et l'on sait que chaque pro- sélyte devait en procurer deux autres à la société , dont au reste les membres resteraient pour la plupart inconnus les uns
aux autrés .
Les Français sont entierement
maîtres de la Hollande. La Zélande même a capitolé , et les alliés qui se croyaient en.
sûreté dans cet asyle , ont été obligés de prendre la fuite. En marchant ainsi de conquête en conquête , l'armée française s'enrichit des provisions recueillies par ses ennemis . On nous écrit de Westphalie
qu'un grand magasin , celui de Duisbourg ,, vient de tomber en son pouvoir.
Nous avons ici un placard qui nous apprend que les Frane.
( 261 )
çais ont demandé au pays d'Outre - Meuse et Rhin , une nouvelle
contribution de 25 millions tournois .
Le corps du prince de Conde va à Rothenbourg sur le
Necker , où il prendra ses quartiers d'hiver .
On nous écrit de Cologne , qu'on y a découvert le lien
où un riche banquier avait enfoui son er et son argent. La
même aventure est arrivée à d'autres particuliers riches. Le
pays de Limbourg et celui de Liege n'offrent plus que l'image
de la misere. Il en est , dit- on , ainsi du Brabant et de toute
la Belgique.
On écrit de l'intérieur de la Hollande , que les patriotes
s'y forment en corps , dans la vue de se joindre aux Français
, et de faire en commun la guerre à la Grande - Bre
tagne .
La ratification impériale du conclusum de la diete du 22 dêcembre
, relatif à la paix , n'est pas encore arrivée . En attend
dant , on se prépare à de nouvelles délibérations sur les décrets
de commission impériale du 20 octobre et 6 novembre , lesquels
roulent sur les moyens de coaction à employer contre
les états d'empire qui n'ont pas fourni leur contingent. Lea
débats sur ces deux décrets commenceront le 23 du mois prochain.
Il parait qu'il regne à cet égard une grande diversite
d'opinions . Dans les circonstances actuelles , on ne saurait
songer à une revision de l'ordonnance d'exécution , et comme
les états en retard ont tant d'excuse à alléguer ; comme on
ne saurait nier qu'il y a une disproportion évidente entre les
ressources actuelles de plusieurs princes et le contingent
auquel ils sont taxés dans l'ancienne matricule , on prévoit
qu'il sera difficile d'arriver à quelque résultat net dans mate
matiere. On espere qu'après la paix l'ordonnance d'exécution
sera changée , et qu'en général le systême de défense de l'empire
subira des modifications salutaires .
9
ANGLETERRE . De Londres , le 9 janvier.
Débats du Parlement. Chambre des Communes.
Séance du 7 janvier . Sur les motions de M. Lambton et
du colonel Maitland ; il est ordonné que les états des troupes
étrangeres , à la solde de l'Angleterre , ainsi que ceux des
tués , ou des prisonniers tant desdites troupes , que de l'armée
anglaise seront mis sur le bureau .
M. Jekill dit que quand il a demandé l'état des troupes
employées par le roi de Prusse , on lui a répondu qu'on
n'avait reçu aucun rapport officiel . Il s'est assuré depuis
S 3
( 262 )
qu'on avait envoyé un commissaire sur le continent. Il ne
conçoit pas comment ce commissaire n'aurait point envoyé
d'état. D'ailleurs il voudrait savoir comment on a été instruit
des grands avantages que les puissances combinées avaient
tirés de l'armée da roi de Prusse , si ce n'est par le comissaire
, et quelle difficulté il y a à en rendre compte .
M. Pitt répond , qu'il n'est point impossible d'expliquer
les services que les troupes prussieunes ont rendus . Si l'honorable
membre veut connaître leurs opérations ' actuelles , it
Ini dira que ces troupes ne sont point employées du tout ,
mais qu'elles sont sur les frontieres de France .
M. Jekill demande s'il y a un commissaire ou non ?
M. Pitt répond , qu'il n'y a pas eu de commissaire , mais
qu'un noble lord y a été chargé de la correspondance .
M. Jekill propose que le montant des troupes prussienne &
employées en conséquence du traité , soit communiqué à la
chambre dans toute l'étendue que les informations pourront
le permettre.
La motion est rejettée .
"
M. Sheridan trouve fort extraordinaire le refus des ministres .
Il croit que le roi de Prusse n'a rempli aucun des articles du
traité . En conséquence , il annonce qu'il fera une motion
pour obtenir la correspondance du lord Malmesbury.
L'orateur remarque que cette motion étant de même nature
que celle qui vient d'être rejettée , doit être remise à un autre
jour.
Comité des subsides . La chambre s'étant formée en comité
des subsides , on propose d'accorder à sa majesté cent mille
matelots , oompris quinze mille soldats de marine pour le
service de 1795.
M. Robinson se plaint du mauvais état de la marine ; que
les vaisseaux ne sont pas aussi bons voiliers que ceux de
l'ennemi ; qu'ils sont entr'eux de vitesse inégale ce qui est
cause que des officiers ont été traduits au conseil de guerre .
Le capitaine Berkley convient que tous les vaisseaux ne
sont pas également bons voiliers ; mais il maintient que la
flotte anglaise , prise en général , marche aussi bieu que la
flotte française ; que d'ailleurs , elle n'a jamais mieux marché
que dans ce moment- ci ; que de pareilles questions ne devraient
pas être discutées en tems de guerre . Il avoue que
les vaisseaux pourraient étre meilleurs voiliers , si leur coustruction
était surveillée par des hommes savans , et si on
proposuit des récompenses pour les meilleurs plans . It croit
ceux des Français supérieurs ; mais les Anglais ont de meilleures
têtes , de meilleurs bras , et leurs vaisseaux sont plus
forts. Il pense que si l'on adoptait sen idée , l'Angleterre
urait les meilleurs vaisseaux du monde. Il saisit cette occa(
263 )
sion de justifier le lord qui présidait dernierement à l'amirauté
. Il attribue la quantité des prises à ce que les navires
n'attendent pas les convois , et ce dernier mal à la hauteur
excessive des assurances , qui fait que les propriétaires ne
s'inquietent plus si leurs bâtimens seront pris ou non .
L'amiral Gardner observe que les lords de l'amirauté n'ont
rien à dire à la construction des vaisseaux , qui est du département
des inspecteurs de la marine . Il croit les vaisseaux
des Français décidément meilleurs voiliers que ceux des Anglais
. It remarque néanmoins que , depuis 40 ans , la consunction
s'est perfectionnée , parce qu'on a tâché d'imiter
celle de l'ennemi , d'après les vaisseaux qu'on lui a pris.
M. Fox se plaint de ce qu'on n'a pas augmenté la marine
militaire en proportion de ce que le commerce s'est accru ';
et après plusieurs observations sur les négligences qu'il reproche
à l'amirauté , il conclut en desirant qu'il soit pris
des informations à ce sujet.
M. Dundas examine l'état de la marine depuis trois ans .
Il dit qu'an moment de la rupture , on n'avait que 16,000 matelors
, et qu'aujourd'hui il y en a go,000 ; que cette augmentation
était une preuve de l'activité qu'avait mise l'amirauté ,
d'antant qu'il était plus difficile de trouver des matelots , tant
parce que l'ennemi ayant négligé son commerce , il n'y avait
plus de prises , que parce que les négocians avaient considé
Tablement augmenté les salaires qu'ils donnaient aux lenrs .
I observe que la supériorité de l'ennemi dans la construc
tion , provenait et de l'idée que les marins conservaient que
Jeurs auciens vaisseaux étaient très - bons pour battre les Français
, et de l'éloignement que la nation a pour toute innovation
. Il convient que l'ennemi a fait des efforts étonnans
pour élever sa maine et se réjouit de voir qu'on se pro
posc d'en faire autant en Angleterre , en votant unanimement
l'augmentation demandée .
M. Sheridan preuve que le gouvernement ferait bien de
faire plus d'attention à ces innovations qui ont été si utiles
anx Français ; it du que si ce défant de prises offre moins
d'attraits aux matelois , il doit être plus aisé d'un anire côté
de trouver des hommes , parce que la nation ' a point de
Corsaires.
M. Braudling , ayant observé qu'une escadre française était ,
depuis trois eu quatre mois , dans les mers du Nord , l'amiral
Gardner répond que l'amiraute y a envoyé l'amiral Hardy ,
et depuis quatre autres vaisseaux , pour s'opposer aux desseins
de l'ennemi.
Plusieurs membres parlent encore sur la question . Le colonel
Tarleton dit entr'autres , qu'il n'est résulte pour l'Angleterre
aucun avantage réel de la derniere victoire navale . La conquête
de la Corse , selon lui , se réduit également à rien . H parle
S 4
( 264 )
des grands efforts que font actuellement les Français pour
accroître leur marine .
L'amiral Gardner avance que dans le cours de l'année 1794
l'amirauté a accordé cent huit convois , et qu'il y a eu cent
quarante vaisseaux employés à ce service , outre quinze vaisseaux
et bâtimens destinés exclusivement à protéger le commerce
des côtes .
La motion est mise aux voix , et adoptée. Il est ordonné
que le rapport en sera fait le lendemain .
Voies et moyens. La chambre se forme en comité des voies
et moyens . La taxe ordinaire des terres , celle sur la dreche ,
la bierre , le cidre passent , et il est arrêté que la chambre
se reformera dans un comité semblable , le vendredi suivant.
( La suite au numéro prochain . ).
De Londres , le 10 février. L'invasion de la Hollande a causé
ici une très vive consternation ; mais peu peu les esprits
se sont rassurés et réunis contre les dangers qui menacent.
la coalition , Cette derniere circonstance peut faire voir aux
Français qu'il est impossible de briser les ressorts de ce gouvernement
britannique qui se fortifie contre les orages , et qui
a su nationaliser la guerre des rois .
Le parlement a voté l'emprunt de six millions de livres
sterlings pour l'empereur ; la facilité avec laquelle le ministere
a obtenu ce bill , le fera persister, à ce qu'on croit , dans le projet
de payer des subsides au roi de Prusse .
Le parlement a voté en outre une somme de dix-huit millions
sterlings pour les dépenses de l'Angleterre, L'opposi
tion n'était que de vingt- quatre membres dans la discussion
qui a eu lieu à ce sujet.
Un grand nombre de négocians de Londres ont signé une
pétition pour la paix ; d'autres négocians , partisans du ministere
, ont fait une pétition pour la continuation de la guerre .
Cette division n'a occasionné aucun mouvement , d'où l'on
pourrait conjecturer la moindre étincelle de révolution .
Les débats du parlement paraissent toujours conserver ce
caractere que leur a imprimé dès long-tems l'influence ministérielle
.
Lord Bedfort , dans une des dernieres séances , a fait la motion
de déclarer qu'on pourrait traiter avec le gouvernement
de France. Cette motion a été combattue par lord Grenville ,
et rejettée à la majorité d'usage . Lord Grenville , en comhattant
le lord Bedfort , a dit qu'on ne traiterait pas plus avec la
France monarchique qu'avec la France républicaine , Cet aveu ,
échappé au ministere , quoiqu'il ait été amendé , met assez à
découvert les vues de sa secrete ambition.
( 265 )
REPUBLIQUE FRANÇAISE
CONVENTION NATIONAL E.
PRÉSIDENCE DE BOURDON ( de l'Oise ) .
Séance du duodi , 2 Ventôse.
Dans la séance extraordinaire d'hier soir , Bourdon ( de l'Oise )
a été nommé président ; les secrétaires , sont ; Martin , Dupuis
et Rabaut.
Baraillon 9 au nom du comité d'iustruction publique ,
annonce que le nombre des éleves de l'école de santé , n'est
pas complet. Ce déficit peut être attribué au défaut de sujets
propres à cet art ou à la négligence des agens nationaux .
il demande à la Convention d'autoriser le comité d'instruction
publiqne à le completter en y admettant les citoyens
des colonies orientales et occidentales qui seront jugés
capables soit par le comité , soit par la commission de santé.
Ce projet de décret est adopté.
Des citoyens de couleur sont venus remercier la Convention
du décret qui envoie des représentans du peuple dans les
colonies . Ils jurent un attachement inviolable à la République.
Ils esperent que ce décret bienfaisant rattachera tous les partis ,
tous les intérêts à la cause de la liberté et de l'égalité .
Gouly demande l'appel nominal pour la nomination des
trois représentans du peuple qui doivent se rendre dans les
Indes orientales , afin que ceux qui sont portés sur la liste
du comité des décrets , et qui seraient nommés , déclarent ,
s'ils croyent cette mission au- dessus de leurs forces morales
on physiques , et qu'on puisse les remplacer sur - le - champ
Sans que la chose publique en souffre .
Thuriot trouve cette liste du comité des décrets insignifiante
. Il voudrait que ceux qui se croyent propres à cette
mission se fissent inscrire à ce comité . Il demande , en conséquence
, l'ajournement de l'appel nominal .
Un membre lui objecte que ce mode circonscrivait le choix
de l'Assemblée , que les députés ne s'appartiennent pas , et
qu'ils ne doivent pas craindre les dangers , lorsqu'il s'agit de
sauver la patrie.
Legendre lui répond qu'un député peut avoir des raisons
très légitimes de ne point accepter cette mission . Il appuie la
motion de Thuriot , avec l'amendement que chacun sera libre
de nommer hors de la liste ; l'un et l'autre sont décrétés .
Plusieurs sections de Paris sont venues féliciter la Con
1
( 266 )
vention sur son énergie , et l'assurer de leur vigilance et qu'elles
lui feraient un rempart de leur corps . Celle de la Halle - au-bled
y ajoute le va que l'on fasse disparaître de la place des
Invalides , la statue gigantesque et ridicule qui rappelle le
fédéralisme ; mot dont les décemvies ont si cruellement abuse
et dont l'idée n'a jamais existé dans aucune tête .
Mathien appuie la demande et s'écrie : Qu'est - ce que la
montagne , si ce n'est une conspiration contre l'égalité ?
L'Assemblée decrete que tous les monumens élévés dans
les places et les rues des communes de la République qui
seraient des signes de discorde et de division entre le peuple
et ses représentans , seroar incessamment démolis .
Cainot , au nom du comité de salut public , fait un rapport
sur notre situation actuelle dans les Provinces Unies. On
s'est plu , dit- il , à répandre le bruit que le gouvernement
ne tirait pas de la conquête de la Hollande tous les avantages
qu'on devait s'en promettre , et la malveillance a pris
texte de la capitulation de la Zelande ; mais il n'en est pas
moins vrai qu'elle est conforme aux intérêts de la France. Les
isles de la Zélande pouvaient se défendre long - tems , nous
occuper le reste de l'hiver , et peut-être une partie de la
campagne prochaine . Par le mouvement révolutionnaire qui s'y
est opéré en faveur de la liberté , nous avons obtenu la navigation
libre de trois grands fleuves , le Rhin , la Meuse et
I'Escaut. Nous nous sommes unis à un peuple industrieux ,
qui tient dans ses mains les diverses branches de commerce
du monde ent er . Nous n'avons d'ailleurs rien à craindre daus
ce pays . Nous y aurons habituellement 120,00 , hommes ..
Carnot termine en proposant de confirmer le choix , fait par
le comité de salut public , de Richard , pour se rendre en
Hollande . Ce choix est confirmé .
Séance de tridi , 3 Ventôse .
Baraillon , an non da comité d'instruction publique , pro
pose de nommer le citoyen Noël , ci - devant ministre de la
République , à Venise , adjoint à la commission d'instruction
publique , à la place du citoyen Clement de Ris qui s'en est
démis . Adopté.
Le même membre fait décréter qu'il sera nommé un commissaire
chargé de faire le triage des livres , gravures , manuscrits
, et généralement de tous les objets d'arts qui sout
déposés en grand nombie au comité d'instruction publique ,
pour en faire jouir le public. A l'avenir , les diverses ouvrages ,
les tableaux et les collections des arts dont on aura fait hommage
à la Convention , seront remis à ce citoyen chargé de
recevoir les dons patriotiques.
Aubry , au nom des comités de salut public , militaire et
des finances , fait décréter que la commission des convois
( 267 )
et transports militaires , cessera tout achat de chevaux .
marchandises et effets propres au transport. Tous ces objets
seront mis à l'entreprise ; les marchés seront passés par les
comités de salut public et des finances .
Un membre , organe du comité des décrets , annonce que
Marat avait fait enlever , au moyen d'un arrêté de la commune
de Paris , quatre belles presses de l'imprimerie nationals du
Louvre. L'agence de l'envoi des lois , qui a fait cette décou
Werte , déclare qu'elles sont sur le point d'être vendues à vil
prix . L'Assemblée ordonne qu'elles seront sur- le - champ rétablies
dans l'imprimerie d'où elles ont été tirées .
Garran de Coulon , au noin du comité de législation , a
proposé un mode de constater l'état civil des citoyens de la
commune de Paris , plus simple et plus sûr. Cette ville sera divi
sée pour cet objet , en douze arrondissemens ; il y aura dans
chacun , un officier de l'état civil , un substitut , un agent
national , un secrétaire commis et un concierge . Les agens.
nationaux seront pris successivement dans les sections de l'arrondissement
, au choix du comité civil , et leur service sera
d'un mois . Les fonctions des offciers de l'état civil sont les
mêmes que celles des officiers municipaux nommés pour cet
objet. Ce projet est adopté..
Boissy d'Anglas , au nom des comités de salut public
de sûreté générale et de législation , fait un rapport sur l
liberté des cultes . Il rappelle que si des mouvemens dangerenx
menacent quelques départemens , si la guerre de la
Vendée a été si terrible et n'est pas terminée , c'est qu'au lieu
de chercher à éclater , on a aigri le fanatisme para compressiou
des opinionsreligieuses et le joug imposé aux consciences.
C'est qu'on n'a pas vu que la persécution échauffe
les imaginations , et que la philosophie ne doit pas imiter
le sacerdoce et devenir intolérante comme lui . Boissy ajoure
qu'il faut à l'homme une religion , parce qu'il y trouve la
source de ses devoirs , et que si les erreurs religieuses ont
éé le prétexte de maux affreux , elles ont aussi procuré des
avantages . Le coeur de l'homme , dit- il , en te minant , est on
asyle sacré où l'oeil du gouvernement ne doit pas descendre ;
surveillez ce que vous ne pouvez empêchér , régularisez ce
que vous ne ponvez défendre .
Le rapporteur propose un projet de décret qui est adopté
en ces termes. ( Voyez à la fin des séances . )
Séance de quartidi , 4 Veniêse.
Il y a eu hier soir une séance extraordinaire consacrée à
Tappel nominal pour l'election des représentans du peuple
qui doivent se rendre dans les colonies orientales ; les membres
nommés sont , Barras , Letourneur ( de la Mauche ) et
Armand de la Meuse ).
་
( 268 )
Le comité des décrets fait adopter , par la Convention
qu'il ne sera plus nommé de suppléans pour les comités
ceux qui seront choisis seront obligés d'accepter , et si on
leur donne une mission , on ne les remplacera qu'au renouvellement
du mois.
Anguis , au nom du comité de sûreté générale , fait le
détail de l'attentat commis dans le département de Vaucluse .
Le dessein des brigands masqués , qui ont assassiné le citoyen
Polier dans sa maison de campagne prés d'Avignon , était
principalement d'immoler le représentant du peuple Jean
Debry. Ils pensaient qu'il y coucherait cette nuit , et ils demanderent
d'abord s'il y était . Après avoir assassiné Polier , ils
saisirent son épouse , la lierent et l'approchant d'un brasier
ardent , ils la menacerent du même sort que son mari ,
elle ne leur déclarait pas le lieu où était caché son argent ;
mais l'arrivée de quelques citoyens d'Avignon leur fit prendre
la fuite , emportant près de 80,000 liv . Ces brigands regrettent
hautement Robespierre et son affreux régime.
81
Anguis demande que le tribunal criminel du département
de Vaucluse soit investi des pouvoirs nécessaires pour juger
d'après les formes établies par la loi du 6 nivôse , les auteurs
et complices de cet attentat. Sa proposition est décrétée .
Rovere Ce décret est insuffisant. La source des massacres
qui ont en lien dans les départemens méridionaux , est dans
l'impunité de ceux qui les ont désolés . Les membres de la
commission d'Orange sont encore en liberté . L'un d'eux en
passant à Lyon s'est venté d'avoir opiné pour 3000 sentences
de mort. Le peuple indigné l'a mis en pieces. Je demande
que les trois comités vous présentent des mesures pour mettre
en jugement tous les prédicateurs de maximes sanguinaires .
Dumont demande provisoirement qu'on leur ôte leurs armes
dont ils ont privé les bons citoyenr à qui elles appartenaient ,
et qu'ils emploient à piller et égorger.
Le renvoi des deux propositions aux comités réunis est .
décrété .
On procede à l'appel nominal pour la nomination de trois
représentans du peuple chargés de se rendre aux Indes occidentales
. Bourdon ( de l'Oise) , Vardon et Giraud (de la Charente)
rénnissent la majorité des suffrages .
Séance de quintidi , 5 Ventôse.,
La société populaire régénérée de Marseille écrit à la Convention
, qu'elle a proscrit les diverses dénominations inventées
par les factieux pour diviser les citoyens et les armer
les uns contre les autres , et qu'elle s'est mise en insurrection
contre les voleurs , les égorgeurs et les dominateurs .
Un membre demande l'insertion de cette adresse au bulle
in . Vital s'y oppose , parce que les anteurs prêchent l'ing
( 269 )
aurrection. C'est l'insurrection contre le crime , lui répond
on. Je pense , continue Vital , que l'insurrection , fut - elle
contre le crimé , est une mauvaise mesure . C'est donner le
signal de la guerre civile . Punisseź , à la bonne heure , ceux
qui se sont souillés de crimes ; mais confiez - en le soin aux
lois , qui exereeront la vengeance nationale par l'organe des
tribunaux ; mais écartez l'arbitraire .
Il n'est pas question de cela , dit Clausel , le préopinant a
mal pris le sens de l'adresse . Les Marseillais veulent si peu
se faire justice eux- mêmes , qu'ils demandent l'arrestation de
ceux qu'ils accusent.
L'insertion de l'adresse au bulletin est décrétée .
Plusieurs membres avaient demandé hier que les comités
réunis s'occupassent des moyens de réduire à l'impuissance
de nuire les hommes qui , dans toute la République , méditent
de nouveaux assassinats , et d'assurer la tranquillité
publique . La Convention avait en conséquence chargé ses
comités de lui faire un prompt rapport à ce sujet .
Merlin ( de Douai ) l'a présenté aujourd'hui. Les hommes
de sang , dit-il , s'agitent ; il leur en faut encore ; ils défient
presque les patriotes de les faire rentrer dans le néant. Pour
y parvenir , la Convention a - t - elle besoin de faire de nouvelles
lois ? non ; il suffit d'exécuter celles qui existent. Les
comités ont pris à cet égard des mesures qui auront le succès
qu'on a droit d'en, attendre. Quant aux moyens d'assurer la
ranquillité publique , le comité a reconnu que les hommes
de sang affluent dans les grandes communes , pour y dé-
Praver l'opinion publique , tromper la crédulité , appeller
la famine , en un mot méditer des scenes d'horreur ; mais
on ne sait comment les signaler ou les saisir. Les moyens
ordinaires pourraient devenir illusoires , peut- être même dangereux
. Les comités se sont arrêtés à cet expédient ; c'est
de les forcer à rentrer dans leurs communes : là , ils seront
isolés , séparés de leurs complices , et continuellement comprimés
par la surveillance des bons citoyens .
Merlin propose ensuite un projet de décret en six articles ,
qui portent que tous membres d'administration de département
, district on municipalité , tous membres de tribunal ,
commission ou comité révolutionnaire , tous fonctionnaires
publics , agens du gouvernement , employés dans les administrations
comptables , civils ou militaires , destitués ou suspendus
de leurs fonctions dépuis le 10 thermidor , qui sont
absens de leurs communes , seront tenus d'y retourner dans
le délai de 2 décades pour cent lieues de distance et au- dessous ,
et de quatre pour une distance plus considérable : ceux qui ,
passé ce délai , n'y seront pas rentrés , seront dénoncés par
les agens nationaux de leurs communes , et traduits devant
le tribunal de police de district , qui les condamnera par
( 270 )
forme de police correctionnelle , à six mois de détention ;
sans qu'ils puissent appeller de ce jugement , ui en arrêter
l'exécution par la voie de l'opposition .
12
Merlin ( de Thionville ) prend la parole et dit que cette
mesure , quoique sage , n'est pas suffisante. Tant que les
tyrans existent , la tyrannie u'est pas abattue. Il faut que Pison
entre dans la tombe avec Tibere , Tigellin avec Néron , Antoine
avec Cesar ; il faut que le sol de la République soit
purgé de la tyrantie , pour que la liberté prospere et que
nous jouissions d'une paix solide et durable . Il conclut en
demandant que la commission des g1 fasse son rapport dans'
trois jours.
Legendre s'étonne aussi de la lenteur de la commission ;
mais il ajoute qu'on doit prendre garde de ne pas devenir
oppresseur, parce qu'on a été opprimé ; il se borne à pro
poser de faire expliquer la commission sur l'époque à laquelle
elle pourra faire son rapport. Sa motion est adoptée .
pas
Johannot , au nom de la commission des 21 , dit qu'elle '
s'occupe sans relâche de l'objet de sa mission ; mais qu'elle ne peut
déterminer l'heure où sa conscience sera assez éclairée . Les
pieces qu'il a fallu extraire , examiner et communiquer aux
prévenus , sont très nombreuses. Elle en a encore reçu hier
de nouvelles . Cependant elle entendra aujourd'hui pour la
derniere fois les accusés , et sous peu de jours sou rapport
sera présenté.
Séance de sextidi , 6 Ventôse.
Hausman , de retour de sa mission dans la Belgique , rend
compte des opérations administratives faites jusqu'à ce jour
dans ce pays. Indépendamment des requisitions sur les chevaux
de luxe et sur les matieres propres au service des armées ,
l'on a transporté dans l'intérieur de la République beaucoup
d'objets de premiere nécessité , ceux de sciences et d'arts , et
les tableaux des grands maîtres.
Les contributions payées sont de 38 millions , et celles qui
restent à acquitter de 47. Les ventes des coupes de bois iront
à to millions . Cent mille arbres sont marqués pour la cons-'
truction. Les revenus des domaines nationaux arrivent à
400,000 liv . par décade , et ils sont évalués trois milliards ; ce
qui fait une nouvelle hypotheque pour les assignats . La réunion
de ce pays à la France est généralement desirée. Celui
d'Outre- Meuse et Rhin , qui offre également d'immenses
resources , est administre de la même maniere que la Belgique
.
Hausman termine en annonçant qu'il s'est commis dans la
Belgique des dilapidations énormes . et il propose la forma-"
tion d'une commission chargée d'en connaître . Cette proposition
est renvoyée au comité de salut public.
( 271 )
Lecointre ( de Versailles ) demande la révision de trois décrets
rendus dans des tems malheureux : te er. du 24 ventôse
an 2 , qui frappe de mort tout citoyen qui aura donné asyle
à un
individu mis hors de la loi ; le 2. qui condamne à la
déportation celui qui aura recelé un prêtre sujet à cette peine ,
et qui est du 30 du même mois ; le 3e . du 29 brumaire , qui
porte la confiscation des biens de celui qui , décrété d'accusation
, ou contre lequel l'accusateur public du tribunal révolutionnaire
aura dressé un acte d'accusation se sera donné la
mort. Ce dernier décret a reçu un effet rétroactif en le faisant
remouter au 10 mars 1793 , époque de l'établissement
du tribunal révolutionnaire.
Lecointre les appelle des décrets immoraux et barbares .
Sous le regne des Tibere , des Neron , des Caligula , dit- il ,
celui qui , pour ne pas périr sous le couteau des formes judi
ciaires , se donnait la mort , conservait ses biens à ses kéri.
tiers . Ou ne condamnait pas à la moit ni à l'exil celui qui
avait reçu son parent on son ami , ou qui avait donné refuge
à un individu poursuivi pour ses opinions religieuses .
La proposition de Lecointre est renvoyée au comité de
législation.
Thibaut observe que cette séance est destinée aux finances .
I demande que l'Assemblée s'en occupe . I est vivement
appuyé. C'est par les finances , disent plusieurs membres ,
qu'on veut nous perdre .
Rewbel est d'avis qu'on s'en occupe tous les jours à deux
heures.
Merlin ( de Thionville ) : Que ce soit alternativement avec
la guerre. C'est la maniere , dit -il , de faire la guerre qui
vous amenera la paix , et c'est de la paix que dépend la res
tauration des finances .
L'Assemblée décrete la proposition de Rewbel .
Cambonprésente , en conséquence , deux projets de décrets.
Le 1er , est relatif au mobilier des émigrés dont la vente
est ordonnée , sauf des objets d'arts , qui seront transportés
au Muséum .
Par le second , l'Assemblée accorde des primes graduelles
aux acquéreurs des domaines nationaux qui solderout par
anticipation. Cette prime est de douze pour cent pour ceux
qui paieront la totalité , et de dix pour ceux qui acquitterent
les cinq sixiemes , et ainsi de suite.
Ces deux décrets ont ramené sur le chapitre des dilapi
dations. Les agioteurs se disent aujourd'hui philosophes . Ils
veulent connaître le caractere , les moeurs et la littérature
des Bataves , visiter leurs chantiers et leurs canaux , et ils
prennent des pouvoirs des commissions exécutives . Pour éviter
cet abus , la Convention décrete que les commissions n'enverront
aucun agent sans l'autoritation d'un comité ,
( 272 )
Décret sur l'exercice des cultes .
La Convention nationale , après avoir entendu le rapport de
ses comités de salut public , de sûreté générale et de légis
lation , réunis , décrete :
Art. Ier . Conformément à l'article VII de la déclaration
des droits de l'homme , ct à l'article CXXII de la constitution ,
l'exercice d'aucun culte ne peut être troublé .
" II . La République n'en salarie aucun .
" III . Elle ne fournit aucun local ni pour l'exercice du
culte , ni pour le logement des ministres .
,, IV . Les cérémonies de tout culte sont interdites hors de
l'enceinte choisie pour leurs exercices .
,, V. La loi ne reconnait aucun ministre du culte ; nul ne
peut paraître en public avec les habits , ornemens ou costumes
affectés à des cérémonies religieuses .
,, VI . Tout rassemblement de citoyens pour l'exercice d'un
culte quelconque , est soumis à la surveillance des autorités
constituées . Cette surveillance se renferme dans des mesures de
police et de sûreté publique .
,, VII. Aucun signe particulier à un culte ne peut être placé
dans un lieu public , ni extérieurement , de quelque mauiere
que ce soit. Aucune inscription ne peut désigner le lieu qui
lui est affecté ; aucune proclamation ni convocation publique
ne peuvent être faites pour y inviter les citoyens .
,, VIII. Les communes . ou sections de commune , en nom
collectif , ne peuvent acquérir ni louer de local , pour l'exercice
des cultes .
,, IX. Il ne peut être formé aucune dotation perpétuelle
ou viagere , ni établi aucune taxe pour en acquitter les
dépenses .
X. Quiconque troublerait , par violence , les cérémonies
d'au culte quelconque , ou en outragerait les objets , sera
puui suivant la loi du sur la police correctionnelle .
" XI . Il n'est point dérogé à la loi du 2 sanculottide ,
deuxieme année , sur les pensions ecclésiastiques , et les dispositions
en seront exécutées suivant leur forme et teneur.
, XII , Tout décret dont les dispositions seraient contraires
à la présente loi est rapporté. "
PARIS . Nonidi , 9 Ventôse , 3. année de la République .
Le décret sur la liberté des cultes , ce droit si cher à la
conscience , dont nos derniers tyrans , qui n'en avaient aucune ,
avaient
( 273 )
avaient suspendu si long - tems ' exercice , est une des lois les
plus sages et les plus politiques qu'aient pu rendre les représen
ans du peuple dans les conjonctures actuelles . Cette restitution
faite à la liberté des opinions religieuses , va rattacher à
la patrie et à la révolution cette multitude de personnes faibles
et sensibles qui ne croyaient pas jouir de la liberté civile et
politique , tant qu'on les privait de l'exercice d'un droit qui
n'a d'anire mesure que celle qu'y attachent le sentiment et
T'habitude qui en tient souvent lien . Elle va accelérer le terme
de cette affreuse guerre de la Vendée qui s'est alimentée des
persécutions dont la religion n'était que le prétexte .
Mais qui croirait , dit une de nos feuilles du jour , que l'agiotage
ait porté ses combinaisons jusques sur les idees religieuses.
Quelques personnes profitant du décret sur la liberté des
cultes , se sout reunies en compagnie dans le projet d'acheter
des églises et de faire dire des inesses à voir l'esprit qui
regue à Paris et dans les départemens , il est à croire que
ce projet doit être une des plus belles spéculations du génie
qui inspire les agioteurs.
1
Par-tout on accapare les missels , les heures , les évangiles , et
tous les livres qui peuvent servir à la célébration des cérémo❤
nies religieuses ; ce retour à la religion vient très -heureusement
dans les circonstances actuelles ; ies prêtres qui seront chargés
d'éclairer la conscience des nouveaux fideles , doivent mettre
tous leurs soins à faire observer le carême ; c'est un moyen
très -sage de nons faire supporter avec patience la disette de
vinde où se trouvent la plupart des départemens : ce serait
d'ailleurs rentrer dans le but politique des institutions sacrées ,
qui ne nous ont pas interdit l'usage de la viande , parce que cela
déplaît à Dieu , mais parce que c'est dans cette saison que la
nature travaille à la réparation des especes .
On avait quelques raisons de s'étonner que les membres de
l'ancien tribunal revolutionnaire , qui s'étaient constitués les
bourreaux à gage des victimes désignées par Robespierre et
ses complices , jouissent paisiblement au milieu de leurs foyers
de l'impunité de leurs meurtres , tandis que les Dumas , les
Coffinhal avaient déja subi la peine de leurs crimes , et que
la justice demandait compte des siens à Fouquier- Thinville .
Tous ces membres qui résidaient à Paris viennent d'être arrêtés
par ordre du comité de salut public et de sûrefe generale ,
et il est à presumer que la même mesure aura été employée
envers ceux qui se sont retirés dans les départemens .
Une de nos feuilles contient le trait suivant ::
Tout le monde connaît l'énergique Choudieu ; tout le monde
sait
que la veuve et le fils de Phelippeaux lui doivent l'assassinat
Tome XIV. T.
( 274 )
de ce vertueux représentant . Cela ne l'empêche pas d'aller
à la comédie. Quelqu'un l'ayant apperçu dernierement au
théâtre ci - devant de la Montagne , cria à bas les hommes de
sang. Ce cri se repete . Chacun s'éloigne de Choudieu , qui reste
seul. On demande le réveil du peuple , que l'on chante à sa
barbe. Ensuite on fait baisser la toile , on ne veut plus de
piece ; on rougirait de prendre aucun plaisir dans une areille
société et l'on s'en va .
La même scene a eu à peu près lieu au même théâtre ,
pour le curé Bassal .
Il vient de paraître , une brochure très - intéressante publiée
par 7. B. Louvet , l'un des représentans du peuple proscrit
eu 1793. Elle a pour titre : Quelques notices pour l'histoire ,
et le récit de mes périls depuis le 31 mai 1793. Nous en rendrons
compte dans un de nos pro hains numéros .
Sous la
La République vient de perdre un de ses plus illustres généraux
. Moreau , commandant en chef de l'armée de la Moselle ,
vient de mourir des suites d'une blessure qu'il reçut il y a un ân .
Sa plaie qui suppurait s'est refermée , et il a succombé , emportant
les regrets de l'armée et ceux de la France .
derniere tyrannie , son pere montait à l'échafaud pendant
qu'il prenait le fort de l'Ecluse . Le général de division d'ambert
lui succede par interim dans le coinmandement de l'armée de
la Moselle .
Les différentes lettres reçues d'Angers et de Nantes annoncent
que la guerre de la Vendée n'existe plus , et que la paix
est signée . On assure que le comité de salut public attend le
retour des représentans du peuple près l'armée de l'Ouest pour
anponcer officiellement cette importante et agréable nocveile .
On mande de Lyon , en date du 27 pluviôse , les détails
suivans :
Nous venons d'être témoins d'un événement qui doit faire
trembler les tyrans du peuple , et prouve que tôt ou tard i's
doivent être punis de leurs forfaits . Hier , un uommé Fernex ,
juge de la commission , soi-disant populaire , établie ici et à
Orange , fut arrêté et conduit au comité révolutionnaire ; à
peine y fut-il entré , qu'un grand nombre de weaves , dont les
maris ont été mitraillés , par suite des jugemens en masse , se
rendirent dans la rue pour se venger de leurs propres mains ,
lorsque le scélérat serait conduit en prison . A son aspect , plu- .
sieurs de ces infortunées furent saisies d'une telle horreur ,
qu'elles tomberent évanouies . Une escorte de 30 hommes de
cavalerie et de 200 hommes d'infanterie avait été commandée
pour le sonduire plus sûrement en prison : à peine fut - il dans
( 275 )
Ja rue que le peuple s'assembla en foule , et prononça contre
lui un jugement de mort. Malgré la force armée , ce cannibale
fut as ommé sur le quai du Rhône ; son corps fut jetté aussi
tôt dans le fleuve , tant de fois rongi du sang victimes.
Aiusi périt ce barbare , qui se vantait d'avoir toujours voté
pour la mort dans les commissions de Lyon et d'Orange .
de ses
Les hommes justes ne regretterent pas ce monstre , opprobre
de l'humanité ; mais ils s'affligent de voir le peuple se laisser
entraîner à des mouvemens irréguliers qui peuvent avoir des
suites funestes pour la liberté .
Une lettre de Londres nous apprend que toute l'isle de
Saint - Domingue est rentrée sous la domination de la France.
Le vaisseau porteur de cette nouvelle , arrivé récemment à
Plymonth , a causé les plus vives alarmes à l'administration ,
qui paraît craindre que les blancs et les noirs de St.- Domingue ,
réunis , ne se portent en force à la Jamaïque , où les negres n'at
seadent qu'une occasion favorable pour se soulever.
O mande de Nice , en date du 19 janvier , que les re
présentans Ferriere et François s'occupent d'éloigner les émigrés
français qui sont en Italie , et de faire rentrer les artistes
et les ouvriers , auxquels ils fournissent des passe ports et de
l'argent.
M. Verninae était encore à Venise le 25 de nivôse ; les
mauvais tems l'ont empêché de continuer sa route pour Gonstantinople.
Il est accompagné de M. Ruffin , homme de mérite
et fort instruit dans les langues orientales et le gouvernement
Otoman .
La commission de commerce et des colonies vient de donner
ordre de faire stationner sur la rade du Hâvre un bâtimeut
léger , à bord duquel seront placés des pilotes qui se trouveout
à portée de donner des secours aux bâtimens étrangers qui
en auront besoin .
Suite de la relation des principales circonstances qui ont précédé
et accompagné l'entrée des Français en Hollande.
Dorénavant , les comités s'assembleront matin et soir , et
l'assemblée des représentans s'ouvrira à deux heures après .
nidi.
Le comité militaire s'occupe sans relâche à réprimer les excès
des troupes statdhoudériennes , ainsi que de leur nouvelle orga .
nisation et récomposition .
Le magistrat de la Haye a été autorisé à faire désarmer ,
T 2
( 276 )
dans les vingt-quatre heures , ceux qni sont connus dans la
garde bourgeoise , comme ayant commis des excès depuis la
revolution de 1787 , pour prouver leur attachement au ci - devant
tyran .
L'avocat G. van der Meersch a été nommé procureur- général
de la cour de justice , à la place de Vosmar.
Après avoir pourvu aux premiers objets d'intérêt et d'ordre
public , les nouveaux corps legislatifs de Hollande se sont
empressés d'annuler les sentences portées , apres la révolution
prussienne de 1787 , contre les patriotes les plus cons
rageux , et ces honorables victimes de la révolution qui ont
trouvé un asyle génereux au milieu de la nation França se
ont été rappellées par une proclamation solemnelte au sein
de leur pairie.
Les habitans de la Haye , connus assez généralement pour
leur attachement an ci-devant stathouder , revenus de leur
sentiment , se sont assemblés d'une maniere légale et paisible ;
Ils ont déclaré tous leurs anciens magistrats déchus , à l'exception
d'un seul , Van-Dergoes , qui s'était toujours montré
l'ami des patriotes . Une nouvelle municipalité a été organisée
, ainsi que la chambie judiciaire , et composées l'une et
l'autre d'excellens citoyens et de jurisconsultes les plus celebres
du barreau de la Haye .
Après cet acte de souveraineté , le peuple s'est porté en
foule dans tous les endroits où se trouvaient les armoiries de
la maison statdhoudérienne ; il les a brisées aux acclamations
universelles , et le bois en a été distribué aux pauvres.
A Amsterdam , les représentans provisoires de ce penple ont
fait , le 2 fevrier , une proclamation pour inviter tous les
citoyens à rédiger un plan détaillé sur la maniere dopeller
tous les citoyens , et de prendre leurs suffrages pour election
et convocation de nouveaux représentans . Ces plans qui seront
envoyés dans l'espace de quinze jours doivent contenir ce qui
concerne l'âge et les autres qualités requises pour exercer le
droit de voter , le nombre de membres dont l'assemblée des
représentans de cette ville doit être composée , le nom " qu'il
est convenable qu'elle porte , afin que les représentans provisionnels
puissent être mis en état de choisir , après mûre déliberation
, et après avoir pris l'avis des différens comités parmi
tous les plans qui lui auront été présentés , celui qui paraîtra
le plus propre à atteindre le but que nous avons proposé , et
après l'avoir choisi , de le mettre en exécution .
Le même jour , les représentans provisoires du peuple de
Hollande , assemblés à la Haye , arrêterent la publication suivante
, concernant la circulation des assignats .
Liberté , Egalité , Fraternité.
Les représentans provisoires du peuple hollandais , ayant
( 277 )
pris en considération que toute l'armée de la République Française
reçoit sa solde en assignats , et que par conséquent il est
inévitable que les individus qui la composeut paient leurs
nécessités autrement qu'en assignats ;
Et voulant prévenir les suites fâcheuses que produiront
sûrement , pour les bons habitans de cette province , la circulation
des assignats , ainsi voulant que dans toute la province
on ait la même maniere d'agir à cet égard , décrétons provi
soirement comme il est arrangé ci - dessous :
99 Art. Ier. Que tous les boutiquiers en détail et affaires
de la derniere nécessité , sous laquelle dénominatiou seront
compris , salaire , réparation et antres , seront tenus de vendre
et recevoir en paiement des assignats aux cours de 9 sols par
livre , seulement des militaires . français ou employés appartetenant
à ladite armée ;'
Et afin de prévenir que les boutiquiers n'agissent de mauvaise
fei , en déclarant des sommes d'assignats plus fortes
qu'il n'est probable qu'ils aient reçus , d'après la disposition
de leurs boutiques , suivant les décisions ci - devant et ci -après
mentionnées , seront aussi tenus de déclarer journellement la
quantité par eux reçue à la municipalité , ou à ceux par
commis , lesquels en formeront des listes , et les boutiquiers
sasdits délivreront , de semaine à autre , seux qu'ils auront
reçus de cette maniere aux municipalités ou commis sasnommés
, lesquels les échangerent au conrs susdit de 9 sols
pour de l'argent ou récépissé de la municipalité , lesquels devront
être reçus d'un chacun pour la valeur entiere ; et seront
les boutiquiers , lesquels auront fraudés dans lenis dėpositions ,
comme aussi ceux qui refuseraient , donneraient ou recevraient.
lesdits récépissés au - dessous de leur valeur , non seulement
punis de l'amende du triple de la valeur qu'ils auront déclaré
de plus en assignats , ou récepissés contrairement donnés en
reçus ; mais aussi selon l'exigence des cas , seront pris au
corps et même punis de mort.
II. Il ne sera permis à aucun boutiquier de vendre à un
soldat ou employé de l'armée française , à la fois , pour plus.
de la somme de 10 liv. , et pas autrement que sur un ordre
par écrit de son officier , lesquels ordres et assignats y joints
devront être remis à la municipalité ou commis nommés par
eux ; il sera permis aux boutiquiers de vendre pour une
somme plus considérable à la fois , à un officier et bien selon
son rang , cependant pareillement muni d'un ordre par écrit
de son chef , selon l'arrangement arrêté par les représentans
de la République Française , lesquels feront savoir par une
déclaration énergique , aux soldats de la République Fran
çaise , de se conformer audit arrangement , et de ne pas don
Der en paiement d'autres assignats que ceux qu'ils auront
reçus pour leur solde en attendant , il sera permis au soldat
4
0
( 278 )
français de faire une petite dépense dans un cabaret , moyennant
qu'elle ne surpasse pont les 2 liv . , laquelle dépense il
ne devia pas payer avec un assignat de plus grande valeur
que son écot monte , sans avoir besoin d'une permission par
écrit , et seront aussi les cabaretiers et aubergistes déchargés
de l'obligation de fournir des ordres par écrit ; mais aus. en
contre , seront punis plus séverement en cas de fraude .
" Et comme nous n'avons en vue dans ces arrangemens
que de procurer aux personnes appartenant à l'armée française ,
les moyens de se procurer les petites nécessités , lesquelles
leur sont indispensables ; nous defendons pour cet effet bien
expressément , de donner cours d'aucune autre maniere aux
assignats français , ni d'en donner , ni recevoir en paiement
pour des marchés faits avant la date des présentes ; ne devant
point faire de marché ni contrat avec les habitans de cette
province , ni avec les étrangers qu'en monnaie sonnante.
Et seront regardés comme traîtres à la patrie ceux qui
contreviendront à la présente , et punis suivant l'exigence des
cas , et même de la mort.
Comme nous défendons aussi bien expressément et sous
peine de mort , tous transports hors du pays de toutes especes ,
modeles de monnaie , or , argent en lingot ou autre maniere
seulement seront dispensés de cette défense les marchands - négocians
sur la mer Baltique , ou autres places où ils sont
accoutamés de faire leurs paiemens en especes , cependant
jas autrement que sous ces conditions ; ils seront tenus de
faire la déclaration de cette exportation à leurs municipalités ,
et de fournir caution du triple de la valeur de l'exportation ,
et sous leur responsabilité , de l'entrée dans ce pays des marchandises
achetées de cette maniere ; comme aussi seront
exemptées de cette défense les personnes voyageant , moyennant
qu'il soit fixé , par la municipalité de leur demeure ,
une somme raisonnable qu'ils pourraient prendre avec eux ,
et en donner connaissance à la municipalité de la frontiere ;
et à l'égard des étrangers , ils seront obligés , à leur départ,
de faire connaître à la municipalité de la frontiere , qu'ils
n'emportent pas une plus forte somme qu'il ne leur est nécessaire
pour leur voyage .
Voulant et ordonnant bien expressément qu'un chacun
se conforme à la présente , sous peine des punitions y annoncées
. "
Fait à la Haye , sous le petit sceau du pays , ce 2 février,
l'an 1er. de la liberté batave .
P. PAULUS , Vt.
Par ordonnance des représentans provisoires du peuple
hollandais ,
C. J. DE LANGE VAN WYNGAARDEN.
F
( 279 )
L'Assemblée des représentans provisoires du peuple de
Hollande s'accroît successivement de plusieurs députés des
villes et districts où la révolution est heureusement établis ,
L'importation de tous grains et farines a été declarée libre .
Dans la séance du 4 , l'Assemblée a décide de faire inetus
en état d'arrestation l'ex-pensionnaire de Hollande , van-
Spiegel , et l'ex - bailly de la Haye . Ils ont été conduits le
soir même , à la chatellenie de la cour de justice de Hol
lande , sous l'escorte de hussards français ..
Pour éviter que les regens , hommes en charges et mis
nistres , qui ont servi sous le dernier régime n'emigrent
pour se soustraire à la responsabilité qui les attend , il est
défendu à toute personne de se rendre , hors des frontieres.
sans un consentement exprès , et par écrit , de la munici
lité ou de la régence de son domicile. Les biens et effets de
ceux qui tenteraient d'emigrer seront mis en sequestre ; cex
qui prêteront , pour ce dessein , des chevaux ou des voiture ,
seront punis corporellement , et ceux qui auront voulu énigrer
seront également punis , même de mort , suivant l'exgence
du cas .
Divers changemens ont été faits parmi les fonctionnaires
publics. Le procureur-genéral et avocat- fiscal de la provinc :
de Voesmaer a été destitué et remplacé par l'avocat G. van
der Meesch. La commission , pour les affaires de la compagnie
des Indes , a reçu sa démission . Les états - généra
out nommé leur ancien coumis , Guillaume Quarles , à la
place de greffier en second de leur assemblée .
Les representans du peuple français ont rendu un arrêté
qui ordonne la saisie et confiscation de tous biens , meubles ,
vaisseaux , marchandises , propriétés quelconques des gouvenemens
en guerre avec la nation française , ainsi que des
prêtres , moines , membres des églises ou corporations regieuses
et des émigrés des pays conquis. Il a été décrété à
cette occasion , par l'assemblée des états de Hollande , d'expé
pédier cet arrêté aux municipalités de cette province , mais
de charger en même tems les députés de Hollande ang
états-généraux , de demander à ceux-ci de présenter un mémoire
aux représentans de la nation française de ne point
donner des ordres par eux- mêmes , et de s'adresser à leurs
hautes puissanees .
Les chargés d'affaires de Russic , de Prusse , le ministre
plénipotentiaire d'Amérique , les ministres de Bade , de
Meklenbourg et des villes anséatiques , ont eu une conference
avec le président de l'assemblée des états de Hollande ,
Peter Paulus.
Le 6 , l'arbre de la liberté a été planté dans cette résidence .
Tous les membres de la société bourgeoise s'assemblerent , à
cet effet , au vieux Doelen , au nombre de 8 à goo personnes ,
et accompagnerent l'arbre jusqu'à la grande place de la cour
( 280 )
extérieure , accompagnés d'un grand cortége . L'arbre était
précédé du bonnet de la liberté sur une pique portée par un
ancien sergent des gardes hollandaises , congédié ci - devant du
service pour cause de patriotisme . L'arbre lui - même était
porté par 40 membres de la société . Un détachement de hussards
français ouvrait et fermait la marche . Tout le cortége
s'étant formé en cercle , il fut envoyé des commissaires pour
conduire les uns , les réprésentans du peuple de Hollande ;
les autres , les représentans de la nation française , au lieu
de la cérémonie , L'arbre fut planté au son de la musique et
au chant d'hymnes patriotiques. *
Le citoyen J. G. H. Hahn , qui était à la tête d'une nombreuse
députation de l'assemblée des représentans proviroives
du peuple de Hollande , prononça un discours ; il fit remarquer
la direction du très - haut par laquelle les rivieres et les
eaux , derrière lesquelles un gouvernement tyrannique se
croyait en sûreté , ont été trausformées en airain , et ont faci
lité le passage aux Francs libres et généreux , pour venir briser
les fers du Batave. I proposa ensuite au peuple de jurer
hommage ct fidélité éternelle à la Liberté et à l'Egalité ; le
mot nous le jurons sortit aussi - tôt de toutes les bouches :, l'orateur
continue alors son discours en français :
Et vous , dignes représentans du premier souverain de
l'univers , le peuple francais ; voyez , dit - il , partagez notre
allégresse . Dites à votre nation que ce ne sera pas en vain
qu'elle aura sacrifié son sang ei ses trésors pour briser nos
chaînes et conquérir le peuple batave , non à l'assujettisseg
ment , mais à l'indépendance et à la liberté . C'est au moment
solemnel de notre hommage public à cette liberté ; c'est au
pied de son arbre cheri que le peuple libre de la Hollande
accepte avec enthousiasms la déclaration de son indépendance,
que porte votre dernier manifeste , que votre conduite géné
reuse prouve journellement , et qui certainement est le moyen
le plus sûr de punir nos tyrans , de confondre nos ennemis
communs , et de travailler à votre bouheur et au nôtre . Puissent
les fastes de la liberté célébrer à jamais cette auguste journée!
Puisse le peuple hollandais , rendu par la nation française à ses
droits éternels , les conserver d'âge en âge , et par une alliance
solide avec elle , et fondée sur la justice éternelle et la
véritable fraternité , reconnaître efficacement vos bienfaits
et concourir à la consolidation de votre glorieuse révolution.
"
,, Et vous aussi , guerriers vaillans et magnanimes , dont le
bras valeureux et puissant , dont l'intrépidité , le courage et
la constance étonnent l'univers , et constituent la terreur des
tyrans et la confiance des opprimés , recevez le témoignage
public de notre gratitude , et joignez vos voix aux nôtres pour
illustrer cette fête , et pour chanter avec nous des cantiques
à l'honneur de la liberté .
(La suite au numéro prochain )
( "No. 33. ) .
P
Gen.135 .
MERCURE FRANÇAIS.
QUINTI 15 VENTOSE , l'an troisieme de la République.
( Jeudi 5 Mars 1795 , vieux style , )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
FABLES D'ANTOINE VITALIS ; in- 8° . petitformat de 286 pages,
beau papier et belle impression , de l'imprimerie de Dupont.
A Paris , chez l'auteur , rue du Jardinet , nº . 2 ; et chez
Dupont , imprimeur- libraire , rue de la Loi , no . 1232 .
L'an 3. de la République Française.
D
12
ΕE tous les genres de poésies , l'apologue est celui
qui a le plus constamment exercé le talent des poëtes
des gens de lettres et même des amateurs , La fable a
des formes si variées ; elle se prête avec tant de facilité :
à la morale , à la critique , à la philosophie , au style
simple et naif , à l'élévation des pensées et des expressions
, à la peinture des caracteres , au mouvement des
passions , au tableau du sentiment, que l'homme instruit,
pour peu qu'il ait d'habitude des vers , cede au desir
d'orner sa pensée des charmes de l'apologue , et de
cacher la vérité sous le voile de la fiction . Cependant
il n'y a qu'un seul poëte qui ait excellé dans la fable ; c'est
que lui seul a embrassé les divers genres de ce poëme ,
et que dans tous , il a su donner les modeles les plus
parfaits. Ceux qui sont venus avant ou après Lafontaine
n'ont au contraire envisagé , suivant leur maniere
de voir et de sentir , qu'un côté de la fable. Il fallait
comme le bon homme , avoir dans l'instinct de son génie.
l'art si étonnant de conter , les ressources d'une imagi
nation vive et pittoresque , les richesses d'un esprit
exercé , les graces d'un talent flexible , l'abondance des
pensées et des expressions ; il fallait , comme ce poëte.
philosophe , être formé à l'école de Socrate et de
Platon , sur- tout avoir l'habitude de l'observation , suivrei
la nature dans tous les individus , lui prêter par- tout un
Tome XIV.
( 182 )
intelligence et un langage , l'interroger roger sans cesse , et
l'entendre dans , tous ses rapports ; enfin , il fallait être
l'ami , le compagnon et le confident de tous les êtres ,
et approfondir jusqu'à leurs qualités insensibles et matérielles
. Voilà le fabuliste par excellence . Présentement,
si l'on demande qu'est- ce donc que la fable ? Nous ne
dirons pas avec la Motte , que c'est une instruction déguisée
sous l'allégorie d'une action ; car il y a de bonnes
fables qui n'offrent aucun sens allégorique , et d'autres
qui sont absolument dépourvues d'action .
Il est vraisemblable , dit Voltaire , que les fables ,
dans le goût de celles , qu'on attribue à Esope , et qui
sont plus anciennes que lui , furent inventées en Asie
par les premiers peuples subjugués : des hommes libres
n'auraient pas eu besoin de déguiser la vérité ; on ne
peut gueres parler à un tyran qu'en paraboles , encore
ce détour même est- il dangereux. Il se peut très - bien
aussi , que les hommes aimant naturellement les images
et les contes , les gens d'esprit se soient amusés à leur
en faire sans aucune autre vue. C'est d'après cette opi
nion , qui nous paraît la plus juste , que nous définissons
la fable une simple fiction racontée avec le ton et l'air de
la persuasion et de la vérité. Ainsi , la fable n'est point une
allégorie , elle n'est point la morale déguisée , elle est
encore moins une leçon emblématique pour ménager
l'amour-propre , elle est tout simplement le récit d'une
action , où l'on ne doit appercevoir que la bonne foi et
la crédulité du poëte , dans les choses même les plus
invraisemblables . Cette bonne foi , cette crédulité se font
sentir sur-tout dans le soin que prend le narrateur de rapporter
les circonstances les plus délicates , d'y mêler
des réflexions , de donner de l'action et de la vérité
à. son sujet enfin , d'employer tous ses moyens pour
persuader et pour intéresser. Lafontaine , en répandant
dans ses fables toutes les richesses de l'imagination , de
l'érudition , de la philosophie et de la poésie , a rendu
son récit d'autant plus naïf et plus vraisemblable , que
l'art s'éclipse et la nature se montre toute entiere dans .
tous ses portraits .
Le nouveau fabuliste que nous annonçons n'a point
voulu parcourir une carriere aussi vaste . Il s'est proposé
seulement d'être utile en amusant , et de déguiser l'ins--
truction sous le voile de Fallégorie . C'est bien le but,
le plus estimable auquel le poëte doit avoir l'ambition ,
d'atteindre, etc'est d'après cette mission honorable qu'on
( 283 )
doit apprécier son ouvrage . D'ailleurs , tout écrivain est
bien fondé à dire :
Je demande , pour grace unique ,
D'être jugé tout seul point de comparaison.
Je crains mes dévanciers bien plus que la critique ,
Et j'en vais dire la raison .....
Or , cette raison est déduite dans une fable où une
grive paresseuse ne rencontre plus , après les vendanges,
que de mauvaises grappes de raisins . Cependant le
champ que le cit. V. entreprend de cultiver est si immense
, qu'il trouvera encore les moyens d'y faire une
bonne récolte . Il ne se dissimule pourtant point qu'il
beaucoup de concurrens , et comme il l'observe :
Jean , mon maître , avait fait ses vendanges complettes
En arrivant tout le premier :
La Mothe , un peu plus tard , des grappes moins parfaites
Fit son profit ; puis Panard , Pesselier ,
Dorat et Florian , Aubert et le Monnier
་ ་ ་
De quelques grappes aigrelettes
Surent tirer encore un bon suc nourricier.
J'arrive , moi , tout le dernier ,
Et quand les vendanges sont faites , ands
Qu'aurais -je donc en mon panier Pa
Nous lui répondrons par cette fable que l'auteur
adresse à son fils Henri , âgé de 7 ans .
Dans une haie , au bord d'un grand eḥeminjan
Un groseillier croissait , sans soins et sans culture
A peine montrait-il quelque peu de verdure and ast
Mais point de fruit ; pas plus que sur ma main.
Un jardinier le prit , le mit en son jardin , v
Dont la terre était préparée ;
Engrais , labour , et tout ce qui s'ensuiteja 3
Rien ne fut épargné : dès la premiere annéez s
Le groseillier fut tout couvert de fruit,
Les noirs soucis , la jalousie ,
Mille chagrius , mille dégoûts
Sont les épines de la vie
C'est la baie a nens naissons toug.
21
V &
( 284 )
Le groseillier dans l'état de nature
C'est toi , mon fils , en ce moment ;
Le jardinier , c'est moi certainement ;
L'étude sera la culture ,
Et le fruit sera le talent. 19
L'auteur a très-ingénieusement saisi , au physique et
au moral , les rapports qu'il y a entre les traverses de
la vie et les épines d'une haie , ainsi que les avantages
qui résultent également d'une bonne culture, et d'une
education soignée . Mais a - t- il observé le caractere de
la fable, dans le récit trop nud qu'il fait de ce groseillier
abandonné au milieu d'un buisson ? Il nous semble que
sa fiction se serait plus approchée du genre qu'il traite,
si , par exemple , il avait mis en scene le groscillier et le
jardinier , et que celui- ci , sur les justes plaintes de cet
arbuste de se voir abandonné , se fût chargé d'en prendre
soin et de lui faire porter des fruits .
On reconnaît bien mieux les traits caractéristiques de
la fable dans celle qui suit , dont la fiction est à la fois
maïve , agréable et instructive .
L'Abricotier et le Pommier.
Un beau jour du dernier printems ,
Certain abricotier , tout fier de sa parure ,
Dit au pommier : Quelle triste figure
Tu fais ici depuis long - tems ?
Ne vois- tu pas mes rameaux blancs ?
Qu'attends-tu pour montrer tes fleurs et ta verdure ?
Ami , dit le pommier , est bien fou qui te suit ; ng na
De tes batives fleurs quel sera le produit ? s subig ti
Rien du tout ; car l'expériences eludaing
Vingt fois deja te l'a prouvé.i
It de ta folle diligence 19
Tu sais ce qu'il est arrivé.
Le pommier achevait à peine ,
Que les aquilons destructeurs i
Moissonnerent de leur haleine
Tous les boutons , toutes les fleurs.
Des lueurs de l'esprit je vois . ici l'image ."
Fleurs précoces dans les enfans
P
2:
( 285 )
Ne me sont pas d'heureux présage ;
C'est au fruit où je les attends .
Nous pourrions citer beaucoup d'autres morceaux de
ce charmant recueil qui attestent le talent du poëte ,
l'agrément de ses fictions et l'utilité de sa morale. Le
C. V. s'attache sur-tout , par une méthode qui lui est
particuliere , à présenter l'instruction au commencement
et à la fin de toutes ses fables , dont la morale forme toujours
le texte et le sujet , comme elle en est le résultat
et la conclusion ; enfin , nous nous bornerons à citer
les deux exemples suivans qui sont les plus plus précis ,
pour faire connaître la maniere dont l'auteur a conçu
et traité l'apologue ."
LE PAON ET LE ROSSIGNOL.
Ce n'est pas sur l'habit
Que la diversité me plaît ; c'est dans l'esprit :
L'une fournit toujours des choses agréables ,
L'autre , en moins d'un moment , lasse les regardans .
( LAFONTAINE. )
Un paon vantait son beau plumage ,
Un rossignol son joli chant :
Se louer ainsi n'est pas sage ;
Mais que de gens en font autant !
Le paon , dans son orgueil extrême ,
Méprisait tout , hors la beauté ;
Le Rossignol , de son côté ,
Mettait le chant au rang suprême.
La nuit survint fort à propos
Pour terminer cette querelle ;
Le plus éclatant des oiseaux
Se perdit dans l'ombre avec elle ;
Et les amans de Philomele
Acquerent des charmes nouveaux ,
Tel est l'avantage ordinaire
Qu'ont sur la beauté et les talens ;
Ceux-ci plaisent dans tous les tems ,
Et l'autre n'a qu'un tems pour plaire.
( 286 )
LE MENDIANT ET LE CHIEN.
Je prefere toujours le bourru qui m'oblige
Au doucereux qui ne m'est bon à rien.
Un mendiant se présente à la porte
D'un grand château ;
Un dogne furieux accourt : l'ami , tout beau !
Lui dit le pauvre ; eh ! que t'importe
Qu'un misérable de ma sorte
Ait un morceau de pain qui ne te coûte rien ?
Laisse-moi faire , dit le chien ;
J'aboie afin qu'on te l'apporte.
Tel dans l'air nous fait pear , souvent nous fait du bien .
POLITIQUE. MORALE.
.
DES PRINLE
SPECTATEUR FRANÇAIS PENDANT LE GOUVERNEMENT
RÉVOLUTIONNAIRE ; par le citoyen DELACROIX , ancien
professeur de droit public au Lycée ; pour servir de suite
à son ouvrage intitulé : Drs CONSTITUTIONS
CIPAUX ETATS DE L'EUROPE ET DES ETATS - UNIS
D'AMÉRIQUE : Un volume in- 8° . de 430 pages , imprimé
sur caractere de cicero Didot . Prix , 8 liv . broché, et 9 liv .
10 sous , franc de port par la poste , pour les départemens .
A Paris , chez BUISSON , libraire , rue Hautefeuille , nº . 20.
Tant que l'auteur de cet ouvrage a été en butte aux
persécutions de l'esprit de parti , tant que son existence
s'est trouvée placee entre le glaive de la loi et la conscience
de ses juges , les citoyens n'ont dû voir en lui
qu'un objet digne de l'intérêt et du respect qu'inspire
le malheur. L'auteur , comme le livre , étaient sacrés
pour tous , car il avait embrassé l'autel de la liberté .
Aujourd'hui que l'inquiétude publique est rassurée sur
l'exercice d'un des droits les plus précieux à l'homme ,
et que le Spectateur Français n'a plus à répondre qu'au
tribunal de l'opinion ; si le premier et le plus doux sentiment
est en faveur de l'auteur persécuté , le premier
devoir de la justice est pour l'examen severe de l'ouvrage.
( 287 )
Nous voudrions parler du plan et de la méthode
malheureusement il n'y en a point dans cette production.
L'auteur a distribué son sujet en forme de discours ;
on s'attend bien que c'est le seul point de resemblance
qu'il ait avec le Spectateur d'Addisson ; mais ces discours
ne sont pas même des discours . C'est un assemblage
informe de lettres , d'entretiens et de réflexions , jettés
confusément et sans ordre , tantôt sous un titre , tantôt
sous un autre. On croirait que du moins les matieres
analogues se trouvent réunies sous un titre commun ;
l'auteur s'est épargné jusqu'à l'embarras de cette facile
classification . Il n'est pas un de ces discours où les objets
qui y sont traités , ne soient étonnés de se trouver ensemble
; et s'il les eût appellés des excursions , on aurait
de la peine encore à les lui pardonner.
le
Ce n'est pas qu'un désordre apparent et un certain
abandon des idées , n'ait été quelquefois entre les mains
d'un homme d'esprit , un moyen de répandre sur un
sujet une variété plus piquante et des formes plus ingénieuses.
Mais les disparates du Spectateur Français ne
sont rachetées ni par la richesse du fonds , ni par
mérite des détails , ni par l'intérêt du style . Quel vaste
champ pour un observateur profond , qu'une révolution
où tant d'évenemens inouis se sont pressés avec rapidité
, où tant d'intrigues se sont croisées , tant de passions
se sont déchaînées , tant de partis ont été tour- à- tour et
vainqueurs et vaincus , tant de principes méconnus ,
tant d'atrocités commises , tant de droits sacrés indignement
viclés , et où cependant tant de vertus et d'éner
gie se sont montrées à côté de tant de vices ! Quels
tableaux pour le moraliste , pour le philosophe , pour
le politique , pour l'historien ! A ce spectacle tout-à-lafois
étonnant et horrible , où la nature humaine a paru
dans tout ce qu'elle a de plus grand et de plus vil , il n'a
manqué qu un autre spectateur.
Au lieu de s'attacher à des objets si dignes des méditations
de l'homme éclairé , et des pinceaux de l'homme
sensible , notre Spectateur pendant le gouvernoment révolu
tionnaire , n'entretient le public que de ses prétendues
correspondances ou de ses conversations supposées, avec
des ex- nobles , des anciens magistrats , des mécontens
et des aristocrates de tous les âges , de tous les sexes
et de toutes les couleurs ; si l'on retranchait de son livre
tout ce fatras épistolaire , il se réduirait à peu de pages.
utiles. Il faut avouer que ce cadre a été mal adroitement
V
( 288 )
1
' choisi , et l'on aurait quelque raison de demander à
l'auteur pourquoi tant de lettres censées écrites par
des gens qu'on appellait nagueres , il est vrai , la bonne
compagnie , mais qui , en révolution , en sont devenus
une assez mauvaise ? Il est vrai qu'à toutes ces lettres ,
l'auteur fait des réponses ; mais elles sont si laconiques ,
si faibles , si insignifiantes , qu'en vérité l'on serait presque
tenté de croire , que l'auteur craint d'avoir raison avec
ces messieurs .
:
Dés la premiere page , l'auteur apprend qu'autrefois
il a tenté de rendre à son pays un Spectateur Français ;
mais qu'il n'avait pas choisi un modele aussi parfait que
celui dont s'honore l'Angleterre . Nous ne connaissons
pas son ancien Spectateur : mais après avoir lu le nouveau
, on ne sera pas tenté de l'accuser d'une modestie
déguisée. Il ajoute ensuite J'étais jeune , j'avais
plus de légereté que d'à-plomb dans les idées ; j'étais
plus animé du desir de plaire que de celui d'instruire .
Peu m'importait de demeurer dans le souvenir des hommes
, je ne voulais avoir accès que dans le coeur des
femmes . J'attendais d'elles seules mes succès et ma célébrité
. Qu'ont- elles fait pour celui qui leur consacrait toutes
ses pensées ? " Ce n'est pas à nous à répondre à cette
question. Quoique l'auteur annonce qu'aujourd'hui il ne
prétend plus à leurs suffrages ; que l'âge des illusions est
passé , et qu'il ne doit plus s'attacher qu'aux réalités , on
lui sait gré de conserver ces aimables réminiscences ,
fussent - elles encore plus désintéressées ; elles servent
par leur contraste à adoucir les idées un peu sombres
que doit faire naître le tableau du gouvernement révolutionnaire
. C'est pour cette raison sans doute que le
Spectateur a inséré dans son recueil , la lettre d'une femme
qui , sans amour , veut toujours avoir un amant ; et les conseils
aux jolies femmes trop affectées de nos succès,
Passant à des objets plus sérieux , le Spectateur se fait
écrire par un ex- constituant qui , du fond de sa prison ,
lui adresse des plaintes sur l'état actuel des choses et
les persécutions sous lesquelles il gémit . Pour toute
consolation , le Spectateur lui répond : Les monarchistes
et les républicains doivent également vous hair ; vous
avez livré les uns à la persécution , et exposé les autres
aux plus grands dangers ; vous ne pouvez espérer d'indulgence
qu'après le triomphe des vainqueurs . Attendez
donc en silence que la victoire soit complette , peut- être la
trouverez -vous généreuse ; c'est le seulsouhait queje puisse
( 289 )
faire pour un homme dont je plains l'infortune sans ex
'cuser ses erreurs .
Est- ce bien là ce que devait attendre un patriote de
1789 , un des premiers fondateurs de la liberté ? Le
Spectateur a-t-il voulu nous donner son opinion sur l'Assemblée
constituante ? Il y aurait autant d'injustice
que de lâcheté . Malgré les fautes qu'on peut reprocher
à cette assemblée ( et nous entendons par elle la masse
des patriotes qui la composaient) , il semble que si le
Spectateur cût mieux observe ce qui s'est passé depuis ,
il aurait eu moins de droits de juger aussi sévérement
les premiers représentans du peuple . Qui peut oublier ,
sans ingratitude , et la contenance ferme et imposante
des communes vis - à-vis des deux autres ordres , et l'acte
par lequel elles se constituerent en assemblée nationale ,
et le serment du Jeu- de-paume fait sous les bayonnettes ,
et leur lutte courageuse contre la tyrannie royale , et
les tables de la déclaration des droits , et la destruction
de la noblesse , du clergé et de tous les privileges ,
et cette foule d'articles fondamentaux de la constitution
, si profondément établis , que malgré les orages
de la tempête , ils ont été l'ancre salutaire qui a sauvé
le vaisseau de l'état ? Comment se fait- il qu'aucune
de ces choses ne se soit présentée au souvenir du Spectateur
, lui qui prend tant de soin à mettre dans la
bouche de ses aristocrates , tous les sujets de mécontentemens
qu'il a pu rassembler ?
Un autre trait servira à faire juger de la délicatesse ,
de la générosité et de la justice du Spectateur ; c'est
son entretien avec un homme de lettres ( page 93 ) . Il est
bon de le citer en entier.
Eh quoi vous êtes demeuré libre , s'écria en me
voyant un homme de lettres dont je reconnus la voix
sans reconnaître sa figure , tant elle était balafrée et
couverte de cicatrices . Sur quel motif , lui demandai -je ,
avez-vous imaginé que je devais être enfermé ? Ai - je
la mine d'un citoyen suspect ? Je ne suis ni noble , ni
prêtre , ni financier ; je n'ai tenu à aucun parti ; je n'ai
jamais sollicité ni obtenu d'emploi : par quelle raison
aurais-je perdu la liberté qui est mon seul bien ?
pour
" J'ai bien été privé de la mienne , me répliqua- t- il ,
et vous voyez dans quel état je me suis mis
échapper à la prison . Il fallait , repris-je , que vous en
eussiez bien peur pour vous martyriser ainsi : il ne
pouvait guere vous arriver pire , quand vous eussiez
été coupable.
( 290 )
t
,, Vous savez cependant , s'écria-t- il , que je fus un
des premiers et des plus chauds patriotes. Je me suis
brouillé avec d'illustres protecteurs ; j'ai sacrifié mes amis,
mes collegues à la chose publique et voilà ma récompense
! Si vous me permettez de vous parler
avec franchise , je vous dirai que c'est précisément votre
chaleur qui vous a perdu. Quelle raison aviez- vous
d'être si emporté , si violent contre ces personnages
qui vous avaient vu autrefois si doux , si caressant ?
N'auriez -vous pas voulu changer de célébrité en paraissant
vouloir changer de gouvernement ? Parce que
vous n'étiez pas le premier des académiciens , vous avez
fait un beau discours contre l'académie ; parce que
vos protecteurs ne vous ont pas rendu leur égal en
richesses , en puissance , vous avez déclamé contre les
riches et les puissans . Avez- vous jamais pensé que celui
qui ne savait ni lire ni écrire fût votre égal en talent ?
Pourquoi feignez -vous donc d'admettre une égalité
parfaite entre tous les citoyens ? Soyons de bonne
foi ; vous ne vouliez permettre à personne de se placer
au-dessus de vous , mais vous auriez été bien fâché de
ne pas voir beaucoup de gens au- dessous. Lorsque
vous avez été nommé à la place que vous regrettez ,
Vous vous êtes dit : J'occupe un emploi qui ne devait
être donné qu'au mérite , et qui n'illustrait autrefois
que l'ignorance ; la révolution est donc une belle chose !
Vous preniez votre parti assez gaiement sur le malheur
des autres. Je veux croire que l'envie , que la calomnie
se soient attachées à vous , et vous aient précipité
dans l'infortune ; he bien ! on vous rend sentiment
pour sentiment : comme vous n'avez trouvé bon que
ce qui vous élevait , on ne trouve pas mal ce qui n'humilie
que vous et moi , je vous déclare que j'ai été
tout aussi peu affecté des actes de votre désespoir
que vous l'auriez été de mon emprisonnement. - Vous
avez une franchise bien dure , je ne vous croyais pas
si philosophe. -Vous voyez que je ne suis plus dupe
de mon coeur , et lorsq e j'appelle mon jugement à
son secours , il se défend d'une sensibilité déplacée .
Ne croyez pas cependant que s'il dépendait de moi
de vous rendre aimable , enjoué comme vous l'étiez
autrefois , je ne vous ramenasse à vos premieres formes.
La société gagnait à votre esprit , vous le lui avez
retiré pour ne lui montrer qu'une humeur . farouche
et irascible ; vous avez perdu tous deux à cet échange .
( 291 )
Je vous connais mieux que vous ne vous connaissiez
, vous n'étiez pas né pour devenir républicain.
Il fallait à votre naturel des grands seigneurs qui flat→
tassent votre amour propre une cour pour y adoucir
votre voix ; des académiciens pour exciter votre émulation
; une bonne table et des convives délicats pour
aiguiser vos traits ; des moeurs un peu dépravées pour
encourager votre muse licencieuse . La censure même
ajoutait du prix à vos lectures secrettes , et vous gagniez
plus à être cité sous le voile du mystere qu'à être exposé
au grand jour.
" Que pouviez -vous gagner dans un ordre de choses.
où l'on n'accorde des pensions qu'à la valeur militaire
et aux services publics ? La société à laquelle vous
n'offrirez plus qu'un visage défiguré et un air mécontent ,
ne vous recevra plus qu'avec froideur. Vous avez voulu
vous donner la mort , vous vous l'êtes donnée réellement;
vous n'êtes plus ce que vous étiez , autant vaudrait-il
pour vous n'être plus .
" Il y a apparence que ces réflexions ont fait sur
l'homme de lettres à qui je parlais , plus d'impression
que je ne l'aurais voulu. Quelques jours après notre
entretien , j'ai reçu un billet qui m'apprit qu'on allait
le déposer dans le dernier asyle de l'esclave et du
républicain. Dieu fasse paix au citoyen qui avait mis
ses espérances dans le trouble , et qu'il répande sa
miséricorde sur celui qui a été sans pitié pour les malheurs
qui ne l'atteignaient pas ! "
C'est du malheureux Champfort que le Spectateur parle
de ce ton et de ce style ! de Champfort qui n'était pas
moins cher aux lettres qu'aux véritables amis de la li
berté , dont les opinions patriotiques ne se sont jamais.
démenties depuis le commencement de la révolution.
jusqu'à son dernier soupir , qui , dans l'ancien régime
même était connu par le droit qu'il avait acquis de
s'exprimer avec franchise sur le compte des grands , en
présence des grands ! de Champfort persécuté , incarcéré ,
prosceit , mutilé de ses propres mains , et qui a mieux
aimé mourir que de survivre à la tyrannie dont il était
le témoin et la victime ! et c'est après sa mort , lorsque
sa tombe est encore humide des pleurs de ses amis ,
et couverte des regrets de tous les vrais républicains .
que le Spectateur ose insulter aux mânes d'un homme ,
qu'il avait ennuyé tant de fois de ses fades adulations !
Nous ne connaissions point Champfort , nous ne l'avons
( 292 )
jamais vu ; mais nous devions à ses malheurs , à ses
talens , à son amour constant pour la liberté , et aux circonstances
dans lesquelles il a péri , de le venger des
injures faites à sa mémoire.
Si le Spectateur a eu le noble courage de désigner
Champfort, sans avoir celui de le nommer , il a usé de
moins de réserve envers un homme de lettres , un philosophe
non moins célebre encore par son infortune et
par ses talens .
Dans son discours intitulé : Sur le supplice des hommes
pervers; consolation du sage ; après avoir parlé du sort de
Chabot , de Danton , d'Hebert , etc. Voici comment il s'exprime
sur Condorcet : Les transes dans lesquelles l'astucieux
Condorcet passe ses jours ténébreux , me semblent
un juste châtiment de l'abus qu'il a fait de ses connaissances
et de son insidieuse logique ; je suis sans pitié
sur le sort de ces parjures législateurs , que les remords
déchirent dans leur fuite ou au milieu de leur prison ,
et je me dis Si ma destinée est de me voir un jour
rapproché d'eux , je contemplerai ces criminels du haut
de mon innocence , et je les terrasserai de mes regards
indignés..... Que le lecteur se charge des réflexions ;
en vérité nous n'avons pas le courage de les faire .
Nous voudrions citer plusieurs discours qui , sur la foi
de leur titre , promettent des discussions importantes ;
mais après les avoir lus , on regrette que l'auteur n'ait
fait qu'effleurer les sujets qu'il traite , et n'ait pas traité
ceux qui s'offraient si naturellement aux observations
d'un Spectateur pendant le gouvernement révolutionnaire . En
tout , c'est un ouvrage faible de vues , de moyens , de
caracteres , et qui n'avance en rien la révolution pour '
laquelle il importe si fort de marquer route . Il était peu
digne des honneurs de la persécution que l'esprit de
parti lui a imprimés. Il n'y a sans doute dans cet écrit
ni esprit contre - révolutionnaire , ni principes tendans
au rétablissement de la royauté . Mais pour ce patriotisme
chaud et vrai , pour cet amour ardent de la liberté ,
pour cette indignation profonde contre toute espece
de tyrannie , pour cet esprit républicain et ces vues
lumineuses , ou estimables du moins par l'intention ,
pour tous ces sentimens brûlans qu'inspirent à des ames
libres l'attachement à leur patrie et le desir de la voir
heureuse vous les chercheriez inutilement dans cet
ouvrage. ?
9
Voilà ce que les patriotes , ce que les amis de la
( 293 )
liberté auraient dit , si l'intolérance ne se fût hâtée
d'ôter à l'opinion le droit d'émettre son jugement.
Qu'a -t-on gagné en persécutant l'auteur ? On a compro
mis la liberté de la presse , et donné à l'ouvrage une
célébrité qu'il n'aurait point acquise . On a fait ce que
faisait le despotisme dans l'ancien régime ; on a multiplié
, par un vain éclat , le nombre des lecteurs , et
peut- être des éditions d'un livre qui se serait perdu
dans la foule , abandonné à lui -même. On a forcé le
public de s'intéresser à l'auteur , genre d'intérêt que
tant de gens prennent pour celui de l'ouvrage . Nous
releverons en finissant une autre mal -adresse de l'auteur.
Il a mis à la fin. du titre de son SPECTATEUR , pour
servir de suite à son ouvrage intitulé : DES CONSTITUTIONS
DES PRINCIPAUX ETATS DE L'EUROPE ; il n'a pas fait attention
aux idées qu'il allait réveiller sur une production
qui n'est rien moins que républicaine dans ses principes
, exacte et complette dans ses développemens .
NOUVELLES ÉTRANGERES.
あり!
Les
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 15 février 1795.
Es affaires de la Pologne approchent de leur dénouement ,
c'est-à-dire du dernier partage ; Stanislas qui le sent bien ,
songe à se retirer en Italie , où il va tèrminer sa carriere comme
un dévot , après avoir vécu dans sa jeunesse comme un illustre
aventurier , et dans l'âge mûr comme un prince faible et
dissipateur ce prince avait écrit le 21 novembre à Catherine
II , qui fut jadis sa maîtresse , et qui ne l'en a pas
moins précipité du trône où elle l'avait élevé. Voici la réponse
qu'il en a reçue , et qui malgré un détrônement commence
toujours par un monsieur mon frere , en vedette , protocole usité
entré les rois . •
P
266 Monsieur mon frere , le sort de la Pologne , tel que votre
majesté me le dépeint dans sa lettre dú 21 novembre , est une
suite des maximes destructives de chaque ordre et de toutes
institutions sociales , que les Polonais ont puisées dans l'exemple
d'un peuple abandonné à tous les égaremens. Il n'a pas
( 294 )
tenu à moi de prévenir leurs suites terribles , et de fermer
l'abyme entr'ouvert sous les pieds,de la nation polonaise par
ses séducteurs , et où ils ont réussi à l'entraîner . Toutes mej
sollicitudes , toutes mes peines , ont été payées d'ingratitude ,
de haine et de trahison . De tous les maux qui accablent aujourd'hui
ce peuple , celui d'une disette prochaine est le plus
terrible . Je donnerai mes ordres pour les garantir , autant que
je pourrai , de ce redoutable fléau . Cette calamité , réunie à la
connaissance que j'ai des dangers auxquels V. M. a été exposée
au milieu d'un peuple effréné , me fait souhaiter qu'elle
quitte sans delar cette ville punissable , et qu'elle se rende å
Grodno. Le feld- maréchal comte de Suwarow- Rymniksky a
l'ordre de vous le proposer , et de faire tous les arrangemens
convenables pour vous amener ici , d'une maniere aussi sûré
que commode. V. M. connaîtra mon caractere . Il me rend
incapable d'abuser d'avantages que la bonté de la providence
et la justice de mes affaires m'ont fait acquérir. V. M. peut
done attendre en repos ce que la raison d'état et la sûreté
publique décideront sur le sort futur de la Pologne . Dans ces
sentimens , je demeure , M. mon frere , la bonne soeur de
votre majesté. 11.
Signée , CATHERINE.
Au reste , Catherine ne jouira pas long-tems , selon toutes
les apparences , du frait de ses dernieres injustices . La grande
nouvelle qui court aujourd'hui est qu'elle touche à sa fin .
L'hydropisie de poitrine bien caractérisée ne laisse plus d'espérance
à ses favoris et de crainte à ses victimes qu'elle n'en
réchappe. Cette mort pourrait influer singulierement sur les
affaires de l'Europe , dont elle contribuerait sans doute à rétablir
la balance politique trop ébranlée .
Il n'en sera pourtant ni plus ni moins pour
Stanislas ; ce
qu'il peut y gagner de mieux se borne à la liberté de quitter
un pays où il eugirait sans doute de vivre en simple particulier
, apres y avoir eu le titre de roi ; aussi , dit- on , vrai,
semblablement d'après ses lettres à M. Litta , archevêque de
Thebes et nonce apostolique auprès de lui , qu'il va se retirer
à Rome . Il faudra qu'il paie auparavant ses dettes personnelles
qui montent à plus de 20 millions de florins polonais . La vente
de son château de plaisance de Lafienski et celle de plusieurs
nieubles precieux les acquitters . Immédiatement après son
départ pour Grodne , le général Russe habita son palais de
Varsovie . La russe a levé la défense d'exporter de son fer
en Pologne , mais il est toujours séverement défendu d'y faire
passer des armies , tant on craint que l'insurrection qu'on vient
à peine d'éteindre ne s'y rallume.
ރ
De Francfort-sur-le-Mein , le 3 février.
Suivant des lettres de la capitale de l'Autriche , l'empereus
( 295 )
' est adressé au saint- pere pour lui demander d'ouvrir , en,
sa faveur , les trésors de l'église , ce que le pape a fait en
lui accordant très gracieusement pour son contingent un jubilé
et des prieres solemnelies dans tout l'empire , afin d'obtenir
da Dieu Sabaoth , ou des armées , qu'il daigne bénir la cava
lerie , l'infanterie et l'artillerie autrichienne et prussienne.
Quelque fonds que fasse sa Sacro - Sainte Majesté Césaréenne
sur la puissante intercession du pontife , on n'en continue
pas moins les levées en Hongrie et dans Vienne même pour
completter les régimens auxquels on envoie les recrues dès
qu'on est parvenu à en former un petit nombre..
Le relevé des troupes autrichiennes , actuellement employées
sur les bords du Rhin , a été fait . Elles sont portées
180,000 hommes effectifs , non compris les malades .
4
On assure que c'est d'après les perfides insinuations de la
Russie que l'Autriche va entreprendre une nouvelle cam
pagne contre les armées victorieuses de la République Française.
Le cabinetmachiavélique de Pétersbourg , craignant que l'Au
triche et la Prusse réunis ne s'opposassent à ses usurpations,
en Pologne qui doivent lui donner une grande prépondérance
a senti combien il lui serait avantageux de les porter à consumer
leurs forces sur les bords du Rhin , et l'ambassadeur
russe, s'est servi de la jeune impératrice pour diriger François - II
dans le sens qui convient à sa cour ; mais il n'est pas sûr
que sen succès
s soit complet : Frédéric - Guillaume a , dit - on ,
reconnu le piége qu'on lui tendait , et ne voulant pas s'épuiser
dans une guerie dont il ne peut rien résulter d'avantagenx
pour lui , est entré , à ce qu'on assure , en négociations aveer
la France , et ne fournira plus aux alliés que son contingent
comme électeur de Brandebourg. i
Ce n'est que par la voie du Nord qu'on peut se procurer
des nouvelles d'Angleterre depuis l'invasion victorieuse
des Français en Hollande . Suivant des lettres de Brême du gfési
vrier , on a reçu des lettres de Londres qui s'étendent jus
qu'au 18 janvier. Il paraît qu'on s'attendait en Angleterre à la
perte de la Hollande , ce qui fait que la nouvelle quitenla
été apportée , n'a pas produit une très - grande sensation. L'on
parlait de mettre un embargo , sur tous les vaisseaux hollandais , a
ainsi que de donner des lettres de marque contre les navires
de cette nation. Un grand convoi de cent soixante - cinq voiles
avec six mille hommes de troupes de débarquement , destinés
les Indes orientales avaient mis à la voile par un boni
pour
vent.
On mande d'Emden qu'à l'avenir les paquebots anglais
ne partiront plus de Douvres et de Harwich , mais de Hull.
La future princesse de Galles se rendra des Hanovres
Greetsyhl , où elle s'embarquera pour l'Angleterre. Plusieurs
régimens anglais sont arrivés à Emden. Tous les malades de
( 296 )
Farmée anglaise vont être embarqués à Greetsyhl et transportés
en Angleterre. On est occupé à briser les glaces à
Norderney , pour pouvoit envoyer sur les côtes d'Angleterre
un bateau de pêcheurs qui doit passer cinq couriers du cabinet
de Saint-James , un autre expédié au greffier Fagel ,
et plusieurs officiers anglais qui sont tous à Enden .
Ġe sont les états de Hollande qui ont retenu toute la
marine hollandaise qui était dans le Texel , à la Briel et à
Helvoetsluis . Le capitaine Story avait déja prévenu cet ordre
dans ce dernier port. Après avoir arboré le pavillon tricoler
sur son vaisseau de 74 canons et sur les autres bâtimens
de guerre hollandais , il se rendit maître de tous les
vaisseaux anglais , sur l'un desquels il se trouvait une
somme de 700 mille florins . Il remit également en liberté
tous les prisonniers français. Outre les vaisseaux de guerre
qui étaient dans les ports , on compte qu'il y en a encore
vingt-huit à trente en mer. Il est très présumable qu'il se
rangeront du parti patriote , et suivront l'exemple que leur
ont donné les sept provinces. En attendant , l'augmentation
que la marine française va recevoir par cette révolution dans
la marine hollandaise , est évaluée à trente vaisseaux de guerre .
Si l'on ajoute 350 à 400 navires marchands anglais , pris dans
les glaces , et qui doivent tomber au pouvoir des Français , l'on'
verra que sous ce rapport seul la conquête de la Hollande pro- ~
cure de grands avantagés à ces derniers .
Deventeret Campen sont maintenant occupés par les Français
. A Drenthe et à Meppelt , la bourgeoisie a pris les armes .
A Groningae , le général hollandais Mannel a arboré la cocarde
tricolore , qui lui fut présentée par les patriotes . A Zwoll , le
régiment de Bedault a prêté serment à la nation .
La révolution s'effectue dans la province de Frise , comme
dans toutes les autres . Il ne faut pas néanmoins s'abandonner
entiérement à toutes les apparences. L'on ne peut douter que
le statdhonder n'ait conservé un parti dans un grand nombre
de villes. Parmi les habitans des campagnes , les pêcheurs ,'
les bateliers et autres marins , beaucoup lui sont dévoués.
· Le baron Meydeinger vient d'enrichir la chimie d'une découverte.
Il a inventé un moyen de préparer d'une maniere
simple et facile , le bitume , qu'on ne rencontre que rarement
dans la terre , comme , par exemple , dans la Slavonie ,
entre Pekleniza et Meslowina , où le professeur Winterf en
a trouvé qu'il a examiné. Ce bitume artificiel a la consistance ,
la couleur noire et luisante , lá viscosité et les autres propriétés
du bitume naturel ; il a sur-tont l'odeur de la Naphte , a un
très-haut degré . Ce qui doit rendre cette invention intéres-,
sante pour les arts , c'est qu'on dit qu'on peut faire les préparations
nécessaires en grand avec beaucoup de facilité . Dans
quelques heures on peut obtenir , sans feu et à peu de frais ,
.168 $ 2.
plus
297
en
plus de vingt quintaux de bitume artificiel. Son utilité est
très étendue . On peut l'employer avec plus de succès que
le goudron ordinaire , pour calfeutrer les vaisseaux et
frotter les cables , parce qu'il est plus tenace et empêche
mieux l'eau de pénétrer. 11 garantit ainsi les navires de la
pourriture , et son odeur très - forte de naphte est un excellent
moyen à employer contre les vers qui rongent le bois.
On peut encore en faire usage pour frotter les moulins à
eau et les ponts . En l'atténuant , on peut l'employer pour
graisser les essieux ; enfin , c'est un excellent vernis noir.
pour le cuir et un enduit très - solide pour le fer ,
On sait enfu par quelles voies l'Autriche compte se procurer
de l'argent , pour continuer la guerre le cabinet de
Vienne n'a riens
su imaginer de mieux qu'une lotterie dont le
moindre billet sera de 1000 florins . On donnera une obligation
portant trois et demi d'intérêt pour la mise , et le gros
Lot sera une terre considérable ; au reste , le plan plus détaillé
sera donné par les états d'Autriche , qui ont obtenu le privilége
d'établir cette lotterie.
8
Auire moyen de reculer le paiement del capitaux assez
considérables , ce qui équivaut presqu'à de l'argent comptant ,
puisqu'il en aurait fallu trouver pour acquitter ces dettes : on
vient de convertir en obligations garanties par la banque de
Vienne , et portant quatre et demi pour cent d'intérêts , les
quittances des livraisons faites à l'armée autrichienne dans
l'Empire. On espere aller avec ces ressources ; et une plus
importante , ce sont les 6 millions de liv. sterlings enfin obtenus
de l'Angleterre . Cependant tous ces arrangemens péchent
par le fonds même ; le dernier sur- tout prête beaucoup à
l'agiotage , car les capitalistes ne manqueront pas de profiter
du besoin des fournisseurs pour acheter ces obligations à vil
prix ; et voilà comment les gouvernemens se ruinent !
Le ministre du cabinet , comte de Colloredo , vient de
tomber malade , et le feld- maréchal de Lascy l'est depuis
quelque tems , et même assez gravement. On sait que ce dernier
est partisan déclaré du systême russe . Sa maladie et celle
de Catherine Il , dont on attend la mort de jour en jour ,
pourraient contribuer à empêcher l'empereur de s'engager
follement dans une nouvelle campagne.
La gazette officielle de la cour vient da publier un rapport
du général Alviuzy , sur ce qui s'est passé en Hollande : on
y dit , pour diminuer la honte des aimes prussiennes , que
le prince d'Orange n'avait demandé que 2000 hommes de renfort
, et que , de son côté , le général Walmoden avait prom's
de Fappuyer ; mais que ce qui a fait échouer ces plans ,
c'est le refus de la ville d'Utrecht de recevoir des troupes
étrangeres. On sent à Vienne , et on en est effrayé , le parti
que les Français peuvent tirer de cette conquête , pour ens
Tome XIV. X
1
( 298 )
voyer de nouvelles forces sur toute la longueur du Rhin.
L'archiduc Charles est arrivé , le 6 janvier , du quartiergénéral
de Heidelberg . Sa santé est très - altérée ; il souffre de
la poitrine et des nerfs.
On sait , par des lettres de Venise , que M. Verninac , cidevant
ministre de France à Stockholm , y a passé pour se
rendre à Constantinople. Le gouvernement vénitien vient de
mettre 20,000 hommes sur pied près de Brescia . On ne connaît
pas le motif de ses craintes .
ANGLETERRE. De Londres , le 9 janvier 1795.
Débats du Parlement. Chambre haute.
Séance du 6janvier . Les commissaires des douanes et M. Spear
de la trésorerie présentent différens comptes .
*
Le lord chancelier s'assied sur le sac de laine , et les pairs
prennent leurs places.
Lord Stanhope se leve pour faire la motion qu'il a annoncée .
Il observe que l'objet qu'il va traiter mérite la plus grande attentien.
Som desir sur- tout est de faire connaître la situation des
finances de la France , parce qu'on en a sur tout argumenté
pour la continuation de la guerre . La question ne lui semble
pas devoir être envisagée seulement sons le rapport de la politique
et de la convenance , mais encore sous celui de la justice .
La justice doit être suivie avant tout . C'est une maxime dont il
ne se départira jamais . Or , l'Angleterre n'a aucun droit de -se
mêler du gouvernement intérieur de la France ; et cette contrée ,
bien qu'on ait souvent avancé le contraire , n'a jamais montré
de disposition de se mêler des affaires intérieures de la Grande.
Bretagne. Ici lord Stanhope doune lecture d'une note de l'ambassadeur
françois Chauvelin à lord Grenville , ainsi que du 18e .
et du 139. art. de la constitution française , relatifs à la conduite
que la république doit tenir envers les nations étrangères .
Jusqu'à ce jour , le systême des ministres a été constamment de
tromper la nation pour la jetter dans la guerre . D'abord ils ont
avancé que les armées françaises n'étaient composées que d'un
ramas d'hommes sans discipline , pendant que les troupes qu'on
leur opposait étaient les meilleures et les plus courageuses de
l'Europe . Cependant les Français ont prouvé qu'ils étaient supérieurs
aux bandes mercenaires et serviles qu'on a fait combattre
contre eux. Dans le fait , la République Française , qu'il n'affectera
pas d'appeller un royaume , comme le font encore quelques
nobles lords , est en possession de l'armée la plus brave et la
mieux organisée qu'il y ait en Europe , armée formidable tout
a- la-fois par son courage , sa discipline et le nombre d'hommes
qui la composent . Les derniers comptes rendus à la Convention
ne la portent pas à moins de 1,200,000 hommes . La seconde
( 299 )
idée qu'ont eue les ministres a été d'affamer la France; idée.
aussi absurde que détestable. Ce systême humain de réduire à la
famine 30.000000 d'hommes , est maintenant demontré impossible.
Les Français ont pris possession du Palatinat et du
Brabant , deux des plus fertiles contrées de l'Europe , et cela
immédiatement après la moisson ; de sorte qu'il n'y a pour eux
aucun danger de disette . Ils sont maintenant occupes du sublime
projet d'établir un canal entre le Palatinat et le nord de la
France , au moyen duquel les denrées d'un pays pourtout être
amenées dans l'autre. Les deux idées des ministres , mixes en
avant pour tromper le peuple , ont été démontrées absolument
fausses . Ce qu'on dit de leurs finances , de l'épuisement entier
de leurs ressources , ne l'est pas moins . Au moyen des confis-
"
mais on
cations sur le roi , la noblesse et le clerge , la Convention
s'est procuré plus de 400,000000 sterlings , et maintenant,
elle a entre les mains le tiers des propriétés territoriales de
France. Ainsi , en supposant Vrai tout ce qu'avancente les
ministres sur ses dépenses , ses ressources n'en sont pas moinss
inépuisables . Ce qui a éte dit de la baisse des ass gnats , ion
d'être une preuve du manque de crédit , est une circonstanc
tonte en faveur de la Convention . Elle a à sa disposition
d'immenses proprietes qui peuvent lu procurer les moyens,
de les acheter à des termess avantageux ;;, elle eu la politique
de ne point depouiller les contrées qui ont été conquises
. A la verite , on leur a pris lears especes , mais
leur a donné en place des assigna
assignats. De cette maniere , ces
contrées sont forcées d'avoir un intérêt commun avec la
Republique Française , et de soutenir son gouvernement actuel .
Les succès des Français sont attribués au hasard ; mais , en,
considerant ce qui vient d'être dit , et , beaucoup d'autres
exemples d'une politique habile , on ne peut s'empêcher de,
regarder comme des preuves de la sagesse de leurs
gouvernans. Le papier américain a tombe bien plus :
l'a fait celui de France que ne , dans aucune époque ;
mais il n'en a pas moins servi au congrès. Enfin , d'après.
divers calculs , lord Stanhope regarde comme établi que
l'état actuel des finances de France est très florissant ; que
cette contrée a d'ailleurs d'immenses ressources , et s'avance
vers une prospérité dont il n'y a pas d'exemple . Les principes ,
qui ont été suivis dans cette guerre , comme dans celle d'Amé
rique , lui semblent également inhumains et impolitiques . On
demande ce que l'Angleterre a perda ? Elle a perdu la Hollande
, les Pays Bas autrichiens , et , ce qui est encore pour
elle d'une plus grande conséquence , son titre d'amie de la paix ,
sa reputation d'attachement a la cause de la liberté générale .
Peut-être sera- t- elle forcée de continuer la guerre avec la France,
quand cette contree sera en possession des flottes hollandaises
et espagnoles , Dans cette circonstance , on demande avec qui
les
bas
#
X ;
( 300 )
PAngleterre pent traiter ? La réponse est toute simple ; avec
ceux avec qui elle est maintenant en guerre , et qui , dans le
cours de cette guerre , ont déployé une énergie et une vertu
républicaine. Après s'être résumé , lord Stanhope propose à la
chambre la résolution suivante : L'Angleterre ne doit point sé
mêler , et de fait ne se mêlera point des affaires intérieures de la
France , et elle trouve convenable de le déclarer expressément .
Le comte de Carlisle s'oppose à la motion . Il n'est , selon
lui , aucune comparaison à faire entre cette guerre et celle d'Amérique
. Il se reporte à la déclaration du 19 novembre , faite
par la France , et aux procédés violens et hostiles auxquels
cette nation s'est livrée depuis . Il termine par demander l'ajour
nement sur la motion.
Le comte d'Abington et lord Auckland , parlent tous deux
après lord Carlisle et dans le même sens .
Lord Mansfield fait un discours d'une grande étendue . Tous
les ouvrages qu'il a lus sur les lois des nations s'élevent contre
le trop grand accroissement qui peut survenir à l'une d'elles .
Nul doute que l'Angleterre n'ait le droit de se mêler d'an gouvernementqui
professe hautement la volonté de détruire le sien.
Siua homme tenant un poignard à la main , avoue que son intention
est de nous en frapper , nous fera -t-on un crime de
le désarmer pour notre propre sûreté ?
Eu France , selon lord Mansfield , il y a deux partis , dent
l'un est ami de l'Angleterre , l'autre son ennemi . Cette derniere
contrée a le droit de secourir ceux qui veulent se mettre à
couvert sous l'ancien gouvernement et la monarchie . C'est un
acre louable en lui - même , utile à la France et à l'Europe . Le
rétablissement de la monarchie dans ce pays , lui semble desirable
, sans qu'il détermine la maniere dont elle peut être restreinte
ou tempérée . C'est calomnier les autres républiques que
d'appeller la France de ce nom . Les anglais sont intervenus dans
les affaires de Hollande en 1787. S'ils parvenaient à rétablir la
monarchie en France , ils en recueilleraient des louanges . Les raisonnemens
de ford Stanhope sur les finances de ce pays , rappellent
un trait d une comédie de Dryden. Ma blessure , dit-
9 un amant , devient moindre à mesure qu'elle s'aggrandit. "
Le marquis de Lansdowne déclare que chaque nation doit
desirer uue paix houorable ; mais il ne peut approuver entié.
rement la motion du noble lord dont au reste il connaît la'
vertu , l'honneur et les bonnes intentions . Il espere que quelqu'autre
lord reproduira une motion sur le même sujet
Lord Stanhope répond aux lords qui ont parlé contre sa
motion.
La chambre se divise sur la question de l'ajournement ; il y a
pour lui , 6o voix ; contre une .
( 301 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
CONVENTION NATIONALL.
PRESIDENCE DE BOURDON ( de l'Oise . )
Séance de septidi , 7 Vanlose,.
Anguis , au nom du comité de sûreté générale , annonce
qu'il s'était élevé quelques mouvemens dans le département
de l'Aveiron , et particulierement dans le district de Saint-
Géniés ; mais que Girot Poujol , en mission dans les départemens
du Gard et de l'Hérault , a pris toutes les mesures
nécessaires pour qu'ils n'aient pas de suite , et qu'aujourd'hui
ils sont appaisés .
La Convention, approuve les mesures prises par ce représentant.
Lakanal , au nom du comité d'instruction publique et des
finances , soumet à la discussion le projet d'organisation des
écoles centrales , ajourné par décret. La partie financiere du
travail a été présentée au comité des finances qui l'a approuvée.
Le rapporteur dit qu'un grand nombre de départemens réclament
cet établissement , persuades que la République ne
peut se maintenir et prospérer que par l'instruction , et
que la liberté sans lumiere n'est jamais qu'une bacchante effrenée.
Il ajoute qu'ils feront des cadres ouverts pour recevoir
les éleves de l'école normale qui se seront le plus distingués
'pendant la durée du cours et un nouveau motif d'émulation
pour tous.
Lakanal propose un projet de décret qui est adopte . ( Voyez
à la suite des séances . )
Delacroix , au nom des comités de salut public , de sûreté
générale et de législation , fait décréter que les suppléans de
la Convention seront admis sur la simple exhibition du procès-
verbal de leur élection , qui en constatera la validité .
Cambon , au nom du comité des finances , présente l'analyse
des différens projets qui ont été lus successivement à la
tribune , sur les moyens de retirer des assignats de la circulation
. Il fait sur toutes ces vues des réflexions générales
qu'il termine en soumettant à l'Assemblée une série de ques
tions , sur laquelle il s'éleve une discussion que Boissy - d'Anglas
interrompt.
Beissy- d'Anglas , au nom du comité de salut public , expose
que la Convention ayant senti la nécessité de centraliser
le gouvernement , a chargé la commission des seize d'en
poser les lois organiques , et qu'il entrera sans doute dans
pros
X 3
( 302 )
ses vues d'examiner , si ce n'est pas en entraver la marche
que d'envoyer dans les départemens des représentans du
peuple des pouvoirs illimités , qui nécessairement et sans
le vouloir en contrarient les desseins ; mais en attendant il
propose de décreter que dans aucun cas et sous aucun prétexte
la destination des subsistances qui appartiennent à la
République ne pourra être changée par les représentans du
peuple en mission ou par les autorités constituées , sans un
arrêté du comité de salut public. Ce projet de décret est adopté.
Seance d'octidi , 8 Ventôse."
Girand , au nom du comité de commerce , fait décreter
comme article additionel à la loi du 24 nivôse qui maintient
les marchés faits pour denrées et marchandises , avant l'abrogation
de la loi du maximum lorsqu'elles ont été livrécs ;
10. que lesdites denrées ou marchandises qui , après avoir
été vendues , jaugées , pesées , mesurées et payées en totalité
avant l'abrogation de la loi du maximum , sont restées dans les
magasins ou celliers des vendeurs , aux risques et périls des
acquereurs , sont censées et regardées comme livrées ; 2° . que
les marches faits à un prix different du maximum sont maintenus
sans que les vendeurs puissent réclamer l'augmentation
du prix permis par l'article II de la loi du 24 nivôse .
il
Pelet , par motion d'ordre , demande le rapport de la loi
qui accorde la faculé du rachat des rentes foncieres ,
observe qu'au moyen de l'augmentation du prix de toutes les
productions , un debiteur de rentes foncieres peut en acquiter
le capital avec une ou deux années du revenu de ces rentes .
Meaulle dit qque ce rapport jetterait de la confusion dans
toute la République .
Merlin ( de Thionville pense que rien ne contribue plus au
bouleversement des opinions que d'avoir une législation vacillante
, et qu'en rapportant ce décret on pourrait exciter des
troubles et des mécontentemens , tandis qu'on ne doit s'occuper
qu'à faire des heureux , et il demande la question préalable
. Thibaudeau n'accuse pas les intentions de Pelet , mais
il dit que la mesure qu'il propose serait funeste au systême
de finances , parce qu'elle est fondée sur la différence que
l'on suppose entre la valeur primitive des assignats et leur
valeur actuelle . La motion de Pelet est écartée par la question
préalable .
La discussion s'ouvre sur les finances , Cambon présente
un décret en cinq articles , concernant les inscriptions au
grand livre de la dette consolidée. L'article 1er, porte que
ces inscriptions seront admises jusqu'au er, vendémiaire ,
an 4. , en paiement des domaines nationaux . Les articles
suivans reglent les conditions auxquelles elles seront a
admises.
Villards : Les finances d'un état en révolution suivent les
( 305 )
erises qui l'agitent . Il n'est point de mouvement , même
dans la Convention , dont les finances ne se ressentent . Il
est certain que quelques propositions énoncées il y a peu de
jours , à cette tribune , ont contribué à faire augmenter le
prix des denrées . Notre dessein est de régulariser le gouver
nement , et de faire rentrer une partie des assignats . Je pense
que le projet présenté ne répond pas à votre attente .
Plusieurs membres combattent et appuient successivement
le projet de Carbon . Lefranc demande que les inscriptions
soient admises concurremment avec les assignats . Rewbel dit
que ceux qui ont acheté sur la place les inscriptions à bon
marché desirent qu'on les admette , et que c'est là le fin mot.
La Convention ferme la discussion , et adopte le projet de
Cambon .
Boissy d'Anglas propose pour rompre tous les calculs de
l'agiotage de décréter qu'il ne sera fait aucune retenue sur les
rentes payées par l'état et les particuliers .
+8
Dupin l'appuie , mais Cambon s'y oppose. Il déclare que
si en remet aux rentiers la retenue fixée , ce doit être à
titre de secours à cause du renchérissement des denrées et
en faveur de ceux qui supportent difficilement les embarras
actuels . I observe qu'un tems viendra où les dépenses , ne
seront pas payées en assignars , et qu'il ne faut pas gréver
la République d'une dépense qu'elle ne pourrait pas acquitter.
La Convention renvoie cette proposition aux comités réunis .
Séance de nonidi , g Ventôse. 9
L'accusateur public du tribunal révolutionnaire a écrit au
comité de législation pour demander s'il peut se départir du
1er . acte d'accusation dressé contre Fouquier-Thinville et en
présenter un nouveau dans lequel , en précisant et caractérisant
aux termes de la loi du 8 nivôse les délits dont il est prévenu
, il comprendra et précisera de même ceux de ses complices
qui doivent être portés dans le même acte d'accusation.
Pottier , au nom du comité de législation , fait part de cette
Lettre à l'Assemblée . Elle passe à l'ordre du jour , motivé sur
ce qu'aucune loi n'interdit à l'accusateur public du tribunal
révolutionnaire la faculté de rédiger un nonvel acte d'accusation
, ou un supplément , s'il le juge nécessaire à l'instruction
des jurés.
Delcroix , au nom du comité de législation , expose que
le tribunal révolutionnaire qui a acquitté les membres du
comité de surveillance de Nantes n'a pas pu juger le délit
ordinaire , puisque s'il eût été iuvesti de ce droit , il ne les
aurait pas mis en liberté ; Goulin et ses complices étant con
vaincus de meurtre et d'assassinats , il n'a donc jugé que le
délit contre-révolutionnaire . I propose en conséquence de
X4
( 304 )
renvoyer ces individus devant le jury d'accusation du tribunal
an district d'Angers qui les fera traduire , s'il ya lien , devant
le tribunal criminel du departement de Maine et Loire.
Meaulle dit que vouloir faire juger de nouveau des hommes
acquittés par un jugement public et exécuté , c'est violer tous
les principes . L'acte d'accusation comprenait tous les fairs ;
la declaration du jury a porte sur tous ces faits . Le tribunal ,
dit-on , était incompetent . Mais cette incompétence ne peut
être alléguée après l'exécution du jugement qui porte qu'il
n'y a eu ni intentions criminelles , ni contre - révolutionnaires .
Il termine en disant que si on attaque une déclaration de jury ,
il n'y aura plus rien de sacré , et que ce jugement appartient
à la postérité. It demande la question préalable sur le projet
du comité .
Bailleul Le jugement rendu en faveur des membres du comité
révolutionnaire de Nantes , dont on a voulu par des sophismes
diminuer l'horreur , a indigné toute la France. J'appuie le
projet .
Kewbel déclare que si la discussion continue , il demande
la parole pour les principes qui sont au dessus de toutes les
indignations possibles.
.
La Convention ajourne la discussion à primedi prochain et
décrete l'impression du discours de Meaulle . Mariette et Cadroy , représentede
"
du peuple dans le départ
tement des Bouches du Rhône ,
écrivent que les
les égorgeurs
ont quitté Marseille pour se rendre à Arles , où ils sont en
pleine révolte contre la Convention ; mais ils Yvont euxmêmes
et esperent que la tranquillité publique n'y sera pas
troublée long- tems . Renvoi au comité de sûreté générale .
On passe à la discussion sur les finances . Adoptera- t on le
projet de loterie , ou celui de tontine , on tous les deux . ?
Telle est la question proposée par Cambon , sur laquelle plusieurs
membres emettent des opinions pour et contre . Vernier
demande qu'on adopte l'une et l'autre , mais sans benefice pour
l'etat ; il veut toujours que les biens particuliers soient l'hypotheque
subsidiaire des assignats . Cambon croitque ce serait porter.
atteinte à la propriété. Il annonce que les biens seuls des
émigrés valen près de quatorze milliards et rendent deux cent .
soixante millions ; et il demande qu'avant tout l'on organise
le gouvernement d'une maniere solide et qu'on donne la
priorité au projet de loterie . La discussion est ajournée .
Séance de décadi , 10 Ventôse.
Cette séance étant consacrée aux pétitionnaires , ils sont
admis . La commune de Gand dans la Belgique envoie des
députés pour se plain des contributions auxquelles elle .
est imposée ; ils disent que l'armée de la République ayant
pris possession de la ville de Gand , on annonça aux habitans
( 305 que les représentans du peuple les soumettrait à une cond
tribution militaire qui égalerait au moins deux fois toutes celles
perçues par l'ancien gouvernement , mais qu'ils étaient bien
éloignés de penser que la ville de Gand et son territoire
payerait 7,000,000 en numéraire. Une telle imposition ,
ajoutent ils , est sans exemple : Philippe II , Louis XIV et
Louis XV n'en mirentjamais de pareille , quoique ce fussent
des rois . Les tems barbares seraient-ils donc revenus ? Le
droit de conquête serait-il le droit de destruction ?
Cette pétition est renvoyée au
comité de salut public.
Gufroy dépose sur le bureau deux exemplaires d'un ouvrage
contenant la série des crimes de Joseph Lebon , les lettres
et les arrêtés des membres de l'ancien comité de salut public.
Duquesnoy , dit- il , y est fortement prévenu de complicité
avec eux , et d'avoir même surpassé leur férocité dans les
persécutions qu'il dirigea contre l'innocence , les talens et la
vertu . I demande qu'un de ces exemplaires soit renvoyé
aux trois comités , et l'autre à la commission des vingt -un.
Décrété.
Boissy d'Anglas , au nom des comités : Depuis quelques
jours les habitans de Paris sont livrés à des agitations ; il
y a des rassemblemens aux portes des boulangers et l'on
veut faire naître la disette en paraissant la craindre . La consommation
des farines n'a jamais été si grande à Paris qu'à
présent ; elle excede d'un quart celle du tems de la plus
grande population . Est- ce la faute des consommateurs ou
celle des boulangers qui feraient un autre emploi des farines
qu'on leur délivre ? Quoi qu'il en soit , le gouvernement
veille pour faciliter les arrivages , et Paris ne manquera pas.
Des vaisseaux chargés de grains entrent dans les ports du
Hâvre et de Dunkerque . Le Midi s'approvisionne. On ne peut
encore publier les moyens que le gouvernement emploie pour
assurer les subsistances de la République ; mais on sera
étonué de la grandeur de ces moyens , quand on les connaîtra.
L'Assemblée décrete l'impression du discours de Boissy
et l'envoi aux sections de Paris..
Les pétitionnaires terminent la séance en occupant l'Assemblée
d'objets particuliers .
Séance de primedi , 11 Ventôse .
Lakanal , au nom du comité d'instruction publique , propose
de décréter qu'en exécution de la loi du 8 de ce mois
il y aura à Paris cinq écoles centrales , décrété .
Veau demande si le collège de France est supprimé ainsi
que les autres colleges ; le rapporteur répond qu'il ne l'est
pas , mais que le comité d'instruction publique s'occupe d'un
travail relatif à cet établissement qu'il eroit utile sous tous leg
rapperts.
( 306 )
Duquesnoy monte à la tribune pour se justifier des incul
pations graves qui lui ont été faites la veille par Guffroy. Il
assure que bien loin d'être complice de Lebon , il n'a fait
incarcérer dans le département du Pas-de- Calais que 40 personnes
, et qu'il en a fait élargir plus de 400. Il provoque
l'examen de sa conduite. L'Assemblée passe à l'ordre du
jour .
La section de l'Unité vient demander le rapport du décret
qui exclut de la représentation nationale les députés mis hors
de la loi le 31 mai.
Penieres appuie cette proposition , et dit que co décret
viole tous les principes , qu'il attaque la représentation natio
nale et les droits de la justice et de l'humanité . Il ne réclame
point d'indulgence pour eux ; s'ils sont coupables , qu'ils soient
mis à mort , mais qu'ils soient rendus à leurs droits , s'ils sont
innocens. Hé quoi ! des hommes probes , invariablement patriotes
, ennemis déclarés de toute tyrannie , seront proscrits
sous le régime de la justice ! Penieres demande le renvoi de
cette pétition au comite de législation.
Rewbel : Les mouvemens qui agitent le peuple , et qui sont
le présage d'une grande crise , ne peuvent se dissimuler . Occupons
- nous d'abord de sauver la patrie , nous penserons ensuite
à nos collègues . Passons à l'ordre du jour . Adopté.
Freron monte à la tribune , et lit un discours . Je viens ,
dit-il à la Convention , vous parler de vous-mêmes , de l'opinion
publique , de ce qu'elle a fait pour vous. L'opinion
publique a déployé des ailes de feu , elle devance vos lois ,
elle garantit les droits des citoyens , et elle ne se désaisira plus
de cette conquête . La liberté est émancipée , il ne dépend
plus de personne de la mettre en tutele . Les tyrans avaient
placé dans cette enceinte le tableau de la déclaration des
droits , comme la carte d'un pays perdu , ou plutôt comme
le trophée de la victoire qu'ils avaient remportée sur la liberté
publique . Ces droits ne seront plus illusoires .
Cependant une faction veut sauver de grands coupables .
J'ai été en batte à ses coups. Tantôt c'est un prêtre qui m'ac
cuse d'avoir attaqué les droits de l'homme , tantôt un juif qui
tapisse les rues de ses calamnies ; mais ils ne sauveront pas
les grands coupables. La Convention ne sera plus le jouet ni
l'instrument d'aucune tyrannie.
Freron termine son discours en proposant de reviser les
lois où il se serait glissé des dispositions tyranniques , de
rapporter celle du 17 septembre sur les gens suspects , et de
nommer une commission pour préparer les moyens d'exécu
tion de la constitution de 1793 .
L'Assemblée applaudit à ce projet , en ordonne l'impression ,
l'ajournement et le renvoi aux comités réunis .
( 307 )
Décret sur l'institution des écoles centrales.
CHAPITRE PREMIER.
Art. 1er. Pour l'enseignement des sciences , des lettres
et des arts , il sera établi , dans toute l'étendue de la Répu
blique , des écoles centrales distribuées à raison de la popu
lation ; la base proportionnelle sera d'une école par trois cents
mille habitans .
II. Chaque école centrale scra composée :
10. D'un professeur de mathématiques ;
20. D'un professeur de physique et de chimie expérimentales
;
3º. D'un professeur d'histoire naturelle ;
4. D'un professeur de méthode de sciences ou logique , et
d'analyse des sensations et des idées ;
50. D'un professeur d'économie politique et de législation ;
6. D'un professeur de l'histoire philosophique des peuples ;
70. D'un professeur d'hygiene ;
80. D'un professeur d'arts et métiers ;
9° . D'un professeur de grammaire générale ;
10. D'un professeur de belles lettres ;
11°. D'un professeur de langues anciennes ;
12° . D'un professeur de langues vivantes , les plus appropriées
aux localités ;
130. D'un professeur des arts de dessin .
III. Dans toutes les écoles centrales , les professeurs
donneront leurs leçons en français .
" IV. Ils auront tous les mois une conférence publique sur
les matieres qui intéressent le progrès des sciences , des lettres
et les arts les plus utiles à la société .
2 V. Auprès de chaque école centrale , il y aura :
10. Une bibliotheque publique ;
20. Un jardin et un cabinet d'histoire naturelle ;
30. Un cabinet de physique expérimentale ;
49. Une collection de machines et modeles pour les arts et
métiers ;
› VI. Le comité d'instruction publique demeure chargé de
faire composer les livres élémentaires qui doivent servir à
l'enseignement dans les écoles centrales ."
VII. Il sera statué , par un décret pariculier , sur le pla
cement de ces écoles . " ?
CHAPITRE
Jury central d'instruction .
--
I I.
Professeurs.
Art . Ier . Les professeurs des écoles centrales seront examinés
, élus et surveillés par un jury central d'instruction
( 308 )
&
composé de trois membres nommés par le comité d'instruc
tion publique.
99 II. Le jury central sera renouvellé par tiers tous les six
mais.
Le commissaire sortant pourra être réélu.
› III. Les nominations des professeurs seront soumises à
l'approbation de l'administration du département.
IV. Si l'administration refuse de confirmer la nomination
faite par le jury central , il pourra faire un autre choix .
" V. Lorsque le jury persistera dans sa nomination , et l'administration
dans son refus , elle désignera , pour la place vacante
, le citoyen qu'il croira mériter la préférence ; les deux
choix seront envoyés au comité d'instruction publique , qui
prononcera définitivement entre l'administration et le jury
central.
VI. Les plaintes contre les professeurs seront portées directement
au jury central d'instruction publique.
" VII. Lorsque la plainte sera en matiere grave , et après
que l'accusé aura été entendu , si le jury juge qu'il y a lieu
å destitution , sa décision sera portée à l'administration du
département , pour être confirmée .
VIII. Si l'arrêté de l'administration du département n'est
pas conforme à l'avis du jury central , l'affaire sera portée au
comité d'instruction publique , qui prononcera définitivement .
" IX. Le traitement de chaque professeur des écoles centrales
, est fixé provisoirement à 3000 liv.
-dessus
Dans les communes dont la population s'éleve aude
quinze miile habitans , ce traitement sera de 4000 liv .
Dans les communes au- dessus de soixante mille habitatis ,
il sera de 5000 liv.
#
" X. Il sera alloué tous les ans , à chaque école centrale ,
une somme de 6000 liv. pour frais d'expérience , salaire des
employés à la garde de la bibliotheque , du cabinet d'histoire
naturelle , et pour toutes les dépenses nécessaires à l'établis
sement .
" XI . Le comité d'instruction publique est chargé d'arrêter
les réglemens sur le regime et la discipline interieure des
écoles centrales .
CHAPITRE II I.
Eleves de la patrie. -Prix d'encouragement.
« Art . Iet . Les éleves qui , dans la fête de la Jeunesse , se
seront le plus distingués , et auront obtenu plus particuliérement
les suffrages du peuple , recevront , s'ils sont peu
fortunes , une peusion annuelle pour se procurer la facilité
de frequenter les écoles centrales
( 309 )
» II. Des prix d'encouragement seront distribués tous les
ans , en présence du peuple , dans la fête de la jeunesse .
Le professeur des éleves qui auront remporté le prix recevra
une couronne civique .
" III. En conséquence de la présente loi , tous les anciens
établissemens consacrés à l'instruction publique , sous le nom
de colleges , et salaries par la nation , sont et demeurent supprimés
dans toute l'étendue de la République.
IV. Le comité d'instruction publique fera un rapport sur
les monumens et établissemens déja consacrés à l'enseignement
public des sciences et des arts , comme les jardins des plantes ,
les cabinets d'histoire naturelle , les terrains destinés à des
essais de culture , les observatoires , les sociétés des savans ct
artistes qu'il serait bon de conserver dans le nouveau plan
d'instruction nationale . 19
;: ་
PARIS. Quartidi 14 Ventôse , l'an 3º . de la République.
"
X
Enfin , le rapport de la commission des vingt-un a été
fait dans l'avant -derniere séance. C'est Saladin qui a porté la
parole . Il n'est pas besoin de dire que cette célébre affaire
avait attire une foule immense de citoyens ; les avenues
les tribunes et les galeries de la salle étaient remplies dès le
matin ; on s'était plu à répandre à l'avance que cette séance
ne se passerait pas sans les plus violens orages ; que
les
accusés et leurs partisans avaient préparé un grand mouve
ment , et que des scenes inattendues devaient avoir lieu.
Rien de tout cela n'est arrivé , ni ne pouvait arriver . S'il
est vrai qu'il y ait un plan de défense appuyé sur de grands
moyens , ce n'est pas lors du premier rapport que l'on devait
s'attendre à en voir faire usage . Aussi ce rapport a- t - il été
entendu avec la plus grande tranquillite . Après avoir fait
la longue énumération des actes oppressifs auxquels Collot ,
Billaud , Barrere et Vadier , ont pris part personnellement ,
le rapporteur a déclaré que la commission estimait qu'il y
avait lien à accusation contre les quatre prévenus . Legendre
a demande qu'ils fussent mis en arrestation chez eux , et
certe mesure a été adoptée .
Cette affaire ne sera reprise qu'après l'impression du rapport
et des pieces qui y sont jointes ; ensuite les accusés seront
entendus , puis viendront les débats , puis le décret définitif ;
et si le renvoi devant le tribunal révolutionnaire est ordonné.
alors l'instruction s'ouvrira sur tous les faits de sorte qu'il
est probable que cette affaire ne sera pas terminée avant quatre
où cinq décades . C'est un tems bien long pour l'intrigue , mais
il est nécessaire pour la justice. Il paraît que cette affaire se
1
( 310 )
rattachera à celle de Fouquier - Thinville qui a déja articulé
dans le mémoire qu'il a publié , des faits graves contre les
membres des anciens comités de gouvernement .
Un des députés mis hors de la loi vient de publier , sous le
titre de proscription d'Isnard , une brochure contenant l'historique
de ses persécutions , ses moyens de defenses et sa vie
politique . Nous nous proposons d'extraire de cette brochure
tous les faits qui peuvent piquer la curiosité et servir de maté
riaux à l'histoire .
de
Le comité de , sûreté générale a fait arrêter six agioteurs ,
évidemment reconnus pour avoir tait monter en peu
jours , à un prix exorbitant les deurées et les objets de premiere
nécessité .
9
Les cendres de Michel Lepelletier ne sont plus au Panthéon
sa famille les en a retirées . Les restes de Marat ont dû en
sortir avant-hier .
en
Quelques papiers ont publié que ces jours derniers un jeune
citoyen se retirant chez lui a 11 heures du soir a eté poignardé
par quatre brigands qui ont fui après l'avoir assassine
criant Voilà le sort que nous réservons à la jeunesse de Fréron .
Le même soir , un autre citoyen , connu par sa haine contre
les terroristes , a été attaqué par douze scelerats qui ont vomi
mille imprécations contre la Convention . Quatre de ces assassins
ont été arrêtés .
1
Un changement dans le commandement de nos armées vient
de s'opérer. Le general Kellermann va prendre le commandement
de l'armee de Sambre et Meuse ; le géneral Jeui dan passe
à celle du Nord , et Pichegru va commander celle du Rhin.
Ces dispositions se font au moment que la plus grande partie
de nos forces va être employée de ce côté , et on assure que
les états d'Hanovre sont menacés .
Le blocus de Luxembourg devient de jour en jour plus
severe ; les batteries se sont fortement rapprochées , et le bombardement
a commencé .
Dusseldorf est vivement attaqué , et l'armée de la République
sous Mayence reçoit chaque jour de nouveaux renforts . Il
paraît que l
Pon n'attend que le retour d'une saison plus favozable
pour pousser plus rigoureusement ee siége.ne
On mande de Brest , en date du 3 ventôse , que le contreamiral
Vanstabel vient de partir en poste pour Amsterdam ,
avec plusieurs officiers et matelots . Il a le titre de comman
dant en chef des forces navales de la République dans la
mer du Nord. Il va probablement hater l'armement des huit
vaisse ux de ligne et des douze frégates que nous avons trouvés
en Hollande .
( 311 )
On écrit aussi de Brest qu'une division composée de six
vaisseaux de ligne , de trois frégates et de trois corvettes , come
mandée par le contre- amiral Renau din , a appareillé le 2 ventôse
; elle a pris pour six mois de vivres . On ignore sa destination
. On prépare une seconde expédition semblable , qui
sera dirigée par le contre- amiral Nielly. I emmenera avec lui
quelques troupes , ainsi que le général Dufourneau. On en
conclut qu'il doit peut-être aller à Saint- Domingue .
Une troisieme expédition aura encore bientôt lieu. Les trois
Vaisseaux rasés , lo Scévolate Brave et le Flibustier prendront
pour dix mois de vivres et partiront avec quelques corvettes .
On pense que ce sera pour les isles de France et de la
Réunion .
H ' paraît qu'on peut toujours compter sur la pacification de
la Vendée . Voici une piece authentique qui doit confirmer cet
avis . C'est l'ordre du commaudant en chef de l'armée de
l'Ouest. Cependant pour ne rien dire que de vrai , nous
croyons devoir remarquer que si Charettes et Caumartin ont
fait la déclaration annoncée par le géneral Hoche , et que tout
semble terminé par rapport à eux , il n'en est pas encore entierement
de même de la part de Stoflet, Des officiers de ce
chef ont bien declare qu'il était dans les mêmes dispositions
que Charette , et qu'il allait, travailler à consolider cette pacie
fication. Mais il n'a pas encore , comme Charette , réalise ses
dispositions. D'après la situation des choses cet événement ne
peut manquer d'arriver , Il est probable qu'on l'attend pour.
annoncer le tout à la Convention.
Lazarre Hoche , général en chef des armées de la Répu
blique sur les côtes , annonce à l'armée , avec un plaisir bien
vif , que Tempire de la raison vient enin de rendre à lá patrie
tous ses enfans , et que le jour ou les Français ne doivent
faire qu'une seule famille est arrivé .
,,
T.
4
"
Charette et les principaux chefs de son armée , au nom
des Vendéens ; Caumartin , au nom du parti connu sous la
dénomination de "Chouans , viennent de signer un acte par
lequel ils déclarent aux représentans du peuple français , que
feurs intentions sont de vivre désormais sous les lois de la
République , une et indivisible , et qu'ils s'engagent à remettre
leurs armes et leurs munitions de guerre et de bouche ; mais ,
tandis que les citoyens rentrent dans le sein de la patrie , it
est des brigands de profession qui , ne connaissant de parti
que celui du meurtre et du pillage exécutent des forfaits
inouis , et semblent en méditer de nouveaux .
" L'instant est arrivé où tous les bons citoyens doivent se
réunir pour détruire leurs ennemis communs . A cet effet le
présent sera notifie à tous les corps administratifs , et lu à
l'ordre trois jours de suite.
( 319 )
Les chefs militaires continueront de repousser les aggressiens
par la force de protéger les personnes et les proprietéss
de faire respecter les idées religieuses , d'assurer la sûreté des
communications , et auront soin d'accueillir et de traiter
en freres tous les hommes égarés qui viendraient se rendre.
Le chef de l'état-major- général est chargé de faire passer
le présent aux officiers généraux ; commandans les divisions ,
par des courriers extraordinaires. ( 19
Au quartier- général de Rennes , le 1er, ventose , l'an 3
de la Republique.
Lettre au général Huet.
4
Signé, HOCHE,
Je t'envoie , général , Fordre du général en chef , de ce
jour, qui contient la nouvelle officielle de la soumission des
rebelles aux lois de la République tu voudras bien donner
à cet ordre la plus grande publicité possible , tant auprès
des corps administratifs , qu'auprès des troupes que tu com
mandes , et m'en accuser réception.moogh
Le ier, vențôse, us Signé , CHEVIN.
Des lettres de Toulon portent , que l'expédition contre la
Corse n'aura pas licu aussi- tôt qu'on le croyait : les troupes
qu'on avait embarquées au nombre de 6000 hommes , ont été
débarquéés ; ce qui prouve que le départ de l'escadre sera
retardele tappel subit de Jean -Bon - Saint- André et de Salicetti
aura probablement opéré quelques changemens dans le
plan de cette campagne.
On écrit de Port-Malo , en date du 4 de ce mois , qu'une
chaloupe canonniere , en croisiere sur aos côtes , a pris dix
emigrés qui débarquaient à Daonet , près de Lamballe .
On leur a trouve 300,000 liv . en faux assignats , 200,000 I.
en or , et 60,000 liv. en argent ; des papiers en grande quantite
et d'une grande importance , entr'autres une invitation
sous le cachet et le sceau du gouvernement anglais qui recommandent
à Charette de tenir bon et de ne consentir à
aucun accommodement avec la République Française ; qu'on
allait lui faire passer tous les secours possibles.
P. S. Dans la séance du 13 , on a fait lecture des lettres offi
cielles qui annoncent que les restes des rebelles de la Vendée ,
ainsi que leurs chefs , ont reconnu solennellement l'unité et
l'indivisibilité de la République , et juré obéissance aux lois .
Stofflet n'a pas encore montré les mêmes dispositions. --- Vadier
est le seul qui n'ait point obéi au décret d'arrestation ; il n'était
point à la séance , et avait disparu depuis six heures du matin .
Cambacérès a fait un rapport très - intéressant sur la maniere
de négocier avec nos ennemis. Nous ferons connaitre les
changemens dans le commandement de nos armées qui ratifieroni
ce que nous avons annoncé ci- dessus.
( No. 34. )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 20 VENTOSE , l'an troisieme de la République.
( Mardi 10 Mars 1795 , vieux style. )
VIRS à Jacques ** , professeur au rocher de la Liberté ,
( ci- devant Saint-Lo . )
SAINT JAC AINT -JACQUES fut un bon apôtre ,
Un apôtre de Jesus- Christ.
J'ignore quel était le vôtre ,
Si c'est le grand ou le petit.
Quoi qu'il en soit , Jacques l'ultieme ,
Aux yeux d'un peuple fortuné ,
Quoique ne venant qu'en troisieme ,
Vous passerez pour leur aîné .
Par ANGE VIEILLARD , son éleve , âgé de 13 ans.
Vers adressés à Caroline N….. Y. ( 1) , en lui envoyant les oeuvres
de Saint -Pierre.
Fuis de Paris le dangereux séjour ,
Quitte un sopha pour un lit de verdure ,
Consacre la nuit à l'amour
Lis ces tendres écrits le jour
Ils te rendront à la nature.
CHARA´D E.
Si dans plus d'un tripot , souvent par mon premier ,
Un sot s'est vu ruiné , sans oser murmurer
Ni causer mon entier ,
Il est digne , ma foi , de porter mon dernier.
(1 ) Cette Caroline est l'auteur de la jolie chanson : Quand
Tamour nacuit & Cythers , etc.
Tome XIV
( 314
SCIENCE. GÉOGRAPHIE.
GEOGRAPHIE DE FRANCE , suivant la division en 88 départemens
, contenant des détails sur l'origine , les révolutions ,
l'état actuel , les productions , l'industrie , le commerce ,
les édifices de différens âges et de différens genres ; les promenades
, places publiques , statues , inscriptions ; les ancedotes
et singulasites historiques de chaque ville ; le caractere
et les ouvrages des hommes célebres , les costumes -frappans
, etc. , etc. TROISIEME EDITION , quatre volumes
in- 12 , avec une carte enluminée ; 12 liv. , et 15 liv . franc
de port. A Paris , chez DEVAUX , libraire , rue de Chartres ,
nº. 382 , et maisou Egalité ; Patris , rue de l'Observatoire ,
n° . 182.
Le plan de cette géographie . est vaste et assez bien
/ conçu ; mais est - il rempli , peut - il l'être dans un ouvrage
de quatre petits volumes in- 12 ? Une bonne géographie
physique , historique et politique de la France ne saurait être
l'ouvrage d'un seul homme . 11 est aisé de faire des
livres sur des livres ; mais les objets ne sont jamais ni
bien observés , ni bien décrits que par ceux qui les ont
sous les yeux . Tant qu'on ne fera que des compilations
à l'aide de compilations , on aura des résultats plus ou
moins méthodiques , des notions plus ou moins étendues
; mais ces sortes de descriptions , exécutées pour
ainsi dire sur parole , seront toujours inexactes et incomplettes
. Si les grandes formes de la nature restent immuables
, si la position des villes et les principales localités
ne changent pas , combien reçoivent- elles de inoces
difications par le travail des hommes , les arts , l'industrie
, la culture , le commerce , les manufactures , les
établissemens nouveaux et le plus ou moins de population.
Que l'on compare les descriptions faites seulement
, il y a 30 ans , avec l'état actuel des choses , et l'on
verta combien sont fautives ces anciennes données , et
quels changemens se sont opérés sur le sol de la France .
Le gouvernement eut une idée heureuse au commencement
de 1793 , lorsqu'il envoya dans tous les dépar
temens , des commissaires chargés d'y examiner l'état de
agriculture de l'industrie , du commerce , de la popu
lation , le caractere et les metts des habitans , et d'în(
315 ))
diquer le genre d'amélioration et de perfectionnement
dont chacun de ces objets pouvait être susceptible. Si
l'exécution de ce plan , dont la conception honore le
ministre qui était alors chargé du département de lintérieur
, n'eût pas été contrariée par les circonstances
révolutionnaires qui ne permirent pas d'en recueillir
tout le fruit qu'on devait en attendre, il est certain qu'il
serait résulté de cette grande opération , non-seulement
des moyens de prospérité nationale , mais des connaissances
plus justes et plus approfondies sur la topographie
physique , historique et politique de la France .
C'est en suivant le même plan que l'on pourra avoir
enfin une géographie neuve , exacte , instructive , et telle
qu'elle convient à la puissance et à la dignité de la
République Française. Mais on sent qu'un pareil ouvrage
ne peut être entrepris et exécuté que par le gouvernement.
Il est probable que ce plan , si essentiellement
utile , sera repris dans des tems plus calmes , et nous
ne le rappellons en ce moment à l'attention publique ,
qu'afin qu'il ne soit point oublié , et parce qu'il se lie
naturellement à l'idée d'une bonne géographie.
*
$
On regrette que l'auteur de celle que nous annonçons
, qui s'est borné à donner une carte générale de
la France extrêmement réduite , n'y ait pas joint des
cartes particulieres pour chaque département. Sans ce
secours indispensable , il est impossible d'apprendre la
géographie . Il fallait un atlas séparé , mais tout cela
aurait entraîné , comme nous l'avons dit , un travail et
des frais qu'une simple spéculation de librairie ne peut
pas comporter.
+
L'auteur a mis à la fin de son ouvrage un tableau des
changemens que les noms de villes , bourgs , etc. ont
éprouvés dans la révolution . Cette nomenclature est
bien éloignée d'être complette . Cette manie de désotganisation
nominale avait été poussée jusqu'au ridicule .
C'en était un bien petit et bien misérable, par exemple ,
que de retrancher de tous les noms de villes , bourgs
et communes , le mot de saint qui faisait partie de leur
- dénomination , comme si la conservation d'un nom ,
consacré par un antique usage , transmis par l'histoire ,
et identifié pour ainsi dire avec elle . eût été un crime
contre-révolutionnaire ; comme si l'idée qu'un peuple
attache aux lieux qui l'ont vu naître , avait tien de commun
avec celle du saint qui a pu servir , il y a dix siecles ,
à sa dénomination . Certainement les pays protestans he
Y 2
( 316 )
1.
sont rien moins que superstitieux sur ces vieilles légendes.
Cependant , lors de leur derniere réforme dans
les idées religieuses , ils ont eu le bon esprit de ne rien
innover dans le nom de leurs villes , de leurs rues , de
leurs établissemens ; ils ont senti que des édifices et des
dénominations purement géographiques , n'avaient aueun
rapport avec des préjugés religieux , qu'ils ont
mieux aimé attaquer dans leur source que dans de vains
mots .
Cette folie n'était pas seulement ridicule , elle était
nuisible . Quel négociant étranger aurait jamais pu
reconnaître Lyon dans Commune - Affranchie ; Toulon ,
dans Port-de-la- Montagne ; et Marseille , dans Ville- sansnoms.
Quand le commerce ou la navigation ont fait la
réputation d'une cité , son doit être immuable.
L'auteur a eu raison de ne point altérer sa géogra
phie de toutes ces bizarres mutilations ; il a prévu , en
les renvoyant à un tableau séparé , le sort qui les attendait.
Quoique sa géographie ne puisse être considérée
que comme une notice assez étendue , elle est neanmoins
la moins imparfaite que nous ayons , et sous ce
rapport elle peut- être utile , en attendant l'ouvrage qui
nous manque.
MELAANNGGES.
LETTRE À U REDACTE U R,
J'habite, citoyen , une commune à 120 lieues de Paris.
Nous ne savons de ce qui se passe sur ce grand théâtre
des évenemens et des hommes , que ce que quelques
journaux veulent bien nous apprendre . Mais cette multitude
d'ouvrages , que l'esprit de la révolution fait éclore.
chaque jour , nous sont entierement inconnus ; et si quel
quefois nous parvenons à en découvrir le titre dans une
feuille , nous ignorons la plupart du tems à quel libraire.
il faut s'adresser pour se le procurer. Cependant il nous
importe de connaître les écrits qui influent sur l'esprit
public , afin d'éclairer et de former le nôtre, Je dis nous,
parce que le desir que j'éprouve est partagé par un grand
nombre de mes concitoyens.
Un autre embarras se mêle à notre curiosité. Etrangers
aux intentions et aux motifs qui engagent tant de personnages
à se charger du rôle de directeurs de l'opinion ,
( 317 )
nous èraignons d'accorder une confiance trop imprudente
à certains écrits , qui , sous l'apparence d'un but utile ,
peuvent cacher souvent des intentions dangereuses . Nous
avons trop appris par l'histoire de la révolution , come .
bien il faut se défier de toute espece d'engouement pour
les hommes . La moralité de l'auteur ne nous paraît pas à
nous , bons et francs amis de la liberté , une garantie
inutile de la pureté des principes de l'ouvrage. Au milieu
du choc des' passions qui semblent encore agiter les
esprits , nous marcherions sur un terrein peu sûr , si nous :
n'avions un guide et un régulateur dans notre route.
Veuillez être le nôtre ; aidez -nous à distinguer , dans
cette multitude de productions , celles qui méritent de
fixer plus particulierement l'attention . Vous qui êtes à
portée de voir le jeu des machines et de juger du carac
tere des acteurs , faites - nous connaître la véritable situation
de l'esprit public , qui nous paraît , dans l'éloignement
où nous sommes , n'avoir pas encore acquis une
assiette fixe et pris une direction certaine .
#
Je puis vous assurer qu'ici et dans les départemens
qui nous environnent , les intentions sont bonnes , et
les esprits ne desirent rien avec plus d'ardeur , que l'affermissement
de la liberté et la prospérité de la République .
Croyez que ce service ne sera point perdu pour vos
lecteurs.
Grenoble , département de l'Isere , ce 5 ventôse , l'an 3º .
UN DE VOS ABONNÉS ,
REPONSE DU REDACTEUR.
-
Situation de l'esprit
Revue de quelques écrits relatifs à la révolution. Disposi
tions dans lesquelles on doit les lire.
public.
Vous desirez connaître les principaux écrits relatifs à
l'époque actuelle de la révolution , et dans la crainte de
vous égarer dans votre jugement , vous voulez avoir les
intentions de l'écrivain pour caution de l'ouvrage . Votre
empressement, s'étend encore jusqu'à savoir quel est le
thermometre le plus exact de l'esprit public. Vous m'imposez
une tâche difficile à remplir. Dans la situation où
nous sommes , même au centre des évenemens et des
opinions , nous ressemblons à ces peintres qui , ayant
Y..3
( (3186)
tous les même modele sous les yeux , le dessinent du
point où ils l'apperçoivent , et lui donnent chacun un
caractere et des traits dont la différence est relative à celle
de leur position . Cette difficulte est bien plus grandes
lorsque l'objet que l'on considere n'a pas une pause fixe,
et lorsqu'au lieu d'un seul objet , il en est mille qui
s'offrent aux yeux de l'observateur, et dont les formes :
varient suivant la différente maniere de voir , de sentir.
et de juger. Placé parmi des spectateurs devant ce théâtrer
immense , je ne puis que vous rendre compte de la ma- s
niere dont les objets qui se passent sur la scene affectent :
mon esprit et ma raison. Je vous le donne moins comme /
une regle de votre opinion , que comme le résultat de la
mienne ; et si je ne puis vous en garantir la justesse , je .
vous réponds du moins de sa sincérité . Je tâcherai de
me dépouiller , autant qu'il est possible , de toute espece
de passions et d'esprit de parti. Je dis, autant qu'il est.
possible; car, comment se défendre de cette chaleur et
de cette véhémence qui naît du sentiment intime de sa
propre conviction. Mais ce que je puis affirmer , c'est
que je sens que les passions ont trop long- tems désolé la
République et reculé le terme de la révolution , pour
que chacun ne doive travailler à les abjureran Pre
La disposition actuelle des esprits est une suite natu
relle du double effet des évenemens du 31 mai et du.
g thermidor.
:
La République à cette premiere époque , était en
proie aux plus horribles convulsions. La Convention était
divisée en deux partis , dont l'un avait pris pour cri de
ralliement respect des propriétés , sûreté des personnes et
indépendance de la représentation nationale ; et dont l'autre
ne voyait , ne parlait et ne signalait que trahisons , conspirations
et nécessité de donner à la révolution une plus
grande intensité de forces et de moyens était naturel
que l'opinion publique , à Paris comme dans les départemens
, se partageât entre ces deux partis . Les principes
et l'intérêt public étaient incontestablement dans le premier
; mais les passions y étaient tellement exasperees ,.
les esprits si fort aigris et les défiances si multipliées ,
que cette lutte des principes était dégénérécken une -
guerre à mort entie les personnes , et que la faveur atta-”
chée à la cause du bien public , s'affaiblissait par toutes³
ces honteuses disputes , et plongeait malheureusement
Les partisans de la liberté qui l'aimaient pour elle-même ,
dans la plus afficuse perplexité . L'autre parti avait pours
( 319 )
lui tout ce qui séduit aisément cette portion du peuple .
qui raisonné moins les causes et les effets , qu'il n'est
entraîné par des impressions et des apparences ; et comme
il était infaillible qu'au milieu de tant d'intrigues et de
factions , il n'y eût pas quelque trahison véritable , ce,
parti devait paraître plus attaché que l'autre à la cause
populaire. Je suis convaincu néanmoins qu'à cette
époque la grande majorité des Français, se ralliait au
parti qui défendait les principes .
La journée du 31 mai procura à un parti tous les avantages
que suit ordinairement la victoire . Je ne vous ferai
pas le tableau des événemens qui ont marqué cette
époque jusqu'à celle du g thermidor ; d'un bout de la
France à l'autre , l'infernal génie de la destruction les a
écrits sur des ruines avec du sang. Le supplice des
bourreaux , car le nom de tyrans est encore trop honorable
pour eux , & produit une a grande réaction , et il
fallait bien s'y attendre.
D'une part , tous ceux qui avaient bien jugé des évenemens
du 31 mai , ont dû reprendre leur premiere
opinion , et la renforcer de tous les sentimens que les
événemens postérieurs ont fait naître. De l'autre , ceux
qu'une trop longue et trop cruelle expérience ont éclairés
sur une journée qui a été suivie de tant de désastres ,
effrayés d'avoir été conduits à la plus odieuse tyrannie ,
à l'ombre respectable de la liberté , ont du revenir de
leur etreur et quitter une route que le crime avait
souillée .
Il en est qui , durant cette période de vertige et
d'oubli de tous les devoirs et de tous les principes ,
soit faiblesse , soit égarement , ayant des abus graves
à se reprocher , n'ont trouvê de moyen de les faire
oublier et de laver leurs fautes , que de se réunir à la
masse qui déteste toutes ces horreurs , et de travailler
cicatricer nos plaies . Je les comparerais volontiers à
cette espece de dévots qui doivent leur conversion ,
bien moins à l'amour de Dieu , qu'à la peur de l'enfer .
Il serait injuste de ne les juger que sur la mesure de
leurs anciennes opinions ; et s'ils servent aujourd hur
la chose publique de tout leur pouvoir , pourquoi ne
les recevrait-on pas à resipiscence ? La révolution , comme
le feu , a dévoré dans son cours toutes les matieres hétérogenes
, et épuré les demi-métaux , et s'il fallait ne
retirer de ce creuzet que lor pur qui y est entré , on
se réduirait à un résultat bien atténué .
#
Y 4
( 320 )
Il n'en est pas de même des incurables à l'égard de
la révolution ; ils persistent dans leur endurcissement
secret , mais ils le voilent. Ils prennent l'habit de berger,
et mêlent leurs voix à celle des conducteurs ; mais ce
n'est pas pour défendre le troupeau de la fureur- des
loups ; le soin de la bergerie les touche peu , et s'ils
n'avaient l'espérance de le voir s égarer et se perdre ,
ils seraient moins empressés dans leurs secours officieux
et trompeurs. Ils deviendraient dangereux si l'on prenait
une fausse route ; ils ne seront que méprisables ,
tant qu'on se tiendra dans la bonne , et que pour toute
vengeance on les forcera à garder le costume qu'ils
affectent.
1
Vous demanderez peut-être comment avec une majorité
si prononcée , il est encore des partisans de la révolution
du 31 mai , et des gens qui semblent regretter
celle du 9 thermidor , et s'alarmer de ses effets. Cela
est facile à expliquer . La révolution du 31 mai qui , dans
le fait a été un véritable attentat à la représentation
nationale , a produit des hommes nouveaux et des
choses bien plus nouvelles encore . Peut-on attendre de
ceux qui ont participé au brigandage , à l'oppression ,
au massacre de leurs concitoyens , ou qui en ont recueilli
le fruit , qu'ils applaudissent à une révolution
qui en a arrêté le cours ? D'un autre côté , les passions
et les erreurs qui existaient au 31 mai , ne sont pas
encore tout- à-fait éteintes. Tant de gens ont entendu
parler si long - tems de trahison , de conspiration , de
fédéralisme , on leur a dit si souvent que les vrais patriotes
étaient ceux qui avaient provoqué cette journée ,
qu'ils se sont accoutumés à ces idées , et qu'il leur en
coûte de les soumettre à un nouvel examen , et de
refaire leuis opinions. Ils tiennent à la leur par paresse,
par habitude , par ignorance , par prévention , par
amour-propre , car les erreurs de l'esprit se composent
de toutes les faiblesses .
摩
La révolution dng thermidor , ayant fait passer toutà-
coup la majorité dans le parti subjugué , depuis le 31 mai ,
ce qui est resté de l'ancien parti , accoutumé à tout conduire
, à faire tout plier devant lui , s'est trouvé tout
étonné de n'avoir plus cet ascendant , et a mieux aimé
former un parti d'opposition , que de faire au salut de
la patrie le sacrifice de leurs sentimens et de leurs
passions. Il est résulté de cet état de choses un nouveau
choc qui a augmente la force de résistance ,
( (321 )
mesure que l'attaque est devenue plus violente. De là
cette guerre livrée aux terroristes , aux brigands , aux
dévastateurs , aux buveurs de sang, guerre très-juste dans
son motif , mais qu'il serait dangereux de faire dégénérer
en nouvelle oppression . Plusieurs personnes
pensent que le systême de terreur est tombé avec Robespierre
, qu'il ne peut plus renaître , parce qu'une trop
grande somme d'intérêts s'oppose au rétablissement
d'une pareille tyrannie ; mais, en même tems, n'étant ellesmêmes
ni terroristes, ni buveurs de sang, quoiqu'elles soient
restées du parti de l'opposition , elles s'irritent de ces -
qualifications odieuses qu'elles ne croient pas mériter ,
(et craignant qu'on n'en abuse pour substituer une autre
tyrannie à l'ancienne , et faire rétrograder la révolution
d'une maniere nuisible à la liberté ; cette crainte se
tourne en animosité , et comme il est de la nature des
opinions politiques où chacun se trouve intéressé , de
ne pouvoir être ni attaquées , ni défendues sans une
extrême chaleur ; cette chaleur prend aisément le caract
tere de l'esprit de parti ; les haines s'enveniment , et les
dissentiment d'opinion devient un véritable état de
guerre.
Toutes ces données m'ont paru nécessaires pour vous
faire saisir les différentes nuances de l'esprit public ;
vous appercevrez facilement la cause de toutes ces oscile
lations qui le tourmentent. Vous saurez pourquoi cette
diversité d'opinions est passée dans les écrits que vous :
desirez connaître . Mais n'attendez pas de moi que je
joigne à cette notice , le tarif du degré de confiance que
VORS devez aux intentions et au caractere des auteurs .
A quoi serviraient toutes ces discussions personnelles ?
On ne s'est que trop occupé jusqu'à présent des indivi- 1
dus . Outre que je pourrais me tromper, et vous tromper
vous- même sur de tels jugemens , je les regarde comme
absolument inutiles à l'objet que vous vous proposez
et comme très - dangereux . Cette inquisition des per--
sonnes ne tendrait qu'à ôter à la presse l'indépendance
dont elle doit jouir.
Il est un autre maniere d'apprécier les écrits comme
les opinions , c'est de les confronter sans cesse avec
les grands principes de justice , de raison , de morale et
d'intérêt public . Qu'importe que telle vérité nous vienne
de telle source ? Si Fidée est utile , si le conseil est bon ;
adoptez - les et ne vous informez pas de l'auteur. Faudra-
t -il toujours n'apprendre à ne juger du présent que
( 322 ))
1
་
par le passé ? ne voyez-vous pas qu'avec cette méthode
les haines seraient interminables ? nul n'aurait plus le ›
droit d'abjurer ses fautes ou de rectifier ses opinions ,
et nous ne marcherions que de defiance en défiancé
sans jamais voir le terme où elles devraient cesser.
Heureusement tous les chefs de parti , tous les grands
provocateurs de troubles et de factions ne sont plus ,
etale peu qui reste de leurs agens subalternes est dans
impossibilité de nuires il faut bien leur laisser une
issue à l'évaporation de leur humeur. Ver
静
Maintenant nous pouvons commencer la revue des
principaux écrits dont vous voulez vous former une
idées Le premier qui me tombe sous la main est l'Accusateur
public par RICHER- SERISY . C'est une espece d'écrit
périodique qui se distribue par numéros de deux feuilles
et demie , et dont il en a déja paru quatre .
Ces feuilles , qu'il faut moins considérer sous le
rapports de journaux que comme des brochures critiques
, sont écrites d'une maniere facile , énergique et
piquante. L'auteur apprend au public , dans son premier
numéro , qu'il a vu , pendant une année , la hache des
bourreaux attachée à un cheveu et suspendue sur sa téte
et que la révolution du 10 thermidor l'a tiré de la fosse aux
lions. Il est excusable d'avoir de l'humeur , mais ill'emploie
moins pour lui que pour les autres. Il se rend
l'accusateur des abus , des erreurs et des crimes . Il dit
quelquefois des vérités un peu durés à la Convention
nationale mais il le fait avec dignité et franchise , et
sa pensée est toujours en présence de l'intérêt public et
des principes. Tantôt il s'arme de la pointe aiguë de
Juvenal , tantôt de la foudre des Philippiques , ou du
mâle burim de Tacite tantôt il a recours à la gayeté et
au sel piquant de Lucien. Il manie avec avt le ridiculum
rimais peut-être le porte- t-il trop loin sur les personnest
&
allest des noms souillés par de grands forfaits , et qui
semblent être la pâture de l'indignation publique ; mais
escore est- il une mesure à garder. La lettre de Scalpel ,
chinusgien , qui brûle de disséquer BARRERE et COLLT .
áhu de saisir la nuance qui distinguait le coeur de Néron de
dur de Tigellin , qui veut faire une incision cruciale sur
l'estomach de VADIER , et examiner long - tems la tête de
BULAUD , etc. , etc.; cette lettre n'offre que des images
op dégoûtantes pour être mises sous les yeux des
C
( 323
lecteurs ; ceux qui ont eu tant à se plaindre de Robes
pierre et ses complices , devraient bien craindre de les
imiter , et de rappeller , en les poursuivant , le souvenir
de leurs horreurs .
La nomenclature ne manquera pas à l'auteur pour rem
plir son nigrum ; mais on a quelque raison de s'étonner d'y
voir Sieyes , Target , Garat , etc. Ce cynisme de la satyre
devient nuisible , quand il est désavoué hautement par
l'opinion . C'est affaiblir les traits lancés contre des coupables
que d'en frapper des hommes qu'on estime , et
l'on corrompt le titre d'accusateur public quand on le
revêt des livrées du libelle . Bien des gens pensent que
ces feuilles sont une continuation des Actes des Apôtres „
sous une forme appropriée au tems et aux circonstances .
Je ne sais pas jusqu'à quel point ce soupçon est fondé.
Que m'importe , si j'y trouve des vérités utiles ? je les
prends par-tout où elles sont. Ceux qui savent lire font
profit de ce qui est bon , et justice de ce qui ne l'est pas .
C'est à ce titre que j'inscris sur votre répertoire l'Accusateur
public. **
**
X
Une autre feuille du même genre , mais non du même
ton , est le journal de l'Opposition par REAL. A en juger
par les deux numéros qui ont paru , et qui se trouvent
chez BUISSON , libraire , rue Hautefeuille , no. 20 , l'a
teur a moins en vue les personnes que les choses . Le
premier numéro est consacré à la défense de la liberté .
de la presse et à celle de l'auteur du Spectateur Français
qu'
auss
'une dénonciation précipitée avait jetté dans les fets .
On trouve dans le second des réflexions très - impor
tantes sur le tribunal révolutionnaire et sur les lois qui
y sont relatives , et des observations critiques et judicieuses
sur la loi rendue en faveur des citoyens que la
terreur à fait émigrer. Cette production périodique est
moins piquante que l'Accusateur public , mais on n'y trouve pluss de cette force de raisonnement , de cette
profondeur de discussion et de cette décence publique
qui fait le caractere d'un écrivain qui voue sa plume
au soutien de la liberté , de la raison , de la justice et de l'humanité . Vous pouvez le classer parmi les brochures
utiles qui méritent d'être distinguées.
44 1x
I
03
La suite au prochain numéro )
管
( 324 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
SUIVANT
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 20 février 1795 .
UIVANT les dernieres nouvelles de Constantinople qui sont
da 3 décembre , la Porte Ottoriane semble eufin vouloir sórtir
de sa lethargie : on a expédié , à ce qu'on assure , un grand
nombre d'officiers jannissaires , tant en Asie qu'en Europe ,
avec des firmans qui enjoignent à toutes les compagnies militaires
de tenir lenrs contingens prêts à marcher au premier
avis . Indépendamment de cela , l'on continue de poursuivre
avec beaucoup d'activité les travaux entrepris sur le canal .
C'est un Français nommé Monmer qui les dirige . C'est aussi
aux Français que les Turcs auront l'obligation d'être plus au
pair avec le reste de l'Europe pour l'artillerie et la matine ;
des officiers de cette nation exercent journellement le nou
veau corps de canonniers , et l'ingénieur Lebrun , qui est à la
des constructions navales , les multiplie dans tous les
chantiers. Il vient de mettre en forme un vaisseau à trois
ponts
le premier qui aura encore reçu le pavillon turc : on imagine
bien que par reconnaissance le pavillon tricolore trouve plus
de faveur que les autres dans toutes les mers de la domination
ottomane ; ce qui ne laisse pas que d'inspirer de la jalansie aux
puissances coalisées qui n'osent néanmoins s'en plaindre ouvertement
, de peur d'être obligées de rompre avec la Porte ,
avec laquelle leur intérêt les forcera probablement avant peu
de s'unir contre la Russie qui finirait par tout envahir , siPon
ne se hâtait d'opposer une digue à ce torrent .
Lête
Les nouvelles usurpations que la Russie médito , peuvent
eire évaluées à 2000 lieues carrées ; de sorte , qu'en cas
qu'elles s'effectuent , on peut attribuer à l'empire de Russie ,
une étendue de 336.000 lienes carrées , sans y comprendre .
la Courlande , et quelques autres pays , soi- disant protégés ,
et qui n'en sont pas moins dépendans . Cette énorme progression
de l'empire Russe doit paraitre d'autant plus étonmante
, que l'Europe entiere ne contient qu'environ 152,000 lieues
carrées , et que l'Allemagne , y compris la Bohême , la Mo.
ravie et la Silésie , n'a que 1200 licues pareilles . Ainsi , les
passessions de Catherine dans leur statu que , sont dėją trente
( 325 )
fois plus grandes que l'Allemagne . Sans doute , ce serait
mal apprécier la force d'une puissance , que de la vouloir
juger uniquement d'après l'étendue de son territoire ; mais
celle- ci peut être considérée comme un des élémens de cette
force . D'ailleurs , la Russie réunit d'autres moyens bien
faits pour alaimer ses voisins ; tel est , par exemple , son
état militaire . En ens de paix , avant la derniere réunion
en Pologne , il était porté à 470,000 hommes , taudis que
celui de l'Autriche , dont on regarde communémnnt les possessions
comme une pépiniere de soldats , ne s'élevait qu'à
296,000 . Les événemens de Pologue donneront encore à la
Russe des facilités pour trouver des recrues. On sait que
déja elle a incorporé dans son armée un grand nombre de
soldats polonais . Les membres de la coalition seront-ils toujours.
assez aveugles pour lui fournir l'occasion d'accroître ses ressources
, tandis qu'ils épuisent les leurs ?
Ou
Frédéric-Guillaume vient de publier une proclamation aux
habitans des contrées polonaises qu'il veut réunir . Il exige de
la Russie de lui laisser étendre ses nouveaux domaines jusqu'aux
rives de la Vistula . On est à peu près sûr que l'empe
reur , qui a besoin de le retenir dans la coalition , y consenzira
; mais il n'est pas aussi probable que l'impératrice de
Russie le permette.
Les Français continuent d'entretenir des liaisons de com
merce et d'amitié avec la Suede et le Danemarck. D'après des
lettres de Bergen , du 24 janvier , ils ont rendu un service
essentiel à cette derniere puissance.
66 Tous les habitans de cette ville sont partagés entre le sentiment
de la tristesse qu'a fait naître un évenemeut malheu
´reux qui vient d'avoir lieu , et les sentimens de reconnaissance
envers l'équipage d'une escadre française , qui se trouve depuis
quelque tems dans ce port , et qui a empêché que cet évenement
n'eût des suites encore plus funestes ..
,, Le 20 , il éclata à Bergen un incendie qui consuma rapidement
tout un quartier de la ville . On sait combien ces sortes
d'accidens sont terribles dans les villes du Nord , bâties en
bois , n'ayant dans cette saison que des eaux glacées , et se
trouvant exposées à de grands vents. Bergen était menacée
d'être entierement consumée par les flammes . L'equipage
français fut le premier à s'appercevoir de l'incendie , et l'annonça
par son canon , avant la forte e se . Bientôt les matelots ,
munis de haches et d'autres instrumens , se porterent au lieu
où était le feu. Tant qu'il dúra , on les vit faire des prodiges
de hardiesse et de dextérité . Les officiers ont disputé de zele
et d'activité . Il a péri un Français et quatre ont été blessés.
Tout le monde s'accorde à dire que sans ce secours , Bergen .
Ja plus importante ville de la Norwege , était perdue . Le grand
( ( 326 ) $
Bailly de la province , et le magistrat de la ville , se sont réunis
pour écrire au consul français une lettre , pour lui témoigner
la reconnaissance du pays. Sur la demande des habitans , un
députation de la bourgeoisie et une députation du magistrac
de la ville , sout allées à bord de l'escadre lui exprimer les
mêmes sentimens.
9. Il est impossible de passer sous silence un trait qui a eu
lieu au milieu de cet évenement Parmi tous les matelots qui
travaillaient à éteindre le feu , un seul fut trouvé ivre. Il fut
arrêté par les autres , et bientôt après envoyé en prison par
He commandant . Le lendemain la députation du magistrat de
Bergen demanda sa liberté ; mais elle fût refusée . Le commandant
déclara que quiconque avait pu s'abandonner au vin ,
lorsqu'il s'agissait de sauver la vie et les propriétés de ses
semblables , déshonorait le nom français , et devait être rigoureusement
puni.
" L'escadre française était prête à appareiller depuis plus de
trois semaines . Aujourd'hui , elle doit profiter d'un vent d'est
pour partir avec son convoi .
Voici la lettre que le roi de Pologne, que Catherine II dépouille
" si bien , lui avait adressée le 31 novembre , et à laquelle elle a
répondu comme on l'a vu dans notre dernier numéro . Cés
pieces sont précieuses pour l'histoire .
Madaine ma soeur : Le sort de la Pologne est entre vos
mains ; votre puissance et votre sagesse en décideront . Quelque
soit celui que vous destinez à ma personne , il ue ' m'est
pas permis , tant que je pourrai parler , de négliger mes
devoirs envers maa nation , en invoquant pour elle la géné-
Tosité de votre majesté impériale.
Le militaire polonais est détruit. Cependant la nation
existe encore ; mais elle cessera bientôt d'exister aussi , si
vos ordres et votre grandeur d'ame ne viennent à son secours .
Le tumulte des armes a empêché les semailles dans une grande
partie du pays . Le labourage est devenu impossible ' , partout
où le bétail a été enlevé . Les paysans , dont les granges sont
vides , dont les cabannes sont brûlées ou rendues inhabitables ,
ont fui , par milliers , en terre étrangere . Beaucoup de seigneurs
terries en ont fait de même , par les mêmes raisons .
La Poigne commence déja á ressembler à un désert.
La famiue est presque immanquable pour l'année prochaine ,
sur-tout si d'autres voisins continuent d'enlever nos habitans ,
notre bétail et d'occuper notre territoire .
Il parait réservé à celle dont les armes seules ont tout
soumis de prescrire des bornes à tout autre , lorsqu'elle aura
prononcé l'usage qu'elle voudra faire de ses victoires . Je ne
présume pas de les prévoir , mais je crois certain que ce qui
vous sera plus vétitablement glorieux , ce qui rendra trois
( 327 )
millions d'hommes de moins malheureux y aura plús de droit
vos déterminations. ( z
* Puissiez-vous , madame , agréer, ce que votre grand caracstere
me donne la confiance de vous présenter. Paissiez - vous
agréer en même-tems l'expression des sentimens daus lesquels
je suis.... 29
он
Selon des lettres reçues de Basle , on ne croyait pas que
la mort du ministre prussien Goltz füt un obstacle aux négociationis,
de paix . Elle paraissait devoir seulement les retarder,
puisqu'il faut attendre qu'il soit remplacé , mais il était regarde
comme probable que l'ouvrage serait repris par son
successeur au point où il l'a laissé. D'un autre côté ,
droit être sûr que la nouvelle de l'invasion de la Hollande ,
apportée à Berlin , n'a point prednit , dans ec cabinet , aucune
envie de s'opiniâtrer dans la guerre actuelle . On veut même
que le roi de Prusse ait ressenti de l'humeur de voir que la
famille statdhoudérienne ait préféré de fuir en Angleterre.
lefuir
où elle a été exposée à tous les dedaius de l'orgueil britannique
, à venir se jetter au milieu de l'armée prussienne.
On répand que Kosciuszko est très -bien traité dans la citadelle
de Pétersbourg ; qu'il a trois chambres à sa disposition
dans la maison du commandant est servi par deux domestiques
, et soigné par un chirurgien qui espere le guérir de ses
blessures . Il a même , s'il faut en croire ce qu'on dit , la permission
de se promener daus l'enceinte de la citadelle . On
ajoute que deux ou trois généraux polonais détenus dans te
même licu , sont gardés plus séverement , et ont des chambres
et fenêtres grillées .
Il est de toute probabilité que ces nouvelles sont controuvees
, ou du moins très exagérées . Par quel motif Catherine
traiterait - elle mieux Kosciusko que les autres généraux qui ont
combattu pour la même cause , et qui n'ont peut- être fait que
suivre l'exemple que Kosciusko leur avait donné ? Une conjecture
se présente. Ces bruits se trouvent répandus par des
feuilles imprimées chez les puissances enneinies de la Pologne.
Ne le fouelles pas à dessein de fleurir le caractere de Kosciuszko
, en donnant à penser qu'il a mérité de tels égards par
sa faiblesse depuis qu'il est captif , ou peut- être par une trahison
lorsque le commandement était encore entre ses mains ?
Ne serait- ce pas une combinaison machiavelique pour éloigner
à l'avance les Polonais des hommes à qui ils seraient tentes de
remettre leur confiance , comme ils l'avaient fait à Kosciuszko .
Beaucoup d'étrangers , sur - tout des Hollandais , ont déposé
PáenSttroecekhdoelsm mdes sommes considérables. La diminution de
étrangères , causée l'édit contre
le luxe , les sommes qui entrent actuellement dans le pays , par
par
1
( 328 ).
les spéculations mercantiles et le cabotage , toutes ces eirconstances
réunies ont eu un effet tel , que l'argent comptant
est tombé de trente jusqu'à seize pour cent , à l'avantage des
billets de crédit. On croit généralement que le cours tombera
encore davantage.
De Francfort-sur- le -Mein , le 28 février.
1
Suivant des lettres de la capitale de l'Autriche , le général
Clairfayt insiste pour obtenir la permission de se retirer.
D'autres disent que ce n'est qu'un déplacement ; qu'il passera
du commandement des forces autrichiennes sur le Rhin à
celui de la Hongrie , ce qui ferait croire que le cabinet de
Vienne a de l'inquiétude sur les préparatifs militaires auxquels
la Porte ottomane se livre en ce moment.
Quant à l'archiduc Charles de la retraite duquel on parlait
aussi , vu la mauvais état de sa santé , il n'est pas aussi
malade qu'on l'avait dit d'abord , et ne tardera pas même à
retourner à l'armée .
Le feld maréchal Lascy et le ministre du cabinet comte de
Colloredo ne se rétablissent point . On craint de perdre ces
deux hommes importans par leurs connaissances dans l'administration
et la guerre.
*
Une lettre de Berlin , de la même date , dit qu'il vient
d'arriver dans cette résidence un général hanovrien , chargé
d'importantes dépêches , sur le contenu desquelles rien n'a
encore transpiré.
Il faut qu'on ait en en Prusse quelques inquiétudee sur les
subsistances , dont , à vrai dire , le prix avait éprouvé un
surhaussement considérable , puisqu'on affranchit de tous droits
et impositions , d'ici au mois de mai , tous les bleds qui seront
importés par eau dans les possessions prussiennes . Elles seraient
exposées à n'en guères tirer de la Pologne , si le bruit qui
court aujourd'hui se confirme . On prétend qu'il y a de nouveaux
nouvemens dans ce pays on annonce même que le
vieux brigadier Madalinski qu'on avait dit arrêté , et quelques
autres chefs , sont parvenus à rallier divers corps dispersés
daus le palatinat de Sendomir , et portent l'alarme jusqu'aux
environs de Cracovie ; mais il faut attendre des nouvelles
plus positives.
Le rapport du décret qui défendait aux Français de faire
aucun paiement dans l'étranger a déterminé les banquiers de
Vienne à demander à l'empereur qu'il leur fût permis de renouer
leurs opérations commerciales avec la France.
ANGLETERRE.
( 329 )
ANGLETERRE . De Londres , le 10 février. *
Débats du Parlement...
Les ministres veulent toujours la guerre. La motion que
lord Bedfort fit dans la chambre des paits , en faveur de la
paix , n'a point eu de succès .
Cet orateur , dans le discours qu'il prononça à ce sujet ,
s'attacha d'abord à faire sentir les désastres de la guerre . 11
soutint que les propositions de paix s'allient avec l'honneur
et à l'intérêt de la Grande Bretagne , et , après avoir exposé
que le gouvernement anglais est l'aggresseur dans cette guerre ,
il établit que l'intention du gouvernement et du peuplé fran
çais n'est plus de se mêler des affaires intérieures des nations
étrangeres .
A présent , dit ici l'orateur , que je crois avoir détruit tout
sujet de crainte , je dois examiner sur quoi reposent nos
espérances . Est- ce sur les nouveaux efforts de nos alliés
mais quand même ees alliés resteraient toujours unis à la
coalition , et qu'ils feraient de nouveaux efforts , il est encore
très douteux si nous pourrions obtenir quelques succès.
Devons-nous compter sur le manque de ressources de la France ?
mais tous les ans nous avons la même espérance , et tous
les ans nous nous en voyons déçus . Quant au secours que
nous devons attendre de la part des alliés , je dois encore
observer que l'empereur et le roi de Prusse se sont déclarés
pour la paix . Quand l'empereur , dans la diete de Ratisbonne
, a voté comme archiduc d'Autriche , il a opiné pour
la paix ; il a demandé seulement qu'on lui aceordât le tems
qu'il jugerait convenable pour entrer en negociation . Il reste
à savoir si les six millions sterlings que nous lui avons accordés
pourront le faire changer d'opinion . Je crois d'ailleurs que
les ressources ne manqueront pas à la France ; dans un pays
où l'on combat pour sa liberté et pour sa sûreté personnelle
chaque individu est prêt à faire le sacrifice de tout
ee qu'il possede . Ce ne sont pas là les sentimens seulement
des Français , mais de tous les peuples qui se trouvent en
pareilles circonstances .
Lord Bedfort compare ensuite la population de la France
à celle des autres puissances ; suivant son calcul , la France
forme un septieme de la population de l'Europe ; mais au
moyen des puissances neutres et des pays conquis , il soutient
que la population de la France surpasse celles des puis
sances coalisées ; ensuite il continue ainsi :
On dit que la guerre actuel est entreprise pour le ciel et
pour l'humanité ; quant à moi , je ne crois pas que cette guerre
soit avouée par l'humanité ; si jamais elle eût pu avoir ce titre ,
Tome XIV.
Z
( 360 1
&
c'était lorsqu'il s'agissait de sauver l'infortuné monarque de la
France , quoique dans le fait notre entreprise n'a fait qu'ac
célérer sa mort. Nos efforts ont sans doute beaucoup contribués
à établir le régime de la terreur dans ce pays , et sans
doute notre ministere a beaucoup de part aux malheurs qui
sont arrivés . Lorsque nous avons perdu 50,000 hommes , ils
viennent nous dire que le comité de salut public ne peut avoir
de consistance , parce qu'il se renouvelle par quart tous les
mois ; c'est comme si on prétendait qu'un changement de ministres
dans un gouvernement pouvait y être nuisible . Lors du
changement qui vient de s'opérer en France , ils se sont réjouis
de voir triompher le modérantisme ; mais leur joie n'avait pas
pour motif l'humanité , ni le desir de voir cesser les meurtres
et les massacres , ils pensaient qu'un régime doux ayant succédé
au systême de terreur , il serait bien plus facile de détruire
leurs adversaires et de pénétrer en France .
99. Je convieus que les crimes des Français sont nombreux ;
mais j'en appelle aux honorables membres , et je leur demande
si c'est à nons à appliquer le châtiment , ou si ce n'est pas
plutôt la cause du ciel . On disait que la tyrannie sous laquelle
le peuple français avait gémi , le conduirait naturellement au
royalisme , et cependant nous avons vu l'effet contraire. Lors
de nos succès sur les frontieres du Nord , en Alsace , dans
Toulon , avons - nous vu un seul Français voisin du pays que
nous occupons , venir demander la protection des allies ? Vous
avez va Dumourier , après avoir sauvé son pays , abandonner
la cause de la liberté , et ne faire déserter avec lui qu'un seul
régiment de ligne. Vous avez vu plusieurs de leurs généraux
monter sur l'échafaud , et les troupes conserver le même enthousiasme.
Quant à moi , je le déclare ici , quoique je ne
me sois pas opposé au subside , je m'oppose à toute idée de
continuation de guerre ; si je ne me conduisais pas ainsi , je
croirais tremper mes maius dans le sang que la guerre fait
verser. Mais si la France refuse tout accommodement , il sera
naturel de penser qu'elle médite d'attaquer notre pays , et
alors nous devons defendre notre liberté dans notre pays , et
nous opposer à tout envahissement ; et je suis bien sûr qu'il
n'y aurait pas un seul habitant qui ne verserait , avec plaisir ,
jusqu'à la derniere goutte de son sang pour la défense de
notre pays.
Lord Bedfort compare encore ici la détresse de la France
celle de son pays , la disette de blé qui se fait sentir dans
les deux pays . Enfin , apres avoir dit que les assignats de
l'Angleterre , par lesquels il n'entend point parler des billets
de la banque , mais des fonds publies , perdent près d'un tiers
aprés avoir exposé qu'il pourrait s'étendre encore beaucoup
plus sur ce sujet , il a produit la motion qu'il avait annoncéci
mais elle a été rejettéo à une très -grande majorité.
3311
REPUBLIQUE FRANÇAISE,
NVENTION NATIONAL E.
PRÉSIDENCE DE BOURDON ( de l'Oise ).
Séance de duodi , 12 Ventôse.
Saladin obtient la parole , au nom de la commission des
vingt-un. Le président invite tous les assistans au silence ' ,
au respect , et à n'interrompre le rapport par aucun signe
d'approbation ou d'improbation .
1
Il commence par retracer le tableau de l'état de la France
avant la révolution du 9 thermidor ; la terre de la liberté
couverte de prisons , affaissée sous le poids des échafauds , regorgeant
du sang dont les scélérats l'abreuvaient ; la terreur
comprimant toutes les ames , la sûreté individuelle attaquée ,
des propriétés violées , les actes arbitraires substitués à la marche
des lois , la mort frappant les innocens comme les coupables
de plus insolent despotisme siégeant au milieu de la représentation
nationale ; telle était la position de la France à cette
époque mémorable où elle a été ramenée au bien par l'excés
du mal , et à la liberté par l'excès de la tyrannie . Robespierre
, Couthon , Saint-Just , sont tombés suus le glaive de
la loi la tyrannie a- t - elle péri avec ses tyrans ? out-ils laissé
des complices ? C'est ce que le peuple veut savoir , c'est се
que la justice et l'intérêt général ordonnent à la Convention
de prononcer.
99 Le rend compte
rapporteur
de la marche qu'a tenue la
commission
des vingt-un pendant l'instruction
de cette grande
affaire. Elle a communiqué
toutes les pieces aux prevenus ;
elle les a entendus
dans tous leurs moyens de défense . C'est
ce qui a dû nécessairement
retarder un rapport si long-tems
attendu. Loin de nous , ajoute-t-il , l'idée d'avoir cherché
à trouver des coupables
; nous voudrions
pouvoir vous dire
qu'il n'en existe point. Nous nous sommes demandé
si la
tyrannie
a été exercée sur le peuple , si l'oppression
a pesé
sur la Convention
, et nous nous sommes dit : il y a tyrannie
quand la terreur devient le ressort et l'arme du gouvernement
;
quand les citoyens ne trouvent plus dans la déclaration
des droits
de l'homme
la garantie de leurs propriétés
, de leur liberté , de
Teur existence , de leur honneur ; quand le corps représentatif
best opprimé ; quand , à la faveur d'une popularité
usurpée , les
hommes qui en sont revêtus , ne s'en servent que pour fonder
leur domination
et réduire le peuple à l'esclavage
. En vain ,
Z &
( 33% )
voudrions-nous le dissimuler , la France entiere nous le dirait ;
cer état destructif de tout gouvernement , subversif de tout
ordre , exclusif de toute vertu , meurtrier de la Convention ,
'a que trop existé .
,, C'est au courage de la Convention que nous devons notre
renaissance à la liberté . Il faut maintenir ce retour , en frappant
avec la tyrannie ceux qui en ont été les agens les plus féroces .
C'est dans cet esprit que la commission a examiné si Barrere ,
Billaud-Varennes , Collot- d'Herbois et Vadier ont véritablement
été auteurs , fauteurs et complices de la tyrannie qui
a existé avant le 9 thermidor. Ont-ils couvert la France de
prisons ? ont-ils interprêté d'une maniere atroce la loi du
17. septembre ? ont- ils influencé le tribunal révolutionnaire ,
tous les tribunaux ? ont-ils , de leur autorité privée , établi
des commissions populaires ? ont-ils autorisé , encouragé leurs
agens sanguinaires répandus dans les départemens ? ont - ils
exercé sur la représentation nationale une influence despotique
? Si ces faits sont constans , la tyranuie est certaine ,
pouvez-vous en méconnaître les auteurs ?
·
e. Sous le despotisme royal , on comptait à Paris trois ou
quatre prisons ; sous la derniere tyranuie , trente bastilles
s'élevaient dans cette seule cité , et enchainaient des milliers
de citoyens et comme si ce nombre eût été insuffisant ,
un arrêté du comité de salut public signé Collot , Barrere ,
Couthon et Robespierre , destine au même objet le college
des Quatre Nations ; ce n'était qu'on dépôt provisoire et
momentané , et cependant on ya calculé jusqu'au degré d'air
et de jour qu'il fallait laisser aux prisonniers , pour ne pas
les exposer à mourir. Qu'on juge par là du régime intérieur
des prisons. La nomenclature des actes d'oppression scr.it
incalculable ; les mandats d'arrêt les plus atroces émanaient
du bureau de police générale . Barrere a dit que ce bureau
avait été créé par Robespierre , qu'il était dirigé par lui seul ,
et , en son absence , par Saint Just . Mais pourquoi le comité
n'a-t-il pas réclamé contre cet établissement ? Etaient - ils
étrangers à ce bureau , ceux qui apposaient avec taut de complaisance
leurs signatures aux mandats d'arrêt ; celui qui , le
7 thermidor , faisait à cette tribune un éloge pompeux de .
Robespierre , qui , dans son discours , ejoutait que certe police
générale délivrerait la France de tous les intr gans adroits ,
de tous les bas valets de l'aristocratie ? Lejeune , commis
principal de ce bureau ne venait-il pas à tous momens au
comité de salut public , faire approuver les mesures prises
par la police générale ? Fouquier - Thinville n'a- t - il pas déclaré
que jamais ce bureau n'avait été distinct du comité de salut public?
Robespierre n'a-t-il pas été absent du comité pendant quatre
décades ? Saint -Just n'etait- il pas presque continuellement à
l'armée du Nord ? Les arrêtés liberticides ne sont-ils pas souvent.
( 333 )
signes d'un seul membre , quelquefois de tous ? La forme
des mandats d'arrêt donne une idée de la tyrannies
,, Le rapporteur cite celui qui porte que la citoyenne Ga
barrus sera arrêtée avec le jeune homme qui demeure dans
sa maison , et tous ceux qui pourront s'y trouver ; celui qui
emprisonne tous les artistes du Théâtre- Français , parce que ,
disait Barrere , il serait possible qu'ils fussent d'intelligenee
avec les ennemis de la France pour corrompre l'esprit public ;
eelui qui , sur une lettre de Saint-Just d Collot - d'Herbois ,
envoie à la Conciergerie la citoyenne Lambert , parce qu'elle
avait voulu voir Saint -Just , et que de ne pouvait être que
pour l'assassiner , mandat où étaient inscrits ces mots : traduite
au tribunal révolutionnaire . Ces mots ont été rayés depuis . Celui
qui , sans motifs , fait arrêter Hérault- Séchelles avec tous ceux
qui logeaient chez lui .
<
Il entre ensuite dans le détail des moyens employés par
ce gouvernement pour établir son atroce ' domination ."
" Barrere , au mois de septembre 1793 , proposait de
déporter les ennemis de la liberté ; Collot- d'Herbois disait
qu'il fallait incarcérer tous les hommes suspects , placer des
barils de poudre sous les prisons , tenir toujours la mêche
allumée , pour les faire sauter s'ils osaient conspirer.
" Barrere comprenait dans la loi du 17 septembre toutes
les classes de citoyens français , étrangers , opulens , pauvres.
aitadins , campagnards , politiques , marchands , banquiers
éloquens , indifferens , écrivains périodiques , lettrés .
Billaud - Varennes disait , en parlant de Lebrun et de
Claviere , ex-ministres , ilfaut lesjuger en huitjours ; de Custine ,
il faut qu'il n'existe plus dimanche prochain ces mesures donment
de l'à-plomb au gouvernement.
" Barrere parlait souvent de déblayer, les prisons : dans son
rapport contre les repas fraternels , il disait que les banquets
civiques pourraient être établis , quand la population serail épurée.
Les tribunaux n'étaient que les instrumens de la tyrannie ,
Saladin cite un arrêté du 25 prairial , relatif à la prétendue
conspiration des prisons , par lequel il est enjoint au tribunal
revolutionnaire , de juger en vingt - quatre heures une foule
de détenus dans la maison d'arrêt de Bicêtre . Le lendemain ,
nn grand nombre fut livré à la mort sur un simple arrêté
de la commission de police ; on compte 311 victimes de
cette espece .
Hermann , chef de la commission d'administration de
police , proposait de déblayer les prisons d'une maniere
prompte et révolutionnaire , en chargeant cette commission
de surveiller les maisons d'arrêt . Ce projet fut approuvé par
Robespierre , Barrere et Billaud .
Le rapporteur accuse Vadier d'avoir fait condamner &
most, entr'autres citoyens de Pamiers , un pere de famille don
23
( 334)
tont le crime était d'avoir refusé sa fille en mariage au jeune
Vadier; d'avoir fait traduire au tribunal révolutionnaire une foule
do citoyens de la même commune , et d'avoir écrit à l'accusateur
public que ce serait une calamité générale , s'il en
pouvait échapper nu seul.
,, Un arrête signé Barrere , sur les commissions populaires ,
annonce le dessein bien médité d'exterminer une partie des
Français . On proposait de créer quatre sections en tribunal
révolutionnaire , qui parcourraient les départemens et y pro
meneraiant la guillotine.
,, Un arrêté du 21 floréal , signé Robespierre , Couthon ,
Collot et Billaud , avait cha gé Maignet d'établir à Orange une
commission populaire , pour juger les ennemis de la liberté.
Voici ce qu'ecrivait le président de cette commission à son
ami Payan : Ga ne va pas ; en dix-huit jours , la commission
n'a jugé que 197 individus . Il nous faudrait encore huit patriotes
comme moi pour accélérer les choses . Notre collegue
Melleret ne vaut rien . Il lui faut des preuves comme sous
l'ancien régime ; si cela continue , nous ne ferons que de l'eau
claire .
1
Saladin suit Collot- d'He bois dans sa mission à Lyon. Il
le peint comme l'apôtre le plus fougueux de la tyrannie
Dans une lettre à Robespierre , il se plaint de ce que les
démolitions ne vont pas assez vite . I le presse d'envoyer à
Lyon un bataillon de l'armée révolutionnaire , et un renfort
de jacobins .
Il dit dans une autre lettre : Hier , 64 conspirateurs
ont été fusillés ; aujourd'hui , .930 . Tous les jours nous en
expédierons autant pour le moins. A mesure qu'on fusille ,
on fait des arrestations nouvelles , pour que les prisons ne
restent pas vides. Dans son rapport à la Convention , Collot
fit lui- même l'apologie des fusillades ; dans un discours aux
jacobins , il dit qu'il avait été obligé d'adoucir à la Convention
l'énergie de ses mesures . Dans une autre lettre à Robespierre
, il dit qu'il faut que Lyon soit entierement démoli , et
qu'il n'en reste pas une pierre .
Le rapporteur passe aux ordres aux encouragemens
donnés par le comité de salut public à Joseph Lebon , pour
le département du Pas de Calais on l'invite à marcher toujours
dans la ligne révolutionnaire . Billaud l'engage à s'abandonner
à son énergie ; Barrere dit aux jacobins que Lebon a
par ses graudes mesures , contribué aux triomphes de nos
armées.
" Il arrive à l'oppression exercée par ces anciens comités,
contre la Convention nationale. Les membres n'avaient plus
le droit d'émettre leur opinion , on les arrêtait sans consulter
l'Assemblée ; le mandat d'arrêt contre Danton , Lacroix ,
Philippeaux et Camille-Desmoulins , n'annonce aucun motif
( 339 )
il n'est pas même signé. Legendre veut parler contre cet aéte
tyrannique , Robespierre s'écrie : Quiconque tremble en ce mos
ment est coupable. Billand dit : Malheur à ceux qui sé sont assis
à côté de lui , en parlant de Fabre-d'Eglantine ; Barrere appuie
Robespierre , il prétend qu'on exige , en faveuf des députés
accusés , un privilége digne de l'aristocratie de Venise . Let
accusés sont traduits au tribunal révolutionnaire ; on suppose
une conspiration dans les prisons en leur faveur ; on annonce
à la Convention qu'ils se révoltent contre la justice ; ils sont
mis hors des débats , envoyés à la mort sans être entendus.
L'épouse de Philippeaux se présente à la barre ; Billaud- Varennes
demande qu'elle soit admise , pour entendre la lecture
d'une lettre de Garnier ( de Saintes ) , qui prouve qu'elle vient
réclamer pour un conspirateur. Robespierre , plus humain
cette fois , s'y oppose.
" Enfin , après avoir retracé les divisions funestes entretenues
par les tyrans dans la Convention , leurs dénonciations
perpétuelles contre les membres les plus énergiques , pour
les comprimer par la terreur ; après avoir annoncé que Vadier,
Billaud , Collot et Barrere étaient avec les trois conspirateurs
deja punis , les principaux auteurs de la conjuration tramée
contre le peuple , le rapporteur termine en déclarant que la
commission des vingt - un estime qu'il y a lieu à accusation
contre Billand , Collot , Barrere , anciens membres du comité
de salut public , et Vadier , ancien membre du comité de
sûreté générale.
Legendre prend la parole , et dit qu'il sollicite , pour l'inté
rêt du peuple français un acte de justice et de précaution ,
afin que la Convention ne retombe pas dans le même cas où
elle s'est trouvée lors de Robespierre , St. -Just et Couthon. 11
demande que les prévenus soient mis en arrestation , de maniere
qu'on ait pour eux tous les soins , toutes les attentions ,
ct qu'on ne leur ôte pas la moindre faculté de préparer leurs
défenses . Cette motion est décrétée .
8
Barrere demande à présenter deux observations qui peuvent
arrêter le cours trop prolongé des préventions publiques ; la
premiere concerne les signatures. Tous les membres du comité
de salat public faisaient portion du gouvernement , et il arrivait
toujours que quelques- uns d'entre eux signaient des pieces
qu'ils ne connaissaient pas ; ainsi lui , qui n'entend rien à la
guerre , a signé plus de deux mille pieces militaires 11 signait
aussi la correspondance , quoiqu'elle ne fûr pas de sa section .
Il a pu signer de même quelques opérations de la police
générale .
La seconde observation de Barrere porte sur ce que , quand
une opinion a été émise par un représentant elle rentré dans
le domaine invincible de la conscience nationale . On nous
accuse , dit -il , d'avoir influencé la Convention ; mais nous avons
Z
4
( 336 )
tous été envoyés pour l'influencer . Si l'on établit le principe
que celui d'entre nous qui aura gouverné momentanément
doit être examiné , s'il à trop on trop pen influencé la chose
publique , l'aristocratie n'a plus qu'a attendre que le pouvoirait
passé en d'autres mains , et après qu'on aura fait un 9 ther
midor pour chaque gouvernement , on revisera les opinions et
les phrases de ceux qui le composaient. Barrere termine en
disant qu'il va se rendre en arrestation suivant la loi .
Collot d'Herbois : « Les réflexions de Barrere étaient néces-
9 sitées par les circoustances . Mais il n'a pas tout dit. C'est
, dans les principes qu'il faut se réfngier , dans les principes
appliqués aux mouvemens de la révolution . Les faits doivent
99 toujours être rapprochés des circonstances . La pensée du
gouvernement était en vous ; l'action , dans le comité ; la
providence , dans le peuple. Les dangers de la patrie ont
nécessité de grandes mesures . Tout ce qui tendait à son
salut est bon et légitime , tout ce qui était inutile est con-
9 damnable . Sans ces principes , la révolution n'aura plus de
" conscience , et ce qui est bien cette année sera condamné
" dans l'année à venir. Tout ce que nous avons fait , nous
l'avons fait pour le salut du peuple . Si nous avions été
faibles dans le gouvernement , on nous aurait poursuivis ; on
" nous accuse dans le sens contraire . Collot déclare qu'il
va aussi se rendre en arrestation .
Le représentant du peuple près les armées du Nord et de
Sambre et Meuse envoie à la Convention une pétition des
magistrats de la ville d'Anvers , dans laquelle ils expriment le
voeu de leurs commettans pour la rénnion de la Belgique à la
République.
Un membre , au nom du comité des finances , expose que la
receite du mois pluviôse s'est élevée à soixante millions environ
, et la dépense à cinq cent , et qu'il y a par conséquent
un excédent de dépense de quatre cent quarante millions , et
pour le couvrir il demande que le contrôleur de la caisse.
générale retire de la serre à trois clefs , où sont déposés les
assignats , jusqu'à concurrence de ladite somme . Décrété.
Séance de tridi , 13 Ventôse.
Merlin ( de Thionville ) propose de charger le comité de
salut public de traiter pour l'échange des cinq représentans
du peuple prisonniers en Allemagne ; savoir , Camus , Quinette ,
Bancal , Lamarque et Drouet . Merlin ( de Douai ) observe
que le comité est suffisamment autorisé par la loi du 7 fructider
à traiter de cet échange. Un autre membre demande
que l'on s'occupe aussi de l'échange de nos défenseurs faits
prisonniers de guerre . Ces deux propositions sont renvoyées
au comité de salut public.
Dubois Crancé , au nom du comité militaire et de salut
public , fait décréter la nomination des généraux qui com--
( 337 )
manderont nos armées pendant la campagne prochaine , ainsi
qu'il suit sm
La Convention nationale après avoir entendu le rapport
de son comité de salut public , décrete :
Art. Ier . L'armée du Rhin et celle de la Moselle seront
réunies sous le nom d'armée du Rhin et de Moselle . Cette
armée sera sous les ordres du général Pichegru .
,, II . L'armée de Sambre et Meuse sera commandée par
le général Jourdan . L'armée du Nord sera commandée par
le générale Moreau .
" III . Dans le cas où ces trois armées devront agir de concert,
le comandement général en est décerné à Pichégru .
IV. Les deux armées des Alpes et d'Italie seront réunies
sous les ordres du général Kellermann .
› V. L'armée des Pyrénées orientales sera commandée par
le général Scherer.
VI. L'armée des Pyrénées occidentales sera commandée
par le général Moncey .
99 VII . L'armée des côtes de l'Ouest sera commandée par
le général Canclaux .
" VIII. L'armée des côtes de Brest , à laquelle sera réunie
celle des côtes de Cherbourg , sera commandée par le général
Hoche . $ ་ ་
,, IX . Le tableau des états - majors de ces armées sera incessamment
présenté , par le comité de salut public , à la Convention
nationale. "
Ce projet de décret est adopté.
Cambacérès , au nom du comité de salut public , fait un
rapport sur le mode de nos relations futures avec les puissances
étrangeres . Si l'on jette , dit-il , un regard sur l'Europe,.
il apprendra que la tâche glorieuse des défenseurs de la patrie
n'est pas finie . Il est encore des gouvernemens que tant
de pertes et tant de défaites n'ont pas mûri pour la résipiscence
, et dont l'orgueil préférerait de s'ensevelir sous des
ruines , plutôt que de rendre hommage à l'égalité et à la
liberté . L'Angleterre n'a pas cessé d'aspirer au domaine des
mers ; l'Autriche et la Russie, conspirent encore pour envahir
l'empire du continent. Autour de ces puissances sont groupés
les autres états de l'Europe , entraînés par des intérêts divers ;
quelques -uns d'eux s'applaudissent de leur neutralité . Au
milieu d'eux s'éleve le peuple français centre de toutes les
affections et de toutes les haines , prêt à terminer glorieusement
une guerre juste et terrible , dont le sort est décidé
par son courage et par les destinées du genre humain .
Que lui reste - t-il à faire ? offrir à l'Europe l'exposé de ses
principes et le gage de sa sagesse ; rallier autour de lui les
gouvernemens devenus étrangers à la coalition ; faire sentir
leurs véritables intérêts à ceux qui , livrés à une politique - in(
338 )
certaine et timide , balancent encore ; enfin , porter dans les
pays conquis la consolation et le bonheur..
Déja une partie de cette tâche est remplie , des négocia
tions importantes sont entamées . Il est indispensable de faire ›
des paix partielles , afin d'arriver à un paix générale. L'orateur
termine par un projet de décret dont voici la substance :
Le comité de salut public négociera les traités de paix ,
d'alliance , de neutralité et de commerce . Les traités seront
signes par lui ou par les ministres plénipotentiaires à qui il
aura délégué des pouvoirs à cet effet . Les traités pour être
valables seront examinés et confirmés par la Convention .
Dans le cas où ils ne devraient pas être rendus publics , la
Convention nommera une commission de 12 membres , qui
ex minera l'opération politique , et si elle est conforme aux
intérêts de la nation . Dans le cas de l'affirmative , la Convention
fixera l'époque où le comité en rendra compte. "
L'Assemblée a ordonné l'impression du discours de Cambacéres
et ajourne la discussion .
Les représentans du peuple en mission dans la Vendée
écrivent de Nantes , que la Vendée est rentrée dans le sein
de la République . Charette et les chefs de son armée l'ont
reconnue . Stoffet est le seul qui résiste encore , mais il ne lui
reste que quelques déserteurs . Cette nouvelle est entendue
avec le plus vif enthousiasme . La Convention en décrete
T'envoi aux armées , et que les armées de l'Ouest et des côtes
de Brest et de Cherbourg ont bien mérité de la patrie.
( Voyez los Nouvelles officielles . )
Séance de quartidi , 14 Veutôse,
Un membre , au nom du comité de législation , soumet
l'approbation de l'Assemblée une liste de citoyens choisis
pour remplir différentes fonctions administratives , municipales
ou judiciaires. Laurence prend la parole et dit qu'il serait
bien tems de rendre au peuple le droit de nommer ses fonetionnaires.
Cette proposition est vivement applaudie . Gaston
ajoute que l'honneur de la nation , la gloire de ses représentans
et leur propre intérêt ne permettent pas de laisser
peser sur eux plus long- tems la responsabilité qui résulte de.
la nomination des fonctionnaires ; que depuis trois ans qu'ils
sont éloignés de leurs foyers , ils ont perdu de vue les hommes
et les choses , et ne sont plus en état de faire de bons choix.
Il demande le renvoi aux comités de la propostion de Laurence
. Thibaut appuie la miation ; mais il veut qu'an passe
à l'ordre du jour , motivé sur ce que la commission des 16
est chargée de présenter une nouvelle organisation du gouvernement.
On demande le renvoi à cette commission , il est
décrété.
La Convention passe de nouveau à l'ordre du jour , sur
( 339 )
la proposition faite par la commune de Libourne , départe
ment du Bec-d'Ambès , à l'exemple de plusieurs autres com
munes , de reviser la loi du 17 nivôse sur les successions.
Boissy d'Anglas , au nom du comité de salut public , présente.
un projet tendant à réprimer les abus qui se commettent dans
Ja distribution des comestibles que la République délivre à
Paris . Les bouchers et chaircuitiers retiennent la meilleure
viande pour la vendre à un plus aut prix. Les boulan
vendent les farines . La différence entre le prix de Paris
celui des départemens est encore une grande cause d'abus .
Les habitans augmentent le nombre des bouches sur leur
carte de pain , pour favoriser les personnes de campagne
qui leur sont utiles . Ce projet est décrété au milieu des
plus vifs applaudissemens. Les délinquans seront punis d'une
amende de 500 liv ., et en cas de récidive , de pareille amende
et de l'emprisonnement. Les fonctionnaires chargés de la
délivrance des bons qui seront convaincus de complicité ,
subiront une peine double et seront en outre destitués . Le
tribunal de police correctionnelle prononcera sur les délits ,
de cette nature , et ses jugemens seront imprimés et affichés .
Carnot , au nom du même comité , rend compte d'un établissement
fait dans le comité , d'un cabinet topographique
et historique. Des rédacteurs et des dessinateurs Y travaillent ,
les uns à mettre en ordre la correspondance des généraux ,
les autres à exécuter sur des cartes les plans des marches
campemens et batailles. Cet ouvrage sera l'histoire militaire
de la révolution . C'est la flatterie et l'imposture qui ont tracé
les guerres des rois , la vérité décrira celles du français libre ,
elle montrera une foule d'hommes qui , sortis de l'obscurité ,
ont surpassé les Turenne et les Luxembourg ; la derniere
campagne
offre plus de traits d'héroïsme que toutes celles des
Grecs et des Romains . Ce tableau présentera 27 combats
116 places prises , près de 100,000 hommes tues et autant
faits prisonniers , 230 foris enlevés avec 380 obouches à feu ;
enfin , 1900,000 de poudres et 80 drapeaux .
La Convention décrete que ce tableau sera affiché dans
Ja salle des séances , imprimé et envoyé aux armées et aux
corps administratifs .
Séance de quintidi , 15 Ventôse.
Un membre , au nom du comité de législation , fait dééréter
que les nominations des officiers municipaux
administrateurs et des membres des tribunaux ne seront plus
présentées à la Convention . Le comité de législation est autorisé
à les nommer . Il écrira à cet effet à chacun des membres
des députations dans lesquelles il se trouvera des nominations
à faire , et prendra tous les autres renseignemens qu'il
jugera utiles.
( 340 ))
Baraillon , au nom du comité d'instruction publique , propose
à la Convention de charger un citoyen qu'il nomme de
former un cabinet d'anatomie artificielle , et de pieces rela
tives au systême lymphatique et au systême nerveux .
Un membre demande que le projet soit écarté par la question
préalable , et que le travail dont il s'agit soit donné au
concours.
L'Assemblée décrete que toutes les places relatives aux
sciences et aux arts ne pourront être données qu'au concours ,
et charge son comité d'instruction publique de lui en présenter
le mode.
Les sections des Droits de l'homme et de l'Indivisibilité
viennent dénoncer leurs anciens comités révolutionnaires
dont elles déclarent les membres indignes de toute confiance
et d'occuper ancune fonction publique . Elles expriment en
même-tems leur horreur pour les terroristes , les hommes de
sang , les dilapidateurs de la fortune publique.
.
que
Mention honorable et renvoi au comité de sûreté générale .
Le représentant du peuple en mission à Bayonne écrit
nous avons fait quatre prises sur le commerce maritime de
nos ennemis. Trois de ces vaisseaux sont chargés de comestibles
, le quatrieme était armé pour la traite des negres .
La majeure partie de cette séance a été consacrée au renonvellement
du comité de salut public . Les trois membres sørtans
, sont : Cambacérès , Pelet et Carnot , et les trois nouveaux
, Rewbell , Sieyes et Laporte.
Séance de sextidi , 16 Ventôse .
Il y a eu hier soir une séance extraordinaire pour le renouvellement
par quart du comité de sûreté générale . Les membres
sortans , sont : Laignelot , Garnier , Harmand , Barras ,
Varden et Bourdon ( de l'Oise ) . Ils sont remplacés par Isabeau ,
Montmayou , Calès , Gauthier , Puymartin et Delcloi .
Saint -Just et Lebas avaient pris à Strasbourg un arrêté , portant
injonction au tribunal criminel de faire raser la maison
de quiconque serait convaincu d'agiotage , ou d'avoir vendu
à un prix au- dessus du maximum , et que l'exécuteur des jugemens
criminels dresserait à la place un poteau , sur lequel
on afficherait le jugement. En exécution de cet arrêté , un
particulier de Strasbourg a été dénoncé pour avoir refusé d'un
de ses iocataires , le loyer de son appartement au taux du
maximum. Le tribunal criminel a fait raser la maison , et ce
particulier est aujourd'hui sans ressource et sans asyle .
Baraillon demande que les juges soient condamnés à reconstruire
la maison à leurs frais . André Dumont propose
d'annuller l'arrêté des traitres Lebas et Saint -Just , et de char(
341 )
ger le comité des secours de faire uu rapport sur les malheureuses
victimes de cette mesure tyrannique. Décrété .
Gossuin , au nom du comité militaire , fait adopter une
instruction sur la loi du 28 nivôse , relative à l'organisation
des commissaires des guerres .
Cambon , au nom du comité des finances , présente un projet
qui est décrété en ces termes :
66 Art. Ier. A compter du 20 nivôse , présent mois , les
créanciers de la dette consolidée , qui n'auront pas pu obtenir
leur inscription définitive,, seront payés du montant des arrérages
de la seconde année républicaine , et pour le premier
semestre de la troisieme année , d'après le mode déterminé
par les articles suivans :
II . Ils pourront se présenter dans l'ordre qui leur sera
indiqué par les commissaires de la trésorerie , avec leurs bulletins
de dépôt , sur le dos duquel on déterminera le montant
de l'inscription à obtenir , d'après les certificats de propriétés
fournis.
III. Il sera tenu un registre sur lequel sera enregistré ,
sous un numéro d'ordre , le résultat de la transcription -au
dos du bulletin ; ce numéro sera porté aussi sur le bulletin
du dépôt.
9 IV. Dix jours après l'enregistrement mentionné en l'article
précédent , les créanciers , porteurs du bulletin , seront
payés de la totalité des trois semestres mentionnés en l'article
premier.
V. Le directeur du grand livre fera dresser les feuilles
de paiement dans la forme usitée , qu'il remettra au payeur
principal , afin que le paiement soit exécuté sans retard .
"
Cambon , au nom du même comité , soumet à l'Assemblée
un second projet de décret , et dont voici les dispositions
principales :
La contribution fonciere qui sera imposée par retenue sur
les inscriptions de la dette consolidée et sur les rentes foncieres
est fixée , pour la 3e. ancée républicaine , au dixieme
du produit annuel , et au vingtieme sur les inscriptions et
rentes viageres . L'ajournement en est décrété .
Un membre propose de créer une monnaie métallique , qui
représenterait des fractions d'assignats , et dont la valeur s'éleverait
de trois deniers jusqu'à dix sous . Renvoyé au comité
des finances .
Le gouverneur des isles françaises sous le Vent écrit de
Saint-Domingue , le 18 vendémiaire , que les Républicains ,
pour faciliter les secours d'Europe , ont conservé au nord le
port de Paix et le Cap , et à l'ouest les Cayes et le port de
Jacmel . -Cette lettre est renvoyée à la commission des
colonies.
( 342 )
PARIS. Nonidi , 19 Ventôse , 3º. année de la Républiquè.
Depuis que l'on sait que la commission de 16 membres
, choisis dans les divers comités , s'occupe des
lois organiques du gouvernement , la sécurité renaît
dans l'ame des vrais amis de la liberté , et le peuple
conçoit enfin l'espérance de jouir bientôt des heureux
fruits de la révolution du g thermidor. Tout s'achemine 9
vers le terme de la révolution , de cette révolution nourrie
de tant d'intrigues et de complots , et que des scé
lérats avaient trouvé le secret de prolonger , par un
raffinement de tactique qui trouvait son motif et son
salaire dans le besoin d'échapper à la puissance de
l'ordre et au regne des lois.
Déja on lit dans plusieurs feuilles des réflexions sur
la nécessité de mettre fin au gouvernement révolutionnaire
, et de rendre aux citoyens le droit de nommer
les fonctionnaires publics dans les différens corps administratifs
et judiciaires . Il nous semble que cette opinion
a besoin d'être marquée par des nuances bien
distinctes . Si par gouvernement révolutionnaire on
entend ce régime arbitraire d'effroi et de sang qui a
pesé sur la France , depuis le 31 mai jusqu'à la châte
de Robespierre , on a raison de demander à grands cris
que cet affreux régime disparaisse sans espoir de retour.
Heureusement les veenx à cet égard sont remplis , et ilest
aisé de voir que depuis le g thermidor l'esprit du
gouvernement a totalement changé .
Mais si par gouvernement révolutionnaire on entend
le degré de force et d'activité , cette concentration de
pouvoir nécessaire pour maintenir la police générale ,
travailler au rétablissement de l'ordre , et préparer les
moyens de faire jouir la République des lois constitutionnelles
, nous croyons qu'il est de l'intérêt public
qu'une telle autorité soit encore conservée à la Convention
, soit pour donner la paix à la République , soit
pour donner à la constitution le degré de perfectionnement
dont elle peut être susceptible ; car avant de
demander que le gouvernement définitif soit en activité
, encore faut-il que les bâses de ce gouvernement
soient solidement établies
( 343 )
Il semble que la véritable question que l'on doive
proposer en ce moment , est celle - ci :
Peut- on , doit- on reviser la constitution de juin 1793-2
Qu'on aborde franchement cette question . Elle väut
bien la peine d'être soumise à un examen sévere .
Nous connaissons tous les bruits que la ' malveillance
se plaît à répandre sur la résurrection prochaine du
royalisme. Nous savons que des lettres de Suisse annoncent
que les émigrés d'une certaine classe se flattent
du rétablissement de la constitution de 1791 , et que
l'ex-constituant Monnier , qui s'est fait précepteur d'un
jeune Anglais , aux gages de 850 liv . sterl . , a dépêché
un courier au roi d'Angleterre , pour lui dire que le
moment était enfin arrivé d'offrir qux Français la constitu
tion de 1791 avec un roi . Qu'importent les espérances
et les folles visions de ces fugitifs . Ne peut - on
corriger et perfectionner la constitution de 1793 , sans
qu'il soit question de ressusciter celle de 1791 ? Certes !
le peuple n'a pas fait la journée du 10 août , créé la
République , résisté à l'Europe entiere , et réduit toutes
les puissances au silence de l'épuisement , pour voir la
liberté acquise au prix de tant d'efforts , de périls et
de sacrifices , se briser devant la misérable idole de la
royauté. Mais en même tems le peuple n'a-t- il pas droit
d'attendre qu'une révolution qui lui a coûté si cher
sera terminée par une constitution republicaine qui lui
garantira à jamais sa liberté et un gouvernement bon
et durable . On a lieu d'espérer que la commission
des 16 aura le courage de s'élever au- dessus des clameurs
des faux patriotes et des illusions de l'aristocratie
, pour n'envisager que le bonheur de leur pays , et
porter un regard attentif sur les défectuosités qui peuvent
se trouver dans la constitution de 1791 .
Cela n'empêche pas qu'on ne fasse jouit la nation
d'un gouvernement provisoire mieux organisé , et qui
serve comme de transition au gouvernement définitif,
qui doit être le résultat de lois constitutionnelles marement
réfléchies . Ce dernier travail exige assez de tems
et de méditations , pour que l'autre ne soit pas inutile .
C'est par cette route insensible , mais sûre , que l'on
arrivera au terme du gouvernement révolutionnaire ,
dont il faudrait effacer jusqu'au souvenir , s'il n'étaït
bon de le conserver pour servir de leçon terrible jusqu'à
nos derniers neveux .
( 344 )
Le bruit s'était répandu que Vadier avait été arrêté près
de Vincennes , et trouvé caché dans une cave ; mais ce bruit
ne s'est point confirmé .
3
Cinq des membres de la commission populaire d'Orange
ont été déposés , le 14 de ce mois , à 11 heures du matin ,
la Conciergerie de Paris , par un détachement de dragons .
Fauvetti , président de cette commission , était déja incarcéré.
Ce Fauvetti , directeur de la peste aux lettres à Uzès , avait
été placé à Orange à la recommandation de Vouland qui eu
écrivit à Robespierre .
Brochet , garde de la ci- devant connétablie , et ex-juré du
ribunal révolutionnaire de Paris , a été arrêté . Ce Brochet
demeurait dans la même maison que Billaud - Varennes ; et
l'on se rappelle encore son discours aux Cordeliers , où il fit
le plus bel éloge de Marat qu'il comparait à Jésus - Christ . Vous
l'eussiez pris pour un prêtre disant la messe. Coeur de Jésus !
s'écriait-il , coeur de Marat ! cor Jesus ! cor Marat !
Naulin , substitut de Fouquier -Thinville , détenu à la Bourbe,
a, été transféré au Plessis . On y a aussi transféré Chrétien ,
limonadier , détenu au château de Ham.
Garnier de Launay , ex -juge du tribunal du département et
ex-juge du tribunal révolutionnaire , a aussi été arrêté le 14
de ce mois.
On trouve à la page 223 du rapport de Courtois , la note
suivante , sur Garnier de Launay , dont il est ici question.
Garnier de Launay , juge au tribunal révolutionnaire ,
prévenu , d'après la déclaration de F .... autre juge au même
tribunal , de complicité avec Robespierre , pour avoir pris
ouvertement son parti aux jacobins , la nuit du 3 au 9 thermidor
, en appuyant de toutes ses forces son discours liberticide
, et mettant le poing dans les dents au citoyen Bentabolle
, qui contrariait les vues de ce discours .
Et pour être un des hommes de l'escorte du traître Robespierre
, lorsqu'il sortait des jacobins , dans laquelle escorte
étaient Didier , Girard , Chatelet , Nicolas , juge du tribunal
révolutionnaire ; Tartereau , Boulanger et autres ..
Courtois rapporte ensuite , sur cette escorte , l'anecdote que
voici . Une partie de l'escorte , dit-il , se séparait de Robespierre
, allait ouvrir sa porte avec empressement , et attendait
ce traître , qui se présentait toujours avec un air de grande
importance.
Réflexions sur les pieces imprimées à la suite du rapport de
Courtois.
C'est un recueil précieux que celui des papiers trouvés
chez Robespierre. Il était uule de connaître les projets de
ce
( 345 )
ce factieux , ses moyens et ses complices ; mais un autre genre
d'intérêt est encore attaché à cette lecture .
On aime à se voir introduit dans le cabinet désert d'un
et
tyran , on jouit en considérant , ces travaux interrompus
ces entreprises pour jamais abandonnées , ces instrumens de
mort mis enfin au repos , et des essais restés informes ,
les ébauches monstrueuses de cet attelier de calamités . Nous
gémissons sous un puissant systême de tyrannie ; il est dissous
; cette épouvantable machine est démontée , et nous en
touchons les pieces.
Mais à ce premier mouvement de satisfaction succedent
bientôt l'étonnement et la honte ; on s'indigne de ne pouvoir
rapporter de si grands désastres qu'à d'aussi viles causes.
et l'on se sent bien humilié du mépris que l'on doit à ses
oppresseurs .
Vous voyez dans ce recueil quelle espece d'hommes secondait
la tyrannie de Robespierre , et quelles qualités ce
service exigeait : vous decouvrez une dépravation dont l'idée
même n'existe point dans les tems ordinaires ; et si l'on
en perd de vue un instant les exemples , on en
contestera
la possibilité. Chez les uns , c'est un endurcissement brutal ,
une sécurité dans le crime , qui constate bien que la conscience
peut s'éteindre dans le coeur humain , et qui doit detromper
ceux qui se reposent sur elle du soin de leur vengeance :
chez d'autres , vous observez les méprises de la conscience ,
plus surprenantes encore que son silence . Vous voyez , par
exemple , à la commission d'Orange , un Roman Fonrosa qui
a quelques principes , sans qu'on puisse demêler sur quelle
bâse ils reposent cet homme distingue
assassinat , et il ne se les permet pas to entre assassinat et
placé parmi des
hommes sanguinaires , il les suit quelquefois , et quelquefois
il s'écarte d'eux ; sa conduite leur semblait inexplicable.
Fauvetti , l'un d'entre eux , s'en plaignit à Payan ; c'est , lui
dit-il , un formaliste enragé .... il ui faut des preuves . ( Page 395. )
Payan sentit la nécessite de raffermir cette ame timorée ; il
écrivit à Fonrosa , et nous avons sa lettre. ( Page 396. )
C'est le casuiste Sanchez en bonnet rouge. Cet horrible directeur
fait une distinction jésuitique entre l'humanité générale
et l'humanité individuelle , qu'il appelle un crime. Il prend tous
les tons avec son néophyte ; il l'effraie ; il s'efforce de lui donner
des remords sur le sang qu'il négligera de verser ; il le
conjure , au nom de la patrie , au nom de l'amitié , d'être impitoyable
; il lui commande d'oublier que la nature le fit humain
et sensible.
Fonrosa lui répond , et confesse ses scrupules. Il a remarqué
que les charges présentées par les témoins étaient souvent dictées
par des animosités particulieres ; cependant il ne s'arrête
point à cette considération , quand il est question de nobles ,
Tome XIV. A a
( 346 )
de prêtres , de riches , d'hommes d'affaires ou d'hommes instruits
; mais quand l'accusé n'est d'aucune de ces classes ,
Fonrosa examine si ses intentions n'ont pas éété innocentes
et il ose dire que lorsque dans son ame il a acquis cette conviction
il vote de moindres peines .
Fonrosa est une varieté assez rare dans l'espece de ses tigres ,
presque tous les autres sont plus parfaitement cruels . Viot :
Benêt , Darthé , etc. , savourent le meurtre . Achard compte
les têtes qu'il fait tomber à Lyon , et croit que ses amis doivent
envier ses délices ( page 306 ) .
Parmi ses complices , est un Pilot , qui s'est plaint d'être
malade ; mais le sang qui coule devant lui le rafraîchit et le
guérit ( page 296 ) .
Je recueillerais bien des traits de ce genre , si ma plume
n'était déja fatiguée de transcrire de si dégoûtantes atrocités.
On observe du moins avec consolation que ces tyrans ne
trouverent pas la France assez fertile en êtres malfaisans .
Maignet se plaint de la disette des sujets ( page 370 ) .
Dans la Drôme , dit Payan , les bons sujets manquent comme àpeu-
près par-tout ( page 373 ) . Ces bons sujets qu'on demandait à
Payan étaient destinés à former la chambre ardente d'Orange.
Il fallait à Maignet sept coopérateurs dignes de lui ; il ne trouve
pas à s'assortir dans trois départemens ( page 371 ) .
La commission d'Orange n'eut que cinq juges , et pour la
composer il fallut employer des bras fatigués encore des massacres
de Lyon .
Ges sujets dont on déplore la disette , rares en effet par
leur harbarie , ne l'étaient assurément pas par leurs talens . Si
quelque chose est prouvé dans ce recueil , c'est qu'aucun
mérite ne fut nécessaire pour nous opprimer , et que celui
dont le coeur ne répugnait pas à cette mission , eut toujours
la faculté de la remplir.
On voit un échappé de college parcourir et épouvanter
plusieurs départemens ( p . 333-364 ) ; il a interrompu ses thêmes
pour composer des lois ; il n'est pas encore un homme , et pent
déja être un tyran . Vous le suivez au Nord , au Sud ; par- tout
il prétend soumetre les actions , diriger les pensées ; et ce
n'est pas une prétentionn vaine , car par- tout il rencontre l'excès
de la pusillanimité venant absoudre l'excès de la présomption .
Lisez les lettres de Gatteau , d'Achard , etc. etc. votre étonnement
se partagera entre la férocité de ces hommes et leur
stupidité. Je voudrais , dit Robespierre à l'une de ces
" bêtes qu'il lâchait sur les départemens , je voudrais que chacun
" de vous pût former seul un tribunal et empoigner aué ville 99 ,
( page 273 ) .
Ce voeu fut souvent rempli . Les villes , les contrées se
sont laissées empoigner par la main la plus grossiere , dès
qu'elle a voulu les saisir . J'ai parlé de Pilot , l'un de ceux
(( 347) )
qui tenaient Lyon ; lisez de son style. O tems ! 8 tems !
" combien tu apprends à l'homme à ne jamais désespérer de
99 ton gouvernement , sur-tout quand le comité de salut pu
blic , dont les membres qui le composent offriront bientôt
à l'univers entier cette force de
caractere
qui décoale de
cette vertu sans mélange et de la probité la plus sévere
que n'ont jamais offert les siecles les plus memorables à
11 un gouvernement démocratique embrasse bien pour moi
1 tes amis , etc. "" ( page 298 ) Voilà cependant quels
hommes désolaient la France. Voilà ce qu'il faut de talent
pour opprimer les humains..
Nous dépendions de leurs volontés et même des hasards
qui dirigeaient leurs pas . Couthon est à Lyon. Le froid com.
menee à s'y faire sentir et augmente , dit- il , ses douleurs.
J'aurais envie , écrit il à Saint- Just , d'aller respirer un peu
9 l'air du Midi ; peut-être rendrai-je quelques services à
Toulon ; mais je desire que ce soit un arrêté du comité
, qui m'y envoie . Fais -moi passer cet arrêté et ou l'enfer
" s'en mêlera , ou le systême de vive force aura lieu à Toulon ,
comme il a eu lieu à Lyon. Toulon brûlé , je reviens
auprès de vous , etc. ( page 226 ) . L'une de nos villes
fut près d'être sacrifiée à la eure d'un rhumatisme de Couthon.
""
-
Parmi les monstres qui figurent dans ce recueil , les uns
ne vivent plus , d'autres respirent encore , plusieurs même
sont libres . Ce souvenir attriste ; on n'est plus accoutumé à
l'idée de partager l'existence avec eux ; on ne connaît point
d'intervalle sur la terre qui puisse les éloigner assez ; et
l'on voudrait souvent embrasser à leur égard l'illusion que
le Dante s'était faite sur des ennemis moins cruels ; il se
persuada qu'en les vvooyyaanntt aaggiirr , il ne voyait plus que des
fantômes ; il écrivait qu'ils étaient déja dans l'enfer , et qu'il
les y avait rencontrés.
11.3
Une lettre de Nantes , du 10 ventôse , contient des détails
curieux et intéressans sur les circonstances de la pacification
de la Vendée , et sur Charette l'un des principaux chefs
qui ont joué un rôle dans l'armée des rebelles , séunis aujourd'hui
à la commune- patrie . Cette lettre contient les
faits suivans :
L'acte d'union fut signé d'hier entre les représentans
d'une part , Charette et vingt- six sous chefs vendéens de
l'autre. Les conférences ouvertes depuis le 24 pluviôse , à
une liene de Nantes sur le chemin de Clisson , ont été fermées
à une heure après- midi. Le succès de la négociation
et l'entrée de Chateule et compagnie , nous furent annonces
par nne salve de 21 coups de canon . Presqu'aussitôt , nous
vimes paraître ces rebelles , que l'on avait juré d'exterminer
Aa a
( 348 )
Charette magnifiquement monte , vêtu de bleu , ceint d'un
ruban tricolor , le chapeau surmonté d'un énorme panache :
ce général était en tête , suivi de quatre de ses lieutenans ,
puis un groupe de représentans , puis un autre de l'étatmajor
de Charette et ensuite un autre de représentans ; ensuite
Canclaux , général de l'armée de l'Ouest , avec son étatmajor
et les officiers vendéens , une compagnie d'infanterie ,
un escadron de dragons , un de gendarmerie , et l'élite des
grenadiers de la garde nationale , précédée de la musique , et
suivie des débris de la cavalerie nantaise , enfin deux berlines
décorées d'un bonnet rouge , remplies de représentans et de
commissaires, pacificatenrs.
Les représentans paraissaient énivrés de joie ; ils ne cessaient
de crier vive la paix , et le peuple répétait vive la peix .
Charette paraissait triste et attendri ; il recevait et rendait à
droite et à gauche les serremens de mains et des saluts , en
criant , vive l'union , vive la paix. Les autres chefs de la Vendée
paraissaient mornes ; leur contenance était fiere . Je n'ai apperçu
dans leurs yeux , aucun signe d'émotion , leurs regards fixes ,
presque dédaigneux , semblaient dire : Ce même peuple nous
appellait n'aguere à l'échafaud ; notre supplice aurait excité
la même affluence , les mêmes transports . Ils n'avaient conserve
de leur ancien costume que le chapean rond à haute
forme , le châle blanc sur la tête , et les galons du chapeau ,
signes de leurs grades dans l'armée . Leur entrée s'est faite avec
une sorte de pompe triomphale ; le peuple , toujours avide de
spectacle , suivait en chantant et en perçant l'air de cris de
joie. Quelques figures jacobines se faisaient aisément remarquer
par leurs mines mécontentes et renfrognées . Leur tristesse
contrastait plaisamment avec l'hilarité de la multitude.
Le cortege traversa lentement la ville , fit à petit pas le
tour des places publiques , ensuite se rendit chez les représentans
, où nos freres égarés ( c'est l'expression du jour )
trouverent des rafraîchissemens . Plusieurs se rendirent au
spectacle quand ils entrerent , l'orchestre joua l'air : Où
peut-on être mieux , etc. Les spectateurs accompagnaient avec
enthousiasme ; les municipaux debout firent répéter ce même
air plusieurs fois : les cris de joie , les bravo , les battemens de
mains , les chapeaux en l'air , rendirent cette scene trèsattendrissante
: ceux qui en étaient l'objet se livrerent peu.
"2
•
Je vous ai dit dans ma derniere , que Stoflet , qui commande
dans le Boccage , le pays le plus fertile et le plus
inaccessible de l'outre- Loire avait refusé d'accéder à la
capitulation ; il avait motivé son refus dans une proclamation
dont il avait envoyé plusieurs exemplaires imprimés aux représentans
du peuple ( et qui a été publiée dans le journal intitulé :
l'Ami du Peuple ) . A force de démarches , on était parvenu
à l'amener à une explication avec Charette . Il se rendit à la
( 349 )
Jaunais , maison de campagne voisine du lieu des conférences ;
il cut lacomplaisance d'éconter de longs discours et les mille
et une considérations qui déterminaient ses confreres . Résultat ,
toi trouver tout en beau , moi pas trouver bon ; et le général
enfourche sa jument , et part au galop , en criant : Wifli roi.
Au reste , il faut savoir que Charette n'a
jamais été général
en chef ; lors de l'insurrection , il commandait dans sa
commune. Quant on organisa cette armée , il fut élu chef
d'une division de deux mille hommes. Au mois de brumaire ,
les insurges passerent la Loire pour aller prendre Granville , où
la flotte anglaise , ous les ordres du comte de Moira , devoit
les attendre presque tous les chefs perirent ou furent faits
prisonniers aux affaires du Mans , Ancenis et Savenay ; Charette
était seul resté dans la Vendée avec 1500 hommes ; il
recueillir les débris de son parti , et commença a prendre une
plus grande consistance . Stoflet avait passé la Loire avec les
autres chefs ; grenadier pendant seize ans dans un régiment
allemand au service de France , puis garde-chasse , il avait été
nommé successivement capitaine , chef de légion , major de
la grande armée , enfin après la mort de Talmont , d'Auti
champ , Delbec , Beauchamp , la Roche-Jacquelin et autres , il
fut élevé au grade de commandant - général pour le roi.
Charette noble , et Stoflet , garde - chasse , n'ont jamais pu
sympatiser. Les poupains vendéens , les propriétaires , préfé
raient Charette , leur compatriote et propriétaire dans le
pays ; les deserteurs , les partisans de la guerre , les nonpropriétaires
preferaient le grenadier Stoflet . Charette s'indignaii
d'un pareil concurrent , il l'appellait par dérision
Louis diehet Il est possible que le ressentiment de ces petites
humiliations ait contribué à éloigner Stoffet de toute conciliation
. Il a fait broder sur ses drapeaux : Qui sert bien son pays
n'a pas besoin d'aïeux.
Il a été abandonné de son état - major , qui a signé la capitulation
; malheureusement il reste à la tête d'une troupe
d'enragés , de déserteurs et des plus fougueux ennemis de la
République , et on pourrait craindre qu'ils ne se joignissent
aux chouans , dont la soumission n'est pas complette , si l'é-
Fque de l'amnistie était passée , ce faible reste de mécontens
pouvait tenir contre le concert et la force des troupes citoyennes ,
qui se sont réunies à la République , ponr assurer la paix et la
tranquillité des contrées qui ont eu tant à souffrir d'une
scission funeste.
Au Rédacteur.
Voici , citoyen , des détails exacts sur le sort de l'infortuné
la Peyrouse , auxquels je crois que tu donneras place dans
ta feuille ; ils affligent les bous patriotes et sur-tout la veuve
de ce brave marin , digne d'un meilleur sort ; mais les regrets de
( 356 )
la nation sur cette perte , dont on ne peut plus guères douter,
fait une sorte de consolation glorieuse pour la femme et
pour la famille de la Peyrouse .
Le citoyen Willaumes , officier de marine , et commandant
la corvette le Léger , nouvellement arrivé des Indes orientales ,
rapporte qu'il était du nombre des officiers employés sur
les deux gabarres expédiées le ........ par l'assemblée constituante
, sous les ordres de d'Entrecasteaux , pour aller å
la recherche de la Peyrouse. D'Entrecasteaux étant mort
dans les mers de l'Inde , Dauribeau , son second , prit le
commandement des deux gabarres ; mais , sur la nouvelle.
de l'abolition de la royauté , ce traitre qui avait sans doute
des instructions secrettes des ci -devant princes ( et non pas
de Pitt et Cobourg , comme B...... pourrait nous le faire
croire aujourd'hui s'il avait encore la parole ) , arbora le pavillon
et fut se mettre avec ses deux gabarres sous la pro
tection des Hollaudais , dans le port de Sourabaya , dans
l'isle de Java , où elles sont depuis seize meis. Le citoyen
Willaumes et quarante autres citoyens des équipages n'ayant
pas voulu prendre part à cette trahison , obtinrent des Hollandais
, après beaucoup de solicitations , un parlementaire
pour se rendre à l'Isle-de-France . Il croit que d'Entrecasteaux,
s'il eût vécu , était trop honnête homme pour prendre le
parti détestable auquel s'est livré l'infâme Dauribeau , que
les Hollandais commençaient déja à mépriser lorsque le parlementaire
abandonna l'isle de Java,
3
Le citoyen Willaumes ajoute qu'ils ont présumé avoir
passé sur les traces où a dû périr la Peyrouse , ayant donné
dans des écueils qui ne sont décrits sur aucune carte , ni par
aucuns voyageurs , et où ils ont eux-mêmes été exposés à
périr. Il court en outre le bruit dans l'Inde que quelques
navires ont rencontré des débris , mais cela n'est pas bien
confirmé. "
NOUVELLES OFFICIELLES.
Nantes , le 9 ventôse , l'an 3e . de la République.
Citoyens collegues , la Vendée est rentrée dans le scin
de la République. Charette et tous les chefs des armées
dites du centre et du Pays - Bas , viennent de déclarer solem
nellement qu'ils se soumettront aux lois de la République
Française une et indivisible.
Stofflet , commandant l'armée vendéenne , dite de l'Anjou ,
n'a pas encore montré les mêmes dispositions , pour profiter
du bienfait de la loi du 12 frimaire ; mais huit de ses princi(
351 )
A
paux chefs l'ont quitté , se sont joints à Charette , et comme
lui ont exprimé leur voeu de vivre en républicain.
99 Si Stoffet persiste dans sa rébellion , il ne peut être dans
gereux ; son armée est réduite , par la retraite de huit de
ses chefs , à quelques centaines de cavaliers déserteurs des
légions Germanique et Rozenthal . L'habitant des campagnes
est fatigué de cette guerre ; en voyant entrer sur son terri
toire des troupes républicaines , il les bénira comme étant
ses libérateurs . Nous le savons à n'en pas douter , il énonce
hautement ses intentions à cet égard .
" Nous avons parlé , en votre nom , le langage de l'humanité
, et nous avons été écoutés . L'attitude grande et imposante
de la Convention , depuis le 9 thermidor , a fait dans
l'esprit des Vendéens ce que les défenseurs de la patrie n'auraient
obtenu qu'avec effusion de sang.
Ces malheureuses contrées ont besoin d'une nouvelle vie ;
nous allons les parcourir , ranimer l'agriculture et relever le
commerce. Plusieurs de nos collegues vont se rendre auprès
des comités de gouvernement , pour les instruire des mesures
et des moyens qui ont amené des résultats aussi heureux .
" La rentrée des Vendéens au sein de la République entraîne
avec elle le retour des Chouans . Deux de leurs chefs viennent
de reconnaître le gouvernement républicain . Ils rassemblent
les autres chefs pour souscrire la déclaration de Charette
et des Vendéens ; des ordres ont été donnés par eux derechef
pour faire cesser toute hostilité .
La conduite de nos braves défenseurs a contribué au
succes de nos opérations , ils ont porté aux Vendéens les
paroles de paix et de conciliation avec la même énergie qu'ils
les auraient combattus. Ils out fraternisé , et persuadé aussi
les armées de l'Ouest , des côtes de Brest et de Cherbourg ,
placées sur un théâtre moins brillant que les autres ; elles ont
néanmoins bien mérité de la patrie dans ces circonstances.
Salut et frasernité .
Signés , P. P. Delaunay , Romme , l'américain ; Brue
Lofficial , Chaillon , Bollet , Ruelle , Menuau , Gary , Morisson
Dornier
Suite de la relation des principales circonstances qui ont précédé
et accompagné l'entrée des Français en Hollande,
Nous avons rapporté , dans l'avant- dernier numéro , le
discours que l'orateur de la députation de l'assemblée des
représentans provisoires du peuple de Hollande , a adressé aux
représentans du peuple français . Voici la réponse faite d
cette députation :
( 352 )
Citoyens, qu'il est beau ce jour qui présente l'imposant.
spectacle d'un peuple qui arbore , après tant d'années d'esclavage
, l'emblême de la liberté .
99
Citoyens bataves , plusieurs fois vous avez tenté de secouer
le joug du despotisme , et vos efforts n'ont pu assurer
solidement votre independance .
" Plus forts aujourd'hui de votre énergie , et d'une plus,
longue expérience , vous allez jouir d'une liberté fondée sur
des bases inébranlables ! Vous avez su dominer l'élément le
plus impétueux vous savez maitriser les flots de la mer ;
Vous avez circonscrit son territoire et impérieusement limité
son domaine.
" Aujourd'hui , vous faites plus encore , vous déclarez que
vous voulez être libies : vous le serez .
" Que ce jour d'allégresse serve à entretenir dans vos
ames le feu sacré de l'indépendance . Portez souvent VOS
regards sur l'emblême de la liberté ; qu'il vous rappelle votre
dignité , et qu'il excite en vous la grande horreur pour la
tyrannic ! Qu'il est doux pour des représentans du peuple
français d'être témoins des sentimens du patriotisme qui vous
animent . Puissent les deux peuples conserver à perpétuité
le titre d'alliés et d'amis !
" Haine à la tyrannie ! vivent les peuples libres ! ",
Le citoyen Peter Paulus a rempli sa quiuzaine pour laquelle
il avait été élu président des representans provisoires du peuple
de Hollande ; il a prononcé , à cette occassion , un discours
dans lequel , en reconnaissant l'importance des travaux déja
faits par l'assemblée , il fit remarquer l'immensité de l'édi
fice qu'elle avait à élever , et dont il n'a encore été posé que
quelques pierres fondamentales . Il la remercia des preuves
multipliées de confiance qu'il en avait reçues. Par une
suite de cette même , confiance , l'assemblée l'a continué
dans sa présidence , par acclamation . Le secrétaire de l'assemblée
de Lange Van- Wyngaerden a été remplacé sur sa
propre demande .
( La suite au numéro prochain )
P. S. Dans la séance du 18 , la Convention , sur le rapport
des comitès de gouvernement , a rappellé dans son sein
les députés mis hors de la loi.
( N°. 33. )
MERCURE FRANÇAIS.
QUINTIDI 25 VENTOSE , l'an troisieme de la République.
( Dimanche 15 Mars 1795 , vieux style . )
Explication de la Charade du Nº . 34.
Le mot de la Charade est Débat.
LE VOYAGEUR ET LA LAITIERE.
ANECDOTE .
J'TAIS alle voir Francklin à Passy ; je le trouvai à
l'extrémité de son jardin , tapi contre l'angle du mur
qui touchait immédiatement au grand chemip. Je lui
témoignai quelque étonnement : J'écoute les passans ,
me dit-il ; cela m'arrive assez souvent , et je n'y perds pas
toujours mon tems . Il me cita à ce sujet quelques traits
dont il a fait usage dans l'Almanach du bon-homme Richard.
J'ai mis quelquefois à profit cette leçon , etje ne m'en suis
pas mal trouvé.Plus j'ai observé combien d'intérêts grands
et petits concouraient à troubler et à altérer la vérité dans
presque toutes les bouches , plus j'ai reconnu que si
l'on veut recueillir quelques paroles vraies , il faut écouter
ces êtres simples que la corruption générale n'a pas
encore atteints , et qui , en parlant , ne cherchent ni
à se montrer ni à se cacher. Voici la derniere épreuve
que j'en ai faite :
J'allais , nonidi dernier , visiter mes pénates ruraux
dans la valléé de Montmorency ; j'étais à pied . Je rencontrai
, au-dessus de St. Denis , une jeune fille montée
sur une petite charrette , qui venait de porter quelques
denrées à Paris . Elle avait 19 à 20 ans , avec toute la
fraîcheur de cet âge et de la plus brillante santé . Je liai
conversation avec elle , et je la trouvai aussi avisée et
raisonnable que jolie . Je ne sais comment nous vinmes
à parler du décret qui rend la liberté du culte ; elle
croyait qu'il allait lui rendre son curé , son église , ses
cloches et ses grand-messes. Je lui expliquai à quoi se
Tome XIV. Bb
1
354
bornait cette liberté. C'est toujours bon , me dit- elle ;
nous aurons au moins quelqu'un qui pourra instruire
nos jeunes gens de leurs devoirs , car , depuis qu'il n'y
a plus de prône ni de messes , ils disent qu'il n'y a plus
d'enfer , et se croient tout permis . Hier encore , me
dit- elle , n'ai -je pas été obligée de donner un bon soufflet
à mon plus jeune frere , qui s'est avisé de tutayer
notre ancien curé , un bon vieillard , à qui mon pere
ne parle lui- même qu'avec respect , et qui ne nous parle
jamais que pour nous recommander d'obéir à nos pere
et mere , de bien travailler et d'avoir soin des pauvres ?
Après avoir loué cette aimable , fille de ses bons sentimens
, je l'interrogeai sur sa famille et son genre de vie,
Voici le résultat de notre dialogue :
Je suis , me dit- elle , de Saint Gratien ; j'ai mon pere
et ma mere , une soeur et trois freres , dont les deux
aînés sont dans les armées . Nous avons trois arpens de
terre à loyer , et nous allons tous les jours vendre du
lait à Paris. Je vais l'acheter dans les villages voisins , il
me coûte 12 sous la pinte , et je le revends 25. Com--
bien en portez- vous ordinairement ? - Environ cent
pintes. Le commerce est bon . A 13 sols de bénéfice
par pinte , cela ferait au moins 60 liv. de gain par jour,
Fort bien , mais calculez la dépense ne faut - il pas
un cheval qui s'use à ce métier-là , et dont la nourriture
est bien chere ? un boisseau d'avoine 6 liv. , deux bottes
de foin 2 liv. 10 sous , deux bottes de gerbes 15 sous ,
et le ferrage qui coûtait jusqu'à 35 sous dans les fortes
gelées ; ajoutez à cela et l'entretien de la voiture et le
harnois , et la nourriture d'un âne ; tous ces objets réunis
étaient évalués à plus de 25 liv. par jour. A présent ,
ajouta la jeune laitiere , calculez la dépense de la famille
: nous mangeons dix livres de pain par jour ; nous
le faisons nous-mêmes ; il nous revientà o sous la livre, et
puis on ne vit pas seulement de pain; passe pour nous ; mais.
mon pere et ma mere ne sont plus jeunes , ils se donnent
beaucoup de mal , il leur faut de bonne soupe , un peu
de viande , un peu de vin , et vous savez ce que cela
coûte. Elle en vint à l'habillement : cette cotte rouge,`
qui coûtait autrefois 9 liv. , m'en coûte go ; ce tablier ,
au lieu de 10 liv. , en vaut 55 ; la toile que je payais
40 sous , je la paie 15 liv.; enfin , voilà des souliers qui
m'ont coûté , sans les clous , 28 liv . En résumant tous
aces, calculs , je fus presque effrayé du résultat : c'estqu'une
famille de campagne , sans autre industrie que
( 355 )
elle de venir revendre du lait à Paris , gagnait à cela
plus de 20,000 liv . par an , et qu'en même tems un pareil
revenu ne faisait que procurer à cette famille labo
rieuse et économe , une subsistance honnête , avec les
moyens nécessaires pour le maintien de ce petit coinmerce.
Comme j'avais deux lieues à faire avec ma jeune com
pagne , je 1 interrogeai ensuite sur l'emploi qu'elle faisait
de son tems . Ah ! le tems ! le tems ! me dit- elle , voilà
ce qui est le plus cher et ce qui nous manque toujours . Gela
me rappella le mot du bonhomme Richard : vous avez
bien raison de faire grand cas du tems , lui dis je ; car la
vie en est faite . Get adage lui plut beaucoup , ainsi que
cet autre que la conversation amena ensuite : Faute d'un
clou , le fer du cheval se perd ; faute d'un fer , le cheval se
perd ; et faute d'un cheval , le cavalier lui-même est perdu.
En revenant sur l'emploi de sa journée , je trouvai
tous ses instans si remplis par différens travaux , que je
lui demandai quand elle dormait. Dormir ! me dit-elle ,
preque étonnée de la question ; je n'en ai guères le tems.
s de tems en
Je ne me couche jamais
; mais je
mais dieu
tems sur ma chaise , souvent sur ma
pourvoit à tout , je me porte bien. J étais si enchanté de
tant de raison et de bons sentimens , que j'aurais embrassé
de bon coeur cette intéressante créature , si clle n avait
pas été si jolie . Le moment de nous séparer était arrivé ,
je pris congé d'elle , en lui citant encore cet adage du
bonhomme Richard : La faim regarde à la porte de l'homme
laborieux ; mais elle n'ose pas y entrer.
MÉLANGE S.
SUITE DE LA LETTRE DU REDACTEUR , contenant la revue
de quelques écrits relatifs à la révolution .
ON a souvent parlé de la faction d'Orléans , et de l'influence
qu'elle a eue sur les événemens révolutionnaires ,
qui pendant, trois ans ont plongé notre malheureuse
patrie dans les plus horribles convulsions . Quels étaient
les agens et les moyens de cette faction ? Vous, trouverez
sur cet objet des éclaircissemens assez curieux
et des conjectures assez probables dans une brochuse
intitulée Plan suivi par Robespierre et tas jacobins pour
donner un roi à la France ; par feu SALLE , député de la
1
Bb 2
( 356 )
(
Meurthe à la Convention nationale , et qui se trouve thez la
veuve GORSAS , rue Neuve- des - Petits - Champs , nº . 741 .
+
Il n'est pas besoin de vous dire que ce roi était
d'Orléans . Pour connaître les conspirateurs , l'auteur se
suppose lui -même chef du complot , et se demande ce
qu'il aurait fait pour réussir. Il cherche ensuite ceux
qui ont agi de cette maniere , et il laisse aux lecteurs
le soin de faire l'application . Telle est la méthode qu'il
a suivie. Vous voyez que ce n'est qu'une méthode de
probabilités. Mais les rapprochemens sont si bien saisis ,
si fortement développés , que ces probabilités prennent
un caractere voisin de la certitude . Cependant une partie
de ses raisonnemens pourraient fort bien convenir à
l'existence du parti de l'étranger. Aussi ne douté - je
point , dans ma propre opinion , que tous les moyens
qui servaient la faction d'Orléans , servaient en même
tems les puissances coalisées . L'un troublait , divisait
tout , désorganisait tout pour parvenir à la royauté . Il
importait peu aux autres qui fût roi de France , pourvu
que la liberté et la constitution ,fussent détruites.
Cette brochure contient encore la lettre de SALLE au
citoyen BIQUILLEY , vice - président du département de la
Meurthe , lettre dans laquelle il lui fait part de tous les
détails du complot du io mars qui était l'avant- coureur
de la journée du 31 mai . C'est cette lettre , qui étant
tombée dans les mains d'Antoine et Levasseur , fut ensuite
dénoncée à la Convention , et contribua à envelopper
Salle dans la proscription du 31 mai . Celui - ci fit dans
le tems des observations explicatives sur cette lettre , qui
y sont également jointes. Enfin , la brochure est terminée
par la déclaration de Salle , du 3 juin 1793 , sur les
événemens relatifs à cette époque . Toutes ces pieces
ont été recueillies après sa mort , et imprimées sous le
titre que je vous ai indiqué.
On vient encore de réimprimer sur le même sujet
une autre brochure sous le titre de la vérité sur la faction
d'Orléans , et la conspiration du 10 mars 1793 , par Louver,
et qui se trouve aussi chez la veuve GORSAS . Ce discours ,
adressé à la Convention , devait être prononcé à la tribune
; mais Louvet demanda en vain la parole pendant :
huit jours , elle lui fut refusée . Un décret venait d'interdire
toute espece de dénonciation à la tribune. Il
est probable que si cette opinion eût été entendue au
milieu des représentans , les vérités fortes qui y étaient
( 357 )
énoncées auraient pu dessiller les yeux et prévenir l'hor
rible attentat du 31 mai . Aujourd'hui sa publicité servira
à reporter les esprits à des époques et à des événemens
dont il importe de démêler les causes . L'auteur
de cet écrit a eu deux motifs ; l'un , de prouver que le
parti que l'on accusait alors de complicité avec Dumourier
et la faction d'Orléans , en était au contraire
le plus redoutable ennemi ; l'autre , que les véritables
partisans d'Orléans étaient ceux - là mêmes qui s'étaient
rendus accusateurs. Les rapprochemens y sont plus développés
que dans la brochure de Salle. Il y a une plus
grande somme de faits et de probabilités , tous puisés
dans la nature des événemens et dans les opinions
émises à la Convention par le parti que Louvet dévoile .
La conspiration du 10 mars y est mieux approfondie ,
et traitée sous le rapport de ses causes secrettes . Les
éclaircissemens qui résultent de cet écrit peuvent occuper
une place parmi les matériaux soumis à l'examen
sévere de l'histoire .
Si vous voulez connaître quelques documens relatifs
aux causes des journées du 31 mai , 1er . et 2 juin , lisez
le recueil qu'a publié BERGOEING sous le titre de longue
conspiration des jacobins pour dissoudre la Convention nationale.
Bergoeing était membre de la commission des
douze , nommée pour recueillir les preuves de la conspiration
du 10 mars et de celle qui se tramait alors contre
la Convention nationale , et qui eut son effet le 31 mai .
Vous y trouverez une foule de dépositions , de renseignemens
, de lettres et de pieces , qui toutes attestent
l'existence , soit d'un comité d'insurrection , soit du projet,
de dissoudre la Convention et d'égorger une partie de
ses membres . Ce recueil , déposé par Bergoeing au
secrétariat du département du Calvados , a échappé de
cette maniere à la saisie de pieces qui fut faite au
domicile ou s'était réfugié le malheureux Rabaud- Saint-
Etienne . Après avoir lu ces pieces , on a quelque raison
de s'étonner que la commission des douze ne soit pas
venue en faire lecture à la Convention avant le 31 mai.
Si elle eût provoqué des mesures vigoureuses , rien
n'était encore perdu . Que de maux eût épargné à la
France celui qui aurait eu la courageuse activité de
Cicéron , qui ne s'amusa point à faire arrêter quelques
agens obscurs de Catilina , mais qui alla droit à ce
chef des conjurés . Ces regrets , je le sais , ne sont plus
Bb 3
( 358 )
que du ressort de l'histoire . Mais les pieces que je vous
indique sideront du moins à jetter un jour lumineux
sur cette affreuse conspiration .
La proscription des députés , mis hors de la loi , et
des 73 arrêtés , le 3 octobre , a donné lieu à plusieurs
écrits , soit historiques , soit de pur raisonnement . On
n'avait eu jusqu'à présent aucun détail sur le sort de
ceux qui avaient eu le bonheur d'échapper à l'infatigale
inquisition des égorgeurs en chef et de leurs
agens . Louvet a publié des mémoires qui contiennent
des faits extrêmement curieux. Je ne vous en entretiens
pas en ce moment , ils sont de nature à former un
article à part.
Sous le titre de proscription d'ISNARD est une brochure
de 98 pages , qui se trouve chez tous les marchauds
de nouveautés . Elle est divisée en trois par
ties : l'une contient l'historique des persécutions que
ce député a epipuvées de la part de la commune de
Palis et de Robespierre . L'autre est l'exposition de ses
moyens de défense relativement à l'acte d'accusation
da 3 octobre , et au décret proposé par Saint -Just par .
lequel il fut mis hors la loi . La troisieme renferme sa
vie politique.
•
Je ne dirai rien des principes sur lesquels il a fondé
le droit de rentrer dans le sein de la Convention . Cette
question vient d'être jugée en faveur de tous les députés
mis hors de la loi , Oul fallait les envoyer à l'échafaud
s'ils étaient coupables , ou leur rouvrir les portes de la
représentation nationale s'ils étaient innocens . Les envoyer
à l'échafaud ! eux qui , au péril de leur vie , ont
soutenu les droits et l'indépendance de la représentation
nationale contre toute espece d'usupation et de
tyrannie !
........
e qui faisait leur crime aux yeux de
la fiction des bourreaux , fait aujourd'hui leur gloire . Les
événemens du 31 mai y sont tracés d'un pinceau mâle et
vigoureux . Il justifie sa présidence qui , comme on le sait ,
fut tres-périlleuse à cette époque . Il assure qu il ne s'agissait
rien moins au 31 mai que du meurtre de trois
cents rep.ésentans . Il cite en preuve un fait assez peu
connu , et qui mélite de Têtre . Le député Lacroix déclara
au tribunal révolutionnaire , la veille de son jugemeat
, que son projet , le 31 mai , était d'extirper de la
Convention , non- sculement les vingt - deux , mais encore
tous les députés qui avaient voté l'appel au peuple . Je
61359 )
garantis , continue Isnard , la vérité de ce fait , et je
consens de perdre la tête si je n'en montre pas la preuve
matérielle à qui voudra la voir. Il répond à cette impu
tation de fédéralisme , dont on a abusé pendant si longtems
la crédulité publique , et prouve que les seuls vrais
fédéralistes sont les complices de Robespierre , les jacobins
, les terroristes , et tous les fauteurs du 31 mai ,
parce qu'eux seuls ont rompu , à cette époque , l'unité de
la République , en détruisant par la force l'unité de sa
représentation . Ils ont , durant 18 mois , républicanisé
exclusivement entre eux , puisque , réduisant le Peuple
Français à leurs confreries , maîtrisant par elles le reste
de la représentation nationale , et s'étant emparés de
toutes les places sans exception , ils concouraient seuls
à l'exercice de la souveraineté et à toute l'oeuvre sociale .
Non-seulement ils se sont séparés ainsi d'une portion
des associés , ce qui est du pur fédéralisme ; non - senle
ment ils se sont attribué des privileges , et foulé du pied
de l'orgueil leurs égaux , ce qui est une vraie aristocraties
mais encore ils les ont asservis , tués et pillės ; de sorte
qu'ils ont été à la fois fédéralistes , aristocrates , tyrans ,
voleurs et assassins ; mais comme ils étaient les plus forts,
ils ont eux - mêmes chanté leurs propres louanges.
Dans la premiere partie putement historique , Isnard
trace avec rapidité le tableau de l'état où les factions
criminelles avaient réduit là Convention , à l'époque du
31 mai. Lorsque , le 2 juin , le comité de salut public ,
pressé par les bayonnettes d'Hanriot , proposa que tous
les membres désignés , ne consultant que leur dévouement
au bien général , se suspendissent eux - mêmes
momentanément de leurs fonctions , Isnard , dans un
mouvement plus généreux qué réfléchi , acquiesça à
cette proposition , et offrit à la patrie sa vie en sacrifice.
Il resta prisonnier dans Paris sur sa parole. Les municipaux
, craignant de voir échapper leur victime , se préparaient
à le faire arrêter, malgré les décrets de l'As
semblée , lorsque des membres du comité de salut
public , à qui il en donna avis , firent défense expresse
à la commune d'attenter à sa liberté. Quatre mois s'étaient
écoulés ; mais la rage de la commune et de Robespierre
n'étaient pas encore assouvies . Ces tyrans , au
mépris du décret , le firent arrêter , le 28 septembre 1793,
dans la rue Honoré , par leur complice Renaudin , chef
des jurés du tribunal égorgeur. Le comité de sûreté
Bb 4
( 360 )
générale , indigné de cet acte despotique , le renvoya
dans son domicile , et lui donna extrait de son arrêté
pour lui servir de sauve -garde contre les poursuites de
la commune. Le 3 octobre , son nom se trouva dans la
longue liste des députés décrétés d'accusation ,
sans
être entendus . Le 3 ventôse , les triumvirs le firent
mettre hors de la loi
Depuis ce tems , il paraît qu'Isnard n'a pas quitté
Paris ou ses environs , à en juger par son propre récit.
Après ce dernier anathême , dit- il , il me fut conseillé
de passer dans l'étranger , et l'on m'en a plusieurs
fois offert les moyens ; j'ai toujours repoussé toute idée
de ce genre: Je restai donc en France ; habitant les
cavités de la terre , réduit à la misere , manquant de
tout ; pouvant être égorgé sans risque pour le meurtrier ,
ignorant le sort de ma famille , vivant dans la crainte
habituelle d'être découvert , dans l'attente journaliere
de me voir conduit au supplice sans être jugé ni entendu,
et comme l'animal qu'on traîne à la boucherie , ou la
victime à l'autel ; enfin , dans l'incertitude , si je pourrais
jamais publier les preuves de mon innocence , et
sije ne serais pas . en mourant , voué à l'exécration
par une patrie pour qui je m'étais sacrifié . Mais j'ai
éprouvé aussi qu'il est une providence consolatrice de
la vertu outragée ; par ses secours , j'ai été gránd dans
mon infortune ; mon ame s'est épurée au creuset du
malheur ; chaque jour je contemplais , avec sérénité , la
palme du martyre civique qui ombrageait mon échafaud
; je me croyais au moment de la cueillir , quand
tout-à-coup , du creux de mon rocher , j'entends retentir
la voix de la révolution , le tocsin j'ignore si cette
cloche sonne l'agonie des tyrans ou celle de la patrie ,
et je fais des voeux pour son salut j'apprends le
triomphe de la Convention , je regrette de n'avoir pu
partager ses dangers ; je me console en songeant que
je les ai devancés , que je souffre pour la même cause ,
et que j'ai quelque part aux lauriers de cette journée ;
l'espérance éteinte , renaît dans mon coeur-
Quels étaient les sentimens et les affections qu'éprouvait
Isnard dans l'impénétrable obscurité de son
asyle ? Il nous l'apprend lui-même dans une note où la
situation de son ame se montre toute entiere , sous un
rapport auquel le commun des hommes est bien loin
de s'attendre . Vous en allez juger ; cette note mérite
LA GAZETTE NATIONALE DE FRANCEtient , depuis long-tems , dans
Popinion publique , le rang que les soins soutenus de ses rédacteurs
sembloient lui assigner. Il lui avoit néanmoins été adressé quelques
reproches sur sa partie typographique. Des caractères semblables à
ceux que le lecteur a sous les yeux , seront désormais employés à son
impression. En rendant compte de ce changement , le propriétaire de ceito
FEUILLE croit devoir mettre sous les yeux du public le plan d'après
lequel elle est rédigée.
Elle continuera d'être divisée en trois articles : NOUVELLES ÉTRAN
GERES ; -RÉPUBLIQUE FRANÇOISE ; CONVENTION NATIONALE.
―
Le premier de ces articles a toujours été traité avec quelqu'étendue.
On a dû remarquer que la Gazette Nationale de France méritoit d'être
distinguée par sa véracité et l'habitude où elle est d'être une des premières
à donner les nouvelles. Ses correspondances s'étendent chaque jour , et
des sources plus multipliées lui sont ouvertes . Cette partie offrira , avec le
récit des événemens militaires ou politiques , des notions exactes sur la
population , l'agriculture , le commerce , la marine , les finances des
diverses puissances , et les principes de chaque cabinet. ( 1 )
Sous le titre de RÉPUBLIQUE FRANÇOISE , seront les nouvelles des
départemens , le tableau du mouvement de notre commerce , et lo
récit de ce qui se sera passé à Paris. On s'efforcera de faire connoître
à cette commune l'esprit qui anime les départemens ; et aux dépar
temens , celui de cette commune. Un puissant moyen d'influencer
Popinion publique , est cette foule d'écrits politiques , de pamphlets qui
doivent se reproduire sans cesse daus un état libre. Cette FEUILLE présentera
l'extrait des plus importans ; elle cherchera à montrer ce qu'ils
auront d'utile ou de dangereux. Cet article contiendra aussi les idées
de son auteur sur les divers objets d'économie politique et les
événemens publics .
CONVENTION NATIONALE : Ce n'est point l'opinion du journaliste qu'on
doit trouver dans cette partie ; lorsqu'il entreprend de la donner , souvent ,
faute d'espace , il est contraint de inutiler celle dont il a à rendre compte.
Le lecteur peut craindre d'ailleurs que le journaliste , devenu en quelque
sorte partie , ne saisisse et ne rende que ce qui est conforme à son avis,
Cet article ne contiendra donc qu'une analyse , mais une analyse scrupuleuse
des débats , le texte des décrets , et celui des pièces officielles et
intéressantes des départemens et des armées , lues à la convention. Lə
rédacteur aura soin encore de retracer les divers mouvemens qui agitent
quelquefois l'assemblée lors des discussions , comme étant propres à faire
connoître l'esprit de ses membres ; en un mot , cet article offrira le tableau
fidèle des séances de chaque jour.
Le prix de l'abonnement de la GAZETTE NATIONALE DE FRANCE est do
60 liv . par an ; 32 liv . pour six mois ; 16 liv . pour trois mois. Il faut
adresser les lettres d'avis , à Paris , au citoyen STEVENIN , chef du bureau
des abonnemens , rue HAUTE- FEUILLE , No. 14 , et les affranchir.
(1) Le rédacteur de cet article prépare un ouvrage sur les nouvelles relations po
itiques et commerciales que la France doit chercher à établir.
( 361 )
d'être transcrite ( 1 ) jusqu'à ce que vous puissiez lire
l'ouvrage entier. Assurément Robespierre , entouré de
ses licteurs et de ses bourreaux , n'était pas aussi tranquille
qu'une de ses victimes .
66
( La suite au numéro prochain. )
(1) Parla réflexion , ma philosophie en était arrivée au point
qu'insensible à tout ce qui m'était personnel , je ne souffrais
que des maux d'autrui , et j'ose dire que , sans les tourmens
de la sensibilité qui devenaient déchirans à chaque fois que
je songeais aux risques que couraient mes courageux et fideles
gardiens , ou que je me retraçais l'image de mes enfans et de
leur mere , les plus beaux jours de ma vie auraient été ceux
que j'ai passé hors la loi , parce qu'entierement écarté de la
triste scene du monde , je pouvais me livrer tout entier aux
méditations de mon goût , j'ai senti le bonheur naître de l'infortune
; la nature a voulu que celle - ci eût ses utilités et
même ses charmes ; Montagne le savait bien lorsqu'il disait
la mélancolie est friande.
Qui , dans le souvenir de ce qu'ont souffeft ma famille et
mes amis , je rendrais grace aux auteurs de ma proscription.
Le même décret qui me mit hors la loi , sembla me mettre
aussi hors des peines de la vie , et m'introduire dans une exis
tence nouvelle et plus réelle . Si je n'eusse jamais été proscrit
emporté comme tant d'autres par une sorte de tourbillon ,
j'aurais continué d'exister sans me connaître ; je serais mort
sans savoiirr que j'avais vécu ; mon malheur m'a comme fait faire
une pause dans le voyage de la vie , durant laquelle je me
suis regardé et reconnu ; j'ai vu d'où je venais , où j'allais
le chemin que j'avais fait et celui qui me restait à parcourir .
les faux sentiers que j'avais suivis et ceux qu'il me convenait
de prendre pour arriver au vrai but .
Il m'est impossible d'exprimer quelles jouissances m'ont
procuré ce silence , ce recueillement absolu , cette posses
sion continuelle de ma pensée , cette étude suivie de mon
être , ces fruits de sagesse et d'instruction que je sentais éclore
en moi , cet abandon de la terre , se lointain d'où jappercevais
et jugeais les criminelles folies des hommes , cette ado
ration sincere et croissante de la vertu , cette élévation intellectuelle
vers les objets grands et sublimes , et sur- tout vers
T'auteur de la nature , ce culte libre et pur que je lui adressais
sans cesse . -2
"Je promenais seul dans un jardin environ trois heures chaque
nuit ; le spectacle de la yoûté étoilée , le seul qui s'offrît à
ma vue , fixait presque continuellement mes réflexions . Ah !
qu'elles étaient salutaires et ravissantes ..... ! qu'il est sublime
ce livre sans cesse ouvert sur nos têtes , tracé de la propre main
de l'être incréé , et dont chaque lettre est un astre ! qu'il est
( 362 )
SPECTACLES.
THEATRE DE LA RUE FEYDLAN.
L'ARTICLE des Spectacles a éprouvé quelques lacunes
dans ce journal . Entre tant d'objets qui ont fixé tour-
-tour l'attention publique , durant le cours de la révolution
, il a bien fallu choisir et se borner à ceux dont
l'intérêt , plus intimement lié à notre situation politique
et civile , était devenu la premiere et pour ainsi
dire l'unique affaire des Français . La révolution d'ailleurs
, depuis le regne de la tyrannie , avait étendu sa
meurtriere influence sur les productions dramatiques
comme sur le reste . Qu'aurions - nous pu dire sur les
spectacles ? On ne donnait , on ne voyait sur tous les
théâtres que des pieces dégoûtantes de l'esprit qui do
minait alors . Nos Euripides et nos Aristophanes avaient
été contraints de prendre la livrée du jour , et la scene
était esclave comme la tribune et la presse .
Maintenant que Melpomene et Thalie ont rompu
leurs chaînes et quitté le bonnet rouge dont on les avait
heureux celui qui sait y lire ce que j'y voyais écrit en traits
de feu , en hyérogliphes solaires : Existence de dieu . Immor
talité de l'ame. Nécessité de la vertu.
Retenu quelquefois , couché sur du gazon , ou assis sur
une pierre , jusqu'à deux heures du matin dans mes admirations
méditatives , et devenu par elles aussi persuadé que
Socrate de l'immortalité de nos ames , je m'écriais en regagnant
ma retraite S'ils m'égorgent : aujourd'hui ,
..
Demain tous ces soleils brilleront sous mes pieds .
Si cette espérance était une illusion , du moins elle char
mait mes peines , et je redis , d'après je ne sais qui : N'a pas
des illusions qui veut ; enfin , j'étais heureux au comble des
malheurs , et voilà une réalité utile .
Aussi , depuis mon retour parmi les hommes , chaque fois
que j'éprouve un peu trop les tracasseries qui naissent du
frottement social , je me dis en secret : Ah ! tu n'éprouvais pas
tout cela dans ton souterrain..... ! Mais je vais bientôt embrasser
un pere , une femme , des enfans , qui , depuis 15 mois ,
pleuraient ma mort ; et voilà ce qui va rendre ma vie actuelle
une source de délices . "
( 363 )
affublés , pour reprendre leur costume , leur attitude et
leur langage libres , un nouveau champ va s'ouvrir aux
représentations théâtrales ; indépendamment des passions
, des caracteres et des sentimens qui appartiennent
au coeur humain dans tous les pays et dans tous les
siecles , elles auront à peindre des moeurs nouvelles ,
des travers , des ridicules et des vices qui se montrent
sous des formes si variées sur la scene mobile des
hommes et des choses . En attendant que nous , tracions
le tableau rapide des productions dramatiques et des
révolutions que la scene a éprouvées pendant la durée
des événemens révolutionnaires , tableau qui nous
mettra à jour sur l'état actuel des spectacles , nous croyons,
pour ne pas laisser trop vieillir l'intérêt qu'on attache
aux pieces nouvelles , devoir commencer le compte que
nous rendrons successivement .
On a donné le 14 nivôse la première représentation
d'Agathine ou la Fille naturelle , comédie en cinq actes ,
en vers , par le cit . Lourdel- Santerre .
Cette piece , annoncée, depuis long- tems comme un
ouvrage plein d'intérêt , n'a cu que très-peu de succès.
Il est impossible de tracer ici la marche de cette
comédie , parce que toutes les scenes semblent une suite
d'évenemens passés , dont le spectateur n'a connais
sance que par hasard , et sans aucun ordre . Le sujet
n'y est traité que vers 1
le quatrieme acte , et ce qui est
extraordinaire , l'intérêt cesse précisément lorsque l'action
commence . Pendant les trois premiers actes , des
conversations diversifiées par l'inégalité d'âge et de caractere
dans les personnages , produisent en apparence
quelque mouvement , mais sans motif et sans résultat .
L'intérêt indispensable de l'action est remplacé par l'in
térêt des sentimens qu'éprouvent les interlocuteurs. Il
en résulte , il est vrai , une émotion douce , mais elle
n'est due qu'au rapport direct que ces sentimens ont
avec les situations ordinaires de la vie . L'art dramatique
veut d'autres effets . 11 exige que l'émotion ait pour
cause et pour alimen ; la curiosité , la crainte , la pitié ,
l'inquiétude , etc. C'est ce qui manque entierement à la
Fille naturelle. L'auteur ne se souvient de son sujet qu'au
quatrieme acte, mais il revient bientôt , par le vice radical
du plan , aux conséquences des incidens qu'il a combinés
dans les premiers actes .
Si la composition de cette piece mérite peu
( 364 )
d'éloges , il serait injuste d'en refuser à quelques scent
d'un dialogue vrai , naturel et dramatique. Le style en
est simple , mais diffus ; la versification facile , mais commune.
On y distingue des détails d'une morale pure ,
exprimée sans pédantisme , et même avec sensibilité .
Enfin , l'ouvrage en général annonce , sinon l'expérience
de l'art dramatique , du moins celle de la société . Il est
joué avec cette perfection brillante qui caractérise la
citoyenne Contat et les citoyens Molé et Fleuri. Le pu
blic a applaudi particulierement à l'intelligence , à la
grace et au naturel de la jeune citoyenne Mars .
NOUVELLES ÉTRANGERES.
TOUTES
ALLEMAGNE.
De Hambourg , le 15 février 1795.
UTES les opérations préparatoires au démembrement
final de la Pologne y sont commencées . Suivant des lettres
du 6 février , des frontieres et de la capitale de ce malheu
reux pays , par exemple , le commandant russe de Varsovie
vient d'annoncer , dans une proclamation signée Buschowden ,
qu'il est chargé des gouvernemens de Masowie , de Podla
chie , de ceux de Chelm et Luckow et de ce qui restait des
palatinats de Lublin et de Rava : c'est à une administration
établie sur le mode adopté par la diete de Grodno , que ces
diverses contrées livreront leurs contributions ; celles dont on
espere tirer le plus de parti , consistent dans le 10º . et 20º,
denier , et la taxe sur les cheminées , dont on exceptera toutes
fois pour trois ans les maisons qui ont le plus souffert pendant
le bombardement de Varsovie et du fauxbourg de Prag.
Le palais de Stanislas et sa maison de plaisance , appellée
Laziensky , sont toujours sous la garde des Russes , qui n'ont
laissé aux bourgeois que celle du bâtiment de la monnaie
absolument vide : l'arsenal ne l'est pas moins , car les Russes
ont brûlé ou jetté dans la Vistule ce qu'ils ne pouvaient em
porter. Quant à la précieuse bibliotheque de Zalewski , riche
en manuscrits très- rares , on l'emballe actuellement pour la
faire passer dans la capitale du vainqueur. On y a déja envoyé,
sous forte escorte , la couronne et les autres ornemens royaux.
Catherine dispose non-seulement des choses , mais même
( 365 )
des hommes ; les recrutemens se continuent en Pologne pour
son compte. L'ambition et le desir d'accroître son trésor sont
satisfaits ; la vengeance aura son tour . Elle a enfin prononcé
sur le sort des prisonniers les plus marquans : Ignace Potocki .
ministre des affaires étrangeres ; le Castellan Mostowsky ,
chargé des approvisionnemens de l'armée et de la capitale , et
Niemcewitz , secrétaire du généralissime , finiront leurs jours
dans les déserts glacés de la Siberie . Suwarow , en entrant
dans Varsovie , à la reddition de laquelle Potocki n'avait pas
peu contribué par ses conseils , lorsqu'il vit qu'il était inutile
de s'obstiner à défendre plus long - tems la liberté et cette
malheureuse ville , avait pourtant promis d'oublier le passé ;
mais telle est la bonne- foi des envahisseurs et de leurs agens
!
Les cabinets co - partageans s'agitent au sujet du nouveau
partage. Frédéric- Guillaume s'était d'abord flatté de s'étendre
jusqu'aux bords de la Vistule ; mais indépendamment des
difficultés qu'il peut éprouver à faire consentir l'empereur à un
aggrandissement si considérable de la Prusse , il paraît qu'il
en rencontre du côté de la Russie . Le bruit court ici , ajoutent
les lettres de Varsovie , que les ordres donnés par Catherine
à ses généraux , indiquent qu'elle veut pousser ses limites plus
loin qu'on ne l'avait cru d'abord.
Au reste , le roi dépouillé est toujours à Crodno , où il est
gardé par des troupes russes . On lui témoigne d'ailleurs beaucoup
d'égards ; mais on ne sait pas si et quand il sortira de
cette captivité ; car c'en est une , malgré ces déférences appa
rentes. Voici même les conjectures que l'on bâtit sur le rapprochement
du voyage du duc de Courlande à Pétersbourg ,
avec celui qu'on croit que Stanislas ne tardera pas d'y faire :
on imagine que l'impératrice , après avoir exigé du premies
la cession de ses droits , pourrait donner au second le duché
de Courlande à vie , parce qu'un due peut bien n'ètre rien
mais qu'il serait aussi par trop criant qu'un roi ne fût pas
quelque chose. D'ailleurs , par ce moyen elle se trouverait
dispensée de pourvoir à aucun traitement pécuniaire ou pension
pour le roi déchu ; elle regnerait sous son nom dans
cette province , et assurerait à sa mort la réversibilité à la
Russie. La pension à faire à l'ex- duc de Courlande ne serait
´pas un objet assez considérable pour arrêter dans cet arran
gcment.
Le peuple polonais et celui de Varsovie en particulier contiuuent
de souffrir beaucoup de la rareté des subsistances et
du manque de numéraire . On remarque que les soldats russe
ont cessé de loger chez les habitans , ou pour ménager des
gens épuisés , ou pour leur propre sûreté , pouvant avoir
à craindre d'un moment à l'autre de la disposition des esprits
ce qu'il y a de certain , c'est que ses troupes sont maintenant
casernées. T
( 366 )
Il est arrivé le 14 de ce mois , à Cuxhaven , un petit ba
timent de Helgoland , avec des passagers d'Angleterre , qu'un
paquebot avait deposés sur Helgoland. Parmi ces passagers
s'est trouvé sir Archibald Hamilton , qui a assuré que les
paquebots anglais viendraient certainement à Cuxhaven , et
qu'on devait les y attendre journeilement .
Suivant le rapport d'un de ces voyageurs qui quitta Londres
le 26 janvier , et Harwick le 2 février , le stadthouder
héréditaire était arrivé avec toute sa famille en Angleterre..
*
Le due d'Yorck avait été au - devant de ces illustres fugitifs
à Harwick , et les avait ensuite accompagnés par Clochester
à Londres . On leur avait préparé une habitation dans cette
capitale ; mais on croit qu'ils seront logés à Hampton - Cours,
A son arrivée à Londres , la famille stadthoudérienne fut
reçue par toute la famille anglaise avec les expressions du
plus vif intérêt , et les marques d'une tendresse véritable .
Le jour suivant , les deux augustes dinerent ensemble à
Buckingham House. L'ambassadeur anglais , mylord Saint-
Helens , qui était à la Haye , est arrivé à Londres avec lá
famille stadthoudérienne .
Les avis concordans de plusieurs voyageurs , partis à la fin
de janvier et dans les premiers jours de fevrier , de Londres
et de Harwick , confirment que la prise de la Hollande par
les Français , n'avait produit aucune sensation désagréable à
Londres , parce qu'on s'y était attendu .
-
-
Le Bagdet n'était pas encore ouvert . A Londres , tout
était tranquille. Harwick était plein d'étrangers . Il y avait
cinq couriers du cabinet et onze paquebots qui , à cause des
glaces , y étaient arrêtés .
Un autre voyageur anglais , parti le février de Harwick ,
a confirmé la nouvelle que le stadthouder avec sa famille ,
sout heureusement arrives à Londres . Il a ajoute cette circonstance
, que le peuple , à leur arrivée à Londres , s'est
porté avec enthousiasme sur leur passage ; qu'il a dételé les
chevaux de la voiture du stadthouder , et qu'il l'a traînée jusqu'à
la demeure qui lui avait éte destinée.
Les fonds baisserent à Londres , à la nouvelle de la prise
d'Amsterdam , de 1 et demi pour cent ; mais le jour suivant ,
ils remonterent à leur premiere hauteur.
La flotte de l'amiral Howe , forte de 36 vaisseaux de ligne
et de 20 frégates , est allée en mer pour y rencontrer la flotte
française ; et on attend dans peu de très- bonnes nouvelles de
sa flotte.
( 367 )
De Francfort- sur-le-Mein , le 4 marsk
On mande de Ratisbonne , en date du 14 février , que le
décret de la commission impériale , au sujet de la guerre de
l'Empire , et des moyens préparatoires d'une paix desirée ,
décret si long-tems attendu , vient enfin d'être donné à la dic
tature de la diete par le directeur de Mayence. Il est à la dato
du 10 , et conçu en ces termes ;
ete.
M. Charles -Anselme , prince de la Tour et Taxis ,
principal commissaire de S. M. I. l'empereur François II à la
diete générale de l'Empire , notifie aux excellens conseillers ,
ambassadeurs et envoyés des électeurs , princes et états ; les
griefs multipliés que l'Assemblée nationale de France , par
ses fameux décrets , rendus dans le courant du mois d'aoûs
de l'année 1789 , et étendus aux états de l'Empire d'Allemagne ,
sans aucun egard pour leurs droits , donné à tout le corps
germanique , ont été , comme l'on sait , l'occasion premiere
de la malheureuse guerre actuelle de l'Empire .
99 Ces infractions des traités , et l'ensemble des circonstances
critiques dont elle se trouverent accompagnées , firent sur
la diete électorale assemblée à Francfort en 1790 , pour l'élection
d'un empereur , une impression si profonde , que les
électeurs s'estimerent appellés par le devoir à adresser sur
cet objet au chef de l'Empire nouvellement élu , une lettre
collégiale remplie des raisons les plus pressantes de chercher
remede aux griefs donnés ; ils y invoquaient , en faveur de
tout l'Empire , la protection et l'assistance suprême de
l'empereur , à qui ils représentaient l'éclat qui réjaillirait
immanquablement sar son regne et sur lui - même , de la
maniere dont il remplirait à cet égard les voeux ardens et
l'attente de toute la chere patrie germanique .
Il en était de même de tous les états et appartenances \
de l'Empire qui était en souffrance ; ils n'avaient tous qu'une
voix pour implorer avec les plus grandes instances la protection,
impériale .
A la suite de cela , et après l'inutilité de l'intervention
du chef de l'Empire , pour obtenir le redressement des innovations
en question , un conclusum de l'Empire détermina
plus particulièrement les principes et les dimensions qu'il
convenait d'adopter contre la France , dans une affaire qui
était d'une importance si grande pour l'Empire d'Allemagne ,
et une intervention ultérieure étant encore restée sans effet ,
et les Français tôt après ayant même envahi le territoire de
l'Empire , il fut résolu de repousser la force par la force , et la
diete décréta provisoirement , qu'à l'effet de délivrer et sanver
promptement les cercles et états de l'Empire , lésés et opprimés
de tant de manieres , ainsi que pour voler à la défense de
968 )
ceux qui étaient menacés , et pourvoir en même tems à la
sûreté de l'Empire en général et de ses limites , conformément
à ce qu'exige l'union de tous les membres du corps
germanique , il serait fourni incessamment par tous les états ,
le triple contingent de l'Empire et des cercles , lequel triple
contingent serait mis à la disposition de l'empereur et des
généraux de l'Empire , pour être employés par ceux - là , où
le besoin et la sûreté de l'Empire l'exigeraient .
,, Enfin , l'Empire assemblé sous son chef , et pressé par
toutes les circonstances , de même que par la violence de
sa position , se vit dans la malheureuse nécessit de faire
un pas de plus dans cette défense forcée ordonné pour sa
sûreté , et d'en venir à un nouveau concluşum , par lequel , en
vertu des motifs y allégués , et nommément pour le maintien
de son honneur , pour la défense et l'inviolabilité future de
sa frontiere et de ses droits , et pour l'obtention d'une satisfaction
juste et pleine , la guerre fut déclarée guerre générale
de l'Empire.
" Pourjuger avec assurance la conduite tenue de ce côté - ci ,
relativement au but d'une guerre de l'empire , déclarée dans
les principes du droit des nations et par conclusum , il est
impossible de laisser hors de considération les infractions
faites de l'autre côté à tous les traités , et les actes hostiles
dont elles ont bientôt été suivies on n'est pas réduit à en
tirer les preuves de loin , elle est fondée sur un intérêt uatio
nal , sur les maximes de prudence et les principes de justice ,
d'après lesquels des nations lesées et traitées hostilemeut ont
toujours agi et ont l'obligation naturelle d'agir , lorsque ,
dans le sentiment de leur dignité et pour leur propre conservation
, elles ne voient plus de moyens de defense que
dans une prise d'armes décidément forcée .
( La suite du numéro prochain. )
On nous mande de Bâle qu'il y arrive successivement des
négociateurs chargés des intérêts des divers princes de l'Empire
bieu fatigués de la guerre : on désigne entre autres le baron
de Creber , envoyé par l'électeur de Trêves et la maison de
Nassau . L'empereur même , à ce qu'on assure , fait sonder le
terrein , quoique sans se montrer ouvertement , de peur de
compromettre l'honneur de la maison d'Autriche , et de refroidir
le zele de ceux des coalisés qui peuvent encore en
conserver ; cependant comme rien n'est encore moins sûr que
la paix , même avec la Prusse avec qui les négociations semblaient
avancer davantage , on continue de faire des préparatifs
à Vienne et même à Berlin ; c'est néanmoins l'Autriche qui en
fait le plus. Le manque de fonds se fait un peu moins sentir
depuis qu'elle a obtenu un emprunt de six millions de liv . st .
de l'Angleterre , en s'engageant à fournir 240,000 hommes
pour
( , 369. )
pour la campagne prochaine . it faut en trouver une partie ,
car le fer des Français et les maladies en ont beaucoup moissonnet
Heureusement pour l'empereur le zele des hongrois
se réchauffe , et ils promettent de renforcer au printems
l'armée du Rhin de 25,000 hommes . Ce prince se fatte aussi
appareminent d'entraîner Catherine II dans la coalition ; car
Jes couriers vont et viennent sans interruption entre Pétersbourg
et la capitale de l'Autriche , où , depuis quelques se
mites , la chancellerie d'etat avail e nuit et jour.
L'empereur s'occupe aussi de donner à ses troupes des ge
néraux qui aient plus de succès cque les precedens. Le prince
de Hohenlohe - Kirchberg commandera l'arme du Bas -Rhin
ep qualite de feld-marechal on tera reparaître sur la scene
1. fameux colonel Ma k , avec le grade de lieutenant - feldmachal
, et par dess le marché de quarter maitic général
quant aux arinees combinées dans le Piémont , elles agitont
sous les ordres du général Beaulieu , l'avant - garde de l'armée
prussie me qui s'est mise en marche le 18 fevrier , sous la
conduite du général Ruchel , a reçu ordre de s'arrêter à Limbourg
, de so te qu'on commence a regarder comme douteux
qu'elle se rende effectivement vers le Bas - Rhin ; mais en revanche
, 14 nouveaux bataillous prussiens sont attendus
Wesel.
"
Le bruit court qu'il se fait dans le Texel de grands prépa
ratifs pour une expedition contre l'Angleterre . Plusieurs
membres des deux chambres du parlement ont même déja
témoigné la crainte que les Français , à qui les choses les plus :
dificiles réussissent le mieux , ne tendent une descente ; mais
ces bruits demandent confirmation .
On vient de faire établir des signaux sur toute la longueur
du Rhin , afin d'être en etat de rassembler promptement les
troupes qui servent à la defense de ce fleuve contre les mouvemens
continuels des Français. La direction retrograde que
prennent les bagages et les munitions semblent indiquer que
I'on craint bien qu'ils ne viennent à le passer.
Il y eut le 23 quelques excarmouches assez vives entre les
Français et la garnison des postes avancés de Mayence auprès
d'Heiligen- Ceatz, Ces mouvemens n'ont abouti à rien
a rétabli le pont entre Mayence et Cassel .
; on
On dit depuis quelques jours que le feu comte de Goltz
va être remplacé à Bâte par un ministre prussien : quelques
personnes vont jusqu'à le désigner , et disent que c'est le
comte de Hardemberg qui doit terminer cette négociation
dej fort avancée .
Tome XIV. Cc
\( 370 )
}
ANGLETERRE . De Londres , le 9 janvier 1795.
Débats du Parlement. Chambre des Communes.
Séance du 5 février. M. Hobare présente une pétition pour
la paix signée par un grand nombre d'habitans de la ville
de Norwich.
M. Colle annonce que cette pétition exprime le voeu unanime
de l'opulente cité de Norwich ; de cette ville que l'on
avait d'abord séduite par des idées ambitieuses de guerre
et qui en a senti la funeste conséquence dans la destruction
de son commerce et l'anéantissement de ses manufactures .
M. Pitt demande que la chambre se forme en comité
pour examiner le bill qu'il a proposé pour la levée des
troupes de mer. D'après ce bill , il doit être fourni un homme.
sur 68 maisons .
L'ordre du jour est la délibération sur le message relatif
à l'emprunt imperial.
M. Sheridan Dans une des précédentes séauces , j'avais
demandé l'exhibition des papiers relatifs au traité avec la
Prusse. Mon but était de me procurer quelques renseignemens
sur la maniere dont le roi de Brusse avait exécuté ce traité ,
qui lui a vallu 120,000 liv. sterlings de notre gouvernement.
Je les ai lus avec soin , et je me suis convaincu que dans
toutes les circonstances sa majesté prussienne a violé les conditions
de ce traité. Je ne veux entrér ici dans aucunes réflexions
applicables à l'emprunt impérial qui doit être soumis
ce soir à votre délibération ; je me réserve de combattre cette
derniere mesure lorsqu'il en sera tems . Mais , s'il est manifeste
que sans cesse le roi de Prusse a violé ses engagemens
la chambre doit extrêmement se défier de tout allie allemand . "
Les ministres de sa majesté vous assurent que l'empereur est for
tement disposé à asssiter l'Angleteire ; mais n'ont-ils pas affirme,
dans le tems que l'intention bien déterminée de la Plusse !
était de poursuivre Is guerre avec vigueur. Le souvenir de
la mauvaise foi du roi de Prusse ; ne doit guere nous rassurer
sur la maison d'Autriche , famense , dans tous les tems par
son habitude de violer ses promesses. Le parlement britan
nique ne doit pas laisser dans le silence la conduite du despote
prassien. Il faut que toutes les cours étrangeres soient
Convaincues que nous abhorrans la déloyauté , et que , nous
en sommes justement indiguès ..
9
14
Le roi de Prusse s'était engagé à fournir 60,000 hommes
pour agir de concert avec les aimees anglaises et autrichiennes .
Un commissaire devait être nommé pour l'exécution de ce
traité ; mais , d'après les papiers qui ont été mis sur le bureau ,
( 571 }
il est clair que la nomination du commissaire n'a jamais eu
lieu . Si les ministres ne l'ont pas envoyé ce n'est point par
négligence , mais par l'intime conviction où ils étaient que
ce monarque n'était pourde l'enorme point disposé à foursnuirbsliedsesedceou1t2s0p0r,o0m0i0s1,.
et pour lesquels
sterlings. L'empereur assure que si les 60,000 prussiens eussent
agi comme ils le devaient , d'après ce traité , non- seulement
la Hollande , mais même les Pays -Bas , eussent été sauvés.
Il est donc évident que la perte de ces deux pays doit être
attribuée à la violation de ce traité . D'après ces considéra
tions , je demande , comme un avis que nous donnons aux
autres princes de l'Empire , qu'il soit déclaré qu'il paraît à
la chambre que le roi de Prusse a reçu 120,000 1. sterlinge
et au-delà , conformément à un traité signé à la Haye lar
1er janvier 1794 , et qu'il ne paraît pas à la chambre que
le roi de Prusse ait rempli les conditions auxquelles il s'étai
engagé par ce traité.
•
#
9
M. Pitt s'étonne de la forme de la délibération qui est prow
posée. L'usage de la chambre est de prendre en considéra
tion le message du roi , préalablement à toute autre affaire
Il remarquee que les raisonnemens du préopinant n'ont pager
pour but d'attaquer l'emprunto imperial , à condition quot
l'empereur agiza de concert avec les alliés pendant la cam- b
pagne prochaine ; mais seulement de donner des avis aur
ministres sur les précautions qu'ils doivent prendre en se
cansant aux princes de l'Empire . Il avoue cependant que le
traité , de la part du roi de Prusse , n'a pas été entierement
rempli ; mais il déclare héanmoins qu'en considérant les pro
grès des Français , il est loin de regretter ce traité , et de
regarder comme perdue la somme qui a été payee Mais afin
de ne point s'écarter de l'usage ordinaire de la chambre , i
croit devoir , pour le moment , demander la question préalable
, beneath I or
M. Francis dit que le ministre vient d'avouer que, les con
ditions du traité n'avaient pas été entierement remplies . Pour
lui il pense que l'Angleterre a droit de savoir si des conditions
n'ont pas été remplies du tout. Il prétend qu'on ne
devait pas demander la question préalable sur cet objet , dans
un moment où il s'agit de voter un immense subside à l'em
pereur . Les princes de l'Empire ne lui paraissent pas mériter
plus de confiance l'un que l'autre . Il déclare qu'il votera
contre le subside . sing
19
M. Puttney avoue que le roi de Prusse n'a pas fidelement
rempli le traité ; mais il soutient qu'en agissant comme il a fait,
il a rendu plus de services à la chose
genérale ; que p fait,
f serre en particulier a tiré de grands avantages de sa conduite,
("La suite au numéro prochain . )
Сся
PLRU
曹
( 378)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
33.1
•2 ›
う
CONVENTION NATIONALE.
PRÉSIDENCE DE THIBAUDIAU.
+
Blançe du septidi , 17 Ventôse.
Ily a en hier soir une séance extraordinaire pour le renouvellement
du bureau . Léonard Bourdon hors d'haleine entre
dans la salle , et s'écrie , on assassine un de nos collegues
au café Payen , c'est d'Armonville , ah les scélérats ! Je demande
que la Convention aille à son secours . Une pareille
motion était bien faité pour interrompre l'appel uominal . Des
membres sortent et ne tardent pas d'annoncer que cette scene
paraît être concertée entre Bourdon et d'Armonville . Celui ci
est le seul homme dans Paris qui porte encore un bondet ›
range. Des patriotes avaient couronné de. lauriers , dans le
café Payen , les, bustes de Franklin et.J. J. Rousseau. D'Ar-.:
spaville a arraché ces couronnes pour y substituer son bonnet
rouge , en disant qu'un jouri on serait bien aise d'être coëffé m
de pareils bonnets pour se sauver. On l'a conspué ÷ lui et
son bonnet. + T
La Convention instruite sur cet incident passe à l'ordre
du jour , motivé, sur ce que le comité de sûreté générales est
chargé de la police.
Leonard Bourdon dit que puisqu'on ne veut pas leur
rendre justice , ils se la rendraient à eux - mêmes ; mais Legendre
lui répond qu'il ne faut pas s'étonner si l'assassin de giperes
de familles d'Orléans ne rêve que meurtres et assasinats
et- il est vivement applaudi.
Thibaudeau a été élu président ; les trois nouveaux secré
taires sant , Blad , Laignelot et Bodin.
Boursault , en mission près l'armée de l'Ouest , et qui en
arrive , annonce que si , la guerre de la Vendée est éteinte
celle des Chouans ne l'est pas encore , et doit exciter la
sollicitude de la Convention . Il déclare que c'est à l'Angleterre
que nous la devons ; elle a vomi sur nos isles des
hordes d'émigrés que l'Europe ne veut plus souffrir nulle
part , des voleurs , des fanatiques et des scélérats de toute
espece , et elle. les paie avec de faux assignats . Boursault
apporte des preuves de la correspondance des Anglais avec
les Chouans. On a intercepté, des lettres , on a enlevé des
fusils chargés avec de la poudre anglaise ე , et 35 barils, de
cette poudre. Toute la ci-devant Bretagne est infestée des
Chouans, ees lâches ne marchent que la nuit , ils assassinent ,
(+373)
I
pillent et volent , le danger est prêmant pour l'humanité.
Boursault demande qu'on y envoie des représentans du peuple ,
mais uniquement charges de terminer cette guerre,
Un membre pense que le dernier décret rendu , qui assure
la liberté des cultes , contribuera plus que toute autre mesure
à éteindre ce dernier foyer de guerre civile ; mais il desire
qu'on rende aux ministres du culte catholique la faculté de
rentrer dans leur domicile qui leur a été êtée par plusieurs
députés en mission. Il demande aussi que les comités réunis
fa sent un rapport sur les rebelles qui auraient été inscrits
sur la liste des émigrés. Sur la premiere proposition l'an
observe que le décret relatif au culte annulle tous les arrêtés
qui pourraient lui être contraires . La seconde est renvoyée
aux comités réunis. 76
Genissieux , au nom du comité de législation , fait décréter
qu'à Paris le tribunal de police correctionnelle connaîtra ,
exclusivement en premiere instance et dernier ressoft, 'des'contraventions
à la loi du 5 du présent mois , attribuées ats
tribunaux de districts ; loi qui enjoint aux ci - devant fonetionnaires
publics , destitués ou suspendus depuis le 9 there
midor , de se retirer dans leur domicile respectif.
DesK députés de la commune de Lyon annoncent que
leurs commettans les ont envoyés pour dénoncer Collot
d'Herbois. Ils regrettent de n'être pas arrivés avant le rapport
de la commission des vingt - un ; mais ils assurent
que les pieces qu'ils apportent n'en prouveront pas moins
qu ' est l'ennemi le plus cruel de la vertu et de l'humanité
. Son instruction aux antoiités qu'il avait constituées suffirait
seule pour l'envoyer à l'échafaud . Suivant lui , les
riches , les propriétaires , les commerçans et tous ceux qui
jouissaient d'une certaine aisance , ne faisaient point partie
da peuple. Son peuple était composé de ceux que leur ignorance
ou leur faiblesse rendaient dociles à l'exécution de ses
perfides projets , et ce peuple devait dévorer tout le reste
tels étaient ses principes , et en voici les conséquences. Lyon ,
'scee'tste ville nagneres rivale de manufactures et son commoutes celles de l'Europe par
• ne présente plus que des
ruines et des monceaux de cadavres. Les femmes Y cherchent
inutilement leurs époux et leurs enfans . On n'y trouve aucune
famille qui ne réclame contre l'assassinat de quelqu'un de ses
membres . Collot , dit l'orateur en terminant par cette anec
dote , après avoir fait mitrailler et hacher en pieces dans un
seel jour 216 malheureux sans interrogatoire ni jugement ,
et parmi lesquels se trouvaient des femmes , des enfans et
des vieillards , s'écria dans les transports de sa joie : me voilà
done vengo des sifflets que j'ai essayés sur le theatre de Lyon,
Renvoyé aux comités réunis et à la commission des vingt-un.
Gc 3
( 374 )
BSéance d'octidi ; 18 Ventôse.
Chenier prend la parole et renouvelle la motion écartée
plusieurs fois par l'ordre du jour de la réintégration dans
sleurs fonctions , des députés mis hors de la loi . L'opinion
publique , dit-il , non celle qui vocifere dans les carrefours ou
' agite dans les cafés , ou se dispute l'empire des groupes ,
mais celle qui plane sur la France entiere , rappelle dans votre
sein vos malheureux collegues échappés au fer assassin .
Le grandjour de la justice est venu pour tous . Les représentans
détenus par une mesure que tous les principes reprouvaient
sont rentrés dans la Convention . La parité de cause réclame
la même justice ; 1un homme ne peut être innocent et coupable
tout - à -la - fois. Si nos collegues sont coupables , vous
les enlevez aux tribunaux qui doivent les juger ; s'ils sont
innocens , vous usurpez le droit du peuple. Chenier rapproche
ensuite les lenteurs qu'on a mises à juger de grands
coupables , de la précipitation avec laquelle ceux en faveur
de qui il parle ont été condamnés , et il demande si on sera
plus rigoureux envers les victimes qu'envers leurs boureaux .
Il fait en proposant de décréter que ces membres seront à
l'instant rappellés à leurs fonctions .
*
Bentabolle est le seul qui se présente pour combattre l'opinion
de Chénier , pendant qu'on demande à grands cris d'aller
aux voix. Il exprime ses craintes pour la chose publique
si l'on établit que les décrets rendus depuis le 31 mai l'ont
été par une faction , si l'on vient dire que la Convention
n'était pas libre . Si l'on attaque le 31 mai , dit - il , l'on attaque
anssi la représentation nationale qui a sanctionné cette journée ,
l'on fait le procès à quatre-vingt mille citoyens qui sont venus
ce jour la autour de la Convention , l'on reveille toutes les passions
qu'il faut s'occuper à éteindre . L'on dit que l'on a été
tyrannisé , mais quelle est celui qui s'est opposé à la tyrannie ?
Bentabolle est interrompu par des murmures .
sur ces
Sieyes , que la tribune appellait depuis si long - tems en
vain , succede à Bentabolle. Il détruit ce que vient de dire
Je préopinant , en prouvant l'asservissement de la Convention
depuis le 31 mai jusqu'au 9 thermidor. Il s'étonne qu'on dé-
Jibere pour savoir si on retablira dans leurs droits ceux que
T'histoire tegardera comme les plus honorables victimes de
la tyrannie. Il appelle l'attention de l'Assemblée sur
hommes qui ne cherchent qu'à attaquer la représentation naionale
, à l'avilir. I demande qu'on pese mûrement l'avis
des membres qui , depuis les tems des calamités et d'horreurs
qui viennent de s'écouler n'ont pris la parole que pour
faire sentir la nécessité de rendre à la Convention la plénitude
de son existence ; mais il ne croit pas qu'il convienne
de rendre froidement un décret ordinaire. Il voudrait que
( 375 )
le président écrivit à leurs collegues , que si la Convention a
paru balancer sur la justice qui leur est due c'était par des con
sidérations auxquelles eux-mêmes rendaient hommage.
Le discours de Sieyes sera imprimé et inséré au bulletin .
Merlin ( de Douay ) chargé par les trois comités de faire
an rapport sur cette affaire est annoncé par les applaudissemens
que son arrivée fait naître. Après avoir retracé les
évenemens antérieurs au 31 mai , il examine le décret du
27 frimaire qui a fermé l'entrée de la Convention aux dé
putés proscrits par la tyrannie. A cette époque , celle - ci était
renversée , mais elle se débattait encore à terre et avait près
d'elle une faction qui voulait la relever . Merlin convient
de la contradition que ce décret renfermaait , et qu'il fallait
du courage pour se charger de le présenter. Il termine en
proposant de décréter que les représentans du peuple dénommés
dans les décrets des 28 juillet et 3 octobre 1793 , dont les
dispositions sont annullées , rentreront sur- le - champ dans le
sein de l'Assemblée nationale .
Ce projet de décret est adopté à l'unanimité.
Thibaut observe que la Reyeilliere- Lépan , forcé par les
tyrans de donner sa démission , n'est pas compris dans le décret.
I demande qu'il soit rappellé . Adopté .
Marec demande que Julien ( de Toulouse , auquel les tyrans
ont fait des inculpations graves , obtienne aussi justice . Renvoi
aux comités .
Legendre se plaint de ne plus voir dans la salle les deux tableaux
de la constitution et de la déclaration des droits . Il est
persuadé qu'ils n'ont été ôtés que parce qu'ils gênaient les
ouvriers dans leur travail ; mais il demande qu'ils soient replacés
séance tenante.
Duhem dit qu'on ne veut plus sans doute des droits de
l'homme parce qu'ils ont été proclamés depuis le 31 mai.
Les tableaux sont remis à leur place et répondent
Duhem.,
Séance de nonidi , 19 Ventôse.
André Dumont appelle l'attention de l'Assemblée sur la
journée du 31 mai . Il convient qu'il y a eu un grand nombre
de citoyens trompés sur cette journée et qu'il l'a été luimême
, il en ignorait le véritable but. Les crimes qu'elle a
enfantés , les victimes qu'elle a faites l'ont éclairé . Il demande
en conséquence le rapport du décret qui consacre une fête
en mémoire du 31 mai . Applaudi et décrété .
Pémartin ne suffit pas de frapper sur le jour , il faut
encore en punir les auteurs . Ils sont connus , c'est Pache
et Bouchotte. L'opinant conclut à ce qu'on les mette en jugement
.
Plusieurs membres : Hassenfrats aussi.
Cc 4
( 376 )
Dumont du Calvados ) : Ce ne sont pas les seuls coupables
; Garat , alors ministre de l'intérieur est aussi crininel
qn'eux. Il nous a trompés sur la journée du 10 mars
c'est lui qui a decide le succès de la conspiration du 31 mai ,
après avoir été l'apologiste du 2 septembre.
Bréard defeud Garat pense qu'il a pu être faible , mais
il ne le croit pas coupable. Il doit à la justice de dire qu'il
fut le seul des minis res qui prevint le comité de salit public
de la conspiration du 31 a Cependant il ne s'oppose pas
qu'on examine la conduite de Garat.
Sur la motion de Bourdon le renvoi de ces dénonciations
au comité de sûreté générale est décreté .
Isnard , Louvet et Lesage , députés proscrits , entrent dans
la salle et sont vi ement applaudis . Lesage portant a parole :
Représentans , le peuple dont la tyrannie de Rob, s , irre et
de ses complices n'a pu nous faire perdre la confiance ; le
peuple dont les conjures ont long - tems étouffe la voix saus
changer Topinion , nous appelle , par votre organe , à nos
fonctions. Fidele aujourd'hui comme au 31 mai , le triomphe.
de la liberté et l amour de la patrie seront le mobile unique
de nos actions. Que les défiauces soient à jamais ba nies de
cette assemblée ; ne craignez point qu'aigris par le malheur ,
nous apportions dans vos délibérations des voeux rembrunis
par le sentiment de nos malheurs passés . ( Applaudissemens . )
Que sommes nous devant le peuple français ? Nous avons
souffert , mais nos oppresseurs , nos tyrans n'ont-ils pas aussi
opprimé , tyrannisé le peuple ? Et quand les propriétés
ont été violées , quand le meurtre et l'assassinat ont couvert
de sang le territoire français , quand par- tout le crime
a précipité l'innocence au tombeau , la nation entiere n'at-
elle pas été mis hors des lois ? ( Vifs applaudissemens . )
Nous ne nous souviendrons plus de tant de maux que pour
en empêcher le retour et garantir le peuple francais des nonveaux
coups que voudraient lui porter le royalisme en délire
et le terrorisme en fureur. ( Vifs applaudissemens ) .
Lecointre de Versailles ) : J'aurais desiré que la Convention
eût chargé es comités de faire un rapport sur chacun
des députés mis hors de la loi . S'ils ont fui pour se Sous
traire à la mort , ils peuvent être excusés aux yeux de la
mature , mais si quelques uns d'eux se sont portes dans les
départemens , s'ils ont soulevé les citovens contre la Convention
, s'ils se sont établis ses rivaux , s'ils ont arrêté les approvisionnemens
de Paris pour opérer un bouversement pat
la famine , s'ils ont levé des armées , si le sang français a
coule ; prononcez pour eux une amnistie , à la bonne heure ;
rais les admettre dans votre sein , sans un rapport préalable .
c'est , à ce qu'il me paraît , violer les regles de la justice.
J'ai rempli on devoir , vous ferez le vôte . Lecointre termine
( 377 )
en demandant un rapport dans la décade prochaine. Des
murmures l'accompagnent à sa place .
Merlin (de Thionville ) : Il semble que Lecointre n'a jetté
au milies de nous ce brandon de discorde , que pour détour
ner l'attention de dessus des hommes , dont chaque instant
qu'ils respirent est un crime de complicité à nous imputer.
Le seni moyen de sauver la République , c'est de former an
faisceau qui comprimie les malveillans d'un côté , et les égorgeurs
de l'autre. Merlin fait sentir que trop long- tems on a
parle de rappeller les députés proscrits , qu'il n'était pas au
pouvoir de la Convention de les empêcher de rentrer , etque
demander un nouveau rapport sur cet objet , c'est mettre en
doute si la Convention sera juste ou non , si les droits du
peuple seront violés ou respectés . Il demande l'ordre du jour
sur la proposition de Lecointre.
Bourdon ( de l'Oise ) dit que cette motion est subversive
du gouvernement représentatif ; que lenis collegues ont reçu
comme eux des mandats du peuple souverain , et que s'ils
étaient veuns se présenter avant le décret , on n'aurait pas
eu le droit de les rejetter. Il appuie la proposition de Merlin .
Blad demande qu'on ne s'occupe plus d'une motion aussi
extravagante . Décrété .
Séance de décadi , 20 Ventôse.
l'administration du district de Granvilliers , département de
l'Orne , écrit à la Convention que' plusieurs cultivateurs de cé
district se sont engagés à ne pas vendre leur bled au - dessus du
prix de dernier maximum.
Mention honorable et insertion au bulletin .
les
Foussedoire , au nom du comité de législation , fait décréter
que agens nationaux pour les districts et les administrateurs
de police à Paris , enverront chaque décade l'état nominatif
des détenus dans les diverses maisons d'arrêts de la
République et les motifs de leur détention au comité de sûreté
génera e qui en rendra compte .
Un négociant de Lille réclame une somme de 20,000 liv .
numéraire qui a été trouvée chez lui lors de son arrestation
et envoyée à la trésorerie nationale .
•
en
es
cointre ( de Versailles ) généralise cette proposition , et
emande qu'on rende , à tous ceux qui ont été détenus
numéraire , les sommes métalliques qui leur ont été prises ,
Thibaut : Il sembie que Lecointre s'accole aux ennemis de
la chose publique pour tâcher d'avilir la Convention nationale.
Le comité est sans cesse occupé à faire rendre auk
citoyens ce que les fripons leur ont enlevé . Thibaut demande
T'ordre du jour qui est adopté.
Cambon , au nom du comité des finances , présente la rédaction
du décret concernant les retenues sur les inscriptions
( 378 )
consolidées , les intérêts et rentes foncieres et perpétuelles , et
sur les inscriptions et rentes viageres pour la troisieme année
républicaine Elles seront du dixieme pour le perpétuel , et du
vingtieme pour le viager . Le montant de la retenue sera déduit
sur les sommes qui seront réparties , pour la même année , sur
les propriétés mobiliaires ..
Lesage Senault observe que le drapeau tricolor ne flotte
plus sur le palais national . André Dumont répond que le vent
l'a abbattu , et qu'il aurait été replace sur-le - champ si la tige
de fer qui le porte n'avait été aussi renversée .
$ Un membre du comité des inspecteurs de la salle annonce
que demain il sera replacé . ,
Un autre membre demande que l'acte constitutionnel soit
placé dans la salle, La Convention décrete qu'il sera gravé sur
des tables qui seront suspendues dans la salle de l'Assemblée.
Séance de primedi , 21 Ventôse .
Les sections de l'Observatoire , Lepelletier , la Fontaine-
Grenelle et plusieurs autres viennent féliciter la Convention
d'avoir rappellé à leur poste des mandataires du peuple qui
n'avaient pas démérité de la . Elles dénoncent les membres
de leurs anciens comités révolutionnaires , et demandent la
punition des auteurs de la journée du 31 mai , des massacreurs
des 1er et 2 septembre et de tous ceux qui ont souillé ou
youdraient encore souiller la révolution de leurs crimes . Ces
adresses sont vivement applaudies .
Boissy d'Anglas prononce un discours dans lequel il développe
les moyens , dont les ennemis de la chose publique se
servent aujourd'hui pour s'efforcer de la perdre . Ils affectent.
de vouloir une égalité absolue pour armer le pauvre contre le
riche, et établir le systême agraire . Tous les citoyens sans doute
sont égaux en droits , mais tous ne sont pas égaux en talens , en
verius , en propriétés . L'égalité des fortunes dans la société
civile ne peut jamais être qu'une chimere , et entraînerait la
raine de l'ordre social. Si l'on parvient à faire insurger le
pauvre contre le riche , bientôt il n'y aurait plus d'armées ,
plus d'impôts , plus de subsistances , plus d'industrie , plus
d'ordre , tout rentrerait dans le cahos et dans le néant . Les villes
malheureuses où l'on a entrepris de faire l'essai de ce systême ,
nous en offrent l'exemple désastreux . Qu'on se rappelle ce qui
s'est passé à Lyon , Nantes et Marseille.
1
Boissy compare ensuite le régime sage et libre d'une répu
blique constituée sur la justice , au régime royal suivi de sa
noblesse , ses dimes et ses corvées . Il prouve que l'expression
du million doré n'a été imaginée que pour fomenter des haines
et allumer la guerre civile .
Il termine en demandant des lois repressives contre les par(
379 )
f
tisans de la royauté , et une adresse au peuple pour l'éclairer
sur les maneuvres de ses ennemis .
Legendre dit que la meilleure adresse est d'oublier les haines
et les passions particulieres , de donner l'exemple de la fraternité
, et d'immoler tout ressentiment sur l'autel de la patrie .
" :
Bourdon ne veut point de nouvelles lois contre les roya
listes . Ce serait manifester l'impuissance des premieres , et
descendre de la hauteur républicaine où les Français sont parvenas
. La meilleure adresse est de retirer des assignats de la
circulation et de fixer le mode dont nous traiterons avec les
puissances de la paix qui doit amener le bonheur du peuple .
Rewbel On répand des inquiétudes sur les subsistances .
on parle de la constitution de 1789 , c'est - à- dire , d'un roi ;
comme si un roi ponvait donner du pain , comme s'il donnait
autre chose que des fers . On veut déverser sur la Convention
des soupçons de reyalisme. La Convention est républicaine
, elle le proclamera à la face de l'univers . Toute
Assemblée se leve et fait retentir la salle d'acclamation .
Rewbel demande que la premiere proposition de Boissyd'Anglas
soit renvoyée au comité de legislation pour préciser
les délits du royalisme , et leur appliquer dans certains cas
la peine de la déportation . Sa motion est décrétée ,
Chasal , au nom du comité de salut public , dissipe les
alarmes qu'on repand depuis quelques jours en publiant que
Paris est environné de 40,000 cavaliers armes . Le fait est
que le gouvernement a appellé 450 hommes pour la police
des marchés et protéger l'arrivage des subsistances .
Louvet C'est le moment de reconnaître que les républicains
des départemens qui se sont levés pour venir à Paris ,
ne marchaient pas contre leurs freres républicains , mais
contre les factieux , pour défendre la représentation nationale
.
Tallien déclare que cette demande impolitique serait un
nouveau tison de discorde jetté dans les départemens ; personne
ne veut , dit-il , faire l'apologie des scélérats qui ont livré
Toulon aux Angla's , ou qui ont été se joindre aux rebelles
de la Vendée .
La proposition de Louvet est écartée par la question préa
lable .
PARIS . Quartidi 24 Ventôse , l'an 3. de la République.
La rentrée des députés , mis hors de la loi , a produit
dans tous les esprits un sentiment de satisfaction qui
prend sa source dans les idées de justice et dans le retour
aux principes que la plus horrible tyrannie était
( 38% ))
parvenue à faire disparaître . Il est assez remarquable que
les sections de Paris soient venues féliciter la Convention
sur cette rentrée , tandis que moins de deux ans
auparavant elles avaient mis tnt de chaleur à solliciter
leur proscription . Ce contraste n'est pas seulement une
preuve des progrès de opinion publique ; c'est une
attestation solemnelle de la liberté qui préside aujour
d'hui à toutes leurs démarches . Jamais le peuple de
Paris n'a eu l'intention de porter atteinte à la représentation
nationale . Ce n'est pas lui qui entourait le
10 mars la Convention de poignards , provoquait et
exécutait les honteuses journées du 31 aai et du 2 juin.
C'était un amas de brigands excités par Robespierre et
ses complices , et par une municipalité qui servait le
crime en même tems qu'elle le soudoyait . Ils avaient
commencé par chasser les bons citoyens de leur section
, et traînant après eux tout ce qu'il y avait de plus
impur ou de gens égarés , ils étaient venus , Hanriot
à leur tête , dicter insolemment des lois aux représen
tans de la nation entiere . Les sections eussent été alors
ce qu'elles sont aujourd'hui , si elles n'eussent été opprimées
par les plus vils scélérats .
1
Parmi les membres rentrés , au nombre de plus de
vingt -deux , on en compte plusieurs connus par leur
mérite autant que par leur inflexible courage à lutter
contre la faction oppressive ; tels sont Isnard , Lanjuimis
, Louvet , Lareveillere - Lepaux , Fermont , Chassey ,
Doulcet-Pontecoulent , Kervelegan et Lesage. On
ignore si Pétion et Buzot existent encore . Si l'on en
croit une note de Louvet dans ses mémoires , il est
probable qu'ils ont péri . On s'attend que ce nouveau
renfort va donner à la majorité de la Convention toute
la prépondérance nécessaire pour sortir de l'effroyable
cahos où l'on a plongé la République ; mais on s'at
tend aussi , et l'intérêt de la patrie l'exige , que tous
les anciens ressentimens , toutes les vieilles passions
seront sacrifiées au besoin impérieux de réparer le
passé , et de ne plus voir que l'avenir. Plus de faiblesse
pour le crime , mais de l'indulgence pour l'erreur. La
chose dont on doit le plus se défendre en révolution ,
c'est tout mouvement précipité dont on n'aurait pas
assez calculé l'effet dans une grande assemblée . Il est
des choses qu'il faut laisser à l'opinion ; il en est d'autres
qui , bonnes en soi , ne le sont pas relativement aux
eirconstances. En tout , il ne faut pas perdre de vue
1
((381 ))
que l'opinion d'un , législateur représente jusques dans
la plus petite chose l'intérêt et la dignité d'un grand
peuple.
Il est facile de juger , par le discours de Boissyd'Anglas
dans la séance du 21 , que la malveillance s'agite
en tout sens pour tirer profit de la révolution du
thermidor. On a toujours remarqué , dans la révolu
tion , que l'aristocratie s'est , pliée à toutes les formes
pour s'amalgamer à tous les mouvemens bons ou mauvais.
Nagueres elle était en bonnet rouge , siégeait aux
jacobins , et il n'y avait pas de plus ardens révolutio
naires . Aujourd'hui , elle fait la guerre aux terroristes
aux buveurs de sang ; autre tems , autre masque ; mais .
ces hommes qui ont tant nui aux, vrais patriotes , en
se mêlant avec eux , sement sourdement les espérances
du rétablissement de la royauté. C'est par le discrédit,
des assignats , par l'agiotage , par le renchérissement des
denrées et des marchandises , par l'alarme sur les subsistances
qu'ils comptent y parvenir. Ils croyent que i
l'on ne peut se relever qu'en s'appuyant sur un trône.
Insensés ! ils ne savent donc pas que les rois ne donnent
que des fers , et qu'à l'état de souffrance où nous sommeɛ,
nous n'aurions fait qu'ajouter la servitude . C'est vers
ces objets que la Convention doit tourner toute sa sollicitude
. On a parlé de la formation d'une bourse pourréprimer
l'agiotage , et elle n'est pas encore établie . On
sent le besoin de diminuer la masse des assignats en
circulation , et cette opération marche avec une extrême
lenteur. De grands coupables intriguent du fond de
leurs prisons , et ils ne sont pas en jugement . La tran
quillité publique ne commencera à se rétablir que lorsque
ses plus infatigables ennemis seront dans l'impuissance de
nuire. D'un autre côté , on cherche à donner une fausse
direction à l'opinion , on abuse du nom de jeunesse
parisienne pour se livrer à des excès repréhensibles
comme on abusait du nom du peuple , pour le porter à
des mouvemens désordonnés . Que la Convention se
défie des faux amis ; ils nuisent souvent plus que les
ennemis déclarés .
་
On parle beaucoup de réunir l'ancien clos des Char
treux au jardin du Luxembourg . Depuis que celui - ci a
été mutilé par les spéculations fiscales des anciens agens
d'un prince émigré , cette magnifique promenade , qui
( 382 )
appellait les méditations des Rousseau , des Diderot , des
Grébillon,n'offre plus qu'une étroite etaride enceinte dont
les allées se dégradent et s'éclaircissent tous les jours . Le:
clos des Chartreux offrirait un supplément vaste , où l'agréable
ne ferait rien perdre à l'utile . Si l'on établit au
palais du Luxembourg une bibliotheque , comme il en est
question , les allées , les bosquets , les promenades qui
y seraient jointes , rappelleraient les jardins du Lycée
ou de l'Académie , ou après avoir écouté les leçons de
Platon , ses disciples allaient se livrer aux douces rêve- .
ries et aux utiles méditations qu'elles leur inspiraient.
Ce quartier a été si maltraité par les événemens de la
révolution , par une translation de population , par la
suppression de l'unique " spectacle qui l'embellissait
qu'on lui doit un dédommagement qui lui redonne
quelque valeur et quelque activité . Nous appellons sur
cet objet l'attention de l'administration publique .
On a inséré dans divers journaux , sur la foi des gazettes
italiennes , un article portant que Maroc et Alger s'étaient
déclarés contre la République , et avaient accédé à la coali
tions, tandis que les régences de Tunis et de Tripoli étaient i
fortement prononcées en notre faveur .
La premiere partie de cet article est absolument fausse ; ×
voici le fait .
S
751
Le royaume de Maroc est depuis deux ans déchiré par la
guerre civile , dont la balance paraît enfin pencher en faveur
de Muley -Soliman . Ce prince s'est toujours montré ami des
Français . La République vient d'envoyer auprès de lui un
agent qu'il connaît et qu'il aime . Get agent est parti il y a
deux mois .
Lé dey d'Alger a demandé tout récemment l'établissement
de paquebots entre la France et Alger , pour avoir le plus
promptement possible des nouvelles authentiques des triomphes
de la République , qu'il admire jusqu'à l'enthousiasme , Toutes
les ressources de ce pays nous ont été ouvertes pendant la
durée de la guerre , elles le sont encore , et de caractere franc
et loyal do dey d'Alger nous garantit la continuation de ses
dispositions amicales .
Le bey de Tunis a donné à la République des preuves non
équivoques de la fidélité avec laquelle il observe les traités .
Une escadre anglo - espagnole arriva l'année passée dans la
rade de Tunis , elle le somma de livrer un convoi français
très- riche qui se trouvait alors dans le port . Le dey refusa ;
sa conduite ne s'est jamais démentie .
Le nouveau pacha de Tripoli paraît avoir des amis dans
le ministere ottoman , dont les dispositions à l'égard de la
!
( 383-))
République sont connues. Le consul de la République est ,
de tous les agens des puissances étrangeres , celui auquel il
montre les plus grands égards . Il est dans ce moment en guerre
avec le bey de Tunis , d'où il résulte que si l'un et l'autre sont
nos amis , ce n'est point par un systême politique concerté
entre eux , comme l'article inséré dans cette feuille paraît le
supposer.
A
Du 20. On mande de l'Orient que le convoi parti de ce
port le 27 pluviose , au nombre de trente voiles , sous l'escorte
de trois corvettes , ayant été sépare et dispersé à la hau ,
teur de l'Isle - Dieu , le 28 , par un coup de vent , environ
douze des bâtimens se rallierent , et fireut route , le 3 ventôse ,
pour entrer dans le perthuis d'Antioche , et se mettre à
l'abri dans les rades de la Rochelle , et que neuf out été pris
par trois fregates anglaises qui croisaient depuis l'entrée de
la riviere de Bordeaux jusqu'à l'ouverture du perthuis . De ce,
nombre , le bâtiment le plus intéressant est le navire le Courierde-
Cayenne , de Bordeaux , capitaine Mille , chargé de poivre:
et autres marchandises de l'Inde ; le chargement des autres ,
est de peu de valeur , trois ou quatre out même été coulès ,
ou brûlés . G
On assure que la frégate la Romaine , capitaine Chambon ,
est arrivée le 5 nivôse sur la rade de Cherbourg.
On apprend aussi que le navire français la Galathée , de
deux cents tonneaux , capitaine Porée , allant de Bordeaux au
Havre , chargé de vin , sucre , cafe , etc., est entre à Port-
Malo.
On mande de Toulon , le 11 ventôse , que l'armée navale
a appareillé le même jour. Elle est composée de 15 vaisseaux
dont un à 5 ponts , 3 de So canons , de 5 bégates , une corvette
et quelques brikes . Uu convoi , armé de 20,000 hommes ,
est aussi prêt à mettre à la voile .
*
Le proces de Fouquier - Tinville va enfin reprendre. On
parle d'une nouvelle horreur qui est au nombre des pieces
du procès. Dans la fameuse couspiration du Luxembourg ,
48 accusés ont été exécutés , le même jour 21 messidor , sans
qu'il existe de jugement , de condamnation . Quel abominable
ferocité ! c'était assez d'assassiner avec des formes ; mais dédaigner
la plus essentielle de toutes , celle de la condamnation
! Exécuter sans juger ! oser , au milieu de Paris , égorger,
au nom de la loi , 48 citoyens que la loi n'a pas condamnes ,
voilà ce qu'on ne soupçonnait pas encore.
2
On dit , au reste , que les familles de ces malheureuses victimes
réclament auprès de la Convention , et que leur mémoire
va incessamment paraître . Ce sera une page de plus à
ajoutez à cette affreuse époque de notre histoire.
( 384 )
On ne doute pas que la Convention ne regarde comme
nulle la confiscation des biens , car la confiscation ne peut
exister , d'aue part , qu'avec une condamnation à mort ; de
l'autre , qu'en vertu d'un jugement : or , il n'y a eu ici ni
Fun ni l'autre. Le principe politique va donc , comme dans
l'affaire de l'infortuné Loiserolles , céder au principe de
justice.
*
Dans celle -là , il n'y avait pas d'acte d'accusation ; dans celleci
, il n'y a pas de jugement de qui assurément est pis encore.
Le patriote Escal dira peut-être que voilà 48 confiscations qui
échappent à la République , lorsque dans l'affaire de Loiserolles
elle n'en perd qu'une ; mais la réponse sera simple ;
S'il y a ,dans le trésor national 47 confiscations de moins ,
c'est qu'il y a eu 47 assassinats de plus.
Quelques papiers publics avaient publié que Goulin , l'on
des megbies du comité révolutionnaire de Nautes , s'etait
empoisonné dans les prisons de Paris . Le fait est faux ; Goullin ,
vit encore. Ce bruit , probablement , ne s'est répandu qu'à
l'occasion des douleurs que ce détenu a ressenties des suites ,
d'un empoisonnement qui faillit le faire périr , il y a quelque
tems , à Bordeaux .
L'armée du Nord commence à se mettre en mouvement ;
la cavalerie a déja pris les devans et va se rassembler sur
les bords du Rhin ; ses deuxieme et cinquieme divisions,
sont destinées à joindre l'armée de Sambre et Meuse , et le
général Morean commandera en chef l'expédition militaire
qui a pour objet de bloquer Wesel et d'en debusquer les
alliés , qui ont rassemblé des forces considérables dans ceue.
partie. Le général autrichien Clairfayt , qui avait détaché un
très - gros corps de son armée pour Mayence vient de le
rappeller , et ce corps passera du côté de Munster.
P. S. Dans la séance du 23 , on a continué la discussion sur
les attributions du comité de salut public concernant les relatiens
extérieures , - Mathieu , au nom du comité de sûreté
générale , a dénoncé à la Convention deux affiches , intitulées :
Peuple , réveille- toi , il en est tims. Imprimerie du 10 août et
du 31 mai, — L'autre ayant pour titre 4u peuple , vérités
terribles , mais indispensables , tirées de Rousseau , Mably , Raynal. ་
Ces deux affiches ont été placardées pendant la nuit. Elles
donnent des inquiétudes sur les subsistances , avilissent les
assignats ; elles excitent le peuple au pillage ; elles attaquent
une partie de la Convention , contre laquelle elles excitent les
ouvriers à marcher. Le comité de sûreté générale a pris toutes
les mesures nécessaires pour le maintien de la tranquillité , et
pour rechercher les auteurs de ces affiches libertieides . Lo
comité de salut public a pris aussi des mesures pour les approvisionnemeas
de la République ,
-
( No. 36. )
MERCURE FRANÇAIS
DÉCADI 30 VENTOSE , l'an troisieme de la République.
( Vendredi 20 Mars 1795 , vieux style . )
NOUVELLES LITTÉRAIRE S.
LE PETIT - COUSIN DE BERQUIN , ou les Délassemens du
premier âge , ouvrage contenant des historiettes amusantes
et morales , à l'usage des enfans . A Orléans , chez BBRTHEVIN
et RIPAULT , libraires ; et à Paris , chez AUBRY
Tue Baillet , no . 2 ; CRETTE , libraire , passage de Moliere;
LUCET , directeur du bulletin de littérature , rue du Croissant
, nº . 16 ; et chez tous les libraires et directeurs des
postes de la République. Le prix de l'abonnement est de
13 liv . 10 sous pour six numéros , de 72 pages chacun
franc de port.
Le titre de cet ouvrage rappelle un souvenir cher
>
aux lettres , et sur- tout à l'enfance. Berquin en avait été
l'ami ; il parlait son langage ; son ame douce et sa raison
cultivée s'étaient rapprochées de celles des enfans : il avait
étudié leurs inclinations , leurs goûts , leurs défauts ; il
vivait en eux et avec eux , et personne ne connaissait
mieux que lui l'art difficile de rendre l'instruction aimable
, et de donner à la morale qui leur convient
les formes ingénieuses du drame et l'intérêt de la
fiction.
C'est honorer sa mémoire que de marcher sur ses
traces , et de vouloir être de sa famille , mais c'est en
même tems se charger d'un héritage qui dépérit s'il n'est
amélioré . Les éditeurs de ce petit recueil ne se dissimulent
point la difficulté de l'entreprise . C'est glaner,
disent- ils , dans un champ où Berquin a fait une moisson
abondante ; et il y aurait une certaine témérité à traiter
un sujet qu'on regarde comme épuisé par lui , si les
vertus et les défauts de l'enfance ne se reproduisaient
sous mille formes différentes , susceptibles d'être peintes
d'autant de manieres ; et si nous comptions assez peu
sur l'indulgence des merès pour craindre qu'elles ne
Tome XIV.
Ded
( 386 )
favorisassent pas une entreprise formée par le desir sincere
d'être utile à la portion la plus intéressante , et jusqu'
ce moment la plus négligée de la société . ",
Cinq historiettes composent le premier numéro. Les
deux plus importantes sont Marianne et Catherine , et le
Jour de Congé. Voici le sujet de la premiere .
Hortense , restée veuve à 25 ans , se consacre entierement
à l'éducation de ses deux filles , Eléonore et
Pauline . Marianne était leur bonne , et secondait parfaitement
les soins de la mere . Cette excellente fille
meurt , et les enfans sont inconsolables de sa perte .
Hortense prend alors la place de la bonne , et promet
de leur en donner une autre , lorsqu'elles auront trouvė
une seconde Marianne . A quelque tems de là , Lucile
leur couturiere leur raconte les malheurs d'une veuve
respectable , qui pendant 28 ans a consacré son travail
et épuisé sa petite fortune , pour nourrir sa mere infirme.
Ne pouvant plus travailler , et réduite à la plus
affreuse misere , elle est recueillie par Lucile . Eléonore
et Pauline attendries à ce récit courent demander à leur
maman qu'elle leur donne Catherine pour bonne.
C'était le nom de cette veuve infortunée . La mere
résiste , mais elle cede enfin aux pressantes sollicitations
de ses filles et à l'impression que fait le malheur et la
vertu sur leur ame sensible . Eléonore et Pauline ób
tiennent d'accompagner Lucile pour annoncer cette
nouvelle à Catherine , qui dès le soir fut installée comme
gouvernante auprès de ces aimables enfans .
Ce fonds est simple ; mais les détails en sont touchans
, la narration facile et le dialogue naturel . La
moralité se trouve dans les bons sentimens qu'inspire
la mere à ses deux filles , et dans l'intérêt que celles- ci
prennent aux malheurs de Catherine qui devient pour
elles un modele de piété filiale .
Le Jour de Congé est d'un autre ton . Célestine et
Félix obtiennent de leur mere un jour de congé
pour les récompenser d'avoir bien travaillé pendant
un mois ; mais un congé bien complet ; point
de leçons , point d'étude , point de travaux. La mere
y consent. Mais prenez bien garde , leur dit - elle , de
yous ennuyer , et sur - tout n'allez pas vous quereller.
Les enfans promettent. Félix , ivre de joie , ne rêve
qu'au bonheur du lendemain . A peine est-il jour , qu'il
court pour éveiller sa soeur. Célestine aime mieux dor
mir. Ce n'est qu'après une grande heure qu'il parvient
( 387 )
la faire sortir de, son lit , et qu'après une autre heure
qu'elle est habillée ; et ce beau jour , l'objet des desirs
de Félix , commence sous les auspices de la bouderie.
Parmi les projets d'amusemens , ils avaient compté une
promenade au jardin , où ils se promettaient de varier
leurs jeux de mille manieres . Une grande pluie les oblige
à rester dans la chambre . On essaie plusieurs jeux , et
on s'en dégoûte . La mere avait fait cadeau à Félix d'une
armée en plomb , et à Célestine d'une jolie poupée ..
Félix s'empare d'une table de marbre , où il range en bataille
son arméé . Amis , ennemis , cavaliers , fantassins ,
généraux , officiers , soldats , tous sont mis à leur rang
et avec leur uniforme distinctif, sans même oublier l'artillerie
. Célestine , de son côté , habille sa jolie poupée ,
dont la garde - robe était des mieux mortée . Chacun de
ces enfans desire d'associer l'autre à son bonheur ; Félix
brille d'envie de voir Célestine applaudir à l'ordonnance
de son armée . La petite - fille desire que son frere quitte'
ces vilains régimens pour venir contempler l'élégante
tournure des habits de sa poupée . Célestine attache fort
peu d'intérêt aux dispositions militaires ; Félix traite
festement la toilette de la poupée ; la querelle s'engage
, la mere survient et les met d'accord en faisant
sentir à Félix que s'il n'aime pas à jouer à la poupée , il
serait aussi peu raisonnable à une fille d'aimer les régimens
de plomb et tout l'attirail militaire . Chaque sexe
doit garder , même dans l'enfance , son caractere ét ses
inclinations naturelles . La mere leur rappelle ce qu'elle
avait predit , que la journée ne se passerait pas sans
querelle. Elle se charge de l'amusement du reste de
la journée qui se passe en jeux , en lectures amusantes ,
en goûté fort gai que leurs camarades vinrent partager
avec eux ; et nos heureux enfans tirerent de cette aventure
cette leçon , qu'ils devaient une autre fois se reposer
sur leur mere du soin de disposer de leur tems , persuadés
qu'elle saura , par un partage heureux , leur rendre leurs occupations
agréables l'une par l'autre.
Telle est l'idée que l'on peut prendre du genre et de
l'objet de ces petites historiettes . Le Petit- cousin de Berquin
ne le fera point oublier , mais il peut servir , comme
lui , à l'instruction et à l'amusement de l'enfance. Cette
entreprise , formée par un jeune auteur , mérite d'être
encouragée .
-Dd g
( 388 )
MÉLANGES.
SUITE DE LA LETTRE DU REDACTEUR , contenant la revue
de quelques écrits relatifs à la révolution.
L'Agonie de dix mois ou historique des traitemens essuyés
par les députés détenus , et les dangers qu'ils ont couru pendant
leur captivité. Tel est le titre d'une brochure où
Blanqui , l'un de ces députés, apprend au public tout ce
que ses collegues et lui ont eu à souffrir depuis le
3 octobre , qu ils furent arrêtés , jusqu'au 18 frimaire
qu'ils ont été rappellés à leurs fonctions. On les voit
traînés de prison en prison , de la Force aux Magdelonettes
, des Magdelonnettes aux Bénédictins - anglais
de là aux Fermes -générales , puis à la caserne des Carmes ,
et par- tout exposés aux angoisses , aux mauvais traitemens
, aux piéges qui leur étaient tendus pour avoir un
prétexte de les envelopper dans une prétendue conspiration
des prisons , condamnés aux plus grandes privations
, et attendant chaque jour , mais avec patience et
tranquillité , que la derniere heure eût sonné pour eux.
Il parait que le 9 thermidor devait être marqué par
le massacre général de tous les prisonniers dans les
diverses maisons d'arrêt. Ce même jour , dit Blanqui ,
( c'était aux Bénédictins- anglais ) entre 4 et 5 heures du
soir, deux hommes armés , ayant le concierge à la tête ,
paraissent dans le jardin , en examinent toutes les parties
, et affectent sur- tout de bien remarquer la portion
du bâtiment que nous occupions , ensuite ils disparaissent.
Le soir , on nous fait rentrer une heure plutôt
qu'à lordinaire. On demande la cause d'une pareille
nouveauté on répond que les jours ayant diminué , il
faudra dans la suite se retirer de meilleure heure . La
raison paraît plausible , et chacun rentre chez soi paisiblement.
Cependant les sentinelles sont doublées . Celles
qui sont dans le jardin chargent leurs fusils , et s'annoncent
prêtes pour 11 heures . On se demande ce que
tout cela signifie , personne n'en sait rien . Peu de tems
après le tocsin se fait entendre ; des rassemblemens se
manifestent autour de la prison ; nos inquiétudes
augmentent : quelques mots saisis dans le brouhaha du
rassemblement annoncent l'arrestation de Robespierre,
et complices. Bientôt plusieurs hommes , un sabre nud
1
( 389 )
à la main , et le concierge à la tête , se présentent de
chambre en chambre , et nous intiment l'ordre de nous
coucher , et qui plus est de mettre bas nos habillemens ,
et , le croira-t -on ? nos culottes . Les scélérats ! ils voulaient
avoir leurs victimes toutes prêtes , sans courir
aucun danger ! Cette visite se répete de quart- d'heure
en quart- d'heure pendant toute la nuit qui fut des plus
alarmantes . Enfin , le lendemain nous fûmes avertis que
la victoire remportée par la Convention nationale sur
les Nérons de la France nous avait sauvés d'un massacre
général dans les prisons .
Vous trouverez à la fin de cette brochure quelques
anecdotes qui serviront à vous faire connaître le degré
d'oppression et le rançonnement qu'on exerçait sur les
prisonniers, L'un d'entre eux , après que les communications
eurent été défendues avec plus de sévérité qu'au
paravant , s'écria : Eh quoi ! trois mille livres ne suffisent donc
pas pour voir ma femme ? Questionné sur le sens de cette
phrase , il avoua avoir donné cette somme pour obtenir
la permission de voir sa femme trois fois par décade . Il
y a plusieurs traits du même genre . Mais au milieu de
cet oubli de tous les sentimens d'humanité , on aime à
retrouver de loin en loin plusieurs traits qui l'honorent.
Blanqui parle avec intérêt du caractere bon et sensible
du concierge de la Force . Cet homme qui n'avait point
dégradé ce titre , au milieu du régime féroce des prisons
, mérite d'être nommé ; il s'appelle Ferney . Ses
égards éclataient sur-tout envers les députés . Un jour
que les administrateurs de police étaient venus à minuit
procéder à l'enlèvement des armes , l'un d'eux s'était
jetté nonchalamment sur le lit où était couché un député.
Citoyen , lui dit Ferney , es- tu venu pour insulter au
malheur ignores - tu que c'est un représentant du peuple qui
est couché dans ce lit? L'administrateur se leva tout honteux
qu'un guichetier lui eût donné des leçons de
conduite.
Une autre fois , après qu'un arrêté du comité eut défendu
aux guichetiers de boire avec les détenus , à qui
on avait enlevé tout moyen d'avoir du vin , Ferney ,
touché de compassion pour les vieillards et les infirmes ,
leur dit : Citoyens , si la loi défend aux guichetiers de boire
avec les détenus , elle ne défend pas aux détenus de boire avec
le guichetier ; quand vous aurez besoin d'un verre de vin.
passez au guichet , vous trouverez toujours sur la table une
bouteille à votre service. Quand la loi révolte la nature a
Dd 3
) 3go )
il faut que le législateur s'attende à voir la nature éluder
la loi.
Le mépris de la vie était aussi grand à la Force que.
par- tout ailleurs ; c'est l'effet ordinaire des tyrannies .
Quand la vie est à charge , on n'y tient plus. Lors de
la fournée connue sous le nom des chemises rouges , un
détenu avait reçu son acte d'accusation , et attendait à
tout moment les gendarmes pour être traduit au tribunal
redoutable. Il était musicien , et se souvient toutà-
coup qu'un détenu de ses amis lui avait demandé une
arietta . Aussi- tôt il rentre dans sa chambre , il copie l'ariette
, et revient à son ami . Mon cher , lui dit- il , voilà
ten affaire la musique est bien , je viens de l'essayer sur ma
flûte. Je suis fâché de ne pouvoir t'en fournir davantage ;
demain , je ne serai plus . En effet , le lendemain il fut
exécuté.
De toutes les anecdotes , la plus touchante est celle
d'une jeune fille de 12 ans qui , oubliant tous les goûts ,
tous les plaisirs de son âge , s'était pour ainsi dire identifiée
avec le sort des malheureux députés. Je ne puis
me refuser au plaisir de transcrire en entier le récit qu'en
fait Blanqui . C'est un de ces grands caracteres qui
honorent d'autant plus l'humanité , qu'ils se montrent
dans une classe plus rapprochée de la nature et de ses
bons sentimens.
" Notre collegue Laurenceot , dit Blanqui , était logé ,
avant sa détention , chez la citoyenne Brionville . Cette
femme respectable , tailleuse de profession , à une fille
d'environ 12 ans , d'une figure agréable , d'une éducation
soignée , sachant bien la musique , chantant à ravir , et
sur- tout possédant un coeur qui promet à ses parens un
ample dédommagement des sacrifices qu'ils ne cessent
de faire pour lui procurer une bonne éducation .
,, Immédiatement après notre emprisonnement , cette
enfant ne manqua pas de venir faire une visite à son
hôte détenu . Là , elle fit la connaissance d'autres députés.
Son caractere intéressant se manifesta bientôt ,
et il se fit un échange réciproque de sentimens qui ne
sont connus que des ames généreuses .
Dès-lors , le plaisir pour elle de voir ses députés ,
c'est ainsi qu'elle les appellait , et pour ceux - ci de
voir cet ange consolateur , devint un besoin. La difficulté
d'obtenir l'entrée de la prison ne la rebutait point . La
patience , la docilité , la complaisance , les prieres , le
dépit , la ruse , tout était employé par elle . Quelque(
391 )
fois , c'était après des journées entieres d'une attente
pénible et persévérante , qu'elle obtenait enfin la per
mission de venir nous consoler par sa vue , et nous
charmer par ses accens mélodieux . La rigueur de la
saison ne l'arrêtait point : souvent , nous l'avons vue
arriver déguisée en garçon, sous une mince carmagnole ,
portant à la main des sabots que ses tendres pieds n'avaient
pu supporter dans sa course , ou qui s'opposaient
à l'empressement qui la faisait voler , et elle préférait
ainsi de traverser tout Paris , à pieds nuds , dans la neige.
que de reculer de quelques instans le plaisir de voir
ses députés. Courant sans cesse de la Convention aux
jacobins , et des jacobins dans les groupes , elle écou
tait tout , retenait tout , et venait aussi- tôt nous en faire
le rapport à la prison . Rarement c'étaient des nouvelles
consolantes , mais elle en adoucissait l'amertume par
ses exhortations à la résignation et à la dignité convenable
à des représentans. Dans les accès de sa fievre
généreuse , elle voudrait être sur la même charette qui
devait nous conduire au supplice , pour mourir avec
nous , et nous apprendre comment on meurt quand on
meurt innocent , et pour le bien de sa patrie ; mais elle
ne voudrait pas être à côté de lâches , elle en serait
désolée . Puis recourant aux charmes de sa voix enchanteresse
, elle cherchait à insinuer dans nos ames le
baume de la consolation , par des ariettes analogues et
à propos . En voici une tirée d'Edipe .
Du malheur , augustes victimes ,
Mettez un terme à vos regrets .
Quand le coeur est exempt de crimes ,
Du sort on doit braver les traits .
Que votre ame en paix s'abandonne
Anx soins que nous prendrous de vous ;
Pour vous servir , nous aurons tous
Le zele et le coeur d'Antigone.
2
" On avait beau nous traîner de cachots en cachots ,
elle nous suivait par- tout , par-tout elle cherchait à pénétrer
jusqu'à nous et souvent , lorsque nous y pensions
le moins , nous la voyions arriver toute triomphante
d'avoir réussi à apprivoiser les intraitables cerberes
qui repoussaient impitoyablement tout ce qui se
présentait. Enfin , lorsque nous fâmes dispersés dan
Dd
1
( 392 )
cinq maisons différentes , elle passait souvent des jour
nées entieres à courir de prison en prison pour visiter
tous ses députés.
" Aimable enfant , puisse la reconnaissance , à laquelle
tu as acquis tant de titres , être le moindre des devoirs
que nous avons à remplir envers toi ! Puisse l'hommage
que je me plais à rendre à tes vertus naissantes , te
servir de stimulant pour développer tous les sentimens
généreux dont les germes t'ont été prodigués par la
nature ! ,,
Si votre ame se sent assez de force pour soutenir le
récit plus détaillé des horreurs qui se commettaient
dans les prisons , et de la boucherie qui a marqué chaque
jour le calendrier des tyrans , lisez les Souvenirs d'un jeune
prisonnier , ou Mémoires sur les prisons de la Force et du
Plessis ; les Mémoires d'un détenu pour servir d'histoire à la
tyrannie de Robespierre , et joignez-y l'Almanach des prisons
avec sa suite : vous aurez les annales complettes du
crime et de la férocité.
J'ignore quel est le jeune prisonnier qui a peint la Force
et le Plessis . Au milieu d'un grand désordre dans les
idées et dans le style , on y trouve un intérêt vif et
soutenu , une profonde indignation contre les execrables .
bourreaux de leur patrie , une foule de réflexions qui
sortent brûlantes d'une ame tout - à- la - fois sensible et
énergique , et beaucoup d'anecdotes particulieres .
On m'assure que les Mémoires d'un détenu sont du jeune
Riouffe ; ils sont écrits d'un style plus pur , et ne sont
pas d'un moindre intérêt. C'est la Conciergerie dont il
offre le tableau sous ses traits les plus hidoux , c'est- àdire
les plus vrais . Les plus illustres victimes immolées
à la fureur des bourreaux révolutionnaires , y paraissent
revêtus de leur véritable caractere. C'est là que vous
verrez Vergniaud , Gensonné , Ducos , Fonfrede , Valazé et
leurs collegues , plus grands , plus augustes , plus dignes
d'admiration , que lorsque du haut de la tribune ils
faisaient entendre leur voix tonnante contre la tyrannie .
Les derniers instans , les dernieres paroles , les derniers
sentimens de l'héroïque et vertueuse Roland , de Custine
fils , de Bailly , de Houchard , de la Marliere , de Giré-
Dupré , de Beysser , du vénérable Malsherbes , et d'une
foule d'autres victimes , y sont peints avec un intérêt
qui déchire l'ame , en même tems qu'elle y fait naître
les impressions les plus sublimes .
( 393 )
En général , deux grands caracteres marquent cette
horrible époque de la révolution ; l'un est l'humanité
dans tout ce qu'elle a de plus féroce , de plus vil , de
plus sanguinaire , de plus dégradé dans les persécuteurs ,
l'autre , de tout ce qu'elle a de plus courageux , de plus
grand , de plus calme , de plus intrépide et de plus vertueux
dans les persécutés . Ce sont les femmes sur -tout ,
ces jeunes femmes si faibles , si délicates , si sensibles ,
qui étonnent par leur fermeté , par leur patience , par
leur inaltérable douceur , par leur tendresse pour leurs
enfans , et leur dévouement pour leurs époux .
Voici un trait parmi mille autres , qu'on lit dans les
Souvenirs d'un jeune prisonnier.
-
-
" La cour où pendant la triste durée des jours , nous
pouvions respirer un peu d'air , et beaucoup d'ennui ,
était séparée par un seul mur du département occupé
par les femmes. Un égoût était la seule communication
possible . C'est là que se rendait tous les matins ,
et chaque soir , le petit Foucaud , fils de la citoyenne
Kolly , condamnée à mort , et qui depuis a subi son jugement.
Ce pieux enfant ! qui , à peinen adolescence
, connaissait déjà toutes les miseres de la vie ,
s'agenouillait devant cet égoût infect , et la bouche
collée sur le trou , échangeait les sentimens de son coeur.
contre ceux de sa mere ! C'est là que son plus jeune
frere , âgé de trois ans , le seul compagnon de ses derniers
momens , beau comme l'amour , intéressant comme
le malheur , venait lui dire : - Maman a moins pleuré
cette nuit , un peu reposé , et te souhaite le bonjour ;
c'est Lolo , qui t'aime bien , qui te dit cela. Enfin c'est
par cet égoût que cette malheureuse , allant à la mort ,
lui remit sa longue chevelure , comme le seul héritage
qu'elle pouvait lui laisser , en l'exhortant à faire réclamer
son corps , ainsi que la loi le lui permettait , pour le
réunir aux mânes de son époux et de son ami , qui périrent
le même jour.
On avait dressé à la Force des chiens qui venaient
flairer les prisonniers , et qui , dès ce moment , étaient
confiés à leur responsabilité , comme autrefois les féroces
Espagnols les menaient à la piste des malheureux Indiens .
Un Bostonien avait été amené à la Force ; on lui citait
l'instinct d'un de ces animaux , et la certitude qu'il terrasserait
l'homme le plus fort . Le chien était monstrueux
. Qu'on l'excite et qu'on me le lance , dit l'Américain.
Ils prennent du champ ; le chien , stimulé par son
( 394 )
maitre , se précipite , saisit au collet le Bostonien , qui ,
ferme sur ses pieds , résiste au premier choc , de chaque
côté passe adroitement un doigt dans la gueule de l'animal
, la lui sépare , et saisissant vigoureusement l'infé
rieure et la supérieure , allait déchirer la tête du chien ,
si son maître n'eût demandé grace. La gueule séparée ,
Tanimal perdit sa force et son mouvement ; ses jambes
s'allongerent sans la moindre résistance .
Je voudrais encore vous présenter le tableau de la
maniere dont tant de malheureux étaient , non pas jugés,
mais assassinés par le tribunal révolutionnaire , les méprises
nombreuses dans leur acte d'accusation . J'ai vu ,
dit Riouffe , apporter à une femme un acte d'accusation
sur lequel était écrit : tête à guillotiner sans remission .
Aucun de ces actes inlisibles n'était orthographié , et on
n'y trouvait aucune construction française . Souvent on
recevait un acte destiné à un autre personne alors
Thuissier se contentait de substituer votre nom à celui
qu'il efaçait. Plusieurs fois en buvant avec les guichetiers
ils en fabriquaient tout-à- eoup un de gaieté de
ceur, Dei femmes ont entendu dicter leur accusation
au milieu des ris : Joignons celle - là à son mari , criaientils
en s'enivrant , et la victime n'échappait pas en effet,
ces actes étaient imprimés avec un protocole commun
à tous ; il n'y avait que quelques lignes à remplir , et
c'est dans ce peu de lignes que se commettaient les
méprises les plus absurdes , et toujours impunément. Lá
ci- devant duchesse de Biron entre autres monta avec
un acte d'accusation rédigé pour son homme d'affaires .
:
Je me hâte de quitter ce lugubre sujet. S'il est un
sentiment qui vienne adoucir le souvenir de tant d'horreurs
, c'est que la plupart des monstres qui les ont
ordonnées ou commises , sont venus habiter les mêmes
cachots où ils avaient précipité tant de victimes , et les
ont suivies à l'échafaud. Mais qu'est- ce que le sang de
quelques scélérats en expiation du sang innocent qu'ils
ont fait couler à grands flots ? Leur supplice rendra- t- il
à tant d'orphelins leur pere , à tant d'épouses leur marî ,
a tant de familles désolées leurs parens et leurs amis . Il
ne me reste plus qu'un desir à former. Je voudrais que
ces honteuses annales du crime fussent affichées et lues
dans toute la République , afin que chacun y apprît à
détester la tyrannie et à aimer la justice et l'humanité .
Je voudrais encore vous entretenir de plusieurs écrits
relatifs à la derniere époque de la révolution ; mais je
( 395 )
me borne à vous indiquer le titre et l'objet. Tels sont
les causes secretes de la révolution du 9 au 10 thermidor
publiées en trois parties par VILATE , ex-juré au tribunal
révolutionnaire de Paris . Vilate a été de la société décemvirale
; on a quelque raison de s'attendre à de
grandes révélations . Cependant ces causes secretes se
réduisent à- peu- près à ce que tout le monde savait ;
savoir , que les tyran's s'étaient
brouillés
entre eux , dans
l'espoir
de se perdre les uns par les autres . Si l'on en
excepte
quelques
anecdotes
, quelques
traits échappés
dans des conversations
avec Robespierre
, Billaud , Collot,
Barrere , Hérault - Séchelles
, ect . tout le reste contient
plus
de réflexions que
d'événemens
.
Dans la troisieme partie l'auteur dévoile les mysteres
de la mere de Dieu . Cette mere de Dieu était une vieille
fille visionnaire qui s'appellait Catherine Théot , dont on
fit Théos , comme plus, propre à la mysticité . S'il faut en
croire Vilate , toute cette intrigue fut imaginée par
Barrere, Billaud , etc. , pour tendre un piége à Robespierre,
et l'attirer dans quelque fausse démarche. Du reste , ces
trois brochures sont écrites avec chaleur et annoncent du
talent.
Sous le titre de la vérité toute entiere sur les vrais acteurs
de la journée du 2 septembre , vous trouverez quelques
détails qui font frémir. Mais est- ce la vérité toute entiere ?
c'est ce que bien des gens instruits de ces événemens
ne pensent pas ; mais il est bon de recueillir tous ces
matériaux.
Vous pouvez encore écrire sur votre liste le coup d'ai
rapide sur la marche de la Convention nationale et de ses
comités depuis la révolution du 9 thermidor ; le plaidoyer de
Lysias contre les membres des anciens comités , de salut public
at de sûreté générale , ainsi que quelques idées à l'ordre , mais
peut-etre pas à la couleur du jour , par ANTONELLE . Cette
derniere brochure , quoique moderne , n'est pas en
effet au niveau de l'opinion ; car on y fait l'apologie de
la journée du 31 mai , et , malgré l'impartialité affectée
par l'auteur , on y connaît aisément dans quel sens il a
écrit; il y a cependant quelques bonnes choses à y prendre .
Telle est pour le moment la nomenclature que je
peux vous indiquer. A mesure que d'autres productions
du même genre verront le jour , et pourront piquer.
votre curiosité , j'en ferai l'objet d'une nouvelle corres
pondance.
( 396 )
NOUVELLES ÉTRANGERES.
ALLEMAGNE.
De Francfort-sur- le -Mein , le 4 mars .
Suite et fin du décret de la commission impériale.
QueUE si , pour confirmer et éclaircir avec plus de précision
cet exposé rapide , tant de l'origine et des progrès des
griefs donnés à l'Empire par la violation des traites, et par les
hostilités commises contre lui , que des raisons et du but de
la guerre déclarée par conclusum , S. M. I. rappelle expressément
et l'adresse du collège électoral , et le décret de la
commission impériale du 26 avril 1791 , et les délibérations
ultérieures de l'Empire , c'est qu'elle croit cela d'autant plus
convenable et à sa place , que . dans quelques notes per
tées au protocole de la diete , et même dans le dernier avis
de l'Empire , elle a remarqué certains traits qu'il ne lui est
pas aisé de concilier avec les délibérations antérieures et
avec le véritable état des choses .
"
t Au surplus , quelque multipliées et irréfragables que
soient les preuves de valeur presque incroyable , et de tac
tique militaire vraiment germanique , que l'histoire de cette
guerre fournit à la gloire des armées ailemandes , la fortune
des armes s'est montrée si défavorable dans les derniers mois
de la campagne derniere , que les veux pour la paix se sont
prononcés plus hautement et plus généralement , et que même
à la diete générale de l'Empire , des insinuations en faveur
d'une pacification qui mit fin à la guerre actuelle avec la
France se sont répétées avec une sorte de chaleur , et ont
en effet amené une proposition formelle , qui , mise en
délibération publique , a eu pour résultat un très -louable
avis de l'Empire.
Demander , si le rétablissement du repos de la patrie ,
par une prompte paix , est une chose à desirer ? est une question
bientôt décidée , quand on se borne à se représenter vivement
les calamités d'une guerre unique en son espece , et
sans exemple dans la maniere dont elle a été conduite , et
qu'on en fait la comparaison avec les douces jouissances de
la paix.
( 397 )
1
1
" Quiconque ajoutera à cela les sacrifices vraiment extraordinaires
, tant en hommes qu'en millions d'argent , que
S. M. I. , par le déploiement de tous ses moyens particuliers
ne cesse point de faire depuis trois ans dans l'accord
harmonique de ses sentimens et de ses actions pour la defense
de l'Empire germanique , il ne pourra se permettre de douter
de la parfaite et paternelle disposition de S. M. I. à combler
ces bienfaits , que la diete générale de l'Empire a reconnus
avec gratitude , par celui plus heureux du plus prompt établissement
de la paix .
,, Mais on ne peut manquer d'appercevoir de nombreux
et grands obstacles , dès que l'on se penetre des difficultés qui
s'élevent encore contre l'objet si desirable de la paix ; difficultés
, sur lesquelles ou semble avoir fermé les yeux ,
plutôt que d'en faire le sujet de mûres réflexions .
Dans la situation critique où se trouvent aujourd'hui
tous les rapports , il eût du moins été infiniment satisfaisant
pour S. M. 1. , pour sa propension et son affection paternelle
envers les états de l'Empire qui sout en souffrance avec ce
qui lui appartient , pour les soins qu'en sa qualité de chef
suprême elle doit à la sûrete et au bien- être de la patrie
germanique , si la diete générale de l'Empire eût articule avec
précision les points qui doivent entrer dans la paix , équi
table , juste , honorable et acceptable que l'on doit attendre
cela paraissait se fier de lui- même à l'idée qui a conduit les
électeurs , princes et étais à regarder comme conforme à
Pétat des choses , aux rapports de l'Empire germanique , et
> au bien de tout le corps , de faire de la paix un sujet de
délibérations publiques de la diete , et d'estimer que cette
maniere de procéder était celle qui méritait la préference daus
le mouvement à donner à l'affaire de la pacification . 99
Toutefois S. M. I. est fort éloignée de vouloir par cette
réflexion , quelque fondée qu'elle la trouve , apporter le moindre
empêchement , ou même differer jusqu'à une articulation déterminée
, l'acheminement vers la pacification , que la diete
générale a si hautement desirée , et qu'elle a déclarée si conforme
à ses vues .
" Disposée, au contraire , et parfaitement résolue à approa
ver on ratifier ce qui , dans le très-humble avis de l'Empire ,
a été adopté comme base de l'avancement de la pacification
future , et la maniere même que les électeurs , princes et états
en out présentée , S. M. I. , comme chef suprême de l'Empire ,
y ajoute l'assurance que , non - seulement elle informera à tems
et tres- exactement la diete générale de l'effet de toutes les démarches
tendantes au but proposé , mais encore que ce que
s'est expressément réservé le corps germanique au sujet d'une
co- opération ultérieure , sera pour S. M. une facilitation consolante
, qui allegera considérablement le lourd fardeau dont
( 3g8 )
la dignité impériale rendra plus efficace , comme elle s'y attend
en sa qualité de chef , l'assistance dont elle a besoin dans
un ouvrage à- la -fois si difficultueux et si important pour l'Allemagne
, et où S. M. a pris tout l'intérêt et a mis toute la
franchise que lui commandait sa conduite uniforme et paternelle
.
Quant à la trêve dont le très - humble avis de l'Empire a
fait une mention particuliere , S. M. I. , après avoir longuement
réfléchi , ainsi que le demandait l'importance de la
chose , n'a pu la regarder comme un bien pour l'Empire ,
qu'autant qu'à côté de ce moyen préporatoire d'une paix définitive
, qui est l'objet essentiel des voeux et de l'avis de
l'Empire , se montre la vraisemblance d'arriver effectivement
à une paix équitable , juste , honorable et acceptable ; restriction
et supposition sous lesquelles S. M. I. , qui toutefois ,
pour le fond et relativement au but principal , trouve ses
idées et ses dispositions paternelles parfaitement d'accord avec
celles qu'a exprimées la diete dans son avis , approuve et
ratifie également cette partie de l'avis comitial , se déclarant
prête , en vertu de ses soins suprêmes et empressés pour le
bien de la patrie germanique , à s'en occuper de la maniere
la plus sérieuse , et en agissant en cela de concert avec S. M.
le roi de Prusse , comme la demande en est faite dans ledit
avis , qui , sur ce point , obtient la même sanction que sur
le reste .
Mais l'ennemi , au milieu des avantages que le sort des
armes lui a procurés , voudra -t -il , pour l'honneur de l'huma
nité , et en considération de ce qu'il a lui - même allumé le
feu de cette malheureuse guerre , se montrer aussi, disposés
que l'on semble prévoir et l'espérer , à donner les mains
à une paix équitable , juste , honorable et acceptable ?
Ce point , quelque desirable qu'il soit pour l'amour de
l'humanité souffrante , et quelque conformné qu'il puisse avoir
avec les voeux personnels de 5. M. I. et avec sa philantropic ,
est douteux sous une multitude de rapports.
,, Ainsi dans un cas où , contre tous les voeux et toutes
les espérances , un destin impénétrable , ou le refus opiniâtre
de la France , ou aussi l'exhorbitance et l'innacceptabilité des
conditions de paix , peuvent si aisément déjouer toute possibilité
de réconciliation , il n'en devient que plus instant ,
d'après la propre déclaration patriotique de la diete , de presser
en même tems , avec un zele actif , et sans aucune intermis
sion , l'armement décrété pour la campague prochaine.
Des lettres de Vienne du 12 février , parlent d'assemblées
extraordinaires de tous les ministres d'état , tenues depuis
quelques jours , auxquelles l'ambassadeur d'Angleterie a cons
( 399 )
tamment assisté , espece de droit de présence acquis par le
subside payé par sa cour à l'empereur , et sans lequel il lui
serait presqu'impossible de continuer la guerre , comme l'An
gleterre ne le pourrait pas non plus faute d'hommes à la
suite de ces conseils , il a été expédié trois couriers successifs
aux armées dans un assez court espace de tems .
:
On s'accorde à dire que si la paix n'a pas lieu , comme on
l'espere , le cabinet de Vienne se propose de demander au
corps germanique de porter le contingent de chaque état à
hait fois plus que l'ordinaire ; mais on est sûr d'avance que ce
serait inutilement , puisqu'on n'a pas encore pu déterminer la
plupart de ces états à fournir le quintuple , et que la diete est
même occupée en ce moment à prendre des mesures coactives
pour forcer à remplir ce devoir négligé par un grand nombre.
Tout cela confirme une vérité bien reconnue aujourd'hui , ee
bien cruellement sentie ; c'est que l'Europe entiere a le plus
grand besoin de la paix , et la desire ; en effet , la guerre sanglante
qui vient à peine de finir en Pologne , et celle qui
continue encore contre la France , et qu'elle soutient avec taus
de succes , menacent l'Europe d'une dépopulation et d'une
disette qui entraîneraient des maux incalculables . C'est aux
états neutres , marquans par leur puissance , à l'appaiser , et
c'est ce que la Turquie paraît vouloir faire.
Des lettres de Constantinople , du 10 janvier , donnent
comme certain que la Porte a fait signifier aux ministres des
puissances coalisées que le grand-seigneur était douloureuse.
ment affecté de voir la continuation d'une guerre qui faisait
verser tant de sang et produisait une désolation si grande
et si générale ; que pour l'avantage de l'humanité en génétal
, l'intérêt des puissances elles - mêmes , et le bien de l'Eu-
Tope menacée d'une ruine entiere , de lui-même , et de son
propre mouvement , il offrait sa médiation. Cette significatiou
, ajoutent ces avis , était faite dans des termes précis ,
et ayant tous les caracteres de la loyauté et de la sincérité ;
les ministres out repondu de leur côté en termes affectueux ,
et ont pris l'engagement de faire connaître à leurs cabinets
respectifs cette offre généreuse et amicale de la Porte , avec
F'espoir qu'elle serait fort bien accueillie .
Si l'on peut s'en rapporter à des lettres de Berlin du 20 février
, le roi de Prusse ne se refuserait pas à cette pacifiction
, et sa retraite forcerait bien l'empereur et l'angleterre
d'y accéder.
Le prince Henri continue à avoir des conférences fréquentes
avec le roi- et les miuistres. Depuis la part qu'il prend aux
affaires , et d'apiès la connaissance qu'on a de ses opinions
personnelles , on a tout lieu de presumer que les vues da
( 400 )
cabinet de Berlin tendent fortement à la paix . Le prince
Henri est regardé comme le directeur principal des négociations
qui doivent mener à ce but. La mort du ministre
Goltz , qui a été annoncée ici , a causé de vifs regrets , parce
qu'on croyait savoir que ses conférences avec le ministre français
avaient pris une excellente tournure . On s'occupe du
choix de son successeur. Le ministre d'état , Hardenberg , est
généralement regardé comme celui qui doit l'être . Il est attendu
ici chaque jour.
Un secrétaire de légation française , M. Durand , est arrivé
à Berlin ; il y est logé à l'hôtel de la Ville - de - Paris . Ou prétend
qu'il a déja eu des conferences avec les ministres . Cette
circonstance contribue beaucoup à accréditer les bruits de
paix , qu'on regarde définitivement comme très -prochaine .
Dans notre ville de Francfort , où aboutissent toutes les
nouvelles de l'Europe , nous sommes dans la plus grande
incertitude sur les évenemens qui doivent en fixer les destinées
. Les bruits de guerre se mêlent avec les bruits de paix :
la cour de Vienne paraît être menacée et flattée tour- à- tour
par la Russie ; la cour de Berlin à son- tour est circonvenue
de caresses et des menaces . On ne sait pas bien positivement
l'impression qu'y a faite l'arrivée de la famille statdhoudérienne.
Mais il est à croire qee la Prusse songe toujours aux
négociations ; au moins est-il certain que l'esprit public de
Berlin , et même celui de la cour , penchent vers la paix .
Des lettres de cette ville annonceut l'incarcération dans la
forteresse de Spandaw , du fameux ministre Bischofswerder ,
si long-tems favori du roi de Prusse ; on l'accuse de s'être
laissé corrompre dans sa mission en Pologne : elles ajoutent ,
au sujet de cette malheureuse contrée désolée par la guerre ,
et particulierement du palatinat de Sendomir , que probablement
au printems prochain , il n'y aura point d'exportation
de grains par les ports de Dantzick et d'Elbing. Les blés sont
presque tous arrêtés pour le compte des Rasses et des Autrichiens
; les Prussiens qui font des achats sont obligés de
prendre des autorisations qu'on ne délivre pas facilement.
Les infortunés Polonais auraient pourtant grand besoin que
ces grains restassent chez eux , car la misere est toujours extrême
à Varsovie ; on va faire sous peu le dénombrement des habi
tans , pour prévenir la famine dont ils sout menacés ; mais
ces prétendus soins paternels des vainqueurs , les vaincus les
payeront cher , car le 18 mars a été fixé comme le dernier terme
pour le paiement des contributions destinées à l'entretien des
troupes russes . Les habitans de la Petite- Pologne seront contraints
à ce paiement par exécution militaire , et les arrérages
doivent être acquittés sans aucune remissien ; enfin , les papiers
russes vont être décidément introduits cu Pologne , pour y
remplacer le numéraire qui manque absolument . On s'en est
bien
7401 )
{ bien convaincu à la foire de Dubno . En effet , on n'y a pour
ainsi dire vu ni hommes ni argent.
La santé des habitans de la capitale est attaquée par diverses
sortes de maladies ; par exemple , lors du dernier dégel il
fallut brûler de la paille dans les rues pour purifier l'air , et
enterrer de nouveau en pleine campagne dans des fossés trèsprofonds
quelques milliers de cadavres qui n'avaient été inhumis
qu'à la hâte et sans soin après la prise de Prag.
L'empereur fait revenir de la partié de Pologne que ses
troupes occupaient 13 bataillons qu'il envoie en Italie , sur la nou
verle que les Français s'y sont considérablement renforcés.
En general , les membres de la coalition , quoique plusieurs
desirent la paix , dont ils ont un extrême besoin , sentent
la nécessité , pour l'obtenir à des conditions avantageuses , de
faire de derniers efforts et des préparatifs qui leur serviront
s'il faut continuer la guerre. Le roi de Prusse s'attache à
couvrir la Westphalie et la Bassé-Saxe ; l'Angleterre , l'elec-.
torat d'Hanovre ; et l'empereur de défendre Mayence et Luxembourg.
La garnison de la premiere de ces places est si forte et si
nombreuse , que les puissances coalisées se flaitent qu'elle ne sera
pas prise par les troupes de la République ; ils ont moins
d'espérance de sauver la seconde , car il a dû arriver de la Belgique
aux Français , 200 chariots chargés de bombes , de
boulets , de poudre , de grenades , en un mot , de toute espece
de munitions de guerre , et leurs généraux n'attendent que
ce convoi pour pousser avec plus d'activité le siége ; ils ont
pris d'ailleurs toutes les mesures propres à déconcerter le
projet de le faire lever , en ayant soin de garnir la rive gauche
du Rhin de beaucoup de troupes , et d'ajouter de nouveaux
retranchemens à ceux qui sont déja construits .
Les troupes prussiennes qui se rendent du côté du Haut Rhin
vers la Westphalie consistent en 45,000 hommes d'infanterie
et 20,000 chevaux .
Les corps d'émigrés Français ,, nouvellement levés à la
solde de l'Angleterre , sont au nombre de neuf, et aux ordres
de MM. le maréchal de Broglie , le marquis d'Autichamp ,
le compte de Viosmenil , le duc de Laval - Montmorency , le
marquis de Bétisi , le duc de Mortemar , le duc de Castries ,
le marquis d'Ervilli , le comte du Dresnay : il y a en outre
un régiment suisse aux ordres du baron de Rolle , et un autre
aux ordres de M. d'Hector . Tous les officiers de ces différens
corps sont des hommes qualifiés , presque tout décorés de la
croix de Saint -Louis . On n'y compte jusqu'à présent qu'environ
200 soldats de chaque régiment ; on ne reçoit a..is
ces corps que des Français émigrés ou déserteurs . Ils sont
pour la plupart aux environs de Pyrmont ; le régiment du
marquis d'Antichanp est à Lemlo ; celui da duc de Castries
Tome XIV, Ec
( 402 )
à Detmold. On s'occupe avec activité de completter ces différens
corps , pour lesquels on attend des armes et des habits
d'Angleterre.
ITALIE . De Milan , le 16 février.
Les approches de l'ouverture de la nouvelle campagne
donnent lieu à une grande activité dans les préparatifs militaires
. Les troupes destinées à la défense de cet état doivent
être augmentées .
De son côté , le roi de Sardaigne s'occupe de la formation
des magasins nécessaires pour son armée . Ces forces consisteront
en 45 régimens , dont les uns de 800 hommes et d'autres
de 1000 , qui agirent en diverses parties , selon que le besoin
le requerra. Il y aura en outre des corps de milices chargés
de la défense de l'intérieur , et l'on évalue à 60,000 hommes
le nombre des troupes piémontaises , outre les auxiliaires . Le
général Colli a provisoirement le commandement de cette
armée. Pour parvenir à faire face à toutes les dépenses qu'exige
cet armement , le roi de Sardaigne a obtenn du pape une
balle , qui autorise la vente des biens ecclésiastiques dans le
Piémont , pour la valeur de 30 millions , ainsi que la suppres
sion de plusieurs monasteres .
La cavalerie napolitaine est entrée dans Alexandrie les premiers
jours de ce mois : elle se rendra à Turin pour garder
cette ville .
La rigueur du froid qui continue , prolonge la guérison des
maladies dent les troupes autrichienues - sardes sont attaquées
en plusieurs lieux , et particulierement à Ceva.
P. S. Selon des nouvelles plus récentes de Turin , il a été
envoyé du côté de Cherasco 40 canons de gros calibre . On
doit faire encore une nouvelle levée pour completter les régimens
autrichiens- sardes . Celni de Nadasté a dû se mettre en
marche le 14 , pour prendre poste à Dego , et prévenir les
Français.
De Gênes , le 17 février. On a appris ici par la voie de la
mer, que le dey d'Alger avait déclaré la guerre à la Grande-
Bretagne. Il est certain encore qu'il s'est plus que jamais déclaré
pour les Français , dont on dit qu'il a reçu plusieurs
bâtimens de guerre , ainsi que d'autres présens .
ANGLETERRE . De Londres , le 10 février.
Débats du Parlement, Chambre des Communes . 1
Suite de la séance du 5 février . M. Withbread dit que l'asservissement
de la Pologne était évidemment l'objet du roi de
Prasse ; que les vues de l'empereur sont les mêmes , et que
tous deux sont d'accord sur l'usurpation de ce malheureux
( 403 )
pays. Il pense que la chambre doit déclarer son indignation
de la conduite du despote prussien . C'est le seul moyen de
se mettre en garde contre un autre despote , avec lequel on
doit traiter. Il ne conçoit pas l'obstination des ministres à
creuser le précipice où ils veulent jetter leur patrie.
マ
M. Fox ne combat point l'opinion de M. Pultuey , il ne
doute point qu'elle ne soit le résultat de profondes reflexions ;
mais ce qui lui semble important d'examiner , c'est l'heureuse
ignorance des ministres qui ont conclu avec le roi de Prusse
un traité si sagement combiné , qu'il a fallu en violer tous les
articles , pour que l'Angleterre en retirât quelques avantages .
Le parlement ne peut refuser son assentiment à la motion de
son honorable ami , s'il vent detourner les autres puissances
d'une pareille conduite . Mais si la chambre partageait l'opinion
de l'honorable baronet ( M. Pultney ) , il ferait la motion
expresse que l'on adressât un vote de remerciement au roi de
Prusse . Il est vrai qu'il n'a fourni aucune des troupes stipu
lées par ce traité ; mais qu'il a supplée à l'ignorance et à l'impolitique
des ministres anglais et l'on a certainement des
droits aux remerciemens du parlement toutes les fois qu'on lui
fait connaitre l'ignorance du gouvernement .
La question préalable est mise aux voix : il y a pour , 128 ;
85. contre ,
•
Du 13 février Les ministres ont reçu hier des nouvelles de
l'armée du Continent. Elles étaient en date du 17 , et de
Deventer , où cette armée était encore à cette époque . Beau
coup de soldats sont malades par suite des fatigues qu'ils ont
éprouvées ; un certain nombre en a péri , ainsi que du froid .
Ces détails ont été apportés par un étranger chargé de des
pêches , qui fut ramassé dans un bateau découvert , par le
capitaine d'un des paquebots d'Harwich.
Le général Prescot est arrivé hier à Londres , des Indes
occidentales . Il a apporté la nouvelle que toute l'islé de la
Guadeloupe est maintenant au pouvoir des Français . Le fort
Matilde s'est long- tems défendu ; mais le général a jugé qu'il
ne pouvait pas tenir davantage quoiqu'il fût arrivé un ren-.
fort de Gibraltar ; ce surcroit de force lui a paru insuffisant ;
les Français de leur côté en ayant reçu de nouvelles . Le général
Prescot est parvenu a faire sortir de l'isle toutes celles
qui étaient sous son commandement.
P. S. Il y a beaucoup de troubles en Irlande , causés par la
révocation du bill en faveur des catholiques . M. Pitt a voulu y
établir une commission de lords-juges , en cas que le vice - toi ne
se prêtât pas à ses vues : cela a donné lieu à de vifs débats dans
les communes d'Irlande . Le vicc- roi a quitté sa place
Nous reviendrons sur cet article au numéro prochai
E c 2
( 404 )
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
CONVENTION NATIONALE.
PRESIDENCE DE THIBAUDEAU
Séance du duodi , 22 Ventôse.
Plasieurs sections de Paris viennent féliiter la Convention
sur la rentrée des députés mis hors de la loi . Elles demandeat
en même tems la punition des auteurs des journées des 31 mai ,
et 3 septembre.
Cambacérès , au nom du comité de salut public , soumet
à la discussion le projet de décret sur la direction des relations
extérieures , dont la Convention avait ordonné limpression
et l'ajournement. Ce projet est discuté article par
article.
Le rapporteur observe que le premier article a pour objet
de développer le principe de la loi du 7 thermidor , qui consiste
dans la faculté donnée au comité de salut public de
négocier au nom de la Republique. Les quatre qui suivent
sont des conséquences du premier , sauf le quatrieme , qui
est le résultat d'un décret de la Convention . Cambacérès
passe l'art . VI qui porte création d'une commission de
douze membres , toutes les fois que le comité aurait quelques
negocions à ouvrir , traité à conclure secrettement . Cette
commission sera chargée de prendre connaissance des faits ,
et d'en communiquer le résultat à la Convention .
Pelet dit que dans les républiques démocratiques , la partie
diplomatique est la plus difficile à organiser. Il est impossible
à une assemblée , telle que le corps législatif , de s'occuper
de ce qui concerne les relations extérieures . D'un
autre côté , il serait dangereux de donner une trop grande
confiance au pouvoir exécutif , parce qu'il en abuse presque
toujours. la commission , ajoute- t- il , l'on
que propose , pour
examiner les clauses secrettés des traités , ne remplit pas le
but que l'on veut atteindre . Un secret confié à douze membres
lui paraît bien en danger. D'ailleurs , si la commission voyait
d'une maniere différente du comité , elle entraverait tout et
nuirait à la célérité . Pelet s'éleve aussi contre l'art. V portant
que les armistices et les neutralisations n'ont pas besoin de
la ratification de l'Assemblée nationale . Cet article lui paraît
donner au comité un trop grand pouvoir.
Le rapporteur prend successivement la défense de ces deux
articles. Il dit , à l'égard de l'article V , qu'il ne faut pas
( 405 )
perdre de vue que le comité de salut public traite au nom
du corps législatif , que les conventions préliminaires , toujours
limitées , quant à l'étendue et la dutée , n'ont rien de
positif , qu'elles sont même quelquefois décidées par les géné
raux , et qu'en n'oubliant pas les formes démocratiques , il
ne faut pas tomber dans la demagogie .
L'Assemblée sentant qu'elle n'est point assez éclairée sur
l'article VI , l'ajourne au lendemain , et décrete les cinq pre
miers , ainsi qu'il suit :
46 Art. Ier . Le comité de , salut public , chargé par la loi
du 7 fructidor , de la direction des relations extéricares ,
négocie , au nom de la République , les traités de paix ,
d'alliance , de trêve , de ueutralité et de commerce : il en
(arrête les conditions .
" II . Il prend toutes les mesures nécessaires pour faciliter
et accélérer la conclusion de ces traités.
9 III . Les traités sont signes , soit par les membres du
comité , lorsqu'ils ont traité directement avec les envoyés des
puissances étrangeres , soit par les ministres plénipotentiaires
auxquels le comité a délégué à cet effet des pouvoirs .
" ¡V. L´s traités ne sont valables qu'aprs avoir été examinės
, ratifiés et confirmés par la Convention nationale , sur
le rapport du comité de salut public .
" V. Les conventions préliminaires et particulieres , telles
que les armistices et les neutralisations y relatives , pin iant
le tems de la négociation , sønt compris dans l'article Il ; elles
ne sont pas sujettes à la ratification .
Le surplus du projet est ajourné.
Séance de tridi , a3 Ventôse .
Plusieurs sections demandent à être admises . Foussedoire
réclame l'exécution du réglement qui fixe les quintidi et les
décadi pour les jours où les pétitionnaires sont admis . Il
observe que les sections de Paris font perdre beaucoup de
tems à l'Assemblée , et qu'elles pourraient porter leurs pétition's
directement aux comités ,
Bailleul répond au préopinant que sous le régime de la
tyrannie les intrigans qui dominaient les sections venaient
journellement féliciter la tyrannie , et que sous celui de la
justice , il doit être permis aux citoyens de Paris de venir
épancher leurs sentimens dans le sein de la représentation
nationale . Les sections sont admises . Elles expriment le
même voeu que celles de la veille et témoignent la même
satisfaction .
Gambaceres présente à la dicussion l'art. VI du projet
de décret sur la direction des relations extérieures. Il annonce
que le comité de salut public s'est occupé de l'art . VI ,
ajourné dans la séance précédente . Il a senti que si la Con-
1
Ee 3
1 406 )
vention le rejettait par la question préalable , ce serait attri
buer au comité le droit qui n'appartient qu'à elle seule , celui
de faire la paix et la guerre , et qu'il fallait au peuple une
garantie pour les traités secrets comme pour les traités publics
; mais puisque le projet d'une commission n'a pu avoir
l'assentiment general , le comité a cru devoir y suppléer . Le
rapporteur doune en même - tems lecture du nouveau plan
adopté par le comité . Au lieu de faire nommer une commission
pour examiner les clauses secrettes d'un traité , ce
qui pourrait donner l'éveil aux ennemis , le comité en donnera
connaissance à celui de législation , celui - ci les examinera ,
s'il les approuve on exécute , et le comité de salut public
en rendant compte a la Convention de la mesure exécutée ,
lui presentera en même tems l'avis du comité de législation .
Par ce moyen , dit Cambacérès , le secret sera gardé , et les
espions des ennemis ne seront point avertis par une déclatation
publique faite dans Assemblée. La garantie se trouve
dans le comité de salut public qui établira l'utilite des mesures
adoptées , et daos celui de legislation qui déclarera qu'elles sont
conformes aux principes et à l'intérêt de la République . Ainsi
le comité de salut public n'aura pas des pouvoirs trop étendus ,
et la Convention jouira de la plénitude du droit de faire
la paix et la guerre.
Duhem demande , par motion d'ordre , qu'on décide avant
tout , si dans notre diplomatie nous devons avoir des traités
secrets.
Roux de la Marne lui répond que la France est seule
de son parti , et n'a par conséquent qu'un intérêt ; mais que
ses ennemis coalisés ont des intérêts divers et des ménagemens
à garder les uns avec les autres. Il en conclut qu'il
est nécessaire quelquefois qu'il y ait des clauses secrettes dans
les traités , à moins que nous ne rejettions les paix partielles ,
et que nous ne voulions traiter qu'avec toute l'Europe .
Merlin ( de Thionville ) pense , que le peuple ne jouira réellement
du bonheur que le jour où il fera la paix . Elle seule
rétablira l'équilibre dans nos finances , amenera des subsis
tances , fera baisser le prix des denrées ; elle seule donnera
les moyens d'écraser les royalistes qui font de vains efforts ,
et les terroristes qui veulent encore égorger ; mais comment
y parvenir , si l'on ne convieut pas de quelques articles secrets
avec quelques-uns des gouvernemens qui composent la coali
tion. C'est ne vouloir point de paix que de rejeter les coa.
ditions secretes dans les traités .
Le rapporteur résume les opinions et termine en demandant
que le nouveau mode qu'il a présenté soit mis aux voix .
La question parait très - délicate à Legendre , et il demande
Fajournement à trois jours pour donner le tems aux réflexions
( 407 )
de mûrir et de se perfectionner.
adoptée.
Cette proposition est
Mathieu dénonce deux affiches placardées la nuit précé
dente. L'une a pour titre Peuple , réveille - toi , il est tems ;
l'autre Au Peuple. On y ose dire qu'il existe un parti qui
ne veut pas de la constitution ; on s'y plaint de l'expulsion
de l'ancienne commune ; on y invoque et évoque les jacobins ;
on accuse la Convention d'avilir les assignats . Le faiseur de
pamphlets prétend qu'on amuse le peuple par de belles promesses
d'un avenir heureux , et qu'on le mene comme un
chien à l'attache , qu'on fait jeûner et qu'on matonne pour
le
soumettre aux volontés de son maître . Il ajoute que ceux
qui ont écrasé le tyran Capet sont la pour écraser ceux qui
veulent prendre sa place , et que , dans les sections , ce sont
les aristocrates et les élargis qui déliberent . Il termine par
crier à la révolte .
Mathieu déclare que le comité de sûreté générale a pris des
mesures pour assurer la tranquillité dans Paris , et celui de
salut public pour les approvisionnemens , et que malgré toutes
les calomnies la Convention atteindra son but. Le discours
de Mathieu sera imprimé et affiché dans Paris .
Séance de quartidi , 24 Ventôse.
Les représentans du peuple en mission dans le département
des Bouches du Rhône ecriveut de Marseille que les Gênois
reviennent dans nos ports avec confiance , et qu'il entre tous
les jours dans celui de Marseille un vaisseau chargé de blé et
autres approvisionnemens . Ils annoncent aussi la prise de
douze bâtimens ennemis faite par la frigate la Bedine et le brick
l'Alerte. i "
t
Pemartin , au nom du comité de sûreté générale , propose
de déciéter que les artistes , cultivateurs et négocians compris
dans le loi du 5 ventôse , et mis sous la surveillance des autorités
constituées dans leurs communes respectives , qui auraient
besoin de s'éloigner de leurs demeures pour quelques affaires .
seront tenus d'en faire la declaration à leur municipalité , qui
leur donnera un passe-port pour un tems limité ,
Forestier demande si ceux qui ont eu le malheur d'être fonc
tionnaires sous le régime de la tyrannie sout en état d'arrestation
. I assure qu'on les oblige à se présenter deux fois
par jour à leur municipalité , et ne peuvent vaquer à leurs
affaires.
Duroy dit que la loi du 5 ventôse ressemble à celle du
17 septembre. Il en demande le rapport. Crassous et Vittar
l'appuient .
Clausel observe que la loi du 5 ventôse a eu pour but
d'éloigner de Paris les perturbateurs , qui y accouraient de
Loutes parts pour y occasionner des mouvemens , et seconder
Ee 4
( 408 )
les efforts du royalisme et du jacobinisme. Si on la rapporte,
le comité de sûreté générale sera dans l'impossibilité de faire
la police de cette grande commune.
f
Le projet est renvoyé au comité . ainsi que les proposi
tions faites .
Launay et Ruelle font leur rapport sur la Vendée . Le retour
des Vendéens est sincere . Chareite a ordonné de vendre les
grains , les fourages et les vins . Ils approvisionnent Nantes .
Les habitans des campagnes refusent de marcher avec Stoflet ;
il n'a pas plus de 1500 hommes , et Charette marche contre
lui avec 15,000 homes. Les rapporteurs donnent lecture de
plusieurs de leurs arrêtés relatifs à la pacification , et l'Assemblée
continue leurs pouvoirs pour qu'ils acheveut ce qu'ils
ont si heureusement commencé .
Séance de quintidi , 25 Ventôse .
Merlin ( de Thionville ) annonce à la Convention que la
garuison de Luxembourg ayant fait une sortie a été repoussée
jusques dans les palissades . Il ajoute qu'en démolissant le château
de Rhimfeld on a trouvé cent cinquante tonneaux de
poudre et vingt- cinq de cartouches à balles .
Leblanc dénonce les représentans du peuple dans le département
des Bouches - du-Rhône , Mariette et Chambon . Ils ont
mis la ville d'Arles en état de siége , établi un tribunal milttaire
pour juger ceux qui troubleraient l'ordre public , chargé
le commandant de la police de faire des visites domiciliaires pour
désarmer les citoyens . Tout rassemblement dans les lieux publics
u dans les maisons particulieres est regardé comme séditieux
s'il n'a l'autorisation de ce commandant , toutes personnes
non - domiciliées dans le district doivent être arrêtées , si
quatre citoyens connus n'en répondent pas . Enfin , toutes les
sociétés populaires doivent être fermées . Ces dispositions
séveres sont contenues dans un arrêté pris à Marseille par
ces représentans le 5 ventôse .
Leblanc pense que si Arles avait été pris d'assaut les
mesures ne seraient pas plus rigoureuses . Il demande le
renyoi au comité de sûreté générale .
Granet opine pour l'improbation de l'arrêté ; Meaule , que
pour l'honneur des principes on en suspende au moins l'exécution
. Il ajoute qu'une loi porte que la Convention seule
pourra créer des tribunaux , et que si un seul citoyen était
condamné à mort par le tribunal établi à Arles , ce serait
un assassinat judiciaire.
Merlin de Thionville ) est de l'avis des préopinans . Ua
décret défend , dit - il , d'iestituer des commissions , il doit être
exécuté . Restons fermes dans les principes . Il demande que ce
tribnnal soit cassé . Maure observe que le même arrêté porte
le désarmement général des citoyens . Tout le monde doit
( 409 )
être armé pour la défense de la liberté . Une telle mesure
est une entreprise contre la souveraineté du peuple.
La Convention décrete que le tribunal d'Arles est supprimé
, les jugemens qu'il aurait pu rendre cassés , et les
prévenus traduits devant les tribunaux ordinaires . Un rapport
sera fait sur l'arrêté .
Boissy d'Anglas donne lecture de deux lettres ; la premiere ,
de notre envoyé à Gênes qui annonce que les Génois à qui
on a inspiré de nouveau de la confiance , affluent dans nos
poris de Marseille et de Toulon , et y apportent du ble en
abondance , de sorte que dans un mois le Midi sera approvisionné.
La seconde lettre est des représentans du peuple
près l'armée des Alpes et d'Italie qui confirment cette heureuse
nouvelle .
Séance de sextili , 26 Ventôse.
:
au
Foureroy donne des détails sur l'événement de Mendon .
Un incendie s'est manifeste ce matin , dit- il , dans l'établissement
de Meudon il a pris par le postement d'une fusée
qui a mis le feu à un artifice ; l'ouvrier qui le tenait ,
lieu de le jetter au dehors du bâtiment , comme on doit le
faire dans un pareil accident , très - ordinaire dans les auteliers
des arsenaux a pris la fuste , et le feu s'est communiqué
promptement à d'autres artifices voisins , et par eux à une
des ailes du vieux château. A la premiere nouvelle de cet
accident , le comité de salut public a envoyé deux de ses
membres , et sur leur rapport , il a pris toutes les mesures
propres à arrêter le progrès de l'incendie . On assure qu'il
n'y a personne de blessé .
Vers la fin de la séance , Meilin de Thionville ) a annoncé
que cet accident était peu de chose et que la perte
se réduisait à douze cent livres de pondre .
Des officiers de l'armée des Pyrénées orientales présentent
à la Convention vingt- quatre dr peaux pris sur les Espagnols
à Roses . Ils sont vivement applaudis. Perrin ( des Vosges )
en prend occasion de s'adresser aux royalistes qui se uontrent
de toutes parts . Hier , dit Perrin , il y avait des groupes
où l'on parlait de piller les gens riches et les négocians .
(Aujourd'hui les ennemis de la liberté disent qu'on "viendra
en foule sur la Convention . Eh bien ! jurons de périr s'il le
faut à notre poste et de sauver la patrie. ( Les membres se
levent pour adhérer à te serment. ) Le pain ne manquera pas ;
mais que les citoyens de Paris ne perdent pas de vue qu'il
est plus d'un département où il est à un prix excessif ,
l'on ne donne qu'une demi livre à chaque individu . Hâtonsnous
de déterminer les moyens d'exécution de la constitution
démocratique . Les aristocrates disent qu'ils sont las de uons ,
nous sommes aussi las d'eux , parce que nous voulons que
et
( 410 )
les Français soient heureux par une paix glorieuse. ( Perria
est applaudi . )
Dupuys Reportons un instant nos regards sur la carriere
que nous avons parcourue . Envoyés par le peuple pour affermir
la liberté , nous avons proclamé la République sous les yeux
des despotes coalisés . Nos défenseurs ont repoussé leurs esclaves
au-delà des Alpes , des Pyrénées et du Rhin . Mais pendant
qu'ils triomphaient , leurs parens gémissaient sous le joug des
tyrans du peuple ; étions-nous leurs complices ou leurs victimes?
La révolution du 9 thermidor a prouvé que nous n'avons pas
partagé leurs forfaits . Ne souffrons donc pas que le peuple
ait sur nous l'initiative de la justice . Soyons séveres et justes ;
il est impolitique de grossir , par des mesures arbitraires , la
masse des mécontens . Dupuys demande que les comités réunis
présentent un projet de décret qui détermine la maniere dout
on procédera contre tous ceux qui sont accusés d'avoir opprimé
leurs concitoyens ; le discours de Dupuys sera imprimé
et sa proposition renvoyée aux trois comités .
La discussion sur le mode de négociations avec les pais .
sances étrangeres reprend . Audoin dit qu'il ne connaît point
de mesures qui doivent rester toujours secretes . Il peut y
en avoir de préparatoires qui ne doivent pas être publiées ,
mais lorsque les traités sont achevés , tout doit être connu .
Il demande la question préalable sur le projet d'uue commission.
Laréveillere-Lépaux partage son opinion sur la commission ;
mais il établit qu'il peut y avoir des clauses secreties , et que
le comité de salut public doit seul les ratifier .
Plusieurs autres membres parlent dans le même sens ; mais
ils demandent que les clauses secrettes ue portent pas atteinte
aux bâses du gouvernement , u'alterent ou ne détruisent pas
les conditions connues. La Convention décrete en principe
qu'il pourra y avoir des articles secrets , pourvu qu'ils n'atténuent
ou ne contrarient pas les traités patens .
PARIS. Nonidi , 29 Ventôse , 3º . année de la République.
On a remarqué qu'à toutes les époques difficiles de
la révolution , les différens partis ennemis de la chose
publique , quoique divisés entre eux d'intérêts , se sont
toujours réunis pour faire cause commune . Aujourd'hui ,
aristocrates , royalistes , jacobins , terroristes , toutes les
especes de malveillans , tendent au même but , et ce
but est d'aggraver la situation où nous sommes , en semant
des bruits injurieux à la Convention , en répandant
( 411 )
les nouvelles les plus absurdes , en faisant naître parmi
le peuple des inquiétudes sur les subsistances , en excitant
des mouvemens dont il est facile de reconnaître le
motif et les auteurs .
Le décret qui fixe à une livre et demie , pour Paris
la délivrance du pain pour tous les citoyens travaillant
de leurs mains , a été reçu , par le plus grand nombre,
comme une loi d'économie et de nécessité . Tout le
monde sait qu'il n'est pas un département où le pain
ne soit et beaucoup plus rare et beaucoup plus cher
qu'à Paris , il en est où il vaut 30 et 40 sous la livre ,
et où l'on n'en donne qu'une demi- livre par tête , et où
cependant chacun sait , sans murmurer , se conformer
aux malheurs des tems . Les bons citoyens de Paris se
félicitent et doivent se féliciter d'être traités plus favorablement.
Mais les agitateurs de tous les partis ont
voulu profiter de cette circonstance .
Avant-hier quelques individus , se disant députés des
sections de l'Observatoire et de Finistere , sont venus
à la barre demander à la Convention , d'un ton peu
mesuré , du pain dont ils ne manquent pas. Le prési
dent leur a répondu avec fermeté . Ils se sont retirés
et ont ensuite voulu forcer les portes de la salle . Des
femmes se répandaient dans les groupes , et les excitaient
hautement à la révolte . Mais les citoyens qu'on
avait égarés , n'ont pas tardés à reconnaître qu'on les
faisait servir d'instrumens à des projets criminels .
Il ne faut pas perdre
de vue
deux
circonstances
remarquables
d'un
côté , de grands
coupables
sont
à la
veille
d'être
mis en jugement
; de l'autre
, les puissances
coalisées
, épuisées
par une
longue
guerre
, cherchent
à obtenir
des conditions
de paix
plus
favorables
. C'est
en excitant
des
troubles
au sein de la République
que
les uns et les autres
croient
arriver
à leur
but. Il faut
donc
se tenir
en garde
contre
toutes
ces manoeuvres
.
Sans doute que la paix est un besoin pour l'Europe
entiere , comme pour la France . Toutes les gazettes
étrangeres sont à ce ton , et nos papiers du jour les
plus accrédités contiennent d'utiles réflexions sur cet
avantage commun. Ce qu'il y a de súr , c'est que les
négociations sont entamées , et l'on commence à dire ,
sans pressentir qu'elles en seront les issues , que c'est
à la France triomphante à se montrer grande et généreuse
envers les vaincus .
Le comte Carletti vient d'annoncer à la Convention
( 412 )
que le grand- dúc de Toscane a ratifié le traité convenu
avec le comité de salut public . Voici la lettre de cet
envoyé qui vient d'être nommé ministre plénipotentiaire
près la République Française .
L'envoyé extraordinaire de Toscane aux citoyens représentans composant
le comité de salut public de la Convention , nationale.
Paris , ce 24 ventôse , à 7 heures du soir.
C'est avec plaisir , citoyens représentans , que je m'empresse
de vous donner avis qu'un courier extraordinaire de
Toscane , arrivé aujourd'hui vers six heures du soir , m'apporte
la ratification du grand- duc au traité de paix , et je vous
la joins ici en original . Je vous joins le traité de neutralité
qui a été proclamé en Toscane à cette occasion , et trois dépêches
de vos agens en Italie . Le même courier m'apporte
de nouvelles lettres de créance , par lesquelles on me donne
la qualité de ministre plénipotentiaire près la République
Française . Le rétablissement de la neutralité a été proclamé
Livourne , au moment où l'escadre anglaise y était , et la
joie de la Toscane s'est manifestée dans tous les ordres et
au- delà de toute expression . C'est un témoignage non dooteux
des sentimens d'estime et de respect de ma patrie euveis
votre grande nation ; je me rendrai moi -même ce soir au
comité de salut publie , pour vous faire connaitre d'autres circonstances
qui peuvent vous intéresser. "
"
Signé , CARLETTI .
Les citoyens Blauw et Meyer ont été nommés par les
états- généraux , ministres plénipotentiaires de la république
batave , près celle de France . Ce defuier vient d'arriver à
Paris , où le cioyen Blauw résidait déja depuis quelque tems ,
chargé des intérêts de la Hollande .
Notre escadre est sortie de Toulon le 11 de ce mois . Elle
est composée de quinze vaisseaux de ligne , II fregates ,
7 bricks et quelques avisos . Le grand convoi qui doit la
suivre , composé de près de 200 bâtimens de transports , est
reste en rade , et ne sortira que dans trois ou quatre jours.
On ignore encore précisément qu'elle est la destination de
cette flotte ; mais depuis la paix avec la Toscane , on est
porté à croire qu'elle doit se diriger contre la Gorse .
Le commandant de la place de Fougeres a fait conduire
à la maison d'arrêt de Rennes 11 chouans saisis la plupart
les armes à la main , à la suite d'une affaire qu'ils ont eue
avec un détachement du second bataillon des Vosges . Il parait
d'après les renseignemens donnés par l'un d'eux , qu'il
existe dans ce district six compagnies de chouans bien orga(
413 )
t.
nisées , et qu'elles se portent sur tous les points , afin d'em
imposer davantage par leur nombre .
Des lettres de Ségré , département de Mayenne et Loire ,
annoncent que le ci - devant chevalier Turpin et deux autres
chefs chouans ont abandouné le parti rebelle . Ils parcourent
dans ce moment, avec le president du district et plusieurs commissaires
les cantons environnany , pour y rappeller à
l'union les habitans égarés , et faire quitter les armes
tous les insurgés.
?
L'adresse de Charette et des autres chefs de la Vendée , a
paru dans quelques papiers publics ; si nous avons différé de
la donner, c'est qu'il nous paraissait convenabie de nous assurer
auparavant de son authenticité . Voici cette piece remarquable
dans l'histoire des départemens qui viennent de se réunir
l'unité de la République ,
Adresse aux habitans des campagnes de la Vendée .
Braves habitans , de vils séducteurs , d'infàmes intrigans
des hommes ambitieux et pervers , qui fondent leurs jonissances
et leur bonheur sur les débris de la fortune publique ,
et qui sacrifieraient sans remords , à la réussite de leurs cou
pables desseins , la vie et les biens de leurs semblables
cherchent aujourd'hui à vous egater . Ils prêtent à nos démarches
des motifs déshonorans , ils dénaturent nos intentions
bienfaisantes , et présentent le traité que nous avons conclu
sous /des couleurs fausses et perfides ; ils répandent impudemment
des bruits capables de semer dans tous les coeurs la défiance
, la terreur et les divisions .
" Songer à vos intérêts , oublier les nôtres , faire votre
bonheur sans le concours d'aucune considération personnelle ,
voilà la tâche glorieuse que nous nous sommes proposée ; nous
croyons avoir parcouru cette honorable carriere .
Puisque des malveillans osent maintenant élever sur notre
conduite des doutes , des soupçons injurieux ; les dissiper ,
Vous détromper et vous instruire , voilà notre devoir . Nous
allons le remplir.
Nous connaissons , braves habitans , les raisons puissantes
qui vous provoquerent à l'insurrection , et qui vous mirent
les armes à la main On avait porté , à la liberté de vos opinions
religieuses , les plus terribles coups ; de nouveaux pontifes
, un nouveau culte , avaient été érigés sur les ruines du
vôtre ; par-tout l'intolérance cherchait des coupables , et ai
mait à trouver des victimes . Le despotisme orgueilleux d'autorkés
établies pour vous protéger , des corvées de toute espece ,
des vexations de tout genre , venaient encore charger ces
affligeant tableau,
( 414 )
Lorsque le principe d'un mal dangereux est entierement
détruit , les conséquences fâcheuses qui en dérivent ne doi
vent plus exister ; la nécessité d'en faire cesser les tristes
résultats depuis sa source , est dans vos besoins les plus pressans
, et dans vos obligations les plus sacrées .
1
L'exercice paisible de votre religion vous est accordé ;
vous pouvez user avec sécurité de ce droit imprescriptible ,
qu'on n'avait pu vous arracher sans méconnaître les vôtres .
Il vous est libre , dès ce moment , d'offrir à l'être suprême ,
d'après vos anciens usages , vos hommages et votre reconnaissance
.
Votre malheureux pays été dévasté ; la flamme a dévoré
vos habitations : une soldatesque effrénée a exercé sur vos
personnes et vos propriétés les plus horribles brigandages . Eh
bien la Convention nationale contracte aujourd'hui l'engagement
de vous indemaiser de vos pertes , et de réparer ,
se peut , tous les maux causés par un régime de proscription
et d'injustice .
s'il
" Des secours vous sont accordés pour rebâtir vos chaumieres
; des bestiaux vous seront rendus pour faire revivre
l'agriculture , et vous procurer les aisances de la vie : vous
ne regretterez pas long - tems la privation de vos instrumens
de travail vous ne parlerez des impôts qu'au moment où une
position plus heureuse vous fournira les moyens de subvenit
aux besoins de l'état .
" Que la veuve éplorée , et que le pere infirme et caduc
ne tremblent point sur le sort de leurs enfans , que les lois
pourraient appeller au secours de la Republique . Eh quoi !
pourraient-elles se résoudre à priver l'infortuné de son appui ,
la vieillesse respectable de ses soutiens ? Non , la nation vous
dispense d'aller protéger ses frontieres ; elle ne vous impose
que la tâche facile de travailler dans vos campagnes , pour
l'aider à nourrir ses défenseurs .
" Vous avez fourni pour la subsistance des armées le fruit
de vos sueurs et de vos économies : nous vous en avons
donné des reconnaissances ; la Convention nationale vous ca
acquitte le montant.
Que vous reste - t- il à desirer ? quelles inquiétudes penvent
encore agiter des coeurs aigris si long- tems , il est vrai ,
par le ressentiment et le malheur ? Craindriez vous d'être
opprimés de nouveau par des autorités indignes de votre confiance
?
a
,, Rassurez - vous , braves habitans ; que la sécurité rentre
dans vos ames , qu'elle en chasse l'affreux désespoir. Ces
hommes , dont vous redoutez avec raison le joug odieux ; ces
hommes , qui étaient autant les ennemis de leur patrie que
les vôtres , ne seront plus les dépositaires du pouvoir dont
ils faisaient un si cruel abus .
( 413 )
Les représentans du peuple veulent bien nous consulter
sur le choix qu'ils doivent faire pour le remplacer ; nous leur
indiquerons des gens que vous connaissez , des gens qui ont
acquis votre estime et la nôtre ; des gens enfin qui , pour
adoucir votre existence , sont prêts à sacrifier leurs plaisirs ,
leurs jouissanees , leurs fortunes .
,, Auriez-vous done pensé , braves habitans , que nous pou
vions trahir lâchement vos intérêts ? Après les avoir soutenu
avec tant de chaleur , deviez vous croire un instant que nous
étions capables de démentir la conduite que nous avons
constamment tenue ?
99
Ah ! si ces sentimens injurieux partaient de vos coeurs
si nous les imputions à la jalousie et à la malveillance , combien
notre ame en serait cruellement déchirée ? comment
supporterions - nous l'affreuse idée qui nous convaincrait , qu'en
voulant faire des heureux , nous fimes des ingrats ?
99 Mais quoi ! vos intérêts ne sont - ils pas les nôtres ? nos
amis , nos femmes , nos enfans , ne sont- ils pas parmi vous ?
nos possessions n'avoisinent- elles pas vos champs ? Oui , sans
doute ; et quelque précieux que soient ces rapports , ne
croyez pas qu'ils aient fourni ies motifs qui nous ont déterminés
. Nous n'avons songé qu'à vous , nous avons tout sacrifié
à votre bonheur ; et , en l'établissant sur des bâses solides et
durables , nous ne nous sommes réservés que l'inestimable
avantage d'en être les témoins . ,,
Signés , CHARETTE , FLEURIOT , SAPINAUD ,
COLTES , DEBRUG .
Extrait d'une lettre de Tarascon , du 12 ventôse .
vertu
Les sabreurs et les massacreurs de la commune d'Arles ,
appellés monaidiers , qui étaient détenus à Orange , en
d'un arrêté du comité de sûreté générale , ont été mis en
liberté ; on ignore en vertu de quelle autorité , et ils sont
arrivés dans Arles , criant : vivent les jacobins , ils ont le dessus ,
guerre à mort aux modérés !
,, Les cannibales de cette commune , enhardis par ce suc
cès , s'y agitent cruellement ; il y a deux jours qu'ils couperent
, pendant la nuit , l'arbre de la liberté qui était devant
la société populaire . L'on a trouvé dans les rues des écrits
portant que la société populaire et les autorités constituées étaient
des coquins , que la montagne se releverait et triompherait plus que
jamais , et m.... pour la Convention . Ils ont fait une tentative
pour délivrer leurs camarades détenus aux tours du château ;
à cet effet , croyant attirer tous les bons citoyens à la campagne
, ils ont mis le feu , à trois endroits différens , à des
meule de pailles ; ils se sont répandus dans la ville criant au
feu ; le tocsin et le tambour se sont faits entendre ; à une
(
( 416 )
heure du matin tons les bons citoyens se sont ralliés , les
corps administratifs ont fait renforcer la garde du château ;
ils ont envoyé de forts detachemens dans la campagne aux
divers endroits où était le feu , qui a été éteint sans danger ,
malgré l'impétuosité da vent du Nord ; des patrouilles nembreuses
étaient distribuées dans la ville et dans la campagne ;
toutes ces sages précautions n'ont pas permis aux malveillans
de mettre fin à leur projet..
On assure dans ce moment que le commandant temporaire
de la commune d'Arles , indigné de la conduite que les prisonniers
d'Orange ont tenu en arrivant à Arles , et pour éviter
qu'ils ne versassent du sang comme on dit qu'ils en avaient
fait la menace , a pris sur lui de mettre en état d'arrestation
ceux qui provoquaient , avec le plas d'insolence , les massacres
et la guerre civile ; les autres ont pris la fuite pour se rallier à
ceux qui dévalisent les voyageurs et billent les campagnes . "
P. S. Dans la séance dn 28 , la Convention a reçu'
M. Carletti , et l'a reconnu en qualité de ministre plénipotentiaire
du grand duc de Toscane auprès de la République
Française .
Les sections de l'Observatoire et du Finistere sont venues
désavouer la pétition séditieuse faite hier par quelques indi
vidus pour demander du pain .
Le rapport de la commission des vingt- un sur Billaud
Bassere , Collot et Vadier a été distribué aujourd'hui aux
membres de la Convention .
"
On assure que c'est le 2 germinal que la discussion s'ouvir
à la Convention pour leur défense . Cette époque a été
signalée par quelques mouvemens dans les endroits publics ,
où le comité de sûreté générale a ciu devoir exercer
surveillance plus active.
une
On a remarqué que les terroristes , prévoyant la fin prochaine
d'un regne que le peuple abhorre , ont redoublé aussia
d'activité pour ajourner cette hu ; et on prétend qu'ils fondent
à cet égard quelqu'espérance sur les nombreux agens qui
leur restent dans certains départemens et dans certaines agences ,
où leurs suppôts on trouvé l'art de se conserver par une
tartuferie incroyable.
que
lettres
AVIS concernant le Merciire français , hiftorique
politique & littéraire.
DEPUIS que , par des événemens favorables aux
progres de l'efprit public & de l'opinien , da liberté de la
Preffe a été dégagée des entraves dont la tyrannie Davait
chargée , on a pu s'appercevoir du degre d'interet qu'on
s'eft efforté de donner à ce Journal , Joit dans la partis
piofophique & littéraire , foit dans la politique , foir
dans les débats de L Convention . L'article de Paris
continuera d'offrir des réflexions importantes fur les ma
eières que intereffent le plus la liberté publique ,
les principes qui doivent concourir au rétabliffement
fordre , & préparer la flabilité du Gouvernement. Let
événemens intérieurs , les jugement du Tribunal Reve
lutionnaire , les Nouvelles officielles des armées , y
cuperent toujours une place effentiille . Quoique la Ré
volution & la guerre foient les
fixent en ce moment l'attentio
Tinftruction , les fciences & les
grands objets gai
lique la morale
font dignes égale
ment de la partager. L'on faifira avec empreffement toutes
les circonflances qui pourront augmenter l'utilité de ce
Journal , quijouit de quelque eftime,
En paraiffans deux fois par Décade , il fe trouve an
veau des feuilles du jour, dans la plus grande partie
des Départemens où le fervice des poftes n'eft pas jour
nalier.
prix de l'Abonnement efl de 42 liv . frane de port
On s'adreffera pour fonferire an Gux , 1
Poiteving , N. 18.
NOUVEL AVIS AUX SOUSCRIPTEURS.
Les partie littéraire , subordonnée jusqu'à présent aux tritmemens
de la révolution et aux grands intérêts politiques ,
sentiellement liés à son succès , va reprendre l'étendue et le
degré d'importance qu'elle a toujours eu dans ce Journal
qui s'est fait estimer par sa variété et par l'esprit de critique
saine et impartiale de ses coopérateurs. Elle vient d'être cons
fee aux soins d'une société de gens de lettres qui , sous l'heuse
reuse influence de la liberté de la presse , ne négligeront rien
de ce qui peut intéresser la république des lettres , soit sou
les rapports du goût et de la littérature proprement dite, soit
sous ceux de l'économie politique , des sciences , des beaux arta,
de la morale et de l'instruction publique. Le regne de la ban
barie et du vandalisme n'a jamais été que celui de la tyrannie,
Les encouragemens que la Convention vient d'accorder aus
savans , aux gens de lettres et aux artistes , sont une nouvelle
preuve de la nécessité de l'alliance inséparable des lumieres avec
Liberté.
Les changemens et les améliorations que nous nous proposons
me se bornent pas seulement à l'intérit de la rédaction . Le
caractere petit - romain que nous avons employé jusqu à ce
jour , avait l'inconvénient de fatiguer extrémement à la lec
ture nous lui avons substitué un caractere plus agréable &
fail ; convaincus que nous sommes que les formes typogra
phiques influent plus qu'on ne pense sur le succès d'un our
vrage. Nous continuerons de faire usage du petit caractera
pour les nouvelles politiques , les pieces officielles et tous les
objets qui sont purement de détail , mais en même - terus , par
les supplémens que nous donnerons , ce Journal acquerra une
plus grande étendue de matiere.
341
Rien ne sera changé dans les autres parties qui composent
Journal : les nouvelles politiques les débats et les dern
majeurs de la Convention , les nouvelles de Paris et de l'me
térieur de tribunal , révolutionnaire , et les opérations imporé
tomies de nos armées , continuerent d'y occuper une place
essentielle.
Il paraître toujours deux fois par décade , ce qui le man
niveau desfeuilles du jour dans la plus grande partie dep
départemens , où le service des postes n'est pas journalier
Ainsi le Mersure , le plus ancien des journaux , celui dom
collection est la plus recherchée , aura toujours sur les
autres du même genre , l'avantage de paraître plus fréquemo
mont, et de réunir avec le même intérêt et la même variété plán
He matieres.
La cherté excessive du papier qui a plus que triplé, cele
la main-d'aupre qui s'est accrue dans la même proportion ,
Faugmentation de moitié dans les frais de port, qui vient d'étra
décrétée par la Convention , nous obligent de porter le prin
de l'abonnement à compter du 1ª . pluviêse à 50 liv , pour
mée , 25 liv. þour six mois , franc de port pour Paris et lag
départemens. Aussi-tôt que ces objets auront subi quelque dimiş
mution , nous mais empresserons d'en faire jouir mos songs
cripteurs.
Les auteurs , les artistes et les librairès qui voudrontfairs
enmonter leurs productions , voudront bien les adresser aut
citoyen Guth directeur du Mercure , rue des P'oittuings , we a
qui reçoit englement les sonscriptione,
Qualité de la reconnaissance optique de caractères